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Full text of "Courrier de Vaugelas; journal ... consacré à la propagation universelle de la langue française"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/courrierdevaugel05pari 


6<>  Année. 


N°   1. 


1«'  Avril  1894. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


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DE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Journal  Semi-Mensuel 


V 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Paraissant    la    1"  at    le    IS    de   ehaana  mola 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Élranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .    .    .    .  50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN  PROFESSEUR   SPÉCIAL   POUR   LES   ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
36,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  i'Adm' 
M.  FiscHBACHER,  33,  rue  de  Seine. 


DEUXIEME    EDITION. 


SOMMAIRE. 

Communication  relative  à  deux  erreurs  ;  —  S'il  est  vrai  que  Je 
vous  demande  excuse  soit  une  mauvaise  expression  ;  — Ce  que 
signifie  exactement  Metlre  au  rancart  ;  —  Si  Septennat  est  un 
néologisme  à  accueillir;  —  Comment  Humeur  a  |iu  passer  au 
sens  de  disposition  d'esprit,  caprice;  ||  Origine  de  l'expression 
Faire  fiasco  ;  —  D'où  vient  Laver  qui  se  trouve  dans  Lover 
un  livre:  —  Explication  de  l'expression  proverbiale  En  avoir 
dans  l'aile  :  \\  Passe-temps  grammatical.  ||  Biographie  (\' Antoine 
Oudin.  Il  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature,  jj  Renseigne- 
ments pour  les  professeurs  français  qui  désirent  trouver  des 
places  à  l'étranger,   jj  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

Le  16  janvier  dernier,  j'ai  reru  la  lettre  suivante, 
relative  à  deux  erreurs  que  j'avais  commises  : 
Monsieur, 

Dans  le  numéro  du  15  novembre  1S73  du  Courrier  de 
Vaugelas,  où  vous  répondez  à  un  étranger  sur  cette  expres- 
sion :  Pardon  de  la  liberté  grande,  vous  dites  :  »  Cette 
locution  contenant  une  espèce  de  proverbe  depuis  1830, 
époque  où  les  Mémoires  de  Grammonl  furent  publiés  pour 
la  première  fois...  » 

Je  ne  doute  pas  que  ce  ne  soit  une  faute  d'impression. 
Brunet  cite  1°  une  édition  de  1763,  2°  une  autre  édition, 
augmentée  de  notes  et  d'éclaircissements  par  Horace 
Walpole,  de  177i.  Je  ne  parlerai  pas  des  nombreuses  éditions 
qui  lui  ont  succédé. 

Je  crois  utile  que  cette  faute  d'impression  soit  rectifiée. 

Permettez-moi,  Monsieur,  une  autre  observation.  En 
citant  le  dictionnaire  de  Furetiére,  vous  lui  donnez  la  date 
de  1727  en  ajoutant  (je  cite  de  mémoire)  :  cette  acception 
existait  en  1727,  car,  etc.  Il  semblerait  en  résulter,  pour 
vos  lecteurs,  que  le  dictionnaire  n'a  été  publié  qu'en  1727, 
ce  qui  les  induirait  en  erreur. 

La  confiance  si  bien  justifiée  que  vos  correspondants 
mettent  dans  les  renseignements  qu'ils  trouvent  chez  vous 
exige  de  votre  part  des  eflforls  continuels  pour  qu'ils 
n'aient  pas  à  craindre  de  se  tromper  en  s'appuyant  sur 
votre  autorité  ;  et  je  ne  doute  pas  de  votre  empressement 
à  recevoir  volontiers  les  notes  qui  vous  sont  adressées. 
C'est  ce  qui  m'a  engagé  une  fois  déjà,  Monsieur,  à  vous 


écrire,  car  je  crois  ne  pas  vous  être  désagréable  en  conti- 
nuant. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  dis- 
tinguée. 

[Un  paraphe.) 

Première  observation.  —  Parfaitement  juste.  Les 
Mémoires  de  Grammont  ont  été  publiés,  je  crois,  pour 
la  première  fois,  à  La  Haje,  en  1731  ;  d'où  il  résulte 
que  l'expression  Pardon  de  la  liberté  grande  a  aujour- 
d'hui quelque  chose  comme  MO  ans,  tandis  que  je  ne 
lui  en  avais  guère  accordé  d'abord  que  quarante. 

Seconde  observation.  —  Non  moins  juste  ;  car  j'ai  dit 
p.  161,  col.  2  :  «dans  le  dictionnaire  de  Furetiére, 
publié  en  1727  »  et  tout  le  monde  sait  que  cet  ouvrage, 
qui  a  valu  à  Furetiére  d'être  expulsé  de  l'Académie,  a 
paru  pour  la  première  fois  à  Rotterdam,  en  1690,  c'est- 
à-dire  deux  ans  après  la  mort  de  l'auteur. 

Je  comprends  trop  bien  la  nécessité  de  l'exactitude 
dans  les  faits  qu'allègue  une  publication  comme  la 
mienne  pour  ne  pas  me  montrer  reconnaissant  envers 
les  personnes  qui,  d'une  plume  amie,  viennent  me 
signaler  les  endiwits  où  je  puis  m'êlre  trompé. 

Aussi,  avec  l'invitation  de  continuer  à  m'adresser 
ses  utiles  et  judicieuses  remarques,  mes  bien  sincères 
remerciements  au  bienveillant  auteur  de  la  lettre  qu'on 
vient  de  lire. 

X 
Première  Question. 

Je  lis  dans  un  dictionnaire  que  fan  ne  peut  pas  dire 
à  quelqu'un  que  l'on  a  offensé  :  je  vous  demande  exccse, 
parce  que  cela  signifie  :  j'exige  de  vous  des  excuses. 
Cependant  U  n'est  pas  rare  d'entendre  cette  expression. 
Est-elle  réellement  mauvaise,  ou  est-elle  bonne?  Je 
lirais  avec  bien  du  plaisir  votre  avis  à  ce  sujet  dans  un 
de  vos  prochains  numéros. 

Au  xvii'siècle,  comme  nous  l'apprend  Ménage (Oi'wto. 

II,  p.  .390),  celte  expression  était  «   universellement 

établie  par  tout  le  royaume  »,  et  j'en  ai  trouvé  les  deux 

exemples  suivants,  qui  sont  de  cette  époque  : 

Ma  chère  enfant,  je  vous  demande  excuse  à  la  mode  du 
pays, 

(Sévlgné,  Us  Rockers.) 


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LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Je  vous  detnande  excuse,  a-t-il  dit,  et  j'ai  tort. 

(La  Fontaine,  Ragotîn,  II,   1 1.) 

Mais  Antoine  de  Gourtin  ayant  critiqué  un  peu  sévè- 
rement, dans  son  Traité  de  Porrsse,  les  ouvrages  et  le 
style  du  P.  Bouhours,  celui-ci  critiqua  à  son  tour  la 
Ciiilité  que  Gourtin  venait  de  faire  paraître,  et  se 
déchaîna  avec  une  fureur  dont  je  vous  laisse  juge 
contre  l'expression  demander  excuse,  qui  se  trouve  duns 
ce  livre  : 

C'est  grand'pitié  que  cette  sotte  phrase  ait  tant  de  cours 
dans  le  petit  peuple,  et  qu'elle  se  soit  commuDiquée  par  la 
contagion  à  quelques  femmes  du  monde,  qui  d'ailleurs  ont 
de  la  politesse  et  du  sens.  Les  tionnètes  gens  de  la  Cour  et 
toutes  les  personnes  sçavantes  en  la  Langue  ne  la  peuvent 
du  tout  souffrir. 

Car  enfin,  il  n'y  a  que  les  bourgeois  et  la  populace  qui 
disent  je  vous  demande  excuse;  et  celuy  qui  s'est  meslé  de 
donner  des  règles  de  la  Civilité  comme  elle  se  pratique  en 
France  parmi  les  honnêtes  gens,  ne  sçait  pas  trop  ce  qu'il 
dit  dans  le  chapitre  de  l'Audience  d'un  Grand,  en  disant 
que  si  la  nécessité  nous  obligeait  de  le  contredire,  il  ne  le  faut 
faire  qu'après  luy  en  avoir  demandé  excuse...  C'est  parmi  les 
honnêtes  gens  de  la  rue  Saint-Denys  que  cette  civilité  se 
pratique  ;  et  c'est  là  sans  doute  que  ce  maistre  des  hien- 
séances  a  appris  un  si  beau  précepte,  etc. 

Le  P.  Bouhours,  qui,  au  dire  de  Ménage,  «  s'étoit 
érigé  en  précieux  en  lisant  Voiture  et  Sarrazin,  Molière 
et  Despréaux,  et  en  visitant  les  dames  et  les  cavaliers,  » 
le  P.  Bouhours,  qui  avait  récemment  publié  trois  ouvrages 
sur  la  langue  française,  était  alors  une  autorité  dans  les 
questions  grammaticales;  l'édit  de  proscription  qu'il 
lança  contre  demander  excuse  eut  son  eflét,  car  plus 
d'un  a  partagé  son  avis  :  pour  Ménage  [Observ.  1,  p.  1 2) 
cette  expression  «  ne  vaut  rien  du  tout  »  ;  dans  Richelet, 
elle  est  condamnée  par  les  gens  qui  parlent  bien; 
Trévoux  en  fait  absolument  le  même  cas;  Landais 
l'appelle  «  un  vrai  galimatias,  qui  choque  également 
l'oreille  et  la  raison  »  ;  Bescherelle  la  signale  aussi 
comme  mauvaise,  et  M.  Littré  la  qualifie  de  «  locution 
à  rejeter  n. 

Est-il  donc  vrai  que  demander  excuse  soit  réellement 
une  expression  qu'on  ne  peut  accueillir?  Je  ne  le  crois 
pas,  et  cela,  pour  plusieurs  raisons  que  je  vais  vous 
exposer. 

)"  Depuis  l'interdit  que  le  P.  Bouhours  a  voulu  jeter 
sur  elle,  celle  expression  n'a  pas  cessé,  non-seulement 
de  se  dire,  mais  encore  de  s'écrire,  ce  que  démontrent 
ces  exemples  : 

(xviii'  siècle.) 

Je  suis  confuse 
De  ce  que  vous  pensez  ;  je  vnus  demande  creuse. 

(Diifreiny,  la  Caijuclte  de  village.  I,  8.) 

Cadet  Ciron,  sain  et  sauf  arrivé, 

Demande  excuse  au  bœuf  qu'il  croit  avoir  sauvé. 

|I.amotte,  le  Bmif  el  le  Ciron.) 

Je  VOUS  demande  excuse.  Je  suis  votre  très-humble  et  très- 
obëissanl  serviteur. 

...     ,  (Bruéjs,  dans  Poitevin.) 

(xix*  siccle.) 

J'ai  tous  les  torts,  et  vous  demande  excuse  : 

La  réputation  suffit. 

(Emile  Augier,  mfmo  aoiirce. | 

2"  Dans  sa  première  édition  (IG94),  l'Académie  ne 
mentionne  pas  demander  excuse. 


Dans  celles  de  1718  et  de  n40,  elle  dit  : 

On  ne  laisse  pas  pourtant  quelquefois  de  dire  dans  le  style 
familier,  Je  vous  demande  excuse,  soit  pour  prier  quel- 
qu'un d'avoir  un  peu  d'indulgence  pour  quelque  chose, 
soit  pour  marquer  civilement  qu'on  ne  convient  pas  de  ce 
qu'il  dit. 

Dans  celle  de  1798,  on  lit  au  mot  excuse  : 
N'est  guère  d  usage  qu'avec  les  verbes  Faire  ou  Demander, 
comme  :  Faire  des  excuses  à  quelqu'un.  Je  vous  fais  mille 
excuses.  Je  vous  en  fais  excuse  pour  lui.  Je  vous  en  demande 
excuse. 

Enfin,  dans  celle  de  ^83^,  nouveau  silence  sur  celle 
expression,  ce  qui,  après  tout  ce  qu'on  a  dit  pour  la 
proscrire,  me  semble  dénoter  une  assez  bonne  dispo- 
sition en  sa  faveur. 

3"  Le  P.  Bouhours  admet  qu'il  y  a  des  cas  où  cette 
expression  est  indispensable,  celle  des  «  accomode- 
mens  »,  oii  il  faut  le  plus  souvent  trouver  des  termes 
«  foibles  »  pour  sauver  un  peu  l'honneur  de  celui  qui 
fait  satisfaction,  comme  cela  venait  d'arriver  : 

Il  y  a  trois  ou  quatre  ans  que  le  Prince  Lokowis  eut  à 
Vienne  avec  M.  le  chevalier  de  Grémonville  un  démêlé  qui 
éclata  fort  :  on  travailla  à  leur  accommodement  ;  et  comme 
le  Prince  avoit  tort,  il  fut  condamné  à  faire  satisfaction  au 
Chevalier.  Il  y  consentit,  mais  il  ne  put  se  résoudre  à  luy 
demander  pardon.  Le  tempérament  que  l'on  trouva,  fut 
qu'il  lui  demanderait  excuse;  et  en  effet  il  luy  demanda 
excuse. 

Qui  donc  pourrait  songer  à  repousser  demander 
excuse  quand  cette  expression  n'a  pas  cessé  d'être  en 
usage  depuis  près  de  trois  siècles  ;  quand  l'Académie 
l'enregistre  sans  la  moindre  allusion  à  son  impropriété 
prétendue,  et  enfin  quand  celui-là  même  qui,  après 
avoir  mis  tant  d'acharnement  à  la  poursuivre,  vient 
prouver,  par  une  anecdote,  que  si  c^te  expression 
n'existait  pas,  il  faudrait  l'inventer'? 

Je  ne  reproduirai  pas  ici,  pour  les  combattre,  les 
arguments  du  P.  Bouhours  contre  demander  excuse., 
qu'il  pardonne  cependant  aux  Allemands  et  à  tous  les 
étrangers,  mais  qu'il  ne  peut  passer  aux  Français  el 
surtout  aux  Parisiens,  qui  devraient  mieux  parler  que 
les  autres;  je  me  contenterai  de  faire  voir,  en  termi- 
nant, que  cette  expression,  loin  d'être  «  un  vrai  galima- 
tias», comme  dit  Landais,  esl  au  contraire  parfaitement 
conforme  au  génie  de  notre  langue. 

En  effet,  tout  le  monde  considère  comme  bien  fran- 
çaises les  phrases  suivantes  : 

Je  vous  demande  conseil. 


Je  vous  demande  pardon. 
Je  vous  demande  réponse. 
Je  vous  demande  respect. 
Je  vous  demande  audience. 


Je  vous  demande  protection. 
Je  vous  demande  obéissance. 
Je  vous  demande  secours. 

phrases  évidemment  mises  pour  :  Je  demande  que 
vous  me  pardoimiez,  que  vous  me  répondiez,  que 
vous  me  respectiez,  que  vous  m'écoutiez,  que  vous  me 
conseilliez,  que  vous  me  protégiez,  que  vous  m'obéis- 
siez,  que  vous  me  secouriez. 

Or,  si  ces  phrases,  où  un  substantif  tient  lieu  d'un 
verbe  à  un  mode  personnel,  sont  irré|irocliables,  pour- 
quoi je  vous  demande  rxriise,  qui  offre  avec  elles  la 
plus  complète  analogie  de  construction,  ne  le  serait- 
elle  pas  non  plus? 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Du  reste,  panlnnnrr  et  excuser  n'étant  pas  syno- 
nymes, rien  de  plus  naturel  que,  si  nous  avons  le  moyen, 
par  un  substantif  tiré  du  verbe  pardonner,  d'exprimer 
plus  brièvement  ;>  i-ous  (lematidfi  que  rous  mr  pardon- 
niez-, nous  a\ons  également,  par  un  substantif  tiré  de 
excuser,  celui  d'exprimer  d'une  manière  plus  rapide 
je  demande  que  vous  m'excusiez. 

Ainsi,  à  mon  avis,  le  dictionnaire  qui  vous  a  ren- 
seigné sur  la  phrase  en  question  vous  a  évidemment 
Induit  dans  une  double  erreur  ;  l'une,  que  je  vous 
demande  excuse  signifie  j'exige  de  vous  des  excuses,  et 
l'autre,  que  ladite  phrase  constitue  une  expression  dont 
on  ne  peut  pas  se  servir. 

X 
Seconde   Question. 

Que  signifie  donc  au  juste  le  mot  bascari,  cl  est-il 
vrai,  comme  le  dit  le  dictionnaire  de  Noël  et  Ckapsal, 
que  METTEE  AD  EANCART  ne  soit  pas  français  ? 

Après  avoir  consulté  en  vain  tout  ce  que  je  con- 
naissais d'ouvrages  sur  l'étymologie,  j'allais  vous 
répondre  que  l'origine  de  rancart  était  inconnue.  Mais 
il  en  coûte  de  s'avouer  impuissant;  j'ai  fait  de  nouvelles 
recherches,  et  je  suis  enfin  arrivé  à  un  résultat  qui  m'a 
fait  d'autant  plus  de  plaisir  que  j'avais  moins  lieu  de 
l'espérer. 
Rancart  se  compose  de  deux  parties,  savoir  : 
i°  Ranc,  qui  n'est  autre  chose  que  noire  adjectif 
rance,  lequel,  comme  il  Test  encore  en  espagnol  sous 
la  forme  rancio,  et  en  italien  sous  celle  de  rancido,  a 
été  employé  dans  notre  langue  du  xvi'  siècle  avec  le 
sens  de  vieux,  preuve  ces  exemples  : 

La  louange  de  sobriété  et  de  tempérance  qu'il  vouloit 
ramener  en  usage,  estoit  desjà  cliose  si  rance,  par  manière 
de  dire,  et  si  desaccoustumée,  qu'il  n'en  estoit  plus  de 
nouvelle. 

(Amyol,  Galba,  III.) 

Le  bled  le  plus  récent  est  le  plus  fertile  ;  et  au  contrairei 
le  rance  est  impropre  à  fructifier. 

(OUv.  de  Serres,  loi.J 

Se  laboura  de  rides  tout  le  front, 
Marche  au  baston  comme  les  vieillards  font, 
Et  d'une  voix  toute  caduque  et  rance 
Francus  aborde,  et  en  ce  poinct  le  tance. 

(Ronsard,  la  Franciade,  liv.  I.) 

2°  Art,  qui  peut  venir,  comme  aire  et  ier,  de  la  finale 
ariujn,  laquelle,  dans  une  foule  de  mots  tels  que  les 
suivants,  désigne  les  divers  endroits  de  l'habitation  où 
se  mettaient  chez  les  Romains  les  choses  dont  le  nom 
précède  cette  finale  : 

Carnarium  (otSce  pour  les  viandes). 

Apicarium  (endroit  pour  les  abeilles). 

Lararium  (lieu  destiné  aux  Lares). 

Ossuarium  (coffre  aux  ossements). 

Or,  quand  je  considère  •1°  que  les  choses  qui  sont 
mises  au  rancart  sont  ainsi  rejelées  parce  qu'elles  sont 
usées,  démodées,  vieilles,  et  2°  que  mettre  au  rancart, 
par  sa  signification  de  mettre  de  côté,  au  rebut,  dans 
un  coin,  implique  nécessairement  l'idée  de  lieu; 

Je  me  crois  parfaitement  en  droit  d'en  conclure  que 
rancart  a  été  formé  de  rancus,  lalin  de  rance,  et  de  la 
finale  arium,  transformée  à  notre  usage  en  art,  ce  qui 


donne  pour  signification  littérale  du  terme  à  expliquer  : 
lieu  ai'  l'on  inet  les  vieil  les  choses. 

.Maintenant  vous  désirez  savoir  si  mettre  au  rancart 
est  français. 

A  la  vérité,  cette  expression  ne  se  trouve  pas  dans  le 
dictionnaire  de  r.\cadémie,  mais  elle  est  dans  celui  de 
Liltré,  dans  celui  de  Bescherelle,  et  il  n'est  pas  rare, 
soit  de  l'entendre  dans  la  conversation,  soit  de  la  ren- 
contrer dans  les  journaux  : 

Une  autre  statue  à  mettre  au  rancart. 

{La  France  nouveUi  du  25  février  187a.) 

D'un  autre  côté,  si,  comme  je  le  crois,  nous  n'avons 
pas  d'expression  désignant  l'endroit  où  se  mettent  les 
choses  hors  de  service,  celle-ci  nous  est  nécessaire,  et 
comme  telle  assurée  d'être  officiellement  reconnue. 

Quand  une  expression  en  est  là,  on  peut,  selon  moi, 
dire  qu'elle  est  française. 

Avant  de  finir,  une  réfiexion  sur  l'orthographe  de 
rancart.  Si  l'étymologie  que  je  propose  est  la  vraie, 
comme  j'en  ai  la  presque  certitude,  il  est  évident  que 
ce  mot  a  été  mal  écrit  jusqu'ici  :  il  n'y  faut  pas  de  t 
final,  puisque  arium  ne  contient  pas  cette  consonne,  el 
il  n'y  faut  pas  non  plus  d'e  après  Vr  (c'est  ainsi  qu'il 
se  trouve  écrit  dans  \e  Dictionnaire  de  la  langue  verte), 
attendu  que  rancus  a  un  a,  et  non  un  e,  après  celte 
lettre. 

X 
Troisième  Question. 

Le  mot  SEPTE>"SAT  ne  se  trouvant  pas  dans  Littré, 
j'en  conclus  que  c'est  un  néologisme.  Mais  pensez-vous 
que  ce  néologisme  soit  admissible  dans  le  vocabulaire 
français?  Il  me  semble  que  la  finale  at,  daiis  notre 
langue,  ne  se  donne  qu'à  des  mots  dont  la  première 
partie  désigne  une  personne  (pontificat,  ge'.néralat,  etc.). 

Oui,  la  finale  at,  du  latin  atus,  s'ajoute  généralement 

à  des  noms  de  personnes  pour  désigner  soit  la  dignité, 

la  charge,  le  grade  qu'elles  peuvent  avoir,  soit  le  corps 

qu'elles  forment,  soit  enfin  le  temps  pendant   lequel 

elles  exercent  leurs  charges,  leurs  emplois,  comme  le 

montrent  ces  exemples  : 

Califat,  consulat,  décemvirat,  cardinalat,  consulat,  épis- 
copat,  etc. 

-Mais  tous  ces  vocables  faisant  la  plupart  allusion  à 
l'autorité,  à  la  puissance,  on  a  naturellement  attaché 
cette  idée  à  la  finale  at  ;  et,  quand  il  s'est  agi  de  dési- 
gner le  temps  que  devait  durer  l'exercice  d'un  pouvoir, 
on  a  joint  volontiers  la  finale  en  question  au  nombre 
d'années  qui  en  exprimait  la  durée.  C'est  ainsi  que  l'on 
a  fait  d'abord  triennat,  que  je  trouve,  depuis  Trévoux 
(n7l),  dans  tous  les  dictionnaires. 

Or,  quand  ce  premier  a  été  adopté,  il  me  semble 
logique  d'admettre  aussi  .■septennat,  mot  nouveau  pour 
désigner  une  forme  de  gouvernement  toute  nouvelle,  et 
présentant  d'ailleurs  les  conditions  requises  pour  faire 
un  mot  français. 

A  l'occasion,  on  pourrait,  à  mon  avis,  créer  de 
ipême  biennal,  quadriennal,  quinquennat ,  sexennat, 
octennal,  novennat,  décennaf,  etc.,  mots  qui  seraient 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


autant  d'excellents  néologismes,  et  comme  répondant  à 
un  besoin  (qui,  je  l'espère  bien,  ne  se  fera  pas  de  sitôt 
sentir),  et  comme  traduisant  parfaitement  les  noms 
latins  suivants  :  biennimn,  quadrietinmm,  quinq^tcn- 
nium,  sexenniiim,  etc.,  composés  de  la  finale  («m,  de 
annus,  et  d'un  nom  de  nombre. 
X 
Quatrièitie  Question. 

Comment  expliquez -vous  que  le  mot  humecr,  qui 
signifie  au  propre  un  liquide  (hdmori,  a/7  pu  passer  de 
ce  sens  à  celui  de  disposition  d'esprit,  fantaisie,  caprice  ? 

Le  mot  humeur  a  d'abord  eu  en  français  la  même 
signification  qu'en  latin,  comme  le  prouvent  ces  deux 
exemples  du  xiii"  siècle  : 

Li  fust  [les  arbres]  del  ctiamp  seront  saoulé  d'humor, 

(Psautier,  fol.  IJ4.) 

Quant  sa  racliine  dut  conquerre, 
Si  lor  failli  humeurs  et  terre. 

{Gui  de  Cambrai,  Barl.  et  Jos.,  p.  3i.) 

Mais,  au  commencement  du  xv^  siècle,  ce  mol  avait 
déjà  pris  l'acception  de  caractère,  disposition  morale, 
car  on  trouve  dans  Olivier  Basselin  (xxii)  : 

Cbantre  de  table  et  buveur, 
M'est  injure  ordinaire; 
Mais  ctiascun  a  son  humeur  : 
Je  n'y  sçauroy  que  faire. 

Comment  humeur  a-t-il  pu  passer  ainsi  du  sens 
primitif  à  ce  sens  figuré'? 

C'est  grâce  à  la  propagation  de  la  science  médicale 
des  Grecs,  comme  je  vais  vous  l'expliquer. 

En  effet,  dans  le  traité  de  la  Nature  de  l'homme,  par 
Hippocrale,  se  trouve  une  théorie  célèbre  connue  sous 
le  nom  de  «  théorie  des  quatre  humeurs  »,  laquelle 
attribue  la  santé  du  corps  au  juste  équilibre  du  sang, 
du  flegme,  de  la  bile  et  de  l'alrabile,  et  "les  diverses 
dispositions  de  l'esprit  ou  du  tempérament  à  la  pré- 
pondérance de  telle  ou  telle  de  ces  humeurs  fondamen- 
tales. 

Quand  les  oeuvres  d'Hippocrate  se  répandirent  en 
Occident,  la  théorie  en  question,  cela  va  sans  dire,  fut 
adoptée  par  les  médecins,  fait  démontré,  du  reste,  par 
la  citation  suivante  empruntée  à  Brunetli  Latini  {li 
Livres  dou  Trésor,  p.  106,  éd.  Chabaille)  : 

L'une  nature  est  de  romplexion  sanguine,  l'autre  de  mé- 
lancolie ou  de  Homme  ou  de  colère,  selonc  ce  que  les 
humor$  habundent  plus. 

Or,  en  vertu  de  la  métonymie,  figure  qui  permet  de 
prendre  le  nom  de  lu  cause  pour  designer  l'effet  que 
cette  cause  produit,  humeur,  après  avoir  signifié  à 
l'origine  une  idée  de  liquide,  en  est  venu,  pour  ainsi 
dire  naturellement,  à  désigner  l'état  de  l'esprit,  une 
bouderie,  un  caprice,  etc. 


ETRANGER 


Première  Qiie.slion. 
On  entend  presque  tous  les  jours  l'expressiiin  faire 
riisco,  dont  je  comprends  parfaitemint  la  signification. 


Mais  qu'est-ce   que  le  mot  fiasco  lui-même,  et  d'oi< 
vient  l'expression  qu'il  forme  étant  joint   au    verbe 

FAIRE  '? 

Le  mot  fiasco,  dont  le  radical  est  le  même  que  celui 
de  l'allemand  flasch,  de  l'espagnol  fiasco,  du  portugais 
frasco  et  du  français  flacon,  est  un  terme  de  la  langue 
italienne  qui  signifie  bouteille  (dans  cette  langue,  la 
consonne  /  se  change  souvent  en  i,  exemple  :  piii, 
plus  ;  piantar,  planter). 

Quant  à  l'origine  de  la  locution,  que  M.  Liltré  déclare 
inconnue,  j'ai  eu  la  bonne  fortune  de  la  trouver  dans 
le  Voleur  du  l'octobre  <S73,  qui  dit  l'avoir  cueillie 
dans  le  Figaro,  et  cela,  selon  toute  probabilité,  quelques 
jours  auparavant.  La  voici  intégralement  reproduite  : 

C'était  à  Florence.  Un  arlequin  célèbre,  Biancolelli,  faisait 
sa  sortie  dans  une  pièce  en  vogue  par  un  désopilant  mono- 
logue qui  roulait  sur  un  objet  quelconque  que  l'auteur 
tenait  à  la  main  et  qu'il  était  censé  avoir  trouvé. 

Chaque  soir,  l'arlequin  se  présentait  avec  un  nouvel  objet 
à  la  main,  et  les  lazzis  qu'il  improvisait  là-dessus  consti- 
tuaient le  mérite  du  boufllon  et  faisaient  son  succès. 

Un  soir,  Biancolelli  arriva  tenant  une  bouteille  garnie  de 
paille.  Or,  à  Bergame,  lieu  de  naissance  de  l'arlequin,  cela 
se  nomme  un  fiasco.  Biancolelli,  malgré  tous  ses  efforts,  ne 
parvint  pas  celte  fois  à  faire  rire  le  public.  Il  lutta  de  son 
mieux  pendant  quelques  instants  contre  la  froideur  de  son 
auditoire  ;  mais,  voyant  enfin  qu'on  lui  tenait  rigueur,  il 
apostropha  vivement  son  fiasco  : 

—  C'est  toi,  s'écria-t-il,  qui  es  cause  que  je  suis  si  bête 
aujourd'hui;  tiens,  va-t'en  I.  Et  il  jeta  sa  bouteille  par- 
dessus son  épaule. 

On  se  mit  â  rire,  mais  l'arlequin  n'en  avait  pas  moins 
échoué. 

Depuis,  quand  un  artiste  avait  un  sort  analogue,  on 
disait  :  C'est  comme  le  fiasco  de  Biancolelli  ;  puis  on  dit 
tout  simplement  :  C'est  un  fiasco.  Aujourd'hui,  ce  mot  est 
passé  dans  notre  langue. 

X 

Seconde  Question. 

Quelle  est,  s'il  vous  plaît ,  la  signification  et  l'élymo- 
logie  du  verbe  laver  dans  la  phrase  suivante  :  «  Le 
garnement  prit  un  gros  volume  daJis  la  bibliothèque  de 
son  père  et  alla  vite  le  laver  ? 

Appliqué  à  une  somme  d'argent,  lavsr  signifie  la 

dépenser  : 

11  me  donna  encore  un  gros  écu,  et  vingt-quatre  sous 

pour  le  rogomme,  que  nous  lavons  chez  M.  de  Capelin. 

(CtedeCaylus.  Œuvr.  bad.,  l.  X,  p.  J3.,'' 

Ayant  pour  régime  un  nom  d'objet  mobilier,  comme 
montre,  livre,  bijoux,  etc.,  il  signifie  vendre  à  perle 
pour  se  faire  de  l'argent  : 

Vous  avez  pour  quarante  francs  de  loges  et  de  billets  à 
vendre,  et  pour  soixante  francs  de  livres  à  lacer  au  jour- 
nal. 

(Balzac,  Gt.  hom   de  prov.  h  Paris,  t.  II.  p.  47.) 

C'est  avec  ce  dernier  sens  qu'est  employé  le  verbe 
laver  dans  la  phrase  que  vous  m'avez  adressée. 

Quant  à  ce  verbe  lui-même,  il  faut  qu'il  ne  soit  autre 
que  lurer  au  sens  de  purifier  avec  un  liquide  qui  est 
généralement  de  l'eau,  car  j'apprends  par  les  Excen- 
tricilcs  du  tangage  que  lessiver  s'em|iloie  absolument 
dans  la  mému  si^'uilicatiuii. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Mais  comment  laver  a-t-il  pu  passer  au  sens  éloigné 
qu'une  sorte  d'argot  lui  a  donné  dans  des  phrases  ana- 
logues à  celles  que  je  viens  de  citer  plus  haut? 

C'est  probablement  grâce  à  l'idée  ironique  d'une 
lessive  sans  savon  où  l'on  envoie  des  objets  qui  ne 
reviennent  jamais. 

X 
Troisième  Question. 

J'ai  remarqué  celte  phrase  daj)s  notre  numéro  21, 
page  ^62,  de  la  quatrième  année  :  «  qcoiqce  j'en  .\ie 
DANS  l'aile,  comme  dit  un  ancien  proverbe  ».  Je  com- 
prends vaguement  que  cette  expression  signifie  un  espace 
de  temps;  mais  quel  en  est  le  sens  exact  >  Je  ne  rois  pas 
du  tout  comment  le  sens  propre  ou  le  sens  figuré  de 
iiLE  a  pu  prendre  une  telle  signification. 

L'expression  proverbiale  En  avoir  dans  l'aile,  qui 
est  du  style  familier,  a  deux  significations  distinctes  : 

r  C'est  une  allusion  à  l'état  d'un  oiseau  blessé  à 
l'aile  [en  représente  ici  plomb,  flèche,  etc.)  et  qui,  pour 
cette  raison,  est  incapable  de  voler.  Elle  s'emploie  dans 
ce  cas,  en  parlant,  soit  d'une  personne  amoureuse  que 
la  passion  retient  auprès  de  l'objet  aimé,  soit  encore 
de  quelqu'un  qui  a  éprouvé  une  disgrâce. 

2°  Elle  se  dit  aussi  pour  signifier  Être  dans  la  cin- 
quantaine. En  ce  sens,  c'est  un  calembour  fondé  sur 
rhomophonie  de  aile,  membre  d'un  oiseau,  et  de  /. 
(majuscule),  qui,  employée  comme  chiffre,  signifie 
cinquante. 

C'est  dans  cette  dernière  acception  que  j'ai  fait  usage 
de  l'expression  dont  vous  désiriez  connaître  le  sens 
exact. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1*  On  voit  que  la  situation  faite  au  commerce  en  Europe 
n'est  pas  des  plus  favorables  à  son  développement,  et  c'est 
à  craindre  qu'on  ne  soit  pas  au  bout. 

2*  Ces  poésies,  qu'on  louerait  davantage  si  l'auteur  ne 
les  avait  fait  oublier  depuis,  annonçaient  un  talent  hors  de 
ligne. 

3'  Sa  haute  et  noble  stature,  sa  démarche,  son  port,  son 
front  superbe,  son  nez  aquilin,  sa  chevelure  d'ébène,  son 
grand  œil  italien  qui  flamboie,  impose  à  qui  l'approchent 
admiration  et  respect. 

4°  11  me  suffira,  pour  réhabiliter  ma  patrie,  de  prendre 
à  témoins  tous  ceux  qui  ont  visité  des  villes  les  moins  en 
renom  chez  les  artistes. 

5"  Ceux-ci  étaient  moins  élégants  et  moins  bien  montés 
que  les  prpmiers.  Cétait  sans  doute  les  laquais  des  trois 
gentilhommes. 

6*  Et  nous  ferons  notre  coulpe  d'avoir  considéré  à  tort 
que  la  République  est  ce  qui  présente  le  plus  de  chance  à 
l'Espagne. 

7°  Et  bonjour  Schaunard,  Marcel,  Mimi,  Rodolphe,  nips 
vieux  amis  de  Pari.<!  C'était  le  bon  temps  alors,  \l  vous 
souvient.  Je  vous  ai  tous  connu.=,  aimés. 

8"  Je  vais  plus  loin...  J'oftre  de  parier  qu'un  simple 
révérend  père  de  la  Compagnie  do  Jésus  lui  fasse  baisser 
pavillon. 

9*  Tous  ceux  qui  garderont  copie  de  cette  lettre  dans 


leurs  maisons,  jamais  les  malins  esprits,  feu,  foudre,  fièvre, 
tonnerre  ni  autres,  ne  pourront  nuire. 

10'  Un  supplément  publié  par  VAkbar  du  5  septembre,  à 
propos  dps  événements  qui  se  sont  passés  à  Alger  le  4,  est 
poursuivi  sous  l'inculpation  d'excitation  à  la  haine  des 
citoyens  les  uns  contre  les  autres. 

Il"  N'a-t-il  pas  été  constaté  par  toutes  les  facultés  médi- 
cales que  la  plupart  des  gastralgies  ou  affections  stomac- 
cales  quelconques  proviennent  presque  toujours  par  suit© 
d'une  mauvaise  trituration  des  aliments? 

12°  On  eût  dit  la  maison  d'un  mourant  envahie  par  les 
héritiers  qui  se  distribuent  déjà  les  dépouilles  et  se  vêtissent 
de  ses  défroques. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 

FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE   DES  GRAMMAIRIENS 

l'RE.MIÈRE   MOITIÉ   DU   XVll'  SIÈCLE. 

Antoine  OUDIN. 

Fils  aine  de  César  Oudin,  il  remplaça  son  père  à  la 
cour  de  Henri  IV  dans  les  fonctions  d'interprète  pour 
les  langues  étrangères. 

Louis  XIU  l'ayant  envoyé  en  Italie,  il  séjourna  suc- 
cessivement à  la  cour  de  Savoie  et  à  celle  de  Rome,  où 
le  pape  Urbain  YIII  le  prit  en  amitié. 

En  1651,  Louis  XIV,  surmontant  son  dégoût  pour 
l'élude,  voulut  apprendre  l'italien,  parce  que  c'était  la 
langue  maternelle  des  trois  nièces  de  Mazarin,  qu'il 
aima  tour  à  tour  :  Antoine  Oudin  eut  l'honneur  de  lui 
donner  des  leçons. 

11  mourut  le  1 1  février  1653. 

On  a  d'Antoine  Oudin  :  \°Curiositez  françaises  pour 
servir  de  supplément  aux  Dictionnaires  ;  i"  Gram- 
maire française  rapportée  au  langage  du  temps,  qui 
reçut  les  éloges  de  plusieurs  membres  de  l'Académie 
française,  récemment  fondée;  3°  Recherches  italiennes 
et  franeoises  ;  4°  Trésor  des  deux  langues  espagnole  et 
française;  5"  Histoire  des  guerres  de  Flandres,  traduite 
de  l'italien.  - 

Voyons  ce  qu'il  y  a  d'intéressant  dans  la  grammaire, 
publiée  à  Paris  en  i('.33,  le  seul  des  ouvrages  d'Oudin 
qui  puisse  nous  occuper  ici. 

rnONONClATION    DES  VOYELLES. 

A  —  Il  se  prononce  ordinairement  e  dans  arres, 
catharre,  charette  et  fantnsie,  qui  sonnent  :  erres, 
catherre,  chaireite,  fantaisie. 

11  ne  se  prononce  pas  dans  aoust,  .moul,  faon,  taon. 

Uiiand  un  temps  de  verbe  termine  par  a  est  suivi  de 
il,  elle  ou  on,  il  faut  ajouter  un  t  :  que  dira-il,  que 
dira-elle  se  prononcent  que  dira-t-il,  que  dira-t-elle. 
Les  modernes  écrivent  ce  /  euphonique. 

Si  l'impératif  m  est  suivi  de  en  ou  de  y,  on  y  ajoute 
une  ■<  ,•  on  dit  :  vas  y,  ras  en  quérir. 

Un  double  a,  comme  dans  aage,  sonne  comme  a 
simple  et  allongé. 

E  —  Il  y  en  a  quatre  sortes  dans  noire  langue, 
quoique  les  grammairiens  n'en  aduictlent  que  trois  : 
le  masculin,  qui  se  marque  toujours  par  un  accent 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


aigu  à  la  fln  des  mois:  le  féminin,  qui  se  prononce  à 
demi,  et  qui  se  rencontrée  la  fiu  des  syllabes  ;  l'ouvert, 
qui  se  prononce  comme  la  diphlbongue  ai;  enfin  le 
quatrième,  qui  tire  sur  notre  diphthongue  eu,  et  qui  se 
trouve  dans  de,  ne,  me,  te,  le,  que. 

Devant  f,  la  voyelle  e  se  prononce  ouverte,  excepté 
dans  clef,  où  T/'  ne  sonne  pas. 

Suivi  d'un  g,  il  est  ouvert,  manège,  inolege,  excepté 
dans  les  trois  suivants  :  piège,  liège,  siège. 

Au  milieu  des  mots,  avant  r,  il  est  ordinairement 
ouvert,  diffère,  espère;  exception  pour  les  suivants  : 
père,  mère,  frère  et  leurs  composés. 

Il  se  prononce  fermé  dans  les  verbes  en  er  :  aimer, 
aller  ;  mais  il  est  ouvert  à  la  fin  de  ces  mots  :  amer, 
cher,  enfer,  fer,  fier,  mer,  entier,  allier. 

Au  pluriel  du  futur,  il  se  prononce  ouvert  :  cog- 
noistres,  ferez,  irez. 

Dans  re  signifiant  un  redoublement,  ïe  se  prononce 
bref  ou  a  le  son  féminin  :  redire,  refaire  se  disent  rdire, 
r  faire. 

Quand  il  y  a  deux  e  à  la  fin  d'un  mot,  le  premier  se 
prononce  toujours  fermé  :  armée,  contrée. 

Ces  phrases  :  Il  n'y  a  que  trois,  jmur  se  contenter, 
en  ce  point  se  prononcent  :  il  n'y  ar  trois,  pour  scon- 
tenter,  enspoint. 

Au  milieu  des  mots,  e  féminin  «  se  mange  »  tout-à- 
fait  :  demander,  leçon,  devant,  achepter  se  lisent  : 
dmander,  Içon,  dvant,  achter. 

Lorsqu'un  verbe  est  terminé  par  c  et  qu'on  met  après 
lui  //,  elle  ou  on,  il  faut  ajouter  un  t  entre  les  deux  : 
pense-il,  aime-elle,  se  prononcent  pense-t-il,  aime-t- 
elle. 

Quand  le  pronom  je  vient  après  un  e  muet,  celui-ci 
se  change  en  e  fermé  long  :  aimé-je,  contesté-je  ? 

La  copulative  et  se  prononce  toujours  è  fermé. 

I  —  Voyelle  et  mis  devant  /  ou  //  après  les  diph- 
Ihongues  ie,  eu  et  au,  il  ne  se  prononce  point;  mais  il 
donne  un  son  liquide  auxdites  lettres,  comme  dans 
vieillir,  mouiller,  deuil. 

Pouil  et  genouil  se  prononcent  poi/  et  genou. 

Pour  le  séparer  de  l'a,  on  marque  1';  par  deux  points  : 
naif,  ha'ir. 

Nous  n'écrivons  plus  estrangier,  davgier,  mais  bien 
estranger,  danger  (1633). 

Cette  voyelle  a  le  son  de  e  dans  crucifix,  qui  sonne 
critcefix. 

0  —  Dans  notre  langue,  o  se  prononce  toujours  fort 
ouvert,  contre  rn]iinion  «  impertinente  »  de  ceux  qui 
le  veulent  faire  sonner  ou  quand  il  est  devant  m  ou  n, 
car  ceux  qui  parlent  bien  ne  disent  jamais  houme, 
coumr,  buune;  el,  bien  que  plusieurs  disent  cliouse  pour 
chose,  il  ne  faut  pas  les  imiter. 

Quand  om  el  on  sont  suivis  d'une  consonne  autre 
que  m  et  n,  on  les  prononce  comme  Vum  latin  :  ombre, 
sombre,  conte,  lisez  comme  s'il  y  avait  lunbrc,  sumbre, 
cunte. 

Penlecoste  se  prononce  aussi  pentecnute. 

On  ne  prononce  point  Vo  (lans;;r/oH,  Laon,  faon. 

U  —  Après  le  g,  il  ne  se  prononce  point,  excepté 


dans  arguer,  aiguiser,  aiguë,  ciguë  et  dans  Guise,  nom 
propre. 

Marquée  par  deux  points,  cette  lettre  est  voyelle  : 
loiier,  jouer.  Quelques-uns  mettent  les  points  sur  Ve 
qui  suit,  mais  Oudin  ne  trouve  pas  cela  à  propos, 
attendu  que  les  points  ne  concernent  pas  ledit  e. 

L'accent  circonflexe  se  met  sur  1'?/  lorsqu'on  sup- 
prime ï'e  qui  le  suit  :  esperdûment  pour  esperduement. 

Um  et  un  se  prononcent  quelquefois  comme  om  et 
on,  et  principalement  lorsque  ces  syllabes  sont  tirées 
du  latin  :  unze  se  prononce  et  s'écrit  onze. 

Y  —  Placé  entre  deux  voyelles,  il  se  redouble  en 
prononçant  ;  croyable,  effroyable  se  prononcent  croy- 
yuble,  ejfroyyable. 

Il  a  meilleure  grâce  à  la  fin  des  mots  que  i  simple, 
comme  dans  foy,  loy,  roy,  moisy,  saisy,  excepté  dans 
quelques  particules  qui  viennent  du  latin  :  si,  qui,  etc. 

raOïNONCUTION   DES   COXSONNES. 

B  —  Se  prononce  dans  obmettre. 

Il  prend  ie  son  de  p  dans  les  mots  subtiliser,  subtil, 
subtilité. 

C  —  Il  se  prononce  comme  g  dans  Claude,  second  et 
secret  (1633). 

Il  ne  sonne  pas  dans  blanc,  bec-jaune,  clerc  et  espic, 
et  il  se  prononce  indifféremment  dans  avec. 

Il  ne  se  fait  pas  entendre  dans  sanctifier,  sanctis- 
sirnr. 

Dans  les  pluriels,  on  rejette  le  t  final;  par  exemple, 
corrects  se  lit  correcs. 

On  ne  prononce  qu'un  c  dans  succer. 

D.  —  A  la  fin  des  mois  el  devant  une  consonne,  il  ne 
se  prononce  point  ;  mais  devant  une  voyelle,  il  sonne 
comme  un  t  :  quand  on  entend  tin  son.  lisez  .•  quant 
on  entent  un  son. 

Il  se  prononce  au  milieu  des  mots  devant  une  »«, 
excepté  dans  admonester  et  ses  «  descendans.  » 

Quoique  d  ne  sonne  pas  dans  pied,  on  prononce 
pied  à  terre,  pied  à  boule,  de  pied  en  cap  comme  s'il  y 
avait /lie/  à  terre,  piet  à  boule,  de  piet  en  cap. 

F  —  Devant  une  voyelle,  elle  s'adoucit  en  v  :  les 
expressions  tieuf  heures,  Jieuf  ou  dix  se  prononcent 
neuv  heures,  ncuv  ou  dix. 

Celle  consonne  ne  se  prononce  pas  dans  les  «  plu- 
riers  >>  des  noms  terminés  par  euf:  ainsi  bœufs,  œufs, 
csteufs,  neufs,  sonnent  beux,  eux,  etc. 

Dans  les  noms  composés,  elle  ne  sonne  point  non 
plus  ;  chef  d'œuvre  el  covvre-chrf,  se  lisent  :  chédeuvrc, 
couvreché. 

G  —  Ne  se  prononce  point  dans  regnard  ni  dans 
signe. 

Quand  il  y  a  deux  g.  il  faut  les  prononcer  séparé- 
ment :  suggérer,  sug-gèrer. 

A  la  fin  des  «  dictions  «  devant  une  voyelle,  g  se 
prononce  r  :  bourg,  sang,  prononcez  bourc,  sanc. 

Il  ne  se  prononce  point  dans  fauxbourg,  quoique  ce 
soit  un  compose  de  bourg. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 
Lk  Rédacteor-Giîuant  :  Ema«  MARTIN. 


LE   COURRIER   DE   VAUGELAS. 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Lettres  inédites  de  Jean-Louis  Guez  de  Balzac, 
publiées  par  M.  Philippe  Tamizey  de  Larroque.  In-Zi", 
Û62  p.  Paris,  imp.  nationale. 

Grammaire  de  la  langue  française  ;  par  le  P.  Henri 
Delavenne,  de  la  compai-'oie  de  Jésus.  Grammaire  élémen- 
taire. 5*  édition,  ln-12.  vi-lU  p.  Paris,  lib.  Albanel. 

Civilisation  et  mœurs  du  règne  d'Auguste  à  la  fin 
des  Antonins  ;  par  L.  Friedlœnder,,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Kœnigsberg.  Traduction  libre  par  Ch.  Vogel. 
T.  3=,  comprenant  le  luxe  et  les  beaux-arts,  avec  un  sup- 
plémentaut.  I".  In-8»,xii-553p.Paris,  lib.  Reimvald  et  Cie. 

La  Dynastie  des  Fouchard  ;  par  Marin  de  Li  vonnière. 
Nouvelle  édition,  ln-18  jésus,  252  p.  Paris,  lib.  Blériot. 

L'Armurier  de  Milan  ;  par  Ponson  du  Terrail.  Edition 
ornée  de  bois  gravés  par  Delaville,  sur  les  dessins  de  J.-A. 
Beaucé.  In-4°  à  2  col.  72  p.  Paris,  lib.  Benoist  et  Cie. 
\  fr.  10. 

Lettres  parisiennes.  La  politique  en  1873  ;  par 
Léon  Richer.  In-18  jésus.  iit-267  p.  Paris,  lib.  de  la  Société 
des  gens  de  lettres.  3  fr. 

Notes  sur  l'Angleterre  ;  par  H.  Taine.  k'  édition, 
revueetcorrigée.Iu-18 jésus,  vin-397p.Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie,  3  fr.  50. 

Œuvres  morales  de  Vauvenargues,  In-32,  lxxxvih 
1268  p.  Paris,  lib.  Plou.  12  fr. 

Les  Mémoires  secrets  de  la  marquise  de  Pompa- 
dour  ;  recueillis  et  mis  en  ordre  par  Jules  Beaujoint. 
Edition  illustrée.  Livraisons  1  à  13.  In-i"  lOi  p.  Paris, 
librairie  Fayard.  La  livraison  10  cent. 

Contes  d'une  vieille  fille  à.  ses  neveux  ;  par  Mme 
Emile  de  Girardia.  Nouvelle  édition,  In-18  jésus,  281  p. 


Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères,  librairie  Nouvelle.  ^  fr.  25. 

Sermons  choisis  de  Bossuet.  Nouvelle  édition,  soi- 
gneusement revue  d'après  les  meilleurs  textes  et  précédée 
d'une  préface  par  l'abbé  Maury,  In-t8  jésus,  540  p.  Paris, 
lib.  Garnier  frères.  3  fr. 

Ce  que  peut  une  femme  ;  par  Césarie  Farrenc.  In-18 
jésus.  319  p.  Paris,  lib.  de  la  Société  des  gens  de  lettres. 
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Les  Hommes  de  l'exil  ;  par  Charles  Hugo.  In-18  jésus, 
355  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  3  fr.  50. 

Exercices  d'orthographe  et  de  syntaxe  appliqués, 
numéros  par  numéros,  à  la  iTrammaire  complète  et  à  la 
Grammaire  supérieure,  et  de  manière  à  s'adapter  à  tout 
autre  cours  de  langue  française;  par  P.  Larousse,  Livre  de 
l'élève.  W  édition.  In-12.  312  p.  Paris,  lib.  A.  Boyer  et  Cie. 
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Les  Œuvres  de  J.  Racine.  Texte  original  avec 
variantes;  notice  par  Anatole  France.  T.  L  In-lC,  Lx-28i  p, 
et  port.  Paris,  lib.  Lemerre,  5  fr. 

Leçons  et  exercices  gradués  de  littérature  ;  par 
M.  Charles  Roblot,  chef  d'institution.  In-12,  vii-196  p. 
Paris,  lib.  Pélagaud  fils  et  Roblot. 

Le  lendemain  de  l'Empire  ;  par  Auguste  Vitu,  ln-18 
jésus,  vni-306  p.  Paris,  lib.  Lachaud  et  Burdin. 

Rolande,  étude  parisienne  ;  par  Fervaques  et  Bachau- 
mont,  3«  édition.  ln-18  jésus,  362  p,  Paris,  lib,  Dentu,  3  fr. 

Cours  de  littérature,  rhétorique,  poétique,  his- 
toire littéraire  ;  par  E.  Gi^ruzez,  ancien  professeur  hono- 
raire de  la  faculté  des  lettres  de  Paris.  Première  partie. 
Littérature,  Poétique,  Rhétorique.  In-12,  vin-200  p.  Paris, 
lib.  Jules  Delalainet  fils.  1  fr.  75. 


Publications  antérieures 


ENTRETIENS  SUR  LA  LANGUE  FRANÇAISE.  - 
1.  Origine  et  formation  de  la  langue  française.  —  Par 
HippOLYTE  CocffERis,  couservateur  à  la  Bibliothèque  Maza- 
rine.  —  In-16,  272  p,  —  Paris,  librairie  de  VEcho  de  la 
Sorbonne,  7,  rue  Guénégaud.  —  2  fr.  50. 


ŒU^SRES  COMPLETES  DE  PIERRE  DE  BOUR- 
DEILLE,  SEIGNEUR  DE  BRANTOME  ;  publiées  d'après 
les  manuscrits,  avec  variantes  et  fragments  inédits,  pour  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  Ludovic  L.vlaxne,  — 
T.  VII.  Rodomontades  espaignolles.  Sermens  espaignols. 
M,  de  la  Noue.  Retraictes  de  guerre.  Des  dames.  lo-S», 
i68  p.  —  Paris,  librairie  \'«  Renouard.  —  9  fr. 


troisième  et  quatrième  années).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaiigelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
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France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


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ÇAISE depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours.  —  Par 
A.  Pëlissier,  professeur  de  l'Université.  —  2=  édition, 
revue  et  augmentée  de  textes  anciens,  avec  introduction 
et  commentaires. — In-12,  348  p.  — Paris,  librairie  Didier 
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ŒUVRES  DE  RABELAIS.  —  Edition  conforme  aux 
derniers  textes  revus  par  l'auteur,  avec  les  variantes  de 
toutes  études  originales,  une  notice,  des  notes  et  un  glos- 
saire. —  Par  Pierre  Jannet.  —  T.  VL  In-16.  250  p,  — 
Paris,  \ibniT\e  Alphonse  Lemerre,  27-29,  passage  Choiseul. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 


DE  LA  FORMATION  DES  NOMS  DE  LIEU,  traité 
pratique  suivi  de  remarques  sur  les  noms  de  lieu  fournis 
par  divers  documents.  —  Par  J.  Qlicherat.  Petit  in-8'. 
—  Paris,  librairie  A  Franck,  67,  rue  Richelieu. 


PROPOS  RUSTIQUES,  BALR'ERNES,  CONTES  ET 
DISCOURS  D'EUTRAPEL.  —  Par  Noël  du  Fail,  seigneur 


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de  la  Hérissaye,  gentilhomme  breton.  —  Edition  annotée, 
précédée  d'un  essai  sur  Noël  du  Fail  et  ses  écrits.  —  Par 
Marie  Guica.iRD.  —  Paris,  librairie  Charpentier,  19,  rue  de 
Lille.  

ŒUVRES  COMPLÈTES  DE  FRANÇOIS  VILLON, 
suivies  d'un  choix  de  poésies  de  ses  disciples.  —  Edition 
préparée  par  La  Moanoye,  mise  au  jour,  avec  notes  et 
glossaire,  par  Pierre  Jannet.  —  3^'  édition.  In-16,  xvi- 


271  p.  —  Paris,  librairie  Alphonse  Lemerre.  —  Prix  :  2  fr. 


ÉTUDE  SUR  LE  LANGAGE  POPULAIRE  OU 
PATOIS  DE  PARIS  ET  DE  SA  BANLIEUE,  précédée 
d'un  coup  d'oeil  sur  le  commerce  de  la  France  au  moyen- 
âge,  les  chemins  qu'il  suivait  et  l'influence  qu'il  a  dû  avoir 
sur  le  langage.  —  Par  Charles  Nisard.  —  In-8',  ^60  pages. 
—  Paris,  lib.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 


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LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

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DÉSIRÉ  NISARD,  Membre  de  l'Académie  française. 

Quatre  volumes  in- 18  Jésus  de  plus  de  400  pages  chacun 

l"  vol.  :  Des  origines  jusqu'au  xvii=  siècle  ;  —  2°  vol.  :  Première  moitié  du  xvii'  siècle  ;   —  3»  vol.  :  Seconde 
moitié  du  xyh*  siècle  ;  —  k'  vol.  :  Le  xvin»  siècle  avec  un  dernier  chapitre  sur  le  xix". 

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A  la  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 

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qui  habitent  la  France  ;  —  le  Wekker,  connu  par  toute  la  Hollande  ;  —  le  Journal  de  St-Pétersbourg,  très-répandu 
en  Russie  ;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Hartvvick,  390,  rue  Saint-Honoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 

CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


Appel  attx  prosateurs. 


L'Académie  française  décernera  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  Jouy,  de  la  valeur  de  quinze  cetits  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  fondatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
vation, soit  d'imagination,  soU  de  critique,  et  ayant  pour  objet  l'étude  des  mœurs  actuelles.  —  Les  ouvrages  adressés 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  de  trois  exemplaires  avant  le  l"  janvier  1875. 


Appel  aux  poètes. 


Le  prix  de  600  fr.  fondé  par  M.  le  docteur  Andreveton,  de  la  Roche,  avec  le  concours  de  la  ville  d'Annecy,  sera 
décerné  par  la  Société  Fi.orimontane  en  juillet  1 874.  —  Le  choix  des  objets  à  traiter  est  laissé  aux  concurrents.  —  Les 
pièces  de  poésie  doivent  être  inédites  et  écrites  en  langue  française.  —  Les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera 
répétée  h  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. —Sont  seuls  admis  à  concourir  : 
1°  les  nationaux,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Fi.orimontane,  et  2°  les  étrangers,  membres  effectifs  ou 
correspondants  «le  celte  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane 
avant  le  l»'- juillet  I87ii. 

Le  douzième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  1"  juin  1874.  —  Six  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  il  M.  Evariste  Carrance,  président  du  Comité,  92,  route 
d'KspaETiiP,  à  nr.rdnaiix  ^Girond").  --  .■\ffrnnrliir. 

Le  roil.-iclciir  du  t'.ni/rrirr  ilc  ]'inii/rf(is  est  visible  ;i  son  bureau  de  midi  à  uni'  lirurr  rt  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupelev  ù  Nogent-le-llotrou. 


5"  Année. 


N°   2. 


15  Avril  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"  et   le   15    de   ehaane  moi* 


PRIX  : 

Abonnement  TOur  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .    .    .  50  c 

Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN     PROFESSEUR      SPÉC1.\L      POUR     LES      ÉTR.\NGERS 

Officier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 

ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédaeleur,  soit  à  l'Adm' 
M.  FiscnsACHER,  33,  rue  de  Seine. 

SOMMAIRE. 

Communication  relative  à  Larmes  de  crocodile;  —  Comment 
Paseolus,  haricot,  en  latin,  a  pu  donner  Flageolet  en  français;  — 
Pourquoi  Qui  venant  après  un  verbe  précédé  de  Que  constitue 
une  mauvaise  phrase  ;  —  La  meilleure  manière  de  prononcer 
les  LL  mouillées  ;  —  Orthographe  d'un  participe  ayant  pour 
régime  un  Que  dont  la  relation  est  douteuse.  ||  Pourquoi  dans 
les  ventes,  le  comniissaire-priseur  emploie  Marchand  pour 
Acheteur;  —  S'il  faut  écrire  variable  un  participe  passé 
précédé  de  En  et  d'un  adverbe  de  quantité.  ||  Passe-temps 
grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie  d'Antoine  Oudin.  \\ 
Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Renseignements 
aus  jirofesseurs  français.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUMCATION. 

Dans  sa  quatrième  année,  le  Courrier  de  Vaugelas 
s'est  occupé  de  l'origine  de  l'expression  larmes  de  cro- 
codile. Or,  celte  question,  qui  n'avait  pu  être  complète- 
ment élucidée,  a  tenté  M.  Georges  Garnier,  et  le  savant 
philologue  de  Bayeux  a  bien  voulu  m'adresser  le  résul- 
tat des  recherches  auxquelles  il  s'est  livré  à  ce  sujet. 

Je  m'empresse  de  remercier  M.  Georges  Garnier,  et  de 
lui  faire  les  emprunts  qu'on  va  lire. 

Où  et  quand  a  pris  naissance  la  fable  d'après  laquelle 
le  crocodile,  caché  au  milieu  des  roseaux,  pleure  et 
gémit  pour  attirer  la  proie  qu'il  convoite?  Voilà  ce 
qu'il  fallait  découvrir. 

Le  Courrier  de  Vaugelas  avait  déjà  fait  voir  qu'il 
était  très-probable  que  les  Anciens  n'étaient  pas  les 
inventeurs  de  cette  fable;  M.  Georges  Garnier  achève 
la  démonstration  de  ce  fait  en  ces  termes  : 

J'ai  relu  Hérodote,  qui  donne  une  longue  description  du 
crocodile,  copiée  par  Aristote  et  presque  littéralement 
traduite  par  Pline  et  par  /Elien  ;  aucun  de  ces  pères  de 
l'histoire  naturelle  ne  reproduit  la  fable  qui  a  donné  lieu 
au  proverbe.  Je  ne  trouve  rien  non  plus  dans  les  poètes 
grecs  ou  latins  des  grands  siècles. 

J'ai  compulsé  les  meilleurs  lexicographes,  et  notam- 
ment le  Thésaurus  lingux  latinx  de  Henri    Etienne,   ce 


répertoire  si  complet  de  toutes  les  expressions  usitées  par 
les  auteurs  classiques,  et  les  larmes  de  crocodile  n'y  sont 
pas. 

Répondant  à  une  communication  qui  attribuait 
l'origine  de  larmes  de  crocodile  à  la  relation  d'un 
voyage  fait  en  Orient  par  l'anglais  Mandeville,  relation 
publiée  à  Londres  en  1725,  j'avais  prouvé,  par  une 
citation  prise  dans  Rotrou,  que  le  proverbe  remontait 
au  moins  au  xvie  siècle;  M.  Georges  Garnier,  dans  les 
lignes  suivantes,  établit  qu'il  est  d'une  époque  bien 
antérieure  : 

■V'oici  jusqu'à  plus  ample  informé  le  plus  ancien  monu- 
ment où  je  le  trouve  inscrit  dans  une  langue  d'origine 
aryenne  : 

Parât  improbus  ore  cruento 
Perdere  te,  lacrymas  dum  crocodilus  agit. 

Ce  passage  est  tiré  d'un  poème  du  moyen  âge  intitulé 
Pamphyli  liber,  de  amore  inler  Pamphylum  et  Galateam, 
attribué  à  Pamphyle  Maurélien,  qui  mourut  vers  1300, 
l'année  même  de  la  naissance  du  voyageur  Mandeville,  et 
qui  fut  imprimé  en  1499,  c'est-à-dire  près  de  trois  siècles 
avant  l'impression  du  voyage  du  noble  chevalier  breton. 

Maurélien  était  contemporain  des  deux  dernières  croi- 
sades; n'est-ce  pas  dans  les  récits  des  vaillants  pèlerins, 
compagnons  de  captivité  de  leur  saint  Roi  sur  la  terre 
d'Egypte,  qu'il  aura  recueilli  cette  fable? 

Ainsi,  grâce  à  .M.  Georges  Garnier,  la  question  déjà 
trois  fois  débattue  dans  ce  journal  a  fait  un  pas  de 
plus  vers  sa  solution;  car,  d'un  cùtè,  nous  savons  posi- 
tivement que  l'expression  larmes  de  crocodile  ne  vient 
ni  des  Grecs  ni  des  Romains,  et  de  l'autre,  nous  sommes 
presque  certains  qu'elle  existait  dès  le  xiif'  siècle. 

Encore  quelques  recherches,  qu'on  ferait  probable- 
ment avec  succès  dans  les  historiens  orientaux  et  sur- 
tout dans  la  DescripUon  topographique  et  historique  de 
l'Egypjie  qu'a  laissée  le  célèbre  .Makrisi,  et  nous  possé- 
derons enfin  la  véritable  origine  de  larmes  de  crocodile. 

X 

Première  Question, 

Un  haricot  s' appelant  faseolus  en  latin,  comment  se 

fait-il  que  l'on  ait  flageolet,  en  français, pour  designer 

le  même  légume  quand  il  est  encore  vert  ?  J'ai  beau 

relire  De  Chevallet  et  Brochet,  je  n'y  trouve  nulle  part 


40 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


que  la  lettre  L  se  soif  Jamais  ajoutée  après  mie  F.  Je 
vous  serais  trcs-oblit/é  de  me  donner  cette  explication. 

En  vieux  français,  Je  mot  faseolus  avait  donné  pour 
dérivé  faseol,  comme  le  montrent  œs  exemples,  qui 
sont  du  xvi'=  siècle  : 

Si  tu  veux  manger  des  poids  et  faseols,  va  à  Crémone. 

(Merlin  Coccaie,  Jli$l.  I,  p.  36.) 

L'exemple  y  est  manifeste  en  pois,  febves,  fazeolz,  noix, 
alberges,  cotton,  colocynthes,  bled,  pavot,  etc. 

(Rabelais,  Pantag.,  III,  ch.  8.) 

Mais,  dans  les  patois,  le  même  terme  latin  avait 
donné  des  dérivés  où  Vs  était  changée  en  j  ou  en  ge  ; 
ainsi  ce  mot  se  dit  en  genevois  fajole,  fajule;  à  Lyon, 
flageole;  à  Cambrai,  fagcole;  en  Faucigny  fajoulc, 
fajole. 

Il  est  probable  que  le  français,  quand  il  a  voulu  faire 
un  diminutif  correspondant  à  faseolus,  a  formé,  sous 
l'influence  des  dérivés  patois,  le  mot  fageolet  au  lieu  de 
faseolet. 

Maintenant  pourquoi  plus  tard  a-t-il  introduit  une  / 
après  ïf? 

Je  crois  pouvoir  vous  l'expliquer. 

Depuis  le  xv"  siècle  au  moins,  nous  avions  dans 
notre  langue  le  mot  flageolet  pour  désigner  un  instru- 
ment de  musique,  ce  qui  ressort  de  ces  citations  : 

C'est  un  navire  sans  pompe, 
Cest  un  berger  sans  flageolet. 

(Oliv.  Baseelin,  XII.) 

Cependant  on  voit  le  gaillard  Derthe  approcher  de  sa 
maison  guidant  ses  chèvres  et  son  trouppeau  avec  un 
flageolet. 

(Merlin  Coccaie,  Nist.,  vol.  ],  p.  54. J 

Faisoit  sonner  chalumeaux,  cornemuses 
Et  flageolets,  pour  esveiller  les  muses. 

(Marot,  I,  p.  166.1 

Grâce  aux  propriétés  semi-musicales  du  faseolus, 
vous  savez  que  le  peuple  de  France  appelle,  par  manière 
de  plaisanterie,  les  légumes  en  question  du  terme  argo- 
tique de  inusicicns.  Or,  lorsque  fageolet  évoque  une 
telle  idée,  comment  pouvoir  prononcer  ce  mot  sans 
songer  au  flageolet?  On  y  a  songé,  en  effet,  et  si  bien 
que,  l'ignorance  aidant,  on  a  substitué  flageolet  à 
fagrolet,  ce  qui  a  l'apparence  de  l'addition  d'une  /  dans 
le  dérivé  de  faseolus,  mais  qui,  en  réalité,  est  le  rem- 
placement d'un  mot  par  un  autre. 

Dans  son  dictionnaire,  M.  Litlré  fait  celte  remarque 
au  sujet  de  flageolet  désignant  un  haricot  : 

11  serait  raisonnable  d'abandonner  ce  barbarisme  et  de 
dire  fageolet.  Aucun  des  patois  n'a  cette  l  barbare. 

Barbarisme  et  /  barbare,  oui,  s'il  était  vrai  que 
fageolet  fût  une  corruption  de /'w/wfc^;  mais,  quand  il 
cl  démontré,  du  moins  à  ce  que  je  crois,  qu'il  s'agit 
bien  ici  de  cet  instrument  de  musique  qui,  selon 
Hasselin,  est  imlispcnsable  à  un  berger,  le  reproche 
adressé  à  fUujrolei  comme  désignant  un  légume  tombe 
nécessairement  de  lui-même. 

X 

Seconde  Qiicslioii. 
Dans  le  premier  volume  de,  la  Giumiuiiie  des  cbam- 


juiBES,  on  trouve,  p.  A.',2,  la  phrase  suivante  donnée 
comme  étant  de  l'Académie  :  «  Ne  fais  à  autrui  que  ce 
QUE  fu  voudrais  qui  te  fût  fait  à  toi-même  ».  Est-ce  que 
c'est  réellement  là  une  bonne  construction  ?  Ce  qui  après 
un  QBE  me  semble  avoir  quelque  chose  de  choquant 
pour  l'oreille.  Qti'en  pensez-vous  ? 

Cette  construction,  qui  consiste  à  rattacher,  au 
moyen  de  qui,  le  membre  de  phrase  précédé  de  que  au 
membre  de  phrase  qui  lui  sert  de  régime  direct,  a  été 
fort  en  usage  au  xvii"  et  au  xvui°  siècle,  comme  le 
montrent  ces  exemples  : 

Cette  madame  de  Quintin,  que  nous  disions  gui  vous 
ressemblait,  est  comme  paralysée. 

(Mme  de  Sévigné,  8g.) 

Peut-être  a-t-il  démêlé  dans  votre  vie  quelque  intrigue 
que  vous  espériez  qui  ne  serait  pas  connue. 

(Fontenelle,  Diaîog.) 

Et  que  pourra  faire  un  époux 
Que  vous  voulez  qui  soit  jour  et  nuit  avec  vous? 

(La  Fontaine,  liv.  VII,  fable  a.) 

Mais,  pour  guérir  du  mal  qu'il  dit  qui  le  possède, 
N'a-t-il  point  exigé  de  vous  l'autre  remède? 

(Molière,  Ec.  des /em.,  II,  6.) 

Si  nous  attendons,  nous  attendons  ce  que  Jésus-Christ  a 
prédit  qui  n'arriverait  jamais. 

(Massillon,  Confcr.  Zt'k  contre  le  scand.) 

Voici  cette  épitre  qu'on  prétend  g«i  lui  attira  tant 
d'ennemis. 

(Voltaire,  Com.  sur  l'ép.  à  Ariste.) 

Aujourd'hui,  elle  est  passée  à  l'état  d'archaïsme  ; 
mais  le  dictionnaire  de  Littré,  qui  la  trouve  «  vive  et 
très-commode,  »  exprime  le  vœu  qu'elle  revienne  en 
honneur.  Serai-je  du  même  avis? 

Non,  et  cela,  parce  qu'elle  fait  de  cjui  un  emploi 
tout-à-fait  insolite,  ainsi  que  je  vais  vous  le  démontrer. 

En  effet,  analysons  l'une  des  phrases  précédentes,  ce 
qui  sera  suffisant,  puisque  toutes  emploient  qui  de 
la  même  façon,  par  exemple,  la  première  : 

Cette  madame  de  Quintin,  que  nous  disions  qui  vous  res- 
semblait, est  comme  paralysée. 

Pi'oposition  principale  :  Cette  madame  de  Quintin  est 
comme  paralysée  ;  proposition  incidente  :  que  nous 
disions  qui  vous  ressemblait.  Le  mot  qui  se  trouve 
dans  celte  dernière;  c'est  à  elle  qu'il  faut  demander  le 
rôle  qu'il  joue. 

L'incidente  en  question  équivaut  à  n'en  pas  douter 
à  ceci,  qui  n'est  autre  chose  que  sa  transformation  : 

Nous  disions  que  laquelle  vous  ressemblait; 

Or,  comme  nous,  disions,  vous  et  ressemblait  sont 
communs  à  l'incidente  primitive  et  à  lincidcnte  trans- 
formée, et  que  le  que  de  la  première  est  représenté  par 
laquelle  dans  la  seconde,  il  s'ensuit  nécessairement 
que  le  que  de  celle-ci  correspond  à  qui  dans  la  première, 
ou,  en  d'autres  termes,  que  le  gui  de  l'incidente  primi- 
tive est  une  conjonction,  iniisquc,  dans  l'incidenlc 
transformée,  que  est  un  mol  de  cette  nature. 

Mais  qiti  ne  peut  jamais  être  que  pronom  relatif  en 
français;  d'où  je  conclus  que  la  construction  dont  il 
s'agit  doit  être  rcjetéo  à  titre  de  barbarisme. 


LE  COURRIER  DE  VALGELAS 


U 


Le  seul  moyen  de  donner  aux  phrases  qui  précèdent 
une  tournure  vraiment  irréprochable,  c'est  d'observer 
la  règle  suivante  : 

Retrancher  qui,  mettre  à  rinfinitif,  et  accompagné 
d'un  pronom  régime  s'il  y  en  a  un,  le  verbe  actif  ou 
passif  qui  peut  suivre  ;  et,  dans  le  cas  où  ce  verbe  est 
au  futur  ou  au  conditionnel,  mettre  devoir  devant 
l'infinitif;  on  a  ainsi  : 

Ne  fais  à  autrui  que  ce  que  tu  voudrais  t'êlre  fait  à  toi- 
même. 

Cette  madame  de  Quintin,  que  nous  disions  vous  ressem- 
bler, est  comme  paralysée. 

Peut-Otre  a-t-il  démêlé  dans  votre  vie  quelque  intrigue 
que  vous  espériez  ne  devoir  pas  che  connue. 

Et  que  pourra  faire  un  époux  que  vous  voulez  e'tre  jour 
et  nuit  avec  vous? 

Si  nous  attendons,  nous  attendons  ce  que  Jésus-Christ  a 
prédit  ne  devoir  jamais  arriver. 

Mais  pour  guérir  du  mal  qu'il  dit  le  posséder... 

Voici  cette  épitre  qu'on  prétend  lui  avoir  attiré  tant 
d'ennemis. 

X 
Troisième  Question. 

Auriez-vous  la  bonté  de  me  donner  votre  avis  concer- 
nant la  prononciation  correcte  et  élégante  des  ll 
mouillées?  Par  exemple,  est-il  à  présent  permis  de 
dire  comme  M.  Bescherelle  l'indique,  bi-iet,  bi-urd,  ou 
bien  doit-on  prononcer  ces  mots  comme  M.  Littré  le 
dit  dans  son  dictionnaire,  bi-lliet,  bi-luhd? 

Depuis  que  notre  langue  a  des  grammairiens,  c'est- 
à-dire  depuis  le  xvi'=  siècle,  il  a  été  généralement  en- 
seigné que  les  ll  mouillées  devaient  se  prononcer  comme 
le  gti  d'au-delà  des  monts,  et  c'est  cette  prononciation 
que  M.  Littré  a  cru  devoir  adopter  dans  son  diction- 
naire. 

Mais,  à  côté  de  cette  manière  de  mouiller  les  ll,  il  s'en 
est  établi  une  autre,  qui  remplace  ces  consonnes  par 
un  /  aspiré,  ce  qui  fait  prononcer,  par  exemple,  billet, 
billard  comme  s'ils  étaient  écrits  bi-yet,  bi-ijard.  C'est 
celle  que  M.  Bescherelle  croit  la  meilleure. 

Or,  en  présence  d'un  tel  dissentiment,  vous  venez 
me  demander  mon  avis? 

Je  vais  vous  le  donner  ainsi  que  les  raisons  sur 
lesquelles  je  le  fonde. 

La  prononciation  que  recommande  .M.  Littré  est  d'un 
âge  fort  respectable,  car  elle  date  au  moins  de  trois 
siècles;  mais  elle  est  très-difficile  à  saisir  pour  une 
oreille  française,  elle  a  tout  l'air  d'une  trace  de  l'inva- 
sion que  l'italien  a  faite  chez  nous,  et  il  s'en  faut  de 
beaucoup  qu'elle  soit  la  plus  usitée. 

Celle  que  préfère  .M.  Bescherelle,  au  contraire,  peut 
être  moins  ancienne;  mais  elle  est  la  plus  facile  de 
l'aveu  même  de  ceux  qui  la  repoussent,  elle  est  toute 
française,  et  c'est  elle  qui  est  la  plus  répandue  :  dans 
la  capitale,  on  en  fait  généralement  usage  au  théâtre, 
au  palais,  dans  la  chaire,  etc.,  et,  sauf  peut-être  dans 
quelques  pays  avoisinant  rilalie  et  l'Espagne  (les  // 
en  espagnol  se  prononcent  comme  gli  en  italien),  je 
crois  qu'il  en  est  de  même  en  province. 


C'est  cette  dernière  que  je  conseille  à  mon  tour; 
car,  si  ancienne  que  soit  l'autre,  si  autorisés  que  soient 
les  patrons  qu'elle  rencontre,  attendu  qu'un  peuple, 
toujours  maître  de  son  idiome,  a  l'incontestable  droit 
d'y  apporter  quand  il  lui  ])lait  telles  modifications  qu'il 
juge  à  propos,  cette  autre,  qui  n'est  agréée  ni  de  la 
France  ni  surtout  de  Paris,  ne  peut,  à  mon  sens,  être 
tenue  a  correcte  et  élégante  ». 

Pour  combattre  la  prononciation  de  M.  Bescherelle, 
le  savant  .M.  Bernard  Jullien  dit,  dans  son  Cours  supé~ 
rieur  de  langue  française,  que  les  Parisiens  ont  tort  de 
prononcer  Versa-ije,  grenou-ge,  au  lieu  de  Versailles, 
grenouille,  et  qu'il  est  «  à  peine  »  concevable  que  celte 
prononciation  «  grêle  et  désagréable  »  puisse  se  pro- 
duire <i  constamment  »  au  Théâtre-Français  sans  être 
l'objet  de  la  moindre  remarque  du  public  ni  des  jour- 
nalistes. 

Quelle  que  soit  la  qualité  du  son  que  cette  pronon- 
ciation fait  entendre,  quelle  que  soit  sa  fréquence, 
quelque  difficulté  qu'on  éprouve  à  comprendre  l'accueil 
qui  lui  est  fait,  l'argument  qui  lui  est  opposé  ici  ne 
peut  pas  être  sérieux  ;  car,  d'un  consentement  unanime, 
quoique  tacite,  Paris  étant  devenu  chez  nous,  grâce 
à  son  titre  de  capitale  et  au  chitfre  de  sa  population, 
l'arbitre  du  langage  aussi  bien  que  celui  de  la  mode 
et  du  goût,  comment  admettre  que  la  prononciation  des 
Parisiens  soit  entachée  de  vice  ? 

X 

Quatrième  Qaeslioo. 

Comment  écrire  le  participe  BEMARQrÉ  dans  ce  début 
de  phrase  :  «  Toutes  les  sortes  d'ennuis  que  les  mora- 
listes ont  bemabqce' »  Solution  vivement  attendue 

car  la   question  vient  d'être  posée  par  la  Ville  aux 
candidats  pour  les  emplois  dans  son  administration. 

Quoique  votre  citation  soit  incomplète,  et  qu'elle 
présente  par  conséquent  comme  une  difficuté  gramma- 
ticale doublée  d'une  énigme,  je  vais,  puisque  la  chose 
est  si  pressante,  vous  dire  immédiatement  ce  que  je 
pense  du  participe  qui  la  termine. 

Les  moralistes,  dont  l'élude  a  pour  objet  spécial  le 
cœur  humain,  c'est-à-dire  l'ensemble  de  nos  facultés 
affectives  et  de  nos  sentiments  moraux,  ont  établi  une 
classification  des  passions  ;  et,  dans  l'ennui,  l'une 
d'elles,  ils  ont  naturellement  distingué  autant  de  sortes 
qu'ils  ont  trouvé  de  causes  pouvant  le  produire. 

Or,  le  fragment  de  phrase  que  vous  m'adressez  me 
semblant  faire  allusion  aux  difi'érents  cantons  que  les 
explorations  du  cœur  ont  fait  découvrir  dans  la  région 
de  la  tristesse  [l'une  des  trois  passions  primitives  aux- 
quelles -Malebranche  rapporte  toutes  les  autres),  j'en 
conclus  que  le  relatif  f/v(  ne  s'y  applique  point  au  mot 
individuel  rnnuis,  mais  bien  au  collectif  sorte,  ou,  en 
d'autres  termes,  que  le  participe  remarqué  doit  être 
mis  au  féminin  pluriel. 


i2 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ÉTRANGER 

Première  question. 
Pourquoi,  en  France,  dans  les  rentes,  le  coinmissaire- 
priseur  emploie-t-il  cette  formule  :  «  ï  a-t-il  îiARcnAjiD  » 
jmur  demander  s'il  y  a  des  acheteurs  pour  l'objet  qu'il 
met  en  vente  ? 

Chose  facile  à  vous  expliquer. 

En  effet,  indépendamment  du  sens  de  :  qui  fait 
profession  d'acheter  et  de  vendre,  le  mot  marchand, 
ancienne  forme  manheant  (du  has-lalin  mercatare, 
faire  le  commerce)  a,  depuis  les  commencements  de 
notre  langue,  la  signification  de  :  qui  achète  accidentel- 
lement : 

Ung  marchant  ne  vaut  riens  sans  monnoye. 

iPerccforest,  t.  III,  fol.  114.) 

Dit  ce  coquin  dans  sa  boutique, 
Vestu  d'un  liabit  à  l'antique, 
Qui  peste  contre  les  passans 
De  ce  qu'il  n'a  point  de  marchans. 

(Berthod,  Ville  de  Paris  en  vers  turl.,  p.  5.) 

Si  jamais  cette  part  tombait  dans  le  commerce. 
Et  qu'il  vous  vînt  marchand  pour  ce  trésor  cacbé. 

(Corneille,  le  Menteur,  III,  6.) 

On  n'achète  pas  le  rang-,  une  reine  qui  serait  laide  ne 
trouverait  pas  marchand. 

(Voltaire,  Zaïre,  10.) 

Or,  c'est  dans  cette  même  acception  que  nos  commis- 
saires-priseurs  emploient  ce  terme  quand  ils  prononcent 
la  formule  :  l' a-f-il  marchand  ?  pour  demander  si,  au 
prix  qu'ils  proposent,  l'objet  qu'ils  mettent  en  vente 
trouve  des  acquéreurs. 

X 
Seconde  Question. 

Puisque  vous  voulez  bien  donner  des  solufiojis  sur  la 
grammaire  française  aux  personnes  qui  vous  en  de- 
mandent, je  viens  vous  inier  de  me  dire  ce  que  vous 
pensez  de  l'accord  du  participe  passé  précédé  de  ex  et 
d'un  adverbe  de  quantité;  dans  cette  phrase,  par 
exemple  :  «  Autant  de  batailles  il  a  livrées,  avtant  il 

E^'  A  CAG>"É  B,  faut-il  GAG>É  OU  GAGSÉES? 

Au  siècle  dernier,  on  écrivait  généralement  invariable 
le  participe  passé  précédé  de  en  et  d'un  adverbe  de 
quantité,  et  cette  orlhoi-'raplie  est  suivie  encore  aujour- 
d'hui par  un  grand  nombre  de  grammairiens  et  par 
l'Académie  elle-même  ;  ainsi  j'ai  trouvé  : 

Par  son  analyse,  il  a  fait  faire  plus  de  prngrcs  à  la  géomé- 
trie qu'elle  n'en  avait /ai7  depuis  la  création  du  monde. 

(Thomas,  dans  la  Cram.  nat.  p.  703.) 

Les  Russes  ont  fait  en  quatre-vingts  ans,  que  les  vues 
de  Pierre-le-Crand  ont  été  suivies,  plus  de  progrès  que 
nous  D'eu  avons  fait  en  quatre  siècles. 

(Voltairt,  idem.) 

Mais,  comme  certains  auteurs  offrent  aussi  des 
exemples  où  le  participe  est  variable  avec  un  cortège 
analogue,  des  grammairiens  de  notre  temps,  entre 
autres  .M.   Beschcrelle  et  .M.    Poitevin,   ont   proposé 


d'adopter  le  principe  de  la  variabilité  en  s'appuyant  sur 
ces  phrases  : 

Ces  terribles  agonies  effraient  plus  les  spectateurs 
qu'elles  ne  tourmentent  le  malade  ;  car  combien  n'en  a-t-on 
pas  rus  qui,  après  avoir  été  à  la  dernière  extrémité, 
n'avaient  aucun  souvenir  de  tout  ce  qui  s'était  passé,  non 
plus  que  de  ce  qu'ils  avaient  senti? 

(BulTon.) 

Les  sénateurs  accumulèrent  sur  sa  tête  plus  d'honneurs 
qu'aucun  mortel  n'en  avait  encore  reçus. 

(De  S^gur.) 

Combien  en  a-t-on  vus,  je  dis  des  plus  huppés, 

A  souffler  dans  leurs  doigts  dans  ma  cour  occupés  ! 

(Racine.) 

Que  les  grandes  puissances  de  l'Europe  apprennent  qu'il 
leur  faudrait  beauconps  moins  d'efforts  pour  cette  riche  con- 
quête qu'elles  n'en  ont  faits  depuis  vingt  ans  pour  détruire, 
en  dernier  résultat,  l'indépendance  de  quelques  petits  états- 

(Jullien.) 

Or,  cette  nouvelle  règle  doit-elle  être  accueillie  ou 
vaut-il  mieux  la  rejeter? 

Selon  moi,  elle  doit  être  rejelée,  et  voici  les  raisons  "   ' 
sur  lesquelles  je  me  fonde  pour  parler  de  la  sorte  : 

i"  La  Grammaire  nationale  admet  comme  tout  le 
monde  l'invariabilité  du   participe  précédé  de  en  et 
suivi  d'un  adverbe  de  quantité,  et  voici  les  exemples       1 
qu'elle  cite  : 

Le  glaive  a  tué  bien  des  hommes, 
La  langue  en  a  tué  bien  plus. 

(François  de  Neufchâteau.  i 

J'en  ai  connu  beaucoup  qui,  polissant  leurs  mœurs, 
Des  beaux-arts  avec  fruit  ont  fait  un  noble  usage. 

(Voltaire.) 

Le  Télémaque  a  fait  quelques  imitateurs,  les  Caiactcres 
de  La  Bruyère  en  onl  produit  davantage. 

(Idem.) 

Cela  étant,  comment  expliquer  que  l'adverbe  de  quan- 
tité, qui  n'a  ni  genre  ni  nombre,  puisse,  quand  il  est 
placé  à  gauche  du  participe,  avoir  sur  ce  dernier  une 
influence  qu'il  n'a  pas  étant  placé  à  droite  ?  Pour  mo- 
difier une  règle,  il  faut  avoir,  il  me  semble,  de  plus 
solides  raisons  que  celles  qui  se  tirent  de  cette  syntaxe 
aussi  subtile  que  neuve. 

2»  Ne  pas  écrire  le  participe  variable  dans  ce  cas, 
dit  M.  Poitevin,  ce  serait  s'exposer  souvent  à  «  mettre 
l'expression  en  contradiction  avec  la  pensée.  »  Mais, 
dans  noire  langue,  ofi  l'on  écrit  toujours  invariable  le 
participe  [ail  devant  un  infinitif;  où  l'adjectif  feu  se 
met  invariable  avant  l'article  ;  où  le  participe  été  parait 
toujours  sous  la  même  forme;  où  il  est,  ainsi  que  tout 
autre  verbe  impersonnel,  peut  être  suivi  d'un  nom 
pluriel  qui  en  est  le  véritable  sujet,  la  contradiction  entre 
l'expression  et  la  pensée  ne  constitue  point  une  infraction 
à  un  principe  d'orthographe.  Pourquoi  donc  alors  venir 
l'invoquer,  comme  argument,  dans  la  question  qui  nous 
occupe  ? 

Le  participe  n'ayant  pas  d'autre  régime  que  !e  mot 
en  peut  se  trouver  dans  trois  circonstances  dill'ércnles  : 
avec  en  seulement,  avec  en  suivi  d'un  adverbe  de 
quantité,  ou  avec  en  précédé  do  la  même  espèce 
d'adverbe.  Or,  lorsque,  du  consentement  de  tous,  on 


LE  COURRIER  DE  VADGELAS 


<3 


laisse  le  participe  invariable  dans  les  deux  premiers 
cas,  n'esl-il  pas  plus  sage  de  le  soumellre  à  la  môme 
règle  dans  le  troisième  que  de  compliquer  encore  la 
théorie  du  participe  déjà  si  embarrassante  parfois'' 
X 
Troisième  Question. 
Je  ne  trouve  l'exjiression  pbendre  sans  veut  dcms 
aucun  des  (rois  dictionnaires  français  que  fui  en  ma 
possession.  Voudrie:-rous  bien  m'en  dire  la  signification, 
et,  s'il  est  possible,  l'oriyinc  ? 

Prendre  fjudqu'im  sans  vert,  c'est  le  prendre  au 
dépourvu,  comme  le  montrent  ces  exemples  ; 

C'est  ce  qui  fait  toujours  que  je  suis  pris  sans  vert. 

{Molière,  VElouTdi,  III,  S  ) 

Je  confesse  à  ce  coup  que  je  suis  pris  sans  vert. 

(Th.  Corneille,  Am.  à  la  mode.  II,  3.) 

Quant  à  l'origine  de  cette  expression,  elle  remonte 
à  un  jeu  de  société  très-ancien,  dont  la  principale 
règle  voulait  qu'on  portât  sur  soi  une  petite  branche 
de  verdure  pendant  les  premiers  jours  du  mois 
de  mai.  Ce  jeu,  auquel  les  deux  sexes  étaient  également 
admis,  donnait  à  chaque  joueur  le  droit  d'en  visiter 
un  autre  à  toute  heure  de  la  journée,  aussi  bien  en 
négligé  qu'en  toilette,  afin  de  s'assurer  s'il  était  muni 
de  l'espèce  de  verdure  désignée  par  la  société  dont  il 
faisait  partie.  Quand  on  se  laissait  prendre  sans  branche 
verte,  ou  avec  une  branche  déjà  fanée,  on  recevait  un 
seau  d'eau  sur  la  tête,  et  l'on  était  obligé  de  donner  un 
gage  représentant  le  prix  d'une  amende,  dont  le  produit 
s'appliquait  à  des  plaisirs  variés. 

Selon  Quilard,  le  jeu  en  question  était  connu  dès  le 
xiii'  siècle  ;  mais  attendu  qu'il  n'en  fait  la  preuve  par 
aucun  texte,  et  que  c'est  seulement  dans  Rabelais 
(liv.  1"',  ch.  22)  que  je  trouve  ce  jeu  mentionné  pour  la 
première  fois,  j'en  conclus  que,  jusqu'à  plus  ample 
information, prendre  iaM«  t^er/ doit  être  considéré  comme 
ne  datant  guère  que  de  François  1". 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

!•  ...  et  il  est  à  craindre  que; —  1-  ...  un  tilleul  hors  ligne  (dans 
cette  expression,  on  supprime  l'article)  ;  —  3"  ...  qui  flamboie, 
imposent  à  qui  Vnppioche;  —  4"  ...  de  prendre  à  témoin  tous 
ceux;  —  5"  ...  c'étaient  sans  doute  les  liquais;  —  6°  ...  et  nous 
ferons  notre  mea  cidpa  (on  dit  battre  sa  coutpe);  — 7"" ...  le  bon 
temps  alors,  il  vous  en  souvient;  —  S"  ...  lui  ferait  baisser 
pavillon  ;  —  0°  Tous  ceux  (|ui  garderont  copie  de  celle  lettre 
dans  leurs  maisons  seront  préservés  des  malins  esprlls,  etc.  ;  ou 
encore  :  .Famais  les  malins  esprits,  etc.,  no  pourront  nuire  n  ceu.v 
qui  ijardeiont,  etc.;  —  10°  ...  est  poursuivi  sous  l'inculpation 
d'excitation  des  citoyens  A  .se  lialr  les  uns  les  antres;  —  U'  ... 
proviennent  i)resquc  toujours  rf'une  mauvaise  trituration,  ou 
encore  :  sont  presque  toujours  la  suite  rf'une  mauvaise  tritura- 
tion ;  —  12°  ...  et  se  vêtent  de  ses  défroques. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  M.  Kaoul  Duval  pense  qu'au  point  de  vue  conservateur, 
il  est  indispensable  qu'on  ne  voie  pas  à  la  tète  du  gouver- 
nement les  hommes  qui  se  sont  disputés  le  pouvoir  à 
la  tète  des  partis  politiques. 

2°  Cette  décision  sera  accueillie  avec  une  satisfaction 
unanime,  et  le  mérite  en  sera  attribué  au  moins  en  partie 
sur  le  nouvel  ambassadeur  français,  M.  de  Chaudordy. 

3-  Il  paraît  que  l'intrigue  monarchique  que  nous  dénon- 
cions hier  n'est  pas  la  seule  dont  nous  soyions  menacés. 

■1'  C'est  un  excellent  exemple  que  donne  là  le  vaillant 
maréchal;  il  serait  fort  à  désirer  que  pas  un  de  nos  géné- 
raux pensât  autrement. 

5°  Il  est  peu  d'animal  qui  varie  autant  dans  son  pelage-, 
dans  le  Nord,  on  en  trouve  de  roux  piquetés  de  gris, 
de  gris  cendré,  de  gris  ardoisé  foncé,  de  gris  blanc,  d'en- 
tièrement blancs  et  noirs. 

6°  Cela  ne  laisse  pas  que  d'être  un  présage,  utile  à 
méditer,  de  ce  que  réserveraient  les  patrons  de  ces  feuilles 
le  jour  où  ils  seraient  de  nouveau  les  maîtres  de  la  France. 

7°  L'Anglais  ne  saurait  être  susceptible  de  sentimenta- 
lisme, voire  môme  d'humanité,  pour  les  souffrances  d'une 
race  qu'il  a  constamment  traitée  avec  la  plus  grande  bar- 
barie. Pour  lui,  l'Inde  est  une  poule  aux  œufs  d'or. 

8-  Je  ne  puis  donc  admettre,  vous  le  voyez,  qu'on  donne 
le  nom  d'orléaniste  à  d'autres  qu'à  ceux  qui  sont  partisans 
du  comte  de  Paris,  comme  je  viens  d'avoir  l'honneur  de 
vous  le  dire. 

y  Les  écluses  bonapartistes  sont  lâchées,  et  des  paroles, 
quelques  fermes  et  bien  tournées  qu'elles  soient,  ne 
changeront  pas  l'opinion  publique,  qui  est  convaincue  du 
retour  inévitable  et  prochain  de  l'Empire. 

10°  Si  elle  n'exprime  pas  franchement  son  mépris,  c'est 
dans  la  crainte  de  nous  blesser  par  des  railleries  qui 
risqueraient  d'atteindre  le  pays  tout  entier,  quoiqu'elles 
ne  viseraient  en  réalité  que  le  parti  bonapartiste. 

11°  On  avait  craint  que  les  partisans  de  la  Commune 
vinssent  provoquer  des  désordres,  mais  rien  de  semblable 

n'a  eu  lieu. 

(Les  corrections  à  quinz-aine.) 

FEUILLETON  ■ 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PaE.\llÈRE  MOITIÉ  DU  XVIII"  SIÈCLE. 

Antoine  OUDIN. 

(Suite.J 

H  —  L'aspiration  de  l'/t  sert  à  éviter  quantité  d'équi- 
voques, car  il  y  a  bien  de  la  dillërcnce  entre  hante  et 
ente,  hault  et  osf ,  hautte  et  /loste,  hcstrc  et  estre, 
hache  et  aehe. 

On  n'aspire  point  l'A  dans  un  mot  (pii  dérive  du 
latin,  comme  homme,  honneur,  etc. 

Cette  consonne  s'aspire  au  commencement  des  mots 
qui  ne  sont  point  d'origine  grecque  ou  latine. 

Parmi  les  mots  français  qui  ne  dérivent  point  du 
latin,  il  n'y  a  que  huile,  huict  et  huistre  où  l'on  met  l'/t 
pour  faire  prononcer  Vu  initial  qui,  sans  cela,  sonnerait 
comme  v. 

L  —  Au  milieu  des  mots  et  devant  une  autre  con- 
sonne, ainsi  qu'après  les  diphthongucs,  elle  ne  se 
prononce  point,  excepté  dans  coulpe  et  poulpe. 


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LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Dans  le  pronom  il,  \'l  ne  doit  jamais  se  prononcer 
devant  une  consonne  ;  son  pluriel  reprend  ladite  l  devant 
les  mots  commençant  par  une  voyelle,  et  «  taist  »  son  s 
finale  :  ils  ont,  lisez  il  ont.  Toutefois  on  peut  dire 
aussi  :  is  ont. 

Les  mots  col,  licol,  mol,  fol,  sol  se  prononcent  par 
ou  :  cou,  licou,  mou,  etc.  ;  mais  fol,  suivi  d'une  voyelle, 
se  prononce  comme  il  est  écrit  :  fol  outré. 

Dans  les  finales  des  mots  suivants,  l  ne  sonne  point  : 
fusil,  gentil,  sourcil,  nombril,  apvril,  chevreul,  pouil, 
(jenouil,  verrouil  (1633). 

Oudin  trouve  «  fort  à  propos  »  de  ne  la  point  pro- 
noncer dans  ces  autres  :  quelque,  quelqu'un,  ciuelconque. 

Elle  n'a  point  le  son  mouillé  (celui  qui  a  de  l'affinité 
avec  le  gl  italien  et  le  H  espagnol)  dans  apostille, 
camomille,  pupille,  torpille. 

Le  m.ot  composé  gentilhomme  a  le  son  liquide  de  / 
au  singulier,  contre  la  règle  de  gentil  ;  il  rejette  l  au 
pluriel  et  zt\>vononc& gentishommes.  he.{èm\mn gentille 
ne  suit  pas  la  prononciation  de  son  masculin. 

M  —  Elle  se  change  en  n  devant  une  autre  n  : 
damné,  solemnel  se  prononcent  danné,  solennel. 

N —  A  la  fin  des  noms  propres  et  des  substantifs 
suivis  d'une  voyelle,  elle  ne  se  lie  pas;  on  ne  prononce 
pas  ces  mots  ;  Ciceron  ou  Demost/iene  en  liant  Vti  avec 
Yo  comme  font  les  Normands,  qui  disent  Ciceronnou 
Demostliene. 

Avec  le  substantif  ^«,  il  ne  faut  pas  non  plus  lier  \'n  : 
la  fin  en  sera  mauvaise;  mais  avec  le  même  mot  pris 
comme  adjectif,  il  le  faut  :  Vous  estes  un  finnhomme. 

On  la  lie  avec  les  possessifs  mon,  ton,  son;  avec 
bon,  un,  en,  bien,  non,  rien,  et  aussi  avec  les  adjectifs 
certain,  ancien,  malin. 

Convent  et  monstier  se  prononcent  ordinairement 
couvent  et  moustier. 

P  —  Quoiqu'on  ne  le  prononce  pas  dans  exempter, 
on  le  prononce  dans  exemption. 

Q  —  Ne  se  prononce  point  dans  le  pluriel  cocqs,  et 
encore  moins  dans  cocq  d' Inde,  qui  se  lit  co  d'Inde. 

R  —  Dans  les  verbes  en  ir  et  en  er,  celte  lettre  ne  se 
prononce  point  quand  elle  est  suivie  d'un  mot  com- 
mençant par  une  consonne. 

On  ne  la  prononce  point  non  plus  dans  mouchoir, 
miroir,  porteur,  covppeur,  faiseur;  on  dit  :  mouchoi 
de  col,  un  miroi  de  Venise,  porteu  d'eau,  etc. 

Dans  les  substantifs  en  ir  comme  plaisir,  désir, 
souvenir  sa  prononciation  est  indifférente. 

Celte  prononciation  est  facullalive  également  dans 
monsieur  et  )nessieurs;  mais  il  est  plus  dou.x  de  ne  pas 
la  prononcer  devant  une  consonne. 

Les  ('  pronoms  »  nosire  et  rostre,  mis  devant  un 
substaiilif,  se  prononcent  par  corruption  note  et  vote. 

Chaire  se  prononce  généralement  chaise,  et  ce  der- 
nier est  plus  «  reccu  »  parmi  les  Courtisans. 

Ordinairement  on  prononce  mécredij  pour  mercredi/, 
abre  pour  arijre,  mabre  pour  marbre. 

S—  Pour  faire  la  liaison,  on  la  prononce  comme 
un  z  :  toutes  à  la  fois,  lisez  toutez  à  la  fois. 

Se  prononce  dans  Christ  quand  il  n'est  point  précédé 


de  Jésus,  car  alors  on  prononce  Jésus-Chrit. 

La  plupart  prononcent  Vs  dans  Maistre  de  camp,  et 
c'est  en  effet  sa  vraie  prononciation. 

Elle  se  prononce  toujours  à  la  fin  du  mot  ains. 

T  —  Dans  les  noms  de  nombre  compris  entre  20  et 
30,  on  prononce  le  <  à  la  fin  du  vingt,  bien  qu'une 
consonne  vienne  après. 

Il  ne  se  prononce  pas  AdLÏi?,  postposer. 

X  —  Dans  Xainte  et  Xaintonge,  il  se  prononce 
comme  «  /  Sainte,  Saintonge. 

Devant  c,  au,  o,  il  a  le  son  doux  (gs)  :  exception, 
exaucer,  lisez  egseption,  egsaucer  ;  devant  les  autres 
voyelles,  et  devant  les  consonnes^  il  a  le  son  dur  (es)  : 
Alexayidre,  extravagant,  se  prononcent  Alecsandre, 
ecstraragant. 

Il  se  prononce  comme  s  simple  dans  ces  mots  :  ex- 
cuser, expliquer,  excommunier,  exquis. 

Dans  plusieurs  noms  propres,  il  sonne  comme  deux 
s /ainsi  St-Maixant,  Auxerre,  Auxerrois,  Bruxelles  et 
Luxembourg  se  prononcent  St-Maissant,  Ausserre,  Aus- 
serrois,  Brusselles,  Lussembourg . 

Il  a  le  son  de  s  dans  dixsept,  dixhuit,  dixneuf. 

Z  —  On  le  met  au  pluriel  des  noms  qui  ont  un  é 
final  accentué  au  singulier,  et  non  pas  une  s  simple. 

Pour  une  raison  analogue,  il  termine  la  seconde 
personne  «  pluriere  »  de  tous  les  temps  des  verbes. 

DES    DirninONGUES. 

AI  ou  AY  —  Il  a  généralement  le  son  de  l'e  ouvert  ; 
mais  il  a  celui  de  é  masculin  dans  aisné,  aisnesse,  aisé, 
ainsi  que  dans  bréviaire,  grammaire  el  paire  (1633). 

Il  se  prononce  encore  comme  e  masculin  à  la  pre- 
mière personne  du  passé  défini  et  du  futur  :  aimay, 
aiineray,  et  dans  les  deux  présents  :  j'ay,  je  sçay. 

A  la  première  personne  plurielle  de  l'indicatif  du 
verbe  faire,  ainsi  que  dans  tout  l'imparfait,  ai  se  pro- 
nonce comme  e  féminin  (muet)  :  faisons,  dites  fesons 
ou  fsons  ;  faisais,  faisoit,  etc.,  fesois  fesoit.  Les  dérivés 
faisant,  faiseur,  faiseuse  suivent  la  même  règle. 

Dans  quelques  «  dictions  «  aij  se  prononce  en  deux 
syllabes  :  ayant,  ayeul,  bisayeul,  abbaye  se  disent 
a-yant,  a-yeul,  bisa-yeul,  abba-ye. 

Les  mots  Espaigne,  campaigne  et  guigner  se  pro- 
noncent Espagne,  campagne,  gagner. 

Pais&lpaisant  se  prononcent pai-is,pai-isant  comme 
si  Vi  se  redoublait. 

El  —  Il  a  le  même  son  que  e  ouvert  :  peine,  pronon- 
cez paine. 

11  se  prononce  comme  e  masculin  dans  vieil,  vieille, 
treize,  qui  sonnent  viél,  vieille,  tréze. 

EU  —  Il  se  prononce  comme  un  u  simple  au  com- 
mencement de  heureux. 

lE  —  A  la  fin  des  mots,  avec  e  féminin,  il  se  pro- 
nonce séparément  :  partie,  amie,  lisQZ  parli-e,  ami-e. 

10  —  Dans  le  pluriel  des  verbes,  cette  diphthongue 
ne  fait  qu'un  son  :  aimions,  entendions  ;  mais,  partout 
ailleurs,  elle  se  prononce  en  deux  syllabes  :  opinion, 
violence,  dites  opini-on,  vi-olence. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 

Le  Rkuactecu-Géuaîit  :  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


^5 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


L'Ange  du  Logis  ;  par  Mme  la  comtesse  de  Bassanville, 
élève  de  Mme  Campan.  In-S",  V2ô  p.  Paris,  lib.  Rigaud. 

La  France  héroïque  ;  vies  et  récits  dramatiques  d'après 
les  chroniques  et  les  documents  originaux;  par  M.  Bathild 
Bouniol.  /(<=  édition,  revue  et  augmentée.  T.  Il  et  IV.  In-12, 
744  p.  Paris,  lib.  Bray  et  Retaux. 

Œuvres  sociales  de  Channing.  Traduction  française 
précédée  d'un  essai  sur  sa  vie  et  sa  doctrine,  d'une  intro- 
duction et  de  notices  par  M.  Edouard  Laboulaye,  de  l'Ins- 
titut. De  l'éducation  personnelle.  De  l'élévation  des  classes 
ouvrières.  De  la  tempérance.  Des  droits  et  des  devoirs  des 
pauvres.  In-18  jésus,  xliv-372  p.  Paris,  lib.  Charpentier. 
3  fr.  50. 

Œuvres  complètes  d'Emile  Deschamps.  T.  V  et  VI. 
Théâtre.  2  vol.  in-18  jésus,  7U  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  6  fr. 

Hermann  et  Dorothée,  poème  ;  par  Goethe.  Edition 
classique,  précédée  d'une  notice  littéraire  par  H.  Grimm. 
In-18,  xx-ll/i  p.  Paris,  lib.  Jules  Delalain  et  fils.  90  cent. 

Madame  de  Villerxel.  La  Recherche  de  l'inconnue; 
par  Amédée  Acjjard.  In-18  jésus,  295  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy  frères;  lib.  .Nouvelle.  3  fr.  50. 

Mémoires  secrets  du  XIX'^  siècle,  par  le  vicomte 
Beaumont-Vassy.  3'  édition.  In-18  jésus,  vii-378.  p.  Paris, 
lib.  Sartorius.  3  fr.  50. 

Esquisse  d'un  maître.  Souvenirs  d'enfance  et  de 
jeunesse  de  Chateaubriand.  Manuscrit  de  1826  suivi  de 
lettres  inédites  et  d'une  étude  par  Ch.  Lenormant.  In-18 
jésus,  xix-357  p.  Lib.  Nouvelle.  3  fr.  50. 

L'argent  des  autres;  par  Emile  Gaboriau.  II.  La 
Pêche  en  eau  trouble.  In-18  jésus,  345  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr.  50. 


Gerfaut;  par  Charles  de  Bernard.  Nouvelle  édition.  In-lS 
jésus,  414  p   Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères;  1  fr.  25. 

Le  Triomphe  d'Éléanor  ;  par  Miss  M.  E.  Braddon. 
Traduit  de  l'anglais  par  Charles  Bernard-Derosne.  Nouvelle 
édition,  revue  et  corrigée.  2  vol.  in-18  jésus,  350  p.  Paris, 
lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  50. 

Les  Pionniers,  ou  les  sources  de  la  Susquehanna  ; 
par  Fenimore  Cooper.  Traduction  nouvelle.  Edition  revue 
et  corrigée.  In-18  jésus,  372  p.  Paris,  lib.  X.  Rigaud.  2  fr. 

Cours  pratique  de  compositions  épistolaires  ;  par 
Victor  Doublet,  professeur  de  belles-lettres.  3°  édition. 
Exercices  et  développements.  In-18,  viii-120  p.  Paris,  lib. 
Jules  Delalain  et  fils.  1  fr.  50. 

Les  Prévalonnais,  scènes  de  province;  par  MlleZé- 
naïde  Fleuriot.  3«  édition,  revue  et  corrigée.  2  vol.  in-18, 
513  p.  Paris,  lib.  Bray  et  Retaux.  4  fr. 

Histoire  de  France,  des  origines  jusqu'aux  traités 
de  1815  ;  par  MM.  Hubault,  professeur  d'histoire  au  lycée 
Louis-le-Grand,  et  Marguerin,  ancien  professeur  d'histoire 
au  lycée  Condorcet.  5»  édition.  In-12,  vii-542p.  Paris,  lib. 
Delagrave.  3  fr.  50. 

Histoire  de  la  Révolution  française  (1789-1799); 
par  Théod.  H.  Barrau.  5'  édition.  In-18  jésus,  540  p.  Paris, 
lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Barnabe  Rudge;  par  Ch.  Dickens.  Roman  anglais 
traduit  sous  la  direction  de  P.  Lorain,  par  M.  Bonnomet. 
2  V.  in-18  jésus,  yiii-795  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
2  fr.  50. 

La  Cité  antique,  étude  sur  le  culte,  le  droit,  les  insti- 
tutions de  la  Grèce  et  de  Rome;  parFustel  de  Coulanges, 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale  supérieure.  5°  éd. 
In-18  jésus,  500  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


DICTÎOXNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  MOTS  DE 
LA  LANGUE  FRANÇAISE  dérivés  de  l'arabe,  du  persan 
ou  du  turc,  avec  leurs  analogues  grecs,  latins,  espagnols, 
portugais  et  italiens.  —  Par  A. -P.  Pihax,  ancien  prote  de 
la  typographie  orientale  a.  l'Imprimerie  impériale,  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur.  —Paris,  librairie  de  CAa^ 
lamel  aine,  30,  rue  des  Boulangers. 


^  BEAmL^.RCEAIS  ET  SON  TEMPS.  Etude  sur  la 
Société  en  France  au  xviii'  siècle.  —  Par  L.  de  Lomènie  (de 
l'Académie  française).  —  3"  édition.  —  2  beaux  volumes 
gr.  in-18.  —Prix  :  7  fr.  —Paris,  librairie  Michel  Lévy,  8, 
rue  Auber,  place  de  l'Opéra. 


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1.  Origine  et  formation  de  la  langue  française.  —  Par 
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rine.  —  In-16,  272  p.  —  Paris,  librairie  de  XEcho  de  la 
Sorbmne,  7,  rue  Guénégaud.  —  2  fr.  50. 


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DEILLE,  SEIGNEUR  DE  BRANTOME  ;  publiées  d'après 
les  manuscrits,  avec  variantes  et  fragments  inédits,  pour  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  Lcdovic  L.vlanxe.  — 
T.  VII.  Rodomontades  espaignolles.  Sermons  espaignols. 
M.  de  la  Noue.  Retraictes  de  guerre.  Des  dames.  —  Ia-8'', 
468  p.  —  Paris,  librairie  V"^  Renouard.  —  9  fr. 


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derniers  textes  revus  par  l'auteur,  avec  les  variantes  de 
toutes  études  originales,  une  notice,  des  notes  et  un  glos- 
sair.e  par  Pierre  Jannet.  —  T.  VI.  In-16.  250  p.  — 
Paris,  librairie  ^//j/ionse  Lemerre,  27-29,  passage  Choiscul. 


46 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


PRÉCIS  DE  L'HISTOIRE  DE  LA  LANGUE  FRAN- 
ÇAISE depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours.  —  Par 
A.  Pélissier,  professeur  de  l'Université.  —  1'  édition, 
revue  et  augmentée  de  textes  anciens,  avec  introduction 
et  commentaires.— In-12,  3Zi8  p.  —Paris,  librairie  Didier 
et  Cie,  38,  quai  des  Augustins. 


DE  LA  FORMATION  DES  NOMS  DE  LIEU,  traité 
pratique  suivi  de  remarques  sur  les  noms  de  lieu  fournis 


par  divers  documents.  —  Par  J.  Quicherat.  Petit  in-8*'. 
—  Paris,  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 


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DISCOURS  D'EUTRAPEL.  —  Par  Noël  du  Fa-l,  seigneur 
de  la  Hérissaye,  gentilhomme  breton.  —  Edition  annotée, 
précédée  d'un  essai  sur  Noël  du  Fail  et  ses  écrits.  —  Par 
Marie  Guichard.  —  Paris,  librairie  Charpentier,  19,  rue  de 
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qui  habitent  la  France  ;  —  le  yVekker,  connu  par  toute  la  Hollande  ;  —  le  Journal  de  St-Pétersbourg,  très-répandu 
en  Russie  ;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Hartwick,  390,  rue  Saint-Honoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Appel  avx  prosalcum. 


L'AcAnÊsriE  FiiANÇAisE  décemera  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  Jouy,  de  la  valeur  de  quiiize  cents  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  fondatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
vation, soit  d'imagination,  soit  de  critique,  et  ayant  pour  objet  Vétude  des  mceurs  actuelles.  —  Les  ouvrages  adressés 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  de  trois  exemplaires  avant  le  1"  janvier  1875. 


Appel  aux  poètes. 


Le  prix  de  600  fr.  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  de  la  Roche,  avec  le  concours  de  la  ville  d'Annecy,  sera 
décerné  par  la  Société  Flori.montane  en  juillet  187i.  —  Le  choix  des  objets  A  traiter  est  laissé  aux  concurrents.  —  Les 
pièces  de  poésie  doivent  être  inédites  et  écrites  en  langue  française.  —  Les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera 
répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Sont  seuls  admis  à  concourir  : 
1"  les  nationaux,  excepté  les  membres  elVectifs  de  la  Société  Fi.orimontane,  et  2»  les  étrangers,  membres  efl'ectifs  ou 
correspondants  de  cette  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane 
avant  le  1"  juillet  1874. 

Le  douzième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  1"  juin  187/i.  —  Six  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  ii  M.  Ewristk  Carr  oce,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Ivspagne,  à  lionleaux  fCironde).  —  Affrawlnr. 

Le  redacleiir  du  Courrier  de  Viiu;/f/iis  est  visible  à  son  bureau  de  miili  à  une  Iwurr  ri  demie. 
Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  u  Nogent-le-Rotrou. 


5'  Année. 


N"   3. 


l"gMai  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^^ 


v\\\>-*'  Journal  Semi-Mensuel  <JJ  i       À 

S^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA  LANGUE    FRANÇAISE      "^-4    1 


Paraisiant    la    !•'  et   le   15    de   eba«ae  mêla 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idera       pour  l'Étranger  10  f. 

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Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANXIEN     rnOFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Oflicier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adra' 
M.  FiscHBACHER,  33,  rue  de  Seine. 


SOMMAIRE. 
Communication  relative  à  Laver;  —  Origine  de  Tirer  une 
carotte: —  Comment  Eau  a  été  formé  du  latin  Aqua; —  Si 
Vaucluse  peut  être  construit  avec  les  articles  Le  ou  La  ;  — 
Quelle  heure  est  désignée  par  VAube  des  mouches-,  —  Signifi- 
cation et  origine  de  Payer  en  monnaie  de  singe.  ||  Ce  que  veut 
dire  II  n'est  métier  :  —  S'il  est  indifVérent  de  dire  Bosseler  tine 
cafetièreou Bossuerune cafetière.  ||  Passe-temps  grammatical.  || 
Suite  de  la  biographie  d'Antoine  Otidin.  ||  Ouvrages  de  gram- 
maire et  de  littérature.  ||  Renseignements  à  l'usage  des  profes- 
seurs français.   ||   Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNIC.\TION. 

On  m'adresse  la  note  suivante  à  propos  de  l'origine 
du  verbe  laver,  employé  dans  le  sens  de  vendre  : 

Voici  l'anecdote  qui  a  donné  lieu,  je  crois,  au  sens 
singulier  qu'a  pris  dans  ces  derniers  temps  le  verbe  laver, 
dont  vous  parlez  dans  le  1"  numéro  de  votre  cinquième 
année  : 

L'auteur  Théaulon  avait,  paraît-il,  l'habitude  de  remettre 
à  son  blanchisseur,  afin  qu'il  battît  monnaie  avec,  les 
nombreux  billets  auxquels  il  avait  droit  chaque  jour.  Or, 
une  fois,  le  vaudevilliste  avait  à  sa  table  quelques  amis, 
parmi  lesquels  Charles  Nodier  et  quelques  notabilités 
politiques,  quand  le  blanchisseur  entra  pour  prendre  les 
billets.  C'est  mon  blanchisseur,  messieurs,  dit-il.  «  Bernier, 
»  ajouta-t-il  en  se  tournant  vers  lui,  vous  trouverez  mon 
»  linge  dans  ma  chambre  à  coucher  ;  sur  la  cheminée,  il  y 
j  a  un  petit  paquet  que  vous  laverez  aussi.  »  Le  petit  paquet 
que  Bernier  trouva  sur  la  cheminée  contenait  les  billets 
de  spectacle,  et  Bernier  fut  obligé  de  comprendre  que 
laver  voulait  dire  vendre.  Depuis  ce  jour,  il  ne  manquait 
jamais  de  dire  en  entrant  chez  Théaulon  :  «  C'est  le  blan- 
chisseur de  Monsieur  ;  Monsieur,  y  a-t-il  quelque  chose  à 
laver?  »  Grâce  à  cette  circonstance,  le  verbe  laver  au  sens 
de  vendre  fit  fortune  ;  et  il  a  continué  à  s'employer  depuis 
lors  dans  ce  sens. 

Je  remercie  la  personne  qui  a  bien  voulu  prendre  la 
peine  de  m'envoyer  celte  communication  ;  mais  impos- 
sible d'admettre  que  l'anecdote  qu'elle  y  relate  soit 
l'origine  de  l'emploi  de  laver  au  sens  de  vendre,  comme 
je  vais  le  démontrer  : 


En  effet,  Théaulon,  qui  «  ne  fut  pas  aussi  prompte- 
ment  accueilli  à  Paris  »  que  sa  position  l'exigeait,  dit  la 
Biographie  Michaud,  n'arriva  dans  la  capitale  que 
«  vers  la  fin  de  KS08  ».  Or,  1808,  c'est  justement  la 
date  de  la  publication  du  Dictionnaire  du  bas  langage., 
où  je  trouve  la  phrase  suivante  : 

Il  a  lavé  sa  montre,  ses  bijoux,  pour  dire  qu'i'l  les  a 
vendus. 

Laver  se  disait  donc  pour  vendre  avant  le  temps  où 
remonte  l'anecdote  alléguée. 

X 

Première  Question. 
Je  désirerais  savoir  d'oii  vient  Vcxpression  tireb  une 
CAKOTTE  A  QUELQU'UN.  Voudriez-vous  bien  me  l'apprendre 
par  la  voie  de  votre  journal  ? 

Comme  tirer  une  carotte  signifie  :  obtenir  quelque 
chose  par  adresse  ou  par  ruse  (Littré),  demander  de 
l'argent  sous  un  faux  prétexte  (Lorédan  Larchej), 
conter  une  histoire  mensongère  destinée  à  vous  atten- 
drir (Alfred  Delvau),  escroquer  au  moyen  d'une  histoire 
(Francisque  Michel),  et  que  tirer  une  dent  veut  dire  : 
escroquer  de  l'argent  à  quelqu'un  en  lui  contant  une 
histoire  (Alfred  Delvau)  ;  escroquer  (Lorédan  Larchey 
et  Littré),  je  crois  pouvoir  en  conclure  que  : 
Tirer  une  carotte  =  Tirer  une  dent. 
Carotte  =  Dent. 

-Mais  comment  carotte  a-t-il  pu  arriver  au  sens  qu'in- 
dique l'égalité  précédente,  ou,  en  d'autres  termes,  com- 
ment tirer  une  carotte  a-t-il  pu  se  substituer  à  tirer 
une  dent  ? 

C'est  ce  que  je  vais  essayer  de  vous  expliquer. 

On  lit  ce  qui  suit  dans  Génin  [Récréations,  l,  p.  319)  : 

Le  sixième  chant  du  Malmantile  est  célèbre  pour  une 
description  de  l'enfer  pleine  de  verve  bouftonne.  Parmi  les 
damnés  que  le  poète  passe  en  revue,  on  trouve  un  maqui- 
gnon (un  sensale)  auquel,  en  punition  de  ses  mensonges, 
on  a  arraché  la  langue  et  les  dents;  et,  attendu  que  la 
nature  a  horreur  du  vide,  on  les  a  remplacées  par  des 
carottes,  etc. 

Or,  le  poème  héro-comique  en  question  a  dû  être  lu 


48 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


et  relu,  car  l'auteur  Lorenzo  Lippi  était  aussi  bon  poète 
que  bon  peintre.  Après  le  divertissement  qu'il  trouvait 
dans  eetle  désopilante  lecture,  l'Italien  aura,  dans  le 
langage  très-familier,  adopté  le  mot  carotte  pour  signi- 
fier dent  ;  et  quand  nos  soldats  de  la  République  sont 
revenus  d'Italie,  où  carotte  au  sens  de  dent  pouvait  être 
populaire  depuis  plus  d'un  siècle  (Lippi  mourut  en 
1664,  et  la  campagne  d'Italie  commença  en  1796),  ils 
auront  apporté  ce  mot  dans  tirer  une  carotte,  qui 
n'était  autre  que  tirer  une  dent,  légèrement  modifié. 

A  l'époque  où  a  été  publié  le  Dictionnaire  du  bas 
langage  j1808j,  la  signification  de  tirer  une  carotte 
était  mal  connue,  car  D'hautel  la  définit  tirer  les  vers 
du  ne:.,  ce  qui  est  faui  ;  et,  de  plus,  cette  expression 
était  «  basse  et  tout  à  fait  populaire,  »  comme  J'ajoute 
le  même  auteur,  qualification  convenant  parfaitement  à 
une  locution  née  récemment  au  milieu  des  soldats. 
N'est-ce  pas  là  une  double  circonstance  qui  vient  plai- 
der en  faveur  de  l'origine  que  je  donne  ? 

Quelques-uns  ont  voulu  que  ce  proverbe  Tint  de 
piantar  carota  iplanter  carotte),  expression  dont  les 
Italiens  se  servent  au  moins  depuis  le  ivii'  siècle,  avec 
la  signification  de  :  en  faire  accroire,  en  donner  à  garder. 
Mais  l'existence  de  l'expression  piantar  carota  chez  nos 
voisins  ne  m'a  pas  semblé  suffisante  pour  expliquer  la 
nôtre;  car,  si  notre  expression  vient  de  la  leur,  pour- 
quoi, quand  ils  disent  planter,  disons-nous  tirer,  un 
vrrbe  exprimant  presque  un  sens  opposé'?  Je  n'ai  jamais 
vu  qu'on  eût  adopté  un  proverbe  étranger  en  y  chan- 
geant ainsi  le  verbe  tout  en  conservant  les  autres 
termes.  Il  faut  nécessairement  que  tirer  une  carotte 
viennç  d'ailleurs,  mesuis-je  dit,  et,  après  m'être  assuré 
que  cette  expression  n'avait  son  origine  ni  en  espagnol, 
ni  en  anglais,  ni  en  allemand,  je  lui  ai  trouvé  celle 
qu'on  vient  de  lire. 

X 
Seconde   Question. 

Ouvres  le  premier  dictionnaire  français  venu  indi- 
quant les  étymologies,  et  vous  y  trouverez  que  le  mot 
Eiu  vient  du  latin  Aqca.  Comment  expliquez-vous  une 
pareille  transformation  > 

Dans  les  autres  langues  modernes  formées  du  latin, 
le  mot  aqua  n'a  guère  éprouvé  que  le  changement  de 
qu  en  g  ;  ainsi  l'ilalim  ancien  disait  aigua,  le  catalan 
dit  aygua,  l'espagnol  et  le  portugais  agua. 

Mais  en  français,  où  qu,  c'est-à-dire  c,  pouvait  se  chan- 
ger en  g,  celui-ci  en  v  ou  en  tv,  et  où  toutes  ces  lettres 
pouvaient  disparaître,  aqua  a  dû  naturellement  avoir 
beaucoup  plus  de  dérivés  :  j'en  ai  compté  jusqu'à  sept, 
dont  voici  des  exemples,  rangés  en  autant  de  catégories 
que  la  consonne  lutine  a  subi  de  changements  : 

V  Qu  devenu  g,  comme  en  italien  et  en  espagnol  : 
L'algue  du  cuer  lui  est  es  els  rooniép. 

{Jionctvaux,  48.) 

A  la  cort  ont  l'auge  criée, 
Et  li  vallei  l'ont  apportée  : 
Quant  ont  lavé,  si  sont  asis. 

(i«  ttau  dutonnu dtni  Llttt».) 


Entre  deus  augues  moult  bruians, 
Sist  la  cités,  qui  moult  fu  grans. 

(Tdera.J 

S'aucuns  est  accuseis  qu'il  ait  aucuns  ocliis  et  on  ne  le 
poet  prover  par  tesmongnages  loiaus,  il  se  doitpurgier  del 
fait  par  le  jugement  del  aiguë  froide. 

(Taiiliar,  Becuàl,  p.  491.) 

En  cet  vasciel  l'areideclin 

Fist  Dieux  servir,  A'aige  fait  vin. 

(Phil.  Mouskes,  ms.  383,  dans  Lacurne.) 

2°  Qu  changé  en  v  ou  en  iv,  comme  dans  equa,  cavale, 
qui  se  trouve  sous  les  formes  ive,  iwe  : 
E  s'il  a  en  arere  larecin  amendé,  ait  à  Vewe. 

[Lois  de  Guillaume,  i7.| 

A  !  mult  par  est  la  vie  del  ctiaitif  liumme  grieve. 
Or  est  chalz,  or  est  freiz,  cume  celé  eve  tieve. 

{Th.  le  Martyr,  9Î.) 

Que  ïiave  seul  percer  la  pierre  bise. 

{Couci.  XI.) 

Se  hastoient  les  Anglois  de  passer  cette  Beauce  pour  le 
danger  des  yauves  dont  ils  estoient  à  grand  meschef  pour 
eux  et  pour  leurs  chevaux. 

(Froissart,  H,  69.) 

3°  Qu  disparu  sans  être  remplacé  par  aucune  autre 
consonne,  car  l'exemple  précédent  ainsi  que  le  second 
et  le  troisième  de  la  première  catégorie  montrent  que 
au  faisait  un  son  à  lui  seul  ; 

Et  l'autre  lui  retrempe  de  fresche  eaue  en  son  vin. 

(Berthe,  LV.) 

Si  entendit  bien  le  duc  que  c'estoit  ung  personnage 
forgié,  et  qu'on  venoit  quérir  eau«de  loing  puits. 

IChastellain,  Chron.  des  ducs  de  Bourgogne,  U,  ch.  56.) 

Or,  c'est  celte  transformation  de  aqua,  usitée  encore 
au  commencement  du  xvii'  siècle  (on  la  trouve  dans  le 
Thresor  de  Nicot,  -1606;,  qui  a  fini  par  prévaloir;  et, 
comme  le  picard,  où  se  trouvait  iau,  ieu,  a  eu  une 
grande  influence  sur  le  parler  de  l'Ile-de-France,  on 
retrancha  à  eaue,  mais  à  tort,  son  e,  représentant  légi- 
time de  la  finale  a  de  aqua,  ce  qui  donna  enfin  le  mot 
eau,  dont  la  forme  avait  semblé  pendant  des  siècles 
aussi  indéterminée,  pour  ainsi  dire,  que  celle  du  corps 
qu'il  sert  à  désigner. 

X 
Troisième  Question. 

Lors  de  l'élection  de  M.  Ledru-Rollin,  les  journaux 
ont  dit  :  «  le  déparlement  de  vaucluse,  le  département 

DE  LA  VACCLCSE  ;  LE  VACCLCSE.    »  Le  mot   VADCLDSE  doit-tl 

être  fait  du  genre  masculin  ou  féminin  ? 

En  vertu  du  décret  rendu  par  l'Assemblée  consti- 
tuante le  15  janvier  1790,  la  France  fut  divisée  en  un 
certain  nombre  de  départements,  désignés  par  les 
accidents  géographiques,  rivières,  montagnes,  etc.,  qui 
s'y  trouvaient. 

Mais,  pour  abréger  des  dénominations  qui  eussent 
été  trop  longues,  on  supprima  le  nom  de  l'accident  pour 
ne  conserver  que  le  mot  qui  servait  à  le  spécifier,  et  l'on 
a  dit  : 

Déparlement  de  la  Seine, 

Département  du  Doubs, 

Département  des  Pyrénées-Orientales, 

Département  de  la  Manche, 
désignations  dans  lesquelles  département  est  suivi  de 
la  préposition  de  et  de  l'article  attaché  au  déterminant 


LE  nOURRIER  DE  VAUGELAS 


i9 


de  Taccident,  Seine,  Douhs,  etc.,  comme  il  le  serait  si 
l'expression  otail  complète. 

Or,  quand  on  voulut  désigner  la  nouvelle  division 
dont  Avignon  allait  être  le  chef-lieu,  on  songea  à  la 
fontaine  de  Vaucluse,  célèbre  par  les  vers  de  Pétrarque, 
et  ainsi  nommée  à  cause  du  petit  village  de  Vaucluse 
qui  s'en  trouve  peu  éloigné  ;  puis,  appliquant  un  pro- 
cédé analogue  à  celui  qu'on  avait  suivi  dans  les  déno- 
minations précédentes,  on  a  dit  : 

Département  de  Vaucluse, 

en  n'employant  aucun  article,  puisque  si  le  mot  fon- 
taine entrait  dans  la  phrase,  il  n'en  existerait  pas  entre 
lui  et  Vaucluse. 

Maintenant,  il  arrive  très-souvent  que,  au  lieu  de 
dire  le  département  de,  on  supprime  ce  substantif  pour 
ne  conserver  que  le  mot  désignant  le  déparloment,  avec 
l'article  qui  l'accompagne  : 

Le  Loiret     pour  :  Le  département  du  Loiret. 
La  Seine  —     Le  département  de  la  Seine. 

Les  Landes      —      Le  département  des  Landes. 

Peut-on  dire  aussi  le  Vaucluse,  ou  la  Vaucluse? 

Je  dis  que  non;  et  je  vais  vous  en  donner  la  preuve. 

Pour  que  l'on  pût  dire  le  Vaucluse  ou  la  Vaucluse, 
il  faudrait  que  l'on  pût  dire  le  département  du  Vaucluse 
ou  de  la  Vaucluse,  puisque  l'article  qui  est  devant  le 
nom  d'un  département  vient  du  déterminatif  de  l'acci- 
dent qui  a  fait  dénommer  ce  département. 

Or,  comme  j'ai  établi  précédemment  qu'on  ne  peut 
pas  dire  autrement  que  le  département  de  Vaucluse, 
il  s'en  suit  qu'on  ne  peut  dire  ni  le  Vaucluse,  ni  la 
Vaucluse. 

Ainsi,  dans  quelque  phrase  que  se  trouve  placé  le 
mot  Vaucluse,  pour  designer  un  département,  il  ne  doit 
pas,  quoique  réellement  du  féminin  (car  il  vient  de 
Vallis  clausa,  vallée  close),  il  ne  doit  pas,  dis-je,  se 
trouver  accompagné  de  l'article,  et  les  journaux  où 
vous  avez  recueilli,  à  l'occasion  d'une  élection  récente, 
«  le  Vaucluse,  le  déparlement  du  Vaucluse,  de  la  Vau- 
cluse »  ont  commis  une  grosse  faute  :  ceux-là  seuls  se 
sont  exprimés  correctement  qui  ont  dit  :  «  le  départe- 
ment de  Vaucluse.  » 

X 
Quatrième  Question. 

Au  livre  /T',  c/i.  9  de  pai^tagroel,  Rabelais  a  dit  : 
a  Au  tiers  jours,  à  I'âvlbe  des  mocsches,  nous  apparut 
une  isle  tria mjul aire.  »  Quelle  heure  de  la  journée 
indique  donc  cette  expression-là  ? 

Dans  son  Dictionnaire  de  la  langue  itcdienne.  César 
Oudin  expliquant  Alba  dei  tafani  (l'aube  des  mouches 
au-delà  des  .\lpesl  par  «  le  temps  où  les  mouches 
commencent  à  se  faire  senlir  n,  Le  Duchat  en  a  conclu 
que  cela  signifiait  «  sur  le  soir  »,  et  tous  les  commen- 
tateurs qin  l'ont  suivi  ont  adopté  la  même  explication  : 
on  lit  dans  De  r.Vulnaje  :  Aid)e  des  Mouches,  «  le  soir  » 
et  dans  Paul  Lacroix,  «  sur  le  soir.  » 

Mais  d'a])rès  Génin,  ces  commcnlaleursscsonl  trom- 
pés, et  l\iube  des  mouc/ics  ne  peut  signifier  autre  chose 
que  midi  : 

C'est  quand  la  chaleur  est  le  plus  intense  que  les  mou- 


clies  sont  le  plus  nombreuses  et  le  plus  importunes.  Com- 
ment Le  Ducht  ou  César  Oudin,  son  guide,  outils  pu  dire 
que  les  mouches  se  moni.raient  et  piquaient  surtout  au 
crépuscule  du  soir?  Au  reste,  comme  il  est  bon  en  pareil 
cas  d'avoir  pour  soi,  outre  le  sens  commun  de  l'expérience, 
une  autorité  écrite,  voici  la  mienne.  C'est  Minucci, 
dans  ses  notes  surle  Malmanlile.  Lippi,  dans  la  8'  slance  du 
.V  chant,  s'étant  servi  de  cette  expression  Valba  dei 
tafani,  Minucci  l'explique  i  l'heure  où  le  soleil  est  dans 
toute  sa  force,  et  où  les  taons  piquent  avec  le  plus 
d'âpreté...  Ainsi,  se  lever  à  l'aube  des  taons,  c'est-à-dire  se 
lever  à  midi. 

Quand  Genin  dit  que  Vaube  des  mouches  ne  signifie 
pas  le  soir,  il  a  raison  ;  mais  quand  il  prétend  que 
cette  expression  veut  dire  l'heure  de  midi,  il  a  tort  à 
son  tour,  ce  dont  je  crois  pouvoir  fournir  une  triple 
preuve  : 

i"  L'aube  des  mouches,  c'est  évidemment  le  moment 
où  elles  commencent  à  se  faire  sentir,  parce  que  ces 
insectes,  qui  vivent  de  sang,  doivent  se  mettre  à  piquer 
aussitôt  qu'ils  se  lèvent.  Or,  demandez  à  ceux  qui 
travaillent  aux  champs  ou  qui  gardent  les  troupeaux 
dans  les  pâturages  si  les  taons  attendent  midi  pour 
persécuter  leurs  botes? 

2°  Au  mot  TAFANO,  on  trouve,  au  dire  de  Génin,  ce 
qui  suit  dans  le  dictionnaire  d'.\ntonini  : 

Levarsi  ali  alba  dei  tafani,  che  è  levarsi  tardi,  perciocchè 
queir  animaletto  non  ronza  se  non  è  alto  il  sole. 

(Se  lever  à  l'aube  des  taons,  se  lever  tard,  parce  que 
ce  petit  animal  ne  bourdonne  que  lorsque  le  soleil  est 
haut). 

Or,  comme  il  me  semble  que  ces  mots  «  le  soleil  est 
haut  ))  signifient  tout  simplement  à  une  certaine  hau- 
teur, mais  non  à  la  plus  grande,  j'en  conclus  que 
prétendre  que  Vaube  des  mouches  veut  dire  l'heure  de 
midi,  est  une  grave  erreur. 

3"  Dans  le  dictionnaire  français-anglais  de  Cotgrave 
(1660),  on  trouve  au  mot  mocche  : 

L'aube  des  mouches,  some  two  or  three  hours  after 
sunrise,  or  when  the  sun  begins  to  be  hot. 

(Environ  deux  ou  trois  heures  après  le  lever  du 
soleil,  ou  lorsque  le  soleil  commence  à  être  chaud). 

Or,  comme  au  temps  des  mouches,  il  est  bien  loin 
d'élre  midi  quand  le  soleil  n'est  que  depuis  deux  ou 
trois  heures  sur  l'horizon,  il  est  évident  que  Vaube  des 
mouches  n'est  point  le  milieu  du  jour,  mais  bien  une 
certaine  heure  de  la  matinée. 

Maintenant,  quelle  est  au  juste  cette  heure? 

Rien  de  plus  facile  à  trouver,  après  ce  que  je  viens 
de  dire  : 

Les  mouches  armées  de  suçoirs  qui  piquent  les  gros 
animaux,  les  taons,  pour  les  appeler  par  leur  nom, 
n'apparaissent  qu'au  temps  chaud.  Or,  comme  d'une 
part,  il  n'y  a  guère  de  temps  chaud  que  lorsque  le 
soleil  se  lève  entre  4  et  'i  heures,  et  que,  de  l'autre, 
Cotgrave  nous  dit  que  Vaube  des  mouches  peul  avoir 
lieu  «  trois  heures  »  après  le  lever  du  soleil,  il  en 
résulte  que  le  temps  désigné  par  celte  ex|)rcssion  doit 
être  compris  entre  4  plus  3  heures  et ."»  plus  3  heures, 
c'esl-à-dire  entre  7  et  8. 


20 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


X 

Cinquième  Question. 

Que  veut  dire  l'expression  pater  en  monnaie  de  singe, 
et  d'où,  vient-elle  ? 

Cette  expression  signifie  se  moquer  de  celui  à  qui 
l'on  doit,  au  lieu  de  le  satisfaire,  le  leurrer  de  belles 
paroles  et  de  fausses  promesses.  Elle  vient  de  ce  que 
les  montreurs  de  singes  pouvaient  s'exempter  du  péage 
sur  le  Petit-Pont  de  Paris  en  faisant  jouer  et  danser 
leurs  singes  devant  le  péager. 

Cette  question  a  déjà  élé  traitée  p.  146,  dans  la 
T  année  du  Courrier  de  Vaiujelas. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
J'ai  trouvé  cette  phrase  dans  un  journal  français  : 
«  Vans  George  Dandin  les  sentiments  ne  sont  point  en 
jeu;  IL  n'est  métier  d'aller  chercher  midi  à  quatorze 
heures.  »  Quelle  est  la  signification  de  il  n'est  me'tier? 
Je  ne  trouve  point  cela  expliqué  dans  mon  diction- 
naire. 

Le  mot  métier  vient  du  latin  ministerium,  lequel  a 
donné  en  espagnol  et  en  portugais  mester,  en  italien 
mestiere,  et  en  provençal  mestrier,  mester,  meisteir. 

Quant  à  il  est  métier  lui-même,  il  signifie  il  est 
besoin,  comme  le  prouvent,  et  le  langage  des  habitants 
de  certaines  provinces,  notamment  celui  des  Normands, 
et  les  citations  suivantes,  empruntées  à  noire  vieille 
langue  : 

Bien  li  fu,  meslier  que  il  eust  en  sa  joenesce  laide  de 
Dieu. 

[Joinville,  20:.) 

Dame,  si  vraiement  com  j'en  ai  grant  meslier. 

IBerle,  XXXI.X.) 

Et  si  elle  les  testa  et  gracia  grandement,  ce  n'est  pas  de 
merveilles,  car  elle  avait  bien  meslier  de  leur  venue. 

(Froissart.  1,  I,  177. J 

Hz  entendoient  très  bien  comment  il  falloit  conduire 
telles  brigues,  et  par  importunitè  de  crieries  et  de  voyede 
faict,  si  meslier  cstoil,  obtenir  ce  qu'ilz  vouloient. 

(Amyot,  Pnul  EmiU^  60.) 

Après  cela,  il  est  à  peine  nécessaire  de  vous  dire  que 
)■/  n'est  métier  signifie  :  il  n'est  pas  besoin  ;  mais  il  l'est 
essentiellement  de  vous  faire  remarquer  que  c'est  une 
expression  liors  d'usage  depuis  le  xvr'  siècle,  et  que, 
par  conséquent,  vous  devez  vous  abstenir  de  l'em- 
ployer. 

X 
Seconde  Question. 

Je  lis  ceci  dans  le  dictionnaire  dr  Boisir  :  «  bossuer, 
faire  des  busses  à  la  vaisselle  »,  et  plus  haut  :  «.  bosse- 
ler, travailler  en  bosse;  bossiieh  la  vaisselle.  »  Est-il 
donc  indifférent  de  dire,  par  exemple,  bosseler  i:ne 

CAFKTIKBK  OU  BOSSUER  UNE  CAFETIÈRE? 

Règle  générale,  tous  les  substantifs  de  notre  langue 
en  osse  ont  fait  leur  verbe  en  ajoutant  une  r  : 


Brosse  adonné  Brosser, 
Rosse  —  Rosser, 
Crosse       —      Crôsser. 

Mais  bosse  a  élé  lobjet  d'une  sorte  d'exception,  car 
non-seulement  il  a  eu  pour  verbe  bosser,  mais  encore 
bosseler  (d'abord  sous  la  forme  boverer),  comme  le 
prouvent  ces  citations  prises  dans  nos  anciens  au- 
teurs : 

(Bosser) 
Tableaux,  tapisseries  eslevées  et  bosse'es  d'or  et  d'argent. 

(Ronsard,  585.) 

La  nape  grande  et  large  est  couverte  de  plas 

Entaillez  en  burin,  où  s'enlevoient  bossdes 
Des  Dieux  et  des  Titans  les  victoires  passées. 

(Idem,  9oa.) 

iBosseler) 

Tous  plains  de  nouz  et  bocére's 
Fu  li  ars  dessous  et  dessore. 

(ia  Hose,  916.J 

Aucunes  fois  aussi  les  os  se  cavent  et  bossellenl,  comme 
l'on  voit  aux  pots  d'estain  et  de  cuivre. 

(Paré,  XIII,  I.) 

Tels  meubles  sont  jettes  sur  le  pavé  indiscrètement,  où 
ils  se  bosselent  et  percent. 

Vers  la  fin  du  xvr  siècle,  ainsi  du  moins  que  je  le 
présume,  bosser  tomba  en  désuétude;  et,  comme  s'il 
eût  élé  dans  la  destinée  de  bosse  d'avoir  toujours  à  la 
fois  deux  verbes  pour  dérivés,  on  lui  en  créa  un  troi- 
sième, bossuer,  que  je  trouve  pour  la  première  fois  dans 
Cotgrave  (I6G0),  et  qui  a  figuré  depuis  dans  la  plupart 
des  dictionnaires  avec  le  sens  restreint  de  faire  des 
bosses  à  des  vases  de  métal. 

.Mais  bosseler  n'a  pas  cessé  pour  cela  de  s'employer, 
car  r.\cadémie,  gardienne  de  l'usage,  admet  encore 
bosseler  dans  le  sens  de  bossuer,  et  surtout  avec  le 
pronom  personnel.  D'où  je  conclus  que,  sans  risquer 
de  commettre  une  faute,  on  peut,  sous  l'égide  de  cette 
grande  autorité,  dire  aussi  bien  bosseler  une  cafetière 
que  bossuer  une  cafetière. 

Cependant,  je  ne  crois  pas  que  ces  deux  expressions 
se  vaillent  ;  à  mon  avis,  bosseler  l'emporte  de  beaucoup 
sur  bossuer,  pour  les  raisons  que  voici  : 

1°  Tous  les  verbes  qui  appartiennent  aux  substantifs 
en  os.fe  ayant  été  formés  directement  de  ces  substantifs, 
le  verbe  bossuer,  formé  de  l'adjectif  bossu,  contre  l'ana- 
logie, ne  peut  être  considéré  comme  une  bonne  expres- 
sion. 

2"  Bosse  ayant  aussi  le  sens  de  enfonçure,  bosseler 
signifie  naturellement  faire  des  enfoncements;  mais 
bossuer,  formé  de  bossu,  qui  implique  seulement  l'idée 
de  proéminence,  ne  signifie  que  par  convention  faire 
des  bosses  en  creux:  sa  véritable  signification,  c'est 
faire  des  bosses  en  relief, 

30  Bosseler  a  fourni  tous  les  dérivés  que  peut  avoir 
un  verbe;  bossuer,  lui,  n'a  pu  en  donner  aucun,  de 
sorte  qu'après  avoir  dit,  par  exemple  :  je  viens  de 
bo.'^suer  celle  timbale,  on  est  oblige  de  dire  :  labosselure 
n'est  pas  grave,  anomalie  ([ui  n'existe  point  avec 
bosseler. 

11  y  a  des  lexicographes  qui  veulent  que,  dans  le  cas 
actuel,  on  dise  bossuer  et  non  bosseler,  qu  ils  regardent 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


21 


comme  une  faule  ;  mais  j'estime  que  s'ils  eussent 
examiné  de  plus  près  chacun  de  ces  deux  verbes,  ils 
auraient  émis  une  tout  autre  opinion  sur  leur  emploi. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

r  ...  qui  se  sont  disputé  le.  pouvoir;  —  2°  ...  au  moins  en 
parlie  au,  nouvel  anibassadenr;  —  3'  ...  dont  nous  soyons  me- 
nacés ;  —  4"  ...  que  pas  un  Je  nos  généraux  ne  pcnsAl  ;  —  5'  11 
est  peu  d'animaux  qui  varient  autant  dans  leur  pelage;  — 6"... 
cela  ne  laisse  pas  d'être  (le  Courrier  de  Vaugelns,  4"  année, 
p.  155,  a  démontré  qu'il  ne  faut  y—  di™  'Ve  pas  laisser  que  de)  : 
—  7°  ...  de  sentimentalisme,  voire  d'humanité  (pas  de  même)  ;  — 
8°  ...  à  d'autres  que  ceux  (sans  à,  comme  l'a  fait  voir  le  Cour- 
rier de  Vaugelas,  3«  année,  p.  74)  ;  —  9°  ...  et  des  paroles 
quelque  fermes  et  bien  tournées  qu'elles  soient  ;  —  10°  ...  quoi- 
qu'elles ne  visassent  en  réalité;  —  11°  ...  de  la  Commune  ne 
vinssent. 

Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  Ceux-là  polissent  leurs  armes,  plus  loin  le  soldat- 
cuisinier  veillant  avec  sollicitude  à  la  marmite,  et  la  faisant 
bouillir,  grâces,  selon  son  expression,  au  soufflet  du  bon 
Dieu. 

2°  Il  n'y  a  pas  jusqu'à  la  géographie  européenne  que 
notre  auteur  ne  travestit  à  son  gré.  11  invente  des  altesses, 
crée  des  marquisats,  plante  des  rois  à  la  Rabelais  sur  des 
trônes  fictifs. 

3°  Le  cidre  doux  en  bouteille  poussait  sa  mousse  épaisse 
alentour  des  bouchons,  et  tous  les  verres,  d'avance,  avaient 
été  remplis  de  vin  jusqu'au  bord. 

4°  Au  moment  ou  nous  terminons  les  quelques  mots  ci- 
dessus,  quelques  habitants  de  la  rue  Neuve-Coquenard 
viennent  se  plaindre  à  nous  de  ce  que  depuis  six  heures 
du  matin  des  marchands  des  quatre  saisons  fassent  reten- 
tir les  échos  de  cette  rue  paisible. 

5°  Et  effectivement,  le  sorbier,  comme  l'amandier,  le 
pêcher,  etc.  est  un  des  premiers  arbres  qui  montre  ses 
fleurs  au  printemps. 

6*  Je  cite  mon  auteur  d'abord,  parce  qu'ainsi  le  veut  la 
délicatesse,  et  aussi  parce  qu'il  pourrait  se  faire  que  le 
mot  tasse  monter  à  l'échafaud  celui  qui  l'a  créé  et  mis  au 
monde. 

7°  L'élève  Durand  apparaît.  11  a  douze  ans,  ;est  fort  mal 
peigné,  porte  une  veste  et  un  pantaloa  trop  courts,  des 
bottines  hérissées  d'élastiques  rompues  ;  ses  poches  sont 
gonflées  de  balles,  mouchoirs,  toupies,  etc. 

8°  Il  vient  de  paraître,  aux  bureaux  du  Journal  de 
l'arrondissement  de  Montmédij,  les  deux  premières  livraisons 
d'un  ouvrage  appelé  à  un  grand  succès. 

9*  Pour  arriver  jusqu'au  trône,  il  avait  foulé  sous  ses 
pieds  des  cadavres  français  étendus  par  cent  mille,  depuis 
les  plaines  de  Leipzig  jusqu'à  celles  de  Montereau. 

10°  Voilà  à  quels  expédients  il  faut  avoir  recours  pour 
accomplir,  malgré  le  pays  et  sa  volonté  bien  expresse,  une 
restauration  plus  difhcile  encore  de  faire  durer  qu'à  décié- 
ter  et  à  établir. 

11"  11  faut  avoir  vécu  de  la  vie  militaire  pour  savoir 
combien  le  tabac  est  indispensable  aux  soldats;  la  plupart 
d'entre  eux  préféreraient  se  passer  de  manger  que  de 
fumer. 

\ï°  .Nous  avons  examiné  ces  chiflVes  avec  la  plus  grande 
attention.  De  ces  examens,  il  est  ressorti  clairement  que 


le  citoyen  Lefebvre  était  en  parfaite  harmonie  avec  la 
situation  de  notre  trésorier. 

13°  Une  lettre  du  ministre  de  la  marine,  arrivée  au  Havre, 
a  ordonné  qu'une  enquête  soit  ouverte  au  bureau  de  la 
marine  pour  entendre  les  officiers  et  l'équipage  de  l'Amé- 
rique. 

14°  Nul  n'ignore  que,  depuis  longues  années,  le  rêve  de 
M.  de  Bismarck  était  de  soustraire  absolument  les  mouve- 
ments des  fonds  de  guerre  au  contrôle  gênant  des  repré- 
sentants de  la  nation. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVllI'  SIÈCLE. 

Antoine  OUDIN. 

(Suite.) 

01,  OY  —  Cette  diphthongue  se  prononce  comme  œ 
ouvert,  ou  bien  comme  oai,  dans  les  infinitifs  en  oir  : 
concevoir,  concerner  ;  appercevoir,  appercevoer. 

De  même  au  milieu  et  à  la  fin  des  mots,  et  princi- 
palement dans  les  monosyllabes  comme  trois,  noix, 
Jloy,  foij,  loy,  boire,  poire,  qui  sonnent  Iroes,  noes, 
Roe,  foe,  loe,  boere,  pocre. 

Dans  les  imparfaits,  il  faut  la  prononcer  comme  ai 
ou  comme  e  fort  ouvert  :  i'aimois,  je  voulois,  je  ferais, 
lisez  :  y  aimais,  je  voulais,  je  ferais;  et  il  en  est  de 
même  dans  le  subjonctif  soi/,  et  dans  l'indicatif  croit. 

«  Davantage  »  dans  ces  mots  :  adroit,  droit,  froid, 
estroit,  courtois,  François,  courtoisie,  car  il  est  plus 
doux  et  plus  «  mignard  »  de  les  prononcer  adrait, 
droit,  esirait,  courtais.  Français,  courtoisie.  Cependant 
droit  se  prononce  droet  quand  il  est  substantif. 

Devant  </«.  on  prononce  oi  comme  o  simple  :  soigner, 
soigneux,  dites  sogner,  sogneiix. 

Nettoyer  se  prononce  ordinairement  nettoyer. 

EAU  —  Celte  diphthongue,  précédée  d'un  t,  doit  faire 
entendre  un  peu  de  Ve,  mais  «  délicatement  »  :  batleau, 
coutteau. 

Elle  se  sépare  dans  heaume,  qui  sonne  he-aume. 

lEU  —  Se  sépare  en  deux  dans  les  adjectifs  terminés 
par  ieux  :  dévot ieux,  audacieux,  ainsi  que  dans  les 
mots  qui  dérivent  des  verbes  en  ier,  comme  scieur, 
crieur,  prieur.  Sieur  suit  la  même  règle,  mais  non 
monaicur. 

OUA  —  se  prononce  en  une  seule  sjllabe  :  poiiacre. 

DE    L'iCCENT   ET    DE    LA    QUANTITÉ. 

Les  grammairiens  français  ont  cru  qu'il  était  difficile 
de  former  des  règles  pour  l'accent,  et  cependant  Antoine 
Oudin  en  trouve  beaucoup  qui  sont  générales.  Il  les 
expose  ;  elles  ne  difièrent  presque  pas  de  celles  que  nous 
avons  aujourd'hui. 

DE    L'APOSTKOrHE. 

L'apostrophe  se  met  au  lieu  de  Ve  féminin  à  la  fin  de 
tous  les  monosyllabes  quand  suit  un  mot  commençant 
par  une  voyelle  ;  l'un,  d'autre,  c'est,  qu'entre,  m'en- 


22 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


tendez-vous,  n  aimez-vous  pas,  etc.  H  faut  ajouter  ici 
prend' homme  et  prend' hommie. 

Il  }■  a  exception  pour  ce  mis  pour  cela  ;  on  dil  consi- 
dérez ce  en  quoy  il  vous  contredit. 

Quand  le  mot  terminé  par  e  féminin  est  de  plus 
d'une  sjllabe,  on  fait  l'élision  de  cet  e  sans  marquer 
l'apostrophe,  excepté  dans  quelque,  chaque,  dans  ceux 
qui  sont  composés  de  la  conjonction  que,  et  dans  les 
prépositions  entre  et  contre  mises  en  composition  : 
quelqu'un,  chaqu'un,  jusqu'au  temps,  entr'ouvrir, 
contr' opposer. 

On  la  met  après  \'i  de  la  conjonction  si  quand  ceile- 
ciest  suivie  de  il  :  s'il  s'ils,  et  quelquefois,  en  poésie, 
devant  elle,  on  :  on  écrit  i'e/fe,  s'on. 

Il  y  a  encore  quelques  mots  qui  s'apostrophent  : 
grand'  pour  grande,  pri'  ^onr  prie,  gard'  pour  garde, 
suppli'  pour  supplie,  souci'  pour  soucie. 
DE  l'article. 

On  distingue  les  articles  en  défmis  et  en  indéflnis. 
Antoine  Oudin,  après  en  avoir  donné  la  déclinaison,  et 
nous  avoirinformé  que  les  auteurs  modernes  bannissent 
entièrement  es,  tant  eu  parlant  qu'en  écrivant,  passe  à 
l'application  générale  des  articles. 

Les  inflnitifs  subslanlifiés  reçoivent  l'article  défini  : 
le  boire,  le  manger,  le  dormir. 

En  parlant  des  parties  du  corps,  on  emploie  l'article 
défini  au  lieu  de  l'adjectif  possessif  :  le  cœur  me  fait 
mal,  elle  s'e.^t  blessée  à  la  jambe,  et  non  mon  cceur  me 
fait  mal,  elle  s'est  blessée  à  sa  jambe.  On  dit  toutefois 
il  porte  sur  le  front  ou  sur  son  front. 

Quand  le  nom  sainct  se  rencontre  avec  les  noms  rue, 
bourg,  (aux/wurg,  on  n'y  met  point  d'article  :  la  rue 
Sainct  Anthoine,  le  fauxbourg  Sainct  Germain. 

Avec  les  adjectifs  employés  «  absolument  »,  après  la 
particule  en,  on  ne  met  pas  d'article  défini  :  //  y  en  a 
d'autres  et  non  des  autres. 

L'adverbe  bien  employé  pour  beaucoup  prend  l'article 
défini  :  bien  du  pouvoir  ;  et  il  en  est  de  même  de  son 
composé  très-bien. 

Il  faut  se  garder  d'user  de  phrases  comme  celles-ci  : 
le  logis  à  Jacques,  le  laquais  à  Monsieur,  pour  le  logis 
de  Jacques,  le  laquais  de  Monsieur  (1033'. 

Il  ne  faut  pas  dire  non  plus  :  je  vous  feray  tancer  à 
Madame,  mais  bien  par  Madame. 

Nous  ajoutons  par  bonne  grâce  un  article  (la  prépo- 
sition de)  à  l'infinitif  :  de  dire  que  cela  soit  arrivé  de  la 
sorte  ;  de  voir  qu'il  est  comme  je  dis. 

Avec  les  noms  des  saisons  ou  temps  de  l'année,  on 
sous-enlend  très-bien  pendant  ;  on  dit  :  on  ne  mange 
point  de  chair  k  carnne  ;  on  ne  marie  point  l' Ad  vent. 

Le  et  la  se  mettent  quelquefois  pour  un,  une,  comme 
dans  :  //  n'a  pas  le  sol,  il  n'a  pas  la  maille. 

Il  faut  noter  ces  phrases  :  trente  dr  payez,  vingt  de 
chassez,  pour  qui  ont  esté  payez,  etc. 

Antoine  Oudin  signale  ici  des  substantifs  qui  s'em- 
ploient sans  article  après  le  verbe  dont  ils  sont  les 
compléments;  en  voici  quelques-uns  qui  n'existent  plus 
dans  la  langue  actuelle  :  Avancer  puis,  avoir  opinion, 
boire  chojune,   courir   danger,   donner  charge,  faire 


butin,  faire  conscience,  faire  conte,  faire  force,  joiier 
partie,  ouir  messe,  rendre  combat,  retenir  place. 

DC   GEHEE   DES    NOMS. 

Antoine  Oudin  donne  des  règles  basées  sur  la  signi- 
fication et  d'autres  basées  sur  les  terminaisons.  Dans 
ces  dernières,  il  signale  duché  et  comté  comme  se  pre- 
nant mieux  au  féminin,  ei archevesché  e\, evesché coram^ 
plutôt  du  masculin  (1633). 

Vient  une  liste  de  substantifs  en  e  muet  dont  le  genre 
n'est  pas  encore  bien  fixé,  liste  où  sont  indiqués  les 
substantifs  d'un  genre  douteux,  ceux  qui  vont  mieux  au 
masculin  ou  au  féminin.  J'y  trouve,  par  exemple,  que  : 

Foudre  est  de  genre  indifférent. 

Horloge  est  plus  à  propos  du  masculin. 

&uide  sonne  mieux  au  féminin. 

Beste  est  féminin  dans  l'expression  à  toute  reste. 

Unisson  est  toujours  du  féminin. 

Flandres  s'écrit  avec  une  .s  à  la  fin,  mais  jamais  ainsi 
quand  il  est  écrit  avec  l'article  la. 

Minuict,  sans  article,  passe  aussi  pour  masculin, 
mais  autrement  on  dit  la  minuict. 

QUELQUES   FE'MININS   TIRÉS   DES   MASCULIMS. 

Menteur  fait  menteuse  et  non  menteresse. 

Procureur  (a'd procureuse  et  non  procuratrice. 

Lévrier  fait  levrette. 

Nourrisson  ne  se  prend  jamais  activement  pour  celui 
qui  nourrit,  mais  passivement  pour  un  enfant  en 
nourrice  ;  et  nourrissonne  ne  se  dit  point. 

Parmi  les  féminins  des  noms  propres,  je  remarque 
Claudine  qui  vient  de  Claude  ;  Jacqueline,  de  Jacques; 
Tiennette,  de  Estienne  ;  Thomasse,  de  Thomas. 

DC    FÉMIMX   DES   ADJECTIFS. 

Dans  cet  endroit,  je  trouve  ce  qui  suit  : 

Crud  et  nud  font  par  exception  crUe  et  nue,  et  verd 
a  pour  féminin  verte  et  non  verde. 

Chresfien  îai'û  chrestienne  ;  mais  les  autres  terminés 
en  n  ne  reçoivent  qu'un  e  :  certain,  certaine. 

Bénin,  chagrin  et  malin  ont  pour  féminin  bénigne, 
chagrigne  et  maligne. 

L'adjectif  coulis  a  pour  féminin  coulisse. 

Ceux  qui  sont  terminés  en  t  doublent  cette  consonne 
avant  Ve  muet  :  net,  nette;  plat,  plaite  ;  sot,  sotte; 
mais  ceux  qui  le  sont  en  ani  ou  en  ent  ne  prennent 
qu'un  e  :  prudent,  prudente. 

Les  suivants  courtaul,  lourdaut,  noiraut,  ruslaut  et 
sourdaut  font  au  féminin  :  courtaude,  noiraude,  etc. 

Confez  a  pour-féminin  confesse. 

DE    LA   FORMAIIO.^    DC   PLURIEL. 

Tous  les  noms  terminés  au  singulier  par  un  e  fémi- 
nin (muet)  prennent  une  s  au  pluriel  :  chambre, 
chambres  ;  mais  ceux  qui  se  terminent  par  un  e  mas- 
culin prennent  un  ;  :  botté,  h'illcz;  beauté,  beautez. 

Les  noms  en  al  et  en  ail  font  ordinairement  leur 
pluriel  en  aux  ou  aulx;  excepte  les  suivants  :  bocal, 
bticdls  ;  attirail,  attirails  ;  mail,  mails  ;  bal,  bals  ;  mais 
le  pluriel  de  ce  dernier  n'est  guère  en  usage. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  RÉDACiEUE-GÉiuiiT  :  Ejun  ALYRTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


23 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine 


Les    Coups   d'épée    de    M.    de    La   Guerche  ;  par 

Amédée  Achard.  Nouvelle  édition.  In-18  jésus,  ^22  p. 
Paris,  iib.  Michel  Lévy  frères.  3  fr.  50. 

L'Homme  des  bois;  par  Elie  Bertliet.  Edition  illustrée 
de  15  gravures.  In-18,  3i8  p.  Paris,  Iib.  Degorce-Cadot. 
2  fr. 

Le  Tambour  de  la  32°  demi-brigade;  par  Ernest 
Capendu.  Edition  illustrée  de  nombreuses  vignettes  sur 
bois.  In-i"  à  2  col.,  224  p.  Paris,  Iib.  Benoist  et  Cie.  3  fr. 

Les   rues    et    les  cris  de  Paris  au  XIII"  siècle, 

pièces  historiques  publiées  d'après  les  manuscrits  de  la 
Bibliothèque  nationale,  et  précédées  d'une  étude  sur  les 
rues  de  Paris  au  xiii"  siècle;  par  Alfred  Franklin,  de  la 
bibliothèque  Mazarine.  Petit  ln-8°,  209  p.  Paris,  Iib.  Willem 
Daffis.  5  fr. 

Les  Marges  du  Code.  La  Belle  Olympe;  par  Charles 
Monselet.  2«  édition.  In-18  jésus,  340  p.  Paris,  Iib.  Dentu. 
3fr. 

Par-dessus  la  haie  ;  par  Mme  de  Stolz.  Ouvrage 
illustré  de  56  gr.  par  A.  Marie.  2°  édition.  In-18  jésus, 
313  p.  Paris,  Iib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  25. 

La  vie  manquée  ;  par  Th.  Bentzon.  Gr.  in-18,  351  p. 
Paris,  Iib.  Nouvelle.  3  fr.  50. 

Les  Musiciens  célèbres  depuis  le  xvr  siècle  jusqu'à 
nos  jours;  par  Félix  Clément.  Ouvrage  illustré  de  àti  por- 
traits gravés  à  l'eau-forte  par  Masson,  Deblois  et  Massard, 
et  de  trois  reproductions  héliographiques  d'anciennes  gra- 
vures par  A.  Durand.  2"  édition,  revue  et  augmentée.  Gr. 
ln-8»,  xi-664  p.  Paris,  Iib.  Hachette  et  Cie.  12  fr. 

Récits  de  la  vieille  France.  François  Buchamor  ; 


par  Alfred  Assolant.  In- 12,  438  p.  Paris,  Iib.  Delagrave. 
2  fr. 

Discours  sur  l'histoire  universelle;  par  Bossuet. 
Edition  classique,  accompagnée  de  notes  et  de  remarques 
grammaticales,  historiques  et  littéraires,  par  E.  Lefranc, 
ancien  professeur  au  collège  Roilin.  Paris,  Iib.  Jules  Dela- 
lain  et  tils.  In-12,  xn-Zi88  p.  2  fr.  50. 

Œuvres  complètes  de  P.  Corneille.  Œuvres  choisies 
de  Thomas  Corneille.  T.  3.  In-18  jésus,  407  p.  Paris,  llb. 
Hachette  et  Cie.  1  fr.  25. 

Contes  contadins.  Les  Fonds  perdus.  Germain 
Barbe-Bleue.  Jean  des  Baumes;  |iar  Henry  de  la 
Madeleine.  In-18  jésus,  yi-301  p.  Paris,  llb.  Charpentier  et 
Cie.  3  fr.  50. 

Le  Diable  boiteux;  par  Le  Sage.  Nouvelle  édition, 
complète,  précédée  d'une  notice  sur  Le  Sage  par  Sainte- 
Beuve.  In-18  jésus,  xxxvui-396  p.  Paris,  Iib.  Garnier 
frères. 

Jean    qui    grogne    et   Jean    qui    rit;  par  Mme  la 

comtesse  de  Ségur,  née  Rostopchine.  Ouvrage  illustré  de 
70  vignettes  par  H.  Castelli.  5»  édition,  ln-18  jésus,  414  p. 
Paris,  iib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  25. 

Essais  de  critique  et  d'histoire;  par  H.  Taine, 
3'  édition.  Iu-18  jésus,  xxxii-460  p.  Paris,  Iib.  Hachette  et 
Cie.  3  fr.  59. 

Couronne  poétique  de  la  Lorraine.  Recueil  des 
morceaux  écrits  en  vers  sur  des  sujets  lorrains;  par 
P.  G.  de  Dumast,  l'un  des  trente-six  de  l'Académie  de  Sta- 
nislas.  Gr.  in-8°,  x-356  p.  Paris,  Iib.  Berger-Leviault. 


Publications  antérieures  : 


LES  ÉCRIVAINS  MODERNES  DE  LA  FRANCE,  ou 
Biographie  des  principaux  écrivains  français  depuis  le  pre- 
mier Empire  jusqu'à  nos  jours.  —  A  l'usage  des  écoles  et 
des  maisons  d'éducation.  —  Par  D.  Roxnefon.  —  Paris, 
librairie  Sandoz  et  Fischbacher,  33,  rue  de  .Seine. 


MANUEL  D'HISTOIRE  DE  LA  LITTÉR.\TURE 
FR.A.NÇA1SE,  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours,  à 
l'usage  des  collèges  et  des  établissements  d'éducation.  — 
Par  F.  M.\RciLL.\c,  maître  de  littérature  à  l'École  supé- 
rieure des  jeunes  filles  à  Genève.  —  Seconde  édition,  re- 
vue et  corrigée.—  Genève,  chez  H.  Georg,  libraire-éditeur. 


sur  bois  de  l'édition  originale.  —  N"  X'VI  du  Cabinet  du 
BrBLiopHiLE. — 4  vol.  in-16,  format  deVlIeplamëron,  tirés 
à  400  exemplaires  sur  papier  de  Hollande.  —  Prix  :  10  fr. 
le  volume.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue 
Saint-Honoré. 


LES  ÉCRIVAINS  CÉLÈBRES  DE  LA  FRANGE,  de- 
puis les  origines  de  la  langue  jusqu'au  xix*  siècle.  —  Par 
D.  BoNNEFo.N.  —  Paris,  librairie  Sandoz  et  Fischbacher, 
33,  rue  de  Seine. 


LES  MARGUERITES  DE  LA  MARGUERITE;  poé- 
sies de  la  reine  de  Navarre,  réimprimées  avec  les  gravures 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  MOTS  DE 
LA  LANGUE  FRANÇAISE  dérivés  de  l'arabe,  du  persan 
ou  du  turc,  avec  leurs  analogues  grecs,  latins,  espagnols, 
portugais  et  italiens.  —  Par  A. -P.  Pih\n,  ancien  prote  de 
la  typographie  orientale  h  l'Imprimerie  impériale,  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur.  —  Paris,  librairie  de  Chal- 
lamel  aillé,  30,  rue  des  Boulangers. 


24 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


PRÉCIS  DE  L'HISTOIRE  DE  LA  LANGUE  FRAN- 
ÇAJSE  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours.  —  Par 
A.  Pélissier,  professeur  de  l'Université.  —  2=  édition, 
revue  et  augmentée  de  textes  anciens,  avec  introduction 
et  commentaires.— In-12,  3ii8  p.  —Paris,  librairie  Didier 
et  Cie,  38,  quai  des  Augustins. 


DE  LA  FORMATION  DES  NOMS  DE  LIEU,  traité 
pratique  suivi  de  remarques  sur  les  noms  de  lieu  fournis 


par  divers  documents.   —  Par  J.  Quicherat.  Petit  in-8° 
—  Paris,  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Bichelieu. 


PROPOS  RUSTIQUES,  BALIVERNES,  CONTES  ET 
DISCOURS  D'EUTRAPEL.  —  Par  Noël  du  Fail,  seigneur 
de  la  Hérissaye,  gentilhomme  breton.  —  Edition  annotée, 
précédée  d'un  essai  sur  Noël  du  Fail  et  ses  écrits.  —  Par 
Marie  Guichabd.  —  Paris,  librairie  Charpentier,  19,  rue  de 
Lille. 


9B3 

DE    LA 

LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

PAR 

DÉsmÉ  NISARD,  Membre  de  l'Académie  française. 

Quatre  volumes  in-18  jésus  de  plus  de  400  pages  chacun. 

1er  1,0/   ;  Dgs  orlglnes  jusqu'au  xvii«  siècle  ;  —  1"  vol.  :  Première  moitié  du  xvii'  siècle  ;   —  3'=  vol.  :    Seconde 
moitié  du  xyii"  siècle  ;  —  W  vol.  :  Le  xviii^  siècle  avec  un  dernier  cliapitre  sur  le  xix". 

Cinquième  Edition. 

Prix  de  l'ouvrage   :   16  francs. 

SE  TROUVE  A   PARIS 
A  la  librairie  de  Firmin  Didot  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 

RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Professeurs  français  qui  désirent  trouver  des  places  à  l'étranger. 


AGENCES   AUXQUELLES    ON   PEUT   S  ADRESSER    : 

A  PAJÎIS  :  M.  Pelletier,  116,  rue  de  Rivoli;  —  Mme  veuve  Simonnot,  33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin.  —A  LONDRES: 
Miss  Gray,  35,  Baker  Street,  Portman  Square  ;  —  A  NEW-YORK  :  M.  Schermerhorn,  Zi30,  Broom  .Street. 

JOURNAUX  POUR  DES  ANNONCES  : 

VAmericmi  Regisler,  destiné  aux  Américains  qui  sont  en  Europe  ;  —  le  Galignani's  Messenger,  reçu  par  nombre  d'Anglais 
qui  habitent  la  France  ;  —  le  Wekker,  connu  par  toute  la  Hollande;  —  le  Journal  de  St-Pétersbourg,  très-répandu 
en  Russie  ;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Hartvvick,  390,  rue  Saint-Honoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 

Appel  aux  j)rosaleurs. 

L'Académie  française  décernera  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  Jouy,  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  fondatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
vation, soit  d'imagination,  soit  de  critique,  et  ayant  pour  objet  l'étude  des  mœurs  acluelles.  —  Les  ouvrages  adressés 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  de  trois  exemplaires  avant  le  1"  janvier  1875. 


Appel  aux  poètes. 

Le  prix  de  600  fr.  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan  de  la  Roche,  avec  le  concours  de  la  ville  d'Annecy,  sera 
décerné  par  la  Sor.iiiTÉ  Florimontane  en  juillet  187Z(.  —  Le  choix  des  objets  à  traiter  est  laissé  aux  concurrents.  —  Les 
pièces  de  poésie  doivent  être  inédites  et  écrites  en  langue  française.  —  Les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera 
répétée  il  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Sont  seuls  admis  à  concourir  : 
1°  les  nationaux,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane,  et  2»  les  étrangers,  membres  effectifs  ou 
correspondants  de  cette  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane 
avant  le  1°'' juillet  1874. 

Le  douzième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  l"' juin  187/i.  —  Six  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  ■^  M.  Evariste  Carrance,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espagne,  ;"i  Itordinnix  (Girond.-).  —  Affranchir. 


Le  réilacleiir  du  Courrier  dr  l'ouf/das  est  visible  à  suii  bureau  de  widi  à  une  heure  rt  dii/iir. 
Imprimerie  GuuvER^Ecn,  G.  Daupei.ev  à  Nogent-le-Rolrou. 


5>  Année. 


N°   4. 


15  Mai  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


^« 


^^^^ 


^"^ 


DE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Journal  Serni-Metisuel 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Paraiaiant    1«    1"  ot   la    IS    de   eba«a«  moia 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Oflicier  d'.Xcadémie 
36,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sar  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adm' 
M.  FiscHBACHER,  33,  rue  de  Seine. 


SOM.MAIRE. 
Communication  sur  Sortir  d'un  emploi  le  bdton  blanc  à  la  main; 
—  Origine  et  explication  du  proverbe  Chercher  midi  à  qua- 
torze heures;—  Élymologie  du  mot  Bistouri;—  La  meilleure 
orthographe  de  Fier-à-bras  ;  —  Pourquoi  on  aspire  10  dans 
Onze  et  Onzième;  —  D'où  vient  Saperlipopette  ;  —  Pourquoi 
Casser  sa  pipe  veut  dire  mourir.  ||  Si  une  femme  peut  être 
qualifiée  de  Biche  émissaire;  —  Origine  de  Battre  la  cam- 
pagne ;  —  D'où  vient  le  Calino  des  journaux  parisiens.  || 
Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie  i' Antoine 
Oudin.  Il  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Ren- 
seignements aui  professeurs  français  qui  désirent  se  placer  en 
Angleterre.  Il  Concours  littéraires. 


FRANCE 

COMMUMGATION. 

Dans  le  mois  d'interruption  qui  a  précédé  la  publi- 
cation de  la  5°  année  de  ce  journal,  j'ai  reçu  la  lettre 
suivante,  dont  je  remercie  sincèrement  l'auteur  : 

Monsieur, 

J'ai  lu  avec  le  plus  grand  plaisir  l'explication  que  vous 
donnez,  dans  votre  numéro  du  21,  relativement  à  l'origine 
toute  militaire  de  l'expression  Sortir  d'un  emploi  avec  le 
bâton  blanc;  mais  il  me  reste  encore,  au  sujet  de  celte 
expression,  une  chose  à  vous  demander.  Croyez-vous  que 
l'on  en  ait  bien  réellement  donné  le  sens  dans  les  diction- 
naires? J'en  doute;  car  je  lis  ce  qui  suit  dans  le  Diction- 
naire des  armées  de  terre  et  de  mer.  que  vous  citez  vous- 
même  dans  votre  article  : 

t  En  général,  dans  le  xvir  siècle,  on  ne  regardait  comme 
honorables  que  les  Capitulations  obtenues  par  les  garnisons 
à  qui  il  était  accordé  de  rejoindre  avec  armes  et  bagages, 
mèches  allumées,  balle  en  bouche,  leur  armée,  et  non 
avec  le  bâton  blanc  à  la  )Hai/î, c'est-à-dire  la  pique  sans  fer, 
comme  on  disait  et  comme  on  faisait  au  xv  siècle,  i 

On  devrait,  il  me  semble,  attacher  une  idée  de  déshon- 
neur à  l'expression  figurée  dont  il  s'agit,  et,  en  consé- 
quence, ne  l'employer  qu'en  mauvaise  part. 

Qu'en  penspz-vous? 

■Veuillez  agréer.  Monsieur,  avec  mes  témoignages  de 
sympathie  pour  votre  excellente  publication,  l'expression 
de  ma  considération  distinguée. 

In  de  vos  abonnés. 
Je  suis  entièrement  de  l'avis  de  la  personne  qui  m'a 


adressé  la  lettre  précédente  ;  mais  la  véritable  origine 
de  Sortir  d'un  emploi  le  bùlon  blanc  à  la  main  n'ayant 
été  donnée  que  fort  tard  (elle  n'est  pas  dans  La  Mésan- 
gère,  4823),  et  cette  expression  ne  s'étant  employée  pen- 
dant plusieurs  siècles  qu'avec  la  signification  de  quitter 
un  emploi  dans  un  complet  dénuement,  je  crois  qu'il 
serait  vainement  tenté  aujourd'hui  d'en  restaurer  le 
sens  figuré  conformément  à  celui  qu'elle  eut  dans  le 
principe. 

X 
Première  Question. 

Aiiriez-vous  la  complaisance  de  me  donner  l'origine 
de  l'expression  de  chercher  midi  a  quatorze  hecbes,  qui 
se  trouve  employée  si  souvent  dans  le  langage  familier? 

Autrefois,  on  mesurait  le  temps  en  France  comme 
aujourd'hui  en  Italie,  nous  dit  Quitard. 

Or,  comment  fait-on  dans  ce  dernier  pays  ? 

On  commence  le  jour  une  demi-heure  après  le  cou- 
cher du  soleil,  on  compte  les  heures  jusqu'à  24,  quoi- 
que le  cadran  ne  soit  divisé  qu'en  douze  parties,  et  l'on 
appelle  une  heure  ce  que  nous  appelons  sept,  comme 
l'implique  la  citation  suivante  que  j'ai  recueillie  dans 
l'Opinion  nationale  du  4  avril  1862  : 

C'est  ce  prédicateur  dont  l'éloquence  obtint  le  plus  de 
succès;  les  autres  sermons  furent  délaissés  à  tel  point 
que  le  cardinal- vicaire,  pour  forcer  les  Romains  d'aller  les 
entendre,  vient  de  rendre  un  édit  ordonnant  aux  cafe- 
tiers, etc.,  de  tenir  leurs  magasins  fermés  pendant  la 
durée  des  sermons,  de  ringt-et-une  heures  (trois  heures)  à 
vingt-quatre  heures  (six  heures  du  soir). 

De  là  résulte  cette  correspondance  entre  rappelialion 
ancienne  des  heures  et  les  notations  actuelles  de  notre 
cadran,  correspondance  que  je  figure,  pour  plus  de 
clarté,  par  des  chiffres  arabes  et  des  chiffres  romains  : 


t  (Vil) 

7(1) 

13  (VII) 

19(1) 

2  (VIII) 

8  (II) 

li  (VIII) 

20  (II) 

3  (I.\) 

9(111) 

15  (IX) 

21  (III) 

4  (X) 

10  (IV) 

16  (X) 

22  (IV) 

5  (.\I) 

U(V) 

17  (.\I) 

23  (V) 

6  (XII) 

12  (VI) 

18  (XII) 

24  (VI) 

Ce  tableau  dressé,  voyons  à  quelles  heures  pouvait 


26 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


arriver  midi,  cet  instant  nécessairement  variable  comme 
dépendant  du  commencement  du  jour,  lequel  était 
variable  lui-même. 

Il  est  évident  que  l'heure  de  midi  se  trouvait  en 
ajoutant  (2  heures,  moitié  du  jour,  à  l'heure  où  celui-ci 
commençait.  Or,  quand  le  jour  commençait  a  IV  heures 
et  demie  du  soir  ilO  heures  et  demie,  ancien  système), 
on  avait  midi  à  22  heures  et  demie  (même  système)  ; 
et  quand  il  commençait  à  VIII  heures  et  demie  du  soir 
f2  heures  et  demie,  ancien  système),  on  avait  midi  a 
U  heures  et  demie  (même  système),  ce  qui  signifie,  en 
d'autres  termes,  que  midi,  avec  l'ancienne  méthode  de 
compter  les  heures  et  de  commencer  le  jour,  était  rigou- 
reusement compris  entre  ces  limites  : 

14  iieures  et  demie  et  22  heures  et  demie. 

Mais  il  ne  pouvait  jamais  se  trouver  à  14  heures; 
d'où  l'expression  Chercher  midi  à  quatorze  heures  pour 
signifier  chercher  une  chose,  au  physique  ou  au  moral, 
là  où  elle  ne  peut  pas  être,  puis,  par  extension,  cher- 
cher des  difficultés  où  il  n'y  en  a  pas. 
X 
Seconde  Question. 

Est -il  vrai,  comme  je  le  trouve  dans  le  dictionnaire 
ÉTYMOLOGIQUE  de  Bruchet,  que  l'origine  de  bistodki  soit 
inconnue  ? 

Ce  mot  n'a  pas  toujours  été  masculin,  ni  toujours  été 
écrit  par  la  finale  i  :  au  xvi'=  et  même  au  xv»  siècle,  il 
se  terminait  par  ie,  et  avait  le  genre  féminin  : 

(xvi°) 

On  fera  l'incision  transversalement  avec  une  lancette 
courbée  appelée  bistorie. 

(Amb.  Paré,  VI,  6.) 

Il  faut  accroistre  la  playe  avec  une  bistorie  ayant  un  bou- 
ton au  bout,  et  qu'elle  ne  tranche  que  d'un  costé. 

(Idem,  VIII,  35.) 

(xve) 

Guillaume  Ression  garni  d'un  voulge  de  guerre  et  dune 
historié  ou  panart... 

iDu  Cange.) 

Une  bistorie  ou  grand  cousteau... 

(Idem.) 

.Maintenant  d'où  vient  bistorie  ? 

Les  uns  croient  que  c'est  de  Pisloria,  ancien  nom  de 
la  ville  itahenne  de  Pisloie,  célèbre  jadis  par  ses  ou- 
vrages en  fer;  d'après  M.  Littré,  c'est  de  bastoria, 
sorte  d'arme,  bâton,  massue,  du  même  radical  que 
bdlon,  qui,  du  sens  de  arme,  grand  couteau,  en  serait 
venu,  sous  la  forme  bistoria,  à  signifier  l'instrument  de 
chirurgie  en  question. 

Voyons  de  quel  côté  semble  être  la  vérité. 

Pisioria.  —  Cette  ville  a  certainement  été  renommée 
pour  ses  ouvrages  en  fer,  car  on  trouve  dans  Henry 
Estienne  [Trait/}  dn  la  Conformité  du  franc,  avec  le  grecj 
qu'elle  «  souloit  faire  de  petits  poignards  »  ;  mais  le 
même  auteur  nous  apprend  (jue  ces  petits  poignards, 
nouvellement  apportés  en  France,  furent  appelés  jns- 
toyers,  pistoliers  et  pistoh,  du  nom  moderne  de  la 
ville  de  Pistoie,  et  non  de  son  nom  ancien.  D'un  autre 
côté,  quand  on  remarque  que  tous  les  noms  de  villes 


d'Italie  commençant  par  un  p  sont  passés  dans  notre 
langue  avec  cette  même  consonne,  et  non  avec  un  6, 
on  ne  s'explique  guère  que  de  la  coutellerie  de  Pistoria 
ait  jamais  pu  être  appelée  bistorie,  quelque  ressem- 
blance qu'il  y  ait  entre  ces  deux  mots. 

Bastoria.—  S'il  n'est  pas  très-fréquent  de  voir  l'a 
changé  en  (,  ce  n'est  pas  non  plus  cependant  une  per- 
mutation sans  exemple,  car  avellana,  cerasum.  eijacens 
ont  fait  aveline,  cerise  et  gisant  ;  Vo  changé  en  ou  est 
chose  fort  ordinaire  (on  a  dit  chouse  pour  chose,  etc.), 
et  le  masculin  remplaçant  le  féminin  n'a  rien  d'insolite 
à  une  époque  où  les  genres  étaient  si  loin  encore  d'être 
fixés. 

Il  y  a  lieu  de  croire  que  bastoria  est  bien  réellement 
l'étymologie  de  bistouri. 

X 
Troisième  Question. 

M.  Littré  dit  que  fier-a-bras  s'écrit  au  pluriel  sans  % 
à  FIER  :  des  fier-a-bras  ;  mais  il  ajoute  qu'on  ne  peut 
condamner  des  fiers-a-bras,  attendu  que  l'étymologie 
est  incertaine.  Voudries-vous  me  donner  votre  opinion 
sur  l'orthographe  de  cette  expression  ?  Je  vous  en  serais 
très-obligé. 

M.  Littré  a  parfaitement  raison  ;  si  Torigine  de  Fier- 
à-bras  est  mal  connue,  on  ne  peut  donner  avec  certi- 
tude la  manière  d'en  écrire  le  pluriel. 

Mais  il  y  aurait,  à  mon  avis,  un  excellent  moyen  de 
faire  disparaître  cette  difficulté  ;  ce  serait  tout  simple- 
ment de  restituer  à  ce  terme  sa  forme  primitive,  qui 
était  Fiérabras,  en  un  seul  mot,  comme  le  montrent 

ces  exemples  : 

Fiérabras 

C'est  anemis  fie  diable]  qui  maint  mal  brace. 

(Du  Cange,  Ferrebrachia.) 

Garin,  dist  Fiérabras,  lai  moi  à  toi  parler. 

[FiérabraSt  p.  l5.J 

Trop  sunt  ambeduï  soi  tenant  bras  et  bras  ; 
Plus  fort  ne  fu,  de  voir,  de  ces  deux  Fiérabras. 

(Girard  de  Hoss.,  vers  4649-) 

Cette  forme,  qui  a  été  usitéejusqu'au  commencement 
du  xviii''  siècle  (je  vois  pour  la  première  fois  l'expres- 
sion en  trois  mots  dans  l'Académie  de  ni 8),  permet- 
trait de  traiter  le  vocable  en  question  comme  matamore, 
rodomont,  etc.,  et  la  langue  gagnerait  à  cela  de  compter 
un  embarras  de  moins. 

X 
Quatrième  Question. 

Pourquoi  écrit-on  le  o.nze,  le  onzième,  et  non  pas 
l'onze,  l'onzième  ? 

Comme  il  est  évident  qu'ici  l'écriture  dépend  entière- 
ment de  la  prononciation,  je  vais  ramener  votre  ques- 
tion à  cette  autre  :  Pourquoi  prononce-t-on  le  onze,  le 
onzième,  et  non  pas  Votizc,  l'onzième.' 

Dans  son  dictionnaire,  M.  Littré  explique  ce  fait  par 
une  tendance  qui  aurait  existé  dans  notre  vieille  langue 
à  aspirer  certains  mots  : 

La  prononciation  de  onze,  comme  s'il  était  précédé  d'une 
aspiration,  vient  de  la  tendance  du  vieux  français  â  faire 
précéder  d'une  h  les  mots  monosyllabiques  ou  du  moins 
les  mots  à  une  syllabe  sonore,  commençant  par  une  voyelle  : 
haut,  huit,  huile,  etc. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


27 


Mais  comme,  après  avoir  compté  dans  le  Glossaire  de 
Barbazan  les  monosyllabes  et  les  mois  de  deux  syllabes 
dont  la  dernière  est  muette,  je  n'en  ai  trouvé  que  viii^'t 
d'écrits  avec  une  A,  tandis  que  j'en  ai  compté  trente 
qui  l'étaient  sans  cette  consonne,  j'ai  cru  devoir  ne  pas 
m'en  tenir  à  l'explication  précédente,  et  en  chercher  une 
qui  eût  au  moins  l'avantage  de  n'être  pas  en  contradic- 
tion avec  les  faits. 

Or,  pour  une  que  je  cherchais,  en  voici  deux  que  j'ai 
rencontrées  : 

^o  Attendu  que  du  latin  c/ecet/i  nous  avons  fait  un 
mot  prononcé  dice,  il  est  très-probable  que  le  mot 
formé  de  undecim  a  d'abord  été  prononcé  once.  Mais, 
dès  les  premiers  temps  de  la  langue,  nous  avions  déjà 
deux  autres  mots  prononcés  de  la  même  manière,  l'un, 
désignant  un  poids,  et  l'autre  un  animal,  ce  que  prou- 
vent les  citations  suivantes,  toutes  deux  du  xiii''  siècle  : 

Nus  du  mestier  devant  dit  ne  puet  ne  ne  doit  batre  ne 
faire  batre  argent  que  en  chascune  bâteure  de  xsv  onces 
d'argent  n'ait  x  estellins  dor  au  mains. 

{Livre  des  Métiers,  p.  75.) 

La  chose  gist  sor  tel  endroit, 
Que  chascune  beste  voudroit 
Que  venist  l'once. 

'Rutebeuf,  203.] 

Trois  mots  ayant  la  même  prononciation,  c'était 
trop  ;  on  différencia  des  deux  autres  celui  qui  n'était  pas 
substantif,  d'abord  en  l'écrivant  par  un  :  (qui  a 
aussi  passé  dans  les  autres  adjectifs  numéraux,  dou- 
zième, treizième,  etc.),  et  plus  tard  en  aspirant  l'o,  ce 
qui  eut  pour  effet  dempécher  devant  onze  et  l'élision 
et  la  liaison. 

2o  Vaugelas,  dans  sa  remarque  sur  le  onzième  (vol. 
I,  p.  252),  a  donné  d'autres  raisons  que  les  précé- 
dentes du  fait  de  l'aspiration  dans  le  mot  onze;  je 
copie  : 

Voici  une  conjecture  fort  vrai-semblable  de  ce  qui  a 
donné  lieu  à  cette  erreur,  et  je  crois  que  tout  le  monde 
en  demeurera  d'accord.  C'est  que  l'on  a  accoutumé  de  dire 
en  comptant,  le  premier,  le  second,  le  troisième,  et  ainsi 
généralement  de  tous  les  autres,  jusques  à  dire,  le  centième, 
le  millième,  tous  les  nombres  commençant  par  une  consone, 
qui  fait  que  l'on  dit  le,  devant,  n'y  ayant  pas  lieu  de  faire 
l'élision  de  la  voyelle  e.  Et  comme  il  n'y  a  qu'un  seul 
nombre  en  tout,  qui  commence  par  une  voyelle,  qui  est 
onze,  onzième,  on  a  pris  une  telle  habitude  de  dire  le,  et 
devant  et  après  le  nombre,  que  quand  ce  vient  à  onzième, 
on  le  traite  comme  les  autres,  sans  songer  qu'il  commence 
par  une  voyelle,  et  que  l'e  de  l'article  le  se  mangp... 

Quelle  que  soit  la  cause  de  l'aspiration  de  l'o  dans 
onze,  il  s'en  faut  bien  que  celte  aspiration  ail  été  rigou- 
reusement observée  au  xvi'^  siècle  ;  car  si  l'on  trouve 
onze  sans  élision  dans  quelques  phrases,  on  le  trouve 
aussi  avec  élision  dans  beaucoup  d'autres  : 

Ce  mesme  jour,  mourut  Henry  de  Rohan,  prince  de  Léon 
en  Bretagne,  en  sa  maison  de  Belin,  sa  fille  âgée  èL'onze  à 
douze  ans  mourut  tost  après. 

[Journal  de  l'Estoiie,  p.  99.) 

Quant  à  onzième  (est-ce  parce  qu'il  ne  pouvait 
offrir  d'équivoque'?!,  l'o  continua  à  n'y  être  pas  aspiré, 
ce  que  montrent  ces  exemples,  empruntés  à  des  écrivains 
du  même  temps  : 

Elle  le  porta  jusqu'à  lunziesme  mois. 

(Rabelais,  Gari/.,  I,  3.) 


Le'mois  de  janvier  sous  Romulus  étoit  Vunziesme. 

fAmyot,   Numa,   31.) 

En  l'unziesme  se  voyoit  au  plus  près  la  piteuse  contenance 
du  pauvre  président  Brisson. 

{Satyre  Ménippèe,  p.  32,  éd.  Charp.) 

Pendant  le  xvii^  siècle,  on  fut  loin  de  se  trouver 
d'accord  sur  la  prononciation  de  onze  et  de  onzième. 

Vaugelas  se  déclara  pour  l'onzième  ;  selon  lui,  c'était 
«  très-mal  «  s'exprimer  que  de  dire  le  onzième  ;  car 
comment  justifier,  dit-il,  que  la  première  de  deux 
voyelles  dans  cette  situation  ne  s'élide  pas  comme  cela 
se  fait  toujours? 

Thomas  Corneille  était  au  contraire  pour  l'aspiration 
dans  ces  mots,  ce  qui  ressort  nettement  de  cet  extrait 
de  la  note  qui  accompagne  la  remarque  de  Vaugelas  : 

On  dit  :  c'est  aujourd'hui  le  onze  ou  le  onzième  du  mois,  et 
non  pas  l'onze  ou  l'onzième.  Ce  qui  est  général  quand  on 
compte  heures,  jours,  mois  ou  années. 

Boileau  était  du  même  avis  ;  car,  dans  l'édition  de  ses 
œuvres  qu'a  donnée  Brosselle,  le  fondateur  de  l'acadé- 
mie de  Lyon,  on  apprend  par  une  note  (tome  I,  p.  163) 
que  ce  poète  ne  liait  jamais  r.s  de  ses  en  prononçant  les 
vers  suivants  de  la  xn=  satire  : 

Un  démon  qui  m'inspire 

Veut  qu'encore  une  utile  et  dernière  satire 

Se  vienne,  en  nombre  pair,  joindre  à  ses  onze  sœurs. 

Tout  en  approuvant  l'opinion  de  Vaugelas,  le  P.  Bou- 
hours  ajoutait  que,  depuis  ses  Remarques,  plusieurs 
disaient  le  onzième,  et  qu'il  ne  voudrait  pas  les  con- 
damner ;  aussi  cédait-il  à  la  force  de  l'usage  et  tolérait- 
il  l'aspiration. 

Le  xvin*  siècle  ne  vit  pas  non  plus  l'unanimité  se 
faire  sur  la  question  qui  nous  occupe. 

Suivant  la  doctrine  de  Vaugelas,  qui,  comme  on  sait, 

n'approuve  que  l'onze,  l'abbé  Dangeau  écrit  dans  ses 

Essais  de  grammaire  [I,  p.  3'i|  : 

J  on  ai  trouvé  vingt-six  dans  Cinna,  et  je  n'en  ai  trouvé 
qu'onze  dans  itithridate. 

Dans  les  Principes  de  la  langue  française  par  De 

^^^1illy,  on   nt  ce  qui  suit  à  la  page  426,  preuve  que 

l'auleur  considérait  les  deux   prononciations  comme 

également  bonnes  : 

On  dit  et  l'on  écrit  le  onze,  le  onzième  ou  l'onze,  l'on- 
zième. 

Enfin,  à  peu  près  vers  le  milieu  du  ïix°  siècle,  l'usage 
conlinuant  à  se  montrer  favorable  à  l'aspiration  dans 
onze  el  dans  onzième,  la  plupart  des  grammairiens  ont 
fini  par  en  conclure  qu'ils  devaient  accueillir  défini- 
tivement cette  exception,  malgré  l'indécision  de  l'Aca- 
mie,  et  voilà  pourquoi  nous  disons  et  nous  écrivons 
aujourd'hui  le  onze,  le  onzième,  et  non  pas  l'onze, 
l'onzième. 

X 
Cinquième  Question. 

M.  Edmond  About,  dans  un  feuilleton  r/ui  a  paru 
dans  te  xix'  siècle  le  2'i  aoûf  H  873,  a  employé  cette 
expression  saperlipopette.  Je  voudrais  bien  en  savoir  le 
sens  et  l'origine. 

Cette  expression  a  été  formée,  il  me  semble,  ainsi 
que  je  vais  vous  l'expliquer. 


28 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Pour  concilier  autant  que  possible  le  respect  du 
deuxième  commandement  avec  le  besoin  qu'on  éprouve 
parfois  de  jeter  dans  son  discours  quelque  terme  éner- 
gique, on  a  fait  d'abord  sacristi,  que  je  soupçonne 
fortement  d'être  pour  sacré  Christ  ce  que  sacrebleu  est 
pour  sacré  Dieu,  je  veux  dire  un  euphémisme. 

Mais  sacrisii  ne  dissimulait  pas  assez  son  origine;  on 
y  changea  le  c  en  p,  ce  qui  donna  sapristi,  un  mot 
pouvant  être  prononcé  par  toutes  les  bouches  : 

Donc,  plus  de  nouvelles  de  la  fusion!...  Où  en  est  h 
fusion?  Voyons,  sapristi,  ne  nous  tenez  pas  le  bec  dans 
l'eau  comme  ça... 

(L'Avenir  national  du  l"  sept.  1873.) 

Un  scrupule  plus  grand  encore  nous  valut  saprelotte 
ou  superlotte,  espèce  de  diminutif  de  sapristi  : 

Vous  ici,  mais  sapertolte,  Glier  ami,  que  venez-vous  donc 
faire  dans  ce  quartier  ? 

\L'Evénement  du  l5  sept.   iS'jB,) 

Enfin  saperlotte  a  été  transformé  en  saperlipopette, 
que  je  considère  en  quelque  sorte  comme  la  dernière 
dilution  du  juron  sacristi. 

X 
Sixième  Question. 
Comment  expliquez-vous  que  l'expression  populaire 
CASSEE  SA  eiPE puisse  signifier  nomis.'! 

On  peut  croire  que  cette  expression  a  pris  naissance 
au  théâtre,  car  voici  en  quels  termes  il  en  est  parlé  dans 
les  Coulisses  de  Joachim  Duflot  (p.  54)  : 

L'acteur  Mercier,  fort  estimé  des  titis  du  boulevard  du 
Temple,  jouait  le  rôle  de  Jean  Bart  avec  un  entrain  et  une 
rudesse  qui  ètaief.t  fort  appréciés  du  public  de  la  Gaité. 
Jean  Bart,  comme  on  le  sait,  fumait  la  pipe,  et,  pour  être 
fidèle  à  la  vérité  bislorique,  Mercier  fumait  la  pipe  en 
jouant  le  rôle. 

La  pièce  eut  une  longue  suite  de  représentations,  ce 
qui  permit  à  Mercier  de  culotter  une  magnifique  pipe  qui 
était  devenue  une  curiosité.  Aussi  tous  les  titis  étaient-ils 
en  admiration  devant  la  pipe  de  Jean  Bart-Mercier.  De  son 
côté,  l'acteur,  orgueilleux  de  son  ouvrage,  ne  s'en  séparait 
jamais,  même  en  dormant,  si  l'on  en  croit  les  on-dif. 

Mais,  voilà  qu'un  jour  la  pipe  tomba  des  lèvres  de  Mer- 
cier. «  Quel  dommage!  »  s'écria-t-on,  et  on  courut  vers 
lui.  L'acteur  venait  de  s'affaisser  sur  lui-même,  il  était 
mort.  Le  lendemain,  en  s'abordant,  les  titis  se  disaient 
tristement  :  t  Tu  sais  bien.  Mercier...  Eb  bien?...  Il  a  cassé 
hier  sa  pipe  pour  de  bon.  » 

Cependant,  ce  n'est  peut-être  que  «  sous  toutes 
réserves  »  comme  disent  les  journaux  politiques,  qu'il 
convient  d'accepter  la  susdite  origine. 


ÉTRANGER 


Première  question. 
J'ai  trouvé  cette  phrase  dans  un  jourtial  français  : 
«  La  belle-mère  est  presque  toujours  la  biche  émiss.uhe 
de  ces  rancunes.  »  Ne  vaudrait-il  pas  mieux  dire  ici 
LE  Bocc  ÉMISSAIRE?  .le  VOUS  .lerais  très-oldigé  de  muloir 
répondre  le  plus  tôt  possible  à  cette  question. 

C'est  une  erreur  de  croire  que  l'attribut  doive  néces- 
sairement être  du  même  genre  que  son  antécédent  ;  une 
foule  d  exemples  prouvent  (pi'un  mot  masculin  et  un 
mot  féminin  peuvent  parfaitement  se  construire,  l'un 


avant  le  verbe  être  et  l'autre  après  ;  en  voici  quelques- 
uns  empruntés  à  la  Grammaire  nationale  (p.  94)  : 
La  mèie  est  le  premier  instituteur  de  son  enfant. 

(Bernardin  de  Saint-Pierre.) 

Un  fanatisme  aimable  à  leur  âme  enivrée 

Disait  :  la  femme  est  Dieu,  puisqu'elle  est  adorée. 

(Legouvé.J 

La  colère  est  à  la  fois  le  plus  aveugle,  le  plus  violent  et 
le  plus  vil  des  conseillers. 

(De  SégUT) 

Les  lois  sont  les  souverains  des  souverains. 

(Louis  XIV. I 

Je  crois  donc  que  l'auteur  de  la  phrase  en  question 
aurait  dû  dire  le  bouc  émissaire,  opinion  confirmée 
du  reste  par  la  citation  suivante,  que  je  rencontre  dans 
le  dictionnaire  de  Litlré  : 

Vous  sentez  que  je  veux  faire  de  Mme  d'Argenton  le  bouc 
émissaire  de  l'ancienne  loi  [la  charger  de  tous  les  faits 
reprochés  au  duc  d'Orléans!. 

(Saint-Simon,  a52,  laS.) 

X 

Seconde  Question. 
Quelle  est,  s'il  vous  plaît,  l'origine  de  l'expression 
battre  la  campagne  ? 

Au  propre,  le  verbe  battre,  construit  avec  un  nom 
d'espace  pour  régime,  a  le  sens  de  parcourir  en  cher- 
chant quelque  chose  ;  ainsi  on  dit  : 

Les  cavaliers  battent  la  plaine  ;  —  nous  avons  battu  tout 
le  pays,  —  ils  battront  toute  la  ville,  etc. 

Joint  au  mot  campagne,  ce  verbe  se  dit,  en  langage 
militaire,  des  soldats  qui  poussent  des  découvertes  vers 
Tennemi  afin  de  reconnaître  ses  positions. 

Or,  comme  pour  faire  ces  reconnaissances,  il  faut 
errer  plus  ou  moins,  on  a  naturellement  pris  cette 
expression,  au  figuré,  pour  parler  de  quelqu'un  dont 
l'esprit  divague  dans  le  délire  de  la  fièvre,  qui  s'écarte 
de 'son  sujet  dans  une  discussion,  ou  qui  s'amuse  à  de 
vaines  rêveries,  à  des  imaginations  n'ayant  rien  de 
réel,  de  possible. 

X 
Troisième  Question. 

D'oii  vient  donc  le  nom  de  calino,  que  les  journaux 
parisie7is  emploient  si  souvent  depuis  quelques  années 
pour  désigner  quelqu'un  qui  dit  sérieusement  des 
7iiaiseries  ? 

Ce  mot  a  pour  origine  une  charge  d'atelier  par  Théo- 
dore Barrière  et  Antoine  Fauchery,  laquelle  fut  repré- 
sentée pour  la  première  fois  à  Paris  sur  la  scène  du 
Vaudeville,  le  12  mars  1856. 

Le  principal  personnage  de  cette  pièce  est  un  certain 
Calino,  peintre  en  herbe,  arrivé  à  Paris  depuis  quelques 
mois  avec  sa  femme,  qui  est  jolie,  et  une  sœur  char- 
mante. Celte  <i  bête  trouvée  sous  le  quatorzième  degré 
de  latitude  nord  du  quai  aux  Fleurs  >>  abandonne  son 
hôtel  à  des  rapins  à  condition  qu'ils  lui  donneront 
des  conseils  ;  mais,  comme  il  n'a  aucune  disposition 
pour  la  |)cinlurc,  les  rapins  se  moquent  de  lui  et  lui 
montent  une  scie... 

Cependant  Calino  peint  toujours,  et  de  préférence  la 


LE  COURRIER   DE   VAUGELAS. 


w 


29 


nuit,  pour  ne  pas  être  découragé  par  la  vue  de  ce  qu'il 
fait  ;  on  vient  à  parler  d'une  crue  des  eaux,  et  il  vous 
prouve  en  ces  termes  comme  quoi  celles  de  la  Seine 
sont  au  même  degré  de  l'étiage  : 

La  Seiue  n'est  pas  plus  haute  qu'à  l'ordinaire...  j'en  suis 
bien  sûr  moi;  j'ai  fait  une  marque  â  un  bateau,  et  depuis 
huit  jours,  leau  n'a  pas  dépassé  la  marque. 

Dès  la  première  représentation,  probablement,  nos 
journalistes  se  sont  emparés  de  Calino  pour  lui  faire 
signifier  ce  type  de  Jocrisse  auquel  ils  attribuent  les 
plus  grosses  niaiseries  venant  à  leur  connaissance. 

PASSE-TEMPS  CiRAMMATlCAL. 

Corrections  dn  numéro  précédent. 

l* ...  grâce,  selon  son  expression  (^race signifiant  par  lemoyen 
de  se  met  généralement  au  singulier);  —  2°  ...  que  noire  auteur 
ne  travestisse  (après  it  n'y  a  pas  jusqu'à,  on  met  le  verbe  au 
subjonctif  et  accompagné  de  ne);  —  3°  ...  autour  des  bou- 
chons [alentour  ne  veut  pas  de  régime);  —  4°  ...  des  quatre 
saisons  font  retentir  (après  de  ce  que  on  met  l'indicatif);  — 
5°  ...  un  des  premiers  arbres  qui  montrent  leurs  lleurs  ;  —  6"  ... 
que  le  mot  /it  monter;  —  7°  ...  délasliques  rompus  (on  dit  un 
élastique)  ;  —  8°  Les  deux  premières  liTraisons  d'un  ouvrage 
appelé  à  un  grand  succès  viennent  de  paraître  au  bureau,  etc. 
(on  ne  peut  meltre  en  lêle  de  la  phrase,  à  1  impersonnel,  un  verbe 
neutre  qui  a  pour  sujet  un  nom  précédé  de  l'article  le,  la  ou  les)  ; 

—  9"  ...  étendus  par  centaines  de  mille;  —  10°  ...  qu'il  est 
plus  difficile  encore  de  faire  durer  que  de  décréter  et  d'établir  ; 

—  11°  ...  préféraient  se  passer  de  manger  plutôt  que  de  fumer 
(Voir  Courrier  de  Vaugelas,  i'  année,  p.  153);  —  12°  ...  de  cet 
examen  (c'est  ici  l'action  d'examiner)  ;  —  13°  ...  qu'une  enquête 
fût  ouverte;  —  14° ...  que  depuis  de  longues  années... 

Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1*  Si  le  caprice  le  prend  de  modeler  en  biscuit  ou  en 
porcelaine  de  Saxe  un  berger  ou  une  bergère  rococo  en- 
guirlandés de  fleurs,  certes,  il  ne  se  gène  pas. 

2*  Puis  une  obscurité  subite  sous  les  douces  lueurs  du 
crépuscule  et,  dans  les  nuits  parfois  lucides,  des  étoiles 
qui  ressemblent  à  de  froides  pointes  d'acier  clouées  au 
firmament. 

3»  Comme  la  religion,  elle  [la  musique]  est  mystérieuse, 
voilée,  disons  même  occulte;  ses  secrets  et  ses  principes 
ne  sont  penétrables  à  d'autres  yeux  qu'à  ceux  des  initiés. 

4°  Ce  qu'il  faudrait,  c'est  qu'au  sein  de  la  commission  on 
manifestât  d'une  manière  irrévocable  les  tendances  qu'on 
s'est  plu  à  signaler,  avant  qu'elles  n'aient  été  exprimées. 

5*  Ayant  déféré  à  son  désir,  il  vint  à  nous  et  nous  fit 
quelques  passes  sur  les  jambes;  instantanément  nous 
n'eûmes  plus  l'usage  de  ces  membres. 

6°  Je  profitai  de  cet  instant  d'enthousiasme  pour  gagner 
la  rue  Saint-Denis,  où  je  rencontrai  près  celle  Greneta  les 
gendarmes  du  poste  de  la  Halle,  qui  avaient  été  désarmés. 

7°  Il  se  hâte  de  repartir  pour  Salon  avant  la  mort  de 
Henri  11,  qu'on  dit  qu'il  avait  prédite  aussi  bien  que  les 
troubles  qui  la  suivirent. 

8*  Ils  ajoutent  qu'aujourd'hui  il  est  préférable  de  courir 
les  chances  de  la  maladie  que  d'infuser  des  matières  mor- 
bides dans  des  veines  pures  et  saines. 

9*  Emportée  par  la  grandeur  de  la  situation,  Mlle  Patry 
s'est  laissé  aller  à  son  propre  élan  et  à  ses  propres  larmes. 

lÛ"  Mais  le  public  lettré  qui  suit  assidûment  ces  paci- 
fiques tournois  oratoires  s'attend  à  autre  chose  qu'à  de 
consciencieux  éloges  biographiques. 


11°  Il  est  seulement  triste  de  voir  dans  quel  état  ils  ont 
mis  le  chemin  de  fer  que  nous  côtoyons  ;  pas  une  station, 
pas  un  pont  n'a  été  respecté,  les  fils  du  télégraphe  sont 
coupés  entre  chaque  poteau. 

12°  Après,  il  lui  faudra  de  toute  nécessité  déterrer  un 
chef-d'œuvre  —  un  drame  à  tout  casser  —  ou  une  comédie 
qui  fasse  couler  des  larmes  à  un  trimestre  de  spectateurs, 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVlf  SIÈCLE. 

Antoine  OUDIN. 

(Suite.  J 

Genouil  fait  genoux  et  yenoûils;  verroiiil  fait  ver- 
roiii/s  et  verroux. 

Quand  universel  est  substantif,  il  fait  universaux  ; 
mais  adjectif,  il  fait  universels. 

Les  pluriels  des  composés  prennent  une  .«  à  la  fin, 
trenc/ie-plume,  tre/whe-plumes,  et  cependant  on  l'ajoute 
au  milieu  dans  coqs  d'Inde,  gentilshommes,  ponts- 
(evis  ;  de  plus,  elle  se  met  au  milieu  et  à  la  fin  de  quarts 
d'escus,  bien  qu'avec  raison  le  mot  escu  n'y  soit  point 
au  pluriel. 

Il  y  a  beaucoup  de  noms  qui  se  mettent  toujours  au 
pluriel,  tels  sont  :  besoicjnes  pour  bardes  ;  grâces  pour 
actions  de  grâces  ;  chausses  ;  lettres  pour  patentes  ; 
papiers  pour  écritures;  fonts  où  l'on  baptise;  vacances 
et  vacations  pour  désigner  le  temps  pendant  lequel  on 
ne  fait  point  d'affaires. 

Gens  ne  se  construit  point  avec  les  noms  de  nombre, 
mais  avec  les  adverbes  beaucoup,  bien;  par  exemple, 
on  ne  dit  pas  trois  ou  quatre  gens,  mais  bien  trois  ou 
quatre  personnes. 

Lunettes  que  l'on  met  sur  son  nez  est  pluriel  ;  mais 
lunette  «  de  Hollande  »  est  singulier. 

Une  paire  d'armes  ne  signifie  qu'une  armure  ;  une 
paire  de  ciseaux,  des  ciseaux  non  divisés. 

Les  noms  de  nations  s'emploient  au  singulier  pour 
signifier  le  pluriel  ;  on  dit  le  Turc  a  bien  de  la  peine, 
le  François  dit,  pour  les  Turcs  ont  bien  de  la  peine,  etc. 

DES    COMPABATIFS    ET    IlES    SUFEKLATIFS. 

Moindre  et  plus  petit  diffèrent  en  ce  que  le  premier 
se  rapporte  plus  proprement  à  la  condition  et  à  la  qua- 
lité, et  le  dernier  à  la  quantité  ou  dimension,  comme 
longueur,  largeur,  etc.  ;  par  exemple,  si  l'on  dit  c'est 
le  moindre  homme  de  lu  ville,  cela  s'entend  de  la  qua- 
lité, et  le  plus  petit  homme  de  la  ville,  le  plus  bas 
«  louchant  «  la  grandeur  du  corps. 

Les  étrangers  mettent  souvent  grand  pour  gros,  et 
c'est  une  très-grave  erreur,  parce  que  le  mot  grand 
s'entend  proprement  des  choses  qui  ont  de  la  grandeur 
ou  de  la  longueur  de  corps,  tandis  que  gros  s'applique 
il  celles  qui  sont  ou  rondes  ou  épaisses.  On  dit  cepen- 
dant, 7««e  grosse  heure  d'horloge  if633). 

Les  expressions  homme  de  bien,  femme  de  bien. 


30 


LE   COURRIER  DE   VAUGELAS. 


fille  de  bien,  gens  de  bien  se  comportent  comme  les 
qualificatifs  -.plus  homme  de  bien ,  très  homme  de  bien,  etc. 

Au  superlatif,  on  peut  aussi  ajouter  le  mol  fort  au 
lieu  de  très  :  fort  bon,  fort  mauvais. 

Nous  avons  emprunté  à  l'italien  doctissime,  excellen- 
(issime,  ignorantissime,  etc. 

DES    DIJIINCTIFS. 

Les  terminaisons  ordinaires  des  diminutifs  sont  et, 
elet,  ette  et  elette  ;  mais  il  y  a  des  diminutifs  formés 
irrégulièrement,  et  Antoine  Oudin  en  donne  une  curieuse 
liste  que  je  vais  reproduire  en  partie  : 

Advocat  :  advocaceau,  advocacereau  ;  amour  :  amou- 
reau  ;  archer  :  areherot  ;  bergère  :  bergeronnette,  ber- 
gerotte  ;  fol  :  follet,  follion,  follichon  ;  bœuf  :  bou- 
villon  ;  barbeau  :  barbillon  ;  couleuvre  :  couleureau  ; 
vipère  :  vipereau;  lévrier  :  levron ;  porc  :  pourceau, 
porcelet  ;  cochon  :  cochonnet  ;  pied  :  peton  ;  cham- 
brière :  chambrillon  ;  pré  :  preau  ;  pendard  :  pendar- 
deau  ;  cheval  :  cavalot  ;  clerc  :  clergeon. 

Les  suivants,  qui  n'ont  rien  de  semblable  à  leur 
substantif,  et  qui  ne  sont  pas  des  diminutifs  réels,  sont 
aussi  «  fort  plaisans  »  :  bidelot,  diminutif  de  bidet, 
petit  cheval  ;  laideron,  qui  signifie  plutôt  une  grosse 
laide  qu'une  petite  ;  hutaudeau,  gros  pouliet,  qui  se  dit 
ordinairement  hesfoudeau. 

Parmi  les  diminutifs  des  noms  propres  on  remarque  : 
Henriot,  de  Henri;  Denisot,de  Denis;  Marionel  Ma- 
riette, de  Marie  ;  Annon,  A nnichon,  de  Anne;  Janne- 
ton,  de  Jeanne  ;  Margot  et  Margoton,  de  Marguerite  ; 
Catin  et  Catavt,  de  Catherine. 

DES   NOMS    NUMÉRAUX. 

On  dit  ordinairement  soixante  et  dix,  soixante  et 
imze,  soixante  et  douze,  jusqu'à  quatre-vingts  ;  mais 
en  langage  d'arithmétique,  on  dit  septante,  septante  et 
un,  etc.,  au  lieu  de  huictante  on  d\i  quatre  vingts,  et  au 
lieu  de  nonante,  quatre  vingts  dix. 

On  dit  six  vingts  plutôt  que  cent  vingt  (1633). 

En  parlant  des  années,  mille  «  se  retrenche  »  et  l'on 
écrit  mil  quatre  cens,  mil  cinq  cens. 

La  conjonction  et  ne  se  met  dans  les  noms  de  nombre 
qu'avec  le  nom  de  l'unité,  vingt  et  un,  trente  et  un,  etc., 
mais  on  dit  vingt  deux,  trente  deux,  etc. 

Il  est  indifférent  de  dire  page  trente-cinq  ou  trente- 
cinquiesme,  feuillet  dixhuirt  ou  dixhuictiesme. 

On  dit  Chartes  neuf  [>o\iT  Charles  neufviesme  (1633J- 

Parmi  les  collectifs  en  aine,  il   n'y  a  d'usités  que 
six  aine ,   huivlaine ,   neufvaine,    dixaine,    douzaine 
quinzaine,  vingtaine,  trentaine,  quarantaine,  etc.,  jus- 
qu'à centaine. 

Huiclaiw  se  prend  aussi  pour  l'espace  de  huit  jours, 
et  neufvaine  pour  une  sorte  de  dévotion  qui  dure  neuf 
jours. 

Vingt  en  composition  prend  une  .<  de  plus,  comme 
quatre  vingts,  six  vingts,  etc. 

Il  faut  remarquer  cet  emploi  quant  aux  adjectifs  do 
nombre  ordinaux  ;  il  est  parly  luy  sixiesmc,  il  est  venu 
tuy  troisiesme,  etc. 

Les  Hauts  Allemands  disent  quatorze  joxirs  \)0\xx  Ae\x\ 
semaines  ;  chez  nous  on  dit  quinze  jours. 


OBSEllVATIONS   SUa   QUELQUES   QUALIFICATIFS. 

Nous  disons,  contrairement  à  la  règle  générale  qui 
fait  accorder  l'adjectif  avec  le  substantif,  lettres  Royaux, 
ordonnances  Royaux. 

On  dit  le  feu  Royeifeu  monpere ;  grand })ere  elpere 
grand  ;  grand'  mère  et  mère  grand  ;  mais  grand  père 
et  grand'  mère  sont  mieux  dits. 

Meschant  se  rapporte  aux  personnes,  mauvais  aux 
choses  que  l'on  mange  ou  boit. 

DES  TITRES. 

Sire  est  une  qualité  qui  se  donne  au  roi  et  aux  simples 
paysans,  mais  fort  peu  aux  marchands  ;  pour  qualifier 
ces  derniers,  dans  l'Ile  de  France,  on  se  sert  plutôt  du 
mot  sieur. 

Monseigneur  se  dit  aux  princes  et  aux  grands  prélats. 

Monsieur,  à  Monsieur  frère  du  roi,  et  à  toutes  sortes 
«  d'honnestes  »  personnes  indifféremment. 

Ce  dernier,  construit  avec  un  article  défini,  accom- 
pagné du  nom  de  qualité  ou  propre  de  maison  «  se 
retrenche  »  à  moitié  ;  on  dit  :  Mons  de  la  Rivière,  Mons 
de  la  Coudraye.  Quelquefois  il  se  sépare  par  l'entremise 
d'une  autre  particule,  Mondit  sieur. 

Messire  se  dit  aux  prêtres  de  village. 

Maistre  s'applique  aux  artisans,  comme  lorsqu'on  dit 
Maistre  Pierre  le  cordonnier,  etc. 

Madame  se  dit  à  la  reine,  aux  filles  de  France,  aux 
princesses  mariées  et  à  toutes  autres  grandes  dames  que 
l'on  appelle  «  dames  damées  »,  aux  religieuses,  etc., 
à  toutes  les  femmes  au-dessous  de  la  noblesse  et  aussi 
à  leurs  familles. 

Dame  se  dit  à  une  simple  femme  d'artisan  ou  de 
paysan  :  Dame  Perrette,  Dame  Guillemette  ;  mais  s'il 
y  a  un  complément  à  Madame,  on  dit  encore  dame  : 
la  dame  du  chasteau,  en  parlant  d'une  femme  de  con- 
dition. 

A  la  Cour,  on  nomme  Demoiselles  toutes  les  femmes 
qui  en  portent  l'habit,  nobles  ou  non,  et  les  «  chape- 
ronnettes  »  s'appellent  Madame. 

Sieur  se  met  avec  un  nom  propre,  le  sieur  Pierre,  et 
Seigneur  se  met  absolument  :  le  sieur  Jean  seigneur 
d'un  tel  lieu. 

DES    PRONOMS    PERSONNELS. 

On  ne  peut  plus  omettre  les  pronoms  personnels 
comme  on  le  faisait  autrefois;  ainsi  on  disait  :  J'ay 
reçeu  les  lettres  que  m'avez  envoyées,  et  nous  disons  : 
que  vous  m'avez  envoyées  (1633). 

Au  lieu  d'employer  le,  la,  les  avec  les  pronoms 
personnels  luy  et  leur,  il  est  bien  mieux  de  n'employer 
que  les  datifs  et  de  dire  :  je  luy  donneray,  je  leur 
envoyé,  plutôt  que  je  les  luy  donneray,  je  les  leur 
envoyé.  Cependant  les  deux  peuvent  se  dire. 

Que  l'on  se  garde  de  mettre  les  pronoms  personnels 
après  les  «  relatifs  «  /'',  la,  les,  et  de  dire  :  les  me 
donnera.  In  te  payera  ;  il  faut  dire  :  me  les  donnera,  etc. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Re'dacteur-Uéaamt  :  Euan  MâRTLN  . 


LE  COURRIER  DE  VALlGELAS 


34 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Poésies, 
ques  ;    par 


Premières  poésies;   poésies  philosophi- 

L.  Ackermann.  Ia-18  jésus,  158  p.  Paris, 
lib.  Lemerre.  3  fr. 

Grammaire  de  la  langue  française;  par  le  P.  Henri 
Delavenne,  de  la  compagnie  de  Jésus.  Exercices  élémen- 
taires. Partie  du  maître  et  partie  de  l'élève.  2  vol.  in-12, 
600  p.  Paris,  lib.  Abanel. 

Romans  et  contes  ;  par  Théophile  Gautier.  In-18 
Jésus,  /|63  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Exercices  d'orthographe  et  de  syntaxe,  appliqués, 
numéros  par  numéros,  à  la  grammaire  complète  et  à  la 
grammaire  supérieure,  et  de  nature  à  s'adapter  à  tout 
autre  cours  de  langue  française;  par  P.  Larousse.  Livre  de 
l'élève,  à'  édition,  ln-12,  312  p.  Paris,  lib.  Aug.  Boyer  et 
Cie.  1  fr.  60. 

Scènes  du  temps  passé  ;  par  .Mlle  Julla  Michel.  In-12, 
llii  p.  et  grav.  Paris,  lib.  F. -F.  Ardant. 

Les  Prussiens  devant  Paris,  d'après  des  documents 
allemands  ;  par  Edmond  iNeukomm.  In-18  jésus,  vin-296  p. 
Paris,  lib.  de  la  Société  des  gens  de  lettres.  3  fr. 

Le  Génie  du  christianisme  ;  par  Chateaubriand. 
Edition  abrégée  et  revue,  à  l'usage  spécial  de  la  jeunesse, 
par  un  directeur  de  bibliothèque  chrétienne.  In-8°,  192  p. 
Paris,  lib.  F. -F.  Ardant. 

Les  Amours  de  petite  ville.  Chardonnette  ;  par 
Charles  Deulin.  3'  édition.  In-18  jésus,  337  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

La  Morale  ;  par  Paul  Jannet,  membre  de  l'Institut, 


professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris.  In-8%  xni-616  p. 
Paris,  lib.  Delagrave.  7  fr. 

Mémoires  secrets  de  Bachaumont,  revus  et  publiés 
avec  des  notes  et  une  préface  par  P.-L.  Jacob,  bibliophile. 
In-18  jésus,  x.Kin-Zi78  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  3  fr. 

Le  Capitaine  Fracasse  ;  par  Théophile  Gautier.  Illus- 
trations par  Gustave  Doré.  In-Zi%  iOO  p.  Paris,  lib.  Polo. 

Histoire  d'Alcibiadë  et  de  la  République  athé- 
nienne, depuis  la  mort  de  Périclès  jusqu'à  l'avènement  des 
Trente  tyrans;  par  Henry  Houssaye.  3'  édition.  2  vol.  in-12, 
xx-855  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  7  fr. 

Colomba,  suivi  de  ;  La  Mosaïque  et  autres  contes  et 
nouvelles;  par  Prosper  Mérimée,  de  l'Académie  française. 
In-18  jésus,  Zi55  p.  Paris,  lib.  Charpentier.  3  fr.  50. 

Croyances  et  traditions  populaires,  recueillies  dans 
la  Franche-Comté,  le  Lyonnais,  la  Bresse  et  le  Bugey  ;  par 
Désiré  Mounier  et  Vingtrinier.  2=  édition.  In-S",  818  p. 
Lyon,  lib.  Georg. 

Histoire  de  la  littérature  contemporaine  en  Italie 
sous  le  régime  unitaire,  1859-187Zi;  par  Amédée  Roux. 
In-18  Jésus,  i32  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Le  Rémouleur,  épisode  du  temps  de  la  Terreur  et  du 
Directoire;  par  Eugène  Chavette.  I.  La  Maison  Surent. 
II.  Le  Trésor  de  la  Dubarry.  2"  édition.  Si  vol.  Gr.  in-18, 
681  p.  Paris,  lib.  Dentu.  6  fr. 

Le  chevalier  Casse-Cou.  Le  Camélia  Rouge  ;  par 
Fortuné  Du  Boisgobey.  2'  édition.  In-18  jésus,  395  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr. 


Publications  antérieures 


HISTOIRE  MACC.\RONI0UE  DE  MERLIN  COC- 
CAIE,  prototype  de  Rabelais,  ou  est  traicté  les  ruses  de 
Cingar,  les  tours  de  Boccal,  les  adventures  de  Léonard, 
les  forces  de  Fracasse,  les  enchantemens  de  Gelfore  et 
Pandrague,  et  les  rencontres  heureuses  de  Balde.  Avec 
des  notes  et  une  notice,  par  G.  Bru.net,  de  Bordeaux.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  l'édition  de  1606. 
—  Par  P.-L.  Jacob,  bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Dela- 
hays,  éditeur,  /i-6,  rue  Voltaire. 


LES  ÉCRIVAINS  MODERNES  DE  LA  FRANCE,  ou 
Biographie  des  principaux  écrivains  français  depuis  le  pre- 
mier Empire  jusqu'à  nos  jours.  —  A  l'usage  des  écoles  et 
des  maisons  d'éducation.  —  Par  D.  Box.nefon.  —  Paris, 
librairie  Snndoz  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine. 


MANUEL  D'HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE 
FR.ANGAISE,  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours,  à 
l'usage  des  collèges  et  des  établissements  d'éducation.  — 
Par  F.  Marcillac,  maître  de  littérature  à  l'École  supé- 
rieure des  jeunes  filles  à  Genève.  —  Seconde  édition,  re- 
vue et  corrigée.—  Genève,  chez  H.  Georg,  libraire-éditeur. 


LES  ÉCRIVAINS  CÉLÈBRES  DE  LA  FRANCE,  de- 


puis les  origines  de  la  langue  jusqu'au  xis'  siècle.  —  Par 
D.  BoNNEFON.  —  Paris,  librairie  Sandoz  et  Fischbacher, 
33,  rue  de  Seine. 


LES  MARGUERITES  DE  LA  MARGUERITE;  poé- 
sies de  la  reine  de  Navarre,  réimprimées  avec  les  gravures 
sur  bois  de  l'édition  originale.  —  N»  XVI  du  Cabinet  du 
Bibliophile. — /i  vol.  in-16,  format  deVHeptaméro7i,  tirés 
à  /|00  exemplaires  sur  papier  de  Hollande.  —  Prix  :  10  fr. 
le  volume.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles.  338,  rue 
Saint-Honoré. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vatigelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  MOTS  DE 
L.V  LANGUE  FRANÇAISE  dérivés  de  l'arabe,  du  persan 
ou  du  turc,  avec  leurs  analogues  grecs,  latins,  espagnols, 
portugais  et  italiens.  —  Par  A. -P.  Pihan,  ancien  prote  de 
la  typographie  orientale  à  l'Imprimerie  impériale,  che- 
valier,de  la  Légion  d'honneur.  —  Paris,  librairie  de  Chal- 
lamel  aine,  30,  rue  des  Boulangers. 


32  LE  COITRRIER  DE  VAPCELAS 


LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

.DÉSIRÉ  NISARD,  Membre  de  l'Académie  française. 

Quatre  volumes  in- 18  jésus  de  plus  de  400  pages  chacun. 

\"  vol.  :  Des  origines  jusqu'au  xvii''  siècle  ;  —  i'  vol.  :  Première  moitié  du  xvii'  siècle  ;   —  3'  î'o/.  :    Seconde 
moitié  du  xvii'^  siècle  ;  —  i"  vol.  :  Le  x\in'  siècle  avec  un  dernier  chapitre  sur  le  xii'. 


CAuquirmc  Édition. 
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A  la  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  (Us  et  Cie.  56,  rue  Jacob. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  en  Angleterre. 


Dans  l'annuaire  commercial  et  iNDusiniEL  de  .V.  .^//r^-rf  Hamonet.  ouvrage  approuvé  par  les  Autorités  consulaires  de 
France,  on  trouve  la  liste  suivante  des  agents  de  Londres  par  l'intermédiaire  desquels  les  Professeurs  français  des  deux 
sexes  peuvent  parvenir  à  se  procurer  des  places  : 


M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W. 

M.  Biver  et  Cie,  46,  Régent  Circus,  W. 

M.  Clavequin,  125,  Régent  Street,  W. 

M.  Griffittis,  22,  Henrietta  Street,  Covent  garden.W.  C. 


M.  Verstraete.  25.  Golden  Square,  W. 
Mme  Hopkins,  9,  New  Bond  Street,  W. 
Mme  Waghorn,  3i,  Soho  Square. 
Mme  AVilson,  42,  Berners  Street,  "W. 


Nota.  — Les  majuscules  qui  figurent  i  la  fin  de  ces  adresses  servent  à  marquer  les  «  districts  n  pour  le  service  des 
Postes  ;  dans  la  suscription  des  lettres ,  on  les  met  après  le  mot  Londres ,  exemple  :  Londres  W,  Londres  W.  C. 


Le  volume  de  M.  .Alfred  Hamonet,  qui  coûte  1  fr.  25,  se  trouve  à  la  librairie  Hachette,  â  Paris. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Appel  aux  prosateurs. 


L'Académie  française  décernera  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  .louy,  de  la  valeur  de  quinze  cenlf  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  foodatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
valion,  soit  d'imaginalion,  soil  de  critique,  et  ayant  pour  objet  Vélude  des  mœurs  actuelles.  —  Les  ouvrages  adressé? 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  de  trois  exemplaires  avant  le  1"  janvier  1875. 


Appel  aux  poètes. 


Académie  de  Savoie.  —  Concoms-de  poésie  pour  Tannée  1874.  —  1"  Le  prix  de  poésie  de  la  fondation  Guy  pour 
l'année  1874  sera  de  400  francs.  —  2"  Les  poèmes  envoyés  au  concours  auront  au  moins  100  vers,  sur  un  seul  sujet 
laissé  au  choix  des  concurrents.  —  3"  Les  poèmes  seront  adressés  au  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  avant  le 
!"■  juillet  1874,  et  seront  accompagnés  d'un  billet  cacheté  attaché  au  manuscrit  et  contenant  et  le  nom  et  la  demeure  de 
l'autour.  Le  billet  portera,  à  l'intérieur,  une  épigraphe  écrite  aussi  en  tète  du  manuscrit.  —  4"  D'après  le  vœu  du 
fondateur,  nul  n'est  admis  à  concourir  s'il  n'est  né  ou  domicilié  dans  l'un  des  deux  départements  de  la  Savoie. 

Le  douzième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  1"  jui"l874.  —  Six  médailles  seront 
décornées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  îi  M.  Evariste  Cirrance.  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espaene,  .i  Honlo.iux  (Gironde).  —  .Affranchir 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GuL■vER^KL•R,  G.  Daupelev  à  Nogent-le-Rotrou. 


6°  Année. 


H'   5. 


1  ■■■  Juin  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


^« 


^\?^ 


.X^U  DE 

»  1 -^^  f/\.tÊfinni       V^'TW'l— 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


Journal  Semi-Mens 


CONSACRÉ    A    L»     PROPAGATION      UNIVERSELLE     OE     LA    LANGUE     FRANÇAISE 
Pmrmlaaant    1«     1«   a(    la    IS    «l«    ehaaii«   moto 


PRI.K   : 

AbonnPtncnl  [loiir  U  Frinrc.    0  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .    .     .    .  -îO  e. 

Rédacteur:  Eman  MARTIN 

A.NCIES     PROFESSEUR      SPKi;iAL      POL'B      LES      ÉTBAÎiaBaS 

OfCn-ier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 

ON  S'ABONNE 
En  envoyant  nn  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rwlactear,  "ioit  4  lAdm' 
M.  FiacHBACHiai,  .3.3,  rue  de  Seine. 

SOMMAIRE. 

De  la  signification  du  mot  Charnier; —  Etymologie  de  Ttnia- 
marre:  —  ijrigine  ilu  proverbe  S'en  mntjuer  comme  de  l'an 
quarante  ;  —  Si  Ion  peut  dire  Vivre  une  crue  et  Naître  un 
sujet;  —  Si  le  verbe  AjfryiMler  est  français.  ||  S'il  faut  écrire 
iMisser-paaer  on  Lamez-passer  ;  —  Du  verbe  Interroger 
construit  dans  une  phrase  interjetée  ;  —  Quaml  Autrui  ne  peut 
»e  roellre  pour  Autre.  ||  l'asse-ternps  grammatical.  1|  Suite  de  la 
biographie  (VAntolnf.  Oudiii.  \\  Ouvrages  «le  grammaire  et  de 
littérature.  ||  nenseignement»  pour  les  Français  qui  désirent 
se  placer  comme  professeurs  en  Angleterre.  ||  Concours  litté- 
raires. 


FRANCE 


Première  Question. 

Ac  mol  ciiARMtER  s'esf-il  employé  nufrefoii  pour 
désigner  un  cimeliére,  on  n'n.-t-il  rléxigné  que  les 
endroits  couverts  oii  l'on  pinçait  les  ossements  des 
morts  ? 

Le  19  avril  (Jernier,  le  A/M'  .Sîèc/c  publiait  un  article 
intitulé  <(  la  forme  »  où  se  trouvaient  les  deux  phrases 
suivantes  : 

Lorsqu'il  fut  rpconnu  que  le  rimptifire  des  Innocents, 
qui  s'appelait  dans  la  lani^ue  «'■nergique  du  peuple  lo  char- 
nier des  Innocenta,  était  un  foyer  d'infection  pour  la 
ville,  etc. 

L'arcUevôque,  après  avoir  lutt»'^  fort  longtemps,  se  rendit 
à  l'évidence  de  la  m'jcessité.  Il  autorisa  la  suppression  du 
charnier. 

Le  lendemain,  un  lecteur  de  cette  feuille  adressait  à 
M.  Francisque  Sarcey,  l'auteur  de  l'article,  la  lettre  que 
je  transcris  : 

Monsieur, 

Permettez-moi  une  légère  rectification  au  sujet  de  votre 
article  d'hier,  si  remarquable  k  tous  égards. 

Vous  semblez  croire  que  le  mot  charnier  est  synonyme 
ou  plutôt  est  la  traduction  populaire  du  mot  cimetière  , 
c'est  une  erreur.  Charnier  et  cimetière  sont  deux  mot» 
dont  la  signification  ost  différente  et  les  deux  ctioses  qu'ils 
expriment  «ont  distinctes. 

Le  cimetière  est  l'ondroit  où  l'on  inhume  les  corps;  le 
charnier  est  ou,  pour  mieux  dire,  était,  car  les  cbarniers 


ont  depuis  longtpmps  disparu,  un  lieu  couvert,  une  galerie 
si  vous  voulez,  où  l'on  pla<;ait  les  ossements  des  morts 
que  le  temps  avait  complètement  dépouillés  des  chairs  et 
desséchés. 

Chaque  cimetière  avait  son  charnier;  il  y  avait  le  char- 
nier du  cimetière  des  Innocents,  le  charnier  du  cimetière 
Saint-Paul,  etc. 

Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  mes  sentiments  bien 
distingués. 

C  C. 

Pour  sa  défen.se,  .VI.  Sarcey  a  naturellement  eu  re- 
cours au  dictionnaire  de  Littré.  Mais,  s'il  a  trouvé,  dans 
cet  ouvrage,  un  sens  de  charnier  en  sa  faveur,  et  avec 
un  exemple,  il  y  en  a  trouvé  deux  qui  étaient  contre 
lui,  mais  .sans  exemples,  ce  qui  lui  permettait  encore 
de  croire  que  l'allégation  de  son  adversaire  était  fausse, 
comme  étant  dépourvue  de  preuves  dans  le  dictionnaire 
le  plus  complet  que  nous  ayons. 

Là-fJessus,  estimant  que  le  Courrier  de  Vaugelas 
pourrait  peut-être  élucider  cette  question,  plus  particu- 
lièrement de  sa  compétence,  .VI.  Francisque  Sarcey,  qui 
tenait  ;i  savoir  au  juste  ce  qu'il  en  était,  m'a  proposé 
dans  son  journal  de  la  traiter  dans  le  mien. 

J'ai  accepté,  et  voici  ma  réponse  : 

Le  mot  charnier  (de  caro,  carni.i,  allongé  de  arium 
transformé  en  ier]  a  eu  plusieurs  significations  dans 
notre  langue  ;  mais  je  ne  parlerai  ici  que  de  celles  qui 
se  rapportent  aux  lieux  de  sépulture,  la  question  dont 
il  s'agit  ne  m'obligeant  point  à  signaler  les  autres. 

I»  Jusqu'au  xvi'  siècle,  charnier  a  désigné  l'endroit 
où  l'on  enterrait  les  morts  à  la  suite  d'une  bataille,  en- 
droit que  nous  appelons  aujourd'hui  tranchée  : 

A  pieux  agUB  font  les  charnier*  ouvrir. 

{RoncevauXf  p.  i56.) 

Et  no  franc  crestien  (que  Jhesus  puist  sauver) 
Ont  fait  tous  Antiocbe  des  mors  Turs  délivrer; 
Ens  ''8  carniers  defors  les  alerent  jeter. 

(Ctuinton  i'Antinche,  VI,  10*5. J 

Loys  de  Luxembourg  fist  faire  en  la  place  où  la  bataille 
avoit  été,  plusieurs)  camlers,  et  puis  fist  assembler  tous  les 
morts. 

rFénin,  lilS.) 

Et:  non  gueres  loing  de  li  est  le  charnier,  auquel  furent 


34 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


enterrez  les  corps  des  Macédoniens  qui  moururent  en  la 
bataille. 

(Amyot,  Alex.,  i30 

2°  Comme  la  signification  précédente  le  fait  pressen- 
tir, charnier  a  été  employé  aussi  pour  désigner  un 
cimetière,  ce  dont  voici  d'irrécusables  preuves,  trou- 
vées dans  Du  Gange  : 

Et  quoniam  sepeliri  singulatim  ob  multitudinem  non 
quibant,  constructa  in  quibusdam  locis,  a  Deum  timen- 
tibus,  quEe  vulgo  dicuntur  Carnaria,  in  quibus  quingenta 
et  eo  amplius...  projecta  sunt  defunctorum  corpora. 

Celebraia  est  magna  Missa  corporum  valde  solemniter 
per  Episcopum  Abnncensem.et  postea  arcae  positîe  fuerunt 
in  requie  in  Carnario  dicta?  Ecclesiœ. 

3"  Grâce  à  des  constructions  faites  au  cimetière  des 
Innocents,  le  mot  charnier  prit,  relativement  à  ce  lieu, 
le  sens  pluriel  de  galeries  couvertes,  preuve  ces  lignes 
que  je  trouve  dans  Y  Histoire  de  Paris  par  A.-J.  Meindre 
(vol.  I,  p.  463)  : 

Dans  rcriglne,  il  [le  cimetière  des  Saints-Innocents] 
demeurait  ouvert  de  toutes  parts,  à  cause  de  son  voisi- 
nage des  halles;  aussi  était-il  incessamment  souillé  et 
profané  par  les  passants.  Pour  faire  cesser  ce  déplorable 
état  de  choses,  Philippe-Auguste  lentoura  de  murs  en 
U8S;  deux  siècles  plus  tard,  ces  murs  furent  garnis  de 
galeries  couvertes,  appelées  charniers,  sous  lesquelles  on 
plaça  des  sépultures.  Elles  formaient  une  espèce  de  cloître 
carré  composé  de  quatre-vingts  arcades... 

Au  xiv  siècle,  la  mode  s'établit  de  venir  au  cimetière 
des  Saints- Innocents.  Les  oisifs  s'y  promenèrent,  des 
marchands  s'y  établirent,  et  le  séjour  de  la  mort  fut  un 
lieu  de  rendez-vous,  de  plaisir  et  de  luxe.  Cette  mode 
dura  plusieurs  siècles.  A  la  fin  du  xvni"  siècle,  les  char- 
niers étaient  encore  remplis  de  boutiques  d'écrivains  et  de 
modistes... 

Enfin,  une  ordonnance  royale  de  1785  ordonna  sa  des- 
truction. Ce  lut  alors  que  l'on  démolit  l'église  et  les  char- 
niers, en  même  temps  que  les  chapelles  et  les  autres  mo- 
numents du  cimetière. 

4'  Au  même  cimetière,  où,  d'après  l'auteur  que  je 
viens  de  citer,  on  venait  déposer  les  morts  de  «  vingt 
paroisses  »  les  corps  ne  restaient  pas  longtemps  en 
terre  ;  aussitôt  qu'ils  étaient  dépouillésde  leurs  chairs, 
on  en  e.xhumait  les  ossements  que  l'on  rangeait  sous 
les  charniers  ;  de  là  le  sens  d'ossuaire  qu'a  pris  le 
mot  charnier,  sens  attesté  par  ces  citations,  que  me 
fournit  encore  Du  Cange  : 

Camarium.  Locus,  ubi  ossa  mortuorum  ponuntur.  Sedes 
ossuum. 

In  que  (Cœmeterio)  prœdictus  Manso  intuitu  pietatis, 
Camarium  ad  ossa  mortuorum  reponenda  de  propria 
pecunia  construxit. 

[Charte  de  1161.I 

5°  Enfin,  en  vertu  de  la  figure  qui  permet  d'employer, 
pour  désigner  le  contenu,  le  mot  qui  désigne  le  con- 
tenant, on  a  étendu  le  sens  de  charnier  à  un  mon- 
ceau, à  un  tas  d'ossements,  ce  que  prouve  cet  exemple, 
trouvé  dans  le  Grand  Dictionnaire  de  Pierre  Larousse: 
Les  charniers  des  catacombes  de  Paris. 

Or,  après  toutes  les  citations  qui  précèdent,  il  est 
facile  de  décider  la  ijart  de  raison  ou  de  tort  que  peut 
avoir  }i\.  Francisque  Sarccy  dans  le  débat  dont  il  a  bien 
voulu  me  faire  juge. 


A  mon  avis,  l'éminent  rédacteur  du  .YAV""  Siècle  a.v3.\l 
parfaitement  le  droit  de  dire  du  cimetière  des  Inno- 
cents qu'il  s'appelait  un  charnier  k  dans  la  langue  éner- 
gique du  peuple  »,  puisque  ce  mot  s'est  employé  jadis 
dans  le  sens  de  cimetière;  mais,  quand  il  hésite  à  croire, 
malgré  l'assertion  de  .M.  Liltré,  que  le  même  terme  ait 
signifié  «  dépôt  des  os  exhumés  des  charniers  ou  cime- 
tières »  et  aussi  «  la  pile  même  des  ossements  »,  il  est 
certain  qu'il  glisse  dans  l'erreur. 

X 

Seconde   Question. 

Dans  son  DicTio^>AmE  étymologique,  M.  Brochet  dit 
que  l'origine  de  tintamabre  est  inconnue.  Est-il  vrai 
qu'on  ne  sache  réellement  rien  sur  cette  origine  ? 

Voici  ce  que  j'ai  trouvé  dans  Pasquier  (Recherches  de 
la  France,  p.  737)  relativement  à  l'élymologie  du  mot 
en  question  : 

Un  jour  qu'il  allait  à  la  chasse  (c'est  une  anecdote 
relatée  dans  les  vieilles  chartes  du  Berry,  selon  notre 
auteur  du  xvi'^  sièclel,  le  duc  Jean,  fondateur  de  la 
Sainte-Chapelle  de  Bourges,  rencontra  non  loin  de  cette 
ville  des  vignerons  qui  étaient  à  leur  travail. 

A'oyant  la  peine  qu'ils  se  donnaient,  il  demanda  à  l'un 
d'eux  ce  qu'ils  pouvaient  gagner  par  jour,  combien 
d'heures  ils  étaient  obligés  de  travailler  et  autres  parti- 
cularités concernant  leur  condition. 

Il  lui  fut  répondu  que,  dans  les  grands  jours  de  l'été, 
ils  étaient  tenus  d'être  à  leur  besogne  depuis  4  heures 
du  matin  jusqu'il  8  ou  9  heures  du  soir,  et  pendant 
l'hiver,  depuis  6  heures  du  matin  jusqu'à  sept  ou 
huit  heures  du  soir. 

Le  duc  eut  compassion  de  ces  pauvres  gens  ;  et,  pen- 
sant que  la  rigueur  des  maîtres  à  leur  égard  allait  jus- 
qu'à la  tyrannie,  il  voulut  abolir  cette  coutume.  11 
ordonna,  à  cet  effet,  que,  dorénavant,  les  vignerons  ne 
seraient  obligés  d'aller  à  leur  ouvrage  qu'à  6  heures  du 
matin,  en  toute  saison,  et  qu'en  été  leur  travail  cesse- 
rait à  six  heures  du  soir,  et,  en  hiver,  à  3  heures. 

Pour  empêcher  que  celle  mesure  ne  ftil  rendue  illu- 
soire, le  duc  prescrivit  que  ceux  qui  étaient  les  plus 
rapprochés  de  la  ville,  et  qui,  conséquemment,  devaient 
entendre  plus  facilement  que  les  autres  le  son  de  la 
cloche,  en  avertiraient  par  leurs  cris  ceux  qui  étaient 
près  d'eux,  que  ces  derniers  feraient  de  même,  et  ainsi 
«  de  mairi  en  main  ». 

Depuis  lors,  cette  pratique  fut  très-strictement  obser- 
vée dans  tout  le  Berry  ;  et,  ainsi  que  Pasquier  l'a  en- 
tendu dire,  elle  le  fut  également  aux  environs  de  Blois, 
dans  un  grand  »  coustcau  »  de  vignoble  situé  dans  le 
voisinage  :  dans  celte  localité,  quand  l'heure  de  la 
retraite  se  faisait  entendre,  les  vignerons  criaient  : 
Dieu  pardoint  au  comte  Thibault,  croyant  que  c'était  à 
lui  qu'ils  étaient  redevables  de  l'établissement  de  ladite 
coutume. 

Or,  les  bonnes  gens  du  pays  disaient  qu'ils  avaient 
«  oui  »  qu'autrefois  le  premier  vigneron  qui  donnait  le 
signal  aux  autres  avait  l'habilude  de  «  tinter  dessusses 
warres  avec  une  pierre  »  avant  de  crier  l'heure  à  ses 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


35 


compagnons;  et,  comme  le  son  du  «  tint  r>  sur  la 
marre  (instrument  pour  cultiver  la  vigne  dont  il  est 
déjà  question  dans  la  Maison  rustique  de  Columelle) 
excitait  une  grande  «  huée  »  parmi  les  vignerons,  on 
est  naturellement  autorisé  à  croire  que  le  mot  tinta- 
marre a  été  fait  pour  désigner,  par  analogie,  tout  grand 
bruit,  tout  grand  tumulte. 

X 

Troisième  Question. 

Quelle  est,  s'il  vous  plaît,  l'oricjine  du  proverbe  :  je 
m'en  moque  comme  de  l'a?i  quarante? 

Le  parémiographe  Quitard  explique  celle  expression 
en  ces  termes  : 

On  croyait  beaucoup  à  la  fin  du  monde,  dans  le  com- 
mencement du  onzième  siècle.  C'était  une  opinion  alors  uni- 
versellement répandue  que  les  mille  ans  et  plus  qu'on  pré- 
tendait assignés  par  Jésus-Christ  lui-même  comme  terme  à 
son  église  et  à  la  société  entière,  devaient  expirer  en  l'an 
quarante  de  ce  siècle.  La  peur  avait  gagné  tous  les  esprits. 
Les  pécheurs  se  convertissaient  en  foule,  et  chacun  parlait 
de  se  faire  ermite.  Mais  lorsque  celte  époque  si  reiloutable 
fut  passée,  on  changea  de  langage,  et  l'on  dit  Je  m'en  moque 
comme  de  l'an  quarante,  expression  qui  est  encore  usitée 
en  pariant  d'une  chose  qui  ne  doit  inspirer  aucune  crainte. 

Mais  les  deux  objections  qui  suivent  sont  tellement 
sérieuses  qu'elles  ne  permettent  pas  d'adopter  l'expli- 
cation du  savant  belge  : 

i"  Ce  n'est  point  à  la  40"  année  du  xi"  siècle  que  la 
croyance  dont  il  vient  d'être  parlé  assignait  la  fui  du 
monde;  c'était  au  commencement  de  l'an  mille,  comme 
le  prouvent  ces  lignes  empruntées  à  A. -J.  .Meindre  (Hist. 
de  Paris,  vol.  I,  p.  260)  : 

Un  fait  t)ien  e.xtraordinaire  et  unique  dans  toute  l'his- 
toire avait  rempli  de  terreur  et  de  consternation  les  der- 
nières années  du  x*  siècle.  On  avait  répandu,  en  France  et 
en  Allemagne,  la  croyance  que  le  monde  finirait  raille  ans 
après  Jésus-Christ,  et  qu'il  serait  détruit  au  commencement 
de  l'an  1000...  Pès  lors  toutes  choses  se  trouvèrent  para- 
lysées; soins  temporels,  affaires  et  intérêts  matériels,  tout, 
jusqu'aux  travaux  de  la  campagne,  languissait,  abandonné, 
dans  la  dernière  année  du  X'  siècle. 

Le  jour  si  redouté  arriva,  et  l'an  1000  comtnença  aussi 
heureusement  que  les  années  précédentes... 

2"  Le  proverbe  s'en  moquer  comme  de  l'an  quarante 
ne  se  trouve  ni  dans  l'Académie  de  4  835,  ni  dans  aucun 
des  dictionnaires  parus  antérieurement  à  cette  éjioque, 
sans  en  excepter  celui  de  Leroux  ;  je  ne  l'ai  rencontré 
dans  aucun  auleur  ancien,  et  je  le  vois  paraître  pour 
la  première  fois  dans  le  \ouret  Alberti  (186")).  Or,  si  ce 
proverbe  avait  pris  naissance  à  la  suite  des  terreurs 
de  l'an  <000,  est-il  présumable  qu'il  eût  mis  près  de 
huit  cents  ans  pour  passer  de  la  langue  parlée  dans 
la  langue  écrile? 

Il  faut  donc  que  cette  expression  soit  toute  moderne. 
Aussi  M.  Liltré  ne  la  fait-il  remonter  qu'à  la  fin  du 
XVIII"  siècle.  D'après  l'illustre  académicien,  en  effet, 
s'en  moqurr  comme  de  l'an  quarante,  est  un  dicton 
employé  par  les  royalistes  (on  disait  alors  l'an  i",  l'an  it, 
l'an  III,  en  sous-entendant  «  de  la  république  »)  pour 
exprimer  qu'on  ne  verrait  pas  la  quarantième  année  de 
ce  nouveau  gouvernement. 


A  cette  explication,  que  je  crois  la  vraie,  il  manque 
cependant  quelque  chose,  un  bon  texte  justificatif  que 
.M.  Liltré  a  oublié  de  nous  donner,  et  que  je  n'ai  pas 
encore  pu  trouver  malgré  de  longues  recherches.  Si 
quelque  ami  du  Courrier  de  Vamjelas  a  jamais  la  bonne 
fortune  d'en  rencontrer  un  dans  ses  lectures,  je  le 
prie  instamment  de  vouloir  bien  me  le  communiquer. 
X 
Quatrième  Question. 

Je  trouve  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  du  i"  no- 
vembre 4  873  les  deux  phrases  suivantes  :  (page  19) 
«  La  (jénération  qui  raisonnait  ainsi  n'avait  point 
VÉCU  LA  TERRIBLE  GBiSE  ni  subi  le  contre-coup  immédiat  ;  » 
(page  25)  «  De  là  sa  tyrannie;  l'homme  de  yénic  kait 
so.N  suiET  et  n'a  qu'à  se  soumettre  sans  le  discuter  à  sa 
morale,  à  ses  principes.  »  Veuille:^  me  dire  dans  votre 
intéressant  journal  si  l'emploi  des  verbes  vivre  et  .naître 
dans  ces  deux  phrases  est  correct. 

Il  était  élégant  en  latin  de  donner  pour  régime  à  un 
verbe  neutre  le  subslantif  qui  avait  formé  ce  verbe; 
ainsi,  ouvrez  le  premier  lexique  venu,  et  vous  y  trou- 
verez : 

ooraniare  somnium  (Dormir  un  sommeil). 
Vivere  vitam  (Vivre  la  vie). 

Cette  construction  a  été  employée  par  quelques-uns 
de  nos  auteurs;  j'en  ai  recueilli  ces  preuves  : 

iNous  savons  qu'elle  [la  reine  régente]  a  toujours  imité 
Dieu,  dont  elle  porte  sur  le  front  le  caractère;  elle  a  tou- 
jours pense  des  pensées  de  paix. 

(Bossuet,  !«■  Serm.  Démons.  3.} 

'Voilà  ce  qui  fait  honte  ou  ce  qui  fait  frémir; 
Gémissement  que  Job  oublia  de  gémir. 

(Lamartine,  Jiép.  aux  ad.  de  'Walter  Scan.) 

Au  xiu*  Siècle,  le  trouvère  Walter  Vogelweidp,  laissant 
tomber  sa  tête  dans  sa  main,  s'écriait  :  «  Cette  vie,  \'ai-jc 

vécue,  l'ai-je  rêvée?  » 

[Le  Pays  du  i3  février  i8'j4,) 

Le  suicide,  il  faut  le  pardonner  à  celui  qui,  après  avoir 
vaillamment  combattu  le  combat  de  la  vie,  voit,  au  dédia 
de  ?es  jours,  la  misère  honteuse  s'asseoir  à  son  foyer  sans 
travail  et  sans  pain. 

(A.  de  Bragelonne,  le  Voleur  du  i"  mai  1874.) 

.Mais,  de  l'aveu  de  tous,  je  crois,  la  susdite  construc- 
tion ne  peut  guère  convenir  qu'en  poésie  et  dans  le  haut 
style. 

Or,  si  déj.i  les  phrases  en  question  et  leurs  analogues 
onl  un  usage  aussi  restreint,  à  plus  forte  raison,  ne 
doit-on  pas  employer  activement  un  des  verbes  neutres 
qu'elles  contiennent,  avec  un  régime  direct  qui  n'est 
puiiit  de  la  famille  de  ce  verbe. 

Je  ne  puis  regarder  vivre  une  terrible  crise  comme 
une  phrase  de  bon  français. 

Quant  au  verbe  naître,  il  me  semble  qu'il  n'y  a  aucun 
auteur  classique  qui  en  ait  fait  usage  comme  verbe  aclif, 
cl  je  n'en  avais  jamais  rencontré  un  seul  exemple  avant 
celi^i  que  vous  me  citez. 

Ce  doit  être  une  coquille! 


36 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


X 

Cinquième  Question. 

On  lit  ce  qui  suit,  à  la  page  2,  col.  \,de  la  Revue 
SAVOisiENNE  du  25  mars  1874  :  «  Mais  la  violence  du 
torrent  avait  iFFOUiLLÉ  son  lit,  etc.  »  J'ai  cherché,  dans 
Littré,  ce  mot  que  je  vois  pour  la  première  fois,  et  je 
n'y  ai  trouvé  que  affouillememt.  Est-ce  que,  par  ha- 
sard, AFFOUILLEK  ne  Serait  pas  français? 

Dans  le  Dictionnaire  des  dictionnaires  de  Darbois 
(1830),  j'ai  compté  114  mois  en  ement  signifiant  une 
action,  et  correspondant  chacun  à  un  verbe  : 
Abrègement         à        Abréger, 
Broiement  —         Broyer, 

Engagement       —         Engager, 
Recueillement    —         Recueillir, 
Abattement        —        Abattre. 
Or,  pour  la  même  raison,  ajfouillement  devant  cor- 
respondre au  verbe  a/fouiller,  i'en  conclus  que  ce  verbe 
est  parfaitement  employé  dans  la  phrase  que  vous  me 
signalez,  et  que  ce  ne  peut  être  que  par  oubli  qu'il  ne 
figure  pas  dans  le  dictionnaire  de  Littré. 

ÉTRANGER 


Première  Question. 

Quelle  est  la  meilleure  manière  d'écrire  le  substantif 
composé  LiissEii-PASSER?  car  on  le  voit  tantôt  écrit  avec 
vn  i  au  premier  verbe,  et  tantôt  avec  une  k.  Ce  mot  ne 
se  trouvant  pas  dans  mon  dictionnaire,  je  vous  serais 
bien  obligé  de  répondre  le  plus  tôt  possible  à  cette  ques- 
tion. 

Presque  tous  nos  journaux  écrivent  laisser-pa-fser, 
ainsi  qu'on  a  pu  facilement  le  remarquer  pendant  la 
guerre,  époque  où  ce  mot  revenait  plus  fréquemment 
sous  la  plume  des  journalistes  : 

Je  ne  crois  pas  après  tout,  dit-il,  quand  nous  eûmes  fini, 
qu'il  soit  nécessaire  de  vous  retenir  :  on  vous  donnera  tout 
à  l'heure  un  laisser-passer  à  mon  état-major. 

{Revtte  des  Deux-Mondes  du  !••■  février  1871.) 

C'est,  nous  dit-on,  dans  l'intérêt  de  l'ordre  qu'on  demande 
les  taiiser-passer. 

(La  CInrhe  du  la  février  1871.) 

Relativement  aux  laisser-passer,  un  nouveau  modèle  vient 
d'être  arrêté. 

(in  Pairie  du  16  février  i87i.l 

Mais  celle  orthographe  est  mauvaise,  car  un  laissez- 
passer,  qui  est  une  anlorisalion  écrite  pour  la  libre  cir- 
culation des  personnes  ou  des  voilures,  doit,  par  cela 
même,  commencer  par  un  impératif;  c'est  ainsi  du  reste 
que  le  général  Bardin  [Dictionnaire  de  l'unnén  de  terre) 
écrit  ce  mot,  et  qu'on  le  trouve  dans  les  ouvrages  trai- 
tant de  l'Administration  : 

Les  tabacs  de  toute  espèce,  soit  en  feuilles,  soit  fidiriqués, 
ne  peuvent  circuler  sans  acquit-à-caut'on.  11  suflit  toute- 
foisqu'ils  soient  accompagnés  d'un  laissez- passer  ûe  la  régie 
lor8(|U'ils  sont  enlevés  de  clipz  le  cultivuleur  pour  étrn  ver- 
sés dans  les  magasins  du  l'Elat. 

(Bloch,  Dicl.  de  CAdmiti.,  p.  i5o4,  col.  j.) 


Art.  8  :  11  sera  délivré  à  chaque  entrepreneur  de  voitures 
publiques,  par  le  préposé  de  la  régie  des  droits  réunis, 
autant  de  laissez- passer  conformes  à  sa  déclaration,  qu'il 
aura  de  voitures  en  circulation. 

{Décret  impérial  du  ll^  fructidor,  an  Xîl.) 

Aux  Additions  et  Corrections  placées  à  la  fin  du  4"  vo- 
lume de  son  dictionnaire,  M.  Littré,  qui  avait  oublié  le 
mol  en  question  à  la  lettre  L,  l'écrit  également  avec  un 
s  à  la  première  partie. 

X 
Seconde  Question. 

Le  verbe  interroger  est-il  bien  employé  dans  les 
phrases  suivantes,  que  j'ai  trouvées  dans  des  journaux 
français  :  «  Save:--vous  quelque  chose  du  message, 
i.XTERROGE  Un  député?  Qu'est-ce  que  Costange,  inter- 
roge le  docteur  ?  Dis,  papa,  interroge  Bébé?  »  Sans  que 
je  sache  précisément  pourquoi,  il  me  semble  que  ces 
phrases  choquent  l'oreille  ?  Est-ce  aussi  votre  avis? 

Toute  phrase  qui  commence  par  les  paroles  que  pro- 
nonce la  personne  désignée  par  le  sujet  du  verbe  est 
une  tournure;  ainsi  les  suivantes  : 

Les  hommes,  disait  M.  Koyer-Collard,  ne  sont  ni  aussi 
bons,  ni  aussi  mauvais  que  leurs  principes. 

{Victor  Cousin.) 

Mais  si  cette  toile  est  véritablement  si  précieuse,  aè-je 
répondu,  elle  doit  avoir  un  haut  prix. 

(Em.  Souvestre,  un  Philos.,  p.  32.) 

Mais,  ajouta-i-il  très-bas  et  en  soupirant,  vous  m'avez 
compris. 

(Mérimée,  Ckron.,  p.  j56.) 

ne  sont  autre  chose  qu'une  transformation  de  celles-ci, 
qui  sont  d'une  construction  plus  naturelle,  ou,  si  vous 
voulez,  moins  savante  : 

M.  Royer-Collard  disait  :  Les  hommes  ne  sont  ni  aussi 
bons,  etc. 

J'ai  répondu  :  Mais  si  cette  toile  est  véritablement  si  pré- 
cieuse, etc. 

Il  ajouta  très-bas  et  en  soupirant  :  Mais  vous  m'avez  com- 
pris. 

Or,  en  vertu  de  ce  principe,  les  phrases  interjetées 
que  vous  me  proposez  sont  équivalentes  à  ces  autres, 
où  «i^erroypr  est  mal  construit  puisqu'il  n'a  pas,  comme 
il  le  requiert,  un  nom  de  personne  pour  régime  direct  : 

Un  député  interroge  :  Savez-vous  quelque  chose  du  mes- 
sage? 
Le  docteur  interroge  :  Qu'est-ce  que  Costange? 
Bébé  interroge  :  Dis  papa? 

D'où  je  conclus  que  le  verbe  interroger  figure  à  torl 
dans  les  phrases  qui  font  l'objet  de  votre  question. 
C'est  demander  qu'il  fallait  y  mettre. 

Ce  n'est  ]ias  seulement  avec  interroger  qu'une  phrase 
interjetée  peut  être  mal  construite  ;  elle  peut  l'être  aussi 
avec  plusieurs  autres  verbes  tels  que  ceux  qui  se  trou- 
vent dans  ces  exemples  : 

A  propos,  questionna  Harmodius,  qui  s'était  installé  sur 
l'une  des  banquettes,  je  ne  vois  personne. 

[Paris-Juunial  du  13  juillet  lB7i.) 

Sedan!  exclama  l'oiitalne,  alil  ne  prononcez  pas  ce  nom 
devant  moi;  car  il  met  mon  patriotisme  û  une  trop  rude 
épreuve. 

[Im  Liberté  du  18  mars  1871. J 


LE  COURRIER   DE   VAUGELAS. 


37 


Demandez  la  clef  à  l'inspecteur  qui  est  au  second,  im- 
plora i'uH  d'eiijr. 

(Z.«  Pttit  Journal  du  l8  juillet  1873  ) 

Napoléon, a  raisonné  le  cabinet  de  .Sai/it-Jamp-'i,  avait  beau- 
coup de  sympathies  en  Angleterre. 

[Le  Figaro  du  18  janvier  1873.) 

X 

Troisième  Question. 
Voudriez-vous  bien  me  dire  dans  quels  cas  il  n'est 
pas  permis  d'employer  actkci  à  la  place  de  cis  autre, 

LES  AUTRES? 

Ces  deux  expressions  sont  synonymes;  mais  aulrui 
est  loin  de  pouvoir  s'employer  toules  les  fois  qu'on 
peut  faire  usage  de  autre;  voici  les  principales  restric- 
tions auxquelles  il  est  soumis  : 

\°  Forme  régime,  autrui  ne  peut  remplacer  autre 
quand  celui-ci  est  sujet  ;  ainsi  il  n'y  a  pas  possibilité  de 
le  mettre  dans  la  phrase  suivante  : 

Vous  comprenez  qu'il  est  père,  et  par  conséquent  faible 
comme  un  autre. 

i"  Aulrui  ne  peut  être  le  concomitant  de  Vun  ou  de 

les  uns;  il  faut  nécessairement  dire  : 

Il  ne  faut  pas  ravir  le  bien  des  uns  pour  le  donner  aux 
autres. 

3°  Quand  autre  est  suivi  d'un  que,  comme  dans  la 
phrase  suivante,  il  ne  peut  jamais  être  remplacé  par 
autrui  : 

Ne  parlez  pas  de  cela  à  d'autres  que  nos  amis. 

(Littré,  Dict.) 

PASSE-TEMPS  GRA.MMATIGAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

r  Si  le  caprice  lui  prend  de  modeler;  —  2°...  dans  les  nuits 
parfois  claires  ;  —  3°...  à  d'autres  yeux  que  ceux  des  initiés  ;  — 
4°...  avant  qu'elles  n'eussent  été  exprimées;  — 5°  Quand  nous 
eûmes  déféré  a  son  désir,  il  vint;  ou  :  ayant  déféré  à  son  désir 
nows  le  vîmes  venir  à  nous;  —  6°...  où  je  rencontrai  prés  celle 
de  Greneta;  —  7\..  qu'on  le  dit  avoir  prédite  aussi  liien  :  —  8°... 
il  est  préférable  de  courir  les  chances  de  la  maladie  plutôt  que 
d'infuser;  — 9'...  Mlle  Palry  s'est  laissée  aller  à  son  propre 
élan  ;  —  10*...  s'attend  à  autre  chose  que  de  consciencieux 
éloges;—  11°...  les  (ils  du  télégraphe  sont  coupés  entre  tous 
les  poteaux  :  —  12'...  qui  fasse,  pendant  trois  mois,  couler  des 
larmes  aux  spectateurs. 

Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1"  Mérimée  fit  paraître  ensuite  la  Guzla,  choix  de  poésies 
illyriques  recueillies  dans  la  Dalmatie. 

2*  Couronné  aux  jeux  floraux,  on  lui  donna,  au  lieu  de 
la  modeste  églantino,  une  Minerve  d'argent  massif. 

3*  Ce  n'est  que  plus  tard  et  par  réflexion  qu'on  recon- 
naît dans  ces  orbites  enfoncées  l'alanguissement  des  voluptés 
mfinies  et  la  lassitude  du  désir  inassouvi. 

4*  On  ne  peut  disconvenir  que  le  héros  du  livre  ne  montre 
souvent  de  l'esprit.  Par  exemple  (et  c'est  la  seule  chose 
malgré  que  j  en  aie  dit  plus  haut,  dont  la  reproduction  soii 
possible),  on  y  raconte  la  manière  dont  ii  se  moqua  un 
jour  de  l'archevêque  de  Lyon. 


5°  Un  jour,  il  y  a  déjà  longtemps  de  cela,  conduit  par  un 
petit-fils  de  Beaumarchais,  vous  franchissiez  le  seuil  d'une 
maison  de  la  rue  du  Pas-de-la-Mule,  vous  montiez  à  une 
mansarde  où  personne  n'était  entré  depuis  longues  années. 

6°  Malgré  toutes  les  recommandations  d'observer  une 
stricte  discipline  et  de  laisser  la  parole  aux  chefs,  on  pa- 
raissait craindre  que  quelque  incident  fit  dévier  la  discus- 
sion et  compromit  ainsi  le  plan  tracé  d'avance  de  mainte- 
nir le  débat  dans  les  limites  fixées. 

7°  D'après  les  organes  radicaux,  il  semblerait  qu'il  soit 
défendu  de  parler  du  suffrage  universel  sans  M.  Ledru- 
Bollin. 

8°  Les  préparatifs  que  font  plusieurs  nations  de  l'Europe, 
inquiétées  par  les  prétentions  germaniques,  ne  laissent 
pas  que  de  préoccuper  l'empereur  d'Allemagne  et  ses  mi- 
nistres. 

9°  Il  est  venu  en  habit  couvert  de  broderies  comme  on 
en  a  jamais  vu,  même  sous  l'Empire  ;  il  en  avait  dans  le 
dos  autant  que  sur  la  poitrine. 

10"  Je  ne  comprends  pas,  maître  Carie,  dit-il,  que,  dans 
l'horrible  situation  que  vous  définissez  si  clairement,  vous 
ayiez  songé  à  vous  faire  dévorer,  dans  une  nuit  de  carna- 
val, vos  derniers  écus. 

11°  Le  fils  du  compagnon  d'armes  et  de  captivité  de 
Napoléon  1"  maintient  au  contraire  avec  une  grande  éner- 
gie sa  candidature  plébiscitaire;  c'est  du  moins  ce  qu'il 
résulte  d'une  lettre  publiée  par  le  Journal  de  Bordeaux. 

(Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE    DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE   MOITIE   DU   XVll'  SIÈCLE. 

Antoine  OUDIN. 

(Suite.y 

Parlons-nous  aux  personnes  «  de  respect  »,  nous 
nous  servons  du  pluriel,  et  parlons-nous  aux  familiers 
ou  aux  gens  de  basse  extraction,  nous  nous  servons  du 
singulier. 

En  s'adressant  à  quelqu'un  qui  est  présent,  on 
n'emploie  jamais  la  3"  personne  comme  les  Flamands, 
qui  disent  :  Monsieur  veut-il  ?  Madame  veut-elle^ 

DES    PfiOKOMS  DÉMONSTRATIFS. 

On  peut  mettre  iai  pour  cij,  mais  il  n'est  guère  élé- 
gant de  le  faire. 

Quant  à  là,  on  peut  aussi  bien  s'en  servir  pour  signi- 
fier une  chose  proche  qu'une  chose  éloignée,  ear  on  dit 
de  ce  qu'on  tient  à  la  main  ce  papier  là  que  je  tiens,  et 
d'un  homme  près  de  nous  cet  homme  là. 

On  ne  dit  pas  ces  madames  là,  mais  bien  ces  dames 
là,  ou  mesilumes  que  voilà. 

Ces  jours-ctj,  signifie  ces  jours  derniers;  un  de  ces 
jours,  un  des  jours  prochains  à  venir;  un  de  ces  matins, 
un  des  malins  prochains. 

On  dit  c'est  nous  et  non  pas  ce  sommes  nous. 

Ce  est  quelquefois  employé  pour  ta  rai.son  pourquoi/, 
comme  dans  ce  que  je  viens  icy  n'est  que  pour  vous 
dire  .. 

Ce,  el  non  cela,  se  met  devant  les  participes  termines 
en  ant  :  ce  faisant  vous  m'obligerez  ;  el  il  en  est  de 
même  dans  la  conslruclion  des  parenthcses  devant 
quefque  verbe,  comme  [rc  disoit-il)^  [ce  disoy-jc). 


38 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Sur  quelques  frontières,  on  dit  quelle  heure  est-ce? 
pour  quelle  heure  est-il?  C'est  une  grosse  faute. 

Hors  de  l'interrogation,  ce  ne  se  rencontre  point  à  la 
fin  des  phrases;  on  le  remplace  par  ceci,  cela;  on  ne 
dit  pas  Je  suis  assuré  de  ce. 

Celuij  et  celle  signifient  quelquefois  nul  ou  personne, 
comme  dans  :  il  n'y  a  celuy  qui  naye  envie,  il  n'y  a 
celle  qui  ne  pense. 

DES    PHOXOMS   POSSESSIFS. 

On  dit  ce  clieval  est  tien,  sien,  nostre,  rostre;  quant 
à  leur,  il  ne  s'emploie  jamais  de  celte  manière. 

Il  est  encore  permis  de  dire  un  mien  amy,  un  tien 
parent;  un  sien  frère;  mais  on  ne  fait  plus  usage  des 
autres  possessifs  7iostre  et  vostre,  etc. 

Quand  on  doit  répondre  à  celte  question  ou  à  une 
semblable  :  à  qui  est  ce  livre?  il  faut  bien  se  garder  de 
répondre  seulement  mien,  tien, sien;  il  faut  dire  :  il  est 
à  moy,  il  est  mien,  ou  (7  est  à  toy,  ou  il  est  tien. 

«  Beuvant  »  à  plusieurs  personnes,  il  est  indifférent 
de  dire  Messieurs  à  votre  santé  ou  à  vos  santés  Mes- 
sieurs; le  premier  toutefois  est  bien  meilleur. 

Dans  quelques  façons  de  parler,  les  pronoms  posses- 
sifs changent  complètement  le  sens  :  se7ifir  l'homme, 
avoir  l'odeur  d'un  homme;  sentir  son  homme,  avoir  la 
qualité  d'un  brave  homme. 

DES   PKOPiOMS   BELiTIFS. 

Personne  ne  se  sert  plus  d'iceux  ni  d'icelles;  cepen- 
dant on  les  emploie  encore  en  matière  de  justice  :  sera 
iceluy  tenu  de  faire,  sera  icelle  reveiie  et  rapportée. 

Dans  plusieurs  phrases,  qui  s'emploie  pour  ce  qui, 
comme  dans  je  sçay  bien  qui  vous  meine  pour  ce  qui 
vous  meine;  arrive  qui  pourra  pour  ce  qui  pourra. 

Que  s'emploie  quelquefois  dans  un  sens  négatif  .'Je 
n'ay  que  faire  de  vous,  il  n'y  a  que  faire,  je  n'ai  pas 
affaire  de  vous,  il  n'y  a  rien  à  faire. 

Que  est  superflu  dans  ces  phrases  :  qu'est-ce  que  d'un 
homme;  quelle  beste  est-ce  que  d'un  loup  cervier^ 

Esquels  et  esquel/es  ne  sont  plus  en  usage  (1633). 

Dont  ne  doit  pas  se  confondre  avec  d'oi(,  bien  que 
le  vulgaire  dise  quelquefois  f/on<  venez-nous?  pourrf'o/V 
venez-vous? 

Au  singulier,  rt«cM«  est  toujours  né^a.WÎ  :  d'aucun 
amy,  d'aucune  parente,  c'est-à-dire  de  nul  amy,  de 
nulle  parente;  au  pluriel,  il  e.sl  affirmatif  :  aucuns 
disent,  aucuns  croyent.  Antoine  Oudin  aimerait  mieux 
qu'on  se  servit  de  quelques-uns. 

Chaque  a  un  pluriel,  chaques;  on  dit  choques  choses. 

Un  cliarun  comprmd  seul  toutes  sortes  de  i)ersonnes. 

Quiconque  vaut  mieux  que  quiconques. 

.Vu  lieu  de  personne  qui  vive,  on  dit  quelquefois 
homme  du  monde,  homme  qui  vive,  ume  qui  vive. 

Tel  quel  signifie  médiocre  :  j'ay  un  serviteur  tel  quel. 

nu    VEIIIIE. 

Après  avoir  exposé  la  conjugaison  de  être  cVAt  avoir, 
Oudin  donne  des  règles  pour  la  formation  des  temps 
dans  les  quatre  conjugaisons,  qu  il  distingue  par  les 
finales  er,  ir,  oir,  re;  puis,  comme  certains  verbes  ne 
suivent  pas  les  règles  qu'il  indique,  il  signale  les  irré- 
gularités (|ue  présente  cliaciuf  conjugaison. 


DE    L  0SAGE   DES   TEMPS. 

Présent.  —  Nous  avons  une  façon  de  parler  où  nous 
mettons  le  présent  pour  le  futur  :  il  est  demain  fête, 
quel  jour  est-il  demain? 

Imparfait.  —  On  ne  doit  jamais  s'en  servir  que 
pour  rapporter  la  chose  «  en  sa  durée  »  :  je  disais 
hier,  je  courais  hier;  une  continuation  :  lorsque  j'estais 
demeurant  à  Lion,  je  beuvois  de  bon  vi7i;  ou  bien  une 
habitude  :  César  avait  accaustumé,  Alexandre  disait 
ordinairement  ;  mais  si  c'est  une  action  brève,  ou  «  pas- 
sante »,  il  faut  dire  allant  de  Paris  en  Italie,  comme 
nous  étions  à  Lion,  nous  beusmes,  etc. 

Cependant  l'imparfait  se  met  quelquefois  pour  un 
temps  sans  durée,  après  le  plus-que-parfait  du  subjonc- 
tif :  s'il  eust  tourné  cœur,  je  gagnois. 

Passé  défini,  passé  indéfini.  —  Le  passé  déûni  in- 
dique une  action  tout-à-fait  passée  et  dont  il  ne  reste' 
rien  à  «  parachever  »  ;  l'indéflni  a  quelque  chose  de 
plus  récent  et  quelque  reste  qui  doit  suivre,  comme 
dans  on  a  ordonné  depuis  peu  de  temps. 

Quand  on  ne  définit  point  le  temps,  et  qu'on  dit  sim- 
plement que  quelque  chose  est  arrivé,  il  faut  employer 
le  passé  indéfini  :  il  y.  a  eu  du  bruit  ;  mais  si,  au  con- 
traire, on  définit  quelque  sorte  de  temps,  on  doit  se  ser- 
vir du  passé  défini  :  il  y  eut  alors  du  bruit. 

En  parlant  d'aujourd'hui,  il  faut  employer  le  passé 
indéfini  et  jamais  le  défini  ■■  j'ay  fait  aujourd'hui,  j'ay 
veu  oujourd'hvy  ;  en  parlant  d'hier,  «  d'aulant  hier  » 
ou  de  l'autre  jour,  on  se  sert  du  passé  défini  comme 
dans  'hier,  je  vis  monsieur,  j'entray  l'autre  jour,  etc. 
.Mais  si  l'on  vient  à  mettre  un  pronom  démonstratif 
avant  le  temps,  on  pratique  le  passé  indéfini  :  j'ay  ga- 
gné cette  sepmaine. 

Avec  les  noms  des  divisions  du  temps,  siècle,  an, 
mois,  sepmaine,  jour,  on  se  serl  du  passé  défini  :  le 
siècle  passé  il  y  eut  de  doctes  personnes  qui  escrivirent  ; 
mais  si  la  partie  du  temps  dont  on  parle  n'est  pas  encore 
écoulée,  il  faut  employer  le  passé  indéfini  :  re  siècle  a 
founiy  de  grands  hommes. 

En  l'absence  des  «  formules  »  qui  divisent  le  temps, 
on  emploie  indifféremment  le  passé  défini  ou  le  passé 
indéfini. 

DE    l'emploi    des   MODES. 

Il  y  a  trois  sortes  de  verbes  :  1°  ceux  qui  expriment  ^ 
la  chose  avec  cerlilude,  ou  qui  montrent  la  chose  actuel- 
lement existante,  comme  affirmer,  appercevoir,  asseurer, 
connaislre,  etc.  ;  2°  ceux  qui  ont  un  sens  entre  la  certi- 
tude et  l'incertitude,  comme  avoir  opinion,  croire,  dou- 
ter, estimer  pour  penser,  s' esmerveil  1er,  se  resjouir,  etc.; 
3°  ceux  qui  posent  la  chose  avec  incertitude,  et  qui 
montrent  une  condition  requise  pour  la  distinguer 
comme  appréhender,  craindre ,  etc. 

Ces  trois  natures  de  verbes  étant  bien  retenues, 
Antoine  Oudin  va  dire  de  quelle  manière  les  temps  en 
«  attirent  »  d'autres  après  que  et  les  relatifs  qui,  que, 
lequel,  dont . 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rbdacteok-Géiiant  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


39 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 

Publications  de  la  quinzaine  : 


Le  Drame  de  la  Sauvagère;  par  Philippe  Audebrand. 
In-18  josus,  399  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

L'Héritage  d'un  pique-assiette  ;  par  Eugène  Cha- 
vette.  I.  Le  Premier  mari.  IL  Deux  histoires  du  passé. 
2  voL  In-18  Jésus,  863  p.  Paris,  lib.  Dentu.  6  fr. 

Recueil  nouveau  de  morceaux  choisis  extraits 
des  classiques  français,  à  l'usage  des  classes  de  gram- 
maire, avec  des  notes  grammaticales,  etc.  Prosateurs;  par 
M.  Etienne,  professeur  suppléant  de  littérature  française. 
In-12,  viii-373  p.  Paris,  lib.  Delagrave.  2  fr. 

Œuvres  poétiques  de  Malherbe,  précédées  de  la  vie 
de  Malherbe  par  Racan  et  suivies  de  lettres  choisies.  Nou- 
velle édition,  avec  une  préface  par  M.  Louis  Moland.  In-18 
Jésus.  VI1I-Û58  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  3  fr. 

A  fond  de  cale,  voyage  d'un  jeune  marin  à  travers 
les  ténèbres;  par  le  capitaine  Mayne  Reid.  Traduit  de 
l'anglais  par  Mme  Henriette  Loreau  et  illustréde  12  grandes 
vignettes.  Nouvelle  édition.  In-18  Jésus,  371  p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Gie.  2  fr.  25. 

Le  Puy  de  Montchal  ;  par  Alfred  Assolant.  ln-8°  à 
2  col.,  110  p.  Paris,  bureaux  de  l'Opinion  nationale. 

Chefs-d'œuvre  des  conteurs  français  contempo- 
rains de  la  Fontaine,  XVII«  siècle  ;  avec  une  intro- 
duction, des  notes  historiques  et  littéraires  et  un  index 
par  Charles  Louandre.  In-18  jésus,  xsviii-/i37  p.  Paris,  lib. 
Charpentier  et  Gie.  3  fr.  50. 

La  Tentation  de  saint  Antoine  ;  par  GustaveFlaùbert. 
2'  édition.  In-8%  300  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie. 
7  fr.  50. 

La  Cour  et  la  ville  de  Madrid  vers  la  fin  du  XVII« 
siècle,   relation  du  voyage  d'Espagne  par  la  comtesse 


d'Aulnoy.  Edition  nouvelle,  revue  et  annotée  par  Mme  B. 
Carey.  ln-8*,  iv-572  p.  et  port.  Paris,  lib.  Pion  et  Cie. 
8  fr. 

Cours  raisonné  de  langue  française.  Leçons  élé- 
mentaires et  pratiques  sur  les  étymologies  et  les 
synonymes;  par  .\1.  Delacroix,  professeur  à  1  école  natio- 
nale d'arts  et  métiers  de  Chàlons-sur-.Marne.  ln-16,  viii- 
20Zi  p.  Paris,  lib.  Fouraut  et  fils. 

Œuvres  de  La  Rochefoucauld.  Nouvelle  édition, 
revue  surlesplusanciennesimpressions  et  les  autographes, 
et  augmentée  de  morceaux  inédits,  de  variantes,  de  notices, 
de  notes,  de  taljles  particulières  pour  les  maximes  et  pour 
les  mémoires,  d'un  lexique  des  mots  et  locutions  remar- 
quables, etc.;  par  MM.  Gilbert  et  Gourdault.  T.  2,  par 
M.  Gourdault.  ln-8°,  lv-588  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
7  fr.  50. 

Histoire  de  la  littérature  anglaise  ;  par  H.  Taine. 
3=  édition,  revue  et  augmentée.  T.  5<'  et  complémentaire. 
Les  Contemporains.  In-i8  jésus,  lu-àSti  p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Défunt  Brichet  ;  par  Eugène  Chavette.  L  Le  Drame  du 
carrefour.  H.  L'idée  de  M.  de  Vivonne.  2=  édition.  2  vol. 
in-18  jésus.  Paris,  lib.  Dentu.  6  fr. 

Paris,  ses  organes,  ses  fonctions  et  sa  vie  dans  la 
seconde  moitié  du  XIX=  siècle  ;  par  Maxime  Du  Camp. 
3=  édition.  T.  3.  In-8°,  5/ii  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie 
7  fr.  50. 

Des  caractères  des  Français  au  XIX«  siècle  ;  par 
M.  de  Plasman,  ancien  vice-président  du  tribunal  de  pre- 
mière instance  d'Orléans.  2' partie.  In-18  jésus,  191-316  p. 
Paris,  lib.  Douniol  et  Cie. 


Publications  antérieures  : 


NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  des  trois  langues  classiques. 
—  Par  E.  Egoer,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  à 
l'Ecole  normale  supérieure.  —  Sixième  édition,  revue  et 
augmentée  de  quelques  notes.  —  Paris,  librairie  Durand 
et  Pedone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  NOMS  PRO- 
PRES D'HOMMES,  contenant  la  qualité,  l'origine  et  la 
signification  des  noms  propres  se  rattachant  à  l'histoire, 
à  la  mythologie,  des  noms  de  baptême,  etc.  —  Par  Paul 
Hecocet-Boucra.nd.  —  Paris,  VictorSarlU,  libraire-éditeur, 
19,  rue  de  Tournon. 


THIRD  FREXCH  COURSE,  intended  as  a  sequel  to 
Arnold's,  Hall's,  Ann's,  Hamel's,  Levizac's,  De  Fivas'  and 
other  bimilar  educational  French  works.  By  A.  Cogery, 
B.A.,L.L.,  French  Masteratthe  Birkbeck  Schools,  Peckham; 
etc.  —  Nouvelle  édition  revue  et  augmentée.  —  London  : 
Relfe  brothers,  Charterhouse  buildings  —  Two  shillings  — 
Corrigé  du  Third  French  course  :  Two  shillings. 


HISTOIRE  MACGARONIQUE  DE  MERLIN  COC- 
GAIE,  prototype  de  Rabelais,  ou  est  traicté  les  ruses  de 
Cingar,  les  tours  de  Boccal,  les  adventures  de  Léonard, 
les  forces  de  Fracasse,  les  enchantemens  de  Gelfore  et 
Pandrague,  et  les  rencontres  heureuses  de  Balde.  Avec 
des  notes  et  une  notice,  par  G.  Bruxet,  de  Bordeaux.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  l'édition  de  1606. 
—  Par  P.-L.  Jacob,  bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Dela- 
hays,  éditeur,  /i-6,  rue  Voltaire. 


LES  ÉCRIVAINS  MODERNES  DE  LA  FRANCE,  ou 
Biographie  des  principaux  écrivains  français  depuis  le  pre- 
mier Empire  jusqu'à  nos  jours.  —  A  l'usage  des  écoles  et 
des  maisons  d'éducation.  —  Par  D.  Duxxefon.  —  Paris, 
librairie  Sandoz  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine. 


MANUEL  D'HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE 
FR.\NÇAISE,  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours,  à 
l'usage  des  collèges  et  des  établissements  d'éducation.  — 
Par  F.  Mabcillac,  maître  de  littérature  à  l'École  supé- 
rieure des  jeunes  filles  à  Genève.  —  Seconde  édition,  re- 
vue et  corrigée.—  Genève,  chez  //.  Georg,  libraire-éditeur. 


40 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


LES  ÉCRIVAINS  (:;ÉLÈBRES  DE  LA  FRANCE,  de- 
puis les  origines  de  la  langue  jusqu'au  xix'  siècle.  —  Par 
D.  BoNNEFON.  —  Paris,  librairie  Sandoz  et  Fischbacher, 
33,  rue  de  Seine.  

LES  >LARGL"ERITES  DE  LA  MARGUERITE;  poé- 
sies de  la  reine  de  Navarre,  réimprimées  avec  les  gravures 
sur  bois  de  l'édition  originale.  —  N"  XVI  du  Cabinet  du 
Bibliophile.  — 4  vol.  in-16.  format  deVHepla>néro7i,  tirés 
à  iOO  exemplaires  sur  papier  de  Hollande.  —  Prix  :  10  fr. 
le  volume.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue 
Saint-Honoré.  

LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde. 


troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas.  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  MOTS  DE 
LA  LANGUE  FRANÇAISE  dérivés  de  l'arabe,  du  persan 
ou  du  turc,  avec  leurs  analogues  grecs,  latiûs,  espagnols, 
portugais  et  italiens.  —  Par  A.-P.  Pihax,  ancien  prote  de 
la  typographie  orientale  à  l'Imprimerie  impériale,  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur.  —  Paris,  librairie  de  Chal- 
lamel  aîné,  30,  rue  des  Boulangers. 


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1"  vol.  :  Des  origines  jusqu'au  xvii«  siècle  ;  —  2=  vol.  :  Première  moitié  du  xvii'  siècle  ;   —  3"  vol. 
moitié  du  xvii«  siècle  ;  —  h"  vol.  :  Le  xvi;i=  siècle  avec  un  dernier  chapitre  sur  le  xtx<'. 


Seconde 


Cinquième  Édition. 
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SE  TROUVE  A  PARIS 
A  la  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


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Dans  l'axnuaire  commerclvi,  et  industriel  de  M.  Alfred  H.amonet,  ouvrage  approuvé  par  les  Autorités  consulaires  de 
France,  on  trouve  la  liste  suivante  des  agents  de  Londres  par  l'intermédiaire  desquels  les  Professeurs  français  des  deux 
sexes  peuvent  parvenir  à  se  procurer  des  places  : 


M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W. 

M.  Biver  et  Cie,  i6,  Régent  Circus,  W. 

M.  Clavequin,  125,  Régent  Street,  W. 

M.  Griffiths,  22,  Henrietta  Street,  Covent  garden,W.  C. 


M.  Verstraete,  25,  Golden  Square,  W. 
Mme  Hopkins,  9,  New  Bond  Street,  W. 
Mme  Waghorn,  Si,  Soho  Square. 
Mme  Wilson,  !i%  Berners  Street,  'W. 


NoT.\.  —  Les  majuscules  qui  figurent  à  la  fin  de  ces  adresses  servent  à  marquer  les  ><  districts  »  pour  le  service  des 
Postes;  dans  la  suscription  des  lettres,  on  les  met  après  le  mot  Londres:  exemple  :  Londres  W,  Londres  W.  C. 


Le  volume  de  M.  Alfred  H.isiONET,  qui  coûte  1  fr.  25,  se  trouve  à  la  librairie  Hachette,  à  Paris. 


CONGO  LRS    LITTÉRAIRES. 


Appel  avx  prosateurs. 


L'Académie  française  décernera  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  Jouy,  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  fondatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
vation, soil  d'imagination,  soit  de  critique,  et  ayant  pour  objet  l'étude  des  mœurs  actuelles.  —  Les  ouvrages  adressés 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  de  trois  exemplaires  avant  le  1"  janvier  1875. 


Le  rédacleur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouverneuh,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


G»  Année. 


N"   6. 


15  Juin  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


^^' 


A  \  yV  Journal  Semi-Mermiel  ^-w/      A 

^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(   1 


Paralaiant    1«    1"   et    le    IS    de    ehaane   mola 


PRIX   ; 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem       pour  l'Étranger  10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 

Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANXIEN     PROFESSEUR      SPÉCUL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Oflicier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 

ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adm'' 
M.  FiscHBACHER,  33,  rue  de  Seine. 

SOMMAIRE. 
Communications  relatives  à  Faire  fiasco  et  à  Flageolet,  légume  ; 
—  Etymologie  de  Huguenot  :  —  Comment   on  doit  prononcer 
Y  entre  deux   voyelles   dont  la  première   est  un  0  :  —  Si  f  « 
petit  peu  est  français;  —  Pourquoi  Finisteire  esl  du  masculin. 
Il    Etymologie  de  Titi  ; — Formes  impéralives   du  verbe  Vou- 
loir:—  Signification  et   origine  de  Tenir  la  corde;  —  Ortho- 
graphe de  l'expression  Seul  à  seul:  —  Nom   d'un   tapis  étroit 
mis  sur  un  autre  pour  le  garantir.  ||  Passe-temps  grammatical. 
Il    Suite  de  la   biographie  d'Antoine  Oudin.    ||   Ouvrages  de 
grammaire  et  de   littérature.  ||   Renseignements  pour  les  Fran- 
çais qui  désirent  se  placer  comme  professeurs  en  Angleterre.  || 
Concours  littéraires. 

FRANCE 

GOMMUXIC.\TIONS. 

Répondant  à  mon  désir  de  voir  critiquer  sans  indul- 
gence les  solutions  que  je  donne  dans  ce  journal,  trois 
abonnés  ont  bien  voulu  m'adresser  les  observations 
suivantes  sur  l'expression  proverbiale  faire  fiasco  et  sur 
l'élymologie  de  flageolet,  signifiant  légume  : 

I. 

J'ai  dans  mes  notes  une  autre  origine, et  plus  satisfaisante 
encore  que  celle  que  vous  tirez  du  Voleur  ou  du  Figaro,  la 
.  voici  : 

Un  Allemand  qui  visitait  une  verrerie  italienne,  crut  que 
c'était  la  chose  la  plus  simple  du  monde  de  former  une 
bouteille,  et  qu'il  n'y  avait  qu'à  souffler.  Il  demande  à  es- 
sayer, ce  qui  lui  fut  bien  vite  accordé.  Mais  c'est  en  vain; 
il  sort  de  son  chalumeau  des  bulles  de  verre  (fiasco)  qui 
crèvent  à  l'instant.  D'où  le  mot  faire  fiasco  (échouer). 

Le  D'  VARRY. 
II. 

Il  n'est  guère  probable  que  flageolet  vienne  de  phaseole 
par  corruption  (en  latin  phaseolus  et  non  faseolus).  En  effet, 
dans  aucun  temps,  flageolet  n'a  été  le  terme  générique  de 
haricot  vert,  et  jamais  entre  autres  le  soissons  n'a  été 
appelé  flageolet.  Ce  mot  n'est  employé  que  pour  des  variétés 
ou  sous-variétés  A  grains  plats  et  allongés,  les  uns  blancs, 
les  autres  de  couleur  qui  sont  généralement  cultivés  en 
vert.  Les  flageolets  blancs  sont  excellents  en  vert,  écossés 
et  secs,  tandis  que  les  flageolets  de  couleur,  très-bons  en 
vert,  sont  peu  estimés  comme  écossés  ou  secs.  Parmi  les 
variétés  de  flageolets,  quelques-unes  sont  marbrées  de 
diverses  nuances ,  et  autrefois  on  les  nommait  haricots 
flagellés  :  de  là  sans  doute  vient  le  nom  flageolet.  Quant  à 


l'intervention  de  la  musique,  c'est  une  mauvaise  plaisan- 
terie :  les  variétés  dites  flageolets  sont  moins  musicales  que 
les  grosses  espèces,  et  si  on  eût  voulu  faire  un  rapproche- 
ment, on  aurait  choisi  un  instrument  moins  criard  que  le 
flageolet,  qui  n'a  rien  de  barytonant. 

{Pas  de  signature.) 
III. 

L'étymologie  du  mot  flageolet,  dans  ses  deux  sens,  n'est 
autre  que  le  latiu  flagellum.  En  principe,  on  ne  voit  pas  de 
consonnes  telles  que  le  g  et  l'I  s'introduire  dans  l'intérieur 
de  deu.x  syllabes  qui  se  suivent,  sans  qu'elles  aient  de  rai- 
son d'être  sérieuse  et  dérivant  d'une  langue  antérieure- 
ment parlée. 

Flagellum,  dans  le  principe,  signifiait  scion  d'arbre,  hous- 
sine,  petite  branche;  et  c'est  primitivement  avec  des  bran- 
chés flexibles  qu'ont  été  faits  les  fouets;  c'est  aussi  avec  de 
petites  branches  en  sève  que  les  bergers  et  autres  gar- 
deurs  de  troupeaux  ont  fabriqué  les  premiers  flageolets 
dont,  en  plus,  le  son  aigu  se  rapproche  de  celui  de  la  hous- 
sine  et  du  fouet,  quand  on  les  agite  vivement  dans  l'air 
ambiant. 

Quant  au  second  sens,  celui  de  légume,  remarquez  que 
sa  signification  véritable,  celle  qui  est  encore  la  plus  fré- 
quente, c'est  que  les  flageolets  sont  des  fèves  encore  vertes, 
non  arrivées  à  maturité,  cueillies  sur  la  branche  toute 
verte,  sur  le  flagellum  de  la  tige.  Aussi  le  midi  de  la  France 
a  fait  flageole  de  flagellum,  de  même  que  les  Italiens  font 
flamme  de  flammas,  fiori  de  flores,  etc. 

Faseol.  chez  Rabelais  et  ses  prédécesseurs,  n'est  autre 
que  le  latin  faseolus,  et  n'a  avec  flageolet  d'autre  rapport 
qu'un  simple  rapprochement  de  sens.  Flageolet  français 
n'est  jamais  dérivé  de  faseolus  latin. 

Toutefois,  j'accepte  que  le  langage  usuel  ait  pu  confondre 
le  latin  faseolus,  le  genevois  fazole,  le  lyonnais  fiazole  avec 
flagellum  et  flageolet.  Je  veux  bien  y  voir  même  une  cer- 
taine malice,  —  le  Français  né  malin,  —  contre  ces  pauvres 
produits  de  nos  jardins  que  nous  avons  toujours  connus 
sous  le  nom  de  musiciens,  et  que  nous  appelons  mieux  au- 
jourd'hui des  farceurs. 

Dans  deux  siècles,  on  se  demandera  la  corrélation  entre 
les  mots  haricot  et  farceur,  et  pour  peu  que  le  mot  farce 
soit  pris  pour  le  mets  ainsi  nommé,  à  quelle  torture  d'es- 
prit ne  se  livrera-t-on  pas? 

COUDRAY, 
Chef  d'institution  à  Janville  (Eure-et-Loir). 

Aujourd'hui,  je  ne  puis  qu'insérer  ces  communica- 
tions et  en  remercier  les  auteurs;  mais,  dans  un  pro- 
chain numéro,  je  répondrai  ix  chacune  d'elles. 

X 


42 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Première  Question. 
En  lisant  la  lettre  d'un  de  ros  abonnés,  qui  sr  qua- 
lifie de  «  bon  et  vieux  hcgcewt  »,  l'idée  me  vient  de 
vous  demander  l'étymologie  de  ce  terme.  Voudriez- 
vous  bien  vous  en  occuper  un  jour  ?  J'espère  que  vous 
en  direz  quelque  chose  quoique  M.  Brachet  la  déclare 
«  inconnue  ■». 

L'opinion  la  plus  généralement  et  la  plus  récemment 
adoptée  relaliTement  à  l'étymologie  de  ce  mot  (à  laquelle 
Ménage  n'a  pas  consacré  moins  de  cinq  colonnesi ,  c'est 
qu'il  vient  de  eidgenoss,  eidge7iossen,  confédéré,  terme 
usité  dans  la  Suisse  ailem.ande;  on  lit,  en  effet. 

Dans  le  journal  [Intermédiaire  [A'  année,  col.  392)  : 

Il  vaut  mieux  se  ranger  à  lopiniou  de  M.  Edouard  Four- 

nier,  qui  préfère  la  version   donnant  les  mots  allemands 

Eid  geiiossen  pour  racine,  et  qui  signifient  membres  d'une 

alliance  jurée,  «  association  par  serment  ». 

Dans  la  lievue  savoisienne  du  30  avril  1874  (p.  27, 
col.  i)  : 

Les  citoyens  ne  tardèrent  donc  pas  à  se  partager,  suivant 
leur  opinion,  en  deux  partis  politiques;  dun  cûté  les  Eid- 
ge)wss  [avec  cette  note  :  d'où  l'on  a  fait  plus  tard  Hugue- 
nots] ou  indépendants,  et  de  l'autre,  les  Mamclus  (mame- 
luks) ou  conservateurs. 

Mais  cette  étymologie,  toute  vraisemblable  qu'elle 
parait,  n'est  point  la  vraie,  ce  que  je  vais  prouver  en 
m'appuyant  sur  la  prononciation  du  mol  Huguenot,  sur 
sa  signification,  et  sur  l'époque  de  sa  naissance. 

PronoiTciation.  —  Le  terme  eidgcnossen ,  qu'i ,  ainsi 
que  nous  l'apprend  M.  Lillré,  se  trouve  sous  la  forme 
aignos  dans  les  Mémoires  de  Conde,  n'a  pas  sa  voyelle 
initiale  aspirée;  et,  comme  il  n'en  est  pas  de  même 
pour  huguenot,  on  ne  peut  guère  admettre  que  ce  der- 
nie   ait  eidgenoss  pour  origine. 

Signification.  —  Le  sens  n'est  pas  favorable  à  eid- 
genoss, !e  mot  confédéré  s'appliquant  mal  à  une  secte 
religieuse;  ce  terme  ne  constituerait  pas  une  sorte  d'in- 
jure comme  les  Calvinistes  l'envisageaient  eux-mêmes, 
et  il  ne  pourrait  s'appliquer  qu'aux  seuls  protestants, 
qui  pourtant  n'ont  jamais  porté  ce  nom  :  Eidgenossen 
est  le  titre  que  se  donnent  les  citoyens  de  la  Suisse,  tant 
protestants  que  catholiques. 

Naissance.  —  C'est  seulement  en  1560  que  le  mot 
huguenot  apparaît  jjour  la  première  fois  dans  notre 
langue  pour  désigner  les  protestants,  ce  dont  voici  deux 
témoignages  irrécusables  : 

En  Krance,  on  avoit  jusques  ici  appelle  Luthériens  ceux 
qui  professoient  la  nouvelle  religion,  quoiqu'en  plusieurs 
points  ils  ne  suivissent  pas  les  dogmes  de  Luther...  Cette 
année,  on  leur  appliqua  le  nom  de  Huguenots,  qui  leur  est 
resté. 

(Mezeray,  Vit  de  François  JI,  nnn,  i.';6o.  dans  Ménage  ) 
Il  marque  dans  sa  lettre,  qu'on  a  avis  des  Cevennes  qu'd 
n'y  a  plus  de  ces  séditieux  Huguenaulx  rassemblés.  On  voit 
ici  pour  la  première  fois  le  nom  à'Hugucnols  employé  dans 
les  monuments  de  la  province,  pour  designrr  les  Calvi- 
nistes, et  il  est  certain  que  ce  terme  ne  commença  à  estre 
en  usage  que  cette  année. 

{H'sl.  du  Lnnçiud'jc,  vol.  V,p.  19?, lettre  du  11  no».  i56o) 

Or,  comme  d'après  Audin  [Uist.  de  Calvin],  c'est  de 


1610  à  1635  que  Genève  se  trouva  partagée  en  Eidgnots 
et  en  «  Mamelus  »,  comment  eidgenoss  aurait-il  pu,  au 
moment  où  le  parti  qu'il  désignait  n'existait  plus  depuis 
25  ans,  être  adopté  en  France  comme  sobriquet  des  sec- 
tateurs de  la  religion  nouvelle? 

Maintenant,  si  huguenot  n'est  pas  venu  d'un  mot 
allemand  usité  en  Suisse,  qui  nous  l'a  donné'' 

Je  dis  que  c'est  la  Toui'aine  qui  l'a  vu  naître,  et  la 
conjuration  d'Amboise  qui  a  fait  son  succès. 

Pour  justiûer  la  première  partie  de  cette  assertion, 
je  pourrais  invoquer  le  témoignage  de  Pasquier  [Rech. 
de  la  France,  p.  738),  celui  de  d'Aubigné  (HisL,  t.  I, 
p.  1801,  celui  d'.\ndré  Du  Chesne  [Antiquité  de  la  ville 
de  Tours,  p.  512);  mais  le  suivant,  que  j'emprunte  à 
Théodore  de  Bèze  [Hist.  ecclés.  des  Eglises  réformées, 
t.  I,  p.  2691,  me  semble  préférable  comme  contenant  de 
plus  curieux  renseignements  que  les  autres  : 

La  superstition  de  nos  devanciers,  jusques  à  vingt  ou 
trente  ans  en  ça,  estoit  telle,  que  presque  par  toutes  les 
bonnes  villes  du  royaume,  ils  avoient  opinion  que  certains 
e.'prits  faieoient  leur  purgatoire  en  ce  monde  après  leur 
mort  :  qu'ils  alloientde  nuict  par  la  ville,  battans  et  outra- 
geans  beaucoup  de  personnes,  lés  trouvans  dans  les  rues. 
Mais  la  lumière  de  l'Evangile  les  a  fait  esvanouir;  et  nous  a 
appris  que  c'estoieut  coureurs  de  pavé  et  ruflens.  A  Paris, 
ils  avoient  le  Moine  bourre;  à  Orléans,  le  Mulet  Odet;  à  Blois, 
le  Lou  garou;  à  Tours,  le  Roy  Buguet,  et  ainsi  des  autres 
villes.  Or  il  est  ainsi  que  ceux  qu'on  appelloit  Luthériens 
estoieni  en  ce  temps  là  regardez  de  jour  de  si  près,  qu'il 
leurfalloit  nécessairement  attendre  la  nuit  pour  s'assembler 
pour  prier  Dieu,  prescher  et  communiquer  aux  saincts  Sa- 
crcmens  :  tellement  qu'encores  qu'ils  ne  feissent  peur  ne 
tort  à  personne,  si  est-ce  que  les  prestres  par  dérision  les 
feirent  succéder  à  ces  esprits  qui  rodoyent  la  nuict.  De  là 
avint  nom  estant  tout  comun  en  la  bouche  du  menu  peuple 
d'appeller  ceux  de  la  Religion  Huguenots  au  pays  de  Tou- 
raine;  et  promieremetit  à  Tours  que  ceux  de  la  Religion 
s'assemblans  de  nuict  furent  surnommes  Huguenots  comme 
s'il  eussent  esté  la  troupe  de  leur  Roy  Hugtiet. 

Quant  au  second  point  de  ce  que  j'ai  avancé,  il  me 
suffira,  pour  le  mettre  en  évidence,  de  continuer  à  citer 
le  même  auteur  : 

Et  pource  que  la  première  descouverte  de  l'entreprise 
d'.^mboise  se  feit  à  Tours,  qui  en  baillèrent  le  premier 
advertissement,  sous  ce  nom  de  Huguenots,  ce  sobriquet 
leur  en  est  demeuré. 

Quoi  de  plus  naturel?  A  Tours,  les  Luthériens,  qui 
ne  peuvent  exercer  leur  culte  pendant  le  jour,  sont 
assimilés  à  certain  revenant  que  l'imagination  populaire 
fait  errer  la  nuit  à  travers  les  rues,  et  ils  prennent  son 
nom  icar  huguenot  est,  comme  huguet,  un  diminutif 
de  hugon  ;  dans  la  même  ville,  on  découvre,  contre  le 
roi,  qui  était  alors  à  Amboise,  une  conspiration  de 
Lulhériens,  qualifiés  de  huguenots  dans  le  pays,  et 
ce  terme,  jusqu'alors  spécial  à  la  ville  de  Tours  et  à  la 
Touraine,  se  répand  par  toute  la  France  avec  la  nou- 
velle de  la  cunspiratioM  avortée  à  laquelle  il  est  intime- 
ment lie.  Chercher  ailleurs  rctymologic  de  huguenot, 
ne  serait-ce  pas,  pour  employer  un  proverbe  expliqué 
dans  un  numéro  précédent,  aller  chercher  midi  à  qua- 
torze heures? 


LE  (^.OURRIER  DE  VAUGELÂS 


i3 


X 

Seconde  Question. 
Dons  tous  1rs  mots  oh  \  se  trouve  entre  deux  voyelles 
(ciTOVKN,  iioïu.,  e/c),  le  dieliaiinaire  de  Bescherelle  dit 
qu  il  faut  prononcer  comme  s'il  y  avait  deux  i  (citoi-ie.n), 
hoi-ial),  tandis  que  celui  de  Littré  veut  qu'on  fasse  en- 
tendre la  voyelle  qui  précède  y,  et  que  ce  dernier  sonne 
comme  un  \  simple  (cito-ie\,  ro-ul).  Que  pensez-voxis 
de  ces  deux  opinions  si  différentes  ? 

Après  avoir  dit,  au  sujet  de  y,  qu'il  se  prononce  pour 
deux  /  entre  deux  voyelles  dont  la  première  est  autre 
que  0,  M.  Liltré  ajoute  ceci  : 

Quand  il  est  précédé  de  o,  la  prononciation  n'est  pas  fixée  : 
les  uns,  et  l'Académie  est  de  ce  nomt)re,  donnent  à  cet  o 
le  son  de  oi,  et  à  y  le  son  de  Vi  :  si-toiin,  roi-ial,  em- 
ploi-ié,  etc.;  les  autres  laissent  à  l'o  le  son  qui  lui  est  propre  : 
si-to-iin,  ro-ial,  emplo-ie;  c'est  la  prononciation  ancienne, 
ce  le  que  l'Académie  elle-même  recommandait  en  1694,  celle 
qui  doit  être  préférée. 

Ainsi  l'illustre  lexicographe  adopte  sito-irn ,  ro-ial, 
etc.,  exception  à  la  règle  générale  qui  fait  sonner  comme 
deux  i  la  lettre  y  entre  deux  voyelles,  et  cela,  pour  ce 
seul  motif  que  c'est  la  «  prononciation  ancienne  »,  celle 
que  reconnaissait  l'Académie  dans  la  première  édition 
de  son  diclionnaii'e. 

Or,  est-ce  là  une  base  assez  solide  pour  soutenir  une 
telle  exception? 

Je  pense  que  non,  et  pour  des  raisons  que  je  vais 
vous  faire  connaître  : 

1°  L'Académie  (et  c'est  elle  qui  l'a  voulu)  ne  peut 
guère  être  prise  pour  juge  dans  une  question  de  pro- 
nonciation, puisque,  dans  toutes  ses  éditions,  elle  a 
déclaré  ne  point  considérer  comme  de  sa  tâche  de  s'oc- 
cuper de  celte  partie  de  la  langue;  mais  le  pût-elle,  que 
l'avis  de  1694  [V  édition)  ne  pourrait  nullement  infir- 
mer celui  de  1835  (5°  édition),  pour  la  raison  bien 
simple  que  les  décisions  d'un  tel  corps  sont  d'autant 
plus  autorisées  dans  le  temps  présent  qu'elles  s'en  rap- 
prochent davantage  par  leur  date. 

2°  Si,  dans  le  cas  dont  il  s'agit,  la  prononciation  la 
plus  ancienne  doit  l'emporter,  ce  ne  peut  être  celle  que 
recommande  M.  Littré,  attendu  que  l'autre,  comme  le 
montrent  les  citations  suivantes.  Ta  précédée  de  plus 
d'un  siècle  : 

(1569)  V  se  prononce  comme  i...  Les  anciens  s'en  sont 
aidé  pareillement  quand  au  milieu  du  mot  il  y  avoit  un  i 
entre  des  voyelles,  comme  envoyer,  je  voyoyc,  A  fin  qu'on 
n'assembtast  l't  de  la  syllabe  précédente  avec  la  syllabe 
subséquente,  et  qu'on  ne  dist,  eiivo-ier,  je  vo-io-ie. 

(Robert  Estieiine,  dans  le  Courrier  de  Vnuyelas,  3"^  année,  p.  53.) 

(1584)  C'est  quenosancôtresayantàécrirpi  deux  n,  lorsque 
les  diphthongues  ai  ou  oi  élaif  nt  suivips  d'une  syllabe  cora- 
mençinl  par  un  i,  les  marquaient  par  Ij  :  ainsi  plaije,  loijal, 
roijal,  n'étaient  autre  chote  que  plai-ie,  loi-ial,  roi-ial...  et 
l'on  doit  dire  en  conservant  les  doux  diphthongues, /j/rti-ie, 
Ini-ial.  C'est  ainsi  que  nos  ancêtres  prononçaient  ai-moi-ie, 
première  personne  du  singulipr  de  limparfail  de  l'indica- 
tif, et  nimeroî-ic,  première  personne  du  singulier  de  l'ira- 
liarfâit  optatif. 

;Tli.  de  bèje,  d»n»  le  Courritr  de  Vavgelnt.  i'  année,  p.  54.) 


En  présence  d'une  exception  qui  n'est  pas  suffisam- 
ment justifiée  et  de  textes  montrant  que,  par  institution 
primitive,  //  entre  deux  voyelles,  quelles  qu'elles  soient, 
est  équivalent  à  deux  «,  je  ne  puis,  moi,  qui  professe 
le  principe  que  quand  deux  manières  de  dir-e,  d'écrire, 
de  construire,  etc.,  sont  encore  permises  par  l'usage,  il 
vaut  mieux  adopter  celle  qui  rentre  dans  l'analogie,  je 
ne  puis,  dis-je,  ne  pas  me  déclarer  ici  pour  la  pronon- 
ciation qu'indique  M.  Bescherelle. 

X 

Troisième  Question. 

Pertnet lez-moi  de  vous  adresser  une  question  pour 
vous  payer  ma  bienvenue.  Peut-on  se  servir  de  l'expres- 
sion si  usitée  un  petit  pe(J,  que  condamnent  quelques 
grammairiens? 

Pour  moi,  cette  expression  est  très-française,  et  je 
l'ai  démontré  dans  un  article  du  Courrier  de  Vawjelas 
(page  51,  r«  année,  2°  édition),  dont  je  reproduis 
seulement  la  conclusion,  ne  pouvant,  dans  une  publica- 
tion comme  la  mienne,  répéter  intégralement  les  solu- 
tions déjà  données  : 

A  l'IiPure  présente, nous  avons  donc  encore  deux  formes 
diminutives  de  un  peu,  dans  notre  langue  :  %in  petit  peu,  le 
grand  coupable,  le  bouc  émissaire  des  grammairiens,  et  un 
tantinet,  qui  non-seulement  a  été  assez  heureux  pour  échap- 
per à  leur  ostracisme,  mais  encore  est  l'objet  de  leur 
prédilection. 

Or.  quelle  raison  ont-ils  d'agir  ainsi? 

Trouvent-ils  un  petit  peu  trop  vieux?  Mais  il  l'est  moins 
que  un  tantinet,  qu'ils  lui  préfèrent,  puisque  celui-ci  est  de 
la  première  formation  et  que  un  petit  peu  ne  peut  être  que 
de  la  seconde.  Ils  le  disent  vicieux?  Mais  pourquoi  les  croi- 
rions-nous s'ils  ne  nous  disent  point  en  quoi  il  pèche?  Ils 
prétendent  qu'ils  n'est  pas  français?  Eh  quoi!  il  a  eu  cours 
dans  notre  langue  dès  les  premiers  temps  sous  la  forma 
un  petitet,\l  s'y  est  employé  pendant  tout  le  moyen  âge,  il 
est  aujourd'hui  dans  toutes  les  bouches,  il  s'écrit,  se  dit  et 
se  dira  probablement  chez  nos  arriére-neveux,  et  une  telle 
expression  n'est  pas  française!  Mais  quel  mot  le  sera  donc 
si  un  petit  peu  ne  l'est  pas? 

X 
Quatrième  Question. 
Puisque  vous  résolvez  aussi  des  questions  de  géogra- 
phie, voudriez-vous  bien  m'expliquer  pourquoi  n7i  dit  : 
«  Le  département  du  Finisterre  «  '  Il  me  semble  que  ce 
mol .  composé  de  teeke,  devrait  être  du  féminin. 

Finisterre  a  été  formé  de  finis  et  de  terre. 

Or,  finis,  qui  appartient  à  la  langue  latine,  est  mas- 
culin dans  le  sens  de  confins,  limites,  et  c'est,  je  crois, 
pour  cette  raison  que  Finisterre  est  du  même  genre. 

ÉTRANGER 

Première  Question. 
Le  Courrier  de  ViCCEUAs  pourrait-il  me  dire  quelle 
est  l'étymologie  du  mol  titi,  qui  se  trouve  dans  l'expli- 
cation qu'il  donne,  dans  son  numéro  4,  de  l'expression, 

CASSER  SA  rlPE? 


44 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


L'origine  du  terme  titi  n'est  donnée  ni  par  le  Diction- 
naire de  la  langue  verte,  ni  par  les  Excentricités  du 
langage,  ni  même  par  M.  Littré.  Le  seul  ouvrage  à  ma 
connaissance  qui  parle  de  cette  origine  est  le  Diction- 
naire d'argot  de  M.  Francisque  Michel,  où  je  trouve  ce 
qui  suit  : 
TiTi.  Espèce  de  personnage  de  mascarade. 
Nous  avions  autrefois  mirni  : 

Les  mimis  ont  failli  se  brouiller  avec  les  masques,  etc. 
[Les  Jeux  de  il, (.connu,  1645,  p.  165.) 

Mais,  comme  il  n'est  pas  pbilologiquemenl  possible 
que  mirni  forme  titi,  j'ai  cherché  à  expliquer  ce  dernier 
d'une  autre  manière,  et  j'ai  été  assez  heureux  pour  y 
parvenir. 

En  picard,  comme  on  peut  le  voir  dans  le  Glossaire 
de  l'abbé  Gorblet,  on  appelle  didi  (du  verbe  dire,  à  n'en 
pas  douter),  un  bavard,  un  grondeur.  Or,  ne  pourrait- 
il  pas  se  faire  que  titi  fut  un  terme  de  Picardie  trans- 
porté à  Paris,  et  adopté  après  avoir  subi  la  mutation  de 
la  consonne  d  en  f,  mutation  qui  s'explique  entre  deux 
consonnes  de  même  ordre,  deux  dentales? 

Telle  est  mon  étymologie.  Est-elle  vraie?  J'aurai  le 
droit  de  la  croire  telle  jusqu'à  ce  que  le  contraire  me 
soit  démontré. 

X 
Seconde  Question. 
Je  trouve  celte  phrase  dans  le  Joce^ial  de  Bccarest 
du  30  avril  ■1874  :  «  Je  vous  ai  raconté  plus  d'une  fois 
que  j'avais  passé  une  partie  de  mon  enfance  en  Italie. 
Ne  M'en  veuillez  pas,  si  j'y  reviens  encore.  »  J'entends 
beaucoup  de  personnes  qui  disent,  dans  un  pareil  cas  : 
«  Ne  m'en  voilez  pas.  »  Pourrais-je  savoir  quelle  est 
celle  des  deux  formes  qui  vous  semble  préférable  à  l'autre? 

Au  xvi"  siècle,  la  forme  de  l'impératif  du  verbe 
vouloir  était  la  suivante,  que  je  trouve  dans  Palsgrave, 
à  la  page  i  05  : 

VeulJ-,  vueille,  voulons,  voulez,  vueillent. 

Cent  ans  plus  tard  (1632),  Charles  Maupas  s'expri- 
mait ainsi  au  sujet  de  l'impératif  du  même  verbe  : 

L'impératif  peut  rarement  venir  en  usage;  il  le  faudroit 
former  ainsi,  impèrat.  Veu.r,  qu'il  veule  ou  vueille,  l'ou^on^, 
voulez,  qu'ils  veulent  ou  vueillent. 

Quand  il  a  donné  les  principales  formes  temporelles 
de  vouloir.  De  Wailly  il786;  ajoute  ces  mots  . 

Le  reste  comme  mouvoir. 

Or,  attendu  que  ce  dernier  fait  à  l'impératif  :  meus, 
mouvons,  mouvez,  c'est  dire  que  vouloir  fait  au  même 
mode  :  veux,  voulons,  muiez. 

Le  Dictionnaire  des  difficultés  de  Laveaux  (18-571 
donne  absolument  les  mêmes  formes  impératives  pour 
le  verbe  en  question. 

Mais,  d'un  autre  coté,  il  est  incontestable  que  roulnir 
fait  depuis  longtemps  veuille,  veuillez  à  l'impératif 
quand  on  prie  quelqu'un  de  faire  quelque  chose,  et  les 
exemples  suivants  le  prouvent  : 

Veuillez  vous  souvenir 

Que  les  événements  régleront  l'avenir. 

(Corneille,  Pompcf,  II,  ic.  4,) 


Je  vais  faire  venir 
Quelqu'un  pour  l'emporter;  veuillei  la  soutenir. 

^Molière,  SgariareUe,  8c.  3.J 

Veuillez  du  moins  nous  dire  qui  nous  devons  suivre. 

fVolney,  dans  Laveaux.  1 

Veuillez,  Monsieur,  rendre  hommage  au  mérite. 

{Voltaire,  idem.) 

D'où  cette  conclusion  que  l'impératif  du  verbe  vou- 
loir est  veux,  voulons,  voulez,  excepté  dans  le  cas  où 
l'on  emploie  ce  verbe  pour  je  te  prie  de  ou  je  vous  prie 
de;  conclusion  qui  signifie  que,  dans  la  phrase  au  sujet 
de  laquelle  vous  me  consultez,  il  faut  mettre  «  ne  m'en 
voulez  pas...  » 

X 
Troisième  Question. 

J'ai  trouvé  cette  phrase  dans  un  de  vos  journaux  : 
•i  Au  Théâtre-Français,  la  location  avait  atteint  son 
maximum  dans  la  journée.  Décidément  Molièbe  tient 
L.v  CORDE.»  Veuillez  me  dire  ce  que  signifie  cette  expres- 
sion, s'il  vous  plaîl. 

Elle  signifie  avoir  un  avantage  sur  quelqu'un,  ainsi 
que  je  vais  vous  l'expliquer. 

En  effet,  dans  les  courses  de  chevaux,  on  dit  qu'un 
écuyer  tient  la  corde  quand  il  est  près  de  celle  qui 
limite  Tespace  autour  duquel  courent  les  chevaux,  ce 
qui  est  un  avantage,  puisqu'étant  plus  rapproché  du 
centre,  il  a  naturellement  une  moins  grande  circonfé- 
rence à  parcourir. 

Or,  l'usage  des  courses  est  devenu  si  général  depuis 
quelques  années,  que  tenir  la  corde  a  fini  par  sortir  des 
hippodromes  et  s'employer,  au  figuré,  dans  le  sens  que 
je  viens  de  vous  indiquer. 

X 
Quatrième  Question. 

Auriez-vous  l'obligeance  de  répondre  à  la  question 
suivante,  qui  n'est  pas  sans  intérêt  au  point  de  vue  de 
l'orthographe  :  Quand  un  verbe  au  sujet  pluriel  est 
suivi  de  l'expression  seul  a  seul,  \°  peut-on  mettre  quel- 
qttefois  la  marc/ue  du  pluriel  à  stcL,  et  2"  si  le  sujet 
désigne  un  homme  et  une  femme,  faut-il  mettre  l'un  des 
SEUL  au  masculin  et  l'autre  au  féminin? 

Quand  le  sujet  ne  désigne  que  deux  personnes,  on  ne 
met  jamais  la  marque  du  pluriel  à  .sew^  dans  l'expres- 
sion seul  à  seul  ;  mais  on  peut  y  mettre  celle  du  genre. 
Voici  la  règle  à  cet  égard  : 

lu  S'il  s'agit  de  deux  hommes,  on  laisse  seul  à  seul 
invariable  : 

Eh  bien!  nous  nous  verrons  seul  à  seul  chez  Barbin. 

(Molière,  Femm.  sav.,  III,  5..' 

2"  S'il  s'agit  d'un  homme  et  d'une  femme, on  laisse 
également  les  deux  parties  de  l'expression  invariables  : 

Et  sans  doute  il  m'est  doux, 

Madame,  de  me  voir  seul  à  seul  avec  vous. 

(Molière,  Tari.,  III,  3.) 

3"  Si  le  sujet  ne  désigne  que  des  femmes,  on  met 
.'<eule  au  féminin;  on  dit  : 
Je  les  ai  trouvées  causant  seule  n  seule. 


LE  COURRIER   DE   VAUGELAS 


43 


4»  Lorsfjue  le  sujet  désignait  plusieurs  personnes 
formant  pour  ainsi  dire  deux  camps  en  nombre  égal  et 
combattant  une  à  une,  l'ancienne  langue  mettait  le 
pluriel  : 

...  Et  à  arranger  lesdits  dix  Cbevaliers  tenans  le  Pas  à  l'un 
des  bouts  pour  venir  combatre,  et  là  coururent  lesdits  Clie- 
valiers  ieuls  à  seuls. 

(La  Colombière.  Le  Vray  théâtre  de  Chev.,  I,  p.  i68  ) 

Et  ont  combatu  lesdits  Ctievaliers  tenans  le  Pas  seuls  à 
seuls  contre  tous  ceux  qui  y  sont  venus  du  dehors. 

(Idem,  p.  169.) 

Je  crois  que  la  langue  moderne,  en  tenant  compte 
des  règles  du  genre  indiquées  plus  haut,  doit  également 
employer  le  pluriel  dans  ce  cas. 
X 
Cinquième  Question. 

On  a  en  Allemagne  une  dénomination  particulière 
pour  les  tapis  étroits  dont  on  couvre  les  escaliers,  et 
qui,  traversant  une  chambre  d'un  bout  à  l'autre,  servent 
à  ménager  le  parquet  ou  la  peluche  élégante  qui  le 
couvre.  A-t-on  en  France  des  tapis  semblables,  et  par 
quel  nom  les  désigne-t-on? 

Certainement,  nous  avons  de  tels  tapis,  et,  quant  à 
leur  appellation,  je  tiens  du  caissier  de  l'un  des  plus 
anciens  et  des  plus  renommés  tapissiers  de  Paris,  qu'on 
les  nomme  des  passages. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  da  numéro  précédent. 

1°. ..  poésies  illyriennes;  —  1'  Couronné  aux  jeui  floraux,  il 
reçut,  au  lieu;  —  3°...  ces  orbites  enfoncées  [orbite  est  du  fémi- 
nin); —  4°...  et  c'est  la  seule  cliose,  1^1*0/  que  j'en  aie  dit  ;  — 
5"...  entré  depuis  de  longues  années;  —6"...  que  quelque  incident 
ne  fit  dévier;  —  7...  il  semblerait  qu'il  fût  défendu;  —  8'...  ne 
laissent  pas  de  préoccuper  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  4'  année, 
p.  155);  —  9'...  comme  on  n'en  a  jamais  vu;  —  10^...  vous  ayez 
songé  (il  n'y  a  que  les  verbes  en  yer  à  l'infinitif  qui  prennent  un 
i  après  \'y  au  subjonctif; —  11\..  du  moins  ce  qui  résulte  d'une 
lettre. 

Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  Comme  il  y  a  quelques  siècles,  on  eût  bel  et  bien  brûlé, 
en  qualité  de  sorcier,  les  savants  qui  se  seraient  amusés  à 
prédire  une  éclipse! 

2'  Tant  qu'il  y  aura  des  cœurs  brisés,  pour  espérer  dans 
un  monde  meilleur,  il  y  aura  toujours  de  la  poésie  ici- 
bas. 

3*  Il  est  étrange  à  dire,  mais  cela  n'en  e?t  pas  moins 
vrai,  qu'avec  beaucoup  de  foi  et  peu  de  lumière,  il  ne  se- 
rait pas  impossible  qu'on  fût  d'autant  moins  honnête  qu'on 
serait  plus  dévot. 

4*  Parmi  les  divers  moyens  mis  en  usage  jusqu'à  ce  jour 
pour  nettoyer  et  blanchir  les  dents,  il  en  est  bien  peu  qui 
n'aient  pas  des  inconvénients  plus  ou  moins  grands.  Les 
uns,  composés  d'albâtre,  de  corail  ou  autres  corps  durs  pul- 
vérisés agissent  à  la  manière  de  la  lime  et  usent  lentement 
l'émail. 

5'  L'estime  et  la  confiance  dont  la  population  de  Versailles 
vous  a  constamment  entouré  étaient  des  titres  d'exclusion 


trop  éclatants  pour  que  vous  puissiez  échapper  à  la  pros- 
cription administrative  qui  vient  de  vous  atteindre. 

G"  Ils  marchaient  sur  une  seule  ligne,  mais  sans  se  voir, 
lorsque  l'un  d'eux,  le  gendarme  Doumcns,  que  l'on  guettait, 
dit-on,  a  été  assailli  par  cinq  ou  six  individus,  qui,  après 
l'avoir  assommé  de  coups  et  foulé  un  bras,  lui  ont  enlevé 
le  fusil  et  sa  casquette,  et  ont  disparu  sans  que  les  cama- 
rades aient  pu  retrouver  leurs  traces. 

?•  M.  Bœss  n'a  derrière  lui  ni  son  clergé,  ni  ses  fidèles, 
et  moi  qui  fait  partie  de  ce  clergé,  je  ne  crains  pas  de  dire 
qu'un  cri  d'indignation  s'élèvera  d'un  bout  de  l'Alsace  à 
l'autre,  contre  la  conduite  du  député  de  Scbélestadt. 

8'  Une  copie  de  ce  document  a  circulé  avant-hier  à  l'As- 
semblée nationale,  et,  comme  on  le  pense  bien,  l'esprit  qui 
a  présidé  à  sa  rédaction  n'a  pas  laissé  que  de  produire 
parmi  les  députés  une  profonde  émotion, 

9"  Mais  elle  n'avait  sa  raison  d'être  que  jusqu'à  ce  que  le 
pays  ait  montré  ses  préférences,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  exprimé 
ses  vœux  d'une  façon  formelle. 

10°  Je  me  donne  la  mort  moi-même  ;  je  me  trouvais  sans 
ouvrage,  sans  logis,  sans  moyens  d'existence,  sans  parents, 
je  préfère  mourir  que  de  me  rendre  voleur. 
[Les  corrections  à  quinzaine.] 


FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVIf  SIÈCLE. 

Antoine  OUDIN. 

Suite. , 

Les  verbes  de  la  première  classe  veulent  après  eux 
le  mode  indicatif;  ceux  de  la  seconde  classe  requièrent 
presque  indifféremment  l'indicatif  ou  le  subjonctif; 
quant  à  ceux  de  la  troisième  classe,  ils  veulent  toujours 
après  eus  l'optatif  isubjonctif). 

Notez  que  dans  une  phrase  négative,  conditionnelle, 
interrogative  ou  a  partitive», on  met  toujours  le  second 
verbe  au  subjonctif. 

Après  avoir  donné  aussi  l'emploi  des  temps  relatifs 
à  ces  deux  modes,  Ûudin  nous  signale  une  faute  du 
vulgaire  qui  consiste  a  employer  le  subjonctif  imparfait 
quand  il  devrait  employer  le  conditionnel;  par  exemple. 
Monsieur  N.  n'est  pas  partij?  Non,  mais  il  y  a  long 
temps  qu'il  le  fust,  .fi  je  ne  l'eusse  retenu. 

DE    L'OltDBE   DES   PAEIIES  DU   DISCOUES. 

Quand  «  le  »  période  commence  par  un  adverbe,  il  est 
indiffèrent  de  mettre  le  nominatif  avant  ou  après  le 
verbe  :  ainsi  parla  .Monsieur  le  Président  aux  assi.'i- 
lans,  ou  ainsi  Monsieur  te  Président  parla,  etc.;  mais 
Oudin  aime  beaucoup  mieux  la  première  construction. 

Qu'on  se  garde  de  mettre,  comme  le  font  quelques-uns, 
en  avant  y;  il  faut  dire  :  il  y  en  a,  et  non  :  il  en  y  a. 

Particularité  bien  remarquable!  Apprenez  encore, 
dit  Oudin,  que  le  vulgaire  et  beaucoup  de  personnes 
d'esprit  forment  inconsidérément  des  pluriels  au  lieu 
de  singuliers,  aux  verbes  terminés  par  une  consonne  à 
la  première  personne  du  présent  de  l'indicatif,  et  le  font 
à  cause  de  la  commodité  de  la  liaison  du  pronom 
personnel;  ainsi  ils  disent  :  perdez-je  pour  pers-jr; 
ollindez-je  pour   attens-je;  dormez-j'-  pour   dors-jr; 


46 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


allez-jc  pour  vay-je.  Et  cette  erreur  est  si  «  avant  » 
dans  l'usage  qu'elle  échappe  à  quantité  de  bons  «  dis- 
coureurs )>. 

La  seule  exception  que  trouve  notre  grammairien 
touchant  la  séparalion  du  pronom  d'avec  son  verbe, 
c'est  cette  manière  d'écrire  :je  wubmjné  confesse,  etc. 
qui  se  met  au  commencement  des  «  cedules  ». 

DE    l'emploi    de    certains    VERBES. 

Apprendre —  Nos  Français  se  servent  improprement 
de  ce  verbe  pour  signifier  enseigner. 

Bouger  —  Il  est  mieux  de  ne  l'employer  qu'avec  la 
négation. 

Demeurer  —  Quand  il  signifie  habiter,  on  dit  :  j'atj 
demeuré;  mais  pour  s'arrêter,  on  dit  :  je  suis  demeuré. 

Despendre  —  C'est  une  grande  impropriété  que  de 
l'employer  pour  despenser  (1633). 

Devoir  —  C'est  le  seul  de  nos  verbes  qui  puisse,  sous 
la  forme  subjonctive,  s'employer  au  commencement 
d'une  phrase,  car  on  dit  ordinairement  :  vous  deussiez 
dcsjà  avoir  fait  pour  vous  devriez,  etc. 

Penser  —  Construit  immédiatement  avant  un  infinitif, 
il  a  une  «  force  »  particulière  :  il  a  pensé  mourir,  W  est 
presque  mort;  mais  si  l'on  y  met  une  préposition,  il 
change  de  sens  :  il  a  pensé  de  faire,  etc. 

Sortir  —  Prenez  garde  d'employer  ce  verbe  dans  le 
sens  de  tirer  dehors  ou  d'aveindre,  comme  on  fait  dans 
quelques  provinces,  où  Ant.  Oudin  a  entendu  dire  : 
sortez  mon  cheval  de  l'escurie. 

Porter  —  Les  Gascons  emploient  improprement  ce 
verbe  dans  le  sens  d'amener,  ils  disent  :  porte  moij  mon 
cheval. 

Serrer  —  Quelques-uns  l'emploient  pour  fermer,  et 
disent  improprement  serrez  la  porte,  ne  considérant  pas 
qu'en  français  le  vrai  sens  de  serrer  est  estmindre. 

Tomber  —  Il  y  a  des  endroits  où  l'on  dit  tomber  de 
l'eau,  pour  uriner;  mais  il  est  rejeté  dans  ce  sens  par 
ceux  qui  parlent  bien. 

Vouloir  —  Avec  ce  verbe  et  la  «  diction  »  bien,  on 
fait  un  passif  qui  se  met  ordinairement  au  prétérit  :  il 
est  bien  voulu  de  tous. 

VERBES   RÉCIPROQUES    EN    APPARENCE. 

Quelques  verbes,  comme  devoir,  falloir,  pouvoir, 
sravoir,  vouloir,  etc.,  semblent  des  verbes  réciproques 
à  cause  de  la  «  particule  »  qu'ils  reçoivent  devant  eux; 
mais  ils  n'en  sont  pas  réellement  :  se  devoir  contenter 
est  pour  devoir  se  contenter  ;  je  ne  i/ie  puis  appuiser, 
pour  je  ne  puis  m'appai.'irr, e[c.,&l  c'est  le  dernier  verbe 
qui  est  réellement  conjugué  réciproquement.  • 

Se  disputer  —  On  dit  improprement  :  ils  sr  sont  dis- 
putez pour  ils  se  sont  querellez. 

Se  penser  —   Oudin   le  trouve  impropre  quoiqu'il 
entende  dire  souvent  :  il  se  pense  d'avoir,  il  se  pense  d/f 
faire. 

La  phrase  :  il  luy  a  pris  un  mal  de  leste,  il  m'a  pris 
un  mal  de  cœur  pour  un  mal  de  leste,  de  cœur,  m'a 
pris,  est  mauvaise. 

.Se  presxuner  —  L'usage  fait  passer  ce  verbe  réci- 
proque pour  (/  prcsuiiie  :  on  dit  :  (7  se  présume  d'estre. 

.Se  respandre  —  On  dit  vulgairement  ou  en  «  gaus- 


sant :  «  il  s'est  laissé  respandre,  pour  il  s'est  laissé 
mourir. 

Dïï  RÉGIME   DES   VERBES. 

On  dit  avoir  accoustumé  une  maison,  une  personne, 
et  aussi  eslre  accoutumé  à  une  maison,  à  une  personne. 

Coudre  et  travailler  reçoivent  la  préposition  en  avec 
le  substantif  de  la  matière.:  coudre  en  linge,  travailler 
en  tapisserie. 

On  dit  courir  les  rites  ou  par  les  viles. 

Quelques-uns  se  servent  improprement  de  mander 
pour  envoyer;  il  signifie  plutôt  avertir  par  lettre,  et 
appeler  par  la  même  voie. 

Il  faut  distinguer  entre  parler  et  dire;  le  premier 
veut  être  suivi  d'un  nom  de  langue,  et  le  second  prend 
tous  les  autres  compléments  :  dire  un  mot,  une  parole. 

Ressembler  est  mieux  construit  avec  un  datif  (subs- 
tantif avec  la  préposition  «i  qu'avec  un  accusatif  (subs- 
tantif sans  préposition). 

Revenir  se  dit  pour  plaire,  comme  dans  :  cette  per- 
sonne là  ne  me  revient  pas. 

A  quoy  serf  cela?  et  de  quoy  sert  cela?  semblent 
également  bons. 

Il  faut  dire  toucher  au  but,  et  non  toucher  le  but. 

Il  y  a  un  certain  nombre  de  verbes  qui  veulent  de 
après  eux  quand  ils  sont  suivis  d'un  infinitif, et  «quand 
ce  qui  suit  est  un  substantif;  tels  sont  :  A 

Conclure  —  On  d'dj'ay  conclu  de  dire,  elj'ay  conclu       « 
à  cela. 

Convier  —  Je  vous  convie  de  venir,  elje  vous  convie 
à  mon  festin. 

Se  délibérer,  exhorter,  forcer,  obliger,  s'opiniastrer  et 
se  résoudre  ont  une  construction  identique  pour  leur 
régime. 

La  plupart  de  ces  verbes  reçoivent  indifleremment  les 
prépositions  à  et  de  devant  l'infinitif;  par  exemple  :je 
suis  obligé  à,  de  faire;  je  suis  prest  de,  à  vous  accorder; 
mais  .\nt.  Oudin  estime  que  la  préposition  de  vaut 
mieux,  et  qu'elle  est  plus  ordinaire.  ; 

Quelques  façons  de  parler  ont  un  sens  double,  qui 
oblige  à  changer  de  préposition;  on  dit  :  il  est  aisé  à 
faire,  ce  qui  dénote  la  facilité  de  l'action,  et  il  est  aisé  J 
de  faire,  ce  qui  démontre  la  facilité  de  la  nature  de  la 
chose. 

Venir  se  fait  suivre  de  «  pour  signifier  quelque  chose 
de  futur  :  cela  vient  à  signifier;  il  prend  de  pour  indi- 
quer une  action  passée  :  je  viens  de  dire. 

DU   RÉGIME    DES    IMPERSONNELS. 

Beaucoup  de  verbes  actifs  ayant  pour  sujet  on  peuvent 
se  tourner  par  la  forme  pronominale  impersonnelle; 
ainsi  on  dit  :  //  s'invente  beaucoup  de  choses  pour  on 
invente  beaucoup  de  choses;  il  se  dit  bien  des  choses 
pour  on  dit  bien  des  choses. 

On  dit  :  //  est  malin,  il  est  jour,  il  est  nuict ,  il  est 
bonne  heure,  il  est  tard;  maison  ne  dit  pas:  il  est  soir. 

On  supprime  de  dans  il  fait  vent;  exemple  :  il  fait 
trop  vent  pour  aller  en  campagne. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rkuacteur-Gérant  :  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAL'GELAS 


47 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Le  Secret  de  Silvio,  épisode  des  Dragonnades;  par 
Mme  Abric-Encontre.  Gr.  in-l8, 259  p.  Paris,  lib.  Bonhoure. 

Etudes  dramatiques;  par  Auguste  Barbier, auteur  des 
ïambes.  Nouvelle  édition,  revue,  corrigée  et  ornée  de  deux 
gravures.  Jules  César.  Benvenuto  Cellini.  In-18  Jésus,  336  p. 
Paris,  lib.  Dentu. 

Principes  de  lecture  publique  et  de  déclamation, 
avec  des  ligures  et  de  nombreux  exercices  annotés,  princi- 
palement à  l'usage  des  maisons  d'éducation;  par  le  R.  P. 
Champeau,  supérieur  du  collège  Sainte-Croix,  à  Neuilly. 
3«  édition.  In-12,  xii-/il8  p.  Paris,  lib.  Lecoffre  fils  et  Cie. 

Science  des  religions.  L'Islamisme  d'après  le  Coran, 
l'enseignement  doctrinal  et  la  pratique;  par  Garcin  de 
Tassy,  professeur  à  l'Ecole  spéciale  des  langues  orientales 
vivantes.  3°  édition.  In-8%  /il2  p.  Paris,  lib.  Maisonneuve 
et  Cie. 

Petit  d.ictionnaire  de  la  langue  française,  suivant 
l'orthographe  de  l'Académie,  etc.  ;  par  Hocquart. 
37"  édition,  revue  et  augmentée  d'un  grand  nombre  de 
mots,  par  A.  René.  In-32,  xii-500  p.  Paris,  lib.  Lefèvre. 

Pensées  de  B.  Pascal  (édition  de  1G70).  Précédées 
d'un  avant-propos  et  suivies  de  notes  et  de  variantes. 
Portr.  gravé  à  l'eau-forte  par  Gaucherel.  In-8°,  lxiii-309  p. 
Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  12  fr.  50  cent 

Lettres  sur  l'histoire  de  Rodez  ;  par  H.  Affre,  archi- 
viste de  l'Aveyron.  In-B",  vni-576.  Rodez,  imp.  de  Broca. 

Œuvres  facétieuses  de  Noël  Dufail,  seigneur  de  la 
Hérissaye,  gentilhomme  breton,  revues  sur  les  éditions 
originales  et  accompagnées  d'une  introduction,  de  notes 
et  d'un  index  philologique,  historique  et  auecdotique,  par 


J.  Assézat.  T.  1.  Propos  rustiques  de  maître  Léon  Ladulfi, 
balivernes  ou  contes  nouveaux,  contes  et  discours  d'Eu- 
trapel  (chapitres  I  à  10).  In-16,  xxxvi-332  p.  Paris,  lib.  Daffis. 

Poésies  de  Théodore  de  Banville.  Le  Sang  de  la 
Coupe.  Trente-six  ballades  joyeuses.  Petit  in-12,  340  p. 
Paris,  lib.  Leraerre.  6  fr. 

Lazare  Hoche,  général  en  chef  des  armées  de  la 
Moselle,  d'Italie,  des  côtes  de  Cherbourg,  de  l^rest  et  de 
l'Océan,  de  Sambre-et-Meuse  et  du  Rhin,  sous  la  Conven- 
tion elle  Directoire,  1793-1797;  par  Emile  de  Bonnechose. 
6'  édition.  In-i8  Jésus,  iv-272  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Gie. 
1  fr.  25  cent. 

L'Héritage  d'un  pique-assiette  ;  par  Eugène  Chavette . 
m.  La  Fortune  des  Faustol.  In-18  Jésus,  372  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

Contes  du  roi  Cambrinus  ;  par  Charles  Deulin. 
t"  édition.  In-18  Jésus,  315  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Cours  de  littérature  dramatique,  ou  De  l'usage 
des  passions  dans  le  drame;  par  M.  Saint-Marc 
Girardin,  membre  de  l'Académie  française.  10"  édition, 
revue  et  corrigée,  T.  5.  In-18  Jésus,  520  p.  Paris,  lib.  Char- 
pentier et  Cie.  3  fr.  50  cent. 

Les  États-Unis  et  le  Canada;  par  M.  Xavier  Mar- 
mier,  de  l'Académie  française.  Gr.  in-8%  1kl  p.  et  2  gr. 
Tours,  lib.  de  Marne  et  fils. 

Deux  ans  au  lycée  ;  par  Mme  E.  de  Pressensé.  W  éd.  In- 
18  Jésus,  3/i5  p.  Paris,  lib.  Sandoz  et  Fischbacher.  2  fr.  50. 

Le  Dialecte  poitevin  au  XIII=  siècle;  par  A.  Bou- 
cherie, professeur  au  lycée  de  Montpellier.  In-8°  xxiv-392p. 

Paris,  lib.  Pedone-Lauriel. 


Publications  antérieures  : 


LES  GRAMMAIRIENS  FRANÇAIS  depuis  l'origine 
de  la  Grammaire  en  France  jusqu'aux  dernières  œuvres 
connues.  —  Par  J.  Tell.  —  Un  beau  volume  grand  in-18 
Jésus.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Librairie  Firmin  Didol  frères, 
fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob,  à  Paris. 


LE  ROMANCERO  FRANÇOIS,  histoire  de  quelques 
anciens  trouvères  et  choix  de  leurs  chansons,  le  tout  nou- 
vellement recueilli.  —  Par  PaïUiii  Paris.  —  Paris,  librairie 
Teckner,  52,  rue  de  l'Arbre-Sec.  Prix  :  8  fr. 


NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  destrois  langues  classiques. 
—  Par  E.  Egoeh,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  à 
l'École  normale  supérieure.  —  Sixième  édition,  revue  et 
augmentée  de  quelques  notes.  —  Paris,  librairie  Durand 
et  Pedone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGKiUE  DES  NOMS  PRO- 
PRES D'HOMMES,  contenant  la  qualité,  l'origine  et  la 
signification  des  noms  propres  se  rattachant  à  l'histoire, 


à  la  mythologie,  des  noms  de  baptême,  etc.  —  Par  Paul 
Heoqlet-Boucr.axd.  — Paris,  ViclorSarlit,  libraire-éditeur, 
19,  rue  de  Tournon. 


HISTOIRE  MACCAROXIQUE  DE  MERLIN  COG- 
CAIE,  prototype  de  Rabelais,  ou  est  traicté  les  ruses  de 
Cingar,  les  tours  de  Boccal,  les  adventures  de  Léonard, 
les  forces  de  Fracasse,  les  enchantemens  de  Gelfore  et 
Pandrague,  et  les  rencontres  heureuses  de  Balde.  Avec 
des  notes  et  une  notice,  par  G.  Brunet,  de  Bordeaux.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  l'édition  de  1606. 
—  Par  P.-L.  Jacob,  bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Dcla- 
hays,  éditeur,  i-6,  rue  Voltaire. 


LES  ECRIVAINS  MODERNES  DE  LA  FRANCE,  ou 
Biographie  des  principaux  écrivains  français  depuis  le  pre- 
mier Empire  jusqu'à  nos  jours.  —  A  l'usage  des  écoles  et 
des  maisons  d'éducation.  —  Par  D.  Boxnefon.  —  Paris, 
librairie  Sandoz  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine. 


MANUEL     DHISTUIRE    DE    LA    LITTÉRATURE 
FRANÇAISE,  depuis  son   origine  jusqu'à  nos  jours,  à 


48 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


l'usage  des  collèges  et  des  établissements  d'éducation.  — 
Par  F.  Marcillac,  maître  de  littérature  à  l'École  supé- 
rieure des  jeunes  filles  à  Genève.  —  Seconde  édition,  re- 
vue et  corrigée.—  Genève,  chez  H.  Georg.  libraire-éditeur. 


THIRD  FRENCH  COURSE,  Intended  as  a  sequel  to 
Arnold's,  Hall's,  Ann's,  Hamel's,  Levizac's,  De  Fivas'  and 
other  similar  educational  French'works.  By  A.  Cogery, 
B.A.,L.L.,FrenchMasterattheBirkbeckSchools,Peckham: 
etc.  —  Nouvelle  édition  revue  et  augmentée.  —  London  : 
Relfe  brothers,  Charterhouse  buildings  —  Two  shillings  — 
Corrigé  du  Third  French  course  :  Two  shillings. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  — En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas.  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


LES  MARGUERITES  DE  LA  MARGU"ERITE;  poé- 
sies de  la  reine  de  Navarre,  réimprimées  avec  les  gravures 
sur  bois  de  l'édition  originale.  —  ^'<'  XVI  du  Cabinet  du 
Bibliophile.  —  U  vol.  in-16,  format  deVHeptaméron,  tirés 
à  Z(00  exemplaires  sur  papier  de  Hollande.  — •  Prix  :  10  fr. 
le  volume.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue 
Saint-Honoré. 


ntr 


LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

P.VR 

DÉsiHÉ  MSARD,  Membre  de  l'Académie  française. 


Quatre  volumes  in- 18  jésus  de  plus  de  400  pages  chacun. 

1«"-  vol.  :  Des  origines  jusqu'au  xvii^  siècle  ;  —  2«  vol.  :  Première  moitié  du  xvii»  siècle  ;   —  3^  vol. 
moitié  du  xvii'=  siècle  ;  —  W  vol.  :  Le  xvi;i=  siècle  avec  un  dernier  chapitre  sur  le  xix«. 

Cinquième  Edilion. 
Prix  de  l'ouvrage    :    16   francs. 


Seconde 


SE  TROUVE  A  PARIS 
A  la  librairie  de  Firmiti  Didol  frères,  fils  el  Cie,  56,  rue   Jacob. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  en  Angleterre. 


Dans  l'anïtoaire  commercial  et  industriel  de  .»/.  Alfred  Hamonet,  ouvrage  approuvé  par  les  Autorités  consulaires  de 
France,  on  trouve  la  liste  suivante  des  agents  de  Londres  par  l'intermédiaire  desquels  les  Professeurs  français  des  deux 
sexes  peuvent  parvenir  à  se  procurer  des  places  : 


M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W. 

M.  Biver  et  Cie,  i6,  Régent  Circus,  W. 

M.  Clavequin,  125,  Régent  Street,  W. 

M.  Griffiths,  22,  Henrietta  Street,  Covent  garden.W.  G. 


M.  Verstraete,  25,  Golden  Square,  W. 
Mme  Hopkins.  9,  New  Bond  Street,  W. 
Mme  Waghorn,  3i,  Soho  Square. 
Mme  Wilson,  i2,  Berners  Street,  W. 


Nota.  —  Les  majuscules  qui  figurent  à  la  fin  de  ces  adresses  servent  à  marquer  les  ■<  districts  »  pour  le  service  des 
Postes;  dans  la  suscription  des  lettres,  on  les  met  après  le  mot  Londres:  exemple  :  Londres  W,  Londres  W.  C. 


Le  volume  de  M.  Alfred  Hamonet,  qui  coûte  1  fr.  25,  se  trouve  à  la  librairie  Hachette,  à  Paris. 


CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


.Appel  aux  prosateurs. 


L'Académie  française  décernera  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  Jouy,  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  fondatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
vation, soit  d'imaginalion,  soil  de  critique,  et  ayant  pour  objet  Vëtude  des  mœurs  actuelles.  —  Les  ouvrages  adressés 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  de  trois  exemplaires  avant  le  1"  janvier  1875.       , 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  esl  visible  a  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


5"g  Année. 


N"   7. 


1'"^  Juillet  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^' 


\<Wy^  Journal  Semi-Mensuel  ^J  J  A 

S^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(    1 


Paralsaant    la    f  et    1«    IS    de    ehaane   mola 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .     .  50  c 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN     PROFESSEUR     SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANOEnS 

Oflicier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adra' 
M.  FiscHBACHER,  33,  rue  de  Seine. 


SOMMAIRE. 
Communication  concernant  le  verbe  Ifailre;  —  Etymologie  du 
mot  Oinelelle;  —  Si,  dans  les  phrases  interjetées,  on  peut 
mettre  un  verbe  équivalent  à  Dire  suivi  d'un  participe  présent; 
—  Emonciion  n'est  pas  un  oubli  de  M.  Litlré.  ||  Explication  de 
l'eipressioD  Faire  four:  —  S'il  y  a  une  différence  dans  l'emploi 
de  Second  el  de  Deuxième.  ||  Passe-temps  grammalical.  ||  Suite 
de  la  biographie  A' Antoine  Oudin.  ||  Ouvrages  de  grammaire 
et  de  littérature.  ||  Renseignements  pour  les  Français  qui  désirent 
se  placer  comme  professeurs  eu  Angleterre.  ||  Concours  liltéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATIOiN. 

Relativement  à  une  question  traitée  dans  mon  nu- 
méro 5,  j'ai  reçu  de  M.  le  Secrétaire  de  la  rédaction  du 
journal  la  France,  la  lettre  qu'on  va  lire  : 

Paris,  le  4  juin  1874. 
Cher  Monsieur, 
La  question   que  je  vous  retourne  ci-jointe,  marquée  à 
l'encre,  porte  sur  une  étrange  erreur  de  lecture,  que  vous 
avez  partagée  dans  votre  réponse,  faute  sans  doute  d'avoir 
sous  les  yeux  le  paragraplie   complet  d'où  la  phrase  est 
extraite. 
Le  texte  porte  : 

«  La  société,  comme  la  langue  que  nous  parlons  et  que 
nous  écrivons,  nous  est  commune  à  tous.  De  là  sa  tyran- 
nie. L'homme  naît  son  sujet...  » 

Rien  de  plus  simple  comme  vous  voyez  :  l'homme  naît 
le  sujet  de  la  société  et  n'a  qu'à  se  soumettre,  sans  les  dis- 
cuter, à  sa  morale,  à  ses  principes,  etc. 

Ne  voyez  dans  ceci.  Monsieur,  qu'une  preuve  de  l'intérêt 
avec  lequel  je  suis  votre  publication,  et  croyez  à  mes  sen- 
timents sympathiques. 

E.  Masseras. 
Mes  remerciements  au  bienveillant  auteur  de   ces 
lignes,  et,  à  la  personne  qui,  le  H  3  décembre  (873,  m'a 
adressé  de  Pans  la  phrase  dont  il  \  est  question,  prière 
de  vouloir  biéfa,  sans  toutefois  ralentir  son  zèle,  ne 
m'envoyer  dorénavant  que  des  phrases  complètes. 
X 
Première  Question. 
M.  Litlré  donne  comme,  origine  ^'omelette  l'éti/mo- 
logie  ALII.MELLE,  vieux  mot  venu  lui-même  de  lamella, 


petite  lame.  Ne  faudrait -il  pas  soupçonner  dans 
OMELETTE  Une  Origine  latine,  par  exemple  ovcm,  œuf,  et 
MiscEO,  je  mêle,  l'omelette  étant  un  mélange  d'œufs  ? 

Depuis  le  xiv'  siècle,  époque  oîi  omelette  commença 
à  être  connu  par  des  textes  (si  M.  Littré  en  a  bien 
recueilli  les  plus  anciens  exemples)  jusqu'au  xvi"  siècle, 
on  a  dit  une  omelette  d'œufs,  comme  le  prouvent  ces 
citations  : 

Et  illec  fut  fait  essay  de  certains  poysons  qui  furent  faiz 
manger  au  chien  de  Macé  Blanchet  en  une  fressure  de 
mouton  frite  et  en  une  amelete  d'œufs. 

[Bill,  des  Chants,  4«  série,  t.  I,  p.  i68.) 

En  pareille  alliance,  l'ung  appelloit  une  sienne  mon  ho- 
melaicte,  elle  le  nommoit  mon  œuf,  et  estoient  alliez 
comme  une  homelaicle  d'œufz. 

(Habelait,  Parti.  IV,  9.I 

Dans  les  dictionnaires  des  langues  étrangères  qui 
n'ont  pas  adopté  omelette,  on  trouve  ce  mot  expliqué 
comme  il  suit  :  en  espagnol,  tortilla  de  Iiuevos  (petite 
tourte  d'œufs)  ;  en  portugais,  fritada  d'ovos  (friture 
d'œufs)  ;  en  allemand,  eier-kuchen  (gâteau  d'œufs)  ;  en 
anglais,  kind  of  pancake  of  eggs  (une  sorte  de  crêpe 
faite  avec  des  œufs). 

D'où  il  résulte  que  omelette  d'œufs  =  petite  tourte 
d'œufs  =  friture  d'œufs  =  gâteau  d'œufs  =  crêpe 
d'œufs,  ou,  en  d'autres  termes,  et  plus  simples,  que  le 
sens  général  de  omelette  est  donné  pour  celte  for- 
mule : 

Omelette 

II 

Petite  tourte,  —  friture,  —  gâteau,  —  crêpe. 

Le  sens  du  mot  omelette  une  fois  connu,  on  peut 
s'en  servir  comme  de  pierre  de  touche  pour  apprécier 
la  valeur  des  étymologies  diverses  qui  ont  été  proposées 
jusqu'ici  pour  ce  mot. 

Quelles  sont  ces  étymologies? 

Lamolhe-Levayer,  Ch.  Nodier,  et  avant  eux  Trévoux 
et  Ménage  ont  indiqué  œufs  mêles;  d'autres  ont  cru 
que  omelette  venait  du  grec  aiJ-uXaTiv,  mis  pour  a.\).(x, 
ensemble,  et  Xusiv,  battre,  délayer,  dissoudre;  d'autres 
ont  vu  son  origine  dans  un  autre  mot  de  la  même 


50 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


langue,  oo|X£Xtva,  fait  de  oov,  œuf,  et  de  jxeXi,  miel;  et 
enfin,  pour  M.  Lillré,  alumelle  «  parait  «  être  l'élymo- 
logie  cherchée,  parce  qu'une  omelette  est  plate  comme 
une  alumelle,  nom  que  l'on  donnait  autrefois  à  la 
lame  d'un  couteau. 

Mais,  attendu  que  œufs  mêlés,  pas  plus  que  a|j.uXaTcv 
ni  ooiJLeXiva,  ni  même  alumelle,  ne  contiennent  l'idée 
fondamentale  renfermée  dans  le  mot  omelette  (tourte, 
gâteau,  friture,  crêpe),  cest-à-dire  l'idée  d'un  mets 
préparé  au  moyen  du  feu,  j'ai  cru  devoir  chercher 
satisfaction  ailleurs;  et,  non  sans  peine,  j'ai  trouve  a 
omelette  l'origine  suivante  que  je  m'empresse  de  vous 
adresser. 

Dans  le  premier  des  exemples  que  j'ai  cités  en  com- 
mençant, le  mot  en  question  est  sous  la  forme  amelettc, 
qui  se  trouve  encore  en  sous-titre  dans  le  dictionnaire 
français-hollandais  de  Marin,  publié  en  ^82,  et  qui 
exist'e  absolument  sous  la  même  forme  en  Picardie  et 
dans  le  Bas-Maine  :  il  faut  donc  chercher  l'origine 
à'amelette,  puisqu'il  est  plus  ancien  ^a'omeletie;  et, 
comme  d'un  autre  côté,  le  simple  aspect  A'amelctte 
montre  que  c'est  un  diminutif  (ce  qui  est  confirme  par 
l'espagnol  tortilla,  une  petite  tourte),  la  question  se 
réduit  à  trouver  doù  vient  le  primitif  amele. 

Après  avoir  cherché  vainement  ce  mot  dans  Roque- 
fort, dans  Du  Gange  et  dans  tous  les  glossaires  du  vieux 
français,  je  l'ai  cherché  en  latin  sans  plus  de  succès; 
mais',  et  heureusement,  il  me  semble,  j'ai  interrogé  le 
vocabulaire  grec,  et  voici  ce  que  j'ai  trouvé  dans 
Alexandre,  p.  71,  col.  3,  pour  second  sens  de  av-u'koc,  : 
3ubs.  An-j).o;,  m  (o,  7)),  sorte  de  pâtisserie. 

Or,  si  l'on  rapproche  le  sens  d'aij.uXoç  de  celui 
d'omelette  (tourte,  gâteau),  ne  vient-il  pas  immédiate- 
ment à  la  pensée  que  aiJ.uXîç  offre,  et  par  le  sens  et  par 
la  forme  (car  I'j  changé  en  y  pour  faire  amyle  a  par- 
faitement pu  devenir  un  e  dans  amelette\,  la  source  la 
plus  probable  d'où  l'on  ait  tiré  omelette,  corruption 
A'anielette? 

Voyons  du  reste  quelles  objections  on  pourrait  faire 
à  celte  étymologie. 

Première  objection.  —  Dans  la  partie  consacrée  à  la 
manière  d'accommoder  les  œufs,  le  Menagier  de-Paris, 
ouvrage  composé  en  1393,  appelle  une  omelette  une 
alumelle,  comme  le  prouve  cette  citation  prise  t.  II, 
p.  208  : 

Quant  l'en  cuideroit  frire  son  alumelle,  le  frommage  qui 
Beroit  dessoubs  se  tendroit  à  la  paelle;  et  ainsi  fait-il  d'une 
alvmelle  d'œufs,  qui  mesle  les  œufs  avec  le  frommage. 

Or,  si  11J.J/.0;  est  la  véritable  étymologie  de  omelette, 
comment  expliquer  qu'il  ait  fait  alumelle,  un  intermé- 
diaire authentique  entre  a'fi.uXsi;  et  omelette? 

Réponse.  —  Tant  que  le  dérivé  â'amele  a  été  terminé 
par  tte,  le  mol  n'olfrant  aucune  difficulté  quant  à  sa 
prononciation  et  n'ayant  aucun  homophone,  il  est  resté 
sous  la  forme  amelette,  forme  qui,  comme  je  l'ai  déjà 
dit,  existe  encore  en  Picardie  et  dans  le  Bas-Maine; 
mais  quand  il  iiril  la  finale  lie,  qui  était  préférée  aileurs 
(puisqu'au  lieu  de  alouette  on  rencontre  «/oue//e),  on 


trouva  plus  doux  de  faire  changer  de  place  à  Vm  et  à  1'/ 
[scintiller  et  étinceler  offrent  un  semblable  changement 
entre  c  et  t],  et  l'on  fit  alemelle,  mot  qui  désignait  déjà 
une  petite  lame  (de  alemella,  diminutif  de  lamina)  : 
L'espee  brise,  Valemele  chaït 

i^Rom.  de  Gar.  le  Lohrain,  t.  II,  p.  36  ) 

Coutel  nous  fet  sanz  alemele... 

(r,a  Bat.  des  Vil  ars  dans  Rutebellf,  t.  II.  p,  43l.) 

Pour  détruire  l'amphibologie,  on  dit  enfin  alumelle, 
qui  non-seulement  se  trouve  dans  le  Menagier,  mais 
encore  existe  dans  le  breton  sous  la  forme  alumen 
(n=:  1),  comme  on  le  voit  dans  Le  Godinec. 

Seconde  objection.  —  Le  mot  omelette  a  eu  aussi  la 
forme  aumelette,  car  on  trouve  dans  Olivier  de  Serres, 
939  : 

Une  aumelele  faite  de  cinq  ou  six  jaunes  d'œufs. 

Comment  amele  peut-il  expliquer  cette  forme-là? 

Réponse.  --  A  celle  époque,  les  patois  existaient 
depuis  des  siècles  ;  or,  j'ai  dit  précédemment  que  atne- 
lette  se  trouvait  dans  celui  de  Picardie  et  dans  celui  du 
Bas-Maine;  aumelette  provient  de  celte  forme  dont  Va 
a  été  changé  en  au,  fait  commun  en  anglais,  où  l'on 
écrit  aunt  (notre  ante),  tante,  et  dont  l'ancien  français 
n'est  pas  sans  exemple. 

Troisième  objection.  —  Puisque  le  breton  a  le  mot 
alumen  pour  désigner  une  omelette,  pourquoi  ne  pas 
considérer  ce  vocable  comme  Fétymologie  demandée, 
sans  aller  chercher  un  mot  grec  arrivé  en  France  on  ne 
sait  quand  ni  comment? 

Réponse.  —  Le  terme  alumen  n'appartient  pas  en 
propre  au  breton  (qui  dit  plus  communément  eur 
fritaden  viou,  une  friture  d'œufs),  car  il  ne  se  trouve 
pas  dans  le  Gaëlic  Dictionary  d'Armstrong,  et  il  se 
montre  dans  un  ouvrage  composé  par  un  bourgeois  de 
Paris  à  la  fin  du  xiV  siècle.  Or,  quand  on  songe  que 
pendant  que  les  Croisés  furent  maîtres  de  Constanli- 
nople  (1204  à  12611,  le  duc  de  Bretagne,  Pierre  Mauclerc 
se  croisa  deux  fois,  il  ne  répugne  nullement  de  croire 
que  a[iuXs<;,  désignant  chez  les  anciens  Grecs  un  produit 
culinaire  qui  pouvait  alors  n'être  pas  oublié  en  Orient, 
ait  été  rapporté  en  Bretagne  par  les  soldats  du  duc, 
comme  il  a  pu  l'être  chez  nous  par  ceux  du  roi. 

Le  vocable  a^j.jXcç  résiste  aux  objections  qu'on  peut 
lui  adresser  :  je  le  crois,  pour  celte  raison,  la  véritable 
étymologie  d'omelette,  forme  à  laquelle  il  serait  arrivé 
par  les  transformations  suivantes  : 

Ajj.uXoç,  amyle,  amele,  dont  il  ne  reste  pas  d'exemple; 
alumen  et  alumelle,  par  changement  de  place  entre  m 
et  /  (Bretagne  et  lle-de-Frauce)  ;  amrlelte,  dont  la  finale 
pouvait  être  jointe  au  primitif  amele  sans  intervertir 
l'ordre  de  m  et  de  l  (patois  picard,  celui  du  Bas-Maine, 
Dictionnaire  français-hollandais  de  Marin),  et  enfin 
omelette,  par  un  changement  de  a  initial  en  o,  change- 
ment qui  n'a  rien  que  de  très-ordinaire. 

X 

Seconde  Question. 

Dans  lu  Vie  de  Bohême,   par  Murger,   on  trouve, 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


91 


p.  131,  la  phrase  mimnte  :  «  Oui,  Monsieur,  continua 
Carlos,  la  haute  philosophie,  voilà  oit  j'aspire  r>,  et, 
dans  Rabelais,  p.  381,  éd.  Paul  Lacroix,  celte  autre  : 
«  Je  ne  voxildroy  (dist  Pantagruel  continuant)  n'avoir 
pali/  la  iounnenle  marim  laquelle  tant  nous  a  vexez  et 
travaillez.  »  La  comparaison  de  ces  deux  phrases  inter- 
jetées me  suggère  cette  question  générale  :  Est-il  permis 
aujourd'hui,  dans  une  phrase  de  celte  espèce,  d'em- 
ployer un  verhe  qui  tienne  lieu  de  son  participe  présent 
précédé  du  verbe  dire? 

La  presse  périodique  el  beaucoup  d'auteurs  contem- 
porains fourntiillenl  de  phrases  interjetées  construites 
avec  de  tels  verbes;  en  voici  un  certain  nombre  que 
j'ai  recueillies  dans  mes  lectures  : 

(Verbes  neutres  employés  comme  actifs) 
Anacliarsis,  minauda  Mademoiselle  Victoria,  tu  es  insup- 
portable avec  tes  interruptions. 

(Li  Figaro  du  a5  août  i8^i.) 

Ail,  ah,  ati!  ricane  l'Univers,  ali  !  le  bon  billet  qu'a 
M.  Thiersl 

(Le  Radical  du  35  octobre  1871.) 

Je  VOUS  répète  que  vous  déplacez  la  question,  gronda 
Brisembourg,  avec  une  sourde  colère. 

{Gabelle  de  Paris  dn  aS  mars  1871.) 

Cet  impôt  est  immoral,  injuste,  odieux,  tonnait  M.  Pouyer- 
Quertier. 

(La  Ripub.  franc,  du  18  mari  1874O 

Le  fait  est,  mon  cher,  intervint  un  de  ses  confrères,  qu'il 
n'est  pas  facile  de  vous  arriver  à  la  cheville. 

[.L'Evénemenl  du  3o  novembre  187J  ) 

Ajoutons,  insista  le  docteur,  qu'éveillé,  il  est  difficile  d'être 
surpris 

(Emile  Gaboriau  ) 
Parlez!  soupira  M.  Jules  Arthur  Dimanche. 

(Marc-Bayeux.) 

(Verbes  actifs  n'ayant  pas  le  régime  qui  leur  con- 
vient) 
C'est  bien,  c'est  bien,  interrompit  Jersey,  d'un  ton  bourru. 

[La  Patrie  du  a8  septembre  l87l.( 

Ce  n'est  pas  la  Commission  qui  a  dit  cela,  s'excuse  M.  de 
Sugny,  c'est  Nicolas. 

(L'État  d-a  9  avril  1873.) 

J'avoue,  inlerrompis-je,  que  cette  première  impression  est 
absolument  défavorable  à  l'accusé. 

(Le  Gauloit  du  i5  novembre  187 1.) 
Mais  c'est  énorme,  s'cidama  un  de  ses  amis;  comment 
vous  payez  1,500  fr.  un  valet  de  chambre? 

(Le  Figaro  du   ;"  avril  1S71.) 

Je  veux  d'abord,  a-t-il  commence,  donner  au  tribunal  cette 
assurance  que  tous  mes  efforts  tendront  à  éviter  de  pas- 
sionner les  débats. 

(Le  Petit  Journal  du  ii  août  1871 .) 

Mais,  à  mon  avis,  toutes  ces  phrases  sont  mauvaises, 
et  cela,  pour  les  raisons  suivantes  : 

<°  Parce  qu'étant  des  phrases  interjetées,  leur  verbe 
doit  avoir  pour  complément  direct  les  mots  prononcés 
par  la  personne  que  désigne  le  sujet,  ce  qui  n'a  lieu 
pour  aucune  d'elles  ; 

2"  Parce  que  ces  verbes,  tout  transposés  qu'ils  sont 
pour  former  des  phrases  interjetées,  ne  peuvent,  par  ce 
simple  changement  de  place,  acquérir  le  sens  de  dire, 


qu'ils  n'ont  pas  dans  la  construction  naturelle  de  leurs 
phrases  respectives  ; 

3°  Enfin,  parce  qu'on  ne  rencontre  dans  aucun  clas- 
sique de  phrases  interjetées  avec  un  verbe  prenant  ainsi 
à  la  fois  le  sens  de  deux  autres. 

Il  n'y  a  que  les  verbes  dire,  répondre,  demander, 
répliquer  et  peut-être  un  ou  deux  autres  qui  puissent 
figurer  dans  les  phrases  de  cette  nature;  quand  on  veut 
indiquer  comment  l'action  qu'ils  expriment  est  faite, 
on  met  après  eux  le  pronom  en  et  le  participe  présent 
d'un  verbe  propre  à  cet  effet  : 

Anacharsis,  dit  Mademoiselle  Victoria  en  minaudatit;  — 
Ah,  ah,  ah?  dit  l'Univers  en  ricanant,  ahl  le  bon  billet  qu'a 
M.  Thiersl — C'est  bien,  c'est  biCT\,  dit  Jersey  en  interrompant 
d'un  ton  bourru  ;  —  Je  veux  d'abord,  a-t-il  dit  en  commen- 
çant, donner  au  tribunal,  etc.,  etc. 

Si  l'usage  s'établissait  de  construire  autrement  ces 
dernières  phrases,  ce  serait  l'avènement  d'une  règle 
aussi  nouvelle  que  peu  nécessaire  dans  la  syntaxe  de 
nos  verbes. 

X 
Troisième  Question. 

Dans  le  dernier  numéro  de  la  i"  année  du  Gocrrier 
DE  Vaugelas,  vous  VOUS  êtes  servi  du  substantif  mo^c- 
TiON  pour  signifier  l'action  de  se  moucher.  Or,  ce  mot 
n'est  point  dans  le  dictionnaire  de  Littré,  qui  a  cepen- 
dant, pour  la  quantité  des  termes,  renchéri  sur  l'Aca- 
démie. Auriez-rous  la  bonté  de  me  dire  si  c'est  encore 
un  oubli  de  notre  célèbre  académicien .' 

Vous  venez  de  m'apprendre,  à  mon  grand  étonne- 
raent,  que,  de  même  que  M.  Jourdain  faisait  de  la  prose 
sans  le  savoir,  j'ai  fait,  moi,  un  néologisme  sans  m'en 
douter:  car,  en  effet,  émonction  ne  se  trouve  dans  au- 
cun des  dictionnaires  français  que  j'ai  consultés  à  la 
Bibliothèque. 

Mais  ce  n'est  pas  offenser  la  langue  que  d'y  intro- 
duire un  nouveau  terme,  et  même,  quelquefois,  c'est 
lui  rendre  un  service  quand  ce  terme  est  nécessaire  et 
qu'il  est  régulièrement  fait  :  voyons  donc,  avant  de 
m'avouer  coupable,  si  émonction  ne  remplirait  pas  les 
conditions  que  je  viens  de  dire. 

Ce  mot  est-il  nécessaire? 

Vous  êtes  pris  d'un  fort  rhume  de  cerreau,  accident 
qui  n'a  rien  de  rare;  vous  pouvez  à  peine  vous  mou- 
cher; on  vous  enseigne  un  remède  qui  facilitera  cette 
opération  ;  vous  vous  en  trouvez  bien  ;  vous  le  con- 
seillez à  voire  tour  en  disant  qu'il  rend (comment 

nommer  autrement  l'action  de  se  moucher?;  Vémonc- 
iion  plus  facile. 

Pour  ce  qui  me  concerne,  je  disais  [Courrier  de  Vau- 
gelas, A'  année,  p.  187)  en  parlant  de  la  mèche  d'une 
bougie  : 

Pendant  qu'elle  i^st  allumée,  il  est  souvent  nécessaire  de 
lui  pratiquer  une  opération  qui  s'appelle  moucher,  par  ana- 
logie probablement  avec  celle  de... 

Je  voulais  finir  ma  phrase  par  un  substantif,  et  je 
n'en  pouvais  employer  d'autre,  il  me  semble,  que 
émonction,  qui  correspond  naturellement  au  verbe 
latin  emungcre,  se  moucher. 


52 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Ce  mot  est-il  régulièrement  fait? 
La  plupart  de  nos  substantifs  en  ion  sont  formés  du 
supin  du  verbe  latin  d'où  dérive  le  verbe  français  cor- 
respondant à  ce  substantif,  preuve  : 

Mixtion      de  mixtum  supin  de  miscere      (mêler) 
Ablution    —  ablutum        —       abluere      (laver) 
Vision         —  visum  —       videre        (voir) 

Scission      —  scissum         —       sciiidere    (scinder) 
Action        —  cictum  —       agere         (agir) 

Flexion      —  flexum  —       flectere      (fléchir) 

Par  analogie,  émnncfion  de  emunc/iim,  peut  parfaite- 
ment se  dire  pour  l'action  de  se  moucher  [emungere]. 

Emonction  est  nécessaire  ;  de  plus,  il  est  régulièrement 
fait;  je  ne  vois  pas  pour  quelle  raison  ce  mot  ne  serait 
pas  admis  dans  notre  vocabulaire,  où  j'en  pourrais 
compter  sans  peine  une  douzaine  d'autres  qui  sont  loin 
d'y  avoir  les  mêmes  droits. 

Une  dernière  raison  en  faveur  de  émoncfion  :  la 
famille  de  moucher  n'est  pas  complète  en  français;  car 
si  elle  a  un  verbe  (moucher),  un  nom  d'instrument 
pour  faire  l'action  (mouchoir,  mouchelles],  un  nom 
pour  désigner  celui  qui  fait  l'action  (moucheur),  un 
autre  pour  désigner  le  résultat  matériel  de  l'action 
[niouchuré],  elle  n'a  pas  de  nom  pour  désigner  l'action 
elle-même.  Or,  emonction  vient  à  propos  pour  combler 
cette  lacune. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
Une  autre  expression  composée  du  verbe  faire  que  je 
vous  prierais  de  vouloir  bien  encore  m' expliquer ,  c'est 
FAIRE  FODR,  qiii  sc  dit  si  fréquemment  aujourd'hui  pour 
exprimer  la  non-réussite,  l'insuccès. 

Dans  le  mois  de  décembre  1873,  Paris-Journal,  ainsi 
que  me  l'apprend  le  Voleur  du  2  janvier  1874,  donnait 
à  ses  lecteurs  l'origine  suivante  de  l'expression  dont  il 
s'agit  : 

Vers  1855,  il  y  avait  à  Paris,  rue  de  Bondy,  un  pâtissier 
du  nom  de  Jullien,  qui  s'était  mis  en  tête  de  faire  de  la 
littérature.  Il  composa  cinq  ou  six  drames  successifs  qu'il 
porta  à  VAmbiiju,  son  voisin. 

A  force  do  persévérance,  il  finit  par  en  faire  recevoir 
un,  la  Maison  maudite.  On  ne  put  en  jouer  que  deux 
actes. 

Le  pâtissier  Jullien  rentra  tristement  chez  lui,  prit  tous 
ses  manuscrits,  y  compris  celui  de  la  Maison  maudite,  et 
les  jeta  dans  son  four,  où  ils  se  calcinèrent  peu  à  peu.  Tous 
ses  gâteaux  eurent  ce  soir-là  un  goût  de  papier  brûlé  dont 
se  plaignirent  les  pratiiues. 

Le  désolé  Jullien  lit  des  aveux  qui  coururent  les  jour- 
naux. Inde  l'expression. 

Mais  cette  uiigine  n'est  pas  plus  vraie  que  toutes 
celles  qu'on  pourrait  établir  sur  un  l'ait  se  rapportant  à 
noire  siècle;  el  cela,  pour  la  bonne  raison  que  faire 
four  existait  au  commencement  du  siècle  précédent,  ce 
que  mettent  en  évidence  ces  lignes,  copiées  dans  le 
dictionnaire  de  Furetière  (1727)  : 

En  termes  de  comédien,  on  dit  Faire  un  four  pour  dire 
qu'il  est  venu  si  peu  de  ^ens  pour  voir  lu  représentation 


d'une  pièce,  qu'on  a  été  obligé  de  rendre  l'argent  et  de  les 
renvoyer  sans  la  jouer. 

Maintenant,  pourquoi  les  comédiens,  refusant  de 
jouer  et  renvoyant  leur  public,  appelaient-ils  cela  faire 
un  four  ? 

D'après  M.  Littré,  c'est  parce  qu'en  agissant  ainsi, 
ils  rendaient  la  salle  «  aussi  noire  qu'un  four;  »  mais, 
attendu  que  la  même  expression  ne  s'emploie  jamais 
en  parlant  d'un  autre  endroit  qu'on  prive  d'éclairage, 
quoiqu'il  y  ait  cependant  identité  d'état  avec  une  salle 
de  spectacle  dont  les  lumières  viennent  d'être  subite- 
ment éteintes,  il  m'a  semblé  que  ce  ne  pouvait  être  là 
le  «  sens  primitif  de  l'expression  »  ;  je  l'ai  en  consé- 
quence chercbé  ailleurs,  et  j'ai  trouvé  que,  selon  toute 
probabilité,  ce  four  vient  de  l'italien  fuori,  dehors, 
opinion  qui  s'appuie  sur  les  considérations  que  voici  : 

D'abord  cette  étymologie  est  une  de  celles  que  la 
prononciation  peut  avouer,  car  I'm  italien  étant  pro- 
noncé ou  et  l'accent  étant  mis  sur  la  syllabe  o,  Vi  final 
est  à  peine  sensible,  et  fuori  ne  fait  guère  entendre  que 
four  à  une  oreille  française. 

Ensuite,  elle  rend  bien  compte  du  sens  de  l'expres- 
sion faire  un  four;  car  des  gens  que  l'on  congédie  sont 
des  gens  que  l'on  met  dehors;  puis,  du  reste,  aujour- 
d'hui encore  en  Italie,  quand  le  public  veut  rappeler 
tout  le  monde-,  c'est-à-dire  faire  sortir  tous  les  acteurs 
des  coulisses,  ne  crie-t-il  pas  :  fuori!  fuori!  dehors  \ 
dehors  I 

Enfin,  elle  ne  contredit  en  rien  l'histoire,  car  c'est 
en  1577,  sous  Henri  ill,  que  Paris  commença  à  avoir 
des  acteurs  italiens,  et  c'est  en  1639  seulement,  comme 
le  prouve  la  citation  suivante,  que  four  nous  apparaît 
pour  la  première  fois  : 

Ce  Magnon  fit  beaucoup  d'ouvrages,  et  le  registre  de  La 
Grange  nous  apprend  que  quand  Molière  et  sa  troupe  furent 
installés  à  Paris,  ils  représentèrent  sans  doute  par  bon  sou- 
venir, le  12  décembre  1659,  une  zénobie  de  cet  auteur.  La 
pièce  n'eut  pas  grand  succès,  car  La  Grange,  après  avoir 
sorti  hors  ligne  la  somme  très-faible  que  produisit  chacune 
des  trois  premières  représentations,  met  comme  résultat 
de  la  quatrième  :  un  four... 

(Tasch«reau,  Nist.  de  Molière,  p.  aia,  3*  édit.) 

L'existence  d'un  théâtre  italien  à  Paris  explique  four 
comme  terme  de  coulisses;  ce  mol  s'employant  pour 
congédier  des  spectateurs,  il  a  pris  le  sens  de  renvoi; 
partant  de  cette  signification  de  four,  les  acteurs  fran- 
çais ont  créé  l'expression  faire  un  four  pour  dire  ren- 
voyer le  public;  puis,  comme  cela  était  la  conséquence 
du  peu  d'attraction  qu'avait  exercé  la  pièce  qu'on  s'était 
proposé  de  jouer,  on  a  appliqué  naturellement  faire  un 
four  à  la  pièce  qui  n'avait  pas  été  représentée,  ce  qui 
donna  pour  sens  de  l'expression  :  ne  pas  réussir. 

X 

Seconde  Question. 
A  la  pat/e  3  de  votre  numéro  du  I"  airil,je  lis  : 
«  SECo.'vnE  (iiESTiON  ».  N'cst-H  pas  admis  que  second 
suppose  l'absence  de  ■rnoisibiE'i' 

Deuxième,  non  précède  d'un  nombre  de  di/aincs,  ne 
commença  guère  à  s'employer  qu'au   xvn'  siècle;    il 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


33 


figure  à  la  vérité  dans  l'alsgrave,  mais  il  n'est  pas  dans 
Nicot  :  on  le  trouve  dans  Balzac,  dans  Descartes,  dans 
La  Fontaine  et  dans  Bossuet;  au  xtiii',  il  devint  plus 
général  encore  ;  et,  de  notre  temps,  il  est  souvent  con- 
fondu avec  second,  d'origine  beaucoup  plus  ancienne. 

Or,  faut-il  faire  une  distinction  dans  l'emploi  de  ces 
deux  termes? 

Des  grammairiens  l'ont  pensé,  et  Girault-Duvivicr  3, 
fait  de  leur  opinion  l'objet  de  la  note  suivante  [liem. 
détach.,  p.  90)  : 

On  dit  également  le  premier,  le  second,  le  troisième,  le 
quatrième,  etc.,  et  le  premier,  le  deuxième,  le  troisième  et 
le  quatrième,  etc. 

Mais  il  y  a  cette  différence  que  le  deuxième  lait  songer 
nécessairement  au  troisième,  qu'il  éveille  l'idée  d'une  série, 
et  que  le  second  éveille  l'idée  d'ordre  sans  celle  de  série. 
On  dira  donc  d'un  ouvrage  qui  n'a  que  deux  tomes  :  voici 
le  second  (orne,  et  non  pas  le  deuxième,  et  de  celui  qui  en  a 
plus  de  deux  :  voici  le  deuxième  tome,  ou  si  l'on  veut,  voici 
le  second  tome. 

Mais  quand  je  considère  : 

r  Que  du  temps  de  Vaugelas,  il  n'a  été  fait  aucune 
remarque  sur  l'emploi  de  ces  expressions; 

2°  Qu'au  siècle  suivant,  il  n'était  établi  non  plus 
aucune  différence  entre  ces  mots,  puisqu'on  trouve 
dans  le  dictionnaire  de  Furetière  (1727)  et  dans  celui 
de  Trévoux  (1771)  : 

César  aimoit  mieux  être  le  premier  en  un  village  que 
d'être  le  deuxième  à  Rome, 

3°  Que  l'Académie  de  1835  garde  le  silence  le  plus 
complet  sur  cette  prétendue  différence  ; 

4°  Que  M.  Littré  déclare  «  arbitraire  »  la  distinction 
proposée  entre  les  termes  en  question  ; 

5°  Que  l'Académie  des  Sciences,  à  qui  l'on  ne  peut 
refuser  une  certaine  compétence  en  fait  d  expressions 
numériques,  édite,  comme  vous  me  l'apprenez,  des 
comptes-rendus  qui  portent  en  tête  ces  mots  :  Deuxième 
semestre; 

J'en  conclus  qu'on  est  parfaitement  libre  d'employer, 
quand  bon  semble,  ou  deuxième  ou  second,  et  qu'il  y 
aurait  puérilité  à  observer  la  distinction  subtile  que 
Boniface  a  voulu  établir  [Manuel  des  Etrarujers,  2'  an- 
née, p.  8)  et  que  la  grammaire  de  Noël  et  Chapsal  a 
malheureusement  propagée  avec  trop  de  succès. 


PASSE-TE.MPS   GKA.MMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

I°...  en  qualité  de  sorciers,  les  savants;  —  2'...  il  y  aura 
de  la  poésie  ici-bas  (pas  toujours,  qui  forme  pléonasme  après 
tant  que);  —  3°...  C'est  étrange  a  dire,  mais;  — -i'...  parmi  les 
divers  dentifrices  (on  ne  peut  pas  dire  ipiun  moyen  esl  composé 
d'albâtre,  etc.)  ;  —  ô°...  trop  éclalaiils  jiour  que  vous  pussiez 
échapper;  —  6'...  après  l'avoir  assommé  de  coups  et  lui  aroir 
foulé  un  bras,  lui  ont  enlevé  son  fusil  ;  —  7"...  et  moi  qui  fais 
partie;  — 8°...  à  sa  rédaction  n'a  |ias  laissé  de  (sans  que);  — 
9"...  que  JH.squ'à  ce  que  le  pays  eiil  monlré;  —  10°...  je  préfère 
mourir  plutûl  que  de  me  rendre  voleur  (Voir  Courrier  de  Vau- 
gelas, i'  année,  p.  153). 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  Il  s'est  passé  à  Bade,  lors  du  passage  du  prince  Gorts- 
chakoff  dans  cette  ville,  un  fait  auquel  nous  ne  voudrions 
pas  donner  plus  d'importance  qu'il  n'en  a,  mais  qu'il  nous 
paraît  curieux  de  signaler. 

2°  Cette  charge  disparaîtrait  d'elle-même  si  le  gouverne- 
ment veillait  à  ce  que  le  raccordement  des  voies  ferrées 
roumaines  au  réseau  occidental  européen,  soit  aux  che- 
mins de  fer  hongrois,  eût  lieu  le  plus  tôt  possible. 

3'  Le  démon  sait  si  bien  accommoder  sa  figure  aux  cir- 
consfemces  et  se  faire  débonnaire  à  seule  fin  d'être  plus 
nuisible!  On  dit  bien  encore,  pour  ne  pas  perdre  une 
métaphore,  que  nous  grinçons;  mais  nous  ne  grinçons  pas 
du  tout. 

4"  Le  moment  est  opportun.  L'Espagne  croit  avoir  beau- 
coup à  se  plaindre  de  la  France,  à  l'occasion  des  secours 
de  toute  sorte  qu'elle  a  laissé  arriver  aux  Carlistes. 

S"  Vaine  concession  :  le  centre  droit  a  été  de  nouveau 
battu,  et  il  est  à  craindre  que  ce  nouvel  échec  augmente 
son  irritation  au  lieu  de  la  ramener  à  des  vues  plus 
sages. 

6°  Ici  sans  doute  quelque  logicien  sera  intervenu  et  aura 
dit  :  «  Mais,  messieurs,  nous  allons  nous  faire  moquer  de 
nous;  nous  décidons  que  le  principe  est  appliquable,  et 
nous  ne  l'appliquons  pas.  » 

7*  Cette  anecdote  court  depuis  longtemps  le  monde,  et 
nous  nous  souvenons  l'avoir  entendu  conter,  il  y  a  une 
trentaine  d'années,  par  une  bonne  grand'maman,  qui  riait 
beaucoup  à  ces  grivoiseries. 

8'  Le  maréchal  de  Mac-Mahon  a  été  bien  inspiré  en  fai- 
sant entendre  à  cet  orléaniste  que  les  prérogatives  du 
pouvoir  servaient  à  autre  chose  qu'aux  vengeances  person- 
nelles et  aux  persécutions  politiques. 

9°  Oui,  c'est  un  grand  malheur  pour  le  sensible  capitaine 
Bûcheron  du  7'  chasseur,  qui,  ayant  forcé  son  talent,  ne 
fait  plus  rien  avec  grâce. 

10»  Eugène  Pennazi,  négociant  à  Galatz,  a  l'honneur  de 
prévenir  sa  nombreuse  clientèle  qu'il  continue,  comme  par 
le  passé,  à  tenir  à  leur  disposition  des  vins  et  spiritueux 
des  premières  maisons  de  France,  Hongrie,  Allemagne, 
Italie. 

[Les  cortections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE    DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE   MOITIE   DU   XVIl"  SIÈCLE. 

Antoine  OUDIN. 

(Suite./ 

Les  trois  impersonnels  fa/loir,  sembler  et  servir  peu- 
vent se  construire  sans  le  pronom  sujet  :  à  c/uoy  sert  ? 
de  quoij  sert  ^  faut  dire,  que  vous  en  semble? 

Une  «  fausseté  »  de  grammaire  qu'Oudin  a  rencontrée 
dans  son  auteur  (Ch.  Maupas  dont  j'ai  donné  la  bio- 
graphie dans  la  i'  année),  lequel  dit  que  il  tient  signifie 
envie  ou  volonté,  et  forme  ces  phrases  :  il  ne  me  tient 
pas  d'estre  marié  pour  je  n'ay  pas  envie,  ihie  leur  tien- 
dra pas  désormais  d'aller  à  la  guerre,  pour  ils  n'auront 
pus  la  volonté,  phrases  qui  n'ont  jamais  été  bonnes  en 
français. 

DES    IMrERSO.WKI.S    RÉCirBOQlES 

Là  plupart  des  impersonnels  reçoivent  les  «  parti- 


54 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


cules  réciproques  »,  comme  H  m'appartient,  il  m'ar- 
rive,  etc. 

Quelques  personnes  disent  indifféremment,  je  me 
desplais  et  il  me  desplaist  ;  je  m'ennuije  et  il  m'ennuye; 
je  me  fasche  ei  il  me  fasche;je  me  souviens  et  il  me 
sourient. 

Il  me  semble  veut  après  lui  l'indicatif  ou  le  subjonc- 
tif indifféremment  :  vous  semble-t-il  que  je  suis  ou  que 
je  sois.  Oudin  prétend  que  c'est  une  assez  mauvaise 
manière  de  parler  que  de  mettre  un  infinitif  après  sem- 
bler comme  dans  cet  exemple  :  vous  me  semblez  resver, 
et  il  ne  conseille  à  personne  de  s'en  servir. 

DES   PARTICIPES. 

On  «  faisoit  estât  »  autrefois  de  la  construction  du 
participe  en  anf  avec  le  verbe  aller,  comme  d'une 
chose  fort  élégante;  par  exemple, _;e  me  vnij  nourris- 
sant; maintenant,  il  y  a  beaucoup  de  personnes  qui  ne 
l'approuvent  pas.  Toutefois  Ant.  Oudin  le  met  à  la 
discrétion  de  qui  voudra  s'en  servir;  et  notez,  ajoute- 
l-il,  que  contre  l'opinion  de  mon  grammairien  (il  s'agit 
toujours  de  Charles  Maupas)  ledit  participe,  en  termes 
pluriels,  doit  toujours  rester  au  singulier  :  les  douleurs 
qui  me  vont  affligeant,  et  non  pas  affligeans  ou  affli- 
geantes. 

Quand  ce  participe  est  suivi  d'un  accusatif,  il  doit 
être  invariable  :  la  terre  produisant  des  fruits,  les 
Roy  s  asseurant  leurs  estais  ;  mais  s'il  est  en  fin  de 
phrase,  il  faut  qu'il  prenne  le  genre  et  le  nombre  de 
son  antécédent;  les  subjects  obeissans,  les  femmes  at- 
trayantes. 

Devant  les  participes,  on  ne  met  jamais  les  pronoms 
personnels  sujets,  mais  bien  leurs  formes  accusatives, 
moy,  toy,  luy,  elle,  eux,  comme  dans  tnoy  allant  à 
Rome,  luy  venant  de  la  Cour. 

Placés  après  les  substantifs,  les  participes  passifs 
s'accordent  toujours  :  les  Roys  méprisez  se  vengent,  les 
femmes  importunées  se  laissent  aller  bien  souvent. 

Mais  quand  ils  sont  joints  à  l'auxiliaire  avoir,  il  y  a 
trois  cas  à  considérer  :  1°  Si  on  les  met  après  le  sujet 
ou  antécédent  sur  lequel  ils  agissent,  il  faut  qu'ils  lui 
«  conviennent  »  en  genre  et  en  nombre;  par  exemple  : 
j'ay  veu  les  habits  que  vous  avez  achetez;  j'ay  receu 
les  lettres  que  vous  m'avez  envoyées;  2°  S\  on  les  met 
devant,  ils  ne  changent  aucunement  :  j'ay  acheté  une 
espée,  j'ay  entendu  de  beaux  diseurs;  3°  Lorsqu'un 
infinitif  suit  le  participe,  il  faut  le  laisser  au  singulier 
masculin  :  avez-vous  oûy  la  maistresse?  Oiiy,  je  l'ay 
oiiy  discourir,  et  non  pas  je  l'ay  oiiye. 

Maintenant  (IG331,  les  délicats  rejetient  quantité  de 
(ihrases  qui  passaient  autrefois  pour  fort  élégantes, 
comme  :  je  voy  mes  affaires  réiissies,  je  pense  mes  sou- 
hnifs  arrivez,  et  cela,  parce  que  le  participe  qui  appar- 
tient à  des  verbes  neutres,  n'aurait  pas  bonne  grâce  à 
la  fin. 

DES   ADVERBES. 

Voici  les  remarques  que  j'ai  faites  en  lisant  ce  cha- 
pitre : 

En  matière  interrogative,  ça  signifie  baillez,  comme 
dans  :  ;•«  de  l'argent. 


Céans  ne  se  dit  point  en  parlant  d'une  chambre;  leans 
est  antique  et  hors  d'usage. 

Ça  bas,  ça  haut,  sont  un  peu  vulgaires  ;  il  vaut  mieux 
dire  icy  bas,  icy  haut. 

Contre  se  met  pour  proche  :  tout  contre  chez  nous  ; 
mais  Oudin  le  trouve  un  peu  «  rude  ». 

Les  prépositions  dans,  hors,  sur,  sous,  s'emploient 
devant  les  noms  :  dans  le  logis,  hors  du  logis,  sur  la 
table  ;  mais  si  le  substantif  se  sous-entend,  on  met 
dedans,  dehors,  dessus,  dessous  à  la  place  :  est-il  dans 
le  logis?  Il  faut  répondre  :  oiiy,  il  est  dedans  ;  le  disiier 
est-il  sur  la  table?  Réponse  ;  oiiy,  il  est  dessus. 
(t633). 

C'est  parler  improprement  que  de  dire  :  dont  venez 
vous?  pour  d'oii  venez  vous? 

Jouxte  pour  vis-à-vis  ne  se  doit  plus  écrire,  ni  s'em- 
ployer pour  selon,  bien  que  quelques  auteurs  s'en  ser- 
vent encore. 

Oii  que  ce  soit  n'est  pas  une  phrase  bien  «  digérée  » 
il  faut  dire  :  en  quel  lieu  que  ce  soit. 

Parmi  diffère  de  entre;  il  signifie  mêlé  dans  une 
confusion  de  choses,  tandis  que  entre  spécifie  une  chose 
mise  au  milieu  des  autres  sans  confusion. 

Il  faut  prendre  garde  d'employer  y  sans  l'accompa- 
gnement du  verbe  substantif,  comme  «  d'aucuns  »  qui 
écrivent  :  les  tnatiéres  y  contenues  au  lieu  de  qui  y  sont 
contenues. 

Il  y  a  une  différence  entre  à  la  bonne  heure  et  de 
bonne  heure,  car  le  premier  veut  dire  «propos,  tandis 
que  de  bonne  heure  signifie  tost. 

Du  temps  des  hauts  bonnets  est  une  expression  des 
frontières,  parce  qu'on  ne  l'entend  point  à  la  Cour. 

Au  jour  à  la  journée  est  une  phrase  vulgaire. 

On  ne  dit  point  deuxiesmement ,  troisiesmement,  mais 
bien  secondement,  tiercement;  et,  après,  on  dit  :  en 
qualriesme  lieu,  en  cinquiesme  lieu,  car  on  ne  dit  point 
quartement  ni  quatriesmement ,  quintement  ni  cinquies- 
mement,  sixtement  ni  sixiesmement  (t633). 

D'abordade  est  un  peu  extravagant. 

A  la  par  fin  est  vulgaire;  ^«  /în  /?na/e  est  antique; 
finablement  est  antique  et  hors  d'usage. 

Chacun  à  sa  fois  pour  chacun  à  son  tour  n'est  point 
une  bonne  phrase. 

Sens  devant  derrière  et  sens  dessus  dessous  valent 
mieux  que  c'en  devant  derrière. 

Au  lieu  de  la  «  diction  »  fois,  on  se  sert  aussi  de  coup; 
on  dit  :  un  coup,  deux  coups,  etc. 

On  ne  dit  point  il  y  en  a  d'avantage  de  dix,  mais 
plus  de  dix. 

Excellentement  est  meilleur  que  excellemment,  mis 
avec  l'adjectif  bon;  on  dit  :  excellentement  bon. 

Nous  avons  des  personnes  qui  disent  furieusement 
bon,  ravissamment  bon;  estrnnijement  bon,  etc. 

Moult  est  trop  vieux  et  «  tire  du  latin  ». 

Prou  est  un  mot  vulgaire  dont  on  ne  devrait  jamais 
se  servir. 

[La  fin  au  prochain  numéro.) 

Le  Rédacteck-Gérant  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


55 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Histoire  d'un  mort;  par  EvarlsteCarrance.  2«  édition. 
In-8",  207  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  y  fr.  50. 

Peintres  et  sculpteurs  contemporains;  par  Jules 
Claretie,  2'-  édition,  revue  et  augmentée  d'études  et  docu- 
ments nouveaux.  In-18  jrsus,  xxx-i2/i  p.  Paris,  lib.  Char- 
pentier et  Cie.  3  fr.  50. 

Histoire  du  merveilleux  dans  les  temps  modernes  ; 
par  Louis  Figuier.  3=  édition.  T.  2.  Les  Propliètes  protes- 
tants. La  Baguette  divinatoire.  In-18  Jésus,  456  p.  Paris, 
lib.  Hacliette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Contes  et  nouvelles  en  vers;  par  M.  de  La  Fontaine. 
Nouvelle  édition,  publiée  par  N,  Sclieuring,  éditeur,  et 
Illustrée  de  nombreuses  gravures  à  l'eau-forte.  T.  I.  In-8% 
viii-230  p.  et  portr.  Lyon,  lib.  Sclieuring. 

Histoire  de  l'enseignement  secondaire  en  France 
au  X'VII=  siècle.  Thèse  pour  le  doctoral  ès-lettres;  par 
Henri  Lantoine,  agrégé  des  lettres.  In-S",  xi-295  p.  Paris, 
lib.  Thorin. 

Lettres  à  une  inconnue  ;  par  Prosper  Mérimée,  de 
l'Académie  française.  Précédées  d'une  étude  sur  .Mérimée 
par  H.  Taine.  6'=  édition,  entièrement  revue.  2  vol.  in-18 
Jésus,  xxxii-7i9  p.  Librairie  Nouvelle.  7  fr. 

Paris,  ses  organes,  ses  fonctions  et  sa  vie  dans  la 
seconde  moitié  du  XIX'  siècle  ;  par  Maxime  Du  Camp. 
3«  édition.  T.  IL  In-8',  477  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
7  fr.  50. 

Œuvres  complètes.   Mélanges  politiques  et  polé- 


miques, par  F.  A.  de  Chateaubriand.  In -8°,  718  p.  Paris, 
lib.  Furne,  Jouvet  et  Cie. 

Œuvres  de  Camille  Desmoulins,  recueillies  et 
publiées  d'après  les  textes  originaux,  augmentées  de  frag- 
ments inédits,  de  notes  et  d'un  index,  et  précédées  d'une 
étude  biographique  et  littéraire,  par  Jules  Claretie.  2  vol. 
in-18  Jésus,  778  p.  Paris,  Charpentier  et  Cie.  7  fr. 

Madame  de  Choiseul  et  son  temps,  étude  sur  la 
société  française  à  la  fin  du  xviir'  siècle;  par  M.  1.  Grasset, 
président  à  la  Cour  d'appel  de  Montpellier.  In-8°,  319  p. 
Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  6  fr. 

Œuvres  de  Lamartine.  Souvenirs  et  portraits. 
T.  I".  In-18  Jésus,  vi-40/1  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
3  fr.  50. 

Histoire  des  progrès  de  la  grammaire  en  France 
depuis  l'époque  de  la  Kenaissance  jusqu'à  nos  jours;  par, 
Arthur  Loiseau,  professeur  de  seconde  au  lycée  d'Angers, 
lei-  fascicule.  In-8",  110  p.  Paris,  lib.  Thorin. 

Du  dialecte  Blaisois  et  de  sa  conformité  avec  l'an- 
cienne langue  et  l'ancienne  prononciation  française  : 
Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris  ;  par 
F.  Talbert,  professeur  au  prytanée  militaire  de  La  Flèche. 
ln-8",  xv-338  p.  Paris,  lib.  Franck. 

Sujets  et  modèles  de  composition  française,  k 
l'usage  des  classes  supérieures;  par  A.  Pélissier,  professeur 
de  l'université.  Application  des  Principes  de  rhétorique  du 
même  auteur.  In-12,  336  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
2  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANCION,  composée  par 
Charles SoBEL,sieurdeSouvigny.  —  Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Emile  Colombay.  —  Paris, 
Adolphe  Delalmys,  éditeur,  4-6,  rue  Voltaire.  —  In-16  : 
5  fr.  ;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 

VOCABULAIRE  RAISONNÉ  ET  COMPARÉ  DU 
DIALECTE  ET  DU  PATOIS  DE  LA  PROVINCE  DE 
BOURGOGNE,  ou  Etude  de  l'histoire  et  des  mœurs  de 
cette  province  d'après  son  langage.  —  Par  Mign.\rd,  de 
l'Académie  de  Dijon.  —  In-S",  334  p  —  Paris,  librairie 
Aubry,  18,  rue  Séguier. 

LES  GRAMMAIRIENS  FRANÇAIS  depuis  l'origine 
de  la  Grammaire  en  France  jusqu'aux  dernières  œuvres 
connues.  —  Par  J.  Tell.  —  Un  beau  volume  grand  in-18 
Jésus.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Librairie  Firmin  Didot  frères, 
fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob,  à  Paris. 


LE  ROMANCERO  FRANÇOIS,  histoire  de  quelques 
anciens  trouvères  et  choix  de  leurs  chansons,  le  tout  nou- 
vellement recueilli.  —  Par  Paulin  Paris.  —Paris,  librairie 
Techner,  52,  rue  de  l'Arbre-Sec.  Prix  :  8  fr. 


—  Par  E.  Egger,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  à 
l'École  normale  supérieure.  —  Sixième  édition,  revue  et 
augmentée  de  quelques  notes.  —  Paris,  librairie  Durand 
et  Pedone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  NOMS  PRO- 
PRES D'HOMMES,  contenant  la  qualité,  l'origine  et  la 
signification  des  noms  propres  se  rattachant  à  l'histoire, 
à  la  mythologie,  des  noms  de  baptême,  etc.  —  Par  Paul 
Hecquet-Boucrand.  — Paris,  Victor Sarlil,  libraire-éditeur, 
19,  rue  de  Tournon. 


NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  des  trois  langues  classiques. 


HISTOIRE  MAGCARONIQUE  DE  MERLIN  COC- 
CAIE,  prototype  de  Rabelais,  ou  est  traicté  les  ruses  de 
Cingar,  les  tours  de  Boccal,  les  adventures  de  Léonard, 
les  forces  de  Fracasse,  les  enchantemens  de  Gelfore  et 
Pandrague,  et  les  rencontres  heureuses  de  Balde.  Avec 
des  notes  et  une  notice,  par  G.  Brunet,  de  Bordeaux.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  l'édition  de  1606. 
—  Par  P.-L.  Jacod,  bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Dela- 
hays,  éditeur,  4-6,  rue  Voltaire. 


LES  ÉCRIVAINS  MODERNES  DE  LA  FRANCE,  ou 
Biographiesdes  principaux  écrivains  français  depulsle  pre- 


56 


LE  COURIUER  DE  VAUGELAS 


mier  Empire  jusqu'à  nos  jours.  —  A  l'usage  des  écolfs  et 
des  maisons  d'éducation.  —  Par  D.  Bonnefon.  —  Paris, 
librairie  Sandoz  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine. 


MANUEL  D'HISTOIRE  DE  L.\  LITTÉRATURE 
FRANÇAISE,  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours,  à 
l'usage  des  collèges  et  des  établissements  d'éducation.  — 
Par  F.  Marcillac,  maître  de  littérature  à  l'École  supé- 
rieure des  jeunes  filles  à  Genève.  —  Seconde  édition,  re- 
vue et  corrigée.^  Genève,  chez  //.  Georg,  libraire-éditeur. 


THIRD  FRENCH  COURSE,  intended  as  a  sequel  to 


Arnold's,  Hall's,  Ann's,  Hamel's,  Levizac's,  De  Fivas'  and 
other  similar  educational  French  works.  —  By  A.  CooEnY, 
B.A.,L.L.,  French  Masteratthe  Birkbeck  Schools,  Peckham; 
etc.  —  Nouvelle  édition  revue  et  augmentée.  —  London  : 
Relfe  brothers,  Charterliouse  buildings  —  Two  shillings  — 
Corrigé  du  Third  French  course  :  Two  shillings. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


rÊT 


LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

PAR 

DÉSIRÉ  NISARD,  Membre  de  l'Académie  française. 


Quatre  volumes  in- 18  jésus  de  plus  de  400  pages  chacun. 

\<"  vol.  :  Des  origines  jusqu'au  xvn<=  siècle;  —  i"  vol.  :  Première  moitié  du  xvu=  siècle;    —  3"  vol.  :    Seconde 
moitié  du  xvii'^  siècle  ;  —  W  vol.  :  Le  xvin«  siècle  avec  un  dernier  chapitre  sur  le  xix". 


Cinquième  Édition. 
Prix  de  l'ouvrage   :   16  friancs. 


SE  TROUVE  A  PARIS 
A  la  librairie  de  Firmin  Didol  frères.,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


RENSEIGNEMENTS 

Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  en  Angleterre. 


Dans  l'annuaire  commercial  et  industriel  de  M.  Alfred  Hamonet,  ouvrage  approuvé. par  les  Autorités  consulaires  de 
France,  on  trouve  la  liste  suivante  des  agents  de  Londres  par  l'intermédiaire  desquels  les  Professeurs  français  des  deux 
sexes  peuvent  parvenir  à  se  procurer  des  places  : 


M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W. 

M.  Biveret  Cie,  46,  Régent  Circus,  W. 

M.  Clavequin,  125,  Régent  Street,  W. 

M.  Griffiths,  22,  Henrietta  Street,  Covent  garden,W.  G. 


M.  Verstraete,  25,  Golden  Square,  W. 
Mme  Hopkins,  9,  New  Bond  Street,  W. 
Mme  Waghorn,  3/i,  Soho  Square. 
Mme  Wilson,  Zi2,  Berners  Street,  W. 


Nota.  —  Les  majuscules  qui  figurent  à  la  fin  de  ces  adresses  servent  à  marquer  les  «  districts  »  pour  le  service  des 
Postes;  dans  la  suscription  des  lettres,  on  les  met  après  le  mot  Londres;  exemple  :  Londres  W,  Londres  W.  C. 


Le  volume  de  M.  Alfred  Hamonet,  qui  coûte  1  fr.  25,  se  trouve  à  la  librairie  Hachette,  à  Paris. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Appel  aux  prosateurs. 


L'Académie  française  décernera  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  Jouy,  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  fondatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
vation, soit  d'imaginalimi,  soit  de  critique,  et  ayant  pour  objet  l'étude  des  mœurs  actuelles.  —  Les  ouvrages  adressés 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  de  trois  exemplaires  avant  le  1"  janvier  1875. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  ;i  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


5°  Année. 


N'  8. 


15  JuiUet  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^' 


-^\Ï.R  DE  YAVaj,' 

A\\>^  Journal  Semi-Mensuel  <J  g       À 

-^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^A     l 


ParaUaant    la    l"  et   le    IS    de   ehaaae   aoia 


PRIX   ; 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

AN'CtEN"     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Oflirior  d'Académie 

26,  boulevard  des  Italiens.  Paris 


ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adm' 
M.  FiscHBACHKR,  33,  Tue  de  Seine. 


SOMMAIRE. 
Réponse  à  des  communications  ;  —  Etymologie  de  Morgue;  — 
Sens  et  origine  de  l'expression  :  .Ve  donnons  pas  trop  pour  le 
sifflet;  —  D'où  vient  le  nom  de  Calvados  donné  à  un  départe- 
ment; —  Daigner  n'est  pas  un  verbe  neutre  comme  on  le  croit 
généralement.  ||  Si  le  participe  Dégringolé  est  variable;  — 
Pourquoi  on  ne  peut  pas  dire  Un  trimestre  de  spectateurs.  || 
Passe-temps  grammatical.  Fin  de  la  biographie  d'Antoine 
Oudin.  li  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Fa- 
milles parisiennes  recevant  des  étrangers  pour  les  perfectionner 
dans  la  conversation.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 

Réponse  aux   communications  du  numéro  6. 

L 

-M.  le  docteur  Varry  croit  que  l'étymologie  qu'il  a 
recueillie  dans  ses  notes  (publiée  par  le  Gaulois  le 
i3  décembre  1869)  est  «  plus  satisfaisante  encore  »  que 
celle  que  j'ai  donnée  dans  mon  numéro  3  de  cette 
année  (parue  dans  le  Figaro,  en  octobre  18"3\ 

Une  simple  remarque  me  suffira  pour  prouver  le 
contraire. 

En  effet,  dans  le  Nouvel  Alberfi  ^1839),  le  premier 
dictionnaire  italien-français  où  j'aie  trouvé  far  fiasco, 
qui  nous  a  donné  notre  faire  fiasco,  cette  expression 
est  signalée  comme  un  néologisme,  et  fiasco  dans  le 
sens  de  insuccès,  coup  manqué,  comme  un  terme  qui 
s'emploie  en  parlant  d'une  pièce  de  théâtre,  ce  qui 
implique  naturellement  que  far  fiasco  est  né  dans  les 
coulisses  ou  sur  les  planches. 

Or,  comme  l'étymologie  rappelée  par  M.  le  docteur 
Varry  s'appuie  sur  un  fait  qui  se  serait  passé  dans  une 
<i  verrerie  »,  il  est  présumable,  pour  ne  rien  dire  de 
plus  afOrmatif,  qu'elle  ne  peut  être  la  vraie. 
IL 

Voici  ce  que  je  réponds  à  la  communication  ano- 
nyme : 

i"  Dans  une  parenthèse,  l'auteur  insinue  que /a.<eo/«j(, 
dont  j'ai  fait  usage,  n'est  pas  latin,  et  que  j'aurais  dit 


écrire  p/taseolus.  S'il  veut  bien  ouvrir  Quicherat,  p.  437, 
col.  2,  il  y  trouvera  ce  qui  suit  : 

Faseolus,  i,  m.  {faselus).  Cic.  Plin.  Faséole ,  haricot, 
légump. 

2°  L'auteur  commence  par  ces  mois  :  «  11  n'est  guère 
probable  que  flageolet  vienne  de  phaseole  par  corrup- 
tion. » 

—  Assertion  qu'il  me  prête  gratuitement!  Je  n'ai  point 
dit  que  flageolet,  légume,  avait  été  formé  de  faseole; 
j'ai  dit  seulement  que  l'on  avait  «  substitué  »  flageolet 
à  faseolef,  que  le  premier  mot  avait  remplacé  l'autre. 

3"  L'auteur  dit  encore  :  «  dans  aucun  temps  flageolet 
n'a  été  le  terme  générique  de  haricot  vert.  » 

—  Je  ne  le  conteste  pas;  mais  n'a-t-il  pas  pu  se  faire 
qu'après  que  faseolet,  diminutif  de  faseole  et  terme 
générique  pour  désigner  un  petit  haricot,  a  été  rem- 
placé par  flageolet,  ce  dernier  soit  devenu  le  nom  spé- 
cial des  variétés  qui  se  mangent  en  vert  ? 

4°  Il  dit  ensuite  :  «  Parmi  les  variétés  de  flageolets, 
quelques-unes  sont  marbrées  de  nuances  diverses,  et 
autrefois  on  les  nommait  haricots  flagellés;  de  là  sans 
doute  vient  le  nom  flageolet.  » 

—  Il  semblerait  d'après  ce  passage  qu'après  avoir  été 
abandonnée,  l'expression  de  haricot  flagellé  eût  été 
reportée  sur  le  flageolet  blanc.  Mais  il  n'en  est  point 
ainsi;  cette  expression  existe  encore,  car  j'ai  trouvé 
dans  le  Manuel  du  Jardinier  [collection  Rorel),  I" 
partie,  p.  249  : 

naricot  flagelle',  à  membranes  brunâtres. 

Puis,  en  supposant  que  le  qualificatif  flagellé  ait 
cessé  de  s'employer,  aurait-il  pu,  par  corruption, 
donner  le  mot  flageolet  ?  Non,  car  pour  que  cela  eût  pu 
arriver,  il  aurait  fallu  que  \'e  de  gel  se  transformât  en  o, 
ce  qui  me  semble  contraire  à  toutes  les  lois  connues  de 
la  permutation  des  voyelles. 

3°  «  Quant  à  l'intervention  de  la  musique,  dit  l'au- 
teur en  terminant,  c'est  une  mauvaise  plaisanterie  :  les 
variétés  dites  /lagrolefs  sont  moins  musicales  que  les 
grosses  espèces,  et  si  l'on  eût  voulu  faire  un  rappro- 
chement, on  aurait  choisi  un  instrument  moins  criard 
que  le  flageolet,  qui  n'a  rien  de  barytonant.  » 


58 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


—  Erreur!  Lorsque,  dans  le  langage  populaire,  les 
haricots  comprenant  les  grosses  espèces  \faseoles) 
étaient  généralement,  et  pour  d'excellentes  raisons, 
appelés  musiciens,  n  etait-il  pas  de  bonne  logique  et 
aussi  de  naturelle  association  d'idées  d'y  désigner  ceux 
qui  comprenaient  les  petites  espèces  par  le  nom  de  //«- 
(jeolci,  nom  rappelant  un  instrument  à  vent  plus  petit 
que  les  autres,  et  auquel  faisait  songer  le  diminutif /«.seo- 
let,  qui  a  dû  servir  jadis  à  nommer  ces  petites  espèces? 
IIL 

M.  Coudray,  lui,  voit  l'origine  de  flageolet,  légume, 
dans  le  mot  latin  flayelluin,  qui  signifiait  dans  le  prin- 
cipe «  scion  d'arbre,  houssine,  petite  branche  »  :  les 
«  flageolets  sont  des  fèves  encore  vertes,  non  arrivées 
à  maturité,  cueillies  sur  la  branche  toute  verte,  sur  le 
flayelluin  de  la  tige  »  :  de  là  leur  nom. 

Je  repousse  cette  nouvelle  élymologie  pour  les  motifs 
suivants  : 

-1°  Parmi  les  noms  de  fruits,  il  n'en  est  aucun  à  ma 
connaissance  qui  reçoive  une  épilhète  faisant  allusion  à 
la  partie  de  la  plante  sur  laquelle  il  a  été  cueilli.  Pour- 
quoi en  serait-il  autrement  du  haricot  verf 

2'  Si  les  flageolets  sont  ainsi  nommés  parce  qu'ils 
sont  pris  sur  le  «  flayelluin  de  la  tige  »,  pourquoi 
n'a-t-on  pas  donné  le  même  nom  aux  haricots  mûrs 
dont  la  gousse  est  cueillie  absolument  au  même  endroit 
où  elle  l'eût  été  si  l'on  avait  voulu  consommer  les  hari- 
cots en  vert? 

3"  Le  mot  flayellum  n'a  paru  que  sous  deux  formes 
dans  notre  langue  :  dans  le  vieux  français,  sous  celle 
de  flacl,  flaicl,  flaijau,  lequel  s'est  transformé  en  fléau 
vers  le  xvi*^  siècle,  et  dans  la  langue  moderne,  sous 
celle  de  flayel,  qui  n'existe  pas  à  l'état  libre  et  ne  se 
trouve  que  dans  les  dérivés  de  flayellum.  Or,  flayeolcl 
ne  peut  philologiquement  être  tiré  d'aucune  des  formes 
de  flayelluin,  car  la  première  n'a  pas  de  y,  et  la  seconde 
présente  un  e,  lettre  qui,  comme  je  lai  dit  en  répondant 
à  la  seconde  communication,  ne  peut  se  changer  en  u. 
X 
Première  Question. 

D'oii  rient  le  nom  de  morgue,  (lo7iné  à  ce  petit  bâti- 
ment situé  derrière  Vcylise  Notre-Dame,  oii  l'on  dépose 
les  corps  des  noyés  ? 

Au  grand  comme  au  petit  Châtelet  de  Paris,  il  existait 
autrefois  une  basse  geôle,  appelée  aussi  le  second  guichet, 
où  l'on  amenait  les  nouveaux  prisonniers  pour  les  faire 
passer,  comme  on  dirait  aujourd'hui,  à  la  visite. 

Tous  les  guichetiers  devaient  être  présents  :  il  fallait 
qu'ils  examinassent  le  nouvel  liôle  avec  la  plus  scrupu- 
leuse attention  alin  de  pouvoir  le  reconnaître  s'il  venait 
jamais  à  s'écha|)per. 

Or,  en  ce  tcmjjs-là,  on  désignait  par  morgue  celle 
espèce  d'inspection,  ce  qui  a  fait  donner  le  même  nom  à 
la  salle  où  les  prisonniers  étaient  ainsi  inspectés  au 
visage. 

Au  Grand-Chàlelel,  celte  geôle  changea  de  destination 
un  peu  plus  tard:  on  y  déposa,  comme  l'apprend 
Urice  iDescripl.  de  la  ville  de  Paris,  4752, 1. 1,  p.  iH3), 


les  cadavres  trouvés  dans  la  Seine  ;  et,  comme  les  pas- 
sants avaient  droit  d'y  entrer  pour  examiner  ceux  qui 
s'y  trouvaient,  le  second  guichet  put  garder  son  nom  de 
moryue,  puisquMl  s'y  faisait  encore  une  sorte  d'inspec- 
tion. 
Maintenant  quelle  est  l'étymologie  de  moryue? 
Ce  mot  a  été  formé  du  verbe  murguer,  à  la  S''  personne 
de  l'indicatif,  comme  marc /le  l'a  été  de  il  marche, garde 
de  il  yarde,  etc. 

Mais  d'où  vient  nwrguer? 

Ménage  dit  que  le  mot  moryue  signifie  visage,  et  j'ai 
trouvé,  en  efl'et,  plusieurs  exemples  où  il  est  employé 
dans  ce  sens  et  dans  celui  de  figure,  mine,  grimace, 
qui  dérive  du  premier  : 

Vous,  biaux  soufl?ux,  enfans  de  la  chimie... 
Pour  recherclier  queuques  secrets  nouviaux 
Dedans  Testai  de  votte  verrerie, 
Qui  lait  la  morgue  aux  naturels  cristaux. 

[2^* pOTiie  de  la  Muse  iiormande,  p.  41  l.^ 

Il  n'est  pas  permis  â  un  chacun  de  faire  bonne  morgue 
aux  plus  hauts  et  plus  honorables  lieux,  et  estre  appelle 
monsieur. 

(Les  Didl.  df.  Jaque  Tahureau,   f»  73  verso.) 

Ces  parolies  achevées,  Jupiter,  contournant  la  teste  comme 
ung  cinge  qui  avalle  pillules,  feit  une  morgue  tant  espou- 
vantable  que  tout  le  grand  Olympe  trembla. 

(Rabelais,  Nouv.proï.  du  livre  IV.) 

D'un  autre  côté,  Grandgagnage  [Dict.  étymol.  de  la 
lanyue  irallo/ine]  cite  le  languedocien  morga,  comme 
signifiant  museau. 

Or,  quand  je  vois  qu'eu  anglais  le  mot  face,  visage, 
a  fait  le  verbe  to  face,  envisager,  regarder  en  face,  dévi- 
sager, daus  le  sens  populaire  de  ce  mot;  qu'en  espagnol 
cara,  aussi  visage,  a  fait  le  verbe  encarar,  qui  a  la 
même  signification  que  to  (ace,  je  crois  pouvoir  en 
conclure  que  le  verbe  morguer  a  été  formé  de  morgue, 
qui  a  le  même  sens  que  face  et  que  cara  dans  leurs 
langues  respectives. 

Du  reste,  voyez  comme  de  cette  signification  primitive 
de  morgue  on  passe  facilement  à  celle  de  lieu  de  dépôt 
pour  les  cadavres  des  noyés  : 

Morgue,  visage,  d'où  moryuer,  remarquer  le  visage, 
dévisager;  moryue,  action  de  morguer,  de  remarquer 
les  traits  du  visage  comme  les  guiclieliers  du  Cliàtele't; 
moryue,  endroil  du  Grand-Châtelet  où  l'on  déposait  les 
cadavres  des  noyés  pour  les  faire  reconnaître;  moryue, 
petit  bâtiment  à  deslination  semblable  construit  d'abord 
non  loin  de  l'emplacement  du  Grand-Châtelel  et  ensuite 
derrière  l'église  Notre-Dame. 
X 
Seconde  Question. 

Un  de  mes  amis  m'écrit  cette  phrase  en  manière  de 
cunclu.tion  d'une  grande  demi-paye  :    «   Enfin,  mon 
cher,  rappelle-toi  ce  proverbe  :  ke  donnons  Pis  trop   "j 
POUR  LESiFFLKT.  »  Quelle  est,  s^il  vous  pluit,  la  véritable    ' 
significal'wn  de  ce  proverbe,  et  aussi  son  origine? 

lîenjanùn    Franklin,   cet   éminenl  Américain   dont    ' 
Turgol  a  résumé  les  plus  beaux  traits  de  gloire  dans  ce 
vers  célèbre  : 

Eripuil  cœlo  lulnien,  sceptrunique  tyrannis. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


59 


(Il  arracha  la  foudre  an  ciel  et  le  sceptre  aux  tyrans.) 
Benjamin  Franklin,  dis-je,  ne  tut  pas  seulement  un 
excellent  citoyen  et  un  habile  physicien,  ce  fut  encore 
un  grand  moraliste  et  un  modèle  de  vertu.  Il  s'était 
créé  une  méthode  de  réforme  morale,  qui  consistait  à 
combattre  successivement  chaque  vice,  et  il  contribua 
au  perfectionnement  de  ses  concitoyens  par  une  foule 
d'écrits  populaires,  parmi  lesquels  on  remarque  la 
Science  du  bonhomme  lUchard. 

Or,  c'est  de  cet  opuscule,  traduit  en  françai.s,  qu'est 
tiré  le  proverbe  en  question,  proverbe  qui  fait  allusion 
à  une  anecdote  de  son  enfance,  et  que,  sous  le  titre  de 
Sifflet,  il  a  racontée  en  ces  termes  (éd.  de  Dijon,  1827;  : 

Quand  j'étais  un  enfant  de  cinq  on  six  an?,  mes  amis, 
un  jour  de  fête,  rempliront  ma  petite  poche  de  sous. 
J'allai  tout  de  suite  à  une  boutique  où  l'on  vpndait  des 
babioles;  mais  étant  charmé  du  fon  d'un  sifflet  ijue  je  ren- 
contrai en  chemin  dans  les  mains  d'un  autre  petit  garçon, 
je  lui  offris  et  lui  donnai  volontiers  pour  cela  tout  mon 
argené.  Revenu  chez  moi,  sifflant  par  toute  la  maison,  fort 
content  de  mon  achat,  mais  fatiguant  les  oreilles  de  toute 
la  famille;  mes  frères,  mes  sœur?,  mes  cousins,  apprenant 
que  j'avais  tout  donné  pour  ce  maudit  bruit,  nip  dirent 
que  c'était  dix  fois  plus  que  la  valeur;  alors  ils  me  firent 
penser  au  nombre  do  bonnes  choses  que  j'aurais  pu  ache- 
ter avec  Je  reste  de  ma  monnaie  si  j'avais  été  plus  prudent: 
ils  me  ridiculisèrent  tant  de  ma  folie  que  j'en  pleurai  de 
dépit,  et  la  réflexion  me  donna  plus  de  chagrin  que  le  sif- 
flet de  plaifir. 

Cet  accident  fut  cependant  dans  la  suite  rie  quelque  uti- 
lité pour  moi,  l'impression  restant  sur  mon  âme,  de  sorte 
que,  lorsque  j'étais  tenté  d'acheter  quelque  chose  qui  ne 
m'était  pas  nécessaire,  je  di.^ais  en  moi-mèrae,  A'e  donnons 
pas  trop  pour  le  sifflet,  et  j'épargnais  mon  argent. 

Devenant  grand  garçon,  entrant  dans  le  monde  et  obser- 
vant les  actions  des  hommes,  je  vis  que  je  rencontrais 
nombre  de  gens  gui  donnaient  trop  pour  le  sifflet. 

Quand  j  ai  vu  quelqu'un  qui,  ambitieux  de  la  faveur  de  la 
Cour,  consumait  son  temps  en  assiduité  aux  levers,  son 
repos,  sa  liberté,  sa  vertu, et  peut-être  ses  vrais  amis,  pour 
obtenir'quelque  petite  distinction,  j'ai  dit  en  moi-même. 
Cet  homme  donne  trop  pour  son  sifflet. 

Quand  j'en  ai  vu  un  autre,  avide  de  se  rendre  popu- 
laire, et  pour  cela  s'occupant  toujours  de  contestations 
publiques,  négligeant  ses  affaires  particulières,  et  les  rui- 
nant par  cette  négligence,  il  paie  trop,  ai-je  dit,  pour  son 
sifflet. 

Et  Franklin  continue,  énumérant  de  nouvelles  cir- 
conslances  oij  l'on  peut  faire  application  de  la  phrase 
Trop  donner  pour  le  ■■sifflet,  qui  signifie,  en  général, 
comme  ce  qui  précède  le  fait  voir  :  follement  dépenser 
pour  une  chose  dont  on  ne  doit  retirer  que  les  plus 
médiocres  avantages. 

Le  conseil  de  votre  ami  n'est  autre  que  cette  même 
phrase,  à  la  négative  près. 

X 

Troisième  Question. 

Encore  une  question  sur  la  géographie,  si  vous  le 
permellez.  Pourriez-vous  me  dire  d'oii  vient  le  mot 
Calvados,  qui  donne  son  nom  à  un  département  de  la 
Jlasse-lSorinandie  ? 

Dans  l'origine,  le  département  dont  Caen  est  le  chef- 
lieu  devait  s'appeler  déiiartement  de  VOrne-hiféricuro; 


mais,  à  l'instigation  de  Mlle  Delaunay,  sœur  du  député 
de  Baycux,  laquelle  trouvait  que  c'était  employer  là  une 
désignation  bien  terne  lorsqu'on  avait  à  sa  disposition 
le  nom  sonore  de  Calcados.  une  adresse  ayant  été  en- 
voyée à  l'Assemblée  constituante,  celle-ci'  revint  sur 
une  décision  récemment  prise,  et  le  département  en 
question  reçut  le  nom  qu'il  ]iorte  aujourd'hui. 

.Mais  pourquoi  le  rocher  de  quatre  à  cinq  lieues  qui  se 
présente  au  nord  de  ce  département  s'appelle-t-ifrocher 
du  Calvados? 

Grâce  à  V Intermédiaire,  cet  excellent  journal  qui 
vient  de  reparaître  à  la  grande  satisfaction  des  cher- 
cheurs et  des  curieux,  je  puis  vous  répondre  sans  trop 
de  retard. 

Deux  solutions  ont  été  données  à  ce  sujet  : 

r  Le  rocher  du  Calvados  est  sinon  pelé,  du  moins 
aride,  chauve,  en  un  mot.  Or,  chauve  se  dit  en  espagnol 
cali-o  et  cali-a,  de  la  même  famille  que  calvez,  calvez-a, 
et  autres  dérivés  semblables,  dans  chacun  desquels 
entre  essentiellement  l'idée  de  calvitie.  C'est  donc  l'es- 
pagnol qui  a  fait  les  frais  du  nom  de  Calvados  oa  plutôt 
de  sa  désinence,  puisque  le  radical  est  latin. 

2°  Lorsqu'on  ^.^88,  Philippe  11,  roi  d'Espagne,  envoya 
son  Invincible  Armada  pour  anéantir  l'Angleterre,  cette 
llolle  fut,  comme  on  sait,  dispersée  dans  la  .Manche  par 
la  tempête.  Or,  un  des  navires  qui  la  composaient,  le 
Calvados,  vint  échouer  sur  les  rochers  qui  longent 
notre  côle,  et  leur  donna  son  nom. 

.Maintenant  quelle  est  la  meilleure  de  ces  solutions? 

En  Normandie,  la  tradition  est  pour  la  seconde  ;  de 
plus,  les  anciennes  cartes  du  British  Muséum  écrivent 
le  nom  de  ces  rochers  Calvador,  expression  bien  peu 
différente  de  notre  Calvados;  et  enfin,  la  partie  de  mer 
qui  est  entre  les  rochers  et  les  côtes  s'appelle  Fosse 
d'Espagne,  ce  qui,  en  impliquant  un  naufrage  d'Espa- 
gnols en  cet  endroit,  corrobore  ladite  solution. 

Quant  à  la  première,  je  sais  que  l'on  a  allégué  en  sa 
faveur  que,  dans  le  nord  de  la  France,  Philippe  II,  par 
respect  filial,  avait  donné  le  nom  de  son  père  à  une  ville, 
Qaintinopolis,  devenue  depuis  Saint-Quentin  ;  mais  je 
ne  vois  pas  là  une  raison  suffisante  pour  établir  que 
l'espagnol  ait  servi  à  dénommer,  à  cause  de  leur  aspect, 
les  roches  de  la  côte  de  Normandie  :  les  habitants  de 
ce  pays,  qui  ont  simplement  appelé  Ile  pelée  une  île 
improductive  située  en  face  de  Cherbourg,  auraient 
appelé  Roches  chauves  les  rochers  du  Calvados,  s'ils  y 
eussent  attaché,  comme  on  l'a  prétendu,  une  idée  de 
calvitie.  Du  reste,  est-il  bien  certain  que  les  rochers  du 
Calvados,  qui  ne  s'aperçoivent  jamais  que  dans  les  plus 
fortes  marées,  soient  réellement  aussi  chauves  qu'on 
s'est  plu  à  le  dire? 

La  seconde  explication  me  sernble  l'emporter  de  beau- 
coup sur  la  première. 

X 

Quatrième  Question. 
Soi/e:  ft.s-.vp;  l)on  pour  répondre  dans  l'un  des  premiers 
numéros  du  Ci)iiiiiir:ii   de  ViicraAS  «  lu  question  que 
voici  :  Quel  rôle  jow  l'infinilif  *ccori>eu  dan.t  cette 


60 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


phrase  :  Daignez  nocs  AcconnEB  votre  aide,  etc.  Le 
verbe  daignée  étant  neutre,  nous  sommes  dans  l'embar- 
ras pour  analyser  l'infinitif  qui  le  suit. 

Je  trouve  que  le  verbe  accorder,  dans  cette  phrase, 
joue  absolument  le  même  rôle  que  dans  celle-ci  : 
Veuillez  nous  accorder  votre  aide,  etc. 

Or,  dans  cette  dernière,  «(con/er  est  régime  direct; 
par  conséquent,  dans  la  première,  il  l'est  également. 

Mais,  direz-vous,  dans  l'une,  veuillez-  est  un  verbe 
actif,  et  dans  l'autre,  daignez  est  un  verbe  neutre,  qui 
ne  peut  avoir  un  tel  régime. 

C'est  une  profonde  erreur,  partagée  du  reste  par  les 
sept  dixièmes  des  lexicographes  que  j'ai  consultés; 
daigner  est  bel  et  bien  un  verbe  actif,  ainsi  que,  par 
une  triple  preuve,  je  vais  vous  le  démontrer. 

\a  Daigni^r  vient  du  latin  dignari,  qui  est  un  verbe 
déponent  à  signification  active,  puisqu'on  trouve  dans 
Quicherat  : 

Haud  iali  me  dignor  honore.  Virg.  (Je  ne  mérite  pas  un 
tel  honneur,)  —  Dignari  regem  filium.  Curt.  (Adopter  un  roi 
pour  tils.) 

Or,  en  passant  en  français,  un  tel  verbe  n'a  pu  don- 
ner un  verbe  neutre.  Daigner  est  donc  un  verbe  actif. 

2°  Un  verbe  neutre  peut  se  construire  seul  à  la  fin 
de  la  phrase  :  je  marche,  tu  tombes,  il  règne,  nous 
arrivons,  vous  venez,  ils  dorment  ;  or,  ce  n'est  jamais 
le  cas  de  daigner,  qui  requiert  toujours  après  lui  un 
infinitif  :  il  daigne  le  secourir,  elle  daigne  me  sa- 
luer, etc.  Conclusion  :  daigner  ne  peut  être  qu'actif. 

3"  Cherchez  les  équivalents  de  daigner;  vous  trou- 
verez qu'il  veut  dire^a^er  à  propos,  croire  convenable, 
avoir  pour  agréable,  vouloir  bien,  toules  expressions 
contenant  un  verbe  actif;  or,  il  ne  peut  en  être  ainsi 
qu'à  la  condition  que  daigner  soit  actif  lui-même. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
M.  Littré  n'est  pas  d'accord  avec  l'Académie  sur  la 
manière  d'écrire  le  participe  de'gri\gole';  il  dit  : 
«  L'Académie  écrirait  :  les  marches  guej' a iitÉGUi^GOiÉcs; 
la  grammaire  veut  qu'on  écrive  :  les  marches  que  nous 
avons  DÉGRINGOLÉ.  On  ne  peut  pas  dégringoler  quelque 
chose.  Que  pensez-vous  à  votre  tour  de  l'orthographe 
de  ce  participe  ?    . 

Depuis  que  le  verbe  dégringoler  a  été  admis  par 
l'Académie  dans  son  édition  de  1717,  il  n'a  pas  cessé 
de  se  construire  tantôt  ncutralement  comme  tomber, 
tantôt  activement  avec  le  régime  direct  degré  ou  un 
mot  synonyme  ; 

(Exemples  de  la  construction  neutre) 

Nos  ministres  dégringolent  l'un  après  l'autre  comme  les 
personnages  de  la  lanturnc  magique. 

(Voltaire,  Lettre  h  Mme  du  Deffant,  3  décembre  i-jS!).) 

Mlle  Clairon  et  Mme  du  Gliappe  soutiennent  la  j;loire  de 
la  France,  mais  ce  n'est  pas  assez  :  nous  ilc'gringoluns  fu- 
rieusement. 

lIHem,  Lftlrf  nu  duc  de  Richel  ,  ai  oct.  fjtiij 


(Exemples  de  la  construction  active) 

Il  a  dégringolé  les  montées;  on  lui  a  fait  dégringoler  les 
marcties. 

(Académie  de  1717). 

On  lui  a  fait  dégringoler  les  montées  quatre  à  quatre. 

(Furetière,  17117.) 
Dégringoler  un  escalier. 

(Académie  de  i835.| 

Dégringoler  la  colline, 

(Bescherelle,  Diction.] 

Or,  après  cela,  je  ne  comprends  pas  comment  il  serait 
possible  d'écrire,  sans  faire  varier  le  participe  : 

Les  marches  que  nous  avons  dégringolé,  9 

car  dans  cette  phrase  la  construction  est  active,  et,  par 
conséquent,  le  participe  doit  s'y  accorder,  comme  dans        ■ 
tous  les  cas  analogues,  avec  son  régime  direct,  1 

Pour  justifier  ici  l'invariabilité  du  participe,  M.  Littré  J 
dit  que  dégringoler  n'est  pas  plus  un  verbe  actif  que  " 
n'en  sont  marcher  et  courir  dans  les  phrases,  marcher 
deux  heures,  courir  deux  lieues;  mais  qu'il  me  soit 
permis  de  faire  observer  que  le  cas  n'est  pas  du  tout  le 
même  :  dans  ces  dernières  phrases,  en  effet,  la  prépo- 
sition pendant  est  sous-entendue,  tandis  que,  dans 
celle  dont  il  est  question,  elle  ne  peut  l'être,  comme 
n'ayant  jamais  existé. 

Du  reste,  en  supposant  que,  dans  l'origine,  dégrin- 
goler ait  été  neutre,  ce  ne  serait  pas  une  raison  pour 
qu'il  ne  fut  pas  actif;  car,  avec  le  temps,  les  verbes 
peuvent  changer  de  nature;  ainsi,  par  exemple,  penser 
était  neutre  dans  l'origine,  onA\i3d[,  penser  d'une  chose, 
comme  on  le  dit  encore  en  anglais,  et  aujourd'hui  on 
dil  penser  une  chose;  nous  disions  prier  à  Dieu,  au 
moyen  âge,  et  nous  disons  maintenant  prier  Dieu. 

X 

Seconde  Question, 

Dans  votre  numéro  5,  vous  avez  corrigé,  au  Passe- 
Temps,  une  phrase  oii  se  trouvaient  ces  mots  :  «.  qui 
fasse  couler  les  larmes  à  m  trimestre  de  spectateurs  ». 
Je  sens  très-bien  que  cela  ne  doit  pas  se  dire;  mais 
comme  d'autres  cas  analogues  pourraient  se  présenter, 
je  voudrais  savoir  en  vertu  de  quelle  règle  il  faut  cons- 
truire de  cette  manière. 

Pour  qu'un  substantif  exprimant  une  division  du 
temps  puisse  être  suivi  d'un  complément  détcrminatif, 
il  faut  que  ces  deux  substantifs  se  puissent  construire 
dans  un  ordre  inverse  et  être  séparés  par  qui  durepcn- 
dani;  ainsi  on  dit  très-bien  ; 

Une  heure  de  leçon, 
Si.x  mois  de  révolution. 
Un  an  de  maladie. 
Une  semaine  de  travail. 

Parce  qu'on  peut  dire  : 

Une  leçon  qui  dure  pendant  une  heure. 
Une  révolution  qui  dure  pendiinl  six  mois, 
Une  maladie  qui  dure  pendant  un  an, 
Un  travail  qui  dure  pendant  une  semaine. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


6i 


Mais  l'expression   un   trimestre    de  spectateurs   ne 
pouvant  se  tourner  i)ar  : 

Des  spectateurs  qui  durent  pendant  un  trimestre, 
j'en  ai  naturellement  conclu  que  cette  expression  était 
mauvaise  ;  et,  comme  trimestre  n'y  pouvait  convenir, 
attendu  qu'il  s'emploie  plutôt  comme  terme  de  finances, 
j'ai  corrigé  comme  vous  l'avez  vu  la  phrase  où  ladite 
expression  se  trouvait. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°...  mais  qui  nous  pirait  curieux  à  signaler;  —  1'...  au 
réseau  occidental  européen,  ou  {soit  ne  s'emploie  qu'en  cas  de 
répétition); —  3°...  et  se  faire  débonnaire  afin  d'èlre  (Voir 
Courrier  de  Vaugelas,  2"  année,  p.  13'J);  —  i'...  qu'elle  a  laissés 
arriver  aux  Carlistes;  —  5°...  et  il  est  à  craindre  que  ce  nouvel 
échec  n'augmente  ;  —  6°...  nous  allons  nous  faire  moquer  (sans 
de  nous  ;  Voir  Courrier  de  Vangelas,  4'  année,  p.  130)  ;  —  7"... 
et  nous  nous  souvenons  de  l'avoir  entendu  conter;  —  8°...  ser- 
vaient à  autre  chose  que  les  vengeances  personnelles  et  les  por- 
sécutions  (Voir  Courrier  de  Vaugelos,  3'  année,  p.  7i)  ;  —  9"... 
du  7'  chasseurs  (au  pluriel,  parce  que  régiment  de  est  sous- 
entendu);  —  10°...  comme  par  le  passé,  à  tenir  à  sa  disposition 
(en  français  les  adjectifs  possessifs  qui  se  rapportent  à  des  noms 
collectifs  ne  se  meltenl  pas  au  pluriel). 


Phrases  à,  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1'  Comment  parler  d'autre  chose  que  des  scènes  qui  de- 
puis deux  jours  s'étaient  succédé  à  la  gare  Saint-Lazare? 

2*  Le  ligaro,  annonçant  notre  interdiction  de  vente  sur 
la  voie  publique,  ajoute,  non  sans  raillerie,  que  la  Fronde 
plus  lieureuse,  a  vu  lever  hier  soir  l'interdit  qui  l'avait 
frappé. 

3°  Mais  au  fait,  exclama-t-il  tout-à-coup,  pourquoi  un 
ministèrel  est-ce  que  nous  ne  sommes  pas  aussi  heureux 
en  ce  moment  que  si  nous  en  avions  un? 

4°  Aujourd'hui  les  théâtres  de  Paris  ne  font  plus  four;  à 
moins  de  relâche  officiellement  annoncée,  ils  jouent  cons- 
tamment, ne  fût-ce  que  devant  l'orchestre,  les  banquettes, 
le  pompier  et  le  garde  de  Paris. 

b'  On  ne  se  suicide  pas  soi-même,  quand  on  est  un  parti 
sérieux,  et  le  parti  légitimiste  se  suiciderait,  s'il  faisait  une 
tentative  de  ce  genre. 

6'  Aujourd'hui,  je  me  borne  à  constater  que  ce  n'est  pas 
moi  qui  ai  commencé  à  traiter  politique  devant  le  public. 
On  m'a  obligé  à  faire  acte  de  ma  personne  pour  expliquer 
ma  conduite  à  l'égard  d'un  homme  que  je  vénère  profon- 
dément. 

7°  Comme  nous  avons  appris  qu'ici  même  on  distribue 
des  couronnes  et  des  récompenses  â  ceux  qui  les  méritent, 
nous  sommes  venus  dans  l'espoir  qu'on  voudra  bien  juser 
que  nous  en  méritons  aussi. 

8"  Vous  plairait-il,  cher  lecteur,  que  nous  revenions  à 
nos  Etudes  sur  la  Roumanie?  pauwres  études  commencées 
depuis  SI  longtemps,  interrompues  tant  de  fois,  et  qui 
s'achèveront  quand  il  plaira  à  Dieu. 

9°  La  livrée  llamboyante  de  la  princesse  Bagration  a 
disparu,  mais  il  est  resté  le  Suisse  unique  de  l'époque,  un 
vrai  Suisse,  un  géant,  qui  a  servi  longtemps  dans  l'artillerie 
suisse. 

10»  Et  quand  il  vous  y  reçoit,  on  peut  dire,  comme  d'un 
ancien  itomain,  qu'il  porte  dans  ses  traits  ie  reflet  des 
grands  événements  qu'il  a  vécus. 


11°  Il  avait,  dans  sa  jeunesse,  essayé  du  vaudeville  et 
risqué,  sur  quelques  scènes  minuscules,  quelques  petits 
actes  qui  ne  valaient  ni  mieux  ni  pire  que  ceux  de  tels  et 
tels  de  ses  rivaux  d'alors  qui,  depuis,  ont  fait  grande  figure 
dans  la  carrière  dramatique. 

11°  Un  homme  pendu  par  des  femmes,  en  présence  d'une 
foule  furieuse  et  en  vertu  de  cette  terrible  loi  du  Lynch, 
si  en  honneur  dans  les  contrées  presque  sauvages,  tel  est 
le  spectacle  dont  la  Trinidad  a  été  le  théâtre  depuis  quelques 
jours. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 

Antoine  OUDIN. 

,'Suite  et  fin.} 

Aux  frontières,  on  dit  un  petit  peu,  ce  qui  n'est  poitit 
du  tout  à  propos. 

D'après  Oudin,  on  ne  doit  point  mettre  l'adverbe  de 
quantité  après  son  substantif,  comme  font  ceux  qui 
disent  :  il  a  du  bien  assez;  il  a  du  pain  plus  que  vous 
ne  penses. 

Les  adverbes  de  qualité  foi'més  des  adjectifs  terminés 
en  ïe  et  iie,  ne  retiennent  point  Ve  féminin  dans  la  pro- 
nonciation ni  même  dans  l'écriture;  exemple  :  hardie, 
hardiment  ;  fjoulite,  (jouluinent. 

Il  ne  faut  pas  dire  :  à  la  franche  Marguerite  parce  que 
c'est  une  phrase  d'artisan. 

C'est  mon,  ce  fay  mon,  ce  faudra  mon  sont  des  façons 
de  parler  de  harengères. 

Voire  est  trop  vulgaire  comme  adverbe  d'adlirmation. 

On  dit  :  je  ne  le  feray  mie,  mais  c'est  picard. 

11  e?t  indifférent  de  répéter  la  particule  mj  après  une 
négative;  ainsi  on  peut  dire  :7e  ne  puis  manger  ny 
boire,  ou  bien  :  je  ne  puis  ny  manger  ny  boire. 

Quant  à  l'emploi  des  négatives,  voici  quelques  règles 
que  donne  Antoine  Oudin  : 

1°  On  peut  supprimer  «e  dans  quelques  interrogations 
négatives,  et  dire,  par  exemple  :  changera-t-il  point  de 
volonté? 

i°  Avec  la  «  particule  »  que,  on  ne  met  que  ne  sans 
pas,  ni  point,  comme  dans  :  que  ne  faites-vous,  que  ne 
dit-elle? 

3"  A\'ec  pourquoy ,  il  faut  les  deux  négatives  :  paur- 
quoy  ne  voyez-vous  pas? 

Il  se  rencontre  une  phrase  où  les  deux  négatives  ont 
comme  un  sens  affirmatif  :  il  n'est  pasjusques  aux  plus 
petits  qui  en  veulent  parler. 

Beaucoup  de  personnes  confondent  7;rt,s- 1\.  point  :  m3.\s 
il  y  a  pourtant  de  la  différence,  car  jmint  se  rapporte 
aux  choses  «  qui  portent  »  quantité,  et  pas  conclut  une 
négative  sim[)le  de  qualité  :  par  exemple  :  je  n'ay  point 
d'argent  et  non  je  n'ay  pas  d'argent. 

Dans  une  phrase  négative,  au  lieu  de  la  conjonction 
''^•il  faut  mettre  «y;  par  exemple  :  l'ous  n'avez  pas 


62 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


voulu,  ny  motj  aussi;  les  étrangers  diraient  impropre- 
ment et  moy  aussi  (1633). 

Lorsque,  dans  une  comparaison,  la  dernière  partie 
se  termine  par  un  infinitif,  il  faut  mettre  non  pas,  et 
dire,  par  exemple  :  il  aime  mieux  n'avoir  rien  que  non 
pas  avoir  du  bien  mal  acquis.  S'il  en  est  autrement,  il 
faut  y  mettre  ne  et  tie  pas;  ainsi  :  je  suis  tout  autre 
qu'il  n'est  pas;  ils  sont  plus  vaillans  que  ne  sont  nos 
gens.  Quand  la  seconde  partie  de  la  comparaison  est 
sans  verbe,  il  est  indifférent  de  mettre  non  pas  ou  de 
l'omettre  :  les  tromperies  se  reconnaissent  mieux  par 
les  evenemens  que  par  les  apparences  ou  que  non  pas 
par  les  apparences.  La  première  construction  est  la 
meilleure. 

Voici  des  expressions  adverbiales  dont  on  se  sert 
pour  exprimer  la  contradiction  :  voire,  voire  voire, 
justement,  ils  sont  bossus,  elles  sont  sonnées,  des  neffics, 
des  flustes;  mais  juste  et  quarré  comme  une  fluste  est 
une  expression  vulgaire. 

En  voici  encore  quelques  autres  du  même  genre  : 
on  vous  en  fricasse;  vous  me  la  baillez,  belle;  vous  y 
estes,  laissez-vous  choir;  autant  pour  le  brodeur. 

Nous  contredisons  quelqu'un  qui  nie  par  si,  comme 
dans  :  vous  n'estes  pas  mauvais,  si  suis;  vous  ne  le  faites 
pas,  si  fay. 

Les  «  courtois  »  qui  parlent  le  plus  honnêtement  se 
servent  des  formes  qui  suivent  :  excusez-moy,  pardon- 
nez-moy,  sauf  vostre  grâce,  sauf  vostre  honneur. 

Pour  signifier  le  silence,  on  dit  coy,  tout  coy,  mot; 
on  emploie  aussi  cliut,  qui  est  un  mot  normand,  ^^a/x, 
paix-là. 

On  emploie  taij,  tay  pour  appeler  les  chiens,  et  mi- 
non,  minon  pour  appeler  les  chats. 

Aussi  ne  reçoit  point  la  particule  comme;  c'est  mal 
parler  que  de  dire  aussi  riche  comme  vous  ;  dites  plutôt 
que  vous. 

D'après  Ant.  Oudin,  comme  adverbe  de  similitude  « 
l'instar  est  trop  latin,  et  n'est  point  en  usage  parmi  les 
«  bons  François  ». 

Voila  qui  est  une  mauvaise  construction  ;  au  lieu  de 
voila  qui  est  beau,  il  vaut  mieux  dire  cela  est  beau. 

On  ne  doit  jamais  mettre  les  pronoms  le,  la,  les 
entre  voy  et  cy  ou  là,  comme  «  d'aucuns  »,  qui  disent 
voy  le  cy,  voy  te  là;  car  ce  sont  de  fort  mauvais  «  ar- 
rangemens.  » 

Lorsque  la  négative  précède  voïcy,  il  faut  se  garder 
de  mettre  l'impersonnel  //  après,  comme  le  vulgaire  qui 
dit  :  ne  voila-t'il  pas  au  lieu  de  ne  voila  pas,  qui  est 
plus  convenable;  car  voy  est  la  seconde  personne  de 
l'impératif,  qui  ne  se  peut  rapportera  (7,  qui  en  est  une 
troisième. 

Voyez-cy  n'est  guère  élégant,  et  voyez  là  est  fort  peu 
fréquent. 

Quant  et  mnij  est  un  peu  vulgaire. 

Anl.  Oudin  remarque  que  si  l'on  dit  à  qui  mieux 
mieux,  on  ne  dit  point  à  qui  pis  pis. 

Tant  y  a  se  trouve  [)armi  les  adverbes  de  conclusion. 

DES   CORJO.NCriONS. 

Alors  U633)  on   employait  fu.st   cx)mme   nous  em- 


ployons aujourd'hui  soit;  mais  Oudin  le  trouve  un  peu 
«  nud  »  et  hors  d'usage:  fust  au  logis,  fust  en  cam- 
pagne; il  dirait,  lui,  ou  que  ce  fust  au  logis,  ou  que  ce 
fust  en  campagne. 

Au  lieu  de  }i'estoit,n'eustesté  ^ae,  Oudin  aime  mieux 
qu'on  dise  plus  «  modernement  »  si  ce  n'estoit,  si  ce 
n'eust  esté. 

Dans  le  langage  vulgaire,  qui  ne  s'emploie  pour  si  on 
ne,  comme  dans  :  on  n'en  sçauroit  jouir  qui  ne  leur 
donne,  c'est-à-dire  si  on  ne  leur  donne. 

L'expression  à  celle  fin  est  vulgaire. 

A  ce  que  pour  d'après  ce  que  s'emploie  très-bien  :  à 
ce  que  j'ay  entendu  dire. 

Nous  avons  des  modernes  (1633)  qui  ne  veulent 
point  admettre  le  car;  mais  il  y  a  des  occasions  où  ils 
se  trouveraient  bien  embarrassés  s'il  leur  était  défendu 
de  s'en  servir. 

Ains  est  devenu  vieux  depuis  dix  ans  «  en  ça  ». 

Mais  s'emploie  dans  la  phrase  populaire  Je  w'ewjjwù 
mais  pour  direy'e  n'en  suis  pas  cause. 

Et  SI  pour  toutefois  ne  se  dit  plus. 

DES    PRÉPOSITlOiNS. 

11  faut  dire  à  travers  et  non  au  travers. 

Au  ras  n'est  point  recevable,  et  ne  signifie  rien  «  en 
ce  pays  cy.  » 

On  dit  mettre  la  porte  dedans  pour  l'enfoncer,  la 
rompre. 

Sus  pour  sur  ne  se  met  que  dans  cette  phrase  :  courir 
sus  à  quelqu'un. 

DES  INTEBJECTIO-N'S. 

Parmi  les  interjections  de  «  cry  »  on  trouve  à  i' arme.' 
Da  est  une  syllabe  qu'on  emploie  trop  fréquemment. 
Il  est  bien  nécessaire  de  s'en  servir  dans  certains  cas 
comme  par  manière  de  refus  ou  de  moquerie  :  ouy-da, 
(•oî're-f/a;  mais  attendu  qu'Oudin  ne  voit  pas  d'étran- 
ger revenant  des  bords  de  la  Loire  qui  n'en  farcisse  ses 
discours,  il  croit  que  dans  ces  lieux-là  on  en  fait  une 
parure  au  langage.  Toutefois,  il  ne  dit  pas  cela  dans 
l'intention  de  ravir  aux  gens  de  ce  pays  la  réputation 
qu'ils  ont  de  parler  mieux  qu'à  la  Cour. 

Ici  se  termine  la  grammaire  d'.^ntoine  Oudin,  ou- 
vrage qui  dut  être  en  son  temps  d'une  grande  utilité 
pour  l'étude  de  la  langue  française  si  l'on  en  juge  par 
ces  vers,  signés  Baro,  qui  se  trouvent  aux  premières 
pages  de  la  seconde  édition  (1640)  : 

A  Monsieur  Oudin. 

Que  ne  doit  la  France  à  tes  veilles? 
Et  quel  effort  de  jugement 
Eui-t  démeslé  plus  nettement 
ïant  de  difficulté?,  pareilles? 
L'ouvrage  dont  tu  viens  à  bout 
Est  si  fort  au  dessus  de  tout, 
Que  pour  payer  tes  soins  d'un  prix  qui  te  contente. 
Elle  souhaitto  désormais, 
Que  comme  sa  langue  est  vivante, 
Ta  gloire  no  meure  jamai.^. 

FIN. 
Le  RÉDACTEOll-GÉBAlNT  1    EsiA.\   .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  YAL'GELAS 


63 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Exercices  sur  le  style  épistolaire,  à  l'usage  des 
jeunes  demoiselles,  précédés  de  réflexions,  d'instructions  et 
de  modèles  sur  les  différents  genres  de  style  épistolaire  ;  par 
Alex.  Abrant.  3'  édit.  In-12,  196  p.  Paris,  lib.  Boyer  et  C'. 

La  Jetinesse  de  Mirabeau;  par  Mme  Louise  Colet. 
Nouvelle  édition,  complétée.  Iq-18  Jésus,  iv-312  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr. 

Voltaire  et  la  société  française  au  XVIII=  siècle. 
Voltaire  et  J.-J.  Rousseau;  par  Gustave  Desnoires- 
terres.  ln-8»,  520  p.  Paris,  lib.  Didier  et  C^  7  fr.  50. 

Dialogues  sur  l'éloquence  en  général,  et  sur  celle 
de  la  chaire  en  particulier  ;  par  Fénelon.  Nouvelle 
édition,  augmentée  de  notes,  par  l'abbé  Drioux.  professeur 
d'histoire.  In-18,  119  p.  Paris,  lib.  Lecoffre  fils  et  C«. 

Les  Mondes  imaginaires  et  les  mondes  réels, 
voyage  pittoresque  dans  le  ciel  et  revue  critique  des  théo- 
ries humaines,  scientifiques  et  romanesques,  anciennes  et 
modernes,  sur  les  habitants  des  astres;  par  Camille  Flam- 
marion. I2«  édition.  In-12,  vii-599  p.  et  pi.  Paris,  lib.  Di- 
dier et  C'.  3  fr.  50. 

Grammaire  des  langues  romanes;  par  Frédéric 
Diez.  3'^  édition,  refondue  et  augmentée,  t.  I.  Traduit  par 
Auguste  Brachet  et  Gaston  Paris.  2=  fascicule,  ln-8*,  2/il- 
Z|76  p.  Paris,  lib.  Franck. 

En  congé;  par  Mlle  Zenaïde  Fleuriot.  Ouvrage  illustré 
de  61  vignettes  sur  bois  |)ar  A.  Marie.  In-18  Jésus,  26i  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  C°.  2  fr.  25. 


Histoire  de  la  caricature  sous  la  République, 
l'Empire  et  la  Restauration;  par  Champfleury.  In-18 
Jésus,  300  p.  Paris,  lib.  Dentu.  5  fr. 

Les  Femmes  illustres  de  la  France;  par  Joseph 
Delanox.  2»  édition,  soigneusement  revue.  Gr.  in-iS,  225  p. 
Limoges,  lib.  Ardant  et  G'. 

Louis  XIV  et  son  siècle  ;  par  Alexandre  Dumas.  Nou- 
velle édition.  T.  1  et  2.  ln-18  Jésus,  629  p.  Paris,  lib.  Nou- 
velle, i  fr.  25  le  vol. 

Le  Fils  du  diable  ;  par  Paul  Féval.  Nouvelle  édition, 
illustrée  de  ?Zi  gravures  sur  acier.  T.  1  et  2.  Gr.  in-S», 
81i  p.  Paris,  lib.  Legrand,  Troussel  et  Pomey. 

Maître  Pierre;  par  Edmond  About.  6«  édition.  In-18 
Jésus,  vi-309  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  C«.  2  fr. 

Envers  et  contre  tous;  par  Aniédée  Achard.  Nouvelle 
édition,  ln-18  Jésus,  300  p.  Paris,  lib.  Nouvelle.  3  fr.  50. 

La  Famille  et  l'éducation  en  France  dans  leurs 
rapports  avec  l'état  de  la  Société;  par  Henri  Baudril- 
lart,  membre  de  l'Institut.  In-12,  xi-i31  pag.  Paris,  lib. 
Didier  et  G'.  3  fr.  50. 

Une  campagne  en  Kabylie,  récit  d'un  chasseur 
d'Afrique  et  autres  récits;  par  Erckmann-Chatrian,  3«  édi- 
tion. In-I8  Jésus,  305  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  G".  3  fr. 

Les  Lettres  d'un  logicien,  questions  des  années  1872 
et  1873;  par  Emile  de  Girardin.  In-8»,  xvi-il9  p.  Paris,  lib. 
Nouvelle. 


Publications  antérieures  : 


LES  ANCIENS  POÈTES  DE  LA  FRANCE,  publiés 
sous  les  auspices  de  S.  Exe.  Monsieur  le  Ministre  de  l'Ins- 
truction publique  et  des  Cultes,  et  sous  la  direction  de 
M.  Guessard.  —  fierabr.^s.  —  p.keise  l.\  duchesse.  —  Paris, 
chez  F.  Vieweg,  libraire-éditeur,  67,  rue  Richelieu. 


LES  GRAMMAIRIENS  FRANÇAIS  depuis  l'origine 
de  la  Grammaire  en  France  jusqu'aux  dernières  œuvres 
connues.  —  Par  J.  Tell.  —  L'n  beau  volume  grand  in-18 
Jésus.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Librairie  Firmin  Didol  frères, 
fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob,  à  Paris. 


CONFORMITÉ  DU  LANGAGE  FRANÇOIS  AVEC 
LE  GREC,  par  Henri  EsTiENNE. —  Nouvelle  édition,  accom- 
pagnée de  notes  et  précédée  d'um  essai  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  cet  auteur.  —  Par  Léon  Feugère,  professeur 
de  rhétorique  au  lycée  Louis-le-Grand.— Paris,  chez  Jules 
Delatam,  imprimeur  de  l'L'niversité  de  France,  rue  de 
Sorbonne  et  des  .Mathurins. 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANCION,  composée  par 
CH.\RLEsSonEL,sieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
avant-propfts  et  notes  par  E.mile  Colo.mbay.  —  Paris, 
Adolphe  Delahays,  éditeur,  ù-6,  rue  Voltaire. —In-16  : 
5  fr.  ;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 


VOCABULAIRE  RAISONNÉ  ET  COMPARÉ  DU 
DIALECTE  ET  DU  PATOIS  DE  LA  PROVINCE  DE 
BOURGOGNE,  ou  Etude  de  I  histoire  et  des  mœurs  de 
celle  province  d'après  son  langage.  —  Par  Mignard,  de 
l'Académie  de  Dijon.  -  In-8»,  33Zi  p.  —  Paris,  librairie 
Aubry,  18,  rue  Séguier. 


LE  ROMANCERO  FRANÇOIS,  histoire  de  quelques 
anciens  trouvères  et  choix  de  leurs  chansons,  le  tout  nou- 
vellement recueilli.  —  Par  Paulin  Paris.  —  Paris,  librairie 
Techner,  52,  rue  de  l'Arbre-Sec.  Prix  :  8  fr. 


NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  destrois  langues  classiques. 
—  Par  E.  Egoer,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  à 
l'École  normale  supérieure.  —  Sixième  édition,  revue  et 
augmentée  de  quelques  notes.  —  Paris,  librairie  Durand 
et  Pedone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  NOMS  PRO- 
PRES D'HOMMES,  contenant  la  qualité,  l'origine  et  la 
signification  des  noms  propres  se  ratlachant  à  l'histoire, 
à  la  mythologie,  des  noms  de  baptême,  etc.  —  Par  Paul 
Hecuuet-Boucrand.  — Paris,  ViclorSarlily  libraire-éditeur, 
19,  rue  de  Tournon. 


64 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


HISTOIRE  MACARONIQUE  DE  MERLIN  COC- 
CAIE,  prototype  de  Rabelais,  ou  est  traicté  les  ruses  de 
Cingar,  les  tours  de  Boccal,  les  adventures  de  Léonard, 
les  farces  de  Fracasse,  les  enchantements  de  Gelfore  et 
Pandrague,  et  les  rencontres  heureuses  de  Balde.  —  Avec 
des  notes  et  une  notice,  par  G.  Brunet,  de  Bordeaux.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  l'édition  de  1606. 
—  Par  P.-L.  J.\coB,  bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Dela- 
hays,  éditeur,  /i-6,  rue  Voltaire. 


THIRD  FRENCH  COURSE,  intended  as  a  sequel  to 
Arnold's,  HalFs,  Ann's,  Hamel's,  Levizac's,  De  Fivas'  and 


other  similar  educational  French  works.  —  By  A.  Coqery, 
B.A.,L.L.,  French  Masteratthe  Birkbeck  Schools,  Peckham; 
etc.  —  Nouvelle  édition  revue  et  augmentée.  —  London  : 
Relfe  brothers,  Charterhouse  buildings  —  Two  shillings  — 
Corrigé  du  THran  French  course  :  Two  shillings. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

P,\R 

DÉSIRÉ  NISARD,  Membre  de  l'Académie  française. 


Quatre  volumes  in-18  jésus  de  plus  de  400  pages  chacun. 

1"  vol.  :  Des  origines  jusqu'au  xyii^  siècle  ;  —  2=  vol.  :  Première  moitié  du  xvii'  siècle  ;   —  3"  vol. 
moitié  du  xvii":  siècle  ;  —  h"  vol.  :  Le  xviii«  siècle  avec  un  dernier  chapitre  sur  le  xix». 


Seconde 


Cinquième  Édition. 
Prix  de  l'ouvrage    :   16  francs. 


SE  TROUVE  A  PARIS 

A  la  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 

A  Passy  (près  du  Ranelagh).  —  Un  chef  d'institution 


reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Dans  un  grand  pensionnat  de  DemoiseUes,  situô 
dans  une  des  localités  les  plus  salubresde  la  banlieue  de 
Paris,  on  reçoit  de  jeunes  étrangères  pour  les  perfec- 
tionner dans  langue  française.  —  Chambres  particulières. 
Table  de  la  Directrice.  —  Prix  modérés. 


Une  Maison  d'éducation  qui  n'est  point  une  pension 
prend  des  étrangers  à  demeure  pour  leur  enseigner  la 
langue  et  la  littérature  françaises.  —  Près  du  Collège  de 
France  et  de  la  Sorbonne. 


Avenue  de  l'Impératrice.  —  Un  ancien  préfet  du 
collège  Rollin  prend  en  pension  quelques  jeunes  étrangers 
pour  les  perfectionner  sérieusement  dans  l'étude  de  la 
langue  française.  — Enseignement  de  l'allemand  et  prépa- 
ration aux  examens  pour  le  service  militaire  en  Angleterre. 


(Les  adresses  sont  indiquées  à  la  rédaction  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Appel  aux  prosateurs. 


L'AcADKMiE  FRANÇAISE  décemcra  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  Jouy,  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  fondatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
vation, soit  d  i III affinât i(m,  snit  de  critique,  et  ai/ant  pour  objet  Vclude  des  mœurs  actuelles.  —  Les  ouvrages  adressés 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  Je  trois  exemplaires  avant  le  l''' janvier  1875. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaurjclas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  uiw  heure  et  demie. 


Imprimerie  Guuvernedr,  G.  Daupeley  ù  Nogent-le-Rotrou. 


5"  Année. 


m°  9. 


1"  Août  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


^« 


î^^' 


^"^ 


DE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Journal  Semi-Mensuel 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Paraissant    la    l"  at    la   IS    da   eha«aa  Bola 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 

Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANQERS 

Officier  dWcadémie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 

ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  lAdm' 
M.  FiscHBACHER,  33,  ruc  de  Seine. 

SOMMAIRE. 

Communication  relative  au  proverbe  S'en  moquer  comme  de  l'an 
quarante  et  à  l'emploi  de  Charnier;—  S'il  faut  écrire  Pantoufle 
de  verre  ou  Pantoufle  de  vair;  —  Origine  de  Chat-huant;  — 
Explication  de  Orgue  de  Barbarie:  —  Le  verbe  Devoir  peut  se 
prendre  en  mauvaise  part.  ||  Étymologie  de  Dégringoler;  — 
Vrai  subjonctif  du  verbe  \'ouloir.  ||  Passe-temps  grammatical.  || 
Biographie  de  Vaugelas.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littéra- 
ture. Il  Familles  parisiennes  recevant  des  étrangers  pour  les 
perfectionner  dans  la  conversation.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATIOiN. 

J'ai  reçu  la  lettre  qu'on  va  lire  au  sujet  d'un  pro- 
verbe et  d'un  mot  dont  j'ai  donné  Texplication  dans 
mon  5'=  numéro  : 

Monsieur, 

Le  Courrier  de  Vaugelas  du  1"  juin  1874  contient  deux 
solutions  sur  la  question  de  l'origine  du  proverbe  Je  m'en 
moque  comme  de  l'an  40. 

Voulez-vous  accorder  l'hospitalité  de  votre  journal  pour 
une  troisième  solution  que  j'ai  hasardée  dans  l'Intermé- 
diaire du  10  juin  1874?  La  question  avait  été  posée  en  ces 
termes  -.  t  Je  m'en  f...iche...  etc. 

Voici  ma  réponse  : 

€  Mercier  a  fait  un  livre  intitulé:  L'an  2440,  qui  figurait 
le  monde  à  cette  époque.  Or,  comme  aucun  de  ses  contem- 
porains ne  pouvait  songer  â  vérifier  la  prophétie,  on  paro- 
diait le  mot  de  Louis  W,  Après  moi  le  déluge!  et  l'on  disait 
Je  m'en  moque  comme  de  l'an  2440  (de  Mercier),  et,  par  abré- 
viation, comme  de  l'an  401  Les  f...  ne  sont  venus  qu'après 
suivant  la  loi  du  progrès  moderne.  > 

E.  G.  P. 

Sur  la  question  soulevée  à  propos  du  mot  charnier,  je 
dirais  que  M.  Sarcey  a  pu  employer  le  mot  charnier  dans 
le  sens  général  de  cimetière,  mais  qu'il  a  eu  tort  en  l'ap- 
pliquant au  cimetière  des  Innocents,  qui  avait  un  charnier 
et  n'en  était  pas  un. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considéra- 
tion distinguée. 

{Un  paraphe.) 

Voici  ma  réponse  à  chacune  des  deux  parties  de  celle 
lettre  : 


I. 

Je  ne  crois  pas  que  ce  soit  là  l'origine  du  proverbe 
S'e?i  moquer  comme  de  l'an  quarante,  vu  les  objections 
suivantes  qui  se  peuvent  adresser  à  l'explication 
donnée  : 

1°  Dans  ce  proverbe,  Je  m'en  moque  comme  signilîe 
Je  ne  le  crains  pas  plus  que.,  formule  qui  demande 
après  elle  une  expression  signifiant  une  idée  de  danger. 
Or,  quel  danger  annonçait  la  prophétie  de  .Mercier  le 
philosophe,  l'homme  qui,  dans  son  «  Rêve  s'il  en  fut 
jamais  »  consignait  ses  vœux  pour  le  bonheur  de  ses 
concitoyens  ?  La  réalisation  de  ce  rêve  ne  pouvait  cons- 
tituer une  menace  pour  personne.  Pourquoi  alors  dire 
S'en  moquer  comme  de  Van  2440,  et,  par  abréviation, 
comme  de  l'an  40,  puisque  cette  année  n'annonçait 
aucune  catastrophe  générale  ni  particulière  pour  le 
genre  humain  ? 

2°  Depuis  le  temps  où  .Mercier  a  publié  l'ouvrage  dont 
il  s'agit,  quatre  dates  mémorables  ont  été  enregistrées 
par  l'histoire  de  France:  1789,  1793,  1830  et  1848. 
Or,  quand  on  voit  que  l'on  peut  dire  89  ,  93  et  48, 
mais  qu'on  doit  dire  1830  (millésime  oti  il  n'entre  point 
d'unités)  n'est-on  pas  naturellement  porté  à  croire  que 
malgré  le  succès  obtenu  par  L'an  2450,  ce  titre  n'a 
jamais  été  abrégé  en  L'an  40  ? 

Tant  qu'on  n'aura  pas  fourni  de  texte,  et  bien 
authentique,  pour  montrer  l'origine  du  proverbe  en 
question,  on  n'aura  rien  de  certain  relativement  à  cette 
origine. 

U. 

Dans  ma  réponse  à  M.  Sarcey,  après  avoir  prouvé 
par  plusieurs  exemples  que  le  mot  charnier  s'était 
employé  au  moyen  âge  dans  le  sens  de  cimetière,  j'en 
concluais  qu'il  avait  pu  dire  du  cimelière  des  Innocenta 
qu'il  s'appelait  un  charnier,  dans  la  langue  énergique 
du  peuple,  puisque  ce  mot  s'était  employé  jadis  dans  le 
sens  de  cimetière. 

Or,  comme  cette  conclusion  était  un  peu  trop  rapide 
pour  être  bien  comprise,  je  saisis  avec  empressement 
l'occasion  qui  m'est  oU'erte  pour  revenir  sur  la  question 
de  charnier. 


66 


LE   COURRIER  DE  VAUGELAS 


A  quelle  époque  se  rapporte  la  phrase  de  M.  Sarcey, 
ou,  en  d'autres  termes,  quand  fut-il  reconnu  que  le 
cimetière  des  Innocents  était  un  fojer  d'infection  pour 
la  ville? 

—  Ce  fut  au  moins  en  4  765,  ce  que  montre  la  cita- 
tion suivante  empruntée  à  MM.  Hurtaul  et  Magny  [Dic- 
tionnaire de  la  ville  de  Paris,  t.  II,  p.   347,  art.  Cime- 

TIÈKE  DES  SAINTS  InISOCENTS)   : 

Le  7  juin  1765,  le  Parlement  de  Paris  rendit  un  arrêt  par 
lequel,  après  avoir  exposé  les  motifs  de  considération  qui 
déterminoient  ce  Tribunal  à  supprimer  tous  les  cimetières 
qui  se  trouvoient  dans  l'enclos  delà  ville  de  Paris,  ordonna 
qu'à  compter  du  1"  janvier  1766,  aucunes  inhumations  ne 
pourront  être  faites  dans  les  Cimetières  qui  sont  situés 
dans  cette  Capitale. 

A  cette  époque,  quelle  était  la  signification  du  mol 
charnier  ? 

—  Ce  mot  s'est  employé  pour  cimetière  pendant  la 
plus  grande  partie  du  xvii''  siècle,  car  on  trouve, 

Uans  le  Thresor  de  Nicol  (1606)  : 

Charnier  et  cemetiere.  Cœmeterium,  quasi,  Charongner. 
lUic  enim  cadavera  deponuntur  et  sepeliuntur. 

Et  dans  Cotgrave  (1660)  : 

Charnier  :  m.  A  churctiyard  ;  a  place  wherein  dead  bodies 
are  laid. 

(Un  cimetière,  un  endroit  oiîi  les  corps  morts  sont 
mis). 

A  la  fin  du  même  siècle,  charnier  avait  le  sens  qu'il 
a  dans  charniers  des  Innocents  ;  on  lit  en  effet  dans  la 
première  édition  du  dictionnaire  de  l'Académie  (1694)  ; 

Charnier,  s,  m.  Lieu  couvert,  qui  est  auprès  ou  autour 
des  Eglises  et  où  l'on  enterre  les  'frespassez;  comme  les 
ctiarniers  de  Saiut  Umocent. 

Mais,  au  xviii''  siècle,  ce  mot  ne  signifia  plus  que 
galerie   autour  d'une  église   oia   se  donnait   la  com- 
munion aux  gi'andes  fêles,  ce  dont  je  trouve  la  preuve, 
»  Dans  le  dictionnaire  de  Furetière  (1727)  : 

Charnier,  s.  m.  Portique;  gallerie  qui  est  ordinairement 
autour  des  cimetières,  au  dessus  de  laquelle  on  mettoit 
autrefois  les  os  dècharnez  des  morts,  comme  il  y  en  a 
encore  des  vestiges  aux  Charniers  de  Saint  Innocent  à  Paris. 
Maintenant  les  Charniers  ne  servent  qu'à  donner  la  com- 
miiiiion  aux  Paroissiens  aux  fêtes  de  Pâques,  et  ils  sont 
ordinairement  attacbez  aux  Eglises. 

Dans  le  dictionnaire  de  Trévoux  (1771)  : 

Aujourd  bui  on  appelle  charnier,  une  gallerie  qui  règne 
ordinairement  autour  des  églises  paroissiales,  et  attachée 
â  l'Eylise,  où  l'on  donne  la  Communion  aux  Paroissiens  les 
jours  de  grandes  festes. 

Ainsi,  au  temps  auquel  fait  allusion  la  phrase  de 
M.  Sarcey,  le  mot  charnier  avait  cessé  de  s'employer 
pour  cimetirre,  et  il  pouvait  y  avoir  près  d'un  siècle 
qu'il  ne  désignait  plus  qu'une  sorte  de  galerie. 

Or,  cela  élant,  ne  doit-on  pas  en  induire  que  M.  Sar- 
cey a  eu  tort  de  qualifier  de  charnier  le  cimetière  des 
innocents? 

l'oint  du  tout,  alLendu  qu'il  a  mis  celte  qualification 
ajirès  la  phrase  iticidente  : 

«  qui  s'appelait  dans  le  langage  énergique  du  peuple  », 
et  qu'il  n'y  a  rien  de  surprenant  à  ce  qu'un  terme  soit 
encore  en  usage  parmi  les  ignorants  cent  ans  après  que 


les  gens  instruits  l'ont  rayé  de  leur  vocabulaire  :  une 
foule  d'expressions  locales  sont  dans  ce  cas,  et  le  j'«t;oM« 
du  xvi°  siècle  en  est  un  exemple. 

Tant  qu'il  ne  sera  pas  démontré  qu'en  l'an  1765,  date 
de  l'arrêt  du  Parlement  cité  plus  haut,  le  peuple  de 
Paris  ne  disait  plus  charnier  pour  cimetière,  le  droit 
pour  M.  Sarcey  de  s'exprimer  comme  il  l'a  fait  restera 
certainement  incontestable. 

X 

Première  Question. 
Faut-il  écrire  «  les  pantoufles  de  verre  de  Cendril- 
lon  »  ou  «  les  pantoufles  de  vair  »  ? 

Dans  sa  Chronique  du  4  juin  1874,  le  journal  le 
Temj)s  ayant  eu  l'occasion  d'apprécier  un  petit  livre  de 
M.  Husson,  intitulé  la  Chaîne  traditionnelle,  avait  dit, 
en  parlant  de  la  pantoufle  de  Gendrillon  : 

11  n'y  a  qu'un  inconvénient  à  cela.  C'est  que,  dans  le 
conte  original  de  Perrault,  Cendrillon  porte  une  pantoufle 
de  vair,  et  non  une  pantoufle  de  verre.  Le  vair  est  le  nom 
sous  lequel  on  désignait  autrefois  la  fourrure  de  petit-gris. 
Les  bonnes  éditions  modernes,  celle  des  contps  de  Perrault 
illustrée  par  Doré,  ont  restitué  U  version  première. 

M.  Husson  écrivit  sur  le  champ  à  l'auteur  de  l'article 
pour  maintenir  l'expression  qu'il  avait  employée,  affir- 
mant que  la  première  édition  des  contes  de  Perrault, 
quia  paru  en  1697,  orthographiait  invariablement  le 
nom  en  litige  verre,  et  non  vair. 

Le  chroniqueur  du  Temps  eut  naturellement  recours 
au  dictionnaire  de  Lillré  pour  éclaircir  le  point  en  dis- 
cussion ;  mais,  quoiqu'il  y  trouvât  un  renseignement 
qui  lui  était  tout  favorable,  il  n'en  considéra  pas  moins, 
devant  l'alfirmalion  de  M.  Husson,  la  question  comme 
non  suffisamment  tranchée,  et  il  fit  appel  au  Courrier 
de  Vauyclas. 

J'ai  procédé  aussitôt  que  possible  au  nouvel  arbitrage 
dont  la  grande  presse  voulait  bien  m'honorer,  et  j'ai 
porté  sur  la  question  qui  m'était  soumise  le  jugement 
motivé  qu'on  va  lire  :  I 

M.  Lillré  s'exprime  ainsi  :  au  mot  vair: 

C'est  parce  qu  on  n'a  pas  compris  ce  mot  maintenant 
peu  usité  qu'on  a  imprimé,  dans   plusieurs  éditions  du      h 
conte  de  Cendrillon  souliers  de  verre  (ce  qui  est  absurde),       ' 
au  lieu  de  souliers  de  vair,  c'est-à-dire  souliers  fourrés  de 
vair. 

Mais,  après  y  avoir  bien  réfléchi,  il  m'est  impossible 
de  partager  ici  l'opinion  du  célèbre  académicien,  et     ji 
cela,  pour  des  raisons  qui  se  basent  sur  l'intention  de     ' 
Perrault,  sur  les  lois  du  monde  où  il  place  ses  héros,  et 
enfin  sur  la  signification  de  l'expression  que  recom- 
mande M.  Lillré. 

1°Jeme  suis  procuré,  à  la  Bibliothèque  nationale, 
les  éditions  de  1724  (la  seconde),  de  1742,  de  1781,  de 
1808  et  de  1812  des  contes  de  Perrault,  et  j'ai  trouvé 
dans  toutes  que  celui  oi;i  il  est  question  de  Gendrillon 
avait  pour  titre  : 

Cendrillon,  ou  la  petite  pantoufle  de  verre. 

Or,  M.  Husson  affirme  que  la  première  édition  de  ces 
contes,  dont  il  s'agit,  écrit  «  invariablement  f  le  nom 
verre  et  non  vair. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


67 


De  là  je  conclus  que  l'intenlion  de  Perrault  a  bien  été 
de  mettre  pantoutle  de  x-errc 

2°  M.  Littré  trouve  cette  expression  absurde.  Oui, 
certes,  elle  l'est  ;  mais  seulement  quant  au  monde  réel, 
car  dans  celui  des  fées,  oii  la  nature  obéit  en  esclave 
aux  génies,  où,  par  la  vertu  d'une  simple  baguette,  une 
citrouille  se  transforme  en  carrosse,  une  souris  en 
cheval,  un  rat  en  cocher,  un  lézard  en  laquais,  des  gue- 
nilles en  habits  d'or  et  d'argent,  etc.,  quoi  d'étonnant 
à  ce  que  le  verre  devienne  pantoutle  pour  chausser  le 
pied  qui  doit  séduire  un  fils  de  roi? 

3°  Dans  notre  langue,  lorsqu'un  nom  de  vêtement  est 
suivi  de  la  préposition  de  et  d'un  nom  de  matière  qui 
entre  dans  la  confection  dudit  vêtement,  ce  dernier 
désigne  toujours  la  principale  chose  dont  le  vêtement 
est  fait  :  chapeau  de  soie,  paletot  de  drap,  chetiiise  de 
toile,  etc.  Or,  attendu  que  dans  l'expression  pantoufle 
de  vair  il  n'en  peut  être  ainsi,  puisque,  selon  la  pensée 
de  M.  Littré,  le  vair  ne  doit  entrer  que  comme  «  four- 
rure »,  c'est-à-dire  comme  accessoire,  dans  la  confec- 
tion de  la  chaussure  en  question,  il  en  résulte  que  cette 
expression  est  complètement  impropre  à  signifier  ce  que 
son  auteur  veut  lui  faire  dire,  et  que,  par  conséquent, 
elle  doit  être  rejelée. 

J'ose  espérer  qu'en  présence  de  ces  arguments,  M.  le 
chroniqueur  du  Temps  pensera  avec  moi  que  l'opinion 
de  son  adversaire  était  vraiment  la  bonne. 

X 

Seconde  Question. 
Puisque  vous  invitez  vos  abonnés  à  user  largement  de 
voire  obligeance,  voulez-vous  être  assez  bon  pour  donner, 
dans  un  de  vos  prochains  numéros,  votre  avis  sur  l'ori- 
gine du  mot  CHAT-HDANT,  sur  laquelle  on  ne  parait  pas 
être  bien  fixé  ? 

Ce  qu'on  appelle  un  chat-huant  parmi  nous  n'est  pas 
un  chat,  c'est  un  oiseau  ;  un  chat  ne  hue  pas,  il  miaule  : 
deux  raisons  qui  font  de  chat-huant  une  expression 
parfaitement  ridicule. 

L'oiseau  nocturne  en  question  s'appelait  caïman  ou 
chahuan,  dans  la  langue  primitive,  comme  le  montrent 
ces  exemples  : 

Mes  moult  i  brait  et  se  démente 
Li  chahuan  o  sa  grant  Iiure, 
Proptiete  de  maie  aventure. 

(Rom-  de  la  Rose,  I,  p.   i99,  éd.  Fr.  Michel. 1 

Les  arondes  y  font  leur  Dis 
Et  li  cahuan  soir  et  main. 

(Emile  Deschamps.  ) 

En  Languedoc,  on  l'appelle  chauana,  et  dans  la  basse 
latinité,  cauanna,  cauannus,  qu'on  peut  lire  à  ces  mots 
dans  Du  Gange. 

Ce  n'est  donc  que  par  une  regrettable  confusion  de 
sens  et  par  une  fausse  analogie  de  son  avec  chat  qui 
hue,  que  le  xvi"  siècle  (car  c'est  l'époque  de  la  Renais- 
sante qui  nous  a  valu  cette  altération),  en  est  venu  à 
écrire  chat-huant. 

Maintenant  est-il  possible  de  trouver  un  ancêtre  à 
cahuan?  Je  le  pense. 


Les  invasions  germaniques  en  France  au  moment  où 
se  formait  le  français,  ont  introduit  dans  notre  langue 
un  nombre  considérable  de  termes,  et  c«/(!/fl»  est,  selon 
toute  apparence,  venu  de  l'allemand ,  car  on  trouve 
pour  chat-huant  dans  cette  langue  et  ses  congénères  : 

Chauch  (anglo-saxon);  —  hauz  (ancien  allemaud);  —  kauti 
(allemand)  ;  —  schuivit  (hollandais). 

Un  radical  germanique,  chau  ou  eau  (qui  a  pu  donner 
le  féminin  chouette  par  la  suppression  de  l'a,  comme 
dans  août),  voilà,  à  mon  avis,  la  véritable  origine  de 
l'absurde  expression  chat-huant. 

X 

Troisième  Question. 
Permettez-moi  de  vous  demander,  au  nom  d'un  de 
mes  amis,  de  vouloir  bien  expliquer  à  vos  lecteurs  pour- 
quoi l'orgue  portatif  à  manivelle  s'appelle  vulgairement 
ORGUE  DE  BABBAEiE.  Je  Serais  charmé  que  lesujet  ne  vous 
parût  pas  indigne  de  vos  recherches. 

On  trouve  ce  qui  suit  dans  le  Dictionnaire  français 
illustré  de  Dupiney  de  Vorepière,  p.  580,  3«  col.,  art. 
Orgies  a  cylindre  : 

Ces  instruments,  lors  même  qu'ils  sortent  justes  des 
mains  du  facteur,  sont  bientôt  dérangés  par  Ips  variations 
de  la  température,  Pt  deviennent  alors  d'un  fau.x  insuppor- 
table :  de  là  sans  doute  le  nom  A'orgucs  de  Barbarie  sous 
lequel  on  les  désigne  habituellement. 

.Mais  je  ne  goûte  point  cette  explication,  et  pour  plu- 
sieurs raisons  que  voici  : 

<»  Nulle  part,  que  je  sache,  on  n'a  désigné  un  ins- 
trument de  musique  en  le  faisant  suivre  d'un  nom  qui 
exprimât  un  degré  de  civilisation  quelconque. 

2''  L'orgue  en  question  s'est  appelé  aussi  orgue  d'Al- 
lemagne, ce  qui  peut  faire  admettre  que  l'idée  de  bar- 
barie n'est  jamais  entrée  dans  l'esprit  de  ceux  qui  l'ont 
dénommé. 

3"  Si  le  mot  Barbarie  fait  ici  allusion  à  une  époque 
barbare,  pourquoi  donc  l'écrire  toujours  par  une  majus- 
cule? On  n'écrit  point  :  un  acte  de  barbarie  avec  une 
telle  lettre. 

D'après  M.  Littré,  Barbarie  est  la  corruption  de 
Barberi,  nom  d'un  fabricant  de  .Modène.  Quoique  je 
n'aie  rien  pu  trouver  sur  ledit  fabricant,  je  me  range 
de  cet  avis,  car  il  me  semble  tout  naturel  qu'on  ait  dit 
à  l'origine  orgue  de  Barberi,  comme  on  dit  tous  les 
jouis ^/a«o  d'Erard. 

X 
Quatrième  Question. 

Peut-on  dire  :  «  L'incendie  qui  a  dévoré  hier  quatre 
maisons  dans  telle  rue  est  dv  à  l'imprudence  d'un 
fumeur  v'  Il  me  semble  que  le  verbe  devoir  ne  veut 
pour  sujet,  quand  il  est  passif,  et  pour  complément 
direct,  quand  il  est  actif,  qu'un  nom  de  chose  avanta- 
geuse et  non  préjudiciable  à  quelqu'un. 

C'est  en  effet  le  plus  souvent  le  cas,  comme  on  le  voit 
dans  ces  exemples  : 

Si  Racine  doit  à  Tacite  la  belle  scène  entre  Agrippine  et 
son  (ils.  Corneille  doit  à  Sénèque  celle  d'Auguste  et  de 
Cinna. 

(Diderot,  Rfg.  de  Cl.  ri  de  AVV.,  II.) 


68 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Il  y  a  de  certains  grands  seniimenis,  de  certaines  actiom 
nobles  et  élevées  que  nom  devotis  moins  à  la  force  de  notre 
esprit,  qu'à  la  bonté  de  notre  naturel. 

(La  Bruyère,  IV.) 

Si  Menzikoff  fit  cette  manœuvre  de  lui-même,  la  Russie 
lui  dut  son  salut;  si  le  czar  l'ordonna,  il  était  un  digne 
adversaire  de  Cùarles  XII, 

(Voltaire,  Charles  XII,  4-) 

Mais,  dans  ces  phrases,  le  substantif  qui  suit  la  pré- 
position à  peut  devenir  le  sujet  d'une  autre  phrase, 
transformation  de  la  première,  où  devoir  est  remplacé 
par  valoir,  procurer,  ce  qui  donne  : 

Si  Tacite  a  valu  à  Racine  la  belle  scène  entre  Agrippine 
et  son  fils,  etc. 

La  force  de  notre  esprit  moins  que  la  bonté  de  notre 
naturel  nous  vaut,  nous  procure  certains  grands  senti- 
ments. 

Or,  valoir  peut  se  construire  avec  un  complément 
direct  qui  n'exprime  pas  une  chose  avantageuse,  comme 
le  témoignent  ces  exemples  : 

J'ai  travaillé  jusqu'à  mes  derniers  jours;  cela  m'o  valu 
des  ennemis,  mais  aussi  cela  m'a  valu  votre  amitié. 

(Voltaire,  Leltr.  Chabann.j 

Oui,  je  dormais  sur  un  petit  volume 
Qui  me  vaudra  d'être  encore  étrillé. 

(Béranger,  Gohier.) 

Par  conséquent,  il  en  peut  être  de  même  de  son  cor- 
rélatif devoir,  c'est-à-dire  qu'on  peut  parfaitement,  et 
«  sans  être  un  Iroquois  "  le  moins  du  monde,  employer 
devoir  dans  cette  phrase  et  autres  analogues  : 

L'incendie  qui  a  dévoré  bier  quatre  maisons  est  dû  à 
l'imprudence  d'un  fumeur. 

Du  reste,  je  ne  suis  pas  seul  de  cette  opinion,  car  je 
trouve  dans  le  dictionnaire  de  Littré  : 

Devoir  se  dit  aussi  quelquefois  en  mauvaise  part. 
ce  qui,  en  d'autres  termes,  signifie  exactement  la  même 
chose  que  ma  conclusion. 


ETRANGER 


Première  Quesliou. 
Je  désirerais  bien  également  savoir  quelle  est  l'ori- 
gine de  ce  verbe  [dégrl"(goler),  (/ue  mon  Drachet  déclare 
«  inconnue  »,  et  sur  laquelle  M.  Littré  lui-même  est  loin 
d'être  suflisamment  affirtnatif. 

Voici  comment  j'explique  cette  origine  : 
Voyant  aux  gargouilles  des  grands  édifices  du  moyen 
âge  la  forme  de  chimères,  de  serpents,  de  dragons,  etc., 
le  peuple,  je  présume,  les  aura  appelées  tout  simple- 
ment ijrandes  gueules,  ce  qui,  en  langage  du  temps,  se 
prononçait  grungole. 
Celle  exi)ressiùii  se  corrompit  de  deux  manières  : 
)°  En  gragole,qii'\  devint  gargote  (le  peuple  dit  guer- 
nouitle  [)our  grenouille],  dont  voici  un  exemple  que 
M.  Littré  donne  comme  étant  du  xiv"  siècle  : 

riusieurs  lieux  di^s  entablements  qui  sont  en  droit  les 
gargotes  [d'une  église]  sont  à  refaire. 

[Bibl.  de  VÉeole  du  Chartit,  5»  lérie.  t    III.  p.  ufi  ) 


2°  En  gringole  (dans  Roquefort  on  trouve  gringne 
pour  grandior,  plus  grand),  que  donne  le  P.  Ménétrier 
(Origine  des  Armoiries,  p.  529),  et  dont  l'existence  est 
encore  prouvée  par  le  terme  gringole,  appliqué  à  toute 
pièce  héraldique  qui  se  termine  par  une  tête  de  serpent. 

Or,  en  joignant  la  particule  séparative  dé  à  gringole 
et  en  allongeant  ce  dernier  d'une  r,  on  a  fait  le  verbe 
dégringoler  pour  signifier  tomber  de  haut  comme  l'eau 
qui  s'échappe  d'une  gringole  (gargouille). 

Ce  verbe  si  expressif,  qui  a  formé  dégringolade  et 
même  une  espèce  d'adverbe  comique  dégringolando, 
n'est  ni  dans  Mcot  (IC06),  ni  dans  Cotgrave  (1660),  ni 
dans  la  première  édition  de  l'Académie  (1694)  ;  c'est  au 
xviii'  siècle  qu'il  apparut  pour  la  première  fois  dans 
notre  vocabulaire.  Ce  ne  fut  d'abord  qu'un  terme  «  bas 
et  burlesque  »  comme  le  dit  Richelet;  mais,  grâce  à 
Voltaire,  qui  semble  l'avoir  atTectionné  particulière- 
ment, il  a  fini  par  être  parfaitement  reçu  dans  la 
langue  familière  et  par  s'y  employer  fréquemment. 

X 

Seconde  Question. 
A  la  fin  de  son  Traité  des  jeux  de  théâtre,  Fléchier 
a  écrit  :  «   Ne  croyez  pas  que  nous  vdeillions  vous 
effrayer  ».  Est-ce  là  le  vrai  présent  du  subjonbtif  du 
verbe  vouloir? 

Au  xvi''  siècle,  comme  on  le  voit  dans  Palsgrave 
(p.  i04j,  le  subjonctif  du  verbe  vouloir  a.ya.i{.  la  forme 
suivante  : 

Vueille,  vueilles,  vueille,  vueillions,  vueilliez,  vueillent. 

Mais,  avec  le  temps,  une  altération  se  produisit  dans 
les  deux  premières  personnes  plurielles;  et,  au  com- 
mencement du  xviii«  siècle,  Régnier-Desmarais  s'expri- 
mait ainsi  dans  sa  grammaire  (p.  444)  au  sujet  du 
même  verbe  : 

11  semble  que  l'Usage  soit  partagé  sur  la  manière  dont 
vouloir  forme  le  sien  [subjonctif).  Ceux  qui  s'attachent  à  la 
règle  générale  disent,  nous  veiiillions  vous  veililliez,  ils 
veuillent;  et  quant  à  la  3*  personne,  il  n'y  a  point  de  par- 
tage; mais  la  pluspart  du  monde  forme  autrement  les  deux 
autre.s,  et  dit,  nous  voulions,  vous  vouliez.  Quoyque  ce  soit 
que  nous  roulions,  Pourveu  que  vous  le  vouliez.  La  Grammaire 
est  pour  les  uns;  l'Usage  le  plus  ordinaire  est  pour  les 
autres. 

Avant  la  fin  du  même  siècle,  on  employait  générale- 
ment voulions,  vouliez,  et,  dans  le  nôtre,  la  forme 
vcuillions,  veuilliez  a  été  tout-à-fait  proscrite,  ce  que 
rend  manifeste  cette  citation  empruntée  à  Girault- 
Duvivier  (p.  622)  : 

On  dit  au  présent  du  subionct'iS  que  je  veuille  ;  mais  au  plu- 
riel on  liit  que  nous  voulions,  que  vous  vouliez,  et  non  pas  que 
nous  veuillions,  que  vous  veuilliez,  comme  quelques  écri- 
vains l'ont  dit. 

Or,  faut-il  conclure  de  là  que  la  phrase  de  Fléchier 
doive  élic  condamnée'^ 

Nullement;  parce  que  du  temps  de  cet  auteur,  qui 
naquit  en  1632  et  mourut  en  1710,  on  n'avait  pas 
encore  déliiiitivcnient  ilcciilé  la  l'orme  qu'on  ado|)lerait 
pour  le  subjonctif  de  vouloir,  comme  cela  résulte  de  la 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


«9 


citation  que  je  viens  d'emprunter  à  Régnier-Desmarais, 
et  que,  conséquemment,  Fléchier  a  pu  faire  usage  de 
veuillons  :  ce  qui  serait  une  faute  aujourd'hui  n'en 
pouvait  être  une  alors. 

M.  Littré  qui,  avec  M.  Bernard  Jullien,  préférerait 
veuiliions  et  veuilliez  à  la  forme  actuelle,  dit  que  celte 
forme  est  un  «  barbarisme  »  autorisé  par  l'usage. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  partager  cette  opinion,  et 
voici  les  raisons  qui  m'en  empéclient  : 

Nous  avons  beaucoup  de  verbes  dont  la  voyelle  pénul- 
tième de  l'infinitif,  après  avoir  éprouvé  une  modification 
aux  trois  personnes  singulières  du  subjonctif,  reparaît 
aux  deux  premières  personnes  du  pluriel  ;  tels  sont  : 

Tenir  —  que  je  tienne  :  que  nous  tenions,  que  vous  teniez. 

Devoir — que  je  doive  :  que  nous  devions,  que  vous  deviez. 

Acquérir  —  que  j'acquière  :  que  nous  acquérions,  que  vous 
acquériez. 

Mouvoir  —  que  je  meuve  :  que  nous  mouvions,  que  vous 
mouviez. 

Mourir  —  que  je  meure:  que  nous  mourions,  que  vous  mou- 
riez. 

Valoir  — que  je  vaille  :  que  nous  valions,  que  vous  valiez. 

Or,  vouloir,  au  subjonctif,  étant  absolument  dans  le 
même  cas  (que  je  veuille  :  que  nous  vo?<lions,  que 
vous  vowliez),  il  me  semble  que  voulions,  vouliez  ne 
peut-être  un  barbarisme,  c'est-à-dire  une  forme  en 
quelque  sorte  étrangère  à  la  langue,  une  forme  qui 
n'est  point  le  résultat  d'une  règle  commune  à  plusieurs 
termes  de  même  espèce. 

PASSE-TEMPS  GRA.MMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  Comment  parler  d'autre  chose  que  les  scènes;  —  "'  ...  que 
la  Fronde  a  vu  lever  hier  soir  l'interdit  qui  lavait  frappée;  — 
3°  ...  Mais  au  fait,  j'eeria-l-il  tout  à  coup;  —  4°  ...  à  moins  de 
relâche  officiellement  annoncé  (dans  ce  sens  relâche  est  mascu- 
lin); —  5°  ...  on  ne  se  suicide  pas  (soi-même  est  inutile  adendu 
qu'on  ne  peut  pas  se  suicider  par  la  main  d'un  autre);  —  6"  ... 
à  parler  politique  devant  le  public;  7°  —  ...  nous  sommes  venus 
dans  l'espoir  qu'on  voudrai!  bien;  —  8°  ...  Vous  plairait-il,  cher 
lecteur,  (|ue  nous  revinssions;  —  9°  ...  mais  le  Suisse  unique 
de  l'époque  est  resté  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  \"  année, 
p.  2)  ;  —  10'  ...  des  grands  événements  qu'il  a  traversés  (Voir  Cour- 
rier de  Vaugelas,  h'  année,  p.  35);  —  11°  ...  qui  ne  valaient  ni 
mieux  ni  pis;  —  12"  ...  de  cette  terrible  loi  de  Ljnch  (Voir  Cour- 
rier de  Vaugelas,  3*  année,  p.  26). 

Phrases  à.  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1"  Mais  il  est  immoral  qu'un  maire  de  la  République  so 
permette  d'é.taler  sur  sa  maison  des  emblèmes  séditieux, 
d'afticher  publiquement  des  sympathies  pour  un  régime 
solennellement  décbu  par  le  vote  du  I"  mars  1871. 

2»  Nous  nous  asseyons  en  face  de  S.  A.  avec  laquelle 
nous  causons  longuement.  Que  nous  dit-il?  Cesi  à  peine 
si  nous  saurions  le  répéter;  il  a  une  manière  unique  qu'on 
ne  saurait  analyser. 

3'  Helas!  Monsieur,  gémit-il,  vous  le  voyez,  la  sainte 
femme  vient  de  rendre  son  àme  à  Dieu. 

4°  La  France,  quoique  purgée  de  ses  anciens  maires  et 
dotée  de  préfets  trèg-édifiauts,  est  encore  en  voie  de  per- 


dition. Ce  serait  bien  pire  si  le  commerce  revenait  et  si  la 
vigne  n'avait  pas  eu  son  16  mai. 

5*  Et  aujourd'hui,  après  les  cent  cinquante  millions  de 
francs  qu'a  coûtés  la  confection  du  cadastre,  nous  en 
sommes  encore  à  répéter  ce  que  le  premier  consul  disait 
en  1799  :  «  Celui  qui  fera  un  bon  cadastre  méritera  une 
statue.  • 

6*  En  attendant,  les  choses  vont  leur  train,  et  l'agitation 
grandit,  bien  que'  personne,  parmi  les  catholiques,  ne 
songe  à  autre  chose  qu'à  une  résistance  passive. 

7°  Monsieur  le  juge,  je  m'honore  d'être  le  substantif; 
c'est  moi  dont  on  se  sert  pour  nommer  une  personne  ou 
une  chose,  comme  Pierre,  Paul,  livre,  table,  etc. 

8*  Ceci,  dit  en  passant,  à  seule  fin  d'engager  les  amateurs 
d'émotions  fortes  à  apporter  avec  eux  un  petit  bout  de 
bougie,  comme  pour  une  visite  dans  les  Catacombes. 

9"  Nous  discuterons  avec  d'autant  plus  de  liberté  que, 
quoi  qu'il  en  advienne  des  lois  constitutionnelles,  la  situa- 
tion du  maréchal  de  Mac-Mahon  n'en  serait  pas  moins  en- 
tière. 

10°  Les  hommes  d'État  italiens,  bien  que  moins  accom- 
modants qu'on  le  voudrait  à  Berlin,  parlent  dans  les  termes 
les  plus  flatteurs  de  la  grande  puissance  germanique. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE    DES   GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE   MOITIÉ   DU   XVII'  SIÈCLE. 
VAUGELAS. 

Claude  Favre  de  Vaugelas,  l'un  de  nos  plus  célèbres 
grammairiens,  était  le  second  fils  d'Antoine  Fabre, 
habile  jurisconsulte,  et  naquit  à  Cliambéry  vers  ^58o. 

Etant  venu  à  Paris  dans  sa  jeunesse,  il  obtint  une 
place  de  gentilhomme  ordinaire  de  Gaston,  duc  d'Or- 
léans, qui  le  fit  ensuite  son  chambellan.  L'attachement 
qu'il  portait  à  ce  prince  ne  lui  permit  pas  de  l'aban- 
donner dans  ses  disgrâces;  mais,  mal  payé  qu'il  était  de 
ses  gages,  il  fut  obligé  de  contracter  des  dettes  dont  il 
ne  put  jamais  se  libérer. 

Outre  la  baronnie  de  Peroges,  en  Savoie,  Vaugelas 
jouissait,  sur  la  cassette  du  roi,  d'une  pension  de  deux 
mille  livres,  que  son  père  lui  avait  fait  accorder  en 
1629,  et  qui  formait  le  plus  clair  de  son  revenu. 

Le  cardinal  de  Richelieu  ayant  fait  supprimer  cette 
pension,  sans  doute  pour  le  punir  de  son  zèle  pour  les 
intérêts  de  Gaston,  Vaugelas  se  trouvadansunesituation 
fort  embarrassée.  L'étude,  qui  jusque-là  n'avait  guère 
été  pour  lui  qu'un  délassement,  vint  le  consoler  des 
caprices  de  la  fortune.  Habitué  de  bonne  heure  à  réfléchir 
sur  ses  lectures,  il  avait  acquis  une  connaissance  appro- 
fondie de  la  langue  et  s'était  fait  la  réputation  de  la 
parler  très-correctement,  genre  de  mérite  fort  rare  à 
son  époque.  C'est  à  ce  titre  seul  qu'il  fut  admis  à 
l'Académie  française,  lors  de  sa  fondation. 

Très-assidu  aux  séances,  toutes  consacrées  alors  a 
des  discussions  grammaticales,  il  notai!  avec  exactitude 
les  points  sur  lesquels  on  ne  pouvait  s'accorder,  et 
achevait  de  les  éclaircir. 

A^ant  reconnu  que  tous  ses  membres  ne  pouvaient 


70 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


prendre  une  part  active  à  la  rédaction  du  Dictionnaire, 
l'Académie  présenta  Vaugelas  au  ministre  pour  le  mettre 
à  la  tête  de  celle  grande  entreprise,  et,  en  même  temps,  | 
demanda  que  sa  pension  fut  rétablie.  Il  alla  remercier 
Richelieu,  qui  lui  dit  en  l'apercevant  :  «  Eh  bien,  vous 
a  n'oublierez  pas  dans  le  Dictionnaire  le  mot  de  pension? 
«  —  Non,  Monseigneur,  répondit  Vaugelas,  et  encore 
«  moins  celui  de  reconnaissance.  » 

Vaugelas  était  un  des  oracles  de  l'hôtel  de  Rambouil- 
let, où  il  n'était  pas  moins  assidu  qu'à  l'Académie. 

S'étant  formé  dans  sa  jeunesse  principalement  par 
la  lecture  des  ouvrages  de  Coëffeleau,  il  conserva 
longtemps  pour  cet  écrivain  une  admiration  excessive. 
Il  faisait  tant  de  cas  de  son  Histoire  romaine,  qu'il  ne 
pouvait  presque  concevoir  aucune  phrase  qui  n'y  fût 
employée.  Dans  la  suite,  il  reconnut  cependant  qu'il 
pouvait  choisir  un  meilleur  modèle. 

Il  avait  composé  quelques  vers  italiens,  qu'on  estimait 
beaucoup;  mais  il  ne  put  jamais  réussir  à  en  faire  de 
supportables  en  français. 

La  douceur  de  ces  mœurs,  sa  probité  scrupuleuse  et 
ses  talents  lui  méritèrent  de  nombreux  amis,  parmi 
lesquels  on  cite  Faret,  Voiture,  Chapelain,  Conrart,  etc. 

Vaugelas  mourut  presque  subitement  d'un  abcès  à 
l'estomac,  au  mois  de  février  ■1650,  à  l'âge  de  63  ans. 

Ses  manuscrits  ayant  été  saisis  par  ses  créanciers, 
l'Académie  fut  obligée  de  plaider  pour  avoir  le  travail 
qu'il  laissait  sur  le  Dictionnaire. 

Vaugelas  était  fort  dévot,  civil  et  respectueux  jus- 
qu'à l'excès,  particulièrement  envers  les  dames,  pour 
lesquelles  il  avait  une  extrême  vénération.  11  craignait 
toujours  d'otîenser  quelqu'un,  et,  le  plus  souvent,  il 
n'osait,  pour  celte  raison,  prendre  parti  dans  les  ques- 
tions que  l'on  mettait  en  discussion. 

La  gloire  de  Vaugelas  est  d'avoir  épuré  notre  langue, 
que  Malherbe  avait  renouvelée.  Boileau  le  nomme  «  le 
plus  sage  de  nos  écrivains.  » 

On  a  de  Vaugelas  : 

h"  Une  traduction  de  l'histoire  d'Alexandre  par 
Qninte-Curce,  à  laquelle  il  a  travaillé  trente  ans,  la 
changeant  et  la  corrigeant  sans  cesse.  Elle  fut  publiée 
pour  la  première  fois  par  les  soins  de  Chapelain  el  de 
Conrart,  et  il  s'en  fit,  presque  sur  le  champ,  une  seconde 
édition.  Palru  ayant  retrouvé  ensuite  une  copie  de 
celte  traduction,  beaucoup  meilleure,  il  la  fit  imprimer 
en  1659,  et  celte  édition  a  servi  de  base  à  toutes  celles 
qui  ont  paru  depuis.  Balzac  a  dit  que  ;  «  Si  l'.Vlexandre 
de  Quinle-Curce  est  invincible,  celui  de  Vaugelas  est 
inimitable.  » 

2°  Itemarques  sur  la  langue  françoise,  dont  quelques- 
unes  paraissent  puériles;  mais,  dit  Pélisson,  u  la  matière 
en  est  très-bonne  pour  la  plus  grande  partie,  et  le  style 
excellent  et  merveilleux;  il  y  a  dans  tout  le  corps  de 
l'ouvrage  je  ne  sais  quoi  d'honnête  homme,  tant  d'in- 
génuilé  et  tant  de  franchise  qu'on  ne  sauroit  presque 
s'empêcher  d'en  aimer  l'auteur.  «  La  préface  passe  pour 
un  chef  d'œuvre  en  ce  genre. 

Les  Iknumiues  de  Vaugelas  furent  critiquées  par 
Dupleix  et  par  La  Motte  Le  Vayer;  mais  elles  trouvèreut 


un  grand  nombre  de  partisans  et  de  défenseurs  parmi 
nos  meilleurs  grammairiens,  tels  que  Palru,  le  P.  Bou- 
hours,  etc.  On  les  a  souvent  réimprimées. 

En  parcourant  ce  dernier  ouvrage  (car  le  premier 
n'est  pas  de  mon  ressorti,  je  vais  noter  ce  que  j'y 
pourrai  trouver  d'intéressant  et  de  curieux  pour  l'étude 
et  rhistoire  de  la  langue  française. 

Préface. 
I. 

Le  dessein  de  Vaugelas  n'est  ni  de  réformer  notre 
langue,  ni  d'abolir  des  mots,  ni  d'en  créer;  il  se  propose 
seulement  de  montrer  le  bon  usage  de  ceux  qui  existent; 
el,  si  cet  usage  est  douteux  ou  inconnu,  de  l'éclaircir 
ou  de  le  faire  connaître.  Il  n'entreprend  point  de  se 
constituer  juge  des  différends;  il  ne  prétend  passer 
que  pour  un  simple  lémom  qui  dépose  de  ce  qu'il  a  vu 
et  «  oui.  » 

Voilà  pourquoi  son  ouvrage  a  pris  le  titre  de  Remarques 
et  ne  s'est  pas  chargé  du  «  frontispice  fastueux  »  de 
Décisions  ou  de  Loix;  car,  bien  qu'il  traite  des  lois  d''un 
souverain,  qui  est  l'usase,  il  a  voulu  éloigner  toutsoup- 
çon  de  chercher  à  établir  ce  qu'il  ne  fait  que  rapporter. 
II. 

Il  y  a  deux  sortes  d'usages,  un  bon  et  un  mauvais. 
Le  bon,  qui  est  composé  non  de  la  pluralité,  mais  de 
l'élite  des  voix,  est  véritablement  celui  qu'on  nomme 
le  mailre  des  langues.  Vaugelas  définit  le  bon  usage  : 
«  la  façon  de  parler  de  la  plus  saine  partie  de  la  Cour, 
conformément  à  la  façon  d'écrire  de  la  plus  saine  partie 
des  auteurs  du  temps.  >> 

Quand  il  dit  la  Cour,  il  entend  les  femmes  comme 
les  hommes,  et  plusieurs  personnes  de  la  ville  où  le 
Prince  réside,  qui,  par  les  rapports  qu'elles  ont  avec 
les  gens  de  la  Cour,  participent  à  sa  politesse. 

Toutefois,  quelque  avantage  qu'il  trouve  à  la  Cour, 
il  reconnaît  qu'elle  ne  suffit  pas  toute  seule  pour  impo- 
ser une  règle;  il  faut  que  les  bons  auteurs  lui  viennent 
en  aide,  et  ce  n'est  que  par  l'accord  qui  se  fait  entre  ces 
deux  autorités  que  l'usage  s'établit. 

.Mais  comme  il  se  présente  beaucoup  de  doutes  et  de 
difficultés  que  la  Cour  n'est  pas  apte  à  résoudre  et  que 
les  écrivains  ne  peuvent  élucider,  il  faul,  pour  acquérir 
la  pureté  du  langage,  ajouter  à  la  lecture  des  bons 
auteurs  et  à  la  fréquentation  de  la  Cour  le  commerce 
des  gens  qui  ont  étudié  tout  spécialement  la  langue. 
III. 

Vaugelas  a  ce  triple  avantage;  aussi  ne  peut-on 
guère  proposer  de  doute,  de  difficulté  ou  de  question 
dont  la  solution  ne  soit  dans  ses  neman/ties. 

Il  sait  bien  qu'il  ne  sera  pas  toujours  de  l'avis  de  tout 
le  monde;  mais  pourquoi  se  Irouve-t-il  dès  gens  qui 
s'obstinent  à  ne  pas  suivre  l'usage?  Quelque  réputation 
qu'on  ail  acquise  dans  l'art  décrire,  on  n'a  pas  pour 
cela  le  droil  d'établir  ce  que  les  autres  condamment,  ni 
celui  d'o[)poser  son  oj^inion  particulière  au  «  torrent  » 
de  l'opinion  générale. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rkdactbor-Géiunt  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VaUGELAS 


T\ 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine 


Les  Chasseurs  d'abeilles  ;  par  Gustave  Aimard.  /l'édit. 
ln-18  Jésus,  399  p.  Paris,  lib.  Amyot. 

Histoire  intime  du  second  empire;  par  le  vicomte 
de  Beaumont-Vassy.  In-18  Jésus,  /|21  p.  Paris,  lib.  Sartorius. 
3  fr.  50. 

Histoire  de  France  continuée  jusqu'en  l'année 
1873;  par  Emile  de  Bonnechose.  16"  édition,  conforme  au 
programme  universitaire.  2  vol.  In-12,  xii-1530  p.  Paris, 
lib.  Firmin  Didot  frères  et  Cie.  6  fr. 

Vie  de  Mahomet,  d'après  le  Coran  et  les  historiens 
arabes;  par  P.  Henry  Delaporte,  ancien  consul  de  France 
en  Orient.  In-8°,  272  p.  Paris,  lib.  Leroux.  10  fr. 

Les  Grands  hommes  de  la  France.  Hommes  de 
guerre.  2"  série;  par  Edouard  Gœpp  et  E.-L.  Gordier. 
Bertrand  Du  Guesclin,  Bayard.  Gr.  in-18  et  in-8°,  516  p. 
Paris,  lib.  Ducrocq.  h  fr.  et  3  fr. 

Les  Essais  de  Montaigne,  accompagnés  d'une  notice 
sur  sa  vie  et  ses  ouvrages,  d'une  étude  bibliographique, 
de  variantes,  de  notes,  de  tables  et  d'un  glossaire;  parE. 
Courbet  et  Ch.  Royer.  T.  2.  In-8°,  û07  p.  Paris,  lib.  Le- 
merre.  10  fr. 

Mœurs  et  portraits  du  temps;  par  Louis  Reybaud. 
Nouvelle  édition,  ln-18  jésus,  329  p.  Paris,  Ub.  Nouvelle. 
1  fr.  25. 

Les  six  mariages  de  Henri  VIII;  par  Jules  d'Argis. 
2=  édition,  augmentée  de  nombreux  fragments  inédits. 
ln-18  Jésus,  XV-5H  p.  Paris,  lib.  de  la  Société  des  gens  de 
lettres,  3  fr. 

Les  Filles  du  Régent.  La  duchesse  de  Berry.  L'abbesse 


de  Chelles.  La  princesse  de  Modène.  La  reine  d'Espagne. 
La  princesse  de  Conti.  Mademoiselle  de  Beaujolais;  par 
Edouard  de  Barthélémy.  2  vol.  in-8°,  xi-822  p.  Paris,  lib. 
Firmin  Didot  frères  et  Cie. 

Histoire  de  Colbert  et  de  son  administration  ;  par 
Pierre  Clément,  de  l'Institut.  Précédée  d'une  préface  par 
M.  A.  Geoffroy,  de  l'Institut.  2  vol.  in-8»,  xx-1080  p.  Paris, 
lib.  Didier  et  Cie.  16  fr. 

Grammaire  des  langues  romanes;  par  Frédéric 
Diez.  3'  édition,  refondue  et  augmentée.  T.  2.  Traduit  par 
Gaston  I^aris  et  Morel-Fatio.  l"  fascicule.  In-8°,  224  p. 
Paris,  lib.  Franck. 

Journal  d'un  habitant  de  Nancy  pendant  l'inva- 
sion de  1870-1871;  par  Louis  Lacroix,  professeur  d'his- 
toire à  la  faculté  des  lettres  de  Nancy.  In-12,  xi-623  p. 
Paris,  lib.  Lecoffre  fils  et  Cie. 

Le  Médecin  des  pauvres;  par  Xavier  de  Montépin. 
Edit.  illustrée.  ln-i"à2col.,  Iii7p.  Paris,  lib.  BenoistetCi". 

Histoire  de  la  guerre  civile  en  Amérique;  par  M.  le 
comte  de  Paris.  T.  1  et  2.  In-8°,  iii-1177  p.  Paris,  lib. 
Nouvelle.  Chaque  vol.  7  fr.  50. 

Les  Écorcheurs  sous  Charles  VII.  Episodes  de  l'his- 
toire militaire  de  la  France  au  xv=  siècle,  d'après  des  docu- 
ments inédits;  par  A.  Tuetey,  archiviste  aux  Archives  na- 
tionales. 2  vol.  in-8",  iv-1000  p.  Montbéliard,  lib.  Barbier. 

Les  Moralistes  français  au  XVIII»  siècle  ;  par  Jules 
Barni,  député  de  la  Somme.  Vauvenargues,  Duclos,  Hel- 
vétius,  Saint-Lambert,  Volney.  In- 1 8  jésus,  vu-235  p.  Paris 
lib.  Germer  Baillière.  3  fr.  50  cent. 


Publications  antérieures 


LE  GYMB.^LUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  BOiNAVENiusE  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  Jacod, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  éditeur,  /i-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix,  in-16  :  5  fr.  ;  in  8°  :  2  fr.  50. 


LES  ŒUVRES  DE  TAB.\RIN  avec  les  Adventures  du 
capitaine  Rodomont,  la  Farce  des  Bossus  et  autres  pièces 
tabariniques.  -  Nouvelle  édition.  -  Préface  et  notes  par 
Georges  d'Habmonville.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  li- 
braire-éditeur, 4-6,  rue  Voltaire. 


LES  ANCIENS  POÈTES  DE  LA  FRANGE,  publiés 
sous  les  auspices  de  S.  Exe.  Monsieur  le  Ministre  de  l'Ins- 
truction publique  et  des  Cultes,  et  sous  la  direction  de 
M.  Guessard.  —  fiebabras.  —  parise  la  duchesse.  —  Paris, 
chez  F.  Vieiveg,  libraire-éditeur,  67,  rue  Richelieu. 

CONFORMITÉ  DU  LANGAGE  FRANÇOIS  AVEC 
LE  GREC,  par  Henri  Estienne.—  Nouvelle  édition,  accom- 
pagnée de  notes  et  précédée  d'un  essai  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  cet  auteur.  -  Par  Léon  Feuoère,  professeur 
de  rhétorique  au  lycée  Louis-le-Grand.- Paris,  chez  y«/e« 


Delalain,  imprimeur  de  l'Université  de  France,  rue  de 
Sorbonne  et  des  Mathurins. 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANGION,  composée  par 

CH.\RLEsSoREL,sieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Emile  Colo.mbay.  —  Paris, 
Adolphe  Delahays,  éditeur,  4-6,  rue  Voltaire.  —  In-16  : 
5fr.  ;  in-18  jésus,  2  fr.  50. 

VOCABULAIRE  RAISONNÉ  ET  COMPARÉ  DU 
DI.\LECTE  ET  DU  PATOIS  DE  LA  PROVINCE  DE 
BOURGOGNE,  ou  Etude  de  l'histoire  et  des  mœurs  de 
cette  province  d'après  son  langage.  —  Par  Miqisard,  de 
l'Académie  de  Dijon.  —  In-8°,  334  p.  —  Paris,  librairie 
Aubry,  18,  rue  Séguier. 

LES  GRAMMAIRIENS  FRANÇAIS  depuis  l'origine 
de  la  Grammaire  en  France  jusqu'aux  dernières  œuvres 
connues.  —  Par  J.  Tell.  —  Un  beau  volume  grand  in-18 
jésus.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Librairie  l'iunin  Didot  frères, 
/ils  et  Cie,  56,  rue  Jacob,  à  Paris. 

LE  ROMANCERO  FRANÇOIS,  histoire  de  quelques 
anciens  trouvères  et  choix  de  leurs  chansons,  le  tout  nou- 
vellçment  recueilli.  —  Par  Pauli.n  Paris.  —  Paris,  librairie 
Techner,  52,  rue  de  l'Arbre-Sec.  Prix  :  8  fr. 


72 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  des  trois  langues  classiques. 
—  Par  E.  Egger,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  à 
l'École  normale  supérieure.  —  Sixième  édition,  revue  et 
augmentée  de  quelques  notes.  —  Paris,  librairie  Duratid 
et  Pedone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  NOMS  PRO- 
PRES D'HOMMES,  contenant  la  qualité,  l'origine  et  la 
signification  des  noms  propres  se  rattachant  à  l'histoire, 
à  la  mythologie,  des  noms  de  baptême,  etc.  —  Par  Paul 
Hecqdet-Boucrand.  —Paris,  Victor Sarlit,  libraire-éditeur, 
19,  rue  de  Tournon. 


THIRD  FRENCH  COURSE,  intended  as  a  sequel  to 
Arnold's,  Hall's,  Ann's,  Hamel's,  Levizac's,  De  Fivas'  and 
other  bimilar  educational  French  works.  —  By  A.  Cogery, 
B.A.jL.L.,  FrenchMasteratthe  Birkbeck  Schools,  Peckham; 
etc.  —  Nouvelle  édition  revue  et  augmentée.  —  London  : 
Relfe  brothers,  Charterhouse  buildings.  —  Two  shillings. 
—  Corrigé  du  Third  French  course  :  Two  shillings. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


LITTÉRATURE     FRANÇAISE 


DÉSIRÉ  NISARD,  Membre  de  l'Académie  française. 


\"  vol. 


Quatre  volumes  in- 18  jésus  de  plus  de  400  pages  chacun. 

Des  origines  jusqu'au  xyn"  siècle;  —  i' vol.  :  Première  moitié  du  xvu"  siècle;   —  3°  vol. 
moitié  du  xvii«  siècle  ;  —  Zi"  vol.  :  Le  xviii"  siècle  avec  un  dernier  chapitre  sur  le  xix". 


Seconde 


Cinquième  Édition. 
Prix  de  l'ouvrage   :   16  francs. 


SE  TROUVE  A  PARIS 
A  la  librairie  de  Firniin  Didol  frères.,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


A  Passy  (près  du  Ranelagh). —Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 

Dans  un  grand  pensionnat  de  Demoiselles,  situé 
dans  une  des  localités  les  plus  salubres  de  la  banlieue  de 
Paris,  on  reçoit  de  jeunes  étrangères  pour  les  perfec- 
tionner dans  langue  française.  —  Chambres  particulières. 
Table  de  la  Directrice.  —  Prix  modérés. 


Une  Maison  d'éducation  qui  n'est  point  une  pension 
prend  des  étrangers  à  demeure  pour  leur  enseigner  la 
langue  et  la  littérature  françaises.  —  Près  du  Collège  de 
France  et  de  la  Sorbonne. 


Avenue  de  l'Impératrice.  —  Un  ancien  préfet  du 
collège  Rollin  prend  en  pension  quelques  jeunes  étrangers 
pour  les  perfectionner  sérieusement  dans  l'étude  de  la 
langue  française.  — Enseignement  de  l'allemand  et  prépa- 
ration aux  examens  pour  le  service  militaire  en  Angleterre. 


(Les  adresses  sont  indiquées  à  la  rédaction  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Appel  aux  prosateurs. 


L'ACADÉMIE  FRANÇAISE  décemera  pour  la  première  fois,  en  1875,  le  prix  Jouy,  de  la  valeur  de  quinze  cents  francs, 
prix  qui,  aux  termes  du  testament  de  la  fondatrice,  doit  être  attribué,  tous  les  deux  ans,  à  un  ouvrage,  soit  d'obser- 
vation, soit  d  imagination,  soit  de  critique,  et  ayant  pour  objet  fétude  des  mœurs  actuelles.  —  Les  ouvrages  adressés 
pour  ce  concours  devront  être  envoyés  au  nombre  de  trois  exemplaires  avant  le  1"  janvier  1875. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vauyelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupelev  à  Nogent-le-llolrou. 


5'  Année. 


N"   10 


15  Août  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


ParaUiant    !•    1°'  ot   la   IS    de   eha«a«  mola 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    0  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  a 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

NXIEN     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES     ÉTR.\NGERS 

Oflicicr  d'Académie 

26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adra' 
M.  FiscHBACHER,  33,  rue  de  Seine. 


SOMMAIRE. 

Communication  relative  à  Capharnaiim  :  —  Justification  de 
Manger  sur  le  pouce  ;  —  Explication  de  Dorviirla  grassema- 
tinée;  —  Quand  il  faut  employer  Plus  bon  au  lieu  de  Meil- 
leur; —  Si  Fautif  peut  se  mettre  pour  Qui  a  failli;  —  Si 
après  l'n  de  on  doit  mettre  l'adjectif  superlatif  au  pluriel  ;  — 
Pourquoi  le  nom  de  Ricliepance  donné  à  une  rue  de  Paris.  || 
Origine  de  l'expression  Faire  la  barbe  à  quelqu'un  ;  —  Si  l'n 
alcaraza  vaut  mieux  que  Un  alcarazas.  ||  Passe-temps  gram- 
matical. 'I  Suite  de  la  biographie  de  Vaugelas.  ||  Ouvrages 
de  grammaire  et  de  littérature.  |]  Renseignements  aux  pro- 
fesseurs de  français  qui  désirent  aller  à  l'étranger.  ||  Concours 
littéraires. . 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

J'ai  reçu,  concernant  le  mot  Caphartiaum,  une  lettre 
que  je  m'empresse  de  publier. 
Monsieur, 

En  véritable  chercheur  de  la  vérité,  vous  invitez  vos 
lecteurs  à  critiquer  vos  solutions.  Je  réponds  â  votre 
appel  ;  et,  quoiqu'il  s'agisse  d'une  étymologie  traitée  par 
vous  il  y  a  déjà  quelque  temps,  celle  de  CapharnaUm,  je 
crois  devoir  vous  adresser  la  note  suivante,  qui  n'est  autre 
chose  que  la  copie  d'un  article  du  journal  V Intermédiaire 
(■2°  année,  col.  144)  : 

«  Au  risque  de  surprendre  beaucoup  de  lecteurs,je  crois 
pouvoir  avancer  que  le  nom  de  la  ville  galiléonne  n'a 
rien  de  commun  avec  le  mot  en  question.  M.  Littré,  qui  a 
adopté  l'ètymologie  que  je  repousse,  donne  au  substantif 
Capharnaiim  deux  acceptions  bien  distinctes  :  «  1°  Lieu 
i  qui  renferme  beaucoup  d'objets  entassés  confusément. 
■  2"  Lieu  de  désordre  et  de  débauches.- Etym.  CapharnaUm, 
«  ville  de  Judée  mentionnée  dans  l'Evangile.  C'était  une 
€  grande  ville  de  commerce,  et  pour  cela  ce  nom  a  pris  le 
f  sens  vulgaire  de  lieu  où  mille  choses  sont  entassées.  » 

«  En  persistant  â  poursuivre  l'ètymologie  cherchée  dans 
Capharnaiim,  ville  de  Galilée,  on  n'arrivera  à  aucun  résul- 
Ut  satisfaisant.  iM.  H.  T.  {Vid.,  p.  122)  a  seul  côtoyé  la  vé- 
rité; malheureusement,  au  lieu  de  s'arrêter,  il  a  passé 
outre,  c  Je  crois  me  rappeler,  disait-il,  que  George  Sand, 
«  dans  un  de  ses  romans  champêtres,  fait  dire  au  conteur: 
n  Cafornion  et  non  Capharnaiim,  comme  veut  le  maître 
t  d'école  et  qui  n'a  pas  de  sens.  »  Est-ce  une  boutade  du 
chanvreur  qui  raconte  l'histoire,  ou  de  l'auteur  '!  Celui-ci 


croirait-il  à  quelque  étymologie  patoise?  »  Hic  jacet  lepus. 
Non,  ce  n'est  pas  une  boutade  de  George  Sand,  et  Cafor- 
nion est  bien  le  mot  dont  le  peuple,  par  une  similitude 
d'assonance,  a  fait  Capharnaiim,  nom  que  l'audition  des 
Evangiles  à  l'Eglise  a  rendu  familier  à  son  oreille.  Cafor- 
nion est  le  diminutif  de  caforne  ;  il  est  devenu  masculin  en 
prenant  la  désinence  ion.  C'est  ainsi  qu'une  lampe  a  fait  un 
lampion.  Mais  que  signitie  le  substantif  féminin  cafornel 
On  sait  qu'en  philologie  /"  et  w  sont  identiques;  /  est  un 
V  dur  ou  V  un  /doux,  en  sorte  qu'on  peut  poser  l'équation 
/  =  V,  et  réciproquement.  Qui  ne  voit  après  cela  que  ca- 
forne n'est  autre  chose  que  caverne  ?  Le  mot  Caforna  et  ses 
dérivés  sont  employés  journellement  par  les  écrivains 
provençaux  modernes,  ka  reste,  le  dictionnaire  d'Honnorat 
lève  tous  les  doutes  :  a  CafTourna,  s.  f.  caffouchon,  Caf- 
t  fournoun,  cafourna,  caforna.  Cachette,  recoin,  enfonce- 
I  ment,  lieu  retiré  dans  une  maison  où  l'on  peut  cacher 
"  quelqu'un  ou  quelque  chose,  —  Cahutte,  mauvaise  petite 
«  maison.  Etym.  du  latin  Caverna.  n  On  trouve  dans  le 
même  dictionnaire  :  «  Encafournar,  v.  a.  Cacher  avec  soin, 
«  serrer  dans  un  lieu  secret  et  ditficile  à  trouverr.  Etym. 
«  de  en,  dans,  et  Cafournon,  petit  réduit,  i 

«  On  voit  donc  que  le  dictionnnaire  provençal-français 
satisfait  aux  deux  sens  donnés  par  Littré.  En  résumé, 
Capharnaiim  est  une  corruption  de  Cafornion,  ou  Caffour- 
noun,  en  provençal,  et  signifie  littéralement  petite  caverne.  » 

[Un  abonne'.) 

Je  remercie  de  tout  cœur,  et  les  lecteurs  du  Courrier 
de  Vaugelas  remercieront  comme  moi  la  personne  qui 
a  bien  voulu  prendre  la  peine  de  transcrire  puis  de 
m'adresser  l'ètymologie  qui  précède;  car,  à  mon  avis, 
non-seulement  celte  étymologie  est  préférable  à  celle 
que  j'ai  donnée  (numéro  20  de  la  2=  annéej,mais  encore 
elle  est  la  vraie. 

X 
Première  Question. 

Faut-il  dire  ;  «  Manger  sua  le  pouce  »  ou. bien  «  Man- 
ger soos  le  pouce  »  ? 

Comme  je  vais  essayer  de  vous  le  démontrer,  la  véri- 
table locution  est  Manger  sur  le  pouce,  donnée  par  la 
plupart  des  lexicographes  (je  l'ai  trouvée  dans  Galtel, 
dans  Landais,  dans  l'Académie,  dans  Bescherelie,  dans 
Poitevin  et  dans  Littré),  et  non  Manger  sous  le  pouce, 
qui  ne  se  trouve  dans  aucun. 

Dans  notre  ancienne  langue,  sur  et  sous  avaient  la 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


même  prononciation  ;  on  écrivait  sor  et  so:,  ïo  sonnant 
ou,  ou  bien  encore  sour  et  sous. 

Devant  une  voyelle,  la  consonne  finale  étant  pronon- 
cée, il  ne  pouvait  y  avoir  d'équivoque;  dans  ces  vers, 
par  exemple  : 

Gerars  li  biau?,  sans  nul  arrest, 
Descend  dessous  un  feu  molt  haut. 

[La  Violelle,  p.  55.) 

Desour  une  coûte  vermeille 
Fu  li  rois  Loeys  tout  sens. 

(Idem,  p.  3S.) 

il  est  manifeste  que  Gérard  descend  sous  un  hêtre,  et 
que  le  roi  Louis  est  sur  une  couverture  vermeille. 

Mais,  devant  une  consonne,  attendu  que  IV  (Génin 
l'a  démontré)  ne  se  prononçait  pas  à  la  fin  des  mots  en 
our,  on  n'avait  pour  se  guider,  que  le  sens  de  la  phrase, 
comme  dans  cette  autre  citation  : 

Et  maintenant  haste  son  oirre 

Qqb  a  Bûuni,  qui  siet  sou  Loire, 

Voulra  jesir  ancor  anuit. 

(Idem,  p.  41.) 

(Et  maintenant,  il  hâte  sa  marche  afin  de  coucher  en- 
core aujourd'hui  à  Bouni-.?j«'-Loire). 

Cette  prononciation  de  sur  devant  une  consonne  fit 
confondre  l'emploi  de  cette  préposition  avec  celui  de 
sous,  ce  qui  est  prouvé  avec  la  dernière  évidence  par 
l'exemple  suivant,  qui  contient  sous  là  où,  dans  toutes 
les  langues,  on  met  sur  : 

Basle  et  Strasbourg  et  autres  villes  imperialles  qui  sont 
soubz  le  bout  de  ceste  rivière  du  Rhin. 

(Commineg,  V,  I,) 

Si  l'on  ne  peut  affirmer  que  l'emploi  de  sur  pour  sous, 
devant  une  consonne,  ait  jamais  été  une  règle  générale, 
on  est  certain  du  moins  que  plusieurs  substantifs  con- 
servèrent pendant  quelque  temps  le  privilège  d'être  pré- 
cédés de  sur,  dans  ce  sens;  ainsi  : 

\°  Au  XIV*  siècle,  on  disait  sttr  condition,  lequel  est 
devenu  sous  condition  au  xvi"  : 

Et  fut  encore  cette  trêve  présentée  et  accordée  sur  cette 

condition  que 

(Froissard,  I,  I,  144.) 

2°  Devant  peine,  la  préposition  sur  s'est  employée  pour 

TOM.«  jusqu'au  xviii^  siècle  exclusivement  : 

Est-ce  un  article  de  foi  qu'il  faille  croire,  sur  peine  de 
damnation  ? 

(Pascal,  i8«  pro».l 

Le  lioca  est  défendu  à  Paris  sur  peine  de  la  vie,  et  on  le 
joue  chez  le  roi. 

(Sévigné,  334.^ 

Et  lorsque  d'en  mieu.x  faire  on  n'a  pas  le  bonheur, 
On  ne  doit  de  rimer  avoir  aucune  envie, 
Qu'on  n'y  soit  condamné  sur  peine  de  la  vie. 

(.Molière,  Misanth.,  acle  IV,  se.  I.) 

3°  .Vvec  le  substantif  armes,  on  mettait  encore  sur 
pour  sous  vers  le  milieu  du  xvii«  siècle;  on  trouve  en 
effet  dans  Vaugelas  (tome  II,  p.  .^.îojquc,  pour  signifier 
que  l'armée  avait  été  toute  la  nuit  en  armes,  on  pouvait 
dire  également  bien  : 

L'armée  demeura  toute  la  nuit  sur  tes  armes,  et  demeura 
toute  la  nuit  sous  tes  (irnic<i. 

Or,  il  me  semble  qu'il  en  est  de  même  dans  l'expres- 


sion Manger  sur  le  pouce  :  le  sur  y  a  le  sens  de  sous 
comme  il  l'avait  dans  sur  condition,  sur  peine,  sur  les 
armes;  mais^wr  /e^JOwcedilTère  de  ces  dernières  expres- 
sions en  ce  que  celles-ci  admettaient  en  même  temps 
sous  condition,  sous  peine  et  sous  les  armes,  qui  ont  fini 
par  remporter,  tandis  que  sur  le  pouce,  lui,  invariable-  ] 
ment  joint  au  verbe  manger,  n'a  jamais  été  remplacé 
par  sous  le  pouce. 

Il  faut  donc  dire  Manger  sur  le  pouce,  propre  et 
unique  expression  pour  signifier  manger  en  tenant  sous 
le  pouce  ce  qu'on  mange  avec  son  pain;  c'est  un  emploi 
archaïque  de  surqpX  a  résisté  et  résistera  probablement 
longtemps  encore  à  la  logique  des  grammairiens. 

X 

Seconde  Question. 
Je  vous  adresse  ci-joint  le  prix  de  mon  abonnemetit, 
et,  par  la  même  occasion,  la  question  suivante  :  Quelle 
est  l'origine  de  l'expression  dormir  la  grasse  matinée? 
Je  serais  heureux  de  lire  un  jour  votre  opinion  à  ce 
sujet  dans  votre  journal. 

Dans  l'origine,  on  a  dit  g7-ans  matinée,  une  matinée 
tout  entière,  comme  nous  disons  toute  une  grande 
journée,  ce  que  fait  voir  ce  texte  du  xiu"  siècle,  fourni 
par  M.  Littré  : 

Elles  vont  chascun  jour  au  moustier  oïr  messe  ; 
Mais  c'est  près  de  midi,  porce  qu'il  n'aient  presse, 
Car  el  se  couchent  tart  ;  por  ce  fault  qu'on  les  lesse 
Dormir  gratis  matinées  por  norrir  en  leurs  gresse. 

(Jubinal,  Nouv.  recueil  de  contes,  l,  p.  188.) 

Mais,  comme  le  long  dormir  fait  engraisser,  on  a  fini 
par  dire,  en  vertu  d'une  association  d'idées,  la  grasse 
matinée,  changement  qui  s'est  opéré  avant  le  xvi'=  siècle, 
puisqu'en  celui-ci  on  ne  trouve  plus  que  la  dernière     i 
expression,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 
Qui  dort  grasse  matinée,  trotte  toute  la  journée. 

(Leroux  de  Lincy,  Prov.,  t.  Il,  p.  389.) 

Ha  !  que  c'est  chose  belle  et  fort  bien  ordonnée, 
Dormir  dedans  un  lict  la  grasse  matinée. 

(Régnier,  .Sa(yr«  VI,) 

De  Ghevallct  dit  (II,  p.  183)  que  celte  substitution  de 
grasse  à  grans  est  due  à  ce  qu'un  moment  vint  où  l'ex- 
pression (jrans  mutinée  ne  fut  plus  qu'un  «  absurde 
solécisme  »  ;  mais  je  ne  crois  pas  que  cela  soit  la  véri- 
table cause  de  cette  substitution,  car,  après  le  temps  où 
grans  prit  la  forme  grande  devant  un  substantif  fémi- 
nin, il  y  a  eu  des  cas  nombreux  |et  nous  en  avons  en- 
core) où  grans,  c'est-à-dire  grand  selon  la  nouvelle 
orthographe,  restait  invariable. 

X 

Troisième  Question. 
Le  comparatif  de  bon  est  meilleur.  Cette  règle  d'ex- 
ception  est-elle  absolue?  ou  bien,  au  contraire,  y  a-t-il 
des  cas  oit  le  principe  général  reprend  son  empire  et  oit 
le  comparatif  régulier  flcs  bon  doit  être  employé?  Par 
exemple,  faut-il  dire  :  plus  le  café  est  ciiaud,  plus  il 
EST  BON,  et  ferait-on  une  faute  de  français  en  disant  : 
plus  lk  café  est  ciiAun,  MiiiLLErR  il  est''  Je  vous  renier' 
cie  d'avance  de  la  réponse  que  vous  voudrez  bien  me 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


75 


transmettre,  j'espère,  2)ar  la  voie  de  votre  intéressante 
puhlicatio?i. 

Le  latin  ne  formait  pas  d'une  manière  régulière  le 
comparatif  de  supériorité  de  l'adjectif  6o««s,  c'est-à-dire 
qu'il  n'y  changeait  pas  us  en  ior  comme  dans  les  autres 
qualificatifs  [sanctus,  saint;  sanctior,  plus  saint,  etc.); 
il  adaptait  cette  terminaison  à  un  autre  radical,  mel,  et 
disait  melior. 

Cette  irrégularité  a  naturellement  passé  dans  le  fran- 
çais; mais  cette  langue  n'a  pas  fait  un  principe  absolu 
déplus  b<)n  =  meilleur  ;  il  faut  pour  que  j;/«s6o«  puisse 
être  tourné  par  le  comparatif  latin  francisé  que  ^j/m.<  soit 
immédiatement  suivi  de  bon,  sans  quoi  la  construction 
française  reprend  ses  droits;  aussi  dit-on  : 

Acheter  un  livre  plus  ou  moins  bon. 

Cette  tisane  est  plusqwp  toute  autre  bonne  contre  la  toux. 

Dans  la  seconde  phrase  que  vous  me  proposez,  plus 
devant  être  suivi  immédiatement  de  bon,  il  y  faudrait 
évidemment  meilleur;  mais  je  crois  qu'il  vaut  mieux  n'y 
pas  employer  ce  terme,  et  cela,  pour  la  raison  que  je 
vais  vous  dire,  raison  complètement  indépendante  de  la 
place  relative  de  plus  et  de  bon. 

La  phrase  en  question  est  une  de  celles  que  j'appelle 
proportionnelles,  parce  que  ce  qui  est  exprimé  dans  le 
second  membre,  action  ou  qualité,  est  en  proportion 
avec  ce  qui  est  exprimé  dans  le  premier. 

Or,  dans  de  semblables  phrases,  que  la  proportion 
soit  directe  ou  inverse,  c'est-à-dire  que  les  deux  mem- 
bres commencent  par  plus  ou  par  moins,  ou  que  l'un 
commence  par  ^j/ms  et  l'autre  par  moins,  ou  réciproque- 
ment, dans  de  semblables  phrases, dis-je,  il  y  a  généra- 
lement symétrie  dans  la  construction, ainsi  que  le  mon- 
trent ces  exemples  : 

(Phrases  proportionnelles  directes) 

Plus  on  est  sujet  à  cette  loi,  plus  on  est  heureux. 

(Bourdaloue,  Puri/.  de  ta  Vierge.) 

Plus  je  vois  les  hommes,  plus  je  vous  estime. 

(Mme  de  Maiatenon,  Letl.  au  D.  de  Noailles.) 

Plus  il  a  su,  plus  il  a  pu  ;  mais  aussi  7)ioins  il  a  fait,  moins 
il  a  su, 

(Buffon,  Œuv.,  t.  XIII,  p.  357.) 

Plus  VOUS  serez  gai,  pius  longtemps  vous  vivrez. 

(Voltaire.  LetC.  au  roi  de  Prvise.l 

(Phrases  proportionnelles  inverses) 

Wws  je  suis  pénétré  de  reconnaissance  pour  Votre  Ma- 
jesté, moins  ie  dois  abuser  de  ses  bienfaits. 

(D'Alembert,  Leit.  au  roi  de  Fruste.) 

Plus  je  suis  votre  amant,  moins  je  suis  Curiace. 

(Corneille,  Bor.,  II,  8.) 

D'où  je  conclus  que  la  première  des  phrases  que  vous 
me  proposez  : 

Plus  le  café  est  chaud,  plus  il  est  bon. 
doit  être  préférée  à  la  seconde  : 

Plus  le  café  est  chaud,  meilleur  il  est. 
attendu  que  celle-ci  pèche  contre  la  symétrie  qui  s'ob- 
serve généralement  dans  la  construction  de  ses  ana- 
logues, symétrie  qui  exige  que  bon,  contenu  danswieiï- 
/e«r,  soit  placé  comme  chaud  à  la  fin  du  membre  auquel 
il  appartient. 


X 

Quatrième  Question. 

Permettez-moi  de  vous  demander  si  l'adjectif  Tkvm 

peut  cire  onployé.pour  qualifier  une  personne  qui  est  en 

défaut,  qui  a  commis  une  faute.  Ainsi  peut-on  dire  : 

a.  Ce  n'est  pas  moi  qui  suis  fadtif?  » 

Actuellement,  fautif,  qui  se  dit  des  personnes  et  des 
choses,  a  deux  significations  : 

Une  ancienne,  qui  est  sujet  à  faillir,  qui  est  en  dé- 
faut, qui  manque  en  quelque  chose,  comme  dans  ces 
exemples  : 

L'homme  est  fautif;  nul  vivant  ne  peut  dire 
>'avoir  failli 

(Pibrac,  dans  Trévoux.  ) 

La  vue  est  de  tous  les  sens  le  i>\us  fautif. 

(J.-J.  Rousseau,  Emiie,  II.) 

Pièce  de  bois  fautive,  celle  qui  a  quelque  défaut. 

(Littré,  Dicl.) 

Une  moderne,  s'appliquant  spécialement  aux  per- 
sonnes, celle  de  qui  a  failli,  et  qui  s'emploie  très-sou- 
vent aussi  bien  dans  le  discours  écrit  que  dans  le  dis- 
cours parlé  : 

M.  Baragnon,  se  sentant  fautif,  se  dérobe  promptement, 
sans  avoir  osé  répondre  aux  justes  protestations  que  ses 
paroles  peu  convenables  avaient  provoquées, 

{Le  Sucie  du  3i  mai  1874.J 

Or,  il  s'agit  de  savoir  si  celte  dernière,  qui  est  assez 
nouvelle  (car  on  ne  la  trouve  ni  dans  Furetière,  ni  dans 
Trévoux,  ni  dans  l'Académie,  ni  dans  Bescherelle),  doit 
être  adoptée  ou  rejetée. 

M.  Littré  croit  qu'on  a  tort  de  s'en  servir;  moi,  je 
serais  enclin  à  plus  d'indulgence  envers  elle,  et  je  vais 
vous  dire  pourquoi  : 

4°  Je  sais  que  la  plupart  de  nos  adjectifs  en  if  se  tra- 
duisent par  un  verbe  au  présent  iabusif,  qui  renferme 
un  abus;  attentif,  qui  a  de  l'attention;  craintif,  qui  a 
de  la  crainte,  etc.)  ;  mais  nous  en  avons  deux  autres 
qui  se  traduisent  par  des  verbes  au  passé  : 

Adoptif  —  qui  a  élc  adopte,  qui  a  adopté. 
Natif      —  qui  est  néà... 

D'où  il  résulte  que  fautif  n'esl  pas  sans  analogues. 

2"  Dans  ce  sens,  fautif  esl  un  néologisme;  mais  un 
néologisme  n'est  pas  un  mot  essentiellement  condam- 
nable, tant  s'en  faut,  et  je  soupçonne  entre  fautif  et 
coupable  une  nuance  assez  forte  pour  faire  accueillir  le 
premier. 

3"  On  accuse  fautif  d'èlre  populaire.  Mais  combien 
de  termes  qui  n'ont  pas  eu  de  naissance  plus  illustre  et 
qui  ont  aujourd'hui  les  honneurs  du  vocabulaire  des 
mieux  parlants! 

4»  Il  y  a  d'autres  adjectifs  qui  ont  des  acceptions  dont 
la  différence  est  plus  grande  que  celle  qui  se  trouve 
entre  fautif,  sujet  à  faillir,  et  fautif,  qui  a  failli.  Et 
cependant,  cela  ne  fait  pas  proscrire  la  dernière  en  date. 

0°  Invoque-t-on  l'amphibologie  que  peut  offrir  fautif.^ 
Je  crois  que  le  sens  général  de  la  phrase  indique  tou- 
jours suffisamment  s'il  signifie  qui  est  sujet  à  faire  une 
faute,  ou  s'il  implique  l'idée  de  culpabilité  réalisée. 

Pour  ces  raisons,  il  me  semble,  en  elTet.  bien  diffi- 


76 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


cile,  en  ce  qui  concerne  le  langage  familier,  de  pouvoir 
condamner  l'emploi  de /"ûw/i/ dans  la  phrase  que  vous 
m'avez  adressée. 

X 
Cinquième  Question. 
Dans  son  numéro  du  il  mai  1874,  le  journal  le 
TEMPS  demande  dans  sa  «  Chronique  »  la  raison  qui  a 
fait  nommer  une  rue  de  Paris,  voisine  de  la  rue  Diiphot, 
rue  RiCHEPANCE.  Est-ce  que  le  Coudrier  de  Yaccelas  ne 
pourrait  pas  donner  cette  explication?. 

Sur  l'emplacement  du  couvent  de  la  Conception,  il 
devait  être  créé  quatre  rues;  mais  deux  seulement  le 
furent,  et  voici,  en  date  du  3  frimaire  an  XI,  l'arrêté 
du  ministre  de  l'Intérieur,  alors  le  chimiste  Chaptal, 
relatif  à  leur  construction  : 

Article  1".  Les  deux  rues  à  percer  sur  les  terrains  du 
ci-devant  couvent  delà  Conception,  et  qui  sont  obligatoires 
aux  termes  du  contrat  d'acquisition  du  citoyen  Devinck, 
recevront  leur  exécution  ;  la  première  sur  la  direction  et 
la  largeur  de  la  rue  Saint-Florentin,  allant  aboutir  au  bou- 
levard [la  seule  qui  ait  été  construite]. 

Article  2.  Il  sera  substitué  aux  deux  autres  rues  une 
seule  rue  diagonale  qui  prendra  de  la  rue  Saint-Honoré 
près  de  celle  du  Luxembourg,  et  aboutira  perpendiculaire- 
ment sur  le  boulevard  de  la  Madeleine,  etc. 

Or,  celte  dernière  reçut  le  nom  du  général  Duphot, 
tué  en  1797,  dans  une  émeute  qui  avait  eu  lieu  à  Rome 
devant  le  palais  de  notre  ambassadeur,  et  l'autre,  per- 
cée en  1807,  celui  du  général  Richepance,  mort  de  la 
fièvre  jaune  à  la  Guadeloupe,  en  1802,  après  avoir 
réprimé  l'insurrection  de  cette  île. 

X 

Sixième  Question. 

Doit-on  écrire  :  «  Cette  question  est  des  plus  délicate 
o«  DÉLICATES?  o!<,  en  d' autres  termes,  l'adjectif  ou  le 
participe  passé  doit-il  sn  rapporter  au  sujet  exprime, 
au  même  mol  sous-entendu  après  des  plus? 

Que  veut  dire  celte  phrase?  Évidemment  que  la 
question  dont  on  parle  compte  parmi  les  plus  délicates. 
Or,  ce  sens  implique  le  pluriel  pour  l'adjectif  au  super- 
latif, dans  ce  cas  et  dans  tous  les  analogues.  Il  faut 
écrire  : 

Cet  homme  est  des  plus  célèbres. 

Cette  femme  est  des  plus  ynéchantes. 

Ce  pays  est  des  plus  fertiles. 


ETRANGER 

Première  Question. 

Je  ne  comprends  pas  comment  l'expression  faire  la 
BiUBE  A  iitTA.Qv'v:i  peut  signifier  avoir  l'avantage  sur  lui, 
car  Je  ne  vois  aucun  avantage  sur  moi  à  celui  qui  me 
rase.  Auriez-vous  l'obligeance  de  me  donner  à  ce  sujet 
une  explication  qui  m'est  bien  nécessaire? 

L'explication  de  ce  proverbe  ne  se  trouve  pas  dans 


Faire  la  barbe  à  quelqu'un  au  sens  actuel  de  !ui  enlever 
avec  un  rasoir  les  poils  poussés  depuis  plus  ou  moins 
de  jours  sur  la  figure;  elle  se  tire  du  sens  symbolique 
qui,  jusqu'au  xu'  siècle,  a  été  constamment  attaché  à 
la  barbe  portée  dans  toute  sa  longueur. 

Dans  les  anciennes  lois  de  l'Allemagne,  au  dire  de 
Pasquier,  il  était  défendu,  sous  des  peines  excessive- 
ment sévères,  de  tondre  un  homme  libre  ou  de  lui  raser 
la  barbe  contre  sa  volonté.  Chez  les  Francs,  c'était  une 
espèce  d'infamie  que  d'avoir  la  barbe  tout-à-fait  coupée, 
et  la  plus  terrible  peine  que  Dagobert  pût  infliger  à 
Sadragrésil,  duc  d'Aquitaine,  après  l'avoir  fait  fustiger, 
ce  fut  de  lui  faire  raser  le  menlon.  11  existait  une  indis- 
soluble union  entre  le  diadème  et  la  barbe,  et  Ton  sait 
que  la  première  formalité  pour  opérer  la  déchéance  des 
rois  consistait  à  leur  raser  la  tête  et  le  visage. 

Au  commencement  du  roman  intitulé  la  Chevalerie 
Ogier  de  Danemarche,  on  voit  venir  à  la  cour  de  Char- 
leraagne,  qui  se  tenait  alors  à  Saint-Omer,  quatre  mes- 
sagers qui  avaient  été  envoyés  vers  Godefroy,  père 
d'Ogier,  pour  recouvrer  le  tribut  qu'il  devait  à  l'empe- 
reur, et  auxquels  ledit  Godefroy  avait  fait  couper  et  les 
cheveux  et  la  barbe  : 

Corones  orent,  s'ot  cascuns  rès  la  barbe 
Et  les  grenons,  le  menton  e  la  face; 
El  pallais  montent,  si  dèfublent  lor  capes, 
Li  rois  les  voit,  tos  li  tainst  le  visage, 
Contre  aus  se  liève  fièrement  les  araisne  : 
Baron,  dist-il,  qui  vos  fist  cest  outrage? 
Cil  dient  :  «  Sire  Gaufrois  de  Danemarche, 
Li  maus  quvers  où  vus  nos  envoiastes  : 
11  ne  vos  doit  fuere  ne  homage.  » 

A  ces  mots,  Charlemagne,  plein  de  courroux,  jure 
par  Dieu  et  le  «  baron  »  saint  Jacques  que  les  otages  de 
Godefroy,  et  par  conséquent  son  fils,  seront  tous  pendus 
par  représailles. 

C'était  donc  une  grave  offense,  en  ce  temps-là,  que  de 
faire  la  barbe  à  quelqu'un  ou  plutôt  de  la  lui  faire  faire; 
d'où  les  signiflcalions  de  l'emporter  sur  quelqu'un,  lui 
donner  des  marques  de  mépris,  le  braver,  le  surpasser 
en  esprit  et  en  lalcnl,  que  celte  expression  a  successi- 
vement prises,  et  qui  nous  sont  parvenues  pour  la  plu- 
part. 

X 

Seconde  Question. 

Faut-il  dire  un  alcazaua  ou  un  alcarazas?  //  me 
semble  que  alcalaza  est  plus  correct  comme  étant  la 
forme  singulière  de  ce  mot  dans  la  langue  espagnole  de 
laquelle  vous  l'avez  pris.  Etes-vous  de  la  même  opinion? 

Le  français  a  souvent  emprunté  aux  langues  Blran- 
gères  des  mots  sous  la  forme  plurielle  dans  ces  langues, 
pour  les  em[iioyer  au  singulier;  tels  sont  : 
(Venus  du  latin) 

Un  errata.  \\\.  df  crriitum. 

Un  duplkula,  pi.  de  duplicatum. 

(Venus  de  l'italien) 

Un  lazzi,  p).  de  laszo. 

Un  concetti,  pi.  de  concetto. 

Un  macitroiii,  pi.  de  mararone. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


77 


(Venus  de  l'espagnol) 

Un  mehiws,  pi.  de  merino. 

Un  mararedis,  pi.  de  maraiedi. 

Un  Irabucos,  \i\.  de  Irabuco. 

Un  albinos,  pi.  de  albino. 
Or,  en  présence  de  ce  fait,  je  ne  trouve  rien  d'éton- 
nant à  ce  que  alcarazas  s'emploie  aussi  en  français 
plus  volonLiers  sous  la  forme  plurielle  pour  signifier  le 
singulier;  car  cet  emploi  est  conforme  à  un  usage  assez 
généralement  reçu,  et  l'analogie,  comme  vous  voyez,  ne 
lui  fait  nullement  défaut. 


FEUILLETON 


PASSE-TEMPS  GRA.MMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

!•  ...  solennellement  condamné  par  le  vole  ;  —  2°  Que  nous 
Ail-elle  ?  ...elle  a  une  manière  unique;  —  3°...  Hélas!  monsieur, 
d!/-il  en  gémissant;  —  i'  Ce  serait  bieni^is  si  le  commerce;  — 
5*  ...  de  francs  qu'a  coiile  la  confection  ;  —  6"  ...  ne  songe  à 
autre  chose  qu'une  résistance  ;  —  7°  C'est  de  moi  îu'on  se  sert  ; 
—  8°  ...  a/in  d'engager  les  amateurs  (Voir  Courrier  de  Vaugelas, 
2'  année,  p.  139)  ;  —  9°  ...  que,  quoi  qu'il  advienne  des  lois  (pas 
je  en)  ;  —  10°  ...  qu'on  ne  le  voudrait  à  Berlin. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  Sept  ans,  c'est  une  longue  période  pour  des  espé- 
rances dont  l'ajournement  équivaut  à  l'anèantissetnent. 
L'occasion  unique  qui  s'est  offerte  de  rétablir  la  monarchie 
légitime,  on  l'a  laissé  échapper. 

2°  Nous  avons  roulé  hier  pendant  une  heure  sur  la  ligne 
du  Nord,  pour  aller  et  revenir  d'Enghien  ;  et  nous  avons 
constaté  que  l'orage  de  la  veille  avait  causé  un  véritable 
désastre  dans  toute  la  campagne  environnante. 

3°  Pourquoi  d'ailleurs  aurait-il  à  ménager  les  espérances 
de  ceux  qui,  en  l'élevant  à  la  première  magistrature  de 
l'État,  se  sont  réservés,  par  réticence  intime,  le  droit  de 
retirer  demain  ce  qu'ils  accordent  aujourd'hui. 

4*  Toutefois,  la  présence  des  Carlistes  dans  cette  partie 
du  nord  de  l'Espagne,  qu'ils  n'avaient  point  encore  par- 
courue en  aussi  grand  nombre,  ne  laisse  pas  que  d'être 
l'objet  de  vives  inquiétudes  à  Madrid,  où  les  esprits  sont 
très-surrexcités  depuis  la  mort  de  Concha. 

5''  Les  trois  fortes  tètes  de  la  sous-commission  n'ont  sans 
doute  pas  eu  le  temps  de  songer  à  cela,  et  elles  se  sont 
imaginées,  qu'en  nommant  un  Sénat  pour  six  ans,  ces 
fonctionnaires... 

6"  M.  S...  enferme  prudemment  ses  théories  dans  les 
limites  qu'il  peut  présumer  devoir  s'imposer  à  sa  pratique 
ou  à  celle  de  ses  amis  dans  l'avenir.  Encore  n'est-ce  pas 
sans  s'effrayer  un  peu  lui-même  de  sa  hardiesse  grande. 

7°  0  ma  guitare  1  amie  intime  de  mes  beaux  jours,  il  n'y 
a  plus  que  toi  qui  me  réponde. 

8°  Ce  qui  nous  étonne,  c'est  qu'il  n'est  nullement  parlé, 
dans  la  dépèche,  des  amis  de  l'ancien  membre  du  Gouver- 
nement du  4  septembre  qui  se  sont  évadés  avec  lui. 

9"  Pour  qui  ht  ces  lettres  sans  rechercher  la  pensée 
intime,  M.  Thiers  apparaît  comme  un  vieillard  ayant  soif 
de  repos,  un  philosophe  désireux  de  couler  le  restant  de 
ses  jours  dans  la  retraite. 

10'  Le  conseil  général  de  l'Aude  a  émis  le  vœu  que  les 
élections  départementales  aient  lieu  conformément  à  la  loi 
organique  le  plus  tôt  possible. 

[Le.i  corrections  à  quinzaine.] 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVIl'  SIÈCLE. 

VAUGELAS. 

(Suite.) 

IV. 

Le  bon  usage  se  divise  en  usage  déclaré  el  en  usage 
douteux.  Ces  Remarques  serviront  à  discerner  égale- 
ment l'un  et  l'autre,  et  à  s'assurer  de  tous  les  deux. 
L'usage  déclaré  esl  celui  sur  lequel  la  plus  saine  partie 
de  la  Cour  et  des  auteurs  du  temps  sont  parfaitement 
d'accord;  et,  par  conséquent,  le  douteux  ou  Vinconnu 
est  celui  sur  lequel  cet  accord  n'existe  pas. 

V. 

Notre  langue  n'est  fondée  que  sur  ïusaye  ou  sur 
Xanalogie.  L'usage  fait  beaucoup  de  choses  contre  la 
raison,  qui  non-seulement  ne  laissent  pas  d'être  aussi 
bonnes  que  celles  où  la  raison  se  rencontre,  mais 
encore  sont  souvent  plus  élégantes  et  meilleures  que 
celles  qui  sont  conformes  à  la  raison  et  à  la  règle  ordi- 
naire. 

L'usage  fait  beaucoup  de  choses  par  raison,  beaucoup 
sans  raison  el  beaucoup  contre  raison.  Par  raison, 
comme  la  plupart  des  constructions  grammaticales, 
par  exemple,  l'accord  de  l'adjectif  avec  le  substantif; 
sans  raison,  comme  la  variation  ou  la  ressemblance 
des  temps  et  des  personnes  dans  les  conjugaisons  des 
verbes,  car  pourquoi ^'e  fais  el  tu  fais  se  ressemblent- 
ils  plutôt  que  tu  fais  .et  il  fait  ?  Contre  raison,  par 
exemple,  lorsqu'on  dit  péril  éminent  pour  imminent, 
recouvert  pour  recouvré,  etc. 

VI. 

Il  reste  encore  à  parler  d'un  autre  usage,  qui  n'est 
point  différent  de  celui  qui  a  été  délini,  puisqu'il  n'est 
point  contraire  à  la  façon  de  parler  de  la  Cour,  et  qu'il 
est  conforme  au  sentiment  des  meilleurs  auteurs.  C'est 
l'usage  de  certaines  particules,  qu'on  n'observe  guère 
en  parlant,  et  dont  on  trouvera  divers  exemples  dans 
ces  Remarques. 

vu. 

Un  dictionnaire  reçoit  toutes  sortes  de  mots  français, 
qu'ils  soient  du  bel  usage,  ou,  au  contraire,  bas  el  de 
la  lie  du  peuple;  mais  le  dessein  des  Remarques  est  tout 
autre;  elles  condamnent  tout  ce  qui  n'est  pas  du  bel 
usage,  car  Vaugelas  a  toujours  cru  que,  dans  la  vie 
civile  et  dans  le  commerce  ordinaire  du  monde,  il  n'était 
pas  permis  aux  honnêtes  gens  de  parler  autrement  que 
selon  le  bon  usage  qui,  pour  lui,  n'offre  aucune  diffé- 
rence avec  le  beau. 

Vlll. 

Le  peuple  n'est  point  le  maitre  de  la  langue.  Ceux-là 
se  trompent  qui  lui  accordent  cette  juridiction  ;  ils  sont 
abusés  par  l'exemple  mal  entendu  de  la  langue  latine, 
laquelle,  à  leur  avis,  reconnaît  le  peuple  pour  son  sou- 


78 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


verain.  Mais  il  faut  distinguer  entre  populus  en  latin  et 
peuple  en  français;  ce  mot,  parmi  nous,  ne  signifie  que 
ce  que  les  Latins  appelaient  ^^/eôi,  ce  qui  est  une  chose 
bien  diCférente  et  bien  au-dessous  âe,  popuhts,  qui  dési- 
gnait, avec  le  sénat,  tout  le  corps  de  la  République, 
c'est-à-dire  les  patriciens,  l'ordre  des  chevaliers  et  le 
reste  du  peuple. 

IX. 

Ils  se  sont  plaints  avec  bien  peu  de  raison  ces  écri- 
vains modernes  qui  ont  tant  déclamé  contre  le  soin  de 
la  pureté  de  la  langue  et  contre  ses  partisans;  il  ne  faut 
qu'un  mot  pour  détruire  tout  ce  qu'ils  peuvent  dire  à 
ce  sujet,  c'est  V usage;  car  toute  cette  pureté,  à  laquelle 
ils  en  veulent  tant,  ne  consiste  qu'à  se  servir  de  mots 
et  de  phrases  qui  soient  du  bon  usage.  Malgré  qu'on  en 
ait,  on  doit  se  soumettre  à  cette  puissance  souveraine. 
Un  mauvais  mot,  parce  qu'il  est  facile  à  remarquer,  est 
capable  de  faire  plus  de  tort  qu'un  mauvais  raisonne- 
ment, dont  peu  de  gens  s'aperçoivent. 

Quant  au  grand  nombre  d'allégations  qu'ils  ont  ra- 
massées contre  le  soin  de  la  pureté,  il  n'y  en  a  pas  une 
seule  qui  prouve  ce  qu'ils  prétendent;  car  quel  auteur 
célèbre  ou  médiocrement  sensé  se  serait  avisé  de  dire 
qu'il  ne  faut  point  se  soucier  de  parler  ni  d'écrire  pu- 
rement? 

X. 

On  lui  objectera  que,  puisque  Tusage  est  le  maître  de 
notre  langue,  et  que,  de  plus,  il  est  changeant,  ces 
Remarques  ne  pourront  servir  longtemps,  attendu  que, 
dans  quelques  années,  ce  qui  est  bon  maintenant  sera 
mauvais,  et  réciproquement.  C'est  la  destinée  de  toutes 
les  langues  vivantes  d'être  sujettes  au  changement; 
mais  ce  changement  n'arrive  pas  si  «  à  coup  «,  et  n'est 
pas  si  notable  que  les  auteurs  qui  excellent  aujourd'hui 
dans  la  langue  ne  puissent  encore  être  infiniment  esti- 
més dans  vingt  ou  trente  ans,  comme  nous  en  avons  un 
exemple  dans  M.  Coëffeteau.  Or,  si  l'on  avait  égard  à 
ce  changement,  on  travaillerait  en  vain  aux  grammaires 
et  aux  dictionnaires  des  langues  vivantes,  et  il  n'y  au- 
rait point  de  nation  qui  eût  le  courage  d'écrire  dans  son 
idiome. 

Mais  quand  ces  Bemarquea  ne  serviraient  que  vingt 
ou  trente  ans,  ne  seraient-elles  pas  bien  employées? 
Comme  il  pose  des  principes  qui  n'auront  pas  moins  de 
durée  que  notre  langue  et  notre  empire,  Vaugelas  ne 
croit  pas  que  l'utilité  de  ses  Remarques  se  borne  à  un 
si  petit  espace  de  temps;  car  il  sera  toujours  vrai  qu'il 
y  a  un  bon  et  un  mauvais  usage;  il  faudra  toujours 
parler  et  écrire  selon  l'usage  qui  se  forma  sous  l'in- 
tluence  de  la  Cour  et  des  auteurs,  et,  lorsque  cet  usage 
sera  douteux  ou  inconnu,  il  faudra  toujours  s'en  rap- 
porter aux  maîtres  de  langue  et  aux  meilleurs  écrivains. 
Ces  maximes  sont  immuables,  et  pourront  servir  à  la 
postérité  aussi  bien  qu'aux  contemporains. 

XI. 

Pour  traiter  à  fond  de  l'usage,  Vaugelas  examine  la 
question  de  savoir  si  l'on  peut  faire  des  mots  «  qui 
n'aient  jamais  été  dits  dans  notre  langue.  «  Il  ne  blAme 
point  ceux  qui  en  font,  mais  il  se  garde  de  les  imiter; 


selon  lui,  il  n'est  permis  à  qui  que  ce  soit  de  faire  un 
mot  nouveau,  pas  même  au  Souverain.  Vaugelas  a 
entendu  dire  à  un  grand  homme  qu'il  en  est  des  mots 
comme  des  modes  :  les  sages  ne  se  hasardent  jamais  à 
faire  ni  les  uns  ni  les  autres;  mais  si  quelque  téméraire 
en  veut  bien  prendre  le  «  hazard  »  et  que  la  chose 
réussisse,  les  sages  suivent,  non  le  mot  ou  la  mode 
que  le  téméraire  a  inventée,  mais  bien  ce  que  l'usage  a 
reçu. 

XII. 

Vaugelas  n'a  mis  aucun  ordre  dans  ses  Remarques. 
S'il  eût  observé  celui  qu'on  appelle  alphabétique,  peut- 
être  eût-il  satisfait  certaines  personnes.  Mais  la  table 
n'atteint-elle  pas  le  même  but?  L'ordre  alphabétique 
n'a  d'avantage  que  de  faire  trouver  plus  promptement 
ce  qu'on  cherche  ;  il  a  toujours  été  considéré  comme  le 
dernier  de  tous  les  ordres. 

D'ailleurs  Vaugelas  a  été  en  quelque  sorte  forcé  de 
présenter  son  travail  sous  cette  forme,  car  ne  l'ayant 
pas  achevé  quand  ceux  qui  «  avoient  tout  pouvoir  » 
sur  lui  eurent  commencé  à  lui  faire  mettre  ses  Remar- 
ques sous  presse,  il  avait  ainsi  le  moyen  d'en  ajouter  de 
nouvelles,  ce  qui  lui  aurait  été  impossible  s'il  eût  suivi 
un  ordre  quelconque. 

XlII. 

Toutes  les  fautes  dont  Vaugelas  fait  l'objet  d'une 
remarque  sont  relevées  dans  nos  bons  auteurs;  mais  ce 
n'est  point  leur  manquer  de  respect;  car,  si  excellent 
que  soit  un  écrivain,  il  ne  peut  avoir  la  prétention  d'être 
impeccable.  Ces  Remarques^  auxquelles  le  plus  grand 
soin  a  été  donné,  n'ont  été  publiées  qu'après  avoir  été 
soumises  à  des  personnes  très-compétentes. 

XIV. 

Ce  n'est  point  de  son  chef  que  Vaugelas  reprend  cer- 
tains auteurs;  il  se  contente  de  rapporter  le  bon  usage, 
de  montrer  que  l'auteur  y  a  manqué,  et  de  dire  qu'il  ne 
faut  pas  l'imiter. 

Dans  ces  «  répréhensions  »,  il  ne  nomme  ni  ne  dé- 
signe jamais  aucun  auteur,  qu'il  soit  mort  ou  vivant  : 
en  servant  le  public,  il  ne  voudrait  pas  nuire  à  des  par- 
ticuliers qu'il  honore.  Il  ne  forge  pas  de  «  fantômes  » 
pour  les  combattre;  il  ne  reprend  pas  une  seule  faute 
qui  ne  soit  dans  un  auteur,  et  quelquefois,  il  «  change 
les  mots  »  pour  empêcher  qu'on  ne  reconnaisse  celui 
qui  l'a  faite.  Aussi  ces  Remarques  ne  concernent-elles 
pas  les  fautes  grossières  qui  se  commettent  dans  les 
provinces,  ou  dans  le  bas  peuple  de  Paris;  elles  sonl 
presque  toutes  choisies  et  telles  qu'il  peut  dire  sans 
vauilé,  puisque  ce  n'est  pas  lui  qui  prononce  ces  arrêts, 
qu'il  n'y  a  personne  à  la  Cour,  ni  aucun  écrivain  qui 
n'y  puisse  apprendre  quelque  chose;  et  comme  il  n'y 
en  a  point  qui  ne  fasse  de  faute,  il  n'y  en  a  point  non 
plus  qui  n'y  puisse  trouver  quelque  profit;  lui-même, 
qui  les  a  rédigées,  a  besoin  de  les  relire  souvent, car  son 
ouvrage  est  beaucoup  plus  savant  que  lui,  étant  non 
pas  son  propre  fonds,  mais  le  fonds  de  l'usage. 

[La  suite  ou  prochain  numéro.) 

Lii  RÉBACTECii-GÉiuNT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


T9 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine 


Les  Mondes  des  esprits,  ou  la  Vie  après  la  mort  ; 

par  Olympe  Audouard.  ln-18  Jésus,  288  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

Traditions  et  souvenirs,  ou  Mémoires  touchant 
le  temps  et  la  vie  du  général  Auguste  Colbert  (1793- 
1809);  par  N.-J.  Colbert,  marquis  de  Cliabanais  (son  iils). 
T.  5.  In-S",  i83  p.  et  carte.  Paris,  lib.  Firmin  Didot 
frères,  fils  et  Cie. 

Les  Artistes  cambraisiens  du  IX°  au  XIX°  siècle 
et  l'école  de  dessin  de  Cambrai,  avec  iO  pi.  lithogr. 
dont  2  en  couleurs,  et  2  photographies;  par  A.  Durieux. 
In-8',  hlh  p.  Cambrai,  imp.  Simon. 

Contes  bleus  ;  par  Edouard  Laboulaye,  de  l'Institut. 
S'  édition.  In-18  Jésus,  302  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et 
Cie.  3  fr.  5u. 

Mémoires  de  la  Société  historique,  littéraire, 
artistique  et  scientifique  du  Cher.  1'  série,  2=  vol. 
In-S",  xvi-377  p.  Paris,  lib.  Dumoulin. 

Le  Poëme  humain,  chant  de  force  et  de  jeunesse; 
par  Gustave  Rousselot.  ln-18  jésus,  288  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

Ëtymologies  françaises  et  patoises  ;  par  A.  Bou- 
cherie, professeur  au  lycée  de  Montpellier.  In-8%  A6  p. 
Paris,  lib.  Franck. 

Armelle  Trahec;  par  Mlle  Zénaïde  Fleuriot.  In-12, 
318  p.  Paris,  lib.  Lecoffre  fils  et  Cie.  2  fr. 

Etudes  marines.  Jean  Bart  et  son  fils;  par  G.  de  La 
Landelle.  ln-18  jésus,  463  p.  Paris,  lib.  de  la  Société  des 
gens  de  lettres. 

Histoire  des  Protestants  de  France  depuis  1861; 


par  F.  Bonifas,  professeur  à  la  faculté  de  théologie  protes- 
tante de  Montauban.  In-S",  116  p.  Paris,  lib.  protestantes. 
1  fr. 

La  Révolution  française  et  la  féodalité;  par  Henry 
Doniol,  correspondant  de  l'Institut.  In-8°,  xi-369  p.  Paris, 
lib.  Guillaumin  et  Cie. 

Moralistes  et  philosophes;  Par  Ad.  Franck,  de 
l'Institut.  2«  édition.  In-12,  viii-/|89  p.  Paris,  lib.  Didier  et 
Cie.  h  fr. 

Renart-le-Nouvel,  roman  satirique  composé  au  xiii« 
siècle  par  Jacquemars  Gielèe  de  Lille  ;  précédé  d'une 
introduction  historique  et  illustré  d'un  fac-similé  d'après 
le  manuscrit  La  Vallière  de  la  Bibliothèque  nationale  ;  par 
Jules  Houdoy.  In-S'J,  212  p.  Paris,  lib.  Aubry. 

Histoire  de  France;  par  J.  Michelet.  xyi»  siècle.  La 
Renaissance.  Nouvelle  édition,  revue  et  augmentée.  T.  7. 
In-8",  367  p.  Paris,  lib.  internationale.  6  fr. 

Le  Théâtre  français  au  XVI=  et  au  XVII'^  siècle, 
ou  Choix  des  comédies  les  plus  curieuses  anté- 
rieures à  Molière;  avec  une  introduction,  des  notes  et 
une  notice  sur  chaque  auteur  ;  par  Edouard  Fournier,  et 
illustré  de  portr.  en  pied  coloriés,  dessinés  par  MM.  Mau- 
rice Sand  et  H.  Allouard.  ^'^  édition.  Gr.  in-8"'  à  2  col., 
xi-583  p.  Paris,  lib.  Laplace,  Sanchez  et  Cie. 

Robin  Hood  le  proscrit;  publié  par  Ale.xandre  Dumas. 
Nouvelle  édition.  2  vol.  in-18  jésus,  5^3  p.  Paris,  lib. 
Nouvelle.  2  fr.  50. 

Les  Mains  pleines  de  roses,  pleines  d'or  et  pleines 
de  sang;  par  Arsène  Houssaye.  In-8%  379  p.  Paris,  lib. 
Nouvelle.  6  fr. 


Publications  antérieures 


LE  MÉNAGIER  DE  PARIS.  —  Traité  de  morale  et 
d'économie  domestique,  composé  vers  1393,  par  un  Bour- 
geois parisien  ;  contenant  des  préceptes  moraux,  quelques 
faits  historiques,  des  instructions  sur  l'art  de  diriger  une 
maison,  des  renseignements  sur  la  consommation  du  Roi, 
des  Princes  et  de  la  ville  de  Paris,  à  la  finduxiv^  siècle; 
un  traité  de  cuisine  fort  étendu  et  un  autre  non  moins 
complet  sur  la  chasse  à  l'épervier.  —  Publié  pour  la  pre- 
mière fois  par  la  Société  des  Bibliophiles  français.  —  2  voL 
—  A  Paris,  à  l'imprimerie  de  Cra;Be/e<,  9,  ruedeVaugirard. 

LE  CY.MBALUM  MUXDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bonaventube  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  J.\cob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  éditeur,  A-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  ;  5  fr.  ;  In-S"  :  2  fr.  50. 


LES  ŒUVRES  DE  TABARIX  avec  les  Adventures  du 
capitaine  Rodomont,  la  Farce  des  Bossus  et  autres  pièces 
tabariniques.  —  Nouvelle  édition.  —  Préface  et  notes  par 
GEonoEs  n'HABMONViLLE.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  li- 
braire-éditeur, li-6,  rue  Voltaire. 


LES  ANCIENS  POÈTES  DE  LA  FRANCE,  publiés 


sous  les  auspices  de  S.  Exe.  Monsieur  le  Ministre  de  l'Ins- 
truction publique  et  des  Cultes,  et  sous  la  direction  de 
M.  Guessard.  —  fierabras.  —  parise  la  dlchesse.  —  Paris, 
chez  F.  Vieiveg,  libraire-éditeur,  67,  rue  Richelieu. 


CONFORMITÉ  DU  LANGAGE  FRANÇOIS  AVEC 
LE  GREC,  par  Henri  Estiexne. —  Nouvelle  édition,  accom- 
pagnée de  notes  et  précédée  d'un  essai  sur  la  vie  et  les 
ouvrages  de  cet  auteur.  —  Par  Léon  Feugère,  professeur 
de  rhétorique  au  lycée  Louis-le-Grand. —  Paris,  chez /«/es 
Delalain,  imprimeur  de  l'Lniversité  de  France,  rue  de 
Sorbonne  et  des  Mathurins. 


LA  VR.\IE  HISTOIRE  DE  FRANCION,  composée  par 
CH.\RLEsSonEL,sieurdeSouvigny.  —  Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Emile  Colomday.  —  Paris, 
Adolphe  Delahays,  éditeur,  i-6,  rue  Voltaire.  —  In-16  : 
5  fr.  ;  in-18  jésus,  2  fr.  50. 

VOCABULAIRE  RAISOXNli  ET  COMPARÉ  DU 
DIALECTE  ET  DU  PATOIS  DE  LA  PROVINCE  DE 
BOURGOGNE,  ou  Etude  de  l'histoire  et  des  mœurs  de 
cette  province  d'après  son  langage.  —  Par  Migtiard,  de 
l'Académie  de  Dijon.  —  In-8°,  33i  p.  —  Paris,  librairie 
Au^ry,  18,  rue  Séguier. 


80 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


LES  GRAMMAIRIENS  FRANÇAIS  depuis  l'origine 
de  la  Grammaire  en  France  jusqu'aux  dernières  œuvres 
connues.  —  Par  J.  Tell.  —  Un  beau  volume  grand  in-18 
Jésus.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Librairie  Firmin  Didot  frères, 
fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob,  à  Paris. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  DES  NOMS  PRO- 
PRES D'HOMMES,  contenant  la  qualité,  l'origine  et  la 
signification  des  noms  propres  se  rattachant  à  l'histoire, 
à  la  mythologie,  des  noms  de  baptême,  etc.  —  Par  Paul 
Hecqdet-Boucrand.  — Paris,  VictorSarlit,  libraire-éditeur, 
19,  rue  de  Tournon. 


LE  ROMANCERO  FRANÇOIS,  histoire  de  quelques 
anciens  trouvères  et  choix  de  leurs  chansons,  le  tout  nou- 
vellement recueilli.  —  Par  P.\ulin  Paris.  —  Paris,  librairie 
Techner^  52,  rue  de  l' Arbre-Sec.  Prix  :  8  fr. 


LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

PAR 

DÉSIRÉ  NISARD,  Membre  de  l'Académie  française. 


Quatre  volumes  in-18  jésus  de  plus  de  400  pages  chacun.  i 

1"  vol.  :  Des  origines  jusqu'au  xvii°  siècle;  —  1^  vol.  :  Première  moitié  du  xvii"  siècle;   —  3'*  vol.  :    Seconde 
moitié  du  xmi<=  siècle  ;  —  U^  vol.  :  Le  xviii»  siècle  avec  un  dernier  chapitre  sur  le  xis". 


Cinquième  Édition. 
Prix  de  l'ouvrage   :   16  francs. 


SE  TROUVE  A  PARIS 
A  la  librairie  de  Firmin  Didot  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


RENSEIGNEMENTS 

Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


I. 

En  faisant  insérer  quelques  annonces  dans  le  Journal  de  Bucarest,  dirifîé  par  M.  Ulysse  de  Marsillac,  on  peut  se 
procurer  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  en  Roumanie. 

Les  annonces  pour  ce  journal,  qui  sont  reçues  à  Paris  par  M.  Eugène  Grain,  9,  rue  Drouot,  coûtent  30  cent,  la  ligne. 

Moyennant  10  centimes,  le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  envoie,  en  France,  un  spécimen  du  Journal  de  Bucarest 
aux  personnes  qui  lui  en  font  la  demande. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo-française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  praxis  pour  I'Angleterre  ou  le  Continent  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires. 

L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la  France,  et  il  se  prend  à  Paris  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue 
de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart,  2,  rue  de  la  Paix. 

III. 

Les  Professeurs  français  des  deux  sexes  peuvent  parvenir  à  se  procurer  des  places  en  Angleterre  par  l'intermé- 
diaire des  Agents  de  Londres  dont  les  noms  et  les  adresses  suivent  : 


M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W. 

M.  Biver  et  Cie,  ùG,  Régent  Circus,  W. 

M.  Clavequin,  125,  Régent  Street,  W. 

M.  Grifflihs,  22,  llenrietta  Street,  Covent  garden,W.  C. 


M.  Verstraete,  25,  Golden  Square,  W. 
Mme  Hopkins,  9,  New  Bond  Street,  W. 
Mme  Waghorn,  3/i,  Soho  Square. 
Mme  Wilson,  Z|2,  Berners  Street,  W. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Appel  au.t  poêles. 


Le  treizième  Concours  poétique  ouvert  i  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  I87.'t.  — Dix  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espagne,  à  liordeaiix  (Girondi').  —  .Affranchir. 

Le  réiiaclciir  du  Courrier  de  Vaiii/rlas  est  visililc  a  son  bureau  de  /;//(/(  à  iinr  heure  et  drmic. 
imprimerie  Gouverneur,  U.  Uaupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


5*  Année. 


N"    11. 


i."  Septembre  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


ParaUaant   la    1"  et   le    IS    de   ebaane  moia 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    G 
Idem        pour  l'Étranger   10 
Annonces,  la  ligne  .... 


f. 
f. 

50  c 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN     PROFESSEUR     SPÉCI.\L      POUR      LES      ÉTR.INGERS 

Officier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adm' 
M.  FiscEBACHER,  33,  ruc  de  Seine. 


SO.MMAIRE. 

Origine  de  Querelle  d'Allemand;  —  Noms  des  habitants  des 
villes  de  France;  —  Prononciation  de  Vlilan:  —  S'il  faut  dire 
Vil  règalia  ou  Un  rcgalias.  ||  Lequel  \aut  le  mieux  de  Un  fruit- 
sec  ou  de  Vn  fruits-secs;  —  Élymnlogie  de  Salmigondis;  — 
Difl'érence  des  mots  Tili  et  T'oyoît.  ||  Passe-temps  grammatical. 
Il  Suite  de  la  biographie  de  Vaugelas.  \\  Ouvrages  de  gram- 
maire et  de  littérature.  ||  Renseignements  aux  professeurs  de 
français  qui  désirent  aller  à  l'étranger.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


Première  Question. 

Quelle  est,  s'il  vous  plaît,  l'origine  de  l'expression 
QUERELLE  d'Allemand,  qtte  des  bruits  récents  mettaient 
pour  ai7isi  dire  à  l'ordre  du  Jour? 

On  a  donné  plusieurs  étymologies  du  mot  allemand 
contenu  dans  cette  expression;  mais  comme  querelle 
d'Allemand  s'est  dit  autrefois  querelle  d'Allemagne, 
ainsi  que  le  montrent  ces  exemples  : 

11  rostoit  à  trouver  une  querelle  d'Allemagne  pour  cclorer 
ce  nouveau  changement. 

(D'Aubigné,  Hist.,  l,  p.  34l.) 

Mais,  estant  vers  Bourdeaux,  il  luy  trouva  quelque  qite- 
relle  d'Allemagne,  aucuns  disent  venant  de  luy,  autres  de 
la  Ueyne-more. 

(Brantôme,  éd.   iSjS,  t.  IV,  p.  446  ) 

Pensez-vous,  au  demeurant.  Sire,  que  si  quelques  princes 
sont  ennemys  de  l'empereur,  qu'il  n'ait  pas  dedans  les 
villes  de  la  Germanie  une  infinité  de  serviteurs  obligés, 
jurés,  gaignés  et  affectionnes  qui  seroient  bien  aises  de 
vous  dresser  une  querelle  d'Allemaigne. 

(Carloix,  t,  tV,  cli.  l8.) 

il  est  évident  qu'il  ne  peut  s'agir  ici  que  du  peuple 
allemand  lui-même,  et  que  l'origine  de  l'expression  en 
question  doit  être  celle  de  querelle  d'Allemagne. 

Or,  cetl«  dernière  expression  n'a  point  été  trouvée 
par  M.  Littré  dans  les  siècles  antérieurs  au  xvi%  et 
elle  a  été  em.pJoyée  par  Brantôme,  qui  écrivit  ses 
Mémoires  quelques  années  après  la  mort  de  Charles  IX, 
arrivée  en  ^574,  et  par  Carloix,  qui  rédigea  ceux  de 


Yieilleville  peu.de  temps  après  la  mort  de  ce  maréchal, 
arrivée  en  1571. 

D'où  je  conclus  que  querelle  d' Allemagne  a  dû  faire 
son  apparition  entre  1500  et  I5S9,  qui  vit  mourir  si 
tristement  Henri  III. 

Mais,  parmi  les  règnes  compris  entre  ces  deux  dates, 
il  n'y  a  que  celui  de  François  ¥'  où  la  France  ait  été 
pour  ainsi  dire  constamment  en  lutte  avec  toute  l'Alle- 
magne; il  est  donc  probable  que  c'est  sous  ce  règne 
que  l'expression  querelle  d'Allemagne  a  pris  naissance. 

Celte  conjecture  est,  du  reste,  confirmée  par  ce  qu'on 
trouve  dans  Gaillard  [Hisl.  de  François  I",  t.  I, 
p.  313)  au  chapitre  intitulé,  Maximes  féodales  de  l'Em- 
pire : 

Géographiquement,  l'Allemagne  était  bornée  au  nord 
par  le  Danemark,  et  les  autres  puissances  qui  s'éten- 
daient, soit  sur  la  mer  du  Nord,  soit  sur  la  mer  Bal- 
tique; à  l'est,  par  les  royaumes  de  Pologne  et  de  Hon- 
grie et  par  la  Turquie;  au  sud,  par  l'Italie;  au  couchant 
par  la  France  et  la  Suisse.  Mais  les  prétentions  de  l'Em- 
pire allaient  si  loin  au-delà  de  ces  limites,  qu'elles  sem- 
blaient devoir  soulever  contre  lui  tous  les  voisins. 

Les  publicistes  impériaux  avaient  inventé  une  jurispru- 
dence à  la  faveur  de  laquelle  l'Empire,  élevé  sur  des 
fondements  éternels,  n'avait  rien  à  redouter  des  révo- 
lutions les  plus  funestes;  et,  remontant  jusqu'au  temps 
de  Gharlemagne,  ils  prétendaient  que  si  les  empereurs 
d'Allemagne,  toujours  chefs,  jamais  maîtres  de  l'Em- 
pire, avaient  bien  pu  en  accroître  l'étendue  par  des  con- 
quêtes, ils  n'avaient  pu  aucunement  la  diminuer  par 
des  aliénations.  La  plupart  des  fiefs  ayant  passé  dans 
des  mains  étrangères,  par  vente,  donation,  échange 
ou  conquête,  leurs  possesseurs  ne  tenaient  point  leurs 
droits  de  l'Empire,  mais  de  leur  épée,  titre  violent  et 
injuste,  ou  les  avaient  reçus  de  vassaux  qui  n'avaient 
point  qualité  pour  les  transmettre.  En  un  mol,  les 
Allemands  étaient  une  nation  qui  so  croyait  assez 
favorisée  du  ciel  pour  que,  ])ar  laps  de  temps,  clic  pût 
toujours  acquérir  des  droits  sans  jamais  pouvoir  en 
perdre. 

D'après  cette  jurisprudence,  l'Allemagne  ne  voyoit  au- 


S2 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


tour  dVUe  que  des  usurpateur?;  elle  prètendoit,  mais  cela 
ètoit  très-contesté,  que  la  Pologne  avoit  été  un  fief  de  l'Em- 
pire... L'Allemagne  avoit  les  mêmes  prétentions  sur  la  Hon- 
grie, elle  alléguoit  l'inféodation  faite  par  l'empereur  Henri  II 
à  saint  Etienne,  roi  de  Hongrie,  au  commencement  du 
XI'  siècle,  et  la  suzeraineté  de  l'Empire  reconnue,  vers  le 
milieu  du  même  siècle,  par  les  rois  Pierre  et  André;  mais 
les  Hongrois  interprétoient  cette  inféodation  et  ces  recon- 
noissances.  L'Italie  presque  tout  entière  étoit  réclamée 
par  l'Empire,  soit  quant  au  domaine  suprême,  soit  quant 
au  domaine  utile.  En  France,  toutes  les  provinces  qui 
avoient  formé  autrefois  les  royaumes  de  Bourgogne  et 
d'Arles  étoient  autant  de  flefs  de  l'Empire,  puisque  ces 
royaumes  avoient  été  possédés  par  les  empereurs  depuis 
Henri  111  jusqu'à  Frédéric  II.  L'Allemagne  regardoit  le  Dane- 
marck  comme  un  de  ses  flefs,  prétention  trés-contestée 
parles  Danois;  elle  avoit  sans  doute  la  même  prétention 
sur  la  Suéde,  s'il  est  vrai,  comme  le  dit  Puffendorff,  que 
Maximilien  I"  ait  ordonné  aux  États  de  Suède  d'obéir  à  un 
arrêt  du  Sénat  de  Danemarck,  et  qu'il  les  ait  menacés,  sur 
leur  refus,  de  procéder  contre  eux  selon  les  lois  de  l'Em- 
pire. 

En  général,  tous  les  voisins  de  l'Allemagne  résis- 
taient à  ses  prétentions,  puis  l'intérêt  d'une  juste  dé- 
fense l'unissait  souvent  avec  la  Pologne,  la  Hongrie  et 
même  l'Italie,  contre  le  Turc,  leur  ennemi  commun; 
l'Empire  était  content  des  Suisses,  qui  ne  s'étaient  point 
encore  soustraits  à  son  domaine  suprême  ;  mais  il  voyait 
dans  la  France  son  plus  terrible  ennemi  comme  on 
peut  en  juger  par  cette  autre  citation  empruntée  au 
même  auteur  : 

La  France  étoit,  après  le  Turc,  la  puissance  la  plus  enne- 
mie de  l'Empire,  soit  parce  que  les  limites  de  ces  deux  États 
n'étoient  point  parfaitement  fixées,  soit  parce  que  Maxi- 
milien avoit  eu  l'adresse  de  mettre  sous  la  sauvegarde  de 
l'Empire  les  provinces  et  les  droits  litigieux  qu'il  tenoit  de 
la  succession  de  Bourgogne.  La  France  ètoit  plus  redou- 
table à  l'Empire  que  les  Turcs  mêmes. 

Or,  étant  connues  les  prétentions  de  l'Allemagne 
ainsi  que  ses  sentiments  de  haine  à  l'égard  de  la  France, 
pourrait-on  hésiter  à  croire  que  ce  sont  les  incessantes 
querelles  que  nous  suscita  cette  puissance  au  temps  de 
la  rivalité  entre  François  l"  et  Charles-Quint  qui  ont 
valu  à  notre  langue  l'expression  proverbiale  de  querelle 
d'Allrmarjne,  remplacée  un  siècle  plus  tard  par  querelle 
d'Allemand? 

Cette  dernière  expression  remonte  au  moins  à  l'année 
\  370  ;  car  on  trouve  ce  qui  suit  dans  le  Printemps  d'Y  ver, 
ouvrage  écrit  pendant  Jes  deux  années  qui  précédèrent 
la  Saint- Barthélémy  : 

Or,  la  façon  d'en  venir  à  bout  lui  sembloit  de  difficile 
invention  et  de  plus  fâcheuse  exécution;  car  d'assaillir  à 
force  d'armes,  sous  une  querelle  d'Mlcmand  et  forgée  à 
plaisir,  celui  qu'il  savoit  bien  être  adroit  et  stylé  à  l'escrime 
ne  lui  sembloit  pas  sûr. 

X 
Seconde  Question. 

Je  vous  serais  obligé  de  vouloir  bien  publier  la  liste 
des  noms  que  l'on  donne  aux  habitants  des  diverses 
villes  de  France,  car  on  est  souvent  embarrassé  pour 
trouver  lesdits  noms. 


Après  de  longues  recherches,  je  suis  parvenu  à  com- 


poser la  liste  suivante,  où  j'ai  rangé  les  noms  des  villes 
par  ordre  alphabétique,  et  présenté  en  italique  les  noms 
des  habitants  : 

A. 

Arles,  les  Artésiens;  Amiens,  les  Amiénois.  Abbeville,  les 
AbbeviUois;  Auch,  les  Anchois  ou  Auscitains;  Agen,  les  Age- 
nais  ou  Agenois;  Arras,  les  Arrageois;  Angers,  les  Angevins; 
Angoulême,  les  Angoumois;  Avignon,  les  Avignonnais; 
Auxonne,  les  Auxonnais:  Auxerre,  les  Auxerrois:  Avallon, 
les  Avallonnais ;  Autun,  les  Autunois;  Arbois,  les  Arbosiens; 
Alençon,  les  Alençonnais ;  Avranclies,  les  Avranchais;  Am- 
bert,  les  Ambertois;  Aurillac,  les  Aurillaquois;  Annonay,  les 
Annonéens;  Alby,  les  Albigeois;  Auray,  les  Alréens  ou  Alriens; 
Autun,  les  Autunois  ou  Autunais;  Aigues-JIortes,  les  Aiguës- 
Mortains. 

B. 

Brest,  les  Breslois;  Brignoles,  les  Brignolais;  Boulogne-sur- 
Mer,  les  Boulonnais;  Beauvaif,  les  Beauvaisiens  ou  Beau- 
vaisins;  Bagnères.  les  Baguerais:  Bordeaux,  les  Bordelais; 
Blaye,  les  Blayais;  Blois,  les  Blésois  ou  Biaisais;  Bar-sur- 
Aube,  les  Bar-sur- Aubois;  Briançon,  les  Driançonnois ;  Bar- 
le-Duc,  les  Barrais;  Beaune,  les  Beaunois;  Besançon,  les 
Bisontins;  Bayeux,  les  Bageusains;  Belfort,  les  Belfortains 
ou  Béfortins;  Béziers,  les  Biterrois  ou  Biterrais;  Beaucaire, 
les  Beaucairiens;  Brioude,  les  Brivadois. 
C. 

Le  Croisic,  les  Croisicais;  Clisson,  les  Clissonnais;  Calais, 
les  Calésiens  ou  Calaisiens ;  Condom,  les  Condomoi'i  ;  Cahors, 
les  Caliorsins  ou  Cadurciens;  Chartres,  les  Chartrains ;  Châ- 
teaudun,  les  Chdteauduaois;  CUàlons,  les  Clialonnais  ou  C/iâ- 
lonnois;  Cbaumont,  les  Chaumontois;  Ghàtillon,  les  Chdtit- 
lonnais;  Caen,  les  Cuennais  ou  Caennois;  Coutances,  les 
Coutunçais:  Clermont-Ferrand,  les  Clennontais;  Cette,  les 
Cellois;  Carcassonne,  les  Carcassonnais ;  Castres,  les  Castrais; 
Cherbourg,  les  Cherbourgeois ;  Courbevoie,  les  Courbecoisiens; 
Cambrai,  les  Cambrésiens  ou  Cambraisiens;  Colmar,  les  Col- 
mariens;  Coulommiers,  les  Columériens.  , 

D.  i 

Dinan,  les  Binannais;  Dol,  les  Dotais;   Draguignan,  les 
Braguignanais;  Digne,  les  Dignois;  Douai,  les  Douaisiens; 
Dunkerque,  les  Dunkerquois;  Dûle,  les  Bôlois;  Dieppe,  les 
Dieppois;  Die,  les  Diois;  Dijon,  les  Dijonnais. 
E. 

Embrun,  les  Embrunois;  Eu,  les  Eudois;  Evreux,  les 
Ebroiciens;  Elbeuf,  les  Elbeuviens;  Escideuil,  les  Excido- 
liens. 

F. 

Falaise,  les  Falaisiens. 

G. 

Guingamp,  les  Guingampois;  Guérande,  les  Gucrandais; 
Grasse,  les  Grassois;  Gien,  les  Giennois;  Grenoble,  les  Greno- 
blois ou  Grcnoblais;  Gap,  les  Gopcncois;  Gex,  les  Gexois;  Gray, 
les  Graglois;  Granville,  les  Granvillais. 
H,  I,  J. 

Honfleur,  les  Honfleurais;  Issoudun,  les  Issoudunois  ou 
Issoldunois;  Issoire,  les  Issoriens;  Josselin,  les  Josselinais. 
L. 

Loudéac,  les  Loude'aciens;  Lisieux,  les  Lexoviens;  Lannion, 
les  Lannionais;  Landerncau,  les  Landcrnicns  ou  Lander- 
nistes;  Loriént,  les  Lorientais;  Lyon,  les  Lgannais:  Laon,  les 
Laonnois  ou  Laonnais;  Lectoure,  les  Lectourois;  Langres, 
les  Langrois;  Lille,  les  Lillais;  Laval,  les  Lavallois;  Loudun, 
les  l.uudunois;  Lons-le-Saulnicr,  les  Lcdoniens:  Limoges, 
les  Limousins;  Le  Man?,  les  Manceaur  ou  Mansois:  La  Réole. 
les  Rvolais;  La  Rochelle,  les  Itochclais;  Les  Sables-d'Olonne, 
les  Sablais  ou  Olonnais;  La  Ferté-Bernard,  les  Ferlais. 
M. 

Morlaix,  les  Morlaisiens;  Montivillicrs,  les  Monliviltons; 
Marseille,  les  Marseillais;  Montrcuil- sur-Mer,  les  Monlreuit- 
lais;  Mirande,  les  Mirandais;  Montauban,  les  Montatbanais; 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


83 


Moissac,  les  Moissagtiais:  Meaux,  les  Meldois  ou  Meldiens: 
Maubeuge,  les  Mnllmdiens  ou  Haiibeugeois;  Mamers,  les 
Mamcrsiensou  Mumeitins:  Martigues,  les  Martcgallais ;  Metz, 
li'S  Mcssi>is:  Monlbard,  les  MoiMardois;  Màron,  les  Maçon- 
nais: Mulhouse,  les  MMiousiens:  Montpellier,  les  Montpeil- 
lii'rains  ou  Monspesfulam:  Mende,  les  Mendais;  Mantes,  les 
Maniais:  Melun,  les  Melunois:  Morlaix,  les  Morlaisiens; 
Montbrison,  les  Montbrisonnais ;  Monaco,  les  Monégasques 
ou  Monécasques. 

N. 
Nantes,  les  Aaniais  ou  i\anlois;  iNogent-le-Rotrou,  les 
yogenlais;  Niort,  les  Mariais;  Noirmoutiers,  les  lioirmou- 
tias:  Nancy,  les  yancêens  ou  Nancciens;  Nuits,  les  huilons; 
Narbonne,  les  yarbonnais:  yitnes,  les  .Vimojs;  Nice,  les  Mçois 
ou  .Mrards;  Nevers,  les  ISivernais. 

0. 
Ortiiez,  les  Orihcziens:  Orléans,  les  Orléanais. 

P. 
rioermel,  les  Ploermelais:  Pau,  les  Pauniens;  Provins,  les 
Provinois  ou   Piovenisiens;   Pont-à-Mousson,   les  Mussipon- 
lains:  Pontarlier,  les  Ponlissaliens ;  Vonl- \udemer,  \es  Ponf- 
Audemciois  ou  Pont-Àudomarécns:  Perpignan,  les  Peipignu- 
nais:  Privas,  les   Privadois;  Paris,   les  Parisiens;  Poix,  les 
Ponhiers  ou  Pohiers;  Pontivy,  les  Pontiviens. 
Q. 
Quimper,   les    Quimperois;    Quiberon,    les   Quiberonnais; 
Quillebœuf,  les  Quillebois;  Quimperlé,  les  Quimpertéens. 
R. 
Rennes,  les  Rennais;  Roscoff,  les  Rnscovites;  Roanne,  les 
Roannais:  Rotiez,  les  Ruiliènes;  Reims,  les  Rémois;  Rélbel, 
les  Rélhelois;  Rochefort,  les  Rochefortins;  Rouen,  les  Rouen- 
nais;  Riom,  les  Riomois;  Rambouillet,  les  Rambolitains. 
S. 
Senli?,  les  Senlisiens;  Soissons,  les  Soissonnais ;  Sarlat,  les 
Sarladais;  Sens,  les  Sénonais;  Sedan,  les  Sedanais  ou  Seda- 
nois;  Sablé,  les  Sablésiens  ;Sesré,  les  Segréens;  Saumur,  les 
Saumurais;  Sancerre,  les  Sancerrois;  Semur,  les  Semuriens : 
Salins,  les  Salinois;  Séez,  les  Sogiens  ou  Salens;  Sarrebriick, 
les  Sarreb.'uckois;  Strasbourg,  les  Sirasbourgeois;  Saint-Flour, 
les  Saint-Flouriens;  Saint-Brieuc,  les  Briochins;  Saint-Quen- 
tin, les  Quialinois  ou  Saint-Quenlinois:  Saint-Omer,  les  Audo- 
marois;  Saint-Malo,  les  Malouins;  Saint-L6,   les  Saint-Lois; 
Saint-Jean-de-Losne,  les  Losnois;  Saint-Germain,  les  Germi- 
nois;  Saint-Étienne,  les  Stéphanois. 
T. 
Tréguier,  les  Trécorois  ou   Trégorois;  Tours,  lès  Touran- 
geaux; Toulon,  les  Toulonnais ;  Tarbes,  les  Tarbais  ou  Tar- 
béens;  Troyes,  les  7"ro(/e)is,- Tourcoing,  les  Tourquenais;  Toul, 
les  Toulois;  Tbionville,  les    Thionvillois;  Tbiers,  les  Thier- 
nois;  Toulouse,  les  Toulousains;  Tarare,  les  Tararais. 

V. 
Vannes,  les  Vannetais;  Vendôme,  les  Vendômois;  Vitré, 
les  Vilréens;  Valenciennes,  les  Valenciennois;  Vienne,  les 
Viennois;  Valence,  les  Valencians  ou  Valenciens;  Verdun, 
les  Verdunois;  Vesoul,  les  Vesuliens;  Vire,  les  Virais  ou 
Virais;  Vaucluse,  les  Vauclusiens;  Vervins,  les  Veninois; 
Versailles,  les  Vcrsaillais. 

Je  sais  combien  celte  liste  est  incomplète  malgré  le 
temps  qu'elle  m'a  coûté;  aussi  je  prie  toutes  les  per- 
sonnes qui  liront  ce  numéro  de  vouloir  bien  m'envojer 
les  gentilés  de  leur  connaissance  que  je  pourrais  avoir 
oubliés  :  je  les  |)ublierai  sous  forme  de  communication 
aussitôt  que  j'en  aurai  reçu  un  certain  nombre. 

X 

Troisième  Question. 
Quelle  est,  selon  i-ous,  la  meilleure  manière  de  pro- 
noncer le  mot  i:nLA>?  Est-ce  d'aspirer  /'c,  c'est-à-dire 
de  s'abstenir  de  faire  la  liaison  et  l'clisio7i  devant  lui, 
ou  est-ce  de  ne pa^  l'aspirer? 


D'après  l'Académie,  r«  est  aspiré  dansnhlan,  et  celle 
opinion,  adoptée  par  nos  principaux  lexicographes, 
.MM.  Landais,  Bescherelle,  Poitevin  et  Litlré,  l'a  été 
naturellement  aussi  par  la  plupart  des  écrivains  : 

Quelques-uns  d'entre  eux  imaginèrent  d'entraîner  dans 
leur  cause  un  régiment  de  uhlans  dont  les  hommes  étaient 
de  la  province. 

(A.  Achard,  Sole  de  Xessus,  p.  i63.) 

Hier,  les  francs-tireurs  de  la  garde  nationale  aperçurent 
sur  la  rive  de  la  Seine,  au-dessous  de  Sèvres,  un  groupe 
de  uhlans  accompagnés  par  plusieurs  individus  habillés  en 
bourgeois. 

(  Le  Gaulois  du  ï6  septembre  1 870.  ) 

Ainsi,  c'est  une  grosse  faute  que  de  dire  ou  d'écrire, 
par  exemple,  comme  M.  Pihan,  l'auteur  du  Diclion- 
iiaire  ctymobKjique  des  mots  de  la  lan(juc  française 
dérivés  de  l'arabe,  elc.  : 

On  trouve  aujourd'hui  des  régiments  i'uhians  chez  cer- 
taines puissances  de  l'Europe,  telles  que  la  Russie,  la 
Prusse  et  l'Autriche. 

Mais,  en  reconnaissant  cette  aspiration,  qu'impose 
impérieusement  l'usage,  je  n'entends  point,  tant  s'en 
faut,  venir  excuser  ceux  qui,  ayant  voix  au  chapitre, 
n'ont  pas  su  mettre  ici  l'orthographe  mieux  d'accord 
avec  la  prononciation;  car,  puisque  nous  n'avons  pas 
d'w  initial  aspiré  dans  riotre  langue,  et  que  nous  pou- 
vons écrire  Iiulan  par  une  h  (tous  les  dictionnaires 
donnent  cette  forme  à  côté  de  uhlan),  pourquoi  ne. pas 
emplo\er  le  terme  portant  le  signe  naturel  de  l'aspira- 
tion? Plusieurs  auteurs  l'écrivent  déjà  de  celle  manière; 
ainsi  j'ai  trouvé  : 

La  France  eut,  en  1734,  des  hulans  qu'organisa  chez  nous 
le  maréchal  de  Saxe. 

(Chéruel,  Dict.  historique.] 

C'est  chez  les  Polonais  qu'on  trouve  la  première  mention 
de  hulans. 

(Dupiney,  DicL  franc,  illustré,) 

L'uniforme  des  premiers  hulans  consistait  en  une  culotte 
à  la  turque,  montant  au-dessus  des  hanches. 

[Victionn.  de  la  convers.') 

En  les  imitant,  on  détruirait,  sans  qu'il  fût  néces- 
saire de  rien  inventer,  une  anomalie  des  plus  singulières 
de  noire  langue.  Mais,  pour  cela,  il  faudrait  rompre 
avec  la  routine,  et  ce  Ijran-là  est  si  fort... 

X 
Quatrième  Question. 

Une  chose  qui  intéresse  les  fumeurs  désireux  de  bien 
parler  français  :  Faut-il  dire  un  uégalia,  vn  panetéla 

ou   un  RÉGALIAS,  ««  PARETÉLAS? 

J'ai  fait  voir  dans  le  numéro  précédent  que  la  langue 
française  avait  admis  plusieurs  noms  latins,  italiens  et 
espagnols  avec  la  forme  plurielle  qu'ils  ont  dans  leurs 
langues  respectives,  pour  signifier  le  singulier,  chez 
elle  :  un  errata,  un  lazzi,  un  mérinos,  elc. 

Or,  M.  Litlré  admettant  trabucos,  pluriel  de  l'espa- 
gnol trabuco,  pour  signifier  u»  cigare,  il  me  semble  que, 
par  analogie,  on  peut  admettre  de  morne  tous  les  autres 
noms  de  cigares  de  la  Havane  (où  l'on  parle  espagnoli 


84 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


pour  sigtiifier  le  singulier  en  français,  el  qu'en  consé- 
quence, on  peut  dire  : 

Un  panetelas  (pi.  de  panelela). 
Un  réfjalias  (pi.  de  regalia). 
Un  damas  (pi.  de  dama]. 


ÉTRANGER 

Première  Question. 

Doit-on  écrire  un  fruit-sec  pour  désigner  un  jeune 
homme  qui  sort  d'un  établissement  d'instruction  sans 
avoir  satisfait  aux  examens  desortie,  ou  «mfrciis-secs, 
avec  des  s  aux  deux  parties  cotnposantes? 

On  s'imagine  généralement  que  le  mot  fruit-sec  est 
une  métaphore,  et  qu'on  désigne  de  cette  façon  les 
élèves  dont  les  études  n'aboutissent  à  aucun  résultat, 
par  une  comparaison  avec  les  fruits  qui  se  dessèchent 
et  tombent  avant  de  parvenir  à  maturité.  Mais  il  n'en 
est  point  ainsi  :  le  terme  en  question  a  une  origine  anec- 
dotique  que  voici,  telle  que  la  raconte  Génin  (Récréât. 
philoL,  t.  II,  p.  8'i),  qui  la  tenait  d'un  ancien  élève  de 
l'Ecole  polytechnique,  «  contemporain  de  l'alïaire  »  et 
devenu  plus  tard  un  des  plus  illustres  membre  de  l'Aca- 
démie des  sciences  : 

Donc  il  y  avait  à  l'École  (il  s'agit  d'une  des  premières 
promotions)  un  élève  venu  d'une  province  du  Midi,  où  son 
père  faisait  un  grand  commerce  de  fruits  secs.  Ce  jeune 
homme,  dont  la  vocation  n'était  pas  du  côté  des  mathé- 
matiques, travaillait  peu  ou  ne  travaillait  pas  du  tout.  Et 
quand  ses  camarades  essayaient  de  le  stimuler  par  la 
crainte  de  manquer  ses  examens  et  de  perdre  sa  carrière, 
il  répondait  d'un  ton  insouciant  et  avec  son  accent  proven- 
çal :  «  Eh!  qu'est-ce  que  cela  me  fait?  Eh  hien  I  je  serai  dans 
les  fruits  secs,  comme  mon  père!  »  Ce  mot,  obstinément 
répété,  fit  fortune.  Le  jeune  homme  fut  effectivement 
dans  les  fruits  secs,  et  depuis  on  a  dit  par  allusion  et  par 
euphémisme  :  Un  tel  sera  dans  les  fruits  secs;  il  a  élé  fruits- 
secs;  c'est  un  fruits-secs  de  l'École  polytechnique. 

Or,  à  cause  de  cette  origine,  je  pense  qu'il  faut  écrire 
un  fruits-secs,  ce  qui  est  aussi  l'opinion  de  Génin,  lequel, 
une  page  plus  loin,  ajoute  à  ce  sujet  : 

Je  reviens  à  ce  que  je  disais  tout  à  l'heure,  qu'on  doit 
toujours  écrire  dans  cette  locution  fruits-secs  au  pluriel  : 
C'est  îui  fruits-secs,  parce  que  lidce,  abrégée  par  l'e.vpres- 
sion  est  :  c'est  un  élève  voué  au  commerce  des  fruits  secs. 
Le  substantif  qui  porte  le  singulier  est  caché  dans  l'ellipse, 
et  la  phrase  s'achève  régulièrement  au  pluriel. 

Du  reste,  rien  d'étonnant  dans  celte  orthographe; 
n'écrit-on  pas,  en  pluralisaiit  des  mots  qui  viennent 
après  un,  les  expressions  suivantes  :  un  cenl-Suisses, 
un  Quinze-Vingts,  etc.? 

M.  Littré  n'écrit  pas  de  la  même  manière;  il  laisse 
invariables  les  deux  parties  de  fruits-secs  dans  ces 
exemiiles,  qui  sont  de  lui  : 

Ce  maréchal  des  logis  d'artillerie  e.st  un  /ruil  sec  de 
l'École  polytorhiiique;  et  son  cousin,  sergent  d  infanterie, 
était  un  fruit  sec  do  Saint-Cyr. 


Ce  capitaine  au  long  cours  est  un  fruit  sec  de  l'École 
navale. 

Mais  je  ne  vois  pas  comment  on  pourrait  établir  que 
cette  orthographe,  qui  ne  peut  qu'induire  en  erreur  sur 
l'origine  de  fruits-secs,  vaut  mieux  que  celle  qui  met 
pour  ainsi  dire  sur  la  voie  de  ladite  origine. 

X 

Seconde  Question. 
Parmi  lesnoms  de  la  langue  française  qui  expriment 
une  réunion  hétérogène  d'objets,  il  y  en  a  un  qui  m'a 
toujours  semblé  singulier;  c'est  siLMicONDis.  Voudriez- 
vous  bien  m'en  expliquer  l'origine  et  aussi  le  véritable 
sens,  dans  un  de  vos  prochains  numéros? 

Les  Romains  appelaient  salgama  des  racines,  des 
herbes,  des  fruits,  etc.  qu'ils  gardaient  conservés  dans 
la  saumure,  ce  dont  nous  avons  une  preuve  par  salga- 
marius,  nom  de  celui  qui  vendait  de  ces  conserves  ou 
qui  en  faisait  : 

Deinde,  sicut  consueverunt  salgamarii,  decussatim  ferra- 
mento  lunato  incidito. 

(Coluœelle,  XII,  56.) 

(.\près  cela,  comme  ont  coutume  de  faire  les  confi- 
seurs, fendez-les  en  sautoir  avec  un  instrument  de  fer 
en  forme  de  croissant.) 

Libres  très  edidit,  quos  inscripsit  nominibus  Coci,  et  Ceta- 
rii  et  Salgamarii. 

(Idem,  XII,  46.) 

(Il  a  donné  trois  livres  qu'il  a  intitulés  le  Cuisinier, 
l'Apprêteur  de  poissons  et  le  Confiseur.) 

Or,  de  salgama  et  de  conditus,  assaisonné,  on  aurait 
fait  d'abord,  par  une  sorte  de  redondance,  salgama  con- 
f/i'/rt;  ensuite,  par  contraction  et  en  vertu  du  change- 
ment si  fréquent  de  c  en  g,  et  par  celui  non  moins  ordi- 
naire de  î'^w.';  en  i  (maritus,  mari,  infinilus,  inlini,  etc.), 
salmigondi;  et  enfin,  par  l'addition  d'une  s,  qui  ter- 
mine une  foule  de  mots  à  leur  finale  sonnant  i,  salmi- 
gondis. 

Voilà  pour  l'origine  du  mot  ;  voyons  maintenant  pour 
sa  signification. 

Le  Grand  d'Aussy,  après  avoir  dit  (p.  <42)  comment 
se  perdit  à  Paris  un  vieil  usage  qui  précéda  le  règne  de 
Louis  XI,  usage  qui  consistait,  chez  les  gens  du  peuple, 
à  souper  les  jours  de  grandes  fêtes  et  de  réjouissances 
publiques  à  leurs  portes  et  en  dehors  de  leurs  maisons, 
mais  que  les  guerres  civiles  et  les  malheurs  qui  en  furent 
la  suite  abolirent,  continue  en  ces  termes  : 

Cependant  il  s'en  forma  un  autre  qui  tenait  davantage  à 
la  sociabilité,  et  dont  il  est  parlé  dans  le  Itoman  bourgeois 
(p.  171).  Les  jours  de  fête  et  les  dimanches  plusieurs  mai- 
sons voisines  et  amies  se  réunissaient  pour  souper  en- 
semble. Chacune  apportait  feon  plat,  ou,  comme  on  parlait 
alors,  son  salmigondis. 

Le  plat  ainsi  nommé,  qui  consistait  probablement  en 
une  espèce  de  ragoût  de  différents  morceaux,  était  donc 
très-populaire  au  xvir'  siècle;  or,  quand  on  sentit  le 
besoin  d'un  mol  pour  signifier,  au  figuré,  un  certain 
nombre  de  divers  objets  jetés  pêle-mêle,  on  employa 
naturellement  salmigondis,  terme  qui  a  cessé  depuis  de 
se  dire  dans  le  sens  iiro]irc. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


85 


X 

Troisième  Question. 

Je  crois  que  beaucoup  de  personnes  confondent  les 
mots  TiTi  et  voïoc.  Sont-ils  synonymes? 

Non,  et  M  mon  avis,  voici  la  différence  qu'il  y  a  entre 
ces  deux  expressions  non  encore  bien  définies  du  lan- 
gage populaire  parisien  : 

Le  ///(,  c'est  le  gamin  de  Paris,  le  jeune  ouvrier  des 
faubourgs  : 

Mousqueton  est  le  iUi  par  excellence,  c'est  le  vrai  gamin 
de  Paris  avec  sa  gaieté,  sa  souplesse,  ses  bons  mots. 

{Alhoy,  dan3  Lorédan-Larchey.) 

Le  voyou,  c'est  l'enfant  du  peuple  malpropre  et  mal 
vêtu,  celui  qu'.\lfred  Delvau  a  qualifié  d'  «  hùpital 
ambulant  de  toutes  les  maladies  morales  de  l'huma- 
nité. » 

Le  premier  est  plutôt  espiègle  que  malfaisant;  le  se- 
cond est  fatalement  voué  au  vice. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  on  l'a  laissée  échapper;  —  2°  ...  pour  aller  à  Enghieii  et 
pour  en  revenir;  —  3°  ...  se  sont  réservé;  —  4"  ne  laisse  pas 
d'élre  l'objet  (pas  de  que);  —  ...  5°  et  elles  se  sont  imaginé  qu'en 
nommant  ;  —  6°  ...  de  sa  grande  hardiesse  (Voir  Courrier  de  ^'au■ 
gelas,  4'  année,  p.  140);  —  7'  ...  il  n'y  a  plus  que  toi  qui  me 
répondes;  —  8°  Ce  qui  nous  étonne,  c'est  qu'il  ne  soit  nullement 
parlé;  — 9°  ^  qui  lit  ces  lettres  sans  chercher;  —  10'  ...  eussent 
lieu  conformément  à  la  loi... 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1°  Les  éléments  conjurés  ont  continué  à  saper  par  la 
base  l'unique  raison  alléguée  par  le  jeune  marquis  quand 
il  a  demandé  campo. 

2°  Nous  avons  annoncé  qu'une  assemblée  générale  de  la 
Société  des  géomètres  de  France  a  eu  lieu  sous  la  prési- 
dence de  M.  Lefébure  de  Sucy. 

3-  Aussi,  et  tout  en  trouvant  que  la  dissolution  est  peut- 
être  le  seul  moyen  de  sortir  des  équivoques  présentes, 
nous  ne  laissons  pas  que  d'être  néanmoins  séduits  par  la 
perspective  des  six  mois  de  calme  que  nous  promet  l'ajour- 
nement. 

4°  Ils  se  plaignent  avec  raison  qu'on  leur  fait  jouer  un 
rôle  ridicule  en  leur  donnant  pour  mission  de  bloquer  la 
cOie  cantabrique  avec  des  navires  qui  ne  peuvent  se  mou- 
voir. 

5*  La  logique  était  en  pratique  chez  les  Grecs  et  les  La- 
tins, et  il  a  suffi  aux  écrivains  français  de  traduire  les  au- 
teurs anciens  pour  que  nous  soyions  initiés  à  la  logique. 

0'  Nous  croyons  que  toutes  les  crises  sociales  sont  des 
troubles  d'estomac.  L'homme  qui  a  bien  dîné,  il  est  joyeii.x, 
il  sourit,  son  œil  brille,  son  cerveau  apaisé  n'a  que  des 
pensées  charitables,  il  rayonne  d'indulgence. 

?•  La  France  est  un  pays  nerveux,  impressionnable, 
disent  les  étrangers.  Il  faut  qu'elle  le  soit  niouis  qu'on  le 
dit  pour  résister  si  longtemps  à  ce  régime  d'attente,  d'ajour- 
nements, de  provisoire,  de  déceptions. 


8'  C'était  la  mode,  à  Satory,  que  les  régiments,  en  défi- 
lant devant  le  président,  criaient  à  tue-tête  ;  Vive  l'Empe- 
reur! » 

9°  11  donne  l'origine  de  beaucoup  de  manières  de  parler. 
Il  est  précieux,  lorsqu'il  nous  dit  qu'il  fut  un  des  premiers 
qui  fît  des  vers  mesurés. 

10°  Parmi  ces  légendes,  il  y  en  a  deux  frappantes.  Toutes 
deux  sont  terribles  et  sombres,  et  quand  on  les  raconte  le 
soir  dans  les  ports  de  mer  de  Bretagne,  marins  et  pêcheurs 
font  de  grands  signes  de  croix. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE    DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIKRR   MOITIE   DU   XVIl"  SIECLE. 

VAUGELAS. 

(Suite., 

XV. 

Dans  ces  Remarques,  Vaugelas  ne  nomme  que  les 
morts  qu'on  loue;  quant  aux  vivants,  de  peur  de  leur 
attirer  de  l'envie  ou  de  passer  pour  llalteur,  il  se  con- 
tente de  les  désigner;  et,  quoique  ce  soit  d'une  façon 
qui  permette  de  les  reconnaître,  elle  sert  toujours  à 
soulager  leur  pudeur,  et  à  rendre  la  louange  moins  sus- 
pecte et  de  meilleure  grâce. 

11  traite  dilTéremment  les  auteurs  anciens  et  ceux 
de  son  temps,  se  conformant  en  cela  à  l'usage.  Par 
exemple,  il  dit  toujours  Amijot,  et  toujours  M.  Coè/fe- 
teau  et  M.  de  Malherbe,  quoique  Amyot  ait  été  évéque 
aussi  bien  que  M.  CoëlTeteau;  car,  puisque  tout  le 
monde  dit  et  écrit  Anujot,  et  que  l'on  parle  ainsi  de 
tous  ceux  qui  n'ont  pas  été  de  son  temps,  ce  serait 
parler  contre  l'usage  de  mettre  Monsieur  devant  leurs 
noms;  quant  à  ceux  que  nous  avons  vus  et  dont  la 
mémoire  est  encore  toute  fraîche  parmi  nous,  on  ne  les 
saurait  nommer  autrement,  ni  en  parlant  ni  en  écri- 
vant. 

Il  y  a  encore  beaucoup  de  choses  dont  Vaugelas  au- 
rait pu  «  enrichir  »  cette  préface,  et  il  n'eût  pas  oublié 
l'éloge  de  «  cette  illustre  Compagnie,  qui  doit  être 
comme  le  palladium  de  notre  langue,  pour  la  conser- 
ver dans  tous  ses  avantages  et  dans  ce  llorissant  état  où 
elle  est,  et  qui  doit  servir  comme  de  digue  contre  le 
torrent  du  mauvais  usage,  qui  gagne  toujours  si  l'on 
ne  s'y  oppose.  »  Mais  comme  toutes  ces  belles  matières 
veulent  être  traitées  «■  à  plein  fonds  "  et  avec  apparat, 
il  y  aurait  eu  de  quoi  faire  un  «  juste  »  volume,  plutôt 
qu'une  préface.  Aussi  il  ne  l'a  point  tenté. 

Les  Remarques  commencent  immédiatement;  je  vais 
m'arréler  aux  plus  intéressantes. 

PREMIER  VOLUME. 

Héros,  héroïne,  héroïque.  —  Dans  le  héros,  la  lettre 
h  est  aspirée  contre  la  règle  générale,  qui  veut  que  les 
mots  commençant  par  h  et  venant  du  latin  n'aspirent 
point  cette  lettre.  C'est  une  exception  qui  a  été  amenée 
par  la  confusion  faite  avec  le  héraut  par  ceux  qui  ne 


86 


LE  COUBRIER  DE  VAUGELAS 


savaient  pas  ce  qu'on  entendait  par  héros.  Ce  qui  con- 
firme bien  cette  conjecture,  c'est  que,  dans  héroine  et 
hérdique,  l'A  est  muette.  —  La  prononciation  irrégu- 
lière de  héros  a  encore  été  autorisée  par  le  pluriel  de  ce 
mot  qui,  sans  l'aspiration  de  17t,  aurait  fait  entendre 
les  zéros. 

Période.  —  Masculin,  quand  il  signifie  le  plus  haut 
point  ou  la  fin  de  quelque  chose;  mais  féminin,  quand 
il  veut  dire  une  partie  de  «  l'oraison  »  qui  a  un  sens 
complet. 

Ce  qu'il  vous  plaira.  —  C'est  ainsi  qu'il  faut  dire,  et 
non  :  Ce  qui  vous  plaira,  parce  qu'on  y  sous-entend 
des  paroles  que  l'on  supprime  par  élégance.  Dans  Je 
vous  rendrai  tous  les  honneurs  qu'il  vous  plaira,  on 
sous-entend  que  je  vous  rende. 

Propreté  et  non  Propriété.  —  La  netteté,  la  bien- 
séance ou  l'ornement,  en  ce  qui  concerne  les  habits,  les 
meubles,  voilà  ce  qui  s'appelle  propreté,  et  non  pas 
propriété  :  ce  dernier  est  venu  d'un  mot  \SiV\a  proprie- 
tas,  l'autre  est  un  mot  tout  français. 

Chypre.  —  Il  faut  dire  Visle  de  Chypre,  \d.poudre  de 
Chypre,  et  non  pas  \'isle  de  Cijpre,  Xa,  poudre  de  Cypre. 
L'usage  le  veut  ainsi,  et  M.  de  Montaigne  ne  dit  jamais 
autrement. 

Personne.  —  Deux  significations  et  deux  genres  diffé- 
rents. Il  signifie  l'homme  et  la  femme  tout  ensemble, 
comme  fait  homo  en  latin,  et,  en  ce  sens,  il  est  toujours 
féminin.  Mais  il  signifie  aussi  nemo,  le  nadie  des  Espa- 
gnols et  le  nessuno  des  Italiens,  et  ce  que  les  vieux  Gau- 
lois disaient  nulli.  En  ce  sens,  il  est  indéclinable  et  veut 
ses  qualificatifs  au  masculin  :  Personne  n'est  venu.  — 
Après  avoir  em\i\o\è  personne  au  féminin,  il  est  élégant 
de  le  représenter  par  un  pronom  masculin,  et  de  dire, 
par  exemple.  Des  personnes  qualifiées  ont  pris  la  peine 
de  me  témoigner  le  déplaisir  qu'ils  ont  eu... 

Si  on,  si  l'on.  —  11  n'y  a  pas  grand  mal  à  ne  pas 
employer  /'  euphonique  avant  on;  mais,  pour  une  plus 
grande  perfection,  Vaugelas  adopte  l'emploi  de  cette 
consonne. 

On,  l'on,  t-on.  —  Devant  le  verbe,  on  met  on  et  l'on; 
devant  et  après  le  verbe  on  met  on;  quant  à  l'on,  il  ne  se 
met  jamais  après  le  verbe  que  par  les  Bretons  et  quel- 
ques autres  provinciaux;  et  t-on  se  met  toujours  après 
le  verbe.  On  dit  et  l'on  dit  sont  bons;  mais  on  dit  est 
meilleur  en  tête  de  la  période.  —  Si  le  verbe  finit  par 
une  voyelle  devant  on,  il  faut  prononcer  un  t  entre  les 
deux  quand  même  il  ne  serait  pas  marqué.  —  11  faut  se 
garder  de  mettre,  comme  beaucoup  le  font,  une  apos- 
trophe après  ce  t  :  alla-l'on  est  une  grosse  faute. 

Recouvert,  recouvré.  —  Le  mot  recouvert  pour  recou- 
vré s'est  introduit  dans  la  langue  depuis  quelques  an- 
nées, contre  la  règle  et  contre  la  raison;  mais  il  n'en 
est  pas  moins  bon,  car  l'usage  est  le  roi  des  langues. 

Pour  que.  —  Ce  terme  est  fort  usité,  même  à  la  Cour, 
où  une  personne  d'une  très-éminente  condition  (le  car- 
dinal de  ilichcliini)  a  bien  aidé  à  le  mettre  en  vogue.  On 
s'en  sert  en  plusieurs  façons  qui  ne  valent  toutes  rien  : 
K"  on  l'cmjjloie  pour  (ijin  que;  2°  on  dit  :  //  est  trop 
honnête  pour  qu'il  me  refuse  cela,  au  lieu  de  :  pour  me 


refuser  cela  ;  Z°  on  s'en  sert  encore  d'une  façon  bien 
étrange,  comme  dans  :  Un  père  sera-t-il  déshonoré  pour 
que  ses  enfants  soient  vicieux  ?  Ma'\spour  que  étant  court 
et  commode,  il  finira  par  s'établir  tout-à-fait,  et  alors 
Vaugelas  s'en  servira  comme  les  autres. 

Hàir.  —  Les  uns  disent  :  je  huis,  tu  hais,  il  hait  en 
deux  syllabes;  d'autres  n'aspirent  pas  ïh  et  disent  : 
fha'is,  etc.  ;  d'autres  enfin  disent  :  nous  hayons,  vous 
hayez-,  ils  hayent.  Tout  cela  est  mauvais,  il  faut  s'ex- 
primer ainsi  :  Je  hais,  tu  hais,  il  hait,  nous  haïs- 
sons, etc. 

Promener. —  Il  faut  d'ive  pro7nener,  et  non  pas powr- 
mcner.  Ce  verbe  est  tantôt  actif  -.promener  un  enfant  ; 
tantôt  neutre  :  allons  promener,  il  est  allé  promener; 
et  tantôt  pronominal  :  je  me  promènerai. 

J2isque.  —  On  ne  doit  jamais  l'écrire  sans  s  à  la  fin 
quand  il  est  suivi  d'une  consonne  :  jusques-là  ;  su'iv'i 
d'une  voyelle,  on  le  peut  -.jusqu'aux  enfers,  jusqu'à 
Pâques.  —  Jusques  à  et  jusqu'à  sont  tous  deux  bons. 

Mais  mêmes.  —  II  se  dit  et  s'écrit  communément,  et 
tous  les  bons  auteurs  s'en  servent.  On  ne  doit  pas  se 
faire  scrupule  de  l'employer. 

Même,  Mêmes. —  Adverbes,  ces  deux  mots  sont  bons, 
et  avec  une  a'  et  sans  s;  mais  Vaugelas  voudrait  faire  _ 
une  distinction.  Quand  même  est  près  d'un  substantif  ■ 
singulier,  il  voudrait  mettre  mêmes,  avec  une  *•,  etpiès 
d'un  substantif  pluriel  il  voudrait  l'écrire  sans  *',  et 
cela,  pour  éviter  l'équivoque  et  pour  empêcher  que 
même  adverbe  ne  fût  pris  pour  même  pronom. 

Quasi.  —  Ce  mot  est  bas,  et  nos  meilleurs  écrivains 
ne  l'emploient  que  rarement.  Ils  disent  d'ordinaire 
presque,  bien  qu'en  certains  endroits  quasi  puisse  se 
dire  même  avec  quelque  grâce. 

Fronde.  —  Quoique  M.  Coëffeteau  et  après  lui  un  de 
nos  meilleurs  écrivains  «  dient  »  toujours  fonde  (du 
latin  fiinda],  il  faut  mettre  une  r,  et  dire  fronde. 

Soumission,  submission.  —  Au  palais,  on  dit  //  a  fait 
les  submissions  au  greffe;  mais,  depuis  vingt  ans,  on 
dit  soumission  dans  le  langage  ordinaire. 

De  la  sorte,  de  cette  sorte. —  On  ne  doit  mettre  de  la 
sorte  qu'après  une  chose  qui  vient  d'être  dite  ou  faite; 
de  cette  sorte  se  met  avant  ou  après. 

Epithète,  Equivoque,  Anagramme.  —  Ce  dernier  est 
toujours  du   t'émïn'm;  épithèle  est  à  volonté  masculin 
ou  féminin;  quelques-uns  font   encore  équivoque  du      ! 
masculin. 

Je  vais,  je  va.  —  Tous  ceux  qui  savent  écrire  et  qui 
ont  étudié  disent  je  vais;  mais  toute  la  Cour  ditje  va, 
et  ne  jicut  souffrir  jV  vais,  qui  passe  pour  un  mot  pro- 
vincial et  du  peuple  de  Paris. 

La.  —  Presque  toutes  les  femmes  de  Paris  et  de  la 
Cour  l'emploient  à  la  place  d'un  adjectif  féminin;  elles 
disent,  par  exemple,  quand  on  demande  h  l'une  d'elles 
si  elle  est  malade  :  Je  la  suis.  C'est  une  faute,  il  faut 
dire  :  Je  le  suis. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rkdactedu-Géuant  :  Emam  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


8T 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Le  Seigneur  de  Lanterne  ;  par  Alfred  Assolant.  In-18 
Jésus,  376  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Garibaldi  et  l'armée  des  Vosges.  Récit  officiel  de  la 
campasnc.  avec  documents  et  quatre  cartes  à  l'appui;  par 
le  général  Bordone,  chef  détat-major  de  l'armée  des 
Vosges.  W  édition.  In-8%  ix-617  p.  Paris,  lib.  Le  Chevalier. 
5  fr. 

Les  Secrets  d'une  sorcière;  par  la  comtesse  Dash. 
Nouvelle  édition.  T.  2.  In-18  Jésus.  310  p.  Paris,  lib.  Nou- 
velle, 1  fr.  25. 

Foyers  et  coulisses.  Histoire  anecdotique  de  tous  les 
théâtres  de  Paris.  Variétés.  Avec  photographies.  In-32, 
111  p.  Paris,  lib.  Tresse.  1  fr.  50. 

Philosophie  de  l'histoire  de  l'humanité;  par  J.-G. 
Herder.  Traduction  de  l'allemand  par  Emile  Tandel.  .Nou- 
velle édition.  T.  3.  In-8°,  399  p.  Paris,  lib.  internat.  6  fr. 

La  Famille  Alain;  par  Alphonse  Karr.  Nouvelle  édit. 
Gr.  in-18,  33i  p.  Paris,  lib.  Nouvelle.  1  fr.  25. 

Méthode  lexicologique.  Traité  complet  d'analyse 
et  de  synthèse  logiques  rédigé  sur  un  plan  entière- 
ment nouveau;  par  P.  Larousse.  9'  édition.  Livre  du 
Maître.  In-12,  vni-135  p.  Paris,  lib.  Auguste  Boj'er  et  Cie. 
2  francs. 

Le  docteur  Marat;  par  le  docteur  H.  Mettais.  In-18 
Jésus,  351  p.  Paris,  lib.  de  la  Société  des  gens  de  lettres. 
3fr. 

"Volupté;  par  Sainte-Beuve,  de  l'Académie  française. 
8'  édition,  revue  et  corrigée,  avec  un  appendice  contenant 
les  témoignages  et  jugements  contemporains. ^In-18jésus, 
420  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 


Les  Drames  du  cloitre;  par  Elle  Berthet.  ln-18  Jésus, 
302  p.  et  grav.  sur  acier.  Paris,  lib.  Sartorius.  3  fr. 

Œuvres  choisies  de  Chateaubriand,  avec  gravures. 
Les  Natchez.  2  vol.  gr.  in-18,  vin-512  p.  Paris,  lib.  Degorce- 
Cadot.  Chaque  vol..  1  fr.  25. 

Maître  Baniel  Rock;  par  Erckraann-Chatrian.  W  édit. 
In-18  Jésus.  3i0  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie.  3  fr. 

La  Fontaine  aux  perles;  par  PaulFéval.  ln-18  Jésus, 
379  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Edouard  III  et  les  bourgeois  de  Calais,  ou  les 
Anglais  en  France.  Ouvrage  revu  par  .M.  Guizot  'I3i6- 
1558.)  5«  édition.  ln-18  Jésus,  96  p.  Paris,  lib.  Hachette. 
1  fr.  25. 

La  Rédemption  d'Olivia;  par  Henry  de  la  Madelène. 
ln-18  Jésus,  31x0  p.  Paris,  lib.  Nouvelle.  3  fr.  50. 

Le  mérite  des  femmes,  poëme;  par  Gabriel  Legouvé. 
Nouvelle  édition,  accompagnée  de  pensées  empruntées  à 
toutes  les  littératures,  recueillies  par  Jules  Andrieu.  3'  édit. 
In-32,  96  p.  Paris,  lib.  Taride.  50  cent. 

Desclée,  biographie  et  souvenirs  ;  par  Emile  de 
Molènes.  Orné  d'un  portrait  à  l'eau  forte.  ln-18  Jésus, 
214  p.  Paris,  lib.  Tresse.  3  fr.  50. 

Nouveau  dictionnaire  des  synonymes  français  ; 
par  A.-L.  Sardou.  Nouvelle  édition.  ln-18  Jésus,  vii-580  p. 
Paris,  lib.  Delagrave. 

Histoire  des  Romains  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'à  la  fin  du  régne  des  Antonins;  par 
Victor  Duruj',  membre  de  l'Institut.  T.  A.  In-8°,  489  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  7  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Saiido:  et  Fiscltba- 
cher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  1™  année,  15  fr., 
2"=  année,  10  fr.;  3=  année,  12  fr.;  4°  année,  8  fr.;  5=  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


ŒUVRES  DE  RABELAIS,  augmentées  de  plusieurs 
fragments  et  de  deux  chapitres  du  5'  livre,  etc.,  et  pré- 
cédées d'une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  Rabelais.  —  Nouvelle  édition,  revue  sur  les  meilleurs 
textes,  éctaircie  quant  à  l'orthographe  et  à  la  ponctuation, 
accompagnée  de  notes  succinctes  et  d'un  glossaire,  par 
Louis  Barré,  ancien  professeur  de  philosophie.  —  ln-18 
Jésus,  xxxv-612  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères,  6,  rue  des 
Saints-Pères,  à  Paris. 


mière  fois  par  la  Société  des  Bibliophiles  français.  —  2  vol. 
—  A  Paris,  à  l'imprimerie  deCrapelet,  9,  rue  deVaugirard. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bo.naventcre  des  Periebs.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.L.  Jacod, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Dcl'ihays,  éditeur,  4-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-i6  :  5  fr.  ;  in-80  :  2  fr.  50. 


LE  MÉXAGIER  DE  PARIS.  —  Traité  de  morale  et 
d'économie  domestique,  composé  vers  1393,  par  un  Bour- 
geois parisien  ;  contenant  des  préceptes  moraux,  quelques 
faits  historiques,  des  instructions  sur  l'art  de  diriger  une 
maison,  des  renseignements  sur  la  consommation  du  Roi, 
des  Princes  et  de  la  ville  de  Paris,  k  la  fin  duxiv'  siècle; 
un  traité  de  cuisine  fort  étendu  et  un  autre  non  moins 
complet  sur  la  chasse  à  l'épervier.  —  Publié  pour  la  pre- 


LES  ŒUVRES  DE  TAB  ARIN  avec  les  Adventures  du 
capitaine  Rodomont,  la  Farce  des  Bossus  et  autres  pièces 
tabariniques.  —  Nouvelle  édition.  —  Préface  et  notes  par 
Georges  d'Harmoxville.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  li- 
braire-éditeur, 4-6,  rue  Voltaire. 


LES  ANCIENS  POÈTES  DE  LA  FRANCE,  publiés 
sous  les  auspices  de  S.  Exe.  Monsieur  le  Ministre  de  l'Ins- 
truction publique  et  des  Cultes,  et  sous  la  direction  de 
M.  Guessard.  —  fieradras.  —  parise  la  duchesse.  —  Paris, 
chez  F.  Vietveg,  libraire-éditeur,  67,  rue  Richelieu.. 


CONFORMITÉ  DU  LANGAGE  FiU\NÇOIS  AVEC 
LE  GREC,  par  Henri  Estienne.—  Nouvelle  édition,  accom- 
pagnée de  notes  et  précédée  d'un  essai  sur  la  vie  et  les 


88  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ouvrages  de  cet  auteur.  —  Par  Léon  Feugère,  professeur 
de  rhétorique  au  lycée  Louis-le-Grand.— Paris,  chez  Jules 
Delalain,  imprimeur  de  l'Université  de  France,  rue  de 
Sorbonne  et  des  Mathurius. 

LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANCION,  composée  par 
CH.\nLEsSoREL,sieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Emile  Colombay.  —  Paris, 
Adolphe  Delahays,  éditeur,  Zi-6,  rue  Voltaire.  —  In-16  : 
5  fr.  ;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 

VOCABULAIRE    RAISONNÉ  ET    COMPARÉ   DU 


DIALECTE  ET  DU  P.\TOIS  DE  LA  PROVINCE  DE 
BOURGOGNE,  ou  Etude  de  l'histoire  et  des  mœurs  de 
cette  province  d'après  son  langage.  —  Par  Mignaed,  de 
l'Académie  de  Dijon.  —  Iii-S",  334  p.  —  Paris,  librairie 
Aubrij,  18,  rue  Séguier. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


I. 

En  faisant  insérer  quelques  annonces  dans  le  Journal  de  Bucarest,  dirigé  par  M.  Ulysse  de  Marsillac,  on  peut  se 
procurer  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  en  Roumanie. 

Les  annonces  pour  ce  journal,  qui  .sont  reçues  à  Paris  par  M.  Eugène  Grain,  9,  rue  Drouot,  coûtent  30  cent,  la  ligne. 

Moyennant  10  centimes,  le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  envoie,  en  France,  un  spécimen  du  Journal  de  Bucarest 
aux  personnes  qui  lui  en  font  la  demande. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo- française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'A^gletebre  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires. 

L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la  France,  et  il  se  prend  à  Paris  chez  MM.  Sandoz  et  Flschbacher,  libraires,  33,  rue 
de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart,  2,  rue  de  la  Paix. 

Les  Professeurs  français  des  deux  sexes  peuvent  parvenir  à  se  procurer  des  places  en  Angleterre  par  l'intermé- 
diaire des  Agents  de  Londres  dont  les  noms  et  les  adresses  suivent  : 

M.  Verstraete,  25,  Golden  Square,  W. 
Mme  Hopkins,  9,  New  Bond  Street,  W. 
Mme  Waghorn,  3à,  Soho  Square. 


M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  "W. 

M.  Biveret  Cie,  !i6,  Régent  Circus,  W. 

M.  Clavequin,  125,  Régent  Street,  W. 

M.  Griffiths,  22,  Henrietta  Street,  Covent  garden.W.  G. 


Mme  Wilson,  A2,  Berners  Street,  W. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Le  journal  Le  Tournoi  est  rédigé  au  concours  par  ses  abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  Comité  de  rédaction.  L'insertion  donne  droit  à  l'une  des  primes  suivantes  : 
ire  Prime  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme  confirmant  le  succès  du  lauréat  ; 
2«  Prime Quinze  exemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de  l'auteur,  et  formant  une  brochure. 

Tout  abonné  douze  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  en  s'adressant  à  M.  Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  à  Paris. 

Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875. 

Los  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  .sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur 
d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. 

Sont  seuls  admis  à  concourir  :  1»  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  do  la  Société  Florimontane,  —  2"  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1"  juillet  1875.  Ils  resteront 
déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les  auteurs  pourront  en  prendre  connaissance. 

Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins  de  cent  vers. 

Le  treizième  Concours  poéliqnc  ouvert  i  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  tS7/i.  —Dix  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  Caru  vnrk,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espagne,  à  Bordeaux  (Gironde").  —  Affranchir. 


Le  rcdaclcur  du  Cnunier  de  yiii>;/rhis  est  visible  à  son  Inireau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupelev  à  Nogent-le-Rotrou. 


5'  Année. 


N»  12. 


15  Septembre  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraitiant   1«    1"  at   le    15    de   chaqae  mola 


PRIX  : 
Abonnpmcnl  pour  la  France.     6  f. 
Idem       pour  l'Élranger.  10  f. 
Annonces,  la  ligne .     .    .     .50  c. 


Rédacteur  :  Eman  MARTIN 

N'CIEN     mOFESSEin      SPÉCI.\L      POm      LES     ÉTR.4.SGERS 

Officier    d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON   S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 

soil  au  Rédacteur,  soit  à  lAdm' 

M.  FiscHBACHEK,  33,  Tuede  Seine. 


SOM.MAIRE. 

Communication  sur  Après  moi  le  déluge  ;  —  Signification  litté- 
rale de  Dés  le  potion  minet;  —  D'où  vient  Bâtonnier,  chef 
des  avocats  ;  —  Etymologie  de  Alénois.  \\  Signification  de 
Autant  pour  le  brodeur!  —  A  quoi  se  rapporte  Sec  dans 
l'expression  Boire  sec  ;  —  Impropriété  de  As  percé,  terme  de 
bouillotte.  Il  Passe-temps  grammatical.  1,  Suite  de  la  biogra- 
phie de  Vaugelas.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature. 
Il  Renseignements  pour  les  professeurs  français  qui  désirent 
aller  à  l'étranger,   jj   Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

J'ai  reçu  dernièrement  la  iellre  suivante  : 
Monsieur, 

A  la  page  101  de  la  4'  année  du  Courrier  de  Vaugelas, 
vous  vous  exprimez  ainsi  au  sujet  de  l'origine  du  fameu.K 
Après  moi  le  déluge .' 

«  Un  jour,  vers  la  fin  de  son  règne,  où  il  avait  travaillé 
lui-même  et  en  connaissance  de  cause  à  la  désorganisation 
sociale,  Louis  XV,  sentant  les  vieux  ressorts  de  la  monar- 
chie craquer  sous  de  continuelles  secousses,  dit  à  Madame 
de  Pompadour  ; 

«  Au  reste,  les  choses  comme  elle  sont  dureront  autant 
«  que  moi.  Berry  ^le  Dauphin]  s'en  tirera  comme  il  pourra! 
«  Après  moi  le  déluge  !  t 

«  Ce  mot  fut  recueilli,  et  la  ruine  imminente  de  l'Etat 
valut  ainsi  (faible  compensation!)  une  expression  prover- 
biale de  plus  â  notre  langue.  » 

Eh  bien!  il  paraîtrait  que  le  mot  ne  serait  pas  de 
Louis  XV;  car  je  trouve  ce  passage  dans  la  Revue  OiOlio- 
graphique  publiée  par  Ernest  Leroux,  rendant  compte  du 
Keliquaire  de  M.  Q.  de  la  Tour,  peintre  du  roi  Louis  XV 
(N°  6,  p.  103)  : 

<i  Tout  est  curieux,  tout  est  à  lire  dans  ce  volume,  on  y 
trouve  une  note  de  Mlle  Fel  qui  cite  ce  mot  cynique  de 
Mme  de  Pompadour  :  «  Il  (la  Tour)  m'a  raconté  aussi  que, 
peignant  Mme  de  Pompadour,  le  roy,  après  l'affaire  de 
Rosbach,  arriva  tort  triste;  elle  luy  dit  :  Qu'il  ne  fallait 
point  qu'il  s'affligeât,  qu'il  tomberait  malade,  qu'au  reste, 
après  eux  le  déluge,  t 

Vous  demandez  des  critiques,  des  notes,  etc.  J'espère 
vous  être  agréable.  Monsieur,  en  vous  envoyant  ce  texte, 
qui  n'est  peut-être  pas  trop  à  dédaigner, 

[Un  lecteur  assidu.) 


Certainement  non,  il  n'est  pas  à  dédaigner  ce  texte 
qui  vient  si  inopinément  déposséder  Louis  XV  en  faveur 
de  Madame  de  Pompadour.  Aussi,  je  m'empresse  de  le 
publier  et  d'adresser  mes  sincères  remerciements  à  la 
personne  qui  me  le  communique. 

X 

Première  Question. 
Je  vous  serais  bien  reconnaissant  de  me  donner  dans 
un  de  vos  prochains  numéros  la  signification  littérale 
de  la  singulière  expression  dès  le  fotron  mtxet,  qu'en- 
registre l'Académie  avec  le  sens  de  dès  l.i  poi?<te  du 
jour.  Je  vous  remercie  d'avance  de  votre  réponse. 

Quand  Génin  traitait  cette  question  dans  l'Illustra- 
tion, un  correspondant  lui  écrivit  que,  dans  sa  province, 
on  exprimait  le  sens  de  se  lever  de  très-bonne  heure 
par  se  lever  dès  les  chats.  C'est  une  preuve  que  minet 
veut  dire  ici  chat,  ce  qui  se  confirme  du  reste  par  le 
mol  mine,  emplojé  dans  quelques  pays,  le  Perche  et  la 
Beauce,  par  exemple,  pour  désigner  la  femelle  de  l'ani- 
mal ainsi  appelé. 

Maintenant,  qu'est-ce  que  potron,  qui,  isolé,  ne  se 
trouve  dans  aucun  dictionnaire? 

De  prime  abord,  on  se  sent  porté  à  croire  que  c'est  le 
potron  qu'employaient  nos  ancêtres  pour  désigner  le 
petit  d'un  quadrupède  quelconque. 

En  effet,  ce  mot  s'adapte  facilement  à  la  locution 
dont  il  s'agit,  puisqu'il  lui  donne  pour  signification  : 
se  lever  dès  le  petit  chat,  et  que  le  chat  passe  pour  être 
Irès-matineux. 

D'un  autre  côté,  on  dit  aussi  dès  le  potron  Jacquet, 
comme  le  prouve  cet  exemple,  emprunté  à  Grandval  : 

Il  avançoit  pays  monté  sur  son  Criquet, 
Se  levoit  tous  les  jours  dès  le  potron  Jacquet. 

{Poème  de  Cartouche,  Vll,  p.  70.) 

Et  si,  dans  celte  variante,  où  Jacquet  désigne  un  écu- 
reuil (au  moyen  âge  les  animaux  avaient  reçu  comme 
on  sait  des  noms  propres  de  personnel,  on  remplace 
potron  par  petit,  on  obtient  encore  une  signification 
analogue,  l'écureuil  ayant,  comme  le  chat,  la  réputation 
de  se  réveiller  de  très-bonne  heure. 


90 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Mais  voici  une  objection  qui  ne  permet  pas  d'ad- 
mettre plus  longtemps  un  tel  sens  pour  ^;o/;'o«  ; 

Pourquoi  donc  prendre  ici  pour  comparaison  le  petit 
du  chat  et  celui  de  l'écureuil?  Est-ce  que  les  petits  de 
ces  animaux,  qui,  naturellement,  n'ont  aucune  expé- 
rience, se  lèvent  plus  tôt  que  leurs  mères,  que  l'instinct 
pousse  à  les  pourvoir  de  nourriture?  Puis,  dans  la  va- 
riante de  ce  proverbe  donnée  par  le  correspondant  pro- 
vincial de  Génin,  il  n'est  question  que  de  cliats,  et  non 
àe petits  chats;  et,  enfin,  on  trouve  dans  Trévoux,  pour 
signifler  dès  la  première  lueur  du  jour  :  dès  que  les 
chais  sont  chaussés,  et  non  \es  petits  chats. 

Il  y  a  là-dessous  «  quelque  machine  »,  pour  parler 
comme  le  rat  de  La  Fontaine;  et  il  îàat  kpotron  une 
autre  élymologie  que  celle  qui  en  fait  une  espèce  de 
diminutif. 

On  n'a  pas  dit  toujours  ni  partout /Jo/?-o«  dans  l'ex- 
pression qui  nous  occupe.  Ainsi,  le  bourguignon  em- 
ploie po//o«;  nos  auteurs  du  xv!!**  siècle  écrivaient ^ûj- 
tron,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 
Il  s'est  levé  dès  le  poltron  Jacquet. 

(OuJin,  Curios.  franc. ^  p.  i35.) 

La  dame  du  Potiron  Jacquet  l'est  encore  moins  [ingrate]. 

(Sérigné,  j^l.) 

Le  comte  Jaubert  [Gloss.  du  centre  de  la  France)  nous 
apprend  qu'en  Berry  on  dit  jja^row;  d'après  ce  que  je 
trouve  dans  Duméril  [Dict.  du  pat.  norm.],  on  dit  ^e- 
tron  dans  presque  toute  la  Basse-i\ormandie,  et  je  lis 
dans  le  dictionnaire  de  Littré  que  quelques  personnes 
disent  :  dès  le  paître  au  minet. 

Cette  dernière  leçon  me  suggère  l'idée  que  patron 
pourrait  bien  être  mis  pour  paître  au,  et  les  consi- 
dérations suivantes  me  font  croire  qu'en  effet,  c'est  une 
réalité  : 

•|o  Jadis  les  infinitifs  s'employaient  comme  substan- 
tifs, et  la  présence  de  paître  après  dès  ne  déroge  point 
à  la  construction  requise  pour  ce  dernier. 

2°  Pendant  fort  longtemps,  le  rapport  de  possession, 
que  nous  marquons  actuellement  par  de,  se  marqua  par 
à;  on  disait  le  fils  à  un  tel,  emploi  qui  s'est  conservé 
dans  la  bête  au  bon  Dieu. 

3"  Le  son  ai  de  paître  correspond  à  oi,  car  en  bour- 
guignon on  dit  puître  pour  paître,  et  oi  a  pu  devenir 
0,  puisque  dans  oignon,  moignon,  etc.,  nous  pronon- 
çons sans  faire  sentir  1'/. 

4°  Enfin  on  s'est  dit  souvent  pour  ou,  et  ce  dernier 
se  rencontre  quelquefois  pour  aw,  ce  dont  voici  quelques 
exemples  : 

Advis  m'estoit  à  ceste  fois, 
Bien  y  a  cinq  ans  et  cinq  mois, 
Qu'où  joli  moi.s  de  May  songeoie 
Ou  ti.m|is  amourpux  plein  de  joie 
Que  touic  ctiose  si  osgaye. 

(Rom.  de  ta  Rose,  dan»  Roquefort.) 

L'ahsoluclon  vous  drpars 

Ou  nom  d'Amours  le  Dieu  vaillant 

El  par  ainsi  de  vous  me  pars. 

[Confeti.  de  la  Belle-Fille,  dans  Roquefort.) 

Or,  quand  on  sait  que  minet  veut  dire  chat,  et  que 


patron  est  la  corruption  du  verbe  ^;f»7;e,  pris  substan- 
tivement, et  de  l'article  composé  au,  on  tient  naturelle- 
ment pour  démontré,  et  de  la  manière  la  plus  évidente, 
que  dès  le  patron  minet  signifie  littéralement  :  dès  le 
moment  où,  le  chat  va  paître. 

Dans  le  Journal  des  Débats  du  26  juin  1863,  Jules 
Janin,  rendant  compte  du  drame  de  Mandrin,  qu'on 
venait  de  reprendre  au  Cbàtelet,  avait  dit,  en  emprun- 
tant du  reste  son  expression  à  la  pièce  elle-même 
(acte  IV,  8=  tabl.,sc.  I)  : 

Le  meunipr  se  lèvera  demain  dès  le  patron  minette. 

11  s'est  trouvé  quelqu'un  parmi  les  correspondants  de  , 
l'Intermédiaire  qui  l'en  a  repris,  et  qui  voudrait  que  I 
l'on  dit  :  patron  minette. 

Je  crois  que  ce  correspondant  a  doublement  tort  ; 
d'abord,  en  voulant  qu'on  écrive  minette,  quand  il  faut 
minet  (dans  les  autres  formes  de  l'expression  on  ne 
voit  que  Jacquet  et  non  son  féminin  Jacqueline),  et 
ensuite,  parce  que,  malgré  l'orthographe  |)o^row,  qu'on 
rencontre  assez  généralement,  patron  est  préférable 
comme  se  rapprochant  plus  de  paître,  avec  son  a,  que 
ne  le  fait  potron,  avec  son  o. 

X 

Seconde  Question. 
Pourquoi  le  chef  que  les  avocats  se  donnent  tous  les 

ans  s'appelle-t-il  batonkier,  au  lieu  de  porter  le  titre 
de  PRÉSIDENT,  employé  (jènéraleinent  pour  désigner  le 
chef  dans  toutes  les  sociétés? 


L'usage  du  bâton  comme  symbole  de  puissance  ou 
de  dignité  remonte  à  l'antiquité  la  plus  haute.  Dans  les 
siècles  les  plus  reculés,  non-seulement  les  princes,  mais 
encore  les  personnes  considérables  telles  que  les  pères 
de  famille,  les  juges,  les  chefs  d'armée,  etc.,  portaient 
pour  marque  de  distinction  un  bâton.  Cet  usage,  très- 
expressément  marqué  dans  l'Écriture  sainte,  était  établi 
chez  tous  les  anciens  peuples.  Égyptiens,  Babj Io- 
niens, etc.,  et  s'y  est  perpétué  fort  longtemps.  Homère 
ne  parle  ni  de  couronnes,  ni  de  diadèmes;  mais  il  n'ou- 
blie pas  le  bâton  de  distinction.  Les  principaux  magis- 
trats romains  portaient  de  ces  bâtons.  Les  monarques 
français  tenaient  autrefois  le  sceptre  d'une  main  et  le 
bâton  de  l'autre.  Les  évéques  et  les  abbés  prirent  aussi 
cette  marque  de  dignité,  et,  en  Angleterre,  l'état-major 
de  la  milice  s'appelle  staff-corps,  c'est-à-dire  corps  à 
bâton,  en  prenant  ce  dernier  dans  l'acception  de  signe 
de  commandement. 

Or,  le  nom  de  bâtonnier  n'aurait-il  pas  été  donné 
chez  nous,  dans  l'origine,  à  celui  auquel  on  déférait  un 
pouvoir  temporaire,  et  qui,  en  conséquence,  portait  un 
bâton,  insigne  de  ce  pouvoir? 

Au  comté  de  Bourgogne,  comme  l'atteste  P.  Helyot 
(tome  VIII,  ch.  50),  les  chevaliers  de  l'ordre  de  saint 
Georges  donnèrent  le  nom  de  bâtonnier  à  leur  chef, 
litre  qui  fut  changé  depuis  en  celui  de  gourerneur  ;  et, 
d'après  Trévoux,  quelques  auteurs  l'ont  donné  de  même 
à  de  simples  sergents  ou  bedeaux. 

Mais,  malgré  ces  faits,  ce  n'est  pas  de  bâton,  symbole 


LE  COURRIER  DE  YAUGELAS 


9i 


de  puissance  ou  de  commandement,  que  vient  &rf^o»?»'er, 
appliqué  au  chef  annuel  de  Tordre  des  avocats;  c'est  de 
blUon  signifiant  la  hampe  d'une  bannière  comme  on  en 
porte  dans  les  fêles  religieuses.  Il  me  suffira,  pour  le 
prouver,  de  citer  Fournel  [Ilisl.  des  avocats  au par- 
/c»i.),qui  s'exprime  en  ces  termes  (t.  II,  p.  380)  : 

Ce  fut  dans  cette  période  [de  1550  à  ICOO!  et  vers  son 
commencement,  que  le  nom  de  bâtonnier  fut  particulière- 
ment affecté  au  chef  de  l'ordre  des  avocats  du  parlement 
de  Paris. 

Jusque-là,  ce  titre  n'étoit  qu'accessoire  à  celui  de  do'jen, 
à  cause  de  la  garde  qui  lui  ctoit  confiée  de  la  bannière  ou 
bâton  de  saint  Nicolas. 

En  effet,  il  faut  se  rappeler  que  la  communauté  des  pro- 
cureurs etl'ordre  des  avocats s'étoient  réunis  dans  la  con- 
frérie de  saint  Nicolas,  et  que  la  bannière  ou  bûton  se  por- 
toit,  par  honneur,  chez  le  chef  des  avocats,  qui  en  prenoit 
le  titre  de  bâtonnier. 

Après  la  dissolution  de  la  confrérie  [1782]  le  nom  de  t)â- 
tonnier  lui  resta,  et  ce  ne  fut  que  sous  ce  nom  qu'il  fut 
désigné  dans  le  public,  dans  les  tribunau.x,  et  dans  les  arrêts 
et  règlements  relatifs  à  la  profession  d'avocat. 

Et  voilà  pourquoi  l'avocat  élu  annuellement  par  ses 
confrères  pour  dresser  le  tableau,  présider  le  conseil  et 
représenter  l'ordre  entier,  porte  le  nom  de  bâtonnier 
au  lieu  de  celui  de  président,  qui  est  d'un  emploi  beau- 
coup plus  général. 

Etablie  par  les  clercs  du  Palais  et  confirmée  par 
lettres  de  Philippe-le-Bel  datées  d'avril  1342,  la  con- 
frérie de  saint  Nicolas,  qui  réunissait,  comme  on  l'a  vu 
plus  haut,  la  communauté  des  procureurs  et  Tordre  des 
avocats,  employait  le  terme  bâtonnier;  cette  dénomina- 
tion subsiste  encore  de  nos  jours  dans  le  même  sens  : 
elle  a,  par  conséquent,  l'âge  respectable  de  cinq  cent 
Irenle-deux  ans. 

X 
Troisième  Question. 

Selo7i  Ménage,  il  est  difficile  de  dire  pourquoi  le 
CKESSOX  ALÉNOis  «  été  appelé  ainsi;  et  le  dictionnaire 
français-anglais  de  Fleming  et  Tibbins  insinue  que  le 
mot  ALÉNOis,  einploijé  dans  cette  seule  expression,  vient 
dtt  mot  ALÊNE.  Etrs-vous  de  ce  dernier  avis,  et,  dans  le 
cas  contraire,  quelle  étijmologie  proposeriez-vous  pour 
le  mot  en  question  ? 

On  a  toujours  distingué  deux  sortes  de  cresson,  le 
cresson  alénois  et  le  cresson  d'eau  ou  de  fontaine  : 

Le  cresson  Alénois  et  le  cresson  d'eau  ne  sont  point  du 
tout  du  même  genre,  quoiqu'ils  aient  tous  les  deux  leurs 
fleurs  en  croix. 

(Dictionn.  de  Trévoux.) 

Maintenant,  en  quoi  diffèrent  ces  deux  herbes? 

Le  dictionnaire  de  Furetière  dit  que  les  feuilles  du 
cresson  alénois  ou  cresson  des  jardins  sont  oblongues, 
découpées  profondément,  et  je  lis  dans  celui  de  Trévoux: 

La  seule  différence  qu'on  établisse  entre  ces  deux 
plantes  ne  se  tire  que  des  feuilles  qui  sont  entières  dans 
le  Thiaspi. 

Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  croire  que  ce  soit  le  mot 
exprimant  la  forme  des  feuilles  qui  a  servi  à  faire 
l'adjectif  n/c-nois;  car,  d'un   côté,   le  cresson   alénois 


n'est  point  signalé  comme  ayant  des  feuilles  terminées 
en  forme  d'alêne,  et,  de  l'autre,  parmi  les  nombreux 
adjectifs  en  ois  que  compte  notre  langue,  je  n'en  vois 
pas  un  seul  qui  rappelle  le  nom  d'un  instrument  quel- 
conque. 

Mais  alors  d'où  vient  alénois  ? 

En  cherchant  les  gentilés  de  France,  pour  répondre 
à  une  question  que  devait  renfermer  le  numéro  précé- 
dent, j'ai  trouvé,  dans  le  Dictionnaire  analogique 
de  Boissière,  que,  jadis,  TadjecLifqui  correspondait  à 
Orléans  était  olenois,  olénois.  Or,  comme  on  a  des 
exemples  de  o  changé  en  a  [domina,  dame;  locusta, 
langouste,  etc.l,  j'en  conclus  que  alénois  n'est  autre 
que  olenois,  et  veut  dire  par  conséquent  qui  est  d'Or- 
léans. 

Du  reste,  je  puis,  grâce  à  une  note  qui  m'a  été 
adressée  le  20  avril  dernier,  vous  fournir  un  texte  du 
xii«  siècle,  où  le  cresson  en  question  est  appelé  cresson 
orlcnois,  avec  une  majuscule  ^comme  dans  la  première 
phrase  de  Trévoux  citée  en  commençant;,  ce  qui  dé- 
montre, doublement  en  quelque  sorte,  que  alénois  signi- 
fie bien  d'Orléans.  Voici  ce  texte,  emprunté  aux  Crie- 
ries  de  Paris  par  Guillaume  de  La  Villeneuve,  tel  qu'il 
se  trouve  dans  Barbazan,  t.  II,  p.  278,  édit.  Méon  : 

Letues  fresches  demanois 
Vez  ci  bon  cresson  Orlenois. 

L'ancien  adjectif  était  orlenois;  par  suppression  de 
l'r,  pratique  excessivement  commune  au  moyen  âge,  on 
a  fait  olenois  :  et,  par  le  changement  de  o  en  a,  alénois, 
dans  lequel  MM.  Fleming  et  Tibbins  ont  cru  voir,  mais 
à  tort,  une  allusion  au  principal  outil  du  cordonnier. 

A  la  même  page  de  Barbazan,  se  lit  une  note  qui 
apprend  que  ce  a  bon  cresson  d'Orléans  »  s'appelle 
aujourd'hui  [ISOS]  cresson  Laonois.  Depuis  lors,  on  a 
fait  cresson  à  la  noix,  usité  parmi  les  gens  de  la  Halle, 
et  aussi,  parait-il,  dans  certains  traités  de  cuisine. 

^"est-ce  pas  un  exemple  frappant  des  bévues  que  peut 
faire  commettre  l'ignurance  des  origines  en  fait  de 
langue,  el  qui  constate  une  fois  de  plus  l'utilité  très- 
réelle  de  la  recherche  des  élymologies? 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
Quelle  est  la  véritable  signification  de  Vcxpression 
AUTAXT  rocR  LE  BRODEUR,  qui  s'cmpluie  comme  une  espèce 
d'exclamation  pour  marquer  le  peu  de  confiance  qu'on 
a  dans  ce  que  vient  de  nous  dire  quelqu'un? 

On  peut  donner  deux  explications  de  cette  expression 
proverbiale. 

Voici  la  première  :  le  brodeur  est  celui  qui  brode;  et 
broder,  au  figuré,  signifie  amplifier,  embellir  : 

Cette  princesse  vous  écrit  de  sa  belle  écriture,  elle  m'a 
montré  la  belle  morale  qu'elle  vous  a  brodée. 

(Së>igné.  443.) 


92 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Ne  se  permettre  aucune  fiction,  ne  broder  aucune  cir- 
constance. 

(J.-J.  Rousseau,  dans  Littré.^ 

D'où  :  j'en  ai  autant  au  service  de  l'ampliOeur,  de 
l'embellisseur,  pour  sens  de  l'expression  elliptique  que 
vous  me  proposez. 

Voici  la  seconde  :  nolro  ancienne  langue  avait  le 
verbe  bourder  signifiant  dire  des  bourdes  (mensonges, 
mauvaises  excuses,  défaites),  et  ce  verbe  avait  donné 
bourdeur,  qui  se  trouve  dans  ces  exemples  : 

Adonc  prit  la  parole  le  duc  de  Bretagne  et  dit  :  Entre 
vous,  bourdeurs  et  langayeurs,  vous  mettez  le  royaume  en 
vostre  volonté,  et  jouez  du  roi  à  vostre  entente. 

(Froissard,  II,  II,  i45.) 

Jehan  de  la  Fontaine  dist  publiquement  à  baulte  voix 
que  il  y  avoit  aucuns  Bourdeurs  et  Bourderesses  en  la  ville, 
qui  avoient  bourde  et  rapporte  aux  gens  d'armes,  etc. 

(Du  Cange,  Burdare.) 

Or,  bourdeur,  par  transposition  de  lettres  et  par  mu- 
talion  de  ou  en  o,  a  pu  devenir  brodeur  (comme  pour- 
mener,  fonrmenf,  founnage,  sont  devenus  promener, 
froment,  fromage]  ;  d'où  il  suit  que  Autant  pour  le 
brodeur  signifierait  littéralement  :  autant  pour  le 
diseur  de  bourdes. 

Reste  à  savoir  maintenant  laquelle  de  ces  deux  expli- 
cations est  la  bonne. 

Je  crois  que  c'est  la  seconde,  et  pour  les  raisons  que 
je  vais  vous  alléguer  : 

h"  Comme  je  viens  de  le  montrer,  broder  a  été  em- 
ployé au  figuré  pour  signifier  amplifier,  embellir;  mais 
je  n'ai  vu  nulle  part  que  brodeur  l'eût  été  pour  corres- 
pondre à  ce  sens. 

2°  Dans  les  Recherches  de  Pasquier  (liv.  VIII,  p.  733), 
on  trouve  cette  phrase,  qui  donne  brodeur  comme  dé- 
rivé de  bourde  : 

Aussi  le  Brodeur  que  nous  adaptons  à  un  insigne  men- 
teur, quand  un  homme  nous  ayant  payé  d'une  bourde,  nous 
en  souhaitons  autant  pour  le  Brodeur  est  dit  par  corruption 
de  langage  au  lieu  de  Bourdeur. 

3°  Je  lis  ce  qui  suit  dans  les  Apres-disnées  de  Cho- 
lières  (folio  22,  verso)  : 

Et  après  vous  direz  que  le  dormir  d'après  disner  est 
contre-naturel.  Baye,  et  autant  pour  le  brodeur  aut  [ou]  bour- 
deur. 

Cela  ne  semble-t-il  pas  donner  à  entendre  que  bro- 
deur avait  pour  équivalent  bourdeur,  ou  plutôt  qu'il 
n'en  était  que  la  transformation? 

On  trouve  dans  Cotgrave  que  l'expression  dont  il 
s'agit,  s'est  dite  aussi  Autant  pour  le  burdeur,  mol  qui, 
d'après  cet  auteur,  fait  allusion  à  bourdeur,  menteur; 
Du  Cange  fournil  également  un  exemple  de  bordcur 
dans  le  même  sens  : 

En  cetuy  saint  disner  soit  bien  gardé,  que  hiraux  et  Bar- 
deurs  h6  fassent  leur  offices. 

Selon  toute  probabilité,  le  dernier  terme  de  ladite 
expression  a  donc  été  d'abord  bourdeur,  puis  bordeur 
et  enfin  brodeur. 

X 

Seconde  Question. 
Quel  est  le  véritable  sens  de  l'expression  doire  sec? 


Cela  veut-il  dire  boire  de  façon  à  mettre  à  sec  le  vase 
dans  lequel  on  boit,  ou  bien  ne  pas  mettre  d'eau  da7is 
son  vin  ? 

Nos  lexicographes  sont  bien  peu  d'accord  à  ce  sujet. 
Selon  l'Académie,  Beseherelle  et  Littré,  boire  sec  a  deux 
significations;  la  première,  bien  boire,  boire  beaucoup, 
boire  excessivement;  et  la  seconde,  boire  sans  eau. 
D'après  Landais,  cette  expression  veut  dire  les  deux 
choses  à  la  fois,  boire  beaucoup  et  sans  eau.  Enfin,  pour 
Poitevin,  elle  n'en  signifie  qu'une,  boire  sans  eau. 

Laquelle  de  ces  opinions  est  la  vraie? 

A  mon  avis,  c'est  la  dernière^  et  j'en  fournis  les 
preuves  suivantes  : 

1°  Attendu  que  dans  les  expressions  boire  frais,  boire 
chaud,  l'adjectif  se  rapporte  évidemment  au  liquide, 
il  est  probable  qu'il  en  est  de  même  dans  boire  sec, 
ou,  en  d'autres  termes,  que  sec  ne  s'y  rapporte  pas  au 
vase. 

2°  L'adjeclif  sec  est  le  contraire  de  mouillé;  or,  si 
l'on  ne  dit  pas  du  vin  mouillé  (dans  lequel  on  a  mis  de 
l'eau),  on  dit,  comme  équivalent,  du  vin  trempé,  ce  dont 
voici  deux  exemples  : 

Et  surtout  de  boire  mon  vin  fort  trempe'. 

(Molière,  Malade  imag.,  III,  14.1 

Des  vins  pressés  ou  raqués,  trempés,  allongés  et  autres  de 
mesnage. 

{Olivier  de  Serrei,  aig.) 

D'où  il  suit  que  boire  sec  signifie  boire  du  vin  dans 
lequel  on  n'a  pas  mis  d'eau. 

3°  Dans  quelques  langues  étrangères^  to/re  iec  se  tra- 
duit par  des  phrases  impliquant  l'absence  d'eau;  ainsi 
l'allemand  dit  :  Reinen  wein  trinken  (boire  du  vin  pur), 
et,  dans  Quicheral,  je  trouve  boire  sec  avec  les  mots 
«  sans  eau  »  entre  parenthèses,  traduit  par  Yinum  me- 
racum  sumere  (prendre  du  vin  pur). 

X 

Trosième  Question. 
Vous  savez  qu'au  jeu  de  la  bouillotte,  on  appelle  as 
paucé  un  as  qui  est  seul  de  sa  couleur.  Pourquoi  cette 
appellation?  Quel  rapport  y  a-t-il  entre  la  circonstance 
d'être  seul  et  celle  d'être  percé,  pour  un  as? 

Voici  l'explication  de  ce  fait,  qui  est,  comme  vous 
l'allez  voir,  des  plus  simples. 

Les  Latins  disaient  per  me,  per  te,  dans  le  sens  de 
moi  seul,  toi  seul  : 

Quamvis,  Scaiva,  satis  per  te  tibi  consulis,  et  scis. 

(Horace,  Ép.  17,  liv.  I.) 

(Quoique  tu  saches,  Scœva,  suffisamment  te  conduire 
tout  seid.) 

Nos  pères  ont  nalurcllemenl  imité  celte  construction, 

et  ont  dit  :  par  lui,  par  elle,  par  soi  : 

Ainsi  ron  li  vilains  par  lui  se  démentoit, 

Une  voiz  l'apella  qui  pitié  en  avoit, 

Et  li  a  demandé  pourquoi  se  complaingnoit. 

(Jubinal.  Noiiv.  recvcii,  I,  p.  lag.l 

Les  cloches  de  l'église,  de  ce  soiez  certains, 
Sonnèrent  tout  i>ar  elles,  sanz  mètre  piez  ne  mains. 

(Idem,  I,  p.  69.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


93 


Qant  au  mostier  ira  par  soi, 
Et  il  venra  devant  trcsloz. 

(Baibazan,  III,  p.  au.) 

Or,  lorsqu'au  xvi"  siècle,  lo  français  fut  envahi  par 
l'ilalien,  nous  avons  remplacé  par  soi,  [ja.T  perse,  expres- 
sion équivalcnle  dans  cette  langue;  et,  trompés  par  une 
apparente  identité  de  son,  nous  avons  ém\. percé,  qui 
n'avait  ici  aucun  sens,  au  lieu  de  pcr  se,  qui  eût  repré- 
senté à  la  fois  et  le  sens  et  l'orthographe  véritable. 


PASSE-TEMPS  GRAiMiMATlCAL. 


FEUILLETON 


Corrections  du  numéro  précédent. 

l'...  quand  il  a  demandé  campos ;  —  2°...  avait  eu  lieu  sous 
la  présidence  de  M.  Lefébure;  —  3v..  nous  ne  laissons  pas  dVMre 
(pas  de  que)  ;  —  4°  Ils  se  plaignent  avec  raison  qu'on  leur  fasse 
jouer  un  rùle;  —  5°...  pour  que  nous  soyons  (pas  d'j  après  l'y)  ; 
—  6°...  Quand  un  homme  a  bien  diné;  —  7°  Il  faut  qu'elle  le 
soit  moins  qu'on  ne  le  dit;  —  8°...  que  les  régiments,  en  défilant 
devant  le  président,  criassent  à  tue-tête;  —  9°...  qu'il  fut  un  des 
premiers  qui  firent  des  vers  ;  —  10°  Parmi  ces  légendes,  il  y  en  a 
deux  de  frappantes. 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  Je  ne  sais  pas  combien  de  millions  ce  beau  travail  a 
coûtés  à  la  France;  il  faut  multiplier  750  par  25,  et  multi- 
plier ce  produit  par  365. 

1°  Je  vous  ferai  remarquer  que,  de  tous  les  grands  pri- 
sonniers, depuis  le  4  septembre,  je  suis  encore  le  seul  qui 
ne  se  sois  pas  évadé. 

3°  Mais  ce  n'est  pas  assez,  qu'à  partir  de  l'apparition  du 
journal  nous  ayions  avec  nos  abonnés  un  échange  constant 
d'idées  et  de  communications;  il  faut  que,  du  1"' juillet  au 
1"  octobre,  nous  ayions  reçu  une  correspondance  de  chaque 
maître. 

4*  Pour  la  plupart  des  républicains,  le  monde  commence 
en  l'an  1  de  la  République  (1780);  ça  leur  dispense  d'ap- 
prendre l'histoire. 

5°  Uans  le  Nord,  on  a  si  peur  que  les  gens  qu'on  ne  con- 
naît pas  soient  des  fripons  qu'on  évite  généralement  d'avoir 
des  rapports  avec  eux  jusqu'à  ce  qu'une  présentation  ait  pu 
rassurer  sur  leur  compte. 

6°  Il  n'y  a  pas  de  livre  où  il  soit  mieux  démontré  que 
dans  celui-ci,  les  inconséquences  du  système  étymologique. 

7'  S'ils  ne  le  pressentent  pas  tous  également,  ils  le 
supposent  tous.  Ils  labourent  le  sol  profondément  qui  doit, 
pour  produire,  recevoir  la  rosée  céleste  dont  parle  l'Ecri- 
ture. 

8°  C'est  sur  les  tourments  de  toutes  sortes  qu'enJure  le 
mari  d'une  trop  jolie  femme  que  roule  la  comédie  que 
M.  Labiche,  assisté  de  M.  Uaru,  ont  donné  au  Gymnase. 

9°  Votre  correspondant  vous  adonné  dos  renseignements 
incomplets  sur  les  points  que  j'ai  visités;  je  n'ai  vu  les 
communes  du  canton  de  Poissy  qu'après  que  j'avais  par- 
couru celles  de  l'arrondissement  de  Mantes. 

10"  La  droite,  craignant  que  M.  Tbiers  prit  la  parole,  s'est 
empressée,  sitôt  après  le  discours  de  M.  Denfort,  de  récla- 
mer la  clôture  de  la  discussion. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 

VAUGELAS. 

(Suite.) 

Prononcialion  des  mots  en  ient. —  Il  faut  prononcer 
cette  dernière  syllabe  comme  si  elle  s'écrivait  avec  un 
an,  et  non  avec  un  c;  ainsi  ingrédient,  expédient,  in- 
convénient, escient  se  prononctni  :  ingrédian ,  expé- 
dian,  etc. 

Soif,  soit  que. —  Au  lieu  de  répéter  soit  que, on  peut 
mettre  à  sa  place  ou  que,  ce  qui  est  une  façon  de  parler 
plus  douce  que  l'autre;  mais  la  première  ne  laisse  pas 
d'être  fort  bonne.  —  11  ne  faut  point  mettre  ou  devant 
soit  que  répété;  ce  qui  suit  est  une  mauvaise  phrase  : 
soit  qu'il  n'eût  pas  donné  bon  ordre,  ou  soit  que  ses 
commandements,  etc. 

Superbe.  —  Ce  mot  est  toujours  adjectif,  et  jamais 
substantif,  quoiqu'une  infinité  de  gens,  et  particuhère- 
ment  les  prédicateurs  disent  la  superbe  pour  l'orgueil. 
En  somme.  —  Ce  terme  est  vieux  et  ceux  qui  écrivent 
purement  ne  s'en  servent  plus.  —  Somme  toute  a  cessé 
aussi  de  se  dire. 

Oubli  du  pronom  relatif  ve..  —  Plusieurs  omettent  le 
pronom  relatif  le,  aux  deux  genres  et  aux  deux  nombres; 
ils  disent,  par  exemple  :  un  tel  veut  acheter  mon  cheval, 
il  faut  que  je  lui  fasse  voir;  c'est  une  faute,  il  faut  dire  : 
le  lui  fasse  voir. 

Mensonge,  poison,  relâche,  reproche. —  Ces  mots  sont 
tous  masculins,  quoique  quelques-uns  de  nos  meilleurs 
auteurs  les  aient  faits  féminins. 

Œuvre,  œuvres.  —  Au  singulier,  quand  il  signifie 
livre,  volume,  composition,  il  est  masculin.  Pour 
action,  il  est  féminin  :  faire  une  bonne  œuvre.  Au  plu- 
riel, il  est  toujours  féminin,  quelle  que  soit  sa  signiQca- 
tion. 

Valant,  vaillant.  —  L'usage,  plus  fort  que  la  raison 
dans  les  langues,  fait  dire  à  la  Cour,  et  écrire  à  tous  les 
bons  auteurs  cent  mille  écus  vaillant,  et  non  valant, 
comme  on  le  dit  principalement  en  Poitou. 

Ne  plus  ne  moins.  —  Pour  signifier  comme,  tout, 
ainsi  que,  il  faut  dire  ne  plus  ne  moins,  et  non  pas  ni 
plus  ni  moins,  qui  est  bon  pour  exprimer  exactement 
la  quantité  dune  chose. 

j\i.  —Devant  la  seconde  épithète  d'une  proposition 
négative,  il  vaut  mieux  mettre  ni  dans  le  cas  où  ces 
épithètes  ne  sont  pas  synonymes,  comme  dans  :  il  n'y 
eut  jamais  de  capitaine  plus  vigilant  ni  plus  sage  que 
lui,  et  à  plus  forte  raison,  si  ces  qualificatifs  expriment 
des  choses  contraires. 

]\lie,-_  _  Quand  la  négative  ne  est  devant  ce  verbe,  il 
faut  encore  la  répéter  avec  le  verbe  suivant  :  je  ne  nie 
pas  que  je  ne  l'aie  dit.  Le  non  emploi  de  la  seconde 
négation  ne  constitue  pas  une  mauvaise  phrase  ;  elle  a 
seulement  moins  d'élégance. 
Subvenir.  —  Il  faut  dire  subvenir  A  la  nécessité  de 


94 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


quelqu'un,  el  non  pas  survenir,  comme  disent  la  plu- 
part des  gens. 

Sortir.  —  Ce  verbe  est  neutre;  c'est  pourquoi  sortez 
ce  cheval,  pour  dire  faites  sortir  ce  cheval,  ou  tirez  ce 
cheval  est  très-mal  dit  «  encore  que  »  cette  façon  de 
parler  soit  devenue  fort  commune  à  la  Cour  el  par 
toutes  les  provinces.  On  accuse  les  Gascons  d'en  être 
les  auteurs,  parce  qu'ils  ont  l'habitude  de  convertir 
plusieurs  verbes  neutres  en  actifs,  comme  tomber,  ex- 
celler, etc. 

Insidieux.  —  C'est  Malherbe  qui  le  premier  a  em- 
ployé ce  mot  tout  latin.  Yaugelas  voudrait  qu'on  suivit 
son  exemple,  parce  que  nous  n'avons  point  de  terme 
qui  signifie  celui-là. 

La  pluspart,  la  plus  grand'part.  —  Le  premier  régit 
toujours  le  pluriel  :  la  plupart  se  laissent  emporter  à  la 
coutume;  le  second  régit  toujours  le  singulier  :  laj^lus 
grand'part  se  laisse  emporter. 

Voire  même.  —  On  ne  le  dit  plus  à  la  Cour,  et  tous 
ceux  qui  veulent  écrire  purement  évitent  avec  soin  de 
s'en  servir. 

Sens  dessus  dessous.  —  Les  uns  écrivent  c'en  dessus 
dessous,  les  autres  sens  dessus  dessous.  Vaugelas  croit 
qu'il  faut  écrire  saiis  dessus  dessous,  attendu  que  cela 
signifie  que  la  chose  dont  on  parle  est  dans  un  tel  dé- 
sordre qu'on  n'j  reconnaît  plus  ce  qui  devrait  être  des- 
sus ou  dessous. 

Peur,  crainte.  —  Il  y  a  longtemps  que  l'on  dit  el 
écrit  crainte  pour  de  crainte,  mais  peur  pour  de  peur 
est  insupportable; 

Là  oi(.  —  Celte  expression  employée  pour  au  lieu  que 
n'est  pas  du  beau  langage;  quoiqu'on  s'en  serve  ordi- 
nairement, .M.  Goëffeteau  ne  l'emploie  jamais,  ni  après 
lui,  aucun  de  nos  excellents  écrivains. 

Particularité.  —  Il  ne  faut  pas  dire  particuliarité 
comme  plusieurs  le  font,  même  à  la  Cour. 

Parce  que,  pource  que.  —  Tous  deux  sont  bons; 
mais  parce  que  est  plus  doux  et  plus  usité  à  la  Cour  et 
presque  chez  tous  les  meilleurs  écrivains.  Pource  que 
est  plus  d'usage  au  Palais,  quoiqu'à  la  Cour  plusieurs 
le  disent  aussi,  particulièrement  ceux  de  la  Normandie. 

Qui.  —  Ce  n'est  pas  une  faute  de  s'en  servir  deux 
fois  dans  une  même  période, comme  le  croient  quelques- 
uns  qui,  à  cause  de  cela,  mettent  à  sa  place  lequel,  les- 
quels, etc.  On  dit  très-bien  :  il  y  a  des  gens  qui  n'ai- 
ment que  les  choses  qui  leur  sont  contraires.  Mais  il  y 
a  une  exception,  c'est  quand  les  deux  qui  ont  rapport  à 
un  même  substantif,  sans  que  la  copulalive  et  soit  entre 
les  deux,  comme  dans  :  c'est  un  homme  qui  vient  des 
Indes,  qui  apporte  quantité  de  pierreries. 

Pour.  —  Il  est  contre  la  netteté  du  style  de  le  mettre 
deux  fois  dans  une  même  période,  et  surtout  devant 
deux  infinitifs.  Il  ne  faut  pas  dire  :  //  cherche  des  raisons 
pour  s'excuser  de  ce  qu'il  s'en  alla  pour  donner  ordre. 

liépétition  des  prépositions  devant  les  noms.  —  Celte 
répétition  n'est  nécessaire  que  quand  les  deux  substan- 
tifs ne  sont  pas  synonymes;  ainsi  on  dit  Irès-bien  -.par 
les  rvses  et  les  artifices  de  mes  ennemis;  mais  il  faudrait 
dire  :  par  les  ruses  et  par  les  armes  de  mes  ennemis. 


Qtii  répété  plusieurs  fois  pour  dire  les  uns,  les  adtkes. 
—  C'est  une  façon  de  parler  foi't  en  usage,  mais  non 
parmi  les  excellents  écrivains.  On  dit  :  qui  criait  d'un 
côté,  qui  crioit  de  l'autre,  qui  s'enfuijoit  sur  les  toits, 
qui  dans  les  caves,  qui  dans  les  églises.  Les  bons  au- 
teurs remplacent  qui  par  les  uns,  les  autres. 

Quant  et  moi.  —  On  le  dit  ordinairement  pour  avec 
moi;  mais  les  bons  auteurs  ne  l'écrivent  point,  quoique 
Malherbe  s'en  soit  servi. 

Quant  à  moi.  —  C'est  une  faute  grossière  que  de 
l'écrire  quand  à  moi,  avec  un  d. 

Quoi.  —  Ce  mot  est  d'un  usage  fort  élégant  et  fort 
commode  pour  remplacer  lequel  à  tous  les  genres  et  à 
tous  les  nom  bres,  comme  faitf/o»<  d'une  au  Ire  manière. 
On  dit  fort  bien  :  le  plus  grand  vice  à  quoi  il  est  sujet  ; 
la  chose  du  monde  à  quoi  je  suis  le  plus  sujet  ;  les  trem- 
blements de  terre  à  quoi  ce  pays  est  sujet.  —  On  ne 
se  sert  jamais  de  ce  mot  en  parlant  des  personnes. 

Qci  employé  après  les  prépositions.  —  Au  génitif,  au 
dallf  et  à  l'ablatif,  il  ne  s'applique  jamais  qu'aux  per- 
sonnes; on  ne  peut  pas  dire  :  un  cheval  de  qui,  un 
cheval  à  qui,  un  cheval  pour  qui;  il  faut  dire  :  un  che- 
val dont,  auquel,  pour  lequel. 

Solliciter. —  Pour  servir,  secourir  et  assister  un  ma- 
lade, comme  on  le  dit  ordinairement  à  Paris,  il  est  du 
plus  bas  usage,  tandis  que  dans  les  autres  significations, 
il  est  fort  bon  et  fort  noble. 

Longuement.  —  X'est  plus  employé  à  la  Cour,  où  il 
était  si  usité  il  y  a  vingt  ans;  on  n'oserait  plus  s'en  ser- 
vir dans  le  beau  langage;  on  dit  longtemps. 

Pourpre.  —  Pour  désigner  la  maladie,  il  est  mascu- 
lin; quand  il  signifie  le  poisson  qui  donne  la  pourpre, 
les  uns  le  font  masculin,  et  les  autres  féminin. 

Poitrine,  face.  —  Le  premier  est  condamné,  en  prose 
et  en  vers,  sous  le  prétexte  ridicule  qu'on  d'ii  poitrine 
de  veau;  le  second,  dans  le  sens  de  visage,  a  été  con- 
damné également;  cependant  on  dit  encore  :  la  face  de 
Notre  Seigneur,  voir  Dieu  face  à  face. 

Résoudre.  —  Depuis  quelque  temps,  ce  verbe,  qui  a 
toujours  été  neutre,  s'emploie  avec  un  régime  direct 
dans  le  sens  de  faire  prendre  résolution;  on  dit/e  l'ai 
résolu  à  cela  pour  je  l'ai  fait  résoudre  à  cela.  Il  y  a 
apparence  que  la  «  phrase  »  sera  bientôt  établie. 

Si.  —  Au  lieu  de  le  répéter,  il  est  mieux  de  le  rem- 
placer par  (/Me;  par  exemple,  si  nous  sotnmes  jamais 
heureux,  et  si  la  fortune  se  lasse  de  nous  persécuter, 
nous  ferons,  vaut  moins  que  et  que  la  fortune... 

Pour.  —  Ne  peut  être  séparé  de  l'infinitif  suivant,  si 
ce  n'est  par  des  particules  d'une  ou  de  deux  syllabes  : 
pour  y  aller,  pour  lui  dire  ;  mais  les  phrases  pojir  avec 
Quintius  aviser,  pour  après  avoir  fait  beaucoup  de  fa- 
çons, ne  dire  rien  qui  vaille  sont  mauvaises. 

Tandis.  —  Parmi  la  i)luparl  de  ceux  qui  parlent  en 
public  ou  qui  font  profession  de  bien  écrire,  on  voit  une 
grande  an'ectalion  à  se  servir  de  ce  mol;  à  la  Cour  on 
en  use  moins,  on  dit  d'ordinaire  pc«f/««/  qtte. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 

Le  Re'dactecb-Gébant  :  Ema«  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


95 


BIBLIOGRAPHIE 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


L'histoire  romaine  à  Rome;  par  J.-J.  Ampère,  de 
l'Académie  française.  Nouvelle  édition,  avec  des  plans 
topographiques.  T.  1  et  2.  In-S",  1071  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy  frères.  Les  U  vol.,  30  fr. 

Histoire  de  Théophile  Malo  de  La  Tour  d'Au- 
vergne (Covret),  premier  grenadier  de  France,  ré- 
digée d'après  sa  correspondance  et  les  documents  les  plus 
authentiques;  par  A.  Buhot  de  Kersers.  2«  édition.  In-8", 
232  p.  et  gravure.  Pari.s,  lib.  Lefort. 

La  Vengeresse;  par  Albert  Delpit.  In-18  Jésus,  392  p. 
Paris,  lib.  Dentu,  3  fr. 

Galerie  des  hommes  utiles;  par  A.  Du  Saussois. 
Oberkampf.Ganneron.  Paris,  chez  l'auteur,  108,  rue  Mont- 
martre. 

Histoire  contemporaine,  comprenant  les  principaux 
événements  qui  se  Gont  accomplis  depuis  la  Révolution  de 
1830  jusqu'à  nos  jours,  et  résumant  durant  la  même  pé- 
riode le  mouvement  social,  artistique  et  littéraire  ;  par 
Amédée  Gabourd.  T.  12.  In-8%  Zi95  p.  Paris,  lib.  Firmin 
Didot  frères,  fils  et  Cie. 

Portraits  contemporains,  Littérateurs,  peintres, 
sculpteurs,  artistes  dramatiques;  par  Théophile  Gautier. 
Avec  un  portrait  de  Théophile  Gautier,  d'après  une 
gravure  à  l'eau  forte  par  lui-même,  vers  1833.  In-18  jésus, 
468  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Les  Mœurs  et  les  femmes  de  l'extrême  Orient. 
Voyage  au  pays  des  perles;  par  Louis  Jacolliot.  Illus- 
trations d'E.  Yon.  In-18  Jésus,  351  p.  Paris,  lib.  Dentu.  Zi  fr. 

Un  nouveau  voyage  au  Groëland  ;  par  Xavier  Mar- 
inier, de  l'Académie  française.  In-8'',  30  p.  Paris,  lib. 
Douniol  et  Cie. 

Le  Mari  de  la  vieille,  étude  de  mœurs;  par  Gabriel 


Prévost.  In-18  jésus.  25i  p.  Paris,  lib.  générale,  3  fr. 

Les  Evasions  célèbres;  par  Frédéric  Bernard.  3'  édit. 
illustrée  de  25  vignettes  sur  bois  par  Emile  Bayard.  In-18 
jésus,  362  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  25  cent. 

Les  Cabotins  ;  par  Eugène  Deligny.  ln-18  jésus,  i90  p . 
Paris,  lib.  Nouvelle.  3  fr.  50  cent. 

La  Dame  aux  perles;  par  Alexandre  Dumas  fils,  de 
l'Académie  française.  Nouvelle  édition.  Gr.  in-18,  32/i  p. 
Paris,  lib.  Nouvelle.  1  fr.  25. 

Vie  des  savants  illustres  depuis  l'antiquité  jus- 
qu'au XIX"  siècle,  avec  l'appréciation  de  leurs  travaux; 
par  Louis  Figuier.  Savants  du  xvni'  siècle.  2«  édition, 
accompagnée  de  38  portraits  ou  gravures  dessinées  d'après 
des  dessins  authentiques.  Grand  in-8'',  502  p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  10  fr. 

Louis  XVI,  le  marquis  de  Bouille  et  Varennes. 
Episode  de  la  Révolution  française  juin  1791  ^  par  l'abbé 
Gabriel,  aumônier  du  collège  de  Verdun.  In-S»,  àl5  pa- 
ges. Paris,  lib.  Ghio. 

Pierre  Gariel,  sa  vie  et  ses  travaux,  1584-1674; 
par  A.  Germain,  professeur  d'histoire  et  doyen  de  la  fa- 
culté des  lettres  de  Montpellier.  In-/i°,  224  p.  .Montpellier, 
impr.  Martel  aîné. 

Les  Quarts  de  nuit,  contes  et  causeries  d'un  vieux 
navigateur;  par  G.  de  La  Landelle.  Nouvelle  édition. 
In-18  jésus,  33Zi  p.  Paris,  lib.  Lecoffre  lils  et  Cie. 

Les  Tragédies  de  Paris.  I.  La  Sage-femme;  par  Xa- 
vier de  Montépin.  In-18  jésus,  292  p.  et  grav.  Paris,  lib. 
Sartorius.  3  fr.  50. 

L'Esprit  des  bétes.  Le  Monde  des  oiseaux,  orni- 
thologie passionnelle  ;  par  A .  Toussenel.  2"  partie. Zi^  édi- 
tion, entièrement  revue  et  augmentée.  Paris,  lib.  Dentu. 


Publications  antérieures 


DU  DIALECTE  BLAISOIS  et  de  sa  conformité  avec 
l'ancienne  langue  et  l'ancienne  prononciation  française. — 
Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  par  F. 
Talbebt,  professeur  de  rhétorique  au  prytanée  militaire  de 
La  Flèche.  --  Paris,  Ernest  Thorin,  éditeur,  libraire  du 
Collège  de  France  et  de  l'Ecole  normale  supérieure,  7,  rue 
de  Médicis. 


L'INTERMÉDL\IRE  Dlï.S  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  el  Fischba- 
cher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  i»*  année,  15  fr., 
a»  année,  10  fr.;  3"=  année.  12  fr.;  /c^  année,  8  fr.;  5"  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


ŒUVRES  DE  RABELAIS,  augmentées  de  plusieurs 
fragments  et  de  deux  chapitres  du  5*  livre,  etc.,  et  pré- 
cédées d'une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  Rabelais.  —  Nouvelle  édition,  revue  sur  les  meilleurs 
textes,  éclaircie  quant  à  l'orthographe  et  à  la  ponctuation, 
accompagnée  de  notes  succinctes  et  d'un  glossaire,  par 
Louis  Babrk,  ancien  professeur  de  philosophie.  —  Inl8 
jésus,  xxxv-612  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères,  6,  rue  des 
Saints-Pères,  à  Paris. 


LE  MÉNAGIER  DE  PARIS.  —  Traité  de  morale  et 
d'économie  domestique,  composé  vers  1393,  par  un  Bour- 
geois parisien  ;  contenant  des  préceptes  moraux,  quelques 
faits  historiques,  des  instructions  sur  l'art  de  diriger  une 
maison,  des  renseignements  sur  la  consommation  du  Roi, 
des  Princes  et  de  la  ville  de  Paris,  à  la  finduxiv*  siècle; 
un  traité  de  cuisine  fort  étendu  et  un  autre  non  moins 
complet  sur  la  chasse  à  l'épervier.  —  Publié  pour  la  pre- 
mière fois  par  la  Société  des  Bibliophiles  français.  —  2  vol. 
—  A  Paris,  à  rimprimeriedeCrfl/«/e<,  9,  ruedeVaugirard. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bonaventlre  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.L.  Jacob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Dclahciys,  éditeur,  i-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.  ;  in^"  ;  2  fr.  50. 


LES  ŒUVRES  DETABARIN  avec  les  Adventures  du 
capitaine  Rodomont,  la  Farce  des  Bossus  et  autres  pièces 
tabariniques.  —  Nouvelle  édition.  —  Préface  et  notes  par 
Georges  d'Harmonville.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  li- 
braire-éditeur, 4-6,  rue  Voltaire. 


96 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRAXCION,  composée  par 
CHARLEsSoRELjSieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Eahle  Colosibay.  —  Paris, 
Adolphe  Delahays,  éditeur,  i-6,  rue  Voltaire.  —  In-16  : 
5  fr.  ;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 


VOCABULAIRE  RAISONNÉ  ET  COMPARÉ  DU 
DIALECTE  ET  DU  PATOIS  DE  LA  PROVINCE  DE 
BOURGOGNE,  ou  Etude  de  l'histoire  et  des  mœurs  de 


cette  province  d'après  son  langage.  —  Par  Mignaru,  de 
l'Académie  de  Dijon.  —  In-S",  33/i  p.  —  Paris,  librairie 
Aubry^  18,  rue  Séguier. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Pri.x 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


I. 

En  faisant  insérer  quelques  annonces  dans  le  Journal  de  Bucarest,  dirigé  par  M.  Ulysse  de  Marsillac,  on  peut  se 
procurer  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  en  Rou.mame. 

Les  annonces  pour  ce  journal,  qui  sont  reçues  à  Paris  par  M.  Eugène  Grain,  9,  rue  Drouot,  coûtent  30  cent,  la  ligne. 

Moyennant  10  centimes,  le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  envoie,  en  France,  un  spécimen  du  Journal  de  Bucarest 
aux  personnes  qui  lui  en  font  la  demande. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo- française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Angleterre  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires. 

L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la  France,  et  il  se  prend  à  Paris  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue 
de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart,  2,  rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Le  journal  Le  Tournoi  est  rédigé  au  concours  par  ses  abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  Comité  de  rédaction.  L'insertion  donne  droit  à  l'îwie  des  primes  suivantes  : 
irc  Prime  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme  confirmant  le  succès  du  lauréat  ; 
2«  Prime  —  Quinze  exemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de  l'auteur,  et  formant  une  brochure. 

Tout  abonné  douze  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  en  s'adressant  à  M.  Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  à  Paris. 


Appel  avx  Poêles. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875. 

Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  re.\térieur 
d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. 

Sont  seuls  admis  à  concourir  :  1°  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane ,  —  2»  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1"  juillet  1875.  Ils  resteront 
déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  on  les  auteurs  pourront  en  prendre  connaissance. 

Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins  de  cent  vers. 


Le  treizième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  187û. —Dix  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  CAnR.\NCE,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espagne,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 


L'Ar.An(:MiE  française  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone. 

Le  nombre  des  vers  ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents. 

Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secrétariat  de  l'Institut,  franches  de  port,  avant  « 
le  15  février  1875,  terme  de  rigueur.  ^I 

Les  manuscrits  porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage; 
ce  billet  contiendra  le  nom  et  l'adre.'^se  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître. 

On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en 
ont  besoin. 


Le  redaclciii-  du  Cm/rricr  de  Vaugelas  est  visible  a  son  bureau  de  midi  à  une  heure  cl  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupei.ey  à  Nogent-le-Rotrou. 


5"  Année. 


N"    13. 


1"  Octobre  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


Para  lisant   le    1"  et   le   18    de   ehaane  mola 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    0  f. 

Idem        pour  l'Élranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANXIEN     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  posie 
soit  au  Uéilacleur,  soit  à  lAdm' 
M.  FiscHBACBER,  33,  rue  de  Seine. 


SOMMAIRE. 
Étymologio  de  l'adjectif  Feu,  —  Origine  des  locutions  C'est  au 
diable  ouvert,  au  diable  vert.  \\  D'où  vient  le  verbe  Recroque- 
viller;—  Ce  qu'on  entend  par  Doubler  le  cap  Fayot;  —  Com- 
ment il  se  fait  que  Rossinante  ait  deux  genres;  —  Pourquoi 
VE  dans  Cueillir  et  Jtecueillir  sonne  comme  Eu.  ||  Passe-temps 
grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie  de  Vaugelas.  ||  Familles 
parisiennes  pour  la  conversation.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


Première  Question. 
Je  voudrais  bien  vous  voir  donner  un  jour,  dans  votre 
journal,  l'élymologie  de  l'adjectif  feu,  un  mot  dont 
jusqu'ici  il  n'a  pas  encore  été  bien  rendu  compte. 

On  a  passablement  discuté  au  sujet  de  cette  étymo- 
logie.  Ménage  veut  que  feu  vienne  de  felix;  selon  le 
dictionnaire  de  Trévoux,  ce  mot  est  tiré  de  fuit  et  de 
fueruni ;  d'après  M.  Paulin  Paris,  il  répond  à  functus; 
M.  Lillré  suggère  qu'il  pourrait  venir  d'une  forme  bar- 
bare fadulus  ou  fafutus;  quelqu'un  le  tire  du  berri- 
chon fu7if,  et  enfui  un  autre  lui  croit  pour  origine  l'ita- 
lien fu,  correspondant  au  latin  fuit. 

Oi'i  est  le  vrai  dans  cette  diversité  d'opinions? 

—  Ménage,  qui  a  vu  dans  le  dictionnaire  français- 
italien  d'Ant.  Oudin  que  la  feue  reine  y  est  traduit  par 
la  reç/ina  de  felice  memoria,  ce  qui  répond  au  felix  me- 
morix  des  Latins,  en  conclut  que  feu  vient  de  felix., 
dont  il  le  fait  descendre  par  les  transformations  sui- 
vantes :  felix,  felicis,  felice,  felce,  feu. 

Mais  je  vois  une  grave  objection  à  celte  origine,  à  sa- 
voir que  c'est  par  heureux  et  non  par  felix  que  l'idée  de 
bonheur,  sous  forme  adjective,  a  toujours  été  exprimée 
chez  nous,  dès  les  commencements  de  la  langue  : 
Qui  ctie  biau  bacheler  aroit  en  sa  baillie, 
Eiireuse  seroit,  car  de  chevalerie 
Est  li  plus  souverains  de  ceste  mortel  vie. 

{Baudouin  de  Sebourg,  VIII,  167.) 

D'un  autre  côté,  on  sait  que,  dans  tout  mot  français 
en  cl  venu  d'un  mot  latin  privé  de  sa  terminaison,  la 
finale  est  devenue  non-seulement  eu,  mais  encore  eau 


(castellum,  castel,  château;  porcellus,  porcel, pourceau, 
etc.)  Or,  qui,  dans  notre  langue,  a  jamais  vu  feau  avec 
le  sens  â' heureux? 

Quoique  l'étymologie  de  Ménage  ait  l'approbation  de 
Le  Duchat,  je  ne  l'en  crois  pas  moins  erronée. 

—  Du  tem.ps  où  fut  publiée  la  seconde  édition  de  Tré- 
voux (1771),  les  notaires  de  quelques  provinces  disaient 
encore  furent  en  parlant  de  deux  personnes  conjointes 
et  décédées,  ce  qui  semble  indiquer  que  feu  vient  de /"mj< 
ou  de  fuerunt. 

Je  sais  qu'au  moyen  âge  et  jusqu'au  xvi'  siècle,  on 
employa  en  effet  qui  fut,  qui  furent  dans  le  sens  de 
défunt,  dernier,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 

Nous  Pelisses  et  Marguerite  de  Chastelz  suers,  filles 
Richardin  lou  woyel  qui  fut... 

(Du  Cange,  Charte  de  i3ii.) 

De  bonne  aventure,  sa  dame,  qui  ce  fut,  vint  à  ce  heurt... 

(Cent  nouv.  nouvelles,  aa®  nouv.) 

Or,  tandis  que  Girard  devisoit  avec  sa  dame,  celle  qui  fut 
s'en  vint  â  sa  chambre,  etc. 

(Idem,  a6'  nouv.) 

Mais  comment  admettre  que  fut,  qui  n'est  pas  ici  par- 
ticipe, ait  été  transformé  en  adjectif,  et  cela,  en  sup- 
primant le  qui  comme  si  ce  dernier  s'ellipsait  jamais 
ailleurs  que  devant  un  temps  composé  où  entre  l'auxi- 
liaire (Hre?  Ce  serait  dans  la  langue  un  fait  unique  au- 
quel il  me  parait  impossible  de  croire. 

El  autre  chose.  On  trouve  feu  après  le  verbe  être,  ce 
dont  voici  un  exemple  : 

Quar  s'il  ostoit  demain  ch6us 
Et  li  rois  Loys  fust  /"««,  etc. 

{Eutebeuf,  II,  p.  6a. 1 

Or,  il  est  évident  que  feu  avec  le  sens  de  qui  fut  ne 
pourrait  occuper  celle  place. 

Du  reste,  comme  au  dire  de  Trévoux,  on  employait 
plulôl  qui  furent  que  le  singulier,  comment  furent 
aurait-il  donné  feu?  Passe  encore  pour  fut,  mais  pour 
furent? 

—  M.  Paulin  Paris  paraît  mieux  inspiré,  quand  il 
dit  que  feu  vient  de  func/us;  en  cITet,  le  latin  defunclus 
ayant  donné  defcu  dans  le  patois  du  Bcrry,  et  le  mot  do 
même  origine  functus  y  ayant  donné  feu,  que  je  retrouve 


98 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


dans  cel  exemple  du  xiV  siècle,  cilé  par  le  comte  Jau- 
bert  comme  appartenant  aux  archives  du  déparlement 
du  Cher  : 

Certaines  maisons  que  Guillaume  Baron  et  Raquillc, 
femme  feux  dudit  Baron  avionl  achatèes  des  lioirs  feux 

Tevenot 

il  est  assez  naturel  de  croire  que  feu  dérive  de  funclus; 
c'est  du  moins  conforme  à  l'analogie. 

Mais  voilà  qu'ici  encore  se  dresse  une  grave  objec- 
tion :  funcius  a  donné  funt,  dont  \'u  était  probablement 
prononcé  eu  comme  dans  le  blaisois,  où  ^mcj  et  humble 
sonnent  eun,  eumblo  (voirTalbert,  â\x  Dialecte  blaisois, 
p.  51  et  52),  ce  qui  a  donné  feu  d'une  syllabe.  Or,  on 
trouve  dans  le  dictionnaire  de  Litlré  des  exemples  de 
feu,  en  deux  syllabes  : 

Certes,  biaus  cbiers  sire,  à  mon  vuel, 

Fussiez  vous  evesques  eslus, 

Quant  nostre  evesque  fut  feiis. 

[Th.  [t.  au  mot/en  l'igf.,  p.    i4S.) 

D'où  il  suit  que  feu  ne  peut  venir  de  functns  ffunfl, 
ce  qui  est  mieux  prouvé  encore  par  l'exemple  suivant, 
emprunté  à  une  charte  de  •12/(2,  et  qui  dénote  une  ori- 
gine toute  difTérente  : 

Ge  Gauvaings,  ctievalers,  filz  fahu  Jofre,  fais  asaver  que 
ge  ai  doné  V.  sol.  à  Deu  e  a  ladite  maison  de  l'ospitau  de 
Fontseche  por  faire  l'anniversaire  fahu  Ostent  Boraud,  che- 
valer,  toz  temps  mais  chascun  an. 

(Bibl.  de  VÈc.  des  chartes,  B»  série,  V,  p.  S6.) 

—  D'après  M.  Littré,  feu  pourrait  venir  d'un  adjectif 
barbare  fadutus  ou  fatutus,  et  s'il  est  permis  de  conjec- 
turer que  cet  adjectif  dérive  irrégulièrement  de  fatum, 
le  mot  feu  signiflerait  :  qui  a  accompli  sa  destinée;  voici 
les  deux  exemples  que  le  savant  auteur  du  Dictionnaire 
cite  à  l'appui  de  cette  explication  : 

Lasl  mal  feux!  cum  esmes  avogluz! 

Quer  [car]  ço  vedons  que  tuit  sûmes  desvez; 

De  nos  péchez  sûmes  si  ancumbrez, 

La  dreite  vide  nus  funt  très  oblier. 

(Chans.  de  S.  Alexis,  CXXIV.) 

Pur  que  portai  [eus-je  un  enfant],  dolente,  mal  feiide? 

(Idem,  LXXXIX.) 

Mais,  de  l'avis  même  de  M.  Littré,  ce  feti-là,  précédé 
de  )nal,  équivaut  à  l'anglais  ill-fatcd,  et  cette  expres- 
sion, que  je  sache,  ne  signifie  pas  qui  est  mort,  elle 
exprime  seulement  que  la  personne  à  laquelle  on  l'ap- 
plique est  mal  partagée  dans  la  vie.  Ce  ne  peut  donc  être 
la  source  de  notre  feu,  dont  la  signification  ne  permet 
devant  lui  aucun  modificatif  adverbe. 

—  Feu  vient-il  du  berrichon  funt? 

On  n'est  guère  disposé  à  admettre  cette  élymologie 
quand  on  vient  de  voir,  comme  dans  les  exemples  pré- 
cédents, l'adjectif  feu  sous  les  formes  fahu  et  feil  (en 
deux  syllabes). 

—  Enfin  feu  ne  vient-il  pas  de  l'italien  /"m,  3"  personne 
singulière  du  passé  défini  du  verbe  être?  car  on  dit  dans 
celle  langue  : 

La  fu  regina  (la  feue  reine). 

11  /u  Gran  Duca  (le  feu  grand  Duc). 

Au  xvi"  siècle,  nous  avons  pris,  en  effet,  cette  forme 
de  l'ilalien  en  lui  donnant  notre  orthographe  : 
Le  tien  lui  pore. 

(J.  Marot,  p.  sio  dans  Lacurnc.) 


Mais  elle  ne  se  maintint  pas,  et  l'on  revint  à  feu,^ 
l'expression  française. 

Or,  si  au  moment  où  la  langue  italienne  était  le  plus 
en  faveur  parmi  nous,  on  a  vainement  tenté  d'intro- 
duire fu  dans  la  nôtre,  il  est  à  croire  que  feu  ne  nous 
est  point  venu  d'au-delà  des  Alpes. 

D'ailleurs,  Ménage  dit  que  /"«,  pour  défunt  ou  défunte, 
ne  se  trouve  point  dans  les  anciens  livres  italiens  et  que 
cette  façon  de  parler  à  été  introduite  «  vraisemblable- 
ment «  de  la  langue  française  dans  la  langue  italienne. 

Les  étymologies  que  l'on  a  données  jusqu'ici  de  l'ad- 
jectif feu  n'étant  pas  selon  moi  acceptables,  je  vais  à 
mon  tour  en  proposer  une  qui,  à  défaut  d'autre  mérite, 
aura  au  moins  celui  de  la  nouveauté. 

Le  mot  en  question  vient  defaillu,  un  participe  passé 
depuis  longtemps  oublié  de  faillir,  ce  qui  sera  démontré 
si  je  fais  voir  :  que  le  verbe  faillir  s'est  employé  jadis 
dans  le  sens  de  mourir,  que  le  participe  de  faillir  a  pu 
s'écrire  faliu,  et  enfin  que  fahu  a  pu  être  transformé 
en  feu  par  la  prononciation. 

V  point.  —  Le  verbe  faillir  signifie  manquer,  et  ce 
dernier  s'emploie  encore  dans  la  Beauce  et  dans  le  Perche 
pour  mourir;  on  y  dit,  par  exemple  : 

Quand  il  viendra  à  manquer,  sa  fortune  sera  bientôt  dis- 
sipée. 

Ah!  la  pauvre  femme!  elle  a  manqué  trop  tôt  pour  ses 
enfants. 

D'où  il  suit  que  faillir  a  signifié  mourir,  fait  mieux 
établi  encore  par  l'exemple  suivant,  où  failli  lient  jus- 
tement la  place  de  mort  : 

Il  lui  en  prend  comme  aux  poures  orphelins  qui  sont 
moins  avantagez  que  leurs  frères,  d'autant  que  leur  père 
est  failli  trop  test. 

(Th.  de  Bèze,    Vie  de  Calvin,  p.  j,J 

2°  point.  —  Autrefois,  beaucoup  de  verbes  à  l'infinitif 
en  ir  avaient  leur  participe  en  m,  tels  étaient,  par 
exemple,  bouillir,  férir  et  gésir,  qui  faisaient  bouillu, 
féru,  (jéu.  Il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant  à  ce  que  faillir 
ait  fait  faillu  (il  le  fait  encore  en  blaisois)  ;  et,  attendu 
que,  dans  l'origine,  ce  verbe,  venu  du  latin  fallere,  a 
dû  s'écrire  fallir,  la  question  à  résoudre  ici  se  trouve 
ramenée  à  expliquer  comment,  dans  ce  dernier  verbe,  l 
a  pu  se  changer  en  h. 

La  manière  dont  on  prononce  aujourd'hui  les  l  du 
verbe  faillir  peut  déjà  faire  conjecturer  qu'une  /*  a  pu 
entrer  dans  le  participe  de  ce  verbe  ;  mais  voici  une 
explication  plus  positive. 

Dans  l'ancien  dialecte  poitevin,  la  lettre  l  se  change 
en  (j,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  vowju,  pour  voulu,  et 
dans  rougist,  pour  voulsit,  vieil  imparfait  subjonctif 
du  verbe  vouloir;  et  comme,  dans  le  même  dialecte,  le 
g  s'emploie  aussi  pour  v  dans  le  participe  des  verbes 
en  evoir  (on  trouve  recegv],  c'est-à-dire  là  où  il  ne  peut 
être  qu'un  signe  pour  la  séparation  des  voyelles,  puis- 
que lesdits  participes,  d'abord  en  éim,  ont  fini  par  se 
terminer  en  eu,  ce  qui  implique  le  silence  du  r  pour  la 
première  forme,  il  en  resuite  la  certitude  que  la  lettre  / 
a  été  supprimée  jadis  entre  deux  voyelles,  et  remplacée 
par  un  signe  de  diérèse. 

Or,  on  n'employa  pas  partout  la  même  lettre  pour 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


99 


préyenir  l'œil  de  ne  pas  confondre  certaines  voyelles 
dans  une  même  émission  de  voix;  le  français,  par 
exemple,  se  servit  de  l'h  (trahir,  envahir,  etc.).  D'où  la 
possibililé,  à  mon  avis,  que  les  deux  l  de  faillir  aient 
été  remplacées  dans  notre  langue  par  la  lettre  /;,  et,  par 
conséquent,  que  ce  verbe,  ancienne  forme  de  faillir, 
ait  eu  pour  participe  fahu. 

3°7;o!»<.— De  fahu,  on  passa  naturellement  à /aw,  en 
deux  syllabes,  qu'on  trouve  en  effet  dans  cette  citation  : 

Aniprès  lou  clous  [elosi  qui  fu  monseigneur  Girard,  lou 
prévoira  'prètrei  faii...  el  la  vigne  qui  fu  fait  Tliiebault. 

{Bibl,  des  chartes,  5*  série,  IV,  p.  470-) 

Puis,  chose  la  plus  commune  dans  les  mutations  de 
voyelles,  a  se  changea  en  e,  ce  qui  est  attesté  par  cet 
exemple  : 

Certes,  biaus  chiers  sire,  à  mon  vuel 

Fussiez  vous  evesques  eslus, 

Quant  nostre  evesque  fut /"eu. 

(Th.  fr.  au  moyen  âge,  p.  148  ) 

En  supprimant  la  diérèse  (cela  s'est  fait  dans  tous 
les  participes  en  eu  se  prononçant  «),  on  est  tombé  sur 
feu,  monosyllabe  parfaitement  identique,  sauf  l'origine, 
à  feu  venu  dans  le  Berry,  de  fundus. 

La  démonstration  est  faite;  je  tiens  faillu  pour  l'ély- 
mologie  de  feu,  et  je  confirme  celte  opinion  par  le 
rapprochement  qui  suit  : 

En  allemand,  le  verbe  fallcn,  tomber,  a  pour  parti- 
cipe passé  gefallen,  qui  s'emploie,  dit  de  Suckau,  pour 
désigner  ceux  qui  sont  morts  dans  un  combat  ou  à  la 
suite  des  coups  d'un  assassin  :  die  gefallenen.  Or,  peut- 
on  être  surpris  après  cela  que  faillu,  participe  défaillir, 
verbe  qui  correspond  au  fallen  de  nos  voisins,  se  soit 
dit  chez  nous  pour  exprimer  comme  chez  eux  l'idée  de  : 
qui  a  cessé  de  vivre? 

X 
Seconde  Question. 

Le  CoDERiER  DE  Y LJJGELks  pourrcit-H  expliquer  l'ori- 
gine de  la  locution  c'est  au  diable  auvert,  employée 
pour  designer  un  endroit  ircs-cloigné?  Quelques  per- 
sonnes disent  aussi  :  c'est  ac  diable  veut.  Laquelle  de 
ces  deux  expresions  est  la  bonnet 

Non  loin  de  l'emplacement  où  est  aujourd'hui  l'Ob- 
servatoire, le  roi  Robert  avait  fait  bâtir  jadis  une  mai- 
son de  plaisance  dans  un  endroit  nommé  Vauvert,  c'est- 
à-dire  val  vert,  vallée  verte,  al  se  prononçant  alors  au. 
Sous  saint  Louis,  cette  maison  fut  abandonnée;  mais 
comme  les  Chartreux  que  le  pieux  roi  avait  établis  à 
Gentilly  la  voyaient  de  leurs  fenêtres,  ils  se  prirent  à  la 
convoiter.  Au  risque  de  s'exposer  à  un  refus,  il  fallait 
une  raison  pour  la  demander,  et  ils  n'en  avaient  poini, 
car  leur  habitation  était  fort  belle.  Ils  appelèrent  la 
ruse  à  leur  secours.  La  croyance  au  diable  florissait  en 
ce  temps-là:  ils  s'en  servirent  :  à  leur  commandement 
une  légion  d'esprits  infernaux  peupla  le  vieux  château, 
et  y  firent  un  tel  vacarme  que  bientôt  personne  n'osa 
plus  en  approcher.  Alors,  il  n'y  eut  que  les  moines 
qui  fussent  jugés  capables,  par  leur  présence  et  leurs 
prières,  de  disputer  la  propriété  aux  revenants,  et  saint 


Louis  fut  tout  heureux  et  tout  aise  de  trouver  les  bons 
pères  pour  l'en  débarrasser  : 

Lq  Roi  leur  accorda  leur  demande,  et  non-seulement 
leur  donna  le  lieu  et  i'iiôtel  de  Vauvei  t,  avec  toutes  ses 
appartenances  et  dépendances,  mais  même  leur  laissa  la 
maison,  les  vignes  et  les  terres  où  il  les  avoit  établis  à 
Gentilli. 

(Hurtaut  et  Magny,  Dici.  hist.  de  Paris,  II,  p.  280.) 

Le  diable  de  Vauvert,  dont  le  tintamarre  avait  effrayé 
la  population  de  Paris  pendant  toute  une  année  peut- 
être  (la  donation  de  saint  Louis  est  datée  du  mois  de 
mai  ^  259,  et  la  pensée  de  s'établir  à  Vauvert  était  venue 
aux  moines  un  an  après  leur  installation  à  Gentilly, 
qui  avait  eu  lieu  en  <2d71,  le  diable  de  Vauvert,  dis-je, 
acquit  une  grande  célébrité  comme  le  montrent  ces 
exemples  : 

Que  le  grand  diable  de  Vauvert 

A  peine  s'en  peut  demesler. 

(Coquiilard,  a'  part,  des  Droits  nouv.') 

]e  vous  cUiquaneray  en  diable  de  Vauvert. 

(Rabelais,  Pant.,  IV,  6.) 

Il  y  a  certaiQS  gentilshommes  qui  font  le  diable  de  Vau- 
vert tant  sont  insolens  et  desreiglez. 

iFourmer.teau.  Finances.  III,  p.  a5l.) 

Avec  le  xvi'  siècle,  le  diable  de  Vauvert  disparut 
comme  superlatif  de  force,  de  puissance,  de  bruit.  Mais 
le  nom  de  diable,  qui  compose  tant  de  locutions  en  fran- 
çais, se  trouvait  dans  celles-ci  :  s'en  aller  au  diable, 
à  tous  les  diables,  pour  signifier  être  perdu  sans 
retour  : 

Il  faudra,  si  je  veux, 
Que  le  manteau  s'en  aille  au  diable. 

(La  Fontaine,  FaUes,  VI,  3.) 

Si  vous  ne  daignez  vous  en  informer,  le  Temple  du  Goût 
ira  à  tous  les  diables. 

(Voltaire,  lett.  en  vers  et  en  prose,  iS.) 

Or,  comme  ce  qui  va  sans  jamais  revenir  va  naturel- 
lement loin,  on  s'est  servi  de  aller  au  diable  pour  dire 
aller  loin  ;  et  comme  le  diable  de  Vauvert  avait  la  répu- 
tation d'être  un  plus  grand  diable  que  les  autres,  on  a 
fini  par  dire  aller  au  diable  de  Vauvert,  c'est  au  diable 
de  Vauvert,  pour  signifier  excessivement  loin  :  c'est 
encore  une  expression  superlative,  mais  qui  s'applique, 
celle-là,  à  la  dislance. 

Après  ce  qui  précède,  il  est  à  peine  nécessaire  d'ajou- 
ter que  les  locutions  c'est  au  diable  Auvert,  c'est  au 
diable  vert,  sur  lesquelles  vous  avez  bien  voulu  me 
consulter,  sont  aussi  impropres  l'une  que  l'autre. 

Au  sujet  de  ladite  expression  proverbiale,  on  trouve 
ceci  dans  le  dictionnaire  de  Liltré,  7=  acception  du 
mot  diable  : 

11  m'a  fait  aller  au  diable  Vauvert  (et  non,  comme  on  dit 
communément  par  erreur  :  au  diable  au  vert). 

Et  au  mot  vacvert,  on  lit,  dans  le  même  ouvrage  : 
Mot  qui  n'est  usité  que  dans  cette  locution  :  Aller  au  diable 
Vauvert,  aller  très-loin,  faire  une  grande  course. 

D'où  cette  conséquence  que,  pour  le  célèbre  académi- 
cien, l'expression  aller  au  diable  Vauvert  est  parfaite- 
ment bonne. 

Je  ne  suis  point  du  tout  du  même  avis:  la  préposi- 


-100 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


lion  de  ne  pouvant  être  supprimée  que  devant  un  nom 
propre  de  personne  (rue  Lamartine,  pont  Notre-Dame, 
etc.),  il  faut  nécessairement  dire  ici:  Aller  au  diable 
de  Vauvert,  le  dernier  terme  de  cette  phrase  étant  un 
nom  propre  de  lieu. 

ÉTRANGER 


Première  Question. 
Le  Dictionnaire  étymologique  de  Brachel  disant  que 
l'origine  du  verbe  beckoqcevillek   est  «   inconnue  », 
permettez-moi  de  venir  vous  demander  si,  réellement, 
on  ne  sait  rien  sur  cette  origine. 

D'après  Aug.  Scheler,  à  l'opinion  duquel  M.  Littré  se 
range,  recroqueviller  est  un  «  mot  défiguré  de  recoqvil- 
1er,  en  y  faisant  entrer  l'idée  de  croc,  chose  recourbée, 
repliée  »;  mais  cela  ne  suffît  pas  pour  établir  l'origine 
du  mot  en  question,  car  l'introduction  de  cette  sjllabe 
ne  peut  donner  que 

Re— croqu— jller, 
et  n'explique  nullement  la  présence  du  v  qui  se  trouve 

dans 

Re— croque— v—iller. 

J'ai  donc  cherché  une  explication  plus  satisfaisante, 
et  voici  celle  que  j'ai  trouvée  : 

Le  verbe  recroqueviller,  qui,  de  même  que  son  syno- 
nyme rccoquiller,  exprime  une  idée  d'enroulement,  de 
repliement  d'un  corps  sur  lui-même,  viendrait  de  l'ad- 
jectif curvus,  courbe,  ainsi  que  je  vais  vous  l'expli- 
quer. 

Après  une  légère  altération  dans  le  primitif/ m  changé 
en  0,  et  v  en  b,  altération  qui  n'a  rien  que  de  très-ordi- 
naire), on  aurait  fait  recorbiller,  sorte  de  diminutif, 
dont  l'existence  est  révélée  par  la  citation  suivante,  qui 
s'applique  à  la  convoitise  : 

liccorbillies  et  croçues 
Avoit  les  mains  icèle  ymage. 

^liom.  de  la  lîosf,  ï,  p.  4'3.  td,  Fr.  Michel.) 

Puis,  on  aurait  fait  rétrograder  IV  de  cor,  de  même 
qu'on  l'a  fait  dans  fromage,  autrefois  formage;  d'où 
recrobillcr,  qui  s'employa  au  xvi"  et  au  xvn"  siècle  dans 
le  sens  de  se  retirer  sur  soi-même  : 

Car  ainsy  qu'un  limaçon,  si  tost  qu'on  touche  l'une  de 
SCS  cornes,  l'autre  se  retire,  se  rccrobitc  en  sa  coquille; 
ainsy  faisoyenl  ces  Lombards  dans  leurs  tranch(^es... 

{Sati/rc  Mênippik,  p.  352,  éd.  Cliarp.) 

Ensuite,  perdant  entièrement  de  vue  l'origine  de  ce 
verbe,  sans  cesser  toutefois  d'y  sentir  l'idée  générale 
qu'il  renfermait,  on  en  serait  venu  à  l'écrire  comme  s'il 
fût  dérivé  de  croc,  mot  représentant  la  môme  idée  : 
Les  feuilles  de  cet  arbre  sont  toutes  recrnquebUtc'cs. 

(La  Quintinie,  dans  Furetière,  ^^l'J.) 

Enfin,  le  son  dur  de  que,  devant  le  son  également  dur 
de  b,  aurait  ramené  ce  dernier  à  son  origine  v,  et  l'on 
aurait  eu  le  mot  recroqueviller,  dont  l'étymologic  s'est 
dérobée  si  longtemps  aux  investigations  des  grammai- 
riens : 


La  chaleur  excessive  du  soleil  a  desséché  et  recroquevillé 
les  feuilles  des  plantes  et  des  arbres. 

(Trévoux,   I?*;!.! 

X 

Seconde  Question. 
On  trouve  dans  riNTERMÉDUiRE  (4°  année,  col.  2S3) 
utie  explication  signée  :  «  Un  marin  qui,  plus  d'une  fois 
a  eu  de  la  peine  à  doubler  le  Cap  Faïot.  »  Qu'est-ce 
que  cela  veut  dire?  La  géographie  ne  mentionne  aucun 
cap  de  ce  nom. 

Il  ne  s'agit  point  ici  de  géographie,  mais  bien  de 
cuisine.  En  effet,  fayot  est  une  forme  altérée  de  fayolle, 
lequel  est  venu  de  l'italien  fagiuolo,  fait  du  latin  faseo- 
lus,  qui  n'est  autre  que  le  vocable  grec  çisYjXoç,  un 
haricot;  et  ce  mot,  qui  se  dit  communément  aujour- 
d'hui dans  l'ouest  de  la  France,  a  été  adopté  par  les 
matelots. 

Or,  le  jour  où,  à  bord,  toutes  les  provisions  fraîches 
sont  consommées,  où  l'on  en  est  réduit  au  lard,  au  bœuf 
salé  et  aux  légumes  secs  (dont  le  principal  est  le  hari- 
cot), les  matelots  disent  qu'ils  naviguent  sous  le  cap 
Fayot,  passage  qu'il  importe  d'effectuer  le  plus  promp- 
tement  possible  en  prenant  terre  quelque  part  : 

Au  large,  l'équipage  est  généralement  au  cap  Fayot  dés 
le  second  jour,  les  maîtres  bien  peu  de  temps  après,  les 
aspirants  plus  tard;  les  officiers,  dont  la  table  est  mieux 
pourvue  de  provisions,  ne  l'aperçoivent  que  vers  la  fin  de 
la  traversée;  mais  si  les  calmes  et  les  vents  contraires  s'en 
mêlent,  un  commandant,  un  amiral  même  peuvent  être 
affalés  sous  le  maudit  cap. 

(De  La  Landelle,  Laiig.  des  marins,  p.  Il8.) 

La  phrase  que  vous  me  citez  signifie  donc  tout  sim- 
plement que  le  marin  qui  l'a  signée  a  eu  plusieurs  fois 
à  souffrir,  en  naviguant,  de  n'avoir  plus  à  manger  que 
des  provisions  sèches. 

X 
Troisième  Question. 

Voudriez-vous  bien  m' expliquer  pourquoi  rossinante, 
musculin  quand  il  désigne  la  monture  de  Don  Qui- 
chotte, est  féminin  qua7id  il  désigne  un  cheval  efflan- 
qué, celui  qui  s'appelait  auparavant,  je  crois,  un  che- 
val d' Apocalypse  ? 

Quand  Bassinante  apparut  dans  notre  langue  (ce  qui 
dut  avoir  lieu  vers  le  milieu  du  xviii''  siècle,  puisque  ce 
mot  ne  se  trouve  pas  dans  Furetière,  et  qu'il  est  dans 
la  seconde  édition  de  Trévoux),  nous  avions  déjà  le  mot 
ross''  depuis  plus  d'un  siècle  pour  désigner  un  cheval 
dans  le  même  état  que  celui  du  chevalier  de  la  Manche  ; 
CCS  exemples  le  prouvent  : 

Un  cheval  généreux  ne  devient  jamais  rosse. 

(Ronsard,  56i.) 

Mais  la  postérité  d'Alfane  et  de  Dayard, 

Quand  ce  n'est  qu'une  rosse,  est  vendue  au  hasard. 

(Bolleau,  Sat ,  V.l 

Or,  Uossinante,  employé  ])ar  antonomase,  avait  le 
même  sens  que  rosse  em[)Ioyé  au  propre;  et  c'est  de  là, 
je  pense,  qu'est  venue,  pour  le  premier,  son  assimila- 
tion de  genre  avec  le  second. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


iOi 


X 

Quatrième  Question. 
Pourriez-vous,  ou  plutôt  voudriez-vous  bien  m'expli- 
qucr  pourquoi  I'e  des  mots  cueillir,  REcrEiLLiK,  e/c,  se 
prononce  eu  quand^  partout  ailleurs,  devant  ill,  il  se 
prononce  i  ? 

Ayant  reconnu  que  le  son  eu  n'est  qu'un  affaiblisse- 
ment du  son  plein  de  Vu  (prononcé  oui,  nos  ancêtres, 
pour  amoindrir  ce  son,  faisaient  souvent  suivre  Vu  d'un 
e,  et  ils  écrivaient  ue  ce  que  nous  écrivons  et  pronon- 
çons eu  : 

Quel  chose  est  li  liomes  ke  tu  1'  magnefies,  ou  por  koi 
mes  tu  ton  cuer  à  luy. 

(Saint  Bernard,  Serm.^  p.  5a6.) 

Blanche  la  eue  e  la  crignete  jalne. 

[Ch.  de  Roland,  ch.  III,  v.  $7.) 

Duzes  hues  et  les  eues  tûtes  ensemble  une  part  turnerent. 

(Rois,  p.  5j4) 

Un  cerf  troverent  maintenant 
De  seize  ramers  fier  et  grant, 
Les  muetes  li  ont  descoplees, 
Baudes  et  bien  entalentèes. 

(Du  Cange,  ifota.  6.) 

Cette  orthographe  semble  s'être  généralement  perdue 
assez  vite;  mais  il  y  eut  une  exception  pour  le  cas  où 
ue  était  précédé  d'un  c,  auquel  il  fallait  maintenir  le 
son  de  h;  et  voilà  pouiquoi  on  a  conservé  cueillir ,,  re- 
cueillir,, etc.,  où  e  sonne  eu  devant  ill  :  c'est  une  écri- 
ture archaïque. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  a  coûté  à  la  France;  —  2"  ...  le  seul  qui  ne  se  soit  pas 
évadé;  —  3°  ...  nous  ayons  pas  d'j  après  l'y);  —  4°  ...  ça  les 
dispense  d'apprendre;  — 5°...  ne  soient  des  fripons;  —  6°  ...  où 
l'on  ait  mieuï  démontré,  ou  bien  :  où  soient  mieux  démontrées 
que  dans  celui-ci  les  inconséquences;  —  7°  Ils  labourent  ^ro/oii- 
de'ment  le  ,sol  qui  doit;  —  S"  ...  que  SI.  Labiche,  assisté  de 
M.  Duru,  a  donnée  au  Gymnase;  —  9*  ...  du  canton  de  Poissj 
qu'après  a l'Oic  parcouru  celles;  —  10"  ...  craignant  que  M.  Tbicrs 
ne  prit  la  parole. 

Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  Les  stagiaires  s'amufaient  de  ses  manie?,  parodiaient 
ses  tics,  ses  phrases  à  effet,  l'audace  de  ses  métaphores, 
mais  pas  trop  haut,  car  il  avait  le  bec  et  les  ongles. 

2°  Nous  nous  sommes  donnés  comme  lâche  régulière  de 
contrôler  les  dépenses  et  les  recettes  de  chaque  jour. 

3'  Je  puis  vous  annoncer  en  même  temps  que  le  ministre 
des  travaux  publics  vient  de  demander  et  d'obtenir  de  la 
commission  du  budget  qu'elle  proposerait  à  l'Assemblée  le 
vote  d'un  crédit  important... 

4°  Elle  vint  se  mettre  sur  les  genoux  de  sa  mère  en  lui 
disant  :  «  Donne-moi  un  peu  de  vinaigre,  je  sens  que  je 
vais  m'évanouir,  »  et,  avant  que  sa  malheureuse  mère  ait 
pu  se  lever,  elle  poussa  un  léger  soupir  et  mourut. 

5*  A  diverses  reprises,  M.  de  Deauchamp  a  déclaré  hau- 
tement qu'il  défendra  le  septennat.  «  J'ai  voulu,  dit-il,  dans 


une  nouvelle  profession  de  foi,  j'ai  voulu  que  les  électeurs 
soient  bien  convaincus  de  ma  ferme  résolution... 

6*  Je  suppose  qu'on  lui  portit  votre  histoire  de  tout  à 
l'heure  en  lui  disant  le  mot  sacramentel  :  il  y  a  une  pièce 
là-dedans. 

7°  D'après  de  nouveaux  avis  de  la  frontière,  il  serait 
inexact  que  les  carlistes  auraient  tiré  des  coups  de  fusil  sur 
les  corvettes  allemandes. 

8-  Ne  nous  sommes-nous  pas  laissés  aveugler  jusqu'à 
nous  livrer  aux  passions,  aux  égarements  de  tous  les 
partis? 

9*  Le  public,  moins  naïf  qu'on  Croit,  ne  s'y  trompa  point. 
Il  ne  se  trompe  pas  davantage  aujourd'hui. 

10'  M.  Antonin  Lefebvre-Pontalis,  auteur  de  ce  rapport, 
s'est  acquitté  de  sa  tâche  avec  beaucoup  de  conscience.  Il 
a  étudié  son  sujet  avec  un  zèle  on  ne  peut  plus  louable. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE   DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE   MOITIÉ   DU   SYII'   SIÈCLE. 

VAUGELAS. 

fSuite.y 

Je  peux.  —  Plusieurs  le  disent  et  l'écrivent;  mais  je 
puis  est  beaucoup  mieu.\  dit,  et  plus  en  usage. 

Preigne,  vieiyne.  —  C'est  une  faute  familière  aux 
courtisans,  hommes  et  femmes,  de  dire  preigne  pour 
prenne,  vieigne  pour  vienne. 

Naviguer,  naviger.  —  Tous  les  gens  de  mer  disent 
naviguer;  mais  à  la  Cour  on  dit  naviger,  et  tous  les 
bons  auteurs  l'écrivent  ainsi  0  647). 

yu-pieds.  —  Ce  mot  se  dit  en  parlant,  mais  jamais 
les  bons  auteurs  ne  l'écrivent;  ils  disent  les  pieds 
nuds. 

Noms  propres.  —  Que  les  noms  propres  soient  grecs 
ou  latins,  il  faut  les  prononcer  selon  l'usage,  car  il  n'y 
a  point  de  règle  certaine  pour  cela. 

Huit,  huitième,  huitain.  —  Devant  ces  trois  mots, 
on  ne  fait  point  l'élision  de  I'e;  on  dit  :  le  huit,  le  hui- 
tième, etc. 

Température,  tempérament.  —  Le  premier  se  dit  de 
l'air,  le  second  des  personnes. 

Terroir,  terrein,  territoire.  —  Terroir  se  dit  de  la 
terre  «  en  tant  »  qu'elle  produit  les  fruits;  territoire, 
lorsqu'il  s'agit  de  juridiction,  et  terrein,  quand  il  s'agit 
de  fortification.  Le  laboureur  parle  du  terroir,  le  juris- 
constille  du  territoire,  et  le  soldat  ou  l'ingénieur  du 
terrein. 

Article.  — Toutes  les  fois  qu'un  adjectif  est  mis  après 
son  substantif  avec  plus  entre  les  deux,  il  faut  que 
l'article  précède  plus,  comme  dans  :  c'est  la  coutume 
des  peuples  les  plus  barbares.  Les  poètes  aussi  bien 
que  «  ceu.x  qui  écrivent  en  prose  »  doivent  s'y  assu- 
jélir. 

Siéger,  tasser.  —  Le  premier  employé  pour  assiéger, 
et  le  second  |)our  entasser  ne  valent  rien;  c'est  une  faute 
pariiculièremcnl  familière  aux  Normands. 


102 


LE  COURRIER  DE  VAUGE^AS 


Le  onzième.  —  Plusieurs  parlent  et  écrivent  ainsi, 
mais  Irès-mal.  Il  faut  dire  /'oiziéme. 

Sur  le  minuit.  —  C'est  ainsi  que  depuis  neuf  ou  dix 
ans  toute  la  Cour  parle,  et  que  les  bons  auteurs  écrivent. 
C'est  pourquoi  il  faut  dire  et  écrire  sur  le  minuit  et  non 
pas  sur  la  minuit,  bien  qu'une  inflnité  de  gens  trouvent 
cette  façon  de  parler  insupportable. 

Verbes  régissant  deux  cas,  mis  avec  un  seul.  —  Nos 
excellents  écrivains  modernes  condamnent  cette  façon 
de  parler  :  ayant  embrassé  et  donné  la  bénédiction  à 
son  fils,  parce  que,  disent-ils,  embrassé  régit  l'accusatif, 
et  que  donné  régit  le  datif.  Celte  règle  est  fort  belle.  Il 
y  a  fort  peu  de  temps  qu'on  a  commencé  à  la  pratiquer. 

Tomber,  tumber.  —  11  faut  dire  tomber  avec  un  o, 
quoiqu'on  entende  dire  souvent  à  des  personnes  qui 
parlent  très-bien  tumber  avec  un  u;  mais  ce  n'est  pas 
supportable. 

Un  adjectif  avec  deux  substantifs  de  genre  différent. 
—  Dans  cet  exemple  :  ce  peuple  a  le  cœur  et  la  bouche 
ouverte  à  vos  louanges,  faut-il  dire  ouverte  ou  ouverts? 
Il  iaiUdrail  dire  ouverts  selon  la  grammaire  latine;  mais 
l'oreille  a  de  la  peine  à  s'y  accommoder.  Vaugelas  vou- 
drait qu'on  dît  ouverte,  qui  est  beaucoup  plus  doux,  et, 
du  reste,  c'est  ainsi  que  l'on  parle  à  la  Cour. 

Songer.  —  Il  y  en  a  qui  ne  peuvent  souffrir  ce  mot 
pour ^ÊHie;;  mais  ils  n'ont  pas  raison,  car  qu'y  a-t-il 
à  alléguer  contre  l'usagequi  le  fait  dire  et  écrire  ainsi  à 
tout  le  monde? 

Si  c'était  moi  qui  eusse,  si  c'était  moi  qui  eût.  —  La 
plupart  assurent  qu'il  faut  dire  si  c'était  moi  qui 
eusse  fait  cela,  et  non  pas  qui  eût  fait  cela,  car  pour- 
quoi tnoi  régirait-il  une  autre  personne  que  la  pre- 
mière? Ils  ont  raison  puisqu'on  dirait  si  c'étoient  nous 
qui  eussions  fait  cela.  Cependant  le  grand  usage  est 
pour  eût. 

Age.  —  La  3'  personne  singulière  du  subjonctif  du 
verbe  «l'OiV s'écrivait  ainsi  autrefois;  mais  aujourd'hui, 
on  n'écrit  plus  que  ait. 

Par  ce  que.  —  Il  ne  faut  jamais  séparer  ainsi  celle 
expression  en  trois  mots  quand  elle  signiQe  quia. 

Quoique.  —  Il  faut  prendre  garde  de  ne  le  mettre 
jamais  après  que ,  comme  dans  je  vous  assure  que 
quoique  je  vous  aime  etc.,  à  cause  de  la  cacophonie.  Il 
faut  dire  que  bien  que  ou  qu'encore  que,  qui  est  peut- 
être  plus  doux,  ayant  un  que  de  moins. 

Le  libéral  arbitre.  —  Ancienne  expression  dont  plu- 
sieurs modernes  se  servent  encore.  Elle  est  mauvaise 
parce  que  libéral  ne  veut  pas  dire  libre.  Le  plus  sûr  et 
le  meilleur  est  d'écrire  et  de  dire  franc  arbitre. 

Prochain,  voisin.  —  Ces  deux  mots  ne  reçoivent 
jamais  de  comparatif  ni  de  superlatif;  on  ne  dit  point  : 
plus  prochain,  très-prochain,  plm  voisin,  très-voisin. 
Le  peuple  dit  abusivement  c'est  mon  plus  prochain 
voisin. 

Proches.  —  Presque  tout  le  monde  le  dit  pour 
parens  :  je  suis  nljandonnè  de  mes  proches;  mais 
les  gens  de  la  Cour,  comme  CoëlTeleau,  ne  le  peuvent 
souffrir. 

1'.  —  Les  courtisans  emploient  ordinairement  g  pour 


«  lui,  comme  dans  cette  phrase  :  j'ai  remis  les  hardes 
de  mon  frère  à  un  tel,  afin  qu'il  les  y  donne.  C'est  une 
faute. 

Y  et  en.  —  Il  faut  que  y  précède  en;  dites  :  il  y  en 
a,  et  non  :  il  en  y  a,  qui  se  disait  anciennement. 

Tout.  —  C'est  une  faute  que  presque  lout  le  monde 
commet  que  de  dire  tous  au  lieu  de  tout.  Par  exemple, 
il  faut  dire,  ils  sont  tout  étonnez,  et  non  tous  étonnez, 
parce  qu'en  cet  endroit,  c'est  l'adverbe. 

Vinrent,  vindrent.  —  Tous  deux  sont  bons,  mais 
vinrent  est  beaucoup  meilleur  et  plus  usité. 

Prononciation  de  oi.  —  La  Cour  prononce  beaucoup 
de  mots  écrits  avec  la  diphthongue  ai,  parce  que  cette 
dernière  est  incomparablement  plus  douce  et  plus  déli- 
cate. Mais  quand  faut-il  prononcer  ai  pour  ai?  Vaugelas 
va  donner  quelques  règles  à  ce  sujet. 

4°  Dans  tous  les  monosyllabes,  il  faut  prononcer  ai, 
comme  dans  lai,  bois,  quoi,  etc.  ;  il  n'y  en  a  que  fort 
peu  d'exceptés,  comme  froid,  droit,  soient,  sait,  qui 
sonnent  fraid,  drait,  saient,  sait,  excepté  quand  soit 
est  conjonction.  Par  exemple,  on  dira  :  soit  que  cela 
sait  ou  non. 

2°  Dans  tous  les  mots  terminés  en  air,  comme  mou- 
choir, parloir,  etc.,  on  prononce  toujours  ai. 

3°  On  prononce  aussi  toujours  ai  aux  trois  personnes 
singulières  des  verbes  qui  se  terminent  en  cois,  comme 
je  conçois,  j'aperçois. 

4°  Tantôt  on  prononce  oi  et  tantôt  ai  dans  les  syllabes 
qui  ne  sont  pas  à  la  fin  des  mots;  dans  les  suivants,  oa 
prononce  ai  :  boire,  mémoire,  gloire,  foire,  et  l'on  pro- 
nonce craire,  craitre,  connaître  les  mots  croire,  croître, 
connaître,  etc. 

5"  11  faut  dire  avoine  avec  toute  la  Cour,  et  non  pas       j 
aveine,  avec  tout  Paris.  "j 

6°  Ai  se  prononce  pour  oi,  à  la  fin  des  noms  natio- 
naux, provinciaux  ou  des  habitants  des  villes;  on  dit 
pourtant  Génois,  Suédois  et  Liégeois. 

Sçavoir.  —  Ce  verbe  se  construit  souvent  avec  un 
infinitif  ou  le  pronom  qui  suivi  d'un  mode  personnel  : 
;/  fit  du  bien  à  tous  ceux  qu'il  sçavoit  avoir  aimé  son 
fils,  au  lieu  de  qui  avaient  aimé  son  fils.  Mais  Vaugelas 
ne  voudrait  jamais  se  servir  de  la  seconde  construction, 
et  rarement  de  la  première,  parce  qu'il  y  a  quelque 
chose  de  rude  dans  cette  phrase. 

Des  vers  dans  la  prose.  —  11  faut  éviter,  non  pas  de 
citer  des  vers  dans  la  prose,  mais  de  faire  de  la  prose 
qui  fasse  des  vers,  et  cela,  principalement  au  commen- 
cement ou  à  la  fin  de  la  période.  De  tous,  les  alexandrins 
sont  les  plus  vicieux. 

Vrquit,  vécut.  —  Les  deux  se  disent,  seulement  on 
peut  avertir  ceux  qui  écrivent  exactemcnl,  et  qui  aspi- 
rent à  la  perfection,  de  prendre  garde  d'employer  vrquit 
ou  vécut  selon  qu'il  sonnera  mieux  à  l'endroit  où  il  sera 
mis.  Vaugelas  aimerait  mieux  dire,  //  vêquil  rt  mourut 
chrétiennement  que  il  vécut  et  mourut. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  Rédactebr-Géba.nt  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


^03 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE 

Publications  de  la  quinzaine  : 


L'Homme  à  l'oreille  cassée;  par  Edmond  About. 
7"  édition.  In-18  Jésus,  285  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
3  fr. 

Galerie  des  hommes  utiles;  par  A.  Du  Saussois.  Pa- 
lissy.  ln-32,  3'2  p.  l'aris,  l'auteur,  108,   rue  Montmartre. 

Notions  de  philosophie;  par  Joseph  Favre,  professeur 
de  ])hilosophie  à  la  faculté  des  lettres  de  Bordeaux,  ln-18 
jésu.-;,  Z|60  p.  Paris,  lib.  Delagrave. 

Colbert,  ministre  de  Louis  XIV  (1661-1683);  par 
M.  Jules  Gourdault.  2°  édition.  Gr.  in-8%  350  p.  et  à  grav. 
Tours,  lib.  Manie  et  fils. 

Les  Secrets  de  la,  plage  ;  par  J.  Pizzetta.  Ouvrage 
illustré  de  83  gravures.  In-8°,  22/i  p.  Paris,  lib.  Rigaud. 

Première  expédition  de  Jeanne  d'Arc.  Le  Ravitail- 
lement d'Orléans.  Nouveaux  documents.  Plan  du  siège 
et  de  l'expédition  ;  par  M.  Boucher  de  Molandon,  delà 
Société  archéologique  et  historique  de  l'Orléanais.  In-8°, 
Xix-116  p.  Orléans,  lib.  Colas. 

La  Défense  de  Belfort,  écrite  sous  le  contrôle  de 
M.  le  colonel  Denfeit-Rochereau;  par  MM.  Edouard  Thiers, 
capitaine  du  génie,  et  S.  de  La  Laurencie,  capitaine  d'ar- 
tillerie. Avec  cartes  et  plans,  à^  édition.  In-8%  /|17  p.  Pa- 
ris, lib.  Le  Chevalier.  7  fr.  50. 

Scènes  et  proverbes;  par  Octave  Feuillet,  de  l'Acadé- 
mie française.  Le  Fruit  défendu.  La  Grise.  Rédemption. 
Le  Pour  et  le  Contre.  Alix.  La  partie  de  Dames.  La  Clef 
d'or.  Nouvelle  édition.  In-18  jésus,  M3  p.  Paris,  lib. 
Michel  Lévy.  3  fr.  50. 


Encyclopédie  générale  des  deux  mondes,  revue 
universelle  des  sciences,  des  lettres,  de  l'histoire,  des  arts, 
du  commerce  et  de  l'industrie  mise  à  la  portée  de  tous. 
Histoire  générale  de  tous  les  peuples  du  monde;  par  une 
Société  de  savants  et  de  gens  de  lettres  sous  la  direction 
de  Ferdinand  de  Boyères.  T.  1  et  2.  In-S",  xvi-710  p.  Paris, 
l'auteur,  11,  rue  Blottière. 

Nouvelle  grammaire  française  sur  un  plan  neuf, 
méthodique  et  essentiellement  pratique,  divisée  en 
deux  parties  :  1°  Eléments  et  orthographe  ;  2»  Syntaxe  ;  par 
Abel  Fabre.  7"  édition.  In-12,  vni-132  p.  Lyon,  lib.  Gay, 

Notes  pour  servir  à  l'histoire  de  Provence;  par 

V.  Lieutand,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Marseille.  N°  6. 
Le  Pape  Léon  X,  archevêque  d'Aix  (8-20  juin  1483).  In-8% 
8  p.  Marseille,  libr.  Boy  fils.  2  fr. 

Œuvres  complètes  de  lord  Byron,  traduites  par 
Benjamin  Laroche.  Nouvelle  édition.  2'^  série  :  Poèmes. 
W  série  :  Don  Juan.  In-18  jésus,  996  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  Chaque  vol.  3  fr.  50. 

Quinze  Satires  ;  par  Desiderais.  In-18  jésus,  269  p. 
Paris,  lib.  Lachaud  et  Burdin.  3  fr. 

Éloge  de  Bourdaloue.  Discours  auquel  l'Académie 
française  a  décerné  le  prix  d'éloquence  dans  sa  séance 
publique  annuelle  du  13  août  187/i  ;  par  Anatole  Feugère, 
professeur  de  rhétorique  au  collège  Stanislas.  In-li",  88  p. 
Paris,  lib.  Firmin  Didot  frères;  fils  et  Cie. 


Publications   antérieures 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANGE  AN- 
CIENNES ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 
logique et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Mo.ntjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LES  DIALOGUES  DE  JACQUES  TAHUREAU,  gen- 
tilhomme du  Mans,  avec  notice  et  index.  —  Par  F.  Cons- 
cience. —  Petit  in-12,  xxviii-201  pages.  —  Paris,  librairie 
Alphonse  Lemerre,  passage  Choiseul.  —  7  fr.  50. 


DU  DIALECTE  BLAISOIS  et  de  sa  conformité  avec 
l'ancienne  langue  et  l'ancienne  prononciation  française. — 
Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  par  F. 
Talbert,  professeur  de  rhétorique  au  prytanée  militaire  de 
La  Flèche.  —  Paris,  Ernest  Tliorin,  éditeur,  libraire  du 
Collège  de  France  et  de  l'Ecole  normale  supérieure,  7,  rue 
de  Médicis. 


L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fischba- 
cher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  i"  annéi-,  15  fr., 
2«  année,  10  fr.;  3»  année,  12  fr.;  U"  année,  8  fr.;  5°  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


ŒUVRES  DE  RABELAIS,  augmentées' de  plusieurs 
fragments  et  de  deux  chapitres  du  5'  livre,  etc.,  et  pré- 
cédées d'une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
do  Rabelais.  —  Nouvelle  édition,  revue  sur  les  meilleurs 
textes,  éclaircie  quant  à  l'orthographe  et  à  la  ponctuation, 
accompagnée  de  notes  succinctes  et  d'un  glossaire,  par 
Louis  Barré,  ancien  professeur  de  philosophie.  —  In-i8 
jésus,  xxxv-612  p.  Paris,  librairie  Garnier  frères.,  6,  rue 
des  Saints-Pères,  à  Paris. 


LE  MÉNAGIER  DE  PARIS.  —  Traité  de  morale  et 
d'économie  domestique,  composé  vers  1393,  par  un  Bour- 
geois parisien  ;  contenant  des  préceptes  moraux,  quelques 
faits  historiques,  des  instructions  sur  l'art  de  diriger  une 
maison,  des  renseignements  sur  la  consommation  du  Roi, 
des  Princes  et  de  la  ville  de  Paris,  î»  la  fin  du  xiv^  siècle; 
un  traité  de  cuisine  fort  étendu  et  un  autre  non  moins 
complet  sur  la  chasse  h  l'épervier.  —  Publié  pour  la  pre- 
mière fois  par  la  Société  des  Bibliophiles  français.  —  2  vol. 
—  A  Paris,  à  rimpriraerie  deCrapelet,  9,  rue  de  Vaugirard. 


LE  CYMBALmi  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bonaventuoe  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  Jacor, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Pclahays,  éditeur,  4-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.  ;  In-S»  :  2  fr.  50. 


^04 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANCION,  composée  par 
CHARLEsSoREL,sieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Emile  Colombay.  —  Paris, 
Adolphe  Delahays,  éditeur,  Zi-6,  rue  Voltaire.  —  In-IG  : 
5  fr.  ;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 


VOCABULAIRE  RAISOXÎSÉ  ET  COMPARE  DU 
DIALECTE  ET  DU  PATOIS  DE  LA  PROVINCE  DE 
BOURGOGNE,  ou  Etude  de  l'histoire  et  des  mœurs  de 


cette  province  d'après  son  langage.  —  Par  MioisAnD,  de 
l'Académie  de  Dijon.  —  In-8°,  334  p.  —  Paris,  librairie 
Aubry,  18,  rue  Séguier. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation 

A  Passy  (près  du  Ranelagh).  —Un  chef  d'institution 


reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 

Dans  un  grand  pensionnat  de  Demoiselles,  situé 
dans  une  des  localités  les  plus  salubres  de  la  banlieue  de 
Paris,  on  reçoit  de  jeunes  étrangères  pour  les  perfec- 
tionner dans  langue  française.  —  Chambres  particulières. 
Table  de  la  Directrice.  —  Prix  modérés. 


Une  Maison  d'éducation  qui  n'est  point  une  pension 
prend  des  étrangers  à  demeure  pour  leur  enseigner  la 
langue  et  la  littérature  françaises.  —  Près  du  Collège  de 
France  et  de  la  Sorbonne. 


Avenue  de  l'Impératrice.  —  Un  ancien  préfet  du 
collège  Rollin  prend  en  pension  quelques  jeunes  étrangers 
pour  les  perfectionner  sérieusement  dans  l'étude  de  la 
langue  française.  — Enseignement  de  l'allemand  et  prépa- 
ration aux  examens  pour  le  service  militaire  en  Angleterre. 


(Les  adresses  sont  Indiquées  à  la  rédaction  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Le  journal  Le  Tour>-oi  est  rédigé  au  concours  par  ses  abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  Comité  de  rédaction.  L'insertion  donne  droit  à  Vune  des  primes  suivantes  : 
ire  Prime  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme  confirmant  le  succès  du  lauréat  ; 
2=  Prime  —  Quinze  exemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de  l'auteur,  et  formant  une  brochure. 

Tout  abonné  doii:e  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  en  s'adressant  à  M.  Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  à  Paris. 


Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875. 

Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envols  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur 
d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. 

Sont  seuls  admis  à  concourir  :  1°  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane ,  —  2°  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  corresponJants  de  cette  Société. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1='- juillet  1875.  Ils  resteront 
déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les  auteurs  pourront  en  prendre  connaissance. 

Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins  de  cent  vers. 


Le  treizième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  187Zi.  —Dix  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  C.\rraxce,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espagne,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  A/franchir. 


Livingstone. 


L'AcADÉ.MiË  FRv.NÇAisE  douno  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875 

Le  nombre  des  vers  ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents. 

Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secrétariat  de  l'Institut,  franches  de  port,  avant 
le  15  février  1875,  terme  de  rigueur. 

Les  manuscrits  porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  h  l'ouvrage; 
ce  billet  contiendra  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître. 

On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en 
ont  besoin. 

Lo  ri'ilaclfiir  du  Courrier  de  Vaui/rlds  csl  visible  ;i  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  dn/iie. 


Imprimerie  GouvERNEun,  G.  DAUPEi-iiv  à  Nogent-le-Rotrou. 


5'   Année. 


N°  14. 


15  Octobre  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


^^^ 


\\Wy  Journal  Semi-Mensuel  ^-^/     // 

S^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       ^>(   1 


Paraisiant   !•    1*  et   !•   IS    de   eha«a«  mola 


PRIX  : 

Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ON  S'ABONNE 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

ANCIEN     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 

Idem        pour  l'Élrangcr   lO  f. 

Oflirier  d'Académie 

soit  au  Rédacli'iir,  soit  à  l'Adm' 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 

26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 

M.  FiscHBACHER,  33,  cue  de  Seine. 

SOMM.\IRE. 

Ce  qui  a  été  cause  de  la  propagation  de  l'argot  dans  notre 
langue;  —  Élymologie,  pluriel  et  prononciation  de  Guet-apens; 
—  Si  le  verbe  Écœurer  est  français;  —  Prononciation  des  syl- 
labes nasales  devant  un  mot  commençant  par  une  voyelle;  — 
Si  A  part  soi  est  une  bonne  expression.  ||  Prononciation  du 
mot  Fils;  —  Orthographe  de  Boulevard;  —  Élymologie  de 
Avachir.  \\  Passe-leraps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie 
de  Vaugelas.  ||  Familles  parisiennes  pour  la  conversation.  ||  Con- 
cours littéraires. 


FRANCE 

Première  Question. 
Je  désirerais  bien  savoir  ce  qui  a  contribué  à  répandre 
l'argot  dans  notre  langue  au  point  oit  nous  le  voyons 
aujourd'hui.  Mais  cette  question  sortirait  peut-être  de 
votre  cadre? 

Le  Courrier  de  Vaugelas  s'étant  donné  la  lâche  de 
répondre  à  toutes  les  questions  qui  concernent  la  langue 
française,  j'ai  fait  des  recherches  pour  résoudre  celle 
que  vous  me  proposiez,  et  je  m'empresse  de  tous  faire 
part  des  résultats  auxquels  je  suis  parvenu. 

Langue  des  gueux  et  des  voleurs,  l'argot  a  probable- 
ment existé  dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  pays. 
Toutefois,  ce  n'est  guère  qu'au  xv"  siècle  que  l'on  trouve 
des  monuments  du  jargon  des  voleurs  français,  monu- 
ments qui  constituent  six  ballades  composées  par  Vil- 
lon, né,  comme  on  sait,  en  U3i. 

Le  premier  ouvrage  tout  en  argot  est  un  petit  livre 
de  Pechon  de  BuJnj,  et  le  second,  intitulé  Vie  des  Mer- 
cclots,  Gueux  et  Bohémiens,  du  même  auteur,  se  ter- 
mine par  un  Dictionnaire  en  langage  blesquin  avec 
explication  en  vulgaire  (^596).  Mais  il  s'en  faut  que  ces 
recueils  soient  complets,  car  il  y  avait  en  circulation 
une  foule  de  mots  et  d'expressions  appartenant  à  l'argot 
qui  n'y  étaient  pas  recueillies. 

Si  la  pièce  ayant  pour  titre:  Responce  et  Complaincte 
du  grand  Coësre  sur  le  jargon  de  l'argot  réformé  (1630) 
n'est  point  une  facétie,  on  doit  en  conclure  que  l'argot, 
dont  les  gueux  étaient  parvenus  à  dérober  la  connais- 


sance aux  profanes  jusqu'à  la  fin  du  xvi''  siècle,  s'était, 
quelques  années  plus  tard,  singulièrement  répandu 
parmi  le  peuple,  à  ce  point  «  qu'il  n'y  a  à  présent,  dit 
l'auteur  de  la  Responce,  si  chestive  cambrouse  qui  ne 
rouscaille  le  jargon  (si  misérable  chambrière  qui  ne 
parle  argot).  » 

Au  xvm"  siècle,  Grandval  enrichit  d'un  dictionnaire 
d'argot  son  Cartouche  ou  le  Vice  puni  [K  725)  ;  et,  comme 
ce  poème  eut  un  grand  nombre  d'éditions,  il  contribua 
puissamment  à  répandre  la  connaissance  de  l'argot 
dans  une  société  plus  élevée  que  celle  des  lecteurs  du 
Jargon,  dont  les  éditions  continuaient  à  se  succéder  à 
Paris  et  à  Troyes. 

La  comédie  de  Le  Grand,  les  Fourberies  de  Cartouche 
(représentée  en  1721  pendant  le  procès  de  ce  criminel) 
laquelle  renferme  bon  nombre  de  mots  d'argot,  notam- 
ment dans  la  scène  oii  Cartouche  se  fait  rendre  compte 
des  exploits  de  la  nuit,  ne  doit  pas  non  plus  être 
oubliée. 

Les  œuvres  poissardes  de  Vadé  et  celles  de  l'Escluse 
()  796)  popularisèrent  encore  davantage  la  langue  des 
malfaiteurs,  qui,  en  général,  sortis  du  peuple  et  sans 
cesse  en  contact  avec  lui,  ont  enrichi  son  vocabulaire 
d'une  foule  d'expressions  qui  leur  sont  communes. 

Mais  il  était  réservé  au  xix=  siècle  de  voir  fleurir 
l'argot,  et  de  répandre  par  la  presse  la  connaissance  de 
ce  langage  parmi  tous  ceux  qui  étaient  dignes  d'en  sen- 
tir les  délicatesses. 

Le  premier  livre  composé  dans  celte  vue  est  un 
Dictionnaire  d'argot,  ou  Guide  des  gens  du  monde,  pour 
les  tenir  en  garde  contre  les  mouchards,  filous,  etc.  par 
un  monsieur  «  comme  il  faut  »,  ex-pensionnaire  de 
Sainte-Pélagie  (1827). Ce  monument  lexicographique  fut 
fort  goûté,  parait-il,  car  il  s'en  est  fait  une  deuxième 
édition  la  même  année,  avec  une  lithographie  et  une 
page  de  musique. 

Deux  ans  après,  vint  Vidocq.qui  initia  complètement 
le  public  au  langage  des  basnes  par  la  publication  de 
ses  Mémoires  (1820),  et  par  son  livre  sur  les  voleurs, 
deux  ouvrages  qui  renferment  un  dictionnaire  d'argot 
Irès-élendu. 


'loe 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


La  même  année  parut,  presque  immédiatement  après 
le  premier  de  ces  deux  ouvrages,  un  Nouveau  cliction- 
naire  d'argot^  par  un  ex-ciief  de  brigade  sous  Vidocq, 
suivi  de  la  chanson  des  galériens,  ouvrage  utile  aux 
gens  du  monde. 

En  1835,  nous  eûmes  le  Nouveau  dictionnaire  de 
police,  par  MM.  Elouin,  Trébuchet  et  Labbat. 

C'est  dans  les  deux  ouvrages  ci-dessus  désignés,  mais 
plus  sûrement  encore  dans  les  Mémoires  de  Vidocq, 
qu'Eugène  Sue  puisa  les  connaissances  qui  lui  valurent 
tant  d'applaudissements  dans  toutes  les  classes  de  la 
société,  et,  au  livre  dans  lequel  il  les  avait  employées, 
et  presque  à  son  apparition,  deux  glossaires  consacrés  à 
Texplicaliondes  mots  qu'on  n'est  pas  habitué  à  entendre 
dans  le  grand  monde  : 

Dictionnaire  de  l'argot  moderne,  ouvrage  indispen- 
sable pour  l'intelligence  des  Mystères  de  Paris  de  M.  Eu- 
gène Sue  (1843); 

Dictionnaire  complet  de  l'argot  employé  dans  les 
Mystères  de  Paris,  destiné  à  donner  la  clef  des  mots 
obscurs  qui  se  rencontrent  si  souvent  dans  la  bouche 
du  Chourineur,  du  Maître  d'école  et  de  la  Chouette 
(1844). 

Depuis  lors,  il  s'est  encore  produit  de  nouvelles 
œuvres  argotiques,  parmi  lesquelles  on  peut  citer  :  i°  la 
satire  publiée  par  Barthélémy  dans  la  Nouvelle  Némésis, 
le  2  février  1845,  où  l'on  rencontre,  dans  la  pièce  inti- 
tulée les  Escarpes,  beaucoup  d'expressions  d'argot  sou- 
mises à  l'alexandrin  ;  2°  l'Intérieur  des  Prisons,  qui 
renferme  un  dictionnaire  des  mots  les  plus  usités  dans 
ces  lieux  de  détention  (1 846)  ;  S°  Dictionnaire  d'argot,  ou 
la  langue  des  voleurs  dévoilée,  contenant  les  moyens  de 
se  mettre  en  garde  contre  les  ruses  des  filous  (1848);  et 
4"  Voleurs  et  Volés,  par  Louis  Paillet  (1855),  qui,  outre 
bon  nombre  de  mots  d'argot  semés  çà  et  là,  renferme 
un  opuscule  écrit  dans  ce  jargon  lui-même,  et  destiné 
à  prémunir  le  public  contre  les  ruses  des  escrocs. 

Tel  est,  esquissé  à  grands  traits,  Tensemble  des  causes 
qui  ont  amené  l'invasion  de  l'argot  dans  la  langue  fran- 
çaise. 

Que  l'argot  soit  l'unique  langage  employé  par  les 
voleurs  entre  eux,  et  à  peu  près  le  seul  (comme  nous 
l'apprend  M.  Francisque  Michel,  dont  le  Dictionnaire 
d'argot  m'a  fourni  le  fond  de  cet  article)  qui  se  parle 
dans  les  prisons  et  dans  les  bagnes,  même  parmi  les 
employés  et  les  infirmiers,  je  n'y  trouve  rien  à  redire; 
mais  quand  je  vois  ceux  qui  vivent  dans  la  société 
honnête  prendre  plaisir,  en  quelque  sorte,  à  émailler 
leurs  discours  de  vocables  d'une  source  aussi  impure, 
je  ne  puis  que  m'en  attrister  profondément  avec  les 
gens  de  goût. 

X 

Seconde  Question. 

Quelle  est  l'élymologie  du  mot  Goet-apens,  et  com- 
ment doit-on  l'écrire  au  pluriel?  Gvet-apens  ou  Gcets- 

Al'K.Nb? 


Au  moyen  âge,  le  français  avait  le  verbe  s'apenser, 
dans  le  sens  de  se  préoccuper,  préméditer  (devenu  hors 
d'usage  au  xvin"  siècle  comme  on  le  voit  dans  Trévoux), 
et  de  ce  verbe,  il  avait  fait  le  participe  apensé,  qui  se 
joignait  le  plus  souvent  au  mot  guet  : 

Tous  lesquels  quatre  de  guet  apensé  et  propos  délibéré 
vinrent  assaillir  ledit  Petit  Jeban. 

(Jean  de  Troyes,  Chron.,  1477.) 

Pose  qu'elle  n'eust  commis  le  cas  à  son  escient,  el  aussi 
de  guet  apensée. 

{Aresia  (zmorum,  p.  201 ,  dans  Lacurne. ) 

Plus  tard,  perdant  de  vue  l'origine  de  cette  expres- 
sion, on  transforma  apensé  en  à  pens,  en  appens,  et 
même  en  à  pend,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 

Cestuy  mary  et  son  filz,  occultement,  en  trahison  de  guet 
à  pens,  tuarent  Abecé. 

(Rabelais,  Panl.,  UI,  44.) 

11  y  avoit  six  juges  liguez  ensemble  pour  me  faire  perdre 
mon  procès,  c'est  un  guet  appens. 

(Furetière.) 

Venez-vaus  icy  de  guet  à  pend  pour  assiéger  ma  simpli- 
cité? 

(Ghérardi,  Cause  des  femmes,  vol.  Il,  p.  37. J 

Enfin,  la  forme  apens  nous  est  restée  comme  compagne 
de  guet,  avec  lequel  elle  a  fait,  dans  la  langue  moderne, 
un  nom  composé  qui  prend  le  trait  d'union  : 

Un  pli  qui  par  hasard  est  resté  dans  ses  draps 
Lui  semble  un  guet-apens  pour  lui  meurtrir  les  bras. 
(Boureaut,  Mère,  gai.,  I,  i,) 

Quant  au  pluriel  de  ce  nom  composé,  il  se  forme  en      _ 
mettant  une  s  à  guet  :  des  guets-apens ;  mais  la  pronon-     If 
dation  ne  fait  pas  sentir  cette  s,  de  sorte  que  le  pluriel 
de  guet-apr?is  se  prononce,  dit  M.  Littré,  absolument 
comme  le  singulier. 

X 

Trosième  Question. 

Il  y  a  quarante  ans,  le  verbe  Ecoedrer  n'existait  que 
dans  le  vocabulaire  de  la  plus  vite  populace  ;  est-ce  que, 
montant  de  la  cuisine  et  de  l' antichambre  au  salon,  ce 
verbe  est  aujourd'hui  devenu  français  ? 

Pour  moi,  un  mot  fait  partie  d'une  langue  lorsqu'il 
est  d'un  usage  général  dans  cette  langue  et  qu'il  pré- 
sente une  formation  selon  les  règles  du  groupe  auquel  il 
appartient. 

Or,  voyons  si  écœurer  remplit  ces  conditions. 
■  Est-il  d'un  usage  général?  —  Certainement,  puisque 
c'est  justement  la  raison  qui  sert  d'appui  à  votre  plainte  ; 
mais  il  y  a  plus  encore  :  c'est  qu'il  est  usité  depuis  le 
xvii"  siècle  au  moins,  attendu  qu'on  le  trouve  dans  Ant. 
Oudin  {Curiosités  françoises)  et  avec  la  signification  qui 
suit  : 

Faire  perdre  le  cœur,  dégoûter.  Cette  odeur  m'écœure.  Un 
pareil  langage  m'ccœure. 

.\-t-il  été  composé  en  verUi  des  lois  de  l'analogie?  — 
Evidemment,  car  écœurer,  formé  de  la  particule  é  (de 
ex)  et  de  cœur  dans  l'une  des  diverses  acceptions  que 
l'on  sait  (ardeur,  vif  iutérêt,  courage,  fermeté,  estomac), 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


407 


a  une  composition  entièrement  semblable  à  celle  des 
mots  suivants  : 


Etètfir(ôter  la  tète). 
Ebarber  (ôter  les  barbes). 
Ebrancher(ôterlps  branches). 


Ecosser  (ôter  les  co?sps). 
Ecbeniller  (ôterles chenilles). 
Ecorner  (ôter  les  cornes). 


Par  conséquent,  le  verbe  en  question  est,  à  n'en  pas 
douter,  français  et  bien  français. 

Quant  au  reproche  que  vous  lui  adressez  de  n'avoir 
existé,  il  y  a  40  ans,  que  dans  «  le  vocabulaire  de  la 
plus  vile  populace  »,  il  me  parait  difficile  de  [)Ouvoir 
l'admettre;  car  un  mot,  qui  est  en  quelque  sorte  un 
article  du  vêtement  de  la  pensée,  subit  à  ce  titre  l'in- 
fluence de  la  mode,  et  peut,  grâce  à  cette  reine  capri- 
cieuse, à  la  vérité,  mais  toute  puissante,  devenir  un 
jour  en  faveur  auprès  des  gens  instruits  après  avoir  été 
longtemps  employé  par  le  seul  vulgaire. 

X 

Quatrième  Question. 

Quand  un  mot  finissant  par  une  syllabe  nasale  est 
suivi  d'un  autre  commençant  par  une  voyelle  ou  une  h 
muette,  V  faut-il  toujours  les  lier,  et  2"  comment  cette 
liaison  doit-elle  se  faire?  Par  exemple,  c.-v  homme, 
DIVIN  ENfAHT  doivent-Hs  se  prononcer  une  homme,  divine 

ENFANT? 

Règle  générale,  les  sons  nasals  ne  se  lient  pas  au  mot 
suivant;  mais  il  y  a  un  certain  nombre  d'exceptions 
indiquées  ci-après  : 

4°  Les  adjectifs  qui  précèdent  leurs  substantifs,  tels 
que  mon,  certain,  malin,  prochain,  mien,  etc.  ; 

2°  Le  mot  en,  préposition  ou  mis  pour  comme; 

3°  Les  pronoms  on  et  en,  mais  seulement  quand  ils 
sont  placés  avant  le  verbe-, 

4°  Les  adverbes  bien ,  combien ,  rien ,  quand  ils 
précèdent  les  adjectifs,  les  participes  ou  d'autres  ad- 
verbes ; 

5°  L'adverbe  de  négation  non,  devant  l'adjectif  ou  le 
substantif  qu'il  modifie; 

6"  L'article  indéfini  un,  ainsi  que  le  même  mot  dans 
l'expression  un  à  un,  et  dans  toutes  celles  où  ïun  est 
suivi  de  Vautre. 

Maintenant,  comment  celte  liaison  doit-elle  se  faire? 
Est-ce  en  altérant  le  son  nasal,  ou  est-ce  en  le  laissant 
intact? 

Je  suis  toujours  d'avis  (car  j'ai  déjà  traité  la  question 
dans  le  Courrier  de  Vaugelas,  \"  année,  p.  29j,  que 
l'on  fasse  entendre  la  finale  nasale  comme  si  elle  était 
seule,  et  que  l'on  mette  une  n  euphonique  devant  le 
mot  qui  suit  cette  syllabe,  c'est-à-dire  que 

Bon  espoir  se  prononce  :  Bon  nespoir. 

Certain  homme  —  Certain  nhomme. 

Divin  enfant  —  Divin  nenfant. 

Ancien  ami  —  Ancien  jiami. 

Je  sais  que  celte  manière  de  lier  les  finales  nasales 
n'est  pas  adoptée  par  tous  les  grammairiens,  et  que 
M.  Liltré,  entre  autres,  n'est  pas  de  ceux  qui  l'approu- 
vent entièrement;  mais  quand  je  considère  : 

1°  Que  M.  Litlré  a  édifié  la  «  règle  générale  de  ces 
prononciations  »  sur  vinaigre,  un  composé  dont  le 
premier  terme  est  un  substantif  et  le  second  un  adjectif, 


tandis  que  la  question  dont  il  s'agit  concerne  le  plus 
souvent  la  liaison  d'un  adjectif  suivi  de  son  substantif, 
ce  qui  constitue  une  certaine  offense  à  la  logique  ; 

2°  Que  le  célèbre  lexicographe  admet  tantôt  une  ma- 
nière de  lier  et  tantôt  une  autre,  puisqu'il  veut,  d'un 
côté,  que  Ton  ijrononce  u-nami,  u-n/iomme,  bié-nécrire, 
tno-ncimi,  no-nacfivité,  et  de  l'autre,  divin-namour , 
commun-nintércl,  on-naime,  en-navant,  ce  qui,  à  ihon 
avis,  ne  peut  guère  se  justifier; 

3°  Qu'une  telle  prononciation  fait  entendre  au  fémi- 
nin des  adjectifs  qui  sont  au  masculin,  ce  qui  me  semble 
contraire  au  principe  de  la  liaison,  établie  non  pour 
changer  le  son  des  mots,  mais  seulement  pour  en  faci- 
liter la  prolation; 

Je  me  trouve  parfaitement  autorisé  à  croire  que  la 
règle  de  prononciation  que  j'ai  donnée  plus  haut,  règle 
qui  non-seulement  s'applique  sans  exception  à  toutes 
les  finales  nasales,  mais  encore  se  rattache  par  son  res- 
pect de  la  voyelle  finale  au  principe  plus  général  sur 
lequel  repose  la  théorie  de  la  liaison  dans  notre  langue, 
est  la  seule  règle  rationnelle  qui  puisse  être  établie  pour 
joindre  la  voyelle  nasale  de  la  fin  d'un  mot  à  la  voyelle 
qui  peut  la  suivre. 

X 
Cinquième  Question. 

Je  trouve  dans  un  journal  :  «■  On  se  dit  a  pabt 
soi...  »  Est-ce  bien  réellement  r orthographe  qui  con- 
vient ici  au  mot  part?  Je  vous  prierais  de  vouloir  bien, 
par  la  voie  de  votre  cocRRiER,;rte  faire  connaître  ce  que 
vous  pensez  à  ce  sujet.  Je  vous  en  serais  bien  reconnais- 
sant. 

Dans  notre  vieille  langue  (comme  je  l'ai  déjà  dit  dans 
le  n"  12  de  cette  année),  le  sens  de  l'adjectif  *ew/  s'expri- 
mait par  la  préposition  par  suivie  d'un  pronom  : 
Si  corne  Berte  fust  en  la  forest  par  U. 

(BerU,  1.) 

Les  cloches  de  l'église,  de  ce  soiez  certains, 
Sonnèrent  tout  par  elles  sanz  mètre  piez  ne  mains. 

(Ach.  Jubinal,  Nouv.  rec,  I,  p.  69.) 

D'un  autre  côté,  la  même  langue  employait  comme  la 
nôtre  l'expression  à  part,  dans  le  sens  de  séparément; 
ainsi  on  trouve  : 

Quant  aucuns  trueve  en  quemin  aucune  coz  queue  [chue] 
lever  l'en  pot  et  porter  en  à  part. 

(Beaumanoir,  XXV,  20. 1 
11,  laissée  la  concion  d'eux,  traisit  les  consulz  à  part. 

(Berclieure,  fol.  72  recto.) 

Or,  un  jour  vint,  avant  le  xvi"  siècle,  si  j'en  juge  par 
les  citations  que  je  vais  faire,  que  l'origine  de  ce  par 
suivi  d'un  pronom  tomba  en  oubli,  et  que  cette  prépo- 
sition fut  confondue  avec  le  substantif  jinrt,  qui  se 
trouve  dans  à  part;  ce  dernier  était  plus  en  usage  :  on 
mil  après  lui  le  pronom  qui  avait  jadis  suivi  par  (confu- 
.-^ion  d'autant  plus  facile  qu'il  y  a  un  grand  rapproche- 
ment d'idée  entre  seul  et  séparément],  et  l'on  eut  l'ex- 
pression à  part  moi,  à  part  lui,  à  part  e«.r,  etc.,  comme 
le  montrent  ces  exemples  : 


408 


LE  COURRIER  DE  VAUGEL.\S 


Et  souvent  à  part  soy  disoit: 
Sainct  Gabriel,  bonne  nouvelle  1 

(Ch.  d'Orléans,  Sali.,   S^■  ) 

Quand  je  suis  à  part  moi,  souvent  je  m'estudie. 

(Régnier,  Sali/re  XII.) 

L'on  le  trouvoit  toujours  apprenant  par  cœur,  ou  com- 
posant à  part  soy  quelques  harangues. 

(Amyot,  Thémis.,  a.) 

Depuis  lors,  on  a  continué  à  donner  la  même  ortho- 
graphe à  cette  expression  : 

Pendant  ces  mots  l'époux  gronde  o  part  soi. 

(La  Fontaine,  Jument.) 

Je  voulais  m'y  prendre  autrement  pour  étudier  à  part 
moi  un  homme  si  cruellement,  si  légèrement,  si  univer- 
sellement jugé. 

(J.-J.  Rousseau,  a«  diaî.) 

Mais,  en  réunissant  en  une  seule  deux  expressions 
renfermant,  l'une  par.,  et  l'autre  part,  on  en  a  obtenu 
une  troisième  qui  est  loin  d'être  bonne;  en  effet  : 

1°  Elle  offre  un  substantif  immédiatement  suivi  d'un 
pronom,  construction  qui,  n'ayant  jamais  eu  lieu  tant 
dans  le  français  moderne  que  dans  le  français  ancien, 
est  un  pur  barbarisme; 

2°  Le  sens  en  est  tout  autre  que  celui  qu'on  lui  donne  ; 
car  à  part  exprimant  une  idée  de  séparation,  à  part  soi, 
par  exemple,  doit  naturellement  signifier  étant  séparé 
de  soi,  tandis  qu'il  s'emploie  pour  dire  :  étant  séparé 
des  autres; 

3°  La  préposition  à  y  est  complètement  inutile,  parce 
que  l'origine  de  cette  expression  est  le  latin  per  se  (par 
soi),  qui  n'a  jamais  été  traduit  avec  la  préposition  à 
avant /)nr. 

Ainsi,  ce  n'est  pas  seulement  quant  à  l'orthographe, 
mais  c'est  encore  à  tous  les  autres  égards  que  à  part  soi 
est  une  expression  vicieuse. 

Dans  ses  Variations  (p.  409),  et  dans  ses  Récréations 
(1,  p.  218),  Génin  dit  que  l'adverbe  à  part  n'est  qu'une 
forme  elliptique  de  à  par,  et  qu'on  devrait  y  écrire ^«j/ 
sans  t. 

Je  ne  suis  pas  du  tout  de  cet  avis  ;  à  part,  qui  veut 
dire  en  étal  de  séparation,  comme  à  flot,  par  exemple, 
veut  dire  en  étal  de  flottaison,  vient,  selon  moi,  du 
verbe  partiri,  séparer,  diviser,  et  requiert  en  consé- 
quence un  t  final. 

Du  reste,  comment  «  part  pourrait-il  venir  du  latin 
per  (par)  suivi  d'un  pronom,  quand  à  ne  peut  se  mettre 
devant  aucune  autre  préposition? 

ÉTRANGER 

Première  Question. 
Le  mot  FJLS  doit-il  se  prononcer  ri  ou  fisse  ? 

M.  Lillré  indique  pour  ce  mot  la  prononciation  fi, 
puis  il  ajoute  : 

Beaucoup  de  personnes  ont  pris  depuis  quoique  temps 
l'habitude  de  faire  entendre  r.s  quand  ce  mot  est  isolé  ou 
devant  une  consonne,  un  fiss',  c'est  une  très  mauvaise 
prononciuliOD. 


Je  partage  entièrement  celle  manière  de  voir,  et  pour 
les  deux  raisons  que  je  vais  vous  dire  : 

<o  Si  l'on  fait  sonner  l'*  finale  dans  le  mot  en  ques- 
tion, pourquoi  ne  pas  prononcer  également,  par  analo- 
gie, un  puiss',  pour  un  puits,  des  fusiss',  pour  des  fusils, 
les  gentiss,  pour  les  gentils  ? 

2"  Adopter  la  prononciation  fîss',  c'est  rendre  faux  et 
impossibles  à  dire  les  nombreux  vers,  tant  anciens  que 
modernes,  où  fils  rime  avec  un  mot  en  is,  comme  dans 
les  suivants  : 

J  ai  lu  dans  quelque  endroit  qu'un  meunier  et  son  fi,ls, 
L'un  vieillard,  l'autre  enfant,  non  pas  des  plus  petits. 

(La  Fontaine,  Fabl.,  III,  i.) 

J'ai  vu,  seigneur,  j'ai  vu  votre  malheureux  fils, 
Traîné  par  les  chevaux  que  sa  main  a  nourris. 

(Racine,  Phèdre,  V,  5.) 

Je  puis  les  regarder  comme  nos  ennemis. 

Et  donne  sans  regret  mes  souhaits  à  mes  fils. 

(Corneille,  Horace,  III,  S.) 

Du  plus  grand  des  héros  je  reconnais  le  fils  : 
Il  est  déjà  tout  plein  de  l'esprit  de  son  père, 

Et  le  feu  des  yeux  de  sa  mère, 

A  passé  jusqu'en  ses  écrits. 

(Boileau,  Poés.  div.) 

Pour  des  raisons  tirées  également  de  l'analogie  et  des 
règles  de  la  versification,  fondées  sur  la  prononciation 
ancienne,  il  faut  se  garder,  contrairement  à  ce  que  font 
certaines  personnes  suivant  en  cela  les  errements  du 
Théâtre-Français,  de  prononcer  l's  dans  les  trois  autres 
monosyllabes,  gens,  mœurs  et  vers,  à  moins  qu'ils  ne 
se  trouvent  suivis  d'une  voyelle,  auquel  cas  «  a  le  son 
de  5  comme  partout  ailleurs. 

X 

Seconde  Question. 

J'admets  l'étymologie  rapjportée  par  Voltaire,  et 
j'écris  BocLEViKT.  Ai-jetort  ? 

Voici  le  résumé  de  la  solution  que  j'ai  donnée  de  cette 
question  à  la  page  68  de  la  3"  année  du  Courrier  de 
Vaugelas  : 

Au  xv°  siècle,  époque  où  boulevard  nous  est  venu 
d'Allemagne,  on  écrivait  boulevercq;  au  xvi^  siècle, 
boulevers  et  bouleverl,  et,  en  même  temps,  boulevars, 
boulevart  et  boulevard,  en  verlu  d'un  changement  de 
er  en  ar  qui  n'a  rien  d'insolite  quand  il  s'agit  de  la 
langue  française. 

Vers  le  milieu  du  xvii=  siècle,  le  mot  en  question 
n'avait  plus  que  deux  formes  :  boulevart  et  boulevard, 
formes  admises  encore  aujourd'hui  par  l'Académie  (1833) 
et  dont  la  première  a  été  adoptée  par  l'administration 
municipale,  probablement  à  cause  de  rempart. 

Quant  à  la  meilleure  de  ces  deux  orthographes,  il  me 
semble  que  c'est  boulevard,  avec  un  d,  parce  qu'on  en 
dérive  plus  naturellement  boulevardier,  qu'on  ne  peut 
le  faire  de  boulevart. 

X 
Troisième  Question. 

Voudriez-vous  bien  me  donner  l'étymologie  de  ava- 
cuiii,  que  mon  dictionnaire  fait  venir  de  VAciiii,  sans 
fjur  je  puisse  Ir  croire  suffisamment? 

Si  l'on  cherche  avachi  en  espagnol,  on  trouve  hoba- 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


109 


cho,  qui  correspond  à  notre  adjectif  wow;  si  on  le  cherche 
en  italien,  on  trouve  debok^qm  se  traduit  également  en 
français  par  mou  ;  nos  dictionnaires  donnent  ?/iou  comme 
sjnonyme  de  avachi,  troisième  fait  qui  prouve  que  mou 
est  bien  le  sens  de  ce  mot. 

Or,  mou  se  dit  tveich  ipron.  va'ich'^  en  allemand,  langue 
qui  a  fourni  jadis  un  certain  nombre  de  termes  à  la 
nôtre  :  je  crois  que  avachir  vient  de  weich. 

Je  comprends  que,  de  prime  abord,  on  ait  la  pensée 
de  rattacher  avachir  à  vache;  mais  il  y  a  un  empêche- 
ment à  la  possibilité  de  cette  origine,  c'est  que  s'avachir 
s'écrit  en  wallon  s'avachi  et  s'awachî,  ce  qui  confirme 
l'étymologie  allemande. 

PASSE-TEMPS  GRA.M.MATIGAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1*  ...  car  il  avait  bec  et  ongles  (sans  article);  —  2°  Nous  nous 
sommes  donné  comme  Wche;  —  3°  ...  vient  de  demander  à  la 
Commission  dabudgetet  d  en  obtenir  quellefroposa^;  — 4°.. .  que 
sa  malheureuse  mère  eût  pu  se  lever;  —  5° ...  qu'il  défendrait... 
J'ai  voulu  que  les  électeurs  fussent  bien;  —  6°  Je  suppose  qu'on 
luipor(e,-  —  7°  ...  il  serait  inexact  que  les  Carlistes  eussent  tiré; 

—  8"  ...  pas  laisse'  aveugler;  —  9°  ...  moins  naïf  qu'on  ne  croit . 

—  10°  ...  avec  un  zèle  des  plus  louables  (Voir  Courrier  de  Vau- 
gelas,  3'  année,  p.  84). 

Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

['  Mais  cette  victoire,  tout  accidentelle  qu'elle  soit,  nous 
humilie  profondément,  et  nous  en  concluons  à  la  nécessité 
pourrie  parti  républicain  de  déployer  plus  d'initiative  et 
d'énergie  que  jamais. 

2*  Pour  cette  œuvre  dissolvante,  les  légitimistes,  les 
orléanistes  et  les  républicains  ont  oublié  leurs  haines  les 
mieux  justifiées;  il  se  sont  donné  la  main  et  ils  se  sont  ima- 
ginés nous  avoir  porté  des  coups  dont  nous  ne  pourrions 
pas  nous  relever. 

3*  Il  est  impossible  que  cette  malencontreuse  idée  pré- 
value, et  l'on  doit  croire  que  la  prévoyance  politique  de  la 
Chambre  en  ferait  justice  quand  même 

i'  En  revenant  le  soir  à  Stockolm,  les  centaines  de  villas 
qui  se  trouvent  sur  le  lac  étaient  toutes  illuminées,  et  ces 
milliers  de  lumières  augmentaient  la  beauté  et  l'origina- 
lité du  panorama. 

5'  A  deux  reprises  déjà,  une  fois  avant  la  guerre,  et  la 
seconde  fois  après  la  guerre,  les  Allemands  ont  essayé 
d'empècber  que  la  langue  française  fût  la  langue  officielle 
des  congrès  d'anthropologie. 

6'  Il  fallait  d'ailleurs  s'y  attendre,  étant  donné  les  anté- 
cédents du  candidat  longtemps  fonctionuaire  sous  l'empire, 
puis  député  officiel,  et  des  plus  aveuglément  dévoués  au 
régime. 

7»  Voici  d'abord  le  soulier  à  poulaine,  terminé  par  un  bec 
démesuré,  chaussure  bizarre  et  incommode,  qui  se  main- 
tint en  usage  depuis  le  milieu  du  quatorzième  siècle  jus- 
qu'à la  fin  du  quinzième. 

8"  L'arrêté  de  nomination  sera  signifié  avant  deux  mois 
aux  intéressés,  qui  devront  être  rendus  à  leur  corps  res- 
pectif le  31  décembre  au  plus  tard. 

9"  Le  journal  de  M.  Jules  Simon  témoigne  à  ce  propos 
des  regrets  qui  ne  laissent  pas,  au  premier  coup  d'oeil,  que 
de  paraître  assez  surprenants. 

[Les  corrections  à  quinzaine.] 


FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVU*  SIÈCLE. 

VAU  GELAS. 

(.Suite.) 
Verbes  dont  l'infinitif  se  termine  en  ieb.  —  \  la  pre- 
mière et  à  la  seconde  personne  plurielle  du  subjonctif, 
il  faut  doubler  \'i  et  dire,  par  exemple,  afin  que  nous 
signifiions,  que  vous  signifiiez.  11  est  vrai  que  personne 
ne  l'écrit  ainsi,  mais  on  ne  laisse  pas  de  sentir  le  défaut 
d'un  second  i,  et  comme  il  serait  impossible  de  pro- 
noncer deui  »,  Vaugelas  propose  de  mettre  un  accent 
circonflexe,  et  d'écrire  que  nous  sirjnifions,  que  nous 
humilions. 

Premier  que.  —  Ceux  qui  ont  quelque  soin  de  la 
pureté  du  langage  ne  font  jamais  usage  de  cette  expres- 
sion ancienne,  qui  se  mettait  pour  avant  que. 

Orthographe.  —  Quelques-uns  l'écrivent  orthografe; 
mais  il  vaut  mieux  l'écrire  par;)/;  final,  covam^  philo- 
sophe. 

Persécuter.  —  Une  infinité  de  gens  é.\?:m\.perzécufer, 
c'est  une  faute;  dans  tous  nos  mots  commençant  par 
pers  \'s  est  dure. 

Lors.  —  Suivi  d'un  génitif,  par  exemple,  lors  de  son 
élection,  pour  dire  quand  il  fut  e/«,  n'est  guère  élégant; 
plusieurs  néanmoins  le  disent  et  l'écrivent  parce  qu'il 
abrège. 

Lequel,  laquelle.  —  Toutes  les  fois  qu'on  le  peut,  il 
vaut  généralement  mieux  employer  cm/,  dùt-on  le  répé- 
ter deux  fois  dans  une  même  période,  que  les  pronoms 
lequel,  laquelle,  laquels,  lesquelles,  pronoms  rudes 
pour  l'ordinaire. 

Lairrois,  lairrai.  —  Ces  abréviations  pour  lais.'terois, 
laisserai  ne  valent  rien,  quoiqu'une  infinité  de  gens  s'en 
servent. 

Invectiver.  —  Pour  signifier  faire  des  invectives,  n'est 
pas  du  bel  usage,  et  il  n'est  pas  permis  de  faire  à  sa 
fantaisie  des  verbes  tirés  et  formés  des  substantifs, 
quoique  beaucoup  de  gens  se  donnent  celte  autorité. 

Des  mieux.  —  11  n'y  a  rien  de  si  commun  que  celte 
façon  de  parler,  il  danse  des  mieux,  il  chante  des  mieux 
pour  dire  (7  danse  fort  bien,  il  chante  parfaitement  bien  ; 
mais  elle  est  très-basse,  et  nullement  du  langage  de  la 
Cour,  où  l'on  ne  peut  la  souffrir. 

Quatre  pour  quatrième  et  autres  semblables.  —  Dans 
la  chaire  et  au  barreau,  on  dit  au  chapitre  neuf  pour 
neuvième,  Henri  quatre  pour  Hi'nri  quatrième;  mais 
comme  tous  demeurent  d'accord  que  l'adjectif  est  meil- 
leur, pourquoi  ne  pas  l'employer  plutôt  que  le  nom  de 
nombre? 

.Sur,  sous.  —  Ces  prépositions,  suivies  d'un  substan- 
tif, doivent  toujours  être  simples,  .\insi  il  est  dessus  la 
table,  dessous  la  table  sont  de  mauvaises  expressions, 
il  faut  sur  la  table,  sous  la  table.  Le  grand  usage  des 
composés  est  à  la  fin  des  périodes;  on  dit  en  parlant, 
par  exemple,  d'une  chaise  -.je  suis  assis  dessus. 


440 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Incendie,  embrasement.  —  V'augelas  a  appris  d'un 
«  oracle  »  de  la  langue  qu'incendie  se  dit  proprement 
d'un  feu  qui  a  été  mis  à  dessein,  et  embrasement,  d'un 
feu  qui  a  été  mis  par  cas  fortuit. 

Magnifier.  —  Excellent  vocable  qui  a  une  grande 
«  emphase  »  pour  exprimer  une  louange  extraordinaire; 
mais  il  vieillit,  et  Vaugelas, qui  a  une  certaine  tendresse 
pour  tous  «  ces  beaux  mots  »  succombant  sous  la  tyran- 
nie de  l'usage,  voit  passer  celui-ci  avec  regret. 

Toute  sorte,  toutes  sortes.  —  Avant  un  nom  singu- 
lier, on  met  toute  sorte,  comme  dans  :je  vous  souhaite 
toute  sorte  de  bonheur;  et  avec  un  nom  pluriel,  toutes 
sortes,  comme  dans  :  Dieu  vous  préserve  de  toutes  sortes 
de  maux.  Cependant  ce  n'est  pas  une  faute  que  de  con- 
fondre dans  ce  cas  le  singulier  avec  le  pluriel. 

Première  personne  du  présent  de  l'indicatif.  — 
Quelques-uns  ont  cru  qu'il  fallait  ôter  l's  finale  de  la 
première  personne  de  je  crois,  je  fais,  je  dis,  je  crains, 
et  écrire  je  croy,  je  fay,je  dij,je  crain,  changeant  i  en 
y  selon  le  génie  de  noire  langue,  afin  de  distinguer 
ainsi  la  première  personne  d'avec  la  seconde,  tu  crois, 
tu  fais,  tu  dis,  tu  crains.  Il  est  certain  que  la  raison  le 
voudrait  pour  éviter  toute  équivoque,  mais  on  pratique 
le  contraire,  et  l'on  ne  met  point  ordinairement  de  diffé- 
rence entre  ces  deux  personnes.  Ce  ne  serait  pas  une 
faute  que  de  supprimer  1'*,  mais  il  vaut  beaucoup  mieux 
la  mettre  en  prose. 

Trouver,  treuver.  —  Ils  sont  bons  tous  deux-,  mais 
trouver  est  sans  comparaison  le  meilleur. 

Le  titre  de,  la  qualité  de.  —  C'est  une  faute  très- 
commune  de  finir  une  lettre  par  :  me  donnant  la  har- 
diesse de  prendre  le  titre  de,  ou  par  :  pour  mériter  la 
qualité  de,  avec  Monsieur  ou  Madame  en  bas,  à  l'endroit 
où  l'on  a  accoutumé  de  le  mettre,  et  suivi  de  :  votre 
très-humble  serviteur.  11  n'y  a  rien  de  raisonnable  dans 
un  tel  agencement  de  mots. 

Quel  pour  quelque.  —  C'est  une  faute  familière  à 
toutes  les  provinces  qui  se  trouvent  au-delà  de  la  Loire 
que  de  dire,  par  exemple,  quel  mérite  que  l'on  ait,  il 
faut  être  heureux,  au  lieu  de  dire  quelque  mérite  que 
l'on  ait,  etc. 

Languir,  plustôt.  —  Après  avoir  passé  plusieurs  an- 
nées à  Paris,  les  gens  du  Languedoc  ne  peuvent  s'empê- 
cher de  dire  :  vous  languissez  pour  vous  vous  ennuyez. 
Ils  font  de  même  à  l'égard  de  jo/m.s7o7  qu'ils  mettent  pour 
auparavant,  comme  dans  cette  phrase  -.je  vous  conte- 
rai l'affaire,  mais  plustôt  je  me  veux  asseoir. 

Sortir.  —  Autre  curiosité  :  un  Bourguignon  qui  aura 
été  toute  sa  vie  à  la  Cour  aura  bien  de  la  peine  à  ne  pas 
dire  sortir  pour  parlir,  comme  dans  :  je  sortis  de  Paris 
un  tel  jour,  pour  aller  à  Dijon. 

Arrivé  qu'il  fut.  —  Cette  façon  de  parler  et  autres 
analogues  ne  valent  rien,  quoiqu'une  infinité  de  gens 
s'en  servent  en  parlant  et  en  écrivant.  Au  lieu  de  celte 
expression,  i!  faut  dire  étant  arrivé. 

Trois  infinitifs  de  suite.  —  Ils  ne  sont  pas  toujours 
vicieux,  ni  n'ont  pas  toujours  mauvaise  grâce;  par 
exemple,  dans  le  Itoy  veut  aller  faire  sentir  aux  rebelles 
la  puissance  de  ses  armes,  il  n'y  a  rien  qui  choque. 


Mais  s'il  y  en  avait  quatre,  ils  auraient  bien  de  la  peine 
à  passer. 

L'un  et  Vautre.  —  On  les  met  et  avec  le  singulier  et 
avec  le  pluriel;  ainsi,  on  dit  également  bien  l'un  et 
l'autre  vous  a  obligé,  et  l'un  et  l'autre  vous  ont  obligé. 
11  en  est  de  même  avec  ni;  on  dit  ni  l'un  ni  l'autre  ne 
vaut  rien,  ou  ni  l'un  ni  l'autre  ne  valent  rien. 

N'en  pouvoir  mais.  —  Celle  façon  de  parler  est  ordi- 
naire à  la  Cour,  mais  elle  est  bien  basse  pour  s'en  ser- 
vir en  écrivant,  si  ce  n'est  dans  le  style  burlesque. 

Noms  propres  et  autres  terminés  en  en.  — Depuis  peu 
d'années  seulement,  nous  terminons  en  en  la  plupart 
des  noms  propres  (1647)  et  plusieurs  autres  tirés  du 
lalin  et  finissant  en  anus;  nous  disons  et  écrivons  Ter- 
tullien,  Quint ilien,  S.  Cyprien. 

Pouvoir.  —  On  se  sert  de  ce  verbe  d'une  façon  bien 
étrange,  mais  qui  néanmoins  est  si  ordinaire  à  la  Cour, 
qu'il  est  certain  qu'elle  est  très-française.  En  parlant 
d'une  table,  d'un  carrosse,  on  dit  :  il  y  peut  huit  per- 
sonnes, pour  il  y  a  place  pour  huit  personnes;  on  sous- 
entend  tenir. 

Si  après  vingt  et  un  il  faut  mettre  un  pluriel  ou  un 
singulier.  —  Cette  question  a  été  agitée  dans  une 
grande  compagnie;  les  uns  voulaient  le  substantif  au 
pluriel,  les  autres,  au  singulier;  mais  l'usage  n'étant 
point  décisif  dans  ce  cas,  Vaugelas  ne  se  prononce  pour 
aucun  nombre. 

Possible.  —  Employé  pour  peut-être,  les  uns  l'ac- 
cusent d'être  bas,  les  autres  d'être  vieux.  «  Tant  y  a  » 
que  pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  ceux  qui 
veulent  écrire  poliment  feront  bien  de  ne  pas  s'en 
servir. 

Ou  la  douceur  ou  la  force  le  fera.  —  Faut-il  le  fera 
ou  le  feront?  Il  faut  dire  le  fera  au  singulier,  car  comme 
c'est  une  alternative,  ou  une  disjonctive,  il  n'y  a  que 
l'une  des  deux  qui  régisse  le  verbe.  Quand  il  y  a  plu- 
sieurs ou,  on  peut  mettre  le  pluriel. 

Ni  la  force  ni  la  douceur  n'y  peut  rien.  —  Il  est  loi- 
sible de  mettre  le  verbe  au  singulier  ou  au  pluriel;  mais 
Vaugelas  préfère  le  pluriel 

Matineux,  matinal,  matinier.  —  C'est  matineux 
qui  est  le  meilleur  des  trois;  c'est  celui  qui  est  le  plus 
en  usage,  en  parlant  et  en  écrivant,  soit  en  prose,  soit 
en  vers. 

Après  souper,  après  soupe.  —  Tous  deux  sont  bons, 
et  nos  meilleurs  auteurs,  anciens  et  modernes,  se  ser- 
vent indifiéremment  de  l'un  ou  de  l'autre. 

Remplir  et  emplir.  —  L'un  et  l'autre  «  est  bon  «,  mais 
avec  cette  différence  que  remplir  se  dit  d'ordinaire  des 
choses  inimîtlérielles  ou  figurées,  et  qu'emplir  se  dit 
communément  des  choses  matérielles  et  liquides. 

C'est  une  des  plus  belles  ac/ions  qu'il  ait  jamais 
faites.  —  Il  faut  mettre  faites  au  pluriel,  parce  que  ce 
participe  se  ra|)porte  de  nécessité  absolue  au  pronom 
que,  lequel  est  après  action  cl  se  rapporte  à  ce  substan- 
tif, et  non  à  u)ie. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rkuàcteur-Ukuant  :  EuaiN  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


m 


BIBLIOGRAPHIE 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


La  Vieille-Roche.  Le  Marquis  de  Lanrose;  par 

Edm.  About,  2«  édition,  ln-18  Jésus,  365  p.   Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

La  Case  de  l'oncle  Tom,  ou  Vie  des  nègres  en 
Amérique;  par  Henriette  Beecher  Stowe.  Traduction  de 
La  Bédollière.  Nouvelle  édition,  augmentée  d'une  notice 
de  George  Sand.  Illustrations  anglaises.  In-i"  à  2  col. 
112  p.  Paris,  lib.  Barba.  1  fr.  60. 

La  Chanson  du  chevalier  au  Cygne  et  de  Gode- 
froid  de  Bouillon,  publiée  par  C.  Hippeau.  Première 
partie  :  Le  Chevalier  au  Cygne.  In-8°,  viu-268  p.  Paris, 
lib.  A.  Aubry.  8  fr. 

Moines  et  Sibylles  dans  l'antiquité  judéo-grecque; 
par  Ferdinand  Delaunay  (de  Fontenay).  2'  édition,  In-12, 
xix-403  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Histoire  des  naufrages  qui  ont  désolé  la  marine 
française,  comprenant  celui  de  la  Méduse,  position  diffi- 
cile de  l'Astrolabe  et  la  prise  de  Mogador  en  1845  ;  par 
Ebbark,  lieutenant  de  vaisseau.  In-8%  108  p.  Paris,  lib. 
Bernardin-Béchet. 

Pensées  de  J.  Joubert,  précédées  de  sa  correspon- 
dance, d'une  notice  sur  sa  vie,  son  caractère  et  ses  tra- 
vaux par  M.  Paul  de  Raynal,  et  des  jugements  littéraires 
de  ÎHM.  Sainte-Beuve, Silvestre  de  Sacy,  Saint-Marc  Girar- 
din,  Géruzez  et  Poitou.  6=  édition.  I.  Correspondance. 
In-12,  cxLvn-253  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie. 

Pensées  choisies  de  Biaise  Pascal,  publiées  sur  les 
manuscrits  originaux  et  mises  en  ordre  par  iM.  Faugère. 
W  édition.  In-12,  x-292  p.  Paris,  lib.  Jules  Delalain  et  fils. 
2  fr.  50. 


Théâtre  de  Jean  Racine,  trésorier  de  France,  l'un 
des  quarante  de  l'Académie  française.  Orné  de  vignettes 
gravées  à  l'eau-forte  sur  les  dessins  d'Ernest  Hillemacher, 
par  Frédéric  Hillemacher.  T.  3.  lQ-8°,  325  p.  Paris,  lib. 
des  Bibliophiles.  20  fr. 

Histoire  contemporaine  (3°  partie  de  l'Histoire  de 
France);  par  M.  Th.  Bachelet,  professeur  d'histoire  au 
lycée  Corneille.  Grand  in-i8,  532  p.  Paris,  lib.  Courcier. 
3  fr.  50. 

Un  peu  partout.  Du  Bosphore  aux  Alpes  ;  par  Jules 
Chambrier.  In-12,  316  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr. 

La  Chiffarde;  par  Eugène  Ghavette.  I.  Le  Passé  de  la 
duchesse.  IL  Les  Gentillesses  de  Rob.  2  vol.  In-18  Jésus, 
617  p.  Paris,  lib.  Dentu.  6  fr. 

Les  Voleurs  de  Londres  ;  par  Charles  Dickens.  Tra- 
duction de  La  Bédolière.  Edition  illustrée  de  25  vignettes 
par  Bertall.  In-4»  à  2  col.  72  p.  Lib.  Barba.  95  cent. 

Morceaux  choisis  des  classiques  français  k  l'usage 
des  classes  supérieures;  recueillis  et  annotés  par  Léon 
Feugère,  censeur  des  études  au  lycée  Bonaparte.  Ouvrage 
spécialement  destiné  aux  élèves  de  troisième,  de  seconde, 
de  rhétorique  et  de  mathématiques.  21«  édition.  Chefs- 
d'œuvre  de  prose,  ln-12,  xxxii-/i76  p.  Paris,  lib.  Jules 
Delalain.  3  fr.;  cart.  3  fr.  25. 

Études  sur  les  Barbares  et  le  moyen  âge;  par 
E.  Littré,  de  l'Institut,  3«  édition.  In-12,  xxxii-Zi60  p. 
Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Le  Quatre-Septembre  devant  l'enquête  ;  par  Eugène 
Pelletan.  2«  tirage.  In-18  Jésus,  343  p.  Paris,  lib.  Pagnerre. 


Publications   antérieures  : 


LES  PSAUMES  DE  DAVID  ET  LES  CANTIQUES 
d'après  un  manuscrit  du  xv=  siècle,  précédés  de  recher- 
ches sur  le  traducteur  et  de  remarques  sur  la  traduction, 
et  ornés  d'un  fac-similé  du  manuscrit  et  d'un  portrait  de 
David.  —  Paris,  librairie  Edwin  et  Hermann  Tross,  5, 
rue  Neuve-des-Petits-Champs. 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANCE,  AN- 
CIENNES ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 
logique et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Montjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LES  DIALOGUES  DE  JACQUES  TAHUREAU,  gen- 
tilhomme du  Mans,  avec  notice  et  index.  —  Par  F.  Cons- 
cience. —  Petit  in-12,  xxviii-201  pages.  —  Paris,  librairie 
Alphonse  Lemerre,  passage  Ghoiseul.  —  7  fr.  50. 


DU  DIALECTE  BLAISOIS  et  de  sa  conformité  avec 
l'ancienne  langue  et  l'ancienne  prononciation  française. — 
Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  par  F. 
TALBEnt,  professeur  de  rhétorique  au  prytanée  militaire  de 
La  Flèche.  —  Paris,  Ernesl  Tliorin,  éditeur,  libraire  du 
Collège  de  France  et  de  l'Ecole  normale  supérieure,  7,  rue 
de  Médicis. 


LINTERMÉDL4IRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Saridoz  et  Fischba- 
cher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  l'^  année,  15  fr., 
2"  année,  10  fr.;  3=  année,  12  fr.;  à'  année,  8  fr.;  5"  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 

ŒUVRES  DE  RABELAIS,  augmentées  de  plusieurs 
fragments  et  de  deux  chapitres  du  5=  livre,  etc.,  et  pré- 
cédées d'une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  Rabelais.  —  Nouvelle  édition,  revue  sur  les  meilleurs 
textes,  éclaircie  quant  à  l'orthographe  et  à  la  ponctuation, 
accompagnée  de  notes  succinctes  et  d'un  glossaire,  par 
Louis  Barré,  ancien  professeur  de  philosophie.  —  ln-18 
Jésus,  xxxv-612  p.  Paris,  librairie  Garnier  frères,  6,  rue 
des  Saints-Pères,  à  Paris. 

LE  MÉNAGIER  DE  PARIS.  —  Traité  de  morale  et 
d'économie  domestique,  composé  vers  1393,  par  un  Bour- 
geois parisien  ;  contenant  des  préceptes  moraux,  quelques 
faits  historiques,  des  instructions  sur  l'art  de  diriger  une 
maison,  des  renseignements  sur  la  consommation  du  Roi, 
des  Princes  et  de  la  ville  de  Paris,  à  la  fin  du  xiV  siècle  ; 
un  traité  de  cuisine  fort  étendu  et  un  autre  non  moins 
complet  sur  la  chasse  à  l'épervier.  —  Publié  pour  la  pre- 
mière fois  par  la  Société  des  Bibliophiles  français.  ~  2  vol. 
—A  Paris,  à  l'imprimerie  de  Crope/e^  9,  rue  de  Vaugirard. 


442 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


LE  CY.MBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Boxaventure  des  Pehiers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.L.  Jacob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  éditeur,  i-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.;  ln-8»  :  2  fr.  50. 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRAXCION,  composée  par 
Charles SoREL,sieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Emile  Colomb.^y.  —  Paris, 
Adolphe  Delahays,  éditeur,  6-6,  rue  Voltaire.  —  In-16  : 
5  fr.  ;  in-18  Jésus,  2  fr.  50.  


VOCABULAIRE  RAISONNE  ET  COMPARÉ  DU 
DIALECTE  ET  DU  PATOIS  DE  LA  PROVINCE  DE 
BOURGOGNE,  ou  Etude  de  l'histoire  et  des  mœurs  de 
cette  province  d'après  son  langage.  —  Par  Mignard,  de 
l'Académie  de  Dijon.  —  In-S",  334  p.  —  Paris,  librairie 
Aubry,  18,  rue  Séguier. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


A  Passy  (près  du  Ranelagh).— Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 

Dans  un  grand  pensionnat  de  Demoiselles,  situé 
dans  une  des  localités  les  plus  salubres  de  la  banlieue  de 
Paris,  on  reçoit  de  jeunes  étrangères  pour  les  perfec- 
tionner dans  langue  française.  —  Chambres  particulières. 
—  Table  de  la  Directrice.  —  Prix  modérés. 


Une  Maison  d'éducation  qui  n'est  point  une  pension 
prend  des  étrangers  à  demeure  pour  leur  enseigner  la 
langue  et  la  littérature  françaises.  —  Près  du  Collège  de 
France  et  de  la  Sorbonne. 


Avenue  de  l'Impératrice.  —  Un  ancien  préfet  du 
collège  Rollin  prend  en  pension  quelques  jeunes  étrangers 
pour  les  perfectionner  sérieusement  dans  l'étude  de  la 
langue  française.  — Enseignement  de  l'allemand  et  prépa- 
ration aux  examens  pour  le  service  militaire  en  Angleterre. 


(Les  adresses  sont  Indiquées  à  la  rédaction  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Le  journal  Le  Tournoi  est  rédigé  au  concours  par  ses  abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  Comité  de  rédaction.  L'Insertion  donne  droit  à  l'MMe  des  prîmes  suivantes  : 
V"  Prime  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme  confirmant  le  succès  du  lauréat  ; 
2«  Prime Quinze  exemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de  l'auteur,  et  formant  une  brochure. 

Tout  abonné  douze  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  en  s'adressant  à  M.  Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  à  Paris. 

Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875. 

Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envols  sont  Inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur 
d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. 

Sont  seuls  admis  à  concourir  :  1°  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane,  —  2»  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1"  juillet  1875.  Ils  resteront 
déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les  auteurs  pourront  en  prendre  connaissance. 

Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins  de  cent  vers. 

Le  treizième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  187i.  —Dix  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espagne,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  A/franchir.        

L'Académie  française  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone. 

Le  nombre  des  vers  ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents. 

Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secrétariat  de  l'Institut,  franches  de  port,  avant 
le  15  février  1875,  terme  de  rigueur. 

Les  manuscrits  porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage; 
ce  billet  contiendra  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître. 

On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en 
ont  besoin.  ^^^^^^^^^__^_^^^^^___^__ 

Le  rcdacleur  du  Courrier  de  Vaugrlas  est  visible  a  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie.  || 

Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rolrou.  ** 


5>  Année. 


N°   15 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


^« 


v^^ 


0^. 


m 


1"  Novembre  1874. 

QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Journal  Semi-Mensuel 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Paralarant    1«    1"  «t   !•    IS    de   ehaane  atoia 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem       pour  l'Étranger  10  f. 

Annonces,  la  ligne  .    .    .    .  50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

.\NXIEN     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Oflirier  d'.^cadémie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteiir,  soit  à  l'Adra' 
M.  FisCHBACHER,  33,  Plie  de  Seine. 


SO.MMAIRE. 

Deux  communications  ;  —  Signification  littérale  de  Conter  fleu- 
rettes; —  Emploi  de  Découvreur  ;  —  Usage  singulier  du  mot 
De  après  En;  —  Pourquoi,  contrairement  à  létjmologie,  tous 
nos  participes  présents  finissent  en  ant.  \\  Cylindrer  ou  Calan- 
drer  du  linge:  —  Avoir  si  peur  est  une  mauvaise  expression; 
—  S'il  faut  dire  qu'l'ne  loi  pointe  ou  point  à  l'horizon.  || 
Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie  de  l'auge- 
las.  Il  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Familles  pari- 
siennes pour  la  conversation.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 

J'ai  reçu  dernièrement  les  deux  lettres  qu'on  va  lire, 
relativement  à  des  questions  traitées  dans  des  numéros 
précédents  : 

L 
Sens  (Yonne),  14  septembre  1874. 
Monsieur, 

En  vous  adressant  un  mandat  de  6  fr.  pour  renouvelle- 
ment de  mon  abonnement  au  Courrier  de  Vaugelas,  per- 
mettez-moi de  vous  faire  une  petite  observation  touchant 
la  liste  des  noms  que  l'on  donne  aux  habitants  des  diverses 
villes  de  France. 

Cette  liste  est  intéressante;  mais  elle  eût  pu  l'être 
davantage,  ce  me  semble,  si  vous  aviez  donné  la  clé 
d'appellations  souvent  éloignées  du  nom  de  la  ville  elle- 
même.  Ainsi,  il  est  facile  de  comprendre  pourquoi  les  habi- 
tants d'Arles  s'appellent  les  Artésiens  ,  et  les  habitants 
d'Amiens  les  Amiénois;  mais  on  s'explique  difficilpmpnt 
au  premier  abord  que  les  habitants  de  St-Omer  s'appellent 
les  Audomarois,  ceux  de  Sens  les  Se'nonais,  ceux  de  Besan- 
çon les  Viîontins,  etc.  Il  y  aurait  tout  profit  pour  le  lec- 
teur à  savoir  que  ces  dénominations  singulières,  quand 
on  n'en  sait  pas  la  source,  tiennent  au  nom  ancien  de  ces 
villes,  Audomarum,  Senones,  Vesontio,  etc.  qui,  par  suite  de 
corruptions  rationnelles,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  s'est 
profondément  altéré,  tandis  que  l'adjectif,  resté  dans 
l'ombre  et  hors  de  la  portée  du  vulgaire,  se  maintenait 
dans  son  intégrité. 

Il  est  facile,  par  exemple,  de  comprendre  comment  l'ac- 
cent fortement  appuyé  sur  la  première  syllabe  a  fait  Sens 
de  Senones,  et  Orner  de  Audomarum. 

Agréez,  Monsieur,  l'expression  de  ma  considération  la 
plus  distinguée. 

FlLLBMlN. 


Les  observations  contenues  dans  celle  lettre,  obser- 
vations que  j'avais  prévues,  du  reste,  sont  parfaitement 
justes.  Je  serai  heureux  d'y  faire  droit  dans  un  prochain 
numéro,  où  je  me  propose  d'expliquer  l'origine  de  tous 
les  genlilés  qui  ne  dérivent  pas  directement  du  nom 
actuel  des  villes. 

Quant  au  mandat  renfermé  dans  la  même  lettre,  je 
l'anéantis,  pour  la  raison  que,  le  23  février  dernier, 
M.  Fillemin  m'en  a  déjà  envoyé  un  semblable  pour 
payer  son  abonnement  à  la  5'  année. 
II. 

Bayeux,  le  26  Septembre  1874. 
Monsieur, 

Le  numéro  du  Courrierdu  15  septembre  courant  ne  m'est 
pas  parvenu,  et  nous  touchons  à  la  fin  du  mois.  'Veuillez, 
je  vous  prie,  me  le  faire  expédier,  car  je  serais  désolé  de 
voir  une  lacune  dans  ma  précieuse  collection. 

Dn  des  précédents  contenait  quelques  erreurs  au  sujet 
du  rocher  du  Calvados  que,  de  ma  chaumière  de  pêcheur, 
au  bord  de  la  Manche,  je  puis  voir  de  mes  fenêtres,  dans 
une  grande  marée  comme  celle  de  ce  jour,  où  il  découvrira 
presque  entièrement,  ce  qui  n'arrive  que  deux  ou  trais  fois 
chaque  année.  On  le  confond  généralement,  et  à  tort,  avec 
les  roches  qui  bordent  la  côte  de  Colleville  â  Langrune, 
qui  découvrent  à  chaque  marée  et  sont  adhérentes  aux 
falaises  sur  une  longueur  d'environ  20  kilomètres,  de  Port- 
en-Bessin  à  Courseulles.  Le  seul  rocher  isolé  et  qui  seul  a 
droit  au  nom  de  Calvados,  est  situé  au  nord  de  la  Fosse 
d'Espagne,  entre  St-Côme-de-Fresné  et  Asnelles,  et  la  carte 
de  l'Etat-major,  qui  en  contient  un  relevé  fort  exact,  ne  lui 
donne,  avec  raison,  que  1  kilomètre  de  10.  à  l'E.,  sur 
.500  mètres  du  N.  au  S.  Mais  elle  le  baptise  improprement: 
les  Calvados,  tandis  que  son  nom  doit  être  au  singulier,  et 
n'est  que  la  corruption  du  nom  du  vaisseau  de  VAnnada 
qui  vint  y  échouer,  et  qui  s'appelait  non  point  le  Calvador, 
mais  le  Salvador  (le  Sauveur)  :  au  xvi'  siècle,  la  forme  de 
r.S  se  rapprochait  beaucoup  de  celle  du  C,  et  on  lut  mal  la 
finale;  de  là  l'erreur  commune,  consacrée  par  l'Assemblée 
nationale  qui,  sur  la  proposition  de  M.  Delaunay,  député 
des  Etats  de  Normandie,  et  qui  n'était  que  l'organe  de  sa 
sœur  (dont  on  conserve  encore  le  portrait  au  musée  de 
Bayeux.  où  elle  fut  connue  jusqu'à  sa  mort  sous  le  nom  de 
Mademoiselle  Calvados)  attribua  au  département  le  nom  vul- 
gairement donne  au  rocher  qui  en  est  une  annexe. 

J'ai  déjà  recueilli  beaucoup  de  noms  à  ajouter  à  la  liste 
géographique   publiée  dans    votre   numéro   11   ;  j'attends 


i\i 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


d'avoir  augmenté  et  ordonné  une  liste  pour  vous  l'envoyer, 
comme  supplément  à  ia  vôtre. 

En  attendant,  veuillez  agréer.  Monsieur,  l'assurance  de 
mes  sentiments  distingués. 

Georges  Garnieb. 

Je  remercie  M.  Georges  Garnier  des  précieux  rensei- 
gnements qu'il  donne  dans  sa  lettre  sur  le  rocher  du 
Calvados,  et  j'attendrai  qu'il  m'ait  envoyé  la  liste  qu'il 
prépare  pour  répondre  aux  observations  contenues  dans 
la  communication  précédente. 

X 

Première  Queslioa. 
Je  désirerais  bien  savoir  la  véritable  signification  de 
l'expression  comer  fléchettes,   et  vous  serais,  en  con- 
séquence, très-obligé  de  la  donner  dans  un  de  vos  pro- 
chains numéros. 

Le  verbe  conter  peut  avoir  ici  un  double  sens,  celui 
de  dire,   et  celui  de  compter,    pour  lequel  il   s'est 
employé  dans  les  commencements  de  notre  langue  : 
Jo  ai  cunlé,  n'i  ad  mais  que  .vii.  liwes. 

\Ch.  de  Roland,  ch.  IV,  v.  364.J 

Sans  les  autres  richesses  que  le  ne  sai  conter. 

(Berle,  XCVIl.) 

Tuit  li  enfant  d'un  mariage,  quant  il  vienent  en  compai- 
gnie  avec  le  secont  mariage  ou  avec  le  tiers,  ne  sont  conté 
que  por  une  sole  personne. 

(Beaumanoir,  XXI,  8  ) 

D'un  autre  côté,  le  mot  fleurette,  indépendamment 
de  la  signification  de  galanterie,  a  eu  aussi  celle  de 
pièce  de  monnaie,  ce  qui  est  attesté  par  cet  exemple  : 

La  fleurette  ou  florelte  était  une  e.spéce  de  monnaie  fran- 
çaise en  usage  au  siv  et  au  sv  siècle. 

(Ch.  Nisard,  Curios.  del'étymoî.^  p.  6.) 

D'où  il  suit  que  le  véritable  sens  de  la  phrase  en 
question  doit  être  contenu  dans  l'une  des  quatre  com- 
binaisons suivantes  : 

Conter  (dire)  fleurettes  (monnaie). 
Conter  (dire)  fleurettes  (galanterie). 
Conter  (compter/  fleurettes  (monnaie). 
Conter  (compter)  tleurelles  (galanterie). 
Or,  comme  on  n'a  jamais  employé  dire  suivi  d'un 
nom  de  monnaie,  pas  plus  que  compter  suivi  d'un  nom 
signifiant  un  propos  galant,   il  est  à  croire  que  le  sens 
littéral  de  l'expression  ne  peut  se  trouver  que  dans 
conter  (compter)  fleurettes  (monnaie),  ou  dans  conter 
(dire)  fleurettes  (galanterie). 
Conter  /levrettes  veut-il  dire  compter  de  la  monnaie? 
Ce  serait  un  tort  de  le  croire  comme  quelques-uns 
l'ont  fait;  d'abord,  parce  qu'expliquée  ainsi  l'expression 
prendrait  un  sens  immoral  qu'elle  n'a  jamais  eu,  car 
elle  n'impli(iue  que  paroles  d'amour,  compliments  gra- 
cieux, dire  des  choses  jolies,  flatteuses,  séduisantes;  et, 
ensuite,  parce  que  le  mot  /levrette  peut  très-bien  figurer 
après  un  verbe  qui  ne  veut  pas  pour  régime  un  nom  de 
monnaie,  preuve  ces  exemples  : 

...  Et  votre  femme  entendra  le.s  flextrelles. 

(Moliî-re,  /ic.  des  M'iris,  I.  t.] 

OÙ  peuvent  tous  venants  débiter  leurs  fleurettes. 

(Corneille.  IMenl.  I.  l.) 


Du  reste,  si  /leurette  \ou\a.'i[  dire  ici  pièce  de  mon- 
naie, on  ne  le  trouverait  évidemment  pas  en  compagnie 
du  mot  argent,  comme  il  s'y  voit  dans  ce  vers  : 

Des  gens  qui  sèmeront  l'argent  et  la  fleurette. 
(I.a  Fontaine,  Joconde.) 

Conter  fleurettes  signifie  donc  dire  des  galanteries? 

C'est,  à  mon  avis,  le  véritable  sens  de  cette  expres- 
sion, et  voici  les  raisons  sur  lesquelles  je  base  une  con- 
viction que  j'espère  vous  faire  partager  : 

V  Le  mot  fleurette  est  le  diminutif  de  /leur;  or,  par 
une  métaphore  facile  à  saisir  (la  fleur  de  quelque  chose, 
c'est  ce  qu'il  y  a  de  mieux,  de  plus  fin),  les  discours 
galants  qui,  selon  M.  Charles  Rozan,  se  tiennent  «  dans 
un  langage  qui  n'est  pas  le  langage  de  tout  le  monde  ni 
de  tous  les  jours  »  ont  été  assimilés  à  de  jolies  petites 
fleurs. 

De  fl.eur,  pris  dans  le  même  sens,  nos  pères  avaient  fait 
fleureter  (qui  pourrait  bien  avoir  donné  le  flirtation  des 
Anglais),  verbe  qui  signifiait  babiller,  dire  de  jolis 
riens,  et  dont  j'ai  recueilli  l'exemple  suivant  ; 

Ces  paroles  servent  à  ceux  qui  n'ont  accoustumé  que  de 
flageoler  et  fleureter  à  l'oreille,  en  parlant  de  choses  de  peu 
de  valeur. 

(Commines.  cité  par  Ch.  Nisard,  p.  6.) 

2»  En  espagnol,  on  emploie  /lor  (fleur)  pour  signifier       1 
ornement  du  discours,  éloge,  louange;  et  l'on  appelle 
floreo  (mot  de  la  famille  de  /lor]  une  flatterie,  une  cajo- 
lerie, une  douceur  dite  à  une  femme  :  /leurette,  formé 
de  fleur,  a  le  même  sens  que  floreo.  j 

3°  Pour  signifier  ce  que  nous  exprimons  par  conter  " 
fleurettes,  les  Latins  employaient  rosas  loqui  (dire  des 
roses),  expression  d'autant  plus  heureuse  que  la  rose 
était  consacrée  à  Vénus,  la  déesse  des  amours.  Or,  le 
fleurettes  de  notre  proverbe,  c'est  le  rosas  du  proverbe 
latin,  c'est  un  mot  ayant  le  sens  de  propos  galants. 

Le  Dictionnaire  étymologique  de  Noël  et  Carpentier 
écrit  conter  fleurette  avec  fleurette  au  singulier.  Mais 
comme  la  plupart  de  nos  auteurs  écrivent  fleurette  au 
pluriel  dans  cette  expression,  et  que,  d'ailleurs,  rose 
est  au  pluriel  dans  rosas  loqui,  ainsi  que  fleur  dans 
Andarse  en  flores,  que  je  rencontre  dans  un  diction- 
naire espagnol  comme  traduction  d&  conter  fleurettes, 
j'en  lire  la  conclusion  qu'il  faut  mettre  fleurette  au 
pluriel  dans  ce  proverbe. 

X 
Seconde  Question. 

Voudriez-i'ous  bien  me  dire  comment  se  nomme  une 
per.'ionne  qui  a  fait  une  découverte,  et  aussi  ce  que  voits 
pensez  de  de'cocvreub  datis  la  p/uase  suivante,  que  je 
trouve  dans  la  Revue  des  deux  Mondes  du  {"septembre 
\^1^  :  «  Les  cliétifs  instrumens  qui  bravèrent  alors  le 
courroux  des  flots  rehaussent  à  peine  pour  moi  l'audace 
des  anciens  décocvrecrs.  » 

Le  substantif  découverte  se  disant  de  toute  chose 
dont  le  nom  peut  servir  de  régime  direct  à  l'un  des 
trois  verbes  trouver,  inventer,  découvrir,  qui  expri- 
ment l'action  d'arriver  à  connaître  ce  qui  était  caché, 
couvert  en  quelque  sorte,  on  a  dû  naturellement  dési- 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


fl5 


gner  celui  qui  fait  une  découverte  par  les  mots  trou- 
veur,  inventeur,  découvreur. 

Mais  ces  noms  ne  s'appliquent  qu'à  certaines  signi- 
fications des  verbes  dont  ils  sont  formés,  de  sorte  que, 
pour  en  faire  un  emploi  convenable,  il  faut  savoir  ce 
qui  suit  relativement  à  chacun  d'eux  : 

Trouveur.  —  Se  dit  de  celui  qui  rencontre  un  objet 
perdu,  et  aussi  comme  synonyme  de  trourrre,  corres- 
pondant au  grec  îroiTjTYiç,  poète  (de  toiéw,  faire,  in- 
venter). 

Inventeur.  —  Répond  au  sens  d'imaginer  quelque 
chose  de  nouveau,  de  combiner  des  conditions  connues 
d'une  façon  nouvelle;  on  dit  : 

L'inventeur  de  l'imprimerie;  —  Y  inventeur  Ae  la  poudre  à 
canon;  —V inventeur  An  télégraphe  électrique,  etc. 

Mais  il  s'emploie  spécialement  en  terme  d'archéo- 
logie pour  désigner  celui  qui  trouve  une  médaille;  il 
correspond  alors  au  sens  du  latin  invenire,  qui  a  fourni 
invention  dans  cette  dénomination  d'une  fête  de  l'Eglise, 
l'invention  de  la  vraie  croix,  pour  la  découverte  de  la 
vraie  croix. 

Découvreur.  —  S'est  employé  jusqu'au  xvi°  siècle 
pour  désigner,  à  la  guerre,  ceux  qu'on  envoyait  en 
éclaireurs,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 

Et  avoient  les  François  leurs  descouvreurs,  et  les  Hongres 
les  leurs. 

(Froissart,  III,  IV,  53.) 

Les  capitaines,  qui  avoient  mis  des  descouvreurs  sur  les 
champs,  eurent  taatost  avis  que... 

(M.  du  Bellay,  383.) 

Puis,  on  en  est  venu  à  ne  plus  le  dire  que  de  celui 
qui  avait  fait  une  découverte  géographique  : 

Quel  fut  le  prix  des  services  inouïs  de  Cortez?  Celui 
qu'eut  Colomb  -.  il  fut  persécuté;  et  le  même  êvêque  Fon- 
seca,  qui  avait  contribué  à  faire  renvoyer  le  découvreur  de 
l'Amérique  chargé  de  fers,  voulut  faire  traiter  de  même 
celui  qui  en  était  le  vainqueur. 

(Voltaire,  M(eurs,    147. 1 

Or,  comme  je  ne  vois  pas  pour  quelle  raison  décou- 
vreur, employé  dans  ce  sens  au  xviii"  siècle,  n'y  pour- 
rait pas  figurer  encore  aujourd'hui,  j'en  conclus  que  la 
phrase  de  la  Revue  des  deux  Mondes  où  vous  l'avez 
rencontré  ne  peut  être  taxée  d'incorrection. 

Les  substantifs  trouveur  et  découvreur  ne  figurent 
pas  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie;  mais  quand  je 
vois  que  M.  Littré  les  enregistre  dans  le  sien,  qu'il  jus- 
tifie l'emploi  du  premier  par  ces  exemples  empruntés  à 
la  vieille  langue  : 

Les  irouveurs  auront  la  moitié  de  ladite  trouveure  pour 
leur  part. 

(Du  Cange,  Troaf.) 

L'amende  doit  estre  d'autant  de  valeur  comme  le  fiai 
coze  trovée,  lequele  li  trouvères  vaut  retenir  à  soi. 

(Eeaiimanoir,  XXV,  21.) 

et  qu'il  fait  remarquer  que,  si  l'Académie  n'approuve 
plus  le  second  aujourd'hui,  elle  l'avait  mis  dans  sa 
3=  édition,  je  ne  crois  pas  être  dans  l'erreur  en  tenant 
ces  mots  pour  bien  français.  j 


X 

Troisième  Question. 
Vans  la  phrase  suivante,  où  il  s' agit  de  princesses  : 
«  //  y  en  avait  de  brunes,  de  blondes,  de  châtain  clair, 
de  châtain  foncé  et  d'autres  aitx  cheveux  d'or  d,  faut-il 
DE  ou  DES  ?  Je  crois  que  de  choque  moins  l'oreille. 

Il  faut  (le,  et  voici  pourquoi. 

Complète,  cette  phrase  serait  exprimée  par  celle  qui 

suit  : 

11  y  avait  des  princesses  qui  étaient  brunes,  des  prin- 
cesses qui  étaient  blondes,  des  princesses  qui  étaient  châ- 
tain clair,  des  princesses  qui  étaient  châtain  foncé,  etc. 

Or,  dans  celte  dernière,  si  l'on  remplace  par  en  (ce 
qui  se  fait  d'ordinairei  le  substantif  jorùfce.'ises,  répété  et 
pris  dans  un  sens  partitif,  elle  devient  : 

11  y  en  avait  qui  étaient  brunes,  qui  étaient  blondes  qui, 
étaient  châtain  clair,  qui  étaient  châtain  foncé,  etc. 

Puis,  si  au  lieu  de  qui  étaient,  dans  cette  seconde 
phrase,  on  met  le  mot  de,  après  la  substitution  de  en  à 
princesses  (ce  qui  n'est  ni  moins  permis  ni  moins  géné- 
ralement pratiqué),  on  arrive  à  cette  forme  doublement 
elliptique  qui  n'est  autre  que  la  phrase  que  vous  me 
proposez  : 

Il  y  en  avait  de  brunes,  de  blondes,  de  châtain  clair,  de 
châtain  foncé,  etc. 

Ainsi,  ce  n'est  pas  parce  que  de  «■  choque  moins 
l'oreille  «  qu'il  doit  être  employé  dans  celte  phrase  et 
autres  semblables;  c'est  en  vertu  d'une  règle  bien  posi- 
tive de  construction  qui  veut  que  le  pronom  qui  et  le 
verbe  rtre,  suivis  d'un  adjectif  ou  d'un  participe,  soient 
remplacés  par  de  quand  le  substantif  auquel  qui  se  rap- 
porte a  été  lui-même  remplacé  pare«. 
X 
Quatrième  Question. 

Puisque  le  français  est  dérivé  du  latin,  et  que  dans 
cette  dernière  langue  il  y  a  des  participes  présents  en 
kys,  ANTis  (amans,  amamis)  et  d'autres  en  ens,  entis, 
(lhoens,  i-egentis  ,  pourquoi  n'avons-nous  pas  écrit  les 
uns  par  ent  et  les  autres  par  ant?  C'aurait  élé  plus  con- 
forme à  l'élymologie. 

Gomme  les  autres  langues  néo-latines,  le  français  n'a 
que  trois  conjugaisons  : 

La  première,  qui  a  l'infinitif  en  er  [porter],  ai\ec\e 
participe  passé  en  e,  et  qui  correspond  à  la  première 
conjugaison  latine,  dont  l'infinitif  est  en  are  [onare] ; 

La  seconde,  qui  a  l'infinilif  en  ir  [finir]  avec  le  passé 
en  i,  et  qui  correspond  à  la  quatrième  conjugaison 
latine,  dont  l'infinilif  est  en  ire  {finire); 

La  troisième,  quia  l'infinilif  en  oir  (recevoir,  devoir), 
et  en  re  [vendre,  prendre],  avec  le  participe  passé  le 
plus  souvent  en  u.  et  qui  correspond  à  la  troisième  des 
Latins  dont  l'infinilif  est  en  ère  [reciperc,  rendere),  bien 
qu'elle  renferme  beaucoup  de  verbes  dont  les  primitifs 
appartiennent  à  la  seconde  conjugaison  latine,  ayant 
l'infinilif  en  cre  [debcre,  prendcre''. 

Or,   les  modèles  de  ces  trois  conjugaisons  porter, 
partir,  mollir  cl  battre  donnant  en  lalin  : 
Portans,  antis  (an) 


u« 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Partiens,  entis  [en) 
Mollescens,  entis  (en) 
Baltuens,  entis  [en) 

il  eût  été  sans  doute  plus  conforme  à  l'étymologie 
d'écrire  par  ent  la  terminaison  de  nos  participes  présents 
des  deux  dernières  conjugaisons,  c'est-à-dire  partent 
et  bottent,  dérivés  de  partiens  et  de  batfuens.  Mais, 
comme  la  notation  en  de  celte  terminaison  aurait  eu  le 
son  de  an  nasal,  et  que  tous  les  participes  présents  de 
la  première  conjugaison,  qui  sont  les  plus  nombreux, 
s'écrivent  régulièrement  par  an,  d'après  leur  prove- 
nance [portant  déportons,  tis],  on  fut  conduit,  dès  les 
premiers  temps  de  notre  langue  (cette  orthographe  se 
trouve  adoptée  dans  les  textes  les  plus  anciens),  à  repré- 
senter également  par  an  le  même  son  nasal  qui  se  trou- 
vait à  la  terminaison  du  participe  présent  dans  les 
autres  conjugaisons. 

Du  reste,  il  y  a  encore  d'autres  raisons  qui  peuvent 
justifier  celte  terminaison  unique  en  ont  pour  répondre 
à  la  double  terminaison  des  participes  présents  latins  : 

\°  C'est  qu'il  existe  dans  presque  tous  les  verbes  une 
autre  forme  qui,  pour  l'orthographe,  eût  été  identique 
au  participe  présent  écrit  par  ent,  la  troisième  per- 
sonne plurielle  du  présent  de  l'indicatif  :  Ws  partent, 
ils  battent,  etc. 

2°  Comme  nous  avons  un  certain  nombre  d'adjectifs 
verbaux  qui  ont  la  même  source  que  nos  participes 
présents,  c'est-à-dire  qui  proviennent  comme  eux  des 
participes  présents  latins,  il  nous  a  été  possible  de  dis- 
tinguer les  uns  des  autres  en  terminant  tous  nos  parti- 
cipes présents  en  ant  et  nos  adjectifs  verbaux  en  ent  ; 
grâce  à  celte  convention,  on  peut  immédiatement  voir 
que  excellent,  négligent,  sont  des  mots  d'une  autre 
espèce  que  excellant,  négligeant. 

Voilà  pourquoi,  en  dépit  des  suggestions  de  l'étymo- 
logie, nous  écrivons  tous  nos  participes  présents  par 
ant,  de  quelques  verbes  latins  qu'ils  viennent. 

ÉTRANGER 


Première  Question. 
Faut-il  dire  cïlindrer  du   linge  ou   calandreb  du 
LINGE  ?  Je  vous  remercie  d'avance  de  votre  réponse. 

On  lit  ce  qui  suit  (vol  I,  p.  123)  dans  le  Manuel  du 
blanchiment  et  du  blanchissage,  par  Julia  do  Fonte- 
nelle,  ouvrage  faisant  i)artie  de  la  collection  Roret  : 

Nous  avons  en  France  l'habitude  de  repasser  le  lin^e 
de  m(?nage  avec  des  fers  chauds  de  diverses  formes;  mais 
cette  opération  occasionnant  toujours  une  dépense  assez 
considérable,  â  cause  du  charhon  de  hois  qu'on  est  obligé 
d'employer  à  cet  effet,  et  do  la  lenteur  avec  laquelle  ce 
travad  s  exécute,  il  arrive  aussi  tres-IVéqueninicnt  que, 
par  la  négligence  des  repasseuses,  le  linge  se  trouve  roussi 
et  même  h?ûlé.  Les  Anglais  se  servent  pour  le  repassage 
du  linge  uni,  tel  que  celui  de  table,  les  draps  de  lits,  etc., 
d'une  marlime  qu'ils  nomment  mongle  ou  calender,  qui 
n'a  pas  les  inconvénients  dont  on  vient  do  parler,  quoi- 
qu'elle opère  Irès-promptement  et  ù  froid.  Le  linge  dont 
on  veut  unir  ou  lustrer  la  surface,  après  avoir  été  légère- 
ment humecté,  est  roulé  le  plus  exactement  possible  au- 


tour de  deux  cylindres  de  bois  de  hêtre,  qu'on  place,  ainsi 
chargés,  entre  deux  planchers  horizontaux  très-unis,  dont 
I  inférieur  est  fixé  et  le  supérieur  mobile  dans  le  sens  per- 
pendiculaire à  la  direction  des  cylindres,  de  manière  à  pou- 
voir aller  et  venir  librement  dans  un  espace  limité.  Ce 
même  plancher  supérieur,  formant  le  fond  d'une  caisse 
qu'on  remplit  de  pierres  ou  d'autres  poids  d'environ  1,000 
kilogrammes,  exerce  sur  chacun  des  rouleaux  une  pression 
qui  a  d'autant  plus  d'effet  qu'elle  n'a  lieu  que  successive- 
ment et  suivant  les  points  de  contact  des  rouleaux  avec 
les  plans  tangents  :  aussi  le  linge,  mis  en  quantité  raison- 
nable sur  les  cylindres,  se  trouve-t-il  uni  et  même  lustré 
au  bout  d'un  très-petit  nombre  d'allées  et  venues  de  la 
caisse  de  la  machine. 

On  s'est  servi  pendant  longtemps  de  ces  sortes  de 
calandres  dans  nos  fabriques  de  rubans,  de  calicots,  etc.  : 
il  n'y  a  de  nouveau  que  l'application  qu'on  en  a  faite  au 
repassage  du  linge  de  ménage,  et  le  mécanisme  qu'on  y 
a  ajouté  pour  produire  un  mouvement  uniforme  de  va-et- 
vient  par  un  mouvement  uniforme  et  continu  de  rota- 
tion. 

Puisqu'il  s'agit  d'une  c«/a«(Z/-e  appliquée  au  repassage 
du  linge,  on  peut  évidemment  dire  culandrer  du  linge; 
mais  comme  calandre  est  synonyme  de  cylindre  (il 
vient  de  ctjlindrus  par  le  bas-latin  calendra),  et  que 
j'entends  toujours  dire  aulour  de  moi  linge  cylindre  et 
non  linge  calandre,  j'en  conclus  qu'il  vaut  mieux  se 
servir  de  l'expression  cijlindrer  du  linge. 

X 
Seconde  Question. 
Dans  une  des  phrases  que  vous  ave:  données  à  cor- 
riger dans  votre  numéro  i2,  il  s'en  trouve  une,  /a  5', 
qui  commence  ainsi  :  «  Dans  le  Nord,  on  a  si  pede  des 
gens  qu'on  ne  connaît  pas...  »  Or,  dans  le  numéro  sui- 
vant vous  n'avez  point  dit  que  cette  expression  fût  une 
faute.  Est-ce  quelle  serait  correcte? 

C'est  un  oubli  de  ma  part. 

Si,  dans  le  sens  de  tellement,  ne  peut  s'employer  que 
devant  les  adjectifs  et  les  adverbes  : 

Une  main  si  habile  eût  sauvé  l'Etat,  si  l'Etat  eût  pu  être 
sauvé. 

(BoBSuet,  Heine  d'Angl.) 

Jean  Corvin  Huniade,  ce  fameux  général  des  armées 
hongroises,  qui  combattit  si  souvent  Amurat  et  Mahomet  II. 

(Voltaire,  Mœurs,  89.) 

Par  conséquent,  l'emploi  de  si  que  vous  me  signalez 
est  une  faute,  puisque  ce  mot  est  placé  devant  un  subs- 
tantif; il  fallait  dire  :  on  a  tellement  peur. 

Une  foule  de  gens  commettent  la  même  erreur  avec 
les  expressions  avoir  faim,  avoir  lioif,  avoir  chaud, 
avoir  froid,  avoir  envie.  Cela  tient  sans  doute  à  ce  que 
lesdiles  expressions  reçoivent  souvent  comme  modifi- 
calif  l'adjeclif  grand,  qui  admet  très-bien  l'adverbe  si 
avant  lui  :  la  suppression  de  cet  adjectif  entraine  un 
changement  d'adverbe,  mais  beaucoup  ne  le  savent  pas, 
doii  leur  construction  vicieuse. 

X 

Troisième  Question. 
Phrase  trouvée  du7is  un  jonnial  frani^'ois  :  «  Il  est 
vrai  que,  avec  la  nouvelle  lai  militaire  qui  pointe  à 
l'horizon,  il  a  de  quoi  rattraper  ce  mutisme  forcé.  » 
Ici  point  ne  vaudroit-it  pas  mieux  que  pointe? 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


447 


Il  faul  point  s'il  s'agit  du  verbe  poindre^  et  pointe, 
s'il  s'agit  du  verbe  pointer. 

Lequel  de  ces  deux  verbes  convienl-il  d'employer? 

Pointer  se  dit,  au  propre,  en  parlant  des  herbes,  des 
bourgeons,  etc.,  qui  commencent  à  pousser,  et,  au 
figuré,  dans  le  sens  de  se  faire  remarquer  : 

Une  femme,  depuis  fort  de  mes  amis,  commençait  à 
pointer  par  elle-même  à  la  Cour. 

(Sl-Simon,  ^S,   >l3.) 

Harcourt  courtisa  Madame  de  Maintenon  dès  qu'il  put 
pointer,  et  la  cultiva  toujours  sur  le  pied  d'en  tout 
attendre. 

(Idem,  8j,  61.) 

Poindre  s'emploie  aussi  dans  la  sens  de  commencer 
à  pousser  comme  une  pointe,  en  parlant  des  végétaux, 
et  se  trouve,  au  figuré,  dans  la  même  signification  que 
le  précédent  : 

De  tous  les  maux  on  vit  poindre  l'engeance. 

(Benierade.  dan3  Oiraud-Duvivicr.) 

On  m'assure  qu'elle  [Madame  de  Coulanges]  est  très- bien, 
et  que  les  épigrammes  recommencent  à  poindre. 

(Sévigné,  !•'  octobre  1676.) 

Par  conséquent,  dans  la  phrase  en  question,  il  est 
parfaitement  loisible  d'employer /?om?  oa  pointe. 


PASSE-TEMPS   GRA.MMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

t'...  tout  accidentelle  qu'elle  est  (après  tout...  que,  on  ne  met 
pas  le  sobjonclif;  —  2'...  et  ils  se  sont  imaginé;  —  3'...  que 
cette  malencontreuse  idée  prévale;  4°...  Pendant  que  nousreve- 
niojis  le  soir  à  Stockolm;  —  5°...  d'empêcher  que  la  langue 
française  7j€  fût;  —  6°...  élantrfonne's  les  antécédents;  — 7°  Voici 
d'abord  le  soulier  à  la  poulaine  (c'est-à-dire  à  la  polonaise)  ;  — 
8'...  qui  devront  être  rendus  à  leurs  corps  respecli/s  ;  —  9°... 
qui  ne  laissent  pas  de  paraître  (Voir  Courrier  de  Vaugelas , 
4'  année,  p.  155). 


Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1°  Vous  vous  convaincrez  que  l'interprétation  du  minis- 
tère est  erronnèe  et  qu'elle  s'applique  à  la  suppression  du 
maire  de  Cormeilles  une  expression  qui,  dans  la  pensée  et 
dans  la  lettre  de  l'article  s'applique  à  toute  autre  chose. 

2*  L'Etat  ne  doit  que  consacrer,  par  son  adoption  déBni- 
tive,  des  résultats  obtenus  par  d'autres  que  par  lui,  au 
moyen  d'expériences  hasardeuses,  et  qui  ne  laissent  pas 
d'avoir  leur  danger. 

3°  S'ils  croient  sérieusement  que  le  retrait  d'une  frégate 
française,  dont  la  station  n'est  pas  située  à  moins  de 
80  kilomètres  du  Vatican,  peut  e.\poser  l'Kglise  à  tels  dan- 
gers que  ce  soit,  nous  comprenons  leur  tristesse  et  leur 
amertume. 

4"  Pour  me  rendre  compte  de  la  quantité  extraordinaire 
de  fumée  qui  sort,  ou  à  intervalles  ou  d'une  manière  con- 
tinue, du  cratère,  je  me  sus  rendu  sur  le  sommet  de 
lEtna,  et  j'y  ai  fait  les  observations  nécessaires  pour  éta- 
blir ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  les  bruits  courus. 

5*  En  matière  de  polémique,  l'ardeur  de  la  lutte  peut 
faire  excuser  les  exagérations,  voire  même  les  violences. 


6°  Les  élections  des  conseils  généraux  s'annoncent  on  ne 
peut  mieux  en  ce  sens. 

7*  Sans  parler  des  obstinés  pour  qui  Sedan  et  Metz  ont 
été  des  leçons  perdues,  il  y  a  bon  nombre  d'électeurs  qui 
se  sont  laissés  prendre  encore  une  fois  aux  fanfaronnades 
bonapartistes. 

8°  Le  pauvre  garçon  témoignerait  d'une  bien  autre  assu- 
rance s'il  sentait  derrière  lui  une  vaste  corporation  qui  le 
soutienne. 

9'  Bientôt  après,  m'étant  placé  de  l'autre  côté,  un  coup 
de  feu  retentit  à  la  distance  de  trois  ou  quatre  toises,  et, 
me  retournant  dans  cette  direction,  j'aperçus  la  maigre 
figure  du  criminel,  que  je  n'avais  jamais  vu. 

10"  Cela  n'empêche  pas  que  nous  avons,  encore  de  nos 
jours,  des  libraires  qui  publient  des  grammaires  d'après 
Port-Royal,  pourquoi  pas  d'après  Sylvius? 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE   DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIECLE. 

VAUGELAS. 

(Suite.) 

.Satisfaire,  sati.ifaction.  —  Depuis  peu,  il  y  en  a 
qui  prononcent  sans  .s  salifuire,  salifaction.  C'est  une 
faute  que  ne  commettent  point  la  plus  saine  partie  de 
la  Cour  et  des  auteurs  ;  mais  Vaugelas  craint  bien  que 
cette  mauvaise  prononciation  ne  l'emporte,  grâce  à 
l'euphonie. 

Unir  ensemble.  —  C'est  fort  bien  dit,  quoique  plu- 
sieurs soutiennent  que  unir  est  suffisant  pour  exprimer 
la  pensée.  Mais  ce  sont  ceux  qui  n'ont  point  étudié  et 
qui  n'ont  nulle  connaissance  des  anciens  auteurs. 

Je  me  souviens.  Il  me  souvient.  —  Tous  deux  sont 
bons  ;  cependant  Vaugelas  préfère  le  premier  parce 
qu'il  lui  semble  plus  usité  à  la  Cour. 

Temple.  —  Celte  partie  de  la  tète  qui  est  entre  l'oreille 
et  le  front  s'appelle  temple,  avec  une  /,  et  non  pas 
tempe,  sans  /,  comme  le  prononcent  et  l'écrivent  quel- 
ques-uns, trompés  par  le  mol  latin  tempus  u  d'où  il  est 
pris  »,  lequel  signifie  la  même  chose. 

Ensuite  dr  quoi.  —  Façon  de  parler  française  et 
ordinaire,  qui  ne  doit  pas  être  employée  dans  le  beau 
style. 

Sans  point  de  faute.  —  Est  une  façon  de  parler  dont 
les  honnêtes  gens  n'ont  garde  de  se  servir,  et  beaucoup 
moins  encore  les  bons  écrivains  ;  il  faut  en  ôter  point. 

Survivre.  —  On  dit  survivre  quelqu'un  et  à  quel- 
qu'un ;  c'est  à  l'oreille  de  juger  ce  qu'elle  préfère. 

Mais  que.  —  En  parlant,  on  en  «  use  fort  n  ;  mais  il 
est  bas  et  ne  s'écrit  point  dans  le  beau  «  stile  ».  La  Cour 
dil  à  chaque  instant  :  Venez  moi  quérir  mais  qu'il  soit 
vnu,  pour  dire  quand  il  sera  venu. 

Pri'cipitément,  précipitamment.  —  Le  premier  est 
bon  ;  mais  le  second  est  beaucoup  meilleur,  et  Vaugelas 
l'emploierait  toujours. 


118 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Armez  à  la  légère,  légèrement  armez.  —  Quoique  la 
première  expression  soit  plus  en  usage,  il  faut  les 
employer  toutes  deux  pour  diversifier. 

Monsieur,  Madame.  —  Il  faut  se  garder  de  com- 
mencer une  lettre  par  ces  mots,  quand  ils  sont  déjà  mis 
en  vedette  ;  cet  emploi  offense  autant  l'œil  que  l'oreille. 

.S'asseoir.  —  Vaugelas  veut  qu'on  dise  ils  s'assient  et 
non  pas  ils  s'asseient.  A  l'impératif  pluriel,  il  faut  dire 
asseiez-vous  et  non  pas  asstsez-vous,  comme  disent 
(1647)  une  infinité  de  gens.  Au  subjonctif,  il  faut  dire 
asseie,  asseient,  et  non  pas  assie/it,  ou  encore  assiseni  ; 
au  participe  présent  s'asseiant,  et  non  pas  s'asséant, 
quoique  le  simple  soit  séant  et  non  séiant. 

Soi,  de  soi.  —  Lorsque  de  soi  est  après  l'adjectif 
pluriel,  comme  dans  ces  choses  sont  indifférentes  de  soi, 
il  est  vicieux  ;  mais  quand  il  est  devant,  comme  dans 
de  soi  ces  choses  sont  indifférentes,  il  est  très-bien  dit. 
Il  y  en  a  qui  préfèrent  d'elles-mêmes  après  l'adjectif. 

Tomber  aux  mains  de  quelqu'un.  —  Avant  que  la 
particule  es  pour  aux  fiât  bannie  du  beau  langage,  on 
disait  tomber  es  mains  ;  depuis  on  dit  tomber  aux  mains  ; 
mais  ni  l'un  ni  l'autre  ne  valent  rien  ;  il  faut  toujours 
dire  tomber  entre  les  mains  de  quelqu'un. 

Grand.  —  Gomment  connaître  quand  il  faudra 
mettre  un  e  final  à  cet  adjectif,  ou  le  remplacer  par  une 
apostrophe  devant  un  substantif,  car  on  dit  il  nous  a 
fait  grand' chère  et  non  grande  chère,  une  grande 
calomnie  et  non  grand' calomnie  ?  Il  n'y  a  point  d'autre 
règle  que  la  suivante  :  Il  y  a  certains  mots  consacrés  a 
cette  élision  où  l'on  à\\.  grand'  avec  l'apostrophe,  comme 
à  grand'peine,  gratid'chère,  grand'inère,  grand'pitié, 
grand' messe,  la  grand' chambre  ;  mais  il  ne  faut  pas 
supprimer  Ye  dans  ceux  où  l'usage  n'a  pas  établi  celte 
distinction. 

Monde.  —  Ce  mot  est  souvent  employé  par  les  bons 
auteurs  pour  dire,  une  infinité,  une  grande  quantité  ; 
aussi  Gûëffeteau  a  dit  :  on  vit  un  monde  d' horribles  pro- 
diges. Vaugelas  voudrait  qu'on  le  restreignît  aux  per- 
sonnes. 

Tout  mon  monde,  tout  Ion  monde,  etc.  — On  emploie 
ordinairement  ces  expressions  pour  dire  tous  mes  gens^ 
tous  mes  domestiques  ;  mais  c'est  un  terme  bas  qu'il 
faut  éviter  comme  étant  de  la  lie  du  peuple. 

Le  long,  du  long,  au  long.  —  Les  uns  disent  le  long 
de  la  rivière,  les  autres,  du  long  de  la  rivière,  d'autres, 
au  long.  Tous  les  trois  étaient  bons  autrefois  ;  aujour- 
d'hui, il  n'y  a  plus  que  le  long  de  la  rivière  qui  le  soit. 

//  a  esprit.  —  Cette  façon  de  parler  est  en  vogue 
depuis  peu,  elle  règne  par  toute  la  ville  et  s'est  même 
insinuée  dans  la  Cour.  Mais  elle  n'y  a  pas  été  bien  reçue, 
et  les  bons  écrivains  s'opposent  à  son  établissement. 

.lamais  plus.  —  Expression  tirée  de  l'ilalicn  maipiu, 
mais  qui  n'en  est  pas  moins  bonne.  Nous  l'employons 
tous  les  jours  en  |)ailant  et  en  écrivant. 

Mishui.  —  N'est  plus  en  usage  parmi  les  bons  écri- 
vains ;  à  sa  place,  on  A'\\.  désormais,  tantôt,  comme  dans 
il  est  tantôt  temps  pour  il  est  mrshui  temps. 

SECOM)    VOLUME. 

Devers.  —  Celle  préposition  a  toujours  été  en  usage 


dans  les  bons  auteurs  ;  par  exemple,  //  se  tourne  devers 
lui,  cette  ville  est  tournée  devers  l'Orient.  Mais  depuis 
quelque  temps,  elle  a  vieilli,  et  les  écrivains  modernes 
ne  s'en  servent  plus  dans  le  beau  langage.  Ils  disent 
toujours  vers  à  sa  place.  | 

//  y  en  eut  cent  tuez,  il  >j  en  eut  cent  de  tuez.  — 
Nous  avons  de  bons  auteurs  qui  disent  l'un  et  l'autre. 
Mais,  aujourd'hui,  le  sentiment  le  plus  commun  de  nos 
écrivains  est  qu'il  faut  toujours  mettre  de  ;  car  en  par- 
lant, on  ne  l'omet  jamais,  et,  par  conséquent,  c'est 
l'usage  qu'on  est  obligé  de  suivre  aussi  bien  en  écri- 
vant qu'en  parlant,  sans  s'amuser  à  «  éplucher  »  pour-  j 
quoi  celte  préposition  est  devant  le  participe.  f 

Du  depuis.  —  Encore  aujourd'hui  une  infinité  de 
gens  disent  et  écrivent  du  depuis  ;  mais  c'est  contre  le 
sentiment  de  tous  ceux  qui  savent  parler  et  écrire. 

Règles  du  participe  passé.  —  Dans  toute  la  gram- 
maire, il  n'y  a  rien  de  plus  important  ni  de  plus  ignoré, 
et  Vaugelas  fait  connaître  des  règles  qui  ont  été  déjà 
citées,  d'après  lui,  à  la  page  H'i  de  la  4"  année  de  ce 
journal. 

Etude.  —  Ce  mot,  qui  a  eu  jadis  deux  genres,  est 
actuellement  du  féminin  dans  toutes  ses  significations, 
tant  au  pluriel  qu'au  singulier. 

Place  de  l'adjectif  relativement  au  substantif.  —  Il 
y  a  des  adjectifs  que  l'on  met  toujours  avant  le  subs- 
tantif, et  d'autres  que  l'on  met  toujours  après.  On  dit 
Henri  quatrième,  Louis  treizième,  etc.  ;  parce  qu'on 
sous-entend  roi,  comme  si  l'on  disait  Henri  quatrième 
roi  de  ce  nom.  Les  adjectifs  bon,  beau,  mauvais,  grand, 
petit  «  marchent  »  toujours  devant  le  substantif,  et  il  y 
en  a  encore  d'autres  de  la  même  nature  qui  ne  viennent 
pas  sous  la  plume  de  Vaugelas.  Quant  à  ceux  qui  ne  se 
mettent  qu'après  le  substantif,  il  n'a  remarqué  que  les 
adjectifs  de  couleur,  comme  un  chapeau  noir,  une 
écharpe  rouge,  etc.;  il  n'y  a  exception  que  pour  les 
Blancs-manteatix,  du  blanc-mangc.  Mais  il  n'est  ques- 
tion ici  que  des  adjectifs  qui  peuvent  se  mettre  avant  ou 
après  les  substantifs.  Quand  est-il  à  propos  de  leur  faire 
occuper  la  première  place  plutôt  que  la  seconde?  Après 
avoir  bien  cherché,  Vaugelas  a  reconnu  qu'il  est  impos- 
sible d'établir  aucune  règle  à  ce  sujet,  et  que  le  seul 
guide  à  suivre  est  l'oreille.  Coëffeleau  est  celui  de  tous 
nos  auteurs  qui  aime  le  plus  'n.  mettre  l'adjectif  avant 
le  substantif  ;  nos  modernes  écrivains  (1647),  tout  au 
contraire,  donnent  beaucoup  plus  souvent  la  préférence 
au  substantif  qu'à  l'adjectif. 

Vu  croissant,  va  faisant.  —  Cette  façon  de  parler 
avec  le  verbe  aller  et  le  «  gérondif  »  est  vieille,  et  n'est 
plus  en  usage  aujourd'hui  ni  en  prose,  ni  en  vers,  à 
moins  qu'il  n'y  ail  un  mouvement  visible  auquel  le  mot 
aller  puisse  proprement  convenir;  par  exemple,  sien 
marchant  une  personne  chante,  on  peut  dire  :  elle  va 
chantant. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  RÉDACTEDii-GÉKiNT  :  Emain  MARTIN. 


LE   COURRIER   DE  VAUGELAS 


419 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Nouveaux  récits  d'outre-mer.  Histoires  améri- 
caines ;  par  Edouard  Auger.  2"  édition,  augmentée.  In-12, 
331  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr. 

Abrégé  de  l'histoire  de  France  depuis  l'établisse- 
ment des  Francs  dans  les  Gaules  jusqu'à  nos  jours, 
à  l'usage  des  écoles  primaires,  etc.  par  M.  Th.  Benard, 
9°  éd., revue  et  augmentée.  In-18  viii-231  p.  Paris, lib.  Belin. 

Essai  sur  l'histoire  de  l'éloquence  judiciaire  en 
France  avant  le  XVII'  siècle.  Thèse  présentée  à  la 
faculté  des  lettres  de  Paris  ;  par  Théodore  Froment,  pro- 
fesseur de  rhétorique  au  lycée  de  Bordeau.x.  In-8',  xvi- 
367  p.  Paris,  lib.  Thorin. 

La  Grammaire  pratique.  Cours  de  langue  fran- 
çaise et  de  style  divisé  en  trois  parties;  (lar  E.-V. 
Mallein.  1"  et  2°  parties.  In-12,  viii-258  p.  Avignon,  impr. 
Seguin  aine.  1  fr.  50. 

Morceaux  choisis  des  classiques  français  (prose 
et  vers)  ;  par  A.  Pelissier,  professeur  au  collège  de  Sainte- 
Barbe.  Recueil  composé  d'après  les  programmes  officiels 
pour  l'enseignement  secondaire  siiécial  (3'  année).  5'  éd. 
In-12,  viii-353  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr. 

Mémoires  du  duc  de  Saint-Simon;  publiés  par 
MM.  Chéruel  et  Ad.  Régnier  fils,  et  collationnés  de  nou- 
veau, pour  cette  édition,  sur  le  manuscrit  autographe, 
avec  une  notice  de  M.  Sainte-Beuve.  T.  16.  ln-18  Jésus, 
/|76  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  Chaque  vol.  3  fr.  50. 

Les  Misérables  de  Londres  ;  par  Pierre  Zaccone. 
Edition  illustrée.  Gr.  in-S"  à  2  col.,  383  p.  Paris,  lib.  Be- 
noist  et  Cie.  3  fr. 
La  Chanteuse  des  rues;  par  M.-E.  Braddon.  Roman 


traduit  de  l'anglais  par  Charles  Bernard- Derosne.  2  vol. 
inl8  Jésus,  680  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  50. 

Souvenirs  de  la  marquise  de  Caylus.  Nouvelle 
édition,  soigneusement  revue  sur  les  meilleurs  textes 
contenant  la  préface  et  les  notes  de  Voltaire,  avec  une 
étude  sur  l'auteur,  un  commentaire  historique  et  une  table 
analytique;  par  M.  de  Lescure.  In-16,  236  p.  Paris,  lib. 
Lemerre.  Sur  papier  glacé,  2  fr.  50  c.  ;  sur  papier  vélin, 
5  fr.  ;  sur  papier  de  Chine,  15  fr. 

La  Fille  du  bandit,  scènes  et  mœurs  de  l'Espagne 
contemporaine;  par  Ale.x.  de  Lamothe.  In-i°  à  2  col. 
796  p.  Paris,  lib.  Blériot. 

Œuvres  complètes  de  Biaise  Pascal.  T.  2.  In-18 
Jésus,  336  p.  Pans,  lib.  Hachette  et  Cie.  1  fr.  25. 

Les  Enfants  des  Tuileries;  par  Mme  la  vicomtesse 
de  Pitray,  née  de  Ségur.  Ouvrage  illustré  de  29  vignettes 
sur  bois;  par  E.  Bayard.  3=  édition.  In-18  Jésus,  380  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  25. 

Grammaire  française  théorique  et  pratique  rédi- 
gée pour  les  écoles  régimentaires;  par  M. -P.  Poitevin, 
ancien  professeur  au  collège  Rollin.  The'orie  et  applica- 
tion. Partie  de  l'élève.  In-12.  vii-132  p.  Paris,  lib.  Firmin 
Didot  frères;  fils  et  Cie. 

Madame  de  Sommerville,  suivi  de  La  Chasse  au 
roman  ;  par  Jules  Sandeau,  de  l'Académie  française.  In-18 
Jésus,  ùki.  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr. 

Les  Enfers  de  Paris;  par  Xavier  de  Montépin.  Edi- 
tion illustrée  de  6!i  vignettes  gravées  sur  bois  par  MM.De- 
laville  et  Hildibrand,  d'après  les  dessins  de  M.  Gerlier.  Gr. 
in-8'  à  2  col.  332  p.  Paris,  lib.  Eenoist  et  Cie.  2  fr.  75. 


Publications   antérieures  : 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARD,  publiées  par  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  Siméon  Luce.  T.  5. 
1356-1360. Depuis  les  préliminaires  de  la  paix  de  Poitiers 
jusqu'à  l'expédition  d'Edouard  111  en  Champagne  et  dans 
rUe-de-France.  —  In-8°,  lxxi-/i36  p.  —  Paris,  librairie 
V'  J.  Renoiiard.  —  Prix  :  9  francs. 


PROPOS  RUSTIQUES,  BALn'ERNES,  CONTES  ET 
DISCOURS  D'EUTRAPEL.  —  Par  Noël  du  Fail,  seigneur 
de  la  Hérissaye,  gentilhomme  breton.  —  Edition  annotée, 
précédée  d'un  essai  sur  N'oél  du  Fail  et  ses  écrits.  —  Par 
Marie  GuiCBARD.  —  Paris,  Uhr&meCharpeniier,  19,  rue  de 
Lille. 


ŒUVRES  DE  RABEL.\IS,  augmentées  de  plusieurs 
fragments  et  de  deux  chapitres  du  5'  livre,  etc.,  et  pré- 
cédées d'une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  Rabelais.  —  Nouvelle  édition,  revue  sur  les  meilleurs 
textes,  éclaircie  quant  à  l'orthographe  et  à  la  ponctuation, 
accompagnée  de  notes  succinctes  et  d'un  glossaire,  par 
Louis  Babré,  ancien  professeur  de  philosophie.  —  Iu-18 
Jésus,  xxxv-612  p.  -  Paris,  librairie  Garnier  frères,  6, 
rue  des  Saints-Pères,  à  Paris. 


L'INTERMEDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fischba- 
clter,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  1"  année,  15  fr.; 
2=  année,  10  fr.;  3«  année,  12  fr.;  à'  année,  8  fr.;  5"'  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


DU  DIALECTE  BLAISOIS  et  de  sa  conformité  avec 
l'ancienne  langue  et  l'ancienne  prononciation  française. — 
Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  par  F. 
Talbkrt,  professeur  de  rhétorique  au  prytanée  militaire  de 
La  Flèche.  —  Paris,  Ernest  Thorin,  éditeur,  libraire  du 
Collège  de  France  et  de  l'Ecole  normale  supérieure,  7,  rue 
de  Médicis. 


LES  PSAUMES  DE  DAVID  ET  LES  CANTIQUES 
d'après  un  manuscrit  du  xv-'  siècle,  précédés  de  recher- 
ches sur  le  traducteur  et  de  remarques  sur  la  traduction, 
et  ornés  d'un  fac-similé  du  manuscrit  et  d'un  portrait  de 
David.  —  Paris,  librairie  Ec/win  et  llermann  Tross,  5, 
rue  Neuve-des-Petils-Champs. 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  I  \  FRANCE,  AN- 


^20 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


CIEXNES  ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 
logique et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Montjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LE  CYMBALL'M  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bonaventure  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  J.\cob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  éditeur,  4-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.  ;  in-8°  ;  2  fr.  50. 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANGION,  composée  par 
Charles  SoREL,  sieur  de  Souvigny.  —  Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Emile  Colo.mbay.  —  Paris, 
Adolphe  Delahays,  éditeur,  û-6,  rue  Voltaire.  —  In-16  : 
5  fr.  ;  in-18  jésus,  2  fr.  50. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


A  Passy  (près  du  Ranelagh).  — Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 

Daos  on  grand  pensionnat  de  Demoiselles,  situé 
dans  une  des  localités  les  plus  salubres  de  la  banlieue  de 
Paris,  on  reçoit  de  jeunes  étrangères  pour  les  perfec- 
tionner dans  langue  française.  —  Chambres  particulières. 
—  Table  de  la  Directrice.  —  Prix  modérés. 


Une  Maison  d'éducation  qui  n'est  point  une  pension 
prend  des  étrangers  à  demeure  pour  leur  enseigner  la 
langue  et  la  littérature  françaises.  —  Près  du  Collège  de 
France  et  de  la  Sorbonne. 


Avenue  de  l'Impératrice.  —  Un  ancien  préfet  du 
collège  Rollin  prend  en  pension  quelques  jeunes  étrangers 
pour  les  perfectionner  sérieusement  dans  l'étude  de  la 
langue  française.  —  Enseignement  de  l'allemand  et  prépa- 
ration aux  examens  pour  le  service  militaire  en  Angleterre. 


(Les  adresses  sont  indiquées  à  la  rédaction  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Le  journal  Le  Tournoi  est  rédigé  au  concours  par  ses  abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  Comité  de  rédaction.  L'insertion  donne  droit  à  l'une  des  primes  suivantes  : 
Ire  Prime  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme  confirmant  le  succès  du  lauréat  ; 
2'  Prime  —  Quinze  exemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de  l'auteur,  et  formant  une  brochure. 

Tout  abonné  douze  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  en  s'adressant  à  M.  Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  à  Paris. 

Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875. 

Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  Inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envols  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur 
d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. 

Sont  seuls  admis  à  concourir  :  1°  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane,  —  2»  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  corresponJants  de  cette  Société. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1"  juillet  1875.  Ils  resteront 
déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  oà  les  auteurs  pourront  en  prendre  connaissance. 

Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins  de  cent  vers. 

Le  treizième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  187i.  —Dix  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  Carr.^nce,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espagne,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir.        

L'Académie  française  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone. 

Le  nombre  des  vers  ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents. 

Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secrétariat  de  l'Institut,  franches  de  port,  avant 
le  15  février  1S75,  terme  de  rigueur. 

Les  manuscrits  porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage; 
ce  billet  contiendra  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître. 

On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en 

ont  besoin.  

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vatit/ela.i  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


6*  Année. 


N°   16. 


15  Novembre  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^^ 


\<\\y  Journal  Semi-Mensuel  <J//      À 

S^     CONSACRÉ    *    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(    J 


Paraiaiant    !•    1"  et   le    15    de   eha«ae  mola 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 

Rédacteur:  Eman  MARTIN 

.\NCIEN     PROFESSEUR      SPÉCrAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 

ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacio  r,  soit  à   l'Adm' 
M.  FiscHBACHER,  33,  me  de  Seine. 

SOMM.\IRE. 
Si  tanne  dans  Larmes  de  crocodile  a  le  sens  de  Gémissement  ; 
—  Si  l'on  peut  mettre  le  participe  au  féminin  dans  II  l'a 
échappe  belle  ;  —  Place  de  l'adjectif  dans  les  phrases  qui  ren- 
ferment Plus...  plus,  Moins...  moins,  etc.;  —  Ce  qu'on  entend 
par  le  patois  Bouchi  :  —  Ce  que  veut  dire  Brosser  les  bois  ;  — 
Place  du  numéro  dans  la  suscription  d'une  lettre.  ||  Nature  du 
mot  Enle  dans  Prunes  d'ente; — Emploi  d'un  nom  pluriel 
faisant  allusion  à  un  nom  singulier;  —  Explication  de  Bois  de 
corde;  —  Si  l'on  peut  dire  II  fait  faim:  —  Ce  qu'on  entend 
par  Faire  valoir  le  bouchon.  \\  Passe-temps  grammatical.  !| 
Suite  de  la  biographie  de  Vaugelas.  Il  Ouvrages  de  grammaire 
et  de  littérature.  ||  Renseignements  pour  les  professeurs  de 
français.   ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 

Première  Question. 
Dans  l'expression  larmes  de  crocodile,  dont  vous 
avez  parlé  dans  voire  4'  année.,  et  sur  laquelle  je  vous 
demande  la  permission  de  revenir,  le  mot  larmes  ne 
serait-il  pas  mis  pour  ge'missement?  Cest  une  méto- 
nymie assez  fréquente  dans  la  langue  latine,  oii  LAcurM.t 
et  FLEins  se  prennent  souvent  comme  synonymes. 

A  l'article  Lacryma,  dans  le  grand  diclionnaire  de 
Freund  (trad.  N.  Theil),  je  n'ai  point  vu  que  ce  mol, 
qui  a  donné  larme  en  français,  ait  eu  un  sens  autre 
que  celui  de  liquide  qui  sort  des  yeux,  ou  de  liquide 
analogue  qui  sort  de  la  vigne. 

L'historique  de  larme,  dans  le  dictionnaire  de  Littré, 
n'offre  pas  d'exemple  où  ce  mot  n'ait  pas  la  signification 
de  pleur. 

Dans  toutes  les  langues  de  nos  voisins  qui  ont 
l'expression  larmes  de  crocodile,  et  où  elle  est  probable- 
ment aussi  ancienne  que  dans  la  n(Mre,  le  terme  qui 
traduit  larmes  désigne  réellement,  matériellement  des 
pleurs  (en  italien,  lagriine;  en  espagnol,  layrimas  ;  en 
allemand  thrânen  ;  en  anglais,  tears). 

Or,  si  le  latin,  en  supposant  que  l'expression  ait  été 
écrite  d'abord  dans  celle  langue,  n'a  jamais  employé 
lacryma  que  dans  le  sens  de  larme;  si  le  français 


n'a  jamais  fait  usage  de  larme  que  dans  le  sens  de 
pleur,  et  si  les  langues  étrangères  traduisent  larme, 
dans  l'expression  qui  nous  occupe,  par  un  mot  signi- 
fiant également  pleur,  ne  devienl-il  pas  évident  que, 
dans  celte  expression,  le  mot  larme  n'a  jamais  été  mis 
pour  celui  de  mugissement  ? 

On  trouve,  à  la  vérité,  dans  le  dictionnaire  du  P. 
Joseph  Jouberl,  publié  en  <709,  l'expression  Jeter  de 
ces  larmes  [de  crocodile];  et,  comme  le  \erhe jeter  a 
eu  pour  complément,  en  français,  le  nom  d'un  son  de 
voix,  car  on  trouve  : 

Quant  s'estoit  relevée,  moût  grans  soupirs  getoil. 

(Berte.  XXVIII.} 

Lors  a  la  maie  serve  un  meut  grant  cri  geié. 

(Idem,  XV.) 

Parlant  aux  flots,  leur  jecta  ceste  voix. 

(La  Boélie,  444.) 

il  semble  qu'on  en  peut  conclure  que  jeter  des  larmes  de 
crocodile  signifie  pousser  des  cris,  des  mugisseinents 
de  crocodile. 

Mais  il  y  a  une  chose  bien  simple  à  dire  pour 
détruire  celle  objection  :  c'est  que  le  verbe  jeter, 
comme  on  peut  du  reste  s'en  convaincre  en  consultant 
la  première  édition  de  l'Académie  (1694),  s'est  employé 
aussi  autrefois  \)Out  répandre,  ce  qui  fait  que  la  phrase 
alléguée,  loin  d'être  contraire  à  mon  opinion,  plaide  en 
sa  faveur. 

Dans  le  Livre  des  Merveilles,  dont  j'ai  pu,  grâce  à 
M.  Fillemin,  citer  un  passage  (4°  année,  p.  169),  se 

trouvent  ces  lignes  : 

Ces  animaux  féroces  sont  pourvus  d'une  sensibilité  ex- 
quise; à  ce  point  que  souventes  fois  les  ai  moi-même  ouys 
gpignants  ou  se  lamentants  es  rozeaux.  poussants  des  san- 
glots qui  semblent  mugissements  de  bœufs,  et  versants, 
ainsi  qu'il  m'a  été  assure,  larmes  qui  jaillissent  du  pcrtuis  de 
leurs  yeux,  comme  do  pommes  d'arrosoirs. 

Ce  texte,  écrit  par  .Mandeville,  un  voyageur  qui  a  mis 
trente-trois  ans  à  visiter  l'Orienl  au  xiv°  siècle,  achève- 
rail,  s'il  en  était  besoin,  de  démontrer  que /«rwe.s-,  dans 
rex|)ression  larmes  de  crocodile,  a  fait  allusion,  dès 
l'origine,  à  un  liquide  et  non  à  un  son  de  voix. 


122 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


X 

Seconde  Question. 
Quand  fai  à  écrire  la  phrase  il  l'a  échappé  belle,  je 
suis  toujours  tenté  de  mettre  le  participe  au  féminin. 
Est-ce  que  ce  serait  réellement  une  faute  ? 

D'après  M.  Litlré,  c'est  une  «  irrégularité  »  que 
d'écrire  le  participe  invariable  dans  cette  phrase; 
d'après  M.  Quitard,  au  contraire,  le  participe  n'y  doit 
pas  être  variable,  ce  qui  est  conforme  au  sentiment  de 
la  généralité  des  écrivains,  car  j'ai  trouvé  : 

La  pudeur  de  Mlle  Temple  l'avait  échappé  belle. 

{Hamilton,  Gram.,  lo.) 

Nous  l'avons,  en  dormant,  Madame,  échappé  belle. 

(Molière,  Fim.  sav.,  IV,  3-) 

11  l'a  échappé  belle,  et  le  plus  sûr  est  de  ne  pas  trop  faire 
parler  de  lui. 

(Le  Temps  du  ^  juillet  1874.) 

Maintenant,  en  présence  de  ce  dissentiment,  quel 
parti  prendre?  celui  du  savant  français  ou  celui  du 
savant  belge? 

Je  suis  pour  échappé  invariable,  et  je  justifie  ainsi 
qu'il  suit  ma  manière  de  voir  à  cet  égard  : 

Depuis  le  xvi°  siècle,  et  peut-être  auparavant,  le 
verbe  échapper  s'est  employé  activement  dans  le  sens 
de  éviter.,  construction  qui  impliquait  un  régime  signi- 
fiant un  danger,  un  péril  quelconque  : 

Le  jeune  Marias,  voyant  bien  qu'il  ne  pouvoit  eschapper 
qu'il  ne  fusl  pris  se  desfeit  luy  mesme. 

(Amyol,  Sylta,  67. J 

Qu'un  enfantait  échappé  tous  les  périls. 

(SéTigné,  3»S.) 

J'ai  échappé  la  mort  à  telle  rencontre. 

(Bos3uet,  Brièv.) 

Or,  on  en  est  venu  à  dire  il  l'a  échnpp)é  belle, 
employant  le  pronom  /'  pour  danger,  sous-enlendu, 
comme  dans  l'emporter,  par  exemple,  on  l'emploie  pour 
avantage,  qu'on  a  coutume  également  d'ellipser  de  la 
phrase. 

D'où  le  participe  invariable,  comme  ayant  pour  ré- 
gime direct  un  pronom  du  genre  masculin,  ce  qui  est 
encore  prouvé,  du  reste,  par  lo  miss  it  narrowlij 
(échapper  cela  étroitement),  traduction  anglaise  de 
l'échapper  belle,  donnée  par  Gotgrave. 

Quant  au  mot  belle,  ce  n'est  point  du  tout  le  féminin 
de  l'adjectif  ôeaM  se  rapportant  à  un  substantif;  le  sens 
ne  comporte  pas  échapper  une  chose  belle.  Gomme  la 
phrase  en  question  veut  dire  qu'on  a  échappé  heureuse- 
ment à  un  danger,  qu'il  s'en  est  peu  fallu  qu'on  n'y 
tombât,  belle  y  représente  l'idée  adverbiale  de  bien, 
qui,  dans  une  foule  de  cas,  s'exprimait  autrefois  par 
bel,  preuve  ces  exemples  : 

La  mort"  vit  son  enfant  angoisseus; 
Trop  bel  lui  dit  :  lillc  reliaitez  vous. 

(Momancero,  p.  74. 1 

liel  et  courtoisement  a  le  roi  salue. 

(mne,  LXVii.) 

Je  les  ai  jusque  ici  bien  et  bel  maintenus. 

(J,  de  Mcuiig,  Tesl.,  J55.) 

C'est  sans  doute  l'exemple  suivant,  recueilli  dans  un 


de  ses  historiques,  qui  fait  regretter  à  M.  Littré  que  le 
participe  soit  laissé  invariable  dans  il  l'a  échappé 
belle  : 

De  ce  que,  par  sa  faveur,  ils  l'avaient,  non  pas  si  belle, 
mais  si  mortelle  et  sanglante  eschappée. 

(Carloix,  VU,  4.) 

Mais,  attendu  que  je  ne  vois  aucun  substantif  qui, 
mis  ici  à  la  place  de  l',  puisse  être  qualifié  par  les  deux 
adjectifs  mortelle  et  sanglante,  je  crois  pouvoir  en 
inférer  que  la  citation  empruntée  à  Carloix  ne  démontre 
pas  avec  assez  d'évidence  que  belle  s'y  rapporte  à  un 
nom  féminin  pour  qu'il  soit  possible  de  fonder  sur  elle 
la  variabilité  du  participe  dans  l'expression  dont  il 
s'agit. 

X 

Troisième  Question. 

Lequel  vaut  le  mieux  de  dire  avec  Lamartine  : 
«  PLUS  OBSCURE  cst  la  nuit,  plus  l'étoile  y  brille  »,  en 
mettant  l'adjectif  immédiatement  après  plus,  ou  de 
dire  avec  Lenoble  :  «  plus  vos  fers  sont  dorés,  et  plus 
ils  sont  pesants  »,  en  mettant  l'adjectif  à  la  fin  de  la 
phrase  ? 

La  construction  des  phrases  proportionnelles  (et  il 
s'agit  ici  de  telles  phrases)  offre  deux  cas  à  considérer  : 
celui  où  l'un  des  deux  membres  ne  renferme  ni  adjec- 
tif ni  adverbe,  et  celui  où  s'y  trouve  l'une  ou  l'autre 
de  ces  espèces  de  mots. 

Dans  le  premier  cas,  on  met  invariablement  après 
j)lus  ou  moins  le  sujet,  le  verbe  et  son  complément, 
sans  qu'il  y  ait  jamais  d'exception  à  cette  règle  : 

Certes,  plus 'je  médite,  et  moins  je  me  figure 
Que  vous  m'osiez  compter  pour  votre  créature. 

(Racine,  Brilann.,  I,  t.) 

Moins  on  lui  parlait,  et  plus  il  s'en  occupait. 

{J.-J,  Rousseau,  Emile  V.) 

Plus  on  aime  quelqu'un,  moins  il  faut  qu'on  le  flatte. 

(Molière,  dam  la  Gram.  nat.,  p.  761.) 

Plus  on  a  étudié  la  nature,  plus  on  a  connu  son  auteur. 

(Voltaire,  idem.) 

Plus  les  causes  physiques  portent  les  hommes  au  repos, 
plus  les  causes  morales  les  en  doivent  éloigner. 

(Montesquieu,  idem) 

Dans  le  second  cas,  deux  constructions  sont  en 
usage,  l'une,  qui  place  l'adjectif  ou  l'adverbe  immédia- 
tement après ;j/m«  ou  moins,  et  l'autre,  qui  le  laisse  à  la 
fin  de  la  phrase  : 

(L'adjectif  suivant  immédiatement  p/w.?,  moins] 

Plus  était  profond  le  sentiment  religieux,  et  plus  grand 
fut  le  scandale. 

(Jules  Bastide,  Giier.  de  rel.)  < 

Plus  notre  ;lme  sera  vertueuse  et  active,  plus  prompte- 
ment  et  plus  parfaitement  elle  arrivera  dans  ce  séjour  sa 
demeure  éternelle. 

(Le  comte  de  Ségur,  Gai.  mor.) 

Plus  la  mort  nous  enlève  de  h'\ei),  plus  cruelle  est  sa 
venue. 

(Conscience,  le  Gant,  p.  180.) 

N'ayez  plus  de  goutte;  mais  faites  souvent  des  vers  â 
Sans-Souci  dans  ce  goùt-là;  plus  vous  serez  gai,  phis  long-, 
temps  vous  vivrez. 

(Voltoire,  Leilre  au  roi  de  Prutie.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


423 


Plus  l'offenseur  est  grand,  etplus  grande  est  l'offensp. 

iCorneille,  dans  la  Grcm   nat.,  p.  761,) 

(L'adjectif  ou  l'adverbe  placé  après  le  verbe) 

Plus  la  vie  est  tranquille,  et  plus  sa  faible  trame 
Echappe  au  ciseau  d'Atropos. 

(Bemis,  dans  la  Grnm.  nat.,  p.  761.) 

Plus  les  bommes  sont  médiocres,  plus  ils  mettent  de  soin 
à  s'assortir. 

(Mme  de  Staël,  idem.) 

Pltis  les  devoirs  sont  étendus, plus  il  faut  faire  d'efforts 
pour  les  remplir. 

(Mably,  idem.) 

Plus  le  malheur  est  grand,  plus  il  est  grani  de  vivre. 

(Crébillon,  idem.) 

Or,  vous  désirez  savoir  laquelle  de  ces  deux  cons- 
tructions doit,  selon  moi,  être  préférée  à  l'autre  ?  Je  vais 
vous  dire  mon  opinion  à  cet  égard. 

Quand  je  considère  : 

i°  Que  cette  dernière  construction  se  rencontre  bien 
plus  souvent  que  la  première  (j'ai  trouvé  avec  peine 
six  exemples  de  celle-ci  tandis  que  j'en  ai  facilement 
recueilli  quinze  de  l'autre)  ; 

2°  Que,  de  plus,  elle  a  l'avantage  d'être  identique  à 
celle  du  premier  cas,  et  qu'il  n'y  a  réellement  pas  de 
raison,  du  moins  pour  la  prose,  pour  qu'il  en  soit 
autrement  ; 

J'en  conclus  que,  dans  les  phrases  que  vous  me  citez, 
Lamartine  a  construit  d'une  manière  moins  usitée, 
moins  logique,  et  partant  moins  française  que  ne  l'a 
fait  Lenoble. 

X 
Quatrième  Question. 

Page  138,  col.  2  de  la  i'  année  de  votre  intéressant 
CODBBiER,  VOUS  parlez  du  jiatois  rocchi.  Quel  est  ce 
putois?  Comment  s'appelle  le  pays  qui  lui  donne  pro- 
bablement son  nom  ? 

Le  rouchi  est  le  patois  qui  se  parle  dans  le  pays  dont 
Valenciennes  peut  élre  considéré  comme  le  centre.  Ce 
patois,  où  se  trouvent  une  infinité  de  mots  d'ancien 
français  avec  la  prononciation  du  xV  et  du  xvi"  siècle, 
commence  à  Sainl-Araand,  où  il  se  mêle  avec  le  lan- 
gage de  Lille  et  du  Tournésis  ;  à  Bouchain  et  à  Cambrai, 
où  il  se  confond  avec  le  picard  ;  à  Quiévrain,  où  com- 
mence déjà  le  patois  wallon,  lequel  finit  à  Bruxelles  ;  à 
Bavay,  à  .Uaubeuge,  dont  le  langage  prend  une  teinte 
de  français  en  empruntant  quelques  expressions  de  la 
Belgique,  qui  est  contiguë. 

Ce  nom  lui  vient  d'un  pays  qui  porta  dans  l'origine 
le  nom  de  Drouchi,  dont  on  a  fait  Rouchi  comme  du 
grec  Afiso;,  rosée,  les  Latins  ont  fait  vos  -oris,  en  vertu 
d'une  aphérèse  : 

Maubeugp,  situé  entre  le  pays  rouchi  et  celui  de 


Lauvau. 


(Hécart,  Dict.  rouchi/rançais,  VUI.) 


Il  faut  bien  se  garder,  dit  l'auteur  du  dictionnaire 
que  je  viens  de  citer,  de  confondre  ce  patois,  comme  l'a 
fait  Grégoire  d'Essigny,  avec  le  wallon,  qui  n'y  res- 
semble guère.   Le  rouchi  est  parlé  dans  le  ci-devant 


Hainaul  français  et  dans  une  partie  du  Hainaut  belge, 
jusqu'à  Avesnes  et  Maubeuge. 

X 

Cinquième  Question. 
Quelle  si(/nifi''ation  a  donc  cette  phrase  trouvée  dans 
le  THÉÂTRE  ITALIE.N  de  Ghérurdi  fvol.  IV,  p.  240j  .■  «  Cet 
homme-là  serait  toujours  à  brosser  les  bois  »  ? 

Le  mot  brosse,  venu  du  bas-latin  brustia,  au  sens  de 
bruyère,  buisson,  quelque  chose  de  hérissé,  a  fait  deux 
verbes  en  français  :  brosser,  nettoyer  avec  une  brcsse, 
et  brosser,  signifiant  marcher  au  milieu  des  buissons, 
traverser  un  bois,  par  conséquent  : 

ils  laisfoient,  tous  quasi,  leurs  chevaulx,  parce  qu'ils  ne 
pouvoient  aisément  brosser  au  travers  des  taillis. 

{Cailoix,  V,  j5.) 

Lors  en  sursaut,  où  me  guidoit  la  vois, 
Le  fer  au  poing  je  brossai  parle  bois. 

(Ronsard,  75.) 

Or,  c'est  avec  ce  dernier  sens,  conservé  en  terme  de 
chasse,  qu'est  employé  brosser  dans  la  phrase  que  vous 
proposez  à  mon  explication  ;  seulement,  avec  le  temps, 
le  verbe  en  question,  comme  bien  d'autres,  est  devenu 
actif  de  neutre  qu'il  était  d'abord. 

X 

Sixième  Question. 
Il  y  en  a  qui  mettent,  dans  la  suscription  d'une 
lettre,  le  numéro  avant  le  nom  de  la  rue;  dans  /'Al- 
HiNACH  BoTTf.v,  au  Contraire,  il  se  trouve  après.  Quelle 
est  la  meilleure  manière  d'écrire,  selon  vous  ? 

A  mon  avis,  c'est  celle  qui  met  le  numéro  avant  le 
nom  de  la  rue,  et  voici  pourquoi  : 

Si  l'on  n'avait  à  s'occuper  que  de  la  logique,  en  écri- 
vant une  adresse,  on  mettrait  évidemment  d'abord  le 
nom  du  pays,  puis  celui  de  la  ville,  ensuite  le  nom  de 
la  rue,  celui  du  numéro,  et  enfin  le  nom  de  la  personne 
avec  son  titre,  comme  dans  cet  exemple  : 

France  —  Paris  —  Rue  Tronchet  —  Numéro  10  —  Mon- 
sieur Michel,  rentier. 

Mais  il  faut  compter  aussi  avec  la  politesse,  qui 
exige  que  l'on  commence  par  nommer  la  personne  à  qui 
l'on  écrit,  ce  qui  entraine  un  ordre  inverse  dans  l'énoncé 
des  diverses  parties  de  la  suscription.  Or,  dans  ce  nou- 
vel ordre  des  mots,  le  numéro  prend  place  avant  le  nom 
de  la  rue  : 

K;onsieur  Michel,  rentier  —  Numéro  10  —  Rue  Tronchet 
—  Paris  —  France. 


ETRANGER 

Première  Question. 
Le  mot  ESTE,  qu'on  voit  sur  les  boîtes  à  conserves 
(pROES  d'ente)  est-il  verbe  ou  nom  propre  ?  Comme  ces 
deux  mots  sont  imprimes  tout  entiers  en  majuscules,  je 
ne  puis  faire  la  distinction. 

Il  n'est  ni  l'un  ni  l'autre  ;  c'est  tout  simplement  un 


424 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


substantif  commun,  ainsi  que  je  rais  vous  le  faire  voir 
en  quelques  lignes. 

Pour  modifier  la  nature  d'un  arbre  à  fruit,  on  pra- 
tique sur  ses  branches  une  opération  qui  consiste  à  y 
insérer  un  petit  scion,  nommé  greffe  ou  ente,  de  l'espèce 
que  l'on  veut  obtenir  : 

Les  principaux  résultats  des  greffes  sont  de  modifier  les 
qualités  de  la  plupart  des  arbres  fruitiers,  et  de  bonifier 
leurs  produits  au  point  de  les  rendre  méconnaissables;  de 
faire  croître  sur  ces  arbres  des  fruits  plus  volumineux  et 
en  même  temps  plus  succulents. 

(Bailly,  Man.  duJard.,  vol.  1,  p.  laS,  coll.  Eoret.) 

Or,  le  prunier  est  du  nombre  des  arbres  dont  les 
produits  se  modifient  de  cette  manière,  et  l'on  appelle 
nàluveWemeni  prunes  d'enle  celles  qui  proviennent  de 
sujets  sur  lesquels  on  a  fait  cette  opération  :  c'est 
l'équivalent  de  prunes  de  greffe,  qui  me  semble  ne  pas 
être  usité. 

Remarque  pour  l'orthographe.  Comme  on  appelle  aussi 
entes  les  jeunes  arbres  nouvellement  greffés,  on  pour- 
rait également  bien  écrire,  je  crois,  prunes  d'entés,  avec 
une  s  au  dernier  mot. 

X 

Seconde  Question. 

Est-ce  qu'après  avoir  parlé  d'un  certain  animal,  on 

peut  dire  ensuite  ces  animaux?  Par  exemple,  après 

avoir  parlé  d'un  mclet,  peut-on  dire  :  ces  amimaux  sont 

BXTÉrÉS  ? 

Après  un  substantif  employé  au  singulier  et  dans  un 
sens  individuel,  on  peut,  en  se  servant  du  démonstratif 
ce,  employer  le  nom  général  de  l'espèce  à  laquelle 
appartient  l'individu  que  ce  substantif  désigne,  et 
mettre  ce  nom  au  singulier  : 

Dans  un  profond  ennui  ce  lièvre  se  plongeait  : 
Cet  animal  est  triste,  et  la  craiute  le  ronge. 

(La  Fontaine,  liv.  II,  fable  l4.) 

Mais  il  est  permis  aussi  de  mettre  au  pluriel  ce 
second  substantif,  ce  qui  est  rendu  évident  par  les 
exemples  qui  suivent  : 

C'est  probablement  ainsi  que  raisonnait  l'animal,  c'est-à- 
dire  le  c/iie/i,il  raisonnait  juste,  selon  l'usage  de  ces  créa- 
tures, que  notre  orgueil  prive  de  raison. 

(Méry,  Damnés  de  Vîndf.) 

On  la  nomme  la  cloche  banale;  elle  servait  à  convoquer 
les  assemblées  municipales,  à  avertir  des  incendies,  à  son- 
ner le  couvre-feu  ;  elle  appelait  les  bourgeois  aux  armes. 
Ces  cloches  communales,  symbole  de  la  puissance  populaire, 
avaient  souvent  un  nom  particulier. 

(Chéruel,  Dict.  des  liistU,  de  la  Franct'  ) 

Mais  une  ville  comme  Paris  est  dans  une  crue  perpétuelle. 
Il  n'y  a  que  ces  tilles-ld.  qui  deviennent  capitales. 

(Poitevin,  Cours  de  dictées.) 

Le  chef  d'unp  netite  gare  de  la  ligne  de  X...  avait  été  mis 
par  son  médecin  au  régime  du  lait  de  chèvre;  cliaiiue  ma- 
tin sa  temme  allait  traire  un  de  ces  animaux  qu'elle  avait 
acheté... 

(Le  I-'if/aro  du  ai   oct.  18/4.1 

Quant  à  moi,  je  préfère  le  pluriel  (lour  le  substantif 
précédé  du  démon.stralif  ce,  dans  ces  sortes  de  phrases, 
parce  que  la  dilTerence  entre  le  sens  particulier  (qui  est 
généralement  celui   dans   lequel   est  pris   le  premier 


substantif)  et  le  sens  général,  me  semble  ainsi  mieux 
marquée. 

X 
Troisième  Question. 
Pourquoi,   en  français,    un  certain    bois  à  brûler 
s'appelle-t-il  bois  de  corde  ? 

Pour  une  raison  bien  simple. 

Autrefois,  ainsi  que  nous  l'apprend  De  la  Mare 
{Traité  de  la  Police,  liv.  V,  p.  836,  col.  2),  lorsque  les 
bûcherons  devaient  compter  avec  leurs  maîtres,  ou  les 
marchands  avec  les  acheteurs,  on  plantait,  pour  mesu- 
rer le  bois  à  brûler  qui  ne  se  mettait  pas  en  fagots, 
quatre  pieux  hauts  chacun  d'autant  de  pieds,  et  for- 
mant un  carré  de  8  pieds  de  côté  ;  et,  comme  les  dimen- 
sions de  cette  mesure  se  prenaient  avec  une  corde,  on 
appela  naturellement  corde  la  quantité  de  bois  qu'elle 
pouvait  contenir,  puis,  par  suite,  bois  de  corde,  le  bois 
de  chauffage  qui  se  débitait  à  ladite  mesure. 

X 

Quatrième  Question. 
Dans  le  tome  III,  5''  cours,  p.  94  de  la  Litte'eatdee 
FRANÇAISE  par  le  lieutenant-colonel  Staaff,  on  trouve 
cette  phrase  dans  un  passage  de  Champfleunj  :  «  Sou- 
vent IL  FAIT  FAIM  duns  les  mansardes  ».  Peut-on  s'expri- 
mer ainsi  en  français  ? 

Le  verbe  faire,  sous  la  forme  impersonnelle,  ne  peut 
s'employer  que  dans  deux  cas  : 
r  En  parlant  de  l'état  de  l'atmosphère  : 
Selon  le  temps  qu'»2  fait,  l'homme  doit  naviguer. 

(Régnier,  Satt/re  VI.) 

M.  le  prince  n'avoit  pas  eu  lieu  de  s'imaginer  qu'il  piit 
trouver  le  roi  au  retour  du  bain,  par  un  temps  aussi  froid 
qu'il  faisait. 

(Reti,  III,  347-) 

2°  En  parlant  de  l'état  du  sol  sur  lequel  on  marche  : 

Allez  doucement,  il  fait  glacé,  vous  vous  rompriez  les 
jambes. 

(Voltaire,  Mœurs,    laS.) 

Il  y  fait  un  peu  crotté;  mais  nous  avons  la  chaise. 

(Molière,  Prcc.  rii.,  se.  X.) 

Par  conséquent,  l'expression  il  fait  faim  appartient  a 
la  catégorie  de  celles  que  l'on  doit  forcément  rejeter. 

X 

Cinquième  Question. 
Que  signifie  cette  phrase  trouvée  dans  Gil  Blas  ; 
«  Elle  savait  bien  faire  valoir  le  bouchon  ».  Je  vous 
serais  obligé  de  m'en  donner  la  vraie  signification. 

Du  vieux  français  bouche,  dérivé  jirobablement  de 
Tallemand  busch,  buisson,  nous  avons  fait  comme  les 
Picards,  les  Berrichons  et  les  Normands,  le  diminutif 
bouchon,  avec  le  sens  de  bouquet,  rameau  de  verdure 
servant  d'enseigne  à  un  cabaret  : 

Et,  ravalant  l'hœbus,  les  Muses  et  la  grâce, 
Font  un  bouchon  à  vin  du  laurier  de  Parnasse. 

(Régnier,  Salj/re  IV.) 

A  bon  vin  ne  faut  point  de  bouchon. 

^Oudin,  Curies,  frtnç.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELÂS 


125 


Puis,   par  métonymie,  nous  avons  donné  le  même 
nom  au  cabaret  lui-même  : 
Les  rouliers  s'arrêtent  à  tous  les  bouchons. 

(Litlré,  Dict.) 

Or,  faire  valoir  une  chose,  signifie  lui  donner  du 
prix,  en  retirer  le  plus  de  profit  possible,  la  faire 
paraître  meilleure,  plus  belle  : 

Je  me  suis  engagé  de  faire  valoir  la  pièce,  et  l'auteur 
m'en  est  venu  prier  encore  ce  matin. 

(Molière,  Préc.  se.  X.) 

D'où  il  résulte  que  faire  valoir  le  bouchon,  en  parlant 
d'une  femme  qui  tient  un  cabaret,  veut  dire  que  cette 
femme  sait  y  faire  venir  les  chalands. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

I°...  elle  applique  à  la  suspension  ...  qui  s'applique  à  tout 
autre  choss;  —  2°...  obtenus  par  d'autres  que  lui  (pas  de  par); 

—  3°...  puisse  exposer  l'Eglise  à  de  tels  dangers;  —  4°...  ce  qu'il 
y  a  de  vrai  dans  les  bruits  qui  courent  ou  mis  en  circulation; 

—  5°..,  excuser  les  exagérations,  voire  les  violences  (Voir  Cour- 
rier de  Vaugelas,  2'  année,  p.  185)  ;  —  6°...  s'annonc«nt  par- 
faitement bien  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  3"  année,  p.  84)  ;  — 
7°...  qui  se  sont  laissé  prendre;  —  8°...  une  vaste  corporation 
qui  le  soutint;  —  9°...  j'entendis  retentir  un  coup  de  feu  à  la 
distance;  —  10°...  que  nous  ayons  (après  empêcher  on  met  le 
subjoDCtiQ. 

Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  Et  ces  danses  ne  furent  troublées  que  pendant  les 
luttes  nombreuses  qui  se  sont  succédées  pendant  tout  le 
reste  de  la  soirée,  et  dont  la  plus  amusante  a  été  sans  con- 
tredit la  course  aux  ânes. 

2°  C'est  bien  pire  au  village.  Le  maire  en  plus  d'une  com- 
mune a  insent  d'office  qui  ne  devait  pas  y  être,  a  effacé 
qui  aurait  diî  être  maintenu. 

3°  Aussitôt  que  le  gouvernement  se  sera  convaincu  qu'il 
a  autre  chose  à  faire  qu'à  combattre  le  pays,  la  loi  sur  les 
maires  sera  remplacée. 

4°  Après  quelques  jours  de  repos  passés  à  l'hôtel  Bagra- 
tion  et  employés  tout  entiers,  comme  bien  on  pense,  à 
ébranler  les  bases  de  l'ordre  social,  M.  Thiers  a  pris  le  che- 
min de  l'Italie  en  faisant  escale  â  Grenoble,  à  Vizille  et  à 
Chambèry. 

5*  Il  est  clair  que  l'unité  consiste  dans  la  participation  à 
l'esprit  de  Christ,  et  non  dans  les  formes  extérieures,  ou 
dans  l'acceptation  des  mêmes  dogmes,  ou  dans  la  célébra- 
tion des  mêmes  rites. 

6*  Une  telle  pensée  de  conciliation,  un  tel  rapprochement 
de  frères  ennemis  ne  laisse  pas  que  d'avoir,  en  France, 
même  à  la  fin  du  xix'  siècle,  quelque  chose  de  hardi. 

?•  A  la  bonne  heure,  M.  de  Padoue  ne  va  pas  par  quatre 
chemins;  il  se  pose  carrément  devant  les  électeurs  de 
Seine-et-Oise  en  bonapartiste  militant,  en  sujet  de  Napo- 
léon IV. 

8°  La  Presse  répond  à  l'une  des  deux  questions  que  nous 
lui  avons  posées;  mais  ce  n'estqu'â  une  question  accessoire 
et  non  à  la  question  principale. 

9"  Ces  jours  derniers,  on  avait  signalé  à  l'autorité  supé- 
rieure qu'un  navire  de  pavillon  hoilandai.':,  chargé  d'armes 
destinées  aux  Carlistes,  devait  venir  dans  les  eaux  de  Belle- 
Isle  remettre  ces  armes  à  un  navire  e.spagnol. 

10*  Nous  l'avons  dit,  pour  reconnaître  ces  conservateurs 
des  bonapartistes,  nous  avons  un  critérium  qui  nous  paraît 
sûr. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIERE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 

VAUGELAS. 

(Suite.) 

Eux-même,  elles-méme.  —  11  faut  une  .s  à  même, 
parce  qu'il  est  ici  pronom.  Quand  il  est  adverbe,  il  est 
«  libre  »  d'y  mettre  Vs  ou  de  ne  l'y  pas  mettre. 

Si  la  seconde  personne  singulière  de  l'impératif  doit 
prendre  une  s.  —  H  y  a  des  impératifs  de  trois  sortes  : 
les  uns,  où  d'un  consentement  général  on  ne  met  jamais 
d'.s-,  d'autres  où  l'on  en  met  toujours  une,  et  certains 
au  sujet  desquels  les  opinions  sont  partagées.  Vaugelas 
a  compté  jusqu'à  dix-neuf  ou  vingt  terminaisons 
différentes  de  ces  impératifs,  et  tout  le  monde  est  d'ac- 
cord qu'on  ne  met  jamais  1'*  à  ceux  qui  se  terminent 
par  a  ou  par  e. 

On  écrit  i^a  devant  tous  les  mots  commençant  par 
une  voyelle,  excepté  en  adverbe  relatif  et  y  ;  car  devant 
le  premier  il  prend  un  t,  comme  «  ra-t-en  »,  et  devant 
le  second,  il  prend  une  .s,  comme  ims-y. 

Les  uns  écrivent  béni,  fini,  di.  H,  ri,  fui,  tai,  crain, 
fein,  pein;  voi,  connoi;  tien,  vien,  fui;  les  autres, 
bénis,  finis,  dis,  etc.  (1647). 

Pour  l'heure.  —  Cette  façon  de  parler  pour  dire  ^jour 
lors  est  bonne;  mais  elle  est  basse,  et  ne  doit  pas  être 
employée  dans  le  beau  style. 

A  l' improviste,  à  l'impourvà.  —  Tous  deux  sont  bons 
et  signifient  la  même  chose;  mais  à  V improviste, 
quoique  pris  de  l'ilaiien,  est  tellement  naturalisé  fran- 
çais qu'il  est  plus  élégant  qu'à  l'imjiourvù. 

Bais.  —  Ni  en  prose  ni  en  vers,  il  ne  se  dit  plus  pour 
désigner  les  rayons  du  soleil,  quoiqu'il  se  dise  fort  bien 
pour  désigner  ceux  de  la  lune.  Hors  de  là,  il  ne  s'ap- 
plique qu'à  une  roue. 

L'aventure  du  lion  et  de  celui  qui  vouloit  tuer  le 
Tyran,  sont  semblables.  —  Les  opinions  sont  partagées 
au  sujet  de  cette  construction,  qui  met  sont  après  un 
nominatif  singulier;  est-elle  vicieuse  ou  élégante'^  Vau- 
gelas ne  voudrait  pas  s'en  servir. 

De  moi,  pour  moi,  quant  à  moi.  —  Ce  dernier  ne  se 
dit  ni  ne  s'écrit  presque  plus,  sans  doute  à  cause  de 
cette  façon  de  parler  proverbiale  :  Il  se  met  sur  son 
quant  à  moi.  On  dit  fort  bien  quant  à  lui,  quant  à  vous, 
quant  à  nous;  pourquoi  ne  dirait-on  pas  aussi  bien 
quant  à  moi  ? —  De  moi  est  fort  bon,  fort  élégant;  mais 
Vaugelas  éviterait  de  le  mettre  souvent  en  prose.  Il 
aime  mieux  pour  moi,  dont  tout  le  monde  se  sert,  soit 
en  parlant,  soit  en  écrivant. 

U  aspirée  et  H  muette.  —  Reaucoup  de  personnes, 
tant  dans  les  provinces  qu'à  l'étranger,  font  I7(  muette 
quand  elle  est  aspirée  selon  Ramus  et  plusieurs  fameux 
grammairiens;  par  exemple,  elles  disent  l'hazard  pour 
le  hazard;  l'hardi  pour  le  hardi;  l'hallebarde  pour  /a 
hallebarde.  On  a  grand  besoin,  dans  les  pays  qui 
parlent  mal,  de  bien  savoir  la  nature  de  cette  /(  ,•  c'est 


426 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


pourquoi  Vaugelas  se  trouve  obligé  de  dire  ici  «  le 
peu  »  qu'il  en  sait.  Il  fait  un  examen  des  consonnes 
Qnales  qui  se  prononcent,  examen  où  je  trouve  :  i"  que 
Vf  se  mange  dans  œuf,  on  dit  un  œuf  de  j)igeo?i ,  un 
œuf  Mté,  sans  prononcer  Vf;  2°  que  le  g  se  prononce 
dans  coq,  et  que  l'on  dit,  en  faisant  sonner  cette  lettre, 
un  coq  de  Paris,  un  coq  hardi  :  3°  que  r  ne  se  prononce 
pas  dans  les  infinitifs  en  er  et  ir,  et  que  aller,  courir, 
se  prononcent  allé,  court. 

Règle  pour  discerner  l' H  aspirée  d'avec  V H  muette.  — 
C'est  une  règle  fort  connue,  mais  Vaugelas  y  ajoutera 
de  nouvelles  remarques.  Gomme  celte  règle  est  fondée 
sur  la  connaissance  du  latin,  il  faut  que  ceux  qui  ne 
savent  pas  celte  langue  aient  recours  à  la  lecture  des 
bons  livres.  Suivent  les  mots  faisant  exception  à  la 
règle  à  laquelle  Vaugelas  fait  allusion. 

De  l'H  dans  les  mots  composés.  —  Quand  cette  con- 
sonne se  trouve  ailleurs  qu'au  commencement  du  mot, 
elle  se  prononce  «  tout  de  même  »  que  si  elle  était  au 
commencement.  Ainsi  deshonoré  se  prononce  comme 
honoré  avec  h  muette;  enhardi,  éhonté,  dehors,  comme 
les  simples  hardi,  honte,  hors.  Il  y  a  une  seule  excep- 
tion, exhaussé,  qui  se  prononce  exaucé. 

Comment  il  faut  prononcer  et  orthographier  les  mots 
venant  de  mots  grecs  oii  il  y  a  des  aspirations.  —  Tous 
les  mots  français  venant  du  grec  et  dans  lesquels  il  y  a 
une  ou  plusieurs  h  n'en  peuvent  venir  que  par  cinq 
voies  :  i"  quand  le  mot  grec  commence  par  une  voyelle 
ou  une  diphthongue  aspirée  âp|Asv(a,  âîpïst;,  qui  nous 
ont  donné  harmonie,  hérésie;  2°  quand  le  mot  grec  a 
un  6  (thêta),  que  nous  rendons  par  th,  comme  dans 
ôsaiç,  thèse;  3»  quand  le  mot  grec  commence  par  un  p 
(rho),  que  nous  rendons  par  rh,  comme  'Pôoo;,  Rhodes, 
ou  que  ce  p  est  redoublé  au  milieu  du  mot,  comme 
nûppoç,  Pyrrhus;  4°  quand  le  mot  grec  a  un  <p  (phi) 
que  nous  rendons  p&r  ph,  comme  dans  ç'.Acdsçsç,  philo- 
sophe; 5°  quand  le  mot  grec  renferme  un  x  (chi),  lequel 
se  rend  en  français  par  ch,  comme  dans  X-'P^'-'Pï'^', 
chirurgie.  Or,  dans  tous  les  mots  français  d'une  telle 
dérivation,  Vh  s'écrit  toujours,  mais  elle  ne  se  prononce 
jamais. 

En  votre  absence,  et  de  Madame  votre  mère.  —  Cette 
construction  est-elle  bonne?  La  plupart  disent  que  oui, 
et  que,  loin  d'être  vicieuse,  la  suppression  de  ces  «  pa- 
roles »  en  celte,  qui  sont  sous-entendues,  a  au  contraire 
bonne  grâce.  Quelques-uns  néanmoins  condamnent  celte 
construction  non-seulement  comme  contraire  à  la  net- 
teté du  style,  mais  encore  comme  barbare.  Quant  à 
Vaugelas,  il  pense  qu'il  est  bon  d'éviter  aussi  bien  la 
phrase  elliptique  que  la  phrase  complète,  qu'il  trouve 
trop  languissante. 

N'onl-ils  pas  fait?  Ont-ils  pas  fait? —  Tous  deux 
sont  bons  pour  exprimer  la  même  chose,  et  ceux-là  se 
trompent  qui  croient  que  l'on  ne  peut  pas  dire  :  ont-ils 
pas  fait  ?  Il  est  d'ordinaire  plus  élégant  de  ne  pas  mettre 
le  ne  dans  une  telle  phrase. 

Aimé-je  sans  être  aimé?  —  Ici,  aime  ne  s'écrit  ni  ne 
se  prononce  comme  de  «  coutume»  ;  car  Ve  qui  est  au 
féminin  aime  se  change  en  ''  masculin,  el  l'on  doit 


écrire  et  prononcer  aimé-je.  Cette  remarque  est  très- 
nécessaire  pour  les  provinces  qui  se  trouvent  au-delà 
de  la  Loire,  et  elle  pourra  encore  servir  à  ceux  qui 
orthographient  de  cette  sorte  aimai-je,  au  lieu  d'aimé-je, 
car  qui  ne  voit  qa'aimai-je  fait  une  équivoque  avec  la 
première  personne  du  passé  défini  ? 

Mais  celte  règle  ne  concerne  que  les  verbes  qui  ont 
un  e  muet  à  la  première  personne  du  présent;  et  les 
personnes  de  Paris  et  de  la  Cour  qui  disent  menté-je, 
pour  ments-je;  perdé-je,  pour perds-je ;  rompé-je,  pour 
romps-je,  commettent  une  faule  qu'on  ne  trouve  pas 
dans  le  plus  médiocre  auteur  qui  ait  jamais  écrit. 

Conjoncture.  —  Pour  dire  une  certaine  rencontre, 
bonne  ou  mauvaise,  dans  les  affaires,  ce  mot  est  excel- 
lent, quoique  très-nouveau  et  pris  des  Italiens,  qui 
l'appellent  congiontura.  Il  exprime  merveilleusement 
bien  ce  qu'on  lui  fait  signifier. 

Se  conjoiiir,  féliciter.  —  Vaugelas  a  vu  le  premier 
de  ces  mots  dans  plusieurs  auteurs  approuvés;  mais  il 
ne  lui  souvient  point  de  l'avoir  jamais  entendu  à  la 
Cour.  On  dit  plutôt  se  réjouir,  quoique  l'autre  soit  plus 
convenable,  parce  qu'il  ne  signifie  que  se  réjouir  avec 
quelqu'un  du  bonheur  gui  lui  est  arrivé,  au  lieu  que  se 
réjouir  est  un  mot  extrêmement  général.  —  Depuis  peu 
on  se  sert  d'un  terme  qui,  auparavant,  était  tenu  à  la 
Cour  pour  barbare,  quoique  commun  en  plusieurs  pro- 
vinces de  France,  c'est  féliciter,  que  tout  le  monde  dit 
aujourd'hui  et  que  nos  meilleurs  écrivains  emploient 
volontiers  (1647). 

Règle  nouvelle  et  infaillible  pour  savoir  quand  il  fctut 
répéter  les  articles  ou  les  prépositions,  tant  devant  les 
noms  que  devant  les  verbes.  —  Pour  ce  qui  est  de 
l'article  devant  les  noms,  on  disait  autrefois  :  J'ai 
conçu  une  grande  opinion  de  la  vertu  et  générosité  de 
ce  Prince  ;  mais  Coëffeteau  n'aurait  pas  construit  ainsi, 
il  aurait  observé  la  règle  suivante  :  si  les  substantifs 
joints  par  la  conjonction  sont  synonymes  ou  appro- 
chants, comme  vertu  et  générosité,  il  ne  faut  pas  répéter 
l'article;  mais  quand  ils  sont  contraires,  comme  force 
et  dextérité,  il  faut  le  répéter  et  dire  :  de  la  force  et  de 
la  dextérité. 

Cette  règle  est  applicable  aux  prépositions  mises 
devant  les  infinitifs;  ainsi  il  faut  dire  :  il  n'y  a  rien 
qui  porte  tant  les  hommes  à  aimer  et  chérir  la  vertu, 
parce  que  aimer  et  chérir  sont  synonymes.  Mais  il  faut 
dire  :  il  n'y  a  rien  qui  porte  tant  les  hommes  à  aimer  et 
à  haïr  leurs  semblables,  eic,  en  répétant  à,  parce  que 
les  verbes  aimer  et  hair  expriment  des  actions  tout-à- 
fait  opposées. 

Vaugelas  sait  bien  que  quelques-uns  de  nos  meilleurs 
écrivains  ne  «  prennent  point  garde  »  à  cette  règle; 
mais  il  sait  bien  aussi  qu'ils  en  sont  justement  blâmés 
par  tous  ceux  qui  font  profession  d'écrire  purement.  Si 
chacun  s'émancipait  de  son  côté,  nous  ferions  bientôt 
retomber  notre  langue  dans  son  ancienne  barbarie. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rédàctedh-Gébant  :  Ëtun  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


42t 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


A  travers  l'Océanie;  par  Mme  la  comtesse  Droho- 
jowska.  1"  édition.  In-8°,  229  p.  Paris,  lib.  Lefort. 

Le  Cardinal  Jean  Jouffroy  et  son  temps  (1412- 
1473).  Etude  liistorique.Tlièse  pour  le  doctorat  ès-lettres; 
par  Cil.  Fierville,  censeur  des  études  au  lycée  de  Gou- 
tances.  In-S",  vn-296  p.  Coutances,  lib.  Salettes. 

Réséda;  par  Mlle  Zénaïde  Fleuriot  (Anna  Edianez). 
5=  édition.  In-18  Jésus,  286  p.  Paris,  lib.  Bray  et  Retaux. 

Lettres  à  une  inconnue;  par  Prosper  Mérimée,  de 
l'Académie  française.  Précédées  d'une  étude  sur  Mérimée, 
par  H.  Taine.  8"  édition  entièrement  revue.  2  vol.  In-18 
Jésus,  xxxii-7i9  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  7  fr. 

Les  Quatre  grands  historiens  iatins,  suivis  de 
Vingt-deux  mois  de  la  vie  de  Mirabeau;  par  D.  Ni- 
sard,  de  l'Académie  française.  In-18  Jésus,  iv-Zi07  p.  Paris, 
lib.  Michel  Lévy  frères.  3  fr.  50. 

La  Belle  Rivière.  Le  Fort  Duquesne  ;  par  Gustave 
Aimard.  ln-18  jésus,  335  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Les  Salons  d'autrefois,  souvenirs  intimes;  par 
Mme  la  comtesse  de  Bassanville.  2'  série.  La  princesse 
Bagration.  La  comtesse  Merlin.  Madamede  Mirbel.  Madame 
Campan.  5»  édition.  In-18  jésus,  321  p.  Paris,  lib.  Brous- 
sois  et  Cie.  2  fr.  50. 

Les  Borgia  d'Afrique  ;  par  Pierre  Cœur.  In-18  jésus, 
366  p.  Paris,  lib.  de  la  Société  des  gens  de  lettres.  3  fr. 

La  Chambre  aux  histoires  ;  par  F.  Fertiault.  ln-12, 
383  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie. 

Le  Roman  d'un  jeune  homme  pauvre;  par  Octave 
Feuillet,  de  l'Académie  française.  Nouvelle  édition.  In-18 
jésus,  356  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  3  fr.  50. 


La  Vie  à  deux.  Les  Malheurs  de  Rosette.  Les 
Aventures    de    Madeleine.    La    Race   maudite  ;  par 

Louis  Enault.  2'  édition.   In-18  jésus,  2/i7   p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  2  fr. 

Salammbô  ;  par  Gustave  Flaubert.  Edition  définitive 
avec  des  documents  nouveaux.  In-18  jésus,  379  p.  Paris, 
lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Le  Chemin  le  plus  court  ;  par  Alphonse  Karr.  Nou- 
velle édition.  In-18  jésus,  296  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy 
frères. 

Les  Tragédies  de  Paris.  IL  Une  araignée  parisienne; 
par  Xavier  de  iVlontépin.  In-18  jésus,  288  p.  et  grav.  Paris, 
lib.  Sartorius. 

Jeanne  d'Arc  ;  par  Marius  Sepet.  Avec  une  introduc- 
tion par  M.  Léon  Gautier.  3=  édition.  In-12,  288  p.  et  gr. 
Tours,  lib.  Mame  et  lils. 

Œuvres  complètes  de  J.  Autran,  de  l'Académie 
française.  1.  Les  Poèmes  de  la  mer.  ln-8»,  lill  p.  Paris, 
lib.  Michel  Lévy  frères.  6  fr. 

Lëontine,  histoire  d'une  jeune  femme  ;  par  Madame 
Bourdon  (Mathilde  Froment).  7=  édition.  In-18  jésus,  238p. 
Paris,  lib.  Bray  et  Retaux. 

Trois  histoires  de  terre  et  de  mer  ;  par  Armand 
Dubarry.  In-12,  386  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr. 

Le  Comte  de  Monte-Cristo;  par  Alexandre  Dumas. 
In-i"  à  2  col.,  àlli  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
4  fr.  80. 

Galerie  du  XVIII»  siècle.  10»  édition.  Louis  XV  ;  par 
Arsène  Houssaye.  In-18  jésus,  37Zi  p.  et  2  grav.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures 


LE  GRAND  TESTAMENT  DE  VILLON  ET  LE  PE- 
TIT. Son  Codicille.  Le  Jargon  et  ses  ballades,  aussi  le 
rondeau  que  ledit  Villon  fist  quand  il  fust  jugé  à  mort,  et 
la  requeste  qu'il  bailla  à  Messeigneurs  de  Parlement  et  à 
Monseigneur  de  Bourbon.—  111.  —  In-16,  120  p.  —  Lille, 
Imprimerie  Six-Hormans. 

CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARD,  publiées  par  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  Siméon  Luce.  T.  5. 
1356-1360. Depuis  les  préliminaires  de  la  paix  de  Poitiers 
jusqu'à  l'expédition  d'Edouard  III  en  Champagne  et  dans 
l'Ile-de-France.  —  In -8%  lxxi-436  p.  —  Paris,  librairie 
F»  J.  Renouard.  —  Prix  :  9  francs. 


PROPOS  RUSTIQUES,  BALIVERNES,  CONTES  ET 
DISCOURS  D'EUTRAPEL.  —  Par  Noël  du  Fail,  seigneur 
de  la  Hérissaye,  gentilhomme  breton.  —  Edition  annotée, 
précédée  d'un  essai  sur  Noél  du  Fail  et  ses  écrits.  —  Par 
Marie  Guichard.  —  Paris,  librairie  Charpentier,  19,  rue  de 
Lille. 


ŒUVRES  DE  RABELAIS,  augmentées  de  plusieurs 
fragments  et  de  deux  chapitres  du  5'  livre,  etc.,  et  pré- 
cédées d'une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages 


de  Rabelais.  —  Nouvelle  édition,  revue  sur  les  meilleurs 
textes,  éclaircie  quant  à  l'orthographe  et  à  la  ponctuation, 
accompagnée  de  notes  succinctes  et  d'un  glossaire,  par 
Louis  Babré,  ancien  professeur  de  philosophie.  —  Inl8 
jésus,  sxxv-612  p.  -  Paris,  librairie  Garnier  frères,  6, 
rue  des  Saints-Pères,  à  Paris. 


L'INTERMEDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fischba- 
cher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  1«  année,  15  fr.; 
2=  année,  10  fr.;  3"  année,  12  fr.;  W  année,  8  fr.;  5=  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


DU  DIALECTE  BLAISOIS  et  de  sa  conformité  avec 
l'ancienne  langue  et  l'ancienne  prononciation  française. — 
Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  par  F. 
Talbert,  professeur  de  rhétorique  au  prytanée  militaire  de 
La  Flèche.  --  Paris,  Ernest  Thorin,  édileur,  libraire  du 
Collège  de  France  et  de  l'Ecole  normale  supérieure,  7,  rue 
de  Médlcis. 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANCE,  AN- 


<28 


LE  COURRIER  DE   VAUGELAS 


CIENNES  ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 
logique et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Moxtjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bonaventure  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.L.  Jacob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  DeMiays,  éditeur,  4-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.  ;  in-S"  '.  2  fr.  50. 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANCION,  composée  par 
CHARLEsSonBL,sieurdeSouvigny.  —  Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos  et  notes  par  Emile  Colombay.  —  Paris, 
Adolphe  DelahaySj  éditeur,  i-6,  rue  Voltaire.  —  In-16  : 
5fr.  ;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


I. 

En  faisant  insérer  quelques  annonces  dans  le  Journal  de  Bucarest,  dirigé  par  M.  Ulysse  de  Marsillac,  on  peut  se 
procurer  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  en  Rou.\ianie. 

Les  annonces  pour  ce  journal,  qui  sont  reçues  à  Paris  par  M.  Eugène  Orain,  9,  rue  Drouot,  coûtent  30  cent,  la  ligne. 

Moyennant  10  centimes,  le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  envoie,  en  France,  un  spécimen  du  Journal  de  Bucarest 
aux  personnes  qui  lui  en  font  la  demande. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo- française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Angleterre  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires. 

L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la  France,  et  il  se  prend  à  Paris  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue 
de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart,  2,  rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Le  journal  Le  Tournoi  est  rédigé  au  concours  par  ses  abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  Comité  de  rédaction.  L'insertion  donne  droit  à  l'uree  des  prîmes  suivantes  : 
Ire  Prime  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme  confirmant  le  succès  du  lauréat  ; 
2'  Prime  —  Quinze  exemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de  l'auteur,  et  formant  une  brochure. 

Tout  abonné  douze  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  en  s'adressant  à  M.  Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  à  Paris. 


Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1375. 

Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur 
d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. 

Sont  seuls  admis  à  concourir  :  1»  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane,  —  2°  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire  de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1"  juillet  1875.  Ils  resteront 
déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les  auteurs  pourront  en  prendre  connaissance. 

Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins  de  cent  vers. 

Le  treizième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  187/i.  —Dix  médailles  seront 
décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance,  président  du  Comité,  92,  route 
d'Espagne,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 

L'Académie  française  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone. 

Le  nombre  des  vers  ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents. 

Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secrétariat  de  l'Institut,  franches  de  port,  avant 
le  15  février  1875,  terme  de  rigueur. 

Les  manuscrits  porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  h  l'ouvrage; 
ce  billet  contiendra  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître. 

On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaurjclo.s  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  cl  demie. 


Imprimerie  GouvuRMiUH,  G.  Daopeley  à  Nogent-le-hotrou. 


5*  Année. 


N"    17. 


1»'  Décembre  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


-^V  \  \\)^  Journal  Semi-Metisuel  "^Jj/i  r\, 

V      \J     CONSACRÉ    A    L*    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       ^A^ 


ParaUiant    la    1*  «t   le   IS    de   ehaane  moia 


PRIX   : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem       pour  l'Étranger  10  f. 

Annonces,  la  ligne  .    .     .    .  50  a 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANXIEN     PROFESSEUR      SPÉCI.\L      POUR      LES      ÉTR.\NGERS 

Oflicier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris 


ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Admi 
M.  FiscBBACBEB,  33,  me  de  Seine. 


SOMMAIRE.. 

Origine  du  mot  TarUt/fe;  —  Explication  de  Courte  honte;  — 
Comment  une  phrase  renfermant  une  comparaison  d'inégalité 
peut  être  incorrecte  avec  iVe  dans  le  second  membre.  ||  Expli- 
cation du  proverbe  Un  averti  en  vaut  deux;  —  Signification 
littérale  de  l'expression  De  plus  belle.  ||  Passe-temps  gramma- 
tical. Il  Suite  de  la  biographie  de  Vaugelas.  ||  Ouvrages  de 
grammaire  et  de  littérature.  1|  Renseignements  pour  les  profes- 
seurs français.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 

Première  Question. 
Où  Molière  a-t-il  pris  le  nom  de  tartuffe,  qui  est 
devenu  dans  notre  langue  le  synonyme  de  hïpocbite, 
depuis  qu'il  l'a  appliqué  à  l'un  de  ses  personnages  ? 

Il  règne  à  ce  sujet  trois  opinions  différentes  que  je 
Tais  d'abord  vous  faire  connaitre  et  ensuite  discuter. 

\°  Nos  pères  du  xvi^  siècle  disaient  tartufle  pour 
trufe  ou  trufle,  comme  on  parlait  alors,  et  preuve, 
c'est  que  le  traducteur  français  du  traité  de  Platine 
[De  honesfa  volupfa/e]  a  donné  pour  titre  Des  truffles 
ou  tartulfles  à  l'un  des  chapitres  de  son  livre  IX. 

Or,  comme  nous  avons  employé,  pour  tromper,  le 
verbe  truffer,  que  l'on  suppose  dérivé  de  truffe,  on 
peut  croire  qu'on  a  dit  aussi  tartuffer,  dans  le  même 
sens,  et  que  Molière  a  appelé  son  béros  Tartuffe  pour 
signifier  un  bomme  trompeur  et  non  moins  difficile  à 
pénétrer  que  les  tartuffes  ou  truffes,  qu'on  ne  trouve  et 
ne  découvre  qu'avec  beaucoup  de  difficulté. 

Telle  est  l'opinion  de  Le  Ducbat,  partagée  par  M.  Tas- 
chereau  [Vie  dr  Moliire,  p.  •126,  3''  édition). 

2°  Dans  ses  Œuvres  de  Molière  avec  des  remarques 
grammaticales  (1773),  Bret  s'exprime  ainsi  sur  l'ori- 
gine du  mot  Tartuffe  (tome  IV,  p.  399)  : 

Voici  ce  que  la  tradition  nous  apprend  à  cet  égard  :  Plein 
de  cet  ouvrage  qu'il  tnéditoit,  Molière  se  trouva  un  jour 
chez  le  Nonce  du  Pape  avec  plusieurs  personnes,  dont  un 
marchand  de  truffes,  vint  par  hasard  animer  les  phisio- 
nomies  béates  et  contrites.  Tartu/foli,  Signor  Auntto,  tartuf- 


folil  s'écrioient  les  courtisans  de  l'Envoyé  de  Rome,  en  lui 

présentant  les  plus  belles  Attentif  à  ce  tableau,  qui  peut 
être  lui  fournit  encore  d'autres  traits,  il  conçut  alors  le 
nom  de  son  imposteur  d'après  le  mot  de  Tartu/J'oli,  qui 
avoit  fait  une  si  vive  impression  sur  tous  les  Auteurs  de  la 
scène. 

3°  Du  temps  de  Molière,  il  courait  par  toute  l'Europe, 
à  l'état  de  manuscrit,  un  poème,  le  Malmantile,  ayant 
pour  auteur  Lippi,  ouvrage  plein  de  facéties,  de  pro- 
verbes, de  plaisanteries,  de  locutions  populaires,  de 
mots  du  meilleur  comique,  et  qui  devait  certainement 
être  au  premier  rang  parmi  ceux  dont  Molière  préférait 
la  lecture.  Or,  dans  ce  poème,  à  la  stance  'û  du  livre  xi, 
là  où  il  est  question  du  combat  d'Egène  et  de  Grand- 
Baptiste,  on  trouve  ces  vers  : 

E  tanto  fach'Egeno  il  mal  tartufo 
Manda  con  un  buffeto  a  far  qiierciuolo. 

(Et  fait  tant  qu'Egène  envoie  d'une  cbiquenaude  la 
méchante  truffe  faire  l'arbre  fourchu.) 

Et  lartufo  ne  devait  pas  être  un  mot  forgé  par  Lippi, 
car  Minucci,  qui  a  annoté  le  poème  de  Lippi,  ne  con- 
sacre que  ces  mots  à  Tartufo  :  «  Uomiccittlo  di  caitivo 
animo  »,  ce  à  quoi  il  ne  se  fût  pas  borné  si  tartufo  eiit 
été  un  mot  nouveau,  ou  seulement  inusité. 

D'où  cette  conséquence  tirée  par  Génin  [liécréat.,  I, 
p.  '292i  que  non-seulement  .Molière  n'a  point  inventé 
le  mot  Tartuffe,  mais  qu'il  l'a  pris  tout  fait  dans  l'ita- 
lien vulgaire. 

Reste  maintenant  à  découvrir  parmi  ces  trois  opinions 
celle  qui  est,  ou  la  vraie,  ou  du  moins  la  plus  vraisem- 
blable. 

Première  opinion.  —  Les  objections  ne  manquent 
pas  contre  elle,  et  ces  objections,  comme  on  va  le  voir, 
sont  telles  qu'il  est  bien  difficile  de  l'adopter. 

{a]  Je  n'ai  trouvé  aucun  texte  autorisant  à  croire 
qu'on  ait  jamais  dit.  en  français,  tartuffer  pour  trom- 
per. Alors  comment  Tartuffe  en  viendrait-il? 

[b]  SI  Molière  avait  tiré  de  tarluffrr  le  nom  du  héros 
de  sa  pièce,  ce  personnage  imposteur  aurait  dû  s'ap- 
peler, non  pas  Tartuffe,  mais  bien  Tartuffeur;  et  comme 
ce  mot  n'a  jamais  paru,  du  moins  à  ma  connaissance, 


130 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


dans  un  vocabulaire  de  notre  langue,  il  en  résulte  que 
Tartuffe  peut  difficilement  être  considéré  comme  venu 
de  tarluffrr. 

\c]  Le  Duchat  prétend  que  Molière,  en  prenant  ce  titre, 
a  voulu  indiquer  que  la  pensée  d'un  hypocrite  n'est  pas 
plus  facile  à  découvrir  que  les  truffes.  Mais,  dans  cette 
hypothèse,  Molière,  comparant  sou  héros  à  une  tartuffe, 
aurait  dit,  il  me  semble  : 

Cet  liomme  est  comme  une  iariujfe. 

et,  par  abréviation  : 

C'est  une  tartuffe. 

Or,  il  l'a  appelé  le  Tartuffe,  un  nom  masculin;  ce 
litre  ne  peut  donc  lui  avoir  été  suggéré  par  une  compa- 
raison avec  une  tartuffe  (truffe),  dont  le  nom  est  du 
genre  féminin. 

[d]  Le  Tartuffe  fut  joué  pour  la  première  fois  le 
■12  mai  1664.  Or,  à  cette  époque,  il  y  avait  longtemps 
que  truffe  se  disait  à  l'exclusion  de  tartuffe.  Pourquoi 
Molière,  s'il  voulait  un  titre  faisant  allusion  à  un  végé- 
tal, n'a-t-il  donc  pas  intitulé  sa  pièce  le  Truffe,  expres- 
sion bien  plus  connue  de  ses  contemporains  que  l'autre, 
et  partant,  plus  significative? 

Seconde  opinion.  — Quoiqu'elle  soit  en  quelque  sorte 
confirmée  par  une  variante  que  le  ?iational  a  publiée 
dernièrement,  j'ai  peine  à  croire  que  Tartuffoli,signor, 
Tartuffoli,  soit  l'origine  de  Tartuffe,  et  cela,  pour  deux 
raisons,  qui  me  semblent  militer  avec  succès  contre 
celle  origine  traditionnelle. 

(a)  Le  nom  d'un  personnage  de  théâtre  peut  être  le 
sobriquet  dont  l'auteur  qualifie,  dans  sa  pensée,  un 
personnage  réel  à  cause  d'un  certain  mol  qu'il  lui  a 
entendu  dire  lorsqu'il  l'a  vu  pour  la  première  fois.  Ainsi, 
par  exemple,  un  auteur  comique  en  train  de  composer 
une  pièce  entend  quelqu'un  du  caractère  qu'il  veut 
peindre  employer  ou  prononcer  d'une  façon  singulière 
l'expression  tiéanmoins;  il  lui  sera  certainement  per- 
mis de  se  servir  de  celte  expression  pour  dénommer 
son  personnage.  Mais  cela  ne  se  fait,  je  pense,  que 
si  la  personne  prise  pour  modèle  répète  souvent  et  à 
tout  propos  cette  expression  particulière,  et  produit 
ainsi  une  espèce  d'agacement  sur  l'oreille  de  celui 
qui  l'écoute.  Or,  Molière,  que  l'on  adopte  la  ver- 
sion de  Bret  ou  celle  donnée  par  le  National,  n'aurait 
entendu  qu'une  ou  deu.v  fois  le  mot  tartuffoli,  et 
j'estime  que  ce  n'est  pas  suffisant,  surtout  s'il  était 
amateur  de  truffes,  pour  faire  admettre  qu'il  ait  créé, 
par  désagréable  réminiscence,  le  terme  dont  il  est  ici 
question. 

(b)  Lorsque  le  titre  d'une  pièce  est  donné  d'après  le 
nom  de  l'un  de  ses  personnages,  je  ne  crois  pas  qu'il 
prenne  jamais  l'article  défini  le,  si  ce  personnage  a 
reçu  son  nom  d'une  expression  que  l'auteur  a  entendu 
répéter.  Il  me  semble,  par  exemple,  qu'on  n'intitulerait 
pas  le  Delenda  tme  pièce  dont  le  héros  ferait  allusion 
à  quelqu'un  ayant  toujours  à  la  boMC'be  les  mots  de 
Galon  au  sujet  de  Carthage.  Or,  on  dit,  et  Molière  lui- 
même  a  dit  Ipréface  de  la  première  édition  de  sa  pièce;  : 
le  Tnrtufff.  Il  faut  donc  que  ce  titre  ait  une  autre  origine 
que  l'exclamation  :  Tartuffoli,  tartujfoli! 


Troisième  opinion.  —  Je  ne  vois  qu'une  légère 
objection  à  faire  ici  ;  c'est  que,  dans  la  langue  italienne, 
tartufo  ne  se  prenait  pas  dans  le  sens  d'hypocrite,  que 
le  chef-d'œuvre  de  Molière  a  irrévocablement  imprimé 
à  Tartuffe.  Mais  il  n'est  pas  rare,  je  crois,  de  voir  des 
mots  qui  modifient  ainsi  plus  ou  moins  leur  significa- 
tion en  passant  d'un  idiome  dans  un  autre. 

Chez  les  Latins,  comme  nous  l'apprend  Génin,  le 
champignon,  funç/us,  servait  à  une  métaphore  mépri- 
sante; tartufo,  en  italien,  est  l'abrégé  de  tartufolo, 
Iruffe,  tubercule  que  l'on  considérait,  selon  le  même 
auteur,  comme  une  pourriture  de  la  terre.  Molière  ne 
pouvait  guère  choisir  un  terme  plus  énergique  pour 
flageller,  comme  ils  le  méritent. 

Ces  gens  qui,  par  uns  âme  à  l'intérêt  soumise 
Font  de  dévotion  métier  et  marctiandise. 

Du  reste,  avec  le  mol  pris  dans  Lippi,  tout  s'explique  : 
le  genre  masculin  de  Tartuffe,  parce  que  tartufo  est 
masculin  en  italien;  l'article  défini  le,  parce  qu'en 
italien  ce  mot  se  trouve  em]3loyé  avec  la  même  espèce 
d'article  dans  il  mal  tartufo;  et  en  partie  aussi  la 
signification,  car  tartufo  est  appliqué  dans  Lippi  à 
un  personnage  (un  nain  au  service  du  prince  Matthias 
de  Toscane)  qui  a  tous  les  vices  possibles,  et  notam- 
ment celui  du  libertinage. 

Aussi,  incliné-je  fortement  à  croire,  d'accord  en  cela 
avec  Génin  et  avec  M.  Litlré,  que  c'est  bien  le  tartufo 
de  Lippi  qui  a  fourni  Tartuffe  à  Molière. 

X 

Seconde  Question. 
Ayant  lu  dans  le  Pays  du  27  février  1874  la  phrase 
suivante  :  «  Ces  pauvres  diables  en  seront  pour  leur 
COURTE  HOSTE  j),  je  désirerais  savoir  d'abord  si  cette 
expression  est  bien  française,  et  ensuite,  comment  on 
peut  Vexpliquer.  Agréez  d'avatice  mes  remerciements 
pour  votre  réponse. 

L'expression  courte  honte  existait  dans  notre  langue 
au  xvi"  siècle,  car  je  l'ai  trouvée  dans  la  phrase  sui- 
vante de  Pierre  de  l'Estoile  : 

Mais  voyant  le  Peuple  mutiné  et  armé,  pour  repousser 
la  force  par  la  force,  se  retira  avec  sa  courte  honte. 

(Jourttnt  de  Henri  llî,  vol.  I,  p.  20»,) 

Elle  n'a  pas  cessé  de  s'employer  depuis,  comme  le 
prouvent  ces  exemples  : 
(wii'  siècle) 

Tu  me  vois  avec  ma  courte  honte. 

(Th.  Corneille,  Don  Bert.  de  Cigarrnl,  IV,  «,) 

Qu'il  serait  pris  ainsi  qu'au  trébucliet 
Et  s'enfuirait  avec  sa  courte  honte. 

(La  Fontaine,  Confid.\ 

(xviii«  siècle) 
Pour  laisser  le  marquis  avec  sa  courte  liante. 

(Hauteroche,  Bourg,  de  quai..  III,  I.) 

Le  cliat  court,  mais  trop  tard,  et  bien  loin  de  son  compte, 
N'eut  ni  lard  ni  souris,  n'eut  que  sa  courte  honte. 

(La  Motte, /n««  IV,  8.) 

Par  conséquent,  l'expression  dont  il  s'agit,  en  usage 
au  moins  depuis  trois  siècles,  est  bien  française,  cela 
ne  peut  faire  l'ombre  d'un  doute. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


431 


Quant  à  son  explicalion,  je  vais  essayer  de  vous  la 
donner,  quoique  M.  Liltré  déclare  que  cela  ne  peut  se 
faire  «  avec  quelque  sûreté  »,  attendu  que  ladite  expres- 
sion manque  complètement  d'historique. 

On  emploie  l'expression  courte  honte  pour  signifier 
qu'on  a  échoué  dans  une  tentai ive;  honte  s'explique, 
car  ce  mot  signifie  d'après  Furetière  : 

•  Confusion,  trouble,  pspèce  de  tristesse  mêlée  de  colère 
qui  vient  de  l'opinion  qu'on  a  d'être  blâme  ou  tnép^i^é  des 

autres • 

et  l'on  éprouve  ce  sentiment-là  en  cas  de  non-réussite 
dans  quelque  entreprise. 

Mais  que  fait  là  courte  ?  L'expression  courte  honte 
veut-elle  dire,  comme  le  suggère  M.  Littré,  «  honte  à 
court  délai,  honte  qui  arrive  tout  de  suite  »  ou  bien 
«  une  honle  avec  laquelle  on  demeure  court,  on  est 
arrêté  court  «  ? 

Ni  l'un  ni  l'autre,  à  mon  avis. 

Dans  le  dictionnaire  de  Dominguez,  j'ai  trouvé  qu'en 
espagnol  Rester  avec  sa  courte  honte  se  dit  :  Quedarse 
à  solas  con  sti  poca  vergiienza;  et  comme  l'adjectif 
foca  signifie  court,  de  peu  de  durée,  j'en  conclus  que 
la  locution  courte  honte  veut  dire  tout  simplement 
honte  de  queUiues  instants. 

On  peut,  du  reste,  justifier  cette  explication  sans 
sortir  du  domaine  de  la  langue  française.  En  effet,  nous 
avons  une  autre  expression  plus  populaire  pour  signifier 
la  honle  de  n'avoir  pas  réussi  dans  une  entreprise;  c'est 
Avoir  un  pied  de  nez.  Or,  dans  l'esprit  de  celui  qui 
emploie  celte  dernière  expression,  l'allongement  du  nez 
(signe  de  honte;  ne  dure  qu'un  instant,  le  temps  que 
met  à  se  passer  l'émotion  produite  par  l'échec  éprouvé  ; 
n'esl-il  pas  naturel  alors  que,  pour  exprimer,  sans 
recourir  à  une  figure,  une  honte  qui  également  dure 
peu,  on  l'appelle  une  courte  honte? 

X 

Troisième  Question. 
D'Alembert  a  dit  [lettre  à  Voltaire  du  4  octobre 
4764)  :  «  //  vaut  mieux  tuer  le  diable  que  le  diable  >e 
nous  tue,  »  tandis  que  Mossillon,  d'après  vous  iCoLuniER, 
3°  année,  p.  4  00),  aurait  dit  :  «  //  vaut  mieux  que 
l'innocent  périsse  que  si  toute  la  nation  allai/  .se  révolter 
contre  César.  »  Ces  deux  phrases  renferment  toutes  deux 
une  comparaison  d'inégalité,  ce  qui  exige  généralement 
NE  après  QBE,  et  il  se  trouve  que  celle  qui  a  n'e  est  in- 
correcte, lorsque  celle  qui  ne  l'a  pas  est  correcte.  Com- 
ment expliquez-vous  cela  ? 

Dans  toute  comparaison,  on  supprime  généralement 
après  que  les  termes  communs  aux  deux  membres. 
Ainsi,  au  lieu  de  dire  ; 

J'ccm  aussi  bipn  que  tu  écris. 

Vous  marchez  moiiis  vite  que  je  ne  marche. 

Ils  visent  plus  juste  que  nous  ne  visons. 

on  dit,  en  transformant  le  pronom  sujet  en  pronom  à 
forme  de  régime  et  en  ellipsant  la  négation  avec  le  verbe 
s'il  s'agit  d'une  comparaison  d'inégalité  : 

J'écris  aussi  bien  que  toi. 

Vous  marchez  moins  vite  que  moi! 

Us  visent  plus  juste  que  nous. 


Mais  il  _v  a  un  cas  dans  lequel  cette  simplification  n'est 
pas  possible. 

Quand  le  verbe  répété  est  suivi  d'un  régime  annoncé 
par  la  conjonction  que,  comme  dans  : 

Il  est  moins  rpgrotlable  qu'il  se  soit  ruiné  qu'  [il  ne  se- 
rait regrettable'  ^M'il  se  fût  tué. 

l'ellipse  des  termes  communs  aux  deux  membres, 
termes  mis  ici  entre  parenthèses,  amène  à  la  suite  l'un 
de  l'autre  deux  que,  construction  qui  n'est  pas  admise 
dans  la  langue  moderne,  car  on  ne  peut  pas  dire  : 

Il  est  moins  regrettable  qu'il  se  soit  ruiné  que  qu'il  se 
fût  tue. 

11  faut  alors  remplacer  le  second  (/!/eparla  conjonction 
si,  après  laquelle  on  met  le  présent  ou  l'imparfait  selon 
que  le  verbe  supprimé  est  au  premier  ou  au  second  de 
ces  temps  : 

Il  est  moins  regrettable  qu'il  se  soit  ruiné  que  s'il  s'était 
tué. 

Or,  la  phrase  comparative  de  Massillon,  à  laquelle  la 
règle  de  syntaxe  dont  je  viens  de  parler  a  été  bien 
appliquée,  a  naturellement  perdu  sa  négalion  avec  son 
verbe,  en  quelque  sorte  remplacé  par  si;  mais  il  en  a 
été  autrement  pour  celle  de  D'Alembert,  qui,  en  vertu 
de  la  même  règle,  aurait  dû,  au  lieu  de  conserver  la 
négation,  être  construite  comme  il  suit  : 

Il  vaut  mieux  tuer  le  diable  que  si  le  diable  nous  iuait. 

Et  voilà  comment  il  se  fait  que  de  deux  phrases 
exprimant  une  comparaison  d'inégalité.  Tune  est  fau- 
tive quoique  renfermant  ne,  tandis  que  l'autre  est  cor- 
recte quoique  celte  négation  en  soit  absente. 

ÉTRANGER 

Première  Question. 
Pourrais-je  savoir,  par  votre  journal, d'abord  si,  dans 
le  proverbe  c.\  averti  en  vaut  deux,  le  mot  averti 
siguifie,  comme  quelques-uns  le  disent,  A  verti,  (A 
retourné);  et  ensuite  ce  que  vous  pensez  de  la  double 
forme  de  ce  proverbe,  car  je  trouve  dans  mon  Littré  : 
UN  BON  averti  en  vact  decx? 

11  a  été  donné  plusieurs  explications  de  ce  proverbe. 

^elon  Le  Duchat,  il  a  pour  sens  littéral  qu'un  a  avec 
un  accent  circonfiexe  frer.'ius,  contourné)  vaut  deux  a 
comme  dans  le  mol  dge,  qui  s'écrivait  autrefois  aage. 

Jadis,  d'après  Charles  Nodier,  le  mol  verti  (du  latin 
vertere)  élait  français,  et  voulait  dire  tourné;  et 
comme,  dans  les  signes  conventionnels  de  l'imprimerie, 
un  A  retourné  (y)  valait  deux  A,  on  disait  :  un  A  verti 
en  vaut  deux. 

Dans  ses  Petites  ignorances  de  la  Conversation, 
.M.  Charles  Rozan  a  donné  l'explication  suivante  : 

La  phrase  complète  est  :  un  homme  averti  en  vaut  deux, 
un  homme  prévenu,  sur  ses  g.iides,  est  doublement  fort, 
doublement  en  état  de  prendre  ses  précautions,  ses  me- 
sures. 

Laquelle  de  ces  explications  est  la  vraie? 
Je  ne  crois  pas  que  ce  puisse  être  la  première;  car  je 
n'ari   vu  nulle  part  que  le  participe  latta  versus  ait 


432 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


signifié  contourné,  enveloppé,  pour  ainsi  dire,  d'un 
signe  en  forme  d'arc;  puis,  cela  fûl-il,  il  n'aurait  pas 
toujours  été  vrai,  bien  loin  s'en  faut,  qu'un  a  verti  fiît 
mis  pour  deux  «,  car  combien  û'a  infiniment  plus  nom- 
breux dont  l'accent  circonflexe  n'indique  que  la  sup- 
pression d'une  «.' 

Séduit  par  la  seconde  explication,  j'en  avais  fait 
choix  dans  ma  Sijl/rxie  (explication  des  proverbes); 
mais  je  l'ai  abandonnée  depuis,  parce  que  j'ai  appris 
dans  Roquefort  que  vertir  avait  signifié  tourner, 
changer,  traduire  dune  langue  dans  une  autre;  dans 
Nicot,  venir  dans  quelque  lieu;  dans  Du  Gange,  retour- 
ner d'où  l'on  était  parti;  dans  Trévoux,  s'appliquera 
quelque  chose,  retourner,  sens  qu'il  conservait  encore 
parmi  les  Normands  (l'771),  et  que,  nulle  part,  je  n'ai 
rencontré  ce  verbe  avec  le  sens  de  renverser,  mettre 
sens  dessus  dessous. 

Il  ne  reste  plus  que  la  troisième  explication,  qui  me 
semble  très-naturelle,  et  que,  jusqu'à  preuve  d'erreur, 
je  tiendrai  pour  la  bonne. 

Voyons  maintenant  la  forme  de  l'expression. 

Dans  sa  première  édition  (1694),  l'Académie  disait 
simplement  un  averti  : 

On  dit  proverbialement  Qu'un  adverty  en  vaut  deux 
pour  dire  Qu'en  toutes  sortes  d'affaires,  un  homme  qui  en 
est  instruit  a  un  grand  avantage  sur  un  autre  qui  ne  l'est 
pas. 

Dans  la  seconde  (I7IS),  pour  un  motif  que  je  ne  suis 
pas  parvenu  à  découvrir,  elle  modifia  la  forme  du  pro- 
verbe en  y  introduisant  l'adjectif  bon;  on  trouve  en 
effet  dans  cette  édition  : 

On  dit  proverbialement  qu'Un  averti,  qu'un  bon  averti  en 
vaut  deux,  pour  dire,  etc. 

Cette  double  forme  s'est  maintenue  dans  les  trois 
éditions  suivantes;  mais  dans  la  sixième  (1835),  la 
forme  ancienne  disparaissait,  et  l'Académie  ne  donnait 
plus  que  la  nouvelle  : 

Un  lion  averti  en  vaut  aeux. 

Or,  il  s'agit  de  savoir  si  cette  dernière  leçon  vaut 
autant  que  la  première,  si  elle  vaut  mieux  ou  si  elle 
vaut  moins. 

Quoique  M;  Littré  ne  donne  non  'plus  le  proverbe 
qu'avec  l'adjectif  bun,  je  crois  que  la  première  est  infi- 
niment préférable,  et  pour  des  raisons  que  je  vais  vous 
faire  connaître  : 

i"  Le  sens  du  proverbe  n'est  pas  qu'un  homme  bien 
averti  en  vaut  deux  autres,  mais  seulement  qu'un 
homme  averti  en  vaut  deux  ;  en  d'autres  termes,  qu'on  a 
un  double  avantage  quand  on  est  averti. 

2°  C'est  la  forme  ancienne,  celle  qu'ont  employée  les 
inventeurs  mêmes  du  proverbe,  c'est-à-dire  ceux  qui 
comprenaient  le  mieux  ce  qu'il  doit  signifier;  forme  qui 
a  été  suivie  par  Furetière,  par  Trévoux,  par  Georges 
de  lîacker,  par  Leroux,  etc. 

3"  Dans  les  langues  étrangères  qui  ont  le  même  pro- 
verbe, l'adjectif  6ow  (son  correspondant  je  veux  dire)  ne 
figure  nulle  part  :  il  n'est  ni  dans  l'anglais  fore-icar- 
ned,  fore-aruied  (averti  d'avance,  armé  d'avance),  ni 
dans  l'espagnol,  qui  le  traduit  par  :  el  qur  rsti  avisado 


vale por  dos  (celui  qui  est  averti  en  vaut  deux),  ni  dans 
l'italien,  qui  l'exprime  comme  il  suit  :  uomo  avvisato  è 
mezzo  salvato  (un  homme  averti  est  à  moitié  sauvé),  et 
qui  ne  met  bon  que  lorsqu'il  rend  averti  par  avertisse- 
ment :  un  buon  avvertiinento  ne  val  molli  (un  bon 
avertissement  en  vaut  plusieurs). 

4°  L'adjectif  bo7i  ne  peut  figurer  grammaticalement 
avant  averti^  parce  que  ce  mot  n'est  ni  un  substantif, 
ni  un  participe  employé  comme  substantif;  devant  un 
tel  mot,  on  ne  peut  mettre  qu'un  adverbe,  qui  serait 
bien  dans  le  cas  actuel. 

5°  Le  proverbe  s'exprime  aussi  par  un  homme  averti 
en  vaut  deux;  La  Mésengère  et  Quitard  le  présentent 
sous  cette  forme.  Or,  nul  ne  s'est  jamais  avisé  d'y  faire 
entrer  bien  avant  averti,  ce  qui  prouve  que  ce  terme 
doit  y  paraître  sans  modiflcatif. 

Un  bon  averti  en  vaut  deux,  n'est  point  rigoureuse- 
ment l'équivalent  de  un  averti  en  vaut  deux,  et  déplus, 
l'adjectif  bon  y  constitue  un  barbarisme.  Cette  nouvelle 
forme  est  donc  à  rejeter. 

X 
Seconde  Question. 

Je  trouve  bien  dans  les  dictionnaires  que  l'expression 
DE  PLDS  BELLE  signifie  de  nouveau,  plus  que  jamais,  en 
augmentant  [Littré],  encore  davantage.  Mais  je  n'en 
rois  nulle  part  l'explication  littérale.  Pourriez-vous  la 
donner  ?  Je  suis  persuadé  que  plus  d'un  parmi  vos  lec- 
teurs la  lirait  avec  plaisir. 

Autrefois,  l'idée  adverbiale  de  bien  s'exprimait  en 
français  par  bel,    beau,   ainsi  que  le  montrent  ces 
exemples  : 
(Bel) 

Sa  mère  entra,  si  s'assiet  devant  li; 
Bel  li  pria  :  fille,  prenez  mari. 

(Homancero,  p.  ^3.) 

Bel  et  courtoisement  a  le  roi  salué. 

{Berte,  LXVU.) 

J'ai  mes  petis  enfans  à  qui  je  suis  tenus 

Plus  qu'as  povres  estranges,  ne  qu'as  frères  menus-, 

Je  les  ai  jusque  ci  bien  et  bel  maintenus. 

(J.  de  Meung,  TetC,  355.1 

(Beau) 

0  !  vous  facteurs  parlans  beau  comme  ung  ange, 
D'tionneur  et  loz  donnez  ung  million 
Au  roy  Loys. 

(J.  Marot.  p.  134,  éd.  de  I7i3.) 

Ses  successeurs  voyaus  qu'ils  n'y  gagnoient  rien,  se 
déportèrent  bien  et  beau  de  ceste  obstination. 

(Calvin,  Instit.,  909.) 

Cela  permettait  de  rendre  mieux  sous  la  forme  d'un 
comparatif  régulier;  on  disait  plus  beau  ou  plus  bel, 
comme  le  font  voir  les  citations  suivantes  : 

Ver.s  une  rivière  m'adresce, 
(lue  j'oï  près  d'ilecques  bruire; 
Car  ne  me  soi  aillors  déduire 
Plus  bel  que  sus  celé  rivière. 

{Rom.  de  la  Hose,  vers  107. j 

Et  d^s  lors  recommença  plus  beau  que  devant  i.  siffler. 

iDe»  Périors,  Contts  CXV.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


133 


Mais,  par  un  caprice  de  l'usage,  plus  beau  cessa  de 
s'employer,  cédant  la  place  à  plus  bel;  et,  comme  ce 
dernier  se  plaçait  après  le  verbe  en  qualité  d'adverbe, 
on  cruL  probablement  que,  dans  les  phrases  où  il  ligu- 
rail,  le  mol  manière  était  sous-entendu,  ce  qui  induisit 
à  écrire  bel  au  féminin,  et  à  faire  précéder  jj/«s  de  la 
préposition  de  comme  si  l'expression  eût  été  l'abrégé 
de  de  la  plus  belle  manière  : 

Les  corbeaux  recommencèrent  à  crier  arrière  de  plus 
belle. 

(Amyot,  P/ioc.  u,  dans  Uittré.) 
Tant  que  l'ennemy  est  en  pieds,  c'est  à  recommpncer  de 
plus  belle:  ce  n'est  pas  victuire.si  elle  ne  met  fin  à  la  guerre. 

^Montaigne,  1.  35l.) 

Telle  serait,  selon  moi,  l'origine  si  généralement 
ignorée  de  l'expression  de  plus  belle.  Cette  expression 
voudrait  dire,  au  sens  littéral,  mieux,  et  c'est  de  cette 
signiOcalion  fondamentale  que  seraient  dérivées  toutes 
celles  qui  se  trouvent  recueillies  dans  la  question  que 
vous  m'avez  transmise. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°...  qui  se  sont  succédé;  —  2°  c'est  bien  pis  au  village;  — 
3°...  qu'il  a  autre  chose  à  faire  que  de  combattre;  —  4'...  a 
pris  le  chemin  de  l'Italie  en  faisant  station  à  Grenoble;  — 
5"...  participation  à  l'esprit  du  Christ;  —  6'...  ne  laisse  pas 
d'avoir  (pas  de  que)  ;  —  7°. ..n'y  va  pas  par  quatre  chemins  ;  — 
8°...  qu'à  la  question  accessoire;  —  9°...  on  avait  in/ormé 
l'autorité  prussienne;  —  10^..  pour  distinguer  ces  conserva- 
teurs. 

Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1°  Quoiqu'il  en  soit,  les  arguments  que  cet  écrivain  judéo- 
ale.xandrin  fait  valoir  pour  prouver  que  les  philosophes 
païens  avaient  mis  à  contribution  les  livres  de  Moïse,  sont 
de  deux  sortes. 

2*  D'une  part,  la  mobilité  avec  laquelle  don  Carlos  change 
ses  généraux  n'a  pas  laissé  que  d'impressionner  défavora- 
blement ses  partisans  les  plus  sincères. 

3*  M.  le  maréchal  est  arrivé  à  Compiègne  à  dix  heures  et 
demie,  après  avoir  déjeuné  en  wagou.  .aussitôt  arrivé,  la 
chasse  a  commencé. 

4°  Les  aspirations  à  l'indépendance  des  nationalités  mi- 
souveraines  et  à  demi-civilisées  qui  occupent  le  cours  infé- 
rieur du  Danube  vont  s'affirmant  chaque  jour  d'une  ma- 
nière plus  prononcée. 

5*  On  aura  beau  dire,  clamait-il,  M.  Thiers  est  le  seul 
diplomate  que  nous  possédions,  et  si  du  maître  nous  pas- 
sons aux  élèves,  on  ne  peut  nier  que  ceux  qu'il  a  faits 
n'aient  déjà  acquis  une  certaine  notoriété. 

6'  En  douter  est  peu  clairvoyant,  s'en  irriter  serait  in- 
juste ;  la  majorité  du  'i4  mai  n'a  pas  été  faite  pour  créer, 
mais  bien  pour  empêcher  qu'on  créât  quelque  chose. 

7°  C'est  ce  que  M.  le  duc  Decazes  a  fait  comprendre  aux 
membres  présents,  en  déclarant  qu'il  acceptait  d'ailleurs 
devant  l'Assemblée  l'entière  re.'^ponsahilité  de  la  politique 
extérieure  qu'il  avait  conseillée  d'adopter. 

8'  Il  n'est  pas  un  personnage  ayant  un  caractère  officiel 
et  gouvernemental  quelconque  qui  songe  à  autre  chose 


qu'à  éviter  la  dissolution  de  l'Assemblée  sur  l'organisation 
du  septennat. 

9'  Nous  avons  conquis,  nous  avons  fait  les  peuples  se 
heurter  les  uns  contre  les  autres;  nous  avons  pétri,  en 
les  écrasant  sous  notre  talon,  les  générations  du  globe. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 
FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVII*  SIÈCLE. 

VAUGELAS. 

'Suite.  ' 

Arroser.  —  C'est  ainsi  qu'il  faut  dire,  et  non  pas 
arrovser,  quoique  la  plupart  le  disent  et  l'écrivent, 
cette  erreur  étant  née  lorsque  l'on  prononçait  ctiouse, 
coûté,  foussé  pour  chose,  côté,  fossé. 

C'est  chose  glorieuse.  —  On  parlait  encore  ainsi  du 
temps  du  cardinal  du  Perron,  de  Coëffeteau  et  de 
-Malherbe;  mais  tout  à  coup  cette  locution  a  vieilli,  et 
l'on  dit  maintenant  (1647;  c'est  une  chose  glorieuse. 

Quelque  chose.  —  Quoique  chose  soit  féminin,  ces 
deux  mots  font  comme  un  neutre  selon  leur  significa- 
tion ;  voilà  pourquoi  il  faut  dire,  par  exemple,  ai-je  fait 
quelque  chose  que  vous  n'ayez  fait  ?  et  non  pas  que  vous 
n'ayez-  faite. 

Taxer.  —  Ce  mot,  qui  a  été  employé  par  tant  d'excel- 
lents auteurs  anciens  et  modernes  pour  dire  blâmer, 
noter,  reprendre,  n'est  plus  reçu  aujourd'hui  dans  le 
beau  langage. 

Supplier.  —  Bien  que  ce  terme  soit  beaucoup  plus 
respectueux  et  plus  soumis  que  celui  de  prier  (car  il 
faut  àÀTe,  prier  le  ftoi  et  non  suppli?r  le  Boi),  il  ne  faut 
jamais  cependant  dire  supplier  Dieu,  ni  supplier  tes 
Dieux,  comme  le  disent  quelques-uns  de  nos  bons 
écrivains  dans  leurs  traductions  des  livres  anciens.  On 
doit  dire  prier  Dieu,  prier  les  Dieux. 

A  la  réservation.  —  Cette  expression  est  barbare.  Il  y 
a  peu  de  gens  qui  ne  sachent  qu'il  faut  dire  :  à  la 
réserve  de. 

Aller  à  la  rencontre  de  quelqu'un.  —  Celle  phrase, 
quoique  très-commune,  n'est  pas  approuvée  de  ceux  qui 
font  profession  de  bien  écrire. 

Par  après,  en  après.  —  Ces  manières  de  parler  sont 
vieilles,  et  à  leur  place,  on  dit  après  tout  seul. 

Cependant,  pendant.  —  Il  y  a  cette  différence  entre 
les  deux  que  cependant  est  toujours  adverbe,  et  qu'il  ne 
faut  jamais  dire  cependant  que,  tandis  que  pendant 
n'est  jamais  adverbe,  mais  tantôt  conjonction  comme 
dans  pendant  que  vous  ferez  cela,  et  tantôt  prc|)Osition, 
comme  dans  pendant  les  vacations. 

.A  présent.  —  Vaugelas  sait  bien  que  tout  Paris  ledit, 
et  que  la  plupart  de  nos  meilleurs  écrivains  en  usent  ; 
mais  il  sait  aussi  que  cette  façon  de  parler  n'est  point 
de  la  l'our.  On  y  dit  «  celle  heure,  maintenant,  aujour- 
d'hui, en  ce  temps,  présentement. 

A  qui  mieux  mieux.  —  Locution  vieille  et  basse 
(1647),  qui  n'est  plus  en  usage  parmi  les  bons  auteurs, 


4  34 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ainsi  que  à  qui  mieux,  comme  l'écrivent  quelques-uns. 
Il  faut  dire  «  l'envi. 

Partant.  —  Ce  mot,  qui  semble  si  nécessaire  dans  le 
raisonnement,  et  qui  est  si  commode  en  tant  de  ren- 
contres, commence  néanmoins  à  vieillir  et  à  n'être  plus 
guère  reçu  dans  le  beau  sljle. 

Lors  et  Alors.  —  C'est  mal  parler  que  de  dire,  comme 
font  quelques-uns  de  nos  meilleurs  écrivains,  voijant 
lors  le  péril  dont  il  était  menacé.  Le  maître  des  maîtres, 
Tusage,  enseigne  qu'il  faut  dire  voyant  alors  le  péril,  etc. 

A  peu  près.  —  Quelques-uns  soutiennent  qu'au  lieu 
de  cela  il  faudrait  dire  à  forprès,  et  d'autres  disent  et 
écrivent  à  plus  près,  comme  plus  conforme  à  la  raison 
et  plus  aisé  à  comprendre.  Vaugelas  n'est  pas  de  cet 
avis  ;  car,  outre  qu'il  n'y  a  pas  à  répliquer  contre 
l'usage,  qui  établit  bien  d'autres  manières  de  parler 
contre  la  raison,  il  ne  lui  semble  pas  qu'à  peu  près 
doive  être  mis  au  nombre  de  celles-là. 

Il  en  est  des  hommes  comme  de  ces  animaux.  —  Cette 
forme  de  comparaison  est  très-française  et  très-belle  ; 
mais  il  y  a  une  chose  à  laquelle  nos  meilleurs  écrivains 
sont  accoutumés  de  manquer  ;  c'est  qu'ils  disent  il  en 
est,  quand  il  faut  ôter  le  mot  en. 

Revêtant,  Revêtissant.  —  Il  faut  dire  revêtant,  parce 
que  le  «  participe  actif  »  se  forme  de  la  première  per- 
sonne plurielle  du  présent  de  l'indicatif,  en  changeant 
ons  en  ant. 

Humilité.  —  L'usage  de  ce  mot,  dans  notre  langue, 
est  purement  chrétien,  et  ne  signifie  point  du  tout  ce 
que  humilitas  veut  dire  en  bon  latin,  les  anciens 
«  Payens  »  ayant  si  peu  connu  celte  vertu  chrétienne. 

Rimes  dans  la  prose.  —  Il  faut  avoir  grand  soin 
d'éviter  les  rimes  en  prose,  car  elles  y  sont  un  grand 
défaut  ;  et  ce  n'est  pas  assez  de  les  éviter  dans  les 
cadences  des  périodes,  ou  des  membres  d'une  période, 
il  faut  les  éviter  dans  les  mots  rapprochés  les  uns  des 
autres  comme,  par  exemple,  dans  il  entend  pourtant 
avant  toutes  choses,  davantage  de  courage,  etc. 

Exact,  Exactitude.  —  Plusieurs  écrivent  exacte  au 
masculin  ;  c'est  très-mal,  il  faut  exact.  Quant  à  exacti- 
tude, c'est  un  m.ot  que  Vaugelas  «  a  vu  niiître  comme 
un  monstre  »,  tout  le  monde  criant  contre  lui  ;  mais  il 
avait  prévu  qu'on  «  s'y  a[)privoiserail  »  parce  que  c'élail 
un  mot  nécessaire. 

Mânes.  —  Il  faut  prendre  garde  de  l'employer  comme 
les  Latins,  pour  signifier  les  Dieux  infernaux;  il  ne 
s'emploie  dans  notre  langue,  ni  en  poésie  ni  en  prose, 
que  dans  la  signification  de  âme  d'une  personne. 

Souloit.  —  Quoique  ce  mot  (imparfait  du  verbe  sou. 
loir,  avoir  coutume)  soit  vieux,  il  serait  fort  à  souhaiter 
qu'il  fût  encore  en  usage  parce  que  l'on  a  souvent  besoin 
d'e.x|irimcr  ce  qu'il  signifie. 

Autant.  —  Quand  ce  mot  est  comparatif,  il  demande 
que  après  lui,  et  non  pas  comme,  qu'emploient  ;i  tort 
une  iiiliiiité  de  gens. 

Oui.  —  Vaugelas  ne  peut  comprendre  pourquoi  ce 
mol  vcul  que  l'on  prononce  celui  qui  le  précède  «  tout 
de  même  »  que  s'il  y  avait  un  h  consonne  devant  oui, 


el  que  l'on  écrivit  houi.  Ainsi,  quoique  l'on  écrive  cet 
oui,  on  prononce  ce  oui. 

Innumerable,  Innombrable.  —  Du  temps  du  cardinal 
du  Perron  el  de  M.  Coëffeteau,  on  disait  toujours  inn.u- 
merable,  et  jamais  innombrable  ;  maintenant  (1647), 
c'est  le  contraire,  on  dit  innombrable  et  non  innume- 
rable. 

Mêmement.  —  Il  y  a  25  ans  (1647),  il  passait  déjà 
pour  vieux  ;  on  disait  mêmes  à  sa  place.  Il  n'a  pas  été 
rajeuni. 

De  deçà.  De  de-là.  —  Il  y  en  a  qui  disent  les  nou- 
velles de  de  deçà  ;  il  faut ,  en  mettant  un  de  de  moins, 
dire  les  nouvelles  de  deçà. 

Affaire.  —  Ce  mot  est  toujours  féminin  à  la  Cour  et 
dans  les  bons  auteurs;  au  Palais,  on  l'a  toujours  fait 
masculin  jusqu'ici,  mais  les  jeunes  avocats  commencent 
à  le  faire  féminin. 

Bénit,  béni.  —  Tous  deux  sont  bons  ;  mais  ils  s'em- 
ploient différemment.  Bénit  semble  être  consacré  aux 
choses  saintes.  On  dit  à  la  Vierge  :  Tu  es  bénite  entre 
toutes  les  femmes  ;  on  dit  de  l'eau  bénite,  du  pain  bénit, 
un  cierge  bénit.  Mais  hors  de  là,  on  emploie  toujours 
be7ii  et  bénie. 

Dépenser,  dépendre.  Tous  deux  sont  bons,  car  ils 
se  disent  el  s'écrivent  tous  les  jours,  avec  cette  diffé- 
rence pourtant  que  dépenser  était  autrefois  plus  en 
usage  à  la  Cour  que  dépendre,  el  qu'aujourd'hui,  au 
contraire,  on  y  dit  plutôt  dépendre  que  dépenser.  Ce 
dernier  est  maintenant  plus  usité  à  la  Ville. 

Guigner  la  bonne  grâce.  —  C'est  une  faute  ;  on  doit 
dire  guigner  les  bonnes  grâces,  car  bontie  grâce,  au  sin- 
gulier, signifie  autre  chose  qu'au  pluriel. 

Délice.  —  Beaucoup  de  gens  disent  c'est  un  délice  ; 
mais  c'est  une  façon  de  parler  très-basse.  Délice  ne  se 
dit  point  dans  le  beau  langage  autrement  qu'au  pluriel, 
nombre  auquel  il  est  féminin. 

Guarir,  guérir,  sarge.  —  Autrefois,  on  disait  plutôt 
guarir  que  guérir  ;  mais  ceux  qui  parlent  el  écrivent 
bien  disent  guérir.  —  Toute  la  ville  de  Paris  dit  serge, 
el  toute  la  Cour  dit  sarge. 

A  travers,  au  travers.  —  Tous  deux  sont  bons  ;  mais 
au  travers  est  beaucoup  meilleur  el  plus  usité. 

A  rencontre.  —  Ce  terme  est  purement  du  Palais,  où 
il  s'emploie  comme  préposition  et  comme  adverbe  ; 
mais  il  ne  se  trouve  point  dans  les  bons  auteurs,  et  ne 
se  dit  jamais  à  la  Cour. 

//  fut  fait  mourir.  —  Cette  façon  de  parler  est  très- 
ordinaire  le  long  de  la  Loire  el  dans  les  provinces  voi- 
sines pour  dire  :  //  fxit  exécuté  à  murt .  La  noblesse 
du  pays  l'a  ajiporlée  à  la  Cour,  où  plusieurs  l'emploient 
aussi,  et  Coëfi'eteau,  qui  était  du  Maine,  en  a  usé  égale- 
ment. Celte  locution  se  trouve  en  italien.  Malgré  cela, 
elle  est  condamnée  par  tous  ceux  qui  font  profession  de 
bien  parler  et  de  bien  écrire. 

Encore.  —  Qu'on  emploie  toujours  celle  orthographe, 
mais  jamais  encor  ni  cncores. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  RKUACTEDa-GÉBANT  :  Ema«  MARTIN. 


LE  COURRIER   DE   VAUGELAS 


133 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine 


Un  Prêtre  marié  ;  par  Jules  Barbey  d'Aurevilly.  3"  édi- 
tion. ln-12,  /|36  p.  Paris,  lilx  Palmé. 

Trente  ans  dans  les  harems  d'Orient.  Souvenirs 
intimes  de  Melek-Hanum,  femme  de  S.  A.  le  grand-vizir 
Kibrizli-Mehemet-Pacha.  18Z|0-1870.  In-18  jésus,  i\-36/i  p. 
et  port.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Les  Pensées;  par  Biaise  Pascal.  Edition  revue.  Iq-8', 
237  p.  Limoges,  lib.  E.  Ardant  et  Cie. 

Mademoiselle  de  Cérignan  ;  par  Maurice  Sand.  In-i8jé- 
sus,  363  p.  In-18  Jésus.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  3 fr.  50. 
Trois  mois  de  vacances  ;  par  Mme  iNanine  Souvestre. 
7=  édition.  In-12,  'J87  p.  et  grav.  Tours,  lib.  Mame  et  fils. 
Les  Enfants  du  capitaine  Grant,  Voyage  autour 
du  monde;  par  Jules  Verne.  3"  partie.  Océan  pacifique. 
9'  édition.  In-18  jésus,  292  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie.  3  fr. 
La  Poésie,  études  sur  les  chefs-d'œuvre  des  poètes 
de  tous  les  temps  et  de  tous  les  pays  ;  par  Paul  Albert, 
maître  de  conférences  à  lEcole  normale  supérieure.  3'  édi- 
tion. In-8°,  i02  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  5  fr. 

Nouvelle  Grammaire  française  fondée  sur  l'histoire 
de  la  langue,  à  l'usage  des  établissements  d'instruction 
secondaire;  par  Auguste  Brachet,  professeur  à  l'Ecole  poly- 
technique. In-12,  xix-2/(8  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
1  fr.  50. 

Histoire  de  la  littérature  française  depuis  ses  ori- 
gines jusqu'à  nos  jours;  par  J.  Demogeot,  ancien  pro- 
fesseur de  rhétorique  au  lycée  St-Louis.  14' édition,  aug- 
mentée d'un  appendice,  contenant  l'indication  des  princi- 
pales œuvres  littéraires  publiées  depuis  1830  jusqu'en  187û. 
In-18  jésus,  xiv-702  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  h  fr. 


Une  femme  capricieuse;  par  Mme  Emilie  Carlen. 
Traduit  du  suédois  par  Mlle  R.  du  Puget.  T.  2.  In-18  jésus, 
Zi32  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 

Nouveaux  contes  bleus  ;  par  Edouard  Laboulaye,  de 
l'Institut.  Briam  le  fou.  Petit  bonhomme  gris.  Deux  exor- 
cistes. Zerbin.  Pacha  berger.  Perlino.  Sagesse  des  nations. 
Château  de  la  vie.  2«  édition.  In-18  jésus,  326  p.  Paris, 
impr.  Raçon  et  Cie.  3  fr.  50. 

Histoire  de  Manon  Lescaut  et  du  chevalier  Des 
Grieux  ;  par  l'abbé  Prévost.  Précédée  d'une  étude  par 
Arsène  Houssaye.  Six  eaux-fortes  par  Hédoin.  Première 
partie,  ln-16,  xxxii-180  p.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles. 

La  Diva  tirelire  ;  par  Léopold  Stapleaux.  In-18  jésus, 
.367  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Extraits  des  Contes  d'un  grand-pére  ;  par  Walter 
Scott.  Publiés  avec  une  introduction  et  des  notes  par 
A.  Talandier,  professeurau  lycée  HenrilV.  In-16,  viii-l75p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  1  fr.  50. 

Les  Serées  de  Guillaume  Bouchet,  sieur  de  Brécourt, 
avec  notice  et  index,  par  C.  E.  Roybet.  T.  3.  In-12,  319  p. 
Paris,  lib.  Lemerre.  7  fr.  50. 

Les  Compagnons  du  Roi;  par  Albert  Delpit.  In-18 
jésus;  426  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Paris,  suite  du  Paradis  des  femmes  ;  par  Paul 
Féval.  2"  édition.  In-18  j.-sus,  /|88  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Histoire  de  la  littérature  française,  depuis  son 
origine  jusqu'à  la  Renaissance  ;  par  Charles  Gidel, 
professeur  de  rhétorique  au  lycée  Fontanes.  Petit  in-12, 
Zi76  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  2  fr.  50. 


Publications   antérieures  : 


DE  LA  FORMATION  DES  ANCIENS  NOMS  DE 
LIEU,  traité  pratique  suivi  de  remarques  sur  des  noms  de 
lieu  fournis  par  divers  documents.  —  Par  J.  Quicherat.  — 
Petit  10-8°.  —  Paris,  librairie  A .  Franck,  67,  rue  Richelieu. 


ŒUVRES  COMPLÈTES  DE  :\IELIN  DE  SAINCT- 
GELAYS,  avec  un  commentaire  inédit  de  B.  de  la  Mon- 
noye,  des  remarques  de  MM.  Emm.  Philippes-Beaulieux, 
R.  Dezeimeris,  etc.  Edition  revue,  annotée  et  publiée  par 
Prosper  Blanchemain.  —  T.  2.  —  In-16,  365  p.  —  Paris, 
librairie  ûaffis,  9,  rue  des  Deaux-.Arts. 


LE  GRAND  TESTAMENT  DE  VILLON  ET  LE  PE- 
TIT. Son  Codicille.  Le  Jargon  et  ses  ballades,  aussi  le 
rondeau  que  ledit  Villon  fist  quand  il  fust  jugé  à  mort,  et 
la  requeste  qu'il  bailla  k  Messeigneurs  de  Parlement  et  à 
Monseigneur  de  Bourbon.—  111.  —  In-16,  120  p.  —  Lille, 
imprimerie  Six-Hormans. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARD,  publiées  par  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  Siméon  Luce.  T.  5. 
1356-1360. Depuis  les  préliminaires  de  la  paix  de  Poitiers 


jusqu'il  l'expédition  d'Edouard  III  en  Champagne  et  dans 
l'Ile-de-France.  —  In-8°,  lxxi-Zi36  p.  —  Paris,  librairie 
V  J.  Renouard.  —  Prix  :  9  francs. 


L  INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fischba- 
clier,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  i'*  année,  15  fr.; 
2"!  année,  10  fr.;  3"  année,  12  fr.;  4=  année,  8  fr.;  5=  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


DU  DIALECTE  BLAISOIS  et  de  sa  conformité  avec 
l'ancienne  langue  et  l'ancienne  prononciation  française. — 
Thèse  présentée  à  la  faculti^  des  lettres  de  Paris,  par  F. 
T.\LBt;nT,  professeur  de  rhétorique  au  prytanée  militaire  de 
La  Flèche.  —  Paris,  Ernest  Tliorin,  éditeur,  libraire  du 
Collège  de  France  et  de  l'Ecole  normale  supérieure,  7,  rue 
de  Médicis. 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANCE,  AN- 
CIENNES ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 


436 


LE  COURRIER  DE   VAUGELAS 


logique  et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Montjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bo.n.wenture  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  Jacob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  éditeur,  à-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  ia-16  :  5  fr.  ;  in-8»  :  2  fr.  50. 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANCION,  composée  par 
CHARLEsSoREL,sieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos   et  notes  par   Emile   Colombay.    —    Paris, 


Adolphe  Delahays,  éditeur,  /i-6,  rue  Voltaire. 
5fr.;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 


• ln-16 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


PROPOS  RUSTIQUES,  BALIVERNES,  CONTES  ET 
DISCOURS  D'EUTRAPEL.  —  Par  Noël  du  Fail,  seigneur 
de  la  Hérissaye,  gentilhomme  breton.  —  Edition  annotée, 
précédée  d'un  essai  sur  Noël  du  Fail  et  ses  écrits.  —  Par 
Marie  Guichard.  —  Paris,  librairie  Charpentier,  19,  rue  de 
Lille. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  lang^ue  à  l'étranger. 


L 

Les  Professeurs  de  français  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  confiance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepleurs,  /|2,  Queen  Square  à  Londres,  W.  C,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

II. 

Sous  le  titre  de  Revue  aytglo- française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Angletebre  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires.  —  L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la 
France,  et  il  se  prend  à  Paris  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue  de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart, 
2,  rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Ac.\DÉMiE  française  proposc  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  Ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au 
Concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  inédits  et 
n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront 
une  épigraphe  qui  sera  répétée  h  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  — 
Sont  seuls  admis  à  concourir:  1°  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane;  2»  les 
étrangc-rs,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire 
de  la  Société  Florimontane,  avant  le  l""-  juillet  1875.  —  Ils  resteront  déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les 
auteurs  pourront  en  prendre  connaissance.  —  Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins 
de  cent  vers. 


L'Académie  française  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone.  —  Le  nombre  des  vers 
ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents.  —  Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secré- 
tariat do  l'Institut,  franches  de  port,  avant  le  15  février  1875,  terme  de  rigueur.  —  Les  manuscrits  porteront  chacun 
une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  h  l'ouvrage;  ce  billet  contiendra  le  nom  et 
l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours, 
mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 

IjC  réiiacleiir  du  Courrier  de  Vnuiichis  csl  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouvbhneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


6'  Année. 


N°    18. 


15  Décembre  1874. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


^^ 


^\^^ 


^"^ 


DE 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


Journal  Semi-Mensuel 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANi; 
Paraiaaant    la    I»  et    le    1 S    de   eha«ae   mois 


PRIX   : 

Rédacteur:  Emàn  MARTIN 

ON  S'ABONNE 

Abonnomcnt  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 

ANXIEN     PROFESSEUR      SPF,GI.\L      POCR      LES      ÉTRANGERS 

Oflicier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris. 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,   soit  à   l'Adm' 
M.  FiscHBACHEH,  33,  rue  de  Seine. 

SO.MMAIRE. 

Trois  communications;  —  Étjmologie  de  Écrevisse;  —  Justifica- 
tion de  Tendre  comme  la  rosée;  —  Emploi  de  l'impersonnel 
Il  chaut;  —  Différence  entre  Arriver  comme  Mars  en  carême 
et  Arriver  comme  marée  en  carême;  —  Explication  de  A  qui 
mieux  mieux;  —  DifTérence  entre  Ascension  et  Assompli'in; 
—  Origine  de  Pantalon  pour  désigner  un  homme.  1|  Si  Com- 
pliment peut  se  dire  quand  il  arrive  un  malheur  à  quelqu'un.  || 
Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie  de  Vauge- 
las.  Il  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Renseigne- 
ments pour  les  professeurs  français.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


CO.M.MUNICATIONS. 
1. 
Le  7  novembre,  M.  Georges  Garnier  m'a  adressé  de 
Por[-en-Bessin  une  liste  devant  compléter  celle  que  j'ai 
donnée  dans  mon  numéro  ^^.  Je  m'empresse  de  la  pu- 
blier en  faisant  suivre  d'un  astérisqtie  les  gentilés  qui 
diffèrent  plus  ou  moins  des  miens. 
A. 
Mais,  les  Alësiens ;  klet,  les  Alétiens;  Angoulème,  les  An- 
goulémiens';  Apt,   les  Aptésiens;  Andelys,  les  Andelysiens: 
Arbois,  les  Arboisiens';  Arras,  les  Atrébatiens. 
B,  C. 
Brives,  les  Brivois:  Bazas,  les  Bazadois;  Bourges,  les  Bitu- 
rigiens;  Cahors,  les  Cahorsais*  ou  Cadurques'. 
E. 
Eu,  les  Augiens';  Elbeuf,  les  Elbouviens*. 

G. 
Grandcatnp,   Ips  Grandcampois:  Gy,  les  Gyssiens:  Guèret, 
les  Guéretins  ou  Guérétains. 

H,  J,  L. 
Le  Havre,  les  Haïrais;  Jussey,  les  Jusséens;  Limoges,  les 
Lémoviciens' . 

M,  N,  G. 
Meaux,  les  Meldéens;  Mirebeau,  les  Mirebalais;  Nantua,  les 
Nantiiéens  ou  yantuains;  Ornans,  les  Ornansais. 
P. 
Poitiers,  les  Piclaviens;  Périgueux,  les  Pêlricoriens;  Port-en- 
Bessin,  les  Portais;  Pont-Audemer,  les  Pont-Audomariens ; 
Paimbeuf,  les  Paimbouviens. 

U,  R. 
Quillebeuf,  les  Quillebouviens ;  Rennes,  les  Rédoniens*;  Ro- 
dez, le&Rutèniens*. 


S. 
Séez,  les  Sagiens  ou  Séens':  Saint-Brieuc,  les  Saint-Brio- 
siens';  les  Sables-d'Olonne,  les  ùlonnais;  Saintes,  les  Sain- 
tons;  Saint-Denys,  les  Saitit-Dyonisiens;  Sceaux,  les  Scéens; 
Saint-Germain,  les  Saint-Germainiens';  St-Vaast,  les  Valais; 
Saint-Jean-de-Losne,  les  Lônois. 
T,  V. 
Tréguier,  les  Trécoriens* ;  Vannes,   les   Venètes*  ou  Van- 
nais'; Vernon,  les  Vemonais.  ' 

Grâce  à  cette  communication,  dont  je  ne  saurais  trop 
remercier  l'auteur,  il  va  m'étre  permis  de  répondre 
prochainement,  et  plus  complèlemnt  que  je  n'aurais  pu 
le  faire  sans  elle,  à  l'intéressante  question  que  -M.  Fille- 
min  a  bien  voulu  madresser. 
II. 

En  me  réclamant  le  numéro  3,  qui  ne  lui  était  pas 
parvenu  quoique,  pour  plus  de  sûreté,  je  le  lui  eusse 
adressé  moi-même,  un  nouvel  abonné,  .M.  Ernest  David, 
m'a  écrit  ce  qui  suit  au  sujet  d'une  «  inconséquence  » 
dont  je  me  serais  rendu  coupable  : 

Je  profite  de  celte  lettre  pour  vous  signaler  une  légère 
inconséquence  dans  le  Courrier.  Unns  plusieurs  endroits, 
vous  dites  avec  raison  que  l'on  ne  doit  pas  se  servir  de  que 
dans  la  plirase  :  «  Ceci  ne  laisse  pas  que  d'être  »  et  qu'il 
faut  dire:  «  Ceci  ne  laisse  pas  d'être.  »  Mais  dans  votre 
n*  17,  1"  juin  1870,  p.  13'2,  vous  avez  laissé  passer  cette 
phrase  :  «  Ce  qui  ne  laisse  pas  que  d'être  indifférent  ».  Je 
ne  pense  pas  que  ce  soit  une  coquille  du  compositeur.  Un 
mot  d'explication,  je  vous  prie,  dans  le  prochain  numéro 
de  votre  excellent  journal. 

Mon  explication  sera  bien  simple. 

Pendant  longtemps,  moi  aussi,  j'avais  cru  qu'on  pou- 
vait dire  ne  pas  laisser  que  de,  et  je  le  croyais  encore 
quand  j'ai  rédigé  le  numéro  du  Courrier  de  Vaugelas 
en  question.  J'ai  écrit  en  ^870  : 

Ce  qui  ne  laisse  pas  que  d'être  indiffèrent. 

.Mais  en  décembre  1873,  la  question  de  savoir  s'il 
faut  que  dans  cette  phrase  et  autres  analogues  m'ayant 
été  soumise,  je  l'ai  résolue  avec  abondance  de  preuves 
dans  le  sens  de  la  suppression  do  que;el  depuis  lors, 
pour  être  conséquent,  j'ai  signalé  que  après  laisser 
comme  une  faute. 

Je  remercie  sincèrement  .M.  Ernest  David  de  lire  si 
atlenlivemenl  ma  petite  feuille,  et  surtout  de  vouloir 


<38 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


bien  prendre  la  peine  de  m'indiquer  les  erreurs  que  je 
puis  y  commettre. 

III. 
Le  9  du  mois  dernier,  je  recevais  d'un  littérateur- 
grammairien    (deux   termes  dont    le   premier  devrait 
toujours,    il   me  semble ,   impliquer  le  second)   cette 
critique  générale  de  la  5^  année  du  Courrier  de  Vau- 

yelas  : 

Monsieur  et  cher  confrère, 

J'ai  le  regret  tie  vous  dire  que  votre  réponse  à  ma  ques- 
tion sur  l'emploi  du  mot  de  dans  «  il  y  en  avait  de  brunes...  » 
ne  m'a  pas  entièrement  satisfait.  «  Si  au  lieu  de  qui  étaient, 
on  met,  dites-vous,  le  mot  de...  n.  Eh  bieni  mais  si  on  met- 
tait le  mot  des,  comme  font  certains  écrivains,  qu'arrive- 
rait-il? Bemarquez  que,  dans  la  première  phrase,  vous 
avez  des  princesses  et  non  de  princesses. 

Le  défaut  de  votre  explication,  c'est  qu'elle  est  fondée 
sur  une  supposition.  Je  préfère  celle  de  M.  Baudry,  l'au- 
teur de  la  Grammaire  comparée  du  sanscrit,  du  grec  et  du 
latin,  qui  me  disait  hier  que  la  suppression  de  l'article 
tenait  surtout  à  ce  que  de  précédait  immédiatement  l'ad- 
jectif. 

J'ai  lu  avec  intérêt  la  collection  des  numéros  du  Cour- 
rier de  Vaugelas  que  vous  m'avez  adressée.  Je  goûte  le  plus 
souvent  les  raisons  que  vous  donnez  des  choses-,  mais  per- 
mettez-moi de  vous  confier  que  je  ne  suis  pas  de  votre 
avis  sur  certaines  phrases  interjetées  dont  il  est  question 
dans  votre  n°  7. 

Vous  trouvez  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  chercher  des 
synonymes  à  Dire.  Vous  en  parlez  bien  à  votre  aise.  Si  vous 
écriviez  des  romans,  vous  sentiriez  l'ennui  que  cause  dans 
le  dialogue  la  perpétuelle  répétition  de  dit-il  avec  ou  sans 
le  participe  précédé  de  en,  qui  rend  la  phrase  si  lourde  et 
si  languisfante.  Le  verbe  Dire  donne  alors  autant  de  tabla- 
ture que  le  verbe  Avoir,  le  verbe  Faire  et  le  verbe  Être  qui, 
au  dire  de  Dumas  fils  (préface  générale  de  son  Théâtre  com- 
plet), d  décourageraient  les  plus  braves.  » 

Vous  ne  voulez  pas  de  s'exclamat-il.  Pourquoi?  Remarquez 
ciue  s'exclama-t-il  est  formé  exactement  comme  s'écria-t-il, 
qui,  pas  plus  que  lui,  n'a  le  régime  qui  lui  convient,  et  qu'il 
ajoute  une  nuance  â  1  idée,  comme  doit  le  faire  tout  bon 
synonyme  ;  la  clameur  étant  plus  forte  que  le  cri.  Permet- 
tez-moi donc  de  demander  des  lettres  de  naturalisation 
pour  s'exclamal-il. 

Au  numéro  2,  je  préfère,  sans  oser,  hélas!  les  employer, 
les  gallicismes  du  xvii'  pt  du  xviii'  siècle  :  que  nous  disions 
qui...,  ç»e  vous  espériez  çui...,  à  votre  construction  :  que 
nous  disions  vous  ressembler,  que  vous  espériez  ne  devoir  pas 
être  connue. 

En  général,  les  grammairiens  visent  trop  à  la  régularité 
gramoiaticalp,  et  ne  tiennent  pas  a=;sez  de  compte  de  la  viva- 
cité, la  première  qualité  française  après  la  clarté. 

Entin,  numéro  11,  dans  vos  Phrases  à  corriger,  sm  lieu  de  : 
«  Ils  se  plaignent  avec  raison  qu'on  leur  fait  jouer,  »  vous 
voulez  qu'on  écrive  :  qu'on  leur  fasse.  Or,  d'après  Littré, 
on  met  le  subjonctif  seulement  a  lorsque  le  sens  est  que 
l'acte  exprimé  par  le  verbe  au  subjonctif  est  hypothé- 
tique. • 

Et  qui  peut  mieux  que  l'auteur  savoir  s'il  y  a,  ou  non, 
hypothèse  dans  son  idée? 

J'aflirme  quils  se  plaignent  qu'on  leur  fait  jouer...  De 
quel  droit  rhanf!ez-vous  lt>  caractère  de  ma  phrase  et  faites- 
vous  un  doute  de  mon  aftirmalion? 

Voilà,  monsieur  et  cher  confrère,  à  peu  près  toutes  les 
observations  que  j'avais  à  vous  adresser.  S'il  vous  plaît  de 
les  discuter  dans  votre  journal,  occupez-vous  surtout,  je 
vous  prie,  de  s'exclama-l-il,  que  je  voudrais  voir  adopter,  le 
croyant  nécessaire. 

Agréez,  monsieur  et  cher  confrère,  l'assurance  de  mes 
meilleurs  sentiments. 

Charles  Ogulin. 


Je  ne  répondrai  à  la  communication  qu'on  vient  de 
lire  qu'après  avoir  répondu  à  celle  de  .M.  Fillerain.  Mais 
je  puis  ofl'rir  immédiatement  mes  bien  sincères  remer- 
ciements à  M.  Charles  Deulin,  et  je  m'empresse  de  le 
prier  de  vouloir  bien  les  agréer. 

X 

Première  Question. 
Votre  explication  de  cancre,  emplotjé  en  termes  de 
classes  plutôt  que  écrevisse,  me  donne  l'idée  de  vous 
demander  l'é/ymolocjie  de  ce  dernier  mot.  Littré  dit 
qu'il  rient  du  <'  haut  allemand  schrepiz;  allemand 
KKEBs  ».  Ne  pourrait-on  pas  aussi.,  et  peut-être  mieux, 
le  tirer  du  latin  cauabus? 

k  la  vérité,  .M.  Littré  dit  que  l'étymologie  de  écrevisse 
est  l'ancien  haut  allemand  (le  saxon)  sc/ire;;/;,  allemand 
moderne  krebs.  Mais  il  donne  pour  formes  de  ce  mot, 
dans  le  namurois,  (jravase,  et  en  rouchi,  graviche. 
Comment  cela  a-t-il  pu  se  faire?  On  a  bien  de  nombreux 
exemples  de  a  changé  en  e,  mais  un  e  changé  en  a  me 
semble  généralement  contraire  à  la  loi  de  la  permuta- 
tion de  cette  voyelle. 

D'un  autre  côté,  écrevisse  se  dit  craicfish  et  crayfish 
en  anglais,  langue  dérivée  en  partie  du  saxon.  Com- 
ment l'e  de  schre  ou  kre  a-t-il  pu  se  changer  en  un  a 
que  l'on  tenait  tellement  à  maintenir  qu'il  reste  encore 
lorsqu'il  prend  le  son  de  é  dans  crayfish  ? 

Il  faut  que  écrevisse  dérive  d'une  autre  source. 

Est-ce  de  carabus  ? 

Il  y  a  certes  plus  d'une  raison  pour  le  croire;  car,  en 
appliquant  à  ce  terme  les  règles  de  la  permutation  des 
lettres,  on  peut  reproduire  toutes  les  formes  connues 
de  écrevisse,  en  allemand,  en  anglais,  dans  les  patois 
et  en  français. 

.Vinsi  de  carabus,  on  fait  crabe  par  suppression  du 
premier  a  et  changement  de  u  en  e. 

Puis,  au  mojen  d'une  terminaison  diminutive,  va- 
riable selon  les  pays,  on  forme  naturellement  de  crabe  : 

L'anglais  crawfish,  crayfish  (b  =  v  =  f)  ; 

Le  haut  allemand  shrepiz  ou  krepiz  (a  =  e,  b  =  p); 

L'ancien  français  crevice  |a  =  e,  b  =  v)  ; 

Le  rouchi  graviche  (c  =;  g,  b  =  v)  ; 

Le  namurois  gravase  (c  =  g,  b  =  v)  ; 

Le  wallon  grérèse  (c  =  g,  a  =  e,  b  =  v)  ; 

Enfin,  en  préposant  un  e  [es),  ce  qui  a  eu  lieu  pour 
une  foule  d'autres  mots,  on  obtient,  par  des  mutations 
analogues  aux  précédentes  : 

Le  picard  écréviche. 

Le  genevois  écrivisse, 

Le  français  escrevisse,  écrevisse. 

Mais  carabus  lui-même  a  un  ancêtre,  le  grec  x.âpaSoç, 
signifiant  crabe,  langouste,  écrevisse  de  mer;  d'où  il 
suit  que,  rigoureusement  parlant,  c'est  ce  dernier,  et 
non  carabus,  qui  est  l'origine  demandée. 

X 

Seconde  Question. 
Comment    expliquez -vous    la    comparaison  tendre 

COMUE    LA    HOSE'k,  OU  COUME  ROSÉE? 


LE  COURIUER  DE  VAUGELAS 


139" 


Celle  comparaison, qui  se  fait  à  l'occasion  d'une  subs- 
tance alimentaire  excessivement  tendre,  existait  dans 
notre  langue  au  xiit"  siècle,  comme  en  fait  foi  l'exemple 
qui  suit,  où  il  s'agit  de  la  Beauté  : 

Teiidre  ot  la  cbar  comme  rousce, 
Simple  fu  com  uns  cspousée. 

(liom.  de  la  Rose,  vers  ioo3) 

Mais  il  faut  remonter  aux  Grecs  pour  en  avoir  l'ex- 
plication. En  effet,  voici  ce  que  dit  madame  Dacierdans 
une  note  de  sa  traduction  de  l'Odyssée  (tome  II,  p.  323, 
édit.  de  (756)  : 

Pour  dire  les  plus  jeunes,  Homère  se  sert  du  mot  t^a-r,, 
qui  signifie  la  rose'e.  Il  appelle  donc  ïç^nxi  les  agneaux  et 
les  chevreaux  les  plus  tendres,  cVst-à-dire  le«  plus  jpunes, 
et  qui  sont  comme  la  rosée.  C'est  ainsi  qu'Es-hylp,  dans 
son  Agamemnon,  a  appelé  les  petits  oiseaux  qui  viennent 
d'èclore  Spôaou;,  de  la  rosée.  De  là  les  Grecs  ont  dit  des 
cliairs  de  rose'e,  pour  dire  des  viandes  tendres  et  délicates. 
Alciphron  a  dit  r|7tap  Spoaw  npoueioxo;,  un  foye  semblable  à  la 
rosée- 
Là  rosée,  cette  couche  d'humidité  qui,  sous  l'aspect 
de  gouttelettes  liquides,  se  forme  à  la  surface  des  corps 
pendant  la  nuit,  n'a  pas  la  moindre  consistance  :  c'est 
en  la  prenant  pour  terme  de  comparaison  que  les  Grecs 
ont  dit,  et  que  nous  avons  dit  d'après  eux,  tendre 
comme  la  rosée, une  conformité  du  français  avec  le  grec 
que  Robert  Estienne  me  semble  n'avoir  pas  recueillie. 

Les  Grecs  avaient  deux  mots  pour  signifier  rosée  : 
l'un,  îcdîo;  (qui  est  passé  en  latin  sous  la  forme  ros, 
en  perdant  son  d  initial),  et  l'autre,  Iprr;.  Or,  chose 
remarquable,  et  qui  prouve  bien  que  c'est  en  prenant, 
dans  le  sens  propre,  rosée  comme  terme  de  comparai- 
son, qu'ils  ont  dit  tendre  comme  la  rosée,  c'est  qu'ils 
ont  fait  cette  comparaison  avec  les  deux  termes  signi- 
fiant rosée,  ce  qui  détruit  d'avance  toute  explication 
basée  sur  un  autre  sens  de  ce  mot. 

X 

Troisième  Question. 
Dans  le   feuilleton  de   M.    Charles   de   la   Rounat 
(xix'  SIÈCLE  du  8  septembre] j  ai  remarqué  cette  phrase  : 
«  Oh!  oui,  cela  ne  vous  chact  guère,  Je  le  vois  bien  ». 
Est-ce  bien  correct  ? 

Pour  exprimer  la  vivacité  du  désir  qu'on  a  de  faire 
ou  d'obtenir  quelque  chose,  nous  le  comparons  à  une 
flamme,  et  nous  exprimons  le  sentiment  éprouvé  par 
brûler,  griller  (langage  familier),  employés  dans  le  sens 
neutre  : 

Il  brûle  d'être  à  Rome,  afin  de  recevoir 

Du  maître  qu'il  s'y  donne  et  l'ordre  et  le  pouvoir. 

(Corneille,  Sartor.,  I.   i.) 

C'est  qu'elle  sort  d'un  sang  qu'il  brille  de  répandre. 

(Racine,  Iphig.,   H,   6.) 

L'»  femme  du  pondeur  s'en  retourne  clieï  elle; 
L'autre  grille  déjà  d'en  conter  la  nouvelle. 

(La  Fontaine.  Fnlil.,  Vin,  6.) 

Les  Latins  usaient  d'une  semblable  comparaison 
pour  exprimer  l'action  de  désirer;  ils  employaient  à 
cet  effet  le  verbe  calere,  être  chaud,  avoir  chaud,  avoir 
la  fièvre  : 


Tubas  audire  calcns  (Stat.)  ;  —  Quœ  stravisso  calcn!  (Claud.) 
(Brûlant  d'entendre  la  trompette;  —  L'ennemi  qu'ils 
brûlent  de  terrasser.) 

Nous  avons  pris  ce  verbe  du  latin;  mais  nous  lui 
avons  donné  une  construction  requérant  i"  la  forme 
impersonnelle,  2°  toujours  au  datif  (avec  à)  le  nom  de 
la  personne  à  qui  l'on  attribue  le  désir  ou  l'envie  de 
quelque  chose,  et  3°  au  génilif  (avec  de)  le  nom  de  la 
personne  ou  de  la  chose  qui  excite  ce  désir  ou  cette 
envie. 

Celte  construction  a  existé  dans  notre  ancienne  langue 
comme  le  prouvent  ces  citations,  que  j'emprunie  au 
dictionnaire  de  Littré,  citations  où  le  pronom  //  est  le 
plus  souvent  sous-entendu  : 

[11]  Ne  lui  chaV,  sire,  de  quel  mort  nous  muriuns. 

(CA.  de  Roland,  XV.) 

E  bien  as  hui  mustred  que  [il]  rien  ne  te  chall  de  tes 

cunestables  ne  de  tes  hommes. 

{Bois,  191.) 

//  ne  chaloit,  à  cens  qui  l'o.-t  voloient  depecier,  del  meil- 
leur ne  del  peieur,  mais  que  li  ost  se  despartist. 

(Villehardouin,  LXXXIX.) 

C'estoient  païens,  auxquels  il  chaloit  autant  de  J.-C.  que 
de  celui  qui  n'avoit  jamais  esté. 

(Calvin,  Insi  ,  i55.) 

La  même  construction  existe  encore  dans  la  langue 
moderne,  car  j'ai  trouvé  : 
Il  ne  vous  en  chaut,  n'est-ce  pas? 

(Littré,  Dicl.) 

Que  tout  s'y  pervertisse,  il  ne  m'en  chaut  d'un  double. 

(Régnier,  Sat.,  VI.) 

Soit  de  bond  soit  de  volée,  que  nous  en  chaut-il,  pourvu 
que  nous  prenions  la  ville  de  gloire? 

(Pascal,  Prov.,  9.) 
Car  quant  à  moi,  du  plaisir  [il]  ne  me  chaut, 
A  moins  qu'il  soit  mêlé  d'un  peu  de  peine. 

(La  Fontaine,  Gageure.) 

Or,  dans  aucun  de  ces  exemples,  ni  nulle  part  ail- 
leurs, on  ne  voit  le  nom  de  la  personne  ou  de  la  chose 
qui  donne  la  chaleur  (le  désir,  l'envie)  construit  sans  la 
préposition  de  avant  lui,  ce  qui  me  fait  croire  que  la 
phrase  que  vous  me  signalez  contient  une  faute,  et 
qu'elle  devrait  être  corrigée  de  l'une  de  ces  deux  ma- 
nières : 

Oh  !  oui,  il  ne  vous  chaut  guère  de  cela. 

Oh  !  oui,  (/  ne  vous  en  chaut  guère. 
X 
Quatrième  Question. 

Faut-il  dire  cela  arrive  comme  mare'e  en  carême,  ou 

CELA  ARRIVE  COMME  MARS  E\  CARÊME? 

En  parlant  d'une  chose  qui  arrive  immanquablement, 
on  dit  cela  arrive  comme  mars  en  carême,  parce  que 
mars  se  trouve  toujours  en  carême;  mais  en  parlant 
d'une  chose  qui  arrive  à  propos,  on  dit  cela  arrive 
comme  marée  en  carême,  attendu  qu'au  temps  où  l'on 
observait  rigoureusement  le  jeûne  et  l'abstinence  qui 
précèdent  Pâques,  rien  n'arrivait  plus  à  propos  que  la 
marée. 

Cette  question  a  déjà  été  traitée  page  i)2,  dans  la 
1"  aTinée  du  Courrier  de  Vaugclas. 


HO 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
Dans  la  construction  de  la  phrase  suivante  :  «  Ils 
crient  A  qui  mieux  mieux  »,  comment  rendez- vous 
compte  d'abord  de  la  préposition  a,  et  ensuite  du  redou- 
blement de  MrECX,  qui  ne  se  trouve,  je  crois,  en  aucune 
autre  langue  ? 

Les  phrases  dont  le  verbe  est  suivi  de  à  qui  sont 
elliptiques;  la  préposition  à  y  est  l'équivalent  de  a/î» 
de  savoir,  afin  de  décider,  ce  qu'on  reconnaît  facile- 
ment en  pratiquant  la  substitution  dans  les  deux  cita- 
lions  suivantes  : 

Eh  bienl  gageons  nous  deux, 

Dit  Pbébus,  sans  tant  ds  paroles, 

A  qui  plus  tût  aura  dégarni  les  épaules 

Du  cavalier  que  nous  voyons. 

(La  Fontaine,  FaU.,  VI,  3.) 

Hélène  adorée  vit  les  peuples  et  les  dieux  combattre  à  qui 
la  posséderait.  ^p  ^  ^^_^^.^^^ 

Quant  au  redoublement  mieux  mieux,  auquel  je  ne 
vois,  en  effet,  aucun  analogue  ni  en  espagnol  (où  à  qui 
mieux  mieux  se  dit  a  cual  mejor), ni  en  italien,  ni  en 
anglais,  ni  en  allemand ,  voici  l'explication  qui  me 
semble  pouvoir  en  être  donnée  : 

Autrefois,  avec  qui...  qui,  mis  pour  les  U7is...  les 
autres,  et  après  un  simple  qui,  employé  comme  complé- 
ment d'un  verbe  et  signifiant  compétition,  on  redou- 
blait les  adverbes  plus,  ains  (avant)  et  mieux,  comme 
le  montrent  ces  exemples  du  xiii%  du  xiy=  et  du  xv'= 
siècle  : 

Nos  gens  se  lassèrent  cheoir  de  la  grant  nef  en  la  barge 
[barque]  de  caniiers,  qui  plus  plus,  qui  miex  miex. 

iJoinville,  îl4.) 

Et  cil  des  grans  nés  jnefs]  entrèrent  es  barques,  et  sail- 
lirent hors  qui  ains  ains,  qui  miels  miels. 

(VUlehardoin.LXXIX.) 

Mais  au  fort  cbascun  s'assembla  : 
Qui  mieulx  mieulx  à  la  cbace  alla. 

(Emile  Deschamps,  le  Miroir,) 

Mais  cette  manière  d'exprimer  le  superlatif  des 
adverbes  après  qui  finit  par  se  perdre  \>our  plus  et  pour 
ains  (lequel  disparut  lui-même  complètement),  et,  par 
un  privilège  que  je  crois  dû  à  un  pur  caprice  de  l'usage, 
mieux,  dans  le  sens  de  le  mieux,  continua  à  se  redou- 
bler après  qui,  formant  ainsi,  vestige  d'une  construc- 
tion toute  primitive,  un  véritable  gallicisme  dans  notre 
langue  moderne. 

Seconde   Question. 
Quelle  différence  y  a-t-il  entre  ascension  et  Assomp- 
tion, dans  le  langage  religieux? 

Ces  deux  mots,  qui  expriment  tous  deux  une  éléva- 
tion miraculeuse  au  ciel,  s'emjtloicnt,  le  premier,  en 
parlant  de  Jésus-Christ,  et  le  second,  en  parlant  do  la 
vierge  Marie. 


Maintenant  pourquoi? 

J'espère  pouvoir  vous  le  dire. 

Il  s'agit  ici  de  deux  mouvements  ascensionnels  qui 
n'ont  pas  été  accomplis  dans  les  mêmes  conditions. 
Jésus-Christ  s'est  élevé  dans  le  ciel  «  par  sa  propre  puis- 
sance et  sans  le  secours  des  créatures  »  dit  le  Gros  caté- 
chisme du  diocèse  de  Chartres  (p.  22)  ;  le  mol  ascension, 
de  ascendere,  monter,  mot  au  sens  actif,  convenait  pour 
désigner  cette  élévation.  Mais  l'opinion  la  plus  com- 
mune (car  l'enlèvement  de  Marie  au  ciel  n'est  pas  un 
dogme  du  christianisme),  celle  qui  a  inspiré  Murillo 
peignant  son  admirable  toile,  étant  que  la  mère  du  Sau- 
veur fut  ravie  au  ciel  par  une  légion  d'anges,  le  mot 
assomption,  de  assumere,  prendre  avec  soi,  transporter 
vers,  valait  beaucoup  mieux  que  ascension  pour  expri- 
mer cette  action  toute  passive. 

X 

Troisième  Question. 
Pourquoi,   en   français,    nomme-t-on  pantalon   un 
homme  capable  de  jouer  toutes  sortes  de  rôles  pour  par- 
l'enir  à  ses  fins? 

Les  habitants  de  Venise  honoraient  particulièrement 
la  mémoire  de  saint  Pantaléon,  (nom  formé  de  deux 
mots  grecs  qui  signifient  tout  miséricordieux]  ;  d'où  le 
terme  de  Pantalons  pour  les  désigner  ironiquement  : 

En  un  coing  est  peint  un  Pantalon  à  barbe  grise,  qui  tire 
en  arrière  son  capitaine. 

(D'Aubigné,  Fœn.,  IV,  19.) 

Quand  le  Vénitien  parut  à  Paris  sur  la  scène  de  la 
Comédie-Ilalienne,  où  il  partagea  avec  le  Docteur  l'em- 
ploi des  pères,  il  conserva  son  costume  (culotte  prolon- 
gée, longue  robe,  habit  de  dessous  garni  de  larges  bou- 
tons) et  surtout  son  sobriquet  : 

Le  soir,  il  y  eut  comédie  italienne,  où  le  Pantalon  parut 
pour  la  première  fois;  madame  la  Uauphine  le  trouva  assez 
bon. 

(Dangeau,  I,  ^8.) 

Dans  ces  pièces,  le  Docteur  était  toujours  immolé  à 
la  risée  publique  tandis  que  Pantalon,  souvent  repré- 
senté comme  un  vieillard  amoureux  et  dupé,  un  avare, 
un  père  fantasque,  était  parfois  également  un  bon  père 
de  famille,  un  honnête  commerçant,  un  homme  plein 
de  sens  et  de  raison. 

Or,  je  pense  que  c'est  par  allusion  à  ces  emplois 
divers  de  Pantalon  qu'on  a  appelé  de  son  nom,  dans  la 
vie  réelle,  un  homme  qui,  pour  atteindre  son  but,  con- 
sent à  jouer  toutes  sortes  de  rôles. 

X 

Quatrième  Question. 
Peut-on  dire  faibe  son  compliment  a  qdelqb'bm  quand 
il  s'agit  d'un  malheur  qui  lui  arrive,  ou  qui  arrive  à 
l'un  des  siens  ? 

On  le  peut  certainement  très-bien,  et  je  vais  vous  en 
donner  une  double  preuve  : 

r  Cette  phrase  de  Mme  de  Sévigné  (20?°  lettre),  où 
il  est  question  de  quelqu'un  qui  s'empresse  d'arriver  le 
premier  pour  exprimer  au  neveu  deTurenne  la  douleur 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


U1 


qu'il  ressenl  de  la  mort  subite  de  ce  grand  homme  de 
guerre  : 

Un  gentilhomme  qui  voulut  être  le  premier  à  lui  faire 
son  compliment. 

2°  Les  lignes  suivantes,  qui  définissent  le  2°  sens  de 
compliment,  dans  le  dictionnaire  de  Littré  : 

Paroles  de  civilité  adressées  à  quelqu'un  de  vive  voix  ou 
par  lettre  au  sujet  d'un  événement  tieureux.  ou  malheu- 
reux qui  le  touche. 


PASSE-TEMPS   GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1»  Quoi  qu'il  en  soit  (en  deui  mots);  —  2°  ...  change  ses  géné- 
raux n'a  pas  laissé  de  (sans  que;  voir  Courrier  de  Vaugetas, 
4»  année,  p.  155);  —  3°  ...  Aussllùt  qu'il  a  été  arrivé,  la  chasse 
a  commencé;  —  4°  ...  des  nationalités  à  demi  souveraines  (Voir 
Courrier  de  Yaugelas,  2°  année,  p.  16Î);  — 5"  On  aura  beau  dire, 
criait-il,  M.  Thiers;  —  6°  ...  mais  bien  pour  empêcher  qu'on  ne 
créât;  —  7°  ...  la  politique  extérieure  qu'il  avait  conseillé  d'adop- 
ter; —  8°  ...  qui  songea  autre  chose  que  d'éviter  la  dissolution; 
—  9°  ...  nous  avons  fait  heurter  les  peuples  les  uns  contre  les 
autres  (l'inlinitif  doit  suivre  hnmédialement /aire). 


Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1"  Cette  proposition  ne  sauvera  personne,  parce  qu'elle 
n'aboutira  pas,  parce  qu'elle  est  morte  avant  que  de  naître, 
parce  qu'il  y  a  un  certain  degré  de  ridicule  qu'en  France 
on  ne  peut  dépasser. 

2°  Quant  aux  divisions  du  pays,  M.  Laboulaye  affirme 
qu'elles  sont  moins  grandes  que  le  répètent  les  gens  d'es- 
prit, qui  sont  prêts  à  se  charger  pendant  six  ans  de  nous 
rendre  sages. 

3°  Nous  avons  annoncé  dernièrement  à  nos  lecteurs  que 
ia  Tribune,  journal  radical  de  Bordeaux,  suspendait  pour 
quelques  jours  sa  publication,  remettant  à  l'époque  de  sa 
réapparition  les  explications  qu'il  croyait  opportun  de  don- 
ner au  public. 

4°  L'homéopathie,  qui  est  maintenant  répandue  dans 
tout  le  monde  civilisé,  guérit  d'une  manière  facile  et 
agréable,  non-seulement  les  maladies  aiguës,  mais  elle 
montre  son  effet  salutaire  dans  les  maladies  les  plus  chro- 
niques. 

5"  Sans  s'arrêter  à  jeter  de  simples  anathèmes  et  fulmi- 
ner de  vulgaires  excommunications,  M.  Benezet  examine 
les  moyens  de  suppléer  l'institution  septennale. 

6°  Le  rédacteur  en  chef  et  le  gérant  de  {'Ordre  social,  de 
Nice,  sont  cités  devant  le  juge  d'instruction  pour  publica- 
tion d'un  article  excitant  au  mépris  et  à  la  haine  des 
citoyens  les  uns  contre  les  autres. 

7»  Et  la  feuille  anglaise  ajoute  :  «  C'est  là  une  perspective 
que  l'Angleterre  peut  envisager  avec  indifférence,  voire 
même  avec  satisfaction. 

8"  Les  efforts  de  la  Prusse  pour  augmenter  ses  forces 
maritimes  ne  laissent  pas  que  de  causer  des  préoccupa- 
tions au  cabinet  de  Saint-Pétersbourg. 

9°  Laferrière,  sans  y  croire  tout  d'abord,  mais  par  curio- 
sité et  puis  par  habitude,  fit  usage  de  ce  philtre.  Il  en 
résulta  que  La  Kerrière,  â  74  ans,  en  parait  trente. 

(Les  corrections  à  quinzaine.] 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE    DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE   MOITIÉ   DU   XVH»  SIECLE. 

VAUGELAS. 

fSuite.j 

Articles  devant  les  noms  propres.  —  Plusieurs  disent 
le  Plu/arque,  le  Pétrone,  etc.  C'est  mal  parler  ;  il  ne 
faut  pas  employer  l'article,  pour  se  conformer  au  génie 
de  notre  langue.  Cependant  il  y  a  une  exception;  on 
dit  :  le  Pétrarque,  l'AriosIe,  le  Tasse,  le  Boccace,  le 
Bembe,  probablement  parce  qu'en  Italie  on  dit  :  il  Pe- 
trarca,  l'Ariosto,  il  Tassa,  etc. 

Fors,  hors,  hors-mis.  —  Aujourd'hui  fors,  qui  se 
disait  autrefois  en  prose  et  en  vers  pour  hors-mis,  est 
tout-à-fait  banni  de  la  prose,  et  il  n'y  a  plus  que  les 
poètes  qui  en  usent,  parce  qu'en  vers  il  est  beaucoup 
meilleur  que  hors  (1647). 

Sériosité.  —  Jusqu'ici  il  ne  s'est  dit  qu'en  raillerie  ; 
néanmoins,  si  l'on  faisait  l'horoscope  des  mots,  on  pour- 
rait prédire  à  celui-ci  qu'un  jour  il  s'établira. 

Courre,  courir.  —  Dans  certains  endroits,  on  dit 
courre,  comme  dans  courre  le  cerf,  courre  le  lièvre, 
courre  la  poste;  dans  certains  autres,  il  faut  dire  cou- 
rer.  Mais  si  quelqu'un  disait  courir  le  cerf, on  se  moque- 
rait de  lui. 

Accroire.  —  Excellent  mot,  quoi  qu'en  pensent  quel- 
ques-uns, qui  disent  toujours  faire  croire.  Du  reste,  il 
y  a  une  différence  entre  les  deux  expressions  :  faire 
croire  se  dit  toujours  des  choses  vraies,  et  faire  accroire, 
des  choses  fausses. 

Chez  Plularque,  chez  Platon. —  Cette  locution,  fami- 
lière à  beaucoup  de  gens,  pour  dire  dans  Plutarque, 
dans  Platon,  c'est-à-dire  dans  les  œuvres  de  Plutarque, 
de  Platon,  est  insuppor'uible.  Chez  ne  vaut  rien  pour 
citer  les  auteurs;  il  n'est  propre  qu'à  dénoter  la  demeure 
de  quelqu'un. 

Cesser.  —  Depuis  quelques  années,  on  le  fait  souvent 
actif  en  vers  et  en  prose. 

De  gueres. Pour  dire  gueres  simplement,  il  ne 

faut  jamais  mettre  df  avant  lui;  mais  si  l'on  mesure 
deux  choses, et  que  l'une  ne  soit  qu'un  peu  plus  grande 
que  l'autre,  on  dira  fort  bien  qu'elle  ne  la  passe  de 
gueres. 

Foudre.  —  Masculin  ou  féminin  à  volonté. 

Aigle,  fourmi.  —  Ce  sont  deux  subtanlifs  «  herma- 
phrodites »,  car  on  dit  un  grand  aigle  et  une  grande 
aigle,  un  fourmi  et  une  fourmi. 

Consommer,  consumer.  —  Deux  significations  bien 
différentes,  que  plusieurs  de  nos  meilleurs  écrivains  ne 
laissent  pas  de  confondre.  Consommer  veut  dire  accom- 
plir; consumer  signifie  achever  le  sujet  en  le  détruisant. 
Ceu.\  qui  savent  le  latiu  voient  clairement  cette  diflc- 
rence. 

Aroisiner.  —  Ce  mot  n'est  guère  bon  en  prose,  mais 
la  plupart  des  poètes  s'en  servent  en  décrivant  une  mon- 


U2 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


tagne  extrêmement  haute;  ils  disent  qu'elle  avoisine  les 
deux. 

Péril  éminent.  —  Il  est  certain  qu'il  faudrait  dire 
péril  imminent,  puisqu'en  latin  on  dii  pericu/um  immi- 
nens;  mais  il  n'est  pardonnable  à  qui  que  ce  soit  de 
vouloir,  en  matière  de  langues  vivantes,  s'opiniâtrer 
pour  la  raison  contre  l'usage. 

Ce  devant  le  verbe  substantif.  —  Il  vaut  mieux  dire 
ce  qu'il  y  a  de  plus  déplorable,  c'est,  etc.,  que  de  dire 
ce  qu'il  II  a  de  plus  déplorable  est,  parce  que  c'est 
recueille  tout  ce  qui  a  élé  dit  entre  deux,  et  rejoignant 
le  nominatif  au  verbe,  rend  l'expression  plus  nette  et 
plus  forte. 

Ce  avec  le  pluriel  du  verbe  substantif.  —  Le  pronom 
ce  a  encore  un  bel  usage  dans  notre  langue,  c'est  de  se 
mettre  devant  le  pluriel  du  verbe  être,  comme  dans 
cette  phrase  :  les  plus  grands  capitaines  de  l'antiquité, 
ce  furent  Alexandre,  César,  Hannibal,  etc.  Cependant 
Vaugelas  croit  que  furent  ne  serait  pas  mauvais  sans 
ce.  Quant  à  ce  fut,  s'il  est  bon,  c'est  sans  aucun  doute 
le  moins  bon  de  tous. 

Ce  que.  —  11  est  bien  français,  et  a  une  grâce 
«  nompareille  »  en  notre  langue,  étant  employé  pour  si, 
comme  dans  cette  phrase  :  ce  que  tu  tiens  de  moi,  des 
jardins,  des  rentes  et  des  maisons,  ce  sont  toutes  choses 
sujettes  à  mille  accidens.  Il  y  en  a  pourtant  qui  croient 
que  cette  expression  est  vieille  et  bien  moins  élégante 
que  si. 

Ce  dit-il,  ce  dit-on.  —  On  les  dit  tous  les  jours  l'un 
et  l'autre  en  parlant;  mais  on  ne  doit  point  les  écrire; 
il  suffit  de  dit-il,  dit-elle,  sans  ce. 

Outre  ce,  à  ce  que.  —  Cette  première  façon  de  parler 
ne  vaut  rien  ;  il  faut  dire  outre  cela.  Quant  à  la  seconde, 
mise  pour  afin  que,  elle  est  vieille. 

Ce  fut  pourquoi.  —  Certains  écrivains  croient  qu'il 
faut  s'en  servir  devant  un  temps  passé,  comme  dans 
ce  fut  pourquoi  les  Romains  immolèrent  des  vic- 
times; mais  c'est  une  faute,  il  faut  mettre  c'est.  Cette 
locution  ce  fut  pourquoi  vient  de  la  Normandie,  de  l'An- 
jou ou  du  Maine,  car  on  s'en  sert  dans  ces  trois  pro- 
vinces. 

Ce,  à  ce  faire,  en  ce  faisa?it.  —  Plusieurs  n'approu- 
vent pas  qu'on  se  serve  de  ce  à  la  place  de  l'article,  par 
exemple,  qu'on  dise  :  il  m'a  fait  ce  bien  de  me  dire, 
et  veulent  que  l'on  «  die  »  il  m'a  fait  le  bien  de  médire. 
Vaugelas  les  approuve,  car  l'article  est  plus  doux  et 
plus  régulier  que  ce. 

Les  locutions  à  ce  faire,  en  ce  faisant  sont  sans  doute 
fort  commodes  et  souvent  employées;  mais  elles  ne  sont 
plus  du  beau  style,  elles  sentent  celui  des  notaires. 

Peu  s'en  est  fallu.  —  C'est  ainsi  que  l'usage  veut  que 
l'on  jiarle;  mais  la  raison  voudrait  que  l'on  AW.  peu  s'en 
est  failli,  car  il  est  certain  que  fallu  ne  veut  \r.\s  dire 
autre  chose  que  manqué,  lequel  a  pour  synonyme  failli 
et  non  fallu. 

Avec,  avecque,  avecques.  —  Le  dernier  ne  vaut  rien 
ni  en  prose  ni  en  vers;  les  deux  premiers  sont  tous 
deux  bons,  et  ils  sont  aussi  commodes  aux  poètes 
qu'aux  prosateurs. 


Exemple.  — Da,ns  la  ville  de  Paris,  on  le  fait  du  fémi- 
nin, surtout  en  parlant  d'un  modèle  d'écriture;  mais  à 
la  Cour,  on  ne  l'emploie  qu'au  masculin. 

Faire  pièce.  —  Celte  façon  de  parler,  qui  est  si  fort 
en  vogue  depuis  quelques  années  à  Paris  fl647),  d'où 
elle  s'est  répandue  par  toutes  les  provinces  de  la  France, 
est  loin  d'être  aussi  excellente  que  plusieurs  le  pensent; 
la  Cour  en  fait  Tobjet  principal  de  son  aversion. 

Acheter. — Vaugelas  a  entendu  plusieurs  «  hommes  » 
de  la  Chaire  et  du  Barreau  prononcer  ajeter;  c'est  un 
défaut  particulier  à  Paris. 

Eu.  —  Plusieurs  prononcent,  en  deux  syllabes,  é-w; 
c'est  une  faute;  ce  mot  n'a  qu'une  syllabe. 

En  mon  endroit,  à  l'endroit  d'un  tel.  —  Ces  façons 
de  parler  ne  sont  plus  du  beau  langage,  comme  elles  en 
étaient  du  temps  de  Coëffeteau;  à  leur  place,  on  dit 
envers  moi,  envers  un  tel. 

Avant  que,  devant  que.  — Tous  deux,  devant  un  infi- 
nitif, veulent  être  suivis  de  la  préposition  de;  on  dit  : 
avant  que  de  mourir,  devant  que  de  mourir. 

Rien  autre  chose. —  Plusieurs  croient  que  cette  locu- 
tion ne  vaut  rien;  la  vérité  est  qu'elle  est  emphatique 
en  certains  endroits,  mais  que,  pour  l'ordinaire,  elle 
est  basse,  tandis  qu'autre  chose,  non  précédé  de  rien, 
est  une  expression  élégante. 

//  m'a  dit  défaire.  —  Expression  venue  de  Gascogne, 
et  qui  s'est  introduite  à  Paris;  elle  est  mauvaise,  il  faut 
dire  :  il  m'a  dit  que  je  fisse. 

Août.  —  Le  peuple  de  Paris  prononce  a-oût;  mais 
c'est  une  faute;  il  faut  dire  comme  s'il  y  avait  eût. 

Il  n'y  a  rien  de  tel,  il  n'y  a  rien  tel.  —  Tous  deux 
sont  bons;  mais,  en  parlant,  on  dit  plutôt  il  n'y  a  rien 
tel,  et,  en  écrivant,  il  n'y  a  rien  de  tel. 

Fort,  court.  —  Ces  deux  adjectifs  ont  un  usage  assez      I 
étrange,  mais  qui  est  bien  français,  c'est  qu'une  femme 
dit  «  tout  de  même  »  qu'un  homme  :  je  me  fais  fort  de 
cela,  et  non  pas,  je  me  fais  forte.  Elle  dit  aussi  :  en 
parlant,  je  suis  demeurée  court,  et  non  pas  courte.  -| 

Le  pronom  démonstratif  avec  la  particule  la.  —  I 
Quand  le  pronom  démonstratif  est  suivi  d'un  relatif, 
qui  ou  lequel,  il  ne  faut  jamais  mettre  M  entre  les  deux  ; 
cette  phrase  est  mauvaise  :  ceux-là  qui  aiment  Dieu, 
gardent  ses  commandemens.  Mais  quand  le  relatif  est 
séparé  du  démonstratif,  il  faut  joindre  là  à  ce  dernier  : 
ceux-là  se  trompent,  qui  croyent. 

Quiconque. —  Quand  on  a  employé  ce  mot,  il  ne  faut 
pas  mettre  il  après,  quelque  distance  qu'il  y  ait  entre 
les  deux  :  quiconque  veuf  vivre  en  homme  de  bien, 
doit,  etc.,  et  non  pas,  il  doit. 

Bel  et  beau.  —  Pour  qu'on  puisse  employer  la  forme        | 
en  ri  de  cet  adjectif,  comme  aussi  celle  de  nouveau,  il      'f 
faut  qu'il  soit  suivi  immédiatement  de  son  substantif: 
vn  bel  homme,  le  nouvel  an;  mais  dans  les  autres  cas, 
môme  devant  une  voyelle,  il   I'juU  la  forme  en  wm;  on 
dit  :  (7  est  beau  m  tout  temps,  un  homme  nouveau  à  la 

Cour. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  R^DACTEDR-GÉttiHT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


443 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


La  Mer  et  ses  héros.  Ouvrage  écrit  d'après  les  Dic- 
tionnaires historique  et  de  la  conversation,  les  Encyclopé- 
dies, etc.  par  Alp.  d'Augerot.  In-i",  272  p.  et  grav. 
Limoges,  lib.  Bardou  frères. 

Les  Diaboliques  (les  six  premières)  ;  par  J.  Barbey 
d'Aurevilly.  In- 18  Jésus.  355  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Les  Spectacles  forains  et  la  Comédie-Française. 
Le  Droit  des  pauvres  avant  et  après  1789.  Les 
Auteurs  dramatiques  et  la  Comédie-Française  au 
XIX»  siècle,  d'après  des  documents  inédits;  par 
Jules  Boiinassies,  ancien  attactié  à  la  direction  des  beaux- 
arts.  Avec  une  eau-forte  par  Edmond  Houdin.  In-1 8  Jésus, 
303  p.  Paris,  lib.  Oentu.  Zi  fr. 

Cours  de  style.  Seconds  exercices  sur  la  valeur  des 
termes  et  locutions  et  sur  les  principaux  genres  de  compo- 
sition française.  Ouvrage  faisant  suite  aux  Premiers  exer- 
cices, du  même  auteur;  par  Ernest  Caron,  clief  d'institu- 
tion à  Paris.  In- 12,  20û  p.  Paris,  lib.  Sarlit. 

Nouvelles  récréations  et  joyeux  devis  de  B.  Des 
Periers,  suivis  du  Cymbalum  mundi,  réimprimés  par 
les  soins  de  P.  Jouaust.  Avec  une  notice,  des  notes  et  un 
glossaire  par  Louis  Lacour.  T.  1.  In-8'',  XLn-283  p.  Paris, 
lib.  des  Bibliophiles.  10  fr. 

Les  Grandes  dames  ;  par  Arsène  Houssaye.  Edition 
illustrée  de  20  gravures  sur  acier  par  Flameng,  La  Guil- 
lermie,  Morin,  Bertall,  Masson,  etc.  Gr.  in-S",  402  p. 
Paris,  librairie  Dentu. 

Gastronomie,  récits  de  table;  par  Charles  Monselet. 
ln-18  Jésus,  ni-399  p.  Paris,  lib.  Charpentier.  3  fr.  50. 

Poésies  choisies  de  J.  A.  de  BaiT,  suivies  de 
poésies  inédites;  publiées  avec  une  notice  sur  la  vie  et 


les  œuvres  de  Baïf,  des  appendices  bibliographiques,  un 
tableau  de  la  prononciation  au  xvi<^  siècle,  des  notes  et  des 
index,  par  L.  Becq  de  Fouquières.  Edition  ornée  d'un  por- 
trait, gravé  à  l'eau-forte  par  Adrien  Féart.  In-i8  Jésus, 
xL-392  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Nouvelle  Grammaire  française  fondée  sur  l'his- 
toire de  la  langue,  à  l'usage  des  établissements  d'ins- 
truction secondaire;  par  Auguste  Brachet,  ancien  profes- 
seur à  l'Ecole  polytechnique,  membre  de  la  Société  de  Lin- 
guistique. 2»  édition.  In-12,  xix-252  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  1  fr.  50. 

Œuvres  poétiques  d'André  Chénier.  Avec  une  notice 
et  des  notes  par  M.  Gabriel  de  Chénier.  3  vol.  Petit  in-12, 
CLvii-963  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  Chaque  vol.  6  fr. 

Christine;  par  Louis  Enault.  S'' édition.  In-18 Jésus, 
190  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  1  fr.  25. 

Le  Brigadier  Frédéric,  histoire  d'un  Français  chassé 
par  les  Allemands  ;  par  Erckmann-Chatrian.  In-18  Jésus, 
269  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie.  3  fr. 

Cours  de  dictées  sur  les  règles  et  les  difficultés 
de  la  langue  française;  par  Mme  Lèbe-Gigun,  direc- 
trice honoraire  des  études  de  la  maison  nationale  de  Saint- 
Denis.  In-12,  vii-351  p.  Paris,  Lecoffre  tils  et  Cie. 

Dona  Sirène  ;  par  Henry  Murger.  In-18  Jésus,  309  p. 
Paris,  lib.  .Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

Nouveaux  Contes  à  Ninon  ;  par  Emile  Zola.  Un  Bain. 
Les  Fraises.  Le  Grand  Michu.  Les  Epaules  de  la  marquise. 
Mon  voisin  Jacques.  Le  Paradis  des  chats.  Lili.  Le  Forge- 
ron. Le  Petit  village.  Souvenirs.  Les  Quatre  journées  de 
Jean  Gourdon.  ln-18  jésus,  311  p.  Paris,  lib.  Charpentier. 
3  fr.  50. 


Publications   antérieures  : 


LES  DIALOGUES  DE  JACQUES  TAHUREAU,  gen- 
tilhomme du  Mans,  avec  notice  et  index.  —  Par  F.  Cons- 
cience. —  Paris,  Alphonse  Lemerre,  éditeur,  47,  Passage 
Choiseul.  —  Prix  :  7  fr.  50. 


ŒUVRES  COMPLÈTES  DE  MELIN  DE  SAINCT- 
6ELAYS,  avec  un  commentaire  inédit  de  B.  de  la  Mon- 
noye,  des  remarques  de  MM.  Emm.  Philippes-Beaulieux, 
R.  Dezeimeris,  etc.  Edition  revue,  annotée  et  publiée  par 
Prosper  Blanchemain.  —  T.  2.  —  ln-16,  365  p.  —  Paris, 
librairie  Daffis,  9,  rue  des  Beaux- Arts. 


LE  GRAND  TESTAMENT  DE  VILLON  ET  LE  PE- 
TIT. Son  Codicille.  Le  Jargon  et  ses  ballades,  aussi  le 
rondeau  que  ledit  Villon  fist  quand  il  fust  jugé  à  mort,  et 
la  requeste  qu'il  bailla  à  Messeigneurs  de  Parlement  et  à 
Monseigneur  de  Bourbon.—  III.  —  Ia-16,  120  p.  —  Lille, 
Imprimerie  Six-Hormans. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARD,  publiées  par  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  Siméon  Luce.  T.  5. 
1356-1360. Depuis  les  préliminaires  de  la  paix  de  Poitiers 


jusqu'à  l'expédition  d'Edouard  111  en  Champagne  et  dans 
l'Ile-de-France.  —  In-8%  lxxi-436  p.  —  Paris,  librairie 
V^  J.  Retwuard.  —  Prix  :  9  francs. 


L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fischba- 
clier,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  1™  année,  15  fr.; 
2°  année,  10  fr.;  3"=  année,  12  fr.;  4"  année,  8  fr.;  5«  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


DU  DIALECTE  BLAISOIS  et  de  sa  conformité  avec 
l'ancienne  langue  et  l'ancienne  prononciation  française. — 
Thèse  présentée  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  par  F. 
T.iLDERT,  professeur  de  rhétorique  au  prytanée  militaire  de 
La  Flèche.  —  Paris,  Ernest  Tkorin,  éditeur,  libraire  du 
Collège  lie  France  et  de  l'Ecole  normale  supérieure,  7,  rue 
de  Médicis. 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANCE,  AN- 
CIENNES ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 


LE   COURRIER   DE   VAUGELAS 


logique  et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Montjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Boxaventure  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  Jacob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  éditeur,  i-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.  ;  in-S"  :  2  fr.  50. 


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5  fr.  ;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 


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Charles  SoREL,sieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
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LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


PROPOS  RUSTIQUES,  BALIVERNES,  CONTES  ET 
DISCOURS  D'EUTRAPEL.  —  Par  Noël  du  Fail,  seigneur 
de  la  Hérissaye,  gentilhomme  breton.  —  Edition  annotée, 
précédée  d'un  essai  sur  Noël  du  Fail  et  ses  écrits.  —  Par 
Marie  Guichard.  —  Paris,  librairie  Charpentier,  19,  rue  de 
Lille. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


I. 

Les  Professeurs  de  français  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  confiance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  /i2,  Queen  Square  à  Londres,.  W.  C,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

II. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo- française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Angleterbe  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires.  —  L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la 
France,  et  il  se  prend  àParischezMM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue  de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart, 
2,  rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
Sur  le  caractère  et  ta  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au 
Concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Appel  avx  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  inédits  et 
n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront 
une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  — 
Sont  seuls  admis  à  concourir:  1°  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane;  2»  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire 
de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1"  juillet  1875.  —  Ils  resteront  déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les 
auteurs  pourront  en  prendre  connaissance.  —  Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins 
de  cent  vers. 

L'Académie  française  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone.  —  Le  nombre  des  vers 
ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents.  —  Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secré- 
tariat de  l'Institut,  franches  de  port,  avant  le  15  février  1875,  terme  de  rigueur.  —  Les  manuscrits  porteront  chacun 
une  épigraphe  ou  devise  qui  sera' répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage;  ce  billet  contiendra  le  nom  et 
l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours, 
mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vauç/rla.-!  est  visible  à  son  bureau  de  7nidi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouvkrneur,  G.  Daupeley  à  Nogeut-le-Hotrou. 


5*  Année. 


N°   19. 


1"  Janvier  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


}RAMMAUUAI.l.^  -j^-j^         Tri>-  -^ 

^-^^\  \\)>'  Journal  Semi-Meiisuel  ^J  J  A  r\ 

V      X^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(  ^ 


Paralaaant    la    1"  «t    le    15    de   ehaane   mois 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Élranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c 

Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris. 

ON  S'ABONNE 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  rAdm' 
M.  FisCHBACHEH,  33,  rue  de  Seine. 

SOM.MAIRE. 
Cïommunication  relative  au  nom  des  habitanls  de  Pau:  —  Origine 
de  certains  gentilés  irréguliers;  —  Élymologie  de  F/ajonier; 
—  Pourquoi  le  participe  passé  n'ayant  d'autre  régime  que  en  ne 
s'accordel-il  pas;  —  Variante  de  l'explication  que  lirct  a  don- 
née de  Tartuffe.  ||  Si  l'on  peut  se  servir  de  L'ctre  pour  tenir 
lieu  d'un  verbe  employé  au  passif;  —  Comment  Sorcellerie 
peut  dériver  de  Sorcier.  ||  Passe-temps  grammatical,  i  Suite 
de  la  biographie  de  Vaugelas.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de 
littérature.  ||  Renseignements  pour  les  jirofesseurs  français  qui 
désirent  aller  à  l'étranger.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 

Je  viens  de  recevoir  la  note  suivante,  qui  est  à  la  fois 
une  reclificatiou  et  l'explication  du  nom  des  liabitanls 
d'une  ville  du  midi  de  la  France  : 

Il  est  observé  que  dans  le  numéro  du  Courrier  de  Vau- 
gelas du  1"  septembre  1874,  on  donne  le  nom  dp  Paunieas 
aux  liabitants  de  la  ville  de  Pau.  Il  y  a  là  erreur.  Les  habi- 
tants de  Pau  s'appellent  Palesiens,  du  nom  de  Palo  (pieu), 
qui  forme  une  des  parties  principales  des  armoiries  par- 
lantes de  la  ville.  En  effet,  en  ces  armoiries,  accordées  aux 
jurais  de  Pau,  par  Gaston  XI,  en  148i,  se  trouvent  trois 
pieux  (sur  l'un  desquels,  celui  du  milieu,  se  tient  perché 
un  paon  fesant  la  roue).  Ces  pieux  signifient  qu'au  x*  siècle, 
les  habitants  de  la  vallée  d'Ossau  concédèrent  au  vicomte 
de  Bèarn  un  terrain  situé  à  l'extrémité  occidentale  de  la 
ville  actuelle  pour  s'y  bâtir  un  château,  et  que,  pour  fixer 
les  limites  de  la  concession  qu'ils  prétendaient  faire,  ils 
plantèrent  trois  pieux  (pâli). 

C'est  â  cette  circonstance  que  le  château  doit  le  nom 
de  Pal  ou  pieu  (en  patois  du  pays  Fait).  Dans  la  suite, 
quelques  maisons  vinrent  se  grouper  autour  de  cette 
habitation  princière  et  donnèrent  naissance  à  la  ville  de 
Pau. 

Je  savais  l'origine  du  nom  de  Pmi;  mais  comme  le 
dictionnaire  de  Boissière  donne  Pauniens  pour  celui  des 
habitants  de  cette  ville,  j'avais  cru  qu'il  y  avait  eu  là 
un  changement  de  /en  «,  et  j'avais  adopté  Pauniens. 
La  note  que  je  viens  de  transcrire  prouve  que  je  m'étais 
trompé  :  mes  remerciements  à  l'auteur  anonyme  qui  a 
bien  voulu  me  l'adresser. 


Réponse  à  M.  Fillemin. 

Le  nom  des  habitants  d'une  ville  se  forme  générale- 
ment du  nom  de  cette  ville  en  y  ajoutant  les  terminai- 
sons ois,  «w  (Voir  la  raison  de  cette  double  finale  dans 
le  Courrier  de  Vaugelas,  2«  année,  p.  165)  : 

Lille,  les  Lillois:  Rouen,  les  Roucnnais,  etc. 

D'autres  se  forment  plus  ou  moins  capricieusement 
par  l'addition  de  ain,  in,  éen  ou  ien,  on,  isfe;  ainsi  on 
dit: 

Aigues-Mortes,  les  Aiguës- Mortains:  Belfort,  les  .Be^/'orfnis; 
Annonay,  les  Annonéens:  Arles,  les  Arlésiens;  Saintes,  les 
Saintons;  Landerneau,  les  Landernistes. 

Mais  il  y  en  beaucoup  qui  présentent  un  radical 
différent  de  celui  du  nom  de  la  ville  actuelle,  et  c'est 
cette  difficulté,  dont  la  clef  a  déjà  été  donnée  par 
M.  Fillemin,  que  je  me  propose  de  résoudre  ici  en 
détail. 

Je  prendrai  à  cet  ed'et,  par  ordre  alphabétique,  les 
gentilés  irréguliers  des  deux  listes  que  j'ai  publiées,  en 
faisant  suivre  chacun  du  nom  de  la  ville  à  laquelle  il  se 
rapporte. 

A. 

Les  Auscitains  (Auch)  de  Ausci,  peuple  dont  Auch  était 
jadis  le  chef-lieu;  —  les  Airebales  (Arras),  parce  que  cette 
ville  était  autrefois  la  capitale  des  Atrebates:  —  les  Ange- 
vins (Angers)  de  Andecavi: — les  Angoumoisins  (Angoulême), 
de  l'ancien  nom  Jnculisma:  —  les  AII)igeois[\\by),de  Albigai 
ancien  nom  de  celte  ville;  les  Alréens  (Auray),  al  se  pro- 
nonçait autrefois  au,  et  a  fini  par  s'écrire  de  même;  —  les 
Aplesiens  (Apt),  de  Apia  Julia,  l'ancien  nom. 

B. 

Les  Bituriges  (Bourgps),  de  Bituriges,  ancien  nom  de  cette 
ville;  —  les  Bolonais  (Boulogne),  de  Bolonia,  en  latin  mo- 
derne; —  les  Bordelais  (Bordeaux),  de  Burdigala  devenu 
probablement  Bourdel,  prononcé  Bourdeu;  —  les  Bizonlins 
(Besançon),  de  Visontio,  nom  ancien  de  cette  ville  ;  —  les 
Biterrois  (Béziers),  à  cause  du  Bi'crrx,  dernier  nom  latin 
de  Béziers  ;  —  les  Brivadois  (Brioudo),  de  Brivas,  l'ancien 
nom;  —  les  Briochins  (Saint-Brieuc),  de  Briocum  ou  Fanum 
sancii  Brioci,  en  latin  moderne. 

C. 

Les  Cadurques  (Cahors),  de  Cadurcum,  ancien  nom  de  la 
ville  de  Cahors. 


H46 


LE  COCRRIER  DE  VACGELAS 


E. 
Les  Augiens  (Eu),  de  Alga,  Autjn,  nom  latin  de  cette  ville; 

—  les  Ebrolciens  (Evreux),  de  Ebrolcum,  nom  de  la  ville  au 
moyen  âge. 

G. 
Les   Gapençois  (Gap),  de   l'ancien   nom  Vapincum;  —  les 
Graylois  (Gray),  de  Grael,  mot  celtique  signifiant  passage. 

L. 
Les  Lémovices  (Limoges),  de  Lemovices,  l'ancien  nom  latin; 

—  les  Lexoviens  (Lisieux),  de  Lexovium,  capitale  du  peuple 
de  ce  nom;  —  les  Laclorata  (Lectoure),  parce  que  cette 
ville  fut  jadis  la  capitale  des  Ladoiates;  —  les  Ledoniens 
(Lons-le-Saulnier),  de  Ledo  Salinarius. 

M. 
Les  Monlalbanais  (Montauban),  de  Mons  Atbanus,  l'ancien 
nom;  —  les  Meldois  ou  Metdiens  (Mcaus),  de  Meldi,  nom  des 
anciens  habitants  de  la  Brie;  —  les  Malbodiens  (Maubeugt), 
de  Malbodium,  le  nom  latin;  —  les  Monspessiilaiis  (Mont- 
pellier), de  Mons  Pesiulauus,  le  nom  au  moyen  âge;  —  les 
Monagasques  ou  Monacasques  (Monaco),  de  Hercatis  ilomcci 
portas. 

N. 
Les  Nivernois  (Ne vers),  de  l'ancien  nom  A'eviruum. 

P. 
Les  Pictaviens  (Poitiers),  de  Pictavi,  le  dernier  nom  latin 
de  cette  ville;  —  les  Petrocoriens  (Périgueu.x),  de  Petiocoiii, 
l'ancien  peuple  de  la  contrée;  —  les  Palcsiens  (Pau),  dont 
l'origine  est  donnée  par  la  communication  précédente;  — 
les  Mussipontins  (Pont-â-.\lousson),  de  Mussi  Pons,  le  nom 
latin;  —  les  Pontissatiens  (Pontarlier),  de  l'ancien  nom  Pons 
jEIH. 

R. 
Les  Rutkénes  ou  Butheniens  (Rliodez),  parce  que  cette  ville 
était  la  capitale  des  Rutliènes,    Civilas  Bulhenorum;  —  les 
Rambolitains  (Bambouillet),  de  Ramboleium .  nom  latin. 
S. 
Les  Sagiens  ou  Saiens  (Sèez),  de  l'ancien  nom  de  peuple 
Sagti;  —  les  Saintons  (Saintes),  de   Santones;  —  Saint-Dyo- 
nisiens  (Saint-Denis),  du  nom  latin   Byonisîus;  —  les  Séno- 
nais   (Sens),   de   Senones;  —  les  Aiidoinarcens  (Sainl-Omer), 
de  Audotnarus,  moine  de  Luxeuil  qui  devint  évêque  de  Tlie- 
rouanne,  près  de  la  ville  actuelle;  —  les  Uléphanais  (Sdint- 
Éiienne),  de  Stéphane,  d'où  est  venu  Etienne. 
T. 
Les  TrécoTois  ou  Trégorois  (Tréguier),  de  Trecora  ou  Tre- 
corium;  —  les  Tourangeaux  (Tours),  nom  désignant  le.s  habi- 
tants de  la  Touraine;  —les  Thiernois  (Thiers),  de  Tigernum 
Castrum;—\es  Turquenois  (Tourcoin),  du  celtique  Tour-Ken, 
fort  sur  une  hauteur. 

V. 
Les  Vannetni.<i  ou  Vanèles  (Vannes),  du  nom  latin  Veneti; 
—  les  Vèsuliens  (Vesoul),  de  Vesulium,  l'ancien  nom. 

X 
Première  Question. 
Pourriez-volts  me  donner  l'étymologie  du  verbe  fla- 
GORNEK?  Le  diclionnaire  étipnokxjique  de  Brucliet  dé- 
clare quelle  est  inconnue. 

Ce  verbe  a  été  ex|)liqué  de  deux  manières  : 
\°  D'après  Le  Duclial,  dont  l'opinion  est  approuvée 
par  le  cclèhre  Diez,  Flagorner  est  un  mot  de  fantaisie 
composi-  des  éléments  /latlcr  et  corner  atix  oreilles). 

2°  M.  Liltré  y  voit  une  altération  de  flageoler,  jouer 
du  flageolet,  au  figuré,  piper,  attendu  que  le  sens  an- 
ci<'n  de //(((/0/7W7' est  Icivardcr,  dire  à  roreille,  et  que 
c'est  aussi  lo  sens  de  /lar/eoler;  mais  la  sjllaln!  /la,  qui 
semble  se  rattacher  à  /laflrr,  a  été  peut-être  une  des 
causes  qui  lui  ont  fait  prendre  le  sens  actuel. 


Laquelle  de  ces  étymologies  est  la  bonne? 

Supposons  que  ce  soit  la  première.  Sans  doute  que 
('  =  g;  mais  corner,  dont  j'ai  parcouru  l'historique  dans 
le  dictionnaire  de  Littré,  n'a  jamais  signifié  bavarder, 
ni  dire  bas  à  l'oreille;  le  sens  de  corner  me  semble 
repousser  l'élymologie  en  question. 

Suivant  la  seconde,  on  aurait  fait  flagornerai  flageo- 
ler, ou,  en  d'autres  termes,  la  partie  geoler  se  serait 
corrompue  en  gorner.  Mais  si  j'ai  vu  maintes  fois  / 
changée  en  «,je  ne  l'ai  jamais  vue  transformée  en  r«, 
ce  qui,  à  mes  yeux,  rend  cette  seconde  étymologie 
complètement  impossible. 

L'origine  du  terme  flagorner  était  donc  encore  à 
découvrir.  Je  lai  cherchée,  et  je  suis  arrivé  à  un  résul- 
tat qui  vous  paraîtra,  je  l'espère,  assez  satisfaisant. 

J'ai  trouvé  ce  qui  suit  dans  le  Dictionnaire  étymolo- 
gique de  MM.  Noël  et  Charpentier  : 

Flagorner,  dans  la  Farce  de  Patliclin,  est  pris  dans  le  sens 
de  dire  des  riens,de  conter  des  sornettes.  GuUlemelte,  jouant 
l'affligée,  dit  au  drapier: 

Hêlas!  sire, 

Chacun  n'a  pas  si  faim  de  rire 
Comme  vous,  ne  de  flagorner. 

Et  cela  m'a  suggéré  l'idée  que  gorner,  la  dernière 
partie  du  mot  qui  nous  occupe,  pourrait  bien  venir  de 
sorne,  ancien  mot  français  qui  a  donné  pour  diminutif 
sornette,  qui  avait  pour  verbe  correspondant  sorner, 
dire  des  sornettes,  et  que  Diez  dérive  du  kimry  swrn, 
bagatelle. 

Quant  à  fla,  il  pourrait  venir  du  grec  çXaÇw,  dont 
un  composé  r.i^'kxc[j.x  voulait  dire,  au  figuré,  parole 
emphatique,  style  boursoufflé;  ce  serait  la  syllabe  qui, 
par  redoublement,  aurait  fait  flafla,  mot  populaire  chez 
nous,  signifiant  «  étalage  pompeux  en  paroles  ou  en 
actions  »,  si  le  Dictionnaire  de  la  langue  verte  nous 
renseigne  bien  à  ce  sujet. 

Après  avoir  été  réunis  comme  tu  et  toi  dans  tutoyer, 
les  deux  éléments  fla  et  sorne,  suivis  d'une  r,  seraient 
arrivés  par  le  changement  assez  naturel,  je  crois,  de  s 
en  :;,  de  -  en  j,  et  de  J  en  g  k  former  ainsi  qu'il  suit  le 
verbe  flagorner  : 

Fia— sorner 

Fia— lorner 

Fia— jorner 

Fia— fforner. 

Du  reste,  si  flagorner  a  bien  été  formé  comme  je 
viens  de  le  dire,  son  élymologie  doit  expliquer  les 
diverses  significations  qu'il  a  ou  qu'il  a  pu  avoir.  Voyons 
ce  qu'il  en  est. 

4°  Avec  fla  signifiant  étalage  pompeux  de  paroles,  et 
sorne,  qui  rappelle  l'idée  de  bagatelle,  le  mot  flagorner 
doit  signifier  conter  pompeusement  des  sornettes,  dire 
des  inutilités,  bavarder.  Or,  n'est-ce  pas  le  sens  qu'il  a 
eu  dans  l'origine,  celui  qu'on  lui  voit  dans  les  vers  de 
Palhelin? 

i"  Pourquoi  conte-l-on  des  sornettes  en  empruntant 
la  poiii|)e  du  discours'?  Pour  l;iclier  d'arriver  à  plaire, 
d'en  liror  un  avantage.  (Jr,  flagorner  est  devenu  synO' 
nyiiie  de  flatter,  faire  sa  coin'  aux  dépens  des  autres; 
mais  avec  cotte  différence  qu'il  contient  une  idée  de 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


147 


bassesse  qui  n'est   pas  dans  ce  dernier,  ce  qui  ressort 
pleinement  de  ces  exemples  : 

J'appris  par  ce  succès  de  mon  tardif  coup  d'essai  ^  ne 
plus  me  mêler  de  vouloir  fla/jonier  et  flatter  maigre 
Minerve. 

(J.-J.  Rousseau.  Con/ess.,  X[.} 

Après  que  ledit  Paul  sera  d('tenu  è.';  prisons  de  Paris  aussi 
longtemps  qu'il  conviendra  pour  l'entière  satisfartion  des 
dits  courtisans,  gens  de  cour,  flatteurs,  flagorneurs  flagor- 
nant par  tout  le  roj'aume. 

{P.-L.  Courier,  Aux  âmes  dévoles.) 

3»  Le  verbe  flatter,  dont  on  a  cru  apercevoir  le  radi- 
cal dans  /Ingonier,  s'est  employé  à  l'origine  (comme  il 
le  fait  eucore  maintenant  parmi  les  écoliers  dans 
quelques  parties  du  département  d'Eure-et-Loir)  pour 
signifier  rapporter.  Or,  ce  sens,  donné  à  la  syllabe 
initiale  de  flayorner,  a  fini,  grâce  probablement  à  l'igno- 
rance de  l'étymologie  de  ce  mot,  par  absorber  entière- 
ment le  sens  de  l'autre  élément,  et,  depuis  le  com- 
mencement du  XVII*  siècle  jusqu'au-delà  de  la  première 
moitié  du  xviii',  flagorner  s'est  dit,  comme  synonyme 
de  rapporter,  particulièrement  en  parlant  d'un  domes- 
tique qui  chercbe,  aux  dépens  des  autres,  à  obtenir  les 
faveurs  de  son  maître.  On  trouve  en  eiTet  dans  Furetière 
(<727),  et  dans  Trévoux  (1771),  l'explication  suivante 
de  ce  verbe  : 

Vieux  mot  populaire  qui  signifie  faire  de  mauvais  rap- 
ports à  son  maiire  des  autres  domestiques  pour  faire  le 
bon  valet  ;  Il  va  flagorner  aux  oreilles  de  son  maître. 

L'étymologie  que  je  pro[)Ose  s'appuie  sur  des  permu- 
tations qui  ne  semblent  point  impossibles;  elle  explique 
toutes  les  significations  qu'a  eues  ou  que  peut  avoir 
encore  le  verbe  flagorner.  Y  aurait-il  témérité  a  croire 
que  cette  étymologie  est  la  vraie? 

X 

Seconde  Question. 
Pourquoi  le  participe  pa.sac  ayant  pour  seul  régime 
le  mot  EN  ne  varie-t-il  pas  comme  tout  autre  participe 
précédé  de  son  régime  direct  ? 

Appliquant  la  règle  générale,  les  écrivains  du  xvu'et 
du  xviii'  siècle  faisaient  accorder  le  participe  ayant 
pour  régime  en  aveclesubslantif  dont  ce  pronom  tenait 
la  place  : 

L'usage  des  cloches  est,  chez  les  Chinois,  de  la  plus  haute 
antiquité,  nous  n'en  avons  eues  en  France  qu'au  vr  siècle 
de  DOtr,e  ère. 

(Voltaire,  dans  la  Gram.  nat.,  p.  703.) 

■Vous  critiquez  nos  pièces  de  théâtre  avec  l'avantage  non- 
seulement  d'e»  avoir  eues,  mais  encore  A'en  avOir  faites. 

(D'Alembert.  idem.) 

J'avais  cherché  un  moyen  de  donner  â  rries  observations 
sur  ces  lois  un  air  de  nouveauté.  Comme  je  viens  de  le 
dire,  à  plusieurs  époques  on  en  a  proposées  et  accepiée'.. 

{Benjamin  Constant,  idem.) 

Mais  les  grammairiens  ne  goûtèrent  pas  tous  cette 
simplicité;  il  y  en  eut  qui  virent  dans  le  pronom  en  un 
régime  indirect  à  cause  du  de  qui  procède  le  substantif 
pour  lequel  il  est  mis  'ce  qui  est  une  erreur,  puisque 
ce  substantif  se  mettrait  à  l'accusatif  en  latin  :  nous 
avons  du  pain,  des  amis,  habrmus  panem,  amicos  ,  et 


comme  ils  se  trouvèrent  plus  nombreux  ou  plus  auto- 
risés que  ceux  qui  y  voyaient  avec  raison  un  régime 
direct,  leur  opinion  prévalut,  et  l'on  finit  par  toujours 
écrire,  dans  ce  cas,  le  participe  invariable. 

Je  ne  saclie  pas  qu'il  y  ait  à  expliquer  autrement 
l'exception  relativement  moderne  qui  a  condamné  en 
que'que  sorte  à  l'invariabilité  tout  participe  ayant  pour 
seul  régime  le  pronom  en. 

X 

Troisième  Question. 

Dans  votre  numéro  du  I"  décembre,  vous  partes 
d'une  variante  de  l'explication  du  mot  tartcffe ^jf?r 
liret.  Ne  vous  serait-il  pas  possible  d'en  donner  le 
texte?  Pour  mon  compte,  je  vous  en  serais  bien  recon- 
naissant. 

Voici  cette  pièce,  publiée  par  le  îVational  du  2  sep- 
tembre 1873,  et  que  j'ai  pu  recueillir,  un  heureux 
hasard  m'ayant  fait  prendre  ce  jour-là  le  journal  de 
M.  Roussel  pour  y  chercher  des  phrases  fautives  : 

Une  curieuse  anecdote  sur  Tartuffe,  trouvée  par  un  de 
nos  confrères  dans  les  lettres  peu  connues  de  Barilli,  chan- 
teur italien  qui,  en  1808,  faisait  partie  de  la  musique  par- 
ticulière de  I  Empereur,  et  qu'il  quitta  ensuite  pour  entrer 
au  Théâtre-Italien,  en  qualité  de  primo  buffe.  Le  grand- 
pere  de  Barilli  avait  été  secrétaire  du  nonce  du  pape 
à  Paris,  et  c'est  dans  ses  papiers  que  Barilli  prétend  avoir 
trouvé  son  historiette.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  ce  qu'il 
raconte  : 

«  .\umomentoù  Molière  travaillait  à  son  immortelle  comé- 
die, il  se  trouva  à  dîner  un  jour  chez  un  grand  person- 
nage, en  compagnie  de  deux  ecclésiastiques  italiens,  dont 
l'un,  avec  son  air  mortifié,  mais  faux,  rendait  assez  bien 
l'idée  du  caractère  que  le  poète  comique  était  en  train  de 
mettre  en  scène. 

(i  On  servit  une  oie  rOtie,  entièrement  bondée  de  ces  suc- 
culents tubercules  si  vantés  par  Brillat-Savann;  à  cet  aspect, 
l'un  des  ecclésiastiques  sembla  sortir  tout  à  coup  du  dévot 
silence  qu'il  s'était  imposé,  et  quand  le  plat  vint  à  lui,  il 
choisit  saintement  les  plus  belles  truffes,  en  murmurant 
d'un  ton  béat  :  Tartuffoli,  signor,  tartuffoli! 

5  Molière,  dont  l'esprit  était  toujours  en  éveil,  fut  frappé 
par  les  allures  papelardes  de  cet  homme  qui  réalisait,  sous 
plusieurs  rapports,  le  type  de  son  imposteur,  et  c'est  à 
cause  de  cette  exclamation  Tarlujfoli,  tartuffoli,  qu'il  adopta 
pour  son  personnage  le  nom  de  Tartuffe.  » 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

Voici  une  plirase  oii  le  mot  le,  suivi  du  verbe  étiie, 
est  mis  pour  le  participe  d'un  verbe  passif  quand  il  nij 
a  auparavant  que  ce  même  verbe  sous  forme  active  : 
«  J'espérerai  mus  faire  ATTiiiBrER  cette  Imur.'ie  tant 
qu'elle  ne  le  sera  pas  à  un  autre.  »  Est -il  permis  de 
construire  le  pronom  le  de  cette  façon  ? 

On  est  loin  d'être  d'accord  à  ce  sujet. 

Ré-'nierDesmarais,  dont  la  grammaire  exprime  en 
quelque  sorte  l'opinion  de  l'Académie,  est  d'avis  'p.  3)31 
qile  /''  peut  très-bien  remplacer  un  |iarlicipe  passé  après 


us 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


être,  à  quelque  temps  que  ce  soit.  Ce  serait,  selon  lui, 
o  une  espèce  d'affeclation  vicieuse  »  de  construire  avec 
le  participe,  parce  que  Vêlre  dit  la  même  chose  et  «  d'une 
façon  plus  abbregée  >'. 

D'après  De  Waiily  (p.  336),  il  vaut  mieux  employer  le 
participe  que  de  le  remplacer  par  le. 

M.  Bescherelle  [Grain.  ?iat.,  p.  367)  pense  aussi  que 
la  construction  qui  consiste  à  maintenir  le  participe  est 
préférable  comme  «  plus  claire  »  et  «  plus  conforme  »  à 
l'usage  des  meilleurs  écrivains. 

Enfin,  M.  Littré  vient  proscrire  à  son  tour  l'emploi 
de  l'être,  et  déclare  que  les  phrases  suivantes  offrent 
une  mauvaise  construction  : 

Je  ie  traiterai  comme  il  mérite  de  l'être. 
Il  corrigerait  ces  abus  s'ils  pouvaient  l'être. 

Il  y  faudrait  :  comme  il  mérite  d'être  traité,  s'ils 
pouvaient  être  corrigés;  c'est  une  règle  «  absolue  ». 

Cependant  que  d'écrivains,  et  de  ceux  qui  ne  comp- 
tent pas  au  dernier  rang  dans  notre  littérature,  n'ont 
tenu  aucun  compte  de  la  règle  en  question!  Qu'on  en 
juge  plutôt  par  ces  exemples  : 

(xvn'  siècle) 

Celte  femme  est  belle,  et  j'aurais  un  grand  penchant  à 
l'aime'",  si  ce  qu'on  m'a  dit  de  son  inconstance  ne  la  ren- 
dait indigne  de  l'être. 

(Corneille,  dans  la  Gram.  nat.,  p.  367.) 

Les  autres  suent  dans  leurs  cabinets  pour  montrer  aux 
savans  qu'ils  ont  résolu  une  question  d'algèbre  qui  n'avait 
pu  l'être  jusqu'ici. 

tPascal,  dans  Âubertin,  p.  35l  ) 

(xvin=  siècle) 

Le  bœuf  remplit  ses  premiers  estomacs  tout  autant  qu'ils 
peuvent  l'être. 

(Buffon,  dans  la  Gram.  nat.,  p.  367-) 

On  ne  peut  vous  estimer  et  vous  aimer  plus  que  vous  ne 
l'êtes  du  vieux  solitaire. 

(Voltaire,  idem.) 

(xix"  siècle) 

J'ai  la  conscience  d'avoir  servi  la  légitimité  comme  elle 
devait  l'être. 

(Chateaubriand,  dans  Aubertin,  p.  aSi.) 
11  faut  vous  décider,  car  moi  je  le  suis. 

(Alphonse  Karr,  idem.) 

Qui  donc  croire  ici?  Les  auteurs,  qui  dans  cette  ma- 
tière ont  certainement  voix  au  chapitre,  puisqu'ils  repré- 
sentent l'autorité  de  l'usage,  ou  les  grammairiens,  qui 
ont  tout  autant  le  droit  de  se  faire  entendre'? 

Je  vais  vous  donner  une  solution  propre,  il  me  semble, 
à  terminer  ce  grave  dilferend. 

Si  je  ne  me  trompe,  voici  comment  s'est  successive- 
ment étendu  l'emploi  du  pronom  /«dans  le  sens  neutre  : 

D'abord,  ce  mot  s'est  mis  à  la  place  d'un  adjectif  ou 
d'un  participe  passé  qui,  suns  lui,  aurait  dû  être  répété, 
ce  qui  a  permis  à  Mme  George  Sand  de  dire  : 

Olil  que  (le  mal  vous  m'avez  fait,  cruelle  mamita!  Vous 
m'avez  aimée  comme  je  ne  le  serai  jamais  de  personne. 

au  lieu  de  : 

Vous  m'aie;  aimée  comme  je  ne  serai  jamais  aimée  de 

pei  sonne. 

En.sMilo,  quand  après  le  verbe  rire  se  trouva  un  par- 
ticipe identique  de  prononciation  avec  une  forme  active 


à  laquelle  le  même  verbe  était  employé  précédemment, 
on  substitua  encore  le  à  ce  participe  : 

Il  la  regarda  et  lut  dans  ses  yeux.  Il  la  servit  comme  elle 
voulait  l'être  [servie]. 

(Michelet,  dans  Âubertin,  p.  a5i.} 

On  ne  peut  bien  déclamer  que  ce  qui  mérite  de  l'être 
[déclamé]. 

(Voltaire,  .Siècfe  de  Louis  XIV ,  Lulli.) 

La  masse  des  spectateurs  court  risque  de  s'entre-égorger, 
chacun  codant  à  la  crainte  de  l'être  [égorgé]. 

(Georges  Sand.) 

Enfin,  l'analogie  finit  par  faire  remplacer,  au  moyen 
de  le,  tout  participe  se  rapportant  à  un  verbe  actif  em- 
ployé à  une  personne  qui  différait  de  son  avec  ledit  par- 
ticipe, comme  dans  ces  exemples  : 

On  paya  alors  avec  cet  argent  tous  ceux  qui  voulurent 
l'être  [payés]. 

(Voltaire,  dans  Aubertin,  p.  a5l.) 

11  les  traite  comme  il  l'a  été  [traite]  tout  à  l'heure. 

(Michelet,  id«m,) 
Il  est  difficile  à'embellir  ce  qui  ne  doit  Teïre  [embelli]  que 
jusqu'à  un  certain  degré. 

(Thomas,  dans  la  Gram.  nat.,  p.  367.) 

Je  Vaimerois  si  son  inconstance  ne  la  rendoit  indigne  de 
l'être  [aimée]. 

(Régnier-Desmarais,  Gram.') 

Or,  dans  ces  dernières  phrases,  on  a  été  évidemment 
trop  loin;  c^v paya  eipaijé,  traite  et  traité,  embellir  et 
embelli,  aimerais  et  aimée  ne  se  prononçant  pas  de  la 
même  manière,  il  n'y  avait  pas  lieu  d'appliquer  le  prin- 
cipe tout  d'euphonie  sur  lequel  repose  la  substitution 
de  le  à  un  adjectif  ou  à  un  participe. 

D'oîi  je  conclus  que,  excepté  dans  le  cas  où  il  n'y  a 
pas  identité  de  son,  on  peut  toujours  remplacer  avanta- 
geusement par  le  un  verbe  mis  à  l'actif,  si  ce  pronom  le 
fait  sous-entendre  dans  un  sens  passif,  et  qu'en  consé- 
quence, la  phrase  que  vous  me  proposez  est  irrépro- 
chable de  construction,  puisque  le  participe  attribuée, 
qui  s'y  rencontre,  sonne  comme  l'infinitif  attribuer. 

X 

Seconde  Question. 

Puisqu'on  dit  sorcier,  pourquoi  dit-on  sorcellerie? 
Voilà  une  de  ces  bizarres  dérivations  qu'on  ne  trouve 
que  dans  votre  langue,  que  je  n'en  étudie  pas  moins 
toutefois  avec  ardeur. 

Les  noms  en  ier  donnés  à  des  hommes  exerçant  une 
certaine  profession  forment   généralement  le  nom  de 
cette  profession  eu  changeant  le  son  ié  en  e  muet,  et     j 
en  s'allongeant  de  la  finale  ie  : 

'  Bijoutier  —  Bijouterie 
Chapelier—  Chapellerie 
Epicier     —  Epicerie. 

Un  seul  dérivé  de  cette  espèce,  sorcellerie,  fait  excep- 
tion. Comment  expliquer  celte  anomalie?  Je  crois  que 
c'est  ainsi  (]u'il  suit  : 

Nous  avons  également  des  noms  en  ie  qui  se  sont 
formés,  non  pas  du  nom  de  la  personne  qui  fait  l'action, 
mais  du  verbe  par  lequel  on  désigne  cette  action  elle- 
même;  tels  sont  : 

fiadauder/e  de  Badauder 
Escroquerie  —  Escroquer 
Marqueterie    —   Marqueter. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


449 


Or,  notre  vieille  langue  possédait  le  verbe  sorcrler 
(venu  de  sorcier  par  le  changement  si  commun  à  une 
certaine  époque  de  r  en  ^),  verbe  qui  avait  donné  sorce- 
lage.  N'est-il  pas  à  croire  que  l'on  a  tiré  aussi  du  même 
verbe  le  nom  désignant  l'art  du  sorcier,  et  que,  plus 
tard,  abandonnant  peu  à  peu  sorcerie  (car  dans  l'ori- 
gine, sorcier  avait  eu  ce  dérivé),  on  l'a  finalement  rem- 
placé par  sorcellerie,  qui  diffère  des  autres  noms  de  pro- 
fession en  ie,  parce  que  ce  n'est,  en  quelque  sorte,  qu'un 
descendant  de  sorcier  au  second  degré? 

L'anglais  sorcery  est  évidemment  le  vieux  mot  fran- 
çais sorcerie,  porté  en  Angleterre  par  les  soldats  de 
Guillaume-le-Gonquéranl(l066).Or,  deux  siècles  après, 
on  ne  trouve  plus  que  sorcellerie,  dont  voici  le  plus 
ancien  exemple,  cité  par  M.  Littré  : 

DacieDS  voit  son  frère,  moult  docement  11  prie; 
Amis,  car  croi  en  Dieu  le  fil  sainte  Marie, 
fit  relenquis  Malion  et  sa  sorcelerie. 

(Chanson  d'Antioche.) 

On  peut  en  inférer,  il  me  semble,  que  le  mot  sorcel- 
lerie a  pris  naissance  à  peu  près  vers  le  xn=  siècle. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

f  ...  parce  qu'elle  est  morte  avant  de  naître  (pas  de  que);  — 
2°  ...  moins  grandes  que  ne  le  répètent;  —  S"  ...  les  explications 
qu'e/ie  rrojait  (se  rapporte  à  Tribune  et  non  à  journal);  — 
4°  ...  dans  tout  le  monde  civilisé,  non-seulement  guérit...  mais 
encore  elle  montre  son  effet;  —  5"  ...  à  jeter  de  simples  ana- 
thèmes  et  à  fulminer;  —  6'  ...  excitant  des  citoyens  à  se  me'pri- 
ser  et  à  se  haïr  les  uns  les  autres;  —  7°  ...  avec  indifférence, 
voire  avec  satisfaction  (pas  de  même,  expliqué  par  le  Courrier  de 
Vaugelas,  l'  année,  p.  185);  —  8°...  ne  laissent  pas  de  (il  faut 
supprimer  que);  —  9°  ...  à  74  ans,  paraît  en  avoir  trente. 

Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

!•  Il  serait  temps  que  le  corps  enseignant  soit  débarrassé 
de  l'élément  révolutionnaire  et  libre-penseur  qui  l'a  envahi 
et  qui  l'a  corrompu. 

ï'  On  dirait  qu'il  prévoit  que  la  roue  de  la  fortune 
pourrait  bien  cesser  de  tourner  pour  l'Allemagne,  et  que, 
tout  homme  de  génie  qu'il  soit,  M.  de  Bismark  n'est  pas 
infaillible. 

3*  Le  prince  Louis-Napoléon  Bonaparte,  s'inspirant  de  la 
gravité  des  circonstances,  avait  demandé  et  obtfnu  du 
peuple  français  de  transformer  une  légalité  précaire  et 
limitée  en  un  droit  définitif  et  indéfini. 

4*  Il  en  sera  temps,  lorsque  cette  assemblée,  qui  s'est  ima- 
ginée que  la  France  tie  89  s'était  abîmée  dans  un  offondre- 
ment  définitif,  aura  fait  place  à  une  autre  assemblée. 

5*  Il  s'en  trouvait  qui  songeaient,  en  les  poussant  ainsi, 
à  d'autres  intérêts  qu'à  ceux  de  la  République. 

6"  Un  témoin  oculaire  a  vu  cent  jonques  environ  se  heur- 
ter les  unes  contre  les  autres,  sombrer  ensemble  et  repa- 
raître quelques  minutes  après,  sur  les  flots,  hachées  me- 
nues comme  des  allumettes. 

7"  11  dépendrait  donc  de  la  partie  jeune  que  nous  ayons 
bientôt  un  ministère  de  détente.  Ne  nous  berçons  pas  d'il- 
lusions, cependant,  et  attendons  la  rentrée. 

8'  Mais  si  la  douleur  déchirait  notre  âme,  notre  espérance 


en  la  vitalité  de  la  France  ne  nous  abandonna  jamais.  Plus 
ses  malheurs  étainnt  grands,  plus  grande  aussi  était  notre 
confiance  en  son  étoile. 

9"  Ainsi  les  journaux  bonapartistes  se  plaignent  de  ce 
que  nous  ayons  usé  contre  eux  des  paroles  prononcées  par 
le  ministre  de  l'intérieur  devant  la  commission  de  perma- 
nence. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 

FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE  MOITIE  UU  XVII'  SIECLE. 

VAUGELAS. 

'Suite.) 

Ait  demeurant.  —  Ceux  qui  écrivent  purement  ne  se 
servent  plus  de  ce  terme  pour  dire  au  reste  ;  il  a  cepen- 
dant été  en  grand  usage  parmi  les  bons  auteurs. 

Bigearre,  bizarre.  —  Tous  deux  sont  bons  (1647;  ; 
mais  bizarre  est  tout-à-falt  de  la  Cour,  en  quelque  sens 
qu'on  le  prenne. 

DES  remplacé  par  de. —  Au  nominatif  et  à  l'accusatif, 
de  se  met  devant  l'adjectif,  et  des  devant  le  substantif; 
il  faut  dire  il  y  a  d'excellens  hommes,  et  ;/  y  a  des 
hommes  excellens.  Cette  règle,  qui  est  essentielle  eH 
notre  langue,  est  enfreinte  dans  la  plupart  des  pro- 
vinces et  par  un  nombre  infini  d'écrivains  français. 

Encliiier. —  Quelques-uns,  et  même  à  la  Cour,  disent 
ce  mot  au  lieu  de  incliner,  se  fondant  sur  ce  que  l'on 
dit  enclin;  c'est  une  faute. 

Accueillir.  —  Plusieurs  bons  auteurs  ainsi  que  les 
habitants  des  bords  de  la  Loire  emploient  ce  verbe  en 
mauvaise  part  :  accueilli  de  lu  teinpcle,  de  la  famine, 
etc.  Mais  à  la  Cour,  on  s'en  sert  plutôt  en  bonne  part  : 
il  a  été  accueilli  favorablement. 

Après.  —  Devant  un  infinitif,  et  pour  dénoter  une 
action  continue,  ce  mot  est  français,  mais  bas;  j'e  suis 
après  de  les  achever  n'est  pas  du  beau  style. 

Comme,  comment,  comme  quoi.  ■ —  Ce  dernier  est  un 
terme  nouveau  (1647),  qui  n'a  cours  que  depuis  quel- 
ques années,  mais  qui  est  tellement  usité  qu'on  l'a  à 
tout  propos  à  la  bouche.  Vaugelas  aimerait  mieux  que 
l'on  dit  comment.  Quant  aux  deux  autres,  il  y  a  bien 
peu  d'endroits  où  l'on  puisse  les  employer  l'un  pour 
l'autre,  .\insi,  par  exemple,  quand  on  se  sert  du  verbe 
demander  pour  interroger,  nul  doute  qu'on  ne  puisse 
dire  comme;  la  phrase  demandez-lui  comme  cela  se 
peut  faire  est  fort  mauvaise. 

Guère,  r/ueres.  —  On   met  à  volonté  une  s  à  ce  mot. 

Coinpagnée,  compagnie.  —  Le  premier  est  un  terme 
barbare  s'il  en  fut  jamais,  ce  qui  n'empêche  pas  qu'il 
soit  dans  la  bouche  et  dans  les  écrits  d'une  quantité  de 
gens  qui  font  profession  de  bien  parler  et  de  bien  écrire. 
Il  faut  toujours  dire  compagnie. 

Bienfaiteur,  bienfaicteur,  bienfacteur.  —  C'est  le 
premier  qui  est  le  meilleur  pour  la  prononciation  et 
pour  l'orthographe.  Bienfacleur  ne  vaut  rien. 

Bétail,  bestial.  —  Tous  deux  sont  bons;  mais  bétail 
est  beaucoup  meilleur.  Il  semble  que  bestial  est  plus 


450 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


dans  l'usage  de  la  campagne,  et  que  Fautre  est  plus  de 
la  Ville  et  de  la  Cour. 

IL  EST  pour  IL  ri.  —  C'est  une  expression  qui  est 
très-familière  à  Malherbe;  mais  il  n'est  pour  il  n'y  a 
est  beaucoup  meilleur  et  plus  en  usage  que  il  est  pour 
il  y  a.  Du  reste,  il  y  a  trois  cas,  donnés  par  Vaugelas, 
où  cette  substitution  est  seule  possible. 

Parricide,  fratricide.  —  Le  premier  s'applique  aussi 
bien  à  celui  qui  a  tué  sa  mère,  son  prince  ou  trahi  sa 
patrie  qu'à  celui  qui  a  tué  son  père.  Ceux  qui  disent 
fratricide  composent  un  mot  qui  n'est  pas  français. 

Cupidité.  —  Aujourd'hui  (Ifi47l,  aucun  de  nos  bons 
écrivains  n'emploie  ce  mol,  tous  disent  convoitise. 

Portrait,  pourtrait.  — •  Il  faut  dire  portrait  et  non 
pourtrait  avec  un  u,  comme  la  plupart  ont  accoutumé 
de  le  prononcer  et  de  l'écrire.  Depuis  dix  ou  douze  ans, 
certains  o  prononcés  par  ou,  comme  dans  chôme,  se 
prononcent  o. 

Filleul,  fillol.  —  Toute  la  Cour  dit  filleul,  filleule, 
et  toute  la  ville  fillol,  filiale.  L'usage  de  la  Cour  doit 
prévaloir,  parce  que  la  diphlhongue  e«  est  incompara- 
blement plus  douce  que  la  voyelle  o. 

Etre  pour.  —  Façon  de  parler  française,  mais  basse 
quand  elle  est  employée  comme  dans  celte  phrase  :  ils 
étaient  pour  avoir  encore  pis. 

Date.  —  Beaucoup  de  gens  disent  le  date  d'une 
lettre;  il  faut  dire  la  date,  et  ne  mettre  qu'un  t;  c'est 
à  datte,  fruit  du  palmier,  qu'il  en  faut  deux. 
Sûreté,  sûrté.  —  Toujours  sûreté  et  jamais  sûrté. 
Dont. —  Quelques-uns  disent  encore  dont  pour  d'où, 
comme  le  lieu  dont  Je  viens;  mais  c'est  très-mal  parler, 
il  faut  dire  d'oii  je  viens,  quoique  réellement  dont 
vienne  de  undè. 

Ambitionner.  —  Il  y  a  longtemps  que  Ton  se  sert  de 
ce  mot,  mais  ce  n'est  pas  dans  le  bel  usage;  ceux  qui 
font  profession  de  parler  et  d'écrire  purement  l'ont  tou- 
jours condamné,  et  quoi  que  l'on  ait  fait  pour  l'intro- 
duire, ça  été  avec  si  peu  de  succès,  qu'il  y  a  peu  d'ap- 
parence qu'il  s'établisse  à  l'avenir. 

Fond,  fonds.  —  Fo7id,  sans  s,  est  la  partie  la  plus 
basse  de  ce  qui  contient  ou  qui  peut  contenir  quelque 
chose,  c'est  le  latin  fundum;  fonds,  avec  une  s,  c'est  le 
latin  fundus. 

Il  a  fait  tant  et  de  si  belles  actions.  —  Cette  façon  de 
parler  a  été  fort  usitée  autrefois;  mais  aujourd'hui  elle 
a  quelque  chose  de  vieux  et  de  rude,  et  ceux  qui  écri- 
vent bien  purement  ne  s'en  servent  plus.  Ils  se  conten- 
tent de  dire  il  a  fait  tant  de  belle.':  actions. 

Quoi  que  l'on  die,  quoi  qu'ils  dient .  —  Au  singulier, 
quoi  qu'il  die  est  fort  en  usage,  et  en  parlant  et  en  écri- 
vant, bien  que  quoique  l'on  dise  ne  soit  pas  mal  dit; 
mais  (juoi  qu'ils  dient,  au  pluriel,  ne  semble  pas  si  bon 
à  jjlusieurs  que  quoi  qu'ils  disent . 

Bailler,  donner. — Sauf  en  quelques  endroits,  comme 
dans  bailler  à  ferme,  on  dit  toujours  donner. 

Mes  obéissances.  —  Une  infinité  de  gens  disent  et 
écrivent  7e  vous  irai  assurer  de  mes  obéissances.  Celte 
façon  de  parler  n'est  pas  française;  elle  vient  de  la  Gas- 
cogne; il  faut  dire  obéissance  au  singulier. 


Le  voilà  qui  vient.  —  C'est  ainsi  qu'il  faut  dire,  et 
non  le  voilà  qu'il  vient. 

Comme  je  suis.  — On  a  repris,  plusieurs  le  savent, 
celle  façon  de  parler  qxiand  je  ne  serais  pas  votre  servi- 
teur comme  je  suis,  et  cela,  en  disant  que  ces  derniers 
mots  sont  inutiles.  Selon  Vaugelas,  cette  allégation  est 
entièrement  fausse. 

Vers  où.  —  Employée  comme  dans  cette  phrase,  il  se 
rendit  à  un  tel  lieu,  vers  ait  l'armée  s'avançait,  celte 
expression,  introduite  depuis  peu,  n'est  pas  bonne, 
attendu  que  la  préposition  vers  ne  régit  jamais  un 
adverbe,  mais  bien  un  nom,  avec  ou  sans  article.  Nous 
avons  pris  ce  vers  oii  des  Italiens,  qui  disent  verso  dove. 

Plaire.  —  Ce  verbe  se  construit  quelquefois  avec  de 
et  quelquefois  sans  de,  et,  dans  certains  endroits,  il  est 
comme  indifférent  de  l'accompagner  ou  de  ne  pas  l'ac- 
compagner de  celle  préposition.  Il  vaut  mieux  dire  la 
faveur  qu'il  vous  a  plu  me  faire;  mais  ce  serait  une 
faute  que  de  ne  pas  mettre  de  dans  les  phrases  suivantes  : 
il  me  plaît  de  faire  cela,  il  me  plaît  d'y  aller,  etc. 

Il  s'est  brillé,  et  tous  ceux  qui  étaient  auprès  de  lui. 

—  Quoique  familière  à  nos  meilleurs  écrivains,  cette 
construction  n'est  pas  bonne;  il  faudrait  dire  :  il  s'est 
brûlé,  et  a  brûlé  tous  ceux  qui  étaient  auprès  de  lui. 
Rien  ne  peut  dispenser  ici  de  répéter  un  mol;  il  est 
impossible  que  la  construction  du  verbe  passif  puisse 
«  compatir  »  avec  celle  du  verbe  actif. 

Demi-heure,  demi-douzaine.  ■ —  C'est  ainsi  qu'il  faut 
dire  et  écrire,  et  non  demie  heure,  demie  douzaine; 
mais  on  écrit  une  heure  et  demie,  etc. 

Quelque  riches  qu'ils  soient.  —  Comme  ici  quelque 
est  adverbe,  il  ne  faut  pas  l'écrire  avec  uneA-;caril 
signifie  encore  que.  Néanmoins,  on  doit  remarquer  qu'il 
n'est  adverbe  qu'avec  les  adjectifs,  car  on  écrit  quelques 
perfections  qu'il  ait,  etc. 

Valant,  Vaillant.  —  Entre  le  substantif  et  le  prix 
qu'on  adjuge  à  l'objet  qu'il  représente,  on  met  valant, 
comme  dans  :  je  lui  ai  donné  vingt  tableaux  valans 
cent  pistoles  la  pièce,  et  non  pas  vaillans. 

A  moins  de  faire  cela.  —  Phrase  aussi  mauvaise  que 
à  moins  que  faire  cela.  Il  faut  à  moins  que  de  faire  cela. 

Loin  de  m' avoir  récompensé,  il  m'a  fait  mille  maux. 

—  Encore  une  mauvaise  phrase;  il  faut  mettre  ô/e»  de- 
vant loin,  et  dire  bien  loin  de  m'avoir  récompensé,  etc. 

Jours  caniculaires.  —  On  dit  a.nss\  jours  caniculiers, 
mais  la  première  expression  est  beaucoup  meilleure,  car, 
à  la  Cour,  on  ne  peut  souffrir  l'autre. 

Gancjreine.  — 11  faut  écrire  ce  mot  avec  un  «7  au  com- 
mencement, mais  on  prononce  cangrène,  avec  un  c, 
pour  éviter  la  répétition  des  deux  g. 

Un  mien  frère.  —  Aujourd'hui,  on  ne  se  sert  plus 
ainsi  des  pronoms  possessifs,  fort  usités  autrefois;  il 
faut  dire  :  un  de  mes  frères,  et  s'il  n'y  en  a  qu'un,  mon 
frère. 

Notamment.  —  Gel  adverbe  n'est  plus  du  bel  usage  ; 
il  vaut  mieux  dire  nommément. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rkdacteor-Gkkant  :  Emam  .MARTIN. 


LE   COURRIER  DE  VAUGELAS 


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BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 

Publications  de  la  quinzaine  : 


Une  parente  pauvre;  par  M"""  Bourbon  iMathilde 
Froniont).  6°  édition.  In-18  Jésus,  275  p.  l'aris,  lib.  Bray 
et  Retaux. 

Œuvres  politiques  de  Benjamin  Constant,  avec 
introduction,  notes  et  index,  par  Charles  Louandre.  In-18 
Jésus,  xxviii-i36  p.  Paris,  lib.  Cliarpentier  l'X  C'".  3  fr.  50. 

Froment  jeune  et  Risler  aine.  Mœurs  parisiennes; 
par  Alphonse  Daudet.  2'  édition,  in-18  Jésus,  394  p.  Paris, 
lib.  Charpentier  et  C".  3  fr.  50. 

Les  Pensées  de  tout  le  monde;  par  Arnould  Frémy. 
In-18  Jésus,  iv-281  p.  l'aris,  lib.  IVlichel  Lévy  frères.  3  fr. 
50. 

Les  filles  d'Enfer;  par  Charles  Joliet.  In-18  Jésus, 
293  p.  Paris,  lib.  Deutu.  3  fr. 

Contes  et  Nouvelles  envers;  par  M.  de  La  Fontaine. 
Édition  des  Fermiers  généraux.  T.  2.  Avec  42  fig.  à  part, 
39  têtes  de  page,  fleurons  et  culs-de-lampe.  In-8",  xi-320  p. 
Paris,  lib.  Barraud.  kO  fr. 

Le  Mari  de  Ctiarlotte;  par  Hector  .Malot.  In-18  Jésus, 
439  p.  Paris,  lib.  Micliel  Lévy  frères.  3  fr.  50. 

Chronique  du  règne  de  Charles  IX,  suivie  de  la 
Double  méprise  et  de  la  Guzla  ;  par  Prosper  Mérimée, 
de  l'Académie  française.  In-18  Jésus.  Uû  p.  Paris,  lib. 
Charpentier  et  G'«.  3  fr.  50. 

Les  Boutiques  de  Paris.  La  Boutique  du  mar- 
chand de  nouveautés;  par  Eugène  Muller.  2«  édition. 
In-18  Jésus,  247  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  C"^  1  fr.  25. 

Correspondance  de  P.  J.  Proudhon;  précédée 
d'une  notice  sur  P.  J.  Proudhon;  par  J.  A.  Langlois. 
T.  1.  In-8',  XLviii-36/i  p.  Paris,  lib.  InternatioDale.  5  fr. 

Œuvres  complètes  de  Rutebeuf,  trouvère  du  XIII» 
siècle;  recueillies  et  mise  au  jour  pour  la  première  fois 
par  Achille  Jubinal,  ex-professeur  de  faculté.  Nouvelle 
édition,  revue  et  corrigée.  T.  2.  ln-16,  396  p.  Paris,  lib. 
Daffls.  5  fr. 


L'Ancien  Orient.  Études  historiques,  religieuses  et 
philosophiques  sur  l'Egypte,  la  Chine,  l'Inde,  la  Perse,  la 
Chaldée  et  la  Palestine;  par  Léon  Carre.  T.  I.  Egypte- 
Chine.  T.  2.  Inde-Perse-Chaldée.  In-8',  xvi-1016  p.  Paris, 
lib.  Nouvelle.  6  fr.  le  vol. 

Souvenirs  de  guerre  et  de  captivité  (France  et 
Prusse)  ;  par  le  H.  P.  de  Damas,  de  la  compagnie  de  Jésus. 
In-12,  3'24  p.  Paris,  lib.  Téqui. 

Théâtre  complet  d'Alexandre  Dumas.  Nouvelle  édi- 
tion. 25  vol.  In-18  Jésus,  7,463  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy 
frères.  Chaque  vol.  1  fr.  25. 

Souvenirs  militaires  du  colonel  de  Gonneville; 
publiés  par  la  comtesse  de  Mirabeau,  sa  fille,  et  précédés 
d'une  étude  par  le  général  baron  Ambert.  In-S-,  lxx-399  pi. 
Paris,  lib.  Didier  et  C'«.  7  fr. 

Maine  de  Biran,  sa  vie  et  ses  pensées;  publiées 
par  Ernest  Naville.  2"  édition,  revue  et  augmentée.  la-S", 
xi-459  p.  Paris,  lib.  Didier  et  C'". 

La  Marquise  de  Barol,  sa  vie  et  ses  œuvres,  sui- 
vies d'une  notice  sur  Silvio  Pellico  ;  par  M.  le  v''"  de 
Meluu.  i'  édition.  Ia-12,  358  p.  Paris,  lib.  Poussielgue 
frères. 

Tragédies  de  Paris.  III.  La  Femme  du  baron 
■Worms  ;  par  Xavier  de  .Montépin.  In-18  Jésus,  288  p.  et 
gr.  Paris,  lib.  Satorius.  3  fr.  50. 

Les  Nouveaux  Samedis  ;  par  A.  de  Pontmartin. 
10*  série.  Gr.  in-18,  3S4  p.  Paris,  lib.  IMichel  Lévy  frères. 
3  fr.  50. 

Œuvres  complètes  de  Régnier,  revues  sur  les  édi- 
tions originales,  avec  préface,  notes  et  glossaire; 
par  M.  Pierre  Jannet.  In-16,  xxiv-264  p.  Paris,  lib.  Le- 
merre.  Sur  papier  glacé,  2  fr.  50;  papier  vélin  (fil)  5  fr.  ; 
papier  de  Chine,  15  fr. 

Ma  sœur  Jeanne;  par  Georges  Sand.  5°  édition.  In-18 
Jésus,  363  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  3  fr.  50. 


Publications   antérieures 


NOUVELLE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  fondée  sur 
l'histoire  de  la  L.\NGUE,à  l'usagc  des  établissements  d'ins- 
truction secondaire.  —  Par  Auguste  Br.vchet,  professeur  à 
.  l'Ecole  polytechnique.—  In-12,  xix-248  p.—  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  97,  boulevard  St-Cermain.—  Pri.x  :  1  fr.  50. 


LES  DIALOGUES  DE  JACQUES  TAHUREAU,  gen- 
tilhomme du  Mans,  avec  notice  et  index.  —  Par  F.  Cons- 
cience. —  Paris,  Alphonse  Lemerre,  éditeur,  47,  Passage 
Choiseul.  —  Prix  :  7  fr.  50. 


ŒUVRES  COMPLÈTES  DE  MELIN  DE  SAINCT- 
GELAYS,  avec  un  commentaire  inédit  de  B.  de  la  Mon- 
noye,  des  remarques  de  MM.  Emm.  l'hilippes-Beaulieux, 
R.  Dezeimeris,  etc.  Edition  revue,  annotée  et  publiée  par 
Prosper  Blanchemain.  —  T.  2.  —  In-16,  365  p.  —  Paris, 
librairie  Ûa/'/î.v,  9,  rue  des  Beaux-Arts. 


LE  GRAND  TESTAMENT  DE  VILLON  ET  LE  PE- 
TIT. Son  Codicille.   Le  Jargon  et  ses  ballades^  aussi  le 


rondeau  que  ledit  Villon  fist  quand  il  fust  jugé  à  mort,  et 
la  requeste  qu'il  bailla  k  Messeigneurs  de  Parlement  et  à 
Monseigneur  de  Bourbon.—  III.  —  In-16,  120  p.  —  Lille, 
imprimerie  Six-Hormans. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARD,  publiées  par  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  Siméon  Luce.  T.  5.. 
1356-1360.  Depuis  les  préliminaires  de  la  paix  de  Poitiers 
jusqu'à  l'expédition  d'Edouard  UI  en  Champagne  et  dans 
l'Ile-de-France.  —  In-8%  lxxi-436  p.  —  Paris,  librairie 
V"  J.  Renouard.  —  Prix  :  9  francs. 


L'INTERMEDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fischba- 
cher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  1«  année,  15  fr.; 
2'-  année,  10  fr.;  3"  année,  12  fr.;  4=  année,  8  fr.;  5°  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 

CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANCE,  AN- 
CIENNES ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 


452  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


logique  et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Montjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bonaventuhe  des  Perters.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  Jacob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delihays,  éditeur,  û-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.  ;  in  8»  :  2  fr.  50. 


Adolphe  Delahays,  éditeur,  It-G,  rue  Voltaire.  —  In-16 
5fr.;  in-18  Jésus,  2  fr.  50. 


LA  VRAIE  HISTOIRE  DE  FRANCION,  composée  par 
Charles SoREL,sieurdeSouvigny.  — Nouvelle  édition,  avec 
avant-propos   et  notes  par   Emile   Colombay.    —    Paris, 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


PROPOS  RUSTIQUES,  BALIVERNES,  CONTES  ET 
DISCOURS  D'EUTRAPEL.  —  Par  Noël  du  Fail,  seigneur 
de  la  Ilérissaye,  gentilhomme  breton.  —  Edition  annotée, 
précédée  d'un  essai  sur  Noël  du  Fail  et  ses  écrits.  —  Par 
Marie  Guichard.  —  Paris,  librairie  Charpentier,  19,  rue  de 
Lille. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  â  l'étranger. 


I. 

Les  Professeurs  de  français  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  confiance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  /i2,  Queen  Square,  à  Londres,  W.  C,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

II. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo-française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Angleterre  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires.  —  L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la 
France,  et  il  se  prend  à  Paris  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue  de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart, 
2,  rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Académie  françaisf.  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au 
Concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  inédits  et 
n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront 
une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  — 
Sont  seuls  admis  à  concourir:  l-les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane;  2°  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire 
de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1"  juillet  1875.  —  Ils  resteront  déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les 
auteurs  pourront  en  prendre  connaissance.  —  Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins 
de  cent  vers. 

L'Aradémiiî  française  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone.  —  Le  nombre  des  vers 
ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents.  —  Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secré- 
tariat de  l'Institut,  franches  de  port,  avant  le  15  février  1875,  terme  de  rigueur.  —  Les  manuscrits  porteront  chacun 
une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  ;i  l'ouvrage;  ce  billet  contiendra  le  nom  et 
l'adresse  do  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours, 
mais  les  auteurs  pourront  on  faire  prendre  copie. 


Le,  rcil.irlpiir  du  Caurricr  de  Viuit/r/as  csl  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Uolrou. 


6*  Année. 


N'   20. 


15  Janvier  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


^^^ 


\<\\S  Journal  Semi-Mensuel  "W/     // 

S^     CONSACRÉ    A    L*    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(   J 


Paraissant   la    1"  ot   la   IS    da   ehaana  moia 


PRIX  ; 

Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ON  S'.\BONNE 

Aboanement  pour  la  France.    6  f. 

ANCIEN     PROFESSEIR      SPÉCUL      POUR      LES      ÉTB.AXGERS 

En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 

Wera        pour  l'Étranger   10  f. 

Ofiicier  d'Académie 

soit  au  Rédacteur,  soit  à  r.\dra' 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 

26,  boulevard  des  ItaMens,  Paris. 

M.  FiscHBACHEH,  33,  TUtt  de  Seine. 

SOM.M.\IRE. 

Réponse  à  une  communication;  —  Pourquoi  la  qualification  Armes 
de  Bourges  est  appliquée  à  un  ignorant;  —  Si  c'est  une  faute 
que  de  dire  :  Vous  que  j'appris  à  pleurer.  \\  Quand  Pourquoi 
en  un  mot,  et  quand  en  deux  mots;  —  Ce  qu'on  entend  par 
Cercle  de  Popilius.  ||  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la 
biographie  de  Vaugelas.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de  litté- 
rature. Il  Renseignements  pour  les  professeurs  français.  ||  Con- 
cours littéraires.  ||  Avis  aux  abonnés  de  la  province. 


FRANCE 


Réponse  à  M.  Charles  Deiilin. 

Les  points  sur  lesquels  la  letlre  de  M.  Charles  Deulin 
appelle  mon  attention  sont  au  nombre  de  quatre  ;  je  vais 
les  examiner  successivement  dans  Tordre  oii  ils  se  pré- 
sentent. 

I. 

M.  Charles  Deulin  m'avait  adressé  cette  question  : 

Dans  la  phrase  suivant?,  où  il  s'agit  dp  princesses:  t  II 
y  en  a  dP  brunes,  de  blondes,  de  chàtain-clair,  etc.  «  faut- 
il  de  ou  des  ? 

Je  croyais  ayoir  suffisamment  prouvé  qu'il  faut  de,  et 
non  des,  dans  cette  phrase;  mais  .M.  Charles  Deulin 
n'ayant  pas  été  «  entièrement  satisfait  »  de  mon  expli- 
cation, je  me  vois  obligé  de  lui  en  donner  une  autre, 
espérant  être  cette  fois  plus  heureux. 

Voici  cette  seconde  explication  : 

En  français,  c'est  une  règle  générale,  si  l'on  ellipse 
les  mots  qui  est,  (/ni  sont,  qui  étaient,  etc.,  suivis  d'un 
adjectif  ou  d'un  participe,  de  remplacer  ces  mots  par 
de,  lorsque  le  substantif  en  relation  avec  qui  a  été 
lui-même  remplacé  par  le  mot  en,  comme  dans  ces 
exemples  ; 

La  terre  commence  à  verdir,  les  arbres  à  bourgeonner, 
leB  fleurs  à  s'épanouir  :  il  y  en  a  déjà  de  passées. 

',Bern.  de  Saint-Pierre.) 

On  peut  dire  que  parmi  les  anecdotes,  les  discours,  les 


mots  rélèbres  rapportés  par  les  historiens,  il  n'y  en  a  pas 
un  de  rigoureusement  authentique. 

(Renan,  Vie  de  Jésus,  p.  47-1 

Mais  parmi  les  traits  lancés  de  toutes  parts,  ne  s'en  trou- 
vera-t-il  aucun  d'empoisonné? 

(Em.  Souvestre,  Phil.,  p.  m.) 

Or,  comme  dans  la  phrase  que  m'a  envoyée  .M.  Charles 
Deulin,  e«  a  été  mis  à  la  place  de  princesses,  il  faut 
nécessairement  de,  et  non  des,  avant  brunes,  blondes, 
etc.,  puisque  l'expression  qui  étaient,  répétée,  a  été 
ellipsée  avant  ces  adjectifs. 

.M.  Charles  Deulin  me  dit  qu'il  préfère  à  la  mienne  la 
solution  de  M.  Baudry,  pour  qui  la  «  suppression  »  de 
l'article  dans  ce  cas  tient  «  surtout  «  à  ce  que  de  précède 
immédiatement  un  adjectif. 

Oi;i  voit-on  donc  qu'il  y  ait  ici  suppression  d'article? 

Quand  la  phrase  est  complète,  des  princesses  se  trouve 
bien,  à  la  vérité,  après  le  verbe,  et  qui  étaient  sépare 
des  princesses  d\i  qualificatif;  mais,  par  suite  de  l'ellipse 
des  mois  des  princesses,  l'article  que  renferme  des  va 
s'absorber  dans  le  pronon  en,  et  il  ne  reste  avant 
l'adjectif  que  les  mots  qui  étaient,  dont  le  remplacement 
par  de  ne  peut  donner  lieu  au  rejet  d'aucun  article. 

Du  reste,  ce  n'est  pas  le  seul  cas  où  de  s'emploie  de 
cette  manière.  Ainsi,  il  est  évident  qu'on  ne  substitue 
pas  ce  mot  à  l'article  quand,  par  exemple,  on  dit,  en 
parlant  d'un  combat  : 

Nous  avons  eu  quarante  hommes  de  tués  et  deux  cents 
de  blessés. 

Si,  après  ce  qui  précède,  il  restait  encore  quelques 
doutes  à. M.  Charles  Deulin,  relativement  à  la  question 
qu'il  m'a  adressée,  il  lui  suffirait,  pour  les  dissiper,  de 
lire  la  phrase  suivante,  de  Bernardin  de  Saint-Pierre 
parlant  des  mouches  de  son  rosier  : 

Il  y  en  avait  dedoréps,  d'argpntops,  de  bronzées,  de  tigrées, 
de  bleues,  de  vertes,  de  rembrunies,  de  chatoyantes. 

IL 

Dans  le  numéro  7  de  la  présente  année,  j'ai  eu  à 
examiner  la  question  de  savoir  si  une  phrase  interjetée 
peut-renfermer  un  verbe  qui  tienne  lieu  de  son  participe 


434 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


présent  précédé  de  en  et  du  verbe  dire,  ou,  en  d'autres 
termes,  si  les  phrases  comme  les  suivantes  sont  bonnes  : 

Ah,  ab!  ricane  Idit  en  ricanant]  VVnivers,  le  bon  billet 
qu'a  M.  Thirrs. 

Je  \'ous  répète  que  vous  déplacez  la  question,  gronda  [dit 
en  grondant]  Brisemberg. 

Cet  impôt  est  immoral,  tonnait  [disait  en  tonnant] 
M.  Poiiyer. 

Ajoutons,  insista  [dit  en  insistant]  le  docteur,  qu'éveillé, 
il  est  difficile  d'être  surpris. 

C'est  bien,  interrompit  [dit  en  interrompant]  Jersey  d'un 
ton  bourru. 

Parlez,  soupira  [dit  en  soupirant|  M.  Arthur  Dimanche. 

Ce  n'est  pis  la  Commission  qui  a  dit  cela,  s'excusa  [dit  en 
s'excusant]  M.  de  Sugny,  c'est  Nicolas. 

J'ai  répondu  que,  selon  moi,  toutes  ces  phrases  sont 
mauvaises,  et  cela,  pour  les  raisons  suivantes  : 

^°  Parce  qu'étant  des  phrases  interjetées,  leur  verbe 
doit  avoir  pour  complément  direct  les  mots  prononcés 
par  la  personne  que  désigne  le  sujet,  ce  qui  n'a  lieu 
pour  aucune  d'elles  ; 

2°  Parce  que  leurs  verbes,  tout  transposés  qu'ils 
sont  pour  former  des  phrases  interjetées,  ne  peuvent, 
par  ce  simple  changement  de  place,  acquérir  le  sens  de 
dire,  qu'ils  n'ont  pas  naturellement; 

3°  Enfin,  parce  que,  dans  aucun  auteur  classique, 
on  ne  rencontre  de  phrases  interjetées  avec  un  verbe 
ayant  ainsi  deux  sens  difTérents  à  la  fois. 

Mais  ces  raisons  n'ajant  pas  convaincu  .M.  Charles 
Deulin,  qui  trouve  que  la  nécessité  de  créer  des  syno- 
nymes à  dire  suivi  d'un  participe  présent  est  sentie 
surtout  par  ceux  qui  écrivent  des  romans,  je  vais  lui 
en  donner  une  autre  qui,  peut-être,  le  rangera  enfin  de 
mon  avis. 

Supposons,  pour  un  instant,  que  l'innovation  synta- 
xique en  question  soit  admise;  elle  autoriserait  certai- 
nement les  phrases  que  voici  : 

Viens  donc,  sauta-t-il,  si  tu  l'oses! 

En  avant!  courut  notre  chef,  l'ennemi  est  là! 

J'ai  mangé  de  bon  appétit,  se  lera-i-il. 

Eh  bifn!  but-il  un  coup,  êtes- vous  satisfait? 

.M.  Charles  Deulin  consentirait- il  à  les  signer? 
Evidemment  non  :  il  faut  donc  que  son  principe  soit 
erroné  pour  impliquer  une  telle  conséquence. 

Quant  à  s'rxclamer,  autre  synonyme  de  dirr  que 
M.  Charles  Deulin  affectionne  tout  pariiculièremenl,  je 
ne  suis  guère  mieux  disposé  en  sa  faveur,  quoiqu'il  ail 
l'avantage  cependant  d'avoir  été  employé  par  .Saint- 
Simon  ;  je  le  re|)Ousse  : 

D'abord,  parce  que  i'ccrier  nous  a  parfaitement  suffi 
jusqu'ici,  et  preuve,  c'est  que  la  plupart  des  lexico- 
graphes n'enregistrent  même  pas. •^'exclamer; 

Etisuile,  parce  que  la  répétition  de  s'écrier  n'est  pas 
tellement  fréquente  que  le  besoin  d'un  synonyme  pour 
lui  m'apparaisse  comme  évident; 

Enfin,  parce  que  j'eslime  que  s'écrier,  qui  est  une 
vieille  forme  pronominale  dont  l'analyse  ne  peut  rendre 
compte,  n'est  nullement  propre  à  servir  de  patron  pour 
un  néologisme. 


III. 

Sans  oser  les  employer,  .M.  Charles  Deulin  préfère  les 
gallicismes  que  nous  disions  qui  vous  ressemblait,  que 
l'ous  espériez  qui  ne  serait  pas  connue,  à  la  construction 
moderne  que  nous  disions  vous  ressembler,  que  rous 
espériez  ne  devoir  pas  être  connue. 

Pourquoi  ?  Le  paragraphe  suivant  de  sa  lettre  le  donne 
à  entendre  : 

En  général,  les  grammairiens  visent  trop  à  la  régularité 
grammaticale  et  ne  tiennent  pas  assez  compte  de  la  viva- 
cité, la  première  qualité  française  après  la  clarté. 

Ainsi,  pour  M.  Charles  Deulin,  toute  défectueuse 
qu'est  la  construction  présentée  par  lesdits  gallicismes 
(ce  quejecroisavoir  complètementdéraontréi,  ils  valent 
mieux  que  la  tournure  au  mo>en  de  l'infinitif,  parce 
qu'ils  expriment  plus  rapidement  la  pensée. 

Voyons  donc  si,  véritablement,  ils  ont  cet  avantage. 

Je  reprends  les  exemples  cités  dans  le  numéro  2,  et 
je  compte  les  syllabes  des  gallicismes  : 

Cette  madame  de  Quintin,  (jue  nous  disions  qui  vous  res- 
semblait (9  syllabes) 

Peut-être  a-t-il  démêlé  dans  votre  vie  quelque  intrigue 
que  vous  espériez  qui  ne  serait  pas  connue  (12  syllabes). 
Et  que  pourra  faire  un  époux 
Que  l'oulez-vous  qui  soit...  (6  syllabes). 

Mais  pour  guérir  du  mal  qu'il  dit  qui  le  possède  (6  syl- 
labes). 

Je  compte  ensuite  les  syllabes  de  la  même  partie  de 
ces  phrases,  rendue  par  la  tournure  moderne  : 

...  Que  nous  disions  vous  ressembler  (8  syllabes);  —  que 
vous  espériez  ne  devoir  pas  être  connue  (13  syllabes);  — 
que  vous  voulez  être  (6  syllabes);  —  qu'il  dit  le  posséder 
(6  syllabes). 

Or,  en  faisant  la  somme  de  part  et  d'autre,  je  trouve 
les  résultats  suivants  : 

Pour  les  gallicismes  du  xvii"  et  du  xvni^  siècle  : 
33  sjllabes. 

Pour  la  forme  moderne  :  33  syllabes. 

D'où  je  conclus  que,  considérée  au  point  de  vue  de 
la  rapidité  de  l'expression,  la  tournure  moderne  possède 
celte  qualité  juste  au  même  degré  que  l'ancienne. 

Les  grammairiens  ont  souvent  tort,  je  l'avoue:  mais 
ce  n'est  point  ici  le  cas  de  leur  faire  un  reproche. 
IV. 

Enfin,  passant  aux  Phrases  à  corrif/erôa  numéro  11, 
M.  Charles  Deulin  me  demande  pourquoi,  dans  celle- 
ci  :  a  Ils  se  plaignent  avec  raison  qu'on  leur  fait  jouer  » 
je  veux  qu'on  écrive  :  qu'on  leur  fasse  jouer,  quand, 
d'après  .M.  Liltré,  on  met  le  subjonctif  seulement  «  lors- 
que le  sens  est  que  l'acte  exprimé  par  le  verbe  au  sub- 
jonctif est  hypothétique  ». 

.Ma  raison,  la  voici  : 

(Vcst  une  lègle  qui  me  semble  sans  exception  que  de 
meltie  au  subjonclif,  après  la  simple  conjonction  que, 
tout  verbe  régime  d'un  autre  exprimant  les  émotions 
suivantes  de  l'Ame  :  \e  plaisir  et  \aL  peine,  Vamour  et  la 
haine,  le  désir  et  l'arersion,  la  joie  et  la  (rislesse,  la 
salisfaction  et  le  mécontentement.  tl 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


^55 


Or,  qn'esl-ce  que  se  plaindre?  C'est  lémoigner  un 
méconlcnlemenl,  bien  ou  mal  fondé,  mais  qui,  quelle 
qu'en  soiL  la  cause,  n'en  existe  pas  moins. 

Par  conséquent,  de  même  que  les  verbes  signifiant 
les  émotions  énoncées  précédemment,  sp.  plaindre 
demande  après  lui  le  subjonctif,  comme  le  montrent, 
du  reste,  ces  exemples  : 

Combien  de  fois  ne  s'es(-on  pas  plaint  que  les  affaires 
n'eussent  ni  règle  ni  flnl 

(Bossuet,  Le  Tellier.) 

Vous  mèmp,  Monsieur,  pouvez-vous  vous  plaindre  qu'on 
n'ait  pas  rendu,  justice  à  votre  dialogue  de  1  amour  et  de 
l'amitiè? 

^Boileau,  Lett.  à  Ch.  Perrault.) 

Quelques-uns  ont  pris  rintérèt  de  Narcisse,  et  se  sont 
plaints  que  j'en  eusse  fait  un  mécliant  homme. 

(Racine,  Brit.  Prcf.) 

Le  roi  de  Prusse  se  plaignit  qu'on  eût  ainsi  laissé  échapper 
un  ennemi. 

(Voltaire,  dans  Aubertin,  p,  367.) 

11  n'a  pas  le  droit  de  se  plaindre  que  le  roi  ne  vienne  pas 
à  son  secours. 

(Cité  d'après  Appert,  dans  la  Grom.  nat.^  p.  646  ) 

Il  se  plaignait  dans  le  Sénat  que  Germanicus  n'eût  pas 
demandé  ses  ordres  pour  passer  à  Alexandrie. 

{Suétone,  tr.  de  I.a  Harpe.) 

Je  sais  que  M.  Charles  Deulin  pourrait  m'opposer  sur- 
le-champ  ces  autres  e.vemples,  cités  par  .M.  Littré,  où 
le  verbe  complément  de  se  plaindre  a  été  mis  à  l'indl- 
calif  : 

La  mouchp,  en  ce  rommun  besoin, 
Se  plaint  qu'elle  agit  seule  et  qu'elle  a  tout  le  soin. 
(La  Fontaine,  FaU.  Vil,  9.) 

Elle  se  plaint  que  vous  avez-  fini  le  premier  un  commerce 
qui  lui  faisait  le  plus  grand  plaisir. 

(Sévigné,  lettre  du  7  sept.  16S9.) 

Nous  nous  sommes  plaints  que  la  mort,  ennemie  des  fruits 
que  nous  promettait  la  princesse,  les  a  ravagés  dans  sa 
fleur. 

iBosauet,  Ducfi'  d'Orléans.) 

Vous  vous  plaignez  que  votre  ennemi  vous  a  décrié  en 
secret  et  en  public. 

(Massillon,  Carême,  Fard.) 

Mais  quand  je  considère  : 

\°  Qu'il  y  a  en  français  plusieurs  verbes,  après  les- 
quels certains  auteurs  ont  mis  le  subjonctif  tandis  que 
d'autres,  dans  le  même  cas,  ont  mis  l'indicatif; 

2°  Qu'il  importe,  pour  élucider  cette  théorie  encore 
confuse,  d'employer  toujours  le  subjonctif  quand  le 
premier  verbe  rentre,  par  analogie,  dans  la  catégorie 
de  ceux  pour  lesquels  cet  emploi  est  parfaitement 
décidé  ; 

3°  Que,  de  plus,  contrairement  à  l'opinion  assez 
généralement  reçue,  le  verbe  au  subjonctif  peut  expri- 
mer une  action  bien  positive,  sur  l'existence  de  laquelle 
il  ne  peut  y  avoir  le  moindre  doute,  comme  dans  ces 
exemples  : 

Ce  qui  m'étonnait,  c'e.'t  (ju'il  cûl  /ail  ronfiilrnce  à  son 
nègre  que  la  tète  lui  tournait. 

(Philarète  Chasle».) 


L'e.xistenre  me  pesait,  je  regrettais  parfois  que  la  maladie 
m>i/(  épargné. 

(L.  Rayband.  J.  Paturot,  p.  4o  ) 

Lesape,  comme  Molière  et  La  Fontaine,  ne  se  doutait  pas 
qu'il  eût  au  cœur  le  génie  fiançais. 

(Ars.  Houssaye,  le  ^i^  Fauteuil.) 

J'ai  pris  congé  de  ces  deux  époux,  en  leur  protestant 
que  j'étais  ravi  que  leur  hymen  eût  succédé  à  leurs  longues 
amours. 

(Lesage,  Gil  Bios.) 

Je  suis  le  prince  d'Armagne,  et  je  trouve  trés-imperti- 
nent  qu'on  se  permette  de  me  plaindre. 

(About,  Madelon,   I,  p.  7.) 

Je  demeure  persuadé  que,  dans  la  jjhrasesur  laquelle 
porte  l'observation  de  M.  Charles  Deulin,  il  vaut  mieux 
mettre  fasse  que  fait,  attendu  que  c'est  écrire  d'après 
un  principe  général  que  les  meilleurs  auteurs,  comme 
on  l'a  vu  plus  haut,  autorisent  parfaitement  à  suivre. 
X 
Première  Question. 

Pourquoi  dit-on  en  rayant  un  ignorant  assis  dans 
un  fauteuil  qu'il  représente  les  aumes  de  Bockges?  Les 
armes  de  cette  ville  ne  font  pas  voir  un  homme  sur  un 
tel  siège. 

Pour  vous  donner  celte  explication,  il  faut  d'abord 
vous  dire  ce  qu'on  entend  ici  par  les  armes  de  Bourges, 
expression  où  armes  ne  me  semble  point  avoir  le  sens 
d'armoiries,  que  beaucoup  peuvent  lui  croire. 

Pendant  le  siège  de  Bourges  (fait  relaté  dans  un 
manuscrit  latin  du  Vatican  cité  par  l'abbé  Bordelon) 
Vercingélorix,  chef  des  Gaulois,  commanda  à  un  capi- 
taine, nommé  Asinius  Pol/io,  de  faire  une  sortie  sur  les 
troupes  de  César.  Ce  capitaine  ne  pouvant  conduire  lui- 
même  ses  soldats  au  combat,  parce  qu'il  était  chargé 
d'années  et  incommodé  de  la  goutte,  envoya  un  lieute- 
nant à  sa  place.  .Mais  apprenant  bientôt  après  que  le 
lieutenant  lâchait  pied,  il  se  fit  porter  dans  une  chaise 
aux  portes  de  la  ville,  et  anima  tellement  ses  soldats 
par  ses  discours  et  par  sa  présence,  qu'ils  reprirent 
courage,  retournèrent  contre  les  Romains,  en  tuèrent 
un  grand  nombre  et  firent  ainsi  lever  le  siège. 

Une  si  belle  action  ne  devait  pas  rester  sans  récom- 
pense :  on  voulut  la  transmettre  à  la  postérité  A  cet 
effet,  on  fit  représenter  Asinius  sur  un  lableau  (qui  se 
vit  longtemps,  dit  l'histoire,  à  l'hôtel  de-ville),  tableau 
qui  portait  l'inscription  suivante  :  Asinius  in  sede, 
.\sinius  dans  une  chaise.  C'était  la  représentation  du 
moyen,  de  l'engin  en  quelque  sorte  qui  avait  été  si 
heureusement  employé  iiour  la  défense  de  Bourges. 

Mais,  avec  le  temps,  le  nom  d'Asinius  fut  changé  en 
Asinus,  et  l'on  finit  par  dire  :  les  armes  de  Bourges, 
un  âne  assis  dans  un  fauteuil,  comme,  par  exemple,  on 
pourrait  très-bien  dire,  si  toutefois  l'on  n'a  pas  déjà  dit  : 
les  armes  de  Sam.<;on,  une  mâchoire  d'âne. 

Maintenant,  l'explication  que  vous  me  demandez  est 
si  facile,  que  vous  l'avez  probablement  trouvée  vous- 
même.  Un  ignorant,  c'est  un  âne,  en  d'autres  termes. 
Or,  si  les  armes  de  llourijes  représentent,  d'après  lo 
dicton,  un  âne  dans  un  fauteuil,  elles  représentant  par 
cela'méme  un  ignorant  qui  se  tient  sur  un  semblable 


456 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


siège,  d'où,  réciproquement,  un  ignorant  dans  un  fau- 
teuil représente  les  armes  de  Bourges. 
X 
Seconde  Question. 
J'ai  souvent  entendu  citer  comme  une  faute  de  fran- 
çais ce  vers  de  Béranger  dans  la  Bo.mxe  Vieille  :  «  Vous 
QUE  j'appeis  à  pleurer  sur  la  France.  »  En  est-ce  une 
réellement  ? 

Le  verbe  apprendre  s'est  employé  primitivement  en 
français  dans  le  sens  d'instruire,  et,  comme  tel,  il  a 
suivi  la  syntaxe  de  docere;  on  disait  en  latin  : 

Docere  boves  arab  ilare  composite  {Cû1l.iii.), 
(Enseigner  les  bœufs  à  marcher  d'un  pas  égal) 
on  a  dit  en  français  apprendre  quelqu'un  à,  construc- 
tion qui  a  persisté  depuis  le  xiv^  siècle,  comme  le  prou- 
vent votre  citation  et  ces  exemples  : 

Nous  ordonnons  qu'il  [y]  ail  un  cler  qui  apprendra  nos 
filles, 

(Du  Cange,  Apprehendere.) 

La  douceur  de  sa  grâce,  quelque  souefve  qu'elle  soit, 
apprend  la  hommes  de  s'esmerveiiler  avec  crainie. 

(Calvi.i,  Inslit.,  440.) 

Oiseaux  çii'ils  ont  appris  à  cbanter  toutes  sortes  de  ra- 
mages. 

(Vaugelas,  Quiiite-Curce,  4?3  ) 

Le  temps  et  vos  leçons  l'apprendront  à  penser. 

(De  Boissy,  Dehors  tromp.,   1,  se.  ^.) 

A  la  vérité,  depuis  le  xvi"  siècle,  où  il  me  semble  que 
apprendre  à  quelqu'un  a  pris  naissance,  l'usage  de  la 
première  construction  a  pu  devenir  de  moins  en  moins 
fréquent;  mais,  attendu  que  son  emploi  ne  peut  cons- 
tituer tout  au  plus  qu'un  archaïsme,  je  pense  qu'il 
ne  serait  pas  raisonnable  de  dénier  aux  poètes  le  droit 
de  s'en  servir,  et  que,  par  conséquent,  Béranger  n'est 
nullement  à  reprendre  pour  l'avoir  fait. 

Quitardajugéà  propos  de  corriger  le  proverbe  j4?«0Mr 
apprend  les  ânes  à  danser;  il  le  donne  sous  la  forme 
Amour  apprend  aux  dnes  à  danser.  Je  n'approuse  pas 
ce  rajeunissement  :  avec  Tancienne  construction,  on 
soupçonne  l'âge  du  proverbe;  avec  la  nouvelle,  on  peut 
croire  qu'il  date  d'hier.  Dans  une  expression  de  celte 
sorte,  l'archaïsme  n'a  pas  seulement  du  charme,  il  a 
encore  de  l'utilité. 


ETRANGER 


Première  Question. 
Quand  doit- on  écrire  pocrqdoi  [en  un  seul  mot),  et 
quand  faut-il  écrire  polr  quoi  ("«  deux  mots)  ? 

Toutes  les  fois  que  l'expression  pour  quoi  est  prise 
substantivement,  ou  que,  placée  avant  ou  après  le 
verbe,  elle  signifie  pour  quelle  raison,  on  l'écrit  en  un 
seul  mot  : 

Nous  ne  sommes  pas  faits  pour  rendre  raison  du  pourquoi 
des  cho'^. 

(BulTon,  Anim,,  ch.   10.) 


Pourquoi  les  astres  circulent-ils  d'Occident  en  Orient  plu- 
tôt qu  au  contraire? 

(Voltaire,  Dùl.  phil.) 

Euphorbe  est  arrêté  sans  qu'on  sache  pourquoi. 

(Corneille,  Cinna,  IV,  5.) 

Mais  quand  cette  expression  est  précédée  d'un  subs- 
tantif, il  faut  l'écrire  en  deux  mots,  comme  le  montrent 
ces  exemples  : 

C'est  encore  ici  une  des  raisons  pourquoi  je  veux  élever 
Emile  à  la  campagne. 

(J.-J.  Rousseau,  Emile.) 

Je  veux  qu'il  ait  nom  mouche;  est-ce  un  sujet ^o«r  quoi 
Vous  fassiez  sonner  vos  mérites? 

(La  Fontaine,  Fiib,  IV,  3.) 

Quant  à  la  raison  de  cette  seconde  orthographe,  elle 
est  facile  à  donner.  En  efTel,  le  pronom  quoi,  qui  peut 
très-bien  se  mcltre  pour  lequel,  laquelle,  etc.,  après  un 
nom  de  chose,  prend,  dans  cet  emploi,  la  préposition 
requise  par  le  verbe  : 

C'est  l'assidu  travail  à  quoi  je  me  soumets. 

(Racan,  Poés.  ag.) 
.    Ce  blasphème,  seigneur,  de  quoi  vous  m'accusez. 

(Corneille,  Andr.,  I,  2.J 

M.  de  Longuevilie  ouvre  la  barrière  derrière  quoi  ils  étaient 
retranchés. 

(Sévîgné,  3  juillet  1671,) 

Or,  lorsque  le  verbe  dont  qttoi  est  le  régime  demande 
la  préposition  pour,  n'est-il  pas  naturel  que  cette  prépo- 
sition, à  l'instar  des  autres,  se  place  séparément  avant 
le  pronom  quoi  ? 

Dans  l'ancienne  langue,  il  était  facultatif  d'écrire  en 
un  seul  mot  ou  en  deux  l'expression  pour  quoi  après 

un  substantif  : 

Et  la  raison  pourquoi  il  l'a  laissée  là. 

{Berte,  CXXII.) 

Andromaia,  qui  esioit  assise  au  plus  près  de  Blanche,  pour 
quoy  la  journée  se  faisoit... 

(Perceforest,  t.  III,  fol.  8.) 

Ce  fait  explique  comment  les  écrivains  du  xvii'  siècle 
ont  pu  l'écrire  dans  ce  cas  en  un  seul  mot  : 

Le  grand  secret  pourquoi  je  vous  ai  tant  cherché. 

(Molière,  Dépit.,  I,  1.) 
Je  m'efTraye   et   m'étonne  de  me  voir  ici  plutôt  que  là, 
car  il  n'y  a  point  de  raison  pourquoi  ici  plutôt  que  là... 
(Pascal,  Pensées,  XXV,  16,  édit.  Havet.) 

Mais  le  même  fait  démontre  également  que  l'ortho- 
graphe que  je  recommande  doit  l'emporter  sur  l'autre, 
puisqu'elle  est  tout  aussi  ancienne,  et  que,  de  plus,  elle 
est  conforme  à  l'analogie  dans  la  langue  acluelle. 

X 

Seconde  Question. 
J'ai  lu  celte  phrase  dans  l'un  de  vos  journau.r  :  «  Le 
gouvernement  .s'est  enferme  dans  vu  ckrcle  de  Popilics 
dont  il  ne  peut  plus  sortir.  »  Que  signifie  donc  cette 
e.rpression  que  je  ne  trouve  ni  dans-  /m  Mésangère,  ni 
dans  Quilard,  ni  dans  le  Dictionnauie  étïmologique  de 
MM.  Noël  et  Carpentier  ? 

Antiochus  Epipbane,  roi  de  Syrie,  faisait  le  siège 


LE  COURHIER  DE  VAUGELAS 


<57 


d'Alexandrie.  Les  Romains,  alliés  des  Égyptiens,  dépu- 
lèrenl  auprès  de  lui  le  consul  F'opilius  Lénas.  Gomme 
Antiochus  ne  répondait  que  d'une  manière  évasive  à 
l'envojé  des  Romains,  ce  dernier  traça  avec  sa  baguette 
un  cercle  autour  du  roi,  et  lui  défendit  d'en  sortir  avant 
d'avoir  donné  une  réponse  décisive  ou  de  paix  ou  de 
guerre.  Cette  action  hardie  intimida  Antiochus,  et  le 
siège  fut  levé. 

Au  figuré,  et  par  allusion  à  cette  anecdote,  on  appelle 
cercle  de  Popilius  une  situation  morale  telle  que  celui 
qui  s'y  trouve  ne  peut  se  dispenser  de  se  prononcer 
dans  un  sens  ou  dans  un  autre. 

11  y  a  une  foule  de  circonstances  historiques  aux- 
quelles peut  s'appliquer  l'expression  de  cercle  de  Popi- 
lius. En  voici  deux  que  j'emprunte  à  M.  Charles  Rozan 
{Petites  Ignorances,  p.  22<)  : 

.  Le  honteux  traité  de  Madrid  que  signa  François  I"  est 
sorti  du  cercle  de  Popilius  dans  lequel  Charles-Quint  avait 
enfermé  son  rival  après  la  défaite  de  Pavie. 

L'amiral  Duquesne  mit  aussi  les  Génois  dans  le  cercle  de 
Popilius  lorsqu'il  les  menaça  de  détruire  leur  ville,  si  le  doge 
et  les  principaux  sénateurs  n'allaient  se  jeter  aux  pieds  de 
Louis  -MV. 


PASSE-TEMPS   GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  que  le  corps  enseignant  fiit:  —  2° ...  el  que,  tout  homme 
de  génie  qu  il  est  ;  —  3'  ...  avait  demandé  au  |ieu|'le  français  et 
en  avait  obtenu;  —  4°  ...  lorsque  cette  assemblée,  qui  s'était 
imaginé  que  la  France;  —  5°  ...  à  d'autres  intérêts  que  ceux 
(pas  de  à)  ;  —  6°  ...  cent  jonques  environ...  hachées  me>m  comme 
des  allumettes;  —  7°  ...  que  nous  eussions  bientôt  un  ministère; 
—  8°  ...  plus  ses  malheurs  étaient  grands,  plus  aussi  notre  con- 
fiance était  grande;  —  9"  ...  se  plaignent  de  ce  que  nous  avons 
usé. 

Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1°  Le  divorce  n'est  pas  plus  dans  les  mœurs  de  la  Suisse 
qu'il  ne  l'est  dans  celles  de  la  France;  le  calvinisme  même 
y  répugne. 

2*  Quant  aux  abus  possibles  de  la  collation  des  grades, 
déférée  à  d'autres  qu'à  l'État,  nous  avons  ici  en  France  un 
exemple  qui  crève  Ips  yeux  dppuis  vingt-cinq  ans. 

3'  Quels  que  légitimes  que  puissent  être  vos  griefs  contre 
l'Assemblée,  ne  vous  écartez  pas,  croypz-moi,  d'une  pru- 
dente el  déférente  réserve  vis-à-vis  de  la  représentation 
nationale. 

4"  Il  n'est  pas  probable  que  les  débats  révèlent  autre 
chose  que  des  tendances,  mais  étant  donné  les  opinions 
sur  la  nécessité  du  maintien  de  la  République  en  France,  il 
n'y  aura  aucune  présomption  à  admettre... 

5°  En  quelques  minutes,  l'ordre  du  joui-  allait  être  vidé; 
peu  s'en  est  fallu  qu'à  trois  heures  tout  fût  fini. 

6"  Le  jour  où,  au  lieu  d'avoir  recours  à  des  insinuations, 
on  dirait  le  contraire  de  ce  que  nous  affirmons  ici,  il  nous 
sera  facile  de  confondre  nos  contradicteurs. 

7'  Les  députés  de  l'Appel  au  peuple  auraient  l'iiitention 
de  demander,  lundi  prochain,  que  l'élection  de  M.  de  Bour- 
going  soit  validée  sans  retard. 

8*  Us  font  le  malheur  d'un  brave  garçon  que  vous  rédui- 


sez au  désespoir.  Il  pleurait,  là,  tout-à-l'heure  devant  moi, 
il  s'arrachait  les  cheveux.  —  'Vraiment!  les  cheveux  ?  inter- 
rogea Adèle  avec  une  moue  ironique. 

9*  Ce  n'est  point  une  maladie  aigûe  qui  emportera  la 
Turquie;  elle  se  mourra  d'une  maladie  chronique. 

10°  M.  le  comte  de  Chaudordy  a  vivement  protesté  contre 
un  pareil  langage,  et  pour  lui  donner  satisfaction,  les  jour- 
naux incriminés  ont  été  officieusement  invités  d'avoir  à 
baisser  le  ton  de  leur  polémique. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 
FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE    DES  GRAMM.URIENS 

PREMIERS   MOITIE   DU   XVll»  SIECLE. 

VAUGELAS. 

(Suite.y 

Pseaumes pénitentiaux.  —  Selon  la  règle,  il  faudrait 
d\re  pénitentiels,  car  tous  les  noms  dont  les  pluriels  se 
terminent  en  aux  finissent  en  al  ou  en  ail  au  singulier. 
Cependant  Tusage  veut  que  l'on  dise  pénitentiaux,  et 
non  pas  pénitentiels.  C'est  une  exception. 

Cï  Joint  aux  substantifs.  —  Tout  Paris  dit,  par 
exemple,  cet  homme-cij,  ce  temps-cij,  cette  année-cy; 
mais  «  la  plus  grande  part  »  de  la  Cour  dit  cet  homme 
ici,  ce  temps  ici,  cette  année  ici,  et  trouve  l'autre  mot 
insupportable,  comme,  réciproquement,  font  les  Pari- 
siens. Vaugelas  laisse  le  choix  de  l'un  ou  de  l'autre; 
mais  il  voudrait  toujours  dire  cet  homme  ici,  etc. 

Ordres.  —  Selon  la  position  qu'il  occupe  dans  la 
phrase,  ce  nom  d'un  sacrement  est  masculin  ou  fémi- 
nin; ainsi  on  dit  les  saintes  Ordres,  mais  on  dit  et  on 
écrit  les  Ordres  sacrez.  Cette  bizarrerie  n'est  pas  nou- 
velle dans  notre  langue,  témoin  gens. 

Aller  au-devant. —  Les  Gascons  et  quelques  Parisiens 
qui  ont  corrompu  leur  langage  naturel  par  la  contagion 
des  provinciaux  disent  :  il  lui  est  allé  ait-devant;  mais 
il  faut  dire  :  il  est  allé  au-devant  de  lui. 

Si.  —  Se  «  mange  »  seulement  devant  i,  et  quand  le 
mot  suivant  est  ;/,  ils;  ainsi  on  dit  s'il  vient,  s'ils  vien- 
nent, maiisjamais  si  il  vient,  si  ils  viennent. 

Pacte,  paction.  —  Pacte  est  bon,  on  dit  faire  un 
pacte  avec  le  diable;  mais  paction  est  le  meilleur  et  le 
plus  usité,  faire  une  paction. 

Ebene,  y  voire.  —  Ces  deux  noms  sont  toujours  fémi- 
nins (i6/t7). 

Courroucé.  —  Très-bon  au  figuré,  mais,  au  propre, 
il  est  vieux  et  presque  hors  d'usage;  à  sa  place  on  dit 
en  colère. 

Vers,  envers.  —  Le  premier  est  pour  le  lieu,  vers 
l'Orient,  et  le  second,  pour  la  personne,  ta  pieté  envers 
Dieu. 

l'icere.  —  A  la  Cour,  plusieurs  le  font  du  féminin. 

L  ne  partie  du  pain  7nanyé. —  Faut-il  le  participe  au 
masculin  ou  au  féminin?  Les  uns  sont  jioiir  le  participe 
variable  et  lesautres  pour  le  participe  invariable.  L'usage 
veut  le  participe  invariable  comme  il  le  veut  dans  ces 
phrases  :  (7  a  une  partie  du  bras  cassé,  il  a  une  partie 
de  l'os  rompu,  et  non  cassée,  rompue;  on  ne  peut  aller 


458 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


contre  lui,  d'autant  plus  qu'il  n'y  a  point  de  locutions 
qui  aient  si  bonne  grâce  que  celles  qui  se  sont  établies 
contre  la  règle. 

De  la  façon  que  j'ai  dit. —  C'est  ainsi  qu'il  faut  dire, 
et  non  pas  de  la  façon  que  j'ai  rfî7e,  quoique  ce  dernier 
soit  exigé  par  la  règle.  C'est  parce  que  de  la  façon  que 
signifie  comme. 

Il  se  vient  justifier ,  il  vient  se  justifier.  —  Ces  deux 
constructions  sont  bonnes;  mais  il  se  vient  jus/ i fier  est 
la  meilleure,  comme  étant  plus  usitée  que  l'autre. 

Vieil,  vieux.  —  Devant  un  substantif  commençant 
par  une  voyelle,  vieil  est  beaucoup  meilleur. 

Non  seulement  tous  ses  Iwnneurs  et  toutes  ses  richesses, 
mais  toute  sa  vertu  s'évanouit. —  Voilà  comment  il  faut 
dire  quoique  quelques-uns  aient  soutenu  que  s'évanoui- 
rent valait  mieux.  Et  la  raison,  c'est  que,  dans  cette 
phrase,  tout  demande  nécessairement  comme  collectif 
le  singulier  du  verbe  qui  le  suit. 

Verbes  qui  doivent  être  mis  au  subjonctif  et  non  à 
l'indicatif.  —  Quand  il  y  a  trois  verbes  dans  une  pé- 
riode continue,  et  que  le  premier  est  accompagné  d'une 
négative,  les  deux  autres  doivent  être  au  subjonctif.  Il 
faut  donc  dire  je  ne  crois  pas  que  personne  puisse  dire 
que  je  l'aye  trompé.,  et  non  que  je  l'ai  trompé.  Peu  de 
personnes,  au  dire  de  Vaugelas,  manquent  d'employer 
au  subjonctifle  premier  verbe;  mais  beaucoup  manquent 
d'y  mettre  le  second. 

Après  six  mois  de  temps  écoulez-.  —  Faut-il  mettre 
écoulé  au  pluriel  ou  au  singulier?  Le  pluriel  est  plus 
grammatical,  mais  le  singulier  est  plus  élégant. 

Accoutumance. — Il  commence  à  vieillir;  on  dit  main- 
tenant coutume. 

B'avanture,  par  avanture.  —  L'adverbe  d'avanture 
pour  signifier  par  hazard,  de  fortune  n'est  plus  guère 
en  usage  parmi  les  excellents  écrivains.  Quant  &  par 
avanture  pour  peut-être,  il  commence  aussi  à  vieillir. 

Le  peu  d'affection  qu'il  m'a  témoigné.  —  Faut-il 
mettre  le  participe  variable  ou  invariable?  La  plupart  le 
veulent  au  masculin,  qui  se  rapporte  à  le  peu,  et  c'est 
aussi  l'avis  de  Vaugelas.  Il  en  est  de  même  de  tous  les 
adverbes  de  quanldé  pi  us,  moins,  beaucoup,  autant, clc. 

Il  a  été  blessé  d'un  coup  de  flèche,  qui  était  empoi- 
sonnée. —  Cette  phrase  est  mal  construite,  parce  que  le 
pronom  relatif  ne  se  rapporte  jamais  au  nom  qui  n'a 
que  l'arlicie  indéfini,  lequel  est  ici  de.  Pour  être  bonne, 
il  faudrait  qu'il  y  eijl  un  coup  de  In  flrchr... 

Amour.  —  Il  est  toujours  masculin  quand  on  parle 
de  Gupidon  et  de  l'amour  de  Dieu,  dans  les  deux  sens; 
mais,  dans  les  autres  cas,  il  est  indiffèrent  de  le  faire 
masculin  ou  féminin  '1647).  Cependant  Vaugelas  pré- 
fère le  féminin,  attendu  l'inclination  ordinaire  de  notre 
langue  pour  ce  genre. 

De  certains  mots  terminez  en  e  féminin  et  en  es.  — 
On  écrit  toujours  Charles,  ./arques,  Jules,  et  jamais 
Charte,  Jarque,  Jule;  on  écrit  Philippe  et  Philippes, 
Flandre  et  Flandres,  avec  celle  différence  néanmoins, 
qui  est  assez  bizarre,  que  l'on  écrit  en  Flandres,  cl  non 
pas  en  Flandre,  et  que  Ion  écrit  la  Flandre,  et  non  |)as 
la  Flandres;  on  écrit  jusqu'à,  jusqu'aux,  et  jusqnes 


à,  et  non  jui^que  sans  élision  et  sans  s;  quand  on  fait 
avec  de  trois  syllabes  [avecque),  on  n'y  met  jamais  à's; 
on  écrit  toujours  doncques  avec  une  s. 

Mille,  milles.  —  Les  noms  de  nombres  vingt,  cent, 
millier,  million  ont  un  pluriel,  qui  se  marque  par  une 
s;  mais  mille  n'en  a  point,  ou  pour  mieux  dire,  ne 
prend  point  d's  au  pluriel;  on  écrit  deux  mille,  et  non 
deux  milles.  C'est  seulement  quand  il  signifie  une  éten- 
due de  chemin  qu'il  prend  la  marque  du  pluriel. 

Béciproque,  mutuel.  —  Le  premier  se  dit  propre- 
ment de  deux,  et  mutuel  de  plusieurs. 

Si  remplacé  par  que.  —  Au  lieu  de  répéter  si  précédé 
de  la  conjonction  et,  on  met  ordinairement  que  à  sa 
place;  ainsi  au  lieu  de  dire  :  si  vous  y  retournez,  et  si 
l'on  s'en  plaint,  ce  qui  est  certainement  bon,  on  dit  plus 
naturellement  :  si  vous  y  retournez  et  que  l'on  s'en 
plaigne,  avec  le  verbe  au  subjonctif. 

Et.  —  Il  est  contraire  au  bon  style  de  mettre  deux 
fois  la  conjonction  et  devant  deux  membres  d'une  même 
période  ;  on  ne  la  met  qu'avant  le  dernier. 

TROISIÈME  VOLUME. 

Soupçonneux,  suspect.  —  Plusieurs  emploient  mal 
ces  deux  mots;  ils  disent  soupçonneux  pour  suspect,  ce 
qui  est  une  chose  insupportable  :  soupçonneux  signifie 
celui  qui  soupçonne  ou  qui  est  enclin  à  soupçonner,  et 
suspect,  celui  qui  est  soupçonné  ou  qui  le  doit  être. 

Fil  de  richar.  —  Mauvaise  expression.  Il  faut  dire 
fil  d'archal,  du  latin  aurichalcum. 

Faire  signe,  donner  le  signal.  —  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre ces  deux  expressions;  la  première  signifie  faire 
un  mouvement  des  mains,  de  la  tète,  du  corps;  l'autre 
signifie  avertir  au  moyen  d'un  feu,  d'un  coup  de  canon, 
etc., comme  on  le  fait  à  la  guerre  :  le  signe  n'est  pas  le 
résultat  d'une  convenlion,  le  signal  l'est  toujours. 

Prouesse.  —  Ce  mot  est  vieux,  et  n'entre  plus  dans  le 
beau  style  qu'en  raillerie. 

Esclavitude.  —  jMalherbe  disait  et  écrivait  toujours 
esclavitude,  et  ne  pouvait  souffrir  esclavage;  cependant, 
ce  dernier  est  beaucoup  plus  usité  que  l'autre. 

Contre-pointe,  courte-pointe.  —  Au  commencement 
on  a  dit  contre-pointe  ;  mais  depuis,  par  corruption  et 
par  abus,  on  a  dit  courte-pointe. 

Aviser.  —  Dans  le  sens  de  apercevoir  ou  découvrir, 
ne  peut  être  absolument  rejeté,  mais  il  est  bas  et  de  la 
lie  du  peuple. 

Pas,  point.  —  Vaugelas  fait  plusieurs  remarques  à 
ce  sujet  :  |o  on  ne  met  jamais  pas,  point  devant  deux 
ni,  |jar  exemple,  on  ne  dit  pas  il  ne  faut  point  être  ni 
avare  ni  prodigue;  2°  on  ne  le  met  jamais  non  plus 
devant  que  mis  pour  sinon  que,  comme  dansée  we 
mange  qu'une  fois  par  jour;  3°  on  dit  sans  faute,  et  non 
.sans  point  de  faute; —  ■'>"  il  y  a  di.i  jours  qticjp  ne  l'ai 
pas  vu  est  mauvais;  5°  on  le  supprime  ordinairement 
avec  le  verbe  pouvoir  signifiant  faire,  avec  saimir  signi- 
fiant pouvoir,  et  avec  le  verbe  oser. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Réuactedu-Gébant  :  EiuiN  MARTIN. 


LE   COURRIER  DE   VAUGELAS 


<59 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Histoire  abrégée  de  la  littérature  française;  par 

E.  Géruzez,  ancien  professeur  lionoraire  de  la  faculté  des 
lettres  de  Paris.  W  édition.  In-12,  viii-336  p.  Paris,  lib. 
Jules  Delalain  et  fils.  3  fr. 

Histoire  de  mes  amis;  par  Amédée  Achard.  Ouvrage 
illustré  de  23  vignettes  sur  bois  par  E.  Bellecroi.x,  Mesnel, 
etc.  In-18  Jésus.  313  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  25. 

Histoire  de  la  mode  en  France.  La  Toilette  des 
femmes  depuis  l'époque  gallo-romaine  jusqu'à  nos  jours; 
par  Augustin  Cliallamel.  Ornée  de  12  pi.  gravées  sur  acier, 
coloriées  à  la  main,  d'après  les  aquarelles  de  P.  Li.x. 
Gr.  in-S",  2M  p.  Paris,  imp.  Hennuyer,  51,  rue  Laffitte. 
12  fr. 

Traité  de  l'existence  de  Dieu  et  de  ses  attributs  ; 
parFénelon.  Nouvelle  édition,  précédée  d'une  introduction, 
d'une  analyse  développée  et  d'appréciations  philosophiques 
et  critiques,  par  E.  Lcfranc,  ancien  professeur  au  collège 
Rollin.  In-12,  xxiv-203  p.  Paris,  lib.  Jules  Delalain. 

La  Jeunesse  de  Condé  d'après  les  sources  imprimées 
et  manuscrites  ;  par  Jules  Gourdault.  Gr.  in-S",  323  p.  et 
U  grav.  Tours,  lib.  Marne  et  fils. 

Contes  et  récits;  par  E.  Mestépès.  In-8°,  xvi-144  p. 
Paris,  lib.  Le  Chevalier. 

Mademoiselle  de  Sassenay,  histoire  d'une  grande 
famille  sous  Louis  XVI  ;  par  Mme  E.  Thuret,  2=  édition. 
2  vol.  in-12,  76/i  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  7  fr. 

Choix  de  chroniques  et  mémoires  relatifs  à  l'his- 
toire de  France,  avec  notices  biographiques;  par  J.-A.-C. 
Buchon.  Anonyme  d  Orronville.  Christine  de  Pisan.  Juvé- 


nal  des  Ursins.  Miguel  del  Worms,  etc.  Gr.  in-8"  à  2  col., 
xLvu-631  p.  Orléans,  lib.  Herluison.  7  fr.  50. 

Les  Fiancés  du  Spitzberg;  par  X.  Marmier,  de  l'Aca- 
démie française.  3°  édition.  In-18  Jésus,  418  p.  Paris,  lib. 
Hachette.  2  fr.  25. 

La  Bible  et  l'astronomie.  Extraits  de  quelques  lettres, 
etc.;  par  Thomas  Brunton,  ingénieur.  In-A»,  180  p.  et  pi. 
Paris,  lib.  Maréchal. 

Le  Guet-apens;  par  Henri  Conscience.  Nouvelle  édit. 
Gr.  in-8",  2hà  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  1  fr.  25. 

Les  Saltimbanques,  leur  vie,  leurs  mœurs  ;  par 
Gaston  Escudier.  500  dessins  à  la  plume  par  P.  de  Crauzat. 
Gr.  in-18,  29U  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  10  fr. 

Chroniques  de  Monstrelet  (France,  Angleterre,  Bour- 
gogne, li00-l/i/ii).  Avec  notice  biographique  et  littéraire 
par  J.  A.  Buchon.  Gr.  in-8°  à  2  col.,  iv-859  p.  Orléans,  lib. 
Herluison.  7  fr.  50. 

Les  Nuits  de  Paris;  par  Paul  Féval.  Nouvelle  édition 
illustrée  de  32  gravures  sur  acier.  T.  3  et  li.  Gr.  in-8% 
792  p.  Paris,  lib.  Legraiid-Troussel  et  Pomey. 

Œuvres  complètes  de  La  Fontaine.  Nouvelle  édition. 
très-soigneusement  revue  sur  les  textes  originaux,  avec 
un  travail  de  critique  et  d'érudition,  apperçus  d'histoire 
littéraire,  vie  de  l'auteur,  notes  et  commentaires,  biblio- 
graphie, etc.  T.  3  et  li-  Contes.  T.  5.  Théâtre,  ln-8',  cxxxiii- 
133Zi  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  Chaque  vol.,  7  fr.  50  ; 
sur  papier  de  Hollande,  15  fr. 

Histoire  d'une  forteresse;  texte  et  dessins  par  VioUet- 
le-Duc.  Avec  8  g-av.  en  couleurs.  Gr.  in-8%  372  p.  Paris, 
lib.  Hetzel  et  Cie.  9  fr. 


Publications   antérieures  : 


NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  des  trois  langues  classiques. 
—  Par  E.  Egoer,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  à 
l'École  normale  supérieure.  —  Septième  édition,  revue, 
corrigée  et  augmentée  —  Paris,  A.  Durand  et  Pedone- 
Lauriel,  éditeurs,  9,  rue  Cujas. 


NOUVELLE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  fondée  sur 
l'histoire  de  la  l.\xgue,  à  l'usage  des  établissements. d'ins- 
truction secondaire.  —  Par  Auguste  Bn.^cnET,  professeur  à 
l'Ecole  polytechnique.— In-12,  xix-2i8  p.—  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  97,  boulevard  St-Cermain.—  Prix  :  1  fr.  50. 


LES  DIALOGUES  DE  JACQUES  TAHUREAU,  gen- 
tilhomme du  -Mans,  avec  notice  et  index.  —  Par  F.  Cons- 
cience. —  Paris,  Alphonse  Lemerre,  éditeur,  ^7,  Passage 
Choiseul.  —  Prix  :  7  fr.  50. 


CEUVRES  COMPLÈTES  DE  MELIN  DE   SAINCT- 
GELAYS,  avec  un  commentaire  inédit  de  B.  de  la  Mon- 


noye,  des  remarques  de  MM.  Emm.  Philippes-Beaulieux, 
R.  Dezeimeris,  etc.  Edition  revue,  annotée  et  publiée  par 
Prosper  Blanchemain.  —  T.  2.  —  In-16,  365  p.  —  Paris, 
librairie  Daffis,  9,  rue  des  Beaux-Arts. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARD,  publiées  par  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  .Siméon  Luce.  —T.  5. 
1356-1360.  Depuis  les  préliminaires  de  la  paix  de  Poitiers 
jusqu'à  l'expédition  d'Edouard  111  en  Champagne  et  dans 
l'Ile-de-France.  —  In -8°,  lxxi-Zi36  p.  —  Paris,  librairie 
V'  J.  Renouard.  —  Prix  :  9  francs. 


L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fischba- 
cher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  1"=  année,  15  fr.; 
2«  année,  10  fr.;  3»  année,  12  fr.;  h"  année,  8  fr.;  5=  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANCE,  AN- 
CIENNES ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 


^60 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


logique  et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices, 
—  Par  Louis  Montjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Gar- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Boxaventube  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  Jacob, 


bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  éditeur,  4-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.  ;  in-S»  :  2  fr.  50. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaiigelas,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


Dans  l'annuaire  commercial  et  industriel  de  M.  Alfred  Hamonet  (1875),  on  trouve  la  liste  suivante  des  agents  de 
Londres  par  l'intermédiaire  desquels  les  Professeurs  français  des  deux  sexes  peuvent  parvenir  à  se  procurer  des  places  : 


M.  Grenier  de  Fajal,  5i,  Fitzroy  street,  W. 

iVl.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W. 

M.  Biveret  Cie,  46,  Régent  Circus,  W. 

M.  Grifflths,  22,  Henrietta  Street,  Covent  garden.W.  G. 


M.  Verstraete,  25,  Golden  Square,  W. 
Mme  Hopkins,  9,  New  Bond  Street,  W. 
Mme  Waghorn,  34,  Soho  Square. 
Mme  Wilson,  42,  Berners  Street,  W. 


Nota.  — Les  majuscules  qui  figurent  à  la  fin  de  ces  adresses  servent  à  marquer  les  «  districts  »  pour  le  service  des 
Postes;  dans  la  suscription  des  lettres,  on  les  met  après  le  mot  Londres;  exemple  :  Londres  W,  Londres  W.  C. 


Le  volume  de  M.  Alfred  Hamonet,  qui  coûte  1  fr.  25,  se  trouve  à  la  librairie  Hachette,  à  Paris. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  el  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  ter»ie  de  rigueur,  et  Ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au 
Concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  inédits  et 
n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront 
une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  — 
Sont  seuls  admis  à  concourir:  1"  les  Français,  excepté  les  membres  elTectifs  de  la  Société  Florimontane;  2"  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire 
de  la  Société  Florimontane,  avant  le  !•"■  juillet  1875.  —  Ils  resteront  déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  o(\  les 
auteurs  pourront  en  prendre  connaissance.  —  Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins 
de  cent  vers. 

L'Académie  frvnçaise  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone.  —  Le  nombre  des  vers 
ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents.  —  Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secré- 
tariat de  l'Institut,  franches  de  port,  avant  le  15  février  1875,  terme  de.  rigueur.  —  Les  manuscrits  porteront  chacun 
une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage;  ce  billet  contiendra  le  nom  et 
l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours, 
mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 

Avis  aux  Abonnés  de  la  province. 


Le  {"  mars  prochain,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  (qui  s'est  fait  depuis  quelque  temps  l'administrateur 
de  .son  journal)  mettra  en  circulation,  avec  un  supplément  de  somw(e-7'(»nrece»<iw?.'i  pour  les  frais  de  recouvrement, 
les  quittances  de  ceux  de  ses  Abonnés  de  la  province,  qui,  avant  cette  époque,  ne  lui  auront  pas  envoyé  le  prix  de  leur 
abonnement  à  la  présente  année. 


F^e  rcdacleur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Uaupbley  à  Nogent-le-Kotrou. 


5°  Année 


N"   21. 


1«'  Février  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


^« 


^\  \  yV-^  Journal  Semi-Mensuel  ""C//      // 

S^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(    1 


mêla 


PRIX 
Aboanempnt  pour  la  France. 


Iflem        pour  l'Étranger 
Annonces,  la  ligne  .... 


6  f. 
lof. 
50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN     PROFESSEUR      SPÉCIAL      POnR      LES      ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris. 


ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adm' 
M.  FiscHBACHER,  33,  me  de  Seine. 


RÉCO.MPENSE  DE  L'AC.\DÉ.M1E. 

Les  lecteurs  du  Courrier  de  Vaugelas  apprendront 
certainement  avec  plaisir  que  le  Rédacteur  de  ce  journal 
vient  d'obtenir  le  prix  Lambert,  récompense  que  l'Aca- 
démie française  décerne  chaque  année  à  un  homme  de 
lettres  auquel  il  lui  semble"  juste  de  donner  une  marque 
publique  d'intérêt.  » 


SOMMAIRE. 
Trois  communications  sur  des  solutions  données  précédemment; 
—  Emploi  de  l'expression  Jusqu'à  ce  que:  —  Pourquoi  on  ne 
dit  m  Mc'ditaleur,  ni  Sophislicateur; —  Si  les  deux  substantifs 
Gre/I'e  et  Ente  peuveul  être  employés  l'un  pour  l'autre-,  1 
Signilication,  âge  et  étyrnologie  de  F'iibre:  —  Ce  que  veut 
dire  littéralement  Donner  un  poil  à  quelqu'un:  —  D'où  vient 
qu'un  mancbe  de  fouet  s'appelle  un  Perpignan.  ||  Passe-temps 
grammatical.  ||  Suite  de  la  biograpliie  de  Vauijelas.  \\  Ouvrages 
de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Renseignements  pour  les  pro- 
fesseurs français.  ||  Concours  littéraires.  ||  Avis  aux  abonnés  de 
la  province. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 

I. 

Relativement  à  ma  solution  sur  la  place  que  doit 
occuper  le  numéro  dans  la  suscription  d'une  lettre,  j'ai 
reçu  la  communication  suivante  : 

Paris,  24  décembre  1874. 
Monsieur, 

En  relisant  le  numéro  du  Courrier  de  Vaugelas  portant  la 
date  du  15  novembre  dernier,  je  m'arrête  à  une  question 
sur  laquelle  mon  attention  ne  s'était  pas  suffisamment 
fixée  lors  d'une  première  lecture. 

Un  de  vos  correspondants  vous  demandait  si,  dans  la 
suscription  d'une  lettre,  il  faut  mettre  le  numéro  de  la 
maison  avant  ou  après  le  nom  de  la  rue.  «  A  votre  avis, 
«  la  meilleure  manière  d'écrire  est  celle  qui  met  le  numéro 
t  avant  le  nom  de  la  rue.  »  Permettez-moi,  .Monsieur,  de 
ne  pas  me  ranger  à  cet  avis,  lequel,  dites-vous,  serait  tout 


différent,  si  l'on  n'avait  à  s'occuper  que  de  la  logique.  La 
logique,  en  effet,  demande  que  l'on  procède  du  connu  à 
l'inconnu,  c'est-à-dire  du  nom  du  destinataire  au  nom  de 
la  ville  qu'il  habite,  du  nom  de  cette  ville  au  nom  de  la 
rue,  et  du  nom  de  cette  rue  à  l'indication  de  la  maison 
par  le  numéro  qu'elle  porte.  L'usage,  il  est  vrai,  a  depuis 
longtemps  interverti  cet  ordre  en  rejetant  à  la  fin  de  la 
suscription  et  en  plaçant  en  vedette  le  nom  de  la  ville; 
mais  le  motif  de  cette  modification  saute  aux  yeux;  elle 
est,  au  surplus,  recommandée  par  l'administration  des 
postes,  dont  elle  facilite  les  rapides  opératons;  mais  cette 
administration,  dans  les  modèles  qu'elle  nous  propose,  ne 
s'est  jamais  avisée  de  mettre  le  numéro  avant  le  nom  de 
la  rue. 

Cet  usage  que  vous  expliquez  par  une  considération  de 
politesse  peu  appréciable  à  mon  sens,  m'a  toujours  paru 
prétentieux  et  ridicule.  Il  est  d'importation  anglaise,  et  son 
origine  remonte  chez  nous  à  une  quarantaine  d'années. 
Adopté  d'abord  par  la  fashion,  comme  beaucoup  d'autres 
modes  d'outre-Manche,  il  a  gagné  de  proche  en  proche, 
est  devenu  de  bon  ton,  et  a  fini  par  se  généraliser. 

Ce  n'est  pas,  du  reste,  que  les  protestations  aient  man- 
qué. Je  me  souviens  d'avoir  vu  au  Vaudeville  ou  aux  Varie'- 
te's  une  petite  pièce  dont  toute  l'intrigue  avait  pour  pivot 
la  moitié  d'une  enveloppe  déchirée  sur  laquelle  il  ne  res- 
tait que  ces  mots  : 

Mademoiselle  Adélaïde 

36,  rue  de  la 

Pari 

L'amoureux,  possesseur  de  ce  chiffon  de  papier,  n'avait 
que  cette  indication  pour  suivre  la  trace  de  Mademoiselle 
Adélaïde;  et,  après  avoir  frappé  à  une  foule  de  numéros  36 
depuis  la  rue  de  la  (^lef  jusqu'à  la  rue  de  la  Victoire,  ce  qui 
engendraitde  très  amusants  quiproquo,  il  maudissait  l'inno- 
vation qui  le  frustrait  du  moyen  de  retrouver  sa  belle. 

■Votre  correspondant  dit  que,  dans  l'Almanach  Boltin,  la 
rue  se  trouve  avant  le  numéro  :  cet  almanach  fait  preuve 
de  bon  sens,  et  je  suivrai  son  exemple  aussi  longtemps 
qu'on  s'en  tiendra  à  l'usage  assez  raisonnable  de  ne  pas 
mettre  la  charrue  avant  les  bœufs. 

Agréez,  Monsieur  le  Rédacteur,  l'assurance  de  ma  par- 
faite considération. 

G.  D. 
Votre  fidèle  abonné. 
.\près  mes  bien   sincères  remerciements,  voici  ma 
réponse  à  l'auteur  des  observations  qu'on   vient  de 
lire. 

Autrefois  les  maisons  des  villes  n'étaient  désignées 
que-  par  des  enseignes  ou  autres  signes  extérieurs, 


462 


LE  COURRIER  DE  VAL'GELAS 


comme  le  montrent  ces  exemples,  recueillis  au  bas  des 
titres  de  quelques  ouvrages  : 

A  Paris,  par  Fleury  Bourriquant,  au  Mont  St-Hilaire, 
près  le  puits  Certain,  aux  Fleurs  roijalles. 

[No'éls  et  cantiques,) 

A  Paris,  chpz  UavW  Douceur,  Libraire-juré,  rue  Sainct- 
Jacques,  «  l'enseigne  du  Mercure  arresté. 

(Nicot.  Thrésor.] 

A  Paris,  chez  Jean-Baptiste  Coignard,  imprimeur  et  libraire 
ordinaire  du  Roy  et  de  l'Académie  Françoise,  rue  S.-Jacques, 
à  la  Bible  d'or. 

tEégnier-Desmarais,  Tr.  delà  Gram.  franc.) 

Quand  on  eut  fait  le  numérotage  (ce  qui  eut  lieu  à 
Paris  en  l'année  I72S),  on  énonça  naturellement  sur  les 
lettres  le  numéro  à  la  place  du  nom  de  l'enseigne,  c'est- 
à-dire  après  le  nom  de  la  rue,  et  cet  usage  a  subsisté 
jusqu'à  nos  jours. 

Mais,  depuis  près  de  -50  ans,  on  emploie  aussi  en 
France  l'usage  anglais,  qui  veut,  lui,  le  numéro  de  la 
maison  accDit  le  nom  de  la  rue. 

Lequel  vaut  le  mieux? 

Je  dis  qu'étant  donnée  la  forme  officielle  de  la  sus- 
cription  d'une  lettre,  le  second  usage  est,  non  pas  plus 
français,  mais  plus  rationnel  que  le  premier. 

En  effet,  je  prends  un  exemple  où  il  y  ait  après  le 
nom  de  la  personne  et  de  sa  profession  autant  de  déno- 
minations géographiques  que  possible,  afin  de  voir 
Tordre  dans  lequel  elles  doivent  nécessairement  se  ran- 
ger; je  suppose  qu'on  écrive  de  l'étranger  à  M.  Louis, 
avocat,  qui  habite  à  Saint-Cyr,  dans  le  déparlement  de 
Seine-et-Oise. 

Les  mots  à  mettre  à  la  suite  l'un  de  l'autre  devant 
présenter  des  sens  de  plus  en  plus  restreints,  il  est  évi- 
dent qu'il  faudrait,  si  l'on  était  affranchi  de  toute  pres- 
cription postale,  les  écrire  dans  l'ordre  suivant  : 

France  (1)  -  Seine-el-Oise  (-2)  —  Saint-Cyr  (3)  —  Grande 
rue  (4)  —  Numéro  (5). 

Mais,  pour  se  conformer  aux  recommandations  de 
l'Administration  des  postes,  on  doit  écrire  après  le  nom 
de  la  personne  fje  conserve  les  chiffres  d'ordre  employés 
plus  haut)  : 

Grande  rue  (4)  —  Numéro  (5)  —  Saint-Cyr  (3)  Soine-et- 
Oise  (2)  —  France  (1). 

Or,  lorsque  je  considère  que,  de  cette  façon,  les  mots 
de  la  suscriplion,  excepté  les  deux  premiers,  s'oiïrent 
dans  le  sens  inverse  de  l'ordre  logique,  je  pense  que, 
pour  être  conséquent,  on  doit  les  écrire  tous  dans  ce 
même  sens,  ce  qui  exige  évidemment  que  le  numéro  (•'>) 
soit  placé  avant  le  nom  de  la  rue  (4). 

Que  ce  soit  là  «  mettre  la  charrue  avant  les  bœufs  », 
je  ne  puis  le  croire  :  c'est  tout  sim|jlemeMl,à  mon  avis, 
faire  occuper  aux  mots  la  place  qui  leur  convient. 
IL 

Au  sujet  de  la  réponse  que  j'ai  faite  à  M.  Ernest  David 
(n°18),M.  Charles  Souiller  m'a  écrit,  le  2 î  décembre 
1874,  une  lettre  tendant  à  établir  une  dillercuce  entre 
ne  pas  laisser  de  el  ne  pas  laisser  que  de;  voici  comment 
il  s'exprime  : 

fie  pas  laisser  de  jaiie,  c'est  continuer,  c'est  nn  pas  cesser 
ou  ne  pas  s'abstenir  de,  etc.;  tandis  que  ne  pas  laisser  que  de, 


c'est  faire  beaucoup  sans  éclat,  sans  ostentation,  etc. 
Ces  deux  locutions  diffèrent  également  de  sens,  de  forme 
et  de  nature.  Elles  ne  sauraient  être  confondues  entre 
elles,  et  elles  ne  doivent  avoir  quelque  rapprochement  qu'en 
raison  des  termes  identiques  qui  les  accompagnent,  mais 
qu'il  faut  bien  se  garder  de  confondre  entre  eu.\. 

Gomme  j'ai  surabondamment  démontré  [Courrier  de 
Vawjelas,  i"  année,  p.  155)  que  ne  pas  laisser  et  l'infi- 
nitif suivant  ne  peuvent  jamais  être  liés  par  un  que,  la 
seule  expression  possible  devant  un  infinitif  étant  ne 
pas  laisser  de.  il  s'ensuit  que  la  distinction  que  voudrait 
établir  M.  Charles  Souiller  n'a  pas  d'objet,  puisque  l'une 
des  deux  expressions  dont  elle  implique  la  comparaison 
ne  peut  exister. 

m. 

Le  13  mai  1874,  je  recevais  de  Yitry-le-Fiançois  une 
lettre  où  se  trouvaient  ces  lignes  : 

Bien  qu'il  accueille  favorablement  les  observations  sé- 
rieuses qui  lui  sont  faites,  et  que  les  rectifications  s'y  fassent 
avec  autant  d'empressement  que  de  bonne  grâce,  l'auto- 
rité du  Courrier  de  Vaugelas  gagnerait,  je  crois,  à  ne  parler 
qu'à  coup  sûr.  Or,  ne  rien  risquer  lui  serait  aussi  facile 
qu'à  moi  de  ne  pas  risquer  cet  avis,  que  pourtant,  je  vous 
prie.  Monsieur,  de  considérer  comme  un  témoignage  d'es- 
time et  de  bienveillance. 

A  quoi  cela  pouvait-il  faire  allusion'?  La  lettre  était 
signée;  je  cherchai  à  plusieurs  reprises  dans  ma  corres- 
pondance la  signature  qu'elle  portait;  ce  fut  toujours  en 
vain.  .Mais  le  hasard  a  bien  voulu  se  mettre  de  la  par- 
tie, et  je  viens  enfin  de  découvrir  le  mystère. 

Dans  ma  i"  année,  j'avais  eu  occasion  de  m'occuper 
de  l'étymologie  du  mot  autant,  qu'un  instructeur  dit  à 
un  soldat  auquel  il  veut  faire  recommencer  un  exercice 
mal  réussi.  J'avais  reçu  à  ce  sujet  une  étymologie  diffé- 
rente de  la  mienne,  et,  au  lieu  de  la  mettre  dans  la  che- 
mise où  je  dépose  ce  qui  doit  être  inséré  comme  commu- 
nicalinn,  je  l'avais  mise,  par  mégarde,  dans  une  autre. 
Je  la  retrouve,  je  m'empresse  de  la  publier  en  remer- 
ciant son  auteur,  et  en  lui  exprimant  mes  regrets  de 
n'avoir  pu  faire  cette  insertion  plus  tût  : 

Vitry-le-François,  24  mai  1873. 
Monsieur, 

Ancien  caporal  n'ayant  que  bien  juste  l'érudition  exigée 
pour  ce  grade,  j'ose  pourtant  rii^quer  une  observation  au 
sujet  de  ce  que  vous  dites,  3"  année,  n°  17  de  votre  inté- 
ressant journal,  au  mot  autant. 

Quand  on  faisait  la  charge  in-[1  —  cela  remonte  à  l'âge 
de  la  pierre  taillée  —  si  un  temps  était  mal  exécuté,  au 
temj)s.'  exclamait  linstructeiir.  Et  les  patients  de  se  remettre 
au  temps  précédent,  attentifs  au  nouveau  commandement 
qui  devait  leur  faire  recommencer  le  temps  manqué,  en 
murmurant  tout  bas,  mais  avec  un  ensemble  parfait  : 
Quelle  scie! 

Je  vous  prie.  Monsieur,  de  recevoir,  avec  mes  très- 
humbles  salutations,  un  mandat  sur  la  poste  pour  abonne- 
ment de  l'année  courante. 

JANSON-MAURUPT. 

J'espère  être  très-prochainement  en  mesure  de  décider 
si  cette  élymologie  de  autant  vaut  mieux  ou  moins  que 
celle  que  j'ai  donnée, 

X 
Première  Question. 
Je  trouve  cette  phrase  dans  l'Ordre  du  19  décembre 


LE  GUURHIER  DE  VAUGELAS 


i63 


1874  :  «  Mais  il  sera  impossible  que  l'Empereur  lui 
accorde  sa  grâce  jusqu'à  ce  que  tous  les  der/rés  de  juri- 
diction soient  épuisés.  »  Croyez-vous  que  jcsqp'a  y  soit 
bien  employé  ? 

La  locution  jusqu'à  ce  que,  qui  se  place  entre  un 
verbe  à  l'indicatil  et  un  verbe  au  subjonctif,  exprime, 
relativement  à  l'action  signifiée  par  le  premier,  l'idée 
d'une  continuité  qui  ne  doit  êire  interrompue  qu'au 
moment  ou  se  fait  l'action  exprimée  par  le  second  : 

Et  pplui  dont  le  ciel  pour  un  sceptre  fit  choix, 
Jusqu'à  ce  qu'd  le  porte,  en  ignore  le  poids. 

fCorneilIe,  Héraclivs,  I,   l.) 

Les  liommes  ont  la  volonté  de  rendre  service  jusqu'à  ce 
çu'ils  en  aient  le  pouvoir. 

(VauvenargUM,  dans  Girault-Duvivier.) 

Cette  locution  peut  se  tourner  par  aussi  longtemps 
que...  ne  pas;  ainsi  sa  présence  dans  les  phrases  précé- 
dentes permet  de  les  changer  en  celles-ci  : 

Et  celui  dont  le  ciel  fit  choix  pour  un  sceptre  en  ignore 
le  poids  ausù  longtemps  qu'il  ne  le  porte  pas. 

Les  hommes  ont  la  volonté  de  rendre  service  aussi  long- 
temps qu'ils  n'en  ont  pas  le  pouvoir. 

Or,  dans  la  phrase  que  vous  me  proposez,  jusqu'à  ce 
que  est-il  emplojé  dans  le  sens  que  je  viens  d'indi- 
quer? 

Non;  car  on  ne  peut  pas  dire  : 

Mais  il  sera  impossible  que  l'Empereur  lui  accorde  sa 
grâce  aussi  longtemps  que  tous  les  degrés  de  juridiction  ne 
seront  pas  cpuisés. 

La  seule  expression  à  employer  ici  entre  les  deux 
verbes  est  avant  que,  a  moins,  toutefois,  qu'on  ne  mette 
jusqu'à  ce  que  avant  ou  après  il  sera  impossible,  auquel 
cas  la  phrase  serait  irréprochable  : 

Mais,  jusgtt'a  ce  que  tous  les  degrés  de  juridiction  soient 
épuisés,  il  sera  impossible  que  l'Empereur  lui  accorde  sa 
grâce. 

X 

Seconde  Question. 

Permettez-moi  deux  questions  :  \'>  Puisqu'on  dit 
MÉDITATION,  pourquoi  ne  dirait-on  pas  méditatecr  ? 
2°  Pourquoi  ne  dit-on  pas  soPHisTiciiEUB  au  lieu  de 
sormsTiQCECE,  puisqu'on  dit  sophistication? 

Pour  répondre  à  votre  double  question,  j'ai  dû  dres- 
ser une  liste  des  verbes  en  er  qui  font  leur  substantif 
d'action  en  ation,  comme  : 

Tenter  —    Tentation 

Compenser      —    Compensation 
Compliquer    —    Complication. 

Or,  au  moyen  de  cette  liste,  on  peut  faire  les  remar- 
ques suivantes  : 

1"  Les  i22  verbes  qui  la  composent  n'ont  pas  tous 
donné,  tant  s'en  faut,  un  dérivé  pour  désigner  celui  qui 
fait,  ou  ce  qui  fait  l'action  qu'ils  expriment;  il  y  en  a 
68,  parmi  lesquels  se  trouve  méditer,  qui  ne  comptent 
pas  un  tel  parent  dans  leur  famille. 

2°  Ceux  de  ces  verbes  au  nombre  de  511  qui  ont  un 
dérivé  désignant  l'agent,  forment  généralement  ce  dé- 
rivé en  ateur,  finale  indiquée,  du  reste,  par  le  latin; 


mais,  i)armi  eux,  il  s'en  rencontre  quatre  qui  le  foi'ment 
en  changeant  simplement  la  finale  er  en  eur  : 

Accepteur,  planteur,  solliciteur,  sophistiqueur. 
D'où  je  conclus  qu'on  ne  dit  point  médilateur  proba- 
blement pour  la  raison  que,  pas  plus  que  pour  tant 
d'autres  termes  analogues,  on  n'a  senti  la  nécessité  de 
ce  mot;  et  qu'on  dit  sophistiqueur  au  lieu  desopliisti- 
caleur,  par  exception  à  la  règle,  comme  on  dit  accep- 
teur, planteur  et  solliciteur  au  lieu  de  plantateur  (latin 
plantât  or),  sollicitât  eur  (latin  sollicitator] ,  et  accep- 
tateur  (latin  acccptator\. 

Comme  les  verbes  de  la  première  conjugaison  qui 
n'ont  pas  de  substantif  dérivé  en  ation  font  générale- 
ment en  eur  leur  substantif  d'agent  (porter,  ^jor/eur; 
brosser,  brosseur,  etc.),  il  semble  évident  que  c'est  la 
confusion  faite  entre  ces  verbes  et  ceux  ayant  ledit 
dérivé  qui  a  été  cause  des  exceptions  que  je  viens  de 
signaler. 

X 
Troisième  Question. 

Les  deux  noms  creffe  et  ente  peuvent-ils  être  em- 
ployés indi/l'éremment  l'un  pour  l'autre  ? 

Autrefois,  pour  désigner  la  petite  branche  que  l'on 
insère  dans  un  arbre  pour  en  modifier  les  produits,  on 
s'est  servi  également  bien  de  ente  et  de  greffe  ;  ainsi  je 
trouve  dans  le  dictionnaire  de  Littré  : 

^Exemples  de  ente] 

Bon  e7ile  en  bon  estoc  deit  bien  fructifier. 

(Thom.,  le  mar..  128.) 

Par  le  jardin  ou  ot  mainte  ente  bien  feuillie. 

(Berle.  II.) 

En  esté  cljante, 
En  yver  plor  et  mi^  gaimante, 
Et  me  desfuel  ausi  com  Vente 

Au  premier  giel. 

(Rutebœnf,  s6.) 

(Exemples  de  gre/fej 

Bon  greife  quant  de  bon  cep  crest, 
Li  bons  fruz  par  raisun  en  nest. 

[Édoiiard  le  Confesseur,  v.  97.1 

Ainsi,  en  y  mettant  de  bons  greffes,  on  se  peuple  des 
meilleures  races  de  raisins  qu'on  puisse  choisir. 

(Olivier  du  Serres,  177) 

Or,  attendu  que  je  ne  vois  pas  pour  quelle  raison  il 
n'en  pourrait  plus  être  de  même  aujourd'hui,  j'en  tire 
celte  conclusion  que,  sauf  le  cas  (déjà  mentionné)  où 
ente  désigne  l'arbre  sur  lequel  on  a  pratiqué  l'opération, 
greffe  et  f«/e  peuvent  parfaitement  s'employer  l'un  pour 
l'autre. 

Furetière  ne  professait  pas  la  môme  opinion  que  le 
célèbre  La  Quinlinie  à  ce  sujet;  il  prétendait,  lui,  que 
ente  devait  s'entendre  de  la  greffe  et  du  sujet  mis  en- 
semble. Mais  il  est  probable  qu'il  n'eût  pas  fait  longue 
opposition  à  son  adversaire,  s'il  avait  eu  sous  les  yeux 
les  exemjiles  que  je  viens  de  mettre  sous  les  vôtres, 
et  dont  le  nombre  pourrait  facilement  être  augmenté 
eneore. 


<64 


LE  COURIÏÏER  DE  VAUGELAS 


ÉTRANGER 

Première  Question. 
Tai  trouvé  cette  phrase  dans  un  journal  fra/içais  : 
«  La  nouvelle  suivante  nous  arrive  du  pays  des  félibres.  » 
Qu'entend-on  par  ce  mot  qui  n'est  pas  dans  les  diction- 
naires^  et  d'oii  vient -il? 

Grâce  à  un  article  publié  par  M.  Ed.  Baillière  dans  la 
Bibliographie  de  la  France  [numérodu  24  octobre  IS74, 
p.  228),  je  puis  vous  dire  le  sens  exact  de  ce  mot,  em- 
ployé si  souvent  dans  les  journaux  à  loccasion  du  cen- 
tenaire de  Pétrarque,  son  étunologie  et  même  la  date  à 
laquelle  il  aurait  commencé  à  s'écrire. 

En  effet,  cet  article,  consacré  au  poète  Roumanille, 
l'ami  de  Mistral  et  d'Aubanel,  est  enrichi  d'une  note 
que  je  copie  textuellement  : 

Le  21  mai  1854,  jour  de  san  Estelle  (sainte  Étoile),  dans 
le  calendrier  provençal,  Houtnanille  et  ses  amis  déridèrent 
qu'ils  prendraient  le  nom  de  Félibres  (le  nom  de  troutia- 
doar  leur  semblant  usé),  felibre  vient  du  mot  grec  j^a^Soç, 
ami  du  beau.  Tous  ceux  qui  ont  fait  et  font  vaillamment 
leurs  preuves  sont  reçus  membres  de  l'Académie  des  Fé- 
libres  

Ainsi,  à  n'en  pas  douter,  le  pajs  des  Félibres,  c'est 
la  Provence,  et  les  Félibres,  ce  sont  les  poètes  de  la  nou- 
velle école  provençale. 

Mais,  la  noie  que  vous  venez  de  lire  ne  m'a  satisfait 
qu'imparfaitement  quant  à  l'étymologie  de  Félibre,  et  je 
vais  vous  en  dire  la  raison  : 

Un  correspondant  avignonnais  de  la  République  fran- 
çaise ùonne.  les  renseignements  suivants  [Interméditire, 
■yiP  année,  col.  6941,  dont  il  garantit  l'exactitude,  sur 
l'invention  et  la  formation  de  ce  terme  : 

Il  y  a  de  cela  vingt  ans,  les  poètes  provençau.x  qui,  volon- 
tiers, comme  les  gens  du  xvi*  siècle,  tiennent  séance  à 
table,  s'étaient  réunis  pour  festoyer,  et  dire  des  vers,  tout 
près  d'Avignon,  sous  les  ombrages  de  Fon-Ségugne.  Une 
vieille  paysanne,  au  dessert,  vint  leur  chanter  des  cbansons 
du  pays.  La  mémoire  de  la  vieille  faillit-elle  ou  bien  l'éru- 
dition néo-romane  se  trouva-t-elle  en  défaut?  Toujours 
est-il  que,  dans  une  de  ces  cbansons,  nos  poètes,  surpris, 
rencontrèrent  un  mot,  précisément  le  mot  /élibre,  dont 
personne  d'entre  eux  ne  put  déterminer  le  sens.  On  plai- 
santa de  l'aventure,  on  rit  :  Eb!  Felibre!  —  Bonjour,  Felibre! 
—  Et  comme  ce  petit  groupe  enthousiaste  se  cherchait 
alors  un  nom  et  redoutait  celui  de  troubadour,  il  fut  convenu 
qu'à  l'avenir,  les  poètes  provençaux  s'appelleraient  Félibres. 

Or,  d'après  ces  renseignements,  felibre  serait  un  mot 
patois  adopté  par  des  poètes  modernes,  et  non  créé  par 
eux,  comme  peut  le  faire  supposer  la  note  qui  accom- 
pagne Tarticle  de  .M.  Ed.  Baillière. 

Pour  savoir  ce  qu'il  en  est  réellement,je  vais,  aussitôt 
qu'il  sera  paru,  adresser  le  présent  numéro  à  M.  Rou- 
manille, persuadé  qu'il  voudra  bien,  avec  l'obligeance 
qu'on  lui  connaît,  me  donner  le  supplément  d'infor- 
mation nécessaire  pour  m'édifier  couiplètemcnt  sur  le 
nom  dont  il  s'agit  ici. 

X 
Seconde  Question. 

Je  vous  serais  reconnaissant  de  vouloir  bien  me  don- 


ner  l'origine  du  mot  poil  dans  l'expression  donner  cn 
POIL  A  qcelqd'dn,  que  je  7ie  trouve  pas  dans  le  diction- 
naire de  Littré. 

Je  lis  ce  qui  suit  dans  le  Dictionnaire  de  la  langue 

verte  : 

Poil.  Réprimande,  objurgation,  dans  I  argot  des  ou- 
vriers. 

C'est  évidemment  le  sens  qu'a  ce  mot  dans  l'expres- 
sion que  vous  me  proposez.  Mais  comment  poil  peut-il 
vouloir  dire  réprimande? 

Je  ne  connais  aucun  dictionnaire  français,  tant  an- 
cien que  moderne,  qui  donne  cette  signification;  et,  dans 
aucune  langue  des  peuples  qui  nous  avoisinent,  ce  mot 
(en  anglais  hair,  en  allemand  luiar,  en  espagnol  et  en 
italien  ^je/oj  ne  se  rencontre  non  plus  avec  la  significa- 
tion susdite. 

Il  n'y  a  qu'un  moyen,  je  crois,  pour  arriver  à  expli- 
quer po;Y  dans  l'expression  donner  un  poil  à  quelqu'un, 
c'est  de  lui  trouver,  dans  une  langue  qui  aurait  pu  le 
donner  à  la  nôtre,  un  homophone  dont  le  sens  puisse 
s'adapter  à  cette  expression. 

J'ai  cherché  cet  homophone,  non  à  po^'Z,  mais  à  son 
ancienne  forme,  laquelle  était  écrite  et  prononcée pei, 
peil,  comme  le  montrent  ces  deux  exemples,  le  premier 
du  XI"  siècle,  et  le  second  du  xii''  : 

E  Blancandrins  i  vint  al  canud  peil. 

(Ch.  de  Roland,  I,  vers  502. ) 

Et  par  ma  barbe  dont  li  pels  est  meslez. 

{Roncisvals,  p.  3.) 

Or,  comme  il  existe  en  anglais  un  mol  peal,qm  a  dû 
se  prononcer  comme  notre  ancien  pel,  puisqu'il  est 
écrit  peele  dans  Palsgrave;  que  ce  mot  signifie  carillon 
(de  clochesl,et  que  les  Anglais  disent:  to  ring  one 
a  peal  {sonner  un  carillon  à  quelqu'un),  ce  que  nous 
traduisons  par  le  proverbe  laver  la  tête  à  quelqu'un, 
équivalant  par  le  sens  à  donner  un  poil  à  quelqu'un; 
il  me  semble  qu'il  est  permis  de  croire  que  l'anglais 
peal  est  l'étymologie  de  ^oi/,  dans  celte  dernière  expres- 
sion, de  sorte  que  donner  un  poil  à  quelqu'un  signifie- 
rait littéralement  lui  donner  un  carillon,  le  carillonner, 
ainsi  que  disent  encore,  si  j'ai  bonne  souvenance,  les 
gens  du  Perche  et  de  la  Beauce. 

On  dit  en  italien  :  dar  ad  uno  uno  capello ,  pour 
signifier  laver  la  tète  à  quelqu'un,  ou,  plus  familière- 
ment, lui  donner  un  poil.  Or,  comme  capello  signifie 
cheveu,  ilans  celte  langue,  on  pourrait  en  tirer  la  con- 
clusion que  son  correspondant  poil  doit  signifier  la 
même  chose  en  français. 

Ce  serait  là  une  objection  sérieuse,  s'il  était  démontré 
que  c'est  l'expression  italienne  qui  a  donné  l'expression 
française;  mais  comme  on  peut  tout  aussi  bien  croire 
que  c'est  le  contraire  qui  a  eu  lieu  (notre  langue  est 
bien  assez  riche,  surtout  en  proverbes,  pour  prêter  de 
temps  à  autre  aux  idiomes  voisins),  je  m'en  tiendrai 
jusqu'à  preuve  d'erreur,  à  Télymologie  de  />o«/queje 
viens  de  vous  proposer. 


LE  raURRIER  DE  VAUGELAS 


465 


X 

Troisième  Question. 
D'où  rient  le  nom  de  pekpisian  que  vos  charretiers 
donnent  à  leurs  manches  de  fouet?  Ce  mol  n'est  dans 
aucun  des  dictionnaires  que  j'ai  en  ma  j)ossession. 

Du  nom  de  la  ville  de  Perpignan,  clief-lieu  du  dépar- 
lement des  Pjrénées-Orienlales,  ainsi  que  le  prouve 
celle  cilalion  empruulée  à  l'Histoire  des  villes  de 
France,  par  Aristide  Guiibert  (vol.  IV,  p.  320)  : 

Son  industrie  [île  Perpignan]  consiste  en  distilleries  et 
tanneries,  en  fMljriques  do  draps  et  d'étoffes  de  laine,  de 
cartes  à  jouer,  françiises  et  catalanes,  de  cliandclles,  d'ex- 
cellent ctioeolat,  de  Ijouchons  de  liège  et  de  manches  de 
fouet  en  bois  d'alisier  nommés  perpignans. 

Mais  veuillez  remarquer  que  ce  n'est  pas  per/j/w/rt» 
qu'il  faut  dire  ni  écrire,  mais  bien  perpignon  [yn  non 
suivi  de  i]. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

!•  ...  qu'il  n'est  dans  celle  de  la  l'rance  (pas  de  le);  —  ï'  ... 
déférées  à  d'autres  que  l'Étal;  —  3°  Quelque  (invariable  et  en  un 
seul  mol)  légilimes  que  puissent;  —  4°  ...  mais  étant  données 
les  opinions;  —  5° .  .  qu'à  trois  lieures  tout  ne  fùl  fini;  —  6°  ...il 
nous  serait  facile;  —  7°  ...  que  léleclion  de  M.  de  Bourgoing /"«( 
validée;  — 8°  ...  vraimentl  les  cbeveux?  demanda  Adi;le;  —  9' ... 
elle  mourra  d'une  maladie  chronique  {se  mourir,  dit  Lillré,  ne 
s'emploie  plus  qu'au  présent  et  à  l'imparfait  de  lindicalif);  — 
10°  ...  officieusement  invités  à  avoir... 

Phrases  à.  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1°  Ni  le  temps,  ni  les  prédications,  ni  les  influences 
administratives,  ni  les  municipalités  imposées,  ont  manqué 
aux  électeurs  pour  réfléchir,  comparer,  juger  en  connais- 
sance de  cause. 

2°  Un  autre  dessin  représente  une  pauvre  femme  qui 
demande  à  M.  Halanzier  une  place  d'ouvreuse.  —  Mais, 
interroge  le  directeur,  avez-vous  des  diamants  à  mettre 
sur  vous? 

3°  Les  directeurs  continueront  à  répéter  :  o  Les  premiers 
pauvres,  ce  sont  nous;  les  plus  intéressants,  nos  artistes, 
que  votre  droit  féroce  met  annuellement  sur  le  pavé. 

4°  S'il  venait  à  échouer,  par  hasard,  croyez-vous  que 
l'Assistance  publique  lui  donnera  un  secours  de  cent  sous, 
après  qu'il  lui  aurait  versé,  pendant  de  longues  années, 
des  sommes  énormes? 

5°  Il  y  a  quelques  jours,  mourait  à  Bucharest  un  éminent 
citoyen,  M.  Jean  Mano,  dont  la  famille  n'est  pas  très-fortu- 
née, ce  qui  décida  la  Chambre  des  députés  à  voter  les  fonds 
nécessaires  à  des  funérailles  dignes  du  décédé. 

6*  Us  ont  fait  appel  aux  sentiments  conservateurs  de 
l'honorable  M.  Berger;  ils  l'ont  cajolé,  enguirlandé',  caressé 
jusqu'à  ce  qu'ils  l'aient  décidé  à  se  désister. 

7°  Cette  traversée,  dans  une  pareille  saison  et  par  un 
pareil  temps,  est  un  de  ces  faits  de  courageuse  audace  qui 
mérite  d'être  signalé,  et  qui  fait  l'éloge  du  sang-troid  et 
de  l'habileté  du  brave  capitaine  Palfresne. 

8"  Le  ministère  public  eu  ayant  appelé  de  l'arrêt  pro- 
noncé dans  l'affaire  d'Arnim  par  le  tribunal  de  première 
instance  de  Berlin,  M.  d'Arnim  a  également  interjeté  appel 
hier  soir. 


9»  Bier,  M.  le  maréchal  de  Mac-Mahon,  accompagné  de 
M°°  la  Maréchale,  sont  allés  visiter  les  salons  d'Alphonse 
f'iroux,  où  ils  ont  rencontré  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes du  moLde. 

iLes  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIERE  MOITIE  UU  XVII'  SIECLE. 

VAUGELAS. 

'Suite. j 

Quant  à  la  dilTérence  entre  pas  et  point,  il  est  très- 
difficile  de  l'établir  par  des  règles;  il  faut  l'apprendre 
par  l'usage. 

Berlan,  brelandier.  —  Le  premier  de  ces  mots  a 
presque  toujours  été  écrit  de  cette  façon,  maison  l'a 
toujours  prononcé  brelan.  Quant  au  second,  on  l'a  tou- 
jours prononcé  el  écrit  de  même. 

Réguelisse,  triacleur.  —  Le  premier  est  toujours  du 
féminin.  Il  faut  dire  triacleur,  el  non  thériacleur  pour 
le  charlatan  qui  vend  de  la  thériaque. 

Ployer, plier.  —  Tout  le  monde  les  confond  bien  sou- 
vent, quoique  chacun  sache  que  plier  c'est  faire  des  plis 
ou  mettre  par  plis,  tandis  que  ploijer  signifie  céder, 
obéir.  On  est  sans  doule  mis  en  erreur  par  la  pronon- 
ciation de  la  Cour,  qui  prononce  oi  ou  oij  comme  ai,  et 
qui  d'\t  player  pour  ployer. 

Vitupérer —  Ce  mol  n'est  guère  bon,  quoique  M.  Goëf- 
feleau  et  M.  Malherbe  s'en  soient  servis. 

Remercimenl,  agrément,  viol.  —  11  faut  écrire  et  pro- 
noncer remercimeni  el  non  remerciement,  et  de  même 
pour  agrément.  Qimnl  à  viol,  il  se  dit  très-mal  à  propos 
à  la  Cour  et  dans  les  armées  pour  violement. 

Bcgimes  qu'il  faut  éviter  de  do7iner  à  certaim  verbes. 

—  On  ne  dit  plus  se  réconcilier  à  quelqu'un,  prier  aiix 
dieux,  s'acquitter  aux  grands,  s'offenser  de  quelqu'un; 
il  faut  dire  :  se  réconcilier  avec,  prier  les  dieux,  s'ac- 
quitter envers,  s'o/fenser  contre. 

Négligences  dans  le  style.  —  Voici  les  principales  que 
Vaugelas  a  remarquées  :  i"  répéter  deux  fois  la  même 
phrase  dans  la  même  page;  2°  répéter  deux  fois  un 
même  mot  «  spécieux  »  dans  une  même  page  sans  qu'il 
en  soit  besoin;  3°  répéter  mais  trop  souvent;  4°  faire 
fréquemment  des  vers  alexandrins;  5°  faire  des  rimes, 
riches  ou  pauvres,  dans  la  même  phrase,  comme  dans 
cela  donne  darantuge  de  courage. 

Septante,  ociante,  nonante.  —  Le  premier  n'est  fran- 
çais que  dans  la  iraduction  des  Septante.  Hors  de  là, 
on  dit  soixante-dix,  el,  pour  les  deux  aulres,  quatre- 
vingt,  quatre-vingt-dix. 

Suppression  des  prono)ns personnels  dernnt  les  verbes. 

—  Elle  a  Irès-bonne  grâce  quand  elle  se  fait  à  propos; 
mais  il  faut  se  garder  de  la  faire  quand  la  construction 
change,  el  surtout  après  mais  et  avant  le  second  de 
deux  ou  répétés  :  ou  nous  le  confesserons,  ou  le  nierons 
serait  mauvais. 

Mercredi.  —  Ceux  qui  savent  (jue  ce  mol  vient  de 


466 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Mercure  onl  de  la  peine  à  l'écrire  et  à  le  prononcer 
autrement  que  mercredi,  avec  une  r  après  Ve.  D'autres 
veulent  bien,  à  cause  de  cette  étymologie,  écrire  de  cette 
façon;  mais  ils  prétendent  qu'il  faut  le  prononcer /«e- 
credi,  sans  r,  selon  la  prononciation  ancienne.  11  est 
vrai  qu'autrefois  la  Cour  prononçait  ahre,  mabre,  pus, 
ce  qu'on  écrivait  arbre,  marbre,  plus;  mais  cela  est 
changé,  et  la  plus  saine  opinion  est  de  prononcer  et 
d'écrire  mécredi  sans  r,  et  non  pas  mercredi. 

Commencer.  —  Dans  la  pureté  de  notre  langue,  ce 
verbe  demande  toujours  la  préposition  à  après  lui; 
mettre  de,  c'est  commettre  la  faute  de  certains  Parisiens, 
des  Gascons  et  de  quelques  autres  provinciaux. 

Plusieurs  Parisiens  font  encore  une  faute  en  pronon- 
çant ce  verbe  :  ils  disent  c/uemenccr,  au  lieu  de  com- 
mencer,  comme  ils  disent  ajetter  pour  acheter,  burreau, 
pour  bureau,  et  arêt  pour  arrêt. 

Demain  matin,  demain  au  malin. —  Tous  deux  sont 
bons,  mais  il  faut  dire  jusques  à  demain  matin,  et  non 
"^diSpisques  à  demain  au  matin. 

Des  participes  actifs.  —  Vaugelas  va  traiter  «  à  plein 
fond  »  de  ces  participes  (présents)  parce  que  c'est  une 
partie  peu  connue  de  notre  grammaire.  Voici  les  règles 
qu'il  donne  : 

Ayant  el  étant  sont  toujours  invariables;  cependant 
on  écrit  Je  les  ai  trouvez  ayans  le  verre  à  la  main,  mais 
sans  mettre  jamais  ayant  au  féminin  :  il  serait  barbare 
de  dire  je  les  ai  trouvées  ayantes  le  verre  à  la  main. 
Quant  aux  autres  verbes,  on  dit  Je  les  ai  trouvées  buvant 
et  mangeant  parce  que  les  mots  en  ant  «  étant  proches 
de  trouvées,  se  doivent  rapporter  naturellement  à  trou- 
vées plustôt  qu'à  Je,  qui  en  est  fort  éloigné  »;  mais  s'il 
y  avait  un  régime  direct,  on  dirait  ou  plutôt  on  écrirait 
je  les  ai  trouvez  mangeans  des  confitures,  bûvans  de  la 
limonade.  Suivent  d'autres  distinctions  qui  prouvent 
rembarras  où  l'on  était  alors  pour  l'orthographe  des 
participes  présents. 

Courir  sus.  —  Jadis  fort  élégante,  cette  façon  de  par- 
ler commence  à  vieillir.  Quelle  bizarrerie!  Vaugelas  dit 
que  il  ne  faut  pas  courir  sus  aux  affairés  est  bien  dit, 
mais  que  il  ne  faut  pas  leur  courir  stis  est  mal  dit, 
parce  que  leur,  qui  est  le  datif,  est  mis  devant  courir 
sus,  dont  il  est  régi. 

De  façon  que,  de  manière  que,  de  mode  que,  si  que. 
—  Il  n'y  a  pas  un  bon  auteur  qui  se  serve  des  deux 
premières  manières  de  parler  tant  elles  sont  peu  élé- 
gantes; les  deux  autres  sont  barbares.  Il  faut  dire  .si' 
bien  que,  de  sorte  que  ou  tellement  que. 

Fntrer,  sortir,  monter,  descendre.  —  C'est  une  faute 
très-commune  de  conjuguer  ces  verbes  avec  l'auxiliaire 
avoir  au  lieu  de  les  conjuguer  avec  être.  Ne  dites  pas 
il  n'a  pas  entré,  il  a  monté,  il  a  descendu,  il  a  sorti, 
mais  il  est  monté,  etc. 

Chez,  on.  —  Ces  deux  mots  se  prononcent  très-mal, 
même  à  la  Cour,  où  l'on  dit  cheuz  moi,  chruz  lui,  et 
on  zn,  on  zourrc,  on  zordonne. 

La  lettre  ii  finale  des  infinitifs.  —  Que  dans  la  Nor- 
mandie on  prononce  cette  consonne  dans  les  verbes  en 
er,  comme  aller  (qui  sonne  allair],  cela  n'étonne  pas 


Vaugelas;  mais  ce  qui  l'étonné,  c'est  que  des  personnes 
nées  et  «  nourries  »  à  Paris  et  à  la  Cour  le  prononcent 
parfaitement  dans  le  discours  ordinaire,  et  qu'en  lisant, 
elles  le  prononcent  fort  mal. 

Prononciation  de  d  dans  les  mots  commençant  par 
AD.—  D'après  Vaugelas,  cette  lettre  ne  sonne  point  dans 
adjuger  ni  dans  advenir. 

Chaire,  chaise.  —  Il  ne  faut  pas  s'en  servir  indiffé- 
remment; on  dit  la  chaire  de  Saint-Pierre,  chaire  de 
prédicateur,  chaire  de  droit,  tandis  que  l'on  dit  chaise 
pour  s'asseoir  et  se  faire  porter  par  la  ville. 

Vouloir.  —  Dans  le  sens  de  volonté,  c'est  un  terme 
qui  a  vieilli,  mais  qui  s'emploie  encore  en  poésie  quoique 
banni  de  la  prose. 

Adverbes  terminés  en  ment.  —  Quoique  ces  adverbes 
soient  formés  du  féminin  des  adjectifs,  on  y  retranche 
l'e  qui  vient  après  une  voyelle;  ainsi  on  d'il  éperdû- 
ment,  ingénument  pour  éperduement,  ingénuement,  qai 
s'écrivaient  autrefois. 

Ouvrage.  —  Parlant  de  ce  qu'elles  ont  à  faire,  les 
femmes  emploient  ouvrage  au  féminin  ;  dans  tous  les 
autres  cas,  ce  mot  est  du  masculin. 

Ne  mettre  gueres.  —  Pour  ne  pas  être  longtemps,  ne 
guère  demeurer,  est  français;  mais  il  constitue  une 
expression  si  basse  que  Vaugelas  ne  voudrait  pas  l'em- 
ployer, même  dans  le  style  «  médiocre.  » 

Fureur,  furie.  —  La  lecture  des  bons  auteurs  appren- 
dra quelles  sont  les  phrases  où  l'on  doit  se  servir  de 
l'un  et  non  de  l'autre,  car  s'ils  ont  la  même  signification, 
ils  ne  se  mettent  pas  aux  mêmes  endroits. 

Gentil.  —  Cet  adjectif  forme  son  féminin  par  /^mouil- 
lées, ce  qui  n'a  lieu  que  pour  lui. 

Jumeau,  Gémeau.  —  Nonobstant  l'origine  commune 
de  ces  mois, gemellus,  il  faut  prononcer  et  émrejumeau, 
et  non  pas  gémeau  pour  désigner  l'un  des  enfants  qui 
sont  nés  d'une  même  couche.  Mais  quand  on  parle  des 
signes  du  Zodiaque,  on  dit  gémeaux. 

Transfuge.  —  Mot  nouveau,  mais  reçu  avec  applau- 
dissement à  cause  de  la  nécessité  que  l'on  en  avait  dans 
notre  langue. 

Et  si.  —  On  se  servait  autrefois  de  cette  particule 
avec  beaucoup  de  grâce  pour  avec  tout  cela,  comme 
dans  j'ai  fait  tout  ce  que  j'ai  pu,  et  si  je  n' ai  pu  en 
venir  à  bout;  mais  aujourd'hui,  on  ne  s'en  sert  plus  ni 
en  prose  ni  en  vers. 

Gestes.  —  Pour  dire  les  faits  mémorables  de  la  guerre, 
ce  mol  commence  à  «  s'apprivoiser  «  dans  notre  langue. 
Ce  n'est  pas  tant  un  mot  nouveau  qu'un  vieux  mot  que 
l'on  remet  en  usage. 

Si  FDin  à  l'infinitif,  au  prétérit  défini  et  indéfini  est 
d'une  syllabe  ou  de  deux.  —  Le  sentiment  de  tous  les 
bons  grammairiens  est  que  fuir,  je  fuis  elj'cii  fui  sont 
de  deux  syllabes. 

En  Cour.  —  Façon  de  parler  très-commune  qui  est 
insiippnrlablo,  quoiqu'elle  s'emploie  à  la  Cour  même; 
il  faut  dire  il  est  allé  à  la  Cour,  et  non  en  Cour. 

[La  suite  nu  prochain  numéro.) 


Le  RÉDACTEua-GiittAiST  :  ëua«  MARTIN. 


LE   COURRIER  DE  VAUGELAS 


167 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine  : 


La  Littérature   française   au  XVIII*  siècle;  par 

Paul  Albert,  maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale 
supérieure.  In-18  Jésus,  Z|82  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Gie. 
3  fr.  50. 

La  Vengeance  d'une  jeune  fille;  par  M.  Badère  (de 
Vendôme),  auteur  de  Marie  Favrai.  In-18  Jésus,  322  p. 
Paris,  lib.  Dentu,  3  fr. 

La  Vie  réelle  ;  par  Mme  Bourdon  (Mathilde  Fromenti. 
19'  édition.  In-12,  279  p.  Paris,  lib.  Bray  et  Retaux. 

Grammaire  des  langues  romanes  ;  par  Frédéric 
Diez.  3=  édition,  refondue  et  augmentée.  T.  2.  Traduit  par 
Gaston  Paris  et  A.  Morel-Fatio.  2«  fascicule.  In-8»,  225-Zi60 
pages.  Paris,  lib.  Franck. 

En  congé  ;  par  Mlle  Zénaïde  Fleuriot.  Ouvrage  illustré 
de  61  vignettes  sur  bois  par  A.  Marie.  2^  édition.  In-18 
Jésus,  26i  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Gie.  2  fr.  25. 

Les  Voleurs  de  femmes;  par  H.  Gourdon  deGenouil- 
lac.  In-lS  Jésus,  à'28  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Nouveau  Dictionnaire  de  la  langue  française, 
d'après  la  dernière  édition  de  l'Académie,  par  Ch.  Martin. 
Précédé  des  participes  réduits  à  une  seule  règle,  par  V.  A. 
Vanier.  Nouvelle  édition.  In-32,  cn-536  p.,  lib.  Garnier 
frères. 

Portraits  historiques  et  littéraires  ;  par  Prosper 
Mérimée,  de  l'Académie  française.  2=  édition,  entièrement 
revue  et  corrigée.  Gr.  in-18,  363  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy  frères.  3  fr.  50. 

Grands  jours  de  Poitiers,  de  lliôU  à  1634;  par  Félix 
Pasquier,  archiviste  de  l'Ariége.  In-8'',  lùO  p.  Paris,  lib. 
Thorin. 

La  Princesse  des  Ursins  ;  par  Rosseeuw  Saint-Hilaire, 
de  l'Acadimie  des  sciences  morales  et  politiques.  In-8', 
127  p.  Paris,  lib.  Furne,  Jouvet  et  Gie.  2  fr. 

Le  Désert  de  glace,  aventures  du  capitaine  Hatteras; 


par  Jules  Verne.  li°  édition.  In-18  Jésus,  322  p.  Paris,  11b. 
Hetzel  et  Gie.  3  fr. 

L'Aventurier.  II.  Un  duel  sousPempire;  par  Alfred 
Assolant.  3"  édition.  In-18  Jésus,  396  p.  Paris,  lib.  Dentu. 
3  fr. 

La  Comédie  française,  histoire  administrative  (1658- 
1757)  ;  par  Jules  Bonassies,  ancien  attaché  à  la  direction 
des  beaux-arts  (bureau  des  théâtres).  In-12,  xiv-380  p. 
Paris,  lib.  Didier  et  Gie.  3  fr.  50. 

Les  Petites  comédies  du  vice;  par  Eugène  Chavette. 
La  Guillotine  par  la  persuasion.  Deux  vers  de  Properce.  Le 
Père  d'Adolphe.  Le  Pendu  par  conviction.  Illustrations 
d'A.  Fleury.  Eaux-fortes  d'E.  Benassit.  In-18  Jésus,  323  p. 
Paris,  lib.  Internationale.  5  fr. 

La  Dame  aux  camélias,  par  Alexandre  Dumas  fils. 
Préface  de  M.  Jules  Janin.  Nouvelle  édition,  entièrement 
revue  et  corrigée.  In-18  Jésus,  32ù  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy  frères.  1  fr.  25. 

La  France,  nos  fautes,  nos  périls,  notre  avenir  ; 
par  le  comte  A.  de  Gasparin,  à'  édition.  Z  vol.  Gr.  in-18, 
810  p.  Paris,  lib.  .Michel  Lévy  frères.  7  fr. 

Œuvres  de  Jules  Lacroix.  Théâtre.  L  Œdipe  roi. 
Le  Testament  de  César.  IL  Valéria.  La  Jeunesse  de  Louis  XJ. 
III.  Macbeth.  Le  Roi  Lear.  In-18  Jésus,  xx-1173  p.  Paris, 
lib.  Michel  Lévy  frères.  Chaque  volume,  3  fr.  50. 

La  Vie  fantastique;  par  Méry.  Nouvelle  édition.  In-18 
Jésus,  295  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  1  fr.  25. 

Théâtre  de  J.  F.  Regnard  ;  précédé  d'une  étude  par 
J.  J.  Weiss.  In-18  jésus,  xxxii-313  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy  frères.  1  fr.  25. 

Dix  ans  d'études  historiques;  par  Augustin  Thierry. 
Nouvelle  édition,  revue  avec  le  plus  grand  soin.  In-18 
Jésus,  Z|68  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  3  fr. 

Paris  à  tous  les  diables;  par  Pierre  Véron.  In-18 
Jésus,  315  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  3  fr.  50. 


Publications   antérieures 


L'ETUDE  DES  LANGUES  RAMENÉE  A  SES  VÉRI- 
TABLES PRINCIPES  ou  l'art  de  pe.nser  d.\ns  une  langue 
ÉTRANGÈRE.  —  Par  C.  M.VHCEL.  ancien  consul,  Chevalier  de 
la  Légion  d'honneur.  —  Paris,  C.  Borrani,  libraire-éditeur, 
rue  des  Saints-Pères,  9. 


NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  des  trois  langues  classiques. 
—  Par  E.  Eqger,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  ii 
TEcole  normale  supérieure.  —  Septième  édition,  revue, 
corrigée  et  augmentée  —  Paris,  A.  Durand  et  Pedone- 
Lauriel,  éditeurs,  9,  rue  Cujas. 


NOUVELLE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  fondée  sur 


l'histoire  de  la  l.\ngue,  à  l'usage  des  établissements  d'ins- 
truction secondaire.  —  Par  Auguste  Brachet,  professeur  à 
l'Ecole  polytechnique. —  In-12,  xi\-2i8  p. —  Paris,  librairie 
Hachelle  el  Cie,  97,  boulevard  St-Cermain.—  Prix  :  1  fr.  50. 


L'INTERMEDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  DES 
CURIEUX.  —  En  vente  à  la  librairie  Sandozel  Fischba- 
cker,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris.  —  Prix  :  1«  année,  15  fr.; 
2"  année,  10  fr.;  3«  année,  12  fr.;  h"  année,  8  fr.;  5=  année, 
12  fr.  —  Chaque  année  se  vend  séparément.  —  Envoi 
franco  pour  la  France. 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANCE,  AN- 
CIENNES ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 


<68 


LE   COURRIER  DE   VAUGELAS 


logique  et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Montjoie.  —  In-32.  —  Paris,  librairie  Car- 
nier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  ré- 
créations et  joyeux  devis  de  Bonaventube  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  Jacob, 


biblioptiile.  —  Paris,  Adolphe  Delahays,  éditeur,  4-6,  rue 
Voltaire.  —  Prix;  in-16  :  5  fr.  ;  in-8°  :  2  fr.  50. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS  (première,  seconde, 
troisième  et  quatrième  année).  —  En  vente  au  bureau  du 
Courrier  de  Vaiigelas^  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix 
de  chaque  année,  broché,  6  fr.  —  Envoi  franco  pour  la 
France,  l'Algérie  et  l'Alsace-Lorraine. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


Dans  l'annuaire  commercial  et  industriel  de  M.  Alfred  Hamonet  (1875),  on  trouve  la  liste  suivante  des  agents  de 
Londres  par  l'intermédiaire  desquels  les  Professeurs  français  des  deux  sexes  peuvent  parvenir  à  se  procurer  des  places  : 


M.  Grenier  de  Fajal,  5i,  Fitzroy  street,  W. 

iVI.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W. 

M.  Biveret  Cie,  66,  Régent  Circus,  W. 

M.  Grifflths,  22,  Henrietta  Street,  Covent  garden.W.  G. 


M.  Verstraete,  25,  Golden  Square,  W. 
Mme  Hopkins,  9,  New  Bond  Street,  W. 
Mme  Waghorn,  34,  Soho  Square. 
Mme  Wilson,  42,  Berners  Street,  W. 


Nota.  — Les  majuscules  qui  figurent  à  la  fin  de  ces  adresses  servent  à  marquer  les  «  districts  »  pour  le  service  des 
Postes;  dans  la  suscription  des  lettres,  on  les  met  après  le  mot  Londres:  exemple  :  Londres  W,  Londres  W.  C. 


Le  volume  de  M.  Alfred  Hamonet,  qui  coûte  1  fr.  25,  se  trouve  à  la  librairie  Hachette,  à  Paris. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au 
Concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  inédits  et 
n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront 
une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  — 
Sont  seuls  admis  à  concourir:  1°  les  Français,  excepté  les  membres  effectifs  de  la  Société  Florimontane;  2°  les 
étrangers,  membres  effectifs  ou  correspondants  de  cette  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Secrétaire 
de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1"  juillet  1875.  —  Ils  resteront  déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les 
auteurs  pourront  en  prendre  connaissance.  —  Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins 
de  cent  vers. 

L'Académie  française  donne  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1875  :  Livingstone.  —  Le  nombre  des  vers 
ne  doit  pas  excéder  celui  de  deux  cents.  —  Les  pièces  de  vers  destinées  à  concourir  devront  être  envoyées  au  secré- 
tariat de  l'Institut,  fntnches  de  port,  avant  le  15  février  1875,  terme  de  rigueur.  —  Les  manuscrits  porteront  chacun 
une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage;  ce  billet  contiendra  le  nom  et 
l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  concours, 
mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 

Avis  aux  Abonnés  de  la  province. 


Le  i"  mars  prochain,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  (qui  s'est  fait  depuis  quelque  temps  l'administrateur 
de  son  journal)  mettra  en  circulation,  avec  un  supplément  de  .«ojxa«/e-(/'a'/i;ece«/iws  pour  les  frais  de  recouvrement, 
les  quittances  de  ceux  de  ses  Abonnés  de  la  province,  qui,  avant  cette  époque,  ne  lui  auront  pas  envoyé  le  prix  de  leur 
abonnement  à  la  présente  année. 


Le  réilaclfiir  du  Courrier  de  Vauyelas  est  visible  à  son  biircuii  de  widi  a.  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GuuvER^Eun,  G.  Daupiiley  à  Nogent-le-llolrou. 


5*  Année 


N°   22. 


15  Février  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


PamUiant    la    I*   et    le    15    da    cha«a«   mot* 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Élranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

.\NCrEN"     PROFESSEIR      SPÉCI.\L      POUR     LES     ÉTR.\NGERS 

Oflicicr  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris. 


ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adm' 
M.  FiscHBACHER,  33,  vue  de  Seine. 


SOMMAIRE. 

Explication  de  Prendre  quelque  chose  au  pied  de  >n  lettre;  — 
Pourquoi  une  rue  de  Paris  s'appelle  Rue  du  Cherche-Midi:  — 
Sens  et  origine  de  Parler  du  puits:  —  Construction  de  Parfai- 
tement;—  S'il  faut  dire  Comte- Venaissin  ou  Comiat-Venais- 
sin;  —  Expliration  de  Donner  un  suif  à  quelqu'un;  —  Cas 
dans  lequel  on  met  l'indicàlif  après  Se  plaindre.  ||  Communi- 
cation sur  les  LL  mouillées;  —  Mauvaise  construction  du  mot 
Retour;  —  S'il  faut  écrire  Pesant  ou  Faisant.  \\  Passe-temps 
grammatical.  I;  Suite  de  la  biographie  de  Vaugelas.  ||  Ouvrages 
degrammaire  et  de  littérature.  ||  Renseignemenlspour  les  profes- 
seurs français.  Il  Concours  littéraires.  Il  .\\is  aux  abonnés  de  la 
province. 


FRANCE 


Première  Question. 
Quelle  est,  je  vous  prie,  l'origine  et,  par  conséquent, 
le  sens  littéral  de  l'expression  peexdre  quelque  chose  au 

PIED  DE  LA  LETTKE? 

L'expression  à  la  lettre,  qui  signifie  selon  le  sens 
littéral,  selon  le  propre  sens  des  paroles,  a  comme  deux 
degrés  de  force  dans  noire  langue  :  le  premier,  à  la 
lettre,  et  le  second,  au  pied  de  la  lettre  : 

Sans  une  femme  de  ce  quartipr-là  qui  passait,  et  qui  a 
eu  pitié  d'elle;  je  dis  pitié  à  la  lettre. 

(Marivaux,  .Marianne,  II"  partie.) 

Jp  VOUS  aimp  de  tout  mon  cœur,  mais  c'est  au  pied  de  la 
lettre,  sans  en  rien  rabattre. 

{Sévigné.  326.) 

Mais,  comment  expliquer  l'espèce  de  superlatif  formé 
par  cette  dernière? 

Je  crois  que  l'introduction  de  pied  dans  cette  expres- 
sion est  due  à  l'art  ou  plutôt  au  langage  de  l'art  typo- 
graphique. En  effet,  on  trouve  ce  qui  suit  dans  VEnci/- 
clopédie  (tome  XII.  p.  .565,  col.  I)  : 

piÉ  DE  LA  LETTRE  Pst  le  bout  OU  extrémité  opposée  à  loeil  ; 
on  l'appelle  pié,  parce  qup  c'est  cette  extrémité  qui  sert 
de  point  d'appui  à  la  superficie  et  au  corps  de  la  lettre,  qui 
peut  être  considérée  dans  son  tout,  comme  ayant  trois 
parties  distinctes,  I  œi|,  le  corps  et  le  pié. 

Or,  quand  je  considère  que,  dans  ces  derniers  temps, 


la  langue  familière  a  bien  reçu  des  musiciens  la  locu- 
tion vide  de  sens  à  la  clef  {voir  Courrier  de  Vaugelas, 
4"' année,  p.  29i,je  crois  pouvoir  en  conclure  que  les 
imprimeurs,  qui  ont  souvent  h  parier  du  pied  de  la 
lettre,  auronl,  AU  figuré,  substitué  tout  naturellement 
celte  expression  à  l'autre,  et  cela,  en  lui  attribuant  une 
idée  de  rigueur  que  à  la  lettre  n'avait  pas. 

X 

Seconde  Question. 
Pourriez-rous  me  dire  pour  quelle  raison  une  cer- 
taine rue  de  Paris  s'appelle  rue  du  Chekche-Midi?  Cette 
question  a  déjà  été  agitée  dans  /'iMERMÉDiAtHE,  jnais  il 
me  semble  que  rien  n'a  encore  été  dit  de  complètement 
satisfaisant  à  son  sujet. 

On  a  généralement  fait  intervenir  les  cadrans  pour 
donner  l'explication  que  vous  me  demandez;  mais,  à 
mon  avis,  ils  n'ont  servi  qu'à  y  chercher  midi  à  qua- 
torze heures. 

La  rue  dont  il  s'agit  est  nommée  dans  Sauvalle  (t.  l, 
liv.  IL  p.  125]  rue  des  Vieilles  Thuilleries,  parce  que, 
de  tout  temps,  il  y  avait  eu  là  des  tuileries  comme  il  y 
en  avait  encore  en  172.5,  époque  où  fut  publié  l'ouvrage 
de  cet  historien.  Elle  traversait  un  terrain  certainement 
appelé  jadis  (quoique  je  n'aie  pu  en  découvrir  la  raison)  : 

Le  Chasse  A^idy, 
car  celle  dénomination  figure  sur  le  plan  de  Paris  qui 
accompagne  l'histoire  de  Félibien,  oii  elle  est  écrite  dans 
la  direction  de  l'ouest  à  l'est. 

C'est  là,  comme  je  vais  vous  le  faire  voir,  l'origine 
du  nom  de  rue  du  Cherche-Midi. 

En  effet,  cetle  rue  reçut  d'abord  le  nom  de  rue  du 
Chasse-Midi,  qu'on  lui  a  donné  de  même  qu'on  a  donné 
plus  tard,  par  exemple,  celui  de  rue  Culture-Sainte- 
Catherine  et  de  rue  des  Champs-Elijsées  aux  rues  tra- 
cées à  travers  la  culture  de  Sainte-Catherine,  et  au 
milieu  des  Champs-Elysées  : 

Le  sieur  Robineau  acheta  pour  la  somme  de  120.  livres 
tournois  de  rente  une  pièce  de  terre  sise  au  faubourg  S.- 
Germain procùe  du  regard  du  Luxembourg aboutissant 


no 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


d'un  bout  à  la  rue  des  Vieilles  Thuilleries  dite  Chassemidy, 
et  d'autre  bout,  etc. 

(Félibien,  t.  IV.  p.  III,  col.  l.) 

Or,  dans  la  langue  du  moyen  âge,  le  verbe  chasser, 
qui  se  prononça  et  s'écrivit  cacher,  se  disait  au  lieu  de 
chercher,  comme  le  montrent  ces  exemples,  trouvés 
dans  le  Dictionnaire  de  Littré  : 

Oq  dit  pieça 

Que  les  cache  [cherche]  li  mal  d'autrui, 
Que  li  max  retourne  sour  lui. 

[Blondd  el  Jehan,  SSgi.) 

Seigneurs,  dit  le  chevaliers,  vous  chassez  [cherchez]  bien 
votre  malheur;  car  se  nous  avions  nos  chevaulx,  nous 
vous  ferions  danser  avec  elle. 

(PeTce/oresl,  t.  I,  fol.  67.) 

Par  la  dite  coustume  locale,  le  seigneur  a  droit  que  nuls 
meuniers  estans  en  la  ditte  baronie  ne  peuvent  ou  doivent 
cliasser  et  aller  quérir  les  bleds  des  sujets  de  la  dite  ba- 
ronie. 

(Coustum.  gcnéral,  t.  Il,  p.  f>4.) 

Tant  que  chasser  s'employa  dans  ce  sens,  il  n'y  eut 
qu'une  dénomination  pour  l'ancienne  rue  des  Vieilles 
Thuilleries;  mais  quand  chasser  fut  remplacé  par  cher- 
cher {ce  qui  eut  lieu,  je  présume,  au  ivi"  siècle),  il  y 
en  eut  deux  :  l'ancienne,  qui  se  maintint  au  moins  jus- 
qu'en 1779,  puisqu'elle  est  mentionnée  encore  dans  le 
Didioîinaire  historique  de  .M.M.  Hurlant  et  Magny,  et  la 
la  nouvelle,  rue  du  Cherche-Midi,  qui  a  fini  par  l'em- 
porter sur  son  aînée,  et  par  nous  rester  seule. 

11  y  a  beaucoup  de  personnes  qui,  s'autorisant  sans 
doute  de  ce  qu'on  trouve  dans  Sauvalle  :  «  la  rue 
Chasse-.Midi  »,  et  dans  Félibien  :  «  la  rue  des  Vieilles 
Thuilleries  dite  Chassemidy  »,  où  l'arlicle  ne  figure 
pas  avant  chasse,  croient  pouvoir  dire  également  rite 
Cherche-Midi,  sans  employer  du.  L'origine  que  je  viens 
de  donner  pour  le  nom  de  celle  rue,  origine  qui  me 
semble  cire  la  vraie,  démontre  que  l'on  doit  toujours, 
comme  le  fait  du  reste  l'Administration  de  la  voirie 
parisienne,  mettre  l'article  composé  dans  cette  dénomi- 
nation : 

Rue  du  Cherche-Midi. 

X 

Troisième  Question. 

Je  lirais  un  jour  avec  plaisir  dans  le  Courrier  de 
Vacgelas  le  véritable  sens  que  l'on  attache  à  l'expres- 
sion PAiiLER  nu  rons,  ainsi  que  l'origine  de  celte  façon 
de  parler,  qui  me  semble  assez  moderne. 

■Voici,  d'après  Joachim  Dullot  [Secrets  des  Coulisses], 
ce  qui  a  donné  lieu  à  ce  dicton,  assez  répandu  dans  le 
monde  des  théâtres  : 

Le  comédien  BoulTé  est  un  artiste  très-consciencieux, 
mais  surtout  très-nietliodiqne;  il  ne  se  laisse  pas  guider 
par  l'inspiration,  tout  doit  être  convenu  à  l'avance: 
paroles,  (gestes  et  pas.  Dans  un  vaudeville  dont  je  tairai  le 
titre.  Bouffé  devait  ilescendre  dans  un  puits;  l'entreprise 
n'était  pas  sans  |iéril,  mais  la  situation  l'exigeait.  Dès 
le  premier  jour,  UtulTé  s'incpiiéta  de  quel  cûté  il  des- 
cendrait dans  le  puits,  et  celte  question  donna  lieu  A  une 
discus&ion  fort  longue.  L'heure  accordée  passa,  et  la  ré- 
pétition fut  remise  au  lendemain.  Le  lendemain,  Bouffé 


crut  s'apercevoir  que    la  margelle  du  puits  n'était  pas 
assez  large. 

Grande  discussion  à  propos  de  la  margelle.  — On  ne  peut 
se  risquer  à  entrer  dans  ce  puits  avec  une  margelle  aussi 
étroite.  Qu'on  fasse  une  autre  margelle  et  je  descendrai. 
Le  jour  suivant,  on  essaya  la  nouvelle  margelle;  elle  est 
d'une  largeur  ridicule,  elle  rend  le  puits  trop  étroit,  on  ne 
peut  s'y  mouvoir.  —  Gardez  la  margelle  si  vous  voulez, 
mais  élargissez  le  puits.  On  défait,  on  refait,  puis  on  démo- 
lit, puis  on  recommence,  puis  chaque  jour  une  heure  se 
passe  à  parler  du  puits,  une  heure  se  perd  dans  de  vaines 
conversations  qui  n'aboutissent  â  rien. 

Quant  à  la  signification  de  cette  expression,  vous  la 
savez  maintenant  aussi  bien  que  moi;  elle  veut  évidem- 
ment dire  :  perdre  son  temps  a  parler  d'une  chose  qu'on 
ne  peut  réussir  â  terminer. 

X 

Quatrième  Queslion. 
Peut-on  dire  d'un  arti.ite  «  qu'il  a  parfaitement 
chanté  »  comme  le  font  quelques  journaux  ?  Ne  vau- 
drait-il pas  mieux  dire  :  «  il  a  parfaitement  bien 
chante  »  ?  Il  me  semble  que  la  première  expression  est 
une  faute  grave. 

h'aùverhe  parfaitement  s'emploie  dans  deux  cas  diffé- 
rents, en  français  : 

1"  Comme  modificatif  d'un  verbe,  dans  le  sens  d'une 
manière  parfaite,  complètement,  ainsi  qu'on  le  voit  par 
ces  exemples  : 

Comme  je  vous  aime  parfaitement,  je  pense  être  aimé  de 

vous  de  la  même  sorte. 

(Balzac,  liv.  IV.  lett.  la.) 

C'est  à  la  Cour  que  l'on  sait  parfaitement  ne  rien  faire,  ou 
faire  très-peu  de  chose  pour  ceux  que  l'on  estime  beau- 
coup. 

(La  Bruyère,  VIII  ) 

Qui  vous  ouvrirait  le  paradis  ne  vous  obligerait  pas  par- 
faitement. 

(Pascal,  Provin.,  IX.) 

Je  viens  d'écrire  au  chevalier;  il  m'a  parfaitement  ou- 
bliée. 

(SéTigné,  Il  janvier  1680.J 

2°  Comme  modificatif,  soit  d'un  adjectif,  soit  d'un 
adverbe,  preuve  ce  qui  suit  : 

Aussi  impossible,  lui  répliqua  l'autre,  que  d'être  parfai- 
tement habile,  parfaitement  fort,  parlaitcment  puissant,  par- 
faitement heureux. 

(Voltaire,  Memnon.) 

■Voici  un  temps  de  justice  et  de  clémence;  on  prend  plai- 
sir à  faire  non-seulement  ce  qui  est  bien,  mais  ce  qui  est 
parfaitement  bien. 

(Sévigné,  I7  avril  168a.) 

Par  conséquent,  vous  êtes  dans  l'erreur  quand  vous 
croyez  que  c'est  une  faute  «  grave  »  d'employer  por/a/- 
temeiit  dans  la  phrase  que  vous  me  proposez,  où  cet 
adverbe  modifie  un  verbe. 

X 

Quatrième  Question. 
Un  de  mes  amis  prétend  que  l'on  doit  dire  «  /ecOMTÉ- 
Venaissin  »  quoique  (jénératement  on  dise  «  te  comtat- 
Venuissin  ».  Quelle  est,  selon  vous,  la  meilleure  de  ces 
deux  expressions  ? 

M.  Charles  Souiller,  l'auteur  de  Y  Histoire  de  la  Révo- 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ai 


lu/ion  d'Avifjnon,  m'ajanl  remis  une  note  qui  résout 
celte  question  dans  le  sens  où  je  l'aurais  résolue  moi- 
même,  je  vous  demande  la  permission  de  reproduire  ici 
ses  propres  termes  : 

Le  mot  Comlal,  nom  que  l'on  donnait  autrefois  au  démem- 
brement de  l'ancienne  Provence  dont  Carpentras  était  la 
capitale,  est  le  terme  provençal  qui  signifie  comté  dans  cet 
idiome,  c'est-à-dire  une  certaine  partie  du  territoire  dont 
le  seigneur  suzerain  portait  le  litre  de  comte.  Pris  isolé- 
ment, il  a  été  adopté  dans  la  langue  française  et  s'y  est 
impatronisé  comme  une  foule  d'autres,  gui  nous  sont 
venus  des  pays  étrangers.  On  appelle  donc  encore  aujour- 
d'hui Comlal  celte  portion  de  pays  réunie  aux  lilati  d'Avi- 
gnon qui,  après  la  guerre  des  Albigeois,  par  suite  d'un 
traité  de  paix,  vers  l'an  1228,  fut  concédé  à  la  Cour  ponti- 
ficale. Mais  toutes  les  fois  que  ce  mot  est  suivi  d'un  autre 
mot  français  et  notamment  de  celui  concernant  la  partie  de 
terrain  qui  lui  était  réservé  dans  l'ani-ienne  Provence 
(Comté-Venaissin),  il  ne  peut  pas  plus  subir  d'altération 
locale  que  celui  auquel  il  se  réunit.  Et,  en  effet,  dans  Com- 
lal-Venaissin  seraient  alliés  deux  mots  hétérogènes  dont 
l'un  est  provençal  et  l'autre  français;  il  y  a  dans  cette 
alliance  quelque  chose  qui  blesse  la  logique,  et  l'on  ne 
peut  pas  plus  dire  Comlat-Venaissin  que  l'on  ne  dirait  Estais 
d'Avignon. 

Du  reste,  si  l'on  consulte  les  écrits  antérieurs  à  l'acte 
qui  réunit  le  comté  d'Avignon  à  la  France,  ainsi  que 
le  décret  lui-même  de  l'Assemblée  nationale  qui  pro- 
nonça cette  réunion  (le  26  mars  i~92),  on  rencontre 
partout  Comlé-Venaissin ,  ce  qui  corrobore  l'opinion 
énoncée  plus  haut,  savoir  que  la  véritable  expression 
est  Comlé-Venaissin,  et  non  Comlat-Venaissin,  comme 
la  plupart  disent  et  écrivent. 

X 

Sixième  Question. 
Comment  expliques-vovs  que  donner  un  suif  a  quel- 
qu'un puisse  signifier  lui  faire  une  réprimande? 

Ce  serait  à  un  usage  de  la  marine  que  nous  derrions 
l'expression  proverbiale  dont  il  s'agit. 

En  effet,  j'ai  trouvé  ce  qui  suit  dans  le  Glossaire 
nautique  d'Alphonse  Jal  : 

Une  préparation  dont  le  suif  (chez  les  Anglais)  est  la  base, 
et  où  entrent  du  soufre,  du  brai  chaud,  du  savon,  etc.,  est 
étendue  sur  la  carène  d'un  navire,  qu'elle  peut,  jusqu'à  un 
certain  point,  préserver  des  attaques  des  vers  et  dont  elle 
doit  favoriser  la  marche.  Appliquer  ce  mélange  à  un  bâti- 
ment, c'est  lui  Sonner  un  suif..... 

Or,  de  même  qu'au  propre,  un  .wifesl  une  réparation 
ordonnée  par  le  commandant  du  navire  pour  lui  assurer 
une  meilleure  marche,  de  même,  au  figuré,  un  suif  est 
une  réprim.nnde,  faite  par  celui  qui  a  autorité  sur  un 
autre,  dans  rintenlion  de  mieux  le  l'aire  agir. 
X 
Cinquième  Question. 

Dans  le  numéro  oit  vous  répondez  à  M.  Charles 
Deulin  qu'il  vaut  mieux  mettre  le  subjonctif  que  l' indi- 
catif après  SE  ri.Ai.NuiiE,  rous  rorri(/rz.  la  phrase  9  du 
numéro  précédmt,  en  subslilvant  l'indicatif  avons  au 
subjonctif  kYo^s,  après  le  même  verbe.  N'est-ce  pas  là 
une  légère  inconséquence  ? 

J'ai  dit  que,  dans  le  cas  où  un  verbe  exprimant  une 


émotion  de  Pâme  était  suivi  «  de  la  simple  conjonction 
que  »,  le  verbe  qui  vsnait  après  cette  conjonction  devait 
toujours  être  mis  au  subjonctif,  ce  qui  est  parfaitement 
vrai. 

Mais  il  cesse  d'en  être  ainsi  quand,  au  lieu  de  que, 
la  phrase  renferme  de  ce  que;  avec  ces  trois  mots,  j'ai 
constaté  qu'on  emploie  invariablement  l'indicatif,  et 
voici  des  exemples  : 

Les  communes  témoignèrent  leur  mécontentement  de  ce 
qu''i\  usurpait  ainsi  les  droits  du  peuple. 

(Jeudi,  Hist.  de  Cromif-d,) 

On  doit  nous  savoir  gré  de  ce  que  nous  n'avons  pas  démoli 
la  salle. 

{L.  Reybaud,  Jérôme  Pâlurot,  p.  5.) 
Apollon,  disait-il,  indigné  de  ce  çi/e  Jupiter  par  ses  foudres 
troublait  le  ciel  dans  les  plus  beaux  jours,  voulut  s'en  ven- 
ger sur  les  Cyclopes. 

(Fénelon.  Tél.) 

Le  libraire  D.  jeta  les  hauts  cris  de  ce  que  son  associé  B. 
a  pu  laisser  croire  ce  qui  n'était  pas. 

(Diderot,  p.  io3.) 
Il  s'indigna  de  ce  que  Philippe,  non-seulement  levait  sur 
eux  des  contributions,  mais  encore  de  ce  qu'il  employait  le 
produit  de  ces  contributions  à  des  guerres... 

(J.  Bastide,  Guer.  derelig.,  p.  l38.) 

Le  Kain  se  plaignait,  au  café  Procope,  de  ce  que  sa  pen- 
sion de  12,000  liv.  venaiid'ètre  réduite  de  moitié  par  le  roi. 

(Encyctopédùina,  p.  gô,  col.    :.] 

Je  n'ai  donc  pas  commis  d'inconséquence  en  mettant 
à  l'indicalif  un  verbe  séparé  par  de  ce  que  de  se  plaindre, 
dont  la  dernière  des  phrases  que  je  viens  de  citer  offre 
justement  un  exemple. 

ÉTRANGER 


CO.MMUNIGATION. 

.\u  sujet  de  la  prononciation  des  II  mouillées,  je  viens 
de  recevoir  une  lettre  que  j'insère  dans  son  entier,  toute 
longue  qu'elle  est,  et  dont  je  commence  par  remercier 
bien  sincèrement  l'auteur. 

Genève,  le  22  janvier  1875. 
Monsieur  le  Rédacteur, 

Dans  son  numéro  du  15  avril  dernier,  le  Courrier  de  Vau- 
t/elas  se  montre  partisan  de  la  prononciation  allaiblie  de  II 
mouillées  qui  a  prévalu  en  France  et  surtout  à  Paris.  Vous 
appuyez  cette  décision  du  motif  «  qu'un  peuple,  toujours 
maître  de  son  idiome,  a  l'incontestable  droit  d'y  apporter 
telles  modifications  qu'il  juge  à  propos  »,  et  vous  terminez 
en  disant  que  «  Paris  étant  devenu  chez  nous,  grâce  à  son 
litre  de  capitale  et  au  chiffre,  de  sa  population,  l'arbitre 
du  langage  aussi  bien  que  celui  de  la  mode  et  du  goût, 
comment  admettre  que  la  prononciation  des  Parisiens  soit 
entachée  de  vice?  j 

J'ai  hésité  longtemps  à  donner  mon  avis  sur  cette  ma- 
tière parce  que  je  sais  que  toute  vérité  n'est  pas  bonne  à 
dire.  Un  besoin  inné  de  combattre  l'erreur  sous  quelque 
forme  qu'elle  se  présente  m'a  fait  mettre  la  plume  à  la 
main,  et  répétant  une  vieille  devise,  j'ai  dit:  Fais  ce  que 
dois,  advienne  que  pourra.  Ce  n'est  pas  une  raison  en  effet 
que,  parce  que  le  roi  est  roi,  il  soit  infaillible  et  parfait.  Ce 
n'est  pas  non  plus  en  se  répétant  qu'on  a  atteint  la  perfec- 
tion qu'on  se  maintient  tète  de  colonne.  Les  langues  pas  plus 
que  les  peuples  et  les  individus  n'arrivent  à  un  degré  de 


-172 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


perfection  telle  que  la  perfectibilité  ne  soit  plus  possible. 
L'histoire  de  la  langue  française  en  particulier  en  et^t  une 
preuve,  puisqu'en  remontant  seulement  au  seizième  siècle, 
nous  trouvons  un  travail  d'élaboration  constant,  et  qui 
n'est  pas  près  de  finir. 

Mais,  laissant  ces  considérations  suffisamment  passées  à 
l'état  de  vérité,  j'aborde  franchement  le  problème  des  II 
mouillées.  On  sait  que  notre  langue  a  été  parfois  affligée 
de  maladies  étranges,  fruits  du  langage  affété  mis  à  la 
mode  par  les  doucereux  de  l'hôtel  de  Rambouillet  et  leurs 
successeurs.  Toutefois  ce  ne  fut  pas  sans  de  vives  protos- 
tations que  germèrent  ces  semences  délétères.  Molière, 
entre  autres,  exerça  sa  verve  charmante  contre  les  parti- 
sans de  ces  ridicules  manières  de  parler.  Mais  la  sottise 
humaine  reparait  toujours  sous  une  forme  ou  sous  uue 
autre.  Au  commencement  de  ce  siècle,  on  trouva  de  bon 
ton  de  supprimer  l'r,  parce  que  la  langue  française  étant 
plus  douce  que  gutturale,  cette  consonne  donne  le  plus  de 
peine  à  prononcer.  On  disait  :  c'est  incoijable,  chaînant,  une 
hoeu,  pour  incroyable,  charmant,  horreur.  Du  reste,  on  lui 
en  a  voulu  à  cette  infortunée  lettre,  car,  au  seizième  siècle, 
sous  les  Paisgrave  comme  sous  les  de  Béze,  les  «  femme- 
lettes »  de  Paris  (expression  du  grammairieu  Dubois)  et  à 
leur  exemple  quelques  hommes  affectaient  de  mettre  des  z 
pour  des  r  :  ma  méze,  mon  fréze,  pour  ma  mère,  mon  frère. 
De  même  U  mouillées  se  prononçaient  lie,  comme  elles 
doivent  être  dites  dans  les  siècles  qui  nous  ont  précédés, 
prononciation  que  les  grammairiens  Meigret,  Ramus  et 
Robert  Estienne  au  seizième  siècle  appelaient  adoucisse- 
ment ou  amoUisement  et  que  de  Saint-Lien,  de  Beze,  Masset, 
Maupas,  eux  environs  du  dix-septiém.e,  nomment  humecia- 
tion  ou  liquéfaction.  Mais  Jean-Baptiste  Duval  trouve  déjà 
que  cette  prononciation  donne  beaucoup  de  peine.  La  pro- 
nonciation te  adoptée  d'abord  par  les  badauds  du  boule- 
vard a  fait  école  en  France,  mais  non  point  hors  de  France, 
au  moins  dans  la  Sui^se  Romande  et  la  Savoie  (trop  récem- 
ment française  pour  être  classée  ici  dans  votre  pays)  qui 
ont  su  résister  à  cet  entraînement  de  mauvais  aloi.  Dans  ces 
deux  contrées,  il  n'y  a  que  les  petits  enfants  qui,  à  cause 
de  la  faiblesse  de  leur  organe,  prononcent  ie  Jl  mouillé, 
comme  aussi  ils  suppriment  souvent  l'r  ou  radoucissent 
en  l  ou  s.  Qui  ne  voit  que  cette  tendance  fâcheuse  des 
Français  leur  rendra  toujours  plus  difficile  l'étude  des 
langues  étrangères?  Que  diraient-ils  s'ils  avaient  à  pronon- 
cer comme  les  Russes  deux  espèces  A'I,  l  doux  et  l  dur, 
qui  exige  une  véritable  gymnastique  de  palais?  Aussi  ap- 
prouvons-nous entièrement  le  professeur  Richard  lorsqu  il 
s'écrie  dans  son  Manuel  de  prononciation,  publié  en  1S62  : 
<  Nous  repoussons  avec  énergie  ce  grasseiement  désa- 
«  gréable  et  ridicule,  cher  surtout  aux  garçons  limonadiers 
et  aux  demoiselles  de  comptoir,  personnes  fort  respec- 
tables sans  doute,  mais  qui  font  rarement  autorité  en  fait 
(  de  beau  langage.  »  Jamais  Talma,  ce  maître  par  excel- 
lence en  telle  matière,  n'a  dit: 

Paraissez,  Navarrois,  Maures  et  Castyofis, 
Et  tout  ce  que  l'Espagne  a  nourri  de  \ayans. 

L'hiimertation  des  lettres  existait  déjà  en  latin,  par 
exemple  dans  les  verbes  dits  de  la  3*  conjugaison  bis:  capio, 
salio,  où  \'i  a  été  introduit  par  simple  adoucissement.  L'hu- 
mectation,  autre  forme  de  l'iidoucissement,  est  comme  lui 
un  phénomène  naturel  et  qui  constitue  un  progrès  dans 
la  langue.  C  dur  a  été  adouci  dans  beaucoup  de  mots  dans 
leur  passage  du  latin  en  français  :  campus,  cpntus,  canis, 
etc.,  ont  donné  champ,  chant,  chien.  Le  l  s'est  aussi  hu- 
mecté :  amicitas,  pietas,  ont  donné  amitié,  piiié.  Les  voyelles 
même  s'adoucissent  :  oquila  a  donné  aigle,  ocer,  aigre. 
Mais  mouiller  et  adoucir  ne  sont  pas  changer,  ni  retrancher, 
et  c'est  ce  qui  arrive  lorsqu'au  lieu  de  prononcer  11,  lie, 
on  le  prononce  ie. 

Pour  terminer,  voici  la  règle  :  1*  H  se  mouille  lorsque 
Vi  qui  précède  fait  partie  d'une  diphlhongue  :  bailler,  tailler, 
corail,  émail,  ailleurs,  railleur;  —  veiller,  abeille,  treillis. 


soleil,  oreille,  vermeil;  —  feuille,  veuille,  fauteuil,  écureuil; 
—  mouiller,  grenouille,  fouiller,  brouiller,  bouillir;  2"  Il  ne 
se  mouille  pas  lorsque  l'i  qui  précèdn  ne  fait  pas  partie 
d'une  diphthongue  :  Achille,  Camille,  Gille,  Lille;  —  cavil- 
lation,  fibrille,  distiller,  tranquille,  mille;  —  scille,  sibylle, 
camomill»,  venus  du  grec  (ce  dernier  mot  indiqué  à  tort 
par  M.  Littré  comme  devant  être  mouillé);  —  ville  et  pu- 
pille, dont  l'origine  comme  diminutifs,  s'est  oubliée;  — 
codicille,  qui,  selon  l'exception  donnée  ci-après,  devait 
être  mouillé. 

Exception  à  cette  dernière  régie.  —  Lorsque  les  mots  pro- 
viennent d'un  mot  latin  en  ius,  ia,  io,  ou  d  un  diminutif  en 
culus,  cula,  cellus,  cella,  l'humeciation  a  lieu:  tilleul,  fille, 
famille;  —  papillon,  pavillon;  —  périlleux,  lentille,  fourmil- 
ler, corbillon,  oisillon,  grillon,  bille,  billard. 

Et  maintenant  s'il  est  besoin  d'avoir  quelque  direction 
pour  prononcer  ces  U  mouillées,  je  rappellerai  la  recom- 
mandation de  Claude  de  Saint-Lien,  insérée  dans  le  Cour- 
rier de  Vaugelas :  «  Lorsque  deux  11  suivent  une  des  quatre 
»  diphthongues  ai,  ei,  oi,  ui,  ils  se  prononcent  en  touchant 
«  le  palais  non  avec  la  pointe,  mais  avec  le  milieu  de  la 
langue,  ce  qui  donne  à  ces  lettres  un  son  mouillé.  » 

J'aime  à  espérer  que  ceslignes,  forcement  un  peu  longues, 
vu  la  nature  du  sujet,  ne  seront  pas  malvenues  de  vos  lec- 
teurs, car  les  grands  peuples  doivent  être  comme  les  grands 
hommes,  dont  le  génie  n'est  autre  chose,  a  dit  Buffon, 
qu'une  grande  aptitude  à  la  patience. 

Agréez,  Monsieur  le  Rédacteur,  l'expression  de  mes  sen- 
timents dévoués. 

DUFOUR-VERNES. 

P.  S.  —  Bien  loin  que  la  prononciation  mouillée  ait  l'air 
d'une  trace  de  l'invasion  que  l'italien  a  faite  chez  nous,  je  la 
crois  au  contraire  venue  du  latin,  et  j'en  donne  pour  preuve 
que  les  langues  néo-latines  la  possèdent.  J'ai  en  outre  de 
fortes  raisons  de  croire  que  la  prononciation  /e  ne  se  trouve 
qu'à  Paris. 

Comme  on  n'improvise  pas  une  réponse  à  des  objec- 
tions de  la  nature  de  celles  qu'on  vient  de  lire,  .M.  Du- 
four-Vernes  voudra  bien  consentir  à  ce  que  je  remette 
la  mienne  à  un  prochain  numéro. 

X 

Première  Question. 

Est-ce  qu'il  est  bien  correct  de  dire  :  M.  un  tel, 
UETora  de  Vienne,  Mme  une  telle,  retour  de  Borne  ? 

Les  journaux  emploient  Irès-souvent  celte  construc- 

Uon,  qui  consiste  à  faire  disparaître  de  avant  le  subs- 

lanlif  retour  : 

Le  comte  et  la  comtesse  Potoki,  et  M'""  la  duchesse  de 
Reggino,  retour  de  Dieppe,  sont  rentres  hier  soir  à  Paris. 

[Paris-Journol  du  9  septembre  1874.) 

On  voit  bien  que  vous  n'êtes  pas  préfet  de  l'ordre  moral,  me 
répondu  d'un  ton  grave  mon  agronome  retotir  de  Nevers. 

t  Le  Bien  public  ivL  4  févrû-r  1874.) 

Mais  cette  elli[)se,  que  je  soupçonne  fortement  d'avoir 
pris  naissance  dans  les  bureaux  télégraphiques,  n'est 
point  de  celles  qui  se  puissent  pratiquer  ;  la  grammaire 
permet  de  sous-enlendre  qtti  est,  f/tti  sont,  qui  étaient, 
etc.,  mais  jamais  le  mol  qui  les  suit.  A  moins  qu'il  ne 
s'agisse  d'un  télégramme,  rendez  donc  toujours  le  sens 
de  qui  est  rei'cnu  par  de  retour,  comme  dans  la  phrase 
suivante  : 

Hier  matin  e«l  arrivé  à  Paris  M.  le  prince  do  Chimay,  de 
retour  de  'Vienne. 

(Lu  Presse  du  3o  nov.   1874.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


173 


X 

Seconde   Question. 

L'auteur  anonyme  de  la  communication  du  numéro  19, 

relative  au  nomdes  habitantsde  Pau,  écrit  tesx^t  avec 

un  E.  Cette  orthographe  vaut-elle  mieux  que  celle  qui 

écrit  FAISANT  avec  k\1 

C'est  une  règle  sans  exception  dans  nos  verbes  que  la 

voyelle  conlenuedans  le  radical  du  participe  présent  est 

toujours  la  même  que  celle  contenue  dans  le  radical  de 

l'imparfait  de  l'indicatif  : 

Je  prenais,  prenant;  j'avais,  ayant;  je  fovais,  sochant.Ptc. 

Or,  comme  depuis  le  xm''  siècle,  le  verbe /«//-e  s'écrit 
faisais  [faisais]  à  l'imparfait  de  l'indicatif,  ce  dont  on 
peut  vérifier  l'exactitude  en  parcourant  l'historique  du 
dit  verbe  dans  le  Dictionnaire  de  Litlré,  j'en  conclus 
que  la  véritable  orthographe  du  participe  présent  du 
verbe  faire  esl  faisant,  et  non  fesani,  bien  que  celle-ci 
ait  eu  la  préférence  de  Voltaire  et  de  plusieurs  célèbres 
grammairiens. 


PASSE-TEMPS   GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  ui  les  municipalités  imposées  n'ont  manqué;  —  2° ...  mais 
demande  le  direcleur;  —  3"  ...  les  premiers  pauvres,  c'est  nous; 
—  4-  ...  lui  donnerait  un  serours;  —  5°  ...  dont  la  famille  n'est 
pas  très-ric/ic,-  —  6°  ...jusque  ce  qu'ils  Veussent  décidé;  — 7°  ... 
est  un  fait  de  courageuse  audace;  — 8°  Le  ministère  public  ayant 
appelé  de  l'arrêt  (pas  de  en);  —  9°  ...  accompagné  de  M"«  la  Ma- 
réchale, est  allé  visiter... 

Phrases  à  corriger 
trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1"  J'ai  dit  un  des  motifs  pour  lesquels  je  supplie  l'Assem- 
blée de  ne  pas  passer  à  la  spconde  délibération;  et  je  la 
supplie  rie  ne  pas  continuer  une  discussion  dont  tout  le 
monde  sait  qu'elle  n'aboutira  pas. 

î"  Depuis  cette  loi  du  20  novembre,  que  s'est-il  passé?  11 
est  arrivé  que,  je  ne  sais  par  quelle  circonstance,  par  quelle 
habileté,  ceux  qui  avaient  voté  contre  elle  s'en  sont  acca- 
parés pour  la  diriger  contre  nous. 

3*  11  est  donc  lié,  quoiqu'il  en  ait,  à  la  cause  du  maréchal 
et  de  l'organisation  de  ses  pouvoirs. 

4"  On  avait  craint  un  moment  que  les  dissentiments  qui 
s'étaient  élevés  entre  le  prince  Nitika  et  le  sultan  ne  pro- 
voquent de  sérieuses  complications  en  Orient. 

5*  Rien  n'est  plus  insolent  et  impitoyable  que  la  vale- 
taille autorisée  du  maître.  Elle  semble  alors  vouloir  se  ven- 
ger sur  autrui  des  humiliations  et  des  duretés  qu'elle  a  dû 
subir. 

6°  L'Autriche-Hongrie,  l'Allemagne  et  la  Russie  recon- 
naissent à  la  Roumanie  le  droit  de  conclure  des  traités  de 
commerce  avec  les  autres  puissances,  sans  avoir  à  se  préoc- 
cuper d'autres  cboses  que  de  ses  propres  intérêts. 

7*  M.  le  duc  de  Nemours  et  M.  le  comte  de  Paris  étaient 
également  au  nombre  des  invités.  On  a  dansé  jusqu'à  trois 
heures  et  quart  du  matin, 

H*  Le  bataillon  des  guides  ayant  commis  des  e.KCès  à  Ver- 
gara,  les  populations  ont  demandé  qu'il  soit  dissous. 
{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE    DES  GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE   MOITIÉ   DU   XVll-  SIECLE. 

VAUGELAS. 

(Suite. _ 

Narration  historique.  —  Il  y  en  a  qui  prétendent 
que,  dans  le  style  historique,  il  ne  faut  pas  employer 
le  présent  pour  le  passé;  mais  Vau?elas  ne  peut  assez 
s'élonncr  que  des  gens  qui  d'ailleurs  écrivent  parfaite- 
ment bien* soient  tombes  dans  cette  erreur  :  il  a  vu  dans 
une  foule  d'auteurs  le  présent  employé  pour  le  passé 
dans  des  «  relations  «. 

Le  verbe  avoir  suivi  du  participe  été.  —  Si  ce  n'est 
pas  une  faute,  c'est  une  imperfection  que  de  séparer  ces 
deux  termes  par  un  adverbe;  ainsi,  il  faut  éviter  de 
dire  :  ('/  a  plusieurs  fois  été  contraint  ;  il  faut  mettre 
plusieurs  fois  après,  et  dire  :  il  a  été  plusieurs  fois  con- 
traint, et  mieux  encore  :  il  a  été  contraint  plusieurs 
fois. 

Voile.  —  Vaugelas  voit  une  infinité  de  gens  qui  font 
ce  mot  masculin  en  parlant  des  voiles  d'un  navire;  c'est 
une  faute. 

Je  suis  plus  vaillante  que  vous.  —  Une  dame  peut- 
elle  dire  cela  à  un  homme?  Cette  manière  de  parler  n'est 
certainement  pas  absolument  mauvaise;  mais  elle  n'est 
pas  fort  bonne,  et  il  faut  l'éviter  en  se  servant  d'une 
autre  phrase,  comme  fai  plus  de  courage  que  vous. 
Autrement,  il  faudrait,  pour  parler  régulièrement,  ne 
point  construire  avec  l'ellipse. 

A  même.  —  Dans  le  sens  de  en  même  temps,  comme 
dans  cette  phrase  :  à  mêmeque  la  prière  fut  faite,  l'orage 
fut  appaisé,  est  très-mauvaise.  Qu'on  ne  s'en  serve 
jamais. 

Gens.  —  Quand  il  signifie  personnes,  il  est  toujours 
féminin  si  l'adjectif  le  précède,  et  masculin  si  l'adjectif 
le  suit.  Ainsi  on  dit  voilà  de  belles  gens,  eij'ai  i-t'i  des 
gens  bien  faits.  Une  seule  exception  pour  tout,  qui  se 
met  toujours  au  masculin  devant  gens;  on  dit  tous  les 
gens  de  bien,  on  ne  peut  dire  toutes  les  bonnes  gens. 

Futur.  —  Quoique  l'on  dise  futur  époux  et  future 
épouse,  Vaugelas  ne  croit  pas  qu'on  puisse  l'employer 
dans  le  beau  langage. 

Fatal. —  Se  prend  le  plus  souvent  en  mauvaise  part, 
mais  il  ne  laisse  pas  de  s'emjiloyer  quelquefois  en  bonne 
part,  comme  on  le  voit  dans  Malherbe. 

Incognito.  —  Depuis  quelques  années  (nous  sommes 
en  16-171,  nous  avons  pris  ce  terme  des  Italiens.  Il  reste 
invariable  qu'il  se  dise  de  plusieurs  hommes  ou  de  plu- 
sieurs femmes.  Toutes  les  nations  se  servent  du  mot  et 
de  la  chose. 

Banquet.  —  Ce  mot  est  vieux  et  n'est  plus  guère  en 
usage  que  parmi  le  peuple.  Il  se  conserve  cependant 
en  parlant  des  choses  sacrées,  où  il  est  meilleur  que 
festin. 

Débarquer,  desembarquer.  —  Tous  deux  se  diseni  et 
sont  bons;  mais  f/fj/jan/wer  est  plus  doux  et  plusen  usage, 
car  ces  verbes  composés  d'un  verbe  simple  qui  coin- 


174 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


mence  par  em  ou  en  laissent  d'ordinaire  cette  première 
sjliabe  dans  leur  composition,  comme  du  simple  eiuja- 
ger  se  forme  le  composé  dégager,  et  d'embarrasser  se 
forme  débarrasser. 

Pluriel.  —  Vaugelas  met  toujours  ce  mot  avec  une  l 
quoique  tous  les  grammairiens  français  aient  toujours 
écrit  plurier  avec  une  r;  il  se  fonde  sur  ce  qu'il  vient 
du  ]dX\npluralis. 

Arc-en-c/el.  —  C'est  ainsi  qu'il  faut  écrire,  avec  deux 
tirets,  et  non  arcencii-l  ;  el,  au  pluriel,  il  faut  écrire 
plusieurs  arc-en-ciels,  et  non  pas  arc-en-cieux,  ni  arcs- 
en-ciel. 

Faute  d'argent,  à  faute  d'argent , par  faute  d'argent. 
—  Tous  les  trois  sont  bons,  mais  le  meilleur  est  de  dire 
faute  d'argent  ;  après  celui-là  vient  à  faute,  et  par  faute 
est  le  moins  bon  des  trois. 

Florissant,  fleurissant.  —  Dans  le  sens  propre,  on 
dit  le  plus  souvent  fleurissant,  comme  un  arbre  fleuris- 
sant, et,  dans  le  sens  figuré,  on  dit  plutôt  florissant, 
comme  dans  un  empire  florissunt . 

Arcenal,arsenac.  —  Le  premier  est  le  plus  usité;  plu- 
sieurs disent  aussi  arcenac.  Mais  il  semble  qu'on  pro- 
nonce plutôt  arcenac  quarcenal,  et  qu'on  écrit  plus 
volontiers  arsenal  qu'arcenac.  On  dit  au  pluriel  arce- 
naux,  et  Vaugelas  n'a  jamais  entendu  dire  arcenacs. 

Auparavant ,  auparavant  que.  —  Le  vrai  usage  d'au- 
paravant c'est  de  le  faire  adverbe,  et  non  pas  préposi- 
tion; ceux  qui  parlent  et  qui  écrivent  le  mieux  ne  s'en 
servent  jamais  que  de  cette  façon;  mais  ceux  qui  n'ont 
nul  soin  de  la  pureté  du  langage  disent  et  écrivent  tous 
les  jours,  par  exemple,  auparavant  moi,  il  est  venu 
auparavant  lui. 

Réussir.  —  On  se  sert  plus  élégamment  de  ce  verbe 
dans  le  sens  actif  ou  avec  l'auxiliaire  avoir  que  dans  le 
sens  passif  ou  avec  le  verbe  être.  Par  exemple,  il  est 
beaucoup  mieux  de  dire  ce  dessein  lui  a  réussi  que  lui 
est  réussi. 

Servir,  prier.  —  Ces  deux  verbes  régissent  mainte- 
nant l'accusatif  tandis  qu'autrefois  ils  régissaient  tou- 
jours le  datif;  on  disait  il  faut  servir  à  son  roi,  prier  à 
Dieu,  tandis  qu'on  dit  servir  son  roi,  prier  Dieu. 

Quanlefois.  —  Ce  mot  pour  dire  combien  de  fois  est 
beau  et  agréable  à  l'oreille  selon  l'avis  de  beaucoup  de 
gens,  tellement  que  Vaugelas  s'étonne  qu'il  ait  eu  une 
si  mauvaise  destinée. 

Arrangement  des  mots.  —  C'est  un  des  plus  grands 
secrets  du  style.  Qui  n'a  jioint  cela  ne  peut  pas  dire 
qu'il  sache  écrire;  il  a  beau  employer  de  belles  phrases 
el  de  beaux  mots,  étant  mal  placés,  ils  ne  sauraient 
avoir  ni  beauté  ni  grâce.  Suivent  quelques  phrases  dont 
la  construction  est  mauvaise. 

Au  préalable,  préaliib'einent.  — Nous  n'avons  guère 
de  plus  mauvais  mots  dans  noire  langue.  Ils  étaient 
l'objet  de  l'aversion  d'un  grand  prince,  qui  leur  trou- 
vait quelque  chose  de  monstrueux. 

Beaucoup.  —  Employé  pouy  plusieurs,  ce  mol  ne  doit 
pas  être  mis  seul;  il  faul  toujours,  soit  y  ajouter /jpc- 
sonnc,  gens,  ou  quchpii;  autre  suhstiuilif,  soit  encore 
le  faire  précéder  du  mut  en,  comme  daus  il  ij  en  a  beau- 


coup. Quand  beaucoup  suit  un  adjectif,  il  faut  mettre 
avant  lui  la  préposition  de. 

La  découverte,  la  découverture.  —  Appliquées  à  des 
terres  neuves,  ces  deux  expressions  sont  bonnes.  Amyot 
dit  la  découverture,  et  Vaugelas  l'a  entendu  dire  aussi 
à  des  femmes  de  la  Cour  et  de  Paris. 

Et  donc,  donc.  —  Plusieurs  pensent  que  ce  n'est  pas 
bien  s'exprimer  en  français  que  de  commencer  une 
période  par  et  donc,  mais  gascon,  attendu  que  les  Gas- 
cons ont,  en  effet,  souvent  ce  terme  à  la  bouche.  Vau- 
gelas n'est  pas  de  cet  avis,  parce  qu'il  l'entend  dire  fré- 
quemment à  la  Cour.  On  peut  aussi  commencer  une 
période  par  donc. 

Celle-ci  pour  lettre.  —  C'est  du  style  bas.  Plusieurs, 
Vaugelas  le  sait,  ont  accoutumé  de  commencer  ainsi 
une  lettre  -.je  vous  écris  celle-ci.  Il  faut  dire  Je  vous 
écris  cette  lettre,  car  pourquoi  celle-ci  quand  le  subs- 
tantif n'a  pas  encore  été  dit  ? 

Faisable.  —  Appliqué  à  une  chose,  ce  mot  signifie 
qu'il  est  possible  de  faire  cette  chose,  et  non  qu'il  est 
permis  de  la  faire. 

Dévouloir.  —  Malherbe  s'est  servi  de  ce  mot  pour 
dire  cesser  de  vouloir.  Ce  terme  est  fort  commode  et 
fort  significatif,  il  serait  à  désirer  qu'il  fût  en  usage. 

//  sait  la  langue  latine  et  la  langue  grecque.  —  Le 
sens  de  ces  paroles  peut  s'exprimer  encore  de  trois 
autres  manières  :  il  sait  la  langue  latine  et  la  grecque; 
il  sait  la  langue  latine  et  grecque;  il  su'l  les  langues 
latine  et  grecque.  Ces  quatre  expressions  sont-elles 
bonnes,  et  laquelle  est  la  meilleure?  Les  deux  premières 
sont  bonnes  selon  Vaugelas,  mais  les  deux  dernières 
sont  mauvaises  (1647). 

Le  pronom  le  devant  deux  verbes  qui  le  régissent. — 
Faut-il  dire,  par  exemple,  envoyez-moi  ce  livre  pour  le 
revoir  et  augmenter?  C'est  ainsi  qu'écrivent  les  auteurs 
renommés;  mais  ce  n'est  point  là  de  la  pureté;  il  faut 
pour  le  revoir  et  l'augmenter. 

D'une  heure  à  l'autre. —  Il  faut  dire  d'//e2/r?  à  autre; 
l'emploi  des  articles  fait  que  cette  expression  n'est  pas 
française. 

Discord.  —  Mis  pour  discorde,  ce  mot  ne  vaut  rien 
en  prose,  mais  il  est  bon  en  vers,  dit  .Malherbe. 

Con.'itruction  grummaticale.  —  Plusieurs  croient  que 
celle  phrase  n'est  pas  bonne  :  comme  le  Roi  fut  arrivé, 
il  commanda,  etc.,  et  qu'il  faut  dire  :  le  Roi,  comme  il 
fut  arrivé,  commanda.  Ud\s  ils  se  trompent  fort,  c'est 
la  derriière  qui  ne  vaut  rien. 

C'est  que.  —  Quelquefois  ce  terme  est  superflu,  comme 
dans  quand  c'est  que  je  suis  malade.  Une  infinité  de 
gens  disent  ainsi,  et  particulièrement  les  Parisiens  et 
leurs  voisins.  Il  faut  simplement  quand  je  suis  malade. 
.Mais  on  n'est  pas  aussi  certain  que  cette  façon  de  parler 
soit  mauvaise  :  quand  est-ce  qu'il  viendra  ?  Les  uns 
soutiennent  qu'il  faut  dire  quand  viendra-til,  et  les 
aulrcs  la  trouvent  bonne.  Vaugelas  est  de  l'avis  de  ces  j 
derniers. 

[La  sui/r  au  prochain  numéro.) 

Le  RéDACTËDH-Gh'aANT  :  EuAM  MARTIN. 


LE   COURRIER  DE  VAUGELAS 


473 


BIBLIOGRAPHIE 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE 


Publications  de  la  quinzaine 


Les  Vaincus  victorieux;  par  F.  Alone.  Le  journal 
d'un  professeur.  La  Confession  d'un  prêtre.  Vieille  histoire. 
Marie.  La  Vengeance  de  Pierre.  L'tnfant  prodigue.  In  18 
Jésus,  319  p.  Paris,  lib.  Sandoz  et  Fischbacher. 

L'Art  dans  la  parure  et  dans  le  vêtement;  par 
M.  Charles  Blanc,  membre  de  l'Institut,  ancien  directeur 
des  beaux-arts.  In-8-  carré,  375  p.  et  vignettes.  Paris, 
lib.  Loones. 

Rose,  splendeurs  et  misères  de  la  vie  théâtrale; 
par  Edouard  Cadol.  3"  édition.  In-18  Jésus,  263  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr. 

Textes  classiques  de  la  littérature  française 
extraits  des  grands  écrivains  français,  avec  notices  biogra- 
phiques et  bibliographiques,  appréciations  littéraires  et 
notes  explicatives.  Recueil  servant  de  complémeut  à  l'his- 
toire de  la  littérature  française  et  composé  d'après  les 
programmes  officiels  de  l'enseignement  secondaire  spécial 
(3'  année)  ;  par  J.  Demogeot,  agrégé  de  la  faculté  des 
lettres  de  Paris.  Moyen-âge.  Renaissance,  xvii«  siècle. 
In-12,  vNi-568  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 

Les  Écoles  du  doute  et  l'École  de  la  foi.  Essai  sur 
rautorité  en  matière  de  religion  ;  par  le  comte  Agénor  de 
Gasparin.  2'  édition.  Grand  in-i8,  xxii-Zi37  p.  Paris,  lib. 
Michel-Lévy.  3  fr.  50. 

Les  Mœurs  et  les  Femmes  de  l'extrême  Orient. 
Voyage  au  pays  des  perles;  par  Louis  Jacolliot.  Illus- 
trations d'E.  Yvon.  2'  édition.  In-18  Jésus,  351  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  i  fr. 

La  Pluie  d'or;  par  Clémence  Robert.  Nouvelle  édition. 
Gr.  in-iS,  2Zi7  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
Les  Antiqultez  et  Chroniques  de  la  ville  de  Dieppe  ; 


par  David  .\sseline,  prestre.  Publiées  pour  la  première  fois, 
avec  une  introduction  et  des  notes  historiques,  par  M.\l.  Mi- 
chel Hardy,  Guérillon  et  l'abbé  Sauvage.  2  vol.  in-8°,  xxxii- 
825  p.  Paris,  Maisonneuve  et  Cie. 

Le  Brosseur  du  lieutenant;  par  M.  E.  Braddon. 
Roman  traduit  de  l'anglais  par  Charles  Bernard-Derosne. 
2  vol.  in-18  Jésus,  566  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
2  fr.  50. 

Choix  de  chroniques  et  mémoires  relatifs  à  l'his- 
toire de  France,  avec  notes  et  notices  par  J.-A.-C.  Bu- 
chon.  .Mathieu  de  Coussy.  Jean  de  Troyes.  Guillaume  GrueL 
Pierre  de  Fénin.  In-8°  à  2  col.,  xxxvni-736  p.  Orléans, 
lib.  Herluison.  7  fr.  50. 

La  Dame  de  Montsoreau;  par  Alexandre  Dumas. 
In-i-  à  2  col.,  2/i0  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  2  fr.  70. 

Fables  de  Florian,  précédées  d'une  étude  sur  la  fable, 
suivies  de  Ruth  et  de  Tobie,  et  accompagnées  de  notes,  par 
E.  Géruzez,  ancien  professeur  honoraire  à  la  faculté  des 
lettres  de  Paris.  In-16,  xv-l/ii  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
60  centimes. 

Han  d'Islande,  Discours;  par  Victor  Hugo.  2  vol.  in-18 
Jésus,  801  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  7  fr. 

Les  Moralistes  français.  Pensées  de  Pascal.  Maximes 
et  réflexions  de  La  Rochefoucauld.  Caractères  de  La 
Bruyère.  Œuvres  de  Vauvenargues.  Textes  soigneusement 
révisés,  complétés  et  annotés  à  l'aide  des  travaux  les  plus 
récents  de  l'érudition  et  de  la  critique.  Précédés  d'une 
notice  sur  chacun  de  ces  écrivains;  par  Sainte-Beuve. 
Ornés  de  4  portraitr  gravés  sur  acier.  Par  MM.  Goutière 
et  Delanoy.  Gr.  in-18  à  2  col.,  viu-762  p.  Paris,  lib.  Gar- 
nier  frères. 


Publications   antérieures  : 


ORIGINES  DE  QUELQUES  COUTUMES  ANCIEN- 
NES ET  DE  PLUSIEURS  FAÇONS  DE  PARLER 
TRIVIALES.  —  Par  Moisant  de  Brieux,  fondateur  de 
l'Académie  de  Caen. — Avec  une  introduction  biographique 
et  littéraire  par  .M.  E.  de  Beaurepairs.  — Un  commentaire 
et  une  table  analytique  par  M.  George  Garxier,  et  un 
portrait  de  l'auteur  gravé  par  M.  L.  de  Merval.  —  Caen, 
Le  Gost-Clérisse,  libraire-éditeur,  place  du  Palais-de- 
Justice. 


LES  SALTIMBANQUES,  leur  vie,  leurs  mœurs.  — 
Par  Gaston  Escudier.  —  500  dessins  à  la  plume  par  P.  de 
Crauzat.  —  Paris,  Michel  Lécy  Jrères,  éditeurs,  3,  rue 
Auber,  place  de  l'Opéra.  —  Prix  :  10  francs. 


CONTES  D'UN  BUVEUR  DE  BIÈRE.  -  ParCHAtiLES 
Deulin.  —  6"  édition.  —  Paris,  E.  Dentu,  éditeur,  libraire 
de  la  Sociéti-  des  Gens  de  lettres.  Palals-Uoyal,  17  et  19, 
galerie  d'Orléans. 


L'ÉTUDE  DES  LANGUES  RAMENÉE  A  SES  VÉRI- 
TABLES PRINCIPES  ou  l'art  de  penser  dans  une  langue 
ÉTRANGÈRE.  —  Par  C.  Marcel,  ancien  consul,  Chevalier  de 
la  Légion  d'honneur.  —  Paris,  C.  Borrani,  libraire-éditeur, 
rue  des  Saints-Pères,  9. 


NOTIONS  ÉLÉMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  destrois  langues  classiques. 
—  Par  E.  Egger,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  à 
l'École  normale  supérieure.  —  Septième  édition,  revue, 
corrigée  et  augmentée  —  Paris,  A.  Durand  el  Pedone- 
Lauriel,  éditeurs,  9,  rue  Cujas. 


NOUVELLE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  fondée  sur 
l'histoire  de  la  langue,  à  l'usage  des  établissements  d'ins- 
truction secondaire.  —  Par  Auguste  Brachet,  professeur  à 
l'Ecole  polytechnique. —  In-12,  xix-248  p.—  Paris,  librairie 
Hachette  el  Cie,  97,  boulevard  St-Germain.—  Prix  :  1  fr.  50. 


^76 


LE   COURRIER  DE  VAUGELAS 


CHANSONS  POPULAIRES  DE  LA  FRANCE,  AN- 
CIENNES ET  MODERNES,  classées  par  ordre  chrono- 
logique et  par  noms  d'auteurs,  avec  biographie  et  notices. 
—  Par  Louis  Moxtjoie.  —  In-32.  —  Prix  :  3  fr.  —  Paris, 
librairie  Gantier  frères,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


LE  CYMBALUM  MUNDI,  précédé  des  Nouvelles  re- 
créations et  joyeux  devis  de  Bonaventure  des  Periers.  — 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  sur  les  éditions  origi- 
nales, avec  des  notes  et  une  notice.  —  Par  P.-L.  Jacob, 
bibliophile.  —  Paris,  Adolphe  Delihays,  éditeur,  /i-6,  rue 
■Voltaire.  —  Prix  :  in-16  :  5  fr.  ;  in-S»  :  2  fr.  50. 


LES  DIALOGUES  DE  JACQUES  TAHUREAU,  gen- 
tilhomme du  Mans,  avec  notice  et  index.  —  Par  F.  Cons- 
cience. —  Petit  in-12,  xxviii-201  pages.  —  Paris,  librairie 
Alphonse  Lemerre,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  7  fr.  50. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARD,  publiées  par  la 
Société  de  l'histoire  de  France,  par  Siméon  Luce.  — T.  5. 
1356-1360.  Depuis  les  préliminaires  de  la  paix  de  Poitiers 
jusqu'il  l'expédition  d'Edouard  111  en  Champagne  et  dans 
l'Ile-de-France.  —  In-8',  Lxxi-i36  p.  —  Paris,  librairie 
V"  J.  Renouard.  —  Prix  :  9  francs. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


I. 

Les  Professeurs  de  français  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  confiance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  42,  Queen  Square,  à  Londres,  W.  G.,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

II. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo-française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Angleterre  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires.  —  L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la 
France,  et  il  se  prend  à  Paris  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue  de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart, 
2,  rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  ta  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au 
Concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 

Appel  aux  Poètes. 


Le  prix  de  poésie  fondé  par  M.  le  docteur  Andrevetan,  avec  l'aide  de  la  ville  d'Annecy  (200  francs),  sera  décerné  par 
la  Société  Florimontane  en  juillet  1875.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  envois  sont  inédits  et 
n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Tout  auteur  qui  se  ferait  connaître  serait  exclu  :  les  envois  porteront 
une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté,  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  — 
Sont  seuls  admis  à  concourir:  1°  les  Français,  excepté  les  membres  effe-ctifs  de  la  Société  Florimontane;  2»  les 
étrangers,  membres  eflectifs  ou  correspondants  de  cette  Société.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  .Secrétaire 
de  la  Société  Florimontane,  avant  le  1''  juillet  1875.  -  Ils  resteront  déposés  aux  archives  de  ladite  Société,  où  les 
auteurs  pourront  en  prendre  connaissance.  -  Le  sujet,  laissé  au  choix  des  concurrents,  ne  peut  être  traité  en  moins 
de  cent  vers. 


Avis  aux  Abonnés  de  la  province. 

Le  1"  mars  prochain,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  (qui  s'est  fait  depuis  quelque  temps  l'administrateur 
de  son  journal)  mettra  en  circulation,  avec  un  suppU-menl  de  soixante-qainze  centimes  ponr  les  {r:xis  de  recouvrement, 
les  quittances  de  ceux  de  ses  Abonnés  de  la  province,  qui,  avant  cette  époque,  ne  lui  auront  pas  envoyé  le  prix  de  leur 
abonnement  à  la  présimte  année. 


Le  réilacleiir  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  liuuvEii.>Eun,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Uolrou. 


6*  Année 


N»   23. 


1"  Mars  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


^^ 


^\\\y^  Journal  Semi-Mensuel  -/>  /        / 

^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       ~<J    1 


Paralaaant    la    l"  at    la    IB    da   eba«aa   mola 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Élranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne  .     .     .    .  50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 

ANCIEN  PROFESSEUR   SPÉCIAL   POUR   LES   ÉTRANGERS 

Oflicier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Italiens,  Paris. 


ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  l'Adm' 
M.  FiscBBACHER,  33,  ruc  de  Seine. 


SOMMAIRE. 

Trois  communications  sur  des  questions  traitées;  —  Origine  de 
l'expression  Bâtir  des  châteaux  en  Espagne;  —  Pourquoi  on 
ne  met  pas  d'.4  après  1p  V  dans  Avent,  temps  avant  Noël.  Il 
Sens  et  origine  de  Manger  la  grenouille:  —  Si  l'on  peut  em- 
ployer Efficace  pour  Efficacité; — Pourquoi  on  n'écrit  pas  Con- 
fortable,  venu  de  l'anglais,  avec  une  m;  — Raison  pour  quoi  l'ad- 
jectif Coi  fait  au  féminin  Coite.  ||  Passe-temps  grammatical.  || 
Suite  de  la  biographie  de  Yaugelas.  ||  Ouvrages  de  grammaire 
et  de  littérature.  |1  Renseignements  pour  les  professeurs  français. 
Il  Concours  littéraires.  ||  Avis  aux  abonnés  de  la  province. 

FRANCE 

COMMUNICATIONS. 
I. 

Le  16  décembre  1874,  j'ai  reçu  la  rectification  sui- 
vante ajant  trait  à  la  signification  d'un  proverbe  espa- 
gnol que  j'avais  invoqué  pour  l'explication  d'une  locu- 
tion française  : 

Permettez-moi,  Monsieur,  de  rétablir  le  sens  du  pro- 
verbe espagnol  que  vous  citez  dans  votre  explication  de  la 
locution  Courte  honte. 

Quedarse  à  solas  con  su  rocA  verguênza  ce  signifie  pas 
rester  seul  avec  une  honte  courte  ou  longue;  poca  verguenza 
est  encore  une  sorte  de  locution  proverbiale  qui  signifie 
l'absence  même  du  sentiment  de  la  honte.  La  vraie  traduc- 
tion de  la  phrase  serait  donc  :  rester  seul  avec  son  itnpu- 
deur,  ou  avec  un  manque  de  pudeur,  ou  enfin,  plus  littéra- 
lement :  avec  le  peu  de  pudeur  que  l'on  peut  avoir. 

J'insère  cette  note  d'autant  plus  volontiers  que,  mal- 
gré mon  interprétation  erronée  de  ;;oc«  dans  le  proverbe 
en  question,  je  n'en  suis  pas  moins  arrivé,  je  pense,  à 
découvrir  le  véritable  sens  de  courte  honte. 
II. 

Le  9  janvier  1875,  M.  Coudray,  chef  d'institution  à 
Janville  (Eure-et-Loir),  m'écrivait,  à  propos  de  la 
2«  question  du  numéro  19,  une  lettre  qui  se  termine  par 
ce  paragraphe  : 

Si  le  participe  passé  précédé  de  en  reste  invariable,  ce 
n'est  donc  pas  seulement  l'usage  et  la  volonté  des  gram- 
mairiens qui  ont  établi  cette  règle;  c'est  avant  tout  la  lo- 
gique de  la  construction  de  la  phrase  et  du  sens  qu'elle 
apporte  à  l'esprit. 


Je  ne  crois  pas  que  ce  soit  cette  logique-là,  parce 
qu'il  faudrait,  pour  qu'il  en  fût  ainsi,  que  Voltaire, 
Buffon  et  Benjamin  Constant,  dont  j'ai  cité  des  exem- 
ples avec  le  participe  variable,  n'eussent  pas  été  aptes  à 
la  comprendre,  ce  qui  n'est  guère  admissible. 

Pour  moi,  l'invariabilité  du  participe  passé  précédé 
en,  établie  après  les  auteurs  du  xviii«  siècle,  qui,  eux, 
faisaient  varier  ce  participe,  ne  peut  être  due  qu'aux 
grammairiens  puisqu'elle  est  la  conséquence  d'une  ap- 
préciation différente  sur  la  fonction  de  eti  dans  la 
phrase,  et  que  ce  sont  généralement  les  grammairiens 
qui  abordent  de  semblables  questions. 

M.  Coudray  ne  veut  en  aucune  façon  que  en  puisse 
être  régime  direct.  Cependant,  que  peut-il  être  dans  la 
phrase  suivante,  s'il  n'a  pas  la  qualité  d'un  tel  ré- 
gime? 

Combien  de  maisons  avez-vous?— J'en  ai  trois. 

Il  me  semble  que  en,  mis  pour  maisons  dans/ae  trois 
maisons,  qui  serait  la  réponse  complète  à  la  question 
faite,  montre  assez  que  ce  n'est  point  un  régime  indi- 
rect. 

Du  reste,  j'ai  encore  deux  autres  preuves  à  donner  à 
M.  Coudray  que  en  est  bien  un  véritable  régime  direct 
dans  les  phrases  où  il  remplace  un  substantif  employé 
dans  le  sens  partitif;  elles  me  sont  fournies  par  l'espa- 
gnol et  l'allemand,  les  deux  seuls  idiomes  de  peuples 
voisins  où  le  terme  qui  tient  lieu  de  notre  en  soit  va- 
riable. 

Pour  rendre  en  espagnol  le  mot  en  mis  devant  un 
adjectif  pour  un  substantif  pris  dans  un  sens  partitif, 
on  se  sert  des  pronoms  ta,  la  (sing.),  /os,  las  (plur.)  : 

A-t-il  de  bon  sucre?  (iTiene  buen  azucar?)  —  Il  en  a  de 
bon  [La  tiene  bueno). 

Quel  beurre  a  le  cuifinier?—  (iQué  manteca  tiene  el  coci- 
nero?)  —  Il  en  a  de  bon  {La  tiene  buena). 

1, 'homme  a-t-il  de  bons  chevaux?  («.Tiene  el  hombre  bue- 
nos  cahallos?)  —  Il  ea  a  de  bons  {Los  tiene  buenos). 

Dans  la  langue  allemande,  en  mis  pour  un  substantif 
pris  dans  un  sens  partitif  s'exprime  par  welc/i  ; 

Avez-vous  du  vin?  (Haben  sie  Wein?)  —  i'en  ai  (Ich  habe 
welchen). 


ns 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Avez-vous  de  l'eau?  (Haben  sie  Wasser?)  —  i'en  ai  (Ich 
habe  ivelches). 

Avez-vous  des  souliers?  (Haben  sie  Schuhe?)  —  J'en  ai 
(Ich  habe  welche). 

Or,  les  pronoms  lo,  la,  los,  las,  par  lesquels  e»  se 
traduit  en  espagnol,  représentent  nos  pronoms  le,  la, 
les,  toujours  employés  comme  régimes  directs  ;  et  ivel- 
c/ien,  welches,  welc/ie,  qui  le  traduisent  en  allemand, 
sont  des  formes  accusativesqui  correspondent  au  genre 
du  substantif  partitif  sous-entendu. 

C'est  donc  un  régime  direct  que  ce  pronom  en  puis- 
qu'il se  rend  par  des  formes  accusatives  dans  les  langues 
où  je  viens  d'en  citer  des  exemples;  et  si  les  grammai- 
riens qui  ont  vu  dans  ce  pronom  un  régime  indirect 
sont  parvenus  à  faire  prévaloir  leur  doctrine  contre 
celle  de  leurs  adversaires,  c'est  bien  plutôt  à  leur  crédit 
qu'ils  le  doivent  qu'à  la  vérité  de  l'opinion  qu'ils  ont 
soutenue. 

III. 

Voici  une  nouvelle  communication  relative  à  la  place 
que  le  numéro  de  la  rue  doit  occuper  dans  la  suscrip- 
tion  d'une  lettre. 

Sens,  le  2  février  1875. 

Monsieur, 

Voudrez-vous  bien  me  permettre  de  dire  encore  un  mot 
{le  dernier  j'espère)  au  sujet  de  la  position  du  numéro 
dans  l'adresse  d'une  lettre.  U  émane  cette  fois  d'un  Anglais, 
et  comme  il  s'agit  d'un  usage  importé  d'Angleterre,  nous 
pouvons,  je  crois,  nous  en  rapporter  à  ,une  autorité  tout  à 
fait  compétente. 

La  lettre  insérée  dans  le  numéro  du  1"  février  du  Cour- 
rier  de  Vaugelas  ne  m'ayant  pas  paru  concluante,  et  les 
observations  judicieuses  dont  vous  l'avez  fait  suivre  ne 
me  semblant  pas  péremptoires,  j'ai  soumis  les  pièces  du  li- 
tige au  professeur  qui  vient  donner  des  leçons  de  langue 
anglaise  cbt'Z  moi. 

Après  avoir  pris  communication  du  tout,  celui-ci  se  mit 
à  sourire.  ••  Ab!  me  dit-il,  je  reconnais  bien  là  les  Fran- 
çais 1  Absence  d'esprit  pratique,  des  abstractions  à  outrance; 
ils  trouvent  le  moyen  de  faire  de  lestUetique  sur  une 
adresse  de  lettre!  (Ju'il  s'agisse  des  lois  constitutionnelles 
ou  d  une  question  de  grammaire,  les  voilà  dans  les  nuages; 
ils  vont  s'enquérir  des  lois  de  Minos,  et  se  préparent  à  une 
nouvelle  édition  de  la  Dc'clai'ation  des  droili  de  l'homme .' 
L'usage  est  d'origine  anglaise,  c'est  dire  qu'il  est  motivé 
par  une  contidéralion  toute  t.imple  et  toute  pratique.  En 
voici  l'explication  en  deux  mots  :  L'immense  superficie  de 
la  ville  de  Londres,  qui  occupe  un  espace  quatre  ou  cinq 
fois  plus  grand  que  Pans,  oblige  ses  habitants  à  toujours 
placer  le  nom  du  quartier  à  la  suite  du  nom  de  la  rue. 
Ainsi,  au  lieu  de  dire,  comme  on  le  ferait  chez  vous,  Prin- 
ces-Slreel,  on  dit  Piinces-Street,  Cavcndisk  Square,  ou  bien 
encore  liinrj  William  aireet,  Ulraad,  etc.  L'écriture  anglaise 
étant  fort  allongée,  il  en  résultait  souvent  qu'à  la  suite  du 
nom  de  la  rue,  on  manquait  de  place  pour  écrire  lisible- 
ment le  numéro.  Or,  si  quelques  lettres  de  plus  ou  de  moins 
importent  peu  daus  le  nom  d'une  rue,  il  en  est  tout  autre- 
ment quand  il  s'agit  des  deux  ou  trois  numéros  qui  la 
composent.  On  s'avisa  donc,  pour  éviter  ce  grave  inconvé- 
nii'nl,  de  placer  tout  siiiiplpiiient  le  numéro  d'abord,  pour 
Otie  bien  sur  que,  dans  tous  les  cas,  il  serait  écrit  correc- 
tement et  lisililenieiit  Lidee  était  simple  comme  celle  de 
lœufdi'  Chiistuplif  Colomb;  elli'  fut  iininèdiatement  adop- 
tée, et  se  rrpanilit  paitout,  comme  tout  ce  qui  est  vrai  et 
logique.  Voila  toute  l'an'aire.  » 

Telle  est  Mon.-ieur,  l'explication  fournie  par  mon  profes- 
seur d'anglais,  lille  m'a  semblé  parfaitement  juste  et  irré- 
futable. J'ai  pensé  que  vous  la  trouveriez  telle  aussi,  et 


c'est  pour  cela  que  je  me  suis  fait  un  plaisir  de  vous  la 
transmettre. 

Recevez,  Monsieur,  je  vous  prie,  l'expression  de  ma  con- 
sidération la  plus  distinguée. 

FILLEMIN. 

Je  suis  très-reconnaissant  à  M.  Fillemin  d'avoir  bien 
voulu  m'écrire  la  lettre  qui  précède;  mais,  ne  lui  en 
déplaise,  je  trouve  que,  pour  n'être  pas  comme  nous 
«  dans  les  nuages  »,  le  professeur  d'anglais  dont  lia 
pris  conseil  n'en  résout  pas  mieux  la  question. 

En  effet,  de  quoi  s'agil-il?  De  savoir  si,  dans  la  sus- 
cription  d'une  lettre  écrile  dans  notre  langue,  il  est 
préférable  de  mettre  le  numéro  avant  ou  après  le  nom 
de  la  rue. 

Or,  «  après  avoir  pris  communication  du  tout,  » 
que  répond  le  professeur  de  M.  Fillemin?  Quel  choix 
fait-il  entre  ces  deux  manières  de  construire,  et  com- 
ment prouve-t-il  la  supériorité  de  celle  qui  l'emporte  à 
ses  jeux? 

Au  lieu  de  chercher  à  résoudre  la  question  dans  le 
sens  où  elle  a  été  posée,  et  en  tenant  compte  de  la  for- 
mule prescrite  par  notre  Administration  des  postes,  cet 
homme  à  l'esprit  pratique  nous  donne  la  raison  qui  a 
fait  établir  à  Londres  l'usage  de  mettre  le  numéro  avant 
le  nom  de  la  rue;  ou,  en  d'autres  termes,  à  une  ques- 
tion générale,  il  répond  comme  il  suit  : 

Il  faut  mettre  (il  s'agit  toujours  du  français)  le  numéro 
amnl  le  nom  de  la  rue,  parce  que,  dans  la  capitale  de 
l'Angleterre,  qui  est  d'une  superficie  quatre  ou  cinq  fois 
plus  grande  que  celle  de  la  France,  on  a  reconnu  l'avan- 
tage de  le  placer  ainsi. 

Attendu  qu'il  m'est  impossible  de  croire  «  juste  et 
irréfutable  »  un  raisonnement  comme  celui-là,  je  main- 
tiens jusqu'à  nouvel  ordre  la  solution  que  j'ai  donnée 
précédemment. 

X 
Première  Question. 

Quelle  est,  s'il  vous  plaît,  l'origine  de  V expression 
FAIRE  DES  CHATEAUX  EN  EsPAGNE,  que  l'ou  emploie  SI  sou- 
vent  pour  signifier  faire  des  projets  qui  ne  se  réalisent 
jamais? 

Il  a  été  émis  bien  des  opinions  à  ce  sujet;  je  vais 
d'abord  les  donner  par  ordre  chronologique,  et  je  les 
apprécierai  ensuite  pour  découvrir  celle  qui  doit  avoir 
la  préférence. 

1°  Pasquier  dit  que  ce  proverbe  vient  de  «  ce  qui  a 
esté  de  tout  tems  pratiqué  en  Espaigne,  où  vous  ne 
rencontrez  aucuns  chasteaux  par  les  champs  »  de  peur 
que  les  Maures,  aux  incursions  desquels  ce  pajs  était 
exposé,  ne  s'en  emparassent  et  n'en  fissent  des  fortifi- 
cations pour  se  maintenir  dans  leurs  conquêtes. 

2°  BcHin,i;en  l'a  rapporté  à  la  conduite  de  Q.  Mételius 
le  Macédonique.  qui, désespérant  de  réduire  par  la  force 
la  ville  hispanicnne  de  Contébrie,  en  leva  le  siège,  dans 
l'intention  de  surprendre  la  place  par  ruse, et  parcourut 
la  province,  où  il  élevait  de  côté  et  d'autre  des  redoutes, 
des  forts  et  des  châteaux,  ouvrages  qui,  étant  abandon- 
nés lorsqu'il  changeait  de  quartier,  semblaient  n'an- 
noncer que  des  projets  vains  et  extravagants. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ng 


3°  Voici  l'explication  qu'en  donne  Furetière  :  les 
Maures  ajanl  passé  en  Espagne,  ils  y  bâlirenl  à  chaque 
pas  des  châteaux  pour  s'y  maintenir;  «  on  y  en  voit 
encore  une  inOnité  ».  De  sorte  que  lorsqu'on  dit  Bâtir 
des  châteaux  en  Espaqne,  «  ou  il  y  en  a  déjà  trop  », 
on  veut  dire  faire  une  chose  ridicule  et  inutile,  comme 
de  porter  de  l'eau  à  la  rivière. 

4°  D'après  l'abbé  Morellet  [Mél.  de  lift.,  t.  I,  p.  351!, 
ce  proverbe  est  né  de  l'opinion  qui  fît  regarder  l'Es- 
pagne, devenue  maîtresse  des  mines  du  Mexique  et  du 
Pérou,  comme  «  le  pays  le  plus  riche,  et  la  source  des 
richesses  les  plus  abondantes.  »  Le  désir  et  l'espérance 
de  faire  fortune  ont  été  fort  naturellement  exprimés 
par  celle  locution. 

5°  En  1822,  un  journaliste  de  Madrid  l'a  expliqué  en 
se  basant  sur  ce  fait  qu'on  ne  voit  pas  de  châteaux  en 
Espagne,  parce  que  les  grands,  les  seigneurs  de  ce 
pays  étaient  «  aux  arrêts  »  à  la  Cour,  ne  pouvant  la 
quitter  sans  une  permission  spéciale  du  mailre,  même 
pour  visiter  leurs  domaines. 

6°  Eloi  Johanneau,  membre  de  la  Société  royale  des 
antiquaires  de  France,  voit  l'origine  de  châteaux  en 
Espagne  dans  les  pommes  d'or  des  Hespérides,  ou  de 
l'Hespérie,  ancien  nom  de  l'Espagne,  où  une  tradition 
mythologique  avait  placé  la  demeure  souterraine  de 
Plutus. 

7°  Pour  Quitard,  celte  origine  remonte  à  l'époque  où 
Henri  de  Bourgogne,  suivi  d'un  grand  nombre  de  che- 
valiers, alla  guerroyer  contre  les  Infidèles  au-delà  des 
Pyrénées,  et  obtint ,  en  récompense  des  services  qu'il 
rendit  à  Alphonse,  roi  de  Caslille,  la  main  de  Thérèse, 
fille  de  ce  prince,  avec  le  comté  de  Lusitanie,qui  devint, 
sous  son  fils  Henriquès,  le  royaume  de  Portugal.  Le 
succès  de  ces  illustres  aventuriers  excita  les  espérances 
de  la  noblesse  française,  et  il  n'y  eut  personne  parmi 
ses  fils  qui  ne  se  flattât  de  fonder,  comme  eux,  quelque 
riche  établissement,  et  qui,  prenant  son  imagination 
pour  architecte,  ne  bdtit  des  châteaux  en  Espagne. 

Maintenant,  cherchons  à  démêler  la  vérité  de  l'erreur. 

Le  proverbe  en  question  est  très-ancien,  car  on  le 
trouve  dans  le  Roman  de  la  Rose,  qui  date  comme  on 
sait  du  XIII''  siècle  : 

Lors  feras  chasdaus  en  Espaigne, 
Et  auraË  joie  de  noient. 

(Edition  de  Fr.  Michel,  I,  p.  80.) 

Ce  proverbe,  comme  le  fait  observer  si  justement  Qui- 
tard, ne  signifie  pas  seulement  des  choses  qui  n'existent 
que  dans  l'imagination,  mais  des  choses  qui  expri- 
ment de  douces,  d'heureuses  illusions,  de  ces  choses 
qui,  selon  la  citation  précédente,  vous  donnent  «joie 
de  noient.  » 

Ces  deux  remarques  vont  me  servir  pour  apprécier 
la  valeur  des  explications  que  je  viens  de  relater. 

Première  explication.  —  Pasquier  dit  qu'on  ne  ren- 
contre «  aucuns  chasteaux  »  en  Espagne,  ce  qui  a  été 
pratiqué  «  de  tout  lems  ».  Uui,  du  sien,  il  est  possible 
qu  il  en  fut  ainsi;  mais  il  esl  certain  qu'il  n'en  a  pas 
toujours  été  de  même  (et  le  proverbe  existait  alors  depuis 
300  ans),  car  on  trouve  dans  D.  José  Yanguas  (Dicl. 


des  Antiq.  du  royaume  de  Nauarre,  t.  I,  p.  209-21. S) 
une  liste  de  cent  dix  châteaux  dans  ce  seul  coin  de 
l'Espagne,  ce  qui  permet  de  croire  que  les  châteaux, 
dans  ce  pays,  n'étaient  pas  aussi  chimériques  que  le 
prétend  Fauteur  des  Recherches.  —  Cette  explication  ne 
peut  inspirer  de  confiance. 

Seconde  explication.  —  Le  proverbe  en  question 
appartient  en  propre  à  la  langue  française;  dans  les 
autres  langues  voisines,  on  dit  bâtir  des  châteaux  en 
l'air.  Or,  s'il  devait  sa  naissance  au  fait  raconté  par 
Bellingen,  ce  proverbe  aurait  dû  être  espagnol  ou  latin. 
—  Je  passe  ! 

Troisième  explication.  —  Furetière  donne  une  origine 
qui  a  pour  conséquence  le  sens  de  :  «  Faire  une  chose 
ridicule  et  inutile,  comme  de  porter  de  l'eau  à  la  rivière.» 
-Mais  une  telle  origine  doit  être  fausse,  car  faire  des 
châteaux  en  Espagne  ne  signifie  rien  de  semblable  :  ce 
proverbe  exprime  «  de  douces  et  d'heureuses  illusions  » 
dont  l'idée  de  ridicule  me  parait  totalement  absente.  — 
Ce  n'est  pas  encore  là  que  je  m'arrête. 

Quatrième  explication.  —  Un  mol,  et  elle  croule  : 
puisque  le  proverbe  en  question  existait  au  xiii=  siècle, 
il  n'a  pu  avoir  pour  origine  une  allusion  à  FEspagne 
enrichie  par  l'or  de  r.\mérique,  la  découverte  de  ce 
pays  par  les  Espagnols  n'ayant  eu  lieu  qu'à  la  fin  du  xv^ 

Cinquième  explication.  —Même  sort  que  la  précé- 
dente :  le  journaliste  madrilène  rapporte  notre  proverbe 
au  temps  où  les  seigneurs  de  son  pays  étaient  «  aux 
arrêts  »  à  la  Cour.  .Mais  cela  ne  put  avoir  lieu  qu'après 
la  fondation  de  la  monarchie  espagnole,  qui  remonte  à 
1497,  Landis  que  chastiaux  en  Espaigne  venait  sous  la 
plume  de  Guillaume  de  Lorris  avant  l'année  ^260. 

Sixième  explication.  —  La  mythologie  a  été  étudiée 
par  les  autres  nations  comme  par  nous.  Pourquoi  les 
fameuses  pommes  d'or  des  Hespérides  et  la  demeure 
souterraine  de  Plutus  n'ont-elles  valu  un  proverbe  qu'à 
la  France'?  Puis,  remarquez  que  le  jardin  des  Hespé- 
rides était  situé,  selon  la  tradition,  non  en  Espagne, 
mais  sur  la  côte  d'.\frique. —  Rien  de  sérieux  là-dedans. 

Septième  explication.  —  A  mon  avis,  c'est  la  seule 
vraie,  car  on  ne  peut  lui  faire  aucune  des  objections  qui 
s'adressent  aux  autres.  C'est  en  1093  que  Henri  de 
Bourgogne  se  mit  au  service  des  rois  de  Caslille  :  les 
événements  accomplis  à  celte  date  par  les  Français 
n'excluent  point  la  naissance  d'une  expression  qu'on 
trouve  pour  la  première  fois  dans  une  composition  du 
XIII'  siècle;  à  cette  époque  de  féodalité,  on  construisait 
beaucoup  de  châteaux,  et  toutes  les  idées  de  grandeur 
et  de  fortune  étaient  attachées  à  l'idée  de  ces  édifices  :  le 
succès  d'illustres  aventuriers  français  excita  chez  nous 
l'émulation  et  les  espérances  de  la  noblesse,  l'expression 
de  châteaux  en  Espagne  fut  créée,  et  depuis,  elle  est 
restée  la  propriété  exclusive  de  notre  langue. 

Dans  le  cas  où  ce  qui  précède  ne  vous  aurait  pas  entiè- 
rement convaincu,  j'ajoute  ces  quelques  mots  en  faveur 
de  l'opinion  que  je  viens  d'émettre  : 

La  considération  des  grands  biens  échus  en  [lartage 
aux  principaux  compagnons  d'armes  de  Guillaume-lc- 


■180 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Conquérant  avait  excité  l'ambition  dans  toutes  les  têtes, 
et  donné  naissance  à  l'expression  Faire  des  châteaux 
en  Albanie,  le  nom  d'All^anie,  synonyme  d'Albion,  s'ap- 
pliqnant  alors  à  l'Angleterre,  que  ses  nouveaux  maîtres 
s'empressaient  de  couvrir  de  châteaux  pour  éviter  le 
sort  des  Saxons  : 

Je  vais,  je  viens,  le  trot  et  puis  le  pas. 

Je  dis  un  mot,  puis  après  je  le  nye, 

Et  si  tu  bastis  sans  reigle  ni  compas, 

Tout  fin  seulel  les  chasteaxdx  d'Albanye. 

{Vergier  d'honneur.) 

Or,  sachant  que,  29  ans  après  la  conquête  de  l'An- 
gleterre, une  expédition  analogue  et  non  moins  heureuse 
fut  entreprise  au-delà  des  Pyrénées  par  un  duc  de  Bour- 
gogne, n'est-on  pas  fondé  à  croire  que  le  proverbe  Bdiir 
des  châteaux  en  Espagne,  qui,  du  reste,  a  le  même  sens 
que  Faire  des  châteaux  en  Albanie,  tire  bien  réellement 
son  origine  de  cette  expédition? 

X 

Seconde  Question. 

Puisqu'on  définit  /'ivest  le  temps  qui  s'écoule  avant 
Noël,  pourquoi  n'écrit-on  pas  ce  mol  par  un  a  après  le 
v,  comme  la  préposition  avant? 

Attendu  que  Noël  est  la  fête  de  l'avènement,  de  l'arri- 
vée du  Seigneur,  on  l'appela,  dans  l'origine,  Adventus 
(arrivée),  en  sous-entendant  Doinini  (du  Seigneur). 

Mais  plus  tard,  après  le  vu'  siècle  si  l'on  s'en  rapporte 
au  Dictionnaire  des  Antiquités  chrétiennes  de  l'abbé 
Martigny,  le  mol  Adventus  désigna  le  temps  que  l'on 
consacre  à  se  préparer  à  la  célébration  de  la  même  fêle, 
et,  quand  on  le  francisa,  on  l'écrivit  naturellement  sous 
la  forme  Avent,  c'est-à-dire  avec  un  e  après  le  v. 

ÉTRANGER 

Première  Question. 
Pourrais-je  apprendre  par  votre  journal  quel  est  le 
véritable  sens  et  l'origine  de  l'expression  manger  la  gre- 
KouiLLE,  que  je  rencontre  de  temps  en  temps  en  lisant 
du  français,  mais  que  les  dictionnaires  ne  mentionnent 
point. 

En  rouchi,  le  mot  quernoule  (grenouille)  se  dit  pour 
bourse  commune,  une  telle  bourse  ayant  probablement 
affecté  jadis  la  forme  du  batracien  de  ce  nom;  ainsi 
Mète  al  (jHcrnoule  veut  dire  mettre  à  la  masse. 

Cette  signification  a  passé  en  français;  dans  la  langue 
familière,  nous  employon.s  grenouille  avec  le  sens  de 
somme  d'argent  mise  en  réserve  par  une  association, 
prêt,  argent  de  l'ordinaire  parmi  les  soldats  : 

11  tenait  la  grenouille. 

(Vidal,  citr  par  L   Larcliey.) 

Or,  comme  l'argent  se  prend  et  se  dépense,  on  a  fait 
naturellement  les  deux  expressions  suivantes,  dont  la 
dernière  est  l'objet  de  votre  question  : 

^o  Faire  sauter,  emporter  la  grenouille  pour  dire 
dérober,  escamoter  une  somme  d'argent  qui  appartient 
à  plusieurs  : 


Alors  ce  monstre  d'homme  commence  à  me  raconter 
comme  quoi  il  a  f.iit  sauter  la  grenouille  de  la  Société. 

\L.  Eeybaud,  Jér.  Futurot,  V,  p-  îg.) 

2»  Manger  la  grenouille,  qui  se  dit  de  quelqu'un  dans 
une  administration  quelconque,  civile  ou  militaire,  qui 
s'empare  de  l'argent  de  la  caisse,  et  le  mange  (dissipe) 
comme  s'il  était  à  lui  : 

Un  pion  déclassé,  un  sergent  qui  a  mangé  la  grenouille 
se  jettent  dans  la  politique  comme  des  Corses  dans  le  ma- 
quis. 

(Ed.  About,  dans  le  Soir.) 

X 

Seconde  Question. 
Je  trouve  cette  phrase  dans  un  journal  :  «  Les  confé- 
rences de  jeudi  n'ont  point  amené  ce  miracle  :  il  est 
difficile  de  croire  que  celles  d'aujourd'hui  agissent  avec 
plus  ^'efficace,  d  Est-ce  qu'on  peut  employer  ce  mot 
pour  efficacité'? 

Dans  le  sens  de  efficacité,  le  substantif  efficace  s'est 
employé  depuis  le  xiv=  siècle  jusqu'à  la  fin  du  xvii'; 
ainsi  on  trouve  : 

Choses  petites  et  de  pou  de  eHicace. 

(Bercheure,  fol.  ï8  ro.) 

Parlans  de  la  vertu,  propriété,  efficace  et  nature  de  tout 
ce  que  leur  esloyt  servy  à  table. 

(Rabelais,  Garg.,  I,  »3.) 

La  lecture  des  histoires  est  celle  qui  a  plus  ^'efficace  pour 
ensemble  plaire  et  profiter. 

(Amyot.  Préf..l,  >6.) 

Si  mes  commandements  ont  trop  peu  à'efficace, 
Ma  rage  pour  le  moins  me  fera  faire  place. 

(Corneille,  Médée,\,  3.1 

On  n'ignore  pas  qu'une  louange  en  grec  est  d'une  mer- 
veilleuse efficace  .i  la  tête  d'un  livre. 

(Molière,  Pré/,  des  Préc.) 

Mais  alors,  il  en  a  été  autrement;  et,  quoique  le 
P.  Bouhours  eût  reproché  à  des  prédicateurs  de  se  ser- 
vir du  mot  efficacité,  qui,  disait-il,  n'était  pas  français, 
l'usage  n'en  a  pas  moins  prévalu  bientôt  de  l'employer, 
et  efficace,  son  prédécesseur,  a  été,  comme  il  l'est 
encore  aujourd'hui,  relégué  dans  le  langage  théolo- 
gique. 

Or,  comme  ce  n'est  point  de  théologie  qu'il  est  ques- 
tion dans  la  phrase  que  vous  me  proposez,  on  aurait  du 
y  mettre  efficacité,  et  non  efficace. 

X 

Troisième  Question. 
Puisque  l'adjectif  confortable  est  emprunte  à  l'an- 
glais, pourquoi  ne  pas  écrire  cet  adjectif  avec  une  u 
(comfortabi.e)  comme  on  le  fait  dans  cette  langue? 

Les  Anglais  ont  raison  d'écrire  cet  adjectif  par  une  m, 
parce  qu'ils  écrivent  le  substantif  comfort  (de  cum  et 
de  fort]  jiar  une  m. 

Mais  nous,  qui  avons  écrit  et  qui  écrivons  le  substan- 
tif confort  par  un  n  (en  vertu  de  la  règle  qui  change  le 
latin  cum  eu  con  devant  toute  consonne  autre  que  b, 
m,  ]i],  nous  devons  écrire  aussi  con  fort  alilr  par  un  n, 
car  bien  que  né  dans  un  autre  idiome  que  le  nôtre,  cet 
adjectif  n'en  est  pas  moins  un  membre  de  la  famille 
dont  le  chef  est  confort . 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


484 


X 

Qualriènoe  Question. 
Je  vous  prierais  de  vouloir  bien  m'expliquer  comment 
Use  fait  que  l'adjectif  qui  s'écrit  coi  au  masculin  ait 
pour  féminin  coite. 

L'adjectif  latin  quietus  a  donné  en  français  l'adjectif 
coi  (sans  t  final)  ;  et,  jusqu'à  la  (in  du  xvi«  siècle,  cet 
adjectif  a  fait  régulièrement  son  féminin  par  l'addition 
d'un  e  muet  au  masculin,  comme  le  montrent  ces 
exemples  : 

Je  trop  redout  celle  qu'amer  je  souloie, 
La  grant,  la  gente  et  la  simple  et  la  coie. 

(Cotici,  p.  u5.) 

La  mer,  qui  esloit  moult  quoye. 

(Joinville,  187.) 

Nature  lente,  coye  et  reposée. 

(Amyot,  Fabr.,  1  ) 

Mais,  plus  tard,  sans  rien  changer  à  Torthographe  du 
masculin,  on  forma  le  féminin,  je  ne  sais  pour  quel 
motif,  comme  si  le  masculin  eût  été  terminé  par  un  t; 
les  choses  sont  restées  dans  le  même  état  jusqu'à  nous, 
et  voilà  pourquoi,  aujourd'hui,  nous  avons  le  féminin 
coite  pour  le  masculin  coi. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  dv  numéro  précédent. 

1°  ...  ne  pas  continuer  une  discussion  que  tout  le  monde  sait 
ne  pas  devoir  aboutir  ;  —  2°  ...qui  avaient  volé  contre  elle  ne  l'ont 
accaparée  (on  ne  dit  pas  s'accaparer  d'une  ctiose);  —  3°  ...  mal- 
gré qu'il  en  ait  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  2'  année,  p.  43)  ;  — 
4°  ...  ne  provoquassent  de  sérieuses  complications;  —  5°  ...  n'est 
plus  insolent  ni  plus  impitoyable;  —  6"  ...  à  se  préoi  cuper 
d'autre  chose  que  ses  propres  intérêts  (sans  de);  —  7"  ...  on  a 
dansé  jusqu'à  trois  heures  un  quart  (Voir  Courrier  de  Vaugelas, 
'2*  année,  p.  76)  ;  —  8°  qu'il  fût  dissous. 

Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique. 

1°  On  connaît  plusieurs  rois  qui  tapotent  passablement 
le  piano  ;  eh  bien  I  ils  ne  le  tapotent  pas  comme  les  autres. 
Leurs  gammes,  quoi  qu'on  en  ait,  vous  tiennent  ù  dis- 
tance. 

2*  On  rasspmbla  un  congrès  de  la  mort  :  les  médecins  y 
vinrent  des  cinq  parties  du  monde  :  il  en  vint  des  blancs, 
des  jaunes,  des  noirs,  des  cuivrés,  et  ils  cherchèrent 
ensemble  un  remède  contre  U  vie,  sans  pouvoir  le  trou- 
ver. 

3*  Je  me  fais  fort  de  te  fabriquer  deux  sonneurs  méca- 
niques qui  ressemblent  comme  deux  gouttes  d'encre  à  ces 
pauvres  martyrs. 

4"  Depuis  1848,  il  était  des  citoyens  ardents  qui  s'obsti- 
naient à  profiter  de  tous  les  prétextes  pour  arborer  les 
lampions  de  1848  et  de  1849,  devenus  factieux. 

5'  Un  brave  homme,  bâilla  la  Paresse,  un  homme  qui,  en 
temps  de  paix,  se  lève  avec  les  coqs  pour  faire  l'exercice, 
et  qui,  en  campagne,  couche  sur  le  carreau  et  finira  par 
y  rester. 

6*  La  discussion  qui  va  s'engager  aujourd'hui  sur  la  for- 
mation et  sur  les  attributions  du  Sénat  présente  des  diffi- 


cultés et  des  complications  plus  grandes  que  n'en  a  ren- 
contrées celle  qui  a  eu  lieu  dernièrement  au  sujet  de  la 
transmission  des  pouvoirs. 

7°  La  ville  a  été  en  partie  brûlée.  Toutes  les  maisons  ont 
reçu  plus  ou  moins  d'obus  ou  de  bombes,  et  il  n'y  en  a 
pas  une  intacte. 

8"  Cet  auteur  vaut  beaucoup  mieux  que  Port-Royal;  cela 
n'empêche  pas  que  ce  dernier  est  (dans  le  public)  en  grande 
vénération,  tandis  que  Froraant  n'est  guère  cité  par  les 
écrivains. 

{Les  corrections  à  quinzaine.] 

— 

FEUILLETON 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMM.\IR1ENS 

PREMIÈRE  MOITIÉ  DU  XVIl-  SIÈCLE. 

VAUGELAS. 

(Suite.) 

Poste.  —  Quand  c'est  un  terme  de  guerre,  il  est 
masculin  ;  quand  il  veut  dire  course  de  cheval,  lieu  où 
sont  les  chevaux  destinés  à  cet  usage,  chacun  le  fait  du 
féminin.  Le  premier  sens  vient  de  l'italien  posta,  et  le 
second  à^posto,  dans  la  même  langue. 

Abus  du  pronom  démonstratif  celui.  —  Il  consiste  à 
commencer  par  celui,  celle,  etc.,  une  phrase  dont  le 
sujet  est  le  mot  qui  termine  la  précédente,  comme  dans 
celle-ci  :  j'ai  parlé  à  un  tel  de  notre  affaire,  il  s'^j  por- 
tera avec  affection.  Celle  que  vous  m'avez  témoignée, 
etc.  Ce  sont  particulièrement  les  femmes  et  les  courti- 
sans qui  emploient  cette  tournure. 

Perdre  le  respect  à  quelqu'un.  —  Tonte  sa  vie  Vau- 
gelas a  entendu  employer  cette  façon  de  parler  dans  la 
bouche  des  hommes  et  des  femmes  qui  «  hanloient  »  la 
Cour;  cependant  il  voit  tant  de  gens  qui  la  condamnent, 
qu'il  faut  en  user  sobrement.  Perdre  le  respect  pour 
quelqu'un  est  beaucoup  mieux  dit. 

Genre  de  quelque  chose.  —  L'adjectif  qui  vient  après 
quelque  c/io.se  doit-il  être  au  féminin  ou  au  masculin? 
Les  sentiments  sont  partagés.  Selon  Vaugelas,  il  y  a  des 
cas  où  il  faut  nécessairement  mettre  le  masculin, d'autres 
où  il  faut  mettre  le  féminin.  Mais  pour  les  discerner,  il 
ne  sait  aucune  règle,  ou  du  moins  il  n'en  sait  d'autre 
que  l'oreille. 

Succéder  pour  RE'ussiit.  —  Dans  cette  signification, 
succéder  veut  être  conjugué  avec  avoir,  ainsi  on  dit  : 
cette  affaire  lui  a  bien  succédé,  et  non  lui  est  bien  suc- 
cédée. 

Bien  que,  quoique,  encore  que.  — Ces  conjonctions 
ne  doivent  point  être  répétées  dans  la  même  période  ; 
on  les  remplace  par  que  ;  ainsi  on  dit  :  bien  que  l'expé- 
rience nous  fasse  voir  tous  les  jours...,  et  que  les  gens 
de  bien  soient  exposez  à  la  persécution,  etc. 

Comme  ainsi  soit.  —  Cette  locution,  employée  souvent 
par  Amyot,  est  tombée  dans  un  grand  decri  parce  que 
les  notaires  ont  coutume  (1647)  de  s'en  servir  au  com- 
mencement de  leurs  contrats. 

Considéré  que. —  Cette  expression,  qui  équivaut  à  vu 
que,  n'est  plus  guère  en  usage.  Attendu  que  commence 
à  se  rendre  fort  commun  dans  le  beau  style. 


^82 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


S'attaquer  à  quelqu'un.  —  C'est  une  façon  de  parler 
très-étrange  et  très-française  tout  ensemble.  C'est  une 
de  ces  phrases  qui,  à  l'avis  de  Vaugelas,  ne  doivent  pas 
être  épluchées  ni  prises  au  pied  de  la  lettre  parce 
qu'elles  n'auraient  point  de  sens. 

Bexsembler.  —  Ce  verbe  régit  le  datif  sans  aucun 
doute;  mais  peut-il  régir  aussi  l'accusatif?  Chez  les 
vieux  auteurs,  il  régit  ce  dernier  cas.  Malherbe  a  écrit  : 
gardons-nous  de  le  ressembler;  mais  les  modernes  lui 
font  régir  le  datif. 

GoEiLLERA  ou  ccEiLLiBi.  —  A  la  Cour,  tout  le  monde 
dit  cueillira,  et  à  la  Ville  cueillera,  d'où  Vaugelas  con- 
clut qu'il  faut  dire  cueillira,  puisque  c'est  un  principe 
reçu  partout  que,  lorsque  la  Cour  parle  d'une  façon  et 
la  Ville  d'une  autre,  il  faut  suivre  la  Cour. 

Emploi  du  mot  faire.  —  Il  y  a  des  répétitions  qui 
sont  nécessaires,  comme  dans  je  n'ai  fait  aujourd'hui 
que  ce  que  j'ai  fait  depuis  vingt  ans.  Il  y  en  a  d'autres 
qui  ne  sont  pas  absolument  nécessaires,  mais  qui  a  font 
grâce  et  figure.  »  Il  y  en  a  d'autres  qui  ne  sont  ni  néces- 
saires ni  belles,  comme  lorsqu'on  répète  un  verbe  au 
lieu  de  se  servir  de  faire,  qui  est  un  avantage  pour 
éviter  cet  inconvénient.  Au  lieu  lieude  je  n'écris  plus 
tant  que  j'écrivois  autrefois,  on  dira  beaucoup  mieux  ^e 
n'écris  plus  tant  que  je  faisois  autrefois.  Remplaçant  un 
verbe  actif, /"aire  prend  après  lui  un  accusatif  :  (/  «e  les 
a  pas  si  bien  apprêtées  qu'il  faisoit  les  autres. 

Parfaitement  avec  très-hcmble.  —  C'est  une  faute 
que  font  beaucoup  de  gens  de  dire,  en  finissant  une 
lettre,  Je  suis  parfaitement,  Monsieur,  votre  très-humble 
serviteur,  car  parfaitement  ayant  le  même  sens  que  très, 
cela  fait  une  redondance. 

Quand  on  n'a  que  faire.  —  Cette  expression,  qui 
signifie  quand  on  n'a  rien  à  faire,  est  très-française  et 
très-élégante;  mais  il  ne  faut  pas  affecter  cet  emploi  de 
que  pour  rien  devant  un  infinitif. 

Si  devant  deux  adjectifs.  — Il  faut  le  répéter  et  dire, 
par  exemple,  vous  êtes  si  sage  et  si  avisé. 

Belle  et  curieuse  exception  à  la  règle  des  prétérits. — 
Vaugelas  qui  croyait  avoir  complètement  traité  du  par- 
ticipe passé  dans  son  prem.ier  volume,  consigne  ici  une 
nouvelle  remarque  sur  cette  théorie.  «  C'est  quand  le 
nominatif  qui  régit  le  prétérit  participe  ne  va  pas  devant 
ce  prétérit,  mais  après.  Par  exemple,  la  peine  que  m'a 
donné  celte  affaire.  »  Vaugelas  veut  qu'on  écrive  ici 
donné  et  non  donnée. 

BoNBECu  peut-il  s'employer  au  pluriel?  — •  L'opinion 
commune  est  que  ce  mot  ne  peut  se  dire  qu'au  singu- 
lier; mais  Vaugelas  a  vu  des  gens  très-savants  dans 
notre  langue  qui  soutiennent  le  contraire,  et  quoiqu'il  le 
trouve  bon  à  ce  nombre  dans  cet  exemple  :  il  lui  pour- 
voit arriver  tous  les  malheurs  et  tous  les  bonheurs,  '\\ 
n'en  voudrait  pas  user,  attendu  que  la  plupart  du  monde 
le  condamne. 

Ma  saur  est  allée  visiter  ma  mère.  —  Le  participe 
allé  dans  celte  phrase  doit-il  être  variable  ou  invariable? 
Il  faut  qu'il  soit  invariable;  on  doit  écrire  est  allé  visi- 
ter, et  non  est  allée  risiter  H6/i7). 

Convent.  —Il  faut  écrire  ainsi  à  cause  de  conventus; 


mais  il  faut  prononcer  couvent.  Cela  se  fait  pour  la  dou- 
ceur de  la  prononciation,  comme  on  prononce  moustier 
pour  monstier,  vieux  mot  qui  veut  dire  monastère. 

Autrui.  —  Il  y  a  des  gens  qui  croient  que  ce  mot 
n'est  pas  bon,  et  le  remplacent  par  flM<rcs,eslimant  qu'il 
est  vieux.  Ils  sont  dans  une  profonde  erreur;  dans  beau- 
coup d'endroits,  il  faut  dire  autre,  et  dans  d'autres 
autrui.  Vaugelas  signale  leur  différence. 

Arondelle,  hirondelle,  herondelle.  —  Le  dernier  est 
le  meilleur  et  le  plus  usité  des  trois;  après  lui  vient 
hirondelle,  qui  a  plusieurs  partisans  capables  de  l'au- 
toriser, et  même  de  le  disputer  à  l'autre. 

Usage  de  la  négative  iNe.  —  Lorsqu'on  n'interroge 
pas,  il  faut  toujours  mettre  la  négative  ne;  par  exemple, 
il  faut  dire  :  il  veut  savoir  s'ils  n'ont  point  été  mariez  ; 
mais  quand  on  interroge,  il  est  loisible  de  la  mettre  ou 
de  ne  pas  la  mettre  :  n'ont-ils  point  été  mariez,  ou  ont- 
ils  point  été  mariez  ? 

Detteur.  —  Ce  mot  devrait  être  plus  français  que 
débiteur,  parce  qu'il  s'éloigne  plus  du  latin,  et  s'ap- 
proche plus  du  français  dette  ou  debte.  Mais  detteur 
est  un  vieux  mot  hors  d'usage,  il  faut  dire  débiteur. 

Long  paur  longue.  —  L'opinion  commune  est  qu'il 
faut  dire  tirer  de  longue  et  aller  de  longue  pour  dire 
avancer,  gagner  pays,  faire  du  chemin,  et  non  pas  tirer 
de  long  ni  aller  de  long.  C'est  une  expression  fort  basse 
et  dont  Vaugelas  ne  voudrait  pas  se  servir. 

Landi  ou  LANDiT.  —  C'cst  ccttc  dernière  forme  qui  est 
la  bonne.  Ce  mot  désigne  ce  que  le  disciple  paie  tous 
les  ans  à  son  précepteur,  en  reconnaissance  de  la  peine 
qu'il  a  prise  à  l'instruire;  il  vient  du  \a.\,\n  annus  diclus, 
ou,  comme  d'autres  pensent,  à^indictum. 

CoNJURATEUR  pouT  coxjDRÉ.  —  Lc  mot  conjurateuT , 
pour  désigner  un  homme  qui  est  auteur  ou  complice 
d'une  conjuration  n'est  pas  français,  il  faut  dire  con- 
juré. 

Cela  dit.  —  Cette  phrase  ne  vaut  rien  quoique  plu- 
sieurs l'écrivent.  On  dit  ordinairement  ayant  dit  cela. 
Ce  qui  trompe,  c'est  que  l'on  écrit  fort  bien  cela  fait, 
ce  qui  est  bien  meilleur  et  plus  élégant  que  de  dire  cela 
étant  fait. 

Pronoms  possessifs.  —  Il  faut  les  répéter  devant  le 
nom  comme  on  répète  l'article;  on  doit  dire  son  père  et 
sa  mère,  et  non  ses  père  et  mère. 

Jusques  à  aujourd'hui.  —  Faut-il  s'exprimer  ainsi  ou 
à'wtjusques  aujourd'hui.'  Les  uns  sont  pour  la  première 
locution,  les  autres  pour  la  seconde.  V'augelas  donne 
les  rai^ons  des  deux  parties,  cite  des  cas  où  il  faut  né- 
cessairement à  devant  aujourd'hui,  mais  il  ne  se  pro- 
nonce pas. 

lîiEN  au  commencement  de  la  période. —  Il  «  sent  son 
ancienne  façon  d'écrire  »,  qui  aujourd'hui  n'est  plus 
guère  en  usage.  On  dit  encore  bien  est-il  mal  aisé,  bien 
crois-je,  mais  il  semble  que  ce  n'est  pour  l'ordinaire 
qu'en  se  raillant. 

{La  fin  nu  prochain  numéro.) 
Le  Rédacteur-Gkbant  :  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


'ISS 


BIBLIOGRAPHIE 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Belle  rivière.  Le  Serpent  de  Satin;  par  Gustave 
Aimard.  ln-18  Jésus,  382  p.  Paris,  lib.  Dentu,  3  fr. 

Nouvelle  grammaire  française,  par  demandes  et 
par  réponses,  avec  deux  tableaux  synoptiques,  etc.; 
par  J.-B.  Buridant,  instituteur.  In-8\  323  p.  Paris,  lib. 
Delagrave. 

Madame  de  Hautefort,  nouvelles  études  sur  les 
femmes  illustres  et  la  société  du  XVIII'  siècle  ;  par 
M.  Victor  Cousin.  W  édition.  In-12,  vi-i36  p.  Paris,  lib. 
Didier  et  Cie. 

La  Chute  d'un  ange,  épisode;  par  M.  de  Lamartine. 
Nouvelle  édition,  publiée  par  les  soins  de  la  Société 
protectrice  des  œuvres  de  M.  de  Lamartine.  In-18  Jésus, 
Û30  p.  Paris,  lib.  Hachette.  3  fr.  50. 

Le  Paradis  perdu;  par  Milton.  Traduit  par  de  Pon- 
gerville,  de  l'Académie  française.  Nouvelle  édition,  revue 
et  corrigée,  précédée  de  considérations  sur  Milton,  son 
époque  et  ses  ouvrages,  par  le  traducteur.  In-18  Jésus, 
368  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

L'Esprit  de  l'esprit;  par  Alexandre  Weill.  In-32,  vi- 
90  p.  Paris,  lib.  Dentu.  30  cent. 

L'Orpheline  de  Moscou,  ou  la  Jeune  institutrice  ; 
par  Mme  Woillez.  Gr.  in-8°,  239  p.  et  2  gr.  Tours,  lib. 
Marne  et  fils. 


Une  muse.  Une  évasion.  Daphnis  et  Chloé.  Une 
vengeance.  Une  maladroite  amie;  par  Alfred  Bonser- 
gent.  Id-18,  217  p.  Paris,  lib.  Lachaud.  3  fr. 

Le  Secret  de  M.  Ladureau;  par  Champfleury.  In-18 
Jésus,  291  p.  Paris,  librairie  Dentu.  3  fr. 

Une  femme  gênante;  par  Gustave  Droz.  Ia-18  Jésus, 
26/i  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie.  3  fr. 

Les  États-Unis  et  le  Canada;  par  Xavier  Marmier, 
de  l'Académie  française.  Gr.  in-S",  239  p.  et  2  grav. 
Tours,  lib.  Marne  et  fils. 

Les  Mystères  de  Paris;  par  Eugène  Sue.  Nouvelle 
édition,  conforme  à  l'édition  in-8'  corrigée  par  l'auteur 
en  1851.  U  vol.  Gr.  ia-18,  1259  p.  Paris,  lib.  internatio- 
nale. 5  fr. 

Saint  Louis  et  son  temps;  par  H.  Wallon,  membre 
de  l'Institut.  2  vol.  Iu-8',  xxxvi-i05(j  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Gie.  15  fr. 

Rome,  description  et  souvenirs;  par  Francis  Wey. 
Ouvrage  contenant  358  grav.  sur  bois  dessinées  par  nos 
plus  célèbres  artistes  et  un  plan.  3«  édition,  revue  et 
corrigée,  augmentée  d'un  voyage  à  Rome  en  187/(,  et 
d'un  index  général  analytique.  In-i",  .'ai-760  p.  Paris, 
lib.  Hachette  et  Cie.  50  fr. 


Publications   antérieures 


MORCEAUX  CHOISIS  DES  GRANDS  ÉCRIVAINS 
DU  XVIe  SIÈCLE,  accompagnés  d'une  grammaire  et 
d'un  dictionnaire  de  la  langue  du  xvi«  siècle.  —  Par 
Auguste  Brachet,  ancien  examinateur  et  professeur  à 
l'École  polytechnique,  lauréat  de  l'Académie  française  et 
de  l'Académie  des  Inscriptions,  membre  de  la  Société  de 
linguistique.  —  Deuxième  édition  levue.  —  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  79,  Boulevard  Saint-Germain. 


LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE  AU  DIX-HUI- 
TIÈME SIÈCLE.—  Par  P.\ul  Albert,  maître  de  conférences 
à  l'École  normale  supérieure.  —  Paris,  librairie  Hachette 
et  Cie,  79,  Boulevard  Saint-Germain. 


PRECIS  CLASSIQUE  DE  LA  LITTÉRATURE  FRAN- 
ÇAISE AU  XVIII»  ET  AU  XIX»  SIÈCLE.  —Ouvrage 
servant  de  complément  aux  Quatre  siècles  littéraires.  — 
Par  Th.  Lepetit,  professeur  à  Paris.  —  Paris,  Aug.  Boyer 
et  Cie,  libraires-éditeurs,  û9,  rue  Saint-André-des-Arts. 


PETIT  DICTIONNAIRE  NATIONAL,  à  l'usage  de  la 
jeunesse  et  de  tous  ceux  qui  ont  besoin  de  renseigne- 
ments prompts  et  précis  sur  la  langue  française.  —  Par 
Bescherelle  aîné.  —  Paris,  Garnier  frères,  libraires-édi- 
teurs, 6,  rue  des  Saints-Pères,  et  Palais-Royal,  215. 


L.\  BONTK,  ouvrage  couronné  par  l'Académie  fran- 
çaise. —  Par  Charles  Roz^.n.  —  Cinquième  édition.  — 
Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 


ORIGIN'ES  DE  QUELQUES  COUTUMES  ANCIEN- 
NES ET  DE  PLUSIEURS  FAÇONS  DE  PARLER 
TRIVIALES.  —  Par  Moisant  de  Brieux,  fondateur  de 
l'Académie  de  Caen. — Avec  une  introduction  biographique 
et  littéraire  par  M.  E.  de  Beaurepaire.  —  Un  commentaire 
et  une  table  analytique  par  M.  George  Garnier,  et  un 
portrait  de  l'auteur  gravé  par  M.  L.  de  Merval.  —  Caen, 
Le  Gost-Clérisse,  libraire-éditeur,  place  du  Palais-de- 
Justice. 


LES  SALTDIBANQUES,  leur  vie,  leurs  mœurs.  — 
Par  Gaston  Escudier.  —  500  dessins  à  la  plume  par  P.  de 
Crauzat.  —  Paris,  Michel  Lécy  Jrères,  éditeurs,  3,  rue 
Auber,  place  de  l'Opéra.  —  Prix  :  1 0  francs. 


L'ETUDE  DES  LANGUES  RAMENEE  A  SES  VÉRI- 
TABLES PRINCIPES  ou  l'art  de  penser  dans  une  langue 
ÉTRA^GÈRE.  —  Par  C.  Marcel,  ancien  consul,  Chevalier  <ie 
la'Légion  d'honneur.  —  Paris,  C.  Borrani,  libraire-éditeur, 
rue  des  Saints-Pères,  9. 


4S4 


LE  COURRIER  DE   VAUGELAS 


CONTES  D'UN  BUVEUR  DE  BIERE.  —  Par  Charles 
Deulin.  —  6'  édition.  —  Paris,  E.  Dentu,  éditeur,  libraire 
de  la  Sociétfi  des  Gens  de  lettres,  Palais-Royal,  17  et  19, 
galerie  d'Orléans. 


NOTIONS  ELEMENTAIRES  DE  GRAMMAIRE  COM- 
PARÉE, pour  servir  à  l'étude  des  trois  langues  classiques. 
—  Par  E.  Egger,  membre  de  l'Institut,  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres,  maître  de  conférences  honoraire  à 
l'École  normale  supérieure.  —  Septième  édition,  revue, 
corrigée  et  augmentée  —  Paris,  A.  Durand  et  Pedone- 
Lauriel,  éditeurs,  9,  rue  Cujas. 


NOUVELLE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  fondée  sur 
l'histoire  de  la  langue,  à  l'usage  des  établissements  d'ins- 
truction secondaire.  —  Par  Auguste  Brachet,  professeur  à 
l'Ecole  polytechnique.—  In-12,  xix-2/i8  p.—  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  97,  boulevard  St-Germain.—  Prix  :  1  fr.  50. 


CHRONIQUES  DE  J.  FROISSARD,  publiées  par  la 
Société  de  l'histoire  de  France. —  Par  Si.méon  Luce.  —  T.  5. 
1356-1360. Depuis  les  préliminaires  de  la  paix  de  Poitiers 
jusqu'à  l'expédition  d'Edouard  111  en  Champagne  et  dans 
l'Ile-de-France.  —  In  8%  Lxxi-i36  p.  —  Paris,  librairie 
V'  J.  Renouard.  —  Prix  :  9  francs. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


I. 

Les  Professeurs  de  français  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  confiance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  /i2,  Queen  Square,  à  Londres,  W.  G.,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

n. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo- française,  il  paraît  à  Brigthon  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Anqletebre  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à 
ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires.  —  L'abonnement  est  de  10  fr.  pour  la 
France,  et  il  se  prend  à  Paris  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue  de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart, 
2,  rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTERAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au 
Concours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Appel  aux  Poètes. 


La  direction  de  l'Exposition  Internationale  des  Industries  maritimes  et  fluviales,  avec  section  française  des  principaux 
articles  d'exportation,  ouvre  un  concours  pour  la  composition  d'une  pièce  de  poésie  dont  le  sujet  est  la  Navigation.  — 
Le  nombre  des  vers  devra  être  de  deux  cents  environ.  Les  pièces  destinées  à  concourir  devront  être  adressées  au  direc- 
teur de  l'Exposition,  21,  boulevard  Montmartre,  à  Paris,  au  plus  tard  le  15  mai  1875.  —  La  pièce  jugée  digne  de  récom- 
pense par  un  jury  spécial  dont  on  fera  connaître  la  composition,  sera  lue  publiquement,  le  jour  de  l'inauguration 
solennelle  de  l'Exposition  qui  aura  lieu  le  samedi  10  juillet  1875.  —  Chaque  pièce,  qui  ne  devra  porter  aucune  signa- 
ture, sera  accompagnée  d'une  enveloppe  cachetée  portant  en  inscription  soit  le  titre  de  la  pièce,  soit  une  légende  cor- 
respondante, et  contenant  les  noms  et  adresse  de  l'auteur.  —  Cette  enveloppe  ne  sera  ouverte  que  dans  le  cas  où  la 
pièce  de  vers  aurait  été  jugée  digne  de  récompense.  Cette  récompense  consistera  en  un  diplôme  d'honneur  et  une 
•somme  de  mille  francs. 

Le  quatorzième  Concours  poétique,  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février,  sera  clos  le  i"  juin  1875.  —  Dix  médailles  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Ev.ariste  Garrance,  prési- 
dent du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  A/franchir. 


Avis  aux  Abonnés  de  la  province. 

Le  l"  mars  prochain,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  (qui  s'est  fait  depuis  quelque  temps  l'administrateur 
de  son  journal)  mettra  en  circulation,  avec  un  s\ij)p\i'meni  de  soixante-quinze  centimes  ponr  \es  (nxis  de  recouvrement, 
les  quittances  de  ceux  de  ses  Abonnés  de  la  province,  qui,  avant  cette  époque,  ne  lui  auront  pas  envoyé  le  prix  de  leur 
abonnement  à  la  présente  année. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaui/elas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GyuvER^EUR,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Kotrou. 


5*  Année. 


N"   24. 


15  Mars  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


^« 


^>i^' 


.#'ï^ 


DE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Journal  Semi-Mensuel 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Paraissant    !•    1*  et    U    Ig    de    ehaao*   mots 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 
Idem        pour  l'Étranger   10  f. 


Idem 
Annonces, 


pour  l'Étranger 
la  ligne .     .     .    .  50  c. 


Rédacteur:  Eman  MARTIN 


LES      ETB.\NGERS 


ANCIEN     PROFESSEUR      SPECIAL      POUR 

Oflicier  d'Académie 
26,  boulevard  des  Ita'iens,  Paris 


ON  S'ABONNE 
En  envoyant  un  mandat  sur  la  poste 
soit  au  Rédacteur,  soit  à  lAdra'' 
M.  FiscHBACBER,  33,  TU.,'  de  Seine. 


AVIS. 
Le  Rédacteur  du  Cocruier  de  Vadgelas  étant  décidé  à 
prendre  un  mois  de  vacances  après  la  publication  de 
son  24*  numéro,  la  Sixième  Année  de  ce  journal  ne 
commencera  qu'au  l^'  Mai  prochain. 


SO.MMAIRE. 

Communication  relative  à  plusieurs  questions,  et  réponse-,  —  S'il 
faut  dire  Grincer  les  den's  ou  Grincer  des  dénis:  —  Comment 
on  doit  prononcer  Langue  d'oil:  —  Sens  littéral  de  Cuver  son 
vin:  —  SiRnification  de  Avoir  la  beauté  du  diable.  ||  Réponse 
à  une  communication;  —  lixplicalion  de  Je  ne  sache  pas  en 
têle  d'une  phrase;  —  Différence  dans  l'emploi  de  Chai- huant 
et  de  Chouan.  Il  Passe-temps  gramm  ilical.  ||  Fin  de  la  bio- 
graphie de  Vnugelas.  ||  Table  des  matières  contenues  dans  la 
cinquième  année  de  ce  journal. 


FRANCE 


COM.MUMCATION. 

Je  regrette  de  n'avoir  pu  insérer  plus  tôt  la  lettre 
qu'on  va  lire:  mais  je  l'ai  oubliée  dans  le  numéro  22, 
et  quand  l'auteur  m'eut  exprimé  l'espoir  de  la  trouver 
«  comme  c'est  son  droit  «  dans  le  numéro  suivant, 
celui-ci  était  déjà  depuis  quelques  jours  entre  les  mains 
de  l'imprimeur. 

Paris,  le  25  janvier  1875. 
Cher  Monsieur, 

Un  dernipr  mot,  comme  dit  notre  confrère  Saint-Gpnest. 

Je  ne  tipns  nullement  à  éterniser  notre  di.-^cussion  ;  mais 
je  tiens  à  rectifier  quelques  points  de  votre  réplique  où, 
sans  le  vouloir,  vous  avez  dénaturé  ma  pensée. 

Sur  la   première  question  :  il  y  en  avait  de  brunes,  de 

■  blondes,  etc.,  on  doit  croire,  en  vous  lisant,  que  je  me  suis 

prononcé  pour  des:  or,  j'ai  déclaré  tout  d'abord  que,  selon 

moi,  il  faut  de,  et  je  vous  ai  seulement  demandé  quelle 

est,  selon  vous,  la  raison  de  ce  de. 

Me  pardonnerpz-vous  de  ne  pas  admettre,  cette  fois  en- 
core, votre  explication,  ni  l'assimilation  que  vous  essayez 
d'établir  entre  i7  y  en  avait  de  brunes  et  nous  avons  eu  qua- 
rante homme  de  tués  ? 

U  y  en  avait  de  brunes  revient  évidemment  à  guelijues- 


unes  d'entre  elles  étaient  bruties,  et  le  de  est  partitif,  tandis 
que  dans  votre  exemple,  il  est  erplétif.Xoire  explication  ne 
me  semble  donc  pas  bien  catégorique,  et  je  ne  vois  pas 
davantage  la  raison  de  ce  de  que,  je  le  répète,  je  n'ai  ja- 
mais contesté. 

Pour  ce  qui  est  des  phrases  interjetées,  il  va  sans  dire 
que  je  n'ai  pas  entendu  demander  qu'on  acceptât  toutes 
cpIIps  que  le  premier  venu  peut  se  permettre,  mais  seule- 
ment quelques-unes,  comme  s'exclama-t-il,  que  parait  néces- 
siter l'emploi  plus  fréquent  du  dialogue  dans  le  roman. 

Celte  discrète  innovation  n'autorisait  pas  :  viens  donc, 
saula-t-il,si  tu  l'oses.'  qui  est  absurde  et  ridicule;  ni  même: 
cet  impôt  est  immoral,  tonnait  M.  Pouijer:  mais  elle  permet- 
trait (le  dire,  avec  un  verbe  actif  ou  pris  activement:  iïe/as.' 
soapira-til,  et,  comme  quelqu'un  de  ma  connaissance  l'a 
risqué  en  personnifiant  les  péchés  capitaux  :  Parlez  pour 
vous,  ma  belle,  siffla  l  Envie...  Un  joli  hôte,  ma  foi,  vociféra 
la  Colère. 

C'est,  je  crois,  affaire  de  goiit,  et,  selon  que  l'écrivain 
po.sséde  plus  ou  moins  cette  espèce  d'instinct  qui  juge  les 
règles  et  qui  n'en  a  point,  il  franchit  avec  plus  ou  moins 
de  bonheur  et  recule  même  quelquefois  les  bornes  posées 
par  les  grammairiens. 

Vous  l'avouerai-je?  je  préfère  toujours,  sans  oser  l'em- 
ployer, le  gallicisme  des  derniers  siècles  :  que  vous  espériez 
qui  ne  serait  pas  connue  à  la  tournure  moderne  :  que  vous 
espériez  ne  devoir  pas  être  connue. 

■Vous  comptez  les  syllabes  des  deux  membres  de  phrase, 
et,  trouvant  la  somme  à  peu  près  égale  de  part  et  d'autre, 
vous  en  concluez  que  les  deux  tournures  se  valent  pour 
la  vivacité. 

Permettez-moi,  mon  cher  confrère,  de  vous  faire  obser- 
ver qu'il  faut  ici  considérer  bien  moins  le  nombre  que  la 
pesanteur  des  syllabes.  On  peut  en  dire  ce  qu  oti  a  dit  des 
témoins:  non  numerantur  sed  ponderantur.  Interrogez  votre 
oredlp,  elle  vous  répondra  que  rien  n'est  lourd  et  traînant 
comme  que  vous  espériez  ne  devoir  pas  être  connue. 

Enfin,  pour  la  dernière  question  :  ils  se  plaignent  avec 
raison  qu'on  leur  fait  {ou  fasse]  jouer,  il  me  sulfit  de  savoir 
que,  de  votre  aveu,  vous  professez  une  théorie  du  subjonc- 
tif contraire  non-seulement  à  celle  de  M.  Littré,  mais  en- 
core à  «  l'opinion  assez  généralement  reçue.  » 

Je  vous  ai  consulte  pour  m'é:lairer,  non  pour  me  donner 
le  plaisir  de  dissprter  en  public.  Comme  je  reste  libre  de 
chciisir  entre  vous  et  la  presque  généralité  ies  grammairiens, 
je  n'entrerai  pa-^  dans  une  discussion  qui  me  paraît  oiseuse, 
et  je  terminerai  cette  lettre  déjà  trop  longue  en  vous 
priant  d'agréer,  mon  cher  confrère,  l'expression  de  mes 
sincères  remerciements. 

Charles  DEULI.N. 


•186 


LE  COURRIER  DE  VAUGKLAS 


—  Voici  les  propres  termes  de  la  question  que 
M.  Charles  Deulin  m'avait  adressée  relativement  à  l'em- 
ploi du  mot  de  : 

J'ai  écrit  à  propos  de  princesses  la  phrase  suivante  :  «  11 
y  en  avait  de  brunes,  de  blonde?,  de  châtain  clair,  di^ 
châtain  foncé  et  d'autres  aux  cheveux  d'or.  »  Après  avoir 
longtemps  hésité,  je  me  suis  décidé  pour  de,  qui  m'a  paru 
choquer  moins  l'oreille,  et  pourtant,  u'aprés  l'usage  mo- 
derne on  doit  dire  :  Il  y  avait  des  princesses  brunes,  et 
non  de  brunes  princesses.  Faut-il  de,  faut-il  des,  et  pour- 
quoi? 

Or,  est-ce  là,  comme  le  dit  M.  Charles  Deulin,  décla- 
rer «  tout  d'abord  »  qu'il  faut  de,  et  me  demander  «  seu- 
lement »  la  raison  de  ce  de? 

Evidemment  non,  et  M.  Charles  Deulin  se  trompe 
quand  il  dit  que  j'ai  «  dénaturé  »  sa  pensée  :  c'est  lui 
qui,  dans  la  lettre  qu'on  vient  de  lire,  a  restreint,  par 
oubli,  l'étendue  de  sa  question. 

—  M.  Charles  Deulin  a  parfaitement  le  droit  de  ne 
pas  admettre  l'explication  que  je  donne  sur  l'emploi  de 
la  préposition  de  après  le  pronom  en  dans  la  phrase  ;/ 
y  en  avait  de  brunes.  Mais  il  est  dans  l'erreur  quand  il 
croit  que  l'on  peut  expliquer  la  construction  //  y  en  avait 
de  brunes  par  quelques-unes  d'entre  elles  étaient  brunes  ; 
car  si  la  première  de  ces  phrases  «  revient  incontesta- 
blement à  la  seconde,  elle  n'en  est  nullement  tirée; 
c'est  de  //  y  en  avait  qui  étaient  brunes  que  vient,  par 
ellipse,  il  y  en  avait  de  brunes. 

—  Quant  aux  phrases  interjetées,  M.  Charles  Deulin 
n'entend  pas  qu'on  accepte  «  toutes  celles  que  le  pre- 
mier venu  peut  se  permettre  »,  mais  «  seulement  quel- 
ques-unes ».  Or,  quelles  sont  ces  «  quelques-unes  «?  Il 
n'en  dit  presque  rien,  ou  plutôt,  pour  lui,  cette  question 
est,  comme  beaucoup  d'autres,  une  ad'aire  de  goût,  et 
quiconque  possède  «  plus  ou  moins  cette  espèce  d'ins- 
tinct qui  juge  les  règles  et  qui  n'en  a  point  »  peut  se 
passer  assez  bien  de  la  grammaire. 

C'est  là  sans  doute  une  doctrine  fort  commode;  mais 
je  ne  puis  l'admettre,  r  parce  qu'elle  n'est  applicable 
qu'autant  qu'il  s'agit  d'une  phrase  faite  par  quelqu'un 
qui  n'est  pas  le  «  premier  venu  «,  condition  qui  n'a 
jamais  été  requise  pour  juger  si  une  expression  est 
bonne  ou  mauvaise;  2°  parce  que  le  goiit  (sentiment  de 
l'oreillei  pouvant  varier  d'un  écrivain  à  l'autre,  la  langue, 
si  cette  doctrine  itrévalait,  sérail  immédiatement  livrée 
à  l'arbitraire. 

Selon  moi,  le  seul  principe  vrai  pour  ce  qui  concerne 
les  phrases  intercalaires,  c'est  que  leur  verbe  doit  élre 
tel  qu'il  puisse  élre  mis  au  commencement  et  recevoir 
pour  complément  le  reste  du  texte,  parce  que  ces  sortes 
de  (ihrases  sont  des  tournures  qui  supposent  la  possi- 
bilité d'une  construction  naturelle.  Ainsi,  par  exemple, 
je  repousse  Uétas!  soupira-t-il,  que  cite  M.  Charles 
Deulin,  attendu  que  soupirer  ne  peut  avoir  pour  régime 
les  paroles  que  quelqu'un  prononce;  c'est  dit-il  en  sou- 
pirant (|u'il  faut  dire,  conmie  dans  la  complainte  du 
Juif-Errant  : 

Jésus  la  bonté  même. 
Me  dit  en  soupirant,  etc. 

Comme  parmi  les  nombreux  auteurs  français  que  j'ai 


lus,  je  n'ai  trouvé  que  quelques  contemporains  qui  em- 
ploient activement  des  verbes  neutres  à  la  place  de  dire 
en  suivi  du  participe  présent  de  ces  verbes,  j'en  ai  con- 
clu et  je  répète  qu'une  telle  construction  ne  peut  être 
bonne  dans  notre  langue. 

Maintenant,  à  M.  Charles  Deulin  de  voir  s'il  doit  con- 
tinuer à  poursuivre  sa  «  discrète  innovation  »  ou  s'il 
juge  prudent  de  se  ranger  enfui  à  mon  avis. 

—  M.  Charles  Deulin  préfère  toujours  le  gallicisme 
du  xvii'"  siècle  que  voîts  espériez  qui  ne  s'irait  pas  con- 
nue à  la  tournure  moderne  que  vous  espériez  ne  devoir 
pas  être  connue.  Alors,  qu'il  l'emploie!  Quant  à  moi, 
qui  trouve  les  que...  qui  insupportables  (c'est  mon 
oreille,  à  laquelle  fait  appel  M.  Charles  Deulin,  qui 
apprécie  ainsij,  et  qui  sais  que  la  locution  où  ils  entrent 
est  réfractaire  à  toute  anal jse,  je  suis  persuadé  plus  que 
jamais  qu'ils  doivent  être  rejetés. 

M.  Charles  Deulin  ne  veut  pas  que  la  vivacité  d'une 
expression  se  mesure  par  le  nombre  des  syllabes  qu'elle 
contient;  il  faut,  selon  lui,  que  ce  soit  plutôt  par  leur 
«  pesanteur  ».  Mais  il  me  permettra  de  ne  pas  trouver 
ce  moyen  très-praticable  ;  car,  pour  mesurer  une  chose 
matérielle,  une  unité  est  nécessaire,  et  je  ne  vois  pas 
celle  qu'on  pourrait  prendre  ici. 

—  Depuis  1851,  époque  où,  étant  à  Londres,  j'ai  conçu 
le  plan  de  mes  études  grammaticales,  je  n'ai  pas  cessé 
de  m'occuper  exclusivement  de  la  langue  française;  et, 
parmi  les  dilférents  traités  que  j'ai  écrits  sur  cette  ma- 
tière, il  se  trouve  un  Emploi  du  subjonctif  qu],  imprimé, 
comprendrait  certainement  plus  de  quarante  pages  de 
format  ordinaire.  Ùr,  je  pense  que  M.  Charles  Deulin, 
après  avoir  reçu  celle  confidence,  voudra  bien  m'accor- 
der  le  droit  de  professer  relativement  au  mode  en  ques- 
tion une  théorie  pouvant  être  contraire  sur  quelques 
points  «  non-seulement  à  celle  de  M.  Littré,  mais  encore 
à  l'opinion  assez  généralement  reçue.  » 

Maintenant  que  j'ai  fourni  à  M.  Charles  Deulin  la 
preuve  que  je  ne  me  suis  jamais  refusé  à  insérer  les 
communicalions  qu'il  m'avait  adressées,  j'ai  la  ferme 
conviction  qu  en  bon  confrère,  il  regrettera  les  vivacités 
de  la  lettre  qu'il  m'a  écrite  le  10  de  ce  mois. 

X 

Première  Question. 

Je  désirerais  bien  savoir  s'il  faut  dire  grincer  les 
DENTS  ou  bien  gri.xcee  des  dents.  Aucuti  dictionnaire 
Jusqu'ici  ne  m'a  donné  satisfaction  sur  ce  point  ;  J'es- 
père que  Je  serai  plus  heureux  en  vous  consultant. 

De  prime  abord,  on  peut  croire  que, dans  cette  expres- 
sion, il  est  loisible  de  faire  dofjrincer  un  verbe  actif  ou 
un  verbe  noulre,  car  on  trouve  les  exemples  suivants  : 

(Où  tjrinccr  est  suivi  de  les] 

Il  s'est  armécontie  moi  de  toute  sa  fureur;  il  a  grincé 
les  denl.i  en  me  menaçant. 

(Saci,  ma.  Job,  XVI,  lo.) 

Les  fanatiques  grinceront  les  dents  et  no  pourront  pas 
mordre. 

(D'Alembeit,  Lelt.  à  Volt.,  i3  mai  1759.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


<87 


(Où  (/rincer  est  suivi  de  des) 

Grincer  des  dents,  sorrpp  Ips  donts  fortemont,  de  manière 

qu'elles  font  entendre  un  bruit. 

iLittri;,  Del.) 

Que  le  pécheur  verra  tout  cela,  et  en  sera  counoucé  et 
marri,  que  même  il  en  grincera  des  dents  et  frémira  de 

{Les  Évén.  sinçul.,  p.  287.) 

Mais  il  n'en  est  pas  ainsi  ;  à  mon  avis,  il  faut  dire 
grincer  des  dents  quand  faire  ne  précède  pas  l'expres- 
sion, et  grincer  les  dents  quand  faire  la  précède,  ce 
dont  je  vais  vous  donner  la  raison. 

1»  Le  verbe  grincer  est  un  verbe  né  de  rimilalion  du 

bruit  occasionné  par  deux  corps  frollanl  l'un  contre 

l'autre;  il  est  équivalent  à 

Faire  entendre  le  bruit  pn-î-in, 

comme  claquer,  verbe  formé  d'une  manière  identique, 

équivaut  à 

Faire  entendre  le  bruit  clac. 

Or,  claquer,  qui  se  dit  aussi  des  dents,  requiert  tou- 
jours la  préposition  de  avant  dents,  parce  que  claquer 
des  dents  veut  dire  claquer  au  moyen  des  dénis,  absolu- 
ment comme  claquer  des  mains,  veut  dire  claquer  avec 
les  mains  : 

Claque  des  dents,  tremble  et  frissonne. 

(La  Fontaine,  Oraù) 

D'où  je  conclus  que  grincer,  verbe  de  la  catégorie  de 
c/of/Mp/',  et  neutre  comme  lui,  doit  élre  suivi  d'un  régime 
qui  ne  peut  être  qu'indirect,  ou,  en  d'autres  termes, 
qu'il  faut  dire  grincer  des  dents,  et  non  grincer  les 
dents. 

2°  Quand  le  verbe  faire  précède  l'expression,  celle-ci 
est  une  phrase  infinitive  qui  sert  de  complément  direct 
à  faire;  dans  cette  phrase,  dents  est  le  sujet  de  grincer, 
et  le  nom  de  la  personne  se  construit  avec  la  préposition 
«,  ou,  si  c'est  un  pronom,  avec  me,  te,  se,  lui,  nous, 
vous,  leur;  de  sorte  que  le  tout  signifie  littéralement  : 

Faire  que  les  dents  grincent  à  quelqu'un, 
construction  parfaitement  conforme  au  sens  neutre  de 
grincer.  Aussi  Irouve-t-on  toujours, dans  ce  cas,  grincer 
suivi  de  les  : 

Les  douleurs  de  la  néphrétique  lui  feront  grincer  les  dénis. 

(J.-J.  Rousseau,  Emile,  IV.) 

Malgré  son  aigre  voix,  qui  fait  grincrr  les  dents. 
Il  apprend  de  Lambert  les  airs  les  plus  touchants. 

(Regnard,  Epil.  i.) 
Le  bruit  de  la  scie  /ait  grincer  les  dents. 

(Académie.) 

X 

Seconde   Question. 
Comment  doit-on  prononcer  langle  d'oïl?  Faut-il 
dire  UNG0E  d'o-il  ou  langue  d'oilI  J'ai  entendu  pro- 
noncer des  deux  manières. 

D'après  M.  Littré,  Langue  d'oil  (la  langue  parlée  au 
nord  de  la  Loire  au  .xvi"  siècle,  et  ainsi  nommée  parce 
qu'elle  avait  oil  pour  terme  d'affirmation)  doit  se  pro- 
noncer langue  d'oil;  mais  tel  n'est  pas  mon  sentiment  : 
il  me  semble  qu'il  faut  prononcer  langue  d'oui,  et  cela, 
pour  les  raisons  que  je  vais  vous  dire. 

Géniu  a  fait  cette  remarque,  que  je  crois  vraie  [Va- 
riât., préf.  xv),  à  savoir  qu'au  moyen  âge,  quoiqu'un 


mot  se  présentât  sous  des  formes  différentes,  il  n'en 
avait  pas  moins  une  prononciation  unique. 

Or,  avant  d'élre  figuré  par  oui,  notre  adverbe  d'affir- 
mation l'a  été  par  ouil,  et  avant  de  l'être  par  ouil,  il 
l'a  été  par  oil,  comme  ces  exemples  le  mettent  en  évi- 
dence : 
(xvi"  siècle) 

Et  tant  qu'ouy  et  nenny  se  dira, 
Par  l'univers  le  monde  me  lira. 

(Marot,  II.  2>i.) 

(xV  siècle) 
Par  ma  foi,  respondit  le  duc  de  Lancastre,  ouil. 

(Froissart,  II,  III,  aai.) 

ixiii^  siècle) 

Sire,  fait-ele,  oil,  mon  cuer  lui  ai  donné. 

{Ber/e.  XLV.l 

D'où  je  conclus  que  oil  ayant  dû  se  prononcer  oui, 
Texpression  langue  d'oil  doit  naturellement  se  pronon- 
cer langue  d'oui. 

X 

Troisième  Question. 

QufUe  est  la  véritable  signification  de  l'expression 

populaire  cuver  son  ws'  Est-ce  que  ce  serait  par  hasard 

une  allusion  au  corps  du  buveur  considéré  comme  une 

cure? 

Vous  n'y  êtes  pas,  tant  s'en  faut. 

Dans  cette  expression,  curer  vient  du  verbe  latin 
cithare  (b  ^  v),  qui  veut  dire  être  couché,  être  étendu, 
dormir;  cuver  son  vin,  c'est  rester  couché  ou  se  coucher 
pendant  qu'on  est  sous  rinfiuence  de  Bacchus. 

Nos  pères  du  xvi«  siècle  disaient  dormir  son  vin,  ce 
qui  est  une  confirmation  de  l'étymologie  que  je  viens 
de  vous  donner  : 

Néantmoins  en  y  avoit-il  bien  de  telx  qui  eussent  eu 
grand  mestier  de  dormir  le  vin  qu'ilz  avoient  beu  à  oul- 
trage. 

(Menard,  Hist.  de  Dugttesclin,  p.  528.) 

X 

Quatrième  Question. 
Voudriez-vous  bien  prendre  la  peine  de  m'expliquer, 
dans  un  de  vos  prochains  numéros,  comment  il  se  fait 
que  AVOIR  LA  beauté'  du  diable  .se  dit,  en  parlant  d'une 
femme,  pour  signifier  être  jeune? 

L'expression  beauté  du  diable  n'a  pas  précisément  le 
sens  que  vous  lui  croyez;  elle  désigne  cette  espèce  de 
beauté  que  la  jeunesse  donne  aux  figures  les  moins 
jolies,  aux  physionomies  les  plus  insignifiantes,  grâce  à 
cette  mystérieuse  loi  de  la  nature  qui  veut  que  la  femme 
la  moins  belle  illumine  un  jour  son  visage  d'un  charme 
qLii  la  fait  aimer.  Ainsi  quand  à  la  question  :  «  Com- 
ment est-elle?  »  on  répond  :  «  Oh!  elle  a  la  beauté  du 
diable  >',  cela  veut  dire  :  elle  n'a  d'autre  beauté  que  celle 
que  donne  la  jeunesse. 

.Mais  pourquoi  cette  beauté  d'un  moment  s'appelle-t- 
elle  beauté  du  diable,  expression  qui,  prise  à  la  lettre, 
devrait  plutôt  signifier  une  affreuse  laideur? 

L'origine  de  cette  expression  se  trouve,  selon  toute 
a[iparence,  dans  le  vieux  proverbe  qui  dit  que  le  diable 
était  beau  quand  il  était  jeune,  allusion  probable, 
d'après  Quitard,  au  tem|is  où  le  diable  figurait  au  rang 
des  anges  du  ciel. 


188 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ÉTRANGER 


Réponse  à  M.  Dufour-Vernes. 

Dans  mon  numéro  du  15  avril  dernier,  ayant  eu  à 
donner  mon  avis  sur  la  meilleure  manière  de  pronon- 
cer les  //  mouillées,  j'ai  incliné  pour  ie,  el  j'ai  dit  pour 
quelles  raisons. 

Mais  un  de  mes  lecteurs,  M.  Dufour-Vernes,  ne  les  a 
pas  goiitées;  et,  après  avoir  longtemps  hésité,  il  a  fini, 
cédant  à  «  un  besoin  de  combattre  l'erreur  sous  quelque 
forme  qu'elle  se  présente,  »  par  m'écrire  la  longue  pro- 
testation qu'on  a  lue  dans  le  numéro  22. 

M.  Dufour-Vernes,  qui  croit  que  la  lendance  fâcheuse 
des  Français  à  prononcer  les  //  mouillées  comme  ie  leur 
rendra  u  toujours  difficile  l'étude  des  langues  étran- 
gères »,  insiste  pour  que  nous  prononcions  ces  lettres 
lie,  comme  le  faisaient  nos  pères  du  xvi'  siècle,  et 
comme  le  font  encore  la  Suisse  Romande  et  la  Savoie  : 

Dans  ces  deux  contrée?,  il  n'y  a  que  les  petits  enfants 
qui,  à  cause  de  la  faiblesse  de  leur  organe,  prononcent  ie 
11  mouillées. 

Du  reste,  M.  Dufour-Vernes  peut  justifier  son  opinion 
par  celle  du  professeur  Richard,  qui  s'exprime  en  ces 
termes,  au  sujet  de  la  prononciation  ie,  dans  un  Manuel 
publie  en  1862  : 

Nous  repoussons  avec  énergie  ce  grasseiement  désa- 
gréable et  ridicule,  rlier  surtout  aux  garçons  limonadiers 
et  aux  demoiselles  de  comptoir,  personnes  fort  respeotibles 
sans  doute,  mais  qui  font  rarement  autorité  en  fait  de  beau 
langage. 

Maintenant,  la  protestation  de  M.  Dufour-Vernes  est- 
elle  réellement  fondée? 

Je  ne  le  pense  pas,  parce  qu'il  faudrait  pour  cela 
qu'on  ne  pût  alléguer  ce  qui  suit  en  faveur  de  la  pro- 
nonciation que  je  préfère  : 

1°  Dans  une  langue,  on  compte  au  moins  quatre  par- 
ties :  la  prononciation,  l'orthographe,  la  construction  et 
la  siirnification.  Or,  quand  depuis  le  xvi"  siècle,  les  trois 
dernières  ont  éprouvé  en  français  des  changements 
que  M.  Dufour-Vernes  accepte  certainement,  pourquoi 
n'admet-il  pas  que  la  prononciation  puisse  s'être  modi- 
fiée comme  les  autres  parties'? 

2°  Quand  M.  Dufour-Vernes  reconnaît  aux  Italiens 
(du  moins  je  le  siipposel  le  droit  de  prononcer  1'/  après 
Je  y.»  comme  un  i  [pidntarp,  planter;  piazza,  place;  ^j/«- 
cere,  plaisir;  piatja,  plaie,  etc.),  changement  qui  a  bien 
pu  ne  pas  avoir  lieu  dès  l'origine  de  leur  langue,  pour- 
quoi rel'usc-l-il  aux  Français  celui  de  changer,  quand 
il  leur  pla'it,  les  consonnes  //  également  en  i  [ie]  ?  Est- 
ce  que,  dans  cette  question,  ils  ne  sont  pas  entièrement 
maîtres '/ 

3°  M.  Dufour-Vernes  semble  conlester  que  Paris 
possède  si  bien  le  droit  d'être  souverain  régulateur  en 
matière  de  laiigige  (pie  «  la  proiioncialioti  des  Parisiens 
ne  peut  être  entachée  de  vice  ».  Quoi  de  plus  naturel, 
cepi.'udant?  Paris  jouit  du   privilège  qu'ont  A\x  avoir 


jadis  et  qu'ont  encore  de  nos  jours  toutes  les  grandes 
capitales  des  peuples  civilisés. 

4°  11  n'est  pas  admissible  que  les  habitants  d'un  pays 
parlant  français  et  ayant  conservé  une  prononciation 
peut-être  générale  autrefois,  mais  certes  fort  loin  de 
l'être  aujourd'hui,  puissent  être  considérés  comme  pro- 
nonçant mieux  que  la  capitale  même  de  la  France  :  il 
en  est  ici  comme  en  astronomie,  où  le  gros  astre  fait  la 
loi  au  petit. 

5°  Quelque  singulière  que  puisse  paraître  la  manière 
de  prononcer  certaines  lettres,  elle  devient  la  vraie 
quand  elle  est  adoptée  par  le  plus  grand  nombre  renfer- 
mant les  plus  instruits,  et  il  n'est  pas  jusqu'à  la  pro- 
nonciation des  «  incroyables  »  qui  n'eût  pu,  en  cas  de 
succès,  devenir  parfaitement  française,  puisque  cette 
même  prononciation,  imitée  de  l'anglais,  a  bien  pu 
passer  à  l'état  de  règle  générale  de  l'autre  coté  de  la 
Manche. 

6°  Les  //  mouillées  se  prononcent  plus  facilement  ié 
que  lie,  parce  que  le  premier  son  est  plus  doux.  Or,  si 
l'adoucissement  dans  les  langues  est  un  progrès 
comme  le  dit  M.  Dufour-Vernes,  pourquoi  nous  reproche 
t-il  donc  de  préférer  la  première  de  ces  prononciations 
qui  l'emporte  sur  la  seconde? 

7°  M.  Dufour-Vernes  met  dans  son  post-scriptum  qu'il 
a  «  en  outre  de  fortes  raisons  de  croire  que  la  pronon- 
ciation ie  ne  se  trouve  qu'à  Paris  ».  Qu'il  veuille  bien 
constater  encore  ici  son  erreur  :  j'ai  eu  occasion  d'en- 
tendre parler  des  personnes  bien  élevées  de  toutes  les 
parties  de  la  France,  et  je  puis  lui  certifier  qu'à  de  rares 
exceptions  près,  je  ne  les  ai  jamais  entendues  dire  : 
cana-lie  (canaille);  enta-lie  (entaille),  etc. 

A  moins  qu'il  n'ait  pris  le  parti  de  rester  quand  même 
fidèle  à  sa  doctrine,  et  de  se  montrer  plus  royaliste  que 
le  roi,  j'espère  que,  cessant  de  croire  que  la  prononcia- 
tion ie  n'est  bonne  que  pour  les«  garçons  limonadiers  » 
et  les  «  demoiselles  de  comptoir  »,  M.  Dufour-Vernes 
voudra  bien  la  reconnaître,  au  contraire,  comme  la  vraie 
prononciation  de  nos  II  mouillées. 

X 

Premier*  Queslioo. 

Je  viens  de  trouver  dans  le  numéro  i9,à  la  page  \  AT, 

tout  au  commencement  de  la  seconde  colonne  :  «  je  ne 
SACUE  l'is  qu'il  y  ail,  etc.  »  Or,  pourquoi  avez-rous 
employé  le  subjonctif  au  lieu  de  l'indicatif  iz  ke  sais  pas? 
Si  rous  daigne:  me  répondre  dans  votre  journal,  vous 
m'obligerez  beaucoup. 

L'expression  que  je  sache  est  la  traduction  littérale 
de  quod  sciam,  propre  à  la  première  personne  singu- 
lière du  subjonctif  de  scire  (savoir),  que  les  Latins 
emplON aient  tantôt  dans  les  phrases  négatives,  tantôt 
dans  les  phrases  positives,  avec  le  sens  de  à  ma  con- 
naissance. 

Le  français  a  (ail  u.sagc  de  la  même  construction,  mais 
seulement  dans  les  [ihrases  négatives. 

Or,  dans  ces  phrases,  nous  pratiquons  une  inversion 
remarquable,  qui  consiste  en  ceci  : 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


189 


On  fait  passer  7c  .fac^e,  accompagné  de  la  négation  de 
l'autre  verbe,  en  tête  de  la  phrase,  ce  qui  fait  je  ne 
sachepas,  puis  on  le  fait  suivre  du  que  qui  le  précé- 
dait, en  mettant  le  verbe  suivant  au  subjonctif  sans 
négation;  par  ce  procédé  tout  français,  on  obtient  des 
phrases  comme  les  suivantes  : 

Je  ne  sache  pas  qu'oti  ait  jamais  vu  d'enfant  en  liberté  se 
tuer. 

(J.-J.  Rousseau,  dans  la  Gram.  nat.^  p.  6.i3.J 

Je  ne  sachepas  qu'i\  y  ait  eu  d'hommes  blancs  devenus 
noirs. 

(BufTon,  dans  la  Gram.  nat.,  p.  64».} 

phrases  qui  sont  mises  pour  : 

On  n'a  jamais  vu  que  je  sache  d'enfant  en  liberté  se 
tuer. 

Il  n'y  a  jamais  eu  que  je  sache  d'hommes  blancs  devenus 
noirs. 

C'est  ainsi  que  s'explique,  dans  celle  que  vous  me 
citez,  l'emploi  du  subjonctif  Je  7ie  sache  pas  au  lieu  de 
l'indicatif  Je  ne  sais  pas. 

Comme  cette  question  a  déjà  été  traitée  dans  le  Cour- 
rier de  Vauyrlas  (3'^  année,  p.  170),  ce  qui  précède,  en 
vertu  d'une  règle  adoptée  au  sujet  des  questions  qui  se 
répètent,  n'est  qu'un  résumé  de  la  solution  donnée  à 
l'endroit  indiqué. 

X 
Seconde  Question. 

Le  chut-hvant  [dont  il  vaudrait  mieux  écrire  le  nom 
CHiHDAN,  comme  vous  le  dites  dans  votre  numéro  9), 
s'appelle  aussi  par  corruption  CHOUiN.  Quelle  distinction 
l'usage  fait-il  dans  l'emploi  de  ce  dernier  et  de  cuat- 

HOANT? 

On  emploie  le  mot  chouan  : 

i"  En  zoologie,  pour  désigner  le  moyen-duc; 

2"  En  histoire,  pour  désigner  les  bandes  de  Ven- 
déens qui,  pendant  la  Révolution  et  après  ^830,  fai- 
saient la  guerre  de  partisans  contre  le  gouvernement 
français  : 

Les  Chouans  furent  ainsi  appelés  du  nom  de  leur  pre- 
mier chef,  Jean  Coitereau,  dit  le  Chouan,  et  qui  avait  lui- 
même  reçu  ce  surnom  parce  qu'il  faisait  la  contrebande  et 
avait  adopté  pour  signe  de  ralliement  le  cri  du  chathuant. 

(Bouillet,  Dict.  d'hisi.  et  de  géog.) 

Dans  tous  les  autres  cas,  on  se  sert  de  chat-huant  : 
Le  marchand  repartit  :  hier  au  soir  sur  la  brune 
Un  chat-huant  s'en  vint  votre  fils  emporter. 

|La  Fontaine,  f'ab.  IX,  i.) 

PASSE-TEMPS   GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  malgré  qu'on  en  ait  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  2'  an- 
née, p.  43);  —  2°  ...  il  en  vint  de  blancs,  de  jaunes,  de  noirs,  de 
cuivrés;  —  3*  ...  qui  ressemblent  par/ailement  à  ces  |iaii\res 
martyrs  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  1"  aniioe,  p.  11,  col.  1);  — 
4"  ...  pour  exhilier  les  lampions  (au  propre,  ou  n  arbore  que  ce 
qui  peut  se  dre3<;er  comme  un  arbre);  —  5°  Un  brave  homme,  dit 
la  Paresse  en  bâillant;  —  6'  ...  que  n'eu  a  renconirti  celle  qui  a 
eu  Heu;  —7*  ...et  il  n'y  en  a  pas  une  d'intacte  ;  —8"  ...  cela 
n'empêche  pas  que  ce  dernier  .loit... 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE    DES   GRAMMAIRIENS 

PREMIÈRE   MOITIÉ   DU   XYU'  SIECLE. 

VAUGELAS. 

iSuile  et  fin. 

Gracieux.  —  Ce  mol  ne  semble  pas  bon,  quelque 
signification  qu'on  lui  donne;  la  plus  commune  et  la 
meilleure  est  doux,  courtois,  civil  ;  il  se  met  ordinaire- 
ment après  un  de  ces  adjectifs  :  courtois  et  gracieux. 

Absinthe,  poison.  —  Dans  ses  vers,  Malherbe  fait 
absynthe  tantôt  masculin,  et  tantôt  féminin;  Vaugelas 
l'aimerait  mieux  de  ce  dernier  genre.  Quant  à  poison, 
il  est  masculin,  quoique  les  Parisiens  le  fassent  d'ordi- 
naire du  féminin,  et  disent  de  la  poLfon. 

Aimer  mieux.  —  Quand  cette  expression  est  suivie 
de  deux  infinitifs,  faut-il  mettre  que  de  ou  simplement 
que  devant  le  second?  Presque  toujours,  il  faut  mettre 
le  de,  et  il  est  certain  qu'il  est  plus  français  et  plus 
élégant  de  le  mettre  que  de  le  supprimer  :  il  leur  fil 
réponse  qu'ils  aimoient  mieux  mourir,  que  de  montrer 
aucun  signe  de  crainte  et  de  lâcheté.  Cependant,  il  y  a 
des  cas  où  Vaugelas  croit  qu'il  vaut  mieux  ne  pas 
mettre  de,  comme  dans  cette  phrase,  par  exemple  : 
j'aime  mieux  mourir  que  changer. 

Pour  afin.  —  Cette  expression  est  tellement  barbare, 
que  Vaugelas  s'étonne  qu'il  y  ait  tant  de  gens  à  la  Cour 
qui  s'en  serrent. 

5e  fier.  —  Ce  verbe  a  quatre  constructions  :  se  fier  à, 
se  fier  sur,  se  fier  en,  se  fier  de.  La  préposition  de  n'est 
plus  en  usage;  beaucoup  croient  que  la  vraie  préposi- 
tion requise  est  en;  mais  fl,qui  se  construit  depuis  peu 
avec  se  fier,  esLdesliné  à  supplanter  en. 

A  avec  l'u.n  et  l'autue.  —  L'  «  article  »  ou  la  préposition 
à  veut  être  répétée  entre  ces  deux  mois  l'un  et  l'autre. 
Il  faut  dire  cela  convient  à  l'un  et  à  l'autre,  et  non  cela 
convient  à  l'un  et  l'autre.  Cette  construction  doit  être 
observée  avec  toutes  sortes  de  prépositions  :  pour  l'un 
et  pour  l'autre,  avec  l'un  et  avec  l'autre. 

Asseoir  un  jugement.  —  Ne  peut  se  dire  qu'avec  le 
verbe  à  l'infinitif;  on  ne  peut  employer  asseoir  aux 
autres  temps;  il  faut  le  remplacer  par  le  verbe  faire. 

Pas  pour  passage.  —  II  n'est  permis  de  dire  pas  pour 
passage  que  pour  exprimer  quelque  «  détroit  »  de 
montagne  ou  quelque  passage  difficile,  comme  le  pas  de 
Suze. 

Insulter.  —  Mot  fort  nouveau,  mais  excellent  pour 
exprimer  ce  qu'il  signifie.  Coëffeteau  le  vit  naître  quelque 
temps  avant  sa  mort, et  il  prédit  ce  qui  est  arrivé,  c'est- 
à-dire  qu'il  serait  reçu  dans  quelque  temjis  aussi  bien 
qn'insidte.  Cette  phrase  lui  semblait  particulièrement 
élégante  :  insulter  à  la  misère  d'autrui. 

Pudeur.  —  11  a  été  introduit  par  Desportes.  Ce  mot 
nous  élait  bien  nécessaire,  car  honte  veut  dire  la  bonne 
et  la  mauvaise  honte,  ce  qui  le  rend  équivoque,  tandis 
que  pudeur  ne  signifie  que  la  bonne  honte. 

Il  sied.  —  Ce  verbe  est  fort  «  anomal  »  dans  sa  cou- 


190 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


jugaison;  il  ne  s'emploie  qu'aux  temps  suivants  :  au 
présent  de  l'indicatif,  il  sied:  à  l'imparfait,  ce/a  luiscioit 
bien;  au  futur,  cela  cous  seira  bien;  à  l'impératif,  qu'il 
lui  seie  bien  ;  au  conditionnel  seieroit.  Il  n'a  point  d'in- 
finitif. Au  participe  présent,  il  ne  s'emploie  que  pour 
les  mœurs,  et  non  pour  les  habits. 

Croyance,  créance.  —  Se  prononcent  tous  deux  à  la 
Cour  de  la  même  façon,  à  cause  de  la  diphtliongue  oi 
ou  oy,  qui  sonne  é.  Ce  sont  néanmoins  deux  ci  oses 
différentes,  comme  le  prouvent  ces  exemples  ;  une  lettre 
de  créance,  avoir  la  créance  de  quelqu'un,  et  ce  n'est 
pas  ma  croyance. 

Entaché.  —  Ce  mot,  qui  se  dit  des  fruits  en  .\njou, 
est  dans  la  bouche  de  presque  tout  le  monde;  on  dit 
entaché  d'un  vice  pour  taché,  souillé  d'un  vice;  mais  il 
est  extrêmement  bas,  et  un  des  plus  excellents  poètes 
modernes  s'étant  laissé  aller  au  «  torrent  du  peuple  » 
qui  parle  ainsi,  s'en  est  vu  reprendre  comme  d'un  mot 
indigne  de  la  place  où  iU'emploie  (1657). 

Inonder.  —  Coëfl'eteau  et  quelques  auteurs  de  son 
temps  se  servent  de  ce  verbe  d'une  manière  qui  n'est 
pas  commune;  ils  l'emploient  avec  la  préposition  sur  et 
neutralement  :  le  Po  qui  avoil  inondé  sur  les  terres  voi- 
sines. Néanmoins  l'usage  ordinaire  est  de  faire  inonder 
actif,  et  de  dire  inonder  les  terres  voisines. 

Jaillir.  —  Employé  pour  réjaillir,  ce  verbe  n'est  pas 
fort  bon;  c'est  peut  être  un  défaut  du  pays,  où  l'on  se 
sert  de  plusieurs  verbes  simples  au  lieu  des  composés; 
ne  dit-on  pas  tasser  et  siéger  pour  entasser  et  assiégera 

Monseigneur,  Monsieur,  Madame,  Mademoiselle.  — 
Ces  mots  ne  peuvent  pas  être  mis  indifféremment  dans 
tous  les  endroits  d'une  lettre  ou  d'un  discours.  Ordi- 
nairement, on  les  place  fort  mal.  Voici  des  règles  pour 
ne  pas  tomber  dans  ce  défaut  :  1°  Il  ne  faut  jamais, 
dans  la  première  période  d'une  lettre  ou  d'un  discours, 
répéter  le  mot  Monseigneur,  Monsieur,  par  lequel  on  a 
commencé;  ce  serait  importuner  et  non  respecter  la 
la  personne  que  l'on  prétend  honorer;  2°  Après  vous 
finissant  le  membre  de  la  j)ériode,  il  faut  mettre  Mon- 
seigneur, Monsieur,  etc.  ;  ainsi  il  n'appartient  qu'à 
vous,  Monseigneur,  etc.,  vaut  beaucoup  mieux  que  sans 
Monseigneur  ;  3°  II  faut  bien  faire  attention  à  ne  point 
mettre  ce  titre  après  un  verbe  actif,  à  cause  de  l'équi- 
voque ridicule  qu'il  peut  faire,  comme  dans  je  ne  veux 
pas  acheter.  Madame,  si  peu  de  chose  à  si  haut  prix  ; 
4°  Ne  point  le  mettre  non  plus  entre  le  substantif  et 
l'adjectif,  ne  point  dire,  par  exemple,  c'est  un  adver- 
saire. Monsieur,  très-insolent  ;  5°  On  ne  doit  jamais 
mettre  ni  Sire,  ni  Monseigneur,  ni  Madame  après  votre 
Majesté,  votre  Eininence,  ou  votre  Altesse  ;  mais  on  les 
peut  mettre  devant,  et  dire  Sire,  votre  Majesté  ne  souf- 
frira pris;  Madame,  votre  Altesse  est  si  sage. 

Si  en  écrivant  on  peut  mêler  vovs  avec  votre  majksté, 
VOTBE  Ai.TKssK  et  autres  expressions  semblables.  —  Dans 
une  lettre  pas  trop  longue,  il  faut  toujours  mettre  votre 
Majesté,  et  jamais  vous.  Dans  une  longue  lettre  on  dans 
un  discours  de  longue  haleine,  on  peut  dire  tantôt  vous 
et  tantôt  Votre  Majesté.  Les  plus  scrupuleux  avouent 
qu'il  y  a  même  des  endroits  où  il  faut  nécessairement 


dire  vous,  comme  dans  vous  êtes,  Madame,  la  plus 
grande  Reine  du  monde. 

Alte,  halle.  —  Faut-il  écrire  faire  halte  avec  une  h, 
ou  sans  h?  La  plus  saine  et  la  plus  commune  opinion 
est  qu'il  faut  écrire  alte  sans  h,  et  sans  avoir  égard  aux 
diverses  étymologies  contraires  que  l'on  pourrait  invo- 
quer :  une  foule  de  témoins  assurent  qu'ils  n'ont  jamais 
entendu  aspirer  dans  cette  expression. 

Hampe,  hante.  —  On  dit  la  hampe  ou  la  hante  d'une 
hallebarde;  mais  hampe  est  incontestablement  le  meil- 
leur, comme  étant  le  plus  en  usage. 

Et  qu'ainsi  ne  soit.  —  Cette  façon  de  parler  semble 
dire  tout  le  contraire  de  ce  qu'on  lui  fait  signifier,  car 
son  véritable  sens  est  et  qu'ainsi  soit.  On  ne  peut  pas 
voir  un  plus  bel  exemple  de  la  force  ou  de  la  tyrannie 
de  Pusage  contre  la  raison.  Cependant  ce  sont  ces 
choses-1 1  qui  font  d'ordinaire  la  beauté  des  langues. 

Tout  de  même  que.  —  N'est  pas  absolument  mauvais, 
mais  il  est  extrêmement  bas;  si  Vaugelas  en  a  fait  lui- 
même  souvent  usage,  c'est  parce  qu'il  ne  connaît  que 
depuis  peu  la  faute  dont  il  avertit  les  autres. 

ToDT  avec  plusieurs  substantifs.  —  On  ne  doit  pas 
mettre  cet  adjectif  avant  ces  substantifs;  il  faut  le 
répéter  devant  chacun  d'eux.  Par  exemple,  il  ne  faut 
pas  dire  pour  voir  toutes  les  beautez,  l'artifice  et  les 
grâces  parfuiiement  employées;  il  faut  dire  pour  voir 
toutes  les  beautez,  tout  l'artifice  et  toutes  les  grâces 
parfaitement  employées.  11  semble  que  tous  les  substan- 
tifs qui  suivent  sont  jaloux  du  premier  si  on  ne  les 
traite  pas  avec  autant  d'honneur.  Mais  si  les  substan- 
tifs sont  synonymes  ou  approchants,  on  peut  à  volonté 
répéter  ou  ne  pas  répéter  tout. 

Le  participe  crai.me.  —  Il  a  si  mauvaise  grâce  dans 
les  temps  composés, qu'il  faut  Téviler  avec  soin;  ainsi, 
qui  ne  sent  la  rudesse  de  ce  mol  dans  c'est  une  chose 
que  j'ai  toujours  crainte?  EWe  provient  sans  doute  de 
l'équivoque  de  ce  participe  avec  le  substantif  c;'rt/«/e. 

Des  noms  qui  ont  à  la  fois  la  signification  active  et 
la  signification  passive.  —  Le  mot  estime  a  la  signifi- 
cation active  dans  mon  estime  n'est  pas  une  chose  dont 
vous  puissiez  tirer  grand  avantage,  el  la  signification 
passive  dans  mon  estime  ne  dépend  pas  de  vous.  Les 
mots  aide,  secours,  opinion,  peuvent  s'employer  d'une 
manière  analogue. 

Prendre  à  témoin.  —  Quand  on  met  tous  dans  cette 
phrase,  il  faut  que  témoin  soit  au  singulier  -.je  vous 
prends  tous  à  témoin,  parce  qu'il  signifie  alors  témoi- 
gnage, ce  dont  il  ne  faut  pour  preuve  que  celte  formule 
si  ordinaire  :  en  témoin  de  quoi  j'ai  signé  la  présente. 
Pardonnable.  —  0;i  abuse  souvent  des  adjectifs  ver- 
baux, el  en  particulier  de  celui-ci,  qui  ne  se  dit  jamais 
des,  personnes,  mais  seulement  des  choses. 

Encore  (pielqucs  pages,  qui  sont  consacrées  au  barba- 
risme, au  solécisme  et  aux  équivoques,  autant  de  vices 
contre  la  pureté  et  la  netteté  du  style,  cl  Vaugelas  ter- 
mine le  troisième  et  dernier  volume  de  ses  liemarques. 

FIN. 


Lk  Rkoacteuk-Uerant  :  Eman  MARTIN. 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES  DANS  LA  CINQL'liiME  ANNÉE  DE  CE  JOURNAL. 


QUESTIONS    RESOLUES. 


A. 


Affouiller.  Le  verbe  —  est-il  français  ou  ne  l'est-il  pas.  p.  36. 

Alcaraza  ou  Alcarazas.  S'il  faut  dire  — ,  p.  76. 

A  part  soi.  bi  dans  —  il  convient  de  mettre  un  t  à  pari,  p.  107. 

Apprendre  quelqu'un  à.  Si  l'on  peut  dire  — ,  p.  156. 

Après  moi  le  diflurje.  Coniinuiiicalion  sur  —,  p.  8'J. 

A  gui  mieux    mieux.   Explitalion    du   redoublement    de   mieux 

dans  — ,  p.  140. 
Algol.  Causes  de  la  propagation  de  1'  —  dans  notre  langue,  p.  105. 
Armes  de  Bourges.    Pourquoi   un   ignorant  dans  un  fauteuil  est 

dit  représenter  les — ,  p.  155. 
Arriier  comme  mars  en  caicme  et  Arriver  comme  marée  en 

carême.  Diflerence  entre  — ,  p.  140. 
Ascension  et  Assomplion.  Différence  entre  — ,  p.  140. 
As  percé.  Explication  de  — ,  terme  de  bouillotte,  p.  92. 
Aube  des  mouches.  Quelle  heure  de  la  journée  indique  l'expres- 
sion r  — ,  p.  19. 
Aulant.  Communication   sur  l'origine   de   — ,   donnée   dans  la 

3*  année,  p.   162. 
Autant  pour  le  brodeur.  Véritable  signification  de  — ,  p.  91. 
Autrui.  Cas  où  le  pronom  —  ne  peut  s'employer  pour  un  autre. 

p.  37. 
Avachir.  Elymologie  de  — .  p.  lOS. 

Avent.  Pourquoi  un  e  dans  — ,  temps  qui  précède  Noël,  p    180. 
Avoir    la    beauté    du    diable.   Signification   el   origine   de   — , 

p.  187. 

B. 

Battre  ta  campagne.  Origine  de  l'expression  —,  p.  28. 
Bâtonnier.   Pourquoi   le   chef  anouel  des   avocats  sappelle  —, 

p.  90. 
Biche  émissaire.  Si  en  parlant  d'une  femme,  —  peut  se  dire, 

p.  28. 
Bistouri.  Elymologie  de  —,  p.  26. 
Boire  sec.  Sens  littéral  de  l'expression  —,  p.  92. 
Bois   de  corde.  Pourquoi  un  certain  bois  à  brûler  s'appelle  — , 

p.  124. 
Bosseler  ou  Bossucr  une  cafetière.  S'il  faut  dire  —,  p.  20. 
Bouleiart.  S  il  convient  décrire  — ,  p.  108. 
Brosser  les  bois.  Sens  de  — ,  p.  123. 

G. 

Calino.  Origine  du  néologisme  — ,  p.  28. 

Calrados.  Origine  de  — ,  p.  59. 

Calvados.  Cotnm  mication  relative  à  l'origine  de  — ■.  p    113. 

Cap  faijot.  Origine  de  l'exi  ression  :  Doubler  le  — ,  p.   100. 

Cupharnadm.  Communication  relative  à  — ,  p.  73. 

Casser  sa  pipe.  Poupiuoi  —  a  le  sens  de  .Mourir,  p.  2^^. 

Cela  ne  vous  chaut  guère.  Si  la  construction  de  —  est  bien  cor- 

recle,  p.  139. 
Cercle  de  Popilius.   Signification  et  origine  de  l'expression  — , 

p.  156. 
Ces  animaux.  Si,  après  avoir  parlé  d'un  certain  animal,  on  peut 

dire  —,  p.  12i 
C'est  au  diat'te  auverl.  Origine  du  proverbe  — ,  p.  99. 
Charniir.  Si  le  mot  —  s'est  employé  autrefois  pour  désigner  un 

cimetière,  p.  33. 
Charnier.  Communication  relative  à  — ,  p.  65. 
Chal-huanl.  Elymologie  de  l'expression  — ,  p.  67. 
Chat  huant  el  Chouan.  Diflerence  d'emploi  entre  — ,  p.  189. 
Chercher  midi  à  quatorze  heures.  Origine  de  l'expression   — , 

-,  P- 
Comte-Venaissin  ou  Comtat- \  enaissin.   Si   l'on  doit   dire  — 

t>.  170. 
Confortable.    Pourquoi    l'adjectif   —    n'a    pas  à'm    comme   en 

anglais,  d'où  il  e>t  tiré,  p.   180. 
Conter  rieuret tes.  Véritable  signification  de — ,  p.  114. 
Courte  honte.  Explii  ation  de  l'expression  — ,  p.  130. 
Courte  honte.   Communication    relative  à  un  proverbe  espagnol 

cité  au  sujet  de  — ,  p.  177. 
Cresson  alenois.  Pourquoi  un  certain  cresson  s'appelle — ,  p.  91. 
Cuver  .son  rin.  Véritable  signification  de  — ,  p.  187. 
Cylindrcr  du  linge  ou  Calandrer  du  linge.  Lequel  vaut  le  mieux 

—,  p.  116. 

D. 

Daigner.  Le  verbe  —  est  nécessairement  actif,  p.  60. 

De  ou  Des.  S'il  faut  mettre  —  devant  un  adjectif  précédé  de  £«, 

p.  115. 
De  ou  Des.  Cornmunicition  de  M.  Cb.   Deidin,  relative  à  l'eui- 

ploi  de  —  devant   un  qualificatif  précédé  du  pronom  En, 

p.  138. 
De  ou  Des.  Réponse  à  M.  Ch.  Doulin  sur  —,  p.  153. 
De  ou  Des.  Réplique  de  ."U.  Charles  Deulm  sur—,  p.  185. 
Déplus  belle.  SigniJication  littérale  de  —,  p.  132. 


Découvreur.  Emploi  du  terme  —,  p.  114. 

Dégringolé.  Si  le  participe  —  est  invariable,  p.  60. 

Dégringoler.  Etyniologie  de  — ,  p.  68. 

Demander  excuse,  s  il  est  vrai  que—  soit  une  mauvaise  expres- 
sion, p.  I. 

Dèi  le  potrou  minet.  Signification  littérale  de  —,  p.  89. 

Des  plus.  Avec  quoi  doit  s'accorder  l'adjectit  précédé  de —,  p.  76. 

Devoir.  Si  le  verbe  —  au   passif  peut  avoir  pour  sujet  un  nom 
signihant  une  chose  préjudici.ible  à  quelr|u'Hu.  p.  67. 

Donner    un  poil   à   quelqu'un.    Significttion    littérale    de    —, 
p.  164. 

Donner  un  suif  à  quelqu'un.  Origine  de  l'expression  —,  p.  171. 

Dormir  la  grasse  matinée.  Origine  de  l'expression  —,  p.  74. 
E. 

E.   Pourquoi  —  prononcé   eu   dans    Cueillir,    Recueillir,   etc., 

p.  lût. 
Eau.  Comment  le  mot  —  s'est  formé  du  latin  Aqua,  p.  18. 
Ecœurer.  Si  aujourd'hui  —  est  devenu  franc  lis,  p.  106. 
Ecrevisse.  Elymologie  de  —,  p.   138. 
Efficace.   Quand  le  substantif  —  peut  se  dire  pour  Efficacité. 

p.  180. 
EmonctiOH.  Juslificition  de  l'emploi  de  — ,  p.  51. 
En.  Réponse  à  .M.  Coudray  où  il  est  démontré  que  —  mis  pour 

un  substantif  partitif  est  régime  direct,  p.  177. 
En  avoir  dans  l'aile.  Pourquoi  —  signifie  un  espace  de  temps, 

p.  .■). 
Ente.  .Nature  du  mot  —  dans  Prunes  d'ente,  p.  123. 

F. 
Faire  fiasco.  Origine  de  —,  p.  4. 
Faire  fiasco.  Communication  relative  à  —,  p.  41. 
laire  fiasco.  Réponse  à  la  communication  sur  — ,  p.  57. 
Faire  four.  Origine  de  l'expression  —,  p.  52 
Faire  la  barbe  à  quelqu'un.  Origine  de  l'expression  proverbiale 

— ,  p.  76. 
Faire  valoir  le  bouchon.  Signification  de  la  phrase — .  p.  124. 
Faire  son  compliment  à  quelqu'un.  Si  —  peut  se  dire  à  l'occa- 
sion d'un  malheur,  p.   140. 
Faire  des  chlleaux  en  Espagne.  Origine  du  proverbe  —,  p.  178. 
Faisant  ou  Fc.utnI.  S'il  faut  écrire  — .  p.  173. 
Fautif  Eni)  loi  de  —  pour  qualifier  une  personne  qui  a  commis 

une  faute,  p.  75. 
Félibre.  Signifie  ilion  et  elymologie  de  — .  p.  164. 
Fiu.  Et_Mnolo;;ie  de  l'ailjcciif  —,  p.  97. 
1  ier-à-liias.    M  lyen   de   faire  disparaître  la  dilUculté  qu'offre  le 

pluriel  de  — .  p.  26. 
Fils.  Si  le  mot  —  doit  se  prononcer  fi  ou  fisse,  p.   108. 
Finales  nasales,  s'il  faut  toujours  lier  les  —,  et  comment  celle 

liaison  doit  se  faire,  p.  107. 
Fin'isterre.  Pourquoi  il  est  masculin  dans  :  Département  du  —, 

p.  43. 
Flageolet.  Comment  —,  au  sens  de  haricot,  est  venu  de  Faseolus, 

p.  9. 
Flageolet.  Communication  relative  à  —,  p.  41. 
Flageolet.  Réponse  à  la  communication  du  numéro  6,  p.  57. 
Flagorner.  Elymologie  du  verbe  — .  p.  146. 
Fruit-sec  ou  Fruits-secs.  S'il  faut  écrire  au  singulier  —,  p.  84. 

G. 

Greffe   et   Ente.  Si  les  deux  substantifs    —   sont   synonymes, 

p.  163. 
Grincer  les  dents  ou  Grincer  des  dénis.  S'il  faut  dire  —,  p.  186. 
Guet-apens.  Elymologie  de  — ,   et  son  orthographe  au  pluriel, 

p.  106. 

H. 

Habitants  des  villes  de  France.  -Noms  donnés  aux  — .  p,  82. 
Habitants  ries  villes  de  France.   Ccuiiniunicaliori  de  M.  Fillemin 

relative  à  l'utilité  d'expliquer  les  noms  irréguliers  des  —, 

p.  113. 
Habitants  des  villes  de  France.  Communication  par  M.  George 

Garnier  d'une  liste  complémentaire  des  noms  des  —,  p.  137. 
Habitants  des  villes  de  France.  Réponse  a  M.  Fillemin,  p.  145. 
Habitants  de   Pau.    Communication    relative   au   nom    des    — , 

p.  145. 
Huguenot.  Elymologie  du  mot  — ,  ]i.  42. 
Humeur.  Comment  du  sens  de  liquide  —  a  pu  passer  à  celui  de 

disposition  d'espril,  p.  4. 

L 

//  fait  faim.  Si  l'expression  —  est  française,  p.  124. 

/(   l'a  échappé  belle.  Pourquoi  le  participe  dans  —  doit  rester 

invariable,  p.  122. 
//  n'est  métier.  Signification  de  —,  p.  20. 


492 


LE  COURRIER  DE   VAUGELAS 


Interroger.  Si  le  verbe  —  peut  s  iolerjeter  dans  une  phrase,  p.  36. 

J. 

Je  lie  sache  pas.  Explicalion  de  —  employé  au  commencement 

dune  phrase,  p.  1S8. 
Jusqu'à  ce  que.   Phrase  dans  laquelle  —  doit  être  remplacé  par 

Avant  que,  p.  163. 

Li. 

LL  mouille'cx.  Comment  doivent  se  prononcer  les  —,  p.  H- 

LL  mouillées.  Communication  de  M.  Dul'our-Vernes  sur  la  pro- 
nonciation des  — ,  p.  17t. 

Il  mouillées.  Réponse  à  M.  Dufoin-Vernes  surles— ,  p.  187. 

Laisser-iJasser.  La  mailleure  manière  d'écrire  le  substantif  com- 
posé — ,  p.  36. 

Langue  d'oil.  Coninient  il  faut  prononcer  —,  p.  187. 

larmes  de  crocodile.  Comuuinication  relative  à  —,  p.  9. 

Larmes  de  crocodile.    Si   larmes  dans   l'expres.sion  —  signiûe 
Gémissements,  p.  121. 

Laver.  Elvmologie  de  —  signifiant  Vendre,  p.  4. 

Laver.  Communication  relative  à  —,  p.  17. 

Le  onze,  le  onzième.  Pouniuoi  on  écrit  — ,  et  non  L'onze,  L  on- 
zième, p.  16. 

L'être.  Cas  dans  lesquels  —  peut  remplacer  un  verbe  précédent 
mis  au  passii,  p.  147. 

M. 

Manger  sur  le  pouce.  Explication  de  l'emploi  de  Sur  dans  l'ex- 
pression — .  p.  73. 
Manger  la  grennuilie.  Véritalile  sens  et  origine  de  —,  p.  180. 
Marchand.  Pourquoi  —  s'emploie  pour  Acheteur,  p.  12. 
Meditaieiir.  Pourquoi  on  ne  dit  pas  —  quand  on  dit  Méditation, 

V-  163.  ,       ,, 

Morgue.  D'où  vient  le  nom  de  —,  lieu  où  1  on  dépose  les  noyés 

à  Paris,  p.  58. 

N. 
Naître.  Si  l'on  peut  employer  —  dans  celte  phrase  :  Naître  un 

sujet,  p.  35. 
Naître.  Communication  concernant  le  verbe  —,  p.  49. 
Ne.  Comment  une  phrase  comparative  peut  être  incorrecte  avec 

landis  qu'une  autre  est  correcte  sans — ,  p.  131. 

Ne  donnons  pas  trop  pour  le   si/flel.   Signification  et  origine 

de  — ,  p.  58.  . 

Ne  m'en  veuillez  pas  ou  Ne  m'en  voulez  pas.  Si  1  on  doit  dire 

— ,  p.  44. 
Ne  pas  laisser  que  de.  Communication  de   M.   Ernest  David  au 

sujet  de  l'expression  —,  p.  137. 
Ne  pas  laisser  que  de.  CommuDicalion  de  M.  Charles  SouUier  au 

sujet  de  l'expression  — ,  p.  162. 
Numéro.  Place  que  doit  occuper  le  —  dans  la  suscription  d  une 

lettre,  p.  \li. 
Numéro.   Commnnicalion   sur   la  place  que  doit  occuper   le  — 

dans  la  s,isrrl|ilion  d'une  lettre,  p.  161. 
Numéro.  Communication   de  II.  Fillemin  sur  la  place  que  doit 

occuper  le  —  dans  la  suscriidion  d'une  lettre,  p.  178. 

0. 

Omelette.  Elymologie  du  mot  —,  p.  49.  .    „     ,        „ 

Orgue  de  barbarie.  Pourciuoi  1  orgue  *  manivelle  s  appelle  —, 
p.  67. 

p. 
Pantalon.   Comment   le    terme  —  a  pu    désigner   un  homme, 

Pantoufles  de  verre  el  Pantoufles  de  mir.  Laquelle  des  expres- 
sions —   est  la  meilleure,  p.  66. 
Pardon  de  la   litierle   grande.    Communication  relative   à  une 

erreur  commise  sur  l'âge  de — ,  p.  1. 
Parfaitement.  Conslructiou  de  l'adverbe  —,  p.  170. 
Parler  du  puils.  Sens  et  origine  de  —,  p.  170. 
Pariicipc  passé.   Accord  du    —  ayant  pour  régime  Que  précédé 

de  deux  .substintifs  séparés  par  De,  p.  11. 
Participe  passé.   Accord   du   —  précédé  de  En  et  d  un  adverbe 

de  quantité,  p.  12. 
Participes  présents.  Pourquoi   nos  —  ont  une  (iaale   identique 

iiuoique  venus  de  mots  latins  en  ans  et  en  ens,  p.  115. 
Participe   passe.  Pourquoi  le  —  invariable  quand  il  a  pour  seul 

régime  En,  p.  147. 
Payer  en   monnaie  de  singe.   Signification  el  origine  de  — , 

p.  20.  ,      , 

Perpignan.  D'où   vient  le  nom  de  —  désignant  un  manche  de 

l'cMict,  p.  165. 
Phrases   interjetées.   S'il   est   permis  d'employer  dans  les  —  un 

verbe  qui  tienne  lieu  de  son  participe  présent  précédé  dn 

verbe  Dire,  p.  51.  ,.        ,    . 

Phrases  interjetées.  Communications  de  M.  Ch.  Deulin  relatives 

aux  verbes  des  —,  p.  138  et  185. 


précédée  de  De  est  bien  cor- 


Phrases  interjetées.  Réponses  à  M.  Ch.  Deulin,  p.  153  et  186. 
Plaindre   (Se).    Communication   de   M.   Ch.    Deulin   relative  au 

subjonctif  mis  après  — ,  p.  138. 
Plaindre  (.Se).  Réponses  à  M.  Ch.  Deulin,  p.  154  et  186. 
Plaindre  (Se).  Cas  dans  lequel  —  veut  toujours  l'indicatif  après 

lui,  p.  171. 
Plus  bon.  Dans  quels  cas  on  dit  —  au  lieu  de  Meilleur,  p.  74. 
Plus.  Place  de  l'adverbe  —  quand  il  est  répété,  ou  employé  avec 

Moins  dans  les  phrases  proportionnelles,  p.  122. 
Pointe  ou  Point.  S'il  faut  dire  :  Une  loi  qui  — ,  p.  116. 
Pourquoi.  Quand  il  faut  mettre  —  eu  deux  mots,  et  en  un  seul 

mol,  p.  1561 
Prendre  sans  vert.  Signification  et  origine  de  —,  p.  13. 
Prendre   quelque  chose   au  pied  de   la   lettre.   Explication  de 

l'expression  —,  p.  169. 

Q. 

Que...  qui.  Si  l'on  doit  employer  la  construction  — ,  p.  10. 
Que...  qui.  Communications  de  M.  Ch.  Deulin  relatives  au  gal- 
licisme que  forment  —,  p.  138  et  187. 
Que...  qui.  Réponses  à  M.  Ch.  Deulin,  p.  154  et  186. 
Querelle  d'Allemand.  Origine  de  — ,  p.  81. 

R. 

Rancart.  Signification  exacte  de — ,  p.  3. 
Recroqueviller.  Elymologie  de  — ,  p.  100. 
Régalia  ou  Régalias.  S'il  faut  dire  — ,  p.  83. 
Retour  de.  Si  l'expression  —  non  précédée  di 

recle,  p.  172. 

Rossinante.  Explication  des  deux  genres  de  — ,  p.  100. 
Rouchi.  Ce  qu'on  entend  par  patois  — ,  p.  123. 
Rue  R'iChepnnce.  Origine  de  la  dénomination  —,  p.  76. 
Rue  du  Cherche-Midi.  Origine  de  la  dénomination  — ,  p.  169. 

S. 

Salmigondis.  Origine  et  véritable  sens  de  — ,  p.  84. 

Saperlipopette.  Sens  et  origine  de  — ,  p.  27. 

Second   et  Deuxième.   Si  les  adjectifs   —    diffèrent   d'emploi, 

p.  52. 
S'en  moquer  comme  de  l'an  quarante.  Origine  du  proverbe  —, 

p.  35. 
S'en  moquer  comme  de  l'an  quarante.  Communication  relative 

à  —,  p.  65. 
Septennat.  Si  —  est  un  bon  néologisme,  p.  3. 
Seul  à  seul.  Orthographe  de  l'expression  —,  p.  44. 
.Si.  Devant  quels  mots  s'emploie  l'adverbe   —  dans  le  sens  de 

Tellement,  p.  116. 
Sophisticateur.  Pourquoi  on  ne  dit  pas  —  quand  on  dit  Sophis- 

ticntion,  p.  163. 
Sorcellerie.  Comment  le  mot  —  a  pu  dériver  de  Sorcier,  p.  148. 
Sortir  d'un  emploi  le  bâton  blanc  à  la  main.   Communication 

sur  —,  p.  25. 

T. 

Tapis  étrnits  dont  on  couvre  les  escaliers.  Par  quel  nom  on 

désigne  en  français  les  — ,  p.  45. 
Tartuffe.  Où  Molière  â  pris  le  nom  de  —,  p.  129. 
TartujI'e.  Variante  de  l'origine  de  —  par  Bref,  p.  147. 
Tendre   comme  la  rosée.    Explication  de    la    comparaison    — , 

p.  l.!9. 
Tenir  ta  corde.  Signification  et  origine  de  l'expression  —,  p.  4'i. 
Tintamarre.  Origine  <Ui  mot  —,  p.  34. 

Tirer  une  cnrntle  à  quelqu'un    D'où  vient  l'expression  —,  p.  17. 
Tili.  Elvmologie  du  mol  —  p.  43. 
Tili  el  Voi/ou.  Différence  qu'il  y  a  entre  —,  p.  84. 
Un  trimestre  de  spectateurs.  Raison  pour  laquelle  —  ne  peut  se 

dire,  p.  61. 

U. 

llilan.  La  meilleure  manière  de  prononcer  —,  p.  83. 

Un  averti  en  vaut  deux.  Ce  que  signifie  Averti  dans  le  pro- 
verbe — ,  et  si  l'on  peut  dire  :  Un  bon  averti  en  vaut 
deux,  p.  131. 

Un  petit  peu.  Si  l'on  peut  se  servir  de  —,  que  condamnent  plu- 
sieurs grammairiens,  p.  43. 


Vaucluse.  S'il  faut  dire  :  le  département  de  —,   le  département 

de  la  —  ou  simplement  le  —,  p.  18. 
Veuillions.  Si  —  esl  le  subjonctif  du  verbe  Vouloir,  p.  68. 
Vivre.  Si  l'on  peut  faire  de-  un  verbe  actif,  p.  35. 

Y. 

y.   Prononciation  de  —  quand  il  se  trouve  entre  deux  voyelles, 

p.  4.i. 


BIOGRAPHIES    DONNEES 


Antoine  Oudin,  numéros  I,  2,  3,  4,  5,  6,  7,  8. 


Vauoelas,  numéros  9,  10,  U,  12,  13,  jusqu'à  2i. 


Imprimerie  GouvERKEun,  G.  Daupbley  à  Nogent-le-Rotrou. 


G''  Année 


N"  1. 


1"  Mai  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^' 


A\Vv  Journal  Semi-Mensuel  <V  /       // 

^      CONSACRÉ    A    LA     PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE     LA    LANGUE     FRANÇAISE       '^J     J 


Paraissant    le    1"   et    le    15     de    chaque    mois 


{Dans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Acadcmie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

Abonnement  pour  la  France.     6  f. 
Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

PROFESSEUR   SPÉCIAL  POUR  LES   ETHANOERS 

Officier  d'Académie 

On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces, la  ligne.          50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à.  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quelconque. 

Le  Rédacteur  du  Courrier  de  Yaugelas  remercie 
d'avance  ceux  d'entre  ses  lecteurs  qui,  dans  le  courant 
de  cette  6=  année,  voudront  bien  lui  adresser,  soit  des 
questions  à  résoudre,  soit  des  phrases  fautives  trouvées 
dans  les  auteurs  contemporains,  soit  enfin  des  obser- 
vations critiques  sur  les  solutions  qu'il  aura  données. 

SO.MMAIRE. 
Communications  relatives  à  Félibre;  —  Origine  de  l'expression 
Attende:,-moi  soms  l'orme;  — Eiymologie  et  signification  de 
Boui-boui;  —  Pourquoi  on  ne  dit  plus  Acculer  ses  souliers  1 
Origine  et  sens  de  VŒitf  de  Christophe  Colomb;  —  Pro- 
nonciation de  Avril;  —  Explication  de  Rat  dans  le  sens 
d'avare  B  Passe-temps  grammatical  ||  Biographie  de  Laurent 
Chifjlet  II  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature  ||  Renseigne- 
ments aux  professeurs  français  [  Concours  littéraires. 


FRANCE 


GOM.MUNICATIONS. 

Dans  mon  numéro  21  de  la  Cinquième  année,  j'avais 
à  résoudre  la  question  de  savoir  ce  qu'on  entend  par 
félibre.  et  d'où  vient  ce  terme  nouveau. 

Il  m'a  été  facile  de  répondre  exactement  à  la  première 
partie  de  cette  question  ;  mais  il  n'en  a  pas  été  de  même 
pour  la  seconde  :  félibre  était-il  un  mot  créé  par  les 
modernes  poètes  provençaux,  ou  l'avaient-ils  pris  tout 
fait  dans  leur  langue? 

J'envoyai  le  numéro  qui  traitait  de  cette  question  à 
M.  Roumanille,  le  priant  de  me  renseigner  sur  la 
naissance  de  félibre.  L'aimable  poète  s'est  empressé  de 
me  répondre  une  longue  lettre,  parce  qu'il  n'a  pas  eu 
le  temps  de  la  faire  plus  courte,  où  je  trouve  ce  qui 
suit  : 

Il  Or,  Marie  et  Josepti,  un  jour,  perdirent  de  vue  le  petit 
Jésus. 

B  El  ils  étaient  très-inquietR,  et  ils  le  cherchaient  partout. 

»  Et  ils  disaient  à  tous  ceux  qu'ils  rencontraipnt  :  Notre 
petit  Jésus  s'est  égaré.  N'auriez-vouspas  vu  notre  petitJêsus? 

»  Et  tout  le  monde  répondait  :  Nous  ne  l'avons  pas  vu. 

»  Et  Joseph  et  Marie  étaient  très-inquiets,  et  ils  cher- 
chaient partout  le  petit  Jésus. 


»  Longtemps,  longtemps  ils  le  cherchèrent.  Ils  le  cher- 
chèrent tant  qu'ils  finirent  par  le  trouver. 

»  Où  était  donc  le  petit  Jésus? 

»  Le  petit' Jésus  était  assis  au  milieu  des  sept  félibres  de 
la  loi.  » 

C'est  une  page  de  l'Evangile  telle,  à  peu  prés,  que  nos 
mères  nous  la  récitaient  en  provençal,  telle  que  quelques 
rares  vieillards  la  récitent  encore,  n'oubliant  jamais  de 
dire  ;  au  milan  di  sel  félibre  de  la  léi,  au  milieu  des  sept 
félibres  de  la  loi. 

.  Ainsi,  il  est  certain  que  le  mot  félibre  n'a  point  été 
créé  par  les  poètes  modernes  de  la  Provence,  et  que  ce 
nom,  quand  ils  l'ont  adopté,  existait  depuis  un  certain 
temps  déjà  dans  la  langue  populaire  de  leur  pays. 

J'avais  indiqué  pour  origine  de  félibre  celle  qu'avait 

donnée  M.  Ed.  Baillière,  oi/^Spoç,  ami  du  beau,  (qui 

a  été  imprimé  par  erreur  çtXapêoç)  ;  mais  cette  origine 

était  fort  contestable,  et  un  savant  philologue,  que  j'ai 

l'honneur  de  compter  parmi  mes  abonnés,    a  daigné 

m'en  adresser  une  autre  dans  la  lettre  suivante  : 

Paris,  4  février  1875. 
Monsieur, 

Dans  le  Courrier  du  1"'  février,  vous  avez  donné  du  mot 
Félibre,  qui  est  le  nom  que  portent  les  poètes  provençaux 
écrivant  en  langue  vulgaire,  une  explication  que  je  vous 
demande  la  permission  de  rectifier  et  de  compléter. 

D'abord,  et  sur  l'autorité  de  M.  Ed.  Baillière,  vous  avez 
dit  que  Félibre  vient  du  grec  çO.apgoç,  et  signifie  nmi  du 
beau. 

Ensuite,  et  sur  la  foi  d'un  correspondant  avignonnais 
d'un  journal  de  Paris,  vous  ajoutez  : 

»  Des  poètes  provençaux  s'étaient  réunis,  il  y  a  vingt 
ans,  pour  festoyer  et  dire  des  vers,  tout  prés  d'Avignon, 
sous  les  ombrages  de  Fon-Ségngne.  Une  rieille paysanne,  au 
dessert,  vint  leur  chanter  </«.?  chansons  du  pays.  La  mémoire 
de  la  vieille  faillit-elle,  ou  bien  i'éruditian  néo-romane  se 
Iroura-t-elle  en  défaut  ?  Toujours  est-il  que,  dans  une  de 
ses  chansons,  nos  poètes  surpris  rencontrèrent  un  mot, 
précisément  le  mot  félibre,  dont  nul  d'entre  eux  ne  put 
déterminer  le  sens.  On  plaisanta  de  l'aventure,  on  rit: 
Eh!  Félibre.'  Bonjour,  félibre!  et  comme  ce  petit  groupe 
enthousiaste  se  chei-chait  alors  un  nom,  et  redon tait  celui 
de  Troubadour,  il  fut  convenu  qu'à  l'avenir,  les  poètes  pro- 
vençaux s'appelleraient  Félibres.  » 

Vous  déclarez  n'être  que  médiocrement  satisfait  de  l'ex- 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


plication  de  M.  Ed.  Baillière;  et  vous  avez  bien  raison. 
Premièrement,  le  mot  çiXapéoç  n'a  jamais  eu  aucun  sens  en 
grec;  ensuite,  c'est  émettre  une  hypothèse  entièrement 
gratuite,  de  supposprque  les  poètes  provençaux  voulurent 
réellement  devoir  leur  nom  à  la  langue  grecque. 

L'histoire  de  la  vieille  paysanne  de  Fon-Ségugne  et  de  sa 
chanson,  parlant  des  anciens  Fe/i'irei  aux  Félibres  modernes, 
qui  ne  la  comprirent  pas,  est  plus  sérieuse.  Cette  paysanne 
avait  conservé,  sans  en  avoir  conscience,  une  tradition 
bien  ancienne,  semblable  au-\  prêtres  saliens  du  temps 
d'Horace,  chantant  des  vers  antiques  qu'ils  ne  compre- 
naient pas. 

Fèlibre  est  un  nom  que  durent  porter,  dans  le  midi  de 
l'Espagne  et  de  la  l'rance,  les  poètes  écrivant  en  langue 
vulgaire,  avant  les  troubadours.  Le  mot  est  dans  le  Liber 
glossarum  d'Isidore  de  Sèville,  mort  en  636.  Le  sens  de  ce 
mot,  qui  signifie  bon  ou  joijeur  vivant,  est  e.xpliqué  par 
certaines  habitudes  des  poètes,  anciens  et  modernes. 

Lorsque  l'Ai-adèraie  des  jeux  floraux,  la  plus  ancienne 
de  l'Europe,  s'établit  à  Toulouse  en  1323,  les  sept  poètes 
qui  la  fondèrent  prirent  le  titre  de  Mantenedors  del  gaij 
saber,  mainteneurs  du  gay  savoir.  La  première  fleur  qu'elle 
distribua  fut  le  gauc  ou  souci  d'argent,  fleur  emblématique, 
dont  le  nom  gaulois  signifie  joie,  et  avait  été  employé 
dans  ce  sens  par  Ennius  et  par  Ausone. 

L'Académie  de  Barcelonne  consacra  les  mêmes  traditions. 
Fondée  en  1390  par  Don  Jayme  I",  roi  d'Aragon,  elle  prit 
aussi  le  titre  de  Consistoire  destiné  à  la  culture  de  la  gaya 
sciencia,  ou  de  la  gaie  science. 

Qui  ne  trouve  dans  cette  direction  de  l'esprit  littéraire, 
dans  ces  mœurs  des  poètes  primitifs  de  la  Gaule  et  de 
l'Espagne,  la  source  d'où  jaillirent  les  mœurs  et  l'esprit  des 
quatre  sociétés  du  caveau  ?  Que  furent  Armand  Vidal,  à 
l'Académie  du  gai  savoir,  et  Don  Henrique  de  'Villena,  au 
Consistoire  de  la  gaie  .science,  sinon  les  précurseurs  et  les 
initiateurs  de  Piron,  de  Collé;  de  Barré,  de  Désaugiers,  de 
Béranger,  au  Caveau,  aux  Soupers  de  Momus,  à  la  société 
des  Francs  Gaillards,  dont  Emile  Débraux  fut  le  membre 
le  plus  populaire? 

C'est  en  vertu  de  cette  tradition  ancienne  que  les  poètes 
du  midi  prirent  dans  leurs  réunions  le  nom  de  Félibres, 
qu'Isidore  de  Séville  traduit  ainsi  du  patois  andaloux  en 
latin,  Fellebre,  lœlé  vivens,  bon  ou  joyeux  vivant. 

En  reprenant  ce  nom,  longtemps  négligé,  comme  celui 
de  barde,  que  les  poètes  bretons  ne  portent  plus,  les 
poètes  actuels  de  la  Provence  ont  donc  renoué  une  tra- 
dition littéraire  encore  vivante,  il  y  a  vingt  ans,  dans  les 
souvenirs  du  peuple,  et  que  consacrait  la  chanson  de  la 
vieille  paysanne  de  Fon-Ségugne. 
Veuillez  agréer,  Monsieur,  mes  compliments  empressés. 
A.  Granibr  de  Cassagnac. 

Or,  après  avoir  remarqué 

Il'une  pari,  (]ue  Au  milan  di  xèt  felibre  de  la  lèi 
(Citation  de  l'évangile  provençal  qui  se  trouve  plus  haut) 
implique  pour  félibre  la  signification  de  docteur.,  de 
savant,  comme  claiil  la  traduction  d'une  partie  de  ce 
Terset  de  saint  Luc  (chiap.  II)  : 

Troi.'i  jours  après  ils  le  trouvèrent  dans  le  Temple  assis 
au  milieu  des  docteurs,  les  écoutant  et  les  interrogeant  ; 

D'autre  part,  que  la  même  cilalion  fait  clairement 
allusion,  par  le  mol  aèt  (sept),  au  nombre  des  fondateurs 
de  l'Académie  des  Jeux  llorau.\,  les  mainteneurs  du 
(jai  savoir; 

Je  me  crois  en  possession  d'indices  sufllsants  pour 
en  conclure  que  l'origine  donnée  dans  la  lettre  qu'on 
vient  de  lire  est  la  vraie. 

Mes  biens  sincères  remerciements  à  M.  Roumanillc 
el  à  M.  Granier  de  Cassagnac,  dont  Icscomimiiiicalioiis 


m'ont  permis  de  renseigner  si  sûrement  mes  lecteurs 
sur  le  nom  de  félibre.,  ce  nom  qui  se  lisait  dernière- 
ment encore  dans  un  article  de  M.  Alichel  Bréal  publié 
par  le  Temps. 

X 
Première  Question. 
Vous  m'obligeriez  infiniment  si  vous  vouliez  bien, 
datis  un  de  vos  prochains  numéros,  me  donner  l'origine 
de  l'expression  proverbiale  attendez-moi  sous  l'orme. 

Autrefois,  au  temps  de  la  féodalité,  il  y  avait  ordi- 
nairement un  orme  planté  à  l'entrée  des  châteaux. 
Ainsi,  j'ai  recueilli  ce  passage  dans  l'abbé  Lebœuf 
[Histoire  cirile  du  diocèse  d'Atixerre,  tom.  II,  p.  66, 
année  <743)  où  il  est  question  de  cet  orme  : 

«  On  trouve  dans  les  Archives  de  l'Abbaye  de  Molême, 
un  Tilre  de  lui  par  lequel  il  confirme  à  ce  Monastère 
les  biens  qu'on  lui  avoit  donnés  dans  la  Paroisse  de 
Saint-iMoré-sur-Cure,  au  Diocèse  d'Auxerre.  Ce  Titre  y 
est  dit,  passé,  et  accordé  dans  le  Château  d'Auxerre 
sous  l'orme  :  in  Castello  sub  ulmo.  » 

Il  y  en  avait  un  également  devant  la  porte  de  l'église, 
comme  l'altestent,  par  exemple,  les  vieilles  cédules  évo- 
catoires qui  assignent  les  débiteurs  à  comparoir  sous 
l'orme  St-Geri'ais,  à  Paris. 

Ce  dernier  était  un  endroit  de  réunion,  d'assemblée, 
d'actes  solennels,  oii  l'on  célébrait  des  jeux,  des  danses  ; 
et,  comme  on  y  rendaiL  la  justice,  il  avait  donné  lieu  à 
plusieurs  expressions  telles  que  avocat  dessous  l'orme, 
signifiant  un  avocat  de  village,  obscur,  par  consé- 
quent; jtige  dessous  l'orme,  équivalant  à  juge  de  cam- 
pagne; attendre  quelqu'wi  sous  l'orme,  voulant  dire 
ne  pas  craindre  d'être  attaqué  par  lui  en  justice  : 

Le  cardinal  Petrucci  les  attend  sous  l'orme  [les  juges  de 
l'inquisition],  et  ils  n'osent  l'attaquer,  parce  qu'il  a  de 
l'esprit  et  du  savoir  joints  à  une  grande  dignité. 

(Sévigné,  t.  VIII,  p.  l33,  éd.  Régnier.) 

Naturellement,  on  a  cru  trouver  dans  cette  ancienne 
expression  l'explication  de  aflendez-moi  sotts  l'orme.  Il 
arrivait  souvent,  a-t-on  dit,  que  les  parties  assignées 
manquaient  au  rendez-vous,  se  faisaient  attendre  vaine- 
ment, et  delà  le  sens  actuel. 

Quoique  cet  avis  soit  celui  de  Génin,  de  Leroux 
de  Lincy,  de  Quilard  et  môme  de  .M.  Littré,  il  ne  peut 
être  le  mien,  parce , que  je  ne  puis  comprendre  com- 
ment du  sens  sérieux,  provocateur,  pour  ainsi  dire,  de 
je  vous  attends  sous  l'orme,  on  a  pu  passer  au  sens 
badin,  ironique  de  attendez-moi  .wus  Vorme,  formule 
employée  pour  donner  un  rendez-vous  auquel  on  n'a 
pas  dessein  de  se  rendre.  Aussi,  ai-je  cherché  une  expli- 
cation qui  me  satisfit  davantage,  et,  par  bonheur, 
je  crois  l'avoir  trouvée. 

C'est  la  comédie  de  Regnard  (d'autres  disent  de 
Dnfresnyï  intitulée  Attendez-moi  .'!Ous  l'orme,  qui  a 
donné  lieu  à  l'expression  proverbiale  en  question. 

La  scène  se  passe  «  sous  l'orme  »  dans  un  village  de 
Poitou.  Lisplle  exige,  avant  son  mariage  avec  Dorante, 
que  celui-ci  aille  rompre  l'engagement  qu'il  a  pris  avec 
le  père  d'Atiathe. 


.E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Dorante. 
Oh!  pour  cela  volontiers! 

Lisette. 
Mlez  promptement,  et  revenez  dans   une   demi-heure 
m'altendre  sous  cet  orme. 

Mais  la  fausseté  de  Dorante  se  découvre,  et  l'on  va  se 
venger  de  lui  :  tous  veulent  berner  ce  petit  «  coquet  ». 
Dorante  vient  au    rendez-vous;    il  u"y   trouve  que 
Pasquin.   son  domestique,  qui   lui   annonce    que  la 
veuve  Lisette)  est  partie,  enlevée  à  l'instant  par  une  de 
ses  tantes. 
Le  choîur  chante  derrière  le  théâtre  : 
Attendez-moi  sous  l'orme, 
Vous  m'attendrez  longtemps. 

Une  noce  vient  à  passer,  elle  se  moque  de  Dorante,  et 
le  chœur  chante  encore  : 

Attendez-moi  sous  l'orme, 
Vous  m'attendrez  longtemps. 

Furieu.v-,  Dorante  tire  son  épée  et  menace  de  saccager 
le  village  avec  un  régiment  qu'il  achètera  exprès;  il 
fait  seller  son  cheval,  et  part.  Le  village  poursuit 
Dorante  en  dansant  et  en  chantant  : 

Attendez-moi  sous  l'orme, 

Vous  m'attendrez  longtemps. 

Or,  quand  je  considère 

h"  Que  personne,  à  ma  connaissance,  n'a  rencontré 
nulle  part  atte?ide:-7noi  sous  l'orme,  dans  le  sens 
ironique,  avant  l'époque  où  parut  pour  la  première  fois 
la  pièce  de  Regnard  '169-5)  ; 

2°  Que  le  premier  emploi  de  cette  expression  au  sens 
actuel  (en  supposant  que  ce  soit  M.  Littré  qui  l'ait 
réellement  donné)  est  postérieur  de  21  ans  à  la  pièce 
de  Regnard,  car  attendez-moi  sous  l'orme  se  trouve 
dans  la  phrase  suivante  de  la  première  partie  de  Gil 
Blas  (VI,  2  ,  partie  qui  fut  publiée  en  1715  : 

Vous  n'avez,  ajouta  le  fils  de  Lucinde,  qu'à  nous  attendre 
sous  ces  saules;  nous  ne  tarderons  pas  à  vous  venir  rejoindre. 
Seigneur  don  Raphaël,  m'écriai-je  en  riant,  dites-nous 
plutôt  de  vous  attendre  sous  l'orme.  Si  vous  nous  quittez, 
nous  avons  bien  la  mins  de  ne  vous  revoir  de  longtemps  ; 

3°  Que  si  le  sens  moderne  de  l'expression  ne  peut  se 
tirer  qu'avec  la  plus  grande  difficulté  de  attendre  sotts 
l'orme  signifiant  ne  pas  craindre  d'être  attaqué  en  jus- 
lice,  il  se  tire  très-facilement,  au  contraire,  du  refrain 
dont  la  phrase  de  Lesage  offre  comme  une  réminis- 
cence dans  longtemps,  son  terme  final  ; 

11  me  semble  pouvoir  en  induire  avec  certitude  que 

attendez-moi  sous  l'orme  a  bien  réellement  l'origine 

que  je  viens  de  vous  indiquer. 

X 
Seconde  Question. 

Je  vous  serais  très-obligé  de  vouloir  bien  me  donner, 
par  la  mie  de  votre  journal,  V étymologie  et  la  Signifi- 
cation du  mot  Bon-Bom. 

C'est  en  l'année  1834  que  ce  mot  parut  pour  la  pre- 
mière fois  dans  une  œuvre  littéraire,  Paris  anecdote, 
un  petit  volume  écrit  par  Privât  d'Anglemont,  et  voici 
les  lignes  de  la  page  34,  où  il  se  trouve  : 

Les  impresarii  des  marionnettes  y  établissent  leurs 
quartiers  généraux.  Ceux-ci  ont  importé  toute  une  indus- 
trie dans  la  rue  du  Clos-Bruneau.    Ils  v  font  vivre  toute 


une  population  qui  rappelle  de  loin  certains  personnages 
des  contes  fantastiques  d'Hoffmann.  Elle  est  toute  employée 
à  la  fabrication  des  fantoccini.  .11  y  a  d'abord  le  sculpteur  en 
bois  qui  fait  les  tètes...  A  côté  de  lui  se  trouve  l'habilleuse 
qui  fait  les  costumes...  Puis  viennent  les  cordonnières, 
celles  qui  font  les  souliers  de  satin  pour  les  marionnettes 
danseuses  et  les  bottes  en  chamois  pour  les  chevaliers... 
Enfin,  le  véritable  magicien  de  ce  monde,  celui  qui 
ensecrètc  les  bouijbouis.  Ensecre'ter  un  bouiibouis  consiste 
à  lui  attacher  tous  les  fils  qui  doivent  servir  à  le  faire 
mouvoir  sur  le  théâtre  :  c'est  ce  qui  doit  compléter 
l'illusion. 

Or,  une  fois  connue  comme  synonyme  de  marion- 
nette, l'expression  de  bouisbouis  aura  été  employée  par 
quelque  auteur  de  revue  dramatique  qui,  au  lieu  de  dire  : 
un  théâtre  à  marionnettes,  aura  dit  pour  rajeunir  son 
style,  un  théâtre  à  boiiisbouis,  et,  par  ellipse,  un  bouis- 
bouis,  absolument  comme  on  dit  tous  les  jours,  familiè- 
rement, un  guignol,  pour  un  théâtre  analogue  à  celui  de 
Guignol,  aux  Champs  Elysées. 

D'où  il  smy'mx&bouisbouis  signifie  théâtre  ayant  pour 
acteurs  des  marionnettes:  sens  qui.  par  extension,  est 
naturellement  devenu  théâtre  de  dernier  ordre,  théâtre 
en  plein  vent,  théâtre  à  quatre  sous. 

Maintenant,  quelle  est  l'élymologie  de  bouisbouis? 

M.  Francisque  .Michel  croit  qu'il  a  été  emprunté  par 
onomatopée  au  cri  de  Polichinelle,  la  marionnette  par 
excellence,  quand  il  appelle  -les  spectateurs,  et  qu'il 
s'annonce  à  eux. 

En  me  rappelant  que  les  Napolitains,  au  dire  de 
Génin  [Récréât,  philol.,  11,  p.  97i,  avaient  surnommé 
les  Français  les  oui-oui  parce  que,  lors  de  notre  ancien 
séjour  à  Naples.  le  peuple  avait  remarqué  que  nos 
soldats  prononçaient  souvent  l'affirmation  oui!  oui  !  je 
me  sens  tout  disposé  à  faire  un  accueil  favorable  à 
l'opinion  que  professe  l'auteur  du  Dictionnaire  d'argot 
à  l'égard  du  mot  qui  nous  occupe. 

Théophile  Gauthier,  qui  a  été,  sinon  le  premier,  du 
moins  un  des  premiers,  je  crois,  à  faire  usage  de  bouis- 
bouts,  pour  désigner  un  théâtre  de  bas  étage,  avait 
prédit  la  fortune  du  nouveau  vocable  dans  ce  passage  cité 
par  P.  Larousse  [Gr.  Dict.  du  XIX'  siècle)  : 

Aussi,  chaque  soir,  des  files  de  voitures  entrent-elles 
devant  ces  tréteaux  sans  prétention,  qu'on  nomme  bouigs- 
bouigs,  un  nom  peu  académique,  mais  qui  finira  par 
prendre  sa  place  dans  le  dictionnaire. 

La  prédiction  s'est  accomplie  :  car,  après  avoir  fait, 
comme  on  dit  assez  ordinairement,  le  tour  de  la  presse. 
bouisbouis  est  venu  prendre  rang  dans  le  -Supplément 
de  .M.  Littré,  sous  la  forme  boui-boui. 

X 
Troisii'me  Question. 
On  trouve  dans  Rabelais  [Garg.  II,  cli.  II    l'expres- 
sion AccrLBR  SES  SOULIERS  :  «  Tousjours  .<e  ravltroyt  par 
les  fanges,  AccrLori  ses    soliers  ».   Pourquoi    dit-on 
aujourd'hui  écolee? 

Au  XVI"  siècle,  on  se  servait  de  acculer  au.?s'i  bien 
en  parlant  des  souliers  que  pour  signifier  pousser  dans 
un  endroit  sans  issue,  faire  tomber  sur  la  partie  de 
derrière    (s'il  s'agissait  d'une  voiture),  et  il  en  fut  de 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


même  jusque  dans  la  seconde  moitié  du  wn"  siècle, 
puisque  celle  expression  se  trouve  dans  le  dictionnaire 
français-anglais  de  Cotgrave  (1660). 

Mais  il  y  avait  plus  de  cinquante  ans  que  le  Thresor 
de  Nicot  avait  donné  escMler  en  pariant  d'une 
aiguille;  et,  quand  l'Académie  publia  la  première 
édition  de  son  dictionnaire  (1694),  elle  substitua  escw/er 
à  acculer,  appliqué  aux  chaussures,  mue  probablement 
par  les  raisons  suivantes  : 

r  Que  le  fait  démarcher  sur  le  talon  d'un  soulier, 
ou  de  le  rabattre  en  dedans,  produit  la  destruction  du- 
dit  talon  ; 

20  Que  le  préfixe  qui  signifie  retranchement,  destruc- 
tion est  ordinairement  e  (es)  dans  notre  langue; 

3°  Que  l'espagnol  exprime  la  même  action  par  le 
verbe  descalcamr ;  composé  de  catcana,  talon,  et  de 
des,  qui  équivaut  à  notre  e  [es),  et  l'italien,  par  scalca- 
gnare,  composé  de  calcagno  talon,  et  de  s,  autre  équi- 
valent de  notre  e  [es). 

Or,  depuis  cette  époque  tous  les  lexicographes  ont 
imité  l'Académie,  et  voilà  pourquoi  on  dit  aujourd'hui 
écider  ses  souliers  au  lieu  de  acculer  ses  souliers,  qui  a 
été  autrefois  plusieurs  siècles  en  usage. 

M.  Litlré  fait  cette  remarque  sur  accider  : 
Dans  la  première  édition  rie  son  dictionnaire,  r.\cadéraie 
tolérait  l'expression  d'acculer  ses  souliers,  mais  les  dernières 
ne  permettent  plus  que  le  verbe  éculer. 

J'ai  demandé  à  la  Bibliothèque  nationale,  où  je  vais 
prendre  mes  notes,  la  première  et  la  deuxième  édition 
du  dictionnaire  en  question,  et  je  n'y  ai  trouvé,  ni 
positivement  admise,  ni  seulement  tolérée  l'expression 
dont  il  s'agit  ;  je  n'y  ai  vu  que  escider  des  souliers. 

X 

Quatrième   Question. 

Comment  expliquez-vous  l'expression  apprendre  par 

CŒCR?  Il  (st  impossible  de  discerner  en  quoi  le  siège 

du  mouvement  du  sang  intervient  ici  pour  remplacer  le 

cerveau,  ou  la  mémoire  qui  s'y  trouve  logée. 

D'après  les  croyances  des  Grecs,  toutes  les  facultés 
intellectuelles  résidaient  dans  la  poitrine. 

Or,  cette  opinion  physiologique  s'est  transmise  par 
les  Romains  jusqu'à  nous,  et  elle  a  donné,  dans  notre 
langue,  l'expression  apprendre  par  cœur,  qui,  tout 
erronée  qu'elle  est,  n'a  pas  cessé  d'être  en  usage. 

Cette  question  a  déjà  été  traitée  dans  le  Courrier  de 
Vaugelas   (3*  année,  p.  59). 

ÉTRANGER 

Première  Question. 

Dans  votre  numéro  23,  p.  178,  ^'e  trouve  cette  phrase  : 

«  L'idée  était  simple  comme  celle  de  /'iïcf  de  Christophe 

COLOMB  ».  J'ai  déjà  entendu  cette  expression  plusieurs 

fois.  Quels  en  sont,  .t'il  vous  plait,  l'origine  et  le  sens? 

C'est  l'œuf  de  Colomb,  telle  est  l'expression  dont  on 
se  sert  en  parlant  d'une  chose  qu'on  n'a  pu  faire  et 
qu'on  trouve  TMciic  après  ([u'elie  vous  a  été  enseignée. 


Quant  à  l'origine  de  ce  proverbe,  voici  com- 
ment elle  est  expliquée  par  Quitard  : 

Les  détracteurs  de  Christoplie  Colomb  lui  disputaient 
l'œuvre  de  son  génie,  en  objectant  que  rien  n'était  plus 
aisé  que  de  faire  la  découverte  du  Nouveau-Monde.  Vous 
avez  raison,  leur  dit  le  célèbre  navigateur  ;  aussi  je  ne  me 
glorifie  pas  tant  de  la  découverte  que  du  mérite  d'y  avoir 
songé  le  premier.  Prenant  ensuite  un  œuf  dans  sa  main, 
il  leur  proposa  de  le  faire  tenir  sur  la  pointe.  Tous  l'es- 
sayèrent, mais  aucun  n'y  put  parvenir.  La  chose  n'est 
pourtant  pas  difficile,  ajouta  Colomb,  et  je  vais  vous  le 
prouver  :  en  même  temps  il  fît  tenir  l'œuf  sur  sa  pomte, 
qu'il  aplatit  en  le  posant.  —  Oh!  s  écrièrent- ils  alors,  rien 
n'était  plus  aisé.  —  J'en  conviens,  Messieurs,  mais  vous  ne 
l'avez  point  fait,  et  je  m'en  suis  avisé  seul.  Il  en  est  de 
même  de  la  découverte  du  Nouveau-Monde.  Tout  ce  qui 
est  naturel  paraît  facile  quand  il  est  une  fois  trouvé.  La 
difficulté  est  d'être  l'inventeur. 

X 

Seconde  Question 
Je  vois  dans  Littré  que  l'Académie  prononce  avril 
avec  Vl  mouillée  (avri-yé);  mais  plusieurs  grammairiens 
veulent  qiC on  prononce  sans  mouiller  Vl,  et  d'autres 
veulent  qu'on  dise  avri.  D'après  vous,  quelle  est  la 
meilleure  de  ces  trois  manières  de  prononcer  ? 

Au  point  de  vue  de  la  prononciation,  les  mots  en  ;/ 
ayant  un  dérivé  en  //  mouillées  forment  deux  groupes 
bien  tranchés  dans  la  langue  française  : 

L'un,  composé  de  trois  mots,  où  il  sonne  iye:  cil 
(ciller),  mil  imillet),  péril  (périlleux)  ; 

L'autre,  composé  de  onze  mots,  où  il  sonne  i  : 
babil  (babiller),  chenil  (décaniller),  baril  (barillet), 
courtil  (courtille),  fusil  (fusiller),  grésil  (grésiller), 
gentil  (gentille),  yril  (grille),  outil  (outiller),  persil 
(persiller),  sourcil  (sourciller). 

Or,  auquel  de  ces  deux  groupes  appartient  am/,  qui, 
lui  aussi,  a  des  dérivés,  avrillé  et  avrillet,  où  les  II 
sont  mouillées? 

Il  me  semble  que  c'est  au  second,  et,  cela,  pour  les 
raisons  que  je  vais  vous  dire.: 

1°  Il  y  appartient  par  son  passé;  car  au  xvii«  siècle, 
d'après  le  grammairien  Chiftlet,  on  prononçait  avri. 

2°  On  prononce  encore  aujourd'hui  poisson  d'avril 
sans  faire  entendre  1'/  finale,  pourquoi  prononcer 
différemment  quand  ce  mot  n'est  pas  précédé  du 
substantif  po«.s,so«? 

3°  Les  listes  qui  précèdent  sont  un  indice  que  notre 
langue  tend  à  prononcer  i  les  finales  U  qui  deviennent 
mouillées  dans  les  composés;  par  conséquent,  il  est 
plus  français  de  prononcer  avri  que  tout  autrement. 

X 
Troisième  Qucsliou. 

Comment  expliquez-vous    l'emploi    de  n.\T  dans  le 

sens  fZ'AVARE.  De  quelque  côté  que  je  considère  l'animal 

de  ce  nom,  dans  l'histoire  naturelle  ou  dans  la  fable, 

je  ne  vois  rien  qui  puisse  légitimer  celle  synonymie. 

D'ailleurs,   on  n'a  jamais    dit,   que  je  sache,    avare 

COMME  C.N  RAT. 

Le  Diclionnuirc  de  la  langue  verte,  recueil  des  termes 
lio|uilaiie6  de  la  Capitale,  contient  deux  mots  de  Signi- 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


ficalion  identique,  qui  sont  :  rat,  auquel  ildonnc  le  sens 
de  «  avare,  homme  intéressé  »,  et  rapiat,  qu'il  définit 
«  cupide,  avare,  un  peu  voleur  même  ». 

Or,  en  remarquant  que  le  premier  de  ces  mots  a  le 
même  radical  que  le  second,  et  que  celui-ci  vient  évi- 
demment du  verbe  latin  rapere,  enlever,  ravir,  piller, 
il  me  semble  pouvoir  en  conclure  avec  certitude  que 
rat  (mal  orthographié  ainsi  sans  nul  doute)  a  égale- 
ment ce  verbe  pour  étymologie. 

Il  y  a  plus  :  j'incline  fortement  à  croire  que  rut, 
terme  d'argot,  désignant  celui  qui  vole  la  nuit,  dans 
l'intérieur  des  auberges,  les  rouliers  et  les  marchands 
forains,  a  été  tiré  aussi  de  la  même  source. 


FEUILLETON. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1°  Il  nous  parait  que  les  conservateurs  nont  d'autre 
devoir  à  remplir  qu'à  adjurer  le  maréclial  de  Mac-Malion 
de  tenir  ferme  contre  tout  sentiment  de  lassitude,  contre 
toute  velléité  de  défaillance,  mènae  toute  impression  de 
dégoût. 

1'  Si  les  ancêtres  de  la  famille  d'Audiffret  ont  appartenu 
aux  provinces  de  langue  d'oil,  surtout  à  l'ouest  de  la 
Gaule,  leur  nom  a  dû  se  composer  de  d'autres  èlémenls. 

3°  Dans  des  petits  livres  de  comptabilité  qu'on  voit  à 
l'étalage  de  tous  les  papetiers,  on  lit,  en  tête  d'une  colonne; 
Aumônes. 

4°  Son  début,  en  cette  matière,  nous  indiquera  de  suite 
la  nature  de  ses  impressions  :  «  Dans  tout  ménage  du 
grand  monde  français,  dit-elle,  l'homme  et  la  femme  se 
conviennent  à  peu  près  comme  un  coup  de  poing  sur  le 
nez. 

5°  S'en  tenir  à  des  avertissements  ou  à  des  conseils,  c'est 
une  dérision,  et  vouloir  se  faire  moquer  de  soi  de  Cons- 
tantinople  à  Saint-Pétersbourg. 

6°  Le  dandynisme  qui,  jadis,  nous  offrait  les  gandins,  en 
est  arrivé  aux  petits  crevés,  puis  aux  gommeax  ;  tout  cela 
ne  pré.=ente-t-il  pas  à  nos  yeus  éblouis  matière  à  critique 
et  par  conséquent  â  comédie? 

?•  L'opérette-bouffe  est  un  genre  excessif,  et  tout  excès 
a  sa  limite  qu'on  ne  peut  dépasser.  Est-il  possible  désor- 
mais de  faire  plus  qu'on  a  fait? 

8°  Ajoutez  à  cela  les  soins,  le  temps  matériel  qu'exige, 
et  par  conséquent  les  difficultés  que  comporte  l'exécution 
de  ces  illustrations,  et  vous  comprendrez  sans  peine. 

9°  Il  n'est  pas  jusqu'au  sexe  enchanteur  créé  à  seule  tin 
de  faire  damner  l'autre  qui  n'oublie  sa  mission  provi- 
dentielle pour  sacrifier  â  la  passion  régnante. 

10°  Il  lui  suffit  que  l'œuvre  grandiose  qu'il  a  entreprise 
et  qui  lui  a  réussi  jusqu'à  ce  jour  soit  empêchée,  inter- 
rompue, discréditée,  voire  même  mise  en  péril  par  le 
Saint-Siège. 

11°  Elle  consistait  en  une  caisse  de  vis-à-vis  à  fond  d'or, 
orné  des  plus  belles  et  délicates  peintures. 

12"  Quand  ce  serait  votre  histoire,  insista  le  vieux  garçon 
en  esquissant  un  sourire  équivoque,  je  compte  que  vous 
n'hésiteriez  pas  à  recourir  à  ma  bourse. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  XVH'  SIÈCLE. 

Laurent  CHIFFLET. 

Il  naquit  à  Besançon  en  <n98,  et  mourut  dans  le 
couvent  de  son  ordre  (compagnie  de  Jésus),  à  Anvers, 
le  i»  juilleH6o8. 

Il  se  trouvait  à  Dôle  pendant  le  siège  de  cette  ville 
par  le  prince  de  Condé,  en  1636.  Son  zèle  et  sa  piété 
ingénieuse  ne  contribuèrent  pas  peu  à  soutenir  le 
courage  des  habitants.  Poyvin,  qui  a  écrit  l'histoire  du 
siège,  lui  donne  les  plus  grands  éloges. 

Le  P.  Chifllet  a  composé  un  grand  nombre  d'ou- 
vrages ascétiques,  en  français  et  en  latin,  souvent 
réimprimés  dans  lexvii"  siècle,  et  même  pour  la  plupart 
traduits  en  espagnol  et  en  italien,  mais  oubliés  aujour- 
d'hui. 

Il  a  eu  part  a  la  révision  du  dictionnaire  de  Calepin, 
en  huit  langues,  dont  il  y  avait  eu  plusieurs  éditions 
en  deu.ï  volumes. 

Ce  savant  religieux  avait  fait  une  élude  particulière 
de  la  langue  française,  et  il  en  avait  composé  une 
grammaire  qui  fut  imprimée  pour  la  première  fois  par 
les  soins  de  quelques-uns  de  ses  confrères,  sous  le  titre 
d'Essay  d'une  parfaite  Grammaire  de  la  langue  fran- 
çaise (16391. 
C'est  cet  ouvrage  que  je  me  propose  d'analyser  ici. 
Après  avoir  exposé  son  dessein  au  lecteur,  et  avoir 
fait  l'éloge  de  A'augelas,  dont  il  a  mis  les  Remarques  à 
profit  pour  composer  son  livre,  Chifllet  entre  immé- 
diatement en  matière. 

Il  divise  en  deux  parties  sa  grammaire  :  l'une,  où  il 
examine  en  huit  chapitues  ce  qui  est  relatif  aux  parties 
du  discours,  et  l'autre,  où  il  s'occupe  principalement 
de  la  Prononciation  et  de  l'Orthographe. 

Je  vais  le  suivre  pas  à  pas,  notant  çà  et  là,  comme 
d'habitude,  ce  qui  me  paraîtra  propre  à  exciter  la 
curiosité  de  ceux  à  qui  je  destine  ce  travail. 

EXPLICATION    DES    TERMES    DE    LA    GRAMMAIRE. 

En  parlant  des  lettres,  Chifflet  dit  que  le  ;  s'appelle 
zêta.,  et  que  l'y  s'appelle  //  (jrec  ou  y  psilo/i. 

Le  discours,  d'après  lui,  n'est  composé  que  de  neuf 
espèces  différentes  de  paroles;  le  nom  est  la  désignation 
commune  du  substantif  et  de  l'adjectif. 

Les  cinq  premières  espèces  se  peuvent  décliner,  c'est- 
à-dire  qu'elles  souffrent  divers  changements  de  termi- 
naisons ou  d'articles,  selon  les  divers  usages  auxquels 
on  les  emploie.  Les  «  autres  quatre  »  sont  indéclinables. 

La  déclinaison  du  verbe  s'appelle  plus  proprement 
conjugaison. 

Suit  une  définition  des  diverses  espèces  de  mots,  qui 
doivent  être  expliqués  au  moins  «  grossièrement  » 
avant  de  traiter  de  chacune  d'elles  en  particulier. 

Les  noms  sont  des  paroles  qui  signifient  les  choses 
dont  on  peut  parier,  ou  leurs  qualités  de  toutes  sortes  : 
Dieu,  vertu,  grand,  petit. 


LE  r.OURRIER  DE  VAUGELAS. 


Les  articles  sont  ces  petites  particules  qui  font  con- 
naître les  cliangements  de  chaque  nom  dans  ses  diverses 
positions,  pour  divers  usages. 

On  appelle  cas  les  «  cheutes  »  du  nom,  et  l'ensemble 
des  cas  s'appelle  la  déclinaison  du  nom. 

Les  pronoms  sont  comme  les  «  lieulenans  »  des  noms, 
représentant  les  diverses  personnes.  Mien,  tien,  sien 
sont  rangés  parmi  les  pronoms. 

Les  verbes  dont  ces  mots  qui  signifient  «  l'Estre, 
l'Agir  et  le  Patir  »,  diversifiés  par  les  circonstances  du 
temps,  présent,  passé,  à  venir. 

Le  temps  passé  est  appelé  par  les  grammairiens  le 
prétérit,  le  temps  à  venir,  le  futur. 

Le  participe  est  une  partie  du  verbe,  qui  devient 
comme  un  nom,  el  en  «  participe  «  la  nature  et  les 
propriétés. 

L'adverbe  est  un  mol  qui  aide  à  mieux  entendre  la 
façon  d'êlre  ou  d'agir  signifiée  par  le  verbe.  On  l'ap- 
pelle de  ce  nom  parce  qu'il  est  joint  au  verbe. 

Lesprepositijns  sont  des  particules  du  langage  qui 
se  mettent  devant  les  noms  qu'elles  «  tirent  >>  après 
elles;  d'où  leur  nom  de  prépositions,  c'est-à-dire  mises 
devant,  ou  préposées. 

Il  j  a  aussi  des  prépositions  qu'on  peut  appeler  insé- 
parables; mais  il  vaut  mieux  les  appeler  coitipositives, 
parce  qu'elles  servent  à  faire  des  mots  composés,  et  à 
en  «  altérer  >>  la  signification  par  leur  adjonction. 

La  conjonction  est  une  particule  qui  sert  à  joindre  et 
à  lier  les  parties  du  langage. 

Les  interjections  sont  des  paroles  qui  marquent  la 
véhémence  de  quelque  passion,  comme  Iiélas!  etc.- 

DES   NOMS   ET    DES   AKTICLES. 

Tous  les  noms  sont  substantifs  ou  adjectifs.  Le  nom 
substantif  est  celui  qui  signifie  certaine  chose  déter- 
minée, bien  qu'il  soit  seul  et  sans  l'aide  d'aucun 
adjectif;  le  nom  adjectif  es\.  celui  qui  étant  ajouté  au 
substantif  signifie  ses  qualités  bonnes,  mauvaises, 
indilTérentes. 

11  y  a  trois  genres  dans  la  langue  française  :  le  mas- 
culin, le  féminin  et  le  neutre;  ce  dernier  est  marqué 
comme  le  masculin  par  l'article  le  :  ainsi  le  froid,  le 
vmt,  le  chait'l,  voilà  des  noms  neutres. 

La  langue  llamande  a  beaucoup  de  ces  noms  qu'elle 
marque  par  l'article  het,  comme  het  lichaem,  le  corps; 
hel  kindl,  l'enfant,  etc. 

Les  adjectifs  ont  trois  degrés  de  comparaison  :  le 
positif,  le  comparatif,  qui  se  marque  par  plus,  et  le 
superlatif,  qui  se  marque  par  très. 

Mais  il  y  a  des  comparatifs  irréguliers;  on  dit /bW 
peu  au  lieu  de  tris-peu. 

Pour  former  le  su|)erlalif,  on  emploie  les  motsc.s/m«- 
(jcment ,  extrêmement ,  merveilleusement,  incroyable- 
ment, infiniment,  excellemment,  ravissamment,du  tout. 

Il  y  a  des  suiierlalifs  latins  qui  sont  propres  à  certains 
usages  particuliers,  comme  serenissime,  illustrissime, 
reverendissime,  etc. 

Tout  singulier  a  un  pluriel,  môme  dans  les  noms 
propres,  car  on  dit  tous  les  Jeans,  tous  les  Pierres; 
mais  il  y  a  des  pluriels  qui  n'ont  pas  de  smgulior,  et 


Chifflet  en  donne  la  liste.  Ils  ne  diffèrent  pas  sensible- 
ment de  ceux  que  nous  comptons  dans  ce  cas  aujour- 
d'hui. 

Quand  il  s'agit  des  heures  canoniales,  vespre  est 
toujours  pluriel;  mais  quand  il  s'agit  du  soir,  il  s'em- 
ploie au  singulier  :  sur  le  vespre,  bon  vespre,  sur  le 
soir,  bon  soir. 

AETICLE  ET  De'cLINAISON  DES  NOMS. 

Chifilet,  qui  admet  les  cas  dans  les  noms  et  dans  les 
articles,  explique  ici  la  signification  des  termes  par 
lesquels  on  les  désigne. 

Lenominatifesi  comme  la  droite  position  et  situation 
du  nom.  Il  s'appelle  ainsi  parce  qu'il  ne  fait  que  nom- 
mer la  chose  dont  on  veut  parler.  De  cette  droite 
position  du  nominatif,  il  tombe  et  décline  en  certain 
«  rabais  »  ou  déchéance  dans  les  autres  cas,  c'est-à- 
dire  cheutes. 

Le  génitif,  c'est-à-dire  l' engendrement  tire  son  nom 
de  l'un  de  ses  principaux  usages,  qui  est  de  servir  à 
exprimer  la  chose  de  laquelle  uneautre  est  la  production, 
comme  le  fils  du  Roy.  Mais  il  sert  encore  plus  ocdi- 
nairement  à  signifier  celui  à  qui  la  chose  appartient, 
comme  le  Palais  du  Roy. 

Le  troisième  cas  s'appelle  datif,  parce  qu'il  sert  à 
désigner  celui  à  qui  l'on  donne  quelque  chose,  ou  à 
qui  cette  chose  s'adresse  :  donner  Vltonneur  au  Roy. 

L'accusatif  s'appelle  ainsi  de  l'un  de  ses  usages,  qui 
est  de  suivre  les  verbes  d'accusation,  comme  accuser  le 
larron. 

Le  vocatif  ou  Yappellant  sert  à  appeler  quelqu'un, 
comme  0  ami,  venez-çà. 

L'ablatif  suit  ordinairement  les  verbes  signifiant 
séparer,  éloigner,  oster,  ce  qui  fait  que  les  Latins  lui 
ont  donné  le  nom  qu'il  porte. 

Toute  la  dilTérence  qu'il  y  a  entre  le  nominatif  et  les 
autres  cas,  soit  au  singulier,  soit  au  pluriel,  se  recon- 
naît par  l'article. 

Viennent  la  déclinaison  de  le,  la,  les  et  celle  de  un, 
qui  constituent  pour  Chifflet  l'article  défini. 

Mais  il  y  a  encore  un  autre  article  qu'on  appelle 
indéfini,  et  qui  est  fort  en  usage;  il  est  de  tout  genre, 
et  n'a  que  deux  monosyllabes  de  et  à  pour  le  singulier, 
et  de,  à  de,  à  des  pour  le  pluriel.  Il  s'appelle  indéfini 
ou  indéterminé,  parce  qu'il  laisse  le  nom  dans  sa  signi- 
fication générale  et  confuse  :  quand  on  dit  une  cou- 
ronne de  Roy,  l'article  de  joint  à  Roy  équivaut  à  de 
quelque  Roy  qxiel  qu  il  soit ,  sans  s'appliquera  celui-ci 
plutôt  qu'à  celui-là. 

IIÈGLES    rOCR    l'usage    DES    ARTICLES. 

Après  lui,  l'adverbe  beaucoup  veut  de,  comme  beau- 
coup de  pain;  mais  son  sjnonyme  bien  veut  l'article 
défini  :  bien  du  pain. 

On  n'emploie  plus  es  pour  aux  (1659);  en  consé- 
quence, il  faut  dire  avancer  aiix  honneurs,  et  non 
avancer  os  honneurs. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  RÉiiiGTEiii-dÉiiA^T  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Nouvelles  récréations  et  joyeux  devis  de  B.  Des 
Periers,  suivis  du  Cyrabalum  Mundi.  Réimprimés  par  les 
soins  de  P.  Jouaust.  Avec  une  notice,  des  notes  et  un 
glossaire  par  Louis  Lacour.  T.  2.  in-8°,  330  p.  Paris, 
librairie  des  Bibliophiles.  10  fr. 

La  Vie  en  casque,  carnet  intime  d'un  officier;  par 
Ernest  Billaudel.  h'  édition.  In-18  Jésus,  382  p.  Paris,  lib. 
Ghio.  3  fr.  50. 

Lies  DeuxDianes;  par  Alexandre  Dumas.  Nouvelle 
édition.  T.  2.  In-8°  Jésus,  296  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy 
frères.  1  fr. 

Histoire  des  Protestants  de  France;  par  G.  de 
Félice.  continuée  depuis  1861  jusqu'au  temps  actuel,  par 
F.  Bonifas.  6'  édition,  ln-8%  xiv-819.  Paris,  lib.  protes- 
tantes, i  fr. 

Grammaire  littéraire,  ou  Explications  suivies  d'exer- 
cices sur  les  phrases,  les  allusions,  les  pensées  heu- 
reuses empruntées  à  nos  meilleurs  écrivains  et  qui 
font  aujourd'hui  partie  du  domaine  public  de  notre  litté- 
rature, à  laquelle  elles  servent  en  quelque  sorte  de 
condiment;  par  Pierre  Larousse.  Guide  du  maître.  In-12, 
336  p.  Paris,  lib.  Aug.  Boyer  et  Cie. 

Une  vie  d'artiste;  par  .\lexandre  Dumas.  Nouvelle 
édition.  In-18  Jésus,  316  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères, 
I  fr.  25. 

Les    Rougon-Macquart.    V.    La    faute    de    l'abbé 


Mouret;  par  Emile  Zola,  ln-18  Jésus.  i32  p.  Pari?,  lib. 
Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Contes  et  discours  d'Eutrapel,  de  Noël  Dufail.  réim- 
primés par  les  soins  de  D.  Jouaust,  avec  une  notice,  des 
notes  et  un  glossaire  par  C.  Hippeau.  T.  L  In-8°,  xii- 
318  p.  Paris,  lib.  des  bibliophiles.  10  fr. 

L'Armée  de  la  Révolution,  ses  généraux  et  ses 
soldats,  1789-1871  ;  par  A.  de  Cliamborant  de  Périïsat. 
In-8°,  vi-258  p.  Paris,  lib.  Pion  et  ù^. 

La  Maison  forestière;  par  Erckmann  -  Chatrian. 
7=  édition.  In  18  Jésus.  311  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie. 
3  fr. 

Fa  dièze;  par  Alphonse  Karr.  Nouvelle  édition,  ln-18 
Jésus,  287  p.  Paris,  lib.  Nouvelle.  3  fr.  50. 

Matinées  littéraires.  Cours  complet  de  littérature 
moderne;  par  Edouard  .Mennechet.  6'  édition.  T.  2  et  3. 
ln-18  Jésus.  838  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 

Les  Ancêtres  d'Adam,  histoire  de  l'homme  fossile; 
par  Victor  Meunier.  Gr.  in-32,  x\iii-284  p.  Paris,  lib. 
Rothschild,  i  fr. 

La  Cellule  n»  7;  par  Pierre  Zaccone.  Illustrée  de 
30  dessins  sur  bois  par  Trémelat.  In-i°  à  2  col.  2i7  p. 
Paris,  lib.  Bouillet.  3  fr. 

Voyage  autour  de  mon  jardin;  par  .Alphonse  Karr. 
Nouvelle  édition,  augmentée  de  deux  chapitres  inédits. 
ln-18  Jésus,  330  p.  Paris,  lib.  Jlichel  Lévy  frères.  1  fr.  25. 


NUITS  D'ALTOMNE;  par  Ev.iRiSTECARRAXcE.  —  Deuxième 
édition.  — Prix:  5  francs  —  Paris,  Alphonse  Lemerre, 
éditeur,  27-29.  passage  Choiseul. 


Publications  antérieures: 

études  hisToriques  et  littéraires,  etc.  —  Par  J.-Alsx. 
Adrant.  professeur  de  langues  et  de  littérature.  —  Paris, 
Aug.  Boyer  et  Cie.  libraires-éditeurs.  49,  rue  St-André- 
des-.\rts. 


LE  DICTIONNAIRE  EN  EXERCICES,  étude  pratique  des 
mots  de  la  langue  française  faisant  connaître  1°  les  racines 
françaises  ou  les  radicaux;  2°  les  préfixes  et  les  suffixes; 
3"  La  valeur  primitive  et  actuelle  des  dérivés  français  ; 
i»  l'emploi  des  mots  ;  5"  l'orthographe  d'usage.  —  Par 
L.  Ghimblot.  —  Partie  du  maître  et  partie  de  l'élève.  — 
Paris,  Aug.  Bayer  et  Cie,  libraires-éditeurs,  i9,  rue  St- 
André-des  Arts. 


LES  AMOURS  DE  PETITE  VILLE;  CHARDONNETTB;  — 
Par  Charles  Delli.n.  —  Troisième  édition.  —  Paris, 
E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de 
lettres.  Palais-Royal,  17-18,  Galerie  d'Orléans. 


RÉCITS  ESP.\GNOLS;  par  Charles  Gueullette  —  Un  beau 
volume  ia-18  de  316  pages  —  En  vente  chez  Dentu  et 
dans  toutes  les  gares.  —  Prix  :  3  francs. 


LE  PANTHÉON  DE  LA  FABLE,  choix  des  meilleurs 
apologues  empruntés  aux  fabulistes  de  tous  les  temps  et 
de  tous  les  pays,   avec  des  notices  biographiques,    des 


LA  MORALE  UNIVERSELLE,  un  beau  volume  in-8°, 
papier  cavalier,  de  476  pages.  —  Par  A.  Eschenaver  — 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française  —  Chez 
Sandoz  et  Fischbacker,  33,  rue  de  Seine, 


MORCEAU.K  CHOISIS  DES  GRANDS  ÉCRIVAINS  DU  XVI>= 
SIÈCLE,  accompagnés  d'une  grammaire  et  d'un  diction- 
naire de  la  langue  du  xvr  siècle.  —  Par  Auguste  Brachet, 
ancien  examinateur  et  professeur  à  l'École  polytech- 
nique, lauréat  de  l'Académie  française  et  de  l'Académie 
des  Inscriptions,  membre  de  la  Société  de  linguistique. 
—  Deuxième  édition  revue.  —  Paris,  librairie  Ilac/ielle 
et  Cie,  79,  Boulevard  Saint-Germain. 


PRÉCIS  CLASSIQUE  DE  LA  LITTÉR.XTURE  FRANÇAISE 
AU  XVIH'  ET  AU  XIX-  SIÈCLE.  —  Ouvrage  servant  de 
complément  aux  Quatre  siècles  littéraires.  —  Par  Th. 
Lepetit,  professeur  à  Paris.  —  Paris,  Aug.  Boyer  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  49,  rue  Saint-André-des-Arts. 


PETIT  DICTIONNAIRE  NATIONAL,  à  l'usage  de  la  jeu- 
nesse et  de  tous  ceux  qui  ont  besoin  de  renseignements 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


prompts  et  précis  sur  la  langue  française.  —  Par  Besche- 
RELLE  AÎ.NÉ.  —  Paris,  Garnie)'  frères,  libraires-éditeurs, 
6,  rue  des  Saints-Pères,  et  Palais-Ro}'al,  215. 


ORIGINES  DE  QUELQUES  COUTUMES  ANCIENNES  ET 
DE  PLUSIEURS  FAÇONS  DE  PARLER  TRIVIALES.  — 
Par  MoisAXT  de  Brieux,  fondateur  de  TAcadémie  de  Caen. 
—  Avec  une  introduction  biographique  et  littéraire  par 
M.  E.  DE  Beacuepaire.  —  Un  commentaire  et  une  table  ana- 
lytique par  M.  Georges  Garmer,  et  un  portrait  de  l'auteur 
gravé  par  M.  L.  de  .Merval.  —  Caen,  Le  Gost-Clérisse, 
libraire-éditeur,  place  du  Palais-de-Justice. 


NOUVELLE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  FONDiiE  sur  l'his- 
toire DE  LA  LANGDE,  à  l'usage  des  établissements  d'instruc- 
tion secondaire.  — Par  Auguste  Br*chet,  professeurs  l'École 
polytechnique.  —  In-12,  six-218  p.  —  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie,  97,  boulevard  Saint-Germain.  —  Prix  :  1  fr.  50. 


L'ÉTUDE  DES  LANGUES  RAMENÉE  A  SES  VÉRITABLES 

PRINCIPES  ou  l'art  de   PE.NSER  dans   une  langue  ÉTRA.NCiSRE. 

—  Par  C.  Marcel,  ancien  consul.  Chevalier  de  la  Légion 
d'honneur.  —  Paris,  Aiig.  Boyer  et  de,  libraires-éditeurs, 
49,  rue  Saint-André-des-Arts. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

I. 
Les   Professeurs  de  français  désirant  trouver    des    places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en   toute  confiance    au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  /i2,  Queen  Square  à  Londres,   W.  C,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

n. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo- française,  il  paraît  à  Brighton  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Axgleterre  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice 
à  ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires.  — L'abonnement,  qui  est  de  10  fr.  pour 
la  France,  se  prend  à  Paris  chez  M.V1.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires,  33,  rue  de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart,  2, 
rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Acadèuie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  pjrvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  Con- 
cours, mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Appel  aux  poètes. 


La  direction  de  l'Exposition  Internationale  des  Industries  maritimes  et  fluviales,  avec  section  française  des  principaux 
articles  d'exportation,  ouvre  un  concours  pour  la  composition  d'une  pièce  de  poésie  dont  le  sujet  est  la  .yavigation.  — 
Le  nombre  des  vers  devra  être  de  deux  cents  environ.  Les  pièces  destinées  à  concourir  devront  être  adressées  au  directeur 
de  l'Exposition,  21,  boulevard  Montmartre,  à  Paris,  au  plus  tard  le  15  mai  1875.  —  La  pièce  jugée  digne  de  récompense 
par  un  jury  spécial  dont  on  fera  connaître  la  composition,  sera  lue  publiquement,  le  jour  de  l'inauguration  solennelle  de 
l'Exposition  qui  aura  lieu  le  samedi  10  juillet  1875.  —  Chaque  pièce,  qui  ne  devra  porter  aucune  signature,  sera  accom- 
pagnée d'une  enveloppe  cachetée  portant  en  inscription  soit  le  titre  de  la  pièce,  soit  une  légende  correspondante,  et  conte- 
nant les  noms  et  adresse  de  l'auteur.  —  Cette  enveloppe  ne  sera  ouverte  que  dans  le  cas  où  la  pièce  de  vers  aurait  été 
jugée  di^ne  de  récompense.  Celte  récompense  consistera  en  un  diplôme  d'honneur  et  une  somme  de  7niUe  francs. 

Le  (luatorzième  Concours  poétique,  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février,  sera  clos  le  l'^'  juin  1875.  —  Dix  médailles  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  prosramme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  Carhance,  président 
du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  A/franchir. 


Académie  des  Jeux  floraux. 

Cette  Académie  dispose,  tous  les  ans,  de  six  Fleurs  comme  prix  de  l'année,  savoir:  l'Amarante,  la  Violette,  le 
Souci,  la  Primevère,  le  Lys  et  l'Eglantine. 

L'Amarante  vaut  400  (r.;  la  Violette  250  ;  le  Souci  200;  la  Primevère  100;  le  Lys  60  ;  l'Eglantine  450. 

Le  Programme  est  envoyé  gratis  et  franco  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande  par  lettre  affranchie  au 
Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  Jeux  floraux,  à  Toulouse. 


Le  rédactfur  du  Courrier  de  Vauge/as  cA  \isiiile  à  fon  hurraii  di'  midi  à  une  heure  et  demie. 


Nopent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  GOUVERNEUR. 


6'   Année 


N»  2. 


15  Mai  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1**  et    le    15    de    chaque   mois 

{Dans  sa  séance  du  \1  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Abounement  pour  la  France.     6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne.          50  c. 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

PBOFKSSEUR   SPÉCIAL  POUR  LES  ETRANGERS 

(lllirier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 

AVIS. 
Ce  journal  annonce  gratis,  à  sa  dernière  page,  tous 
les  Concours  littéraires  en  langue  française  dont  on  veut 
bien  lui  adresser  les  programmes. 

SOM.MAIRE. 

Communications  relatives  à  l'expression  Querelle  d'Allemand  et 
à  une  nouvelle  manière  de  prononcer  les  L  mouillées;  — 
Origine  du  mot  Bock  pour  désigner  un  verre  de  bière;  — 
Pourquoi  nous  n'avons  pas  Pharmacologue  ;  —  Orthographe 
de  l'expression  Acte  sous  seing  privé  D  Etyraologie  du  pronom 
relatif /)on(  ;  —  Origine  de  Donner  une  perruque  à  quelqu'un 
i  Passe-temps  grammatical  |  Suite  de  la  biographie  de  Lau- 
rent Chifllet  II  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature  || 
Familles  parisiennes  recevant  des  étrangers  pour  les  per- 
fectionner dans  la  conversation   ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COM.MUNICATIONS. 


L 


Un  lecteur  qui  n'a  pas  été  satisfait  de  l'origine  que 
j'ai  attribuée  à  Querelle  d'Allemand,  dans  un  des 
numéros  de  la  5""=  année,  m'en  propose  une  autre 
dans  la  lettre  suivante  : 

CourseuUes,  10  mars  1875. 
Monsieur, 

Usant  de  la  permission  que  vous  donnez  à  vos  lecteurs 
de  vous  signaler  ce  qu'ils  croient  être  une  erreur,  je  vous 
indique  une  autre  origine  que  celle  mentionnée  par  vous 
dans  le  numéro  11  de  l'année  1874  du  Courrier  de  Vauge- 
las. 

Vous  donnez  à  Querelle  d'Allemand  une  orthographe  et 
une  origine  que  je  crois  erronées;  vous  ajoutez  d'après 
Littré  qu'avant  le  xvi«  siècle  on  n'en  trouve  pas  trace. 

Reportez-vous,  je  vous  prie,  à  la  Bibliothèque  gauloise. 
Livre  des  Proverbes  par  M.  Leroux  de  Lincy,  1'  édit.  (1859), 
tome  II. 

On  y  voit  pages  1  et  2,  une  origine  de  cette  locution, 
ainsi  qu'une  façon  d'orthographier  que  je  crois  être  la 
vraie,  et  qui  remonte  au  xni'  ou  au  xiv°  siècle. 

Que  deux  siècles  plus  tard,  trompé  par  la  similitude  de 


son,  mettant  en  oubli  l'illustre  famille  qui  avait  donné 
naissance  à  la  locution,  et  en  présence  du  caractère  de  la 
nation  germaine,  on  ait  écrit  Allemand,  je  ne  dis  pas  non  ; 
mais  avec  Oudin  et  Quicherat,  je  pense  qu'il  faut  écrire 
Alleman. 
Voire  respectueusement  dévoué 

S.  C. 
Un  abonné  fureteur. 

La  famille  en  question  existait  au  .\ii°  siècle,  comme 
le  prouvent  ces  lignes,  empruntées  à  l'Intermédiaire 
II,  col.  310)  : 

Les  membres  de  la  famille  des  Caletais  n'étaient  pas 
seulement  chefs  d'une  nombreuse  tribu;  ils  étaient  encore 
unis  entre  eux.  comme  l'étaient  vers  la  même  époque 
(xii"  siècle),  par  exemple,  les  membres  de  l'horoïque  et 
puissante  famille  des  Alleman. 

Puissants  et  jaloux  de  leur  puissance,  les  membres 
de  cette  famille  avaient  déjà  donné  lieu  en  Dauphiné  au 
dicton  Gare  la  qtieue  des  Alleman;  on  a  voulu  natu- 
rellement leur  rattacher,  comme  le  fait  mon  contra- 
dicteur, l'expression  proverbiale  Querelle  d'Allemand. 

Dans  mon  numéro  1 1 ,  j'ai  fait  naître  celte  expression 
pendant  la  lutte  entre  François  l"  et  Charles-Quint  : 
j'espère  corroborer  aujourd'hui  cette  opinion  en  répon- 
dant à  l'objection  qui  précède.  Voici,  en  elïel,  quelques 
arguments  auxquels  l'origine  qu'elle  indique  pourra, 
je  pense,  assez  difficilement  résister  : 

{"  .M.  Littré,  qui  a  lu  toutes  les  principales  œuvres 
de  notre  vieille  littérature  pour  y  recueillir  les  citations 
dont  il  a  composé  l'historique  de  son  Dictionnaire,  n'a 
trouvé  Querelle  d'allemand  <\n'd.  partir  du  xvi»  siècle. 
Or,  n'aurait-il  pas  dû  le  rencontrer  dans  les  auteurs 
des  siècles  précédents,  si,  comme  le  prétend  la  commu- 
nication, l'origine  de  cette  expression  remontait  au 
xiii'  ou  au  xiv°? 

2°  J'ai  fait  une  citation,  empruntée  au  Printemps 
d' Yver,  qui  montre  que  Querelle  d'Allemand  s'em- 
ployait concurremment  avec  Querelle  d' Allemagne  dans 
la  seconde  moitié  du  xvi^  siècle.  Or,  dans  le  cas 
oi'i  l'expression  Querelle  d'Allemagne  aurait  précédé 
l'autre  (à  celte  époque  elle  parait  jjIus  fréquennnent 


10 


LE  COURRIER  DE  YAUGELAS. 


employée),  il  serait  prouvé  que  Querelle  d' Allemand 
ne  peut  qu'être  une  allusion  au  peuple  de  ce  nom  :  et, 
dans  le  cas  contraire,  c'est-à-dire  où  Querelle  d'Alle- 
magne aurait  suivi  Querelle  d'Allemand,  cette  trans- 
formation impliquerait  évidemment  encore  pour  l'Alle- 
mand du  proverbe  l'idée  du  peuple  ainsi  nomm.é. 

3°  Comme  Oudin  {Curiosifez  franroixex,  p.  462) 
écrit  Querelle  d'Alleman,  l'auteur  de  la  comrnunication 
y  Toit  une  preuve  en  faveur  de  l'origine  donnée  par 
Leroux  de  Lincy.  Eh  bien!  je  crois  qu'il  se  trompe; 
ce  n'est  pas  là  une  preuve,  et  il  va  le  compreudre. 

Dans  les  premiers  temps  de  notre  langue,  on  écrivait 
Aleman.  nom  de  peuple,  sans  d  final,  comme  le 
montre  cet  exemple   du  \\\'  siècle  : 

îi'il  ne  cremi  les  reis  d'Engleis  ne  le  Francur,  Aleman 
ne  Tieis,  ne  dac  n'empereûr. 

(Thovuis  te  3IarlyT,   loo,) 

Cette  orthographe  était  encore  suivie  par  quelques 
auteurs  au  xvir'  siècle,  notamment  par  Cotgrave  (IfiOO'i. 
Or,  parce  qu'on  trouve  Querelle  d'Alleman  dans  un 
contemporain  de  Cotgrave  (Autoine  Oudin  mourut  en 
<653j,  peut-on  logiquement  en  inférer,  surtout  si  l'on 
sait  que  Richelet  a  écrit  Alleman  pour  désigner  le 
peuple  d'Allemagne,  que,  dans  l'expression  qui  nous 
occupe.  Allemand  fasse  plutôt  allusion  à  une  famille 
ayant  porté  le  nom  d'Allejiian  qu'au  peuple  allemand 
lui-même? 

Après  ce  que  j'en  avais  dit  une  première  fois,  il 
pouvait  ne  pas  être  inutile  de  revenir  sur  l'expression 
proverbiale  Querelle  d'Allemand  ;  aussi,  mes  remer- 
ciements à  l'abonné  qui  a  bien  voulu  provoquer  de  ma 
part  une  plus  ample  explication  à  ce  sujet. 

n. 

J'ai  reçu  trois  lettres  relativement  à  des  questions 
résolues  dans  le  dernier  numéro  de  la  3'  année.  Voici 
la  première  en  date  : 

Dimanche,  28  mars  1875. 
Monsieur, 

Je  lis  souvent  avec  plaisir  vos  consciencieux  travaux 
sur  les  particularités  de  notre  grammaire  et  de  notre 
prononciation.  Vous  comprenez  qu'il  m'arrive  quelquefois 
de  n'être  pas  tout-à-fait  de  votre  avis;  mais,  ne  trouvant 
pas  mon  e.xplication  plus  satisfaisante  que  la  vôtre,  je  me 
fais  scrupule  de  vous  importuner.  Touti?foi.«,  je  me  risque 
aujourd'hui  à  vous  exposer  un  doute,  et  à  vous  soumettre 
une  objection. 

Dans    votre   discussion  avec  M.    Charles   Deulin,    vous 
avez  soutenu,  et  non  à  tort,  selon  moi,  que  de  est  dans 
certaines  phrases  une  particule  supplétive  : 
11  y  en  avait  de  brunes. 
Je  ne  sais  rien  rfeplus  beau, 
de  équivaut  à  qui  étaient,  qui  soit.  Mais  dans 
Quarante  hommes  de  tués, 
11  n'y  a  pas  de  route  pire, 
il  semble  bien  que  de  soit  purement  explétif;  et,  de  fait, 
dans  les  locutions  de  ce   genre,  il  est  souvent  supprimé 
sans  inconvénient. 

Je  ne  partage  pas  votre  opinion  sur  les  «  phrases  inter- 
jetées »;  «  interrompit-elle  »,  soupira-t-il  »,  «  s'exclama 
celui-ci  »  me  paraissent  des  locutions  fort  correctes  et 
bien  employées. 

Mais  venons  à  une  quostion  assez  délicate,  et  qui  est  le 
véritable  motif  de  ma  lettre,  à  la  question  des  /(  mouillées. 


Vous  proposez  la  prononciation  courante  à  Paris  :  ye. 
Un  Suisse  réclame  en  faveur  de  :  lie. 

Je  ne  goûte  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  moyens  d'éluder 
une  petite  difticulté  vocale.  Le  vrai  son  est  intermédiaire, 
comme  je  vais  essayer  de  le  démontrer  ;  et  je  ne  vois  pas 
encore  dans  une  corruption  d'origine  toute  parisienne,  et 
répandue  par  l'usage  depuis  peu  d'années,  une  raison 
suffisante  de  supprimer  une  des  articulations  caractéris- 
tiques de  notre  idiome. 

Vous  citez  l'italien  pianta,  piazzn,  etc.  qui  prouvent  bien 
une  tendance  de  1"/ à  se  vocaliser;  dans  l'exemple  italien 
la  vocalisation  se  fait  en  i ;  ailleurs,  en  français,  elle  se 
faisait  souvent  en  o  :  chevaw-léger,  chevaux  =chevah; 
autre^a/tre,  etc.  Mais  le  rapprochement  ne  me  parait  pas 
justifié,  et  ne  prouve  rien  pour  ou  contre  les  II  mouillées. 

L'espagnol  cabatlero,  llano.i,  etc.  vous  fournirait  un  argu- 
ment plus  décisif  'ou  plutôt  à  votre  adversaire  suisse);  car 
le  son  est  bien  lie,  cavaliero,  lianos. 

Je  pense  toutefois,  malgré  les  affinités  qui  unissent  les 
langues  romanes,  que  l'affaiblissement  espagnol  lie  ne 
peut  prévaloir  contre  le  Ih  provençal  et  le  gl  italien,  qui 
correspondent  tout-à-fait  à  nos  II  mouillées,  ou  à  notre  //, 
tel  qu'il  se  présente  encore  dans  orgueil,  deuil,  cercueil,  et 
tel  qu'il  se  prononçait  au  xvu'  siècle  dans  fusil,  persil, 
péril,  etc. 

L'articulation  dont  il  s'agit  est  à  la  liquide  l  ce  que  le 
son  gn  est  à  la  nasale  n. 

Elle  se  produit  en  pressant  légèrement  du  milieu  de  la 
langue  la  région  du  palais  qui  avoisine  les  gencives,  sans 
toucher  celles-ci. 

De  même  gn  se  prononce  en  pressant  encore  le  palais 
avec  la  langue,  mais  un  peu  plus  en  arrière. 

Figlia,  migliore  en  italien  ne  sont  ni  filia,  ni  fitja,  ni 
miliore,  ni  miijnre. 

Fille,  meilleur  ne  sont  pas  davantage  fiye,  meiyeur,  ou 
filie,  mèlieur:  orgueil,  deuil  ne  sont  pas  orgueiij,  deuiy  ou 
deulie,  orgueilie. 

Le  son  mouillé,  sorte  de  semi-voyelle  où  l  prédomine, 
peut  se  prolonger  comme  j,  ch,  v,  /'.  etc..  quoique  moins 
nettement.  C'est,  je  le  répète,  un  caractère  particulier  au 
français,  au  provençal  et  à  l'italifn. 

L'usage,  sans  doute,  pourra  nous  contraindre  à  le  rem- 
placer par  ie,  comme  dans  le  dialecte  parisien,  ou  par  lie 
comme  en  espagnol  ;  mais  l'exemple  de  ceux  qui  parlent 
bien  peut  nous  conserver  longtemps  encore,  ce  que  je 
souhaite,  cette  nuance  phonétique. 

Pardonnez-moi,  Monsieur  et  cher  Confrère,  cette  menue 
dissertation,  et  croyez  à  ma  vive  sympathie  pour  l'œuvre 
que  vous  poursuivez  avec  un  goût  si  judicieux. 

,  .\ndré  LEFÈVRE, 
21,  rue  Hautefeuille. 

Aujourd'hui,  mes  remerciements  à  .M.  André  Lefèvre; 
et,  dans  quinze  jours,  je  l'espère,  ma  réponse. 

X 

Première  Question. 

Je  profile  de  VovcaMon  que  j'ai  de  vous  écrire  pour 

rous  prier  de  me  donner  l'origine  et  l'/tisloire  du  mot 

BOCK.     Vous   obligerez    cotre   abonne   et   tout   dévoué 

serviteur. 

Si  j'ai  bonne  souvenance,  deux  vocables  sont  à 
votre  disposition  pour  «  commander  >>  dans  un  café 
où  vous  entrez  avec  l'intention  de  prendre  de  la  bière  : 
chope,  et  surtout,  connue  [dus  moderne,  bock. 

Chope  se  comprend,  c'est  en  quelque  sorte  l'ancêtre 
de  chopine;  mais  bock  est  un  terme  allemand  qui  veut 
dire  /)oi/c.  et  qui,  parait-il,  ne  s'emploie  jamais  au-delà 
du  Rhin  dans  le  sens  de  verre  à  boire.  Que  lui  est- 


LE  COURRIERTDE  VAUGELAS. 


Il 


il  donc  arrivé  en  France  pour  qu'il   y  ait  pris  celle 
sii-'iiificalion? 

Je  crois  pouvoir  vous  le  dire,  grâce  à  une  note  que 
j'ai  recueillie  dans  le  Figaro  du  19  octobre  1874,  noie 
conlcnaht  une  explication  du  mot  en  question,  par 
M.  Charles  Rozan. 

On  dit  proverbialement  en  Allemagne  Etre  heurte, 
poussé  par  le  bouc,  pour  signifier  avoir  trop  bu,  être  en 
élat  d'ivresse  ;  et,  attendu  que  la  bière  nouvelle  est 
très-capiteuse,  les  Allemands  ont  naturellement  appelé 
bière  de  bouc,  celle  qui  met  son  buveur  dans  l'état 
prévu  par  ce  proverbe.  L'expression  est  adoptée  dans 
toute  l'Allemagne,  et  la  plupart  des  brasseries  y  ont 
pour  enseigne  la  tête  du  ruminant  que  la  Grèce 
païenne  sacrifiait  a  Bacchus. 

Or,  dans  la  langue  de  nos  voisins  de  l'est,  langue  où 
le  délerminanl  précède  toujours  le  délerminé,  bière  de 
bouc  se  dit  bock  bier,  et  rerre  de  bière  se  dit  glas  bier, 
sans  qu'on  mette  aucune  préposition  entre  gins  et 
bier,  tandis  que  nous,  nous  mettons  un  de  entre  verre 
et  bière.  Avant  la  guerre,  nos  compatriotes  allaient 
volontiers  visiter  l'Allemagne;  ils  y  entendirent  pro- 
noncer boc/c  bier,  qu'ils  retinrent,  et  qu'ils  rapportèrent 
chez  eux  comme  souvenir  de  voyage.  Mais,  étant 
peu  familiarisés  avec  la  syntaxe  allemande,  ils  auront 
cru  pouvoir  traduire  bock  bier  par  bock  de  bière,  qu'ils 
auront  bientôt  après  réduit  à  t)ock.  au  sens  de  ferre, 
comme  piécedeniment  ils  avaient  réduit  c/iope  de  bière 
à  chope. 

Telle  est,  à  mon  avis,  l'origine  de  bock,  une  des  plus 
curieuses  certainement  que  puisse  offrir  la  langue 
française. 

X 
Seconde  Queslion. 

Du  mot  ARCHÉOLOGIE,  0)1  (i  fait  abchéologue,  et  ces 
mots  se  trouvent  dans  tous  les  dictionnaires;  pourquoi 
de  puAiiMAcOLOGiE  .)/.  Littré  n'u-t-il pas  fait  ruAUiiAco- 
LOGCE,  car  ce  mol  n'est  pas  dans  le  sien? 

C'est  pour  une  raison  très-simple,  que  quelques 
mots  suffiront  à  vous  expliquer. 

Toutes  les  fois'  qu'une  partie  des  sciences  n'est  pas 
enseignée  exclusivement  par  quelqu'un,  on  ne  crée  pas 
de  nom  pour  désigner  celui  qui  l'enseigne,  un  tel  mot 
n'étant  pas  nécessaire.  Ainsi,  il  n'y  a  pas  de  désignation 
spéciale  pour  ceux  qui  enseignent  la  théodicée,  l'ortho- 
graphe, l'acoustique  et  la  planimétrie,  parce  qu'elles 
sont  traitées  par  les  professeurs  de  philosophie,  de 
grammaire,  de  physique,  de  mathématiques. 

Or,  la  pharmacologie  est  justement  dans  le  même 
cas;  partie  du  cours  de  Matière  médicale  {ayant  pour 
objet  de  faire  connaître  les  médicaments  el  d'en  indiquer 
l'emploi),  elle  est  enseignée  par  le  professeur  chargé 
de  ce  cours. 

D'où  il  suit  que  le  nom  de  pharmacoloyue  n'existe 
pas,  et  ne  peut,  par  conséquent,  figurer  dans  aucun 
dictionnaire  de  la  langue  actuelle. 

Que,  par  suite  du  progrès,  la  pharmacologie  devienne 
une  partie  assez  étendue  pour  faire  en  quelque  sorle 


une  spécialité  dans  l'enseignement  de  l'art  de  guérir, 
et  l'on  dira  pharmacoloyue,  comme  on  dit  astrolo'/tie, 
pédagogue,  assyriologue,  etc.;  mais  jusque-là,  crojez- 
le  bien,  ce  mot  ne  sera  pas  mis  en  usage. 

Troisii'me  Queslion. 
J'ai  une  double  question  à  vous  faire  relativement  à 
l'expression  acte  sous  seimg  trivé.  1°  Faut-il  mettre  un 
trait  d'union  entre  seix  et   piiivÉ;    2°    Faut-il  écrire 
SEIN  et  PKivÉ  au  singulier  ou  au  pluriel? 

Dans  cette  expression,  sous  a  le  sens  de  qui  porte  ; 
et,  de  même  que,  par  exemple,  sans  mettre  le  trait 
d'union,  on  dit  d'un  navire  qu'il  navigue  sous  pavillon 
français,  de  même  on  doit  écrire,  sans  employer  ce 
signe,  un  acte  sous  seing  privé,  portant  une  signature 
privée.  Cette  orthographe  est  celle  qu'on  trouve  dans 
les  traités  de  législation  : 

Un  acte  sous  seing  privé  devient-il  authentique  par  le 
dépôt  qui  en  est  fait  dans  l'étude  d'un  notaire? 

(Rolland  de  Villargues,  Hep.  du  Not.,  vol.  I,  p.  (83.) 

Celui  auquel  on  oppose  un  acte  sous  seing  privé  est 
obligé  d'avouer  ou  dedésavouerformellement  son  écriture 
ou  sa  signature. 

[Code  civil,   art.  l3l3.) 

Dans  la  supposition  où  l'acte  notarié  rédigé  en  langue 
étrangère  devrait  être  considéré  comme  nul  en  tant 
qu'acte  authentique,  il  faudrait,  au  moins,  lui  reconnaître 
la  force  d'un  écrit  sous  seing  privé,  si  toutefois  il  se  trouvait 
signé  de  toutes  les  parties  contractantes. 

(Dalloz,  Rêpsrt.  de  Jurisp.,  vol.  2,  p.  3?o.J 

On  ne  peut  mettre  le  trait  d'union  à  cette  expres- 
sion que  dans  le  cas  où  le  substantif  acte  est  sous- 
entendu;  alors,  on  écril  sous-seing-privé  ian  pluriel  des 
so2ts-seings-privés' ,  substanlif  composé,  abrégé  souvent 
en  sous-seing,  et  fait  comme  boute-tout-cuire,  risque- 
tout,  etc.,  c'est-à-dire  formé  des  mots  servant  de  déter- 
minatif  au  substantif  qu'on  ellipse  :  un  homme  qui 
boule  i|ineli  tout  cuire,  quelqu'un  qui  risque  tout. 

Maintenant,  faut-il  écrire  au  singulier  on  au  pluriel 
les  mots  seing  et  pri'-é  quand  ces  mots  ne  forment  pas 
un  substantif  composé'? 

Le  Code  civil  les  présente  toujours  au  singulier, 
même  avec  acte  ou  écrit  mis  au  pluriel  : 

13-25.  Les  actes  sous  seing  privé  qui  contiennent  des 
conventions  synallagmaliques  ne  sont  valables  qu'autant 
qu'ils  sont  faits  en  autant  d'originaux  qu'il  y  a  de  parties 
ayant  un  intérêt  distinct. 

13'28.  Les  actes  sous  seing  privé  n'ont  de  date  contre  les 
tiers  que  du  jour  où  ils  ont  été  enregistrés,  du  jour  de  la 
mort  de  celui  ou  de  l'un  de  ceux  qui  les  ont  souscrits. 

Il  en  est  ainsi  dans  Dalloz,  lors  même  qu'il  est 
évident  que  l'acte  est  signé  de  plusieurs  personnes  : 

De  là  il  suit  que  les  actes  sous  seing  privé  pourraient  être 
rédigés  autrement  que  dans  la  langue  frani.aise. 

(Vol.  1,  p.  38o.) 

On  a  trouvé  dans  les  rouleaux  du  Parlement  un  acte 
sous  seing  privé  de  l'an  1448,  signé  du  comte  Faucomberge 
et  autres. 

(Vol.  40,   p.  344,) 

A  une  phrase  près  (qui  se  trouve  vol.  I,  p.  (8.5i,  j'ai 


12 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


constamment    rencontré   la  même   orthographe  dans 
Rolland  de  Viilargues  : 

Remarquez,  au  surplus,  que  nous  exigeons  que  le  dépôt 
de  l'acte  sous  seing  privé  soit  fait  par  toutes  les  parties  qui 
y  ont  figuré. 

(Vol.  I,  p.  184.) 

Ces  actes,  s'ils  étaient  d'abord  rédigés  soiis  seing  privé, 
'leviendraient-ils  authentiques  par  le  dépôt  qui  en  serait 
fait  par  les  parties  en  l'étude  d'un  notaire? 

(Vol.  I,  p.  186.) 

Or,  des  exemples  qui  précèdent,  je  conclus  que  les 
mots  en  question  doivent  toujours  s'écrire  au  singulier 
dans  acte  sous  seing  priré. 

.  Du  reste,  si  peu  logique  que  cette  orthographe  puisse 
paraître  au  premier  abord,  elle  est  loin  d'être  injus- 
tifiable, tant  s'en  faut. 

En  effet,  le  mot  seing  est  synonyme  de  signature^  et 
ce  dernier,  qui  désigne  pour  ainsi  dire  la  partie  de 
l'acte  où  l'on  signe,  s'emploie  généralement  au  sin- 
gulier, quel  que  soit  le  nombre  des  signataires,  comme 
en  voici  une  preuve  trouvée  dans  Dalloz,  cité  plus 
haut  : 

L'acte  privé  est  celui  qui  est  fait  sans  l'intervention 
d'aucun  officier  public,  sous  la  seule  signature  des  parties, 
et  n'a  pour  cela  même  aucun  caractère  public. 


ETRANGER 


Première  Qiieslion. 
D'après  notre  «  biographie  »  du  numéro  19,  p.  150 
(5°  année),  Yaugelas  foulait  que  l'on  dît  :  «  le  lieu 
d'où  je  viens,  »  et  non  «  do.nt  je  viens  »  quoique  réelle- 
ment DOiM  vienne  de  xîadè  « .  Mais  dont  est  un  pronom 
relatif;  comment  peut-il  venir  de  u.ndè,  qui  est  un 
adverbe  ? 

Quelque  singulier  que  cela  puisse  vous  paraître,  ce 
n'en  est  pas  moins  un  fait,  et  un  fait  dont  on  peut 
facilement  rendre  compte. 

L'adverbe  latin  undè,  d'où,  devint  d'abord  unt,  ont, 
ond  en  langue  d'oïl,  comme  il  était  devenu  en  italien  et 
en  portugais  onde,  en  valaque  unde,  en  espagnol  ond, 
et  en  langue  d'oc  ont  : 

En  l'abbéie  ot  un  porter; 
Ovrir  s'ileit  1  us  del  muster, 
Defors  par  mit  lagent  veneient. 

(Marie  de  France,  t.  I.  p.   i5o.} 

Vous  saves  bien  che  retenu 
Aves  longtems  nostre  treu; 
Orul,  se  sour  vous  avons  coru, 
Droit  ocheison  e  reison  fu. 

(Cité  par  Chevalitt,  III,  p.  i68.) 

Plus  lard,  on  joignit  la  préposition  de  à  unt,  ont, 
ond,  ce  qui  forma  d'uni,  d'ond,  d'ont,  ou  bien,  en  un 
seul  mot,  dunt,  dond,  dont,  adverbe  qui  fut  usité 
jusque  vers  le  xvii"  siècle,  dans  le  sensdef/'o«,  comme 
le  montrent  ces  exemples  : 

Dont  venez  vous  si  seule  parmi  ce  gaut  feuillu. 

{Berie,  LI.) 

David  reparlad  al  bachelier  ki  la  nuvele  portad,  si 
enquist  dunl  il  fust. 

(Livre  des  Pois,  p.  lai.) 

Et  n'has-tu  pas  ton  franc  arbitre 

Pour  sortir  tiond  tu  es  entré? 

<M.irot,  I,  204. > 


Le  mont  Aventin 
Dont  il  l'aurait  vu  faire  une  horrible  descente. 

(Corneille,  Nie.  V,  2.) 

Rentre  dans  le  néant  dont  je  t'ai  fait  sortir. 

(Racine,  BaJ,,  If,  1.) 

Mais  undé  avait  un  autre  emploi  en  latin;  il  se  disait 
pour  de  qui,  duquel,  desquels,  par  lequel,  avec  qui,  au 
moyen  de  qiioi,  ce  dont  voici  des  preuves  empruntées 
à  Ouicherat  : 

l'nde  te  audisse  dicis  (Cic.)  —  (Celui  de  qui  tu  prétends 
le  tenir). 

E  prœdonibus,  unde  emerat  (Ter.)  —  (D'après  les  pirates 
de  qui  il  l'avait  acbeté). 

nereditas,  uide  ne  nummum  quidem  attigisset  (Cic.) — 
(Héritage  dont  il  n'aurait  pas  touché  un  sou). 

£//irfe  jus  stabat,  ei  victoriam  dédit  (Liv.)  —  [K  celui  du 
côté  de  qui  était  la  justice,  il  a  donné  la  victoire.) 

Ingenium,  «ddelongùm  absum  (Cic.)  — (Le  talent  dont  je 
suis  loin.) 

Il  en  est  résulté  que  l'adverbe  composé  français  dont, 
équivalent  du  latin  twîdè,, s'employa  également  dans  le 
sens  de  de  qui,  duquel,  par  lesquels,  etc.,  et  cela,  aussi 
bien  pour  les  personnes  que  pour  les  choses,  comme  le 
montrent  d'ailleurs  ces  exemples  remontant  à  l'origine 
de  la  langue  : 

Le  blanc  haubert  dunt  la  maille  est  menue. 

(CA.  de  Roland,    Cil.)    , 

E  mi  desconfort  greignor 
Dont']&  morrai  sans  retor. 

{Couci,  I,) 

Il  fait  creuser  souz  terre  à  pic  et  à  martel 
A  ses  engigneors,  dont  out  pris  maint  chaste!. 

(C/i.  des  Saxi'iis,  IX.) 

Ainz  chai  morz  de  mort  soubite, 
Dont  Diex  nos  gart  par  la  mérite 
De  sa  très  douce  sade  Mère. 

(Barbazan,  I,  p.  292.) 

Or,  l'emploi  de  dont  pour  d'oii,  autrefois  si  fort  en 
usage,  comme  je  le  faisais  remarquer  tout  à  l'heure, 
finit  par  se  perdre  complètement,  surtout  quand  Vauge- 
las  se  fut  déclaré  contre  lui,  et  il  ne  nous  est  plus  resté 
que  dont  s'employant  pour  duquel,  de  laquelle,  des- 
quels, desquelles,  et  rangé,  à  raison  de  cet  emploi,  dans 
la  classe  des  pronoms  relatifs. 

X 
Seconde  Qiieslioti 
Dites-moi,  s'il  vous  plaît,  d'oii  vient  l'expression 
DONNER  u.NE  rERRCQDE  A  QCEL(}u'u.\.  Je  ne  puis  trouver 
la  relation  qu'il  peut  y  avoir  entre  le  sens  propre  de 
cette  expression  et  le  sens  figuré  :  réprimander  forte- 
ment, faire  de  vifs  reproches,  infliger  une  punition. 

Quitard  explique  ainsi  qu'il  suit  ce  proverbe  : 

Cette  façon  de  parler  triviale  a  pris  naissance  dans 
quelque  couvent  de  bénédictins  ou  d'autres  moines  que 
leur  règle  obligeait  d'avoir  la  tête  rasée,  comme  Serfs  de 
Dieu.  Lorsijue  ces  religieux  renvoyaient  un  novice,  reconnu 
indigne  d'être  admis  à  faire  profession,  ils  lui  mettaient 
une  perriu|ue  en  remplacement  do  ses  cheveux  qui  avaient 
été  rasés,  afin  ((u'il  pût  reparaître  dans  le  monde  sans 
scandale;  et  les  admoniteurs,  prenant  occasion  de  cela, 
disaient  ordinairement  aux  autres  novices  ;  Prenez  garde 
de  vous  faire  donner  une  perruque,  dis  recevoir  une  perruque; 
d'où  vient  l'emploi  de  ce  mot  dans  le  sens  figuré  de 
réprimande  et  de  correction. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


f3 


Mais,  malgré  mon  rcspecl  pour  la  science  du  savant 
belge,  je  n'admets  pas  volontiers  cette  explication,  car 
il  me  semble  que  si  elle  était  vraie, 

•l."  Le  sens  figuré  ne  venant  qu'après  le  sens  propre, 
on  aurait  dû  [vQ[i\ev  donner  jme  perruque  à  qtielqu'un 
avec  ce  dernier  sensdans  queiqueauteur  plus  ou  moins 
ancien,  tandisqu'à  ma  connaissance,  on  ne  l'a  rencontré 
dans  aucun  ; 

2°  L'expression  dont  il  s'agit,  passant  au  figuré,  aurait 
dû  bien  plutôt  signifier  exclure  quelqu'un  d'une  société 
pour  une  cause  d'indignité  quelconque  que  lui  faire  une 
réprimande,  lui  administrer  une  correction. 


PASSE-TE.MPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

i'...-  devoir  à  remplir  que  rf'adjurer  le  maréchal  (Voir 
Courrier  de  Vuugelas,  S»  année,  p.  7i);  —  2o...  leur  nom  a  dû 
se  composer  d'autres  (et  non  de  d'autres);  —  3""  Dans  de  petits 
livres  de  complabililé  ;  —  4"...  comme  un  coup  de  poing  et  le 
nez  sur  lequel  on  l'applique  ;  —  5» . . .  et  vouloir  se  faire  moquer 
(Voir  Courrier  de  Vaiigelas,  4'  année,  p.  130);  —  6°  Le  dan- 
dysme (puisque  le  mot  simple  est  dandy);  —  l"...  est-il  pos- 
sible désormais  de  faire  plus  qu'on  n'a  fait;  —  8°...  le  temps 
qu'exige  (pourquoi  l'adjectif  matériel?);  —  9o...  jusqu'au  sexe 
enchanteur  créé  afin  de  faire  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  2'  an- 
née, p.  139);  —  lO°...  discréditée,  voire  mise  en  péril  (Voir 
Courrier  de  Vaugelas, 'i'  année,  p.  185);  —  11»...  des  plus 
belles  et  des  plus  délicates  peintures  ;  —  12°. .  .  dit  en  insistant 
le  vieux  garçon  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  5'  année,  p.  51). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1°  Miguel  ne  laissa  pas  que  de  faire  sonner  adroitement 
à  leurs  oreilles  quelques-unes  de  ses  grosses  dépenses. 

2°  Inutiles  et  délaissés  par  leur  faute,  ils  reportent  alors 
sur  eux-mêmes  l'affection  que  les  autres  leur  refusent,  et 
s'en  prennent  au  genre  humain  de  l'isolement  qu'ils  se 
sont  volontairement  imposé. 

3*  Voulant  te  remercier,  dit-il,  des  plaisirs  que  tu  nous 
as  causés  ce  soir,  comme  de  la  protection  dont  tes  ancêtres 
et  toi  ont  toujours  entouré  notre  tribu,  nous  avons  songé 
que  le  meilleur  moyen  de  te  plaire... 

4"  L'ascension  du  Zénith,  la  plus  longue,  en  durée,  de 
toutes  celles  qui  aient  été  faites  jusqu'à  ce  jour,  avait 
essentiellement  pour  but  la  détermination  de  la  quantité 
d'acide  carboniciue  et  d'électricité  contenus  dans  les  hautes 
régions  de  l'atmosphère. 

5"  On  a  remarqué  avec  étonnement  que  le  renvoi  de  la 
classe  de  1870,  qui  avait  déjà  commencé,  a  été  arrêté  tout- 
â-coup. 

6°  Je  sais  des  tableaux  pour  lesquels  ce  tour  a  été  joué 
cinq  ou  six  fois.  Ils  finissent  ijres([ue  toujours  par  être 
vendus  plus  chers  qu'ils  ne  valent. 

7°  Que  de  gros  mots!  mais,  comme  ils  révèlent  bien  un 
protond  dépit  de  ce  que  nous  ne  soyions  pas  encore,  nous 
aussi,  lancés  dans  les  aventures  désagréables  avec  les- 
quelles le  nouvel  empire  est  aux  prises! 

8°  Les  officiers  coupables  de  s'être  laissés  surprendre 
ont  été  immédiatement  déférés  à  un  conseil  de  guerre  qui 
les  jugera  souverainement. 


9*  Le  temps,  le  seul  don  qui  soit  distribué  également 
à  chaque  mortel,  est,  excepté  l'àme,  la  perte  qui  soit 
irréparable. 

10°  Un  homme,  aussi  dur  que  soit  son  cœur,  peut  rare- 
ment résister  aux  rayons  d'affection  qui  le  réchauffent. 

Il"  On  doit  aviser  que  les  récompenses  aient  toujours 
un  cûté  utile. 

\ï°  L'abomination  et  la  désolation  ne  sont-elles  pas  à 
leur  comble?  Tout  est  perdu.  U  no  reste  plus  aux  honnêtes 
gens  qu'a  se  charger  la  tète  d'un  sac  de  cendre.s  et  à 
attendre  la  mort. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII"  SIÈCLE. 

Laurent  CHIFFLET. 

[Suite.) 

Parlant  d'une  maladie,  d'une  blessure,  ou  encore 
d'une  «  qualité  »  intérieure  de  quelque  partie  du  corps, 
on  se  sert  de  l'article  défini  au  lieu  de  «  pronom  »  ; 
on  dit  :  la  teste  me  fait  mal,  et  non,  comme  disent  les 
Allemands,  mn  teste  me  fait  mal;  j'uy  mal  aux  yeux,  et 
non  faij  mal  à  mes  yeux.  .Mais  pour  les  habits  et 
les  ornements  extérieurs,  on  peut  se  servir  de  cette 
espèce  de  mots,  et  dire  :  ilporte  à  sa  teste  ou  à  la  teste 
une  cotironne  de  laurier. 

Il  y  a  des  verbes  qui  «  tirent  »  après  eux  des  noms 
sans  articles,  dans  certaines  façons  de  parler,  comme 
avoir  froid,  prendre  congé,  courre  fortune,  etc.  Il  faut 
les  apprendre  par  l'usage,  attendu  que  le  nombre  en  est 
considérable. 

Voici  encore  une  règle  d'une  grande  importance. 
Uuand  l'adjectif  est  mis  devant  le  substantif  au  pluriel, 
on  se  sert  de  l'article  de;  ainsi,  par  exemple,  on  dira  : 
il  y  a  de  curieuses  remarques  dans  ce  livre.  .Mais  si  le 
substantif  «  alloit  devant  «  il  faudrait  des,  comme  dans 
des  remarques  curieuses,  des  soldats  raillants.  Cette 
règle  doit  être  soigneusement  observée,  car  c'est  une 
faute  de  parler  autrement. 

Il  n'y  a  qu'une  exception,  c'est  quand  on  parle  d'une 
partie  de  quelque  tout;  par  exemple,  vous  avez  beau- 
coup de  perles;  rendez-moy  des  plus  grosses  et  des  plm 
rondes,  ou  bien  encore  :  vendez-moij  des  grosses  et  des 
rondes. 

Les  expressions  il  n'a  pas  le  sol,  il  n'a  pas  la  maille, 
signifient  il  n'a  pas  un  sou,  une  maille.  Mais  il  ne  faut 
s'en  servir  que  dans  ces  phrases-là,  qui  sont  en  quelque 
sorte  proverbiales,  car  on  ne  pourrait  dire  :  il  n'a  pas 
le  lésion,  il  n'a  pas  le  liart. 

Quelquefois  on  met  l'article  devant  un  irtfinitif, 
comme  devant  un  nom  :  //  enpert  le  boire  et  le  manger 
(1659). 

L''<  article  «  de  se  met  également  devant  l'infinitif,  an 
commencement  de  la  iiériodc,  quand  il  est  suivi  d'un 
verbe  qui  le  prendrait  après  lui  s'il  était  autrement 
construit;  par  exemple,  de  croire  que  je  m'accorderay 
à  vos  intentions,  c'est  ce  que  je  ne  feray  jamais. 


u 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Devant  un  nom  singulier,  ioiit,  sans  article,  se  met 
pour  tom  les  avec  le  même  nom  au  pluriel  :  tout 
homme  est  créé  pour  le  ciel  signifie  tous  les  hommes 
sont  créés,  etc. 

rORîUTIOJi    DES   NOMS    PLURIELS. 

La  règle  générale  qui  consiste  à  ajouter  une  s  au 
singulier  a  des  exceptions  que  Chifflet  fait  connaître, 
et  où  je  remarque  ce  qui  suit  : 

Parmi  les  noms  en  al,  on  trouve  bocal  qui  fait  au 
pluriel  les  bocals  ;  et  parmi  ceux  en  ail.  on  trouve 
destail  comme  n'ayant  pas  de  pluriel. 

Les  noms  singuliers  en  e  forment  leur  pluriel  en 
ez;  comme  la  vérité,  \e&véritez;  il  est  aymé,  ils  sont 
aymez. 

Voici  des  pluriels  qui  ont  des  irrégularités  dans  leur 
formation  :  on  dit  le  ciel,  les  deux,  mais  des  ciels  de 
lit,  des  arc-en-ciels  ;  le  pluriel  de  la  loy  est  les  loix; 
on  dit  Vail  et  les  yeux;  le  chevreuil,  les  chevreux;  le 
genoiiil,  les  genoux;  le  verroUil,  les  verroux;  on  dit 
un  pseaume  penitenciel,  et  les  psrawwes  pénitent  taux  ; 
un  universel  de  logique,  et  les  cinq  universaux. 

Les  noms  numéraux  ne  changent  pas  au  pluriel,  on 
dit  deux  mille  Sommes  et  non  deux  milles  hommes. 
Mais  il  y  a  une  exception  pour  vingt  et  cent  placés 
devant  les  substantifs  :  on  dit  quatre  vingts  hommes, 
deitx  cents  hommes,  qui  se  prononcent  quatre  vin- 
zhommes,  deux  cen-zhommes. 

DES   NOMS   NUMÉRAUX. 

On  ne  dit  pas  septante,  huilante,  nonante,  sinon  en 
termes  d'arithmétique,  et  Chifllet  recommande  de  dire 
six  vingts  plutôt  que  cent  et  vingt,  et  aussi  onze  cents 
hommes,  douze  cents  hommes  plutôt  que  mille  cent 
hommes,  mille  deux  cents  hommes. 

Quelques  remarques  sur  les  nombres  cardinaux  : 

La  conjonction  et  ne  se  met  jamais  que  devant 
l'unité,  comme  dans  vingt  et  un,  trente  et  un,  etc.; 
devant  les  autres  noms  de  nombre,  on  ne  la  met  pas  : 
vingt-deux,  vingt-trois,  etc. 

Après  cent,  on  n'emploie  jamais  cette  conjonction  : 
cent  un,  cent  deux,  etc. 

Quand  on  «  dit  quelque  nombre  avec  doute  »,  on 
parle  ainsi  :  un  ou  deux,  deux  ou  trois,  etc.  jusqu'à 
(Zîx;  après  on  dit  :  dix  ou  douze,  douze  ou  quinze, 
quinze  ou  vingt,  vingt  ou  trente,  etc.,  soixante  ou 
quatre-vingts,  quatre-vingts  ou  cent,  etc. 

Eu  parlant  du  teniiis,  on  dit  ditns  huit  Jours,  et  non 
dans  une  semaine;  dans  quinze  jours,  et  non  dans 
quatorze  jours,  ni  dans  deux  semaines.  On  dit  trois 
MOIS,  et  non  un  quart  d'an. 

Au  lieu  de  deux,  on  dit  quelquefois  une  couple, 
comme  une  couple  d'ceufs  ;  mais  quand  on  parle  de 
deux  choses  artilicielles  qui  vont  ensemble,  on  dit  une 
paire  :  une  paire  de  cis'aux,  une  paire  d'habits,  c'est-à- 
dire  le  pourpoint  et  le  haut-de-chausses. 

Lorsqu'on  parle  de  «  l'an  courant  »  du  siècle,  on  ne  se 
seil  que  des  nombres  cardinaux,  comme  l'an  initie  six 
cents  cinquante  huit,  et  non  pas  cinquante  huitième. 

En  parlant  des  feuillets  ou  des  pages  d'un  livre,  on 
se  sert  plus  communément  des  nombres  cardinaux  : 


vous  trouverez  ce  passage  en  la  page  soixante-deux. 
-Mais  il  ne  faut  pas  dire,  quand  on  cite  les  auteurs, 
livre  cinq,  chapitre  quatre;  il  faut  se  servir  des  nombres 
ordinaux,  livre  cinquième,  chapitre  quatrième  (IC59). 

De  même,  il  faut  dire  l'empereur  Ferdinand  troi- 
sième, et  non  pas  Ferdinand  trois. 

En  parlant  des  choses  qu'on  a  coutume  de  couper  en 
pièces,  on  emploie  quartier,  comme  dans  un  quartier 
de  veau,  un  quartier  de  pain.  Ce  mot  s'emploie  aussi 
en  parlant  des  phases  de  la  lune. 

Quand  on  dit  //  voyageait  luy  sixième,  luy  septième. 
cela  signifie,  accompagné  de  cinq,  de  six  autres. 

Les  substantif^  collectifs  sont  :  une  huitaine,  une  neuf- 
vaine,  dixaine,  douzaine,  quinzaine,  vingtaine,  etc  , 
jusqu'à  centaine.   Les  autres  ne  sont   pas  usités. 

Au  lieu  de  la  centaine,  on  dit  quelquefois  le  cent, 
comme  dans  :  combien  vendez-vous  le  cent  d'épingles  ? 

FORMATION   DU   FÉMININ    DANS    LES   ADJECTIFS. 

On  ajoute  généralement  un  e  pour  former  ie  féminin 
des  adjectifs;  mais  il  y  a  des  exceptions,  parmi  les- 
quelles je  remarque  que  crud,  mtd,  verd  font  crue, 
nuë.  Inerte;  que  coulis  fait  coulisse;  que  ceux  qui  sont 
terminés  en  t  doublent  cette  lettre  :  plat,  net,  sot 
font  platte,  nette,  sotte;  que  rustaut  et  sourdaut  font 
rustaude  et  sourdaude. 

FORMATION   DES   SUBSTANTIFS   FE'mININS. 

Dans  l'usage  de  notre  langue,  il  y  a  beaucoup  de 
substantifs  masculins  qui  n'ont  point  de  féminin  : 
possesseur,  successeur,  etc. 

Lévrier  fait  au  féminin  levrette;  nourrissier  fait 
nourrice,    et    yvrogne   fait   yvresse. 

FORMATION    DES    DIMINUTIFS. 

Il  y  a  beaucoup  de  noms  dont  ne  ne  peut  former 
des  diminutifs,  parce  que  l'usage  ne  le  souffre  pas; 
soldat  et  galund  sont  de  ce  nombre  :  on  ne  dit  ni 
soldatet  ni  galandet.  mais  bien  petit  soldat,  petit 
galand. 

Aigre  a  pour  diminutif  uigret  ;  le  substantif /(owiwe 
en  a  deux  :  hommet  et  hommelet;  l'adjectif  minard 
fait  mignardelet. 

Les  diminutifs  des  noms  propres  ont  été  inventés 
fort  diversement  par  la  mignardise  des  pères  et  des 
mères  envers  leurs  enfants  :  de  Pierre  on  a  fait  Pier- 
richon.  de  .feanne  on  a  fait  Janneton. 

Parmi  ceux  des  noms  communs,  en  voici  qui  sont 
remarquables  :  avocasseau,  petit  avocat;  bergeronnette. 
petite  bergère;  bouvillon,  petit  bœuf;  chamhrillon. 
petite  chambrière;  chichon,  petit  chien;  cavalot,  petit 
cheval  ;  follion.  follichon,  petit  fou  ;  levron.  petit  lièvre; 
moinichon.  petit  moine;  oursat.  petit  ours. 

11  y  a  des  diminutifs  qui  n'ont  aucune  ressemblance 
avec  les  substantifs  dont  ils  diminuent  la  signification; 
tels  sont  :  bidet,  petit  cheval  ;  marcassin,  petit  san- 
glier; cochon,  petit  pourceau;  poussin, ]eiine  coq. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  Ri;nAC.TEUH-GKRA>T  :  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


13 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


André-Marie  Ampère   et  Jean- Jacques  Ampère. 

Correspondance  et  souvenirs  (de  1805  à  I86Z1).  recueillis 
par  M"""  H.  C.  2  vol.  in-18  Jésus.  977  p.  Paris,  lib. 
Hetzel  et  Cie.  7  fr. 

Fromont  jeune  et  Isler  aîné,  mœurs  parisiennes; 
par  Alphonse  Daudet.  5'^  édition.  In-18  jésus.  392  p. 
Paris,  lib.  Charpentier.  3  fr.  50  cent. 

Paris,  ses  organes,  ses  fonctions  et  sa  vie  dans 
la  seconde  moitié  du  XIX'  siècle;  par  Maxime 
Du  Camp.  2'  édition  T.  6.  In-8°.  586  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  7  fr.  50  cent. 

Graziella;  par  A.  de  Lamartine.  Nouvelle  édition. 
publiée  par  les  soins  de  la  Société  propriétaire  des 
œuvres  de  M.  de  Lamartine.  In-i8  jésus,  18i  p.  Paris, 
lib.  Hachette  et  Cie.  1  fr.  25  cent. 

Les  Marguerites  de  la  marguerite  des  princesses. 

Texte  de  l'édition  de  15i7.  publié  avec  introduction, 
notes  et  glossaire  par  Féli.x  Frank,  et  accompagné  de  la 
reproduction  des  gravures  sur  bois  de  l'original  et  d'un 
portrait  de  Marguerite  de  Navarre.  T.  2  et  3.  ln-16,  517  p. 
Paris,  lib.  des  Bibliophiles. 

Mémoires  secrets  du  XIX"^  siècle  ;  par  le  vicomte 
Beaumont-Vassy.  5"^  édition.  In-12.  vh-378  p.  Paris,  lib. 
Sartorius. 

LesFrèresde  la  Côte;  par  Emmanuel  Gonzalès.  ln-i° 
à  2  col.  160  p.  Paris,  lib.  des  Célébrités  contemporaines. 

Jeanne  la  Folie;  par  Clémence  Robart.  Nouvelle 
édition,  ln-18  jésus,  279  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
1  fr.  25  cent. 

Le  Damné;  par  Camille  Bodin.  Nouvelle  édition.  Gr. 
in-18.  288  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  1  fr.  25  cent. 


Œuvres  complètes  de  Diderot,  revues  sur  les  éditions 
originales,  comprenant  ce  qui  a  été  publié  à  diverses 
époques  et  les  manuscrits  inédits  conservés  à  la  biblio- 
thèque de  l'Ermitage.  Notices,  notes,  table  analytique. 
Etude  sur  Diderot  et  le  mouvement  philosophique  au 
xviii'!  siècle,  par  J.  Assézat.  T.  I.  Philosophie.  I.  In-8% 
r,xviti-i92  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  6  fr. 

Le  Credo  du  jardinier;  par  Alphonse  Karr.  In-18 
jésus.  313  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  3  fr.  50  cent. 

Paris  anecdotique.  Les  industries  inconnues.  La 
Childebert.  Les  Oiseaux  de  nuit.  La  Villa  des  Chiffonniers. 
Voyage  de  découverte  du  boulevard  de  la  CourtiUe  par 
le  fauboura  du  Temple.  Paris  inconnu;  par  Alex.  Privât 
d'Anglemont.  In-16.  363  p.  Paris,  lib.  Delahays. 

Les  Baigneuses  de  Trouville,  suite  des  Mystères 
mondains;  par  .\dolphe  Belot.  i«  édition.  In-18  Jésus, 
390  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Les  Aventures  de  Piaymond  Rocheray;  par  Ernest 
Daudet.  1.  Amours  de  jeunesse.  I'.  Le  Cœur  et  TÉpée. 
2<^  édition.  In-18  jésus,  710  p.  Paris,  lib.  Dentu.  Les 
2  vol.  6  francs. 

Les  Amours  du  temps  passé  ;  par  Charles  Monselet. 
ln-18  jésus.  316  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  3  fr.  50. 

Le  Mariage  de  Gérard,  suivi  de  :  Une  Ondine  ;  par 
André  Theuriet.  In-lS  jésus,  362  p.  Paris,  lib.  Charpentier 
et  Cie.  3  fr.  50  cent. 

Voyage  en  Orient;  par  Gérard  de  Nerval.  8^  édition, 
revue,  corrigée  et  augmentée  d'uje  préface  nouvelle 
par  Théophile  Gautier.  2  vol.  in-18  jésus,  xxxv-779  p. 
Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  7  fr. 

Œuvres  de  Vadé;  précédées  d'une  notice  sur  la  vie 
et  les  œuvres  de  Vadé.  par  Julien  Lemer.  ln-18  jésus, 
426  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 


Publications  antérieures  : 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du;.  —  11  ne 
reste  plus  que  la  1'.  la  h"  et  la  5«  année,  en  vente  au 
bureau  du  Courrier  de  Vungelas,  26,  boulevard  des 
Italiens.  —  Prix  :  6  fr.  par  année.  —  Envoi  franco  pour 
la  France.  —  La  i'^  et  la  3=  année  seront  prochainement 
réimprimées. 

LA  CHUTE  D'UN  ANGE,  épisode;  par  A  de  Lamartine.— 
Nouvelle  édition.  —  Paris,  Hachette,  et  Cie,  Paynerre- 
Fu]rne  et  Cie,  éditeurs. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon. 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  et  Cie.  79,  boulevard  Saint-Germain. 


NUITS  D'AUTOMNE;  par  Ev.\RiSTECAnnANCE.  —  Deuxième 
édition.  — Prix:  5  francs  —  Paris,  Alphonse  Lemerre. 
éditeur,  27-29,  passage  Choiseul. 


LE  DICTIONNAIRE  EX  EXERCICE.S,  étude  pratique  des 
mots  de  la  langue  française  faisant  connaître  1°  les  racines 
françaises  ou  les  radicaux;  2°  les  préfixes  et  les  suffi.ves; 
3°  la  valeur  primitive  et  actuelle  des  dérivés  français  ; 
!i°  l'emploi  des  mots  ;  5°  l'orthographe  d'usage.  —  Par 
L.  Grimblot.  —  Partie  du  maître  et  partie  de  l'élève.  — 
Paris,  Aiig.  Boyer  et  Cie,  libraires-éditeurs,  Zi9,  rue  St- 
André-des  Arts. 


LES  AMOURS  DE  PETITE  VILLE;  CHARDONNETTE ;  — 
Par  Chaules  Deulln.  —  Troisième  édition.  —  Paris, 
E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de 
lettres,  Palais-Roval,  17-18.  Galerie  d'Orléans. 


RECITS  ESPAGNOLS;  par  Charles  Gueullette  —  Un  beau 
volume  in-18  de  316  pages  —  En  vente  chez  Dentu  et 
dans  toutes  les  gares.  —  Prix  :  3  francs. 


LE   PANTHÉON    DE  LA   FABLE,    choix   des  meilleurs 


K. 


LE  COURRIER  DE  VAUGElAS. 


apologues  empruntés  aux  fabulistes  de  tous  les  temps  et 
de  tous  les  pays,  avec  des  notices  biographiques,  des 
études  historiques  et  littéraires,  etc.  —  Par  J.-Alex. 
Abrant,  professeur  de  langues  et  de  littérature.  —  Paris, 
Aug.  Boyer  et  Cie,  libraires-éditeurs,  à9,  rue  St-André- 
des-Arts. 


LA  MORALE  UNIVERSELLE,  un  beau  volume  in-8", 
papier  cavalier,  de  476  pages.  —  Par  A.  Eschenauer  — 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française  —  Chez 
Sandoz  et  Fischbaclier,  33,  rue  de  Seine. 


MORCEAU.X  CHOISIS  DES  GRANDS  ÉCRIVAINS  DU  XVI'= 
SIÈCLE,  accompagnés  d'une  grammaire  et  d'un  diction- 
naire de  la  langue  du  xvr  siècle.  —  Par  Auguste  Brachet, 
ancien  e.xaminateur  et  professeur  à  l'École  polytech- 
nique, lauréat  de  l'Académie  française  et  de  l'Académie 
des  Inscriptions,  membre  de  la  Société  de  linguistique. 
—  Deuxième  édition  revue.  —  Paris,  librairie  Hachette 
et  Cie,  79,  Boulevard  Saint-Germain. 


PRÉCIS  CLASSIQUE  DE  LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE 
AU  XVIIP  ET  AU  XIX"-  SIÈCLE.  —  Ouvrage  servant  de 
complément  aux  Quatre  siècles  littéraires.  —  Par  Tu. 
Lepetit,  professeur  à  Paris.  —  Paris,  Aug.  Boyer  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  Zi9,  rue  Saint-André-des-Arts. 


PETIT  DICTIONNAini'  NATIONAL,  à  l'usage  de  la  jeu- 
nesse et  de  tous  ceux  qui  ont  besoin  de  renseignements 
prompts  et  précis  sur  la  langue  française.  —  Par  Besche- 
RELLE  AÎNÉ.  —  Paris,  Garnier  frères,  libraires-éditeurs, 
6,  rue  des  Saints-Pères,  et  Palais-Royal^  215. 


ORIGINES  DE  QUELQUES    COUTUMES    ANCIENNES  ET 
DE     PLUSIEURS    FAÇONS    DE     PARLER    TRIVIALES.    — 

Par  MoiSANT  de  Brieux,  fondateur  de  l'Académie  de  Caen. 
—  Avec  une  introduction  biographique  et  littéraire  par 
M.  E.  DE  BEAURErAiRE.  —  Un  commentaire  et  une  table  ana- 
lytique par  M.  Georges  Garmer,  et  un  portrait  de  l'auteur 
gravé  par  M.  L.  de  .Merval.  —  Caen,  Le  Gost-Clérisse, 
libraire-éditeur,  place  du  Palais- de-Justice. 


NOUVELLE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  fondée  sur  l'his- 
toire DE  LA  LANGUE,  à  l'usage  des  établissements  d'instruc- 
tion secondaire.  —  Par  Auguste  Brachet,  professeur  à  l'Ecole 
polytechnique.  —  In-12,  xix-2i8  p.  —  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie,  97,  boulevard  Saint-Germain.  —  Prix  :  1  fr.  50. 


L'ÉTUDE  DES  LANGUES  RAMENÉE  A  SES  VÉRITABLES 
PRINCIPES  ou  l'art  de  penser  dans  une  langue  étrangère. 
—  Par  C.  Marcel,  ancien  consul.  Chevalier  de  la  Légion 
d'honneur.  —  Paris,  Aug.  Boyer  et  Cie,  libraires-éditeurs, 
49,  rue  Saint-André-des-Arts. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


A  Passy  (prés  du  Ranelagh).  — Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  daus  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Rue  de  Turin   (près  de   la  gare  Saint-Lazare).  — 

Une  ancienne  maîtresse  de  pension  reçoit  dans  sa  famille 
deux  jeunes  étrangères  pour  les  perfectionner  dans  la 
langue  française.  —  Leçons  de  musique. 


Près  de  la  gare  Saint'Lazare  (vue  sur  la  voie).  — 
Un  homme  de  lettres  recevrait  comme  pensionnaire  un 
étranger  qui  voudrait  profiter  de  son  séjour  à  Paris  pour 
se  perfectionner  sérieusement  dans  la.  pratique  de  la 
langue  française. 


Avenue  de  l'Impératrice.  —  Un  ancien  préfet  du 
coUégî  RoUin  prend  en  pension  quelques  jeunes  étrangers 
pour  les  perfectionner  sérieusement  dans  l'étude  de  la  langue 
française. 


(Les  adresses  sont  indiquées  à  la  rédaction  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Appel  aux  Prosateurs. 
L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  soti  œuOre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cours, mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 

Appel  aux  poètes. 

Le  quatorzième  Concours  poétique,  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février,  sera  clos  le  1"''  juin  1875.  —  Dix  médailles  or, 
argent  et  bronze,  seront  décernées.—  Demander  le  programme,  qui  est  adressé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance,  président 
du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 

Académie  des  Jeux  floraux. 

Cette  Académie  dispose,  tous  les  ans,  de  six  Fleurs  comme  prix  de  l'année,  savoir  :  PAmarante,  la  Violette,  le 
Souci,  la  l'rimevére,  le  Lys  et  l'Eglantine. 

L'Amarante  vaut  AOO  fr.;  la  Violette  250  ;  le  Souci  200;  la  Primevère  100;  le  Lys  60;  l'Eglantine  450. 

Le  Programme  est  envoyé  gratis  et  franco  à  toute  personne  qui  en  fait  la  demande,  par  lettre  affranchie,  au 
Secrétaire  perpétuel  de  l'.\cadémic  des  ./eux  floraux,  à  Toulouse.       ^_^_^^_^^^^_^__^___^_^_^.^_^^.^^ 


Le  rédacteur  du  V.nurrirr  de  Vtiugelns  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 

~  Imprimerie  GOnVliRNEUH,  G.  U.'\Uri;LEV,  a  NogeiU-le-Hotrou. 


G'^  Année 


No  3. 


1"  Juin  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraiasant    le    1"   et    le    15     de    chaque    mois 

{Dans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Abonnement  pour  la  France.    6  f. 
Idem        pour  l'Étranger   10  f. 
Annonces,  la  ligne.  50  c. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEUR    SPÉCIAL  POUR   LES    ÉTRANGERS 

Officier  d'.\caJémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s' adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 


SO.M.MAIRE. 
Réponse  è  une  communication  du  numéro  précédent;  —  S'il 
faut  mettre  l'article  devant  Balignolles,  et  d'où  vient  ce  mol? 
—  L'expression  C'est  un  iéro  en  chiffre,  est-elle  bonne?  —  Ori- 
gine et  signification  de  A  la  Irôle  :  —  Emploi  de  Médiéval  pour 
désigner  le  moyen-àge;  —  Assyriologie  et  Assyriologue  sont 
français  J  Réplique  de  M.  Dufour-Vernes  et  répanse  ;  —  Si 
Devant  peut  s'employer  pour  Avant:  —  Passe-temps  gram- 
matical ;  Suite  de  la  biographie  Ae  Laurent  Chifjlel  \\  Ouvrages 
de  grammaireet  de  littérature  11  Renseignements  aux  professeurs 
français  qui  désirent  aller  à  l'étranger  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


Réponse  à  M.  André  Lefèvre. 

La  lettré  que  M.  André  Lefèvre  a  bien  voulu  m'écrire 
louche  à  trois  points  :  le  premier  concerne  de  dans 
certains  cas;  le  second,  la  conslniclion  des  verbes 
interjetés  ;  le  troisième .  la  prononciation  des  II 
mouillées.  Elle  me  donne  raison  sur  le  premier,  ne 
partage  pas  entièrement  mon  avis  sur  le  second,  et 
diffère  complètement  avec  moi  sur  le  troisième. 

Comme  je  ne  pourrais  que  me  répéter  en  reprenant 
la  question  des  verbes  interjetés,  je  ne  parlerai  ici  que 
de  la  prononciation  des  //  mouillées,  qui  est  «  le  véritable 
motif  »  de  la  communication  de  .M.  André  Lefèvre. 

Jusqu'à  présent,  les  discussions  soutenues  dans  le 
Covrrier  de  Vaurjelas  relativement  aux  //  mouillées 
n'avaient  eu  pour  objet  que  de  décider  si  l'on  devait 
les  prononcer  ie  ou  lie.  Mais  ce  n'est  ni  l'un  ni  l'autre, 
d'après  M.  André  Lefèvre:  le  «  vrai  son  est  intermé- 
diaire »,  c'est  celui  de  Ih  provençal  et  (\egl  italien. 

Pour  combattre  cette  opinion,  que  je  crois  erronée, 
je  vais  simuler  entre  mon  adversaire  et  moi  un  dialogue 
ot'i,  avec  sa  permission,  je  prendrai  l'initiative. 

—  Dans  un  groupe  de  langues  de  même  famille,  qui 
s'écrivent  avec  les  mêmes  caractères,  pensez-vous 
qu'il  puisse  y  avoir  quelque  divergence  relativement  à 
la  prononciation  de  certaines  lellres'!" 


—  Assurément. 

—  Comment  prouveriez-vous  qu'une  telle  divergence 
peut  exister? 

—  Par  une  comparaison.  Je  suppose  qu'une  grande 
nation  dont  la  législation  est  uniforme  se  fractionne 
un  jour  en  plusieurs  parties  qui  deviennent  autant 
d'autres  nations.  Il  pourra  fort  bien  arriver,  après  un 
laps  de  temps  plus  ou  moins  long  ,  que  diverses  modi- 
fications s'introduisent  dans  le  code  de  chacune  d'elles. 
Or,  y  a-t-il  quelqu'un  qui  puisse  prétendre  que  l'une 
de  ces  nations  aurait  tort  d'admettre  l'une  des  modifi- 
cations en  question,  parce  que  ses  sœurs  ne  l'auraient 
pas  admise"?  Certainement  non,  attendu  que  toute  nation 
a  le  droit  incontestable  de  faire  des  lois  à  sa  guise  et  à 
sa  convenance.  Eh  bien  !  il  en  est  de  même  pour  les 
langues  de  commune  origine  :  les  affinités  qu'elles  ont 
entre  elles  n'empêchent  pas  qu'elles  ne  soient  com- 
plètement indépendantes  les  unes  des  autres,  et  chacun 
des  peuples  qui  les  parlent  est  maitre  de  prononcer 
comme  bon  lui  semble  les  caractères  servant  à  les 
écrire. 

—  Ainsi,  vous  admettez,  par  exemple,  que  la  véritable 
manière  de  prononcer  le  j  en  espagnol  est  celle  qui  a 
été  adoptée  par  le  peuple  d'Espagne,  et  non  celle  que 
pratique  le  peuple  italien  ou  le  peuple  français?  que  la 
véritable  manière  de  prononcer  cci  en  italien  est  tc/ti. 
comme  on  dit  de  l'autre  côté  des  Alpes,  et  non  csi, 
comme  on  dit  de  celui-ci? 

—  Mais,  sans  doute. 

—  Alors,  soyez  conséquent.  Il  y  a  dans  les  langues 
néo-latines  trois  manières  de  prononcer  les //mouillées  : 
comme  en  Espagne,  comme  en  Italie  et  en  Provence,  et 
comme  on  le  fait  généralement  chez  nous.  Laquelle  de 
ces  trois  manières  doit  être  réputée  la  vraie  pronon- 
ciation française? 

Ou  je  me  trompe  singulièrement,  ou  laréponseà  cette 
question  exige  que  M.  André  Lefèvre  abandonne  son 
opinion  sur  la  prononciation  des  //  mouillées. 

Il     \    a   un  certain    nombre  de  sons  que  l'on  est 


18 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


incapable  de  produire  si  on  ne  les  a  pas  entendus 
dès  l'enfance.  Ainsi,  quoi  qu'il  fasse,  un  Arabe  adulte 
étudiera  en  vain  la  prononciation  de  notre  gn  :  il  dira 
toujours  onion  pour  oiynon;  un  Espagnol  dans  la  même 
condition  d'âge  n'arrivera  jamais  à  faire  sonner  s  entre 
deuï  voyelles  comme  un  :;,  eût-il  passé  plusieurs  années 
en  France.  Or,  le  son  des  II  mouillées  que  préconise 
M.  André  Lefèvre  est  justement  pour  nous  ce  que  sont 
notre  gn  et  notre  s  pour  les  étrangers,  dont  je  viens  de 
parler  :  nous  ne  le  percevons  qu'avec  la  plus  grande 
difficulté  'pour  mon  compte,  j'avou'i  franchement  que 
je  ne  sais  comment  dire  fille  et  meilleur  quand  on 
m'interdit  fille  et  fiye,  meilieur  et  meiyeur),  et  il  est 
impossible  que  notre  oreille  puisse  y  être  accoutumée 
à  l'époque  où  elle  est  apte  à  le  saisir.  D'où  cette  consé- 
quence que,  même  s'il  était  vrai  que  la  prononciation 
de  nos  II  mouillées  fût  exactement  celle  du  gl  italien 
et  du  //*  provençal,  ce  serait  poursuivre  une  chimère 
que  de  chercher  à  la  faire  prévaloir. 

X 
Première  Question. 
Je  vous  prierais  de  vouloir  bien  répondre  aux  deux 
questions  suivantes^  bien  faites^  il  me  semble^  pour 
intéresser  vos  nombreux  lecteurs  parisiens  :  \  °  Faut-il 
dire:  aller  a  batigxolles,  demeurer  a  batig^jolles  , 
VEMR  DE  BATiooLLES,  o!<,  avec  l'article  composé  :  aller 

AUX  BATIG.NOLLES,  DEMEURER  AUX  BATIGN'OLLES,  VENIR  DES 

BATiGNOLLEs?    2°    D'ûit    Vient    le    nom    lui-même    de 

BiTlGNOLLES? 

Sur  le  plan  de  Paris  et  de  ses  environs  levé  par 
l'ingénieur  Roussel,  et  publié  en  1730,  plan  qui  s'étend 
un  peu  au-delà  des  limites  actuelles,  on  voit,  au  nord 
et  à  l'ouest  du  village  de  Monceaux,  onze  places  garnies 
d'arbres,  en  forme  de  carrés  allongés.  Ces  places 
figurent  des  remises  établies  sans  doute  pour  servir 
d'abris  au  gibier  des  plaines,  de  ce  côté  de  Paris.  Parmi 
ces  remises,  dont  les  noms  étaient  pour  la  plupart 
empruntés  aux  plantes  et  aux  arbres  qui  y  dominaient 
(il  y  avait  la  remise  des  Epineltes,  la  remise  du  Chien- 
dant,  la  remise  des  Noyers,  etc.),  se  trouvait  la  remise 
du  Fond  ou  des  Batignolles,  située  entre  les  chemins 
de  Clichy  et  de  Sl-Ouen.  C'est  la  plus  ancienne  citation 
que  l'on  connaisse  du  nom  de  Batignolles,  lequel  a  été 
affecté  depuis  au  village  devenu  aujourd'hui  un  des 
quartiers  de  Paris. 

Or,  si,  dans  le  principe,  on  a  dit  les  Batignolles,  ce 
qui  est  incontestable,  il  est  évident  qu'on  doit  dire 
encore,  avec  l'article  contracté  au  pluriel  :  Aller  aux  Ba- 
(ignolles,  venir  des  Bafignolles,  etc. 

Maintenant  d'où  vient  le  nom  de  Balignolles? 

Le  journal  l'Intermédiaire,  auquel  j'emprunte  les 
éléments  de  cette  réponse,  conlient  à  ce  sujet  deux 
élymologies  sérieuses  que  voici  : 

i"  En  17.30,  d'après  Auguste  Descauriet  llist.  de  la 
transform.  des  grandes  villes  de  l'empire],  le  duc 
d'Orléans  fit  élever  dans  la  plaine  de  Clichy  une  sorte 
(le  remise.  Deux  piqucurs,  La  Folie  et  Picard,  sur- 
nommés à  cause  de  leur  humeur  joyeuse  les   Bati- 


gnolcurs,  du  vieux  mot  butignoler,  auraient  baptisé 
cette  remise  du  nom  de  Balignolles,  qui  aurait  été 
ainsi  l'origine  de  la  dénomination  du  village  dont  il 
s'agit. 

—  J'ai  consulté  tous  les  lexiques  du  vieux  langage 
que  j'ai  pu  trouver  à  la  Bibliothèque  nationale,  et  je 
n'ai  rencontré  nulle  part  le  verbe  batigaoler.  Or,  sans 
ce  verbe,  le  substantif  balignoleur,  sur  lequel  repose 
l'étymologie  de  Urt<(^no//e,«,  ne  peut  exister;  ce  n'est 
donc  point  là  l'étymologie  cherchée. 

Du  reste,  si  l'on  songe  que  c'est  la  même  année  (1730) 
que  fut  publié  le  plan  où  se  lit  Remise  du  Fond  ou 
des  Balignolles,  il  est  évident  que,  ce  plan  figurant 
un  état  de  choses  qui  existait  au  moins  un  an  plus  tôt, 
le  noni  de  Balignolles  est  plus  ancien  que  la  bâtisse  à 
laquelle  les  piqueurs  du  duc  d'Orléans  auraient  pu 
donner  la  qualification  qu'on  leur  attribue. 

2"  Les  mots  bâtir,  bâtiment,  bastille,  bastion, 
bastide  venant  tous  de  bdton  ibaston;  puisque  les  pre- 
miers abris  furent  faits  avec  des  branches,  des  bâtons, 
ces  mots  peuvent  fournir  la  véritable  étymologie  de 
Batignolles .  car  la  remise  du  Fond,  indiquée  sur  le 
plan  de  Roussel,  devait  tenir  son  deuxième  nom  d'an- 
ciennes constructions  en  bois  qui  la  distinguaient  des 
remises  voisines  où  il  n'en  existait  pas. 

—  En  termes  de  chasse,  une  remise  n'étant  autre 
chose  qu'un  retranchement  dans  lequel  le  gibier  se  met 
en  sûreté,  il  n'y  a  rien  que  de  très-naturel  à  voir 
donner  un  nom.  signifiant  ifw^'oîi,  bastille,  etc.  à  un 
tel  retranchement;  et,  de  même  que  croquignole  se  dit 
d'une  petite  chose  qui  se  croque,  de  même  batignoUe 
a  pu  se  dire  d'une  petite  chose  qui  se  bâtissait  :  j'incline 
fortement  vers  celte  seconde  étymologie. 

On  pourrait  peut-être  me  dire  que  si  Batignolles 
était  réellement  un  diminutif  comme  croquignole,  il 
devrait  aussi  n'avoir  qu'une  l;  mais  je  répondrais  à 
cette  objection  que  nous  avons  beaucoup  de  noms  de 
lieux  en  France  terminés  par  olles  :  Brignolles  iVarl, 
Lignerolles  (Côle-d'Or),  Membrolles  Maine-et-Loire), 
Marolles  (Calvados),  Feugerolles  (.Mayenne),  Charolles 
(Saùne-et-Loire),  Faverolles  (Cantal;,  etc.,  et  que,  par 
conséquent,  le  nom  commun  batignole  a  bien  pu, 
passé  à  l'état  de  nom  propre,  doubler  sa  consonne 
finale  comme  tous  les  autres. 

X 

Seconde  Queslion 

Que  pensez-vous  de  l'expression  c'est  un  ze'ro   en 

CHIFFRE,  qu'on  entend  de  temps  à  autre,  et  qu'on  voit 

dans  tous  les  dictionnaires?  Pour  ma  part,  je  la  crois 

un  pléonasme  intolérable. 

La  forme  primitive  de  cette  expression  était  un  o  en 
chiffre  la  lettre  o  employée  en  qualité  de  chitl're  ;  j'en 
trouve  la  preuve  chez  les  paysans  de  la  Beauce  et  du 
Perche,  qui  n'y  prononcent  jamais  zéro,  et  surtout 
dans  le  dictionnaire  de  M.  Lillré,  qui  dit  positivement 
qu'autrefois  le  chiffre  zéro  s'est  appelé  comme  la  lettre 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


49 


0,  et  qui,  déplus,  cite  l'exemple  suivant,  du  xvi»  siècle, 
contenant  cette  expression  : 

Que  M.  de  Guyse  se  devoit  saisir  de  sa  personne  THenri  UV, 
et  que  de  là  en  avant,  il  ne  serviroit  plus  que  de  0  en 
chiffre. 

[ParCicul.  concern.  rassfts.  du  duc  de  Guyse,   p.  4t.) 

Quand  zéro  fut  inventé  (on  le  trouve  déjà  en  italien 
dans  l'ouvrage  de  Philippe  Galcnder  sur  l'arithmétique, 
Florence  •1491),  il  remplaça  naturellement  o,  et  l'expres- 
sion 0  en  cliiffre,  parfaitement  logique  à  l'origine, 
devint,  par  suite  de  cette  substitution,  zéro  en  c/iiff're, 
qui,  bien  qu'enregistré  par  le  Dictionnaire  de  la  langue 
rerte  et  une  foule  d'autres,  n'en  est  pas  moins,  comme 
vous  le  dites  fort  bien,  un  pléonasme  intolérable. 

Pour  signifier  qu'une  personne  est  absolument  inutile 
quelque  part,  qu'elle  n'a  aucune  valeur,  soit  comme 
caractère,  soit  comme  talent,  il  faut  dire,  ou  tout  sim- 
plement, que  c'est  VH  zéro,  ou  bien,  comme  disaient  nos 
pères,  que  c'est  mi  o  en  chiffre  (la  lettre  o]. 

J'ai  eu  la  curiosité  de  rechercher  a  quelle  époque 
remontait  l'expression  de  zéro  en  chiffre,  et  voici  où 
mes  recherches  m'ont  conduit  : 

Dans  le  dictionnaire  de  Furetière  (1727),  on  trouve 
que.  proverbialement,  un  homme  inutile  s'appelle  un 
zéro,  ou  un  o  en  chiffre  (la  lettre  o]  ;  dans  celui  de 
Trévoux  (177-1),  qu'on  l'appelle  «»  zéro  en  chiffre.  Ce 
serait  donc  entre  1727  et  4771,  que  cette  confusion 
regrettable  se  serait  opérée  :  le  mal  n'est  pas  assez 
ancien  pour  qu'on  n'y  puisse  porter  remède. 

X 
Troisième   Question. 
Que  signifie  l'expression  a  Li  ïkôle  ;  d'oit  rienf-elle , 
et  peut-on  s'en  servir  aussi  bien  acec  le  verbe  acheter 
qxi'avec  le  verbe  vendre? 

Uuand  un  ouvrier  en  meubles  envoie  des  entre- 
metteurs, ou  va  en  personne  porter  et  vendre  ce 
qu'il  a  fabriqué  aux  marchands  en  boutique,  on  dit 
qu'il  vend  à  la  irâle,  et  on  l'appelle  un  ouvrier  à  la 
frôle  : 

Aussi,  prévoyons-nous,  dans  un  avenir  peu  lointain,  la 
disparition  presque  absolue  des  petits  ateliers  en  chambre, 
et,  par  cela  même,  de  la  vente  ii  lu  frôle,  qui  consiste, 
pour  l'ouvrier,  à  colporter  ses  meubles  de  maison  en 
maison... 

(P.  Dalioz,  Monit.  univers,  du  5  octobre  1867,  p.  1273.) 

Quant  au  mot  trôle,  qu'on  ne  trouve  pas  dans  le  Dic- 
tionnaire de  l'Académie,  mais  que  celui  de  Littré 
mentionne,  il  vient  du  verbe  trôler,  lequel  a  pour 
origine,  selon  toute  apparence,  l'allemand  trollen 
(anglais  to  troll;  picard  droler  ;  vieux  français  trevler, 
d'un  fréquent  usage  encore  dans  le  pays  chartrain), 
signifiant  promener  de  tous  côtés,  courir  çà  et  là. 

-Maintenant  peut-on  appliquer  à  la  trôle  aussi  bien 
au  verbe  acheter  qu'au  verbe  vendre  ? 

Le  Dictionnaire  de  la  langue  rcrte  dit  que  le  mar- 
chand de  peaux  de  lapin  s'appelle  "  chineur  quand  il 
acheté,  et  trolleur  quand  il  revend  ».  Cette  remarque 
prouve  qu'on  ne  peut  pas  dire  Acheter  à  la  trôle;  et. 


en  efiet,  il  n'y  a  que  celui  qui  vend,  qui  trôle,  qui 
promène  sa  marchandise;  ce  ne  peut  être  celui  qui 
l'achète  puisqu'il  est  dans  sa  boutique,  et  que,  par  con- 
séquent, il  ne  trôle  pas. 

X 

Quatrième   Question! 

Pensez-rous  que  l'on  puisse,  en  français,  comme  on  le 

fait  en  anglais,  employer  le  mot  médiéval  pour  désigner 

la  période  du  moyen-âge.  Ce  mot  n'est  pas  dans  Littré 

quand  médiéviste  s'y  froure. 

.le  ne  pense  pas  que  nous  adoptions  jamais  médiéval. 
et  cela,  pour  deux  raisons  : 

La  première,  parce  que  cette  expression  n'aurait 
point  d'analogue  parmi  les  noms  des  autres  parties  de 
l'histoire,  qui  sont  tous  formés  d'un  substantif  et  d'un 
adjectif  [histoire  ancienne  ou  ternies  anciens;  histoire 
■moderne  ou  temps  modernes)  ; 

La  seconde,  parce  que  cette  désignation  de  médiéval 
n'est  pas  sensiblement  plus  courte  que  moyen-âge, 
qu'elle  serait  destinée  à  remplacer. 

Mais  le  jour  où  un  certain  nombre  d'hommes  se 
voueront  spécialement  à  l'étude  de  cette  partie  de 
l'histoire,  nul  doute  que  médiéviste  ne  puisse  parfai- 
tement leur  servir  de  désignation,  ce  qui,  du  reste, 
parait  avoir  été  déjà  fait,  puisque  le  dictionnaire  de 
Liltré  enregistre  ce  néologisme. 
X 

Cinquième   Question. 

On  ne  trouve  pas  dans  le  dictionnaire  de  Littré  les 
mots  AssïRiOLOGJE  et  assïriologce.  Est-ce  que  ces  mots 
ne  seraient  pas  français?  Je  les  ai  cependant  vus  bien 
souvent  ailleurs. 

Si  vous  aviez  cherché  à  la  fin  de  l'ouvrage,  à 
l'endroit  intitulé  Additions  et  Corrections,  vous 
vous  seriez  épargné  la  peine  de  m'écrire,  car  on  y 
trouve  les  deux  mots  en  question,  expliqués  comme  il 
suit  : 

AssYRioLOGiE  s.  f.  Etude  des  choses  relatives  à  l'Assyrie. 
AssYRiOLOGUE.  —   Celui  qui  s'occupe  de   l'histoire  et  des 
antiquités  de  l'Assyrie. 

11  aurait  été  vraiment  surprenant  que  ces  termes,  qui 
sont  si  fréquemment  employés  pour  désigner  la  science 
relative  aux  Ninivites  ainsi  que  les  savants  qui  la 
cultivent,  eussent  été  oubliés  dans  un  dictionnaire  qui 
a  coûté  (je  le  tiens  de  M.  Littré  lui-rnême)  27  ans  de 
travail  à  son  auteur. 


ETRANGER 


Réplique  de  M.  Dufour-Vernes. 

M.  Dufour-Vernes,  que  ma  réponse  sur  la  pronon- 
ciation des  //  mouillées  n'a  pas  encore  pu  convaincre, 
m'a  adressé,  le  29  mars,  une  réplique  à  la  fin  de  laquelle 
se  trouve  ceci  : 

.T'ai  aujourd'hui  mieux  que  de  fortes  raisons  de  croire 


20 


LE  COURRIER  UE  VAUGELAS. 


que  la  prononciation  ie  ne  se  trouve  qu'à  Paris.  Quelques 
jours  après  avoir  écrit  mon  premier  article,  je  me  ren- 
contrai successicement  avec  deux  Français  instruits  et  de 
bonne  société  qui  prononçaient  II  mouillées  lie.  Je  leur 
demandai  insidieusement  si  l'on  ne  devait  pas  dire  ie. 
Tous  deux  m'ont  répondu  en  souriant  :  ûli  !  ce  n'est  qu'à 
Paris  qu'on  parle  ainsi.  J'accorde  maintenant  qu'il  peut  se 
trouver  dans  le  reste  de  la  France  des  esprits  qui  aiment 
à  imiter  la  Capitale. 

Trois  jours  auparavant,  je  recevais  de  M.  Malgrange, 
juge  de  paix  à  Joiguj  (Yonne),  une  lettre  dont  j'extrais 
le  passage  suivant  pour  l'opposer  à  l'assertion  des  deux 
Français  «  instruits  et  de  bonne  société  »  auprès  des- 
quels s'est  si  habilement  renseigné  M.  Dufour-Vernes 
relativement  à  la  manière  dont  se  prononcent  les  // 
mouillées  en  France  : 

J'ai  lu  avec  une  vive  satisfaction  votre  réponse  à  M.  Dufour- 
Vernes  dans  votre  numéro  îi,  que  je  reçois  à  l'instant.  Je 
n'ai  ni  le  droit  ni  la  prétention  de  me  poser  en  régulateur 
ou  arbitre  du  beau  langage;  j'invoque  mon  expérience,  et 
je  vous  demanderai  humblement  l'autorisation  de  la 
joindre  à  vos  lumières  et  à  votre  propre  expérience. 

Pendant  3U  ans,  j'ai  fréquenté  l'ètè  les  bains  de  mer  de 
la  France;  l'hiver,  pendant  ma  jeunesse,  j'ai  habité  Paris, 
fréquenté  les  salons  de  gens  bien  nés,  écouté  les  orateurs 
à  la  Sorbonne,  au  Collège  de  France,  au  Palais  de  justice; 
j'ai  entendu  Rachel  dans  tous  ses  rôles,  et  autres  acteurs; 
j'ai  même  rencontré  à  ma  table  d'hôte  très-fréquemment 
des  acteurs  célèbres,  Bouffé,  Ferville,  et  je  vivais  dans 
un  hôtel  tenu  par  un  acteur  du  Gymnase;  une  branche 
de  ma  famille,  dont  les  membres  étaient  tous  receveurs 
d'enregistrement,  m'a  fait  connaître  plus  de  vingt  villes 
depuis  la  Bretagne  jusqu'à  Lille;  dés  ma  sortie  du  collège, 
j'ai  été  mêlé  à  des  personnes  scrupuleuses  et  amateurs 
d'une  pure  prononciation;  j'ai  acquis  une  finesse  d'oreille 
telle  que  je  reconnais  souvent  à  un  seul  mot  le  pays  natal 
d'un  individu  qui  parait  en  avoir  complètement  perdu 
l'accent;  j'ai  eu  de  fréquentes  prises  de  corps  —ou  de  bec 
avec  les  étrangers  à  qui  l'on  avait  enseigné  à  prononcer 
les  //  comme  le  veut  M.  Dufour;  eh  bien!  je  puis  vous 
affirmer  que  du  nord  an  centre  de  la  France  et  à  l'ouest, 
dans  la  bonne  compagnie  de  la  Bretagne,  j'ai  toujours 
remarqué  que  l'on  ne  prononce  pas  les  II  mou-liees,  mais 
mou-iées.  Et  je  l'ai  d'autant  mieux  remarqué  que,  quand 
je  devenais  assez  intime  ponr  me  permettre  cette  fami- 
liarité, je  disais  :  n  Vous  me  donnez  mes  nerfs  avec  vos 
H  mouliées.  » 

Je  crois  qu'après  la  lecture  de  ces  lignes,  il  serait 
assez  difficile  à  M.  Dufour-Vernes,  dans  l'hypothèse 
(contraire  à  l'intention  qu'il  m'a  manifesléei  où  il  vou- 
drait conlinuer  le  débat,  de  me  faire  une  seconde 
réplique  affirmant  de  plus  belle  sa  conviction  que  la 
prononciation  ie  de  nos  //  mouillées  «  ne  se  trouve 
qu'à  Paris.  » 

X 

Première  Qiioslion. 
Pourquoi  donne-t-on  le  nom  de  mkkcurule  «  une 
réprimande  faite  en  particulier  à  quelqu'un  ?  Je  ne  vois 
pas  comment  Mkuciuk  peut  intervenir  ici  ;  .serait-ce  à 
litre  de  dieu  de  l'éloquence? 

La  justice  n'a  pas  toujours  été  rendue  en  France 
d'une  manière  aussi  satisfaisante  qu'aujourd'hui;  il  se 
commettait  autrefois  plus  d'un  abus  dans  son  in)por- 
lante  admiijistration. 

Pour  remédier  à  un   lel  étal  de  choses,  nos  rois 


prescrivirent  que  des  assemblées  périodiques  des  cours 
souveraines  seraient  tenues  par  les  présidents  et 
quelques  conseillers  à  l'elTet  de  s'informer  si  leurs 
ordres  avaient  été  exécutés;  et,  comme  lesdites  assem- 
blées avaient  lieu  le  mercredi  ^dans  les  derniers  temps, 
c'était  le  premier  après  la  Saint-.Martin  et  le  premier 
après  la  semaine  de  Pâques),  on  les  appela,  tnercuriale.s. 
du  nom  de  Mercure,  qui  avait  servi  à  désigner  ce  jour: 

Il  arriva  au  mois  d'avril  1559,  dans  une  assemblée  qu'on 
nomme  mercuriale,  que  les  plus  savants  et  les  plus  modérés 
du  Parlement  proposèrent  d'user  de  moins  de  cruauté  à 
l'égard  des  protestants,  et  de  chercher  à  réformer  PégUse. 

(Voltaire,  Hist.  pnrîcm.,  XXI.] 

Dans  ces  mercuriales,  on  prononçait  des  discours  qui 
furent  naturellement  appelés  du  même  nom  ;  puis,  ces 
discours  contenant  des  censures  contre  les  juges  qui 
avaient  manqué  à  leurs  devoirs,  mercuriale  se  prit  pro- 
verbialement pour  désigner  une  admonestation  adressée 
par  un  supérieur  à  un  inférieur  : 

Le  sommeil,  qui  m'oblige  à  finir  ma  lettre  plus  tard  que 
je  ne.  voudrais,  vous  sauve  une  mercuriale  dont  vous 
n'êtes  pourtant  pas  quitte. 

(Boursault,  Leur,  nouv.,  t.  III,  p.   166.) 

Un  des  administrateurs  vint  m'adresser  une  mercuriaU- 
assez  vive. 

(J.-J.  Rousseau,  Con/ess.,  I.) 

X 
Seconde  Question. 
Dans  sa  fable  VII,  liv.  10,  La  Fontaine  dit  :  «■  Je 
suis  Gros- Jean  comme  devant  ».  Or,  il  est  manifeste 
que  DEVANT  exprime  ici  une  idée  de  temps  :  comme 
AVANT  la  chose  dont  il  est  question.  Quelle  explication 
donnez-vous  d'un  tel  fait,  devant  signifiant  pour  l'or- 
dinaire une  idée  de  lieu,  de  position  relative? 

C'est  seulement  dans  la  langue  moderne  qu'on  ne 
fait  usage  de  devant  que  pour  signifier  une  idée  de 
lieu.  En  effet,  pendant  tout  le  moyen-âge,  cette  pré- 
position s'est  employée  pour  aw<«^,  comme  ces  citations 
le  mettent  hors  de  doute  : 

Devant  la  mienuit  li  tems  un  peu  s'escure. 

(Berte,  XLir.) 

Et  ainsi  comme  les  anciens  dient,  les  roys  de  Jérusalem 
qui  furent  derant  le  roy  Jehan,  tindrent  bien  ceste  cous- 
tume. 

fjoinville,  217.) 

Le  dit  prince  print  congio  du  dit  duc  le  soir  devant  la 
bataille. 

(Froissart,  V,  3.) 

■    Ayant  pris  ceste  resolution,  il  s'en  alla    devant    toute 
œuvre  en  la  ville  de  Delphes. 

(Amyot,  Lt/c,  8.) 

Et  l'usage  d'employer  devant  dans  ce  sens  était  loin 
d'être  perdu  au  temps  do  Louis  XIW,  car  je  l'ai  trouvé 
dans  ces  phrases  : 

Je  crie  toujours  :  voilà  qui  est  beau,  devant  que  les 
cliandelles  soient  allumées. 

(Molière,  Prie.,  10.) 

Si  les  Egyptiens  n'ont  pas  inventé  l'agriculture,  ni  les 
autres  arts  que  nous  voyons  devant  le  déluge 

(Bossuet,  lliH.,  III,  3.) 

Or,  si  devant,  au  sens  peut-être  un  peu  vieilli  de 


LE  COURniER  DE  VALC.ELAS. 


■21 


avant,  a  pu  être  employé  par  l'ossiiet,  à  plus  t'orle 
raison  a-t-il  pu  l'éLre  par  son  contemporain  La  Fon- 
taine. 

Quoique,  depuis  le  xvu"  siècle,  on  ait  établi  une  dis- 
tinction bien  marquée  entre  l'emploi  de  devant  et  celui 
dea'-a«^,  on  n'en  a  pas  moins  conservé  le  premier  dans 
le  sens  de  arant  après  la  conjonction  comme,  placée 
en  On  de  phrase  : 

Une  constance  qu'il  n'avait  jamais  comme  devant. 

(Hamilton,  Gramm.,  il.) 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1*  Miguel  ne  laissa  pas  de  faire  (Voir  Courrier  de  Vaiigelas, 
4«  année,  p.  155);  —  2"...  que  les  autres  leur  refusent,  et  se 
prennent  au  ganre  humain  de  l'isolement  loa  ne  dit  pas  :  s'en 
prendre  d  quelqu'un  rfe);  —  3'...  dont  tes  ancêtres  et  toi 
avei  toujours  entouré;  —  4°...  de  toutes  celles  qui  ont  été 
faites  (le  qui  ne  suit  pas  le  superlatif);  —  5»...  qui  avait  déjà 
commencé,  ait  été  arrêté;  —  6"...  par  être  vendus  plus  cAer 
qu'ils  ne  valent);  —  T>...  de  ce  que  nous  ne  sommes  pas  encore 
(Voir  Courrier  de  Vaugelas,  5*  année,  p.  171);  —  8°  Les 
ofilciers  coupables  de  s'être  laissé  surprendre;  — 9»...  est, 
excepté  l'âme,  \a  seule  perle  qui  soit;  —  10"...  quelque  dar 
que  soit  son  coeur  (aussi  ne  s'emploie  pas  dans  le  sens  de 
quelque);-  —  11°  On  doit  aviser  à  ce  que  les  récompenses;  — 
12°  L'abomination  de  la  désolation  n'esl-elle  pas  à  son  comble 
(cette  expression  de  l'Évangile  a  toujours  un  de). 

Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 

contemporaines. 

1°  Il  est  donc  juste  de  dire  qu'au  moyen  de  cette  ins- 
titution du  Sénat,  non-seulement  la  démocratie  intervient 
dans  la  loi.  puisqu'elle  en  est  le  principe,  la  source  et 
l'origine;  mais  elle  tient  à  sa  discrétion,  les  pouvoirs 
publics. 

'î'  Et  de  même  que  VOrdre  a  soutenu,  dès  le  début,  la 
nécessité  de  Vl'nion  conservatrice,  nous  continuerons  de 
toutes  nos  forces  à  provoquer  la  formation  de  cette  ligue 
sociale,  plus  indispensable  aujourd'hui  que  jamais. 

3'  Les  ministres,  qui  sont  hommes  de  sens,  quoi  qu'en 
ait  l'Agence  Havas,  ne  peuvent  professer  une  autre  opinion 
et  n'en  professent  pas  d'autre. 

4'  Je  déteste  le  monde,  dit-on  souvent,  parce  qu'on 
voudrait  qu'on  ne  s'y  occupât  que  de  soi,  qu'on  ne  parlât 
qu'à  soi  et  de  soi. 

5'  Quoique  celui  qui  s'attacherait  exclusivement  au 
genre  de  La  Bruyère  et  de  Boileau  n'aurait  point  à  s'en 
plaindre. 

»  6'  M.  le  général  Changarnier  est,  nous  dit-on,  grave- 
ment atteint  d'une  bronchite  aiguo  qui  ne  laisse  pas  que 
d'alarmer  ses  amis,  vu  l'âge  avancé  du  malade. 

7=  Après  avoir  examiné  les  diverses  questions  à  l'ordre 
du  jour,  communication  a  été  donnée  de  la  correspondance 
des  départements,  relative  à  la  session  des  Conseils-géné- 
raux. 

S°  Ils  se  réunissaient  maintenant  autour  d  Hector  qui, 
ayant  besoin  de  distractions,  était  allé  d'une  extrême  à 
l'autre,  et  frayait  volontiers  avec  tout  le  monde. 

9'  Certes,  ils  auraient  bien  voulu  qu'on  leur  donnât  une 
République  selon  les  formules  de  MM.   Marcou  et  autres    . 


docteurs  es  radicalisme;  nous  comprenons  ce  désir;  mais 
enfin,  il  n'a  pas  été  réalisé. 

10'  C'est  que  la  démarche  vive  et  légère  do  l'inconnue, 
sa  jambe  mignonne  et  bien  cambrée,  sa  taille  élégante  et 
jusqu'à  sa  tournure  lui  rappelaient,  à  s'y  méprendre, 
Luisa,  la  belle  fugitive. 

11°  En  vérité.  Monsieur,  gronda  le  vieillard,  il  faut  que 
vous  soyez  bien  honteux  de  vos  sentiments  pour  refuser 
d'en  faire  part  à  l'auteur  de  vos  jours. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 
FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  XVII-  SIÈCLE. 

Laurent  CHIFFLET. 

{Suite.) 

observatio:ns  des  .no.ms. 

Cliifflet  va  commencer  par  ceux  dont  l'usage  est 
contesté  entre  «  lAutheur  des  Remarques  >'.  cest-à- 
dire  Vaugelas,  et  ceux  qui  «  luy  ont  contredit  »  par 
leurs  censures. 

La  Remarque  veut  bienfaiteur,  malfaiteur.  Un 
nouveau  grammairien  dit  que  malfaiteur  est  bon,  et 
que  bienfaiteur  est  plus  en  usage  que  bienfaiteur. 

Selon  la  Remarque,  accoutumante  vieillit;  la  Censure 
le  nie,  et  les  meilleurs  écrivains  s'en  servent  encore 
aujourd'hui  il65î) . 

La  Remarque  renvoie  futur  aux  notaires,  aux  poètes 
et  aux  grammairiens;  la  Censure  maintient  qu'il  est 
fort  bon  en  tout  «  stile.  «. 

La  Remarque  préfère  herondelle  à  liirondelle  ou 
harondelle.  Mais  les  herondelies  s'étant  retirées  avant 
l'hiver,  il  n'est  revenu  au  printemps  que  des  hiron- 
delles ou  des  harondelles. 

La  Remarque  veut  décrier  e.tclavage  ;  la  Censure 
s'en  étonne,  et  elle  a  raison. 

La  Remarque  tâche  de  bannir  gracieux  et  malgra- 
cieux; la  Censure  demande  pourquoi,  puisque  ces  mots 
sont  très- significatifs,  et  toujours  admis  par  l'usage. 

La  Remarque  dit  que  courroucé  n'est  bon  que  dans 
le  sens  figuré  ou  môtaph'orique  :  la  mer  courroucée.  La 
Censure  dit  qu'il  est  tres-bon  dans  le  sens  propre  :  tm 
homme  fort  courroucé. 

Face  pour  visage,  dit  la  Remarque,  ne  se  dit  plus 
que  pour  les  choses  divines,  comme  dans  voir  Dieu 
face  à  face,  et  dans  ces  phrases  résister  en  face, 
reprocher  en  face,  mais  toujours  sans  article.  Néan- 
moins, il  est  bon  au  sens  figuré,  comme  dans  la  face 
horrible  d'un  grand  désert,  la  face  d'un  théâtre  (JC59). 

La  Remarque  n'approuve  pas  gestes  pour  actions 
dans  celte  manière  de  parler  les  Gestes  d'.ilexandre. 
La  Censure  l'approuve,  et  en  appelle  à  l'usage. 

Il  faut  dire  gagner  les  bonnes  grace!<  de  guelcun,  et 
non  pas  la  bonne  grâce,  dit  la  Remarque;  selon  la 
Censure,  l'un  et  l'autre  sont  bons. 

Elle  est  icy  incognito,  dit  la  Remarque;  la  Censure 
aime  mieux  dire  à  l'incognito,  ou  inconiie. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Un  passage  étroit  entre  deux  montagnes  s'appelle 
un  pas,  et  non  un  passage,  comme  le  pas  des  Thermo- 
pijles,  dit  la  Remarque;  la  Censure  dit  que  passage  est 
aussi  bon  que  pas. 

Prouesse  n'est  plus  en  usage  que  dans  la  raillerie,  au 
dire  de  la  Remarque  ;  la  Censure  maintient  que  ce  mot 
est  bon  dans  le  langage  sérieux. 

Superbe,  dit  la  Remarque,  n'est  substantif  qu' «  au- 
près »  des  prédicateurs;  la  Censure  dilqu'ils  ont  raison, 
et  que  ce  mot  est  substantif  et  adjectif  aussi  bien  que 
colère,  sacrilège,  chagrin,  adiiUere. 

La  Remarque  prétend  que  entaché  de  quelque  vice 
n'est  pas  bien  dit,  et  qu'il  faut  dire  taché  ;  mais  l'usage 
enseigne  que  taché  est  pour  le  sens  propre,  et  entaché 
pour  le  sens  figuré. 

Selon  la  Remarque,  il  faut  dire  portrait,  et  non  pour- 
trait  ;  la  Censure  veut  qu'on  dise  powrtra/^.  Tous  deux 
sont  bons. 

Voici  maintenant  une  liste  de  noms  qui,  d'après 
Chifflet,  sont  condamnés  par  tout  le  monde  (1()59)  : 

Banquet  ne  se  dit  que  des  choses  sacrées,  et  banque- 
ter est  hors  d'usage. 

Condoléances  n'est  plus  un  bon  mot,  quoiqu'on  dise 
bien  se  condouloir  avec  quelcun. 

Au  lieu  de  le  confiant  de  deux  rivières,  il  faut  dire  le 
confluant. 

Délice,  au  singulier,  ne  vaut  rien. 

Fratricide  et  matricide  sont  des  mots  barbares,  car 
parricide  se  dit  de  celui  qui  tue  son  père,  sa  mère,  son 
frère,  sa  sœur,  son  prince. 

L'Aristole  et  le  Plutarque  sont  mauvais,  parce  que 
les  noms  propres  ne  veulent  pas  d'articles,  excepté 
quelques  noms  venus  de  l'italien,  où  nous  gardons  la 
coutume  de  cette  langue,  comme  l'Arioste,  le  Tasse,  le 
Pétrarque,  le  Boccace. 

Au  lieu  de  loisible  dites  licite  ou  permis. 

Matinier  ne  peut  se  dire  que  dans  estoile  matiniére. 
Matineux  est  bon,  et  meilleur  que  matinal;  mais  l'un 
et  l'autre  ne  se  disent  que  des  personnes. 

Mercredi  doit  se  prononcer  mecredi. 

Nu  pieds  est  bon  en  parlant  ;  mais  en  écrivant,  il  faut 
dire  les  pieds  nuds. 

Onguent  pour  jjarfum  n'est  plus  bon,  car  onguent  ne 
se  dit  que  des  médicaments. 

Poitrine  n'est  plus  guère  en  usage,  excepté  en  cas 
de  blessure  ou  de  maladie,  comme  dans  une  fluxion  sur 
ta  poitrine;  à  sa  place,  il  faut  dire  le  sein. 

Proches  itoiir  parents  n'est  pas  du  bel  usage. 

Prochain  et  raisin  n'ont  point  de  comparatif  ni  de 
superlatif;  mais  à  leur  place,  on  Gmp\o\e  plus  proche, 
très-proche. 

Il  faut  écrire  faire  atte  et  non  faire  halte. 

On  dit  a  volonté  berland  ou  breland,  mais  on  ne  dit 
que  brelandicr . 

ISigearrc  est  un  bon  mot,  mais,  avec  le  même  sens, 
bizarre  est  plus  usité  à  la  Cour. 

Contcmptible  est  bon;  contempteur  est  un  mot  rude. 

Créance  est  meilleur  que  croyance,  excepté  quand  on 
parle  de  foi  et  de  religion. 


Une  couverture  de  litpiquée  s'appelle  par  abus  d'usage 
courte-pointe,  au  lieu  de  contre-pointe. 

Découverte  ou  découverture  des  Indes  sont  tous  les 
deux  également  bons. 

Vaugelas  dit  que  débiteur  signifie  celui  qui  doit  ; 
mais  Malherbe  l'appelle  mieux  detteur,  car  débiteur 
est  celui  qui  débite  de  la  marchandise. 

Eminent  péril  se  dit  par  force  d'usage  au  lieu  de 
péril  imminent. 

Excusable  se  dit  de  la  faute,  de  la  personne  qui  a 
failli  ;  pardonnable  ne  se  dit  que  de  la  faute. 

Fatal  s'emploie  plutôt  en  parlant  du  mal  que  du 
bien. 

Fureur,  en  parlant  des  hommes,  est  l'agitation  inté- 
rieure et  la  véhémence  de  l'esprit,  fureur  martiale;  le 
mot  furie  dit  de  plus  un  ekcès  de  passion  aveugle  qui 
ne  consulte  point  la  raison  :  il  estait  dans  une  estrange 
furie.  On  n'oserait  point  appeler  furie  la  juste  colère 
de  Dieu,  il  faut  dire  fureur. 

Un  galant  homme  désigne  un  homme  doué  de  belles 
qualités  et  agréable  dans  sa  conversation  et  ses  «  depor- 
temens  «  ;  un  galand  signifie  un  vaurien. 

Les  noms  propres  les  plus  usités  prennent  la  termi- 
naison française  au  lieu  de  la  terminaison  latine. 

On  écrit  avec  une  .s  les  mots  Jules,  Jacques,  Charles; 
mais  on  ne  s'en  sert  pas  en  parlant,  car  on  «  mange  » 
\e  par  apostrophe. 

On  dit  orthographe  quoique  le  verbe  soit  orthogra- 
phier. 

Il  y  en  eut  cent  de  tue:;  vaut  mieux  que  cent  tuez. 

L'«  article  «  de  ne  veut  pas  être  séparé  de  son  nom  ; 
ne  dites  pas  :  c'est  l'avis  de  presque  tous  les  casuistes, 
mais  bien  presque  de  tous  les  casuistes  (1659). 

Prévoyance  désigne  l'action  de  prévoir;  providence, 
la  vertu  qui  nous  rend  prévoyants,  et  qui  nous 
«  incline  »  et  nous  aide  à  bien  conduire  une  affaire. 

Fort  et  court  sont  invariables  quand  ils  accom- 
pagnent, l'un  le  verbe  se  faire,  l'autre,  le  verbe  demeu- 
rer :  lisse  font  fort  de;  elles  sont  demeurées  court... 

11  en  est  de  même  de  tesmoin,  garent,  partie,  dans 
cette  phrase  :  prendre  à  tesmoin,  à  garent,  à  partie. 

DES    PROÎSOMS. 

Chifflet  appelle  conjonctifs  les  pronoms  ^'e,  tu,  il,  elle 
et  leurs  cas,  we,  te,  le,  luy,  la  avec  leurs  pluriels, 
nous,  vous,  ils,  elles,  se,  leur,  les,  parce  qu'ils  n'ont 
aucpn  sens  s'ils  ne  sont  «  conjoints  >>  à  quelques 
verbes. 

Les  autres,  moy,   toy,  luy,   elle,   et  leurs  pluriels 
710US,  vous,  eux,  elles  s'appellent  absolus,  c'est-à-dire 
indépendants  et  parfaits,  parce  qu'étant  seuls,  ils  ont* 
quelque  sens. 

Avec  si  pour  si  est-ce  que,  on  met  le  pronom  après  le 
verbe  :  si  diray-je  en  passant,  etc.,  et,  de  même  après 
quelques  autres  mots  qui  ont  presque  le  sens  de  néan- 
moins connnc  dans  :  toujours  faudra-t-il  en  venir  à 
la  contrainte;  aussimevois-jc  obligé  d'avancer  que,  etc. 
[La  suite  au  prochain  numéro.) 

Li;  RKiucTEDR-GiJKi.'ST  :  E.MAN  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


23 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 

Publications  de  la  quinzaine 


Lettres  d'Abélard  et  d'Héloise.  Traduction  nouvelle 
d'après  le  texte  de  Victor  Cousin,  précédée  d'une  intro- 
duction par  Octave  Gréard,  inspecteur  général  de 
rinstruction  publique.  2''  édition,  avec  le  texte  en  regard. 
In-S"  xL-575.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 

Les  poésies  de  Théodore  de  Banville.  Les  Exilés. 
Les  Princesses.  Petit' in-12,  iv-30/i  p.  et  portrait.  Paris, 
lib.  Lemerre.  6  fr. 

Œuvres  complètes  de  Pierre  de  Bourdeille, 
seigneur  de  Brantôme.  Pul)lièes  d'après  les  manuscrits, 
avec  variantes  et  fragments  inédits,  pour  la  Société  de 
l'histoire  de  France,  par  Ludovic  Lalanne.  T.  8.  Des 
Dames  (suite).  ln-8°,  229  p.  Paris,  lib.  Lornes.  9  fr. 

Sans  peur  et  sans  reproche,  poésies  ;  par  Madame 
Fanny  Dénoix  des  \ergnes.  In-12,  29/i  p.  Paris,  lib. 
Mellier. 

Paris,  ses  organes,  ses  fonctions  et  sa  vie  dans  la 
seconde  moitié  du  XIX«  siècle  ;  par  Maxime  Du  Camp. 
U^  édition.  T.  3.  In-8°,  5/ii  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
7  fr.  50. 

L'Argent  des  autres;  par  Emile  Gaboriau.  II.  La 
Pêche  en  eau  trouble.  7"  édition.  In-18  Jésus,  3i5  p. 
Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Les  Amours  du  Vert- Galant.  La  Mignonne  du  Roi. 
Une  princesse  russe.  Le  Serment  de  la  veuve.  Giangurgolo. 
Jacqueline.  L'Epave.  Mes  Jardins  de  Monaco  ;  par 
Emmanuel  Gonzalès.  ln-i°  à  2  coi.  156  p.  Paris,  bureaux 
du  Siècle.  2  fr.  50. 

Jeanne  d'Are;  par  H.  Wallon,  professeur  d'histoire 
moderne  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris.   S'  édition. 


2  vol.  In-18  Jésus,  91/i.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.    7  fr. 

Les  Locutions  vicieuses  corrigées  et  la  synonymie 
des  mots  usuels;  par  un  ancien  professeur.  Pascal 
Avignon.  In-18,  272  p.  Toulouse,  lib.  Itegnault.  2  fr. 

La  Vie  inquiète.  Au  bord  de  la  mer.  Jeanne  de 
Courtisols.  George  Ancelys;  par  Paul  Bourget.  In- 18 
Jésus,  232  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  3  fr. 

Le  Secret  de  M.  Ladureau;  par  Champfleury.  2'  éd. 
In-18  Jésus.  293  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Entretiens  sur  la  langue  française.  —  l.  Origine  et 
formation  de  la  langue  française.  II-  Origine  et  formation 
des  noms  de  lieu  ;  par  Hippolyte  Cocheris,  conservateur 
à  la  Biliothèque  Mazarine.  2  vol.  Gr.  in-16,  li32  p.  Paris, 
lib.  de  l'Echo  de  la  Sorbonne.  La  l"  partie,  1  fr.  50;  la 
2^  2  fr.  50. 

Voltaire  et  la  société  au  XVIII'  siècle;  par  Gustave 
Desnoiresterres.  V.  Voltaire  aux  Délices.  VI.  Voltaire  et 
J.J.  Rousseau.  2  vol.  in-12,  1033  p.  Paris,  lib.  Didier  et 
Cie.  Chaque  vol.  h  fr. 

Le  Bossu,  aventures  de  cape  et  d'épée;  par  Paul 
Féval.  In-i"  à  2  col.  190  p.  Paris,  bureaux  du  Siècle. 
2  fr.  50. 

Œuvres  d'Edmond  et  Jules  de  Goncourt.  Renée 
Mauperin.  Petit  in- 12,  ii-283  p.  et  2  portraits.  Paris,  lib. 
Lemerre.  6  fr. 

Les  Grands  bienfaiteurs  de  l'humanité;  par 
Adolphe  Iluard.  Gr.  in-18,  335  p.  Paris,  lib.  Berche  et 
Tralin.  3  fr. 

La  Bible  dans  l'Inde.  Vie  de  Jezeus  Christna;  par 
Louis  JacoUiot.  5''  édition.  ^1-8°,  395  p.  Paris,  lib.  Inter- 
nationale. 6  fr. 


Publications  antérieures  : 


HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE  CONTEMPORAINE  EN 
RUSSIE.—  Par  C  ColrhIère.—  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires  éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  2«,  la  à"  et  la  5°  année,  en  vente  au 
bureau  du  Courrier  de  Vamjelas,  26,  boulevard  des 
Italiens.  —  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco 
pour  la  France.  —  La  V"  el  la  i"  année  seront  prochaine- 
ment réimprimées. 


LA  CHUTE  D'UN  ANGE,  épisode;  par  A  de  Lamartine.  — 
Nouvelle  édition.  —  Paris,  Hachette  el  Cie,  Pagnerre- 
Furne  et  Cie,  éditeurs. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


NUITS  D'AUTOMNE.  —  par  Ev.vriste  C.\rh.\nce.  —  Deu- 
xième édition.  —  Prix  :  5  francs  —  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  éditeur,  27-29,  passage  Choiseul. 


LE  DICTIONNAIRE  EN  EXERCICES,  étude  pratique  des 
mots  de  la  langue  française  faisant  connaître  1°  les  racines 
françaises  ou  les  radicaux;  2"  les  préfixes  et  les  suffixes; 
3°  la  valeur  primitive  et  actuelle  des  dérivés  français  ; 
4°  l'emploi  des  mots  ;  5°  l'orthographe  d'usage.  —  Par 
L.  Grimblot.  —  Partie  du  maître  et  partie  de  l'élève.  — 
Paris,  Aiig.  Bayer  el  Cie,  libraires-éditeurs,  Zi9,  rue  St- 
André-desArts. 

LES  AMOURS  DE  PETITE  VILLE;  CHARDONNETTE.  — 
Par  Charles  Deulin.  —  Troisième  édition.  —  Paris, 
E.  Dentu.  éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de 
lettres,  Palais-Royal,  17-18,  Galerie  d'Orléans. 

RECITS  ESPAGNOLS;  par  Charles  Gueullette.—  Un  beau 
volume  in-18  de  316  pages .  —  En  vente  chez  Dentu  et 
dans  toutes  les  gares.  —  Prix  :  3  francs. 


24 


LE  GOURRIEH  DE  VAUGELAS. 


LE  PANTHÉON  DE  LA  FABLE,  choix  des  meilleurs 
apologues  empruntés  aux  fabulistes  de  tous  les  temps  et 
de  tous  les  pays,  avec  des  notices  biographiques,  des 
études  historiques  et  littéraires,  etc.  —  Par  J.-Alex. 
Abraxt,  professeur  de  langues  et  de  littérature.  —  Paris, 
Aug.  Boyer  et  Cie,  libraires-éditeurs,  ^9,  rue  St-Andrè- 
des-Arts. 


LA  MORALE  .UNIVERSELLE,  un  beau  volume  in-8°, 
papier  cavalier,  de  i76  pages.  —  Par  A.  Eschen.^uer  — 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française  —  Chez 
Sandoz  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine. 


MORCEAUX  CHOISIS  DES  GRANDS  ÉCRIVAINS  DU  XVI" 
SIÈCLE,  accompagnés  d'une  grammaire  et  d'un  diction- 
naire de  la  langue  du  xvi'  siècle.  —  Par  Auguste  Brachet, 
ancien  examinateur  et  professeur  à  l'École  polytech- 
nique, lauréat  de  l'Académie  française  et  de  l'Académie 
des  Inscriptions,  membre  de  la  Société  de  linguistique. 
—  Deuxième  édition  revue.  —  Paris,  librairie  Hachette 
et  Cie,  79,  Boulevard  Saint-Germain. 


PRÉCIS  CLASSIQUE  DE  LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE 
AU  XVIIP  ET  AU  XIX"  SIÈCLE.  —  Ouvrage  servant  de 
complément  aux  Quatre  siècles  littéraires.  —  Par  Th. 
Lepetit,  professeur  à  Paris.  —  Paris,  Aug.  Boyer  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  49,  rue  Saint- André-des-Arts. 


LES  DIALOGUES  DE  JACQUES  TAHURE.\U  gentilhomme 
du  Mans. —  Avec  Notice  et  Index.—  Par  F.  Conscience.  — 
Paris,  Alphonse  Le?nerre,  éditeur,  Z|7,  passage  Choiseul. 


ORIGINES  DE  QUELQUES  COUTUMES  ANCIENNES  ET 
DE  PLUSIEURS  FAÇONS  DE  PARLER  TRIVIALES.  — 
Par  MoiSANT  de  Brieux,  fondateur  de  l'Académie  de  Caen. 
—  Avec  une  introduction  biographique  et  littéraire  par 
M.  E.  DE  Beaurepaire. —  Un  commentaire  et  une  table  ana- 
lytique par  M.  Georges  G.armer,  et  un  portrait  de  l'auteur 
gravé  par  M.  L.  de  Merval.  —  Caen,  Le  Gost-Clérisse, 
libraire-éditeur,  place  du  Palais-de-Justice. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

I. 

Les  Professeurs  de  français  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  confiance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  à1,  Queen  Square  à  Londres,  W.  G,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

11. 

Sous  le  titre  de  Bévue  anglo-française,  il  paraît  tous  les  mois  à  Brighton  un  recueil  littéraire,  philosophique  et 
politique  dont  le  directeur,  le  Révérend  César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'Anoleterre  ou  le  Continent, 
des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à  ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires. 
—  L'abonnement,  qui  est  de  10  fr.  pour  la  France,  peut  se  prendre  à  Paris,  chez  M.VI.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires, 
33.  rue  de  Seine,  ou  à  Brighton,  chez  M.  Duval,  92,  Eastern  Road  (Affranchir). 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Le  journal  littéraire  le  tournoi  est  rédigé  au  concours  par  ses  Abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  comité  de  rédaction.  L'insertion  donne  droit  à  Yune  des  primes 
suivantes  (expédiée  franco)  :  1"  prime.  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme 
confirmant  le  succès  du  lauréat;  2«  prime.  —  Quinze  exemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de 
l'auteur,  et  formant  une  brochure.  ;  3«  prime.  —  Un  ouvrage  de  librairie  au  choix,  du  prix  de  3  fr.  50  cent. 

Tout  abonné  douze  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  chez  MM.  Ed.  Moreau  et  Fils,  administrateurs  du  journal,  boulevard  Montmartre,  12,  à  Paris. 


L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cours, mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


La  Société  littéraire  d'Annecy,  la  Socii'aé  académique  de  Cambrai  et  la  Société  d'Emulation  d'Epinal  reçoivent  les 
manuscrits,  pour  leur  concours  de  1875,  jusqu'au  1"  juillet;  —  La  Société  académique  de  Chaions-sur-Marne, 
jusqu'au  15  juillet;  —  La  Société  littéraire  de  Poligny  (Jura),  jusqu'au  15  septembre;  —  La  Société  dunkerquoise 
jusqu'au  1"  octobre;  —  Les  Sociétés  académiques  de  Troyes,  de  Lille  et  l'Académie  de  la  Rochelle,  jusqu'au  15 
octobre;  —  La  Société  littéraire  d'Apt,  l'Académie  de  Bordeaux  et  la  Société  académique  de  Houlogne-sur-Mer, 
jusqu'au  l"'  novembre. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  .'■on  bureau  de  midi  k  une.  heure  et  demie. 

"  Imprimerie  GOUVKUNRUli,  G.  U.\Uri';LE\,  ;i  iNogi-nl-le-Rotroi!. 


6^  Année 


N»  4. 


15  Juin  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


Q.UESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"  et    le    15    de   chaque   mola 

{Dans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  pria:  Lambert  à  celle  puUicalion.) 


PRIX  : 
Abonnement  pour  la  France.     6  f. 
Idem        pour  l'ÉI  ranger   10  f. 
Annonces,  la  ligne.  50  c. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEUR   SPÉCIAL  POUR  LES   ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
2G,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 


SOMMAIRE. 
Communication  sur  le  gentilé  de  Pau  ;  —  Origine  de  Mettre  la 
lumière  sous  le  boisseau  :  —  Signification  du  mot  Poing  ;  — 
S'il  est  correct  de  dire  Monde  interlope.  Femme  interlope;  — 
,  Faut-il  dire  Vitry-le- François  ou  le  Français;  —  Explication 
de  Par  contre;  —  Pourquoi  le  substantif  Travail  a  deux  plu- 
riels, Travaux  et  Travails  11  Sens  littéral  de  A  la  queue  leu  leu; 
—  S'il  faut  dire  de  l'ouate  ou  de  la  ouate;  B  Passe-temps  gram- 
matical 5  Suite  de  la  biographie  de  Laurent  Cliiffîet  ||  Ouvrages 
de  grammaire  et  de  littérature  ||  Familles  parisiennes  recevant 
des  étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  || 
Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

Dans  mon  numéro  H  de  la  5"  année,  j'ai  indiqué, 
sur  la  foi  d'un  correspondant  que  je  croyais  bien 
informé,  le  nom  de  Palésiens  comme  désignation  des 
habitants  de  la  ville  de  Pau.  A  raison  de  1  etymologie 
du  nom  de  cette  ville  (pa/i«),  Palésiens  me  semblait 
valoir  mieux  que  Pauniens,  donné  d'abord  d'après  le 
dictionnaire  de  Boissière.  Mais  je  n'étais  pas  encore  dans 
le  vrai;  il  faut  dire  Pa/o/s,  ce  qui  est  parfaiteraentdémon- 
trédans  le  Bulletin  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et 
arts  de  Pau  (11^  série,  tome  4*=  p.  171)  qui  m'a  été 
envoyé  avec  la  lettre  suivante  : 

Pau,  3  mai  1875. 
Monsieur, 
L'attention  de  la  Société  ayant  été  appelée  par  l'un  de 
ses  membres  sur  le  numéro  du  Courrier  de  Yaugelas  du 
l"  septembre  dernier,  qui  contient  une  note  relative  au 
nom  des  habitants  de  Pau,  elle  a  décidé  que  la  livraison 
de  son  Bulletin  contenant  cette  réponse  vous  serait  adres- 
sée. 

J'ai  l'honneur  de  vous  l'expédier  en  même  temps  que 
cette  lettre,  et  je  vous  prie.  Monsieur,  d'agréer  l'assurance 
de  mes  sentiments  les  plus  distingués. 

Le  Secrétaire  général, 
P.  Raymond. 


En  effet,  après  avoir  rectifié  ce  qu'il  y  a  de  faux  dans 
la  légende  en  vertu  de  laquelle  Pav  devrait  son  nom  à 
trois  pieux  (car  alors  on  devrait  l'écrire  Paus,  comme 
on  le  fait  pour  un  petit  domaine  de  Salles,  les  Paus  ,  et 
avoir  mis  hors  de  doute  que  le  nom  de  Pau  vient  de 
palus  au  sens  de  palissade,  .M.  Lespy,  l'auteur  de 
l'article,  continue  en  ces  termes  : 

11  me  reste  à  dire  conlment  il  me  semb'e  que  doivent 
s'appeler  les  habitants  de  Pau.  Le  mot  Pauniens  du  Diction- 
naire de  Boissière  est  inacceptable,  vînt-il  de  PauUens, 
par  le  changement  de  l  en  h,  comme  l'avait  cru  d'abord 
le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas.  Il  est  tout  aussi  bizarre 
de  tirer  Pauniens,  Pauliens  de  Pau,  qu'il  le  serait  de  former 
Bordeauniens  ou  Bordeausiens  Ae  Bordcaui.    ' 

Palésiens,  adopté  par  le  correspondant  anonyme  du 
Courrier  de  Vaugelas.  est  de  beaucoup  préférable.  Mais  il 
est  formé  contre  toutes  les  règles  que  l'analogie  va  nous 
fournir. 

Au  moyen-âge,  presque  tous  les  noms  de  lieu.'i  et  leurs 
dérivés,  qu'on  ne  trouvait  point  dans  les  textes  latins, 
furent  latinisés.  Pau  dpvint  Palum,  et  ce  qui  appartenait  à 
Pau  fut  ensuite  désigné  par  le  mot  Palensis,  palense;  on 
écrivait  curia  palensis,  parlement  de  Pau,  sigilhun  palense, 
sceau  de  la  ville  de  Pau. 

Il  faut  donc  tirer  le  nom  des  habitants  de  notre  ville 
de  Palensis,  dérivé  de  Palum. 

Dans  Palensis,  on  voit  pal,  radical  de  Palum,  et  le  suffixe 
ensis,  au  pluriel  enscs,  que  l'on  rencontre  dans  les  mots 
latins  ou  latinisés  :  yarbonenses,  Alhenienses,  Lemoviceiues, 
Piclarenses,  Albigenses,  Cart/iaginienses,  etc.,  etc.  Le  suffixe 
en.fes  de  ces  mots  est  représenté  en  français  parles  termi- 
naisons ais,  ens,  ins,  ois  :  Narbonnais,  .athéniens.  Limou- 
sins, Poitevins,  Albigeois,  Carthaginois,  etc.,  etc.  Palensis 
ne  peut  donner,  par  conséquent,  que  Palais,  Paliens, 
Patins,  Palois,  et  jamais  Palésiens,  puisque,  dans  aucun  de 
ses  nombreux  analogues,  enses  n'a  produit  ésiens. 

Mais  comment  choisir  entre  Palais,  Païens,  Palins  ou  Palois? 

Comme  il  n'y  a  aucune  raison  grammaticale  ou  historique 
pour  adopter  l'une  de  ces  formes  à  l'exclusion  des  autres, 
il  faut  encore  recourir  à  l'analogie.  Tout  près  de  nous,  la 
plus  importante  des  vallées  du  Béarn  porto  le  nom  d'Ossau, 
qui  s'écrivait  anciennement  Orsal,  de  même  que  Pau  a  dû 
s'écrire  Pal.  En  liai,  on  a  fait  d'Orsal  le  mot  Orsalenses, 
pour  désigner  les  habitants  d'Ossau,  tout  comme  plus  tard 
Palensis  fut  formé  de  Pal.  Or,  toujours  en  trançiis,  on  a 
traduit  Orsalensis  par  Ossalois;  il  me  semble  donc  que 
Patois  doit  être  la  traduction  do  Palensis.  C'est  ainsi  que 


26 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


le  nom  des  habitants  de  la  ville  de  Pau  ressemblera  à 
d'autres  du  même  genre;  on  dit  les  Duquois,  les  Lillois,  les 
.Mmois,  les  habitants  de  Dax,  de  Lille,  de  Nimes,  Aqueuses, 
Insulenses,  M'emaiisences. 

Sûr  de  l'approbàlion  générale  des  lecteurs  du 
Courrier  de  Vauijelas,  j'adresse  ici  de  bien  sincères 
remerciements  au  savant  M.  Lespit  ainsi  qu'à  la  Société 
(les  sciences,  lettres  et  arts  de  Pau,  qui  a  daigné  hono- 
rer ma  petite  feuille  de  la  communication  qu'on  vient 
de  lire. 

X 
Première  Question. 
Qiielle  est  l'origine  du  proverbe  mettre  la  lcmière 

socs  LE  BOISSEAU? 

Ce  proverbe  est  tiré  de  l'Evangile. 

En  effet,  en  parlant  d'une  lampe,  qui  est  une  lumière 
destinée  à  éclairer  la  maison,  l'Evangile  dit  qu'on  ne  la 
place  ni  sous  un  lit,  ni  sous  un  vase,  ni  sous  un 
boisseau  : 

Il  n'y  a  personne  qui,  après  avoir  iilluraé  une  lampe,  la 
couvre  d'un  case  ou  la  mette  sous  un  lit;  mais  on  la  met  sur 
le  chandelier,  afin  que  ceux  qui  entrent  voient  sa  lumière. 

(Saint  Luc,  VIII,  v.   16  1 

Il  leur  disait  aussi  :  Fait-on  apporter  la  kuniie  pour  la 
mettre  sous  le  boisseau,  ou  sous  le  lit?  N'est-ce  pas  pour  la 
mettre  sur  le  chandelier? 

(Saint  Marc,  IV,  v.  ai.) 

Et  on  n'allume  point  une  lampe  pour  la  mettre  sous  le 
boisseau;  mais  on  la  met  sur  un  chandelier,  afin  qu'elle 
éclaire  tous  ceux  qui  sont  dans  la  maison. 

(Saint  Mathieu,  V,  v.  i.S.) 

Or,  pour  exprimer  le  sens  de  cacher  la  vérité  aux 
hommes,  laisser  le  talent  dans  l'obscurité  (la  vérité  et 
le  talent  sont  comme  la  lumière  de  l'esprit),  on 
s'est  servi  naturellement  de  mettre  la  lumière  sons  le 
boisseau,  et  cette  expression,  grâce  à  l'immense  popu- 
larité du  livre  où  elle  se  trouve  employée  dans  le  sens 
propre,  a  fini  par  passer  en  proverbe. 

M.  Liltré  donne  il  ne  faut  pas  mettre  le  chandelier 
sous  le  boisseau  pour  une  des  variantes  de  l'expression 
dont  il  s'agit.  Il  me  semble  que  cela  n'est  pas  exact; 
car,  dans  tous  les  textes  que  je  viens  de  citer,  il  est 
toujours  parlé  du  chandelier  comme  étant  simplement 
le  su|iporl  de  la  lamjie,  ce  qui  fait  que  mettre  le  chan- 
delier sous  le  boisseau  ne  peut  vouloir  dire  cacher  la 
lumière,  celle-ci  étant  en  quelque  sorte  absente.  Dans 
toute  allnsion  aux  susdits  textes,  le  mot  chandelier  ne 
peut  paraître  qu'en  compagnie  du  mot  iumicre,  et  non 
le  remplacer. 

X 

Seconde    Question. 

Pourquoi  dit-on,  ikumeii  le  roiNc  et  dob.mui  a  poincs 
FERMÉS?  Un  poing  ouvert  n'est  pas  un  poing,  c'est  une 
main  tout  simplement.  Et  comme  la  main  ne  devient 
poing  que  lorsqu'elle  est  fermée,  ronc  fermé  est  un 
pléonasme. 

Vous  êtes  là  dans  une  profonde  erreur. 

Le  mol  poing  a  deux  significations  en  français,  celle 


de  main  fermée  et  celle  de  main  ouverte.  Il  a  celle 
de  main  fermée  quand  il  est  employé  comme  terme  de 
comparaison -pour  donner  facilement  l'idée  de  la  gros- 
seur d'un  objet,  ou  qu'il  est  assimilé  à  une  arme 
(massue)  avec  laquelle  on  frappe  : 

J'ai  la  tête  plus  grosse  que  le  poing,  et  si,  elle  n'est  pas 
enflée. 

(Molière,   Bourg,  geni.,   III,  5.J 

Et  si  eust  gresle  au  lendictet  à  Sainct  Denys,  merveilleuse 

et  grosso  l'une  comme  ung  homme  a  le  poiivj l'autre 

comme  les  deux  poings. 

(Juvénal,   Charles   VI,   1406.) 

De  grand  folie  s'entremet 
Qui  de  &on  poing  fait  un  maillet. 

(Leroux  de  Lincy,  Prov.,   t.  I,  p.   273.1 

Dans  tous  les  autres  cas,  le  mot  poing,  depuis  le 
moyen-âge  jusqu'à  nos  jours,  s'est  pris  pour  main, 
comme  vous  pouvez  en  juger  par  ces  nombreux 
exemples  : 

Si  ço  avent  que  alquen  colpe  le  poin  à  altre  u  le  pié. 

(iois  dû  Guillaume,  l3.) 

Adonc  s'assit  Bertran  à  sa  devision; 

Où  qu'il  voit  à  mengier,  il  y  prend  à  plain  poing. 

(Guesclln,  var.,  86.) 

11  voit  de  toutes  parts  combler  d'heur  sa  famille, 
La  javelle  à  plein  poing  tomber  sous  la  faucille. 

(Racan,  Pastor.) 

Le  cimeterre  au  poing,  ils  ne  m'écoutent  pas. 

(Corneille,  Cid,  IV,  3.) 

Il  falloit  avant  toutes  choses  qu'ils  leur  livrassent  entre 
les  mains  Crassus  et  Cassius  pieds  et  poings  liés. 

(Rollin,  Hisl.  anc.  Œuv.,  t.  IX,  p.  531.) 

Et  doit  ledit  Paul  comparoir  pour  s'ou'ir  condamner  à 
confesser,  la  hart  au  col,  la  torche  au  poing,  que  le  passé 
seul  est  bon,  que  le  présent  ne  vaut  rien. 

(Paul  L.  Courier,  aux  Anies  dév.) 

Il  y  a  deux  siècles,  pour  dire  ironiquement  que  l'on 
menait  une  personne  par  la  main,  pour  la  présenter 
quelque  part,  on  disait  qu'on  la  menait  sur  le  poing,  c^ 
dont  voici  la  preuve  : 

On  dîne,  et  après  dîner,  me  revoilà  sur  le  poing  de  Mon- 
sieur de  Jlarseille,  à  voir  la  citadelle  et  la  vue. 

(Sévigné,  jeudi  1673  ) 

Le  grand  protecteur  de  l'auteur,  est  M.  l'abbé  de  Mably, 
qui  mène  M.  Clément  sur  le  poing  de  porte  en  porte. 

(D'AIembert,  lett.  ii  Volt.,  6  mars  177a.) 

Quand  on  portait  un  faucon  sur  le  poing,  on  n'avait 
pas  la  main  entièrement  fermée;  on  le  tenait  posé  sur 
l'index,  comme  on  peut  s'en  assurer  en  regardant  des 
tableaux  représentant  des  scènes  de  chasse  à  l'oiseau. 

l'.nlln,  dernière  preuve  que  poing  a  bien  signifié 
main  ouverte,  c'est  qu'avec  ce  mot  on  a  fait  le  verbe 
empoigner,  qui  signifie  saisir  avec  la  main,  action 
requérant  naturellement  l'ouverture  des  doigts. 

Or,  si,  dans  notre  langue,  poing  s'est  employé  et 
s'emploie  encore  pour  main  non  fermée,  il  n'y  a  pas  le 
moindre  pléonasme  à  dire  fermer  le  poing,  dormir  à 
poings  fermés,  et  .Marnioiitel  était  du  même  avis,  puis- 
qu'il a  fait  usage  de  celte  expression  (Ofc'rty.  1. 1.\)  p.  491): 

L'éloquence  a  la  main  ouverte,  au  lieu  que,  dans  la 
plaidoirie,  elle  est  souvent  obligée  d'avoir  le  poing  ferme 
comme  la  dialectique. 


I 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


27 


X 


Troisième   Qiieslion. 

Est-H  correct  de  dire  :  monde  intkrlope,  femmk 
INTERLOPE?  Le  dictionnaire  de  Litlré  ne  donne  pas 
d'exemples  de  l'emploi  de  ce  mot  dans  le  sens  ci-dessus.' 

D'après  Augiislc  Scheler,  interlope  vient  directement 
du  verbe  anglais  to  interlope,  faire  le  commerce  en 
contrebande.  C'est  une  composition  bybride  du  préfixe 
inier  et  du  verbe  bas-allemand  loopen  (ail.  littér. 
laufen];  elle  dit  absolument  la  même  chose  que  le 
latin  intercurrere,  courir  entre,  se  glisser  frauduleuse- 
ment. 

Ce  mot  est  à  la  fois  substantif  et  adjectif. 

Substantif,  il  désigne,  soit  le  navire  qui  trafique  en 
fraude  dans  les  pays  de  la  concession  d'une  compagnie 
de  commerce,  soit  le  marchand  qui  empiète  sur  les 
privilèges  d'une  telle  compagnie. 

Adjectif,  il  se  dit  du  navire  qui  pratique  la  fraude, 
du  commerce  qu'il  fait,  des  relations  qu'il  établit,  et 
des  marchandises  qu'il  transporte  : 

Le  commerce  des  navires  interlopes  est  d'ordinaire  forl 
lucratif.  ,^      ..    , 

(Furetlere.) 

Vous  nécessitez,  par  un  port  exclusif,  ce  commerce 
interlope  que  le  privilège  de  la  compagnie  des  Indes  avait 
introduit. 

(Mirabeau,  CoUect.,  t.  III,  p    411.) 

L'île  manquait  alors  souvent  des  choses  les  plus  néces- 
saires, et  il  fallait  Ijien  qu'elle  les  demaniiût  à  ceux  de 
ses  voisins  avec  qui  elle  avait  formé  des  liaisons  interlopes. 

(Raynal,   Hisl.  phtl.,  XII,   II.) 

Les  marchandipes  ainsi  conduites  en  contrebande  s'ap- 
pellent marchandises  interlopes. 

(Dict.^de  la  Conversation.) 

Or,  comme  dans  ces  divers  exemples,  il  n'y  a  que 
interlope  appliqué  à  narire  (une  collection  d'êtres 
intelligents!  qui  puisse  se  dire  des  hommes,  et  qu'un 
navire  interlope  s'est  appelé  et  s'appelle  encore  aven- 
turier, je  croisque,  toutes  les  fois  que  l'on  peut  qualifier 
quelqu'un  de  ce  dernier  terme,  il  est  permis  aussi  de  le 
qualifiei  d'interlope,  ce  qui  équivaut  à  dire  que,  puis- 
qu'il y  a  un  monde  aventurier,  des  femmes  aventu- 
rières, on  peut  dire  :  monde  interlope,  femme  interlope. 

X 

Qiialriome   Question. 
•  Dans  rotre  numéro  21,  de  la  5°  année,  roiis  parlez, 
p.  \  G2,  de  viTRï-LE-FRANçois,  //  y  a  des  personnes  qui 
disent  vitry-le-français.  Laquelle  de  ces  deux  appel- 
lations pensez-vous  être  la  meilleure  ? 

On  lit  ce  qui  suit  dans  Guilbert  [Hist.  des  villes  de 
France]  vol.  3,  p.  102,  oti  il  est  question  de  Vitry-en- 
Perthois  : 

La  prospérité  de  Vitry  était  grande  alors  [fin  du  xv 
siècle],  et  son  orgueil  éclatait  dans  ses  armoiries,  où  l'on 
voyait  un  paon  couronné  regardant  sa  queue,  avec  cette 
légendo  :  Honni  soit  qui  mal  ij  pense.  Toute  cette  splendeur 
fut  détruite  par  Charles-Ouint  :  lorsqu'il  attaqua  la  ville,  en 
lô5i,  il  éleva  des  batterios  sur  les  montagnes  qui  la  domi- 
naient et  la  foudroya  impitoyablement.  Vitry-en-Verthois, 
réduit  en  un  monceau  de  décombres,  disparut  du  terri- 
toire français  et  n'appartint  plus  désormais  qu'à  l'histoire. 

François  1",  au  lieu  de  réparer  les  murs,  les  lit  abattre 


pour  en  transporter  les  débris  au  village  de  Maucourt,  sis 
à  peu  de  distance,  sur  les  bords  de  la  Marne,  au  milieu 
d'une  vaste  plaine.  C'est  là  qu'il  fonda  la  nouvelle  cité  ; 
tout  en  lui  conservant  son  vieux  nom,  il  y  ajouta  le 
sien 


Or,  attendu  que,  malgré  la  prononciation  italienne 
qui  voulait,  au  xvi"  siècle,  qu'on  dit  Francès.  Franccse, 
pour  désigner  un  homme,  une  femme  de  France,  on 
continuait,  selon  Henri  Estiennc  [Deux  dialogues  du 
nouveau  lanr/ar/e  françois  italianisé)  a  dire  >i  le  roy  », 
ce  qui  implique  le  même  respect  pour  François,  il  en 
résulte  qu'à  l'origine,  la  ville  en  question  s'est  appelée 
Yilry-le-Francois,  et  que,  par  conséquent,  c'est  encore 
ainsi  qu'il  faut  l'appeler  aujourd'hui, 

X 
Cinquième  Question. 
.lui  deux  choses  à    vous   demander  au    sujet    de 
l'expression  pin  contre  :  C  Comment  expliquer  le  sens 

de    PAR     COMPENSATION,    E.N    REVANCHE   qu'OH     lui    dounc  ? 

2°  Est-elle  bien  française   et,    dans    tous    les    cas, 
littéraire? 

Dans  la  partie  française  du  dictionnaire  de  Fleming 
et  Tibbins,  j'ai  trouvé ^jar  contre  avec  celte  traduction 
anglaise  :  per  contra,  as  a  set-off,  et,  dans  la  partie 
anglaise,  les  définitions  suivantes  de  ces  deux  dernières 
expressions  : 

Contra,  s.  [on  the  other  side;  a  term  used  la  merchants 
accounts,  terme  usité  dans  les  livres  de  comptes  où  d'un 
côté  on  trouve  ce  qui  est  dû  de  la  part  d'un  tel  et  de  l'autre 
ce  qu'on  lui  doit. 

set-o/f.  iThe  act  of  admitting  one  daim  to  counterba- 
lance  another;  the  daim  so  admitted]  l'action  d'admettre 
une  demande  qui  en  contrebalance  une  autre  ;  ce  qui 
contrebalance. 

D'où  il  suit  que  le  mot  contre  est  ici  un  substantif, 
et  que  par  contre  a  le  sens  de  par  cotnpensation,  en 
revanche. 

Maintenant /jar  contre  est-il  bien  français? 

Bescherelle  répond  que  non,  et  Poitevin  dit  qu'il  est 
(c  vieux  ».  C'est  une  erreur  de  part  et  d'autre;  car  une 
locution  qui,  selon  P.  Larousse  {Gr.  Dict.  du  A7 A"; 
siècle)  est  «  universellement  usitée  »  ne  peut  être  ni 
hors  de  la  langue  ni  qualifiée  de  vieille. 

Et  il  y  a  plus  ;  car  si  l'on  considère 

1°  Que  par  contre  se  trouve  dans  cette  phrase  de 
Cuvier  citée  par  Poitevin  : 

Si  plusieurs  essais  de  Buffon  sont  heureux,  quelques 
autres,  2'or  contre,  ne  le  sont  pas  ; 

2°  Qu'il  est  employé  dans  cette  autre  phrase  des 
Débats  du  2\  février  4873  : 

Ceux-ci  seraient  nommés  pir  r.\ssemblée  et  seraient 
inamovibles,  l'ar  contre,  on  restituerait  au  Président  de  la 
République  le  droit  de  nommer  lui-même  les  conseillers 
d'état  ; 

3°  Qu'on  le  rencontre  dans  ces  lignes  du  discours  de 
M,  d'ilaussonville  répondant  à  M.  Alexandre  Dumas  fils 
à  l'Académie  française    1 1  février  18751  : 

Pour  mon  compte,  je  ne  déconseillerais  pas  aux  pères 
de  famille  de  mener  leurs  filles  aux  pièces  de  Molière, 
quoiqu'elles  soient  exposées  à  y  entendre  des  mots  un 
peu  crus,  aujourd'hui  rejetés  par  la  pruderie  de    notre 


28 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


langue  moderne.  J'ai  connu,  par  contre,  des  mères  qui 
volontiers  auraient  parfois  fait  sortir  leurs  filles  de  l'église 
afin  de  les  dérober  à  d'autres  leçons  tombées  du  haut  de 
la  chaire  ; 

II  devient  manifeste  que,  non-seulement  cette  expres- 
sion fait  partie  de  notre  vocabulaire  actuel,  mais  encore 
qu'elle  compte  bel  et  bien  dans  la  langue  littéraire. 

X 
Sixième  Question. 

Comment  expliquez-vovs  que  travail,  espèce  de  cage 
oii  Von  enferme  les  chevaux  difficiles  à  ferrer,  fasse  an 
pluriel  TRiVAiLs,  tandis  que,  dans  le  sens  d'occupation, 
fatigue,  ce  môme  mot  fait  au  pluriel  travaux  ? 

Au  xm'^^  siècle,  le  substantif  bal,  comme  les  autres 
substantifs  en  al,  avait  son  pluriel  en  ans  ainsi  que 
le  montrent  ces  exemples  : 

Si  cheveil  sont  par  ses  espaules, 
Lors  n'ot  talent  de  mener  buus. 

(Rutebeuf,  II,  121.) 
Danses,  baas  et  caroles  veïssiez  commencer. 

[Berle,   XI. J 

Plus  tard,  la  prononciation  du  singulier  ayant 
changé,  il  prit  au  pluriel  la  forme  bals,  qu'il  a  toujours 
conservée  depuis. 

Eh  bien!  il  s'est  passé  quelque  chose  d'analogue 
pour  travail  désignant  la  machine  à  quatre  piliers  de 
bois  pour  ferrer  les  chevaux  vicieux.  Dans  l'origine,  ce 
nom,  que  Du  Gange  donne  sous  la  forme  travallum 
(venu  selon  toute  apparence  du  latin  trabs,  poutre, 
attendu  qu'il  fait  travaren  provençal,  trava  en  wallon, 
et  trave,  trarel,  ravise  en  anglais),  ce  nom,  dis-je,  eut 
pour  pluriel  travaus,  preuve  cet  exemple  trouvé  dans 
un  poète  du  xiv  siècle  : 

[Mon  cheval]  Le  marischal  a  defolé 
Et  s'a  son  vallet  affolé, 
Et  à  la  force  de  ses  reins 
Ha  rompu  deus  travaus  à  Reins. 

(Machault,  p.  81.) 

Mais  quand  travail  se  fut  substitué  à  la  forme  pri- 
mitive traval,  que  laisse  supposer  le  travallum  de  Du 
Gange,  il  est  probable  que  le  pluriel  assez  rarement 
employé  de  ce  nom  devint  travails,  et  cela,  sans  que 
le  même  changement  se  produisit  pour  le  pluriel  beau- 
coup |)lus  fréquent  de  travail,  occupalion,  fatigue. 

Voilà,  si  je  ne  me  trompe,  l'explication  du  double 
pluriel  qu'a  notre  substantif  travail. 


ÉTRANGER 

Première  Qiieslion. 

On  dit  quelquelois,  enparlant  de  plusieurs  personnes  : 
«  Elles  se  suivent  a  la  quëuk  lku  leu  ».  Quelle  est  la 
véritable  signification  de  ces  mots  lei-  leu? 

Au  mojen-ùge,  le  mol  loup  se  disait  leu  en  français 
comme  il  se  dit  encore  en  jùcard,  témoin  ces  exempl'es  : 


Li  leu  qui  mouton  sembleroit, 
S'il  0  les  brebis  demorast, 
Cuidiés  vous  qu'il  nés  devorast? 

[La  Bose,   1 1164.) 

Car  un  proverbe  dit  par  vraie  autorité  : 
Toujours  rêva  li  leus  devers  le  bois  ramé. 

(Guesfliii,  20969.) 

Après  le  xvi»  siècle,  il  s'est  dit  loup  ;  mais  leu  n'a  pas 
disparu  tout-à-fait;  il  est  resté  dans  l'expression  à  la 
queue  leu  leu,  qui  désignait  un  jeu  d'enfants,  probable- 
ment bien  ancien,  puisqu'on  le  trouve  mentionné  dans 
Rabelais. 

Le  sens  de  l'expression  est  bien  clair  ;  on  a  remarqué 
que  les  loups  n'allaient  point  par  troupes,  mais  qu'ils 
marchaient  en  se  suivant  ;  à  la  queue  leu  leu  signifie 
donc  en  une  file  où  l'un  va  après  l'autre. 

Mais  que  veut  dire  leu  leu,  que  l'on  rencontre  aussi 
quelquefois  sous  la  forme  lou-lou,  comme  dans  la 
phrase  suivante'? 

En  voyant  cette  émigration  des  grandes  dames,  toutes 
ces  femmes  de  robe  imaginèrent  que  ce  devait  être  l'usage 
de  la  Gour,  et  elles  se  mirent  à  défiler  à  la  queue  lou-lou 
révérencieusement  et  devant  la  présidente  Mole,  qui  ne 
savait  que  devenir. 

[Souv.  de  la  marg.  de  Créqui,  t.  V,  ch.   12,) 

Ce  redoublement  du  mot  leu  me  semble  mis  tout 
simplement  pour  le  leu,  employé  pour  du  leu;  et  voici 
sur  quelle  raison  je  fonde  cette  opinion  : 

Dans  l'ancienne  langue  française,  on  supprimait  la 
préposition  de  entre  certains  noms  de  lieu  et  le  mot 
suivant  quand  celui-ci  était  un  nom  de  personne. 
Cette  règle,  qui  s'est  conservée  jusqu'à  notre  temps  (on 
dit  encore  l'église  Notre-Dame,  la  place  Mauberf, 
l Hôtel-Dieu,  etc.)  a  pu  être  autrefois  d'un  usage  plus 
étendu,  et  avoir  permis  de  dire  à  la  qit£ue  le  leu  (cor- 
rompu en  leu  leu)  pour  à  la  queue  du  leu. 

Je  suis  d'autant  plus  porté  à  croire  à  la  vérité  de 
cette  explication  que  les  écoliers,  qui  sont  loin  d'avoir 
oublié  le  jeu  indiqué  par  l'expression  dont  il  s'agit, 
disent  souvent,  avec  la  construction  moderne  -.jouer  à 
la  queue  du  loup. 

X 
Seconde  Question 

Doit-on  dire  de  la  odate  ou  de  l'ouate? 

Certains  auteurs  n'aspirent  pas  Vou  dans  ce  mot  :     ' 

On  vous  souffrira  avec  tous  vos  défauts  :  robe  d'ouate, 
écharpe,  bonnets,  serviettes  sur  la  tète,  ce  sont  tous  ceux 
que  je  connais. 

{Mme  de  Maintenon,   i3  décembre  1687.) 

On  apporte  à  l'instant  ses  somptueux  habits 
Où  sur  l'ouate  molle  éclate  le  tabis. 

(Boileaii,  Liilr.,  IV.) 

L'ouate  ne  semble  pas  faite  pour  figurer  dans  un  vers. 

(La  Harpe,  Cours  de  îiU.,  t.  VI,  cli.  (o,  p.  3,(5.) 

Vouute  est  renfermée  dans  des  gousses  qui  s'ouvrent 
quand  elles  sont  en  maturité. 

(  Encyclopédie.  ) 

Certains  autres,  au  contraire,  l'aspirent  : 

Le  cbat-huant  vole  d'une  aile  silencieuse,  comme  étoupée 

de  ouate. 

(Michelet,  VOueau.) 


.E  COUREURR  DE  VAUGELAS. 


20 


On  fait  aussi  avec  la  ouate  divers  vêtements  chauds. 

(Francœur,  Tlch.,  p.  i78.) 

Dans  ce  pays- là,  d'où  viennent  tant  d'étoffes  de  soie, 
la  ouate  doit  être  d'un  grand  usage  pour  fourrer  les 
vestes. 

(Ménage,  Dict-  ètym.) 

Mainlenant,  quelle  est  celle  des  deux  prononciatons 
qu'il  convient  d'adopter'? 

J'ai  parcouru  dans  Liltré  les  mots  qui  commencent 
paro«,  et  je  n'en  ai  trouvé  relativement  qu'un  très-petit 
nombre  [oui  et  les  interjections  ouf!  ouais'  qui  pos- 
sèdent l'aspiration  de  cette  diphthongue. 

D'où  la  conclusion  que  l'ouate,  qui  est  tout  aussi 
usité  que  la  ouate,  a,  sur  ce  dernier,  l'avantage  d'être 
plus  conforme  à  l'analogie. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précèdent. 

1°...  mais  encore  qu'elle  lient  à  sa  discrétion  (quand  non- 
seu/emen/ est  suivi  d'un  mais,  celui-ci  doit  être  suivi  de  eni-ore"!; 
—  2»...  la  nécessité  de  VVnion  conservatrice,  de  même  nous 
continuerons  (il  faut  répéter  de  même);  —  3°...  ma/jré  qu'en  ait 
l'Agence  Havas  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  â«  année,  p.  i3);  — 
4°...  parce  qu'on  voudrait  qu'î/  ne  s'occupât  que  de  vous,  qu'ii 
ne  parlât  qu'à  vous  et  de  vous;  —  5...  n'ettt  point  à  s'en 
plaindre  (à  cause  de  quoique  qui  veut  le  subjonctif);  —  6°..-  qui 
ne  laisse  pas  d'alarmer  ses  amis  (pas  de  que  :  Courrier  de 
Vaugelas,  5oanr.ee,  p.  155);  —  7"  Après  que  les  diverses  ques- 
tions à  l'ordre  du  jour  eurent  été  examinées;  —  8'. . .  était  allé 
d'un  extrême  à  l'autre  ;  —  9°...  et  autres  docteurs  en  radica- 
lisme (es  ne  peut  se  mettre  que  devant  un  nom  pluriel,  comme 
équivalant  à  dans  les);  —  10'...  sa  jambe  mignonne  est  bien 
moulée  (si  la  cambrure  du  pied  est  une  beauté,  il  n'en  est  pas  de 
même  de  celle  de  la  jambe  :  une  jambe  cambrée  est  une  jambe 
arquée)  ;  —  11°. . .  dit  le  vieillard  en  grondant. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1°  Fasse  le  ciel  qu'il  [un  acteur  qui  prend  sa  retraite 
dans  un  établissement  religieux^  y  oublie  aussi  qu'il  fut 
comique,  car  il  pourrait  lui  arriver  d'y  faire  rire  â  gorges 
chaudes  les  frères,  les  sœurs  et  le  père  éternel. 

2°  Etant  donné  des  lois  nombreuses,  des  peines  sévères 

comment  concevoir  que  tous  les  gouvernements  se  soient 
plaints  de  linsuftisance  des  moyens  de  répression  mis  à 
leur  dispOï^ition? 

3"  Ils  voulaient  démontrer  au  pape,  s'il  était  d'accord 
avec  le  ministre,  que,  dans  ce  cas,  et  quoi  qu'il  en  eût,  il 
lui  était  arrivé  de  se  tromper  une  fois. 

4°  C'est  ainsi  que  VAssemtile'e  générale  des  catholiques  de 
France  vient  d'adopter,  au  sujet  de  la  presse,  des  résolutions 
dont  les  termes  ne  laissent  pas  que  de  soulever  des 
objections. 

5*  Ils  savourèrent  les  fortes  et  vives  séductions  d'une 
nature  que  n'a  jamais  contrarié  le  génie  de  l'homme,  et 
qui  se  révèle  dans  toute  sa  splendeur. 

6'  Qu'est  ceci  et  quelle  est  cette  nouvelle  raillerie'.' 
tonna  le  tuteur  dont  le  visage  affecta  des  ions  livides. 

7°  Dans  le  ménage,  on  ne  tarissait  point  en  éloges  sur 
la  jolie  veuve,  et  c'était  auquel  en  penserait  le  plus  de 
bien. 


8*  Dn  sénéchal  de  Hongrie,  le  seigneur. \lfarin,  asubstitué 
sa  fille  Clorinde  aux  lieu  et  place  du  fils  de  Clodomir  XXVI 
qu'il  a  vendu  à  des  Boliémiens. 

9°  Il  craint  toujours  qu'on  le  retire  du  fauteuil  sur  lequel 
son  parti  est  commodément  assis. 

10°  Le  général  fut  mis  alors  simplement  en  disponibilité 
avec  une  pension  de  retraite,  libre  de  rentrer,  s'il  l'eût 
voulu,  dans  son  grade,  étant  toujours  sensé  faire  partie  de 
l'armée. 

11°  D'où  les  malheureux  habitants  acquirent  connais- 
sance et  certitude  que  jamais  ils  ne  retrouveraient  le 
corps  devant  que  les  coupables  ne  fussent  punis. 

lî"  Mais  ce  n'était  qu'un  mieux  passager  et  factice.  11 
retombait  plus  épuisé  que  jamais  après  ces  efforts;  les 
meilleurs  m_édecins  perdaient  leur  français  à  le  vouloir 
guérir. 

13"  Ces  terrains  ont  été  aliénés  en  vertu  d'une  décision 
récente  du  Conseil  municipal,  à  seule  fin  de  créer  de 
nouvelles  ressoprces  à  la  ville. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.XDE  MOITIÉ  DU  XVll-  SIÈCLE. 

Laurent  CHIFFLET. 

[Suite.) 

Un  grammairien  a  dit  qu'il  vaut  mieux  supprimer 
le,  la,  les  quand  ils  sont  suivis  d'un  autre  pronom 
personnel;  il  a  tort,  il  faut  dire  :je  le  luij  donneray, 
et  non  je  luy  donnerai/. 

Le  désir  qu'avez  de  me  voir,  les  lettres  que  m'avez 
écrites  et  autres  semblables  «  antiquailles  »  ne  sont 
plus  en  usage.  II  faut  exprimer  le  pfcnom  ro^is  (<6o9y. 

Après  la  conjonction  et,  on  peut  ne  pas  répéter  le 
sujet  ;  mais  quand  il  se  trouve  une  adversalivc  à  sa 
place,  il  faut  nécessairement  le  répéter  :  je  l'ay  rencon- 
tré, mais  je  ne  luy  ai  rien  dit. 

PnO>OMS   DÉMONSmATIFS. 

Les  pronoms  démonstratifs  ccttuy-cy,  cette-cy,cettuy- 
là,  cette-là  ne  sont  plus  guère  en  usage,  et  l'on  se  sert 
de  celuy-cy,  celle-cy,  etc. 

En  parlant,  on  dit  cet  homme  icy  plutôt  que  cet 
homme-cy.  .Mais  en  écrivant,  on  ne  se  sert  ni  de  l'un 
ni  de  l'autre,  et  l'on  se  contente  de  dire  :  cet  homme, 
ce  temps,  ce  royaume.  Toutefois,  on  peut  écrire  cet 
homme  icy,  ce  temps  icy,  dans  le  sljle  corrompu,  saty- 
rique  et  burlesque  qui  représente  le  style  populaire  du 
langage  familier. 

Dans  ces  phrases  :  je  vous  verray  un  de  ces  jours,  un 
de  ces  matins,  et  autres  semblables,  ces  signifie  les 
jours  «  procliains  à  venir  ». 

Quelquefois  celuy  signifie  la  même  chose  que  nul  ou 
personne,  comme  lorsqu'on  dit  .•  il  n'y  a  celuy  qui  ne 
■•icache,  etc. 

Entre  le  démonstratif  ce/uy-Zà  et  le  relatif  çi//,  il  faut 
toujours  interposer  le  verbe  qui  est  régi  par  celuij-là, 
comme  dans  :  ccluy-là  est  souvent  trompé  qui  croit  à 


30 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


un  mentevr,  et  non  pas  :  celuy-là  qui  croit  à  nn  tnen- 
teur  est  souvent  trompé. 

On  ne  dit  plus  :  //  m'a  fait  ce  bien,  cet  honneur  de 
médire;  mais  on  dit  :  il  nia  fait  le  bien,  V honneur 
de  me  dire. 

Les  expressions  à  cause  de  ce,  non  content  de  ce,  .mr 
ce,  et  pour  ce,  outre  ce,  pour  ce  faire,  ce  faisant,  ce 
dit-il,  sont  liors  d'usage;  il  faut  partout  remplacer  ce 
par  cela. 

Dans  il  est  force  pour  il  est  nécessaire,  «  con- 
traignant »,  inévitable,  «  obligeant  »,  c'est  une  parti- 
cularité du  mot  force  d'être  construit  ainsi  comme  un 
adjectif,  car  on  ne  dit  pas  il  est  contrainte,  il  est 
nécessité. 

Après  c'est,  excepté  quand  il  s'agit  d'un  nom  propre, 
il  faut  toujours  un  article  ou  un  pronom;  ainsi,  on  ne 
dit  pas  c'est  chose  glorieuse,  c'est  chose  asseurée,  mais 
bien  c'est  une  chose  glorieuse,  asseurée. 

DES   PRONOMS   POSSESSIFS. 

Il  y  a  des  «  pronoms  possessifs  »  qui  vont  avant  le 
substantif,  et  d'autres  qui  vont  après;  les  premiers 
sont  :  mo«,  ton,  son,  etc.,  et  les  autres,  mien,  tien, 

sien,  etc. 

On  ne  dit  plus  vn  mien  amij,  un  sien  parent.  Voici 
l'usage  de  ce  pronom  possessif,  qui  ne  précède  jamais 
les  substantifs  :  il  se  met  ^rès  le  verbe  être  ou  se 
remplace  par  à  vous,  à  Iwj,  comme  dans  :  je  pemois 
que  ce  livre  fust  mien  ou  à  moy,  etc.  ilG59,\ 

Mien,  tien,  sien  se  disent  pour  richesses,  moyens  : 
Je  fournirai/  du  mien,  mettez  aussi  du  vostre. 

PRONOMS  RELATIFS. 

Ce  sont,  d'après  ChifOet,  lui/,  elle,  le,  la,  les,  qui, 
que,  lequel,  dont,  y,  en,  quoy. 

H  ne  fait  pas  mention  de  iceluy,  icelle,  iceux,  icelles 
parce  qu'ils  sont  tout-à-fait  bannis  du  bon  langage,  et 
ne  se  trouvent  plus  que  dans  le  style  des  notaires. 

Oii  se  met  très-élégamment  pour  le  relatif  auquel, 
comme  dans  cette  phrase  :  le  mauvais  estât  oit  je  vous 
ay  laissé. 

Lequel  et  qui  ont  entre  eux  cette  différence  d'usage 
que  qui  ne  s'emploie  que  quand  on  parle  des  personnes 
intellectuelles  ou  raisonnables,  c'est-à-dire  de  Dieu, 
de  l'ange  ou  de  l'homme,  et  que,  si  l'on  parle  des  bêtes 
ou  des  choses  inanimées,  on  emploie  lequel,  duquel, 

•  auquel. 

En  parlant  des  choses  qui  sont  destituées  de  raison, 
on  emjiloie  souvent  quoy  au  lieu  de  lequel  ou  lesquels, 
comme  dans  :  le  cheval  sur  quoy  j'estais  monté;  les 
chaises  sur  quoy  ils  estaient  assis. 

Lorsque  devant  le  relatif  il  y  a  deux  noms  de  diffé- 
rents genres  unis  par  de,  il  faut  employer  un  relatif 
qui  empêche  l'équivoque.  Ainsi,  au  lieu  de  dire,  c'est 
une  ordonnance  du  Itoy  qui  fera  de  grands  changements 
en  tout  le  royaume,  il  faut  dire  laquelle  fera,  etc. 

USAGE    DES    PARTICIPES    PASSES  APRÈS    LES    RELATIFS. 

Si  le  nominatif  (sujet)  va  après  un  prétérit  précédé 
d'un  pronom  relatif,  il  faut  laisser  le  participe  inva- 
riable, et  dire,  en  conséquence,  les  lettres  que  m'a 
envoyé  ma  mère,  et  non  pas  envoyées  (1659). 


Quand  un  participe  passé  est  précédé  d'un  relatif 
régime  direct  et  suivi  d'un  infinitif,  ce  participe  reste 
encore  invariable;  ainsi  l'on  dit  :  les  lettres  que  je  vous 
ay  veu  escrire,  et  non  pas  veues;  je  les  ay  fait  peindre  ; 
elles  se  sont  fait  peindre,  et  non  pas  faites. 

Manquer  à  ces  deux  règles,  ajoute  Chifflet,  constitue 
une  assez  lourde  faute. 

Quant  aux  façons  de  parler  qui  suivent,  il  vaut  mieux 
dire  le  commerce  de  cette  ville  l'a  rendu  puissante ,  le 
commerce  nous  a  rendu  puissants  que  rendue,  que 
rendus. 

Dans  les  verbes  réciproques,  le  participe,  toujours 
accompagné  des  verbes  substantifs,  s'accorde  avec  les 
pronoms  personnels;  exemple  :  nous  nous  somines  ren- 
dus pîiissants.  Mais  il  y  a  une  exception  pour  le  cas  du 
participe  féminin  suivi  d'un  autre  participe  du  même 
genre;  ainsi  il  faut  dire  :  elle  s'est  trouvé  guérie,  et  no.n 
pas  trouvée  (1659). 

DES   PRONOJIS    INTERROGATIFS. 

Ces  pronoms,  qui  sont  qui,  quoy,  que,  lequel,  quel, 
se  mettent  après  les  verbes  «  de  sçavoir  et  d'ignorer  », 
comme  dans  cette  phrase  :  je  ne  sçais  qui  vous  estes. 

Il  ne  faut  jamais  dire  tel  qu'il  soit  au  lieu  de  quel 
qu'il  soit. 

DES   PK0îi0.MS   INDÉFINIS. 

Le  mot  force  est  rangé  au  nombre  de  ces  pronoms. 

Quand  quelque  signifie  environ,  il  est  indéclinable  : 
nous  estions  quelque  trente  hommes. 

On  dit  bien  au  singulier,  j'ay  trouvé  quelcun  qui 
m'a  dit,  etc;  mais  au  «  plurier  »,  il  faut  dire  quelques 
personnes  au  lieu  de  quelques-uns. 

Chaque  ne  se  met  point  au  pluriel,  excepté  devant 
des  noms  qui  ne  s'emploient  pas  au  singulier,  on  dit  : 
à  chaques  Matines,  à  chaques  Laudes. 

Aucun  ei  aucune  sont  toujours  négatifs;  il  ne  faut 
pas  dire,  en.  conséquence,  j'ay  trouvé  aucunes  personnes 
qui  m'aidèrent;  dites  quelques  personnes  (1659)." 

Au  lieu  de  personne,  on  emploie  quelquefois  homme 
qui  vive,  honune  dti  monde,  ame  qui  vive,  personne  du 
monde,  comme  dans  :  vous  ne  trouverez  homme  qui 
vive  qui  entreprenne  cela. 

L'autruy  pour  le  bien  d'aulrui  est  une  mauvaise 
façon  de  parler. 

Tel  quel  signifie  passable,  médiocre,  comme  dans  : 
//  m'aime  d'une  effusion  telle  quelle. 

OBSERVATIONS   DES   PRONOMS. 

L'expression  quant  à  peut  être  suivie  des  pronoms 
de  toutes  les  personnes,  excepté  de  ceux  de  la  première  ; 
on  ne  dit  pas  quant  à  moy,  il  faut  dire  pour  moy,  de 
moy. 

Le  relatif  en  est  mal  employé  quand  on  dit  :  il  en 
est .  des  hommes  comme  des  feuilles  d'un  arbre  qui 
tombent  et  flétrissent  l'une  après  l'autre;  il  faut  le 
supprimer,  et  dire  :  il  est  des  hommes,  etc.  (1669). 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  Rédactedr-Gékant  :  Eman  MARTIN. 


I 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


31 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Toison  d'or  ;  par  Ainédée  Achard.  2"  édition.  In- 
18  Jésus,  338  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50  cent. 

Œuvres  de  M.  de  Bonald.  Essai  analytique  sur 
les  lois  naturelles  de  l'ordre  social.  Du  divorce  consi- 
déré au  X1X=  siècle,  relativement  à  l'état  domestique  et  à 
l'état  public  de  société.  Pensées  sur  divers  sujets.  Dis- 
cours politiques.  In-8°,  604  p.  Paris,  lib.  Le  Clère, 
Reichel  et  Cie. 

Costal  l'Indien,  ou  le  Dragon  de  la  reine.  Scènes 
de  la  guerre  de  l'indépendance  du  Mexique;  par  Gabriel 
Ferry  (Louis  de  Bellemare).  Nouvelle  édition,  avec  une 
préface  de  Mme  George  Sand.  In-18  Jésus,  mi-452  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

La  Banque  du  diable  et  autres  petites  histoires; 
par  Eugène  de  Margerie.  ln-12,  285p.  Paris,  lib.  Téqui. 

Vie  du  frère  Philippe,  supérieur  général  de  l'Institut 
des  Frères  des  écoles  chrétiennes;  par  M.  Poujoulat. 
1"  édition,  revue,  corrigée  et  augmentée,  ln-8",  376  p. 
Tours,  lib.  Marne  et  fils. 

Soirs  d'hiver;  par  Socelyn  Bargoin.  Avec  sonnet  — 
préface  par  François  Coppée.  Gr.  in-S",  119  p.  Pau.  lib. 
Ribaut. 

La  musique  française  au  XVIII'  siècle.  Gluck  et 
Piccinni,  1774-1800;  par  Gustave  Desnoiresterres.  2«  édit. 
In-12,  xt,  424  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Le  Régent  Mustel  ;  par  Ale.xandre  Dumas  fils,  de 
l'Académie  française.  Nouvelle  édition,  Gr.  in-18,  352  p. 
Paris,  lib.  Michel  Lévy.  1  fr.  25. 

A  travers  l'antiquité.  La  Vie  joyeuse  au  Pays 
latin,  par  A.  Grenier.  Iu-i8  Jésus,  283  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

Roses  noires  et  Roses  bleues;  par  Alphonse  Karr. 
Nouvelle  édition.  In-18  Jésus,  323  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy.  1  fr.  25  c. 

Lundis  révolutionnaires,  1871-1874.  Nouveaux  éclair- 
cissements sur  la  Révolution  française  à  propos  des  tra- 


vaux historiques  les  plus  récents  et  des  faits  politiques 
contemporains;  par  Georges  Avenel.  In-lS",  iv-416  p. 
Paris,  lib.  Leroux.  7  fr.  50. 

Œuvres  complètes  de  Diderot,  revues  sur  les  éditions 
originales,  comprenant  ce  qui  a  été  publié  à  diverses 
époques  et  les  manuscrits  inédits  conservés  à  la  biblio- 
thèque de  l'Ermitage.  Notices,  notes,  table  analytique. 
Etude  sur  Diderot  et  le  mouvement  philosophique  au 
XVlIIe  siècle;  par  J.  .\ssézat.  T.  2.  Philosophie  II. 
In-8°,  534  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  6  fr. 

Histoire  de  Napoléon  I""-;  par  P.  Lanfrey,  5'  édition. 
T.  5.  In-18  Jésus.  512  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie. 
3  fr.  50. 

Œuvres  complètes  d'A.  F.  Ozanam.  Avec  une 
préface  par  M.  Ampère,  de  l'Académie  française,  a-  édi- 
tion. T.  4.  Etudes  germaniques.  II.  La  Civilisation 
chrétienne  chez  les  Francs,  recherches  sur  l'histoire 
ecclésiastique,  politique  et  littéraire  des  temps  méro- 
vingiens .et  sur  le  règne  de  Charlemagne.  In-12.  664 
p.  Paris,  lib.  Lecoffre  flls  et  Cie. 

La  littérature  française  au  XIX'  siècle;  par  J.  P. 

Charpentier,  inspecteur  honoraire  de  l'académie  de  Paris. 
Ia-18  Jésus,  xxui-374  p.  lib.  Garnier  frères. 

Paris,  ses  organes,  ses  fonctions  et  sa  vie  dans  la 
seconde  moitié  du  XIX^  siècle;  pur  Maxime  Du  Camp. 
4"  édition.  T.  2.  In-8°.  477  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
7  fr.  50. 

La  Bande  Cadet;  par  Paul  Féval.  II.  Clément  le  Man- 
chot. ln-18  Jésus.  360  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 
Heptaméron  (Y).  Contes  de  la  reine  de  Navarre. 

Nouvelle  édition,  revue  avec  soin  et  accompagnée  de 
notes  explicatives.  In-18  Jésus,  xii-468  p.  Paris,  lib. 
Garnier  frères.  3  fr. 

Manuel  de  morale  pratique,  à  l'usage  des  écoles; 

par  Emile  Loubens,  chef  d'institution  honoraire,  h'  édit. 
2  vol.  In-18  Jésus,  x-304  p.  Pari.«.  lib.  Delagrave. 


Publications  antérieures  ; 


COURS  DE  LITTÉRATLRE  SPÉCIAL.  pnÉp.\R.\ioinE  .a.u 
BBEVET  sLPiîniEiii  ;  renfermant  les  théories  de  la  littérature 
avec  des  exemples  choisis  dans  les  œuvres  des  classiques 
anciens  et  modernes.  —  Ouvrage  adopté  à  la  maison 
d'éducation  de  la  Légion  d'honneur  de  Saint-Denis.  — 
Par  .Mlle  Tu.  Brismontier.  Ancienne  élève  de  la  Maison 
de  Saint-Denis,  Professeur  spécial  pour  la  préparation 
aux  examens.  Répétiteur  des  premières  classes  de  latin 
et  de  grec.  —  Paris,  chez  l'auteur,  1,  rue  Wagram. 


HISTOIRE  DE  LA  LlrrKRATLRE  CONTEMPORAINK  EN 
RUSSIE.—-  Par  C.  CoiRRiÈnE.—  Paris,  Cliarpenlier  et  Cie; 
libraires  éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du;.  —  11  ne 
reste  plus  que  la  2'=,  la  4=  et  la  5"  année,  en  vente  au 
bureau  du  Courrier  de  Vaugelas,  2G,  boulevard  des 
Italiens.  —  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco 
pour  la  France.  —  La  1"  el  la  3«  année  seront  prochaine- 
ment réimprimées. 

LA  CHUTE  D'UN  ANGE,  épisoue;  par  A.  de  Lamartine.  — 
Nouvelle  édition.  —  Paris,  Hachette  et  Cie,  Pagnerre- 
Furne  et  Cie,  éditeurs. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallo.v, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Suint-Germain. 


32 


•LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


MITS  D'AUTOMNE.  —  par  Evariste  Carrance.  —  Deu- 
xième édition.  —  Prix  :  5  francs  —  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  éditeur,  57-29,  passage  Clioiseul. 

LE  DICTIONNAIRE  EN  EXERCICES,  étude  pratique  des 
mots  de  la  langue  française  faisant  connaître  1°  les  racines 
françaises  ou  les  radicaux;  2»  les  préfixes  et  les  suffixes; 
3'  la  valeur  primitive  et  actuelle  des  dérivés  français  ; 
U"  remploi  des  mots  ;  5°  l'orthographe  d'usage.  —  Par 
L.  Gri-mdlot.  —  Partie  du  maitre  et  partie  de  l'élève.  — 
Paris,  Aiig.  Boijer  el  Cie,  libraires-éditeurs,  Z|9,  rue  St- 
André-des  Arts. 

LES  AMOURS  DE  PETITE  VILLE;  CHARDONNETTE.  — 
Par  Charles  Deulix.  —  Troisième  édition.  —  Paris, 
E.  Denlu,  éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de 
lettres,  Palais-Royal,  17-18,  Galerie  d'Orléans. 


RÉCITS  ESPAGNOLS;  par  Charles  Gueullette.—  Unbeau 
volume  in-18  de  316  pages.  —  En  vente  chez  Denlu  et 
dans  toutes  les  gares.  —  Prix  :  3  francs. 


LE  PANTHÉON  DE  LA  FABLE,  choix  des  meilleurs 
apologues  empruntés  aux  fabulistes  de  tous  les  temps  et 
de  tous  les  pays,  avec  des  notices  biographiques,  des 
études  historiques  et  littéraires,  etc.  —  Par  J.-Alsx. 
Arrant,  professeur  de  langues  et  de  littérature.  —  Paris, 
Aug.  Boyer  et  Cie,  libraires-éditeurs,  69,  rue  St-André- 
des-Arts. 


LA  MORALE  UNIVERSELLE,  un  beau  volume  in-8», 
papier  cavalier,  de  476  pages.  —  Par  A.  Eschenauer  — 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française  —  Chez 
Smidoz  el  Fischbaclier,  33,  rue  de  Seine. 


MORCEAUX  CHOISIS  DES  GRANDS  ÉCRIVAINS  DU  XVI» 
SIÈCLE,  accompagnés  d'une  grammaire  et  d'un  diction- 
naire de  la  langue  du  xvf  siècle.  —  Par  Auguste  Brachet, 
ancien  examinateur  et  professeur  à  l'École  polytech- 
nique, lauréat  de  l'Académie  française  et  de  l'Académie 
des  Inscriptions,  membre  de  la  Société  de  linguistique. 
—  Deuxième  édition  revue.  —  Paris,  librairie  Hachette 
et  Cie,  79,  Boulevard  Saint-Germain. 


FAMILLES     PARISIENNES 
Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


Avenue  de  la  Grande  Armée  (prés  de  l'Arc  de 
triomphe  de  l'Etoile).  —  Dans  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très  bel  appartement. 


A  Passy  (près  du  Ranelagh).  —  Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Rue  de  Turin   (près  de   la  gare  Saint-Lazare).  — 

Une  ancienne  maîtresse  de  pension  reçoit  dans  sa  famille 
deux  jeunes  étrangères  pour  les  perfectionner  dans  la 
langue  française.  —  Leçons  de  musique. 


Prés  de  la  gare  Saint- Lazare  (vue  sur  la  voie).  — 

Un  homme  de  lettres  recevrait  comme  pensionnaire  un 
étranger  qui  voudrait  profiter  de  son  séjour  à  Paris  pour 
se  perfectionner  sérieusement  dans  la  pratique  de  la 
langue  française. 


(Les  adresses  sont  indiquées  à  la  rédactioii  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Le  journal  littéraire  le  tournoi  est  rédigé  au  concours  par  ses  Abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  comité  de  rédaction.  L'insertion  donne  droit  à  l'une  des  primes 
suivantes  (expédiée  franco)  :  i'"  prime.  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme 
confirmant  le  succès  du  lauréat;  2«  prime.  —  Quinze  exemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de 
l'auteur,  et  formant  une  brochure.;  .3»  prime.  —  Un  ouvrage  de  librairie  au  clioix,  du  prix  de  3  fr.  50  cent. 

Tout  abonné  qui  a  été  c/ouze  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  chez  MM.  Ed.  ÛIoreau  et  Fils,  administrateurs  du  journal,   boulevard  Montmartre,  12,  à  Paris. 


L'Académie  irançaise  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  ei  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  porj.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de,  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cour.s,  mais  les  auteuri  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


La  Société  littéraire  d'Annecy,  la  Société  académique  de  Cambrai  et  la  Société  d'Emulation  d'Epinal  reçoivent  les 
manuscrits,  pour  leur  concours  de  1875,  jusqu'au  l"  juillet;  —  La  Société  académique  de  Châlons-sur-Marne, 
jusqu'au  15  juillet;  —  La  Société  littéraire  de  Poligny  (Jura),  jusqu'au  15  septembre;  —  La  Société  dunkerquoise 
jusqu'au  !"•  octobre;  —  Les  Sociétés  académiques  de  'Troyes,  de  Lille  et  l'Académie  de  la  Rochelle,  jusqu'au  15 
octobre;  —  La  Société  littéraire  d'Apt,  l'Académie  de  Bordeaux  et  la  Société  académique  de  Doulogne-sur-Mer, 
jusqu'au  {"•'  novembre. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GUUVEUNKliH,  U.  UAUl'KLEV,  à  Nogenl-le-Hotrou. 


G"  Année 


N"  5. 


l''^  Juillet  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    I"   et    le    15     de    chaque   mois 

(Dans  sa  séance  du  \-2  janvie}-  1875,  l' Académie  /ranraise  a  décerné  le  prix  Lambert  à  ceite  publicaiion.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

Abonnement  pour  la  France.     Cf. 

PROFESSEUR   SPÉCIAL  POUR  LES  ETRANGERS 

On  les  prend  en  s'adressant,  soit 

Idem        pour  l'Etranger  10  f. 

Officier  d'Académie 

directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces, la  ligne.          50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quelconque. 

AVIS. 

Les  Abonnés  de  ce  journal  à  qui  certains  numéros 
de  la  présente  année  ne  seraient  pas  encore  parvenus, 
sont  priés  de  vouloir  bien  les  réclamer  immédiatement 
au  Rédacteur. 

SO.M.MAIRE. 
Communications  sur  La  beauté  du  diable  et  Feux,  terme  de 
théâtre;  —  Explication  de  Conter  des  fagots;  —  S'il  faut  dire 
Bi-mensuel  ou  Semi-mensuel  ;  —  Le  pluriel  Arc-en-cicis  1 
Comment  Jeter  son  anneau  dans  une  rivière  peut  signifier 
s'assurer  les  faveurs  de  la  fortune;  —  Véritable  signiBcation 
de  Toul-à-coup  ;  —  S'il  faut  dire  Mettre  la  charrue  avant  ou 
devant  les  bœufs  I  Passe-temps  grammatical  0  Suite  de  la 
biographie  de  Laurent  Chi/jlet  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de 
littérature  |{  Renseignements  pour  les  professeurs  français  || 
Concourj  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 

Mon  explication  du  proverbe  Avoir  la  beauté  du 
diable  m'a  valu  une  lettre  et  un  article  de  journal. 
Voici  la  lettre,  où  je  supprime  quelques  longueurs  : 

Paris,  le  1"  avril  1875. 
Monsieur, 

Dans  le  numéro  du  Courrier  de  VaiigelasAw  15  mars  1875, 
vous  donnez  de  la  locution  la  beauté  du  diable  une  expli- 
cation qui  ne  me  paraît  pas  satisfaisante,  bien  qu'elle  ait 
en  sa  faveur  l'autorité  de  Quitard  et  la  vôtre. 

Lorsque  le  diableétaitun  ange  du  ciel,  s'il  était  beau,  il  ne 
l'était  point  parce  qu'il  était  jeune.  Il  était  beau  comme 
tous  les  anges  créés  par  Dieu,  indépendamment  de  son 
Age,  puisqu'il  était,  aussi  bien  qu'eux,  immortel  par  essence. 
S'il  a  perdu  sa  beauté,  ce  n'a  pas  été  parce  qu  il  a  vieilli  ; 
mais  il  l'a  perdue  en  punition  de  sa  révolte  contre  Dieu. 

Je  crois  plutôt  que  la  beauté  du  diable  est  celle  qui,  en 
dehors  de  la  régularité  des  traits,  tente  par  son  éclat,  c'est- 
à-dire  par  la  fraîcheur,  apanage  ordinaire  de  la  jeunesse 
et  de  la  santé.  Une  femme  médiocrement  belle  'je  ne 
dirai  pas  absolument  laide)  mais  fraîche,  d'une  bonne 
santé,  aux  couleurs  avenantes  et  fleuries,  plaît,  ou  si  l'on 


veut,  tente  plus  qu'une  autre  femme,  régulièrement  belle, 
mais  pùle  et  maladive. 

En  résumé,  la  beauté  du  dialde  est  la  beauté  qui  tente.  Or, 
la  beauté  qui  tente,  c'est  celle  d'un  sang  vigoureux  qui 
tient  à  la  jeunesse  et  à  la  force  et  non  à  la  délicatesse  ou 
à  l'arrangement  artistique  des  traits. 

Veuillez  recevoir.  Monsieur,  l'assurance  de  ma  parfaite 
considération. 

Elle  Petit. 

Voici  l'article,  trouvé  dans  le  Charimri  du  P'' avril 
i  873  par  un  abonné  qui  a  eu  l'obligeance  de  le  trans- 
crire et  de  me  l'envoyer  : 

Une  excellente  petite  publication  à  laquelle  on  doit 
d'avoir  élucidé  plus  d'un  point  de  grammaire,  le  Courrier 
de  Vaugelas,  donne  ainsi,  dans  son  dernier  numéro,  l'éty- 
mologie  de  l'expression  Aroir  la  beauté  du  diable  : 

«  L'origine  de  cette  expression  se  trouve  selon  toute 
apparence  dans  le  vieux  proverbe  qui  dit  que  le  diable 
était  beau  quand  il  était  jeune,  allusion  probable,  d'après 
Quitard,  au  temps  où  le  diable  figurait  au  rang  des  anges 
du  ciel.  » 

N'est-ce  pas  aller  chercher  bien  loin? 
•^  La  beauté  du  diable,  c'est  tout  simplement,  nous  semble- 
t-il,  cette  beauté  qui  fait  venir  le  baiser  aux  lèvres;  c'est 
la  beauté  gui  tente. 

Si,  au  lieu  de  consulter  les  vieux  proverbes  oubliés, 
Quitard  avait  eu  l'idée  de  regarder  le  joli  minois  d'une 
fillette  qui  le  croisait,  l'excellent  grammairien  n'eût  pas 
douté,  croyons-nous,  de  l'origine  de  cette  expression. 

Paul  Parfait. 

Quelles  qu'en  soient  la  raison  et  l'origine  (je  n'ai 
point  à  m'en  occuper  ici  .  il  a  existé  chez  nospères,  c'est 
certain,  un  proverbe  qui  disait  que 

Le  diable  était  beau  quand  il  était  jeune.  ' 

Et,  une  fois  admis  que  le  diable  avait  eu  de  la  beauté 
dans  sa  jeunesse,  on  a  dit  tout  naturellement  d'une 
femme  qui  n'av,ait  que  la  fraîcheur  de  ses  jeunes 
années  qu'e//e  avait  la  beattté  du  diable,  espèce  d'eu- 
phémisme pour  signifier  qu'elle  n'était  pas  belle. 

Telle  est,  selon  moi,  la  véritable  explication  de 
l'expression  en  litige. 

MM.  Elle  Petit  et  Paul  Parfait  pensent  autrement; 
je  les  remercie  de  l'avoir  dit,  et  je  vais  essayer  de  lein- 
faire  voir  en  quelques  mots  qu'ils  se  trompent. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


L'opinion  de  mes  coniradicteurs  est  que  «  la  beauté 
du  diable  est  la  beauté  qui  tente.  » 

Or,  pour  que  cette  proposition  puisse  être  vraie,  il 
faut  que  la  beauté  qui  n'est  pas  celle  du  diable,  c'est-à- 
dire  la  beauté  réelle,  ne  tente  pas,  car  sans  cela,  l'épithète 
du  diable  ne  serait  pas  justifiée. 

En  est-il  ainsi  ?  Non,  et  la  preuve  c'est  que  le  diable, 
lorsqu'il  veut  séduire  le  sexe  fort  au  moyen  du  sexe 
faible,  ne  manque  jamais,  lui,  le  tentateur  par  excel- 
lence, de  prêter  les  traits  d'une  parfaite  beauté  à  la 
femme  qu'il  clioisil  pour  ministre. 

Partant,  la  beauté  du  diable  ne  peut  être  défaiie  la 
beauté  qui  tente. 

IL 

J'avais  donné  (2'=  année,  page  4)  une  origine  du  mot 
feux  appliqué  à  la  somme  qu'un  acteur  reçoit  en  plus 
de  ses  appointements  chaque  fois  qu'il  joue  ;  une  autre 
explication,  que  je  reproduis  ci-dessous,  m'a  été  adres- 
sée par  M.  Loubens,  chef  d'institution  honoraire  à  Paris: 

Louis  XIV  avait  mis  à  exécution  un  règlement  qui 
stipulait  que  les  chanteurs,  les  acteurs,  les  danseurs  et  les 
symptionistes  de  la  chambre,  de  la  chapelle  et  de  l'Aca- 
démie royale  de  musique  toucheraient,  en  sus  de  leurs 
appointements,  du  pain,  du  vin,  de  notables  morceaux  de 
viande,  ce  qui  leur  donnait  la  qualité  de  commensaux  du 
château,  dans  si.x  bonnes  fêtes  de  l'année.  Mais  les  jours 
de  la  Saint-Louis  ou  de  la  Saint-Martin,  à  la  placé  du  vin 
et  de  la  viande,  celle-ci  étant  supprimée  parce  que  ces 
fêtes  pouvaient  tomber  un  jour  de  maigre,  on  en  évaluait 
le  prix  à  170  fr.,  et  chaque  pensionnaire  recevait  en  argent 
le  montant  de  ces  vivres. 

LuUi  maintint  avec  grand  soin  cet  arrangement.  Vers  la 
fin  du  svu'  siècle,  on  ajouta  un  supplément  de  traitement 
pour  payer  les  bougies  que  les  premiers  sujets  avaient  eu 
tant  de  peine  à  obtenir  à  la  place  des  chandelles  qui 
éclairaient  leurs  loges.  Dés  lors,  la  somme  allouée  pour  le 
pain,  le  vin,  la  viande  et  les  bougies  prit  le  nom  de  /en.', 
qui  est  encore  en  usage. 

{Bulletin  de  la  Société  acad.  de  Poitiers,  1871.) 

La  première  explication  porte  que  «  Molière  trouva  la 
demande  juste,  et  leur  accorda  (à  ses  acteurs)  2  fr.  par 
soirée  pour  acheter  du  bois  »,  et  que  «  de  là  vienlj^ 
nom  de  fe^ix.  >>  Avec  cette  explication,  on  ne  voit 
pas  la  nécessité  de  mettre  feu  au  pluriel,  chaque  acteur 
ayant  dû  dire  :  je  touche  tant  pour  mon  feu;  aussi  lui 
préféré-je  celle  qu'on  vient  de  lire,  qui  justifie  beau- 
coup mieux  1':^  :  il  y  avait  une  somme  allouée  pour 
des  bougies,  chaque  acteur  dut  dire  :  mes  feux. 

Mes  sincères  remerciements  à  M.  Loubens. 

X 
Première  Question. 
Comment  eocplique:^-i-ous  que  contée  des  fagots  «/< 
pu  prendre  le  sens  de  conter  des  fadaises,  des  bourdes, 
des  choses  de  peu  d'importance? 

A. ma  connaissance,  on  a  expliqué  cette  expression 
de  trois  manières  diifércntcs  : 

4 û  C'est  la  Gazette  (\c  Rcnaudol  (le  premier  journal 
((ui  ait  paru  en  France)  qui  a  donné  lieu  à  cette  expres- 
sion. On  criait  et  on  vendait  celte  feuille  dans  les  rues, 
il  arriva  un  jour  qu'un  marchand  de  fagots  criait  sa 
marchandise  en  même  temps  que  le  vendeur  île  gazette 


criait  la  sienne;  et  toutes  les  fois  que  celui-ci  annonçait 
à  haute  voix  la  gazette,  celui-là  articulait  aussi  ses 
fagots.  Depuis,  réunis  par  le  hasard  ou  la  malice,  ces 
mots  devinrent  synonymes,  et  quiconque  rapporte  une 
nouvelle  apocryphe  est  un  conteur  de  fagots. 

—  Quoique  répétée  dans  plusieurs  ouvrages,  cette 
origine  n'en  est  pas  moins  fausse.  Il  est  évident  que  si, 
avant  Renaudot,  l'expression  conter  des  fagots  n'avait 
pas  été  employée,  personne  ne  se  serait  avisé  de  faire 
le  moindre  rapprochement  lorsque  le  colporteur  et 
le  marchand  criaient,  l'un  sa  gazette  et  l'autre  ses 
fagots.  Ce  n'est  donc  point  la  Gazette  de  Renaudot 
qui  a  donné  lieu  à  l'expression  dont  il  s'agit. 

2"  Ceux  qui  font  des  fagots,  dit  le  Dictionnaire  éty- 
mologique de  Noël  et  Carpentier,  ont  soin  de  mettre 
en  évidence  les  meilleurs  morceaux  de  bois  qui 
entourent  de  mauvaises  broutilles,  et  les  cachent  aux 
yeux  des  acheteurs.  Cet  exemple  est  soigneusement 
suivi  par  les  marchands  d'asperges,  de  carottes,  etc. 
C'est  ce  qu'on  appelle  pare;-  la  marchandise.  Ces  fagots 
ont  excité  la  méfiance  des  acheteurs,  d'où  l'on  a  dit  : 
cela  sent  le  fagot,  pour  dire  :  cela  est  trompeur  ;  et  tout 
débiteur  de  mensonges  a  été  appelé  débiteur  ou  comp- 
teur de  fagots,  d'où  compter  des  fagots,  pour  débiter, 
dire  des  mensonges. 

—  L'expression  sentir  le  fagot,  qui  a  pris  naissance 
avec  le  brûlement  des  hérétiques  en  France,  ne  signiQe 
pas  tromper;  cette  expression,  qui  s'appliquait  le  plus 
souvent  aux  personnes,  voulait  dire  être  entaché  d'hé- 
résie, et,  par  conséquent,  mériter  le  supplice  du  feu 
iallumé  à  des  fagots).  C'est  faire  fausse  route  que  de 
chercher  à  expliquer  conter  des  fagots  par  cela  sent  le 
fagot. 

3"  D'après  Quitard,  cette  locution  est  venue  tout 
simplement  d'une  allusion  à  la  mauvaise  foi»de3  mar- 
chands de  bois,  qui  comptent  les  fagots  qu'ils  vendent 
de  manière  à  tromper  sur  la  quantité  ou  sur  la  qualité. 
Une  phrase  de  la  vieille  farce  intitulée  :  La  querelle  de 
Gaultier  Garguille  et  de  Périnc,  sa  femme  ne  laisse 
aucun  doute  sur  ce  sujet.  «  Tu  me  renvoies  de  Ca'iphe 
à  Pilate;  tu  me  contes  des  fagots  pour  des  cotterets.  « 
Conter  est  mis  ici  pour  coinpter;  la  dilïérence  que  l'œil 
remarque  entre  ces  deux  homonymes  ne  fait  rien  à  la 
chose;  dérivés  l'un  et  l'autre,  suivant  Nicot,  du  verbe 
latin  computare,  ils  étaient  autrefois  confondus  sous  le 
rapport  de  l'orthographe. 

—  Si  cette  expression  est  venue  «  simplement  «  de 
la  mauvaise  foi  de  ceux  qui  vendent  des  fagots,  mau- 
vaise foi  probablenientaussi  ancienne  que  leur  profession 
elle-même,  pourquoi  M.  Littré  n'a-t-il  donc  trouvé  le 
Iiremier  exemple  de  conter  des  fagots  que  dans  la 
phrase  suivante  d'une  lettre  de  Mme  de  Sévigné,  écrite 
en  108'.? 

Je  n'écrirai  point  aujourd'hui  à  mon  ami,  je  ne  l'en 
aime  pas  moins  :  il  me  coule  toujours  des  fagots  fort 
jolis. 

l'uis  encore,  si  l'explication  précédente,  qui  donne  à 
conter  des  fagots  le  sens  de  tromper,  user  d'artifice 
pour  tromper,  est  la  vraie,  comment  a-t-il  pu  se  faire 


I 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


33 


que  fagot  en  soH  venu  à  signifier  rien,  fadaise,  sornetle, 
comme  on  le  voit  dans  l'Académie? 

J'ai  cherché,  el  peut-être  non  en  vain,  une  autre 
origine  à  ce  proverbe. 

L'expression  conter  des  fagots  ne  remonte  pas  si 
haut  que  le  prétend  Quilard;  elle  vient,  à  mon  avis. 
de  la  farce  invoquée  à  l'appui  de  l'origine  qu'il  indique, 
la  Querelle  de  Gaultier  Gurguille  et  de  Perrine  sa 
femme,  où  se  trouve  la  phrase  suivante  prononcée  par 
Perrine  : 

Le  premier  jour  de  nos  nopcps,  quand  je  te  demanday 
conseil  comment  je  devois  me  gouverner,  tu  me  dis  à  ma 
volonté;  et  maintenant  tu  me  renvoyé  de  Cayphe  à  Pilate, 
tu  me  conte  des  fagots  pour  des  coirets.  Va,  va,  de  par  le 
diable  :  va-t'en  au  vin.  tandis  que  je  mangeray  mon  potage  ; 
tout  ce  que  tu  me  contes,  vois-tu,  passe  par  une  oreille 
et  sort  par  l'autre. 

Voici,  en  effet,  sinon  la  démonstration  rigoureuse  de 
cette  thèse,  du  moins  une  suite  de  remarques  militant 
assez  fortement  en  sa  faveur  pour  lui  faire  accorder 
un  certain  degré  de  vraisemblance. 

L'origine  que  je  propose  peut  être  celle  de  l'expres- 
sion.—  Non-seulement  la  Querelle  de  Gaultier  Garguille 
contient  l'expression  conter  des  fagots,  conime  le 
montre  la  citation  que  je  viens  de  faire,  mais  encore  elle 
la  contient  allongée  de  quelques  mots ,  ce  qui  permet  de 
croire  qu'elle  est  la  source  d'où  ladite  expression  a  été 
tirée. 

Cette  orifrine  peut  expliquer  l'usage  qui  a  été  fait  de 
l'expression.  —  Le  célèbre  bouffon  Gaultier  Garguille 
mourut  à  la  fin  de  iCi23.  Une  expression  créée  par  lui 
n'avait  guère  chance  d'être  adoptée  tout  de  suite  par  les 
bien  parlants;  aussi,  celle  dont  il  s'agit  n'est-elle  pas 
dans  Cotgrave  (1660;.  Mais  grâce  au  temps,  on  se  fami- 
liarisa avec  elle:  Mme  de  Sévigné  employait  fagot 
pour  niaiserie,  bourde,  en  1684,  et  dix  ans  plus  tard. 
conter  des  fagots  prenait  place  dans  la  première  édition 
du  Dictionnaire  de  l'Académie,  accompagné  de  cette 
note  :  «  proverbial  et  bas  »  laquelle  est  comme  une 
allusion  au  style  du  lieu  où  je  le  fais  naitre. 

Celte  origine  peut  expliquer  le  sens  de  l'expression. 
—  Dans  la  citation  que  j'ai  faite,  Perrine  dit  à  son 
mari  Gaultier  Garguille  que  tout  ce  qu'il  lui  conte 
«  passe  par  une  oreille  et  sort  par  l'autre  »,  et  ce  qu'il 
lui  conte,  elle  l'a  nommé  deux  lignes  plus  haut:  ce 
sont  «  des  fagots  et  des  cotrets.  >■  Mais  des  choses 
auxquelles  une  femme  accorde  si  peu  d'attention  ne 
peuvent  être  que  des  niaiseries,  des  riens,  des  fadaises, 
ce  qui  est  justement  le  sens  que  l'Académie  donne  à 
fagots  quand  il  se  dit  au  figuré. 

,  Cçlte  origine  peut  expliquer  l'emploi  des  termes 
composant  l'expression.  —  Dans  le  style  bouffon,  lés 
licences  grammaticales  sont  sans  bornes  ;  on  forge  des 
mots  à  volonté,  on  les  construit  de  même,  et  il  s'en 
fait  des  associations  plus  ou  moins  singulières.  Or,  le 
fagot  étant  plus  long  que  le  cotret  (il  avait  3  pieds  et 
celui-ci  2  seulement),  il  n'y  a  rien  d'impossible  à  ce 
que  conter  des  fagots  povr  dex  cotrets.  ait  eu.  dans  le 
langage  de  Gaultier  Garguille,  la  signification  de  conter 
plus  longuement,  en  plLis  di'  mots  (ju'il  ne    faut  en 


employer  ordinairement;  d'où,  pour  l'expression 
abrégée,  la  construction  du  verbe  conter,  au  sens  de 
dire,  avec  le  substantif  fagots  figurant  là,  en  dépit  de 
la  raison,  conâme  réRirae  de  ce  verbe. 


Seconde   Question. 

Votre  journal,  qui  paraît  deux  fois  par  mois,  se  dit 
SEMi-MENSCEL  ;  la  Chromqce  MrsicALE,  f/ui  se  publie  dans 
les  mêmes  conditions  de  périodicité,  se  dit,  elle,  bi- 
mensuelle. Je  voudrais  bien  saroir  si  semi-mensuel  et 
Bi-MENSUEL  sont  également  français,  et,  dans  la  négative, 
pourquoi  'Je  suppose  la  raison  de  votre  côté  vous  pré- 
férez SEMI-MENSUEL  à  Bi-MENsuEL.  J'ose  espérer,  dans  un 
de  vos  plus  prochains  numéros,  une  réponse  à  cette 
question  qui  n'est  pas  pour  moi  sans  importance. 

Comme  cette  question  a  déjà  été  résolue  (2°  année, 
numéro  2,  page  i;,  je  pourrais,  restant  fidèle  à  une 
règle  que  je  me  suis  faite  relativement  aux  questions 
qui  peuvent  se  i-eproduire  dans  le  cours  de  cette  publi- 
cation, vous  donner  simplement  un  résumé  de  mon 
article  ;  mais  un  heureux  hasard  m'ayant  mis  entre  les 
mains  une  appréciation  de  semi-mensuel  et  de  bi-men- 
suel  par  quelqu'un  qui  conclut  absolument  comme  moi. 
je  vais  vous  la  transcrire  tout  entière  pour  donner  plus 
de  poids  à  la  mienne. 

Voici  comment  s'exprime  M.  E.  Mouillard,  auteur  de 
ladite  appréciation,  datée  du  29  avril  I.S73  : 

La  solution  de  cette  difficulté  est  toute  dans  l'étude 
comparative  des  mots  Bl  ou  Bis  et  Scmi,  que  les  gram- 
mairiens appellent  des  préfixes,  et  de  la  modification  qu'ils 
font  subir  à  la  partie  des  mots  au-devant  desquels  ils  sont 
placés  avec  ou  sans  trait  d'union. 

Bi  ou  Bis  (suivant  que  le  mot  auquel  on  joint  le  préfixe 
commence  par  une  consonne  ou  unp  voyelle)  ajoute  à 
l'idée  exprimée  par  le  mot  principal  la  pensée  de  la  répé- 
tition du  fait  ou  de  l'extension  de  la  situation  exprimée 
dans  la  limite  qui  semble  en  doubler  l'importance. 

Ainsi  Bi-mcstre,  d'après  Littré,  est  un  adjectif  indiquant 
uni"  durée  de  deux  mois,  comme  trimestre  et  semestre 
indiquent  trois  ou  sis  mois,  et  non  pas  le  tiers  ou  le 
sixième  d'un  mois  ou  la  moitié  d'un  mois. 

Bis-annuel  exprime  une  idée  de  deux  ans,  et  non  une 
demi-année  ;  une  plante  bis-annuelle  est  celle  qui  parcourt 
en  deux  années  les  phases  et  le  terme  assigné  à  son 
existence. 

Biscuit  signifie  un  pain  qui  a  subi  deux  cuissons  néces- 
saires à  sa  longue  conservation. 

Enfin  Bisaïeul  s'applique  au  vieillard  père  de  l'aïeul  et 
considéré  à  ce  titre  comme  deux  fois  aïeul. 

Ainsi,  sans  multiplier  les  exemples  dans  le  sens  qui  vient 
d'être  spécifié,  reconnaissons  que  si  la  locution  bi-mensuel 
est  parfaitement  admissible  dans  la  langue  française,  c'est 
à  la  condition  que  cet  adjectif  voudra  dire  :  qui  dure 
deux  mois,  et  que  dans  le  sens  restreint  à  un  demi-mois, 
que  lui  attribue  la  Clironique  musicale,  elle  est  évidemment 
incorrecte. 

Voyons  maintenant  si  l'étude  de  la  locution  rivale  de 
Semi-mensuel  ne  vient  pas  encore  â  l'appui  de  cette  appré- 
ciation. 

Semi,  d'après  Littré,  est  un  préfixe  qui  se  joint  toujours 
à  un  autre  mot.  et  qui  signifie  demi. 

Uisoris  d'abord  que  Semi-mensuel  est  comme  Bi-mensuel 
une  locution  sinon  admise,  au  moins  parfaitement  admis- 


36 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


sible   dans  la  langue  française,   et  qu'à  cet  égard,   leur 
position  est  exactement  la  même. 

Au  fond,  Semi  signifie  bien  demi,  et  répond  uniquement 
à  la  division  en  deux  parties  égales,  ou  indiquées  arbi- 
trairement comme  telles. 

C'est  ainsi  qu'on  qualifie  de  Semi-annuel  ce  qui  se  repro- 
duit tous  les  six  mois; 

Semi-diurne,  ce  qui  dure  la  moitié  du  jour  ; 

Semi-nocturne,  la  portion  de  cercle  astronomique  qui 
forme  la  1'  moitié  parcourue  pendant  la  nuit; 

Semi-périodique,  la  publication  dont  la  périodicité  n'est 
pas  complète,  mais,  au  contraire,  sujette  à  des  intermit- 
tences. 

Tous  ces  exemples  nous  permettent  de  déclarer,  d'accord 
avec  le  sens  propre  des  termes,  que  Semi-mensuel  indique 
•  bien  une  périodicité  basée  sur  la  division  du  mois  en 
deux  parties,  et  répond  parfaitement  aux  intentions  du 
journaliste  qui  a  inscrit  cette  locution  dans  le  titre  même 
de  sa  feuille. 

X 
Troisième  Question. 
Dans  votre  numéro  du  15  février,  à  la  partie 
BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS,  VOUS  écrivez  au  pluriel  : 
AKc-EN-ciEi,s.  Je  vous  serais  bien  reconnaissant  si  vous 
vouliez  donner  la  raison  qui  vous  fait  mettre  le  contraire 
de  ce  qu'enseignent  toutes  les  grammaires  que  j'ai  vues. 

La  partie  de  mon  journal  dont  vous  parlez  est  une 
espèce  de  revue  rétrospective  de  la  langue,  où  les  faits 
et  les  doctrines  ne  peuvent  être  imputés  qu'aux  auteurs 
eux-mêmes  dont  j'analyse  les  ouvrages. 

Je  ne  puis  donc  avoir  à  m'expliquer  sur  le  pluriel  du 
nom  composé  arc-en-ciels,  donné  par  moi,  non  comme 
une  orthographe  que  j'approuve ,  mais  comme  une 
curiosité  recueillie  dans  Vaugelas. 


ÉTRANGER 

Première  Question. 
Dans  un  feuilleton  de  M.  Louis  Ulbach  sur  le  nouvel 
Opéra,  je  lis  cette  phrase  :  «  Déjàj'kwkis  jeté  mok  anneac 
DA^s  LA  PETITE  Rivii-;KE  quB  j'ai  étanchée  pour  être  sûr  de 
jouir  de  ma  gloire.  «  Ce  sont  des  paroles  prêtées  à 
M.  Garnier,  l'architecte  de  l'édifice.  Comment  un  archi- 
tecte peut-il  tenir  un  tel  langage  ? 

L'Ile  de  Samos,  jadis  la  plus  puissante  des  îles  lon- 
niennes,  fut  gouvernée,  dans  le  sixième  siècle  avanlJ.-C, 
par  un  roi  absolu  qui  s'était  emparé  du  pouvoir  après 
avoir  fait  mourir  ses  deux  frères,  et  qui  a  pris  place 
dans  l'histoire  sous  le  nom  de  l'olycrate. 

Tout  ce  qu'il  avait  tenté  pour  soumettre  et  asservir  son 
peuple  lui  avait  réussi.  Non  moins  heureux  dans  ses 
conquêtes,  il  s'était  rendu  maître  de  plusieurs  iles  de  la 
mer  Egée  et  même  des  villes  de  la  côte  d'Asie.  Enlin,  il 
était  parvenu  à  faire  lleurir  le  commerce,  les  arts  et  les 
sciences,  et  jamais  prospérité  ne  fut  plus  grande  que 
celle  des  onze  années  de  sa  domination. 

Le  roi  d'Egypte  Amasys,  son  ami  et  son  allié,  effrayé 
d'un  pareil  bonheur,  lui  écrivit  ces  mots  :  «  Vos  pros- 
pérités m'épouvantent;  je  souhaite  à  ceux  qui  m'inté- 


ressent un  mélange  de  biens  et  de  maux,  car  une  divinité 
jalouse  ne  souffre  pas  qu'un  mortel  jouisse  d'une 
félicité  inaltérable.  Ménagez-vous  des  peines  et  des 
revers  pour  les  opposer  aux  faveurs  constantes  de  la 
fortune.  » 

Mettant  à  profit  ce  conseil,  le  tyran  voulut  aller  au- 
devant  de  la  fortune  adverse  ;  il  jeta  dans  la  mer  un 
anneau  d'un  très-grand  prix.  Mais  le  destin  n'accepta 
pas  le  sacrifice  :  il  lui  renvoya  son  anneau,  quelques 
jours  après,  par  un  officier  qui  l'avait  retrouvé  dans  le 
gosier  d'un  poisson. 

Or,  les  paroles  que  M.  Louis  Ulbach  prête  à  M.  Gar- 
nier sont  une  allusion  au  sacrifice  de  Polycrate. 

X 
Seconde  Question. 
Vomlriez-vous  bien  me  dire  quelle  est  la  véritable 
signification  de  tout-a-cocp?  Probablement  que  a  coup  a 
été  autrefois  employé  seul. 

Vous  avez  deviné  juste. 

Avec  le  mot  coxip,  dans  le  sens  de  fois,  où  il  s'em- 
ploie encore,  la  langue  française  a  formé  l'expression 
à  un  coup,  au  coup,  à  coup  signifiant  à  la  fois,  expres- 
sion qui  s'est  employée  depuis  le  xv'  siècle  au  moins 
jusqu'au  xviii%  comme  ces  exemples  en  sont  la  preuve  : 

Le  bateau  n'estoit  pas  trop  grand  où  nous  passasmes, 
car  il  n'y  pouvoit  entrer  que  deux  chevaux  au  coup. 

(Froissart,  II,  III,   7.) 

Disant  que  on  faisoit  ces  dissimulations  pour  n'avoir 
point  la  guerre  aux  deux  royaumes  à  ung  coup. 

(Commiiies,  III,  6.) 

Ce  conte  lui  vint  à  coup  frapper  l'imagination. 

(Marot,  1,  ri4.) 

Au  lieu  de  descendre  doucement  dans  leur  matière,  ils 
y  tombent  soudainement  et  à  coup. 

(Balzac,  liv.  VII,  lettr.  5o.) 

Or,  en  préposant  à  cette  expression  le  modificatif 
tout,  qui  a  commencé  à  s'employer  de  cette  manière 
dès  les  premiers  temps  de  notre  langue  {la  Chanson  de 
Roland  présente  une  foule  de  cas  de  cet  emploi),  on  a 
formé  tout  à  coup  pour  signifier  soudainement,  ins- 
tantanément. 

C'est  une  expression  composée  d'une  manière  ana- 
logue à  tout  à  fait,  dont  j'ai  parlé  dans  la  3=  année, 
page  4  73. 

X 
Troisième  Question. 

J'ai  entendu  dire  à  plusieurs  personnes  :  mettre  la 
cHARRi  E  devant  LES  iicJEUES,  et  je  vois  que  l'auteur  de  la 
COMMUNICATION  I  iiiuméro  1\  de  la  5»  année)  dit  :  mettre 
LA  CHARRUE  AVANT  LES  BOEUFS.  Lequel  de  ces  deux  énoncés 
est  le  tneilleur?  Celui  qui  contient  devant  ou  celui  qui 
contient  avant'.' 

11  est  évident  que,  dans  ce  proverbe,  la  préposition 
requise  doit  signifier  la  position  qu'occupe  la  charrue 
relativement  aux  bœufs. 

Or,  à  en  juger  par  l'historique  qui  le  concerne  dans 
le  dictionnaire  de  Littré,  avant,  en  tant  que  préposition, 
ti'aurait  jamais  siimifié  en  français  qu'une  idée  de 
temjis. 


I 


I 


LE  COURRIER  DE  VALGEL\S. 


D'où  il  suit  que,  si  ancien  que  puisse  être  le  proverbe 
en  question,  il  est  tout  à  fait  impossible  qu'avant  y 
figure,  et  que,  par  conséquent,  ce  proverbe  doit  être 
énoncé  comme  il  suit  : 

Mettre  la  charrue  devant  les  bœufs. 
Du  reste,  au  raisonnement  qui  précède,  je  puis  ajouter 
cet  exemple   du  xni=  siècle,   qui  montre  le   complet 
accord  qui  régne  ici  entre  le  fait  et  la  théorie  : 
Ce  seroit  certes  grans  eschars  [faute]  ; 
Devant  li  buef  iroit  11  chars. 

{^Proverbe,  dans  Leroux  de  Lincy.) 


PASSE-TE.MPS  GRAM.\IAT1GAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

l». . .   à  gorge  déployée  (on  ne  dit  pas  rire  à  gorges  rhauiles), 

—  a»  Etant  données  des  lois;  —  3°...  el  malgré  qu'il  en  eût 
(Voir  Courrier  de  Vaugelas,  i'  année,  p.  i3j;  —  i"...  dont  les 
termes  ne  laissent  pas  de  (sans  que);  —  5°...  que  n'a  jamais 
contrariée  le  génie;  —  6»...  dit  avec  urte  voix  de  tonnerre  le 
tirteur; — T>...  et  c'était  o  qui  en  penserait  (c'est  pour  à  ce/ui  gui 
avec  celui  sous-entendu);  —  8°...  au  lieu  et  place  (comme  dans 
au  fur  et  à  mesure);  —  9»...  qu'on  ne  le  relire;  —  10°.. .  étant 
toujours  censé  ice  qui  signifie  regardé  comme);  — 11°...  le 
corps  avant  que  les  coupables  \devant  que  ne  se  dit  plus);  — 
12». . .  perdaient  leur  latin  à  le  vouloir  guérir  lici  latin  veut  dire 
science,  et  français  ne  s'emploie  jamais  dans  cette  sigoiScalion); 

—  13°...  afin  de  créer  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  2'  année, 
p.  159). 

Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1"  11  était  difQcile  de  résister  au  plaisir  d'initier  ses 
contemporains  aux  mystères  de  ce  monde  étrange,  mi- 
bohème,  mi-artiste. 

î"  Quand  il  lui  suffirait  d'un  trait  de  plume  pour  délivrer 
la  langue  d'une  sottise  que  rien  ne  recommande  et  que 
tout  condamne,  elle  la  laisse  se  perpétuer  avec  la  plus 
grande  indifférence.  Elle  fait  pire,  elle  l'explique. 

3'  De  son  cùté,  la  comtesse  n'a  pas  compris  qu'en  pareil 
cas,  l'épouse  négligée,  blessée  au  cœur,  atteinte  cruelle- 
ment dans  son  orgueil,  n'avait  rien  de  mieux  à  faire  qu'à 
se  renfermer  dans  la  dignité  du  silence  et  dp  la  résignation. 

i°  Dn  jour,  à  Saint-Germain,  pendant  la  fête  de  la  Saint- 
Louis,  nous  étions  entré  dans  la  loge  du  Jeune  Indien, 
capture  à  la  youvcUe-Z èlande . 

h'  Quoi  de  plus  palpitant  que  l'esclave  lâché  dans  une 
arène  où  y  bondissent  quelques  sauvages  panthères  et  où 
deux  lions  rugissent. 

6°  Dans  certaines  casernes,  les  soldats  croiraient  manquer 
à  leurs  devoirs  en  achetant  le  tripoli  nécessaire  à  la 
propreté  de  leurs  boutons  à  d'autres  qu'à  lui. 

7°  Seulement  je  crois  bien  que  la  mèche  de  la  fusée  est 
toujours  humide,  car  jamais,  jamais  je  ne  l'ai  vu  s'enflam 
mer. 

8=  D'après  la  Gazette  de  Pékin,  il  serait  faux  que  la  vpuvr 
du  dernier  empereur  se  serait  suicidée,  après  la  mort  de 
son  époux. 

9  Depuis  hier  matin,  une  quête  est  organisée  au  salon 
de  l'exposition,  dans  la  grande  nef  du  Palais  de  l'Industrie, 
au  profit  de  l'œuvre  des  petites-sœurs,  gardes-malades  des 
.    pauvres  à  domicile. 

10°  C'est  en  vertu  du  raisonnement  que  voici  que  les  soi- 


disants  libéraux  de  Belgique  et  de  France  nous  contestent 
par  des  guet-apens  en  plein  jour,  la  liberté  consolante  de 
croire  en  Dieu. 

11°  Nous  avons  eu  occasion  de  signaler  le  mauvais  effet 
qu'a  produit  la  nomination  à  l'un  des  postes  les  plus  élevés 
ressortissant  du  ministère  de  la  justice  d'un  tout  jeune 
magistrat  du  parquet  de  la  Seine,  M.  Ribot. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII»  SIÈCLE. 

Laurent  CHIFFLET. 

[Suite.) 

L'auteur  des  Remarques  (Vaugelas)  trouve  qui  du 
bas  style  dans  cette  phrase  :  ils  s'enfuijrent  qui  cà,  qui 
là;  qui  d'un  côté,  qui  d'un  autre;  mais  l'un  de  ses 
censeurs  le  trouve  bon  et  élégant. 

//  a  esprit  -vt  cœur  pour  dire  de  l'esprit  et  du  cœvr 
est  un  mauvais  «  langage.  » 

Ce/a /"«(Y  est  bien  dit;  cela  dit  n'est  pas  si  bon,  il 
vaut  mieux  employer  ayant  dit. 

Que  devant  un  verbe  pour  rien  à  est  élégant,  comme 
dans  :  vous  n'avez  que  faire  icij,  vous  n'avez  que  repar- 
tir à  ce  juste  reproche. 

Quand  le  pronom  «  va  devant  »  le  verbe  dont  il  est 
régi,  il  n'est  pas  nécessaire  de  le  mettre  toujours  immé- 
diatement avant;  on  peut  dire  à  volonté  :  il  veut  se 
justifier  ou  il  se  veut  justifier. 

DES   VEBBES   ET  DE   LEITE   COSJCGAISOS. 

Chlftlet  réduit  à  l'optatif,  mode  qui  exprime  l'action 
du  verbe  en  manière  de  désir,  le  mode  quQ  les  Latins 
appellent  le  conjonctif  ou  le  subjonctif  «  parce  qu'il  a 
coustume  d'estre  mis  après  certaines  conjonctions»; 
mais  il  ne  les  distingue  pas  parce  qu'ils  n'ont  point  de 
différence  dans  leur  conjugaison,  et  que  la  «  multipli- 
cation »  dés  modes  ne  servirait  qu'à  surcharger  la 
mémoire. 

La  première  conjugaison  a  l'infinitif  en  er.  la  seconde 
.en  ir,  la  troisième  en  oir,  la  quatrième  en  re  (1639). 

Pour  ce  grammairien,  le  participe  forme  à' lui  seul 
un  mode,  qui  est  le  cinquième. 

Du  teinps  de  Chifllet,  il  y  avait  encore  des  provinces 
qui  disaient  :  je  m'aij  trompé,  tu  t'as  trompé,  il  s'a 
trompé,  etc.,  mais  c'était  fort  mal  parler. 

COSJCGAISO.N  DC    VEBBE    ArXILIAlBE. 

On  prononce  ^"ay  comme  je;  il  a  comme  il  at,  toute- 
fois sans  jamais  faire  entendre  le  t.  Ils  ont  se  prononce 
iz  ont.  Ils  avoient  sonne  iz  aref,  car  au  pluriel  de 
l'imparfait,  \'n  ne  se  prononce  pas. 

Il  y  a  quelques  femmes  qui  pensent  que  c'est  une 
belle  élégance  que  de  dire  :  ils  aviont,  ils  pensiont,  ils 
disiont;  mais  c'est  une  grave  erreur. 

C0.\'.irGAIS0.>'    DES   VEBBES    IBBEGCLIEBS. 

La  première  conjugaison  n'a  qu'un  seul  irrégulior, 
aller;  il  feit  au  présent  je  vaij  ou  je  va,  et  à  l'impé- 
ratif, va  toy. 


3. s 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Le  verbe  pnijr  (piieri  n'est  plus  iisilé  à  l'inllnitif  ;  on 
A\\.  sentir  mauvais. 

Quérir  n'a  que  le  présent  de  l'infinitif. 

Saillir  n'est  pas  en  usage,  il  faut  se  servir  de  saw/^er. 

On  ne  se  sert  plus  de  je  vests  ni  de  je  me  revests 
(1639}. 

Le  verbe  choir  n'a  plus  que  deux  temps,  je  cheu  et 
je  suis  cheu;  aux  autres  temps,  il  faut  employer  tom- 
ber à  sa  place. 

Bavoir  n'a  que  l'infinitif;  dans  le  reste  de  la  conju- 
gaison, on  fait  usage  de  recouvrer. 

Seoir  ne~s'emploie  plus  guère;  on  peut  dire  cela  vous 
sied  bien,  cela  vous  seyait  bien,  cela  vous  seyera  bien. 

Souloir,  avoir  coutume,  est  tombé  en  désuétude. 

Bruire  n'a  que  l'infinitif  et  le  participe  présent, 
bruyant. 

Frire  n'a  non  plus  que  l'infinitif;  on  supplée  aux 
autres  temps  en  employant  fricasser. 

Vaincre  fait  au  futurje  vainqueray. 

Vivre  fait  au  passé  défini  je  vesquis  ou  je  vescus, 
mais  7e  vesquis  est  le  meilleur. 

COMOCAISOi^    DES    VERBES    NEUTRES,    BÉCLPKOQUES 
ET    IMPEKSONiNELS. 

Il  y  a  des  verbes  neutres  qui  se  conjuguent  avec  être 
dans  leurS' temps  composés.  Quand  il  s'agit  d'une  femme, 
on  met  le  participe  au  féminin  :  je  suis  allée,  je  suis 
venue;  mais  il  y  a  une  exception  si  le  participe  est 
suivi  immédiatement  d'un  infinitif;  dans  ce  cas  le 
participe  est  invariable  :  mamcre  est  allé  voir  son  beau 
fils. 

Le  verbe  pronominal  s'enfvyr  se  conjugue  comme 
il  suit  dans  les  temps  composés  :  je  m'en  sîcis  fuy,  ils 
s'en  estoient  fuys. 

Les  verbes  impersonnels  sont  divisés  par  Chifflet  en 
actifs  et  en  passifs,  selon  qu'ils  correspondent  à  des 
formes  actives  ou  passives  en  latin  :  il  pleut,  il  faut 
sont  actifs  comme  correspondant  àpluit,  à  oportet;  et 
on  dit,  on  chante  sont  passifs  parce  qu'ils  correspondent . 
à  dicitur,  cantatur. 

On  ne  doit  jamais  dire  faut  faire  cela,  faut  prendre 
t/arde,  sans  y  joindre  il,  comme  font  les  Provençaux 
(1639). 

I(E.1UKQUES    SUR    L'DSAGE    DES    MODES    ET    DES    TEMPS. 

Le  prétérit  défini  n'est  jamais  employé  quand  on 
parle  du  même  jour,  du  même  mois,  de  la  même  année, 
où  '<  en  fin  «  du  même  temps  qui  est  encore  en 
'i  course  ■>■>  ;  ne  pas  dire,  par  conséquent,  uujourd'huy 
matin  je  fus  bien  en  peine.  Un  tel  langage  est  inconnu 
à  toute  la  France;  il  faut  dire  :  aujourd'huy  j'ay  esté 
bien  en  peine. 

Le  prétérit  indéfini  se  peut  dire  de  toute  espèce  de 
temps  qui  n'est  plus. 

Le  prétérit  défini  sert  à  la  narration  des  choses  pas- 
sées. 

Le  prétérit  imparfait  sertà  signifier  une  action  comme 
iliiranl  encore  :  pendant  que  j' estais  aux  champs,  on  a 
volé  ma  maison. 

On  s'en  sert  aussi  fiuand  on  parle  des  qualités  et  des 
nclioiis  d'une  iicrsoniie  «    Ircspasséc  >>  :  le  l'ape  Pie 


vinquiesine  estait  un  yrand  zélateur  pour  le  bien  de 
l'Eylise. 

Les  Espagnols  qui  apprennent  notre  langue  abusent 
facilement  du  prétérit  défini  parce  que,  dans  la  leur,  on 
peut  fort  bien  l'employer  en  parlant  du  même  jour 
auquel  a  été  fait  ce  qu'on  raconte,  car  ils  disent  :  lo 
comiesta  mandna  en  casa  de  mi  amigo,  je  disnay  ce 
matin  chez  un  de  mes  amis. 

Quant  à  l'optatif  (subjonctif),  les  Allemands  et  les 
Flamands  ont  bien  de  la  peine  à  prendre  l'habitude 
de  s'en  servir,  parce  que  leur  langue  n'a  point  d'optatif, 
excepté  le  second  imparfait  je  dirais,  je  ferais  (notre 
conditionnel  actuel). 

Voici  des  règles  queChifflet  donne  comme  fort  claires 
pour  l'emploi  de  ces  formes  subjonctives  : 

1°  Les  conjonctions  bien  que,  quoique  «  tirent  »  après 
elles  le  subjonctif. 

2°  Les  verbes  qui  signifient  volonté,  désir,  comman- 
dement, permission  ou  crainte  ont  après  eux  que  arec 
r  «  optatif  «  :  je  veux  que  vous  fassiez-  cela,  je  désire 
que  tout  aille  bien. 

Toutefois  ces  mêmes  verbes  sont  mis  à  l'infinitiS, 
quand  ce  mode  «  porte  >>  l'action  de  la  même  per- 
sonne que  celle  qui  désire  ou  qui  craint  :  je  veux  sçavair 
cela,  je  désire  de  vous  satisfaire,  etc. 

3°  Quand  les  verbes  qui  demandent  le  subjonctif  sont 
au  temps  présent  ou  au  futur,  ils  veulent  le  présent  ou 
le  fuliu'  du  subjonctif  :  je  veux  qu'il  aille  chez  lui; 
quand  je  commanderay  qtion  se  tienne  prest  à  partir. 

4"  Quand  ces  mêmes  verbes  sont  au  passé,  ils  veulent 
après  eux  l'imparfait  du  subjonctif  :  il  fallait  que  cela 
se  fit. 

5°  Après  quelque  verbe  que  ce  soit,  accompagné  de 
la  particule  négative  ne,  si  la  conjonction  que  suit  ce 
verbe,  ce  dernier  doit  être  mis  au  subjonctif  :  je  ne 
croy  pas  qu'il  me  veuille  tromper;  je  ne  sçavois  pas  que 
l'ous  fussiez  si  sçavant. 

Et  si  après  ce  second  verbe  il  en  vient  encore  un 
autre  avecja  conjonction  que,  il  faut  aussi  le  mettre  au 
subjonctif  :  je  ne  croy  pas  que  vous  pensiez  que  je  sois 
si  téméraire. 

PARTICU'ES  PRÉSENTS. 

Quand  ayant  et  estant  sont  auxiliaires,  ils  sont 
indéclinables  (invariables)  :  ces  messieurs  ayant  esté  bien 
receus;  mais  quand  il  n'en  est  pas  ainsi,  et  qu'ils 
suivent  un  nom  pluriel  masculin,  on  peut  les  mettre  au 
pluriel  :  mes  amis  ayans  à  cœur  ma  conservation, 
estans  sur  le  point  de  me  venir  trouver. 

Les  participes  masculins  des  autres  verbes  se  mettent 
fort  bien  au  pluriel  :  les  soldats  montans  à  labresche  et 
trouvans  de  la  résistance  [\  639). 

OBSERVATIONS   DES   VERBES. 

Ititea  arroser  plutôt  que  arrouser. 
Avons  dit  est  une  corruption  de  langage  populaire 
pour  urcz-vous  dit. 
Ambitionner  n'est  pas  une  bonne  expression. 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 

Le  Uédacteou-Géhant  :  Iîmas  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


39 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Histoire  de  mes  amis;  par  Amédée  Achard.  Ouvrage 
illustré  de  23  vignettes  sur  bois  par  Bellecroix,  Mesnel, 
etc.  2' édition.  In-18  Jésus,  313  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  2  fr.  25. 

L'As  de  cœur;  par  Fortuné  Boisgobey.  2  vol.  in-i8 
Jésus,  682  p.  Paris,  lib.  Dentu.  6  fr. 

Bourdaloue,  sa  prédication  et  son  temps;  par 
Anatole  Feugère,  professeur  de  rhétorique  au  collège 
Stanislas.  2'  édition.  In-12,  xji-52i  p.  Paris,  lib.  Didier 
et  Cie.  !i  fr. 

lies  locutions  vicieuses  corrigées.  Ouvrage  indis- 
pensable à  toutes  les  maisons  d'éducation  et  utile  à  toutes 
les  personnes  du  monde  qui  désirent  éviter  les  e.xpres- 
sions  banales  ou  incorrectes,  les  termes  impropres,  les 
fautes  de  langage  et  de  grammaire,  etc.  ln-16.  50  p. 
Paris,  lib.  Mollie.  2  fr.  50.  * 

Récits  intimes.  Le  Droit  de  conquête.  La  Potiche. 
La  Sœur.  Marthe;  par  Georges  Maillard.  In-lS  Jésus, 
317  p.  Paris,  lib.  Lachaud  et  Cie.  3  fr. 

Le  Théâtre  de  Versailles.  L'Assemblée  au  jour  le 
jour,  du  24  mai  au  25  février;  par  Camille  Pelletan. 
In-18  Jésus,  vm-288  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Dictionnaire  étymologique  de  la  langue  française  , 
éclaircissant  le  sens  douteux  ou  l'orthographe  d'un  grand 
nombre  de  mots  par  les  rapports  directs  et  pratiques  du 
langage;  parN.  Ponthieux.  !■■'  livraison.  1"  janvier  1875. 
In-S"  à  2  col.  16  p.  Montdidier,  imprimerie  Merot.  iO  c. 

Eugénie  de  Revel.  Souvenirs  des  dernières  années 
da  XVIII«  siècle;  par  Ravensberg.  7"^  édition,  ln-12. 
2/i0  p.  et  grav.  Paris,  lib.  Lefort. 

Paris  inconnu;  par  A.   Privât  d'Anglemont.   Précédé 


d'une  étude  sur  sa  vie  par  .\lfred  Delvau.  In-16.  319  p. 
Paris,  lib.  Delahays. 

Journal  de  ma  vie.  Mémoires  du  maréchal  de 
Bassompierre.  l'^  édition,  conforme  au  manuscrit 
original,  publiée  avec  fragments  inédits  pour  la  Société 
de  l'histoire  de  France,  par  le  marquis  de  Chantérac. 
T.  3.  In-S",  !i6l  p.  Paris,  lib.  Loones.  9  fr.  le  vol. 

Les  Etrivières,  1862-1872  ;  par  Alexandre  Ducros. 
ln-18  Jésus.  213  p.  Paris,  lib.  Lechevalier.  3  fr. 

Une  année  de  la  vie  d'une  femme  ;  par  Mlle  Zénaïde 
Fleuriot.  5"  édition,  ln-12.  270  p.  Paris,  lib.  Lecoffre  fils 
et  Cie.  2  fr. 

Le  livre  du  voir-dlt  de  Guillaume  Machaut.  où 
sont  contées  les  amours  de  messire  Guillaume  de  Machaut 
et  de  Perronnelle  dame  d'Armentières'.  avec  les  lettres  et 
les  réponses,  les  ballades,  lais  et  rondeaux  du  dit  Guil- 
laume et  de  ladite  Perronnelle.  Publié  sur  trois  manus- 
crits du  XIV^  siècle,  par  la  Société  des  bibliophiles 
français.  ln-8°,  xxxy-kOS  p.  Paris,  lib.  Aubry. 

Le  Dit  des  rues  de  Paris  ilSOOi,  par  GniUot  de 
Paris)  ;  avec  préface,  notes  et  glossaire,  par  Edgar 
Mareuse.  Suivi  d'un  plan  de  Paris,  sous  Philippe-le-Bel. 
In-16.  xxv-95  p.  Paris,  lib.  générale.  5  fr. 

Dix  mille  francs  de  récompense;  par  Victor  Perceval. 
In-18  Jésus,  iOl  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Histoire  d'Angleterre  depuis  les  temps  les  plus 
reculés;  par  .Antonin  Roche,  directeur  de  l'Ediicational 
Institute  de  Londres.  W  édition,  entièrement  refondue. 
T.  2.  Gr.  in-18.  408  p.  Paris,  lib.  Delagrave.  Les  2  vol. 
6  fr. 

L'Araignée  rouge;  par  René  de  Pont-Jest.  In-18 
Jésus.  357  p.  Paris,  lib.  Lachaud  et  cie.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


DICTIONNAIRE  DE  LA  LANCLT!  FRANÇAISE,  .vbrégé  du 
DICTIONNAIRE  d'e.  littré.  de  l'Académie  française,  con- 
tenant tous  les  mots  qui  se  trouvent  dans  le  Dictionnaire 
de  l'Académie  française,  plus  un  grand  nombre  de 
néologismes  et  de  termes  de  science  et  d'art,  avec  l'indi- 
cation de  la  prononciation,  de  rétymologie,  et  l'expli- 
catioa  des  locutions  proverbiales.  —  Par  A.  Be.^ujeu, 
professeur  au  lycée  LouisleGrand.  —  In-8°  à  2  col.  — 
iv-1298  p.  —  Paris,  librairie  llachelle  et  Cie. 


COURS  DE  LITTÉRATURE  SPÉCIAL,  prépabatoire  au 
BBEVET  ï^upÉRiEUH,  renfermant  les  théories  de  la  littérature 
avec  des  exemples  choisis  dans  les  œuvres  des  classiques 
anciens  et  modernes.  —  Ouvrage  adopté  à  la  maison 
d'éducation  de  la  Légion  d'honneur  de  Saint-Denis.  — 
Par  Mlle  Th.  Brismontier,  Ancienne  élève  de  la  Maison 
de  Saint-Denis,  Professeur  spécial  pour  la  préparation 
au.\  examens,  Répétiteur  des  premières  classes  de  latin 
et  de  grec.  —  Paris,  chez  l'auteur,  1,  place  Wagram. 


HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE  CONTE.MPORAINE  EN 


RUSSIE.—  Par  C.  Courrière.—  Paris,  Charpenlier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  2',  la  W  et  la  5=  année,  en  vente  au 
bureau  du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des 
Italiens.  —  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco 
pour  la  France.  —  La  1"  et  la  S"  année  seront  prochaine- 
ment réimprimées. 


LA  CHUTE  D'UN  ANGE,  épisode.  —  Par  A.  de  Lamartine. 
—  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Hachette  et  Cie,  Paijnerre- 
Furne  et  Cie,  éditeurs. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon. 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


NUITS  D'AUTOMNE.  —  Par  Evariste  C  arrange.  —  Deu- 


Ad 


LE  GOURRIER  DE  VAUGELAS. 


xième    édition.    —  Prix  :   5  francs    —  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  éditeur,  27-29.  passage  Clioiseul. 


LE  DICTIONNAIRE  EN  EXERCICES,  étude  pratique  des 
mots  de  la  langue  française  faisant  connaître  1°  les  racines 
françaises  ou  les  radicaux;  2°  les  préfixes  et  les  suffixes; 
ô"  la  valeur  primitive  et  actuelle  des  dérivés  français  ; 
h'  l'emploi  des  mots  ;  5»  l'orthographe  d'usage.  —  Par 
L.  Grimblot.  —  Partie  du  maître  et  partie  de  l'élève.  — 
Paris,  Aug.  Boyer  et  Oie,  libraires-éditeurs,  /t9,  rue  St- 
André-desArts. 

LA  MORALE  UNIVERSELLE,  un  beau  volume  in-8°, 
papier  cavalier,  de  476  pages.  —  Par  A.  Eschen.\uer.  — 
Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française.  —  Chez 
Sandoz  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine. 


LE    PANTHÉON    DE  LA   FABLE,    choix  des  meilleurs 
apologues  empruntés  aux  fabulistes  de  tous  les  temps  et 


de  tous  les  pays,  avec  des  notices  biographiques,  des 
études  historiques  et  littéraires,  etc.  —  Par  J.-Alex. 
Abrant,  professeur  de  langues  et  de  littérature.  —  Paris, 
Aug.  Boyer  et  Cie,  libraires-éditeurs,  û9,  rue  St-André- 
des-Arts. 


RECITS  ESPAGNOLS;  par  Charles  Gueullette.-^  Un  beau 
volume  in-18  de  316  pages.  —En  vente  chez  Detilu  et 
dans  toutes  les  gares.  —  Prix  :  3  francs. 


MORCEAUX  CHOISIS  DES  GRANDS  ÉCRIVAINS  DU  XVI« 

SIÈCLE,  accompagnés  d'une  grammaire  et  d'un  diction- 
naire de  la  langue  du  xvi'  siècle.  —  Par  Auguste  Brachet, 
ancien  examinateur  et  professeur  à  l'École  polytech- 
nique, lauréat  de  l'Académie  française  et  de  l'Académie 
des  Inscriptions,  membre  de  la  Société  de  linguistique. 
—  Deuxième  édition  revue.  —  Paris,  librairie  Hachette 
et  Cie,  79,  Boulevard  Saint-Germain. 


RENSEIG-NEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

L  • 

Les  Professeurs  de  français  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  confiance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  /i2,  Queeu  Square  à  Londres,  W.  G,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

II. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo-française,  il  parait  tous  les  mois  à  Brighton  un  recueil  littéraire,  philosophique  et 
politique  dont  le  directeur,  le  Révérend  César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  I'AxCiLeterre  ou  le  Continent, 
des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à  ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires. 
—  L'abonnement,  qui  est  de  10  fr.  pour  la  France,  peut  se  prendre  à  Paris,  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires, 
33^  rue  de  Seine,  ou  à  Brighton.  chez  M.  Duval,  9i,  Eastern  Road  (Affranchir). 


(Les  adresses  sont  indiquées  à  la  rédaction  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Le  journal  littéraire  i.e  tournoi  est  rédigé  au  concours  par  ses  Abonnés  seulement. 

Les  articles  sont  soumis  à  l'examen  d'un  comité  de  rédaction.  L'insertion  donne  droit  à  Vutie  des  primes 
suivantes  (expédiée  franco)  :  /"  prime.  —  Cinq  exemplaires  du  numéro  du  journal  contenant  l'article  et  un  diplôme 
confirmant  le  succès  du  lauréat;  2'  prime.  —  Quinze  e.xemplaires  de  l'article,  tiré  à  part  avec  titre  et  nom  de 
l'auteur,  et  formant  une  brochure.;  .3=  prime.  —  Un  ouvrage  de  librairie  au  choix,  du  prix  de  3  fr.  50  cent. 

Tout  abonné  qui  a  été  douze  fois  lauréat  reçoit  une  médaille  en  bronze,  grand  module,  gravée  à  son  nom. 

Les  articles  non  publiés  sont  l'objet  d'un  compte-rendu  analytique. 

On  s'abonne  chez  MM.  Ed.  Moreau  et  Fils,  administrateurs  du  journal,  boulevard  Montmartre,  12,  à  Paris. 


L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  xm  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur.  le  caractère  el  la  portée  de  S07i  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
rinslitut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  ■ —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  uqe  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


La  Société  académique  do  Chilons-sur-Marne  reçoft  les  manuscrits  pour  le  Concours  do  1875,  jusqu'au  15  juillet; 

—  La  Société  littéraire  de  Poligny  (Jura),  jusqu'au  15  septembre;  —  La  Société  dunkerquoise  jusqu'au  1"  octobre; 

—  Les  Sociétés  académiques  de  Troyes,  de  Lille  et  l'Académie  de  la  Rochelle,  jusqu'au  15  octobre;  —  La  Société 
littéraire  d'Apt,  l'Académie  de  Bordeaux  et  la   Société  académique  de  Boulogne-sur-Mer,  jusqu'au   l"  novembre. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  sou  bureau  de  midi  à  mmc  heure  et  demie. 
Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  UAUl'KLEV,  à  Kogent-le-Rotrou. 


G'  Année 


N"  e. 


15  Juillet  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"  et   le   15    de   chaque   mota 

{Dans  sa  séance  du  11  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  pris:  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f . 

Idem        pour  l'Étranger  10  f. 

Annonces,  la  ligne.  50  c. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEUR  SPÉCIAL  POUR   LES  ÉTRANGERS 

Officier  d',\caJémie 
2G,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 


AVIS 

Tout  abonné  de  ce  journal  à  qui  un  numéro  pourrait 
manquer  de  parvenir  est  instamment  prié  de  vouloir 
bien  le  réclamer  au  Rédacteur  avant  l'époque  où  doit 
paraître  le  numéro  suivant. 


SO.MMAIRE. 

Communication  sur  le  nom  Russe;  —  Origine  de  S'en  moquer 
comme  de  Colin-Tampon;  —  Eljmologie  de  Cabotin;  —  Pro- 
nonciation de  Epousseler  au  présent  de  l'indicatif;  —  Lettres 
de  naluralité  ou  de  naturalisation;  —  Si  Trévoux  peut  s'em- 
ployer comme  nom  d'auteur;  —  Explication  de  Prendre  un 
rat  11  Signification  de  Entrer  dans  la  peau  du  bonliomme  ;  — 
—  Si  Être  un  cliiffre  peut  se  dire  en  français  1  Passe-temps 
grammatical  (  Suite  de  la  biographie  de  Laurent  Chijjlet  \\ 
Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature  |1  Familles  parisiennes 
pour    la    conversation  |]   Concours  littéraires. 


FRANCE 

GO.M.MUXIGATION. 

Dans  ma  2""  année,  ayant  eu  à  expliquer  pourquoi  on 
dit  Russie  au  lieu  de  Russien,  j'ai  attribué  à  Voltaire  la 
substitution  du  premier  de  ces  noms  au  second  ;  mais 
j'ai  commis  là  une  erreur  :  l'emploi  de  Russe  pour 
Russien  remonte  plus -haut,  comme  l'établit  la  com- 
munication suivante,  due  à  M.  Ch.  Goiirriere. 

Paris,  le  20  mai  1875. 
Monsieur, 

Permettez  à  un  de  vos  nouveaux  abonnés,  qui  a  long- 
temps habité  la  Russie,  de  rectifier  l'explication  que  vous 
donnez  sur  les  mots  Russe  et  Bussien,  au  sujet  de  la  contro- 
verse engagée  entre  Voltaire  et  le  comte  Schouvalof 
(année,  1869- 1870,  p.  67).  Vous  dites  que  ce  fut  à  l'initiative 
de  Voltaire  que  les  Russes  doivent  de  n'avoir  pas  à  leur 
nom  la  même  finale  que  les  Prussiens. 

Or,  les  mots  Russie,  Russe  étaient  connus  et  employés 
bien  avant  Voltaire.  En  effet,  dans  les  chroniques  byzan- 
tines   et   arabes,   ainsi  que  dans   toutes  les   chroniques 


latines  du  moyen-âge,  dues  à  des  écrivains  norwégiens, 
allemands,  polonais  ou  italiens,  on  trouve  l»s  mots  Russia, 
Russii.  t'ietcher,  ambassadeur  de  la  reine  Elisabeth  à 
Moscou,  emploie  sans  cesse,  dans  sa  relation  Oftlie  Russe 
Common-M'callli.  le  mot  Russe.  La  reine  Elisabeth  elle-même, 
dans  une  lettre  qu'elle  envoya  en  1570  au  tsar  de  Moscou, 
suivit  son  exemple.  Un  officier  français  du  nom  de  Mar- 
geret,  qui  fut  capitaine  des  gardes  à  la  cour  de  Moscou,  a 
laissé  des  mémoires  intitulés  :  Etat  de  l'empire  de  Russie  etc. 
(1590-1606)  dans  lesquels  il  se  sert  toujours  du  mot  Russe. 

Je  vous  fais  grâce  de  tous  les  témoignages  que  je  pour- 
rais réunir  pour  vous  prouver  que  la  dénomination  de 
Russe  était  acceptée  dans  toute  l'Europe  bien  avant  l'époque 
oit  Voltaire  écrivit  son  histoire.  Ce  dernier  n'a  donc  eu 
que  le  mérite  de  défendre  d'une  façon  plus  spirituelle  que 
savante  le  mot  en  question,  contre  les  exigences  du  comte 
Schouvalof.  11  n'est  pas  étonnant  du  reste  que  celui-ci 
ait  essayé  de  faire  prévaloir  le  mot  Russien.  A  cette  époque, 
les  Ru.=ses  s'appelaient  dans  leur  langue  Rossinnes.  et  non 
pas  Rus.'iians  comme  vous  dites.  Ce  mot  qui,  au  lieu  d'être 
un  adjectif  employé  substantivement,  est  un  vrai  subs- 
tantif, expliquerait  la  qualification  de  Russiani  qu'on  trouve 
dans  certaines  chroniques  occidentales. 

Je  remercie  cordialement  le  savant  auteur  de  l'Histoire 
de  la  liltérature  contemporaine  en  Russie  ie  lu  prompte 
reclificalion  qu'il  a  bien  voulu  m'adresser,  et  j'espère 
retrouver  son  bienveillant  concours  toutes  les  fois  que 
j'aurai  à.  résoudre  ici  quelque  question  se  rapportant 
aux  termes  que  notre  langue  a  pu  emprunter  à  la 
langue  russe. 

X 
Première  Question. 
Dans  le  langage  familier ,  on  entend  souvent 
l'expression  :  je  m'en  moque  comme  de  colin-tampon, 
pour  signifier  je  n'en  fais  pas  le  moindre  cas,  en 
parlant  d'une  personne.  Quelle  est  donc,  je  vous  prie, 
l'orif/ine  de  cette  singulière  comparaison? 

h'Orclicsogràphic  de  Jean  Tabourot,  ouvrage  sur  la 
danse  publié  en  ^589,  offre  un  chapitre  intitulé: 
«  Tabulature  contenant  toutes  les  diversités  des  batte- 
ments du  tambour  »  dans  lequel,  après  avoir  Dguré 
par  les  syllabes  tan,  1ère  et  fré  les  divers  battements 


42 


LE  COURRIER  DE  VAUGELÂS. 


français,  Arbeau  (le  maitrc;   répond  ce  qui  suit  à  une 
question  de  Capriol  (l'élève)  : 

Le  Tambour  des  Suysses  faict  un  souspir  aprez  la  troi- 
sième notte,  et  trois  souspirs  à  la  fin  :  mais  tout  revient  à 
un  :  car  les  assiettes  des  pieds  se  font  tousjours  sur  la 
première  et  cinquième  notte. 

(Fol.  i5,  verso.) 

Puis  viennent  les  lignes  d'une  portée,  sur  laquelle 
s'ont  écrites  les  notes,  et,  au-dessous  de.  chacune 
d'elles,  une  des  syllabes  de  Colintampon. 

Le  mot  Colintampon  (que  Jean  Tabouret  ou  son  édi- 
teur a  laissé  imprimer  Colintamplon)  était  donc,  en 
paroles,  l'imitation  de  l'air  de  la  marche  des  Suisses, 
et  l'on  disait  faire  ou  battre  le  colintampon  comme 
nous  disons  aujourd'hui  battre  le  rataplan,  ce  qui 
est  parfaitement  mis  en  évidence  à  la  page  150  de 
y  Histoire  comique  de  Francion,  édition  de  IC33. 

Toujours  moqueurs,  nos  soldats  tirent  de  colin- 
tampon un  sobriquet  qu'ils  appliquèrent  aux  soldats 
suisses,  fait  dont  je  trouve  un  témoignage  dans  YEstat 
de  France  sous  Charles  IX  {%'  édit.,  tome  II,  fol.  289, 
rectol ,  où  il  est  question  d'un  défi  que  les  Rochellois 
assiégés  il  373)  firent  aux  Suisses  de  l'armée  royale  : 

Sur  le  midy  ils  firent  sortie  par  la  porte  de  Coigne,  et 
combatirent  plus  de  deux  heures,  où  y  en  eut  force  de 
blessez  de  costé  et  d'autre.  Estans  retirez  crioyent  par- 
dessus la  muraille,  que  l'on  fist  aller  les  Coliniampon  à 
l'assaut,  et  qu'ils  avoyent  bon  coutelas  et  espôes  pour 
découper  leurs  grandes  piques. 

Ainsi,  à  n'en  pas  douter,  l'expression  Colintampon 
désignait  un  soldat  suisse  dans  notre  argot  militaire,  et 
cela,  très-probablement  même  avant  le  commencement 
du  xv!*^  siècle. 

Quant  à  la  comparaison  où  entre  cette  expression 
proverbiale,  voici  ce  qui  me  semble  l'avoir  fait  naitre  : 

Un  événement  mémorable  s'accomplit  en  Italie  en 
^313;  les  Suisses  furent  vaincus  par  les  troupes  de 
François  I"  à  la  bataille  de  Marignan,  que  l'histoire  a 
enregistrée  sous  le  nom  de  Bataille  des  Géants. 
Or,  comme  à  partir  de  ce  moment,  les  Suisses  ne  furent 
plus  à  redouter  pour  les  Français,  ceux-ci  auront  dit  en 
parlant  de  quelqu'un  qui  ne  leur  inspirait  aucune 
crainte  :  Je  m'en  soucie  comme  de  Colintampon,  que 
nous  avons  modifié  en  :  Je  m'en  moque  comme  de 
Colintampon. 

De  l'origine  que  je  viens  de  vous  indiquer,  et  pour 
Colintampon  (véritable  onomatopée  comme  te  tintin 
des  cloches,  la  fanfare  des  clairons,  le  nom  de  notre 
jeu  de  tric-trac,  etc.),  et  pour  la  comparaison  qui  a  été 
faiie  avec  ce  mot,  découlent,  si  cette  origine  est 
\raic,  deux  conséquences  grammaticales:  t°  c'est  une 
faute  d'orthographe  que  d'écrire  Colin-Tampon  en 
deux  mots,  avec  un  trait  d'union  et  une  majuscule 
à  Tampon  comme  s'il  s'agissait  de  désigner  un  homme 
qui  eût  deux  noms  ;  2°  c'est  une  faute  de  construction 
que  de  dire  comme  de  Colin-Tampon;  il  faut  dire 
comme  d'un  Colintampon,  puisqu'on  dirait  com7ne 
d'un  soldat  stiisse. 

J'ai  entendu   des   gens   demander   à   quoi    piiuvait 


servir  la  recherche  des  étymologies  de  la  langue  :  voilà 
une  double  preuve  que  cette  recherche  a  son 'utilité. 
X  .    ■ 

Sccoade  Question. 
Je  trouve  dans  le  dictionnaire  étymologique  de 
Brachet  que  cabotin  vient  du  verbe  cabotek,  parce  que 
«  le  comédien  ambulant  va  de  ville  en  ville  comme  le 
marin  cabote  de  port  en  port  ».  Est-ce  bien  là,  selon 
vous,  l'étijmologie  de  cabotin  ? 

Si  je  les  ai  bien  recueillies  toutes,  voici  les  diverses 
manières  dont  on  a  expliqué  ce  mot  : 

1°  Il  y  a  un  chien  courant  à  longues  oreilles  qu'on 
appelle  Clabaud;  c'est  un  aboyeur  malavisé  qui  doit  à 
sa  mauvaise  habitude  de  ne  point  parler  à  propos  d'être 
le  radical  de  clabauder,  clabaudaye,  clubaudier,  cla- 
bauderie,  mots  qui,  au  propre  comme  au  figuré,  se 
rattachent  à  l'idée  d'aboiements  désagréables,  de  bavar- 
dages insipides,  de  criailleries  incommodes  et  sans 
motifs.  Or,  en  argot,  clabaud  se  dit  cabot,  et,  dans  la 
pensée  de.M.  Francisque -Michel,  c'est  ce  dernier  mot  qui  a 
donné  naissance  à  cabotin,  parce  que,  dit-il,  «  le  débit 
des  mauvais  auteurs  est  assimilé  aux  aboiements  d'un 
chien  ». 

2°  Selon  Joachim  Duflot,  le  nom  de  cabotin  vient 
d'un  personnage  dépenaillé  de  la  comédie  italienne. 

3°  Un  ami  de  l'auteur  des  Secrets  des  coulisses  a 
pensé  que  cabotin  pourrait  bien  avoir  été  formé  de 
chat-botté,  chat-botliné. 

4°  Ce  que  cabotin  veut  surtout  dire,  c'est  comédien 
ambulant.  Or,  si  cette  idée  a  présidé  à  la  formation  de 
cabotin,  le  mot  vient  de  caboter.  De  même  que  le 
caboteur  en  naviguant  le  long  des  côtes  va  d'un  cap  à 
un  autre,  et  de  port  en  port,  de  même  le  cabotin  court 
de  ville  en  ville  et  ne  fait  nulle  part  d'installation. 

Mais  je  ne  puis  admettre  aucune  de  ces  origines, 
trouvant  à  leur  objecter  les  raisons  suivantes  : 

A  la  premiîre.  —  Quoique  l'épithète  de  cabotin, 
appliquée  aux  comédiens,  entraine  nécessairement  avec 
elle  l'idée  de  médiocrité  et  de  vagabondage,  il  n'est 
guère  probable  qu'elle  ait  sa  source  dans  la  compa- 
raison choquante  que  fournit  cette  explication  ;  car  ce 
n'est  pas  seulement  pour  critiquer  la  voix  d'un  comédien 
que  l'on  se  sert  du  terme  cabotin  à  son  égard. 

A  la  seconde.  —  L'auteur  ne  dit  ni  de  quel  person- 
nage il  s'agit,  ni  à  quelle  pièce  il  appartenait  :  c'est 
trop  peu  pour  recommander  efRcacement  l'élymologie 
qu'il  propose. 

A  la  troisième.  —  Bien  que  le  chat  dont  elle  parle 
puisse  plaire  davantage  que  le  chien  de  .M.  Francisque 
Michel,  je  crois  qu'il  ne  vaut  pas  mieux  pour  expliquer 
l'origine  en  question;  car  les  comédiens  qui  couraient 
la  province  jouaient-ils  donc  généralement  en  bottes 
à  l'éeuyère  pour  être  comparés  à  des  chats-bollés? 

A  lar/uatrirmc. —  Si  cabotin  vient  du  verbe  caboter, ]e 
ne  mexiilique  pas  pourquoi  on  a  fait  ce  mot  :  le  terme 
caboteur,  qui  existe  probablement  depuis  qu'il  y  a  un 
verbe  caboter  en  français,  pouvait  parfaitement  suffire. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


•53 


Puis,  joignez  à  cela  que,  dans  notre  langue,  le  nom  de 
celui  qui  faR  une  action  n'est  généralement  pas  terminé 
par  j«. 

A  mon  avis,  l'étymologie  cherchée  ici  n'est  autre 
que  le  nom  propre  Cabotin,  qui  se  trouve  dans  ces 
lignes,  empruntées  à  M.  Edouard  Fournier  [Chansons 
de  Gaultier  Garguille,  préf.  lxxvi'i  : 

Les  farceurs  au  nom  roturier  ont  survécu  davantage 

Les  comédiens  de  lias  étage  qui  s'en  vont,  comme  on  dit. 
rôtir  le  l)aiai  dans  les  provinces,  avoient  déjà  un  patron 
tout  baptisé,  le  sieur  Cabotin,  célèbre  opérateur  nomade, 
qui,  en  même  tems  que  tous  les  gens  de  son  métier,  étoit 
tout  ensemble  improssario  et  charlatan,  vendoitdes  drogues 
et  jouoit  des  farces. 

Quoi  de  plus  simple,  en  effet,  que  celte  étjmologie? 
D'abord  on  appela  cabotins  tous  ceux  de  la  troupe  de 
Cabotin;  ensuite,  par  extension,  on  donna  ce  nom  à 
tout  débiteur  de  farces  en  public;  et,  enfln,  comme  ces 
comédiens  étaient  sans  nul  doute  fort  mauvais,  on  leur 
assimila  naturellement  tout  artiste  dramatique  qui  man- 
quait de  talent. 

Comme  la  préface  d'où  j'ai  extrait  la  citation  qui 
précède  est  consacrée  à  l'histoire  de  notre  théâtre  avant 
d  660,  il  en  résulte  que  cabotin,  dans  le  sens  de  mauvais 
acteur,  quoique  ne  se  trouvant  pas  dans  Trévoux  (^77l), 
pourrait  très-bien  dater  de  la  seconde  moitié  du  xyiii- 
siècle. 

X 

Troisième  Queslion. 
Comment  le  verbe  épocsseter  doit-il  se  prononcer  à 
la  première  personne  du  présent  de  l'indicatif?  J'ai 
entendu  soutenir  à  des  gens  qui  ont  passé  de  brillants 
examens  qu'il  fallait  dire  ^y'ÉrousTE,  ce  qui  me  semble 
contraire  à  la  règle  des  verbes  en-  eter. 

Nous  avons  deux  manières  de  prononcer  le  présent 
de  l'indicatif  et  le  futur  de  la  plupart  des  verbes  en  eter, 
tels  que  Jeter,  cacheter,  etc.  :  l'une,  qui  est  ancienne, 
l'autre,  qui  est  moderne. 

La  prononciation  ancienne  repose  sur  ce  principe  : 
Quand  il  se  trouve  deux  e  muets  de  suite  séparés  par 
la  consonne  t,  on  les  supprime  tous  deux  si  le  mot  peut 
facilement  se  prononcer  sans  les  faire  entendre,  et  l'on 
change  le  premier  en  e  ouvert  marqué  par  un  accent 
grave,  ou  un  t  redoublé,  si  la  suppression  des  deux  doit 
produire  un"  rapprochement  de  consonnes  qui  rende 
l'articulation  difficile.  Ainsi  on  dit,  en  supprimant  les  e 
muets  : 

Baqueter    —  Je  bacte,  je  bactrai 

Cacheter    —  Je  cachte,  je  cachtrai 

Colleter      —  Je  coite,  je  coltrai 

Crocheter  —  Je  crochte,  je  crochtrai 

Fureter      —  Je  furte,  je  furtrai 

Saveter       —  Je  savte,  je  savtrai  ; 

et,  sans  les  supprimer,  ou  en  n'en  supprimant  qu'un  : 

Marqueter  —  Je  marquette,  je  marquetrai 
Vergeler    —  Je  vergette,  je  vergetrai 
Coupleter  —  Je  couplette,  je  coupletrai, 

attendu  que  ce  ne  serait  qu'avec  un  certain  effort  qu'on 
prononcerait  :  je  marcte,  je  verg'te,  je  coupltC',  etc.,  et 
que  le  futur  serait  bien  autrement  difficile,  puisque  la 


consonne  r  viendrait  s'y  ajouter  à  celles  qui  précèdent  : 
je  marctrai,  je  verg'trai,  etc. 

La  prononciation  moderne,  établie  à  la  fin  du  xvii' 
siècle,  a  pour  base  cet  autre  principe  :  Dans  la  conju- 
gaison des  verbes  en  eter,  on  change  l'e  qui  précède 
le  t  en  e  grave  quand  il  arrive  que  cette  consonne  se 
trouve  suivie  d'un  e  muet,  ce  qui  implique  l'obligation 
de  dire  : 

Acheter     —  J'achète,  j'achèterai 
Cacheter     —  Je  cachette,  je  cachetterai 
Jeter  —  Je  jette,  je  jetterai 

Tacheter    —  Je  tachette,  je  tachetterai. 

Mais,  malgré  les  puissantes  autorités  sur  lesquelles 
elle  s'appuyait  (l'Académie,  Régnier-Desmarais,  Buffier, 
Restant,  etc.l,  cette  seconde  prononciation  n'est  point 
arrivée  à  se  substituer  entièrement  à  la  première,  qui 
avait  sur  elle  l'avantage  d'une  existence  plusieurs  fois 
séculaire;  plus  d'une  personne,  qui  n'est  pas  illettrée, 
peut  encore  être  surprise  à  dire  :  ']achtrni  pour 
yach''tl'rai;  je  cachte,  je  cachtrai  pour  je  cachette, 
je  cachetterai  ;  il  savte,  il  sartra  pour  il  sarette,  il 
savettera;  et,  au  lieu  de  'j'époussette,  ']'époussetterai, 
l'Académie  permet  i'épouste,  ']'épousseterai  ipron. 
époustrai'.  qui  se  sont  non-seulement  dils,  mais  encore 
écrits,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 

11  épomle  parfois  aussi  mon  justaucorps. 

(Legtand,  F.um.  extrav.  se.    ii.) 

Je  l'épousseteray  comme  il  faut, 

(Académie,  i"  édition.) 

Oui-dà,  très-volontiers,  je  Vépousterai  bien. 

(Molière,  VEtourdi,  IV,  •;.) 

La  première  fois,  mon  ami,  nous  épousseterons  Michel 
Wanloo. 

(Diderot,  Salon  de  1767.) 

D'où  cette  conséquence  que  les  gens  à  qui  vous  avez 
entendu  soutenir  qu'il  «  fallait  »  i'we i'épouste  n'ont  pas 
plus  complètement  raison  que  vous,  qui  croyez  qu'on 
doit  dire  exclusivement  'fépoussette;  la  vérité  est  que 
les  deux  formes  sont  bonnes  : 

L'impératrice  de  Russie  epoussetie  le  vicaire  de  Mahomet. 

(Voltaire,  leit.  au  roi  de  Prusse.) 

Les  deux  formes  sont  bonnes,  ai-je  dit;  mais  à 
la  condition  toutefois  d'être  employées  chacune  à  sa 
place,  i'épouste,  j'époustrai  est  la  forme  populaire  du 
verbe  épousseter  :  elle  convient  au  style  d'une  corres- 
pondance amicale,  à  la  conversation  ordinaire:  quant 
à  'j'époussette,  ']'époussetterai,  qui  est  la  forme  savante 
du  même  verbe,  elle  est  préférable  dans  le  style  élevé, 
et  quand  il  s'agit  d'un  discours  public. 

X 
Quatrième  Queslion. 
Dans  la  revce  savoisie>ne  du  31  mars  dernier,  je  lis 

«     LETTRES    DE    NATCRALITÉ     ».      Est-CC    ainsi     qu'oU     doit 

s'exprimer,  ou  doit-on  dire  lettres  de  natiualisatios  '? 

Autrefois,  on  disait  lettres  de  naturalité  en  parlant 
de  lettres  dans  lesquelles  le  gouvernement  accorde  le 
droit  de  citoyens  aux  élrangci's  : 


44 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Ce  sont  mes  vieilles  lettres  de  naluralitë,  et  de  barbare 
me  voici  devenu  citoyen  romain. 

(Balzac,  Lelt.  V,  3.) 

M.  Colbert  n'avoit  pas  moins  de  cbaleur  que  le  pape  et 
Bologne  à  leur  disputer  M.  Cassini,  et  enfin  il  eut  le  plaisir 
de  vaincre  et  de  lui  faire  expédier  des  lettres  de  naluralitë 
en  1673. 

(Fontenelle,  Cassini.) 

Mais  aujourd'hui,  comme  on  peut  du  reste  s'en  con- 
vaincreen  consultant  \i\ock [Diction,  de  l'Adm.  franc.], 
]e  moi  nahtra  Usât  ion  est  bien  plus  souvent  employé  que 
son  synonyme  naturalité. 

X 
Cinquième  Question. 

On  sait  que  le  dictio^niire  de  trévoux  n'a  point 
reçu  cette  dénomination  d'un  nom  de  savant,  mais  de 
la  ville  de  Trévoux-sur-Saône,  oit  il  a  été  publié  par 
les  PP.  Jésuites  du  collège  de  cette  ville.  Pourquoi 
alors  dites-vous  dans  votre  publication  :  trévoux  dit, 
selon  TRÉVOUX,  etc.  co7nme  litiré  dit,  selon  litiré,  etc.  ? 
Il  me  semble  que  tre'voux  ne  peut  pas  être  ainsi  assimilé 
à  une  personne,  et  parler  comme  elle. 

Le  Dictionnaire  de  Trévoux  ayant  reçu  son  nom  de 
la  manière  que  vous  indiquez,  il  semble  difficile  d'ad- 
mettre, en  effet,  qu'on  puisse  dire  :  Trévoux  dit, 
d'après  Trévoux,  on  trouve  dans  Trévoux,  etc. 

Cependant  celle  locution  n'est  pas  tout-à-fait  inexpli- 
cable, ce,  que  j'espère  vous  faire  voir. 

Les  expressions  Dictionnaire  de  Bescherelle,  Diction- 
naire de  Littré,  etc.  étant  très-longues,  on  les  abrège  ; 
et,  comme  toujours,  cette  abréviation  se  fait  en  ellipsant 
la  première  partie,  c'est-à-dire  le  mot  complété  :  Besche- 
relle, Littré,  etc.,  s'emploient  alors  pour  Dictionnaire 
de  Bescherelle,  Dictionnaire  de  Littré. 

Or,  quoique  la  dénomination  de  Dictionnaire  de 
Trévoux  ne  soit  point  formée  d'un  nom  d'auteur  (fait 
sinon  unique,  du  moins  fort  rare  dans  notre  langue), 
on  ne  l'en  a  pas  moins,  par  analogie,  abrégée  de  la 
même  façon  que  les  autres,  et  l'on  a  dit  :  Trévoux 
dit,  selon  Trévoux,  à  en  croire  Trévoux,  absolument 
comme  si  Trévoux  eût  été  le  nom  d'une  personne. 

Il  aurait  été  du  reste  par  trop  incommode  de  ne 
pouvoir  s'exprimer  ainsi. 

X 

Sixième  Question. 

Comment  l'expression  prendre  tu  rat  a-t-elle  pu 

arriver  à  signifier  ne  pas  réussir?  Il  me  semble  que 

cela  devrait  plutôt  signifier  prendre  un  voleur,  puisque 

le  rat  vous  dépouille  sans  pitié. 

Prendre  un  rat  se  dit,  au  propre,  d'une  arme  à  feu 
quand  le  coup  ne  part  pas  : 

Ce  fusil,  ce  pistolet  a  pris  un  rat. 

Or,  il  y  a  une  autre  manière  d'exprimer  cette  action 
manquée;  c'est  d'employer  le  verbe  rater,  qui  signiûe 
absolument  la  même  chose. 

D'où  il  suit,  selon  moi,  que  le  rat  de  l'expression 
prendre  un  rat  ne  désigne  point  le  rongeur  que  l'on 


pourrait  croire,  ni  un  caprice,  ni  une  fantaisie  comme 
quelques-uns  l'ont  suggéré  :  c'est .  tout  simplement 
un  substanlif  formé  du  verbe  rater,  comme  appel,  gel, 
soutien,  etc.  l'ont  été  des  verbes  appeler,  geler,  soutenir. 
Il  est  probable  que,  dans  l'origine,  on  a  dit  :  faire  un 
rat  pour  rater,  comme  on  dit  :  faire  un  saut  pour  .saM^er  ; 
mais,  s'apercevant  combien  l'expression  serait  plus 
drôle  si  l'on  y  remplaçait  faire  par  prendre  (une  arme 
à  feu  qui  prend  un  rai  au  lieu  de  le  tuer\  on  a  opéré 
cette  substitution,  qui  n'avait  rien  d'incompatible  avec 
le  langage  familier. 

Transporté  dans  le  sens  figuré,  prendre  un  rat  a 
signifié  naturellement  manquer  son  coup,  ne  pas 
réussir  : 

Ohl  par  ma  foi,  monsieur,  votis  ne  prendrez  qu'un  rat, 

Et  le  notaire  peut  remporter  son  contrat. 

(Regnard,  le  Jouevr,  V,  8.; 


ÉTRANGER 


X 

Première  Question. 
J'ai  trouvé  dernièrement  la  phrase  suivante,  relative 
à  un  acteur  dont  on  venait  de  faire  l'éloge  :  «  On  ne 
saurait  entrer  plus  complètement  dans  la  pead  du 
BO.NHOMME.  »  C'est  la  première  fois  que  je  vois  cette 
expression;  que  signifie-t-elle? 

Dans  la  langue  familière,  nous  disons,  en  parlant 
d'une  personne  dont  nous  sommes  loin  d'envier  le 
sort  :  je  ne  voudrais  pas  être  dans  sa  peau,  et  nous 
employons  souvent  le  mol  bonhomme  pour  signifier  un 
individu,  un  monsieur;  un  homme  quelconque. 

A  table,  on  ne  manqua  pas,  selon  la  méthode  française, 
de  faire  beaucoup  babiller  le  petit  bonhomme. 

(J.-J.  Kousseau,  Emile,   p.  21 5,  éd.  de  1824'} 

Or,  comme  un  acteur  joue  d'autant  mieux  qu'il  sait 
mieux  se  mettre,  par  la  pensée,  à  la  place  du  person- 
nage qu'il  est  chargé  de  représenter.  On  a  créé,  dans 
le  langage  des  coulisses,  l'expression  pittoresque  entrer 
dans  la  peau  du  bonhomme,  pour  signifier  comprendre 
très-bien  son  rôle,  et  le  rendre  dans  la  perfection. 

X 

Seconde  QuesUon. 

L'explication  que  vous  donnez  sur  zéro  en  chiffre, 

dans  votre  numéro  3,  me  fait  penser  à  vous  demander 

si,  en  français,  on  peut  dire  comme  en  anglais  être  un 

CHIFFRE,  chose  que  nous  exprimons  par  to  stand  for  a 

CIPHER. 

Dans  l'origine,  nous  avons  employé  chiffre  comme 
vous  le  faites,  c'est-à-dire  pour  signifier  rien,  ce  dont 
voici  d'incontestables  preuves  : 

Li  première  ligure  fait  1,  la  seconde  fait  2,  la  tierce  fait 
3,  et  les  autres  ausi  jusc'à  la  darraine  qui  est  apelée 
cijfrc cijfre  ne  fait  riens. 

(Comput,  fol.  i5.) 


.E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Avecques  eulx  leur  duc  Serenissime, 
Qu'on  peult  juger  un  chiffre  en  algorisme, 
Lequel  tient  lieu  et  de  soy  n'a  pouvoir, 
Mais  seulement  fait  les  autres  valoir. 

(J.  Marot,  I,  80.) 

Quelques  sots  et  glorieux  Italiens  se  sont  voulus  affubler 
de  tel  honneur  pardessus  nous,  qu'ils  semblent,  par  leurs 
escrits,  nous  reputer  comme  clii/l'ies. 

(Pasquier,  lettr.  t.  I,  p.  45.) 

Mais  quand  le  terme  zéro  fut  inrenlé  (on  a  vu  dans 
le  numéro  3  que  ce  fut  vers  la  fin  du  xv^  siècle),  nous 
l'avons  substitué  à  chiffre,  qui  a  complètement  disparu 
alors  de  la  langue  dans  ce  sens  : 

Ce  chef  de  parti  IConti]  étoit  un  zéro  qui  ne  multiplioit 
que  parce  qu'il  étoit  prince  du  sang. 

(Retz,  II,  ai7.) 

De  sorte  que,  pendant  que  votre  nation,  qui  a  du 
goût  pour  l'archaïsme,  dit  encore  :  c^est  un  chiff're 
(littéralement  he  is  a  cip/ier),  la  nôtre,  qui  a  plus 
d'attrait  pour  la  nouveauté,  a  cessé  d'employer,  et 
depuis  longtemps,  cette  expression  du  vieux  langage. 


PASSE-TEMPS  GRAM.MATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

l"...  aonde  étrange,  moitié  bohème,  moitié  artiste;  — 
2°  Elle  fait  pis  (on  ne  dit  pas  pire  fo\xr plus  mal);  —  3». ..  Rien 
de  mieux  à  faire  que  de  se  renfermer;  —  i".  .  .  pendant  la  fêle 
de  Saint-Louis  (pas  Je  la  après  de  ;  il  ne  se  met  qu'avec  fête  sous- 
tnlendu  :  la  Saint-Louis);  —  5»...  une  arène  où  bondiisenl 
(pas  de  !/,  qui  n'est  là  d'aucune  utilité);  —  6°. . .  à  d'autres  que 
lui  (après  autre,  on  ne  met  pas  la  préposition  qui  peut  être  avant 
lui);  —  T>...  jamais  je  ne  l'ai  i^ue  s'enflammer;  —  8°...  du 
dernier  empereur  se  fût  suicidée;  — '  9°...  des  petites-sœurs, 
garde-malades  (garde  est  verbe  et  par  conséquent  invariable); 
lO». . .  par  des  guets-apens  (au  pluriel  guet  prend  l's,  qui  ne  se 
prononce  pas);  —  11"...  les  plus  élevés  ressortissant  au  minis- 
tère de  la  justice. . . 

Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1°  La  compagnie  a  suscité  et  profité  des  querelles  avec 
les  propriétaires  des  terrains. 

2°  Delille,  parlant  du  cinquième  livre  de  l'Enéide,  observe 
que  les  épisodes,  qui  sont  un  défaut  dans  la  tragédie, 
deviennent  l'ornement  de  l'épopée. 

3°  Bien  qu'ils  crieront  plus  fort  que  moi,  je  m'apitoie 
davantage  sur  ma  destinée. 

4"  Le  cadre,  c'est  un  premier  acte  pouvant  se  résumer 
par  cette  demande  :  «  Monsieur,  vous  avez  fait  un  opéra? 
Faites-nous  l'entendre.  » 

5°  Je  vous  dirai  que  le  scrutin  de  liste  donnera  certai- 
nement une  dèputalion  rouge  foncée,  dont  quelques 
échantillons  fort  inconnus,  du  reste,  du  public,  et  pour 
cause,  sont  déjà  à  la  Chambre. 

6°  11  descend  de  nos  montagnes  [le  fleuve  de  la  Seine] 
et  se  perd  dans  notre  Océan,  sans  avoir  fécondé  d'autres 
plaines,  sans  avoir  baigné  d'autres  villes,  sans  avoir  miré 
d'autre  ciel  que  ceux  de  la  France. 

7'  Comme   je  l'indiquais  tout  à  l'heure,  ce  projet  est 


quelque  chose  de  plus,  de  pire,  si  vous  voulez,  qu'une  loi 
politique,  c'est  une  loi  stratégique. 

8°  Il  faut  que  la  délégation  municipale  soit  abordable, 
même  pour  les  citoyens  peu  fortunés,  ce  qui  suffirait  à. 
justifier  la  disposition  de  M.  Dufaure. 

9"  Agostino,  tout  sceptique  et  tout  blasé  qu'il  fût  sur  de 
pareilles  scènes,  ne  pouvait  s'empêcher  d'éprouver  un 
léger  frisson  d'admiration. 

10'  Chez  nous,  le  Sénat  aura,  dans  notre  République, 
non-seulement  à  conserver  la  tradition,  mais  à  la  faire, 
dans  un  esprit  conservateur,  comme  vous  le  dites,  en 
même  temps  qu'éclairé. 

11°  L'origine  de  nos  malheurs  nous  en  dit  assez  le 
remédé,  et  nous  trace  la  règle  à  suivre.  Ne  nous  en  pre- 
nons qu'à  nous-mêmes  de  ce  qui  nous  a  accablés. 

iZ"  L'association  générale  d'Alsace-Lorraine,  37,  boule- 
vard Magenta,  vient  de  publier  le  compte-réndu  de  ses 
"opérations  en  1871. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 
FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 

Laurent  CHIFFLET. 

(Suite.) 

Au  lieu  de  despendre  son  argent,  il  faut  dire  despenser, 
et  au  lieu  de  naciguer,  il  faut  dire  nariger. 

Le  verbe  sortir  n'est  jamais  actif;  ne  dites  pas: 
sortes  ce  cheval  de  iestable,  mais  bien  tirez  ce  cheval. 

Le  verbe  cueillir  fait  au  futur  cueilliray,  et  non 
cueilleray. 

Courre  et  courir  sont  tous  deux  bons;  mais  on  se 
sert  plutôt  de  courre  en  parlant  de  quelques  exercices 
de  course  à  cheval,  comme  dans  courre  le  cerf,  le 
lièvre,  la  poste,  la  bague. 

Faire  accroire  se  dit  des  choses  fausses,  faire  croire 
de  celles  qui  sont  vraies. 

Magnifier  est  un  terme  des  bons  auteurs,  et  qu'il  ne 
faut  laisser  ni  perdre  ni  vieillir. 

On  dit  survivre  quelcun  et  à  quelcun. 

Il  me  sourient  n'est  pas  mal  dit;  mais  Je  me  souviens 
est  plus  usité  à  la  Cour    1039  . 

S'approcher 'de  quelcun  signifie  un  mouvement  local; 
approcher  quelcun  ne  se  dit  qu'à  l'égard  des  grands 
auprès  de  qui  l'on  a  beaucoup  d'accès. 

Est-ce  pas  ou  n'est-ce  pas  un  grand  malheur  est 
excellent,  et  mille  autres  semblables. 

Eschapper  les  emhusches  ou  des  embusches  est  bien 
dit;  mais  eschapper  aux  embusches  est  encore  plus 
élégant. 

Tirer  de  longue,  aller  de  longue  signifient  «  avancer 
le  chemin  »  et  «  gagner  pays  »  :  tirer  en  longueur, 
aller  en  longueur  se  dit  du  retard  d'une  affaire. 

OBSERVATIONS   DES   ADVERBES. 

Voici  des  adverbes  qui  ne  s'emploient  plus  :  adonc, 
tousjours-mais,  ce  temps  pendant,  c'est  mon,  pour  dire 
il  -est  ainsi  ;  d'abordude,  d'arrivée  ;  de  prime  abord, 


46 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


de  fait  (l'-isé.  du  dcintis.  pour  depvis;  en  aprcf,  par 
après;  en  embas,  en  cnhaut;  mais  que  pour  quand; 
mie  pour  pas;  nonc/ialamment,  qui  ne  vaut  rien 
quoique  nonclialant  soil  bon  ;  parfois,  qui  est  du  bas 
style;  par  laps  de  temps;  prou  pour  assez;  quasiment; 
un  petit  peu,  qu'il   faut  remplacer  par  un   bien  peu 

;I6d9  . 

L'auteur  des  Remarques  dit  que  possible  pour  peut- 
rtre  doit  être  rejeté. 

Hier  soir,  aujourd'hui)  soir,  demain  soir,  lundy  soir 
sont  un  fort  mauvais  langage;  il  faut  dire  hier  au 
soir,  demain  au  soir,  aujourd'hui/  sur  le  soir,  lundij  au 
soir.  Après  ces  mêmes  adverbes  de  temps,  on  peut 
raèllre  matin  ou  au  matin. 

Comme  quoy  signifie  la  même  chose  que  comment; 
mais  Chifflet  ne  voudrait  s'en  servir  que  dans  le  style 
familier. 
L'adjectif  gentil  a  gentiment  pour  adverbe. 
Ne  plus  ne  moins  que  ^owr  comme  ne  doit  pas  se  dire 
ni  plus  ni  moins;  mais,  cet  adverbe,  n'est  guère  en 
usage  dans  le  beau  style. 

Cà  signifie  quelquefois  donnez,  comme  lorsqu'on 
dit  :  çà  de  l'argent. 

Sus  pour  e«  haut  n'est  point  en  usage;  mais  il  est 
bon  dans  cette  phrase  :  courir  sus  à  quelcun,  et  quand 
il  sert  à  exhorter  :  sus,  sus  donc,  or  sus. 

Il  ne  faut  pas  dire  d'un  jour  à  l'autre,  d'une  heure  à 
l'autre;  il  faut  dire  de  jour  à  autre,  d'heure  à  autre. 

Precipitiment  est  une  bonne  expression;  précipitam- 
ment n'est  guère  en  usage . 
A  l'improriste  est  aussi  bon  qu'à  l'imjyourveu. 
A  peu  prés  est  bien  dit  pour  presque,  comme  dans  je 
rous  ai  raconté  à  peu  prés  tout  ce  qui  s'est  passé  ;  car 
cet  «  peu  prés  est  la  même  chose  que  à  un  peu  prés  ou 
il  s'en  faut  peu. 

.  Après  soupe  ou  après  souper,  après  disné  ou  après 
disner,  sont  tous  deux  bons. 

KEMAUQCES  scR  pas  ET  point. 
Quand  on  contredit  à  une  affirmation  par  la  réponse 
négative,  on  s'exprime  ainsi  :  rous  estes  un  trompeur  : 
non  suis  ;  rous  arez  tort  :  non  fay  ;  et  à  tous  les  autres 
verbes,  on  répond  :  non  fais  comme  dans  :  vous  me 
trompez;  non  fais. 

Pareillement,  si  l'on  contredit  à  la  négation  par  une 
réponse  affirmative,  on  dit  :  rous  n'estes  pas  de  nos 
amis  :  si  suis;  vous  n'avez  point  de  raison  :  si  ay  ;  vozts 
ne  me  voulez  point  de  bien  :  si  fais.  Mais  on  dit  plus 
courtoisement  :  excusez-moy,  pardonnez-moy  ;  vous 
m'excuserez  s'il  rous  plaist  (1659). 

OBSERVATIONS  DES   PRÉPOSITIONS. 

Arec  se  met  devant  toutes  sortes  de  mots,  soit  qu'ils 
commencent  par  une  voyelle  ou  par  une  consonne; 
mais  arecque  n'irait  pas  bien  devant  la  lettre  q  ou  g. 

En  citant  les  auteurs,  il  n'est  pas  bien  de  dire  chez 
Plutarquc.  chez  Ciccron  ;  il  faut  dire  dans. 

Les  prépositions  suivantes  sont  «  décriées  »  :  à  la 
réservation  de,  à  l'instar  de,  à  mont,  devers,  emmy, 
jouxte,  etc. 

L'auteur  des  Remarques  désapprouve  «  l'endroit  de 


quelcun  ]iour  envers  quelcun  ;  la  Censure  dit  que  tous 
deux  sont  du  beau  langage. 

En  Cour  au  lieu  de  à  la  Cour  n'est  bon  que  sur  les 
paquets  de  lettres. 

CSAGE   DES    CONJONCTIONS. 

Voici  des  conjonctions  dont  on  ne  se  sert  plus  :  ains, 
ainçois  que,  à  celle  fin  que,  ce  nonobstant,  de  mode 
que,  donques  avec  une  .s,  finablemcnt ,  en  fin  finale,  à 
la  parfin,  somme  toute. 

Partant  est  employé  par  de  bons  auteurs  et  notam- 
ment par  d'Ablaneourt,  mais  d'autres  le  «  refuyent  ». 

C'est  un  grand  dommage  que  voire  ti  vôtres  mesmes 
aient  vieilli;  on  dit  maintenant  mesmes  ou  et  mesmes 
(I65i)). 

Si  pour  ,•!/  est-ce  que  est  une  façon  de  parler  bonne 
et  élégante,  comme  dans  si  dircuj-je  en  passant,  pour 
si  est-ce  que  je  diray  en  passant. 

La  conjonction  que  marquant  la  comparaison  entre 
deux  infinitifs  veut  de  devant  le  second  :  il  est  plus 
soigneux  de  s'enrichir  que  de  bien  vivre.  Si  les  infinitifs 
sont  tout  seuls,  on  ne  met  point  de;  on  dit  :  plustosf 
mourir  que  pécher. 

Qui  ne  s'emploie  pour  si  l'on  ne  comme  dans  cette 
phrase  :  l'on  ne  sçauroit  les  faire  obéir,  qui  ne  les  bat 
rudement. 

Que  si  se  met  pour  et  -n  ou  tnais  si  comme  dans  : 
que  si  vous  jugiez  plus  convenable,  etc. 

Bien,  au  commencement  des  périodes  en  prose,  sent 
la  vieille  mode  dans  bien  est-il  malaisé;  mais  il  est 
bon  dans  bien  est-il  vray. 

OÈSERV AXIONS    DE  Li   SYNTAXE. 

Il  srait  la  langue  latine  et  la  grecque  est  bien  dit; 
mais  il  est  mal  de  dire  :  la  langue  latine  et  grecque 
ou  les  langues  latine  et  grecque. 

On  dit  éiialement  bien  l'un  et  l'autre  ne  vaut  rien,  ou 
l'un  et  l'autre  ne  valent;  de  même  on  peut  dire  ny  la 
force  ny  la  douceur  n'y  peut  rien,  ou  n'y  peuvent  rien. 
Dites  la  force  ou  la  douceur  le  fera,  et   non  le  feront. 

L'usage  approuve  perdre  le  respect  à  quelcun  pour 
dire  lui  manquer  de  respect. 

N'imitez  pas  Malherbe  qui  met  une  préposition  entre 
pour  et  l'infinitif  suivant  :  pour  avec  luy  délibérer; 
cette  construction  n'est  plus  permise  qu'aux  notaires. 
kkpf'tition  de  quelques  jiots. 

La  règle  générale  des  répétitions  est  celle-ci  :  les 
«  articles  »  à  et  de  mis  devant  des  infinitifs  ou  des 
noms  doivent  se  répéter  quand  ces  infinitifs  ou  ces 
noms  sont  contraires  ou  ditTérents;  mais  il  ne  faut  pas 
les  répéter  quand  ces  mêmes  mots  sont  synonymes 
ou  approchants;  exemples  :  les  hommes  sont  enclitis 
à  ha'ir  et  à  aimer  leurs  semblables;  il  estait  porté  dès 
.son  enfance  à  aimer  et  chérir  les  gens  de  bien. 

Il  faut  observer  la  même  règle  pour  les  prépositions 
pour,  sur,  dans,  sous,  avec,  etc. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  Riîdacteou-GiSuant  :  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 

Publications  de  la  quinzaine  : 


Hélène  et  MatUilde,  par  Adolphe  Belot.  H'  édition. 
In-18  Jésus,  vm-281  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

La  Fille  de  Carilés.  Le  petit  prince  Ulrich.  Nedji 
la  Bohémienne.  La  Bonne  Mitche;  par  Mme  Coloml). 
Ouvrage  illustré  de  96  vignettes  par  Ad.  Marie.  2'  édi- 
tion. ln-8°,  280  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  5  fr. 

Le  Mystère  de  'Westfild.  Roman  américain;  par 
Emile  Desbaux.  In-lS  Jésus,  29/i.  Paris,  lib.  Degorce-Cadot. 
3fr. 

Lettre  sur  les  occupations  de  l'Académie  fran- 
çaise, suivie  des  lettres  de  Lamotte  et  de  Fénelon  sur 
Homère  et  sur  les  anciens.  Nouvelle  édition,  accompa- 
gnée de  notes  historiques,  etc.  ;  par  M.  E.  Despois. 
In-12,  136  p.  Paris,  lib.  Delagrave. 

Les  Chasseurs  d'hommes;  par  Emmanuel  Gonzalès. 
In-Zi"  à  2  col.,  120  p.  Paris,  bureaux  du  Siècle.  2  fr.  50. 

Trois  mois  sur  le  Gange  et  le  Brahmapoutre; 
par  Mme  Louis  Jacolliot.  Illustrations  d'E.  Yvon.  In-18 
Jésus,  29!i  p,  Paris,  lib.  Dentu.  !i  fr. 

Mémoires  d'une  forêt.  Fontainebleau  ;  par  Jules 
Levallois.  In-12,  l/(3  p.  Paris,  lib.  Sandoz  et  Fischbacher. 

Du  Pape;  par  le  comte  J.  de  Maistre.  2/1"  édition,  seule 
conforme  à  celle  de  1821,  augmentée  de  lettres  inédites 
de  l'auteur,  de  notes  et  d'une  table  analytique.  ln-8°,  .\i- 
512  p.  Paris,  lib.  Berche  et  Tralin. 

Rivalité  de  François  I"  et' de  Charles-Quint;  par 
M.  Mignet,  de  l'.Xcadémie  française,  2  vol.  In-8°,  IO6/1  p. 
Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  15  fr. 

Nouvelles  et  romans  choisis.  Une  Maison  de 
Paris;  par  Elle  Berthet.  In-/|o  à  2  col.  7G  p.  Paris, 
bureaux  du  Siècle.  1  fr.  20. 


Adolphe.  Anecdote  trouvée  dans  les  papiers  d'un 
inconnu;  par  Benjamin  Constant.  .Nouvelle  édition, 
suivie  des  Rollexions  sur  le  théâtre  allemand,  du  même 
auteur,  et  précédée  d'une  notice  sur  Adolphe  par  Gustave 
Planche,  ln-18  Jésus,  275  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et 
Cie.  3  fr.  50. 

Œuvres  complètes  de  Diderot,  revues  sur  les  édi- 
tions originales,  comprenant  ce  qui  a  été  publié  à  diverses 
époques  et  les  manuscrits  inédits  conservés  à  la  biblio- 
thèque de  l'Ermitage.  Notices,  notes,  table  analytique. 
Etude  sur  Diderot  et  le  mouvement  philosophique  au 
XVlIIe  siècle,  par  J.  Assézat.  T.  3.  Philosophie.  III.  Ia-8°. 
55i  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  6  fr. 

La  Tentation  de  saint  Antoine;  par  Gustave  Flau- 
bert. 3«  édition.  In-lS  Jésus,  308  p.  Paris,  lib.  Char- 
pentier et  Cie.  3  fr.  50. 

Exercices  sur  chacune  des  parties  de  la  gram- 
maire et  compléments;  par  M.  Guérard.  Nouvelle  édi- 
tion. In-12,  256  p.  Paris,  lib.  Delagrave. 

Correspondance  de  Lamartine,  publiée  par  Mme  Va- 
lentine  de  Lamartine.  T.  6,  18^2-1852,  ^-8°,  i77  p.  Paris, 
lib.  Hachette  et  Cie,  Furne.  Jouvet  et  Cie. 

Anecdotes  de  théâtre.  Comédiens,  comédiennes, 
bons  mots  des  coulisses  et  du  parterre;  recueillis  par 
Louis  Loire.  Série  auecdotique.  In-18  Jésus,  2/i0  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  2  fr. 

Etudes  sur  les  arts  au  moyen-âge;  par  Prosper 
Mérimée,  de  l'Académie  française,  ln-18  Jésus,  383  p. 
Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  ; 


RÉCITS  D'UN  AUTRE  MONDE. —.Par  Julks  i.b  B.4Ude, 
membre  de  la  Société  des  études  historiques,  de  la 
Société  hàvraise  d'études  diverses,  de  la  Société  des  Gens 
de  lettres.  —  Le  Havre,  imprimerie  Eugène  Cosley.,  6, 
rue  de  l'Hôpital. 


DICTIONNAIRE  DE  LA  LANGUE  FRANÇAISE,  abrégé  du 
DicTioxNAmE  d'e.  littré,  de  l'Académie  française,  con- 
tenant tous  les  mots  qui  se  trouvent  dans  le  Dictionnaire 
de  l'Académie  française,  plus  un  grand  nombre  de 
néologismes  et  de  termes  de  science  et  d'art,  avec  l'indi- 
cation de  la  prononciation,  de  Tétymologie,  et  l'expli- 
cation des  locutions  proverbiales.  —  Par  A.  Beaujeu, 
professeur  au  lycée  Louis-le  Grand.  —  In-8°  à  2  col.  — 
iv-1298  p.  —  Paris,  librairie  Hachette  et  Cie. 


COURS  DE  LITTÉRATURE  SPÉCIAL,  PRÈPAnAioiBE  au 
BREVET  SUPÉRIEUR,  renfermant  les  théories  de  la  littérature 
avec  des  exemples  choisis  dans  les  œuvres  des  classiques 
anciens  et  modernes.  —  Ouvrage  adopté  à  la  maison 
d'éducation  de  la  Légion  d'honneur  de  Saint-Denis.  — 
Par  Mlle  Th.  Bris.moxtier,  Ancienne  élève  de  la  Maison 


de  Saint-Denis,  Professeur  spécial  pour  la  préparation 
aux  examens.  Répétiteur  des  premières  classes  de  latin 
et  de  grec.  —  Paris,  chez  l'auteur,  1,  place  Wagrara. 


HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE  CONTE.MPORAINE  EN 
RUSSIE.—  Par  C.  CounniÈnE.—  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  dul,  -  11  no 
reste  plus  que  la  i»  et  la  5°  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  rie  Vaiigelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  i'=,  la  2'  et  la  3°  année  doivent  être  pro- 
chainement réimprimées. 


LA  CHUTE  D'UN  ANGE,  épisode.  —  Par  A.  de  Lamartine. 
—  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Hachette  et  Cie,  Pagncrre, 
Furne  et  Cie,  éditeurs. 


"S.UNT   LOUIS   ET   SON   TEMPS.   —  Par  H.   NVallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 


5.S 


LE  COURRIER  DE  VAIJGELAS. 


Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  S^iint-Germain. 


KUITS  D'AUTOMNE.  —  Par  Evaristb  CAnnANCE.  —Deu- 
xième 'édition.  —  Prix  :  5  francs  —  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  éditeur,  27-29,  passage  Choiseul. 


LE  DICTIONNAIRE  EN  EXERCICES,  étude  pratique  des 

mots  de  la  langue  française  faisant  connaître  1"  les  racines 
françaises  ou  les  radicaux;  2°  les  préfixes  et  les  suffixes; 
o"  la  valeur  primitive  et  actuelle  des  dérivés  français  ; 
h'  l'emploi  des  mots  ;  5°  l'orthographe  d'usage.  —  Par 
L.  Grimblot.  —  Partie  du  maître  et  partie  de  l'élève.  — 


Paris,  Au(j.  Boyer  et  Cie,  libraires-éditeurs,  Zi9,  rue  St- 
André-desArts. 


LA    MORALE    UNIVERSELLE, 
papier  cavalier,  de  /i76  pages, 
couronné  par 


Ouvrage 


un   beau   volume  in-8°, 

-  Par    A.   ESCHENAUER.    — 

l'Académie   française.   —   Chez 


Sandoz  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine. 


POÉSIES  DE  THÉODORE  DE  BANVILLE,  les  exilés  ; 
LES  PRINCESSES. —  Parîs,  Alphojise  Lemerre,  éditeur,  27-29, 
passage  Choiseul.  —  Prix  :  6  fr. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


Avenue  de  la  Grande  Armée  (prés  de  l'Arc  de 
triomphe  de  l'Etoile).  —  Dans  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très  bel  appartement. 


A  Passy  (prés  du  Ranelagh).  —Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Rue  de  Turin   (près  de  la  gare  Saint-Lazare).  — 

Une  ancienne  maîtresse  de  pension  reçoit  dans  sa  famille 
deux  jeunes  étrangères  pour  les  perfectionner  dans  la 
langue  française.  —  Leçons  de  musique. 


Près  de  la  gare  Saint-Lazare  (vue  sur  la  voie).  — 
Un  homme  de  lettres  recevrait  comme  pensionnaire  un 
étranger  qui  voudrait  profiter  de  son  séjour  à  Paris  pour 
se  perfectionner  sérieusement  dans  la  pratique  de  la 
langue  française. 


(Les  adresses  sont  indiquées  à  la  rédaction  du  Journal.) 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cours, mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


La  Société  d'encour.vgement  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  et  développer 
les  moyens  les  plus  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  le  bien-être  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  secrétaire  général,  2,  rue  Brochant-BatignoUes,  avant  le 
31  décembre  1875. 

La  Société  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tarn-et-Garonne  publie  le  programme  des  concours  de  1876- 
1877.  Voici  celui  de  littérature  et  de  poésie.  La  Société  propose  pour  cette  année  1876  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  200  fr.  à  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.);  une  médaille  d'argent  de  la  valeur 
de  100  fr.  à  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la  valeur  de  50  fr. 
au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées  au  Secrétaire 
de  la  Société,  à  Montauban. 

Académie  des  lettres  ml  Rouen.  —  Prix  à  décerner  en  1877  pour  un  conte  en  vers  de  100  vers  au  moins.  ~ 
S'adresser  au  Secrétaire  perpétuel,  M.  Julien  Loth. 


La  Société  littéraire  de  Poligny  (Jura)  reçoit  les  manuscrits  pour  le  Concours  de  1875,  jusqu'au  15  septembre;  — 
La  Société  dunkerquoise  jusqu'au  1"  octobre;  —  Les  Sociétés  académiques  de  Troyes,  de  Lille  et  l'Académie  de 
la  Roch.'lle,  jusqu'au  15  octobre;  —  La  Société  littéraire  d'Apt,  l'Académie  de  Bordeaux  et  la  Société  académique 
de  Boulogno-sur-Mer,  jusqu'au  l'""'  novembre. 


Le  réilaclciir  du  ('ourricr.de  Vaugclns  est  visible  à  .«on  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


liiiprinicnc  (iOUVEKNKlIH,  G.  U.MJl'KLEV,  à  Nogenl-le-Uotrou. 


6''  Année 


N»  7. 


1"  Août  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


Parai§sant    le    I"  et    le    IS    de   chaque   mois 

{Dans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.     6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 
Annonces,  la  ligne.           50  c. 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEUR   SPÉCIAL  POUR  LES  ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 

Les  lecteurs  du  Courrier  de  Yattgelas  apprendront 
avec  plaisir  que,  par  arrêté  du  28  juillet  dernier,  M.  le 
Ministre  de  l'Instruction  publique,  des  Cultes  et  des 
Beaux-Arts  a  souscrit  à  la  collection  de  ce  journal  pour 
les  Bibliothèques  des  établissements  de  son  ressort. 


SO.M.MAIRE. 
Communications  relatives  à  de  nouveaux  gentilés  ;  —  Origine  de 
Faire  le  bon  apôtre;  —  Eiymologie  de  Bric-à-Brac;  —  Pour- 
quoi Faveur  désigne  un  petit  ruban  ;  —  Justification  de  Ortho- 
graphe; —  Participe  passé  suivi  de  A  et  d'un  infinitif;  —  Signi- 
fication exacte  de  Quartier  latin  [  Si  L'échapper  belle  et  La 
manquer  belle  sont  synonymes;  —  Explication  du  sens  de 
Monter  une  scie  à  quelqu'un;  —  Si  Jusques  et  y  compris  est 
une  bonne  construction  II  Passe-temps  grammatical  g  Suite  de 
la  biographie  de  Laurent  Chifflet  ||  Ouvrages  de  grammaire  et 
de  littérature  II  Renseignements  pour  les  professeurs  français  || 
Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNIG.\TIONS. 

Le  27  avril  dernier,  M.  Paul  Hecquet-Boucrand,  le 
savant  auteur  du  Dictionnaire  étymologique  des  noms 
propres  d'hommes,  m'a  adressé  une  série  de  nouveaux 
gentilés  que  je  mets  aujourd'hui  sous  les  yeux  de  mes 
lecteurs. 

A. 
Agde,  les  Agaiho'ts;  Aix,  les  Aixois. 

B. 
Bourg-en-Bresse,  les  Bourg- Bressons;  —  Briare,  les  Bria- 
rois;  —  Beaujeu,  les  Beaujolais. 

C. 
Castelnaudary,  les  Castelnaudariciens ;  —  Caudebec,  les 
Caudebe'fjuois;  —  Chambéry,  les  Chambcriens ;  —  Cbâteau- 
Thierry,  les    Theodoriciens;  —  Corbeil,   les   Corbelliens;  — 
Châtellerault,  les  Châlelleraullois  ou  Héraldiens. 
D,  F,  G,  H,  J. 
Dreux,  les  Durocassiens;  —  Fontainebleau,  les  Fonfaine- 
hleausiens; —  Foix,   \es  Fuxiens;    —   Gien,    les   Giénois;  — 
Hazebrouck,  les  Bazebrouquais ;  —  Joigny,  les  Joviniens. 


h. 
Limoux,   les  Limousins;  —   Lesparre,  les   Lesparrais;  — 
Lens,  les  Lénois. 

M,  N,  0. 
Moulins,    les  Molinois;  —  Nemours,   les   Aemouriens  ou 
yemosiens;  —  Orange,  les  Orangiens. 

P. 
Puy,   les  Pu'j-Velaisiens;    —  Pézenas,    les  Piscénois;  — 
Pauillac,    les  Pauillaquais;  —  Pithiviers,  les  Piluérins;  — 
Poissy,  les  Pisrois  ou  Pisciaquais;  —  Pontoise,    les   Ponté- 
siens;  —  Pont-de-Cè,  les  .'iaiens. 

R. 
Rodez,  les  Rodéziens  ou  R/iuléniens. 

■  S. 
Saint-Pons,  les  Saint-Panais;  —  Seyne,  les  Seynois;  — 
Seine,  les  Seinois;  —  Sainte-Foix,  les  Fidéens;  —  Sainte- 
Menehould,  les  Menehildiens. 

V. 
Valence,  les  Valençois. 

M.  Georges  Garnier,  qui  glane  toujours  pour  le 
Courrier  de  Vaugelas,  m'a  écrit  deux  lettres,  l'une  le 
2-3  mars  dernier,  l'autre  le  27,  où  se  trouvent  les  lignes 
suivantes  concernant  3  autres  gentilés  : 

Epînal,  les  Spinaliens. 

Saint-Brieuc,  les  Briochins.  L'êtymologie  voudrait  Brio- 
cins,  du  latin  Brioci,  mais  un  naturel  du  pays  m'a  affirmé 
que  l'usage  a  ainsi  corrompu  la  dénomination  primitive. 

Dans  le  département  de  la  Manche,  voisin  de  celui  que 
j'habite,  deux  gros  bourgs  (ou  plutôt  petites  villes),  Sour- 
dei-nl  et  Villedieu-les-Pocles,  sont  situées  à  peu  de  distance 
l'une  de  l'autre,  sur  les  rives  de  \aSourde,  qui  a  donné  son 
nom  à  la  première  [VaUis  Sur-d.r);  or,  les  habitants  de  ces 
deux  localités  se  donnent  le  nom  de  Sourdins,  sous  lequel 
ils  sont  désignés  collectivement  dans  toute  la  contrée. 

Je  remercie  cordialement  .M.  Paul  Hecquet-Boucrand 
et  M.  Georges  Garnier  de  leurs  communications. 

X 
Première  Question. 
Voudriez-vous  bien  me  dire.,  dans  un  de  vos  pro- 
chains numéros,  ce  que  vous  penses   de  l'origine  de 
l'expression  proverbiale  YAiRE  le  box  apôtre? 

Un  des  collaborateurs  de  V Intermédiaire  a  cru  trou- 
■ver  "cette  origine  dans  le  breton;  mais,  quand  je  songe 


50 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


au  concert  de  malédictions  auquel  la  conduite  de  Judas 
envers  son  maître  a  donné  lieu  pendant  tout  le  moyen- 
âge,  il  me  semble  qu'il  n'y  a  pas  à  douter  un  seul 
instant  que  faire  le  bon  apôtre  ne  soit  une  allusion 
fort  ancienne  à  l'acte  infâme  que  saint  Maltliieu  raconte 
en  ces  termes  au  chapitre  xxvi  : 

46.  Levez-vous,  allons  :  celui  qui  doit  me  trahir  est  près 
d'ici. 

47.  Il  n'avait  pas  encore  achevé  ces  mots  que  Judas,  un 
des  douze,  arriva  et  avec  lui  une  grande  troupe  de  gens 
armés  d'épées  et  de  bâtons,  qui  avaient  été  envoyés  par 
les  princes  des  prêtres,  et  par  les  anciens  du  peuple. 

48.  Or,  celui  qui  le  trahissait  leur  avait  donné  un  signal 
pour  le  reconnaître,  en  leur  disant  :  Celui  que  je  baiserai, 
c'est  celui-là  même  que  vous  cherchez  :  saisissez-vous  de 
lui. 

49.  Aussitôt  donc  il  s'approcha  de  Jésus,  et  lui  dit  ; 
Maître,  je  vous  salue,  et  il  le  baisa. 

50.  Jésus  lui  répondit  ;  Mon  ami,  qu'êtes-vous  venu 
faire  ici?  Et  en  même  temps  tous  les  autres  s'avançant, 
se  jetèrent  sur  Jésus,  et  se  saisirent  de  lui. 

>< 

Seconde  Question. 
D'oh  viennent  les  expressions  bric-a-brac  et  de  bric 
ET   DE  CROC'?    Le  dictionnaire  de  Littré  et   celui   de 
Scheler,  les  seuls  qui  parlent  de  ces  étijmologies,  ne 
disent  rien  de  positif  à  ce  sujet. 

Gomme  l'expression  de  bric-à-brac  pour  désigner 
une  réunion  de  vieilles  marchandises,  telles  que  bahuts, 
ferraille,  tableaux,  statuettes,  etc.,  ne  se  trouve  pas 
dans  le  dictionnaire  de  Gattel  (0971,  et  qu'elle  est 
dans  celui  de  Napoléon  Landais  (18361,  il  y  a  tout  lieu 
de  croire  qu'elle  a  pris  naissance  dans  le  premier  tiers 
du  XIX''  siècle,  ce  qui,  du  reste,  est  rendu  assez  probable 
par  cette  phrase  de  Balzac,  recueillie  dans  les  Excen- 
tricités du  langage  : 

«  Ces  travau.v,  chefs-d'œuvre  de  la  pensée,  compris 
depuis  peu  dans  ce  mot  populaire  de  bric-à-brac.  » 

Maintenant,  d'où  vient  cette  expression? 

Le  mot  bric  est  un  radical  qui  signifie  bond,  saut, 
ricochet,  fait  attesté  1"  par  l'espagnol  brincar,  sauter, 
bondir;  2°  par  notre  substantif  bricole,  employé  au  jeu 
de  paume  pour  signifier  le  bond  que  fait  la  balle 
lorsqu'elle  a  frappé  une  des  murailles;  3°  par  le  terme 
de  chasse  bricoler,  qui  se  dit  d'un  chien  s'écartant  à 
droite  et  à  gauche  de  la  piste;  4°  enfin,  par  l'expression 
de  bricole,  qui  veut  dire  indirectement,  en  suivant  une 
ligne  brisée. 

Or,  au  lieu  de  dire  une  marchandise  de  bricole, 
achetée  tantôt  d'un  côté,  tantôt  d'un  autre,  on  a  formé 
avec  le  radical  bric  une  expression  adverbiale  analogue 
à  rie  à  rac  (notre  rie  à  rie  en  poitevin),  où  1'/  du  pre- 
mier terme  se  change  on  a  dans  le  second  ;  et,  attendu 
que  bricole  était  précédé  de  la  préposition  de  dans 
marchandise  de  bricole,  on  amis  cette  préposition  après 
marchandise,  ce  qui  a  donné  : 

Marchandise  de  bric  et  de  broc, 
expression  qui  |)arait  bien  mieux  peindre  que  de  bricole 
la  diversité  des  sources  d'où  vient  la  marchandise  en 
(lucstion. 


Puis,  par  la  suppression  de  la  préposition  de  avant 
brac,  on  a  eu  : 

Marchandise  de  bric  et  brac 

Ensuite,  grâce  à  la  corruption  de  et  en  a,  qu'il  est 
d'autant  plus  facile  de  s'expliquer  que  ses  auteurs  ont 
dii  moins  comprendre  l'expression  sur  laquelle  ils  la 
pratiquaient  (n'oubliez  pas  que,  d'après  Balzac,  cette 
expression  est  d'origine  populaire',  on  a  dit  : 
Marchandise  de  bric  à  brac. 

Enfin,  étendant  le  sens,  on  a  désigné  par  bric-à-brac 
non-seulement  la  marchandise,  mais  encore  le  mar- 
chand lui-même  : 

Le  fait  est  qu'aujourd'hui  le  bric-à-brac  est  une  industrie 
formidable,  que  le  gros  marchand  de  bric-à-brac  possède 
jusqu'à  000,000  fr.  de  marchandise. 

(Roqueplan,  184 1.) 

Ce  voleur  de  bric-à-brac  ne  voulait  me  donner  que 
quatre  livres  dix  sous. 

(Gavarni.) 

Voilà,  si  je  ne  me  trompe,  quand  et  comment  s'est 
formée  l'expression  de  bric-à-brac. 

Quant  à  de  bric  et  de  broc,  il  me  semble  que  c'est  tout 
simplement  de  bric  et  de  brac,  de  çà  et  de  là,  conservé 
à  l'état  d'expression  adverbiale,  et  modifié  seulement 
dans  la  voyelle  de  son  dernier  terme  (a  remplacé  paro). 

X 
Troisième  Question. 
Voudriez-vous  bien  expliquer  dans  votre  journal 
comment  il  a  pu  se  faire  que  faveur,  qui  est  évidem- 
ment le  latin  favor,  soit  arrivé  à  désigner  ce  petit 
ruban,  roucje  ou  bleu,  dont  les  confiseurs  entourent 
leurs  paquets  ? 

Autrefois,  les  chevaliers  qui  se  présentaient  pour 
combattre  dans  un  tournoi  nommaient  hautement  les 
dames  dont  ils  se  déclaraient  les  esclaves  et  les  servi- 
teurs; et,  au  milieu  du  tournoi,  les  dames  donnaient 
à  leurs  champions  des  rubans,  des  gants  de  soie,  et 
autres  récompenses  de  leur  valeur  et  de  leur  dévoue- 
ment, usage  dont  on  trouve  la  preuve  dans  le  roman  de 
Perceforest  ^vol.  I,  feuil.  lo5,  verso,  col.  \)  : 

[A  la  fin  du  tournoi]  elles  estoient  si  desnuees  de  leurs 
atours  que  la  plus  grant  partie  estoit  en  pur  chef;  car 
elles  s'en  alloyent  les  cheveul.x  sur  leurs  espauUes  gisans 
en  plus  leurs  cottes  sans  manches  :  car  tout  avoient  donné 
aux  chevaliers  pour  eulx  parer  et  guimpieset  chapporons, 
manteaulx  et  camises,  manches  et  habitz. 

Ces  rubans,  ces  gants,  ces  manches,  ces  chaperons, 
etc.,  que  les  dames  détachaient  successivement  de  leurs 
propres  vêlements,  jicndant  l'ardeur  de  la  joute,  pour 
en  armer  les  chevaliers,  et  pour  animer  cl  soutenir 
leur  courage,  s'appelaient  faveurs,  du  latin  favor,  qui 
s'employait  dans  cette  langue  pour  désigner  un  signe 
d'encouragement  donné  au  théâtre. 

Quand  les  tournois  disparurent,  ce  qui  eut  lieu  à 
la  suite  de  celui  de  1359,  où  Henri  H  fut  blessé 
morlcllement,  les  chevaliers  continuèrent  à  la  vérité 
à  porter  ])ubliquement  des  faveurs  qu'ils  avaient  reçues 
des  dames,  comme  on  le  voit  dans  d'Aubigné  {llist.  II, 
p.  4 Ci;}  ;  mais,  peu  à  peu,  le  mot  fareîtr  se  restreignit 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


51 


dans  sa  signification  de  chose  matérielle,  et  ne  désigna 
bientôt  plus  que  le  petit  ruban  dont  Savary  a  dit, 
dans  son  Dictionnaire  du  commerce,  publié  en  1723  : 

«  C'est  la  seconde  sorte  de  rubans  de  soie,  qui  se 
fabriquent  â  Lyon,  et  dans  les  rubanneries  du  Forest.  Ils 
ont  près  de  cinq  J ignés  de  largeur,  c'est-à-dire  trois 
lignes  de  plus  que  ce  qu'on  appelle  nompareille.  » 

X 
Qiialriéme  Question. 
Pourquoi  l'art  d'écrire  correctement  les  mots  d'une 
languese  nomme-t-il  oniHOcnAPUE  et  non  orthographie? 
Cette  anomalie  a-t-elle  toujours  existé,  et  qui  en  est 
responsable? 

On  croit  généralement,  même  parmi  les  gens  ins- 
truits, que  orthographe  est  une  anomalie  dans  notre 
langue.  C'est  une  profonde  erreur,  ainsi  que  je  rais 
vous  le  démontrer. 

Attendu  que  le  mot  orthographia  existait  en  latin,  il 
a  dû,  en  passant  en  français,  subir  un  changement  de 
terminaison  analogue  à  celui  qu'ont  subi  tous  les  noms 
en  ia. 

Or,  quel  a  été  ce  changement? 

Pour  certains  de  ces  noms,  ia  est  devenu  le,  comme 
dans  les  exemples  qui  suivent  : 

Incuna  —  Incurie 

Philosopbia  —  Philosopliie 

Perfid/n  —  Perfidie 

Strategjfl  —  Stratégie 

OEconomia.  —  Economie 

Mais,  pour  beaucoup  d'autres,  cette  terminaison  est 
devenue  f ,  ce  dont  voici  la  preuve  : 

Ecclesia  —  Eglise 

GloWœ  —  Gloire 

Sciencia  —  Science 

Gallia  —  Gaule 

Concordia  —  Concorde 

Pecunirt  —  Pécune 

Guvi(7  —  Gouge  (instr.). 

Bernia  —  Hargne  (ànc.  fr.). 

D'où  il  suit  que  la  dérivation  du  substantif  ortho- 
graphe n'est  pas  plus  anormale  que  celle  des  substan- 
tifs appartenant  au  premier  des  deux  groupes  que  je 
viens  de  vous  signaler. 

Nous  avons  certains  substantifs  venus  du  grec  par 
le  latin  qui  ont  pris  la  finale  te  après  avoir  eu  d'abord 
la  Cnale  e;  tel  est,  par  exemple,  nécromancie,  prononcé 
nigromance  pendant  le  moyen-âge  : 

Si  disoient  par  nigromance 

De  tout  leur  bon,  de  leur  enfance. 

{ JRomancero,  p.  Sg.) 

Mais  c'est  là  une  exception  qui  ne  peut  être  invoquée, 
selon  moi,  pour  suhsMuer  orthographie  à  orthographe, 
vocable  employé  par  fout  le  monde  depuis  plus  de 
trois  cents  ans,  et,  comme  je  l'ai  fait  voir  plus  haut, 
aussi  légitimement  écrit  avec  sa  finale  e  qu'il  le  serait 
avec  la  finale  ie. 

X 
Cinquième  Question.  , 

Dans  les  phrases  oie  un  régime  direct  précède  vn 


participe  passé  suivi  de  la  préposition  a  et  d'un 
infinitif  actif  comme  dans  :  les  combats  qc'il  a  ec  a 

SOrTE.MR,    LES    LEÇONS    Qu'ON    LCl    AVAIT    DO^NE'    A   e'iUBIEB, 

faut-il  faire  varier  le  participe  ou  le  laisser  invariable? 

Au  xvn''  siècle,  comme  on  l'a  vu  dernièrement  dans 
la  biographie  de  Laurent  Chifflet  (n"  4),  tout  participe 
passé  précédé  d'un  régime  direct  et  suivi  d'un  infinitif 
était  invariable;  et  il  en  était  encore  de  même  au 
commencement  du  xviii^  siècle,  témoin  ce  qu'on  lit 
dans  la  grammaire  de  Régnier  Desmarars. 

Malheurt'usement,  celte  théorie  si  simple  se  modifia 
peu  à  peu,  et  voici  ce  qu'on  pratique  aujourd'hui  : 

Quand  un  participe  passé  est  suivi  d'un  infinitif,  ce 
participe  varie  généralement  si  l'infinitif  exprime  l'ac- 
tion faite  par  la  personne  ou  la  chose  que  représente 
le  pronom  régime  direct,  et  re^te  invariable,  s'il  en  est 
autrement;  ainsi,  par  exemple,  on  écrit  : 

Les  entants  que  j'ai  entendue  lire, 
parce  que  l'action  de  lire  est  faite  par  les  enfants,  mot 
représenté  par  le   régime  direct  qxœ,  placé  avant   le 
participe  ; 

Les  maisons  que  j'ai  vu  démolir, 

parce  que  l'action  de  démolir  n'est  pas  faite  par  les 
maisons,  représenté  par  que,  régime  direct  placé  avant 
le  participe. 

Cette  règle  n'est  pas  applicable  lorsque  l'infinitif  est 
précédé  de  à  pouvant  se  tourner  par  pour,  afin  de,  dans 
le  but  de,  ni  lorsqu'il  est  précédé  de  la  préposiion  de 
formant  avec  lui  le  déterminatifdu  substantif  auquel 
se  rapporte  le  régime  direct,  comme  dans  la  phrase 
suivante,  où  de  juger  est  le  complément  de  témérité  : 

On  s'est  élevé  contre  la  témérité  qu'on  a  eue  de  juger  de 
cette  cour  orientale. 

Dans  ces  deux  cas,  on  traite  le  participe  comme  s'il 
n'était  pas  suivi  d'un  infinitif. 

Cela  dit,  voyons  comment  il  faut  «crire  les  participes 
des  phrase^  que  vous  me  proposez. 

Les  combats  qu'il  a  eu  à  soutenir. —  Comme  à,  dans 
cette  phrase,  ne  tient  pas  lieu  de  pour,  afin  de,  dans  le 
but  de,  il  faut  se  demander  si  les  combats  (que^  soute- 
naient. La  réponse  est  négative  :  le  participe  doit  rester 
invariable. 

Les  leçons  qu'on  lui  avait  donné  à  étudier.  —  La 
préposition  «signifie  pour,  afin  que.  dans  le  but  de; 
il  faut  écrire  doniié  absolument  comme  on  le  ferait  si  à 
était  remplacé  par  un  de  ses  équivalents.  Or,  dans  la 
phrase  suivante  : 

Les  leçons  qu'on  lui  avait  donné  pour  qu'W  les  étudiât, 
donné  serait  mis  au  féminin  pluriel  :  il  le  faut  aussi, 
par  conséquent,    au    féminin  pluriel   dans  celle  où 
l'infinitif  est  précédé  de  la  préposition  à. 

Dans  la  2'  année  du  Courrier  de  Vaugclas,  p.  23,  j'ai 
traité,  avec  tous  les  développements  qu'elle  comporte, 
cette-  difficile  question  de  l'orthographe  du  participe 
passé  suivi  d'un  verbe  m  l'infinitif. 


52 


LE  COURRIER  DE  VAUGELÂS. 


X 
Sixième  Question. 
La  phrase  sauvante  de  Murger  :  «  Et  vous  habites  le 
QCiRTiEii  LATiJi?  —  Place  St-Sulpice.  »,  a  donné  lieu  en 
ma  présence  à  une  discussion.  L'tin  des  antagonistes 
prétendait  que  la  place  St-Sulpice  n'est  pas  dans  le 
quartier  latin;  l'autre,  arec  Murger,  prétendait,  au 
contraire,  quelle  ij  est.  Auriez-vous  l'obligeance  de 
décider,  dans  un  de  ros  proc/iai?i,s  numéros,  quia  raison 
dans  cette  question  intéressant  tous  les  Parisiens 
amateurs  d'un  langage  correct? 

Le  Quartier  latin  ou  Pays  latin,  comme  on  disait 
encore  (deux  appellations  qui  n'ont  jamais  eu  rien 
d'officiel),  n'était  autre  que  le  quartier  Si-Benoît, 
ainsi  que  le  prouvent  les  lignes  suivantes  de  la  descrip- 
tion de  ce  dernier  quartier  dans  Hurtaut  et  Magny 
[Dict.  hist.  de  Paris,  IV,  p.  i9o)  : 

Ce  Quartier,  qui  est  extrèmempnt  peuplé,  est  principale- 
ment celui  des  Relieurs,  Doreurs  de  livres,  Cartonniers, 
Fabricateurs  de  papiers  dorés,  marbrés  et  en  pièces  pour 
les  appartemens;  c'est  aussi  celui  des  Sciences,  des 
Collèges,  des  Pensions,  en  faveur  de  ceux  qui  suivent 
l'Université  ;  des  Parcheminiers,  des  Imprimeurs  en  lettres 
et  en  taille  douce,  des  Libraires,  des  Géographes,  des 
Graveurs,  des  Marchands  d'estampes.  Enlumineurs,  et 
enfin  des  Artistes  les  plus  habiles;  c'est  pourquoi  on  lui 
a  donné  le  nom  de  Pni/s  latin 

Or,  voici  ce  que  dit  Jaillot  (1782)  relativement  aux 
limites  du  quartier  St-Benolt  (le  1 7"  dans  son  ouvrage)  : 

Ce  Quartier  est  borné  à  l'orient  par  la  rue  du  Pavé  de  la 
Place  Maubert,  par  le  Marché  de  ladite  Place;  les  rues  de 
la  Montagne  Ste  Geneviève,  Bordet,  Moufetard  et  de 
Lourcine  exclusivement;  au  septentrion,  par  la  Rivière,  y 
compris  le  petit  Châtelet;  à  l'occident,  par  les  rues  du 
Petit-Pont  et  de  S.  Jacques  inclusivement;  et  au  midi,  par 
l'extrémité  du  fauxbourg  S.  Jacques  inclusivement,  jusqu'à 
la  rue  de  Lourcine. 

D'où,  naturellement,  cette  conclusion  que  la  place 
St-Sulpice,  située  bien  loin  à  l'occident  de  la  rue  du 
Petit-Pont  et  de  la  rue  St-Jacques,  n'est  pas  sur  le 
territoire  du  Quartier  latin  comme  l'a  dit  -Murger,  et 
comme,  peut-être,  plus  d'un  autre  le  pense. 


ETRANGER 


Première  Question. 
Je  trouve  dans  le  dictionnaire  anglais  de  Stone 
(^842)  que  l'expression  la  manquer  belle  est  traduite 
par  TO  luvE  A  NARROw  EscAPE,  cfi  qui  signifie  justement 
l'écuaci'Eii  belle.  Est-ce  que  la  manquer  belle  et 
L'ÉcnAPPEtt  BELLE  sont  des  phrases  synonymes  en  fran- 
çais? 

Synonymes,  nullement. 

On  emploie  l'échapper  belle  lorsqu'on  veut  dire  de 
quelqu'un  (|u'il  a  heureusement  évité  un  péril  dont  il 
était  menacé,  que  peu  s'en  est  fallu  (pi'il  n'ait  été 
pendu,  no}é,  fait  prisonnier,  etc.  : 

iNous  Favons  en  dormant,  madame,  tcliappi'  belle. 

(Molière,  Fcm.  sav-,  IV,  3.) 


Je  viens  de  l'échapper  bien  belle,  je  vous  jure. 

(Idem,  Ec.  des/em..  IV,  6.)  . 

Quant  à  la  manquer  belle,  on  s'en  sert  pour  dire 
qu'on  a  laissé  passer  une  occasion  favorable  sans  la 
mettre  à  profit,  qu'on  n'a  pas  réussi  lorsque  les  circons- 
tances étaient  les  plus  propices  : 

Le  galant  indigné  de  lu  manquer  si  belle. 

(La  Fontaine,  Fiancée.) 

Je  sais  que  les  dictionnaires  sont  loin  d'être  d'accord 
à  ce  sujet;  ainsi,  sans  compter  celui  de  Stone,  que  vous 
me  nommez,  je  puis  vous  citer  cortme  donnant  à  la 
manquer  belle  le  sens  d'échapper  à  un  grand  danger  : 
Gattel,  l'Académie  de  4  835,  Landais,  Boiste,  Besche- 
relle,  Poitevin,  qui  le  regardent  comme  synonyme  de 
l'échapper  belle;  Furetière  et  Trévoux,  qui  admettent 
de  plus  que  cette  expression  a  un  double  sens. 

Alais  lorsque  je  considère  : 

1°  Que  la  première  édition  de  l'Académie  (4G94) 
donne  à  la  manquer  belle  le  sens  de  ne  pas  réussir,  en 
faisant  de  celte  expression  un  terme  de  jeu  : 

«  Manquer  est  quelquefois,  actif...  J'oy  manqué  une  belle 
occasion,  pour  dire,  je  l'ay  perdue.  J'ay  manqué  mon 
coup,  c'est-à-dire  je  n'ay  pas  réussi  dans  mon  dessein.  Je 
l'ay  manque  belle,  j'ay  mal  joiié,  j'ay  manqué  la  partie  »  ; 

2°  Que  M.  Litlré  ne  fournit  aucun  exemple  de  la 
manquer  belle,  dans  le  sens  d'éviter  heureusement  un 
péril  menaçant,  ce  qui  peut  faire  douter  fortement  que 
cette  expression  soit  française  dans  ce  sens  ; 

3°  Que  si  Furetière  et  Trévoux  donnent  à  là  même 
expression  deux  significations  différentes,  on  peut 
croire,  attendu  qu'ils  ne  les  accompagnent  pas  d'exem- 
ples, que  c'est  le  résultat  du  peu  d'attention  avec  laquelle 
cette  question  a  été  examinée  de  leur  temps; 

4°  Enfin,  qu'il  est  nécessaire  que  nous  ayons  deux 
expressions  différentes  pour  signifier  deux  idées  qui  le 
sont  entièrement,  lune,  la  satisfaction  d'avoir  heureu- 
sement échappé  à  un  danger  qui  nous  menaçait; 
l'autre,  le  regret  de  n'avoir  pas  su  ou  pu  profiter  de 
l'occasion  qui  se  présentait  d'obtenir  ce  que  nous 
désirions; 

Je  me  trouve  parfaitement  en  droit  d'en  conclure  que 
l'échapper  belle  et  la  manquer  belle  sont  deux  locutions 
qui  ne  peuvent  s'employer  comme  équivalentes. 

X 
Seconde   Question. 
Je  vous  prierais  de  vouloir  bien  ^n'expliquer  comment 
l'expression  monter  une  scie  a  quelqu'un  peut  .signifier 
lui  faire  une  mystification,  car  je  ne  trouve  cette  expli- 
cation dans  aucun  des  dictionnaires  que  je  possède. 

Dans  les  ateliers  de  peinture,  on  appelle  scie,  par 
allusion  probablement  à  l'effet  queproduit  l'instrument 
du  tnême  nom  sur  le  tympan,  un  mot,  une  phrase  ou 
une  chanson  qu'on  répète  à  satiété  à  la  personne  qu'on 
a  choisie  pour  victime  : 

Les  romantiques  do  la  Childebert  commencôrent  cette 
scie  par  vengeance. 

(Privât  d'Anglcmont.  Paris  anecdote,  p.  |85.) 

Ov,   comme  on  dit,  au  propre,  monter  une  scie  à 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


53 


quelquun  pour  signifier  assujétir  pour  lui  une  lame  de 
scie  sur  un  châssis  de  bois,  on  s'est  naturellement 
servi  de  la  même  expression,  au  figuré,  pour  signifier 
organiser  contre  quelqu'un  l'espèce  de  vexation  connue 
parmi  les  peintres  sous  le  nom  de  scie. 

X 

Troisième  Question 

Peut-on  dire  :  «  Cela  se  fit  .irsQCE  et  t  compris  le 
x\i^  siècle  «?  Il  me  semble  qu'il  y  a  là  taie  faute; 
qu'en  pensez-vous  ? 

Effectivement,  cette  phrase  est  fautive,  et  je  vais  vous 
expliquer  pourquoi. 

Il  est  de  règle  que,  pour  faire  ellipse  de  termes  ser- 
vant de  régime  commun  à  des  substantifs,  à  des  adjec- 
tifs, à  des  verbes  ou  à  des  adverbes,  il  faut  que  ces 
termes  soient  précédés  de  la  même  préposition  ;  ainsi 
on  ne  peut  pas  dire  : 

Cet  homme  aime  et  est  utile  «  son  pays, 
parce  que,  après  aitne,  il  y  a  de  sous-entendu  seulement 
son  pays,  tandis  que  ces  mots  sont  précédés  de  à  après 
utile. 

Mais  on  dit  très-correctement  : 

Cet  homme  est  cher  et  utile  à  sa  famille, 

parce  que  l'adjectif  cher  veut  après  lui  à  sa  famille 
comme  l'adjectif  utile. 

Or,  si  l'on  rétablit  les  mots  supprimés  dans  la  phrase 
que  vous  me  proposez,  il  vient  ceci  : 

Cela  se  fitjiisque[à  le  xvi°  siècle]  et  y  compris  le  xw 
siècle. 

Celte  phrase  offre  donc  une  ellipse  qui  n'est  pas 
recevable,  puisque  les  mots  supprimés  forment  un 
régime  avec  la  préposition  «,  lorsque  la  même  prépo- 
sition ne  se  trouve  pas  après  y  compris. 

Pour  construire  régulièrement  la  phrase  en  question 
sans  répéter  xvi'  siècle,  on- doit  avoir  recours  à  l'ad- 
verbe inclusivement,  et  dire  : 

Cela  se  fit  jusqu'au  xvr  siècle  inclusivement. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1»...  a  suscité  des  querelles  avec  les  propriétaires  des  ter- 
rains, et  en  a  profité  ;  —  2». . .  fait  observer  que  les  épisodes; 
—  30  Bien  qu'ils  crient  plus  fort  que  moi;  —  i"...  faites-/e- 
nous  entendre;  —  5»..  .  une  dépulation  rouge  foncé  (d'un  rouge 
foncé);  —  6"...  sans  avoir  réfléchi  d'autre  ciel  (le  verbe  mirer 
ne  se  dit  jamais  de  l'objet  qui  ré(léchit);  —  '!<'...  ce  projet  est 
quelque  chose  de  plus,  de  pis,  si  vous  voulez;  —  8°.  . .  pour  les 
citoyens  peu  riches  (fortuné  pour  riche  ne  se  dit  plus);  —  9». . . 
tout  sceptique  et  tout  blasé  qu'il  était; — 10»...  non-seulement 
à  conserver...  mais  encore  à  la  faire  ;  —  11°.. .  ne  nous  prenons 
qu'à  nous-mêmes  de  ce  qui  nous  a  accablés  (pas  Je  en)  ;  —  12°... 
boulevard  de  Magenta  (dans  ce  cas,  on  ne  peut  supprimer  la 
préposition  de  que  lorsqu'elle  est  suivie  d'un  nom  de  personne  : 
boulevard  Richard-Lenoir). 


Phrases  à,  corriger 

trouvéps  dans  la  presse  périodique  el  autres  publications 
contemporaines. 

1"  Les  martyrs  victorieux  dans  leur  conscience  sont 
vaincus  et  asservis  dans  leur  personne.  On  les  sépare 
violemment  de  ceux  qui  leur  sont  le  plus  cher. 

î-  J'aurais  dû  m'en  aller  à  ce  moment-là  :  je  ne  me  suis 
pas  en  allé;  j'ai  continué,  ou,  du  moins,  j'ai  cherché  à 
continuer  mes  visites. 

3°  Le  ministre  d'Italie  a  exprimé,  à  cette  occasion,  le 
désir  du  gouvernement  italien  que  les  négociations  pour 
la  conclusion  d'un  nouveau  traité  soient  bientôt  entamées. 

4°  Dans  le  midi  de  la  France,  où  la  température  atteint 
souvent  une  élévation  insensée,  les  propriétaires  voisins 
s'entendent  pour  organiser  un  système  de  tentes  qui, 
passant  dune  maison  à  l'autre,  etc. 

D°  Nous  irons  diner  à  douze  sous  dans  notre  ancien  res- 
taurant de  la  rue  du  Four,  là  où  il  y  a  des  assiettes  en 
faïence  de  village,  et  où  nous  avions  si  faim  quand  nous 
avions  fini  de  manger. 

6°  On  peut  .constituer  tellement  quellement  à  seule  fin 
de  rendre  le  plus  promptement  possible  la  parole  aux 
électeurs,  ou  refuser  de  constituer  et  fatiguer  le  pays  par 
les  agitations  d'un  long-parlement. 

7°  On  peut  affirmer  que  les  1,520  hommes  qui  mirent  en 
déroute  12,000  Prussiens  devant  Longwy,  en  batteraient 
de  nos  jours  30,000. 

8°  On  croyait  qu'ils  auraient  duré  des  siècles,  j'aurais 
voulu  qu'ils  les  eussent  dures. 

9°  Comme  je  vous  vois  en  train  de  faire  des  folies,  je 
préfère  vous  guider  que  de  vous  abandonner  aux  conseils 
et  aux  entraînements  d'un  cœur  trop  épris. 

10°  Oui,  flattez-moi  maintenant,  après  nous  avoir  aban- 
donnés pendant  un  grand  mois.  Prenez  garde  que  je  me 
venge  en  vous  desservant. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 

FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XV1I=  SIÈCLE. 

Laurent  CHIFFLET. 

[Suite.) 

L'adjectif  tout  se  construit  absolument  comme  les 
prépositions  ;  on  dit  :  ('/  a  employé  toutes  .ses  ruses  et 
finesses,  et  //  a  employé  toutes  ses  ruses  et  toutes  ses 
violences. 

Quand  un  sujet  est  composé  de  deux  substantifs 
synonymes  unis  par  et,  on  met  le  verbe  au  singulier  : 
sa  clémence  et  sa  douceur  estait  incomparable  ;  mais 
s'ils  sont  différents,  il  faut  le  verbe  au  pluriel.-  la  haine 
et  l'amour  l'ont  perdu. 

Après  la  conjonction  ou  signifiant  c'est-à-dire,  il  ne 
faut  pas  répéter  l'article  :  la  théologie  ou  science  des 
choses  divines;  car  si  on  le  répétait,  celui  qui  nous 
écoute  pourrait  croire  que  nous  parlons  de  deux 
choses. 

L'adverbe  si  veut  toujours  être  répété  devant  les 
adjectifs  et  les  adverbes. 

Après  ces  mots  je  ne  nie  pas  que,  il  vaut  mieux  répé- 
-ter  la  négation  ne  que  de  la  supprimer,  et  dire  en 
conséquence  :  je  ne  nie  pas  que  Je  ne  l'aye  fait. 


.E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Après  la  négation  ne  et  le  verbe  qu'elle  accompagne, 
on  peut  mettre  ou  omettre  le  premier  ny  devant  les 
infinitifs  :  je  ne  puix  manger  ny  boire,  ou  je  ne  puis  ny 
manger  ny  boire;  mais  avant  les  adjectifs,  il  faut  tou- 
jours le  répéter  :  je  ne  suis  ny  fasclieux  ny  importun. 

Le  verbe  faire  s'emploie  souvent  en  français  pour 
un  verbe  actif-:  je  n'escris  pas  tant  de  lettres  que  je 
faisais  autrefois. 

COSSTKCCTIOX'S  PABTICCLlÈKES. 

Ces  deux  mois  féminins  quelque  chose  représentent 
souvent  le  pronom  neutre  des  Latins  aliqvid,  et  veulent 
en  conséquence  l'adjectif  qui  s'y  rapporte  au  masculin  : 
il  y  a  en.  ce  livre  quelque  chose  qui  n'est  pas  approuvé 
(I6d<J). 

Après  une  partie  de  quelque  chose,  l'adjectif  s'accorde 
non  avec  parlie,  mais  avec  le  substantif  qui  suit  :  j'ay 
trouvé  Jine  partie  de  pain  mangé,  une  partie  du  bras 
onporté;  mais  il  faut  dire  :  il  a  eu  une  partie  de  la  cuisse 
emportée  d'un  coup  de  canon.  Tel  est  l'usage. 

Voici  encore  des  «  syntaxes  »  remarquables  :  le  peu 
d'affection  qu'il  m'a  témoigné  vaut  mieux  que  temoi- 
i/née.  De  même  il  faut  dire  :  f  ay  plus  perdu  de  pistoles 
que  vous  n'en  ave:-  gagné,  et  non  gagnées,  parce  que 
gagné  se  rapporte  à  plus  et  non  à  pistoles.  Après  six 
mois  écoulé  est  plus  élégant  que  écoulez-,  quoique  celui- 
ci  soit  plus  grammatical.  Be  la  façon  que  j'ay  dit,  et 
non  pas  dite,  parce  que  ces  mots  signifient  comme. 

PEnFECTI0:SS    DU  STYLE    ET    SES    DIFFÉRENCES. 

Les  «  sliles  »  sont  aussi  différents  que  les  visages  et 
les  voix  des  hommes,  chacun  voulant  énoncer  ses  sen- 
timents intérieurs  selon  son  inclination  et  selon  son 
esprit. 

Chiftlet  compte  au  nombre  des  perfections  du  style  : 

i"  La  congruité,  que  d'autres  appellent  pureté.  Elle 
consiste  à  parler  et  à  écrire  correctement,  sans  faire  de 
solecismes  ou  de  barbarismes. 

Le  nolecisme  est  une  grosse  faute  contre  les  règles  de 
Ja  syntaxe,  comme  si  vous  disiez  inon  teste,  un  beau 
maison.  Faire  un  barbarisme,  c'est  se  servir  d'un  mot 
qui  n'est  pas  propre  à  la  langue,  comme  ils  disiont,  ils 
faisiont  pour  /7s  disoient,  ils  faisaient;  ou  employer  des 
mots  qui  ne  sont  plus  en  usage,  comme  ains,  jadis, 
iceluy,  etc.  (1659). 

2"  La  ne«Ê/e,  qui  consiste  dans  la  bonne  situat^n 
des  mots  pour  exprimer  clairement  ce  qu'on  veut  dire, 
cvilanl  tout  ce  qui  aiiproche  de  l'équivoque  ou  de  l'obs- 
curité. 

3°  La  propriété,  dans  l'emploi  des  mots  et  des 
phrases  propres  au  sujet  que  l'on  traite. 

4°  La  douceur,  à  éviter  les  rencontres  scabreuses  du 
choc  trop  fréquent  des  consonnes  ou  de  1'  «  entrebâil- 
lement "  des  voyelles. 

5°  La  variété,  à  «  refuir  »  les  rimes  et  les  cadences 
trop  rcconnaissables  ;  à  ne  pas  employer  plusieurs  fois 
quelque  mot  ilUistre,  sinon  «  de  loing  à  loing  »;  à 
diversifier  les  phrases  cl  les  figures. 

Relativement  à  celte  qualité  du  style,  notre  langue  a 
un  grand  avantage  sur  touLcs  les  autres,  à  cause^de  la 


grande  diversité  des  terminaisons  qui  se  trouvent  dans 
les  noms,  dans  les  verbes  et  dans  les  conjonctions. 

6°  L'elegance,  à  faire  chois  des  plus  belles  façons 
d'expliquer  ce  que  l'on  veut  du'e,  évitant  toutes  celles 
qui  sont  vulgaires  ou  triviales. 

7°  La  gravité,  à  entremêler  des  sentences  graves  et 
morales. 

8°  La  subtilité,  à  user  des  figures  qui  font  paraître  la 
vivacité  de  l'esprit  de  celui  qui  écrit  ou  qui  parle. 

9°  La  majesté,  dans  la  juste  grandeur  des  périodes, 
et  dans  le  choix  des  paroles  pompeuses  et  emphatiques, 
quand  il  est  à  propos  de  s'en  servir. 

10"  Lr  force,  dans  1'»  efficace  »  et  la  vigueur  d'un 
puissant  raisonnement  qui  convainque  l'esprit  et  per- 
suade puissamment. 

M"  La  naifveté,  à  fuir  toute  affectation,  et  à  «  décla- 
rer »  sa  pensée  si  simplement  qu'il  semble  qu'on 
la  voie  à  l'œil  ;  de  plus,  à  présenter  des  descriptions  si 
naturelles  qu'elles  soient  comme  une  peinture  vivante 
de  ce  que  l'on  décrit. 

12»  Enfin  Veloquence,  qui  contient  et  «  enferme  » 
toutes  les  perfections  du  style  qui  viennent  d'être  énu- 
mérées,  et  y  ajoute  encore  le  discernement  nécessaire 
pour  l'accommoder  au  sujet  du  discours,  employant 
tantôt  le  style  simple,  tantôt  le  médiocre,  tantôt  le 
sublime. 

Pour  que  le  lecteur  ait  bonne  provision  des  particules 
de  transition,  qui  sont  si  nécessaires  en  toutes  sortes 
de  styles,  Chiffiet  en  -présente  un  recueil;  puis,  après 
avoir  expliqué  comment  se  doit  enseigner  la  langue 
française  et  avoir  ajouté  un  chapitre  spécial  pour  les 
Flamands,  il  arrive  à  la  seconde  partie  de  son  ouvrage, 
coriiposée  de  trois  traités  que  je  vais  examiner  succes- 
sivement. 

DE    LA    PRONOJÎCUTIOÎV. 

Tous  les  grammairiens  français  que  Chiffiet  a  pu 
lire  s'acquittent  fort  «  légèrement  »  de  cette  partie;  ils 
omettent  beaucoup  de  points  très-importants,  et  quel- 
ques-uns suivent  plutôt  leur  caprice  que  le  bon  usage. 
Il  va  lâcher  de  remédier  à  leur  insuffisance. 

VOVELLES    ET    iCCEiNTS. 

Tous  les  pluriels  des  noms  ont  la  dernière  syllabe 
longue;  ainsi  eu  est  bref  dans  feu,  mais  long  dans 
feux.  Il  n'y  a  d'exception  que  pour  ceux  qui  se  ter- 
minent par  un  e  muet. 

Les  voyelles  longues  sont  quelquefois  marquées  d'un 
accent  aigu,  comme  dans  aimée,  renommée. 

L'accent  grave  ne  s'écrit  que  sur  trois  mots  :  sur  où, 
adverbe,  qui  signifie  en  quel  lieu;  sur  là  adverbe,  et 
sur  à  quand  il  est  «  article  »  ou  préposition.  C'est  un 
moyen  de  dislinguer  ces  mots  de  leurs  homophones. 

L'accent  circonficxe  se  met  sur  les  syllabes  longues 
dont, on  a  retranché  Vs,  comme  dans  pâle. 

A. 

Arres   et   catharrc  se   prononcent  erre,  caterre. 
Le  peuple  dit  serge;  mais  la  Cour  dit  sarge. 

[La  suite  auprochain  numéro.) 
Le  Rl;l)ACTEUn-G^:llA^T  :  Ema.-s  .'iARTlN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


55 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Nelly;  par  Amédée  Achard.  iNouvelle  édition.  In-18 
Jésus,  252  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

Etudes  morales  sur  le  temps  présent;  par  E.  Caro, 
de  l'Académie  française.  3"  édition,  ln-18  jësus,  Z(05  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Les  Contes  d'un  inconnu  ;  par  Charles  Dickens.  Tra- 
duits par  Amédée  Pichet.  Nouvelle  édition.  In-18  Jésus, 
279  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  1  fr.  25. 

Les  Oiseaux;  par  Louis  Tiguier.  Ouvrage  illustré  de 
312  vignettes  dessinées  par  A.  Mesnel,  Bévallet,  etc. 
3«  édition.  Grand  in-8",  53i  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
(0  fr. 

Plus  ça  change...;  par  Alphonse  Karr.  In-lS  Jésus, 
30Zi  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

Souvenirs  d'histoire  et  de  littérature  ;  par  M.  Pou- 
joulat.  Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée.  ln-8°  368  p. 
et  portr.  Paris,  lib.  Lefort. 

Les  Mystères  de  Paris  ;  par  Eugène  Sue.  Nouvelle 
édition,  illustrée  et  conforme  h  l'édition,  in-8'',  corrigée 
par  l'auteur  en  1851.  T.  l.  In-l!»  Jésus,  30i  p.  Paris,  lib. 
Degorce-Cadot.  2  fr. 

La  Chambre  du  crime;  par  Eugène  Chavette.  2"  édi- 
tion. In-18  Jésus,  376  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

A  travers  Londres  et  l'Angleterre  ;  Esquisses  de 
mœurs  britanniques;  par  A.  de  Fontréal.  ln-18  Jésus, 
329  p.  Paris,  lib.  Lachaud.  3  fr. 

Etude  sur  l'idée  de  Dieu  dans  le  spiritualisme 
moderne;  par  P. -M.  Béraud.  ln-18  Jésus,  vu-Zil7  p. 
Paris,  lib.  fieinwald  et  Cie.  h  fr. 


La  Vie  moderne  au  théâtre,  causeries  sur  l'art 
dramatique;  par  Jules  Claretie.  2'-  série,  ln-18  jésus, 
Yii-3tl8  p.  Paris,  lib.  Barba.  3  fr. 

La  Dame  aux  camélias;  par  A.  Dumas,  de  l'Acadé- 
mie française.  Précédée  d'une  préface  de  M.  Jules  Janin, 
illustrations  de  MM.  Gavarni  et  A.  de  Neuville.  Grand 
in-S",  25A  p.  Paris,  lib.  illustrée  ;  tous  les  libraires. 

Les  Mille  et  une  nuits  parisiennes;  par  Arsène 
Houssaye.  H.  Les  Confessions  de  Caroline.  III.  La  Prin- 
cesse au  grain  de  beauté.  Nouvelle  édition,  ln-8",  774  p. 
Paris,  lib.  Denlu.  Chaque  vol.  5  fr. 

Dictionnaire  historique  de  l'ancien  langage  fran- 
pois  ou  Glossaire  de  la  langue  française  depuis  sors 
origine  jusqu'au  siècle  de  Louis  XIV;  par  La  Curne 
de  Sainte-Palaye,  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions 
et  de  l'Académie  française.  Publié  par  les  soins  de 
L.  Favre,  auteur  du  Glossaire  du  Poitou,  de  la  Saintonge 
et  de  r.Aunis,  etc.,  etc.  2=  à  7"  fascicules.  In-Zi"  à  2  col., 
Zi9-336  p.  Paris,  librairie  Champion. 

Algérie.  Types  et  croquis;  par  Andrieu,  ancien  offi- 
cier de  chasseurs  d'Afrique.  1"=  série,  in-8",  168  p.  Riom, 
imp.  Jouvenet.  2  fr. 

Poésies  de  François  Coppée,  1869-187/i.  Les  Humbles. 
Ecrit  pendant  le  siège.  Plus  de  sang.  Promenades  et  inté- 
rieurs. Le  Cahier  rouge.  Petit  in- 12,  2/i0  p.  Paris,  lib. 
Lemerre.  5  fr. 

Lettres  à.  une  autre  inconnue;  par  Prosper  Mérimée, 
de  l'Académie  française.  Avant-propos  par  H.  Blaze  de 
Bury.  ln-18  jésus,  Lxxn-237  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy. 
3  fr.  50. 


Publications  antérieures  ; 


LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE  depuis  l.\  roRji.iTiON  de 
L.\  LANG-uE  jusqu'à  NOS  JOURS.  —  Lecturcs  choisies.  —  Par 
Je  lieutenant-colonel  STAAFF,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  de  ITnstruction  publique  en  France.  —  Ou\rage 
désigné  comme  prix  aux  concours  généraux  de  18<38  à 
1872;  adopté  et  recommandé  par  la  commission  des 
Bibliothèques  de  quartier,  etc.,  etc.  —  Quatrième  édition. 
—  Six  volumes  du  prix  de  4  à  5  francs  chacun.  —  Paris, 
à  la  librairie  académique  Didier  et  Cie,  35,  quai  des 
Grands-Augustins,  et  à  la  librairie  classique  de  Ch.  Delà- 
grave  et  Cie,  58,  rue  des  Ecoles. 


POÉSIES  DE  THÉODORE  DE  BANVILLE,  les  eXilks  ; 
LES  PRINCESSES. —  Parls,  .1 /yj/ion.se  Z,cwe?Te,  édltcur,  27-29, 
passage  Choiseul.  —  Prix  :  6  fr. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Martin;  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaiif/elas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


RÉCITS  D'UN  AUTRE  MONDE.  —  Par  Jules  le  Baude, 
membre  de  la  Société  des  études  historiques,  de  la 
Société  hâvraise  d'études  diverses,  de  la  Société  des  Gens 
de  lettres.  —  Le  Havre,  imprimerie  Eugène  Costeij,  6, 
rue  de  l'Hôpital. 


DICTIONNAIRE  DE  LA  LANGUE  FRANÇAISE,  .adrégé  du 
DICTIONNAIRE  d'e.  LiTTRÉ,  de  l'Acadéniié*  française,  con- 
tenant tous  les  mots  qui  se  trouvent  dans  le  Dictionnaire 
de  l'Académie  française,  plus  un  grand  nombre  de 
néologismes  et  de  termes  de  science  et  d'art,  avec  l'indi- 
cation de  la  prononciation,  de  l'étymologie,  et  l'expli- 
cation des  locutions  proverbiales.  —  Par  A.  Beaujeu, 
professeur  au  lycée  Louis-leGrand.  —  In-8°  à  2  col.  — 
iv-1298  p.  —  Paris,  librairie  HachcUe  et  Cie. 


COURS  DE  LITTÉR.ATURE  SPÉCIAL,  préparatoire  au 
BREVET  SUPÉRIEUR,  renfermant  les  théories  de  la  littérature 
avec  des  exemples  choisis  dans  les  œuvres  des  classiques 
anciens  et  modernes.  —  Ouvrage  adopté  à  la  maison 
d'éducation  de  la  Légion  d'honneur  de  Saint-Denis.  — 
Par  Mlle  Tu.  Bbismontier,  Ancienne  élève  de  la  Maison 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


de  Saint-Denis,  Professeur  spécial  pour  la  préparation 
aux  examens,  Répétiteur  des  premières  classes  de  latin 
et  de  grec.  —  Paris,  chez  l'auteur,  1,  place  Wagram. 


HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE  CONTEMPORAINE  EN 
RUSSIE.—  Par  C.  Courrière.—  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Pri.x  ;  3  fr.  50. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  W  et  la  5«  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—   Prix  :  6  fr.    chaque  année.  —  Envoi   franco  pour  la 


France.  —  La  !■•«,  la  2'  el  la  3=  année  doivent  élre  pro- 
chainement réimprimées. 


LA  CHUTE  D'UN  ANGE,  épisode. —Par  A.  de  Lamartine. 
—  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Hachette  et  Cie,  Pagnerre, 
Fume  et  Cie,  éditeurs. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  el  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo-française,  il  parait  tous  les  mois  à  Brighton  un  recueil  littéraire,  philosophique  et 
politique  dont  le  directeur,  le  Révérend  César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  l'ÀNOLETERnE  ou  le  Continent, 
(les  places  de  professeur  et  d'institutrice  à  ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires. 
—  L'abonnement,  qui  est  de  10  fr.  pour  la  France,  peut  se  prendre  à  Paris,  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires, 
33^  rue  de  Seine,  ou  à  Brighton,  chez  M.  Duval.  92.  Eistern  Road  (^Affranchir). 


ON   DExMANDE   POUR   UNE   INSTITUTION  EN  VALACHIE 

Un  Fran!;ais  pouvant  donner  des  leçons  de  Grammaire,  de  Rhétorique,  de  Littérature  et  de  Sciences  physiques  et 
naturelles,  à  partir  du  1"  septembre  prochain.  —  Pour  les  renseignements  s'adresser  à  M.  H.  Maréchal,  79,  boule- 
vard St-Germain,  à  Paris. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Société  D'.icnicuLTURE,  scie.nxes  et  arts  de  toligny  (Jura)  —  Programme  du  Concours  de  1875.  —  Prose  :  Le  sujet 
choisi  doit  se  rattacher  par  quelque  point  à  l'histoire  littéraire  ou  politique,  à  l'archéologie  ou  à  la  géographie  du 
Jura,  ou  tout  au  moins  k  la  Franche-Comté.  —  Poésie  :  Les  sujets  sont  laissés  aux  soins  des  concurrents  (150  vers 
environ);  on  tiendra  compte  cependant,  dans  le  classement,  des  sujets  qui  intéresseront  l'histoire  locale.  —  Pour 
être  admis  au  Concours,  il  faut  en  faire  la  demande  avant  le  15  octobre  1875,  et  envoyer  pour  la  même  époque  les 
mémoires  et  travaux  qui  devront  être  inédits.  —  Les  demandes  d'admission  doivent  contenir  la  déclaration,  faite 
par  les  concurrents,  que  leurs  travaux  n'ont  pas  été  et  ne  sont  pas  en  même  temps  présentés  à  d'autres  sociétés 
savantes.  Cette  condition  est  de  rigueur.  —  S'adresser  à  M.  Richard,  professeur  au  collège  de  Poligny,  secrétaire- 
général  de  la  Société. 

La  Société  d'encouragement  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  liecherche)-  el  développer 
les  moyens  les  plus  prompts-  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  le  bien-ctre  de  tous.  — Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  Secrétaire-général,  2,  rue  brochant-Batignolles,  avant  le 
31  décembre  1875. 


La  Société  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tarn-et-Garonne  publie  le  programme  des  concours  de  1876- 
1877.  "Voici  celui  de  littérature  et  de  poésie.  La  Société  propose  pour  cette  année  1876  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  200  fr.  à  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.);  une  médaille  d'argent  de  la  valeur 
de  100  fr.  k  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la  valeur  de  50  fr. 
au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées  au  Secrétaire 
de  la  Société,  a  Montauban. 

Académie  des  lettres  de  Rouen.  —  Prix  k  décerner  en  1877  pour  un  conte  en  vers  de  100  vers  au  moins.  — 
S'adresser  au  Secrétaire-perpétuel,  M.  Julien  Loth. 


La  Société  dunkerquoise  reçoit  les  manuscrits  pour  le  Concours  de  1875,  jusqu'au  1"  octobre;  —  Les  Sociétés 
académiques  de  Troyes,  de  Lille  et  l'Académie  de  la  Rochelle,  jusqu'au  15  octobre;  —  La  Société  littéraire  d'Apt, 
l'.'Vcadémie  de  Bordeaux  et  la  Société  académique  de  Boulogne-sur-Mer,  jusqu'au  1"  novembre. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vauç/elas  est  \isibie  k  foii  bureau  de  midi  à  tuix  heure  et  demie. 
Imprimerie  (JUilVKHNKIIll,  G.  UAUHELEV,  à  INogcnt-le-Hotnni. 


6"  Année 


N»  8. 


15  Août  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^ 


^\V  Journal  Semi-Mensuel  /v/ 


CONSACRÉ    A    LA     PROPAGATION      UNIVERSELLE     DE     LA    LANGUE     FRANÇAISE 
Paraissant    le    1"   et    le    15    de   chaque   mois 

{Dans  sa  séance  du  \1  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celle  publication.) 


'49 


PRIX  : 
Abonnement  pour  la  Franco.     6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 
Annonces,  la  ligne.  50  c. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEOR   SPÉCIAL  POXJR  LES   ETRANGERS 

OffK  ier  (l'Afd.lémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à.  Paris. 


ABONNEMENTS: 
6n  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  (luclconque. 


SOMMAIRE. 
Communications  sur  le  sens  de  Bosse  el  sur  l'origine  de  Mercu- 
riale; —  D'où  vient  Porter  des  cornes  :  —  Elymologie  de  De- 
rechef;— S'il  faut  le  masculin  ouïe  féminin  dans  une  annota- 
tion sur  une  lettre  11  Explication  dé  N'y  pas  aller  par  quatre 
chemins;  —  Origine  et  emploi  de  :  Avocat,  passons  au  déluge; 
—  Explication  des  deux  significations  de  Croquiynole  ;  — 
Pourquoi  Faisanderie  et  non  Faisunnerie  \\  Passe-temps 
grammatical  J  Suite  de  la  biographie  de  Laurent  Chiffïel 
Il  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature  ||  Renseignements 
pour  les  professeurs  français  i|  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 


I. 


Dans  une  lettre  en  date  du  (tî  juin  ^875,  qu'a  bien 
voulu  m'écrire  M.  Malgrange,  se  trouve  l'observation 
suivante  : 

Vous  dites  (N°  3,  t"  mai  1874,  p.  20)  :  «  Bosse  ayant  aussi 
le  sens  A'cnfonçure.  » 

Je  ne  trouve  nulle  part  cette  acception.  Littré,  dans  sa 
partie  historique,  ne  cite  que  des  pbrasps  oii  ce  vocable 
est  employa,  toujours  dans  le  sens  de  tumeur.  De  même 
Larousse,  qui  lui  "donne  pour  antonyme  :  cavité,'creux 
en/onceme«? ;  Boissière  {Dictionnaire  annlijlique),  Boiste,  etc. 

Je  lis,  quand  je  peux,  nos  vieux  poètes  du  xui'etdu  xiv° 
siècle;  fy  ai  fait  attention,  et  je  n'ai  pas  vu  encore 
d'exemple  de  cette  signification. 

Quand  un  vase  de  métal  a  été  délérioré,  soit  par 
une  chu'e,  soiL  jjar  nu  choc,  on  dit  qu'il  a  des  ôo.mc.s, 
appelant  ainsi  les  saillies  produites  à  sa  surface  par  les 
concavités  plus  ou  moins  nombreuses  qui  j'  ont,  été 
faites.  D'où  il  suit  que  le  mol  bo.ise,  appliqué  à  un  vase 
métallique,  a  pour  ainsi  dire  le  sens  A'enfoncure. 

Dans  la  seconde  raison  que  j'ai  donnée  pour  faire 
rejeter  bossuer  une  tliéirre,  et  lui  faire  préférer  bosseler, 
j'ai  laissé  imprimer  : 

0  Bosse  ayant  aussi  le  sens  de  enfonçure,  bosseler  signifie 
naturellement  faire  des  enfoncements...  » 

Or,   il  est   évident  qu'il  y    avait    là  une  assertion 


erronée,  et  que,  le  mot  fto.s.fe  n'ayant  jamais  eu  le  sens 
de  convexité,  j'aurais  dtî  dire    : 

»  Bosse  ayant  en  quelque  sorte  ici  le  sens  de  enfonçure, 
le  verbe  bosseler  me  semble  convenir  pour  signifier  une 
action  qui  produit  des  enfoncements...  » 

Mes  remerciements  à  M.  Malgrange,  qui,  au  milieu 
de  ses  graves  fonctions,  trouve  encore  le  temps  de  lire 
assez  attentivement  le  Courrier  de  Vavgelas  pour  m'en 
signaler  les  erreurs. 

II. 

Le  7  juillet  dernier,  j'ai  reçu  d'un  nouvel  abonné  de 
Rouen  deux  communications;  l'une  relative  à  l'étvmo- 
logie  de  mercuriale,  l'autre,  à  la  question  de  l'aspira- 
tion dans  le  mot  ouate. 

J'insérerai  aujourd'hui  la  première,  qui  donne  la 
date  précise  où  parut  le  mot  mercuriale. 

L'explication  de  ce  mot,  donnée  dans  le  numéro  du  1°' 
juin  1875,  p.  20,  est  fort  juste,  et,  si  vous  le  trouviez  bon, 
Monsieur,  vous  pourriez  y  joindre  les  renseignements 
suivants,  qui  servent  à  constater  l'existence  de  celte 
coutume  judiciaire,  dès  la  fin  du  xv  siècle,  et  â  montrer, 
pour  ainsi  dire,  la  naissance  du  mot  lui-même. 

Je  les  puise  dans  le  Code  du  Roy  Henri  III.  A  Lyon,  par 
Jean  Pillehotte  m.  d.  xcix,  1  vol.  in-4%  pp.  60-62. 

Le  livre  second  traite  Des  Cours  de  Parlement  et  officiers 
d'icelles,  et  le  titre  huitième  porte  :  Des  Assemblées  des 
cours  de  Parlement,  dictes  MERCiniALES. 

Une  ordonnance  de  Charles  VIII,  1493,  art.  110  établissait 
le  fait  eu  ces  termes  :  «  Afin  que  les  Ordonnances  soyent 
»  gardées  pt  observées,  et  les  transgresseurs  punis  des 
»  peines  contenues  m  icelles  :  Ordonnons  que  les  Presi- 
»  dens  de  nos  cours  de  Parlement  s'assemblent,  du  moins 
»  chacun  mois  une /ois  :  et  convoquent  et  appellent  avec 
»  eux  les  Président  des  Chambres  des  Enquestes  d'icelles 
»  nos  cours  et  aucuns  de  nos  conseillers  :  aussi  nos 
»  Advocats  et  Procureurs  :  et  enlr'eux  diligemment  s'in- 
»  forment  si  lesdiclos  Ordonnances  ont  esté  bien  gardées, 
))  et  s'il  y  a  eu  aucuns  transgresseurs  d'icelles.  d 

Louis  XII,  en  1498  et  1499,  s'occupe  encore  de  ce  point  de 
discipline,  et  voici  les  mesures  prises  par  lui  :  «  Ordon- 
»  nous  que  de  quinze  en  quinze  jours,  ou  du  moins  une  fois 
»  le  mois,  les  Presidens  de  nostre  Cour,  ensemble  ceux  des 
»  Enquestes,  s'assemblent  au  Mercredi/  aprPs  disner.  »  Et, 
«  aiidict  jour  de  Mercredi/  »,  ils  devaient  délibérer  contre 
tous  ceux  qui  auraient  manqué  à  leurs  devoirs  profession- 
nels ou  autres. 


58 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


L'ordonnance  de  François  I",  rendue  à  Villers-Cotterets, 
en  août  lô3'J,  prononce,  pour  la  première  fois  dans  le  Code, 
le  nom  de  Mercuriale. 

«  Pour  obvier  et  pourvoir  à  toutes  contraventions  à  nos 
»  Ordonnances,  et  icelles  faire  promptement  cesser  :  Vou- 
»  Ions  les  Mercuriales  estre  tenues  de  six  en  six  mois... 
»  Assçavoir  en  nos  dicts  Parlemens,  les  premiers  Mercredis 
»  après  la  lecture  «  des  Ordonnances  qui  se  falot  après  les 
»  festes  de  Saint-Martin  et  Pasques.  » 

11  est  question  ici  de  la  Saint-Martin  d'hiver,  le  11  no- 
vembre, date  habituelle  de  la  rentrée  des  Parlements. 

Pour  montrer  toute  l'importance  qu'il  y  attachait,  Fran- 
çois ajoutait  :  «  Auxquelles  Mercuriales,  voulons  les  fautes 
»  et  contraventions  faictes  à  nosdictes  Ordonnances  par 
j»  les  officiers  de  nosdictes  Cours,  de  quelque  ordre  ou 
»  qualité  qu'ils  soyent,  estre  pleinement  et  entièrement 
»  deduictes,  et  les  articles  proposez  estre,  incontinent 
»  après,  jugez  sans  intermission,  ou  discontinuation  :  tant 
»  es  jours  d'audience,  qu'autres  :  pour  lesdictes  Mercu- 
»  riales  estre  envoyées  à  nous  et  à  nostre  chancelier.  » 

Le  mot  et  la  chose  ne   tardèrent  pas  à   se  répandre  en 
dehors  du  Palais.  Aussi  voit-on,   vers  la  fin  du  xvi=  siècle, 
Agrippa    d'Aubigné   dire,  dans  son  poème  des  Tragiques, 
dont  la  composition  remonte   à  l'année  1577,  tout  mdigné 
qu'il  est  de  la  partialité  et  des  iniquités  du  Parlement  : 
Mais  encor,  pour  mieux  voir  entière  la  boutique 
Où  de  vie  et  de  biens  l'Injustice  trafique. 
L'occasion  s'offrit  que  Henri,  second  roy. 
En  la  .Mercuriale  ordonna  par  sa  loy 
Le  feu  pour  peine  deuë  aux  âmes  plus  constantes. 

(Livre  III.  la  Chnmbre  dorée.) 

Etl'éditeur,  M.  Ludovic  Lalanne,  explique  le  passage  par 
cette  note  :  «  Le  mercredi,  14  juin  1.559,  le  Parlement  de 
»  Paris  étant  assemblé  pour  une  mercuriale,  Henri  II  s'y 
»  transporta,  et,  à  la  suite  de  discours  prononcés  devant 
»  lui,  il  fit  arrêter,  le  même  jour,  les  conseillers  du  Faur, 
»  Anne  du  Bourg,  P.  de  Foix,  A.  Fumée  et  Eust.  de  la 
1)  Porte.  » 

Rien  n'est  donc  mieux  établi,  à  l'aide  des  Ordonnances 
mêmes  de  nos  rois,  que  la  véritable  ètymologie  du  mot 
Mercuriale,  dérivant  de  Mercredi,  qui  se  dit,  en  latin,  Mer- 
curii  dits. 

F.   B. 

Merci,  et  de  tout  cœur,  à  M.  F.  B.,  qui  a  bien  voulu, 
à  peine  inscrit  sur  la  liste  de  mes  Abonnés,  m'adresser 
la  précieuse  communication  dont  je  viens  de  transcrire 
une  partie. 

X 
Première  Question. 

Voudriez-vovs  bien  expliquer  dans  nn  des  prochains 
numéros  de  votre  utile  journal  pourquoi  on  dit  fatniliè- 
remenl  d'une  femme  infidcle  ^m'elle  fait  porter  des 
coR>ES  A  SON  MARI?  Mes  remerciements  anticipés  pour 
votre  réponse. 

Le  temps  change  tout,  l'usage  des  cornes  en  est  un 
frappant  exemple. 

Dans  la  plus  haute  antiquiié,  les  cornes  étaient  le 
symbole  de  la  puissance,  de  la  force  et  du  courace.'Les 
Anciens  donnaient  des  cornes  aux  simulacres  do 
presque  toutes  leurs  divinités  :  Jupilcr-Ammon  était 
représenté  avec  des  cornes  de  bélier;  Astarté,  déesse 
des  l'beiiiciens  et  des  Syriens,  portait  pour  diadème 
une  tête  de  cerf  avec  des  cornes;  il  s'en  trouvait  une 
pair*!  sur  le  front  du  dieu  Pan;  Apollon  et  Diane 
avaient,  dans  l'ile  de  Delos,  un  autel  l'ait  de  cornes 
entrelacées. 


Et  les  cornes  ne  furent  point  exclusivement  l'attribut 
des  dieux  ;  elles  ornèrent  aussi  la  tête  de  plusieurs 
grands  hommes  :  Alexandre  est  représenté  sur  ses 
monnaies  avec  des  cornes,  et,  si  l'on  en  croit  les  histo- 
riens, il  en  porta  toujours  sur  son  casque. 

Il  n'est  pas  jusqu'à  la  Bible  qui  n'emploie  les  cornes 
comme  signe  de  dignité  et  de  puissance;  car,  en  suppo- 
sant que  Moïse  descendant  du  Sina'i  n'eût  sur  le  front 
que  des  rayons  de  lumière  (la  Vulgate  donne  à  entendre 
que  c'étaient  des  cornes),  on  trouve  dans  l'Apocalypse 
le  passage  suivant,  qui  ne  laisse  aucun  doute  sur  l'ac- 
cueil fait  au  même  symbole  par  les  premiers  Chrétiens  : 

Les  dix  cornes  que  vous  avez  vues  sont  dix  rois  à  qui  le 
royaume  n'a  pas  encore  été  donné;  mais  ils  recevront 
comme  rois  la  puissance  en  une  même  heure  avec  la  bête. 

(Chap.  XVII.  V.    n.) 

Comment  a-t-il  pu  se  faire  qu'après  avoir  employé 
primitivement  les  cornes  aux  usages  les  plus  respec- 
tables, on  en  ait  depuis  si  complètement  altéré  le  sens? 

Voltaire,  à  qui  cette  question  ne  devait  point  échap- 
per, a  prétendu  que  les  cornes  métaphoriques  étaient 
venues  des  cornettes,  espèce  de  coilTure  dont  les 
femmes  se  paraient  au  xv«  siècle.  Mais  ce  n'est  point 
là  l'origine  du  nouveau  sens  donné  aux  cornes  ;  car 
cornard,  cornu,  et  tout  ce  qui,  mot  ou  phrase,  rappelle 
la  même  idée,  étaient  employés  bien  avant  l'invention 
desdites  coiflures,  comme  le  prouvent  ces  exemples, 
l'un  du  xiie^  siècle,  l'autre  du  xiii'=  : 

Nous  verrons  le  fort  escu 
Maistre  Gaultier  le  cornu. 

(Hugues  de  la  Ferté,  Romancero,  p.   190.) 

S'est  plus  coruars  qu'un  cers  ramé 
Riches  homs  qui  cuide  estre  aimé. 

{^Roman  de  la  Rose,  4825.) 

Selon  toute  apparence,  le  nouveau  sens  symbolique 
des  cornes  a  pris  naissance  en  Grèce. 

Le  sol  de  cette  petite  contrée  est  excessivement  mon- 
tagneux, .et,  comme  tel,  parfaitement  propre  à  l'habi- 
tation des  chèvres,  qui  aiment  les  lieux  élevés,  même 
les  plus  escarpés.  Or,  comme  on  peut  le  voir  dans 
Buffon  [Hist.  des  Animaxix,  vol.  IV,  p.  233  et  235j  la 
femelle  de  ce  ruminant  au  pied  léger  est  fort  lascive. 
Les  Grecs  lui  comparèrent  l'épouse  infidèle,  donnèrent 
le  nom  de  fils  de  chèvre  aux  enfants  illégitimes,- 
qualifièrent  naturellement  de  bouc  l'époux  de  celle 
qui  avait  de  tels  enfants,  et  dirent  plaisamment  de  lui 
(l'expression  se  trouve  livre  II,  ch.  12,  dans  le  Traité 
des  Sonr/es  d'Arlémidore,  auteur  qui  vivait  au  u"  siècle 
de  notre  èrci  qu'il  portait  des  cornes. 

De  la  Grèce,  le  nouveau  sens  symbolique  des  cornes 
passa  chez  les  Romains  ;  il  leur  valut  l'expression 
Vulcanus  conieus,  qui  répond  à  notre  mari  encornaillé, 
et  permit  ce  vers  à  Ovide  : 

Atque  maritorum  capiti  non  cornua  desunt. 
(Et  les  cornes  ne  manquent  pas  à  la  tête  des  maris.) 

U  traversa  ensuite  le  moyen-àge,  où,  grâce  proba- 
blement à  l'oubli  de  son  origine,  l'allusion  aux  cornes 
de  bouc  s'étendit  aux  cornes  de  cerf,  ce  que,  du  moins. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


59 


semble  impliquer  cet  endroit  des  Annales  de  Nicétas 
(trad.  Cousin,  tome  V,  p.  314)  signalant  les  déborde- 
ments de  l'empereur  Andronic  : 

Il  passoit  des  jours  entiers  plongé  dans,  la  débauche... 
11  attachoit  aux  portes  de  la  place  publique  le  bois  des  cerfs 
qu'il  avoit  pris,  moins  pour  faire  montre  de  la  grandeur 
de  ces  botes  que  pour  se  railler  des  femmes  dont  il  avoit 
abusé. 

Enfin,  le  ridicule  alWiché  aux  cornes  mélapho- 
riques  se  propagea  chez  nous,  et  ce  fut  anciennement 
un  malicieux  usage  que  de  se  moquer  des  maris  trompés 
en  arborant  des  cornes  à  leur  porte  la  veille  de  la  saint 
Jean.  A  Paris,  dit  Quitard,  on  poussait  même  encore 
plus  loin  l'avanie.  L'homme  convaincu  de  s'être  laissé 
déshonorer  par  sa  femme  était  coifTé  d'un  grand 
bonnet  à  cornes,  et  condamné  à  parcourir  les  rues, 
sur  un  âne,  la  tête  tournée  vers  la  queue,  qu'il  tenait 
à  la  main,  tandis  que  sa  femme  menait  l'animal  par 
la  bride,  et  qu'un  crieur  public  répétait  à  haute  et 
intelligible  voix  : 

On  en  fera  autant  à  celui  qui  le  sera. 

Depuis  longtemps,  nos  mœurs  adoucies  ont  cessé  de 
permettre  ce  spectacle  barbare  ;  mais  le  ridicule  attei- 
gnant toujours  ceux  qui  auraient  pu  y  chevaucher 
l'âne,  on  a  continué  à  dire  du  mari  d'une  femme 
infidèle  qu'il  porte  des  cornes,  et  de  cette  même  femme, 
qu'e//e  fait  porter  ou  plante  des  cornes  à  son  mari. 

X 

Seconde   Question. 
Je  lirais  avec  bien  dn  plaisir  l' étyynologie  de  Vexpres- 
sion    DERECHEr,    dans  un    des  prochains   numéros  de 
votre  Courrier. 

Autrefois,  je  veux  dire  avant  le  xvf  siècle,  cette 
expression  s'écrivait  en  deux  mots,  de  et  rechef,  ce  que 
démontrent  les  citations  suivantes,  empruntées  au 
dictionnaire  de  M.  Littré  : 

Cest  règne  aveient  eisillié  ; 
Or  de  rechef  sunt  repairié 
A  destruire  le  remanant. 

(Benoist,  I,  r.  1935.) 
Adont  li  dist  tôt  de  rekief.. 

(Fleur  el  Blanch.  1939.) 

Or  retournons  de  rechef  au  bien  de  quoy  nous  queirons 
et  disons... 

(Commine;?,  V,  6.) 

Par  conséquent,  chercher  l'étymologie  de  derechef  se, 
réduit  à  chercher  d'où  vient  rechef. 

L'expression  de  rechef  se  dit  en  italien  da  capo. 

Cette  expression  se  dit  en  provençal  de  rescap 
ou  de  recap,  comme  on  le  voit  par  ces  exemples,  tirés 
du  (//ositt/re  roma»  de- Raynouard  (t.  II,  p.  319)  : 

Li  discipol  anneron  de  rescap  (Les  disciples  allèrent  de 
rechef). 

(Trad.  du  Nouv.  Test.  Saint  Jean,  20.) 

De  rescaps  albiram  et  disem  etc.  {De  rechef  nous  jugeons 
et  disons). 

{Titre  de  1248.1 
De  recap  dis  lU  dit  de  rechef). 

[Trad.  de  Bide.    fol.  20) 

Or,  en  italien  capo  signifie  tête  \Aq  caputi  ;  en  pro- 


vençal rescap  est  un  composé  de  res,  particule  équiva- 
lente à  notre  re.  et  de  cap,  également  tête,  qu'on  trouve 
dans  :  armé  de  pied  en  cap.  D'où  je  conclus  qu'on 
peut  dire  avec  certitude,  je  crois  : 

1°  Que  rechef  est  un  composé  de  re  et  de  chef,  au 
sens  de  tête,  bout,  extrémilé,  mot  qui  existe  encore  dans 
couvre-chef,  couvre-tête  ; 

2° Que rep/(e/'vient du  pi-ovençal /eca/j  'c  =  ch;  p  =f), 
attendu  que  re,  qui  ne  se  trouve  en  français  que  dans 
des  substantifs  dérivés  d'un  verbe  {retour,  recul,  etc.), 
ne  peut  s'expliquer  ici  qu'en  faisant  venir  rechef  de  cet 
ancien  idiome. 

Dans  tous  nos  lexiques  modernes,  on  écrit  derechef, 
en  un  seul  mot.  C'est  évidemment  une  faute;  car  notre 
vieille  langue  l'écrivait  généralement  en  deux  mots  ; 
l'italien  écrit  en  deux  mots  da  capo;  le  provençal  écrit 
aussi  de  rescap  en  deux  mots,  et,  enfin,  le  français 
moderne,  dans  les  autres  expressions  adverbiales, 
n'unifie  jamais  de  avec  le  mot  qui  le  suit  :  d'abord,  de 
relevée,  d'aplomb,  etc. 

X 

Troisième  Queslion. 

Comment  doit-on  écrire  l'annotation  mise  frécjuem- 

nient  sur  les  enveloppes  des  lettres  ?  Faut-il  mettre  au 

ma.'iculin  personnel,    coNFiiuiNTrEL,  pressé,  e/c,  ou  au 

féminin  personnelle,  confidentielle,  phesse'e  ? 

Je  poserai  la  question  d'une  manière  plus  générale  : 
Faut-il  écrire  au  masculin  ou  au  féminin  l'adjectif  mis 
fréquemment  sur  le  coin  d'un  envoi  confiée  la  poste '^ 

Il  y  a  deux  cas  à  considérer  : 

S'il  s'agit  d'une  lettre,  on  met  l'adjectif  au  féminin  : 
confidentielle,  personnelle,  pressée,  eic.  attendu  que  le 
mot  lettre  est  dans  la  pensée  de  l'envoyeur. 

Mais  s'il  s'agit  d'autre  chose  qu'une  lettre,  comme 
un  mémoire,  un  litre  de  rente,  un  écrit  quelconque,  11 
faut  nécessairement  que  l'adjectif  soit  au  masculin,  le 
mot  envoi  étant  sous-entendu. 

Cette  question  a  déjà  été  traitée  2=  année,  p.  147. 


ETRANGER 


Première  Question. 
Comment  expliquez-vous  N'v  pis  iiLER  par    griTRE 
caEm^s,  pour  dire  :  y  aller  franchement,  directement, 
sans  détour  ? 

Voici  de  quelle  manière  Quitard  explique  (p.  217) 
l'expression  Aller  par  (juatre  chemins: 

«  Elle  fait  peut-être  allusion  à  ce  qui  se  pratiquait  cliez 
les  Francs  lorsqu'on  affraiicliissait  un  esclave.  On  plaçait  cet 
esclave  dans  un  carrefour  qu'on  appelait  la  place  des 
Quatre-Chemins,  compîlum  quatuor  viarum,  parce  qu'elle 
aboutissait  à  quatre  chemins,  et  on  prononçait  cette  for- 
mule ;  Qu'il  sotl  libre  et  qu'il  aille  où  il  voudra.  Le  mallieu- 
reu.x  affranchi,  qui  n'avait  pas  de  demeure,  devait  proba- 
blf^ment  errer  sur  res  quatre  chemms  pour  en  trouver 
une  où  l'on  voulût  le  recevoir.  » 


60 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Mais  je  ne  suis  pas  du  même  avis,  et  je  vais  vous  en 
dire  la  raison. 

L'abolition  de  l'esclavage  a  toujours  été  regardée 
comme  un  des  plus  grands  bienfaits  que  le  Christia- 
nisme ait  rendus  à  la  société  du  moyen-àge.  Or,  si 
l'alTranchissement  avait  eu  pour  l'esclave  les  consé- 
quences que  Quitard  suppose  dans  son  explication, 
c'eût  été,  au  lieu  d'un  bienfait,  une  sorte  d'exil,  un 
procédé  barbare,  ce  qui  est  incompatible  avec  le  but 
que  l'on  se  proposait  par  sa  mise  en  liberté. 

Sans  remonter  si  haut,  il  y  a  un  mo\en  bien  simple 
de  rendre  compte  de  cette  expression. 

En  effet,  dans  notre  langue,  le  mot  quatre^  comme 
dix,  vingt,  trente-six,  etc.,  s'emploie  fort  souvent  pour 
signifier  un  pluriel  indéterminé  : 

A  quatre  pas  d'ici  je  te  le  fais  savoir. 

(Corneille,  Ckl,  II,  ii.) 

J'écris  quatre  lignes  à  M""  de  la  Fayette  :  appelez-vous 
cela  écrire  1 

(Sévigné,  7  octobre  iGS-j.) 

Que  je  voudrais  bien  tenir  un  de  ces  puissants  de  quatre 
jours,  si  légers  sur  le  mal  qu'Us  ordonnent. 

(Beaumarchais,  Le  Barbier,  \,  6.) 

L'expression  aller  quelque  part  par  quatre  c/iemins 
signifie  aller  dans  un  endroit  on  prenant  plusieurs 
chemins  à  la  suite  l'un  de  l'autre,  plutôt  que  de 
prendre  le  chemin  direct,  et,  par  conséquent,  faire  des 
détours  pour  se  rendre  audit  endroit. 

D'où  l'expression  figurée  w'y  pas  aller  par  quatre 
chemins,  pour  signifier  aller  (au  but  de  son  discours) 
par  des  voies  directes,  s'exprimer  sans  ménagements  : 

Je  n'y  vais  pas  par  quatre  diemins,  moi,  j'aime  la  fran- 
chise. 

(Carmontel,  liée,  de  Prov,  dram.) 


Autre  preuve  que  l'expression  dont  je  m'occupe  ne 
peut  faire  allusion  à  la  place  des  «  (Juatre-Chemins  « 
mentionnée  par  Quitard,  c'est  qu'au  lieu  de  quatre,  on 
dit  aussi  deux,  dans  la  même  phrase,  comme  le 
montrent  ces  vers  : 

Et,  sans  aller  par  deux  chemins, 
Disons  qu'à  cette  corai^die 
Les  rats  de  la  folle  Tlialie 
Grignoltaient  mal  ses  brodequins. 

(Piron,  Epit.  au  comte  de  Livry.) 

X 

Seconde  Qiieslion. 

Je  trouve  cette  piirase  dans  le  Raitel  du  Kd  avril 
<875  :  «  Avocat,  i-assoms  ai;  déluge  ».  Quelle  est  l'ori- 
gine de  cette  locution,  et  quand  convient-il  de  l'em- 
ploijer  ? 

Elle  est  empruntée  à  la  pièce  des  Plaideurs  de  Racine, 
oii  l'on  trouve  ce  qui  suit  lacte  III,  se.  3)  : 
l'intimé  (d'un  ton  pesant). 
...Puis  donc  qu'on  nous  permet  de  prendre 
Haleine,  et  que  l'on  nous  défend  de  nous  étendre, 
Je  vais,  sans  rien  omettre,  et  sans  prévariqucr, 
Compendieusement  énoncer,  e.xpliquer, 


Exposer  à  vos  yeux  l'idée  universelle 

De  ma  cause  et  des  faits  renfermés  en  icelle. 

DANDIN. 

Il  aurait  plutôt  fait  de  dire  tout  vingt  fois, 

Que  de  l'abréger  une.  Humme,  ou  qui  que  tu  sois, 

Diable,  conclus,  ou  bien  que  le  Ciel  te  confonde. 

l'intimé. 
Je  finis. 

DANDIN. 

Ahl 

l'intimé. 
Avant  la  naissance  du  monde... 
DANDIN  (bâillant). 
Avocat,  ah  !  passons  au  déluge. 

Cette  expression,  devenue  proverbiale,  peut  s'em- 
ployer toutes  les  fois  que  l'on  veut  prier  familièrement 
quelqu'un  d'abréger  le  récit  d'une  affaire  qu'on  le  voit 
disposé  à  conter  avec  d'inutiles  détails,  au  lieu  d'arriver 
promptement  au  fait  dont  il  s'agit. 
On  y  retranche  généralement  l'interjection  ah  ! 

X 

Troisième  Question. 

Pourriez-vous  m' expliquer  cotnment  il  se  fait  que 

voire  mot  cboquignole  signifie  et  une  pièce  de  pâtisserie 

et  un  coup  donné  sur  la  figure  avec  le  doigt  d%i  milieu  ? 

Quel  rapport  peut-il  y  avoir  entre  ces  deux  choses-là  ? 

Selon  toute  probabilité,  le  mot  croquignole,  pâtisserie, 
vient,  comme  le  wallon  croquète,  du  verbe  croquer  ;  en 
effet,  un  intermédiaire  inconnu,  mais  qu'on  peut  très- 
bien  supposer,  croquin,  augmenté  de  la  finale  féminine 
oie  après  qu'on  y  a  changé  Vn  finale  en  gn,  change- 
ment fort  commun  dans  notre  langue,  donne  naturel- 
lement ce  mot. 

Quant  à  croquignole  dans  le  sens  de  chiquenaude,  il 
a  une  tout  autre  origine. 

En  Picardie  et  en  Lorraine,  on  emploie  le  mot  gnole 
pour  signifier  coup,  tape,  soufflet,  et,  sur  les  confins  de 
la  Beauce  et  du  Perche,  les  enfants  s'en  servent  pour 
désigner  la  marque  faite  sur  une  toupie  par  le  fer  d'une 
autre  toupie. 

Or,  de  même  qu'en  joignant  le  mol  gnole  à  tor,  qui 
me  semble  l'abrégé  de  torneis  (ancien  adjectif  de  la 
famille  de  tourner,  lequel  se  trouvait  dans  pont  torneis, 
dit  autrefois  pour  pont  tournant),  on  a  fait  torgnole, 
coup  frappé  en  faisant  décrire  en  l'air  une  certaine 
courbe  à  la  main  ;  de  môme  en  le  joignant  à  croqui, 
venu  de  crochi,  que  je  suppose  un  ancien  adjectif  tii'é 
de  crochir,  rendre  croche  (verbe  qui  se  trouve  encore 
chez  nos  paysans  et,  m'assurc-l-on,  dans  le  patois  de 
la  Suisse  romande),  on  a  formé  croquignole,  coup 
frappé  avec  le  médium  tendu  en  arc  contre  le  pouce. 

Voilà  comment  j'explique  les  deux  significations  si 
opposées  de  notre  mot  croquignole  ;  mais  suis-je  dans 
le  vrai? 

X 

Quatrième  Qnosliou. 

.4  l'occasion  de  cette  lettre,  pcrmctlez-moi  de  vous 
demander  pourquoi  du  mol  faisan  vous  avez  fuit  fai- 
san uerie,  plutôt  que  FAISANNER1E'? 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


CI 


Quoique  faisan  se  dise  en  latin  phasianus  (de  Phasis, 
fleuve  de  la  Coichide,  d'où  l'oiseau  de  ce  nom  fut 
apporté  en  Occident),  notre  langue  du  xvi"  siècle, 
comme  l'anglais,  ne  l'en  écrivait  pas  moins  par  un  t  : 

Faisaut  bruant  vingt  deniers,  faisant  non  bruant  ou 
gentil,  deux  sols  six  deniers. 

{Coiilum.  gè'tcj-.  t.  II,  p.  i'i?-) 

Faites  que  soyez  secret,  luy  montrant  bon  visage, 
autrement  la  queue  du  faisant  se  gasteroit. 

INuits  de  StrapiiTole,  1. 1,  p.  85  dans  Lacurne.) 

Or,  le  t  étant  une  lettre  souvent  remplacée  en  fran- 
çais par  le  d,  consonne  de  même  ordre,  il  n'y  a  rien 
d'étonnant  à  ce  que  nous  disions,  non-seulement  fui- 
sanderie,  mais  encore  faisander^  faisandeau^  faisandier, 
au  lieu  de  faisaimerie,  faisanner,  etc. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 
Corrections  du  numéro  précédent. 

1»...  de  ceux  qui  leur  sonl  les  plus  cliers;  —  2°  . .  je  ne 
m'en  suis  pas  allé  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  l'c  année,  n»  3, 
p.  5)  ;  — ^3"  .  .  d'un  nouveau  trailé  fussent  bientôt  entamées;  — 
4»  une  élévation  extraordinaire  (on  ne  peut  dire  qu'une  tempé- 
rature, qui  n'est  pas  le  fait  de  l'homme  soit  insensée);  —  5'... 
et  où  nous  avions  si  grand  faim  (l'adveibe  si  ne  peut  se  mettre 
devant  un  substantif)  ;  —  6".  •  •  afin  de  rendre  (voir  Courrier  de 
Vaugelas,  2°  année,  p.  159);  —  7°...  en  battraient)  pas  d'e 
après  le  second  l)  ;  —  8"...  qu'ils  les  eussent  duré  (le  pronom 
les  n'est  qu'en  apparence  régime  direct)  ;  — 9» ...  je  préfère  vous 
guider  plulâi  que  de  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  4°  année, 
p.   153);  — 10»...   que  je  ne  me  venge... 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1*  Plus  tard,  quand  il  se  sera  fait  un  nom,  un  nom  sérieux, 
basé  sur  autre  chose  que  sur  des  pipes  culottées  et  des 
bocks  ingurgités,  il  repassera,  et  nous  verrons. 

2°  Etant  donné  cette  situation,  il  est  probable  que  nous 
aurons  une  session  d'automne  ;  le  gouvernement  pourrait, 
peut-être,  en  intervenant,  faire  pencher  la  balance  du  côté 
des  gauches. 

3  Et  dire  que  Prosper  Mérimée  n'a  jamais  eu  qu'une 
crainte  en  sa  vie,  celle  de  pas.ser  pour  dupe  !  Et  il  se  fait 
dire  (en  dépit  qu  il  en  ail)  des  messes  après  sa  mort! 
N'est-ce  pas  une  bien  petite  cruelle  mystification  ? 

4°  M.  de  Bourgoing  avait  été  élu  dans  son  département 
à  quelques  trois  cents  voi.ï  de  majorité  quand  l'honorable 
M.  Girerd  donna  connaissance  à  l'Assemblée  de  la  pièce 
que  l'on  sait. 

5°  Six  ou  sept  députés  sont  montés  à  la  tribune,  récla- 
mant qui  contre  le  vote  que  l'Officiel  leur  fait  émettre,  qui 
contre  l'abstention  qu'il  leur  impose;  la  majorité  ne  doit 
tenir  qu'à  une  paire  de  voix. 

6°  Que  voulez-vous  qui  advienne  d'un  pays  où  là  moitié 
de  la  jpunesse  étudiera  le  droit  à  l'école  de  M.  Marotte,  le 
vicaire-général  du  diocèi^e  de  Verdun,  l'auteur  du  caté- 
chisme dont  nous  avons-cité  qupl(|ues  extraits? 

7'  Hier  lundi,  la  Prusse  a  com[iaru  en  Sorbonne,  non  pas 
devant  un  de  ces  jurys  mixtes  mi-partie  allemands,  mi-par- 
tie slaves,  tels  qu'on  en  voyait  dans  l'ancien  Brandebourg, 
mais  devant  cinq  bons  Français,  d'esprit  indépendant. 

8°  Ce  n'est  pas  à  eux  que  les  bonapartistes  pourront  s'en 
prendre  du  rôle  de  dupes  qu'ils  ont  joue  en  votant  «  pour 


l'honneur  «  une  loi  dont  ils  avaient  espéré  recueillir  un 
bénéfice  immédiat. 

9'  Comment  se  fait-il  que  des  dispositions  si  claires  n'ont 
pas  été  respectées,  et  que  les  établissements  placés  sous  la 
surveillance  de  la  police  n'ont  jamais  trouvé  que  des  com- 
plices pour  les  aider  à  les  violer  ? 

(Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU'XVII'  SIÈCLE. 


Laurent  CHIFFLET. 

[Suite.) 

L'a  est  long  dans  image,  car  Ghifllet  dit  que  ce  mot 
ne  peut  rimer  avec  mge. 

A  est  long  également  dans  plage,  page  de  livre;, 
adage,  suffrage,  naufrage  e,l  présage. 

11  en  est  de  même  dans  cloaque,  opaque  et  cinabre, 
simulacre,  diacre,  poùacrc;  mais  la  même  vojelle  est 
brève  dans  ladre. 

Les  verbes  en  ave  ont  Va  bref  :  //  bave,  il  pave; 
mais  les  substantifs  et  les  adjectifs  ont  celte  vojelie 
longue  :  brave,  grave,  suave,  cave,  octave. 

Ant  ou  and  final  est  toujours  long  comme  dans  grant., 
vaillant,  et  cela  sans  exception;  mais  ent  et  end,  écrits 
par  e  et  prononcés  par  a,  sont  brefs  :  il  vend,  tourment. 
11  en  est  de  même  pour  les  adverbes  terminés  en  ment, 
comme  sagement. 

On  ne  met  plus  1'/  après  Va  devant  la  sjllabe  gne  ; 
on  écrit  montagne,  Espagne,  au  lieu  de  montai.gne, 
Espaigtie. 

E. 

Les  participes  masculins  des  verbes  en  cer  s'écrivent 
avec  un  accent  aigu  sur  le  dernier  e,  et  non  sur  le  pre- 
mier :  créé,  agréé. 

Plusieurs  mettent  l'accent  circonflexe  sur  Vu  des  ad- 
verbes en  ument,  comme  esperdùwent,  ingénument,  etc. 

On  met  l'accent  aigu  sur  les  mots  en  e'.s-,  dont  Ve  est 
prononcé  ouvert  :  excès. 

Tous  les  mots  en  ez  ont  l'e  masculin  ;  c'est  par  con- 
séquent une  faute  que  de  prononcer  clieuz  au  lieu  de 
chez. 

Les  mots  allier,  entier,  familier,  régulier,  séculier 
ont  l'e  final  ouvert  comme  «wcr  (1059). 

A  l'exception  de  ceux  de  liège,  siège,  père,  mère.  ■ 
frère,  tous  les  e  de  la  syllabe  pénultièiîie  se  prononcent 
ouverts  :  herbe,  pièce,  suprême,  etc. 

L'e  ne  se  prononce  pas  à  la  finale  des  troisièmes  per- 
sonnes plurielles  de  l'imparfait  et  du  conditionnel,  et  on 
ne  l'écrit  plus,  parce  qu'il  est  «du  tout»  inutile;  au 
V\t\xiïe,itsaimoient,  ils  aimeraient,  écrivez  :  ilsaimoint, 
ils  aimeroint. 

Les  verbes  en  ier  ne  font  pas  entendre  l'e  au  futur, 
et,  en  poésie,  on  ne  l'écrit  pas  :  je  dediraij,  je  sup- 
plirois. 
'  L'adjectif  féminin  demyc,  placé  devant  un  substantif, 


(i2 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


supprime  son  e;  on  écrit  :  demij-douzaine,  demij- 
heure,  etc.  (1631)). 

Dans  le  mol  juillet,  Vi  ne  sonne  aucunement. 

Crucifix  doit  être  prononcé  crucifi,  et  non  crucefi, 
comme  le  veut  certain  grammairien. 

0. 

La  terminaison  orne  est  longue  dans  tome,  dôme, 
axiome. 

Lorsque  après  cm  ou  on  -vient  une  consonne  difte- 
rente  de  m  et  de  7i,  om  et  on  se  prononcent  oun, 
comme  dans  nombre,  ronce,  ronfler,  songer.  Il  en  est 
aussi  de  même  dans  les  monosyllabes  bon,  don,  etc. 
qui  sonnent  boun,  doun,  etc. 

Certains  mots  en  ol,  comme  fol,  col,  licol,  mol,  fol, 
se  prononcent  f<m,  licou,  cou,  mou,  excepté  leurs 
composés,  et  fol  suivi  d'une  voyelle. 

Le  mot  tahon,  mouche,  se  prononce  tan,  comme 
paon,  faon  et  Laon  se  prononcent  pan,  fan,  lan  . 

V. 

On  le  marque  de  deux  points  pour  signifier  qu'il 
n'est  pas  consonne,  mais  voyelle  :  oiiyr,  joiier,  etc. 

DES    DIPHTHONGCES. 

Le  participe  présent  ayant  et  l'indicatif  cajez  se  pro- 
noncent a-yant,  a-yez  (1639). 

Quand  la  syllabe  fai  du  verbe  faire  est  suivie  d'une  .< 
entre  deux  voyelles,  celte  syllabe  se  prononce  fe;  ainsi 
nous  faisons,  je  faisais,  faisayit  se  prononcent  fezons, 
fezois,  fezctnt. 

Le  son  oi  ou  oy  se  prononce  en  faisant  sonner  1'/ 
comme  un  è  ouvert  après  \'o;  de  sorte  que  Roy,  moy, 
boire  se  prononcent  roèt,  moc,  boaire,  etc. 

Les  noms  des  nations  en  ois  se  prononcent  plus  élé- 
gamment en  ai;  on  dit  Français,  Anglais,  Portugais; 
mais  il  y  a  exception  pour  Génois,  Suédois,  Liégeois. 

On  ne  dit  ni  n'écrit  plus    roine,  mais  bien   reine 

(1639). 

Pseaume  se  prononce  sôme,  et  le  mot  heaume  fait 
trois  syllabes. 

On  a  le  choix  entre  heureux  prononcé  comme  il  est 
écrit  et  hureux. 

DES    VOYELLES    A    LA    FIN    DES    MOTS. 

Règle  générale,  quand  un  mot  finissant  par  un  e 
muet  est  suivi  d'un  autre  commenijanl  par  une  voyelle, 
on  supprime  complètement  cet  e  :  quelque  ami  se  pro- 
nonce quelquami;  mais  il  y  a  exception  1°  pour  /mit 
et  huilième;  2°  pour  l'adverbe  d'affirmation  oiiy,  on 
dit  le  oiiy;  3»  pour  onze  et  onzième,  quoique  ce  ne 
soit  pas  le  sentiment  de  Vaugelas. 

(In  met  raj)Ostropbe  dans  les  verbes  composés  de  re 
devant  une  voyelle  :  rallier,  rouvrir,  entrouvrir,  etc. 

On  la  met  aussi  après  grand  suivi  de  certains  subs- 
tantifs féminins,  tels  que ;«ere,  chère, pitié,  messe,  etc., 
ainsi  qu'à  la  place  de  l'e  final  du  verbe  </arder  dans 
l'expression  Dieu  rous  gard' . 

L'e  du  pronom  le  ne  se  supprime  point  dans  l'écri- 
ture après  un  im|iéralif;  mais,  dans  la  prononciation, 
il  ne  se  fait  pas  sentir  ;  ainsi  menez  le  a  sa  maison  se 
prononce  menez  l'a  sa  maison. 


A  la  troisième  personne  singulière  des  verbes  non 
terminés  par  un  t,  on  ajoute,  dans  les  interrogations, 
une  apostrophe  après  cette  lettre  quand  elle  est  suivie 
du  pronom  il  ou  du  pronom  elle;  on  écrit  :  parle-t'il, 
2)arlera-t'elle?  que  dira-t'on?  Quelques-uns  aiment 
mieux  que  l'on  mette  le  f  entre  deux  petits  tirets  de 
liaison  ayant  cette  forme  :  que  dira-t-on  ? 

L'on  pour  on,  qui  accompagne  les  verbes  imperson- 
nels, a  aussi  une  apostrophe  après  1'/,  comme  dans 
ion  dit. 

Les  impératifs  de  la  première  conjugaison  terminés 
par  a  ou  e  féminin  (muet),  prennent  un  =  ou  une  s, 
avec  l'apostrophe,  devant  les  particules  relatives  en  et 
y,  comme  dans  va-z'y  voir,  ou  va-s'y  voir;  voila  une 
dangereuse  entreprise  :  parle-z'en  à  tes  amis. 

PRONONaATlOH   DES   COiSSONNES    FINALES. 

Règle  générale,  à  la  ?m  des  périodes,  quand  on  inter- 
rompt le  cours  des  paroles  pour  reprendre  haleine,  on 
ne  prononce  pas  les  consonnes  qui  finissent  le  dernier 
mot,  et  ces  consonnes  sont  muettes  encore  quand  le 
mot  suivant  commence  par  une  consonne. 

Mais  voici  des  exceptions  à  ces  règles  : 

On  prononce  toujours  les  consonnes  finales  des  mots 
étrangers  :  l'homme  de  bien  Job  ;  l'homme  de  bien  Job 
disait;  il  en  est  de  même  pour  les  autres  lettres:  Isaac, 
David,  Aman,  .Tuppiter,  Mars,  Judith,  Ajax,  Sud, 
Est,  Ouest. 

Dans  les  noms  terminés  en  ect,  le  c  ne  se  prononce 
pas  :  effect,  respect,  etc.,  sonnent  effet,  respet,  etc. 

Le  c  et  le  <  se  prononcent  dans  correct,  direct,  exact. 

Les  mots  suivants  froc,  cinc  ou  cinq,  estomac,  donc 
font  entendre  le  c  quand  ils  sont  suivis  d'une  voyelle. 

Dans  les  interrogations,  le  c  de  donc,  ne  se  pro- 
nonce pas;  est-il  donc  arrivé?  sonne  est-il  don  arrivé. 

L'/  se  prononce  toujours  à  la  fin  des  mots,  excepté 
dans  Ixiillif,  clef,  courrechef  et  esteuf,  ainsi  que  dans 
les  trois  pluriels  bœufs,  œufs,  neufs. 

Au  singulier,  ces  derniers  ne  sonnent  pas  1'/  devant 
une  consonne  :  un  œuf  tout  frais,  lisez  eu. 

On  ne  prononce  pas  l  finale  dans  filleul,  cspagneul, 
chevreul  (1659). 

Devant  les  consonnes,  le  pronom  il  ne  sonne  point 
\'l;  il  dit  se  prononce  /  dit,  et  il  en  est  de  même  dans 
les  interrogations  :  que  dil-il?  parle-t'il  à  vous?  se 
lisent  dit-i,parle-ti. 

Le  pluriel  ils  no  fait  entendre  que  son  .s  devant  une 
voyelle  ;  ils  ont  se  prononce  i  zont. 

La  consonne  r  se  prononce  à  la  fin  de  tous  les  mots, 
mais  on  peut  ne  la  point  prononcer  dans  mouchoir  de 
col. 

Dans  le  mot  monsieur,  on  peut  |)rononcer  1';-  devant 
les  consonnes,  mais  il  vaut  mieux  ne  la  point  faire 
entendre. 

L'.s-  finale  se  prononce  toujours,  dans  .■.■(•/),<,  ])our  éviter 
les  é(iuivoques  avec  satig;  c'est  ainsi  que  parlent  les 
plus  «  disers  ». 

[La  fin  auinocha'n  numéro.) 

Le  RÉDACTËitR-GÉiiAM'  :  Emak  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


63 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Le  duc  de  Carlepont  ;  par  Amédée  Achard.  Nouvelle 
édition,  la-18  Jésus,  Zi31  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
3  fr.  50. 

La  mort  de  Louis  XVI,  scènes  historiques.  Le 
10  août,  le  2  septembre,  le  21  janvier;  par  A.  du  Cliatelier. 
correspondant  de  l'Institut  de  France.  2'  édition.  In-8". 
33i  p.  Paris,  lib.  Picard. 

Œuvres  de  Larochefoucauld  ;  précédées  d'une 
notice  sur  sa  vie  et  le  caractère  de  ses  écrits.  Maximes, 
Mémoires  et  Lettres.  In-12,  ààS  p.  Tours,  lib.  Gattier, 
2fr. 

L'ancien  Orient,  études  historiques,  religieuses  et 
philosophiques  sur  l'Egypte,  la  Chine.  l'Inde,  la  Perse, 
la  Chaldée  et  la  Palestine,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés;  par  Léon  Carre.  T.  o.  Palestine.  T.  4.  Appendice. 
ln-8<>,  lZi36  p.  Paris,  lib.  nouvelle.  6  fr. 

Mme  "Vitel  et  Mlle  Leiièvre,  suite  des  Baigneuses 
de  Trouville  ;  par  Adolphe  Belot.  2»  édition.  In- 18  Jésus. 
327  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

.Dieu  dans  la  nature;  par  Camille  Flammarion. 
13=  édition.  In-12,  xs-556  p.  et  portrait.  Paris,  lib. 
Didier  et  Cie.  Zifr. 

Les  Mœurs  et  les  Femmes  de  l'extrême  Orient. 
Voyage  au  pays  des  Bayadéres  ;  par  Louis  Jacolliot. 
Illustrations  de  Riou.  3'^  édition.  In-18  Jésus,  380  p. 
Paris,  lib.  Dentu.  U  fr. 

Voyage  au  pays  des  milliards;  par  Victor  Tissot. 
3'  édition,  revue  et  corrigée.  In-i8  Jésus,  392  p.  Lib. 
Dentu.  3  fr.  50. 


Grammaire  complète  de  la  langue  française  ;  par 

.M.  Lucien  Leclair.  19''  édition,  revue  et  corrigée.  In-12, 
x-242  p.  Paris,  lib.  Belin. 

Voyage  aux  Pyrénées  ;  par  H.  Taine.  7'  édition, 
revue  et  corrigée.  In-18  Jésus ,  vi-350  p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Premières  et    Nouvelles    Méditations   poétiques  ; 

suivies  de  la  .Mort  de  .Socrate.  du  Pèlerinage  de  Childe- 
Harold  et  du  Chant  du  Sacre  ;  par  A.  de  Lamartine.  .Nou- 
velle édition,  publiée  par  les  soins  de  la  Société  proprié- 
taire des  œuvres  de  M.  de  Lamartine.  In-8".  550  p.  port, 
et  3  grav.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie  ;  Furne,  Jouvet  et 
Cie  ;  Pagnerre.  7  fr.  50. 

Histoire  de  l'origine  des  inventions,  des  décou- 
vertes et  des  institutions  humaines  ;  par  D.  Ramée 
architecte.  In-S",  viii-540  p.  Paris,  lib.  Pion. 

Grammaire  des  langues  romanes  ;  par  Frédéric 
Diez.  3"  édition,  refondue  et  augmentée.  T.  3.  Traduit  par 
Alfred  Morel-Fatio  et  Gaston  Paris.  1"  fascicule.  ln-8°, 
22i  p.  Paris,  lib.  Franck.' 

La  chanson  de  Roland  ;  Texte  critique,  traduction 
et  commentaire  ;  par  Léon  Gautier,  professeur  à  l'école 
des  Chartes,  ô":  édition.  In-8%  395  p.  vign.  et  à  grav. 
Tours,  lib.  Marne  et  (ils. 

Grammaire  française,  rédigée  d'après  le  programme 
officiel  des  écoles  de  la  ville  de  Paris.  Cours  élémentaire 
accompagné  de  883  exercices  ;  par  .M.M.  L.  Leclair,  agrégé 
et  C.  Rouzé,  professeur  agrégé,  à"  édition,  corrigée. 
In-12,  U4  p.  Paris,  lib.  Belin. 


Publications  antérieures  : 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hacheile  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


FROMONT  JECiNE  ET  RISLER  AINE.  —  Mœurs  pari- 
siennes, —  Par  Alphonse  D-^udet.  —  Septième  édition.  — 
Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs.  28,  quai  du 
Louvre. 

ŒUVRES  DE  VADÉ,  précédées  d'une  notice  sur  la  vie 
et  les  œuvres  de  Vadé.  —  Par  Julikn  Lemer.  —  Paris. 
Garnier  frères,  libraires-éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


RECUEIL   ALPHABÉTIQUE    DE    CITATIONS   MORALES 

des  meilleurs  écrivains,  prosateurs  et  poètes,  historiens 
etphilosoph<?s  de  tous  les'tempset  surtout  contemporains, 
ou  ENCYCLOPÉDIE  MORALE.  —  Par  M.  E.  LounENs,  chef 
d'institution  honoraire.  —  Un  beau  volume  grand  in-S" 
Jésus  à  deux  colonnes.  —  Ouvrage  adopté  par  la  Com- 
mission olTicielle  des  livres  pour  prix  et  pour  toutes  les 
bibliothèques  scolaires  de  France.  —  Prix  :  6  francs. 


ECHOS,  CHOIX  DE  POÉSIES.  —  Par  le  pasteur  A.  Esche- 
N.iCER.  —  Un  joli  volume  elzévirien,  où  l'on  trouvera 
entre  autres  une  pièce  souvent  signalée  sur  le  Bombar- 
dement de  Slrasbourg.— Paris,  librsiirie  Satidoz  et  Fish- 
bâcher,  33,  rue  de  Seine. 


LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE  depuis  l..  ronM.^TiON  de 
L.\  LANGEE  jusqu'a  NOS  JOURS.  —  Lectiires  choisies.  —  Par 
le  lieutenant-colonel  STAAFF,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  de  l'Instruction  publique  en  France.  —  Ou\rage 
désigné  comme  prix  aux  concours  généraux  de  1868  à 
1872;  adopté  et  recommandé  par  la  commission  des 
Bibliothèques  de  quartier,  etc.,  etc.  —  Quatrième  édition. 
—  Six  volumes  du  prix  de  Zi  à  5  francs  chacun.  —  Paris, 
K  la  librairie  académique  Didier  et  Cie,  35,  quai  des 
Grands-Augustins,  et  à  la  librairie  classique  de  Ch.  Delà- 
grave  et  Cie,  58.  rue  des  Ecoles. 


POÉSIES  DE  THÉODORE  DE  BANVILLE,  les  exuAs  ■ 
LES. PRINCESSES.—  Parls,  Alphonse  Lemerre,  éditeur,  27-29*, 
passage  Choiseul.  —  Prix  :  G  fr. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  W  et  la  5<=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vangelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  l",  ta  2'  el  la  3"  année  doivent  être  pro- 
cliainement  réimprimées . 


.LE  DIT  DES  RUES  DE  l'AP.lS  (1300)  —  Par  Guillot 
(de  Parisf  —  Avec  préface,  notes  et  glossaire  —  Par 
Edgar  M.\rel-se  —  Suivi  d'un  plan  de  Paris  sous  Philippe- 
le-Bel.  —  Paris,  Librairie  générale,  72.  boulevard  Hauss- 
mann. 


LE  PARLEMENT,  LA  COUR  ET  LA  VILLE  pendant  le 
procès  de  Robert-François  DAMIENS  (1757)  —  Lettres  du 
poëte  Robbé  de  Beauveret  au  dessinateur  Desfriches.  — 
Publiées  pour  la  première  fois.  —  Avec  notice,  notes  et 
documents  inédits  —  Par  Georges  d'Heylli  —  Paris. 
Librairie  générale,  72,  boulevard  Haussmann. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo-française,  il  parait  tous  les  mois  à  Brighton  un  recueil  littéraire,  philosophique  et 
politique  dont  le  directeur,  le  Révérend  César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pour  l'AxGLETEnnE  ou  le  Continent, 
des  places  de  professeur  et  d'institutrice  à  ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires. 
—  L'abonnement,  qui  est  de  10  fr.  pour  la  France,  peut  se  pren  Ire  à  Paris,  chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires, 
33^  rue  de  Seine,  ou  à  Brighton.  chez  M.  Duval.  92,  Eastern  Road  (A/franchir). 


ON   DEMANDE   POUR   UNE   INSTITUTION  EN  VALACHIE 
Un  Français  pouvant  donner  des  leçons  de  Grammaire,  de  Rhétorique,  de  Littérature  et  de  Sciences  physiques  et 
naturelles,  à  partir  du  1"  septembre  prochain.  —  Pour  les  renseignements,  s'adresser  à  M.  H.  Maréchal,  79,  boule- 
vard St-Germain,  à  Paris. 

CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876.  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris:  L'histoire  du  huitième  arrondissement.—  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;.le  2=  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  S""  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  l"  juin  1875. 

L\  Société  d'éducation  de  Lyon  a  mis  au  concours  pour  1876  le  sujet  suivant  :  Préciser  ce  que  peut  el  doit  faire 
l' Instituteur  primaire,  en  ce  qui  concerne  Véducalion  de  ses  élèves  ;  indiquer  par  quels  moyens  il  accomplira  le  mieux 
cette  partie  de  sa  lâche.  —  Le  prix  sera  de  500  fr.,  décerné  dans  la  séance  publique  de  1876,  sous  le  nom  de  Prix  de 
la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  septembre  prochain,  à  M.  Palud,  libraire, 
/(,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 


La  Société  d'encouragement  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  el  développer 
les  moyens  les  pl:s  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  le  bien-être  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  Secrétaire-général,  2,  rue  Brochant-Ratignolles,  avant  le 
31  décembre  1875. 

La  Société  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tarn-et-Garonne  publie  le  programme  des  concours  de  1876- 
1877.  Voici  celui  de  littérature  et  de  poésie.  La  Société  propose  pour  cette  année  1876  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  200  fr.  ii  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.);  une  médaille  d'argent  de  la  valeur 
de  100  fr.  il  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la  valeur  de  50  fr. 
au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées  au  Secrétaire 
de  la  Société,  à  Montauban. 

Académie  des  lettres  de  Rouen.  —  Prix  ii  décerner  en  1877  pour  un  conte  en  vers  de  100  vers  au  moins.  — 
S'adresser  au  Secrétaire-perpétuel,  .M.  Julien  Loth. 


La  Société  dunkerquoise  reçoit  les  manuscrits  pour  le  Concours  de  1875,  jusqu'au  l"  octobre;  —  Les  Sociétés 
académiques  de  Troyes,  de  Lille  et  l'Académie  de  la  Rochelle,  jusqu'au  15  octobre;  —  La  Société  littéraire  d'Apt, 
l'Académie  do  Bordeaux  et  la  Société  académique  do  Boulogne-sur-Mer,  jusqu'au   I'"'  novembre. 


Le  rédacUnir  du  Courrier  de  Vuuf/r/us  fst  \i.<ible 


liunau  (le  7>iidi  à  vne  heure  et  demie. 


Imprimerie  GULVEK.NKIH,  G.  U.\l.li;Llii,  a  INogeiU-leltotrou. 


6"  Année 


N°  9. 


1"  Septembre  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^ 


;^^\^U  DE  YAliGy,7 

v\  \  y.^  Journal  Semi-Mensuel  ^ -JJj  i 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Paraissant    le    1"  et   le    15    de    chaque   mois 

{Dam  sa  séance  du  1î  janvier  1S75,  l'Académie  française  a  décerné  le  pri.r  Lambert  à  celle  publication.) 


4y 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  Franre.     6  f. 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne.  50  c. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEUR    SPÉCIAL  POUR   LES    ÉTRANGERS 

Oflicier  d'AcdJémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à.  Paris. 


ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressanf,  soit 
direclement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 


SOMMAIRE. 
Communication  sur  la  prononciation  de  Ouate;  —  Explication 
et  signification  de  Prendre  ses  jambes  à  son  cou: —  Ce  que 
doit  être  un  Prannel;  —  Si  c'est  une  faute  que  d'écrire 
Oignon  sans  i  1]  Explication  de  Fesser  la  messe  ;  —  Elyinolo- 
gie  de  Brandi  dans  Tout  brandi  ||  Passe-temps  grammatical 
[  Fin  de  la  biographie  de  Laurent  Chifflel  ||  Ouvrages  de 
grammaire  et  de  littérature  ||  Familles  parisiennes  pour  la 
conversation  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

Voici  la  seconde  des  deux  communications  que  j'ai 
annoncées  dans  mon  numéro  8,  comme  venant  d'un 
nouvel  aijonné  de  Rouen  : 

Le  mot  ouate  peut-il  admettre  l'aspiration? 

C'est  par  l'analogie  que  le  Courrier  de  Yaugelas  s'est' 
prononcé  pour  la  négative  (15  juin  dernier,  p.  -iO),  parce 
que  le  dictionnaire  de  M.  Littré  n'offre  qu'un  très-petit 
nombre  de  mots  oii  rette  diphthongue  soit  aspirée. 

Ke  pourrait-on  pas,  aussi  bien,  invoquer  l'etymologie? 

En  effet,  sur  le  passage  du  Lutrin,  cité  dans  cet  article. 
On  apporte  à  l'instant  ses  somptueux  habits 
Où  sur  l'ouale  molle  éclate  le  tabis; 
une  édition  de  Boileau  (m.  dcc.  Lxvr,  2  vol.  in-1'2),  annotée 
par  l'abbé  Renaudot  et  M.  de  Valincour,  porte  en  note  -. 
«  Nos  anciens  disoient  oue  pour  oie,  et  ouctte  pour  oison, 
t  Le  mot  û'ouale  qu'on  prononce  ouette  en  province,  Vient 
»  de  là,  par  rapport  à  ce  mol  duvet  que  Rabelais,  liv.  4, 
»  ch.  13,  exalte  si  fort  dans  les  oisons.  Cette  étymologie  est 
»  de  M.  de  la  Monnoye.  » 

Laissons  de  côté  l'indication  fautive  du  passage  de 
Babelais.  Cependant,  s'il  est  vrai  que  le  mot  ouate  vienne 
du  vieux  mot  oue,  ce  ne  serait  donc  plus  par  analogie, 
mais  bien  à  cause  de  l'etymologie  qu'il  faudrait  toujours 
écrire  l'ouate  et  non  la  ouate,  puisque  le  mot  oue  n'était 
jamais  aspiré  chez  nos  anciens  auteurs.  Maître  Pathelin 
ne  dit-il  pas  â  Guillemette,  en  parlant  du  drapier  Gos- 
seaume  : 

Il  doit  venir  manger  de  l'oue. 

Je  conçois  que  l'auteur  de  cette  communication,  qui 


habile  Rouen,  capitale  d'une  ancienne  province  ot'i  l'on 
prononce  ouette,  ait  pensé,  comme  La  Monnoye,  qui 
était  de  Dijon,  capitale  d'une  autre  ancienne- province  oi't 
l'on  prononi'ait  de  même  en  écrivant  ouaite,  que  le 
mot  onate  vient  de  oue,  nom  que  l'on  donnait  autre- 
fois aux  oies.  Mais  c'est  une  erreur  dont  les  réflexions 
suivantes  pourront,  à  mon  avis,  faire  justice  : 

1°  La  ouate  est  du  coton  que  l'industrie  a  substitué 
au  produit  naturel  de  l'apocyn  (en  langage  scientifique 
Asctepias  Syriuca],  plante  originaire  de  Syrie,  d'Egypte 
et  d'Asie  mineure,  quand  le  coton  fut  devenu  commun 
en  Europe,  c'est-à-dire  au  xvii°  siècle.  Or,  pourquoi 
lui  avoir  donné  le  nom  du  petit  d'un  oiseau  de  basse- 
cour  qui  fournit  la  plume  dont  on  fait  des  lits?  On 
comprendrait  jusqu'à  un  certain  point,  attendu  qu'elle 
en  a  quelque  peu  l'apparence,  qu'on  l'eîit  nommée 
comme  la  plume  d'oie,  mais  cette  plume  n'a  jamais  été, 
■que  je  sache,  appelée  ouette. 

2"  Comme,  dans  toutes  les  langues  de  l'Europe  occi- 
dentale, le  mot  en  question  s'écrit  par  un  a  avant  le  t, 
ou  son  équivalent  le  rf  (anglais,  w'rtf/;  wallon,  «-aW; 
espagnol,  Iniata;  italien,  orata;  allemand,  watte; 
hollandais,  md),\\  est  évident  que  la  forme  française 
de  ce  mot  est  ouate;  et,  attendu  que  ate  n'est  point 
une  finale  diminutive  dans  notre  langue,  il  en  résulte 
que  owa^e  estun  in'imilif,  et  non  un  dérivé. 

3o  Dans  le  Dictionnaire  étijmolorjique  de  Ménage 
(1730),  oiiate  est  qualifié  par  Le  Duchat  de  «  mot 
nouveau  ».  Or,  à  cette  époque,  le  mot  ouette,  petite 
oiie,  avait  cessé  depuis  longtemps  d'être  en  usage,  car 
je  ne  l'ai  trouvé  ni  dans  Furetière  (1771),  ni  dans 
Nicot  (1606),  ni  même  dans  Roquefort,  qui  ne  va  que 
jusqu'au  xvi"  siècle.  Quelle  raison  y  aurait-il  donc 
eu  d'aller  chercher  cet  archaïsme  pour  dénommer 
un  produit  que  l'on  venait  do  créer?  .le  n'ai  pas 
d'exemple  d'une  semblable  antithèse. 

Comme  ouate  n'a  pu,  en  aucune  façon,  être  tiré  de 
ouctte,  diminutif  de  o«e,  il  en  résulte  qu'il  faut,  comme 
je  l'ai  fait,  invoquer  l'analogie  et  non  l'tîtymologie  pour 


66 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


décider  la  question  de  savoir  comment  l'initiale  ou  doit 
se  prononcer  dans  ce  mot. 

X 
Première  Question. 
Quelle   est  la  xiynificatioii    exacte  de  l'expression 
PKK^DRE  SES  JAMBES  A  SON  COU,  et  commeiit  expliquez- 
vous  cette  expression,  que  M.  Littré  qualifie   à   bon 
droit,  il  me  semble,  de  «  singulière  ». 

Un  collaborateur  de  V Intermédiaire,  journal  où  la 
même  question  avait  été  posée  (1'"  et  2^  année),  a 
cherché  à  expliquer  celte  expression  par  le  correspon- 
dant qu'elle  a  en  anglais  et  en  allemand.  Mais  je  crois 
cette  méthode  défectueuse,  et  voici  pourquoi  : 

Etant  donnée  l'expression  prendre  ses  jambes  à  son 
cou,  l'expression -correspondante  en  anglais,  to  go  neck 
and  heels  together  (aller  cou  et  jambes  ensemble),  s'en 
tire  facilement  :  quand  on  a  pris  ses  jambes  à  son  cou, 
le  cou  et  les  jambes  doivent  être  réunis;  et  il  en  est  de 
même  de  l'expression  allemande  Die  Beine  in  die  Hand 
wetee»  (prendre  sesjambesàsa  main),  car  pour  prendre, 
mettre  ses  jambes  à  son  cou,  il  faut  employer  les 
mains.  D'où  je  conclus  que  prendre  ses  jambes  à  son 
cou  doit  bien  plutôt  servir  à  expliquer  la  manière  dont 
deux  peuples  voisins  ont  rendu  la  même  idée,  que  la 
forme  de  ladite  expression  en  anglais  et  en  allemand 
ne  doit  servir  à  expliquer  celle  qu'elle  a  revêtue  en 
français. 

Selon  moi,  l'expression  dont  il  s'agit,  qui  appartient 
à  la  langue  familière  (langue  qui  admet  les  associations 
les  plus  contraires  à  la  nature  des  mots,  qui  parfois 
semble  prendre  à  tâche  d'obscurcir  la  pensée  au  lieu 
de  la  mettre  en  évidence),  celte  expression,  dis-je,  ne 
peut  trouver  son  explication  que  dans  notre  idiome  lui- 
même,  ce  dont  j'espère  vous  fournir  une  preuve  incon- 
testable. 

Les  quilles  étaient  un  des  jeux  de  l'ancienne  France; 
et,  attendu  que  lorsqu'on  les  troussait,  c'est-à-dire 
qu'on  les  mettait  dans  le  sac,  c'était  pour  s'en  aller, 
partir,  on  a  dit  d'abord  trousser  ses  quilles  et  trousser 
son  sac  et  ses  quilles,  dans  ce  sens,  comme  les  citations 
suivantes  en  font  foi  : 

'Sans  plus  dire  dpspesche-toy 
Incontinent  trousse  les  quilles. 

\^Le  Mislcre  du   Vicl  Test,  par  pers.,  cité  par  Fr.  Michel.) 

Si  tu  n'è  d'ène  humeur  jantille 
Trouce  me  ton  sai  et  le  quille. 

(Dicl,  Jt,  et  bourg.  ^  dans  Mignard,  p.  280'.) 

D'autre  part,  les  dames  gentilles 
Promptement  ?roiiiseren<  leurs  quilles. 

(D'As^oucy,  Jug.  de  Paris.) 

MaudoUp,  sus  à  la  justice 
Troussez  costre  sac  et  voz  quilles. 

(Citiî  par  Fr.  Michel,  Dict.  d'Arfjnt.) 

11  faut  de  grand  matin  demain  trou-'^-ier  ses  quilles. 

(Th.  Corneille,   D.  Serlrand  de  Cig,  II.  4.) 

Et  trousser,  vos  sacs  et  vos  quilles. 

(Ch.  d'Orlean»,  Rondel.) 

Avec  le  temps,  la  première  de  ces  expressions  a  subi 
deux  transformations  remarquables. 

Première  transformation.  —  Comme  le  verbe  (rousser 


a  le  sens  de  plier,  sens  qu'il  availdès  saint  Louis, elque, 
par  plaisanterie,  quille  se  disait  anciennement,  comme 
aujourd'hui,  pour  jambe,  on  a  remplacé  trousser  par 
plier,  quilles  par  Jambes,  et  l'on  a  dit  -.plier  ses  jambes, 
pour  trousser  ses  quilles,  preuve  ces  deux  exemples 
trouvés  par  M.  Littré  dans  un  ouvrage  du  xv  siècle  : 

Et  sur  ce  le  galant,  qui  a  un   pou  de  delay,  desplée  ses 
jambes  et  s'en  va. 

{Les  \S  joycs  de  mariage,  p-   Iî3-) 

Le  gallant  ployé  ses  jambes  et  s'en  va. 

(Idem,  p.   l5o.) 

Seconde  transformation.  —  Les  quilles  une  fois 
troussées,  on  emportait  au  cou  le  sac  qui  les  contenait, 
comme  les  bergers  font  leur  pannetière,  les  chasseurs 
leur  carnassière,  et  les  colporteurs  leur  balle.  Or,  après 
la  substitution  de  Jambes  a  quilles,  on  a  été  naturelle- 
ment conduit  à  dire  prendre  ses  jambes  (ses  quilles)  à 
son  cou,  et  cette  expression,  qui  a  eu  la  bonne  fortune 
de  se  voir  préférer  à  plier  ses  Jambes,  peut-être  parce 
qu'elle  était  plus  singulière  encore,  est  restée  seule, 
dans  la  langue  moderne,  comme  synonyme  de  trousser 
ses  quilles  : 

Alors  se  voyant  dans  la  basse-cour,  il  a  pris  ses  jambes  à 
son  cou,  et  ne  savait  oii  donner  de  la  tète. 

(Mme  de  Genlia,  T/i.  d'Ediic,  la  Cloison,  se.  l4.) 

Et  prenant,  sans  tarder,  mes  jambes  à  mon  cou 
J'arrive  tout  en  nage  et  plus  qu'à  moitié  fou. 

(Desforges,  Tom  Jchn  à  Londres,  III,  3.) 

Telle  est  la  manière  dont  j'explique  l'expression  que 
vous  m'avez  proposée.  Je  pense  que  c'est  la  vraie  ;  et 
voici,  du  reste,  deux  raisons  qui  me  semblent  propres 
à  donner  crédit  à  cette  opinion  : 

l»  Antoine  Oudin  nous  apprend  qu'on  disait  éga- 
lement «  Jelter  ses  Jambes  à  son  cou.  »  Ce  jetter 
n'exprime-t-il  pas  bien  ici  l'action  de  celui  qui,  après 
avoir  mis  les  quilles  dans  leur  sac,  se  lance  le  tout  sur 
le  cou  pour  le  porter  plus  facilement'? 

2°  Le  même  auteur  ajoute  :  «  D'autres  disent  Pendre 
ses  jambes  à  son  cou.  »  L'emploi  de  ce  verbe  pendre 
est  justifié  aussi  par  la  manière  dont  un  paquet  se 
porte  au  cou  :  il  y  est  pendu,  en  quelque  sorte,  soit 
par  un  cordon  soit  par  une  courroie. 

Voyons  maintenant  quel  est  au  juste  le  sens  de 
l'expression  prendre  ses  Jambes  à  son  cou. 

Les  lexicographes  sont  peu  d'accord  là-dessus  : 
d'après  Antoine  Oudin  (1640),  elle  signifie  «  se  mettre 
en  chemin,  s'en  aller  »  ;  selon  la  première  édition  de 
l'Académie  (1604),  elle  veut  dire  «  se  disposer  à  partir 
promptement,  sur  l'heure  «  ;  d'après  Furelière  (1727), 
elle  se  dit  de  celui  «  qui  se  résout  à  partir  pour  quelque 
message,  quelque  voyage»;  Riclielet  (1728)  dit,  lui, 
«  partir  pour  un  message  »;  pour  Trévoux  (1771), 
elle  signifie  «  se  sauver,  s'enfuir,  partir  promptement  »  ; 
à  en  croire  Quitard,  elle  veut  dire  «  s'enfuir  de  toute 
sa  vitesse  »;  Fr.  Michel  lui  trouve  simplemeni  le  sens 
de  «  s'enfuir  »;  enfin.  Th.  Lorin  [Vocabulaire  pour 
les  œuvres  de  La  Fontaine),  pense  qu'elle  équivaut  à 
«  s'en  aller,  s'enfuir  rapidement  ». 
Comment  trouver  qui  a  raison  ici'? 
11  est  évident  que,  pour  découvrir  le  véritable  sens  de 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


67 


prendre  ses  jambes  à  son  cou,  il  n'y  a  qu'à  inlerroger  les 
expressions  plier  ses  jambes  et  trousser  ses  quittes,  qui 
onl  rendu  précédemmenl  la  même  pensée.  Or, 'dans 
les  exemples  suivants,  ces  locutions  marquent  seule- 
ment l'action  de  recueillir  quelques  efl'ets  qui  se 
peuvent  emporter  avec  soi  : 

Et  mepsifo  Jehan  trousse  ses  quilles  et  s'en  va  tout  riroict 
devers  le  roy. 

(Chastellain,  C/ir.  des  D.  de  Bourg.,  IIl,  p.    i85.) 

...  Le  galant,  quia  un  pou  de  deslay,  desplée  ses  jambes 
et  s'en  va. 

[Les  ib  Joies  de  mariage,  p.  123.) 

Le  gallant  ployé  ses  jambes  et  s'en  va. 

[Idem,  p.  l5o.) 

J'en  tire  celte  conclusion  que  prendre  ses  jambes  à 
son  coti,  dont  le  sens  a  été  évidemment  altéré  au 
xvii«  siècle  par  suite  de  l'ignorance  où  l'on  était  rela- 
tivement à  l'oiigine  de  ladite  expression,  veut  dite 
tout  siiniilement  plier  bagage,  et,  par  métonymie, 
figure  qui  permet  de  prendre  le  conséquent  pour  l'an- 
técédent, s'en  aller, partir,  mais  sans  impliquer  aucune 
idée  de  marche  rapide  ni  de  fuite. 

X 

Seconde  Queslion. 
La  Revue  des  Socie'te's  SAVA^'TES  [Mai  \  867"  a  publié 
une  pièce  trouvée  à  la  Bibliothèque  nationale  par 
M.  Léopold  Delisle,  oit  il  est  question  de  plusieurs 
«  traraux  de  hucherie  «  faits  par  Gautier  d'Oessel,  au 
château  de  Rouen,  en  1433,  lorsqu'il  présente  ses 
comptes  à  la  vicomte  de  cette  ville.  On  y  lit  ce  pas- 
sage :  «  Fait  unrj  prannel  ou  'au^i  degré  de  la  chambre 
où  soulloit  estre  logice  Jehanne  la  Pucelle.  »  Qu'est-ce 
qu'un  PUANNEL?  La  question  a  d'autant  plus  besoin 
d'être  résolve,  qu'elle  a  une  importance  historique,  que 
le  mot  ne  se  trouve  pas  dans  une  dizaine  de  vieux 
dictionnaires  qui  ont  été  consultés,  et  que  plusieurs 
savants  déclarent  ignorer  le  sens  précis  qu'il  faut 
attacher  à  ce  mot. 

Grâce  à  la  complaisance  de  M.  Léopold  Delisle, 
aujourd'hui  directeur  de  la  Bibliothèque  nationale,  j'ai 
pu  voir  la  pièce  en  question,  qui  m'a  été  montrée  et 
lue  avec  empressement  par  M.  Ulysse  Robert,  jjréposé 
au  département  des  .Manuscrits. 

Il  y  a  bien,  comme  vous  le  dites,  prannel  :  toutes  les 
comparaisons  qui  peuvent  être  faites  entre  les  deux 
premières  lettres  de  ce  mot  et  les  p  et  les  r  du  reste  de 
la  pièce  ne  permettent  pas  de  lire  autrement. 

11  faut  donc  expliquer  prannel,  ce  que  je  présume 
n'être  pas  impossible. 

Des  «  travaux  de  hucherie  »  étaient  des  travaux  de 
menuiserie;  car  on  apprend  dans  le  Dictionnaire 
des  Arts  et  Métiers,  au  mol  Menuisier,  que,  jusque  vers 
la  fin  du  xiv-'  siècle,  les  menuisiers  s'appelaient  en 
France  huchers,  ce  qui  implique  pour  leur  métier  le 
nom  de  hucherie. 

On  sait  d'un  autre  côté  que,  jusqu'au  xtu'^  siècle, 
ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  escalier  s'est  appelé 
degré  : 


Colui  cui  il  l'ot  commandé 
A  tost  le  cheval  enseie, 
Et  puis  au  degré  li  amené. 

(lienard,  23307.) 

Apportant  ung  plat  de  viande  sur  le  degré. 

(Commines,  I,  9.) 

Il  .se  laissoit,  maintes  fois  tomber  du  haut  d'un  degré,  ou 
en  la  trappe  dune  cave. 

(Desperlers.  Contes,  LXXIX.) 

Il  s'agit  donc  d'un  travail  en  bois,  d'une  réparation 
que  le  menuisier  Gautier  d'Oessel  a  exécutée  à  une 
partie  de  l'escalier  qui  conduisait  à  la  chambre  où  fut 
renfermée  Jeanne  d'Arc. 

Or,  j'ai  cherché  dans  l'Encyclopédie  et  bien  ailleurs 
les  noms  techniques  des  diverses  parties  d'un  escalier; 
et.  dans  les  lignes  suivantes,  j'en  ai  trouvé  un, 
panneau,  que  je  crois  être  identiquement  le  même  que 
celui  de  votre  question  : 

Lorsque  le  dessous  des  escaliers  doit  être  décoré  de 
compartiments  avec  panneaux,  l'épaisseur  des  limons  et 
les  battants  de  rives  doivent  être  développés;  quant  aux 
traverses  etaux  panneaux,  les  bois  qui  les  forment  doivent 
être  élégis  comme  les  dessous  dont  nous  venons  de 
parler. 

{Manuel  du  Menuisier,  Coîl.  Roret,  I,  p.   3Ô2.) 

En  effet,  à  la  date  où  fut  présenté  le  mémoire  de 
Gautier  d'Oessel  (ii^3],  le  mol ^anweaM;  dans  toutes 
ses  signiOcalions,  se  disait  pa?ine/,  comme  le  montrent 
ces  exemples  : 

Si  monta  sus  le  comte  sans  selle  et  sans  pannel. 

(Froissart.  Il,  II,  p.  159.) 

Au  trou  oii  le  conin  se  glisse 

Ma  bourse  et  mon  pannel  tendoie. 

(Em.  Deschamps,  Poés.,  mss.,  f°  438-) 

D'où  celte  première  conséquence  que  le  menuisier 
dont  il  s'agit  a  parfaitement  pu  mettre  sur  sa  note 
qu'il  avait  fait  un  pannel. 

Maintenant  quand  je  considère  : 

i"  Que  si  prannel  n'a  jamais  été  rencontré  dans 
aucun  des  dictionnaires  français  où  l'on  a  pu  le  cher- 
cher, il  n'est  nullement  rare,  dans  notre  langue,  de 
voir  la  lettre  r  mise  dans  des  mois  où  elle  n'est  point 
appelée  par  l'élymologie,  puisqu'on  trouve  :  chanvRe 
(cnnna.h'is  ,  f Ronde  (funda),  tRésor  (thesaurusi,  chartRe 
(caria) ,  registRe  (regeslum  ,  poutRe  (postis)  ;  char- 
(Z/?o?ine<,  pop.  (chardonneret); 

2°  Qu'en  supposant  que  \'r  de  prannel  ne  soit  pas 
une  faute  de  copiste,  il  a  très-bien  pu  se  faire  que  les 
artisans  rouennais  du  xv°  siècle,  et  partant  les  menui- 
siers, eussent  l'habitude  de  prononcer  cette  lettre  dans 
panneau; 

J'en  lire  cette  seconde  conséquence,  qui  sera  aussi  ma 
conclusion,  que  prannel  n'est  probablement  qu'un 
terme  propre  à  l'ancienne  population  de  Rouen,  terme 
formé  de  pannel,  panneau,  et  enrichi  d'une  ;•  adven- 
tice, comme  les  mots  que  je  viens  de  citer. 
X 

Troisième  Question. 
Je  vous  serais  extrêmement  reconnaissant  si  vous 
vouliez  bien  répondre,  dans  vos  prochains  ?iuméros,  à 
la  question  .■suivante  :  Celui  qui,  dans  un  examen, 
écrirait  ognon  et  non  oionox  commettrait-il  une 
faute  ? 


68 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Qu'est-ce  qu'une  faute? 

Un  manquement  à  un  principe,  à  un  usage,  à  une 
manière  de  faire  quelque  chose. 

Or,  quelle  est  la  manière  reçue  d'écrire  le  mot  en 
question?  C'est  oigno7t,  avec  un  i  après  l'o,  forme  qui 
se  trouve  dans  tous  les  dictionnaires,  tant  anciens  que 
modernes. 

C'est  donc  une  faute  que  d'écrire  le  mol  sans  (',  dans 
quelque  circonslance  que  ce  soit. 

Peut-éire  dira-t-on  que  oùjnon  se  prononçant  comme 
s'il  n'y  avait  pas  d"(,  on  peut  supprimer  celte  lettre; 
mais  que  de  mots  contiennent  des  lettres  qui  ne  se 
prononcent  pas,  et  qui  sont  cependant  rigoureusement 
exigées  pour  leur  orthographe!  Par  exemple,  pour  ne 
citer  que  des  cas  analogues  à  celui  d'oigtion,  l'i  est  muet 
également  dans  neige,  pleine,  treize,  Seine,  etc.,  sans 
y  être,  pour  cela,  moins  indispensable. 

ÉTRANGER 

Première  Question. 
Comment  expliquez- cous  l'expression  fesser  la  messe, 
pour  signifier  la  dire  promptement?  Il  me  semble  qu'il 
y  a  là  deux  termes  hurlant  un  peu  de  se  voir  assem- 
blés, car  on  ne  bat  pas  la  messe. 

Probablement  parce  qu'en  stimulant  un  attelage  avec 
le  fouet,  on  fait  marcher  plus  rite  le  véhicule,  la 
langue  anglaise  emploie  to  ichip  (fouetter),  pour  signi- 
fler  faire  exécuter  un  prompt  mouvement  à  l'objet  dont 
le  nom  figure  généralement  comme  régime, mouvement 
dont  la  nature  est  indiquée  par  la  préposition  qui  suit 
to  ichip.  Ainsi  elle  dit  : 

To  toiiip  off  a  thing  (faire  exécuter  un  prompt 
mouvement  d'éloignement  à  une  affaire,  c'est-à-dire 
l'expédier)  ; 

To  ichip  ont  (faire  exécuter  un  prompt  mouvement 
d'extraction,  c'est-à-dire  tirer  promptemenfi  ; 

To  whip  up  (faire  faire  un  prompt  mouvement  d'as- 
cension, c'est-à-dire  saisir  ou  prendre  promptement)  ; 

To  ivhip  dou'n  lexécuter  un  prompt  mouvement  de 
descente,  c'est-à-dire  descendre  promptement)  ; 

To  tvhip  in  (faire  un  prompt  mouvement  d'entrée, 
c'est-à-dire  entrer  promptement]. 

Or,  chez  nous,  le  verbe  fouclter  s'est  construit  au 
xvi°,  au  XYH"  et  au  xvni'  siècle  d'une  manière  presque 
semblable,  avec  certains  substantifs,  ce  dont  voici  la 
preuve  : 

Ainsi,  mon  amy,  fouclle  moy  ce  vuijrre  de  vin. 

(Rabelais,  Garg.,  I,  5:) 

C'est  lui  qui  fait  que  les  femmes,  pour  avoir  quelque 
chose  de  masculin,  portent,  au  lieu  de  cravate?,  des 
stPinkerques,  et  le  poignard  au  bout,  qu  elles  fnuett'enl  les 
bouteilles  de  vin  comme  des  Suisses,  le  ratafial  et  l'eau 
clairette  comme  nos  jeunes  officiers. 

(Ghérardi,  VI,  pi  390.) 

On  dit  aussi  fouetter  le  cahier,  pour  dire  écrire  fort  vite, 
ou  achever  vite  son  ouvrage  bien  ou  mal. 

(Fureticre.5 


Mais  fouetter  a  un  synonyme  en  français,  fesser, 
lequel,  dans  le  sens  de  faire  vite  l'action  réellement 
subie  par  le  régime,  semble  avoir  eu  la  préférence  : 

Elle  fesse  son  vin  de  Champagne  à  merveille,  et  sur  la 
fin  du  repas,  elle  devient  fort  tendre. 

(Regnard,  Sérén.,  II.) 

îs'ous  les  aidâmes  à  fesser  les  meilleurs  vins. 

(Lesage.  Gil  Bios,   Vil,   14.) 

Pour  divertir  la  veuve  et  la  consoler  de  la  perte  du 
défunt,  ils  fessent  son  vin  de  Champagne  à  la  santé  du 
mort. 

(Dancoun,  Stc.   chap.  du  Diab.  boit.,   I,    i,l 

On  trouve/'esser  le  requiem  dans  Oudin  (Curios.  franc. , 
p.  219}  avec  le  sens  de  «  se  hâter  en  chantant  pour  les 
morts  »;  d'après  le  même  auteur,  on  disait  fesser  le 
bréviaire,  fesser  l'alleluia,  pour  signifier  les  dire 
promptement  :  on  a  dit  naturellement,  comme  étant 
dans  le  même  ordre  d'idées,  fesser  la  messe,  pour 
signifier,  en  parlant  de  celui  qui  officie,  arriver  aussi 
vite  que  possible  à  Vite  missa  est. 

X 

Scconile   Question. 
J'ai  trouvé  ceci  dans  le  xw^  Siècle  du  17  février 
•1874  :  «  Je  n'ai  pas  la  prétention  de  produire  ici  une 
organisation  TOUTE  brasdie.  »   Quel  est,  je  vous  prie, 
le  sens  de  cette  phrase? 

Voici,  au  sujet  de  l'expression  tout  brandi,  ce  que 
pensent  ceux  de  nos  lexicographes  qui  n'ont  pas 
oublié  de  la  mentionner  dans  leurs   ouvrages  : 

D'après  Cotgrave  (^660l,  elle  signifie  «  totalement, 
tout  entier»;  selon  l'Académie  (1694),  elle  veut  dire 
«  tout  d'un  coup»;  pourFuretière  (1727), c'est  «  de  vive 
force  »;  Trévoux  (1771)  ajoute  à  la  signification  donnée 
par  Furetière  celle  de  :  «  dans  l'état  où  l'on  se  trouve  »; 
le  comte  Jaubert  [Gloss.  du  centre  de  la  France)  lui 
donne  le  sens  de  «  tout  de  go,  tout  entier,  la  tête  la  | 
première  »  ;  Bescherelle  et  Poitevin  reproduisent  le 
sentiment  de  l'Académie;  enfin,  .M.  Littré  y  voit  le 
sens  de  «  comme  la  personne  ou  la  chose  se  trouve.  » 

-Mais  la  diversité  de  ces  renseignements  n'étant  nul- 
lement propre  à  résoudre  la  question  que  vous  me  pro- 
posez, je  vais  m'occuper  d'abord  de  déterminer  le  sens 
de  l'adjectif  qui  en  fait  la  dilficulté. 

Dans  l'armement  du  moyen-âge,  le  mot  brand  dési- 
gnait la  lame  d'une  grosse  épée  qui  se  maniait  à  deux 
mains;  et,  comme  la  partie  se  prenait  souvent  pour  le 
tout,  on  disait  aussi  le  brand  pour  désigner  l'épée  elle- 
même  : 

En  son  poing  tenoit  le  brand  fourbi  d'acier. 

\Berle,  XI.X.) 

Du  substantif  brand,  on  a  dû  faire  l'adjectif  brandi, 

comme  de  casque,  de  brassard  on  a  fait  dans  la  suite 

casqué  el  brassiirdé,  qui  se  disent  d'une  personne  ayant 

un  casque,  un  brassard  : 

Islobad  ne  doutait  pas  qu'étant  casqué,  brassardé,  il  ne 
vînt  à  bout  du  champion. 

(Voltaire,  Zadig,  %\.) 

Précédé  de  tout,  l'adjectif  brandi  a  signifié  tout 
armé  ;  et,  à  l'époque  où  le  brand  était  encore  en  usage. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


O'J 


on  a  dil  d'un  chevalier  qu'il  entrait  quelque  part  tout 
brandi,  lorsqu'il  y  entrait  sans  avoir  déposé  son  braiid, 
comme  nous  disons  tuuf  botté  en  parlant  de  quel- 
qu'un qui,  arrivant  d'un  voyage  ou  de  la  chasse, 
ne  prend  pas  le  temps  doter  ses  bottes  pour  entrer 
dans  un  lieu  où  l'on  pénètre  généralement  avec 
d'autres  chaussures. 

Avec  les  années,  et  surtout  quand  les  guerriers  ne 
portèrent  plus  le  brand,  tout  brandi  passa  du  sens  de 
tout  armé  aux  sens  successifs  de  :  tout  prêt  pour  son 
service,  sans  aucun  changement  de  toilette,  tel  qu'on 
se  trouve,  et,  au  figuré,  sans  se  modifier,  comme 
semblent  l'indiquer  ces  exemples  : 

Il  estoyt  en  griefve  maladie,  tumbé,  par  certaine  cruiité 
d'estomacli,  causée  de  ce  que  la  vertus  concoctriee  de  son 
estomach,  apte  naturellement  à  moulins  à  vent  tousbran- 
diz  digérer  n'avoyt  peu  a  perfection  consommer  lespaelles 
et  cojuasses. 

(Habelaia,  Pantagr.,  liv.  IV.  ch.  XVII  ) 
Sa  colère  s'étoit  tournée  contre  l'Olive,  qui  lo  porta  tout 
brandi,   comme  on  dit  à   Paris,  sur   le   lit  que  faisoit   la 
servante. 

(Scarron,  Hom.  com.,  II,  ch.  7.) 

Ils  antdes  chemises  qui  ant  des  manches  où  j'entrerions 
tout  brandis  toi  et  moi. 

(Molière,  le  Festin  de  Pierre,  11,  se.  1  .) 

Nun  n'entre  an  Paircidi 
To  brandi. 

(Guy  Barozay,  iW/5  bourg\) 

Maintenant  que  la  véritable  signification  de  tout 
brandi  est  découverte  (car,  si  je  ne  m'abuse,  c'est 
réellement  celle  que  je  viens  d'indiquer),  il  est  facile 
de  donner  le  sens  exact  de  la  phrase  que  vous  m'avez 
proposée.  En  effet,  elle  veut,  dire  que  l'écrivain  qui  s'y 
exprime  n'a  point  la  prétention  d'exposer  dans  son 
article  une  organisation  toute  prcte  à  fonctionner 
en  quelque  sorte  comme  l'ancien  chevalier  armé  de  son 
brand. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

10...  basé  sur  autre  chose  que  des  pipes  culottées  (pas  de 
sur);  —  2°  Etant  donnée  cette  situation;  — 3"  .  .  quelque 
dépit  qu'il  en  ait;  —  4° . .  .  à  quelque  trois  cents  voix  de  majo- 
rité ;  —  5°.  . .  ne  doit  tenir  qu'à  une  couple  de  voix:  6"  Que 

voulez-vous  g«'i7  advienne;   —    T...   moitié  allemands,  moine 

slaves;  —   8".  .  .   se  prendre  du  rôle  de  dupes  (pas  de  en)  ■  

9°...  n'aient  pas  été  respectées. . .  n'oient  jamais  trouvé. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1"  M.  Jules  Barni  est  depuis  dix  jours  au  lit,  atteint 
d'une  érésipèle.  Il  n'a  pu,  à  son  grand  regret,  se  rendre  à 
Versailles  pour  le  vote  de  la  loi  dite  d'enseignement 
supérieur. 

2-  Les  bonapartistes  se  défendent  en  disant  qu'ils  ont  fait 
tous  ces  préparatifs  avant  que  l'Assemblée  ait  déclaré 
que  la  République  est  le  seul  gouvernement  légal,  avant 
même  que  le  septennat  ait  été  institué. 


3°  «  Le  cabinet  considérera  comme  un  refus  formel  de 
concours  le  vote  de  l'ordre  du  jour  pur  et  simple  »  ter- 
mine M.  le  Président  du  Conseil. 

4°  iSos  prélats  rivalisent  de  zèle  et  d'activité;  il  n'en  est 
pas  un  qui  ne  tienne  à  coeur  do  posséder  dans  son  diocèse, 
à  l'expiration  des  vacances  scolaires,  sinon  une  université 
complète,  du  moins  une  faculté. 

5"  Cependant  un  bon  averti  en  vaut  deux,  et  il  est  pru- 
dent de  se  faire  vacciner,  si  on  ne  l'est  déjà,  et  revacciner 
si  l'on  a  été  inocculé  il  y  a  quelques  années. 

6°  Mais,  depuis  un  temps  immémorial,  le  docteur 
Lelargp,  puisque  doctftur  il  y  a,  exerçait  le  droit  incontes- 
table de  mettre  au  monde  les  enfants  du  pays,  à  seule 
fin  de  les  assassiner  plus  tard  quand  ils  seraient  ma- 
lades. 

7°  Nous  avons  le  bonheur  de  voir  de  temps  en  temps 
l'imporatrine  du  Mexique.  C'est  une  maîtresse  femme 
qui  ressemble  comme  deux  gouttes  d'eau  à  Louis-Phi- 
lippe. 

8°  Qui  dit  septennat,  dit  institution  d'expédient.  En  face 
d'une  situation  semblable,  ce  serait  pousser  jusqu'à  l'excès 
la  doctrine  du  droit  populaire  que  d'exiger  qu'elle  soit 
ratifiée  par  un  plébiscite. 

9°  Si  tel  est  aussi  le  sentiment  des  lecteurs  du  Voleur, 
j'espère  qu'ils  ne  laisseront  pas  que  de  prendre  quelque 
intérêt  aux  détails  tout  intimes  que  je  dois  aux  confidences 
d'un  vieil  ami. 

10°  M.  le  garde  des  sceaux  se  venge  impitoyablement 
des  craintes  qu'on  a  laissé  percer  touchant  son  silence. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVIl-  SIÈCLE. 

Laurent  CHIFFLET. 

{Suite  et  fin.) 
raoNOîicuTioN  des  consonnes  finales  devant  les 

VOÏELLES. 

La  dernière  censonne  d'un  mol  se  dit  en  une  seule 
syllabe  avec  la  voyelle  qui  commence  le  mot  suivant  : 
louer  un  excellent  homme,  lisez  :  louc-nm-n  exccllen- 
tomme.  Voilà  la  règle  telle  que  les  grammairiens  ont 
coutume  de  l'énoncer.  .Mais  pour  mieux  faire  com- 
prendre son  usage  et  ses  reslriclions,  Chiftlet  ajoute 
une  observation  importante  qui  découvrira  une  mer- 
veilleuse propriété  de  notre  langue,  et  donnera  «  une 
grande  lumière  «  à  loute  la  prononciation  des  consonnes 
finales  devant  les  voyelles  qui  commencent  les  mots 
suivants.  Voici  celte  observation  : 

Les  consonnes  finales,  principalement  !'«,  le  t  et  le 
<^,  prononcé  comme  un  t,  ont  coutume  de  se  faire 
entendre  et  de  sonner  clairement  devant  les  voyelles 
des  mots  suivants  quand  ces  mots  sont  régis  par  le  pré- 
cédent, qui  finit  par  une  consonne,  autrement  non. 
Ainsi  l'adjectif  devant  son  substantif,  la  préposition 
devant  ses  «  cas  »,  le  verbe  devant  son  complément, 
J'  «  adverbe  »  oreou  /'on  devant  son  verbe  impersonnel, 
'  font  sonner  leurs  consonnes  finales,  comme  dans  ces 


70 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


exemples  :  petit-t' enfant  devant-t'hier^  il  alloit-tà  la 
rille,  elc. 

Excepté  dans  sang  et  lomj,  le  ç/  final  ne  se  prononce 
pas  ;  mais  dans  ces  mots  suivis  d'une  voyelle,  il  sonne  c. 

L'n  finale  ne  s'unit  pas  aux  voyelles  qui  commencent 
le  mot  suivant  :  Platon  a  dit. 

L'n  sonne  dans  les  adjectifs  fi.i,  bon,  aucun,  com- 
mun, divin;  les  expressions  vn  fin  homme,  un  bon 
ami,  le  divin  ah.our,  decommun  accord,  aucun  homme 
se  prononcent  :  fin-n  homme,  divin-n  amour,-  commun- 
n'accord,  bon-n'ami. 

Les  mois  mon,  ton,  son  et  un  devant  les  substantifs 
et  les  adjectifs  sonnent  leur  n;  ainsi  mon  ami,  un 
enfant  se  prononcent  mon-ti'ami,  un-n  enfant. 

11  ne  faut  jamais  mettre  un  z  après  on  devant  les 
verbes  commcnranl  par  une  vojelle;  au  lieu  de  on  s'a 
dit,  on  doit  prononcer  on  a  dit. 

Le  p  se  prononce  dans  camp  suivi  d'une  voyelle, 
comme  dans  tout  le  camp  est  en  alarme. 

Dans  les  mois  suivants,  le  t  se  prononce  non-seule- 
ment devant  les  voyelles,  mais  encore  devant  les 
consonnes  :  fat,  placet,  heurt  (1659). 

LES    CONSONNES   AC    COMMENCEMENT    ET    AU   MILIEU 
DES    MOTS. 

C.  _  Avec  une  virgule  dessous,  c'est-à-dire  quand 
c'est  un  «  V  à  queue,  «   on  le  prononce  comme  une  *-. 

On  prononce  indilTéremment  chable  ou  cable. 

Dans  les  mots  Claude,  secret,  second,  le  c  se  pro- 
nonce comme  un  g;  on  dit  Glande,  segret,  segond; 
cependant  on  dit  secrétaire. 

On  dit  indifféremment  bien- fadeur  et  bien-faicteur ; 
mais  au  féminin,  Chifllet  préfère  bienfactrice  à  hien- 
faictrice. 

On  n'écrit  plus  succer,  mais  sucer,  ainsi  qu'il  se 
prononce. 

D.  —  Le  plus  fréquent  el  le  meilleur  usage  est  main- 
tenant de  dire  vinrent  et  tinrent,  plutôt  que  vindrent 
(titindrent.     _ 

Autrefois,  quelques-uns  disaient,  par  ignorance  de 
rétymologie,  adversion  pour  aversion,  qui  veut  dire 
horreur,  dé.lain;  mais  présentement,  il  n'y  a  plus  que 
quelques  femmes  qui   «  retiennent  »  cette  mauvaise 

expression. 

0    Le  mol  vagabond  se  prononce  vacabond,  et 

gangrené  se  prononce  cangrene. 

Dans  signifier,  signer,  assigner,  le  g  ne  sonne  nulle- 
ment; on  dit  :  sinifier,  siner,  assiner  (1659). 

L.  _  Les  //  mouillées  se  prononcent  comme  II  en 
espagnol  el  gli  en  italien. 

Les  //  ne  sont  pas  mouillées  dans  les  mots  anguille, 
camomille,  pupille. 

L'I  simple  n'a  jamais  le  sou  mouillé  dans  le  corps 
des  mois,  excepté  dans  gentilhomme. 

p.  —  Les  mots  pseaume  cl  pseaulier  se  prononcent 
sûme  ci  sûtier. 

R.  —  Quand  elle  est  entre  deux  voyelles,  elle  a  le 
.son  simple;  mais  dans  tous  les  autres  cas,  on  la  pro- 
nonce comme  s'il  y  avait  deux  /•. 


S.  —  Elle  ne  se  prononce  ni  dans  registre  ni  dans 
le  verbe  tistre. 

Celte  lettre  est  nulle  dans  Pasquier. 

Dans  les  mots  jusque  e.ipre'^que,  il  est  indifférent  de 
prononcer  \'s  ou  de  ne  pas  la  prononcer.  De  «  braves  » 
grammairiens  sont  en  désaccord  au  sujet  de  la  propo- 
sition de  Vs  dans  ces  deux  prépositions,  s'appuyant  les 
uns  et  les  autres  sur  l'usage  de  la  Cour,  signe  évident 
qu'on  peut  dire  des  deux  manières. 

On  n'écrit  plus  chasque,  mais  bien  chaque. 

L'a-  doit  être  prononcée  encore  dans  les  mots  sui- 
vants :  affitsfer;  alabastre,  quoiqu'on  dise  albâtre  ; 
bastant,  quoiqu'on  dise  bâton;  risposle,  repartie  ou 
vengeance,  el  aussi  dans  mestre  de  camp. 

C'est  maintenant  une  bonne  coutume  parmi  les 
savants  de  ne  point  écrire  l'.f  dans  beaucoup  de  mots 
où  elle  ne  se  prononce  pas,  principalement  dans  ceux 
qui  sont  composés  de  des,  es,  mes,  se  contentant  de 
mettre  un'accent  aigu  sur  l'e  .•  défier,  écrire,  mécroire. 

On  n'écrit  plus  douziesme,  troisiesme,  mais  bien  dou- 
ziélne,  troisième. 

X.  —  Dans  les  mots  soixante  el  lexive,  il  se  pro- 
nonce comme  une  double  s  .•  soissante,  lessive. 

La  même  prononciation  s'observe  pour  beaucoup  de 
noms  propres  de  villes  el  de  provinces,  comme  Luxem- 
bourg, Auxerre,  Auxonne,  Bruxelles,  Xaintonges  et 
Saint-Muixant,  qui  se  prononcent  Lussembourg ,  Aus- 
stre,  Aussonne,  Brusselles,  Sainionge,  elc. 

Les  mieux  entendus  n'écrivent  plus  deuxième,  si- 
xiéme,  dixième;  mais  bien  deuziéme,  sixième,  diziéme. 

DD    GENEE   DES    SUBSTANTIFS. 

A  l'instar  des  dictionnaires  grecs  et  latins,  les  dic- 
tionnaires français  auraient  dû  indiquer  le  genre  des 
substantifs  en  les  faisant  suivre  d'une  m  ou  d'une  f; 
mais  puisqu'ils  ne  l'ont  pas  fait,  cela  impose  à  Chifflet 
la  nécessité  de  combler  celte  lacune.  11  va  traiter  cette 
matière  avec  ordre  et  clarté. 

Voici  ce  que  je  relève  sur  le  genre  : 

On  dit  minuit  est  sonné,  mais  on  peut  dire  la  minuit 
ou  le  minuit  (1659). 

Le  mot  a&.s'î/wi/te  est  masculin;  fl/a?v«eest  indifférent; 
anagramme  vaut  mieux  au  masculin;  ancre  à  écrire  est 
du  genre  commun;  ange  et  busqjte  de  statue  sont  mas- 
culins; on  dit  un  couple  en  parlant  de  deux  bœufs 
attelés  à  un  même  joug;  escrivisse  el  horloge  sont 
masculins;  huile  est  du  genre  commun;  huistre  est 
masculin,  ainsi  que  personne,  signifiant  nul,  comme 
dans  personne  n'est  venu;  reste  est  masculin,  excepté 
dans  cette  seule  i)hrase,  à  toute  reste;  de  même  pour 
.saulcice  et  nnjdange. 

Enfin,  après  avoir  dit  quels  adjectifs  vont  avant  les 
substantifs  et  lesquels  vont  après,  ce  qui  n'est  pas 
sans  importance,  Laurent  Chifllet  arrive  «  au  bout  « 
de  sa  Grammaire,  dont  la  com|iosilion  lui  a  ajipris 
à  se  corriger  de  bien  des  fautes  qu'il  avail  commises 
jusqu'alors  comme  tout  le  monde. 
FIN. 

Le  Rkiuctedii-Gkuant  :  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


71 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Le  Protestantisme  comparé  au  catholicisme  dans 
ses  rapports  avec  la  civilisation  européenne;  par 
Jacques  Balniès.  9"  édition,  revue  et  corrigée  avec  soin, 
et  augmentée  d'une  introduction  par  X.  de  Blanche- 
Raffln.  3  vol.  in-12,  x-lo88  p.  Paris,  lib.  Bray  et  Retaux. 

Le  capitaine  Gueule-d'Acier,  épisode  des  guerres 
de  religion,  1536-1541,  roman  historique;  par 
Charles  Buet.  In-t2,  3i9  p.  Paris,  lib.  Téqui. 

Les  Amours  de  Paris;  par  Paul  Féval.  In  4°  à  2  col., 
188  p.  Paris,  bureaux  du  Siècle.  2  fr.  50. 

Danie',  étude;  par  Ernest  Feydeau.  Nouvelle  édition. 
2  vol.  in-lS  Jésus,  736  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
7  fr. 

Marie  de  Mancini;  par  Sophie  Gay.  Nouvelle  édition. 
Grand  in-18.  323  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
I  fr.  25. 

Une  belle-mére;  par  Hector  Malot.  In-4»  à  2  col.. 
135  p.  Paris,  bureaux  du  Siècle.  2  fr.  50. 

Etudes  sur  le  comique.  Le  Rire  dans  la  vie  et 
dans  Tart;  par  Victor  Courdaveaux,  professeur  à  la 
faculté  des  lettres  de  Douai.  Iu-i2,  30i  p.  Paris,  lib. 
Didier  et  Cie.  3  fr. 

Monsieur,  Madame  et  Bébé;  par  Gustave  Droz 
(Gustave  Z  ).  72^  édition.  In-18  Jésus,  3i2  p.  Paris,  lib. 
Hetzel  et  Cie.  3  fr. 

Les  Amoureux  des  quatre  filles  d'honneur;  par 
Octave  Féré.  In- 18  Jésus.  i08  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Heptamëron  ;T)  des  nouvelles  de  trés-haiite  et 
trés-illustre  princesse  Marguerite  d'AngouIême, 
reine  de  Navarre.  Nouvelle  édition,  collationnée  sur 
les  manuscrits,  avec  préface,  notes,  variantes  et  glos- 
saire-index, par  Benjamin  Pifteau.  T.  1".  In-16,  28G  p. 
Paris,  lib.  Lemerre.  Papier  glacé,  2  fr.  50;  papier  vélin, 
5  fr.;  papier  de  Chine.  15  fr. 

Histoire  des  marins  illustres  de  la  France,  de 
l'Angleterre  et  de   la  Hollande;  par  Bescherelle.   2'= 


édition,  soigneusement  revue.  In-V.  22i  p.  Limoges. 
imp.  Eug.  Ardant  et  Cie. 

Don  Quichotte  de  la  Manche;  par  Cervantes.  Edit. 
revue  avec  soin.  Gr.  ia-8',  223  p.  et  grav.  Limoges,  lib. 
Barbou  frères. 

Rien  ne  va  plus;  par  Carie  Des  Perrières.  Avec  grav. 
sur  acier  d'après  Bertall.  Monaco.  M.  Blanc.  Les  Décavés. 
Les  Croupiers.  Les  Suicidés.  Les  Professeurs.  Les  Filous. 
Le  Cercle  de  Nice,  etc.  ln-18  jésus,  viii-298  p.  Paris,  lib. 
Sartorius.  3  fr.  50. 

Les  plus  célèbres  voyageurs  des  temps  modernes, 

voyages  les  plus  intéressants,  aventures  de  terre  et  de 
mer  dans  les  six  parties  du  monde;  par  Charles  Folleville. 
In-^i",  336  p.  Limoges,  lib.  Eug.  Ardant  et  Cie. 

Dictionnaire  analogique  et  étymologique  des 
idiomes  méridionaux  qui  sont  parlés  depuis  Nice 
jusqu'à  Bayonne,  et  depuis  les  Pyrénées  jusqu'au 
centre  de  la  France,  comprenant  tous  les  termes 
vulgaires  de  la  flore  et  de  la  faune  méridionale,  ua 
grand  nombre  de  citations  prises  dans  les  meilleurs 
auteurs,  ainsi  qu'une  collection  de  proverbes  locaux 
tirés  de  nos  moralistes  populaires;  par  L.  Boucoiran.  1<^"' 
à  4'=  fascicules.  Gr.  in-8°  à  2  col.,  160  p.  Nîmes,  imprim. 
Baloy-Riffard.  Chaque  fascicule.  1  fr. 

Maître  Olivier,  épisode  du  temps  de  la  Terreur 
en  Alsace;  par  Charles  Dubois.  In-12,  333  p.  Paris,  lib. 
Le  Clerc,  Reichel  et  Cie.  2  fr. 

Cours  de  littérature   dramatique,    ou   de  l'usage 

des  passions  dans  le  drame;  par  Saint-.Marc  GirarJin. 
membre  de  l'Académie  française.  11"  édition,  revue  et 
corrigée.  T.  2.  In-18  jésus,  i32  p.  Paris,  lib.  Charpentier 
et  Cie.  3fr.  50. 

Autour  de  la  table;  par  George  Sand.  Nouvelle 
édition.  In-18  jésus,  381  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
3  fr.  50. 


Publications  antérieures  ; 


S.\INT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  ITustitut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


FROMONT  JELNE  ET  RISLER  AINE.  —  Mœurï  pari- 
Siennes.  —  Par  Alphonse  D.vudet.  —  Septième  édition.  — 
Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du 
Louvre. 

OEUVRES  DE  VADÉ,  précédées  d'une  notice'  sur  la  vie 
et  les  œuvres  de  Vadé.  —  Par  Julien  Lemer.  —  Paris, 
GaiTiier  frères,  libraires-éditeurs.  6,  rue  des  Saints-Pères. 


RECUEIL  ALPHABÉTIQUE    DE    CITATIONS   MORALES 
des  meilleurs  écrivains,  prosateurs  et  poètes,  historiens 


et  philosophes  de  tous  les  temps  et  surtout  contemporains, 
ou  ENCYCLOPÉDIE  MORALE.  —  Par  M.  E.  Lolbens,  chef 
d'institution  honoraire.  —  Un  beau  volume  grand  in-S" 
jésus  à  deux  colonnes.  —  Ouvrage  adopté  par  la  Com- 
mission officielle  des  livres  pour  prix  et  pour  toutes  les 
bibliothèques  scolaires  de  France.  —  Prix  ;  6  francs. 


ECHOS.  CHOrx  de  poésies.  —  Par  le  pasteur  A.  Esche- 
N.\LEii.  —  Un  joli  volume  elzévirien,  où  l'on  trouvera 
entre  autres  une  pièce  souvent  signalée  sur  le  Bombar- 
dement de  Strasbourg  —  Paris,  librairie  Sandoz  et  Fish- 
bâcher,  33,  rue  de  Seine. 


•LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE  depuis  la  formation  de 
LA  LANGUE  jusqu'à  NOS  JOURS.  —  Lectiites  choisies.  —  Par 


72 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


le  lieutenant-colonel  STAAFF,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  de  l'Instruction  publique  en  France.  —  Ouvrage 
désigné  comme  prix  aux  concours  généraux  de  1868  à 
1872;  adopté  et  recommandé  par  la  commission  des 
Bibliothèques  de  quartier,  etc.,  etc.  —  Ouatrièmc  édition. 
—  Six  volumes  du  prix  de  i  à  5  francs  chacun.  —  Paris, 
à  la  librairie  académique  Didier  et  Cie,  35,  quai  des 
Grands-Augustins,  et  à  la  librairie  classique  de  Ch.  Delà- 
grave  et  Cie,  58,  rue  des  Ecoles. 


i^POÉSIES  DE  THÉODORE  DE  BANVILLE,  les  exilés  ; 
LES  PRINCESSES. —  Paris,  Alphonse  Le/nerre,  éditeur,  27-29, 
passage  Choiseul.  —  Prix  :  6  fr. 


COURKIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  W  et  la  5=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vangelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1",  la  1'  et  la  3'=  aniiêe  doivent  être  ■pro- 
chainement réimprimées. 


LE  DIT  DES  RUES  DE  PARIS  (1300)  —  Par  Guillot 
(de  Paris)  —  Avec  préface,  notes  et  glossaire  —  Par 
Edgar  Mareuse  —  Suivi  d'un  plan  de  Paris  sous  Philippe- 
le-Bel.  —  Paris,  Librairie  générale,  72,  boulevard  Hauss- 
mann. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


Avenue  de  la  Grande  Armée  (près  de  l'Arc  de 
triomphe  de  l'Etoile).  —  Dans  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très-bel  appartement. 


A  Passy  (près  du  Ranelagh).  — Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famdle  quelques  pensionûaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Rue  de  Turin   (près  de   la  gare  Saint-Lazare).  — 

Une  ancienne  maîtresse  de  pension  reçoit  dans  sa  famille 
deux  jeunes  étrangères  pour  les  perfectionner  dans  la 
langue  française.  —  Leçons  de  musique. 


Prés  de  la  gare  Saint-Lazare  (vue  sur  la  voie).  — 

Un  homme  de  lettres  recevrait  comme  pensionnaire  un 
étranger  qui  voudrait  profiter  de  son  séjour  à  Paris  pour 
se  perfectionner  sérieusement  dans  la  pratique  de  la 
langue  française. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Le  quinz-ième  concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  aoi^t  sera  clos  le  1"  décembre  1875  ;  douze  médailles  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance, 
président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux,  Gironde  —  {A/franchir). 

Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  —  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  le  2'=  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  S'  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  1"  juin  1876. 


L^  Société  d'éducation  de  Lyon  a  mis  au  concours  pour  1876  le  sujet  suivant  :  Préciser  ce  que  peut  et  doit  faire 
l  Instituteur  primaire,  en  ce  qui  concerne  Véducation  de  ses  élèves  ;  indiquer  par  quels  moyens  il  accomplira  le  mieux 
celte  partie  de  sa  tâche.  —  Le  prix  sera  de  500  fr.,  décerné  dans  la  séance  publique  de  1876,  sous  le  nom  de  Prix  de 
la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  septembre  prochain,  àM.  Palud,  libraire, 
/i,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 


La  Société  d'encouragement  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  et  développer 
les  moyens  les  plus  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralilé  comme  le  bien-clre  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  Secrétaire-général,  2,  rue  Brochant-Batignolles,  avant  le 
31  décembre  1875. 

La  Société  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tarn-e.t-Garonne  publie  le  programme  des  concours  de  1876- 
1877.  Voici  celui  de  littérature  et  de  poésie.  La  Société  propose  pour  cette  année  1876  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  200  fr.  ii  la  meilleure  teuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.);  une  médaille  d'argent  de  la  valeur 
de  100  fr.  îi  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la  valeur  de  50  fr. 
au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées  au  Secrétaire 
de  la  Société,  h  Montauban. 

Académie  des  lettres  de  Rouen.  —  Prix  à  décerner  en  1877  pour  un  conte  en  vers  de  100  vers  au  moins.  — 
S'adresser  au  Secrétaire-perpétuel,  M.  Julien  Loth. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vauç/elas  est  vipiiilc  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  UAUl'KLEV,  à  Nogent-le-Hotrou. 


G"  Année 


N"  10. 


15  Septembre  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


Q.UESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"  at    le    IS    de   chaqoe   moU 

{Dans  sa  séance  du  \2  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

Abonnement  pour  la  France.     6  f. 

PROFESSEtJR   SPÉaAL  PODR  LES   ÉTRANGERS 

On  les  prend  en  s'adressant,  soit 

Idem        pour  l'Étranger  10  f. 

Officier  d'.^cadémie 

directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces, la  ligne.           50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quelconque. 

SONLMAIRE. 

CommnnicatioQ  sur  Davantage  que  et  réponse  ;  —  Eljmologie  Je 
Bachelier  et  de  Baccalauréat;  —  Si  Dans  le  lut  de  est  fran- 
çais; —  Signification  de  Sujet  à  caution  ||  Lequel  vaut  le 
mieux  de  Mine  renfrognée  ou  de  Mine  refrognée  ;  —  Signifi- 
cation et  eljmologie  du  mot  Gnangnan  ]|  Passe-temps  gram- 
matical 1  Biographie  de  Claude  Lancelot  ||  Ouvrages  de 
grammaire  et  de  littérature  ||  Renseignements  pour  les  pro- 
fesseurs français   ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

Il  y  a  quelque  temps,  j'ai  reçu  d'un  lecteur  qui  ne 
signe  pas  une  lettre  que  je  transcris  jusqu'au  posl- 
scriptum  : 

Paris,  21  juillet  1875. 
Monsieur, 

Dans  la  réponse  que  contient  votre  numéro  du  15  de  ce 
mois  à  la  question  qui  vous  avait  été  faite  sur  l'étymologie 
du  mot  cabotin,  je  trouve  une  phrase  qui,  suivant  ce  que 
je  croyais  jusqu'ici,  serait  à  classer  parmi  les  phrases  à 
corriger;  c'est  celle  où  vous  dites  :  «  bien  que  le  chat... 
puisse  plaire  davantage  que  le  chien,  etc.  »  Je  pensais 
que  le  mol  davantage  ne  devait  jamais  être  suivi  de  gue  et 
ne  pouvait  trouver  sa  place  que  dans  des  phrases  telles, 
par  exemple,  que  la  suivante  :  «  J'aime  peu  les  chiens; 
les  chats  me  plaisent  davantage.  » 

J'ai  tout  lieu  maintenant  de  supposer  que  ma  croyance 
devait  être  erronée;  comme  cependant  j'ai  eu  occasion 
de  constater  que  je  n'étais  pas  seul  à  l'avoir,  je  regarderais 
«)mme  utile  une  explication  que  vous  voudriez  bien 
donner  dans  un  de  vos  prochains  numéros  sur  les  motifs 
pour  lesquels  elle  ne  doit  pas  être  admise. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  très- 
distinguée. 

Un  de  vos  lecteurs. 

■Voici  ma  réponse  : 

C'est  vers  le  xf^  siècle  que  l'expression  davantage, 
écrite  d'abord  avec  une  apostrophe,  semble  avoir  com- 
mencé à  s'employer  : 


Seigneurs,  le  fuir  ne  nous  vaut  rien;  et  si  nous  fuyons, 
nous  sommes  perdus  d'avantage. 

(Froissart,  I,  I.  3J7) 

Vous  povez  veoir  en  lisant  ces  choses  (avec  ce  que  vous 
en  savez  davantage)  que,  de  ces  mauvais  princes,  nuls  ou 
peu  en  demeurent  impunis. 

(Commines,  III,  4-) 

Et  comme  ce  qu'on  a  par  avantage,  d'avantage,  on 
l'a  en  plus,  l'expression  davantage  s'employa  pour 
plus,  au  xvi«  siècle,  ainsi  que  le  montrent  ces  exemples  : 

Il  vaait  mieux  pleurer  moins  et  boyre  davantaige. 

(Rabelais,  Pant.,  II,  3!) 

Voylà  cinq  esclaves,  mange  les  et  nous  t'en  amerrons 
davantage. 

(Montaigne,  I,  3l9.| 

Puis  cette  analogie  entraîna  l'emploi  de  gue^t  de  de 
après  davantage;  en  voici  la  preuve  : 

Un  bien  tout  clair,  je  l'ayme  davantage 
Que  je  ne  fay  un  grand  bien  en  partage. 

(La  Boétie,  Pots,  div.,  p.  474.) 

En  faisant  deux  lieues  davantage  que  par  le  droit  che- 
min. 

(Lànoue,  664.) 
Hz  avoient  retenu  l'office  davantage  que  le   terme  qui 
leur  estoit  prefix,  quatre  mois  entiers. 

(Amyot,  Pëlopi,  43.) 

Tout  le  xTii'  siècle  a  fait  usage  de  cette  construction  ; 
j'en  pourrais  citer  de  nombreux  exemples  : 
\{  ne  \)6\ll  davantage 
Que  soupirer  tout  bas. 

(Malherbe,  I,  4.) 

Ils  peuvent  avancer  beaucoup  davantage  que  ceux  qui 
courent. 

(Descartes,  Méth.) 

Oui,  vous  ne  pourriez  pas  lui  dire  davantage 
Que  ce  que  je  lui  dis  pour  le  faire  être  sage. 

(Molière,  VElourdi,  I,  9.) 

Quel  astre  brille  davantage  dans  le  firmament  que  le 
prince  de  Condé  n'a  fait  en  Europe? 

(Bûssuet.  Louis  de  Bourtfon.) 

Dieu  n'aime  donc  pas  davantage  la  vertu,  la  pudeur... 
que  l'impudicité? 

(MaAsillon,  CaréiM.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Je  ne  doute  pas  que  cet  excès  de  familiarité  ne  les  j 
révolte  davantage  que  nous  ne  sommes  blessés  de  leurs 
prosternations.  ,    t,     .     ■ 

(La  Bruyère) 

Rien  ne  décrie  davantage  la  violence  des  méchants  que 
la  modération  des  gens  de  bien. 

(St-Evremont.) 

Il  en  fut  encore  de  même  pendant  le  xviu"  siècle  ;  les 
exemples  abondent  : 

Une  tuile  qui  tombe  d'un  toit  peut  nous  blesser  davan- 
tage, mais  ne  nous  navre  pas  tant  qu'une  pierre  lancée  à 
dessein  par  une  main  malveillante. 

fJ.-J.  Rousseau,  8"  Prom.) 

Si  vous  êtes  enchanté  de  M.  le  marquis  de  Mare,  il  l'est 
bien  davantage  de  vous. 

(D'Alembert) 

Je  suis  flatté  de  plaire  à  un  homme  comme  vous  ;  je  le 
suis  encore  davantage  de  la  bonté  que  vous  avez. 

(Voltaire.) 

On  voit  dans  le  cours  de  quelques  années  la  jurispru- 
dence varier  davantage  qu'elle  n'a  fait  dans  les  trois  cents 
dernières  années  de  notre  monarchie. 

(Montesquieu.) 

Le  xix<=  siècle  n'a  point  abandonné  la  construction 
dont  il  s'agit;  «  il  est  peu  d'écrivains,  dit  Bescherelle, 
même  parmi  ceux  du  jour,  qui  n'aient  employé  davan- 
tage pour  jdus,  et  qui,  par  conséquent,  ne  l'aient  fait 
suivre  de  que  »■;  en  voici  deux  exemples  : 

C'est  une  belle  idée  de  Thomas,  que  les  images  des  objets 
en  mouvement  plaisent  toujours  davantage  que  celles  des 
objets  en  repos.  ,,  ,     ,   o 

(Mme  Necker  de  Saussure.  I 

Le  talent  qui  expire  saisit  davantage  que  l'individu  qui 
meurt.  „  .       ,  .    j  , 

(Chateaubriand.) 

Or,  après  tant  de  citations  dont  le  nombre  pourrait 
facilement  être  décuplé,  est-il  admissible  que  davan- 
tage que,  expression  parfaitement  conforme  à  l'analogie 
et  employée  constamment  par  les  meilleurs  écrivains 
depuis  le  xvi^  siècle,  doive  être  soigneusement  évitée'? 
Je  ne  puis  être  de  cet  avis,  et  c'est  pour  cette  raison 
que  je  n'ai  point  hésité  à  écrire  : 

«  Bien  que  le  chat  dont  elle  parle  puisse  plaire  davan- 
tage guele  chien  de  i\I.  Francisque  Michel...  » 
phrase  qui  eût  été,  du  reste,  insupportable  avec  plus 
que,  attendu  qu'elle  aurait  offert  quatre  mots  de  suite 
commençant  par  un  p  : 

...  parle  ;<uisse  plaire  plus  que... 
C'est  à  Nicolas  Andry,  surnommé  Boisregard,  que 
remonte  la  proscription  absolue  de  davantage  que, 
et  voici  comment  il  en  expose  les  motifs  dans  son 
ouvrage  inlilulé  lieinarqucs  critiques  sur  l'usage  présent 
de  la  langue  française  (1(i89)  : 

i  Davantage  ne  veut  point  de  que  après  soy.  11  ne  faut 
pas  dire,  il  a  davantage  de  livres  que  tnog.  Ce  ne  serait  pas 
parler  pohment;  mais  il  faut  dire,  il  a  plus  de  livres  que 
mog.  Plusieurs  écrivains  habiles  ont  fait  des  fautes  contre 
cette  règle.  Témoin  cet  exemple  de  la  morale  du  Sage, 
«  Celuy  ([ui  se  confie  davantage  à  ses  lumières  qu'a  celles 
de  la  grâce  commet  une  ingratitude  envers  Dieu.  »  Et  cet 
autre  do  l'art  de  parler.  Il  s'abbaisse  davantage  que  son 
enncinij  ne  l'a  élevé:  ce  davantage  que  blesse  l'oreille,  il 
fdlloit  dire,  a  Cctug  qui  se  confie  plus  à  ses  lumières  qu'à 
celles  de  la  grâce,  etc.,  il  s'abbaisse  plus  que  son  ennemy  ne 
l'a  élevé,  p 

Il  y  a  des  phrases  où  le  davantage  que  blesse  bien  plus  que 


dans  d'autres;  c'est  lorsque  le  que  finit  presque  la  période, 
et  qu'il  n'est  suivy  que  d'un  ou  de  deux  mots.  Comme  dans 
cet  exemple  de  l'auteur  des  Réflexions  sur  l'Éloquence.  «  La 
force  de  son  discours,  dit-il,  en  parlant  d'un  certain  pré- 
dicateur, alloit  toujours  en  augmentant  comme  par  degrez 
pour  frapper  encore  davantage  les  esprits  à  la  fin  qu'au. 
commencement.  11  falloit  :  pour  frapper  encore  plus  les 
esprits  à  la  fin  qu'au  commencement. 

Lorsque  la  phrase  est  périodique,  et  que  le  que  suit 
immédiatement  après  ctot'a/îta(/fi,  on  ne  s'apperçoit  pas  tout- 
à-fait  tant  de  cette  faute.  La  cadence  de  la  phrase  empê- 
chant l'oreille  d'y  prendre  garde,  comme  on  le  peut  voir 
en  cet  exemple  du  dernier  traducteur  de  l'Imitation. 
»  L'humble  contrition  des  pécheurs  vous  est.  Seigneur,  un 
agréable  sacrifice,  dont  l'odeur  vous  plaist  sans  compa- 
raison davantage  que  celle  de  tout  l'encens  du  monde.  »  Ce 
qui  fait  encore  que  ce  davantage  ne  blesse  point  l'oreille 
en  cet  endroit,  c'est  qu'il  se  trouve  par  hazard  qu'il  est 
mis  dans  un  lieu  où  il  faut  un  grand  mot;  et  où  une 
monosyllabe  comme  plus  n'iroit  pas  si  bien.  Mais  cela 
n'empêche  pas  que  ce  ne  soit  une  faute;  car  si  la  mono- 
syllabe pii«  ne  venoit  pas  bien  en  cet  endroit,  il  la  falloit 
passer  ailleurs.  Et  dire  «  l'humble  contrition  des  pécheurs, 
vous  est,  Seigneur,  un  agréable  sacrifice,  donc  l'odeur  vous 
plaist  p<«s  sans  comparaison  que  tout  l'encens  du  monde; 
ou  bien,  en  ajoutant  un  petit  mot,  dont  l'odeur  vous  plaist 
beaucoup  plus,  ou  infiniment  plus  que  tout  l'encens  du 
monde.  » 

iMais  il  n'est  pas  vrai  que  davantage  que  blesse 
l'oreille;  car,  s'il  en  était  ainsi,  Vaugelas  et  Ménage  s'en 
seraient  certainement  aperçus;  le  P.  Bouhours,  qui  a 
examiné  l'emploi  des  synonymes  j^lus  et  davantage  en 
eût  fait  la  remarque,  et  Malherbe,  Descartes,  Molière, 
Bossuet,  Massillon,  La  Bruyère,  Sainl-Evremont,  J.-J. 
Rousseau,  etc.,  dont  j'ai  cité  plus  haut  des  exemples, 
ne  l'auraient  pas  employé  si  c'eût  été  une  expression 
contraire  à  l'euphonie. 

D'où  il  suit  que  l'opinion  de  nos  modernes  gram- 
mairiens sur  davantage  que,  opinion  prise  de  confiance 
dans  Boisregard  (un  médecin ,  dit  la  Biographie  Michaud, 
qui  a  sacrifié  à  l'esprit  de  satire  dans  tous  ses  ouvrages), 
repose  sur  une  allégation  complètement  fausse,  et  ne 
peut,  en  conséquence,  avoir  force  de  loi,  malgré  l'auto- 
rité et  le  nombre  de  ses  partisans. 

J'adresse  de  bien  sincères  remerciements  à  la  per- 
sonne dont  la  lettre  m'a  fourni  l'occasion  de  m'élever 
contre  l'injuste  sentence  qui,  après  186  ans,  fait 
rejeter  encore  une  construction  souvent  utile  dans  les 
vers  et  toujours  bonne  dans  la  prose. 

X 
Première  Question. 

On  lit  dans  le  XIX"  Siècle  du  10  juillet  1875  : 
«  Jieaiicotip  de  personnes  croient  que  iuccaladréat  vient 
de  tiAcuKi.iKii.  Grande  est  leur  erreur.  Bacuemeii  n'est 
autre  que  la  contraction  de  bas-cuevalieh  [terme 
féodal  crée  oti  emprunté  par  l'ancienne  Université  de 
Pari.'i],  tandis  que  dans  baccalauiiéat,  on  trouve  le  sub.i- 
tantif  isAcci  et  l'adjectif  lal'bka  :  baie  de  laurier.  » 
Etes- vous  de  cet  avis? 


11  me  semble  que  le  journal  de  M.  Edmond  About  a 
publié  là  une  double  erreur  étymologique,  ol  j'espère 
pouvoir  le  déinonlrcr. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Sous  la  féodalité,  on  appelait  bacheles  ou  bachekries 
des  terres  composées  de  10  manses,  et  réputées  terres 
jiobles,  mais  d'une  classe  inférieure  aux  terres  de  che- 
valier ;  elles  étaient  sujettes  à  certaines  obligations,  et 
devaient  fournir  pour  l'ost  ou  service  militaire  un 
homme  d'armes. 

Ceux  qui  possédaient  des  terres  de  cette  nature 
gardaient  toujours  le  nom  de  bacheliers^  quel  que  fiit 
leur  âge. 

Or,  comme  à  cette  éjtoque,  toute  lu  société  se  réglait 
sur  la  hiérarchie  féodale,  on  assimila  au  jeune  chevalier 
tous  ceux  qui  débutaient  dans  une  carrière.  On  appela 
bachelier  le  moine  qui  n'était  pas  encore  prélre,  le  jeune 
homme  non  marié,  l'apprenti  soumis  aux  gardes  d'un 
métier,  enOn,  le  théologien  et  l'étudiant  qui  avaient 
obtenu  le  premier  des  grades  universitaires. 

Cela  dit,  voyons  d'où  vient  bachelier. 

Comme  la  terre  du  noble  ayant  ce  titre  n'avait  qu'un 
rang  secondaire,  on  a  cru  naturellement  que  bachelier 
avait  été  formé  de  bw:  chevalier;  mais  il  n'en  est  rien, 
et  je  vais  vous  en  donner  une  double  preuve  : 

En  effet,  pour  que  bachelier  eût  cette  origine,  il 
faudrait  : 

^o  Que  l'a  de  ba  fût  long,  et  ensuite,  que  la  syllabe 
va  eût  pu  disparaître  dans  cheralier.  Or,  si  une  syllabe 
avait  dû  disparaître  dans  ce  mot,  c'est  évidemment  \'e 
de  c/(e,  qui,  dans  beaucoup  de  cas,  ne  se  prononce 
pas,  et  non  a,  qui,  lui,  se  prononce  toujours. 

2°  Que  le  v  qui  se  trouve  dans  chevalier  eût  pu 
disparaître  aussi.  Or,  s'il  est  des  exemples  dans  les 
patois  où  V  s'ellipse  (les  paysans  de  la  Beauce  disent  :  je 
ois  pour  _;e  vois],  celte  ellipse  n'a  pu  être  appliquée  à 
bas  chevalier  puisque  chevalier  n'a  jamais  perdu  cette 
consonne. 

Bachelier  se  tire  donc  d'ailleurs;  et  d'où?  c'est  ce 
que  je  vais  essayer  de  vous  dire  maintenant. 

Dans  les  plus  anciens  textes  de  notre  langue,  on 
trouve  ce  mot  sous  la  forme  baceler  et  bacheler,  comme 
le  montrent  ces  exemples  : 

El  escremissent  cil  hacelcr  léger 

(Cluins:  de  Botnnd,  VIII.) 

Tuit  baceler  et  noble  conquérant. 

{Rcnc.,  p.  i3:.) 

Blont  et  le  poil,  menu  recercelê, 
Ed  nulle  terre  n'ot  si  beau  bacheler. 

(^Romancero,    p.  5l.) 

Or,  comme,  d'un  côté,  cette  forme  implique  un 
radical  bacel,  bachel,  qui  peut  parfaitement  venir  de 
bacnlus,  bâton  (u  =  e  :  jnnia,  génisse)  ;  et  que,  d'un 
autre,  on  trouve  :  en  gaélique  bachall,  en  irlandais 
bacal,  aussi  dans  le  sens  de  bâton;  en  ancien  italien 
baccalaro.  pièce  de  bois  de  pin  ou  d'orme;  en  ancien 
français  baccalat,  dans  le  même  sens,  il  me  semble  que 
ce  n'est  pas  une  conjecture  dénuée  de  fondement  de 
penser  que  bachelier  vient  de  baculus. 

Je  passe  à  baccalauréat. 

L'opinion  la  plus  commune  est,  je  crois,  que  ce  sin- 
gulier barbarisme,  pour  appeler  ce  mot  comme  .M.  Littré, 
a  été  formé  de  bacca,  baie,  et  de  laurea,  laurier,  ce 
qui  donne  littéralement  pour  sens  : 

Baccalauréat  =  Baie  de  laurier. 


Mais,  en  considérant  que  les  noms  de  dignités,  de 
litres,  etc.  terminés  en  at,  ont  été  formés,  dans  notre 
langue,  du  nom  de  la  personne  qui  est  revêtue  de  cette 
dignité,  qui  porte  ce  titre,  comme  : 

Généralat  de  Général 
Doctorat  —  Docteur 
Professorat  —  Professeur, 

je  me  suis  demandé  si,  logiques  autant  que  nous, 
nos  pères  du  ïvi^  siècle  (car  c'est  alors  que  ce  mol  fut 
introduit^  avaient  réellement  pu  faire  baccalatiréat 
des  deux  éléments  qu'indiquent  d'ordinaire  nos  lexi- 
cographes; je  me  suis  prisa  en  douter,  j'ai  cherché 
une  explication  plus  satisfaisante,  et  enfin,  j'ai  trouvé 
celle-ci,  qui,  tout  en  admettant  que  baccalauréat  est 
un  terme  quelque  peu  défiguré,  ne  le  range  cependant 
pas  en  dehors  de  la  règle  qui  préside  à  la  dérivation 
des  noms  de  son  espèce. 

En  bas-latin,  le  rang  de  débutant  chevalier  s'appelait 
baccalariatus,  dénomination  conforme  à  l'analogie, 
puisque  la  terre  dudil  noble,  comme  on  l'a  vu  plus  haut, 
s'appelait  une  bachelerie  (baccalaria,  qui  se  trouve 
dans  les  textes  du  ix»  siècle).  En  français,  le  titre  de 
bachelier  a  dû  être  d'abord  baccalariat.  Mais  à  peu  de 
chose  près,  la  seconde  partie  du  mot,  lariat,  se  pro- 
nonçait comme  lauréat,  nom  exprimant  une  idée  de 
triomphe,  et  baccalariat,  autre  nom  impliquant  une 
idée  analogue,  fut  transformé  par  ignorance  en  bacca- 
lauréat, expression  qui,  parle  plus  singulier  effet  du 
hasard,  se  trouve  renfermer  bacca  et  lauréat,  sans  que 
les  idées  de  baie  et  de  laurier  soientjamais  entrées  dans 
sa  signification  originelle. 


Seconde   Question. 
Une  expression  très-commune  et  très-usitée  est  celle- 
ci  :  DAîis  LE  BUT  DE.  Pensez-vous  que  ce  sott  français? 
.le   me  souviens  que    M.    Gidel,  professeur   au   lycée 
Condorcet,  nous  reprenait  .souvent  à  ce  sujet. 

Il  avait  bien  raison,  votre  professeur  ;  car  quelque 
usitée  et  quelque  commode  que  soit  celte  expression, 
elle  n'en  est  pas  moins  mauvaise.  Vous  en  jugerez  par 
ces  quelques  lignes  que  j'emprunte  au  Courrier  de 
Vaugelas  ^'' année,  p.  82),  où  celte  question  a  déjà  été 
traitée. 

Toutes  les  fois  qu'après  un  verbe  d'action  on  veut 
exprimer  la  disposition  desprit  dans  laquelle  agit  la 
personne  que  désigne  le  sujet  de  ce  verbe,  on  emploie 
la  préposition  dans  suivie  d'un  substantif  signifiant 
l'idée  qui,  par  sa  présence,  constitue  l'état  accidentel  de 
cette  personne;  ainsi  on  dit  : 

11  fait  cela  dans  l'intention  de  m'êlre  utile. 
Il  a  écrit  dans  le  désir  de  vous  être  agréable. 
11  a  étudié  dans  V espérance  de  réussir. 

Or,  peut-on  dire  de  même,  par  exemple  :  Il  a  fait 
cela  dans  le  but  de  se  réconcilier  avec  moi  ? 

Evidemment  non;  car  la  personne  désignée  par  le 
sujet  ne  peut  être  dans  le  but  qu'elle  se  propose  d'at- 
teindre, comme  elle  peut  être  dans  l'intention,  dans  le 
désir,  dans  l'espérance  de;  ce  but,  c'est  quelque  chose 


76 


LE  COURRIER  DE  V/VUGELAS. 


de  plus  ou  moins  éloigné  d'elle,  et  dans  lequel,  par 
conséquent,  elle  ne  peut  êlre. 

Ceux  qui  se  piquent  de  bien  parler  et  de  bien  écrire 
ne  doivent  donc  pas  se  servir  de  l'expression  dans  le 
but  de. 

X 
Troisième  Question. 
Quel  est  le  sens  littéral  de  l'expression  être  sujet  a 
ciUTiOîi?  Merci  d'avance. 

Le  mot  caution  (du  verbe  latin  câvere,  prendre  garde) 
désigne  un  engagement  par  lequel  on  répond  pour  un 
autre,  et,  par  extension,  celui  même  qui  prend  cet 
engagement. 

Or,  on  dit  d'une  personne,  d'une  chose  suspecte,  sur 
laquelle  on  ne  peut  compter  qu'elle  est  sujette  à  cau- 
tion, pour  signifier  que  le  peu  de  confiance  que  celte 
personne  ou  cette  chose  nous  inspire  l'assujétit  en 
quelque  sorte,  dans  notre  esprit,  à  fournir  une  caution, 
une  garantie  : 

Ma  divine  moitié,  soit  dit  sans  vous  déplaire. 
Vous  me  semblez  un  peu  sujette  à  caution- 

(Regnard,  Fol.  amour,  Divert.) 

Ces  choses-là  sont  un  peu  sujettes  à  caution. 

(MoUère.  Malade,  I,  4.) 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
Dans  les  Récits  espagnols  de  .1/.  Charles  GiieuUette, 
je  troure  (p.  62)  :  mine  renfrognée.  J'entends  des 
persoimes  instruites  dire  avec  certains  dictionnaires  mine 
REFUOGNÉE.  Laquelle  de  ces  expressions  vous  parait  la 
meilleure? 

Le  français  ancien  comme  le   français  moderne  dit 
refrogner  et  renfrogner,  preuve  ces  exemples  : 
Ce  seigneur  vint  tout  refrongné 
Vers  Ihostesse  par  bon  moyen, 
Et  luy  dit  :  mon  cas  va  bien. 

(Villon,  2«  repue.^ 

Ces  discours  ont  accoustumé  d'esgayer  et  resjouir  ceulx 
qui  lestraictent,  non  les  renfrongner  et  contrister. 

(Montaigne,  I,  p.    175;} 

L'usage  de  la  vieille  langue  ne  pouvant  être  invoqué 
pour  résoudre  la  question  que  vous  m'adressez,  je 
vais  prendre  une  autre  voie. 

Trois  hypothèses  peuvent  être  faites  sur  la  formation 
du  mot  dont  il  s'agit  :  re  et  [rogner  ;  re  et  enfrogner  ; 
ren{re)  et  /rogner.  Voyons  laquelle  a  le  plus  de  chances 
d'être  la  vraie. 

-l"  Ce  mot  est  composé  de  re  et  du  verbe  frogner.  — 
La  particule  re  devant  un  verbe  peut  jouer  l'un  des 
trois  rôles  suivants  :  marquer  une  répétition  comme 
dans  redire,  revoir;  signifier  retour,  une  action  rétro- 
active, réagir,  reprendre  ;  reproduire  simplement  l'idée 
du  verbe,  en  l'augmentant  ou  même  quelquefois  sans 
valeur  bien  sensible. 


Or,  le   verbe  frogner  avec  le  sens  de  froncer  la  ' 
bouche,  ou  le  front,  existait  dans  l'ancien  français: 

Le  cheval,  qui  sentoit  les  chevaux  des  Anglois,  commença 
à  hennir  et  à  frongnier  et  à  frapper  du  pied  en  terre. 

(Froisoart,  II,  III,  ia4.) 

Il  y  a  donc  déjà  lieu  de  croire  que  refrogner,  qui 
existe  en  genevois,  qui  est  en  anglais  sous  la  forme  to 
froicn,  et  qu'on  trouve  dans  Palsgrave  (p.  559,  col.  \) 
sous  celle  de  refraygner,  est  composé  tout  simplement 
de  re,  au  troisième  sens  indiqué,  et  de  frogner. 

2°  Ce  mot  est  com]}osé  de  re  et  de  enfrogner.  —  S'il 
en  était  ainsi,  il  faudrait  que  le  verbe  enfrogner  eût 
existé  dans  notre  langue.  Or,  de  tous  les  vieux  glos- 
saires que  j'ai  consultés,  il  n'en  est  aucun  où  j'aie 
rencontré  ce  verbe. 

3°  Ce  mot  est  composé  de  ren,  formé  de  re  par  l'ad- 
dition d'une  n,  et  du  verbe  frogner.  —  Tous  les  verbes 
français  commençant  par  ren,  comme  ceux-ci,  par 
exemple  : 


Rencaisser 

Renchérir 

Rencogner 

Rendormir 

Rendurcir 


Renforcer 

Renfermer 

Rengager 

Rengainer 

Renvoyer 


sont  composés  de  la  particule  re  et  d'un  verbe  où 
entre  la  préposition  en  jointe  tantôt  à  un  adjectif  (ren- 
chérir), et  tantôt  à  un  substantif  (renforcer).  Or,  Vn 
qu'une  telle  loi  de  formation  admet  après  re  n'est 
jamais  adventice. 

Puisque  l'examen  des  deux  dernières  hypothèses  ne 
diminue  en  rien  les  présomptions  qu'a  fait  naître  la 
première,  j'en  conclus  qu'il  faut  préférer  refrogner  à 
renfrogner,  et,  partant,  mine  refrognée  à  mine  renfro- 
gnée. 

X 
Seconde  Question. 

J'ai  rencontré  celte  phrase  dans  le  national  du 
28  décembre  \  874  :  «  Lorsque  cette  politique  de  gnan- 
gnan aura  triomphé,  etc.  »  Que  veut  dire  ce  mot 
gnangnan,  et  d'oii  vient-il,  car  je  ne  le  trouve  point 
dans  le  dictionnaire  que  j'ai  en  ma  possession,  lequel 
cependant  est  celui  de  l'Académie? 

Ce  mot,  qui  s'écrit  aussi  gnian-gnian,  est  une  sorte 
d'expression  mimologique  par  laquelle  on  représente 
l'hésitalion  d'une  personne  qui  craint  de  dire  ou  de 
faire  quelque  chose  : 

La...  chante-t-il?  —  Oh!  madame,  je  suis  si  tremblant  !.. 

—  Et  gnian,  gnian,  gniati,  gnian,  gnian,  gnian,  gnian,  gnian; 
dès  ([ue  madame  le  veut,  modeste  auteur  !  je  vais  l'accom- 
pagner. 

(Beauinarcliais,  Mar.  de  Fig.,  II,  4.) 

En  français,  comme  dans  le  patois  du  licrry,  on 
en  a  fait  un  substantif,  masculin  ou  féminin  selon  qu'il 
s'applique  à  un  homme  ou  à  une  femme  :  un  gnan- 
gnan ou  une  gnangnan  sert  à  désigner  un  lambin, 
une  personne  molle,  sans  énergie,  agissant  avec  peine 
et  se  plaignant  toujours. 

Ce  mot  s'emploie  aussi  comme  adjectif,  et  reste 
toujours  invariable  pour  le  genre  ;  ainsi  on  dit  : 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


77 


OU!  qu'elle  est  gnangnan! 

Allons  donci  vous  êtes  des  gnangnam! 

Quant  à  son  ét^mologie,  M.  Littré  croit  que  c'est  le 
redoublement  du  vieux  vocable  niant,  c'est-à-dire 
néant,  rien.  Je  me  permettrai  d'ouvrir  un  autre  avis. 

Le  latin  kjnavus  a  absolument  la  même  signification 
que  celle  de  gnangnan,  comme  le  prouve  la  définition 
ci-après,  copiée  littéralement  dans  Quicherat  : 

a  JONAVLs.  1°  Qui  manque  d'activité,  inactif,  mou,  pares- 
seux; au  fig.  Qui  est  sans  énergie;  oisif,  immobile;  stérile, 
inutile  ;  2°  Lâche,  sans  cœur,  sans  courage.  » 

Or,  serait-il  téméraire  de  penser  que  cet  ignavus  ait 
donné  d'abord  igna,  puis  gna,  ensuite  gnagna,  par 
répétition,  et  enfin  (/?i««(/wa»,  puisque  le  son  «  (preuve 
tambour,  autrefois  labour]  peut  devenir  voyelle  nasale 
dans  notre  langue? 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1"...  alteint  i'un  énjsipéle;  —  2°  . .  avant  que  l'Assemblée 
eût  déclaré...  que  le  septennat  eu?  été  institué;  —  3"  . .  dit 
en  terminant  M.  le  Président;  —  1°. .  .  il  n'en  est  pas  un  qui 
n'ait  à  cœur  (on  dit  qu'on  a  une  chose  à  cœur,  et  qu'une  chose 
nous  <ien(  à  cœur);  —  5°...  un  averti  en  vaut  deux  (pas  de 
ion  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  5«  année,  p.  13t);  —  6". ..  afin 
de  les  assassiner  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  2«  année,  p.  139); 
—  "». ..  qui  ressemble  parfaitement  à  Louis-Philippe  (Voir 
Courrier  de  Vaugelas,  !'■•  année,  numéro  2,  p.  3);  8»...  que 
d'exiger  qu'elle  fût  ratifiée;  —  9»...  qu'ils  ne  laisseront  pas  de 
prendre  (pas  de  que);  —  10°  ..  qu'on  a  laissées  percer  (l'aclion 
de  percer  est  faite  pour  le  régime  que). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1°  Je  sais  bien  qu'il  y  a  place  dans  l'art  pour  autre  chose 
que  pour  la  peinture  religieuse,  mais  je  dois  relever  une 
erreur  de  M.  le  Rapporteur. 

2°  Il  faudrait  au  moins  commencer  par  dire  ce  que  l'on 
veut,  exposer  un  programme  et  trouver  des  gens  qui 
consentent  à  s'en  faire  les  champions. 

3°  L'évèque  de  Paderborn,  Mgr  Martin,  a  écrit  au  président 
gouvernemental  de  Minden  pour  expliquer  les  motifs  qui 
l'avaient  fait  quitter  la  ville  de  Wesel,  dans  laquelle  il 
était  interné. 

4°  Autrement,  il  autoriserait  les  bonapartistes  à  crier 
par-dessus  les  toits  que  M.  Buffet  a  prouvé  le  cas  qu'il 
fallait  faire  des  rapports  du  procureur-général,  du  préfet 
de  police,  et  de  toutes  les  révélations  contenues  dans 
l'enquête  parlementaire. 

5*  Pour  peu  que  la  peste  ait  duré  huit  jours,  il  n'y  a 
plus  personne  dans  la  ville  de  Crémone. 

6"  On  parle  de  nouveau  d'un  consistoire  qui  serait  tenu 
d'ici  Pâques  et  dans  lequel  serait  distribué  un  certain 
nombre  de  chapeaux. 

7"  Calino  allant  avec  un  de  ses  amis  rendre  visite  à  un 
personnage  quelconque  (qui  était  ce  jour-là  à  la  campagne), 
remarque  que  son  ami  fait  une  corne  à  sa  carte.  11  corne 
également  la  sienne. 

8°  On  se  demande  comment  il  se  fait  qu'il  y  ait  encore 
relativement  un  si  petit  nombre  de  ces  établissements,  et 


comment  le  gouvernement  ne  prenne  pas  l'initiative  d'en 
fonder  partout. 

9°  Ainsi  s'écoulèrent  deux  semaines  pendant  lesquelles 
Estevan  attendait  son  fantôme,  et,  quand  il  apparaissait, 
s'enivrait  de  sa  vue,  reportant  sur  Luisa  son  esprit  et  ses 
pensées. 

10"  La  nouvelle  marquise,  qui  s'était  imaginée  jusque-là 
que  rien  n'égalait  le  lu.xe  paternel,  fut  à  ce  point  éblouie 
qu'elle  en  perdit  le  souvenir  des  choses  de  son  enfance. 

11°  Au  lieu  de  l'essaim  brillant  des  jouvenceaux  qui 
bourdonne  autour  d'une  femme  et  lui  murmure  de  tendres 
choses,  on  étouffa  sa  vie  entre  un  courtaud  à  face  rubi- 
conde et  trois  clercs. 

\1'  Maintenant  qu'il  repoussait  toute  idée  de  travail,  son 
unique  passe-temps  consistait  à  revoiries  sites  ou  prome- 
nades qu'avait  illuminés  la  présence  de  Luisa. 

13"  Ce  n'est  pas  seulement  à  Paris  que  la  grippe  fait  des 
victimes  dans  le  personnel  des  théâtres;  à  la  Scala  de 
Milan,  trente-neuf  artistes  sont  retenus  chez  eux  par  le 
fléau  à  la  mode. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  XVIP  SIÈCLE. 
Claude    LANCELOT 

Il  naquit  à  Paris  en  1613.  Elevé  dans  la  communauté 
de  Saint-Nicolas  du  Chardonneret,  il  se  sentit  de  bonne 
heure  enclin  à  la  piété,  et  se  mit  sous  la  direction  du 
fameux  abbé  de  Saint-Cyran,  pour  lequel  il  conçut  une 
estime  portée  jusqu'à  l'enthousiasme. 

Sa  première  retraite  fut  la  maison  de  Port-Royal  de 
Paris,  dont  l'abbé  de  Saint-Cyran  était  le  chef  et  l'âme. 

Quand  cet  abbé,  dont  l'iniluence  et  le  caractère  por- 
taient ombrage  au  cardinal  de  Richelieu,  fut  arrêté  et 
mis  au  donjon  de  Vincennes,  Lancelot  subit  plusieurs 
déplacements  ;  mais  il  ne  cessa  d'être  attaché  à  M.  de 
■  Saint-Cyran  ;  et,  après  la  mort  de  celui-ci,  il  s'occupa  de 
mettre  à  exécution  le  projet,  conçu  par  son  maître,  de 
réunir  dans  des  écoles  une  élude  plus  spéciale  de  la 
doctrine  chrétienne  à  l'enseignement  des  lettres  et  de 
la  philosophie. 

C'est  d'après  ce  plan  que  se  formèrent  les  écoles  de 
Port-Pioyal,  d'où  sortirent  ces  méthodes  si  connues  que 
l'on  doit  pour  la  plupart  à  Lancelot,  le  premier  maître 
de  Tillemont  et  de  Racine. 

Apres  la  dissolution  des  écoles  de  Port-Royal,  amenée 
par  le  zèle  à  soutenir  la  doctrine  de  Jansénius,  Lancelot 
donna  des  soins  particuliers  au  jeune  duc  de  Chevreuse, 
fils  du  marquis  de  Luynes.  .Mais,  toujours  attaché  à 
l'esprit  qui  animait  ses  confrères,  il  entreprit  un 
voyage  en  <6()7,  avec  .M.  de  Loménie  fils,  oratorien, 
pour  aller  visiter  l'évèque  d'.\let. 

En  l()70,  il  fut  chargé  de  l'éducation  des  deu.x  jeunes 
princes  de  Conti,  par  l'entremise  de  M.  de  Sacy,  qui 
avait  été,  avec  Antoine  Arnault,  le  directeur  de  Port- 
RojaL  Mais,  après  la  mort  de  la  princesse,  mère  de  ses 


78 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


élèves,  on  l'obligea  de  donner  sa  démission,  sous  pré- 
texte que,  malgré  les  intentions  du  Roi,  il  refusait  de 
conduire  les  princes  à  la  comédie. 

Lancelot  se  retira  alors  dans  le  monastère  de  Saint- 
Cyran  (diocèse  de  Bourges),  où  il  ne  passa  pas  le  sous- 
diaconat,  et  où  il  remplit  même,  par  humilité,  l'office 
de  simple  cuisinier. 

Les  mêmes  opinions  que  celles  qui  avaient  troublé 
Port-Rojal  ayant  causé  la  disparition  des  religieux  de 
Saint-Cyran,  Lancelot,  plus  que  sexagénaire,  fut  en- 
voyé en  exil  à  Quimperlé,  où  il  mourut  le  15  avril  1695, 
à  l'âge  de  79  ans. 

On  doit  à  Lancelot  comme  grammairien  :  1^  Nouvelle 
méthode  j)our  apprendre  la  langue  latine,  avec  un 
Traité  de  la  poésie  latine,  et  des  Règles  pour  la  poésie 
française  ;  2°  Méthode  pour  apprendre  la  langue 
grecque,  avec  une  préface  sur  le  renouvellement  des 
lettres  grecques  en  Europe  et  sur  les  auteurs  qui  y  ont 
le  plus  contribué;  3°  Jardin  des  racines  grecques,  suivi 
d'un  Traité  des  prépositions  et  autres  particules  indé- 
clinables, et  d'un  Recueil  de  mots  français  tirés  du 
«rec  ;  ■4°  Nouvelle  méthode  pour  apprendre  la  langue 
italienne,  avec  une  préface  sur  l'origine,  les  progrès, 
la  décadence  et  le  renouvellement  de  cette  langue; 
5»  Nouvelle  méthode  pour  apprendre  la  langue  espa- 
gnole, avec  une  préface  et  une  dédicace  à  l'infante 
d'Espagne  Marie-Thérèse;  6»  Grammaire  générale  et 
raisonnée  qui  appartient  en  entier,  pour  la  composition, 
à  Lancelot,  et  en  grande  partie,  pour  l'invention,  à 
Antoine  Arnault. 

Je  vais  faire  une  analyse  de  ce  dernier  ouvrage, 
dont  l'examen  est  plus  spécialement  du  ressort  de  ma 
publication. 

La  Grammaire  générale  et  raisonnée,  qui  parut  en 
1660,  est  divisée  en  deux  parties  :  dans  la  première,  il 
est  parlé  des  lettres  et  des  caractères  de  l'écriture;  dans 
la  seconde,  des  principes  et  des  raisons  sur  lesquelles 
sont  appuyées  les  diverses  formes  de  la  signification 
des  mots. 

FBEMIÈBE    PARTIE 

Des  voyelles.  —  Les  divers  sons  dont  on  se  sert  pour 
parler,  et  qu'on  appelle  lettres,  ont  été  trouvés  d'une 
manière  toute  naturelle,  et  qu'il  est  utile  de  remarquer. 

Ceux  qui  étaient  tellement  simples  qu'ils  n'avaient 
^besoin  que  de  la  seule  ouverture  de  la  bouche  pour  se 
faire  entendre  et  pour  former  une  voix  distincte  ont 
été  appelés  voyelles. 

Ceux  qui  dépendaient  de  l'application  particulière  de 
quelqu'une  des  parties  de  l'organe  vocal,  comme  des 
dents,  des  lèvres,  de  la  langue,  du  palais,  ne  pouvaient 
faire  un  son  parfait  que  par  l'ouverture  même  de  la 
bouche,  c'est-à-dire  par  leur  union  avec  les  premiers 
sons,  ce  qui  les  a  fait  appeler  consonnes. 

On  compte  ordinairement  cinq  voyelles:  a,  e,  i,  o,  u; 
mais  outre  que  chacune  d'elles  peut  être  longue  ou 
brève,  on  aurait  encore  pu  en  ajouter  quatre  ou  cinq 
autres  aux  précédentes. 

Sans  considérer  la  difl'ércncc  qui  se  fait  entre  les 
voyelles   d'un  même  son,  on  en  pourrait  distinguer 


jusqu'à  dix,  en  ne  s'arrêtant  qu'aux  sons  simples  et 
non  aux  caractères  :  a,  é,  é,  i,  o,  â,  eu,  ou,  u,  e  muet. 
Des  consonnes.  —  Après  avoir  donné  le  tableau  des 
consonnes  qui  n'ont  qu'un  son  simple  en  latin,  en 
français,  en  grec  et  en  hébreu,  Lancelot  fait  remarquer 
qu'il  contient  sept  consonnes  faibles  [b,  d,  g,  j,  c,  v,  s), 
sepl  fortes  (j),  t,  g,  ch,  k,  f,  s);  deux  nasales  (m',  n], 
deux  liquides  {l,  r),  trois  mouillées  Ull  de  paille,  gn  de 
règne,  ï  àepaien],  et  enfin  une  aspirée  [h  de  héros). 

Des  syllabes.  —  La  syllabe  est  un  son  complet  qui 
est  quelquefois  composé  d'une  seule  lettre,  mais  pour 
l'ordinaire  de  plusieurs. 
Une  voyelle  peut  faire  une  seule  syllabe. 
Quand  deux  voyelles  entrent  dans  une  seule  syllabe 
comme  dans  mien,  hier,  elles  forment  ce  qu'on  appelle 
une  diphthongue. 

La  plupart  des  diphthongues  se  sont  perdues  dans  la 
prononciation  ordinaire  du  latin;  car  les  a?  et  les  œ  ne 
se  prononcent  plus  que  comme  e;  mais  elles  se 
«  retiennent  «  encore  dans  le  grec  pour  ceux  qui  pro- 
noncent bien. 

Dans  les  langues  vulgaires,  deux  voyelles  ne  font 
qu'un  son  simple,  comme  eu,  ce  et  au;  mais  ces  langues 
ont  de  véritables  diphthongues  :  ai,  ayant;  oi,  foi,  etc. 
Les  consonnes  ne  peuvent  seules  composer  une  syl- 
labe; il  faut  qu'elles  soient  accompagnées  de  voyelles 
ou  de  diphthongues. 

Plusieurs,  néanmoins,  peuvent  être  de  suite  dans  la 
même  syllabe,  de  sorte  qu'il  peut  y  en  avoir  jusqu'à 
trois  devant  la  voyelle,  et  deux  après,  comme  dans 
scrobs ,  et  quelquefois  deux  devant  et  trois  après, 
comme  dans  stirps. 

Les  Hébreux  n'en  souffrent  jamais  plus  de  deux, 
soit  au  commencement,  soit  à  la  fin  de  la  syllabe. 

Des  mots  et  de  l'accent.  —  On  appelle  mot  ce  qui  se 
prononce  seul,  ce  qui  s'écrit  séparément.  Il  y  en  a 
d'une  seule  sUlabe,  mai,  saint,  qu'on  nomme  monosyl- 
labes, et  de  plusieurs  syllabes  comme  dominus,  miséri- 
cordieusement ,  qu'on  appMe  polysyllabes. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  la  prononcia- 
tion des  mots,  c'est  l'accent,  qui  consiste  en  une  éléva- 
tion de  voix  sur  l'une  des  syllabes  qui  les  composent, 
et  après  lequel  la  voix  s'affaiblit  nécessairement. 

L'élévation  de  la  voix  s'appelle  accent  aigu,  et 
l'abaissement  accent  grave;  mais,  parce  que  les  Grecs  et 
les  Latins  avaient  certaines  syllabes  longues  sur  les- 
quelles on  élevait  et  on  abaissait  la  voix,  ils  avaient 
inventé  un  troisième  accent  qu'ils  appelaient  circonflexe 
(d'abord  fait  ainsi  :  A,  puis  ainsi  :  n),  lequel  compre- 
nait les  deux  premiers. 

Les  Hébreux  ont  beaucoup  d'accents  qu'on  croit  avoir 
servi  autrefois  à  leur  musique,  et  dont  jilusicurs  font 
maintenant  le  même  usage  que  nos  points  et  nos  vir- 
gules. Mais  l'accent  qu'ils  appellent  naturel  et  de 
grammaire  est  toujours  sur  la  pénultième  ou  sur  la 
dernière  sjllabe  des  mots. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 
Lii  Rkdacieuu-Géiiant  ;  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Une  maison   centrale  de  femmes,  fin  de   la  série 

des  Mystères  mondains;  par  Adolphe  Belot.  3»  édition. 
In-18  Jésus,  385  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Les  Grands  hommes  de  la  France.  Marins;  par 
Edouard  Goepp,  chef  de  bureau  au  ministère  de  l'Ins- 
truction publique,  et  Henri  de  Maunoury  d'Ectot,  ancien 
capitaine  au  long  cours.  Duquesne.  Tourville.  In-18,jésus. 
392  p.  Paris,  lib.  Ducrocq.  3  fr. 

C.  A.  Sainte-Beuve,  sa  vie  et  ses  œuvres;  par  le 
vicomte  d'Haussonville,  député  à  l'Assemblée  nationale. 
Gr.  in-18,  3û2  p.  Paris;  lib.  Michel  Lévy  frères. 

Œuvres  complètes  de  Rutebeuf,  trouvère  du 
XIII"  siècle;  recueillies  et  mises  au  jour  pour  la  pre- 
mière fois  par  Achille  Jubinal,  ex-professeur  de  faculté. 
Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée.  T.  3.  ln-16,  iiO  p. 
Paris,  lib.  DafBs.  5  fr. 

Traité  de  l'existence  et  des  attributs  de  Bieu;  par 
Fénelon.  Nouvelle  édition,  accompagnée  de  notes  et  pré- 
cédée d'une  introduction  et  d'une  analyse  des  chapitres; 
par  M.  A.  Aulard,  ancien  professeur  de  philosophie.  la- 
12,  xix-220  p.  Paris,  lib.  Belin. 

Les  Voyages  d'une  goutte  d'eau;  par  J.  Pizetta. 
Ouvrage  illustré  de  47  grav.  et  de  5  cartes.  In-8°,  202  p. 
Paris,  lib.  A.  Rigaud. 

Mademoiselle  de  Petitvallon  ;  par  Mathieu  \Vitche. 
In-12,  25Zi  p.  Paris,  lib.  Dillet.  2  fr. 

Légendes  et  récits  populaires  du  pays  basque; 

par  M.  Cerquand,  inspecteur  de  l'académie  de  Bordeaux. 
In-8»,  7i  p.  Pau,  lib.  Ribaut. 
Aventures  prodigieuses  de  Tartarin,  de  Tarascon; 

par  Alphonse  Daudet.    3'  édition.    In-18  Jésus,   369  p. 
Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 


Les    Brillantes  époques   de  Thistoire  de  France; 

par  Albert  Guillemot,  ex-professeur  d'histoire  du  Lycée 
de  Limoges,  3"  édition.  In-8<',  224  p.  et  grav.  Limoges, 
lib.  F.  F.  Ardant  frères. 

Cours  supérieur  de  grammaire  française,  accom- 
pagné de  505  exercices;  pir  .M.  L.  Leclair  et  M.  C.  Rouzé, 
professeur  agrégé.  2=  édition.  In-12,  288  p.  Paris,  lib. 
Belinr 

Mémoires  de  Ninon  de  Lenclos;  par  Eugène  de 
Mirecourt.  Edition  illustrée.  In-Zi'',  756  p.  Paris,  lib. 
Bunel.  9  fr.  50. 

Histoire  de  la  conquête  de  l'Angleterre  par  les 
Normands;  par  A.  Thierry.  ln-8°.  240  p.  Limoges,  lib, 
E.  Ardant  et  Cie. 

Voyage  au  centre  de  la  terre;  par  Jules  Vernes. 
17«  édition.  In- 18  Jésus,  356  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et 
Cie.  3  fr. 

Les  Couteaux  d'or;  par  Paul  Féval.  Nouvelle  édition. 
In-i8  Jésus,  388  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Récits  américains;  par  Xavier  Marmier,  de  l'Aca- 
démie française.  In-8",  143  p.  et  gravures.  Tours,  lib. 
Mame  et  fils. 

Les  Sept  péchés  capitaux.  La  Luxure  et  la 
Paresse;  par  Eugène  Sue.  Nouvelle  édition.  In-18  Jésus, 
298  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  1  fr.  25. 

Les  Ecrivains  célèbres  de  la  France,  ou  histoire  de 
la  littérature  française  depuis  l'origine  de  la  langue 
jusqu'au  XIX"=  siècle.  2=  édition,  revue,  corrigée  et  consi- 
dérablement augmentée,  à  l'usage  des  établissements 
d'instruction  publique;  par  D.  Bonnefon.  In-12,  532  p. 
Paris,  lib.  Sandoz  et  Fishbacher.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE  CONTEMPORAINE  EN 
RUSSIE.  —  Par  C.  Colrhière.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie, 
libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  :  3  fr.  5o. 


■  SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  el  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


FROMONT  JEUNE  ET  RISLER  AÎNÉ.  —  Mœurs  pari- 
siennes. —  Par  Alphonse  Daidet.  —  Septième  édition.  — 
Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du 
Louvre. 


OEUVRES  DE  YADÉ,  précédées  d'une  notice  sur  la  vie 
et  les  oeuvres  de  Vadé.  —  Par  Julien  Lemer.  —  Paris, 
Carnier  frères,  libraires-éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


RECUEIL  ALPHABÉTIQUE   DE    CITATIONS  MOR.\LES 

des  meilleurs  écrivains,  prosateurs  et  poètes,  historiens 
et  philosophes  de  tous  les  temps  et  surtout  contemporains, 
ou  ENCYCLOPÉDIE  MORALE.  —  Par  M.  E.  Loubens,  chef 
d'institution  honoraire.  —  Un  beau  volume  grand  ia-S" 
Jésus  à  deux  colonnes.  —  Ouvrage  adopté  par  la  Com- 
mission officielle  des  livres  pour  prix  et  pour  toutes  les 
bibliothèques  scolaires  de  France.  —  Prix  :  6  francs. 


ECHOS,  CHOIX  DE  POÉSIES.  —  Par  le  pasteur  A.  Esche- 
NAL-ER.  —  Un  joli  volume  elzévirien,  où  l'on  trouvera 
entre  autres  une  pièce  souvent  signalée  sur  le  Bombar- 
dement de  Strasbourg. —  Paris,  librairie  Sandoz  el  Fish- 
bâcher,  33,  rue  de  Seine. 


80 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


LA  LITTÉRM'URE  FRANÇAISE  depuis  la  formation  de 
LA  LANGUE  jusqu'a  NOS  JOURS.  —  Leclures  choisies.  —  Par 
le  lieutenant-colonel  STAAFF,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  de  l'Instruction  publique  en  France.  —  Ouvrage 
désigné  comme  prix  aux  concours  généraux  de  1868  à 
1872;  adopté  et  recommandé  par  la  commission  des 
Bibliothèques  de  quartier,  etc.,  etc.  —  Quatrième  édition. 
—  Six  volumes  du  prix  de  i  à  5  francs  chacun.  —  Paris, 
à  la  librairie  académique  Didier  et  Cie,  35,  quai  des 
Grands-Augustins,  et  à  la  librairie  classique  de  Ch.  Delà- 
grave  et  Cie,  58,  rue  des  Ecoles. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  Il  ne 
reste  plus  que  la  A«  et  la  5"=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vangelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1™,  la  2»  et  la  3"  année  doivent  être  pro- 
chainement réimprimées. 


LE  DIT  DES  RUES  DE  PARIS  (1300).  —  Par  Guillot 
(de  Paris).  —  Avec  préface,  notes  et  glossaire.  —  Par 
Edgar  Mareuse. —  Suivi  d'un  plan  de  Paris  sous  Philippe- 
le-Bel.  —  Paris,  Librairie  générale,  72,  boulevard  Hauss- 
mann. 


RENSEIGNEMENTS 

Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

I. 

Les  Professeurs  de  français  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  confiance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  ù2,  Queen  Square  k  Londres,  W.  C,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

II. 

Sous  le  titre  de  Revue  anglo-française,  il  paraît  à  Brighton  une  publication  mensuelle  dont  le  directeur,  le  Révérend 
César  Pascal,  se  charge  de  procurer  gratis,  pourl'ANGLETERRE  ou  le  Continent,  des  places  de  professeur  et  d'institutrice 
à  ceux  de  ses  abonnés  qui  se  trouvent  munis  des  recommandations  nécessaires.  —  L'abonnement,  qui  est  de  10  fr.  pour 
la  France,  se  prend  à  Paris,  chez  MM.  Sandoz  et  Fishbacher,  libraires,  33,  rue  de  Seine,  ou  à  la  librairie  Grassart,  2, 
rue  de  la  Paix. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
l'Institut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cours, mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Le  quinzième  concours  poétique  ouvert  k  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  1875  ;  douze  médailles,  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  C.^rrange, 
président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux,  Gironde  —  (A/franchir). 


m 


Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  —  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  le  2"  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3'  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  l"''  juin  1876. 


La  Société  d'encouragement  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  et  développer 
'les  moyens  les  plus  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comtne  le  bien-être  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  Secrétaire-général,  2,  rue  Brochant,  aux  BatignoUes 
(Paris),  avant  le  31  décembre  1875. 


La  Société  des  sciences,  helles-lettres  et  arts  de  Tarn-et-Garonne  publie  le  programme  des  concours  de  1876- 
1877.  Voici  celui  de  littérature  et  de  poésie.  La  Société  propose  pour  cette  année  1876  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  200  fr.  à  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.);  une  médaille  d'argent  de  la  valeur 
de  100  fr.  k  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la  valeur  de  50  fr. 
au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées  au  Secrétaire 
de  la  Société,  k  Montauban. 


Académie  des  lettres  de  Rouen.   —  Prix  à  décerner  en  1877  pour  un  conte  en  vers  de  100  vers  au  moins.  — 
S'adresser  au  Secrétaire-perpétuel,  IVl.  Julien  Loth. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugnlas  est  vi.»;ible  à  .-ioii  bureau  tic  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GOUVliRNEUR,  G.  DAUl'ICLEV,  k  Nogent-le-Rotrou. 


6=  Année 


N°  11. 


1"  Octobre  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1»  et    le    IS    de    chaqne   mol* 

{Dans  sa  séance  du  \'2  janvier  1875,  V Académie  française  a  décerné  le  prix  Lantèert  à  celle  publicalion.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

Abonnement  pour  la  France.     6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 

PROFESSEUR   SPECIAL  POUR    LES    ÉTRANGERS 

Officier  d'.UjJémie 

On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces, la  ligne.          50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quilconque. 

FAUTES  A  CORRIGER. 
Numéro  7,  page  1,  lire  Sourg-Brcssans,  Hazebrouguois, 
Lesparrins ,  Moulinais  au  lieu  de  Bourg- Bressons ,  Haze- 
brouguois, Lcsparrais,  Molinois;  —  Numéro 'J,  page  tiO,  coi.  1, 
ligne  27,  lire  Pairaidi  au  lieu  de  Paircidi;  —  Numéro  10, 
page  74,  col.  1,  ligne  40,  lire  évilé  au  lieu  de  évilée. 


SO.M.MAIRE. 

Trois  communications  sur  les  étjmologies  de  Choléra,  de  Cha- 
rabia et  de  Bocii  ;  —  Explication  de  Entre  chien  et  loup;  — 
Elymologie  de  Charlatan  :  — Ce  qu'on  entend  par  Conceptions 
byzantines;  —  Si  Emérite  peut  s'employer  pour  l'iein  de 
mérites;  —  Comment  a  été  formée  la  préposition  Dans  |{ 
Lequel  vaut  le  mieux  de  Burnous  ou  de  Bournous  ;  —  Si  Dont 
peut  s'employer  comme  régime  commun  de  mots  n'ayant  pas 
la  même  fonction;  —  Si  Départ  s'emploie  dans  le  sens 
de  Partage;  —  Quels  accents  il  faut  mettre  sur  les  e  de 
Fénélon  ;  —  Si  Aéronef  est  français  1|  Passe-temps  grammatical 
fl  Suite  de  la  biographie  de  Claude  Lancelot  ||  Ouvrages  de 
grammaire  et  de   littérature   ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 

COM.MUNIGATION. 

I. 
Un  nouvel  abonné,  qui  avait  reçu  comme  spécimen 
le  numéro  13  de  la  i'  année,  où  se  trouve  l'étymologie 
de  choléra,  m'a  adressé  la  lettre  suivante  : 

Tours,  le  23  juillet  1875. 
Monsieur, 

Permettez  à  un  de  vos  lecteurs  de  venir  vous  poser  une 
question.  A  la  première  page  du  numéro  du  1"  septembre 
1873  du  Courrier  de  Vaugelas,  je  lis  une  intéressante  discus- 
sion sur  l'étymologie  du  mot  choléra.  Après  avoir  réfuté 
l'opinion  commune  qui  fait  venir  ce  mot  du  grec,  vous  pro- 
posez une  oriKine  hébraïque,  et,  à  ce  propos,  vous  citez 
ce  verset  de  la  Bible  {Ecclesiasie,  ch.  VI,  verset  1)  :  o  11  est 
un  mal  que  j'ai  vu  sous  le  soleil  et  qui  pèse  souvent  sur 
l'homme  ».  Mal  se  dit  en  hébreu  Ra  ou  Raa.  El  il  est  pos- 
sible, en  effet,  que  la  dernière  syllabe  du  mot  choléra 
vienne  de  l'hébreu  Raa.  Mais  je  ne  trouve  nulle  part  dans 


la  langue  hébraïque,  et  pas  plus  dans  le  reste  de  la  Bible 
que  dans  le  verset  cité  de  rEcclésiaste,  le  mot  choli,  écrit 
par  votre  correspondant.  Qu'est-ce  que  ce  mot?  et,  si  vous 
rejetez  l'origine  yolr,,  d'oti  peut-il  venir? 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considéra- 
tion distinguée. 

Edmond  Stapfer, 
Pasteur  à  Tours  (Indre-et-Loire). 

Je  ne  m'explique  pas  comment  M.  Jobard  (de  Bru- 
xelles ,  à  qtiij'ai  emprtTnlé  l'étymologie  reproduite  dans 
le  numéro  1.3  de  ma  4"  année,  a  pu  lire  c/ioli-ra  dans 
le  texte  hébreu  de  la  Bible,  quand  .M.  le  pasteur  Edmond 
Stapfer  n'a  trouvé,  lui,  rien  de  semblable  dans  aucun 
endroit  du  même  texte. 

-Mais,  de  deux  choses  l'une,  ou  choU-ra  est  réellement 
dans  le  texte  hébreu  de  la  Bible,  ou  il  n'y  est  pas. 

S'il  y  est,  je  crois  pouvoir  continuer  à  le  tenir  pour 
l'étymologie  de  choléra,  mot  qui  nous  aurait  été  trans- 
mis par  le  grec  et  le  latin";  el,  s'il  n'y  est  pas,  j'avoue 
ne  voir  d'autre  origine  possible  à  choléra  que  le  grec 
■/iA£pa,  expression  composée  de  yzXr,,  bile,  et  de  la 
finale  pa,  venue  probablement  de  ç£w,  couler,  en  dépit 
de  la  règle  que  le  docteur  Tardieu  a  invoquée. 

II. 

Un  savant  orientaliste,  .M.  Florian  Pharaon,  a  bien 
voulu  me  rcraellre  la  noie  suivante  sur  l'étymologie 
de  charabia,  que  je  n'avais  pu  donner  d'une  manière 
satisfaisante  dans  mon  numéro  23  (2"  année)  : 

Ce  n'est  point  en  Auvergne  qu'il  faut  chercher  l'origine 
de  charabia.  Ce  mot  désigne  un  langage  incorrect,  com- 
posé de  divers  idiomes,  que  l'on  comprend  sans  l'avoir 
jamais  appris. 

La  langue  franque,  qui  est  en  usage  dans  tout  le  bassin 
de  la  Méditerranée,  composée  de  mois  italiens,  provençaux, 
espagnols,  arabes,  grecs,  est  le  charabia  par  excellence  et 
la  langue  commerciale  universelle.  Cliarahia  vient  de  deux 
mots  arabes,  chara,  achat,  et  bid,  vente  :  c'est  le  langage 
des  transactions  commerciales. 

En  Algérie,  la  langue  charabia  est  courante,  et  je  me 
rappellerai  toujours  le  récit  que  me  fit,  dans  cet  idiome, 
un  vieux  Turc,  ancien  forban,  des  divers  bombardements 
dont  Alger  fut    l'objet  depuis  le  commencement  de  ce 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


siècle.  Faisant  allusion  aux  expéditions  des  Espagnols,  des 
Hollandais  et  des  Anglais  qui  bombardèrent,  en  181G,  la 
capitale  de  notre  colonie,  il  me  disait  : 

—  Esbagnoul  benir  :  fazir  baoum!  baoum!  andar!  (Les 
Espagnols  vinrent;  ils  firPnt  boum!  boum!  et  partirent). 

—  Fiamingue  benir  :  fazir  baoum!  baoum!  andar! 

—  Ingiisch  benir  :  .fazir  baoum!  baoum!  andar! 

—  Francis  benir  :  fazir  turlututul  turlututu!  entrarl 

Et  en  disant  le  mot  turlututu,  qu'il  prononçait  touiiou- 
ioutou,  notre  homme  mimait,  avec  sa  main,  le  jeu  du 
clairon. 

Je  ne  saurais  Irop  vivement  remercier  M.  Florian 
Pharaon  de  l'élymologie  qui  vient  combler  si  lieureuse- 
ment  une  lacune  dans  les  solutions  dont  s'est  occupé 
jusqu'ici  le  Courrier  de  Yaugelas. 

m. 

Voici,  en  date  du  20  août  1875,  une  communication 
relative  à  l'élymologie  de  bock  que  j'ai  donnée  il  y 
a  quelque  temps  : 

Monsieur, 

Voulez-vous  me  permettre  de  rectifier  les  renseigne- 
ments que  vous  donnez -dans  le  numéro  2,  6°  année, 
d'après  une  relation  un  peu  fantaisiste  d'un  rédacteur  du 
journal  le  Figaro,  sur  l'origine  du  mot  Bock,  employé  aujour- 
d'hui dans  tous  les  cafés  pour  désigner  un  verre  de  bière, 
en  remplacement  de  l'ancienne  appellation  Choppe? 

Ce  mot  a  fait  son  apparition  à  Paris  vers  1860,  mais  pas 
dans  le  sens  qu'il  a  aujourd'hui  ;  il  servait  à  cette  époque 
à  désigner  une  qualité  de  bière  très-renommée  en  Alle- 
magne depuis  longtemps  et  fabriquée  à  Munich  (Bavière) 
par  un  brasseur  se  nommant  Bock,  nom  qui  signifie  bouc; 
c'est  pourquoi  la  plupart  des  brasseurs  et  des  débitants  de 
cette  bière  en  Allemagne  représentent  sur  leurs  enseignes 
la  tète  de  ce  ruminant. 

Cette  bière  a  eu  un  très-grand  succès  à  Paris;  on  ne  la 
trouvait  que  dans  les  établissements  de  premier  ordre  ; 
on  la  servait  dans  des  verres  de  forme  différente  de 
celle  des  choppes  et  plus  petits,  et  elle  coûtait  dix  cen- 
times plus  cher. 

Les  établissements  de  second  ordre,  qui  furent  eux- 
mêmes  bientôt  suivis  parles  établissements  les  plus  vul- 
gaires, ne  tardèrent  pas  à  débiter  sous  le  nom  de  Bock  des 
bières  de  toutes  provenances,  comme  ils  l'avaient  déjà  fait 
auparavant  pour  la  bière  de  Strasbourg,  et  c'est  ainsi  qu'un 
nom  qui  désignait  le  contenu  est,  par  extension,  devenu 
le  nom  du  contenant. 

Le  Petit  Journal  pour  rire  (1861-6-2)  a  résumé  le  fait  que 
je  vous  signale  par  un  dessin  où  l'on  voit  un  consommateur 
adresser  cette  question  à  un  garçon  de  café  :  «  Quelle 
diflërence  y  a-t-il  entre  un  bock  et  une  choppe?  —  Je 
vais  vous  le  dire,  Monsieur;  le  bock  est  plus  petit  et  coûte 
deux  sous  de  plus,  mais  la  bière  est  la  même.  » 

Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  très- 
distinguée. 

Vn  de  vos  lecteurs. 

Je  m'empresse  de  remercier  l'auteur  de  cette  com- 
munication, et  de  déclarer  que  si,  contrairement  à 
ce  que  je  pense,  son  explication  n'est  pas  la  vraie,  elle 
est  du  moins  bien  préférable  à  celle  que  j'ai  donnée 
en  m'appuyanl  sur  les  renseignements  que  M.  Charles 
Rozan  avait  recueillis  dans  le  Figaro. 

X 
Première  Qneslion. 
Comment  expliquez-vous  l'expression  entre  chien  et 
LOCP,  que  l'on  entend  a.isez  fréquemment  dans  le  dis- 
cours familier  ? 

Cette  expression,  qui  date  au  moins  du  viit^  siècle 


puisqu'elle  est  dans  les  Formules  de  Marculfe  (Infra 

horam  vesperlinam ,   inter  canem  et  lupum) ,    a  été 

expliquée  de  deux  manières. 

Comme  Baïf,  poète  du  xvi'  siècle,  avait  dit  dans  un 

passage  : 

Lorsqu'il  n'est  jour  ne  nuit,  quand  le  vaillant  berger 
Si  c'est  un  chien  ou  loup  ne  peut  au  vrai  juger, 

la  plupart  ont  vu  dans  entre  chien  et  loup  une  allusion 
à  la  difficulté  qu'on  éprouve,  lors  d'un  certain  moment 
crépusculaire,  à  distinguer  un  chien  d'un  loup. 

Mais  selon  Quitard,  entre  chien  et  loup  désigne  pro- 
prement l'intervalle  qui  sépare  le  moment  où  le  chien 
est  placé  à  la  garde  du  bercail  et  le  moment  où  le 
loup  profite  de  l'obscurité  qui  commence  pour  venir 
rôder  à  l'entour;  car  c'est  un  usage  de  tout  temps 
observé  par  les  bergers,  ajoule-t-il,  de  lâcher  le  chien 
ou  de  le  mettre  en  sentinelle  aussitôt  que  la  chute  du 
jour  les  avertit  que  le  loup  ne  tardera  pas  à  sortir  du 
bois. 

Or,  comme  on  ne  dit  point  entre  loup  et  chien,  et 
que  l'explication  de  Quitard  repousse  aussi  cette  inver- 
sion de  termes  (l'espace  de  temps  dont  on  parle  com- 
mence toujours  par  la  garde  du  chien),  il  me  semble 
que  la  seconde  manière  d'expliquer  entre  chien  et  loup 
doit  l'emporter  sur  la  première. 

X 
Seconde  Qneslion. 
Je  lis  dans  un  article  de  M.  Alphonse  Karr  [le  figaiio 
du  ["juin  1875)  que  «  sciRLiTTiNA,  écarlate,  est  l'éty- 
mologie  de  CHinLATAN  »,  parce  que  les  charlatans  appa- 
raissent ordinairement  dans  les  places  publiques  vêtus 
de  ro2ige.  Etes-vous  du  même  avis,  et  si  non,  doit  vient 
CHARLATAN,  d'aprês  vous  ? 

Charlatan  est  bien,  en  effet,  tiré  de  l'italien  ;  mais  ce 
ne  peut  être  de  la  source  qu'indique  l'auteur  des  Guêpes, 
attendu  que  les  mots  de  cette  langue  à  la  finale  ina, 
ino,  inio,  qui  ont  passé  dans  la  nôtre,  ont  toujours  pris 
la  terminaison  in  ou  ine  : 

Scarp/Ho    a  fait  Escarpài 
CantJHa       —      Cant/He 
Brigantjreo  —      Briganti» 
LesiHO         —      Lésine 
CarmiHJo    —      Carmift 
Tontfna       —      ToutïJie. 

Le  substantif  charlatan  vient  de  ciarlatano,  formé  du 
verbe  ciarlare  (espagnol  et  portugais  charlar),  lequel 
signifie  bavarder,  jaser,  étourdir  par  son  caquet. 

Cette  élymologie  laisse  déjà  peu  de.  doute  quand  on 
a  écouté  cinq  minutes  un  charlatan  débitant  sa  mar- 
chandise dans  quclcpie  carrefour,  et  qu'où  sait  que  les 
noms  italiens  ena«o  ont  passé  en  français  avec  la  finale 
an  (artigiano,  artisan;  balzano,  balzan;  cortigiano, 
courtisan,  etc.);  mais  elle  acquiert  un  nouveau  degré 
de  certitude  si  l'on  considère  que  charlatan  n'a  été 
trouvé  par  M.  Liltré  qu'au  xvi»  siècle,  époque  de  l'inva- 
sion de  l'italien  à  la  cour  de  France. 
X 

Troisième  Question. 
Que  veut  dire  byzantines  dans  la  phrase  suivante  : 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


83 


«  //  perdait  son  temps  dans  des  cohceptioss    bïza>- 
TIHES  »  ? 

Le  pape  Eugène  IV  avait  assemblé  le  concile  de  Bâle 
{\i3{)  pourla  réforme  du  clergé  et  la  réunion  de  l'église 
grecque  et  de  l'église  romaine,  qui  étaient  séparées 
depuis  le  schisme  de  Photius,  c'esl-à-dire  depuis  plus  de 
cinq  cents  ans. 

Mais  les  Grecs,  malgré  le  danger  dont  le  Croissant 
menaçait  leur  empire,  qui  ne  s'étendait  guère  alors  au- 
delà  des  faubourgs  de  Constanlinople  (depuis  1H60,  les 
Turcs  s'étaient  emparés  d'Andrinople,  de  la  Macédoine, 
de  l'Albanie  et  de  la  Servie),  les  Grecs,  dis-je ,  n'en 
discutaient  pas  moins  gravement  sur  les  conditions  de 
l'union  des  deux  églises;  et,  pendant  que  Jean  Paléo- 
logue,  l'avant-dernier  successeur  de  Constantin,  allait 
tranquillement  à  la  chasse,  ses  théologiens  s'occupaient 
de  préparer,  dans  des  conférences  particulières,  les 
articles  qui  devaient  être  soumis  aux  pères  du  Concile, 
articles  portant  principalement  : 

Sur  la  question  de  savoir  si  le  Saint-Esprit  procède  du 
Père  et  du  Fils; 

Sur  l'addition  de  ces  mots  :  et  du  Fils,  Filioque,  faite  au 
symbole  de  Nicée  ; 

Sur  la  nature  des  peines  du  purgatoire; 

Sur  l'état  des  âmes  avant  le  jugement  dernier; 

Sur  l'usage  du  pain  azyme  dans  la  célébration  des  Saints- 
Mystères; 

Sur  la  suprématie  du  pape  de  Rome. 

Après  de  longs  efforts,  on  finit  par  s'entendre  (4439). 
Mais,  sans  songer  aux  périls  de  la  situation,  beaucoup 
de  moines  de  Constantinople,  parmi  lesquels  on  remar- 
que surtout  Marc  d'Ephèse  et  Gennadius,  n'acceptèrent 
pas  l'accord  ;  ils  entretinrent  leurs  compatriotes  dans 
leur  opiniâtreté  à  rejeter  le  décret  d'union,  ce  qui  para- 
lysa les  efforts  que  le  pape  et  les  princes  chrétiens 
étaient  encore  disposés  à  faire  pour  délivrer  les  Grecs 
des  cruels  Ottomans;  et,  en  agitant  les  consciences  et 
en  les  remplissant  de  vains  scrupules,  ils  étouffèrent 
dans  le  cœur  des  habitants  toute  espèce  d'énergie,  les 
rendirent  indifférents  aux  tristes  destinées  qui  les  atten- 
daient, et  portèrent  ainsi  les  derniers  coups  à  leur 
malheureuse  patrie,  qui  tomba  au  pouvoir  des  Turcs  le 
29  mai  de  l'année  1453. 

Or,  c'est  par  allusion  à  ces  misérables  subtilités  des 
moines  de  Byzance  (nom  peut-être  plus  communément 
en  usage  alors  que  celui  de  Constanlinople' ,  au  mo- 
menloù  la  puissante  artillerie  de  .Mahomet  II  allait  battre 
en  brèche  les  remparts  de  cette  ville,  que  les  journaux 
politiques  qualifient  de  byzantines  les  préoccupations, 
les  querelles,  les  discussions  frivoles  qui  se  produisent 
dans  les  assemblées  nationales  lorsqu'un  intérêt  de 
premier  ordre  est  en  jeu. 

X 
Quatrième  Question. 

Le  mot  ÉMÉRiTE  est  employé  souvent  pour  plein  de 
HÉuiTES.  N'est-ce  pas  en  changer  complctemcnt  le  seîis  ? 
Mais  là  encore  ne  pourrait-on  suivre  l'usage,  surtout 
n'ayant  pas  d'équivalent  en  français  ? 


Les  Latins  avaient  un -verbe,  ewere/e,  qui  signifiait 
servir  à  l'armée,  et  dont  le  participe,  emeritus,  se  disait 
d'un  soldat  qui  avait  fait  son  temps  de  service,  et,  par 
extension,  de  toute  personne  qui  avait  fourni  sa  carrière, 
qui  se  reposait,  qui  était  fatiguée. 

C'est  ce  participe  qui  nous  a  donné  émérite,  terme  qui 
s'emploie  tantôt  en  bonne  part,  tantôt  en  mauvaise. 

En  bonne  part,  il  se  dit  presque  exclusivement  d'un 
professeur  de  l'Université  qui  a  pris  sa  retraite,  et  jouit 
des  honneurs  de  son  titre. 

En  mauvaise  part,  il  s'applique,  par  allusion  à  la 
longue  pratique  dudit  professeur,  à  des  personnes 
ayant  contracté  depuis  longtemps  quelque  défaut  ou 
quelque  vice;  ainsi  on  dit  : 

Un  buveur  émérite. 
Une  coquette  émérite. 
Un  voleur  émérite. 

Or,  vous  désirez  savoir  si ,  dans  cette  dernière 
acception  de  plein  de  mérites^  l'adjectif  en  question  est 
bien  employé? 

A  mon  avis,  cela  ne  fait  aucun  doute,  vu  que  tout 
adjectif  exprimant  une  qualité  peut  toujours  se  prendre 
dans  un  sens  ironique. 

X 

Cinquième  Question. 
Puisque  le  français  dérive  du  latin,  veuillez  m'ex- 
pliquer  comment  s'est  formée  la  préposition  da>s;  car 
c'est   en  vain   que  je  cherche  parmi  les  prépositions 
latines  celle  qui  a  pu  donner  la  nôtre. 

De  l'adverbe  intus,  intérieurement,  la  langue  d'o'il  fit, 
avec  le  même  sens,  ens,  ens  'dérivation  prouvée  par  le 
languedocien  ints,  ins),  qui  s'employait  sans  régime  : 

De  ci  qu'à  ciel  irra  la  mer, 
Par  force  voldra  enz  entrer. 

{Adam,  Drame  pub.  par  M.  Luzarche,  p.  77.) 

Lors  m'en  entrai,  ne  dis  puis  mot, 
J'ar  l'uis  que  Oiseuse  overt  m'ot, 
Ou  vergier;  et  quant  je  fui  eus, 
Je  fui  liés  et  baus  et  joiens. 

[Boman  de  la  Rose,  vers  636.) 

Suivi  d'un  régime,  en:-  se  redoublait  fréquemment 
sous  la  formée»;  en,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 
Em  en  l'fou  la  getterent  com  arde  tost. 

{CantUcne  de  sainte  Eulalie,  vers  i9,) 

Cil  sunt  muntez  ki  le  mesage  firent, 

Enz  en  lur  mains  portent  branrties  d'olive. 

{Roland,  st.  VII,  vers  4.) 

-Mais,  dans  le  même  cas,  on  mettait  encore  la  prépo- 
sition de  devante«3,  ens,  ce  qui  donna  denz,  dens,  nou- 
velle forme  qui  se  trouve  dans  les  citations  suivantes  : 
Denz  ces  chambres  l'en  mena. 

(Jubinal,  Nouv.  recueil,  II,  p,  193. J 

Et  la  tierce  est  quand  ceuls  de  dens  et  ceuls  de  liors  se 
combatent  au.x  murs. 

(Cliristine  de  Pisan,  Charles  V,   1 1,  ch.  34) 

Toutefois,  on  écrivit  aussi  dans,  et  c'est  cette  dernière 
forme  qui,  ajirès  la  disparition  successive  de  enz  en  et 
de  dens,  est  restée  au  français  moderne  pour  exprimer 
le  l'apport  d  intériorité. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

J'ai  deux  renseignements  à  vous  demander  au  sujet 
deBORNOos  :  H°  faut-il  faire  sonner  /'s,  c'est-à-dire  pro- 
noncer BUR.NorssE  ;  2°  faut-il  dire  bcrnous  ou  bocrnous, 
car  j'ai  vu  aussi  ce  dernier  ? 

Ce  mot,  qui  vient  de  l'arabe,  s'écrit  en  espagnol  et  en 
portugais  albornoz,  composé  deTarlicle  al  et  debornoz. 
Or,  dans  ces  deux  dernières  langues,  le  z  final  se  pro- 
nonce, ce  qui  est  une  preuve  que  ï's  de  burnous  se 
prononce  en  arabe,  et  que,  par  conséquent,  elle  doit 
aussi  se  prononcer  en  français. 

Quant  à  la  forme  du  mot  lui-même,  elle  paraît  être 
double;  car  si  M.  Littré  écrit  burnous,  M.  Pihan 
[Dict.  étijm.  des  mots  dérivés  de  l'arabe]  écrit,  lui, 
bournous,  témoin  ces  pbrases  empruntées  à  son  article 
sur  le  mot  en  question  : 

Les  bournous  d'été  sont  de  couleur  blanche,  et  ceu.x; 
d'hiver  de  couleur  foncée  et  en  laine  beaucoup  plus 
épaisse. 

Depuis  1830,  l'usage  des  bournous  s'est  introduit  en 
France  avec  plusieurs  modifications  pour  servir  à  la  toi- 
lette d'hiver  des  deu.ï  sexes. 

Maintenant,  quelle  est  la  meilleure  de  ces  deux 
manières  d'écrire? 

J'incline  fortement  vers  la  dernière,  qui,  à  l'avantage 
d'une  prononciation,  suivant  moi,  plus  douce,  joint 
celui  d'être  plus  conforme  à  l'étjmologie. 

X 

Seconde  Question. 
Dans  votre  numéro  V6  de  la  â" année,  p.  H 4,  2"  col., 
on  lit  cette  phrase  :  «■  car  Th.  Corneille,  dont  l'entrée 
à  l'Académie  a  beaucoup  contribué  à  éclaircir  les 
doutes  ».  Est-il  permis  d'employer  ainsi  dont  pour 
régime  commun  de  deux  mots  atjant  des  fonctitms  diffé- 
rentes ? 

Le  relatif  (^on/!  peut  être  employé  en  qualité  de  régime 
commun  de  deux  ou  de  plusieurs  substantifs  remplis- 
sant une  même  fonction,  comme  dans  : 

La  duchesse  de  Mazarin  ne  laissa  de  regrets  qu'à  Saint- 
Evremont,  dont  la  vie,  la  cause  de  la  fuite  et  les  ouvrages 
sont  si  connus. 

(St-Simon,  69,  l28.) 

.Mais  il  peut  l'être  très-bien  aussi  quand  les  mots 
auxquels  il  se  rapporte  remplissent  des  fonctions 
différentes,  ce  dont  les  citations  suivantes  sont  la 
preuve  : 

C'est  un  homme  dont  le  mérite  égale  la  naissance. 

(Tli.  Corneille.) 

Le  lynx,  dont  les  anciens  ont  dit  que  la  vue  était  assez 
perçante  pour  pénétrer  les  corps  opaques,  est  un  animal 
fabuleux. 

(Buffon.) 

Il  est  fie  Français]  le  seul  peuple  dont  les  mœurs  peuvent 
se  dépraver  sans  que  le  coeur  se  corrompe  et  i[uo  le 
courage  s'altère. 

(Duclos,  Consid.  sur  la  Ma-urs,  ch.  l.) 

X 


Troisième  Question. 
Voici  une  phrase  trouvée  dans  le  cours  de  LrriÉ- 
BATURE  du  lieutenant-colonel  Staaff,  p.  31  :  «  Les 
défauts  et  les  qualités  sont  sortis  en  toute  licence,  et 
la  postérité  aura  à  faire  ce  départ...».  Ce  mot  départ 
est-il  français  dans  ce  sens  ?   , 

Certainement.  C'est  un  substantif  qui  vient,  comme 
département,  division  administrative  de  la  France,  du 
verbe  départir,  formé  de  la  particule  dé  et  du  verbe 
partir  au  sens  ancien  de  séparer.  Il  signifie  l'action  de 
partager,  de  trier,  et  en  voici  des  exemples,  dont  les 
premiers  remontent  au  \\\<^  siècle  : 

Quelques  pantagruelistes  modernes,  évitans  le  labeur 
des  mains  que  seroyt  à  faire  tel  départ,  usent  de  certains 
instrumens. 

(Rabelais,  Pant,  III,  49.) 

Mort  pourra  bien  du  corps  faire  départ; 
Mais  nul  malheur  n'aura  jamais  puissance 
De  mettre  un  cœur  des  deux  autres  à  part. 

(Les  Marg.  de  la  Marg,   p.    368,   dans  Lacurne.} 

Il  y  a  dans  ces  contes  de  fée  une  princesse  malheureuse 
à  qui  on  commande,  dans  un  grand  tas  de  blé  et  d'avoine, 
de  faire  le  départ  de  ces  grains. 

(LiUré,  Dicl.  de  la  lang.  fr.) 

X 
Quatrième   Question. 

Faut-il  écrire  Féhe'lon  avec  un  accent  aigu  sur  chacun 
des  deux  e,  ou  seulement  sur  le  premier  ?  Je  rencontre 
tantôt  la  première  de  ces  orthographes  et  tantôt  la 
seconde. 

Au  xviiie  siècle  (conséquence  de  la  prononciation  du 
xvii^),  on  écrivait  Fénélon  avec  un  accent  aigu  sur 
chaque  e;  mais,  depuis  un  certain  nombre  d'années,  on 
ne  met  plus  un  tel  accent  que  sur  le  premier. 

Laquelle  de  ces  orthographes  vaut  le  mieux? 

Selon  Génin  [Chans.  de  Roland,  Introd.  xxv),  le  mot 
Fénélon  vient  de  Ganelon  par  les  intermédiaires  Ganilon, 
Wenilon,  Wenelon.  Or,  Ganelon  s'étant  prononcé  pro- 
bablement comme  il  se  prononce  encore  (gan'lonj,  il  me 
semble  que  le  second  e,  pour  cette  raison,  ne  peut  rece- 
voir d'accent  dans  Fénélon ,  et  que  l'orthographe 
Fénélon  est  la  plus  rationnelle,  comme  reproduisant 
plus  fidèlement  la  prononciation  de  l'étymologie. 

X 

Cinquième  Question. 

J'ai  trouvé  la  phrase  suivante  dans  le  Journal  de 
RucAHEST  du  3  juin  \  875  :  «  Encore  un  peu  de  temps, 
et  les  AÉBONEFS  fendant  l'espace  forceront  chacun  de 
répéter  le  mot  de  Galilée.  »  Veuillez  me  dire  si  aéro.\ef 
est  français,  et,  dans  l'affirmative,  s'il  vaut  mieux  que 

AÉROSTAT'? 


Le  mot  aéronef  est  français,  il  se  trouve  dans  le  sup- 
plément du  dictionnaire  de  M.  Littré. 

11  est  composé  de  aer,  air,  et  de  nef  (venu  de  navis, 
navire),  ce  (jui  lui  donne  la  signification  littérale  de 


LE  COUI'.RIER  DE  VAUGELAS. 


navire  de  l'air,  pour  l'air;  tandis  que  aérostat,  formé 
de  ac>\  air,  et  du  verbe  stare,  rester,  signifie  simple- 
ment qui  se  tient  dans  l'air. 

Or,  quand  il  s'agit  de  la  navigation  aérienne,  pour 
laquelle,  du  reste,  il  faudra  des  machines  autrement 
disposées  que  nos  ballons  actuels,  il  me  semble  que 
l'eipression  d'aéronef  convient  beaucoup  mieux  que 
celle  d'aérostat. 


PASSE-TE.MPS  GRA.MMAT1C.\L 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°. .  pour  autre  chose  que  la  peinture  (pas  de  pour  après  que)  ; 
— 2°...des  gens  i\m  consenlissent  ;  —  3"...  qui  lui  avaient  fait 
quitter  la  ville  de  Wesel  ;    —  4° ...  sur  les  toits  que  M.  Bufiet  ; 

5».    .  la  peste  dure  huit  jours;  —  6" ■  ■  ■  tenu  d'ici  à  Pâques 

(l'ellipse  de  o  ne  doit  pas  se  faire  ici)  ;  —  7». . .  11  fait  également 
une  corne  à  la  sienne  (corner  ne  s'emploie  pas  dans  ce  sens)  ; 

8°...  et    que  le  gouvernement  ne    prenne    pas   l'iniiialive, 

9"...    quaud    il  apparaissait,   il   s'enivrait  de   sa    vue;   — 

lOo...  qui  s'était  imaginé  jusque-là  que  rien  ;  —  11°...  e//e 
eut  sa  vie  étouffée  entre  un  courtaud  ;  12". . .  à  revoir  les  sites 
ou  Zes  promenades  qu'avait  illuminées  ;  —  13"  . .  sont  retenus 
chez  eux  par  le  fléau  régnant. 

Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

l' Il  est  difficile  d'imaginer  que  cet  homme  soit  né  avec 
les  mêmes  facultés  des  premiers  tiommes  de  ce  siècle. 

■2»  Tout  le  monde,  sans  acception,  arborait  un  chapeau 
de  paille  entièrement  neuf,  un  pantalon  d'une  entière 
fraîcheur,  un  gilet  de  couleur  agréable  et  dont  la  nuance 
vert  tendre  ne  laissait  rien  à  désirer. 

3°  Toutefois,  même  au  sein  du  foyer  domestique,  les 
infortunés  Chimèricitains  ne  laissent  pas  que  d'être 
encore  poursuivis  par  la  réglementation  gouvernementale. 
4°  On  aurait  dit  des  fracs  découpés  à  l'emporte-pièce, 
tant  les  moindres  particularités  de  ce  vêtement  inusité  se 
reproduisaient  avec  exactitude  sur  tous  les  omoplates. 

5"  Il  ne  faut  pas  songer,  dans  l'heureux  pays  des  Chi- 
mères, à  un  bijou,  un  meuble,  un  nœud  de  ruban,  en 
dehors  de  ceux  que  la  loi  impose  et  que  l'administration 
fournit. 

6"  L'erreur  des  vieux  moralistes,  disait  pertinemment 
notre  'S'aganopolitain,  consiste  toute  entière  dans  une 
distinction  qui  échappait  à  la  médiocrité  de  leur  intelli- 
gence. 

7°  Cependant  que  M.  Gambetta  allait,  venait,  comme  s'il 
eût  repoussé  les  .\llemands,  respecté  la  loi  et  la  France, 
quelques  hommes  étaient  menacés,  inquiétés,  accusés. 

8*  Les  journaux  qui  s'efforcent  avec  toutes  sortes  de 
lamentations  ingénues,  d'enrayer  le  mouvement  qu'ils  ont 
provoqué,  auraient  mieux  à  faire  qu'à  dépenser  leur  temps 
en  regrets  stériles. 

9°  Espérons  que  les  royalistes  se  repentent,  et  que,  dés 
la  rentrée,  ils  s'uniront  aux  républicains  pour  obtenir  que 
l'on  rapporte  tous  les  décrets  relatifs  à  l'état  de  siège. 

10»  On  y  voyait  un  soldat,  le  fusil  en  bandoulière,  la 
giberne  au  côté  et  s'appuyant  sur  une  bêche  mi-enfoncée 
dans  la  terre. 


11»  La  femme,  qui  paraissait  vingt-six  ans,  et  en  avait 
peut-être  trente,  ne  broncha  pas  sous  l'investigation  d'ail- 
leurs timide  de  l'homme. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 


Claude    LANCELOT 

{.Suite.) 
Des  lettres  considérées  comme  caractères.    —   Les 
lettres  peuvent  être  considérées  de  deux  manières,  ou 
comme  signifiant. simplement  le  son,   ou  comme  nous 
aidant  à  concevoir  ce  que  le  son  signifie. 

Considérées  de  la  première  manière  ,  les  lettres 
requièrent  quatre  choses  pour  leur  perfection  :  i"  que 
toute  figure  marque  quelque  son  ;  2"  que  tout  son  soit 
marqué  par  une  figure  ;  3°  que  chaque  figure  ne  marque 
qu'un  son,  simple  ou  double;  4"  qu'un  même  son  ne 
soit  point  marqué  par  diflérentes  figures. 

Mais,enregardanllescaractères  de  la  seconde  manière, 
on  trouve  qu'il  nous  est  quelquefois  avantageux  que 
ces  règles  ne  soient  pas  toujours  observées,  au  moins 
la  première  et  la  dernière;  car  il  arrive  souvent,  sur- 
tout dans  les  langues  dérivées  d'autres  langues,  qu'il  y 
a  certaines  lettres  qui  ne  se  prononcent  point,  et  qui  ne 
laissent  pas  de  nous  servir  pour  l'intelligence  de  ce  que 
les  mots  signifient.  Par  exemple,  dans  les  mots  champs 
el  chants,  lepetlef,  quoique  n'étant  pas  prononcés, 
nous. apprennent  que  le  premier  vient  du  latin,  campi, 
et  le  second  du  latin  cantus. 

Dans  l'hébreu  même,  il  y  a  des  mots  qui  ne  diffèrent 
que  parce  que  l'un  finit  par  un  aleph,  et  l'autre  par  un 
he,  qui  ne  se  prononcent  point. 

Ceux  qui  se  plaignent  tant  de  ce  qu'on  écrit  autre- 
ment qu'on  ne  prononce,  n'ont  pas  toujours  grande- 
ment raison,  et  cequ'ils  appellcntabus  n'est  pas  toujours 
sans  utilité. 

La  différence  des  grandes  et  des  petites  lettres  semble 
contraire  aussi  à  la  4e  règle  énoncée  plus  haut,  d'autant 
plus  que  les  Anciens  n'avaient  pas  cette  difTérence, 
que  les  Hébreux  ne  l'ont  point  encore,  et  que  plusieurs 
pensent  que  les  Grecs  et  les  Romains  ont  été  longtemps 
à  n'écrire  qu'en  lettres  capitales.  Néanmoins  c'est  une 
distinction  fort  utile  pour  commencer  les  périodes 
et  pour  distinguer  les  noms  propres  des  noms  com- 
muns. 

11  y  a  aussi  dans  une  même  langue  différentes  sortes 
d'écritures,  comme  le  romain  et  l'italique  dans  l'im- 
pression, du  latin  et  de  plusieurs  langues  vulgaires 
(1660),  écritures  qui  peuvent  être  utilement  employées 
pour  le  sens  en  distinguant  certains  mots  ou  certains 
discours,  quoique  cela  ne  change  rien  dans  la  pronon- 
ciation. 


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LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Voilà  ce  qu'on  peut  dire  pour  excuser  les  différences 
qui  se  trouvent  souvent  entre  la  prononciation  et  l'écri- 
ture, ce  qui  n'empêche  pas  que  plusieurs  d'entre  elles 
ne  soient  faites  sans  raison  ;  car  n'est-ce  pas  un  abus 
que  d'avoir  donné  au  c  la  prononciation  de  l's,  d'avoir 
prononcé  autrement  le  g  devant  a  que  devant  e,  d'avoir 
adouci  Vs  entre  deux  voyelles,  d'avoir  donné  au  t  suivi 
d'un  /  le  son  de .«  ? 

Quelques-uns  se  sont  imaginé  qu'ils  pourraient  cor- 
-  riger  ces  défauts  dans  ies  langues  vulgaires,  en  inven- 
tant de  nouveaux  caractères  ;  mais  ils  auraient  dû 
considérer  qu'ils  tentaient  une  chose  impossible,  car  il 
ne  faut  pas  croire  qu'il  soit  facile  de  faire  changer  à 
toute  une  nation  les  caractères  dont  elle  a  depuis  long- 
temps l'habitude  :  l'empereur  Claude  ne  put  même  pas 
réussir  à  en  introduire  un  nouveau  qu'il  voulait  mettre 
en  usage. 

Tout  ce  que  l'on  pourrait  faire  de  plus  raisonnable, 
ce  serait  de  retrancher  les  lettres  qui  ne  servent  à  rien, 
ni  à  la  prononciation,  ni  au  sens,  ni  à  l'analogie  des 
langues,  comme  on  a  déjà  commencé  à  le  faire. 

D'une  noui-elle  manière  pour  apprendre  à  lire  facile- 
ment dans  toutes  les  langues.  —  La  plus  grande  diffi- 
culté pour  apprendre  à  lire,  c'est  incontestablement 
d'assembler  les  lettres. 

Or,  ce  qui  rend  cet  assemblage  difûcile,  c'est  que 
chaque  lettre  ayant  un  nom  propre,  on  la  prononce  tout 
autrement  en  l'assemblant  avec  d'autres.  Par  exemple, 
si  l'on  fait  assembler  /"/-y,  à  un  enfant,  on  lui  fait  pro- 
noncer ef,ère,y  grec,  ce  qui  l'embrouille  infailliblement 
lorsqu'il  veut  ensuite  joindre  ces  trois  lettres  pour  faire 
le  son  de  la  syllabe  fnj. 

11  semble  donc  que  la  voie  la  plus  naturelle,  pour 
ceux  qui  montrent  à  lire,  comme  du  reste  quelques 
personnes  d'esprit  l'ont  déjà  remarqué,  serait  celle-ci  : 

Qu'ils  n'apprissent  d'abord  aux  enfants  à  connaître 
les  lettres  que  par  le  nom  de  leur  prononciation,  et 
qu'ainsi,  pour  apprendre  à  lire  en  latin,  par  exemple, 
on  ne  donnât  que  le  même  son  d'e  à  \'e  simple,  à  l'a?,  à 
l'œ,  puisqu'on  les  prononce  d'une  même  façon  ;  et  de 
même  à  \'i  et  à  l'y  grec,  et  encore  à  Yo  et  à  Vau,  selon 
qu'on  les  prononce  aujourd'hui  en  France,  car  les 
Italiens  fontl'au  diphthongue; 

Qu'on  ne  leur  nommât  aussi  les  consonnes  que  par 
leur  son  naturel,  en  y  joignant  seulement  \'e  muet,  qui 
est  nécessaire  pour  les  prononcer;  par  exemple,  qu'on 
donnât  pour  nom  à  6  ce  qu'on  prononce  dans  la  der- 
nière syllabe  de  tombe,  à  d  ce  qu'il  fait  entendre  dans 
la  dernière  syllabe  de  ronde,  et  ainsi  des  autres  lettres 
qui  ont  un  son  unique  ; 

Que,  pour  celles  qui  en  ont  plusieurs,  comme  c,  g. 
t,  s,  on  les  appelât  par  le  son  le  plus  naturel  et  le 
plus  ordinaire,  qui  est  pour  c  le  son  de  que,  et  pour  g 
le  son  de  gue,  pour  t  la  dernière  syllabe  de  forte,  et 
pour  \'s  le  son  de  la  finale  de  bourse; 

Qu'ensuite,  on  leur  apprit  à  prononcer  à  part  et  sans 
épeler,  les  syllabes  ce,  ci,  gi,  ge,  tia,  tie,  tii,  et  que  s 
entre  deux  voyelles  sonne  comme  uns,  miser/a, misère, 
comme  s'il  y  avait  mizeria,  mizère. 


Telles  sont  les  observations  les  plus  générales  sur 
cette  méthode  de  lecture.  Mais  pour  la  présenter  dans 
toute  sa  perfection,  il  faudrait  faire  un  petit  traité  spécial 
où  l'on  pourrait  consigner  les  remarques  nécessaires 
pour  l'adapter  à  toutes  les  langues. 

SECONDE  PARTIE. 

Après  avoir  montré  que  la  connaissance  de  ce  qui  se 
passe  dans  notre  esprit  est  nécessaire  pour  comprendre 
les  principes  de  la  grammaire,  et  que  c'est  de  là  que 
dépend  la  diversité  des  mots  qui  composent  le  discours, 
Lancelot  traite  des  matières  suivantes  : 

Des  substantifs  et  des  adjectifs.  —  Les  objets  de  nos 
pensées  sont  ou  les  choses,  comme  la  terre,  le  soleil, 
etc.  (substances),  ou  la  manière  des  choses  comme 
d'être  dur,  rond,  rouge,  elc.  (accidents). 

C'est  ce  qui  a  fait  la  principale  différence  entre 
les  noms;  ceux  qui  signifient  les  substances  ont  été 
appelés  noms  substantifs,  et  ceux  qui  en  signifient  les 
accidents,  noms  adjectifs. 

En  ajoutant  aux  mots  qui  signifient  des  substances 
la  signification  confuse  d'une  chose  à  laquelle  ces  subs- 
tances se  rapportent,  on  en  fait  des  adjectifs  ;  ainsi 
d'homme  on  a  fait  humain. 

Les  Grecs  et  les  Latins  ont  une  infinité  de  ces  mots, 
ferreus,  aureus,  bovinus,  vitulinus,  etc.  Mais  l'hébreu, 
le  français  et  les  autres  langues  vulgaires  en  ont  moins  : 
le  français  emploie  à  leur  place  le  substantif  précédé 
de  la  préposition  de,  il  dit  d'or,  de  fer,  de  bœuf,  etc. 

Lorsque  d'un  adjectif  formé  d'un  substantif  on  fait 
un  nouveau  substantif,  ce  dernier  s'appelle  abstrait, 
séparé.  Wnû  homme  ayant  fait  humain,  on  fait  de  ce 
dernier  le  substantif  abstrait /(!<Mart;ïe'. 

Il  y  a  une  espèce  d'adjectifs  qui  passent  pour  sub- 
stantifs, comme  roi,  philosophe,  peintre,  soldat,  etc.,  et 
cela,  parce  quene  pouvant  avoir  pour  sujet  que  l'homme 
seul,  du  moins  pour  l'ordinaire,  et  selon  la  première 
imposition  des  noms,  ils  peuvent  s'employer  sans 
accompagner  un  substantif. 

Des  tioms  propres  et  appellatifs.  — Nous  avons  deux 
sortes  d'idées,  les  unes  qui  ne  nous  représentent  qu'une 
seule  chose,  les  autres  qui  nous  en  représentent  plu- 
sieurs semblables,  et  auxquelles  cette  idée  peut  égale- 
ment convenir,  comme  l'idée  qu'on  a  d'un  homme  en 
général,  d'un  cheval  en  général,  etc. 

Les  hommes  ont  besoin  de  noms  différents  pour  ces 
deux  dilTérentes  sortes  d'idées. 

Ils  ont  appelé  noms  propres  ceux  qui  conviennent  aux 
idées  singulières,  comme  le  nom  de  Socrate,  et  le  nom 
de  Paris;  et  ils  ont  appelé  noms  appellatifs  ceux  qui 
signifient  des  idées  communes,  comme  le  mot  homme, 
qui  convient  à  tous  les  hommes. 

A  la  vérité,  il  arrive  souvent  que  le  mot  propre  con- 
vient à  plusieurs,  comme  Pierre,  Jean,  mais  ce  n'est 
que  par  accident. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rédactece-Gériim  :  Emam  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


87 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Une  méprise  du  cœur;  par  Edmond  Arnous-Rivière. 
In-18  Jésus,  iv-3i3  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

L'Art  du  XVIII'  siècle;  par  Edmond  et  Jules  de 
Goucourt.  Notules,  additions,  errata,  précodés  du  titre  et 
de  la  préface  du  livre.  Livraison  contenant  quatre  eaux- 
fortes.  In-ù',  iv-67  p.  Paris,  lib.  Dentu.  20  fr. 

Gustave  Paturot.  In-18  Jésus.  321  p.  et  grav.  Paris, 
lib.  Sartorius.  3  fr. 

Du  Pape;  par  le  comte  Joseph  de  Maistre.  In-12, 
il2  p.  Paris,  lib.  Téqui.  2  fr. 

Les  Quatre  campagnes  militaires  de  1874.  Les 
Japonais  à  Formose.  Les  Français  au  Tonkin.  Les 
Anglais  à  la  Côte-d'or.  Les  Hollandais  à  Sumatra, 
suivi  de  la  Traite  des  coulies  à  Macao  ;  par  Edmond 
Plauchut.  In-18  Jésus,  353  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy. 
3  fr.  50. 

Le  Navire  fantôme.  Voyage  du  Van-Diémen, 
navire  hollandais,  dans  une  tle  d'anthropophages  ; 
par  William  d'Arville.  2'=  édition,  augmentée.  In-8», 
240  p.  Limoges,  lib.  E.  Ardant  et  Cie. 

Nouvelle  grammaire  française  sur  un  plan  neuf, 
méthodique  et  essentieilement  pratique,  divisée  en 
deux  parties  :  l"  Eléments  et  orthographe;  2°  Syntaxe; 
par  Abel  Fabre,  8=  édition,  In-12,  vm-132  p.  Lyon, 
lib.  Gay. 

Les  Grands  hommes  de  la  France.  Marins;  par 
Edouard  Gœpp,  chef  de  bureau  au  ministère  de  l'instruc- 
tion publique,  et  Henri  de  Mannoury  d'Ectot,  ancien 
capitaine  au  long  cours.  Duquesne.  Tourville.  In-8°, 
394  p.  et  2  port.  Paris,  lib.  Ducrocq.  4  fr. 

L'Homme  selon  la  science,  son  passé,  son  présent, 
son  avenir,    ou    D'où    venons-nous?   qui    sommes- 


nous?  où  allons-nous?  Exposé  très-simple  d'un  grand 
nombre  d'éclaircissements  et  remarques  scientifiques; 
par  le  docteur  Louis  Biichner,  auteur  de  Force  et  Matière. 
Traduit  de  l'allemand  par  le  docteur  Ch.  Letourneau. 
Orné  de  nombreuses  gravures  sur  bois,  3»  partie.  Où 
allons-nous?  In-8',  307-442  p.  Paris,  lib.  Reiuwald  et  Cie. 

Les  Mille  et  une  nuits  parisiennes.  IV.  La  Dame 
aux  diamants.  Morte  de  peur.  Les  Sacrifiées,  etc.; 
par  Arsène  Houssaye.  In-8°.  388  p.  Paris,  lib.  Dentu. 
5  fr. 

Carmen.  Arsène  Guillot.  L'Abbé  Aubain.  La 
Dame  de  pique.  Les  Bohémiens.  Le  Hussard.  Nico- 
las Gogol;  par  Prosper  Mérimée,  de  l'Académie  fran- 
çaise. 9«  édition.  In-18  Jésus,  363  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy  frères.  3  fr.  50. 

Le  Secret  de  Mlle  Chagnier;  par  Louis  Ulbach.  In- 
18  Jésus,  321  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frèreS,  3  fr.  50. 

Les  Grands  guerriers  des  Croisades;  par  M.   Bes- 

cherelle  aine.  Augmenté  d'un  Précis  historique  des 
croisades.  In-8",  240  p.  et  gr.  Limoges,  lib.  E.  Ardant 
et  Cie. 

Histoire  du  règne  de  Louis  XIV;  récits  et  ta- 
bleaux; par  M.  Casimir  GaiUardin.  professeur  d'histoire 
au  lycée  Louis-le-Grand.  3'  partie.  La  Décadence.  Guerre 
de  la  seconde  coalition  et  de  la  succession  d'Espagne. 
T.  5.  In-8°.  650  p.  Paris,  lib.  Lecofifre  et  fils  et  Cie. 

Plus  ça  change...;  par  Alphonse  Karr.  In-18  Jésus, 
304  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

Histoire  du  chevalier  Des  Grieux  et  de  Manon 
Lescaut;  par  l'abbé  Prévost.  Petit  in-12,  xvi-239  p.  Paris, 
lib.  Delarue.  1  fr. 


Publications  antérieures  : 


VERCINGÉTORIX    ET    L'INDÉPENDANCE    GAULOISE. 

—  Religion  et  institutions  celtiques.  —  Par  Francis 
MoNMEB.  —  Deuxième  édition  augmentée.  —  Paris . 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35, 
quai  des  Augustins.  —  Prix  :  2  francs. 


HISTOIRE  D'ANGLETERRE  DEPUIS  LES  TEMPS  LES 
PLUS  RECULÉS.  —  Par  A.nto.mx  Rochç,  Directeur  de 
V EducaUonal  Inslilute  de  Londres,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur  —  2  vol.  avec  cartes  historiques.  —  Ouvrage 
approuvé  par  le  Conseil  supérieur  de  l'instruction  pu- 
blique. —  W  édition,  entièrement  refondue.  —  Paris, 
librairie  Ch.  Delagrave,  58,  rue  des  Ecoles. 


MON  VOYAGE  AU  PAYS  DES  CHIMÈRES.  —  Par  Anto- 
NiN-  Rondelet,  professeur  honoraire  de  faculté.  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs, 
33,  Quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  E.MAN  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


HISTOIRE  DE  LA  LITTÉRATURE  CONTEMPORAINE  EN 
RUSSIE.  —  Par  C.  CoiRBiiinE.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  28.  quai  du  Louvre.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hac/ielte  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


FROMONT  JEUNE  ET  RISLER  AINE.  —  Mœurs  pari- 
siennes. —  Par  Alphonse  D.vudet.  —  Septième  édition.  — 
Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du 
Louvre. 


88 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


LA  LITTÉRATURE  FRANÇAISE  depuis  la  fobmatiox  de 
i.A  LANGUE  jusqu'à  NOS  JOURS.  —  Lectuies  choisies.  —  Par 
le  lieutenant-colonel  Staaff,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  de  rinstnictiorf  publique  en  France.  —  Ou\rage 
désigné  comme  prix  aux  concours  généraux  de  1868  à 
1872;  adopté  et  recommandé  par  la  commission  des 
Bibliothèques  de  quartier,  etc.,  etc.  —  Quatrième  édition. 
—  Six  volumes  du  prix  de  /i  à  5  francs  chacun.  —  Paris, 
à  la  librairie  académique  Didier  et  Cie,  35,  quai  des 
Grands-Augustins.  et  à  la  librairie  classique  de  Ch.  Delà- 
grave  et  Cie,  S8,  rue  des  Ecoles. 


LE  DIT  DES  RUES  DE  PARIS  (1300).  —  Par  Guillot 
(de  Paris).  —  Avec  préface,  notes  et  glossaire.  —  Par 
Edgar  Mareuse. —  Suivi  d'un  plan  de  Paris  sous  Philippe- 
le-Bel.  —  Paris,  Librairie  générale,  72,  boulevard  Hauss- 
mann. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  li"  et  la  5<=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  l"-«,  la  2«  el  la  3"  année  doivent  être  pro- 
chainement réimprimées . 


ECHOS,  CHOIX  DE  POÉSIES.  —  Par  le  pasteur  A.  Esche- 
NAUER.  —  Un  joli  volume  elzévirien,  où  l'on  trouvera 
entre  autres  une  pièce  souvent  signalée  sur  le  Bombar- 
dement de  Strasbourg.  —  Paris,  librairie  Sandoz  el  Fish- 
bâcher,  33,  rue  de  Seine. 


ŒUVRES  DE  VADÉ,  précédées  d'une  notice  sur  la  vie 
et  les  œuvres  de  Vadé.  —  Par  Julien  Lemer.  —  Paris, 
Garnier  frères,  libraires-éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


L'.Ac.vDÉ.MiE  DE  LA  ROCHELLE  (sectiou  littéraire)  vient  d'ouvrir  aux  sonnettistes  un  concours,  dont  le  prix,  une 
médaille  d'argent,  sera  décerné  en  séance  publique,  dans  le  courant  de  décembre  prochain.  —  Deux  médailles  de 
bronze  pourront  en  outre  être  accordées,  s'il  y  a  lieu.  —  Le  choix  des  sujets  est  laissé  à  la  volonté  des  candidats. 
La  forme  seule  est  obligatoire  :  celle  du,  sonnet  dans  toute  la  rigueur  de  ses  rimes,  mais  avec  toute  liberté  pour 
■  l'ordre  des  stances.  —  Les  pièces  signées  ou  non  inédites  seront  exclues  du  Concours.  —  Chaque  envoi  portera  une 
devise  qui- devra  être  reproduite  à  l'intérieur  d'un  billet  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur.  —  Le 
Concours  sera  clos  le  15  octobre  )S75,  dernier  terme  auquel  les  sonnets  devront  être  remisa  M.  Paul  Gandin,  Secré- 
taire de  l'Académie,  29,  rue  Dupaty,  à  la  Rochelle. 


L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
rinslitut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  p.irvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
perleront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cours,  mais  les  auteur;  pourront  en  faire   prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Le  quinzième  concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  1875  ;  douze  médailles,  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux,  Gironde  —  {Affranchir). 

Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  —  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  ie  2'  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3<'  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  1"  juin  1876. 


La  Société  d'encour.^gement  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  et  développer 
les  mogens  les  plus  prompts  et  les  pins  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  le  bien-être  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  Secrétaire-général,  2,  rue  Brochant,  aux  Batignolles 
(Paris),  avant  le  31  décembre  1875. 

La  Société  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tarn-et-Garonne  publie  le  programme  des  concours  de  1876- 
1877.  Voici  celui  de  littérature  et  de  poésie.  La  Société  propose  pour  cette  année  1876  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  200  fr.  il  la  mrilleure  œuvre  de  poésie  lyriiiue  (ode,  poème,  stances,  etc.);  une  médaille  d'argent  de  la  valeur 
de  100  fr.  il  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la  valeur  de  50  fr. 
au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  — •  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées  au  Secrétaire 
de  la  Société,  îi  Montauban. 


Académie  des  lettres  de  Rouen.   —  Prix  à  décerner  en  1877  pour  un  conte  en  vers  de  100  vers  au  moins. 
S'adresser  au  Secrétaire-perpétuel,  M.  Julien  Loth. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  vne  heure  et  demie. 


IiuprimerieGOUVERMUiri,  G.  DMU'KLEV  ;\  Nogeul-le-Rotrou. 


e«  Année 


N»  12. 


15  Octobre  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^ 


;,-a^\îiï^  DE  VAlffyj,; 

A  \  yv-^  Journal  Semi-}Iensuel  ^O/        / 

^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       ^>(    f 


ÇAISE 
Paraissant    le    1"  et    le    15    de    chaque   mola 

{Dans  sa  séance  du  \1  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prijc  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

Abonnement  pour  la  France.     6  f . 

PROFESSEUR   SpÉaAL  POUR   LES   ÉTRANGERS 

On  les  prend  en  s'adressant,  soit 

Idem        pour  l'Étranger   10  f. 

Officier  d'AcaJémie 

directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces, la  ligne.          50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à,  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quelconque. 

SOMMAIRE. 
Communication  au  sujet  de  Ouate;  —  Etymologie  de  l'adjectif 
Sot:  —  Comment  Nicodéme  en  est  venu  à  signifier  imbécile; 
—  Explication  de  Garde  montante.  Garde  descendante.  —  Ori- 
gine de  Cornichon  appliqué  à  celui  qui  fait  une  sottise  |!  D'où 
ïient  le  proverbe  Point  d'argent,  point  de  Suisse;  —  Si  Sou- 
ventes  fois  est  bien  français  ;  —  S'il  faut  dire  Virer  de  bord  ou 
Virer  le  bord  ||  Passe-temps  grammatical  1  Suite  de  la  bio- 
graphie He  Claude  Laneelot  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de 
littérature  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

L'abonné  qui  m'avait  demandé  si  la  non  aspiration 
de  Vou  dans  ouate  n'était  pas  plutôt  due  à  l'étymologie 
qu'à  l'analogie,  vient  de  m'adresser  la  lettre  suivante 
au  sujet  de  la  réponse  que  je  lui  ai  faite  : 

Rouen,  le  17  septembre  1875. 
Monsieur, 

Je  vous  remercie  de  l'empressement  que  vous  avez  mis 
à  répondre  à  une  question  que  j'avais  eu  l'honneur  de 
vous  poser  à  propos  de  l'aspiration  dans  le  mot  ouate. 

Vous  aviez  conclu  précédemment  (numéro  du  15  juin) 
que  «  l'ouate,  qui  est  tout  aussi  usité  que  la  ouate,  avait, 
»  sur  ce  dernier,  l'avantage  d'être  plus  conforme  à  l'ana- 
•  logie.  » 

Sans  repousser  votre  conclusion,  je  vous  avais  demandé, 
à  mon  tour,  si  f  pour  justifier  l'ouate  on  ne  pourrait 
<  pas  aussi  bien  invoquer  l'étymologie  •,  puisque  quelques 
annotateurs  faisaient  dériver  le  mot  ouate  du  mot  ouetle, 
employé  anciennement  pourojsoii. 

Je  n'en  étais  pas  bien  sûr,  et  j'ai  fait  à  vos  lumières  un 
appel  qui  a  été  entendu  (numéro  du  1"  septembre). 

Votre  rapprochement  du  mot  ouate  avec  celui  qui  sert  à 
exprimer  la  même  idée  dans  les  langues  de  l'Europe  occi- 
dentale est  un  argument  ((ui  m'a  paru  sérieux  et  con- 
vaincant. 11  prouve  bien  que  la  forme  primitive  de  ce 
mot  est  ouate,  puisque  l'a  a  été  conservé  dans  tous  les 
mots  similaires  des  langues  étrangères,  et  l'on  ne  s'é- 
loignerait peut-être  pas  beaucoup  de  la  vérité  en  avançant 


que  ce  mot  leur  a  servi   de  type  unique,   d'après  lequel 
elles  ont  formé  ou  calqué  les  mots  que  vous  citez. 

Mais,  tout  en  admettant  votre  principe  de  l'analogie  et 
votre  réfutation  touchant  l'étymologie,  je  vous  demanderai 
la  permission  de  vous  adresser  quelques  remarques  com- 
plémentaires ou  secondaires  soit  sur  votre  principe,  soit 
sur  votre  réfutation. 

En  traitant  de  l'aspiration  vous  dites  que  «  l'ouate  est 
aussi  usité  que  la  ouate.  •  Il  est  possible  qu'il  en  soit  ainsi 
aujourd'hui;  mais,  autrefois,  il  est  certain  que  l'ouate  était 
l'exception.  On  lit,  en  effet,  dans  le  Dictionnaire  de  Trévoux, 
nouvelle  édition,  1743  :  »  Remarquez  qu'on  écrit  et  qu'on 
prononce  de  la  ouate,  quoique  quelques-uns  disent  et 
écrivent  de  l'ouate.  L'Acad.  • 

L'aspiration  n'était  donc,  au  xvii'  siècle,  d'après  l'Acadé- 
mie, que  le  fait  de  quelques-uiis ;  le  plus  grand  nombre  ne 
l'admettait  pas.  Aujourd'hui,  il  y  a  partage  égal,  suivant 
vous.  Encore  quelques  années,  et  l'exception  d'autrefois 
deviendra  la  règle  de  l'avenir. 

C'est  une  variation  dans  les  lois  du  langage  qu'il  n'était 
peut-être  pas  sans  intérêt  de  signaler. 

Votre  second  article  (1"  septembre),  qui  traite  de  la 
question  étymologique,  porte  :  «  Je  conçois  que  l'auteur 
»  de  cette  communication,  qui  habite  Rouen,  capitale  d'une 
j  ancienne  province  où  l'on  prononce  ouette,  ait  pensé, 
»  comme  La  Monnoye,  qui  était  de  Dijon,  capitale  d'une 
»  autre  ancienne  province  où  l'on  prononçait  de  même  en 
»  écrivant  ouaite,  que  le  mot  ouate  vient  de  oile,  nom  que 
»  l'on  donnait  autrefois  aux  oies.  » 

Je  n'oserais  pas  affirmer  que  l'on  ne  rencontre  pas,  en 
Normandie,  la  prononciation  défectueu.se  que  vous  signa- 
lez; mais,  fi  elle  existe,  ce  n'est  qu'à  l'état  d'exception,  et 
ce  n'est  point  par  un  défaut  particulier  à  cette  province, 
ni  à  Rouen,  sa  capitale.  L'exemple  lui  en  avait  été  donné 
par  rile-ile-France,  par  Pans  lui-même,  au  dire  des  auteurs 
du  Dic^nnnnire  rie  Trévoux  :  «  Plusieurs  aussi  prononcent 
oncte;  et  il  est  »  vrai  qu'à  Paris  on  dit,  un  jupon  ouété, 
»  une  robe  de  chambre  ouétée :  non  ouatée.  »  Le  mot  était 
même  encore  assez  usité  en  1743,  pour  être  conservé  sous 
la  forme  ouete  et  ouété,  avec  un  renvoi  à  ouate,  dans  ce 
même  dictionnaire.  Il  fjut  remarquerqu  alors  on  n'écrivait 
plus  ouette,  mais  nuete,  ce  qui  enlevait  à  ce  mot  sa  forme 
ancienne  d'un  diminutif. 

La  définition  qui  suit  du  mot  ouate  est  incomplète  :  "  La 
»  ouate  est  du  coton  que  l'industrie  a  substitué  au  produit 
»  naturel  de  l'apocyn  (en  langage  scientifique,  Asclepias 
t  sijriaca),  plante  originaire  de  Syrie,  d'Egypte,  d'Asie 
». mineure,  quand  le  coton  fut  devenu  commun  en  Europe, 
«  c'est-à-dire  au  xvii'  siècle.  »  Il  y   a^ait  encore  un  autre 


90 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


produit  qui  portait  le  nom  de  ouale,  comme  nous  l'apprend 
le  même  dictionnaire. 

(t  Ouate,  s.  f.  C'est,  en  sa  propre  signification,  une 
»  espèce  de  coton  qui  croît  autour  de  q'uelque  fruit  d'Orient  ; 
«  mais  en  France,  c'est  le  premier  vêtement,  ou  la  pre- 
»  mière  soie  qui  se  trouve  sur  la  coque  du  ver  à  soie. 
»  Tomenium  xijUnum,  Gossipium.  On  la  fait  bouillir,  et 
1  quand  elle  est  cuite,  on  en  fait  la  ouate,  dont  on  se  sert 
>  pour  mettre  dans  les  doublures  des  robes  de  chambre.  » 

Voilà  une  troisième  espèce  de  ouate  qu'il  faut  placer 
entre  le  produit  naturel  de  l'Orient  et  la  ouate  de  coton 
faite  à  son  imitation. 

Enfin,  en  recourant  au  passage  de  Rabelais,  bien  indiqué 
par  le  Dictionnaire  de  Trévoux,  iiv.  I  (et  non  IV),  ch.  13, 
on  voit  qu'il  n'y  est  nullement  question  de  ouate,  ce  qui 
prouve,  comme  vous  le  disiez,  d'après.  Le  Duchat  annotant 
le  Dictionnaire  étymologique  de  Ménage,  que  c'était  «  un  mot 
nouveau.  » 

Rabelais  parle  «  d'un  oyzon  bien  dumeiè,  et  il  viinte 
«  la  douceur  d'icelluy  dumet  »,  nous  donnant  ainsi  l'éty- 
mologle  de  notre  mot  duvet,  qu'on  ne  ferait  pas  dériver 
tout  d'abord,  du  latin  dumetum,  buisson. 

Dans  ces  quelques  remarques,  destinées  à  compléter  bien 
faiblement  vos  doctes  travaux,  veuillez  voir,  Monsieur,  une 
nouvelle  preuve  de  tout  l'intérêt  que  j'y  prends. 

F.  H. 

Que  le  savant  auteur  de  celle  communication  veuille 
bien  recevoir  ici  mes  plus  sincères  remerciements,  et 
continuer  longtemps  à  ma  modeste  feuille  l'envoi  de 
ses  excellentes  remarques. 

X 
Première  Question. 
//  est  bien  étramje  que  le  mot  sor,  si  important  dans 
notre  langue  et  dans  notre  imys,  liait  pas  d'origine 
certaine.  Qu'est-ce  que  le  latin  sottds?  D'oii  peuvent 
î)enir  ces  trois  lettres  qui,  par  leur  assemblage.,  signi- 
fient tant  de  choses  et  désignent  tant  de  gens? 

Les  adjectifs  latins  slultus  et  stolidîis,  qui  signifient 
tous  deux  dénué  de  jugement,  qui  n'a  point  de  raison, 
niais,  inepte,  stupi.de,  n'ont  point  donné  l'adjectif  so< 
en  français;  en  verlu  de  la  règle  qui  mettait,  dans  l'an- 
cien temps,  un  e  devant  l'initiale  st,  pour  faire  un  mot 
de  noire  langue,  ces  adjectifs  ont  fourni  estait,  estons, 
estout,  avec  leurs  dérivés  estoutie,  estoidement,  estou- 
tir,  ce  dont  voici  quelques  exemples  : 
Qui  moult  estoit  fel  et  estons. 

,(-Rom.  de  la   VioleUe,  p.   2l4,  ) 

Ysengrins  fist  un  poi  Vextoul, 
Mais  li  Rois  la  les  apaisa. 

(Rennrd.  vol.  I,  vers  8597-) 

Et  od  ço  qu'il  est  si  estais, 
Com  il  purest  humles  et  dousl 

{Ptirtonopeus,  comte  ds  BtoU,  vers  27^4!) 

Uuanl  ;i  sottus,  loin  d'être  l'origine  de  sot,  il  en  est, 
au  contraire,  le  dérivé  en  latin  du  mojen-âge,  fait 
qu'établit  parfaitement  l'anecdolc  suivante,  raconlcepar 
Génin  [Introd.  à  la  chuns.  de  Roland,  xi.ix)  : 

Voici  un  calembour  de  Théodulfe,  évoque  d'Orléans, 
mort  en  8îl.  Dans  une  pièce  de  vers  adressée  à  Charle- 
magne,  par  conséquent  antérieure  à8li,révùquo  d'Orléans 
plaisante  aux  dépens  d'un  certain  Théodore  Scot.  Voulez- 
vous,  dit-il  A  l'empereur,  savoir  ce  (|ue  c'est  que  Scot? 
Supprimez  la  seconde  lettre  de  son  nom;  ce  nom  ainsi 
réduit  vous  dira  la  valeur  de  Thonuno  :  quud  somit  hoc  et 


erit,  c'est-à-dire  un  set.   Or,  sottus  n'est  pas  un  mot  d'ori- 
gine latine;  c'est  toujours  du  latin  moulé  sur  le  français. 

Mais  si  notre  adjectif  sot  n'est  pas  tiré  du  latin,  d'où 
peut-il  venir? 

Chose  remarquable,  et  peut-être  encore  peu  remar- 
quée! Sous  des  formes  diverses,  il  est  vrai,  mais  tou- 
jours avec  le  sens  d'imbécile  qu'il  a  chez  nous,  .«of  se 
rencontre  dans  l'idiome  de  la  plupart  des  pays  où  les 
peuples  de  la  Germanie  s'établirent  pendant  la  période 
des  grandes  invasions  qui  se  terminèrent  avec  celles 
des  Normands.  Ainsi  il  se  trouve  : 

r  En  anglais  [sot,  sotis/i).  —  Au  vi^  siècle,  les 
Angles,  peuple  de  la  Germanie  qui  habitait  la  partie 
orientale  du  Holstein  et  peut-être  aussi  le  Sleswig, 
passèrent  en  Bretagne,  où  ils  établirent  trois  royaumes. 

2°  En  anglo-saxon  [sot,  sootli,  soote).  —  Les  Saxons, 
peu  civilisés  et  grands  pirates  comme  leurs  voisins  les 
Danois,  commencèrent,  en  449,  à  passer  dans  la  Bre- 
tagne, où  ils  fondèrent  quatre  étals. 

3"  En  hollandais  \zot].  —  Après  une  victoire  san- 
glante remportée  par  Charles-Martel  sur  les  Frisons, 
eu  730,  les  trois  tribus  qui  occupaient  la  Hollande, 
passèrent  au  pouvoir  des  Francs,  peuple  aussi  d'origine 
germanique. 

4°  En  wallon  [so,  sott).  —  C'est  par  les  pays  où  se 
parle  cette  langue  que  les  Francs  commencèrent  la  con- 
quête des  Gaules. 

a"  En  picard  [sot).  —  La  Picardie  fut  conquise  par 
Clodion,  chef  des  Francs,  et  depuis  lors,  elle  fit  partie 
du  royaume  d'Austrasie. 

6°  En  français  [sot].  —  Les  Francs,  confédération 
des  Germains  du  N.  0.,  devinrent  sous  Clovis  le  peuple 
dominant  de  la  Gaule,  et  formèrent  plusieurs  petits 
royaumes  dans  ce  pays,  qui  prit  d'eux  le  nom  de 
France. 

7°  En  espagnol  et  en  portugais  [zot).  —  Les  Wisi- 
goths,  peuple  également  d'origine  .germanique,  après 
s'être  emparés  de  la  France  jusqu'à  la  Loire,  et  du  nord 
de  l'Espagne,  conquirent  complètement  la  péninsule 
Ibérique  en  621,  et  la  possédèrent  jusqu'à  l'arrivée  des 
Arabes  (710). 

Or,  comme  le  fait  d'un  terme  commun  à  des  langues 
différentes  ne  peut  s'expliquer,  il  me  semble,  qu'en 
admettant  l'introduction  de  ce  terme  par  un  peuple 
ayant  conquis  autrefois  les  pays  où  se  parlent  lesdites 
langues,  je  crois  pouvoir  en  inférer  que  sot  vient  de 
l'allemand  antérieur  au  ix°  siècle,  c'est-à-dire  du 
teuton  ou  ludesque. 

Au  moment  d'envoyer  ce  numéro  à  l'imprimeur,  je 
trouve  dans  le  Vocabulaire  de  haut-allemand  au 
moyen-dge  par  Bencckc  et  Millier,  .lot,  soie,  ox[iliqué 
par  le  français  sot,  et  suivi  de  plusieurs  citations  dont 
la  suivante  a  été  recueillie  dans  les  Minnesingers  (I, 

25): 

Ich  bin  ir  sot. 

Cette  découverte  de  la  dernière  heure,  pour  me 
servir  d'une  expression  souvent  rencontrée  dans  nos 
journaux  politiques,  corrobore  évidemment  l'opinion 
que  j'ai  émise  plus  haut. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


91 


X 

Seconde  Question. 
Pourquoi,    (latis   le    langage   familier,   dit-on   en 
parlant  d'un  homme  niais,  simple,  borné,  que  c'est  rs 
sicoDÈME?  Tous  mes  remerciements  d'avance  pour  votre 
explication. 

Le  nom  de  Nicodème,  formé  de  deux  mots  grecs, 
v'.y.ati),  je  vaincs,  et  cr,;j.:ç,  peuple,  exprime  une  idée 
très-noble  dans  la  langue  d'oii  il  est  tiré.  Pourquoi  en 
offre-t-il  donc  une  si  dilTérente  dans  la  nôtre? 

Des  étymologisles  au  nombre  desquels  se  trouve 
M.  Liltré'  ont  pensé  que  c'était  à  cause  de  7iice  et  de 
nigaud,  qui  ont,  pour  l'oreille,  une  certaine  analogie 
avec  les  deux  premières  svllabes  de  ce  mot;  mais  je 
crois  qu'ils  se  sont  trompés. 

Dans  le  Mistcre  de  la  passion  de  nostre  Seigneur 
Jhesucrist  imprimé  en  gothique,  et  sans  ponctuation  ni 
date,  on  trouve,  au  feuillet  xx.wui,  racontée  ainsi 
qu'il  suit  la  conversation  de  Jésus  et  de  Nicodème 
quand  celui-ci,  frappé  des  miracles  du  Sauveur,  vient 
nuitamment  le  trouver  pour  se  convertir  à  sa  doctrine  : 

NiCODÈMR. 

Ceey  mest  bien  tort  a  scavoir 
Qui!  faille  ung  homme  ne  renaistre 
Je  vous  pry  declairez  moy  maistre 
Comme  peuli  naistre  ung  bomme  ancien 
Est  il  possible  que  au  gre  sien 
Dedans  les  flans  de  sa  mère  entre 
Et  naisse  encore  de  son  ventre 
Ce  seroit  faict  plus  fort  que  cliarme. 

Jeshs. 
Certes  je  te  dis  et  afferme 
Qui  régénère  ne  sera 
De  leaue  qui  le  lavera 
En  la  vertu  du  saincl  esperit 
Lequel  sera'baptesme  dit 
Jamais  ne  pourra  pour  certain 
Avoir  part  au  règne  haultain. 


Nicodème. 
Je  ne  vous  entens  point. 

Jésus. 
Comment 

Tu  es  docteur  en  Israël 
Et  maistre  en  la  loy  solempnel 
Qui  entens  bien  les  eseriptures 
Dis  je  parolles  si  obscures 
Que  tu  ne  les  peulx  pas  comprendre. 

Nicodème. 
Voicy  doctrine  la  plus  belle 
Que  jamais  on  peult  recepvoir 
Voicy  doctrine  solempnelle 
La  meilleure  quon  puisse  avoir 
Autre  je  ne  quiers  recepvoir 
Je  y  vueil  adhérer  a  jamais 
Et  faire  si  bien  mon  debvoir 
Que  je  ne  loublie  jamais 
Vostre  disciple  je  me  rends... 

Or-,  pour  qui  sait  combien  les  Mystères  iavtni  popu- 
laires au  moyen-àge  (on  les  i-epréscntait  dans  les  églises; , 
il   est  évident  que   c'est  le  rôle  joué  par  Nicodème 


dans  la  scène  que  je  viens  de  reproduire  en  partie,  qui 
a  fait  prendre  son  magnifique  nom  vainqueur  des 
peuples)  dans  le  sens  de  niais,  d'imbécile,  d  homme 
simple,  borné,  qu'il  a  conservé  dans  la  langue  familière 
de  nos  jours. 

A  Nicodème,  on  ajoule  quelquefoisrfans  la  lune.  C'est 
une  allusion  à  un  personnage  d'une  pièce  du  Cousin 
Jacques  intitulée  :  «  Nicodème  dans  la  lune,  ou  la  révo- 
lution pacifique,  folie  en  prose  et  en  trois  actes  »,  et 
qui  fut  représentée  pour  la  cinquantième  fois,  à  Paris, 
le  lundi  21  février  1791. 

X 
Troisième  Question. 

Quelle  est  l'origine  des  expressions  garde  mo.maxte, 
GARDE  descendante,  quc  l'on  emploie  souvent  sans  qu'il 
y  ait  à  monter  pour  la  troupe  qui  prend  la  garde,  ou  à 
descendre  pour  celle  qui  la  quitte  ? 

Il  arrive  quelquefois  qu'on  peut  être  mis  sur  la  voie 
de  l'explication  d'une  expression  française  en  vo- 
janl  la  manière  dont  elle  est  rendue  dans  les  langues 
des  peuples  voisins.  Mais  ce  ne  peut  être  ici  le  cas;  ces 
langues  disent  toutes  comme  la  nôtre,  monter  la  garde 
et  descendre  la  garde  (italien  :  montare  la  guardia, 
Smontare  la  guardia;  espagnol  :  montar  la  guardia, 
bajar  la  guardia;  allemand  :  au f  die  icar/ie' sie/ten, 
von  der  icache  abiiehen;  anglais  :  to  go  upon  guard, 
corne  off  the  guard],  et  cela,  je  crois,  parce  qu'à  une 
certaine  époque,  tous  les  peuples  qui  parlent  ces  langues 
ont  généralement  adopté  nos  termes  militaires. 

Les  expressions  dont  il  s'agit  doivent  donc  trouver 
leur  explication  dans  le  français  lui-même,  et,  à  mon 
avis,  voici  comment  : 

A  l'époque  de  la  féodalité,  la  France  se  hérissa  de 
châteaux-forts,  les  uns  construits  à  mi-côte  pour  avoir 
l'avantage  de  l'élévation  et  de  la  proximité  de  l'eau  ;  les 
autres,  au  sommet  d'un  rocher,  ou  en  rase  campagne 
pour  dominer  une  vallée,  le  passage  d'une  rivière. 

Or,  comme  il  y  avait  toujours  plus  ou  moins  à 
monter  pour  les  soldats  qui  gardaienlsur  les  murailles 
de  ces  châteaux,  on  a  dit  de  ceux  qui  devaient  prendre 
le  service  de  la  surveillance  qu'ils  allaient  monter  la 
garde,  et  de  ceux  qui  le  quittaient,  qu'ils  descendaient 
la  garde;  puis  ces  façons  de  parler  conduisirent 
naturellement  à  garde  montante,  pour  désigner  la 
troupe  allant  prendre  ou  faisant  le  service,  et  à  garde 
descendante,  pour  désigner  celle  qui  le  quittait,  deux 
expressions  dont,  avec  le  temps,  on  a  fini  par  faire 
usage  sans  avoir  égard  à  la  situation  du  lieu  où  la 
garde  se  tenait. 

Si  cette  explication  n'est  pas  entièrement  satisfai- 
sante, j'espère  que  parmi  les  militaires  abonnés  au 
Courrier  de  Vaugelas  il  se  trouvera  quelqu'un  pour 
m'en  proposer  une  qui  le  soit  davantage. 

X 
Quatrième  Question. 
Je  vous  serais  reconnaissant  de  me  faire  connaître, 
dans  un  des  prochains  numéros  de   votre   courrier, 


92 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


quelle  est  votre  opinion  sur  l'origine  de  la  qualification 
de  CORNICHON,  appliquée  à  quelqu'un  qui  commet  une 
sottise. 

Au  temps  d'Homère,  si  l'on  en  croit  M.  Francisque 
Micliel  {Dict.  d'argot,  p.  265,  col.  \),  Tiiersile  se 
moquait  des  Grecs  en  les  appelant  zotov:;,  qualification 
qui  signifie  concombres  mûrs. 

D'un  autre  côté,  Génin  nous  apprend  (Récréât, 
philol.  vol.  I,  p.  29-5)  que,  chez  les  Latins,  le  champi- 
gnon, fungus,  servait  à  une  semblable  métaphore 
méprisante  : 

Tanti  est  quanti  fungus  putidus  (Plaute).  —  (J'en  fais 
autant  de  cas  que  d'un  ctiampignon  pourri.) 

Or,  notre 'langue,  obéissant  probablement  comme 
celles  des  peuples  que  je  viens  de  nommer  à  la  tendance 
qui  semble  pousser  aux  assimilations  végétales  pour 
exprimer  la  nullité  de  l'expérience,  du  jugement  ou  de 
l'esprit,  a  employé  cornichon  (je  pourrais  dire  aussi 
melon)  pour  qualifier  familièrement  un  homme  chez 
qui  Ton  remarque  cette  nullité. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

Voudriez- l'ous  bien  me  dire  quelle  est  l'origine  de 
cette  expression,  que  l'on  trouve  dans  les  plaideurs  de 
Racine  :  point  d'argent,  point  de  sdisse,  et  que  je  sais 
être  proverbiale  en  français  ? 

Après  la  conclusion  de  la  paix  qui  suivit  la  célèbre 
victoire  remportée  par  François  I"  à  Marignan,  les 
Suisses  guerroyèrent  plusieurs  années  en  Italie  afin  d'y 
défendre,  au  profil  de  la  France,  cette  même  Lombardie 
qu'ils  avaient  perdue  en  combattant  contre  nous. 

Mais  leurs  troupes  étaient  fort  exigeantes;  il  fallait 
les  payer  avec  la  plus  grande  régularité,  ou  s'exposer  à 
les  voir  immédiatement  rompre  leur  engagement.  Qu'on 
en  juge  par  ces  lignes,  empruntées  aux  Mémoires  deDu 
Bellay,  p.  318,  où  il  s'agit  de  la  campagne  de  1522, 
commandée  par  le  maréchal  de  Laulree  : 

Quelques  jours  après,  estant  le  seigneur  de  Lautrec  à 
Monchp,  vindrent  devers  luy  les  capitaines  des  Suisses,  qui 
luy  firent  entendre  que  les  compagnons  estoient  ennuyez 
de  campeger,  et  qu'ils  demandoient  de  trois  ctioses  l'une, 
argent,  ou  congé  d'eux  retirer,  ou  bien  qu'il  eust  à  les 
mener  au  conabat  promptement,  sans  plus  temporiser.  Le 
seigneur  de  Lautrec,  le  bastard  de  Savoye  elle  mareschal 
de  Cbabannes  les  prièrent  d'avoir  patience  pour  quekiues 
jours,  parce  ([u'ils  espéroient  vaincre  leurs  ennemys  sans 
combattre,  ou,  pour  le  moins,  les  combattre  à  leur  avan- 
tage, pstans  leurs  ennemys  contraints  d'abandonner  leur 
fort  par  famine,  et  que  de  1rs  aller  assaillir  dedans  leur 
fort,  c'estoit  faict  contre  toutes  les  raisons  de  la  guerre. 
Mais  quel(|ues  renionstrances  qu'ils  leur  pussent  faire, 
jamais  n'y  eut  onlre  de  les  divertir  de  leur  opinion,  et 
tousjours  persistèrent  d'aller  au  combat;  autrement,  le 
lendemain,  ils  estoient  délibérés  do  leur  en  aller. 

Ce  fut  cet  esprit  intéressé  des  Suisses  qui,  probable- 
ment après  que  leur  abandon  de  la  partie  nous  eut  l'ait 
perdre  le  duché  de  .Milan,  donna  lieu  chez  nos  soldats 


à  l'expression  point  d'argent,  point  de  Suisse,  expres- 
sion voulant  dire  qu'on  n'a  rien  sans  argent,  et  qui 
nous  est  restée  depuis  comme  proverbe. 

X 

Seconde  Question, 
Dans  un  article  du  rappel   intitulé  :  zigzags  dans 
PARIS,  je  trouve  la  phrase  suivante  :  «  Oui,  j'ai  sor- 
VENTEs  fois  admiré  votre  courage  obstiné  ».  Est-ce  que 
ce  mot  est  bien  français  ? 

Dès  l'origine  dç  la  langue,  le  mot  souvent,  qui  vient 
du  latin  sub  inde,  aussitôt  que,  de  fois  à  autre  (en 
vertu  de  la  transmutation  des  lettres  :  u  =  ou; 
b  =:  v;  d  =  l),  s'est  employé,  ainsi  que  l'italien  sovente, 
et  comme  adverbe  (souvent),  et  comme  adjectif  (sou- 
vente),  emploi  qui  avait  surtout  lieu  devant  fois  : 

Et  de  le  tençon  vient  laide  parole,  et  de  le  parole  mellée, 
por  le  quele  aucuns  reçoit  mort  soucenles  fois. 

(Beaumanoir,  XXX,  6.) 

Pendant  le  xvi'=  et  le  xvii«  siècle,  on  continua  à  se 
servir  de  souventes  fois,  dans  le  style  sérieux,  témoin 
ces  exemples  : 

L'un  perd  sourcilles  fols  ce  que  l'autre  conserve. 

(Mairet,  Sophon.,   IV,  4.) 

Quant  à  ses  valets-de-pied, 
C'èloient  messieurs  les  Borées, 
Qui  portoient  par  les  contrées 
Ses  mandats  souventes  fois. 

(La  Fontaine,  la  Coupe  eiich.) 

Mais  cette  expression  a  uni  par  vieillir,  et  aujour- 
d'hui, comme  tant  d'autres  qui  ont  subi  le  même  sort, 
elle  n'est  plus  de  mise  que  dans  le  style  familier. 

Or,  si  la  phrase  que  vous  me  citez  est  de  ce  style-là 
(ce  que  semble  indiquer  la  rubrique  sous  laquelle  vous 
l'avez  trouvée),  il  est  certain  que  l'auteur  a  pu  y  faire 
usage  de  souventes  fois. 

X 
Troisième  Question.         .     . 
Lorsqu'on  parle  d'un  bateau,  faut-il  dire  qu'il  vire 

DE  BORD,  0Î<  q^Ùl  VIRE  LE  BORD? 

Aujourd'hui,  on  dit  généralement  virer  de  bord,  fait 

établi  par  cette  citation  empruntée  à  M.  Littré  : 

On  dit  qu'un  vaisseau  vire  de  bord  quand  il  tourne 
horjzonlalement  sur  lui-même  pour  présenter  au  vent  le 
cùté  opposé  à  celui  qui  le  recevait  avant  cette  évolution. 

Mais  je  crois  qu'il  voudrait  beaucoup  mieux  dire 
virer  le  bord,  attendu  que  virer  a  toujours  été  et  est 
encore  un  verbe  actif  recevant  pour  régime  le  nom 
de  la  chose  qui  est  tournée,  comme  le  prouvent  ces 
exemples  : 

Tout  cela,  je  le  vois  en  moy  aulcunement  selon  que  je 
me  vire. 

(Montaigne,  II,  7.) 

Si  bien  qu'à  la  pointe  du  jour,  nous  avions  le  vent,  et 
ayant  l'ait  la  contremarclie,  et  viré  le  bord  par  J'arrière- 
garde,  et  eux  Vaijaiit  aussi  nré,  on  lit  le  §ignal  d'arriver 
sur  eu.\. 

(Jal,  Rel.  du  cnmb.  de  Zipan^   1676.) 

Paul-Louis  la  laisse  mûrir  ;l  l'air,  de  temps  en  temps 
ta  vire,  la  remue. 

f  Paul-Louis,  Giii.  de  Vill.,  n«  4.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


93 


Il  esl  très-probable  que  c'est  l'assimilation  du  sens 
de  virer  à  celui  de  changer  (ce  dernier  veut  la  préposi- 
tion de  avant  son  régime)  qui  a  mis  en  usage  virer  de 
bord  :  c'est  une  faute  analogue  à  celle  que  l'on  com- 
met en  disant  se  rappeler  d'une  chose,  construction 
modelée  à  tort  sur  se  souvenir  d'une  chose. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


FEUILLETON. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1». . .  les  mêmes  facultés  que  les  premiers  hommes;  —  î».  . . 
mettait  un  chapeau  (on  n'arlore  que  ce  qui  a  la  forme  d'un 
arbre);  —  3°.  .  ne  laissenl  pas  d'être  (Voir  Courrier  de  Vauge- 
las,  i'  année,  p.  155);  —  4°...  avec  exactitude  sur  toutes  les 
omoplates;  —  5"...  à  un  bijou,  à  un  meuble,  à  un  nœud;  — 
6»...  consiste  tout  entière;  —  7°  Pendant  que  [cependant  que 
ne  se  dit  plus  depuis  longtemps)  ;  —  8»  .auraient  mieux  à  faire 
que  de  dépenser;  — 9°...  se  repcn(iron(  (le  ïerbe  espérer  n'est  pas 
de  ceux  qui  veulent  le  subjonctif  après  eux);  —  lO". . .  sur  une 
bêche  à  moitié  enfoncée  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  3'  année, 
p .  83)  ;  —  1  r ...  qui  paraissent  avoir  vingt  ans  (le  verbe  paraître 
veut  pour  régime  uu  autre  verbe  ou  un  adjectif,  mais  non  un 
nombre  d'année..]. 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

!•  L'apôtre  rassenible  ses  forces  anéanties;  il  veut  e.xpi- 
rer  près  de  l'autel  de  Saint-Etienne,  et  se  consomme 
comme  l'encens  dans  le  temple. 

2"  Je  me  rappellerai  toute  ma  vie  du  jour  où  j'entendis 
prononcer  ce  nom  pour  la  première  fois  :  c'était  en  omni- 
bus. 

3'  Les  promoteurs  de  ce  projet  veulent  ainsi  donner  à 
l'Allemagne  une  leçon,  en  lui  montrant  que  l'Italie  est 
loin  de  faire  servir  ses  souvenirs  tiistoriques  à  autre  chose 
qu'au  progrès  et  à  la  civilisation. 

4*  Il  serait  à  désirer  qu'il  en  fût  de  même  dans  toutes 
les  grandes  administrations,  et  que  les  réservistes  qui  en 
font  partie,  à  un  titre  quelconque,  ne  soient  pas  privés  de 
leurs  émoluments  pendant  leur  présence  momentanée 
sous  les  drapeaux. 

3'  Ces  conditions  ne  sont  pas  celles  des  démonstrations 
susceptibles  de  troubler  l'ordre  public. 

6°  Et,  ctiose  étrange,  cette  situation  qui  troublerait  peut- 
être  un  autre,  ne  fait  qu'irriter  et  que  hérisser  cette 
passion  de  réaction. 

?•  J'aperçus  alors  un  des  plus  ravissants  spectacles  que 
j'ai  jamais  contemplés  de  ma  vie. 

8*  Toutes  choses  graves  à  nos  yeux  et  aggravées  par  les 
antécédents  du  préfet  de  la  Seine,  qui  devait  nous  faire 
compter  sur  autre  chose  de  sa  part  que  sur  de  semblables 
actes. 

_9*  Le  maire  d'Andresfien  était  tisserand,  clerc,  carillon- 
neur,  voire  môme  fossoyeur...  Xe  riez  pas,  on  peut  être 
tout  cela,  car  jusque-là  on  ne  reçoit  un  salaire  que  de  ses 
clients  ou  de  la  fabrique  de  l'église. 

10"  Les  dou.K  accusés  avaient  tenu  tète  à  l'accusation 
d'une  manière  qui  ne  laissait  pas  que  de  surprendre  de  la 
part  de  deux  artisans  illétrés. 

(Les  corrections  à  quinzaine.) 


BIOGRAPHIE  DES  GR.\MM.\IRÏENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 

Claude    LANCELOT 

(Suite.) 
Du  nombre  singulier  et  pluriel.  —  Les  noms  com- 
muns peuvent  être  pris  de  diverses  faisons,  car  on  peut 
les  appliquer  à  une  des  choses  auxquelles  ils  convien- 
nent, ou  les  appliquer  à  plusieurs  tou^  ensemble. 

Pour  distinguer  ces  deux  manières  de  signifier,  on  a 
inventé  deux  nombres,  le  singulier  et  le  pluriel;  mais, 
en  même  temps,  quelques  langues,  comme  le  grec,  ont 
fait  un  duel  lorsque  les  noms  conviennent  à  deux. 

Les  Hébreux  en  ont  un  aussi  ;  mais  seulement  lorsque 
les  mots  signifient  une  chose  double,  ou  par  nature, 
comme  les  yeux,  les  mains,  les  pieds,  ou  par  art, 
comme  des  meules  de  moulin,  des  ciseaux,  etc. 

D'où  cette  conséquence  que  les  noms  propres  n'ont 
point  de  pluriel,  et  que  si  on  les  y  met  quelquefois 
comme  quand  on  dit  les  Cicérons,  les  Alexandres,  c'est 
par  figure,  en  comprenant  dans  le  nom  propre  toutes 
les  personnes  qui  leur  ressembleraient. 

Tous  les  adjectifs  doivent  avoir  un  pluriel  parce  que 

leur  signification  peut  toujours  convenir  à  plusieurs. 

Les  substantifs  appellatifs  n'ont  pas  tous  un  pluriel, 

ce  qui  esl  dii  tantôt  au  simple  usage,  tantôt  à  quelque 

autre  raison. 

Des  Genres.  —  Comme  les  noms  adjectifs  de  leur 
nature  conviennent  à  plusieurs,  on  a  jugé  à  propos, 
pour  rendre  le  discours  moins  confus  et  aussi  pour 
l'embellir  par  la  variété  des  terminaisons,  d'inventer 
une  diversité  selon  les  substantifs  auxquels  on  les 
appliquait. 

Or,  les  hommes  se  sont  premièrement  considérés 
eux-mêmes  ;  et,  ayant  remarqué  parmi  eux  une  diffé- 
rence extrêinement  considérable,  qui  est  celle  des  sexes, 
ils  ont  jugé  à  propos  de  varier  les  mêmes  noms  adjec- 
tifs, leur  donnant  diverses  terminaisons,  selon  qu'ils 
s'appliquaient  aux  hommes  ou  aux  femmes.  C'est  ce 
qu'on  a  appelé  le  genre  masculin  et  féminin. 

Mais  il  a  fallu  aller  plus  loin:  car,  attendu  que  ces 
mêmes  adjectifs  se  pouvaient  attribuer  à  d'autres  que 
des  hommes  et  des  femmes,  on  a  été  obligé  de  leur 
donner  l'une  ou  l'autre  des  terminaisons  inventées  pour 
les  hommes  et  pour  les  femmes  :  d'où  il  est  arrivé  que, 
par  rapport  aux  hommes  et  aux  femmes,  ils  ont  dis- 
tingué tous  les  autres  substantifs  en  masculins  et  en 
féminins. 

Les  Grecs  et  les  Latins  ont  encore  inventé  un  troi- 
sième genre,  qu'ils  ont  appelé  neutre,  comme  n'étant 
ni  du  masculin  ni  du  féininin. 

Des  Cas.  —  SI  l'on  considérait  toujours  les  choses 
séparément  les  unes  des  autres,  on  n'aurait  donné  aux 
noms  que  les  deux  changements  dont  il  vient  d'être 
question,  savoir  celui  du  nombre  pour  toutes  sortes  de 


94 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


noms,  et  du  j^enre  pour  les  adjectifs;  mais,  parce  qu'on 
les  regarde  souvent  dans  les  divers  rapports  qu'eHes  ont 
entre  elles,  on  a  donné  aux  noms,  dans  quelques 
langues,  pour  marquer  ces  rapports,  diverses  terminai- 
sons qui  ont  été  appelées  cas,  du  verbe  latin  cadere, 
tomber. 

Quoiqu'il  n'y  ait  peut-être  que  le  latin  et  le  grec  qui 
aient  proprement  des  cas,  dans  leurs  noms,  il  est 
presque  nécessaire,  pour  apprendre  quelque  langue  que 
ce  soit,  de  savoir  ce  qu'on  entend  par  cas,  et  Lancelot 
en  donne  une  explication  complète. 

Des  Articles.  —  La  signification  vague  des  noms 
communs  et  appeliatifs  n'a  pas  seulement  engagé  à  les 
mettre  à  deux  sortes  de  nombres,  le  singulier  et  le 
pluriel,  pour  les  déterminer;  elle  a  fait  ainsi  que 
presque  toutes  les  langues,  qui  ont  inventé  certaines 
particules  appelées  articles,  qui  en  déterminent  la  signi- 
fication d'une  autre  manière. 

Les  Latins  n'ont  point  d'article;  les  Grecs  en  ont 
un,  0,  r„  '.z. 

Les  langues  nouvelles  en  ont  deux,  l'un  qu'on  appelle 
déûni,  comme  le,  la,  et  l'autre  indélini,  tin,  une. 

Ces  articles  n'ont  point  proprement  de  cas,  non  plus 
que  les  noms.  Mais  ce  qui  fait  que  l'article  le  semble  en 
avoir,  c'est  que  le  génitif  et  le  datif  se  font  toujours  au 
pluriel,  et  souvent  au  singulier  par  une  contraction 
des  particules  de  et  a,  qui  sont  les  marques  de  ces  deux 
cas,  avec  le  pluriel  les  et  le  singulier  le. 

Quant  à  l'article  indéfini  wn,  une,  on  croit  ordinaire- 
ment qu'il  n'a  point  de  pluriel  ;  à  la  vérité,  il  n'en  a 
point  de  lui-même,  mais  il  en  a  un  pris  d'un  autre  mot, 
qui  est  des,  avant  les  substantifs,  et  de  quand  l'adjectif 
précède. 

L'article  ne  se  devrait  point  mettre  aux  noms  propres, 
parce  que,  signiOant  une  chose  singulière  et  déterminée, 
ils  n'ont  pas  besoin  de  la  détermination  de  l'article. 

Néanmoins,  l'usage  ne  s'accordant  pas  toujours  avec 
la  raison,  on  en  met  quelquefois  en  grec  aux  noms 
propres  des  hommes  mêmes,  et  les  Italiens  en  font  un 
usage  assez  ordinaire,  l'.Ariosto,  il  Tasso,  l'Aristotele, 
ce  que  nous  imitons  quelquefois,  mais  seulement  devant 
les  noms  purement  italiens;'  on  dirait,  par  exemple, 
l'Arioste,  le  Tasse,  etc. 

Excepté  dans  le  cas  d'un  nom  appellatif  devenu  nom 
propre,  nous  n'employons  pas  non  pLus  l'article  devant 
les  noms  de  lieux. 

Nous  le  mettons  généralement  devant  les  noms  de 
royaumes  et  de  provinces;  mais  il  y  a  quelques  noms 
de  pays  où  il  ne  se  met  point;  on  dit  :  Cornouailles, 
Comminges,  Roanne:-. 

Nous  mettons  aussi  l'article  aux  noms  dos  rivières 
et  des  montagnes,  la  .Seine,  l'Olympe. 

Des  Pronoms.  —  Comme  les  hommes  ont  été  obligés 
de  parler  souvent  dos  mêmes  choses  dans  un  même  dis- 
cours, et  (ju'il  eût  été  iusupportablc  de  répéter  toujours 
les  mêmes  noms,  ils  ont  inventé  certains  mots  pour 
tenir  la  place  de  ces  noms,  et  que,  pour  cette  raison,  ils 
ont  appelés  pronoms. 

Les  pronoms  faisant  loflice  des  autres  noms,  en  ont 


aussi  les  propriétés,  c'est-à-dire  qu'ils  ont  un  singulier 
et  un  pluriel,  des  genres  et  des  cas.   . 

Après  avoir  expliqué  l'usage  de  ce  qu'on  appelle 
les  pronoms  principaux  et  primitifs,  Je,  me,  moi,  tu,  te, 
lui,  nous,  vous,  il,  elle,  eux,  ils,  elles,  leur,  etc.,  l'au- 
teur ajoute  qu'il  s'en  est  formé  d'autres  appelés  posses- 
sifs, parce  qu'ils  signifiaient  confusément  une  idue  de 
possession. 

Il  y  a  de  ces  pronoms  qui  se  mettent  toujours  avec 
un  nom  sans  article  :  mon,  ion,  son.  et  leurs  pluriels 
nos,  ros;  d'autres  qui  se  mettent  toujours  avec  l'article 
sans  nom,  7nien,  tien,  sien,  et  les  pluriels  nôtres, 
vôtres. 

C'est  la  raison  qui  a  fait  rejeter  cette  vieille  façon  de 
parler,  un  mien  ami. 

Du  pronom  relatif.  —  Il  y  a  encore  un  autre  pronom 
qu'on  ajipelle  relatif,  qui,  qux,  quod ;  qui,  lequel, 
laquelle  ;  il  a  quelque  chose  de  commun  avec  les  autres, 
et  quelque  chose  de  propre. 

Ce  qu'il  a  de  commun,  c'est  qu'il  se  met  au  lieu  du 
nom  et  plus  généralement  même  que  tous  les  autres 
pronoms,  car  il  s'emploie  pour  toutes  les  personnes  : 
moi  qui  suis  ckrétien,  vous  qui  êtes  chrétiens. 

Ce  qu'il  a  de  propre  peut  être  ramené  à  deux  règles: 

H"  Il  a  toujours  rapport  à  un  autre  nom  ou  pronom 
qu'on  appelle  antécédent,  comme  Die%i  qui  est  saint. 

2-  Une  autre  propriété  de  ce  pronom,  et  que  Lancelot 
croit  n'avoir  pas  encore  été  remarquée,  c'est  que  la 
proposition  dans  laquelle  il  entre  (qu'on  appelle  ordi- 
nairement incidente]  peut  faire  partie  du  sujet  ou  de 
l'attribut  d'une  autre  proposition  qu'on  appelle  prin- 
cipale. 

Ces  deux  usages  du  relatif  servent  à  expliquer  plu- 
sieurs choses  dont  les  grammairiens  ont  bien  de  la 
peine  à  rendre  compte. 

Examen  d'une  règle  concernant  le  pronom  relatif. 
—  Vaugelas  est  le  premier  qui  ait  publié  qu'on  ne  doit 
pas,  en  français,  mettre  de  qui  après  un  nom  sans 
article.  Ainsi  on  dit  très-bien  :  ;/  a  été  traité  arec  vio- 
lence; mais  si  l'on  veut  remarquer  que  cette  violence  a 
été  tout-à-fart  extraordinaire,  on  ne  le  peut  faire  qu'en 
y  ajoutant  un  article  :  il  a  été  traité  avec  une  violence 
qui  a  été  tout-à-fait  extraordinaire. 

Cela  parait  d'abord  raisonnable;  mais  comme  il  se 
rencontre  en  notre  langue  plusieurs  façons  de  parler 
qui  ne  semblent  pas  conformes  à  cette  règle,  entre 
autres  celle-ci  :  //  agit  en  politique  qui  sait  gouverner, 
il  est  coupable  de  croies  qui  méritent  châtiment,  Lan- 
celot a  pensé  qu'on  pourrait  la  concevoir  en  termes  qui 
la  rendissent  plus  générale,  et  qui  fissent  voir  que  ces 
façons  de  parler  et  autres  semblables,  qui  y  paraissent 
contraires,  n'y  sont  pas  contraires  en  effet. 

Suit  une  explication  où  sont  examinées  les  diverses 
manières  dont  un  nom  sans  article  peut  être  déterminé. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rkuactece-Géuamt  ;  Emas  MARTIN, 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


95 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Cape  etl'Épée;  par  Amédée  Achard.  3*  édition. 
ln-18  Jésus,  liôO  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

Études  dramatiques.  III.  La  Galanterie  au 
théâ.tre;  par  Ludovic  Celler.  In-12  carré,  \iii-169  p. 
Paris,  lib.  Baur.  6  fr . 

Drames  de  l'Amérique  du  Nord.  Poignet-d' Acier, 
ou  les  Chippiouais;  par  Emile  Chevalier.  Nouvelle 
édition.  In-18  Jésus,  280  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy. 
I  fr.  25. 

Les  Grands  hommes  de  !a  France.  Hommes  de 
guerre.  2'  série  ;  par  Edouard  Gœpp  et  E.-L.  Cordier. 
Bertrand  Du  Guesclin.  Bayard.  2«  édition.  In-8',  il5  p. 
et  2  port.  Paris,  lib.  Ducrocq.  li  fr. 

Les  Fils  de  Dieu;  par  Louis  JacoUiot.  2«  édition.  In-8', 
366  p.  Paris,  lib.  Albert  Lacroix.  6  fr. 

Les  Années  de  gaieté;  par  Charles  Monselet.  In-18 
Jésus,  330  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévi.  3  fr.  50. 

L'Art  d'écrire  rendu  accessible  à  tout  le  monde 
par  l'étude  théorique  et  pratique  de  la  ponctuation. 
Ouvrage  indispensable  à  quiconque  veut  en  peu  de  temps 
apprendre  à  fond  le  mécanisme  intime  de  la  langue  fran- 
çaise; par  M.  Arsène  Petit.  2  vol.  gr.  ia-lG,  912  p.  Paris, 
lib.  Fouraut  et  fils. 

Les  Colombes  de  La  Forliére;  par  Mlle  Gabrielle 
d'Ethampes.  ln-18  Jésus,  356  p.  Paris,  lib.  Bourguet,  Calas 
et  Cie.  2  fr.  50. 

Extraits  des  classiques  français,  xvu»,  xviii'  et 
SIX»  siècles.  Accompagnés  de  notes  et  notices,  par 
Gustave  Merlet,  professeur  de  rhétorique  au  lycée  Louis- 
le-Grand.  A  l'usage  de  tous  les  établissements  d'instruc- 
tion publique.  Cours  moyens.  Grammaire  et  enseignement 
spécial,  i"  partie  :  Prose.  2=  édition,  revue  et  corrigée. 
In-12,  viii-509  p.  Paris,  lib.  Fouraut  et  fils. 


Le  Monstre;  par  Camille  Bodin.  Nouvelle  édition. 
ln-18  Jésus,  25.">  p.  Paris,  lib.  Nouvelle.  1  fr.  25. 

Le  Roman  d'une  honnête  femme;  par  Victor  Cher- 
buliez.  5'  édition.  In-18  Jésus,  405  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  3  fr.  50. 

Sybil;  par  Benjamin  Disraeli.  Roman  anglais  traduit 
sous  la  direction  de  P.  Lorain.  2  vol.  in-18  Jésus,  52/i  p. 
Paris,  lib.  Michel  Lévi.  2  fr.  50. 

Les  Dianes  et  les  Vénus;  par  Arsène  Houssaye.  ln-18 
Jésus,  315  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévi.  3  fr.  50. 

Colomba,  suivi  de  la  Mosaïque,  et  autres  contes  et 
nouvelles;  par  Prosper  Mérimée,  de  l'Académie  fran- 
çaise. Gr.  in-18.  Zi55  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie. 
3  fr.  qO. 

La  Jeunesse  des  hommes  célèbres;  par  Eugène 
Muller.  à'  édition.  ln-18  Jésus,  395  p.  Paris,  lib,  Hetzel. 
3  fr. 

L'Esprit  nouveau;  pnr  Edgard  Quinet.  h"  édition. 
ln-18  Jésus,  iv-358  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50, 

Deux  mazarinades  en  patois  Orléanais.  Dialogue 
de  deux  guépins  et  Dialogue  guépinois.  Edition  nouvelle 
précédée  d'une  préface  et  suivie  d'un  glossaire  ;  par 
Auguste  Boucher,  ancien  professeur  au  lycée  d'Orléans. 
In-8%  95  p,  Orléans,  lib.  Herluison. 

Les  Éléments  matériels  du  français,  c'est-à-dire 
les  sons  de  la  langue  française  entendus  ou  repré- 
sentés.. Ouvrage  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'étude  de  notre  langue;  par  B.  JulMen.  In-12,  tiii-271  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  50. 

Récits  et  souvenirs  d'un  voyage  en  Orient;   par 

-M.  B.    Poujoulat.  9^^^  édition.  In- 12.  288  p.  et  gr.  Tours, 
lib.  Mame  et  tils. 


Publications  antérieures  : 


DIEU  ET  LA  NATURE.  Poésies  pour  l'enfsnce.  —  Par 
Mlle  M.  Trècoirt.  —  Ouvrage  publié  en  1865  sous  le 
patronage  de  Limartiue.  —  Deuxième  édition.  —  Paris, 
librairie  fiançaise  et  anglaise  de  J.-Il.  Trucliy,  26,  boule- 
vard des  Italiens. 


BOIELDIEU,  SA  VIE,  SES  ccuvnEs,  s.i  correspo.ndance,  — 
Par  Arthuh  PougIn,  —  Edition  ornée  d'un  portrait  de 
Boieldieu,  gravé  sur  acier,  par  M.  Deswrdins,  et  du  fac- 
similé  d'une  lettre  autographe  de  Boieldieu.  —  Paris, 
Charpentier  elCie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre. 


LA  TENTATIO.N  de  SAINT-ANTOINE.  —  Par  Gustave 
Flaubert.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  Charpentier  et 
Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  : 
7  fr.  50. 


VERCLNGÉTORIX   ET   L'INDÉPENDANCE    GAULOISE. 

Religion    et    institutions    celtiques.    —    Par    Fba.ncis 


Moxxier.  —  Deuxième  édition  augmentée.  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  et  Cie.  libraires-éditeurs^Sô, 
quai  des  Augustins.  —  Prix  :  2  francs. 


HISTOIRE  D'ANGLETERRE  DEPUIS  LES  TEMPS  LES 
PLUS  RECULÉS.  —  Par  Antoxix  Roche,  directeur  de 
VEducaiional  histiluie  de  Londres,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur  —  2  vol.  avec  cartes  historiques.  —  Ouvrage 
approuvé  par  le  Conseil  supérieur  de  l'Instruction  pu- 
blique. —  W  édition,  entièrement  refondue.  —  Paris, 
librairie  Ch.  Delagrave.  58,  rue  des  Ecoles. 


MON  VOY.VGE  AU  PAYS  DES  CHIMÈRES.  —  Par  Anto- 
Nix  Rondelet,  professeur  honoraire  de  faculté,  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs, 
33,  Quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 


96 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


—  Par  Eman  Mvrtin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulev^d  Saint-Germain. 


FROMONT  JEUNE  ET  RISLER  AINE.  —  Mœurs  pari- 
siennes. —  Par  Alphonse  Daudet.  —  Septième  édition.  — 
Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du 
Louvre. 


Lk  LITTÉRATURE  FRANÇAISE  depuis  la  formation  de 
la  langue  jusqu'à  nos  jours.  —  Lectures  choisies.  —  Par 


le  lieutenant-colonel  Staaff,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur et  de  l'Instruction  publique  en  France.  —  Ouvrage 
désigné  comme  prix  aux  concours  généraux  de  1868  à 
1872;  adopté  et  recommandé  par  la  commission  des 
Bibliothèques  de  quartier,  etc.,  etc.  —  Quatrième  édition. 
—  Six  volumes  du  prix  de  4  à  5  francs  chacun.  —  Paris, 
à  la  librairie  académique  Didier  et  Cie,  35,  quai  des 
Grands-Augustins,  et  à  la  librairie  classique  de  Ch.  Delà- 
grave  et  Cie,  38,  rue  des  Ecoles. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  Il  ne 
reste  plus  que  la  W  et  la  5=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1",  la  1'  et  la  3'  année  doivent  être  pro- 
chainement réimprimées. 


CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


Un  concours  de  poésie  sur  ce  sujet  la  Revanche  est  ouvert  à  l'Académie  des  Poètes.  —  Pour  concourir,  il  faut 
appartenir  à  cette  Académie,  comme  membre  titulaire,  honoraire,  ou  membre  correspondant,  et  être  Français.  —  Le 
prix  du  concours  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  150  fr.  donnée  par  un  des  membres  de  l'Académie, 
M.  Marc  Bonnefoy.  —  Les  poésies  envoyées  au  concours  devront  se  renfermer  autant  que  possible  dans  la  limite  de 
100  et  200  vers  (ces  chiffres  n'ont  rien  d'absolu»,  et  être  inédites;  elles  pourront  être  signées  ou  non  signées,  au  gré 
des  concurrents,  et  dans  ce  dernier  cas,  être  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant  le  nom  de  l'auteur.  —  Les 
envois  relatifs  au  concours  doivent  être  adressé.s  franco  à  M.  Elle  de  Biran,  archiviste  de  l'Académie,  rue  des 
Missions,  22,  à  Paris,  avant  le  l'^-'  mars  1876. 


L'Académie  de  la  Rochelle  (section  littérairei  vient  d'ouvrir  aux  sonnettistes  un  concours,  dont  le  prix,  une 
médaille  d'argent,  sera  décerné  en  séance  publique,  dans  le  courant  de  décembre  prochain.  —  Deux  médailles  de 
bronze  pourront  en  outre  être  accordées,  s'il  y  a  lieu.  —  Le  choix  des  sujets  est  laissé  à  la  volonté  des  candidats. 
La  forme  seule  est  obligatoire  :  celle  du  sonnet  dans  toute  la  rigueur  de  ses  rimes,  mais  avec  toute  liberté  pour 
l'ordre  des  stances.  —  Les  pièces  signées  ou  non  inédites  seront  exclues  du  Concours.  —  Chaque  envoi  portera  une 
devise  qui  devra  être  reproduite  à  l'intérieur  d'un  billet  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur.  —  Le 
Concours  sera  clos  le  15  octobre  1875,  dernier  terme  auquel  les  sonnets  devront  être  remisa  M.  Paul  Gaudin,  Secré- 
taire de  l'Académie,  29,  rue  Dupaty,  à  la  Rochelle. 


L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétariat  de 
rinslitut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  pirvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
porteront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire   prendre  copie  s'ils  en  ont  besoin. 


Le  quinzième  concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  aoilt  sera  clos  le  l'"'  décembre  1875  ;  douze  raédailles,  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux,  Gironde  —  (Affranchir). 


Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  187G,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  —  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  le  2=, prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3"  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  1=''  juin  1876. 


La  Société  d''en(;ouragemi;nt  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  et  développer 
les  moyens  les  plus  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  le  bien-être  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,,  Secrétaire-général,  2,  rue  Brochant,  aux  Batignolles 
(Paris),  avant  le  31  décembre  1875. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  e.<l  visil)le  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  çt  demie. 


Imprimerie  GOUVERNEUH,  G.  UACl'ELEV  ù  Nogcul-le-Rotrou. 


6"  Année 


N"  13. 


lor  Novembre  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"  st    le    15    de    chaque   mois 

{Dans  sa  séance  du  \1  janvier  ISTô,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publicaiion.) 


PRIX  : 
Abonnement  pour  la  France.    6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 
Annonces,  la  ligne.          50  c. 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEUR   SPÉCIAL  POUR    LES    ÉTRANGERS 

OlTuier  d'.UaJéniie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
direclenienl  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soil  A  un  libraire  quelconque. 

SOMMAIRE. 
Communications  relatives  à  Prendre  un  rat,  à  Oignon  et  à  Gnan- 
gnan: —  Explication  de  faire  danser  l'anse  du  panier;  — 
Etymologie  du  mol  Entrefaites; — Si  l'on  peut  employer  ()«!  .. 
qui  pour  Les  uns.  .  les  autres  ;  —  Un  remarquable  emploi 
de  En  jj  Si  Cliat,  nom  d'un  animal  domestique,  entre  dans 
Entrechat.  —  Différence  d'emploi  entre  Col  et  Cou;  —  Ety- 
mologie du  mot  Guéridon  ||  Passe-temps  grammatical  1  Suite 
de  la  biographie  de  Claude  Laneelot  ||  Ouvrages  de  gram- 
maire et  de  littérature  II  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 

I. 

J'ai  reçu  la  lettre  que  roici  à  propos  d'une  explication 
qui  n'a  pas  paru  satisfaisante  à  un  de  mes  lecteurs  : 

Paris,  1  août  1875. 
Monsieur, 

Permettez  à  un  vieux  disciple  de  saint  Hubert,  qui  ne 
déteste  pas  Vaugelas,  quelques  observations  sur  la  question 
Prendre  nn  rat,  traitée  dans  votre  estimable  publication, 
numéro  du  15  juillet  dernier. 

Le  mot  rat,  que  l'on  devrait  écrire  ration  ract,ne  s'em- 
ploie pas  dans  l'acception  oit  vous  le  prenez  :  rater  ne 
sert  qu'à  donner  l'onomatopée  du  bruit  que  fait  le  chien 
(du  fusil  à  silex)  en  frappant  la  platine  et  en  découvrant 
le  bassinet,  sans  allumer  l'amorce.  On  dit,  lorsque  cela 
arrive  que  l'arme  rate,  qu'elle  a  raté,  rater,  et  nulleiuent 
faire  un  rat,  et  moins  encore  prendre  un  rdt. 

Si  la  poudre  s'enflamme,  si  le  plomb  n'atteint  pas  le 
gibier,  le  chasseur  n'a  pas  raté  la  pièce;  ce  dire  n'aurait 
pas  de  sens  :  rater  est  un  verbe  neutre;  il  ne  l'a  pas 
non  plus  manquée;  car  ce  dernier  verbe,  neutre  égale- 
ment, ne  s'emploie  comme  rater,  au  figuré,  que  par 
nécessité,  à  défaut  d'autre  expression  significative.  Le 
chasseur  a  manrjuéde  mérite... 

Le  commerçant  ou  tout  autre,  ne  manque,  ne  rate  pas 
une  affaire;  mais  il  peut  manquer  de  l'activité,  du  soin, 
en  un  mot  des  conditions  nécessaires  pour  la  conclure. 
S'il  a  perdu  son  crédit,  son  argent,  s'il  cesse  de  payer,  il 
manque  à  ses  engagements,  à  la  confiance  qu'il  inspirait; 
il  ne  fait  pas  i;!n  rat,  il  fait  faillite. 


L'usage  omnipotent  en  a  décidé  autrement  :  je  me 
soumets  pour  le  mot  manquer;  mais  quant  à  rater,  je 
m'insurge!...  Rater  n'a  pas  et  ne  peut  avoir  d'autre  signi- 
fication que  celle  que  j'explique  plus  haut. 

Encore  un  mot. 

Je  me  rappelle  qu'un  des  nôtres  qui  avait,  en  vain, 
tout  l'hiver,  tendu  des  pièges  à  loups,  était  plaisanté  de 
son  insuccès  par  ses  camarades.  Ceux-ci  disaient  en  riant 
qu'il  avait  enfin  pris  an  rat  ? 

Etait-ce  une, allusion  à  l'accouchement  de  la  montagne? 
je  ne  sais.  C'était  moins  poétique  sans  doute,  mais  les 
amants  de  Diane  ne  sont  pas  souvent  les  amis  d'Apollon. 

Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  toute  ma  considération. 

Sylvain  Deschamps. 

Tout  en  le  remerciant  bien  sincèrement  de  la  peine 
qu'il  s'est  donnée  à  mon  inlenliou,  je  suis  obligé  de 
répondre  ce  qui  suit  à  l'auteur  de  cette  lettre  : 

\°  Que  prendre  un  rat  se  dit  parfaitement,  au  propre, 
d'une  arme  à  feu  dont  le  coup  ne  part  pas,  ce  dont  il 
trouvera  la  preuve  -dans  le  dictionnaire  de  Littré, 
p.  1485,  col.  I,  ligne  I.S. 

2"  Que  je  n'ai  point  dit  qu'on  se  servait  actuelle- 
ment de  l'expression  faire  un  rat;  mais  bien  qu'il  est 
«  probable  »  qu'on  l'a  employée  dans  l'origine,  vu  les 
analogies  que  fournit  la  langue  d'aujourd'hui. 

3"  Que  le  verbe  rater  est  d'un  usage  incontestable, 
au  figuré,  dans  le  sens  actif,  car  on  trouve  : 

Dans  le  dictionnaire  de  Boiste  : 

Rater,  {fig.  famil).  v.  a.  Ne  pas  réussir  ;  manquer  son 
coup;  ne  pas  attraper  ou  toucher,  etc. 

Dans  le  dictionnaire  de  Littré  : 

Rater.  Figurément  et  familièrement.  Manquer  son  coup, 
ne  pas  réussir.  Nous  verrons  si  un  grand  seigneur  peut 
rater  une  conquête.  (Lesage,  Gil  Blas,  III,  5.) 

D'OLi  il  suit  que,  si  je  ne  m'abuse,  les  observations 
de  .M.  Sylvain  Deschamps  n'atteignent  nullement  l'ex- 
plication qu'elles  visent  dans  le  Courrier  de  Vaugelas. 

II. 

'  Dans  le  numéro  du  13  août,  j'avais  eu  à  répondre  à 
la  question  de  savoir  si  c'est  une  faute  que  de  ne  pas 


9S 


LE  nOURUIER  DE  YAUGELAS. 


mettre  d'i   dans  oi'jnon.  Jai  reçu   au  sujet  de   ma 
réponse,  qui  était  affirmative,  la  lettre  qu'on  ya  lire  : 
Beaumont,  5  septembre  1875. 
Monsieur  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas, 
Permettpz-moi  une  rectification  à  votre  réponse  sur  le 
mot  oignon. 

Le  dictionnaire  moderne  de  Maurice  Lachâtre  l'écrit 
ognon,  et  de  plus  ajoute  la  note  suivante  : 

t  L'Académie  et  quelques  lexicographes  écrivent  oignon, 
mais  l'i  ne  se  prononçant  pas,  est  tout-â-fait  inutile,  et 
l'orthographe  la  plus  usuelle,  adoptée  par  tous  les  natu- 
ralistes, est  ognon. 

Votre  bien  dévoué, 
.  Tabany. 

Parce  que  M.  Maurice  Lachâtre  écrit  ognon,  ortho- 
graphe adoptée  par  «  tous  les  naturalistes  »,  est-ce 
une  raison  suffisante  pour  qu'on  ait  réellement  le  droit 
de  supprimer  Vi  dans  ce  mot? 

Je  ne  le  crois  pas,  et,  en  quelques  lignes,  je  vais 
dire  pourquoi. 

D'abord,  parce  qu'on  peut  être  un  grand,  même  un 
très-grand  naturaliste,  et  n'avoir  pas  les  connaissances 
nécessaires  pour  élre  d'une  compétence  souveraine  en 
matière  d'orthographe. 

Ensuite,  parce  que  M.  Maurice  Lachâtre  ne  peut  être 
admis  à  écrire  ocjnon,  sous  prétexte  que  l'i  ne  s'y  pro- 
nonce pas,  quand  il  met  celte  lettre,  comme  je  viens  de 
m'en  assurer,  dans  poignard,  poignarder,  poignant, 
poignée,  empoigner  et  moignon,  autres  mots  où  elle  ne 
se  prononce  pas  davantage. 
III. 

J'avais  proposé,  pour  l'expression  gnangnan  (numéro 
du  <5  septembre)  une  étjmologiedont  je  ne  garantissais 
nullement  la  véracité.  Un  de  mes  lecteurs  en  a  trouvé 
une  autre  qu'il  m'a  adressée  dans  cette  note  : 

Paris,  18  septembre  1875. 
Monsieur, 

Un  mot  sur  gnangnan  :  le  peuple  prononce  fainéant, 
faignani!  Et  il  n'est  pas  rare  d'entendre  les  petits  patrons 
faubouriens  accabler  leurs  apprentis  paresseux  d'une 
série  de  feignants!  feignants  1  feignantsi  Puis,  par  lassitude, 
gnants!  gnarts!  gnants!" 

De  là  :  gnant-gnant  et  gnangnan. 

iMarius  Bonhojijie. 

M.  Littré  dit  que  gnangnan  est  un  mimologisme,  ou, 
pour  autrement  dire,  un  de  ces  termes  au  moyen  des- 
quels on  imite  la  voix  de  quelqu'un,  ses  locutions 
habituelles  ou  sa  prononciation. 

Par  conséquent,  ni  néant,  proposé  par  le  savant 
académicien,  ni  ignaims,  que  j'ai  proposé  ensuite,  ni 
fainéant,  que  propose  l'auteur  de  la  communication 
qu'on  vient  de  lire,  ne  peut  être  l'origine  demandée, 
aucun  de  ces  termes  ne  i^eignant  un  son  vocal. 

Lt  moi  gnangnan  est  une  imitation  de  la  manière 
dont  prononce  une  personne  qui,  par  cause,  soit  de 
souffrance  hahiluelle,  soit  d'indolence  ou  de  non- 
(îhalance,  traîne  sur  la  finale  de  ses  mots,  surtout 
quand  cette  finale  est  ant  ou  ent. 

C'est  une  e.\|)ression  de  même  espèce  que  roincoin, 
qui  peint  le  son  de  voix  de  quelqu'un  qui  nasille;  que 
didon,  nom  par  lequel  les  Arabes  de  l'Orient  nous 
désignent,  parce  que,  pour  inlcrijcller,  nous  eniplojons 


souvent  dis  donc  ;  et  que  zeze,  dans  l'expression  popu- 
laire parler  zeze,  c'est-à-dire  en  mettant  des  s  à  la 
place  des  7'  et  des  g  doux,  comme  font  généralement  les 
tout  petits  enfants. 

Je  remercie  beaucoup  M.  Marius  Bonhomme  d'une 
communication  qui  m'a  permis  de  revenir,  non  sans 
avantage  pour  mes  lecteurs,  je  pense,  sur  ce  que  j'avais 
dit  d'abord  concernant  l'étymologie  de  gnangnan. 

X 
Première  Queslion. 
Comment  expliquez-vous  que  l'expression  faire  dan- 
ser l'aivse  du  panier  jiuisse  signifier,  en  parlant  d'une 
cuisinière,  quelle  fait  des  profits  illicites  sur  ce  qu'elle 
ac/tètepour  ses  maîtres  ? 

Dans  l'origine,  les  cuisinières  regardaient  commeun 
droit  de  se  faire  remettre  une  petite  gratification  p&r 
les  fournisseurs  de  leurs  maîtres,  ce  qu'on  apprend  par 
ces  vers  trouvés  dans  un  opuscule  sans  lieu  ni  date,  et 
intitulé  la  Maltôte  des  Cuisinières,   ou  la  Manière  de 
bien  ferrer  la  mule  : 
Sur  chaque  fourniture  il  vous  revient  un  droit. 
Rôtisseur,  épicier,  chandelier,  tout  vous  doit. 
De  porter  le  panier,  ne  soyez  point  honteuse, 
Et  faites- vous  payer  te  droit  de  la  porteuse. 

Les  choses  ont  changé  depuis,  et  ce  furent  les 
maîtres  qui  durent  payer  à  la  place  des  fournisseurs, 
par  suite  dune  entente  qu'on  souhaiterait  moins  cordiale 
entre  ces  derniers  et  les  cuisinières. 

Exercé  au  préjudice  des  maîtres,  ce  droit  eut  un 
nom  qu'il  reçut  des  cuisinières  elles-mêmes. 

C'était  le  droit  de  celle  qui  portait  le  panier,  et  le 
panier  se  porte  par  l'anse  :  elles  l'appelèrent  naturelle- 
ment le  droit  de  l'anse  du  panier,  et,  par  abréviation, 
l'anse  du  panier,  expression  dont  voici  des  exemples  : 

Elle  s'amusera  à  se  faire  brave  aux  despens  de  l'ance  du 
panier  [aux  dépens  de  ses  économies]. 

(La  Response  des  Sercanlfs,  p.    10.  Paris,   i6Z&-) 

Puis  on  règle  à  la  majorité  des  voix  le  maximum  de  l'anse 
du  panier. 

{L'Ordre  du  24  o:tobre  iS^S.) 

La  même  expression  signifia  encore,  en  quelque 
sorte,  le  tremplin  sur  lequel  la  cuisinière  exerçait 
son  habileté,  et  aussi  le  soin  des  achats  pour  la  cuisine, 
preuve  ces  citations  : 

Je  m'accostois  souvent  de  certaines  servantes 
Que  je  voyois  toiijours  propres,  lestes,  pinpantes; 
Et  qui  pour  soutenir  l'éclat  de  leurs  atours, 
Sur  l'anse  (lu  panier  faisoient  d'habiles  tours. 

{La  MaJtôte  des  ctiUinii res.) 

Depuis  le  commencement  de  Garesrae,  je  perds  plus  de 
dix  escus,  car  ma  maistresse  va  tous  lesjours  à  la  Halle,  et 
moy  après  elle,  avec  un  grand  panier,  je  ne  gaigne  pas 
pour  faire  mettre  des  bouts  à  mes  souliers,  depuis  que  je 
ne  gouverne  plus  lance  du  panier. 

[La  Response  des  ServaiUes,  p.  G.) 

Cela  dit,  l'explication  de  faire  danser  l'ansedu  panier 
se  donne  facilement. 

En  eU'et,  au  w  siècle,  comme  on  le  voit  par  les  vers 
suivants,  empruntés  à  Eustaclie  Deschamps  [Miroir 
de  Mariage,  p.  tl7  et  08),  on  exprimait  la  même  idée 
par  batre  le  cabas: 


.E  COURRIER  DE  YAUGELAS. 


99 


Ainsi  comme  on  bat  le  cabas 

A  ceuls  qui  np  scevent  le  prix 

Du  marcllip,  tant  qu'ils  ont  apris 

S'une  pouiaille,  ou  un  chapon, 

Ou  une  espaule  de  mouton 

Coustent  iiii  s.  et  demy, 

Les  VI  d.  seront  pour  my 

Qui  suis  servens,  pour  moy  esbatre. 

Ainsis  seult  on  le  cabas  balre, 

But  on,  et  l'en  a  souvent  fait 

A  ceuls  qui  ne  scevent  ce  fait. 

Or.  battre,  dans  la  langue  familière,  se  rend  fré- 
quemment \)3.Y  faire  danser;  le  caba,':  c'est  un  panier, 
dont  la  partie,  Vanse,  peut  se  dire  pour  le  tout,  comme 
on  dit  une  roile  pour  un  vaisseau  :  6n  a  rajeuni  hatre 
le  cabas  en  l'exprimant  par  faire  danser  l'anse  du 
panier,  locution  qui,  depuis  longtemps  déjà,  l'a  emporté 
à  l'exclusion  de  la.  précédente. 

Il  parait  qu'on  dit  aussi  faire  danser  les  anses  du 
panier,  car  on  trouve  dans  une  lettre  reproduite  par 
M.  Ch.  Nisard  [Curios.  de  l'ctymol.  p.  214)  : 

Quelle  est  l'origine  de  cette  locution  Faire  danser  les 
ansesdu  panier,  si  redoutée  des  ménagères? 

Mais  ceci  n'a  rien  qui  doive  étonner  :  comme  le  cate 
a  deux  anses,  et  que  battre  le  cabas  a  précédé  faire 
danser  l'anse  du  panier,  cette,  dernière  locution  a  pu 
avoir  une  forme  intermédiaire  où  anse  était  au  pluriel. 

X 
Seconde  Question. 
Je  désirerais  bien  saroir  l'étymologie  du  mot  E?iTRE- 
FAiTES,  et,  de  plus,  s'il  vaut  mieux  l'emplotjer  au  sin- 
gulier qu'au  pluriel;  car,  d'après  le  dictionnaire  de 
Noël  et  Chapsal,  il  se  dit  bien  «  quelquefois  »  au  singu- 
lier, mais  quand?  Là-dessus  le  plus  complet  silence. 

Selon  .M.  Littré,  le  mot  entrefaites  vient  de  entrefait, 
participe  passé  du  verbe  entrefaire,  au  sens  de  faire 
dans  l'intervalle.  .Mais,  comme  le  célèbre  lexicographe 
ne  fournit  aucun  exemple  de  entrefaire  dans  ce  sens, 
et  que  je  n'ai  trouvé  nulle  part  ailleurs  ce  même 
verbe,  je  me  suis  permis  de  mettre  en  doute  la  bonté 
de  son  étymologie;  et,  après  en  avoir  cherché  une  autre, 
j'ai  trouvé  celle  que  je  viens  vous  offrir. 

Le  terme  en  question  n'est  point  un  participe,  c'est 
un  composé  de  la  préposition  entre  et  du  substantif 
fait,  ce  que  montrent  ces  exemples,  où  sur  ces  entre- 
faites est  exprimé  par  entre  ces  faits  et  par  en  ces  entre 

faits  : 

Entre  ces  feiz  Joseph  li  pruz 
A  N'ichodem  estoit  venuz. 

{Tk.  franc,  au  inoyi'.n-''ige,  p.  16.) 

En  ces  entre  faytz.  'Whyle  thèse  thynges  were  in  doyng 
[Pendant  que  ces  choses  se  passaient]. 

(Palsgrave,  Esclairc,  p.    8l4,  col.  2.) 

Dès  le  xiii'=  et  le  xiv°  siècle,  comme  le  prouvent  les 
deux  citations  ci-après,  cette  locution,  grâce  probable- 
ment à  son  assimilation  avec  circonstances,  a  reçu  la 
forme  féminine,  qu'elle  a  gardée  depuis  : 

Ensinc  sevra  li  pruzdon  son  fli,  et  avlnl  entre  ces  entre- 
fi'les  que... 

•    (Merlin,  l»  f.8.) 


En  ces  entre faictes  envoya  le  duc  de  Bourgongne... 

fCommines.  III.  3,1 

C'est  évidemment  cette  forme  altérée,  prise  pour  la 
forme  primitive  entre  fait,  qui  a  empêché  M.  Littré  de 
remonter  à  la  véritable  origine. 

Maintenant,  vaut-il  mieux  dire  une  entrefaite  que 
des  entrefaites?  ■ 

Généralement,  ce  mot  s'emploie  au  nombre  pluriel; 
ainsi,  indépendamment  desexemplesque  j'ai  déjà  cités, 
je  puis  ajouter  ceux  qui  suivent  : 

Sur  ces  entrefaicles,  les  Aquiliens,  qui  en  ouïrent  le  vent, 
s'en  recoururent  incontinent  à  la  maison. 

(Amyot,  Publ.,  7.) 

Dans  ces  entrefaites,  la  plus  ancienne  des  deux  femmes 
de  chambre  qu'elle  avait  tomba  malade  d'une  fièvre  aigùe 
qui  l'emporta. 

(Maritaux,  Marvmne,   lo«  part.) 

.Mais  on  le  trouve  aussi  au  singulier,  comme  dans  ce 
vers  de  La  Fontaine  : 

L'ennemi  vient  sur  l'enlrefaile. 

{Le  rUiUnvl  et  l'Ane.) 

Or,  attendu  que  entrefaites  signiOe  réellement  le 
temps  qui  s'écoule  entre  deux  faits,  je  crois  que,  rigou- 
reusement parlant,  c'est  au  singulier  'autorisé  du  reste 
par  l'Académie,  qui  dit  dans  l'entrefaite  et  sur  Ventre- 
faite)  qu'il  faudrait  donner  la  pjéférence  :  le  mot  dont 
il  s'agit,  estropié  en  genre  et  en  nombre,  ne  le  serait 
plus  au  moins  que  d'une  façon. 

X 
Troisième  Question.  1 

■     J'ai  trowé  cette  phrase  :  «  On  rous  offre  à  la  porte 

du  t/iédtre  Qti  une  .ttalle,  qci  un  fauteuil  ».  Pourquoi 

r introduction  de  cette  forme  ridicule  et  bizarre  adoptée 

par  des  écrivains  prétentieux? 

Le  pronom  latin  alins,  répété,  a  été  exprimé  de  deux 
manières  en  français  :  I  '  par  les  uns  pour  le  premier 
alii,  et  |)ar  les  autres  pour  le  second;  2»  par  qui  subs- 
titué aussi  bien  au  premier  alii  qu'au  second.  Ainsi  la 
phrase  latine  : 

Divitias  alii  praeponunt,  ali/  potenliam,  nia  honores. 

peut  se  traduire  des  deux  manières  suivantes  : 
Les  uns  préfèrent  les  richesses,    les  autres   le   pouvoir; 

d'autresWs  honneurs. 
Us  profèrent   qui   les  richesses,   qui  le   pouvoir,  qui  les 

honneurs. 

La  seconde  de  ces  deux  traductions  de  alii  a  été  en 
usage  dès  les  premiers  temps  de  la  langue  française, 
comme  le  montrent  ces  exemples  du  xiii"  siècle  : 

Et  cil  des  grans  nés  entrèrent  es  barques,  et  saillirent 
hors,  îin  ains  ains,  qui  miels  miels. 

(Villehardouln,  LX.XIX.) 

Qui  lors    veist  vilain  venir 
Et  fremier  par  le  boscage, 
Qui  portent  tinel,  et  gui  hache, 
Qui  flael,  gui  baston  d'espine. 

(Rermrd,  vers  lo33. 1 

Elle  était  encore  usitée  au  xvi»,  comme  le  prouvent 

ces  autres  citations  : 

Qui  lance  un  pain,  un  plat,  une  a.^siette,  un  couteau, 
■Qui  pour  une  rondacho  empoigne  un  escabeau. 
,  (Régnier,  le  festin.) 


400 


LE  COURRIER  DE  VAUGELÂS. 


Us  cherchèrenl  la  source  du  mal,  qui  d'un  cOté,  qui  d'un 
autre,  et  pas  un  ne  la  trouva. 

■^  (Balzac,  3'   discours.) 

Au  xvii«  siècle,  les  meilleurs  auteurs  l'emploj aient; 
jugez-en  par  ce  qui  suit  : 

Les  médecins  ont  raisonné  là-dessus,  et  ils  n'ont  pas 
manqué  de  dire  que  cela  procédait,  qui  du  cerveau,  qui  des 
entrailles,  qui  de  la  rate,  qui  du  foie. 

(Molière,  Mid.  malg.  lui,  II,  9.) 

Chacun  y  est  en  action,  qui  à  bâtir,  qui  à  l'agriculture, 

"  '  *"  (Bossuet.  .Çe;m.  gutnq-,  2.) 

Il  ne  serait  pas  difficile  d'en  trouver  des  exemples 
dans  le  xvm%  et  en  voici  appartenant  au  xix^  : 

Chacun  avait  pris  parti,  qui  pour  le  feu  de  joie,  5";  pour 
le  mai,  qui  pour  le  mystère. 

'  '        "^  (Victor  Hugo.) 

Nos  gens  faisant  main  basse  sur  tout,  s'envont  qui  de  çà, 
qui  de  là. 

(P.-L.  Courier.) 

Chacune  des  sept  gueules  du  monstre  imprimait  sur  la 
chair  d'horribles  morsures,  qui  au  front,  qui  au  cœur,  qui 
au  ventre,  qui  à  la  bouche,  qui  aux  flancs,  qui  aux  bras. 

(  Alex.  Dumas'.) 

Or,  après  ce  constant  usage  depuis  l'origine  de  notre 
idiome  jusqu'au  temps  actuel,  il  me  semble  que  l'expres- 
sion qui...  qui..,  dans  le  sens  de  les  uns...  les  autres, 
ne  constitue  point  une  forme  «  ridicule  et  bizarre  »,  et 
que  son  emploi,  dans  un  style  quelconque,  ne  peut  faire 
qualiner  de  «  prétentieux  «•l'écrivain  qui  juge  à  propos 
de  s'en  servir. 

X 
Quatrième  Question. 

N'y  a-l-ilpas  des  cas  oit,  dans  des  phrases  comme 
celle-ci  :  «  //  w'en  est  pas  moins  vrai...,  il  m'en  est  pas 
moins  certain...  »,  il  est  pré/érable  de  supprimer  la 
particule  relative  en? 

Nous  avons  dans  notre  langue  plus  d'un  cas  où  le 
pronom  en  se  met  sans  qu'il  y  ail  de  sous-entendu 
aucun  substantif  qui  lui  serve  d'antécédent. 

L'un  des  plus  fréquents  est  celui  où  l'on  emploie  en 
pour  tenir  lieu  des  expressions  pour  cela,  pour  cette 
raison,  malgré  cela,  à  ce  sujet,  comme  le  montrent  ces 

exemples  : 

Ils  ne  dévorent  pas  les  hommes  ;  mais  les  en  épargnent- 
ils  moins?  ,,,        _, 

(Marmontel.) 

Ils  jouaient  pour  s'amuser,  et  ils  n'en  jouaient  que 
mieux.  ,„        „        . 

[Fr.inc.  S.ircey. ) 

Il  n'en  persiste  pas  moins  à  penser  que  l'idée  de  l'ouvrage 
était  excellente.  ,^  .   . , 

(Guizot.) 

Chargée  de  tous  les  outrages,  elle  en  croyait  à  peine  ses 
yeux  et  ses  oreilles. 

^  (Jules  Janin,   VAne  mort.) 

Si  Dieu  nous  a  donné  quelque  puissance  spéciale,  notre 
devoir  n'en  est  que  plus  étroit. 

(Jules  Simon.) 

Il  faut  m  prendre  son  parti  et  traverser  bravement  cette 
voie  douloureuse  bordée  de  tombeaux. 

(Ara.  ïloussaye.  ) 

Or,  attendu  que,  dans  les  plirases  que  vous  me  pro- 
posez, le  pronom  en  joue  un  rôle  identique  à  celui  qu'il  a 
dans  les  cxenqjlcs  qui  précèdent,  il  est  évident  qu'il  faut 
bien  se  garder  de  l'en  retrancher. 


ETRANGER 

Première  Question. 

Comment  expliquez-vous  le  terme  de  danse  entrecqat, 
dans  lequel  H  n'est  probablement  fait  aucune  cdlusion 
au  félin  domestique  ?  Je  vous  serais  bien  reconnaissant 
de  me  le  dire  dans  un  de  vos  prochains  numéros. 

L'entrechat  est  un  saut  léger  dans  lequel  les  pieds 
battent  rapidement  l'un  contre  l'autre;  \e.  moi  entrechat 
n'est  point  un  composé  de  chat,  comme  il  en  a  l'appa- 
rence; c'est  un  substantif  où  l'idée  dechat  est  complè- 
tement absente,  et  qui  est  venu  de  l'italien  comme  je 
vais  vous  l'expliquer. 

Dans  celle  langue,  on  appelle  l'espèce  de  saut  en 
question  capriola  inlrecciata,  ce  qui  signifie  littérale- 
ment cabriole  entrelacée  (de  intrecciare,  composé  de  in 
et  de  treccia,  qui  veut  dire  tresse). 

Or,  c'est  de  inlrecciata,  participe  pris  substantive- 
ment, qu'est  venu  noire  entrechat  (ci  =  ch),  mais  non, 
toutefois,  sans  que  le  mot  italien  perdit  son  genre  dans 
cette  transformation. 

X 
Seconde  Question. 
Voudriez-vous  bien  me  faire  connaître  la  différence 
d'emploi  qii'il  y  a  entre  col  et  coc?  Je  vous  en  serais 
bien  obligée. 

On  emploie  col,  forme  archaïque  de  cou  : 

1"  Comme  terme  d'anatomie,  pour  désigner  l'embou- 
chure de  certains  vaisseaux  :  le  col  de  la  vessie,  le  col 
du  fémur; 

2"  Par  analogie,  en  parlant  de  vases;  ainsi  on  dit 
le  col  d'une  cornue; 

30  En  ternie  de  géographie,  pour  signifier  un  passage 
étroit  entre  deux  montagnes  :  le  col  de  Tende  ; 

40  Pour  désigner  la  partie  d'un  vêtement  qui  avoisine 
le  cou  :  le  col  d'une  chemise  ; 

5°  Dans  les  composés  hausse-col  et  faux-col. 

Mais,  dans  tous  les  autres  cas,  on  emploie  com;  ainsi 
on  désigne  par  ce  mol  la  partie  de  l'animal  qui  avoisine 
la  tète;  par  cou  de  cygne  la  partie  courbée  de  l'avant- 
train  d'une  voiture,  l'encolure  de  quelques  chevaux  ; 
^a.r  cou-blanc,  cou-jaune  certains  oiseaux,  et  enfin,  par 
cou  de  chameau,  cou  de  cigogne  le  narcisse  des  prés 
et  le  géranium  commun  des  bois. 
X 
Troisième  Question. 

Sauriez-vous  quelque  chose  sur  iétymologie  de  guéki- 
DOK,  que  Brachet,  Scheler  et  Littré  même  déclarent 
iiiconnue  ? 

Voici  ce  que  j'ai  eu  le  plaisir  de  trouver  dans  le  jour- 
nal le  Voleur  du  23  juin  de  la  présente  année  : 

Le  guéridon  est  un  personnage  de  ballet  qui  avait  le. 
triste  rùle  de  tenir  à  la  main  un  flambeau,  pendant  que 
les  autres  tournaient  autour  de  lui  on  s'embras.'îant.  11  va 
sans  dire  qu'on  s'arran^oait  toujours  de  manière  que  cet 
emploi  ne  lut  pas  Wèvolu  aux  jolies  femmes. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


loi 


Quand  l'usage  des  petits  meubles  destinés  à  porter  un 
llambeau  s'introduisit  dans  les  appartements,  on  les  appela 
gucridons  en  souvenir  du  pau\re  patient  dont  c'était  l'office 
à  la  danse.  Cela  est  si  vrai  qu'on  donne  le  même  nom  aux 
canilélabres  qui  ne  servent  que  dans  les  grands  apparte- 
ments, dans  les  palais,  et  qui,  soutenus  par  des  gaines  ou 
par  des  groupes  d'enfants,  sont  destinés  à  porter  des  giran- 
doles et  des  arbres  de  lumières. 

C'est  au  savant  M.  Edouard  Fournier  que  nous 
sommes  redevables  de  celte  origine,  qui  avait  défié 
jusqu'ici  les  plus  habiles  chercheurs. 


PASSE-TEMPS  GRA.MMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1»...  et  se  consume  comme  l'encens;  —  2°...  je  me  rappel- 
lerai toute  ma  vie /e  jour;  —  3"...  à  autre  chose  que  le  progrès 
(pas  de  à  après  que);  —  i° . . .  et  que  les  réservistes  . .  ne 
fussent  pas  privés;  —  5°...  des  démonstralions  capables  de 
troubles;  —  6»...  qui  en  troubleraient  peut-être  un  autre;  — 
7°...  que  j'aie  jamais  contemplés;  —  8°...  sur  autre  chose  de 
sa  part  que  de  semblables  actes  ;  —  9°.  . .  voire  fossoyeur  (On  ne 
met  pas  même  avec  voire);  —  10"...  qui  ne  laissait  pas  de 
surprendre  (pas  de  que.) 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  auti'es  publications 
contemporaines. 

1"  L'existence  est  du  reste  assez  remplie  pour  qu'il  soit 
impossible  de  s'occuper  d'autre  chose  que  du  métier. 

2»  Les  sciences  n'ont  pas  d'autre  origine  :  à  leur  point  de 
départ,  elles  sont  chimériques;  le  but,  elles  ne  Tattein- 
dront  jamais;  seulement,  chemin  faisant,  elles  découvrent 
quelques  vérités  de  détail,  qui,  dans  quelques  mille  ans, 
seront  traitées  d'erreurs. 

3°  Bien  que  cartésien  jusque  et  y  compris  les  tourbillons, 
Fontenelle  reste  avant  tout  sceptique  :  il  l'est  surtout  en 
métaphysique,  et  il  fera  école. 

4°  Ces  petits  chapitres  de  VEsprit  des  lois,  qui  n'ont 
parfois  que  deux  ou  trois  lignes,  sont  de  véritables  guet- 
apens. 

5*  En  Angleterre,  Prior,  Addisson,  Dryden,  Swift,  Newton, 
Pope,  Congrève  jouissaient  non-seulement  du  respect  de 
tous,  mais  ils  étaient  appelés  aux  postes  les  plus  impor- 
tants de  l'Etat. 

6°  L'étude  corrige  souvent  les  défauts  de  l'éducation. 
Combien  d'enfants  délaissés  à  eux-mêmes,  se  sont  sauvés 
en  donnant  à  leur  esprit  la  nourriture  que  l'on  refusait  à 
leur  âme  ! 

7"  11  n'y  avait  alors  que  mépris  pour  le  labeur  manuel  et 
ceux  qui  en  vivaient  ;  l'oisiveté  était  noble  et  sainte,  suivant 
qu'elle  s'incarnât  dans  un  grand  seigneur  ou  dans  un 
moine. 

8*  J'ai  l'honneur  de  solliciter  de  votre  zèle  un  renseigne- 
ment qu'il  vous  sera  d'autant  plus  facile  à  me  donner  que 
les  personnes  qu'il  vise  sont  le  plus  en  lumière,  et  par 
leur  grande  fortune,  et  par  leurs  opinions  avancées. 

9'  Il  y  a  bien  un  point  noir.  Le  mouvement  clérical  qui 
semble  en  ce  moment  emporter  la  France  ne  laisse  pas 
que  d'inquiéter  les  gouvernements  étrangers. 

10°  Quel  vieillard  n'a  éprouvé  cette  surprise,  et  quel, 
dans  cette  voie  descendante,  n'a  été  tenté  de  dire  comme 
Voltaire  octogénaire  :  c  Quand  j'étais  à  r;ige  heureux  de 
70  ans?» 


11'  Eh  quoi!  voilà  un  prétendu  préfet  conservateur  qui 
méconnaissait  assez  les  règles  les  plus  élémentaires  de  la 
hiérarchie,  au  point  de  se  faire  délivrer,  .par  d'anciens 
subordonnés,  des  certificats  approbatifs  de  sa  conduite 
administrative! 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NDE  .MOITIÉ  DU  XVll'  SIÈCLE. 


Claude    LANCELOT 

(Suite.) 

Des  prépositions.  —  Les  cas  et  les  prépositions, 
comme  on  l'a  déjà  dit,  ont  été  inventés  pour  le  même 
usage,  qui  est  de  marquer  les  rapports  que  les  choses 
ont  les  unes  aux  autres. 

Ce  sont  presque  les  mêmes  rapports  dans  toutes  les 
langues,  qui  sont  indiqués  par  les  prépositions:  c'est 
pourquoi  il  se  contentera  de  parler  des  principaux 
d'entre  ceux  qui  sont  marqués  par  les  prépositions  de 
la  langue  française. 

Lancelot  croit  qu'on  peut  réduire  les  principaux 
rapports  à  ceux  :  4"  de  lieu,  de  situation  et  d'ordre; 
2°  de  temps;  3'  de  terme  où  l'on  tend  ou  que  l'on 
quitte;  4°  de  cause,  qui  peut  être  efficiente,  naturelle, 
finale;  et  à  quelques  autres  espèces. 

En  aucune  langue,  un  même  rapport  n'est  marqué 
par  une  même  préposition,  et  réciproquement  :  un 
même  rapport  est,  au  contraire,  souvent  signifié  par 
plusieurs  prépositions,  comme  dans,  en,  à. 

Les  mots  à  et  de  ne  sont  pas  seulement  des  marques 
du  génitif  et  du  datif,  mais  encore  des  prépositions  qui 
servent  à  d'autres  rapports. 

Il  faut  bien  distinguer  ces  cinq  prépositions  dans, 
hors,  sur,  sons,  avant  de  ces  cinq  mots,  qui  ont  la  même 
signification,  mais  qui  ne  sont  point  prépositions,  du 
moins  pour  l'ordinaire  :  dedans,  dehors,  dessus,  des- 
sous, auparavant . 

Ces  quatre  particules  en,  y,  dont,  oit  signifient  :  en, 
de  lui  ;  y,  à  lui;  dont,  de  qui  ;  oii,  à  qui. 

Des  adverbes.  —  Le  désir  qu'ont  les  hommes  d'abré- 
ger, le  discours  est  ce  qui  a  donné  lieu  aux  adverbes  ; 
car  la  plupart  de  ces  particules  n'ont  pour  objet  que  de 
signifier,  en  un  seul  mot,  ce  qu'on  ne  pourrait  marquer 
que  par  une  préposition  et  un  nom,  comme  sapienter, 
sagement,  pour  cutn  sapientia,  avec  sagesse;  hodie, 
pour  in  hoc  die.  aujourd'hui. 

C'est  pourquoi,  dans  les  langues  vultraires,  lesadverbes 
s'expriment  ordinairement  d'une  manière  plus  élé- 
gante par  le  nom  avec  la  préposition;  ainsi  on  dit 
plutôt  avec  sagesse  que  sagetnent,  avec  prudence  que 
prudemment,  etc.,  tandis  qu'en  latin  il  est  plus  élégant 
de  se  servir  des  adverbes. 


<02 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


De  là  Tient  que  l'on  prend  souvent  pour  adverbe  ce 
qui  est  un  nom,  comme  instar  en  latin,  et  dessus, 
dessous,  dedans,  qui  sont  de  vrais  noms. 

Mais,  comme  ils  se  joignent  le  plus  souvent  au  verbe 
pour  en  modifier  l'action,  on  les  a  appelés  adverbes. 

Des  verbes.  —  Jusqu'ici  Lancelot  a  expliqué  les  mots 
qui  signifient  les  objets  des  pensées;  il  reste  à  parler 
de  ceux  qui  signifient  la  manière  des  pensées,  c'est-à- 
dire  des  verbes,  des  conjonctions  et  des  interjections. 

Le  verbe  est  un  mot  dont  le  principal  usage  est  de 
signifier  l'affirmation,  c'est-à-dire  de  marqirer  que  le 
discours  où  ce  mot  est  employé  est  le  discours  d'un 
homme  qui  ne  connaît  pas  seulement  les  choses,  mais 
qui  en  juge  et  qui  les  affirme. 

On  peut  dire  que  de  lui-même  le  verbe  ne  doit  point 
avoir  d'autre  usage  que  de  marquer  la  liaison  que  nous 
faisons  dans  notre  esprit  des  deux,  termes  d'une  propo- 
sition; mais  il  n'y  a  que  le  verbe  '7re,  qu'on  appelle 
substantif,  qui  soit  demeuré  dans  cette  simplicité;  car, 
attendu  que  les  hommes  sont  naturellement  portés  à 
abréger  leurs  discours,  ils  ont  presque  toujours  joint  à 
l'affirmation  d'autres  significations  dans  un  même  mot. 

\°  Ils  y  ont  joint  celle  de  quelque  attribut,  de  sorte 
qu'alors  doux  mots  font  une  proposition,  comme  quand 
on  dit  Petrus  ririt,  Pierre  vit,  parce  que  le  mot  vi'vit 
renferme  seul  l'affirmation,  et  de  plus  l'attribut  d'être. 
De  là  est  venue  la  grande  diversité  des  verbes  dans 
chaque  langue. 

2"  Ils  y  ont  encore  joint  dans  certaines  circonstances 
le  sujet  de  la  proposition,  de  sorte  qu'alors  deux  mots 
peuvent  encore,  et  même  un  seul  mot,  faire  une 
proposition  entière.  Deux  mots,  quand  je  dis  ;  suin 
])omo,  je  suis  homme;  un  seul  mot,  comme  quand  on 
dit  vh-o,  je  suis  vivant.  De  là  est  venue  la  ditTerence 
des  personnes,  qui  se  trouve  ordinairement  dans  tous 
les  verbes. 

3°  Ils  y  ont  encore  joint  un  rapport  au  temps  rela- 
tivement auquel  on  affirme;  de  sorte  qu'un  seul  mot 
comme  cœnnsti  signifie  l'affirmation  de  souper,  non 
pour  le  temps  où  je  parle,  mais  pour  le  temps  passé.  Et 
de  là  est  venue  la  diversité  des  temps. 

C'est  la  diversité  de  ces  significations  jointes  au 
même  mot  qui  a  empêché  beaucoup  de  personnes  de 
bien  connaître  la  nature  du  verbe. 

Arislote  s'étant  arrêté  à  la  3''  des  modifications  l'a 
défini  un  mot  qui  signifie  avec  le  temps. 

Ceux  qui  ont  préféré  la  seconde,  l'ont  défini,  un 
mol  qui  a  diverses  inflexions,  avec  temps  et  personnes. 

D'autres  s'étant  arrêtés  a  la  première  de  ces  signifi- 
cations, qui  est  celle  de  l'attribut,  et  ayant  considéré 
que  les  attributs  que  les  hommes  ont  joints  à  l'aflir- 
mation  dans  un  mémo  mot  sont  d'ordinaire  des  actions 
et  des  passions,  ont  cru  (pie  l'essence  du  verbe  consis- 
tait a  signifier  des  actions  et  des  passions. 

ICnliu,  .Iules  César  Scaliger  a  cru  révéler  un  grand 
mystère  en  disant  que  la  distinction  des  choses  en 
celles  qui  demciu'cnt  et  celles  qui  passent  était  la  vraie 
origine  de  la  distinclion  entre  les  noms  et  les  verbes. 


Toutes  ces  définitions  sont  fausses,  et  n'expliquent, 
point  la  nature  du  verbe. 

Il  doit  donc  demeurer  pour  constant  qu'à  ne  consi- 
dérer simplement  que  ce  qui  est  essentiel  au  verbe,  la 
seule  vraie  définition  est  :  un  mot  qui  signifie  l'affir- 
mation; car  on  ne  saurait  trouver  de  mot  marquant 
l'affirmation  qui  ne  soit  un  verbe,  ni  de  verbe  qui  ne 
serve  à  la  marquer,  au  moins  à  l'indicatif. 

Si  l'on  veut  joindre  dans  la  définition  du  verbe  ses 
principaux  accidents,  on  pourra  dire  :  le  verbe  est  un 
mot  qui  signifie  l'affirmation  avec  désignation  de  la 
personne,  du  nombre  et  du  temps,  ce  qui  convient 
proprement  au  verbe  substantif. 

Après  avoir  expliqué  l'essence  du  verbe,  et  en  avoir 
marqué  en  peu  de  mots  les  principaux  accidents, 
Lancelot  va  considérer  ces  accidents  un  peu  plus  en 
particulier,  et  commencer  par  ceux  qui  sont  communs 
à  tous  les  verbes. 

Dirersité  des  personnes  et  des  nombres.  —  Pour  se 
dispenser  de  mettre  toujours  les  pronoms  ego,  moi,  je, 
tu,  toi,  etc.  devant  le  verbe,  on  a  donné  à  ce  mot  une 
certaine  terminaison  qui  marquât  que  c'est  de  soi- 
même  qu'on  parle,  et  c'est  ce  qu'on  a  appelé  la  première 
personne  du  verbe,  video,  je  vois. 

On  a  fait  de  même  à  l'égard  de  celui  à  qui  l'on 
adresse  la  parole,  et  c'est  ce  qu'on  a  appelé  la  2-=  per- 
sonne, vides,  tu  vois. 

Et  comme  ces  pronoms  ont  leur  pluriel  quand  on 
parle  de  soi-même  en  se  joignant  à  d'autres,  nous,  vous, 
on  a  donné  aussi  deux  terminaisons  différentes  au 
pluriel  :  videmus,  nous  voyons,  videlis,  vous  voyez. 

Mais,  parce  que  ce  sujet  n'est  souvent  ni  soi-même, 
ni  celui  à  qui  l'on  parle,  il  a  fallu  nécessairement  faire 
une  3°  terminaison  qui  se  joignit  à  tous  les  autres 
sujets;  et  c'est  ce  qu'on  a  appelé  la  3° personne,  tant 
au  singulier  qu'au  pluriel. 

Outre  les  deux  nombres,  singulier  et  pluriel,  qui 
sont  dans  les  verbes  comme  dans  les  noms,  les  Grecs  y 
ont  ajouté  un  duel,  quand  on  parle  de  deux  choses. 

Les  langues  orientales  ont  même  cru  qu'il  était  bon 
de  distinguer  quand  l'affirmation  regardait  l'un  ou 
l'autre  sexe,  le  masculin  ou  le  féminin;  c'est  pourquoi, 
le  plus  souvent,  elles  ont  donné  à  une  même  personne 
du  verbe  deux  terminaisons  différentes  pour  servir  aux 
deux  genres,  ce  qui  sert  dans  plus  d'un  cas  pour  éviter 
les  équivoques. 

Des  temps.  —  Il  est  une  autre  chose  qui  a  été 
jointe  à  l'affirmation  du  verbe,  c'est  la  signification  des 
temps;  de  là  est  venu  qu'on  a  encore  donné  d'autres 
inflexions  au  verbe,  pour  signifier  ces  divers  temps. 

Il  n'y  a  que  trois  temps  simples  :  le  présent,  comme 
«w!o,  j'aime;  le  passé,  comme  amavi,  j'ai  aimé;  et  le 
futur  umubo,  j'aimerai. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  RiiuiCTECii-GÉttÀNT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


403 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Les  Français  en  Italie   au   XVI*  siècle;    par  Th. 

Eachelet.  Nouvelle   édition.   Iq-8°,    2i0    p.    Rouen,    lib. 
Mégard  et  Cie. 

Les  Serées  de  Guillaume  Bouchet,  sieur  de  Bro- 
court,  avec  notice  et  index  par  C.-E.  Roybet.  T.  4.  In-12, 
333  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  7  fr.  50. 

Histoire  des  ducs  de  Normandie,  avec  la  description 
des  mœurs,  coutumes,  villes  et  monuments  de  toute  la 
province;  p.  Céline  Fallet.  Gr.  in-8%  205  p.  Limoges, 
lib.  Barbou  frères. 

Les  Guêpes;  par  Alphonse  Karr.  Nouvelle  édition. 
T.  à-  In-18  Jésus,  328  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
1  fr.  25. 

Voyage  au  pays  des  milliards;  par  Victor Tissot.  Il" 
et  12=  éditions,  revues  et  corrigées,  ln-18  Jésus.  392  p. 
Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Les    Soupirs   de   ma  lyre,  essais   poétiques;    par 

-Marius  Coste.  fi"  édition,  revue  et  corrigée.  In-8%  223  p. 
Marsille,  lib.  Mabilly. 

Les  Étangs;  par  Gustave  Droz.  ll'édition.  In-18  Jésus, 
3i8  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie.  3  fr. 

Madame  Lebailly,  scènes  de  la  vie  de  province  ;  par 
Fervacques.  2'  édition.  In-18  Jésus,  36!i  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

La  Mer;  par  Michelet.  4«  édition.  In-18  jésus,  432  p. 
Paris,  lib.  Nouvelle.  3  fr.  50. 

Les  Drames  du  désert.  L'Homme  aux  yeux  d'acier. 
La  Savane  aux  serpents;  par  Louis  Noir.  Livraisons 
20  à  45.  In-Zi"  à  2  col.  153-360  pages.  Paris,  lib.  Claverie. 


De  la  connaissance  de  Dieu  et  de  soi-même  ;  par 

Bossuet.  Nouvelle  édition,  avec  introduction,  sommaires 
et  notes,  par  M.  Emile  Chasles,  recteur  de  l'Académie  de 
ClermontFerrand.  In-12,  xx\ix-295.  Paris,  lib.  Belin. 

Les  Mormons;  par  P->iul  Duplessis.  In-i'^  à  2  col., 
220  p.  Paris,  lib.  Degorce-Cadot.  10  cent,  la  livraison. 

Fausse  route.  Souvenirs  d'un  poltron.  La  première 
faute.  Aveux  d'un  égoïste  ;  par  J.  Girardin.  Ouvrage 
illustré  de  63  gr.  dessinées  sur  bois  par  H.  Castelli,  etc. 
Grand-in-8°.  yiu-29i.  Paris,  lib.  H  ichette  et  Cie.  5  fr. 

Le  Dernier  Fantôme.  Voisins  et  Voisines;  par 
Méry.  Nouvelle  édition.  Gr.  in-18,  280  p.  Paris,  lib. 
Michel  Lévy  frères.  I  fr.  25. 

La  Reine  Berthe  au  long  pied,  légende  du  vieux 
temps;  par  Camille  d'Arvor.  In-8".  137  p.  et  gr.  Paris, 
lib.  Lefort. 

Œuvres  complètes  de  Diderot,  revues  sur  les  édi- 
tions originales,  comprenant  ce  qui  a  été  publié  à 
diverses  époques  et  les  manuscrits  inédits  conservés  à  la 
bibliothèque  de  l'Ermitage.  Notices,  notes,  table  analy- 
tique. Etude  sur  Diderot  et  le  mouvement  philosophique 
au  sviii'  siècle,  par  J.  Assézat.  T.  5  et  6.  Belles-lettres. 
Il  et  III.  In-S",  989  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  Chaque 
vol.  6  fr. 

Mémoires  d'un  imbécile  écrits  par  lui-même, 
recueillis  et  complétés  par  Eugène  Nool.  Avec  une  pré- 
face de  E.  Littré.  In- 18  jésus,  .\xxi-285  p.  Paris,  lib. 
Germer-Baillière.  3  fr.  50. 

Aujourd'hui  et  Demain  ;  par  Auguste  Vacquerie.  In-18 
jésus,  339  p.  Paris,  lib,  .Michel  Lévy  frères. 


Publications  antérieures  : 


LES  ÉLÉMENTS  MATÉRIELS  DL  FRANÇAIS,  c'est-à- 
dire  les  sons  de  la  langue  française  entendus  ou  repré- 
sentés. —  Ouvrage  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'étude  de  notre  langue.  —  Par  B.  Jcllien,  docteur  ès- 
lettres,  licencié  ès-sciences.  —  Paris,  lib.  Hachelle  et  Cie, 
76,  boulevard  Saint-Germain. 

COURS  COMPLET  DE  LANGUE  FRANÇAISE  (théorie  et 
exercices).  —  Par  M.  Guérvud,  agrégé  de  l'Université, 
Directeur  des  Etudes  à  Sainte-Barbe,  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur.  —  Deuxième  partie.  —  Exercices  sur 
chacune  des  parties  de  la  grammaire. —  Nouvelle  édition. 
Paris,  Ch.  Delagrave  et  Cie,  libraires-éditeurs,  58,  rue 
des  Ecoles.  

LE  MARI  DE  LA  VIEILLE.  —  Par  G.\briel  Prévost.  — 
Etude  de  Mœurs.  —  Chez  Maillet,  libraire-éditeur,  72, 
boulevard  Haussmann. 


LA  VIE  PARISIENNE.  —  Par  Armand  L\pointe.   — 
vol.  in-18.  —  Paris,  librairie  de  Casimir  Pont,  97, 
Richelieu.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


Un 
rue 


DIEU  ET  LA  NATURE.  Poésies  pour  l'enfance.  —  Par 
Mlle  M.  Trècocrt.  —  Ouvrage  publié  en  1865  sous  le 
patronage  de  Lamartine.  —  Deuxième  édition.  —  Paris, 
librairie  française  et  anglaise  de  J.-H.  Truchy,  26,  boule- 
vard des  Italiens. 

BOIELDIEU,  SA  VIE,  ses  œuvRES,  sa  correspondance.  — 
Par  Arthur  PocgIn.  —  Edition  ornée  d'un  portrait  de 
Boieldieu,  gravé  sur  acier,  par  M.  Desjardins,,  et  du  fac- 
similé  d'une  lettre  autographe  de  Boieldieu.  —  Paris. 
Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre. 


LA  TENT.\TI0N  de  SAINT  A.NTOINE.  —  Par  Gistave 
Flaubert.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  Charpentier  et 
Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  : 
7  fr.  50. 


VERCINGÉTORIX   ET    L'INDÉPENDANCE    GAULOISE. 

Religion  et  institutions  celtiques.  —  Par  Francis 
MoNMER.  —  Deuxième  édition  augmentée.  —  Paris: 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35, 
quai  des  Augustins.  —  Pris  :  2  francs. 


iOi 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


HISTOIRE  D'ANGLETERRE  DEPUIS  LES  TEMPS  LES 
PLUS  RECULÉS.  —  Par  Antonix  Roche,  directeur  de 
VEducalional  Inslilule  de  Londres,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur  —  '2  vol.  avec  cartes  historiques.  —  Ouvrage 
approuvé  par  le  Conseil  supérieur  de  l'Instruction  pu- 
blique. —  /i'  édition,  entièrement  refondue.  —  Paris, 
librairie  Ch.  Detagrave,  58,  rue  des  Ecoles. 


MON  VOYAGE  AU  PAYS  DES  CHLMÈRES.  —  Par  Anto- 
nix Rondelet,  professeur  honoraire  de  faculté.  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs, 
33,  Quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TE.MPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Sylle.me,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaitgelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


FROMONT  JEUNE  ET  RISLER  AINE.  —  Mœurs  pari- 
siennes. —  Par  Alphonse  Daudet.  —  Septième  édition.  — 
Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du 
Louvre. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  h^  et  la  5=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1",  la  2'  et  la  3»  année  doivent  être  pro- 
chainement  réimprimées. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Un  concours  de  poésie  sur  ce  sujet  la  nevanche  est  ouvert  à  l'Académie  des  Poètes.  —  Pour  concourir,  il  faut 
appartenir  à  cette  Académie,  comme  membre  titulaire,  honoraire,  ou  membre  correspondant,  et  être  Français.  —  Le 
prix  du  concours  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  150  fr.  donnée  par  un  des  membres  de  l'Académie, 
M.  Marc  Bonnefoy.  —  Les  poésies  envoyées  au  concours  devront  se  renfermer  autant  que  possible  dans  la  limite  de 
100  et  200  vers  (ces  chiffres  n'ont  rien  d'absolu),  et  être  inédites;  elles  pourront  être  signées  ou  non  signées,  au  gré 
des  concurrents,  et  dansée  dernier  cas,  être  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant  le  nom  de  l'auteur.  —  Les 
envois  relatifs  au  concours  doivent  être  adressés  franco  à  M.  Elle  de  Biran,  archiviste  de  l'Académie,  rue  des 
Missions,  22,  à  Paris,  avant  le  1"  mars  1876. 


L'Académie  de  la  Rochelle  (section  littéraire)  vient  d'ouvrir  aux  sonnettistes  un  concours,  dont  le  prix,  une 
médaille  d'argent,  sera  décerné  en  séance  publique,  dans  le  courant  de  décembre  prochain.  —  Deux  médailles  de 
bronze  pourront  en  outre  être  accordées,  s'il  y  a  lieu.  —  Le  choix  des  sujets  est  laissé  à  la  volonté  des  candidats. 
La  forme  seule  est  obligatoire  :  celle  du  sonnet  dans  toute  la  rigueur  de  ses  rimes,  tnais  avec  toute  liberté  pour 
l'ordre  des  stances.  —  Les  pièces  signées  ou  non  inédites  seront  exclues  du  Concours.  —  Chaque  envoi  portera  une 
devise  qui  devra  être  reproduite  à  l'intérieur  d'un  billet  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur.  —  Le 
Concours  sera  clos  le  15  octobre  1S75,  dernier  terme  auquel  les  sonnets  devront  être  remisa  M.  Paul  Gandin,  Secré- 
taire de  l'Académie,  29,  rue  Dupaty,  à  la  Rochelle. 


L'Académie  française  propose  pour  le  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1876  un  Discours  sur  le  génie  de  Rabelais, 
sur  le  caractère  et  la  portée  de  son  œuvre.  —  Les  ouvrages  adressés  au  Concours  seront  reçus  au  secrétari.it  de 
rinslitut  jusqu'au  15  février  1876,  terme  de  rigueur,  et  ils  doivent  parvenir  francs  de  port.  —  Les  manuscrits 
perleront  chacun  une  épigraphe  eu  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage  ;  ce  billet  contiendra 
le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  On  ne  rendra  aucun  des  ouvrages  envoyés  au  con- 
cours,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire   prendre  copie   s'ils  en  ont  besoin. 


Le  quinzième  concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  1875  ;  douze  médailles,  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  frando,  à  M.  Evariste ,  Carrance, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux,  Gironde  —  {Affranchir). 


Le.  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876, dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris:  L'histoire  du  huitième  arrondissement.—  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  le  2»  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3"  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  1"  juin  1876. 


La  Société  d'encouragement  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  et  développer 
les  moyens  les  plus  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  le  bien-être  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  Secrétaire-général,  2,  rue  Brocliant,  aux  Batignolles 
(Paris),  avant  le  31  décembre  1875. 

Le  réilactcur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  UAUl'lîLEV  i  Noeenlle-Rotrou. 


6"  Année 


N»  14. 


15  Novembre  1875. 


QUESTIONS 

GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^« 


v\  \  yv-^  Journal  Semi-Mensuel  ^J/ /      4 

S^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^^     f 


FRANÇAISE 
ParaUcant    la    1«  «t   le    IS    de   ehaqne   mola 

(Dans  sa  séance  du  \'i  janvier  1ST5,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

Abonnement  pour  la  France.     6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 

PROFESSEUR    SPÉCIAL  POUR   LES    ÉTRANGERS 

Officier  d'AcdJémie 

On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces, la  ligne.          50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quelconque. 

AVIS. 

Comptant  aujourd'hui  plus  de  cinq  mille  lecteurs, 
le  Courrier  de  i'm/gelas  offre,  pour  les  ouvrages 
français  (graramaire  et  littérature)  une  publicité  dont 
les  bons  résultats  ne  peuvent  être  mis  en  doute. 


SO.M.MAIRE. 
Communications  relatives  à  Choli-ra,  à  Bock  el  à  Russe  ;  — 
Explication  de  Faire  ripaille:  —  Eijmologie  de  Bronvlier;  — 
S'il  (tul  dire  Sainl-Nicolasdu-Chardonneret  ou  du  Chardonnet; 
—  Si  l'on  peut  dire  :  Faire  danser  l'anse  du  panier  à  quel- 
qu'un. Il  Origine  de  l'expression  C'est  un  compte  d'apothi- 
caire; —  Comment  Gorge  cliaude  peut  signilier  plaisanterie, 
moquerie.  ||  Passe-temps  gramniatical  |  Suite  de  la  biogra- 
phie de  Claude  Lancelot  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de 
littérature  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


C0M.MUiMCATIi3NS. 

I. 

Au  sujet  de  choli-ra,  que  M.  le  pasteur  Edmond 
Stapfer  n'a  pas  trouvé  dans  le  texte  original  de  la 
Bible  (numéro  du  1"  octobre},  j'ai  reçu  d'un  autre 
hébraisant,  que  j'ai  l'honneur  de, compter  parmi  mes 
abonnés,  la  lettre  qu'on  va  lire  : 

Paris,  le  5  octobre  1875. 
Monsieur, 
Le  mot  clioli  en  hébreu  veut  dire  malade,  et  ra  veut  dire 
mauvais;  choli-ra  en  bébreu  veut  donc  dire   littéralement 
mauvaise  maladie.  Voyez  Deutéronome,  cb.  28,  \.  59  et  61. 
Dans  le  dernier  verset   se  trouve  choU  au  singulier;    mais 
verset  59,  on  trouve    les  deux  mots  réunis  au  pluriel  cho- 
lim  raim.  Ce  sont  les  deux  mots  pénultièmes  du  verset. 
Je  vous  salue  cordialement, 

Alexandre  Weill. 
Des  communications    verbales    m'ajant  également 
attesté    l'existence  des    mots    hébreux    choli-ra    aux 
endroits  sus-indiqués,  j'en  conclus  que  je  puis  mainte- 


nir mon  adhésion    à  l'étymologie  reproduite  d'après 
-M.  Jobard  (de  Bruxelles). 

II. 

A  l'occasion  de  ma  nouvelle  explicalion  de  bock,  j'ai 
reçu,  en  date  du  5  octobre  .dernier,  les  quelques  mots 
que  voici  : 

Monsieur, 
Vous  avpz  donné,  dans  votre  dernier  numéro,  une  nou- 
velle êtymologie  du  mot  Bock.  Libre  à  vous  de  la  préférer 
à  la  mienne.  Seulement  je  vous  demande  la  permission 
de  vous  faire  remarquer  que  je  n'rii  pas,  comme  il  vous 
plaît  de  le  dire,  «  recueilli  mes  renseignements  »  dans 
le  Figaro.  Si  vous  avez  voulu  m'èire  desagréable,  vous 
avez  réussi. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer, 

Ch.  RozAN. 

Quand,  pour  la  première  fois,  j'ai  eu  à  traiter  de 
l'origine  du  mot  bock,  je  me  suis  appuyé  (et  je  l'ai  dit) 
sur  une  note  trouvée  dans  le  Figaro  du  19  octobre 
J87i,  note  expliquant  comment.M.  Charles  Rozan,  dans 
un  article  intitulé  Voyagea  travers  les  mots,  avait 
«  vidé  »  la  question  du  bock. 

.Mais,  dans  mon  numéro  W,  on  j'ai  inséré  une 
origine  du  même  mot  qui  m'a  paru  plus  probable,  j'ai 
écrit  par  erreur  que  .M.  Charles  Rozan  «  avait  recueilli 
ses  renseignements  dans  le  Figaro  »  ;  et,  conmie  s'il 
ne  m'était  pas  permis  de  me.tromper,  et  qu'il  fîit  désho- 
norant de  glaner  dans  le  spirituel  journal  de  la  rue 
Drouot,  .M.  Charles  Rozan  m'a  demandé,  dans  les  termes 
qu'on  vient  de  lire,  une  rectification. 

Celle  rectification  est  déjà  faite,  et  j'ose  espérer  que 
M.  Charles  Rozan,  pour  qui  je  n'ai  jamais  montré  que 
de  la  sjmpalhie  (le  nombi'ede  fois  que  j'ai  ù{é&(i&  Petites 
Ignorances  de  la  conrersation  le  prouve  assez),  voudra 
bien  reconnaître  que  l'hypothèse  de  la  fin  de  sa  lettre 
implique  à  mon  égard  un  soupçon  que  je  n'ai  pu 
mériter. 

III. 

La  communication  suivante  est  relative  à  la  question 


406 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


de  Russe  et  de  Russien,  reprise  au   mois  de  juillet 
dernier. 

_    Sedan,  le  12  octobre  1875. 
Monsieur, 

Je  tombe  pir  hasard  sur  le  numéro  du  15  juillet  1875  de 
votre  très-intéressant  Courrier  de  Vaugelas. 

J'y  vois  qu'antérieurement  vous  attribuiez  à  Voltaire 
la  substitution  du  mot  Russe  au  mot  Russien,  mais  que, 
d'après  M.  Cli.  Courrière,  les  mots  Russe  et  Russie  étaient 
employés  bien  avant  que  Voltaire  écrivît  Ihisloire  de  l'em- 
pire des  tzars. 

La  bibliothèque  municipale  de  Sedan  possède  les  deux 
ouvrages  suivants  : 

Histoire  des  révolutions  de  l'Empire  de  Russie  par  La- 
combe,  Paris,  chPZ  Hérissant,  1760,  1  vol.  in-S°. 

Description  de  1  Empire  Rmsien,  traduite  de  l'allemand 
de  M.  le  Baron  de  Strablenberg.  Paris,  chez  Desaint,  1757, 
2  vol.  in- ri. 

Les  dénominations  différentes  employées  dans  ces  deux 
ouvrages,  antérieurs  si  je  ne  me  trompe  à  celui  de  Vol- 
taire, prouveraient  donc  qu'on  a  employé  synoptiquemeiit 
les  mots  Russe  et  Russien. 

Pardonnez,  Monsieur,  à  un  ancien  journaliste  atteint  de 
la  manie  du  néologisme,  et  veuillez  agréer  mes  respec- 
tueuses salutations. 

Ch.  Pi  Lard, 

Rue  des  Laboureurs,  1. 

Certainement,  Russe  s'est  emplojé  concurremment 
avec  Russien  :  M.  Ch.  Courrière  a  fourni  la  preuve  que 
cela  avait  lieu  dès  la  fin  du  .xvf  siècle,  et  les  ouvrages 
cités  dans  la  communication  précédente,  ainsi  que  la 
controverse  élevée  entre  Voltaire  et  le  prince  Schouva- 
lof,  sont  une  preuve  qu'il  en  était  encore  de  même  au 
commencement  de  la  seconde  moitié  du  xviii''.  C'est 
seulement  lorsque  l'auteur  de  l'Histoire  de  la  Russie 
sous  Pierre-le-Graml  eut  fait  choix  de  Russe,  à  l'exclu- 
sion de  Russien,  que  ce  dernier  cessa  peu  à  peu  d'être 
en  usage. 

X 
Première  Question. 

Vous  serait-il  possible  de  me  dire,  dans  un  de  vos 
prochains  numéros ,  l'origine  de  l'expression  faire 
ripaille'?  Je  ruus  en  serais  bien  reconnaissant. 

Plusieurs  explications  ont  déjà  été  données  de  cette 
expression  ;  les  voici  : 

Eloi  .lohanneau  fait  venir  ripaille  de  ripuaille,  aug- 
mentatif de  mépris,  dérivé  de  repue. 

Selon  Le  Duchat,  le  mot  ripaille  est  la  contraction  de 
repaissaille. 

Comme  dans  le  voisinage  de  Lausanne,  dit  \& Diction- 
naire de  Fureticre,  on  recueille  du  vin  qui  s'appelle 
ripaille,  on  aura  dit  faire  ripaille  pour  signifier  boire 
d'excellent  vin. 

D'après  d'autres,  cette  locution  vient  de  cequ'Amédée 
VIII,  duc  de  Savoie,  qui  fut  depuis  antipape  sous  le 
nom  de  Félix  V,  se  relira  dans  le  château  de  Ripaille, 
sur  les  bords  du  lac  Léman,  pour  j  passer  sa  vie  au 
milieu  des  délices. 

Voyons  comment  chacune  de  ces  explications  suppor- 
tera la  discussion. 

Il  se  peut  certainement  que  ripaille  vienne  de  ri- 
puaille; mais  comment  ce  dernier  peut-il  venir  de 
repue?  Celui-ci  a  conservé  Ve  initial  de  repascere,  et  je 


ne  vois  pas  de  raison  pour  que  ripuaille  ait  changé  cet 
e  en  i. 

Pour  que  ripaille  vint  de  repaissaille ,  il  faudrait 
qu'il  fût  démontré  qu'une  double  s  peut  s'élider  dans 
le  corps  des  mots.  Or,  jusqu'ici,  je  n'ai  rencontré  aucun 
exemple  de  cette  élision. 

Dans  rh\pothése  où  ripaille  viendrait  du  vin  des 
environs  de  Lausanne,  il  devrait  y  avoir  quelque  expres- 
sion analogue  à  faire  ripaille,  pour  signifier  boire  de 
bon  vin.  Dit-on  faire  bordeaux,  faire  Champagne, 
etc.?  Non;  par  conséquent,  faire  ripaille  n'est -point 
venu  du  vin  suisse  en  question 

Pas  plus  que  les  trois  premières,  la  quatrième  étymo- 
logie,  qui  est  cependant  celle  que  préfère  M.  Lillré,  n'est 
à  l'abri  des  objections.  Ainsi  : 

\°  Avec  le  verbe /"'(('/-e  et  un  nom  de  lieu,  notre  langue 
n'a  jamais  composé  d'expressions  signifiant  goiîter  des 
plaisirs  semblables  à  ceux  qu'offre  ce  lieu  ;  elle  n'a  jamais 
dit,  par  exemple,  faii-e  Capoue,  faire  C.orinthe ,  faire 
Paris,  etc. 

2°  Si  cette  expression  venait  de  Ripaille,  nom  d'un 
château,  on  aurait  di'i  la  rencontrer  quelque  part  avec 
une  majuscule;  mais  on  ne  l'a  jamais  vue,  que  je 
sache,  écrite  avec  une  telle  lettre. 

3"  Le  journal  \' Intermédiaire  a  démontré  (o"  année, 
col.  6l9i  que,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  le  séjour 
d'Amédée  VIII,  à  Ripaille,  n'a  pu  donner  prétexte  à  la 
locution  dont  je  m'occupe. 

.'i"  Au  dire  de  Furetière  (1727),  l'expression  faire 
ripaille  ■<  est  inconnue  en  Savoie  et  en  Piémont  »  ; 
Comment  serait-elle  originaire  du  premier  de  ces  pays? 

Ne  pouvant  adopter  aucune  des  explications  précé- 
dentes, j'en  ai  cherché  une  à  mon  tour,  et  j'ai  trouvé 
celle  que  vous  allez  lire  : 

Quand  une  paysanne  de  la  Beauce  ou  du  Perche 
ramène  des  champs  sa  vache  bien  repue,  et  que  celle-ci 
se  permet  de  broutera  droite  ou  àjgauche  la  verdure 
■feuillage,  blé,  luzerne,  etc.)  dont  le  chemin  peut  être 
bordé,  on  entend  cette  paysanne  apostropher  sa  vache 
et  la  qualifier  de  ripe  (évidemment  de  rapere,  enlever, 
voler,  dérober),  pour  lui  reprocher  sa  gourmandise: 
.4/;,  la  ripe.'  dit-elle  à  l'animal,  en  lui  administrant 
quelques  coups  de  bâton. 

Si  ripe  existe  dans  ce  sens,  comme  terme  local,  il 
est  probable  qu'il  a  été  autrefois  d'un  usage  général,  et 
qu'il  a  donné  lieu  à  un  verbe  riper,  lequel  a  fourni,  lui, 
un  verbe  ripailler,  dont  on  a  fait  ripaille  (nous  avons 
encore  de  la  même  famille  ripailleur  qui  n'a  pu  être 
formé  que  d'un  tel  verbe,  comme  batailleur  la  été  non 
de  battre,  mais  de  batailler]. 

Or,  avec  ripaille  tiré  de  cette  source,  on  à  pu  dire 
faiie  une  ripaille,  puis  faire  ;-//?ai//e  pour  signifier  com- 
mettre un  acle  de  gourmandise,  se  livrer  â  une  débauche 
de  table,  faire  un  bon  repas. 

X 

Seconde  Question. 
Presque  tous  les  étijmologistes,  même  Littré ,  font 
renir  le  rerbe  iiiiONcuiiii  de  l'ancien  français  biionche, 
(jui  signifiait  isiiANciiE,  /;//  attribuant  ainsi  le  sens  pri- 


LE  GOUlUllER  DE  VAUGELAS. 


107 


midf  de  heurter  le  pied  contre  %tne  branche.  Youdriez- 
vous  tjien  me  dine  si  rozts  êtes  de  la  même  opinion,  qui 
n'est  pas  du  tout  la  mienne? 

Si  le  verbe  broncher  avait  toujours  eu  la  même 
orthograplie  à  sa  première  syllabe,  j'adopterais  assez 
volontiers  l'élymologie  dont  vous  parlez  ;  mais  il  en  a  été 
autrement. 

Jusqu'au  xvi"  siècle,  broncher  s'est  généralement  écrit 
bruncher  (brunchier,  bninquier],  comme  le  montrent 
les  exemples  suivants  : 

Tliibaul  fery  de  la  hache,  qu'il  tenoit,  sur  les  espaules 
de  Colart  si  grant  cop,  qu'il  le  flst  brunquier  sur  le  col  de 
son  cheval. 

(Du  Cange,  Broquerius.) 

Le  grand  colosse,  à  ce  coup  estonné, 

D'un  sault  horrible  aller  bruncher  par  terre. 

(Du  Bellay,  V,  9,  yerso.) 

C'est  un  coup  de  la  fortune,  de  faire  bruncher  nostre 
ennemy  et  de  luy  esblouyr  les  yeulx  par  la  lumière  du 
soleil. 

(Montaigne,  lassais,  I,  242.) 

A  mon  avis,  ce  simple  fait  est  une  preuve  évidente 
que  bronche,  ancien  terme  mis  pour  branche,  n'est 
point  l'élymologie  demandée,  et  que,  par  conséquent, 
cette  étymologie  est  encore  à  découvrir. 

Un  jalon  se  trouve  sur  la  route  qui  doit  conduire 
sûrement  à  l'endroit  cherché  ;  c'est  bruncher,  intermé- 
diaire dont  l'authenticité  vient  d'être  constatée  par 
les  citations  précédentes  : 

Mais  d'où  vient  bruncher  ? 

11  n'est  pas  rare,  en  français,  de  rencontrer  des  mots 
ayant  une  n  qui  n'existait  pas  dans  leur  forme  primi- 
tive; ainsi  convoité  est  venu  de  l'adjectif  latin  cupitus; 
lanterne  est  venu  de  lalerna;  amande,  de  amygdala  ; 
langouste  s'est  formé  de  locusla;  jomjleur,  de  jocula- 
tor,  etc. 

Or,  attendu  qu'on  trouve  dans  le  même  sens  que 
broncher  les  mots  qui  suivent  : 

Bruquer,  en  berrichon,  où  l'on  dit,  d'après  le  comte 
Jaubert  [Glossaire  du  centre  de  la  France    : 

Mon  pied  a  bru<iue  contre  ou  dans  une  pierre;  j'ai  briiquc 
et  je  suis  tombé; 

Burcfir  (qui  a  pu  devenir  brvcar]  en  roman  provençal, 
verbe  dont  le  Lexique  de  Raynouard  offre  cet  exemple, 
à  la  page  272  : 

Om  non  pot  tan  plan  anar 
Que  non  l'avengua  burcar. 

(Un  homme  ne  peut  aller  si  sagement  qu'il  ne  lui 
arrive  de  broncher)  ; 

Je  crois  pouvoir  en  inférer  que  le  verbe  bruncher 
vient  de  brucher  ou  bruquer,  car  ces  deux  mots  n'en 
font  qu'un,  en  vertu  d'une  règle  connue  de  transmu- 
tation (ch=  qu). 

Maintenant,  peut-on  remonter  plus  haut  dans  la 
généalogie  de  broncher  ? 

M.  Litlré  nous  apprend  que  Diez  a  cru  apercevoir 
un  autre  ancêtre  à  ce  mot  dans  l'ancien  haut-allemand 
brvch,  flamand  broc/i,  signifiant  quelque  chose  de 
rompu,  de  brisé;  mais  une  telle  signification  n'est 
guère  propre  à  convaincre  sur  ce  point;  et,  plutôt  que 


de  m'aventurer  dans  la  nuit  qui  commence,  je  m'ar- 
rête, et  je  résume  comme  il  suit  ma  pensée  sur  l'ély- 
mologie qui  fait  l'objet  de  votre  question  : 

i°  Je  ne  crois  pas  que  broncher  ait  été  tiré  de 
bronche,  vieux  mot  français  signifiant  branche,  parce 
que,  si  cela  était,  les  plus  anciennes  formes  débrancher 
renfermeraient  nécessairement  un  o,  et  non  un  n,  à  la 
première  syllabe. 

2°  Selon  toute  apparence,  broncher  est  venu' de  brun- 
cher [brunquer,  brunchier],  formé  par  l'addition  d'une 
M  à  brucher,  lequel  se  trouve  dans  le  patois  du  Berry, 
et  dans  le  roman  provençnl  [burcar),  au  sens  de  butter, 
heurter  le  pied  contre  quelque  chose,  manquer  de 
tomber. 

En  d'autres  termes,  l'origine  de  broncher  est  bru- 
quer, termepatois,  changé  par  l'introduction  de  la  nasale 
n  en  brunquer,  duquel  on  a  formé  broncher  en  adoucis- 
sant qu  en  ch,  et  en  remplaçant  u  par  o,  comme  on  l'a 
fait,  par  exemple,  dans  tumber,  plumjcr,  première 
orthographe  de  tomber  et  de  plonger. 

X 

Troisième  Question. 
Est-il  Juste  de  dire  Saist-Nicolas-dc-Chardonneret  ? 
J'ai  souvent  entendit  dire  du  GHARDOiNKET. 

L'église  de  Paris  qui  porte  ce  nom,  ou  plutôt  ce  double 
nom,  car  Saint-Nicolas-du-Chardonnet  en  est  le  nom 
populaire,  et  Saint-Nicolas-du-Chardonneret,  le  nom 
officiel,  cette  église,  dis-je,  a  été  ainsi  appelée  de  l'em- 
placement rempli  de  chardons  sur  lequel  on  l'a  édifiée, 
comme  le  prouve  la  citation  suivante,  que  j'emprunte 
au  Dictionnaire  historique  de  Hurtaut  et  Magny  (III, 
p.  (50.5)  : 

^'IcoLAs-Du-CHARDo^'^■ET,  (Saiu!)  ainsi  nommé  à  cause 
du  lerrilnire  rempli  dg  chardons,  sur  lequel  cette  Église  est 
située,  et  du  Fief  du  Gliardonnet... 

Pour  découvrir  laquelle  de  ces  deux  déilominations 
est  préférable  à  l'autre,  il  faut  donc  résoudre  préala- 
blement cette  question  ;  Doit-on  appeler  chardonnet  ou 
chardonneret  un  terrain  sans  culture  où  croissent  beau- 
coup de  chardons? 

he,  moi  chardon  a  servi  à  former  deux  noms  dans 
notre  langue;  l'un,  pour  désigner  un  oiseau  qui  affec- 
tionne le  chardon;  l'autre,  pour  signifier  un  lieu,  un 
endroit  planté  de  chardons,  ce  qui  résulte  de  la  citation 
historique  faite  plus  haut. 

Par  toutes  les  provinces,  le  nom  de  l'oiseau  a  élé 
généralement  formé  de  chardon,  comme  il  se  disait.  . 
par  l'addition  de  cl  inormand  :  chardon,  chardonnet; 
berrichon  :  échardon,  cchardonnet;  picard  :  cardon, 
cardonnel]  ;  toutefois,  on  disait  aussi  chardonneret, 
comme  le  montre  cette  cilalion  du  xive  siècle,  trouvée 
dans  le  Dictionnaire  de  Littré  : 

Pinchons,  cardonneriez,  tarins. 

(Mmtus,  10  CXXVI.) 

et  ce  mot,  qui  devint  en  faveur  à  Paris  et  à  la  Cour, 
nous  est  resté,  comme  une  exception,  au  milieu  de 
toutes  les  formes  patoises  régulières,  pour  désigner  le 
petit  oiseau  chanteur  que  vous  savez. 


-108 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Mais  il  n'y  a  aucun  indice  que,  pour  désigner  un  lieu 
oii  les  chardons  poussent  en  abondance,  on  ait  jamais 
employé  un  mot  à  la  finale  neret  ;  on  désignait  par 
aulnay,  tremblai/,  cspiiiuij,  etc.,  un  lieu  planté  d'aunes, 
de  trembles,  d'épines,  etc.;  on  appela,  selon  toute 
apparence,  chardonnay  (écrit  à  tort  selon  moi  par  et) 
un  espace  inoccupé  où  les  chardons  croissaient  en  plus 
grande  quantité  que  les  autres  herbes. 

D'où  il  suit  que  l'église  de  Saint-Nicolax  aujourd.'hui 
succursale  de  Saint-Elienne-du-.Mont,  église  dont  le 
surnom,  comme  l'histoire  le  dit,  fait  allusion  à  la  char- 
donnière  naturelle  sur  laquelle  on  l'a  bâtie,  ne  peut 
être  appelée  à  juste  litre  Saint-Nicolas-du-Ckardonneret  : 
c'est  du  Chardonnet,  tout  mal  écrit  qu'est  ce  mot,  qu'il 
faut  dire,  et  non  autrement. 

X 

Qiialriéme  Question. 

Doit-on  dire  :  faibe  danser  l'anse  do  panier  a  qcel- 
Qu'tN,  ou  employer  toujours  cette  expression  sans  aucune 
espèce  de  régime  de  personne? 

L'expression  faire  danser  l'anse  du  panier  peut  par- 
faitement, il  me  semble,  être  suivie  de  la  préposition  à 
et  d'un  nom  ou  d'un  pronom  désignant  la  personne  au 
préjudice  de  qui  cette  danse  a  lien,  et  je  vais  vous  en 
dire  la  raison,  qui  est  fort  simple  : 

Dans  le  numéro  précédent,  où  j'ai  expliqué  le  sens 
littéral  de  faire  danser  l'anse  du  panier,  j'ai  dit  que 
cette  expression  avait  été  précédée  de  battre  le  cabas, 
ce  que  j'ai  prouvé  par  une  citation  empruntée  au  poète 
Euslache  Deschamps. 

Or,  dans  cette  citation,  battre  le  cabas  est  suivi  de  à 
et  d'un  mot  désignant  les  victimes  du  droit  du  panier  : 
Ainsi  comme  on  bat  le  cabas 
A  ceuls  qui  ne  scevent  le  prix 
Du  marcliié 


Ainsis  seiilt  on  le  cabas  balre, 
Bol  on,  et  l'en  a  souvent  fait 
A  ceuls  qui  ne  scevent  ce  fait. 

Par  conséquent,  faire  danser  l'anse  du  panier,  qui 
n'est  qu'une  variante,  en  quelque  sorte,  de  batre  le 
cabas,  doit  admettre  l;i  moine  construction. 

ÉTRANGER 

Première  Queslion. 
Pourquoi  dit-on  d'une   note   ou    les   articles   sont 
comptes  trop  cher  que  c'est  un  compte  D'APOïniCAïUE? 

Autrefois  les  apothicaires  vendaient  de  tort  mauvaises 
drogues,  et  ils  les  faisaient  payer  des  prix  exorbitants, 
double  fait  mis  en  évidence  par  un  opuscule  publié  à 
Tours  eu  l'Kia,  sous  le  litre  de  Dcclaralion  des  Alniz 
et  Tromperies  que  font  les  Apoficaires. 

Voici,  en  eiïet,  ce  rpie  l'auleur,  MaistrcLissetRenan- 
cio,  dit  aux  feuillcls  suivants  (non  numérotés)  de  ce 
curieux  opuscule  : 


(2).  Hz  n'useront  jamais  que  de  miel  rousat  avpcques 
quelques  eaux  puantes  et  recoulees,  et  de  cela  vous  en 
feront  ung  beau  item  en  leur  partie,  et  ne  feront  point 
de  conscipnfp  de  vendre  ung  tel  gargarisme  dix  soh  et 
quinze  solz  qui  ne  vault  pas  deux  solz. 

(20).  Ces  misérables  escorclient  les  malades,  si  les  Méde- 
cins ne  modèrent  leurs  parties,  nrevoyantz  que  leurs  par- 
ties seront  rongnees ,  ilz  les  augmentent  du  tiers,  et 
semblent  les  marchantz  de  Paris,  qui  feront  une  marchan- 
dise qui  ne  vaudra  que  vmgt  solz,  soixante  solz,  et  pour 
mieulx  vendre  leurs  drogues  esventees,  ilz  se  contenteront 
a  dix  solzetseptsolzet  demy  (qui  est  Jjeaucoup)  pour  jour, 
mais  ilz  mettront  en  leurs  parties  a  vingt  solz  ce  qui  n'en 
vault  que  cinq. 

(îi).  Lesquelz  [les  apoticaires  de  Poitoul  n'ont  eu  honte 
etconscience  de  vendre  ungpeiit  voirre  de  ptisane,  avecque 
ung  peu  de  miel,  trente  solz,  faisant  a  croire  aux  malades 
que  c'est  une  décoction  magistralie  et  pectoralle,  disant 
qu'U  y  entre  des  choses  bien  chères,  jacoit  qu'il  n'y  entre 
que  du  regalice,  des  raisins  et  de  l'orge. 

Or,  ces  trois  citations  me  paraissent  suffisantes  pour 
vous  l'aire  comprendre  pourquoi  l'on  qualifie  de  compte 
d'apollticaire  une  note  qu'un  fournisseur  présente 
singulièrement  enflée. 

A  mon  avis,  on  ne  pouvait  guère  trouver  une  meilleure 
comparaison. 

X 
Seconde  Queslion. 
Je  lis  dans  un  dictionnaire  français  :  «  oorge  cbacde, 
«.  /.  plaisanterie,  moqueri''  :  faire  des  gouges  cuaudes, 
FAHiE  de  quelque  cbose  tine  GORGE  cuAUDE,  s'fift  réjouir .  » 
Youdriez-rous  bien  m' expliquer  comment  l'idée  de  joie, 
de  plaisanterie,  de  moquerie,  se  lie  à  celle  de  gorge 

CHiCDE?' 

En  termes  de  fauconnerie,  on  appelle  gorge,  chez 
l'oiseau,  le  sachet  supérieur  connu  vulgairement  sous 
le  nom  de  poche. 

Par  métonymie,  on  désigne  aussi  par  gorge  la  quan- 
tité de  nourriture  que  l'oiseau  prend  en  une  fois  : 

Mettre  avecques  luy  quelque  poulaille  vive,  ou  autre 
oiseau  vif,  le  plus  souvent  qu'on  pourra,  et  luy  faire  plu- 
mer et  manger  à  son  aise  et  plaisir,  jusques  à  ce  qu'il  en  ait 
prins  (jorye  raisonnable. 

(De  Francllièrés,  Faucon,  f"  6,  verso.) 

Toutesfois,  il  y  doit  bien  avoir  de  la  discrétion  pour  le 
regard,  du  rocher  :  pour  ce  qu'enfin  l'oiseau  pourroil  estre 
maigre  et  bas,  qui  plus  auroit  besoin  d'une  bonne  gorge, 
que  du  bain,  du  rocher,  et  de  la  bouche. 

(Idem,  f®  7,  recto.) 

Pour  conserver  faucons  et  autres  manières  d'oiseaux  de 
proye  en  santé,  maistre  Molopin  dit  qu'il  se  faut  surtout 
garder  de  leur  donner  grosse  gorge. 

(Idem,  f"  10,  verso.) 

Quand  la  gorge  est  composée  d'un  animal  vivant, 
comme  une  alouette,  un  rat,  une  souris,  etc.,  on  l'ap- 
pelle gorge  chaude,  à  raison  de  la  température  inté- 
rieure de  ces  diverses  proies  : 

...  Quand  ils  sont  aux  champs  et  en  leur  liberté,  ils  se 
paissent  selon  leur  gré  de  bon  past  et  de  gorges  chaudes 
ordinairement. 

(Saincte-Aul.'ïire,  Fauconn.,  p.  l96,-) 

Notre  bonne  commère 
S'efTorce  de  tirer  son  hôte  au  fond  de  l'eau, 


LE  COURRIER  DE  YAUGELAS. 


100 


Contre  In  droit  des  gens,  contre  la  foi  jurée, 
Prétend  qu'elle  en  fera  gorge  chaude  et  curée. 

(La  Fontaine, /aS.  IV.   ii.l 

D'abord,  on  s'est  naturellement  servi  de  celle  expres- 
sion, au  figuré,  pour  signifier  le  plaisir  de  ceux  qui 
avaient  fait  bonne  chère  à  la  suite  de  quelque  succes- 
sion, qui,  en  peu  de  temps,  avaient  dissipé  une-certaine 
fortune  ou  perdu  quelque  avantage;  ensuite,  comme  on 
se  réjouit  beaucoup  a  plaisanter  les  autres,  et  à  s'en 
moquer,  on  a  comparé  celle  joie  à  celle  du  faucon  se 
repaissant  d'un  être  «  vif  »,  et,  non  moins  naturelle- 
ment, on  a  employé  l'expression  de  (jorge  chaude  dans 
le  sens  indiqué  par  le  dictionnaire  franeais  que  vous 
avez  consulté  : 

Le  duc  de  Saint-.\ignan  trouva  l'aventure  si  plaisante 
qu'il  en  fit  une  gorge  chaude  au  lever  du  roi. 

(St  Simon,   95,  3.) 

Le  soir  le  duc  du  Maine  fit  chez  lui  une  gorge  chaude  fort 
plaisante  de  Fagon  avec  Le  Brun. 

(Idem,  4o5,  53.) 


PASSE-TE.MPS  GRAiM.MATlGAL 


Corrections  du  numéro  précèdent. 

1». ..  d'autre  chose 'que  le  métier  ;  —  2°...  qui,  dans  quel- 
ques milliers  d'années;  —  3»  Bien  que  cartésien  jusqu'aux 
-  tourbillons  inclusivement  (Voir  Courrier  de  Vaugelns,  6'  année, 
p.  5!i);  —  i° . . .  sont  de  véritables  g«e/s-apens  (au  pluriel  on 
met  une  s  à  guet);  —  5»...  Pope,  Congrève  non  seulement 
jouissaient  (mais,  le  concomitant  de  non-seulement  étant  avant  le 
verbe,  il  faut  que  celui-ci  soit  placé  de  même);  — 6"...  laissés 
à  eux-mêmes;  —  7°...  suivant  qu'elle  s'incarnait  dans  un 
grand  seigneur;  —  S'...  d'autant  plus  facile  i/e  me  donner  .. 
sont  tes  plus  en  lumière; 9\  .  .  ne  laisse  pas  d'inquié- 
ter ;  —  10'...  celte  surprise,  et /eçHC/  (devant  un  nom,  on  m'et 
quel,   mais,  avec  le  même  nom  sous-entendu,  il  faut  lequel)- 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

l'  Si  j'avais  à  choisir  parmi  les  ouvrages  ou  opuscules 
assez  nombreux  de  d'Alembert,  je  n'hésiterais  pas,  je  met- 
trais en  première  ligne  son  Essai  sur  la  Société  des  gens 
de  lettres  et  des  grands. 

2°  La  combinaison  du  Post,  feuille  qui  passe  pour  avoir, 
comme  tant  d'autres,  des  attaches  gouvernementales,  mé- 
rite donc  d'être  au  moins  signalée.  Nous  ne  l'avions  pas 
laissé  passer  inaperçue. 

3°  M.  le  procureur  de  la  Képublique  a  constaté,  en 
outre,  que  ladite  commission  se  réunissait  parfois,  et  tout 
récemment  encore,  dans  le  but  de  préparer  les  élections 
sénatoriales. 

4°  Ce  que  nous  disons  de  la  Vaucluse,  on  peut  le-  dire 
hardiment  de  tous  les  départements.  En  France,  il  n'y  a 
plus,  à  proprement  parler,  de  partis  intransigents. 

5°  Ce  qui  m'a  induit   à  parler  comme  je  l'ai  fait,   en 
commençant  cet  article,  c'est  une  particularité  assez  sin- 
gulière que  l'on  vient   de  m'apprendre,   A  qui  je  ne  vois' 
d'autre  e.xplication  possible  que  la   parfaite  inutilité  du 
recteur. 

G'  11  lui  écrit  aussi  souvent  que  les  règlements  le  lui 
permettent,  et  ses  lettres  n'expriment  ([u'un  désir,  celui 


dé  voir   sa  fille  et  de   la   serrer  dans  ses    bras.  11  l'a  par- 
donnée. 

7"  Il  déclar.^  aux  députés  bourgeois  que  les  électeurs 
de  Paris,  dans  l'élection  Engelhard,  intiment  à  leur  can- 
didat de  ne  voler  et  n'envoyer  au  Sénat  qu'un  mandataire 
qui  ne  verrait  dans  la  Constitution  qu'une  enseigne  répu- 
blicaine. 

8"  Le  ménage  V...,  demeurant  rue  d'.\ngoulèmp-du- 
Temple,  vivait  dans  les  meilleurs  termes,  et  quand  une 
discussion  s'élevait  entre  eux,  comme  dans  tous  les  mé- 
nages, elle  se  terminait  généralement  sans  dégénérer  en 
querelle. 

9"  11  semblerait  qu'un  ministre  dût  attendre  impa- 
tiemment l'heure  d'en  app.  1er  à  l'Assemblée  du  jugement 
plus  que  sévère  rendu  par  l'opinion  publique  en  première 
instance. 

'Les  corrections  à  quinzaine.) 
FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GR\MM.\IRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  XVJl»  SIÈCLE. 
Claude    LANCELOT 

[Suite.]    ■ 

Mais,  parce  que  dans  le  passé  on  peut  indiquer  que  la 
chose  ne  vient  que  d'être  faite,  ou  indéfiniment  qu'elle 
a  été  faite,  il  est  arrivé  que  la  plupart  des  langues  vul- 
gaires ont  eu  deux  sortes  de  prétérit;  l'un  qui  marque 
la  chose  précisément  faite ,  et  que  pour  cela  on 
nomme  défini,  comme  j  ni  écrit,  j'ai  dit  ;  et  l'autre  qui 
la  marque  indéterminémenl  faite,  et  que  pour  cela  on 
nomme  indéfini  ou  aoriste,  comm^j'écriris,  je  vis,  ce 
qui  ne  se  dit  proprement  que  d'un  temps  qui  soit  au 
moins  éloigné  d'un  jour  de  celui  auquel  nous  parlons; 
car  on  dit  h'ienj'écriris  hier,  mais  non  pas  j'écrivis  ce 
matin.  Notre  langue  est  si  exacte  dans  la  propriété  des 
expressions  qu'elle  ne  souffre  aucune  exception  en  ceci, 
quoique  les  Espagnols  et  les  Italiens  confondent  quel- 
quefois ces  deux  prétérits. 

Le  futur  peut  recevoir  aussi  les  mêmes  différences; 
car  on  peut  désirer  de  marquer  une  chose  qui  doit 
arriver  bientôt,  ainsi  les  Grecs  ont  un  paulopost- futur, 
qui-marque  que  la  chose  va  se  faire;  et  l'on  peut  mar- 
quer une  chose  comme  devant  arriver  simplement. 

On  a  voulu  aussi  marquer  chacun  de  ces  temps  avec 
rapport  à  un  autre,  par  un  seul  mot;  de  ià  est  venu 
qu'on  a  encore  inventé  d'autres  inflexions  dans  les 
verbes,  qu'on  peut  appeler  des  temps  cow/jo.se's  dans  le 
sens,  lesquels  sont  au  nombre  de  trois. 

Le  premier  est  celui  qui  marque  le  passé  par  rapport 
au  présent;  on  l'a  nommé  prétérit  imparfait,  iiarcoqu  il 
ne  marque  pas  la  chose  simplement  et  proprement 
comme  faite,  mais  comme'  présente  à  l'égard  d'une 
chose  qui  est  déjà  néanmoins  passée.  Quand  on  dit 
je  soupois  lor.'iqu'il  est  entré,  l'action  du  souper  est  à 
la  vérité  passée,  mais  elle  est  marquée  comme  présente 
relativement  à  la  chose  dont  on  parle. 

Le  deuxième  temps  composé  est  celui  qui  martitie 
doublement  le  passé,  et  qui,  à  cause  de  cclii,  s'appelle 


MO 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


plus -que-par  fait ,  comme  cœnuveram  ^  j'avais  soupe, 
lequel  exprime  l'action  de  souper  non-seulement  comme 
passée  en  soi,  mais  encore  comme  passée  relativement 
à  une  autre  chose  qui  est  aussi  passée,  comme  lors- 
qu'on àW.  j'avois  sovpé  quand  il  est  entré . 

Le  troisième  temps  composé  est  celui  qui  marque 
l'avenir  avec  rapport  au  passé,  savoir  le  futur  parfait, 
comme  /aurai  soupe,  par  lequel  on  marque  que 
l'action  de  souper  sera  passée  quand  une  autre  égale- 
ment future  aura  lieu  :  quand  j'aurai  soupe,  il  entrera. 
Les  langues  orientales  n'ont  que  le  passé  et  le 
futur,  sans  loules  les  autres  différences  d'imparfait,  de 
pJus-que-parfait,  etc.,  cequi  rend  ces  langues  sujettes  à 
beaucoup  d'ambiguités,  qui  ne  se  rencontrent  point 
dans  les  autres. 

Des  modes.  —  Les  hommes  ont  trouvé  qu'il  était 
bon  d'inventer  encore  d'autres  inflexions,  pour  expli- 
quer plus  distinctement  ce  qui  se  passait  dans  leur 
esprit  ;car  premièrement  ils  ont  remarqué  qu'outre  les 
affirmations  simples  comme  il  aime,  il  aimoii  il  y  en 
avait  de  conditionnées  et  de  modifiées,  comme  quoiqu'il 
aimai,  quand  il  aimerait.  Et  pour  mieux  distinguer  ces 
affirmalions  des  autres,  ils  ont  doublé  les  inllexions 
des  mêmes  temps,  faisant  servir  les  unes  aux  aflirma- 
tions  simples,  comme  aime,  aimoit,  et  réservant  les 
autres  pour  les  afOrmations  modifiées,  comme  aimât, 
aimerait  :  c'est  de  ces  dernières  sortes  d'inflexions  que 
les  grammairiens  ont  fait  le  mode  appelé  subjonctif. 

Outre  l'affirmation,  l'action  de  notre  volonté  peut  se 
prendre  pour  une  manière  de  notre  pensée,  et  les 
hommes  ont  eu  besoin  de  faire  entendre  ce  qu'ils  vou- 
laient aussi  bien  que  ce  qu'ils  pensaient.  Or,  nous 
pouvons  vouloir  une  chose  de  trois  manières  princi- 
pales : 

•l"  Vouloir  ce  qui  ne  déjjcnd  pas  de  nous,  et  alors  la 
volonté  n'est  qu'un  simple  souhait,  ce  qui  s'explique  en 
Jalin  par  la  particule  ntinam,  et  en  français,  par  l'ex- 
pression plût  à  Dieu. 

Quelques  langues,  comme  la  grecque,  ont  inventé  des 
inflexions  particulières  pour  cela,  ce  qui  a  donné  lieu 
aux  grammairiens  de  les  appeler  mode  optatif;  il  y  en 
a  dans  notre  langue,  en  espagnol  et  en  italien,  qui  s'y 
jjcuvent  rapporter,  j)uisqu'il  y  a  des  temps  qui  sont 
lri|)les.  .Mais  en  latin  les  mômes  inllexions  servent  [lour 
le  subjonctif  et  pour  l'optatif. 

2"  Une  aulj'c  manière  de  voidoir,  c'est  lorsque 
nous  nous  contentons  d'accorder  une  chose,  quoiqu'ab- 
flolumeiit  nous  ne  la  voulussions  pas,  comme  quand  on 
dit  qu'il  dépense,  qu'il  perde,  qu'il  prêche,  etc.  Les 
hommes  auraient  pu  inventer  une  inilexion  j)Our  mar- 
quer ce  mouvement,  aussi  bien  qu'ils  en  ont  inventé 
en  grec  pour  marquer  le  simple  désir;  mais  ils  ne 
l'ont  pas  fait,  et  se  servent  jjour  cela  du  subjonctif, 
auquel  nous  ajoutons  que  en  français  :  qu'il  dépense. 
OueNiucs  grammairiens  ont  ajipelé  ce  mode  modus 
potentialis,  ou  modus  concessivus. 

3°  Nous  voulons  de  la  troisième  sorte  quand  ce  que 
nous  voulons  dépendant  dlune  personne  de  qui  nous  i 
pouvons  l'obtenir,  nous  lui  signifions  la  volonté  que  ' 


nous  avons  qu'elle  le  fasse.  C'est  le  mouvement  que 
nous  avons  quand  nous  commandons  ou  que  nous 
prions;  c'est  pour  marquer  ce  mouvement  qu'on  a 
inventé  le  mode  qu'on  a  appelé  impératif,  lequel  n'a 
point  de  première  personne,  surtout  au  singulier,  parce 
qu'on  ne  se  commande  point  à  soi-même;  ni  de  troi- 
sième, en  plusieurs  langues,  parce  qu'on  ne  commande 
proprement  qu'à  ceux  à  qui  l'on  s'adresse,  et  à  qui  on 
parle.  Et  comme  le  commandement  ou  la  prière  est 
toujours  antérieur  à  son  accomplissement,  l'impératif 
a  été  mis  par  les  grammairiens  au  nombre  des  futurs. 
De  tous  les  modes  dont  il  vient  d'être  question,  les 
langues  orientales  n'ont  que  l'impératif. 

De  l'infinitif.  —  C'est  l'inflexion  du  verbe  qui  ne 
reçoit  point  de  nombre  ni  de  personnes  :  essere,  être, 
amare,  aimer.  L'infinitif  est  aux  autres  manières  du 
verbe  ce  qu'est  le  pronom  relatif  aux  autres  pronoms. 
De  là  est  venu  qu'en  français  nous  rendons  presque 
toHJours  l'infinitif  par  l'indicatif  du  verbe  et  la  particule 
que,  et  alors  ce  que  ne  signifie  que  cette  union  d'une 
proposition  avec  uneautre,  laquelle  union  est,  en  latin, 
renfermée  dans  l'infinitif,  et  en  français  aussi,  quoique 
plus  rarement,  comme  lorsqu'on  dit  :  il  croit  savoir 
toutes  choses. 

Cette  manière  de  joindre  les  propositions  par  un 
infinitif,  ou  par  le  quàd  et  le  que  est  principalement  en 
usage  quand  on  rapporte  les  discours  des  autres  :  le 
Uoi  m'a.  dit  qu'il  me  donnera  une  charge. 

Cette  union  des  propositions  se  fait  encore  par  si  en 
français  et  par  an  en  latin,  quand  le  discours  qu'on 
rapporte  est  interrogatif;  ainsi,  par  exemple,  pour 
exprimer  qu'on  lui  a  demandé  :  Pourez-vaus  faire  cela? 
quelqu'un  peut  dire,  en  rapportant  ces  paroles  et  en 
changeant  la  personne  :  on  m'a  demandé  si  je  pouvais 
faire  cela. 

Il  est  à  remarquer  que  les  Hébreux,  lors  même  qu'ils 
parlent  dans  une  autre  langue,  se  servent  peu  de  cette 
union  des  propositions,  et  qu'ils  rapportent  presque  tou- 
jours les  di_^scours  directement,  et  comme  ils  ont  été  faits. 
Cette  coutume  a  passé  dans  les  auteurs  profanes,  qui 
semblent  lavoir  empruntée  aux  Hébreux. 

Différentes  espèces  de  verbes  adjectifs.  —  C'est  une 
erreur  commune  de  croire  que  tous  les  verbes  signifient 
des  actions  ou  des  passions;  car  il  n'y  a  rien  qu'un 
verbe  ne  puisse  avoir  pour  son  attribut,  s'il  jilail  aux 
hommes  de  joindre  l'affirmation  avec  ledit  allrihiif. 

Cela  n'empêche  pas  néanmoins  qu'on  ne  puisse  con- 
server la  division  ordinaire  de  ces  verbes  en  actifs, 
passifs  et  neutres. 

On  appelle  proprement  actifs  les  verbes  qui  signifient 
une  fiction  à  laquelle  est  opposée  une  passion,  comme 
bnttre,  être  battu,  soit  que  ces  actions  se  terminent  à 
un  sujet,  ce  qu'on  appelle  action  réelle,  comme  tiattrc, 
rampre,  tuer,  etc.,  soit  qucllesse  terminent  seulement  à 
un  ol  jet,  ce  qu'on  appelle  action  intentionnelle,  comme 
aimer,  connaître,  voir,  etc. 

{La  .luile  au  prochain  numéro.) 
Le  Rkuacteub-Géuamt  :  Euan  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


<ll 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Flûte  et  le  Tambour;  par  J,  Autran,  de  l'Aca- 
démie française.  In-S»,  416  p.  Paris,  lib.  Micliel  Lévy. 
6  fr. 

Vinçt  ans  après,  suite  des  Trois  mousquetaires  ; 
par  Alexandre  Dumas.  Edition  illustrée  par  J.  A.  Be.iucé. 
In-W  à  2  col.  401-556  p.  Livraisons  51  à  70  (fin).  Paris, 
lib.  Polo.  10  cent,  la  livraison. 

Souvenirs  de  jeunesse  ,  suivis  d'Hélène  ,  études 
politiques  et  littéraires  ;  par  Léonard  Laborde.  In-18, 
xiii-456  p.  Bayonne.  imp.  Limaignère.  U  fr. 

Sonnets  parisiens ,  caprices  et  fantaisies;  par 
Gabriel  Marc.  In-8<>,  vni-140  p.  Paris,  lib.  Lemerre. 
3  fr. 

La  Seconde  vie  de  Marius  Robert;  par  Paul  Par- 
fait. ln-18  Jésus.  /i56  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

■Wolf,  le  loup  ;  par  Clémence  Robert.  In-18  Jésus. 
313  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  1  fr.  25. 

Mémoires  du  duc  de  Saint-Simon;  publiés  par 
.MM.  Chéruel  et  Ad.  Régnier  fils,  et  collationnés  de  nou- 
veau pour  cette  édition  sur  le  manuscrit  autographe, 
avec  une  notice  de  M.  Sainte-Beuve.  T.  19.  In-18  Jésus, 
i51  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  Chaque  vol.  3  fr.  50. 

Le  général  Philippe  de  Ségur ,  sa  vie  et  son 
temps;  par  Saint-René  Taillandier,  de  l'Académie  fran- 
çaise. ln-12,  V11I-3C6  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Moïse,  le  Talmud  et  l'Evangile,  revu  et  augmenté 
de  plus  de  100  textes;  par  Alexandre  Weil.  à  vol.  in-32, 
268  p.  Paris,  lib.  Dentu. 

Un  mariage  dans  le  monde;  par  Octave  Feuillet,  de 
l'Académie  française.  In-18  Jésus,  341  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy.^  fr.  50. 

La  République  de  Martin;  par  Louis  Rambaud.  ln- 
18  jésu=.iv-363  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Aventures,  investigations  et  recherches  en  Afri- 
que des  plus  intrépides  voyageurs  :  Le  major  Lamy, 
le  major  Denham,  le  capitaine  Clapperton,   René  Caillié, 


John  et  Richard  Lander;  par  Auguste  Baron.  In-8",  191  p. 
Limoges,  lib.  E   Ardant. 

Mesdames  les  Parisiennes;  par  Ernest  d'HerviUy. 
ln-18  Jésus,  m-387  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie. 
3  fr.  50. 

Joséphine  Sazerac  de  Limagne,  pensées,  journal  et 
corrcî^pondance  précédée  d'une  notice  biographique. 
2"  édition,  revue  ,  augmentée  et  ornée  du  portrait  de 
l'auteur.  In-i2,  xxxvr-302  p.  Paris,  lib.  Le  Clere,  Reichel 
et  Cie. 

Les  Drames  de  l'adultère ,  ou  l'Amant  d'Alice  , 
roman  parisien;  par  Xavier  de  .Montépin.  Edition  illus- 
trée. In-4'.  259  p.  Paris,  lib.  Roy.  10  cent,  la  livraison. 

Correspondance  de  P.-J.  Proudhon,  précédée  d'une 
notice  sur  P.-J.  Proudhon.  par  J.-A.  Laoglois.  T.  I.  In- 
8»,  xLvm-o64  p.  Paris,  lib.  Internationale.  5  fr.    - 

Contrat  social,  ou  Principes  du  droit  politique  ; 
précédé  de  Discours,  Lettre  à  d'Alembert  sur  les  spec- 
tacles, et  suivi  de  Considérations  sur  le  gouvernement  de 
Pologne  et  la  réforme  projetée  en  1772.  Lettre  à  .M.  de 
Eeaumont,  archevêque  de  Paris;  par  J.-J.  Rousseau. 
Nouvelle  édition,  revue  d'après  les  meilleurs  textes,  ln-18 
Jésus.  518  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  3  fr. 

Histoire  d'un  âne  et  de  deux  jeunes  filles;  par  P. 
J.  Stahl.  Dessins  par  Théophile  Schuler.  grav.  par  Panne- 
maker.  Gr.  in  8°.  312  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie.  7  fr. 

Dictionnaire  analogique  et  étymologique  des 
idiomes  méridionaux  qui  sont  parlés  depuis  Nice 
jusqu'à,  Bayonne,  et  depuis  les  Pyrénées  jusqu'au 
centre  de  la  France,  comprenant  tous  les  termes  vul- 
gaires de  la  flore  et  de  la  faune  méridionale,  un  grand 
nombre  de  citations  prises  dans  les  meilleurs  auteurs, 
ainsi  qu'une  collection  de  proverbes  locaux  tirés  de  nos 
moralistes  populaires;  par  L.  Boucoiran.  5«  et  6=  fasci- 
cules. Gr.  in-8°  à  2  col.  161-240  p.  Nîmes,  imp.  Baldy- 
Riffard.  Chaque  fascicule.  1  fr. 


Publications  antérieures  : 


LES  ÉLÉMENTS  M.\TÊRIELS  DU  FRANÇAIS,  c'est-à- 
dire  les  sons  de  la  langue  française  entendus  ou  repré- 
sentés. —  Ouvrage  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'étude  de  notre  langue.  —  Par  B.  Jl-li.ien.  docteur  ès- 
lettres,  licenciées-sciences.  —  Paris,  lib.  Hachelle  eiCie, 
76,  boulevard  Saint-Germain. 


COURS  COMPLET  DE  LANGUE  FRANÇAISE  (Théorie  et 
Exercices).  —  Par  M.  GuÉRAnn,  agrégé  de  l'Université, 
Directeur  des  Etudes  à  Sainte-Barbe,  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur.  —  Deuxième  partie.  —  Exercices  sur 
chacune  des  parties  de  la  grammaire  et  compléments.  — 
Nouvelle  édition.  —  Paris,  Ch.  Delagrave  et  Cie,  libraires- 
éditeurs,  58,  rue  des  Ecoles. 


LE  MARI  DE  LA  VIEILLE.  —  Par  G.^^briel  Prévost.  — 
Etude  de  Mœurs.  —  Chez  Maillet,  libraire-éditeur,  72. 
boulevard  Haussmann. 


LA  VIE  PARISIENNE.  —  Par  Armand  Lapointe.  —  Un 
vol.  in-18.  —  Paris,  librairie  de  Casimir  Pont,  97,  rue 
Richelieu.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


DIEU  ET  LA  NATURE.  Poésies  pour  l'enfance.  —  Par 
Mlle  M.  Tbécourt.  —  Ouvrage  publié  sous  le  patronage 
de  Limartine.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  librairie 
française  et  anglaise  de  J.-H.  Truchy,  26,  boulevard  des 
Italiens. 


112 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


BOIELDIEU,  SA  VIE,  ses  cEuvnES,  sa  gobrespondance.  — 
Par  Authur  Pougin.  —  Edition  ornée  d'un  portrait  de 
Boieldieu,  gravé  sur  acier,  par  M.  Desjardins,  et  du  fac- 
similé  d'une  lettre  autographe  de  Boiel  lieu.  —  Paris, 
C/iary9e«?/er  e^Ci'e,  libraires-éditeurs,  ^3,  quai  du  Louvre. 


LA  TENTATION  DE  SAINT  ANTOINE.  —  Par  Gustave 
Flaubert.  —  Deuxième  éiiition.  —  Paris,  Charpenlier  el 
Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  : 
7  fr.  50.' 


VERCLNGÉTORIX   ET   L'LNDÉPENDANCE    GAULOISE. 

Religion  et  institutions  celtiques.  —  Par  Francis 
MoNNiER.  —  Deuxième  édition  augmentée.  —  Paris  : 
librairie  académique  Didier  el  Cie,  libraires-éditeurs,  35, 
quai  des  Augustins.  —  Prix  :  2  francs. 


HISTOIRE  D'ANGLETERRE  DEPUIS  LES  TEMPS  LES 
PLUS  RECULÉS.  —  Par  Antonin  Roche,  directeur  de 
YEducalional  Iiislilulc  de  Londres,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur  —  2  vol.  avec  cartes  historiques.  —  Ouvrage 
approuvé  par  le  Conseil  supérieur  de  l'Instruction  pu- 
blique. —  k'  édition,  entièrement  refondue.  —  Paris, 
librairie  Ch.  Delagrave,  58,  rue  des  Ecoles. 


MON  VOYAGE  AH  PAYS  DES  CHIMËRRS.  —  Par  Anto- 
nin Rondelet,  professeur  honoraire  de  faculté.  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs, 
33,  Quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


SAINT  LOUIS  ET  SON  TEMPS.  —  Par  H.  Wallon, 
membre  de  l'Institut,  professeur  d'histoire  moderne  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Paris.  —  Deux  volumes.  —  Paris, 
librairie  llacheile  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru,  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  Zi"  et  la  5=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  l",  la  2'  et  la  3^  année  doivent  être  pro- 
chainemenl  réimprimées. 


FAMILLES     PARISIENNES 
Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation, 


Dans  un   des  plus  beaux   quartiers  de  Paris,  — 

Un  .Monsieur  et  une  Dame,  sans  enfants,  désirent  recevoir 
des  pensionnaires.  —  Prix  modérés. 


Dans  les  environs  de  Paris.   — •  Une  dame  désire 
recevoir  comme  pensionnaires  de  jeunes  demoiselles  de 


Avenue  de  la  Grande  Armée  (prés  de  l'Arc  de 
triomphe  de  l'Etciiei.  —  Dans  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très-bel  appartement. 


bonne  famille  pour  leur  enseigner  la  langue  française,  la 
musique,  etc. 

A  Passy  (près  du  RanelaghJ.  —  Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famdle  quelques  pensionoaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Au  centre  de  Paris.  —  Un  pasteur  recevrait  volon- 
tiers, comme  pensionnaires,  trois  ou  quatre  jeunes  fdles, 
qui  trouveraient  dans  sa  maison  la  vie  de  famille,  et,  au 
besoin,  des  leçons. 


CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


Un  concours  de  poésie  sur  ce  sujet  la  Revanche  est  ouvert  à  l'Académie  des  Poètes.  —  Pour  concourir,  il  faut 
appartenir  à  cette  Académie,  comme  membre  titulaire,  honoraire,  ou  membre  correspondant,  et  être  Français.  —  Le 
prix  du  concours  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  150  fr..  donnée  par  un  des  membres  de  l'Académie, 
M.  Marc  Bonnefoy.  —  Les  poésies  envoyées  au  concours  devront  se  renfermer  autant  que  possible  dans  la  limite  de 
100  et  200  vers  (ces  chiffres  n'ont  rien  d'absolu),  et  être  inédites;  elles  pourront  être  signées  ou  non  signées,  au  gré 
des  concurrents,  et  dans  ce  dernier  cas,  être  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant  le  nom  de  l'auteur.  —  Les 
envois  relatifs  au  concours  doivent  être  adressés  franco  à  M.  Elle  de  Birant  archiviste  de  l'Académie,  rue  des 
Missions,  22,  à  Paris,  avant  le  1"  mars  1876. 

Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  —  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  le  2=  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3"  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  1"  juin  1876. 

La  Société  d'encouragement  au  bien  décernera  en- 1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Hechercher  el  développer 
les  moyens  les  plus  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  k  bien-ctre  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  Secrétaire-général,  2,  rue  Brochant,  aux  ftatignolles, 
(Paris),  avant  le  31  décembre  1875. 

Le  réiluclcur  du  Courrier  de  Vauye/ns  est  vi.'^ible  à  .«ou  bureau  de  midi  à  unr.  heure  el  demie. 
"  '"      Imprimerie  GUIJVKKN'lilJH,  G.  UAL'l'liLKV  à  Nogent-le-Rotrou. 


6^  Année 


N"   15. 


1"  Décembre  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"  et    le    15    de   cbaqoe   mois 


{Dans  sa  séance  du  [2  janvier  IS75,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  :     - 
Abonnement  pour  la  France.     6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 
Annonces,  la  ligne.          50  c. 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEUR    SPECIAL  POUR    LES    ÉTBANOERS 

OITicier  (l'.VcdJémie 
2G,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 

ACADÉMIE  FRANÇAISE 

séance  publique  annuelle  du  jeudi  11   novembre  187.5. 

«apport  de  M.  Patin,  secrétaire-perpétuel  de  l'Académie, 

sur  les  Concours  de  1875. 

(Extrait.) 

«  Le  prix    Lambert  est,  selon  l'intention  du  fondateur, 

une  marque  d'intérêt  public  qui  s'adresse   à  la  personne 

même  d'un  homme  de  lettres.  11  peut  être  encore  et  il  a 

été  quelquefois  une  dislinntion  indirectement  adressée  à 

son  œuvre,  faute  d'une  autre  manière  de  la  récompenser. 

En  le  décernant  cette  année  à  M.  Eman  Martin,  l'Académie 

couronne,  autant  qu'il  est  en  elle,  son  Courrier  de  Vaugelas, 

journal  grammatical  très-digne  du  nom  dont  il  se  pare,  où, 

depuis  assez  longtemps  déjà,  les  singularités,  les  difficultés 

de  l'usage  sont  savamment,  ingénieusement  expliiiuées  ou 

résolues.  » 

SO.M.MAIRE. 

Communications  relatives  au  verbe  Espérer,  au  proverbe  Etre 
plus  prés  de  Sainte-Larme  que  de  Vendôme  et  à  l'emploi  de 
Transmutation;  —  Explication  de  Haricot  de  mouton:  —  Pour- 
quoi Dépistera,  deux  significations;  —  Pourquoi  Molière  a  dit 
Concert  de  musique;  —  Orthographe  du  participe  passé  pré- 
cédé de  En  et  d'un  adverbe  d  equanlité  ;  —  Explication  de 
Rat  de  ponts  et  de  Rat  de  soupe.  ||  A  quoi  fait  allusion  Le  sac 
et  les  quilles  de  La  Fontaine;  S'il  faut  dire  Ils  ont  un  cAe;- 
'toi  ou  Ils  ont  un  chez-eux  \\  Passe-temps  grammatical  J 
Suite  de  la  biographie  de  Claude  Laneelot  {{  Ouvrages  de 
grammaire  et  de  littérature  ||  Familles  parisiennes  pour  se 
perfectionner  dans  la  conversation  ||    Concours   littéraires. 


FRANCE 


GO.M.MUNICATIONS. 

I. 

A  la  date  du  20  octobfe,  j'ai  reçu  la  lettre  suivante, 
contenant  des  réflexions  sur  une  phrase  du  «  passe- 
tem])s  »,  où  j'aurais  mis  à  tort  un  futur  au  lieu  d'un 
présent  : 

Monsieur, 
Dans  votre  numéro  du  jour,  15  octobre  1875,  vous  corrigez 
une  phrase  où  se  trouvent  ces  mots  : 


«  Espérons  que  les  royalistes  se  repentent...  » 
Vous  dites  :  le  verbe  espérer  n'est  pas  de  ceux  qui  veulent 
lesubjonctif  après  eux. 

Je  crois  (quoique  la  phrase  que  vous  critiquez  ne  soit 
pas  de  moi)  que  le  verbe  repentent  est  au  présent  et  non  au 
subjonctif.  Le  contexte  de  la  phrase  semble  me  l'indiquer. 
U  naît  alors  pour  moi  un  doute  sur  lequel  ji'appelle  votre 
attention. 

On  emploie  tous  les  jours  le  verbe  espérer  pour  des  faits 
présents  ou  accomplis,  sur  l'existence  desquels  on  n'est  pas 
encore  fixé.  L'on  dira,  par  exemple,  dans  ce  sens  : 

J'espère  que  les  ennemis  ont  été  battus.  — J'espère  que 
le  beau  temps  règne  actuellement  dans  tel  pays... 

Cela  signifie  évidemment  :  J'espère  que  j'appremlrai  la 
nouvelle  que  les  ennemis  ont  été  battus,  et  que  le  beau 
temps  règne  dans  tel  pays... 

Au  fond,  est-ce  bien  logique'?  U  entre  dans  l'essence  du 
mot  espérer  de  se  référer  à  un  fait  à  venir.  Or,  dans  les 
exemples  précités,  il  n'y  a,  se  référant  à  l'avenir,  que  la 
connaissance  précise  qu'on  acquerra  d'un  fait  actuel  ou 
passé. 

Cela  suffit-il  pour  que,  en  bonne  logique,  on  soit  endroit 

de  se   servir  du   mot  :  espérer?  JSe   serait-ce   pas  le   cas 

d'appliquer  à  ces  sortes  de  phrases  la  parodie  du  mot  de 

Voltaire  :  «  Tout  ce  qui  n'est  pas  logique  n'est  pas  français.  » 

Veuillez   agréer.   Monsieur,    mes    plus    respectueuses 

sympathies. 

Gabriel  Prévost. 

Les  phrases  que  l'auteur  de  cette  communication 
donne  comme  exemples  -  sont  bonnes,  car  le  verbe 
espérer,  qui  s'emploie  dans  le  sens  de  penser,  estimer, 
croire,  peut  avoir  pour  régime  une  proposition  renfer- 
mant un  présent,  un  passé  ou  un  futur.  .Mais  on  n'en 
est  pas  plus  autorisé  à  employer  le  présent  repentent 
dans  la  jihrase  que  j'ai  signalée  comme  fatilive,  et  cela, 
pour  la  raison  très-simple  que  voici  : 

Dans  cette  phrase,  et  que  annonçant  un  second  com- 
plément oi'i  espérer  se  trouve  suivi  d'un  verbe  au  futur, 
il  faut  nécessairement  mettre  le  même  temps,  c'est-à- 
dire  repentiront,  dans  le  premier  complément,  ce  qui 
donne  pour  la  phrase  complète  : 

Espérons  que  les  royalistes  se  repentiront,  et  {espérons] 
que,  (lès  la  rentrée,  ils  s'uniront  aux  républicains  pour 
obtenir  que  l'on  rapporte  tous  les  décrets  relatifs  à  l'état 
de  siège. 


i\A 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


II. 

Dans  ma  4'  année,  je  terminais  ainsi  un  article  sur 
l'explication  du  proverbe  Être  plus  près  de  Sainte- 
Larme  que  de  Vendôme  : 

(t  Attendu  qu'il  pourrait  parfaitpment  se  faire  que  l'ex- 
plication que  je  viens  de  donner  ne  fût  pas  la  bonne,  et 
que  je  tiens  essentiellement  à  prouver  à  mes  lecteurs  que 
je  ne  néglige  rien  dans  mes  recherches  pour  découvrir  la 
vérité,  ce  numéro  du  Courrier  de  Vaugelas  sera  envoj'è  à 
dix  personnes  compétentes  de  Vendôme,  à  l'effet  de  provo- 
quer de  leur  part  les  critiques  auxquelles  ladite  explication 
pourrait  donner  lieu,  n 

Cet  appel  n'a  pas  été  fait  en  vain;   le  26  octobre 
dernier,  un  abonné,   qui  est  originaire  de  Vendôme, 
m'a  adressé  de  Cherchell,  où  il  habite,  la  lettre  que 
je  vais  transcrire  : 
Monsieur, 

Dans  votre  numéro  du  1"  novembre  1873,  vous  donnez, 
du  proverbe  II  est  plus  près  de  Sainte-Larme  que  de  Vendôme, 
une  explication  qui  n'est  peut-être  pas  tout-à-fait  exacte. 
Permettez  qu'en  ma  qualité  de  Vendômois,  je  vous  en  pro- 
pose une  autre  un  peu  différente. 

La  fameuse  relique  à  laquelle  vous  faites  allusion,  et  qui 
a  donné  lieu  au  proverbe,  s'appelait  communément  la 
Sainte-Larme  de  Vendôme.  On  la  trouve  désignée  ainsi  dans 
les  vieux  auteurs.  Nos  pères  aimaient  les  jeux  de  mots  :  la 
teigne  était  le  mal  Saini-Aignan;  ils  disaient  Fou  est  près 
de  Tau;  aller  au  retrait,  c'était  aller  à  Cambrai... 

Être  prés  de  Sainte-Larme  eut  le  sens  d'è're  sur  le  point 
de  verser  des  larmes  ;  d'où  le  proverbe  :  /(  est  plus  près  de 
Sainte-Larme  que  de  Vendôme.  Ce  qui  revient  à  dire,  si  je  ne 
m'abuse  :  il  est  près  de  Sainte-Larme,  et  ce  n'est  pas  de 
la  Sainte- Larme  de  Vendôme.  Tournure  bizarre,  mais  vive 
et  piquante,  et  qui  n'est  peut-être  pas  sans  exemple. 

Le  proverbe  signifie  donc  :  Il  est  sur  le  point  de  verser 
des  larlnes;  et,  par  extension  :  11  est  menacé  d'une  afflic- 
tion prochaine;  ou,  sons  une  forme  familière,  il  est  plus 
prés  de  pleurer  que  de  rire.  Mais  je  doute  que  le  refrain 
de  chanson  que  vous  citez  d'après  M.  Quitard  ait  rien  à 
faire  ici,  pas  plus,  d'ailleurs, que  la  situation  de  l'abbaye  en 
dehors  de  la  ville. 

Je  lis.  Monsieur,  avec  un  vif  intérêt  votre  excellente 
petite  feuille,  et  je  regrette  de  ne  l'avoir  pas  connue 
plus  tôt. 

.\gréez  mes  bien  sincères  compliments. 

A.  S. 

Je  trouve  l'explication  qu'on  vient  de  lire  plus  naturelle 

.  que  la  mienne,  et  je  remercie  bien  sincèrement  l'abonné 

qui    en   est   l'auteur  d'avoir   eu    l'obligeance  de  me 

l'adresser. 

111. 

Enfin,  le  23  novembre,  j'ai  reçu  de  Paris  les  quelques 

mots  suivants  : 

Monsieur, 
Dans  votre  dernier  numéro,  p.  107,  col.  1,  je  lis  :  «  car 
ces  deux  mots  n'en  font  qu'un,  en  vertu  d'une  règle 
connue  de  transmutation  (rh  =  qu)  ».  J'avais  toujours 
entendu  dire,  en  pareil  cas,  permutation.  Voudriez-vous 
bien  me  faire  connaître  la  raison  qui  vous  a  induit  ici  à 
déroger  à  un  emploi  que  je  crois  généralement  reçu?  Vous 
obligeriez  ainsi  un  de  vos  lecteurs  les  plus  assidus. 

Pendant  que  j'écrivais  mon  article  sur  rélTmologie 
de  broncher,  je  faisais,  pour  une  autre  queslion,  des 
recherches  dans  un  ouvrage  traitant  de  philosophie 
hermétii|ue.  Je  venais  de  voir  transmutation  appliqué 
aux  métaux,  et  par  distraction,  'qui  donc  n'en  a 
jamais'?)  je  l'ai  appliqué  à  des  lettres 


Mes  remerciements  à  la  personne  qui  m'a  fourni 
l'occasion  de  réparer  cette  erreur. 

X 
Première  Question. 

Je  roKs  prierais  de  vouloir  bien  me  dire,  dans  mw  de 
vos  prochains  numéros,  comment  on  a  pu  appeler 
HAïucoT  DE  MOUTON  uu  plat  oii  Ics  huricots  brillent, 
comme  on  dit  quelquefois,  par  leur  absence. 

La  chose  est  des  plus  faciles  à  expliquer. 

En  effet,  dans  notre  ancienne  langue,  nous  avions  un 
verbe  haligoter ,  qui  s'employait  dans  le  sens  de 
déchirer,  mettre  en  pièces,  en  morceaux  : 

Moult  par  estoit  Perars  hideus 
Balirjotez  et  détailliez. 
Férus  et  frapez  à  mailliez. 

(_Les  Tournois  de  Chnuvenc'J,  p.    l48,  vers  3976.) 

Mais,  en  vertu  de  la  règle  relative  à  la  permutation 
des  liquides  il  =  r),  on  a  dit  aussi  hariyoter.  ce 
que  montrent  ces  exemples  : 

Trois  cos  li  done  qui  molt  l'ont  estoné 
Si  que  li  hiaumes  fu  tos  harigotez. 

{Mort  de  Garni,  p.  62,  vers  1398  ) 

Car  si  les  ont  [les  boucliers]  harigotez, 
Qu'a  délivre  sur  les  cotez,  etc. 

(Crestien  de  Troies,  Chev.  nu  Lyon,  v.  ij98.) 

Du  verbe  harigoter  s'est  naturellement  formé,  par  le 
changement  de  ^  en  c,  le  mot  haricot,  signifiant  mor- 
cellement, mise  en  pièces  ; 

Gardez  bien  qu'il  ne  s'échappe,  il  feroit  un  haricot  de  mes 
scientifiques  substances. 

(Cyrano,  le  Péd.  joué,  I,  se.  7.) 

Lorsqu'on  ne  verra  plus  que  côtes  enfoncées, 
Que  gigauts  décharnez,  qu'eschines  fracassées, 
Quel  haricot,  morbleu,  de  jambes  et  de  bras! 

(Arlequin  Jason.  TA.  ital.  p.    173  ) 

Or,  c'est  ce  substantif  verbal  qui,  appliqué  à  la  chair 
de  mouton,  a  fait  l'expression  dont  vous  ne  pouviez 
que  difficilement  vous  rendre  compte. 

.M.  Littré  dit  que  «  haricot  de  mouton  parait  être 
un  terme  de  boucherie,  et  désigner  un  certain  mor- 
ceau ».  En  lisant  dans  la  Cuisinière  de  la  campagne  et 
de  la  ville  la  recette  pour  faire  le  ragoiit  de  ce  nom. 
recette  qui  commence  par  ces  mots  : 

«  Faites  revenir  dans  le  beurre  de  l'épaule,  de  la  poitrim 
ou  des  côtelettes  de  mouton,  etc.  » 
j'ai  acquis  la    certitude  que  celte  expression   n'existe 
pas  chez  le  boucher,  et  que  c'est  à  la  cuisine  qu'elle  a 

pris  naissance. 

X 

Seconde  Question. 

Le  verbe   dépister    a    deux   significations  presque 

oppo.'iécs,  l'une,  trouver  la  piste,  et  l'autre,  faire  perdre 

la  piste.  Quelle  explication  donnez-vous  de  ce  singulier 

fait  ? 

Il  y  a  deux  verbes  dépister  dans  noire  langue. 

Le  premier,  qui  a  le  sens  de  suivre  la  piste",  marchei- 
siu'  la  piste,  nie  semble  dater  tic  la  première  moitié  du 
xvin"  siècle;  car  il  n'est  pas  dans  l'uretière  ^1727),  cl 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


H  5 


on  le  trouve  dans  cette  phrase  du  Journal  de  Trévoux 
(août  1737)  : 

On  y  dépiste  les  premières  traces  du  territoire  Liégeois, 
lie  son  étendue,  de  ses  bornes,  etc. 

11  a  été  composé  du  mot  ;)(«^e  et  de  la  particule  dé, 
lion  point  au  sens  indiquant  «  l'action  de  suivre  >'  comme 
le  dit  le  dictionnaire  de  Lillré,  mais  au  sens  qu'elle  a 
dans  beaucoup  de  verbes  tels  que  ceux  que  je  mentionne 
plus  bas,  où  elle  n'ajoute  pourainsi  dire  rien  à  la  signi- 
flcalion  du  mot  auquel  elle  est  jointe  : 


Dérober 

Déirancher 

Définir 

Déguerpir 

Défiler 


Découper 

Décrépiter 

Défrauder 

Démanger 

Dénommer 


Le  second,  qui  a  le  sens  de  faire  perdre  la  piste,  est 
venu  une  centaine  d'années  plus  lard,  ou,  pour  autre- 
ment dire,  vers  le  milieu  de  noire  siècle.  11  a  été  com- 
posé aussi  dépiste  et  de  dé,  mais  de  dé  signifiant  cette 
fois  l'idée  d'ôter,  de  défaire,  etc.,  ce  qui  a  produit  un 
sens  tout  dilïérent  de  celui  du  premier  verbe,  qui 
était  composé  cependant  des  mêmes  éléments.  Pierre 
Larousse,  le  premier  lexicographe  moderne  qui  l'ait 
enregistré,  je  crois,  en  cite  les  exemples  suivants  dans 
son  Grand  Dictionnaire  : 

Le  renard  venait  de  traverser  un  étang,  afin  de  dépister 
les  chiens. 

(Eugène  Sue.) 

11  était  parvenu,  après  des  peines  infinies,  à  dépister  les 
gens  de  police  mis  à  sa  recherche. 

;Idem.) 

Mon  Dieu,  s'ils  vous  dépistent,  vous  n'êtes  pas  dans  de 
beaux  draps. 

(Damas- Hinard.) 

En  parlant  des  malfaiteurs  qui,  naturellement,  cher- 
chent à  échapper  aux  agents  de  la  police,  les  journaux 
emploient  fréquemment  dépister  pour  signifier  faire 
perdre  la  piste  ;  je  notais  dernièrement  cette  phrase  : 

Ils  sont  dans  leur  rôle,  comme  l'individu  qui  vient  de 
faire  un  mauvais  coup,  et  qui  détale  à  toutes  jambes  pour 
dépister  les  gendarmes. 

(Le  A'7A'e  sii'cle  du  27  septembre  1875.) 

Mais  les  deux  verbes  dont  il  s'agit  ayant  absolument 
la  même  prononciation  et  la  même  orthographe,  vous 
croyiez  (comme  une  foule  d'autres  probablemcnli  qu'il 
n'y  avait  qu'un  verbe  dépister,  et  vous  ne  voyiez  pas 
comment  ce  verbe  avait  pu  en  venir,  par  extension 
de  sens,  à  posséder  deux  significations  si  diamélrale- 
ment  opposées.  - 

Voilà  l'explication  de  ce  mystère. 

En  lisant  ce  que  les  dictionnaires  disent  du  verbe 
dépister  (le  premier  en' date,  le  seul  qu'ils  mention- 
nent pour  la  plupart;,  on  pourrait  croire,  tant  cela 
semble  aller  de  soi,  que  c'est  à  un  chasseur  que  nous 
devons  la  création  de  ce  verbe.  C'est  une  erreur . 
Nous  la  devons  aux  antiquaires,  chose  que  le  Dic- 
tionnaire  de  Trévoux,  publié  à  une  époque  où  le 
premier  dépister  était  encore  d'introduction  récente, 
donne  clairement  à  entendre  dans  le  passage  suivant  : 

«  Ce  terme  est  forgé  pour  marquer  l'attention  d'un 
auteur  à  faire  des  recherches  sur  les  antiquités,  comme  d'un 
homme  qui  suit  à  la  piste  les  choses  qu'il  cherche.  • 


X 
Troisii'me  Question. 
On  trouve  dans  le  bodrgeois  gentilhomme  de  Molière 
(II,  Ij  la  phrase  suivante:  «  FI  faut  qu'une  personne 
comme  vous  ait  un  co.\cert  de  McsiycE  tous  les  mer- 
credis et  tous  les  je^idis  ».  Mais  on  sait  bie?i  qu'un 
concert  est  composé  de  musique  ;  pourquoi  donc  Molière 
n'a-t-il  pas  dit  concert  tout  court  ? 

Vous  n'êtes  pas  seul  à  vous  étonner  de  cette  cons- 
truction; cependant  l'espèce  de  pléonasme  qu'elle  forme 
peut  parfaitement  se  justifier,  ainsi  que  je  vais  vous  le 
fnire  voir. 

Le  mot  concert  nous  est  venu  de  l'italien  concerto,  à 
la  fin  du  xvi=  siècle,  deux  faits  que  nous  apprend 
Pasquier  (mort  en  liiiri)  dans  ces  lignes,  citées  par  le 
Dictionnaire  de  Dochez  : 

«  Nous  avons  depuis  trente  ou  quarante  ans  emprunté 
plusieurs  mots  à  l'Italie,  comme  concert  pour  conférence.  » 

Ce  mot  fut  appliqué  à  l'harmonie  composée  de  plu- 
sieurs voix  ou  de  plusieurs  instruments;  on  a  dit 
concert  de  flûtes,  concert  de  hmds-bois.  concert  de  luths 
et  de  voix,  elc,  et,  en  général,  concert  de  musique, 
expression  qui  semble  avoir  été  usitée  pendant  tout  le 
xvu'  siècle,  car  on  trouve  : 

Dans  le  dictionnaire  français  et  anglais  de  Cotgrave 
(ICGO   : 

Concert  de  musique  —  (A  consort  of  musick); 

Dans  Hamilton  {Mémoires  du  chevalier  de  Grammont, 
chap.  4)  : 

Il  était  bien  malheureux  de  n'avoir  pu  donner  un  petit 
concert  de  musique  à  M.  de  Sénantes. 

Vers  la  fin  du  même  siècle,  on  employait  aussi  concert 
absolument;  car  si,  dans  la  première  édition  de 
l'Académie  i  16941,  on  lit  encore  concert  de  musique 
comme  exemple,  on  y  lit  également  ceci  : 

Beau,  agréable  concert;  —  grand  concert;  —  faire  un 
concert;  —  donner  un  concert  ;  —  II  y  a  concert  chez  lui 
toutes  les  semaines. 

Avec  le  wiW.  on  cessa  complètement  de  joindre  à 
concert  le  complément  de  musique,  ce  qui  est  mis  hors 
de  doute  par  l'absence  de  ces  mots  après  concert  dans  le 
dictionnaire  deFuretière  (1727). 

Or,  .Molière,  dont  le  Bourgeois  yentiUiommc  a  été 
représenté  publiquement  pour  la  première  fois  en  1670, 
a  fait  parler  les  personnages  de  cette  comédie-ballet  en 
langage  du  temps,  et  ce  langage  autorisait  l'expression 
concert  de  musique,  comme  en  sont  la  preuve  les  cita- 
tions que  j'ai  faites  plus  haut. 

D'où  il  suitque  cette  expression,  qui  serait  aujourd'hui 
un  pléonasme,  n'en  était  nullement  un  à  l'époque  où 
parut  la  pièce  en  question,  et  que,  par  conséquent,  en 
parlant  d'une  réunion  musicale,  .Molière  ne  pouvait 
s'exprimer  autrement  qu'il  ne  l'a  fail. 

X 

Quiilrirme  Question. 

Que  pensez-vous  de  la  distinction  établie  par  Poitevin 

quand  il  dit  :  que  le  participe  passé  précédé  de  m  et 

d'un  adverbe  de  quantité  est  tantôt  variable  et  tantôt 


ii(i 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


invariable,  selon  l'idée  qu'offre  à  l'esprit  le  nom  repré- 
senté par  EiN? 

Le  participe  passé  n'ayant  d'autre  régime  que  le  mot 
en  peut  se  trouver  construit  de  trois  manières  diffé- 
rentes :  avec  en  seulement,  avec  en  suivi  d'un  adverbe 
de  quantité,  et  avec  en  précédé  de  la  même  espèce 
d'adverbe. 

Or,  lorsque  de  l'assentiment  de  tous,  on  laisse  le 
participe  invariable  dans  les  deux  premiers  cas,  il  est 
plus  logique,  selon  moi,  dele soumettre  à  lamèmerègle 
dans  le  troisième  cas  que  de  compliquer  encore  la 
théorie  du  participe,  théorie  déjà  bien  assez  difOcile  à 
appliquer  telle  qu'elle  est. 

Cette  question  a  été  traitée  avec  toute  l'étendue 
qu'elle  comporte  à  la  page  1 2  de  la  5«  année  du  Courrier 
de  Vaugelas. 

X 
Cinquième  Question. 

Je  trouve  dans  le  diction.^aire  de  la  LàHGCE  verte 
que,  à  l'École  polytechnique,  on  emploie  rat  de  poiNTS  et 
RAT  DE  socPE  pour  désigner  un  élève  qui  n'a  pas  eu,  à 
ses  examens  de  sortie,  un  assez  bon  rang  dans  les  ponts- 
et-chaussées,  et  celui  qui  arrive  à  table  après  que  le  repas 
est  commencé.  Comment  expliquez-vous  cet  autre  rat? 

Les  expressions  dont  vous  parlez  ont  été  évidemment 
suggérées  par  le  verbe  rater,  manquer.  L'élève  qui 
manque  son  entrée  dans  le  service  des  ponts-et-chaus- 
sées,  rate  les  ponts-et-chaussées;  celui  qui  arrive  trop 
lard  pour  le  diner,  râtela,  soupe;  d'où  les  expressions 
de  rate-ponts  et  de  rate-soupe. 

Mais  ces  expressions  donnaient  lieu  à  un  calembour  ; 
et  comme  ce  jeu  de  mots  n'est  point  banni  de  l'École 
polytechnique,  on  y  a  dit,  en  plaisantant,  tm  rat  de 
ponts,  un  rat  de  soupe,  sans  songer  aucunement  à 
l'offense  faite  ainsi  à  l'orthographe  et  au  sens. 


ETRANGER 

Première  Question. 
De  quel  sac  et  de  quelles  quilles  est-il  donc  q^testion 
dans  celle  phrase  de  La  Fontaine  :  «  El  ne  laisse  aux 
plaideurs  que  le  sac  et  les  quilles? 

Cette  phrase  est  un  vers  de  la  fable  de  l'Uuitre  et  les 
Plaideurs. 

Quand  le  juge  a  prononcé  la  sentence  requise  par  les 
deux  pèlerins,  La  Fontaine  en  tire  cette  morale  ou 
plutôt  cette  leçon  de  prudence  : 

Mettez  ce  qu'il  on  coûte  à  plaider  aujourd'hui, 
Comptez  ce  qu'il  en  reste  à  beaucoup  «le  familles; 
Vous  verrPZ  que  Perrin  tire  l'argent  à  lui, 
Et  ne  laisse  aux  plaideurs  que  le  sac  et  tes  quittes. 

Il  s'agit  de  trouver  de  quel  sac  et  de  quelles  quilles 
le  fabuliste  entend  parler  dans  cet  endroit  Plusieurs 
l'ont  essayé  qui  n'^  ont  pas  réussi  d'une  manière  salis- 
t'aisantc;  voyons  si  je  serai  plus  heureux. 


Le  mot  sac  me  semble  susceptible  de  trois  acceptions 
dans  cette  phrase  :  <"  le  sac  où  l'on  met  les  pièces  d'un 
procès;  2»  le  sac  où  l'on  met  les  quilles  au  jeu  de  ce 
nom;  3o  le  sac  où  l'on  met  de  l'argent  ;  quant  à  quille, 
il  peut  en  avoir  deux  :  1°  un  de  ces  petits  morceaux  de 
bois  dont  neuf  composent  le  jeu  de  quilles,  2*  la  jambe, 
comme  je  l'ai  déjà  dit  (Coî/mé"/-  de  Vaugelas,  sixième 
année,  page  66). 

Si  l'on  prend  successivement  sac  et  quilles  dans  les 
acceptions  que  je  viens  d'indiquer,  on  trouve  pour  la 
phrase  donnée  les  significations  suivantes  : 

|o  Sac  'd'un  procès)  avec  quilles  (morceaux  de  bois). 

—  Et  ne  laisse  aux  plaideurs  que  le  sac  renfermant  les 
pièces  du  procès  et  les  quilles. 

2°  Sac  (d'un  procès)  avec  quilles  (jambesU  —  Et  ne 
laisse  aux  plaideurs  que  le  sac  renfermant  les  pièces 
du  procès  et  les  jambes. 

3»  .Sac  Cpour  les  quillesi  avec  quilles  (morceaux  de 
bois).  —  Et  ne  laisse  aux  plaideurs  que  le  sac  où  l'on 
met  les  quilles  et  les  quilles  elles-mêmes. 

4»  Sac  (pour  les  quilles)  avec  quilles  (jambes).  —  Et 
ne  laisse  aux  plaideurs  que  le  sac  pour  les  quilles  et  les 
jambes. 

3°  Sac  (pour  l'argent)  avec  quilles  (morceaux  de  bois) . 

—  Et  ne  laisse  aux  plaideurs  que  le  sac  où  l'on  met 
l'argent  et  les  quilles  d'un  jeu  de  ce  nom. 

6"  Sac  (pour  l'argent)  avec  quilles  (jambes).  —  Et 
ne  laisse  aux  plaideurs  que  le  sac  où  l'on  met  l'argent 
et  les  jambes. 

Or,  quand  je  considère  qu'il  n'y  a  pas  de  raison 
pour  que  quilles  ligure  dans  la  i'"  et  dans  la  3"  com- 
binaison ;  que,  dans  la  2^,  dans  la  â'-  et  dans  la.  6«,  il 
faudrait  leurs  quilles,  puisqu'on  dirait,  par  exemple  : 
et  ne  leur  laisse  que  leurs  souliers;  j'incline  fortement 
à  croire  que  la  combinaison  numéro  3  est  la  vraie, 
c'est-à-dire  que  La  Fontaine  a  fait  tout  simplement, 
dans  le  vers  dont  il  s'agit,  une  allusion  au  jeu  de 
quilles,  jeu  très-répandu  chez  nos  aïeux,  et  qui,  dès  le 
xvi=  siècle  au  moins  (comme  il  me  semble  en  voir  la 
preuve  dans  Leroux  de  Lincy,  Prov.  U,  p.  180)  avait 
donné  naissance  à  l'expression  familière  : 

Bailler   à  quelqu'un  son  sac  et  ses  quilles, 

expression  signitiaut  renvoyer  une  personne  que  l'on 
ne  veut  plus  garder  à  son  service. 

X 
Seroiiile   Question. 

Faut-il  (lire  :  ils  oîsï  on  curz-soi  ou  ils  ont  cn  cqez- 
Ecx?  Je  vous  serais  bien  obligée  de  répondre  à  cette 
question,  qui  est  toujours  pour  moi  un  sujet  d'embarras 
quand  elle  se  présente. 

Quand,  avec  la  préposition  chez  et  un  pronom,  ou 
veut  exprimer  le  sens  de  maison  qui  vous  appartient, 
on  met  .wi  après  cette  préposition  si  le  sujet  est  on, 
lors(iun  le  verbe  est  un  impersonnel  suivi  d'un  infinitif, 
ou  encore  quand  chez  sert  de  complément  à  un  infinilil 
sujet  delà  phrase.  Ainsi  il  faut  dire  : 


LE  COURRIER  UE  VAUGELAS. 


U7 


On  est  heureux  d'avoir  un  chez-sot.  —  //  est  triste  de 
xCavoir  point  de  cfiez-soi.  —Après  tant  de  voyages,  retrou- 
ver son  cliez-soi  est  une  douce  chose. 

Dans  tous  les  autres  cas,  on  fait  suivre  c/tez  du 
pronom  régime  qui  correspond  au  sujet;  c'est-à-dire 
qu'on  s'exprime  comme  il  suit  : 

7'aiun  chez-moi 
Tu  as  un  cliez-toi 
Il  a  un  chez-liti 
Elle  a  un  chez-elle 
Nous  avons  un  cficz-nous 
Vous  avpz  un  chez-iou:, 
Ils  ont  un  chez-eux 
Elles  ont  un  chez- elles. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1».  .  enlre  les  ouvrages  ou  plutôt  les  opuscules  assez  nom- 
breux ;  — 2°. ..  Nous  ne  l'avioriS  pas  laissée  passer  inaperçue;  — 
3».  .  àVeffet  de  préparer  les  élections  (Voir  CoMrrier de  Vaugelas, 
6'  année,  p .  75)  ;  —  4° .  . .  de  Vaucluse  (point  de  la  ;  voir  Cour- 
rier de  Vaugelas,  b'  année,  p  18)  ;  —  5». . .  à  laquelle  je  ne  vois 
d'autre  explication  {qui  précédé  d'une  préposition  ne  s'emploie 
pas  en  parlant  des  choses);  — G"...  Il  lui  a  pardonné;  — 
7°..  intiment  à  leur  candidat  de  n'honorer  de  leur  vote  et  de 
n'envoyer  au  Sénat  qu'un  mandataire  (pour  que  deux  verbes 
puissent  recevoir  un  régime  commun,  il  faut  ou  que  ce  régime  soit 
direct  à  l'égard  de  chacun  d'eux,  ou  qu'il  se  joig'ne  à  chacun 
d'eux  par  la  même  préposition)  ;  —  8"...  et  quand  une  discussion 
s'élevait  enlre  ses  membres;  —  9". . .  l'heure  d'appeler  à  l'Assem- 
blée du  jugement  (on  dit  appeler  à..  .  de.  ..,  et  l'on  ne  met  en 
avant  appeler  que  lorsque  ce  qui  suit  de  est  ellipse). 

Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaine.s. 

1°  Ce  sont  toujours,  au  dire  du  Petit  Journal,  des  mission- 
naires retour  de  llnde  qui  auraient  apporté  de  ces  climats 
lointains  le  précieux  rabifuge  avec  la  manière  de  s'en 
servir. 

V  M.  Offenbach  en  appelle  du  jugement  qui  l'a  condamné 
à  payer  8,000  fr.  à  M.  Delannoy  pour  n'avoir  pas  fait  jouer 
à  cet  artiste  le  Don  Quichotte  à  l'époque  indiquée  par  le 
traité. 

3°  M.  Hoslein  est-il  ou  n'est-il  pas  directeur  de  l'Ambigu  ? 
Non,  disent  lès  uns;  oui,  affirment  les  autres.  Voici,  d'après 
nos  renseignements,  le  fia  mot  de  l'affaire. 

4°  L'asile  du  département  d'Alger  sera,  au  mois  de 
novembre  1877,  en  état  non-seulement  de  recevoir  ses 
aliénés  dans  d'excellentes  conditions,  mais  encore  ceux  des 
départements  d'Oran  et  de  Constantine. 

5'  Malgré  les  précautions  que  prenait  Madame  Charlotte 
à  se  cacher,  le  prince  découvrit  sa  retraite... 

e»  Mais  si  tu  mettais  près  de  ces  énormes  roses  mous- 
seuses quelques  plantes  légères,  répondit  la  baronne,  du 
liseron,  par  exemple? 

7*  Bien  que  nous  ayions  des  ressources  nombreuses, 
(luoique  nous  soyions  parfaitement  compris,  nous  fatiguons 
notre  mémoire. 

8*  M.  Thiers  écoute  avec  extase  les  sérénades  amoureu- 
sement ridicules  que  lui  donnent  deux  amateurs  de  Teste- 
les-Bordeaux,  et  deux  flûtistes  d'un  casino  méridional. 


9°  Que  l'idéal  parlementaire  en  ait  reçu  une  atteinte 
peut-être  fâcheuse...  dam!  je  ne  puis  aller  contre  l'histoire, 
et  les  attaques  de  nerfs  de  la  Presse  ny  font  rien. 

10'  Cette  fâcheuse  situation  entraînait  non-seulement  des 
dépenses  considérables,  mais  elle  était  un  obstacle  à  la 
guérison  des  malades  arrachés  brusquement  des  pays  où 
ils  laissent  leurs  familles  et  leurs  amis. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGR.\PHIE  DES  GR.\MMAIRIENS 

SECO.NUE  MOITIÉ  DU  XVJ1=  SIÈCLE. 
tSSi — » 

Claude    LANCELOT 

[Suite.] 

De  là,  il  est  arrivé  que,  dans  plusieurs  langues,  les 
hommes  se  sont  servis  du  même  mot,  en  lui  donnant 
diverses  inllexions,  pour  signifier  l'qn  et  l'autre,  appe- 
lant verbe  actif  celui  qui  a  l'inflexion  par  laquelle  ils 
ont  marqué  l'action,  el  verbe  passif  celui  qui  a  l'in- 
flexion par  laquelle  ils  ont  marqué  la  passion  :  amo, 
amor;  rerbero,  rerl)eror.  C'est  ce  qui  a  été  en  usage 
dans  toutes  les  langues  anciennes,  latine,  grecque  et 
orientales;  et  qui  plus  est,  ces  dernières  donnent  à  un 
même  verbe  trois  actifs,  a\anl  chacun  leur  passif,  et 
un  réciproque,  qui  tient  de  l'un  et  de  l'autre,  comme 
fait  s  aimer,  qui  signifie  l'action  du  verbe  sur  le  sujet 
même  du  verbe. 

Les  langues  vulgaires  de  l'Europe  n'ont  poi'nt  de 
passif  ;  elles  emploient  à  la  place  un  participe  fait  du 
verbe  actif,  qui  se  prend  au  sens  passif  avec  le  verbe 
substantif  7e  suis,  comme  je  suis  aimé,  je  svis  battu. 

Les  verbes  neutres,  que  quelques  grammairiens 
appellent  rerba  intransitiva,  verbes  qui  ne  passent 
point  au  dehors,  sont  de  deux  sortes  : 

Les  uns,  qui  ne  signifient  point  d'action,  mais  ou  une 
qualité,  comme  albet,  il  est  blanc,  viret,  il  est  vert;  ou 
quelque  situation,  sedet,  il  est  assis,  i/a<,  il  est  debout; 
ou  quelque  rapport  au  lieu,  adc.^t,  il  est  présent,  abest, 
il  est  absent,  etc.  ;  ou  quelque  autre  étal  ou  attribut, 
comme  quiescit,  il  est  en  repos,  rerinat,  il  est  roi,  etc. 

Les  autres  verbes  neutres  signifient  des  actions, 
mais  des  actions  qui  ne  passent  point  dans  un  sujet 
différent  de  celui  qui  agit,  ou  qui  ne  regardent  point  un 
autre  objet,  comme  dîner,  souper,  nuircher. 

Néanmoins,  les  verbes  neutres  de  ces  dernières  sortes 
deviennent  quelquefois  transitifs,  lorsqu'on  leur  donne 
un  sujet,  commç,  amhulare  viarn,  où  le  chemin  est  pris 
pour  le  «  sujet  »  de  cette  action. 

Souvent  aus..-i  en  grec,  et  quelquefois  en  latin,  on  leur 
donne  pour  régime  le  nom  m'éme  formé  du  verbe,  comme 
pugnare ptignam,  serviTeservitidem,  viiere  vitani. 

Mais  Lancelot  croit  que  ces  dernières  façons  de  parler 
ne  sont  venues  que  de  ce  qu'on  a  voulu  marquer 
quelque  chose  de  particulier  qui  n'était  pas  entièrement 
renfermé  dans  le  verbe,  comme  lorsqu'on  a  voulu  dire 


ns 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


d'un  homme  qu'il  menait  une  vie  heureuse,  ce  qui 
n'élail  pas  renfermé  clans  le  mot  rii-ere,  on  a  dit  viven 
vitam  beatam.  Ainsi,  quand  on  dit  rivcre  vitam,  c'est 
sans  doute  un  pléonasme  qui  est  venu  de  ces  autres 

façons  de  parler. 
C'est  pourquoi  aussi,  dans  toutes  les  langues  nouvelles, 

on  évite  comme  une  faute  de  joindre  le  nom  à  son  verhc, 
et  de  dire  par  exemple,  combattre   un  grand  combat. 

Par  là  on  peut  résoudre  la  question  desavoir,  si  tout 
verbe  non  passif  régit  toujours  un  accusatif,  au  moins 
sous-entendu.  C'est  le  sentiment  de  quelques  grammai- 
riens fort  habiles,  mais  Lancelot  ne  le  partage  pas,  et  dit 
pourquoi  en  terminant  ce  chapitre. 

Des  verbes  impersonnels.  — L'infinitif  est  proprement 
ce  qu'on  devrait  appeler  verbe  impersonnel,  puisqu'il 
marque  l'affirmation,  ce  qui  est  propre  au  verbe,  et  la 
marque  indéfiniment,  sans  nombre  et  sans  personne, 
ce  qui  est  proprement  être  impersonnel. 

Néanmoins,  les  grammairiens  donnent  ordinairement 
ce  nom  d'impersonnel  à  certains  verbes  défectueux  qui 
n'ont  guère  que  la  3"=  personne. 

Ces  verbes  sont  de  deux  sortes;  les  uns  ont  la 
forme  de  verbes  neutres  comme  pœnifet,  pudet,  piget, 
etc.;  les  autres  se  tirent  des  verbes  passifs,  et  en 
retiennent   la  forme,  comme  curritur,  amatur,  etc. 

Or,  ces  verbes  ont  quelquefois  plus  de  personnes  que 
les  grammairiens  ne  pensent;  car  il  semble  qu'on  ne 
les  a  appelés  impersonnels  que  parce  que,  renfermant 
dans  leur  signification  un  «  sujet  »  qui  ne  convient 
qu'à  la  y  personne,  il  n'a  pas  été  nécessaire  d'exprimer 
ce  fait,  parce  qu'il  est  assez  marqué  par  le  verbe  même, 
et  qu'ainsi  on  a  compris  par  le  sujet,  l'affirmation  et 
l'attribut  en  un  seul  mol,  CQma\e pudet  me,  c'est-à-dire 
pudor  tenet,  ou  est  tenens  me. 

Quant  aux  impersonnels  passifs,  statur,  curritur, 
etc.,  on  les  peut  aussi  résoudre  par  le  verbe  est  ou  fit, 
ou  existit  et  le  nom  verbal  pris  d'eux-mêmes,  comme 
statur,  c'est-à-dire  statio  fit,  ou  est  facta,  ou  existit. 

De  là  on  peut  conclure,  il  semble,  que  notre  langue 
n'a  point  proprement  d'impersonnels  ;  car,  quand  nous 
disons  /'/  faut,  il  est  permis,  il  me  plaît,  cet  il  est  là 
proprement  un  relatif  qui  lient  toujours  lieu  du  nomi- 
natif du  verbe,  lequel  d'ordinaire  vient  après,  dans  le 
régime,  comme  si  l'on  dit  //  me  plaît  de  faire  cela,  c'esl- 
à-dire  il  de  faire,  jiour  l'action  ou  le  mouvement  de 
faire  cela  me  plail,  ou  est  mon  plaisir. 

Pour  les  impersonnels  passifs,  comme  amatur,  cur- 
ritur, qu'on  exprime  en  français  par  on  aime,  on  court, 
il  est  certain  que  ces  façons  de  parler  dans  notre  langue 
sont  encore  moins  impersonnelles. 

Et  l'on  peut  encore  remarquer  que  les  verbes  des 
effets  de  la  nature,  comme  pluit,  ningit,  grandinat, 
peuvent  être  expliqués  [lar  ces  mêmes  principes  dans 
l'une  et  dans  l'autre  langue  :  pluit  est  mis  pour  pluvia 
fit  ou  (•';(///,  i;l  quand  nous  disons  il  pleut,  le  pronom 
//  est  mis  la  pour  le  nouiiualif,  c'cst-à-ilire  pluie,  ren- 
ferme avec  le  verbe  substantif  w<  ou /(»7,  comme  si  l'on 
disait  il  pluie  est. 


Cela  se  voit  mieux  dans  les  façons  de  parler  où  nous 
joignons  un  verbe  avec  notre  il,  comme//  fait  chaud, 
qui  équivaut  à  calor  est,  ou  fit,  ou  existit. 

Des  participes.  —  Ce  sont  de  vrais  noms  adjectifs 
qui  se  rapportent  aux  verbes. 

Ce  rapport  consiste  en  ce  qu'ils  signifient  la  même 
chose  que  le  verbe,  excepté  l'affirmation  qui  en  est 
ôtée,  et  la  désignation  des  trois  différentes  personnes, 
qui  suit  l'affirmation.  C'est  pourquoi,  en  l'y  remettant, 
on  fait  la  même  chose  par  le  participe  que  par  le  verbe; 
ainsi  amatus  sum  est  la  même  chose  qu'amor,  et  sum 
amans-qu'amo,  et  cette  façon  de  parler  par  le  participe 
est  |ilus  ordinaire  en  grec  et  en  hébreu  qu'en  latin, 
quoique  Cicéron  s'en  soit  servi  quelquefois. 

Il  y  a  des  participes  actifs  et  d'autresqui  sont  passifs  : 
les  actifs  en  latin  se  terminent  en  ans  et  ens:  amans, 
docens;  les  passifs  en  «.s  .•  amatus,  doctus.  .Mais  il  y  en 
a  encore  qui  ajoutent  à  celte  signification  passive  que 
cela  doit  l'tre,  qu'il  faut  que  cela  soiî;  ce  sont  les  par- 
ticipes en  dits:  amanclus,  qui  doit  êlre  aimé. 
■  Ce  qu'il  y  a  de  propre  au  participe  des  verbes  actifs, 
c'est  qu'il  signifie  l'action  du  verbe,  comme  elle  est 
dans  le  verbe,  cesl-à-dire  dans  le  cours  de  l'action 
même,  au  lieu  que  les  noms  verbaux,  qui  signifient 
aussi  des  actions,  les  signifient  plutôt  dans  l'habitude 
que  dans  l'acte. 

De  là  vient  que  les  participes  ont  le  même  régime  que 
les  verbes,-  amans  Deum,  tandis  que  les  noms  verbaux 
n'ont  le  régime  que  des  noms,  amor  Dei. 

Des  gérondifs  et  des  supins.  —  En  ôtant  l'affirmation 
au  verbe,  on  en  fait  aussi,  en  latin,  deux  noms  subs- 
tantifs ;  l'un  en  dum,  appelé  gérondif,  qui  a  divers  cas, 
dum,  di,  do  :  amandum,  amandi,  aniando,  mais  qui 
na  (ju'un  genre  et  un  nombre,  ce  en  quoi  il  diffère  du 
participe  en  dus  :  amandus,  amanda,  amandum,  et 
l'autre  en  um,  appelé  supin,  qui  a  aussi  deux  cas,  tum, 
tu  :  amatum,  amatu,  mais  qui  n'a  point  non  plus  de 
diversité  de  genre  ni  de  nombre,  ce  en  quoi  il  diffère 
du  participe  en  tus  :  amatus,  amata,  amatvm._ 

Les  grammairiens  ont  été  embarrassés  pour  expliquer 
la  nature  du  gérondif;  quelques-uns  œit  cru  que  c'était 
un  adjectil  passif.  Lancelot  croit,  lui,  qu'il  est  toujours 
actif,  et  qu'il  ne  dilfere  de  l'infinitif,  considéré  comme 
nom,  que  parce  qu'il  ajoute  à  la  signification  de  l'action 
du  verbe  une  idée  de  nécessité  ou  de  devoir.  C'est  pour 
cela  que  pugnandum  est  est  la  même  cho&t  ç\\xq pugnare 
oppoitct. 

Notre  langue,  qui  n'a  point  de  gérondif,  rend  cette 
forme  latine  par  l'inlinitif  et  un  mot  qui  signifie  devoir: 
il  faut  combattre. 

Quant  au  supin,  Lancelot  est  d'accord  avec  les  autres 
grammairiens  :  c'est  un  nom  substantif  qui  est  pas- 
sif, au  lieu  ([ue  le  gérondif  est   toujours   actif. 

[La  fin  au  prochain  numéro.) 


Lis  RBUACTEOii-tiÉuANT  :  Euam  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


H  9 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Diderot  et  la  Société  du  baron  d'Olbach.  Etude  sur 
le  XYiii"  siècle,  1713-1789;  par  C.  Avezac-Lavigne.  In-S", 
272  p.  Paris,  lib.  Leroux.  7  fr.  50. 

Cent  (les)  nouvelles  nouvelles,  dites  les  Cent  nou- 
velles du  roi  Louis  XI.  Nouvelle  édition,  revue  sur 
l'édition  originale,  avec  des  notes  et  une  introduction 
par  P.  L.  Jacob,  bibliophile.  In-18  Jésus,  xxui-393  p. 
Paris,  lib.  Delahays.  3  fr.  50. 

Derrière  le  rideau.  Ma  femme  et  moi.  Ni  chair  ni 
poisson.  Les  Maris  de  M"'  Nounouche.  La  Tache 
noire.  Feu  follet.  La  Sonnette;  par  Camille  l>emonnier. 
In-18  Jésus,  321  p.  Paris,  lib.  Casimir  Pont.  3  fr. 

Dernières  nouvelles.  Brigitte.  Le  Violon  de  Fidélio. 
Sreur  Jacinthe.  La  Dune  d'Apremont.  La  Tour  Vitrée. 
Le  Bon  ange  et  le  Mauvais  génie.  Jolibols.  Pierre  de  La 
Gasca  ;  par  Edouard  Ourliac.  In-18  jcsus,  317  p.  Paris, 
lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

Aujourd'hui  et  demain;  par  Auguste  Vacquerie. 
4=  édition.  In- 18  Jésus,  339  p.  Paris,  lib.  Nouvelle. 

Contes  du  lundi;  par  Alphonse  Daudet.  Nouvelle 
édition,  revue  et  considérablement  augmentée.  In-18 
Jésus,  363  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Mémoires  de  Oudard  Coquauld,  bourgeois  de 
Reims  vl6/t9-1068),  publiés  pour  la  première  fois,  sur 
le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  cette  ville,  avec  une 
introduction,  un  appendice  etdesnotes.  par  Ch.  Loriquet, 
conservateur  .de  la  bibliothèque,  des  archives  et  du 
musée  de  la  ville.  2  vol.  in-8»,  xc-7l0  p.  Paris,  lib. 
Didron.  16  fr. 


Poésies  de  Théodore  de  Banville.  Occidentales. 
Rimes  dorées.  Rondels.  Petit  in-12,  307  p.  et  I  grav. 
Paris,  lib.  Lemerre.  6  fr. 

Madame  Des  Grieux;  par  Léonce  Dupont.  In-18 
Jésus,  xv-287.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

La  Chanson  de  Roland.  Texte  critique,  traduction 
et  commentaire,  grammaire  et  glossaire  ;  par  Léon 
Gauthier,  professeur  à  l'École  des  Chartes.  Edition  clas- 
sique. ln-12.  LV-662  p.  Tours,  lib.  Mame  et  fils. 

L'Heptamèron  des  nouvelles  de  très-haute  et 
très-puissante  princesse  Marguerite  d'Angoulême, 
royne  de  Navarre.  Nouvelle  édition,  publiée  d'après  le 
texte  des  manuscrits,  avec  des  notes  et  une  notice,  par 
P.  L.  Jacob,  bibliophile,  ln-18  Jésus,  xxvni-3i0  p.  Paris, 
lib.  Delahays.  3  fr.  50. 

La  Belle  Va,lentine  ;  par  Clémence  Robert.  In-18 
Jésus,  298  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  1  fr.  25. 

Philosophie  mondaine;  par  Xavier  Aubryet.  In-18 
Jésus,  xviii-322  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Le  Ministère  de  M.  de  Màrtignac,  sa  vie  politique 
et  les  dernières  années  de  la  Restauration  (d'après 
des  publications  récentes  et  des  docunients^nédits)  ;  par 
Ernest  Daudet.  In-8°,  426  p.  Paris,  lib.  Dentu.  6  fr. 

A  travers  mers  et  forêts,  scènes  et  aventures  de 
voyages  ;  par  Victor  Lamy.  Iii-12,  vii-299  p.  Paris,  lib. 
Bonhoure  et  Cie.  3  fr. 

Les  États  de  Bretagne  et  l'administration  de 
cette  province  jusqu'en  1789;  par  le  comte  de  Carné, 
de  l'Académie  française.  2"  édition.  2  vol.  ln-12,  xvr- 
818  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  7  fr. 


Publications  antérieures  : 


UNE  JONCHÉE  DE  FLEURS.  —  Par  M'""  Marie-Fki.icie 
Testas.  —  Paris,  librairie  Ch.  Blëriot,  éditeur.  55,  quai 
des  Gramls-Augustins. 

L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  CURIEUX. 
—  En  vente  à  la  librairie  Smidoz  el  Fishbacher,  33,  rue 
de  Seine  à  Paris.  —  Chacune  des  7  années  parues  se  vend 
séparément.  —  Envoi  franco  pour  la  France. 


GLAS  ET  CARILLONS,  sonnets,  poésies  diverses, 
grand'gardes.  —  Par  P.vul  Collix.  —  Paris,  librairie 
lliichctte  el  Cie,  79.  boulevard  Saint-Germain,  et  Adolphe 
l.emerre,  éditeur,  27  et  29,  passage  Choiseul. 


LES  ÉLÉMENTS  MATÉRIELS  DU  FRANÇAIS,  c'est-à- 
dire  li;s  sons  de  la  langue  française  entendus  ou  repré- 
sentés. —  Ouvrage  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'élude  de  notre  langue.  —  Par  B.  Jullien,  docteur  ès- 
lettres,  licencié  ès-sciences.  —  Paris,  lib.  llachelle  el  Cie, 
76,  boulevard  Saint-Germain. 


MUSIQUE  DE  CHAMBRE,  poésies.  —  Par  Paui.  Collin. 
—  Paris,  librairie  Hachette  el  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain. 


CENT  DICTÉES  sun  les  pnE.Mu:uES  nÉoLES  de  L.i  gdam- 
MAiBE.  —  Premier  livre  de  lecture  approprié  aux  étrangers. 
—  Par  M"«  M.  Trécoibt.  —  Troisième  édition.  —  Paris, 
Ch.  Delagraie  el  Cie.  éditeurs,  58,  rue  des  Écoles. 


COURS  COMPLET  DE  LANGUE  FRANÇAISE  (Théorie  et 
Exercices).  —  Par  .M.  Guéraud,  agrégé  de  l'Université. 
Directeur  des  Etudes  à  Sainte-Barbe,  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur.  —  Deuxième  partie.  —  Exercices  sur 

chacune  des  parties  de  la  grammaire  et  compléments. 

Nouvelle  édition.  —  Paris,  Ch.  Detagrave  elCie,  libraires- 
éditeurs.  58,  rue  des  Ecoles. 


LE  MARI  DE  LA  VIEILLE.  —  Etude  de  mœurs.  —  Par 
GinniEi.  PnÉvosT.  —  Chez  Muillel,  libraire-éditeur,  72, 
boulevard  Haussmann. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


LA  VIE  PARISIENNE.  —  Par  Akmand  L\pointe.  —  Un 
vol.  iii-18.  —  Paris,  librairie  de  Casimir  Pont,  97,  rue 
Richelieu.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


DIEU  ET  LA  NATURE.  Poésies  pour  l'enfance.  —  Par 
Mlle  M.  Tkècourt.  —  Ouvrage  publié  sous  le,  patronage 
de  Limaitine.  -^  Deuxième  édition.  —  Paris,  librairie 
française  et  anglaise  de  J.-U.  Trucliy,  26,  boulevard  des 
Italiens. 


BOIELDIEU,  SA  VIE,  ses  oeuvres,  sa  correspondanxe.  — 
Par  Arthur  PougIn.  —  Edition  ornée  d'un  portrait  de 
Boieldieu,  gravé  sur  acier,  par  M.  Desjardins,  et  du  fac- 
simile  d'une  lettre  autographe  de  Boieldieu.  —  Paris, 
CAar/jew/iereiCî'e,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre. 


LA  TENTATION  DE  SAINT  ANTOINE.  —  Par  Gustave 
Flaubert.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  Charpentier  et 
Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre.  —  Prix  : 
7  fr.  50. 


LA  BONTÉ,  ouvrage  couronné  par  l'Académie  fran- 
çaise. —  Par  Charles  Rozan.  —  Cinquième  édition. — 
Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  à"  et  la  5«  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1",  la  1'  el  la  3'  année  doivent  être  pro- 
chainemenl  réimprimées. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


Dans  un   des  plus  beaux   quartiers   de  Paris.  — 

Un  .Monsieur  et  uneDanif,  sans  enfants,  désirent  recevoir 
des  pensionnaires.  —  Prix  modérés. 


Avenue  de  la  Grande  Armée  (prés  de  l'Arc  de 
triomphe  de  l'Etoile).  —  Dans  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très-bel  appartement. 


bonne  famille  pour  leur  enseigner  la  langue  française,  la 
musique,  etc. 

A  Passy  (près  du  Ranelagh).  —  Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  daus  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Dans  les   environs  de  "Paris.    —  Une  dame  désire 
recevoir  comme  pensionnaires  de  jeunes  demoiselles  de 

«  


Au  centre  de  Paris.  —  Un  pasteur  recevrait  volon- 
tiers comme  pensionnaires  trois  ou  quatre  jeunes  fdies, 
qui  trouveraient  dans  sa  maison  la  vie  de  famille  et,  au 
besoin,  des  leçons. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


La  Société  acadèmihue  de  Saixt-Quentin  propose  des  médailles  d'or  pour  les  sujets  suivants,  mis  au  concours  pour 
l'année  1876  :  Poésie,  —  Sujet  laissé  au  choix  des  concurrents.  Canlales.  —  Sujet  également  laissé  au  choix  des 
concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  concours  devront  remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national 
de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-dire  être  à  personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'homme),  et 
contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un  trio  final.  —  La  Cantate  de  1876  servira  de  texte  pour  le 
concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1877.  Littérature.  —  !■•'■  question  :  «  Etude  sur  la  poésie  contemporaine.  »  — 
2"  question  :  «  Des  moyens  de  développer  le  goût  de  l'étude  dans  toutes  les  conditions  sociales.  » 


Un  concours  de  poésie  sur  ce  sujet  la  Revanche  est  ouvert  à  l'Académie  des  Poètes.  —  Pour  concourir,  il  faut 
appartenir  à  cette  Académie,  comme  membre  titulaire,  honoraire,  ou  membre  correspondant,  et  être  Français.  —  Le 
prix  du  concours  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  150  fr.,  donnée  par  un  des  membres  de  l'Académie, 
M.  Marc  Bonnefoy.  —  Les  poésies  envoyées  au  concours  devront  se  renfermer  autant  que  possible  dans  la  limite  de 
100  et  200  vers  (ces'  chiffres  n'ont  rien  d'absolu),  et  être  inédites;  elles  pourront  être  signées  ou  non  signées,  au  gré 
des  concurrents,  et  dans  ce  dernier  cas,  être  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant  le  nom  de  l'auteur.  —  Les 
envois  relatifs  au  concours  doivent  être  adressés  franco  à  M.  Elle  de  Biran,  archiviste  de  l'Académie,  rue  des 
Missions,  22,  à  Paris,  avant  le  l'"'  mars  1876. 

Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  —  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  le  2"  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3"  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  l""'  juin  187(). 

La  SocnVri:  d'e.miouhaukment  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  jiour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  et  développer 
les  moijens  les  plus  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  le  hicn-étre  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  secrétaire-général,  2,  rue  Brochant,  aux  Hatignolles 
(Paris),  avant  le  31  décembre  1875. _^ ^ 

Le  rcdacleur  du  Courrier  de  Vaugelas  ol  \i.>^ilj|e  à  .'■ou  luirraii  de  miili  à  une  heure  et  demie. 


Impiiuierie  GOUVEUNEUH,  G.  UaUI'ELEV  à  INogeiille-Hotrou. 


e*  Année 


N"  16. 


15  Décembre  1875. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^« 


^\\y.^  Journal  Semi-Mensuel  ^'U/ / 


CONSACflÉ    A    LA     PROPAGATION      UNIVERSELLE     DE     LA    LANGUE     FRANÇAISE 
Paraissant    le    1«  et    le    15    de    chaque   mois 


'49 


{Dans  sa  séance  du  11  janvier  187.i,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
.Abonnement  pour  la  France.    6  f . 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 
Annonces,  la  ligne.  50  c. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEDR   SPÉCIAL  POUB   LES   ETRANGERS 

Offirier  J'.\cdJémie 
26.  Boulevard  des  Italiens,  à,  Paris. 


ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressent,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit   à  un  libraire  quelconque. 


AVIS. 
Les  Souscripteurs  de  la  province  qui  n'ont  pas  encore 
payé  leur  abonnement  à  la  6"  année,  sont  instamment 
priés  de  vouloir  bien,  le  plus  tut    possible,  en  faire 
parvenir  le  montant  au  Rédacteur. 

SO.M.MAIRE. 

Communication  sur  Guéridon;  —  Origine  de  Scaferlati,  nom 
officiel  du  tabac  à  fumer,  —  Explication  de  Avoir  la  venelle  ; 
—  Si  Avoir  l'air  bon  peut  se  dire  d'une  chose  inanimée  || 
D'où  vient  J«/i>nne  désignant  un  potage;  —  Le  juge  Perrin 
dans  La  Fontaine  ;  —  Origine  de  CaJino,  signifiant  niais, 
jocrisse.  5  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  et  fin  de  la 
biographie  de  C/«Krfe  Lancelot .  \\  Ouvrages  de  grammaire  et 
de  littérature  (|  Renseignements  aux  professeurs  français.  |1 
Concours  littéraires. 


FRANCE 


GOM.MUNIGATIONS. 

A  l'occasion  de  l'étymologiedu  mot  ^ft/e'/'/c/o»,  donnée 
dans  mon  numéro  13,  j'ai  rei;u  la  lettre  qui  suit  : 
Monsieur, 
Votre  citation  d'après  M.  Edouard  Fournier  dit  bien  que 
guéridon  était  un  personnage  de  ballet,  mais  elle  ne  nous 
apprend  pas  comment  le  mot  est,  formé.  Où  est  l'étymologie? 
Pourquoi  ce  chevalier  de  la  triste  figure  chargé  de  tenir 
la   chandelle    au.x    gens    qui    s'embrassaient   s'appelait-il 
(fuéridou  ?  La  question  est  là  tout  entière. 
On  lit  dans  le  Dictionnaire  de  lîichelet  : 
a  Le  mot  de  guéridon,  selon  M.   Bouillaud,   fut  apporté 
d'Afrique  par  les  Provençaux,  et  alors  sur  ce  mot,  qu'on 
métamorphosa  en   homme,  on  fit  un  vaudeville   que  le 
peuple  appela  guéridon,  et  qui  avait    pour  reprise,  à  la  fin 
de  chaque  couplet,  le  mot  de  (/«('((Vio/i.  Voici  un  échantillon 
de  cet  air  qu'on  chanta  longtemps  ])ar  tout  le  royaume  : 
Guendon  est  mon; 
Depuis  [irès  d'une  heure. 
Sa  femme  le  pleure, 
Hélas!  guéridon. 
De  son  côté,  M.  Francisque  Alichpl  dit,  à   propos  d'une 
autre  espèce  de  chanson  qui  s'appelait  filou  : 
I  Le  filou  était  donc  une  chanson  ou  plutôt  un  air  de 


musique,  comme  le  guéridon,  ainsi  appelé  du  nom  de  son 
auteur.  » 

Enfin,  il  me  semble  acquis  que  le  mot  guéridon,  après 
avoir  désigné  une  chanson  particulière,  s'est  dit  de  toutes 
les  chansons  où  il  entrait  comme  refrain;  on  en  trouve 
un  exemple  dans  ce  passage  d'une  facétie  de  1616,  citée 
par  M.  Francisque  Michel  : 

0  Belles-Oreilles  et  Poltronesque  ayant  dit  à  Joly  Barby, 
qui  vient  de  chanter  une  chanson  :  «  Tu  n'en  sçay  pas 
davantage  ?  >  celui-ci  répond  :  «  Si  fay  ;  mais  c'est  un 
second  guéridon  et  un  autre  filou.  »  Voyez  le  Carabinage 
et  matoiserie  soldatesque,  p.  76. 

Ces  matériaux  servent  à  marquer  le  chemin  parcouru 
par  le  mot  :  du  refrain  il  aura  passé  à  la  danse,  de  la 
danse  à  l'homme  porte-flambeau,  et  de  Phomme  au  meuble 
qui  a  rempli  le  même  office,  meuble  dont  Richelet  a  donné 
la  description:  mais  il  reste  toujours  à  savoir  quelle  est 
l'origine,  quelle  est  la  véritable  signification  du  nom. 

A  vous,  Monsieur,  à  vous  qu'on  ne  prend  jamais  sans 
vert,  de  nous  dire  ce  dernier  mot. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considé- 
ration très-distinguée. 

Kast.ner. 

J'adresse  mes  bien  sincères  remerciements  à  l'auteur 
de  cette  savante  communication,  et  lui  promets  de 
m'occuper  aussitôt  que  je  le  pourrai  de  l'intéressante 
question  qu'il  m'y  propose. 

.X 
Premii'rc  Question. 
Quelle  est  l'ork/ine  ou  l'élymolofjie  du  nom  Scaki;b- 
LATi,  que  i Administration  donne  au  tabac  à  fumer?  Je 
n'ai  pu  trouver  ce  mot  mclle  parl,el  les  emploi/és  de  la 
réijic,  qui  s'en  serrent  chaque  jour,  sont  aussi  icjnornnts 
que  moi  sur  ce  sujet. 


Dans  son  Dictionnaire,  .M.  Lillré  propose  trois  étymo- 
logies  pour  ce  mot  :  selon  les  uns,  dit-il.  c'est  la  déno- 
mination que  les  Levantins  donnaient  à  une  sorte  du 
taliac  qu'on  e.\pédiait  de  Turquie;  selon  d'autres,  c'est 
le  nom  d'un  ouvrier  italien  .qui,  travaillant  à  la  ferme 
dans  la  première  moitié  du  wiii'  siècle,  inventa  un 
nouveau  procédé  pour  hacher  le  tabac  ;  on  prétend  en- 


122 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


core  que  scaferlati  est  la  corriiplion  du  mot  italien 
scarpellelli,  petits  ciseaux. 

Examinons  tour  à  tour  la  valeur  de  ces  étymologies. 

Scaferlati  vient-il  de  l'italien  scarpelletti,  signifiant 
petits  ciseaux?  —  C'est  impossil)le,  et  pour  les  deux 
raisons  que  voici  : 

-1»  Par  corruption,  scarpelletti  n'a  pu  se  transformer 
en  scaferlati,  car  une  telle  transformation  exigerait  une 
permutation  de  tant  de  lettres  qu'il  n'y  en  aurait  pas 
d'exemple  analogue  dans  la  langue. 

2°  Scarpelletti  désignant  non  des  ciseaux  à  deux 
lames  comme  en  requiert  le  découpage  du  tabac  en 
lanières,  mais  bien  des  ciseaux  comme  en  emploient 
les  sculpteurs,  le  mot  qui  en  serait  venu  par  corruption 
ne  pourrait  figuVer  parmi  les  termes  techniques  de  la 
fabrication  du  tabac,  où  il  n'y  a,  comme  chacun  sait, 
aucune  ciselure  à  faire. 

Scaferlati eat-W  le  nom  d'un  ouvrier  italien?  —  Cette 
étymologie  n'est  pas  plus  admissible  que  la  précé- 
dente, ce  qui  est  facile  â  démontrer. 

En  effet,  l'art.  220  de  la  loi  sur  les  Finances  du 
28  avril  (SI  6,  est  conçu  en  ces  termes  [linlletin  des  Lois, 

p.  600)  : 

Les  ustensiles  de  fabrication,  tels  que  moulins,  râpes, 
liachie-tabac,  rouets,  mécaniques  à  scaferlati,  presses  à 
carottes,  et  autres,  etc. 

Or,  l'expression  mécaniques  à  scaferlati,  qui  est  ana- 
logue à  presses  à  carottes,  désigne  évidemment  non 
l'ouvrier  qui  a  inventé  ces  machines  (on  eût  dit  dans 
ce  cas  machines  Scaferlati,  comme  on  dit  moteur 
Lenoir,  etc.),  mais  bien  le  tabac  fabriqué  au  moyen 
desdites  machines. 

Le  mot  scaferlati  ne  désigne  pas  un  homme,  mais  une 
qualité  de  tabac  à  fumer;  et  la  preuve,  c'est  qu'on  trouve 
dans  le  Dictionnaire  technologique,  à  l'article  Tabac, 
paragraphe  Mélanges,  p.  228,  la  définition  qui  suit  : 

La  première  qualité  de  tabac  à  fumer  ou  scaferlati  se 
compose  ordinairement  de  70  parties  de  Maryland  et  de 
30  de  Virginie  maigre.  La  deuxième  qualité  se  fait  avec 
60  parties  de  Maryland  et  iO  parties  de  tabac  indigène. 

Scarferlati  désigne-l-il  un  tabac  de  Turquie?  —  Ce 
nom  a  certainement  désigné  dans  l'origine  un  tabac 
étranger,  comme  cela  ressort  de  l'art.  K"'  de  l'Ordon- 
nance du  IS  mars  1832,  inscrite  au  Bulletin  des  lois 
sous  le  n"  /(083  : 

Lo  prix  de  vente  aux  consommateurs  des  tabacs  élran- 
i/ers  sont  réduits,  savoir  :  pour  les  carottes  à  pulvériser,  à 
dix  francs  le  kilogramme,  et  pour  les  tabacs  en  poudre  et 
scaferlati,  à  deux  francs  le  kilogramme. 

Mais,  malgré  les  recherches  que  j'ai  faites  depuis 
l'époque  déjà  éloignée  où  vous  m'avez  adressé  la 
f|ucslion  dont  il  s'agit,  je  n'ai  pas  encore  pu  découvrir 
de  quel  pays  a  été  tiré  primitivement  le  tabac  ainsi 
appelé. 

La  première  apparition  officielle  du  mot  scaferlati 
me  semble  avoir  eu  lieu  dans  la  loi  du  28  avril  IsKi, 
dont  l'art.  220  a  été  en  partie  cité  plus  haut. 

Dans  les  lois  précédentes  sur  le  tabac,  on  ne  voit 
figurer  ce  mot  à  la  suite  d'aucun  nom  de  machine 
propre  à  la  fabrication  : 


44.  Tout  particulier  qui  aura  chez  lui  des  ustensiles  de 
fabrication,  tels  que  moulins,  râpe,  hache-tabac,  presse  à 
carottes  et  autres,  de  quelque  forme  qu'ils  puissent  être, 
sera  tenu,  etc. 

(Loi  du  24  décembre  18 14.) 

43.  11  est  défendu  aux  entrepreneurs  principaux  et  parti- 
culiers, et  aux  débitants,  d'avoir  chez  eux  aucun  instru- 
ment à  tabac,  tel  que  moulin,  nipe,  liaclie-tabac,  tamis  et 
autres,  de  quelque  forme  qu'ils  puissent  être. 

(Loi  du  13  janvier  1811.) 

D'où  il  suit  que  c'est  très-probablement  entre  les 
années  18H  et  1816,  sinon  entre  cette  dernière  année 
et  ISM,  que  l'expression  de  scaferlati  a  été  introduite 
dans  la  langue  française. 

J'ose  espérer  qu'en  limitant  ainsi  le  champ  des  inves- 
tigations, les  dates  ci-dessus  permettront  enfin  de 
découvrir  une  origine  qui,  à  mon  avis,  doit  nécessai- 
rement se  rencontrer  dans  quelque  document  relatif  à 
la  régie. 

X 
Seconde  Question. 

Quelle  est  l'origine  de  la  phrase  fannlière  ivom  la 
VENETTE,  que  l'on  emploie  si  fréquemment  pour  dire 
avoir  peur,  frayeur? 

Il  a  été  donné  deux  étymologies  du  mot  v^nette  : 
l'une  le  fait  venir  des  Vénètes,  peuple  d'Italie  qui, 
obligé  de  fuir  devant  le  conquérant  Attila,  fonda 
Venise;  l'autre,  qui  est  de  M.  Littré,  le  dérive  de  fene, 
vesne,  vieux  substantif  français  tombé  en  désuétude,  et 
qui,  pour  cette  raison,  brave  mieux  l'honnêteté  que 
son  synonyme  dans  la  langue  moderne. 

Quoi  qu'on  ait  pu  dire  en  faveur  de  la  première,  elle 
n'a  aucun  fondement  ;  car  le  mot  venelle  ne  se  trouvant 
ni  dans  Furetière  (1727),  ni  dans  Trévoux  (1770),  ni 
dans  la  dernière  édition  de  l'Académie  (1833),  il  n'est 
pas  à  croire  qu'un  événement  arrivé  sur  l'Adriatique  au 
\e  siècle  ait  pu  donner  lieu,  chez  nous,  à  une  expression 
qui  ne  date  guère  que  du  nôtre. 

La  seconde  est  sans  doute  plus  sérieuse  ;  mais  ce 
n'est  pas  encore  la  vraie.  En  effet,  si  renette  est  le  di- 
minutif de  i'e?ie,  il  doit  se  construire  avec  les  mêmes 
verbes  que  le  synonyme  de  ce  dernier.  Or,  on  n'emploie 
pas  et  l'on  n'a  jamais  employé  donner  et  avoir  avec  le 
synonyme  en  question  :  ce  synonyme  n'a  jamais  été 
que  le  complément  du  verbe  faire  ou  d'un  verbe  de 
sens  analogue.  Par  conséquent,  venelle  ne  peut  non 
plus  venir  de  vene. 

Voici,  à  mon  avis,  comment  a  été  formé  le  mot  dont 
il  s'agit  : 

Au  commencement  du  xviii'  siècle,  nous  avions  le 
verbe  vener  (latin  venari)  dans  le  sens  de  chasser  ;  ce 
verbe  s'appliquait  aux  animaux  de  boucherie,  veaux, 
bœufs,  etc.,  que  l'on  faisait  courir,  parait-il,  pour  qu'ils 
eussent  la  chair  [ilus  iendrc  : 

A  Rome  et  en  Angleterre,  on  ^a  coutume  de  lener  les 
bœufs. 

(Furetière,  Dictionn.) 

Ce  même  verbe  s'employait  en  parlant  des  personnes. 
On  disait  de  quelqu'un  qu'il  avait  été  bien  rené,  pour 


^E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


123 


signifier  qu'on  l'avait  bien  fait  courir,  qu'on  lui  avait 
bien  donné  de  l'exercice. 

Or,  c'est  de  rener  qu'on  a  fait  renette,  comme  de 
(inuiser,  .seriner,  deviner,  etc.,  on  a  fait  amusetle,  seri- 
nette, devinette. 

De  même  qu'aujourd'hui,  on  disait  alors  donner  la 
chasse  à  quelqu'un,  ainsi  que  le  montrent  ces  exemples: 
L'aigle  donnait  la  chasse  à  maître  Jean  Lapin. 

(La  Fontaine,  II,  8.) 

M.  de  Grignan  donnera  la  citasse  à  ces  démons. 

(Sévigné,  515.) 

Il  donne  ta  chasse  aux  vires. 

(Bossuet,  Union.) 

Une  fois  qu'on  eut  créé  venelle,  on  dit,  jiar  analogie, 
donner  la  venelle  à  quelqu'un,  pour  signifier  lui  donner 
la  chasse.  Mais  l'animal  qu'on  vène  a  évidemment 
peur,  puisqu'il  fuit,  et  la  personne  que  l'on  poursuit  de 
la  même  manière  a  peur  également  :  on  a  appliqué 
le  nom  de  la  cause  à  l'effet  (ce  qui  se  pratique  souvent 
pour  étendre  le  sens  des  mots),  et  venelle  s'est  employé 
pour  frayeur,  peur,  alarme. 

M.  Littré  signale  le  mot  venelle  comme  un  terme 
«  bas  »,  conséquence  naturelle  de  l'origine  qu'il  lui 
attribue  ;  mais  si  celle  que  je  lui  assigne  est  la  vraie, 
comme  j'ai  tout  lieu  de  le  croire,  il  est  évident  que  ce 
mot  n'a  pas  moins  de  noblesse  que  les  autres  de  même 
finale  tirés  comme  lui  d'un  verbe. 

X 
Troisii'me  Question. 
Avoir  l'air  bon  peut-il  se  dire  d'une  chose  inani- 
mée? Ainsi  peut-on  dire  cette  pojime  a  l'air  bon?  Je 
ne  le  crois  pas,  mais  certaines  personnes  affirment  que 
l'adjectif  doit  s'accorder  avec  le  mot  air. 

Ce  mot  étant  du  masculin,  l'adjectif  qui  vient  immé- 
diatement" après  lui  aurait  toujours  dû  être  du  même 
genre  comme  dans  ces  exemples  : 

Qu'elle  est  laide  à  présent,  et  qu'elle  a  l'air  mauvais. 

(Regiiard,  Dém.  amour.  IV,  7.) 

Elle  a  l'air  doiir,  et  semble  assez  docile. 

{Collin  d'Harleville,  CHib.  III,   10.) 

Mais  comme  avoir  l'air  s'igniCie  paraître,  sembler,  on 
l'a  tout  naturellement  substitué  à  ces  verbes  dans  les 
phrases  où  ceux-ci  étaient  suivis  d'un  adjectif;  et 
comme  l'adjectif,  dans  de  telles  phrases,'  se  rapporte 
toujours  au  sujet  : 

Elles  semblent  heureuses  et  contentes, 
il  en  est   résulté    que    l'expression   avoir   l'air    s'est 
construite  avec  un  adjectif  se  rapportant  tantôt  à  air, 
tantôt  au  sujet  du  verbe. 

Dans  l'un  et  l'autre  cas,  la  signification  est  identique  : 
il  s'agit  toujours  de  qualifier  l'apparence  de  la  personne 
ou  de  la  chose  désignée  par  le  sujet;  mais  l'adjectif 
varie,  et  de  là,  une  difficulté  pour  l'orthographe. 

L'accord  avec  le  sujet  du  verbe  peut  toujours  se  faire, 
de  quelque  qualité  qu'il  s'agisse  : 
Ces  hommes  ont  l'air  étourdis. 


Elles  ont  l'air  dvsappoiniccs. 
Comme  elle  a  Van  prclenlieuse! 

Quant  à  l'accord  avec  air,  il  n'est  pas  toujours  pos- 
sible; l'air,  chez  les  personnes,  c'est  le  maintien,  l'en- 
semble des  manières  ;  dans  ce  cas,  il  peut  avoir  pour 
épilhète  coquet,  doux,  embarrassé ,  furibond,  mauvais, 
méchant,  cliurmarit,  mignon,  etc.,  comme  on  le  voit 
dans  ces  phrases  : 

Ne  vous  y  fiez  pas,  elle  a,  ma  foi,  les  yeux  fripons;  je 
lui  trouve  l'air  bien  coquet. 

(Boileau.  Bist.  des  r(mt.  X,  II,  p.  ia6-l 

Je  ne  suis  point  d'avis  qu'on  vous  peigne  en  amazone; 
vous  avez  iair  trop  doux. 

(Fontenelle,  Utl.  XLI.) 

Elle  a  iair  bien  furibond. 

fVollaire,  VEcoss,  I,  5.) 

Elle  avait  l'air  tendre,  embarrassé. 

(Idem,  l'En/nni  prod.  IV.   7.) 

De  grâce,  diies-moi,  parlant  sincèrement, 
Sous  l'habit  de  Vénus  aurais-je  l'air  charmant? 

[Regnard,  Dém.  amour.  IV,  7.) 

Mon  Dieu!  qu'elle  est  jolie,  et  qu'elle  a  l'air  mignon. 

(Molière,  r Etourdi.  III,    il.) 

En  parlant  des  choses,  on  emploie  air  "pour  signifier 
le  dehors,  l'extérieur,  l'aspect  de  la  surface,  et  des 
auteurs  l'ont  qualifié  de  gai.  de  grossier,  dans  ce  cas, 
comme  le  montrent  ces  exemples  : 

La  tuile  a  iair  plus  propre  et  plus  gai  que  le  chaume. 

(Rousseau,  Emit',   IV,  t.   7,  p.   I73.) 

En  voici  une  [statue^  qui  a  l'air  bien  grossier. 

(Fénelon,  fable  XXV,  3.  ) 

Mais  il  y  a  tels  adjectifs  qui  ne  peuvent  se  dire  que 
des  personnes,  comme  enceinte,  rompu,  fatigué,  altéré. 
etc.  ;  on  ne  doit  point  les  mettre  après  le  mot  air  parce 
qu'il  n'y  a  pas  convenance  entre  eux  et  ce  substantif; 
il  faut  nécessairement  dire  : 

Cette  femme  a  l'air  enceinte. 

Sa  cavalerie  a  l'air  bien  fatiguée. 

Nos  soldats  ont  l'air  rompus  à  la  marche. 

Ils  ont  l'air  bien  ajfectés  de  la  nouvelle. 

Maintenant  j'arrive  à  votre  question  :  peut-on  dire 
cette  pomme  a  l'air  bon  ? 

A  la  rigueur,  oui,  puisque  air  signifie  ici  la  surface, 
l'extérieur;  mais  avoir  l'air,  avec  un  adjectif  masculin, 
n'ayant  été  que  rarement  appliqué  aux  choses  'je 
n'en  ai  trouvé  que  les  deux  exemples  cités  plus 
haut  avec  les  noms  de  J.-J.  Rousseau  et  de  Fénelon), 
il  me  semble  qu'il  vaut  mieux  faire  accorder  l'adjectif 
avec  le  sujet  du  verbe,  et  dire  : 

Celte  pomme  a  l'air  bonne. 

Avant  de  finir,  je  veux  vous  parler  d'une  correction 
qui,  si  elle  était  adoptée,  ferait  disparaître  au  profit 
de  notre  syntaxe  une  anomalie  des  plus  choquantes. 

Avoir  l'air  est  le  synonyme,  dans  notre  langue,  de 
avoir  la  mine,  dont  la  composition  est  entièrement 
semblable  à  la  sienne  :  il  doit  se  construire  d'une  ma- 
nière analogue. 

Or,  dans  les  phrases  où  se  trouve  avoir  la  mine,  si 
l'adjectif  se  rappOTte  à  mine,  il  se  met  immédiatement 
après  lui  : 


424 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Ce  rôti  a  la  mine  appétissante  ; 
et,  quand  il  se  rapporte  au  sujet  de  la  phrase,  les  mois 
d'être  précèdent  toujours  l'adjeclif  : 

Cet  homme  a  toute  la  mine  d'être  heureux. 

Ces  personnes  ont  la  mine  d'être  satisfaites. 

Par  conséquent,  lorsqu'il  s'agit  de  avoir  l'air,  on 
devrait  mettre  également  d'être  avant  l'adjectif  dans  le 
cas  où  celui-ci  se  rapporte  au  sujet  de  la  phrase  : 

Cette  soupe  a  l'air  d'être  bonne; 
car  dire  cettesotipe  a  l'air  bonne  est  tout  aussi  contraire 
à  la  syntaxe  et  à    l'euphonie  que  si  l'on  disait  :  ce 
bouilli  a  la  mine  bon. 

Il  est  déjà  permis  d'employer  d'être  comme  je  viens 
de  l'indiquer;  il  suffirait,  pour  avoir  une  construction 
irréprochable  à  tous  les  points  de  vue,  de  le  rendre 
obligatoire,  de  facultatif  qu'il  a  été  jusqu'ici,  lorsqu'on 
fait  la  substitution  de  avoir  l'air  aux  verbes  paraître  et 
sembler. 


ETRANGER 

Première  Question. 
D'oii  vient  le  nom  de  jclienne,  donné  à  un  potage  fait 
avec  plusieurs  sortes  de  légumes  ? 

hd.  julienne,  qu'on  appelle  dans  le  patois  de  Genève 
la  soupe  à  la  bataille,  n'est  mentionnée  ni  dans  Taille- 
vent,  ni  dans  le  Ménagier  de  Paris  (<393),  ni  dans  le 
Dictionnaire  français-anglais  de  Cotgrave  (1660),  ni 
dans  le  Cuisinier  françois  de  La  Varenne  (1670)  ;  c'est 
seulement  dans  le  Cuisinier  roijal  et  bourgeois  (1722) 
qu'on  la  trouve  pour  la  première  fois,  ce  qui  me  fait 
présumer  que  ce  potage  n'est  guère  connu  que  depuis  le 
commencement  du  xvm'"  siècle. 

On  a  dit  d'abord  potage  à  la  Julienne,  comme  le 
montrent  ces  exemples  : 

Potage  à  la  Julienne  en  maigre. 

[Cuisinier  ray.  et  bourg,   vol.    II,  p.    l63.  ) 

On  fait  aussi  des  potages  à  la  Julienne  de  poictrine  de 
veau,  chapon,  poularde,  pigeons  et  autres  viandes. 

{Idem,  vol.  II,  p.  39J.I 

Puis,  on  a  supprimé  potage,  ce  qui  a  réduit  l'expres- 
sion à  Julienne,  qui  s'est  employé  alors  sans 
majuscule  : 

Potage  ou  julienne  de  poulets  farcis. 

[Cui.'iiiiier  rotj .  el  bourg,,  vol,  II,  p.   133  ) 

\QtTe  julienne  serait  manquée  si  l'on  y  avait  oublié  de 
l'oseille. 

(Roque,  dans  Larousse.  J 

Maintenant,  d'où  a-t-on  lire  l'expression  à  lu  Julienne? 
IJst-ce  un  homme  qui  l'a  fournie,  ou  est-ce  une 
femme  ? 

(tn  peut  croire  que  c'est  un  homme,  parce  que  l'art 
culinain;  a  d'abord  élé  exercé  jiar  des  liommcs,  cl  qu'un 
certain  cuisinier,  Julien,  a  pu  inventer  ce  potage,  qui, 
de  son  nom,  se  sera  appelé  potage  à  la  Julienne, 
comme,  par  exemple,  un  pantalon  ayant  la  forme  de 
ceux  des  hussards  s' amteWe  pantalon  à  la  hussarde. 


Mais  on  peut  croire  aussi  que  c'est  une  femme,  parce 
que  Julienne  a  désigné  autrefois  un  type  de  servante 
grossière,  maladroite,  et  que  pour  dire  grossièrement, 
sans  façon,  nous  avons  eu  à  la  Julienne  (conservé 
dans  le  proverbe  recoudre  sa  robe  à  la  Julienne), 
expression  qui  a  pu  s'appliquer  à  une  préparation 
culinaire  faite  avec  négligence  et  sans  art. 

Cependant,  comme  en  lisant  la  recette  de  la  Cui- 
sinière de  la  campagne  et  de  la  ville,  je  ne  vois  pas 
qu'un  potage  à  la  Julienne  exige  moins  de  soin,  moins 
d'habileté  qu'un  autre  potage  quelconque,  j'en  conclus 
que,  probablement,  l'expression  dont  il  s'agit  vient 
plulôl  d'un  nom  d'homme  que  d'un  nom  de  femme. 

A  mon  grand  regret,  je  ne  puis  rien  vous  dire  de 
plus  sur  l'origine  du  mot  Julienne,  terme  de  cuisine. 

X 
Seconde   Question. 

A  l'occasion  de  la  fable  de  l'hcItre  et  les  plaideurs, 
voudriez-vous  bien  me  dire  encore  ce  que  c'est  que  ce 
Perrin  dont  il  y  est  question  ? 

On  trouve  ce  qui  suit  dans  Rabelais  (Pantag.  liv. 
III,  ch.  i\): 

€  Estoyt  a  Semerue  ung  nommé  Perrin  Dendin,  homme 
honnorablp,  bon  laboureur,  bien  chantant  au  letrain, 
homme  de  crédit  et  eagé,  autant  que  le  plus  de  vous 
aultres,  messieurs  :  lequel  disoit  avoir  veu  te  grand  bon 
homme  Concile  de  Latran,  avec  son  gros  chapeau  rouge; 
ensemble  la  bonne  dame  Pragmaticque  Sanction,  sa  femme, 
avec  son  large  tissu  de  satin  pers  et  ■  ses  grosses  pate- 
nostres  de  jayet.  Cestuy  homme  de  bien  appoinctoit  plus 
.de  procès  qu'il  n'en  estoyt  vuidê  en  tout  le  palays  de 
Poictiers,  en  l'auditoire  de  Monsmorillon,  en  la  halle  de 
Parthenay  le  vieulx.  Ce  que  le  faisoit  vénérable  en  tout  le 
voisinaige  de  Chauvigny,  Nouaillé,  Croutelles,  Aisgne, 
Leguge,  la  Motte,  Lusignan,  Vivonne,  Mezeaulz.  Estableset 
lieux  confins.  Tous  les  debatz,  procès  et  differens  estoyent 
par  son  devis  vuidez,  comme  par  juge  souverain,  quoy  que 
juge  ne  feust,  mais  homme  de  bien.  Il  n'estoyt  tué  pourceau 
en  tout  le  voisinaige,  dont  il  n'eust  de  la  hastilo  [saucisse]  et 
des  boudins.  Et  estoytpresque  tous  les  jours  de  bancquet,de 
festin,  de  nopces,  de  commeraige,  de  relevailles,  et  en  la 
taverne,  pour  faire  quelque  appoinctement,  entendez.  Car 
jamais  n'appoinctoit  les  parties,  qu'il  ne  les  feist  boyre 
ensemble,  par  symbole  de  reconciliation,  d'accord  parfaict 
et  de  nouvelle  joye... 

Or,  c'est  par  allusion  à  ce  personnage  que  La  Fon- 
taine, qui  faisait  ses  délices  de  la  lecture  de  Rabelais, 
a  nommé  Perrin  le  juge  devant  lequel  il  fait  plaider  les 
pèlerins  de  sa  charmante  fable. 

X 

Troisième  Question. 
Voudriez-vous  bien  me  dire  d'oii  vient  le  nom  de 
ciLi.NO  qxton  donne  dans  vos  journaux  à  quelqu'un  qui 
dit  des  choses  niai.'<es  ? 

Ce  nom  a  pour  origine  (voir  Courrier  de  Vaugelas, 
y>"  année,  page  2.s)  une  charge  d'atelier  par  Théodore 
Barrière  el  Antoine  Fauchery,  pièce  dont  le  principal 
personnage,  un  peintre  en  herbe  dont  les  rapins  se 
mo(]uciil,  porte  le  nom  de  Cutino. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


^25 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1"...  revenus  de  l'Inde  qui  auraient;  —  2»  M.  Offenbach 
appelle  du  jugement  (pas  de  en);  —  3°. . .  oui.  disent  les  autres 
(on  ne  dit  pas  affirmer  oui];  —  i".  ..  en  étal  de  receroir  non- 
seulemenl  ses  aliénés  (il  faut  non-seulement  après  le  verbe];  — 
5»...  Madame  Charlotte  pour  se  cacher;  —  6°...  ces  énormes 
roses  moussues  (voir  Courrier  de  Vuugelas,  3*  année,  p.  91);  — 
1'  Bien  que  nous  ayons,  quoique  nous  soyons  (pas  d'i  après  l'y)  ; 
—  8°...  amateurs  de  Tesle-Zes-Bordeaux;  —  9"...  peut-être 
fâcheuse...  dame!  ie  ne  puis;  —  10»  iVon-scM(emen(  cette  fâcheuse 
situation  entraînait.    .    mais  encore  elle  était  un  obstacle. . . 


Phrases  à  corriger 

trjuvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

!•  Donc,  étant  donné  une  telle  situation,  la  ligne  de  con- 
duite est  simple;  défendre  énergir[uement  M.  Buffet  contre 
l'abominable  coalition  qui  le  menace. 

ï°  Le  Conseil  des  ministres,  qui  s'est  tenu  ce  matin  à 
l'Elysée,  sous  la  présidence  de  M.  le  maréchal  de  Mac- 
Mahon,  et  qui  a  commencé  à  neuf  heures  et  quart,  ne 
s'est  terminé  qu'à  onze  heures. 

3°  Le  navire  français  ï Aimable-Prudence  vient  de  périr 
sur  les  côtes  de  Cardiflf,  dans  des  circonstances  on  ne  peut 
plus  dramatiques. 

4°  Ce  ne  sont  pas  les  républicains,  dit-il,  quoi  qu'en  pré- 
tendent leurs  adversaires,  qui  attaquent  ou  attaqueront 
une  loi  qui  affirme  et  légalise  l'aspiration  de  toute  leur 
vie,  la  République. 

5°  L'Assemblée  nationale  vient  de  voter  un  crédit  pour 
leur  entretien  et  leur  nourriture,  et  leur  accorde,  de  ce 
dernier  chef,  une  somme  de  quatre  piastres  par  jour,  et 
cette  somme,  en  Serbie,  suffira  amplement  â  remplir  le 
but. 

6"  Ceci  vous  conviendra  mieux,  continua-t-il  en  hésitant 
néanmoins  un  peu  :  je  consens  au  partage,  soyez  à  moi  et 
à  lui. 

7°  11  nous  semble  que  cette  affaire  a  fait  trop  de  bruit 
pour  que  la  commission  d'enquête  elle-même  ne  tienne 
point  â  cœur  de  se  décharger  vis-à-vis  de  la  presse  et  de 
M.  de  Saint-Mesmin  lui-même. 

8°  Si  je  comprends  bien  l'institution  du  faubourg  Pois- 
sonnière, cela  veut  dire  qu'il  a  ses  brevets  de  capacité, 
autrement  dit,  c'est  un  bachelier  es  musique. 

9°  Comme  elle  s'est  donnée  de  la  peine,  la  vaillante 
artiste,  pour  soutenir  une  pièce  qui  n'eût  pas  été  au  bout 
sans  elle! 

10"  On  pourrait  vous  répondre  que  vous  êtes  bien  osé  de 
vous  plaindre  quand  on  vous  fournit,  avec  une  prodigalité 
qui  demande  un  conseil  judiciaire,  la  synthèse  toute 
entière  de  l'Ecole  française  en  une  soirée. 

11°  Les  journaux  dévoués  au  ministre  de  l'intérieur,  dans 
un  but  qu'il  est  facile  à  comprendre,  persistent,  malgré  les 
nombreux  démentis  qui  leur  ont  été  donnés,  à  publier,  etc. 

12°  Il  vous  ferait  crédit  pendant  un  acte,  voire  môme 
deux  actes,  s'il  était  prévenu  en  votre  faveur,  pourvu 
qu'au  troisième  vous  vous  déclariez  spontanément  son 
débiteur. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GR.AMMÀIRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  XV11«  SIÈCLE. 


Claude    LANCELOT 

[Suite  et  fin.) 
Des  verbes  auxiliaires.  —  Il  y  a  deux  de  ces  verbes 
qui  sont  communs  à  toutes  les  langues  modernes  de 
lEurope  :  être  et  aroir.  Quelques-unes  en  ont  encore 
d'autres,  comme  l'allemand,  qtii  a  werden,  devenir, 
et  tcol/en,  vouloir. 

Être.  —  Avec  le  participe  des  verbes  actifs,  il  forme 
tous  les  passifs,  Je  .mis  aimé,  J'étais  aimé.  D'où  il  suit 
que  le  verbe  passif,  comme  amor,  signifie  l'affirmation 
de  l'amour  passif,  et,  par  conséqueiit,  aimé  signifiant 
cet  amour  passif,  il  est  clair  qu'en  y  joignant  le  verbe 
substantif,  qui  marque  l'affirmation,  je  suis  aimé  doit 
signifier  la  même  chose  qa'amor. 

Avoir.  —  Cet  autre  auxiliaire  est  bien  plus  étrange, 
et  il  est  assez  difficile  d'en  donner  la  raison. 

Il  forme  non-seulement  le  prétérit,  mais  encore  tous 
les  temps  qui,  en  latin,  dérivent  du  prétérit,  c'est-à- 
dire  amaveram,  amarerim,  amavissem ,  ainavero, 
amavisse. 

Et  le  même  verbe  avoir  forme  ces  sortes  de  temps 
par  lui-même  comme  auxiliaire  et  son  participe  eu,  car 
on  dit  :  j'ai  eu,  f  avais  eu,  etc. 

Le  verbe  être  forme  également  ces  mêmes  temps 
d'avoir  et  de  son  participe  été  :  j'ai  été,  j'avais  été. 
En  cela,  notre  langue  diffère  de  l'allemand,  de  l'italien 
et  de  l'espagnol,  qui  font  de  être  l'auxiliaire  de  lui- 
même  dans  ces  temps-là,  car  ils  disent  je  suis  été, 
ce  qu'imitent  les  Wallons. 

.Mais  si  celte  façon  de  parler  au  moyen  de  l'auxiliaire 
et  du  participe  est  assez  étrange  en  elle-même,  elle  ne 
l'est  pas  moins  dans  la  construction  avec  les  noms  qui  se 
joignent  aux  prétérits  qu'elle  sert  à  former.  En  effet  : 

\°  Le  nominatif  du  verbe  ne  cause  aucun  change- 
ment dans  le  participe  ;  ainsi  on  dit  (7  a  aimé  et  ils  ont 
aimé,  elle  a  aimé  et  elles  ont  aimé. 

2"  L'accusatif  qui  suit  ce  participe  ne  cause  point 
non  plus  de  changement  dans  le  participe  lorsqu'il  le 
suit  :  il  a  aimé  Dieu,  elle  a  aimé  l'Eglise. 

3°  Mais  quand  cet  accusatif  précède  le  verbe  auxi- 
liaire 'ce  qui  n'arrive  guère  en  prose  que  pour  l'accusa- 
tif du  relatif  ou  du  pronom',  le  participe  se  doit  accor- 
der en  genre  et  en  nombre  avec  cet  accusatif  :  la  lettre 
que  j'ai  écrite,  les  livres  que  j'ai  lus,  etc. 

Il  y  a  néanmoins,  selon  Yaugelas,  une  exception  à 
cette  règle,  c'est  que  le  participe  reste  indéclinable,  lors- 
qu'il précède  son  nominatif:  la  peine  que  m'a  donné 
cette  affaire,  les  soins  que  m'a  donné  ce  procès. 

Circonstances  oit  î^.tre  est  employé  pour  avoir.  — 
Dans  les  verbes  conjugués  avec  le  réci[)roque  se,  on 
forme  des  temps  composés  avec  être  et  non  avec  avoir; 


<2G 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


mais  lorsque  le  participe  ne  se  rapporle  qu'à  se, 
comme  dans  Caton  s'est  tué  soi-même,  il  s'accorde  en 
genre  et  en  nombre  arec  les  personnes  ou  les  choses 
dont  on  parle  :  Lucri'ce  s'est  tuée  soi-même,  etc. 

Si  le  participe  régit  quelque  chose  de  différent  du 
réciproque,  comme  lorsqu'on  dit  Œdipe  s'est  crevé  les 
yeux,  le  participe  reste  invariable,  de  sorte  qu'il  faut 
dire  :  cette  femme  s'est  crcré  les  yeux,  elle  s'est  fait 
peindre,  elle  s'est  rendu  catholique. 

11  n'y  a  encore  rien  de  bien  arrêté  dans  notre  langue 
touchant  ces  dernières  façons  de  parler  (IG60;;  mais 
Lancelot  ne  voit  rien  qui  soit  plus  utile,  pour  les  fixer, 
que  de  s'arrêter  à  la  considération  du  régime. 

Lorsque  le  verbe  estre  forme  des  prétérits  de  verbes 
Lntransitifs,  comme  aller,  partir,  sortir,  etc.  ;  le  parti- 
cipe s'accorde  en  genre  et  en  nombre  avec  le  nominatif. 

Quand  ces  verbes  deviennent  transitifs  et  proprement 
actifs,  ils  reprennent  avoir,  et  le  participe  ne  change 
plus  de  genre  ni  de  nombre  :  cette  femme  a  monté  la 
montagne. 

Des  conjonctions.  —  La  seconde  sorte  de  mots  qui 
signifient  la  forme  et  non  les  objets  de  nos  pensées,  ce 
sont  les  conjonctions,  comme  e/,  non,  vel,si,ergo,  etc.  ; 
car  si  l'on  y  réfléchit  bien,  on  verra  que  ces  particules 
ne  signifient  que  l'opération  même  de  notre  esprit,  qui 
joint  ou  disjoint  les  choses,  et  les  considère  absolument 
ou  avec  condition. 

C'est  la  raison  pour  laquelle  Lancelot  n'a  point  parlé 
du  pronom  inlerrogatif  quis,  qiur,  qiiid,  parce  que  ce 
n'est  autre  chose  qu'un  pronom  auquel  est  jointe  la 
signification  de  ne,  c'est-à-dire  qui,  outre  qu'il  tient  la 
|ilace  du  nom,  marque  de  plus  le  mouvement  de  notre 
àme  qui  veut  savoir  une  chose,  et  qui  demande  d'en 
être  instruite.  C'est  pourquoi  nous  voyons  que  l'on  se 
sert  de  diverses  choses  pour  marquer  ce  moHvement. 
Ouelquefois  cela  ne  se  connaît  que  par  l'inflexion  de  la 
voix,  dont  l'écriture  avertit  par  une  petite  marque  que 
l'on  appelle  la  marque  de  l'interrogation  (?). 

Des  interjections.  —  Ces  espèces  de  mots  ne  signi- 
fient non  plus  l'ien  qui  soit  iiors  de  nous  ;  ce  sont  seule- 
ment des  voix,  plus  naturelles  qu'artificielles,  qui  mar- 
quent les  mouvements  de  notre  âme,  comme  uh  !  heu  ! 
hélas  ! 

De  la  syntaxe  ou  construction  des  mots  ensemijle.  — 
Cette  partie  de  la  grammaire  se  distingue  en  conâtruc- 
tionde  convenance  et  en  construction  de  régime. 

La  première,  dans  sa  majeure  partie,  est  la  même 
pour  toutes  les  langues,  parce  que  c'est  une  suite 
naturelle  de  ce  qui  est  en  usage  presque  partout,  à 
l'effet  de  mieux  distinguer  le  discours. 

Ainsi  la  distinction  des  deux  nombres,  singulier  et 
pluriel,  a  obligé  d'accorder  le  substantif  et  l'adjectif  en 
nombre.  La  distinction  du  féminin  et  du  masculin  a 
obligé  de  mettre  au  même  genre  le  substantif  et  l'adjec- 
tif, ou  l'un  et  l'autre  quelquefois  au  neutre,  dans  les 
langues  qui  en  ont  un  tel  genre. 

Les  verbes  doivent  de  môme  avoir  la  convenance  des 
nombres  cl  des  personnes  avec  les  noms  et  les  pronoms. 

Que  s'il  se  rencontre  quelque  chose  de  contraire  en 


apparence  à  ces  règles,  c'est  qu'on  aura  fait  usage  de 
figure,  c'est-à-dire  sous-entendu  quelque  mot,  ou  con- 
sidéré les  pensées  plutôt  que  les  mots  mêmes. 

La  syntaxe  de  régime,  au  contraire,  se  trouve  très- 
différente  dans  toutes  les  langues  ;  car  les  unes  font 
les  régimes  par  les  cas,  et  les  autres,  par  de  petites 
particules  qui  en  tieiinenl  lieu. 

Voici  quelques  maximes  générales  qui  sont  d'un 
grand  usage,  et  que,  pour  cette  raison,  il  est  bon  de 
remarquer  : 

1°  11  n'y  a  jamais  de  nominatif  qui  n'ait  rapport  à 
quelque  verbe,  exprimé  ou  sous-entendu. 

2°  Il  n'y  a  point  non  plus  de  verbe  qui  n'ait  son  no- 
minatif, exprimé  ou  sous-entendu,  parce  que  le  propre 
du  verbe  étant  d'affirmer,  il  faut  qu'il  y  ait  quelque 
chose  dont  on  affirme. 

3"  Il  ne  peut  y  avoir  d'adjectif  qui  n'ait  rapport  à  un 
substantif,  parce  que  l'adjectif  marque  confusément  un 
substantif. 

4°  11  n'y  a  point  de  génitif  dans  le  discours  qui  ne 
soit  gouverné  par  aucun  nom. 

5°  Le  régime  des  verbes  dépend  souvent  du  caprice 
de  l'usage  ;  ainsi  on  dit  eu  français  servir  quelqu'un,  et 
servir  à  quelque  chose.  En  espagnol,  la  plupart  des 
verbes  gouvernent  indifféremment  le  datif  ou  l'accusatif. 

Des  figures  de  construction.  —  Parce  que  les  hommes 
suivent  souvent  plus  le  sens  de  leurs  pensées  que  les 
mots  dont  ils  se  servent  pour  les  exprimer,  et  que  sou- 
vent ils  retranchent  quelque  chose  du  discours,  qu'ils  y 
laissent  quelque  mot  qui  semble  superflu,  ou  qu'ils  en 
renversent  l'ordre  naturel,  il  s'est  introduit  quatre  fa- 
çons de  parler,  qu'on  nomme  figurées,  et  qui  sont 
comme  autant  d'irrégularités  dans  la  grammaire,  quoi- 
qu'elles soient  quelquefois  des  perfections  et  des  beautés 
dans  la  langue. 

Celle  qui  s'accorde  plus  avec  nos  pensées  qu'avec  les 
mots  du  discours  s'appelle  s.yllepse  ou  conception,  comme 
quand  on  dit  //  est  six  heures,  au  lieu  de  elles  sont  six 
heures. 

Celle  qui  retranche  quelque  chose  s'appelle  ellipse  ou 
défaut;  car  quelquefois  on  sous-entend  le  verbe,  ce  qui 
est  très-ordinaire  en  hébreu,  oîi  le  verbe  substantif  n'est 
presque  jamais  exprimé;  quelquefois  le  nominatif, 
quelquefois  le  mot  qui  en  gouverne  un  autre,  etc. 

La  façon  de  parler  qui  emploie  un  ou  plusieurs  mots 
déplus  qu'il  n'en  faut  rigoureusement,  s'appelle  pléo- 
nasme, ou  abondance,  comme  vivcre  vitam. 

Celle  qui  renverse  l'ordre  naturel  des  mots  s'appelle 
hyperbate,  ou  renversement . 

Lancelot  termine  sa  grammaire  en  remarquant  qu'il 
n'y  a  guère  de  langues  qui  usent  moins  de  ces  figures 
que  la  nôtre,  parce  qu'elle  aime  plus  particulièrement 
la  netteté,  et  que,  sans  céder  à  aucune  autre  eu  beauté 
et  en  élégance,  elle  tend  à  exprimer  les  choses,  autant 
qu'il  se  peut,  dans  l'ordre  le  plus  naturel  et  le  plus 
«  désembarrassé  ». 

FIN. 

Le  Ri;dactedr-GiSka:^t  :  E.MAPi  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


^'27 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DB     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE. 

Publications  de  la  quinzaine  : 


Les  Femmes  du  monde;  par  Bachaumont.  In-18 
Jésus,  26/i  p.  Paris,  lib.  Deiitu.  3  fr. 

Voyages  fantastiques  de  Cyrano  de  Bergerac. 
Publiés  avec  une  introduction  et  îles  notes  par  Marc  de 
Montifaud.  In-16,  lxxiii-283  p.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles. 
12  fr. 

Poésies  posthumes  de  Clovis  Michaux,  ln-18  Jésus, 
x.Kïvi-236  p.  et  portr.  pliotog.  Paris,  lib.  Delagrave. 

Le  livre  de  l'exilé,  1851-1870.  Après  Texil. 
Manifestes  et  discours,  1871-1875;  par  Edgar  Quinet. 
In-8'',  vii-Gi9  p.  et  portr.  Paris,  lib.  Dentu.  7  fr.  50. 

Honneur  et  Patrie,  nouvelles  militaires;  par  Emile 
Richebourg.  In-18  Jésus,  303  p.  Paris,  lib.  A.  SSgnier.  3  fr. 

Voyage  sentimental  en  France  et  en   Italie;  par 

Laurence  Sterne.  Traduction  nouvelle  par  Alfred  Hédouin. 
Six  eaux-fortes  par  Edmond  Hédouin.  In-16,  xlv-2/|6  p. 
Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  20  fr. 

L'eau  dormante.  Extraits  des  Mémoires  du 
docteur  Bernagius.  Ce  que  femme  peut.  Silvérie.  Dôna 
Luz.  La  Grotte  de  San  Francisco  ;  par  Lucien  Biart.  ïn-lS 
Jésus,  iv-356  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Les  Femmes;  par  Chrysale  (Albert  Blanquet).  In-18 
Jésus,  323  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Les    Mésaventures  de    Jean-Paul  Choppart;  par 

Louis  Desnoyers.  Illustrées  par  A.  Giacomelli.  Nouvelle 
édition,  avec  grav.  hors  texte,  par  Cham.  Gr.  in-8'',  iv- 
336  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie.  7  fr. 

Chaste  et  infâme;  par  le  prince  Lubomirski.  ln-18 
Jésus,  vi-i20  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 


Le  Violon  de  Job.  Sous  le  masque.  Sang-mêlë. 
Armelle;  par  Th.  Bentzon.  In-i8  Jésus,  i05  p.  Paris,  lib. 
Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

La  France  guerrière  de  Jeanne  d'Arc  à,  Henri  IV. 

Récits  historiques  d'après  les  chroniques  et  les  mémoires 
de  chaque  siècle;  par  M.  Ch.  d'Héricault  et  L.  Moland. 
Nouvelle  édition,  illu^jtrée  de  nombreuses  vignettes  sur 
bois.  ln-18  Jésus,  327  p.,  lib.  Garnier  frères. 

Les  Courtisanes  de  l'antiquité.  Marie-Magdeleine; 

par  .Marc  de  Montifaud.  à'  édition.  ln-18  Jésus,  i02  p. 
Paris,  lib.  A.  Sagnier. 

Œuvres  de  Mathurin  Régnier  ;  publiées  par 
D.  Jouaust,  avec  'préface,  notes  et  glossaires  par  Louis 
Lacour.  ln-16,  xn-279  p.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  3  fr. 

Le  Lieutenant  aux  gardes  ;  par  Paul  Saunière.  ln- 
18  Jésus,  38/1  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

L'Ile  mystérieuse.  Le  Secret  de  l'île  ;  par  Jules 
Verne.  7*  édition.  ln-18  Jésus,  29i  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et 
Cie.  3  fr. 

Meta  Holdenis  ;  par  Victor  Cherbuliez.  3«  édition.  ln- 
18  Jésus,  275  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Histoire  de  Colbert  et  de  son  administration;  par 

Pierre  Clément  de  l'Institut.  Précédée  d'une  préface  par 
M.  A.  Gefifroy,  de  l'Institut.  2<=  édition.  2  voL  In-12,  xx- 
1080  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  8  fr. 

Le  Bleuet;  par  Gustave  Haller.  Préface  de  George 
Sand.  i'  édition.  ln-18  Jésus,  iii-237  p.  Paris,  lib.  Michel 
Léw.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


HISTOIRE  DES  INVENTIONS  ET  DÉCOUVERTES.  —  Par 
Roux-Febra.nd.  —  7"  édition.  —  Paris,  librairie  de  f'aul 
Dupotil,  41,  rue  J.-J.  Rousseau.  Prix  :  1  fr. 


SONNETS  PARISIENS,  caprices  et  fantaisies.  —  Par 
Gabriel  Mauc.  —  Paris,  Alphonse  Le/ner,  éditeur,  31, 
passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


LA  BONTÉ,  ouvrage  couronné  par  l'Académie  fran- 
çaise. —  Par  Charles  Rozan.  —  Cinquième  édition.  — 
Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.. 


UNE  JONCHÉE  DE  FLEURS.  —  Par  M'"«  Marie-Félicie 
Testas.  —  Paris,  librairie  Ch.  Blériol,  éditeur,  55,  quai 
des  Grands-Augustins. 


L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  CURIEUX. 
—  En  vente  à  la  librairie  Sandaz  et  Fishbacher,  33,  rue 
de  Seine  à  Paris.  —  Chacune  des  7  années  parues  se  vend 
séparément.  —  Envoi  franco  pour  la  France. 


GLAS  ET  CARILLONS,  sonnets,  poésies  diverses, 
grand'gardes.  —  Par  Pall  Colli.n.  —  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain,  et  Adolphe 
Lemerre,  éditeur,  27  et  29,  passage  Choiseul. 


LES  ÉLÉMENTS  M.\TÉRIELS  DU  FRANÇAIS,  c'est-à- 
dire  les  sons  de  la  langue  française  entendus  ou  repré- 
sentés. —  Ouvrage  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'étude  de  notre  langue.  —  Par  B.  Jiu.ien,  docteur  ès- 
lettres,  licencié  ès-sciences.  —  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie, 
76,  boulevard  Saint-Germain. 


MUSIQUE  DE  CHAMBRE,  poésies.  —  Par  Paul  Collin. 

—  Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain. 

CENT  DICTÉES  sur  les  premières  règles  de  la  gram- 
.MAiRE.  —  Premier  livre  de  lecture  approprié  aux  étrangers. 

—  Par  M"''  M.  Tuècolrt.  —  Troisième  édition.  —  Paris. 
Ch.  Delagrave  et  Cie,  éditeurs,  58,  rue  des  Écoles. 


(28 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


LA  TENTATION  DE  SAINT  ANTOINE.  —  Par  Gustave 
Flaubert.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  Charpentier  et 
Cie,  libraires-éditeurs,  Î8,  quai  du  Louvre.  —  Prix  : 
7  fr.  50. 


DIEU  ET  LA  NATURE.  Poésies  pour  l'enfance.  —  Par 
Mlle  M.  Trècocrt.  —  Ouvrage  publié  sous  le  patronage 
de  Lamartiae.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  librairie 
française  et  anglaise  de  J.-H.  Tricchy,  26,  boulevard  des 
Italiens. 


BOIELDIEU,  SA  VIE,  ses  oeuvres,  sa  correspondance.  — 
Par  Arthur  PougIx.  —  Edition  ornée  d'un  portrait  de 
Boieldieu,  gravé  sur  acier,  par  M.  Desjardixs,  et  du  fac- 
simile  d'une  lettre  autographe  de  Boieldieu.  —  Paris, 
Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  28,  quai  du  Louvre. 


LA  VIE  PARISIENNE.  —  Par  Armand  Lapointe.  —  Un 
vol.  in-18.  —  Paris,  librairie  de  Casimir  Pont,  97,  rue 
Richelieu.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


L'ESPAGNE,  SES  SPLENDEURS  ET  SES  MISÈRES.  — 
Voyage  artistique  et  pittoresque.  —  Par  P.  L.  Imuert.  — 
Illustrations  d'Alexandre  Prévost.  —  Deuxième  édition.  — 
Paris,  E.  Pion  et  Cie,  imprimeurs-éditeurs,  10,  rue 
Garancière.  —  Prix  i  fr. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  h"  et  la  5=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1",  la  2«  et  la  Z"  année  doivent  être  pro- 
chainement réimprimées. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

I. 

Les  Professeurs  de  Irançais  désirant  trouver  des  places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en  toute  conliance  au 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  Û2,  Queeii  Square  à  Londres,  W.  C,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

IL 

Une  lettre  reçue  dernièrement  de  Litchfield  (Etat  de  Connecticut)  informe  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas 
qu'il  est  très-facile  de  se  procurer  des  places  de  professeur  de  français  dans  les  Etats-Unis  d'Amérique.  —  S'adresser 
à  M.  J.  W.  Schermerhorn,  430,  Broome  Street,  à  New-York.  —  Affranchir. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


La  Société  académique  de  Saint-Quentin  propose  des  médailles  d'or  pour  les  sujets  suivants,  mis  au  concours  pour 
l'année  1876  :  Poésie.  —  Sujet  laissé  au  choix  des  concurrents.  Cantates.  —  Sujet  également  laissé  au  choix  des 
concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  concours  devront  remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national 
de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-diré  être  à  personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'homme),  et 
contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un  trio  final.  —  La  Cantate  de  1876  servira  de  texte  pour  le 
concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1877.  Littérature.  —  i"  question  :  «  Etude  sur  la  poésie  contemporaine.  »  — 
2<-  question  :  «  Des  moyens  de  développer  le  goût  de  l'étude  dans  toutes  les  conditions  sociales.  » 


Un  concours  de  poésie  sur  ce  sujet  la  Revanche  est  ouvert  à  l'Académie  des  Poètes.  —  Pour  concourir,  il  faut 
appartenir  à  cette  Académie,  comme  membre  titulaire,  honoraire,  ou  membre  correspondant,  et  être  Français.  —  Le 
prix  du  concours  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  150  fr.,  donnée  par  un  des  membres  de  l'Académie, 
M.  Marc  Bonnefoy.  —  Les  poésies  envoyées  au  concours  devront  se  renfermer  autant  que  possible  dans  la  limite  de 
100  et  200  vers  (ces  chiflVes  n'ont  rien  d'absolu),  et  être  inédites;  elles  pourront  être  signées  ou  non  signées,  au  gré 
des  concurrents,  et  dans  ce  dernier  cas,  être  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant  le  nom  de  l'auteur.  —  Les 
envois  relatifs  au  concours  doivent  être  adressés  franco  à  M.  Elle  de  Biran,  archiviste  de  l'Académie,  rue  des 
Missions,  22,  à  Paris,  avant  le  l"''  mars  1876. 

Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  ~  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  le  2=  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3'  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  l"  juin  1876. 

La  Société  d'encouragement  au  bien  décernera  en  1876  deux  médailles  d'or  :  l'une,  pour  une  composition  poétique 
dont  elle  ne  détermine  pas  le  sujet;  l'autre,  pour  un  travail  en  prose  sur  le  sujet  suivant  :  Rechercher  et  développer 
les  moyens  les  plus  prompts  et  les  plus  efficaces  d'améliorer  la  moralité  comme  le  hien-étre  de  tous.  —  Tous  les 
renseignements  doivent  être  adressés  à  M.  Honoré  Arnoul,  secrétaire-général,  2,  rue  Brochant,  aux  Hatignollcs 
(Paris),  avant  le  31  décembre  1875. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  80n  bureau  de  midi  a  une  heure  et  demie. 


Impruucne  GOUVEU.NKLH,  G.  U.VUl'IiLliV  à  NogeiU-le-Kolrou. 


G'  Année 


N"  17. 


1"  Janvier  187G. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^« 


;,.^\^u  DE  yaugj,;: 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Paraissant    le    1"  et    le    15    de    chaque   mois 


'49 


{Dans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerne  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Abonnement  pour  la  France.     6  f . 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 
Annonces,  la  ligne.          50  c. 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEUR    SPÉCIAL  POUR    LES    ÉTRANGERS 

Officier  J'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 

AVIS. 
Les  Souscripteurs  de  la  province  qui  n'ont  pas  encore 
payé  leur  abonnement  sont  instamment  priés  de  vou- 
loir bien,  le  plus  tôt   possible,  en  faire  parvenir    le 
montant  au  Rédacteur. 


SOMMAIRE. 

Communication  sur  CAo/éra.-  —  Elymologie  de  Jambette,  couteau; 

—  La  consiruclion  J'ai  l'honneur  de  vous  informer  que;  — 
Origine  de  la  dénomination  Rue  Sainl-André-des-.4rl$;  —  L'ex- 
pression C'es(  ù  vous  à  qui.  B  Laquelle  des  trois  formes  Csar, 
tsar,  /lar  est  la  meilleure;  —  Orthographe  de  En  termes  de; 

—  Explication  de  Chercher  la  pierre  philosophnle.  ||  Passe- 
temps  grammatical.  ||  Biographie  de  Marguerite  Bufj'el.  \\ 
Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Renseignements 
aux  professeurs  français.  ||  Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

J'ai  reçu  la  lettre  suivante  relativement  à  1  etjmologie 
de  choléra,  dont  il  a  déjà  été  question  dans  quelques 
numéros  précédents  : 

Tours,  li  novembre  1875. 
Monsieur, 

Je  ne  suis  point  un  hébraïsant,  comme  vous  me  faitps 
l'honneur  de  me  le  dire,  et  je  ne  me  permpttrai  point  de 
discuter  avec  uns  autorité  aussi  incontestable  que  M.  Alex. 
Weill.  Le  mot  choli  se  trouve,  en  effet,  dans  la  Bible  bé- 
braïque.  Il  est  fréquemment  employé  et  signifie  maladie. 
Au  verset  2  du  chapitre  6  de  l'Ecclésiaste,  nous  lisons 
même,  en  propres  termes,  c/io?/-ra  (maladie  mauvaise). 

Permettez-moi,  ceppndant,  de  contester  encore  cette 
étymologie.  D'après  elle,  le  grec  y.o)£pa  viendrait  du  phé- 
nicien [ici  en  caractères  hébraïques  le  mot  choli-ra] 

Je  dis  le  phénicien  parce  que  les  Grecs  avaierit  des  rap- 
ports avec  les  Phéniciens,  et  ceux-ci  parlaient  la  même 
langue  que  les  Hébreux. 

Mais  j'ai  trois  objections  à  faire  à  cette  origine  :  1°  Pour- 
quoi le  grec yoXôfa est-il  du  féminin?  cholim-rnim  (Deut.îS, 
59)  est  du   masculin.    2°  Pourquoi   les  Grecs  disaient-ils 


yoliça  et  non  pas  yoXîpa?  Enfin,  pourquoi  plaçaient-ils  l'ac- 
cent sur  l'avant-dernière  syllabe? 

Les  Grecs  ont  certainement  emprunté  quelques  mots  aux 
langues  étrangères  sémitiques,  mais  en  fort  petit  nombre, 
et,  à  ma  connaissance,  aucun  mot  composé  comme  ce- 
lui-là. 

Bref,  je  me  permets  de  trouver  purement  fortuite  la 
coïncidence  que  présentent  ici  le  grec  et  l'hébreu,  et  vous 
prierais  de  vouloir  bien  me  dire  pour  quels  motifs  vous 
repoussez  l'étymologie  vulgaire  indiquée  par  M.  Littré 
iifol-fi  et  ps'w). 

Je  ne  voudrais  pas  fatiguer  vos  lecteurs  d'une  discus- 
sion déjà  trop  longue;  cependant,  si  ces  quelques  remar- 
ques vous  paraissaient  devoir  les  intéresser,  je  vous  serais 
reconnaissant  de  les  publier. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'expression  de  mes  senti- 
ments distmgués. 

Edmond  Stapfer,  pasteur. 

Les  raisons  pour  lesquelles  je  repousse  l'étymologie 
qui  a  les  préférences  de  .M.  Edmond  Stapfer  sont  les 
deux  suivantes  : 

|o  En  grec,  les  noms  composés  exprimant  une  idée 
relative  à  la  bile  commencent  tous  par  xo'-x,  yahr,,  yo\:, 
ou  yy^'i  mais  jamais  par  -/o/.î.  Par  conséquent,  la  pre- 
mière partie  de  x^lépa.,  qui  renferme  un  =,  ne  doit  pas 
avoir  été  formée  de  Xolr,,  bile. 

2°  Les  mots  grecs  ayant  pour  finale  le  verbe  péw, 
couler,  ont  tous  deux  p,  avec  l'esprit  rude  sur  le  der- 
nier, comme  vovGppsta,  gonorrhée;  îiappo-.a,  diarrhée; 
a'.;j.appo'.a,  flux  de  sang,  uîpscpoa,  conduit  pour  l'écou- 
lement des  eaux.  Or,  attendu  que  yo'kipx  n'a  ni  le 
redoublement  du  p,  ni  l'esprit  rude,  et  qu'il  n'est  pas 
permis  de  supposer  que,  dans  ce  mot  et  dans  toute 
sa  famille,  les  Grecs  aient  enfreint  un  principe 
essentiel  de  leur  orthographe,  j'en  conclus  que  le  mot 
en  question  n'a  point  été  formé  non  plus  de  péw. 

Du  reste,  comme  au  moyen  de  vocables  venus  des 
langues  étrangères  dans  la  nôtre,  on  expliquerait  faci- 
lement de  quelle  manière,  en  passant  en  grec,  clmii-ra 
a  pu  changer  sa  voyelle  i  en  s,  son  genre  masculin  en 
féminin,  et,  sans  trop  de  difficulté  peut-être,  comment 
il  a  pu  déplacer  son  accent,  je  reste  convaincu  que  cette 


H  30 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


expression  hébraïque  est  la  véritable  origine  de  cho- 
léra. 

X 
Première  Question. 
Voudriez-vovs  bien  me  dire  quelle  est  Vétymologie  du 
mot  Jambette  qui^  comme  vous  savez,  désigne  chez  les 
paysans  une  sorte  de  couteau  ? 

La  jambette  est  le  plus  simple  des  couteaux;  elle  se 
compose  d'une  lame  commune,  d'un  manche  en  bois  et 
d'un  clou. 

Quant  au  mot  lui-même,  d'oii  vient-il? 

D'après  le  dictionnaire  de  Liltré,  ce  serait  à  cause  de 
sa  forme  que  ce  couteau  aurait  été  ainsi  appelé;  mais  tel 
n'est  pas  l'avis  de  M.  Pihan  'Dictionnaire  des  mots  fran- 
çais dérivés  de  l'arabe] ,  car  il  dit  : 

«  J'ajouterai,  pour  ce  qui  concerne  l'étymologie,  que  le 
mot  français  jambette,  dans  le  sens  de  couteau,  n'a  aucun 
rapport  avec  jamfce.  » 

Et  pour  étjmologie  du  mot  en  question,  M.  Pihan 
propose  djambiijyat,  qui  ne  figure  point,  dit-il,  dans 
les  dictionnaires  de  la  langue  arabe,  mais  qui  se  ren- 
contre souvent  avec  le  sens  de  poignard.  Voici,  en 
effet,  des  exemples  de  djambié,  que  j'ai  trouvé  avec 
cette  signification  dans  les  phrases  suivantes  : 

Un  chaie  de  cachemire  formait  sa  ceinture,  à  travers  la- 
quelle était  passé  un  de  ces  longs  poignards  recourbés,  à 
fourreau  d'or  ciselé,  que  les  Arabes  nomment  djembie'. 

(Botta.  Heltil.  d'un  voi/,  dans  l'Iémen^  p.  22.) 

Tous  étaient  vêtus  simplement  et  ne  se  distinguaient  du 
reste  des  habitants  que  par  leurs  poignards  ou  djemhiés. 

(Idem,  p.  46.) 

Mais  il  y  a  plus  d'une  grave  objection  à  faire  contre 
cette  origine  étrangère  : 

-l"  Comment  le  mot  djembié,  qui  signifie  poignard 
(un  couteau  toujours  ouvert),  en  est-il  venu  à  s'ap- 
pliquer à  un  couteau  qui  se  ferme  ? 

2°  Comment  a-t-il  pu  se  faire  que  djembié  désignant 
un  poignard  dont  le  fourreau  est  le  plus  souvent 
enrichi  de  ciselures,  ait  été  employé  justement  à  dési- 
gner le  plus  modeste  des  instruments  de  son  espèce? 

3"  Le  djembié  se  porte  à  la  ceinture;  comment  son 
nom  a-t-il  pu  être  donné,  par  comparaison,  à  un  cou- 
teau qui  se  porte  dans  la  poche  ? 

4"  Enfin,  y  a-t-il  apparence  que  djembié,  avec  un  i 
tellement  marqué  en  arabe  que  .M.  Pihan  le  fait  suivre 
de  deux  y  pour  le  rendre  en  français,  ait  pu  former  le 
diminutif  Ja?nAe<^e,  qui  n'a  pas  d'/? 

C'est  l'étymologie  de  M.  Liltré  qui  est  la  vraie, 
ce  que  démontrent  avec  la  dernière  évidence  les 
lignes  suivantes,  empruntées  à  l'ingénieur  Landrin 
\Man.  du  coutel.  p.  3()C,  Coll.  Horet]  : 

«  Le  plus  simple  des  couteaux  fermants  est  la  jambette; 
ce  nom  lui  vient  de  la  forme  qu'on  a  longtemps  donnée 
aux  manches,  dans  le  Limousin,  où  le  bois  de  l'instrument 
représentait  assoz  imparfaitement  une  jambe  terminée  par 
un  pied,  dans  lequel  se  logeait  la  lame.  » 

X 

Trorsième  Question. 

Ne   trouvez-vous  pas   très-incorrecte  l'expression  : 


«  J'ai  l'honneur  de  vous  informer  que  ?  •«  On  informe 
n'une  chose,  ou  bien  on  fait  savoir  que  cette  chose  a  eu 
lieu  ;  QOE  ne  peut  aller  dans  ce  cas  qu'avec  un  l'erbe 
actif.  Le  Dictionnaire  de  Liltré  ne  mentionne  pas  cette 
locution,  qui  est  cependant  d'un  usage  journalier',  et 
qui  me  parait  fautive. 

Quand  il  s'agit  d'un  verbe  requérant  la  préposition 
de  avant  le  substantif  qui  lui  sert  de  régime  (ceci  est 
une  règle  qui,  je  crois,  n'est  mentionnée  nulle  part), 
il  faut  changer  ce  de  en  que  dans  le  cas  où  le  substantif 
régime  est  remplacé  par  une  proposition  avec  un  verbe 
à  un  mode  personnel.  Ainsi  comme  on  dit  : 

Avertir  quelqu'un  d'un  danger, 

Se  douter  d'un  départ, 

Se  soucier  de  l'opinion, 

Enrager  de  dépit, 

les  auteurs  dont  les  noms  suivent  ont  écrit  : 
On  m'avertit  qu'il  fait  tous  ses  efforts  pour  lui  parler; 

(Molière,  Médecin  mat.  lui,  IIJ,  7.) 

Je  me  doutais  bien  aussi  que  les  prophéties  auraient  été 
entièrement  fausses  à  l'égard  de  Vardes. 

(Sévigné,  letl,  27  mars  I671.) 

Je  dis  ce  que  je  pense,  et  je  me  soucie  peu  que  les  autres 
pensent  comme  moi. 

CVoltaire,  Candide,  35) 

J'enrage  que  mon  père  et  ma  mère  ne  m'aient  pas  fait 
étudier  dans  toutes  les  sciences  quand  j'étais  jeune. 

(Molière,  Bourg,  gent.  Il,  6) 

Or,  attendu  que  le  verbe  m/'onner  veut  aussi  e^e  après 
lui  quand  son  régime  est  un  substantif,  il  en  résulte 
qu'il  doit  également  être  suivi  de  que  lorsqu'il  a  pour 
complément  une  proposition  renfermant  un  verbe  à  un 
mode  autre  que  l'infinitif,  et  qu'il  faut  dire,  par 
exemple  : 

Je  vous  informe  que  je  pars  demain. 

X 

Quatrième  Question. 

Auriez-vous  l'obligeance  de  me  dire  pourquoi  la  rue 
de  Paris  oie  se  trouve  la  librairie  lioyer  et  C'"  porte  le 
nom  de  Saint-André-des-Akts  ?  A  quels  arts  ce  nom 
fait-il  allusion  ? 

Quelques-uns  ont  prétendu  que  celte  rue  avait  été 
ainsi  surnommée  parce  qu'elle  était  à  l'entrée  de 
l'Université,  où  l'on  enseignait  les  arts  libéraux  ;  sa- 
chant qu'elle  s'était  appelée  aussi  St-André-des-Arcs , 
d'autres  ont  cru  que  c'était  parce  qu'il  y  avait  eu  autre- 
fois des  arcades,  qu'on  y  avait  fait  des  arcs,  ou  encore 
qu'il  y  avait  eu  un  jardin  dans  lequel  on  s'exerçait  à 
tirer  de  l'arc  :  ces  diverses  étymologies  n'ont  aucun 
fondement  réel. 

Tracée  sur  un  territoire  qui  s'appelait  Laas,  la  rue 
dont  il  s'agit  fut  primitivement  appelée  rue  de  Laas,  et 
quand  ensuite  l'église  de  Saint-André-dcs-Arts  y  fut 
construite,  elle  prit  le  nom  de  cette  église. 

Pour  répoudre  à  votre  question,  il  suffit  donc  de  dire 
d'où  vient  le  surnom  des  Arts,  donné  autrefois  à 
l'église  de  Sainl-André  en  Laas. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


13( 


Dans  se%  Recherches  sur  Paris,  Jaillot  dit  avoirtrouvé 
des  actes  de  1234  et  de  1260,  où  on  lit  :  St-Andrecis  de 
Assiciis,  et  de  Arciciis;  un  autre  de  1261  qui  porte 
St-Andreas  de  Assibtts,  et  un  quatrième  de  1274,  où  il 
y  a.  de  Arsiciis. 

Une  déclaration  faite  par  les  Sachettes  ^12841,  décla- 
ration vue  par  le  même  historien,  exprime  ce  surnom 
par  de  Arcubus. 

Avant  la  moitié  du  xiv*  siècle,  ce  dernier  surnom 
avait  prévalu,  preuve  le  passage  suivant,  emprunté  au 
Dictionnaire  historique  de  Hurtautet  Magny  (I,  p.  233), 
où  il  est  traduit  par  des  Arcs  : 

L'abbé  et  les  Religieux  de  Saint-Germain-des-Prés  ont 
joui  du  Patronage  de  ces  deux  cures  [S.  André  et  S.  Corne] 
jusqu'en  1315,  que  par  transaction  passée  avec  l'Université, 
Ils  cédèrent  à  ceux-ci  «  tout  ce  que  à  eux  appartenoit,  ou 
appartenir  pourroit  au  tems  avenir,  èa  Patronage  des 
Eglises  de  Saint- Andrien-des-Arcs  et  de  Saint-Cosme.  » 

Mais,  au  moyen-âge,  arc  se  prononçait  ar,  comme 
cela  résulte  des  citations  suivantes,  dans  lesquelles  ce 
mot  n'a  pas  de  f  : 

Et  li  Commain  et  li  Blac  et  li  Grieu  ctiacierent  et  hor- 
doierent  à  celé  bataille  à  ars  et  à  saiettes. 

(Villehardoin,  CXLV.) 

Li  uns  des  ars  si  fu  d'un  bois 
Dont  li  fruit  iert  mal  savoréE. 

{La  Unse,  vers  9i4-) 

Entre  les  autres  [présents]  li  apportèrent  ars  de  cor. 

[JoinviUe,  379  ) 

Or,  quand  on  a  prononcé  arc  en  faisant  entendre  le  c 
(ce  qui  a  commencé,  si  je  ne  me  trompe,  au  xvi''  siècle, 
parce  que,  depuis  cette  époque,  on  y  remarque  cette 
lettre],  l'ancienne  prononciation  de  arc  dans  Saint- 
André-des-Arcs  a  fait  confondre  ce  mot  avec  art,  et 
l'on  a  fini  par  écrire  comme  on  écrit  encore  aujour- 
d'hui : 

L'église  de  Saint- André-des-ArIs. 

De  sorte  que,  si  l'on  ne  sait  pas  précisément  l'origine 
de  Assiciis,  Assibus,  Arciciis,  formes  diverses  de  l'an- 
cien surnom  de  la  rue  Saint- André-des-Arts  (selon 
Jaillot,  cette  origine  serait  Laas),  il  n'en  est  pas 
moins  certain  que,  dans  cette  dénomination,  Arts  n'a 
de  commun  que  le  son  avec  le  mot  art,  manière  de  faire 
une  chose  avec  méthode. 

X 

Cinquième  Question. 
Boileau  a  dit  :  «  C'est  a  vocs,  mon  esprit,  a  qui  je 
veux  parler  »;  Molière,  «  Et  que  c'est  a  sa  table  a  qdi 
l'on  rend  visiter.  Il  me  semble  que  cette  construction 
donne  à  la  pensée  vne  accentuation  et  une  force  parti- 
culières. Mais  n  est-elle  pas  cependant  fautire  ? 

En  français,  quand,  pour  les  mettre  en  évideri«e,  on 
présente  en  tête  d'une  phrase  des  mots  qui  servent  de 
complément  à  un  verbe,  ou  encore  un  adverbe,  on  [)lace 
ces  mots  entre  c'est  et  que,  comme  pour  avertir  le  lecteur 
de  l'inversion.  Ainsi,  au  lieu  de  : 

Les  conquérants  de  l'Univers  sortirent  d'une  retraite  de 
pâtres. 
0  sexe  enchanteur  I  votre  puissance  est  dans  vos  vertus. 
Mon  fils,  je  prétends  marcher  à  Home. 


les  auteurs  suivants  ont  dit  : 

Ce  fut  d'une  retraite  de  pâtres  que  sortirent  les  conqué- 
rants de  l'Univers. 

(Roi  lin.) 

0  sexe  enchanteur!  c'est  dans  vos  vertus  qu'est  votre 
puissance. 

(Bernardin  de  Saint-Pierre  ) 

C'est  à  Rome,  mon  fils,  que  je  prétends  marcher. 

(Racine,  Milh.  III.  i.) 

Et  réciproquement,  toute  phrase  qui  commence  par 
c'est  suivi  de  mots  inversés,  doit,  pour  être  régulière- 
ment construite,  renfermer  que  après  ces  mots. 

Or,  les  deux  que  vous  m'offrez  ayant  à  qui  3.11  lieu  de 
qtte,  j'en  conclus  que,  si  elles  ont  pu  être  irréprochables 
à  l'époque  où  Boileau  et  Molière  les  ont  écrites,  elles  ont 
complètement  cessé  de  l'être  pour  nous. 

Cette  question  a  déjà  été  traitée  dans  \e^ Courrier  de 
Vaugelas  (4',année,  p.  35)  ;  mais  j'ajouterai  ici  un  argu- 
ment que  j'ai  oublié  de  faire  valoir  à  cet  endroit  contre 
la  construction  que  je  rejette. 

C'est  une  règle  aujourd'hui  que  le  relatif  g-w»,  précédé 
d'une  préposition,  ne  peut  se  dire  des  choses  non  per- 
sonnifiées. Or,  quand  on  veut  inverser  un  régime  indi- 
rect de  chose  ayant  une  préposition  quelconque  avant 
lui,  comme  dans  l'exemple  emprunté  à  .Molière,  il  faut 
nécessairement,  si  l'on  n'observe  pas  la  règle  que  j'ai 
donnée  en  commençant,  mettre  qui  après  cette  prépo- 
sition (c'est  à  sa  table  à  qui],  construction  impossible, 
puisqu'elle  implique  contradiction  avec  une  règle  qui 
s'observe  toujours. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
Dans  votre  numéro  14,  vous  reproduisez  une  lettrede 
Sedan  oit  le  nom  de  l'empereur  de  Russie  est  écrit  tzab. 
Je  vois  ailleurs  ce  nom  écrit  czak  et  tsar.  Laquelle  de 
ces  trois  formes  est  ta  meilleure,  à  votre  avis  ? 

Depuis  que  le  souverain  de  la  Russie  a  son  nom  men- 
tionné dans  nos  dictionnaires,  ce  nom  s'est  géné- 
ralement écrit  czar,  comme  dans  ces  exemples  : 

Le  c^ar  a  composé  lui-même  des  traités  de  marine,  et 
l'on  augmentera  de  son  nom  la  liste  pou  nombreuse  des 
souverains  qui  ont  écrit. 

(Fontenelle,  Ze  czar  Pierre. ) 

L'élection  de  Michel  Romanov  (1613)  met  un  terme  à  tant 
de  maux.  La  Russie  se  relève  un  peu  sous  ce  c:iar  et  ses 
deux  successeurs. 

(Bouillet,   Dict.  hisf.,  p.  1547.  co'.   l.) 

Le  czar  Michel  Fédérowitch  prit  avec  l'ambassade  hols- 
teinoise  les  titres  de  Grand  Seigneur,  etc. 

(Noël  et  Car[)entîer,  Dicf.  étymol.) 

Théoriquement  parlant,  cette  orthographe  est  défec- 
tueuse ;  on  devrait  écrire  ^<«/-,  comme  l'établit  fort  bien 
la  note  suivante,  due  à  l'obligeance  de  .M.  Charles 
Courrière,  le  savant  auteur  de  la  Littérature  contem- 
poraine en  Russie  : 


-132 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Lorsqu'on  emprunte  un  nom  commun  ou  un  nom  propre 
à  une  langue  étrangère,  doit-on  se  régler  sur  l'ortho- 
graphe de  ce  mot,  ou  sur  la  façon  dont  il  se  prononce 
dans  cette  langue  ? 

Selon  moi,  il  y  a  deux  cas  bien  distincts  : 

Si  la  langue  en  question  a  l'alphabet  latin,  il  faut  se  ré- 
gler sur  l'orthographe.  C'est  ainsi  que  nous  écrivons 
Shakespeare,  Ryron,  Th.  Moore,  etc.,  bien  que  ces  noms 
propres  se  prononcent  autrement. 

Si  la  langue  à  laquelle  nous  faisons  un  emprunt  a  un 
alphabet  autre  que  l'alphabet  latin,  il  est  évident  que  nous 
ne  pouvons  plus  nous  régler  sur  l'orthographe  des  mots, 
car  les  alphabets  slaves  et  orientaux  possèdent  certaines 
lettres  qui  manquent  à  l'alphabet  latin.  Nous  devons  donc 
transcrire  le  mot  emprunté  de  façon  à  lui  donner  une 
prononciation  équivalente  à  celle  qu'il  a  dans  sa  langue. 
Ainsi,  il  faut  dire  tsar  et  non  czar,  qui  est  défectueux,  car 
un  Slave  dirait  Ichar. 

Mais  comme  isar  est  d'une  prononciation  très-dure 
pour  nous,  .imême  lorsque  nous  lui  donnons  la  forme 
tzar,  qu'on  trouve  aussi  dans  quelques  dictionnaires, 
je  crois  que ,  pour  donner  à  l'oreille  la  satisfaction 
qu'elle  réclame  ici,  l'usage  se  maintiendra  demplojer 
czar,  qui,  grâce  à  sa  prononciation  de  gzar,  a  un  avan- 
tage inconteslable  sur  ses  compétiteurs. 

X 
Seconde  Question. 
Une  expression  que  je  n'écris  jamais  sans  hésiter, 
c'est  EN  TERMES  DE  commc,  par  exemple,  dans  en  termes 
DE  MARINE.  Faut-il  y  mettre  terme  au  singulier  ou  au 
pluriel  ? 

Quand  l'expression  en  terme  de  est  suivie  d'un  nom 
d'art,  de  métier  ou  de  science,  on  la  trouve  générale- 
ment écrite  au  pluriel  ;  c'est  toujours  ainsi  que  la  met 
M.  Littré  dans  son  dictionnaire,  comme  l'attestent  les 
exemples  suivants,  pris  dans  ses  explications  : 

En  termes  d'architecture,  la  gorge  des  chapiteaux  dorique 
et  toscan  en  est  la  partie  la  plus  étroite,  qui  se  nomme 
aussi  gorgerin  et  colerin. 

(Page  1895.  col.  3.) 

En  termes  de  cuisine,  graisse  se  dit  de  la  graisse  fondue 
et  de  la  friture. 

(Page  1913.  col,  I.) 

[Grouperj.  £(i  termes  d'avt.,  être  groupé.  Ces  figures  grou- 
pent bien. 

(Page  I9.'('j,  col.  7.) 

En  fermes  de  fortification,  sac  à  terre,  petit  sac  en  forte 
toile,  qu'on  remplit  de  terre. 

(Page  3196,  col.   a.) 

[Texture]  En  termes  de  littérature,  la  liaison  des  diffé- 
rentes parties  d'un  ouvrage. 

(Page  2ÎIJ,  col.   1.) 

Dans  le  même  cas,  toutefois,  on  trouve  aussi  terme 
au  singulier,  et  en  voici  des  exemples  dans  lesquels 
il  est  à  ce  nombre  : 

En  terme  de  coutume,  entreprise  était  la  poursuite  ou 
continuation  d'un  ouvrage  malgré  la  clameur  de  haro. 

(Cliéruel,  fJicl.  ilr.i  nururs  cl  eut    p-  356.  col.  %.} 

En  terme  de  blason,  les  émaux  sont  les  couleurs  ou  mé- 
taux dont  un  écu  est  chargé. 

(Iilcm,  p.  347,  col.  j,) 

En  terme  de  blason,  une  croix  portée,  c'est  une  croix 
qui  n'est  pas  debout,  comme  sont  généralement  les  croix. 

[Encych'pidit ,  Porté,  p.   i37) 


Laquelle  de  ces  deux  orthographes  doit  être  réputée 
pour  la  meilleure  ? 

Je  regrette  une  fois  de  plus  de  ne  pas  me  trouver 
d'accord  avec  la  plus  grande  autorité  grammaticale  de 
notre  époque;  mais  il  me  semble  que,  dans  toutes  les 
phrases  qui  précèdent,  et  autres  analogues,  terme 
doit  être  mis  au  singulier,  pour  la  raison  que  voici: 

Toutes  ces  phrases  contiennent  la  déRnition  d'une 
expression  (gorge,  graisse,  grouper,  sac  à  terre,  texture, 
entreprise,  émaux,  etc.),  et  en  terme  de  y  signifie 
employé  comme  un  terme  de,  ce  qui  implique  nécessai- 
rement le  singulier  pour  terme. 

Attendu  que  employé  comme  un  terme  de,  véritable 
équivalent  quant  au  sens  de  en  terme  de,  exige  pour  sa 
construction  que  le molà  définir,  à  expliquer,  remplisse 
la  fonction  de  sujet,  il  est  évident  quee?»  terme  de  figure 
à  tort  dans  les  phrases  suivantes  : 

En  terme  de  blason,  on  appelle  les  /omftreîiwns  feuillards 
à  cause  de  leur  ressemblance  avec  la  feuille  d'acanthe. 

(Chéruel,  p.  4j5,  col.  1.) 

En  terme  de  blason,  on  appelle  quartiers  les  parties  d'un 
grand  écusson  qui  contient  des  armoiries  différentes. 

(Jdem,  p.  1038,  col.  a.) 

II  n'y  a  de  possible  dans  ces  phrases  que  en  langage 
de  blason,  ou  encore  dans  le  langage  du  blason. 

X 
Troisième  Question. 
Pourquoi  dit-on  de  quelqu'un  qui  poursuit  des  recher- 
ches que  l'on  croit  devoir  rester  sans   résultat,  qu'il 

CnERCHE  l.A  PIERRE  PHILOSOPHALE  ? 


Rapportée  d'Orient  par  les  Croisés,  la  science  hermé- 
tique, ou  autrement  l'alchimie,  fut  bientôt  cultivée  par  ce 
qu'il  y  avait  de  plus  savants  hommes  en  Europe  :  Roger 
Bacon,  Albert-le-Grand ,  saint  Thomas  d'Aquin  en 
furent  de  zélés  disciples. 

Vérité  pour  les  uns,  pure  chimère  pour  les  autres, 
celte  science,  étudiait  la  composition  intime  des  métaux, 
leur  perfectionnement  et  leur  transmutation. 

Ceux  qui  s'y  livraient  portaient  le  nom  de  philosophes, 
et  les  composés  qu'ils  obtenaient  au  moyen  de  leurs 
troispriucipes,lesel,lesoufreet  le  mercure,  étaient  géné- 
ralement désignés  par  le  nom  de  pierre,  que  la  pharmacie 
moderne  a  conservé,  du  reste,  dans  pierre  divine,  pierre 
infernale,  etc. 

U'oii  le  nom  de  pierre  philosophale  donné  à  une  com- 
[losition  qui  devait  changer  les  métaux  inférieurs  en  or 
ou  en  argent,  selon  que  c'eût  été  de  l'or  ou  de  l'argent 
qu'on  y  aurait  employé. 

Or,  comme  on  n'est  jamais  parvenu  à  découvrir  cette 
composition  tant  et  si  longtemps  cherchée  (Nicolas  Fla- 
mel  publiait  encoreen  l782unouvragcsurcettematière), 
on  a  dit  de  quelqu'un  qui  s'occupait  de  la  solution 
d'un  problème  jugé  insoluble  qu'«/  cherv/iail  la  pierre 
philosophale. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


133 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 


1°  ...  étant  donnée  uoe  telle  situation; —  2°  .  . .  à  neuf 
heures  el  un  quart,  ou  à  neuf  heures  un  quart;  —  3°  .  .  dans 
des  circonstances  excessivement  dramatiques  (Voir  Courrier  de 
Vaitgelas,  3°  année,  p.  84.);  —  4°  ...  quoi  qu'en  disent  leurs 
adversaires  ;  —  5»  ...  à  atteindre  le  but  (on  ne  remplit  pas  un 
but);  —  6°  . .  .  continua-t-il  à  dire  en  hésitant;  —  7-  ...  n'ait 
point  à  cœur  ;  —  8°  . . .  c'est  un  bachelier  en  musique  (Voir 
Courrier  de  Vaugelas,  l"  année,  n'  1,  page  4)  ;  —  9*  Comme 
elle  s'est  donné  de  la  peine;  —  10'  .  ..  une  prodigalité  fotie,  la 
synthèse  tout  entière  ;  —  11"  .  de  l'intérieur  dan?  une  pensée 
qu'il  est  facile  de  comprendre  Voir  Courrier  de  Vaugelas,  6'  an- 
née, p.  75)  ;  —  lî"  .  . .  un  acte,  voire  (pas  de  même)  .  . .  pourvu 
qu'au  troisième  vous  vous  déclarassiti . 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  el  autres  publications 

coniemporaines. 


r  La  Commission  s'est  réservée  d'entendre  les  observa- 
tions que  le  ministre  des  finances  pourrait  présenter  à  cette 
rédaction. 

2°  Permettez-nous,  en  conséquence,  de  faire  appel  aux 
sentiments  dont  nous  vous  savons  animé,  en  vous  priant 
de  vous  inscrire  sur  les  abonnés  de  l'Ordre. 

3°  Les  dernières  nouvelles  de  la  santé  de  M.  Patin  sont 
meilleures.  On  commence  à  espérer  que  l'honorable  acadé- 
micien parvienne  à  se  lever. 

4°  La  démocratie  française  n'aspire  pas  â  autre  chose 
qu'à  l'application  complète  des  grands  principes  de  1789. 

5°  11  y  a  des  esprits  tournés  de  telle  façon  qu'ils  inter- 
prètent dans  un  sens  ce  qui  en  a  évidemment  un  autre,  et 
qui  font  dire  ainsi  à  un  orateur  toute  autre  chose  que  ce 
qu'il  a  réellement  dit. 

6°  Si  quelque  chose  est  à  craindre,  c'est  que  le  Maréchal 
fasse  à  l'insatiable  révolution  une  concession  nouvelle,  et 
prenne  un  ministère  de  tendances  encore  plus  républi- 
caines que  le  cabinet  actuel. 

7°  M.  Vogel  lui  facilite  la  tâche  en  lui  soulignant,  sans 
les  dissimuler,  les  sources  où  il  a  péché. 

8°  Aidez  ceux  qui  ont  été  dépouillés  de  tous  les  biens, 
voire  même  de  leur  patrie,  et  qui,  dans  leur  affreuse  si- 
tuation, n'attendent  de  secours  que  du  dehors,  et  particu- 
lièrement de  la  Russie. 

9°  M.  L.  Goudounèche,  ancien  chef  d'institution,  ancien 
adjoint  au  maire  du  11'  arrondissement,  est  mort  hier  ma- 
tin, comme  nous  l'avons  annoncé,  â  sept  heures  moins  le 
quart,  dans  sa  68«  année. 

10°  Certes,  l'empire  peut  avoir  sa  raison  d'être  et  de 
durer  ;  mais  cette  raison  est  toute  autre  que  la  liberté  et 
la  vertu  politique. 

It*  Sans  doute,  il  y  aura  des  bonapartistes  militants 
dans  les  deux  futures  chambres  du  prochain  parlement. 
Mais  ils  seront  beaucoup  moins  nombreux  qu'on  l'avait 
supposé,  il  y  a  quelques  mois  à  peine. 

lî°  Au  nom  du  ministre,  le  président  a  décerné  la  palme 
d'officier  de  l'Instruction  publirjue  à  l'un  des  plus  anciens 
professeurs  de  l'Association,  et  la  croix  d'officier  d'Aca- 
démie à  quatre  autres  de  ses  collègues. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVll"  SIÈCLE. 

Marguerite  BUFFET. 

C'était  une  «fille  de  condition»  qui,  pour  vivre,  avait 
été  obligée  d'avoir  recours  aux  lettres.  Elle  donnait  des 
leçons  de  français,  ce  qu'elle  nous  apprend  par  le  titre 
d'un  ouvrage  sur  cette  langue,  publié  en  ((368,  titre  où 
se  lit  ce  qui  suit  : 

«  Damoiselle  Marguerite  Buffet,  faisant  profession  d'en- 
seigner aux  Dames  l'art  de  bien  parler  et  de  bien  écrire 
sur  tous  sujets,  avec  l'Orthographe  Françoise  par  règles.  » 

Voilà  tout  ce  que  j'ai  pu  recueillir  sur  celte  savante 
personne  dont  le  nom  ne  figure  dans  aucune  des 
Biographies  que  j'ai  consultées. 

Quant  à  son  ouvrage,  qui  est  dédié  à  la  Reine,  il  est 
intitulé  Nouvelles  observations  sur  la  longue  française, 
oit  il  est  traitté  des  termes  anciens  et  initsitez,  et  du  bel 
usage  des  mots  nouveaux. 

Ces  observations  portant  pour  la  plupart  sur  ce  qu'il 
ne  faut  pas  dire  et  sur  ce  qu'il  faut  dire  (bien  des 
arrêts  qui  ont  été  plus  ou  moins  respectés  par  le 
temps)  sont  divisées  en  quatre  parties. 

Après  avoir  exposé  la  nécessité  qu'il  yadebienparler 
sa  langue,  et  fait  voir  combien  la  nôtre  est  estimée 
de  toutes  les  nations  de  l'Europe,  .Marguerite  liuffet 
entre  en  matière. 

Je  vais  la  suivre  pas  à  pas,  notant  avec  soin  ce 
qui  me  semblera  propre  à  intéresser  les  lecteurs  de 
ce  journal. 

PREMIÈRE    PARTIE 

Parmi  les  diverses  personnes  que  Marguerite  Buffet 
voit  tous  les  jours,  il  en  est  peu  qui  sachent  leur  langue. 
11  y  en  a  qui,  par  l'usage  ou  la  connaissance  du  latin, 
ne  font  point  de  fautes  dans  1'»  explication  »  des  verbes 
qui  en  composent  une  des  premières  parties;  mais,  sans 
en  avoir  conscience,  elles  en  font  un  grand  nombre  d'au- 
tres qui  sont  ridicules  :  elles  se  servent  de  termes  bar- 
bares qui  ne  se  peuvent  souffrir  entre  gens  polis  et 
diserts. 

Ignorant  la  langue  latine,  d'autres  manquent  à  l'ordre 
qu'il  faut  observer  dans  l'emploi  de  quelques  verbes. 
Ce  ne  sont  pas  les  plus  petites  fautes,  et  c'est  ce  qui 
oblige  Marguerite  Buffet  à  expliquer  ici  ceux  qu'elle  croit 
être  les  plus  nécessaires  pour  l'usage  de  notre  langue, 
et  aussi  ceux  où  elle  a  remarqué  que  l'on  manque  le 
plus  ordinairement. 

Pour  les  autres  verbes,  ils  sont  écrits  par  ordre  dans 
son  livre  de  règles  pour  l'orthographe,  règles  qu'elle 
donne  aux  dames  ;i  qui  elle  enseigne,  et  qu'elle  leur 
fait  apprendre  en  peu  de  temps  par  une  méthode  très- 
facile. 

Ce  livre  est  composé  de  3S  ou  -50  règles  différentes 
expliquées  en  français,  quoique  dérivées  du  latin,  Kms 


434 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


lequel  il  serait  impossible  d'enseignei-  l'orthographe, 
cette  science  étant  trop  délicate  et  exigeant  trop  d'études 
pour  être  apprise  sans  ordre  et  sans  méthode. 

Comme  les  curieux  veulent  savoir  l'origine  des  lettres 
qu'emploie  l'écriture,  Marguerite  Bufl'et  va  leur  dire  ce 
qu'elle  en   sait. 

Les  Egyptiens  furent  les  premiers  qui  représentèrent 
les  conceptions  de  leur  esprit  par  des  figures  d'animaux, 
et  les  plus  anciens  monuments  de  leur  antiquité  se 
voyaient  empreints  sur  des  pierres;  aussi  se  vantaient- 
ils  d'être  les  inventeurs  des  lettres. 

Depuis,  les  Phéniciens,  qui  étaient  alors  les  meilleurs 
et  les  plus  puissants  matelots  sur  mer,  apportèrent  ces 
lettres  en  Grèce;  et,  quoiqu'ils  les  eussent  apprises  des 
Egyptiens,  ils  se  virent  attribuer  partout  l'honneur  de 
les  avoir  inventées. 

On  a  trouvé  par  écrit  que  l'Athénien  Céerops  et 
l'Argien  Palamède  (contemporain  de  la  guerre  de  Troie) 
inventèrent  les  caractères  de  H  lettres,  et  que  Simo- 
nide  trouva  le  reste. 

Elles  ont  été  transportées  en  Italie  par  le  Corinthien 
Damarale,  qui  les  apprit  aux  Toscans,  et  l'Arcadien 
Evandre,  qui  les  enseigna  aux  aborigènes  ;  c'est  pour 
celte  raison  que  les  lettres  latines  ont  la  forme  des  plus 
anciens  caractères  grecs. 

L'empereur  Claude  en  ajouta  trois,  lesquelles  ont  été 
en  usage  pendant  son  règne,  et  se  voient  encore  au- 
jourd'hui il6(j8)  gravées  sur  des  lables.de  cuivre  qui 
furent  placées  dans  les  temples  et  sur  les  places  pu- 
bliques de  Rome,  pour  exposer  à  la  connaissance  d'  «  un 
chacun  »  les  ordonnances  du  peuple. 

Si  l'invention  des  lettres  a  été  difficile,  leur  liaison  et 
leur  ordre  ne  l'ont  pas  été  moins;  c'est  ce  dernier  qui 
donne  le  vrai  moyen  de  faire  un  son  expressif  de  la 
chose  que  nous  voulons  énoncer,  ainsi  qu'une  juste 
prononciation;  enfin,  c'est  lui  qui  est  le  véritable  ins- 
trument de  l'éloquence  et  du  beau  discours. 

Les  lettres  toutes  seules  pourraient  être  comparées  à 
un  monceau  de  pierres,  lesquelles  ne  sont  d'aucun 
usage,  mais  qui,  étant  taillées  et  mises  en  ordre,  for- 
ment d'élégants  édifices  et  servent  à  élever  des  palais 
d'une  belle  architecture. 

Marguerite  Bufi^et  revient  aux  verbes. 

Il  faut  remarquer  que  nous  en  avons  plusieurs  qui 
s'énoncent  autrement  qu'ils  ne  s'écrivent.  Nous  en 
'  avons  où  le  g  se  prononce,  ce  que  bien  des  gens  n'ob- 
servent pas,  manque  de  le  savoir;  par  exemple,  il 
faut  faire  entendre  cette  lettre  dans  avmdre,  et  dire 
j'avinf/nis,  nous  ariiignismes,  etc. 

L,e  verbe  dissoudre  t'ait  au  passé  défini  je  dissoudls, 
tu  dissoudis,  nous  dissoudismes,  etc. 

Prévoir,  d'après  Marguerite  Buffet,  a  pour  futur ^e 
prererray,  etc. 

Quant  à  pourvoir,  il  fait  au  passé  défini  je  pourvus, 
nous  pourvùsmes,  ils  pourvurent. 

Il  est  bien  peu  de  gens  qui  sachent  quand  il  faut  le 
d  ou  [l  dans  le  verbe  résoudre;  au  futur,  il  faity'e  ré- 
soudra]!, et  au  présent  nous  résolvons  ;  le  participe 
présent  est  résolvant  et  non  resoudant. 


Les  verbes  qui  «  terminent  »  en  er  à  l'infinitif  se 
conjuguent  comme  porter,  donner,  et  n'olTrent  pas 
de  difficultés. 

Mais  on  fait  encore  contre  la  langue  française  un 
très-grand  nombre  de  fautes  qui  ne  dépendent  pas  des 
verbes,  soit  en  employant  des  mots  barbares  et  an- 
ciens, soit  en  n'évitant  point  les  superflus,  ni  les  mots 
corrompus  et  mal  prononcés,  soit  encore  en  confon- 
dant le  masculin  avec  le  féminin. 

Elle  va  signaler  les  principales  de  ces  fautes. 

Parmi  les  termes  barbares,  on  se  sert  souvent  de 
mesque,  qui  n'est  pas  français;  par  exemple,  on  dit 
mesque  nous  ayons  fait  cette  affaire.  Il  faut  dire 
quand  nous  aurons  fait. 

Plusieurs  disent  vous  aurez  du  repenty  d'avoir  fait 
cela;  c'est  encore  un  mot  des  plus  barbares,  il  faut  dire 
l'OMS  aurez  du  regret. 

Quand  il  est  nuit,  d'autres  disent  souvent  on  ne  voit 
plus  goûte,  ne  croyant  point  faire  de  faute;  mais  on  ne 
doit  employer  goule  qu'en  parlant  de  quelque  chose 
qui  coule,  comme  l'huile,  le  vin  et  l'eau  ;  il  faut  dire 
on  ne  voit  plus,  ou  //  fait  nuit. 

On  dit  assez  ordinairement  vous  avez  controuvé 
toutes  ces  choses;  il  faut  dire  vous  avez  svposé  toutes 
ces  choses,  quand  il  s'agit  de  personnes  au-dessous  de 
soi,  autrement  ce  serait  trop  injurieux. 

D'autres  disent  encore  vous  vous  acotez  sur  telle 
chose  ;  il  faut  dire  v^ous  vous  opuyez. 

Cette  lettre  est  bien  lisable,  disent  les  provinciaux  ; 
mauvaise  expression,  il  faut  dire  lisible. 

On  ne  doit  pas  dire  d'un  homme  qa' il  est  courtois  en- 
vers les  Dames  ;  ces  mots  courtois  et  envers  sont  du 
vieux  style;  il  faut  dire  il  est  civil  et  obligeant  aux 
Daines. 

Pour  ménager  les  syllabes,  il  y  en  a  qui  disent  il  a 
esprit,  elle  a  esprit;  il  faut  dire  de  l'esprit. 

Parlant  d'un  homme  qui  est  fin,  il  s'en  «  trouvent  » 
qui  disent  il  est  bien  madré;  c'est  un  terme  ancien  et 
ridicule. 

On  ne  dit  plus  il  aroit  apris  de  faire  telle  chose,  ou 
il  souloit,  qui  est  un  mot  fort  ancien  et  hors  d'usage 
M  668),  ni  il  vous  est  loisible  de  dire,  ce  qui  est  une  ex- 
pression fort  barbare.  Il  faut  dire  il  vous  est  permis 
de  faire,  au  lieu  de  loisible,  qui  est  «  tres-meschant.  » 

On  peut  dire  dépendre  ou  dépenser,  l'un  et  l'autre 
sont  également  bons. 

C'est  ridiculement  parler  que  de  dire  gagner  la  bonne 
grâce  de  quelqu'un;  il  faut  parler  «  en  »  pluriel,  et  dire 
gagner  les  bonnes  grâces. 

Ne  dites  pas  c'est  un  délice  de  se  promener,  car  l'ex- 
pression est  mauvaise;  dites  //  est  délicieux. 

Quand  elles  sont  bien  adaptées,  les  expressions  à 
travers  et  au  travers  sont  bonnes. 

//  fut  fait  mourir  tant  de  personnes  ne  vaut  absolu- 
ment rien  ;  il  faut  dire  on  fit  exécuter  tant  de  per- 
sonnes. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 

Le  Rkdacteoii-Gkkant  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  YAUGELAS 


133 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE. 

Publications  de  la  quinzaine  : 


La  Chine  familière  et  gâtante;  par  Jules  Arène  In- 
18  Jésus,  in-292  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Histoire  de  la  caricature  au  moyen-âge  et  sous 
la  Renaissance;  par  Cliampileury.  2'  édition,  très- 
augmentée.  Ia-18  Jésus,  355  p.  Paris,  lib.  Dentu.  5  fr. 

La  Pièce  de  vingt  francs;  par  Marie  Conscience.  In- 
12,  216  p,  Paris,  lib.  Sundoz  et  Fischbacher, 

Le  Foyer,  scènes  de  la  vie  de  famille  aux  Etats- 
Unis.  Ouvrage  imité  de  «  Home  »  de  Miss  Sedgwick;  par 
Mme  A.  Gael.  In-12,  260  p.  Paris,  lib.  Sandoz  et  Fischba- 
cher. 

Histoire  du  XIX'  siècle,  II.  Jusqu'au  18  brumaire. 
III.  Jusqu'à  Waterloo;  par  J.  .Michelet.  In-S",  xl\-8ô6 
p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  Chaque  vol.,  6  fr. 

Voyage  au  pays  des  milliards;  par  Victor  Tissot. 
17'  édition,  revue  et  corrigée.  In-18  Jésus,  392  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Œuvres  complètes  de  Diderot  revues  sur  les 
éditions  originales,  comprenant  ce  qui  a  été  publié  à 
diverses  époques  et  les  manuscrits  inédits  conservés  à  la 
bibliothèque  de  l'Hermitage.  Notices,  notes,  table 
analytique.  Etude  sur  Diderot  et  le  mouvement  philo- 
sophique au  xvin°  siècle;  par  J.  Assézat.  T.  8.  Belles- 
lettres.  V.  In-8°  524  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  Chaque 
vol.  6  fr. 

Les  Peintres  du  cabaret.  Van  Ostade,  sa  vie  et 
son  œuvre;  par  .Arsène  Houssaye.  .^vec  20  eau.\-fortes 
par  Van  Ostade,  Charles  Jacque  et  Subercase.  Gr.  in-S», 
16  p.  Paris,  lib.  J.  .Maury  et  Cie. 

Les  Soirées  amusantes.  4°  série.  Contes  d'au- 
tomne; par  Emile  Riehebourg.  X.  Octobre.  In-32,  192  p. 
Paris,  lib.  Pion  et  Cie,  75  cent. 


Œuvres  complètes  de  Beaumarchais.  Nouvelle 
édition,  augmentée  de  quatre  pièces  de  théâtre  et  de 
documents  divers  inédits,  avec  une  introduction  par 
M.  Edouard  Fournier.  Ornée  de  20  portr.  en  pied  coloriés, 
dessinés  par  Emile  Bayard.  Gr.  in- 8»  à  2  col.,  Lvii-78i  p. 
Paris,  lib.  Laplace.  Sanchez  et  Cie.  18  fr. 

La  Clique  dorée;  par  Emile  Gaboriau.  9«  édition.  In- 
18  Jésus,  568  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Annales,  souvenirs  et  traditions  historiques  du 
pays  chartrain;  par  Ad.  Lecocq.  chartrain.  Gravures 
d'après  les  dessins  de  MM.  Ed.  Moulinet,  P.  Rousseau, 
Ph.  Bellier,  E.  Bayard,  L.  .Michaut  et  L.  Petit.  In-8°,  iv- 
386  p.  Chartres,  lib.  Petrot-Garnier, 

Les  Demoiselles  du  Ronçay  ;  par  Albéric  Second. 
5'  édition.  In-12,  332  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Les  Glaciers;  par  Zurcher  et  MargoUé.  3<:  édition, 
revue  et  augmentée,  illustrée  de,  Uâ  gravures  sur  bois 
par  L.  Sabatier.  Inl8  Jésus,  320  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  2  fr.  2.ï, 

Les  Gardiennes  du  trésor;  par  Emmanuel  Gonzalès. 
Edition  illustrée  de  vignettes  sur  bois.  In-W  à  2  col.  i8 
p.  Paris,  lib.  Benoist  et  Cie.  80  cent. 

Femmes  de  Versailles.  Les  Femmes  de  la  cour 
de  Louis  XV;  par  Imbert  de  Saint-Amand.  In-18  Jésus, 
368  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr,  50.  ' 

....  Plus  c'est  la  même  chose;  par  Alphonse  Karr. 
■In-18  Jésus.  372  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

Voyage  d'un  étudiant  et  ses  suites^^rariées. 
Histoire  d'un  homme  enrhumé  ;  par  B.  J.  Stahl. 
11"  édition.  In-18  Jésus,  331  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie. 
3fr. 


Publications  antérieures  : 


LA  CHASSE  AUX  SOUVENIRS.  —  les  derxiehs  péchés  du 

CHEVALrER  DE  V.^UCELaS.   —  L,\     B.i^LLE    E>"CB-\NTÉE.   —    Paf 

le  marquis  G.  de  Cherville.  —  Paris,  librairie  de  Firmin 
Didol  et  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut,  56,  rue  Jacob. 


LES  PASSIONS.  —  Par  le  D--  F.  Fréd.\ult.  —  Paris, 
librairie  Victor  Palmé,  éditeur,  25,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain. 


LIVINGSTONE.  —  Par  Emile  Glurd.  —  Poésie  cou- 
ronnée par  l'Académie  française.  —  Paris-,  Paul 
Ollemiorff,  éditeur,  28  bis,  rue  Richelieu,  —  Prix  :   I   fr. 


L'ESPAGNE,  SES  SPLENDEURS  ET  SES  MISÈRES.  — 
Voyage  artistique  et  pittoresque.  —  Par  P.  L.  Imiiert.  — 
Illustrations  d'Ale.xandre  Prévost.  —  Deuxième  édition.  — 
Paris,  E.  Pion  et  Cie,  imprimeurs-éditeurs,  10,  rue 
Garancière,  —  Prix  k  fr. 


HISTOIRE  DES  INVENTIONS  ET  DÉCOUVERTES.  —  Par 


Rol-x-Ferrand,  —  7=  édition.  —  Paris,  librairie  de  Paul 
Dupont,  41,  rue  J.-J.  Rousseau.  —  Prix  :  1  fr. 


SONNETS  PARISIENS,  caprices  et  fantaisies.  —  Par 
Gabrfel  Marc.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre,  éditeur,  27 
et  29  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


LA  JBONTÉ,  ouvrage  couronné  par  l'Académie  fran- 
çaise. —  Par  Charles  Rozan.  —  Cinquième  édition.  — 
Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55.  rue  de  Seine. 


UNE  JONCHÉE  DE  FLEURS.  —  Par  M"'=  .Marie-Fémcie 
Testas,  —  Paris,  librairie  Ch.  Blériol,  éditeur,  55,  quai 
des  Grands- Augustins. 


L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  CURIEUX. 
—  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fihhbacher.  33,  rue 
<le  Seine  à  Paris.  —  Chacune  des  7  années  parues  se  vend 
séparément.  —  Envoi  franco  pour  la  France. 


136 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


GLAS  ET  CARILLONS,  sonnets,  poésies  diverses, 
grand'gardes.  —  Par  Paul  Collin-.  —  Paris,  librairie 
flackette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germaia,  et  Adolphe 
l.emerre,  éditeur,  27  et  29,  passage  Choiseul. 

LES  ÉLÉMENTS  MATÉRIELS  DU  FRANÇAIS,  c'est-à- 
dire  les  sons  de  la  langue  française  entendus  ou  repré- 
sentés. —  Ouvrage  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'étude  de  notre  langue.  —  Par  B.  Jlllien,  docteur  ès- 
lettres,  licenciées-sciences.  —  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie, 
76,  boulevard  Saint-Germain. 


CENT  DICTÉES  sun  les  premières  règles  de  la  gram- 
MAiRE.  —  Premier  livre  de  lecture  approprié  aux  étrangers. 
—  Par  M"'  M.  TnÉcouRT.  —  Troisième  édition.  —  Paris, 
Ch.  Delagraue  et  Cie,  éditeurs,  58,  rue  des  Écoles. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  Zi«  et  la  5=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelqs,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1",  la  2«  et  la  3«  an?iee  doivent  être  pro- 
chainemeiU  réimprimées. 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


I. 

13   Professeurs  de  français  désirant  trouver   des    places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en   toute  confiance    au 
étaire  du  Collège  des  Précepteurs,  â2,  Queen  Square  à  Londres,   W.  C,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 


Les 
Secrétaire  du  Collège  des  Précepteurs,  â2,  Queen  Square  à  Londres,   W.  C,  qui  leur  indiquera 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

II. 

Une  lettre  reçue  dernièrement  de  Litchfield  (Etat  de  Connecticut)  informe  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas 
qu'il  est  très-facile  de  se  procurer  des  places  de  professeur  de  français  dans  les  Etats-Unis  d'Amérique.  —  S'adresser 
k  M.  J.  W.  Schermerhorn,  630,  Broome  Street,  à  New-York.  —  Affranchir. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


La  société  d'èmul.«iox  de  Cambrai  décernera,  s'il  y  a  lieu,  au  mois  de  novembre  1876,  en  séance  publique,  une 
médaille  d'or,  de  vermeil,  d'argent  ou  une  mention  honorable,  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  la  question 
suivante  :  «  Quels  sont  au  jourd'hui  les  principaux  caractères  de  la  littérature  des  feuilletons  ;  quels  caractères  présente- 
t-elle  et  comment  pourrait-on  y  remédier  »  ? 


SocîÉTÈ  FLORiMO.NTANF.  d'Anxecv.  —  Concours  de  1876.  —  Poésie  :  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux 
concurrents.  —  Le  nombre  minimum  des  vers  est  fixé  à  cent.  —  Les  travaux  seront  composés  en   langue  française. 

—  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  ces  travaux  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

—  Les  auteurs  qui  se  feraient  connnaître  seraient  exclus.  —  Lps  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à 
l'intérieur-d'un  billet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux 
archives  de  la  Société,  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie. 


La  Société  académique  de  Saixt-Quextix  propose  des  médailles  d'or  pour  les  sujets  suivants,  mis  au  concours  pour 
l'année  1876  :  Poésie.  —  Sujet  laissé  au  choix  des  concurrents.  Cantates.  —  Sujet  également  laissé  au  choix  des 
concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  concours  devront  remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national 
de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-dire  être  à  personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'homme),  et 
contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un  trio  final.  —  La  Cantate  de  1876  servira  de  texte  pour  le 
concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1877.  Littérature.  —  \"  question  :  «  Etude  sur  la  poésie  contemporaine.  »  — 
2»  question  :  «  Des  moyens  de  développer  le  goût^de  l'étude  dans  toutes  les  conditions  sociales.  » 


Un  concours  de  poésie  sur  ce  sujet  la  tlevanche  est  ouvert  à  l'Académie  des  Poètes.  —  Pour  concourir,  il  faut 
appartenir  i  cette  Académie,  comme  membre  titulaire,  honoraire,  ou  membre  correspondant,  et  être  Français.  —  Le 
prix  du  concours  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  150  fr.,  donnée  par  un  des  membres  de  l'Académie, 
M.  Marc  Uonnefoy.  —  Les  poésies  envoyées  au  concours  devront  se  renfermer  autant  que  possible  dans  la  limite  de 
100  et  200  vers  (ces  chiffres  n'ont  rien  d'absolu),  et  être  inédites;  elles  pourront  être  signées  ou  non  signées,  au  gré 
des  concurrents,  et  dans  ce  dernier  cas,  être  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant  le  nom  de  l'auteur.  —  Les 
envois  relatifs  au  concours  doivent  être  adressés  franco  ;\  M.  Elle  de  Biran,  archiviste  de  l'Académie,  rue  des 
Missions,  22,  à  Paris,  avant  le  l"  mars  1876.        ^ 

Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'orgauiser  un  Concours  historique 
pour  1876,  dont  le  sujet  est  emprunté  i  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  —  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  de  500  fr.  ;  le  2»  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3"  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Les  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  l"  juin  1876. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  e.^t  \i;iil)le  à  sou  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 
Imprimerie  UUUVKUNEUU,  G.  UACl'ELEV  a  Nogeul-le-Rotrou. 


6°  Année 


N"  18. 


15  Janvier  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraiasant    le    1"  et   le    IS    de   chaque   mola 

{Dans  sa  séance  du.  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prijc  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 

Idem        pour  l'Étranger  10  f. 

Annonces,  la  ligne.  50  c. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROFESSEtTR    SPECIAL  POUR    LES    ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à.  Paris. 


ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s' adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soil  à  un  libraire  quelconque. 


AVIS. 
Les  Souscripteurs  de  la  province  qui  n'ont  pas  encore 
payé  leur  abonnement  à  la  6=  année,  sont  instamment 
priés  de  vouloir  bien  tarder  le  moins  possible  à  en 
envoyer  le  montant  au  Rédacteur. 

SOMMAIRE. 
Communication  sur  l'origine  de  Rat  de  ponts,  rat  de  soupe;  — 
Origine  de  l'expression  Le  tiers  et  le  quart;  —  Etymologie  de 
Tohu-bohu;  —  Lequel  vaut  le  mieux  de  Lès' ou  de  Lez;  —  Ce 
qu'on  eutend  par  un  Ine-rpressible;  —  Comment  Fou  en  est 
Tenu  à  se  dire  d'une  somme  d'argent.  S  Etymologie  du  mot 
Acabit;  —  Du  trait  d'union  dans  les  expressions  com- 
mentant par  Au;  —  Pourquoi  on  compare  à  La  quadrature 
du  cercle  uae  chose  impossible  ||  Passe-temps  grammatical  {| 
Suite  de  la  biographie  de  Marguerite  Buffet.  |)  Ouvrages  de 
grammaire  et  de  littérature.  {|  Familles  parisiennes  pour  la 
conversation.    ||   Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

Au  sujet  de  l'explication  que  j'ai  donnée  dernièrement 
des  expressions  rat  de  ponts  et  rat  de  soupe,  j'ai  reçu 
l'intéressante  lettre  qui  suit  : 

Bordeaux,  le  3  décembre  1875. 
Monsieur  le  Rédacteur, 
Je  viens  de  lire,  dans  le  numéro  du  1"  décembre  du 
Courrier  de  Vaugelas,  l'explication  que  vous  donnez  au 
sujet  de  l'origine  des  expressions  rat  de  ponts,  rat  de  soupe, 
usitées  à  l'Ecole  polytechnique.  D'après  vous,  ces  expres- 
sions seraient  dérivées  du  verbe  rater;  on  aurait  d'abord 
dit  rate  ponts,  etc.,  puis,  par  un  calembour  assez  singulier, 
rat  de  ponts,  etc.  Je  crois  que  cette  explication  est  inexacte, 
et  je  vous  demande  la  permission  de  vous  faire  connaître 
ce  qui  me  paraît  être  la  véritable  origine  de  la  manière 
de  parler  dont  il  s'agit. 

Les  élèves  doivent  être  rendus,  à, six  heures  et  demie 
précises  du  matin,  dans  leurs  salles  d'étude  respectives, 
et  une  consigne  est  infligée  aux  retardataires.  Malgré  leurs 
habitudes  de  travail,  les  élèves  de  l'Ecole  polytechnique 


ne  dédaignent  pas  les  douceurs  du  lit,  surtout  en  hiver; 
aussi,  à  part  quelques  intrépides  qui  ont  le  courage  de  se 
lever  à  six  heures  un  quart,  le  plus  grand  nombre  attend 
six  heures  vingt-cinq  minutes  avant  de  donner  signe  de 
vie.  Vous  comprenez  aisément  que,  si  sommaire  que 
puisse  être  la  toilette  d'un  polytechnicien,  cinq  minutes 
ne  sont  pas  de  .trop  pour  se  lever,  s'habiller,  se  peigner, 
se  laver,  etc.,  et  enfin  se  rendre  aux  salles  d'étude,  .\ussi, 
pendant  les  dernières  secondes  qui  précèdent  la  demie 
fatale,  on  se  presse,  on  se  bouscule  dans  les  corridors 
et  dans  les  escaliers  afin  d'arriver  à  temps;  les  uns 
mettent  leurs  tuniques,  d'autres  ajustent  leurs  cravates, 
quelques-uns  même  n'en  sont  encore  qu'à  leurs  pantalons. 
Mais  la  demie  sonne;  aussitôt  un  tambour,  représentant 
rine.xorable  discipline,  ferme  à  double  tour  une  porte 
grillée  qui  intercepte  la  communication  entre  les  dortoirs 
et  les  salles  d'étude,  de  sorte  que  les  malheureux  retarda- 
taires se  trouvent  surpris  comme  dans  une  souricière.  Si 
vous  vous  étiez  jamais  trouvé  pris  de  cette  façon,  vous 
n'auriez  certainement,  Monsieur  le  Rédacteur,  aucun  doute 
sur  l'origine  de  l'expression  que  vous  avez  cherché  à  ex- 
pliquer. Il  n'y  a  là  aucune  espèce  de  calembour,  mais 
simplmeent  l'expression  d'une  analogie  évidente.  Entre  le 
malheureux  élève  qui,  arrivé  une  seconde  trop  tard,  s'est 
vu  fermer  la  porte  au  nez  et  qui  regarde  mélancolique- 
ment à  travers  les  barreaux  de  sa  cage  ses  camarades 
plus  heureux,  et  le  rat  qui  s'est  laissé  prendre  dans  une 
souricière,  la  ressemblance  est  frappante,  sauf  que  le 
polytechnicien  sait  qu'il  en  sera  quitte  pour  une  consi- 
gne, tandis  que  le  rat  n'a  ordinairement  pas  cette  conso- 
lation. 

Voilà,  je  crpis,  la  véritable  origine  du  mot  rat  dans  les 
expressions  qui  vous  ont  été  signalées.  On  a  dû  dire  tout 
d'abord  d'un  retardataire  qu'il  avait  été  pris  comme  un 
rat,  puis,  plus  simplement,  qu'il  avait  été  rat.  Que  de  fois 
n'ai-je  pas  entendu,  étant  à  l'Ecole,  lorsque  l'heure  fatale 
approchait  et  que  je  n'en  étais  encore  qu'au  premier 
article  du  vêlement,  un  camarade  charitable  me  crier  : 
Dépêche-toi,  il  n'y  a  plus  qu'une  minute,  tu  vas  être  rat! 
Cette  expression  ctre  rat  une  fois  adoptée  dans  le  sens  que 
je  vous  indique,  c'est-à-dire  d'arriver  en  retard  à  l'étude  du 
matin,  il  était  assez  naturel  de  l'étendre  à  d'autres  situa- 
tions impliquant  l'idée  de  retard.  De  là  sont  venues  les 
expressions  rut  de  ponts,  rat  de  soupe. 

Puisque  j'en  suis  sur  ce  chapitre,  je  vous  signale  une 
expression  fort  bizarre,  qui  est  de  la  même  famille.  On 
dit  fréquemment  à  l'Ecole  polytechnique  être  rat  de  botte 
dans  le  sens  de  manquer  les  positions  civiles  données  à  la 
sortie  de  l'Ecole.  Les  emplois  civils  sont  désignés  collecti- 


138 


LE  COURRTER  DE  VAUGELAS. 


vementsous  le  nom  de  bntle,  et  on  appelle  bottiers  ceux  qui 
les  obtiennent.  Quelle  est  l'origine  de  ces  étranges  expres- 
sions, c'est  ce  que  j'ignore  d'une  façon  complète? 

Veuillez,  Monsieur  le  Rédacteur,  excuser  cette  trop 
longue  lettre,  et  agréer  l'expression  de  ma  considération 
la  plus  distinguée. 

J.  Jacquier, 
Ingénieur  des  Ponts  et  chaussées. 

L'esplicalion  de  rat  de  ponts  et  de  rat  de  soupe  qu'on 
vient  de  lire  me  semble  infiniment  plus  naturelle  que 
la  mienne  :  ce  doit  être  la  vraie.  Je  remercie  de  tout 
cœur  M.  J.  Jacquier  de  m'avoir  permis,  par  une  com- 
munication qu'il  sera  certainement  seul  à  trouver  trop, 
étendue,  de  rectifier,  dès  ce  numéro,  une  inexactitude 
commise  par  moi  dans  celui  qui  le  précède. 

X 

Première  Question. 

On  dit  souvent  en  plaisantant  qti'oy  se  moque  du  tiers 
ET  Dc  QUART.  Voudriez-vous  bien  me  dire  l'origine  de 
cette  singulière  locution  familière  ?  Mes  remerciements 
d'avance. 

Voici,  en  substance,  comment  M.  Charles  Nisard 
explique  celte  expression  dans  ses  Curiosités  de  l'étij- 
mologie  française  (p.  72)  : 

Il  y  a,  dans  notre  langue,  beaucoup  de  locutions 
proverbiales  qui  ont  pris  leur  origine  dans  une  taxe, 
un  impôt,  une  redevance  quelconque.  Se  moquer  du 
tiers  et  du  quart  est  du  nombre. 

Comme  les  impôts,  les  taxes  pesaient  principalement 
sur  le  peuple,  il  y  rapportait  tous  les  maux  qu'il  endu- 
rait; il  y  comparait  ce  qu'il  haïssait  et  ce  qui  lui  cau- 
sait le  plus  de  gêne,  et,  en  créant  des  métaphores,  il 
créait  aussi  des  proverbes. 

Parmi  les  nombreux  impôts  qu'inventa  la  féodalité, 
il  y  avait  le  tertium  qui  était,  ou  la  troisième  partie  de 
la  dîme,  ou  le  droit  de  mutation  dû  au  seigneur  par  le 
vassal  qui  vendait  son  bien,  ou  le  droit  d'enlever  les 
gerbes  dans  sa  censive,  ce  qu'on  appelait  le  champart, 
ou  le  droit  surla  vente  des  coupesdebois  et  de  la  ven- 
dange, nommé  tiers  et  danger,  etc.  11  y  avait  de  plus 
la  quarta,  ici,  prestation  en  nature  prélevée  sur  le  blé, 
le  foin,  les  fruits,  etc.  ;  là,  taxe  exigée  d'un  mort  avant 
d'être  mis  en  terre.  11  y  avait  aussi  le  quarto  ou  le 
quartum,  autre  prestation  en  nature,  affectée  surtout 
au  produit  de  la  vigne.  Enfin ,  il  y  avait  le  quint,  ap- 
pelé aussi  quint  relief.  C'était  la  cinquième  partie  du 
prix  d'une  terre  vendue,  partie  qui  était  payée,  selon 
les  localités,  soit  par  l'acheteur,  soit  par  le  vendeur. 

On  trouve  dans  un  relevé  fort  curieux  des  biens 
ecclésiasliques  en  France,  au  commencement  du  xviii» 
siècle  [Descript.  de  la  carte  cénomanique,  2'  édit. 
n<5),  le  passage  suivant  : 

Sont  fournis  lesdits  ecclésiastiques  île  deux  cent  cin- 
quante-neuf mille  métairies  et  sept  mille  arpens  de  vignes 
(jui  sont  par  eux  baillés  â  ferme,  sans  comprendre  trois 
mille  arpens  où  ils  prennent  le  tiers  et  le  quart. 

On  peut  naturellement  conjecturer  de  tout  cela  que 

si  les  hommes  qui  avaient  du  bien  au  soleil  et  qui,  par 

conséquent,  étant  soumis  à  ces  impôts,  avaient  peu 


de  disposition  à  s'en  moquer,  il  n'en  était  pas  de  même 
des  gueux  qui,  n'ayant  rien,  ne  payaient  aucun  impôt, 
se  moquaient  du  tiers  comme  du  quart,  et  rappelaient 
aux  officiers  du  fisc  que  «  là  où  il  n'y  a  rien,  le  roi  perd 
ses  droits  ». 

Mais  je  ne  puis  admettre  cette  explication  du  pro- 
verbe, et  je  vais  vous  faire  connaître  les  raisons  que 
j'ai  pour  cela. 

1°  La  véritable  explication  de  l'expression  le  tiers  et 
le  quart  doit  convenir  à  cette  expression  dans  toutes 
les  phrases  où  elle  peut  se  rencontrer,  comme  les 
suivantes,  par  exemple  : 

Tout  passait  par  son  étamine; 
Aux  dépens  du  tiers  et  du  quart 
11  se  divertissait 

(La  Fontaine,  te  roi  Candaule.) 

Et  l'on  y  sait  médire  et  du  tiers  et  du  quart. 

(Molière,  Tari.  I,   i.) 

Vous  savez  avec  quelle  bonne  foi  j'ai  prêté  mon  argent 
au  tiers  et  au  quart  depuis  deux  ans. 

CDancourt,  Désol.  des  Joueuses,  se.  9.) 

Or,  l'explication  de  M.  Gh.  Nisard  étant  fondée  sur 
le  fait  que  ceux  qui  n'avaient  rien  se  moquaient  des 
impôts  portant  les  noms  de  tiers  et  de  quart,  elle  n'est 
nullement  applicable  aux  cas  nombreux  où  la  locution 
n'est  pas  le  complément  du  verbe  se  moquer,  et  par 
conséquent,  elle  ne  peut,  à  mon  avis,  être  tenue  pour 
la  vraie. 

2°  Comme  jusqu'ici  il  n'a  pas  été  trouvé  d'exemple 
de  le  tiers  et ^  le  quart  avant  le  xvii«  siècle,  il  est 
permis  de  croire  que  celte  locution,  qui  ne  se  dit  que 
des  personnes,  n'a  point  pour  origine  des  noms 
d'impôts  du  système  féodal. 

3°  .M.  Ch.  Nisard  cite,  à  la  vérité,  une  phrase  oi^i  le 
tiers  et  le  quart  signifie  un  prélèvement  sur  le  produit 
d'une  propriété.  Mais,  évidemment,  cette  expression 
ne  signifie  point  le  total  du  produit;  et  comme  je 
trouve  partout  que  le  tiers  et  le  quart  veut  dire  tout 
le  monde,  toute  personne  indistinctement,  il  me  semble 
voir  encore  là  une  preuve  que  le  tiers  et  le  quart  n'a 
point  une  origine  fiscale. 

D'après  .M.  Littré,  le  tiers  et  le  quart  veut  dire  tout 
simplement  la  3°  et  la  4°  personne  d'une  façon  indé- 
terminée, opinion  que  le  célèbre  lexicographe  appuie 
sur  la  phrase  suivante,  où  en  tiers  et  en  quart  sont 
employés,  en  effet,  comme  3"  et  V  personne  : 

Grammont  soupait  continuellement  en  tiers  ou  en  quart 
avec  eux  [Livry  et  des  Ormes]. 

(St-Simon,   i3i,  jio.) 

Je  pense  que  c'est  la  meilleure  explication  qu'on 
puisse  donner  de  la  locution  dont  il  s'agit. 

X 

Seconde  Question. 
Voudriez-vous  bien  me  donner   l'étymologie  et   le 
sens  littéral  de  tohc-boud,  dont  on  fait  un  si  fréquent 
usage  dans  la  conversation? 

Cette  expression  ne  se  trouve  ni  dans  la  première 
édition  de  l'Académie  {<C!)4),  ni  dans  Furelière  (1727), 
ni    tlans  Trévoux    (1770);    mais    je  l'ai    rencontrée 


LE  COURRIER  DE"  VAUGELAS. 


439 


dans  un  ouvrage  de  Voltaire  intitulé  la  Bible  enfin 
expliquée,  ouvrage  dont  le  premier  paragraphe  (qui 
renferme  le  premier  verset  de  la  Genèse)  est  rendu 
comme  il  suit  : 

Du  cotnmencempnl  les  dieux  [conforme  au  texte  hébreu] 
fit  le  ciel  et  la  terre.  Or,  la  terre  était  iohu-hohu,  et  le 
vent  de'Dieu  courait  sur  les  eaux. 

Si  je  ne  me  trompe,  c'est  dans  ce  livre,  publié  en 
1776,  que  fo/iu-bohu  parut  en  français  pour  la  première 
fois. 

Maintenant,  d'où  ce  mol  vient-il? 

Si  l'on  compare  avec  l'hébreu  la  traduction  que  je 
viens  de  citer,  ou  trouve  qu'il  correspond  à  l'expression 
to/iou  vabohou,  expression  composée  de  trois  mots  : 
toJioj/,  qui  signifie  confus,  -va,  qui  est  la  conjonction 
copulatlve,  et  bo/wu,  qui  veut  dire  vide. 

C'est  l'étymologie  que  vous  demandez. 

Tout  d'abord,  les.  adjectifs  tohott  et  bohou,  joints 
ensemble,  ont  formé  une  sorte  d'adjectif  composé,  inva- 
riable en  genre  et  en  nombre,  comme  dans  l'exemple 
qui  précède  :  mais  ensuite,  le  mot  tolni,  qui  signifie 
aussi  confusion,  à  en  croire  Cotgrave,  a  fini  par  s'em- 
ployer comme  substantif;  et,  attendu  que  to/ni.  d'après 
le  Dictionnaire  hébreu-français  de  Sandcr  et  Trenel 
(page  777)  accompagne  toujours  bohu,  on  a  donné  à 
ces  deux  mots  juxtaposés  le  sens  de  confusion,  chaos, 
mélange,  qui  n'appartenait  qu'au  premier,  en  hébreu, 
sens  qu'ils  ont  conservé  depuis,  et  qu'ils  conservent 
encore,  tant  au  propre  qu'au  figuré,  comme  le  montrent 
ces  exemples  : 

Désigner  une  parure  de  fleurs  sous  le  nona  d'un  iohu- 
bohu  de  fleurs,  c'est  présenter  bien  mal  une  image  gra- 
cieuse. 

(^Dict.  de  BeschereUe.) 

Notre  révolution  a  vu  paraître  tous  les  systèmes 
politiques,  et  de  leurs  débris  se  forma  dans  les  têtes  un 
véritable  tohu-bohu. 

[Dict.  de  Boiste) 

Une  note  de  Voltaire  dit  que  toliu-bolm  signifie  «  à 
la  lettre  »  sens  dessus  dessous.  Il  y  a  là,  assurément, 
une  erreur  manifeste  :  ces  mots  ne  signifient  pas  autre 
chose  que  ce  que  j'ai  dit,  preuve  la  manière  dont  saint 
Jérôme  les  a  traduits  dans  la  Vulgate: 

Terra  erat  inanis  et  vacua.  —  (La  terre  était  informe  et 
vide). 

X 
Troisii'me  Queslion. 

Dans  votre  miméro  16,  rous  indiquez  teste-lez- 
liORDEAux  pour  correction  de  teste-i.es-bordeacx.  Ne 
pourrait-on- pas  également  mettre  un  accent  sur  lès,  gui 
serait  ainsi  distingué  de  l'article  ? 

Quand  on  veut  exprimer  qu'un  endroit  est  à  côté, 
auprès  d'un  autre,  on  peut  employer  lès  ou  le:-,  pour 
marquer  ce  rapport. 

Mais  le  dernier  me  semble  valoir  bien  mieux  que 
l'autre,  et   pour    des   raisons   que  je  vais  vous  dire. 

4°  C'est  ainsi  que,  généralement,  l'ancienne  langue 
écrit  la  préposition  prononcée  lé,  comme  le  montrent 
ces  exemples  : 


Lez  une  roche,  soz  l'ombre  d'un  ?apin. 

(i?0HC!5.    p.    50.) 

Il  descendirent  à  la  porte  et  entrèrent  ens,  et  troverent 
l'empereour  Kirsac  le  père,  et  l'empereur  .\lexis  son  fils, 
séant  ambedui  lez  à  lez-  en  dui  chaieres. 

(Villehardouin,  XCIII.  ) 

Lors  les  alcyons  ponent  et  esclouent  leurs  petits  lez  le 
rivage. 

(Rabelais,  Pnnl.  Y,  6.) 

2°  C'est  ainsi  qu'on  la  trouve  dans  Furetière,  dont 
voici  la  plupart  des  exemples  : 

Saint-Germain  des  Prés  lez  Paris. 
Saint-Nicolas  lez  Angers. 
Le  traité  f.iit  dans  le  camp  lez  Milan. 
Les  officiers  lez  la  personne  du  Roi. 

3°  C'est  ainsi  également  que  l'écrit  .M.  Littré,  qui  ne 
donne  pas  même  l'autre  forme. 

4°  Enfin  le  mot  les,  qu'on  y  mette  ou  qu'on  n'y 
mette  pas  d'accent  grave  pour  le  distinguer  de  l'article 
et  du  pronom  les,  fait  entendre  un  e  ouvert,  ce  qui  est 
une  incorrection,  puisque  cette  préposition,  venue  du 
nom  latin  latus,  doit  nécessairement  se  prononcer 
comme  le  substantif  lé  (d'une  étoffe)  venu  de  la  même 
source. 

X 
Quatrième  Question. 

Je  lis  cette  phrase  dans  la  frange  du  ^8  Juillet 
1875  :  oc  Le  dormeur  à  demi  réveillé,  pctsse  à  la  hâte 
un  \yE\rREss,\RLE,  puis  sans  plus  de  toilette,  etc.  »  Que 
veut  dire  ce  mot-là,  qui  n'est  point  dans  le  diction- 
naire de  l'Académie? 

En  Angleterre,  où  les  idées  sur  la  pudeur  diffèrent 
des  nôtres  (il  est  facile  de  s'en  convaincre  en  lisant 
l'ouvrage  intitulé  les  Anglais  chez  eux,  par  Francis 
Wey,  surtout  au  dernier  chapitre),  on  ne  peut  non- 
seulement  demander  une  cuisse  de  volaille  pendant 
qu'on  est  à  table,  ni  dire,  souffrant  de  la  colique,  j'ai 
mal  au  rentre,  mais  encore  prononcer  breeches  (cu- 
lotte), pantaloons  (pantalon)  et  draivers  (caleçon). 
Chez  nos  voisins  d'outre-.Manche,  ces  noms  de  vête- 
ments sont  «  shocking  ».  pour  me  servir  du  terme 
qu'ils  emploient  habituellement. 

Or,  au  nom  proscrit  de  bieeches,  les  Anglais  substi- 
tuent inexpressible  inexprimable),  et  c'est  cet  euphé- 
misme, que  nous  n'employons,  nous,  que  par  plaisan- 
terie, qui  se  trouve  dans  la  phrase  que  vous  m'avez 
adressée. 

Le  mot  en  question  figure  dans  le  Dictionnaire  de 
Littré,  et  il  y  est  écrit  avec  une  s  finale,  ce  qui  est  par- 
faitement régulier,  parce  que  breeches  étant  pluriel,  les 
Anglais  mettent  inexpressible  au  pluriel.  Mais  comme, 
en  français,  culotte  s'emploie  généralement  au  singulier, 
je  crois  que  nous  pouvons  aussi  écrire  inexpressible  à 
ce  nombre  :  nous  ne  sommes  pas  tenus  d'admettre  les 
vocables  étrangers  sans  en  exiger  de  temps  en  temps 
un  léger  sacrifice. 

X 

Cimniième   Question. 

Voudries-vous  bien  me  dire,  dans  un  de  vos  prochains 
numéros,   comment   l'adjectif  fou  a  pu   en  venir  à 


iÂO 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


signifier  quantité  considérable,  comme  dans  les  phrases 
si  souvent  répétées  :  il  ï  avait  dn  monde  foc,  il  dépense 

UN  ARGENT  FOU  ? 

C'est  par  une  suite  de  déductions  fort  logiques, 
comme  vous  l'allez  voir,  que  cela  s'est  fait. 

Dans  sa  signification  primitive,  fou  se  dit  de  quel- 
qu'un qui  a  perdu  la  raison. 

La  perte  de  la  raison  faisant  commettre  des  extrava- 
gances, on  a  appelé  fou  celui  qui,  tout  en  possédant 
entièrement  sa  raison,  faisait  des  choses  insensées  : 

Tous  les  hommes  sont  fous,  et  malgré  tous  leurs  soins 

Ne  diffèrent  entre  eux  que  du  plus  ou  du  moins. 

(Boileau,  Sat.  IV.) 

Les  choses  extravagantes  produites,  dites,  combinées 
par  un  fou  (ayant  sa  raison)  furent  naturellement  qua- 
lifiées de  folles,  comme  le  prouvent  ces  exemples  : 
Dis  plutôt  d'une  indigne  et  folle  résistance. 

(Corneille,  Pol_v.  I,  3.) 

Albéroni  ayant  entendu  toutes  les  conditions  du  projet, 
le  traita  de  fou  et  de  chimérique. 

(St-Simon,  49o-  iS^.) 

Le  cœur  de  l'insensé  publie  à  haute  ;volx  ses  folles 
pensées. 

(De  Sacy.) 

Oubliant  tout  jusqu'à  leurs  chaînes, 
Nos  gens  poussent  des  rires  fous. 

(Béranger,  Nègrest) 

Dans  une  chose  folle  (extravagante),  il  y  a  toujours 
de  l'excès;  d'où  une  nouvelle  extension  de  fou  pour 
qualifier  un  concours  de  personnes  comme  exagéré, 
un  bien  comme  prodigué  outre  mesure,  et,  par  consé- 
quent, permettant  de  dire  : 

11  y  avait  là  un  monde  fou. 

Ce  jeune  homme  dépense  un  argent  fou. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
Je  sais  qu'un  fruit  de  bon,  de  mauvais  acabit  est  un 
fruit  de  bonne,  de  mauvaise  qualité.  Mais  que  veut 
dire  littéralement  acabit?  Quelle  est  son  étymologie,  en 
un  mot  ? 

Sous  la  féodalité,  on  avait  le  verbe  acapitare  (de  ad 
et  de  caput,  chef)  pour  signifier  se  constituer  vassal 
d'un  seigneur,  ou,  plus  littéralement,  le  reconnaître 
pour  chef;  et  de  ce  verbe,  on  avait  dérivé  le  substantif 
acopitum  [acapita,  acapitagium]  pour  signifier  l'action 
de  se  constituer  vassal. 

Avec  le  temps,  la  signification  de  acapitum  s'étendit. 

D'abord,  il  s'appliqua  au  droit  qui  se  payait  à  la 
mutation  du  seigneur  ou  du  vassal;  puis,  comme  les 
■vassaux  achetaient  ainsi  en  partie  les  possessions  qui 
leur  étaient  inféodées,  le  mot  acapitum  en  vint  à  signi- 
fier un  achat  quelconque. 

Or,  c'est  de  arapitum  dans  ce  dernier  sens  qu'est 
venu  acabit,  par  le  changement  de  p  en  6,  et  le  retran- 


chement de  la  finale.  On  a  dit  d'un  fruit,  d'une  étoffe, 
etc.,  qu'ils  étaient  de  bon  ou  de  mauvais  acabit  pour 
exprimer  qu'ils  étaient  de  bon  ou  de  mauvais  achat, 
de  bon  ou  de  mauvais  débit,  et,  par  extension,  de  bonne 
ou  de  mauvaise  qualité. 

Certains  auteurs  ont  écrit  acabie;  ainsi  on  trouve 
dans  Boursault  [Fables  d'Esope,  IV,  3}  : 

Et  de  quelle  acabie  étoit-il  conseiller? 
Quand  on  sait  que  ce  mot  vient  de  acapitum  (nouvelle 
preuve  de  l'importance  qu'il  faut  attacher  à  la  recherche 
des  étymologies),  il  est  évident  qu'on  n'est  pas  exposée 
commettre  cette  double  faute  contre  le  genre  et  contre 
l'orthographe. 

X 
Secoode  Questioa. 

Je  vois,  dans  le  Dictionnaire  de  Littré,  que  les  ex- 
pressions AO  DEÇA,  AU  DEDANS,  AC  DEHORS  et  AU  DELA  n'ont 

pas  de  trait  d'union;  ywe  au-dessous,  au-dessus  e#  au- 
devant  en  ont  un  ;  enfin  que  non-seulement  auparavant 
n'a  jjas  de  trait  d'union,  mais  encore  qtte  le  au  est 
réuni  au  mot  suivant.  Cette  remarque  me  suggère 
l'idée  de  vous  demander  si  vous  croyez  qu'il  soit  permis 
de  placer  de  ces  trois  manières  la  contraction  au 
devant  une  préposition. 

Dans  notre  ancienne  langue,  toutes  les  prépositions 
composées  de  dans,  hors,  sur,  sous,  avant  recevaient 
devant  elles  au  et  par  sans  que  ces  mots  leur  fussent  _  '\ 
juxtaposés;  ainsi  on  trouve  : 

(Avec  au) 

Sa  more,  tout  le  temps  au  paravani  luy  avoit  celé  qui 
estoit  son  vrai  père: 

(Amyot,  T/iés.  6.) 

Conceptions  qu'il  ne  pieuvent  esclaircir  oit  dedans,  ni  par 
conséquent  produire  au  dehors. 

(Montaigne,  I,  188  ) 

Et  au  devant  il  sont  paisibles  sans  estre  esmeus. 

(Oresme.  Ec/i.  81.) 

Li  empereres  qui  moût  avoit  bien  fais  ses  afaires  et  cui- 
dast  bien  del  tout  estre  au  desus  s'enorgueilli  moût  envers 
les  barons. 

(Villehardouin,  XCII.) 

(Avec  par) 
Telz  monstroit  bonne  chiere  d'atendre  un  horion, 
Qu'enfremez  vausist  estre  par  dedens  sa  maison. 

{Baudoin  (le  Sebour,  VII,   176.) 

Là  furent  pris  ledit  messirc  Hue  la  père  et  le  comte 
d'Arondel,  et  amenés  par  devant  la  reine. 

(Frolssart,  i,  I,  ïo-) 

Il  luy  mettoit  quelquefois  la  trompe  dans  le  sein,  par 
dessoubs  son  collet. 

(Montaigne,  II,  18S.) 

Lorsque  le  trait  d'union  vint  en  usage  (ce  qui 
n'eut  pas  lieu  avant  le  xvi"  siècle,  puisque  Paisgrave 
écrit  les  substantifs  composés  sans  ce  signe  orthogra- 
phique), il  ne  fut  point  établi  de  règle  pour  son  emploi 
dans  les  expressions  qui  précèdent  :  les  uns  le  mirent, 
les  autres  ne  le  mirent  pas;  et  tous  écrivirent  attpa- 
ravant  en  un  seul  mot,  ayant  oublié  sans  doute  que 
paravant  s'était  employé  autrefois  comme  dehors, 
dedans,  etc.,  ce  que  prouvent  ces  exemples  : 


LE  COURRIER  DE  VAL'GELAS. 


i',\ 


Et  moût  en  y  eut  qui  paravant  avoient  tenu  le  parti  au 
duc  Phelipe  et  au  duc  Johan. 

(Fénin,    I4ï0.) 

Chascun  membre  Tattire  a  soy  et  s'en  alimente  a  sa 
guise;  et  lors  ont  faictz  debteurs,  qui  paravant  estoyent 
presteurs. 

(Rabelais,  Paul.  III.  4.) 

Or,  cet  emploi  du  trait  d'union  dans  les  composés 
dont  il  s'agit  n'ayant  pas  encore  été,  que  je  sache, 
astreint  depuis  à  une  règle  positive,  il  s'ensuit  que 
M.  Liltré  avait  parfaitement  le  droit  d'écrire  ces  com- 
posés comme  il  l'a  fait. 

X 
Troisième  Question. 

Pourquoi  dit-on  d'une  chose  qu'il  est  impossible  de 
trouver  que  c'est  la  qcadbatcre  di"  cercle?  N'est-il 
donc  pas  possible  de  faire  un  cercle  égal  à  un  carré"! 

On  démontre  en  géométrie  que  le  côté  du  carré  équi- 
valent à  la  surface  d'un  cercle  quelconque  est  égal  au 
rayon  de  ce  cercle  multiplié  par  la  racine  carrée  du 
rapport  de  la  circonférence  au  diamètre. 

Or,  comme  on  n'a  pas  encore  pu  obtenir  la  valeur 
exacte  de  ce  rapport  fmalgré  des  calculs  poussés  jus- 
qu'à la  \  oOe  décimale; ,  et  que,  par  conséquent,  celle  de  sa 
racine  carrée  n'a  pu  être  obtenue  non  plus,  il  s'ensuit 
que,  rigoureusement  parlant,  il  n'est  pas  possible  de 
transformer  un  cercle  en  un  carré  de  même  surface,  et 
qu'on  est  parfaitement  autorisé  à  dire,  à  propos  d'une 
question,  d'un  problème  que  nul  ne  peut  résoudre,  que 
c'est  la  quadrature  du  cercle. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 


1"  . .  .  s'est  réservé  d'entendre  ;  —  2"  ...  de  vons  inscrire  sur 
la  liste  des  abonnés  ;  —  3°  .  .  .  que  l'honorable  académicien 
parviendra  ;  —  4°  . . .  pas  à  autre  chose  que  l'application  ('pas 
de  à)  ;  —  5»  ...  à  un  auteur  tout  autre  chose;  —  6°  ...  que  le 
Maréchal  ne  fasse  ...  et  ne  prenne  ;  —  7'  ...  les  sources  où  il 
a  puisé;  —  8°  ••■  voire  de  leur  patrie  (pas  de  même);  — 
9*  ...  à  sept  heures  moins  un  quart;  —  10'  ...  cette  raison 
est  tout  autre  que  la  liberté;  —  11°  ..  qu'on  ne  l'avait  sup- 
posé ;  —  12'  ...  et  celle  d'ofBcier  d'Académie  à  quatre  autres. . . 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

!•  A  la  dernière  tieure,  nous  pouvons  affirmer  qu'aucune 
modification  en  mieux  ou  en  pire  n'est  â  signaler  depuis 
deux  jours  dans  la  maladie  de  l'honorable  secrétaire- 
perpétuel. 

1'  On  sait  que  MM.  Paul  de  Cassagnac  et  Edmond  Tarbé 
sont  poursuivis  en  raison  du  discours  prononcé  par  M.  Paul 
de  Cassagnac  à  Belleville,  le  23  novembre  dernier. 

3*  Le  père  Jean,  tout  vigoureux  qu'il  soit,  ne  possède  ni 
le  style  ni  l'esprit  d'un  Paul  Louis;  il  n'en  a  pas  moins 
écrit  un  pamphlet,  mais  non  de  la  bonne  espèce. 

4*  En  1478,  les  Turcs  élevèrent  une  batterie  contre  Scu- 


tari,  qui  se  composait  de  pièces  assez  volumineuses  pour 
lancer  des  boulets  de  trente-deux  pouces  de  diamètre,  el 
dont  l'un  d'eux  pesait  seize  cSht  quarante  livre?. 

5°  D'où  il  s'ensuit  que  la  guerre  du  Mexique  est  un  sou- 
venir respectable,  et  Sedan  un  regret  qui  mérite  les  coups 
de  chapeau  de  tous. 

6°  .Nous  oserons  ajouter  que  si  l'opposition  roumaine 
avait  un  peu  plus  de  sens  politique,  elle  ajournerait  ses 
revendications  et  attendrait  pour  faire  valoir  ses  griefs  que 
la  Roumanie  ait  consolidé  la  situation  qu'elle  s'est  faite. 

7°  M.  le  baron  de  Vinols  explique,  dans  une  lettre  adres- 
sée au  Journal  des  Débals,  les  motifs  qui  l'ont  fait  demander 
qu'on  rayât  son  nom  de  la  liste  des  gauches. 

8°  Nous  pourrons  le  contempler  à  loisir,  et  le  spectacle 
qu'il  nous  offrira,  si  majestueux  qu'il  demeure,  ne  laissera 
pas,  nous  l'avouons,  que  de  nous  être  particulièrement 
agréable. 

9"  Une  campagne  fut  entreprise  dans  le  but  de  faire 
effacer  partout  le  nom  de  la  République,  sans  le  remplacer 
par  aucun  autre. 

10*  Si  courageux  qu'on  soit,  on  éprouve  la  nuit,  dans  les 
posadas  [auberges]  isolées,  un  vague  frisson  d 'horreur.  On 
se  figure  toujours  marcher  sur  des  trappes,  être  entouré 
de  guet-apens. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DD  XVII'  SIÈCLE. 


Marguerite  BUFFET. 

(Suite.) 

Il  est  permis  de  dire  cette  personne  a  le  visage  téné- 
breux, ou  rt  le  visage  brun. 

On  dit  également  bien  cela  est  indubitable,  ou 
cela  est  infaillible. 

Plusieurs  disent,  ne  pensant  point  faire  de  faute,  il 
est  tombé  d'accord  de  cette  affaire  ;  il  faut  dire  demeuré 
d'accord. 

On  dit  assez  ordinairement  _/e  cueille  bien  du  bled,  il 
faut-dire^e  recueille. 

Au  lieu  de  7e  n'aij  bougé  de  la  inaison,  qui  est  fort 
rude,  il  faut  dire  Je  n'a  y  point  sorti  de  ma  maison. 

D'autres  disent  encore,  s'exprimant  d'une  manière 
très-barbare,  furj  fait  telle  chose  hormis  cela;  il  faut 
dire  hors  cela,  car  hormis  n'est  pas  un  mot  français. 

On  dit  fréquemment  enquestez-vous  de  cela;  il 
faut  dire  enquerez-vous,  ou  informez-i-ous. 

Bien  des  gens  de  province  disent  il  est  deligent,  il 
deligente  les  affaires;  il  faut  dire  diligent  et  diligente. 

Quand  on  fait  une  visite  qui  dure  peu  de  temps,  on 
l'appelle  visite  à  la  cavalière;  quand  elle  est  longue,  on 
l'appelle  visite  à  la  pedantesque. 

On  dit  encore,  en  termes  nouveaux,  nous  prendrons 
le  bain  à  la  Romaine,  et  aussi  ils  prennent  le  bain  à  la 
bourgeoise.  (Vest  qu'on  sait  que  le  bain  était  une  des 
voluptés  des  Romains,  ce  qui   lait  que  les  gens  de 


442 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


qualité  le  doivent  prendre  autrement  que  les  bourgeois. 

Au  lieudu  mot;)0!(/ef,  donton  ne  se  sert  plus  (1668), 
0:1  dit  plus  ordinairement  billet  doux. 

Belle  comme  un  astre  et  comme  un  ange  sont  aussi 
bons  l'un  que  l'autre. 

L'expression  en  vérité  est  généralement  en  usage;  elle 
est  fort  bien  reçue  quand  on  parle  et  quand  on  écrit. 

Encore  une  autre  locution  fort  usitée  et  nouvelle: 
pour  exprimer  qu'une  femme  a  quelque  chose  d'a- 
irréable,  on  dit  qu'e//«  a  bien  du  revenant. 

Il  vaut  mieux  dire  d'une  femme  qu'c//e  parle  régu- 
lièrement de  toutes  choses  que  de  dire  qu'e//e  en  parle 
pertinemment. 

Quand  une  femme  est  savante,  on  peut  lui  dire  de 
bonne  grâce  qu'e//e  a  mérité  le  premier  rang  au  Par- 
nasse, plutôt  que  de  la  faire  passer  pour  un  Platon  ou 
un  Aristote,  comme  font  quelques-uns. 

En  parlant  d'un  homme,  il  vaut  mieux  dire  riistre 
que  rustique;  le  premier  est  plus  doux. 

Dans  le  beau  style,  on  dit  vn  régal  de  conversation; 
un  régal  de  musique. 

On  peut  dire  également  bien  un  beau  poil  ou  de 
beaux  c/iereux,  l'un  et  l'autre  sont  bons.  Mais  quand 
on  parle  des  cheveux  que  les  femmes  appliquent,  il  ne 
faut  pas  dire  des  coins,  mais  bien  des  apossetiches 
(1668). 

Au  lieu  de  dire  adoucir  un  homme,  on  dit  d'une  ma- 
nière plus  nouvelle  humaniser  un  homme. 

Il  ne  faut  pas  appeler  femme  de  lecture  une  femme 
qui  se  plait  à  cultiver  les  sciences;  il  faut  dire  que  c'est 
une  femme  de  cabinet. 

Beaucoup  de  personnes  disent  je  ne  peux  faire  telle 
chose;  il  faut  dire  je  ne  puis. 

Certes  est  un  mot  usité  dans  les  provinces;  asseure- 
ment  est  meilleur  et  plus  en  usage. 

Incommodé  par  la  chaleur,  il  ne  faut  pas  dire  je  ne 
puis  durer  mon  habit,  c'est  souffrir  qu'il  faut  employer. 

Une  expression  qui  est  encore  bien  reçue  quoiqu'elle 
semble  un  peu  précieuse,  c'est  celle  de  Résides  enchan- 
tées, pour  désigner  les  alcôves  richement  embellies 
des  femmes  «  curieuses  ». 

Au  lieu  de  dire_/e  ne  tarderai/ point,  qui  est  trop  rude, 
il  faut  dire  Je  n'arresteraij  point. 

Encanailler  commence  à  s'introduire  ;  par  exemple, 
on  dit  je  ne  peux  point  m'encanailler  de  ces  gens-là. 
Quoiqu'il  ne  soit  pas  fort  en  usage  (1668),  il  est  bien 
reçu,  appliqué  à  ceux  qu'on  ne  veut  pas  voir. 

En  parlant  de  quelque  chose  qui  est  ancien,  d'un 
livre,  par  exemple ,  on  le  qualifie  très-bien  d'an- 
ticaille;  c'est  un  terme  nouveau. 

Au  lieu  de  dire  qu'un  homme  est  chagrin,  il  faut 
dire  qu'il  est  mélancolique. 

Voyant  qu'une  personne  n'a  pas  sa  gaieté  ordinaire, 
on  dit  (\\i'elle  est  toute  desorientée,  et  le  terme  est  fort 
bon. 

D'un  homme  qui  a  un  peu  d'assiduité  auprès  d'une 
femme,  on  dit  qu'//  a  bien  du  tendre  pour  celte  femme; 
c'est  un  mot  fort  en  usage. 

On  ne  dit  plus  cette  femme  s'ajuste  bien,  il  faut  dire 


cette  femme  s'habille  fort  bien,  ou  est  mise  du  bel  air. 

Dans  le  beau  style,  on  ne  dit  plus  un  visage  long 
pour  dire  un  visage  en  ovale;  on  dit  c'est  une  ovale 
achevée. 

Les  expressions  elle  est  de  belle  taille,  elle  a  un  beau 
maintien  ne  sont  plus  du  bel  usage;  il  faut  dire,  ou 
elle  a  bonne  grâce,  ou  tout  le  bel  air  qu'il  faut  avoir. 

Celles  qui  parlent  correctement  ne  disent  pas  un  poil 
roux,  mais  u?i  poil  ardent  ou  M?^  blond  doré. 

On  ne  dit  plus  il  s'entend  à  railler;  il  faut  dire  il 
entend  la  belle  raillerie. 

En  parlant  d'un  homme  qui  flatte  une  femme,  on  ne 
dit  plus  qu'il  sçait  bien  dire  la  fleurette;  on  remplace 
cette  expression  par  //  entend  la  belle  galanterie.    - 

Ne  pas  dire  d'un  savant  qn'il  a  l'entretien  provincial; 
la  bonne  expression  est  l'entretien  pedantèsque. 

Beaucoup  disent  encore,  quand  une  personne  est 
fâchée,  qu'e^^e  est  outrée  jusques  au  cœur  ;  ce  mot  est 
rude  et  ancien,  il  faut  dire  fâchée  ou  affligée. 

Partant  que  vous  fassiez  cette  affaire  n'est  pas  fran- 
çais, il  faut  d'ire  pourveu  que  vous  fassiez. 

Mesmement  ne  vaut  rien  ni  en  parlant  ni  en  écrivant; 
il  faut  y  substituer  mesnie. 

On  ne  dit  plus  //  est  mery  de  cela;  pour  bien  s'expri- 
mer il  faut  dire  fâché  de  cela  (1668). 

En  parlant  d'une  lettre,  il  ne  faut  pas  dire  cela  est 
bien  dicté,  ou  cela  est  bien  couché  par  escrit  ;  il  faut  dire 
cette  personne  dit  bien  par  escrit. 

Ceux-là  ne  sont  pas  rares  qui  disent  melieu,  quand 
c'est  milieu  qu'il  faut  dire. 

Ne  pas  dire  allons  promener,  mais  bien  allons  nous 
promener,  qui  vaut  mieux. 

En  parlant  d'un  homme  qui  a  de  l'inclination  pour 
une  femme,  certaines  personnes  disent  q\ï il  lui  porte 
une  grande  amitié  ;  cela  n'est  plus  du  bel  usage  ;  il 
faut  dire  qu'iV  a  beaucoup  d'inclination  et  de  respect 
pour  celte  femme. 

Se  garder  de  dire  on  fait  telle  chose  parmy  ces  gens- 
là;  il  faut  dire  entre  ces  gens-là. 

Plusieurs  disent  vingt  et  un  chevaux  à  cause  de  la 
règle  du  «  plurier  >>  ;  mais  il  a  été  décidé  qu'il  faut 
dire  ritigt  et  tin  cheval,  expression  qui  est  plus  usitée. 

11  n'est  plus  du  bel  usage  de  dire  il  est  aisé  de  faire 
telle  chose,  il  faut  dire  il  est  facile. 

Parlant  de  «  vesture  »,  quelques  personnes  disent 
revestissons-nous;  c'est  mal  parler,  il  faut  dire  rewes- 
tons-nous. 

Bizare  est  meilleur  que  bigeare. 

On  doit  dire  ttne  armée  florissante,  et  un  arbre  fleu- 
rissant (1668). 

Il  y  en  a  qui  disent  un  ceumetiere,  d'autres  un  ceme- 
tiere;  on  doit  dire  un  cimetière. 

Il  faut  prononcer  naviger,  et  non  naviguer. 

On  dit  souvent  extreordinaire  pour  extraordinaire, 
qui  est  la  seule  bonne  de  ces  expressions. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  RKi)ACT£DR-UÉttAi>T  :  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


U3 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Fleur  de  péché;  par  Ernest  Daudet.  3'  édition.  In-18 
Jésus,  330  p.  Paris,  lib.  Ctiarpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

L'Auberge  du  Monde.  Le  colonel  Chamberlain; 
par  Hector  Malet.  Inl8  Jésus.  378  p.  Paris.  11b.  Dentu. 
3  fr. 

Les  Prosateurs  français,  recueil  de  morceaux 
choisis  dans  les  meilleurs  prosateurs  depuis  l'origine  de 
la  littérature  française  jusqu'à  nos  jours,  avec  une 
notice  biographique  sur  chaque  auteur;  par  Antonin 
Roche,  directeur  de  l'Educational  Institute  de  Londres. 
10°  édition,  augmentée  de  notes  grammaticales,  litté- 
raires, etc.  In-18  Jésus,  5^8  p.  Paris,  lib.  Delagrave. 

Louis  de  Blois.  Un  bénédictin  au  XVI'  siècle; 
par  Georges  de  Blols.  In-12,  408  p.  et  portr.  Paris,  lib. 
Palmé. 

Les  Aventures  du  capitaine  Magon,  on  Une  explo- 
ration phénicienne  mille  ans  avant  l'ère  chrétienne;  par 
Léon  Cahun.  Ouvrage  illustré  de  72  grav.  dessinées  sur 
bois,  par  P.  Philippoteaux,  et  accompagné  d'une  carte. 
Gr.  in-8",  i29  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  10  fr. 

Histoire  des  faïences  patriotiques  sous  la  Révo- 
lution; par  Champfleury.  3"  édition,  avec  gravures  et 
marques  nouvelles.  In-18  Jésus,  xii-o82  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  5  fr. 

Les  Etats-Unis  contemporains,  ou  les  Mœurs,  les 
Institutions  et  les  Idées  depuis  la  guerre  de  sécession  ; 
par  Claudiot  Jannet.  Ouvrage  précédé  d'une  lettre  de 
M.  Le  Play,  ln-18  Jésus,  xiii-SlZi  p.  Paris,  lib.  Pion  et 
Cie. 

Histoire  de  l'Orfèvrerie  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'à  nos  jours;  par  Ferdinand  de  Lasteyrie, 
membre  de  l'Institut.  Ouvrage  illustré  de  62  grav.  d'après 
les  dessins  de  Justin  Storck.  P.  Sellier.  In-i8  Jésus,  326  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  25. 

Le  Prêtre,  la  Femme  et  la  Famille  ;  par  J.  Mlchelet. 
Nouvelle  édition.  In-18  Jésus,  xxxiii-324  p.  Paris,  librairie 
Nouvelle.  3  fr.  50. 


Les  villes  mortes  du  golfe  de  Lyon.  Illiberris, 
Ruscino.  Xarbon,  .4gde,  Maguelone.  Aiguesmortes.  Arles, 
les  Saintes-Mariés;  par  Charles  Lenthéric.  ingénieur  des 
ponts  et  chaussées.  Ouvrage  renfermant  1.5  cartes  et 
plans.  Gr.  in-lS,  528  p.  Paris,  lib.  Pion  et  Cie.  5  fr. 

Ces  monstres  de  femmes;  par  Pierre  Véron.  In- 18 
Jésus,  310  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy,  3  fr.  50. 

Nouveaux  contes  danois;  par  .\ndersen.  Traduits 
par  MM.  Grégoire  et  Louis  Moland,  illustres  d"après  les 
dessins  de  M.  Yan'  Dargent.  Gr.  in-S",  xni-ii8  p.  Paris, 
lib.  Garnier  frères.  10  fr. 

Œuvres  complètes  de  Pierre  de  Bourdeilles. 
abbé  et  seigneur  de  Brantôme;  publiées  pour  la 
première  fois  selon  le  plan  de  l'auteur,  augmentées  de 
nombreuses  variantes  et  de  fragments  inédits,  suivies  des 
œuvres  d'André  de  Rourdeilles  et  d'une  table  générale 
avec  une  introduction  et  des  notes,  par  M.  Prosper 
Mérimée  de  l'Académie  française,  par  M.  Louis  Lacour, 
archiviste  paléographe.  T.  U.  In-16,  368  p.  Paris,  lib. 
Daffis. 

Œuvres  de  Philarète  Chasles.  L'Antiquité.  In-18 
Jésus,  Yiti-/!i31  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Monsieur  Nostradamus  ;  par  Mlle  Zénaïde  Fleuriot. 
Ouvrage  illustré  de  36  gravures  dessinées  sur  bois  par 
Adrien  .Marie.  Gr.  ln-8',  296  p.  Paris,  lib.  Hachette  et 
Cie.  5  fr. 

Les  Compagnons  du  désespoir;  par  Alex,  de 
Lamothe.  3  vol.  in-18  Jésus,  836  p.  Paris,  lib.  Blériot. 
6fr. 

Les  Vraies  perles;  par  Mme  Hermance  Lesguillon. 
In-12.  285  p.  Paris,  lib.  Téqul. 

Médecine  et  médecins  ;  par  E.  Littré,  de  l'Académie 
de  médecine.  3«  édition.  In-12,  vm-516  p.  Paris,  lib. 
Didier,  à  fr. 

Le  Capitaine  philosophe;  par  Marcel  Tissot.  In-18 
Jésus,  310  p.  Paris,  lib.  Blériot. 


Publications  antérieures  : 


ESSAIS  SLR  LA  M'iTHOLOGIE  COMPARÉE,  les  tba- 
DiTio.Ns  ET  LES  COUTUMES.  —  Par  M\x  MiiLLER,  associé 
étranger  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  belles-lettres, 
professeur  à  l'Lniversité  d'Oxford.  —  Ouvrage  traduit  de 
l'anglais  avec  l'autorisation  de  l'auteur  par  GEonc.ES  Peuhot 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale.  —  Deuxième 
édition.  —  Paris,  librairie  académique  Didier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  4  fr. 


LA  CHASSE  AUX  SOUVENIRS.  —  les  derniers  pèches  do 

CHEVALIER  DE  VAUCELAS.  —  LA  BALLE  ENCBANTÉE.  —  Par 

le  marquis  G.  de  Cherville.  —  Paris,  librairie  de  Firmin 
Didot  et  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut,  56,  rue  Jacob. 


LES  PASSIONS.  —  Par  le  D"-  F.  Frédault.  —  Paris, 
librairie  Victor  Palmé,  éditeur,  25,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain. 


L'ESPAGNE,  SES  SPLENDEURS  ET  SES  MISÈRES.  — 
Voyage  artistique  et  pittoresque.  —  Par  P.  L.  Imrert.  — 
Illustrations  d'Alexandre  Prévost.  —  Deuxième  édition.  — 
Paris,  E.  Pion  et  Cie,  imprimeurs-éditeurs,  10,  rue 
Garanciére.  —  Prix  :  U  fr. 


HISTOIRE  DES  INVENTIONS  ET  DÉCOUVERTES.  —  Par 

Roux-Ferraxd.  —  7'  édition.  —  Paris,  librairie  de  Paul 
Dupont,  Ul,  rue  J.-J.  Rousseau.  —  Prix  :  1  fr. 


SONNETS  PARISIENS,  caprices  et  fantaisies.  —  Par 
Gabriel  Marc.  —  Paris,  Alphonse  l.emerre,  éditeur,  27 
et  29,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


LA  BONTÉ,  ouvrage  couronné  par  l'Académie  fran- 
çaise. —  Par  Charles  Rozan.  —  Cinquième  édition.  — 
Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 


Ui 


LE  COURRIER  DE  VAUGElAS. 


GLAS  ET  CARILLONS,  sonuets,  poésies  diverses, 
grand'gardes.  —  Par  Paul  Collun.  —  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germaia,  et  Adolphe 
Lemerre,  éditeur,  27  et  29,  passage  Choiseul. 

LES  ÉLÉMENTS  MATERIELS  DU  FRANÇAIS,  c'est-à- 
dire  les  sons  de  la  langue  française  entendus  ou  repré- 
sentés. —  Ouvrage  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
l'étude  de  notre  langue.  —  Par  B.  Juluen,  docteur  ès- 


lettres,  licencié  ès-scieuces.  —  Paris,  lib.  Ilachelle  et  Cie, 
76,  boulevard  Saint-Germain. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  h"  et  la  5"=  année,' en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  i",  la  2«  et  la  Z"  aimée  doivent  être  pro- 
chainement réimprimées. 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


Dans  un   des  plus   beaux   quartiers  de  Paris.  — 

Un  .Monsieur  et  une  Dame,  sans  enfants,  désirent  recevoir 
des  pensionnaires.  —  Pri.x  modérés. 


Avenue    de    la  Grande  Armée    (près   de    l'Arc  de 
triomphe   de  l'Etoile).   —  Dans  une  famille  des  plus 

honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très-bel  appartement. 


Dans   les   environs  de  Paris.    —  Une  dame  désire 
recevoir  comme  pensionnaires  de  jeunes  demoiselles  de 


bonne  famille  pour  leur  enseigner  la  langue  française,  la 
musique,  etc. 

A  Passy  (près  du  Ranelagh).  —  Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Au  centre  de  Paris.  —  Un  pasteur  recevrait  volon- 
tiers comme  pensionnaires  trois  ou  quatre  jeunes  filles, 
qui  trouveiaient  dans  sa  maison  la  vie  de  famille  et,  au 
besoin,  des  leçons. 


(Les  adresses  sont  données  au  Bureau  du  Journal. 


CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


L\  Société  D'ÉMUL.«-roN  db  Cambrai  décernera,  s'il  y  a  lieu,  au  mois  de  novembre  1876,  en  séance  publique,  une 
médaille  d'or,  de  vermeil,  d'argent  ou  une  mention  honorable,  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  la  question 
suivante  ;  «  Quels  sont  au  jourd'hui  les  principaux  caractères  de  la  littérature  à&&  feuilletons  ;  quels  caractères  présente- 
t-elle  et  comment  pourrait-on  y  remédier  »? 


Société  florlmo.stane  d'Annecy.  —  Concours  de  1876.  —  Poésie  :  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux 
concurrents.  —  Le  nombre  minimum  des  vers  est  fixé  à  cent.  —  Les  travaux  seront  composés  en   langue  française. 

—  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  ces  travaux  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

—  Les  auteurs  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus.  —  L«s  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à 
l'intérieur  d'un  billet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux 
archives  de  la  Société,  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie. 


La  Société  académique  de  Saint-Quentin  propose  des  médailles  d'or  pour  les  sujets  suivants,  mis  au  concours  pour 
l'année  1876  :  Poésie.  —  Sujet  laissé  au  choix  des  concurrents.  Cantates.  —  Sujet  également  laissé  au  choix  des 
concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  concours  devront  remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national 
de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-dire  être  à  personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'homme),  et 
contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un  trio  final.  —  La  Cantate  de  1876  servira  de  texte  pour  le 
concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1877.  Littérature.  —  1"  question  :  «  Etude  sur  la  poésie  contemporaine.  »  — . 
2°  question  :  «  Des  moyens  de  développer  le  goût  de  l'étude  dans  toutes  les  conditions  sociales.  » 


Un  concours  de  poésie  sur  ce  sujet  la  Revanche  est  ouvert  à  l'Académie  des  Poètes.  —  Pour  concourir,  il  faut 
appartenir  à  cette  Académie,  comme  membre  titulaire,  honoraire,  ou  membre  correspondant,  et  être  Français.  —  Le 
prix  du  concours  consistera  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  150  fr.,  donnée  par  un  des  membres  de  l'Académie, 
M.  Marc  Bonnefoy.  —  Les  poésies  envoyées  au  concours  devront  se  renfermer  autant  que  possible  dans  la  limite  de 
100  et  200  vers  (ces  chiffres  n'ont  rien  d'absolu),  et  être  inédites;  elles  pourront  être  signées  ou  non  signées,  au  gré 
des  concurrents,  et  dans  ce  dernier  cas,  être  accompagnées  d'un  pli  cacheté  contenant  le  nom  de  l'auteur.  —  Les 
envois  relatifs  au  concours  doivent  être  adressés  franco  à  M.  Elle  de  Blran,  archiviste  de  l'Académie,  rue  des 
Missions,  22,  à  Paris,  avant  le  1"  mars  1876. 


Le  Comité  de  la  Caisse  de  secours  du  huitième  arrondissement  de  Paris  vient  d'organiser  un  Concours  historique 
pour  1876,  dont  le  sujet  est  emprunté  à  l'histoire  de  Paris  :  L'histoire  du  huitième  arrondissement.  —  Le  premier 
prix  sera  une  médaille  d'or  do  fiOO  fr.  ;  le  2"  prix,  une  médaille  d'argent  de  300  fr.  ;  le  3''  prix,  une  médaille  d'argent 
de  200  fr.  —  Le.s  Compositions  devront  être  remises  par  les  concurrents  avant  le  l"  juin  1876. 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  vi.silile  à  son  bureau  de  tnidi  à  une  heure  et  demie. 

'""     Imprimerie  GOUVEUiNEIIH,  G.  UAUl'KLKV  à  Nogent-le-Rotrou. 


6"  Année 


N'  19. 


1"  Février  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Psraiaiant    le    1°*   et    le    15    de    ehaqoe   mola 

{Dans  sa  séance  du  \1  janvier  1875,  l'Académie  tramaise  a  décerne  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

AbonneraenI  pour  la  France.     6  f . 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 

PROFESSEUR   SPÉCIAL  POUR  LES   ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 

On  les  prend  en  sudressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces,.la  ligne.          50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quelconque. 

AVIS. 
Les  Abonnés  de  ce  journal  sont  informés  que,  jus- 
qu'au V  mai  proc/iahi,  il  sera  possible  au  Rédacteur 
de  leur  envoyer  gratis  les  numéros  de  la  0'  année  qui 
pourraient  manquer  dans  leurs  collections. 


SO.MMAIRE. 

Explication  de  Se  mettre  sur  son  trente-el-un  ;  —  Etymologie  de 
l'adjeclif  Bot;  —  Signification  de  Les  portes  de  l'enfer;  — 
Pourquoi  Levraut  et  Crapaud  n'ont  pas  la  terminaison  Eau  ; 
—  Pourquoi  Avoir  mal  au  cœur  quand  il  s'agit  de  l'estomac  B 
Emploi  et  étymolpgie  du  mot  Rubrique;  —  Signification  de 
En  sautoir;  —  Signification  et  origine  de  Belluaire.  —  Pour- 
quoi certain  couteau  s'appelle  Eustache.  ||  Passe- temps  gram- 
matical Il  Suite  de  la  biographie  de  Marguerite  Buffet.  || 
Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Familles  parisiennes 
pour  la  conversation.    ||   Concours  littéraires. 


FRANCE 


Première  Question. 
Un  abonné  qui  n'a  encore  rien  demandé  serait  heu- 
reux de  lire  dans  le  Couurieu  de  Vacgelas  l'explication 
de  l'expression  se  mettre  sca  som  teeiste-et-c.n,  pour 
dire  se  vêtir  de  ses  plus  beaux  habits. 

Depuis  l'origine  de  la  langue  jusque  dans  la  seconde 
moitié  du  xvii«  siècle,  la  préposition  sur,  souvent 
employée  sous  la  forme  sus,  accompagna  le  verbe 
mettre,  avec  lequel  elle  formait  le  sens  figuré  d'accu- 
ser, comme  le  montrent  ces  exemples  : 

Home  qui  plaide  en  curt...  e  home  li  melted  sur  qu'il  ait 
dit  cliose  que  il  ne  voille  conustre... 

[Lois  de  GuiUnume,  s8.) 

Et  l'autre  partie  leva  l'un  des  tesmoins  et  li  mist  sus 
qu'il  estoit  faus  tesmoins. 

(Beaumanoir.  VI,  34  1 

Là  me  souvent  des  gens  de  maie  guise. 
Qui  m'ont  mis  sits  mensonge  à  escient. 

(Quesneâ,   fiomancero,  p.  80.  J 


El  le  frère  du  seigneur  de  la  Rivière  mourut  en  prison, 
et  luy  mil  on  sur  qu'il  sestoit  tué  d'un  pot. 

(Phil.  de  Fénin,  l4l3.) 

Mais  accuser  quelqu'un  de  quelque  chose,  c'est  l'en 
charger,  le  lui  mettre  sur  le  dos;  et,  comme  une  ex- 
pression figurée  a  pour  origine  la  même  expression 
prise  dans  le  sens  propre,  il  est  tout  probable  que 
se  mettre  sur  a  eu  autrefois  la  signification  de  se  vêtir 
de  :  les  Anglais,  qui  ont  conservé  plus  d'une  tournure 
de  l'ancien  français,  ne  disent-ils  pas  encore  to  put  on 
dans  le  double  sens  d'accuser  et  de  mettre  un  vête- 
ment ? 

D'où  il  suit  que  se  mettre  sur  son  trente-et-un  veut 
dire,  sans  ellipse,  se  mettre  sur  le  dos  son  trente-et-un. 

Reste  à  savoir  maintenant  quel  est  le  vêtement  qui 
a  pu  être  baptisé  de  cette  singulière  façon. 

On  trouve  ce  qui  suit  dans  Van  Tenae  {Académie  des 
Jeux,  p.  213)  : 

Le  Trente-el-un  est  un  jeu  de  hasard  qui  se  joue  entre 
un  banquier  et  des  pontes  dont  le  nombre  est  indéterminé. 
En  voici  les  règles  : 

1°  Le  banquier  ayant  un  jeu  de  5î  cartes,  ou  même  deux 
ou  trois  jeux,  selon  le  nombre  des  pontes,  mêle  tout  en- 
semble, fait  couper,  puis  il  distribue  â  chacun  et  à  lui- 
même,  une  par  luie,  trois  cartes.  Les  figures  valent  dix, 
les  autres  cartes  les  nombres  qu'elles  indiquent;  l'as  a  le 
privilège  de  valoir  onze  ou  un,  selon  qu'il  convient  à  celui 
qui  l'a  eu  main. 

ï'  La  distribution  de  ces  trois  cartes  étant  terminée, 
chacun  regarde  son  jeu.  Celui  dont  les  trois  cartes  forment 
trente-et-un  les  montre,  et  reçoit  du  banquier  deux  jetons 
d'une  valeur  déterminée  au  commencement  du  jeu.  Si  le 
banquier  a  trente-et-un  d'emblée,  chacun  des  pontes  lui 
paye  deux  jetons,  excepté  ceux  qui  auraient  trente-et-un, 
lesquels,  dans  ce  cas,  ne  paient  m  ne  reçoivent  rien. 

3'  Le  banquier  n'ayant  pas  trente-et-un  d'emblée 
demande  qui  veut  carte;  le  premier  à  sa  droite  a  la  pnrole, 
et  les  autres  successivement.  Celui  qui  croit  avoir  un  jeu 
trop  faible  demande  carte;  on  lui  en  donne  une;  il  la 
regarde,  et  il  peut  ainsi  en  prendre  successivement  plu- 
sieurs; mais  s'il  arrive  ainsi  à  dépasser  le  point  de  trente- 
et-un,  il  crève,  et  paye  deux  jetons  au  banquier. 

Or,  comme  il  résulte  de  cette  citation  qu'au  jeu  dont 


146 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


il  s'agit,  le  point  de  trente-et-un  est  le  plus  beau,  je 
crois  qu'on  aura  appelé  familièrement  troite-el-un 
le  plus  bel  habit  de  quelqu'un,  et  qu'on  aura  dit  de  lui 
qu'»7  se  mettait  sur  son  trente-et-un  pour  si;jnifier 
qu'il  se  parait  de  cet  habit. 

L'auteur  que  je  viens  de  citer  insinue  dans  sa  préface 
que  le  jeu  du  trente-et-un. fut  inventé  en  (789,  ce  qui 
ferait  remonter  l'expression  de  se  mettre  sur  son  trente- 
et-un  au  plus  à  cette  époque  : 

Dès  l'année  1789,  le  jeu,  exilé  de?  maisons  particulières, 
s'était  réfugié  dans  les  tr'pots  clandestins.  Un  sieur  Azon, 
à  qui  l'on  attribue  l'invention  du  trente-et-un,  fut  l'uti  des 
premiers,  etc.,  etc. 

xMais  c'est  une  profonde  erreur,  attendu  que  ce  jeu  de 
cartes  est  mentionné  dans  le  dictionnaire  de  Furetière, 
qui,  comme  on  sait,  fut  publié  en  1727. 

X 
Seconde  Question. 

Quelle  est  l'origine  du  mot  bot  dans  l'expression 
PIED  BOT?  Le  DicTioNJVAinE  HISTORIQUE  de  Brac/iet  dit  que 
cette  origine  est  inconnue. 

J'ai  trouvé  sur  ce  mot  les  renseignements  suivants  : 

4»  Dans  le  Dictionanj  of  tlie  u-elsh  language  d'Owen 
Pughe  (-1 832)  : 

Bot,  s.  f.  Any  round  body  —  (Un  corps  rond  quelconque). 

2°  Dans  le  Dictionnaire  françois  et  suédois  de  Levin 
Môller  (1 755)  : 

Bot,  adj.  m.  Composé  Irubbot,  dans  le  sens  de  l'allemand 
t)utziçi  [tronqué];  d'où  l'e.xpression  En  irubbot  fol,  un 
pied  bot. 

3"  Dans  le  Grand  dictionnaire  françois  et  hollandois 
de  Marin  (1 768)  : 

Bot,  émoussé,  pas  tranchant.  Een  bot  mes,  un  cou- 
teau émoussé,  qui  ne  coupe  pas  bien.  IJ  signiBe  aussi 
bourgeon,  bouton  d'une  branche.  Een  nieuve  en  cUtike  bot, 
un  nouveau  et  gros  bourgeon.  Il  a  pour  composés  Bothiel 
et  Bolooet,  pied   bot. 

4°  Dans  le  Nouveau  dictionnaire  français-espagnol 
de  Blanc  (1853)  : 

liOTO,  mousso,  obtus;  d'où  Embotar  los  filos  del  espada, 
émousser  le  til  de  l'épée. 

Il  suit  de  là  que  le  mot  en  question,  qui  n'existe  en 
français  que  dans  l'expression  pied  hot,  est  un  terme 
commun  à  plusieurs  langues  de  l'Europe,  où  il  s'em- 
ploie généralement  comme  adjectif,  et  dans  le  sens  de 
contrefait,  quand  on  l'applique  au  pied. 

X  ■ 
Troisième  Question. 
Dans  sa  réponse  à  l'adresse  des  catholiques  de 
Maijence,  le  Pape  a  dit  :  «  Nous  nous  réjouissons  avec 
vous  en  vous  voyant  convaincus  que  Dieu  est  avec  vous 
et  que  les  cortes  de  l'enfer  ne  prévaudront  pas  contre 
la  cause  défendue  par  vous  ».  Quel  est  ici  le  véritable 
sens  du  mot  i'Orte? 

La  phrase  que  vous  venez  de  citer  est  une  allusion 
à  ce  passage  de  Saint  Matthieu  (ch.  xvi,  verset  18)  : 
Et  ego  dico  tibi  quia  tu  es  Petrus,  et  super  hanc  petram 


œdificabo  Ecclesiam  meam,  et  port.r  infcrlnon  pr.cvalebunt 
adversus  eam. 

(Et  moi  aussi  je  vous  dis  que  vous  êtes  Pierre,  et 
que  sur  cette  pierre  je  bâtirai  mon  Église;  et  les 
portes  de  l'enfer  ne  prévaudront  point  contre  elle.) 

Mais  quel  est  ici  le  sens  de  porte  ? 

Le  mot  porta  est  souvent  employé  dans  la  Bible  pour 
signifier  un  tribunal,  parce  que  les  Juifs  étant  la  plu- 
part occupés  aux  travaux  des  champs,  on  avait  établi 
qu'on  s'assemblerait  à  la  porte  des  villes,  et  qu'on  y 
rendrait  souverainement  la  justice,  afin  de  ménager  le 
temps  des  villageois;  on  trouve  porta  avec  ce  sens 
dans  les  Proverbes  (ch.  xxir,  v.  22)  : 

Non  facias  violentiam  pauperi,  quia  pauper  est  :  neque 
conteras  agenum  in  porta. 

(Ne  faites  point  de  violence  au  pauvre,  parce  qu'il  est 
pauvre,  n'opprimez  point  au  tribunal  celui  qui  n'a 
rien.) 

Le  mot  porta  est  employé  aussi  pour  désigner  la 
ville  elle-même,  ce  que  montre  parfaitement  cette  autre 
citation  : 

Benedicam  tibi,  et  multiplicabo  semen  tuum  sicut 
stellas  cœli,  et  velut  arenam  quas  est  in  littore  maris  : 
possidebit  semen  tuum  portas  inimicorum  suorum. 

(Geiùse,  ch   XXU,  v.  17.) 

(Je  vous  bénirai,  et  je  multiplierai  votre  race  comme 
les  étoiles  du  ciel  et  comme  le  sable  qui  est  sur  le 
rivage  de  la  mer.  Votre  postérité  possédera  les  villes  de 
ses  ennemis.) 

Chez  les  anciens  monarques  de  l'Asie,  le  mot  porte 
était  synonyme  de  palais,  résidence  royale,  cour,  ce  qui 
ressort  de  cet  exemple  : 

Les  jeunes  seigneurs  [chez  les  anciens  Perses]  étaient 
élevés  à  la  porte  du  roi  avec  ses  enfants. 

(Bossuet,  Disc,  sur  l'Hist.   III,   5.) 

Voltaire  l'a  employé  avec  le  même  sens  dans  son 
Histoire  de  Bussie  (2«  part.  ch.  I)  : 

Une  légère  attention  de  la  part  d'une  femme  qui  envo- 
yait des  pelisses  et  quelques  bagues,  comme  il  est  d'usage 
dans  toutes  les  cours,  ou  plutôt  dans  toutes  les  portes 
orientales  ne  pouvait  être  regardée  comme  une  corruption. 

Le  nom  de  porte  se  dit  encore  pour  palais  chez  les 
Turcs;  en  elTet,  qapou,  qui  le  traduit  dans  leur  langue, 
signifie  et  l'hôtel  du  grand-visir  (porte  ottomane),  et 
le  palais  du  grand-seigneur  (sublime  porte). 

Ur,  comme  les  deux  premières  significations  de  porte 
sont  incompatibles  avec  nos  idées  sur  l'enfer  (il  n'a 
jamais  été,  que  je  sache,  assimilé  ni  à  un  tribunal  ni 
à  une  ville),  et  que  la  troisième,  au  contraire,  peut 
parl'ailcnient  lui  convenir  (c'est  là  que  séjournent  les 
princes  des  ténèbres),  j'en  conclus  que  les  portes  de 
l'enfer,  dans  la  phrase  que  vous  m'avez  adressée, 
signifie  les  cours  de  l'enfer. 

{..a  signification  de  porta  n'a  pas  toujours  été  bien 

comprise,  tant  s'en  faut,  par  ceux  qui  ont  traduit  (a 

Iw/7rt<e  en  français;  ainsi,  par  exemple,  celte  phrase 

du  Dentéronome  (ch.  XVI,  vers.  18)  : 

Judiccs  et  magistros  constitues  in  omnibus  portis  tuis. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


quas  Dominus  Deus  luus  (Jedent  tibi,  per  singulas  tribus 
tuas... 

a  été  rendue  comme  il  suit  par  Le  Maistre  de  Saci  et 
par  l'abbé  Genoude  : 

Vous  établirez  des  juges  et  des  magistrats  à  toutes  les 
portes  des  villes  que  le  Seigneur  votre  Dieu  vous  aura 
donnée;:,  en  chacune  de  vos  tribus.... 

C'est  un  contre-sens  manifeste;  car,  il  n'est  pas 
possible  que  Moïse  ait  ordonné  d'établir  un  tribunal  à 
chaque  porte  des  villes  conquises  par  les  Hébreux  en 
Palestine.  Ces  traducteurs  auraient  dû  dire  : 

Vous  établirez  des  juges  et  des  magistrats  dans  loules  les 
tilles  que  le  Seigneur  votre  Dieu  vous  aura  données. 

X 
Quatrième  Question. 
D'où  vient  la  terminaison  dans  les  mots  levraut, 
CBAPAUD,  et  pourquoi  n  ont-ils  pas  la  finale  commune 
EAO?  D'ailleurs  il  y  a  un  certain  nombre  de  mots  qui 
s'écrivent  ainsi.  Si  vous  trompez  qu'il  raille  la  peine  de 
répondre  à  cette  question,  vous  obligerez  un  de  vos 
nouveaux  abonnés. 

Les  diminutifs  de  noire  langue  qui  ont  le  son  «m  pour 
finale,  se  terminent  de  trois  manières  différenles  ; 

i"  Par  aud  là  l'exception  toutefois  de  rieillol), quand 
il  s'agit  d'un  diminulif  venant  d'un  adjectif; 

Courtaud  de  Court. 

Finaud  —  Fin. 

Lourdaud  —  Lourd. 

r<ouaud  —  .\oir. 

2'  Par  eau,  quand  le  diminutif  est  tiré  d'un  subs- 
tantif, comme  on  le  voit  dans  : 

Bécasseau  de  Bécasse. 

Baleineau   —  Baleine 

Caveau       —  Cave. 

Soliveau     —  Solive. 

Tuileau       —  Tuile. 

3°  Par  ot  au  lieu  de  eau,  dans  les  suivants,  qui  font 
exception  à  la  règle  précédente  : 

Bachot  de  Bac. 
Billoi,    —  Bille. 
Cuissot—  Cuisse. 
Goulot  —  Goule  (gula). 
Poulot  —  Poule. 

Pourquoi  lerrauf,  qui  est  le  diminulif  de  lièvre,  ne 
s'écrit-il  ni  avec  la  finale  eau  ni  avec  la  finale  ot  ? 

Probablement  parce  que,  dans  l'origine,  on  aura 
donné  à  ce  mot  la  finale  aud,  qui  ne  convient  qu'aux 
dérivés  d'tui  adjectif  (comme  on  a  donn6  à  vieillot  la 
finale  ot,  qui  ne  convient  qu'à  des  diminutifs  venus 
d'un  substantifi,  et  qu'on  ne  se  sera  aperçu  de  la  faute 
commise  que  longtemps  après,  alors  que,  passée  dans 
l'usage  'on  écrivait  déjà  levraut  au  xvk  siècle),  cette 
faute  n'était  en  quelque  sorte  plus  réparable. 

Quant  à  crapaud,  qui  n'est  point  un  diminulif,  il 
n'y  a  aucune  nécessité,  pour  la  régularité  de  son  ortho- 
graphe, que  sa  finale  soit  identique  à  celle  des  dimi- 
nutifs que  je  viens  de  signaler.  Dès  les  premiers  temps 
de  la  langue,  il  s'écfivait  crapot,  témoin  ces  exemples  : 
Quar  des  serpenz  i  ot  à  grant  plento, 
Laisardes  grans  et  grans  crapoz  enflés. 

(ie  moninge  GuUlaurrv,  v.  î54i.) 


Lesquelles  femmes  portèrent  secondement  un  gros  crapot 
pour  deffdire  ledit  sort;  et  ce  fait  la  fille  tantost  après  fu 
aussi  comme  toute  garie. 

(Du  Cange,  Buffo.) 

Si.  depuis,  ce  mot  a  pris  la  finale  qu'on  lui  voit  aujour- 
d'hui, nul  doute  que  ce  ne  soit  parce  que  le  bas-latin  le 
disait  crapaldus.  forme  qui  impliquait  crapaud  pour  le 
français. 

X 
Cinquième  Question. 
Comment,  expliquez-vous  que  avoir  mal  ac  coecr  se 
dise  pour  signifier  avoir  mal  a  l'estomac?  //  est  évident 
que  le  siige  du  malaise  n'est  pas  dans  le  cœur? 

Quelques  mots  suffiront  pour  cela. 

En  elïet,  comme,  dans  l'ancienne  anatomie  grecque, 
on  donnait  le  nom  de  cœur  à  l'orifice  cardiaque  ou 
supérieur  de  l'estomac,  cette  appellation  passa  dans 
la  nôtre,  ce  que  prouvé  la  citation'suivante  : 

Ledit  ventricule  a  deux  orifices,  à  sçavoir  un  supérieur, 
nommé  l'estomach  et  vulgairement  ccrur,  et  l'autre  infé- 
rieur, nommé  pylore. 

(Amb.  Paré,  I,  14. | 

Puis,  le  mot  cœwr  en  est  venu  à  signifier  l'estomac 
lui-même,  d'où  ces  expressions,  employées  encore  dans 
le  style  familier  : 

Cette  viande  lui  est  restée  sur  le  cœur. 
Cette  soupe  lui  a  fait  mal  au  cœur. 
Voyager  sur  mer  fait  mal  au  cœur,  etc. 


ETRANGER 


Première  Question. 
Je  VOUS  serais  reconnaissante  de  m'expliquer  deux 
choses   relativement   au    mot    rcbriqce  :    \°    Quand 
peut-on.  dans  un  journal,  employer  l' expression  socs  i.a 
RrBRiiîtJE  DE,  et  2°  d'oit  vient  le  mot  de  RtmarocE? 

Un  journal  qui  donne  une  nouvelle  trouvée  dans 
un  autre  journal  ou  ailleurs,  la  fait  presque  toujours 
précéder  du  nom  de  l'endroit  d'où  elle  vient,  comme 
dans  l'exemple  suivant,  que  j'emprunle  à  la  Presse 
du  22  décembre  1873  : 

Versailles,  '2  heures. 

0  On  ne  pense  pas  que  le  premier  tour  de  scrutin  donne 
un  résultat;  il  est  probable  qu'au  second  tnur,  par  suite 
d'une  transaction,  on  portera  MM.  de  Montaignac  et  de 
Malleville.  » 

Quand  un  confrère  reproduit  celle  nouvelle,  il  dit 
qu'il  l'a  trouvée  dans  telle  feuille  sous  la  rubrique  de. 
et  fait  suivre  ces  mots  du  nom  du  lieu  d'où  elle  est 
originaire;  ainsi  la  reproduction  de  la  nouvelle  ])récé- 
dcnle  pourrait  se  formuler  en  ces  termes  : 

Dans  la /'refsc  du  Zi  décembre  IST.î,  on  lit  .îoh.«  la  rubrique 
de  Versailles  : 

n  On  ne  pense  pas  que  le  premier  tour  de  scrutin  donne 
un  résultat;  il  est  probable  qu'au  second  tour,  etc.  » 

Voilà  comment  s'emploie  généralement  dans  les 
journaux  l'expression  sous  la  rubrique  de,  qui  équivaut 
à  sous  le  nom  de  lieu  de. 


us, 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Quant  au  terme  de  rubrique,  il  a  été  tiré,  comme  je 
vais  vous  l'expliquer,  du  nom  latin  ruhrica  iformé 
dé  l'adjectif  ruber},  qui  signifie  craie  rouge. 

En  effet,  il  était  d'usage  chez  les  Romains  d'écrire 
en  encre  rouge  les  titres  des  lois  de  l'Etat,  et  le  mot 
rubrica,  pris  au  figuré,  signifiait  le  droit,  ce  dont  four- 
nit la  preuve  cette  citation  empruntée  à  Quicherat  : 

Transferre  se  ad  rnbricam  —  ,Se  tourner  vers  l'étude 
du  droit). 

Pendant  le  moyen-âge,  la  même  coutume  non-seule- 
ment fut  suivie  en  France,  mais  encore  étendue;  on 
marqua  en  rouge  les  chapitres  des  ouvrages  de  droit 
civil  et  canon,  d'histoire,  etc.,  etc. 

Et  tûtes  les  rubriches  estoient  escrites,  chascune  par  soi 
vermeilles.  ,    ,.      ,      ,     - , 

(^ssise5  de  Jérusalem,  1,  33.) 

Cy  commence  la  table  de  toutes  les  rubriches  de  ce  pré- 
sent livre,  onquel  sont  contenus  les  faits  et  hjrstoires  du 
bon  chevalier  Bertran.du  Guesclin. 

(Chr.  de  Du  GuMciiii.  Notice,  p.  14.) 

Or,  avec  le  temps,  le  mot  rubrique  a  fini  par  se  dire 
aussi  bien  d'un  titre  écrit  en  noir  que  d'un  titre  écrit 
en  rouge,  et  de  là,  il  a  passé  au  nom  du  lieu  d'oii  vient 
une  nouvelle,  ce  nom,  dans  les  journaux,  lui  servant 

comme  de  titre. 

X 

Seconde   Question. 

Voudriez-vous   bien    avoir   l'obligeance   de  donner 

le  véritable    sens  et    l'étijmologie  de  l'expression   e> 

SACTOiB,  dont  on  se  sert  en  parlant  d'une  décoration 

qui  se  porte  à  un  ruban  passé  autour  du  cou? 

Dans  la  science  du  blason,  le  mot  sautoir  désigne 
une  croix  faite  et  placée  comme  un  x  majuscule;  d'où 
l'expression   en  sautoir  avec  le   sens  de  disposé  en 
•  croix  de  saint  André  (X)  : 

Les  armes  de  .l'Eglise,  la  bannière  de  saint  Pierre,  de 
gueules  à  deux  clefs  d'argent  en  sautoir. 

(Froi3sart,  II.  II,  207.) 

On  fait  un  fréquent  usage  de  .sfl?//o(r  dans  cette  accep- 
tion ;  ainsi  les  buffieteries  qui  se  croisent  sur  la  poi- 
trine d'un  soldat  sont  dites  en  sautoir;  deux  hampes 
de  drapeaux,  deux  pièces  de  bois  de  charpente,  deux 
épées,  etc.,  peuvent  être  mises  en  sautoir. 

Mais  il  n'y,  a  rien  qui  ait  l'apparence  d'un  X  dans  un 
ruban  passé  autour  du  cou  et  auquel  pend  une  croix. 
Comment  expliquer  sautoir  dans  ce  cas? 

D'une  manière  bien  simple. 

Indépendamment  de  sa  signification  primitive,  sau- 
toir en  a  une  autre  qui  est  dérivée  de  celte  pre- 
mière :  il  désigne  aussi  une  petite  pointe  d'étoffe  que 
les  femmes  portent  autour  du  cou  en  nouant  les 
deux  bouts  sur  la  poitrine  ;  de  sorte  que,  quand  la 
décoration  d'un  ordre  se  porte  suspendue  au  cou,  on 
dit  naturellement  qu'elle  se  porte  en  sautoir,  comme, 
dans  le  cas  où  elle  est  suspendue  au  côté  par  un 
ruban  qui  passe  sur  l'épaule  du  côté  (tpposé,  on  dit 
qu'elle  se  porte  en  écharpe  : 

La  décoration  [de  la  Légion  d'honneur]  est  suspendue  en 
sautoir  au  cou  des  commandeurs  par  un  ruban  plus  large. 

(  Ch^rutl,  Li'f.  i/'A'/nii,,  p.  fi49,  col.  I.) 


L'origine  de  sautoir,  terme  de  blason,  est  une  ques- 
tion plus  difficile  à  résoudre. 

On  sait,  à  la  vérité,  qu'il  a  existé  autrefois  dans  la 
cavalerie  un  objet  ainsi  appelé,  car  Du  Gange  le  men- 
tionne au  mot  saltatoria  en  en  citant  un  exemple,  et 
Furetière  en  donne  la  description  suivante  : 

C'étoit  une  pièce  de  harnois  du  chevalier,  qui  étoit 
attachée  à  la  selle  de  son  cheval,  et  lui  servoit  d'étrier 
pour  sauter  dessus,  ce  qui  lui  a  donné  le  nom  de  sautoir, 
11  étoit  fait  de  cordons  de  soye  ou  d'une  corde  couverte 
d'une  étoffe  précieuse. 

.Mais  on  ne  peut  pas  conclure  de  là  que  sautoir,  terme 
héraldique,  vienne  de  cette  source,  attendu  que  le  mot 
sautoir  a  ici  le  sens  de  croix  de  saint  André,  et  que  ce 
sens  n'a  pu  lui  être  attribué  par  allusion  à  un  ancien 
appendice  de  la  selle  qui  devait  avoir  la  forme  d'un 
grand  anneau,  si  j'en  juge  par  celle  des  étriers  de  la 
fin  du  xi^  siècle  que  j'ai  vus  dans  l'ouvrage  tout 
récemment  publié  par  M.  Demay  sur  le  Costume  de 
guerre  et  d'apparat. 

Cependant,  comme  les  choses  présentant  la  forme 
d'une  croix  sont  désignées  en  espagnol  par  aspa,  en 
italien  par  a.<tpo  ou  naspo,  eu  allemand  par  haspel,  en 
grec  par  '/j.az'^.a.,  (du  nom  de  la  lettre  X),  et  en  latin  par 
decussis,  appellation  de  Vx  employé  comme  chiffre,  il 
est  certain,  aucune  de  ces  expressions  étrangères 
n'ayant  pu  donner  sautoir  par  une  permutation  quel- 
conque de  lettres,  que  ce  mot  est  un  vocable  qui  appar- 
tient à  notre  langue. 

.Mais  qu'était-ce  que  le  sautoir  dont  l'image  s'est 
perpétuée  dans  un  meuble  de  blason? 

A  mon  grand  regret,  je  n'ai  pu  le  découvrir. 

X 

Troisième  Question. 
Auriez-vous   l'obligeance   de   m'expliquer  dans   un 
prochain  numéro  de  votre  estimable  journal  la  signi- 
fication et  l'origine  du  mot  bellchre,  qui  n  est  pas  dans 
le  Dictionnaire  de  Littré? 

On  a  d'abord  appelé  de  ce  nom,  en  français,  celui 
qui,  dans  les  amphithéâtres  romains,  combattait  les 
bêtes  féroces,  et  aussi  l'esclave  attaché  au  service  des 
animaux  du  Cirque  : 

Les  lielluaires  ont  levé  les  grilles  des  autres  souterrains. 

(Th.  Gautier.) 

Ensuite,  par  extension,  il  a  désigné  princijialement 
celui  qui  dompte  des  bêtes  féroces,  et  qui  va  les  montrer 
de  ville  en  ville  : 

11  ne  manque  pas  d'esprils  agréablement  sceptiques  qui, 
lor.squ'un  bcVua'tre  fait  de  périlleux  e.\ercices,  vantent 
paradoxalement  la  mansuétude  des  lions. 

(Th.  Gautier'.) 

■  Quant  au  nom  lui-même,  que  le  Grand  Dictionnaire 
du  AY.V"  siccle  de  Pierre  Larousse  me  semble  avoir 
été  seul  à  mentionner  jusqu'ici,  il  est  composé  de 
bellua,  mot  de  la  langue  latine  qui  signifie  gros  animal, 
bête  féroce,  sauvage,  et  de  arius,  suffixe  de  la  même 
langue,  qui  se  joint  généralement  à  des  noms  de 
choses  pour  désigner  les  professions  exercées  par  les 
hommes:  tabernarius,  boutiquier;  ferrarius,  forgeron; 
niolendinarius,  meunier;  etc. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


(i3 


X 

Qualiiinie  Question. 
Quel  est  le  genre  de  couteau  que  ion  appelle  un 
GUSTÀCHE,  et  quelle  est  la  raison  de  cette  appellation  ? 

Le  couteau  ainsi  nommé  n'est  autre  chose  que  la 
jambette,  dont  il  a  été  question  dans  le  numéro  17. 

Mais  eustache  n'est  que  la  moitié  de  son  nom  ;  pour 
l'avoir  cfti  complet,  il  faut  y  ajouter  Dubois. 

En  effet,  on  lit  ce  qui  suit,  page 306,  dans  le  Manuel 
du  Coutelier  qui  fait  partie  de  la  collection  Roret  : 

«  Ces  couteaux  [les  jambettesj  sont  connus  dans  une 
certaine  partie  de  la  France  sous  le  nom  d'EusIaclie-  Dubois  ; 
c'est  le  nom  d'un  coutelier  de  Saint-Etienne  qui  avait 
acquis  une  grande  célébrité  dans  cette  fabrication.  Pen- 
dant de  longues  années  ses  descendants  ont  joui  de  la 
même,réputation,  et  ont  continué  à  porter  son  nom.  » 

M.  Liltré  a  eu  parfaitement  raison  de  dire  dans  son 
dictionnaire,  au  sujet  du  mot  en  question  :  «  sans 
doute  un  nom  propre  transporté  à  l'instrument.  » 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  en  mieux  ou  en  pis  ,'pire  esl  un  adjectif)  ;  —  2»  ...  à 
raison  du  discours  (puisqu'on  dirait  à  cause  de-,  —  3°  ...  tout 
vigoureux  qu'il  est;  —  4°  ...  et  dont  l'un  pesait  {d'eux  est  super- 
flu) ;   —    5""    D'où   il    suit   que    la     guerre    du    Mexique;    

6°  . . .  que  la  Roumanie  eû(  consolidé;  —  7*  ...  les  motifs  qui 
lui  ont  fait  demander;  —  8°  ...  ne  laisser^  pas,  nous  l'avouons, 
de^nous  être  ;  —  9°  ...  fut  entreprise  dans  l'intention  de  faire 
(Voir  Courrier  rfe  Vaugelas,  6'  année,  page  75);  —  10°  ...  être 
entouré  de  guets-apens. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1°  Je  vous  avais  toujours  dit,  Saiil,  interrompit  un 
homme  jeune  encore  et  très-élégamment  vêtu,  que  nous 
avons  eu  tort  de  faire  grâce  au  louveteau. 

1'  L'Anglais  descend.  Il  est  accosté  par  un  pauvre  diable 
qui  ressemblait,  parait-il,  comme  deux  gouttes  d'eau  à  feu 
Tantale. 

3°  C'était  assez  d'avoir  essayé  de  nous  persuader  que 
cette  formidable  épée  que  nous  avons  vu  flamboyer  entre 
vos  mains  était  encore  vierge. 

4'  N'ayant  point  apporté  de  bottes  de  cheval,  je  m'étais 
figuré  que  de  hautes  guêtres  protégeraient  un  peu  mieux 
mes  jambes  qu'un  mince  pantalon  de  drap,  et  je  les  avais 
bravement  endossées. 

5"  Il  vient  de  paraître  à  la  librairie  Lacroix  les  cinq  pre- 
mières livraisons  de  VHiitoire  de  France  illustrée  de 
Michelet.  Cette  publication,  qui  met  à  la  portée  de  tous 
l'oeuvre  de  l'éminent  historien,  voit  son  succès  augmenter 
à  chaque  livraison. 

6»  Quelques-uns  s'étaient,  en  effet,  imaginés  que  leur 
non  comparution  et  l'impossibilité  d'en  appeler  devant 
une  juridiction  supérieure  auraient  mis  la  haute-cour  dans 
l'embarras. 

7"  Une  infinité  de  pierres  précieuses  criblent  le  corsage 
de  satin  blanc  ;  une  rivière  de  diamants  inonde  la  gorge 
et  la  taille;  les  souliers  sont  en  or,  les  bas  de  soie,  brodés 
à  jour. 


S-  La  France,  de  son  cote,  n'a  aucune  idée  de  faire  la 
guerre,  quoiqu'elle  soit  douloureusement  affectée  de  ce 
que  r.^ngleterre  se  soit  approprié  un  canal  que  le  monde 
doit  à  l'esprit  d'entreprise  et  aux  capitaux  français. 

9°  Depuis  longtemps,  la  Russie  et  r.\utriche  cherchaient 
à  se  concilier,  au  détriment  l'une  de  l'autre,  les  sympathies 
de  la  Serbie  et  du  Monténégro  ;  ils  espéraient  obtenir  une 
sorte  de  suprématie,  et,  à  cet  effet,  ils  ne  négligeaient 
rien  pour  arriver  à  ce  résultat. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAiMMAIRIENS 

SECONDE  .MOITIÉ  DU  XVll-  SIÈCLE. 


Marguerite  BTJFFET. 

{Suite.) 

Quelques-uns  disent  rediculement  et  redicule,  il  faut 
dire  ridiculement,  ridicule. 

Il  est  honteux  de  dire  ou  de  faire  quelque  chose  est 
(lu  vieux  sljle;  il  faut  dire  il  a  honte  de  dire.,  qui  vaut 
mieux. 

On  entend  beaucoup  de  personnes  dire  j'e  m'esbahis  à 
telle  chose;  elles  devraient  dire  Je  m'estonne. 

Il  y  en  a  plus  d'un  qui  dit  faij  pris  la  hardiesse  de 
vousescrire;  c'est  d'un  «  très-meschant  »  style;  il  faut 
s'exprimer  ainsi  :  j'arj  pris  la  liberté  de  vous  escrire. 

Cela  est  tombé  lammy  est  une  fort  mauvaise  locu- 
tion ;  il  faut  dire  ce/a  est  tombé  à  bas. 

.Vu  lieu  de  dire  je  ne  hante  point,  je  ne  fréquente 
plus  ces  fjens-ln,  phrases  qui  sont  deux  vieilles  façons 
de  parler  ridicules,  il  faut  dire  je  ne  voy  plus  ces 
gens-là. 

Je  tâcherai/  de  vous  obliger  est  une  expression  hors 
du  bel  usage;  on  la  remplace  par^'e  ferai/  en  sorte. 

Plusieurs  disent  encore  j'aij  fait  cette  chose  à  nuit; 
cette  façon  de  parler  est  ridicule  et  introduite  par  le 
[letit  peuple;  il  faut  dire  aujourd' huij . 

On  ne  dit  plus  pour  que  vous  fassiez  cela;  il  faut 
dire  afin  que  vous  fassiez  cela. 

Au  lieu  de  il  a  fait  cela  envers  moij,  il  faut  dire 
contre  inoij  (KiOS;. 

On  ne  se  sert  plus  de  naguère;  il  faut  dire  rfe/?w?s 
peu. 

A  la  Cour,  il  est  bien  reçu  de  dire  tandis  que  j'iraij 
là  pouv  pendant  quej'iraij  là. 

Au  lieu  de  assiéger  une  ville,  entasser  du  blé,  il  y  eii 
a  qui  disent  à  tort  siéger,  tas.ser. 

On  ne  dit  plus  pource  ni  par  ainsi,  il  faut  dire  à 
cause  de  cela. 

Premier  que  je  fasse  cela  ne  vaut  rien;  il  faut  dire 
avant  que  je  fasse. 

Il  danse,  il  chante  des  mieux  ne  se  dit  plus;  il  faut 
dire  fort  bien. 


430 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


D'aiilres  disent  à  lorl  il  n'en  peut  mais  pour  ce  n'est 
point  sa  faute. 

Possible  pour  peuf-estre  n'est  pas  bon. 

Les  expressions  en  suite  de  quoy  et  en  suite  de  ce 
doivent  se  remplacer  cm  puis  après. 

On  ne  doit  pas  dire  nous  arons  partij,  noiis  avons 
sorttj ;  c'est  nons  sommes  qu'il  faut  dire. 

Au  lieu  de  qimnd  on  n'a  que  faire  on  va  là,  il  faut 
dire  quand  on  n'a  rien  à  faire. 

On  doit  éviter  bien  que  au  commencement  d'un  dis- 
cours ;  c'est  une  yfeille  faron  de  parler. 

Beaucoup  de  personnes  disent  il  est  entaché  d'vn  tel 
vice,  qui  devraient  dire  il  est  taché  de  ce  vice. 

Ne  pas  dire  en  jouant  jf  suis  bien  en  malhetir;  il 
faut  dire^"ay  bien  du  malheur. 

On  dit  souvent  cette  affaire  m'ht  très-importante; 
il  faut  dire  m''est  de  la  dernière  conséquence. 

Quand  du  fruit  n'est  pas  bon,  bien  des  gens  disent 
re  fruit  n'est  pas  d'un  bon  écabit  ;  il  faut  dire  ce  fruit 
n'est  pas  bien  oriente^  ce  qui  le  rend  moins  bon. 

Plusieurs  disent  encore  faites  froidir  l'eau;  c'est 
mal,  il  faut  dire  refroidir  l'eau. 

Le  long  de  la  rivière  vaut  mieux  que  au  long  de 
et  aussi  que  du  long  de  la  rivière. 

Ne  pas  dire  du  depuis  ce  temps,  mais  depuis  ce  temps. 

A  Paris  comme  en  province,  on  dit  je  ne  puis  faire 
cela  pour  l'heure,  il  faut  d'we  présentement. 

Le  mot  quasi  n'est  plus  du  bel  usage  ;  les  auteurs 
modernes  ne  s'en  servent  plus;  à  sa  place  on  emploie 
presque. 

On  ne  dit  plus  aller  à  la  rencontre  de  quelqu'un,  il 
faut  dire  aller  au  devant. 

Cet  homme  est  joyeux,  voilà  une  ancienne  expres- 
sion qui  ne  convient  plus  au  beau  style;  il  faut  dire 
gatj,  ou  de  belle  humeur. 

Ne  pas  dire  ces  gens  sont  fort  chiches  pouv  dire  qu'ils 
sont  ménagers;  ce  mot  cliiche  est  ridicule;  il  faut  dire 
vilains. 

On  peut  également  bien  dire  une  bierre  ou  un  cercueil. 

Superbe  est  plus  en  usage  que  orgueilleux. 

Beaucoup  de  femmes  parlant  d'une  autre  femme 
qui  est  indisposée  disent  moy,  quand  je  la 'suis;  il 
faut  dire  quand  je  le  suis. 

On  ne  dit  plus  comme  nos  ancêtres  un  mien  pareiit, 
un  mien  frère;  il  faut  dire  un  de  mes  parents,  un  de 
mes  frères. 

Pour  dire  ne  sortes  point  de  là,  on  se  sert  souvent 
de  ce  «  méchant  «  mot  ne  demarés  point  de  là;  c'est 
le  petit  peuple  qui  fait  celle  faute. 

Ne  dites  pas  le  plus  grand  désordre  à  quoy  il  s'arreste; 
il  faut  dire  auquel. 

En  parlant  d'un  malade  à  qui  l'on  a  bien  donne  ses 
.soins,  il  ne  faut  pas  dire  qu'»7  a  été  bien  solicité,  mais 
bien  qu'eV  a  été  assisté  et  secouru. 

Circonstance  où  plusieurs  encore  font  une  faute, 
c'est  quand  ou  dit  bien  que  j'uye  été  là;  il  faut  dire 
bien  quej'ais  été  là  (1068). 

Il  vaut  mieux  dire 7e  vous  souhaite  le  bonjour  quc^'e 
vous  donne  le  bonjour. 


Ouand  ou  parle  d'un  siège  d'où  l'on  s'adresse  au 
public,  on  dit  cliaire,  mais  dans  tous  les  autres  cas,  on 
change  ï'r  en  s,  et  l'on  dit  chaise. 

Ne  mettes  guère  à  faire  telle  chose  est  une  expression 
du  petit  peuple;  il  faut  dire  n'arrêtés  point  à  revenir. 

Dans  les  provinces,  on  dit  beaucoup  venez-  quand  et 
moy  pour  dire  vené.^  avec  moy. 

Incognito  est  fort  bon  et  fort  en  usage. 

Voici  «  un  »  rencontre  où  plusieurs  manquent  :  ils 
disent  il  a  perdu  le  respect  pour  cette  personne  ;  il  faut 
dire  il  a  manqué  de  respect. 

Je  suis  infiniment  ou  parfaitement  vostre  servante 
n'est  pas  bien  reçu  dans  le  beau  style;  il  faut  dire  J<? 
suis  fort  vostre  servante. 

Dans  le  même  style,  on  ne  se  serl  plus  de  gratieux 
ni  de.  mal  gratieux. 

Il   n'a   pas   un   sols  vaillant   est    plus  u^é  que 
valant,  bien  qu'il  soit  moins  bon;  c'est  l'usage,  et  aller  . 
contre,  ce  serait  montrer  qu'on  ne  sait  point  sa  langue 
maternelle  ou  qu'on  «  voudroit  faire  la  reformatrice  ». 

On  dit  présentement  «e /•ejorter  avec  quelqu'un  d'un 
bonheur  ou  se  féliciter,  qui  est  un  mot  nouveau  (1668). 

Il  ne  faut  pas  dire  il  m'a  taxé  en  ma  réputation;  il 
faut  dire  il  a  mal  traité  ma  réputation. 

Supplier  ne  doit  s'employer  qu'en  parlant  et  en  écri- 
vant aux  puissances  souveraines  ;  dans  les  autres  cas. 
on  dit  prier. 

Au  lieu  de  dire  vous  irés  en  tel  endroit,  menez  my 
au.<si,  il  faut  dire  menés  y  moi  aveo  vous. 

On  ne  dit  •pVM'ferons-nous  telle  chose  à  présent;  il 
faut  dire  à  cette  heure,  ou  maintenant,  aujourd'huy. 

Au  lieu  de  il  avoit  accoutumé  de  faire  telle  chose,  il 
faut  dire  //  avait  coutume. 

Il  y  a  des  gens  si  peu  versés  dans  notre  langue  qu'ils 
disent  encore  partisses  le  gâteau;  il  faut  dire  partagés. 

Cet  homme  a  bon  renom  est  fort  barbare;  il  faut  dire 
a  bonne  réputation. 

Le  mot  volontiers  est  si  ancien  que  ceux  qui  suivent 
le  beau  style  ne  s'en  servent  plus. 

Aussi  bien  lorsqu'on  parle  que  lorsqu'on  écrit 
qu'ainsi  soif  n'est  plus  rei;u. 

Priser  le  mérite  de  quelqu'un  est  une  expression 
très  ridicule;  il  faut  direestimer  le  mérite. 

Eu  parlant  du  vêlement,  bas  vaut  mieux  que  chausse. 

Exactelé,  qui  est  un  mot  nouveau,  se  dit  pour  exac- 
titude, employé  ordinairement. 

On  dit  encore  fors  pour  hors;  mais  le  premier  n'est 
pas  bon  (ICdlS). 

Seriosité  est  uti  mot  nouveau  dont  on  se  sert,  et  qui 
est  bien  reçu  à  la  Cour. 

En  terme  de  chasse  on  dit  courre,  mais  dans  les 
autres  cas,  on  dit  courir. 

Il  faut  dire  ce  sont  les  affaires  et  non  c'est  les  affaires. 

Il  ne  faut  pas  dire  ce  fut  pourquoy  telle  chose  arriva, 
mais  c'est  pourquoy  telle  chose  arriva. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Lii  RÉDiCTEUii-GÉiiiNT  :  Eman  MARTIN. . 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


fjf 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


La  Chanson  de  Tenfant;  par  Jean  Aicsrd.  In-8", 
245  p.  Paris,  lib.  Sandoz  et  Fishbacher. 

La  Merlette;  par  Mlle  Eudoxie  Dupuis.  Illustrations 
par  Emile  Bayard.  In-18  Jésus,  296  p.  Paris,  lib. 
Delaçrave. 

Genèse  de  l'humanité.  Fétichisme,  polythéisme, 
monothéisme;  par  Louis  Jacolliot.  In-8°.  391  p.  Paris, 
Lib.  internationale. 

A  la  chute  du  jour,  vers  anciens  et  nouveaux, 
1847-1876  ;  par  Ernest  Prarond.  ln-18  Jésus,  xvi-33/i  p. 
Paris,  lib.  Lenierre.  3  fr. 

Les  Fédérés  blancs,  épisode  de  la  défense  de  l'Alsace 
en  181/i  et  en  18i5;  par  Edouard  Siebecker.  ln-18  jésus, 
316  p.  Paris.  Lib.  illustrée. 

Une  Maison  centrale  de  femmes,  tin  de  la  série  des 
.\Iystères  mondains:  par  Adolphe  Belot.  8'  édition.  ln-18 
Jésus,  385  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Correspondance  militaire  de  Napoléon  P',  extraite 
de  la  Correspondance  générale  et  publiée  par  ordre  du 
Ministre  de  la  Guerre.  T.  2.  ln-18  jésus.  vi-528  p.  Paris, 
lib.  Pion  et  Cie. 

Les  Gredins;  par  F.  Du  Boisgobey.  L  L'Empoisonneur. 
IL  La  Tête  de  mort.  In-û"  à  2  col.  287  p.  Paris,  lib. 
Degorce-Cadot.  10  c.  la  livraison. 

La  Chance  ou  la  Destinée  ;  par  le  docteur  P.  Foissac. 
In-8",  667  p.  Paris,  lib.  J.-B.  Baillière  et  Fils.  7  fr. 

tes  Braves  gens;  par  J.  Girardin.  Ouvrage  illustré 
de  115  vignettes  par  Emile  Bayard.  3«  édition.  ln-8°. 
311  p.  Paris,  lib.  Hacliette  et  Cie.  5  fr. 

Channing,  sa  vie  et  sa  doctrine,  d'après  ses  écrits 
et  sa  correspondance  ;  par  René  Lavollée,  rédacteur  aux 
affaires  étrangères.  ln-18  jésus,  xii-301  p.  Paris,  lib. 
Pion  et  Cie. 


Histoire  de  Louis-Philippe;  par  A.  E.  Billault  de 
Gérainville.  T.  3.  In-8',  lxiii-30«  p.  et  3  plans.  Paris, 
chez  tous  les  libraires. 

Londres;  par  Louis  Enault,  Illustré  de  174  gravures 
sur  bois  par  Gustave  Doré.  Gr.  in-i",  438  p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  50  fr. 

Œuvres  de  Victor  Hugo.  La  Légende  des  siècles. 
1«  série:  Histoire.  Les  Petites  épopées.  Petit  in-12.  425p. 
Paris,  lib".  Lemerre.  6  fr. 

Dictionnaire  historique  de  l'ancien  langage  fran- 
çois,  ou  Glossaire  de  la  langue  françoise  depuis 
son  origine  jusqu'au  siècle  de  Louis  XIV;  par  La 
Curne  de  Sainte-Palaye,  membre  de  l'Académie  des  Ins- 
criptions et  de  l'Académie  française.  Publié  parles  soins 
de-  L.  Favre,  auteur  du  Glossaire  du  Poitou,  de  la 
Saintongc  et  de  l'Aunis,  etc.  etc.  8«  à  10'  fascicules  (fin 
du  t.  1).  In-4''  à  2  col.  337-482  p.   Paris,   lib.   Champion. 

Louis  XIII  et  Richelieu,  étude,  historique  accom- 
pagnée des  lettres  inédites  du  roi  au  cardinal  de  Riche- 
lieu ;  par  Marins  Topin.  In'8%  xi-449  p.  Paris,  lib. 
Didier  et  Cie.  7  fr.  50. 

Le  Mari  de  madame  Cazot;  par  Alfred  de  Bréhat. 
ln-18  jé^us.  323  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  3  fr.  50. 

L'Université  de  Paris,  1200-1875.  La  Nation  de 
Picardie.  Les  Collèges  de  Laon  et  de  Presles.  La  loi  sur 
l'enseignement  supérieur  ;  par  Ch.  Desmaze,  conseiller  à 
la  cour  d'appel  de  Paris.  ln-18  jésus,  xii-347  p.  Paris,  lib. 
Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Les  Contemporains  de  Molière,  recueil  de  comédies 
pares  ou  peu  connues,  jouées  de  1659  à  1680,  avec  l'his- 
toire de  chaque  théâtre,  des  notes  et  des  notices  biogra- 
phiques ,  bibliographiques  et  critiques  ;  par  Victor 
Fournel.  T.  3.  Théâtre  du  Marais.  In-8°,  xl-572  p.  Paris, 
lib.  Firmin  Didot  et  Cie. 


Publications  antérieures  : 


ESSAIS  SUR  LA  MYTHOLOGIE  COMPARÉE,  les  tra- 
DIT10X6  ET  LES  couTLMES.  —  Par  M\x  MiiLLER,  associé 
étranger  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  belles-lettres, 
professeur  à  l'Université  d'Oxford.  —  Ouvrage  traduit  de 
l'anglais  avec  l'autorisation  de  l'auteur  par  Georues  Perrot 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale.  —  Deuxième 
•^dition.  —  Paris,  librairie  académique  Didier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  4  fr. 


LES  PASSIONS.  —  Par  le  D-^  F.  FrbI).\ult.  —  Paris, 
librairie  Victor  Palmé,  éditeur,  25,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  4«  et  la  5'=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  Lm  1",  la  2'  el  la  3«  année  doivent  être  pro- 
cliainemenl  réimprimées. 


LA  CHASSE  .\UX  SOUVENIRS.  —  les  derniers  péchés  du 

CHEV.^LIER    de    V.\UCEL.\S.     —    L.V     BALLE    ENCBANTÉE.    —    Par 

le  marquis  G.  de  Cherville.  —  Paris,  librairie  de  Firmin 
Didot  el  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut.  56.  rue  Jacob. 


L'ESPAGNE,  SES  SPLENDEURS  ET  SES  MISÈRES.  — 
Voyage  artistique  et  pittoresque.  —  Par  P.  L.  Imbert.  — 
Illustrations  d'Alexandre  Prévost.  —  Deuxième  édition.  — 
Paris,  E.  Pion  et  Cie,  iinprimeurs-éditeurs.  10,  rue 
Garanciére.  —  Prix  :  4  fr. 


SONNETS  PARISIENS,  caprices  et  fantaisies.  —  Par 
Gabriel  Marc.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre,  éditeur,  27 
et  29,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


LA  BONTÉ,  ouvrage  couronné  par  l'Académie  fran- 
çaise. —  Par  Charles  Rozan.  —  Cinquième  édition.  — 
Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 


152 


LE  COURRIER  DE  VAUGElAS. 


CATALOGUE     DESCRIPTIF     ET     RAISONNÉ 


Manuscrits  de   la  Bibliothèque  de  Tours. 


Par  M.  A.  DORANGE,  Conservateur. 


Gros  in-quarto  à  2  colonnes  de  583  pages. 


Cet  ouvrage,  qui  a  coûté  dix  ans  de  travail  à  son  auteur,  a  été  apprécié  comme  il  suit  par  M.  Léopold  Delisle, 
administrateur  de  la  Bibliothèque  nationale  (7oî«-na/  officiel  du  29  juin  1875)  : 

«  La  ville  de  Tours  possède  une  des  plus  riches  collections  de  manuscrits  qui  existent  en  France.  La  description 
qu'en  donne  M.  Oorange,  dans  son  C.vt.vlogue  descriptif  et  raisonsè  de  l.*.  bibliothèque  de  Tours,  rendra  de  réels 
services  à  la  science.  C'est  dans  cette  collection  que  M.  Luzarche  a  découvert  le  drame  d'Adam,  et  que  M.  Thurot  a 
trouvé  un  manuscrit  qui  a  notablement  amélioré  le  texte  des  lettres  familières  de  Cicéron.  Le  travail  de  M.  Dorange 
permettra  de  faire  encore  plus  d'une  découverte  intéressante.  La  municipalité  de  Tours,  qui  a  fait  les  frais  du 
Catalogue,  mérite  aussi  la  reconnaissance  des  savants.  » 


FAMILLES     PARISIENNES 
Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


Dans  un   des  plus   beaux   quartiers   de  Paris.  — 

Un  Monsieur  et  une  Dame,  sans  enfants,  désirent  recevoir 
des  pensionnaires.  —  Prix  njodérés. 


Avenue  de  la  Grande  Armée  (près  de  l'Arc  de 
triomphe  de  l'Etoile).  —  Dans  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très-bel  appartement. 


Dans  les  environs  de  Paris.   —  Une  dame  désire 
recevoir  comme  pensionnaires  de  jeunes  demoiselles  de 


bonne  famille  pour  leur  enseigner  la  langue  française,  la 
musique,  etc. 

A  Passy  (près  du  Ranelagh) .  —  Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionnaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Au  centre  de  Paris.  —  Un  pasteur  recevrait  volon- 
tiers comme  pensionnaires  trois  ou  quatre  jeunes  filles, 
qui  trouveraient  dans  sa  maison  la  vie  de  famille  et,  au 
besoin,  des  leçons. 


(Les  adresses  sont  données  au  Bureau  du  Journal.) 


CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


SociiiTÉ  d'Émulation  de  C.widrai.  Extrait  du  programme  des  questions  mises  au  concours  pour  1876.  Poésie.  Le  sujet 
et  l'étendue  de  la  pièce  destinée  à  le  traiter,  sont  laissés  au  choix  des  concurrents.  —  Une  lyre  d'argent  ou  une 
médaille  dont  la  nature  et  la  valeur  sont  subordonnées  au  mérite  de  l'ouvrage,  sont  affectées  également  à  ce  con- 
cours. —  Les  travaux  et  mémoires  inédits  et  n'ayant  jamais  figure  dans  aucun  concours  seront  seuls  admis.  Ils  porte- 
ront une  épigraphe  répétée  sur  un  pli  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  et  devront  être  adressés, 
franco,  avant  le  /">'  Juin  1870  au  Président  ou  au  Secrétaire  général  de  la  Société.  —  Les  œuvres  non  couronnées  ne 
sont  pas  rendues,  et  les  plis  cachetés  qui  les  accompagoent  sont  brûlés  en  séance. 


Société  florimo.ntane  d'Annecy.  —  Concours  de  1876.  —  Poésie  :  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux 
concurrents.  —  Le  nombre  minimum  des  vers  est  fixé  à  cent.  —  Les  travaux  seront  composés  en   langue  française. 

—  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  ces  travaux  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

—  Les  auteurs  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus.  —  Les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à 
l'intérieur  d'un  billet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux 
archives  de  la  Société,  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie. 


La  Société  acadé.mique  de  Saint-Quentin  propose  des  médailles  d'or  pour  les  sujets  suivants,  mis  au  concours  pour 
l'année  1876  :  Poésie.  —  Sujet  laissé  au  choix  des  concurrents.  Cantates.  —  Sujet  également  laissé  au  choix  des 
concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  concours  devront  remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national 
de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-dire  être  à  personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'homme),  et 
contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un  trio  final.  —  La  Cantate  de  1876  servira  de  texte  pour  le 
concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1877.  I.ittérature.  —  1"  question  :  «  Etude  sur  la  poésie  contemporaine.  »  — 
2"  question  :  «  Des  moyens  de  développer  le  goût  de  l'étude  dans  toutes  les  conditions  sociales.  » 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUPIiLEV  à  Nogenl-le-Uotrou. 


G'^  Anuée 


N»  20. 


15  Février  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


Paraisaant    le    1**  et    le    15    de    chaque   mois 

{Dans  sa  séance  du  12  janvier  1S75,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

Abonnement  pour  la  France.     6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 

PROFESSEUR   SPECIAL  POUR  LES   ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 

On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces, la  ligne.          50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à,  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quelconque. 

SO.M.MAIRE. 

Communicalions  sur  Calino  et  sur  Tohu-boliu:  —  Pourquoi  les 
femmes  sont  appelées  Les  oies  du  frère  Philippe;  —  Si  Arté- 
sien appliqué  à  un  puils  ^ér'we  d'Artère;  —  S'il  j  a  une  diffé- 
rence entre  Se  plaindre  que  et  5e  plaindre  de  ce  que;  — 
Orthographe  de  Nouveau  devant  un  participe  passé;  —  Emploi 
du  mot  Majoration;  ||  Etjmologie  du  mot  Dentelle;  —  Origine 
de  Homme  de  sac  et  de  corde  ||  Passe-temps  grammatical  || 
Suite  de  la  biographie  de  Marguerite  Bu/fet.  ||  Ouvrages 
de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Familles  parisiennes  pour  la 
conversation   ||   Concours  litttéraires. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 
I. 

Le  journal  Y  Evénement  du  9  janvier  contient  ce  qui 
suit  à  mon  adresse  : 

Nous  avons  reproduit  récemment,  d'après  le  Courrier  de 
Vaufjelas,  l'étymologie  du  nom  dp  Calino,  que  ce  journal 
fait  remonter  à  une  charge  d'atelier  dont  .MM.  Théodore 
Barrière  et  Antoine  Fauchery  avaient  fait  une  pièce. 

Le  Charivari  déclare  c[ue  celte  étymologie   est  inexacte- 

<  On  racontait  depuis  longtemps,  dit-il,  dans  les  petits 
journaux,  des  charges  sur  ce  successeur  de  Jocrisse  quand 
parut  la  pièce  en  question. 

»  Depuis  longtemps  aussi  on  lui  donnait  le  nom  de  Calino 
dans  ces  charges-là.  Ce  fut  précisément  cela  qui  donna 
à  Barrière  l'idée  de  faire  sa  pièce  pour  Parade. 

»  Le  Courrier  de  Vaugelas  a  pris  l'effet  pour  la  cause,  et 
le  problème  subsiste  tout  entier. 

•  Calino,  en  réalité,  fut  un  élève  de  l'atelier  Picot,  vers 
1840,  élève  dont  la  bêtise  devint  proverbiale  parmi  les 
peintres,  et  l'on  se  mit  à  lui  fourrer  sur  le  dos  toutes  les 
calembredaines  qui  peuvent  rentrer  dans  son  genre.  » 

Le  Courrier  de  Vauyelas  a  la  parole. 

•  Le  Charivari  a  parfaitement  raison  quand  il  dit  que 
l'origine  de  Calino  remonte  plus  haut  que  la  pièce  à 
laquelle  je  l'ai  attribuée. 

En  effet,  la  Bibliographie  de  la  France,  du  17  no- 
vembre ISSj,  annonce  un  volume  de  .M.M.  Edmond  et 
Jules  de  Concourt  intitulé  Une  roiture  de  Masques,  où 


se  trouve  un  chapitre  consacré  à  la  légende  de  Calino. 
Or,  comme  la  pièce  de  .MM.  Barrière  et  Fauchery  n'a 
été  jouée  pour  la  première  fois  que  le  12  mars  de  l'an- 
née suivante,  il  est  évident  que  cette  pièce  n'a  pu  que 
propager  notre  nouveau  tjpe  de  jocrisse,  et  non  l'inau- 
gurer. 

.Mes  remercimenls  à  .M.M.  Achille  .Morel  et  Gérard  de 
Frontenay,  rédacteurs  de  V Événement,  qui  m'ont  per- 
mis de  rectifier  une  erreur  que  je  venais  de  commettre 

pour  la  seconde  fois. 

U. 
Le  19  janvier  dernier,  j'ai  reçu  de  Paris  la  courte 
communication  suivante,  qui  fait  allusion  à  une  ques- 
tion traitée  dans  le  numéro  18  de  la  présente  année  : 

Monsieur, 

Comment  pouvez-vous  avancer  que  le  mot  toku-bohu  a 
été  employé  pour  la  première  fois  par  Voltaire  (en  fran- 
çais) ? 

Je  vous  engage  à  lire  le  chapitre  de  Rabelais  intitulé  : 
Comment  Pantagruel  passa  les  îles  de  Tohu  et  de  Bohu. 

Si  l'auteur  de  ces  lignes  m'avait  lu  avec  un  peu  plus 
d'attention,  il  aurait  pu  s'épargner  la  peine  de  m'écrire 
l'invitation  qu'elles  contiennent. 

En  effet,  qu'ai-je  dit?  Que  l'expression  de  tohu-bohu, 
qui  ne  se  trouve  ni  dans  la  première  édition  de  l'Aca- 
démie (1094;,  ni  dans  Furelière  ^1727),  ni  dans  Tré- 
voux (1771),  avait  été  rencontrée  par  moi  dans  la 
Bible  cnftn  expliquée,  ouvrage  paru  en  1776,  et  que 
c'était  probablement  cet  ouvrage  qui  avait  introduit 
tohn-bohu  dans  notre  langue. 

Or,  cette  assertion  semble  erronée  à  l'auteur  de  la 
communication  précédente  ;  il  prétend  que  l'expression 
de  tohu-bohu  existait  au  temps  de  Rabelais  parce  que 
celui-ci  a  intitulé  un  chapitre  de  Pantagruel  (le  17*  du 
livre  IV)  :  «  Comment  Pantagruel  passa  les  isles  de  Tohu 
et  Bohu.  « 

Mais  ce  n'est  pas  là  notre  expression  tohu-bohu;  ce 
sont  les  deux  termes  qui  la  composent,  employés  sépa- 
rément comme  noms  projjrcs,   dans   une  géographie 
plus  ou  moins  fantastique,  et  rien  de  plus. 
-    En  faisant  remonter  tohu-bohu  à  Rabelais,  mon  con- 


^5-i 


.E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Iradicteur  se  trompe  donc  aussi  évidemment  que  si,  par 
exemple,  il  soutenait  que  l'expression  d'Alsace-Lor- 
raine est  bien  antérieure  à  la  guerre  de  1870,  parce 
que  les  noms  d'Alsace  et  de  Lorraine  ont  existé  des 
siècles  avant  cette  guerre. 

X 
Première  Question. 

Voudriez-vous  bien  me  dire^  par  la  voie.de  votre 
excellent  journal,  pourquoi  on  appelle  les  femmes  les 
OIES  DC  FRÈRE  PuiLippE  ?  Je  VOUS  en  serais  bien  recon- 
naissant. 

Philippe  Balduci,  ricbe  habitant  de  Florence,  resté 
veuf  avec  un  fils  de  deux  ans,  se  consacra  avec  ce  fils 
au  service  de  Dieu.  Il  distribua  tous  ses  biens  aux 
pauvres,  et  se  retira  au  milieu  des  bois,  où  il  ne  subsis- 
tait que  des  charités  des  bonnes  âmes.  11  éleva  son  fils 
dans  la  piété  et  dans  l'ignorance  des  choses  du  monde, 
de  peur  qu'elles  ne  le  détournassent  des  choses  du 
ciel.  Il  le  garda  plusieurs  années  dans  sa  grotte  sans 
le  laisser  sortir,  et  sans  lui  laisser  voir  d'autres  objets 
que  des  oiseaux  et  des  bêles  fauves.  Il  avait  l'habitude 
de  l'enfermer  toutes  les  fois  qu'il  allait  faire  la  quête  à 
Florence.  Enfin,  son  fils  étant  parvenu  à  l'âge  de  dix- 
huit  ans,  sans  avoir  jamais  quitté  le  bois,  il  demanda  à 
son  père  la  permission  de  l'accompagner  pour  qu'il 
pût  connaître  les  personnes  pieuses  et  charitables  qui 
les  assistaient;  d'ailleurs^  il  était  plus  jeune  et  plus  vi- 
goureux, puis  Dieu  pouvait  retirer  son  père  de  ce 
monde,  et  que  deviendrait-il,  lui  qui  n'y  connaissait 
personne? 

Le  bonhomme  goûta  fort  une  proposition  si  rai- 
sonnable ;  et,  croyant  son  fils  bien  affermi  dans  la 
sainteté,  il  ne  fit  aucune  difficulté  pour  le  mener  avec 
lui  à  Florence.  Le  jeune  homme  arrête  les  yeux  avec 
étonnement  sur  tous  les  objets  qu'il  aperçoit,  et,  ravi 
d'admiration,  il  demande  à  son  père  le  nom  de  chaque 
chose.  Son  père  le  lui  dit,  et  il  parait  enchanté  de  l'ap- 
prendre. Pendant  qu'il  continuait  ses  questions,  il 
aperçoit  une  troupe  de  jeunes  dames,  bien  habillées, 
qui  revenaient  d'une  noce.  Il  les  examine  attentive- 
ment, et  demande  au  vieillard  ce  que  c'était. 

«  Ne  regarde  point  cela,  mon  fils  :  c'est  quelque  chose  de 
dangereux.  —  Mais  comment  cela  s'appelle-t-il?  »  Le  père, 
qui  veut  écarter  de  l'esprit  de  son  tils  toute  idée  cliarnelle, 
et  qui  craint  de  nouvelles  question»  capables  d'exciter  dans 
son  enfant  les  désirs  do  la  concupisco'nce,  ne  croit  pas 
devoir  lui  dire  leur  nom,  et  lui  répond  que  ce  sont  des 
oies.  Chose  étonnante!  celui  qui  n'avait  jamais  vu  ni 
entendu  parler  de  ces  oies,  se  sentit  vivement  ému  à  leur 
aspect,  et  ne  se  sentant  plus  touché,  ni  de  la  beauté  des 
palais,  ni  de  la  genldlesse  du  cheval,  ni  de  la  grosseur  du 
bœuf,  ni  des  autres  objets  (juil  venait  de  voir  pour  la 
première  fois,  il  s'écria  aussiiùt  :  «  Mon  père,  je  vous  en 
prip,  faites-moi  avoir  une  de  ces  oies.  »  —  0  bon  Jésus! 
répondit  le  [)ère  étonné,  ne  songe  point  à  cela,  mon  fils; 
c'est  une  mauvaise  chose. —Quoi I  mon  père,  les  mauvaises 
choses  sont-elles  ainsi  faites?  —Oui,  mon  fils.  —  Je  ne 
sais,  mon  père,  ce  que  vous  voulez  dire,  ni  pour(iuoi  ces 
clioses-IA  sont  mauvaises;  mais  il  me  semblo  que  je  n'ai 
encorp  rien  vu  de  si  beau  m  de  si  agréable.  Je  doute  que 
les  anges  peints  que  vous  m'avez,  montrés   soient  aussi 


gentils  que  ces  oies.  Mon  père,  ne  pourrions-nous  pas  en 
mener  une  dans  notre  ermitage?  Ce  sera  moi  qui  aurai 
soin  de  la  faire  iiaître.  » 

Le  père  ne  consentit  pas;  mais  il  reconnut  que  la 
nature  avait  plus  de  force,  par  son  instinct,  que  tous 
les  préceptes  de  l'éducation,  et  se  repentit  d'avoir  mené 
son  fils  à  Florence 

Or,  c'est  ce  charmant  conte  de  Boccace,  tiré  de  l'his- 
toire de  7iar/aa»î  e<  Jo.sn/j/fni  de  saint  Jean  Damascène, 
conte  que  La  Fontaine  a  mis  plus  tard  en  vers,  qui 
a  fait,  grâce  à  son  titre,  appeler  les  femmes  les  oies  du 
frcre  Philippe,  expression  oubliée  par  M.  Littré. 

X 
Seconde  Question. 
Quelle  est  l'étymologie  du  mot  arte'sien,  dans  l'ex- 
pression PUITS  AiiTÉsiEN  ?  Ne  pourrait-on  pas  dériver  ce 
mot  de  AiiTiJUE  [conduit  dans  lequel  s'élance  le  sang)  ? 
Le  changement  de  r  e»  s  est  très-fréquent  dans  les 
noms  de  même  signification,  tels  que  aduéreii,  adhésion  ; 

GÉRANCE,  GESTION,  CtC. 

Je  crois  que  la  qualification  d'artésiens,  donnée  à  des 
puits  forés,  vient  du  nom  de  la  province  d'Artois,  dont 
les  habilants  étaient  ainsi  appelés  ;  et,  pour  corroborer 
cette  opinion,  j'ai  le  passage  suivant,  emprunté  à  l'in- 
génieur Garnier  [Traité  sur  les  puits  artésiens,  p.  30): 

Les  premières  recherches  sur  les  fontaines  jaillissantes 
paraissent  avoir  été  entreprises  dans  l'étendue  de  terrain 
que  comprend  le  département  du  Pas-de-Calais,  composé 
de  l'ancienne  province  d'Artois,  du  Boulonnais,  du  Calaisis,. 
de  l'Ardrésis  et  d'une  très-petite  portion  de  la  Picardie.  Au 
moins,  cette  opinion  est  générale;  et  ce  qui  tendrait  à  la 
confirmer,  c'est  la  dénomination  de  imits  ciiicsiens  donnée 
aux  fontaines  du  même  genre  établies  dans  d'autres  pays. 
Il  est  vrai  que  l'on  connaît,  depuis  plus  d'un  siècle,  les  eaux 
jaillissantes  de  la  basse  Autriche,  et  les  puits  forés  des 
environs  de  Modène  et  de  Bologne,  ainsi  que  la  fontaine 
que  Cassini  a  fait  percer  dans  le  fort  Urbain,  dont  l'eau 
s'élevait  au-dessus  du  sol  à  une  hauteur  de  quinze  pieds. 
Cependant,  les  procédés  pour  établir  des  fontaines  jaillis- 
santes, ne  paraissent  encore  bien  connus  [en  ISÎG]  que  dans 
les  contrées  du  nord  de  la  France;  et  ce  n'est  que  depuis 
peu  d'années  qu'on  a  commencé  à  rechercher  dans  les 
différentes  parties  du  Royaume  et  dans  quelques  comtés 
méridionaux  de  l'Angleterre,  des  eaux  souterraines  à  l'aide 
de  la  sonde  du  mineur  ou  du  fontenier.  La  découverte  de 
ces  fontames,  dans  l'Artois,  provient  sans  doute  de  l'appro- 
fondissement peu  dilTicilo  de  quelques  puits  creusés  dans 
les  environs  de  Déthune,  et  dans  lesquels  l'eau  se  sera 
élevée  jusqu'à  la  surface  du  sol 

Du  reste,  appliqué  à  un  puits,  le  mot  artésien  ne 
peut  dater  que  delà  fin  du  xviii' siècle;  car  il  ne  se 
trouve  ni  dans  le  dictionnaire  de  Furetière  (1727),  ni 
dans  celui  de  Trévoux  (1771).  Or,  à  cette  époque,  la 
prononciation  du  mot  artrre  (lequel  a  toujours  eu 
deux  ;■  depuis  les  commencements  de  la  langue,  si  le 
dictionnaire  de  Littré  m'a  bien  renseigné)  était  assuré- 
ment trop  bien  fixée  pour  qu'il  ait  été  possible  d'en 
tirer  l'adjectif  artésien:  ce  mot  ne  peut  venir  que  de 
Artois  prononcé  Artais. 

X 
Troisième  Question. 
r  a-t-il  une  di/férencc  de  sens  entre  il  se  plaint  que 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


153 


et  u.  SE  PLALM  DE  CK  OIE?  Je  cfois  (juc plus  d'un  (jram- 
mairien  en  a'imet  2ine. 

Dans  la  langue  française  du  moyen-âge,  toutes  les 
fois  qu'une  préposilion  devait  être  suivie  d'un  verbe  à 
un  mode  personnel,  on  y  ajoutait  ce  que,  fait  mis  en 
évidence  jiar  les  exemples  que  voici  : 

Sonent  mil  grails  pur  ce  que  plus  Ijel  seit. 

(fih.Jt  Roland.   UCXVII) 

Droit  après  ce  que  Rerte  fu  de  Paris  partie: 

(Berte  LX.) 

Dès  ce  que  l'enfant  est  né,  il  se  delette  à  goûter  le  laict 
de  sa  nourrice. 

(Oresme,  Elh.  39.) 

L'autre  dit  que  depuis  ce  qu'ils  estoient  coucliiés,  il  avoit 
fait  relever  sa  femme. 

(^Ména;lier,   I,  p.-  1^7.) 

Et  parlèrent  eul.t  deux  ensemble  grant  pieche,  sans  ce 
qu'il  y  eust  nulz  de  leurs  gens  qui  les  peust  ouïr. 

(Fénin,  14:6.) 

Le  connestable  de  France  avant  ce  que  on  assaillist  Ler- 
gerac  ni  qu<3  nuls  fussent  blessés  ni  travaillés,  envoya  par- 
lementer à  ceux  de  la  ville. 

(Froissart,  II,  II.  7  ) 

II  suffit  donc,  à  ce  que  quelqu'un  soit  nostre  prochain, 
qu'il  soit  homme. 

(Lanoue,  73.) 

Dans  la  langue  moderne,  cette  construction  s'est 
maintenue  intacte  pour  la  préposition  .s?//-,  qui  devient 
toujours  sur  ce  que  devant  une  forme  verbale  autre  que 
l'infinitif: 

N'oubliez  pas  d'écrire  un  petit  mot  à  La  Troche  sur  ce 
que  son  fils  s'est  distingué  dans  ce  passage  de  rivière. 

(Sevigné.  Lettres,  3  juillet  1673.) 

Elle  fonde  la  réunion  des  deux  pouvoirs  entre  les  mains 
du  pape  sur  ce  qu'il  n'y  a  qu'une  Église  catholique  et 
apostolique,  sur  ce  que  l'amant  du  Cantique  des  cantiques 
n'a  qu'une  colombe,  etc. 

(J.  Bastide,  Guer,  de  relig,,  p.  120,  note.) 

•Mais  il  n'en  a  pas  été  de  même  pour  les  autres  pré- 
positions qui,  dans  l'origine,  prenaient  aussi  ce  que 
après  elles. 

De  bonne  heure,  ce  disparut  comj)lèlement  de  poiir 
ce  que,  après  ce  que,  dès  ce  que,  depuis  ce  que,  qui  ont 
été  réduits  ainsi  à  pour  que,  après  que,  dès  que,  etc.. 
comme  dans  la  langue  actuelle. 

A  ce  que  est  devenu  que  avec  certains  verbes,  au 
nombre  desquels  figurent  s'attendre  et  consentir: 

,Ils  ne  s'uitendaient  pas,  lorsqu'ils  me  virent  naître, 
0"'un  jour  Domiiius  dut  me  parler  en  maître. 

(Racine,  Britann.  111,  S.  1 

Nous  conseillons  que  vous  soyez  le  juge  entre  nous  et 

l'incrédulité. 

(Massillon,  Cnr.) 

Quant  à  de  ce  que,  placé  dans  les  mêmes  circons- 
tances que  «  ce  que.  il  s'est  généralement  rédiiit  à  que, 
excepté  pour  quelques  verbes,  tels  que  les  suivants, 
après  lesquels  on  peut  encore,  à  volonté,  mettre  que 
ou  de  ce  que  : 

(S'indigner) 

Apollon,  disait-il,  indisiip  de  ce  que  Jupiter  par  ses  foudres 
troublait  le  ciel  dans  les  plus  beaux  jours,  voulut  s'en 
venger  sur  les  Cyclopes. 

{Fénelon,  62.) 


Je  l'admirais  moi-même,  et  mon  cœur  combattu, 
S'indignait  qu'an  chrétien  m'égalât  en  venu. 

(Voltaire,  Zaïre,  IV,  5.) 

(S'étonner 

Vous  faut-il  étonner  de  ce  gue  je  l'ignore? 

(Corneille,  Hor.  III,   j.) 

Ne  faut-il  pas  s'ëlonner  au  contraire 

Qu'il  en  ait  si  longtemps  différé  le  salaire? 

(Racine,  Eak.  III,   i.) 

Se  vanter 

Quel  objet  a-t-il  en  toutcela  [unjoueur  de  billard]?  Celui 
de  se  vanter  demain  entre  ses  amis  de  ce  qu'il  a  mieux 
joué  qu'un  autre. 

(Pascal,  Pmséts,  IV,  2«  édit   Hayct.) 

Que  dites-vous  de  mes  canons...  Je  puis  me  iY/n(er  du 
moins  {«'ils  ont  un  grand  quartier  de  plus  que  ceux  qu'on 
fait. 

(Molière,  Prèc.  10.) 

Or,  comme  la  plus  parfaite  équivalence  de  sens  existe, 
de  l'aveu  de  tous,  entre  s'indigner  de  ce  que  et  s'indi- 
gner que:  entre  s'étonner  de  ce  que  et  s'étonner  que,  etc.  ; 
il  me  semble  que,  par  analogie,  il  doit  eu  être  de  même 
entre  se  plaindre  de  ce  que  et  se  plaindre  que  :  la  seule 
différence  qu'il  y  ait  entre  ces  expressions,  c'est  que  la 
première  veut  l'indicatif  après  elle,  tandis  que  la  se- 
conde y  veut  le  subjonctif. 

X 
Quatrième  Question. 

Comment  faut-il  écrire  le  mot  soii\E.iv  formant  une 
espèce  d'adjectif  coinposé  arec  un  participe  passé, 
comme,  par  exemple,  dans  nouveau  >é,  nouveau  maeié? 

Les  grammairiens  ne  sont  pas  entièrement  d'accord 
à  ce  sujet  :  Giraut-Duvivier  prétend  que  nouveau  ne 
peut,  en  aucun  cas,  s'employer  dans  un  sens  adver- 
bial avec  un  substanlif  féminin;  Lave'aux  pense  de 
même,  mais  il  fait  une  exception  pour  une  fille  nouveau 
née;  enfin,  d'après  M.  Litlré,  nouveau  doit  varier 
devant  les  participes  pris  substantivement,  excepté 
devant  né,  car  on  doit  dire  les  noureau  nés,  une  fille 
nouveau  née. 

Voici  la  règle  que  je  propose  pour  mettre  fin  à  ce 
litige  : 

Lorsque  nouveau  se  trouve  placé- entre  un  substanlif 
et  un  partici]ie  passé,  il  doit  nécessairement  rester  in- 
variable, quels  que  soient  le  genre  et  le  nombre  du  subs- 
tantif, attendu  que.  dans  cette  position,  il  ne  peut  avoir 
que  le  sens  de  nouvellement,  qu'il  a.  du  reste,  dans 
d'autres  cas  encore.  Ainsi,  il  faut  dire  : 

Des  vins  nouveau  percés. 
De  la  farine  nouveau  pétrie. 
Des  enfants  nouveau  nés. 
Une  fille  nouveau  née. 

parce  que  cela  signifie  :  des  vins  qui  ont  été  nouvelle- 
ment percés  ;  de  la  farine  qui  a  été  nouvellement  pétrie  ;   * 
des  enfants  qui  sont  nouvellement  nés;  une  fille  qui  est 
nouvellement  née. 

Mais  lorsqu'il  n'y  a  pas  de  substantif  avant  nouveau, 
le  participe  qui  le  suit  se  trouve  pris  substantivement. 


456 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


et  nouveau  lui  sert  naturellement  de  qualificatif;  aussi 
doit-on  dire  et  écrire  : 

J'ai  vu  les  nouveaux  mariés. 

La  nouvelle  mariée  est  fort  belle. 

Les  nouveaux  convertis  sont  à  l'église. 

Les  nouveaux  nés  demandeiil  mille  soins. 

Cette  règle,  contre  la  logique  de  laquelle  il  me  semble 
difficile  de  réclamer,  a  pour  conséquence  que,  devant 
le  même  participe,  le  mot  nouveau  peut  être  tantôt  va- 
riable et  tantôt  invariable,  selon  ce  qui  le  précède. 
On  doit  dire  avec  nouveau  invariable  : 

J'ai  vu  ries  jeunes  gens  nouveau  mariés; 
et  avec  nouveau  variable  : 

J'ai  visité  les  nouveaux  mariés. 

X 
Cinquième  Question.  • 
Est-ce  que  le  mot  MiJonAiiON  est  bien  employé  dans 
la  phrase  suivante,  trouvée  dans  la  Liberté,  du  9  dé- 
cembre \  875  :  «...  difficultés  qui  se  résolvent  par  une 
MiJonATiON  des  frais,  et,  en  dernière  analyse^  par  vne 
diminution  sur  le  revenu  des  fabriques  »  ? 

Le  mot  majoration,  qui  ne  se  trouve  pas  dans  le  Dic- 
tionnaire de  l'Académie,  vient  du  latin  major,  plus 
grand,  et  se  dit  d'une  évaluation  à  un  trop  haut  prix 
d'un  objet  faisant  partie  d'un  apport. 

C'est  un  terme  de  jurisprudence  qui  s'emploie  par 
euphémisme  pour  désigner  une  action  frauduleuse, 
ainsi  que  le  prouvent  les  extraits  suivants  du  Moniteur 
universel  du  29  mai  1867,  page  643,  col.  6  : 

Je  passe  à  un  autre  point,  les  apports. 

Ah  !  c'est  encore  là  un  grand  moyen  de  fraude,  que  les 
habiles  ont  largement  exploité  •.  la  fraude  sur  les  apports, 
les  apports  grossis  démesurément,  des  mines  sans  valeur 
apportées  sur  le  marché  comme  des  mines  contenant  des 
trésors 

Mais  à  côté  de  ces  fraudes  caractérisées,  il  y  a  des 
industriels  possesseurs  d'usines  ou  d'immeubles,  qui  exagè- 
rent la  valeur  de  leur  propriété  et  font  ce  qu'on  appelle 
dans  un  langage  modéré  une  majoration,  ce  qui  permet  de 
tripler,  de  quadrupler  la  chose  que  l'on  possède  et  qu'on 
apporte  à  des  tiers  comme  un  cadeau 

Lorsqu'il  s'agit  d'une  majoration  qui  double  la  valeur  de 
la  chose,  la  triple,  la  quadruple,  la  loi  n'interviendrait  pas  1 

Or,  comme  dans  la  phrase  que  vous  me  signalez  le 

mot  majoration  ne  peut  signifier  autre  chose  qu'une 

.  simple  idée  d'augmentation,   puisqu'il    y   est   opposé 

à  diminution,  je  crois  pouvoir  en  conclure  qu'il  n'y 

est  pas  à  sa  place. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

Permettez-moi  de  vous  demander,  par  la  même  occa- 
sion, l'HymoliKjir  du  mot  DEîiTELLE,  et  d'espArer  que  je 
jjourrai  bicnlôt  In  lire  dans  votre  journal. 

La  dentelle  n'ajiparut  en  France  qu'au  milieu  du 


xvie  siècle;  le  portrait  de  Henri  II,  à  Versailles,  est  le 
premier  où  elle  se  soit  montrée  :  le  col  est  bordé  d'une 
petite  dentelle  bien  simple  et  bien  modeste. 

Cet  élégant  tissu  nous  est  venu  d'Italie,  du  moins  à 
en  juger  par  la  citation  suivante,  que  j'emprunte  à 
l'ouvrage  de  M.  Joseph  Séguin  [la  Dentelle),  où  elle 
est  en  note,  page  26  : 

On  lit,  en  effet,  page  3?  d'un  manuscrit  de  cette  date  ;i549| 
où  sont  énumérées  les  dépenses  de  la  maison  de  Madame 
Marguerite,  sœur  du  roi  : 

«  Pour  soi.xante  aulnes  de  fine  dantelle  de  Florence  pour 
mettre  à  des  collets.  » 

Dans  l'origine,  le  bord  de  la  dentelle  présentait  des 
dents,  ainsi  que  le  montre,  dans  l'ouvrage  que  je  viens 
de  nommer,  une  figure  de  passement  (nom  primitif  de 
la  dentelle,  parce  que  les  passementiers  avaient  seuls 
le  droit  d'en  fabriquer),  d'après  l'une  des  œuvres  du 
Vénitien  Vinciolo,  imprimée  à  Pans  en  1587. 

Or,  comme  les  Italiens  se  servaient  du  mot  dentello 
pour  désigner  l'ornement  en  forme  de  dents  qui  se 
trouve  sous  une  corniche,  il  est  probable  que,  vu  l'ana- 
logie d'aspect  entre  cet  ornement  et  le  bord  de  la 
denlelle,  ils  auront  appelé  celui-ci  dentello,  qui  veut 
dire  dentelure;  que  ce  nom  aura  passé  au  tissu  tout 
entier,  et  que  de  dentello,  dans  ce  second  sens,  nous 
aurons  fait  dentelle  (féminin  à  cause  de  la  termi- 
naison) comme  de  filuyello  et  de  ritornello  nous  avons 
fait  plosclle  et  ritournelle. 

Il  ne  me  semble  pas  possible  que  dentelle  vienne  de 
denticulus,  diminutif  du  latin  dens,  comme  le  dit 
M.  Littré.  En  elTet,  s'il  en  était  ainsi,  dentelle  aurait 
la  signification  de  petite  dent,  ce  qu'il  n'a  jamais 
voulu  dire  ;  tandis  qu'en  le  dérivant  de  dentello, 
terme  d'architeclure  en  italien,  il  signifie  une  série  de 
dents,  sens  qui,  dans  le  principe,  a  été,  comme  je  l'ai 
fait  voir,  parfaitement  applicable  à  la  dentelle. 
X 
Seconde  Question. 

Quelle  est  l'origine  de  l'expression  uomme  de  sac  et 
DE  corde,  dont  mon' dictionnaire  ne  donne  que  le  sens, 
celui  de  «  mauvais  garnement  »  ? 

Sous  le  règne  de  Charles  VI  (1380- 1422),  qui  fut 
marqué  par  plusieurs  séditions  populaires,  les  agents 
de  l'autorité  s'emparaient  secrètement  des  principaux 
factieux,  les  enfermaient  dans  des  sacs  liés  par  le  haut 
avec  vne  corde,  et  les  allaient  précipiter  dans  la  Seine, 
pendant  la  nuit,  sous  le  Pont-au-Change,  ou  bien  hors 
de  la  ville,  au-dessus  des  Célestins,  devant  la  tour  de 

Billy. 

Telle  serait,  dit-on,  l'origine  de  l'expression  homme 
de  sac  et  de  corde,  pour  désigner  un  scélérat". 

Je  ne  puis  partager  entièrement  cet  avis. 

Certainement,  le  supplice  en  question  a  existé,  car 
on  trouve  ce  qui  suit  dans  Sainte-Foix  (^Essais  sur  Paris, 
m»  vol.  p.  284,  ri"  édit.)  : 

Il  [le  connétable  d'Armagnac]  instruisit  le  Roi  de  ces 
choses  qu'on  laisse  ignorer  à  un  mari.  Louis  de  Bourbon, 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


157 


homme  aimable,  téméraire  et  fort  à  la  mode  chez  la  Rpine, 
fut  arrêté,  mis  à  la  question,  ensuite  cousu  dans  un  sac  et 
jette  dans  la  Seine. 

Mais,  quoi  qu'il  en  soit,  attendu  que  la  corde  ne 
jouait  là  qu'un  rôle  très-secondaire  (souvent  le  sac  était 
cousu  et  non  lié,  comme  le  montre  la  citation  précé- 
dente), il  me  semble  que  la  noyade  en  sac  na  pu  donner 
lieu  qu'à  hommede  .sac,  et  que  le  reite  de  l'expression, 
et  de  corde,  vient  d'une  allusion  à  un  autre  supplice, 
celui  de  la  potence,  où  le  rôle  principal  était  joué  par 
la  corde. 

Dans  son  Nouveau  divlionnuire  espaf/iio/-fr(nirais 
(1853),  Blanc  donne  à  l'expression  proverbiale  en 
question  la  forme  de  Itonmie  à  sac  et  à  corde.  C'est  une 
faute,  car  ain.si  construite,  celte  expression  signifie, 
non-  pas  homme  digne  du  sac  et  de  la  corde,  mais 
homme  ayant  un  sac  et  une  corde,  ce  qui  est  bien 
durèrent. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  fil  en  interrompant  (voir  Courrier  de  Vaiigehs,  5- année, 
p.  51,  153  et  186);  —  2»  .  .  .  qui  ressemblait,  paralt-il,  on 
ne  peut  plus  à  feu  Tantale  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  l"  année, 
n»  3,  p.  3);  —  3°  ...  que  nous  avons  vue  flamboyer  (l'épée 
flamboyait)  ;  —  4° ...  et  je  les  avais  bravement  mises  (on  ne  peut 
endosser  des  guêtres);  —  5°  ...  Les  cinq  premières  livraisons  de 
l'Histoire  de  France  illustrée  de  Michelel  viennent  de  paraître 
(Voir   Courrier  de    Vaugelas,  \"  année,  n»  1,  p.  2)  ;  —  6" 

s'étaient  en  effet  imaginé  que  leur  non-comparution   devant  ;  

7"  ...  Une  infinité  de  pierres  précieuses  brillent  sur  le  corsage; 
—  8°  ...  douloureusement  affectée  que  (voir  Courrier  de  Vau- 
gelas, 6«  année,  p.  130);  —  9°  ...  elles  espéraient...  et,  à  cet 
effet,  elles  ne  négligeaient  rieir. 

Phrases  à,  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

!•  Partout,  en  province,  des  réunions  s'organisent  dans 
le  but  d'étudier  la  question  des  candidatures,;  mais  il  reste 
beaucoup  à  faire. 

2°  Cet  omnibus,  observe  M.  Prudhomme,  devant  qui  on 
racontait  le  fait,  est  l'image  du  pays.  L'Assemblée  n'est 
plus  là  pour  guider  le  char  de  l'Etat...,  et  le  char  de  l'Etat 
roule  tout  de  même. 

3°  Donc  Mme  B...,  marchande  ambulante,  demeurant  rue 
des  Jardins-Saint-Paul,  27,  avait  très-froid.  Sous  préte.xte 
de  se  réchauffer,  elle  passa  la  journée  du  dimanche  à  boire 
petits  verres  sur  petits  verres. 

i'  Elle  lui  parlait  avec  une  aisance  si  dégagée,  si  voisine 
de  l'indifférence,  qu'elle  ne  laissait  pas  que  de  m'étonner. 

5'  Je  ne  ferai  aucune  difficulté  pour  reconnaître  que,  en 
ce  qui  s'agissait  des  avantages  extérieurs,  lefilateur  n'était 
ni  mieux  ni  plus  mal  partagé  que  les  autres  infortunés  de 
notre  catégorie. 

C"  Ce  qu'il  avait  de  plus  remarquable,  c'étaient  des  lèvres 
épaisses  et  lippues  ;  elles  donnaient  à  l'ensemble  de  sa 
physionomie  un  caractère  de  bonhomie  qui  n'était  point 
démenti  par  son  regard  extra-placide. 

^°  Qui  ne  s'est  étonné  parfois  des  gauches  efforts  que 
font  les  hommes  pour  ôter  leur  gant  avant  de  donner  une 


poignée  de  main  à  une  femme,  à  seule  fin,  semb!e-t-il, 
de  substituer  la  chaleur  de  la  main  â  la  froideur  du  gant? 
8'  Un  des  géographes  les  plus  dignes  de  foi  qu'il  y  ait 
eus,  Strabon,  dit  que  chez  les  Ibériens  du  nord  de  l'Espagne, 
les  femmes,  après  la  naissance  d'un  enfant,  soignent  leurs 
maris,  les  faisant  mettre  au  lit  au  lieu  de  s'y  mettre  elles- 
mêmes. 

'Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  XVII"  SIÈCLE. 

Marguerite  BUFFET. 

[Suite.) 

Il  n'y  a  rien  tel  et  //  n'y  a  rien  de  tel  sont  bons  tous 
deux;  mais  le  premier  se  dit  dans  la  conversation  et  le 
second  en  écrivant. 

Comme  quoy  esl  nouveau  et  bien  reçu  pour  dire 
comment,  qui  esl  encore  bon  (IGOS^. 

Bestail  et  bestial  sont  bons,  mais  bestial  est  le  meil- 
leur et  le  plus  dou.x. 

En  parlant  des  auteurs  qui  ont  écrit,  plusieurs  disent 
che::,  Aristoie,  chez  Coefeteau  ;  il  faut  dire  dans  Aris- 
tote,  dans  Coefeteau. 

Beaucoup  foui  usage  de  bailler,  qui  est  très-rude  ;  il 
n'est  bon  qu'en  pratique;  il  faut  dire  donner. 

Ne  dites  pas  comme  certains  recei-ez  mes  obéissances, 
mais  bien  mon  obéissance. 

On  dit  encore  c'est  mon  coriral;  ce  mot  esl  si  bar- 
bare qu'il  ne  se, peut  souffrir;  il  faut  dire  rival  pour  le 
masculin,  et  rivale  pour  le  féminin. 

D'après  l'usage,  on  doit  dire  peu  s'en  est  fallu  et  non 
peu  s'en  est  fcdly. 

On  peut  dire  cupidité  ou  convoitise,  l'un  et  l'autre 
sont  bons. 

Au  lieu  de  il  est  incliné  à  cela,  de  bons  auteurs  ont 
écrit  encline,  el  l'on  doit  les  suivre. 

11  ne  faut  pas  dire  les  personnes  dont  Je  viens,  mais 
bien  d' oit  je  viens. 

Parce  que  est  d'un  plus  beau  style  que  pour  ce  que. 

\e  dites  pas  tant  plus  il  en  a,  tant  plus  il  en  retit 
avoir;  cette  expression  est  fort  barbare  et  très-éloignée 
du  beau  style;  il  faut  dire  plus  il  en  a,  plus  il  en 
souhaite. 

Il  veut  ambitionner  cet  honneur  est  une  manière  de 
parler  qui  n'est  plus  reçue  ;i668^:;  il  h\x\.ù\T&  il  souhaite 
ou  il  désire  cet  honneur. 

Si  par  hasard  ou  par  aventure  sont  des  expressions 
si  anciennes  qu'elles  ne  se  disent  plus  que  chez  le  petit 
peuple. 

Notamment  ne  vaut  rien  ;  il  faut  dire  principalement. 

L'expression  il  se  vante  de  ses  proiiesses  esl  du  vieux 
style  ;  on  ne  se  sert  plus  de  ces  mots  dans  le  bel 
tisage. 

Esclavage  et  esclavitude  sont  tous  deux  bien  reçus. 


(oS 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Quand  on  fait  un  récit,  il  ne  faut  pas  dire  au  surplus; 
il  faut  employer  cm  reste. 

Au  demeurant  est  un  mot  ancien  dont  on  ne  se  sert 
plus  que  chez  les  mauvais  praticiens. 

Il  y  a  des  gens  qui  disent  //  a  clé  accueilli)  de  beau- 
coup de  mal  ;  mais  c'est  un  très-mauvais  emploi  de 
accueilli/;  on  n'en  peut  faire  usage  que  dans  une 
phrase  comme  celle-ci  :  il  a  été  accueillij  de  ses  bons 
amis:  a 

Ne  pas  confondre  tempérament  avec  température  ;  le 
premier  se  dit  des  personnes,  et  l'autre  de  l'air. 

Songer  est  plus  en  usage  qae,  penser. 

Recouvert  pour  participe  de  recouvrer  est  bon,  parce 
que  l'usage  l'a  introduit. 

Il  y  a  une  foule  de  provinciaux  qui  disent  cet  homme 
eH  riche  comme  tout  ;  cette  manière  de  parler  est  très- 
ridicule  et  très-barbare;  il  faut  dire  beaucoup ^ovl gran- 
dement riche. 

Dans  plusieurs  endroits,  on  emploie  le  singulier  pour 
le  pluriel;  par  exemple,  on  dit  la  grandeur,  la  richesse 
ne  peut  rien  sur  son  esprit;  mais  c'est  mal,  il  faut 
dire  ne  peuvent  rien. 

Mainte  fois  est  un  mot  ancien  et  hors  du  bel  usage; 
il  faut  dire  à  sa  p]ace  plusieurs  fois. 

D'un  homme  qui  a  du  zèle,  on  dit  mieux  qu'il  'ou- 
droit  se  sacrifier  pour  vostre  service,  que  s'immoler. 

A  la  Cour  on  dit  je  vas,  et  on  dit  au  Palais  je  vais; 
l'un  et  l'autre  sont  bons. 

Longuement  ne  se  dit  plus-,  il  faut  dire  longtemps. 

Orthographier  est  mieux  reçu  de  tous  les  gens  de 
lettres  qu'orthographer. 

Devers  quelqu'un  pour  vers  quelqu'un  ne  vaut  rien. 

Ne  pas  dire  j'ai  une  grande  vénération  pour  cette 
personne,  expression  dont  on  ne  se  sert  plus  guère  ;  il 
faut  dire  un  grand  respect. 

Trouver  et  treurer,  prouver  et  preuver  sonl  fort 
bons  et  tous  doux  en  usage  (1668). 

Une  souveraineté  absolui'  n'esl  pas  bien  reçu,  il  faut 
dire  une  souveraine  puissance. 

Beaucoup  disent  l'héros;  il  faut  dire  le  her^s. 

Il  faut  dire  matineux,  mntineuse,  et  non  matinal, 
matinale;  ainsi  le  veut  la  pureté  de  la  langue. 

En  suite  de  quoi/,  en  suite  de  ce,  ainsi  que  tout  en- 
tièrement liassent  jiour  ridicules,  et  sentent  le  pro- 
vincial. 

Précipitamment  csl  mclWcur  que  precipitément,  qui 
cependant  est  bon  ;  mais  le  premier  est  plus  doux. 

On  entend  dire  cet  homme  abonde  en  son  sentiment, 
ce  qui  ne  vaut  rien  ;  il  faut  dire  en  son  sens. 

Vomir  injure,  vomir  des  blasphèmes  sont  des  expres- 
sions bien  reçues,  quoiqu'elles  ne  semblent  pas  fort 
agréables. 

Au  lieu  de  peu  s'en  faut  que,  il  faut  dire  ;/  s'en  faut 
peu  que. 

Le  subjonctif  voise  pour  que  j'aille  est  encore  assez 
ordinaire  parmi  la  bourgeoisie,  mais  il  est  très-bar- 
))are  ;  au  lieu  de  il  faut  que  je  voise  en  tel  endroit,  il 
faut  dire  que  /cille. 

Ne  pas  dire  non  plus  il  est  si  bien  ajuste,  il  est  si 


bien  fait,  pour  dire  ('/  est  fort  ajusté,  il  est  bien  fait. 

Les  expressions  je  .«m/s  tout  de  feu,  ou  tout  remply 
de  z-ele  pour  sont  très-bonnes  et  du  bel  usage. 

//  a  fait  un  cadeau  et  //  a  régalé  ces  personnes  sont 
deux  bonnes  expressions. 

Honorez  moij  de  vos  lettres,  honorez-  moij  d'une  vi- 
site, façons  de  parler  qui  ne  sont  plus  en  usage  parmi 
les  personnes  de  qualité. 

Les  provinciaux  emploient  cajoleur  pour  signifier  un 
homme  fort  galant;  mais  ce  terme  ne  vaut  rien,  il  faut 
dire  civile,  galant,  qui  sont  des  termes  plus  doux  et 
mieux  reçus  (1668). 

C'est  un  railleur  vaut  mieux  que  c'est  nn  moqueur. 

On  peut  dire  d'un  lieu  qu'il  est  fort  étendu  ou  spa-  ■ 
deux;  lès  depx  sont  bons. 

Bien  des  gens  disent  on  exaucera  vostre  prière,  vostre 
demande;  cela  ne  vaut  rien,  il  faut  dire  accordera; 
pour  Dieu  seul  on  dit  exaucer. 

Ne  pas  dire  cela  vous  sera  nuisible;  il  faut  dire  vous 
sera  contraire;  nuisible  est  ridicule. 

En  parlant  d'un  endroit  où  l'on  veut  aller,  il  ne  faut 
pas  dire  nous  y  allons  tretous;  ce  mot  est  ridicule,  il 
faut  dire  tous. 

Ceux  qui  disent  des  cocombres  parlent  mieux  que 
ceux  qui  disent  des  concombres. 

Quand  on  demande  à  quelqu'un  s'il  ira  dans  un  cer- 
tain endroit,  il  répond  souvent  nanny;  c'est  un  terme 
vieux  et  barbare;  il  faut  dire  non. 

Encore  un  fort  «  méchant  «  mot,  qui  est  en  usage 
parmi  les  gens  de  province,  c'est  itou,  pour  aussi  ;  ne 
dites  pas  et  moy  itou,  mais  bien  et  moy  aussi. 

Reaucoup  disent  une  ormoire  quand  il  faut  dire 
une  armoire. 

11  ne  faut  dire  ni  tomber  es  mains,  ni  tomber  aux 
mains  de  quelqu'un;  il  faut  dire  entre  les  mains. 

Ne  dites  pas  je  veux  luy  complaire,  qui  est  du  «  vieil  » 
style,  il  faut  dire  je  veux  luy  plaire. 

On  ne  se  sert  plus  de  faire  pièce  à  quelqu'un,  qui 
est  une  vieille  manière  de  parler  (^668). 

En  parlant  de  quelqu'un  qui  est  propre,  il  faut  dire 
sa  pro/ireté  est  grande,  et  non  sa  propriété,  qui  n'est 
bien  qu'en  pratique  et  chez  les  procureurs. 

Je  ne  vois  personne  si  heureux  ou  si  heureuse  que 
vous  n'est  pas  bon  ;  il  faut  Aire,  point  d'homme  si  heu- 
reux, ou  point  de  femme  si  heureuse,  selon  les  per- 
sonnes à  qui  l'on  parle. 

Beaucoup  de  gens  disent,  sans  penser  faire  de  faute, 
je  voy  tout  mon  voisiné,  pour  tout  mon  voisinage. 

Ceux  qui  veulent  bien  i)arler  doivent  éviter  de  com- 
mencer un  discours  par  de  façon  que,  de  manière  que, 
de  sorte  que,  expressions  très-ridicules  entre  ceux  qui 
parlent  correctement. 

Au  lieu  de  dire  il  esloil  bien  en  vouloir  de  faire  cette, 
affaire,  il  faut  dire  bien  en  volonté. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rédactedu-Gkium  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


I5i) 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Trésorière.  Jarny  l'ermite.  Les  Conseils  de 
révision.  Les  Réfractaires  ;  par  Amédée  Achard.  In-18 
Jésus,  319  p.  Paris,  lib.  Nouvelle.  3  fr.  50. 

Pied- Léger,  ou  Aventures  d'un  jeune  montagnard; 
par  Mme  Gabriellé  d'Arvor.  In-18  jésus,  352  p.  Paris, 
lib.  Tolra. 

L'Admirable  Don  Quichotte  de  la  Manche  ;  par 
Michel  Cervantes.  Traduction  nouvelle  par  M.  Damas- 
Hinard ,  traducteur  du  Romancero  espagnol.  2  vol.  in-18 
Jésus,  x.\.\i-10C/(  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  7  fr. 

Lettres  de  mon  moulin,  impressions  et  souvenirs; 

par  Alphonse  Baudet.  S"  édition.  In-18  jésus.  306  p.  Paris, 
11b.  Hetzel  et  Cie.  3  fr. 

Paris,  ses  organes,  ses  fonctions  et  sa  vie  dans 
la  seconde  moitié  du  XIX"  siècle;  par  Maxime  Du 
Camp.  3«  édit.,  T.  5  et  6.  In-8°,  lOli  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  Chaque  vol.  7  fr.  50. 

Les  Animaux  articulés,  les  poissons  et  les  reptiles  ; 
par  Louis  Figuier.  Ouvrage  accompagné  de  222  gravures 
dessinées  par  A.  Mesnel.A.  de  Neuville  et  E.  Riou.  3*  édit. 
Ili-8°,  482  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  10  fr. 

L'Ane  mort  et  la  Femme  guillotinée;  par  Jules 
Janin.  Edition  conforme  au  texte  original  et  précédée  de 
l'autobiographie  de  l'auteur.  In-18  jésus,  lviii-222  p.  et 
1  gr.  à  l'eau-forte.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  3  fr.  50. 

Contes  et  Nouvelles  de  La  Fontaine.  Nouvelle  édi- 
tion, revue  avec  soin  et  accouipagnée  de  notes  explica- 
tives. In-18  jésus,  vui-il9  p.  et  grav.  Paris,  lib.  Garnier 
frères. 

Histoire  de  Napoléon  V  ;  par  P.  Lanfrey.  8»  édition. 
T.  2.  In-18  jésus,  515  p^  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie. 
3  fr.  50. 

La  Confession  d'un  enfant  du  siècle  ;  par  Alfred  de 
Musset.  Avec  un  portrait  de  l'auteur,  dessiné  à  la  sanguine 
par  Eugène  Lami,  fac-similé  par  M.  Legenisel.  ln-32, 
i73  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  U  fr. 


Journal  et  Correspondance  d'André-Marie  Ampère 
(de  1793  à,  1805)  ;  recueillis  par  Mme  H.  C.  G"  édition. 
In-18  jésus,  372  p.  Paris,  lib.  HeUel  et  Çie.  3  fr. 

Alice,  ou  les  Mystères;  par  Sir  Edward  Bulwer 
Lytton.  Roman  traduit  de  l'anglais.  In- 18  jésus. /t58  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  1  fr.  25. 

Un  mois  en  Italie.  Gênes,  Bologne,  Florence,  Pise, 
Rome,  Naples,  Venise,  Milan,  Turin  et  le  Mont- 
Cenis;  par  F.  Chou,  ancien  professeur  d'histoire  à  la 
faculté  des  sciences  de  Lille.  In-18  jésus,  521  p.  Lille, 
lib.  Danel. 

Etude  historique  sur  la  nationalité  française  et 
les  causes  de  son  état  social,  avec  les  principales 
inventions  et  découvertes  de  l'esprit  humain  jusqu'en 
1800;  par  Mlle  Delpech.  institutrice.  Gr.  in-16,  263  p. 
Paris,  lib.  Bonhoure  et  Cie  ;  Sandoz  et  Fishbacher. 

"Virginie  Déjazet,  1797-1875  ;  par  Georges  Duval.  Avec 
une  eau  forte  de  M.  Gonzague  Privât.  Nouvelle  édition. 
In-18  jésus,  225  p.  Paris,  lib.  Tresse.  3  fr.  oO. 

Cours  complet  de  langue  française  (théorie  et 
exercices)  ;  par  M.  Guérard,  directeur  des  études  à  Sainte- 
Barbe.  !■'<'  partie.  Grammaire  élémentaire  d'après  Lho- 
mond.  Nouvelle  édition.  In-12,  129  p.  Paris,  lib.  Delagrave. 

Poésies  d'A.  Lacaussade.  Les  Epaves.  Le  Poète  et  la 
■Vie.  Les  Anacréontiques.  Etudes  poétiques.  Les  Au- 
tomnales. Poèmes  nationaux.  In-8",  269  p.  lib.  Lemerre. 
3fr. 

Le  comte  Gaston  de  Raousset-Boulbon,  sa  vie  et 
ses  aventures,  d'après  ses  papiers  et  sa  correspondance; 
par  Henry  de  LaMadelène.  Nouvelle  édition,  accompagnée 
d'une  préface  et  d'un  appendice  inédits.  In-18  jésas,  vii- 
326  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

L'Auberge  du  monde.  La  marquise  de  la  Lucilière; 
par  Hector  Malot.  In-18  jésus,  426  p.  Paris,  lib.  Dentu. 
3fr. 


Publications  antérieures  : 


LES  VIBR.\TIONS  POÉTIQUES.  —  Par  Auguste  Ba- 
LUFFE.  —  Un  vol.  in-18.  —  Paris,  librairie  académique 
Didier  et  Cie,  35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


ESSAIS  SUR  LA  M\THOLOGIE  COMP.VRÉE,  les  tra- 
ditions ET  LES  COUTUMES.  —  F'ar  M\x  MiiLLER,  assoclé 
étranger  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  belles-lettres, 
professeur  à  l'Université  d'Oxford.  —  Ouvrage  traduit  de 
l'anglais  avec  l'autorisation  de  l'auteur  par  Georges  Perrot 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale.  —  Deuxième 
édition.  —  Paris,  librairie  académique  Didier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  4  fr. 


LES  PASSIONS.  —  Par  le  D"-  F.  Frédault.  —  Paris, 
librairie  Victor  Palmé,  éditeur,  25,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  W  et  la  5<^  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1",  ta  2=  et  la  3«  année  doivent  être  pro- 
chainement réimprimées. 


LA  CHASSE  AUX  SOUVENIRS.  —  les  derniers  péchés  du 

chevalier    de    VAUCELAS.     —    LA     BALLE    ENCHANTÉE.    —    Paf 

le  marquis  G.  de  Cherville.  —  Paris,  librairie  de  Firmin 
Didot  et  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut,  56,  rue  Jacob. 


LA  GR.\MMAIUE  FR.\NÇ.MSE  .\PRfcS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


HO 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


LA  BONTE,  ouvrage  couronné  par  rAcadémie  fran- 
çaise. —  Par  Charles  Rozan.  —  Cinquième  édition.  — 
Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 


SONNETS  PARISIENS,  caprices  et  fantaisies.  —  Par 
Gabriel  Marc.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre,  éditeur,  27 
et  29,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


CATALOGUE     DESCRIPTIF     ET     RAISONNE 


Manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  Tours. 


Par  M.  X.  DORANGE,  Conservateur. 


Gros  in-quarto  à  2  colonnes  de  583  pages. 


Cet  ouvrage,  qui  a  coûté  dix  ans  de  travail  à  son  auteur,  a  été  apprécié  comme  il  suit  par  M.  Léopold  Delisle, 
administrateur  de  la  Bibliothèque  nationale  {Journal  officiel  du  29  juin  1875)  : 

»  La  ville  de  Tours  possède  une  des  plus  riches  collections  de  manuscrits  qui  existent  en  France.  La  description 
qu'en  donne  M.  Dorange,  dans  son  Catalogue  de.scriptif  et  raisonné  de  la  dibliothéque  de  Tours,  rendra  de  réels 
services  à  la  science.  C'est  dans  cette  collection  que  M.  Luzarche  a  découvert  le  drame  d'Adam,  et  que  M.  Thurot  a 
trouvé  un  manuscrit  qui  a  notablement  amélioré  le  texte  des  lettres  familières  de  CiC('-ron.  Le  travail  de  M.  Dorange 
permettra  de  faire  encore  plus  d'une  découverte  intéressante.  La  municipalité  de  Tours,  qui  a  fait  les  frais  du 
Catalogue,  mérite  aussi  la  reconnaissance  des  savants.  » 

FAMILLES     PARISIENNES 
Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


Dans  le  quartier  du  nouvel  Opéra.   —  Une  dame 

pleine  de  distinction  et  très-instruite  reçoit  de  jeunes 
étrangères  pour  compléter  leurs  études  en  langue  fran- 
çaise. —  Excellentes,  leçons  de  piano. 


Avenue  de  la  Grande  Armée  (prés  de  l'Arc  de 
triomphe  de  l'Etoile).  —  Dans  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très-bel  appartement. 

(Lès  adresses  sont  données  au  Bureau  du  Journal.) 


A  Passy  (près  du  Hanelagh).  —  Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pensionùaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Au  centre  de  Paris.  —  Un  pasteur  recevrait  volon- 
tiers comme  pensionnaires  trois  ou  quatre  jeunes  filles, 
qui  trouveraient  dans  sa  maison  la  vie  de  famille  et,  au 
besoin,  des  leçons. 


CONCOURS    LITTÉRAIRES. 


Société  d'émulation  de  Cambrai.  Extrait  du  programme  des  questions  mises  au  concours  pour  1876.  Poésie.  Le  sujet 
et  l'étendue  de  la  pièce  destinée  à  le  traiter,  sont  laissés  au  choix  des  concurrents.  —  Une  lyre  d'argent  ou  une 
médaille  dont  la  nature  et  la  valeur  sont  subordonnées  au  mérite  de  l'ouvrage,  sont  affectées  également  à  ce  con- 
cours. —  Les  travaux  et  mémoires  inédits  et  n'ayant  jamais  figuré  dans  aucun  concours  seront  seuls  admis.  Ils  porte- 
ront une  épigraphe  répétée  sur  un  pli  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  et  devront  être  adressés, 
franco,  avant  le  !•■•■  Juin  I81(i  au  Président  ou  au  Secrétaire  général  de  la  Société.  —  Les  œuvres  non  couronnées  ne 
sont  pas  rendues,  et  les  plis  cachetés  qui  les  accompagnent  sont  brûlés  en  séance. 


Société  florimo.ntane  d'Annecy.  —  Concours  de  1876.  —  Poésie  :  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux 
concurrents.  —  Le  nombre  minimum  des  vers  est  fixé  à  cent.  —  Les  travaux  seront  composés  en  langue  française. 

—  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  ces  travaux  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

—  Les  auteurs  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus.  —  Lhs  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à 
l'intérieur  d'un  billet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux 
archives  de  la  Société,  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie. 


La  Société  académique  de  Saint-Quentin  propose  des  médailles  d'or  pour  les  sujets  suivants,  rais  au  concours  pour 
l'année  1876  :  Poésie.  —  Sujet  laissé  au  choix  des  concurrents.  Cantates.  —  Sujet  également  laissé  au  choix  des 
concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  concours  devront  remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national 
de  musique  pour  le  prix  de  iiome,  c'est-à-dire  être  à  personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'homme),  et 
contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un  trio  final.  —  La  Cantate  de  1876  servira  de  texte  pour  le 
concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1877.  Littérature.  —  1"  question  :  «  Etude  sur  la  poésie  contemporaine.  »  — 
2"  question  :  «  Des  moyens  de  développer  le  goût  de  l'étude  dans  toutes  les  conditions  sociales.  » 

Le  rédaclenr  du  Courrier  de  Vaugelas  e.sl  visible  à  son  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUPELEY  à  Nogent-le-Rotrou. 


6"  Année 


N"  21. 


1"  Mars  1876. 


QUESTIONS 

GRAMMATICALES 


L  E 


^« 


>^V  \  \>-^  Jourîial  Semi-3Iensuel  ^O/ 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Pavalaiant    le    1**  et    le    15    de    chaque   moU 


'% 


(Dans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celte  publicalio n.) 


PRIX  : 
Abonnement  pour  la  France.    6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 
Annonces,  la  ligne.          50  c. 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROPESSEDB    SPÉCIAL  POUR    LES    ETRANGERS 

Officier  <l'A(dJémie 
2G,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 

SO.M  MAIRE. 
Communications  sur  Prannel,  Sautoir  et  Fou,  signifiant  quantité 
considérable,  —  Jusiificalion  de  la  construction  //  n'ij  a  pas 
que;  —  Si  le  mol  Admonestation  est  français.  ||  Elymologie 
de  Quiproquo;  —  Explication  de  l'expression  Comme  quoi  ;  — 
Si  Majoration  est  un  terme  bien  français.  ||  Passe-temps 
grammatical  ||  Suite  de  la  biographie  de  Marguerite  Buffet.  || 
Ouvrages  d»  grammaire  et  de  littérature.  ||  Familles  pari- 
siennes pour  la  conversation .    Il    Concours  lilttéraires. 


FRANCE 


COM.MU.NIGATIONS.      ' 
I. 

A  la  dale  du  17  janvier,  un  abonné  d'.\Igérie  m'a 
adressé  une  lettre  dont  je  m'empresse  de  mettre  la  der- 
nière partie  sous  les  yeux  de  mes  lecteurs,  comme 
relative  à  la  question  du  mot  prannel,  traitée  dans 
un  numéro  de  cette  sixième  année  : 

Et)  outre,  au  sujet  du  «  prannel  »  dont  vous  avez  parlé 
au  numéro  0  du  journal  de  cette  année,  veuillez  me  per- 
mettre, Monsieur  le  Rédacteur,  de  vous  faire  la  remarque 
suivante  : 

Dans  le  patoi.s  de  Monlliureux-sur-Saùne  (Vosges),  mon 
pays  natal,  je  me  rappelle  que  prannel  ou  pranné  {car  dins 
les  mots  terminés  par  cl,  ces  deux  lettres  se  prononcent 
c;  exemples  :  cliépo  =  chapel  =  chapeau  ;  bé  =  bel  = 
beau,  etc.),  prannel,  dis-je,  désigne  une  espèce  de  grille  en 
bois  s'élevant  â  la  moitié  de  la  hauteur  de  la  porte,  et 
défendant  à  la  volsilln  l'entrée  do  la  maison. 

Conséquemment,  le  prannel  dont  voiis  avez  entretenu 
vos  lecteurs  ne  serait-il  pas  une  sorte  de  grille  s'étendant, 
comme  un  garde-fou,  du  haut  en  bas  de  l'escalier  qui  con- 
dtiisait  à  la  chambre  de  Jeanne  d'Arc? 

Je  vous  livre,  .Monsieur  le  Rédacteur,  cette  observation 
pour  ce  quelle  vaut,  et  vous  prie  de  vouloir  bien  agréer 
les  respects  de 

G.  RoLi.i.N, 
Instituteur  à  Hennaya,  prov.  d'Oran,  Algérie. 

Pour  répondre  à  celle  question,  il  faudrait  en  quelque 
sorte  connaître  l'histoire  de  l'escalier  qui  conduisait  à 
la  chambre  de  Jeanne  d'Arc.  A-t-il  jamais  eu  une  espèce 


de  grille  pour  servir  de  garde-fou?  Sa  disposition  eût- 
elle  permis  d'en  établir  une?  Cela  fut-il  jamais  chose 
nécessaire  ?  Tant  que  je  n'aurai  pas  ces  renseignements, 
que  je  ne  pourrais  guère  me  procurer  qu'en  allant  sur 
les  lieux,  il  me  sera  impossible  de  décider  si  le  prannel 
vosgien  et  ]e  prannel  rouennais  sont  termes  synonymes. 
II. 
Le  5  février,  j'ai  reçu  la  lettre  suivante  à  propos  de 
l'étymologiede  sautoir  que,  dans  mon  dernier  numéro, 
je  déclarais  n'avoir  pu  trouver  : 

Monsieur, 

Le  sautoir,  meuble  héraldique,  est,  comme  toutes  les 
pièces  honorables  du  blason,  un  emprunt  fait  aux  mœurs 
chevaleresques;  c'est  une  des  pièces  de  charpente  de  la 
barrière  qui  entourait  la  lice  du  tournoi  :  en  effet,  dans 
la  construction  de  cette  enceinte,  nous  retrouvons  une 
série  complète  des  meubles  les  plus  simples  et  les  plus 
usités  de  l'écu  :  le  pal,  la  bande,  la  barre,  la  fasce,  les  ju- 
melles, les  cotices,  la  devise,  le  chevron,  la  croix,  le  sau- 
toir enfin,  etc.,  etc.,  dénominations  usitées  encore  de  nos 
jours  dans  le  vocabulaire  du  charpentier. 

Il  est  facile,  dans  le  croquis  d'une  barrière,  de  retrouver 
toutes  ces  dispositions,  dont  le  pal  est  le  générateur. 

,Ici  un  dessin  que,  malheureusement,  je  ne  puis  repro- 
duire.] 

D'où  les  adjectifs  (pour  indiquer  les  partitions  de  l'écu 
dérivées  de  ces.  figiu"es)  paie,  bandé,  barré,  fascé,  che- 
vronné, etc. 

Pardonnez-moi  le  gribouillage  ci-dessus,  qui,  quelque 
imparfait  qu'il  soit,  suffira  pour  illustrer  la  théorie  que  j'ai 
développée  succinctement,  et  que  j'ai  lieu  de  croire  bien 
fondée  :  vous  la  trouverez  d'ailleurs  exposée  dans  les  plus 
anciens  et  les  plus  accrédités  adeptes  de  l'art  héraldique. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  dis- 
tinguée. 

Georges  Garnieb. 

■Bayeux,  4  février  1876. 

Grâce  au  savant  .M.  Georges  Garnier,  à  qui  je  m'em- 
presse d'adresser  mes  bien  sincères  remerciements,  on 
connaîtra  dorénavant  l'objet  dont  l'image  se  retrouve 
dans  le  sautoir  héraldique  ;  c'était,  et  c'est  encore,  dans 
l'art  du  charpentier,  la  croix  formée  par  deux  pièces 
de  bois  posées  diagonalement  dans  un  rectangle  repo- 
saiit  sur  l'un  de  ses  petits  côtés. 


462 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Mais  si  la  question  clc  l'étymologie  de  Miutoir  a  fait 
un  pas,  elle  est  bien  loin  encore  d'être  entièrement 
résolue;  car  il  reste  à  savoir  maintenant  d'où  vient 
sautoir,  terme  de  charpenterie,  ce  qui  ne  me  parait 
nullement  facile  à  découvrir. 
III. 

Voici  eâfin  une  lettre  ayant  trait  à  mon  explication 
de  l'adjectif /"oM,  appliqué  à  une  somme  d'argent  ou  à 
une  grande  quantité  de  personnes  : 

Roanne,  le  6  février  1876. 
Monsieur, 

Veuillez  me  permettre  d'élever  quelque  doute  sur  le 
bien  fondé  de  l'étymologie  que,  dans  votre  Courrier  du 
15  janvier,  vous  donnez  au  mot  fou,  employé  dans  le  sens 
de  quantité  considérable. 

Je  me  suis  un  peu  occupé  d'étymologies  autrefois,  et 
j'ai  conservé  de  mes  très-humbles  recherches  quelques 
notes  où  je  puise  ce  qui  suit  : 

L'expression  italienne  a  pressa  folla,  à  foule  pressée, 
était  très-usitée  il  y  a  deux  ou  trois  siècles,  aussi  bien  que 
a  folla  ou  in  folla,  qui  a  subsisté.  On  sait  qu'au  temps  des 
reines  de  France  de  la  maison  de  Mêdicis,  un  grand 
nombre  de  mots,  de  locutions,  de  proverbes  italiens  s'in- 
troduisirent dans  le  langage  des  gens  de -Cour.  Il  était 
même  de  bon  ton  d'entre-mèler  le  parler  français  de 
paroles  italiennes;  les  moins  courtisans  se  contentaient  de 
franciser  tels  mots  italiens  par  la  suppression  des  voyelles 
finales.  Quelques-uns  de  ces  barbarismes  courtisanesques 
ont  fini  par  prendre  pied  dans  notre  langue,  non  sans 
éprouver  d'étranges  modifications.  L'adjectif  de  quantité 
fou  (un  monde  fou,  des  sommes  folles)  vient  de  l'italien 
folla.  que  les  Français  traduisirent  par  fol  ou  folle  suivant 
le  genre.  On  aura  commencé  par  dire  une  presse  folle, 
pour  traduction  libre  de  pressa  folla;  traduction  que  facili- 
tait alors  le  sens  du  mot  presse,  plus  usité  dans  ce  temps- 
là  que  foule  et  multitude;  puis,  on  aura  dit  un  monde  fol, 
des  sommes  folles,  par  extension. 

Je  livre  mon  étymologie  à  votre  indulgence,  Monsieur, 
et  je  vous  prie  de  vouloir  bien  agréer  l'expression  de  ma 
haute  considération. 

P. 

En  remerciant  l'auteur  de  cette  communication,  je 
puis  lui  donner  l'assurance  que  si  j'avais  connu  plus 
tôt  son  étymologie,  je  n'aurais  pas  hésité  un  instant  à 
la  proposer  à  la  place  de  la  mienne. 

X 

Première  Question. 
Je  vous  serais  très-obliyé  de  me  faire  connaître  rotre 
opinion  sur  l'expression  me...  pas  «ce...,  qiialiliéc  de 
barbarisme  pur  M.  Desclianel  dans  un  article  que  repro- 
duit le  Dictionnaire  de  Litlrc  à  litre  de  saine  doclritie 
grammaticale  [Hem.  \,  p.   1513). 

Dans  une  Revue  de  quinzaine  [Journal  des  Débats  du 
23  août  18G0),  .M.  Emile  Desclianel  termine  ainsi  l'ap- 
préciation d'un  ouvrage  de  M.  Charles  Nisard,  intitulé 
les  Gladiateurs  dr  la  liépublique  des  Lettres  : 

Enfin,  j'ai  dit  et  je  ne  m'en  dédis  pas,  que  ces  deux  vo- 
lumes sont  écrits  avec  soin  et  même  avec  recherche.  On 
y  pourrait  cependant  noter  çà  et  là  quelques  incorrections 
DU  inadvertances. 

Tome  1"  page  305  :  €  A  Kome,  il  n'y  aiail  pas  que  des 
esclaves  (lui  fissent  le  métier  de  gladiateurs.  »  —  C'est  là, 
dans  le  sens  où  l'emploie  M.  Charles  .Nisard,  une  construc- 
tion horriblement  harbare,  quoi(|ue  fort  usitée  aujourd'hui. 
On  n'en  trouverait  pas  un  seul  exemple  dans  toute  la  litté- 


rature française  avant  la  fin  du  dix-huitième  siècle.  Le 
plus  ancien  que  j'aie  rencontré  est  de  Maurice  Dupin, 
petit-fils  du  maréchal  de  Saxe  et  père  de  Mme  Sand.  C'est 
dans  une  lettre  qu'il  écrit  à  sa  mère  en  1798.  Je  ne  con- 
nais avant  cette  date  aucun  exemple  de  pareille  faute 
dans  les  écrivains  français.  Grammaticalement,  en  effet,  et 
logiquement,  si  cette  construction  signifiait  quelque  chose, 
elle  signifierait  précisément  le  contraire  de  ce  qu'on  veut 
lui  faire  dire  quand  on  l'emploie  aujourd'hui.  Je  n'en  veux 
pour  preuve  que  ce  vers  du  vieil  Horace  dans  Corneille  : 

Ils  ont  vu  Rome  libre  autant  qu'ils  ont  vécu. 

Et  ne  l'auront  point  vue  obéir  qu'k  son   prince. 

C'est-à-dire:  «  Etne  l'auront  point  vue  obéir,  s/ re  «'es/ à  son 
prince,  Ni  d'un  état  voisin  devenir  la  province.  »  Tel  est  le 
sens  français  et  correct  de  cette  tournure,  quoique  aujour- 
d'hui un  grand  nombre  de  personnes,  et  même  d'écrivains 
l'emploient  fréquemment  dans  le  sens  opposé.  Pour  eux, 
ce  vers  de  Corneille  voudrait  dire  :  «  Et  ne  l'auront  point 
vue  obéir  seulement  à  son  prince.  »  C'est  justement  tout  le 
contraire. 

Et  voie.i  d'où  vient  la  confusion.  Ils  s'imaginent,  faute 
d'avoir  retléchi,  que  cette  tournure  il  n'y  a  pas  que  est 
l'opposé  de  il  n'y  a  que,  tandis  qu'au  fond,  soit  grammati- 
calement, soit  logiquement,  ces  deux  tournures  n'en  sont 
qu'une,  témoin  le  vers  de  Corneille.  En  effet,  en  ajoutant 
simplement  le  mot  pas  à  la  tournure  il  n'y  a  que,  on  croit 
ajouter  une  seconde  négation  à  la  première,  ce  qui  serait 
indispensable  pour  que  l'un  signifiât  le  contraire  de  l'autre; 
mais  en  réalité,  on  n'y  ajoute  rien  du  tout,  si  ce  n'est  le 
mot  pas,  purement  explétif,  qui,  soit  qu'on  le  mette  ou 
qu'on  l'omette,  fait  partie  virtuellement  de  la  première 
négation,  et  ne  saurait  à  lui  tout  seul  en  constituer  une 
seconde.  Je  tout  seul,  ou  ne  pas  à  volonté,  n'est  qu'une 
seule  et  même  négation.  Corneille  a  bien  dit  ce  qu'il 
voulait  dire;  mais  les  auteurs  d'à  présent  se  servant  de  la 
même  tournure  pour  dire  le  contraire,  font  un  barbarisme 
de  phrase  et  au  fond  un  non-sens.  Ce  qui  n'empêche  pas, 
je  le  répète,  que  cette  tournure  ne  soft!  tout-à-fait  usitée 
aujourd'hui,  mais  bien  à  tort,  et  depuis  1798  seulement. 

Je  regrette  d'avoir  à  le  dire,  mais  cette  doctrine,  que 
M.  Litlré  partage  complètement  et  en  vertu  de  laquelle 
il  déclare  que  il  n'y  a  pas  cjue  lui  cjui  ait  fait  cela,  est 
une  construction  vicieuse,  cette  doctrine,  dis-je,  me 
parait  constituer  une  grave  erreur,  ainsi  que  je  vais 
essayer  de  vous  le  démontrer. 

Au  XVI"  siècle,  pour  ne  pas  remonter  plus  haut,  et 
même  jusqu'au  delà  de  la  première  moitié  du  xvn%  la 
construction  des  négatives  pas  cl  point  était  bien  diffé- 
rente de  ce  qu'elle  est  aujourd'hui.  Ainsi 

1"  Dans  le  second  membre  d'une  comparaison  d'in- 
fériorité et  après  un  superlatif,  on  melluit  pas  ou  point , 
comme  le  font  voir  ces  exemples  : 

Piqué  contre  Alaric  plus  qu'il  »'est  pas  croyable. 

(D'frfé,  A.ilrée,   I,  2.) 

S'il  était  autrement  situé  au  respect  de  l'œil  qu'il  «'est 
pas. 

(Descartes,  t'Ilomme.) 

La  négociation  de  la  reine  mère  avec  le  roi  de  Navarre 
dans  la  ville  de  iNérac  OlMta plus  longtemps  qu'elle  «avoit 
pas  cru. 

(Xlezeray.  Abr.  dp  riJist.  de  Fr.  année  15^9.) 

Je  lui  fis  feste  d'avoir  la  meilleure  robe  qu'il  avoit  point 
vue. 

(Marguerite,  A'oHr.  IV.) 

Cela  émeut  une  crierie  et  un  tumulte  le  plus  grand  qui 
euet  encore  point  esté  sur  la  place. 

(Amyot,  Com.  72,} 

2"  Les  mots  négatifs  personne,    aucun,    rien,    nul. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


^63 


(jui-re.  etc.  se  faisaient  très-bien  précéder  de  ne...  [xm, 
ne...  point,  ce  dont  les  preuves  abondent: 

Tarquinus  respondit  fièrement  qu'il  ne  vouloit  point  que 
pccsojiiie  fust  son  juge.  .   „  ,    „  . 

'^  (Amyot,  Pu'/.  34  ) 

Nous  lie  mettons  point  aucune  vertu  aux  créatures. 

(CalTin.  Ijislit.  io35.) 
Ceulx-  qui  naissent  roys  ne  sont  pas  communément  gu&-es 

meilleurs.  ^,    .  .       ,„  ,,   , 

(Montaigne,  IV,  367.) 

Là,  ne  vous  troublez  point.  Répondez  à  votre  aise. 
On  ne  veut  pns  rien  faire  ici  qui  vous  déplaise. 

(Racine,  Plaideur';,  J[,  5.) 

3"  Enfin  ne...  pas  et  ne...  point  se  construisaient 
généralement  avec  que  après  eux,  dans  le  sens  restrictif 
de  seulement  :  voici  de  quoi  persuader  à  cet  égard  : 

.Vous  ne  reprouvons  point  le  vœu  de  s'abstenir  de  ma- 
riase  oue  pour  ces  deux  causes. 

.  (Calïin,  Tiist.  888.) 

Et  que  le  mal  qui  en  pourroit  venir 
ye  pourroit  pas  tumber  que  sur  la  teste 
.     Du  mal  parlant,  qui  trop  se  montra  beste. 

(Marot,  I,  356  ! 

Je  ne  trouve  point  d'argent  qu'à  la  pointe  de  l'épée,  de 
petits  créanciers  dont  je  suis  encore  étranglée,  etc. 

(Sèvigné,   Lettre  du  2  août  16S9.) 

Ils  ont  vu  Rome  libre  autant  qu'ils  ont  vécu, 
Et  ne  l'auront  poifi<  vue  obéir  qu'k  son  prince. 

(CorneUle,  Horace,  III.  6  ) 

A  partir  de  la  seconde  moitié  du  xvii^  siècle,  on  sup- 
prima/)fls  et  ^;ô(»<  dans  toutes  les  expressions  analo- 
gues aux  précédentes.  Vaugelas  avait  déclaré  cette 
suppression  nécessaire,  et  l'on  se  rappelle  ces  vers  des 
Femmes  savantes,  qui  veulent  chasser  .Martine  parce 
qu'elle  avait  employé  pas  en  compagnie  de  rien  : 

De  pas  avec  rien  tu  fais  la  récidive  ; 

Et  c'est,  comme  on  t'a  dit,  trop  d'One  négative. 

Tous  les  grammairiens  du  xviir'  siècle  et  du  nôtre 
ont  adopté  cette  règle,  qui,  depuis,  a  toujours  été  rigou- 
reusement appliquée  par  les  bons  écrivains. 

Pas  elpoint  ayantainsi  disparu  à  tout  jamais  dans  la 
troisième  catégorie  d'exemples  que  j'ai  indiqués  {que 
mis  après  «e... /)«.<,  7ie...  point  comme  aussi  dans  les 
autres,  il  s'en  est  suivi  que  l'expression  ne...  que  nous 
est  restée  dans  le  sens  de  seulement. 

Or,  on  intercale  \.ves-hien  pas  cl  point  dans  les  expres- 
sions abrégées  tte...  personne,  ne...  rieri, ne...  r/uère, etc. 
pour  faire  des  répliques  contradictoires  : 

Vous  n'avez  vu  personne  alors?  —  Je  «ai  pas  \u  per- 
.•ionne,  puisque  j'ai  rencontré  M.  un  tel. 

Ainsi,  brave  chasseur,  vous  n'avez  rien  tué'?  —  Je  n'ai 
pas  rien  tué,  puisque  je  rapporte  un  perdreau. 

Je  crois  qu'il  n'a  aucun  talent?—  Non,  non,  il  »'a  pas 
aucun  talent,  tant  s'en  faut. 

Pourquoi  ne  serait-il  pas  également  permis  de  les 
intercaler  dans  ne...  que,  expression  de  même  espèce, 
pour  changer  d'affirmatif  en  négatif  le  sens  delà  phrase 
où  ladite  expression  se  rencontre? 

D'ailleurs,  attendu  qu'on  dit  ne...  que  pour  seule- 
ment, et  que  devant  ce  dernier  on  peut  mettre  ne...  pas, 
il  faut  nécessairement  que  ne...  pas  que  soit  l'équiva- 
lent de  7ie...  pas  seulement. 

Quoi  qu'en  ait  dit  M.   Emile  Deschanel,  la   tour- 


nure dont  il  s'agit,  conséquence  d'un  changement  con- 
sidérable apporté  à  la  svntaxe  de  pas  et  de  point  dans 
la  seconde  moitié  du  xvn"  siècle  voilà  pourquoi  on 
n'en  trouve  guère  d'exemples  que  dans  le  xvin"!  me 
semble,  à  moi.  être  très-légitime,  et,  partant,  ne 
pas  impliquer  la  moindre  incorrection. 

X 

Seconde   Question. 

Le  mot  ADMO?iESTATiON  est-il  français  ?  J'ai  cherché 
ce  mot  dan.i  Bescherelle,  et  je  ne  l'y  ni  point  trouvé; 
il  est  employé  cependant  dans  un  article  du  Corkespon- 
Di>T,  et  vous-même,  vous  rous  en  êtes  servi  dans  le 

COCBEIERDE  'VaUGELAS  ? 

Le  verbe  admonester,  venu  du  bas-lalin  admonestare 
latin  classique  admonere,    avertir),  a  existé  de   bout 
temps  dans  notre  langue;  en  voici  la  preuve  : 
Li  prélat  du  reaume  l'en  unt  amonesté. 

[Th.  le  Mnrlyr,  »■_,.) 

Messire  Guy  de  Flandres  qui  admonestoii  et  prioit  tous 
les  compagnons  de  bien  faire. 

(Froissart,  I,  I,  69.) 

Mme  de  Dreux  sortit  hier  de  prison  ;  elle  fut  admonestée. 

(Sêvigné,   432.) 

A  l'instar  d'une  foule  d'autres  de  la  première  conju- 
gaison, ce  verbe  a  naturellement  donné  naissance  à  un 
substantif  en  ation,  qui  a  été  admonestation,  lequel 
existait  dès  le  xiu"  siècle,  comme  le  montre  la  phrase 
suivante  : 

Uns  clers  empêtre  letres  dou  roi  à  l'abé  de  St-Benoît- 
sus-Loire,  qu'il  le  porveïst  t  et  en  celés  letres  n'avoit  nule 
amonestation. 

{Livre  de  Jostice,   34.) 

Or,  ce  substantif  s'emploie  encore  dans  le  sens  de 
remontrance,  fait  que  rendent  évident  les  citations 
suivantes,  trouvées  dans  le  Grand  dictionnaire  du 
\f\'  siècle  de  Pierre  Larousse  : 

Comment  pouvcz-vous  subir  les  admonestations  pédan- 
tesques  de  cette  prude? 

(G.  Sand.) 

C'était  un  continuel  sujet  d'admonestation. 

(Balzac.) 

L'étudiant,  loin  de  s'irriter  de  cette  admonestation,  se  tul 
et  parut  devenir  triste. 

(Fred.  Soulié.) 

Par  conséquent,  il  n'j  a  pas  à  douter  un  seul  instant 
qm  admonestât  ion  (qu'on  prononce  et  qu'on  écrit  aussi 
admontlation)  ne  soit  un  terme  parfaitement  français. 

Le  verbe  latin  admonere  avait  un  substantif  d'action. 
admunilio,  qui  a  passé  dans  notre  langue  sous  la  forme 
admonition  : 

Que  ceux  qui  sont  rebelles  à  son  admonition  soient  notés 
et  marqués  afin  que  chacun  les  fuie. 

(CaWin,   >98.; 

Comme  admonestation,  son  synonyme,  ce  substantif 
s'est  conservé  dans  la  langue  moderne  : 

Après  avoir  inutilement  tenté  près  de  moi  les  admoni- 
tions charitables,  Marcellin  employa  les  menaces  sévères. 

(Chlteaubriand,  Martyrs,  i3s.) 


464 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Mais,  quand  je  considère'que  admonitio7i  vient  d'un 
verbe  qui  n'existe  pas  en  français,  ce  qui  ne  fait  d'un 
tel  substantif  qu'un  terme  naturalisé  dans  notre  langue, 
et  que  admonestation  vient,  lui,  d'un  verbe  français, 
ce  qui  en  fait  un  vocable  indigène,  je  me  sens  disposé 
à  croire  que  celui-ci  devrait,  en  bonne  justice,  être 
préféré  à  l'autre. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

Vous  serait-il  possible  de  donner,  dans  un  de  vos 
prochains  numéros,  l'étyuioloijie  de  quiproquo?  Vous 
obligeriez  beaucoup  un  de  vos  aiiciens  abonnés. 

Cette  expression  s'écrivait  autrefois  en  trois  mots, 
comme  le  montrent  les  citations  suivantes  : 

Et  leur  fait  défenses  |ta  Cour]  d'user  d'aucun  qui pro  quo 
sinon  de  ceux  qui  leur  seront  ordonnez  par  lesdits  six 
Docteurs  Médecins  aux  Dispensaires  susdits. 

[Traité  de  la  Police,   I,  p.   594.) 

S'il  est  licite  de  transfigurer  ainsi  toutes  choses,  il  y 
aura  de  terribles  qui  pro  quod. 

(Calvin,  Init-  49»') 

Atil  mes  fillettes,  ne  vous  y  flez  pas;  ils  vous  trompe- 
ront; ils  vous  feront  lire  un  quid  pro  quod. 

(Des  Périers,  Contes,  I.) 

Voyons  d'où  vient  chacun  d'eux. 
On  trouve  ceci  dans  le  Dictionnaire  étymologique  de 
Brachet  (3=  édition)  : 

Quiproquo,  au  seizième  siècle  qui  pro  quod,  du  latin  qui 
pro  quod  (littéralement  prendre  un  quid  pour  un  quod). 

Au  même  mot,  M.  Littré  donne  le  renseignement  qui 
suit  : 
Latin  quid,  pro,  et  quod  :  prendre  un  quid  pour  un  quod. 
Scheler  dit  sur  le  même  sujet  : 

Quiproquo,  du  latin  quis  (ou  quid]  pro  quo;  c'est-à-dire 
aliquis  (ou  aliquid)  pro  aliquo,  l'un  pour  l'autre. 

Mais  toutes  ces  étjmologies  pèchent  plus  ou  moins 
contre  l'exactitude  :  la  véritable  origine  de  quiproquo 
est  quid  pro  quo,  comme  le  dit  Moisant  De  Brieux  [Ori- 
gines de  quelques  coutumes  anciennes  et  de  plusieurs 
façons  de  parler  iririales,  p.  l'jT,  jéd.  Georges  Garnier), 
et  comme  je  vais  vous  le  démontrer. 

En  effet,  au  xiii",  au  xiv"  et  au  xv"  siècle,  les  méde- 
cins employaient  l'expression  quid  pro  quo  dans  l'inti- 
tulé des  chapitres  où,  à  défaut  de  telle  ou  telle  drogue, 
ils  indiquaient  son  succédané,  c'est-à-dire  celle  d'égale 
vertu,  fait  mis  en  évidence  par  ce  titre  des  trois  traites 
qu'a  laissés  Nicolai,  médecin  de  Salerne  : 

Incipit  antidotariiim  Nicolai  ;  Tractatulus  juW  pro  quo; 
Synonyma.  Venet,  per  Xic.  Jenson  Gallicum,  1471. 

Quid  (et  non  q^lis),  désignation  de  la  chose  en  général  ; 
pro,  pour;  enfin  quo  (et  non  quod],  ([ui  n'est  autre  chose 
que  quid  ii  l'ablatif  à  cause  de  la  préposition  pro,  qui 
régit  cette  forme. 

Le  d  de  quid  ne  sonnait  pas  au  moyen-Age  ;  la  preuve 
en  est  qu'au  xvi'  siècle,  on  a  pu  terminer  ce  mot  par  Iz, 
lettres  complètement  muettes  comme  finales  : 


Les  Apoticaires  de  bonne  conscience  ne  baillantz  po'nt 
de  quilz  pro  quo  doibvent  désirer  la  présence  des  Médecins. 

(Benancio,  Dect.  des  Alms,  1*  I4,  verso,  année  i553.) 

L'expression  latine  a  été  corrompue  par  notre  pronon- 
ciation ;  nous  avons  écrit  qui  pro  quo,  et  enfin  quiproquo, 
en  un  seul  mol,  notre  expression  actuelle. 

Dansles  langues  étrangères  qui  ontadopté  l'expression 
quiproquo  avant  que  le  français  l'écrivit  en  un  seul 
mot,  l'espagnol  et  l'anglais,  par  exemple,  celte  expres- 
sion se  présente  sous  la  forme  quid  pro  quo.  Ce  serait, 
s'il  en  était  besoin,  un  argument  de  plus  en  faveur  de 
l'étymologie  que  je  viens  de  donner. 

X     - 

Seconde  Question. 

M.  Littré  dit  que  comme  quoi  est  de  difficile  explica- 
tion. Le  CouRRiEH  DE  Vaugelas  ne  pourrait-il  pas  ap- 
prendre quelque  chose  de  plus  à  ses  lecteurs  sur  cette 
singulière  expression? 

On  lit  ce  qui  suit  dans  Brachet  [Gram.  hist.,  p.  63)  : 

Malherbe  avait  à  peine  accompli  son  œuvre,  qu'une  nou- 
velle manie  vint  troubler  cette  langue  (la  nôtre)  qu'il  avait 
si  soigneusement  expurgée.  Le  seizième  siècle  avait  débuté 
par  l'imitation  de  l'Italie,  le  dix-septième  prit  l'Espagne 
pour  modèle,  et  subit  dans  sa  première  moitié  l'invasion 
du  goût  espagnol.  Les  guerres  de  la  Ligue  et  le  long 
séjour  des  armées  espagnoles  avaient  répandu  parmi  nous 
la  connaissance  de  la  langue  de  Philippe  II.  Avec  la  langue 
s'étaient  implantés  les  modes  et  tous  les  ridicules  de 
l'Espagne,  La  cour  d'Henri  IV  s'était  espaguolisée.  «  Les 
»  courtisans,  nous  dit  le  grave  Sully,  ne  poussaient  qu'ad- 
i  mirations  et  exclamations  castillanes.  Ils  réitéraient  des 
tJc'sus-Sire!  et  criaient  en  vois  dolente  :  Il  en  faut 
B  mourir,  t  La  langue  française  ne  put  se  soustraire  à  cette 
contagion,  et  c'est  vers  ce  temps  qu'apparaissent  pour  la 
première  fois  chez  nos  écrivains  une  foule  de  mots  et  de 
locutions  empruntés  à  l'Espagne. 

Je  soupçonne  fortement  comme  quoi  d'être  une  de 
ces  locutions,  et  voici  quelques  remarques  à  l'appui  de 
mon  opinion  : 

{'  M.  Littré  n'a  trouvé  aucun  exemple  de  t'o/«Me  ç«o/ 
dans  le  xvi»  siècle;  mais  il  a  rencontré  les  suivants  dans 
le  xvii"  : 

Voilà  comme  quoi  il  est  fort  dangereux  d'avoir  demi- 
étudié. 

(Balzac,  liv.  III,  lett.  g.) 

Vous  savez  comme  quoi  je  vous  suis  toute  acquise. 

(Corneille,  Rodog.  I,   7.) 

Or,  comme  l'influence  espagnole  a  persisté  jusqu'à  la 
mort  de  Louis  XIII  (lO-îS),  il  n'est  pas  impossible  que 
nous  lui  devions  l'expression  dont  il  s'agit. 

2°  Dans  ses  Nouvelles  observations  sur  la  larigue 
françoise,  Marguerite  Buffet  dit  (voir  Courrier  de  Vau- 
gelas, numéro  20)  qae  comme  quoi  est  une  expression 
nouvelle  et  bien  reçue  (1668).  Or,  ce  qui  était  alors 
nouveau  et  bien  reçu  dans  notre  langue  pouvait-il  être 
autre  chose  qu'un  emprunt  fait  à  celle  de  l'Espagne? 

3"  Les  mots  espagnols  manera  et  tnodo,  qui  peuvent 
chacun  rendre  uolre  co/«we,  au  sens  de  comment,  pren- 
nent que  après  eux  :  en  manera  que,  de  modo  que.  Or, 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


^65 


à  l'époque  où  la  Cour  de  France  «  s  espagnolisait,  »  il 
est  probable  qu'on  y  aura  dit,  d'abord  comme  i/ue, 
et  ensuite  comme  quoi,  notre  syntaxe  voulant  déjà, 
depuis  longtemps,  quoi  à  la  place  de  que  dans  le  cas 
où  ce  celui-ci  venait  après  un  verbe. 

X 
Troisième  Question. 

Je  remarque  que,  contrairement  aux  antres  substan- 
tifs en  ATio.N,  le  mot  majoiiatio.\,  dont  vous  parlez  dans 
votre  dernier  numéro,  ne  dérive  pas  d'un  verbe.  Est-ie 
que  vous  le  reconnaissez  pour  un  terme  bien  français  ? 

En  supposant  que  j'aie  exactement  compté,  il  y  a 
■173  substantifs  en  a<(o«  dans  notre  vocabulaire. 

Sur  ce  nombre,  il  s'en  trouve  \~\,  qui  dérivent  d'un 
verbe  existant,  soit  en  français,  soit  en  latin  ;  2  seu- 
lement, consubstantiation  et  majoration  font  excep- 
tion à  cette  règle  générale. 

Or,  si  consubstantiation,  tout  difficile  à  prononcer 
qu'il  est,  a  bien  été  admis  comme  terme  français,  en 
théologie,  je  ne  pense  pas  qu'on  puisse  refuser  le  même 
titre  à  majoration,  vocable  plus  doux,  et  répondant  à 
un  besoin  réel  dans  la  langue  des  affaires. 


PASSE-TE.MPS  GRAM.MATIGAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

i'  . .  .  B'orgaaiseot  à  l'effet  d'étudier;  —  2°  Cet  omnibus,  fait 
observer  M.  Prud'homme;  —  3°  ...  27,  avait  bien  froid  (voir 
Courrier  de  Vaugelns,  i*  année,  p  •  4)  ;  —  i°  ...  ne  laissait  pas 
de  l'étonner  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  i'  année,  p.  155); 
—  5°  .  . .  en  ce  qui  concernait  les  avantages  ;  —  6°  ...  c'étaient 
des  lèvres  épaisses  (sans  lippues,  mot  signifiant  qui  a  des  lèvres 
épaisses)  ;  —  7'  ...  afin,  semble-t-il  (voir  Courrier  de  Vaugelas, 
»•  année,  p.  139);  —  8°  ...  dignes  de  foi  qu'il  y  ait  eu  (le 
participe  passé  des  verbes  impersonnels  est  toujours  invariable.) 


Plirases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 


1»  Il  a  la  réputation  d'être  sévère  aux  examens;  mais,  en 
somme,  il  est  d'une  bienveillance  extrême,  et,  tout  compte 
fait,  il  a  plus  sauvé  de  candidats  qu'il  n'en  a  perdus. 

2°  Et  qu'on  ne  dise  pas  qu'il  soit  obligé  d'en  agir  ainsi 
contre  des  vassaux  dont  la  turbulence  ne  pouvait  être 
domptée  par  un  autre  traitement. 

3°  Ce  bal  sera  le  plus  beau  qui  aura  encore  été  donné 
au  palais  de  l'Elysée.  Il  est  question  d'ouvrir  deux  autres 
portes  latérales. 

4'  Ceux  qui  ne  sont  pas  contents,  par  exemple,  outre 
le  patient,  ce  sont  les  fonctionnaires,  ceux  qu'il  dressait  si 
l)ien  à  pétrir  la  matière  électorale.  Ceux-là  doivent  cotn- 
mencer  à  ne  pas  être  absolument  dans  leurs  petits  souliers. 

5°  Il  n'y  a  rien  de  moins  observateurs  que  nos  pêcheurs 
ou  nos  campagnards  des  faits  les  plus  simples  qui  se 
passent  constamment  sous  leurs  yeux. 

6'  Dans  ces  associations,  dont  les  conditions  sont  des 


plus  multiples  et  variées,  les  rôles  ne  sont  pas  toujours  si 
bien  partagés;  il  y  a  des  exemples  nombreux  d'animaux 
vivant  librement  dans  l'intérieur  de  poissons  ou  de  mol- 
lusques. 

7-  Quant  à  M.  Onfroy,  je  ne  saurais  dire  quelle  émotion 
profonde  a  causé  sa  mort  dans  tout  Paris.  Plus  de  cinq 
cents  personnes  sont  venues  s'inscrire  hier  à  la  Xationale 
sur  le  registre  disposé  à  cet  effet. 

8-  On  dit  qu'une  réponse  écrite  sera  demandée  dans  le 
but  de  donner  aux  puissances  un  moyen  d'action  sur  les 
insurgés.  Mais  la  Porte  s'y  rèsoudra-t-elle? 

9'  Il  portait  en  sautoir  une  de  ces  trompes  gigantesques 
et  à  deux  tours  et  demi,  qui  étaient  en  usage  dans  le 
siècle  dernier. 

lu-  A  la  porte  de  la  cahute  royale,  madame  la  reine, 
accroupie  sur  les  talons,  en  vraie  sorcière  de  Macbeth,  aux 
mains  longues,  aux  lèvres  lippues,  aux  yeux  bordés  de 
rouge,  se  fait  chercher  des  poux  par  une  fille  d'honneur. 

11°  Et  les  dispositions  de  l'impitoyable  railleur  que  j'ap- 
pelais mon  oncle  étant  dûment  établies,  je  ne  laissais  pas 
que  d'être  travaillé  par  des  inquiétudes  assez  poignantes. 

Iî°  Il  y  avait  bien  ça  et  là  quelques  inscriptions  sur  le 
mur;  mais  c'était  de  pures  sentences  de  science  ou  de 
poésie  extraites  des  bons  auteurs. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XV11«  SIÈCLE. 


Marguerite  BUFFET. 

(Suite.) 

Au  lieu  de  cet  /tomme  a  tant  vesctt  et  mourut  con- 
tent, il  vaut  mieux  dire  lesquit  et  mourut,  deux  mots 
qui  n'ont  pas  la  même  terminaison  ;  c'est  plus  délicat 
et  mieux  reçu. 

Bien  des  gens  ne  pensent  pas  commettre  une  faute 
en  disant  il  peut  huit  personnes  dans  ce  carosse;  il  faut 
dire  il  peut  tenir,  car  ce  n'est  pas  un  des  cas  où  il  soit 
permis  d'  «accoursir»  les  termes. 

En  parlant  du  temps,  il  est  mieux  de  dire  les  choses 
qui  regardent  te  futur  que  de  dire  gui  regardent 
l'avenir. 

Il  est  également  mieux  de  dire  ce  dessein  Itcij  a  reiissi 
que  ce  dessein  luy  est  reiissi. 

Il  y  en  a  qui,  en  parlant  de  leurs  invités,  disent  tout 
7non  monde  7iest  j^as  arrivé;  il  faut  dire  tous  mes  gens, 
ce  qui  est  la  manière  correcte  de  s'exprimer. 

La  bourgeoisie  vaut  mieux  que  la  bourgeoiserie. 

Je  fis  rencontre  d'un  tel  ne  vaut  rien  ;  il  faut  dire  je 
rencontray  un  tel. 

Quand  ils  parlent  d'une  personne  qu'ils  ont  vue  de 
loin,  quelques-uns  disent  j»;  l'ay  avisé;  c'est  une  faute, 
il  faut  direye  l'ay  aperceu. 

En  parlant  des  nombres,  on  ne  dit  plus  septante, 
octante,  nonante;  il  faut  â\vç.  soixante  et  dix,  quatre- 
ijngt,  quatre-vingt-dix  :  il  y  a  des  marchands  qui  ne 
peuvent  s'en  corriger  (1668). 


«60 


LE  nOURRIER  DE  VAUGELAS. 


En  commençant  une  lettre,  beaucoup  de  personnes 
disent 7'e  vous  écris  celle-cij ;  mauvaise  expression,  il 
faut  dire  cette  lettre. 

Dites  arocai  en  Parlement,  et  non  mi  Parlement. 

Il  faut  dire  //  est  allé  à  la  Cour,  et  non  il  est  allé  en 
Cour. 

Au  lieu  de  à  mesme  temps  que  cela  arriva,  il  y  en  a 
qui  disent,  mais  à  tort,  à  mesme  que. 

On  dit  de  quelqu'un  qui  n'a  rien  de  grave  ni  de 
solide  dans  l'entretien,  et  qui  <i  récite  »  souvent  des 
histoires  de  roman  comme  il  s'en  trouve  assez,  qu'il  a 
l'entretien  romanesque.  C'est  du  beau  style. 

11  ne  faut  pas  dire  pardonnable  en  parlant  d'une 
personne  ;  c'est  excusable  qu'il  faut  employer. 

Dire  on  ne  sait  à  qui  avoir  confiance  est  une  faute; 
on  doit  dire  en  qui  avoir  confiance. 

Je  suis  aimé  de  l'un  et  de  l'autre  est  une  bonne  ex- 
pression, mais  non  je  suis  aimé  de  l'un  et  l'autre. 

Sans  croire  faire  de  faute,  on  dit  souvent  cela  dit, 
nous  quitasmes  la  compagnie;  il  faut  dire  ayant  dit 
cela,  nous  quitasmes. 

Encore  une  mauvaise  expression,  c'est  se  venger  sur 
l'un  et  l'autre;  il  faut  dire  .sur  l'u)i  et  sur  l'autre. 

11  est  également  mauvais  de  dire  par  avarice  et  am- 
bition ;  il  faut  dire  par  avarice  et  par  ambition. 

'Voilà  le  contenu  de  la  première  partie.  Marguerite 
lîufl'etne  l'a  pas  étendue  davantage  de  peur  de  «  n'estre 
pas  »  ennujeuse.  Elle  a  cru  qu'il  lui  suffirait  de  s'être 
attachée  aux  fautes  les  plus  ordinaires  qui  se  commet- 
tent dans  la  langue  française  pour  en  faciliter  la  cor- 
rection au  moyen  de  ses  préceptes. 

SECOMDK    PARTIE. 

Elle  est  consacrée  à  l'examen  du  pléonasme  et  donne 
les  moyens  de  s'en  corriger. 

Quelque  élégants  et  agréables  que  puissent  être  les 
termes  superflus,  ils  ne  sonljamais  bien  reçus.  Pour- 
quoi dire  cet  homme  est  riche  et  opulent?  Il  faut  seule- 
ment l'un  de  ces  deux  adjectifs. 

Au  lieu  de  nous  estions  environ  dix  ou  douze  dans 
cette  compagnie,  il  faut  dire  simplement  nous  étions  dix 
ou  douze. 

Dans  une  foule  de  circonstances,  on  emploie  tout 
inutilement,  comme  dans  j'ay  disné  tout  seul  aujour- 
d'hui/, j'élois  toute  seule  dans  ma  cltambre.  11  faut  se 
corriger  de  ce  tout. 

Combien  de  gens  disent  je  l'ay  veu  de  mes  yeux, 
comme  si  l'on  pouvait  voir  par  les  yeux  d'un  autre! 
C'est  ridicule,  il  faut  dire  seulement  Je  l'ay  veu. 

Beaucoup  disent  il  a  dit  cela  de  sa  propre  bouche,  il 
a  écrit  de  sa  propre  main;  ces  manières  de  parler 
superflues  ne  sont  pas  du  bel  usage;  il  faut  dire  tout 
court  //  a  dit  cela,  il  a  écrit  celle  chose. 

Il  ne  faut  pas  dire  cette  personne  est  fort  propre  et 
ajustée;  ce  dernier  mot  ne  vaut  rien,  connue  inutile. 

Ne  pas  dire  j'ay  bien  pensé,  j'ai/  tant  songé  à  vos 
a/fuires;  le  mot  *ow(/c/' est  su  péril  u  puisqu'il  dit  la  même 
chose  que  l'autre. 

Ne  dites  pas  cette  personne  vous  ni  me  et  vous  chérit 
lendrcmenl  ;  il  ne  faut  que  l'un  de  ces  verbes. 


«  Un  nombre  »  de  personnes  disent  du  depuis  que 
cela  est  arrivé,  il  faut  simplement  dire  depuis. 

Voici  une  faute  qu'on  fait  souvent  en  parlant  et  en 
écrivant  :  on  dit  je  vous  aime  beaucoup,  je  vous  aime 
extrêmement;  il  ne  faut  dire  que  l'une  ou  l'autre  de  ces 
deux  choses. 

11  faut  se  garder  de  dire  ou  soit  qu'il  7i'eu.<t  (ait  telle 
chose,  ou  soit  que  cela  narrivast  pas  ;  les  ou  sont  inu- 
tiles. C'est  une  faute  qu'on  fait  ordinairement. 

Plusieurs  disent  à  demain  au  matin;  il  faut  dire  « 
demain  matin,  car  au  ne  vaut  rien  ici. 

En  parlant  d'une  personne  malade,  on  dit  elle  com- 
mence de  .se  mieux  porter;  c'est  une  faute  :  il  faut  dire 
fi  se  mieux  porter. 

Bien  des  gens  manquent  dans  cette  «  rencontre  »  : 
ils  disent  la  plus  grande  part,  au  lieu  de  la  plxis-part. 
On  dit  encore  sans  croire  faire  de  faute,  jusques  à  là, 
jusques  à  icy;  il  faut  àm  jusqucs-là,  jusqu'icy. 

D'autres  disent  c'est  mon  plus  proche  voisin;  il  faut 
dire  c'est  inon  prochain  voisin,  en  ôtant  plus. 
■     Ne  pas  dire  il  en  sera  de  cette  a/faire  comme  des 
autres,  mais  bien  il  sera  de  cette  affaire. 

La  répétition  de  pour  est  très-inutile;  il  ne  faut 
jamais  que  tantd'infmitifs  se  suivent;  cela  ôte  la  grâce 
au  discours,  et  ne  fait  que  blesser  l'oreille;  ainsi  ce 
discours  pour  vous  asseurer  que  j'ay  fait  telle  chose, 
pour  vous  témoigner  cpie  je  voudrois  vous  servir,  pour 
vous  dire  la  vérité,  offre  une  répétition  de  pour  ridicule 
et  éloignée  de  la  belle  façon  de  parler. 

Beaucoup  de  personnes  disent  quand  je  ne  serois  pas 
vostre  amij  comme  je  suis  ;  il  ne  faut  pas  mettre  comme 
je  suis. 

Ne  dites  pas  cet  homme  a  de  la  douceur  et  de  la  clé- 
mence pour  vous;  le  mot  douceur  suffit. 

En  parlant  d'un  habit  ou  d'une  autre  chose,  bien  des 
gens  de  province  disent  il  est  tout  fin  neuf;  cela  ne 
vaut  rien,  il  faut  dire  cet  hubit  est  neuf. 

En  faisant  un  récit,  on  dit  encore  //  a  fait  tant  de  si 
belles  actions;  c'est  une  faute,  il  faut  dire  //  a  fait  de 
belles  ad  ions. 

Il  vaut  mieux  dire  la  faveur  qu'il  vousaplù  me  faire, 
que  la  faveur  qu'il  vous  a  plû  de  me  faire. 

11  y  en  a  qui  entendent  fort  bien  leur  langue  et  qui 
ne  laissent  pas  de  faire  cette  faute  :  ils  mettent  un 
adverbe  là  où  il  n'en  faut  pas;  par  exemple,  ils  disent 
//  a  seulement  fait  cette  affaire,  pour  //  a  fait  cette  affaire. 
On  dit  souvent  cette  personne  a  tant  de  vanité  et  de 
gloire;  il  ne  faut  employer  (jue  l'un  de  ces  deux  termes. 
Au  lieu  de  //  vous  a  attendu  quatre  heures  durant, 
il  faut  dire  //  vous  a  attendu  quatre  heures. 

Ne  pas  dire  cette  personne  est  humlile  et  Soumise,  cela 
fait  un  ujot  de  tro|). 

Pour  (lire  oiii/  d'une  chose,  on  dit  souvent  oiiy  da, 
(|ui  ne  vaut  rien,  bien  que  ce  terme  soit  assez  en  usage. 

[La  suite  au  prochain  mtméro.) 


Le  Rkoacteuu-Géiunt  :  Ejuin  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


167 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE, 

Publications  de  la  quinzaine  : 


Léa;  par  Alfred  Assolant.  In-18  Jésus,  357  p.  Paris, 
lib.  Dentu,  3  fr. 

Chefs-d'œuvre  de  P.  Corneille,  avec  une  histoire 
abrégée  du  tliéùtre  français,  une  biographie  de  l'auteur 
et  un  choix  de  notes  de  divers  commentateurs;  par  M.  D. 
Saucié,  professeur  de  rhétorique  au  Ijcée  de  Tours.  Nou- 
velle édition.  In-S",  383  p.  2  grav.  Tours,  lib.  Marne  et 
fils. 

Gavotte;  par  Paul  Féyal.  In- 18  Jésus,  3i7p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

Le  Trésor  du  souterrain,  suivi  d'autres  récils;  par 
Jean  Grange.  In-18  Jésus,  2/i5  p.  Paris,  lib.  Blériot.' 

Une  poignée  de  vérités,  mélanges  philosophiques; 
par  Alphonse  Karr.  Nouvelle  édition.  In-18  Jésus,  323  p. 
Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  1  fr.  25. 

"Voyages  dans  le  nord  de  l'Europe.  Un  tour  en 
Norwége.  Une  promenade  dans  la  mer  Glaciale 
(1871-1873);  par  Jules  Leclercq.  Gr.  in-8'.  .3i9  p.  et  i  grav. 
Tours,  lib.  Manie  et  fils. 

Études  littéraires  sur  les  chefs-d'œuvre  des  clas- 
siques français  (xvu=  et  sviii'  siècles)  ;  par  Gustave 
Merlet.  ln-8%  \ii-520  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  6  fr. 

Œuvres  d'Alfred  de  Musset.  Poésies  (1828-1833). 
Contes  d'Espagne  et  d'Italie.  Poésies  diverses.  Spectacle 
dans  un  fauteuil.  Namouna.  Petit  in-12,  i08  p.  Paris,  lib. 
Lemerrc.  6  fr. 

■Vie  du  frère  Philippe,  supérieur  général  de  l'Insti- 
tut des  Frères  des  écoles  chrétiennes;  par  M.  Poujoulat. 
3«  édition.  In-S",  376  p.  et  portr.  Tours,  lib.  Marne  et  fils. 

Les  Soirées  amusantes.  2'=  série.  Contes  du  prin- 
temps, par  Emile  Richebourg.  IV.  Avril.  2<:  édition,  ln-12, 
192  p.  Paris,  lib.  Pion  et  Cie.  75  c. 


Le  Secret  terrible,   mémoires   d'un   caissier;  par 

Adolphe  Belot  et  Jules  Dautin.   ln-18  Jésus.  .'|57  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr. 

Grammaire  de  la  langue  française;  par  le  P.  Henri 
Delavenne,  de  la  Compagnie  de  Jésus.  2'  édition.  In-12. 
300  p.  Paris,  lib.  .\lbanel  et  Baltenweck. 

Bigarrette  ;  par  Mlle  Zénaide  Fleuriot.  Ouvrage  illustré 
de  55  vignettes  sur  bois  ;  par  A.  Marie.  2"  édition.  In-18 
Jésus.  '233  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  25. 

Histoire  contemporaine  de  1789  à,  1848  :  par  Gus- 
tave Hubault.  professeur  d'histoire  au  lycée  Louis-le- 
Grand.  2"  édition.  Iii-12.  viii-256  p.  Piiris.  lib.  Delagrave. 
2  fr. 

Œuvres  d'Alph.  de  Lamartine  Premières  médita- 
tions poétiques  La  mortde  Socrate.  .Nouvelle  édition, 
publiée  par  les  soins  de  la  Société  propriétaire  des  œuvres 
de  M.  de  Lamartine.  In-18  Jésus.  39i  p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Histoire  de  Bertrand  Du  Guesclin  et  de  son 
époque;  par  Siraéon  Luce.  archiviste  aux  Archives  na- 
tionales. La  Jeunesse  de  Bertrand  (I320-I36i).  In-8", 
630  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  7  fr.  50. 

La  Bohémienne  amoureuse;  par  Eugène  de  Mire- 
court.  In-18  Jésus,  337  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères. 
l  fr.  25. 

Histoire  de  la  littérature  française  sous  le  gou- 
vernement de  Juillet;  par  Alfred  Nettement.  3'  édition, 
corrigée  et  augmentée.  2  vol.  in-8",  11^9  p.  Paris,  lib. 
Lecoffre  fils  et  Cie. 

Le  Mont  Saint-Michel;  par  Clémence  Robert.  In- 18 
Jésus.  310  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy  frères.  1  fr.  25. 

Charles  Varlet  de  La  Grange  et  son  registre  ;  par 
Edouard  Thierrj-.  In-8  .  l/i5p.  Paris,  impr.  Claye. 


Publications  antérieures  : 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇ.\ISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Em.4n  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexii:.  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  VIBR.\TIONS  POÉTIQUES.  —  Par  Auguste  Ba- 
LUFFE.  —  Ln  vol.  in-18.  —  Paris,  librairie  académique 
Didier  et  Cie,  35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  k'  et  la  5=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  1",  la  1'  et  la  3"  année  doivent  être  pro- 
chainement réimprimées. 


LES  PASSIONS.  —  Par  le  D--  F.  Frèdault.  —  Paris, 
librairie  Victor  Palmé,  éditeur,  25,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain. 


LA  CH.\SSE  AUX  SOUVENIRS.  —  les  ders.'eus  péchés  du 

CHEVALIER    DE    VAUCEI.AS.     —    LA     BAI.LE    ENCHANTÉE.     —     Paf 

le  marquis  G.  de  Cherville.  — Paris,  librairie  de  fir/Bin 
Didot  et  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut,  56,  rue  Jacob. 


L'INTERMÉDLAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  CURIEUX. 
—  En  vente  à  la  librairie  Sando:  et  I-'ishbacher.  33,  rue 
de  Seine,  à  Paris.  —  Chacune  des  7  années  parues  se  vend 
séparément.  —  Envoi  franco  pour  la  France. 


ESSAIS  SUR  LA  MITHOLOGIE  COMPARÉE,  les  tra- 
ditions et  les  coutu.mes.  —  Par  Max  Mui.ler,  associé 
étranger  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  belles-lettres, 
professeur  à  l'Université  d'Oxford.  —  Ouvrage  traduit  de 
l'anglais  avec  l'autorisation  de  l'auteur  par  Georges  Perrot, 
maître  de  conférences  à  l'Ecole  normale.  —  Deuxième 
édition.  —  Paris,  librairie  académique  Didier  et  Cie. 
•libraires-éditeurs,  35.  (juai  des  Augustins.  —  Prix  :  4  fr. 


<68 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


CATALOGUE     DESCRIPTIF     ET     RAISONNE 


Manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  Tours. 


Par  M.  A.  DORANGE,  CoQservateur. 


Gros  in-quarto  à  2  colonnes  de  583  pages. 

Cet  ouvrage,  qui  a  coûté  dix  ans  de  travail  à  son  auteur,  a  été. apprécié  comme  il  suit  par  M.  Léopold  Delisle, 
administrateur  de  la  Bibliothèque  nationale  (Journal  officiel  du  29  juin  1875)  : 

c  La  ville  de  Tours  possède  une  des  plus  riches  collections  de  manuscrits  qui  existent  en  France.  La  description 
qu'en  donne  M.  Oorange,  dans  son  Catalogue  descriptif  et  nAisoNNÉ  de  la  bibliothéole  de  Tour<,  rendra  de  réels 
Services  à  la  science.  C'est  dans  cette  collection  que  M.  Luzarche  a  découvert  le  drame  d'Adam,  et  que  M.  Thurot  a 
trouvé  un  manuscrit  qui  a  notablement  amélioré  le  texte  des  lettres  familières  Je  Cicéron.  Le  travail  de  M.  Dorange 
permettra  de  faire  encore  plus  d'une  découverte  intéressante.  La  municipalité  de  Tours,  qui  a  fait  les  frais  du 
Catalogue,  mérite  aussi  la  reconnaissance  des  savants.  » 


FAMILLES     PARISIENNES 

Recevant  des  Étrangers  pour  les  perfectionner  dans  la  Conversation. 


Dans  le  quartier  du  nouvel  Opéra.  —  Une  dame 
pleine  de  distinction  et  très-instruite  reçoit  de  jeunes 
étrangères  pour  compléter  leurs  études  en  langue  fran- 
çaise. —  Leçons  de  piano. 


Avenue  de  la  Grande  Armée  (prés  de  l'Arc  de 
triomphe  de  l'Etoile).  —  Dans  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  distinguées,  on  reçoit  quelques 
pensionnaires  étrangers.  —  Excellentes  leçons  de  français 
et  de  piano.  —  Très-bel  appartement. 

(Les  adresses  sont  données  au  Bureau  du  Journal. 


A  Passy  (près  du  Ranelagh).  —  Un  chef  d'institution 
reçoit  dans  sa  famille  quelques  pension aaires  étrangers 
pour  les  perfectionner  dans  la  langue  française  et  achever 
leur  éducation. 


Au  centre  de  Paris.  —  Un  pasteur  recevrait  volon- 
tiers comme  pensionnaires  trois  ou  quatre  jeunes  lilles, 
qui  trouveraient  dans  sa  maison  la  vie  de  famille  et,  au 
besoin,  des  leçons. 


CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


Le  seizième  Concours  poétique,  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février,  sera  clos  le  1"  juin  1876.  —Douze  médailles,  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde)  —  Affranchir. 


Société:  d'émulation  de  Cambrai.  Extrait  du  programme  des  questions  mises  au  concours  pour  1876.  Poésie.  Le  sujet 
et  l'étendue  de  la  pièce  destinée  à  le  traiter,  sont  laissés  au  choix  des  concurrents.  —  Une  lyre  d'argent  ou  une 
médaille  dont  la  nature  et  la  valeur  sont  subordonnées  au  mérite  de  l'ouvrage,  sont  affectées  également  à  ce-  con- 
cours. —  Les  travaux  et  mémoires  inédits  et  n'ayant  jamais  figuré  dans  aucun  concours  seront  seuls  admis.  Ils  porte- 
ront une  épigraphe  répétée  sur  un  pli  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  et  devront  être  adressés, 
franco,  avant  le  1"  Juin  1876  au  Président  ou  au  Secrétaire  général  de  la  Société.  —  Les  œuvres  non  couronnées  ne 
sont  pas  rendues,  et  les  plis  cachetés  qui  les  accompagnent  sont  brilles  en  séance. 


Société  klobimo.ntank  d'Annecy.  —  Concours  de  1876.  —  Poésie  :  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est   laissé  aux 
concurrents.  —  Le  nombre  minimum  des  vers  est  fixé  à  cent.  —  Les  travaux  seront  composés  en  langue  française. 

—  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  ces  travaux  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  S  aucun  autre  concours. 

—  Les  auteurs  qui  se  feraient  connaître  seraient  e-iclus.  —  Lfs  envois  porteront  une  épigraphe- qui  sera  répétée  à 
l'intérieur  d'un  billet  cacheté  indi(|uant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux 
archives  de  la  Société,  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie. 


La  Société  académiuue  de  Saint-Quentin  propose  des  médailles  d'or  pour  les  sujets  suivants,  mis  au  concours  pour 
l'année  1876  :  Poésie.  —  Sujet  laissé  au  choix  des  concurrents.  Cantates.  —  Sujet  également  laissé  au  choix  des 
concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  concours  devront  remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national 
de  musique  pour  le  prix  de  Home,  c'est-à-dire  être  à  personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'homme),  et 
contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un  trio  final.  —  La  (Cantate  de  1870  servira  de  texte  pour  le 
concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1877.  Littérature.  —  ("question  :  «  Etude  sur  la  poésie  contemporaine.  »  — 
2''  question  :  «  Des  moyens  de  développer  le  goût  de  l'étude  dans  toutes  les  conditions  sociales.  » 

Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vauf/elas  est  vi.sjblc  à  foii  bureau  de  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GOUVERNEUB,  G.  DAUl'ELEV  à  Nogenl-le-Rotrou. 


&•■  Année 


N"  23. 


15  Mars  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


V      V-^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>f    | 

Paraissant    le    I^^  et    le    IS    de    chaqne   mois 

{Dans  sa  séance  du  \2  janvier  1875,  l  Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celle  publicalion.) 


PRIX  : 
Abonnement  pour  la  France.     6  f. 
Idem        pour  l'Etranger  10  f. 
Annonces,  la  ligne.          50  c. 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROPESSEDR    SPÉCIAL  POUR    LES    ÉTRANGERS 

Officier  d'.\caJémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à,  Paris. 

ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressani,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 

S0.M.M.\1RE. 
Communication  sur  Se  mettre  sur  son  Irente-el-un  et  Se  mettre 
sur  son  dix- huit  ;   —   Origine  de  l'eïpression  Venir  la  gueule 
enfarinée;  —  S'il  faut   dire  Voilà  comme  ou  Voilà  comment; 

—  Pourquoi  on  dit  .\fon  petit  cfiat  plutôt  que  Mon  petit  chien; 

—  Origine  de  l'expression  Se  donner  une  bosse  dans  le  sens  de 
se  régaler;  —  S'il  faut  dire  Un  bon  Messire  Jean  ou  Une  bonne 
MessireJean:  —  Si  Anglanisé  est  un  terme  français  ||  Signi- 
licaliou  de  Etre  piqué  de  la  tarentule  littéraire;  —  Si  Breton 
brelonnant  peut  s'oppliquer  à  un  dialecte;  ||  Passe-temps 
grammatical  ||  Suite  de  la  biographie  de  Marguerite  Buffet.  || 
Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature  ||  Renseignements 
aux  professeurs  français    ii   Concours   littéraires 


FRANCE 


CO.M.MUMC.\TIOX. 

Voici  une  lettre  que  j'ai  feçue  de  Paris  le  !»  février 
relativement  à  une  explication  donnée  dans  mon  nu-' 
méro  i  9. 

Monsieur  le  Rédacteur, 

Permettez  à  l'un  de  vos  plus  humbles  lecteurs  de  vous 
présenter  quelques  observations  à  propos  de  l'article  que 
vous  consacrez  dans  votre  dernier  numéro  à  l'expression 
populaire  Se  mettre  sur  son  irente-el-un. 

1*  Van  Tenac,  que  vous  citez,  s'abuse  et  abuse  son  public 
en  insinuant  que  le  jeu  du  Trente-et-un  fut  inventé  en 
1789.  ir  est  déjà  mention  de  ce  jeu  en  la  vie.  tres-horri- 
fique  du  grand  Garguan;,ua  par  M.  .Alcofribas  (156-2),  au 
chapitre  XXII  cju  livre  de  ladite  vie  (Les  Jeux  de  Garguan- 
tua),  et  il  est  probable  que  ce  jeu  n'a  pas  été  invente  par 
l'auteur. 

2°  Votre  explication  de  la  locution  en  question  serait 
plausible,  si  elle  rendait  compte  de  la  locution  sans  doute 
équivalente  Se  mellre  sur  son  dix-huit,  locution  usitée 
dans  certaines  parties  de  la  France,  en  particulier  en 
Rasse-Normandie. 

J'ai  été  élevé  dans  un  village  de  la  Rasse-N'ormandie,  et 
j'entends  encore  ma  grand'mère  dire  â  la  fille  de  son 
meunier  :  t  Tu  es  belle  aujourd'hui,  .Marie-Jeanne,  d  ou 
viens  que  tu  t'es  mise  sur  ton  dix-huit'.'  » 


L'emploi  des  nombres  18  et  31  dans  le  cas  de  la  parure 
ne  viendrait-il  pas  de  l'usage  où  étaient  les  toiliers  ou 
tisserands  de  village  de  marquer  par  des  chifïres  les  qua- 
lités des  fils  dont  ils  se  servaient  pour  tisser  soit  la  toile, 
soit  le  droguel,  espèce  d'étoffe  composée  de  laine  et  de 
fil,  dont  nos  mères  iirèparaient  elles-mêmes  les  éléments? 

Je  soumets  humblement  cette  hypothèse  à  votre  docte 
sagacité,  et  vous  prie  d'agréer,  .Monsieur  le  Rédacteur, 
mes  respectueuses  salutations. 

f.e  petit- fils  d'une  fileusc. 

Je  ne  crois  pas  que  se  mettre  sur  son  dix-huit  puisse 
s'expliquer  par  un  nom  de  jeu  de  cartes  ;  car  non-seu- 
lement le  dix-liuit  ne  figure  pas  dans  la  nomenclature 
de  Rabelais,  mais  encore,  il  ne  se  trouve  point  dans 
Van  Tenac  :  avec  le  trente-et-u»,  ce  traité  ne  menlionne 
en  fait  d'autres  jeux  désignés  par  un  nom  de  nombre 
que  le  treize,  le  vingt-et-un  et  le  trente  et  quarante. 

.Maintenant,  faut-il  chercher  à  rendre  compte  de 
l'expression  en  question  comme  le  propose  l'auteur  de 
cette  lettre,  qui  voit  dans  le  chitTre  4 S  une  allusion 
possible  à  une  qualité  de  fil  ainsi  désignée  par  les 
tisserands':" 

Ce  n'est  point  encore  là  mon  avis,  trouvant  plu? 
naturelle  l'explication  que  je  vais  fournir. 

On  lit  dans  le  Dictionnaire  d'argot  de  .M.  Francisque 
Michel    p.  I3S): 

DIX-HUIT.  S.  m.  Soulier  remonté  ou  ressemelé,  ou  plutôt 
redevenu  neuf;  d'où  son  nom  grotesque  de  dix-huit,  ou 
deux  fois  neuf. 

Or,  il  a  dû  en  être  des  habits  comme  des  souliers. 

.\iitrefois,  comme  encore  aujourd'hui,  les  gens  qui 
n'avaient  pas  le  moyen  de  se  faire  habiller  de  neuf  se 
procuraient  chez  le  fripier  des  habits  d'occasion.  Ces 
habits,  retournés  pour  la  plupart,  étaient  en  quelque 
sorte  deux  fois  neufs:  un  habit  acheté  de  cette  façon 
s'appela  naturellement  aussi  un  dir-lmit,  et  l'on  a  dit. 
dans  la  langue  populaire  : 

Se  mettre  sur  son  dii-huit, 

pour   signifier  se   vêtir    du  plus  bel    babil   que   l'on 
possédât. 


MO 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


En  remerciant  l'an  leur  de  celte  communication,  je 
lui  ferai  remarquer  que,  lors  même  que  l'explication 
que  je  viens  de  donner  ne  serait  pas  la  bonne,  il  n'en 
faudrait  pas  moins  écrire  mis,  et  non  mise,  dans  la 
phrase  qu'il  attribue  à  sa  grand  mère,  attendu  que,  dans 
cette  phrase,  qui  signifie...  (J'oii  rient  que  tu  as  mis  â 
toi  sur  la  personne  ton  dij-liiiif,  le  régime  direct 
est  après  le  participe. 

X 
Première  Queslion. 

Dans  votre  grammaire,  traitant  de  la  signification  et 
de  la  construction,  vous  donnez  bien  la  signification  de 
l'expression  venir  la  gcecle  enfarinée,  mais  vous  n'en 
faites  pas  connaître  l'origine.  L'auriez-vous  fait  daits 
le  CorRKiER  ?  Da)is  le-  cas  de  la  négative,  soyez  assez 
bon  pour  apprendre  à  vos  lecteurs,  dans  un  prochain 
numéro,  doit  vient  cette  manière  de  parler. 

Suivant  Le  Duchat,  cett*  façon  de  parler  est  une  mé- 
taphore empruntée  aux  boulangers  qui,  au  moment 
d'enfourner,  sèment  de  la  farine  à  la  gueule  ou  bouche 
de  leur  four,  afin  de  juger,  par  la  manière  dont  cette 
farine  s'allume,  si  le  four  a  le  degré  de  chaleur  conve- 
nable. 

Mais  celte  origine  ne  me  semble  pas  admissible;  car, 
avec  elle,  comment  arriver  à  dire  de  quelqu'un  qu'il 
vient  la  gueule  enfarinée,  le  four  n'ajant  pas  la  faculté 
de  la  locomolion  '! 

Je  préfère  de  beaucoup  la  suivante  : 

Pendant  tout  le  moyen-âge  jusqu'au  xvi«  siècle,  on 
s'était  servi  de  gueule  pour  bouche,  sans  manquer 
de  respect  aux  personnes  dont  on  parlait  ;  ainsi  on 
trouve  : 

Pinabel  ont  saisi,  qui  gist  govle  baée. 

{Ronc.  p.   196.) 

Sire,  djst  II  escuiers,  pendez  moi  par  la  geule,  se  ce 
n'est  voirs. 

(Chron.  de  Rarns,  p.    1^2.) 

Lierres,  par  la  vierge  lionourée, 
Vo  gueule  sera  estranglèe. 

(Eust.  Deschamps,  m.  f"  a36.) 

Dans  un  endroit  de  ses  Essais,  Montaigne  appelle 
l'art  de  la  cuisine  «  la  science  de  la  gueule  ». 

Or,  les  bouffons  qui  jouaient  leurs  farces  en  public 
avaient  l'habitude  de  se  saupoudrer  la  figure  de  farine, 
comme  nous  l'apprend  Marol  là  où  il  fait  l'epiLaphe  du 
farceur  Jehan  Serre  (Epigr.  liv.  6,  épig.  85i  : 

Or,  bref,  quand  il  entroil  en  salle 

Avec  sa  chemise  sale, 

Le  front,  la  joue  et  la  narine 

Toute  courerte  de  farine, 

Et  d'un  bc'guin  d'enfant,  etc. 

On  aura  d'abord  dit  de  ces  personnages,  qu'ils 
avaient  lu  gueule  enfarinée;  et  comme,  ainsi  blanchis, 
ils  semblaient  inconsidérés,  sollemenl  confiants,  niais, 
on  aura  dit  ensuite  de  quelqu'un  qui  se  dirigeait  vers 
vous  avec  un  a'ir  analogue,  quoique  sans  farine  sur 
le  visage,  qu'iï  renail  la  gueule  enfarinée,  expression 
qui  passa  bientôt  à  létal  de  proverbe,  el  qui,  en  celte 
qualité,  nous  est  resiée. 


C'estoit  un  vrai  diable  gui  s'en   vint    trouver  proye,  la 
goule  enfarinée. 

(Le  Moyen  de  parvenir,  dans  Jaubert.') 


Dans  sa  lettre  du  14  février  1680,  M"'  de  Sévigné 

s'exprime  ainsi  : 

Mongobert  m'a  fait  rire  du  respect  qu'elle  a  eu  pour 
M.  de  Grignan  ;  elle  avoit  mis  qu'il  vint  à  ce  bal  la  gueule 
enfarinée:  tout  d  un  coup  elle  s'est  reprise;  elle  a  effacé 
la  gueule,  et  a  mis  la  bouche,  tellement  que  c'est  la  bouche 
enfarinée. 

Ce  passage  montre  que  si,  en  parlant  d'une  personne, 
le  mot  gueule  a  cessé  de  s'employer  dans  la  société 
polie,  il  n'en  est  pas  de  même  dans  venir  la  gueule 
enfarinée  :  cette  expression  proverbiale,  comme  toutes 
celles  de  même  nature,  étanl  en  quelque  sorte  consa- 
crée, il  n'appartient  à  personne  d'en  modifier  la  forme 
en  y  remplaçant  un  terme  par  son  synonyme. 

X 
Seconde   Queslion. 
Faut-il  dire  :  «  Voila  comme,  ou  voila  comment  la 
méchanceté  est  récompensée  t>  ? 

De  l'expression  latine  quomodo  (de  quel  mode,  de 
quelle  manière^  se  sont  formés  deux  mots  en  français, 
comme  t\.  comment,  qui  existent  depuis  l'origine  de  la 
langue  : 

Deus  seit  assez  cuinent  la  fins  en  ert. 

(Ch.de  Roland,  CCLXXXU.) 

De  ceste  amor  qui  tant  me  fait  pener, 
Ne  voi-je  pas  com  je  puisse  partir. 

(Couci,  X  ) 

Jusque  vers  la  moitié  du  xviii-  siècle,  on  a  pu,  à 
volonté,  employer  comme  pour  comment,  ce  que  démon- 
trent parfaitement  les  citations  suivantes  : 

Cum  faitement  lui  manderons  novelles? 

(Ch.  de  Roland.  CXXVI-  ) 

Lors  sauront  comme  Charles  nous  a  le  jeu  parti. 

(Savons,  XXIV.) 

Il  me  faut  regarder  comme  hastivement  je  me  puisse 
venger  de  ce  despit  qu'on  m'a  fait. 

(Freissart.  I,  I,  loo.) 

La  plus  grosse  beste  qui  soit,  Monsieur,  comme  est-ce 
qu'on  l'appelle? 

(Marol,  III,  i«.) 

Penses  tu  qu'il  cherche  comme  il  se  rendra  plus  bomme 
de  bien? 

(Du  Bellay,  I,    278. 1 

Je  ne  sais  comme  il  me  sera  possible  de  m'accommoder  au 
temps. 

(Vaugelas,  Quinte-Cvree,  369. j 

Qui  sait  comme  en  ses  mains  ce  portrait  est  venu  ? 

(Molière.   Scan.  6.) 

Dans  la  France  un  Martel,  en  Espagne  un  Pelage 
Le  grand  Léon  dans  Rome,  armé  d'un  saint  courage, 
Nous  ont  assez  appris  comme  on  peut  la  dompter. 

(Vollaire,   Tancride,  I,   I.) 

.Mais  depuis  celle  époque,  on  subslilue  généralement 
comment  à  comme  quand  il  s'agit  d'une  phrase  inler- 
rogalive. 

Or,   ceHe  que  vous  me  proposez  n'élanl  pas  de  celte 
espèce,  il  en  résulte  qu'il  est  loisible  d'y  employer 
aussi  bien  voilà  comme  que  voilà  comment. 
X 


LE  COURRIER  DE  VAIÎGELAS. 


171 


Troisit^me  Question. 
Pourquoi  dit-on  comme  terme  dfi  tendresse  mo.n  petit 
r.HAT.  et  non  mo^n  petit  chien  ?  //  me  semble  cependant 
que  la  seconde  e.rpression  vaudrait  bien  mieux  que  la 
première. 

Le  mot  catellus,  dLminulif  de  cattus,  chien,  était  un 
terme  de  caresse  en  latin,  en  voici  des  preuves  : 
Porrigis  irato  puero  (7uum  poma,  récusât. 
Same,  catelle.'  Negat.  Si  non  des,  opteX. 

(Horace,  .S'oi,  liv.  U,  3.j 

(Vous  présentez  des  fruits  à  un  enfant  en  colère,  il 
tes  refuse;  prends,  mon  petit  chien;  il  proteste;  reti- 
rez-les, il  les  demande.! 

Die  igitur  me  anaticulam,  columbam,  vel  eatellum, 
HIrundinem,  monedulatn.  passerculum,  putillum. 

(Plante,  L'Aniiiairi',  acte  Ifl,  se.   3  } 

(Eh  bien  1  appelez-moi  donc  votre  petit  canard,  votre 
petit  pigeon,  votre  petit  chien.,  votre  hirondelle,  votre 
corneille,  votre  moineau,  votre  mignon.) 

L'eipression  mon  petit  chien  est  certainement  plus 
logique  que  mon  petit  chat,  qui  s'emploie  ordinaire- 
ment dans  notre  langue  ;  car  la  vue  d'un  petit  chien, 
animal  gracieux,  bon  et  futur  sjmbole  de  la  fidélité, 
touche  bien  autrement  que  celle  du  petit  chat  qui, 
malgré  sa  gentillesse,  ne  présente  le  plus  souvent  en 
espérance  qu'une  perfide  et  hypocrite  douceur. 

Amis  des  chiens  autant  que  les  Romains  pouvaient 
l'être,  pourquoi  avons-nous  banni  mon  petit  chien, 
comme  terme  de  tendresse?  Vaudrait-il  donc  moins 
qae  mon  petit  canard,  que  beaucoup  parmi  nous  em- 
ploient si  volontiers  encore? 

La  raison  qui  a  fait  rejeter  mon  petit  chien  me  paraît 
avoir  plus  trait  à  la  grammaire  qu'au  sentiment. 

En  effet,  il  y  avait  deui  mots  en  latin, pour  dire 
chien  :  l'un  cani.i,  qui  a  donné  le  mot  français  dans 
toutes  ses  acceptions  ordinaires  ;  l'autre,  catttis,  em- 
ployé comme  terme  de  tendresse,  le  plus  souvent  sous 
la  forme  catellus,  jeune  chien,  qui  se  disait  aussi  quel- 
quefois des  petits  des  autres  quadrupèdes,  tels  que  le 
pourceau,  la  panthère,  le  tigre,  le  chat,  l'ours,  etc. 

Or,  cattus  s'est  naturellement  francisé  en  chat,  et 
catellus,  en  petit  chat. 

D'où  il  suit  que,  tout  singulier  que  cela  peut  pa- 
raître, nous  disons  très-probablement  mon  petit  chien 
quand,  par  tendresse,  nous  appelons  quelqu'un  mon 
petit  chat. 

X 
Qualrième  Questioa. 

Voudriez-vaus  bien  songer  à  m.'expliquer  un  jour 
dans  votre  utile  journal  l'expression  se  domiSER  hhf. 
BOSSE,  dans  le  sens  de  bien  se  régaler? 

Le  journal  la  Liberté  disait  ceci  le  7  novembre  \  875, 
dans  un  article  où  il  était  question  du  chameau  : 

Sa  bosse  n'est  qu'un  sac  de  voyage,  un  pâmer  à  provi- 
sions, plein  d'une  graiise  qu'il  absorbe  lorsqu'il  n'a  rien  à 
manger  :  c'est  de  là  qu'est  venue  l'expression  se  donner 
une  bosse,  qui  signifie  se  rassasier  ou  se  régabr. 

Je  ne  pense  pas  que  telle  soit  l'origine  de  cette 
eipression  ;  car  s'il  en  était  ainsi,  elle  devrait  plutôt 


signifler  faire  des  provisions  pour  un  voyage  que  man- 
ger et  boire  copieusement.  Puis,  l'explication  donnée 
reposerait  sur  un  fait  scientifique  certainement  in- 
connu de  celui  qui  a  enrichi  la  langue  de  se  donner  ou 
se  faire  une  boase. 

Cette  phrase  familière  me  semble  tout  simplement 
une  allusion  aux  conséquences  d'un  bon  repas,  la 
réplétion  de  l'estomac  faisant  paraître  le  ventre  plus 
bombé  : 

Douze  cents  francs i  allons-nous  nous  en  faire  des  bosses! 

(Vidal,  dans  Larousse.) 

.M.  Littré  dit  que  se  donner  une  bosse  vient  de 
l'argot  maritime,  où  cette  expression  s'emploie  pour 
signiDer  faire  une  partie  de  plaisir,  ou  de  débauche, 
à  moins  qu'elle  n'ait  été  suggérée  par  l'idée  que,  quand 
on  a  bien  mangé,  le  ventre  s'arrondit.  .Mais,  comme  il 
n'y  a  pas  de  partie  de  plaisir  sans  qu'il  soit  donné 
ample  satisfaction  à  maître  Gaster,  la  première  de  ces 
origines  revient  évidemment  à  la  seconde,  qui  est  jus- 
tement celle  que  je  propose. 

X 
Cinquième   Question. 

Cm  dit  VSE  POIRE  DE  MESSIRE  JEAS,  de  DOïEiVîiÉ,  etc.  En 

supprimant  le  mot  poire,  faut-il  dire  vu  box  messire 

JEAN,  C.N  EXCEl.r.E.NT  DOrEîdSK,  OU  UNE  BOVXE  MESSIRE  JEAN, 
UNE  BOSNE  DOïENVÉ? 

11  arrive  très-souvent  que,  pour  abréger  le  discours, 
on  supprime  un  substantif  ayant  pour  régime  un  autre 
substantif  qui  le  complète  au  moyen  de  la  préposition 
de;  ainsi,  on  dit,  par  exemple  : 

Les  Débats  pour  Le  journal  des  Débats. 
Le  Tartuffe    —    La  comédie  de  Tartuffe. 
Les  Oiseaux   —    Le  couvent  des  Oiseaux. 

Or,  lorsqu'une  telle  abréviation  a  lieu,  le  mot  com- 
plément se  substitue  au  mot  complété  dans  toutes  les 
fonctions  de  ce  dernier,  et  si,  avant  l'ellipse,  il  y  avait 
dans  la  phrase  un  mot  s'accordant  avec  le  premier  subs- 
tantif, après  l'ellipse,  il  s'accorde  avec  le  second,  lequel 
peut  fort  bien,  comme  on  vient  de  le  voir,  n'être  ni 
du  même  genre  ni  du  même  nombre. 

Par  conséquent,  attendu  qu'en  vertu  de  la  règle  pré- 
cédente on  dit  : 

Les  Débats  sont  fort  bien  rédigés. 
Le  Tartuffe  a  été  bien  joué. 
Les  Oiseaux  sont  fort  à  la  mode. 

Il  est  évident  qu'il  faut  dire  aussi  : 

l'n  bon  messire  Jean,  un  excellent  doyenné. 

Cette  construction  peut  rapprocher  certains  mots  qui 
semblent  peu  faits  pour  aller  ensemble.  Ainsi,  on  en- 
tend dire  assez  souvent  :  M.  un  tel  est  fermé;  3/°'"  une 
telle  n  est  pas  encore  owerte;  mon  voisin  va  être  dé- 
moli, phrases  signifiant  la  boutique  ou  l'établissement 
de  M.  un  tel  est  fermé;  la  boutique  ou  l'établissement 
de  M'""  une  telle  n'est  pas  encore  ouvert;  la  maison  de 
mon  voisin  va  être  démolie. 


l: 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Sixi.'ine  QiiesUoii. 

Je  lis  cette  phrase  dans  un  journal  :  «  Vn  sieur  Mer- 
ton,  nom  AXGLAMSÉ  pour  les  besoins  de  la  pi('ce  ». 
Est-ce  que  ce  mot,  pour  dire  rendu  anglais,  est  une  ex- 
pression, selon  vous,  bien  française  ? 

Pour  exprimer  par  un  seul  mot  la  signiQcation  de 
rendre,  suivi  d'un  adjeclif  désignant  une  nationalité,  le 
français  emploie  des  verljes  formés  de  cet  adjeclif 
et  dune  finale  qui  est,  tantôt  iser  (franciser,  italiani- 
ser, espagnoliser) ,  tantôt  ifier  (russifier). 

Or,  si  le  verbe  que  vous  me  signalez  a  l'une  de  ces  ter- 
minaisons, il  n'a  pas  le  radical  convenable;  car  anglan 
n'a  jamais  appartenu,  que  je  sache,  à  aucun  qualifi- 
catif signifiant  anglais  :  c'est  tout  simplement  un  gros 
barbarisme. 

Le  véritable  verbe  à  employer  ici  est  angliciser, 
formé  de  l'adjectif  anglicus  : 

11  y  a  des  variétés  dans  les  bisons,  ou,  si  l'on  veut,  dans 
les  buffaloes,  mot  espagnol  am/licisc. 

(Chiiteaubriand,  Amtiigiie,    l5.) 

C'est  angliciser  que  de  dire  rail-way  au  lieu  de  cUemin 
de  fer. 

{Grand  Dicl.   du  XJX'  siècle.)  - 


ÉTRANGER 


rremière  Question. 
Je  désirerais  bien  savoir  quelle  est  la  véritable  signi- 
fication de  cette  phrase  que  j'ai  déjà  rencontrée  plu- 
sieurs fois  dans  les  livres  français  :  Etre  piqué  de  l4 
TAREMCLE  LITTERAIRE.  Voudricz-vous  bien  me  l'expli- 
quer ? 

Pendant  le  xvi«,  le  xvii"  et  le  wiii»  siècle,  il  a  régné 
dans  la  Pouille  et  même  dans  une  partie  de  l'Italie,  une 
maladie  nerveuse  qui  depuis  s'est  éteinte. 

On  l'attribuait  à  la  morsure  de  la  tarentule,  une  cer- 
Uine  araignée  qui  se  trouvait  en  abondance  près  deTa- 
renle,  et  dont  le  venin  passait  pour  causer  des  accidents 
dont  Valmont  de  Bomare  {Dictionnaire  raisonné  uni- 
rcrset  d'histoire  naturelle,  Paris,  4  765)  parle  en  ces 
termes  : 

On  dit  que  cette  araignée  est  très-venimeuse,  et  que  sa 
morsure  occasionne  des  symptômes  qui  paraissent  aussi 
singuliers  que  la  guérison.  Un  ajoute  que  ceux  qui  en 
sont  mordus  ont  des  symptômes  différents;  les  uns 
chantent,  les  autres  rient,  les  autres  pleurent;  d'autres 
ne  cessent  de  crier,  d'autres  sont  assoupis,  d'autres  ne 
peuvent  dormir.  Enfin,  on  prétend  que  le  remède  qui  les 
soulage  le  plus,  est  de  les  l'aire  danser  à  outrance.  Pour 
cet  effet,  on  leur  fait  entendre  des  symphonies  qui  leur 
plaisent  le  plus;  on  essaie  divers  instruments;  on  leur  joue 
des  airs  de  dill'érentos  modulations,  jusqu'à  ce  qu'on  en 
trouve  un  qui  llatte  le  nialadi>  :  alors,  ilit-on,  le  tarentule 
saute  hrusr|uement  hors  du  lit,  et  se  met  à  danser  au  son 
de  la  musique  médicinale  jusqu'à  ce  qu'il  soit  en  nage  et 
hors  d'haleine;  ce  (|ui  le  guérit. 

La  vérité  est  que  le  venin  de  celte  bestiole,  n'est  dan- 
gereux ijue  pour  les  insectes  qui  lui  servent  de  nour- 


riture; que  la  maladie  décrite  plus  haut  peut  aussi 
être  déterminée  par  la  piqûre  d'autres  insectes,  et  qu'il 
n'y  avait  que  des  gens  de  la  lie  du  peuple  et  des  vaga- 
bonds qui,  se  disant  piqués  de  la  tarentule,  paraissaient 
guérir  par  la  danse  et  la  musique,  et  gagnaient  leur  vie 
de  celte  façon  charlatanesque. 

Mais,  malgré  _la  fausseté  de  cette  croyance,  le  fait 
retentit  à  toutes  les  oreilles,  et  l'on  en  prit  occasion 
pour  faire  l'expression  figurée  être  mordu  de  la  taren- 
tule, qui  signifie  être  animé  de  quelque  vive  passion  : 

Tous  les  premiers  historiens  des  croisades  semblent 
mordus  des  mcmes' tarentules  que  les  croisés. 

(Voltaire.  Met.  hisl.  Paiiég.  de  saint  Louis.) 

Plus  tard,  on  a  dit  t'ire  piqué  de  la  tareiitule,  expres- 
sion meilleure  que  la  précédente,  parce  que  si  l'on  en. 
croit  d'Orbigny  [Dict.  d'hist.  nat.,  vol.  2,  p.  70,  par.  2' 
les  araignées  piquent,  mais  ne  mordent  pas. 

Or,  il  résulte  de  ce  qui  précède  qu'r/rc  piqué  de  lu 
tarentule  littéraire  veut  nécessairement  dire  être  épris 
d'une  vive  passion  pour  la  littérature. 

X 
Seconde  Question. 
Est-ce  que  l'expression  RKEToy  biietowant^ch/  s'em- 
ployer pour  signifier  la  langue  des  bas-Bretons?  . 

J'ai  dit  dans  ma  Syllexie  «  le  breton  bretonnant ,  la 
langue  des  Bretons  de  France  »,  et  cela,  d'après  le  ren- 
seignement qui  suit ,  trouvé  dans  le  Dictionnaire 
ctijmologique  de  Noël  et  Carpentier  : 

Buetoin-Bretonnant.  s.  m.  redoublement  imaginé,  selon 
Pasquier  (liv.  I,  ch.  XI)  pour  distinguer  le  lungarje  des 
Bretons,  voisins  de  la  France,  des  Bretons  du  pays  de 
Galles.  «  Il  n'y  a  rien  quelconque  qui  ne  s'y  puisse  dire 
»  ou  écrire,  bien  plus  distinctement  qu'en  genevois,  breton- 
»  brelonnanl,  ou  en  basque  (Claude  Duret,  Thre'sor  de  l'his- 
»  toire  des  lanijues  ». 

Mais  depuis,  ayant  vu  dans  le  Dictionnaire  de  Littré 
que  breton  bretonnant  «  jie  se  dit  que  dans  les 
locutions  «  Breton  bretonnant,  pour  désigner  un  bas- 
Breton,  et  Bretagne  brrtonnante,  pour  désigner  le  pays 
occupé  par  les  bas-Bretons,  j'ai  réfiédii  de  nouveau  à 
ce  singulier  adjectif,  et  je  suis  arrivé,  par  des  considé- 
rations que  je  vais  vous  faire  connaître,  à  la  conviction 
qu'il  est  complètement  impiopre  à  désigner  la  langue 
dont  vous  parlez. 

L'ancienne  province  appelée  Bretagne  se  divise  en 
Ilaule  et  liasse  Bretagne;  cette  dernière  renferme  une 
population  d'environ  1,100,000  habitants  d'origine 
gauloise  pure,  dont  les  ancêtres  sont  venus  de  l'Angle- 
terre au  \'  et  au  vi''  siècle,  fuyant  devant  leurs  vain- 
queurs, les  Saxons  et  les  Angles.  Cette  population  ha- 
bite le  .Morbihan,  le  Finistère  et  les  Cotes-dii-Nord 
(Guingamp,  Lannion  et  partie  des  arrondissements  de 
Loudèac  el  dcSaint-Brieucl.  Les  Bretons  de  ces  endroits 
parlenl  une  langue  particulière  ;  on  les  appelle  les 
Bretons  brelonnants,  et  la  partie  de  la  Bretagne  qu'ils 
habitent,  la  Bretagne  bretonnante  : 

Je  suis  de  la  Itrelugne  hrclnnnanlc,  et  par  conséquent, 
entêté  comme  un  vrai  Breton. 

(Ale.Yondte  Diiiiias.) 


LE  COURRIER  DE  VALGELAS. 


On  peut  ranger  M.  Poussin  parmi  les  lircfons  Orcioiinants 
les  plus  fidèles  à  la  vieille  Armorique. 

tTliéophilc  Gautier.) 

\[i  remarquèrent  une  femme  assise  sur  un  de  ces  quar- 
tiers de  roc,  dans  l'attitude  de  la  plus  sombre  tristesse. 
C'était  la  Bielonnc  bretonnante  dans  toute  l'acception  du 
mot. 

(Paul  Delluf,  la  Bretonne.') 

Dans  ces  appellations,  le  mot  bretonnant  ne  peut  Atre 
que  le  participe  d'un  verbe  bretonnr.r^  signifiant  parler 
breton,  comme  le  verbe  putoiser  signifie  parler  patois. 
De  sorte  que  Breton  bretonnant  veut  dire  littéralement 
Breton  qui  parle  breton  (par  opposition  au  Breton 
(|ui  parle  français),  et  Bretar/ne  bretonnante,  partie  de 
la  Bretagne  où  se  parle  l'idiome  des  anciens  Bretons. 

Or,  si  telle  est  bien  la  signification  de  bretonnant, 
est-il  possible  de  l'appliquer  au  langage  bas-breton? 

Evidemment  non,  car  on  ne  peut  pas  plus  dire  de  ce 
langage  qu'il  bretonne  qu'on  ne  peut  dire  du  patois 
qu'il  patoise  :  employé  dans  la  dénomination  du  |)arler 
de  la  Basse-Brelagiie,  le  participe  bretonnant  ferait  un 
pléonasme  des  moins  justifiables.' 


PASSE-TE.MPS  GRAM.MATIGAL 


Corrections  du  numéro  précèdent. 

1°  ...  il  a  plus  sauvé  de  cantlidals  qu'il  n'en  a  perdu;  — 
t"  . .  ■  qu'il  soit  obligé  d'agir  ainsi  (pas  de  en];  —  3"  .  .  le 
plus  beau  qui  ait  encore  élé  donné  ;  —  4°  ...  doivent  commen- 
cer à  êlre  dans  leurs  petits  souliers  (c'est-à-dire  à  être  gênés); 
—  5»  ...personne de  moins  observateur  que  nos  pêcheurs;  —  6° ... 
des  plus  multiples  et  des  plus  variées  (l'adverbe  plus  se  répète 
devant  chaque  adjectif);  —  7°  ...  quelle  émotion  profonde  a 
causée  sa  mort;  —  S»  ...  sera  demandée  apn  de  donner  aux 
puissances  (voir  Courrier  de  Vaiigetas,  i'  année,  p  82);  — 
9»  ...  Il  portail  en  écharpe  une  de  ces  trompes;  lO»  ...  aux 
mains  longues,  aux  lèvres  épaisses  {lippu  veut  dire  qui  a  les 
lèvres  épaisses);  11°  ...  je  ne  laissais  pas  d'être  (Voir  Courrier 
deVaugelas,  i'  année,  p.  155);  —  12'  ...  mais  c'étaient  lie 
pures  sentences. 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 
contemporaines. 

1°  Je  me  suis  associée  aux  instances  faites  auprès  du 
sultan  pour  le  convaincre  qu'il  convient  d'adopter  des 
mesures  de  réforme  administrative  qui  peuvent  écarter 
toute  cause  raisonnable  de  mécontentement  parmi  ses 
sujets  chrétiens. 

2°  J'écrivais  hier  qu'il  gelait.  Il  a  suffi  que  je  le  dise 
pour  qu'aujourd'hui  il  dégèle.  -Nous  voilà  maintenant  dans 
le  marécage. 

3'  C'est  la  première  application  de  la  nouvelle  loi  sur  la 
presse.  Malgré  tout  le  respect  qu'on  doit  au.\  décisions  de 
la  justice,  elle  ne  manquera  pas  d'être  taxée  de  sévère. 

4'  M.  M...  comme  si!  revenait  d'un  voyage,  se  disposait 
à  monter  dans  son  appartement  lorsque  le  concierge 
l'arrêta  au  passage,  et,  d'un  ton  acerbe,  lui  observa  qu'il 
etît  à  chercher  un  autre  domicile. 

5-  Tous  les  jours  le  Fraimtis  crie  par  dessus  les  toits  que 
son  ministre  bien-aimé  combat  les  bonapartistes.  Tous  les 


jours  ceux-ci  se  plaignent  d'être  en  butle  à  1  hostilité  de 
l'administration  pour  mieux  cacher  leur  jeu. 

6'  Je  ne  sais  qui  est-ce  qui  avait  persuadé  à  Méry  que 
les  bossus  étaient  d'excellents  fétiches,  et  qu'il  suffisait 
de  toucher  leur  bosse  pour  se  trouver  immédiatement  en 
relations  avec  la  fortune. 

7-  C'est  à  M.  Coquclin  qu'est  échu  le  rôle  difficile  du  duc 
des  Septmons.  Mais  de  quoi  allé-je  m'aviser  de  parler  de 
rôle  difficile  ?  Est-ce  que  tous  les  rôles  ne  sont  pas  difficiles 
dans  l'Etrangère? 

8°  .Mais  il  est  à  prévoir  que  bien  d'autres  questions, 
celles-ci  inopportunées  et  prématurées  seront  soulevées, 
sur  lesquelles  M.  Debrousse  a  su  conserver  une  indépen- 
dance que  d'autres  n'ont  pas. 

'.)'  Il  faut  cependant  s'attendre  peut-être  à  d'autre  chose 
de  pire  comme  manœuvre  de  la  dernière  heure. 

10"  Oh!  riez  et  vous  gaussez  de  moi  si  le  cœur  vous  en 
dit,  je  n'en  ai  cure  sur  mon  âme. 

[Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  KVll'  SIÈCLE. 


Marguerite  BUFFET. 

{Suite.) 

On  dit  encore  souvent  cela  est  arrivé,  ce  dit-on;  cela 
s'est  fait,  ce  dit-il;  il  faut  dire  dit-on  et  dit-il,  sans 
mettre  le  pronom  ce. 

11  ne  faut  pas  dire  outre  à  ce  que  cela  se  passa  de 
celte  manière  ;  il  faut  dire  outre  que  cela. 

Ne  dites  pas  //  y  a-fil  de  meilleure  marchandise 
<litc  celle-là  que  je  vous  donne;  mais  dites  y  a-t'il  de 
meilleure  marchandise  que  celle  que  Je  vous  donne. 

Je  sçay  qu'il  fera  plus  qui  ne  vous  promet  pas  est 
une  mauvaise  expression;  dites  plus  qu'il  ne  vous 
promet. 

D'autres  disent  ils  iront  oit  je  ne  sçay  pas  encore;  il 
faut  dire  ils  iront  oit  je  ne  sray  encore. 

Plusieurs  disent  7"//'«(/  là  sans  point  de  faute,  il  faut 
(lire  sans  faute  (16681. 

Maintes  femmes  disent  quand  c'est  que  je  suis  /tabu- 
lée, je  ne  puis  rien  faire  ;  elles  devraient  dire  quand  je 
suis  habilli'e. 

.\u  lieu  de  quand  est-ce  qit'il  arrivera,  il  faut  dire 
quand  arrivera-t'il .' 

Il  ne  faut  pas  mettre  pour  devant  afin  de;  ainsi  la 
phrase  suivante  est  mauvaise  :  j'uy  fuit  cela  pour  afin 
de  lui  faire  connaître  la  vérité. 

Mauvaise  aussi  celle  autre  :  Cet  homme  est  fâcheux, 
roirc  mesine  itisupportable;  il  faut  supprimer  voire 
mesmc,  et  le  remplacer  par  et. 

Quelques-uns  disent  //  seuil  parfaitement  et  .•"•«- 
raminenf  joiier  du  clai-ecin;  l'un  des  deux  est  superllu 
et  constitue  une  faute. 

Beaucoup  de  gens  disent  par  après  et  en  après; 
c'esl  ridicule,  il  faut  dire  après. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


qu 


Se  bien  garder  de  dire  «  moins  que  de  faire  cela  ;  le  j 
<e  est  de  trop ,  il  faut  dire  à  moins  de  faire. 

On  dit  encore  bien  loin  de  m' avoir  recompemé;  c'est 
mal,  il  faut  dire  simplement  loin  de. 

On  dit  aussi,  ce  qui  est  mal,  jiisrju'à  aitjourdhuy, 
il  faut  (Ï\YQ  jitsques  aujourd'huy. 

Il  faut  dire  il  commença  d'avoiler  et  non  //  commença 
à  avolier. 

11  y  a  des  gens  qui  ne  peuvent  parler  sans  mettre  des 
«  superflus  «  de  mots  ;  ils  disent  cet  homme  est  lâche 
et  paresseux,  comme  si  ces  deux  mots  n'avaient  pas  la 
même  signiQcalion. 

//  a  sif/Jié  ce  conlract  de  sa  main,  dit-on  quelquefois; 
il  faut  dire  simplement  il  a  signé  ce  contract. 

Il  est  si  vrày,  qu'il  l'a  confessé  de  sa  propre  bouche, 
superfiuité;  il  suffit  de  dire  il  l'a  confessé. 

Il  se  trouve  aussi  plusieurs  personnes  qui  font  un 
mélange  de  syllabes  assez  mal  à  propos  ;  par  exemple, 
elles  diront  jay  receu  des  lettres  du  dix,  du  treize, 
du.  quatorziesme  du  courant,  tandis  qu'il  faut  dire  j'ay 
receu  toutes  nos  lettres,  une  du  treiziesme,  une  du  qua- 
torziesme du  courant. 

TROISIÈME    PARTIE. 

Il  est  question  ici  des  mots  corrompus  et  mal  pro- 
noncés. 

Marguerite  Buffet  voit  des  personnes  qui  ne  font  pas 
de  fautes  dans  la  langue  française,  mais  qui  la  pro- 
noncent si  mal,  qu'il  semble  que  de  chaque  mol  elles 
dérobent  quelques  syllabes,  ne  faisant  jamais  entendre 
les  dernières,  qui  sont  les  plus  nécessaires;  par  e?:emple, 
quantité  de  .personnes  disent  je  ne  lairay  pas  de  faire 
telle  chose.  Il  faut  dire  en  prononçant  les  s,  je  ne  lais- 
se ray. 

Répondant  à  quelque  demande,  on  dit  ordinairement 
ce  qui  rous  plaira,  en  mangeant  une  /;  il  faut  la  faire 
un  peu  sonner,  et  dire  ce  qu'il. 

Beaucoup  de  personnes  se  servent  encore  de  cette 
«  méchante  »  prononciation  ;  elles  disent  vous  irest  en 
tel  endroit,  vous  ferrst  telle  chose.  Il  faut  dire  irez, 
ferez . 

Il  s'en  trouve  encore  qui  ne  savent  s'il  faut  dire  un 
j)orlruit  ou  un  pour  Irait  ;  il  faut  prononcer  portrait  et 
portraire. 

Plur^ieurs  prononcent  setjrel,  sc(jrettement  ;  il  faut 
faire  entendre  un  c,  et  dire  secret,  secrètement. 

On  prononce  aussi  par  erreur  mcabons  au  lieu  de 
rar/abons. 

Bien  des  gens  disent,  ne  se  doutant  point  qu'ils  font 
une  faute,  c'est  mon  filial,  c'est  ma  fîolle  ;  la  seule 
bonne  manière  est  filleul,  filleule. 

D'antres  pensent  raflluer  en  disant  un  faussé,  quand 
on  doit  dire  un  fossé. 

Il  y  en  a  encore  qui  disent  la  chouse,  arrouscr;  on 
n'cmiiioie  plus  ces  vieilles  prononciations,  qui  ne 
servent  qu'à  corrompre  la  plus  belle  de  toutes  les 
langues,  qui  est  la  française  ;  on  doit  dire  la  chose, 
arroser: 

Plusieurs  prononcent  des  nantilles  (iCOS);  il  faut 
dire  des  lentilles. 


Ne  dites  pas  il  n'a  pas  pour  survenir  à  la  nécessité; 
dans  tt  ce  »  rencontre,  il  faut  dire  subvenir. 

Quoy  que  l'on  die  et  quoy  que  l'on  dise  sont  fort  en 
usage  tous  deux  ;  mais  le  premier  est  le  meilleur. 

Beaucoup  de  personnes  disent  seijond,  secondement  ; 
et  il  y  a  même  des  femmes  qui  en  ont  tellement  l'habi- 
tude qu'elles  ne  l'écrivent  point  autrement;  il  faut 
dire  second,  secondement. 

Voici  un  cas  où  bien  peu  de  gens  «  s'exemptent  »  de 
faire  des  fautes  :  ils  disent  en  ce  temps-cy  il  faut  se 
vêtir;  il  faut  dire  en  ce  temps  icy,  qui  est  la  seule  ex- 
pression convenable,  quoique  en  ce  temps-cy  semble 
être  en  usage. 

Faut-il-dire  les  jours  caniculiers  ou  les  jours  canicu- 
laires? La  dernière  expression  est  la  plus  en  usage. 

Il  ne  faut  ni  prononcer  ni  écrire  anarjrame,  la  véri- 
table expression  est  anagramme  avec  deux  m. 

C'est  fort  mal  prononcer  que  de  dire  c'est  un  vieux 
homme,  c'est  un  vieux  habit  ;  il  faut  dire  vieil. 

On  demande  lequel  est  le  mieux  de  il  est  marry  ou  de 
il  est  merry.  Ils  ne  sont  condamnés  ni  l'un  ni  l'autre; 
mais  ceux  qui  suivent  le  bel  usage  trouvent  ces  termes 
un  peu  anciens. 

Il  faut  laisser  au  préalable  et  préalablement  pour 
les  gens  de  chicane. 

En  parlant  d'un  homme  riche,  plusieurs  disent  il  a 
valant,  d'autres,  il  a  vaillant  ;  ce  dernier  est  le  meil- 
leur, bien  qu'il  soit  contre  la  règle. 

Marguerite  Buffet  voit  bien  des  personnes  qui  disent 
drés  que  je  seray  en  estai  au  lieu  de  dés  que. 

Beaucoup  se  trompent  dans  la  prononciation  de 
gangreine;  quoiqu'écril  ainsi,  ce  mot  doit  se  prononcer 
cangreine. 

Il  y  en  a  qui  disent  canesson  au  lieu  de  calson. 
Plier  et  ployer  diffèrent;  il  faut  dire  ployer  les  ge- 
noiiils  et  plier  le  linge. 

Il  ne  faut  pas  confondre  coiisumer  et  consommer;  en 
ce  qui  regarde  un  mariage,  par  exemple,  il  faut  dire 
consommer;  autrement,  il  faut  employer  consumer,  et 
dire  //  a  consumé  tout  S07i  bien. 

Plusieurs  personnes  prononcent  j;o«r(r/e/«e;  il  faut 
dire  porceline. 

Dans  les  mots  ingrédient,  inconvénient,  expédient, 
escient,  la  finale  ient  doit  sonner  ian. 

Marguerite  Bufl'et  a  entendu  un  grand  nombre  de 
personnes  dire  compagnée  pour  compagnie,  ce  qui  est 
très-ridicule;  il  faut  un  peu  faire  sonner  l';,  le  mot 
ayant  ainsi  plus  de  grâce. 

Plusieurs  pensent  bien  dire  en  prononçant  deux  c 
dans  le  mot  océan;  ils  sont  dans  l'erreur. 

On  dit  encore  dans  beaucoup  d'occasions  dites  l'y 
telle  chose;  il  faut  prononcer  lui,  autrement  c'est  ridicule. 
Il  y  a  des  personnes  qui  prononcent  neautmoins, 
quand  il  faut  prononcer  neanlmoins  (1668). 

En  terme  de  Palais,  on  prononce  submission;  il  faut 
dire  .loûmission,  qui  est  mieux. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  RKDACTEUii-GÉuàNT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


(73 


BIBLIOGRAPHIE. 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Histoire  de  la  Révolution  de  1870-71;  par  Jules 
Claretie.  Édition  illustrée  par  les  plus  célèbres  artistes. 
Livraisons  1  à  à».  (T.  1  et  1).  In-8%  x-755  p.  Paris,  lib. 
illustrée.  Chaque  livraison,  25  cent.;  chaque  volume,  6fr. 

L'Empereur  Claude;  par  Lucien  Double.  In- 18 
Jésus,  "266  p.  Paris,  lib.  Sandftî  et  Fishbacher. 

L'Amour  au  XVIII«  siècle;  par  Edmond  et  J.  de 
Concourt.  In-8°  carré,  176  p.  avec  encadrement  et  3  grav. 
à  l'eau-forte.  Paris,  lib.  Dentu. 

Lettres  d'un  bibliographe.  W  série,  ornée  de  6  pi. 
et  de  plusieurs  fac-similé;  par  J.  P.  A.  Madden.  In-8°, 
xix-287  p.  Paris,  lib.  Leroux. 

Œuvres  de  Rabelais,  augmentées' de  plusieurs  frag- 
ments et  de  deu.x  chapitres  du  5''  livre  restitués  d'après 
un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale,  et  précédées 
d'une  notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
Rabelais.  Nouvelle  édition,  revue  sur  les  meilleurs  textes 
et  particulièrement  sur  les  travaux  de  J.  Le  Duchat,  de 
S.  de  r.\ulnay  et  de  P.  Lacroix  (bibliophile),  éclaircie 
quant  à  l'orthographe  et  à  la  ponctuation,  accompagnée 
de  notes  succinctes  et  d'un  glossaire,  par  Louis  Barré, 
ancien  professeur  de  philosophie.  In-18  Jésus,  616  p.  et 
portr.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 

Voyage  au  pays  des  milliards;  par  Victor  Tissot. 
21=  et  22°  éditions,  ln-18  Jésus,  392  p.  Paris,  lib.  Dentu. 
3  fr.  50. 

Notre-Dame  de  Paris;  par  Victor  Hugo.  Nouvelle 
édition.  2  vol.  in-18  jésus.  vu-750  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  7  fr. 

La  Nouvelle  Héloïse;  par  J.  J.  Rousseau.  Editi'on 
illustrée  de  vignettes  sur  bois.  In-Zi°  à  2  col.,  160  p. 
Paris,  lib.  Beuoist  et  Cie.  2  fr.  10  cent. 


Œuvres  complètes  de  Diderot  revues  sur  les 
éditions  originales,  comprenant  ce  qui  a  été  publié  à 
diverses  époques  et  les  manuscrits  inédits  conservés  à  la 
bibliothèque  de  l'Ermitage.  Notices,  notes,  table  analy- 
tique. Etude  sur  Diderot  et  le  mouvement  philosophique 
au  XVIIP  siècle,  parj.  .Assézat.  T.  10.  Beau.x-Arts.  I.  Arts 
du  dessin  (salons;.  In-8°,  529  p.  Paris,  lib.  Garnier 
frères.  6  fr. 

L'Année  scientifique  et  industrielle,  ou  Exposé 
annuel  des  travaux  scientifiques,  des  inventions  et  des 
principales  applications  de  la  science  à  l'industrie  et  aux 
arts,  qui  ont  attiré  l'attention  en  France  et  à  l'étranger; 
accompagné  d'une  nécrologie  scientifique  ;  par  Louis 
Figuier.  19=  année  (187o).  In-18  jésus,  516  p.  et  gr.  Paris, 
lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50  cent. 

Histoire  de  France  ;  par  J.  Michelet.  Illustrée  par 
D.  Vierge.  Livraisons  10  à  13  (fin  du  tome  1).  In-8'^  xlvii- 
289-370  p.  Paris,  lib.  internationale.   La  livraison,  50  c. 

Une  femme  sans  cœur;  par  Mme  Renly-Lebas. 
ln-18  jésus.  256  p.  Paris,  lib.  Sandoz  et  Fishbacher. 

La  Province  en  décembre  1851.  Étude  historique 
sur  le  coup  d'État  ;  par  Eugène  Ténot.  Nouvelle  édition. 
In-8°,  Yi-338  p.  Paris,  bureaux  du  Siècle.  6  fr. 

Jack,  mœurs  contemporaines;  par  Alphonse  Datl- 
det.  2  vol.  in-18  jésus.  770  p.  Paris,  lib.  Dentu.  6  fr. 

CEuvres  complètes  d'Alfred  de  Musset.  Edition 
ornée  de  28  gravures  d'après  les  d'^ssins  de  M.  Bida.  d'un 
portrait  gravé  par  Flameng  d'après  l'original  de  M.  Lan- 
delle  et  accompagnée  d'une  notice  sur  Alfred  de  Musset 
par  son  frère.  10  vol.  in-8<',  Sdlth  p.  Lib.  Charpentier  et 
Cie.  75  francs. 


Publications  antérieures  : 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇ.MSE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  EM.iN  M.vitTiN,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  V1BR.\TI0NS  POETIQUES.  —  Par  Auguste  Ba- 
LUFFE.  —  Ln  vol.  in-18.  —  Paris,  librairie  acadérnique 
Didier  et  Cie,  35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  .  11  ne 
reste  plus  que  la  li"  et  la  5«  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  !■■«,  la  2«  et  la  3"  annpe  doivent  être  pro- 
chainemenl  réimprimées. 


REVERS  DE  MÉDAILLES.  —  Par  Ai.rnoNSE  Baupouin. 
-  Poésies.  —  Chez  l'auteur  à  Bar-sur-Aube  (Aube). 


DICTIONNAIRE  ÉTYMOLOGIQUE  des  noms  pnopREs 
d'ho.m.mes,  contenant  la  qualité,  l'origine  et  la  signification 
des  noms  propres  se  rattachant  à  l'histoire,  à  la  mytho- 
logie, des  noms  de  baptême,  etc.  —  Par  Paul  Hecquet- 
Boucn.iND  —  Paris.  Victor  Sarlit,  libraire-éditeur,  19, 
rue  de  Tournon. 


L'HOMME  ADULTÈRE  —  Par  .Marr.-^  Rolx.  —  Paris, 
E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la  Société  des  gens  de 
lettres  —  Palais-Royal.  17  et  19,  Galerie  d'Orléans  — 
Prix  :  3  fr. 


BÉNÉDICTE.  —  Par  S.  Blaxdv.  —  Paris,  librairie  aca- 
démique Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35,   quai  des 

Augustins. 


L'UNTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  CURIEUX. 
—  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fishbacher,  33,  rue 
de  Seine,  à  Paris.  —  Chacune  des  7  années  parues  se  vçnd 
séparément.  —  Envoi  franco  pour  la  France. 


,-,;  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


CATALOGUE      DESCRIPTIF      ET     RAISONNÉ 

UES 

Manuscrits  de   la  Bibliothèque  de  Tours. 


Par  M.  A.  DORANGE,  Conservateur. 


Gros  in-quarto  à  2  colonnes  de  583  pages. 


Cet  ouvrai'e,  qui  a  coûté  dix  ans  de  travail  à  son  auteur,  a  été  apprécié  comme  il  suit  par  M.  Léopold  Delisle. 
administrateur  de  la  Biljliothèque  nationale  (Journal  officiel  du  29  juin  1875)  ; 

(I  La  ville  de  Tours  possède  une  des  plus  riches  collections  de  manuscrits  qui  existent  en  France.  La  description 
qu'en  donne  M.  Oorange,  dans  son  Catalogue  descriptif  et  raisonné  de  la  bibliothèque  de  Tours,  rendra  de  réels 
services  à  la  science.  C'est  dans  cette  collection  que  M.  Luzarche  a  découvert  le  drara»  d'Adam,  et  que  M.  Thurot  a 
trouvé  un  manuscrit  qui  a  notablement  amélioré  le  texte  des  lettres  familières  de  Cicéron.  Le  travail  de  M.  Dorange 
permettra  de  faire  encore  plus  d'une  découverte  intéressante.  La  municipalité  de  Tours,  qui  a  fait  les  frais  du 
Catalogue,  mérite  aussi  la  reconnaissance  des  savants.  » 


RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

L 
Les   Professeurs  de  français  désirant  trouver   des    places  en  Angleterre  peuvent  s'adresser  en   toute  conliince    au 
Secrétaire  du  Collér/e  des  Précepeurs,  til,  Queen  Square  à  Londres,   W.  C,  qui  leur  indiquera  les  formalités  à  remplir 
pour  se  faire  inscrire  sur  le  registre  des  demandes  d'emploi  ouvert  dans  cet  établissement. 

IL 
Une  lettre  reçue  dernièrement  de  Litchfield  (Etat  de  Connecticut)  informe  le  Rédacteur  du  Courrier  de   Vaugelas 
qu'il  est  très-facile  de  se  procurer  des  places  de  professeur  de  français  dans  les  Etats-Unis  d'Amérique.  —  S'adresser 
à  M.  J.  W.  Schermerhorn,  /i30,  Broome  Street,  à  New-York.  —  Affranchir. 


CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


Le  seizième  Concours  poétique,  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février,  sera  clos  le  !«■■  juin  1876.  — Douze  médailles,  or. 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Garrange, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde)  —  Affranchir. 


Société  d'émulation  de  Cambrai.  Extrait  du  programme  des  questions  mises  au  concours  pour  1876.  Poésie.  Le  sujet 
et  l'étendue  de  la  pièce  destinée  à  le  traiter,  sont  laissés  au  choix  des  concurrents.  —  Une  lyre  d'argent  ou  une 
médaille  dont  la  nature  et  la  valeur  sont  subordonnées  au  mérite  de  l'ouvrage,  sont  affectées  également  à  ce  con- 
cours. —  Les  travaux  et  mémoires  inédits  et  n'ayant  jamais  figuré  dans  aucun  concours  seront  seuls  admis.  Ils  porte- 
ront une  épigraphe  répétée  sur  un  pli  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  et  devront  être  adressés, 
franco,  avant  le  1"  Juin  1871!  au  Président  ou  au  Secrétaire  général  de  la  Société.  —  Les  œuvres  non  couronnées  ne 
sont  pas  rendues,  'et  les  plis  cachetés  qui  les  accompaguent  sont  brûlés  en  séance. 


Société  florimontane  u'An.necy.  —  Concours  de  1876.  —  Poésie  :   Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux 
concurrents.  —  Le  nombre  minimum  des  vers  est  ûxéh  cent.  —  Les  travaux  seront  composés  en  langue  française. 

—  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  ces  travaux  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

—  Les  auteurs  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus.  —  Les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à 
l'intérieur  d'un  billet  cacheté  indi(|uant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux 
archives  de  la  Société,  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie. 


La  Société  académique  de  Saint-Qlentin  propose  des  médailles  d'or  pour  les  sujets  suivants,  mis  au  concours  pour 
l'année  1870  :  Poésie.  —  Sujet  laissé  au  choix  des  concurrents.  Cantates.  —  Sujet  également  laissé  au  choix  des 
concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  concours  devront  remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national 
de  musique  pour  le  prix  de  Home,  c'est-à-dire  être  à  personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'homme),  et 
contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un  trio  final.  —  La  Cantate  de  1876  servira  de  texte  pour  le 
concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1877.  Littérature.  —  I"  question  :  «  Etude  sur  la  poésie  contemporaine.  »  — 
2'-  question  :  «  Des  moyens  de  développer  le  goût  de  l'étude  dans  toutes  les  conditions  sociales.  » 

Le  rédaclciir  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  son  bureau  ilo  midi  à  une  heure  et  demie. 


Imprimerie  GOlVERNKlIli,  G.  DAL'l'KLEV  A  NogeiU-le  Rotrou. 


6»  Année 


N»  23. 


1"  Avril  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^« 


A\W  Journal  SemUIensuel  <!/ /       À 

-^      CONSACRÉ    A    LA     PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE     LA    LANGUE     FRANÇAISE       '^A     1 


ParaUgant    le    1"  et    !•    IS    de   ehaqne   moU 


{J>an%  sa  séance  du  \ï  janvier  1S75,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Abonnement  pour  la  France.    6  f . 

Idem         pour  l'Étranger   10  f. 

Annonces,  la  ligne.          50  c. 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

PROPESSEnH  SPÉCIAL  POUR   LES  ÉTRANOBHS 

Officier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

ABONNEMENTS: 
On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 
nal, soit  à  un  libraire  quelconque. 

Le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  vient  d'être 
officiellement  informé  que,  sur  le  rapport  de  sa  com- 
mission des  récompenses,  le  Conseil  supérieur  de  la 
Société  libre  pour  le  développement  de  l' Instruction  et 
de  l'Education  populaire!^  lui  a  décerné  une  médaille 
DHONSErR  dans  sa  réunion  du  7  mars  IS76. 


SOMMAIRE. 

Communication  sur  l'élymologie  de  Calembour;  —  Explication 
de  Avoir  du  foin  dans  ses  bottes;  —  Origine  de  Macfiin  servant 
à  désigner  une  personne  ;  —  Pourquoi  Après  être  parti  et 
Avant  d'étreparli;  —  L'expression  Je  ne  saelie  pas.  ||  Elymologie 
de  Loup-garou,  —  Ce  que  signifie  Un  roi  in  partibus  ; 
—  Pourquoi  i4i'oir  HK  (e  loup  signifie  être  enroué.  ||  Passe- 
temps  grammatical  ||  Suite  de  la  biographie  de  Marguerite 
Buffet  II  Ouvrages  de  grammaire  et  de  Littérature.  ||  Ren- 
seignements aux   professeurs  français    II    Concours  littéraires. 


FRANCE 


COMMUNIG.\TION. 

Le  8  mars  dernier,  un  ancien  abonné  m'a  adressé, 
au  sujet  de  l'étymologie  de  calem/)oiir,  dont  j'ai  parlé 
dans  le  Courrier  de  Vautjelax  (2=  année,  p.  477),  la 
communication  suivante,  qu'il  a  découpée  'exemple  à 
imiter;  dans  le  journal  le  Temps  du  2  février  1875  : 

M.  Victorien  SarJou  vient  de  publier  dans  le  Figaro  une 
étude  sur  l'origine  du  mot  cotemlmur.  D'après  M.  Liltré,  le 
mot  calembour  vient  du  nom  de  l'abbé  df>  Caleraberg, 
personnage  plaisant  des  contes  allemands. "D'après  d'autres 
commentateurs,  il  nous  aurait  été  légué,  soit  par  le  comte 
Caleraberg,  de  Westphalie,  soit  par  un  apothicaire  qui 
s'appelait  Calembour.  Mais  JI.  Victorien  Sardou  n'est  pas 
de  cet  avis;  il  estime  que  l'on  peut  renvoyer  le  comte 
Calemberg  en  Westphalie  et  inviter  l'apothicaire  à  l'y 
suivre. 

L'étymologie  de  M.  Sardou  est  bien  différente.  Calembour 
n'aurait  pas  d'autre  origine  que  le  mot  français  calambour, 
bois  O'Iorant  de  l'Inde. 


De  porter  cette  boîte  en  bois  de  calambour 
A  mon  père,  monsieur  l'électeur  de  Neubourg. 

(Ruy-BUis,    acte  II.  se.   V.) 

Comment  M.  Sardou  justifie-t-il  cette  interprétation' 
C'est  le  hasard  seul  auquel  il  l'aurait  due.  M.  Sardou  est 
un  collectionneur  :  il  lui  est  arrivé  d'acheter,  il  y  a  quel- 
ques années,  à  la  mort  du  petit-fils  de  Favart,  un  lot  de 
vieux  papiers  provenant  de  son  très  spirituel  grand-pére. 

Or,  dans  cet  achat,  se  trouvait  un  manuscrit  écrit  de  la 
main  de  Fuzelier,  et  contenant  les  Montgenetles,  un  recueil 
de  chansons  composées  à  Montgent  par  de  bons  vivants 
de  la  joyeuse  société  d'autrefois.  L'abbè  Chérier,  censeur 
royal,  était  seul  à  court  au  milieu  de  ces  improvisateurs 
intrépides.  Un  beau  jour,  le  voilà  qui  arrive  tout  fier  d'une 
subite  inspiration.  Mais  laissons  parler  Fuzelier  : 

0  Le  gros  abbé  courant  le  matin,  presque  nu,  malgré  la 
bise,  dans  les  chambres  de  Montgent,  s'écria  qu'il  venait 
d'enfanter  une  jolé  (sic)  chanson,  et  pour  le  premier,  il 
chanta  d'abord  sur  l'air,  Plaignons  le  malheur  de  Lulli, 
etc.. 

Pleurons  tous  en  ce  jour... 
«  Après  ce  beau  vers,  sa  muse,  fatiguée  de  cet  effort  spi- 
rituel, fit  une  pause  prudente  et  nécessaire. 

«  La  compagnie,  charmée  d'un  si  heureu.x  début,  le 
presse  d'achever.  Le  poète  léger  recommença  : 

Pleurons  tous  en  ce  jour... 
et  s'arrêta  là  une  seconde  fois... 

«  On  le  conjura  de  continuer  un  ouvrage  qui  promettait 
tant.  Enfin,  après  avoir  invoqué  Apollon  et  remonté  sa 
lyre,  il  entonna  pour  la  troisième  fois  avec  une  emphase 
digne  du  sujet  : 

Pleurouj  tous  en  ce  jour... 
Du  bois  de  calambour... 
«  Son  Pégase  essoufflé  ne  peut  faire  un  pas  de  plus,  il 
s'arrête  court.  —  Ce  poème  ébauché  risquait   d'avoir  le 
sort  de  lEnéide  et  de  n'être  pas  achevé,   si  Mareuil,  osant 
suivre  ce  nouveau  Virgile,  n'avait  pas  sur-le-champ  ter- 
miné celte  importante  affaire  comme  il  suit  : 
Pleurons  tous  en  ce  jour 
Du  bois  de  Calanbour... 
Crioit  d'une  voix  emphatique 
Un  abbé  qui  n'est  pas  éthique. 
Aussitôt  en  cbœur  on  lui  dit, 
Il  a  mal  à  l'esprit. 
Et,  après  avoir  reproduit  ces  vers  de  fermier-général, 
Fuzelier  ajoute  : 

«  Ce  mot  de  calaiilmur  fut  tant  répété  ce  jour-là  et 
•depuis  par  la  soci'té  de  Montgent,  poursiguifier  comique- 


178 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


ment  et  allégoriquement  fadaise,  baliverne,  pauvreté,  qu'il 
a  fait  fortune  et  est  devenu  proverbe.  » 
Mareuil  d'ailleurs  fit  incontinent  la  chanson  suivante  : 
Sur  l'air  :  Tout  cela  m'est  indi/férent. 

Pour  ne  jamais  demeurer  court 

Prenez  gaule  de  Calanbour. 

Touchez  avec  celte  baguette 

Le  stupide  ou  l'homme  d'esprit, 

Vous  verrez  que  d'une  sornette 

Ainsi  que  d'un  bon  mot  il  rit. 
Quelle  e.^t  la  conclusion  de  M.  Sardou  ? 
Il  .Ne  conçoit-on  pas  très  bien,  dit-il,  que,  franchissant 
les  limites  de  Montgent,  et  propagée  au  dehors  par  les 
gens  de  tout  rang,  auxquels  Fuzelier  fait  allusion,  la  locu- 
tion nouvelle  se  soit  insensiblement  transformée  sur  la 
route;  et  que,  s'ècartant  de  plus  en  plus  de  sa  significa- 
tion première,  elle  en  soit  venue  tout  doucement  à  ne 
plus  désigner  seulement  une  sottise,  mais  aussi,  et  par  la 
ressemblance  des  deux  mots,  une  calembredaine  (mot,  n'en 
déplaise  à  M.  Littré,  bien  antérieur  à  calembour),  —  puis 
le  coq-à-l'éiie,  —  l'équivoque,  et  enfin  le  jeu  de  mots  tout 
spécial  qu'elle  caractérise  aujourd'hui,  —  et  qui,  depuis 
longtemps,  attendait  une  expression  qui  lui  fût  propre? 
—  De  telle  sorte  qu'ayant  enfin  vers  1760  son  droit  de 
bourgeoisie,  —  le  calembour  n'attendait  plus  que  M.  de 
Biévre  pour  obtenir  de  lui  ses  litres  de  noblesse. 

«  Je  crois  donc,  jusqu'à  nouvel  ordre,  que  l'étymologie 
est  bien  là,  et  qu'il  ne  faut  pas  la  chercher  ailleurs.  » 

Tous  mes  remercimentsà  la  personne  qui  a  bien  voulu 
prendre  la  peine  de  m'envoyer  cebexcellent  article.  Quand 
j'aurai  eu  le  temps  d'y  réfléchir,  je  donnerai  volontiers 
mon  apprécialion  sur  l'étymologie  proposée  par 
M.  Sardou,  laquelle,  tout  d'abord,  me  semble  avoir  de 
grandes  chances  pour  être  préférée  à  celle  dont  je  me 
suis  montré  partisan  autrefois. 
X 
Première  Question. 

Comment  expliquez-voux  la  loi  ut  ion  populaire  Mettre 
iiD  FOIN  DANS  SES  BOTTES  dyiiipant  devenir  riche  ? 

Il  a  été  donné  plusieurs  explications  de  ce  proverbe; 
en  voici  les  principales  : 

•l"  Au  temps  des  chaussures  à  la  poulaine,  dont  la 
grandeur  était  proportionnée  au  rang  de  ceux  qui  les 
portaient,  on  garnissait  ordinairement  de  foin  les  vides 
que  les  pieds  ne  devaient  pas  remplir  dans  ces  chaus- 
sures: c'est,  dit  Quitard,  ce  qui  a  donné  lieu  à  l'expres- 
sion proverbiale  //  a  mis  du  foin  flans  ses  bottes,  qu'on 
emploie  en  parlant  d'un  homme  devenu  riche  par  des 
moyens  peu  honnêtes.  C'est  comme  si  l'on  disait  voilà 
un  homme  dont  les  bottes  ne  sont  pas  faites  pour  lui. 

—  Il  n'y  avait  aucun  déshonneur  à  mettre  du  foin 
dans  des  souliers  à  la  poulaine,  puisque  cette  chaus- 
sure était  à  la  mode;  comment  ce  fait  pourrait-il  expli- 
([uer  mettre  du  foin  dans  ses  bottes,  qui  implique  une 
suite  d'actions  que  la  morale  réprouve'? 

2"  A  l'occasion  du  vers  G'.O  du  chant  P'  de  la  C/ian- 
son  de  Holand,  vers  ainsi  conçu  : 

il  les  ad  prises,  en  sa  lioese  les  Imutc, 
Génin  fait  remar(iuer  ([u'autrefois  l'usage  était,  à  ce 
([u'il  i)arait,  de  déposer  les  petits  objets  précieux  dans 
sa  hotte  comme  dans  une  poche.  Ne  se  pourrail-il  pas 
bien  que  mettre  du  foin  dans  ses  bottes  ft'il  uue  allu- 
sion à  cette  pratique'? 


—  Je  ne  nie  pas  l'existence  d'un  tel  usage,  car  Naymes 
ayant  tué  le  gripon  igriffon)  qui  avait  attaqué  son  che- 
val au  passage  du  terrible  Aspremont,  lui  coupe  une 
patte  : 

Naymes  la  prist,  qui  fut  moult  sages  hom  ; 
Met  l'en  sa  fioese,  montrera  l'a  Karlon. 

(Agolayttt  448.) 

Mais  ce  qui  me  parait  plus  que  douteux,  c'est  qu'on 
ait  jamais  mis  du  foin  dans  la  tige  de  sa  botte,  comme 
on  a  pu  y  mettre  un  bijou. 

3"  Le  mot  foin  s'est  prononcé  autrefois  fain,  comme 
le  montrent  les  exemples  suivants,  où  il  a  justement 
cette  orthographe  : 

Le  cheval  corut  attachier 
A  un  arbre  parmi  le  frain; 
liée  pest  de  l'erbe  et  dou  fain. 

(^Renard,   19366.) 

Un  asne  esliroit  plus  tost  fain  que  or. 

fOreame,  Etli.  3o9-) 

C'est  à  entendre  que  ils  fies  serfs  anglois]  doivent  par 
servage  les  fainys  faner  et  mettre  à  l'hostel. 

(Froissart,  II,  II,  106. J 

Or,  la  langue  latine  avait  un  mot,  fœnus,  qui  signi- 
fiait gain,  intérêt,  profit,  et  qui,  grâce  à  son  identité  de 
radical  avec  fœnum,  foin,  a  dû  sonner  aussi  fain.  La 
locution  dont  il  s'agit  ne  serait-elle  point  une  allusion  à 
fœnus.'  Elle  signifierait  ainsi  que  la  personne  dont  oh 
parle  a  fait  un  grand  bénéfice,  un  grand  profit. 

—  Il  est  vrai  que  foin  s'est  prononcé  autrefois  fain, 
mais  pour  que  cette  explication  fîit  admissible,  il  fau- 
drait que  l'on  trouvât  le  mot  fœnus  sous  la  forme  foi?i, 
et  on  ne  l'y  trouve  nulle  part,  ce  mot  n'ayant  pas  passé 
du  latin  en  français. 

4°  D'après  M.  Littré,  mettre  du  foin  dans  ses  bottes, 
locution  équivalente  à  mettre  de  la  paille  dans  ses  sa- 
ints, provient  de  l'usage  de  garnir  ses  chaussures  de 
paille,  de  foin,  pour  qu'elles  ne  blessent  pas  le  pied. 

—  Cette  solution  est  certainement  la  meilleure  de 
celles  qui  ont  été  proposées  jusqu'ici;  mais  il  y  manque 
quelque  chose,  car  elle  ne  rend  pas  compte  de  l'idée 
d'improbité  conlehue  dans  mettre  du  foin  dans  ses 
bottes. 

Voici,  il  me  semble,  la  véritable  explication  de  cette 
phrase  proverbiale  : 

Mettre  de  la  paille  dans  ses  .■souliers,  qui  signifie,  au 
propre,  se  meltre  à  l'aise  pour  marcher,  a  été  employé, 
au  figuré,  parmi  les  nombreux  euphémismes  usités  il  y 
a  quelques  siècles  pour  signifier  prendre  le  bien  d'au- 
trui,  preuve  le  passage  suivant  des  Avantuies  de 
M.  d'Assoucii  (liv.  I,  ch.  3,  p.  64)  : 

Que  diray-je  plus,  autant  d'hommes,  autant  de  larrons; 
et  autant  de  la/rons  diflférens,  autant  de  titres  particu- 
liers, comme  : 

Uançonner,  faire  venir  l'eau  au  moulin,  faire  un  trou  à 
la  nuit,  tirer  d'un  sac  deux  moutures,  j-oiier  de  la  harpe, 
griveler,  grapiller,  plumer  la  poule  sans  crier,  .sophisti- 
quer, frelattcr,  faire  du  bien  d'autruy  largo  courroye. 
donner  A  manger  à  la  pie,  mettre  de  la  paille  en  ses  sou- 
Uers,  plier  la  luilelte,  alliage,  corvée,  monopole. 

Or,  lorsque,  plus  tard,  on  eut  créé  l'expression  simi- 
laire )we«/e  du  foin  dans  ses  bottes,  ipii ,  au  propre,  a  un 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS, 


)7!» 


sens  parfaitemenl  idenlique  à  celui  de  son  modèle  se 
mettre  à  l'aise  dans  sa  chaussurei,  cette  expression 
naturelfement  prit,  au  figuré,  la  même  signification 
que  mettre  de  la  paille  dans  ses  souliers,  c'est-à-dire 
celle  de  devenir  riche  par  des  moyens  qui  ne  sont  pas 
honnêtes. 

Si  je  ne  me  trompe,  les  deux  expressions  dont  je 
viens  de  parler  ne  doivent  pas  s.'emplojer  inditTérem- 
ment  l'une  pour  l'autre.  En  effet,  c'étaient  les  plus 
pauvres  gens  qui,  autrefois,  mettaient  de  la  paille  dans 
leurs  souliers,  comme  le  donne  à  entendre  ce  passage 
de  la  Satyre  Ménippée  (ch.  IX,  par  345,  éd.  de  4  852)  : 

Au  contraire  des  quemands  et  belitres  qui,  pour  abuser 
le  monde,  mettent  de  la  paille  en  leurs  souliers,  se  salpau- 
drants  les  jambes  pour  mieux  trembler  le  grelot. 

En  conséquence,  je  crois  que  mettre  de  la  paille 
dans  ses  souliers,  doit  se  dire  de  personnes  de  la  plus 
basse  condition,  et  que  mettre  du  foin  dans  ses  bottes 
convient  à  des  gens  d'une  condition  plus  relevée. 

X 

Seconde  Question. 
Je  lis  dans  le  Dictionnaire  de  Littré  que  machin,  qui 
s'emploie  dans  la  langue  très-familière,  pour  désigner 
une  personne  ou  un  objet  dont  on  ne  se  rappelle  pas  le 
nom,  est  une  corruption  de  machine.  Est-ce  votre  avis, 
et,  dans  le  cas  contraire,  quelle  étymologie  proposeriez- 
vous  à  la  place  de  celle-ci  ? 

Attendu  que  l'on  qualifie  ordinairement  de  rnucliine 
une  personne  qui  fait  quelque  chose  sans  s'en  rendre 
compte,  et  qu'en  désignant  quelqu'un  par  machin  on 
n'a  nullement  l'intention  de  lui  faire  un  mauvais  com- 
pliment, je  crois  que  ce  mol  ne  peut  avoir  l'étjmologie 
qu'indique  M.  Littré,  et  voici  celle  que  je  propose  : 

De  l'allemand  m.vdchen,  fille,  est  dérivé  le  vieux  mot 
français  meschine  qui,  en  conséquence  de  son  origine, 
signifiait  jeune  fille,  fillette,  servante,  comme  le  mon- 
trent les  citations  suivantes  : 

En  la  chambre  ot  une  meschine, 

Qui  molt  ert  de  gentill  orine; 

Li  Preudom  norrir  la  fesoit, 

A  mollier  panre  la  voloit. 

(Barbazan,  M,  56.) 
Celé  a  apelé  sa  mescitine, 
Et  li  comande  que  grant  erre 
Alast  léenz  sa  cuve  querre. 

(Idem.,  III,  p.  93.) 

Quant  riens  ne  sai  de  son  covine, 
Se  el  est  Dame  ne  tneschine 
Por  qui  est  mis  en  tel  error, 
Et  por  qui  sueffre  grant  dolor. 

(Idem.,  II,  p.  55  ) 

Etcommeunnom  à  finale  féminine  désignant  une 
femme  exige  en  quelque  sorte  le  même  nom  à  finale 
masculine  pour  désigner  un  homme,  de  meschine  on 
fit  meschin.  qui  signifia  jeune  homme,  valet,  serviteur, 
ce  dont  voici  la  preuve  évidente: 

Un  siens  voisins  molt  le  requist 
Que  il  sa  maison  li  vendist; 
Mais  li  meschins  vendre  ne  volt. 

(Barbazan,  II,  p.  11 3.) 


S'oïst  de  l'oisillon  le  chant, 
Se  li  semblast-il  maintenant 
Qu'il  fust  meschins  et  Damoisiaus. 

(Idem.  m.  p.  il8.) 

Ur,  avec  le  temps,  le  nom  de  meschine  prononcé 
méchine]  est  devenu  machine  :  si  ma  mémoire  est 
bonne,  à  Illiers,  petite  ville  du  département  d'Eure- 
et-Loir,  j'ai  entendu  dire  plusieurs  fois  la  petite 
machine  pour  désigner  familièrement  une  jeune  fille 
dont  on  voulait  parler  sans  la  nommer.  Ne  peut-on 
pas  conclure  de  là  qu'une  altération  analogue  a  fait 
appeler  machin,  au  lieu  de  meschin,  d'abord  un  jeune 
homme,  puis  un  homme  d'un  âge  quelconque,  et,  enfin, 
tout  objet  dont  on  avait  oublié  le  nom? 

Le  substantif  meschin,  comme  ses  synonymes  callet 
et  sergent,  est  devenu  nom  propre;  mais  son  origine 
inconnue  Ta  fait  généralement  écrire  Méchain,  avec 
un  a.  comme  dans  le  nom  du  célèbre  astronome  qui 
fut  chargé  de  mesurer  l'arc  du  méridien  compris 
entre  Rhodez  et  Barcelone.  C'est  une  faute;  la  véritable 
orthographe  est  Mcchin. 

X 

Troisième  Question. 
Pourquoi   dit-on   apkès  ètbe   parti,    quand  on   dit 

AVANT  d'ÊTBE  parti? 

Dans  l'origine,  la  préposition  avant  s'est  construite 
comme  après,  c'est-à-dire  sans  qu'on  mit  la  préposition 
de  entre  elle  et  l'infinitif  qui  la  pouvait  suivre,  ce  dont 
vpici  la  preuve  : 

Ce  que  j'ay  à  faire  avant  mourir,  pour  l'achever  tout 
loisir  me  semble  court,  feust  ce  'œuvrej  d'un'  heure. 

(Montaigne,  I,  78.) 

A  la  guerre,  avant  aller  aux  factions,  chascun  s'essaye 
de  son  costé  de  gaigner  la  bonne  grâce  des  Dieux. 

(La  Boè'Ue    148.) 

L'empereur  eust  mieux  tait  de  se  asseurer  par  alliance 
avecques  vous  aiani  laisser  joindre  deux  telles  puissances. 

(Marguerite.  Lelt.    Ij7.) 

Mais  souvent  cette  préposition  admettait  que  ou  que 
de  entre  elle  et  l'infinitif,  et  celte  construction  finit  par 
l'emporter  : 

Le  roi  René  l'institua  en  son  lieu,  avant  que  mourir. 

(Commines,   VII,   i.) 

Ils  les  advertissoient  un  mois  avant  que  de  mettre  leur 
exercite  aux  champs. 

(Montaigne,   I,  aS.) 

Il  luy  fault  desloger  avant  qu'a\oir  marié  sa  fille. 

(Idem,  I,  79.) 

Avant  que  finir  ce  discours-ci,  il  faut  aussi  parler  de  la 
fausse  concorde. 

(Lanoue,  fji.) 

Tu  enquiers  et  escoutes  avant  que  de  condamner,  et  luy 
condamne  avant  que  ouïr  les  parties. 

(Amyot,  Rom.   9.) 

Or,  au  xviii^  siècle,  on  proscrivit  que  comme  barba- 
risme entre  ar««<  et  l'infinitif  iVaugelas,  Rem.,  t.  II, 
p.  240),  puis  que  de,  qui  resta  seul  permis  dans  cet 
endroit,  se  réduisit  bientôt  à  de  ;  et  voilà  pourquoi  la 
construction  de  apr/s  n'ayant  subi,  elle,  aucun  chan- 
gement, nous  disons  avant  d'être  parti  et  après  être 
parti. 


480 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Quatrième  Question. 
Je  vous  serais  bien  obligé  de  m'édairer  sur  le  mérite 
de  cette  locution  :  je  ke  sache  pas,  etc.  A  chaque  ins- 
tant et  dans  toutes  les  publications  on  la  trouve,  et 
cependant,  quoi  de  plus  illogique  qu'un  subjonctif 
servant  de  présent!  C'est  donc  un  barbarisme? 

L'explication  que  vous  me  demandez  a  déjà  été 
donnée  deux  fois  dans  le  Coî/me/- de  Vamjelas  [3«  année, 
p.  no,  et  5"  année,  p.  188)  ;  je  regrette  vivement  que 
la  règle  que  j'ai  dû  m'imposer  relativement  aux  ques- 
tions déjà  traitées  dans  ce  journal  ne  me  permette  pas 
de  la  donner  une  fois  de  plus. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
Je  vous  prierais  de  vouloir  bien  traiter,  dans  im  de 
vos  prochains  numéros,  de  la  véritable  signification  du 
mot  Lorp-GARor;  je  ne  comprends  pas  comment  cette 
expression  peut  désigner  un  homme. 

La  croyance  à  la  lycanlhropie  qui,  pour  l'honneur  de 
la  raison  humaine,  n'a  jamais  été  qu'une  croyance 
populaire^  est  venue  des  Grecs,  sinon  des  Égyptiens, 
jusqu'à  nous,  chez  qui  elle  a  fleuri  pendant  tout  le 
moyen  âge. 

Nos  pères  appelaient   loup-garou,    ou    simplement 
garou,  l'homme  qu'ils  croyaient  transformé  en  loup  : 
Gotne  garous  jeté  la  main, 
Si  l'aêrt  fia  saisit]  à  la  cote  au  sein, 
Encontre  val  tout  la  descire. 

(Amadns  el  Yiloine.  cité  par  le  dict.  de  Littré.) 

11  suffit  donc,  pour  répondre  à  votre  question,  de 
dire  ce  que  signifie  le  mot  garou. 

Dans  les  premiers  temps  de  notre  langue,  ce  mot  avait 
les  formes  uarouts,  warous,  vairnus,  vairols,  etc.  : 
Onques  lions  ne  leus  varous 
Ne  fist  si  grand  essil  de  proie. 

[Robert  le  Diable.) 

Le  IV  initial  semble  indiquer  ici  une  origine  germa- 
nique; voyons  ce  qu'il  en  est. 

Loup-garou  se  dit  comme  il  suit  dans  la  langue  alle- 
mande et  dans  ses  congénères  : 
En  allemand  :  vahrunlf.. 
En  anglais  :  wercuotf. 
En  hollandais  :  weenrolf. 
En  anglo-saxon  :  Vere  volf. 
En  danois  :   Var-ulr. 
En  suédois  :  Var-ulf 
Or,  il  est  facile  de  voir  que  tous  ces  mots  sont  com- 
posés des  deux  mêmes  éléments  sous  des  formes  plus 
ou  moins  différentes  :  u\Thr  =  ivere  =  veer  =  vere  = 
var,  et  volf  =  ulv  =  ulf;  et  comme  le  premier  n'est 
autre  que  vair  =  ver  ([ui,  en  gothique  et  en  celtique, 
correspond  au  latin  vir,  j'en  conclus  avec  certitude, 
sachant  que  le  second  signifie  loup: 

K°  Que  garou,  qui  a  le  même  sens  que  loup-garou, 


comme  je  l'ai   fait   remarquer  plus  haut,   veut   dire 
homme  loup; 

2°  Que,  par  conséquent,  loup-garou  signifie  littérale- 
ment loup  homme  loup,  ce  qui  en  fait  un  des  pléo- 
nasmes les  plus  singuliers  de  notre  langue. 

Quoique  loup-garou  ait  un  analogue  dans  le  bas- 
breton  blcizgarê  (où  le  mot  ô/ch  signifie  loup)  et  aussi 
dans  le  wallon  et  dans  le  berrichon  (qui  disent,  le  pre- 
mier leu  warou,  le  second  loup-berou),  je  crois  que 
garou,  tout  seul,  c'est-à-dire  comme  l'ont  employé 
autrefois  les  Normands  (sous  la  forme  garwall),  et 
comme  l'emploient  encore  de  nos  jours  les  pajsans  du 
pays  chartrain  ainsi  que  les  peuples  parlant  les  langues 
germaniques  que  je  viens  de  mentionner,  vaut  infini- 
ment mieux  que  précédé  de  loup. 

X 

Seconde  Question. 

J'ai  vu  dernièrement  cette  expression  dans  un  journal 
français  :  «  C'est  un  roi  in  partibds.  »  Qu'est-ce  que 
cela  veut  dire  exactement ,  je  vous  prie? 

Parmi  ses  diverses  significations,  le  mot  latin^ars  [tis) 
a  celle  de  contrée,  et  in  partibus,  qu'on  fait  ordinai- 
rement suivre  de /re/7(Ze/(i««  (des  infidèles),  signifie  mot 
à  mol  dans  les  pays  des  infidèles. 

Celte  expression  se  joint  ordinairement  au  moi  évêque 
ou  archevêque  ;  de  sorte  que  évêqxie  in  partibus  infide- 
lium,  et,  par  abréviation,  évêque  in  partibus,  se  dit  d'un 
évéque  dont  le  diocèse  est  dans  un  pays  occupé  par  des 
gens  qui  ne  sont  point  de  sa  religion,  el  qui,  par  con- 
séquent, n'a  point  de  siège  effectif: 

Paul  de  Gondi  était  archevêque  in  partibus  de  Corinthe; 
on  lui  avait  donné  ce  titre  pour  qu'il  pût  remplir  les  fonc- 
tions épiscopales  comme  coadjuteur  de  l'archevêque  de 
Paris. 

(Chéruel,  Dict.  hist.  p.   Sgi.) 

Or,  par  analogie  de  position,  on  appelle  roi  in  parti- 
bus celui  qui,  victime  d'une  révolution,  attend  à 
l'étranger  que  son  peuple  revienne  à  d'autres  senti- 
ments, car,  pour  un  temps  plus  ou  moins  long,  il  a  son 
siège,  lui  aussi,  au  milieu  des  infidèles. 

Dans  le  langage  plaisant,  in  partibus  est  usité  pour 
signifier  sans  fondions,  en  disponibilité.  Ainsi  on  dit 
très-bien  un  professeur  in  partibus,  un  préfet  in  parti- 
bus, pour  désigner  un  professeur  qui  a  été  révoqué,  un 
préfel  auquel  l'administration  crée  des  loisirs  forcés. 

X 
Troisiiime  Question. 
Pourquoi  dit-on  d'une  personne  enrouée  qu'EihE  a  vd 
LE  LOUP  ■?  Je  vous  serais  bien  reconnaissante  si  vous 
pouviez  me  donner  cette  explication. 

Les  anciens  élaicnl  persuadés  que  les  regards  du 
loup  aussi  bien  que  ceux  du  serpent  avaient  une  puis- 
sance fascinalrice  et  une  influence  visible.  On  croit, 
dit  Pline,  que  si  un  loup  voil  un  homme  avant  d'en 
avoir  été  aperçu,  il  lui  fait  inslantanement  perdre  la 
voix.  Dans  un*e  des  églogucs  de  Virgile  (trad.  Nisard, 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


H\ 


p.  il9,  col.  1),  Mœris,  privé  de  la  voix,  altribue  son  ] 
malheur  à  ce  qu'un  loup  l'a  vu  le  premier  : 

Le  temps  emporte  tout,  mùme  l'esprit  :  je  me  souviens 
qu'enfant  je  ne  finissais  de  chanter  qu'avec  les  soleils  des 
longs  jours  :  comment  ai-je  oublié  tant  de  chansons?  ma 
voix  même  s'en  va  :  quelque  loup  le  premier  aura  vu  Méris. 

Or,  c'est  celle  croyance,  passée  chez  nous  avec  tant 
d'autres  n'ayant  jtas  plus  de  fondement,  qui  a  donné 
lieu  à  l'expression  //  a  nt  le  loup  (à  laquelle  je  préfére- 
rais il  a  clé  ru  du  loup]  dont  je  puis,  M.  Liltré  aidant, 
vous  offrir  cet  exemple,  qui  remonte  au  xvi"  siècle  : 

Ce  disant,  fegardoit  la  princesse  d'un  œil  si  langoureux, 
qu'il  lui  ôta  la  force  de  rien  répondre,  perdant  la  parole, 
comme  ceux  qui  ont  vu  le  loup  sans  y  penser. 

(Vieux  Conteurs,  Printemps  d'Yver,  p.  586.  col.  t.) 

PASSE-TEMPS  GRA.M.VIATICAL 


FEUILLETON. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°  ...  des  mesures  de  réforme  administratives  qui  puissent 
écarter;  —  i"  ...  Ha  suffi  que  je  le  disse  pour;  —  3°  .  .  .  elle 
ne  manquera  pas  d'être  taxée  de  sévérité;  —  4°  . . .  lui  fit 
observer  qu'il  eût  à  chercher;  —  5°  ..  crie  sur  les  toits  ;  — 
6°  ...  Je  ne  sais  qui  avait  persuadé  à  Méry;  —  7»  ...  Mais  de 
quoi  allais-je  m'aviser  ;  —  8°  . .  •  celles-ci  inopportunes  et 
prématurées;  —  9»  ...  à  d'autre  chose  de  pis;  —  lO»  ...  Oh  ! 
riez  et  gaussei-vous  de  moi. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  dans  la  presse  périodique  et  autres  publications 

contemporaines. 

l*  Dès  que  je  parais  dans  une  circonscription  conserva- 
trice, soupire  le  triste  M.  Buffet,  crac!...  je  ne  sais  pas 
comment  cela  se  fait,  mais  les  électeurs  deviennent  subi- 
tement démagogues. 

2°  Le  Journal  officiel  donne  avis  que  MM.  les  membres 
du  Sénat  et  de  la  Chambre  des  députés  sont  priés  de  faire 
connaître  leur  adresse  au  secrétariat  général  de  la  ques- 
ture de  l'Assemblée  nationale  dès  après  leur  arrivée. 

3°  La  conversation  dura  plusieurs  heures,  sans  jamais 
varier.  A  la  fin,  pourtant,  l'heure  du  dîner  ayant  sonné,  il 
fallut  conclure  avant  que  de  se  séparer. 

4°  La  soutane  de  l'abbé  Pison  paraissait  bâtie  pour  l'éter- 
nité. La  vérité  était  que  le  bon  abbé  ne  se  vètissait  que 
de  défroques  de  certains  confrères. 

5°  Parfois,  certaines  gens,  moins  confiantes  et  désireuses 
de  trouver  un  bon  marché,  achetaient  elles-mêmes  la 
cire,  chez  le  fabricant. 

G"  La  bouquetière  pousse  un  cri,  et,  furieuse,  porte  les 
mains  sur  sa  tête.  Mais  soudain,  elle  s'arrête  et  ne  se 
défrise  pas  les  cheveux,  de  peur  d'abîmer  son  bonnet, 
farci  de  roses  mousseuses. 

7'  Personne  ne  lui  disputait  sa  place;  car  elle  était,  au 
demeurant,  assez  incommode,  et  M.  Colombe  ne  s'était 
jamais  demandé  pourquoi  l'enfant  ne  se  trouvait  pas  ail- 
leurs placé. 

8°  Il  venait  juste  au  moment  où  tout  le  monde  en  géné- 
ral et  Mlle  Bonhomme  en  particulier  avaient  fort  affaire. 

9'  Et  si,  en  prenant  placu  parmi  les  quarante,  il  a  laissé 
derrière  lui  bien  d'autres  plus  dignes  peut-être,  le  journa- 
lisme peut  se  dispenser  d'applaudir,  mais  il  n'a  pas  le 
droit  de  se  plaindre. 

10-  11  crut  qu'elle  résistait  et  la  prit  à  bras  de  corps; 
tnais  le  cadavre  était  lourd;  il  n'eut  pas  la  force  de  le 
relever. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


BIOGRAPHIE  DES  GRAiMMAlRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVIl-  SIÈCLE. 


Marguerite  BUFFET. 

{Suite.) 
Il  faut  prononcer  intrigue  et  non  intri<tue. 
Beaucoup  de  gens  de  province  prononcent  sigorée  au 
lieu  de  chicorée. 

Un  très-grand  nombre  de  personnes  prononcent  mal 
le  mot  Jésuite;  elles  disent  les  Jesuissetes,  quand  c'est 
les  Jésuites. 

Pourmener  n'est  pas  bon,  il  faut  A\re.  pormener. 
Particullarité  ou  particularité  ?  C'est  le  second  qui 
est  la  bonne  prononciation. 

Totiiber  et  tumhcr  sont  tous  les  deux  en  usage. 
On  ditye  ne  croy  pas  que  cette  personne  dise  que  je 
l'ait  mul-traitté;  il  faut  dire  latje  mal-traitté. 

Plusieurs  disent  c'est  du  relin,  cela  est  velimeux;  il 
faut  prononcer  du  venin,  rcnimeu.r. 

Voici  un  cas  où  plusieurs  prononcent  tous  quand  il 
faut  dire  tout;  ils  disent  ils  sont  tous  civiles  au  lieu 
de  tout  civiles.  Cela  n'est  que  pour  le  masculin  :  pour 
le  féminin,  il  faut  dire  elles  sont  toute  habilles.,  elles 
sont  toute  riches. 

11  y  en  a  qui  disent  je  dais  bien  de  l'argent,  il  dait 
beaucoup;  il  faut  prononcer_yr  dois,  il  doit. 

Avoine  est  une  meilleure  prononciation  que  avcine, 
adoptée  par  plusieurs. 

Il  y  en  a  qui  disent  perzecuter  au  lieu  de  persécuter. 
D'autres  retranchent  à  tort  l'.*  de  satisfaire   et  de 
satisfa  tion,  et  prononcent  ,sa/(/"a?Ve,  satifaction. 

On  écrit  les  Patjens,  mais  il  faut  prononcer  les 
Peijens,  qui  est  plus  en  usage. 

Il  faut  aussi  prononcer  encore  et  non  encor,  la 
voyelle  finale  étant  nécessaire  à  la  belle  prononciation. 
Marguerite  Buffet  a  «  oiiy  >>  une  foule  de  personnes 
qui  prononcent  et  écrivent  _y'ay  ajeté,  vous  ajetrrcz,  et 
de  même  pour  le  reste  du  verbe  ;  c'est  une  faute  ridicule. 
Il  faut  prononcer  acheter,  achetons. 

On  doit  prononcer  et  écrire  deiny  heure,  demy  dou- 
zaine, et  non  demye. 

Bien  des  gens  de  la  province  et  de  la  ville  disent 
la  Pentecoute,  pour  la  PenteaUe  (1668J. 

On  entend  souvent  dire  je  le  considère  par  sus  tous  les 
autres;  il  faut  dire /;«;•  de.i.sus. 

Il  faut  écrire  croyance  et  prononcer  créance,  qui  vaut 
mieux. 

11  y  en  a  qui  disent  di/inir  et  di/inition;  ils  se 
trompent,  il  faut  dire  définir  et  définition. 

Une  personne  dit  mercrrthj.  une  autre  mccredy;  c'est 
le  premier  qui  est  le  meilleur. 

Il   y  en   a  qui   prononcent   arcenac;   il   faut   faire 
entendre  une  /  finale  dans  ce  mot. 
Un  très-grand  nombre  de  pcrsoimcs>nc  s'aperçoivent 


ISi 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


pas  qu'elles  fonl  une  faute  en  prononçant  armoire; 
elles  devraient  dire  armoire. 

Faut-il  prononcer  François,  Anylois,  Polonois?  On 
doit  se  souvenir  que  notre  langue  se  sert  toujours  des 
termes  les  plus  dons,  et  que,  par  conséquent,  il  faut 
dire  Français,  Anylais,  Polonais  dans  la  conversation  ; 
mais  cela  ne  vaudrait  rien  en  parlant  en  public  et  en 
écrivant  (1668). 

Le  d  doit  se  faire  entendre  dans  toute  la  conjugaison 
du  verbe  admirer;  mais  qu'on  se  garde  de  le  prononcer 
dans  adjourner.  adjoufer. 

Une  foule  de  gens  négligent  de  faire  sonner  1'/-  finale 
dans  les  mots  suivants  :  ordre,  arbre,  inarbre;  ils 
disent  ordr,  arbe,  marbe,  ce  qui  est  une  faute. 

Les  personnes  qui  parient  correctement  n'oublient 
jamais  de  prononcer  Vx;  mais  il  y  en  a  un  grand 
nombre  d'autres  qui  j  manquent,  et  qui  disent  à  tort, 
par  exemple,  cstrcmité,  estremcjnent,  estraordinairc. 

Dans  tous  les  infinitifs  en  er,  ir,  air,  la  lettre  r  a 
beaucoup  d'avantage  à  être  prononcée;  ainsi  il  faut  la 
faire  sonner  un  peu  dans  ces  phrases  :  pour  vous  aimer, 
pour  s'habiller  à  la  mode,  pour  sortir,  pour  vouloir; 
cela  donne  beaucoup  de  grâce  à  la  parole. 

Il  y  a  une  remarque  très-importante  à  faire  pour  les 
dames  qui  veulent  se  rendre  agréables  dans  le  dis- 
cours et  se  placer  au  nombre  des  personnes  qui  parlent 
notre  langue  avec  pureté;  c'est  de  faire  sentir  Vi  dans 
les  mots  où  il  y  en  a  plusieurs,  comme  dans  réconcilia- 
tion, civilité,  j'écrivis. 

Dans  les  mois  où  i!  y  a  deux  ou  plusieurs  a,  il  ne 
faut  pas  manquer  d'allonger  celui  du  milieu,  comme 
dans  agréablement,  admirable;  cela  rend  la  parole 
plus  libre,   et  lui  donne  un  air  extrêmement  agréable. 

Quand  on  s'est  corrigé  des  termes  mal  prononcés  et 
corrompus,  il  est  encore  nécessaire  de  bien  régler  le 
ton  de  sa  voix.  11  y  a  des  personnes  qui  l'ont  si  élevé 
qu'il  semble  qu'elles  parlent  et  qu'elles  vivent  avec  des 
sourds;  il  s'en  trouve  d'autres  qui  donnent  dans  l'excès 
contraire:  elles  parlent  si  bas  et  si  lentement  qu'on  les 
croirait  toujours  malades. 

Tous  ceux  qui  parlent  bien  demeurent  d'accord  que 
le  ton  de  la  voix  est  une  des  parties  qui  contribuent 
le  plus  à  la  perfection  de  la  parole.  Cet  avan- 
tage lient  le  secret  de  faire  toutes  les  plus  belles 
expressions  des  orateurs;  il  n'y  en  aurait  aucun  de 
l»arfail,  s'ils  étaient  dépouillés  de  cet  ornement,  et  les 
plus  habiles  des  Grecs  et  des  Romains,  dans  la  conver- 
sation aussi  bien  que  dans  les  harangues,  s'attachaient 
fort  à  bien  régler  le  ton  de  leur  voix,  comme  étant  le 
premier  et  l'unique  moyen  de  produire  de  fortes  impres- 
sions sur  les  auditeurs. 

Si  le  ton  de  la  voix  doit  avoir  sa  mesure  et  son  «  rè- 
glement «  pour  rendre  la  parole  agréable,  il  est  Irèsr- 
important  que  coun  qui  enseignent  à  lire  à  la  jeunesse 
sachent  le  Ion  qu'il  convient  de  donner  à  ce  qu'on  lit; 
c'est  une  des  parties  les  plus  nécessaires  de  leurs  con- 
naissances. 

H  est  bien  facile  de  régler  le  ton  de  la  voix  quand  on 


est  instruit;  par  exemple,  la  virgule  arrête  un  instant. 
Le  point  final  est  bien  différent,  il  arrête  en  changeant 
le  ton  de  la  voix,  soit  «  de  l'élever  ou  de  l'abaisser  «. 

Marguerite  Buffet  ne  veut  pas  s'étendre  davantage 
sur  cette  matière;  elle  dira  seulement  que  notre  oreille 
doit  être  notre  premier  juge  dans  «  ce  »  rencontre;  il 
ne  faut  que  s'écouter,  et  faire,  en  lisant,  de  la  même 
manière  que  si  l'on  narrait  quelque  chose  dans  une 
conversation  avec  ses  amis. 

Quant  aux  étrangers  cherchant  les  moyens  de  se 
rendre  habiles  dans  la  langue  française,  ils  trouveront 
ici  une  instruction  fort  intelligible  qui  contribuera  à 
leur  donner  de  grandes  «  ouvertures  »  pour  éviter  les 
fautes  très-nombreuses  qu'ils  commettent  contre  cette 
langue. 

QUATRIÈME    PARTIE. 

Marguerite  Ruffet  va  y  parler  des  fautes  qui  se  font 
contre  la  convenance  des  termes. 

11  faut  bien  se  persuader  qu'il  n'y  a  rien  de  si  mal 
reçu  en  parlant  et  en  écrivant  que  les  termes  impropres, 
qui  sont  contraires  à  la  signification  des  choses  qu'on 
veut  expliquer;  par  exemple,  on  dit  cet  homme  est 
effroyablement  riche,  comme  si  les  richesses,  choses 
d'elles-mêmes  fort  douces,  avaient  de  l'effroi.  C'est  un 
terme  tout-à-fait  mal  employé  dans  ce  cas;  il  faut  dire 
extraordinairement  ou  beaucoup  riche. 

D'autres  disent  souvent  il  est  furieusement  brave, 
comme  si  la  furie  avait  jamais  été  dans  les  beaux  habits. 
C'est  ;Une  mauvaise  expression  ;  il  faut  dire  extrême- 
ment brave  dans  ses  habits;  car  l'adjectif  brave  peut 
avoir  une  autre  signification  qui  s'appliquerait  à  la 
valeur  de  l'épée. 

Si  une  personne  n'est  pas  meublée  suivant  la  saison 
ou  la  mode,  on  dit  cela  est  horrible  comme  elle  est 
meublée,  ce  qui  est  fort  mal  compris;  il  faut  dire  elle 
est  meublée  à  l'antique,  ou  bien  tres-mal. 

Quelques-uns  disent  souvent  il  est  beau  à  merveille, 
danse,  chante  à  merveille.  Ce  sont  autant  de  vieilles 
façons  de  parler  ridiculement  adaptées  à  leur  sujet;  il 
faut  dire  il  n'y  a  rien  de  si  beau  que  cette  personne, 
elle  danse,  chante  admirablement  bien. 

Il  se  trouve  des  personnes  qui  parlent  avec  si  peu 
de  sens  que,  si  les  animaux  pouvaient  parler,  ils  s'ex-- 
primeraient  avec  plus  de  raison;  ainsi  elles  disent  cette 
maison  a  foute  mon  inclination,  et,  dans  un  autre  cas, 
voila  des  arbres  à  (jui  j'ay  donné  mon  cœur.  On  ne 
peut  rien  entendre  de  plus  impropre;  il  faut  Aire,  j'aime 
cette  maison,  j'estime  ces  arbres. 

Rien  des  gens  disent  il  est  terriblement  amoureux  de 
celle  fille.  Où  prendre  de  la  terreur  dans  une  si  belle 
passion?  Il  faut  dire  beaucoup  amoureux  de  cette  fille, 
c'est  le  terme  qu'il  convient  d'employer. 

Il  a  de  l'esprit  comme  quatre,  comme  douze  est 
encore  une  mauvaise  manière  de  s'exprimer;  il  vaut 
mieux  dire  //  a  de  l'esprit  comme  un  ange,  ou  comme 
un  démon. 

[La  fin  au  prochain  numéro.) 


Le  RBDACTEim-GÉK\>T  :  Emam  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


IS3 


BIBLIOGRAPHIE. 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 

Publications  de  la  quinzaine  : 


Le  Père  des  malheureux,  ou  Vie  de  Claude  Ber- 
nard; par  J.  Aymard.  (j- édition.  In-12,  l/i3  p.  Paris, 
lib.  Lefort. 

Le  Monde  des  eaux  ;  par  C.  Fallet.  Avec  gravures 
dans  le  texte.  Gr.  in-S»,  378  p.  Rouen,  lib.  Mégardet  Cie. 

Le  Manuscrit  de  ma  mère,  avec  commentaires,  pro- 
logue et  épilogue;  par  A.  de  Lamartine.  Nouvelle  édition, 
publiée  par  les  soins  de  la  société  propriétaire  des 
œuvres  de  M.  de  Lamartine.  In-18  Jésus,  xi-3'22  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Œuvres  d'Alfred  de  Musset.  Poésies.  1833-1852. 
Rolla.  Les  Nuits.  Poésies  nouvelles.  Contes  en  vers.  Petit 
in-12,  339  p.   et  port.   Paris,   lib.   Lemerre.  6  fr. 

Ces  monstres  de  femmes;  par  Pierre  V'éron.  2"  édi- 
tion. ln-18  Jésus,  310  p.  Pari.s,  Lib.  Nouvelle. 

L'Ecole  de  Fleury-sur-Loire  à.  la  fin  du  X'=  siècle 
et  son  influence;  par  M.  Cuissard-Gauclieron,  pro- 
fesseur à  Orléans.   In-S",  168  p.  Orléans,  lib.  Herluison. 

Maître  Gaspard  Fix,  Suivi  de  l'Education  d'un 
féodal;  par  Erckmann-Chatrian.  In-18 Jésus,  331  p.  Paris, 
lib.  Hetzel  et  Cie.  3  fr. 

Œuvres  complètes  de  J.  de  La  Bruyère.  Nouvelle 
édition,  avec  une  notice  sur  la  vie  et  les  écrits  de  La 
Bruyère,  une  bibliographie,  des  notes,  une  table  analy- 
tique des  matières  et  un  lexique,  par  A.  Chassang,  inspec- 
teur général  de  l'instruction  publique.  2  vol.  in-8°,  lx- 
982  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  15  fr. 

Les  Lys  et  les  Roses;  par  Jean  Loyseau.  In-12,  xvi- 
287  p.  Paris,  lib.  Dillet.  2  fr. 

Les  Soirées  parisiennes  de  1875;  par  un  Monsieur 
de  l'orchestre  (Arnold  Mortier).  Préface  par  Théodore 
Barrière.  In-18  jésus,  xii-381  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Les  Origines  de  la  France  contemporaine  ;  par 
H.  Taine.  L'Ancien  régime.  2»  édition.  In-8'',  viii-557  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  7  fr.  50. 

Le  Secret  terrible.  Mémoires  d'un  caissier;  par 
MM.  Belot  et  Dautin.  2'  édition.  In-18  Jésus,  /(57  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr. 


Les  Législateurs  religieux.  Manou.  Moïse.  Maho- 
met; par  Louis  Jacolliot.  ln-8°,  iii-iSO  p.  Paris,  lib. 
Internationale.  6  fr. 

Histoire  de  France  ;  par  J.  Michelet.  Nouvelle  édi- 
tion, revue  et  augmentée.  17  vol.  in-8°,  lviii-6278  p.  Paris, 
Lib.  Internationale.  6  fr.  le  volume. 

Les  Chevaliers  de  l'écritoire  ;  par  Raoul  de  Navery. 
In-18  Jésus.  315  p.  Paris,  lib.  Blériot. 

Les  Immortelles,  essais  poétiques;  par  C.  L.  Ver- 
zier.  In-S",  27û  p.  Paris,  lib.  Pion  et  Cie.  !i  fr. 

Les  Colloques  d'Erasme,  nouvellement  traduits  par 
Victor  Develay,  et  ornés  de  vignettes  gravées  à  l'eau- 
forte  par  J.  Chauvet.  T.  2.  In-8",  321  p.  Paris,  lib.  de? 
bibliophiles.  Les  3  vol.  60  fr. 

La  Littérature  contemporaine  en  province.  Por- 
traits biographiques  et  littéraires.  Mouvement  littéraire  ; 
par  Théodomir  Geslain.  2'  édition,  revue,  corrigée  et 
augmentée.  In-8<>,  vii-3i5  p.  -Mortagne.  lib,  Daupeley 
frères.  5  fr. 

Fables  de  La  Fontaine,  suivies  de  Philéraon  et  Baucis. 
Nouvelle  édition,  avec  des  notes,  des  appréciations  litté- 
raires, etc.,  et  un  choix  de  morceaux  des  vieux  poi'tes 
français  imités  par  le  fabuliste,  ln-18.  668  p.  Paris,  lib. 
Delagrave. 

Œuvres  de  Molière.  Nouvelle  édition,  revue  sur  les 
plus  anciennes  impressions  et  augmentée  des  variantes, 
de  notices,  de  notes,  d'un  lexiqu/e  des  mots  et  locutions 
remarquables,  d'un  portrait,  de  fac-similé,  etc.,  par  Eu- 
gène Despois.  T.  3.  In-8°,  !ik1  p.  Paris,  lib.  Hachette  et 
Cie.  7  fr.  50. 

Les  Cahiers  de  Sainte-Beuve;  suivis  de  quelques 
pages  de  littérature,  antique.  ln-18  jésus,  215  p.  Paris, 
lib.  Lemerre.  3  fr. 

Les  Prussiens  en  Allemagne,  suite  du  'Voyage  au 
pays  des  milliards;  par  Victor  Tissot.  ln-18  jésus.  515  p. 
Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Mmitin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Cour- 
rier de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  11  ne 
reste  plus  que  la  i"  et  la  5=  année,  en  vente  au  bureau 
du  Courrier  de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 
—  Prix  :  6  fr.  chaque  année.  —  Envoi  franco  pour  la 
France.  —  La  l",  la  2»  et  la  3«  année  doivent  être  pro- 
chainemenl  réimprimées. 


REVERS  DE  MÉDAILLES.  —  Par  Alhionsb  Baldouin. 
-  Poésies.  —  Chez  l'auteur  à  Bar-sur-Aube  (Aube). 


DICTIONNAIRE  ETVMOLOGIOUE  dbs  xoms  rnopREs 
d'hommes,  contenant  la  qualité,  l'origine  et  la  signification 
des  noms  propres  se  rattachant  à  l'histoire,  à  la  mytho- 
logie, des  noms  de  baptême,  etc.  —  Par  Paul  Hecquet- 
BouoHAND  —  Paris,  Victor  Sarlit,  libraire-éditeur,  19, 
rue  de  Tournon. 


L'HOMME  ADULTÈRE  —  Par  MAniis  Roux.  —  Paris. 
E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la  Société  des  gens  de 
lettres  —  Palais-Royal,  17  et  19,  Galerie  d'Orléans  — 
Prix  :  3  fr. 


L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  CLRIEUX. 
—  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Tishbacher,  33,  rue 
de  Seine,  à  Paris.  —  Chacune  des  7  années  parues  se  vend 
séparément.  —  Envoi  franco  pour  la  Franco. 


iS'i 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


BÉNÉDICTE.  —  Par  S.  Blandy.  —  Paris,  librairie  aca- 
démique Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35,  quai  des 
Augustins. 


LES  VIBRATIONS  POÉTIQUES.  —  Par  Auouste  Ba- 
LUFFE.  —  Un  vol.  in-18.  —  Paris,  librairie  académique 
Didier  et  Cie,  35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  '3  fr.  50. 


CATALOGUE     DESCRIPTIF     ET     RAISONNÉ 


Manuscrits  de   la  Bibliothèque  de  Tours. 


Par  M.  A.  DORANGE,  Conservateur. 


Gros  in-quarto  à  2  colonnes  de  583  pages. 


Cet  ouvrage,  qui  a  coûté  dix  ans  de  travail  à  son  auteur,  a  été  apprécié  comme  il  suit  par  M.  Léopold  Delisle, 
administrateur  de  la  Bibliothèque  nationale  {Journal  officiel  du  29  juin  1875)  : 

<i  La  ville  de  Tours  possède  une  des  plus  riches  collections  de  manuscrits  qui  existent  en  France.  La  description 
qu'en  donne  M.  Oorange,  dans  son  Catalogue  descriptif  et  raisonné  de  la  bibliothèque  de  Tours,  rendra  de  réels 
services  à  la  science.  C'est  dans  cette  collection  que  M.  Luzarche  a  découvert  le  drame  d'Adam,  et  que  M.  Thurot  a 
trouvé  un  manuscrit  qui  a  notablement  amélioré  le  texte  des  lettres  familières  de  Cicéron.  Le  travail  de  M.  Dorange 
permettra  de  faire  encore  plus  d'une  découverte  intéressante.  » 
• ^ 

RENSEIGNEMENTS 
Pour  les  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


Dans  r.^NNUAiRE  coM.MEiic.iAL  ET  INDUSTRIEL  de  M.  Alfred  Hamonet,  on  trouve  les  noms  et  les  adresses  des  principaux 
agents  de  Londres  par  l'intermédiaire  desquels  les  Professeurs  français  des  deux  sexes  peuvent  parvenir  à  se  pro- 
curer des  places  en  Angleterre.  —  Ce  volume,  qui  coûte  1  fr.  25.  se  vend  à  la  librairie  Hachette,  à  Paris. 

II. 

Une  lettre  reçue  dernièrement  de  Litchfield  (Etat  de  Connecticut)  informe  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas 
qu'il  est  très-facile  de  trouver  des  places  Je  professeur  de  français  dans  les  Etats-Unis  d'Amérique.  —  S'adresser 
à  M.  J.  W.  Schermerhorn,  /|30,  Broome  Street,  à  New-York.  —  Affranchir. 


CONCOURS     LITTÉRAIRES. 


Le  seizième  Concours  poétique,  ouvert  à  Borde:iux  le  15  février,  sera  clos  le  l"juin  1876.  —  Douze  médailles,  or, 
argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  C.vrranoe, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde)  —  Affranchir. 


Société  d'émulation  de  Camiirai.  E.xtrait  du  programme  des  questions  mises  au  concours  pour  1876.  Poésie.  Le  sujet 
et  l'étendue  de  la  pièce  destinée  à  le  traiter,  sont  laissés  au  choix  des  concurrents.  —  Une  lyre  d'argent  ou  une 
médaille  dont  la  nature  et  la  valeur  sont  subordonnées  au  mérite  de  l'ouvrage,  sont  affectées  également  à  ce  con- 
cours.   Les  travaux  et  mémoires  inédits  et  n'ayant  jamais  figuré  dans  aucun  concours  seront  seuls  admis.  Ils  porte- 
ront une  épigraphe  répétée  sur  un  pli  cacheté  renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  et  devront  être  adressés, 
franco,  avant  k  i"'  Juin  1876  au  Président  ou  au  Secrétaire  général  de  la  Société.  —  Les  œuvres  non  couronnées  ne 
sont  pas  rendues,  et  les  plis  cachetés  qui  les  accompagnent  sont  brûlés  en  séance. 

Société  flori.montanë  u'Annixy.  —Concours  deJ876.  —  Poésie  :  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux 
concurrents.  —  Le  nombre  minimum  des  vers  est  fixé  à  cent.  —  Les  travaux  seront  composés  en  langue  française. 

—  Les  auteurs  devront  déchirer  par  écrit  que  ces  travaux  sont  inédits  et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours. 

—  Les  auteurs  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus.  —  Les  envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à 
l'intérieur  d'un  billet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux 
archives  de  la  Société,  les  aliteurs  pourront  en  prendre  copie. 


Avis  aux  Abonnés  de  la  province. 


A  pai'iir  du  20  avril  prochain,  le  Rédacteur  du  Cour/ver  de  Vaugelas  fera  présenter  sa  quittance,  avec  une  augmen- 
tation de  cinquante  centimes  pour  frais  de  recouvrement,  aux  Souscripteurs  de  la  province  qui,  à  cette  époque, 
n'auront  pas  encore  payé  leur  abonnement  à  la  sixième  année. 


Le  rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  est  visible  à  t-on  bureau  de  midi  à  unf  heure  et  demie. 


Irapiimeric  (jOl'VER.NKUH,  (i.  UAUi'KLEV  à  iNogeni-le-Rotrou. 


G«  Année 


N"  24. 


15  Avril  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


FRANÇAI 
Paraissant    le    1«  at    le    15    de   chaque   mois 

{Dans  sa  séance  du  M  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celte  publication.) 


PRIX  : 

Rédacteur  :  Eman  Martin 

ABONNEMENTS: 

Abonnement  pour  la  France.    6  f. 
Idem        pour  l'Étranger  10  f. 

PROFESSEUR    SPÉCIAL  POUR    LES    ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 

On  les  prend  en  s'adressant,  soit 
directement  au  Rédacteur  du  jour- 

Annonces, la  ligne.          50  c. 

26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 

nal,  soit  à  un  libraire  quelconque. 

AVIS. 
Pendant  le  mois  de  vacances  qu'il  ya  prendre,  comme 
il  le  fait  tous  les  ans  après  la  publication  de  son 
24^  numéro,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas 
adressera  à  ses  Abonnés  les  conditions  d'une  souscrip- 
tion qu'il  se  propose  d'ouvrir  pour  la  réimpression  des 
CINQ  PREMIÈRES  anne'es  de  son  joumal. 


SOM.MAIRE. 

Communications  relatives  à  A'e  pas  laisser  que  de  et  à  uu  parti- 
cipe passé  ;  —  Origine  du  mol  Haricot  désignant  un  légume  ;  — 
S'il  est  permis  d'employer  A'e-..  rien  moins  que  dans  le  sens 
affirmalif  et  dans  le  sens  négatif;  —  Elymologie  de  Croque-mi- 
taine: —  Pourquoi  on  ne  dit  pas  Exclus,  excluse.  ||  L'expres- 
sion Maitres-mijrrhes  ;  —  S'il  faut  dire  Se  donner  garde  ou  Se 
donner  de  garde;  —  Lequel  vaut  le  mieux  de  Cahno  ou  de 
Calinot.  ||  Passe-temps  grammatical  ||  Fin  de  la  biogra- 
phie de  Marguerite  Buffet.  ||  Table  des  matières  contenues 
dans  la  sixième  année  de  ce  journal. 


FRANCE 


COM.MUNICATIONS. 

L 

Au  sujet  des  phrases  que  je  donne  à  corriger,  j'ai 
reçu  la  lettre  qui  suit  : 

Paris,  le  5  mars  1876. 
Monsieur, 
Vous  continuez  à  condamner  comme  vicieuse  cette  locu- 
tion ne  pas  laisser  que  de,  et  cependant  ouvrez  le  fliction- 
naire  de  l'Académie  et  la  plupart  des  ouvrages  les  plus 
estimés  de  la  langue  française,  et  vous  y  trouverez  les 
phrases  suivantes  : 
Malgré  leur  brouillerie,  il  n'a  pas  laissé  que  de  lui  écrire. 
Il  »ie  laisse  pas  que  de  gagner  beaucoup  en  ce  moment. 
Cette  proposition  ne  laisse  pas  que  d'être  vraie. 
Cela  ne  laisse  pas  que  d'être  embarrassant. 
Ne  trouvez-vous  pas  aussi  que  le  cas  est  embarrassant 
pour  vos  lecteurs? 

Un  de  vus  abonnés. 


Je  laisse  chacun  parfaitement  libre  d'accueillir  cette 
construction  ou  de  la  rejeter;  mais  comme  il  me  semble 
avoir  rigoureusement  démontré  qu'elle  est  mauvaise 
(Courrier  de  Vaugelas.,  A"  année,  p.  155),  je  considère 
toujours  comme  fautives  les  phrases  où  je  la  rencontre. 

Du  reste,  je  ne  suis  pas  seul  à  la  proscrire,,  car 
M.  Littré  ne  la  reconnaît  pas  non  plus  comme  correcte. 

II. 

Voici  une  autre  communication  relative  aussi  à  une 
correction  du  Passe-temps  grammatical  : 

Toulouse,  15  mars  1S76. 
Monsieur, 

Soyez  assez  bon  pour  vous  reporter  au  numéro  13  du 
Courrier  de  Vaugelas,  4"  année,  date  du  1"  septembre  1873, 
p.  101;  on  y  lit,  sous  la  rubrique  «  phrases  à  corriger  ». 
art.  7,  ce  qui  suit  : 

»  7°  Nous  touchions  alors  à  la  trentaine,  vous  et  moi,  et 
<t  depuis,  que  d'événements,  que  de  phases  diverses  nous 
«  avons  vu  se  dérouler  à  nos  yeux!  » 

Au  n°  14  suivant,  p.  109,  sous  la  rubrique  «  Corrections 
du  numéro  précédent  »,  je  lis  o  7°  ...  nous  avons  vues  se 
«  dérouler  à  nos  yeux  ». 

J'aurais  redressé  l'erreur  commise,  en  mettant  vus  et 
non  pas  vues  dans  la  phrase  qui  a  fait  l'objet  de  votre 
critique,  il  y  a  les  mots  éièiiements  (mascuhn)  et  pliases 
(féminin);  et,  puisque  le  mot  vu,  critiqué  avec  juste  raison, 
se  rapporte,  dans  la  construction  de  la  phrase,  aussi  bien 
à  événements  qu'à  ;j/i«s(?s,  il  semble  que  le  masculin,  doit 
l'emporter  sur  le  féminin,  et  que,  pour  corriger  d'une 
façon  régulière,  il  faut  vus  et  non  pas  vues. 

Je  suis  abonné  depuis  peu  de  temps  à  votre  Courrier, 
et,  comme  maître  Jean  Lapin,  je  commence  à  montrer  le 
bout  de  l'oreille,  c'est-à-dire  à  chercher  pâture. 

Suis-je  dans  le  vrai?  Vous  ètes-vous  trompé?  Prière  de 
répondre  dans  un  de  vos  prochains  Courriers;  mais,  pour 
peu  que  cette  rectification  ne  soit  pas  de  votre  goût, 
considérez  ma  lettre  comme  non  écrite. 

Je  vous  prie.  Monsieur  le  Rédacteur,  d'agréer  mes  poli- 
tesses les  plus  empressées. 

Adéma 
Inspecteur  de  l'Enregistrement. 

L'observation  qui  m'est  faite  dans  la  lettre  qu'on 
vient  de  lire  est  parfaitement  juste  :  le  participe  en 
question  doit  être  écrit  vus  et  non  rues,  ainsi  qu'il  l'a 


186 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


été,  soit  par  l'imprimeur,  soit  par  moi,  qui  suis  loin 
également  d'être  infaillible. 

Je  remercie  .M.  Adéma  d'avoir  pris  la  peine  de  relever 
cette  faute,  et  j'appelle  de  tous  mes  vœux  le  jour  où, 
s'armantdezèle  et  décourage,  beaucoup  de  mes  lecteurs 
ne  craindront  pas,  à  son  exemple,  de  me  signaler  jus- 
qu'aux moindres  erreurs  que  je  puis  commettre  :  plus 
on  sera  sévère  pour  le  Courrier  de  Vaugelas,  plus  il  se 
rendra  digne  de  son  titre. 

X 

Première  Question. 
Dans  le  n»  1 5  de  cette  année,  vous  avez  donné  l'ori- 
gine du  mot  HARICOT,  appliqué  à  un  plat  fait  avec  du 
mouton  coupé  en  morceaux.  Voudriez-vous  bien  donner 
maintenant  celle  du  même  mot  signifiant  légume? 

A  ma  connaissance,  on  a  expliqué  cette  origine  de 
trois  manières,  que  je  vais  rappeler. 
Ménage  l'a  fait  en  ces  termes  : 

Haricot.  Aspiré.  De  faba.  Faha,  fabarius,  fabaricus,  faba- 
ricotus,  faricotus,  haricot  ;  par  le  changpment  ordinaire 
de  Vf  en  h:-  comme  en  hors,  de  forts;  en  habler,  defabulari, 
etc. 

Selon  Génin,  haricot,  dont  la  concurrence  à  fève  ne 
commence  qu'au  xvii'  siècle,  est  le  même  nom,  avec  une 
acception  détournée,  que  haricot,  ragoût  de  mouton  : 

L'aspect  d'un  plat  de  haricots  rappelant  à  la  vue  un 
plat  de  ces  petits  morceaux  de  mouton  mis  en  ragoût, 
quelqu'un  se  sera  avisé  de  transporter  au  légume  le  nom  du 
plat  de  viande.  Ces  ironies  ne  sont  pas  inconnues  dans  le 
vocabulaire  gastronomique,  où  une  croûte  de  pain  frottée' 
d'ail  s'appelle  un  chapon. 

M.  Littré,  pense  aussi  que  haricot,  légume,  vient  du 
haricot  de  mouton,  et  il  voit  à  cette  nouvelle  appella- 
tion de  la  fève  deux  causes  possibles  : 

On  peut  dire  plutôt  que  cette  fève  a  été  nommée  fève  de 
haricot,  parce  que  le  plat  qu'elle  fournissait  fut  comparé, 
à  cause  de  ses  grosses  qualités,  à  un  haricot  de  mouton,  ou 
parce  qu'elle  s'unissait  très-bien  avec  le  mouton  en  hari- 
cot ou  autrement. 

Or,  aucune  de  ces  explications  n'est  satisfaisante, 
comme  je  vais  vous  le  démontrer. 

Celle  de  Ménage.  —  L'auteur  a  négligé  de  nous 
fournir  des  exemples  des  diverses  phases  du  mot  entre 
faba  et  haricot,  de  sorte  que  son  explication,  tout  ingé- 
nieuse qu'elle  parait,  ne  peut  inspirer  que  la  plus  mé- 
diocre confiance. 

Celle  de  Génin.  —  Il  est  très-vrni  que  haricot  ne  fait 
concurrence  à  fève  que  depuis  le  xvii"  siècle,  puisque 
ni  le  Thresor  de  Nicot  (<606)  ni"  la  Maison  rustique  de 
Liébaut  (15891  ne  font  mention  de  ce  terme,  et  que 
Ménage  (1650)  s'occupe  de  son  ét^niologie.  .Mais  l'ori- 
gine proposée  par  les  Récréations  philologiques  n'en  est 
pas  moins  inadmissible.  En  etîet  : 

h"  Il  n'est  pas  probable  que  le  nom  de  haricot,  qui 
désigne  tout  un  plat  dans  haricot  de  mouton,  ail  été 
donné  à  chacune  des  fèves  composant  un  autre  plat. 

2°  Si  c'était  l'aspect  du  haricot  de  mouton  qui  eût 
suggéré  l'idée  d'appeler  des  fèves  des  haricots,  est-il 
à  croire  que,. le  haricot  de  mouton  ayant  été  connu 
avanl  la  fin  du  xiv"  siècle,  comme  l'atteste  le  Ménagier 


de  Paris,  on  eut  mis  ainsi  plus  de  deux  cents  ans  à 
trouver  la  dénomination  dont  il  s'agit? 

3"  X  raison  de  leur  grosseur,  les  fèves  de  marais 
peuvent  certainement,  mieux  que  toutes  les  autres, 
composer  un  plat  qui  ait  l'aspect  d'un  haricot  de 
mouton.  Pourquoi  n'est-ce  pas  à  leur  espèce  qu'on  a 
donné  le  nom  de  haricot.' 

Celle  de  M.  Littré.  —  Je  viens  de  faire  voir,  en 
réfutant  Génin,  que  le  mot  haricot,  légume,  ne  peut 
être  attribué  à  la  première  cause  indiquée  dans  cette 
explication.  Voici  maintenant  pour  quelle  raison  il  ne 
peut  l'être  davantage  à  la  seconde  : 

La  fève  s'unissait  si  peu  avec  le  mouton  pour  faire  un 
haricot  de  mouton,  qu'elle  ne  figure  dans  aucune  des 
recettes  connues  avant  la  publication  du  Dictionnaire 
de  Cotgrave  (1660),  et  que,  dans  les  trois  qui  sont  don- 
nées par  ce  dictionnaire,  il  n'est  nullement  question 
de  bean,  nom  de  la  fève  en  anglais. 

D'oîi  vient  donc  haricot,  au  sens  de  légume,  vocable 
pour  ainsi  dire  d'hier,  et  qui  semble  défier  déjà  les 
investigations  des  étymologistes? 

A  mon  avis,  ce  mot  est  tout  simplement  le  nom  de 
la  plante  qui  produit  le  haricot,  ce  que  donnent  parfai- 
tement à  entendre  les  citations  suivantes,  empruntées, 
la  première  au  dictionnaire  de  Furelière  (1727)  et  la 
seconde  à  celui  de  Trévoux  (1771)  : 

Haricot,  se  dit  aussi  des  semences  de  haricot,  qu'on 
appelle  autrement  fererolles  ou  fèves  de  haricot. 

Mais  les  semences  de  haricot,  ou  fèves  de  haricot  mûres 
et  sèches,  sont  venteuses,  chargent  l'estomac,  et  se  digè- 
rent difficilement. 

En  faisant  ellipse  de  fève,  dans  la  dénomination  fève 
de  haricot  (ellipse  du  mot  complété,  laquelle  se  pra- 
tique fréquemment  en  français),  on  a  eu  haricot  pour 
désigner  le  fruit  de  la  plante  :  c'était  en  quelque  sorte  le 
nom  de  la  cause  pour  signifier  l'effet. 

Je  n'ai  pas  été  assez  heureux  pour  trouver  l'étymo- 
logie  de  haricot,  nom  de  plante  ;  mais  les  recherches 
auxquelles  je  me  suis  livré  à  ce  sujet  n'ont  pas  été 
entièrement  infructueuses,  car  elles  me  permettent  de 
vous  indiquer  une  époque  et  des  écrits  où  l'on  peut 
espérer  de  la  découvrir,  avec  du  temps  et  de  la  persé- 
vérance. 

WOrhigny  {Dict.  d'hisf.  nal.,  \ol.  6, -p  485)  signale 
quelques  espèces  de  haricots  comme  originaires  des 
Indes  orientales,  et  d'autres,  des  parties  chaudes  de 
l'Amérique. 

Or,  si  l'on  rapproche  ce  renseignement  du  fait  que 
haricot  apparut  chez  nous  entre  <  589,  date  de  la  Maison 
rustique  de  Liébaut,  et  1630,  date  du  Dictionnaire 
clijmologique  de  Ménage,  on  peut  naturellement  en 
inférer  qu'il  y  a  des  chances  pour  que  l'origine  de 
la  plante  qui  produit  le  légume  de  ce  nom,  et  partant 
l'élymologie  de  ce  nom  lui-même,  se  rencontrent,  soit 
dans  des  relations  do  voyage,  soit  dans  des  traités 
d'histoire  naturelle  publiés  dans  la  première  moitié  du 
xvii'  siècle. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


^87 


X 

Seconde  Question. 
Je  serais  bien  aise  de  fnniver  dans  votre  excellent 
CoDRnrER  DE  Vaugelas  votre  avis  sur  Ir  (jallicisme  n'ètue 
EiEN  MOINS  QUE.  Les  auteurs  remploient,  à  ce  qu'il  sem- 
ble, dans  deux  sens  absolument  contradictoires.  Est-il 
permis  d'y  attacher  indifféremment  un  sens  affirmalif 
ou  négatif?  Cela  me  paraît  difficile  à  croire.  Mais 
quelle  est  la  véritable  acception  ? 

A  la  vérité,  l'expression  ne...  rien  moins  que  a  été 
employée  par  les  auteurs,  tantôt  dans  un  sens  né- 
gatif, tantôt  dans  un  sens  afOrmatif,  comme  le  mon- 
trent les  exemples  que  je  mets  sous  vos  yeux  : 

(Sens  négatif  =  pas  du  tout) 

L'art  d'écrire  n'est  rien  moins  qu'une  étude  oiseuse  quand 
on  l'emploie  à  faire  écouter  la  vérité. 

(J.  J.  Rousseau.) 

Ma  comédie  n'est  rien  moins  que  ce  qu'on  veut  qu'elle 
soR. 

(Molière,  premier  placet    au  Roi.) 

Aujourd'hui  des  troupes  de  femmes,  faisant  profession 
de  piété  et  conduites  par  un  directeur  qui  certainement 
n'est  rien  moins  que  saint  Augustin... 

(Bourdaloue,  Pens.  U  H,  p.  35ï.) 

Mes  premiers  rapports  avec  l'araignée  ne  furent  rien  moins 
gu'agréables. 

(Michelet,  l'iiisecte,  p.  2o3.) 

Croyez-moi,  Rousseau  n'est  rien  moins  qu'an  méchant 
homme. 

(Marmontel,  Mcm.  VlII.) 

(Sens  afTirmatif  =  juste,  ni  plas  ni  moins  que) 

11  ne  falloit  rien  moins  quela.  mam  de  Dieu,  et  un  miracle 
visible  pour  empêcher  d'accabler  la  Judée. 

(Bossuet.  ) 

Ces  riches  vêtements  dont  le  baptême  les  a  revêtus, 
vêtements  qui  ne  sont  rien  moins  que  Jésus  Christ  même, 
selon  ce  que  dit  l'apôtre. 

(Idem,   M(jrie-Thiiri-se.) 

Quand  Dieu  choisit  une  personne  d'un  si  grand  état 
pour  être  l'objet  de  son  éternelle  miséricorde,  il  ne  se 
propose  rien  moins  que  d'instruire  tout  l'univers. 

(Idem,  Anne  de  Gonzagus.) 

Il  ne  s'agit,  en  effet,  de  rien  moins  que  du  fameux  Nos- 
tradamus,  l'auteur  des  Centuries,  à  qui  Dieu  communique 
ses  grâces  les  plus  extraordinaires. 

(Ch.  Niaard,  Liv.  pop.  p.  s8  ) 

Mais  l'inconvénient  de  deux  sens  pour  une  même 
expression,  et  surtout  de  deux  sens  loul-à-fait  opposés, 
a  naturellement  amené  les  écrivains  à  varier  la  forme 
de  ne...  rien  7noins  que;  ils  ont  mis  un  de  entre  rioi 
et  moins  pour  exprimer  (ce  qui  est  très-logique)  le  sens 
affirmatif,  comme  on  le  voit  dans  ces  exemples  ; 

Le  parti  [des  Protestants)  n'eut  pas  plus  tôt  senti  ses 
forces  qu'on  «'y  a  médité  rien  de  moins  que  de  partager 
l'autorité. 

(Bossuet,  5"  Avent..  5  ) 

Il  ne  faut  rien  de  moins  dans  les  cours  jît'une  vaine  et 
naïve  impudence  pour  réussir. 

(La  Bruyère,  VIII.) 

La  Phèdre  de  Racine,  qu'on  dénigrait  tant,  n'était  rien  de 
moins  qu'an  chef  d'œuvre. 

(Marmontel,  Grnmm.) 

Il  ne  s'agit  de  rien  de  moins,  si  je  ne  me  trompe,  que 
d'être  damné  éternellement. 

(J.  Bastide,  Guer.  de  reliç.  p.   lo.) 


Or,  attendu  que  la  clarté  est  la  première  qualité  du 
stjle,  je  crois,  comme  Girault-Duvivier,  Bescherelle, 
Génin  et  .M.  Littré,  qui  ont  examiné  cette  question  avant 
moi,  qu'il  convient  d'adopter  définitivement  ne...  rien 
de  moins  que  pour  exprimer  un  sens  affirmalif,  et 
d'assigner  à  ne...  rien  moins  que  la  représentation 
exclusive  du  sens  négatif. 

L'Académie,  reconnaissant  l'inconvénient  du  double 
sens  attaché  à  ne...  rien  moins  que.,  conseille,  dans 
son  dictionnaire,  d'éviter  cette  locution  ;  mais  pourquoi 
la  rejeter  quand  on  peut  la  conserver  avec  une  légère 
modification,  déjà  pratiquée  par  les  auteurs  et  recom- 
mandée par  les  grammairiens  les  plus  autorisés? 

X 

Troisième  Question. 
Si,  dans  vos  recherches,  vous  trouviez  quelque  chose 
sur  l'étymologie  de  caoQCE-MiTAipiE,  je  vous  serais  bien 
obligé  de  traiter  cette  expression  dans  votre  journal. 

Deux  mots  entrent  évidemment  dans  la  composition 
de  ce  substantif  :  le  verbe  croquer  et  mitaine. 

Mais  que  veut  dire  ce  dernier?  Signifie-l-il,  comme 
quelques-uns  l'ont  prétendu,  les  mitaines  et,  par  con- 
séquent, les  mains  de  l'enfant  auquel  on  veut  faire 
peur?  Ce  n'est  guère  probable. 

Voici  comment  j'explique  l'origine  de  ce  mot  : 

L'allemand  mxdchen,  fille,  se  trouve  dans  tous  les 
idiomes  germaniques  :  en  flamand,  langue  parlée  par 
des  populations  qui  appartiennent  en  partie  au  nord  de 
la  France,  il  se  rencontre  sous  la  forme  maegdeken, 
avec  le  sens  de  petite  vierge,  c'est-à-dire  petite  fille, 
ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  le  dictionnaire  de  Van  de 
Velde. 

Maegdeken  se  corrompit,  il  sonna  successivement 
medkcn  et  meken;  puis,  prononcé  de  cette  dernière 
façon,  il  passa  en  picard,  où  il  existe,  au  témoignage  de 
EUi  Gange,  sous  la  forme  mequaine,  avec  le  sens  de 
servante,  lequel  appartient  aussi  à  mxdchen. 

Or,  sachant,  d'un  côté,  que  beaucoup  de  termes  sont 
communs  au  picard  et  au  français;  de  l'autre,  que  la 
voyelle  e  se  change  facilement  en  i,  et  que  le  t  remplace 
souvent  le  k  du  langage  populaire  [Etienne,  pop. 
Ekiennc;  chartier,  pop.  charkier;  métier,  pop.  mékier, 
etc.),  il  me  semble  permis  de  croire  que  mitaine  est 
le  mot  mequaine,  introduit  dans  notre  langue  après 
avoir  subi  les  changements  de  voyelle  et  de  consonne 
dont  je  viens  de  parler. 

Ainsi  mitaine  serait  la  transformation  du  flamand 
maegdeken,  diminutif  en  quelque  sorte  de  l'allemand 
mxdchen,  fille,  ce  qui  donnerait  pour  Cryi^i/c-w^/aiMe  la 
signification  littérale  de  croque  petite  fille. 

Peut-être  objectera-t-on  à  cette  étymologie  l'emploi 
de  Croque-mitaine,  qui,  avec  une  telle  signification 
dans  sa  seconde  partie,  ne  devrait  pas,  ainsi  qu'il  le 
fait,  servir  d'épouvantail  pour  les  enfants  des  deux 
sexes  indifféremment.  Mais  cette  objection  n'est  pas 
sérieuse;  car  l'origine  de  mitaine  ayant  été  sans  doute 
inconnue  à  nos  pères  comme  à  nous,  on  n'a  jamais  eu 


u 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


aucune  raison  grammalicale  qui  empêchât  de  faire  peur 
de  Croque-milaine  tout  aussi  bien  aux  petits  garçons 
qu'aux  petites  filles. 

Dans  Mézeray  (Hist.  de  France,  vol.  III,  p.  25,  édit. 
de  4  685),  on  trouve  le  passage  suivant  : 

Il  y"a  peu  de  Villes  où  l'on  ne  fasse  des  contes  de  cer- 
tains Esprits  pour  faire  peur  aux  fetnmeletes  et  aux  petits 
enfans,  qu'on  dit  qui  se  promènent  de  nuit  avec  tinta- 
marre, à  qui  ils  ont  donné  divers  noms;  c'est  à  Paris  le 
Moyne  Bourru;  à  Orléans  le  Mulet  Odet;  à  Tboulouse  le 
Croquetaco,  etc. 

Voilà  un  mot  qui  commence  comme  notre  Croque- 
mitaine,  et  qui  désigne,  comme  lui,  un  être  fantastique 
dont  on  menace  ou  dont  on  menaçait  les  petits  enfants 
non  suffisamment  sages.  Ne  pourrait-il  pas  confirmer 
mon  étymologie  de  mitaine?  Le  Courrier  de  Vaiiyelas 
compte  plusieurs  abonnés  à  Toulouse;  j'espère  que 
quelqu'un  d'entre  eux  voudra  bien  m'adresser  à  ce 
sujet  une  communication,  dont  je  le  remercie  bien  sin- 
cèrement d'avance. 

X 
Quatrième  Question. 

Pourquoi  ne  dit-on  pas  exclus,  exclcse,  quand  on  dit 
bien:  «  Je  vous  recommande  la  brochure  ci-incluse? 

Les  verbes  latins  concludere,  recludere,  includere  et 
excludere  ont  donné  en  français  conclure,  reclure, 
inclure  et  exclure. 

Ces  quatre  verbes  ont  eu  naturellement  leur  participe 
passé  en  w.«,  pour  la  raison  qu'ils  sont  formés  du  latin 
cludere,  dont  le  participe  actif  était  clusus  : 

Car  riens  qu'il  voil,  el  ne  refuse; 
S'il  opose,  el  se  rend  concluse. 

{Rom.  de  la  Rose,   vers  31442.) 

Le  lieu  estoit  tellement  rectos  qu'on  n'y  pouvoitrien  voir. 

(CaWin,  lasUt.  54.) 

Jà  soit  ce  que  nuls  ne  fust  exclus  dudit  suffrage  ou  as- 
sentement 

fBercheure,  f»  2r.) 

Quand  dans  la  tombe  un  pauvre  homme  est  inclus, 
Qu'importe  un  bruit,  un  nom  qu'on  n'entend  plus? 

(Voltaire,  dans  Dochez.) 

Mais  cette  uniformité  de  terminaison  dans  les  parti- 
cipes qui  viennent  d'être  cités  fut  altérée  au  xvi"  siècle, 
car  on  trouve  dans  Amjot  [A/jésil.,  54)  : 

Les  capitaines  des  Tliebains  ayans  desja  conclud  de  se 
retirer. 

Dans  le  xvn%  on  commençai  dire  exclu,  exclue.,  qui 
fut  pendant  quelque  temps  en  compétition  avec  exclus, 
excluse,  connue  le  montrent  ces  citations  : 

Pourquoi  de  ce  conseil  moi  seule  suis-je  excluse  ? 

(Racine,  Baja:.  III,  3.) 

Pourquoi,  de  celte  gloire  exclu  jusqu'à  ce  jour, 
M'avez- vous  sans  pitié  reléguô  dans  ma  cour'? 

(Mcm,  Britiinn.  II,  3.) 

Cn  fut  beaucoup  de  déplaisir  à  Psyché  de  se  voir  exclusc 
d'un  asile  où  elle  aurait  cru  ôtre  mieu.ï  venue  qu'en  pas 
un  autre  qui  fût  au  monde. 

(La  Fontaine,  Psyché,  II,  p.  i5G.) 

Exclu  du  consulat  par  l'hymen  d'une  reine. 

(Corneille,  Sirlor.  IV,  3,) 


Enfin,  au  xviii%  exclu,  exclue  finit  par  l'emporter 
sur  son  concurrent  exclus,  excluse,  qui  tomba  tout-à-fait 
en  désuétude. 

Or,  comme  on  n'est  pas  revenu  depuis  sur  ces  deux 
anomalies,  que  l'usage,  le  tyran  des  langues  ainsi 
qu'on  l'aappeléàjuste  titre,  a  complètement  consacrées 
avec  tant  d'autres,  nous  somtnes  obligés  d'écrire  sans 
.s,  au  singulier,  les  participes  exclu  el  conclu,  tandis 
qu'au  même  nombre,  nous  en  mettons  encore  une  à 
reclus  et  à   inclus. 

ÉTRANGER 


Première  Question. 
On  trouve  cette  phrase  dans  notre-dame  de  paris 
[vol.  /,  p.  246,  édition  de  1850)  .•  «  La  médecine  un 
sonye  !  Je  doute  que  les  pharmacopoles  et  les  maîtees- 
MïRRHES  se  tinssent  de  vous  lapider,  s'ils  étaient  là.  » 
Qu'est-ce  qu'un  maître-mïrrhe,  je  vous  prie?  Ce  mot 
n'est  pas  dans  le  dictionnaire  de  Littré. 

Il  a  été  commis  ici  une  très-grosse  faute,  qui  a 
échappé  à  la  correction  du  proie  ;  ce  n'est  pas  maître- 
myrrhe  qu'il  fallait  mettre,  mais  bien  maître  mire. 

En  efi'et,  le  mot  mire  (d'où  qu'il  vienne,  car  on  ne 
sait  rien,  dil-on,  de  certain  à  cet  égard)  est  un  ancien 
substantif,  hors  d'usage  aujourd'hui,  qui  signifiait 
médecin  ou  plutôt  chirurgien,  et  dont  voici  des  exem- 
ples : 

Et  firent  leur  conseiller  un  Mire  nommé  Maistre  Jean 
de  Troyes. 

(Alain  Chartier,  Œuvres,  p.  a5,  éd.  de  i6i7.) 

Et  sadits  jambe  si  bien  gouvernée  par  les  Mires,  que  le 
péril  en  fut  hors. 

(Idem,  p.  334.) 

Quar  mon  mari  est,  je  vous  di, 
Bon  mires,  je  le  vous  afl  ; 
Certes  il  scet  plus  de  mecines, 
Et  de  vrais  jugemens  d'orines. 
Que  onques  ne  sot  Ypocras. 

(Barbazan,  IIÏ,  p.  6.) 

Et  r,on  appelait  maistres  mires  les  maîtres  chirurgiens, 
comme  cela  ressort  delà  citation  suivante  : 

Ce  qui  se  void  aussi  parles  anciens  tiltresde  la  confrairie 
des  maistres  chirurgiens  de  Paris,  establie  en  l'église  par- 
rocbialle  de  Saint-Cosme,  ausquels  ils  sont  communément 
appeliez  viaisires  mires. 

{Aiinol.  sur  les  OEiw.  d'Alain  Charlicr,  p.  847.  P-i"'.   '611.) 

Je  crois  que  mire  a  cessé  d'être  cn  usage  vers  le 
milieu  du  xvii"  siècle  ;  car  Molière  ne  l'a  pas  employé 
dans  sa  comédie  du  Médecin  malyrè  lui  (1666),  quoi- 
que, pour  la  composer,  il  se  fût  probablement  inspiré 
du  fabliau  ayant  pour  titre  le  Vilain  mire. 

X 

Seconde  Question. 
Faut-il  dire  se  donner  garde  ou  se  donner  de  carde  de 
FAIRE  yiiKLQLE  cuosii'^  Celle  (fueslion,  m'a  bien  souvent 
embarrassée. 

Ces  expressions,  qui  signifient  loules  deux  se  défier. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


<S'.) 


prendre  ses  précautions,  ont  été  et  sont  encore  emplo- 
yées dans  notre  langue;  ainsi  j'ai  trouvé  : 
(Pour  la  première) 
Quant  moins  se  donenl  garde  cil  qui  sont  au  crenel. 

{ChanS'  des  S'azf'/i.v,  I\,) 

La  gente  demoiselle  se  donnait  garde  souvent  se  son  ami 
viendroit  point. 

(Louis  XI,  A'OTn.  LXI.) 
Donnez-vous  garde  de  ce  mauvais  pas. 

(Littré,  Dict.) 

(Pour  la  seconde) 

Le  sire  de  Montmorency,  qui  bien  se  donna  de  garde  de 
ce  tour... 

(Froissart,  I,  I.  lia.) 
Je  venais  l'avertir  de  se  donner  de  garde. 

(Molière,  VÉlourdi,  IV,  I.) 

Donnez-vous  de  garde  des  faux  christs  et  des  faux  pro- 
phètes. 

(Bossuet,  H'Sl.  II,  9.) 

Suétone,  dans  sa  vie  de  Néron,  dit  que  l'oracle  de 
Delphes  l'avertit  qu'il  se  donnât  de  garde  des  soixante- 
treize  ans. 

(Fontenelle,  Oracles,  II,  3.) 

Mais,  comme  on  explique  facilement  la  première 
expression,  dont  le  sens  est  donner  à  soi  garde,  atten- 
tion de  quelque  chose  ;  et  qu'au  contraire,  il  est  impos- 
sible de  rendre  compte  de  la  seconde,  je  ne  puis  m'em- 
pêcher  de  croire  que,  quoiqu'il  soit  peut-être  plus 
souvent  employé,  se  donner  de  garde  est  moins  bon  que 
se  donner  garde,  qui  offre,  lui,  une  construction  parfai- 
tement conforme  à  la  loi  syntaxique  régissant  le  verbe 
donner. 

X 
Troisième  Question. 
Les  auteurs  d'tHE  voiture  de  masques,  dont  vous 
parles  dans  votre  numéro  20,  écrivent  cali>ot  avec  un 
t;  J/J/.  Théodore  Barrière  et  Fauchenj,  ainsi  que  toute 
la  presse  récrivent  sansx  :  caliho.  Laquelle  de  ces  deux 
manières  vous  paraît  la  meilleure  ? 

Attendu  qu'il  est  démontré  aujourd'hui  que  c'est  un 
chapitre  du  livre  de  MM.  Edmond  et  Jules  de  Con- 
court qui  a  inspiré  la  pièce  de  MM.  Théodore  Barrière 
et  Fauchery,  il  serait  plus  rationnel  d'écrire  le  nom 
en  question  comme  dans  une  Voiture  de  masques, 
puisque  c'est  In,  pour  ainsi  dire,  que  se  trouve  l'acte 
de  naissance  du  nouveau  Jocrisse. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL 


Corrections  du  numéro  précédent. 

!•  ...  dil  tn  soupirant  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  5«  année, 
p.  51,  138,  153,  185  et  186);  —  î"  ...  aussilôl  après  leur 
arrivée;  —  S"  ...  conclure  avant  de  se  séparer  {avant  que  de  ne 
se  dit  plus);  —  4'  ...  que  le  bon  abbé  ne  se  vêtait  que  des 
défroques  (le  verbe  se  vêtir  fait  au  part,  présent  vêlant,  et  à 
l'imparf.  de  l'ind.  vêlait);  —  5°  ...  achetaient  eua;-mêmes  la 
cire  {gens  veut  au  masculin  les  correspondants  qui  le  suivent);  — 
6'  ...  son  bonnet  couvert  de  roses  moussues  (Voir  Courrier  de 
Vaugelas,  3'  année,  p.  9l);  —  7-  ...  l'enfant  ne  se  trouvait 
pas  placé  oi(/e«rs  après  le  verbe)  ;  —  8°  ...  en  particulier 
avaient  fort  à  faire;  —  9o  ...  il  en  a  laissé  derrière  lui  bien 
d'autre»;  —  lOo  ...  et  la  prit o  iras'-/e-corps. 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOI-FIÉ  DU  XV11«  SIÈCLE. 

Marguerite  BUFFET. 

(Suite  et  fin.) 

On  ne  manque  pas  de  dire  dans  plusieurs  circons- 
tances ce/te  étoffe  est  bien  raisonnable  potir  son  pri.v, 
et  autres  choses  analogues,  comme  si  les  marchandises 
pouvaient  parler  et  faire  voir  qu'elles  ont  de  la  raison; 
il  faut  dire  cette  étoffe  n'est  pas  chère  pour  son  prix. 

D'autres  personnes,  pensant  raffiner,  disent  il  parle 
ou  elle  parle  à  miracle.  Il  faut  dire  cette  personne  parle 
fort  juste  ou  admirablement  bien. 

Lequel  vaut  le  mieux  de  dire  cette  fille  est  belle  comme 
un  Astre  ou  comme  un  Ange?  Marguerite  Buffet  est 
d'avis  que  l'un  et  l'autre  peuvent  parfaitement  se  dire. 

Pendant  l'hiver,  on  entend  une  foule  de  gens  qui 
disent  il  fait  un  froid  effroyable.  C'est  parler  contre  sa 
pensée,  puisqu'il  fait  beau  quand  il  fait  froid.  Il  faut 
dire,  en  termes  plus  significatifs,  il  fait  grand  froid. 

Il  faut  se  servir  de  l'expression  allumez  le  feu,  car 
l'usage  le  veut;  mais  elle  n'en  est  pas  moins  impropre  : 
il  faudrait  dire  allumez  le  bois. 

Bien  des  gens  disent  cette  femme  a  un  lein  le  plus 
beau  et  le  plus  éclatant  du  monde;  c'est  encore  une 
faute,  caria  blancheur  ne  brille  jamais,  et  l'éclat  n'est 
que  pour  les  diamants  ou  les  autres  pierreries. 

En  voyant  quelqu'un  qui  a  une  belle  mémoire,  il 
arrive  à  plusieurs  de  dire  cet  homme  a  horriblement  de 
mémoire;  c'est  fort  mal  parler,  il  faut  dire  cef  homme  a 
beaucoup  de  monoire. 

On  entend  aussi  des  gens  qui  disent,  en  parlant 
d'une  femme  bien  meublée,  elle  a  un  lit  et  une  tapis- 
serie bien  raisonnable;  on  ne  peut  pas  parler  plus 
improprement;  ne  dirait-on  pas  que  les  termes  pour 
bien  s'exprimer  font  défaut  dans  notre  langue? 

D'autres  disent  une  infinité  de  monde  estaient  dans 
cette  assemblée:  c'est  mal,  il  faut  dire  beaucoup  de 
personnes,  ou  grand  monde  estoient. 

En  parlant  d'une  femme  qu'on  a  vue,  il  ne  faut  pas 
dire  sa  robe  estoit  toute  pleine  de  galants  ;  il  faut  dire 
sa  robe  estoit  toute  couverte  deruhant,  \e  mQ[  galant 
n'étant  pas  bon  dans  cette  circonstance. 

Voici  une  faute  que  les  Parisiens  commettent  sou- 
vent; ils  disent  arrivé  qu'il  fust,  arrivé  qu'il  estoit, 
pour  dire  comme  il  fut  arrivé. 

Sans  se  douter  qu'on  fait  une  faute,  on  dit  aussi  on 
connoist  ces  gens-là  de  longue  ?nain,  il  faut  dire  de 
long-temps. 

Plusieurs  font  encore  un  très-grand  nombre  de  fautes 
contre  le  genre.  Il  est  vrai  que  c'est  une  matière  assez 
délicate,  et  Marguerite  RaffeL  va  donner  quelques 
règles  relativement  aux  mots  dont  le  genre  n'est  géné- 
ralement pas  bien  fixé. 

Il  y  a  beaucoup  de  noms  qui  peuvent  s'employer 
aussi   bien  au  masculin  qu'au  féminin,   tels  sont  les 


100 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


suivants  :  horoscope,  rencontre,  epitaphe  el  maxime. 
Ce  dernier,  cependant,  est  plutôt  du  féminin. 

11  faut  dire  la  préface  et  non  le  préface. 

Exemple  est  masculin,  el  il  en  est  de  même  du 
substantif  erreur. 

Quant  à  œuvre,  il  est  tantôt  masculin,  et  tantôt 
féminin.  Mis  pour  action,  il  est  féminin,  comme  lors- 
qu'on dit,  par  exemple,  //  fait  une  bonne  œuvre;  mais 
en  parlant  d'un  grand  édifice  ou  d'un  beau  livre,  on 
peut  dire  voila  un  r/rand  œuvre,  voila  un  bel  œuvre. 

Le  pronom  qui  tient  lieu  du  mol  personne  se  met  au 
masculin  comme  dans  une  infinité  de  personnes  m'ont 
témoigné  le  desplaisir  gtt'ils  ont  eu  (\66^]  ;  on  s'exprime 
ainsi  parce  qu'on  a  égard  à  la  chose  signifiée,  qui  est 
ici  des  bommes,  et  non  à  la  parole  qui  signifie  cette 
chose  :  c'est  un  fait  ordinaire  dans  toutes  les  langues. 

Le  masculin  a  toujours  l'avanlage  quand  beaucoup 
de  personnes  des  deux  sexes  sont  l'objet  d'un  discours 
quelconque;  il  faut  dire  ils  ont  dit  cela,  ils  sont  allez 
en  tel  endroit,  el  non  pas  elles  ont  dit,  elles  sont  allées, 
el  cela,  quand  même  il  y  aurait  beaucoup  plus  de  fem- 
mes que  d'hommes. 

Ouvrage  est  toujours  du  masculin,  de  «  quelque 
coslé  qu'il  puisse  se  tourner  »  ;  voilà  pourquoi  c'est 
une  faute  que  de  dire  inon  ouvrage  est  achevée;  il  faut 
dire  achevé. 

Espace  el  intervalle  sont  toujours  du  masculin. 

Il  faut  dire  du  poison  el  non  de  ta  poi.<on.  comme 
certaines  personnes  ont  encore  l'habitude  de  dire. 

Aavire.  qui  élait  autrefois  du  féminin,  est  aujourd'hui 
du  masculin;  par  conséquent,  il  faut  dire  nn  beau 
navire. 

La  question  de  savoir  si  comrte  doit  être  masculin 
ou  ïéminin  aélé  posée  il  y  a  quelque  temps  dans  une 
académie;  il  a  été  décidé  qu'il  fallait  dire  une  comète. 
bien  que  le  mot  latin  d'où  celui-ci  dérive  soit  masculin. 

Sans  penser  que  l'on  fait  une  faute,  on  dit  souvent 
voila  un  beau  couleur  de  feu;  le  mol  couleur  étant 
féminin,  il  faut  dire  voila  une  belle  couleur  de  feu. 

Bien  des  gens  disent  c'est  un  bel  cbenne,  c'est  un  bel 
ivoire;  mais  tous  ceux  qui  parlent  bien  disent  w/ie 
belle  cbenne  cl  une  belle  ivoire. 

■Voici  une  phrase  où  généralement  une  femme  dit 
comme  un  homme  je  me  fais  fort  de  cela;  c'est  une 
faute,  elle  doit  dire  je  me  fais  forte  de  cela  (I66gi. 

Quelques  femmes  discnl  encore,  en  parlant  d'argent, 
je  suis  demeurée  court  de  tant;  il  faut  dire  je  suis 
demeurée  courte. 

Voici  un  cas  où  les  per.sonnes  de  toutes  les  conditions 
manquent  souvent,  il  est  relatif  au  féminin  pluriel; 
par  exemple,  parlant  de  «  féminins  »,  on  dit  Us  sont 
allées  en  tel  endroit,  y  sont  jol  lies,  y  sont  bien  faites  ;  il 
faut  dire  elles  sont. 

Une  faute  analogue  :  on  dit  gui  sont  belles,  qui  .■<ont 
propres;  il  faut  dire  quelles  sont  belles,  quelles  sont 
propres. 

En  parlant  de  femmes,  on  dil  encore  souvent  il  faut 
qui  prennent  garde  à  eux;  c'est  une  autre  faute  contre 
le  genre;  il  faut  dire  quelles  prennent  garde  à  elles. 


Toutes  ces.  fautes  sont  souvent  commises  par  des 
personnes  qui  n'ont  pas  reçu  d'instruction.  Elles  pour- 
ront facilement  s'en  corriger  en  lisant  des  préceptes  que 
Marguerite  Buffet  a  rendus  aussi  intelligibles  qu'il  lui  a 
été  possible.  N'ayant  travaillé  que  pour  les  femmes, 
elle  s'est  rendue  familière,  et  n'a  pas  voulu  les  embar- 
rasser de  choses  élevées  qui  leur  auraient  été  inutiles. 
C'est  pourquoi,  en  s'appliquant  un  peu  à  la  lecture  de 
ce  petit  ouvrage,  celles-ci  trouveront  qu'il  ne  leur  sera 
pas  ennuyeux,  tant  pour  la  correclion  de  la  langue 
que  pour  la  diversité  de  quelques  discours  qui  leur 
permettront  de  ne  pas  passer  pour  ignorantes  dans 
ce  qu'elles  doivent  savoir. 

Ici  se  terminent  les  Nouvelles  Observations  sur  la 
langue  française  de  Marguerite  Buffet,  et,  par  consé- 
quent, cette  biographie,  les  Eloys  des  Illustres  sça- 
vantes,  dont  l'auteur  a  fait  suivre  les  pages  que  je  viens 
d'analyser,  n'étant  pas  de  ma  compétence. 

Toutefois,  pour  donner  une  idée  aussi  complète  que 
possible  du  talent  el  du  mérite  de  Marguerite  Buffet,  je 
crois  devoir,  en  finissant,  placer  sous  les  yeux  de  mes 
lecteurs  les  lignes  suivantes,  extraites  d'une  lettre  où 
un  contemporain,  Brusié,  avocat  «  en  »  Parlement,  a 
fait  l'appréciation  de  son  ouvrage  : 
Mademoiselle, 

Je  ne  suis  pas  moins  jaloux  du  bien  du  public  que  je  le 
suis  de  vostre  gloire,  et  ay  assez  de  cQnnoissance  des 
belles  choses  pour  refuser  lavis  que  je  vous  donne  de 
faire  imprimer  vostre  Manuscrit.  Je  l'ay  examiné  avec 
plaisir  :  je  l'ay  leu  avec  admiration,  comme  l'ouvrage  le 
plus  beau  et  le  plus  achevé  que  j'aye  veu  dt'  ma  vie,  pour 
la  belle  instruction  de  ceux  qui  sçauront  se  servir  de  vos 
préceptes,  qui  sont  si  nécessaires  et  si  intelligiblement 
exprimés  pour  bien  parler  nostre  langue,  qu'ils  merite- 
roient  d'estre  loiiez  de  tous  les  .^utheurs  q'ii  ont  le  mieux 
écrit  touchant  la  politesse  du  langage;  et  il  sembleroit 
que  vous  seriez  trop  avare  des  productions  de  vostre 
esprit,  si  vous  refusiez  de  faire  ce  présent  au  public,  en 
le  privant  de  la  connoissance  de  tant  de  belles  lumières 
qui  par  leur  lecture  m'ont  ébloûy  et  obligé  à  augmenter 
la  haute  estime  que  j'ay  toujours  faite  de  vos  ouvrages. 
Croiez  moy,  Mademoiselle,  soiez  plus  liberalle,  soufrez  que 
cette  pièce  sorte  de  vostre  cabinet  pour  la  mettre  sous  la 
presse.  Je  ne  prelens  pas  que  vous  en  soiez  inspirée  par 
un  dessein  d'illustrer  vostre  réputation,  qui  est  si  estimée 
entre  les  habiles  qu'on  ne  peut  l'élever  davantage.  J'avoue 
que  de  bons  Autheurs  ont  travaillé  à  la  reformation  de 
nostre  langue,  maison  n'a  veu  personne  qui  ait  mis  les 
choses  dans  un  si  bel  ordre  que  vous  les  faites,  par  la 
division  de  quatre  parties  différentes  qui  l'ont  voir  les 
fautes  que  l'on  fait  contre  les  règles  de  bien  parler,  avec 
les  moyens  de  s'en  corriger.  Vous  donnez  des  préceptes  si 
raisonnables  et  si  faciles,  éloignant  avec  tant  d'adresse  les 
termes  obscurs  et  envelopez  que  le  beau  sexe  ne  peut 
souffrir;  vous  luy  faites  voir  avec  tant  de  grâce  et  d'élo- 
quence l'employ  qu'on  doit  faire  du  temps,  et  de  quelle 
importance  est  l'usage  des  belles  lettres  à  celles  qui  les 
suivent.  Les  règles  que  vous  leur  donnés  pour  la  conver- 
sation et  pour  la  facilité  de  bien  faire  les  lettres,  sont  si 
belles  et  si  utiles,  qu'il  me  sera  tres-avantageu.\  de  n'en 
suivre  point  d'autre,  ne  trouvant  rien  de  mieux  exprimé. 

FIN. 


Le  RÉDACTEOR-GÉnANT  :  Eman  MARTIN. 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES  DANS  LA  SIXIÈME  ANNÉE  DE  CE  JOURNAL 


QUESTIONS  RÉSOLUES 


Acabit.  Elymologie  du  mot  — ,  p.  I  iO. 

Acte  sous  seing  prire.  Oithofîrnphe  de  — ,  p.  II. 

Admonestnlion.  Si  le  subslaiilif  —  est  français,  p.  163. 

Aéronef.  Si  —  est  françiis,  p.  84. 

A  la  queiii-  leu  Icu.  Sens  litléial  de  —,  p.  Î8. 

A  la  frôle.  Origine  el  signification  de  —,  p.  19. 

Anglnnise.  Si  —  est  un  terme  français,  [>.  172. 

Apprendre  par  cœur.  Explication  de  — ,  p.  4. 

Apres  être  parli  et  Ai'ont  d'ilre  parti.   Pourquoi    on    dit    — , 

p.  179. 
Arc-en-ciels.  Pourquoi  le  pluriel  —,  p.  36. 
Artésien.  Elyninlogle  de  — ,  appliqué  à  un  puits,  p.  154. 
Assijriologiié  el  Assyriologie.  Si  —  ne  seraient  pas  français,  p.  19. 
Attendez-moi  sous   l'orme.  Origine  de  l'expression  proverbiale 

-,  p.  2. 
Au.  Si  la  rontrarlion  —  doit  se  mettre  avec  ou  sans  trait  d  union 

devant  les  prépositions,  p.  140. 
Avocat,  jiassons  nu  déluge!  Origine  de  la  locution  — ,  p.  60. 
Avoir  la  rcncltc.  h:xplicalion  de  l'expression  — ,  p.  122. 
Avoir  l'air  bon.  Si  —  peut  se  dire  d  une  chose  inanimée,  p.  123. 
Avoir  mal  au  cœur.  Pourquoi  —  signifie  avoir  mal  à  l'estomac, 

p.  147. 
Avoir  vu  le  loup.  Pourquoi  —  se  dit  d'une  personne  enrouée, 

p.  180. 
Avril.  Prononciation  de  — ,  p.  4. 

B. 

Bachelier,  Baccalauréat.  Elymologie  de  — ,  p.  74. 
Batignollcs.  S'il  faut  dire  :  Aller,  demeurer  à  ou  aux  — ,  p.  18. 
Beauté  du  diable.  Communicalion  sur  la  — ,  p.  33. 
Belluaire.  Sens  et  elymologie  Je  — ,  p.  148. 
Bi-mensuel  et  .Semi-mensuel.    Si  —   sont  également  français, 

p.  35. 
Bock.  Origine  du  mol  — ,  p.  10. 
Bock.  Communicalion  sur  l'élymologie  de  — ,  p.  82. 
Bock.  Seconde  communication  relative  à  — ,  p.  105. 
Bosse.  Communicalion  sur  le  sens  de  — ,  p.  57. 
Bot.  Elymologie  de  —  dans  Pied  bot,  p.  146. 
Boui-boui.  Elymologie  et  signifiralion  du  mot —  p.  3. 
Breton   brcionnant.   Si  l'expression  —  peut  signifier  la  langue 

des  B.is-Brelons,  p.  172. 
Bric-à-brac  et  De  bric  et  de  broc.  D'où  viennent  les  expressions 

-,  p.  50. 
•Broncher.  S  il  est  vrai  que  —  vient  de  l'ancien  français  Bronche, 

branche,  p.  106  et  107. 
Burnous.  Comment  prononcer  —,  et  si  l'on  peut  dire  Bournous, 

p.  84. 

c. 

Cabotin.  Elymologie  du  mot  — ,  p.  42. 

Cn/e»!èio«>'.  Communicalion  sur — ,  p.  177. 

Calino.  Origine  de  —  signifiant  niais,  jocrisse,  p.  124. 

Calino.  Commuuic:ition  sur  —,  p.  153. 

Calino  ou  Calinnt.  S'il  faut  écrire  — ,  p.  189. 

C'est  à  vous  à  gui.  Critique  de  l'expression  — ,  ]>.  131. 

Charabia.  Communication  sur  l'élymologie  de  — ,  p.  81. 

Charlatan.  Origine  du  mot  — ,  p.  82. 

Chercher  la  pierre  philosophale.  Sens  littéral  de  — ,  p.  132. 

Choléra.  Communication  sur  l'élymologie  de  — ,  p.  81. 

Choléra.  Autre  communication  sur  — ,  p.  129. 

Choli-ra.  Communicalion  relative  à  — ,  p.  105. 

Col  et  Cou.  Différence  d'emploi  entre  — ,  p.  100. 

Comme  quoi.  Explication  de  l'expression  — ,  p.  164. 

Compte   d'apothicaire.   Pourquoi   appeler   —   une   note   enflée, 

p.  108. 
Conceptions  byzantines.  Signification  de  l'expression  —  p.  83. 
Concert  de  musique.  Pourquoi  Molière  a  dit  — ,  el  non  Concert 

tout  court,  p.  1 15. 
Conclu  et  Exclu.  Pourquoi   —  quand  on  écrit  Inclus  el  Reclus, 

p.  188. 
Conter  des  fagots.  Explication  de  — ,  p.  34. 
Cornichon.  Pourquoi  —  se  dit  de  quelqu'un  qui  fait  une  sottise, 

p.  92. 
Croque-mitaine,  Etymolome  de  —,  p.  187. 
Croquignole.  Explication  du  double  sens  de  — ,  p.  60. 
C.ar,  Tsar  el  Tzar.  Laquelle  des  formes    —  est  la  meilleure, 

p.  131. 


D. 


Dans.  Comment  s'est  formée  la  préposition  — ,  p.  83. 
Dans-le  but  de.  L'expression  —  est-elle  française,  p.  75. 
Davantage  que.  Communication  sur  —  el  réponse,  p.  73. 
Den'elle.  Elymologie  du  mot  —,  p.  156. 
Départ.  Si  —  est  français  dans  le  sens  de  Partage,  p.  84. 
Dépister.  Explicalion  de  la  double  signilication   du  verbe   — , 

p.  114. 
Derechef.  Elymologie  de  l'expression  — ,  p.  59. 
Devant.  Si  —  peut  s'employer  pour  Avant,  p.  20. 
Donner  une  perruque  à  quelqu'un.  Origine  de  l'expression  — , 

p.  12. 
Dont.  Elymologie  du  relatif  —,  p.  12. 
Dont.  S'il  est   permis   d'employer  —  pour   régime  commun   de 

mots  ayant  des  fonctions  dilférenles,  p.  84. 

E. 

Eau.  Pourquoi  —  n'est  pas  finale  dans  Crapaud  el  Levraut, 
p.  Ii7. 

Eculer  ses  .souliers.  Pourquoi  on  dit  aujourd'hui  —,  au  lieu  de 
Acculer,  qui  se  disait   autrefois,  p.  3. 

Emérile.  Si  —  peut  s'employer  pour  Pleiti  de  mentes,  p.  83. 

En.  Singulier  emploi  du  pronom  — ,  p.  100. 

En  sautoir.  Sens  el  elymologie  de  — ,  p.  148. 

En  termes  de.  Si  Terme  doit  être  mis  au  singulier  ou  au  pluriel, 
dans  — ,  p.  132. 

Entrechat.  Explicalion  du  terme  de  danse  — ,  p.  100. 

Entre  chien  et  loup.  Explicalion  de  l'expression  proverbiale  — 
p.  82. 

Entrefaites.  Elymologie  du  mol  — ,  p.  99. 

Entrer  dans  la  peau  du  bonhomme.  Signification  de  — ,  p.  44. 

Epousscler.  Comment  le  verbe  —  doit  se  prononcer  au  singulier 
du  présent  de  l'indicatif,  p.  43. 

Espérer.  Communiialion  relative  au  verbe  — ,  p.  113. 

Être  piqué  delà  tarentule  littéraire.  Signification  de  —,  p,  172. 

Être  plus  prés  de  Sainte-Larme  que  de  Vendôme.  Communica- 
tion sur  l'expression  — ,  p.  114. 

Etre  un  cliifjre.  Si  —  peut  se  dire  comme  en  anglais,  p.  44. 

Eusiache.  Pourquoi  certain  couteau  s'appelle  un  —,  p.  149. 

F. 

Faisanderie.  Pourquoi  —  pour  dérive  de  Faisan,  p.  60- 
Paire  danser  l'anse  du  panier.  Explicalion  de  — ,  p.  98. 
Faire  danser  l'anse  du  panier  à  quelqu'un.  Si  l'on  peut  dire 

-,  p.  108. 
Faire  le  bon  apôtre.  Ongme  de  1  expression  — ,  p.  49. 
Faire  ripaille.  Origine  de  l'expression  — ,  p.  106. 
Faveur.  Origine  de  —  désignant  un  petit  ruban,  p.  50.. 
Felibre.  Communications  relatives  à  —  p.  1  et  2. 
FéneloH.  Quels  accents  il  faut  sur  —,  p.  Si. 
Fesser  la  messe.  Explicalion  de  l'expression  — ,  p.  68. 
Feux.  Communicalion  sur  — ,  terme  de  théâtre,  p.  34. 
Fou.  Comment  —  en  est  venu  à  signifier  quantité  considérable, 

p.   140. 
Fou.  Communication  sur  l'élymologie  de   —   signifiant  ([uantilê 

considérable,  p.  162. 


Garde  montante.  Garde  descendante.  Origine  des  expressions 

— ,  p.  91. 
Gentilés.  Communicalion  relative  à  de  nouveaux  — ,  p.  49. 
Gnangnan.  Origine  du  terme  — ,  p.  76. 
Gnangnan.  Communicalion  relative  à  — ,  p.  98. 
Gorge  ehande.  Comment  l'idée  de  joie,  de  plaisanterie  se  lie  à 

celle  de  —,  p    lOS. 
Guéridon.  Elymologie  de—,  p.  100. 
Guéridon.  Communication  sur — ,  p.  121. 

H. 

Haricot  de  mouton.  Comment  on  a  ]ui  appeler  —  un  pl.il  où  il 

n'entre  pas  de  haricots,  p.  11  i. 
Haricot.  Elymologie  de  —  désignant  un  légume,  p.  1S6. 
Homme  de  sac  et  de  corde.  Origine  de  l'expression  — ,  p.  156. 

L 

//  SX!  plaint  que  et   H  .se  plaint  de  ce  que.   S'il  y   a  une  dill'c- 
rence  de  signification  entre  — ,  p.  154  el   155. 


I'.I2 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Ils  ont  un  chez-soi,  ou  un  chez-eux.  Faut-il  dire  —,  p.  116. 
Inerprcss'Me.  Quel  vèlenienl  s'appelle  un—,  p.  139. 
Interlope.  Emploi  de  l'adjectif—,  p.  Ti. 

J. 

]ai  l'honneur  de  vous  informer  que.  Jusliliciilion  de  la  cons- 
truction —,  p.  130.  ,,  , 
Jambelte.  Elymologie  de  —  désignant   une  espèce  de  couteau, 

Jeter^son  anneau  dans  une  rivière.  Commenl  l'archilecle  du 

nouvel  Opéra  a  pu  dire  — ,  p.  36. 
Julienne.  D'où  vient  —  désignant  un  potage,  p.  12j. 
Jusque.^  et  y  compris.  Si  —  esl  une  honne  conslrucliou,  p.  .o3. 

L. 

LL  mouillces.  Comuiunicalion  relative  à  la  prononciation  des  —, 

LL  j/ouillees.  Réponse  à  M.  André  Lefèvre,  sur  les  —,  p.  17. 
LL  mouillées.  Réplique  à  M.  Dufour-Vernes  sur  les  —,  p.  Iti. 
L'échapper  belle  et  La  manquer  belle.  Si  les  deux  expressions 

—  soni  svnonvmes,  p.  52.  ^     ,  . 

Le  sac  et  les  quilles.  A  quoi  fait  allusion   —  de  La  Fontaine, 

Lettres   de   naturalité  ou  de  naturalisalinn.  S'il  faut   dire  — 
Loup-f/arou.  Signilication  liltérale  de  —,  p.   180. 

M. 
Machin.  Et>mologie  de  —  désignant  une  personne  ou  une  chose 

dont  on  ne  se  rappelle  pas  le  nom,  p.  1/9. 
Mailrc-iaijrrhe.  Véritable  orthograi>lie  de  —,  p.  18S. 
Wo)V/(Y//(o/i.  Emploi  du  mol  — ,  p.  l36. 
Majoration.  Si  -,  qui  ne  dérive  pas  d'un  verbe,  est  bien  fian- 

MédiévàT.  Si  l'on  peut  employer  —  pour  désigner  le  moyen-âge, 

Mercuriale.  Elymologie  de  -  signifuinl  Réprimande   p.  20. 

Mercuriale.  Communication  sur  1  origine  de  -,  p.  57. 

Mettre  la  charrue  avant  les  bœufs  ou  devant  les  bœufs.   SU 

faut  dire  — ,  p.  36.  „  .  .        :,  u 

Mettre   la  lumière  sous  le  boisseau.  Origine  du  proverbe  -, 

Mettre  du'foin  dans  ses  bottes.  Exidicalion  de  la  locution  popu- 

Mine  renfrognée  ou  Mine  refrognée.  S'il  faut  dire  —,  P-  76. 
Mon  petit  chat.  Pourquoi  on  emploie  comme  expression  de  ten- 
dresse —  ,  plutôt  que  Monpetit  chien,  p.  l''- 
Monter  une  scie  à  quelqu'un.  Explication  de  —  p.  a-. 

N. 

■Ve  nas  lai.iser  que  de.  Communication  sur  —,  p.  185. 

ye...  pas  que.  L'expression  —  qualifiée  à  tort   de  barbarisme, 

\e  ..^rien'moins  que.  Sil  est  permis  d'attacher  indifféremment 

à  —  un  sens  afiirmatif  ou  négatif,  p.  186;  187. 
Nicodcme.  Pourquoi  —  employé  pour  mais,  simple,  p.  91. 
'youveau.  Comment  il  faut  écrire  -  devant  un  participe  passe, 

y'ij  pas  aller  par  quatre  chemins.  Explication  de  —,  p.  59. 

0. 
Œuf  de  Colomb.  Origine  et  sens  de  1'  -.  P-  ''• 
Ognon.  Si  c'est  une  faute  décrire  — ,  p.  67  et  68. 
0/ono/i.  Communication  relative  a --,  p.  J». 
Oies  du  frère  Philippe.  Pour.iuoi  les  femmes  sont  appelées  les 

Orll,o'^raphe^le  mol  -  n'est  pas  une  anomalie,  p.  51. 
Ouate.  Si  l'on  doil  aspirer  10  dans  —,  p.  ,b. 
Ouate.  Communication  sur  la  prononciation  de  -,  p.  Ob^ 
Ouate.  Autre  communi.ation  sur  la  piononcialion  de  —,  p.  89. 

1». 

Par  contre.  Expliciition  du  sens  el  de  l'emploi  de  -,  p.  27 
Participe  passl  Orthographe  du  -  suivi  de  a  et  d'un  inlinitif, 

Participa  passé   Comment  on  doil  écrire  le  -  précédé  de  en  et 

d'un  adverbe  de   quantité,  p.   U.:>  et  116. 
Participe  pa.t.sc.  Communication  sur  un  —,  p._lo3- 
l'au    Communication  sur  le  genlilé  de  —,  p.  '^0. 
/'"()•( n.  Ce  qu'est  le  -  dont  il  esl  question  dans  l  Huître  et  les 

Perso'n'Z'confidenriel,  etc.  Commenl  écrire  -  mis  en  annota- 
lion  sur  l'enveloppe  dune  Icllic,  p.  .)J. 


Pharmacnlogue.  Pourquoi  M.  Littré  n'a  pas  fait  — ,  p.  11. 
Poing  fermé.  L'expression  —  n'est  pas  un  pléonasme,  p.  26. 
Point  d'argent,  point  de  Sui.'ise.  Origine  du  proverbe  —,  p.  92, 
Portes  de  l'enfer.  Quel  est  le  véritable  sens  de  Porte  dans  les  —, 

p.  146. 
Porter  des  cornes.  Explication  de  l'expression  — ,  p.  58. 
Prannel.  Elymologie  du  mol  — ,  p.  67. 
Prannel.  Communication  sur  le  mol  — ,  p.  161. 
Prendre  ses  jambes  à  son  cou.  Explication  de  l'expression  — , 

p.  66. 
Prendre  un  rat.  Comment  —  a  pu  en  venir  à  signifier  ne  pas 

réussir,  p.  44. 
Prendre  un  rat.  Communication  relative  à  —,  p.  97. 

Q. 

Quadrature  du  cercle.  Pourquoi  on  dit  d'une  chose  jugée  impos- 
sible que  c'est  la  — .  p.  141. 

Quartier  latin.  Véritable  sens  de  — ,  p.  52. 

Querelte  d'Allemand.  Communication  relative  à  — ,  p.  9. 

Quiproquo.  Elvmologie  du  mot  —,  p.  16i. 

Qui...  gui.  Explication  de  l'emploi  de  —  pour  Les  uns...,  les 
autres,  p.  99. 

R. 

Rot.  Explicalian  de  —  dans  le  sens  d'Avare,  p.  4. 

Rat  de  ponts.  Rat  de  soupe.  Explication  de  Rat  dans  les  expres- 
sions — ,  p.  116. 

Rat  de  ponts,  Rat  de  soupe.  Communication  sur  l'origine  de  — , 
p.  137. 

Roi  in  partibus.  Signification  littérale  de — ,  p.  180. 

Rubrique.  Elymologie  de  —  el  emploi  de  Sous  ta  rubrique  de, 
-      p,   147, 

Russe.  Communication  au  sujet  du  mol  —,  p.  41. 

Russe.  Autre  communication  au  sujet  du  mol  — ,  p.  106. 


Saint-Andrc-des- Arts.  A  quels  arts  le  nom  de  la  rue  —  fait  al- 
I  lusion,  p.  130. 

Saint-. \icolas-du-C/iardonnerel  ou  du  Chardonnet.  Sil  faut 
dire  —,  p.  107. 

Sautoir.  Communication  sur  le  mot  —,  p.  161. 

Scaferlati.  Origine  de  —,  nom  officiel  du  tabac  à  fumer,  p.  121. 

Se  donner  garde  ou  Se  donner  de  garde.  S'il  faut  dire  — 
p.  188. 

.Se  donner  une  bosse-  Origine  de  —  pour  signifier  se  régaler, 
p.  171. 

Se  mettre  sur  son  dix-huit.  Explication  de  —,  p.  169. 

.Se  mettre  sur  son  trente-et-un.  Explication  de  — ,  p.  145. 

Se  mettre  sur  son  trente-et-un.  Communication  sur  —,  p.  169. 

.Se  moquer  du  tiers  et  du  quart.  Origine  de  la  singulière  expres- 
sion —  ,  p.  138. 

.S'en  moquer  comme  de  Colin-Tampon.  Origine  de  — ,  p.  41. 

.Sot.  Elymologie  de  ladjeclif  —,  p.  90. 

Souventes  fois.  Si  l'expression  —  est  bien  française,  p.  92. 

Sujet  à  caution.  Signification  de  —  p.  76. 


Teste-lez- Bordeaux  ou  Teste-les- Bordeaux.  S'il  faut  écrire  — 

p.  139, 
Tohu-bohu.  Elymologie  et  sens  littéral  de  — ,  p.  138. 
Tohu-tiohu .  Communication  sur  l'expression  —,  p.  153. 
Tout-à-coup.  Véritable  significalion  de — ,  p.  36. 
Tout  brandi.  Elymologie  de  Brandi  dans  l'expression  — ,  p.  68. 
Transmutation,  Communication  sur  le  mot — ,  p.  114. 
Travail.  Explication  du  double  pluriel  de  — ,  p.  28. 
Trévoux  dit,  Selon  Trévoux.  Justification  des  expressions  —, 

p.  44. 

u. 

In  bon  messire  Jean  ou  Vne  bonne  messire  Jean.  Si  en  sous- 
enlendant  le  mol  Poire,  il  faut  dire  —,  p.  171. 

V. 

Venir  la  gueule  enfarinée.  Origine  de  — ,  p.  170. 
Virer  le  tmid  ou  Virer  de  bord.  >'i\  faut  dire  —,  i>,  92. 
Vitri/-lc-h'ranfais  ou  Vilnj-le-Frani-ois.  S'il  faut  dire,  —p.  27, 
Voilà  comme  ou  Voilà  comment.  S'il  faut  dire  —,  p,  170. 


Zéro  en  chiffre.  Si  l'expression  —  esl  bonne,  p.  18. 


BIOGRAPHIES  DONNÉES 


L.<URENT  CmiFLET,  iMunéros  1    2   3,  4    5,  G>  ^.  »  «[  9- 
Ci.AUnii  Lanxklot,  numéros  10,  11,  U.  U,   14,  l,~)  1.1  16. 


Marouebite  Buffet,  numéros   17,  18,  19,  20,  21,  22,  23 
el  24. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  UAUfELEV  à  Nogent-le-Rotrou. 


7'  Année 


N"  1. 


1  "  Juin  1876 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


^^ 


r\\W  Journal  Semi-Mensuel  Jji      À 

^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSZILE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(    f 


FRANÇAISE 
Paraissant    le    1"  et    le    IS    de    chaque   mois 

{hans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Actidémie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celte  publication.) 


PRIX  : 
Par   an,    C   fr.   pour  la  Frinee, 
le  l'orl  en  sus  pniir  l'élraiifier.   — 
Annonoes  :     O'ivrtgi'S,    un    exem- 
plaire; Concours  liiléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

NCIEN       PROFESSEUB      SPÉCIAL      POCR      LES      ÉTBAXOERS 

Oflicier  il'AtaJémle 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 

Se    pivnnent    pour    une    année 

enliêre  et  pirlenl  tous  de  l.t  même 

époque.  —  S'.iilp'esser  soil  an  Kédac- 

(eur  soit  à  un  libraire  qnclecnque. 


AVIS. 

Les  Abonnés  de.  la  6=  année  qui  s'étonnent  de  ne  pas 
recevoir  le  Courrier  de  Vauf/e.'ax  depuis  un  mois  sont 
priés  de  vouloir  bien  lire  les  quelques  lignes  qui  se 
trouvent  en  léle  du  21»  numéro  d?  ladile  année. 

SO.M.M.\IRE. 

Communicalions  .sur  Ercmpiniic  avant  les  clous,  sur  Gue- 
ridnn  el  sur  le  parliiipe  de  EUf^  s'est  mise  sur  son  dix-huH  :  — 
Explicalion  île  .S'en  Lattre  l'œil:  —  Ponri|uol  Comme  a  le  double 
sens  de  ior.iY/ue  cl  de  De  quelle  manière;  —  Signifie  dion  lillér.ile 
de  Muriiige  mirgnnaiique.  ||  Conininniialion  sur  l'orl liographe 
de  Ouate  en  hollandiis  el  sur  rello  de  Oignon  en  frinçais;  — 
Elyinoliigie  du  mot  Noliot :  —  Prononoiali  m  de  Tous,  seul  à  h 
fin  dune  phrAse.  ||  Passc-lemps  griminalical.  ||  Biogriphie  de 
Gilles  Ménage.  \\  Ouvrages  de  gramnnirc  et  de  litléralure.  || 
Concours  littéraires.    ||   Renseignements  oflerls  aux  élrangeis. 


FRANCE 


GOM.MUNIC.\TIONS. 


I. 


J'ai  reçu  la  lettre  suiranle,   en  date  du  3  avril  1870, 
concernant  une  origine  dont  j'ai  entretenu  mes  lecteurs 
dans  la  4'  année  de  ce  journal,  page  \11  : 
Monsieur, 

Informations  prises,  il  Tuit entendre  par cr(>Hi/;to(/-e«mH( 
les  clous j.iT\  p.Kemplaire  île  la  B  l»le  de  MuriifT  (Amst.,  I70:), 
2  vol.  iii-fol  ),  d'un  lira^P  anteripiir -à  i'acridini  qui  ijrisa 
ravant-ili'rniL^re  plani-lu'  dn  l'Apoi-alyp.-^o;  liqu'lle  ijiaiirh-', 
reclouèe  avic  s^oin,  coniiniia  de  tr-r;  mais  les  tr.ic-.^  de  la 
cassure  se  voient  aii.\  épreuves,  d'où  l.i  néerssité  de  di.-lin- 
puer  dans  les  cauilogues  les  e.\empldires  e.\empls  de  cette 
imppifeciion. 

Lexplciilion  proposi^'p  par  M.  Gouverneur  et  apprnnvfi'e 
par  vous,  dans  U-  Courrier  de  Vaugelas  ilu  15  janvier  I87'i,  a 
paru  lout-.i-fait  inailinirsilile  au\  Ijibliuplnles  (pie  j'ai  pu 
constillei-,  et  j'ai  punse  qu'une  petite  reciili.ation  ne  vous 
déplairiiii  pas. 


Apréez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  la  plus 
distinguée. 

A.  S. 

Voici  en  quels  termes  m'avait  été  posée  la  question 
relative  à  l'origine  de  l'expression  dont  il  s'agit  : 

Je  trouve,  à  propos  d'ouvrages  enrichis  de  figures  en 
taille-douce,  celte  annotation  :  a  Df|  exemplaire  fliQ/i(  les 
clous.  «  Vouilriez-vous  bien  avoir  l'obliguance  de  me  donner 
la  siynificaiinn  de  ces  moi?,  comme  vous  lavez  fait  pour 
avant  la  lettre,  à  la  page  26  de  la  troisième  année? 

Par  les  mots  «  à  propos  d'ouvrages  enrichis  de 
figures,  »  il  est  hors  de  doute  que  ,  dans  la  pensée  de 
mon  correspondant,  l'expression  trouvée  par  lui  s'ap- 
pliquait à  plusieurs  ouvrages. 

D'après  la  communication  qu'on  vient  de  lire,  exem- 
plaire avant  les  clous  ne  pourrait  se  dire,  au  contraire, 
que  d'un  certain  ouvrage. 

Or,  de  deux  choses  l'une  :  ou  avant,  les  clous  se  dit 
(le  tout  ouvrage  à  figures,  auquel  cas  la  lettre  qui  pré- 
cède ne  peut  expliquer  l'usage  de  cette  expression  ;  ou 
arant  Ifs  ilous  ne  s'est  jamais  dit  que  de  la  Uible  de 
.Mortier,  auquel  cas  celui  qui  m'a  adressé  la  question  a 
été  induit  en  erreur. 

Par  conséquent ,  tant  qu'on  n'aura  pas  élabli  qu'il 
n'est  pas  d'usage  d'emplover  c.rewplnire  avant  les 
clous  en  parlant  d'un  ouvrage  illuslré  quelconque  ,  je 
me  croirai  autorisé  à  m'en  tenir  à  rcx])lication  qui  m'a 
été  fournie  par  .M.  Gouverneur. 

II. 

Ce  qui  suit  m'a  été  adressé  de  Ponloise  le  .ï  avril 
<S7(i  ; 

Jlonsieur  le  Directeur, 

Vous  promeniez  .i  vos  lecteur-,  dans  un  de  vos  dernifrs 
niimi  rns,  de  commer.oer  quelque  jour  des  reclierclies  sur 
l'ong  ne  du  mot  gucridon. 

IVrmettPZ-moi  de  vous  signal-'r,  h  litre  de  renseigne- 
ment, une  vaii.i"te  orlliograpliifppe  du  moi,  qui  s»  présente 
à  lêpoque  mC'me  de  son  intioduclioo  dans  nuire  langue. 

C''tie  variante  est  indiquée  par  .\I.  .M  lumerpié  dans  une 
noie  sur  ce  passage  de  Tall  'manl  ile>  15  -aux  (historiette  de 
.Dois-Ilobert,  tom.  III,  p.  140,  éiil.  Garniei)  : 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


«  Il  dit  qu'un  homme  de  sa  connaissance  avait  mis  toute 
la  Bible  en  vaudevilles  qu'on  appela  yucridons,  et  il  en  sait 
quelques  vers  qu'il  a  bien  la  mine  d'avoir  faits.  » 

M.  Monmerqué  commente  ainsi  les  lignes  qui  précèdent  : 

«  Il  existe  des  facéties  du  temps  de  la  régence  de  Marie 
de  Médicis  qui  ont  pu  faire  donner  à  ces  vaudevdles  le 
nom  de  guéridons.  L'éditeur  en  possède  deux.  La  première 
est  intitulée  :  les  folastres  et  joyeuses  amours  de  Guéridon  et 
Robinelte.  Paris,  1614,  in-8°.  La  seconde  a  pour  titre  : 
Ballet  des  Argonautes ,  où  est  représente  Guelindon  daiis  une 
caissu ,  comme  venant  de  Proeence,  et  Robinette  dans  une 
gaine,  comme  estant  de  GhastellerauU.  Ce  jeudi  vingt-troisiesme 
jour  de  janvier  1014  au  Louvre.  Paris,  1614,  in-8°.  Ce  ballet 
est  indiqué  dans  l'ouvrage  du  duc  de  la  Vallière,  1760,  in-8°, 
p.  49.  » 

Il  semble  bien  que  le  nom  propre  de  Gucridon,  qui  figure 
dans  ces  facéties  représentées  devant  Marie  de  Médicis,  est 
d'origine  italienne ,  comme  ceux  de  Scaramouche  ,  .\rle- 
quin,  etc.,  et  son  rapprochemeht  avec  le  nom  très-pas- 
toral de  Robinette  pourrait  inciter  à  voir  en  lui  une  forme 
corrompue  de  Corydon. 

Je  livre  cette  conjecture  à  l'examen  de  notre  tribunal 
philologique,  et  vous  prie  d'agréer,  Monsieur  le  Directeur, 
l'assurance  de  ma  considération  la  plus  distinguée. 

Joseph  Depoin, 
Président  du  Cercle  sténographique  de  l'Ile-de-France. 

Si  Guéridon  venait  de  Conjdon,  celui-ci  ne  pourrait 
guère  s'appliquer  qu'au  berger  dont  parle  Virgile  dans 
sa  2*  églogue.  Or,  je  ne  crois  pas  que  le  nom  de  cet 
amoureux-là  ait  jamais  eu  quelque  chance  d'être  donné 
à  celui  de  Robinette. 

Quant  à  Guelindon ,  c'était  une  seconde  forme  de 
Guéridon  obtenue  par  une  permutation  de  lettres, 
forme  qu'on  employait  assez  volontiers  pour  l'autre 
(elle  se  trouve  à  tous  les  endroits  du  Ballet  des 
Argonautes^  où  il  s'agit  de  Gwen'</o«),  mais  qui  ne  peut 
rien  apprendre  sur  l'origine  cherchée. 

L'opuscule  intitulé  les  folastres  et  joyeuses  amours 
de  Guéridon  et  Hobinette  relate  ce  qui  suit  : 

Guéridon  naquit  à  Marseille  «  en  Provence.  » 

De  santé  trop  délicate  pour  supporter  le  voisinage  de 
la  mer,  et  d'ailleurs  à  l'âge  où  l'on  commence  à  sentir 
le  besoin  d'aimer,  il  vint  en  France  pour  s'instruire 
de  nos  «  humeurs,  »  voir  Paris  et  apprendre  les  nou- 
velles de  la  Cour. 

Sur  son  chemin,  à  Roanne,  il  rencontre  un  person- 
nage qui  offre  de  lui  faire  connaître  Madame  Robinette, 
«  une  fille  aisnée  de  noble  race,  douce  de  toute  sorte 
de  perfections,  fille  usante  et  jouissante  de  ses  droicls , 
qui  entend  mieux  à  faire  plojer  une  lame  qu'à  la  rompre, 
qui  n'aspire  en  ce  monde  que  son  plaisir.  » 

Guéridon  accepte;  le  mercure  part,  et  quinze  jours 
après,  il  annonce  qu'il  a  pressenti  Robinette  et  qu'il 
croit  à  un  prochain  succès  pour  ses  démarches. 

Mais  Guéridon  ne  peut  vivre  plus  longtemps  loin  de 
celle  qui  occupe  déjà  toutes  ses  pensées;  il  prend  la 
poste  pendant  la  nuit  et  arrive  à  Orléans  dans  un  hôtel 
où,  par  hasard,  il  retrouve  Rcllc-Ileur,  son  messager. 
.\  souper,  on  parle  de  Robinette,  qui  vient  justement 
d'envoyer  a  nolle-ilcur  une  lettre  pour  Guéridon.  Celui- 
ci,  tout  jojeux,  écrit  une  réponse  passionnée. 

Belle-llcur,  dont  le  zèle  a  été  encouragé  par  un  don  de 
cent  pistoles,  reiiconlre  Robinette  près  de  la  porte  de  la 
Pucclle;  il  lui  olfre  le  bras  et  parvient  sans  elforts  à 


l'amener  à  Ihôtel  où  Guéridon  l'attend  avec  la  plus 
grande  impatience. 

Guéridon  était  un  esprit  faible;  Robinette  s'en  aperçoit 
bientôt,  mais  elle  ne  s'en  fâche  point  :  elle  n'en  pour- 
suivra que  plus  aisément  ses  premières  «  cavalcades.  « 

L'insensé  Guéridon  épouse  Robinette,  puis,  quatre 
jours  après,  il  est  contraint  d'aller  en  Suède,  voyage 
qui  ternit  tellement  sa  réputation  que  «  chacun  sçait 
comme  on  en  parle.  » 

Enfin  Guéridon  meurt  après  avoir  été  aussi  mal 
récompensé  que  possible  de  son  affection  pour  Robinette. 

Histoire  ou  légende,  ce  récit  me  semble  donner  la 
véritable  origine  de  Guéridon,  qui  aurait  été,  non  pas 
l'auteur,  comme  l'a  dit  M.  Francisque  Michel,  cité  par 
M.  Rastner  [Courrier  de  Vaucjelas,  6' année,  p.  \2{]  , 
mais  bien  l'objet  des  vaudevilles  qui  coururent  sous  ce 
nom,  ce  que  tendent  à  prouver  ces  paroles  de  Guelindon 
s'adressant  au  Roi,  dans  le  Ballet  des  Arejonautes  : 

Grand  Roy  de  qui  la  gloire  avec  l'aage  s'accroist. 
Il  est  vray  que  mon  nom  sur  les  autres  paroist 
Et  que  tous  en  leurs  chants  me  font  un  sacrifice. 

Du  reste,  cette  origine  explique  parfaitement  les  signi- 
fications diverses  que  nous  trouvons  à  ce  mot  :  les  infor- 
tunes de  Guéridon  furent  chansonnées  «  par  tout  le 
royaume,  »  et  probablement  sur  un  certain  air;  les 
chansons  analogues  à  celles  où  il  s'agissait  de  lui  s'ap- 
pelèrent des  guéridons;  quand  Marie  de  Médicis  intro- 
duisit les  ballets  en  France  ,  on  appela  aussi  Guéridon 
le  personnage  qui,  portant  un  flambeau  et  placé  au 
milieu  d'une  ronde ,  était  condamné  à  voir  les  autres 
s'embrasser  sans  prendre  part  à  leur  divertissement  ; 
de  là,  ce  nom  passa  aux  candélabres  qui  se  trouvent 
dans  les  escaliers  des  palais;  et  enfin,  on  appela  gué- 
ridon une  petite  table  à  un  pied  destinée  d'abord  à 
porter  une  lumière,  et  plus  tard,  des  porcelaines,  etc. 

Si  je  ne  m'abuse  une  seconde  fois,  l'étymologie  du 
mot  guérido7i  serait  donc  enfin  trouvée,  et  ce  serait 
grâce  à  la  communication  que  M.  Joseph  Depoin  a  bien 
voulu  m'adresser. 

m. 

Le  13  avril  ,  j'ai  reçu  la  lettre  suivante,  laquelle  a 
trait  à  l'orthographe  d'un  participe  passé  : 

Monsieur, 
Dans  votre  numéro  du  15  mars  dernier,  en  répondant  à 
celui  de  vos  lecteurs  qui  s'était  désigné  comme  «  petit-flls 
d'une  fileuse,  »  vous  avez  terminé  votre  réponse  par  une 
critique  grammaticale  au  sujet  de  laquelle  je  vous  demande 
la  permission  de  prendre  la  défense  de  ce  correspondant. 
Cette  critique  me  parait,  en  eff^t,  subordonner  beaucoup 
trop  une  règle  certaine  de  grammaire  à  une  question  dou- 
teuse d'étymologie.  Il  s'agit,  je  le  rappelle,  des  expressions 
se  mettre  sur  son  trenle-et-un  ou  se  mettre  sur  son  dix-huit , 
expressions  dans  lesquelles  vous  pensez  que  le  trente-et-un 
ou  le  dix-huil  représente  le  vêtement  qu'on  met  sur  soi  en 
uujourde  parure.  Je  ne  prétends  nuUemenlconteslercequ'il 
peut  y  avoir  de  vraisemblable  dans  cette  opinion  ;  mais  ce 
qui  est  certain,  c'est  que,  dans  l'état  actuel  de  notr' langue, 
la  réunion  des  deux  mots  mettre  sur  n'a  pas  du  tout  con- 
servé le  sens,  que  vous  lui  attribuez,  d'un  verbe  actif  com- 
portant après  lui  un  régime  direct  dépendant  de  mettre,  au 
lieu  d'un  régime  indirect  dépendant  de  sur  (il  en  serait 
autrement  si  l'expression  était  mettre  dessus).  Je  crois  donc 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


que.  pour  l'application  de  la  grammaire  dans  la  pUrase  qui 
a  fait  l'objet  de  votre  correction,  il  est  légitime,  au  moins 
jusqu'à  ce  que  la  vraisemblance  de  votre  opinion  étymolo- 
gique ait  acquis  le  caractère  d'une  vérité  bien  établie,  de 
se  baser  sur  la  forme  apparente  de  cette  phrase  et  que  la 
grand'maman  fileuse,  qui  sans  doute  ne  se  préoccupait  pas 
d'étymologie.  mais  qui  avait  bien  appris  sa  rogle  des  par- 
ticipes, était  parfaitement  dans  son  droit  quand  elle  de- 
mandait à  Marie-Jeanne  en  1  honneur  de  quoi  elle  s'était 
mise  sur  son  dix-huit. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considé- 
ration très-distinguée. 

Un  de  ros  lecteurs. 

Dans  mon  numéro  22  de  la  C  année,  j'ai  dit,  p.  170, 
que  le  participe  de  cette  phrase: 

Tu  es  belle  aujourd'hui.  Marie-Jeanne;  d'où  vient  que  lu 
t'es  mise  sur  ton  dix-huit  ? 

devait  être  laissé  invariable;  et  cela,  parce  que,  d'après 
l'explicalion  que  j'avais  donnée  précédemment,  p.  143, 
cette  phrase  signifiait  :  «  D'où  vient  que  tu  as  mis  à  toi 
Sur  (ta  personnel  ton  dix-huit.  >> 

L'auteur  de  la  communication  qu'on  vient  de  lire 
estime  que,  «  jusqu'à  ce  que  la  vraisemblance  de  mon 
opinion  étymologique  ait  acquis  le  caractère  d'une  vérité 
bien  établie  «^  on  doit  continuer,  pour  écrire  la  phrase 
en  question,  de  se  baser  «  sur  la  forme  apparente  » 
de  cette  phrase. 

Mais  il  n'est  pas  absolument  nécessaire,  pour  conclure 
à  l'invariabilité  de  mis,  de  s'appuyer  sur  l'étymo- 
logie  de  la  phrase  qui  renferme  ce  participe  ;  car  sachant 
seulement  que  .se  mettre  sur  son  dix-huit  signifie  se 
vêtir  de  son  plus  bel  habit;  que  le  verbe  mettre  est 
actif,  et  que  le  se  qui  l'accompagne  désigne  une  per- 
sonne, il  est  impossible  de  voir  le  régime  direct  dans 
nn  autre  mot  que  dix-lniit,  et  partant  de  faire  varier  le 
participe  :  la  phrase  a  lieau  sembler  dire  que  c'est  la 
personne  qui  se  place  sur  le  dix-huit,  la  raison  combat 
si  fortement  cette  apparence  qu'elle  doit,  à  mon  avis, 
en  annuler  les  conséquences  orthographiques. 

Pour  ne  ])oint  trop  offenser  l'œil  (car  je  conviens 
qu'il  est  un  peu  choqué  ici;,  je  crois  qu'il  serait  bon  que 
se  mettre  sur  son  dix-huit  et  son  homonyme  se  mettre 
sur  son  trente-et-un  reçussent  une  correction  ou  plutôt 
une  restauration.  En  effet,  au  lieu  de  sur.  pourquoi  n'y 
écrirait-on  pas  sus,  ainsi  qu'on  a  prononcé  autrefois  et 
que  la  plupart  prononcent  encore?  De  cette  manière,  la 
construction  de  la  phrase  en  question  aurait  de  l'ana- 
logie avec  celle  de  courir  sus  à  quelqu'uti,  le  sens  amphi- 
bologique disparaîtrait ,  et  rinvariabilité  du  participe 
irait  pour  ainsi  dire  d'elle-même. 

X 

Preniiùre  Quesliou. 

L'œil  étant  une  partie  du  corps  très-sensible ,  Je  ne 

comprends  pas  qu'on  ait   pu  faire   l'expression    s'en 

BATTUE  l'oeil  pour  signifier  s'en  mo-jucr.  Voud riez-vous 

bien  m' expliquer  cette  expression  } 

Voici  l'opinion  de  Quitard  à  ce  sujet  : 

Se  huHie  l'œil ,  c'est  proprement  se  frapper  l'œil  avec  la 


paupière  qu'on  abaisse  et  qu'on  relève  alternativement,  ce 
qui  se  fait  en  tigne  de  dérision  et  de  mépris  :  de  là  cette 
expression  employée  figurément  pour  dire  qu'on  se  moque 
d'une  chose. 

Mais  je  ne  puis  admettre  celte  explication,  la  paupière 
qui  s'abaisse  et  se  relève  non-seulement  ne  frappant 
pas  l'œil,  mais  encore  ne  lui  faisant  pas  la  moindre 
offense. 

En  voici  une  autre  qui  m'a  été  adressée  de  Beauvais 
le  29  aoiit  1873  : 

Je  m'en  bals  l'œil  signifie  :  je  me  moque  de  cela  et  des 
conséquences,  je  n'en  prendrai  pas  de  souci. 

11  est  impossible  de  mettre  cette  phrase  au  pluriel  d'une 
manière  supportable,  et  même  d'en  donner  une  explication 
satisfaisante,  tirée  de  la  signification  des  mots  qui  la  com- 
posent; mais  en  faisant  subir  à  la  prononciation  une  légère 
modification  qui  en  amène  une  très-grande  dans  la  forme 
écrite  et  disant  :  je  m'en  baloie ,  on  obtient  une  formule 
sensée  qui  s'applique  parfaitement  à  l'idée  qu'on  veut 
exprimer,  le  vieux  verbe  se  baloyer  sigU'Hant  se  rejouir, 
passer  le  temps  en  gaite  et  sans  soucis.  On  dit  encore  vulgai- 
rement, dans  un  sens  analogue  :  je  m'en  baie.  Se  baloyer 
est  évidemment  augmentatif  de  se  baler. 

Je  ne  goûte  pas  plus  cette  seconde  explication  que  la 
première,  car  si  baloyer  a  jamais  existé  (je  ne  l'ai  ren- 
contré ni  dans  Roquefort,  ni  dans  Du  Cange,  ni  dans 
Cotgrave  ,  il  ne  pouvait  faire  entendre  le  même  son  que 
bats  l'ail ,  quelle  qu'ait  été  d'ailleurs  la  prononciation 
de  la  di])hthongueo/  à  l'époque  où  il  était  en  usage. 

Nous  avons  une  expression  identique  par  le  sens  à 
celle  dont  il  est  qtiestion  ici,  c'est  s'en  battr''  les  fesses, 
expression  signalée  comme  telle  dans  le  Dictionnaire 
de  Liltré,  et  contenue  dans  ce  passage  de  Scarron  : 

Mais  â  ces  discours  d'ivrognesses. 
Le  roi  dit  :  Je  in'en  bats  les  fesses. 

i^Virg.  Trav.,  VII,  p.  jjjj 

Or,  grâce  à  cette  synonymie,  due  évidemment  au 
geste  dont  les  gens  mal  élevés  accompagnent  quelque- 
fois je  m'en  bats  l'œil,  il  me  semble  que  la  véritable 
signification  du  mot  ceil  dans  cette  dernière  expression 
se  découvre  sans  la  moindre  difficulté. 

D'après  le  Dictionnaire  de  la  Langue  rerte,  l'expres- 
sion s'en  battre  l'œil  n'aurait  qu'une  centaine  d'années. 
C'est  une  grave  erreur,  car  les  vers  suivants  attestent 
qu'elle  existe  au  moins  depuis  deux  siècles  : 

A-t-on  vu  renier  de  cette  sorte? 
Bourreau!  —  Je  m'en  bats  l'œil. 

(La  Fontaine,  Hagot.  IV,  7.) 

X 
Seconde  Question. 
Comment  explicjuez-i'ous  que  le  mot  comme  puisse 
signifier  lorsque  (Je  l'ai  vu  comme  //  arrivait),  et  aus.'ii 
DE  QtJELLE  ma:<(ière  [voUà  COM.ME  //  a  agi  envers  moi]  ?  Je 
ne  vois  pas  du  tout  ce  qui  a  pu  amener  deux  sens  si 
différents. 

Le  latin  quomodo,  qui  a  passé  en  italien  sous  la  forme 
come,  en  espagnol  sous  celle  de  como,  est  devenu  en 
français  comme  (primitivement  cuni  et  com),  ce  dont 
voici  la  preuve  : 


LE  COURRIER  DE 


Cum  faitement  li  manrlprons  niivpIleR? 

{C/tanson  de  RoUnnd^  p.    I-Ja.) 

Si  voirement  com  nous  bien  le  crenns. 

(Ponc,  p.  48.) 

Comme  leur  oserions  nous  osier  l'héritage  de  vie? 

(Calvin.  Instil.  m,  359.) 
Car  suyvre  faut  la  reiple  et  la  loy  de  Christ, 
Comme  il  l'a  baillée  par  escrit. 

(Marot,  I,  a^ï  ) 

Mais  la  langue  laline  avait  aussi  la  conjonclion  r/iaan 
(écrile  souvent  cum],  laquelle  nous  donna  comme  dans 
le  sens  de /o/-.sY/2?e,  el  cela,  juslement  sous  les  mêmes 
formes  que  comme  dérivé  de  quomodo  : 

Cum  il  le  vit,   à  ferir  le  desiret. 

(Cànîis.  de  Roland,  p.   I»6.) 

Cum  il  entrèrent  en  la  cambre  voltice, 
Par  bêle  aniur  soef  salut  i  firent. 

(Uein.  p.  2a7.) 

Cume  D^virl  eut  un  poi  aled  avant  el  munt,  Siba,  le 
sêrjant  Miphibosetb,  vint  encuntre  lui. 

(Rois,  p.  177  ) 

Ledit  dur,  comme  il  veit  les  portes  fermées,  Ost  saillir  les 
gens  de  sa  chambre. 

(Commines,  II,  7  ) 

D'un  emploi  peut-élre  moins  fréquent  d'abord,  comme 
(dérivé  de  cum)  devint  d'un  usage  plus  général,  et  a 
fini  depuis  par  rester  le  synonyme  de  lorsque. 

Voilà  pourquoi,  dans  notre  langue,  (owweaen  même 
temps  le  sens  de  celle  conjonclion  el  celui  de  de  quelle 
manicre  :  la  corruption  des  deux  mois  quomodo  et  cum  a 
produit  une  forme  unique  à  laquelle  est  restée  attachée 
la  signification  de  chacun  d'eux. 

M.  Littré  donne  à  entendre  (élymol.  de  comme]  que 
c'est  seulement  au  xvi«  siècle  que  ce  mot  a  été  assimilé 
à  la  conjonction  hUne  quum.  En  présence  des  derniers 
exemples  que  je  viens  de  citer,  je  ne  puis  être  du 
même  avis  que  le  célèbre  académicien. 

X 

Troisième  Queslion. 
J'ai  cherché  soureni,  quelle  pouvait  être  l'origine  de 
cette  expression ,  harugë  jiORGiNATiQDE ,  el  à  quelle 
époque  elle  avait  été  emploi/ée  pour  la  première  fois.  Il 
m'a  été  impossible  de  trouver  îi/ie  solution.  Vous  me 
feriez  grand  plaisir  si  vous  pouviez  m'éclairer  à  ce  sujet. 

Sans  faire  appel  à  la  fée  Morgane,  comme  Lcgoaranl; 
sans  invoquer  le  Morganijcba ,  don  du  matin,  des 
Français  du  v°  siècle  (Voir  .Me/.eray,  llist.  de  France, 
vol.  I,  p.  69);  sans  recourir  au  verbe  golh  maurgj'in, 
restreindre,  comme  le  fait  Aug.  Scliclur,  on  peut  assez 
facilement,  il  me  semble,  expliquer  morganatique. 

En  effet,  de  quoi  se  compose  cet  adjectif? 

De  morgan,  qui  est  en  haut-allemand  la  forme  de 
morgcn,  malin,  et  de  atique,  tiTininaison  venue  de 
aticus  qui,  d  après  De  Clievallcl  [Orig.  sec.  part.  liv.  11, 
p.  319),  représente  une  idée  «  qui  peut  se  rendre  par 
qui  est,  ou  qui  su  lient  à,  ou  dans,  qui  est  propre  à, 
qui  est  destiné  à.   n 

Uc  sorte  que  mariage  morganatique  signilicrait  lit- 
léralement  mariage  du  matin,  expression  qui  me  parait 


VAUGELAS. 

i ■ 

parfaitement  s'adapter  à  un  mariage  dont,  pour  cause 
de  dérogation,  la  célébration  a  dû,  dans  l'origine,  avoir 
lieu  plutôt  à  la  faveur  de  l'ombre  matinale  qu'à  la 
grande  lumière  du  jour. 

Quant  a  l'autre  partie  de  votre  queslion,  sans  pouvoir 
y  répondre  d'une  manière  précise,  je  puis  cependant 
vous  dire  que  ce  mot  ne  se  trouve  à  ma  connaissance 
dans  aucun  dictionnaire  français  publié  avant  celui 
de  Napoléon  Landais,  qui  date  de  1836. 

ÉTRANGER 


COMMUNICATION. 

Dans  une  lettre  que  j'ai  reçue  d'Amsterdam,  le  3  avril 
1870,  se  trouve  le  pas.sage  suivant  : 

A.  Dans  lasixièmeannéeilu  Conrrierde  Vawjelas,  numéro!), 
vous  tra  luisez  oitale  par  imd.  C'penlant  j'ai  chez  moi  trois 
fliclionnaires  qui  récrivent  avec  un  l  et  un  w  (double  v)  : 
wal. 

Ouate  ne  reçoit  pas  d'autre  orthographe  dans  la  langue 
liollanclaise  ou  néerlandaise;  son  pluri -l  est  ivaitcn. 

B.  M.  Eman  Martin  dit  dans  le  même  numéro  de  son 
estim^ible  journal  :  «  C'est  donc  une  faute  que  d'écrire  le 
mot  oignon  sans  i  dans  quelque  circonstance  que  ce  soit.  » 
Or-,  je  lis  dans  le  Dictionnaire  complet  dp  la  langue  fran- 
ç.iise  par  P.  Larousse  (3°  édition,  Paris,  1870),  p.  432  : 

m  Ognon  ou  oignon,  n.  m.  Plante  potagère  à  racine  bul- 
beuse ,  partie  repliée  de  la  racine  de  cerlaines  plantes; 
Ofjiions  (le  lis ,  dejacynthe,  de  tulipe,  etc.;  callosité  aux 
pied^.  En  rang  d'ognons,  loc.  adv.,  sur  une  seule  ligne.  » 

La  première  de  ces  remarques  est  parfaitement 
juste;  je  viens  de  consulter  le  Dictionnaire  de  Marin  à 
la  Bibliothèque  nationale  :  il  écrit  aussi  wat,  icatten. 
J  ai  été  induit  en  erreur  par  M.  Littré,  qui  met,  lui,  à 
l'ét^mologie  de  ouate  :  «  holl.  vad.  » 

Ecrire  ognon  sans  i  parce  que  cette  voyelle  ne  s'y 
prononce  jias,  et  écrire  poignard,  poignée,  poignant, 
empoigner,  moignon,  où  elle  ne  se  prononce  pas  davan- 
tage, c'est  commettre  une  inconséquence.  Pour  être 
logique,  il  faut,  ou  ne  mettre  /dans  aucun  de  ces  mots, 
ou  le  mettre  dans  tous. 

X 
Première  Question. 

Voudriez-vous  bien  m' apprendre,  par  la  voie  de  votre 
journal,  d'oii  vient  le  mot  nabot  ?  Tous  mes  remercie- 
ments d'avance. 

D'après  Ménage,  nabot  aurait  été  tiré  du  latin  napus, 
navet,  par  le  changement  de  p  en  b.  Diez  le  croit  venu 
du  Scandinave  iiabbi,  grosseur,  bosse,  et  Aug.  Sclieler 
dit  qu'il  pourrait  aussi  avoir  été  fourni  par  l'anglais 
ku'ipp,  bosse. 

Vient-il  vraiment  An  napus?  Celui-ci  a  donné,  à  la 
vérité,  trois  dérivés  sur  notre  sol  ;  navet  et  naveau  en 
français,  puis  navot  en  normand  ;  mais  je  ne  sache  pas 
qu'aucun  d'eux  se  soit  jamais  appliqué,  par  assimila- 
tion, à  la  taille  des  individus.  Du  reste,  chez  nous,  les 
noms  de  végétaiix  qualiliant  par  dérision  des  personnes 
[cornichon,  tru/J'c)  ne  s'emploient  qu'au  figuré,  et  non 
au  propre. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Nabot  \\cnli\  de  /wM/.-' Cela  me  surprendrait  encore; 
car,  indépendamment  de  la  disparition  d'uni,  assez 
peu  explicable  quand  nous  en  avons  bien  conservé  deux 
dansa66{',  venu  du  latin  abbas,  il  faudrait  rendre  compte 
du  cliingement  de  \  i  ea  o ,  changement  dont  je  ne 
connais  point  d'exemple. 

Je  soupçonne  l'anglais  /tnapp  d'être  le  même  mol  que 
nabbi  comme  ayant  ainsi  que  lui  le  sens  de  bosse  et 
ses  deux  b,  sous  la  forme  de  deux  p. 

La  véritable  étimologie  de  nabol  ne  me  semblant 
pas  avoir  été  trouvée,  voici  celle  que  je  propose  : 

Dans  le  vieux  français,  ii'jbol  s'est  dit  nambof . 
comme  le  montre  cet  exemple  du  xvi'  siècle  : 

Kous  ne  sommes  que  naml'ois  et  avortons  eu  esgard  à  la 
grandeur  de  ceux  du  vieil  temps. 

(Bouchet,  Seras,  II,  p.  m  dans  Laearae.) 

Le  patois  de  Genève  dit  encore  naimbol  et  naimbote. 

Or,  sachant  que  le  terme  bot  existe  en  français, 
et  qu'il  est  répandu  dans  les  idiomes  des  peuples  qui 
nous  entourent  je  l'ai  fait  voir  dans  le  Courrier  de 
Vaugclas,  6'  année,  p.  146},  j'incline  fortement  à  voir 
dans  nabot  un  composé  de  nom  et  de  bot,  c'esl-à-dire 
la  signification  de  nain  contrefait. 

Cetle  élymologie  peut  d'ailleurs  facilement  se  justifler 
par  le  sens  : 

Nain  signifie  seulement  petit  relativement  à  la  taille 
des  objets  semblables  :  on  dit  un  peuple  nain,  un  arbre 
nain,  un  chernl  nain;  il  est  susceptible  du  qualificatif 
joli  :  on  dit  un  joli  nain,  une  jolie  naine  ;  il  n'y  a  pour 
ainsi  dire  point  de  dérision  dans  ce  mot.  .Mais  il  n'en 
est  pas  de  même  de  nabot,  qui  ne  s'applique  qu'à  la 
race  humaine;  c'est  un  terme  de  mépris,  et  cette  idée  là 
ne  peut  s'y  trouver  que  parce  qu'il  contient  l'adjectif 
bot  (contrefait)  joint  avec  na,  abrégé  de  «a«,  qui  est 
la  forme  provençale  de  nain. 

X 

Seconde  Question. 

Quel  est  votre  avis  sur  la  prononciation  de  tocs,  seul 
et  dernier  mol  d'une  phrase,  comme,  par  exemple,  dans  ■ 

ILS  VIE.NDKOMT  TOCS? 

D'après  M.  Litiré,  c'est  mal  prononcer  que  de  faire 
sonner  \'s  de  /o«.s  dans  ce  cas;  mais  quand  je  consi- 
dère que,  dans  nos  théâtres,  même  à  la  Comédie-Fran- 
çaise, lorsqu'on  rappelle  les  acteurs  qui  ont  bien  joué 
une  pièce,  on  leur  crie  généralement  /oi/.we.'  tousse!  il 
me  semble  bien  difficile  d'admettre  que  cette  pronon- 
ciation soit  réellement  mauvaise. 


PASSE-ÏE.MPS  GRA.U.\L\T1G.\L 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 

autres  publications  contemporaines. 

l*  Il  faut  aussi  eX  surtout  que  reuseigneinent  dms  ces  écoles 
soil  autre  qu'il  est  aujourd'hui. 

2'  Il  n'est  absurdité  sigr.inJe  qu'elle  ne  trouvera  créance  auprès 
d'eux,  il  n'est  hameçon  si  énorme  qu'on  ne  leur  fera  avaler. 


3'  I.e  ministre  Iravaillait  d.ins  son  apparlemeut ,  et  non  dans 
le  grand  cabinet  officiel  du  bas,  où  tant  d'Excellences  se  sont 
succédées. 

4°  Faut-il  ajouter  à  présent  que  si  l'abdicalion  du  roi  est  dans 
les  faits  possibles  et  même  prob.ibles  d'ici  quelr|jes  années,  non- 
seulement  elle  n'est  pas  vraie,  mais  pas  roémc  vraisemblable  dans 
Il  situilion  actuelle. 

h'  L'.iulre  jour,  dans  une  commune  qui  ressortit  du  canton  de 
Do'jz)  (Nièvre),  un  bra\e  curé  moulait  en  ch.iire  pour  faire  son 
l)rone. 

G  Plusieurs  étudiants  avant  voulu  pénélrer  dans  l'élablissemenl 
quoique  non  porteurs  de  cartes  d'entrée,  se  sont  vus  refuser  la 
porte. 

7'  Comment,  vendul  s'é  ria  don  .\ugnslino,  indigné  et  stupéfait. 
Mais  le  corps  de  mon  fr.Te  n'a\ait  de  valeur  que  [jour  moi!  — Je 
vais  vous  dire,  gémit  rembiiimeur  lerrilié. 

8  Celle  latiluile  laissje  aux  cléricaux  de  faire  des  réunions 
publiques  alors  qu'elles  sont  inlerdites  aux  républicains  sous  un 
ministère  républicain,  ne  laissera  pas  que  d'impressionner  péni- 
blement l'opinion  publique  à  l'élr.uiger  comme  en  France. 

9'  .^verkios  repoussa  ces  insinualions  et  assura  l'abhé  qu'il 
préférai!  ne  pas  être  nommé  archcvéq  le  que  de  l'élre  par  vénalité. 

10°  Enliu  M  Ric.ird  se  lève,  sajusle  un  linlinet,  piSse  sa  large 
m.iin  sur  son  vaste  front,  et  d'un  pas  délibéré,  décidé,  escalade 
les  degrés  qui  mènent  à  la  tribune. 

(Aes  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAniIE  DES  GRAMMAIRIENS 

■  SECO.NUE  MOITIÉ  DU  XVII"  SIÈCLE. 


Gilles  MENAGE. 

Il  naquit  à  Angers  le  15  août  1613.  Ses  études,  sur- 
veillées par  son  père,  avocat  du  roi  au  bailliage,  firent 
autant  d'honneur  aux  soins  de  l'un  qu'à  la  capacité  de 
l'autre.  Une  mémoire  remarquable  Jointe  à  une  grande 
avidité  de  savoir  et  qui  dominait  toutes  ses  autres 
facultés,  semblait  l'appeler  de  préférence  aux  succès  de 
l'érudition,  vers  laquelle  se  portait  encore  presque 
exclusivement  le  génie  littéraire;  aussi  crut-il,  en  se 
livrant  à  l'élude  du  droit,  satisfaire  à  la  fois  la  volonté 
paternelle  et  donner  carrière  à  son  goût.  Ménage  prit 
la  robe  d'avocat  et  fil  ses  débuts  dans  sa  ville  natale. 

Mais  il  avait  d'auires  vues  :  il  s'engagea  dans  l'état 
ecclésiastique.  Alors  il  se  fit  connaître  avantageusement 
dans  le  monde  par  les  ressources  d'une  instruction 
étendue  et  par  l'éclat  de  ses  liaisons  avec  la  plupart  des 
homme's  qui  avaient  un  nom  dans  la  littérature.  Cha- 
pelain le  présenta  au  cardinal  de  Retz.  €e  prélat,  qui 
s'était  engoué  sur  parole  du  mérite  de  .Ménage ,  lui 
donna  une  place  d.tns  sa  maison  et  s'empressa  de  l'ad- 
nicltre  dans  sa  familiarité. 

Ayant  quitté  le  cardinal  au  bout  de  quelques  années, 
il  ne  put  se  déterminer  à  accepter  le  patronage  du 
prince  de  Conti,  qui  lui  oiTrait  une  pension  de  quatre 
mille  francs  ;  il  préféra  tenir  dans  sa  maison,  au  Cloître 
Notre-Dame,  des  assemblées  littéraires,  appelées  mer- 
curiales, du  jour  où  l'on  se  réunissait. 
,   Son  patrimoine ,  converti  en  une  rente  viagère  de 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


3,000  francs  et  un  revenu  de  1,000  qui  lui  furent  assi- 
gnés sur  deux  abbayes,  lui  procurèrent  l'aisance  si 
précieuse  à  l'homnie  de  lettres. 

Le  cardinal  Mazarin  voulut  tenir  de  sa  main  la  liste 
des  savants  qui  avaient  droit  aux  récompenses  du  gou- 
vernement; Ménage  reçut  une  pension  de  2,000  francs. 
Quoiqu'il  eût  déj;i  mis  le  sceau  à  sa  réputation , 
.Ménage  n'avait  cependant  encore  publié  que  ses  Oii- 
(jines  de  la  langue  françoise,  des  Remarques  sur  cette 
même  langue,  à  Tinstar  de  Vaugelas ,  et  des  mélanges 
assez  raédioei'es  de  tout  point ,  au  nombre  desquels 
figurait  sa  Requête  de^  Dictionnaires,  satire  légère- 
ment mordante  et  écrite  dans  le  style  de  Scarron,  où 
étaient  tournées  en  plaisanterie  les  occupations  gram- 
maticales de  l'Académie.  Cette  petite  pièce  fut  trouvée 
ingénieuse  dans  sa  nouveauté  ;  elle  fit  grand  bruit , 
indisposa  contre  l'auteur  un  grand  nombre  des  qua- 
rante et  les  empêcha  plus  d'une  fois  de  faire  tomber 
sur  lui  leurs  suffrages. 

Si  .Ménage  n'obtenait  pas  pleine  justice  dans  son 
pays,  la  faveur  des  étrangers  l'en  consolait  amplement  : 
l'Académie  délia  Crusca  lui  envoyait  un  diplôme  d'as- 
socié, les  savants  d'Angleterre,  d'Allemagne  et  des 
Pays-Bas  répétaient  ses  louanges,  et  la  fameuse  reine 
de  Suède,  Christine,  l'invitait  en  termes  flatteurs  à 
venir  grossir  sa  petite  cour  littéraire.  Quand  cette 
reine,  qui  avait  sacrifié  aux  lettres  l'éclat  d'une  cou- 
ronne, vint  à  Paris,  ce  fut  Ménage  qu'elle  chargea  de 
lui  présenter  les  personnages  distingués  de  la  capitale. 
Prôné  par  les  auteurs  subalternes.  Ménage  s'accrédita 
dans  l'esprit  de  ces  précieuses  qui  ,  avant  Molière , 
donnaient  le  ton  à  la  société,  et  s'érigea  en  autorité 
imposante. 

Assez  profondément  versé  dans  les  langues  anciennes, 
honoré  de  l'estime  du  docte  Huet,  environné  d'une 
véritable  importance  pai-  ses  relations  avec  les  érudits 
étrangers  et  par  l'amitié  des  écrivains  qui  annoncèrent 
le  siècle  de  Louis  XIV,  disposant  du  fruit  de  lectures 
prodigieuses,  il  possédait  de  plus  la  langue  italienne  et 
la  langue  espagnole,  et  composait  même  dans  la  pre- 
mière des  vers  élégants. 

Ayant  échoué  dans  une  candidature  à  l'Académie, 
Ménage  se  contenta,  pour  épancher  les  richesses  de  sa 
mémoire,  des  réunions  qu'il  avait  formées  chez  lui  et 
des  sociétés  d'élite  où  il  était  accueilli. 

Ménage  avait  pensé  oublier  ses  livres  auprès  de  M'"«de 
Sévigné.  Il  l'avait  connue  avant  son  mariage',  avait 
contribué  à  former  l'esprit  de  cette  femme  célèbre,  et 
s'était  passionné  pour  des  grâces  qui  n'étaient  pas  son 
ouvrage.  Son  élevé  l'avait  ramené  à  la  raison  et  l'avait 
désespéré  souvent  en  le  traitant  comme  un  amant  sans 
conséquence. 

Ménage  était  d'un  caractère  irritable.  Son  ressenti- 
ment contre  Gilles  Roileau  fut  si  violent,  qu'après  avoir 
fait  tous  ses  efforts  pour  l'écarter  de  l'Académie,  il 
rom|)it  avoc  Chapelain,  qui  avait  refusé  de  servir  sa 
haine  contre  lui. 
Dans  les  hostilités  qu'il  eut  à  soutenir,  Ménage  perdit 


un  peu  de  sa  considération.    Ses  plagiats  multipUés 
furent  mis  au  jour  sans  qu'il  pût  s'en  défendre. 

Ménage  disait  souvent  qu'il  voulait  mourir  la  plume 
à  la  main  ;  il  se  tint  parole  le  23  juillet  1092.  Quand  la 
mort  le  surprit,  il  ajoutait  aux  matériaux  qu'il  avait 
rassemblés  pour  des  ouvrages  presque  égaux  en  nombre 
à  ceux  qu'il  avait  déjà  publiés.  Parmi  ses  notes,  il  y  avait 
des  recherches  sur  l'origine  des  locutions  proverbiales 
de  notre  langue. 

Ses  nombreux  ennemis  le  poursuivirent  jusque  dans 
la  tombe. 

Voici  ce  qu'il  y  a  de  plus  important  ou  de  plus  curieux 
dans  les  Observations  sur  la  langue  françvise  de  Ménage 
H672^  observations  qui  consistent  surtout  en  apostilles 
sur  les  Remarques  de  Vaugelas,  et  en  articles  détachés 
où  sont  déduits  les  motifs  de  préférence  entre  un  grand 
nombre  de  mots  dont  l'emploi  était  alors  douteux. 

S'il  faut  dire  acatique  nu  aquatique.  —  Les  Romains 
prononçaient  le  q  comme  un  k;  ils  disaient  ki,  ke,  kod, 
et  non  pas  qui,  que,  quod.  Nos  vieux  Français  ont  suivi 
cette  prononciation ,  comme  on  le  voit  par  ces  mots 
cancan,  casi,  kidan,  à  kia  :  il  faut  prononcer  acatique. 
S'il  faut  dire  extrêmement,  ou  extrêmement;  certai- 
nement, ou  certainement;  profondement,  ou  profondé- 
ment. —  Vaugelas,  au  chapitre  des  adverbes  en  ment,  a 
fort  bien  décidé  qu'il  fallait  dire  communément,  expres- 
sément, conformément;  mais  il  s'est  trompé  en  ce  qui 
concevnç  extrêmement  :  il  faut  dire  e.r;rme/nf«^  Il  faut 
dire  aussi  certainement,  ei  non  pas  certainement  comme 
disent  les  Angevins  (1672)  ;  mais  il  faut  dire  au  contraire 
profondément,  et  non  pro fondement. 

S'il  faut  dire  Droit  canon,  ou  canonique;  les  Insti- 
tuts, les  Institutes,  ou  les  Institutions  de  Juslinien.  — 
Quoique  depuis  dix  ou  douze  ans,  MM.  de  Port-Royal 
disent  droit  canonique  paLixe  qu'en  latin  on  dit  jus  cano- 
nicum,  il  faut  dire  droit  canon ,  comme  on  l'avait  tou- 
jours dit  auparavant,  et  connue  tout  le  peuple  le  dit 
encore  présentement. 

Dans  le  discours  familier,  on  ne  doit  jamais  dire  les 
Institutions  de  Justinien,  quoiqu'on  dise  en  latin  Insti- 
tutiones  Justiniani;  mais  on  pourrait  le  dire  dans  une 
traduction  de  l'ouvrage,  eonime  l'a  fait  M.  Pcllisson,  et 
comme  d'autres  l'avaient  fait  avant  lui.  Le  meilleur 
pourtant  et  le  plus  sûr  est  de  dire  toujours  Instituts  ou 
Institutes.  C'est  ainsi  que  nos  anciens  ont  appelé  ce 
livre,  du  latin  Instituta. 

Mais  entre  les  deux,  Ménage  préfère  instituts,  ([ui  lui 
semlilc  ]ilus  naturel,  Stalxits  étant  venu  de  Statuta. 

S'il  faut  dire  plurier  ou  pluriel.  —  Il  ne  condamne 
pas  pluriel,  mais  il  lui  préfère  plurier. 

.S'il  faut  dire  arondellc,  hêrondcllc,  ou  hirondelle.  — 
Vaugelas  s'était  prononcé  jiour  hérondellc  ;  mais  .Ménage 
fait  voir  que  c'est  une  grosse  erreur,  que  c'est  le  petit 
peuple  de  Paris  qui  parle  ainsi,  et  ({u'avec  les  meilleurs 
auteurs,  il  faut  dire  hirondelle. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


Lk  RhinACTEon-GiSitiNT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


L'Amour  au  commencement  du  monde.  Les 
Mystères  de  la  création  dévoilés  ;  par  Mme  Badère. 
ln-18  Jésus,  32i  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Jack,  Mœurs  contemporaines  ;  par  Alph.  Daudet. 
2"  à  6=  éditions.  2  vol.  in-18  Jésus.  766  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  6  fr. 

Histoire  de  la  littérature  française  depuis  ses 
origines  jusqu'à  nos  jours;  par  J.  Deraogeot,  ancien 
professeur  de  rliétorique  au  lycée  Saint-Louis.  15'  éd., 
augmentée  d'un  appendice  contenant  l'indication  des 
principales  œuvres  littéraires  publiées  depuis  1830  jus- 
qu'en 1876.  ln-18  Jésus,  xiv-702  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  U  fr. 

Les  Danseuses  du  Caucase  ;  par  Emmanuel  Gon- 
zalès.  Illustration  d'Ed.  Yon.  ln-18  Jésus,  X[i-il5  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Chronique  du  règne  de  Charles  IX;  par  Prosper 
Mérimée.  Illustrée  de  31  compositions  dessinées  et 
gravées  à  l'eau-forte  par  Edmond  Morin.  2  vol.  in-8", 
xv-430  p.  Paris,  imprimerie  Çhamerot. 

Nouveau  choix  de  poésies,  à  l'usage  des  pensions, 
des  écoles,  etc.;  par  Jules  Ponsard,  8"  édition.  ln-18, 
i\-176  p.  Paris,  lib.  Delagrave. 

Opulence  et  Misère;  par  Miss  Ann.  S.  Stephens. 
Roman  américain  traduit  par  Mme  Henriette  Loreau.  ln- 
18  Jésus,  320  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  I  fr.  25. 

Romans  d'Edmond  et  Jules  de  Concourt.  IV. 
Manette  Salomon.  Nouvelle  édition.  ln-18  Jésus.  M8  p. 
Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 


Œuvres  poétiques  de  Courval  Sonnet  ;  publiées 
par  Prosper  Blanchemain.  Tome  I.  Les  Sat}'res  contre 
les  abus  et  désordres  de  la  France.  In-16;  xvni-173  p. 
Paris,  lib.  des  Bibliophiles. 

Etude  sur  Alain  Chartier;  par  D  D'îlaunay.  profes- 
seur au  lycée  de  Rennes.  In-8°.  268  p.  Paris,  lib.  Thorin. 

Le  Dernier  amour.  La  Chimère;  par  Etienne 
Enault.  Nouvelle  édition.  ln-18  jésus,  388  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

Mademoiselle  de  Maupin;  par  Théophile  Gautier. 
Nouvelle  édition,  ln-18  jésus,  388  p.  Paris,  lib.  Char- 
pentier et  Cie.  3  fr.  50. 

Proverbes  du  pays  de  Béarn,  énigmes  et  contes 
populaires,  recueillis  par  V.  Lespy,  membre  de  la 
Société  pour  l'étude  des  langues  romanes.  In-8°.  113  p. 
Paris,  lib.  Maisonneuve  et^Cie.  5  fr. 

Les  Oubliés  et  les  Dédaignés,  figures  du  'S.WLV' 
siècle;  par  Charles  Monselet.  Nouvelle  édition,  ln-18 
jésus,  iv-387  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Madeleine;  par  Jules  Bandeau,  de  l'.Académie  fran- 
çaise. Nouvelle  édition.  ln-18  jésus,  209  p.  Paris,  lib. 
Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Aventures  prodigieuses  de  Tartarin.  de  Tararin; 
par  Alphonse  Daudet.  W  éd.  Iu-18  j'^sus,  269  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr. 

Souvenirs  militaires  du  colonel  de  Gonneville; 
publiés  par  la  comtesse  de  Mirabeau,  sa  fille,  et  précédés 
d'une  étude  par  le  général  baron  Ambert.  2'-'  édition. 
In-12,  Lxx-397  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures: 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  MARINS.  — 
Par  Enou.iRn  Goepp,  chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'ins- 
truction publique,  et  He.nri  Mau.noury  d'Ectot,  ancien 
capitaine  au  long  cours.  —  Orné  de  deux  portraits.  — 
Dl  Oues.ne,  Tourville.  —  Paris,  P.  Ducroc,  libraire-édi- 
teur, 55.  rue  de  Seine.  —  Format  anglais,  broché  :  3  fr. 


DE  LA  PRONONCIATION  DE  LA  VOYELLE  U  AU  XVI" 
SIÈCLE.  —  Lettre  â  M.  Arsène  Darmesteter,  répétiteur  à 
l'École  des  Hautes-études.  —  Par  F.  Taluert,  docteur  ès- 
lettres,  professeur  au  Prytanée  militaire.  —  Paris,  Ernest 
Thorin^  éditeur,  rue  de  Médicis,  7. 


ALISE    D'EVRAN.   — 

Sandoz  et  Fischbacher, 
Prix  :  2  fr. 


Par    André   Lemoyne.    —   Paris, 
éditeurs,  33,   rue  de  Seine.   — 


COURS  DE  LITTÉRATURE  SPÉCL\L  prèpabatoire  au 
BREVET  SUPÉRIEUR.  —  Par  M""=  Th.  Brismontîer,  professeur 
spécial  pour  la  préparation  aux  examens,  répétiteur  des 
premières  classes  de  latin  et  de  grec.  —  Ouvrage  adopté 
à  la  maison  de  Saint-Denis,  et  auquel  la  Société  libre 
d'instruction  et  d'éducation  populaires  vient  de  décerner 


une  médaille  d'honneur  et  la  médaille  d'or  offerte  par 
M.  de  Larochefoucauld ,  président  honoraire  de  cette 
Société.  —  Paris,  chez  l'auteur,  1,  place  Wagram. 


A  TRAVERS  LES  MOTS.  —  Par  Charles  Rozan.  —  Un 
joli  volume  format  anglais  de  Z|50  pages,  imprimé  par 
J.  Claye.  —  Comprenant  les  Etoffes,  les  Académies,  les 
Cartes  et  les  Echecs,  les  Devinettes,  la  Barbe,  les  Danses, 
le  Calendrier,  les  Pierres  précieuses,  les  Meubles,  les 
Petits  meubles,  les  Titres  de  noblesse,  les  Petits  poèmes, 
et  donnant  l'étymologie  de  plus  de  900  mots.  —  Prix, 
broché  :  3  fr.  50. 


IMPRESSIONS  DE  CHASSE,  variétés  cynégétiques.  — 
Par  Gabriel  Azaïs.  —  i  vol.  inl2.  —  Paris,  Honoré  Cham- 
pion, libraire,  15,  quai  Malaquais.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LES  GRAMMAIRIENS  FRANÇAIS  depuis  l'origine  de  la 
grammaire  en  France  jusqu'aux  dernières  œuvres  connues. 
—  Par  J.  TiîLL.  —  Un  beau  volume  grand  in-18  jésus.  — 
Pri.x'  :  3  fr.  50.  —  Librairie  l'irmin  DUiol  frères,  fils  el 
Cie.  56,  rue  Jacob,  à  Paris. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


LES  CAHIERS  DE  SAINTE-BRU  VE,  suivis  de  quelques 
pages  de  littérature  antique.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre, 
éditeur,  27-3],  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


COL'IABlEri  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  -  En  vente 
au  bureau  du  Courrier  de  Va^if/elas ,  26,  boulevard  des 
Italiens.  —  On  peut  encore  se  procurer  la  h",  la  5"  et  la  6" 
année.  —  Réimpression  des  cinq  premières  awi^es  aussitôt 


que  sera  atteint  le  chiffre  demandé  par  la  souscription 
que  le  Rédacteur  vient  d'ouvrir. 


L'INTERMÉDIAIHE  DES  CHERCHEURS  ET  CURIEUX. 
—  En  vente  à  la  librairie  Sandoz  et  Fishbachfr,  33,  rue 
de  Seine,  ù  Paris.  —  Chacune  des  8  années  parues  se  vend 
séparément.  —  Envoi  franco  pour  la  France. 


LES 


GRANDS   ËCRIVAINS   DE   LA    FRANCE 

NOUVELLES     ÉDITIONS 

Publiées   sous   la   direction  de  M.   Ad.   REGNIER,   membre  de  l'Institut,  sur  les  manuscrits,  les  copies  les  plus 
authentiques  et  les  plus  anciennes  impressions  avec  variantes,  notes,  notices  et  portraits,  etc. 


MOLIÈRE 


Trois  volumes  contenant  ensemble  1430  pages;  —  Prix  :  22  francs  50  cent. 


Paris,  librairie  Uachelle  et  Cie,  79,  boulevard  St-Germain. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


La  Société  d'éduc.\tion  de  Lyon  a  mis  au  concours  pour  1876  le  sujet  suivant  :  Préciser  ce  que  peut  et  doit  faire 
l'inslitulenr  primaire,  en  ce  qui  concerne  l'cducaiion  de  ses  élèves;  indiquer  par  quels  moyens  il  accomplira  le  mieujo 
cette  partie  de  sa  lâche.  —  Le  prix  sera  de  500  fr.,  décerné  dans  la  séance  publique  de  1876,  sous  le  nom  de  Prix  de 
la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  !■''■  Septembre  prochain,  à  M.  Palud, 
libraire,  /i,  rue  de  la  bourse,  h  Lyon. 

L.^.  SonifTK  BEs  sciences,  belles-lei  rnEs  et  .\hts  de  Tarn-nt-Garonne  propose  pour  cette  année  18'>6  une  médaille 
d'or  de  la  valeur  de  200  fr.  à  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.)  ;  une  médaille  d'argent 
de  la  valeur  de  100  fr.  à  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la 
valeur  de  50  fr.  au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées 
au  Secrétaire  de  la  Société,  à  Moulauban. 

Académie  des  Poètfs.  —  Les  écrivains  encore  étrangers  à  l'Académie  des  poètes,  qui  voudraient  prendre  part  aii 
concours  ouvert  pour  la  X=  Olympiade,  devront  adresser  franco  cinq  poésies  inédites  à  M.  Elle  de  Biran,  archiviste 
de  la  Société,  rue  des  Missions,  22,  à  Paris.  —  Ces  poésies  ne  doivent  point  toucher  à  la  politique,  elles  ne  doivent  non 
plus  rien  renfermer  d'immoral,  d'irréligieux  ou  de  diffamatoire.  —  Un  grand  nombre  de  médailles  de  vermeil,  d'argent, 
de  bronze,  de  divers  modules,  seront  décernées  à  la  suite  de  ce  concours. 


Le  Tournoi  toétique  et  littéraike  ,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  lettres,  journal  rédigé  par  ses  abonnés  — 
(U'-  année,  —  mensuel,  —  52  p.  in-S",  —  eizévir).  —  Poésie,  littérature,  arts,  sciences;  morale,  nouvelles,  variétés, 
fantaisies,  chroniques.  —  Concours  poétiques  et  littéiimres.  ^-  Prix  :  Médailles  de  bronze,  livres,  musique.  — 
Abonnement  :  10  fr.  par  an.  (Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.)  —  Bureaux  :  12,  boulevard  Montmartre,  ii  Paris. 


Académie  des  lettres  de  Rouen.    —  Prix  k  décerner  en  1877  pour  un  conte  en  vers  de  100   vers  au  moins. 
S'adresser  au  secrétaire  perpétuel,  M.  .lulien  Loth. 


RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTRANGERS. 


Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  V'ai/i/ete  indique  aux  Etrangers  qui 
lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter  :  1"  des  professeurs  de  français;  —  2»  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  française;  —  3"  dos  maisons  d'é  luc:ition  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français;  —  W  des  réunions  publiquiis  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  oi'i  se 
parle  un  très-bon  français;  —  5"  des  agences  qui  se  chargent  do  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 
gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 

M.  Eman  MaiLiii,  Hcdacteiir  du  C.oi  kuieu  di:  VAuoi-Lis,  e.st  visible  à  ï-oii  bureau  di;  trois  à  ciiKj  heures. 


Imprimt^rie  GOUVEKiNEtJH,  G.UAriliLKV  A  Kogeni-le-Rotrou, 


7°  Année 


N»  2. 


15  Juin  1876 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


^« 


v\  \  y,^ -^  Journal  Semi-Mensuel  ^ ./Jy  M 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE 
Paraissant   le    l"  et   le   IS    de   ehaqne  mole 

(fiam  sa  séance  du  \2  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  pria;  Lambert  à  celte  publication.) 


<y 


PRIX  : 
Par   an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  liltéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN      PROFESSEUR     SPÉCIAL     POUR     LES      ÉTRANOER3 

Officier  d'Académie 
2G,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  uu  libraire  quelconque. 


AVIS. 

Les  écrivains  de  la  presse  périodique  qui  publient 
des  articles  ayant  trait  à  la  langue,  sont  instamment 
priés  de  vouloir  bien  adresser  au  Courrier  de  Vauyelas 
les  numéros  qui  les  contiennent. 

SOMiMAIRE. 

Communications  sur  Tuer  le  mandarin,  sur  Croguetaco,  sur 
Faire  ripaille  et  sur  le  participe  passé  d'une  phrase  corrigée;  — 
Étymologie  de  Boire  à  tire-larigot  ;  —  Comment  Air  a  pu  si- 
gnifier apparence,  extérieur,  mine;  —  Justification  de  la  cons- 
tructiop  De  manière  à  ce  que;  —  Prononciation  deiogiiacc  || 
Signification  de  Avoir  barres  sur  quelqu'wi;  —  Comment 
Quiproquo  en  est  venu  à  signifier  Méprise;  —  Étymologie  de 
Bissejctile;  —  Signification  et  emploi  de  Fauteur  ||  Passe-temps 
grammatical  ||  Suite  de  la  biographie  de  Gilles  Ménage  || 
Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Concours  littéraires. 
Il  Renseignements  à  l'usage  des  professeurs  de  français. 


FRANCE 


COM.MUNICATIONS. 

L 
J'ai  oublié  d'insérer  à  sa  date  la  lettre  qui  suit,  rela- 
tive à  une  question  traitée  dans  la  3"  année  : 

Le  4  juin  1875. 
Monsieur, 

Un  de  vos  lecteurs  vous  a  demandé  —  jp  ne  saurais  dire 
à  quelle  date  —  l'origine  de  la  locution  devenue  prover- 
biale :  Tuer  le  mandarin. 

Vous  avez  répondu  (pages  3G  et  37  du  Courrier  de  Vau- 
gelas,  3*  année)  : 

<  C'est  J.-J.  Rousseau  qui  est  l'auteur  de  cette  expres- 
sion, ainsi  que  nous  l'apprend  Balzac  dans  le  Père  Goriot.  » 

Il  faut  croire  que  votre  correspondant  s'est  trouvé  satis- 
fait, puisqu'il  n'a  pas  répliqué.  Je  suis  plus  exigeant  et  je 
viens  vous  prier  de  nous  apprendre,  â  moi,  ignorant,  et  à 
nombre  d'érudits  que  j'ai  questionnés  inutilement  à  ce 
sujet,  dans  lequel  de  ses  ouvrages  Rousseau,  se  posant  à 
lui-inôme  un  cas  de  conscience,  s'est  demandé  ce  qu'il 


ferait,  s'il  avait  la  possibilité  de  se  faire  des  rentes  avec  la 
vie  d'un  mandarin. 

Recevez,  Monsieur,  l'assurance  de  mes  sentiments  dis- 
tingués. 

Un  de  vos  abonnés, 
A.  S. 

J'ai  dit  et  prouvé  que  l'expression  dont  il  s'agit  a  été 
attribuée  à  J.-J.  Rousseau  par  Balzac  \Père  Goriot, 
t.  I,  p.  380  ;  de  plus,  j'ai  cité  la  phrase  qui  la  ren- 
ferme, phrase  servant  d'épigraphe,  avec  le  nom  de 
Rousseau,  à  une  chanson  de  Louis  PTotat,  intitulée 
Tuons  le  ma?idarin.  Je  suis  donc  fondé  à  croire  que 
Rousseau  est  bien  l'auteur  de  cette  expression  ;  mais 
à  quel  endroit  de  ses  œuvres  se  trouve-t-elle?  C'est 
une  question  à  laquelle  je  ne  puis  répondre  aujour- 
d'hui, étant  pris  aussi  complètement  à  l'improvisle  que 
le  jour  où  j'ai  reçu  la  communication  qui  me  l'a 
transmise. 

Je  ferai  cette  recherche  aussitôt  que  je  poiirrai  m'en 
occuper. 

U. 

Dans  mon  dernier  numéro  de  la  6^  année,  p.  ^88, 
j'exprimais  l'espoir  que  quelque  abonné  de  Toulouse 
voudrait  bien  m'adresser  des  renseignements  sur 
Croguetaco,  le  Croquemitaine  de  cette  ville  à  la  fin  du 
XVII'  siècle. 

M.  Firmin  Boissin  s'est  empressé  de  répondre  à 
mon  appel  par  une  longue  lettre. 

Après  avoir  constaté  que  Crorjuetaco  n'est  pas  connu 
parmi  les  Croquemilaines  actuels  de  Toulouse  qui  sont 
le  Babau,  la  Cambocru.io,  la  Patarraugno,  le  Barrabiii 
el  la  Sarramauro],  mais  qu'il  l'ait  encore  les  frais  des 
veillées  dans  le  département  du  Tarn,  le  rédacteur  en 
chef  du  Messager  continue  en  ces  termes  : 

Un  jeune  liomme  de  Buzet,  commune  de  la  Haute-Ga- 
ronne, limitrophe  du  Tarn,  se  rappelle  avoir  entendu  ra- 
conter, dans  le  village  de  Layolle,  du  côté  de  Béziers,  où 
il  travaillait  en  qualité  de  maçon,  le  conte  de  Crocofaco  (ici 
l'orthographe  du  mot  est  encore  différente).  Le  conteur  était 
précisément  de  Gaillac  (Tarn).  Ce  Crocotaco,  à  l'entendre, 
était  fils  de  Crocomar,  lequel,  ainsi  que  son  nom  l'indique, 
faisaitses  fredaines  sur  mer.  Crocotaco  j  ugea  plusconvenable 


iO 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


et  moins  fatigant  d'agir  sur  terre.  11  s'établit  sur  les  bords 
du  Tarn  et  se  mit  à  voler  les  petits  enfants  pour  les  man- 
ger—  absolument  comme  l'ogre  du  Petit-Poucet.  Plus  tard, 
les  enfants  se  méfiant  et  le  gibier  devenant  rare,  Croco- 
taco  employa  la  ruse  pour  satisfaire  ses  goûts.  Il  alla  même 
quelquefois  jusqu'à  s'introduire  dans  les  maisons  par  la 
cheminée. 

Je  tiens  ces  derniers  détails  d'un  philologue  de  mes 
amis,  M.  Paul  Barbe,  lequel  habite  précisément  la  com- 
mune de  Buzet.  M.  Barbe  explique  l'étymologie  de  Croque- 
taco  par  deux  mots  de  la  vieille  langue  gasconne  aujour- 
d'hui tombés  en  désuétude  :  les  mots  croco  (diable)  et  ta- 
quan  (traître).  Autrement  dit  ;  le  diable  traître  {crocotaquan, 
et  par  syncope  croco(aq). 

Si  ces  renseignements  ne  Tiennent  pas  corroborer 
mon  étjmologie  de  Croquemitaine^  ainsi  que  j'avais  cru 
pouvoir  l'espérer,  ils  ont  du  moins  cet  avantage  qu'ils 
ne  laissent  pas  subsister  plus  longtemps  l'idée  que  ce 
nom  et  Croquetaco  pourraient  être  d'une  composition 
analogue,  comme  ayant  leur  première  partie  commune 
et  une  signification  identique. 

III. 

La  lettre  suivante  propose  une  nouvelle  étymologie  de 
Faire  ripaille,  expression  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion 
d'entretenir  mes  lecteurs  : 

Modane  (Savoie),  le  22  avril  1876. 
Monsieur  le  rédacteur, 

A  propos  de  vos  recherches  sur  l'origine  de  faire 
ripaille,  vous  dites  que  le  séjour  d'.\médée  VIII  au  château 
de  Ripaille  n'a  pas  pu  donner  prétexte  à  cette  locution,  et 
que  Furetière  la  donnait,  en  1727,  comme  étant  inconnue 
en  Savoie. 

Le  célèbre  académicien  pourrait  presque  en  dire  autant 
de  nos  jours,  et  il  est  constant  qu'Amédée  VIII  illustra  le 
manoir  de  Ripaille  par  sa  sagesse  et  non  par  des  goûts 
d'intempérance  et  de  dépravation. 

Mais  ne  pourrait-on  pas  trouver  la  source  de  l'expres- 
sion dont  il  s'agit  dans  la  Société  des  Francs-buveurs,  qui 
avait  pour  quartier-général  une  maison  de  campagne  appe- 
lée Ripailles,  à  Villeneuve-lez-Avignon,  bien  que  cette  So- 
ciété n'ait  été  créée  qu'en  1703  par  M.  de  Posquière,  célèbre 
en  son  temps  à  titre  de  buveur  et  de  gourmet?  (V.  Grand 
Dictionnaire  universel  de  Larousse,  t.  II,  p.  888). 

Je  vous  livre  cette  réflexion,  dût-elle  ne  vous  paraître 
d'aucune  valeur. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  rédacteur,  l'expression  de 
mes  sentiments  bien  respectueux. 

Saint-Jours, 

Lieutenant  des  Douanes. 

J'ai  dit,  et,  je  crois,  avec  raison  (Cozirrier  de  Vaugelas, 
6<!  année,  p.  100),  qu'avec  le  verbe  faire  et  un  nom  de 
lieu,  notre  langue  n'avait  jamais  composé  d'expressions 
signifiant  goûter  des  plaisirs  .semblables  à  ceux  qu'offre 
ce  lieu;  qu'elle  n'avait  jamais  dit,  par  exemple,  faire 
Capoue,  faire  Corint/ie,  faire  Paris,  etc. 

Par  conséquent,  la  maison  de  campagne  de  Ripailles 
à  Villcneuve-lcz-.\vignon,  quoiqu'étant  le  quartier 
général  des  Fratics-bui-eurs,  n'a  pu,  à  mon  avis,  sug- 
gérer faire  ripaille. 

D'un  autre  côté,  le  mot  ripaille,  dans  cette  expres- 
sion, s'emploie  au  singulier,  tandis  qu'avec  l'étymo- 
logie de  M.  Sainl-.Iûurs,  il  devrait  nécessairement  se 
mettre  au  pluriel  ;  c'est  une  autre  preuve,  il  me  semble, 
que  celte  étymologie  n'est  pas  la  bonne. 


IV. 

La  lettre  qu'on  va  lire,  reçue  le  24  avril,  concerne 
une  faute  que  j'aurais  commise  dans  la  correction 
d'un  participe  : 

Monsieur  le  rédacteur, 

Vous  aviez  donné  comme  phrase  à  corriger  :  c  Que 
d'événements,  que  de  phases  diverses  nous  avons  vu  se 
dérouler  ». 

Vous  aviez  corrigé  en  mettant  vues  au  féminin  pluriel, 
s'accordant  avec  phases  seul. 

Mais  voici  que,  par  sa  lettre  insérée  dans  votre  numéro 
du  15  de  ce  mois,  M.  Adéma  vous, demande  si  vous  ne 
vous  êtes  pas  trompé,  s'il  ne  faudrait  pas  écrire  vus  au 
masculin  pluriel,  se  rapportant  à  événements  aussi  bien 
qu'à  phases.  Et  vous  vous  empressez.  Monsieur  le  rédac- 
teur, de  vous  soumettre  à  cette  correction  que  vous  ne 
méritez  pas.  Permettez-moi  donc  de  vous  venger. 

Et  d'abord  M.  Adéma,  si  sa  rectification  était  admissible, 
ne  devrait  pas  la  borner  à  l'accord  du  participe,  mais  aller 
jusqu'à  la  construction  de  la  phrase,  et  exiger  que  le  nom 
masculin  événements,  qui  détermine  l'accord,  soit  placé  le 
dernier. 

Mais  non;  M.  Adéma  n'est  fondé  ni  dans  la  correction 
qu'il  propose  ni  dans  celle  qui  en  serait  la  conséquence, 
En  voici  la  raison  : 

Les  deux  noms  événements  et  phases  ne  désignent  pas 
deux  choses  distinctes,  mais  bien  une  seule  et  même 
chose.  L'auteur  a  d'abord  l'idée  des  événements,  puis  con- 
sidérant que  ces  mêmes  événements  se  sont  développés  et 
terminés  par  séries  ayant  divers  aspects,  il  les  nomme  des 
phases,  et  il  substitue,  comme  rendant  définitivement  sa 
pensée,  ce  dernier  nom  au  premier,  qui  dès  lors  ne 
compte  plus. 

C'est  donc  avec  phases  seul,  avec  le  mot  de  la  fin,  que  le 
participe  («es  doit  s'accorder.  Vous  ne  deviez  pas.  Mon- 
sieur le  rédacteur,  vous  en  dédire. 

Veuillez  agréer  l'assurance  des  sentiments  dévoués  de 
votre  abonné. 

A.  Aubin, 
Docteur  ès-lettres. 

Voici,  au  complet,  la  phrase  contre  le  participe  de 
laquelle  s'élève  la  communication  précédente  : 

Nous  touchions  alors  à  la  trentaine,  vous  et  moi,  et  de- 
puis, que  d'événements,  que  de  phases  diverses  nous 
avons  vtts  se  dérouler  à  nos  yeux. 

D'après  M.  A.  Aubin,  il  resterait  deux  fautes  dans  cette 
phrase,  corrigée  sur  l'observation  qui  m'a  été  faite  par 
M.  Adéma  :  une  faute  de  construction  et  une  d'or- 
thographe. 

La  faute  de  construction  —  M.  A.  Aubin  prétend 
qu'avec  la  correction  que  j'ai  indiquée  en  dernier  lieu 
(vus  à  la  place  de  vues),  on  devrait  mettre  événements 
après  pAff.w.S  et  cela,  probablement,  afin  qu'au  détriment 
de  l'euiilioiiie,  le  masculin  vus  ne  suivît  pas  un  nom 
féminin. 

Mais  cet  ordre  est  tout  simplement  impossible,  car 
avant  de  songer  aux  phases  des  événements,  il  faut,  il 
me  semble,  que  l'esprit  songe  d'aliord  aux  événe- 
ments eux-mêmes,  ce  qui  nécessite  l'emploi  de  phases 
non  avant,  mais  après  événements. 

Du  reste,  vus  sonnant  comme  vues,  et  se  trouvant 
séparé  de  phases  par  trois  mots,  je  ne  vois  aucun  incon- 
vénient pour  l'cupiionie  à  ce  que  le  participe  soit  mis 
au  masculin;  cette  phrase,  en  clfet,  n'olfcnsc  pas  plus 
l'oreille  que  le  père  et  la  mire  sont  bons,  oîi  la  place 


.E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


H 


relative  de  père  et  de  7ficre  n'a  jamais  été,  que  je  saclie, 
contestée  par  personne. 

La  faute  d'orthographe.  —  M.  A.  Aubin  ne  voit 
qu'  a  une  seule  et  même  chose  »  dans  événements  et 
dans  phases,  ou  plutôt  il  ne  voit  que /)/ia5e5,  avec  lequel 
il  veut  que  le  participe  s'accorde.  Mais  M.  Adéma  (dont 
je  partage  l'opinion)  trouve,  lui,  une  difTérence  entre 
un  objet  et  l'aspect  qu'il  oiïre,  c'est-à-dire  qu'il  voit 
deux  choses  dans  ces  mêmes  mots,  et  veut,  en  consé- 
quence, le  participe  au  masculin  pluriel. 

Lequel  des  deux  adversaires  a  raison'? 

La  phrase  étant  susceptible  d'une  double  entente,  je 
crois  que  c'est  celui  qui,  tout  en  écrivant  à  sa  façon, 
voudra  bien  ne  pas  condamner  celle  de  l'autre. 

X 

Première  Question. 

Auries-vous  l'obligeance  de  me  dire,  dans  un  de  vos 
prochains  numéros,  d'où  provient  l'expression  boiee  a 

TIttE-LABIGOT  ? 

A  mon  avis,  la  véritable  source  de  larigot  a  été  indi- 
quée par  le  docte  personnage  que  Bouchet  fait  intervenir 
dans  sa  première  serée.  Ce  mot  vient  du  grec  lanjngos, 
génitif  du  mot  larynx,  qui  signiGe  gosier,  gorge  dans 
cette  langue;  et  voici,  malgré  ce  qu'en  a  pu  dire  le 
P.  Labbe  [Élymol.  franc.,  p.  30),  ce  qui  jusliflepleine- 
ment  celte  opinion  : 

On  lit  dans  Cotgrave  (1660)  que  larigau  a  deux  signi- 
fications, celle  de  gorge,  tuyau  de  la  respiration,  et  celle 
de  flûte,  employée  par  les  «  clowns  »  dans  quelques 
parties  de  la  France.  Et  qu'on  ne  soit  pas  étonné  de 
cette  double  signification  de  larigot  ;  car,  puisque,  de 
nos  jours,  les  Anglais  appellent  encore  le  gosier  icind- 
pipe,  c'esl-à-dire  la  pipe,  le  tuyau  à  l'air,  et  que  nous 
avons  le  diminutif  pipeau  pour  signifier  une  flûte 
champêtre,  pourquoi  laryngos,  désignant  le  gosier  eu 
grec,  n'aurait-il  pas  été  introduit  en  français  pour  y 
signifier  une  flûte,  instrument,  qui,  sauf  les  trous, 
n'est  pas  autre  chose,  en  définitive,  qu'un  tube,  un 
tuyau?  Du  reste,  le  populaire,  en  vertu  de  cette  analo- 
gie el  de  cette  dénomination  identique  du  gosier  et  de 
la  flûte,  ne  dit-il  pas  encore  ftàter  dans  le  double  sens 
déjouer  de  la  flûte  et  de  boire  ? 

Or,  la  signification  originelle  de  larigot  étant  donnée, 
l'expression  à  tire-larigot  s'explique  aisément  :  c'est 
boire  à  tire  cou,  c'est-à-dire  en  ayant  le  cou  tendu, 
allongé,  comme  il  est  lorsqu'on  sable. 

Pour  plus  de  détails,  voyez  le  Courrier  de  Vaugelas 
(4'  année,  p.  3),  où  cette  question  a  été  bien  plus  lon- 
guement traitée. 

.      X 

Seconde  Question. 

Comment  le  m.ot  k\^,  qui  vient  du  latin  aek,  a-t-ilpu 
passer  du  sens  de  flcide  à  celui  de  apparence,  exté- 
BiECR,  MiKE,  qti'il  a,  par  exemple,  dans   l'expression 

AVOIR    l'aie    préoccupé? 

Le  mot  latin  area,  qui  signifiait  surface,  place  publi- 


que, cour  de   maison,   endroit  à  battre  le  grain,  et 
quelquefois  lieu  de  réunion,  s'est  employé  chez  nous 
dans  ces  divers  sens,  et  surtout  en  parlant  des  oiseaux 
de  proie  pour  désigner  leur  retraite,  leur  nid  : 
Salomons  de  Bretaigne  fu  en  pié  en  mi  l'aire. 

(.Snxona  XXXI.) 

Le  vaultour  est  chose  bien  rare,  et  mal  aisée  à  veoir, 
et  ne  treuve  l'on  facilement  leurs  aires. 

(Amyot,  Rom.  14) 

Or,  comme  dans  le  langage  de  la  vénerie,  on  disait 
en  parlant  d'un  faucon,  qu'il  était  de  bonne  aire  pour 
dire  de  bon  nid,  de  bonne  origine,  aire  a  d'abord  été 
appliqué  aux  personnes  dans  le  sens  de  famille,  extrac- 
tion, naturel,  manière  d'être,  disposition,  caractère, 
humeur,  comme  le  font  voir  ces  exemples  : 

Ahi!  culvert!  mal  vais  hom  de  pute  aire.' 

(Chanson  de  Roland^  p:  67.) 

El  gentilz  hom,  clievaler  de  bone  aire, 
Hoi  le  cumant  al  glorius  céleste. 

(Idem,  p.   188.) 

Ne  nos  seies  plus  de  mal  aire, 
Kar  bénignes  e  bumilianz 
Sûmes  à  faire  tes  talanz. 

(,Chr.  des  D.  de  Norm.,  t.  I,  p.  591,  vers  14810.) 

Plus  tard,  de  même  que  le  latin  habitas,  qui  du  sens 
de:  état  du  corps,  complexion,  nature,  disposition,  en 
était  venu  à  signifier  extérieur,  dehors,  aspect,  et 
jusqu'à  habillement,  costume;  de  même  le  français  aire 
en  vint  à  signifier  les  manières,  l'apparence,  l'exté- 
rieur. 

Mais  alors,  il  avait  pris  la  forme  air  (comme  dans  air 
de  vent,  qui  fut  d'abord  écrit  aire  de  vent)  ;  il  se  confon- 
dit par  l'orthographe  avec  le  dérivé  du  latin  aer,  et 
depuis,  nous  avons  eu,  sous  le  même  vocable  air,  deux 
significations  dont  l'une,  celle  de  fluide  que  nous 
respirons,  ne  pouvant  expliquer  avoir  l'air  préoccupé  et 
autres  expressions  analogues,  vous  a  suggéré  la  question 
à  laquelle  je  viens  de  répondre. 

L'ancienne  langue  réunissait  très-souvent  aire  avec 
l'adjectif  et  la  préposition  de  qui  le  précédaient;  ainsi 
on  trouve  dans  Achille  Jubinal  \Nouv.  recueils  de 
contes,  t.  I,  p.  498)  : 

Fortune  est  bele  et  bone  aux  bons,  el  debonaire, 
Mauvèse  aus  maus  fesanz,  et  laide  et  deputaire. 

Tout  en  expliquant  la  formation  de  notre  adjectif 
drùonnaire,  ce  fait  montre  que  la  langue  moderne  a 
tort  de  mettre  un  accent  sur  le  premier  e  de  ce  mot. 

X 

Troisième  Question. 

Je  trouve  dans  les  bons  auteurs  modernes  cette  locu- 
tion •  DE  MAMÈRE  A  CE  QUE.  Je  ne  VOIS  ricn  qui  puisse 
expliquer  ce  laisser-aller,  admissible  tout  au  plu^  dan.i 
le  style  de  la  conversation. 

A  cause  de  sa  synonymie  avec  dg  façon  et  de  sorte,  qui 
veulent  généralement  que  après  eux  quand  ils  doivent 
être  suivis  d'un  verbe  à  un  mode  personnel,  on  est 
tenté  de  croire,  avec  M.   Littré,  que  de  manière  à  ce 


42 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


que  est  «  une  locution  vicieuse  dont  il  faut  se  garder  de 
faire  usage.  " 

Je  vais  vous  démontrer  que  c'est  là  une  erreur. 

J'ai  établi  [Courrier  de  Vaugelas,  e""  année,  p.  155) 
que,  dans  l'origine  de  notre  langue,  toutes  les  fois 
qu'une  préposition,  quelle  qu'elle  fût,  devait  être  suivie 
d'un  verbe  à  un  mode  personnel,  on  y  ajoutait  les  mots 
ce  que.  Or,  en  vertu  de  cette  règle,  de  manière,  de 
façon  et  de  sorte,  qui  se  construisaient  avec  la  prépo- 
sition à  devant  l'infinitif,  ont  dû  devenir  de  manière  à 
ce  que,  de  façon  à  ce  que,  de  sorte  à  ce  que,  devant  un 
verbe  à  un  autre  mode. 

Mais,  avec  le  temps,  à  ce  disparut  de  ces  expressions 
comme  il  avait  disparu  de  leurs  analogues,  c'est-à-dire 
capricieusement  :  aujourd'hui,  de  aorte  se  construit 
seulement  avec  que  après  lui,  et  il  en  est  à  peu  près  de 
même  pour  de  façon;  tandis  qu'avec  de  manière,  il 
n'est  nullement  rare  de  rencontrer  les  mots  «  ce  dans 
les  écrivains  qui  passent  pour  être  les  plus  corrects. 

D'où  il  suit  que  de  manière  à  ce  que,  bien  loin  de 
constiluer  une  expression  vicieuse  et  bonne  tout  au 
plus  pour  la  conversation,  est,  au  contraire,  une 
expression  parfaitement  conforme  à  la  règle,  et  qui, 
pour  cette  raison,  doit  s'employer  sans  crainte. 

X 
Quatrième  Question. 

Seriez-vous  assez  bon  pour  m' indiquer,  dans  un  de 
vos  prochains  numéros,  la  véritable  prononciation  du 
mot  LOQUACE?  Doit-on  dire  lococace  ou  locace"? 

Il  faut  dire  locouace. 

Le  premier  dictionnaire  venu  indiquant  la  pronon- 
ciation pouvait  vous  donner  ce  renseignement  aussi 
bien  et  plus  promptemenl  que  moi.  11  ne  faut  avoir 
recours  au  Courrier  de  Yaugelas  que  pour  des  ques- 
tions qui  présentent  des  difficultés  réelles,  et  non  pour 
celles  dont  la  solution  est  en  quelque  sorte  à  la  portée 
de  tout  le  monde  :  sa  tâche  ainsi  réduite  sera  encore 
assez  considérable. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

Je  vous  prierais  de  vouloir  bien  m'expliquer  comment 
il  se  fait  que  i expression  avoir  barres  sdr  quelqu'un 
peut  signifier  qu'on  a  un  avantage  sur  lui. 

L'expression  dont  il  s'agit  est  empruntée  au  jeu  de 
barres. 

Ce  jeu  de  nos  écoliers  consiste  à  se  séparer  en  deux 
camps  égaux  placés  l'un  en  face  de  l'autre,  à  une  dis- 
tance plus  ou  moins  grande,  selon  l'espace  qu'offre  le 
terrain  que  l'on  a  choisi  pour  s'y  livrer. 

Dans  cette  position,  et  quand  on  est  convenu  de  diffé- 
rentes clauses  pour  la  règle  du  jeu,  on  engage  la  partie. 


Un  joueur  s'avance  à  la  distance  de  plusieurs  pas,  et 
tend  la  main  à  celui  qui  sort  du  camp  opposé,  pour  en 
être  frappé.  Aussitôt  que  le  premier  a  reçu  le  coup,  il 
s'élance  après  celui  qui  l'a  frappé  et  qui,  de  son  côté, 
s'est  mis  à  courir;  s'il  l'atteint,  il  le  fait  prisonnier. 

Au  moment  où  le  premier  part  pour  toucher  son 
adversaire,  un  autre  du  camp  opposé  court  sur  lui, 
puis  un  troisième  court  sur  ce  dernier,  et  successive- 
ment les  joueurs  de  chaque  camp  se  mettent  à  courir 
jusqu'à  ce  qu'on  entende  le  mot  pris!  Alors  tous  ren- 
trent dans  leurs  camps  respectifs,  et  les  vainqueurs 
emmènent  leurs  prisonniers. 

Ceux-ci  se  placent  un  peu  en  avant  du  parti  victorieux, 
se  prennent  par  la  main,  forment  une  chaîne  aussi 
allongée  que  possible  pour  se  rapprocher  d'autant  de 
leurs  camarades,  et  attendent  leur  délivrance,  qui  a 
lieu  quand  un  joueur  de  leur  camp  parvient  à  toucher 
l'un  d'eux,  malgré  les  poursuites  de  ceux  qui  sortent 
du  camp  vainqueur. 

A  ce  moment  la  partie  est  finie,  et  l'on  en  recom- 
mence une  ou  plusieurs  autres. 

Or,  comme  ce  jeu  emploie  l'expression  avoir  barres 
sur  quelqu'un  pour  signifier  qu'on  est  sorti  du  camp 
après  lui,  ce  qui  donne  le  droit  de  le  prendre  si  l'on 
parvient  à  le  toucher,  la  même  expression  a  été  natu- 
rellement employée,  au  figuré,  en  parlant  d'une  per- 
sonne.ayant  quelque  avantage  sur  une  autre. 

X 

Seconde  Question, 
J'ai  beau  relire  l'étymologie  que  vous  avez  donnée 
du  mot  QUIPROQUO  (6«  armée,  p.  164),  je  ne  puis  bien 
me  rendre  compte  comment  de  l'idée  primitive  de  cette 
expression  [un  intitulé  de  chapitre  dans  un  livre  de 
médecine  où,  à  défaut  de  telle  drogue,  on  indiquait  son 
succédané],  on  a  pu  arriver  au  sens  de  méprise  qu'elle 
a  aujourd'hui.  Voudriez-vous  bien  me  donner  cette 
explication? 

Indépendamment  du  quiproquo  des  livres  de  méde- 
cine, il  y  avait  encore  le  quiproquo  d'apothicaire,  non 
pas  un  intitulé  de  chapitre,  celui-là,  mais  bien  l'er- 
reur qui,  dans  l'exécution  d'une  ordonnance  de  méde- 
cin, consistait  à  substituer  un  médicament  à  un  autre, 
ce  qui  pouvait  être  parfois  très-préjudiciable  au  malade. 

Or,  cette  dernière  expression  s'est  employée  pour 
méprise,  bévue,  en  parlant  d'une  personne  de  pro- 
fession quelconque,  comme  le  donne  à  entendre  cette 
citation,  empruntée  à  Lesage  par  M.  Liltré  : 

Est-ce  que  l'on  ne  dit  pas  ordinairement  un  tel  a  fait  un 
quiproquo  d'apothicaire,  ce  qui  suppose  qu'il  nous  arrive 
souvent  de  nous  tromper. 

Puis,  on  en  a  retranché  le  second  terme,  et  c'est 
ainsi  que  quiproquo  s'est  trouvé  pourvu  de  la  signifi- 
cation dont  nous  faisons  actuellement  usage. 

X 

Troisième  Question. 
D'où  vient  l'adjectif  bissextile  appliqué  à  l'année  qui 
a  366  jours?  Je  vous  remercie  d'avance  pour  la  réponse 
que  vous  voudrez  bien  me  faire  à  ce  sujet. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELÂS. 


<3 


L'an  45  avant  J.  C,  Jules  César  désirant  réformer  le 
calendrier,  en  qualité  de  souverain  pontife,  consulta 
soigneusement  les  astronomes. 

Après  s'être  suffisamment  renseigné  auprès  d'eux, 
il  adopta  l'année  de  365  jours  et  (5  heures,  trouvée  par 
Calippe  de  Sjzique  et  par  Afistarque  de  Samos. 

Il  fit  les  mois  de  30  et  de  3)  jours  tels  que  nous 
les  avons  encore;  mais  comme  en  ne  comptant  pas  les 
6  heures,  qui  font  le  quart  d'un  jour,  l'année  civile 
eût  été  en  relard  sur  l'année  astronomique,  il  décida 
que,  tous  les  quatre  ans,  on  ajouterait,  le  24  février, 
un  jour  aux  363  de  l'année  ordinaire. 

Or,  attendu  que,  selon  la  manière  de  compter  des  Ro- 
mains, le  24  février  était  le  6^  jour  avant  les  calendes  de 
mars,  on  a  dit,  pour  le  jour  intercalaire,  bis  sexto  calen- 
das,  d'où  l'année  de  366  jours  a  pris  le  nom  de  bissexte 
et  la  qualification  de  bissextile,  laquelle  signiQe  litté- 
ralement bis  sixihne. 

X 
Quatrième  Question. 

Je  rous  serais  bien  reconnaissant  si  vous  vouliez  bien 
me  renseigner  sttr  la  signification  exacte  ainsi  que  sur 
l'emploi  du  mot  facteor. 

Ce  mot  vient  du  latin  fautor,  qui  dérive  de  fautum, 
supin  du  verbe  favere,  favoriser.  De  sorte  que  fauteur, 
qui  semble  vouloir  dire  qui  commet  une  faute,  signifie 
en  réalité  qui  favorise  : 

On  cherche  un  fauteur  de  ses  goûts,  un  compagnon  de 
ses  plaisirs  et  de  ses  peines. 

(Vauvenargues,  Espr,   hum-) 

Quant  à  son  emploi,  il  offre  ceci  de  remarquable 
que,  généralement,  on  lui  donne  un  régime  qui 
le  fait  en  quelque  sorte  prendre  en  mauvaise  part, 
comme  le  prouvent  ces  exemples  : 

Une  vingtaine  d'évèques  excommuniaient  Grégoire  VII 
comme  fauteur  de  tyrans. 

(Voltaire,  Mœurf^  46.) 

Quand  j'accorderais  tout  ce  que  j'ai  refusé  jusqu'ici,  les 
fauteurs  du  despotisme  n'en  seraient  pas  plus  avancés. 

(J.  J.  Rousseau.) 


PASSE-TEMPS  GRA.M.MAT1C.\L. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

f  ...  soit  autre  qu'il  a'est  aujourd'liui  [après  çue  précédé  de 
autre  on  met  la  négative  ne];  — 2°  ...  si  grande  qu'elle  ne 
puisse  trouver...,  si  énorme  qu'on  ne  puisse  leur  faire  avaler  [la 
formule  il  n'est...  si...  que  ou  qui,  requiert  le  subjonctif  et  non 
le  futur  après  elle);  —  3*  ...  tant  d'Excellences  se  sont  succède' 
[ce  participe  n'a  pas  de  régime  direct];  —  4"'...  d'ici  à  quelques 
années  [comme  on  dit  de  Paris  à  Londres]  ;  —  5°  ...  qui  ressortit 
au  canton  de  Douzy  [quand  ressortir  signifie  être  du  ressort,  de 
la  dépendance  de,  il  veut  la  préposition  «]  ;  —  6*  ...  se  sont  vu 
refuser  [voir  Courrier  de  Vaugelas,  i*  année,  p.  25]; — 7°  ...  dit 
en  gémissant  l'emlpaumeur  terrifié  [voir  Courrier  de  Vaugelns, 
5*  année,  p.  51,  153  et  I8G];  —  8°  ...  ne  laissera  pas  dim|ircs- 
sionner  [pas  deque.  voir  Courrier  de  Vaugelas,  4*  année,  p.  155 
et  5*  année,  p.  137]  ;  —  9°  ...  ne  pas  être  nommé  archevêque  plutôt 
que  de  l'être  par  vénalité  [voir  Courrier  de  Vaugelas,  i*  année, 
p.  153]  ; —  10'  ...  d'un  pas  délibéré,  décidé,  monte  les  degrés  fie 


verbe  escalader,   qui  veut  dire  monter   sur...,  au  moyen  d'une 
éclielle,  ne  peut  s'emplojer  icil. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1°  Je  veux  bien  lui  dédier  un  récit  joyeux  qui  n'est  pas 
dans  les  mémoires  de  son  grand  oncle,  à  seule  fin  de  lui 
marquer  en  quelle  humeur  légèrement  gauloise,  son  élo- 
quence vient  de  plonger  mes  esprits. 

2°  Soyons  simples,  soyons  hommes;  n'en  appelons  pas 
contre  le  sens  commun  et  contre  l'évidence. 

3'  Être  mangé  par  ces  gens-là.  jamais!  grogne  l'hono- 
rable victime.  J'entends  régaler  de  mes  jambons  des  per- 
sonnes pieuses  et  bien  pensantes. 

4'  On  vient  d'établir  à  Bucbarest  un  dépôt  central  de 
cercueils  métalliques  chez  M.  Edouard  Bolland...  Ces  cer- 
cueils de  métal  sont  recommandés  à  cause  de  leur  durée 
et  de  leur  parfaite  imperméabilité. 

5'  Bien  loin  d'être  en  état  de  diriger  le  peuple  qui  les 
environne,  il  serait  pKis  juste  de  dire  que  c'est  elles  [les 
classes  dirigeantes]  qui  se  laissent  diriger  par  l'émotion 
populaire. 

6-  La  prussification  de  la  province  polonaise  de  Posna- 
nie continue.  La  Chambre  des  députés  de  Berlin  a  voté  hier, 
en  troisième  lecture,  une  loi  déclarant  l'allemand  langue 
officielle  de  toute  cette  province. 

7-  11  n'y  a  pas  d'autres  observations  à  faire  sur  les  che- 
mins de  fer  français  qu'à  constater  la  persistance  du  cré- 
dit dont  ils  jouissent  auprès  des  capitalistes. 

8'  Ces  fonctionnaires  qui,  pour  la  plupart,  se  sont  faits 
remarquer  par  leur  zèle  en  faveur  des  candidatures  bona- 
partistes et  monarchistes,  viennent  faire  antichambre  chez 
.\I.  le  ministre  de  l'intérieur  pour  être  maintenus  en  fonc- 
tions. 

9"  Puis,  quand  on  leur  dit  que  cette  majorité  sur  la  loi 
municipale  ou  sur  d'autres  lois  va  les  mettre  en  échec, 
alors  ils  se  retournent  vers  le  Sénat. 

10°  En  attendant,  fais  bien  ce  qu'on  te  commandera, 
montres-toi  bien  assidu,  travaille,  et  sois  toujours  sage, 
(/.es  corrections  à  quinzaine.) 

FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVH«  SIÈCLE. 

Gilles  MÉNAGÉE. 

Suite.) 

.s"(/  faitt  dire  ie  \a\.  je  vais,  je  va,  ou  je  vas.  — 
Vaugelas  s'est  encore  trompé  ici  :  il  veut  qu'on  dise_;'ei'a, 
et  il  soutient  (|uon  parle  ainsi  à  la  Cour.  C'est  Je  vais 
que  Ion  dit  a  la  Cour.  Vais  est  la  première  personne, 
vas  la  seconde,  et  va,  qui  est  bref,  la  troisième. 

.S'il  faut  dire  missel  ou  messel,  ouïr  messe  ou  ou'ir  la 
messe.  —  Marot,  dans  son  Temple  de  Cupidon,  a  dit 
messel;  mais  il  faut  dire  missel,  car  c'est  ainsi  que 
Balzac  et  tous  les  écrivains  modernes  (1672)  ont  géné- 
ralement parlé.  —  Quant  à  l'auti'e  question,  il  semble  à 
.Ménage  que  oùir  la  messe  vaut  mieux  que  ou'ir  messe, 
sans  que  ce  dernier  soit  à  blâmer,  puisqu'il  estconforme 
à'  chanter  messe. 


u 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


S'il  faut  dire  létrin,  lutrin,  ou  lieutrin  ;  benoistier,  be- 
naistier,  oMbenistier;  goupillon,  oMgouspillon.  — Letrin 
est  l'ancien  mot  français;  actuellement  on  dit  lutrin. 
—  Plusieurs  à  Paris  disent  bénitier  parce  qu'on  dit  de 
l'eau  bénite.  Nos  anciens  disaient  benoistier;  depuis,  on 
a  dit  benaistier,  et  on  le  dit  encore  présentement  dans 
toutes  les  provinces  de  France,  en  prononçant  doucement 
la  «  segonde  »  sjllabe.  Selon  Ménage,  c'est  ainsi  qu'on 
devrait  parler.  —  Il  faut  dire  goupillon^  comme  on 
dit  à  Paris,  et  non  (jouspillon,  comme  on  dit  en  Nor- 
mandie et  dans  quelques  autres  provinces. 

Si  l'on  peut  dire  Philoméne,  pour  Philoméle.  — '  Nos 
anciens  poètes  l'ont  dit,  et  parmi  eux  Marot;  nous  ne 
disons  plus  que  Philoméle.  Cependant  Ménage  aimerait 
mieux  employer  Philoméne  (en  vers  probablement) , 
que  de  perdre  une  belle  pensée. 

S'il  faut  dire  arsenal,  ou  arsenac.  —  Vaugelas  dit 
qvi  arsenal  est  le  plus  usité,  il  se  trompe;  il  vaut  mieux 
dire  arse?iac  que  arsenal,  surtout  dans  le  discours 
familier. 

S'il  faut  dire  trou  de  chou,  ou  tronc  de  chou.  —  Il 
faut  dire  trou  de  chou;  car,  dans  cette  façon  de  parler, 
trou  ne  vient  pas  de  truncus,  mais  de  fhursvs,  qu'on  a 
dit  pour  thyrsus,  comme  lacruma  pour  lacryma. 

Sens  dessus  dessous  et  sens  devant  derrière.  — 
M.  de  Vaugelas  veut  qu'on  écrive  sans  dessus  dessous; 
d'autres  écrivent  c'en  dessus  dessous,  croyant  que  cette 
expression  a  été  dite  par  corruption  au  lieu  de  ce  qu'en 
dessus  est  en  dessous.  Il  faut  écrire  sens  dessus  dessous, 
sens  devant  derrière,  avec  le  mol  setis,  visage,  situation, 
biais,  posture. 

S'il  faiit  dire  ils  sont  tout  estonnez,  ou  ils  sont  tous 
eslonnez.  —  D'après  .M.  de  Vaugelas,  c'est  la  première 
manière  qui  est  la  bonne,  et  cette  remarque  a  été  mille 
fois  citée  dans  rx\cadémie  et  suivie  par  les  meilleurs 
auteurs.  Cependant,  elle  est  Irès-fausse;  car  si  tout 
doit  signifier  la  totalité  des  gens  dont  on  parle,  il  faut 
tous,  comme  dans  ces  phrases  ces  lieux  sont  tous  gais, 
tous  embellis. 

Si  l'on  doit  dire  oiseleur,  ou  oiselier.  —  Tous  deux 
sont  en  usage,  mais  avec  des  significations  différentes  : 
oiseleur  est  celui  qui  prend  des  oiseaux,  et  oiselier, 
celui  qui  les  vend. 

S'il  faut  dire  velous,  ou  velours.  —  Nos  écrivains, 
tant  anciens  que  modernes,  ont  dit  les  deux  indifférem- 
ment; mais  aujourd'hui  (1672)  l'usage  est  ^om  velours. 
C'est  ainsi  que  disent  les  dames  de  la  Cour  et  de  la 
Ville  qui  parlent  le  mieux. 

S'il  faut  dire  moriie,  ou  moliie.  —  L'usage  du  peuple 
est  pour  moriie;  c'est  ainsi  également  que  parlent  les 
écrivains  modernes  :  c'est  donc  le  mot  à  employer. 

Calvitie  et  chauvelé.  —  Nos  anciens  disaient  chau- 
veté;  ou  trouve  ce  mot  dans  Nicod;  mais  présentement 
on  dit  calvitie. 

Des  participes  passifs  dans  tes  prétérits.  —  Ménage 
adopte  la  règle  de  Vaugelas  qui  veut  invariable  le  par- 
ticipe placé  entre  son  régime  et  son  sujet,  comme  dans 
celte  |)hrase,  par  exemple,  les  inquiétudes  que  m'a 
donné  cette  affaire.  De  plus,  il  fait  remarquer  que  le 


participe  est  aussi  invariable  dans  la  phrase  vous  ne 
sauriez  croire  lajoye  que  cela  m'a  donné  :  c'est  une  des 
bizarreries  de  notre  langue.  Il  en  est  de  même  pour  un 
participe  conjugué  avec  être  et  se  rapportant  au  mot 
quelque  chose,  ainsi  on  dit  :  il  y  a  quelque  chose  dans 
ce  livre  qui  mérite  d'être  censuré. 

Vaugelas  veut  qu'on  écrive  les  habitants  nous  ont 
rendu  maîtres  de  la  ville;  Ménage,  lui,  veut,  avec 
d'autres,  que  l'on  fasse  varier  le  participe.  Cependant  le 
participe  fait  doit  rester  invariable  quand  il  est  suivi 
d'un  adjectif;  il  faut  dire  :  elle  s'est  fait  belle  et  non 
elle  s'est  faite  belle;  ici  l'usage  l'emporte  sur  la  règle 
(1672). 

Quand  le  participe  se  trouve  suivi  d'un  infinitif. 
Vaugelas  veut  qu'il  soit  invariable  :  ma  saur  est  allé 
visiter  ma  mère;  mais  plusieurs  personnes  fort  versées 
dans  la  langue  veulent,  avec  Ménage,  que  le  participe 
varie  dans  ce  cas. 

S'il  faut  dire  faisanneaux,  ou  faisandeaux.  —  Selon 
l'analogie,  il  faudrait  dire  faisanneau;  mais  l'usage  est 
pour  faisandeau,  c'est  donc  ainsi  qu'il  faut  parler. 

S'il  faut  dire  dévolu,  ou  dévolut.  —  Il  faut  dire 
dévolu,  sans  t,  quoique  ce  mot  vienne  de  devolutum. 

Le  mot  gens.  —  Ménage  ajoute  aux  remarques  de 
Vaugelas  sur  ce  mot,  que,  dans  le  sens  de  nation,  il  se 
disait  autrefois  au  singulier,  et  qu'il  s'y  disait  même  il 
n'y  a  pas  encore  longtemps;  mais  aujourd'hui  il  n'est 
plus  guère  en  usage  qu'en  style  burlesque;  par  exemple, 
Scarron,  en  parlant  des  pages,  les  a  appelés  la  gentà 
grégue  retroussée.  On  a  probablement  cessé  de  dire 
la  gent  à  cause  de  l'équivoque  avec  l'agent. 

Autre  remarque  ajoutée  à  celle  de  Vaugelas  :  le  mot 
gens  ne  se  dit  point  d'un  nombre  «  préfls  »  ;  on  ne  dit 
point  di.r  geris,  dix  jeunes  gens;  il  faut  employer  le  mot 
hommes  et  dire  dix  hommes,  dix  jeunes  hommes. 

Sur  ployer  et  plier.  —  M.  de  Vaugelas  a  distingué 
entre  l'emploi  déplier  et  celui  de  ployer.  Sa  remarque 
est  a  nulle  de  toute  nullité  ».  Il  faut  toujours  d'irc  plier 
dans  quelque  signification  que  ce  soit,  et  ne  jamais 
se  servir  de  ployer. 

S'il  faut  dire  aveine,  ou  avoine.  -^  Vaugelas  veut 
qu'on  prononce  avoine  avec  toute  la  Cour,  et  non  pas 
aveine  avec  toute  la  Ville.  Il  n'est  pas  vrai,  que  toute  la 
Cour  prononce  avoine,  ni  tout  Paris  aveine.  On  dit  dans 
ces  deux  endroits  l'un  et  l'autre  indifféremment. 

S'il  faut  dire  regître,  ou  registre.  —  Les  Latins  ont 
appelé  regesta  les  livres  où  l'on  écrivait  ce  qui  se  faisait 
dans  les  tribunaux.  De  regestum  nous  avons  fait  pre- 
mièrement regeste  et  ensuite  regestre.  Au  lieu  de  ce 
dernier,  on  a  dit  depuis  registre  et  enfin  regître 
dont  on  se  sert  encore  aujourd'hui  (1672). 

Sur  les  verbes  jouir,  croistre,  tarder,  tomber.  — 
Employés  comme  actifs,  ces  verbes  constituent  des 
façons  de  parler  très-vicieuses. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  RÉDACTEDii-GÉBiNT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


15 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Les  Vies  brisées;  par  A. -G.  Boutelleau.  Gr.  in-18, 
26/1  p.  Paris,  lib.  Bonhoure  et  Cie. 

Rome  et  la  Judée  au  temps  de  la  chute  de  Néron 
(ans  66-72  après  Jésus-Christj  ;  par  le  comte  de  Champa- 
gny,  de  rAcadoiiiie  française,  li"  édition,  revue  et  cor- 
rigée. T.  2.  In-lS  Jésus,  ii9  p.  Paris,  lib.  Bray  et  Retaux. 

L'Art  et  les  artistes  français  contemporains  ;  par 
Jules  Claretie.  In-18  Jésus,  ix-àôô  p.  Paris,  lib.  Cliarpen- 
tier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Les  Petits  drames  rustiques,  scènes  et  croquis 
d'après  nature;  par  F.  Fertiault.  In-i2,  379  p.  Paris, 
lib.  Didier  et  Cie. 

Histoire  de  Bertrand  Du  Guesclin,  comte  de  Lon- 
gueville,  connétable  de  France,  d'après  Guyard  de 
Berville.  Nouvelle  édition,  revue  avec  soin.  In-8°,  240  p. 
et  2  gr.  Tours,  lib.  Marne  et  fils. 

Littérature  et  philosophie  mêlées  ;  par  Victor  Hugo. 

2  vol.  in-18  ji^sus.  642  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
Les  Affamés,  études  de  mœurs  contemporaines; 

par  Maurice  Joly.  ln-18  jésus,  xvi-3/(0  p.  Paris,  lib.  Dentu. 

3  fr. 

Grammaire  de  la  langue  française  ramenée  aux 
principes  les  plus  simples;  par  M.  Lucien  Leclair, 
professeur  agrégé  de  l'L'niversité.  Grammaire  complète. 
'20'  édition,  revue  et  corrigée.  In-12,  x-2/i2  p.  Paris,  lib. 
Eug.  Belin. 

Œuvres  de  Xavier  de  Maistre.  Nouvelle  édition. 
Les  Prisonniers  du  Caucase.  La  Jeune  Sibérienne.  Iq-18, 
212  p.  Paris,  lib.  Bernardin-Béchet. 

Œuvres  complètes.    La  Jacquerie;   par   Cle'mence 
Robert.  Nouvelle  édition.  Iq-18  Jésus,  276  p.   Paris,  lib. 
Michel  Lévy.  1  fr.  25. 
.    Eléments    de    littérature    spécialement    destinés 


aux  études  françaises;  par  L.-L.  Buron,  professeur  de 
belles-lettres.  5=  édition,  revue  et  corrigée,  ln-12,  vm- 
272  p.  Paris,  lib.  Bourguet- Calas  et  Cie. 

Les  Martyrs,  ou  le  triomphe  de  la  religion  chré- 
tienne ;  par  Chateaubriand.  Edition  revue  par  M.  G.  de 
Cadoudal.  Gr.  in-8',  334  p.  et  grav.  Paris,  lib.  Lefort. 

Histoire  du  second  empire,  1848-1870:  .par  Taxile 
Delord,  membre  de  l'Assemblée  nationale.  T.  6.  ln-8°, 
644  p.  Paris,  lib.  Germer-Baillière.  7  fr. 

La  Chanson  de  Rolland.  Texte  critique,  traduction 
et  commentaires,  par  Léon  Gautier,  professeur  à  l'École 
des  Chartes.  6«  édition.  In-S",  xl-342  p.  et  4  grav.  Tours, 
lib.  Marne  et  fils. 

Heptaméron  (1")  des  nouvelles  de  très-haute  et 
très-illustre  princesse  Marguerite  d'Angoulême, 
reine  de  Navarre.  Nouvelle  édition,  collationnée  sur 
les  manuscrits,  avec  préface,  notes,  variantes  et  glossaire- 
index  par  Benjamin  Pifteau.  T.  2.  In-16,  271  p.  Paris, 
lib.  Lemerre.  Papier  glacé,  2  fr.  50;  papier  vélin,  5  fr.; 
papier  de  Chine,  15  fr. 

Œuvres  complètes.  L'Art  d'être  malheureux;  par 
Alphonse  Karr.  In-18  Jésus,  357  p.  Paris,  lib.  Caïman 
Lévy.  3  fr.  50. 

Lettres  de  Mademoiselle  de  Lespinasse.  Nouvelle 
édition,  augmentée  de  dix  lettres  inédites,  accompagnée 
d'une  notice  sur  la  vie  de  mademoiselle  de  Lespinasse  et 
sur  sa  société,  de  notes  et  d'un  index  analytique  par 
Gustave  Isambert.  T.  I.  In-16,  ni-224  p.  Paris,  lib.  Le- 
merre. 

Les  Vacances  d'un  grand-père;  par  Mme  Stolz. 
Ouvrage  illustré  de  40  vignettes  sur  bois  par  Delafosse. 
2e  édition.  In-18  Jésus,  291  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
2  fr.  25  cent. 


Publications  antérieures  : 


PAYS.\GES  DE  MER  ET  FLEURS  DES  PRÉS.  —  Lue 
idylle  normande.  —  Par  André  Lemoyxe  —  Paris,  Satidoz 
et  Fischbacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  MARINS.  — 

Par  Edolard  Goepp,  chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'ins- 
truction publique,  et  Henri  M-Uinolky  d'Ectot,  ancien 
capitaine  au  long  cours.  —  Orné  de  deux  portraits.  — 
Du  Qlesne,  Tourvu.le.  —  Paris,  P.  Ducroc,  libraire-édi- 
teur, 55,  rue  de  Seine.  —  Format  anglais,  broché  :  3  fr. 


PROVERBES  DU  PAYS  BÈARN,  énigmes  et  contes  po- 
l'UL.i^iBES.  —  Recueillis  par  V.  Lespy,  membre  de  la 
Société  pour  l'étude  des  langues  romanes.  —  Paris,  Mai- 
sonneuve  et  Cie,  libraires-éditeurs,  25,  quai  Voltaire. 


COURS  DE  LlTrÉR.\TUiiE  SPÉCIAL  pnÉPAR.vTOinE  au 
iiREVET  supÉRiEiu.  —  Par  .M"e  Th.  Brismontier,  professeur 
spécial  pour  la  préparation  aux  examens,  répétiteur  des 
premières  classes  de  latin  et  de  grec.  —  Ouvrage  adopté 
à  la  maison  de  Saint-Denis,  et  auquel  la  Société  libre 


d'instruction  et  d'éducation  populaires  vient  de  décerner 
une  médaille  d'honneur  et  la  médaille  d'or  oflerte  par 
M.  de  Larochefoucauld ,  président  honoraire  de  cette 
Société.  —  Paris,  chez  l'auteur,  1,  place  Wagram. 


A  TRAVERS  LES  MOTS.  —  Par  Ch.\rles  Rozax.  —  Un 
joli  volume  format  anglais  de  450  pages,  imprimé  par 
J.  Cl.we.  —  Comprenant  les  Etofl'es,  les  Académies,  les 
Cartes  et  les  Echecs,  les  Devinettes,  la  Barbe,  les  Danses, 
le  Calendrier,  les  Pierres  précieuses,  les  Meubles,  les 
Petits  meubles,  les  Titres  de  noblesse,  les  Petits  poèmes, 
et  donnant  l'étymologie  de  plus  de  900  mots.  —  Prix, 
broché  :  3  fr.  50. 


ALISE  D'EVRAN.  —  Par  André  Lemoyne.  —  Paris, 
Sandoz  el  Fischbacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine.  — 
Prix  :  2  fr. 


OPULENCE  ET  MISÈRE.  —  Roman  américain,  traduit 
par  Mme  Henriette  Lorreau.  —  Paris,  librairie  Uachelte 
el  Cie,  79,  boulevard  St-Germain.  —  Bibliothèque  des 
meilleurs  romans  étrangers.  —  Prix  :  i  fr.  25  cent. 


16 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


LES  CAHIERS  DE  SAINTE-BEUVE,  suivis  de  quelques 
pages  de  littérature  antique.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre, 
éditeur,  27-31,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


,  COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  En  vente 
au  bureau  du  Courrier  de  Vaugelas  ,  26,  boulevard  des 
Italiens.  —  On  peut  encore  se  procurer  la  à',  la  5=  et  la  6« 
année.  —  Réimpression  des  cinq  premières  owwe'es  aussitôt 


que  sera  atteint  le  chiffre  demandé  par  la  souscription 
que  le  Rédacteur  vient  d'ouvrir. 


LES  OUBLIÉS  ET  LES  DÉDAIGNÉS,  figures  de  la  fin 
du  xv!!!"  siècle.  —  Par  Charles  Monselet.  — Nouvelle  édi- 
tion définitive.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie,  libraires-édi- 
teurs, 13,  rue  de  Grenelle-St-Germain  —  Prix  :  3  fr.  50. 


Publications 

REVUE  CRITIQUE  D'HISTOIRE  ET  DE  LITTÉRATURE. 

—  Recueil  hebdomadaire  publié  sous  la  direction  de  MM. 
C.  de  La  Berge,  M.  Bréal,  G.  Monod,  G.  Paris.  —  Dixième 
année.  —  Nouvelle  série,  1«  année  (1876).  —  Prix  d'abon- 
nement :   Un  au,  Paris,  20  fr.;    —  départements,   22  fr.; 

—  étranger,  le  port  en  sus  ;  —  un  numéro,  75  c.  —  Paris, 
Ernest  Leroux,  éditeur,  28.  rue  Bonaparte. 


périodiques  : 

par  an  pour  la  France  et  les  pays  faisant  partie  de  l'Union 
des  postes.  —  Paris,  bureau  du  Courhier  littéraire,  33, 
rue  de  Seine. 


LE  COURRIER  LITTÉRAIRE,  revue  artistique,  biblio- 
graphique, scientifique  et  littéraire,  paraissant  le  10  et 
le  25  de  chaque  mois.   —  Prix  de  l'abonnement  :  20  fr. 


REVUE  SUISSE.  —  bibliographie,  archéoloqie,  littéra- 
ture, DEAUx-ARTs.  —  Paraissant  le  l"'  et  le  15  de  chaque 
mois.  —  Prix  par  an,  10  fr.,  et  le  port  en  sus  pour  l'étran- 
ger. —  Cette  revue,  qui  rend  compte  de  tous  les  ouvrages 
dont  on  lui  envoie  deux  exemplaires,  se  trouve  à  Paris, 
chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires-éditeurs,  33, 
rue  de  Seine. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


La  Société  d'éducation  de  Lyon  a  mis  au  concours  pour  1876  le  sujet  suivant  :  Préciser  ce  que  peut  et  doit  faire 
l'instituteur  primaire,  en  ce  qui  concerne  l'éducation  de  ses  élèves;  indiquer  par  quels  moyeyis  il  accomplira  le  mieux 
celte  partie  de  sa  tâche.  —  Le  prix  sera  de  500  fr.,  décerné  dans  la  séance  publique  de  1876,  sous  le  nom  de  Prix  de 
la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  Septembre  prochain,  à  M.  Palud, 
libraire,  U,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon.  

La  Société  des  scient.es,  belles-lettres  et  .arts  de  Tarn-et-Garonne  propose  pour  cette  année  1876  une  médaille 
d'or  de  la  valeur  de  200  fr.  à  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.)  ;  une  médaille  d'argent 
de  la  valeur  de  100  fr.  à  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la 
valeur  de  50  fr.  au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées 
au  Secrétaire  de  la  Société,  à  Montauban. 

Académie  des  Poètes.  —  Les  écrivains  encore  étrangers  à  l'Académie  des  poètes,  qui  voudraient  prendre  part  au 
concours  ouvert  pour  la  X«  Olympiade,  devront  adresser  franco  cinq  poésies  inédites  à  M.  Élie  de  Biran,  archiviste 
de  la  Société,  rue  des  Missions,  22,  à  Paris.  —  Ces  poésies  ne  doivent  point  toucher  à  la  politique,  elles  ne  doivent  non 
plus  rien  renfermer  d'immoral,  d'irréligieux  ou  de  diffamatoire.  — Un  grand  nombre  de  médailles  de  vermeil,  d'argenti 
de  bronze,  de  divers  modules,  seront  décernées  à  la  suite  de  ce  concours. 


Le  Tournoi  poétique  et  littéraire  ,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  lettres ,  journal  rédigé  par  ses  abonnés.  — 
{W  année,  —  mensuel,  —  32  p.  in-8°,  —  elzévir).  —  Poésie,  littérature,  arts,  sciences,  morale,  nouvelles,  variétés, 
fantaisies,  chroniques.  —  Concours  poétiques  et  littéraires.  —  Prix  :  Médailles  de  bronze,  livres,  musique.  — 
Abonnement  :  10  fr.  par  an.  (Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.)  —  Bureaux:  12,  boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


Académie  des  lettres  de  Rouen.    —  Prix  à  décerner  en  1877  pour 
S'adresser  au  secrétaire-perpétuel  de  l'Académie,  M.  Julien  Loth. 


un  conte  en  vers  de  100  vers  au  moins. 


RENSEIGNEMENTS 
A  l'usage  des  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue   à,   l'étranger. 


agences  auxquelles  on  peut  s  adresser  : 
A   Paris  :    M.    Pelletier,    19,   rue   de   l'Odéon;  —  Mme  veuve  Simonnot,   33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin ;  — 
A  Londres,  M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W.;  —  Miss  Gray,  35,  Baker  Street,  Portman  Square;  —  A  Liverpool  : 
M.  E.  Husson,  66,  lluskisson  Street;  —  A  New-York  :  M.  Scherinerhorn,  630,  Broom  Street. 

Journaux  dans  lesquels  on  peut  faire  des  annonces  : 
V American  Register,  destiné  aux  Américains  voyageant  en  Europe;  —  le  Galignanïs  Messenger,  reçu  par  nombre 
d'Anglais  (|ui  habitent  en  France;  —  le  Wekker.  connu  par  toute  la  Hollande;  —  le  Journal  de  Saint-Pétersbourg,  très- 
répandu  en  Russie;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Hartwlck,  390,  rue  St-Honoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 

M.  Eman  .Martin,  Rédacteur  du  Courrieii  de  Vaugelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUl'ELEY  à  Nogent-le-Rotrou. 


7"  AnDée 


N"  3. 


1"  Jaillet  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^ 


A\\v  Journal  Semi-Mensuel  ^  JJj  i      À 

-^      CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       '^J     J 


NÇAISE 
Paralasant    le    1"  et    le    15    de   ehaqne   mola 

{Dans  sa  séance  dit  \1  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celle  publication.) 


PRIX  : 
Par  an ,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :    Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  litléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

NCIEN       PROFESSEUR     SPÉCIAL      POUR      LES      ETRANGERS 

Oflicier  d'AcaJémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  parlent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


SOMMAIRE. 

Communication  sur  l'âge  et  l'étymologie  de  Haricot:  —  Origine 
de  Pays  de  Cocagne;  —  S'il  y  a  une  difl'érence  entre  Imposer 
et  En  imposer;  —  L'expression  Tirer  à  balle  que  reux-lu.  || 
Étymologie  de  Prix  dans  Au  prix  de;  —  Cas  dans  lequel 
Appeler  doit  élre  précédé  de  En.  \\  Passe-temps  grammatical. 
Il  Suite  de  la  biographie  de  Gilles  Ménage.  \\  Ouvrages  de 
grammaire  et  de  lillérature.  ||  Concours  littéraires.  ||  Renseigne- 
ments olTerts  aux  Etrangers. 


FRANCE 


COMMUNIG.\TION. 

A  l'occasion  du  renouvellement  de  son  abonnement, 
M.  Georges  Gantier  m'a  adressé,  en  date  du  29  avril, 
une  lettre  relative  à  haricot,  dont  je  détache  les  deux 
parties  suivantes,  l'une,  qui  concerne  l'époque  où 
apparut  ce  mot,  l'autre,  son  étjmologie. 

Constatons  d'abord  que  l'emploi  de  ce  terme  est  beau- 
coup plus  ancien,  dans  notre  langue,  qu'on  ne  le  pense 
généralement  :  ainsi  Jeban  Palsgrave,  dans  son  Eclaircis- 
sement de  la  Langue  françoijse,  Londres,  1.530,  le  place  au 
nombre  des  substantifs  commençant  par  une  h  aspirée 
(Voy.  réimpression  de  Palsgrave  par  l'Imprimerie  natio- 
nale, 1852,  in-4%  p.  18),  et  dariS  le  Supplément  au  Diction- 
naire de  l'Académie,  rédigé  par  M.  Barré  sous  la  direction 
d'une  commission  de  membres  de  l'Institut,  je  lis  :  «  Il  est 
souvent  question  des  haricots  de  Monlaigu  dans  les  poésies 
du  xvr  siècle,  parce  que  les  écoliers  du  Collège  de  Mon- 
taigu  étaient  presque  exclusivement  nourris  de  haricots.  » 

Ce  «  collège  de  pouillerie  »,  comme  dit  Rabelais  (Liv.  1, 
Cb.  xxxvn),  fondé  en  1314,  par  Gilles  Aiscelin,  arcbevèque 
de  Rouen,  avait  été  surnommé  par  les  écoliers  Collège  des 
haricots,  et  la  diète  sévère  qui  en  faisait  la  règle  pensa 
être  fatale  à  Erasme  pendant  un  court  séjour  qu'il  fit  dans 
cette  «  cour  de  la  faim.  » 

Vous  aviez  raison  de  dire  que  haricot  a  d'abord  désigné 
la  plante  et  ne  s'est  appliqué  au  fruit  que  postérieure- 
ment :  c'est  ainsi  qu'après  avoir  dit  dos  baies  d'olirc,  des 
pommes  de  grenade,  d'orange,  on  a  dit,  par  métonymie,  des 
olives,  des  grenades,  des  oranges,   etc.,  pour  le  fruit,  et  que 


l'arbre  est  devenu  l'olivier,  le  grenadier,  l'oranger,  etc. 
«  Le  nom  de  haricot  est  commun  à  la  plante  et  au  fruit 

qu'elle  produit lorsque  le  grain    est  sec,  on  dit  fève  de 

haricot L'espèce  du  haricot  est  originaire  des  Indes  «(Val- 
mont  de  Bomare,  Dictionnaire  d'histoire  naturelle,  tome  VI). 
Faudra-t-il  remonter  au  berceau  de  notre  race  et  chercher 
dans  les  dialectes  de  l'Inde  l'étymologie  de  cette  légumi- 
neuse?...  C'est  possible;  mais  le  grec,  qui  a  tant  de  racines 
communes  avec  le  sanscrit,  nous  fournira  peut-être  la  so- 
lution de  ce  problème  philologique. 

Les  Dictionnaires  d'Alexandre  et  de  Chassang  portent  : 
«  AoXixô?,  haricot  »,  et  le  Thésaurus  de  Henri  Estienne  : 
«  Aoiixo;,  longus,  o  SoXtxôç,  legumen  quoddam,  Phaselus,  Pi- 
sum,  secundum  quoslam.  »  Je  consulte  le  Lexicon  latin  de 
Forcellini,  et  je  lis  :  «  Phaselus,  genus  legurainis  quod  qui- 
dam in  duo  gênera  dividunt,  majus  et  minus.  »  Notez  bien 
cette  distinction,  et  ouvrez  le  Dictionnaire  de  Trévoux  : 
«  Haricot,  en  latin  smilux  hottensis,  sive  phaseolus  major, 
c'est-à-dire /ci's  ou  féverole  majeure. 

Or,  l'adjectif  grec  dolichos,  long,  a  dû  être  d'abord  joint 
au  substantif  y)/irtsp/os  pour  désigner  la  graine  allongée  du 
haricot,  par  opposition  au  pois,  qui  est  court  et  sphérique  : 
celui-ci  était  le  pisum,  celui-là  Id  phaselus  longus,  çàtTïiXo; 
So^iyôç,  traduit  ensuite  par  fève  dolichos,  et,  par  corruption, 
fève  d'olichns.  L'épithète  est  devenue  le  substantif,  comme 
cela  est  fréquent,  et  le  d  qui  la  précède  aura  disparu,  ayant 
été  pris  seulement  pour  une  préposition  confondue  avec 
l'article.  Exemple  :  unicomis,  licorne,  a  donné  d'abord  une 
icorne,  V'icorne,  et  enfin  licorne;  mon  amie,  m'amie,  ma  mie  : 
au  contraire,  andier,  hierre,  en  soudant  l'article  au  subs- 
tantif, ont  donné  le  landier,  le  lierre;  alzernig,  alkoran  (c'est- 
à-dire  le  zcrnig,  le  Koran),  l'arsenic,  l'alcoran,  etc.,  etc. 

D'olichos  à  haricot,  l'analogie  est  frappante,  et  il  n'y  a  à 
faire  qu'une  transformation,  très-usuelle,  des  liquides  / 
en  r,  et  des  voyelles  o  en  a.  C'est  par  une  opération  de 
ce  genre  que  le  savant  F.  Gèuin  tirait  son  haricot  de  mouton 
de  l'adjectif  aliquote,  mais  si  matériellement  son  système  était 
bien  fondé,  logiquement  ses  déductions  étaient  bien  forcées. 

Au  contraire,  rien  de  plus  simple  que  notre  raisonne- 
ment, rien  de  plus  naturel  que  l'enchaînement  des 
preuves  : 

«l'âTYiXôî  SoXixo;,  fève  longue,  fève  dolichos. 
•^a'7T|),oç  5'o>,i3(o;,  fève  d'olichos. 

Olichos,  pris  substantivement  :  alichos,  arichos,  uricho, 
haricot. 

Evidemment,  j'ai  commis  tinc  erreur,  une  grave 
erreur  en  disant    'Courrier  de    Vauyetas,  6"  année, 


^s 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


p.  -186)  que  haricot  ne  remontait  pas  au-delà  de  1589  : 
Paisgrave  l'ayant  fait  Dgarer  parmi  les  mots  où  h  ini- 
tiale s'aspirait  de  son  temps  (commencement  du 
XTie siècle),  on  peut  raisonnablement  croire  que  ce  mot 
était  connu  chez  nos  pères  au  moins  à  la  fin  du  xv^ 

Quant  à  l'étymologie  proposée  pour  haricot,  j'ai  le 
regret  de  ne  pouvoir  l'admettre,  et  cela,  pour  une  rai- 
son tellement  simple  que  M.  Georges  Garnier  s'étonnera 
probablement  de  ne  l'avoir  pas  aperçue  avant  moi. 

En  effet,  de  quoi  s'agit-il  ici  ? 

De  trouver  l'origine  de  haricot  (plante),  puisqu'il 
a  été  surabondamment  démontré  que  ce  vocable  est 
antérieur  à  haricot  (légume). 

Or,  toute  largumenlation  de  M.  Georges  Garnier  a 
pour  but  de  faire  voir  comment  haricot  serait  venu 
d'un  certain  adjectif  grec  s'appliquant  à  la  dimension 
du  légume  de  ce  nom. 

Entachée  ainsi  d'anachronisme  dès  son  principe,  cette 
argumentation,'  toute  savante  qu'elle  est,  ne  peut  nulle- 
ment fournir  l'étymologie  cherchée. 

X 

Première  Question. 

On  dit  souvent  c'est  on  pays  de  Cocagihe,   cn  vrai 

PATS  DE  Cocagne  ;  quelle  est  donc  l'origine  de  cette  sin- 

guiicre  expression  ?  car  le  mot  Cocagine  tie  se  trouve 

dans  aucune  géographie  à  moi  connue. 

Cette  expression  est  une  allusion  au  pays  de  Cocagne, 
pays  imaginaire  où  Ion  trouve  en  abondance  tout  ce 
qu'on  peut  souhaiter. 

L'idée  de  ce  pays,  qui  est  une  réminiscence  de  l'âge 
d'or  chanté  par  les  poètes  de  la  Grèce,  et  aussi  le  nom 
de  Cocagne,  sous  lequel  nous  connaissons  ledit  pays, 
existaient  en  France  dès  le  xni"  siècle,  preuve  le  fabliau 
recueilli  par  Rarbazan  (t.  IV,  p.  176),  et  dont  voici 
les  principaux  passages  : 

Enter  l'Apostole  de  Rome 
Mai  por  penitance  querre, 
Si  m'envoia  en  une  terre 
Là  où  je  vi  mainte  merveille  : 


Li  pais  a  à  non  Coquaigne, 

Qui  plus  i  dort,  plus  i  gaaigne  : 

De  barf,  de  saumons  et  d'aloses 
Sont  toutes  les  mesons  encloses; 
Li  chevron  i  sont  d'eslurgons, 
Les  couvertures  de  bacons, 
Et  les  lates  sont  de  saussices. 

Par  les  chemins  et  par  les  voies  , 
Trueve-l'en  les  tables  assises  ; 

Si  puet-1'en  et  boivre  et  mangier 
Tuit  cel  qui  vuclent  sans  dangier; 

C'est  tine  vèritez  provée 
Qu'en  la  terre  benéuréc 
Cort  une  rivière  de  vin. 

Celé  rivière  que  je  di 
Est  de  vin  vornuMl  jusqu'emmi 
Du  meillor  (|ue  l'en  puisl  Irover 
En  Uiaunc,  ne  de  là  la  mer; 
Et  d'autre  part  est  de  blanc  vin 


Le  meillor  et  tout  le  plus  fin 
Qui  onques  créust  à  Auçuerre, 
A  Recelé,  ne  à  Tonnerre, 

Et  quatre  quaresmiaux-pienanz, 
Et  un  quaresme  a  en  vint  anz, 
Et  cil  est  à  juner  si  bons, 
Que  chascuns  i  a  toz  ses  bons; 
Dès  le  matin  jusqu'après  none 
Mangue  ce  que  Dex  li  done, 
Char  ou  poisson  ou  autre  chose 
Que  nus  défendre  ne  lor  ose. 

Et  tant  est  li  pais  pleniers 
Que  les  borsèes  de  deniers 
I  gisent  contreval  les  chanz; 

Encore  i  a  autre  merveille, 
Conques  n'oïstes  sa  pareille, 
Que  la  fontaine  de  Jovent 
Qui  fet  rajovenir  la  gent. 

Maintenant,  reste  à  savoir  d'où  vient  le  mot  Cocagne. 

Suivant  Lamonnoye,  Cocatjne  est  un  pays  imaginé 
par  le  fameux  .Merlin  Cocaye  qui,  tout  au  commence- 
ment de  sa  première  Macaronée,  après  avoir  invoqué 
certaines  muses  burlesques ,  décrit  les  montagnes 
qu'elles  habitent  comme  un  séjour  de  sauces,  de  po- 
tages, de  brouels,  de  ragoûts,  de  restaurants,  où  l'on 
voit  couler  des  tleuves  de  vin  et  des  ruisseaux  de  lait. 
Ce  pays,  ajoute-t-il,  a  dû  tirer  son  nom  de  son  inven- 
teur, et  Cocagne  n'est  qu'une  altération  de  Cocaye. 

D'après  quelques  autres,  il  y  a  en  Italie,  sur  la  route 
de  Rome  à  Lorelte,  une  petite  contrée  appelée  Cocagna, 
dont  la  situation  est  très-agréable,  le  terroir  très-fertile, 
et  où  les  denrées  sont  excellentes  et  à  bon  marché; 
c'est  là  qu'ils  trouvent  le  modèle  du  pays  de  Cocagne. 

L'opinion  de  Furelièreest  que,  dans  le  haut  Langue- 
doc, on  appelle  Cocagne  un  petit  pain  de  pastel,  avant 
qu'il  soit  réduit  en  poudre  et  vendu  aux  teinturiers,  et 
que,  comme  le  pastel  ne  croit  que  dans  des  terres  très- 
fertiles,  on  a  donné  le  nom  de  Cocagne  à  ce  pays,  où  il 
est  d'un  très-grand  revenu,  et,  par  extension,  à  tout 
pays  où  régnent  l'abondance  et  la  bonne  chère. 

Mais  toutes  ces  étymologies  sont  inadmissibles,  fon- 
dées qu'elles  sont  sur  des  faits  postérieurs  au  xiir  siècle, 
époque  à  laquelle  le  mol  Cocagne  existait  déjà  depuis 
longtemps,  comme  le  fabliau  que  j'ai  cité  en  commen- 
çant le  met  en  évidence. 

Je  crois  avec  M.  Liltré  que  le  mot  Cocagne  vient  du 
latin  coquina,  cuisine,  et  voici  les  raisons  sur  lesquelles 
j'appuie  cette  opinion  : 

r  Les  formes  anciennes  de  Cocagne  étaient  Cokagne, 
Coquaigne  et  Coliaine.  Or,  comme  il  n'est  nullement 
rare  de  voir  <{ii  changé  en  c,  ou  en  k  ;  i  en  ai  (le  picard 
dit  brouaine  pour  bruine),  n  en  gn,  j'en  conclus  que 
coquina  a  pu  donner  Cocagne. 

2"  Dans  la  grammaire  anglo-saxonne  du  savant 
Hickes,  on  trouve  (vol.  I^"',  p.  231)  une  note  où  il  est 
dit  qu'autrefois  les  paysans  d'Angleterre  appelaient 
cokaiiis  [ccril  ûepu\s  cockneys],  les  habitants  des  villes 
parce  que  ceux-ci  avaient  abandonné  les  travaux  rus- 
ticpies  pour  une  vie  sédentaire  et  presque  oisive,  et  que, 
chez  les  anciens  Français,  on  appelait  loquins  ceux  qui 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


i9 


s'adonnaient  à  l'oisiveté,  à  la  paresse.  Or,  comme  ce 
dernier  terme  a  pu  bignifier,  dans  l'origine,  des  gens 
qui  venaient  mendier  aux  cuisines  des  grands  (ce 
qu'implique  assez  bien  le  sens  donné  par  nos  ancêtres  à 
coquin),  il  en  résulterait  que  cokam  venant  de  coquin, 
il  n'y  aurait  rien  de  surprenant  à  ce  que  Cocaiyne.  au- 
trement dit  Cocagne,  vint  de  roquina. 

30  Enfin,  pour  peu  qu'on  lise  attentivement  le  fabliau 
de  Barbazan,  on  s'aperçoit  que,  si  la  description  du 
pays  de  Cocagne  parle  de  dormir,  de  richesses,  d'amour, 
d'abondance  de  vêtements,  de  jeunesse  recouvrée,  etc., 
elle  n'en  est  pas  moins  presque  entièrement  consacrée 
à  l'énuméralion  de  toutes  les  choses  propres  à  satisfaire 
les  besoins  de  l'estomac.  Or,  par  l'idée  de  cuisine  qui 
en  fait  le  fond,  cette  description  me  semble  justifier 
une  fois  de  plus  l'étymologie  que  j'ai  adoptée. 

X 

Seconde   Question. 

Est-il  frai,  comme  le  disent  plusieurs  grammairiens, 

qu'il  y  ait  une  différence  de  sens  entre  Imposer  et  En 

IMPOSER  ?  Je  vous  prierais  de  vouloir  bien  me  dire  votre 

avis  à  ce  sujet. 

Le  verbe  imposer  (du  latin  in,  sur,  et  de  ponere,  pla- 
cer) veut  pour  régime  direct  le  nom  de  la  chose  et  pour 
régime  indirect  'avec  àl  le  nom  de  la  personne. 

Quand  ce  verbe  a  pour  régime  respect,  soumission  ou 
crainte,  il  est  loisible  de  supprimer  complètement  ce 
régime  ou  de  le  remplacer  par  le  pronom  en,  ainsi 
qu'on  le  voit  dans  les  phrases  suivantes  : 

[Imposer  sans  le  pronom  e?i) 

Il  irnposait  par  la  taille  et  par  le  son  de  la  voix. 

(Bossuet,   Vnrml.,  U\,  3.) 

De  fort  près,  c'est  moins  que  rien  ;  de  loin,  ils  imposent. 

(La  Bruyère,  II.l 

Je  m'étais  laissé  imposer  par  le  discours  et  la  philosophie 
de  Caton 

(Vauvenargyes,  Dial.  9.  Cts.  Brut.) 

Ce  ton  pouvait  révolter,  mais  il  imposait. 

(Raynal,  Hist.  phil.,  X,  16.) 

tj'amour  qui  l'environne  impose  à  ma  puissance. 

(Cas   Delavigne,  Paria,  II,  ».) 

{Imposer  avec  le  pronom  en] 

A  ceux  qui  n'ont  ni  rang  ni  richesse  qui  en  imposent,  il 
leur  reste  une  âme,  et  c'est  beaucoup. 

tMarivau.v.  .Marianne,  jj®  partie.) 

Ils  n'auraient  point  cédé  aux  évèques  ;  mais  le  cardinal 
légat  leur  en  imposait. 

(Voltaire,  Sisl.  pot.,  ch.  38.) 

Au  milieu  de  ces  sons  discordants  d'oiseaux  s'élève  une 
grande  voix  qui  leur  en  impose  à  tous. 

(Buflon,  .l/orc.  çAoji- ,  p    3io.) 

Il  est  sur  que  de  hautes  montagnes,  que  d'antiqu-es  fo- 
rêts, que  des  ruines  immenses  en  imposent. 

(Diderot,  Ess.  sur  la  peint.,  3.) 

Par  la  pompe  des  mots,  l'éloquence  en  impose. 

(Gilbert,  r.e  xvni*  sirclr  ) 

L'ascendant  de  son  génie  lui  donnait  tous  les  esprits... 
son  nom  seul  en  imposait  aux  factieux  de  la  littérature. 

(P.-L.  Courier,  Lettres,  II,  3lo.) 

Le  latin  employait  imponere  avec  le  sens  de  tromper 


(on  trouve  dans  Quicherat  imposuit  Catoni,  il  a 
trompé  Caton  ;  imposuit  mihi  caupo,  le  cabaretier  m'a 
dupé)  ;  le  français  a  fait  de  même  pour  imposer,  et,  en 
supprimant  le  régime  direct  que  pouvait  avoir  ce  verbe, 
il  a  dit  indifféremment  imposer  à  quelqu'un,  ou  en 
imposer  à  quelqu'un,  ce  dont  voici  des  preuves 
évidentes  : 

[Imposer,  tromper,  sans  le  pronom  en) 

Pour  me  faire  croire  ignorant,  vous  avez  lâché  A'imposer 
aux  simples. 

(Corneille,  Lett.  apoU). 

Leurs  paroles,  aussi  peu  solides  qu'elles  semblaient  ma- 
gnifiques, imposaient  au  monde. 

(Bossuet.  Hisl,,  II,   II.) 

Qui  ne  s'y  fût  trompé?  Jamais  l'air  du  visage, 
Si  ce  qu'il  dit  est  vrai,  n'imposa  davantage. 

(Molière,  VEtour.,  III,  j.) 

Langage  ordinaire  de  la  calomnie,  qui  ne  s'énonce  jamais 
plus  hardiment  que  quand  elle  impose  plus  faussement. 

(Boiirdaloue,  .Ujrst.  pass,  dti  J.-C,  t.  I,  p.  36y.) 

Pendant  que  la  vérité  est  contredite,  l'hérésie  lève  la 
tête,  impose  et  triomphe. 

(Fénelon,   Lett.  au  P.  Le  Tellier.] 

Ce  malheureux  talent  de  tromper  et  de  plaire, 
D'imposer  aux  esprits  et  d'éblouir  les  yeux. 

(Voltaire,   Tancr.,  11,4.) 

{Imposer,  tromper,  avec  le  pronom  en) 

Le  Qiscours  affectueux  de  Néron  n'en  imposa  point  à  Sé- 
néque. 

(Diderot,  Cl.  et  A'e'r.,  I,  90.) 

Est-ce  peut-être  que  tous  ceux  qui  errent  sont  de  bonne 
foi?  L'homme  ne  peut-il  pas,  selon  sa  coutume,  s'en  im- 
poser à  lui-même? 

(Bossuet,  Anne  de  Goitr.) 

Qu'elle  ne  pense  pas  que  par  de  vaines  plaintes, 
Des  soupirs  affectés  et  quelques  larmes  feintes, 
Aux  yeux  d'un  conquérant  on  puisse  en  imposer. 

(Voltaire,  Orph.,  III,   1.)- 

D'où  il  suit  que,  quoi  qu'en  aient  dit  les  grammai- 
riens, principalement  .M.  Lemaire  [Qram,  des  Gram., 
p.  M  76,  le  verbe  imposer,  qu'il  ait  le  sens  de  com- 
mander le  respect,  inspirer  de  la  crainte,  ou  qu'il 
signifie  tromper,  faire  illusion,  peut  parfaitement  se 
construire,  à  la  volonté  de  l'écrivain,  soit  seul,  soit 
accompagné  du  pronom  en.  Et  cela  est  si  vrai,  dit 
-M.  Lillré,  dont  j'ai  emprunté  ici  les  exemples,  que 
-Massillon,  dans  une  seule  et  même  phrase,  a  employé 
imposer  et  eii  imposer  ne  consultant  pour  le  choix  que 
son  oreille. 

X 
Troisième  Question. 

Je  trotire  ta  phrase  suivante  dans  /'Evénement  du 
19  mars  187(>  :  «  Autrefois  7iom  avons  accueilli  et 
nourri  les  Polonais,  ce  qui  n'a  pas  empêché  plusieurs 
régiments  de  celte  nation  sympathique  de  bombarder 
Paris  avec  les  Allemands,  et  de  tirer  a  balle  que  veux- 
Tc  .nir  nos  lignards  et  sur  nos  mobelots.  -»  Je  n'ai 
jamais  entenéu  dire  :  tirer  a  balle  que  vecx-td.  Cette 
expression  est-elle  bonne?  Je  vous  serais  reconnaissant 
si  vous  vouliez  bien  ine  dire  votre  avis  à  ce  sujet. 

L'auteur  des  lignes  que  vous  citez  avait  connaissance 
de  l'expression  traiter  quelqu'un  à  bouche  que  veux-tu, 


20 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


que  nous  employons  pour  signifier  faire  faire  à  quel- 
qu'un une  excellente  et  copieuse  chère;  il  a  voulu  lui 
donner  une  variante,  et  il  a  écrit  tirer  à  balle  que 
veux-tu,  pensant  exprimer  d'une  manière  aussi  per- 
mise qu'élégante  l'idée  d'envoyer  des  balles  à  satiété. 

Il  s'est  singulièrement  trompé,  comme  je  vais  vous 
le  faire  voir. 

Dans  l'expression  traiter  quelqu'un  à  bouche  que 
veux-tu,  qui  signifie  littéralement  lui  offrir  un  repas 
oii  la  profusion  des  mets  est  telle  qu'on  semble  dire  à 
sa  bouche  :  «  bouche,  que  veux-tu?  parle,  et  aussitôt 
lu  l'auras  «,  la  question  que  veux-tu  vient  très-natu- 
rellement après  le  substantif  bouche,  attendu  que  ce 
mot  désigne  une  partie  du  corps  pouvant  éprouver  le 
désir  que  ladite  question  est  destinée  à  provoquer. 

Mais  il  n'en  est  pas  de  même  dans  tirer  à  balle  que 
veux-Tu,  tant  s'en  faut  ;  ici  la  question  que  veux-tu  ? 
vient  après  balle,  un  nom  d'objet  inerte,  qui  n'a  point 
de  désirs  que  l'on  puisse  chercher  à  connaître  pour  les 
satisfaire,  et  auquel,  par  conséquent,  cette  question  ne 
peut  être  adressée. 

D'où  cette  conclusion  (applicable  à  toutes  les  phrases 
analogues  où  le  substantif  venant  après  la  préposition 
à  ne  désignerait  pas  un  objet  de  nature  à  pouvoir 
désirer  quelque  chose;  que  tirer  à  balle  que  veux-tu  est 
une  construction  impossible,  vu  qu'elle  présente  des 
termes  que  la  raison  ne  permet  pas  de  réunir. 

ÉTRANGER 

Première  Question. 
Je  vous  prierais  de  me  dire,  s'il  vous  plaît,  quelle  est 
l'étymologie  du  mot  prix  dans  ces  vers  de  La  Fontaine  : 
■  La  mort-aux-rats,  les  souricières  N'étaient  que  jeux 
AU  PRIX  DE  lui.  » 

L'expression  au  prix  de  a  deux  significations  bien 
distinctes  dans  notre  langue  :  l'une,  qui  est  moyennant 
le  prix  de,  moyennant  le  sacrifice  de,  et  l'autre,  qui  est 
en  comparaison  de. 

Dans  la  première,  prix  vient  évidemment  du  latin 
pretium  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  la  seconde, 
car  jamais  pretium,  que  je  sache,  n'a  voulu  dire  com- 
paraison. 

D'où  vient  donc  prix  employé  dans  ce  sens? 

Nous  avons  en  français  une  locution  prépositive, 
auprès  de,  qui  a  absolument  la  même  signification  et  le 
même  emploi  que  au  prix  de,  ainsi  que  le  montrent  ces 
exemples,  où,  sans  altérer  le  sens,  on  peut  remplacer 
au  prix  de  par  auprès  de  : 

Ce  peu  d'annftes  au  prix  de  l'éternité  ne  sera  considéré 
que  comme  une  goutte  d>au  de  la  mer,  ou  un  grain  de 
sable. 

(Saci,  Bifile,  Jiccl.,  .\vni,8  ) 

Que  l'homme,  revenu  à  soi,  considère  ce  qu'il  est  au 
prix  de  ce  qui  est. 

.  Cfascal,  renu;  I,  I.) 

Le  bois  le  plus  funeste  et  le  moins  fréquenté 
Est  au  prix  de  Paris  un  lieu  de  sûrpté. 

(Boileau,  .So/.,  VI.) 


Or,  à  mon  avis,  c'est  cette  locution  qui  a  donné  au 
prix  de,  et  j'explique  le  fait  ainsi  qu'il  suit  : 

\"  Le  vocable /};ès  a  pu  devenir  pris,  car  le  change- 
ment en  i  d'un  e  final  suivi  d'une  .s  ou  d'un  x  n'est  pas 
chose  dépourvue  d'exemples,  puisque  les  mots  latins 
merces,  tapes,  vervex  ont  donné  en  français  merci, 
tapis,  brebis. 

2"  Pendant  longtemps  le  mot  prix  (de  pretium]  s'est 
écnlpris,  ce  dont  j'ai  trouvé  les  preuves  suivantes  dans 
le  Dictionnaire  de  Cotgrave  (1660)  : 

A  pris  d'argent. 

A  quelque  pris  qu'est  le  liled. 

Toute  ctiose  se  vend  a.u  pris  de  l'œil. 

Quand  on  en  vint  à  l'écrire  définitivement  par  un  x, 
au  lieu  d'une  s,  on  aura  donné  par  erreur  la  même 
orthographe  à  pris  dans  l'expression  dont  il  s'agit,  et 
l'on  aura  eu  ainsi  au  prix  de  avec  la  signification  de  en 
comparaison  de. 

3°  Du  reste,  voici  un  exemple  de  auprès  de  (sous  la 
forme  de  au  pris  que,  comme  se  trouvant  devant  un 
verbe  à  un  mode  personnel)  dans  le  sens  de  à  propor- 
tion que,  sens  synonyme  de  en  comparaison  de,  où  Ve 
seul  de  près  est  changé  en  i  : 

.Au  pris  gu'ilz  approchoient,  les  Parthes  s'enfuyoient. 

(Amyot,  Rom.  46-) 

Ne  serait-il  pas  bien  étonnant,  en  effet,  que  au  prix 
de  pût  se  remplacer  aussi  parfaitement  par  auprès  de  ; 
que  les  règles  de  la  permutation  des  lettres  permissent 
d'expliquer  aussi  facilement  le  changement  de  près  en 
pris  ;  qu'un  auteur  du  xvie  siècle  nous  offrit  au  pris  que 
avec  le  sens  de  «  proportion,  à  mesure  que,  sens  qui 
dérive  de  celui  de  auprès  de,  et  que  ce  dernier  ne  fût 
pas  la  source  d'où,  à  une  époque  plus  ou  moins  reculée, 
on  a  tiré  le  prix  de  la  locution  au  prix  de  signifiant  en 
comparaison  de  ? 

X 
Seconde  Question. 

Je  rencontre  le  verbe  appeler  tantôt  accompagné  du 
pronom  en,  tantôt  construit  sans  ce  pronom.  Voudriez- 
vous  bien  me  faire  connaître  dans  quel  cas  il  faut  dire 
EN  APPELER,  au  Ueu  de  appeler,  attendu  que  l'emploi  de 
ce  verbe  m'offre  une  vraie  difficulté? 

Quand  une  cause  a  été  jugée  par  un  tribunal,  il  est 
loisible  à  la  partie  perdante,  dans  certains  cas,  de  ne 
pas  accepter  immédiatement  la  décision  rendue  contre 
elle,  et  de  porter  la  cause  devant  un  tribunal  supérieur. 

Cette  action  se  dit  appeler  de  (le  juge,  ou  le  jugement 
qui  a  condamné)  à  (suivi  du  nom  de  la  personne  ou  de 
la  chose  à  laquelle  on  a  recours),  ce  dont  voici  la 
preuve  : 

La  loi  qui  permit  d'appeler  au  peuple  des  consuls. 

(Bossuct,  Hisl.,  I,  8.) 

Et  nous  faire  désirer  au  moins  que  Dieu  existât,  à  gui 
nous  pvkifs\OD&  appeler  du  jufjemeat  des  hommes. 

(La  Bruyère,  i6.) 

11  lui  remontra  qu'encore  qu'il  n'y  avait  point  de  juge  à 
qui  l'on  puisse  appeler  de  lui,  etc. 

(Fléchier,  Panca:,  II,  91.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


24 


Or,  dans  ces  sortes  de  phrases,  il  arrive  souvent 
qu'un  des  compléments  se  supprime.  Quand  c'est  celui 
qui  vient  après  à,  on  ne  met  aucun  pronom  pour  en 
tenir  la  place  : 

Jijpin,  de  ton  arrtM  j'appe//e, 

Ta  balance  et  tes  poids  sont  faux. 

(Béranger,  Bîuets,) 

Mais  quand  c'est  celui  qui  suit  de,  il  faut  néces- 
sairement mettre  en  (le  principal  usage  de  ce  pronom 
étant  de  remplacer  les  compléments  annoncés  par  la 
préposition  de),  comme  dans  ces  exemples  : 

Celui  qui  n'a  pas  fait  sa  fortune  à  la  cour  est  cens^  ne 
l'avoir  pas  dû  faire;  on  n'en  appelle  pas. 

(La  Bruyère.  8.) 

Souffrez,  mes  frères,  que  j'en  appelle  à  votre  complai- 
sance. 

(Massillon,  Ei'id.) 

Charles  1"  était  brave,  il  pouvait  en  appeler  à  l'épée. 

(Chateaubriand,  Sluarts,   197  ) 

Il  y  a  beaucoup  de  personnes  qui,  dans  des  phrases 
analogues  aux  précédentes,  emploient  rappeler  au  lieu 
d'appeler.  Elles  commettent  là  une  grosse  faute  : 
puisqu'on  dit  une  cour  d'appel,  il  faut  dire  appeler, 
en  appeler,  en  faire  appeler. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

!•  ...  de  son  grand  oncle,  afin  de  lui  marquer  [voir  Courrier 
de  Vaugelaa,  'i'  année,  p.  139];  —  2*  ...  n'appelons  pas  du 
sens  commun;  —  3*  ...  jamais  !  dit  en  grognant  l'honorable  vic- 
time [voir  Courrier  de  Vaugelas,  5*  année,  p.  51,  153  el  IS61;  — 
4°  ...  Ces  cercueils  sont  recommandés  [pas  de  mclal,  puisqu'il 
y  a  métalliques  au  commencemonl[;  —  5°  ...  que  ce  snnl  elles 
qui  se  laissent  diriger  ;  —  6°  ...  La  prussianisation  de  la  pro- 
vince [le  mol  prussification  n'est  pas  français  et  ne  peut  l'élrej  ; 
—  7°  ...  chemins  de  fer  français  que  de  constater  [voir  Courrier 
de  Vaugelas,  3'  année,  p.  74];  —  8°  ...  se  sont  jait  remarquer 
[suivi  d'un  infinitif  le  parlicipe  fait  est  toujours  invariable]  ;  — 
9°  ...  va  les  mcllre  en  échec,  ils  se  retournent  [pas  alors  puis- 
qu'il y  a  quand  en  léte  de  la  phrase];  —  10"  ,..  H!on(re-toi  bien 
assidu  [à  moins  qu'ils  ne  soient  suivis  de  en  ou  de  ij,  et  encore 
dans  certains  cas,  les  verbes  de  la  première  conjugaison  ne  pren- 
nent pasd's  à  la  personne  singulière  de  l'impératif]. 

Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

!•  Messieurs,  comraence-t-il  d'une  voix  forte,  presque 
tonnante,  qui  retentit  tristement  au  fond  de  tous  les 
cœurs,  j'ai  le  premier  demandé  à  être  poursuivi. 

2°  En  tout  cas,  ni  la  séduisante  somnambule  ni  moi  ne 
seront  brûlés  vifs,  comme  nous  l'eussions  été  jadis,  au 
temps  tieureux  de  la  très-sainto  Inquisition. 

3°  La  Commission  à  laquelle  avait  été  renvoyé  l'examen 
de  l'idée  de  M.  Proust  ne  s'est  pas  laissée  arrêter  par  ce 
flot  d'ironie  attique;  elle  a  conclu  avec  audace  à  la  prise 
en  considération. 

4°  Ce  ne  sera  que  par  la  cession  prompte  des  hostilités, 
des  concessions  libérales  et  des  garanties  non  illusoires 
que  la  pefte  de  la  Bosnie  et  de  l'Herzégovine  pourra  être 
évitée. 

5°  J'ai  éprouvé  cela  de  la  part  de  gens  d'ailleurs  regret- 


tables,  que  j'ai  vus  depuis  célébrer  comme  de  grands  pa- 
trons et  des  amateurs  de  l'esprit. 

6'  Leur  amour-propre  était  moins  encore  blessé  d'une 
exclusion  humiliante  que  leur  vigilance  était  préoccupée 
des  causes  secrètes  qui  l'avaient  déterminée. 

7°  Comment  voudrait-on  qu'ils  s'entendent  les  uns  et  les 
autres  ? 

8°  Ce  précédent  établi,  il  est  à  craindre  que  les  mêmes 
menaces  soient  faites  cet  été  à  tous  ceux  qui  refuseront 
à  leurs  femmes  de  les  conduire  à  la  campagne  ou  aux 
eaux. 

9°  Le  pauvre  homme  faillit  en  être  renversé;  mais,  au 
bout  de  quelques  mois,  ayant  recouvré  ses  esprits,  il  fit 
arrêter  la  belle  Lydia,  retour  de  Perpignan. 

10"  La  prime  offerte  aux  dénonciateurs  a,  par  contre, 
excité  une  émulation  considérable.  Le  Louvre  n'a  pas  reçu 
moins  de  lôO  lettres  indiquant  la  retraite  des  deux  jeunes 
gens  en  rupture  de  caisse. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 

FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SEGO.NUE  MOITIÉ  DU  XVll-  SIÈCLE. 

Gilles  MÉNAGE. 

[Suite.) 

Becquée  ou  bêchée.  —  Ménage  croit  qu'on  peut  dire 
l'un  et  l'autre;  mais  il  fait  remarquer  qu'à  Paris  on  dit 
plus  communément  becquée,  et  dans  la  province 
bêchée. 

S'il  faut  dire  amelelte,  ou  omelette.  —  Le  long  de  la 
rivière  de  la  Loire,  on  prononce  amelelte;  à  Paris,  on 
dit  amelelte  et  omelette;  l'un  el  l'autre  «  est  »  bien 
dit  selon  notre  auteur. 

Si  les  mots  jusque,  encore,  mesme,  guère,  naguère, 
oncque,  ore,avecque,  presque,  cerle  doivent  s'écrire 
avec  une  s  finale  ou  sans  celte  lettre.  —  Vaugelas  a  dit 
hardiment  qu'on  n'écrivait  jamais  jusque.  C'est  une 
grave  erreur  ;  dans  jusque-là  il  est  très-bien  dit.  — 
Les  Italiens  disent  ancora,  d'où  nous  avons  fait  encore, 
qui  est  le  véritable  el  ancien  mot.  Les  poètes  onl  intro- 
duit encores;  mais  atijourd'hui  if672)  ce  mot  n'est 
plus  en  usage,  ni  en  prose  ni  en  vers.  —  Quand  mesme 
est  pronom ,  c'est-à-dire  employé  dans  le  sens  de 
l'italien  medesimo,  il  fait  mesme  au  singulier  et  mesmes 
au  pluriel;  mais  quand  il  est  adverbe,  c'esl-à-dire  qu'il 
a  le  sens  du  latin  maxime,  il  devrait  toujours  s'écrire 
sans  s  à  la  fin.  —  Guère  et  naguère,  ainsi  que  cfuères 
el  nnguéres,  soniexi  usage.  —  Oncque  et  onques  ont 
vieilli  comme  ore  et  ores.  —  On  disait  autrefois  indif- 
féremmentat'ecyMe  et  avenues,  et  Vaugelas  s'est  Irompé 
en  soutenant  que  jamais  aucun  de  nos  bons  auteurs  ne 
s'est  permis  d'employer  ce  dernier.  —  Anciennement, 
on  d'isail  presque  el  presques.  — Quant  à  certes,  quoi- 
qu'il vienne  du  latin  certè,  nous  ne  le  disons  jamais 
sans  s  finale  :  c'est  une  bizarrerie  de  notre  langue. 

S'il  faut  prono7icer  j'ay  u,om  j'ayeii;  oust,  ou  aôust; 
ailleurs,  ou  allicurs;  aider,  ou  aider.  — 11  n'y  a  que 
les  a  badaux  »  de  Paris  qui  |irononcent  eu  en  deux 


22 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


sjUabes  ;  tous  les  honnêtes  gens,  a  la  Cour  el  à  la  Ville, 
disent  «  en  une  syllabe.  —  11  faut  prononcer  ovst  et 
non  aôust  comme  font  les  Parisiens.  —  Les  mêmes 
«  badau\  »  de  Paris  disent  aussi  aider  et  ailleurs  en  trois 
syllabes;  il  faut  prononcer  aillevrs  et  aider  en  deux 
syllabes. 

Mors  on  mordu  ;  tors  ou  tordu  ;  ponds,  ponnu,  pondu. 
—  On  disait  autrefois  je  vous  aij  mors;  mais  mainte- 
nant on  d'il  7nordu  (1672).  On  dit  encore  tors,  comme 
dans  :  je  lui  a;/  tors  le  cou  ;  cependant  on  commence  à 
dire  tordu,  et  apparemment  il  gagnera  bientôt  du  ter- 
rain. En  parlant  de  fd,  on  dit  toujours  du  fil  retors. 
En  Anjou,  on  dit  la  /mule  a  ponds.  Rabelais  a  employé 
ponnu,  mais  c'i:s\.  pondu  qu'il  faut  dire. 

Faut-il  dire  S.  Germain  de  l'Ausserrois,  ou  S.  Ger- 
main l'Ausserrois,  ou  de  l'Auxerrois.  —  11  faut  dire 
avec  toute  la  Cour  5.  Germain  de  l'Ausserrois,  el  non, 
avec  une  partie  de  l'Université,  .S.  Germain  l'Ausserrois, 
ni  .S.  Germain  l'Auxerrois. 

Prier  à  disner  el  prier  de  disner.  —  U  y  a  quelque 
différence  entre  ces  deux  façons  de  parler.  Prier  à  dis- 
ner marque  un  dessein  prémédité.  Prier  de  disner  est 
un  terme  de  rencontre  et  d'occasion  :  si  quelqu'un  est 
chez  nous  et  que  nous  l'invitions  à  partager  notre 
dîner,  nous  le  prions  de  diner. 

U  ne  fait  que  sortir  et  il  ne  fait  que  de  sortir.  —  Le 
premier  est  bon  pour  signifier  //  .■<ort  sans  cesse,  il  ne 
fait  autre  cliose  que  de  sortir;  mais  si  l'on  marque 
l'endroit  d'où  l'on  sort,  on  supprime  alors  élégamment 
le  de,  car  il  ne  fait  que  sortir  de  table  est  plus  élégant 
que  il  ne  fait  que  de  sortir  de  table.  Si  l'on  met  vient 
dans  la  phrase,  on  n'y  peut  supprimer  de,  et  il  faut 
nécessairement  dire  il  ne  vient  que  de  sortir. 

Formation  des  verbes  qui  commencent  par  dé  comme 
détromper.  —  Vaugelas  dit  que  ces  verbes  sont  com- 
posés du  simple  et  de  la  particule  de,  mais  à  laquelle 
on  ajoute  une  .s  si  le  verbe  commence  par  une  voyelle, 
armer,  désarmer.  H  se  trompe,  ces  mots  sont  composés 
de  la  préposition  dis  :  disfacere,  défaire.  On  n'y  ajoute 
point  d'.s'  quand  le  verbe  commence  par  une  voyelle, 
puisqu'elle  y  est  déjà  ;  au  contraire,  on  l'ôte  de  ceux 
qui  commencent  par  une  consonne. 

S'il  faut  dire  salamandre  ou  salemandre.  —  îlénage 
trouve  que  l'un  el  l'autre  sont  bous.  Wd'ivail  salemandre 
dans  le  discours  l'iuiiilier,  et  salamandre  dans  des 
com|)ositions  relevées  (<C72). 

S'il  faut  dire  guitare  ou  guiterre.  —  Ils  sont  tous 
deux  très-usités,  et  ils  se  trouvent  tous  deux  indiffé- 
remment dans  les  bons  auteurs.  Ronsard  a  toujours 
dil  r/uiterre,  mais  les  Italiens  disent  <7/((/«/rn,  el  Ménage 
constate  que  (juitùre  vaut  mieux  qac  guiterre. 

S'il  faut  écrire  savoir  ou  si;avoir.  —  11  faut  écrire 
savoir  parce  que  ce  mot  vient  de  Saprre,  que  les  au- 
teurs de  la  basse  latinité  ont  dit  dans  le  même  sens  au 
lieu  de  sdpere,  et  non  de  .sc/;r,  diinl  on  aurait  fait  scir. 

Certains  noms  dont  la  prononciation  dr  l'e  est  dou- 
teuse. —  On  disait  anciennement  cérimonie,  et  on  le 
dit  encore  en  Provence  et  dans  le  Datiphiné;  mais  il 
faut  dire  ccrénionie.  —  On  doit  dire  épidimie,  ot  non  e^i- 


démie,  et  cela  quoiqu'on  dise  épidémique.  —  Les  Ange- 
vins et  les  Manceaux  disent  cémetiére  ;  d'autres  disent 
cimitière  ;  à  Paris,  on  dit  cimetière,  et  c'est  ainsi  qu'il 
faut  parler. 

Atravers  e<  autravers.  —  Vaugelas  a  décidé  qu'aw- 
travers  était  beaucoup  meilleur  et  plus  usité  ([n  atra- 
vers, et  qu'ainsi  il  faut  dire  //  lui  donna  de  l'épée  au- 
tracers  le  corps.  Mais  cela  n'est  pas  vrai  pour  tous  les 
cas.  Il  y  a  des  endroits  où  autravers  ne  vaut  rien  du 
tout  ;  on  dit  atravers  avant  l'article  défini  ou  devant  un 
mot  sans  article  :  atravers  champs,  atravers  les  blez, 
el  autravers  quand  il  est  suivi  de  la  préposition  de  : 
j'ay  pa.<:sé  autravers  de  l'église. 

Distinction  entre  pas  et  point.  —  Contrairement  à  la 
remarque  de  Vaugelas,  on  met  quelquefois  ces  néga- 
tives devant  (/we  signifiant  smo^içMe;  c'est  quand  vient 
un  subjonctif  après  que  ;  ainsi  il  faut  dire  ;  Je  ne  vous 
verrai/  point  que  le  caresme  ne  soit  passé. 

Sur  certains  verbes  conjugués  interrogativement  à  la 
première  personne  de  l'indicatif.  —  Les  Parisiens 
disent  senté-je?  monté-je?  rompé-je  ?  donné-Je?  et 
comme  le  langage  des  provinces  doit  être  réglé  selon 
l'usage  de  celui  de  Paris ,  Ménage ,  contrairement  à 
ce  qu'il  avait  pensé  d'abord,  admet  ces  constructions, 
qui  le  plus  souvent  préviennent  les  équivoques  mange, 
ronge,  d'orge,  auxquelles  elles  donneraient  lieu  si  l'on 
se  contentait  de  mettre  le  sujet  après  le  verbe. 

Va  croissant  et  va  faisant.  —  Vaugelas  dit  que  celle 
façon  de  parler  est  vieille  et  n'est  plus  en  usage  aujour- 
d'hui ;  mais  Ménage  démontre  par  des  exemples  qu'il 
s'est  trompé  et  qu'elle  est  parfaitement  de  mise  dans  les 
endroits  où  il  y  a  un  mouvement  visible  et  local  :  la 
rivière  va  serpentant,  ces  bergères  vont  cueillant  des 
/leurs. 

liemari/ue  curieuse  touchant  l'orthographe.  —  Les 
accents  dans  notre  langue  se  changent  dans  la  variation 
des  mots.  Par  exemple,  _;"em/)esc/(ese  prononce  avec  l'ac- 
cent aigu  ou  circonflexe  sur  la  pénultième.  Mais  cet 
accent  de  la  pénultii^ne  passe  à  la  dernière  dans  le  mot 
empesché.  Ainsi,  quoiqu'il  faille  écrire  rôlle,  âge,  grâce, 
espace,  il  faut  écrire  enrollé,  âgé,  gracieux,  spacieux. 

Superbe.  —  Vaugelas  ne  peut  souffrir  que  les  prédi- 
cateurs disent  la  s^tperbf  pour  dire  Vorgueil.  Mais  il  n'a 
pas  raison  :  tous  nos  anciens  ont  employé  ce  terme,  et 
de  très-savants  modernes  font  de  même. 

Je  n'en  puis  7nais.  —  Cette  façon  de  parler  est  très- 
naturelle  et  très-française;  il  est  certain  qu'elle  n'est  pas 
du  haut  style  ;  mais  il  n'est  pas  vrai,  comme  le  veut 
Vaugelas,  qu'elle  ne  soit  plus  que  du  style  burlesque. 

Je  vous  demande  excuse.  —  Cette  phrase  ne  vaut 
rien  du  tout;  il  faut  dire^'r;  vous  demande  pardon,  ou 
je  vous  fais  creuse. 

S'il  faut  dire  le  point  du  jour,  ou  la  pointe  du  jour. 
—  D'après  .Ménage  le  premier  vaut  mieux  que  le 
second;  mais,  dans  le  discours  familier,  on  peut  faire 
usage  de  l'un  comme  de  l'autre. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  RiiiiACTEUK-GÉiUNT  :  Eman  .MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Le  Secret  terrible,  mémoires  d'un   Caissier;   par 

Adolphe  Belot  et  Jules  Dautin.  W  édition.  In-18  Jésus. 
657  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Le  Divorce  de  Marguerite.  Comment  on  se 
sépare.  Un  enfer  rose;  par  Hector  de  Callias.  Ia-18 
Jésus.  2i'2  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  3  fr.  50. 

La  Jambe  noire;  par  Fortuné  du  Boisgobey.  2  vol. 
In- 18  Jésus,  760  p.  Paris,  lib.  Dentu.  6  fr. 

Nouveaux  mémoires  d'un  décavé;  par  Fervacques. 
Iq-18  Jésus,  373  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

France  (la)  poétique,  poésies  par  Henri  Port,  Cli.  de 
Rozières,  L.  Oppepin,  L.  Satre,  E.  Granier,  G.  Sauvage, 
L.  Serre,  etc.  ;  publiées  par  Evariste  Carrance.  ln-8", 
856  p.  Bordeaux,  imp.  Faure,  7,  rue  Corme.  10  fr. 

Œuvres  diverses  de  Jules  Janin.  publiées  sous  la 
direction  de  M.  Albert  de  La  Fiselière.  III.  Mélanges  et 
variétés.  T.  II.  In-18.  322  p.  et  grav.  Paris,  lib.  des 
Bibliophiles.  3  fr.  50. 

A  Coups  de  fusil  ;  par  Quatrelles.  2=  éd.  in- 18  Jésus, 
297  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Scènes  et  mœurs  arabes;  par  Ch.  Richard,  ancien 
chef  de  bureau  arabe  dOrléansville.  3'  édition,  ln-18 
Jésus,  231  p.  Paris,  lib.  Challand  aine. 

Aventures  de  trois  grandes  dames  de  la  cour  de 
Vienne.  La  comtesse  de  Thyrnau;  par  Louis  Llbach.  ln- 
18  Jésus,  392  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  3  fr.  50. 


Les  Grappes.  Poésies  diverses;  par  .\.  Hector  Berge, 
membre  de  l'Académie  des  Arcades  de  Rome.  In-12, 
215  p.  Paris,  lib.  Vanier.  3  fr. 

Chansons  du  XV'^  siècle,  publiées  d'après  le  manus- 
crit de  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris,  par  Gaston 
Paris,  et  accompagnées  de  la  musique  transcrite  en 
notation  moderfle  par  Auguste  Gevaert.  In-8'',  x.\-2Zi3  p. 
et  2  fac-siraile.  Paris,  lib.  Firmin  Didot  et  Cie. 

La  Dame  aux'perles,  par  Ale.xandre  Dumas  fils,  de 
1  Académie  française.  Nouvelle  édition.  ln-18  Jésus, 
326  p.  Paris,  lib.  Michel  Lévy.  1  fr.  25. 

Les  Mystères  de  Londres;  par  Paul  Féval.  l"  vol. 
2<^  édition.  In-l.S  jésus,  407  p    Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Le  Capitaine  Satan;  par  Louis  Gallet.  ln-18  jésus, 
468  p    Paris,  lib.  Illustrée.  3  fr. 

Dictionnaire  historique  de  l'ancien  langage  fran- 
çois,  ou  Glossaire  de  la  langue  françoise  depuis 
son  origine  jusqu'au  Siècle  de  Louis  XIV;   par   La 

Curne  de  Sainte-Palaye,  membre  de  rAcadémie  des 
Inscriptions  et  de  l'Académie  française.  Publié  par  les 
soins  de  L.  Favre,  auteur  du  Glossaire  du  Poitou,  de  la 
Saintonge  et  de  l'Aunis.  etc.  etc.  Fasc-icules  H  à  20,  (t.  2). 
In-/i°  à  2  col.,  àSh  p.  Paris,  lib.  Champion. 

Confidences  d'un  journaliste; -par  Maxime  Rude.  In- 
18  jésus.  332  p.  Paris,  lib.  Saguier.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  ; 


MADELEINE.  —  Par  Jlles  Saxdeav.  —  Ouvrage  cou- 
ronné par  1  Académie  française  dans  sa  séance  du 
22  juillet  1847.  —  Paris,  Charpenlier  et  Cie,  libraires- 
éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  —  Prix  : 
3  fr.  50. 


MADEMOISELLE  DE  MALPIN.  —  Par  Théophile  G.^l- 
TiEB.  —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpenlier  el  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


MANUEL  ÉLÉMENTAIRE  DE  MORALE  k  l'usage  des 
écoles  primaires  et  des  cours  d'adultes.  —  Par  Ch.  Poirson. 
—  Ouvrage  couronné  par  la  Société  pour  l'instruction 
élémentaire.  —  Prix  :  50  centimes.  —  Paris,  librairie  de 
l'Écho  de  la  Sorbonne,  54,  rue  des  Ecoles. 


MANETTE  SALOMON.  —Par  Ed.moxd  et  Jules  de  Go.n- 
couRT.  —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


PAYSAGES  DE  MER  ET  FLEURS  DES  PRÉS.  —  Une 
idylle  normande.  —  Par  A.ndbé-  Lemoyxe  —  Paris,  Sancioz 
el  Fischbacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  -  MARINS.  — 
Par  Edouard  Gœpp,  chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'ins- 


truction publique,  et  He.nri  Maunocry  d'Ectot,  ancien 
capitaine  au  long  cours.  —  Orné  de  deux  porti-aits.  — 
Ou  Quesne,  TouRviLLE.  —  Parls,  P.  Ducroc,  libraire-édi- 
teur, 55,  rue  de  Seine.  —  Format  anglais,  broché  :  3  fr. 


PROVERBES  DU  P.VYS  BÉARN,  énigmes  et  contes  po- 
puL.uRES.  —  Recueillis  par  V.  Lespy,  membre  de  la 
Société  pour  l'étude  des  langues  romanes.  —  Paris,  .Vai- 
sonneuve  el  Cie,  libraires-éditeurs,  25,  quai  Voltaire. 


COURS  DE  LlTTÉRATUliE  SPÉCIAL  PRÈPAn.\TOiRE  au 
DRiiVET  SUPÉRIEUR.  —  Par  M"«  Th.  Brismo.ntier,  professeur 
spécial  pour  la  préparation  aux  examens,  répétiteur  des 
premières  classes  de  latin  et  de  grec.  —  Ouvrage  adopté 
à  la  maison  de  Saint-Denis,  et  auquel  la  Société  libre 
d'instruction  et  d'éducation  populaires  vient  de  décerner 
une  médaille  d'honneur  et  la  médaille  d'or  offerte  par 
M.  de  Larochefoucauld  ,  président  honoraire  de  cette 
Société.  —  Paris,  chez  l'auteur,  1,  place  Wagram. 


A  TRAVERS  LES  MOTS.  —  Par  Charles  Rozan.  —  Un 
joli  volume  format  anglais  de  450  pages,  imprimé  par 
J.  Claye.  —  Comprenant  les  Etoffes,  les  Académies,  les 
Cartes  et  les  Echecs,  les  Devinettes,  la  Barbe,  les  Danses, 
le  (  alendrier,  les  Pierres  précieuses,  les  Meubles,  les 
Petits  meubles,  les  Titres  de  noblesse,  les  Petits  poèmes, 
et  donnant  l'étymologie  de  plus  de  900  mots.  —  Prix, 
broché  ;  3  fr.  50. 


24 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  En  vente 
au  bureau  du  Courrier  de  Vaugelas  ,  26  ,  boulevard  des 
Italiens.  —  On  peut  encore  se  procurer  la  4",  la  5"  et  la  6= 
année.  —  Réimpression  'des  cinq  premières  a«?iees  aussitôt 
que  sera  atteint  le  chiffre  demandé  par  la  souscription 
que  le  Rédacteur  vient  d'ouvrir. 


LES  OUBLIÉS  ET  LES  DÉDAIGNÉS,  figures  de  la  fin 
du  xvui'  siècle.  —  Par  Charles Monselet. —Nouvelle  édi- 
tion définitive.  —  Paris.  Charpentier  et  Cie,  libraires-édi- 
teurs, 13,  rue  de  Grenelle-St-Germain  —  Prix  :  3  fr.  50. 


ALISE  D'EVRAN.  —  Par  André  Lemoyne.  —  Paris, 
Sandoz  et  Fischbacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine.  — 
Prix  :  2  fr. 


OPULENCE  ET  MISÈRE.  —  Roman  américain,  traduit 
par  Mme  Henriettk  LonnE.iu.  —  Paris,  librairie  Hachette 
et  Cie,  79,  boulevard  St-Germain.  —  Bibliothèque  des 
meilleurs  romans  étrangers.  —  Prix  :  i  fr.  25  cent. 


LES  CAHIERS  DE  SAINTE-BEUVE,  suivis  de  quelques 
pages  de  littérature  antique.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre, 
éditeur,  27-31,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


LES 


GRANDS   ÉCRIVAINS   DE  LA   FRANCE 


NOUVELLES     ÉDITIONS 

Publiées   sous   la   direction  de  M.  Ad.  REGNIER,   membre  de  l'Institut,  sur  les  manuscrits,  les  copies  les  plus 
authentiques  et  les  plus  anciennes  impressions  avec  variantes,  notes,  notices  et  portraits,  etc. 


MOLIÈRE 


Trois  volumes  contenant  ensemble  lZi30  pages; 


Prix  :   22  francs  50  cent. 


Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  St-Germain. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


La  SoorÈTÉ  d'éducvtion  de  Lvox  a  mis  au  concours  pour  1876  le  sujet  suivant  :  Préciser  ce  que  peut  et  doit  faire 
Vinsliluleur  primaire,  en  ce  qui  concerne  l'éducation  de  ses  élèves;  indiquer  par  quels  moyens  il  accomplira  le  mieux 
cette  partie  de  sa  tâche.  —  Le  prix  sera  de  500  fr.,  décerné  dans  la  séance  publique  de  1876,  sous  le  nom  de  Prix  de 
la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  Septembre  prochain,  à  M.  Palud, 
libraire,  Zi,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 

La  Société  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tarn-et-Garonne  propose  pour  cette  année  1876  une  médaille 
d'or  de  la  valeur  de  200  fr.  ii  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.)  ;  une  médaille  d'argent 
de  la  valeur  de  100  fr.  à  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.);  et  une  médaille  d'argent  de  la 
valeur  de  50  fr.  au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Toutes  demandes  de  renseignements  devront  être  adressées 
au  Secrétaire  de  la  Société,  à  Monlauban. 

Académie  des  Poètes.  —  Les  écrivains  encore  étrangers  à  l'Académie  des  poètes,  qui  voudraient  prendre  part  au 
concours  ouvert  pour  la  X»  Olympiade,  devront  adresser  franco  cinq  poésies  inédites  à  M.  Élie  de  Biran,  archiviste 
de  la  Société,  rue  des  Missions,  22,  à  Paris.  — Ces  poésies  ne  doivent  point  toucher  à  la  politique,  elles  ne  doivent  non 
plus  rien  renfermer  d'immoral,  d'irréligieux  ou  de  difTamatoire.  — Un  grand  nombre  de  médailles  de  Vermeil,  d'argent, 
de  bronze,  de  divers  modules,  seront  décernées  à  la  suite  de  ce  concours. 


Le  Tournoi  poétique  et  littéraire  ,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  lettres  ,  journal  rédigé  par  ses  abonnés.  — 
(4-  année,  —  mensuel,  —  32  p.  in-S»,  —  elzévir).  —  Poésie,  littérature,  arts,  sciences,  morale,  nouvelles,  variétés, 
fantaisies,  chroniques.  —  Concours  poétiques  et  littéraires.  —  Prix  :  Médailles  de  bronze,  livres,  musique.  — 
Abonnement  :  10  fr.  par  an.  (Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.)  —  Bureaux  :  12,  boulevard  Montmartre,  à  Paris. 

RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTRANGERS. 


Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  indique  aux  Etrangers  qui 
lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter  :  l»  des  professeurs  de  français;  —  2"  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  française;  —  3o  des  maisons  d'élucation  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français;  —  W  des  réunions  publiques  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  où  se 
parle  un  très-bon  français  ;  —  5"  des  agences  qui  se  chargent  de  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 
gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 


M.  Email  .Martin,  RcilacLcur  du  CoriiiuKii  m;  Vaiullas,  est  visible  à  ■.on  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNELIII,  G.  D.^LU'L'LEV  à  Nogenl-leRotrou. 


7»  Année 


N»4. 


15  Juillet  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"   et    le    15    de    chaque   mots 

(Dans  sa  séance  du  II  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par  an,    6   fr.   pour  la  France, 
le  pori  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  ;     Ouvr.iges,    un    exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN   PROFESSEUR  SPECIAL  POUR   LES   ETRANGERS 

Officier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
é|ioque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soil  à  un  liliraire  quelconque. 


AVIS. 

Le  Rédacleur  du  Courrier  de  Vaugetas  a  l'honrieur 
d'informer  ses  abonnés  de  Paris  et  de  la  banlieue  qu'il 
n'a  donné  qu'au  jeune  Lucien  Delabranche  l'autori- 
sation de  faire  ses  recouvrements  et  de  s'occuper  de  la 
souscription  qu'il  a  ouverte  pour  la  réimpression  des 
cinq  premières  années  de  son  journal. 

SOM.NLyRE. 
Communication  sur  le  rnot  Prannel; —  D'où  vient  Faire  Char- 
lemagne;  —  .Avis  sur  la  phrase  :  Paul  et  Julien  connaî- 
traient la  société  qu'ils...;  —  Étjmologie  du  mot  Choucroute  ; 
—  Comment  Penser  a  pu  devenir  impersonnel;  —  Pourquoi 
Deux  a  un  double  adjectif  ordinal  ||  Explication  de  H  n'y  a 
pas  mèche;  —Si  l'on  peut  donner  Artisane  pour  féminin  à 
Artisan;  —  Équivalence  AiRien  que  et  de  Seulement.  [I  Passe- 
temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie  de  Gilles  Ménage. 
Il  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Concours  litté- 
raires. Il  Renseignements  à  l'usage  des  professeurs  de  fran- 
çais. 


FRANCE 


GOM.MUXICATION. 

Dans  ma  li''  année,  p.  G",  j'avais  dit  que  praancl 
n'était  «  probablement  »  qu'un  terme  propre  à  l'an- 
cienne population  de  Rouen,  terme  formé  de  paniiei, 
panneau,  enrichi  dune /•  adventice. 

Après  avoir  montré  par  de  nombreuses  citations  em- 
pruntées aux  Actes  normands  de  la  chambrr  des 
Comptes  sous  Philippe  de  Valois  (1328-1330)  que  la 
Normandie  disait  généralement /jawnd  quand  il  s'agis- 
sait d'un  panneau,  et  quCj  si  les  Normands  altéraient 
ce  mot,  ils  en  faisaient  pennel,  l'auteur  d'une  longue 
lettre  qui  m'a  été  adressée  de  Rouen  le  10  mai  dernier 
continus  en  ces  termes  : 

Mnis  si  Prannel  n'est  point  mis  pour  Panne'.,  il  a  tout 
l'air  d'être,  avec  une  légère  altération,  un  autre  mot  usité 


dans  la  langue  des  gens  de  métier,  à  cette  époque.  Ce  mot 
serait  Prosncl,  qui  se  disait,  au  xiv  siècle,  pour  indiquer 
un  travail  en  bois,  destiné  également  à  un  «  degré  », 
comme  le  Prannel  de  la  chambre  où  Jeanne  d'Arc  était 
renfermée. 

Les  mêmes  Actes  normands,  dans  un  compte  «  d'oeuvres 
de  bois  j,  à  l'occasion  des  travaux  exécutés  au  château  de 
Breteui),  à  Pâques  133-2,  contiennent  cet  article  :  »  Item 
pour  faire  deu.\  Prosneaux  ou  degré  du  celier  sous  la  cha- 
pelle, pour  toutes  painnes,  xxs  s.  »  (p.  40J.  Le  singulier 
était  prosneL  que  l'on  trouve  un  peu  plus  loin,  à  propos 
«  des  œuvres  de  fer  »  faites  au  même  château  :  «  Item 
pour  II  crampons  à  tenir  le  Prosnel  qui  est  sous  la  cha- 
pelle, m  s.  ».  Cest  l'un  des  deux  Proyneoua;  mentionnés  plus 
haut. 

Comme  ce  mot  Prosnel  ne  se  rencontrait  pas  plus  que 
Prannel  dans  tous  les  dictionnaires  consultés,  je  désespé- 
rais d'en  connaître  au  juste  le  sens,  quand  le  hasard,  ce 
dieu  des  chercheurs,  m'a  mis  sous  les  yeux  un  mot  auquel 
j'attribus  une  étroite  parenté  avec  lui  :  c'est  le  mot  Pros- 
nel, accompagné  de  sa  définition.  Il  est  dans  le  Diction- 
naire de  la  Moyenne  et  de  la  Basse  latinité  de  Du  Cange, 
édit.  de  Firmin  Didot,  18i5.  A  la  suite  de  l'article  Prosne- 
siuM,  qui  signifie  «  un  câble  pour  amarrer  les  navires  au 
rivage  »,  Du  Cange  lui  donne  comme  synonymes  Prosintum 
rel  Prosnicum,  et  il  ajoute  :  «  At  vero  Gallicum  Prosnel, 
lignum  quoddam  prominens  vel  repagulum  videtur  in  litt. 
rem.  ann.  1416,  ex  Reg.  169,  chartoph.  reg.  ch.  380  :  le 
suppliant  voulant  entrer  audit  hostel  se  hurla  au  Prosnel 
d'icelui.  lelemenl  qu'il  se  bleca  moult  fort  en  la  poitrine  » 
(Tome  V,  p.  486). 

Le  Prosnel  i\s  Du  Cange,  emprunté  à  la  lettre  de  rémis- 
sion de  1416,  semble  une  forme  altérée  du  Prosnel  des 
Actes  normands  de  1332,  puisqu'il  est  très-facile  de  prendre 
un  t  pour  une  «  à  la  Un  des  mot?,  et  qu'ensuite  le  sens 
«  d'une  pièce  de  bois  en  saillie  ou  de  harnere,  de  barrage 
en  bois  n  peut  très-bien  s'applquer  au  Prannel  que  le 
huchier  Gautier  d'Oissel  faisait  .  ou  degré  de  la  chambre 
ou  soulloit  estre  logiée  Jehanne  la  Pucelle  ». 

Tout  cela  se  rapproche  encore  beaucoup,  pour  le  mot  et 
pour  le  sens,  du  Prannel  ou  Pranné,  que  votre  correspon- 
dant d'Algérie  a  signalé  comme  étant  en  usage,  aujour- 
d  hui,  dans  les  Vosges,  «  où  Ion  désigne  ainsi  une  espèce 
de  grille  en  bois  s't  levant  à  la  moitié  de  la  hauteur  de  la 
porte  et  défendant  l'entrée  de  la  maison  »  [Courrier  de 
Vaugetas,  \"  mars  1876,  p.  1G2). 

Mais  je  ne  sais  jusqu'à  quel  point  il  faut  y  voir  t  une 
sorte  de  grille  s'étendant  comme  un  garde-fou,   du  haut 


•26 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


en  bas  de  l'escalier  qui  conduisait  à  la  chambre  de  Jeanne 
d'Arc  »  (Ibid.). 

Pour  décider  la  question,  vous  disiez,  Monsieur  le  Rédac- 
teur, «  qu'il  faudrait  en  quelque  sorte  connaître  l'histoire 
de  l'escalier  qui  conduisait  a  à  la  chambre  de  Jeanne  ». 

A  défaut  de  cette  histoire,  qu'il  parait  impossible  de 
retracer,  et  pour  laquelle  une  visite  à  Rouen  serait  bien 
superflue,  puisque  la  Tour  de  la  Pucelle  est  détruite 
depuis  1809,  voici,  d'après  un  résumé  des  textes  latins 
contenus  dans  les  deux  Procès  de  condamnation  et  de  réha- 
bilitation, publiés  par  M.  Quicherat,  ce  qu'on  sait  de  plus 
certain  sur  la  prison  de  la.  Pucelle.  «  Jeanne  fut  déposée 
au  château  de  Rouen  dans  une  des  deux  tours  entre  les- 
quelles était  située  la  porte  de  derrière,  donnant  sur  les 
champs.  Cette  tour,  appelée  alors  Tour  vers  les  champs, 
contenait  une  chambre  nommée  chambre  du  milieu,  ou 
étage  intermédiaire  (entre  le  soubassement  et  l'étage 
supérieur  de  la  tour).  Dans  cette  chambre,  sa  prison,  on 
montait  par  un  degré  ou  escalier  qui  comptait  huit  mar- 
ches, s  De  là  vient  que  plusieurs  témoins  ont  déposé 
<  qu'ils  la  virent  détenue  et  prisonnière  dans  une  chambre 
assez  obscure  située  sous  un  degré  vers  les  champs  ». 

Si  à  ce  premier  élément  de  décision,  vous  voulez  bien 
joindre  celui  que  je  crois  avoir  rencontré  dans  la  synony- 
mie, évidente  à  mes  yeux,  de  Praanel,  Prosnel  et  Prosnet, 
peut-être  parviendrez-vous,  Monsieur,  à  l'aide  d'autres 
exemples,  à  dissiper  l'obscurité,  ou,  toutau  moins,  l'espèce 
d'incertitude  qui  peut  régner  encore  sur  le  sens  précis  au 
mot  Prannel  fourni  par  le  texte  dû  à  la  découverte  de 
M.  Lèopold  Delisle. 

Jusqu'à  plus  ample  informé,  j'émets  donc  la  conjecture  : 
1°  que  Prannel,  Prosnel  et  Prosnet  sont  synonymes;  ï°  que 
le  Prannel  en  question  peut  bien  être  un  barrage  en  bois 
placé  au  degré  de  huit  marches  qui  conduisait  à  la  chambre 
du  milieu,  située  dam  la  tour  vers  les  champs,  où  Jeanne  était 
prisonnière  au  château  de  Rouen. 

Avec  ces  quelques  remarques,  je  vous  prie  d'agréer, 
Monsieur  le  Rédacteur,  l'assurance  de  ma  considération 
distinguée. 

F.  B. 

Un  0  changé  en  a  n'étant  pas  un  fait  rare  [domina 
adonné  dame;  locusta,  langouste,  etc.)  et  l'introduc- 
tion de  ;•  après  un  p  initial  l'étant  beaucoup  plus,  si 
même  elle  existe,  je  crois  avec  l'auteur  de  cette  commu- 
nication que  prosnel  est  plutôt  l'origine  de  prannel  que 
pannel,  auquel  j'avais  songé  d'abord. 

X 

Première  Question. 
D'où  vient  cette  expression  employée  au  jeu  :  «  faire 
Gharlemagse  n  ?  Je  ne  vois  pas  le  rapport  qu'il  rj  a  entre 
Gharlemagse   et  cette  manière  de  jouer,,  (jénérale)iient 
jugée  défavorablement . 

La  seule  explication  que  je  connaisse  de  cette  expres- 
sion a  été  donnée  en  ces  termes  par  Génin  [Récréât, 
p/til.,  1,  p.  486)  : 

Faire  Charlcmagnc  est  une  expression  du  vocabulaire 
particulier  des  joueurs.  C'est  se  retirer  du  jeu  avec  tout 
son  gain,  ne  point  donner  de  revanche. 

Je  ne  puis  trouver  à  cette  faconde  parler  d'autre  origine 
qu'une  allusion  à  la  mort  de  Cliarlemagne,  arrivée  au 
moment  de  la  plus  grande  puissance  do  l'empire  d'Occi- 
dent. Cliarlemagne  garda  jus(|u'à  la  fin  toutes  ses  con- 
quêtes, et  quitta  le  jeu  de  la  vie  sans  avoir  rien  rendu  du 
fruit  de  ses  victoires.  Le  joueur  qui  se  retire  les  mains 
pleines  fait  comme  Charlemagne,  il  tait  Charlemagne. 

Le  fil3  du  grand  empereur  n'eut  pas  autant  de  bonheur 
que  son  père.  Louis-le-Picux  ne  /il  pas  Charlemagne,  et  ses 


successeurs  pas  davantage.  C'est  justement  ce  contraste 
qui  doit  avoir  donné  naissance  à  cette  expression  assez 
poétique. 

Et  elle  se  présentait  naturellement,  puisque  l'un  des 
quatre  rois  du  jeu  de  cartes  porte  le  nom  de  Charle- 
magne. 

Maintenant  cette  explication  est-elle  la  vraie? 

J'en  doute  fort,  et  je  vais  vous  dire  pourquoi  : 

1°  ^^'auteur  de  cette  expression,  qui  était  Français,  a 
di^i,  pour  la  créer,  se  laisser  guider  par  l'analogie.  Or, 
je  ne  crois  pas  que,  dans  notre  langue,  le  comme  d'une 
expression  semblable  à  faire  comme  Charlemagne 
puisse  jamais  s'ellipser,  attendu  que  ce  mot  est  tout-à- 
fait  essentiel  dans  la  phrase,  en  sa  qualité  de  terme  de 
comparaison.  Par  conséquent  faire  Charlemagne  ne 
signifierait  point  faire  comme  Charlemagne. 

2"  Lorsque  nous  exprimons  par  faire  le  sens  du 
verbe  imiter  suivi  d'un  nom  propre,  nous  employons 
toujours  l'article  défini  devant  ce  nom  ;    ainsi  nous 

disons  : 

Il  fait  le  Crésus. 
11  fait  le  Rodomont. 
11  fait  le  Fierabras. 

Or,  il  n'y  a  point  de  tel  article  dans  faire  Charle- 
magne; d'où  il  suit  que  cette  expression  ne  peut  guère 
vouloir  dire  imiter  Charlemagne  :  c'est  faire  le  Char- 
lemagne qui  signifierait  cela. 

Toutefois,  comme  messieurs  les  joueurs  ne  se  piquent 
nullement  de  connaître  à  fond  les  lois  de  la  syntaxe  ni 
de  les  respecter,  et  que,  d'ailleurs,  il  peut  se  faire 
qu'on  ait  dit  d'abord  faire  le  Charlemagne,  je  me 
garderai  bien,  tant  que  je  serai  dépourvu  de  témoi- 
gnages écrits,  de  m'inscrire  en  faux  contre  l'explica- 
tion qui  précède. 

X 
Seconde  Question. 

Je  profite  de  l'occasion  pour  vous  prier  de  me  dire 
ce  que  vous  pensez  de  cette  phrase  :  «  Paul  et  Jdlien 

COÎiNAiTRAIEM  LA  SOCIÉTÉ  QC'lLS  BOIRAIENT   PLUS  d'EAD  QUE 

DE  VIN.  »  Malgré  sa  forme  irrcguliére,  je  la  crois  cepen- 
dant exacte. 

Dans  notre  langue,  toute  phrase  conditionnelle  com- 
mençant par  quand  mi'me,  lors  même  que,  ou  même  si 
peut  se  tourner  d'une  manière  remarquable  en  obser- 
vant la  règle  suivante  : 

L'expression  conjonctive  se  supprime,  le  verbe  qui  la 
sait  se  met  au  conditionnel  ou  à  l'imparfait  du  sub- 
jonctif, avec  la  forme  interrogative  ou  affirmative  à 
volonté,  puis  un  que  se  place  devant  le  verbe  principal. 
Ainsi  ces  phrases  : 

Quand  même  les  avares  auraient  tout  l'or  du  Pérou,  ils 
en  désireraient  encore. 

A  ce  point  de  vue,  la  doctrine  du  progro.«,  quand  même 
elle  serait  une  illusion,  nous  devrions  la  bénir. 

Quand  même  le  christianisme  périrait,  Saint-Pierre  reste- 
rait encore  le  temple  éternel,  rationnel  de  la  religion  quel- 
conque, etc. 

Lors  même  que  la  pièce  n'aurait  pas  été  interdite  comme 
elle  le  fut,  elle  n'aurait  pas  réussi  davantage. 

ont  été  exprimées  sous  la  l'orme  qui  suit  par  leurs  au- 
teurs respectifs  : 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


27 


Les  avares  auraient  tout  l'or  du  Pérou,  îk'iIs  en  dési- 
reraient encore. 

(Cité  par  Girault-Duvivier.) 

A  ce  point  de  vue,  la  doctrine  du  progrès  fût-elle  une 
illusion,  que  nous  devrions  la  bénir. 

(Eug.  Pelletan,  le  Monde  marche,  p.  18.) 

Le  christianisme  p^nYa/Vjue  Saint-Pierre  resterait  encore 
le  temple  universel,  éternel,  rationnel  delà  religion  quel- 
conque qui  succéderait  au  culte  du  Christ. 

[Lamartine.  Gr-a^iella,  p.  18. J 

La  pièce  n'eût  pas  été  interdite  comme  elle  le  fut  i?i(elle 
n'eût  pas  réussi  davantage. 

(Jules  Claretie.) 

Or,  la  phrase  que  vous  me  proposez  peut  recevoiruii 
tour  identique  à  celui  des  premières  que  j'ai  citées 
plus  haut,  tour  qui  est  celui-ci  : 

Quand  même  Paul  et  Julien  connaîtraient  la  société,  ils 
boiraient  plus  d'eau  que  de  vin. 

J'en  conclus  naturellement  que,  loin  d'être  irrégu- 
lière comme  vous  le  dites,  cette  phrase  celle  que  vous 
me  donnez  à  apprécier)  est.  au  contraire,  dune  cons- 
truction parfaitement  conforme  à  la  règle. 

X 
Troisième  Question. 
Je  i-otts  serais  très-obligé  de  vouloir  bien  m'expliqunr 
comment  le  verbe  penseu  a  pu  arriver  à  s'employer  im- 
personnellement comme  dans  cette  phrase  trouvée  dans 
GiL  Blas  :  «  Camille  et  don  Raphaël  lui  donnèrent 
une  si  forte  envie  de  rire,  quw.  en  pensa  coûter  la 
vie  au  vieux  goutteux.  » 

Au  passé  et  suivi  d'un  infinitif,  le  verbe  penser 
s'emploie  fréquemment  avec  le  sens  de  courir  le  danger, 
le  risque  dr  ;  ainsi  on  dit  : 

Il  a  pense  mourir  (il  a  été  sur  le  point,  il  a  couru  le  dan- 
ger de  mourir). 

11  a  pensé  tomber  (il  a  couru  le  risque  de  tomber). 

Mais  coitrir  le  risque,  le  danger  de  se  dit  aussi  man- 
quer de;  pour  cette  raison  penser  s'est  employé,  dans 
les  mêmes  circonstances,  comme  synonyme  de  ce  der- 
nier, et  cela,  en  parlant  des  choses  tout  aussi  bien  que 
des  personnes  : 

(En  parlant  des  personnes; 

Je  pris  certain  auteur  autrefois  pour  mon  maître  ; 
Il  pensa  me  gâter;  à  la  fin,  grâce  aux  dieux,  etc. 

(La  Fontaine,  Notice.) 

Ce  chien,  voyant  sa  proie  en  l'eau  représentée, 
La  quitta  pour  l'image,  et  se  pensa  noyer. 

(Idem,  fnble  VI.  7.) 

(En  parlant  des  choses) 

Madame  de  Vins  est  encore  ici,  les  autres  à  Pompone; 
leur  hôtel  de  Paris  a  pcyisé  brûler. 

(SévignéA  Butty,  Sjanv.  1689.) 
C'était  à  elle  à  qui  elle  écrivait  ces  lettres  si  étranges  que 
le  roi  vit  et  qui  la  pensèrent  perdre  à  la  mort  de  Mon- 
sieur. 

(Saint..Simon,  357,  3i5.) 

La  fatigue  et  sa  blessure  lui  causèrent  une  fièvre  avec  un 
transport  au  cerveau  qui  pensa  l'emporter. 

(Lesage,  Gil  Blns,  p.  137.) 

Or,  comme  le  verbe  manquer  suivi  d'un  infinitif 
peut  très-bien  s'employer  impersonnellement  dans  ce 
cas,  il  en  a  été  naturellement  de  même  pour  son  syno- 


nyme/;e??«e/-,  comme  en  font  foi  ces  citations,  indépen- 
damment de  votre  propre  phrase  : 

M.  Bianchini  ne  manqua  pas  de  sentir  toute  la  joie  d'an 
antiquaire  et  de  se  livrer  à  sa  curiosité;  il  pensa  lui  en 
coûter  la  vie;  il  allait  tomber  de  quarante  pieds  de  haut 
dans  ces  ruines. 

(Fontenelle,  Binnchiiti,) 

Il  pensa  bien  y  avoir  en  Orient  à  peu  près  la  même  révo- 
lution qui  arriva,  il  y  a  environ  deux  siècles,  en  Occi- 
dent. 

(Montesquieu,  Rom.,   aa.) 

X 

Quatrième  Question. 

Comment  se  fait-il  que  notre  langue  ait  deu.r  noms 

de  tiombre  ordinaux,  second  et  deuxième,  correspondant 

à  DEUX,  tandis  quelle  n'en  a  qu'un  pour  chacun  des 

autres  nombres  cardinaux? 

En  latin,  tous  les  noms  de  nombre  ordinaux,  depuis 
et  y  compris  dix,  se  terminaient  par  imus.  Cette  termi- 
naison prit  en  français  la  forme  ime,  isyne,  iesme  [de- 
venu ième),  laquelle,  jointe  à  nos  noms  de  nombre  car- 
dinaux, donna  les  ordinaux  : 

El  disme  meis,  el  dlsme  jur  del  meis,  vint  Nabugodo- 
nosor,  li  reis  de  Babilonie  à  tute  se  ost  à  Jérusalem. 

{Rois.  p.  434.) 

Mais  cil  dedenz  tindrent  la  cited  jesque  al  unzime  an  lu 
rei  Sedechie. 

(Idem.) 
Al  quarantimein  pois  que  David  vint  à  Achimelech. 

(Idem,  p.  i73.) 

Quant  aux  numéraux  ordinaux  au-dessous  de  dix 
excepté  septimvs,  qui  avait  la  même  finale  que  ceux 
qui  surpassaient  ce  nombre  ,  c'est-à-dire  primus,  se- 
cundus,  tertius,  quartus,  quintus,  sexlus,  octavus  et 
nom/s,  ils  ont  donné  prime,  second,  tiers,  quart,  quint, 
siste,  octave,  none,  comme  le  montrent  ces  exemples: 
Pramis  out  riches  duns  e  la  maistre  cunestablie  à  celi 
ki  primes  en  la  cited  enterreit. 

(Rois.  p.   |37.) 

La  seconde  bataille  fistQuesnesde  Bethune...  la  tierce  flst 
Payens  d'Orliens...,  la  quarte  flst  .\nseaus  de  Caïeu;  et 
Baudoins  de  Biauvoir  la  quinte;  Hues  de  Biaumes  fist  la 
siste. 

(Villehardouin,  éd.  P.  Paris,  paragr.  161  ) 

Ces  lestres  furent  faites  à  Namur  le  mercredy  après  la 
feste  sainct  Barnabe  l'apostre,  an  l'an  del  incarnacion 
Nostre  Signor  m.  ce.  et  xlvii,  en  l'oitaue  an  de  nostre 
empire. 

(Du  Chesne,  Hist.  gén.  des  D.  de  Bourç.,   Preuves,  p.   139.) 

Et  dura  le  poingneis  [combat]  du  soleil  levant  jusqu'à  la 
none  [sous-ent.  heure]. 

(Hayton,  la  Fleur  des  hist.,  cité  par  Roquefort,  art.  None.) 

Or,  le  plus  grand  nombre  des  adjectifs  ordinaux 
étant  terminés  par  ime,  i.tme,  on  donna,  par  imitation, 
cette  môme  finale  à  ceux  qui  ne  l'avaient  pas  reçue 
directement  du  latin;  on  fit  unième  (après  un  autre 
nom  de  nombre!,  deuxième,  troisième,  quatrième,  cin- 
quième, sixième,  septième,  huitième,  neuvième,  qui, 
dès  le  XII"  et  xiii"  siècle,  s'employèrent  concurremment 
avec  second,  tiers,  quart,  quint,  siste,  octave  et  nône  : 

Si  aucuns  estoit  rateiz  faccuséj  d'omicide,  et  tesmOigtie* 
n'f'Stoit,  lui  vint-unismc  se  discolperolt. 

(Hixt.  dr  M11I-!.  p«r  les  Bénéd  ,  t.   III.  Preo»    p.  i^-j.) 


28 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


La  cinquime  plaie  receut-i!  quant  ses  espiriz  en  fut  jai 
aleiz. 

iSerm*  de  Saint-Bernard,  p.  54o.) 

Lors  se  herbergierent  au  shiesme  jor  en  un  moût  bieau 
lieu,  lès  un  ohastel  qu'on  apele  le  Franc. 

(Villehardouin,  éd.  F.  Paris,  par.igr.  l6ï.) 

L'iulime,  par  iteil  devise, 
Quant  par  sa  sainte  Anoncion 
Dou  Saint-Esperit  fus  emprise; 
La  nuevime  t'asompsions. 

(Rutebeuf,  t.  II,  p.   |7.) 

Puis  la  terminaison  ième  [ime,  isme)  flnit  par  l'em- 
porler;  neuviùme,  huitième  et  sixième  remplacèrent 
complètement  none,  octave  et  siste;  cinquième,  qua- 
trième et  troisième  remplacèrent  quint;  quart  et  tiers 
(qui  ne  sont  plus  employés  que  comme  adjectifs  dans 
certaines  expressions  consacrées  :  le  tiers-état,  la 
fièvre  tierce,  la  fièvre  quarte,  Charles-Quint,  Sixte- 
Quint],  et,  de  ces  mots  d'origine  latine,  il  ne  nous  est 
plus  resté  que  second,  dont  l'emploi  a  persisté  jusqu'à 
nos  jours,  malgré  la  forme  régulière  de  deuxième,  son 
compétiteur. 

Telle  est  la  raison  pour  laquelle  le  nom  de  nombre 
deux  a  un  double  correspondant  ordinal  en  français. 


Cinquième  Question. 

Quelle  est  l'éttjmologie  du  mot  choucroute?  Est-ce 
que  ce  serait  croûte  pour  croûton  :  croûton  de  chou? 

Voilà  un  de  ces  cas  où  il  faut  bien  se  garder  de 
juger  sur  l'apparence. 

Le  mot  choucroute  est  la  corruption  du  mot  allemand 
sauerkraut,  composé  de  sauer,  adjectif  signifiant  sur 
(aigre)  et  de  kraut,  substantif  signifiant  herbe,  et  se 
prenant  aussi  pour  chou.  De  sorte  que,  dans  le  terme 
français  en  question,  chou  n'a  rien  de  commun  avec 
le  légume  ainsi  appelé,  et  croûte  n'est  point  de  la 
famille  de  croûton. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

Voudriez-vous  bien  me  dire  ce  que  signifie  littérale- 
ment l'expression  il  n'i  i.  pas  mèche?  car  je  ne  puis 
comprendre,  en  m'aidant  de  tous  les  sens  du  mot 
MÈCHE,  comment  cette  expression  peut  signifier  il  n'ï  a 

PAS   MOYEN. 

Je  crois  que,  dans  cette  expression,  le  mot  mèche 
n'est  autre  que  l'italien  mezzo,  moyen,  pourvu  d'une 
terminaison  française. 

En  effet,  la  phrase  il  n'y  a  pas  moyen  de  faire  cela 
se  dit  au-delà  des  Alpes  : 

Non  c'è  mezio  di  far  la  tal  cosa. 

Or,  mezzo,  qui  se  prononce  tneizo  en  italien,  a  par- 
faitement pu,  à  l'époque  où  il  était  de  mode  d'italia- 
niser la  langue  française,  sonner  chez  nous  d'abord 
messe  et  ensuite  mèche,  la  consonne  finale  s  ayant  été 


fréquemment  prononcée  comme  ch  (on  a  dit  parroche 
pour  paroisse,  semenche  pouv  semence,  mercherie  pour 
mercerie,  etc.,  et,  au  xvi''  siècle,  on  disait  capuchin 
pour  capucin) . 

D'ailleurs,  je  trouve  dans  le  Glossaire  du  centre  de 
la  France  que  le  mot  miche  s'emploie  pour  mi  (moitié), 
médium  (moyen).  Le  mot  qui  diffère  si  peu  de  mèche 
et  qui  a  la  même  signiQcation  que  mezzo,  ne  vient-il  pas 
démontrer  que  mèche  a  bienjnesso  pour  élymologie? 

X 

Seconde  Question. 

Peut-on  employer  le  mot  artisane  comme  féminin  de 
ARTISAN?  Les  dictionnaires  que  je  possède  n'indiquent 
pas  ce  féminin;  mais  il  me  semble  aussi  naturel  que 
paysanne,  qui  est  celui  de  paysan. 

M.  Littré  fait  la  remarque  suivante  : 

L'Académie  ne  donne  pas  le  féminin  artisanc.  Cependant 
les  lexicogi-aplies  réclament  l'enregistrement  de  ce  mot, 
qui  en  effet  se  dit  :  une  artisane,  la  femme  d'uu  artisan  ; 
la  classe  artisane,  la  classe  des  artisans.  Dans  les  anciens 
dictionnaires,  on  trouve  noté  que  artisane  ne  se  dit  qu'au 
figuré  :  la  sagesse  est  l'artisane  de  toutes  choses. 

D'un  autre  côté,  j'ai  trouvéces  exemples  dans  Larousse 
{Grand  Diction,  du  xix^  siècle)  : 

Dans  la  pastorale  d'aujourd'hui,  les  ariisanes  remplacent 
les  bergères. 

(H.  Rigault.) 

Habituez-vous  à  l'idée  de  vous  suffire,  comme  d'honnêtes 
artisanes  doivent  et  peuvent  le  faire. 

(George  Sand.) 

Elle  est  née  au  Croisil,  et  se  nomme  Suzanne, 
Or,  un  noble  l'épou.se,  elle,  simple  artisane. 

(Brizeuv.) 

Cela  m'autorise  à  croire  qu'aujourd'hui  le  mot  arti- 
sane peut  s'employer  dans  le  sens  propre,  et  que  s'il  n'a 
pas  été  enregistré  dans  l'édition  de  l'Académie  parue 
en  1835,  il  le  sera  très-certainement  dans  celle  qui 
se  prépare  depuis  quelques  années. 
X 
Troisième  Question. 

Est-il  permis  d'employer  rien  que  pour  seulement, 
comme  dans  cette  phrase  :  «  Nous  déclarons  être  fort 
humiliés  rien  qu'a  /«  pensée  que  nous  avons  failli 
obtenir  quelque  chose  »  ;  et,  dans  l'affirmative,  com- 
ment expliquer  l'équivalence  de  ces  expressions  ? 

L'expression  rien  que  s'emploie  très-bien  pour  seule- 
ment, à  la  seule  condition  d'être  précédée  de  la  négative 
ne  quand  rien  est  régime  direct  : 
[Rien  remplit  ce  rôle) 

Il  s'aperçoit  qu'il  n'a.  tiré 
Du  fond  des  eaux  rien  çit'une  bète. 

(La  Fontaine,  fable  IV,  7.) 

Et  plusieurs  qui  tantôt  ont  appris  mon  martyre 

Bien  loin  d'y  prendre  part,  «'en  ont  rien  fait  jue  rire. 

(Molière,  Kgan.,    16.) 

Ce  qu'il  avait  vu  arriver  à  tant  de  sages  vieillards,  qui 
semblaient  n'être  plus  rien  que  leur  ombre  propre,  le  ren- 
dait continuellement  attentif  à  lui-môme. 

(DoMuet,  It  TtUier.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


29 


I 


{liirn  n'est  pas  régime  direct; 
Rien  que  d'y  penser,  je  gage 
Qu'il  meurt  presque  en  ce  moment. 

(Déranger,  Bill  d'enlerr.) 

Il  les  domine  tous  rien  que  par  ses  tombeaux. 

(V.  Hugu,  Ùil,!,  m,  5.) 

Quanta  lexplication  de  cette  équivalence,  elle  n'est 
pas  difficile  adonner.  En  effet,  soit  la  phrase  suivante  : 

J'ai  seulement  quelques  livres. 
On  peut  la  tourner  par  cette  autre  : 

Je  n'ai  rien  autre  que  quelques  livres, 
laquelle  peut  se  réduire  à  ces  termes,  par  une  ellipse 
qui  se  pratique  fréquemment  : 

Je  n'ai  rien  que  quelques  livres. 
D'où  il  résulte  que,  au  point  de  vue  de  la  construc- 
tion, l'expression  rien  que  équivaut  à  l'adverbe  seule- 
ment. 


PASSE-TEMPS  GRA.M.MATIGAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

!•  ...  Me.ssieurs,  dit-it  en  commençant  d'une  "voix  forte  [voir 
Courrier  de  Vaugelas,  b'  année,  p.  51,  153  et  186;;  —  2°  ...  ni 
la  séduisante  somnambule  ni  moi  ne  serons  [quand  le  sujet  se 
compose  de  mots  de  différenics  personnes,  le  verbe  se  met  au 
pluriel  et  à  la  personne  dont  le  chiffre  d'ordre  est  le  moins 
élevé];  —  3"  ...  ne  s'est  p.HS  laissé  arrêter  [la  commission  n'arrê- 
tait pas;  voir  Courrier  de  Vaugelas,  'i'  année,  p.  25|;  — 
4*  ...  que  la  cessation  prompte  [cession  est  le  substantif  qui 
correspond  au  verbe  céder];  —  5°  ...  que  j'ai  lit  depuis  célébrer 
comme  [participe  invariable,  parce  que  les  gens  ne  célébraient  pas]  ; 
—  6°  ...  que  leur  vigilance  /i  était  faprés  le  que  qui  suit  un 
comparatif  d'Inégalité,  on  emploie  la  négative  ne]  ;  —  7"  ...  qu'ils 
s'entendissent  les  uns  les  autres  l'imparfait  du  subjonctif  à 
cause  de  voudrait,  et  les  uns  les  autres,  parce  qu'il  s'agit  d'une 
action  réciproque];  —  8-  ...  il  est  à  craindre  que  les  mêmes 
menaces  ne  soient  faites  ;  —  O" ...  la  belle  Lydia,  revenue  de  Per- 
pignan [voir  Cown/c;- rfe  Vaugelas,  5'  année,  p.  172];  —  10°  ... 
des  deux  jeunes  caissiers  in/idéles  [l'expression  en  rupture  de 
caisse  ne  vaut  pas  mieux  que  en  rupture  de  collège  apprécié 
dans  le  Courrier  de  Vaugelas,  ï'  année,  p.  13]. 

Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1*  Ce  voyage,  dit  la  Presse,  ne  laisse  pas  que  d'exercer 
une  influence  considérable  sur  les  relations  intérieures  de 
l'empire. 

2*  Sur  quatre-vingt-six  préfets,  deux  ont  protesté  contre 
l'affirmation  de  la  République  formulée,  dans  l'Allier  et 
l'Eure-et-Loir,  par  les  présidents  des  conseils  généraux. 

3°  La  famine  s'est  tout-à-coup  manifestée  dans  le  Durb- 
hanga  et  dans  le  nord  du  Thibet  avant  que  le  gouverne- 
ment ait  pu  faire  parvenir  aux  populations  de  ce  pays  le 
grain  qu'il  leur  destinait. 

4°  Ou  quand  ils  ont  essayé  de  se  créer  des  candidats  à 
eux,  ils  n'ont  jamais  osé  leur  permettre  d'arborer  franche- 
ment leur  cocarde. 

5*  Mais  ce  qu'un  gouvernement  régulier  ne  saurait  tolé- 
rer, c'est  que  l'armée  prit  part  à  des  manifestations  poli- 
tiques, eussent-elles  un  caractère  à  moitié  religieux. 

6*  On  nous  observe  que  beaucoup  de  nos  abonnés  sont 
en  villégiature. 


7°  Malgré  ses  78  ans,  Mgr  de  la  Hailandière  a  supporté 
la  route  sans  aucune  faiblesse.  Dans  cette  journée, 
l'honorable  prélat  n'avait  pas  marché  moins  de  14  kilo- 
mètres. 

8*  De  même  que  sur  les  planches  il  fut  d'une  race  autre 
que  ceux  qui  l'entouraient,  il  avait  conservé  jusqu'à  la 
fin  la  folie  et  l'insouciance  de  celte  belle  génération  de 
1830. 

9°  Un  petit  homme,  ressemblant  comme  deux  gouttes 
4'eau  à  M.  Thiers,  arrive  pour  voter  :  —  Bravo!  monsieur 
■Thiers,  crie  quelqu'un. 

10*  Et,  quelques  profondes  que  soient  les  convulsions  de 
l'anarchie  urbaine,  tant  que  les  populations  rurales  auront 
voix  au  chapitre,  le  dernier  mot  leur  restera. 
{Les  corrections  à  quinzaine.) 

FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVIl-  SIÈCLE. 

Gilles  MÉNAGE. 

(Suite.) 

.S'il  faut  (lire  Don  Jouan  d'Autriche,  oh  Don  Jean 
d'Autriche.  —  .\  la  Cour,  on  dit  ordinairement  Don 
Jouan  d'Autriche;  mais  on  peut  fort  bien  dire  aussi 
Don  .lean  d'Autriche.  Cependant,  quand  on  «  n'ajuste  » 
point  d'.iutrichr.  il  est  mieux  de  dire  Don  Jouan  que 
Don  Jean. 

Oii  queyjour  en  quelque  lieu  que.  —  Cette  façon  de 
parler  se  trouve  dans  plusieurs  auleurs  tant  anciens 
que  modernes;  mais  nonobstant  toutes  ces  autorités, 
.Ménage  la  regarde  comme  vicieuse,  et  conseille  aux 
autres  de  ne  s'en  point  servir. 

.S'(Y  faut  dire  les  vacances  ou  les  vacations.  —  A 
Paris,  on  dit  t-acationx  en  parlant  des  juridictions,  et 
vacances  en  parlant  des  collèges. 

Noms  de  genre  douteux.  —  Dans  toutes  les  langues 
il  y  a  des  noms  de  genre  «  douleus  ».  Voici  la  liste  de 
ceux  qui  le  sont  dans  la  notre   167'2]  : 

Ahijsme.  11  est  incontestablement  du  masculin. 

Affaire.  Jadis  il  était  du  masculin,  inais  actuellement 
il  est  féminin. 

Aide.  Masculin  quand  il  signifie  aide  à  «masson»; 
mais  féminin  quand  il  signifie  secours. 

Aigle.  Au  propre,  il  est  «  masle  et  femelle  ».  Au 
figuré,  il  est  masculin  en  terme  de  blason  :  un  aigle 
becqué  et  membre;  mais  on  dit  les  aigles  romaines  pour 
dire  ['Empire  romain,  quoique  quelques-uns  le  fassent 
masculin  dans  cette  signification. 

Alcôve.  M.  .Miton,  un  des  hommes  de  France  qui 
«sait»  le  mieux  la  langue  française,  le  croit  mascu- 
lin; Ménage  le  croit  féminin. 

Amour.  Il  était  autrefois  féminin  ;  depuis  il  a  été  des 
deux  genres,  et  aujourd'hui,  dans  la  prose,  il 
n'est  plus  que  masculin,  soit  qu'on  parle  de  l'amour 
divin  ou  de  l'amour  profane.  En  poésie,  il  est  toujours 
«  hermaphrodite  »  bien  que  le  masculin  soit  le  plus 
souvent  employé. 


30 


.E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Apsinthe.  Malherbe  l'a  fait  masculin  et  féminin. 

Armoire.  Les  Gascons  le  font  toujours  masculin  ;  il 
est  absolument  féminin. 

Àutonne.  Anciennement  masculin,  conformément  au 
latin  aulumnns.  On  l'a  fait  du  féminin  depuis,  et  Mé- 
nage le  croit  des  deux  genres. 

Comète.  Le  genre  de  ce  mol  fut  fort  agité  à  la  Cour 
durant  l'apparition  de  la  dernière  comète.  Ménage  pense 
qu'il  est  du  féminin  quoique  en  grec  et  en  latin  il  soit 
du  masculin. 

Couple.  Autrefois,  tout  le  monde  disait  îinr  couple  de 
pigeons,  une  couple  de  tourterelles  comme  plusieurs  le 
disent  encore  (1672).  Aujourd'hui,  on  dit  plus  commu- 
nément u»  couple  de  pigeons,  un  couple  de  tourterelles. 
Les  chasseurs  disent  aussi  un  couple  de  chiens  non- 
seulement  de  deux  chiens  attachés  ensemble,  mais 
aussi  du  lien  qui  les  attache.  On  dit  toujours  un  couple 
d'amants. 

Dot.  Vaugelas  veut  qu'on  dise  le  dot,  comme  aussi 
d'Ablancourt;  l'avocat  Patru  dit  toujours  la  dote  avec 
un  e  final,  donnant  pour  raison  qu'il  n'y  a  aucun  nom 
en  ol  dans  notre  langue  qui  sonne  ote;  mais  Ménage 
est  d'avis  que  l'on  continue  à  dire  la  dot. 

Doute.  Ce  mot  a  d'abord  été  féminin,  car  il  vient  du 
latin  barbare  dubita;  mais  il  n'est  plus  aujourd'hui 
que  masculin. 

Ebéne.  Il  est  fait  du  féminin  par  tous  les  ébénistes. 

Enfant.  En  parlant  à  une  jeune  fille,  on  dit  depuis 
quelques  années  ma  belle  enfant,  ma  chère  enfant. 

Epigramme.  Ce  mot  est  des  deux  genres. 

Foudre.  Au  figuré,  il  est  toujours  masculin;  au 
propre,  on  le  fait  le  plus  souvent  féminin. 

Fourmi.  Tous  les  auteurs  modernes  le  font  du  fémi- 
nin, mais  le  peuple  le  fait  toujours  du  masculin. 

Garderobe.  Pour  désigner  une  petite  chambre,  fémi- 
nin. Pour  désigner  une  toile  que  les  femmes  et  les 
petits  enfants  portent  pour  conserver  leurs  habits, 
masculin. 

Gens.  Masculin  dans  la  signification  de  domestiques, 
de  soldats,  d'officiers  de  justice;  mais  dans  celle  de  per- 
sonnes, il  est  féminin  si  l'adjectif  le  précède,  et  mascu- 
lin s'il  le  suit.  Toutefois,  il  y  a  une  exception  pour 
tout  :  quand  le  mot  gens  le  suit,  ce  mot  est  toujours 
du  masculin  :  tous  les  gens  de  bien,  tous  les  honncstes 
f/ens. 

Horloge.  Les  Normands  le  font  masculin  :  la  rue  du 
gros  horloge;  et  c'est  aussi  de  ce  genre  que  le  font  les 
Gascons  et  les  Provençaux;  mais  il  est  féminin. 

Ihimne.  Beaucoup  d'auteurs  l'ont  fait,  masculin. 
D'après  Ménage,  il  est  des  deux  genres. 

Idole.  U  est  féminin,  quoique  plusieurs  l'aient  fait 
masculin. 

Afinuit.  Il  a  été  autrefois  des  deux  genres;  il  n'est 
plus  que  du  masculin. 

Navire.  Vaugelas  soutient  que  ce  serait  faire  une 
faute  que  de  l'employer  au  féminin.  Ménage  dit  que  ce 
n'en  serait  pas  une  en  vers,  car,  attendu  que  la  poésie 
aime  les  locutions  extraordinaires,  il  s'y  emploie  mieux 
qu'au  masculin. 


Œuvre.  Vaugelas  dit  qu'au  pluriel  et  dans  le  sens 
d'action,  il  est  toujours  féminin  ;  cependant  on  dit  aussi 
le  grand  œuvre  pour  signifier  \3.  pierre  philosophale. 

Opuscule.  Amyot  a  dit  :  Fin  de  tous  les  opuscules  de 
Plutarque.  Nous  dirions  présentement  (1672)  de  toutes 
les  opuscules. 

Oratoire.  Vaugelas  le  veut  masculin  ;  mais  s'ap- 
puyant  sur  les  mots  escritoire  et  armoire,  de  même 
terminaison,  qui  sont  féminins,  beaucoup  de  personnes 
le  font  du  féminin. 

Ordre.  Vaugelas  veut  qu'on  dise  les  saintes  Ordres 
et  les  Ordres  sacrez.  11  se  trompe  ;  ordre  est  actuelle- 
ment toujours  masculin. 

Orgue.  Masculin  au  singulier  et  féminin  au  pluriel. 

Personne.  Il  est  masculin,  quand  il  signifie  nul, 
comme  dans  personne  n'est  icy  venu,  et  il  est  aussi 
masculin  en  quelques  endroits  dans  la  signification  de 
personne. 

Reguelice.  On  dit  du  reguelice  et  de  la  reguelice;  ce 
dernier  est  le  meilleur  comme  plus  conforme  à  l'origine 
gbjcyriza. 

Reste.  Il  est  masculin,  excepté  dans  l'expression  à 
toute  reste,  comme  l'a  fort  bien  remarqué  le  P.  Chiflet. 

Sphinx.  Les  uns  le  font  masculin,  les  autres  fémi- 
nin, d'où  l'on  peut  conclure  qu'il  est  des  deux  genres. 

Constructionsbizarreset  irrégulières.  —  Aux  exemples 
de  locutions  établies  contre  la  règle  que  cite  Vaugelas, 
.Ménage  en  ajoute  quelques  autres;  ainsi  au  lieu  de 
ayant  fait  la  revue  de  ses  troupes,  il  trouva  une  partie 
de  ses  hommes  morts  et  le  reste  se  sauva  par  la  connois- 
sance  qu'ils  avoient  du  pays,  il  faudrait  dire,  pour 
parler  régulièrement  :  il  trouva  une  partie  de  ses 
hommes  morte,  et  par  la  connoissance  qu'il  avoit  du 
pays  :  mais  ce  serait  parler  «  alleman  »  en  français  que 
de  s'exprimer  de  la  sorte. 

La  voicy  qu'elle  vient.  —  Mauvaise  expression  qu'a 
employée  Racan  ;  il  faut  dire  la  voicy  qui  vient. 

Couvent  et  couvent.  —  La  plupart  des  religieux 
disent  et  écrivent  convent,  à  cause  du  latin  convcntus. 
.Mais  il  faut  dire ,  couvent ,  mot  dont  nous  avons 
changé  \'n  en  u  comme  dans  couster,  de  constare;  dans 
époux  de  sponsus;  dans  cousu,  de  consutus;  dans  mou- 
ceau,  de  monticellus. 

S'il  faut  dire  Joiier  à  boule  vue  ou  Joiier  à  bonne 
vue.  —  Pasquier  et  Henri  Estienne  veulent  qu'on  dise 
joiier  à  bonne  vue;  mais  ils  se  sont  mépris.  Il  est  cer- 
tain qu'il  faut  dire  joiier  à  boule  vue.  C'est  ainsi  que 
tout  le  monde  a  toujours  parlé  et  parle  encore  mainte- 
nant. Mais  il  y  a  une  différence  entre  ^owe;-  à  boule  vue 
et  faire  quelque  chose  à  boule  vue  :  le  premier  signifie 
sûrement,  et  le  second,  à  la  légère,  inconsidérément, 
sans  y  avoir  pensé,  ce  qui  est  un  sens  contraire. 

(£a  suite  au  prochain  numéro.) 
Lf.  RKUACTEOii-GiiBiNT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


31 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Vraie  Marie-Antoinette,  d'après  la  correspon- 
dance secrète;  par  Georges  Avenel.  2"  édition  In-32, 
117  p.  Paris,  lib.  Illustrée.  ' 

Paris,  sfs  organes,  ses  fonctions  et  sa  vie  dans 
la  seconde  moitié  du  XIX»  siècle  ;  par  Maxime  Du 
Camp.  S"  édition.  T.  ] ,  2,  3  et  U-  In-18  Jésus,  16/i4  p. 
Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  Cliaque  volume  3  fr.  50 

Les  Sabotiers  de  la  Forêt-Noire;  par  Emmanuel 
Gonzalès.  \n-U°  à  2  col.,  70  p.  Paris,  bureau  du  Siècle. 
1  fr.  20. 

Le  Vieux  pilote;  par  Henri  Guénot.  Gr.  in-8°,  325  p. 
et  grav.  Limoges,  lib.  Barbou  frères. 

De  la  Loire  aux  Pyrénées;  par  la  comtesse  de  La 
Grandville.  Gr.  in-8°,  320  p.  et  grav.  Paris,  lib.  Lefort. 
U  fr. 

Histoire  de  la  Bastille  depuis  sa  fondation  ()37i) 
jusqu'à  sa  destruction  (1789).  Ses  prisonniers,  ses 
gouverneurs,  ses  archives,  détails  des  tortures  et  sup- 
plices usités  envers  les  prisonniers,  etc.  ;  par  Auguste 
Maquet,  A.  Arnould  et  Alboize.  61=  à  135«  livraisons  (fini. 
In-Zi"  à  2  col.,  /i81-781  p.  Paris,  lib.  Bunel.  10  centimes 
la  livraison. 

Le    Roman    d'une   jeune    fille     (1770-1794);    par 


Ernest  Daudet.  2=  édition.  In- 18  Jésus.  381  p.  Paris,  lib. 
Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Histoire  de  l'Amérique  du  Sud  depuis  la  conquête 
jusqu'il  nos  jours;  par  Alfred  Deberle.  ln-18  Jésus. 
vii-388  p.  Paris,  iib.  Germer  Baillière.  3  fr.  50. 

Madame  Des  Grieux;  par  Léonce  Dupont.  In-18 
Jésus,  \\-^9l  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Comment  on  aime;  par  Etienne  Enault.  ln-û°  à  2  col.. 
200  p.  Paris,  bureau.\  du  Siècle.  2  fr.  50. 

Le  Dragon  rouge;  par  Léon  Gozlan.  In-i"  à  2  col.. 
81  p.  Paris,  bureaux  du  .Siècle.  1  fr.  2U. 

Mémoires  du  comte  de  Grammont,  histoire  amou- 
reuse de  la  cour  d'.Angleterre  sous  Charles  II;  par 
Antoine  Hamilton.  Réimpression  conforme  à  l'édition 
princeps  (1713).  Préface  et  notes  par  Benjamin  Pifteau: 
frontispice,  6  eaux-fortes  par  J.  Chauvet,  lettres,  fleurons 
et  culs-de-lampe  par  Léon  Lemaire.  In-8".  xxxii-307  p. 
Paris,  lib.  Bonnassies.  20  fr. 

En  Karriole  à  travers  la  Suède  et  la  Nor-wége  ; 
par  Albert  Vandal.  Ouvrage  enrichi  de  gravures  sur  bois 
dessinées  par  L.  Breton,  d'après  des  photogr.  et  des 
croquis.  In-18  jésus,  ZiOl  p.  Paris,  lib.  Pion  et  Cie.  U  fr. 

L'Ami  Fritz;  par  Erckmann-Chatrian.  In-18  jésus. 
35i  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr. 


Publications  antérieures  ; 


AVENTURES  PRODIGIEUSES  DE  TARTARI.N  DE  TA- 
RASCOiN.  —  Par  Alpho.^se  D.\udet.  —  Paris,  E.  DeiUu, 
éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de  lettres,  Palais- 
Royal,  17  et  19,  galerie  d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr. 


LACRYM.E  RERUM,  MELODIES  I.NTIMES.  —  Poésies, 
par  Lucien  P.\té.  —  2  vol.  in-18  jésus.  —  Paris,  librairie 
des  Bibliophiles,  338,  rue  St-Honoré.  —  2  fr.  le  volume. 


LES  PETITS  DRAMES  RUSTIQUES,  scènes  et  croquis 
d'après  nature.  —  Par  F.  Fertiault.  —  Paris,  librairie 
académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35,  quai 
des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr, 


LES  DANSEUSES  DU  CAUCASE.  —  Par  Eni.maisuel 
Gonzalès.  —  Illustrations  de  Ed.  Yon.-  —  Paris,  E.  Dentu, 
éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de  lettres.  — 
Palais-Royal,  15-17-19,  galerie  d'Orléans.  —  Prix: 
3  fr.  50. 


MADELEINE.  —  Par  Jlles  Sandeau.  —  Ouvrage  cou- 
ronné par  l'Académie  française  dans  sa  séance  du 
22  juillet  18Ù7.  ■—  Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires- 
éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germaiu.  —  Prix  : 
3  fr.  50. 


MADEMOISELLE  DE  MAUPIN.  —  Par  Théophile  Gau- 
tier. —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


MANUEL  ÉLÉMENTAIRE  DE  MORALE  à  l'usage  d6S 
écoles  primaires  et  des  cours  d'adultes.  —  Par  Ch.  PomsON. 
—  Ouvrage  couronné  par  la  Société  pour  l'i:istruction 
élémentaire.  —  Prix  :  50  centimes.  —  Paris^  librairie  de 
l'Écho  de  la  Sorbonne,  h!i.  rue  des  Ecoles. 


L'ART  ET  LES  ARTISTES  FRANÇAIS  CONTEMPORAINS. 

—  Par  Jules   Clahetie.   —    Paris,    CharpeiUier   et   Cie, 

libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-St-Germain.    . 

Prix  :  3  fr.  50. 


ETUDES  SUR  L'ANCIENNE  FRANCE,  histoir-;^^  mobubs. 
INSTITUTIONS  d'après  les  documents  conser-^^g  jj^^,  jp^ 
dépôts  des  archives.  —  Par  Félix  Ro'-^q^.^^,^  _  p^^jg 
librairie  académique  Didier  et  Cie  ^  libraires-éditeurs' 
35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50 


MANETTE  SALOMON.  —  Par  Ed.n'^^„  g^  Jules  de  Gos- 
couRT.  --  Nouvelle  édition.  —  P-^rJs^  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de^  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


PAYSAGES  DE  r^^^  g^  FLEURS  DES  PRÉS.  —  Une 
idylle  norman'^e,  _  par  Anoré  Lemoyne  —  Paris,  Sando: 
cl  t^ischj:,acher ,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 


PROVEP.BES  DU  PAYS  BÉARN,  eniumes  et  contes  po- 
pulaires. —  Recueillis  par  V.  Lespy,  membre  de  la 
Société  pour  l'étude  des  langues  romanes.  —  Paris,  Mai- 
sonneuve  et  Cie,  libraires-éditeurs.  25,  quai  Voltaire. 


32 


LE  œURRIER  DE  VAUGELAS. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  En  vente 
au  bureau  du  Courrier  de  Vaugelas  ,  26  ,  boulevard  des 
Italiens.  ~  On  peut  encore  se  procurer  la  W,  la  5=  et  la  6° 
année.  —  Réimpression  des  cinq  premières  mmëes  anssitôt 
que  sera  atteint  le  chift're  demandé  par  la  souscription 
que  le  Rédacteur  vient  d'ouvrir. 


LES  OUBLIÉS  ET  LES  DÉDAIGNÉS,  figures  de  la  fin 
du  xvui"  siècle.  —  Par  Chari.es  Monselet.  —  Nouvelle  édi- 
tion définitive.  —  Paris,  Charpenlier  ci  Cic,  libraires-édi- 
teurs, 13,  rue  de  Grenelle-St-Germain  —  Prix  :  3  fr.  50. 


ALISE  D'EVRAN.  —  Par  André "Lemoyne.  —  Paris, 
Sando:  et  Fischbacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine.  — 
Prix  :  2  fr. 


OPULENCE  ET  MISÈRE.  —  Roman  américain,  traduit 
par  Mme  Henriette  LonnEAU.  —  Paris,  librairie  Hachelle 
et  Cie,  79.  boulevard  St-Germain.  —  Bibliothèque  des 
meilleurs  romans  étrangers.  —  Prix  :  1  fr.  25  cent. 


LES  CAHIERS  DE  SAINTE-BEUVE,  suivis  de  quelques 
pages  de  littérature  antique.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre, 
éditeur,  27-31,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  MARINS.  — 

Par  Eoou.iRD  Gœpp,  chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'ins- 
truction publique,  et  Henri  Maunoury  d'Ectot,  ancien 
capitaine  au  long  cours.  —  Orné  de  deux  portraits.  — 
Ou  QuESNE,  TouRviLLE.  —  Parls,  p.  Ducroc,  libraire-édi- 
teur, 55,  rue  de  Seine.  —  Format  anglais,  broché  :  3  fr. 


COURS  DE  LITTÉRATURE  SPÉCIAL  prépahato[re  au 
BREVET  supÉRiEDR.  —  Par  M""!  Th.  Brismontier,  professeur 
spécial  pour  la  préparation  aux  examens,  répétiteur  des 
premières  classes  de  latin  et  de  grec.  —  Ouvrage  adopté 
à  la  maison  de  Saint-Denis,  et  auquel  la  Société  libre 
d'instruction  et  d'éducation  populaires  vient  de  décerner 
une  médaille  d'honneur  et  la  médaille  d'or  offerte  par 
M.  de  Larochefoucauld  ,  président  honoraire  de  cette 
Société.  —  Paris,  chez  l'auteur,  1,  place  Wagrara.  . 


A  TRAVERS  LES  MOTS.  —  Par  Charles  Rozan.  —  Un 
joli  volume  format  anglais  de  i50  pages,  imprimé  par 
J.  Claye.  —  Comprenant  les  Etofles,  les  Académies,  les 
Cartes  et  les  Echecs,  les  Devinettes,  la  Barbe,  les  Danses, 
le  Calendrier,  les  Pierres  précieuses,  les  Meubles,  les 
Petits  meubles,  les  Titres  de  noblesse,  les  Petits  poèmes, 
et  donnant  l'étymologie  de  plus  de  900  mots.  —  Prix 
broché  :  3  fr.  50. 


CONCOURS  LITTERAIRES. 


La  Société  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tarn-et-Garonne',  pour  le  concours  de  1877,  doit  décerner  une 
médaille  d'or  de  200  francs  à  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc)  ;  —  une  médaille  d'or  de 
la  valeur  de  100  francs  à  la  meilleure  pièce  de  genre  {conte,  ballade,  fable,  etc.);  —  une  médaille  d'argent  de  la 
valeur  de  50  francs  au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Des  médailles  de  bronze  pourront  être  accordées  aux 
poètes  qui  auront  obtenu  des  mentions  très-honorables.  —  Les  sujets  de  ces  compositions  sont  laissés  aux  choix  des 
concurrents.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés,  francs  de  port,  au  Secrétaire  général  de  la  Société,  à  Mon- 
tauban,  avant  le  I"'  février  1877,  terme  de  rigueur.  —  Chacun  d'eux  devra  porter  une  épigraphe  qui  sera  répétée  sur 
l'enveloppe  d'un  billet  cacheté,  contenant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur.  Ce  billet  ne  sera  ouvert  qu'après  le  juge- 
ment, et  seulement  pour  les  ouvrages  admis  ii  concourir.  —  Les  prix  seront  décernés  dans  la  séance  publique  qui 
suivra  la  remise  des  manuscrits.  

La  Société  d'éducation  de  Lvon  a  mis  au  concours  pour  1876  le  sujet  suivant  :  Préciser  ce  que  peut  et  doit  faire 
l'insliluleur  primaire,  en  ce  qui  concerne  l'éducation  de  ses  élèves;  indiquer  par  quels  moyens  il  accomplira  le  mieux 
celte  partie  de  sa  tâche.  —  Le  prix  sera  de  500  fr.,  décerné  dans  la  séance  publique  de  1876,  sous  le  nom  de  Prix  de 
la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  l^''  Septembre  prochain,  à  M.  Palud, 
libraire,  4,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon.  

Académie  des  Poètes.  —  Les  écrivains  encore  étrangers  à  l'Académie  des  poètes,  qui  voudraient  prendre  part  au 
concours  ouvert  pour  la  X"  Olympiade,  devront  adresser  franco  cinq  poésies  inédites  à  M.  Élie  de  Biran,  archiviste 
de  la  Société,  rue  des  Missions,  22.  à  Paris.  —  Ces  poésies'  ne  doivent  point  toucher  à  la  politique,  elles  ne  doivent  non 
plus  rien  renfermer  d'immoral,  d'irréligieux  ou  de  diffamatoire.  —  Un  grand  nombre  de  médailles  de  vermeil,  d'argent 
de  bronze,  de  divers  modules,  seront  décernées  à  la  suite  de  ce  concours. 


RENSEIGNEMENTS 
A  l'usage   des  Français  qui   désirent  aller  professer   leur  langue   à   l'étranger. 

ACENCES    AUXQUELLES    ON    PEUT    s'aDKESSER   : 

A  Paris  :  M.  Pelletier,  19,  rue  de  l'Odécn;  —  Mme  veuve  Simonnot,  33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin;  — 
A  Londres,  M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W.;  —  Miss  Gray,  35,  Baker  Street,  Portman  Square;  —  A  Livebpool  : 
M.  le  prof.  Ilusson,  Queen's  Collège  —  A  New-York  :  M.  Schermerhorn,  Zi30,  Broom  Street. 

Journaux  dans  lesquels  on  peut  faire  des  anno.nces  : 
{.'American  Rfi/isler,  destiné  aux  Américains  voyageant  en  Europe;  —  le  Caliqnanïs  Afessenger,  reçu  par  nombre 
d'Anglais  (jui  habitent  en  France;  —  le  Wekker,  connu  par  toute  la  Hollande;  —  \e  .lournal  de  Saint-Pétersbourg,  très- 
répandu  en  Russie;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Hartwick,  390,  rue  Sl-Honoré,  \  Paris,  se  charge  des  insertions.) 

M.  Kman  .Martin,  lludactenr  du  ('oiiuiueii  de  Vauceus,  e.st  visiMe  à  ^on  bureau  de  Irais  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVKRKKUK,  0.  DAUl'ULBV  A  Nogent-le-Rotrou. 


7"  Année 


N»  5. 


1"  Août  1876 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


I.  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    !•*  et    le    15    de    chaque   mola 

(Dans  sa  séance  du  \2  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par  an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN   PROFESSEUR  SPECIAL  POUR   LES   ÉTRANGERS 

Officier  d'AcaJémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


La  Commission  chargée  d'examiner  les  ouvrages  pro- 
posés pour  élre  donnés  en  prix  dans  les  Ljcées  et  les 
Collèges  et  introduits  dans  les  Bibliothèques  des  quar- 
tiers vient  d'admettre  la  collection  des  six  premières 
années  du  Courrier  de  Vaur/elas. 

SO.M.MAIRE. 

Communications  relatives  à  Air  de  vent  et  à  la  prononciation 
de  oi  dans  certains  mots;  —  Elymologie  de  Vaudeville;  — 
Différence  entre  Demander  à  et  Demander  de:  —  Orthographe 
de  Sadducéen  ;  —  D'où  vient  S'il  lui  arrivait  quelque  chose  || 
Explication  de  .1  propos  de  bottes;  —  Pourquoi  des  noms  de 
métier  en  ier  et  d'autres  en  er;  —  Si  Aidant  est  adjectif  dans 
Dieu  aidant  ||  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biogra- 
phie de  Gilles  Ménage.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de 
littérature.  ||  Concours  littéraires.  ||  Renseignements  ofTerls 
aux  étrangers. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 

1. 

J'ai  reçu  la  lettre  suivante,  à  propos  de  ce  que  j'ai 

dit  sur  le  mot  air  dans  un  numéro  précèdent  : 

Paris,  20  Juin  1876. 
Monsieur, 

Dans  votre  numéro  du  13  de  ce  mois,  à  la  2"  colonne  de 
la  page  11,  je  trouve  cette  parenthèse  :  (comme  dans  air 
de  vent,  qui  fut  d'abord  écrit  aire  de  vent),  et  je  remarque 
que,  par  cette  mention  incidente  et  donnée  à  titre 
d'exemple,  vous  semblez  admettre  que  le  changement 
d'orthographe  auquel  elle  fait  allusion  serait  légitime,  en 
ce  sens  du  moins  qu'il  serait  aujourd'hui  définitivement 
consacré  par  l'usage. 

Or  il  s'agit  là  dune  question  qui  a  étéi  en  1873,  directe- 
ment et  explicitement  discutée  dans  votre  très-intéressant 
journal.  Vous  aviez  d'abord,  dans  le  numéro  du  1"  avril, 
condamné  l'une  et  l'autre  des  deux  orthographes  ci-dessus 
rappelées.  J'ai  eu  l'honneur,  par  une  lettre  du  23  du  même 
mois,  de  vous  exposer  les  motifs  pour  lesquels  cette  con- 
damnation me  paraissait,  en  ce  qui  concerne  l'orthographe 
aire,  n'être  pas  parfaitement  justifiée.  Vous  avez  bien 
voulu  insérer  ma  lettre  dans  le  numéro  du  I"  juin,  puis, 


dans  celui  du  15,  examiner  de  nouveau  la  question,  et 
vous  y  êtes  arrivé  à  cette  conclusion,  que  l'on  pouvait 
continuer  â  écrire  aire  de  vent,  mais  que  l'emploi  de  l'or- 
thographe air  de  vent  constituait  un  bel  et  bon  barba- 
risme. 

Tout  en  trouvant  cette  dernière  qualification  quelque 
peu  sévère,  je  n'ai  pu  cependant  que  m'associer,  au 
fond,  à  la  condamnation  que  vous  avez  alors  maintenue, 
et,  comme  la  nouvelle  mention  que  vous  faites  incidem- 
ment aujourd'hui  serait  propre  â  faire  penser,  contre 
votre  intention  sans  doute,  que  vous  avez  cessé  de  la 
maintenir,  je  crois  qu'il  serait  vraiment  utile  qu'un  de  vos 
plus  prochains  numéros  renfermât  quelque  explication  à 
ce  sujet. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considéra- 
tion très-distinguée. 

Un  de  vos  lecteurs. 

Pour  expliquer  comment  aire,  arrivé  à  la  signiflea- 
tion  de  manière,  apparence,  extérieur,  avait  pu  prendre 
la  forme  air,  j'ai  rappelé  que  l'expression  maritime 
aire  de  vent  était  devenue  air  de  vent;  mais  je  n'ai 
nullement  entendu  lever  ainsi  la  condamnation  que 
j'avais  prononcée  précédemment  sur  l'orthographe  de 
cette  dernière  expression  :  je  me  suis  seulement  seVvi 
de  air  de  vent  comme  d'un  exemple  pour  montrer  la 
possibilité  d'un  fait  semblable,  et  non  moins  regret- 
table à  mon  avis,  qui  se  serait  produit  sur  une  autre 
acception  du  mot  aire. 

Il' 

A  la  date  du  6  juin  dernier,  j'ai  reçu  de  Bar-sur- 
Aube  la  communication  qu'on  va  lire  : 
Monsieur, 

Je  suis  loin  d'être  un  érudit,  et  c'est  exclusivement  pour 
recevoir  des  leçons  que  j'ai  pris  un  abonnement  au  Cour- 
rier de  Vaugelas. 

Permettez-moi  cependant,  une  fois  en  passant,  de  hasar- 
der une  simple  réflexion. 

Vous  dites  dans  votre  dernier  numéro  (page  4),  à  propos 
du  mol  ognon.  qu'on  ne  prononce  pas  l'i  de  poignet,  de 
poignard,  de  poignée  ..  Sur  quoi  appuyez-vous  cette  affir- 
mation? J'ai  toujours,  au  contraire,  entendu  prononcer 
poignard,  poi-gnet,  etc.  Je  trouverais  bien  peu  logique  de 
dire  :  le  pognard  au  poing. 

Cette  prononciation  sans  i  est-elle  celle  de  l'Académie  et 


34 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


des   grammairiens,  ou  simplement  celle    de   Paris-mode? 

Dans  ce  dernier  cas,  je  vous  avoue  que  je  l'adopterais 
avec  peine...  Il  est  regrettable  qu'en  cela  comme  en  tant 
d'autres  choses  Paris  fasse  la  loi  à  la  France...  Je  sais  bien 
qu'on  ne  peut  pas  prendre  des  leçons  de  prononciation  à 
Saint-Flour;  mais  je  voudrais  au  moins  que  ce  fût  le  Paris 
intelligent,  le  Paris  des  académiciens  et  des  auteurs  qui 
réglât  ces  questions,  et  non  cplui  des  modistes,  qui  pronon- 
cent/escii,  d'sir,  méxlcme.  mdndcon,  etc. 

Pardonnez-moi,  Monsieur,  et  croyez-moi  votre  tout 
dévoué  serviteur. 

Alphonse  Baudouin. 

Le  Dictionnaire  de  l'Académie  n'indique  pas  la  pro- 
nonciation des  mois;  mais  il  y  en  a  d'autres,  faisant 
également  autorité,  qui  la  donnent,  tels  sont  ceux  de 
Bescherelle,  de  Poitevin  et  de  Liltré,  pour  ne  nom- 
mer que  les  principau.x. 

Or,  ces  derniers  enseignent  qu'il  faut  prononcer 
poignard,  po'ifjnct,  empoigner,  etc.,  sans  faire  entendre 
\'i;  d'où  il  résulte  que  la  règle  que  j'ai  donnée  est  bien 
celle  qu'il  convient  de  suivre. 

Du  reste,  la  non-prononciation  de  Vi  dans  ces  mots 
n'est  pas  un  fait  aussi  illogique  que  M.  .Mph.  Baudouin 
peut  le  penser.  En  ePTet,  Génin  a  fait  voir  [Variât,  du 
layig.  franc.,  p.  147  et  suiv.)  qu'autrefois  on  se  ser- 
vait de  \'i  pour  modifier  le  son  des  quatre  voyelles  a, 
e,  0,  u,  dont,  probablement,  la  valeur  primitive  était 
longue  et  fermée.  Ainsi  : 

^''  On  écrivait  paihe,  menaice,  saige,  raige,  langaige, 
et  l'on  prononçait  p«f/we.  menace,  sage,  rage,  langage; 
'  1"  On  écrivait  sanglier,  destrier,  mestier,  concilier, 
rochier,  et  l'on  prononçait  .<««y/e,  détré,  mété,  couché, 
roche  ; 

3"  On  écrivait  Ijois,  témoin,  besoin,  poing,  et  l'on 
prononçait  bos,  temon,  beson,  pong,  etc. 

4"  On  écrivait  cuire,  htiis,  les  Jui  (les  Juifs), -et  l'on 
prononçait  cure,  hus,  les  lu,  etc. 

Il  vint  un  temps  où  l'usage  de  cet  i,  qui  tenait  lieu 
des  accents  à  l'époque. où  ils  n'existaient  pas  encore, 
tomba  en  désuétude;  on  prononça  généralement  cette 
voyelle  où  elle  se  rencontra;  mais  il  n'en  fut  pas  de 
même  dans  tous  les  cas  :  le  mot  oignon  et  les  autres 
que  j'ai  cités  eurent  le  privilège  d'une  exception,  et 
c'est  ce  qui  fait  croire  à  ceux  qui  n'ont  pas  étudié  la 
vieille  langue  que  la  prononciation  de  ces  mots  est 
anormale,  tandis  qu'au  contraire,  elle  est  en  quelque 
sorte  plus  régulière  que  celle  des  mots  où  se  fait  en- 
tendre un  i  que  l'étymologie  n'a  point  amené, 

X 
Première  Question. 
Dans  une  note  (pie  M.  Edouard  Fournier  a  mise  à 
la  page  7  des  r,iiv.N!-0NS  di;  Gai'i.tif.r  G\iifiuii,i.f:,  on 
trouve  cette  opinion  de  l'éditeur  qu'il  lui  «  semble  bien  » 
que  VAUDEVILLE  est  dérive  de  voix-i>e-ville,  nom  (/u'nn 
avait  donné  aux  chan-ons  avant  de  les  appeUr  aiks  de 
cooii.  lîles-vous  du  même  avis? 

Ainsi  que  je  vais  vous  le  démontrer,  vaudeville  ne 
vient  i)as  de  voix-de-vit/e. 

Vers  le  commencement  du  xV  siècle,  il  y  avait  h  Vau- 
de-Vire,  endroit  situé  non  loin  de  la  ville  de  Vire,  en 


Normandie,   un  foulon    nommé  Olivier  Basselin,   qui 
composait  des  chansons,  comme  le  dit,  dans  son  Art 
poétique  (II),   Jean  Vauquelin,  sieur  de  La  Fresnaye, 
père  de  M.  Des-Yveteaux,  précepteur  de  Louis  XIII  : 
Je  ne  puis  sans  horreur,  ouïr  qu'au  Vau-de-Vire, 
Où  jadis  on  souloit  les  belles  Chansons  dire 
D'Ohvier  Basselin,  etc. 
Le  produit  manufacturier  de  Mossoul,  de  Tulle,  de 
Barége,  etc.,  a  pris  son  nom  de  ces  villes;  il  en  fut  de 
même  du  produit  littéraire  de  Vau-de-Vire,  fait  que  je 
trouve  attesté  par  Charles  de  Bourgueville,  dans  ses 
Antiquités  de  Caen,  lorsqu'il  dit  en  parlant  delà  ville  de 
Vire  : 

C'est  aussi  le  pays  d'où  sont  procédées  les  Chansons 
qu'on  appelle  Vaux-devire. 

Dans  la  Normandie,  le  mot  vau-de-vire ,  au  sens  de 
chanson,  se  conserva  au  moins  jusqu'au  commence- 
ment du  XVII''  siècle,  car  on  le  trouve  dans  La  Fresnaye, 
déjà  cité,  dont  l'ouvrage  a  été  publié  à  Caen,  en  4(505  : 

Chantant  en  nos  festins,  ainsi  les  Vaxix  de  Vire 
Qui  sentent  le  bon  temps,  nous  font  encore  rire. 

Mais  il  n'en  fut  pas  ainsi  dans  le  reste  de  la  France  ; 
par  le  changement  de  /'  en  /,  pratiqué  encore  à  cette 
époque,  on  a  dit  vau-de-ville  au  lieu  de  vau-de-vire, 
comme  le  font  voir  ces  exemples,  qui  sont  du 
xvi°  siècle  : 

Icy  dessuz  sont  nommez  les  com.mencements  de  plu- 
sieurs chansons,  tant  de  musique  que  de  vau  de  ville. 

{Recueil  de  farces,  p.  3i6.) 

Je  n'ay,  lecteur,  entremesié  fort  superstitieusement  les 
vers  masculins  avecques  les  féminins,  comme  on  use  en 
ces  vaudevilles  et  chansons  qui  se  chantent  d'un  mesme 
chant  par  tous  les  couplets. 

(Du  Bellay,  p.  96,  dans  Lacurne.) 

Et  sous  cette  nouvelle  forme,  le  mot  vau-de-vire, 
chanson,  est  venu  jusqu'à  nous  après  avoir  traversé  le 
xvii«  et  le  xviii^  siècle  : 

Il  y  a  des  gens  qui  ressemblent  aux  vaudevilles,  que  tout 
le  monde  chante  un  certain  temps,  quelque  fades  et 
dégoûtants  qu'ils  soient. 

(La  Rochefoucaiilt,  Maximes,  311. J 

Elle  entendait  de  tous  côtés  ces  chansons  et  ces  vaude- 
villes, monuments  de  plaisanterie  et  de  malignité,  qui 
semblaient  devoir  éterniser  le  doute  où  l'on  affectait  d'être 
sur  sa  vertu. 

(Voltaire,  Louis  XIV,  .',.) 

Il  n'y  a  pas  le  moindre  doute  concernant  l'étymo- 
logie de  vaudeville;  ce  mot  dérive  de   Vau-de-Vire. 

Maintenant,  comment  M.  Ed.  Fournier  a-t-il  pu  sup- 
poser que  le  mot  en  question  venait  de  voix-de-ville'i 
Je  vais  vous  l'expliquer. 

Indépendamment  de  l'altération  de  sa  finale,  le  mol 
normand  vau-de-vire  en  subit  une  autre  vers  le  milieu 
du  xvi"  siècle  :  Dapselin,  qui  avait  fait  des  chansons 
pour  son  seul  plaisir  et  celui  de  ses  voisins,  n'avait 
pris  aucune  peine  pour  les  répandre  au  loin,  ce  que  le 
peu  de  communications  exislanles  eût  rendu  d'ailleurs 
fort  difficile;  ne  sachant  rien  ou  presque  rien  de  l'ori- 
gine de  vaudeville,  les  musiciens  et  les  autetirs  qui 
eurent  à  parler  de  chansons  de  ce  nom  écrivirent  voix- 
de-ville,  comine  en  voici  la  prouve  : 

4°  En  I5GI,  Aleman  Layolle  public  à  Lyon  des  «  chan- 
sons et  voix  de  ville.  » 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


35 


2"  Dans  la  préface,  en  dale  du  15  avril  i'Mi,  d'un 
Lirrc  d'dir.t  de  Cour  mis  sur  le  luth,  Le  Roy,  après 
avoir  rappelé  à  Madame  la  comlesse  de  Relz  qu'il  lui 
avait  déjà  présenté  «  l'instruction  d'asseoir  toute 
musique,  facilement  en  tablature  de  luth,  qui  esloit 
fondée  exemplairement  sur  les  chansons  d'Orlando  de 
Lassus  »  ajoute  : 

Je  me  suis  avisé  de  lui  mettre  en  queue  pour  le  secon- 
der ce  petit  opuscule  de  cliansons  de  la  cour  beaucoup 
plus  legieres  (c]iie  jadis  on  appelait  voix  de  ville,  aujour- 
d'iiui    airs    de    cour. 

3°  Jean  Chardavoine,  de  Beaufort  en  Anjou,  fit  iïn- 
primer  à  Paris,  en  ibia,  un  livre  intitulé  : 

Recueil  des  plus  belles  et  excellentes  Chansons  en  forme 
de  Voix  de  ville,  tirées  ae  divers  Auteurs,  tant  anciennes 
que  modernes. 

4°  Pierre  de  Saint-Julien,  à  la  page  263  de  ses 
Meslanrjcs  historiques,  publiés  en  1589,  s'exprime  en 
ces  termes  : 

Jusques  aux  Chansons  vulgaires  et  Voix  de  villes  (les 
autres  disent  Vaux  de  villes),  si  on  fait  mention  des  Rois 
de  France,  ce  n'est  pas  sans  épithète  de  leur  noblesse  et 
actes  valeureux. 

Pendant  un  certain  nombre  d'années  après  Fran- 
çois l",  roix-de-ville  l'emporta  sur  rauderille  :  c'était 
le  terme  du  beau  style,  celui  que  préféraient  les  musi- 
ciens tandisque  ce  dernierélait  des  plus  vulgaires,  comme 
nous  l'apprend  le  P.  Garasse  dans  ses  liecherches  des 
Recherches  sur  la  France  (p.  835,  dans  Lacurne)  : 

Vaudeville  qui  n'est  en  usage  que  parmi  les  crocbe- 
tcurs. 

Or,  en  présence  de  celle  vogue  de  voi.r-derille,  il 
n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  que  M.  Ed.  Fournier,  qui 
n'avait  probablement  pas  remarqué  que  ce  mot  était 
né  d'une  méprise  sur  l'orthographe  de  vaudeville,  ait 
commis  l'erreur  que  je  viens  de  relever,  c'est-à-dire  ait 
cru  que  vaudeville  venait  de  voix-de-ville. 

X 
Seconde  Question. 
D'après  M.  Littré,  il  n'y  aurait  pas  de  différence 
entre  demander  a  et  demander  de;  le  verbe  demander 
prendrait  a  ou  de  devant  l'infinitif  qui  vient  après  lui 
«  suivant  les  exigences  de  l'oreillr  ».  Votre  opinion  à 
ce  sujet  est-elle  conforme  à  celle  du  célèbre  académi- 
cien ? 

Elle  est  toute  différente. 

Selon  moi,  voici  ce  qu'on  doit  observer  dans  la 
construction  du  verbe  dont  il  s'agit  : 

Quand  l'infinitif  qui  sert  de  régime  à  demander 
exprime  une  action  faite  ou  soufferte  par  le  sujet  de  ce 
dernier  verbe,  on  met  à  devant  lui,  comme  dans  ces 
exemples  : 

Phiioclès  demanda  au  roi  à  se  retirer  auprès  de'  Salente. 

(Fënelon,   Tétém.  XIV.) 

Ses  yeux  baignés  de  pleurs  demandent  à  vous  voir. 

(Racine,  Bérén.  V,  4.) 

Cette  femme  <>perdue 
A  vos  sacrés  genoux  demande  à  se  jeter. 

(Voltaire,  Orph.  III,  1.) 

Partout  le  peuple  ne  demande  qu'à  ne  pas  mourir  de 
faim  pour  vivre  en  repos. 

;  (B.  Conitant,  dans  P.  L-irouase.) 


Mais,  quand  l'infinitif  doit  exprimer  une  action  faite 
ou  soufferte  j)ar  le  régime  de  demander,  il  faut  mettre 
de  devant  cet  infinitif,  comme  on  le  voit  dans  ces 
autres  exemples  : 

Je  ne  vous  demande  pas  de  vous  récrier  :  c'est  un  chef- 
d'œuvre. 

(La  Bruyére.J 

Elle  demande  au  ciel  d'approcher  sa  fille  du  (rône. 

(Fiéchier.) 

Mme  de  Caylus  me  vint  voir  hier,  plus  Jolie  qu'un  ange  ; 
et  me  demanda  en  grâce  de  venir  voir  l'arrangement  de  sa 
maison. 

(Mme  de  Coulanges,  dan3  Larousse.  ) 

Il  n'y  a  qu'un  cas  où  de  puisse  remplacer  à;  c'est  dans 
les  vers,  lorsqu'il  s'agit  d'un  second  régime  de  de- 
mander,el  cela,  afin  d'éviter  l'hiatus  : 

Je  demande  par  grice  à  sortir  de  Byzance 
El  ri'aller  exercer  mon  courzge  et  mon  bras. 

(Campistron,  Andron.  III,   1.) 

Pour  n'avoir  été  donnée  jusqu'ici  par  aucun  gram- 
mairien à  moi  connu,  la  règle  précédente  n'en  est  pas 
moins,  il  me  semble,  la  véritable  règle  qu'il  faut 
suivre  pour  bien  construire  le  verbe  demander. 

X 
Troisième  Question. 
Le  Jwo^^SADDncÉEN  doit-il  s'écrire  avec  deux  d  comme 
l'écrivent  toutes  les  traductions  françaises  des  Évan- 
giles que  j'ai  consultées,  ou  arec  un  seul  d  comme  l'im- 
prime M.  Littré?  Si  vous  pouviez  me  répondre  par  la 
voie  de  votre  excellent  journal,  je  vous  en  serais  bien 
reconnaissant . 

Le  mot  en  question  est,  d'après  .M.  Littré,  unealté^ 
ration  araméenne  de  l'hébreu  Zaduhim,  les  fils  de 
Zadok,  ancêtre  de  la  maison  pontificale  qui  eut  les 
fonctions  de  grand-prélre  après  le  retour  de  l'exil. 

En  conséquence  de  cette  étymologie,  je  crois  qu'il 
faut  écrire  saducéen  (avec  un  seul  d],  orthographe 
adoptée  déjà,  du  reste,  par  plusieurs  auteurs,  comme 
ces  exemples  le  montrent  : 

Les  Saducéens  donnaient  tout  au  libre  arbitre. 

(Fleury,   Mfeurs  des  U'aH.  lit.  a3J 

Les  Saducéens,  uniquement  attachés  à  rE;riture  sainte, 
rejetaient  la  loi  orale. 

(Diderot,  Op.   des  anc.  phil.) 

Les  Saducéens  étaient  fort  peu  nombreux,  mais  ils  comp- 
taient beaucoup  d'importants  personnages. 

(Bouillet,  Dict.  Air(.) 
X 

Quatrième  Question. 

On  €71  tend  souvent  dire  dans  la  conversation  :  «  S'il 
LCi  iRiiivAiT  QUELQUE  CHOSE  »  pouT  signifier  s'il  mourait. 
Quslle  peut  être  ioriginn  de  cette  expression  ? 

Comme  nous  l'apprend  .Montaigne  dans  ses  Essais 
(I,  p.  721,  les  Romains  répugnaient  à  prononcer  et 
à  entendre  le  nom  de  mort  : 

Parcpque  cette  syllabe  frappoit  trop  rudement  leurs 
aurcilles,  et  que  cette  voix  leur  sembinit  malencontreuse, 
les  Romains  avoient  apprins  de  l'amollir  et  de  l'estendre 
en  périphrases:  au  lieu  de  dire,  Il  est  mort  :  «  11  a  cessé  de 


36 


.E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


vivre,  diseni-ils,  Il  a  vescu  »  :  pourveu  que  ce  soit  vie, 
soit  elle  passée,  ils  se  consolent. 

Sous  l'influence  du  même  sentiment  pusillanime,  ils 
disaient  s'il  marrirait  quelque  chose,  s'il  lui  arrivait 
quelqtie  chose  etc.,  comme  le  montrent  les  citations 
suivantes,  empruntées  à  trois  de  leurs  auteurs  : 

Si  quid  ei  humanitus  contigerit  (Scœvola). 
Si  quid  mihi  humanitus  accidisset  (Ulpien). 
Si  quid  pupilio  accidisset  (Cicéron). 

Or,  il  est  évident,  après  cela,  que  l'expression  sur 
laquelle  vous  me  consultez  n'est  autre  chose  que  ce 
dernier  euphémisme  de  la  langue  latine,  naturellement 
introduit  dans  la  nôtre. 


ETRANGER 


Première  Question. 

l  oudriez-vous  bien  me  donner  l'origine  et  l'explica- 
tion de  l'expression  A  propos  de  bottes,  sur  laquelle  je 
n'ai  jamais  rien  trouvé  qui  pût  me  satisfaire? 

Quitard  se  souvient  d'avoir  rencontré  cette  expres- 
sion dans  un  livre  antérieur  au  règne  de  François  I", 
avec  une  annotation  marginale  qui  en  rapportait  l'ori- 
gine à  l'époque  où  la  France  était  occupée  par  les 
Anglais,  et  la  cause,  à  la  manière  capricieuse  dont  les 
officiers  de  leur  armée  imposaient  certaines  villes  et 
certains  villages  que  leur  roi  leur  avait  assignés  comme 
fiefs.  Non  contents  d'en  percevoir  les  revenus  ordi- 
naires, ils  se  faisaient  payer  encore  assez  fréquem- 
ment de  fortes  sommes  pour  leurs  souliers  et  pour  leurs 
bottes,  ce  qui  introduisit  l'expression  proverbiale,  par 
allusion  à  une  telle  bizarrerie. 

Je  tiens  volontiers  pour  certain  que  Quitard  a  lu  cette 
origine;  mais  quand  je  considère  qu'elle  devrait  donner 
à  l'expression  un  sens  vexatoire  qu'elle  n'a  pas,  et 
que  celte  expression  devrait  s'employer  surtout  avec 
un  verbe  signifiant  obtenir  ou  céder,  je  doute  que  la 
dite  origine  soit  la  vraie,  et  je  lui  préfère  la  suivante  : 

Au  xvr  et  au  xvii'  siècle,  il  existait  en  français  une 
expression  analogue  à  celle  dont  il  s'agit;  c'était  à 
propos  de  truelle  (écrite  aussi  à  propos  truelle],  dont 
l'usage  se  trouve  indiqué  dans  Cotgrave  (^600)  et  dont 
voici  un  exemple  d'auteur  : 

Voilà  parlé  à  vos  révérences,  Demonax A  propos  de 

truelle,  me  voilà  relevé  de  ma  preuve. 

(Après-disnce.^  de  ChoUéres,  fol.  1^2,  verso,  éd.  de  iSS-j.) 

Cette  expression  était  l'abrégé  d'une  phrase  ayant 
pour  partie  sous-entendue  Dieu  te  garde,  maçon  : 

0  le  beau  mot!  Vous  l'interprétez  à  batterie  et  à  meur- 
trissure. C'est  bien  à  propos  truelle.  Dieu  te  guard  de  mal, 
maison. 

(Habelîiis,  Pant.   liv.  111,  ch.  i8.) 

Or,  il  en  est  de  même  pour  à  propos  de  boites, 
expression  synonyme  de  la  précédente,  mais  qui,  plus 
favorisée  qu'elle,  est  venue  jusqu'à  nous.  Les  mots 
ellipses  après  cette  expression  étaient  comliien  l'aulne 
de  fagots?  ainsi   que  nous  l'apprend  Antoine  Oudin 


dans  ses  Curiositez  françaises  (1656).  De  sorte  que  dire 
quelque  chose  à  propos  de  bottes  signifierait  exacte- 
ment dire  cette  chose  aussi  mal  à  propos  que  si,  parlant 
de  bottes,  on  faisait  tout  à  coup  cette  question  burles- 
que :  combien  l'aune  de  fagots  ? 

Il  me  serait  impossible  de  préciser  l'époque  à  laquelle 
a  pris  naissance  à  propos  de  bottes,  combien  l'aulne  de 
fagots?  Mais  comme  on  trouve  cette  expression  déjà 
réduite  à  sa  première  partie  dans  la  Comédie  des  Pro- 
verbes (Acte  1"  se.  r'),  pièce  qui  date  de  l'année  \  616, 
je  crois  qu'il  n'est  nullement  téméraire  de  penser 
que  ladite  expression  remonte,  au  moins,  comme  à 
propos  truelle,  Dieu  te  garde,  maçon,  à  la  seconde 
moitié  du  xvi^  siècle. 

X 

Seconde  Question. 
Je  désirerais  bien  savoir  pourquoi,  en  français,  cer- 
tains noms  de  métier  sont  terminés  par  ier  [mercier, 
cordonnier,  chapelier,  etc.)  lorsque  d'autres  le  sont 
simplement  par  er  [boulanger,  boucher).  Auriez-vous 
l'obligeance  de  niexpliquer  cette  anomalie? 

J'ai  dit  (page  34  de  ce  même  numéro)  que  l'ancienne 
langue  française  employait  la  voyelle  /  auprès  des  autres 
voyelles  pour  en  éclaircir  le  son. 

Cet  /,  qui  remplissait  le  rôle  d'accent  à  l'intérieur,  se 
mettait  dans  presque  toutes  les  finales  des  noms 
de  métier,  de  profession  ;  mais  il  ne  s'y  faisait  pas 
entendre,  ce  qui  est  démontré  par  les  exemples  sui- 
vants, où  chevalier,  bachelier  et  drapier  sont  écrits 
sans  cette  voyelle  à  leur  finale. 

De  vasselage  fut  assez  cheraler. 

{Cil.  de  Roland,  st.  3.) 

En  nule  terre  n'ot  si  beau  backcler. 

(Romancero,  p.  5i.) 

Li  draper  de  Paris  establirent  entre  eus  qu'il  ne  creroient 
à  nul  nules  de  leurs  denrées. 

(Livre  de  Jostice,  II.} 

Or,  pour  l'espèce  de  noms  dont  il  est  question  ici,  on  a 
généralement  adopté  la  finale  ier,  probablement  parce 
qu'elle  était  plus  souvent  écrite  que  la  finale  er,  et 
celle-ci  n'a  été  conservée  que  dans  un  nombre  de  cas 
très-restreint. 

Telle  est ,  si  je  ne  me  trompe ,  la  raison  pour 
laquelle  nous  avons  mc/c/er,  cordonnier,  chapelier,  etc., 
lorsque,  dans  la  même  catégorie  de  substantifs,  se  trou- 
vent boulanger,  boucher,  etc. 

X 

Troisième  Question. 

Je  //.v  dans  le  Dictionnaire  de  Noël  et  Chapsal  que 
AIDANT  est  «  adjectif  »  dans  l'expression  Dieu  aioant. 
Mais  alors,  il  faudrait  donc  écrire  mes  amis  aidants 
avec  une  s  «  aidants?  Cela  me  parait  bien  étrange. 
Qu'en  pensez-vous,  je  vous  prie  ? 

Toutes  les  fois  qu'une  phrase  conditionnelle  com- 
mence par  si,  comme,  par  exemple,  la  suivante  : 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


37 


Si  mon  frère  sort,  vous  fermerez  la  porte, 
on  peul,  surtout,  je  crois,  lorsque  le  sujet  du  premier 
verbe  n'est  pas  le  même  que  celui  du  second,  donner 
à  la  première  partie  une  tournure  que  je  vais  vous 
faire  connaître. 

On  supprime  si,  on  met  le  sujet  du  verbe  à  la  forme 
régime  dans  le  cas  où  c'est  un  pronom,  puis  on  rem- 
place le  mode  personnel  du  verbe  par  son  participe 
présent,    ce  qui    donne,  pour  la  phrase  précédente  : 

Mon  frère  sortant,  vous  fermerez  la  porte. 

Or,  l'expression  Dieu  aidant  est  la  même  tournure 
que  cette  dernière  :  elle  signifie  si  Dieu  aide,  et  le  mot 
aidant  est  un  participe  présent,  et  non  un  adjectif,  ce 
qui  implique  son  invariabilité  dans  mes  amis  aidant, 
phrase  que  vous  m'avez  proposée. 

Le  dictionnaire  qui  vous  a  inspiré  la  question  à 
laquelle  je  viens  de  répondre  dit  aussi  que  le  mot 
aidant  ne  peut  bien  se  construire  qu'avec  le  nom  Dieu 
avant  lui.  C'est  une  assertion  complètement  fausse;  car 
ce  parlicii»e  présent  précédé  ainsi  d'un  substantif  cons- 
tituant en  réalité  une  projiosition  conditionnelle,  il  peut 
s'associer  à  tout  nom  qui  désigne  un  être  dont  on  peut 
attendre  faveur  ou  secours. 


PASSE-TE.MPS  GRAALVIATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1*  ...  ne  laisse  pas  d'exercer  [pas  de  que;  voir  Courrier  de  Vau- 
gelas,  4'  année,  p.  155];  —  2°  ...  dans  l'Allier  et  dans  Eure-et- 
Loir  [les  noms  de  déparlemeuls  composés  de  deux  noms  propres 
ne  prennent  pas  l'article];  —  3"  ...  avant  que  le  gouvernement 
tût  pu  faire  parvenir  [le  verbe  qui  précède  ai:ant  est  au 
passé]  ;  —  4°  ...  leur  permettre  de  prendre  leur  cocarde  [on  ne 
'  dit  pas  arborer  dans  ce  cas.  Courrier  de  Vaugelas,  'i'  année, 
p.  5];  —  5°  ...  c'est  que  l'armée  prenne  part  à  des  manifesta- 
tions politiques  [le  comlilionnel  saurait  est  mis  ici  pour  le  pré- 
sent peuti;  —  6°  On  nous  fait  observer  que;  —  7°  ...  n'avait 
pas  fait  moins  [on  ne  dit  pas  marclier  des  kilomètres;  — 
8"  ...  qui  l'entouraient,  de  même  il  avait  conservé  [quand  une 
phrase  commence  par  de  même  que,  il  faut  mettre  de  même  en 
tête  de  la  seconde  partie]  ;  —9°  ...  Tcsiemb\enl  parfaitement. 
ou  à  s'y  méprendre  à  .VI.  Tbiers  [voir  Courrier  de  Vaugelas, 
[••  année,  numéro  1,  p.  3];  —  10°  ...  Et  quelque  profondes  que 
soient    Idevanl   un   adjectif   seul,   quelque    est  invariable]. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1'  11  y  a  eu  là  une  crise  aiguë  que  la  liberté  on  ne  peut 
plus  florissante  de  la  presse  en  France  ne  permet  pas  de 
révéler  encore. 

2°  Le  Journal  de  Bruxelles  se  dit  autorisé  de  qualifier  de 
t  pure  invention  »  une  prétendue  conversation  que  le  roi 
des  Belges  aurait  eue  avec  lord  Derby. 

3°  Ceux  qui  passaient  hier  vers  trois  heures  et  quart  sur 
le  quai  Henri  IV,  ont  pu  voir  un  cheval  dans  une  position 
étrange  et  des  plus  défagréables. 

4*  Le  plan  stratégique  de  la  Serbie  est  de  tenir  les  Turcs 
en  échec  â  Nisch  jusqu'à  ce  que  le  Monténégro,  dont  on  ne 
laisse  pas  que  de  se  méfier  un  peu,  se  mette  en  mouve- 
ment. 


5-  Le  Parlement  ne  peut  pas  se  dérober  plus  longtemps 
aux  revendications  si  légitimes  de  la  France.  S'il  renvoie 
aux  calendes  la  loi  municipale,  le  Sénat  sera  autorisé  à 
retarder,  selon  son  bon  plaisir,  la  loi  sur  l'enseignement. 

6°  Son  pourpoint  et  son  haut-de-chausses  disparaissent 
sous  les  aiguillettes  et  les  nœuds  de  ruban.  Son  rabat  est 
de  la  bonne  faiseuse;  ses  gants  flairent  mieux  que  benjoin 
et  civette. 

7°  L'utilité  matérielle,  ce  sont  d'abord  les  quelques  mille 
francs  qui  entrent  dans  la  poche  de  l'auteur  et  le  lestent 
de  façon  que  le  diable  ou  le  vent  ne  l'emporte. 
.  8"  Leurs  amis  les  applaudissaient  alors;  aujourd'hui  ils 
ne  veulent  pas  entendre  parler  de  se  reposer,  fiit-ce  une 
heure. 

g-, Si  elle  reste  neutre  d'abord,  elle  est  résolue  à  mettre 
toute  l'Europe  en  feu  plutôt  que  de  souffrir  à  la  Turquie 
d'écraser  les  populations  de  la  péninsule  balkane. 
{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 

Gilles  MÉNAGE. 

{Suite.) 

Fond  cl  fonds.  —  Vaugelas  a  fait  un  long  discours 
pour  montrer  que  ces  deux  mots  désignent  des  choses 
différentes.  Cette  observation,  qu'on  a  tant  vantée,  est 
absolument  fausse  :  Ranconnet  et  Nicod  ont  remarqué 
dans  leur  dictionnaire  qu'on  disait  indifféremment 
fond  ou  fonds  pour  le  bas  et  l'intérieur  d'une  chose,  et 
Ménage  a  d'autres  exemples  en  faveur  de  celte  thèse. 

Confiseur  et  confiturier.  —  Le  premier  se  dit  de  celui 
qui  fait  des  confitures,  et  le  second  de  celui  qui  les 
vend. 

Si  le  ver/m  cueillir  fait  cueillera  ou  cueillira  au  futur. 
—  A^augelas  a  tranché  net  qu'il  fallait  dire  cueillira,  par 
la  raison  que  l'infinitif  est  cueillir  et  non  cueiller.  Une 
foule  d'auteurs  sont  du  même  avis.  Malgré  toutes  ces 
autorités,  .Ménage  soutient  qu'il  faut  dire  cueillera,  et 
il  s'appuie  sur  ce  qu'autrefois  l'infinitif  a  élé  cueiller. 

Quelque  part  et  en  quelque  part.  —  On  devrait  dire 
en  quelque  part,  puisqu'on  dit  en  quelque  lieu,  en 
quelque  lieu  que  j'aille;  mais  ce  n'est  jias  ainsi  qu'on 
parle  à  la  Cour  et  à  Paris  :  il  faut  dire  quelque  part. 

Fuseliers  et  fusiliers.  —  Il  faut  dire  fuseliers,  et  non 
pas  fusiliers,  quand  on  parle  de  soldats  qui  portent  le 
«  fusi  '>.  C'est  ainsi  que  parlent  nos  gens  de  guerre  : 
le  Réqiment  des  Fuseliers.  .Mais  quand  on  parle  des 
ouvriers  qui  font  des  «  fusis  à  feu  »,  .Ménage  croit  que, 
conformément  à  l'étymologie  fusil,  on  doit  les  appeler 
fusiliers,  afin  de  les  distinguer  des  soldats  «  fuseliers». 

Si  l'impersonnel  il  semble  veut  V indicatif  ou  le  sub- 
jonctif après  lui.  —  On  dit  l'un  et  l'autre;  mais  après 
il  me  semble,  le  verbe  qui  suit  doit  toujours  être  k  l'in- 
dicatif :  //  me  .semble  que  celte  femme  est  belle. 

Des  noms  qui  se  prononcent  en  o  et  de  ceux  qui  se 
prononcent  en  ou.  —  Il  faut  dire  indubitablement  e/<05e 
et  non  chouse ;  aujourd'Jtuyelnon  aujord'huij ;  portrait 


38 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


et  non  pourtrait;  porcelaine  el  non  poiircelaine ;  co- 
lombe et  non  pas  coulombe;  mais  on  dit  Saintc-Cou- 
lombe.  11  faut  dire  également  Rome  et  lionne,  quoique 
M.  de  Balzac  ait  écrit  que  toute  la  France  prononce 
Roume  et  lionne. 

11  faut  dire  également  aussi  Thoulome^,  Boulogne 
et  non  pas  Tholose,  Boloyne;  troupe,  croupion  et  non 
pas  trope,  cropion;  poucte,  et  non  poêle  ;  mouëlle  et  non 
moelle;  Louis.  Louise,  et  non  Lois,  Lo'ise. 

Voici  des  mots  controversés  :  maltoslier,  maltoûtier; 
poteau.r,  pouteaux;  B)rdeaux,  Bourdeaux ;  Cologne, 
Coulogne:  Pologne,  Poulogne  ;  concombre,  concombre 
(4672). 

Les  prédicateurs  disent  plus  communément  Moise; 
mais  tout  le  peuple  dit  Mouise,  et  c'est  ainsi  que 
Ménage  voudrait  parler  dans  le  style  familier. 

Nouel  est  ]ilus  usité  que  Noël. 

Quoyque,  bienque,  encore  que  avec  l'indicatif.  — 
Nos  anciens  ont  souvent  fait  régir  l'indicatif  à  ces  par- 
ticules, et  cela,  à  l'imitation  des  Latins;  mais  aujour- 
d'hui, elles  ne  régissent  plus  que  le  subjonctif:  quoyque 
je  sois  ;  bienque  je  twuille;  encoreque  je  craigne. 

Expressions  irrcgulières  qui  valent  mieux  que  des 
régulières.  —  Nous  avons  des  façons  de  parler  qui 
choquent  la  justesse  et  la  raison  tout  ensemble,  et  qui 
néanmoins  sont  meilleures  que  les  régulières.  Par 
exemple,  il  ai'oit  le  bras  retroussé  jusqu'au  coude  vaut 
mieux  que  il  aroit  la  mancltc  retroussée  jusqu'au  coude, 
quoique  ce  soit  la  manche  qu'on  retrousse  et  non  pas  le 
bras. 

11  en  est  de  même  de  cette  phrase  :  rous  n'oseriez 
t'aroir  regardé.  Pour  parler  régulièrement,  il  faudrait 
dire  vous  n'oseriez  le  regarder;  et  cependant,  il  s'en 
faut  bien  que  cette  façon  de  parler  soit  aussi  française 
que  l'autre. 

Aa  Vien  àe  il  est  demain  f este,  il  faudrait  dire,  pour 
parler  exactement,  //  sera  demain  (este. 

Nous  abusons  encore  du  mol  phij.^ionomie,  en  disant 
d'une  personne  qu'elle  a  une  bonne  ou  une  mauvaise 
physionomie  ;  car  ce  mot  désigne  la  science  de  juger  de 
la  personne  par  le  visage,  el  non  le  visage  lui-même. 

Différence  entre  aller  et  venir.  — -  Plusieurs  et  sur- 
tout les  étrangers,  confondent  ces  deux  verbes,  qui 
durèrent  cependant  beaucoup  l'un  de  l'autre.  Aller  se 
dit  du  lieu  où  l'on  est  à  celui  où  l'on  n'est  pas;  venir  se. 
dit,  au  contraire,  du  lieu  où  l'on  n'est  pas  à  celui  où 
l'on  est.  Par  exemple,  étant  à  Paris,  on  dit  qu'un  cour- 
rier est  allé  de  Paris  à  Rome  en  dix  jours,  et  qu'il  est 
venu  de  Rome  à- Paris  dans  le  même  temps. 

Des  vers  dans  la  prose.  —  C'est  un  grand  défaut  aux 
vers  d'être  prose,  et  ce  n'en  est  pas  un  moins  grand  à 
la  jjrose  d'être  vers.  11  ne  faut  pas  seulement  éviter  les 
vers  el  les  demi-vers  dans  la  prose,  mais  il  faut  éviter 
aussi  les  rimes  et  les  consonnances,  comme  l'a  fort  bien 
fait  remarquer  Vaugelas,  tout  en  manquant  lui-même  à 
sa  règle. 

S'il  faut  dire  buse,  buscpic  ou  buste;  musc  ou 
musqué.  —  Il  faut  dire  busqué,  car  c'est  ainsi  que 
parlent  aujourd'hui  toutes  les  dames  de  la  Cour  et  de 


la  Ville  qui  parlent  le  mieux.  Quant  à  buste,  il  est  très- 
mauvais  en  cette  signification  quoique  très-usité  parmi 
les  «  Bourgeoisies».  On  ne  doit  s'en  servir  que  pour 
signifier  ce  tronc  du  corps  humain  sur  lequel  on  met 
des  têtes  de  statues,  appelé  par  les  Italiens  busto,  et 
dont  nous  avons  fait  buste. 

Marot  a  dit  inusc,  Ronsard  et  Nicod  l'ont  dit  aussi  ; 
mais  on  dit  présentement  musqué,  en  deux  syllabes. 

Si  l'on  doit  dire  à  l'étourdi,  ou  à  l'étourdie.  —  Il 
semble  qu'il  faudrait  dire  à  l'étourdie,  comme  on  dit 
fl  la  légère.  Cependant,  on  dil  plus  communément  n 
l'étourdi. 

Des  mots  qui  finissent  en  f.  —  Il  y  en  a  où  l'/'doit 
se  faire  sentir  non-seulement  devant  les  voyelles  ou  à 
la  fin  des  vers,  mais  aussi  devant  les  consonnes.  Voici 
ceux  où  elle  ne  se  fait  sentir  que  devant  les  voyelles  el 
à  la  fin  des  vers  :  bœuf,  aufti  neuf,  de  novem.  On  dit 
(1672)  un  au  dur,  un  œu  frais,  du  bœu  salé,  neu  sol- 
dats. En  voici  d'autres  où  elle  ne  se  prononce  point  du 
tout,  en  quelque  endroit  qu'elle  soit  :  cerf,  clef,  apraniif, 
baillif;  c'est  pourquoi  plusieurs  écrivent  ces  mots 
sans  f. 

S'il  faut  dire  bref  ou  brief;  brévement  ou  brièvement; 
breveté  ou  brièveté.  —  Quand  le  mot  brief  signifie  le 
denique  des  Latins,  il  faut  le  prononcer  bref,  car  brief 
en  cette  occasion  serait  fort  mauvais.  Mais  il  y  faut 
faire  sentir  \'i  dans  ces  façons  de  parler  :  ajourner, 
citer,  crier,  proclamer,  à  trois  briefs  jours.  Quant  à 
brièveté  et  brièvement,  ils  se  disent  toujours,  et  c'est 
comme  parlent  nos  meilleurs  écrivains,  à  la  réserve  de 
MM.  de  Port-Royal,  qui  disent  breveté  et  brévement.  On 
dit  lon]OursgriefeX  grièvement,  quoiqu'on  dise  ^reycr; 
mais  depuis  longtemps  griéveté  n'est  plus  du  beau 
style. 

S'il  faut  dire  lillau  ou  tilleu.  —  Les  jardiniers  disent 
tillau,  el  c'est  ainsi  qu'il  faut  parler  dans  le  discours 
familier;  mais  dans  un  discours  relevé.  Ménage  dirait 
plutôt  tilleu. 

S'il  faut  dire b\i'\s  ou  bonis.  —  La  province  dil  buis; 
maison  dit  bouis^  Paris,  et  c'est  ainsi  qu'il  faut  parler. 

S'il  faut  dire  lilac  ou  lilas.  —  Les  Flamands  pronon- 
cent lillach,  ce  qui  fait  croire  à  Ménagé  que  celte  plante 
a  clé  ainsi  appelée  de  liiiacum,  à  cause  de  la  ressem- 
blance de  son  odeur  à  celle  du  lis.  Mais  nonobstant  celte 
èlymologie  el  cette  prononciation,  on  doit  dire  lilas, 
el  cela,  parce  qu'on  ledit  par  toute  la  France. 

S'il  faut  dire  hyacynlhe  ou  jacynthe.  —  Les  jardi- 
niers disent  jacynthe,  el  c'est  ainsi  qu'il  faut  parler 
dans  le  discours  familier;  mais,  dans  les  compositions 
relevées,  il  faul  dire  hyacynthe.  Les  prédicateurs 
disent  Saint  Uyacyntlir,  et  le  peuple  .S(///i/  Jacynthe. 

S'il  faut  dire  chirurgien  ou  cirurgien.  —  Quoique 
l'on  dise  en  latin  chirurgus,  il  faut  dire  en  français 
cirurgien  et  non  chirurgien. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


Lk  Rkdacteur-Géiumt  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


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BIBLIOGRAPHIE. 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Lettre  déchirée;  par  Philibert  Audebrand.  In-I8 
Jésus,  332  p.  Paris,  lib.  Calinan-Lévy.  3  fr.  50. 

Romans  préhistoriques.  Le  Monde  inconnu  ;  par 
Elie  Berihet.  Illustrations  d'Ed.  Von.  Les  Parisiens  à  l'ùge 
de  la  pierre.  La  Cité  lacustre.  La  Fondation  de  Paris. 
In-18  Jésus,  iii-/i38  p.  Paris,  lib.  Dentu.  U  fr. 

Le  Secret  d'un  touriste;  par  i.  Gondry  du  Jardinet. 
In-12,  352  p.  Paris,  lib.  Palmé.  3  fr. 

Rivalité  de  François  !■■■  ft  de  Charles-Quint;  par 
M.  Mignet,  de  l'.Académie  française.  2"  édition.  2  vol.  iu-12, 
lOlJ  pages.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie. 

Lettres  écrites  à  un  provincial;  [uir  Biaise  Pascal. 
Précédées  des  Lettres  provinciales  d'après  l'édiiion  de 
175i,  et  d'observations  littéraires  par  Françoi*-  de  Keuf- 
chàteau.  In-18  Jésus,  xx-411  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 

Discours  et  mélanges  littéraires;  par  M.  Patio, 
secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  française,  ln-18  Jésus, 
xv-387  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Laure  Aubry;  par  L.  Bailleul.  In-12.  30i  p.  Paris, 
lib.  Dillet.  2  fr. 


Voltaire  et  la  Société  française  au  XVIII"  siècle. 
Voltaire,  son  retour  et  sa  mort;  par  Gustave 
Desnoiresterres.  In- 8",  5i0  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie. 
7  fr.  50. 

Œuvres  poétiques  de  Lamartine.  Harmonies  poé- 
tiques et  religieuses.  In-8°,  302  p.  Paris,  lib.  Furne, 
Jouvet  et  Cie.  10  fr. 

Les  plus  anciens  monuments  de  la  langue  fran- 
çaise !!>;'=  et  .x"  siècles/:  publiés  avec  un  commentaire 
philologique  par  Gaston  Paris.  Album  in-f",  10  planches. 
Paris,  lib.  Firmin  Didot  et  Cie. 

La  Vie  de  Scaramouche;  par  Mezetin.  Réimpression 
de  l'édition  originale  i'l()65),  avec  une  introduction  et  des 
notes,  par  Louis  .Moland,  et  un  portrait  d'après  Bonnart 
par  Eugène  Gervais.  In-8°,  xxxn-127  p.  Paris,  lib.  Bon- 
nassies,  10  fr. 

Pères  et  enfants;  par  Ivan  Tourguénetl'.  Précédé 
d'une  lettre  à  l'auteur  par  Prosper  Mérimée,  de  l'Acadé- 
mie française.  2«  édition.  In-18  Jésus,  iv-328  p.  Paris, 
lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


LES  SAULX-TAVA^ES  —  Etudes  sur  l'ancienne  Société 
française,  lettres  et  documents  inédits  —  Par  L.  Pi.ngaud, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon  —  Paris, 
librairie  Firmin  Didol  el  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  6  fr. 


A  COUPS  DE  FUSIL.  —  Par  Ql  viublles.  —  2=  édition. 
—  Paris,  Charpentier  et  Cie.  libraires-éditeurs,  13,  rue 
de  Grènelle-St-Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LE  C.\M.\nADE  DE  VOY.\GE.  —  Par  Andersen.  _  Tra- 
duction de  MU.  Grégoire  et  .Moland.  —  Illustrations  de 
Yan  Dargent.  —  Paris,  Garnier  frères,  libraires-éditeurs, 
6,  rue  des  Saints-Pères.  —  Prix  :  3  fr. 


LA  VIERGE  DES  GLACIERS.  —  Par  A.xderse.v.  —  Tra- 
duction de  \\\l.  Grégoire  et  Moland.  —  lllubtratiODs  de 
Van  Dargent.  —  Paris,  lib.  Garnier  frères,  libraires- 
éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères  et  Palais-Royal.  215.  — 
Prix  ;  3  fr. 


POÉSIES  D'UN  MAITRE  D'ÉCOLE.  -  Par  Je.^.n  B.^rrois. 
—  Paris,  Léon  Vanier,  libraire-éditeur,  6,  rue  Haute- 
feuille.  —  Prix  :  1  fr.  25. 


LES  VINGT-HUIT  JOURS  D'UN  RÉSERVISTE  racontés 
par  lui-même  et  dessinés  par  un  autre  —  54  croquis 
à  la  plume  par  Raf.  —  Par  Léon  V.\.nier.  —  Paris,  li- 
brairie Léon  Vanier,  6,  rue  Hautefeuille.    — -   Prix  :  2  fr. 


ÉLÉMENTS  DE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE,  rédigés  sur 
un  nouveau  plan,  avec  des  explications  tirées  de  la  gram- 
maire historique  et  précédés  d'une  Introduction  sur 
l'origine  de  notre  langue.  —  Par  G.  BuviCR-LAPUiRRE,  an- 
cien professeur  îi  l'École  normale  de  Cluny,  olRcier  de 
rinstruclion  publique.  —  Ouvrage  couronne  par  la  Société 
pour  l'instruction  élémentaire.  —  A  Paris,  chez  Delagruve 
el  Cie,  rue  des  Ecoles.  —  1  vol.  in-12,  cart.  1  fr. 


HISTOIRE  DE  LA  FLORIDE  FRANÇAISE.  —  Par  Paul 
Gaffarel,  ancien  élève  de  l'Ecole  normale  supérieure, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon.  —  Paris, 
librairie  de  Firmin  Didol  el  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
rue  Jacob,  56.  —  Prix  ;  (i  fr. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  -  NAVIGA- 
TEURS. —  Par  .\I.M.  ED0u.\nD,  Goepp  et  Emile  L.  Cohdier. 
—  Ouvrage  accompagné  de  deux  magnifiques  cartes 
imprimées  en  couleur.  —  Bougainville,  L.\  Pérol'se,  Den- 
TRECASTE.^ux,  DiMONT  d'Urvillb.  —  Paris,  P.  Diicrocq, 
libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 


AVENTURES  PRODIGIEUSES  DE  TARTARIN  DE  TA- 
RASCON.  —  Par  Alphonse  Daidet.  —  Paris,  E.  Dentu, 
éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de  lettres.  Palais- 
Royal,  17  et  19,  galerie  d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr. 


LACRVM.E  RERUM,  MELODIES  INTIMES.  —  Poésies, 
par  Lucien  Paté.  —  2  vol.  in-18  Jésus.  —  Paris,  librairie 
des  Bibliophiles,  338,  rue  St-Honoré.  —  2  fr.  le  volume. 


LES  PETITS  DRAMES  RUSTIQUES,  scènes  et  croquis 
d'après  nature.  —  Par  F.  Fertiault.  —  Paris,  librairie 
académique  Didier  et  de,  libraires-éditeurs,  35,  quai 
des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr. 


.  LES  DANSEUSES  DU  CAUCASE.  —  Par  Em.manuel 
GoNZALÈs.  —  Illustrations  de  Ed.  Von.  —  Paris,  E.  Dentu, 
éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de  lettres.  — 


40 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Palais-Royal,    15-17-19.    galerie    d'Orléans.    —    Pri.\  : 
3  fr.  50. 


L'ART  ET  LES  ARTISTES  FRANÇAIS  CONTEMPORAINS. 

—  Par  Jules  Claretie.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-St-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


ETUDES  SUR  L'ANCIENNE  FRANCE,  histoibe,  moelrs, 
INSTITUTIONS  d'après  les  documents  conservés  dans  les 
dépôts  des  archives.  —  Par  Félix  Rocquain.  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs, 
35,  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


MADELEINE.  —  Par  Jdles  Sandeau.  —  Ouvrage  cou- 
ronné par  l'Académie  française  dans  sa  séance  du 
22  juillet  1847.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie,  libraires- 
éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saiat-Germain.  —  Prix  : 
3  fr.  50. 


MADEMOISELLE  DE  MAUPIN.  —  Par  Théophile  Gau- 
tier. —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


MANUEL  ÉLÉMENTAIRE  DE  MORALE  à  l'usage  des 
écoles  primaires  et  des  cours  d'adultes.  —  Par  Ch.  Poikson. 
-r-  Ouvrage  couronné  par  la  Société  pour  l'instruction 
élémentaire.  —  Prix  :  50  centimes.  —  Paris,  librairie  de 
l'Écho  de  la  Sorbonne,  54,  rue  des  Ecoles. 


MANETTE  SALOMON.  —  Par  Edmond  et  Jules  de  Gon- 
couRT.  —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  de, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


PAYSAGES  DE  MER  ET  FLEURS  DES  PRÉS.  —  Une 
idylle  normande.  —  Par  André  Lemoyne  —  .Paris,  Sandoz 
el  Fischhacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 


PROVERBES  DU  PAYS  BÉARN,  énigmes  et  contes  po- 
pulaires. —  Recueillis  par  V.  Lespy,  membre  de  la 
Société  pour  l'étude  des  langues  romanes.  —  Paris,  Mai- 
sonneuve  et  de,  libraires-éditeurs,  25,  quai  Voltaire. 


A  TRAVERS  LES  MOTS.  —  Par  Charles  Rozan.  —  Un 
joli  volume  format  anglais  de  450  pages,  imprimé  par 
J.  Claye.  —  Comprenant  les  Etoffes,  les  Académies,  les 
Cartes  et  les  Echecs,  les  Devinettes,  la  Barbe,  les  Danses, 
le  Calendrier,  les  Pierres  précieuses,  les  Meubles,  les 
Petits  meubles,  les  Titres  de  noblesse,  les  Petits  poèmes, 
et  donnant  l'étymologie  de  plus  de  900  mots.  —  Prix 
broché  :  3  fr.  50. 


COURRIER  DE  VAUGELAS  (Collection  du).  —  En  vente 
au  bureau  du  Courrier  de  Vaugelas  ,  26  ,  boulevard  des 
Italiens.  —  On  peut  encore  se  procurer  la  4»,  la  5=  et  la  6' 
année.  —  Réimpression  des  cinq  premières  ow!^e«  aussitôt 
que  sera  atteint  le  chiffre  demandé  par  la  souscription 
que  le  Rédacteur  vient  d'ouvrir. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Le  Tournoi  roÉTinuE,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (4'  année).  —Médaille  d'honneur  delà  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements  : 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


Ls.  Société  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Tarn-et-Garonne,  doit  décerner,  pour  le  concours  de  1877,  une 
médaille  d'or  de  200  francs  à  la  meilleure  œuvre  de  poésie  lyrique  (ode,  poème,  stances,  etc.);  —  une  médaille  d'or  de 
la  valeur  de  100  francs  à  la  meilleure  pièce  de  genre  (conte,  ballade,  fable,  etc.)  ;  —  une  médaille  d'argent  de  la 
valeur  de  50  francs  au  meilleur  groupe  de  trois  sonnets.  —  Des  médailles  de  bronze  pourront  être  accordées  aux 
poètes  qui  auront  obtenu  des  mentions  très-honorables.  —  Les  sujets  de  ces  compositions  sont  laissés  aux  choix  des 
concurrents.  —  Les  manuscrits  devront  être  adressés,  francs  de  port,  au  Secrétaire-général  de  la  Société,  à  Mon- 
tauban,  avant  le  l"  février  1877,  terme  de  rigueur. 


La  Société  nationale  d'éducation  de  Lyon  destine  pour  1876  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur 
ce  sujet  :  Quels  peuvent  et  doivent  être,  dans  l'état  naturel  de  la  société,  les  rapports  de  l'Instituteur  primaire  avec 
les  parents  de  ses  élèves?  —  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1877,  sous  le  nom  de  Prix  de  la  ville 
de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  Novembre  prochain,  à  M.  Palud,  libraire, 
4,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 

RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTRANGERS. 


Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  indique  aux  Etrangers  qui 
lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter  :  1»  des  professeurs  de  français;  —  2"  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  française  ;  —  3"  des  maisons  d'éducation  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français;  —  4"  des  réunions  publiques  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  où  se 
parle  un  très-bon  français  ;  —  5°  des  agences  qui  se  chargent  de  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 
gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 

M.  Eman  Marlin,  Uodacleiir  du  (loiiRiiiKii de  Vaiiculas,  est  visible  à  s-oii  bureau  de  trois  à  cinf)  hrurcs. 


Imprimerie  GOUVKRNKUH,  G.  DAUl'KLEY  ;\  Nogenl-leRotrou. 


7*  Année 


N"  6. 


15  Août  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"   et    le    15    de    chaqae   moli 

{Dans  sa  séance  du  \2  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Par  an ,  6  fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :  Ouvrages,  un  exem- 
plaire; Concours  littéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 


ETRANQBBS 


lEK      PROFESSEUR     SPECIAL     POUR     LES 

Officier  d'AcaJémie 
2G,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


SOMMAIRE. 

Origine  du  proverbe  Croquer  le  marmot;  —  Si  Faire  un 
Philippe  est  bien  français  ;  —  Lequel  des  trois  noms  Effeuil- 
laisoH,  E/feuillement  et  Effeuillage  vaut  le  mieui  ;  —  Si 
D'aucuns  est  une  bonne  expression  ;  —  Opinion  sur  A-t-il  été 
suicidé;  —  Origine  et  signification  de  Belluaire ;  —  Si  on 
peut  employer  Leriologie  :  —  Etymologie  de  Péguin.  \\  Dif- 
férence entre  Gymnasiarquc  et  Gymnaste  ;  —  Explication  de 
Avoir  son  plumet.  ||  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la 
biographie  de  Gilles  Ménage.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de 
littérature.  ||  Concours  littéraires.  ||  Souscription  pour  la 
réimpression    des    cinq  premières  années  de  ce  journal. 


FRANCE 


Première  Question. 
Jp  serais  bien  content  de  lire,  dans  un  de  vos  pro- 
chains numéros  si  c'est  jmssiblc,  l'origine  de  l'expres- 
sion CnoQCEH  LE  MABMOT,  qui  s'emploie  si  soucent  dans 
la  conversation . 

H  a  élé  proposé  bien  des  explications  pour  cette 
expression  proverbiale  ;  voici  celles  que  j'ai  recueillies  : 

^o  On  a  dit  qu'elle  venait  d'une  fable  d'Esope  dans 
laquelle  une  fermière,  pour  faire  cesser  les  pleurs  de 
son  petit  gan;on,  le  menace  de  le  donner  au  loup  qui, 
ayant  entendu  cela,  en  passant,  vint  se  placer  sur  la 
porte  de  la  maison,  dans  l'es()0ir  de  croquer  le  marmot, 
et,  après  une  vaine  attente,  finit  par  être  assominé. 

2°  Si  une  personne  qui  en  attend  une  autre  s'impa- 
tiente, dit  Boniface,  elle  murmure  entre  ses  dents  et 
imite,  en  quelque  sorte,  la  grimace  du  marmot  ou  sin'je  ; 
elle  croque  comme  le  marmot  ;  elle  croque  le  marmot. 

3o  D'après  Ftiretière,  cette  expression  serait  due  à 
l'habitude  qu'ont  les  «  compagnons  »  peintres  de  croquer 
le  marmot  'tracer  le  croquis  d'un  marmot)  sur  un  mur, 
pour  se  désennuyer,  lorsqu'ils  sont  obligés  d'attendre 
quelqu'un. 

4°  Il  y  en  a  pour  qui  ce  proverbe  est  une  allusion  à 
l'usage  féodal  en  vertu  duquel  le  vassal  allant  rendre 


hommage  à  son  seigneur  et  le  trouvant  absent,  devait 
réciter  à  sa  porte  les  formules  de  l'hommage,  et  baiser 
le  verrou,  la  serrure  et  le  heurtoir,  appelé  marmot  à 
cause  de  la  forme  grotesque  qu'il  avait  ordinairement. 
Comme  en  marmottant  ces  formules  et  en  baisant  le 
heurtoir,  il  avait  l'air  de  vouloir  le  croquer,  le  dévorer, 
il  fui  très-naturel  de  à'wiè  croquer  le  marmot  pour  expri- 
mer la  contrariété  ou  l'impatience  que  fait  éprouver 
une  longue  attente. 

5°  Selon  l'auteur  du  Manuel  des  amateurs  de  la 
langue  française,  cette  expression  doit  son  origine  à 
une  espèce  d'instrument  qui  servait  autrefois  de  mar- 
teau et  de  sonnette  à  la  porte  des  anciens  manoirs.  Cet 
instrument  consistait  en  une  poignée  de  fer  crénelée 
dans  laquelle  était  passé  un  gros  anneau  pouvant  s'a- 
giter dans  tous  les  sens.  En  cet  endroit,  la  porte  était 
garnie  d'un  bouton  en  cuivre  qui  représentait  une 
dfr  ces  figures  grotesques  nommées  marmots.  Voulait- 
on  se  faire  ouvrir,  on  agitait  l'anneau  contre  les  créne- 
lures  de  la  poignée,  ce  qui  produisait  un  craquement 
assourdissant  qui  se  faisait  entendre  dans  l'intérieur  de 
la  maison.  Après  avoir  longtemps  attendu  à  la  porte, 
une  personne  pouvait  dire  qu'elle  avait  longtemps 
craqué  (usant  de  l'onomatopée),  et  comme,  pendant  ce 
craquement,  le  marmot  attirait  l'attention,  ou  peut-être 
rendait  un  son,  on  l'aura  associé  à  celte  action  en  disant 
qu'on  avait  longtemps  craqué  le  marmot  [craqué  qui 
fut  dit  [ilus  tard  croqué,  par  le  changement  de  a  en  o  . 

6"  Enfin,  dans  une  note  de  ses  Variations  liistoriqucs 
et  littéraires  (tome  IV,  p.  229),  M.  Edouard  Fournier 
dit  que  certains  veulent  voir  dans  croquer  le  marmot 
une  allusion  aux  amants  rebutés  qui,  faisant  te  pied 
de  grue  à  la  porte  de  leurs  maîtresses,  se  consolaient 
en  baisant  le  marteau,  sous  forme  de  marmot  gro- 
tesque, qui  était  sur  leur  porte.  Cette  opinion  peut  se 
justifier  par  la  ininiature  d'un  roman  du  xvi'^  siècle, 
reproduite  dans  le  Bibliographical  Decamcron  de  Dibdiii 
(tome  I,  p.  216),  oit  l'on  voit  un  jeune  homme  portant 
à  ses  lèvres  l'anneau  de  la  porte  où  demeure  sa  dame, 
et  aussi  par  plusieurs  passages  des  auteurs  du  xvi'  el 


42 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


du  xvii'  siècle,  nolamment  par  une  phrase  de  la  comé- 
die des  Petits  maîtres  d'été  (1696),  qui  représente  ces 
Narcisses  modernes  passant  l'hiver  «  à  se  morfondre 
sous  les  fenêtres  des  dames  et  à  baiser  les  marteaux  de 
leurs  portes.  » 

Voyons  maintenant  ce  que  valent  ces  diverses  expli- 
cations. 

La  première.  —  Grâce  à  la  voracité  connue  du  loup, 
cette  explication  donnerait  plutôt  pour  croquer  le  mar- 
mot le  sens  de  se  dé]iêclier,  se  hâter,  que  le  sens  d'at- 
tendre longtemps,  qui  est  celui  du  proverbe.  Elle  est 
donc  à  rejeter. 

La  seconde.  —  Pour  que  cette  explication  fût  admis- 
sible, il  faudrait  que  croquer  comme  le  marmot  pût  se 
réduire,  par  ellipse,  à  croquer  le  mannot  ;  mais  la  chose 
est  complètement  impossible,  le  verbe  croquer  étant 
neutre  dans  la  première  expression  :  courir  comme  un 
dératé,  par  exemple,  ne  peut  s'abréger  en  courir  un 
dératé,  le  sens  n'est  plus  le  même. 

La  troisième.  —  Quand  on  songe  qu'en  parlant  de 
quelqu'un  qui  crayonne  plu'î  ou  moins  bien  une  forme 
humaine  sur  un  mur,  on  ,1  qu'il  fait  ««  bonhomme  ou 
des  bonshommes,  on  ne  s'explique  pas  comment  on 
aurait  pu  dire  autrefois  de  ceux  qui  faisaient  la  même 
chose,  qu'ils  croquaient  le  marmot  ;  car. cette  expres- 
sicHi  avec  son  article  défini,  n'aurait  pas  été  plus  fran- 
çaise que  ne  le  serait  aujourd'hui  croquer  le  bonhomme 
pour  dire  faire  un  bonhomme. 

La  quatrième.  —  L'usage  féodal  en  question  a  effec- 
tivement existé,  comme  cela  se  voit  dans  la  coutume 
d'Auxerre  [Coutumier  général,  tome  III,  part.  1,  p.  596, 
art.  44).  Mais  cette  manière  de  rendre  hommage  n'im- 
pliquait nullement  l'idée  d'attendre  :  quand  le  vassal 
ne  trouvait  pas  son  seigneur  chez  lui,  il  récitait  les  for- 
mules de  l'hommage,  baisait  le  verrou  et  s'en  allait. 

Du  reste,  si  c'était  là  l'origine  de  croquer  le  marmot, 
cette  expression  aurait  certainement  dû  se  trouver  dans 
nos  lexiques  avant  la  fin  du  xv!!*"  siècle,  et  je  ne  l'ai 
rencontrée,  pour  la  première  fois,  que  dans  la  première 
édition  du  Dictionnaire  de  l'Académie,  qui  a  été  publiée, 
comme  on  sait,  en  1694. 

La  cinquième.  —  Pour  que  cette  explication  pût  être 
accueillie,  il  faudrait  que  craquer  se  fût  employé  jadis 
pour  faire  craquer.  Or,  je  ne  crois  pas  qu'il  en  ait 
jamais  été  ainsi,  attendu  que  je  ne  connais  pas  d'exemple, 
en  français,  où  un  verbe  neutre  ait,  à  lui  seul,  le  sens 
qu'il  aurait  s'il  était  précédé  de  faire. 

La  sixième.  —  Celle-ci,  qui  remet  en  mémoire  les 
loyaux  amants  dont  parle  Lucrèce  iliv.  IV,  p.  S7,  trad. 
Nisard),  est  selon  moi  la  véritable,  et  voici  pour  quelles 
raisons  : 

r  Elle  rend  parfaitement  compte  de  l'idée  d'attente 
prolongée  qui  se  trouve  dans  croquer  te  marmot. 

2°  Elle  explique  d'une  manière  satisfaisante  les  termes 
de  cette  expression  ;  car  baiser  fréquemment  s'ex|)rime 
populairement  p^iT  manger  (ne  dit-on  pas  des  personnes 
qui  sont  sans  cesse  à  embrasser  les  statues  des  saints 
dans  les  églises  qu'elles  mangent  les  .saints?};  puis  cro- 
quer c'est  manger,  dans  le  sens  vu  Igaire  ;  d'où  croquer  le 


marmot  pour  signifier  baiser  souvent  le  marteau  d'une 
porte,  ce  marteau  ayant  atTecté  dans  l'ancien  temps  la 
forme  d'un  marmot. 

3o  Elle  est  corroborée  en  quelque  sorte  par  cette  cir- 
constance que  croquer  le  marmot  ne  se  trouve  ni  dans 
la  première  édition  du  Dictionnaire  étymologique  de 
Ménage  ()650),  ni  dans  les  Curiositez  françoises  d'An- 
toine Oudin  (1634),  ni  dans  le  Dictionnaire  français  et 
anglais  de  Gotgrave  (1660),  ouvrages  dans  l'un  desquels 
ce  proverbe  aurait  certainement  été  mentionné  s'il  se 
fût  rapporté  à  un  usage  moins  moderne  que  celui  au- 
quel je  l'attribue. 

X 

Seconde  Question. 

Je  serais  désireuse  de  savoir  si  l'expression  Faire  un 

Philippe  avec  quelqu'cx,   voulant   dire  partager  avec 

lui  une  amande  double,  est  française,  et,  dans  ce  cas, 

quelle  est  son  origine. 

Dans  le  n°  3  de  la  1  '"  année  du  Courrier  de  Vaugelas, 
j'ai  donné,  en  l'empruntant  aux  Petites  Ignorances  de 
M.  Charles  Rozan,  l'explication  de  l'expression  Bon- 
jour, Philippine  (qui  vient  de  l'allemand  vielliebchen, 
beaucoup  aimé),  et  j'ai  terminé  mon  article  par  cette  ré- 
flexion : 

Sa  terminaison  fde  Philippine]  a  fait  croire  à  quelques 
personnes  que  Bonjour,  Pfiilippine  !  ne  pouvait  être  em- 
ployé qu'en  s'adressant  à  une  dame,  et  que,  dans  le  cas  où 
une  dame  s'adressait  à  un  monsieur,  elle  devait  dire  Bon- 
jour, Philippe .' 

.\  mon  avis,  c'est  là  une  profonde  erreur  :  le  mot  alle- 
mand rielliebchen  étant  un  adjectif  convenant  aussi  bien  à 
un  homme  qu'à  une  femme,  la  corruption  de  ce  mot, 
quelle  qu'en  soit  la  syllabe  finale,  doit  indifféremment 
s'appliquer  aux  deux  genres. 

Or,  si  une  dame  ne  peut  pas  dire  Bonjour,  Philippe! 
pour  se  faire  donner  par  le  monsieur  avec  lequel  elle 
a  partagé  une  amande  double  à  table,  le  petit  cadeau 
auquel  l'usage  lui  donne  droit,  il  me  semble  qu'elle  ne 
peut  pas  dire  non  plus  qu'e//e  a  fait  un  Philippe  avec 
ce  monsieur,  et  que  l'expression  logique  jiour  signifier 
le  partage  en  question  est  faire  une  Philippine. 

X 
Troisième  Question. 

Pourriez-raus  me  dire  lequel  de  ces  trois  mots  ef- 
fecillage,  effecillaison  et  effecillement,  qui  ont  été 
employés  successivement  par  des  écrivains  traitant  d'a- 
griculture, pour  désigner  une  même  opération,  doit 
rendre  le  plus  exactement  l'idée  ? 

Théoriquement  parlant,  chacun  de  ces  mots  signifie 
l'action  d'etVeuiller;  car,  dans  notre  langue,  «7e,  aison  et 
ment,  joints  à  un  verbe,  forment  des  substantifs  qui 
signifient  l'action  marquée  parce  verbe. 

Mais,  quand  je  considère  que  la  plupart  des  substan- 
tifs qui  se  rapportent  aux  travaux  de  l'agriculture  et  de 
l'iiorticulture  ont  la  première  terminaison  : 


Abattage 

Battage 

Labourage 


Drainage 
Parcage 

Repiquage 


Cbaulage 

Glanage 

Emondage 


.E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


43 


Sciage  Echenillage  Roulage 

Hersage  Equarissage  Jardinage 

Marnage  Dressage  Arrosage 

Bornage  Elevage  Sarclage 

je  crois  pouvoir  en  conclure  que,  s'il  s'agiL  d'une  opé- 
ration générale,  il  est  plus  conforme  à  l'analogie  d'em- 
ployer effeuillage  que  l'un  ou  l'autre  de  ses  synonymes. 

X 
Quatrième  Question. 
Je  lis  da?is  le  \<^'  rolinne  de  la  Nouvelle  géograpuie 
OJiiVERSELLE  du  savant  M.  Elisée  Reclus,  page  7,  le 
passage  suivant  :  «  Leur  supériorité  n'est  pas  dur, 
comme  d'accuns  se  l'imaginent,  etc.  »  Ce  mot  d'auccns 
est-il  bien  correct  ?  Un  mot  d'explication,  je  vous  prie, 
dans  cotre  excellente  feuille. 

Au  xYii"^  siècle,  d'aucuns  et  d'aucunes  se  sont  emplo- 
yés pour  quelques-uns  et  quelques-unes  ;  ainsi  Molière 
a,  dit  dans  le  Malade  imaginaire  (acte  II,  se.  I)  : 

Il  y  en  a  d'aucunes  qui  prennent  des  maris  seulement 
pour  se  tirer  de  la  contrainte  de  leurs  parents. 

Mais,  au  milieu  du  xviii'',  cet  emploi  au  pluriel  com- 
mença à  se  restreindre  ;  et,  à  l'époque  où  fut  publiée  la 
seconde  édition  du  Dictionnaire  de  Trévoux  (1771), 
aucuns  ne  se  disait  plus  qu'en  style  marotique  et  de 
palais  : 

Je  m'engageai,  sous  l'espoir  d'un  salaire, 
A  travailler  à  son  hebdomadaire 
Qa'aucuns  nommaient  alors  patibulaire. 

(Voltaire.) 

Aujourd'hui,  comme  nous  l'apprend  M.  Littré, 
dans  son  dictionnaire,  les  expressions  rf'a?/c«««  et  d'au- 
cunes forment  des  archaïsmes  qui  ne  sont  plus  guère 
en  usage. 
■  Or,  attendu  que  dans  la  phrase  que  vous  me  proposez, 
il  ne  s'agit  ni  de  style- marotique,  ni  de  style  de  palais, 
je  suis  persuadé  que  quelques-uns  y  ûgurerait  mieux 
que  d'aucuns. 

(Voir  Courrier  de  Vaugelas,  3'  année,  p.  50,  où  cette 
question  a  déjà  été  résolue.) 

X 

Cinquième  Question. 
Le  jourtial  des  DÉBiis  du  7  juin  1876  contient  la 
phrase  suivante  :  «  Le  malheureu.r  sultan  dont  on  a  fini 
par  déclarer  la  mort,  s'est-il  tué  de  sa  propre  main  ou 
bien  a-t-il  été  scicidé?  »  Que  pensez-vous  de  ce  sens 
nouveau  du  barlmrisme  Se  suicider? 

Quel  qu'ait  été  son  mode  de  formation,  le  verbe 
se  suicider,  aujourd'hui  complètement  consacré  par 
l'usage,  est  un  verbe  essentiellement  pronominal , 
c'est-à-dire  qu'il  ne  peut  se  conjuguer  autrement  qu'ac- 
compagné de  deux  pronoms  de  la  même  personne  : 

Je  me  suicide 
Tu  te  suicides 
Il  se  suicide 
Nous  nous  suicidons 
Vous  vous  suicidez 
Ils  se  suicident. 

Or,  les  verbes  de  cette  espèce  ne  s'cmpioyant,  dans 


notre  langue,  ni  comme  verbes  actifs,  ni.  par  consé- 
quent, comme  verbes  passifs,  il  s'ensuit  qu'on  ne  peut 
pas  plus  dire  de  quelqu'un  qu'il  a  été  suicidé,  qu'on  ne 
peut  dire,  par  exemple,  qu'il  a  été  abstenu. 

X 
Sixième  Question. 
Pourriez-vous  me  dire  par  l'intermédiaire  du  CocE- 
RiER  DE  ViCGELAS  qucllr  cst  l'originc  et  la  signification 
du  mot  liELnniRE,  que  je  trouve  dans  les  Chatime.ms  de 
Victor  Hugo  [liv.  Il  et  III]  ?  J'ai  vainement  cherché 
Belhaike  dans  le  Dictionnaire  de  Littré.  Est-ce  un 
oubli,  ou  effectivement  ce  mot  ne  serait-il  pas  français, 
malgré  l'autorité  de  Victor  Hugo  ? 

Le  mot  belluaire,  qui  me  semble  n'avoir  été  men- 
tionné jusqu'ici  que  par  le  Grand  Dictionnaire  de 
P.  Larousse,  a  été  fait  du  latin  bellua,  bête  féroce,  et 
de  la  finale  aire,  traduction  du  suftixe  arius,  lequel 
désigne  dans  cette  même  langue  des  professions  exer- 
cées par  des  hommes.  Employé  d'abord  dans  le  sens 
de  bestiaire  et  d'esclave  attaché  au  service  des  animaux 
du  Cirque,  ce  mot,  par  extension,  a  bientôt  signifié 
presque  exclusivement  celui  qui  dompte  des  lions,  des 
tigres,  etc.  pour  les  montrer  en  public. 

Les  exemples  de  belluaire  que  j'ai  cités  (Courrier  de 
Vaugelas.  6^  année,  p.   U8,   où  la  question  a  déjà  été 
traitée),  me  font  croire  que  Théophile  Gautier  pour- 
rait bien  être  l'auteur  de  ce  néologisme. 
X 
Septième  Question. 

Peut-on  se  servir  du  mot  lexiologie,  que  j'ai  trouvé, 
je  crois,  dans  L'IjisiRicTiojf  pcbliqce,  ote  cette  expression 
ne  serait-elle  qu'une  faute  d'impression  pour  lexicot 
logie  ? 

Ces  deux  termes  sont  également  français  ;  mais  ils 
s'appliquent  à  des  choses  dilî'érentes. 

Quand  on  s'occupe  de  ranger  les  mots  par  ordre 
alphabétique,  de  rechercher  ce  qui  a  rapport  à  leur 
si.uiiilicatiou,  à  la  source  d'où  ils  viennent,  à  la  manière 
dont  l'usage  les  emjdoie,  on  fait  de  la  lexicologie  (de 
XeH'./.iv,  vocabulaire,  et  de  a:ysç,  discours),  c'est-à-dire 
de  la  science  dij  dictionnaire. 

-Mais,  lorsque  prenant  un  système  de  langues,  ou 
étudie  comparativement  le  vocabulaire  de  chacune  pour 
arriver  à  la  connaissance  et  à  la  classification  des  mots 
primitifs  qui  les  com|)Osent;  lorsque,  ces  mots  élémen- 
taires trouvés,  on  les  compare  entre  eux  au  double 
point  de  vue  du  sens  et  du  son  pour  en  découvrir  les 
analogies  et  les  grouper  en  familles  naturelles  :  et  lors 
qu'enfin,  se  transportant  par  la  pensée  au  moment  où 
ils  furent  créés,  on  cherche  la  part  qu'ont  prise  à  leur 
formation  la  voix,  l'instinct,  l'idée  et  la  sensation,  on 
fait  de  la  lexiologie  {de  Xî;-.;,  mot,  et  'hi'(iz,  discours  , 
branche  toute  nouvelle  de  la  linguistique. 

C'est  .M.  Ghavée  qui  a  créé  le  nom  de  lexiologie  pour 
le  donner  à  son  ouvrage  sur  les  langues  indo-euro- 
péennes, publié  en  isi;». 

X 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Huilième  Question. 
D'où  vient  le  mot  de  PÉQVis  appliqué  par  les  militaires 
aux  civils  ? 

Dans  la  2'  année  de  ce  journal  (p.  105),  j'avais  cher- 
ché la  solution  de  cette  question  ;  et,  après  avoir  suc- 
cessivement rejeté  toutes  celles  qui  avaient  été  données 
jusqu'alors,  je  m'étais  prononcé  pour  respagnolpe^MË/îo, 
petit. 

Mais  depuis,  j'ai  reçu  à  ce  sujet  une  communication 
de  M.  Philarète  Chasles^  insérée  dans  le  numéro  5  de  la 
3*  année,  laquelle  disait  que  le  mot^jeg'Mm  avait  désigné, 
sous  le  premier  Empire,  une  étoffe  de  soie  (comme  le 
nankin  en  désignait  une  de  coton),  étoffe  portée  pen- 
dant l'été  par  les  civils  ou  bourgeois,  ce  qui  avait  fait 
appeler  ceux-ci  péhins  par  les  soldats,  qui  ne  portaient, 
eux,  que  de  la  toile  ou  du  drap. 

Or,  comme  ce  sont  les  propres  souvenirs  de  M.  Phi- 
larète Chasles  qui  lui  ont  fourni  celte  étjmologie 
«  qu'il  a  entendue  mille  fois  dans  son  enfance  »,  j'en  ai 
tiré  aussitôt  la  double  conclusion  que  je  m'étais  complè- 
tement trompé  en  croyant  voir  dans  pequeiio  l'origine 
cherchée  de  péquin,  et  que  ce  sobriquet  doit  nécessai- 
rement s'écrire  pékin,  attendu  qu'il  n'est  autre  que  le 
nom  de  la  capitale  de  la  Chine. 


ETRANGER 


Première  Question. 
Je  vous  serais  bien  obligée  si  vous  vouliez  bien  me 
dire  les  cas  dans  lesquels  on  peut  se  servir  du  mot 
GTMNASiARQCE,  et  aussi  ceux  dans  lesquels  on  doit  se  ser- 
vir du  mot  GÏMNASTE. 

Il  y  a  une  différence  sensible  dans  l'emploi  de  ces 
deux  termes,  empruntés  l'un  et  l'autre  à  la  langue 
grecque. 

Le  mot  (jymnasiarque  (de  -pV-'^'^'-^^i  gymnase,  et  de 
ipy_eiv,  commander),  se  dit  : 

4°  D'un  magistrat  d'Athènes  qui  avait  la  direction  et 
la  surveillance  des  gymnases  publics,  et  qui  exerçait 
une  sorte  de  juridiction  sur  tous  ceux  qui  fréquentaient 
ces  établissements  ; 

2"  De  celui  qui,  dans  les  écoles  publiques,  dirige  un 
système  d'exercices  gyranastiques  propre  à  développer 
les  facultés  physiques  de  l'homme  ; 

3°  Du  directeur  d'une  école  d'Allemagne,  où  l'on  en- 
seigne le  latin. 

Quant  à  (jijmnaste  (de  -piAvaÇsiv,  exercer),  nous  l'em- 
ployons dans  les  cas  suivants  : 

{°  Pour  designer  l'officier  préposé  dans  les  gymnases 
grecs  à  l'éducation  des-alhlètes  et  de  ceux  qui  fréquen- 
taient le  gymnase,  celui  qui  décidait  quels  exercices 
devaient  cire  appliqués  à  la  constitution  de  la  personne 
dont  il  dirigeait  le  régime  ; 

2"  Pour  désigner  un  professeur  qui  enseigne,  par  son 
exemple,  à  exécuter  les  divers  mouvements  gymnas- 
tiques  ; 


30  Enfin,  par  extension,  pour  désigner  celui  qui  fait 
des  tours  de  force  et  d'agilité. 


Seconde  Question. 

Voudriez-vous  bien  me  dire  ce  que  signifie  et  com- 
ment on  peut  expliquer  l'expression  Avoir  son  rmiiET, 
que  je  ne  trouve  pas  dans  mon  Dictionnaire  de  Liltré  ? 
Je  vous  en  serais  très-reconnaissant. 

Cette  expression,  qui  ne  s'emploie  que  dans  la  fami- 
liarité de  la  conversation,  veut  dire  être  dans  un  état 
d'ébriélé  complète  : 

N'est-ce  pas  que  j'dois  vous  faire  l'effet 
Q'avoir  c'qui  s'appelle  un  plumetl 
Messieurs,  c'est  le  piéton! 

(Ch.  Voizo,  chans.) 

M.  Lorédan  Larchey,  à  qui  j'emprunte  cet  exemple, 
prétend  que  c'est  «  une  comparaison  de  la  trogne  à  la 
couleur  rouge  d'un  plumet  d'uniforme  ».  Selon  moi, 
c'est  là  une  grave  erreur  ;  car  d'abord,  il  y  a  des  plumets 
qui  ne  sont  pas  rouges,  et  ensuite,  si  enluminé  qu'ait 
été  un  visage  après  un  sacrifice  à  Bacchus,  il  n'a 
jamais  été  comparé,  que  je  sache,  à  un  bouquet  de 
plumes. 

Je  vais  vous  donner  une  explication  qui  me  semble 
infiniment  plus  satisfaisante  que  celle  des  Excentricités 
du  langage. 

Celui  qui  se  trouve  sous  une  forte  influence  alcoo- 
lique a  des  mouvements  de  tête  saccadés  comme  s'il 
portait  une  trop  lourde  coiffure.  Nos  ancêtres,  qui, 
ainsi  que  nous,  avaient  remarqué  le  fait,  disaient  d'un 
homme  dans  cet  état  qu'il  s'était  coiffé  le  cervegu,  en 
sous-entendant  sans  doute  l'adverbe  pesamment,  car 
on  trouve  dans  Molière  [Amphit.,  III,  2)  : 

Ati  !  quelle  vision  I 
Dis-nous  un  peu  quel  est  le  cabaret  honnête 
Où  tu  Ves  coiffé  le  cerveau  ? 

On  élimina  le  complément,  et,  au  xviii"  siècle, 
l'expression  se  réduisit  à  coiffer,  comme  le  montrent 
ces  citations  prises  dans  Trévoux  (1771)  : 

Cet  homme  n'est  pas  accoutumé  à  boire,  il  ne  faut  qu'un 
verre  de  vin  pour  le  coiffer. 

Gardez- vous  de  ces  vins  d'Orléans  ;  ils  sont  fumeux  et 
sujets  à  coiffer. 

Cet  tiomrae  est  sujet  à  5e  coiffer. 

Or,  au  milieu  des  soldats,  qui  portaient  pour  la  plu- 
part un  casque,  que  dut-on  dire  quand  on  voulut  don- 
ner une  variante  à  coiffer,  se  coiffer,  être  coiffé  ?  Tout 
naturellement  donner  ou  se  donner  un  casque,  avoir 
son  casque,  comme  dans  ces  exemples  : 

On  a  beau  être  homme,  vingt  chopines,  ça  ne  s'avale 
pas  sans  laisser  un  petit  casque  sur  la  tête... 

(Larousse,  Grand  Dict.) 

Il  me  demande  si  je  veux  m'humecter.  Je  lui  dis  que  j'a< 
mon  casque. 

(Monselet,  cité  par   Lorédan.) 

Puis,  comme  le  casque  n'était  pour  ainsi  dire  com- 
plet que  lorsque  le  plumet  y  était  arboré,  on  a  dit,  non 
moins  naturellement  encore,  avoir  son  plumet,  pour 
signifier  être  lout-à-fait  ivre. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


ih 


Enfin,  l'expression  s'est  répandue  parmi  les  civils,  où 
elle  s'emploie  maintenant  aussi  souvent  peut-être  que 
cbez  les  militaires  eux-mêmes. 

Sauf  erreur,  voilà  comment  avoir  son  plumet  en  serait 
venu  à  signifier  ce  que  vous  savez. 


PASSE-TEMPS  GRAM.MATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 


1°  ...  que  la  liberté  excessivement  (loris.'iante  (voir  Courrier 
de  Vaugelas,  3'  année,  p.  84);  —  'i°  ...  se  dit  autorisé  à  qua- 
lifier ;  —  3°...  vers  trois  heures  et  un  quart,  ou  vers  trois 
heures  un  quart  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  1'  année,  p.  66)  ; 

4»   ...  dont  on  ne  laisse  pas  de  se   méfier  (pas  de  que,   voir 

Courrier  de  Vaugelas,  i'  année,  p.  155);  —  5°  ...  renvoie  aux 
calendes  grecques  (ce  dernier  mot  est  indispensable)  ;  —  6'  ...  ses 
ganls  fleurent  mieux  ([ue  benjoin;  —  7°  ...  les  quelques  milliers 
,1e  francs  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  ï'  année,  p.  69)  ;  —  8°...  de 
se  reposer,  ne  fût-ce  çHune  heure  ;  —  9°  ..  plutôt  que  de 
permettre  à  la  Turquie  d'écraser. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 


1°  Par  une  conséquence  naturelle,  les  résistances,  les 
agitations  qu'on  avait  déjà  vu  se  produire  à  l'occasion  des 
impôts  se  multiplièrent  avec  une  intensité  croissante. 

2°  De  même  qur,  sous  le  poids  de  la  souffrance,  on  avait 
jadis  adhéré  au  traité  de  Brétigny,  qui  livrait  à  l'étranger 
le  tiers  du  royaume,  on  accueillit  alors  avec  joie,  à  Paris 
du  moins  et  dans  tout  le  nord  de  la  France,  le  traité  de 
Troyes,  qui  livrait  enfin  le  royaume  tout  entier. 

3'  Pour  eux,  la  quiétude  présente  et  la  revanche  pro- 
chaine, voilà  ce  que  clament  par-dessus  les  toit3  tous  les 
folliculaires  des  vieux  partis. 

4*  Inutile  de.dire  que  la  sigillographie  fournit  de  précieux 
renseignements  sur  l'armement,  sur  le  costume,  voire 
même  sur  le  mobilier  du  moyen  3ge. 

5°  La  guerre  qui  éclata  cette  année  même  arrêta  ces  tra- 
vaux. Ils  ne  furent  jamais  repris.  Il  n'en  resta  que  le  sou- 
venir des  sommes  énormes  qu'ils  avaient  inutilement 
coûtées  et  des  milliers  d'existences  qu'on  y  avait  sacrifiées. 

6°  Dans  une  des  localités  privilégiées  où  les  ruisseaux 
coulent  de  l'eau  bénite,  un  adroit  commerçant  a  intitulé 
son  auberge  :  Hdtel  du  Commerce  et  de  l'Immaculée  Concep- 
tion. 

7"  D'aucuns  pensent  que  l'existence  de  la  Roumanie, 
comme  nation  autonome,  est  attachée  à  la  conservation 
de  l'Empire  ottoman. 

8°  Il  ne  sortira  toujours  pas  de  communards  de  nos  écoles, 
hurle  M.  de  Gavardie,  comme  un  écolier  indiscipliné  pris 
tout-à-coup  d'une  démangeaison  de  faire  tapage. 

9-  L'action  du  dernier  roman  de  notre  collaborateur 
Jules  Claretie  pivote  sur  une  balle  que  le  héros  a  reçu  et 
qui  n'a  pas  été  extraite. 

10°  Je  constaterai  que  cette  petite  fête  de  l'intelligence  a, 
comme  toujours,  attiré  une  grande  affluence  de  spectateurs 
désireux  de  passer  pour  des  esprits  délicats,  et  qui  s'en- 
nuyent  à  bouche  que  veux-tu  pendant  trois  mortelles 
heures. 

{Lei  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XV11«  SIÈCLE 


Gilles  MÉNAGE. 

[Suite.) 

De  l'h  française.  —  Les  Italiens  n'ont  pas  d'h 
aspirée,  et  voilà  pourquoi  les  populations  de  France 
qui  avoisinenl  l'Italie,  comme  les  iiourguignons,  les 
Dauphinois  et  les  Provençaux  n'aspirent  \'h  dans 
presque  aucun  mot,  ce  qui  est  une  faute.  Pour  prévenir 
cette  faute,  .Ménage  donne  une  liste  des  mots  on  cette 
lettre  est  aspirée. 

Suit  la  critique  des  règles  qu'a  données  Vaugelas 
concernant  l'aspiration  de  l'A. 

//  mise  sans  raison  dans  plusieurs  mots.  —  Ces  mots 
sont  ;  Anthoine,  T/toinard,  T/ienot,  hermite,  Mathurin., 
thesurcr,  inthimé,  posthume,  Amaranthe  :  car  les  mots 
latins  qui  les  ont  donnés  n'ont  pas  d'A.  Nous  écrivons 
aussi  à  tort  Thoulouse  il 672). 

S'il  faut  dire  exlrordinaire  ou  extraordinaire.  —  On 
dit  l'un  et  l'autre,  mais  dans  des  endroits  dilTérents.  On 
dit  \'E.rtrordinaire  en  parlant  de  la  Gazette  des  nou- 
velles étrangères,  et  l'Exlrordinaire  des  guerres,  en 
parlant  d'une  charge.  .Mais  on  dit  cet  homme  est  d'une 
vertu  extraordinaire.  Comme  exirordinaire  est  plus 
doux  qii'e.rlraordinairc ,  et  qu'il  est  d'ailleurs  plus 
usité  parmi  le  peuple,  il  y  a  apparence  qu'il  demeurera 
le  seul  en  usage. 

Emploi  de  poitrine  et  de  face.  —  Ces  deux  mots 
sont  fort  beaux  et  fort  nobles,  et  les  écrivains  qui 
hésitent  à  les  employer  parce  que  l'on  dit  une  poitrine 
de  mouton  et  la  face  du  grand  Turc,  sont  ridicules. 

•S'î'/  faut  dire  chardonnel.  ou  chardonneret.  —  En 
Anjou,  on  dit  chardonnel.  A  Paris  et  à  la  Cour  on  dit 
chardonneret  ;  c'est  donc  de  ce  dernier  qu'il  faut  se 
servir.  « 

D'oii  vient  qu'on  écrit  par  un  A  ceux,  dieux,  deux, 
mieux,  travaux,  animaux  et  autres  mots  semblables.  — 
Ménage  croit  que  celte  façon  d'orthographier  nous  est 
venue  de  la  prononciation  de  Vx  comme  une  s;  car  if 
est  certain  que  l'x,  qui  parmi  les  anciens  Latins  tenait 
lieu  de  es  ou  de  gs,  s'est  prononcé  dans  la  décadence  de 
l'Empire  romain  simplement  comme  une  «.  Les  Italiens 
prononcent  encore  aujourd'hui  Vx  comme  une  s;  il  en 
est  de  même  chez  les  Gascons  et  les  Provençaux  ;  et 
comme  l'.r  à  la  fin  des  mots  fait  un  plus  bel  elTet  à  la 
vue  que  l's,  on  l'y  a  employé  souvent  à  la  place  de  cette 
dernière  :  c'est  pour  cette  même  raison  d'agrément  que 
nos  «  aïeuls  »  ont  rempli  d'y  non-seulement  tous  les 
mots  français,  mais  encore  une  partie  des  italiens, 
quoique  la  langue  italienne  ne  connaisse  point  cette 
lettre  :  Gondy,  Corbinelly,  Manciny,  etc. 

Si  l'on  peut  dire  dépendre  pour  dépenser.  —  Nos 
anciens  le  disaient,  témoin  cette  façon  de  parler  :  //  est 
à  moy  à  vendre  et  à  dépendre.  On  ne  le  dit  plus  présen- 


46 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


temenl  [16721  ;  on  dit  dépensé  pour  dépendu,  quoique 
dépendre  ne  soit  pas  tout  ;!  fait  hors  d'usage. 

Formes  du  verbe  asseoir  et  seoir.  —  Vaugelas  dit  ils 
s'assient  au  présent;  de  l'indicatif.  Il  faut  ils  s'asséient, 
nous  71011S  (isséions;  a  l'imparfait,  il  faut  noîis  nous 
nsséiions.  Au  futur  de  l'indicatif,  Vaugelas  veut  qu'on 
dise  il  séiera  ;  c'est  une  autre  faute;  il  faut  dire  siéra. 
Le  même  auteur  s'est  encore  trompé  en  disant  les 
(jrands  cheveux  lui  sient  bien  ;  il  faut  lui  siéent  bien. 

S'il  faut  dire  un  ])r\é-D\e\},  ou  un  prie-Dieu.  —  Il 
faut  dire  un  prié-Dieu,  comme  dans  cet  exemple  :  le 
Roi  c.^t  à  son  prié-Dieu.  C'est  ainsi  qu'on  parle  à  la 
Cour. 

L'adcerbe  précipitément.  —  Vaugelas  dit  qu'il  est 
bon,  .Ménage  le  trouve  abominable. 

De  la  prononciation  des  infinitifs  en  er,  en  ir,  et  en 
oir.  —  Vaugelas  a  établi  pour  maxime  constante  que 
\'r  finale  ne  se  faisait  point  sentir  dans  les  infinitifs 
terminés  en  er  et  en  ir,  et  qu'on  prononrait,  par 
exemple,  allé,  mûri,  et  non  aller,  courir.  Il  devait  dire 
que  cette  r  finale  ne  se  prononçait  point  dans  ces  infi- 
nitifs quand  il  s'agit  de  prose,  car  elle  se  prononce  à  la 
fin  des  vers,  et  au  milieu,  devant  une  voyelle. 

S'il  faut  dire  hànte  ou  bampe  de  hallebarde.  —  11 
faut  dire  hnvipe  ;  le  mot  hante,  qui  était  encore  bon  du 
temps  de  Vaugelas,  est  devenu  barbare,  quoiqu'il  fi^it 
pourtant  le  véritable  mot. 

S'il  faut  écrire  aultre  ou  autre.  —  L'«;  des  Latins 
s'étant  perpétuellement  changé  en  au  dans  notre  langue, 
il  faut  pour  celle  raison  écr'we  autre  et  non  aultre,  ce 
qui  doit  s'appliquer  à. 4r«aM//,  Gonibault,  Perrault,  etc. 

Des  prépositions  locales  en,  dans,  à,  devant  les  noms 
de  villes,  de  provinces  et  de  royaumes.  —  Dans  l'origine, 
on  a  mis  en  devant  les  noms  de  villes;  plus  lard,  on  a 
mis  à  devant  ceux  de  ces  noms  qui  commençaient  par 
une  consonne  :  en  se  mettait  devant  ceux  qui  commen- 
çaient par  une  voyelle,  pour  éviter  l'hiatus  ;  puis  enfin, 
à  s'est  généralisé,  et  actuellement  (1672),  on  ne  dit  plus 
que  en  Arles  el  en  Avignon.  Cependant  depuis  quelques 
années,  on  commence  à  dire  à  Arles,  à  Avignon. 

Depuis  quarante  ou  cinquante  ans,  on  dit  Avocat  au 
parlement  au  lieu  de  Avocat  en  parlement,  qui  s'était 
dit  jusqu'alors. 

Pour  ce  qui  est  des  noms  de  provinces,  il  y  en  a 
devant  lesquels  on  met  en  et  dans  indifféremment  :  en 
Poitou,  en  Saintotige,  ou  dans  le  Poitou,  dans  la  Sain- 
t.onge;  il  y  en  a  d'autres  où  l'on  ne  met  que  dans;  ainsi 
on  dit  dans  le  Lyonnois,  dans  le  Vendômois;  enfin  il 
y  en  a  d'autres  où  l'on  met  au  cl  dans  indifieremment, 
et  où  en  ne,  vaudrait  rien  ;  on  dit  au  Maine,  au  Perche, 
nu  Vexin,  dans  le  Mainr,  dans  le  Perche,  dans  le 
Vexin.  Ce  sont  des  bizarreries  dont  il  serait  difficile  de 
donner  la  raison. 

Du  pronom  démonstratif  celiù  avec  la  particule  là.  — 
V'augclas  a  dit  avec  juste  raison  qu'il  ne  faut  pas  faire 
suivre  immédialemenl  le  pronon  celui  de  l'adverbe  là, 
et  que  ceux-Ui  (/ui  honorent  Dieu  est  une  faute  ;  m.iis 
il  y  a  un  cas  où  cet  cniiiloi  esl  parfaitement  iiossihie, 


celui  où  le  pronom  esl  précédé  de  c'est,  ainsi  il  faut  dire  : 
c'est  celui-là  qui  m'a  volé. 

S'il  faut  dire  apostume  ou  aposléme.  —  L'élymo- 
logie  voudrait  que  l'on  dît  apostéme,  comme  disent  la 
plupart  des  médecins  ;  mais  l'usage  est  pour  apostume, 
et  il  y  a  même  déjà  longtemps  que  l'on  parle  de  la 
sorte. 

S'il  faut  dire  un  lavement  ou  un  clyslére.  —  Il  faut 
dire  un  lavement,  comme  on  dit  à  Paris,  et  non  pas  un 
cbjstère.  comme  on  dit  dans  les  provinces. 

S'il  faut  dire  je  ne  savois  pas  que  c'estoit,  ou  que  ce 
fust  vostre  mère.  —  Les  occasions  d'employer  cette 
façon  de  parler  sont  fréquentes.  Les  personnes  du  monde 
qui  n'ont  point  d'étude  disent  d'ordinaire  _/e  ne  savois 
pas  que  c'estoit,  et  comme  ces  personnes  ne  savent  le 
français  que  par  le  simple  usage,  il  semble  que  le  génie 
de  noire  langue  nous  porte  à  parler  de  la  sorte.  Mais 
ceux  qui  ont  ajouté  l'étude  à  l'usage  disent  toujours  je 
no  .savais  pas  que  ce  fust.  C'est  ainsi  que  Ménage  vou- 
drait parler,  quoiqu'à  son  avis,  il  y  ait  des  endroits  où 
l'autre  manière  vaut  mieux.  Pour  bien  choisir  en  ces 
sortes  de  choses,  il  faut  consulter  l'oreille  avec  l'usage, 
cai'  il  est  impossible  de  donner  une  règle  certaine  là- 
dessus. 

Aveindre  et  atteindre.  —  Dans  le  sens  de  prendre  en 
haut,  le  verbe  aveindre  n'est  plus  en  usage  que  dans 
les  provinces.  A  Paris,  on  dit  atteindre  dans  ce  sens  : 
cela  est  si  haut  que  Jr  n'y  saurois  atteindre. 

L'expression  cousin  remué  de  germain.  —  Nos  ancê- 
tres se  sont  servis  de  celle  expression,  où  remué  vient 
de  remotatus,  qui  signifie  éloigné.  On  s'en  sert  encore 
dans  les  provinces;  mais  à  Paris,  on  dit  cousin  issu  de 
germain. 

L'expression  oncle  à  la  mode  de  Bretagne.  —  Elle  est 
très-bonne,  et  les  Latins  n'ont  point  de  terme  pour 
exprimer  ce  qu'elle  signifie. 

Constanti noble  et  Constantinople.  —  Nos  anciens 
disaient  Constantinoble,  comme  nous  disons  Grenoble; 
mais  aujourd'hui  '1072),  il  serait  ridicule  de  dire  autre- 
ment que  Constantinople. 

S'il  faut  dire  prévost  ou  provost.  —  Autrefois  on 
disait  l'un  et  l'autre;  pré'-o.s^  du  \d.\.m  prepositus,  et 
l'autre  de  \''\\.n\'\en proposto  ;  mais  ceux  qui  parlent  bien 
ne  disent  plus  aujourd'hui  que  yj/eyo.s-;.  Les  Parisiens 
ne  meltent  plus  d'accent  sur  l'e,  tandis  que  les  provin- 
ciaux en  mettent  un. 

.S'(/  faut  dire  mairie  ou  maircrie.  —  On  trouve  mai- 
rerie  dans  Nicod;  mais  il  y  a  déjà  longtemps  qu'on 
dil  mairie,  car  ce  mol  se  trouve  dans  les  lettres  de 
Louis  \l  pour  rétablissement  de  la  maison  de  ville 
d'Angers,  lettres  qui  datent  de  1474. 

Cornclle  et  trompette  du  masculin.  —  Ces  mots 
s'emploient  au  masculin  pour  designer  celui  qui  porte 
la  cornette  et  celui  qui  sonne  de  la  Irompellc. 

.S'il  faut  dire  io  boiray  ou  je  buray.  —  Les  Parisiens 
disent  7>  buray,  tu  buras,  il  bura;  il  faut  dire  je 
boiray,  tu  boiras,  il  boira. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 

Lk  HKDAcrEuii-GÉiUNr  :  Eman  MARIHN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  qliinzaine 


Œuvres  de  Philarète  Chasles.  Le  Moyen-âge.  In-18 
Jésus,  vn[-/iI8  p.  Paris,  lili.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Les  Six  premiers  siècles  littéraires  de  la  ville  de 
Lyon;  par  L.  de  La  Saussaye,  membre  de  l'Institut. 
ancien  recteur  de  l'académie  de  Lyon.  In-8°,  x-"258  p. 
.  Paris,  lib.  Aubry. 

La  Science  du  langage,  cours  professé  à  l'Institution 
royale  de  la  Grande-Bretagne  en  l'année  1861;  par  Max 
Millier,  professeur  à  l'Université  d'Oxford.  Traduit  de 
l'anglais,  avec  autorisation  de  l'auteur,  par  George 
Harris,  professeur  au  lycée  Fontanes,  et  George  Perrot, 
professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris.  3=  édition, 
revue  et  augmentée  sur  la  8=  édition  anglaise.  ln-8°, 
xi,iv-Zi98  p.  Paris,  lib.  Durand  et  Pedone  Lauriel. 

Grammaire  des  langues  romanes  ;  par  Frédéric 
Diez.  3'  édition,  refondue  et  augmentée.  T.  3.  Traduit 
par  Alfred  Morel-Fatio  et  Gaston  Paris.  2°  fascicule.  In- 
8°,  225-^56  p.  Paris,  lib'.  Franck. 

Histoires  de  trois  maniaques.  Les  Dents  d'un  turco. 
Histoire  d'un  diamant.  Don  Fa-Tutto;  par  Paul  de  Musset, 
In-18  Jésus,  289  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 


Œuvres    complètes.    Histoire    de    ma    vie;     par 

George  Sand.  T.  1.  Nouvelle  édition.  In-18  Jésus,  Z|96  p. 
Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  3  fr.  50. 

Cours  supérieur  de  grammaire  française,  ou  syn- 
taxe raisonnée.  parM.  A.  Charles,  proviseur  du  lycée  de 
Douai,  et  M.  E.  Richez,  professeur  au  lycée  de  Douai. 
Partie  du  maître.  In-12.  288  p.  Paris,  lib.  Gedalge  jeune. 

Lettres  et  pamphlets  de  Paul-Louis  Courier.  Por- 
trait gravé  à  l'eau-forte  par  Dubouchet.  In-16,  324  p. 
Paris,  lib.  Vanier. 

Œuvres  complètes  de  Molière.  Nouvelle  édition, 
accompagnée  de  notes  tirées  de  tous  les  commentateurs, 
avec  des  remarques  nouvelles  par  M.  Félix  Lemaistre; 
précédée  de  la  Vie  de  Molière,  par  Voltaire.  3  vol.  in-18 
Jésus.  xxxvi-15i7  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 

1. .  --•  Rongon-Macquart.  La  Conquête  de  Fias  sans  ; 
pi,'-  Emile  Zola.  3"  édition.  In-18  Jésus.  UOd  p.  Paris,  lib. 
Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Romans  d'Edmond  et  Jules  de  Goncourt.  VI.  Sœur 
Philomène.  Nouvelle  édition,  ln-18  Jésus,  30Zi  p.  Paris, 
lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


HISTOIRE  DE  LA  BASTILLE  depuis  sa  fondatio.n  (137Zij 
jusqu'à  sa  destruction  (1789).  —  Ses  prisonniers,  ses 
gouverneurs,  ses  archives;  Détails  des  tortures  et  sup- 
plices usités  envers  les  prisonniers  ;  Révélations  sur  le 
régime  intérieur  de  la  Bastille;  Aventures  dramatiques, 
lugubres,  scandaleuses;  Evasions;  Archives  de  la  police. 
—  Par  A.  AnNOULD,  Alboize  et  Auolste  M.^quet.  — Paris, 
Victoi-  Brttnel,  éditeur,'  3,  rue  de  l'Abbaye,  ancien  palais 
Abbatial.  —  Prix  :  10  francs. 


LE  RO.MAN  D'UNE  JEUN'E  FILLE  (1770179^).  —  Par 
Ernest  D.vudet.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  Charpen- 
tier et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint- 
Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LES  VLNGT-HLIT  JOURS  D'UN  RÉSERVISTE  racontés 
par  lui-même  et  dessinés  par  un  autre.  —  5à  croquis 
à  la  plume  par  Raf.  —  Par  Léon  Vanier.  —  Paris,  li- 
brairie Léon  Vanier,  6,  rue  Hautefeuille.    —  Prix  :  2  fr. 


JEAN  ET  PASCAL.  —  Par  Juliette  La.mber.  —  Biblio- 
thèque comtemporaine.  —  Paris,  Calmann  Lévy,  éditeur, 
3,  rue  Auber,  et  15,  boulevard  des  Italiens  .librairie 
Nouvelle).  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LESSAULX-TAVA.NES  —  Etudes  sur  l'ancienne  Société 
française,  lettres  et  documents  inédits  —  Par  L.  Pinoaud, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon  —  Paris, 
librairie  Firmin  Didol  et  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  6  fr. 


A  COUPS  DE  FUSIL.  —  Par  Ql airelles.  -  2'  édition. 
—  Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue 
de  Grenelle-St-Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LE  CAMARADE  DE  VOYAGE.  -  Par  Andersen.  -  Tra- 
duction de  MM.  Grégoire  et  Moland.  -  Illustrations  de 
Yan  Dargent.  —  Paris,  Garnier  frères,  libraires-éditeurs, 
6,  rue  des  Saints-Pères.  —  Prix  ;  3  fr. 


ÉLÉMENTS  DE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE,  rédigés  sur 
un  nouveau  plan,  avec  des  explications  tirées  de  la  gram- 
maire historique  et  précédés  d'une  Introduction  sur 
l'origine  de  notre  langue.  —  Par  G.  Bovier-Lapierre,  an- 
cien professeur  à  l'École  normale  de  Cluny,  officier  de 
l'Instruction  publique.  —  Ouvrage  couronné  par  la  Société 
pour  l'instruction  élémentaire.  —A  Paris,  chez  Delagravc 
et  Cie,  rue  des  Ecoles.  —  1  vol.  in-12,  cart.  1  fr. 


HISTOIRE  DE  LA  FLORIDE  FRANÇAISE.  —  Par  Paul 
Gakfarel,  ancien  élève  de  l'Ecole  normale  supérieure, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon.  —  Paris, 
librairie  de  Firmin  Didol  et  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
rue  Jacob,  56.  —  Prix  :  6  fr. 


LA  VIERGE  DES  GLACIERS.  —  Par  Andersen.  —  Tra- 
duction de  MM.  Grégoire  et  Molaud.  —  Illustrations  de 
Van  Dargent.  —  Paris,  lib.  Garnier  frères,  libraires- 
éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères  et  Palais-Royal,  215.  — 
Prix  :  3  fr. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  -  naviga- 
teurs. —  Par  M.M.  Edouard  Goepp  et  Emile  L.  Cordier. 
—  Ouvrage  accompagné  de  deux  magnifiques  cartes 
imprimées  en  couleur.  —  Bougainville,  La  Pérouse,  Den- 
TREc.vsTEAUx,  DuMONT  d'Urville.  —  Parls,  p.  DacrocQ 
libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix,  relié  :  U  fr. 


AS 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


AVENTURES  PRODIGIEUSES  DE  TARTARIN  DE  TA- 
RASCON.  —  Par  Alphonse  Daudet.  —  Paris,  E.  Denlu, 
éditeur,  librairs  de  la  Société  des  Gens  de  lettres,  Palais- 
Royal,  17  et  19,  galerie  d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr. 


LES  PETITS  DRAMES  RUSTIQUES,  scènes  et  croquis 
d'après  nature.  —  Par  F.  Fertiault.  —  Paris,  librairie 
académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35,  quai 
des  Augustins.  —  Pri.x  :  3  fr. 


LES  DANSEUSES  DU  CAUCASE.  —  Par  Ejlmanuel 
GoNZAi.Ès.  —  Illustrations  de  Ed.  Yen.  —  Paris,  E.  Dentu, 
éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de  lettres.  — 
Palais-Royal,  15-17-19.  galerie  d'Orléans.  —  Prix: 
3  fr.  50. 


L'ART  ET  LES  ARTISTES  FRANÇAIS  CONTEMPORAINS. 

—  Par  Jn.Es  Claretie.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-St-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


ETUDES  SUR  L'ANCIENNE  FRANCE,  histoire,  mœurs, 
L\STiTUTio:<s  d'après  les  documents  conservés  dans  lés 
dépôts  des  archives.  —  Par  Félix  Rocquai-n.  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  el  Cie,  libraires-éditeurs, 
35.  quai  des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


MADELEINE.  —  Par  Jules  Sandeau.  —  Ouvrage  cou- 
ronné par  l'Académie  française  dans  sa  séance  du 
22  juillet  1847.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie,  libraires- 
éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  —  Prix  : 
3  fr.  50. 


MADEMOISELLE  DE  MAUPIN.  —  Par  Théophile  Gau- 
tier. —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie, 
libraires-e'diteurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


MANETTE  SALOMON.  —  Par  Edmond  et  Jules  dk  Con- 
court. —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  el  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  do  Grenelle-Saint-Cei-main.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


.PAYSAGES  DE   MER  ET  FLEURS  DES  PRÉS.  —  Une 

idylle  normande.  —  Par  André  Lemoyne  —  Paris,  Satido: 
et  Fischbacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 


A  TRAVERS  LES  .MOTS.  —  Par  Charles  Rozan.  —  Un 
joli  volume  format  anglais  de  Zi50  pages,  imprimé  par 
J.  Claye.  —  Comprenant  les  Etoffes,  les  Académies,  les 
Cartes  et  les  Echecs,  les  Devinettes,  la  Barbe,  les  Danses, 
le  Calendrier,  les  Pierres  précieuses,  les  Meubles,  les 
Petits  meubles,  les  Titres  de  noblesse,  les  Petits  poèmes, 
et  donnant  l'étymologie  de  plus  de  900  mots.  —  Prix, 
broché  :  3  fr.  50. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Le  Tournoi  poétioue.  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (W  année).  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements  : 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


La  Société  nationale  d'éducation  de  Lyon  destine  pour  1876  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur 
ce  sujet  :  Quels  peuvent  et  doivent  être,  dans  l'étal  naturel  de  la  société,  les  rapports  de  l' Instituteur  primaire  avec 
les  parents  de  ses  élèves?  —  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1877,  sous  le  nom  de  Prix  de  ta  ville 
de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  Novembre  prochain,  à  M.  Palud,  libraire, 
ù,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 

SOUSCRIPTION 


LA  RÉIMPRESSION  DES  CINQ  PRE.MIÈRES  ANNÉES  DE  CE  JOURNAL. 


Les  cinq  premières  années  de  la  collection  du  Courrier  de  Vauoelas  se  trouvant  presque  complètement  épuisées 
(il  ne  reste  plus  que  quelques  exemplaires  de  la  W  et  de  la  5»),  une  souscription  dont  voici  les  conditions  est  ouverte 
pour  les  faire  réimprimer  : 

1°  L'original  sera  reproduit  intégralement  dans  ses  parties  essentielles,  avec  le  même  nombre  de  pages  et  sous  un 
format  identique; 

2"  La  réimpression  se  fera  de  manière  à  fournir  une  année  tous  les  deux  mois; 

3»  Le  prix  de  chaque  année  (brochée)  sera  de  6  fr.  comme  celui  de  l'abonnement  au  journal; 

W  Les  années  seront  expédiées  franco  aux  souscripteurs  à  fur  et  mesure  de  leur  réimpression; 

5°  Chaque  année  sera  payable  aussitôt  après  qu'elle  aura  été  reçue; 

6"  Tout  .souscripteur  qui  a  drj.-i  une  partie  de  ces  cinq  années  devra  désigner  celles  auxquelles  s'appliquera 
sa  souscription; 

7*  La  réimpression  commencera  dès  que  300  adhésions  auront  été  envoyées  au  Rédacteur. 


M.  Einan  .Marliii,  Rédaclcur  du  CornRiEU  ui;  Vadgklas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  UAUl'ELEV  A  Nogent-le-Rotrou. 


7»  Année 


N»  7. 


1"  Septembre  1876 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraisiant    le     l"   et    le    15     de    ehaqae    mois 

{Dans  sa  séance  du  \1  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Par  an,  0  fr.  pour  la  France, 
le  pori  en  sns  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :  Ouvrages,  un  exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

NCIEN      PROFESSEUR     SPECIAL     POUR     LES      ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à.  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  parlent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  lihraire  quelconque. 


SOMMAIRE. 

Cîommunications  relatives  à  Quiproquo,  à  Imposer  et  à  Arti- 
sane;  —  Véritable  signification  de  Mièvre  et  de  Mièvrerie;  — 
D'où  vient  Chaud  dans  H  est  chaud  signifiant  rusé;  —  Si 
Quani-à-moi  vaut  mieux  que  Quanl-à-soi ;  —  Étymologie  de 
•  Nabot;  —  Si  le  mot  Cartable  est  français.  ||  Emploi  de  Grâce 
à;  — _Si  l'on  peut  dire  Demander  après  quelqu'un; —  Le 
temps  du  snlijonclif  requis  par  Je  ne  saurais;  —  Si  Tombal 
peut  remplacer  Tainulaire  l\  Passe-temps  grammatical.  ]|  Suite 
de  la  biographie  de  Gilles  Ménage.  ||  Ouvrages  de  grammaire 
et  de  littérature.  ||  Concours  littéraires.  ||  Souscription 
pour  la  réimmession  des  cinq  premières  années  de  ce 
journal. 


FRANCE 


GOM.MUNIGATIONS. 

J'ai  reçu  plusieurs  observations  au  sujet  dos  solutions 
données  dans  mon  numéro  4  ;  elles  concernent  l'étymo- 
logie  de  quiproquo  signifiant  méprise,  bévue;  l'emploi 
de  imposer,  avec  ou  sans  le  pronom  e7i;  le  féminin 
artisane,  et  enfin  l'explicalion  de  il  n'y  a  pas  mèche. 

Voici,  excepté  pour  le  dernier,  dont  je  ne  pourrai 
m'occuper  que  dans  quinze  jours,  la  partie  essentielle  de 
ce  qui  m'est  écrit  sur  cliacun  de  ces  points. 

L 

Pourquoi  le  mot  quiproquo  n'aurait-il  pas  signifié  d'abord  : 
faute,  erreur,  méprise?  Au  lieu  de  donner  pour  significa- 
tion primitive  à  ce  mot  (intitulé  de  chapitre  aans  un  livre 
de  médecine,  où  etc.),  pourquoi  ne  pas  prendre  ce  mot 
dans  le  sens  de  méprise? 

Il  a  été  un  bon  vieux  temps  où  nos  jeunes  avocats 
comme  les  vieux  plaidaient  en  latin.  Si  nous  avons  déjà 
galimatias  ut  aliboron,  qui  viennent  d'uii  solécisme  et  d'un 
barbarisme  «ommis  dans  le  feu  de  la  discussion,  pourquoi 
quiproquo  ne  serait-il  pas  de  la  même  famille? 

Si,  dans  la  chaleur  d'un  débat,  un  jeune  avocat  a  bien  pu 
donner  à  alibi  un  génitif  pluriel,  s'écrier  Inde  galli  Mat- 
thias, pour  Inde  rjallus  Mallliix,  il  n'est  pas  impossible  qu'un 
jeune  Cicéron  de  cette  époque,  après  avoir  commencé  une 
période  par  qui,  oublie  qu'il  a  fait  de  ce  pronom  le  sujet 
et  termine  sa  période  comme  si  le  relatif  était  à  l'ablatif. 

Pourque  quiproquo  vint  de  la  méiirisc  d'une  personne 
.  s'exprimant  on  latin,  il  faudrail  deux  clioses  : 


)"  Que  cette  expression,  comme  (jalli  Matthias, 
invoqué  par  l'auteur  des  lignes  précédentes,  constituât 
par  elle-même  une  faute  contre  la  langue  latine; 

2°  Que  la  même  expression,  traduite  en  français, 
signifiât  le  mot  gwi  employé  pour  le  mot  quo. 

Or,  attendu  que  quid  pro  quo  (car  c'est  ainsi  qu'on  a 
écrit  à  l'origine,  et  non  quiproquo,  qui  est  une  corrup- 
tion) se  trouve  irréprochable  au  point  de  vue  du  rudi- 
ment; et  que,  d'un  autre  côté,  quiproquo,  fiit-il,  selon 
l'apparence,  composé  de  qui,  de  pio  et  de  quo,  signi- 
fierait, non  pas  le  mot  qui  pour  le  mot  quo,  mais  bien 
le  mot  qui  pour  le  mot  qui  (la  préposition  pro  voulant 
l'ablatif,  il  faut  employer  le  nominatif  de  quo  après 
pour,  quand  on  met  l'expression  en  français),  je  persiste 
à  croire  que  c'est  bien  comme  je  l'ai  dit,  et  non  autre- 
ment, que  quiproquo,  au  sens  de  bévue,  s'est  introduit 
dans  notre  langue. 

II. 

J'ai  lu  vos  exemples  sur  imposer  (signifiant  tromper); 
mais  je  ne  crois  pas  que,  de  nos  jours,  on  puisse  dire 
indifféremment  dans  ce  sens  imposer  et  en  imposer.  Que 
cela  ait  été  vrai,  je  l'admets;  mais  ce  qui  sera  aussi  vrai, 
c'est  que  les  expressions,  les  tours  do  pl^ase  peuvent 
vieillir  et  le 

Multa  renascentur  quai  jam  cecidere,  cadentque 
QûX  iiunc  sunt  in  honore  vocabula,  si  volet  usus. 
est  aussi  vrai  de  nos  jours  que  du  temps  d'Horace. 

Peu  dp  personnes  diront  :  Il  a.  clierclw  à  m'imposcr  ou 
à  imposer  à  moi  (ce  qui  devrait  pouvoir  se  dire  si  l'on  peut 
employer  l'expression  imposer  à  quelqu'un  sans  le  pronom 
en),  et  presque  tous  diront:  //  a  cherché  à  m'en  imposer. 
Quand  le  régime  est  un  pronom  au  lieu  d'un  nom,  ne 
laut-il  pas  toujours  se  servir  de  l'expression  en  imposer? 

Attendu  que,  dans  les  livres  à  l'usage  des  écoles,  il  se 
ré[)cte  depuis  plus  de  vingt  ans  que  :  «  Imposer  ren- 
ferme une  idée  de  respect,  de  considération,  d'ascen- 
dant, et  en  imposer,  une  idée  de  mensonge,  de  décep- 
tion »,  il  y  a  naturellement  ctiez  la  génération  actuelle 
une  tendance  à  employer,  dans  le  sens  de  tromper, 
plutôt  en  imposer  que  imposer  tout  seul. 

Mais,  comme  j'ai  cru  le  reconnaître  après  avoir 
recueilli  un  nombre  suffisant  d'exemples,  le  princiiJcde 


50 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


celte  tendance  est  faux  (ce  qui  est  aussi  l'opinion  de 
M.  Littré),  et  j'en  ai  inféré  que  le  xix=  siècle  n'est  nul- 
lement autorisé  par  ses  maîtres,  je  yeux  dire  les  écri- 
vains du  xvn"  et  du  xviii",  à  restreindre  ainsi  qu'il  le 
fait  souvent  le  sens  de  l'expression  en  imposer  à  celui 
de  tromper,  mentir,  décevoir. 
III. 
Au  propre,  1  emploi  du  féminin  artisane  reste  contestable 
malgré  les  citations.  Cet  emploi  est  loin  au  surplus  d'être 
dune  pressante  nécessité,  et  il  aurait  le  grave  inconvénient 
d'introduire  de  fâcheuses  confusions.  Avant  d'abuser  ainsi 
du  mot  artisan,  il  faudrait  le  définir  et  en  bien  comprendre 
le  sens.  Or,  comme  il  est  à  soupçonner  que  les  écrivains 
appelés  en  témoignage  n'ont  point  pris  de  tels  soins, 
leur  autorité  s'en  affaiblit  d'autant.  Mais  une  pareille 
question  entraînerait  très  loin,  sans  probablement  être 
digne  de  recherches  trop  approfondies. 

Le  féminin  artisane  est  aussi  régulièrement  fait  que 
paysanne,  sultane,  mchométane; 

Il  tient  lieu  de  femme  d'artisan  comme  bouchère, 
cafetière,  cordonnirre,  etc.  tiennent  lieu  de  femme  de 
boucher,  femme  de  cafetier,  femme  de  cordonnier,  etc.  ; 

Il  me  semble  tout  aussi  indispensable  pour  abréger 
le  discours  que  les  féminins  dont  je  viens  de  parler  et 
leurs  analogues  ; 

Il  a  été  employé  par  des  écrivains  dont  cbacun  (j'en 
demande  bien  pardon  à  mon  honorable  contradicteur) 
savait  probablement  aussi  bien  qu'homme  de  France  ce 
que  signifie  artisan; 

Enfin,  son  enregistrement  est  demandé  par  les  plus 
autorisés  d'entre  nos  lexicographes. 

D'où  je  conclus  que  l'emploi  de  artisane,  au  sens 
projire,  est  loin  d'être  aussi  contestable  que  le  prétend 
l'observation  à  laquelle  je  réponds. 

X 

Premii're  Question. 
Quelle  est  la  véritable  signification  des  mots  Mièvre 
et  Mièvrerie?  Je  trouve  des  auteurs  modernes  qui  em- 
ploient le  premier  dans  le  sens  de  MA>fiÉRE',  affecte'  ; 
le  second,  dans  celui  de  scRcrcLEs  rcÉBiLs,  et  aussi  de 
PAROLES  FLATTEUSES,  GALA^iTERiES,  emploi  que  je  ne  m'ex- 
plique (juère.  Je  vous  serais  fort  obligé  si  vous  vouliez 
bien  me  faire  savoir  par  la  voie  de  votre  journal  ce  que 
vous  pensez  de  ces  néologistnes. 

L'adjectif  mièvre  est  fort  ancien  dans  notre  langue, 
car  j'en  ai  trouvé  cet  exemple,  qui  estduxiH"  siècle: 

trop  me  grieve  >. 

(Jue  ma  meschine  est  si  csmievre 
De  mon  argent  issi  gaster. 

(Barbazan,   Fnh.  t.  IV.  p.  loo  ) 

Mais  il  ne  jiarvintque  vers  la  fin  du  xvii'^^  à  l'honneur 
du  dictionnaire,  et,  si  je  ne  me  (rompe,  c'est  dans  la 
première  édition  de  l'Académie  qu'il  parut  pour  la 
première  fois. 

Ce  terme  venait  remplacer  mouvant,  adjectif  alors 
vieilli  (il  n'est  ni  dans  l'Académie  de  IG!)1,  ni  dans  le 
Richelet  do  -I72S),  qu'emploient  encore  les  paysans  de 
la  lieauce  et  du  l'crche,  et  dont  Furetière  (1727)  a 
indiqué  l'usage  dans  ces  lignes  : 


On  dit  absolument,  qu'un  enfant  est  bien  mouvant,  lors- 
qu'il est  fort  remuant,  et  qu'il  ne  se  peut  tenir  en  place. 

La  signification  de  mièvre  fut  naturellement  la  même 
que  celle  de  son  prédécesseur  :  ce  mot  se  dit  des 
enfants  remuants,  et  qui,  par  cela  même,  sont  instincti- 
vement portés  à  faire  des  espiègleries  et  des  malices, 
fait  dont  voici  deux  preuves  : 

(Première  édition  de  l'Académie) 

Mièvre,  adj.  Se  dit  proprement  d'un  enfant  vif,  remuant 
et  un  peu  malicieux.  Cet  enfant  est  mièvre,  bien  mièvre. 

(Le  Furetière  de  1727) 

Mièvre.  Adj.  m.  et  fém.  Terme  populaire,  qui  se  dit  des 
enfans  éveillez,  remuans  et  malins,  qui  font  toujours 
quelque  friponnerie  ou  quelque  malice  aux  autres.  Un 
garçon  qui  est  mièvre  à  l'âge  de  10  ou  12  ans  n'en  vaut 
que  mieux;  c'est  un  signe  d'esprit  et  de  courage. 

Or,  avec  une  telle  signification  et  un  tel  emploi,  il 
est  évident  que  mièvre  n'est  nullement  à  sa  place  : 

\°  Dans  cette  phrase  de  Théophile  Gautier,  où  il  a 
le  sens  de  maniéré  : 

Cet  artiste  a  peint  une  foule  de  petits  tableaux  char- 
mants, un  peu  mièvres  peut-être,  mais  ayant  gardé  du 
style  sous  leur  afïéterie. 

2°  Dans  cette  autre,  que  me  fournit  le  Grand  Dic- 
tionnaire de  P.  Larousse,  et  où  mièvre  signifie  grêle, 
chétif  : 

Une  jeune  fllle  pâle  et  mièvre. 

Je  passe  maintenant  à  mièvrerie. 

Ce  substantif  parait  avoir  signifié  d'abord,  non  pas  la 
qualité  d'être  mièvre,  comme  on  pourrait  le  croire,  mais 
bien  un  tour,  une  malice,  une  espièglerie  faite  par  un 
enfant  qui  a  cette  qualité,  ce  dont  la  preuve  se  trouve 
encore  dans  les  autorités  citées  plus  haut  : 

(L'Académie,  qui  ne  donne  que  le  synonyme  de 
mièvrerie) 

MiÈVRETÉ.  s.  f.  Tour  de  malice  que  fait  un  enfant  qui  est 
mièvre.  Il  fait  toujours  quelque  mièvreté. 

(Furetière) 

Mièvrerie  ou  Mièvreté.  s.  f.  Petite  niche  ou  malice 
qu'en  enfant  mièvre  a  accoutumé  de  faire.  Il  fait  toujours 
quelque  mièvrerie,  quelque  mièvreté. 

Plus  tard,  mièvrerie  s'est  dit  aussi  de  la  qualité  des 
enfants  qui  ont  besoin  de  s'agiter  continuellement;  on 
trouve,  en  effet,  dans  le  Dictionnaire  de  Littré  : 

Un  enfant  d'une  mièvrerie  amusante. 

D'où  il  suit  que  la  véritable  signification  de  mièvrerie, 
celle  qui  découle  naturellement  de  l'adjectif  mièvre,  est 
double  :  4°  qualité  d'un  enfant  mièvre;  2'  malice, 
espièglerie,  niche,  tour  qu'un  enfant  de  cette  constitu- 
tion fait  ou  est  porté  à  faire. 

Or,  une  fois  ce  point  important  établi,  il  est  complè- 
tement hors  de  doute,  du  moins  pour  moi,  que  mièvrerie 
a  été  mal  emidoyé  : 

\"  Dans  la  phrase  suivante,  où  il  a  le  sens  de  doux 
propos,  galanterie,  etc.  : 

Cette  délicatesse  va  si  loin  que,  dans  Thibault  de  Cham- 
pagne, dans  Charles  d'Orléans,  elle  tourne  à  la  mignar- 
dise, à  la  fadeur.  Toutes  les  impressions  s'atténuent,  le 
parfum  est  si  faible  que  souvent  on  ne  le  sent  plus  :  à 


L'E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


5» 


genoux  devant  leur  dame,  ils  chuchotent  des  mièvreries  et 
des  gentillesses,  ils  aiment  avec  esprit  et  politesse. 

(H.  Taine,  La/ont.  el  ses  /ah.,  ch.   I.J 

2°  Dans  celle-ci,  où  le  mol  en  question  signifie  icrw- 
pulexpxtéril)^,  délicatesses  hors  de  saison  : 

C'est-à-dire  que  je  me  serais  emparé,  malgré  les  mièvre- 
ries de  la  dame,  du  cadavre  lai?sé  dans  la  voilure,  et  l'au- 
rais jeté,  avec  cent  livres  de  pierres  dans  les  poches,  du 
haut  du  pont  d'Iéna  dans  la.  Seine. 

fLéoii  Gozian,  Figaro  du  6  février   1S76  ) 

3°  Dans  cette  autre,  enfin,  où  il  signifie  recherche 
d'une  (jrdce  affectée  : 

La  gorge,  habilement  présentée,  mais  couverte  d' un 
fichu  clair,  laissait  apercevoir  deux  contours  d'une  ex- 
quise mièircrie. 

(Balzac,  cité  par  Larousse.  Gr.   Dict.) 

A  mon  avis,  il  n'existe  qu'un  moj'en  d'étendre  légi- 
timement l'emploi  de  mièvre  et  de  mièvrerie;  c'est  de 
les  appliquer  à  un  être  vivant,  homme  ou  bêle,  qui, 
comme  l'enfant  mourant  abandonné  au  xviii'"  siècle,  est 
d'une  nature  remuante,  à  ne  pouvoir  tenir  en  place  : 
hors  de  là,  sous  quelques  auspices  qu'ils  se  présentent, 
ces  mots  ne  peuvent  être  que  des  barbarismes. 

X 

Seconde  Question. 

E71  Bretagne,  on  dit  d'un  rusé,  d'un  fin  matois  : 
Esr-iL  chacd!  Doit  vient  cette  expression?  Sans  doute 
d'une  sottise  d'élève  qui  aura  traduit  callidus,  rusé, 
comme  s'il  n'y  avai't  qu'une  l,  par  calidcs,  chaud? 

Vous  vous  trompez  singulièrement. 

Le  terme  dont  il  s'agit  vient  du  latin  cautus,  formé 
du  supin  cautwn,  de  cavere,  prendre  garde,  se  garder 
de,  prendre  ses  sûretés,  etc. 

Dans,  l'origine,  ce  mot  a  eu  la  forme  caut,  féminin 
caute,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 

Ce  barbare,  qui  n'estoit  point  homme  simple,  aius  mali- 
cieux et  caull  de  sa  nature. 

(Amyot,  Aîc.  47.) 

En  ce  le  chirurgien  doit  être  caut,  c'est  à  dire  ingénieux 
â  faire  son  pronostic. 

(Paré,  XXvn,  65i.) 

L'ung  est  ung  lin  et  cnult  regnard,  l'autre  est  des  gens 
de  bien  avmé. 

(Rabelais,  Panl.  IV,  Nom.  prol.  ) 

Lassez-vous  d'abuser  les  jeunesses  peu  caules. 

(Malherbe,  VI,   10. 1 

Après  le  vvii=  siècle,  il  est  tombé  en  désuétude,  mais 
il  s'est  conservé  dans  quelques  patois  avec  la  forme  et  la 
prononciation  chaut  (c  =  ch\ 

Remarquez,  pour  l'orthographe,  que  l'élymologie 
réclame  un  t,  et  non  un  d,  dans  ce  mol. 

X 
Troisième  Question. 
A  la  page  1 1  (i  de  votre  C=  année,  vous  avez  résolu  la 
question  de  .savoir  s'il  faut  dire  ils  oht  nN  cdez-soi  ou 
ILS  0.11T  D\  ciinz-EOX.  Cette  question  me  fait  songer  éi 
vous. demander  s'il  vaut  mieux  dire  il  se  tient  sdh  son 
QUANT-A-soi  quew.  se  tient  scr  son  qcant-a-moi  :  il  tj  a 
quelque  analogie  entre  ces  expressions. 


Lorsque  des  objections  sont  faites  à  une  personne  par 
quelqu'un  qui  l'a  priée  de  lui  donner  un  conseil,  il 
arrive  généralemenlque,  cette  personne,  pour  exprimer 
qu'elle  n'en  conserve  pas  moins  sa  manière  de  voir, 
formule  ainsi  sa  réplique  :  Faites,  dites,  écrivez  ce 
que  vous  voudrez:  <iuant  ci  moi,  je... 

Comme  cette  expression  revient  souvent  dans  le  dis- 
cours, on  en  a  fait  le  nom  composé  quant-à-moi,  qui 
signifie  indépendance  qu'on  se  réserve,  fierté  : 

Je  suis  très-aise,  madame,  que  vous  approuviez  mon 
quant-à-moi  sur  le  sujet  de  M.  de  Guitaut. 

(Bussy,  Lett.  à  Mme  de  .Sévigné.) 

Ce  nom  s'emploie  sans  aucune  considération  de  la 
personne  ni  du  nombre  de  ceux  qui  peuvent  le  précéder, 
comme  dans  ces  exemples  : 

Il  ferait  trop  du  quant-à-moi, 
11  me  ferait  couper  ma  jupe. 

(Scarroii,    Virgile,  IV.) 

Celui  qui  le  premier  a  mis  les  colonies  dans  le  cas  de 
prendre  leur  quani-à-moi ,  est  un  fou. 

(Diderot,  îeltr.  d'un  ferm.) 

Et  quel  était  le  personnage 

Qui  gardait  tant  son  quani-à-moi. 

(La  Fontaine.  Joç.) 

Voyez  comme  en  silence  il  tient  son  quant-à-moi 

(Th.  Corneille,  D.  Ces.  d'Av.,  V,  4.) 

A  la  vérité,  on  rencontre  également  5f(<ff«^rt-.so/,  ainsi 
qu'on  le  voit  dans  l'exemple  suivant,  emprunté  à 
M"'^  de  Genlis  iTh.  d'éduc.  la  Lingère.  i,  7)  : 

Je  ne  vous  dis  pas  qu'il  faille  être  sévère,  et  garder 
son  quant-à-soi  avec  ses  enfants. 

Mais,  attendu  que  si  l'on  admettait  quant-à-soi,  il  n'y 
aurait  pas  de  raison  pour  ne  pas  admettre  de  même 
quant-à-etix,  quant-à- elles,  etc.,  qui  n'ont  jamais  été 
employés,  que  je  sache,  en  français,  il  me  semble  qu'il 
vaut  mieux  s'en  tenir  à  ciuant-à-moi,  el  rejeter  indis- 
tinctement toutes  les  variantes  dont  il  est  susceptible. 

X 
Quatrième  Question 

Dans  le  CoruRiEK  de  Vaigelas  du  \"  Juin  de  cette 
année,  je  trouve  un  article  sur  l'élymologie  du  mot 
Nabot.  Permettez-moi  de  vous  demander  si  ce  mot 
n'aurait  pas  son  origine  dans  le  récit  biblique  que  nous 
trouvons  dans  le  3*'  livre  des  Rois,  au  chap.  21'.  Je  vous 
serais  infiniment  obligée  si  vous  vouliez  bien  me  dire 
votre  (opinion  là-dessus. 

Je  viens  de  relire  ce  24"  chapitre  du  IIP  livre  des 
Hois,  relatant  la  manière  dont  s'y  prit  Jézabel  pour 
mettre  Achab,  son  époux,  en  possession  de  la  vigne  de 
Nabolh,  cette  vigne  dont  il  voulait  faire  un  «  jardin 
potager  «  parce  qu'elle  était  proclie  de  sa  maison  royale. 

Or,  j'ai  acquis  la  conviction  |)rofonde  que  ce  n'est 
point  le  Nnboth  dont  il  s'agit  ici  qui  a  donné  notre 
nabot,  et  cela,  pour  trois  raisons  : 

La  première,  parce  que  la  prononciation  de  Nabolh 
et  de  /wftof  n'a  probablement  jamais  été  la  même  dans 
notre  langue; 


52 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


La  seconde,  parce  que  si  nabot  venait  du  Nahoth  de 
l'Écriture,  il  aurait  aussi  bien  conservé  son  h  finale  que 
Miphiboseth  et  Goliath  ont  conservé  la  leur  ; 

La  troisième,  enfin,  et  la  plus  forte,  c'est  que,  dans 
les  29  versets  qui  composent  le  chapitre  où  se  place 
l'histoire  de  Naboth,  il  n'est  fait  aucune  allusion  à  la 
taille  de  cette  malheureuse  victime  du  despotisme. 

X 
Cinquième  Queslioa. 
Le  mot  Cartable  pst-il  français  ?  Tout  le  monde  s'en 
sert,  et  cependant  je  ne  lai  trouvé  dans  aucun  des 
dictionnaires  que  fui  en  ma  possession. 

Ce  mot,  dont  vous  avez  oublié  de  me  donner  le  sens, 
û'est  pas  dans  le  Dictionnaire  de  Littré;  il  ne  figure 
pas  non  plus  dans  celui  de  P.  Larousse  [Grand  Dict. 
du  XIX"  siècle)  ;  je  ne  le  trouve  pas  dans  le  Diction- 
naire de  la  langue  verte,  et  je  n'ai  pas  souvenance  de 
l'avoir  jamais  entendu  prononcer.  Voilà  bien  des  rai- 
sons qui  me  portent  à  croire  qu'il  n'appartient  pas 
encore  à  la  langue  française. 

ÉTRANGER 


Première  Question. 
Est-il  permis  d'employer  l'expression  grâce  a  devant 
un  nom  qui  exprime  une  mauvaise  chose,  comme,  par 
exemple,  dans  cette  phrase  .■  «  Il  a  été  ruiné  grâce  l  la 
faillite  de  son  correspondant  »  ? 

■  L'expression  f/râce  à  signifiant  par  le  fait  de,  par 
l'action  de,  par  le  secours  de,  elle  s'emploie  aussi  bien 
devant  un  substantif  exprimant  une  mauvaise  chose  que 
devant  un  substantif  qui  en  exprime  une  bonne  ou  une 
indifférente.  Voici  des  exemples  qui  mettent  ce  fait  en 
évidence  : 

Grâce  à  l'impôt  toute  l'année  est  carême  pour  le  travail- 
leur. 

(Proudhnn.) 

Ce  que  madame  Lecœuraurait  expliqué  en  cinq  minutes, 
la  mère  Brichard,  grâce  à  des  phrases  incidentes,  mit  uue 
heure  à  nous  le  dire. 

(Pr    d'Anglemont,  Paris  anecdote,  p,  25.) 

Cet  examen  exige  une  instruction  de  deux  années  au 
moins,  grâce  à  l'intervention  obligée  de  onze  autorités 
différentes. 

(Alexandre  Bonneau.) 

Grâce  à  vos  excentricités,  me  voilà  déjà  devenu  la  fable 
de  la  ville. 

(Paul  d'Orciéres.) 

X 

Seconde   Question. 
Est-il  permis  de  dire  :  Demander  après   quelqc'cn 
pour  signifier  s'informer  oit  il  est,  désirer  qu'il  vienne? 

On  a  condamné  cette  expression;  mais  c'est  à  tort, 
car  on  l'emploie  constamment  dans  la  langue  moderne, 
et  elle  a  existé  dans  celle  du  xv"  siècle,  comme  le 
montre  la  citation  suivante  fournie  par  M.  Littré  : 

Lors  dcmanda-l-i\  aprcs  \c  roi  d'Allemagne  son  fils  et  dit  : 
Où  est  messire  Charles  mon  fils? 

(Froisiart,  I,  1,  >S8.) 


Voici,  du  reste,  l'explication  de  après  venant  à  la 
suite  du  verbe  demander. 

Celte  préposition  marquait,  dans  sa  signification  pri- 
mitive, une  idée  de  postériorité  : 

Marcher  api-és  quelqu'un. 
Courir  après  quelqu'un. 
S'élancer  après  quelqu'un. 

Mais,  comme  en  poursuivant  une  personne  par  des 
cris,  on  marche,  on  court,  on  s'élance  après  elle,  cette 
préposition  s'est  employée  entre  les  verbes  exprimant 
l'idée  de  crier  et  le  nom  de  la  personne  qui  servait  de 
complément;  et,  sans  qu'il  y  eût  de  poursuite  réelle 
contre  cette  personne,  on  a  dit  : 

Vociférer  après  quelqu'un. 
Crier  après  le  concierge. 
Tempêter  après  sa  femme. 
S'emporter  après  son  valet. 

Or,  quand  on  va  demander  où  est  quelqu'un  que  l'on 
a  envie  de  voir  pour  l'entretenir,  on  pousse  en  quel- 
que sorte  des  cris  derrière  lui,  et  l'emploi  de  après  avec 
demander  a  lieu  comme  lorsqu'il  s'agit  des  verbes  que 
je  viens  de  citer. 

Ce  n'est  pas  seulement  avec  demander  qu'on  emploie 
après  avec  une  signification  autre  que  celle  de  posté- 
riorité. On  l'y  trouve  aussi  avec  être  et  se  mettre, 
comme  le  font  voir  ces  exemples  : 

Cei  homme  est  toujours  après  ses  domestiques. 

(Académie.) 

Pourquoi  toujours  se  mettre  après  un  homme  inoffensif? 

(Alexandre  Dumas.) 

X 

Troisième  Question. 

Quel  temps  faut-il  employer  après  sacrais  s^iivi  d'un 

verbe  à  V infinitif  requérant  le  subjonctif  après  lui? 

Ainsi,  par  exemple,   faut-il  dire  :   «   Je  ne   sabrais 

exiger  qu'il  vienne  ou  qu'il  vini  »? 

Lorsque  je  ne  saurais  est  employé  pour^e  ne  puis, 
qui  est  la  première  personne  du  présent  de  l'indicatif 
du  \erhe pouvoir,  et  qu'il  vient  ensuite  un  que  précédé 
d'un  verbe  exigeant  le  subjonctif,  nous  mettons  ce^verbe 
au  présent,  comme  si^'e  ?ie  puis  était  lui-même  dans  la 
phrase;  ainsi  on  dit  : 

Je  ne  saurais  faire  un  pas  sans  qu'on  me  fasse  une  ob- 
servation. 

Je  ne  saurais  commander  qu'on  aille  à  tel  endroit. 

Or,  sachant  cela,  il  est  évident  qu'il  faut  dire  vie?ine 
dans  la  phrase  que  vous  me  proposez. 

X 

Quatrième  Question. 
Est-il  permis  de  remplacer  iumclaire  par  tombal? 
J'ai  lu,  je  ne  sais  oii,  ce  dernier  mot,  que  je  ne  trouve 
point  dans  mes  dictionnaires. 

L'adjectif  tombal  est  un  terme  d'archéologie  qui  ne 
se  trouve  que  dans  les  dictionnaires  publiés  postérieu- 
rement à  la  dernière  édition  de  l'Académie  (1835); 

Cet  adjectif  se  dit  spécialement  de  la  dalle  de  pierre 
ou  de  la  table  de  marbre  (autrefois  nommée  tombe)  qui 
recouvre  une  ancienne  sépulture,  et  qui  sert  de  pavé 


LE  COURRIER  DE  VAUGËLAS. 


53 


dans  une  église  ou  dans  un  cloilre;  tandis  que  tumu- 
laire  (du  latin  tumulus,  tertre)  signifie,  lui,  qui  a 
rapport,  qui  appartient  aux  tombeaux. 

On  ne  peut  donc  remplacer  himulaire  par  tombal. 
puisque  ce  dernier  a  une  signification  beaucoup  moins 
étendue  que  celle  du  premier. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 


t*  ...  qu'on  avait  déjà  rues  se  produire  (lactioii  étail  faite 
par  les  résislauces) ;  —  'i°  ...  le  tiers  du  royaume,  de  même  on 
accueillit  alors  (quand  une  phrase  commence  par  de  même  que, 
il  faut  mettre  de  même  en  télé  de  la  seconde  partie)  ;  — 
3°  ...  voilà  ce  ciue  crient  sur  les  toits;  —  4°  ...  sur  le  costume, 
voire  sur  le  mobilier  (pas  de  même,  voir  Courrier  de 
Vaugelas,  V  année,  p.  185);  —  5"  ...  des  sommes  énormes 
qu'ils  avaient  inuUlement  coûté  (appliqué  à  une  somme  d'argent, 
ce  participe  est  toujours  invariable);  —  6°  ...  où  les  ruisseaux 
roulent  de  l'eau  bénite  (le  verbe  couler  n'est  pas  actif  dans  ce 
sens);  —  7"  Quelques-uns  pensent  (voir  Courrier  de  Vauge- 
las, présente  année,  p.  43);  —  8°...  dit  en  tiurlant  M.  de  Gavar- 
die  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  5'  année,  p.  138,  185,  153  et 
186);  —  9°  ...  uneb.die  que  le  héros  a  reçue;  —  10°  ...  et  qui 
s'ennuient  énormément  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  7*  année, 
p.  19). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

!•  Je  serais  riche,  si  j'avais  autant  de  mille  louis  que  j'ai 
fait  sauver  de  gens  depuis  le  10  août. 

2"  M.  -Alphonse  Daudet  a  soi.xante  ans,  qu'il  porte  avec 
une  rare  vigueur.  Sans  la  redingote  à  la  propriétaire  dont 
il  persiste  à  s'affubler,  il  n'en  paraîtrait  pas  plus  de  cin- 
quante. 

3°  11  a  été  remis  entre  les  mains  de  l'administrateur 
général,  la  volumineuse  correspondance  de  Napoléon  111 
avec  sa  sœur  de  lait.  Madame  Cornu. 

4°  Ainsi  donc,  la  lettre  de  la  reine  Isabelle,  qui  a  paru 
dans  l'Officiel,  aurait  été  considérablement  corrigée  avant 
que  d'être  publiée. 

5*  Les  membres  du  jury  avaient,  par  ordre,  renoncé  à 
la  robe  rouge  à  collet  d'hermine  des  docteurs  en  Sor- 
bonne.  Ils  avaient  allègrement  endossé  le  veston,  la  redin- 
gote, voire  même  le  pantalon  gris. 

6*  Mais  cela  exige-t-il  une  paire  de  millions  par  an,  soit, 
en  cinquante  ans,  à  intérêts  composés,  plus  de  deux  cent 
cinquante  millions? 

7°  N'ayant  pas  pu  exprimer  ses  sentiments,  il  dictera  sa 
volonté,  fort  de  cet  arriéré  de  désirs  et  d'espérances  qu'on 
aura  laissé  s'accroître  sans  s'inquiéter  de  les  connaître, 
sans  Chercher  â  les  comprendre,  sans  vouloir  les  réaliser. 

8°  J'estime  qu'avec  tous  les  défauts  que  je  puisse  avoir, 
ils  en  ont  un  autre  qui  est  bien,  à  mes  yeux,  le  plus 
grand  et  le  pire  de  tous  :  c'est  l'hypocrisie  que  je  veux 
dire. 

{les  correetions  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 
Gilles  MÉNAGE. 

[Suite.) 

Le  mot  gracieux.  —  Vaugelas  a  condamné  ce  mot 
dans  toutes  ses  significations,  mais  c'est  une  erreur,  car 
il  est  très-bon. 

Le  verbe  avorter.  —  Il  ne  se  dit  plus  que  des  ani- 
maux; en  parlant  d'une  femme,  il  faut  dire  qu>//e  s'est 
blessée,  ou  bien  qu'elle  a  fait  une  fausse  couche  (<672). 

L'adverbe  jamais  plus.  —  C'est  une  façon  de  parler 
italienne,  mai  jnit.  Vaugelas  la  trouve  fort  bonne,  mais 
Ménage  n'est  pas  du  même  avis. 

S'il  faut  dire  jour  ouvrier  ou  jour  ouvrable.  —  Il 
faut  dire  7oî<''02UT/er;  c'est  comme  on  parle  d'ordinaire, 
et  c'est  également  ainsi  que  parlaient  nos  ancêtres. 

Différence  entre  autour  et  alentour.  —  L'usage  des 
écrivains  modernes  a  établi  une  différence  entre  ces 
deux  mots  qui,  autrefois,  s'employaient  l'un  pour  l'autre  : 
autour  est  une  préposition  et  alentour  est  un  adverbe. 

Potier  e<  potier  d'élain.  —  Quoiqu'on  dise  potier  d'é- 
tain,  il  ne  faut  pas  dire  pour  cclajmtier  de  terre;  le  mot 
potier  tout  seul  signifie  celui  qui  fait  des  pots  de  terre. 

Mouchoir  et  mouchoir  à  moucher.  —  Les  dames,  en 
parlant  de  leur  mouchoir  de  cou,  l'appellent  simplement 
aussi  un  mouchoir;  et,  en  parlant  de  leur  mouchoir  de 
poche,  elles  l'appellent  tm  mouchoir  à  moucher.  Mais 
comme  celte  expression  fait  une  vilaine  image,  il  serait 
à  souhaiter  qu'elles  dissent  mouchoir  simplement  en 
parlant  de  leur  mouchoir  de  poche,  ou  bien  qu'elles 
l'appelassent  M«  mouchoir  de  poche. 

S'il  faut  dire  balayer  ou  balier;  néier  ou  noyer;  net- 
téier  nettoyer,  nettir  ou  netlier;  sier  ou  séier  du  blé. 
—  Le  verbe  balayer  est  plus  usité  que  balier,  et  aussi 
plus  conforme  à  l'étymologie,  puisqu'on  dit  balay, 
balayeur.  —  On  a  dit  autrefois  noyer,  mais  actuelle- 
ment (1072)  on  dit  néier,  comme  on  dit  neltéieraa  lieu 
de  nettir,  et  de  nettoyer,  usité  jadis.  On  a  dit  autrefois 
sier  du  blé  comme  sier  du  bois;  mais  aujourd'hui,  on 
dit  sier  du  bois,  et  séier  du  blé. 

De  quelques  mots  qu'on  prononce  par  a,  et  de  quel- 
ques autres  qu'on  prononce  par  e  —  Il  faut  dire  coup  de 
Jarnac,  et  non  coup  de  Jernac;  parfumer,  marri,  ?nar- 
quer,  gagner,  et  non  perfumer,  merri,  merquer,  gui- 
gner, quoiqu'on  dise^aw;  pastorale,  dartre,  charriot, 
et  non  pastorelle,  dertre,  cherriot;  cavalle,  camisole, 
jargon,  et  non  quevalle,  q%iemisole,  gerijon.  Il  faut  dire 
au  contraire  mairrain,  guérir  et  guérison,  cl  non.  marruin, 
guarir,  guarison;  finesser,  demoiselle,  cremillère, 
ételon,  et  non  finasser,  damoiselle  (qui  ne  se  dit  qu'au 
palais),  crémaillère  et  étalon. 

Quant  àguiterre  et  guitarre,  serge  et  sarge,  herboliste 
et  arbolist'e,  ils  sont  controversés. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


De  la  prononciation  du  d  dans  les  mots  gui  commen- 
tent par  ad,  et  de  celle  du  h  dans  ceux  qui  commencent 
par  ab.  —  Dans  la  liste  qu'a  dressée  Vaugelas,  il  a  omis 
adgencer,  qu'il  faul  prononcer  agencer;  puis  adverse,  où 
le  d  ne  se  prononce  pas  non  plus  :  on  ûii  partie  averse, 
quoiqu'on  dise  adversaire.  Il  a  mis  adjoint  parmi  les 
mots  où  le  d  se  fait  sentir.  Il  s'est  trompé;  on  dit  un 
ajoint,  et  non  un  adjoint  (I672i. 

Le  b  ne  se  prononce  pas  dans  obstiné,  obstination. 

Nom.^  qui  n'ont  point  de  singulier.  —  Voici  la  liste 
de  ceux  dont  se  souvient  Ménage  : 

Ancestres.  On  ne  dit  point  en  latin  major  meus. 

Délites.  On  disait  autrefois  mi  délice,  mais  on  ne 
l'emploie  plus  guère  qu'au  pluriel  et  au  féminin. 

Egards.  Ce  mot  ne  se  disait  autrefois  qu'au  singulier; 
mais,  depuis  quinze  ou  vingt  ans,  il  se  dit  aussi  au 
pluriel,  nombre  auquel  il  est  fort  à  la  mode. 

Grotesques.  On  dit  voilà  de  beaux  grotesques,  en 
sous-en tendant  le  mot  ouvrages,  ou  ornements.  Au  sin- 
gulier grotesque  est  un  adjectif. 

Gueules.  En  terme  de  blason,  ce  mot  n'a  point  de 
singulier;  il  faul  dire  il  porte  de  gueules,  et  non  de 
gueule. 

Pleurs.  Nous  disions  anciennement  un  pleur,  comme 
nous  disons  une  larme;  mais  aujourd'hui  i)672),  il  n'j 
a  plus  que  le  pluriel  qui  soit  en  usage. 

Des  noms  qui  nés  emploient  pas  au  pluriel.  —  Il  yen 
a  un  grand  nombre. 

D'abord  les  noms  de  métaux  :  on  ne  dit  pas  les  ors, 
Ifs  argents,  etc. 

Les  substantifs  )niel,  fiel,  vinaigre,  crasse,  foi,  tem- 
péranceel  c/iaud  n'ont  pas  non  plus  de  pluriel. 

Ail.  Tous  nos  anciens  ont  dit  au.r,  et  même  plusieurs 
de  nos  modernes;  mais  ce  mot  n'est  plus  usité  qu'au 
singulier. 

Air.  Dans  la  signification  d'aër.  il  n'a  point  de  pluriel 
en  prose;  mais  en  poésie,  on  peut  dire  les  airs. 

Alibi.  On  le  trouve  employé  au  pluriel,  mais  présen- 
tement on  emploie  le  singulier. 

Apsinthe.  A  l'exemple  de  .Malherbe,  qui  a  dit  adoucir 
toutes  mes  apsinthes,  on  peut  s'en  servir  en  vers;  mais 
il  faut  se  garder  de  rem])lo\er  en  prose. 

Arène.  Jules  César  dans  ses  livres  de  l'Analogie, 
voulait  que  le  mol  arena  ne  fût  point  usité  au  pluriel; 
cependant,  nous  disons  arènes  cx\  verslrès-élégamment. 

Beslail.  On  ne  dit  point  les  bestails;  mais  bien  les 
hestiau.r,  du  singulier  bestial-,  qui  n'est  plus  du  bel 
usage. 

Coral.  On  ne  dit  point  coraux. 

Couroux.  En  prose,  il  faut  dire  mon  couroux;  en 
vers,  on  peut  dire  mes  courou.r. 

Faim.  Ce  mot  a'cst  usité  qu'au  singulier. 

Fièvre.  Nos  ancêtres  disaient  fièvres  tierces  et  fièvres 
quartes  au  pluriel  ;  mais  dans  ces  façons  de  parler  fièvre 
n'est  plus  usité  qu'au  singulier,  excepté  dans  fièvres 
quartaines. 

Paix.  Ce  mot  s'emploie  généralement  au  singulier; 
niais  il  6c  dit  au  pluriel  quand  on  parle  de  ,1a  paix  que 


l'on  donne  à  baiser  à  l'église  :  A-t'on  mis  les  deux  paix 
sur  l'autel? 

Santé.  Il  ne  s'emploie  qu'au  singulier  dans  le  sens 
propre,  mais  il  se  met  au  pluriel  dans  cette  façon  de 
parler  :  boire  dessa7itez. 

S'il  faut  dire  indannité  ou  indamnité.  —  11  n'y  a  pas 
encore  cent  ans,  on  prononçait  indannité,  les  vieux 
Français  ayant  comme  les  Italiens  changé?/»»  en  deux  n; 
mais  actuellement,  on  prononce  indemnité,  en  faisant 
sentir  l'm. 

Tabakière  ou  tabatière.  —  Il  faut  dire  une  tabakière, 
et  non  une  tabatière  f<672|. 

Si  l'on  doit  dire  charte  ou  chartre. —  Ce  mot  signifie 
trois  choses  :  une  prison,  une  maladie  de  langueur  et 
un  écrit.  Dans  les  deux  premières  significations,  il 
vient  de  carcer,  prison;  il  est  évident  qu'il  faut  dire 
c/iarire.  Mais  dans  la  troisième,  il  vient  de  charta,  et 
selon  cette  élymologje,  il  faudrait  dire  charte.  Cepen- 
dant, on  dit  aussi  chartre  dans  cette  signification  : 
trésor  des  Chartres. 

Des  noms  propres.  —  C'est  une  grande  question 
parmi  nos  grammairiens  de  savoir  de  quelle  façon  les 
noms  propres  latins  se  doivent  rendre  dans  notre 
langue.  Les  uns  soutiennent  qu'il  ne  faut  point  les 
changer;  les  autres  prétendent  qu'il  faut  les  habiller  à 
la  française.  Il  y  en  a  qui  partagent  le  différend  en  lais- 
sant la  terminaison  latine  à  quelques-uns,  et  en 
donnant  la  française  à  d'autres.  Ménage,  qui  compte 
parmi  ces  derniers,  donne  à  ce  sujet  quelques  règles  gé- 
nérales, puis  des  règles  particulières  relatives  à  chacune 
des  terminaisons  que  ces  noms  affectent  en  latin,  en 
grec  et  en  hébreu. 

S'il  faut  dire  àalomaile  ou  aftomate;  autographe  ou 
aftographe.  —  D'après  la  nouvelle  prononciation  du 
grec  (xj  =  afj,  il  faut  dire  aftomate,  ce  mot  ayant  été 
introduit  depuis  ladite  prononciation,  et  il  en  est  de 
même  pour  autographe,  qui  doit  se  prononcer  afto- 
graphe. 

S'il  faut  dire  après  soupe,  ou  après  souper;  le  disné 
ou  le  disner;  le  demeslé  ou  le  demesler.  —  Vaugelas 
veut  qu'on  dise  indifféremment  après  soupe  et  après 
souper.  Ce  n'est  qu'une  question  d'orthographe,  car 
pour  la  prononciation,  tout  le  monde  demeure  d'accord 
qu'il  faut  dire  après  soupe.  Quant  à  Ménage,  il  écrit 
toujours  après  soupe;  mais  il  n'en  écrit  pas  moins  le 
disner,  le  .loupcr,  le  manger. 

11  fout  écrire  un  procède,  un  demeslé,  et  non  un  pro- 
céder, un  demesler.  Vaugelas  écrit  un  demesler,  mais  il 
se  trompe  manifestement. 

Emploi  de  librairie.  —  Nos  pères  disaient  toujours 
librairie  et  jamais  bibliothèque.  C'est  sous  le  règne  de 
Charles  IX  qu'on  a  commencé  à  employer  cette  der- 
nière dénomination. 

{La  suite  au  prochain  miméro.) 


Lk  Rkdacteou-Gbiunt  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


BIBLIOGRAPHIE. 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


L'Enchanteresse,  histoire  parisienne;  par  Philibert 
Audebrand.  In-18  Jésus,  33i  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

L'Hôtellerie  du  Prêtre- Jean,  1530-1527;  par 
Charles  Buet.  In-12,  333  p.  Paris,  lib.  Téqui. 

Souvenirs  du  régne  de  Louis  XIV  ;  par  le  comte  de 
Cosnac  (Gabriel-Jules).  T.  5.  In-8».  !i(i!i  p.  Paris,  lib. 
Loones.  7  fr.  50. 

Les  Habits  noirs  ;  par  Paul  Féval.  Edition  illustrée. 
la-W  à  2  col.,  Z|55  p.  Paris,  lib.  Coste. 

Histoire  étrange  d'une  fille  du  monde  ;  par  Arsène 
Houssaye.  ln-8°.  388  p.  et  5  grav.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Les  Traditions  indo-européennes  et  africaines  ; 
par  Louis  Jacolliot.  ln-8',  328  p.  Paris,  lib.  Internatio- 
nale. 6  fr. 

La  Guerre  noire,  souvenirs  de  Saint-Domingue  ; 


par  Berlioz  d'Auriac  3^  édition.  In-18  Jésus.  i08  p.  Paris, 
lib.  Allard. 

Cinq  ans  après.  L'Alsace  et  la  Lorraine  depuis 
l'annexion;  par  Jules  Claretie.  Grand  in-18,  376  p. 
Paris,  lib.  Decaux. 

Un  évêque  au  XIII"  siècle.  Hildebrand  et  son 
temps  ;  par  le  comte  P.  de  Deservilliers.  Avec  une  pré- 
face de  M.  Amédée  de  Margerie.  In-S',  i.v-366  p.  Paris, 
lib.  Bourguet-Calas  et  Cie. 

Voyage  en  Italie;  par  Théophile  Gautier.  Nouvelle 
édition,  considérablement  augmentée,  ln-18  jésus.  370  p. 
Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Souvenirs  de  la  Restauration;  par  .M.  Alfred  .Net- 
tement. 2=  édition.  In-12,  31/e  p.  Paris,  lib.  Lecoffre  fils 
et  Cie.  2  fr. 


Publications  antérieures  ; 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  uo.mmes 
DE  GUERRE.  —  Première  série.  —  Par  Euou.\rd  Goepp, 
chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'instruction  publique. 

—  2*  édition,  ornée  de  quatre  portraits  et  de  trois  cartes. 

—  Ki.ÉBEU,  Desai.ï,  Hoche,  Marceau,  Dad.mesnil.  —  Paris, 
P.  Ducroc,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix, 
relié  :  U  francs. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Martin  ,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier  de 
Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


HISTOIRE  DE  LA  BASTILLE  depuis  sa  fondation  (137ûi 
jusqu'à  sa  destruction  (1789).  —  Ses  prisonniers,  ses 
gouverneurs,  ses  archives;  Détails  des  tortures  et  sup- 
plices usités  envers  les  prisonniers;  Révélations  sur  le 
régime  intérieur  de  la  Bastille;  Aventures  dramatiques, 
lugubres,  scandaleuses;  Evasions;  Archives  de  la  police. 
—  Par  A.  Arnûi'ld,  Alboize  et  Auguste  Maquet.  —  Paris, 
Victor  Brttnel,  éditeur,  3,  rue  de  l'Abbaye,  ancien  palais 
Abbatial.  —  Prix  :  10  francs. 


LE  RO.MAN  D'UNE  JEUNE  FILLE  (1770-179/i).  —  Par 
Erxest  Daudet.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  Charpen- 
tier et  Cie,  libraires-éditeurs,  13.  rue  de  Greuelle-Saint- 
Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


JEAN  ET  P.\SC.\L.  —  Par  Juliette  Lamber.  —  Biblio- 
thèque comtemporaine.  —  Paris,  Calmann  Lévy,  éditeur. 
3,  rue  Auber,  et  15,  boulevard  des  Italiens  (librairie 
Nouvelle).  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LESSAULX-TAVANES  —  Etudes  sur  l'ancienne  Société 
franijaise,  lettres  et  documents  inédits  —  Par  L.  Pingaud, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon  —  Paris, 
librairie  Firmin  Didol  el  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  6  fr. 


A  COUPS  DE  FUSIL.  —  Par  Quatrelles.  -  2'  édition. 
—  Paris,  Charpentier  el  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue 
de  Grenelle-St-Germain.  —  Prix  ;  3  fr.  50. 


LE  CAMARADE  DE  VOV.\GE.  -  Par  Andersen.  -  Tra- 
duction de  MM.  Grégoire  et  Moland.  —  Illustrations  de 
Y'an  Dargent.  —  Paris,  Garnier  frères,  libraires-éditeurs. 
6,  rue  des  Saints-Pères.  —  Prix  :  3  fr. 


LES  VINGT-HUIT  JOURS  D'UN  RÉSERVISTE  racontés 
par  lui-même  et  dessinés  par  un  autre.  —  bU  croquis 
à  la  plume  par  Raf.  —  Par  Léon  Vanier.  —  Paris,  li- 
brairie Léon  Vanier.  6.  rue  Hautefeuille.    —  Prix  :  2  fr. 

ÉLÉ.MENTS  DE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE,  rédigés  sur 
un  nouveau  plan,  avec  des  explications  tirées  de  la  gram- 
maire historique  et  précédés  d'une  Introduction  sur 
l'origine  de  notre  langue.  —  Par  G.  Bovier-Lapierre,  an- 
cien professeur  k  l'École  normale  de  Cluny.  officier  de 
l'Instruction  publique.  —  Ouvrage  couronné  par  la  Société 
pour  l'instruction  élémentaire.  —  A  Paris,  chez  Delagrave 
el  Cie.  rue  des  Ecoles.  —  1  vol.  in-12,  cart.  1  fr. 

HISTOIRE  DE  LA  FLORIDE  FRANÇAISE.  —  Par  Paul 
Gaffarel,  ancien  élève  de  l'Ecole  normale  supérieure, 
professeur  h  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon.  —  Paris, 
librairie  de  Firmin  Didol  el  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
rue  Jacob,  56.  —  Prix  :  6  fr. 


LA  VIERGE  DES  GLACIERS.  —  Par  Andersen.  —  Tra- 
duction de  M.M.  Grégoire  et  Moland.  —  Illustrations  de 
Yan  Dargent.  —  Paris,  lib.  Garnier  frères,  libraires- 
éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères  et  Palais-Royal,  215.  — 
Prix  :  3  fr. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  -  naviga- 
teurs. —  Par  .M.M.  Edouard  G(bpp  et  Emile  L.  Cordier. 
—  Ouvrage  accompagné  de  deux  magnifiques  cartes 
imprimées  en  couleur.  —  Bouoainvilub,  La  Pérouse,  Den- 
.trecasteaux,  Du.mont  d'Urvillb.  —  Paris,  P.  Dacrocq. 
libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix,  relié  :  k  fr. 


S6 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


A  TRAVERS  LES  MOTS.  —  Par  Charles  Rozan.  —  Un 
joli  volume  format  anglais  de  650  pages,  imprimé  par 
J.  Claye.  —  Comprenant  les  Etoffes,  les  Académies,  les 
Cartes  et  les  Echecs,  les  Devinettes,  la  Barbe,  les  Danses, 
le  Calendrier,  les  Pierres  précieuses,  les  Meubles,  les 
Petits  meubles,  les  Titres  de  noblesse,  les  Petits  poèmes, 
et  donnant  l'étymologie  de  plus  de  900  mots.  —  Prix, 
broché  :  3  fr.  50. 


LES  DANSEUSES  DU  CAUCASE.  —  Par  Emmandel 
Go.szALÈs.  —  Illustrations  de  Ed.  Yon.  —  Paris,  E.  Dentu, 
éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de  lettres.  — 
Palais-Royal,  15-17-19,  galerie  d'Orléans.  —  Prix: 
3  fr.  50. 


AVENTURES  PRODIGIEUSES  DE  TARTARIN  DE  TA- 
RASCON.  —  Par  Alphonse  Daudet.  —  Paris,  E.  Denlu, 
éditeur,  libraire  de  la  Société  des  Gens  de  lettres,  Palais- 
Royal,  17  et  19,  galerie  d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr. 


LES  PETITS  DRAMES  RUSTIQUES,  scènes  et  croquis 
d'après  nature.  —  Par  F.  Fertiault.  —  Paris,  librairie 
académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35,  quai 
des  Augustins.  —  Prix  :  3  fr. 


L'ART  ET  LES  ARTISTES  FRANÇAIS  CONTEMPORAINS. 
—  Par  Jules  Claretie.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  ]3,  rue  de  Grenelle-St-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Le  dix-septième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  1876.  —  Douze  médailles, 
or.  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  A/franchir. 

La  Société  des  études  historiques  a,  pour  l'année  1877,  mis  au  concours  pour  le  prix  Raymond  la  question 
suivante  :  Historique  des  institutions  de  prévoyance  dans  les  divers  pays,  et  spécialement  e«  France.  —  Elle  vient 
de  décider  qu'en  1878  un  prix  de  1,000  fr.  sera  accordé  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  l'histoire  du,  portrait 
en  France  'peinture  et  sculpture). 

L'Académie  de  La  Rochelle  (section  littéraire)  vient  d'ouvrir  un  concours  de  fables  dont  le  prix  —  une  médaille 
d'argent  —  sera  décerné  en  séance  publique,  dans  le  couraiït  de  décembre  prochain.  —  Des  médailles  de  bronze 
pourront  en  outre  être  accordées,  s'il  y  a  lieu.  Toute  pièce  non  inédite  ou  dont  l'auteur  se  sera  fait  connaître  sera 
exclue  du  Concours.  —  Chaque  envoi  portera  une  devise  qui  devra  être  reproduite  à  l'intérieur  d'un  billet  cachetéi 
renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur.  —  Le  Concours  sera  clos  le  l"  octobre  1876,  dernier  terme  auquel  les 
poëmes  devront  être  remis  au  secrétaire-général  de  l'Académie,  rue  Dupaty,  29,  à  La  Rochelle. 

Le  Tournoi  poétique,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (h'  année).  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Mé'dailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  -  Abonnements  : 
un  an,  10  fr.;  6  mois.  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spéciraoa.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


La  Société  nationale  d'éducation  de  Lyon  destine  pour  1876  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur 
ce  sujet  :  Quels  peuvent  et  doivent  être,  dans  l'état  actuel  de  la  société,  les  rapports  de  l'Instituteur  primaire  avec 
les  parents  de  ses  élèves?  —  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1877,  sous  le  nom  de  P)-ix  de  la  ville 
de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  Novembre  prochain,  à  M.  Palud,  libraire, 
û,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 


SOUSCRIPTION 


LA  RÉIMPRESSION  DES  CINQ  PREMIÈRES  ANNÉES  DE  CE  JOURNAL. 


Les  cinq  premières  années  de  la  collection  du  Courrier  de  Vauoelas  se  trouvant  presque  complètement  épuisées 
(11  ne  reste  plus  que  quelques  e.xcmplaires  de  la  ti"  et  de  la  5»),  une  souscription  dont  voici  les  conditions  est  ouverte 
pour  les  faire  réimprimer  : 

1"  L'original  sera  reproduit  intégralement  dans  ses  parties  essentielles,  avec  le  même  nombre  de  pages  et  sous  un 

format  identique; 
2"  La  réimpression  se  fera  de  manière  à  fournir  une  année  tous  les  deux  mois; 
3»  Le  prix  de  chaque  année  (brochée)  sera  de  6  fr.  comme  celui  de  l'abonnement  au  journal; 
W  Les  années  seront  expédiées  franco  aux  souscripteurs  à  fur  et  mesure  de  leur  réimpression; 
5»  Chaque  année  sera  payal)le  aussitôt  après  qu'elle  aura  'été  reçue; 
6-  Tout  souscripteur  qui  a  déjà  une  partie  de  ces  cinq  années  devra  désigner  celles  auxquelles  s'appliquera 

sa  souscription; 
T  La  réimpression  commencera  dès  que  300  adliésions  auront  été  envoyées  au  Rédacteur. 


M 


Kmiin  Marliii    Ucd;icteiir  du  CounuiEU  dk  Yaugelis,  est  visilile  à  son  bureau  de  trois  a.  cinq  heures. 


Impiimerie  GOUVERNKllIi,  G.  DAUI'ELIÎV  à  Nogenlle-Rotiou. 


7*  Année 


N°  8. 


15  Septembre  1876 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^« 


^\\W  Journal  Semi-Mensuel  J  J  i      À 

^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       ^>(     f 


Paraissant    le    l»  et   le    IS    de   chaqne   mois 


{Dans  sa  séance  du  \'î  Janvier  1875,  (Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par  an ,    6   fr.  pour  la  France, 
le  porl  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    «h    exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

NCIEN       PROFESSEtm     SPÉCIAL     POU»      LES       ÉTRANOERS 

Officier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tons  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  litiraire  quelconque. 


SOMMAIRE. 

Communications  sur  //  n'y  a  pas  mèche,  sur  les  noms  de  métier 
à  la  finale  fret  sur  Prannel  —  Appréciation  de  Se  suicider;  — 
Régime  qui  convient  à  S'en  battre  l'œil;  —  Si  .Sous  le  point 
de  me  de  et  Sous  le  rap/iort  de  sont  de  bonnes  expressions; 
—  Emploi  du  subjonctif  dans  Lui  ojyril-nn  une  fortune  \\ 
Lequel  vaut  le  mieux  de  Satnte  Mitourhe  ou  de  Sainte 
Nitouchc:  —  Axonge  au  lieu  de  graisse  de  porc  ;  —  Les  expres- 
sions Swr  la  rue  el  Dans  la  rue  ||  Passe-temps  grammatical.  || 
Suite  de  la  biographie  de  Gilles  Ménage.  —  Ouvrages  de  gram- 
maire et  de  littérature.  [I  Concours  littéraires.  ||  Souscription 
pour  la  réimpression  des  cinq  premières  années  de  ce  journal. 

FRANCE 

communications. 
l' 

Mon  explication  de  //  n'y  a  pas  mèche  (n»  4  de  la 
présente  année)  m'a  valu  deux  communications  que  je 
vais  reproduire,  cliacune  dans  sa  partie  essentielle. 

Voici  la  première  en  date  : 

Je  me  rappelle  qu'au  collège  on  nous  faisait  décliner  un  mot 
en  grec  et  en  latin  liaveipo;,  coquus,  le  cuisinier,  etc.  Un  jour 
nous  tombons  sur  le  mot  ^J.r;/Y,.  moyen,  et  l'un  de  ces  bons 
diables  commo  on  en  trouve,  toujours  dans  les  classes,  se 
mit  à  crier  à  son  voisin  :  As-tu  »icf/!C.!>  Ecrivez  le  mot  grec  en 
français,  et  vous  aurez  mrchr.  Rien  d'extraordinaire  à  ce  que 
l'e  final  soit  devenu  muet. 

Mais  direz-vous,  comment  le  mol  est-il  entré  dans  la 
langue? 

Comme  beaucoup  de  ces  expressions  qui  surprennent, 
mais  qui  se  trouvont  implantées  un  beau  jour  soit  dans 
telle  ou  telle  partie  de  la  France,  soit  même  dans  la  France 
entière.  Du  temps  de  Ronsard,  on  parlait  grec  et  latin  en 
français;  pour  faire  comme  ses  partisans,  ou  pour  s'en 
moquer,  quelqu'un  n'aura-t-il  pas  trouvé  ce  mot  mèche,  mot 
qui  sera  resté  d'autant  plus  facilementqu'il  existait  déjà  en 
français  avec  un  sens  tout  différent?  11  n'y  avait  pas  plus 
d'étrangeté  à  dire  :  Il  n'y  a  pas  mèche  de  faire  cela  qu  à  dire  : 
Quel  est  ce  seigneur  qui  déambule  dans  les  xystes  de  ce 
jardin. 

Voici  maintenant  la  seconde  : 

Cette  expression  ou  locution  proverbiale  ne  saurait  venu- 
de  l'italien.  Elle  appartient  tout  simplement  à  l'argot  des 


artisans,  des  mariniers,  ou  des  gens  de  guerre  du  temps 
jadis.  En  effet,  l'on  disait  et  l'on  dit  encore  mèche  de  lampe, 
de  chandelle,  de  vilebrequin,  de  mât,  de  cabestan,  de  canon,  de 
tnine,  etc.  Mèche  désignant  la  partie  de  l'ustensile,  de  l'outil 
est  tellement  essentiel  que  de  son  absence  doit  résulter  une 
impuissance  absolue.  Si  bien  que,  même  dans  certains  cas, 
âme  est  le  synonyme  très-admis  et  très-admissible. 

Je  réponds  à  ces  objections  : . 
1°  Le  terme  mèche,  avec  le  sens  de  moyen,  se  trouve 
dans  ces  vers  de  la  Moralité  de  la  vcndition  de  Joseph 
(feuillet  G.  1 .  verso),  pièce  dont  la  composition  remonte, 
-comme  on  sait,  au  moyen-âge  : 

Soit  mis  dedans  ceste  caverne, 
De  nul  honneur  il  n'y  a  maiche. 

Par  conséquent,  ce  ne  peut  être  ni  un  partisan,  ni 
un  adversaire  de  Ronsard,  poète  du  xvi"  siècle,  né 
en  132-'i  et  mort  en  I3S3,  qui  a  été  l'inventeur  du  terme 
dont  il  s'agit. 

2"  S'il  était  vrai  que  mèche,  partie  d'un  ustensile, 
d'un  outil,  fôl  tellement  essentiel  que  de  son  absence 
dût  résulter  une  impuissance  absolue,  cette  remarque 
n'aurait  pas  été  le  privilège  de  notre  nation;  elle  aurait 
frappé  aussi  bien  que  nous  les  Allemands,  les  Anglais, 
les  Espagnols  et  les  Italiens.  Or,  si  j'en  crois  le  résultat 
de  mes  recherches,  le  mot  qui  traduit  mèche  dans  la 
langue  de  chacun  de  ces  peuples  ne  se  trouve  employé 
dans  aucune  expression  où  il  signifie  moyen. 

3"  L'italien  dit  tnezzo  pour  moitié  et  pour  moyen; 
pour  moitié,  l'ancien  provençal  dit  meichelle  provençal 
moderne  miech;  le  patois  du  centre  de  la  France  em- 
ploie miche,  et  pour  moitié  et  pour  moyen.  Or,  attendu 
que,  dans  l'expicssion  dont  il  s'agit,  le  mol  mèche  a  le 
sens  de  moyen,  il  me  semble  impossible  que  mezzo  ne 
soit  pas,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  l'étymologie  demandée. 

Après  avoir  relu  atlenlivemeiil  mon  article  sur  l'ori- 
gine de  mèche  dans  l'expression  il  n'y  a  pas  mèche,  je 
n'y  reconnais  qu'une  erreur  :  c'est  d'avoir  fait  remonter 
au  xvr^  siècle  linlroduction  de  ce  mot  en  français, 
quand  il  est  certain  qu'il  s'y  trouvait  au  moins  dès  le 
siècle  précédent. 


58 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


II. 

D'après  la  lettre  suivante,  il  y  aurait  lieu  de  déter- 
miner, au  moyen  d'une  règle,  le  nombre  des  noms  de 
métier  finissant  en  er. 

Paris,  le  5  juillet  1876. 
Monsieur  le  Rf'dacteur, 

Dans  le  numéro  du  1"  août  dernier,  de  votre  journal, 
■vous  donnez  une  réponse  à  une  question  surl'orthograplie 
des  terminaisons  ifr  et  er  dans  les  noms  de  métier.  Vous 
dites  que  la  terminaison  er  «  n'a  été  conservée  que  dans 
un  nombre  de  cas  trci-restreint  ».  En  cela,  vous  êtes  dans 
le  vrai;  seulement,  je  crois  qu'on  peut  déterminer  ces  cas 
et  montrer  qu'il  n'y  a  pas  d'anomalie  ou  jeu  du  hasard, 
comme  on  pourrait  le  croire  d'après  votre  explication. 

M.  Brachet  remarque  que  les  noms  des  arbres  fruitiers 
se  terminent  par  ier,  excepté  quand  cette  terminaison  est 
précédée  d'une  gutturale.  On  écrit  pommier,  abricotier, 
mais  pêcher  et  oranger.  On  trouve  Jans  les  noms  de  métier 
la  reproduction  de  ce  phénomène.  En  effet,  les  mots 
boucher,  boulanger,  cocher,  horloger  ont  la  gutturale  forte  ou 
douce  devant  la  termmaison.  C'est  donc  à  l'influence  de 
cette  gutturale  qu'il  faut  attribuer  l'absence  de  Vi  avant  la 
voyelle  e. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  etc. 

Un  de  vos  abonnés, 

Werkmann. 

Il  n'est  pas  exact  de  dire  que  les  noms  de  métier  qui 
renferment  une  gutturale,  forte  ou  [douce,  devant  la 
terminaison,  aient  celle-ci  en  er  au  lieu  de  ier,  et  les 
exemples  suivants  en  sont  la  preuve  : 

Banquier,  cagier,  imagier,  perruquier. 

On  ne  s'expliquerait  pas,  en  effet,  l'influence  que  la 
gutturale  aurait  pu  exercer  sur  un  ('qui,  dans  l'origine, 
n'a  pas  dû  être  prononcé  :  la  suppression  de  cette 
Toyelle  dans  l'écriture  a  donc  été  bel  et  bien  l'afTaire  du 
hasard,  et  non  le  résultat  d'une  règle,  comme  le  prétend 
M.  Werkmann. 

III. 

Voici,  enfin,  le  post-scriptum  d'une  lettre  reçue  le 
r' août  de  M.  George  Roliin,  instituteur  à  Hennaya, 
province  d'Oran  (Algérie)  : 

Au  sujet  du  prannel  dont  vous  avez  entretenu  vos  lec- 
teurs, pour  lequel  je  vous  ai  adressé  une  communication 
et  dont  il  vient  encore  d'être  question  dans  votre  excellent 
Courrier,  je  tiens  à  vous  faire  savoir  que,  dans  mon  pays 
natal  (Monthureux-sur-Saône,  Vosges),  quelques  personnes 
prononcent  aussi  le /^ro.s/ieZ  (prôné).  Ce  serait  donc  bien,  je  le 
crois,  comme  le  conjecture  votre  correspondant  de  Rouen, 
t  un  barrage  en  bois  placé  au  degré  de  la  chambre  do 
.  Jeanne  ». 

Si,  après  la  savante  communication  qui  m'est  venue 
de  Rouen,  quelque  lecteur  du  Courrier  de  Vaugelas 
hésitait  encore  à  reconnaître  ;j/-o.snc/  pour  l'origine  de 
prannel,  je  pense  que  ces  dernières  lignes  pourraient 
achever  de  le  convaincre. 

X 

Premii're  Question. 
On  lit  </a«« /'Événement  du  S  juin  I87H  :  «  A  propos 
df.  la  tnnrl  violente  de  ce  triste  souverain,  noiis  demnn- 
derons  pourquoi  on  dit  se  snrcrnER,  ce  qui  est  évidem- 
ment un  pléonasme  .>.  Jr  votis  transmets  celte  question 
espérant  que  vous  voudrez  bien  la  résoudre  dans  un 


de  vos  prochains  numéros,  si  vous  lui  trouvez  l'intérêt 
dont  elle  me  paraît  digne. 

Autrefois,  l'action  de  se  défaire,  de  se  tuer  volon- 
tairement s'appelait  chez  nous  homicide  de  soi-même, 
et  cette  expression  avait  donné  naissance  au  verbe 
s'homicider,  deux  faits  dont  voici  des  exemples  : 

(Pour  le  substantif) 

Il  n'y  a  qu'un  hérétique  qui  puisse  être  homicide  de  soi- 
même. 

(Maintenoii,   Lclf.    au  cnnl.  df  Xo^iHes,  2  iiov.   l'JO^.) 

Il  tenoit  dans  sa  main  une  espèce  de  manifeste  pour  jus- 
tifier Vhomicide  de  soi-même. 

(Segiais.  Prin.  de  PaphL  t.  U,  p.  lai.) 

La  religion  païenne  défendait  \:homicide  de  soi-même  ainsi 

que  la  chrétienne. 

(Voltaire.  Dict.  phil.  Suicide.) 

(Pour  le  verbe) 

Vous  savez  ce  qu'on  fait  à  quiconque  se  tue. 
Et  que  s'homicider  est  chose  défendue.    • 

(Scarron,  D   Jnp.  d'Arm.  IV,  5.) 

Quand  l'abbé  Desfontaines  eut  fait  le  mot  suicide 
(c'est  le  Diclionnaire  de  Trévou.r,  édit.  de  1771 ,  qui  lui 
en  attribue  la  paternité),  ce  mot  se  substitua  peu  à  peu 
à  homicide  de  soi-même  et,  quelque  temps  après,  on 
remplaça  s'homicider  par  se  suicider.    ■ 

Or,  ce  dernier  verbe  est  loin  d'être  goûté  par  tout  le 
monde;  car  non-seulement  l'Académie  ne  l'a  pas 
accueilli  dans  sa  dernière  édition  (ISS.'i),  mais  encore 
M.  Littré  le  recommande  à  l'attention  des  puristes 
dans  les  termes  peu  flatteurs  qu'on  va  lire  : 

Ce  verbe  est  très-fréquemment  employé  présentement; 
mais  il  est  mal  fait,  puisqu'il  contient  deux  fois  le  pronom 
se.  Suicide,  meurtre  de  soi  :  il  est  difficile  de  former  avec 
cela  régulièrement  un  verbe  réfléchi.  Suicide  équivaut  à 
soi-meurtre;  se  suicider  équivaut  donc  à  se-so(-H!e«r<nr;  cela 
met  en  évidence  le  vice  de  formation. 

Tout  homme  qui  répugne  aux  barbarismes,  même  usités, 
fera  bien  de  s'abstenir  de  l'emploi  de  ce  mot. 

Réellement,  le  verbe  se  suicider  mérite-t-il  la  répul- 
sion qu'il  inspire  dans  les  hautes  régions  du  monde 
grammatical? 

Je  ne  le  crois  pas,  et  voici  les  arguments  dont  je 
compose  sa  défense  : 

4"  Le  verbe  s'homicider,  qui  signifie  littéralement 
soi-mcme-tuer-homme,  n'est  pas  mieux  fait  que  se 
.micider,  car  l'idée  dWiomme  y  est  pour  le  moins  aussi 
superilue  que  celle  du  pronom  soi  dans  ce  dernier 
verbe.  Pourquoi  donc  faire  des  difficultés  pour  admettre 
se  suicider  quand  on  n'en  a  fait  aucune  pour  admettre 
s'ho7nicider? 

2»  Un  barbarisme,  selon  la  définition  même  de 
M.  Littré,  est  «  toute  expression,  toute  locution  qui 
viole  la  règle  ».  Mais  '"en  quoi  se  suicider,  formé  de 
suicide,  qui  a  été  admis  sans  conteste  par  tout  le 
monde,  viole-l-il  la  règle  qui  permet  de  faire  un  verbe 
avec  un  substantif  en  donnant  à  ce  dernier  une  ter- 
minaison convenable?  J'ai  beau  chercher,  je  ne  le 
trouve  pas. 

3"  Certainement,  en  mettant  en  évidence  les  parties 
composantes  de  .ie  .luicider,  on  y  trouve  un  pléonasme; 
mais  ce  n'est  pas  un  motif  suffisant  pour  faire  invalider 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


59 


ce  mot  que  lanl  de  suiïrai-'es  déclareiil  bon  pour 
le  vocabulaire  :  il  j  a  aussi  un  pléonasme  dans 
s'abstenir,  s'ayrnouitler,  se  moquer,  se  rappeler,  elc, 
puisque  ces  verbes  se  traduisent  en  anglais  sans 
pronom  réfléchi  to  abstain,  to  kneel  down,  to  mock, 
lo  remember,  etc.),  et  personne  n'a  jamais  mis  en 
doute  le  droit  qu'ont  lesdits  verbes  d'être  toujours 
accomijagnés  d'un  .svqui  n'est  cependant  pas  pour  eux 
un  indispensable  cortège. 

4°  Si  l'on  devait  n'accueillir  comme  verbes  composés 
que  ceux  dont  les  éléments  feraient  un  sens  raisonnable, 
ce  n'est  pas  seulement  se  suicider  qui  serait  à  bannir; 
il  y  en  aurait  une  foule  d'autres,  par  exemple,  se 
mourir  (mourir  s,o\-mi^mt] ,  traduire  (conduire  a  travers^ , 
s'en  aller  ,aller  de  là  soi),  s'arraïujer  (ranger  soi  àj, 
complaire  (plaire  avec),  pour  n'en  citer  que  quelques- 
uns. 

5°  On  avait  fait  le  verbe  s'homicider  de  l'expression 
substantive  homicide  de  soi-même.  Or,  le  mot  suicide 
venant  à  remplacer  cette  expression  avec  avantage  (car 
il  est  beaucoup  plus  court),  comment  ne  pas  faire  se 
suicider  pour  tenir  lieu' de  s'/iomicider.  condamné  à 
bientôt  disparaître?  Il  était  impossible  d'agir  autrement: 
il-fallait  combler, un  vide  qui  eût  appauvri  la  langue. 

X 
Seconde  Queslion. 
Alfred  Delvau    (dictioxxaire   m:    i,i    l.v>gce  verte 
définit  s'E?i  BATTUE  l'ceil  :   «  Se  moquer  d'une  chose, 
dans  l'aryot  des  faubouriens  -»  ;  Quitard  (dictionnaire 
DES  PKOVKRBES)  termine  son  explication  par  :  «  De  là 
cette  expression  employée  fréquemment  pour  dire  qu'on 
sejnoque  d'une  chose  ».  Or,  on  pourrait  croire  d'après 
cela  que  l'expression  en  question  ne  peut  se  dire  des 
personnes.  En  est-il  réellement  ainsi? 

Cette  expression  se  dit  souvent  des  choses,  soit  en 
prose,  soit  en  vers.  Mais  elle  peut  aussi  être  suivie 
d'un  nom  de  personne,  ce  qui  est  prouvé  : 

{",  Par  cette  définition  que  donne  M.  Littré  : 

Fig.  et  populairement,  se  lyalire  l'œil  de  quelqu'un,  de 
quelque  chose,  ne  pas  s'en  soucier,  n'en  tenir  aucun  compte. 

2"  l'ar  celte  citation,  empruntée  à  Roursault  [Merc. 
gai.  acte  iv,  se.  7;  : 

Meklin. 
El  tu  crois  au  Mercure  occuper  une  place, 
Toi?  Tu  n'y  seras  point,  je  l'en  donne  ma  foi. 

La  Rissole 
Mordié!  je  me  bats  l'œil  du  Mercure,  et  de  loi. 

Du  reste,  comme  se  moquer  de  admet  après  lui  aussi 
bien  les  noms  de  personnes  que. ceux  de  choses,  il 
est  naturel  qu'il  en  soit  de  même  pour  son  synonyme 
se  battre  l'œil  de. 

X 
Troisième  Queslion. 

Vous  avez  très-Justement  fait  justice  de  i expression 
Dans  le  bit  de,  est-ce  que  Sucs  le  point  de  vpe,  Sois  le 
RAProiiT  de,  ne  méritent  pas  la  même  condamnation? 
Veuillez  éclairer  là-dessus  vos  lecteurs. 

Depuis  le  xvii"'  siècle,  on  emploie  la  préposition  sous 


devant  l'expression  le  point  de  vue  de,  ce  que  montrent 
ces  exemples  : 

Ces  connaissances  et  les  actions  vertueuses  qui  en  étaient 
la  suite,  peuvent  être  envisagées  sous  un  double  point  de 
vue. 

(Hollin,  His(.  aiic.  XXVI.  Il,  a,  «.) 

Il  nous  place  sous  un  point  de  vue  d'où  il  nous  met  sous 
les  yeux  les  royaumes  du  monde  et  toute  leur  gloire. 

(Massitlon,  Con/ér.) 

Sous  ce  double  point  de  vue  nous  trouvons  entre  eux  tant 
de  rapports. 

(Rcuiseau,  Bmile,  V.) 

Ils  voient  le  sujet  ious  un  point  de  vue,  et  l'auteur  l'a 
envisagé  sous  un  autre. 

(Voltaire,  Lelt.  Chabanon  |3  janvier  i-J/G.) 

.Alais,  quoiqu'elle  soit  d'un  emploi  peut-être  plus 
gênerai  encore  aujourd'hui,  je  n'en  crois  pas  moins 
cette  expression  inexacte  et  vous  allez  facilement  com- 
prendre pourquoi. 

En  effet,  l'expression  sous  le  point  de  vue  est  destinée 
à  indiquer  l'endroit  où  se  place  la  personne  qui  exa- 
mine, qui  regarde,  qui  considère  quelque  chose. 

Or,  le  nom  d'un  tel  endroit  exige  la  préposition  à 
devant  lui,  et  non  la  préposition  sous. 

Quant  à  sous  le  rapport  de,  qui  est  également  d'un 
très-fréquent  usage,  il  me  semble  avoir  suffisamment 
démontré  Courrier  de  Vaugelas,  V  année,  p.  91  que 
toute  personne  tenant  à  bien  parler  français  doit 
rejeter  cette  expression  et  la  remplacer  par  à  l'égard  de, 
relativement  à,  ou  par  rapport  à. 

X 
Quatrième  Question. 

Je  ne  puis  comprendre  l'emploi  de  l'imparfait  du 
subjonctif  dans  cette  phrase  :  «  //  ne  consent  irait  pas  à 
quitter  son  pays,  lui  offrît-on  une  fortune.  » 
Voudriez-vous  bien  m'en  donner  l'explication  ? 

Cet  emploi  est  l'effet  d'une  tournure,  c'est-à-dire  le 
résultat  d'une  transformation  matérielle  qui  n'altère  le 
sens  en  aucune  façon. 

Toutes  les  fois  que,  dans  une  phrase  française,  se 
trouve  une  proposition  conditionnelle  commençant  par 
quand  même,  lors  même  que,  même  si,  on  peut  suppri- 
mer ces  conjonctions  et  mettre  le  verbe  suivant  à  l'im- 
parfait du  subjonctif,  avec  le  pronom  sujet  après  lui. 
Ainsi,  au  lieu  de  dire  avec  la  phrase  au  complet  : 

Si  je  letrouvp,  je  le  veux  échiner  quand  mc'meje  devrais' 
êlrf  roué  tout  vif; 

Voili  pourquoi  l'a Iministration  est  déjà  par  plle-raême 
si  bienfaisante,  quand  même  elle  se  tromperait  dans  son 
clioix  ; 

on  s'exprime  d'une  manière  plus  élégante  (parce  que  la 
construction  en  est  plus  difficile)  en  disant,  avec  les  au- 
teurs dont  les  noms  suivent  : 

Si  je  le  trouve,  je  le  veux  écUiner,  dussé-je  être  roué  tout 
vif. 

(Molière,  Fourh,  de  Scnp.  II.  .se.  9,) 

Voilà  pourquoi  l'artminisir.ition  est  déjà  par  elle-même  si 
bienfaisante,  se  trompa t-elle  dans  son  clioix. 

(V"  Cousin.) 


60 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


La  phrase  que  vous  me  priez  de  vous  expliquer  est 
tout  simplemenlla  tournure  très-Iégitimede  cette  autre: 

U  ne  consentirait  pas  à  quitter  son  pays,  quand  même  on 
lui  offrlrail  une  fortune. 

ÉTRANGER 

Première  Question. 

Faul-il  dire  une  sainte  Mitocche  ou  bien  une  sainte 
NiTOccHE?  J'ai  entendu  l'un  et  l'autre;  mais  je  ne  sais 
pas  lequel  des  deitx  est  le  meilleur. 

Parrili  les  mots  dont  Ménage  a  cherché  l'élymologie 
se  trouve  Texpression  sainte  Mitouché. 

On  lit  dans  le  Dmatiana  (t.  II,  p.  521 ,  éd.  d'Amster- 
dam) que  sainte  Mitouché  se  dit  communément. 

Voltaire  s'est  servi  de  sainte  Mitouché  dans  ces  vers  : 
Luu  à  son  aide  appelle  saint  Martin, 
L'autre  saint  Roch,  l'autre  sainte  Mitouché. 

D'après  le  Dictionnaire  ét)jmoln;/icjue  de  Noël  et 
Carpentier,  le  peuple  pvononce  sainte  Mitouché. 

Enfin,  les  patois  wallon  et  bourguignon  emploient 
aussi  sainte  Mitouché. 

■  Mais  ceux  qui  pensent  que  sainte  Nitouche  est 
préférable  sont  loin  d'être  rares,  car  je  remarque  figu- 
rant dans  le  nombre  : 

i"  Le  poêle  Régnier,  qui  a  employé  celle  expression 
dans  la  satire  xiii  : 

La  parole  modeste  et  les  yeux  composez, 
Entra  par  révérence,  et  resserrant  la  bouche. 
Timide  en  son  respect,  semhlo'M  saincte  Nitouche. 

2°  Furclière,  ainsi  que  les  auteurs  du  Dictionnaire 
de  Trérou.r  (17711. 

3°  L'Académie  de  1835,  M.  Littré  et  tous  les  lexico- 
graphes modernes. 

Ces  deux  expressions  sont-elles  également  bonnes, 
comme  le  croyait  Antoine Oudin  [Curiosilez  françaises), 
ou  bien  l'une  est-elle  meilleure  que  l'autre? 

Je  crois  que  .sainte  Nitouche  est  la  seule  qu'on  doive 
employer,  et  je  vais  vous  dire  les  raisons  que  j'aide 
penser  de  celte  manière. 

Les  tenants  de  sninte  Mitouché  dérivent  ce  mot  du 

verbe  toucher  et  de  mie,  qui  a  été  une  négative  fort 

usitée  dans  l'ancien  lYaneais;  de  sorte  que,  pour  eux, 

,  l'expression  signifie  lilléralemenl  une  personne  qui  7nie 

touche  (ne  touche  pas). 

Mais  celle  étymologie  est  tout-à-fait  inadmissible, 
car  elle  suppose  que  la  négation  7nie  se  construisait 
avant  le  verbe  qu'elle  accompagnait,  tandis  qu'au 
contraire,  elle  se  niellait  généralement  aj)rès  (dans  les 
temps  simples],  comme  les  exemples  suivants  en 
sont  la  preuve  : 

Le  désire  poign  ad  perdut,  n'en  ad  mie. 

[Ch    de  Roland,  st.  CXCI.) 

Se  ele  ne  sospi-et  ne  manjout  mie... 

(Livre  de  Joh,  p.  470- ) 

OÙ  la  forest  ert  enliermie. 
C'en  ne  l'éoU  la  clarté  mie 
De  la  Lune... 

(Burbazaii,  I,  p.  iiiS.) 


Li  roi  et  li  soudant  ne  l'oublièrent  mie. 

(Ch;  des  Saxons,  VIII.) 

U  lur  respunt,  n'en  doutez  mie. 

(Marie  de  France,  t.  II,  p,   i86.} 

Geste  cy  n'est  mie  la  mieniie. 

(Rabelais,  Paul.  IV,  Nouv.  proî.) 

Dans  Texpression  en  question,  le  mot  Mitouché  ne 
peut  être  qu'une  corruption  de  Nitouche,  lequel  a  été 
formé  comme  je  vais  maintenant  vous  l'expliquer. 

En  parlant  d'une  femme  dissimulée,  d'une  prude, 
d'une  fille  hypocrite,  qui  fait  semblant  de  ne  pas  s'occu- 
per de  galanterie,  on  a  dit  qu'elle  n'îj  touchait  pas, 
le  pronom  y  Lenant  la  place  du  complément  sous- 
enlendu  : 

De  quel  œil  la  traîtresse  a  soutenu  ma  vue! 
De  tout  ce  qu'elle  a  fait  elle  n'est  point  émue; 
Et,  bien  qu'elle  me  mette  à  deu.\  doigts  du  trépas, 
On  dirait,  à  la  voir,  qu'elle  n'y  touclie  pas. 

(Molière,  Ec.  des  fem.  IV,  i.) 

Mon  Dieu,  sa  sœur,  vous  faites  la  discrète, 
.    Et  vous  n'y  touchez  pas,  tant  vous  semblez  doucette  ! 

(Idem,   Tart.,   I.  se.    l) 

Ceci  a  naturellement  conduit  à  l'appellalion  de  sainte 
n'y  touche,  comme  on  écrivait  au  xvi"  siècle  et  comme 
Moisant  de  Rrieux  et  Colgrave  le  faisaient  encore  au  xvn". 

Or,  il  esl  facile  de  comprendre  que,  moyennant  un 
léger  changement  dans  l'orthographe  et  dans  la  pro- 
nonciation (car,  rigoureusement,  on  devrait  dire  Ni- 
touche avec  un  i  long  comme  dans  n'y],  cette  expression 
substanlive  soit  devenue  sainte  Nitouche. 

Le  nom  de  sainte  Nitouche  ayant  toujours  désigné 
une  personne  d'une  apparence  innocente  el  douce  (c'est 
du  moins  ce  donnent  à  penser  les  derniers  vers  de 
.Molière  cités  plus  haut),  il  me  semtle  que  beaucoup 
auront  cru,  grâce  à  cette  circonstance,  que  Nitouche 
venait  de  l'adjectif  latin  mitis,  doux,  et  qu'ils  auront 
subslitué  en  conséquence  mit,  radical  de  cet  adjectif,  à 
nit,  première  syllabe  de  Nitouche. 

A  mon  avis,  voilà  comment  on  peut  rendre  compte 
d'un  changement  de  n  en  m  qui,  s'ils'élait  opéré  autre- 
ment, serait  sans  analogue  dans  notre  langue. 

X 

Seconde   Question. 
Pou r(/uoi  les  pharmaciens  donnent-ils  le  nomd'AxomE 
à  la  graisse  de  porc  fondue  ? 

SelonPIinc  iliv.  xxvii,p.  273,  coll.  Nisardi,  les  anciens 
employaient  principalement  la  graisse  de  porc  à  enduire 
les  essieux  pour  faire  tourner  plus  aisément  les  roues, 
el  ils  lui  donuèrcnl  pour  celte  raison  le  nom  d'axungia, 
formé  de  a.ris,  essieu,  et  de  ungere,  oindre. 

Or,  les  pharmaciens  préférant  les  vocables  lires  du 
latin  à  ceux  qui  viennent  du  français,  comme  plus 
scientifi(iues,  ils  appellent  axonge  la  graisse  de  porc 
fondue  et  préparée  que  le  vulgaire  appelle  généralement 
saindoux. 

X 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


64 


Troisifme  QiiesUon. 
Quelle  différence  d'emploi  y  a-t-il  entre  les  expres- 
sions SCB  LA  KCE  et  DANS  LA  RCE? 

En  français,  l'expression  sîtr  la  rue  a  un  double 
emploi  :  on  s'en  sert  pour  signifier  au  sujet  de  la  rue, 
et  on  en  fait  le  complément  des  verbes  donner,  regarder 
et  ouvrir,  en  parlant  d'une  fenêtre  ou  dune  porte. 

Mais  hors  dé  là,  on  dit  toujours  dans  la  rue. 

P.\SSE-TEMPS  GRA.M.M.\T1C.U,. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°...  autant  de  fois  milte  louis,  ou  :  autant  de  mil'iers  de  louis 
(voir  Courrier  de  VaiigetasA'  Aimée,  p.  69);— 2°.. .  il  ne  parait 
pas  en'avoir  plus  de  cinquante;  —  3°  On  a  remis  entre  les 
mains  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  1"  année,  n°  1,  p.  Tj;  — 
4°...  considérablement  corrigée  avant  d'être  (on  ne  dit  plus  avant 
que  de):  —  5'...  le  veston,  la  redingote,  i'0/;c  le  pantalon  gris 
(on  ne  met  pas  de  même  après  voire);  —  6'  Mais  cela  e-\ige-t-il  une 
couple  de  millions  (on  ne  dit  paire  que  pour  deux  choses  allant 
ensemble);  — 7°...  qu'on  aura  laissés  s'accroître  sans  s'inquiéter 
de  les  connaître;— 8'...  qu'avec  tous  les  défauts  que  je  puis  avoir. 


Phrases  à.  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines.' 

!•  Dès  lors  les  boucliers  n'eurent  plus  de  crainte,  et,  bien 
que  plus  de  cinquante  garçons  'bouchers  aient  été  atteints 
de  boutonscbarbonneux,  aucun  ne  succomba  pendant  toute 
la  durée  du  siégé  sans  même  que  j'eusse  à  les  voir  ni  à  les 
Saigner. 

2'  A  quoi  songez-vous  donc,  mon  ami,  en  invitant  cette 
veuve  décriée,  à  la  religion  de  laquelle  personne  ne  croit, 
et  qui  a  pour  fille  un  laideron  assez  dévergondé? 

3'  Tous  les  vendredis,  Sainte-Beuve  avait  pour  coutume 
d'aller  communiquer  son  article  manu.scrit  au  directeur  du 
Constitutionnel,  à  qui  cet  acte  de  déférence  littéraire  était 
on  ne  peut  plus  agréable. 

4°  La  réunion  de  ces  délégués  formerait  un  syndicat  des 
bibliothèques  populaires  auquel  il  sera  soumis  lesquestions 
d'intérêt  général  et  qui  s'occupera  des  voies  et  moyens  du 
développement  à  donner  à  ces  institutions  démocratiques. 

5*  Les  toitures  de  plusieurs  maisons  ont  été  enlevées. 
Les  cabines  des  bains  ont  été  renversées.  Le  rédacteur  en 
chef  de  la  Vigie  a  manqué  périr. 

6°  M.  Bocher  est  ancien  préfet  du  gouvernement  de  juillet 
et  régisseur  des  biens  de  la  famille  d'Orléans.  Il  paraît 
vingt  ans  de  moins  que  son  âge  ;  jamais  Normand  ne 
montra  tant  de  vigueur. 

7*  C'est  assurément,  parmi  nos  jeunes  diplomates,  l'un 
de  ceux  qui  a  le  plus  d'avenir.  11  a  beaucoup  voyagé, 
beaucoup  vu,  beaucoup  retenu,  beaucoup  comparé  et  très- 
bien  observé. 

8'  Il  est  bon  de  rappeler  souvent  les  paroles,  les  faits  et 
les  gestes  des  chefs  bonapartistes  ;  c'est  le  meilleur  moyen 
de  leur  empêcher  de  faire  de  nouvelles  dupes. 

9*  Puisqu'on  a  tant  fait  que  de  perfectionner  la  guillotine, 
ne  pourrait-on  pas  trouver  un  moyen  mécanique  qui  rejette 
la  tôte  dans  le  panier  et  évite  cet  affreux  transvasement? 

10'  L'ex-dictateur  passe  sans  doute  aux  yeu.x  de  son  parti 
pour  avoir  une  haute  compétence  militaire,  caril  parle  de 
tout,  tranche  de  tout,  et  fait  voter  ce  qu'il  veut  par  la 
majorité  républicaine. 

(Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NUE  .MOITIÉ  DU  XVII«  SIÈCLE. 


Gilles  MENAGE. 

[Suite.) 
Noms  indéclinaljtes.  —  Nous  avons  plusieurs  noms 
dans  notre  langue  qui  ont  le  «  plurier  »  semblable  au 
singulier.  Nous  disons,  par  exemple,  un  opira,  deux 
opéra;  un  pater  et  un  avé,  cinq  pater  et  cinq  avé;  un 
le-Deum,  deux  te-Deum,  quoiqu'on  dise  au  pluriel  des 
factons,  des  dictons;  un  acacia,  deux  acacia. 
.Ménage  dit  toujours  des  impromptu. 
Les  noms  des  lettres  de  l'alphabet  ne  se  déclinent 
point,  et  cela,  à  l'imitation  de  ceux  des  lettres  grecques 
et  latines. 

S'il  faut  dire  sel  armoniac,  ou  ammoniac.  —  D'après 
l'étjmologie,  il  faudrait  dire  ammoniac,  ce  mot  ayant 
été  fait  A'ammoniacum;  mais  l'usage  veut  qu'on  dise 
armoniac,  et  les  Italiens  disent  de  même  armoniaco. 

.S'il  faut  dire  arbaleste,  ou  arbalestre.  —  Les  Latins 
ont  dit  arcubalista  et  arcubalistra;  du  pre'mier  nous 
avons  fait  arbaleste,  et  du  second  arbalestre.  Mais 
aujourd'hui  i^672),  quoique  nous  disions  arbalestrier, 
nous  disons  arbaleste  ;  ainsi  le  veut  l'usage. 

S' il  faut  dire  \)roioco\Q,  0!<  prolecole;  prolonotaire,  ou 
protenotaire.  —  Létymologie  \o\iàv3M protocole,  pro- 
tonotaire; mais  ces  trois  o  de  suite  sont  désagréables 
à  prononcer,  et  l'on  dit  protccole,  protenotaire. 

■S'il  faut  dire  le  chaignon,  ou  le  chignon  du  cou.  — 
On  devrait  dire  le  cha'inon  du  cou,  ce  mot  ayant  été  fait 
de  catena;  mais,  malgré  cette  raison,  il  faut  dire  le 
chignon  du  cou,  car  l'usage  le  veut  ainsi. 

S'il  faut  dire  Cypre,  ou  Chypre.  —  Vaugelas  veut 
qu'on  dise  liste  de  Chtjpre  et  de  la  poudre  de  Chypre. 
Ménage  n'est  pas  de  son  avis  à  l'égard  de  l'île;  on 
trouve  partout  l'isle  de  Cypre.  Quant  à  la  poudre,  il 
accepte  C/iypre  puisque  c'est  ainsi  -que  parlent  les 
dames  :  d'après  lui,  il  convient  de  dire  l'isle  de  Cypre 
et  de  la  poudre  de  Chijpre. 

Le  son  eu  changé  en  u  dans  les  dcrirés.  — Quoiqu'on 
dise  heur,  bon-heur,  malheur,  râleur,  il  faut  dire,  en 
se  conformant  à  l'usage,  AwreMJ',  bien-hureux,  malhu- 
reu.r,  ralureux. 

Distinction  entre  fleuve  et  rivière.  —  Le  mot  rivière 
se  dit  des  grands  et  des  petits  cours  d'eau  ;  fleure  ne  se 
dit  que  des.grands. 

S'il  faut  dire  trouver,  ou  treuver.  —  Sans  compa- 
raison, comme  l'a  décidé  Vaugelas,  trouver  est  le 
meilleur;  mais  vu  l'emploi  qui  est  fait  de  treuver,  oa 
ne  peut  pas  dire  que  ce  dernier  ne  se  dise  plus. 

S'il  faut  dire  pomme  de  cas-jiendu,  du  de  court- 
pendu.  —  On  doit  dire  pomme  de  capendu,  quoiqu'on 
trouve  dans  Nicot,  carpmdu,  et  que  les  auteurs  de 
V. Abrégé  des- bons  fruits  aient  dit  courpcndu. 
,  S'il  faut  dire  carmes  deschaux,  ou  carmes  des- 
chaussez. —  Nos  anciens  disaient  carmes  deschaux;  mais 


62 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


aujourd'hui  (< 672),  pour  bien   s'exprimer,  il   faul  dire 
carmes  desihaiisfez. 

S'il  faut  dire  il  survécut,  oti  il  survesquit.  —  L'usage 
est  partagé  entre  ces  deux  formes;  mais  d'Ablancourt 
disant  toujours <«;rMgMiY,  il  est  bon  de  suivre  ce  grand 
maître. 

S'il  fmtl  fZ(>e bienfaiteur,  oii  bienfnicleur,  bienfacleur. 
—  Vaugclas  veut  qu'on  dise  bienfaileur;  mais  bien- 
faicteur  est  plus  en  usage  aujourd'hui,  et  il  y  a  long- 
temps qu'on  parle  de  la  sorte.  Quant  à  bienfacleur,  il 
n'est  plus  usité  que  par  les  curés,  qui  disent  dans  leurs 
prônes  :  Priez  Dieu  pour  les  bienfacleurs  de  cette 
Eglise  (U)72i. 

Différence  entre caâeaiuel  banquet. —  Le  mot  cadeau, 
dans  la  signification  de  grand  repas,  est  plutôt  de  la 
Ville  que  de  la  Cour.  On  dit  à  la  Cour  donner  un  grand 
repas,  donner  une  festc.  C'est  donc  ainsi  qu'il  faut  dire 
pour  bien  parler.  Le  terme  banque/  n'est  plus  du  même 
usage;  on  ne  s'en  sert  plus  que  dans  le  langage  reli- 
gieux, le  banquet  des  élus,  ainsi  que  dans  le  banquet 
des  Sep!  Sages,  le  banquet  de  Platon. 

Emploi  de  coterie  et  de  société.  —  Le  premier  est  un 
mot  bourgeois;  les  honnêtes  gens  disent  société. 

Prononciation  de  ch.  —  Au  temps  de  Ménage,  ces 
lettres  se  prononçaient  ch  dans  -Achcron,  CJiio,  Ezc- 
chiel;  k  dans  alchimie,  Archélaûs^  chélidoine,  Eschyle, 
Mdchisédec,  trochée;  et  s  dans  le  mol  chirurgien.  — 
Les  Chartreux  prononçaient  à  la  française  le  ch  de  tous 
les  mots  latins. 

S'il  faut  dire  tuer,  ou  éteindre  un  flambeau.  —  Mal- 
herbe a  dit  tuer  un  flambeau  ;  mais  cette  expression  est 
devenue  si  commune  qu'elle  a  perdu  sa  nolilcsse.  Il 
faul  dire,  en  prose  comme  en  vers,  éteindre  un  flam- 
beau, manière  dont  on  parle  à  Paris. 

S'il  faut  dire  Norvégue,  o«  Norvège.  — 11  faut  dire  la 
Norvrgue,  comme  disent  nos  gens  de  mer,  quoi(|u'on 
écrive  la  Norvège. 

Si  l'on  doit  dire  bignet,  o(/ beignet.  —  Les  Parisiens 
disent  ordinairement  beignet  ;  mais  on  dit  bignet  dans 
les  provinces. 

Sur  l'emploi  de  Monsieur  e<  de  Madame  dans  les 
lettres.  —  Vaugelas  a  dit  que  rien  ne  blesse  davantage 
l'œil  et  l'oreille  que  de  voir  une  lettre  qui,  après  Mon- 
sieurow  Madame,  commccncore  par  l'un  ou  par  l'autre. 
Ménage  n'est  pas  du  même  avis  ;  .selon  lui,  c'est  être 
dégoûté  iflulût  que  délicat,  de  ne  pouvoir  souffrir  ces 
petites  négligences:  les  lellres  sont  l'image  de  la  conver- 
sation, et,  dans  la  conversation,  on  ne  fait  point  de  diffi- 
culté d'employer  ces  mots  à  la  suite  l'un  de  l'autre. 

S'il  faul  dire  mons[reu\,  om  monstrueux.  —Plusieurs 
personnes  non-seulement  de  la  Ville,  mais  de  la  Cour, 
disent  monstrcu.r,c\.  quoUpies-unsde  nos  grammairi(!ns 
soutiennent  que  c'est  ainsi  ([u'il  faut  parLr,  puisiju'on 
dit  nombreux,  Cénébreux,  malencontreux,  elc.  Ils  se 
trom|)cnl  ;  le  grand  usage  est  pour  monstrueu.r,  confor- 
iiiément  à  l'ilalien  monstruoso  et  au  latin  monslruosus, 
qui  se  trouve  dans  certains  auteurs. 

S'il  faut  rf/rc  jouer  au  pallema'iJ,  ou  jouerau  mail.  — 
Quelques  antiquaires  disent  encore  [iai'l]  Jouer  aupal- 


lemail.  C'est  très-mat  parler  ;  il  faut  dire  jower  au  mail. 
De  la  prononciation  de  certains  e.  —  Il  faut  dire  etn- 
jjereur  et  non  empereur,  défaut  et  non  défaut;  Breda 
et  non  Bréda;  acquérir,  acquéreur  et  non  acquérir, 
acquéreur;  de  l'eau  bénite,  et  non  de  Veau  bénite. 
L'usage  est  partagé  entre  premier  et  premier;  première- 
ment et  premièrement;  mais  Ménage  est  de  l'avis  de 
ceux  qui  d\senl premier,  premièrement. 

Prononciation  de  la  finale  esse.  —  Elle  est  longue 
dans  le  mot  abbesse,  et  le  long  de  la  Loire,  on  la  pro- 
nonce longue  aussi  dans  messe,  maîtresse,  princesse, 
duchesse,  comtesse,  ce  qui  est  une  prononciation 
très-désagréable. 

Dr  certains  noms  propres  qui  s'emploient  au  singu- 
lier et  au  pluriel.  —  Vaugelas  a  fort  bien  décidé  qu'il 
fallait  dire  la  Flandre  et  non  les  Flandres;  mais  Ménage 
n'est  pas  de  son  avis  quand  il  ajoute  qu'il  faut  dire  en 
Flandresei  non  pase?;  Flandre.  On  doit  dire,  au  contraire, 
en  Flandre  et  non  pas  en  Flandres.  Les  écrivains  latins 
ont  dit  indilTéremmenl  Hispania  et  Uispanue,  Gallia 
ou  GallicC,  et  de  là  vient  que  nos  vieux  Gaulois  ont  dit 
aussi  indiiféremment  l'Espagne  et  les  Espagncs,  la 
Gaule  et  les  Gaules,  lis  ont  dit  en  Flandres  avec  d'au- 
tant plus  de  raison  qa'il  y  a  trois  Flandres  :  la  flamin- 
gante, l'impériale  et  la  française.  Mais  comme  Iç  mot 
de  Flandre  comprend  aujourd'hui  ces  trois  Flandres, 
on  ne  dit  pluse?*  Flandres,  mais  en  Flandre. 

Nous     écrivons     ordinairement    Athétfes,    Thébes,  ' 
Mycénes,  et  c'est  ainsi  qu'il  faut    toujours    écrire  en 
prose;  mais  en  vers,  on  peut  fort  bien  supprimer  Y.s. 

Au  sujet  de  l's  finale  de  quelques  noms  d'hommes.  — 
D'ajirès  Vaugelas,  on  peut  écrire  Philippe  et  Philippes 
indiiféremment;  mais  il  faut  toujours  écrire  Charles, 
Jacques  et  .Jules.  Ménage  n'est  pas  de  son  avis;  il  croit 
qu'on  peut  aussi  bien  écrire  Charte,  Jaque  que  Phi- 
lippe, et  cela,  particulièi'ement  en  vers. 

Orthographe  de  l'adjectif  dans  la  phrase  :  Avecque 
toul,e  l'estime  et  toute  la  passion  possible.  —  Ceux  qui 
blâment  cette  expression,  dit  Ménage,  et  qui  voudraient 
qu'on  y  écrivit  possibles  parce  que  deux  substantifs 
singuliers  régissent  le  pluriel,  ne  sa"vent  pas  ce  que 
c'est  que  la  Grammaire.  Tous  les  auteurs  sont  pleins 
de  semblables  licences. 

.S'/7  faut  dire  à  nage,  ou  à  la  nage.  —  Les  deux  sont 
usités,  mais  ci  nage  est  le  meilleur. 

Prononciation  de  eu  dans  quelques  mots.  —  Les  mots 
meure,  mcarier,  sainneur,  seur,  preude  doivent  se  pro- 
noncer nmre,  mûrier,  saumur,  sûr,  prude;  et  ceux  qui 
se  piquent  de  bien  orthographier  les  écrivent  par  u. 

S  il  faut  dire  rcvenchor,  ou  revenger.  —  L'usage  est 
pour  revencher,  quoique  l'analogie  demande  revenger. 

Choix  entre  enfin  êl  ala-fin.  —  Quand  il  s'agit  d'ex- 
primer le  sens  après  tout,  enfin  vaut  certainement 
mieux  qu'ala-fin,  et  c'est  ainsi  qui  .Ménage  voudrait 
toujours  dire  en  prose.  Maison  poésie,  il  ne  ferait  pas 
difficulté  de  dire  ala-fin. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Lk  RiioACTEUii-GKiuîiT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


63 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 

Publications  de  la  quinzaine  : 


Les  Ménages  militaires  {i"  série).  La  femme  du 
capitaine  Aubépin;  par  Claire  de  Cliandeneux.  S»  édi- 
tion. In-I8  Jésus.  U5  p.  Paris,  lib.  Pion  et  Cie.  2  fr.   50. 

Grammaire  française;  par  un  préfet  d'études. 
3'' édition.  Iu-18  Jésus,  vi-616  p.  Poitiers,  lib.  Oudin  frères. 

Œuvres  complètes  d'Alfred  de  Musset.  Comédies 
et  proverbes.  Lorenzaccio.  Le  Chandelier.  Il  ne  faut 
jurer  de  rien.  Petit  in-12.  ill  p.  Paris,  lib.  Lenierre. 
6fr. 

Les  Anglais  chez  eux.  suivi  de  Hogartb  et  ses 
amis,  ou  Londres  au  siècle  passé;  par  Francis  Wey. 
Nouvelle  édition.  In-18jésus,  UOli  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie.  3  fr.  50. 

Nouvelle  grammaire  française;  par  A.  Chassang. 
inspecteur  général  de  l'Instruction  publique.  Cours  élé- 
mentaire. In-18  Jésus,  x-i/ii  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 
i  fr. 

Les  Vendéens,  poëmes;  par  Emile  Grimaud.  3"^  édi- 
tion, avec  33  eaux-fortes  par  Octave  de  Rochebruue. 
In-4'',  xi-246  p.  Paris,  lib.  Lemerre. 


L'Amérique  devant  l'Europe,  principes  et  in- 
térêts; par  le  comte  .Vgénor  de  Gasparin.  Nouvelle 
édition.  In-18  Jésus,  vui-556  p.  Paris,  lib.  Caïman  Lévy 
1  fr.  25. 

Contes  et  nouvelles;  par  Ju!  is  Janin.  T.  I.  ln-18 
Jésus,  3'23  p.  et  grav.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  3  fr.  50. 

De  la  seconde  éducation  des  filles;  par  Alfred 
.Nettement.  2'=  édition,  ln-12.  xiii-Z|32  p.  Paris,  lib. 
Lecoffre  fils  et  Cie. 

Les  Prussiens  en  Allemagne,  suite  du  "Voyage  au 
pays  des  milliards;  par  Victor  Tissot.  2^''  édition. 
lM-18  Jésus.  520  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Du  Bon  langage  et  des  termes  et  locutions 
vicieuses  à  éviter;  par  .Mme  la  comtesse  Drobojouska. 
née  Symon  de  Latreiche.  5»  édition.  In-12.  288  p    Paris 

lib.  Sarlit. 

Etude  sur  Biaise  Pascal  ;  par  A.  Vinet.  3<^  édition. 
In-18  Jésus,  vii-357  p.  Paris,  lib.  Sandoz  et  Fischbacher 
3  fr.  50. 


Publications  antérieures  : 


POÈMES  ET  FANTAISIES  (1867-1873).  —  Claudine.  — 
Que  sais-je?  —  L'Espoir  en  l'homme.  —  Prompthée.  — 
La  Légende  d'L'rfé.  —  Sonnets.  —  Par  Gust.we  Vingt.  — 
Paris,  librairie  des  Bibliophiles^  338,  rue  Saint-Honoré. 
—  Prix  :  3  francs. 


LA  JEUNE  FILLE;  LETTKES  DUN  AMI.  —  Par  Ch.^rles 
Roz\N.  —  Paris,  P.  Ducroq.  libraire-éditeur,  55,  rue  de 
Seine.  —  Prix  :  3  francs  50  c. 


LES  NEVEU.\  DU  PAPE.  —  Joannis.  —  Par  Gustave 
Vingt.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue  Saint- 
Honoré.  —  Prix  :  U  fr. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  hommes 
DE  GUERRE.  —  Première  série.  —  Par  Edou.ard  Gœpp, 
chef  de  bureau  au  .Ministère  de  l'instruction   publique. 

—  2«  édition,  ornée  de  quatre  portraits  et  de  trois  cartes. 

—  Ki.èbeh,  Desaix,  Hoche,  Marceau,  Daumesnil.  —  Paris, 
P.  Ducroc,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix, 
relié  :  à  francs. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Eman  Martin  ,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  —  Prix  ;  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier  de 
Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


HISTOIRE  DE  LA  BASTILLE  depuis  sa  fontjatign  (1374) 
jusqu'à  sa  destruction  (1789).  —  Ses  prisonniers,  ses 
gouverneurs,  ses  archives;  Détails  des  tortures  et  sup- 
plices usités  envers  les  prisonniers;  Révélations  sur  le 
régime  intérieur  de  la  Bastille;  Aventures  dramatiques, 


lugubres,  scandaleuses;  Evasions;  Archives  de  la  police. 
—  Par  A.  Arnould,  Aldoize  et  Auguste  Maquet.  — Paris 
Victor  Brunel,  éditeur,  3,  rue  de  l'Abbaye,  ancien  palais 
Abbatial.  —  Prix  :  10  francs. 


LE  POMAN  D'UNE  JEU.NE  FILLE  (1770-1794).  —  Par 
Ernest  Daudet.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  Charpen- 
tier et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint- 
Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


JEAN  ET  PASCAL.  —  Par  Juliette  Lamber.  —  Biblio- 
thèque comtemporaine.  —  Paris,  Calmann  Lévy.  éditeur, 
3,  rue  Auber,  et  15,  boulevard  des  Italiens  (librairie 
Nouvelle).  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LESSAULX-TAVANES  —  Etudes  sur  l'ancienne  Société 
française,  lettres  et  documents  inédits  —  Par  L.  Pingaud 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon  —  Paris 
librairie  Firmin  Didot  et  Cie,  im.primeurs  de  l'Institut 
56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  6  fr. 


A  COUPS  DE  FUSIL.  —  Par  Quatrelles.  -  2"  édition. 
—  Paris,  Charpentier  et  Cie.  libraires-éditeurs.  13,  rue 
de  Grenelle-St-Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LE  CAMARADE  DE  VOYAGE.  -  Par  Andersen.  -  Tra- 
duction de  M.M.  Grégoire  et  -Voland.  —  Illustrations  de 
Yan  Dargent.  —  Paris,  Garnier  frères,  libraires-éditeurs, 
6,  rue  des  Saints-Pères.  —  Prix  :  3  fr. 


ÉLÉ.MENTS  DE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE,  rédigés  sur 
un  nouveau  plan,  avec  des  explications  tirées  de  la  gram- 
maire historique  et  précédés  d'une  Introduction  sur 
l'origine  de  notre  langue.  —  Par  G.  Bovier-Lâpierre,  an- 


6A 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


cien  professeur  à  l'École  normale  de  Cluny,  officier  de 
rinstruction  publique.  —  Ouvrage  couronné  par  la  Société 
pour  l'instruction  élémentaire.  —  A  Paris,  chez  Delagrave 
et  Cie.  rue  des  Ecoles.  —  i  vol.  in-12,  cart.  1  fr. 


HISTOir.E  DE  LA  FLO:nDE  FRANÇAISE.  —  Par  Paul 
Gaff.\rel,  ancien  élève  de  l'Ecole  normale  supépieure, 
professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Dijon.  —  Paris, 
librairie  de  Firmin  Didot  et  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
rue  Jacob,  56.  —  Prix  :  6  fr. 

LA  VIERGE  DES  GL.^CIERS.  —  Par  Andersen.  —  Tra- 
duction de  MM.  Grégoire  et  Moland.  —  Illustrations  de 
Yan  Dargent.  —  Paris ,  Garnier  frères ,  libraires- 
éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères  et  Palais-Royal,  215.  — 
Prix  :  3  fr. 


LES  GRANDS    HOMMES  DE   LA    FRANCE.  -  n.wiua- 

TEURs.  —  Par  MM.  Edou.^rd  Gcepp  et  Emile  L.  ConoiER. 
—  Ouvrage  accompagné  de  deux  magnifiques  cartes 
imprimées  en  couleur.  —  Bocoainville,  La  Pérouse,  Den- 
TRECASTEAU.x,  DraoNT  d'Urville.  —  'Paris,  P.  Dncrocq, 
libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix,  relié  :  à  fr. 


A  TRAVERS  LES  MOTS.  -  Par  Charles  Rozan.  -  Un 
joli  volume  format  anglais  de  650  pages,  imprimé  par 
J.  Cl.\ye.  —  Comprenant  les  Etoffes,  les  Académies,  les 
Cartes  et  les  Echecs,  les  Devinettes,  la  Barbe,  les  Danses, 
le  Calendrier,  les  Pierres  précieuses,  les  Meubles,  les 
Petits  meubles,  les  Titres  de  noblesse,  les  Petits  poèmes, 
et  donnant  l'étymologie  de  plus  de  900  mots.  —  Prix, 
broché  :  3  fr.  50. 


CONCOURS  LITTERAIRES. 


Le  dix-septième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  J"  décembre  1876.  —  Douze  médailles, 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  C.\brance, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 


La  SociÉTii  DES  ÉTUDKs  HISTORIQUES  a,  pour  l'aunée  1877,  rais  au  concours  pour  le  prix  Raymond  la  question 
suivante  :  Historique  des  instilulions  de  prévoyance  dans  les  divers  pays,  et  spécialetnent  en  France.  —  Elle  vient 
de  décider  qu'en  1878  un  prix  de  1,000  fr.  sera  accordé  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  Vhisloire  du  portrait 
en  France  'peinture  et  sculpture). 

L'Académie  de  La  Rochelle  isection  littéraire)  vient  d'ouvrir  un  concours  de  fables  dont  le  prix  —  une  médaille 
d'argent  —  sera  décerné  en  séance  publique,  dans  le  courant  de  décembre  prochain,  —  Des  médailles  de  bronze 
pourront  en  outre  être  accordées,  s'il  y  a  lieu.  Toute  pièce  non  inédite  ou  dont  l'auteur  se  sera  fait  connaître  sera 
exclue  du  Concours.  —  Chaque  envoi  portera  une  devise  qui  devra  être  reproduite  à  l'intérieur  d'un  billet  cacheté, 
renfermant  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur.  —  Le  Concours  sera  clos  le  1=''  octobre  1876,  dernier  terme  auquel  les 
poèmes  devront  être  remis  au  secrétaire-général  de  l'Académie,  rue  Dupaty,  29,  à  La  Rochelle. 


Le  Tournoi  poétique,  littèr.ure  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  {W  année),  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements: 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


La  Société  n.^tionale  d'éduc.vtion  de  Lyon  destine  pour  1876  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur 
ce  sujet  :  Quels  peuvent  et  doivent  être,  dans  l'état  actuel  de  la  société,  les  rapports  de  l' Instituteur  primaire  avec 
les  parents  de  ses  élèves?  —  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1877,  sous  le  nom  de  Prix  de  la  ville 
de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1>"'  Novembre  prochain,  à  M.  Palud,  libraire, 
ù,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 


SOUSCRIPTION 


LA  RÉIMPRESSION  DES  CINQ  PREMIÈRES  ANNÉES  DE  CE  JOURNAL. 


Les  cinq  premières  années  de  la  collection  du  Courrier  de  V.hugelas  se  trouvant  presque  complètement  épuisées 
(il  ne  reste  plus  que  quelques  exemplaires  de  la  W  et  de  la  5"),  une  souscription  dont  voici  les  conditions  est  ouverte 
pour  les  faire  réimprimer  : 

1"  L'original  sera  reproduit  intégralement  dans  ses  parties  essentielles,  avec  le  même  nombre  de  pages  et  sous  un 
format  identique; 

2"  La  réimpression  se  fera  de  manière  à  fournir  une  année  tous  les  deux  mois  ; 

3"  Le  prix  de  chaque  année  (brochée)  sera  de  6  fr.  comme  celui  de  l'abonnement  au  journal; 

W  Les  années  seront  expédiées  franco  aux  souscripteurs  à  fur  et  mesure  de  leur  réimpression; 

5"  Chaque  année  sera  payable  aussitôt  après  qu'elle  aura  été  reçue; 

6-  Tout  souscripteur  qui  a  déj,-i  une  partie  de  ces  cinq  années  devra  désigner  celles  auxquelles  s'appliquera 
sa  souscriiition; 

T  La  réimpression  commencera  dès  que  300  adhésions  auront  été  envoyées  au  Rédacteur. 


.M.  Euiaii  Martin,  Ruiiaclcur  du  (loiimiEii  i>k  VAiii;i:i.AS,  est  visible  à  ^o^  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUl'ELEV  A  Nogenl-lp  Rolrou. 


7«  Année 


N"  9. 


ïU"  Octobre  1876 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


ParaitEant    le    I"   et    le    15    de   chaqae   mois 

{Dans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publicalion.) 


PRIX  : 
Par  an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonres  :     Ou\  rages,    un    exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN      PROFESSEUR     SPECIAL     POUR     LES      ÉTRANGERS 

Oflîcier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  parlent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


I.MPORTANT. 
Le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  prie  ceux 
d'entre  ses  abonnés  qui  désirent  se  procurer  la  collec- 
tion complète  de  ce  journal  de  Touloir  bien  lire,  au  bas 
de  la  dernière  page,  les  conditions  d'une  souscription 
qui  lui  permettrait  de  faire  prompleraent  réimprimer 
les  cinq  premières  années. 


SOMMAIRE. 

Communications  sur  la  correclion  d'une  phrase,  sur  Cela  fera 
du.  bruit  dans  Landernau,  sur  Tuer  le  mandarin  et  sur 
l'orthographe  de  Saducéen;  —  Origine  de  A  d'autres,  déni- 
cheur de  merles!  —  Pourquoi  dire  Dévergondé  quand  on  dit 
Vergogne;  — Pourquoi  Crier  sur  les  toits  et  non  Crier  par- 
dessus les  toits;  —  S'il  faut  préférer  Lexiologie  à  Le'xilogie, 
ou  réciproquement.  ||  Origine  de  l'expression  Être  né  coiffé; 
—  Si  Tant  qu'à  peut  se  dire  pour  Quant  à.  ||  Passe-temps 
grammatical.  [|  Suite  de  la  biographie  de  Gilles  Ménage.  — 
Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Concours  litté- 
raires. Il  Souscription  pour  la  réimpression  des  cinq  pre- 
mières années  de  ce  journal. 


FRANCE 


COMMUNICATIONS. 

■•    ■  I- 

M.  Louis  Rlum,  rabbin  de  Clermont-Ferrand,  que 
j'ai  l'honneur  de  compter  au  nombre  de  mes  abonnés, 
m'adresse  de  Vichy,  par  carte  postale,  quelques  mots 
où  se  trouve  ce  qui  suit  : 

Phrase  à  corriger  trouvée  dans  le  Courrier  de  Vaugelas, 
nuraéro  7,  page  51  : 

«  L'expression  grâce  à  signifiant  par  le  fait  de....  elle 
s'emploie...  » 

11  faut  supprimer  le  pronom  quand  la  phrase  commence 
par  un  participe. 

Ce  correspondant  commet  ici  une  double  erreur; 
l'une,  relative  au  principe  de  construction  qu'il  énonce, 
l'autre,  relative  à  la  faute  qu'il  a  cru  trouver  dans  ma 
phrase. 

Erreur  concernant  le  principe  énoncé.  —  Voici  des 


phrases  commençant  par  un  participe  présent  i,car  c'est 
évidemment  de  celui-là  que  M.  Louis  Blum  a  entendu 
parler),  et  dans  lesquelles  personne  assurément  ne 
s'aviserait  de  supprimer  le  pronom  devant  le  verbe 
principal  : 

Et  Vappuijant  au  poêle  de  manière  à  le  placer  dans  son 
meilleur  jour,  il  s'est  remis  à  tremper  ses  croûtes. 

(E.  Souvestre,  Vu  phil.) 

Ainsi,  mettant  largement  en  pratique  l'oubli  dos  injures, 
il  augmentait  le  ciiififre  des  secours  à  mesure  que  l'accusée 
s'en  montrait  plus  digne. 

{Opinion  nationale.) 

S'aidant  du  texte  grec  d'Hérodote  et  le  complétant  avec 
la  version  phénicienne  du  périple  d'Hannon.  il  est  parvenu 
à  retrouver  des  lacs,  etc. 

(L.  Reybaud,  Jérôme  Paturot  ) 

Erreur  concernant  la  correction  indiquée.  —  Dans 
notre  langue,  lorsqu'une  proposition  énonce  la  cause, 
le  motif  d'une  action,  on  peut  employer  deu.x  formes 
pour  cette  proposition  :  ou  la  faire  commencer  par 
attendu  que,  parce  que,  vu  que  suivi  d'un  verbe  à  un 
mode  personnel,  ou  supprimer  la  conjonction  et  rein- 
placer  le  mode  personnel  du  verbe  par  le  participe  pré- 
sent; ainsi  au  lieu  de  dire  : 

Attendu  que  je  lis  pour  m'cclairer,  je  lis  en  philosophe. 

De  plus,  attendu  que  les  sotdat.t  n'avaient  point  de  paie, 
on  ne  pouvait  les  retenir  plus  longtemps  dans  une  place. 

J'employai  quinze  jours  à  me  rendre  à  Lirias,  attendu 
que  rien  ne  m'obligeait  d'y  aller  à  grandes  journées. 

Attendu  que  Lucinius  se  doutait  de  l  imposture,  il  fit  mettre 
à  la  torture  le  prophète  de  ce  nouveau  Jupiter. 

les  auteurs  dont  les  noms  suivent  ont  dit  : 

Lisant  pour  m'éclairer,  je  lis  en  philosophe. 

(François  de  Neufcliâteau.) 

De  plus,  les  soldats  n'ayant  point  de  paie,  on  ne  pouvait 
les  retenir  plus  longtemps  dans  une  place. 

(Montesquieu.)  * 

J'employai  quinze  jours  à  me  rendre  à  Lirias,  rien  ne 
m'obligeant  d'y  aller  à  grandes  journée.%. 

(Lesage,  Gil  Bla.^.) 

Lucinius  se  doutant  de  l'imposture,  il  fit  mettre  à  la  torture 
le  prophète  de  ce  nouveau  Jupiter. 

(Fontenclle.) 


66 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Or,  voulant  dire  que  «  allendu  que  l'expression  grâce 
à  signifie /jar /e  fait  de,  par  l'action  de,  par  le  secours 
de,  elle  s'emploie  aussi  bien  devant  un  substantif 
exprimant  une  mauvaise  chose...  »,  j'ai  dû,  usant 
comme  c'était  mon  droit  de  la  tournure  «  l'expression 
grâce  à  signifiant  jja;-  le  fait  dé...  »,  ne  rien  changer  à 
l'autre  partie  de  la  phrase,  c'est-à-dire  y  conserver  le 
pronom  elle,  que  mon  contradicteur  pense  devoir  en 
être  supprimé. 

Cette  importante  question  syntaxique  a  déjà  été  trai- 
tée, et  d'une  manière  plus  étendue,  dans  la  2=  année 
diMCourrier de  Vaugelas,  page  84. 
II. 

Dans  une  lettre  que  m'adresse  M.  Th.  Malgrange, 
juge  de  paix  à  Joigny  (Yonne),  se  trouve  l'observation 
suivante  concernant  Cela  fera  du  bruit  dans  Lander- 
neau,  dont  j'ai  donné  l'origine  dans  ma  4^  année, 
p.  92  : 

Votre  étymologie  n'est  pas  d'accord  avec  la  légende 
populaire  et  la  plus  répandue  en  Bretagne.  C'est,  selon 
cette  légende,  un  charivari  donné  dans  cette  jolie  ville 
des  tanneries  (on  n'y  tanne  pas  que  le  cuir  des  bètes 
mortes,  parait-il)  de  la  vieille  Armorique,  â  toute  veuve 
qui  convole. 

Je  viens  de  relire  attentivement  les  Héritiers 
d'Alexandre  Duval;  et,  comme  il  n'y  est  fait  nulle  part 
allusion  à  un  mariage  de  veuve,  je  crois  pouvoir  en 
conclure  que  c'est  bien  cette  pièce,  à  laquelle,  selon 
l'auteur,  le  public  a  ri  pendant  «  vingt-cinq  ans  »  au 
Théâtre-Français,  qui  a  introduit  dans  notre  langue 
l'expression  familière  Cela  fera  du  bruit  dans  Lander- 
ncau,  expression  qui  se  trouve  mot  pour  mot  vers  le 
milieu  de  la  dernière  scène. 

m. 

Est-ce  réellement  J.-J.  Rousseau  qui  est  l'auteur  de 
l'expression  tuer  le  mandarin?  Voici  une  lettre  qui 
tend  à  faire  croire  le  contraire  : 

Paris,  le  5  août  1876. 
Monsieur, 

Votre  numéro  du  15  juin,  que  je  trouve  chez  moi  au 
retour  d'un  voyage,  revient  sur  la  fameuse  expression 
Tuer  le  mandarin,  que  vous  attribuez  à  J.  J.  Uousseau  sur 
la  foi  de  Balzac. 

Je  n'ai  pas  sous  les  yeux  le  numéro  de  la  troisième 

année  du  Courrier  de  Vaugelas  dans  lequel  vous  citez  la 

phrase  de  J.-J.  Rousseau;  mais  voici  ce  que  je  lis  dans  le 

.  Génie  du  christianisme,  tome  I",  1"  partie,  livre  6,  cliap.  2  : 

<  Je  m'interroge;  je  me  fais  cette  question  :  «  Si  tu 
«  pouvais,  par  un  seul  désir,  tuer  un  homme  à  la  Chine 
«  et  hériter  de  sa  fortune  en  Europe,  avec  la  conviction 
«  surnaturelle  qu'on  n'en  saurait  jamais  rien,  consentirais- 
«  tu  à  former  ce  désir  »  ? 

Le  simple  Chinois  do  Chateaubriand  n'est-il  qu'une 
réminiscence  du  mandarin  de  Jean-Jacques  ou  bien  a-t-on 
un  peu  à  la  légère  attribué  à  Uousscau  le  Chinois  de  l'auteur 
d'Atala,  en  lui  donnant  un  grade  pour  rendre  le  mot  plus 
piquant?  Je  vous  laisse  le  soin  d'cclaircir  la  chose.  Mon- 
sieur le  Rédacteur;  mais  l'cssentiol  serait  d'acquérir  la 
certitude  que  la  phrase  du  mandarin  se  trouve  ou  ne  se 
trouve  pas  dans  les  écrits  du  philosophe  de  Genève.  Je 
suis  presque  convaincu  qu'oa  l'y  chercherait  en  vain. 

Agréez,  Monsieur  le  Rédacteur,  l'assurance  de  ma  par- 
faite considération. 

Restoudle. 


Aidé  d'une  table  très-détaillée.des  Œuvres  complètes 
du  célèbre  écrivain,  j'ai  passé  vainement,  à  la  vérité, 
un  certain  nombre  d'heures  à  chercher  la  phrase  en 
question  aux  endroits  qui  me  semblaient  les  plus 
propres  à  la  contenir. 

Mais  voici  celle  que  Louis  Protat  a  mise,  en  l'attri- 
buant à  Rousseau,  comme  épigraphe  à  sa  chanson  inti- 
tulée Tuons  le  mandarin  : 

c  S'il  suffisait,  pour  devenir  le  riche  héritier  d'un  homme 
qu'on  n'aurait  jamais  vu,  dont  on  n'aurait  jamais  entendu 
parler,  et  qui  habiterait  le  fin  fond  de  la  Chine,  de  pousser 
un  bouton  pour  le  faire  mourir,  qui  de  nous  ne  pousserait 
ce  bouton  et  ne  tuerait  pas  le  mandarin'?  ». 

Or,  les  lignes  citées  de  Chateaubriand  me  paraissant 
être  une  sorte  d'abrégé  de  celles-ci,  d'où  les  expressions 
familières  auraient  été  retranchées  {/in  fond,  par 
exemple,  que  n'admet  guère  le  style  pompeux  de  l'au- 
teur d'Atala),  je  reste  toujours  fort  enclin  à  croire  que 
l'assertion  de  Balzac,  dans  le  Père  Goriot,  est  digne  de 
toute  confiance. 

IV. 

Au  sujet  de  l'orthographe  de  Saducéen,  dont  il  est 
question  dans  le  n"  5  de  la  présente  année,  j'ai  reçu 
la  communication  suivante  : 

Bourges,  le  9  août  1876. 
Monsieur, 

Je  suis  d'avis  qu'on  doit  écrire  Sadducéen,  car  on  doit 
écrire  également  Saddok,  et  non  pas  Sadok. 

En  effet,  .Saddok,  nom  propre,  existe  en  arabe  et  en 
hébreu;  dans  les  deux  langues,  il  est  le  participe  présent 
du  verbe  saddeuk,  croire,  et  signifie  «  croyant,  sincère, 
loyal  ». 

En  français,  le  nom  Sidi  Saddok  serait,  par  exemple,  le 
masculin  de  Sainte  Foy. 

Colonel  DE  l'Espée, 
Sous-chef  d'état-major  général  du  8'  corps, 
Abonné  du  Courrier  de  Vaugelas. 

Il  est  évident  qu'étant  donnée  l'étymologie  ci-dessus, 
on  devrait,  comme  le  veut  le  savant  colonel  De  l'Espée, 
écrire  Suddok.  Mais  on  ne  le  fait  pas,  parait-il,  car  je 
trouve  Sadok  dans  tous  nos  livres.  Or,  s'il  en  est  ainsi, 
pourquoi  ne  pas  accepter  Saducéen,  avec  un  seul  dl 
Cette  orthographe  n'est  pas  plus  fautive  que  celle  qui 
admet  bonhomie,  avec  une  seule  m,  lorsqu'il  y  en  a 
deux  dans  bon  homme,  son  primitif. 

X 

Première  Question. 

Auriez-vous  la  complaisance  de  me  dire  dans  quel 
cas  on  peut  employer  l'expression  A  d'actkes,  DÉNicaEUR 
DE  merles!  et  quelle  est  l'origine  de  cette  expression, 
qu'il  n'est  pas  rare  d'entendre  dans  la  conversation  ? 

Cette  expression  a  pour  origine  l'anecdote  suivante, 
qui  se  trouve  dans  les  Lrtlrcs  nouvelles  de  Boursault 
(tome  II,  p.  133",  2°  édition),  et  au  texte  de  laquelle 
je  fais  à  peine  quelques  changements. 

Un  jeune  manant  de  vingt-deux  ou  de  vingt-trois 
ans,  natif  d'Autricourt  (diocèse  de  Langres),  s'étant 
accusé  à  confesse  d'avoir  rompu  la  haie  de  son  voisin. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


67 


pour  aller  reœnnaitre  un  nid  de  merles,  le  confesseur 
lui  demanda  si  les  merles  étaient  pris.  Non,  lui  répon- 
dit-il ;  je  ne  les  trouve  pas  assez  forts,  et  je  les  laisse 
grossir  jusqu'à  samedi  soir,  où  je  les  irai  dénicher  pour 
les  fricasser  le  lendemain.  Le  curé,  plus  habile  que  lui, 
alla  le  samedi  matin  les  dénicher  lui-même.  L'autre 
ayant  trouvé  le  soir  la  place  vide,  ne  douta  point  de  la 
supercherie  du  curé,  mais  il  ne  lui  en  osa  rien  dire.  Un 
jubilé  l'ajant  obligé  de  retourner  à  confesse  trois  ou 
quatre  mois  après,  il  s'accusa  d'aimer  une  jeune 
paysanne  extrêmement  jfllie,  et  d'en  être  assez  aimé 
pour  obtenir  ses  faveurs.  Quel  âge  a-t-elle?  dit  le  curé. 
Dix-sept  ou  dix-huit  ans,  lui  répondit  le  pénitent.  Belle? 
ajouta  l'autre.  La  plus  jolie  de  tout  le  village,  vous 
dis-je.  Et  dans  quelle  rue  demeure-t-elle?  demanda 
promptemcnt  le  confesseur.  A  d'autres,  dénic/ieur  de 
merles  !  lui  répliqua  le  manant  :  je  ne  me  laisse  pas 
attraper  deux  fois. 

La  fin  de  cette  anecdote  apprend  l'usage  qu'il  faut 
faire  de  A  d'autres,  dénicheur  de  merles!  Cette  expres- 
sion proverbiale  se  dit  à  quelqu'un  qui  croit  nous  avoir 
trompés  à  notre  insu,  pour  lui  donnera  entendre  qu'on 
n'ignore  pas  ce  qu'il  a  fait,  et  qu'on  ne  veut  pas  être 
de  nouveau  sa  dupe. 

Avant  de  raconter  l'historiette  ci-dessus  à  «  Monsei- 
gneur l'evesque  et  duc  de  Langres,  pair  de  France  », 
BoursauU  le  prévient  que  le  fait  qu'elle  relate  arriva  au 
temps  de  «  Monsieur  Zamet  »,  évêque  de  la  môme  ville. 
Or,  ce  dernier  prélat,  qui  était  né  en  1615,  ne  fut 
certainement  pas  évêque  avant  30  ans  (âge  prescrit  par 
les  anciens  canons',  ce  qui  donne  4643  pour  la  date  la 
plus  reculée  à  laquelle  puissent  remonter  ladite 
historiette  et,  partant,  le  proverbe  que  nous  lui  devons. 

X 
Seconde  Question. 
Pourquoi  vergogne  a-t-il  pour  correspondant  l'ad- 
jectif DÉVERCOKDÉ,  et  Hon  DÉVERGOGNÉ,  qui  serait,  il  me 
semble,  bien  plus  naturellement  formé? 

Le  substantif  latin  rerecundia,  honte,  a  fourni  à 
notre  langue  des  dérivés  qui,  presque  tous,  ont  eu  une 
double  forme;  les  uns  ont  été  faits  par  le  changement 
de  cund  en  gogn,  et  les  autres,  par  celui  de  cund  en 
gond. 

Le  premier  groupe  renfermait  les  mots  vergogne, 
vergogneux,  cergogner,  dcscefgogné,  dont  voici  des 
exemples  : 

Quand  A'icolas  Cliffort  se  vit  argué  et  pointé  si  avant,  si 
fut  tout  vergogneux  et  lionteu.\. 

fFroissart,  II,  II,  S/,.) 

Ce  beau  poil  d'or,  et  ce  beau  chef  encore 
De  leurs  beautés  font  vergoigner  l'aurore, 
Quand  plus  crineuse  elle  embellit  le  ciel. 

[Amours  de  Ifonsard,  HP  sonnet.) 

Aubigné  fut  si  desvergongnè  que,  le  roy  luy  faisant  une 
bonneste  réception  à  Senlis,  et  luy  ayant  demandé  fami- 
lièrement ce  qu'il  disoit  de  ce  coup  de  Cousteau  que  Jean 
Cbastel  luy  avoit  donné  dans  la  lèvre,  ce  rustre  respondit... 

(D'Aubigné.  Coit/ess.,  II,  7.) 


Le  second  groupe  se  composait  de  vergondeux,  que 
donne  M.  Littré  (étymologie  de  vergogneu.r)  ;  de  vergon- 
dément,  qui  se  trouve  dans  Palsgrave;  de  vergonder, 
desvergonder,  se  desvergonder,  que  l'on  rencontre  : 
J"  Dans  le  Roman  de  Garin  le  Loherain,  où  on  lit 
(I,  p.  104,  éd.  Paris,  18331  : 

Demain  verront  maint  Turc  debareté 
Et  maint  tirant  honnir  et  vergonder 
Si  Diex  le  vuet  sofrir  et  endurer. 
2"  Dans  Froissai't  tlll,  p.  131,  éd.  de  La  Haye,  13391, 
où  l'on  trouveces  lignes,  relatives  au  combat  à  outrance 
entre  Jean  de  Carouges  et  Jacques  Legris  : 

Mais,  au  département  du  Chevalier,  la  Dame  luy  dit, 
tout  en  pleurant,  en  telle  manière.  Jacquet,  Jacquet,  vous 
n'avez  pas  bien  fait  de  m'avoir  vergondce  ;  mais  le  blasme 
n'en  demourra  jà  sur  moy  fors  que  sus  vous. 

3i  Dans  Benserade,  qui  a  dit  (rondeau  intitulé  Her- 
maphrodite] : 

S'il  est  moins  qu'homme  au  froid  dont  il  abonde, 
Plus  qu'une  femme  elle  se  dévergonde. 

Or,  grâce  aux  caprices  de  l'usage,  tous  ces  dérivés 
ont  disparu,  excepté  vergogne,  qui  appartient  au  pre- 
mier groupe,  dévergondage  et  se  dévergonder,  qui 
appartiennent  au  second. 

Et  voilà  pourquoi,  tout  en  disant  vergogne,  nous 
lui  donnons  pour  dérivé  dévergondé,  et  non  dévergo- 
gné,  que  réclame  la  logique. 

Par  le  changement  de  v  en  b,  très-commun  dans  les 
pays  qui  avoisinenl  l'Espagne,  dans  celui  de  Castres,  par 
exemple,  la  plupart  des  mots  simples  du  premier  des 
groupes  indiqués  plus  haut  ont  donné  en  quelque 
sorte  un  troisième  groupe,  dont  les  termes  sont  restés 
comme  désignations  de  personnes.  Ainsi,  les  noms 
propres  suivants,  trouvés  dans  VAlmanach  Bottin, 
n'ont  pas  une  autre  origine  : 
Bergon 


Bergognant 

Bergougne 

Bergounioux 


Bergogne 
Bergonier 
Bergounious 
Bergougnan. 


X 


Troisième  Question. 

Dans  votre  numéro  7,  vous  corrigez  une  phrase  qui 
renferme  cette  partie  :  «  Voilà  ce  que  clamem  tau- 
DESscs  les  toits  t  en  changeant  cette  partie  en  «  crient 
90R  les  toits  ».  Vous  uvez  déjà  indiqué  la  même  cor- 
rection; mais  je  ne  ni' en  suis  jamais  bien  rendu  compte. 
Auriez-vous  l'obligeance  de  niexpliquer  pourquoi  vous- 
substituez  sua  les  toits  à  par-dessus  les  toits? 

Les  grands  édifices  de  la  Judée  étaient  couverts  d'une 
plate-forme  ou  terrasse,  sur  laquelle  on  avait  la  liberté 
de  monter,  et  du  haut  de  laquelle  on  haranguait  quel- 
quefois le  peuple.  De  sorte  que,  pour  dire  annoncer  une 
chose  hautement,  publiquement,  l'Ecriture  dit  souvent 
la  prêcher,  la  publier  sur  les  toits,  comme  dans  ce  pas- 
sage de  saint  Luc  (ch.  Xllj  : 

^!.  Mais  if  n'y  a  rien  de  caché  qui  ne   doive   pas  être 
'  découvert,  ni  rien  do  secret  qui  ne  doive  être  connu. 
3.  Car  ce  que  vous  avez  dit  dans  l'obscurité  se  publiera 


68 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


dans  la  lumière,  et  ce  que  vous  avez  dit  à  l'oreille  dans 
les  chambres  sera  prêché  sur  les  toits- 
Or,  d'après  cette  origine  de  l'expression,  il  est  mani- 
feste qu'il  faut  dire  snr  les  toits,  et  non  par-dessus  les 
toits,  faute  que  j'ai,  en  effet,  corrigée  déjà  plusieurs 
fois,  comme  vous  le  dites. 

Quant  à  clamer,  je  l'ai  remplacé  par  crier,  parce  que 
ce  mot,  qui  se  disait  autrefois  pour  signifier  appeler 
en  justice,  a  été  complètement  rejeté  de  la  langue 
quoique  tous  ses  composés  y  aient  été  maintenus. 

X 
Quatrième  Question. 
Le  Dictionnaire  de  Littré  contient  les  deux  termes 
LEXiLOGiE  et  LESiOLOGiE  pour  désigner  la  partie  de  la 
science  des  mots,  considérés  dans  leurs  éléments  de  for- 
mation, et  la  préférence  semble  y  être  donnée  à 
LEXiOLOGiE.  Quelle  raison  peut  déterminer  en  faveur  de 
cette  dernière  expression  plutôt  qu'en  faveur  de  rautre? 

Il  s'agissait  ici  de  faire  un  compose  signiQant 
science  des  mots,  avec  deux  vocal)les  empruntés  à  la 
langue  grecque;  ou,  pour  m'exprimer  avec  plus  de 
précision,  de  combiner  Ai;îo)ç,  génitif  de  asHiç,  mot, 
avec  Xi-,':;,  discours. 

Or,  attendu  qu'en  composition,  nous  traduisons  géné- 
ralement par  io  la  syllabe  que  certains  noms  grecs  ont 
de  plus  au  génitif  qu'au  nominatif,  ;de  i/O'j;,  u;;; 
G'j7'.;,  îcoç;  jxuç,  [j-jî;,  etc.,  nous  avons  fait  ichtbyolo- 
gie,  physiologie,  myologie,  etc.),  il  est  évidemment 
plus  rationnel  d'admettre  Icxiolocjie,  pour  le  néologisme 
formé  de  A£;:w;  et  de  ac^s;,  que  d'admettre  lexilorjie. 

Telle  est,  je  crois,  la  raison  pour  laquelle  JI.  Littré 
semble  préférer  le  premier  de  ces  composés  au  second, 
qui  friserait  au  moins  le  barbarisme  s'il  n'en  était  pas 
un  tout-à-fait. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 
Je  lirais  avec  beaucoup  de  plaisir  dans  votre  journal 
pourquoi  vous  dites   de  quelqu'un  qui  a  du  bonheur 
dans  ses  entreprises,  qu'iL  est  né  coiffé.  Veuillez  rece- 
voir d'avance  mes  remercîments  pour  celle  explication. 

Outre  les  tuniques  ordinaires  qui  entourent  l'enfant 
dans  le  sein  de  sa  mère,  il  s'en  trouve  quelquefois  une 
qui  lui  courre  la  létc  en  forme  de  casque  ou  de  capu- 
chon, et  cela,  si  étroitement  et  si  fortement  qu'il  ne 
peut  la  rompre  en  sortant,  et  qu'il  vient  au  monde 
coiffé. 

Les  Romains  tirèrent  desconséquencessuperstitieuses 
de  ce  fait  :  puisque  la  nature  s'occupe  de  cet  enfant, 
disaient-ils,  cl  qu'elle  prend  soin  de  lui  tenir  la  tète 
chaude,  c'est  que,  certainement,  elle  a  des  vues  parti- 
culières sur  lui,  et  qu'elle  lui  réserve  un  avenir  heu- 
reux. 


Or,  sans  croire  à  la  vertu  de  la  coifle  comme  les  Ro- 
mains ^leurs  avocats  en  achetaient  chèrement  des  lam- 
beaux qu'ils  portaient  sur  eux  afin  que  les  juges  ne 
pussent  résister  à  leurs  plaidoiries!  et  comme  les  jire- 
miers  chrétiens  (pour  accroître  l'efficacité  de  celte  pré- 
tendue amulette,  ils  la  faisaient  bénir  par  le  prêtre  sur 
l'autel  pendant  qu'il  célébrait  la  messel,  nous  n'en 
disons  pas  moins  encore,  en  parlant  de  quelqu'un  que 
le  bonheur  semble  toujours  accompagner,  qui  est 
heureux  dans  tout  ce  qu'il  entreprend,  (\\iil  est  né 
coiffé. 

Dans  une  note  de  son  Histoire  philosophique  des  em- 
pereurs romains,  Toulotle  s'exprime  ainsi  qu'il  suit 
en  parlant  de  la  naissance  du  fils  de  Macrin  : 

Les  devins  prédirent  les  plus  hautes  destinées  pour  le 
fils  de  Macrin,  qu'on  disait  né  avec  une  coifife  en  forme  de 
diadème... 

Comme  l'empereur  dont  il  s'agit  régna  de  217  à  21 8, 
on  peut  présumer,  non  trop  témérairement,  je  pense, 
qae  l'expression  être  né  coiffé  repose  sur  une  croyance 
bien  antérieure  au  3"  siècle  de  notre  ère. 

X 

Seconde  Question. 
Est-ce  quelA^iT  qu'a,  suivi  d'unpronom  ou  d'un  subs- 
tantif,  comme,  par  exemple,  dans  cette  phrase  :  «  Tant 
qu'a  lui,  je  ne  sais  ce  qu'il  fera  »  est,  une  expression 
bien  française  et  pouvant  se  dire  au  lieu  de  Quant  i  ? 

L'expression  tant  qu'à  pour  quant  à  s'est  certaine- 
ment employée  autrefois,  car  en  voici  un  exemple  : 

Or  nous  tairons  nous  de  parler  de  lui  tant  qu'à  présent 
et  des  .\nglois,  et  retournerons  aux  Escots. 

(Froissart.  I,  I,  46.) 

Mais  je  ne  la  crois  pas  bonne,  quoiqu'elle  se  dise 
encore  souvent,  et  je  vais  vous  alléguer  les  raisons  qui 
me  la  font  rejeter. 

D'abord,  je  ne  l'ai  trouvée  dans  aucun  dictionnaire 
français,  tant  ancien  que  moderne. 

Ensuite,  cette  expression  me  semble  une  corruption 
populaire  d^quant  à,  corruption  que  j'explique  comme 
il  suit  : 

Parmi  les  personnes  ignorantes,  il  y  a  une  grande 
tendance  échanger  la  consonne  t  en  k,  et  réciproque- 
ment, dans  la  prononciation;  elles  disent  volontiers, 
par  exemple,  tabakère,  makère,  méker,  au  lieu  de 
tabatière,  matière,  métier,  et  toul  le  monde  sait  qu'il 
n'est  nullement  rare,  même  à  Paris,  de  leur  entendre 
dire  le  cintirme  pour  le  cinquième. 

Or,  ce  fait  connu,  rien  d'impossible  à  ce  que,  dans 
la  bouche  de  telles  gens  : 

Quant  à  lui,  etc., 
se  soit  transformé  en 

rant  f/K'à  lui,  etc., 
expression  où  l'initiale  qu  de  quant  a  naturellement 
fait  un  mot  à  elle  seule  à  cause  de  l'habitude  qu'a 
l'oreille  d'entendre  souvent  un  que  après  tant. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


69 


Une  telle  permutation  de  consonnes  dans  un  même 
mot  n'est  pas  un  fait  unique  en  français  ;  d'après  Génin 
{Variai,  p.  300),  l'adverbe  rudement,  si^'niliant  beau- 
coup, très,  fort,  ne  serait  autre  que  durement,  qui  s'est 
enipiojé  dans  ce  sens  pendant  tout  le  moyen  âge,  et 
qui  aurait  subi  plus  tard  une  transformation  analogue 
à  celle  dont  je  viens  de  parler. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

l"...  eussent  rte  atteints  de  boulons  charbonneux;  —  2°  ..  poiir 
(ille  une  laideron  assez  dcvcrrjondée  (le  nom  laideron  est  fénii- 
uiii  quoi  qu'ayant  une  terminaison  masculine)  ;  —  3  était 
excessivement  agréable  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  3'  année, 
p.  84);  —  4°...  auquel  seraient  soumises  les  ([uestions  d'intérêt 
général  (voir  Courrier  de  Vautjclas,  {"  année,  n"  1,  p.  2)  ;  — 
5°...  a  manqué  de  périr  (après  faillir,  synonyme  de  manquer, 
on  ne  met  pas  de  devant  l'inlinilif,  mais  il  le  faut  après  tnan- 
quer);  —  G"  11  parait  avoir  vinul  ans  de  moins  (le  verbe  paraître 
veut  un  verbe  pour  régime,  et  non  un  substantif);  —  7"...  l'un 
de  ceux  qui  ont  le  plus  d'avenir  (il  y  en  a  plusieurs  qui  ont  de 
l'avenir,  et  il  est  l'un  d'eux);  —  8°...  le  meilleur  moyen  de  les 
empêcher  de  faire;  —  9°...  un  moyen  mécanique  qui  rejetât  la 
télé  ...  et  évitât  cet  affreux  transvasement;  —  10"...  il  parle  de 
tout,  tranche  sur  tout. 


Phrases  à  corriger 

.   trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1°  C'est  sur  la  table  d'un  excellent  homme  de  ma  con- 
naissance que  j'ai  revu,  cette  année,  la  délicate  et  obère 
crustacée  [l'huître]  qu'on  a  si  justement  nommée  :  la 
truffe  de  la  mer. 

î»  C'est  admirablement  raisonné,  approuva  Ricard,  qui 
paraissait  enchanté  de  la  tournure  qu'avait  prise  la  con- 
versation. 

3°  Et  les  avocats  plaideront  publiquement  cette  affaire? 
interrogea  madame  Peytel  avec  stupeur.  —  Certainement, 
comme  tous  les  procès  ordinaires  qui  se  jugent.  Que  vous 
importe  '? 

4'  C'était  tentant,  et  bien  que  de  modestes  stalles  se 
vendissent  dix  louis,  il  y  avait  foule  dans  la  salle  et  dans 
la  rue. 

5°  C'est  la  loge  royale,  là  que  le  roi  et  la  reine  se  pla- 
çaient pour  assister  aux  auto-da-fé,  qui  se  faisaient  tou- 
jours en  grande  pompe. 

6°  Isolée  telle  qu'elle  est  en  Europe,  au  cœur  des  nations 
monarchiques,  est-il  permis  d'espérer  que  la  République 
française  ait  jamais  une  autorité  suffisante  pour  se  faire 
entendre  et  réclamer  pour  la  France  la  place  à  laquelle  a 
droit  notre  nation? 

7°  n  nous  serait  infiniment  plus  doux  de  voir  la 
Chambre  haute  braquer  ses  lunettes  sur  le  firmament 
plutôt  que  frapper  avec  des  bâtons  sur  les  marécages 
politiques  pour  faire  remonter  la  vase  du  fond  vers  la 
surface. 

8°  Si  l'autour  de  Jean  de  la  Roche  tenait,  comme  roman- 
cier, le  premier  rang,  comme  auteur  de  lettres,  elle  était 
incoinparable. 

9'  Dernièrement,  tout  au  milieu  d'une  sombre  nuit 
d'automne,  les  cloches  se  mirent  à  sonner  à  haute  volée 
dans  le  vieux  clocher  de  l'église  mi-ruinée  du  petit  village 
de  Sarramolin. 

(Les  corrections  à  quinzaine) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONUE  .MOITIÉ  DU  S.VIP  SIÈCLE. 

Gilles  MÉNAGE. 

{Snite.) 

S'il  faut  dire  gisier,  oic  gésier.  —  En  Gascogne  et  en 
Bretagne,  on  dit  gisier,  ce  qui  est  conforme  à  l.'étymo- 
logie  (jigeria;  mais  le  plus  grand  nombre  des  Parisiens 
et  le  bel  usage  sont  pour  gésier. 

S'il  faut  dire  marscpain,  ou  massepain.  —  II  faut  dire 
massepain  conformément  à  l'espagnol  maçapan.  C'est 
ainsi  que  tout  le  monde  parle  à  Paris  et  à  la  Cour. 

De  l'expression  quant  à  suivie  d'un  pronom  ou  d'un 
nom.  —  Plus  sévère  que  Vaugelas,  qui  ne  proscrivait 
que  quant  àmoi,  Ménage  condamne  g»  Ma?i<  «dans  toutes 
les  circonstances,  attendu  que  cette  locution  a  vieilli  et 
n'est  plus  du  bel  usage  il 072). 

Singtdier  participe  du  verbe  recourir.  —  Quoiqu'on 
dise  recourir  unprisonnier,  ondi\\.\in prisonnier  recous, 
et  non  pas  recouru. 

De  certains  termes  d'imprimerie.  —  On  appelle  gui- 
mets  et  guillemets,  ces  virgules  renversées  qui  se  met- 
tent quelquefois  à  la  marge  des  livres.  Le  plus  grand 
usage  est  pour  guillemets. 

Celui  qui  porte  les  épreuves  s'appelle  épervier,  par 
corruption  de  épreuvier,  ou  par  allusion  au  vol  rapide 
de  l'oiseau  nommé  épervier. 

On  appelle  copie  l'écrit  de  l'auteur  sur  lequel  on  im- 
prime, parce  qu'on  suppose  que  l'original  est  demeuré 
«  vers  »  lui,  et  qu'il  n'a  envoyé  à  l'imprimerie  que 
la  copie. 

Inventeurs  de  quelques  mots  français.  —  C'est 
Lazare  de  Baif  qui  a  introduit  dans  notre  langue  les 
mots  èpigramme,  élégie,  aigre-deux.  Marot  a  introduit 
coc-à-l'asne,  espèce  de  poésie.  Ronsard  est  le  premier 
qui  se  soit  servi  du  mot  ode,  et  il  semble  qu'il  a  inventé 
aussi  avidité  et  pindariser.  Joachim  du  Bellay  prétend 
avoir  fait  pié-sonnant,  porte-lois,  porte-ciel,  cerve. 
Si  l'on  en  croit  Vaugelas,  Desportes  s'est  servi  le 
premier  du  mot  pudeur,  de  celui  de  recouvert  pour 
recouvré,  et  .Malherbe,  a  créé  devouloir. 

Le  cardinal  de  Richelieu,  selon  le  "témoignage  de 
Balzac,  fit  pour  lui-même  le  mot  de  généralissivie  lors- 
qu'il commandait  en  Italie  l'armée  du  roi  Louis  XIII, 
en  1030. 

Balzac  a  fait  le  mot  urbanité,  qui  a  été  bien  reçu,  et 
avec  d'autant  plus  de  raison  que  civilité,  galanterie  et 
politesse  ne  l'expliquent  qu'imparfaitement.  Ouelques- 
uns  croient  que  félicité  est  aussi  de  sa  façon.  Il  pré- 
tend être  le  premier  qui  ait  dit  se  calomnier  soij-mesme. 

Madame  la  marquise  de  Rambouillet  a  fait  debrula- 
liser,  et  D'Aubigné  aurait  fait  plumeux,  dans  son 
Baron  de  Féncsle. 

•Sarrasin  se  vantait  d'avoir,  le  premier,  employé  le 
mot  burlesque. 


70 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Ménage  a  entendu  dire  à  Berlaud,  conseiller  au  Par- 
lement de  Paris ,  que  c'était  lui  qui  avait  dit  le 
premier  cannevas  de  chanson. 

Segrais  a  fait  impardonnable. 

Mademoiselle  de  Scudéry  a  donné  k  pigeon  le  fémi- 
nmpigeonne  ;  on  disait  auparavant  colombe. 

Ménage  a  fait  prosateur  à  l'imitation  de  l'italien 
prosatôre,  pour  dire  un  homme  qui  écrit  en  prose  ;  on 
disait  auparavant  orateur,  qui  ne  signifiait  pas  ce 
qu'on  voulait  dire,  car  l'orateur  est  celui  qui  parle  en 
public,  ou  qui  compose  des  oraisons. 

Tomber  et  tumber.  —  Il  faut  dire  tomber.,  et  non  pas 
tumber,  comme  on  dit  en  plusieurs  provinces,  et 
comme  dit  aussi  le  peuple  de  Paris  ilG72i. 

S'il  faut  dire  co\ont\,  ou  coronel;  corporal,  ou  capo- 
ral. —  Nous  disons  colonel  de  la  caralerie  et  colonel 
de  l'infanterie.  Les  Italiens  disent  de  même  colonelle. 
Mais  les  Allemands  disent  coronel,  ce  qui  fait  que  plu- 
sieurs de  nos  Français,  en  parlant  des  colonels  alle- 
mands, les  appellent  des  coronels.  Le  meilleur  et  le 
plus  sûr  est  de  dire  toujours  colonel. 

Corporal  est  l'ancien  nom  français^  qui  est  du  reste 
encore  d'usage  parmi  les  soldats  :  Corporal,  hors  de  la 
garde  est  le  cri  dont  se  sert  une  sentinelle  pour  appeler 
celui  qui  commande  le  corps  de  garde;  depuis,  on  a  dit 
caporal  à  l'italienne,  et  c'est  ainsi  que  parlent  aujour- 
d'hui les  «  honnestes  »  gens. 

Prononciation  du  wjo/ agneau.  —  Tous  les  Parisiens 
généralement  prononcent  anneau  au  lieu  de  agneau. 
C'est  une  prononciation  très-vicieuse  à  cause  de  l'étj- 
mologie  d'anneau  dans  le  sens  d'annulus.  Mais  comme 
ce  sont  les  maîtres  du  langage,  il  faut  parler  comme 
eux.  Quelques-uns  croient  qu'il  fai,it  dire  l'agneau  pas- 
cal, et  Ménage  est  complètement  de  leur  avis. 

Mots  oii  se  trouve  un  c  ou  un  g  dont  la  prononcia- 
tion n'est  pas  encore  bien  fixée.  —  Vaugelas  veut  qu'on 
écrive(/rtn(//-e/«e,  conformément  à  rétymologieY^v-'patvz, 
et  qu'on  prononce  cangreine.  Selon  .Ménage,  il  faut 
écrire  et  prononcer  cangreine.  11  faut  écrire  de  même 
segond,  segret  et  segretaire,  et  non  secret,  second, 
secrétaire.  On  doit  aussi  écrire  et  prononcer  gannif,  et 
non  cannif. 

Pluriel  de  quelques  noms  terminez  e«al  et  en  ail.  — 
Il  n'y  a  que  les  Normands  qui  disent  des  baux  en  par- 
lant de  réunions  où  l'on  danse. 

Les  opinions  sont  partagées  entre  piédestals  et  pié- 
destaux; mais  ce  dernier  est  le  plus  usité  (16721. 

On  ne  dit  ni  des  corals  ni  des  coraux,  car  ce  mot  n'a 
'point  de  pluriel. 

Il  faut  éviter  de  dire  aussi  bien  des  combats  iiaculs 
que  des  combats  navaux;  il  faut  dire  des  combats  de 
mer,  des  combats  maritimes. 

Des  terminaisons  al  et  ail.  —  Il  faut  prononcer  métal 
et  non  métail;  cristal  et  non  cristail;  coral  et  non 
corail;  poilral  et  non  poitrail.  Mais  on  dit  le  portail 
dune  église,  et  non  \c  portai. 

S'il  faut  dire  des  nentiiles,  ou  des  lentilles.  —  Les 
Angevins  disent  des  lentilles,  et  les  Parisiens  des  nen- 
tiiles :  il  faut  dire  comme  les  Parisiens. 


Remarques  curieuses  touchant  les  mots  de  nombre. 
—  On  disait  anciennement  mil  et  mille,  indifférem- 
ment, et  plus  souvent  mil  que  mille.  Il  n'y  a  plus  que 
les  notaires  et  les  praticiens  qui  écrivent  ce  nom  de 
nombre  de  la  sorte  :  dans  tous  les  cas,  excepté  en  par- 
lant des  années  datées  de  la  nativité  de  Notre  Seigneur, 
on  écrit  mille.  Du  reste,  ce  mot  est  toujours  invariable. 

Quant  à  cent,  il  se  décline;  on  dit  cents  au  pluriel. 

Vingt  se  pluralise  également,  mais  il  perd  le  g  au 
pluriel;  on  écrit  quatre-vints  hommes,  les  Quinze- 
Vints,  etc.  Toutefois,  on  ne  le  met  pas  au  pluriel  quand 
rien  ne  vient  après  lui;  on  écrit  quatre-vint,  six-vint. 

Dans  un  compte  rond,  on  se  sert  indifféremment  du 
mot  de  livres  et  de  celui  de  francs  :  cent  livres  et  cent 
francs.  Mais  dans  un  compte  «  rompu  »,  on  ne  se  sert 
que  du  mot  livre;  il  faut  dire  quatre  livres  dix  sous. 
Le  mot  de  francs  ne  s'accommode  pas  non  plus  de 
celui  de  rente;  on  dit  il  a  dix  mille  livres  de  rente. 

En  parlant  de  livres,  on  dit  onze  cents,  douze  cents, 
treize  cents,  etc.  jusqu'à  dix-neuf  cents  ;  mais  en  par- 
lant d'années,  on  dit  Van  mil  cent,  mil  deux  cents,  mil 
trois  cents,  etc. 

Il  est  à  remarquer  qu'en  parlant  d'une  chose  passée 
depuis  plusieurs  années,  nous  omettons  le  mot  mil; 
nous  disons  cela  arriva  l'an  600,  au  lieu  de  1600. 
Nous  omettons  aussi  le  mot  cent  quand  la  chose  s'est 
passée  depuis  peu  ;  nous  disons  cela  est  arrivé  en  trente- 
six  pour  dire  en  1636. 

Quoique  cent  vint  et  six  vint  soient  le  même  nombre, 
il  ne  faut  point  dire  cent  vint  en  prose. 

Dans  le  discours  familier,  il  faut  dire  soixante-dix, 
quatrevint,  quatrevint-dix,  et  non  septante,  octante. 
nouante;  mais,  en  termes  d'arithmétique  et  d'astrono- 
mie, on  dit  fort  bien  septante,  octante,  nouante. 

On  dit  vingt  et  un  et  non  pas  vingt-un;  on  dit  aussi 
trente  et  un,  quarenteet  un,  cinquante  et  un,  soissante 
et  un.  Mais  on  dit  cent  un,  quatrevint  un,  six  vint  un. 
Mille-un  est  controversé. 

L'Académie  a  décidé  qu'il  faut  dire  vingt  et  un  che- 
vaux, conformément  à  la  remarque  de  Vaugelas. 
Ménage  n'est  pas  de  cet  avis,  il  croit  qu'on  peut  dire 
vingt  et  un  cheval  tout  aussi  bien  qu'on  dit  trente  et 
un  jour,  vingt  et  un  an,  etc. 

Quand  Ménage  vint  à  Paris  pour  la  première  fois 
(c'était  en  i&3A),  ceux  qui  se  piquaient  de  «  parler 
correct  «  se  moquaient  de  ceux  qui  disaient  midi  et 
demi,  pour  dire  demie  heure  après  midi.  C'est  en  effet 
une  façon  de  parler  bizarre  ;  mais  elle  est  aujourd'hui 
11072)  si  universellement  reçue  à  la  Cour  et  à  la  Aille 
qu'elle  ne  peut  être  contestée. 

A  la  chambre  des  comptes  de  Paris,  on  dit  à  tort  ils 

sont  di.r  heures  pour  ;/  est  dix  heures.  Il  ne  faut  pas 

dire  non    plus  elles   sont  dix  heures,    comme   font 

quelques-uns;  il  faut  //  e.sV,  qui  est  impersonnel  dans 

cet  endroit. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 

Le  RKDACTEOK-GiiiUNT  :  EMiiN  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


71 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Les  Étrangères,  poésies  traduites  de  diverses  litté- 
ratures; par  H.  Frédéric  Amiel.  In-S",  286  p.  Paris,  lib. 
Sandoz  et  Fischbaclier. 

Le  Fiancé  de  M""  Saint-Maur  ;  par  Victor  Clierbu- 
liez.  2«  édition.  In-18  jésus,  306  p.  Paris,  lib.  Hachette  et 
Cie.  3  fr.  50. 

Les  Mystères  de  Londres;  par  Paul  Féval.  Nouvelle 
édition  complètement  revue  par  l'auteur.  T.  2.  In-18 
Jésus,  àhO  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Les  Loups  de  Paris;  par  Jules  Lermina  (William 
Cobb).  1.  Le  Club  des  morts.  In-18  jésus,  Zii6  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr. 

Le  Parc  aux  Cerfs;  par  Albert  Blanquet.  In-18  jésus, 
420  p.  Paris,  lib.  Degorce-Cadot.  3  fr.  50. 

Les  Fanfarons  du  roi;  par  Paul  Féval.  In-18  jésus, 
iOO  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Œuvres  d'Alfred  de  Musset.  La  Confession  d'un 
enfant  du  siècle.  Petit  in-12,  399  p.  et  portr.  Paris,  lib. 
Leraerre.  6  fr. 

La  Famille  Aubertin;  par  Amédée  Achard.  In-18 
jésus,  260  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  1  fr.  25. 

Le  Roi  des  Gabiers;  par  Joseph  Lubo.  Edition 
illustrée.  In-4°  à  2  col.  259  p.  Paris,  lib.  Coste. 

Lettres  à  un  matérialiste  sur  la  pluralité  des 
mondes  habités  et  les  questions  qui  s'y  rattachent; 


par  Jules  Boiteux.  In-18  jésus,  vin-516  p.  Paris,  lib.  Pion 
et  Cie. 

Œuvres  complètes.  La  Sorcière  flamande;  par 
Henri  Conscience.  Traduction  Coveliers.  Gr.  in-18,  250  p. 
Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  1  fr.  25. 

Marie-Louise  d'Orléans  ;  par  Sophie  Gay.  Nouvelle 
édition.  In-18  jésus,  32Zi  p.  Paris,  lib.  Calmann   Lévy. 

1  fr.  25. 

La  Belle  organiste  ;  par  Emile  Richebourg.  In-18 
jésus,  316  p.  Paris,  libT  Decaux.  3  fr. 

Les  Femmes  fatales.  La  Vierge  de  Mabille  ;  par 
H.  Escoffler.  2<=  édition.  In-18  jésus.  xvi-326  p.  Paris,  lib. 
Dentu.  3  fr. 

Souvenirs  d'un  voyageur,  nouvelles  ;  par  Edouard 
Laboulaye,  de  l'Institut.  5»  édition,  ln-18  jésus,  343  p. 
Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Le  Secret  du  docteur;  par  Victor  Perceval.  Li-18 
jésus,  428  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

L'Enfant  du  faubourg.  Les  Exploits  de  la  mère 
Langlois  ;  par  Emile  Richebourg.  Ia-8°  jésus,  436  p. 
Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Chroniques  lorraines  du  temps  de  Charles  IV.  Le 
Besme.  Frère  Eustache.  La  Dame  de  Neuville;  par 
M.  Antoine-Achille  Henriot,  juge  de  paix  à  13ar-le-Duc. 

2  vol.  in-l2,  536  p.  Bar-le-Duc,  lib.  Coutant-Laguerre. 


Publications  antérieures  ; 


LA  JEUNE  FILLE  ;  lettres  d'un  ami.  —  Un  volume 
format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Cl.we,  avec 
fleurons,  lettres  ornées  de  culs-de-larape.  -r-  Paris,  P. 
Ducroq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 
50.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  5  fr. 


POÈMES  ET  FANT.MSIES  (1867-18731.  —  Claudine.  — 
Que  sais-je?  —  L'Espoir  en  l'homme.  —  Prométhée.  — 
La  Légende  d'Urfé.  —  Sonnets.  —  Par  Glst.we  Vinot.  — 
Paris,  librairie  des  Bibliophiles^  338,  rue  Saint-Honoré. 
—  Prix  :  3  francs. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  hommes 
DE  QUERRE.  —  Première  série.  —  Par  Edouard  Gcepp, 
chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'instruction  publique. 

—  2«  édition,  ornée  de  quatre  portraits  et  de  trois  cartes. 

—  Ki.ÉDER,  Desaix,  Hociii,  Marceau,  Daumesnil.  —  Paris, 
P.  Ducroc,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix, 
relié  :  4  francs. 


LES  NEVEUX  DU  PAPE.  —  Joannis.  —  Par  Gustave 
ViNOT.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue  Saint- 
Honoré.  —  Prix  :  4  fr. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
-  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 


gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


HISTOIRE  DE  LA  BASTILLE  depuis  sa  fond.^tion  (1374) 
jusqu'à  sa  destructiox  (1789).  —  Ses  prisonniers,  ses 
gouverneurs,  ses  archives;  Détails  des  tortures  et  sup- 
plices usités  envers  les  prisonniers;  Révélations  sur  le 
régime  intérieur  de  la  Bastille;  Aventures  dramatiques, 
lugubres,  scandaleuses;  Evasions;  Archives  de  la  police. 
—  Par  A.  Arnould,  Aldoize  et  Auguste  Maquet.  — Paris, 
Victor  Bnmel,  éditeur,  3,  rue  de  l'Abbaye,  ancien  palais 
Abbatial.  —  Prix  :  10  francs. 


LE  ROMAN  D'UNE  JEUNE  FILLE  (1770-1794).  —  Par 
Ernest  Daudet.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  Charpen- 
tier et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint- 
Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


JEAN  ET  PASCAL.  —  Par  Juliette  Lamder.  —  Biblio- 
thèque comtemporaine.  —  Paris,  Calmann  Lévy,  éditeur, 
3,  rue  Auber,  et  15,  boulevard  des  Italiens  (librairie 
Nouvelle).  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LESSAULX-TAVANES  —  Etudes  sur  l'ancienne  Société 
française,  lettres  et  documents  inédits  —  Par  L.  Pinoaud, 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon  —  Paris, 
librairie  Firinin  Didol  el  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  6  fr. 


LE  CAMARADE  DE  VOYAGE.  -  Par  Andersen.  -  Tra- 
duction- de  MM.  Grégoire  et  Moland.  —  Illustrations  de 
Yan  Dargent.  —  Paris,  Garnier  frères,  libraires-éditeurs, 
6,  rue  des  Saints-Pères.  —  Prix  :  3  fr. 


ÉLÉMENTS  DE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE,  rédigés  sur 
un  nouveau  plan,  avec  des  explications  tirées  de  la  gram- 
maire historique  et  précédés  d'une  Introduction  sur 
l'origine  de  notre  langue.  —  Par  G.  Bovieii-Lapierrb,  an- 
cien professeur  à  l'École  normale  de  Cluny,  officier  de 
l'Instruction  publique.  —  Ouvrage  couronné  par  la  Société 
pour  l'instruction  élémentaire.  —  A  Paris,  chez  Delagrave 
el  Cie,  rue  des  Ecoles.  —  1  vol.  in-12,  cart.  1  fr. 


Publications 

REVUE  CRITIQUE  D'HISTOIRE  ET  DE  LITTÉRATURE. 

—  Recueil  hebdomadaire  publié  sous  la  direction  de  MM. 
C.  de  La  Berge,  M.  Bréal,  G.  xMonod,  G.  Paris.  —  Dixième 
année.  —  Nouvelle  série,  1'=  année  (1876).  — -  Prix  d'abon- 
nement :    Un  an,  Paris,  20  fr.;    —  départements,   22  fr.; 

—  étranger,  le  port  en  sus  ;  —  un  numéro,  75  c.  —  Paris, 
Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte. 


LE  COURRIER  LITTÉRAIRE,  revue  artistique,  biblio- 
graphique, scientifique  et  littéraire,  paraissant  le  10  et 
le  25  de  chaque  mois.   —  Prix  de  l'abonnement  :  20  fr. 


périodiques  : 

par  an  pour  la  France  et  les  pays  faisant  partie  de  l'Union 
des  postes.  —  Paris,  bureau  du  Courrier  littéraire,  33, 
rue  de  Seine. 


REVUE  SUISSE.  — bibliographie,  archéologie,  littéra- 
ture, beaux-arts.  —  Paraissant  le  l"'  et  le  15  de  chaque 
mois.  —  Prix  par  an,  10  fr.,  et  le  port  en  sus  pour  l'étran- 
ger. —  Cette  revue,  qui  rend  compte  de  tous  les. ouvrages 
dont  on  lui  envoie  deux  exemplaires,  se  trouve  à  Paris, 
chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires-éditeurs,  33, 
rue  de  Seine. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Le  dix-septième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  aoiU  sera  clos  le  \"  décembre  1876.  —  Douze  médailles, 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance, 
Président  du  Comité.  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 


La  Société  des  études  historiques  a,   pour  l'année  1877,    mis  au  concours  pour  le  prix  Raymond  la  question 
suivante  :  Historique  des  institutions  de  prévoyance  dans  /t'ç  divers  pays,  et  spécialement  en  France.   —  Elle  vient 
de  décider  qu'en  1878  un  prix  de  1,000  fr.  sera  accordé  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  l'histoire  du  portrait      | 
en  France  (peinture  et  sculpture). 


Le  Tournoi  poétique,  littébaire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (à'  année).  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien.  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements, 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


La  Société  nationale  d'éducation  de  Lyon  destine  pour  1876  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur 
ce  sujet  :  Quels  peuvent  et  doivent  être,  dans  l'état  actuel  de  la  société,  les  rapports  de  t'Inslituleur  primaire  avec 
les  parents  de  ses  élèves?  —  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1877,  sous  le  nom  de  Prix  de  la  ville 
de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  Novembre  prochain,  à  M.  Palud,  libraire, 
ù,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 


SOUSCRIPTION 


POUR 


LA  RÉIMPRESSION  DES  CINQ  PREMIÈRES  ANNÉES  DE  CE  JOURNAL. 


Les  cinq  premières  années  de  la  collection  du  Courrier  de  Vaugelas  se  trouvant  presque  complètement  épuisées 
(il  ne  reste  plus  que  quelques  exemplaires  de  la  li<=  et  de  la  5«),  une  souscription  dont  voici  les  conditions  est  ouverte 
pour  les  faire  réimprimer  : 

1"  L'original  sera  reproduit  intégralement  dans  ses  parties  essentielles,  avec  le  même  nombre  de  pages  et  sous  un 
format  identique; 

2»  La  réimpression  se  fera  de  manière  à  fournir  une  année  tous  les  deux  mois; 

3"  Le  prix  de  chaque  année  (brochée)  sera  de  6  fr.  comme  celui  de  l'abonnement  au  journal; 

U"  Les  années  seront  expédiées  franco  aux  souscripteurs  à  fur  et  mesure  de  leur  réimpression; 

5"  Chaque  année  sera  payable  aussitôt  après  qu'elle  aura  été  reçue; 

6*  Tout  souscripteur  qui  a  di'J.i  une  partie  de  ces  cinq  années  devra  désigner  celles  auxquelles  s'appliquera 
sa  souscription; 

7*  La  réimpression  commencera  dès  que  oUO  adhésions  auront  été  envoyées  au  Rinlacteur. 


.M.  Enian  Martin,  Rédacteur  du  Comiuiiai  un  Vaui.elas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  ciwi  heures. 


Imprimerie  GOIJVERNEUH,  G.  DAUl'liLEV  A  NogeiUlo  Rotrou. 


7»  Année 


N»  10. 


15  Octobre  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


FRANÇAI 
Paraiaiant   le    l*  et   le   15    de   ehaqae  mola 

{Dans  sa  séance  du  \ï  janvier  1S7.5,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Par  an ,    6   fr.   pour  la  France, 

le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 

Annonces  :     Ouvrages,    un    eisem- 

plaire;  Concours  littéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

AN-CIEN       PROFESSECR     SPECIAL     POUK      LES      ETRANGERS 

Officier  d'AcaJémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    pn^nncnt    pour    une    année 
entière  et  partent  tons  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  liliraire  quelconque. 


IMPORT.VNT. 
Le  Rédacteur  du  Courrier  de  Yaugelas  prie  ins- 
tamment les  personnes  qui  désirent  se  procurer  la  collec- 
tion complète  de  son  journal  de  vouloir  bien  lire,  au  bas 
de  la  dernière  page,  les  conditions  dune  souscription 
qui  lui  permettrait  d'en  faire  promptement  réimprimer 
les  cinq  premières  années.,  presque  entièrement  épui- 
sées aujourd'hui. 


SO.M.MAIRE. 

Communications  sur  une  phrase  qui  aurait  été  mal  corrigée;  sur 
les  synonymes  E/fcuillage,  Elf'euillaison  el  EU'euillemenl ;  sur 
l'élymologie  de  l'équin;  sur  Mièvre  et  sur  //  a  été  suicidé;  — 
Les  expressions  Le  temps  jadis  et  Le  temps  de  jadis;  —  Divers 
sens  de  Vaudcntle;  —  Si  Pour  jusqu'à  est  correct; —  Signi- 
fication de  17)1  de  deux  oreilles;  ||  Pourquoi  on  ne  dit  ni 
Unième,  ni  Vingt  et  premir,  Trente  et  premier,  etc.  —  Étyrao- 
logie  et  signilicaliondumot  Chance.  ||  Passe-temps  grammatical. 
Il  Fin  de  la  biogr.ipliie  de  Gilles  Ménage.  ||  Ouvrages  de  gram- 
maire et  de  littérature.  1|  Concours  littéraires.  ||  Souscrip- 
tion pour  la  réimpression  des  cinq  premières  années  de  ce 
journal. 


FRANCE 


COM.MUNIGATIONS. 

I. 

Le  24  août,  j'ai  reçu  d'un  abonné  de  Paris  une  lettre 
qui  se  termine  par  ces  mots  ayant  trait  à  une  phrase 
dont  j'ai  indiqué  la  correction  : 

Je  profite  de  roccasion  pour  vous  demander sila'plirase 
suivante  : 

t  La  famine  s'est  tout  à  coup  manifestée,  etc.,  avant  que 
le  gouvernemont  ait  pu  faire  parvenir...  » 
que  vous  avez  donnée  à  corrig>^r  dans  le  passe-temps  gram- 
matical de  votre  nijmèro  du  IJ  juillet,  est  vraiment  défec- 
tueuse, car  Besclierelle  cite  dans  son  Dictionnaire  la 
phrase  suivante  do  La  Bruyère,  d'aptes  laquelle  cette  cons- 
truction serait  parfaitement  correcte  : 

€  Combien  de  siècles  se  sont  écoulés  avant  que  les  hommes 
aiei><  jjw  revenir  au  goût  des  anciens.  » 


Il  me  serait  bien  agréable  d'avoir  un  mot  d'explication 
à  ce  sujet  dans  votre  prochain  numéro. 

La  conjonction  avant  que,  qui  requiert  le  subjonctif 
après  elle,  peut  être  suivie  des  quatre  formes  de  ce 
mode,  comme  le  font  voir  les  exemples  suivants  : 

Lisez  avant  qu'un  doigt  ne  déchire  le  livre. 

(Lamartine.) 

Les  Chinois  avaient  des  astrolabes  avant  que  nous  nous 
sussions  lire. 

f\'oItaire.) 

L'Écriture  nous  fait  voir  la  terre  revêtue  d'herbes  et  -de 
toutes  sortes  de  plantes  avant  que  le  soleil  ait  été  créé. 

(Bossuet.) 

Léonidas  était  mort  aux  TUermopyles  avant  que  Socrate 
eût  fait  un  devoir  d'aimer  la  patrie. 

(J..J.  Roasseau.) 

-Mais  quand  doit-on  employer  chacune  d'elles  ? 

Voici  à  ce  sujet  une  règle  que  j'ai  induite  de  la 
réunion  d'un  très-grand  nombre  d'exemples  recueillis 
dans  des  auteurs  différents,  et  que,  pour  cette  raison, 
il  me  semble  pouvoir  regarder  comme  étant  d'une  par- 
faite exactitude  : 

.\  la  place  de  ai-ant  que  mettez  quand,  puis  faites 
suivre  cette  conjonction  du  verbe  qui  vient  après  avarit 
que  en  l'accompagnant  de  ne...  pas  encore;  et,  selon 
qu'après  avoir  été  ainsi  tournée,  cette  partie  de  la 
phrase  aura  son  verbe  au  présent,  à  l'imparfait,  au 
passé  défini  ou  au  plus-que-parfait  de  l'indicatif,  em- 
ployez après  avant  que  le  présent,  l'imparfait,  le  passé 
ou  le  plus-que-parfait  du  subjonctif. 

Or,  dans  le  cas  actuel,  la  règle  précédente  amène  le 
plus-que-parfait  de  l'indicatif  après  quand  : 

La  famine  s'est  tout  à  coup  manifestée  dans  le  Durbhanga 
et  dans  le  nord  du  Thibet  quand  le  gouvernement  n'avait 
pas  encore  pu  faire  parvenir  aux  populations  de  ce  pays  le 
grain  qu'il  leur  destinait. 

D'où  celte  conclusion  que,  dans  la  phrase  donnée  à 
corriger,  il  faut  employer  le  plus-que-parfait  du  sub- 
jonctif eût  pu  après  la  conjonction  avant  que,  ou,  en 
'd'autres  termes,  que  celte  phrase  était  bien  réellement 
défectueuse. 


74 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


II. 

Sous  la  signature  Oncle  Tom,  j'ai  reçu  de  province, 
le  25  août,  une  lettre  qui,  après  avoir  approuvé  la  solu- 
tion donnée,  dans  mon  numéro  6,  à  la  question  de 
savoir  si,  en  langage  agricole,  on  doit  dire  effeuillage, 
ejfeuillaison  ou  effeuillement,  se  termine  ainsi  qu'il 
suit  : 

Ces  synonymes  expriment  des  idées  difiërentes. 

En  effet,  elfcu'dlage  exprime  l'action  de  couper  les  feuilles 
sans  ôter  le  pétiole,  pour  faire  mûrir  le  fruit  et  laisser  le 
soleil  lui  donner  !e  coloris. 

ElfeuiUuison  se  dit  pour  exprimer  l'époque  à  laquelle  il 
faut  se  livrer  à  l'e/feuillnge  des  arbres.  Exemple  :  Kous 
voilà  encore  à  l'en'euiilaison  de  la  vigne. 

Enfin,  on  doit  se  servir  du  mot  c/feuillemcnt  lorsqu'on 
vent  rendre  Ve'tal  des  arbres  dcpouillcs  de  leur  feuHlarje,  que 
ces  arbres  en  aient  été  dépouillés  par  l'c/l'eudlage,  qu'ils  en 
aient  été  dépouillés  par  la  défoliation. 

Donc,  pas  de  confusion  possible  entre  les  trois  mots,  et 
c'est  à  tort  que  les  écrivains  les  ont  successivement  em- 
ployés pour  désigner  une  même  opération. 

La  différence  d'emploi  indiquée  dans  les  lignes  qu'on 
vient  de  lire  me  paraissant  en  effet  entièrement  conforme 
à  l'usage,  je  m'empresse  de  la  signaler  en  constatant  à 
regret  qu'il  n'en  soit  fait  aucune  mention  dans  le 
Dictionnaire  des  Synonymes  publié  par  La  Faye. 

m. 

Le  28  du  même  mois,  j'ai  reçu,  également  de  pro- 
vince, une  lettre  dont  l'auteur,  M.  Charles  Maisonrouge, 
non  satisfait  de  «  mes  étymologies  »  de  péquin,  me 
propose  pîque,  s.  f.  chiffon,  lambeau,  qui  se  trouve  dans 
un  dictionnaire  franco-normand;  j'éqiie  s.  f.  qui  se 
dit  pour  mauvais  cheval,  rosse,  dans  le  complément  du 
Dictionnaire  de  Napoléon  Landais,  et  aussi  le  terme 
latin  pecus. 

.Mais  comme,  à  mon  avis,  la  question  concernant 
l'origine  de  péquin  est  complètement  vidée,  j'e.spère 
que  M.  Charles  Alaisonrouge  voudra  bien  me  permettre 
de  croire  que  je  suis  dispensé  par  cela  même  de  m'en 
occuper  plus  longtemps. 

IV. 

Dans  une  lettre  du  5  septembre,  qui  m'est  adressée 
de  Ferrières  (Somme)  par  M.  A.  Dufresnoy,  instituteur  à 
Doullens,  se  trouve  la  note  suivante  relative  à  un  mot 
dont  mon  numéro  7  a  parlé  : 

On  dit  ici,  en  patois  picard,  en  parlant  d'un  cheval  qui 
caracole,  lance  des  ruades  et  fait  eniendre  des  hennisse- 
ments exprimant  le  plaisir,  et  cela,  assez  fréquemmtnt,  il 
est  mièi're,  il  est  mieuvre.  Vous  savez  que  lo  patois  s'or- 
tliograpbio  à  la  volonté  de  celui  qui  écrit. 

J'insère  avec  plaisir  cette  note,  qui  vient  condruicr, 
jiar  un  usage  déjà  existant,  l'opinion  que  j'ai  émise  sur 
l'extension  possible  de  l'emploi  de  l'adjectif  mièwe. 

V. 

Enfin,  voici  une  communication  touchant  il  a  clé 

suicidé,  phrase  que  j'ai  appréciée  à  la  page  A3  de  mon 

numéro  6  : 

Chartres,  le  8  septembre  187G. 
Monsieur, 

Dans  votre  numéro  du  15  août  dernier,  on  vous  demande 


ce  que  vous  pensez  de  cette  phrase  publiée  dans  le  Jnurna 
des  Débats  du  7  juin  :  «  Le  malheureux  sultan  s'est-il  tué 
de  sa  propre  main,  ou  bien  a-l-il  été  suicidé  ?  » 

La  question  vous  est  posée  sérieusement,  et  vous  y  ré- 
pondez de  même. 

Cela  prouve  une  chose,  c'est  que  vous  et  votre  corres- 
pondant n'êtes  pas  condamnés  à  lire  chaque  jour  ce  qui  se 
publie  dans  les  journaux  grands  et  petits. 

Lorsque  la  nouvelle  de  la  mort  du  sultan  déchu,  Abdul- 
Aziz,  est  arrivée  à  Paris,  la  première  impression  a  été  de 
croire  qu'il  avait  été  étranglé  ou  qu'il  s'était  ouvert  les 
veines  sur  un  ordre  venu  du  sérail.  Des  démentis  formels 
sont  arrivés  de  Constantinople.  En  attendant  que  la  vérité 
pijt  se  faire  jour,  un  journal,  je  ne  sais  plus  lequel  (cette 
gent  maudite  ne  respecte  non),  a  cherché  à  mettre  tout 
le  monde  d'accord  en  prétendant  qu'Abdul-Aziz  avait  été 
suicidé. 

Le  mot  a  fait  le  tour  de  la  presse,  et  c'est  ainsi  qu'il  a 
été  employé  dans  le  Journal  des  Débats  par  M.  John  Le- 
moine,  qui  sait  parler  français,  et  qui  n'a  jamais  prétendu 
en  faire  une  locution  française. 

Lequien, 
Rédacteur  en  chef  du  Journal  de  Chartres. 

J'étais  dans  un  grand  embarras;  car,  d'un  côté, 
j'avais  la  conviction,  comme  je  l'ai  dit,  que  il  a  été 
suicidé  n'esl  pas' une  construction  compatible  avec  le 
génie  de  notre  langue;  et,  de  l'autre,  je  ne  pouvais 
admettre  que  M.  John  Lemoine,  non-seulement  rédac- 
teur du  Journal  des  Débats,  mais  encore  membre  de 
l'Académie  française,  eût  commis  une  pareille  infrac- 
tion à  la  syntaxe. 

La  lettre  de  M.  Lequien  est  venue  tout  m'expliquer  : 
sur  sa  copie,  M.  John  Lemoine  avait  écrit  a-t-il  été  sui- 
cidé en  le  faisant  précéder  et  suivre  de  guillemets; 
mais  ces  signes,  indispensables  ici  pour  faire  com- 
prendre que  l'expression  n'était  point  sienne,  et  qu'en 
la  reproduisant  il  n'entendait  nullement  s'en  rendre 
responsable,  ces  signes,  dis-je,  ont  été  oubliés  dans 
l'impression  (rien  d'étonnant  à  cela  pour  qui  sait  la 
rapidité  avec  laquelle  se  font  les  journaux)  ;  d'où  la  mé- 
prise bien  naturelle  du  lecteur  des  Débats  qui  a  cru 
voir  dans  la  phrase  dont  il  s'agit  un  «  sens  nouveau 
du  barbarisme  se  suicider  »,  et  m'a  fait  l'honneur  de 
me  demander  ce  que  j'en  pensais. 


Première  Question. 
Est-il  plus  correct  de  dire  le  temps  jadis  que  le 
TEMPS  DE  JADIS?  Car  il  me  semble  qu'on  se  sert  de  ces 
deux  constructions. 

Cette  expression,  qui  ne  se  dit  guère  qu'en  vers,  se 
trouve  très-souvent,  le  plus  souvent  même,  je  crois, 
sous  la  forme  le  temps  jadis,  comme  dans  ces  exemples  : 

La  génisse,  la  chèvre,  et  leur  sœur  la  brebis, 
Avec  un  fi  r  lion,  seigneur  du  voisinage, 
Firent  société,  dit-on,  au  temps  jadis. 

(La  Fontaine,  Fables,  1,  6.) 

Au  temps  Jadis,  il  a  guidé  l'Amour. 

(Voltaire.) 

Mais  elle  se  trouve  aussi  sous  celle  de  le  temps 
de  jadis;  car,  selon  le  Dictionnaire  étymologique  de 
Noël  et  Carpentier,  la  préposition  de,  ordinairement 
sous-entendue  dans  cette  expression,  s'y  voit  rétablie 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


75 


dans  plusieurs  auteurs  anciens,  et  l'abbé  Régnier  com- 
mence ainsi  une  pclile  pièce  intitulée  une  Muiaon  en 

décadence  : 

Dune  architecture 
Du  temps  de  jadis 
La  sage  nature 
M'a  fait  un  logis. 

Laquelle  des  deux  est  la  meilleure? 

Selon  moi,  c'est  au  temps  de  jadis,  et  j'ai  une  double 
raison  pour  justilier  celte  manière  de  voir  qui,  de 
prime  abord,  peut  sembler  erronée. 

r  Tout  le  monde  sait  que  l'on  emploie  autrefois  à 
la  place  de  jadis  quand  on  écrit  en  prose.  Or,  autre- 
fois se  joint  toujours  par  de  au  mot  temps  :  en  consé- 
quence, celte  préposition  doit  logiquement  prendre 
place  aussi  devant  >«/(«. 

2°  Quand  il  s'agit  d'un  tout  autre  mot  que  temps, 
on  ne  manque  jamais  de  le  joindre  à  jadis  par  la  pré- 
position de,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  ces  phrases  : 

As-tu  veu  ces  tableaux  hardis 
Qui  sur  les  autels  de  jadis 
Ont  porté  le  pinceau  d'Apelle? 

(Œuv.  de  Théophile,  II' part.,  p.  95.  Rouen   1661.) 

Ne  sont-ce  pas  de  ces  vierges  de  jadis  ? 

(Cyrano-Bergerac,  t.  I,  p.  33.  1699.) 

Pourquoi  n'en  serail-il  pas  de  même  pour  le  mol  temps, 
qui  est  un  subslanlif  comme  autels,  vierfjes.  etc. 

Le  Dictionnaire  cité  plus  haut  explique  la  sup- 
pression de  la  préposition  de  dans  au  temps  jadis  par 
la  règle  de  l'ancien  français  en  vertu  de  laquelle  on 
disait  la  maison  Dieu,  la  bible  Gui/ot,  pour  la  maison 
de  Dieu,  la  bible  de  Guyol.  Mais  ce  n'est  pas  ici  le  cas 
d'appliquer  celte  règle;  car,  venant  de  ja7n  diu,  déjà, 
depuis  longtemps,  jadis  est  un  adverbe,  c'est-à-dire  un 
mot  devant  lequel  il  est  impossible  de  supprimer  le  de 
qui  peut  le  précéder  ivoir  Courrier  de  Vaugelas, 
r"  année,  numéro  I,  page  3,  où  a  été  traitée  la 
question  de  celle  ellipse). 

La  suppression  de  ladite  préposition  dans  le  temps 
de  jadis,  à  l'exclusion  des  autres  expressions  analogues, 
tient  loul  simplement,  selon  moi,  à  une  cause  de  pro- 
nonciation. En  effet,  c'est  une  règle  dans  notre  langue, 
où  les  e  dits  muets  surabondent,  qu'il  faut  en  sup- 
primer le  plus  possible,  el  celle  suppression  se  fait  en 
mettant  la  consonne  initiale  de  la  syllabe  où  se  trouve 
Ve  que  l'on  veut  éliminer  à  la  fin  de  celle  qui  la  pré- 
cède immédiatement;  ainsi,  par  exemple  : 

Tu  le  vois  sonne    Inl  vois. 

Nous  le  croyons       —       Xou/'  croyons. 
Vous  le  voyez  —       VouT  voyez. 

Or,  comme  le  temps  de  jadis  se  prononce  le  tend' 
jadis  [OÙ  le  de  se  dissimule  quand  il  n'en  peut  être  de 
même  avec  un  substantif  autre  que  temps),  on  a  été 
naturellement  porté  à  croire  qu'il  y  avait  là  une  ellipse 
de  celle  préposition,  et  Ion  a  écrit,  mais  à  lort  le 
temps  jadis. 

Quand  on  songera  sérieusement  à  faire  disparaître 
de  la  langue  les  inconséquences  qui  s'y  sont  inl  roduites, 
j'espère  bien  que  le  temps  jadis  ne  sera  pas  oublié. 
X 


Seconde  Queslion. 
Je  ne  viens  2)as  révoquer  en  doute  l'ctijmologie  de 
VAUDEVILLE  que  vous  avez  donnée  dans  votre  numéro  5  ; 
je  vie?is  seulement  i-ous  demander  comment  celte  ctymo- 
logie  peut  expliquer  v.iioEviLLE  défini  par  M.  Littré  : 
«  chanson  de  circonstance  qui  court  par  la  ville  et 
facile  à  chanter  ». 

A  l'époque  où  l'étymologie  de  vaudeville  n'était  pas 
connue,  au  temps  où  ce  mot  avait  aussi  la  forme  voix- 
de-ville  pendant  la  seconde  moitié  du  xvi^  siècle  ,  on 
lui  donna  des  acceptions  qu'il  n'aurait  pas  dû  prendre. 
On  crut- que  la  première  syllabe  vau  signifiait  «  travers, 
el  que  les  chansons  appelées  vaudevilles  avaient  reçu 
ce  nom  parce  qu'elles  couraient  à  travers  la  vflle.  C'est 
l'opinion  exprimée  par  De  Caillières  à  la  page  198 
de  son  livre  intitulé  les  Mots  à  la  mode  ;éd.  de  IGOO^  : 

...  Que  les  Espagnols  ont  appelé  de  ce  nom  'passe- 
caille',  qui  senl  ù'we-  passe-rue,  comme  nous  appelons  en 
France  des  Vaudevilles  certaines  chansons  qui  courent 
dans  le  public. 

On  trouve  encore  ce  mot,  mais  dépourvu  de  loule 
idée  de  chant,  avec  le  sens  unique  de  bruit  répandu 
dans  la  ville,  ce  dont  voici  des  exemples  : 

11  estiraoit  ceste  «pinion  n'.eslre  fondée  que  sur  un  simple 
vaudeville. 

(Pasquier,  Rech.,  VI,  p.  494,  éd.  de  1569.) 

C'est  un  vaudeville  se  dit  d'une  pièce  de  théâtre,  d'une 
brochure  qui  a  pour  sujet  un  événement  du  moment. 

(Dct.  de  Lillré.) 

Enfin,  vaudeville  en  est  venu  à  s'employer  dans  le 
sens  de  proverbe,  puisqu'après  avoir  dit  qu'on  appelle 
de  ce  nom  un  chant  de  paysan,  le  Dictionnaire  de  Cot- 
grave  (IG60)  ajoute  qu'on  l'applique  encore  à  un  dicton 
de  campagne. 

Or,  en  sa  qualité  de  lexicographe,  M.  Littré  a  été 
obligé  de  donner  toutes  les  significations  avec  lesquelles 
on  rencontre  les  mots  de  la  langue,  el  voilà  pourquoi 
il  a  mentionné  celle  que  vous  me  signalez,  loul  incom- 
patible qu'elle  est  avec  la  véritable  origine  de  vaudeville. 

X 
Troisième  Question. 

Le  Natioml  du  14  août  1876,  2";;.,  2'  col.,  5"-  para- 
graphe delà  lettre  de  Versailles,  contient  celte  phrase  : 
tt  En  voilà  podr  jdsqc'a  la  fin  d'octobre  ».  Est-ce  là 
une  phrase  bien  correcte? 

Enoncée  en  d'autres  termes,  votre  queslion  est  celle- 
ci  :  la  préposition  pour  peut-elle  élrc  immédiatement 
suivie  de  jusqu'à? 

Je  réponds  affirmativement,  et  je  vais  vous  prouver 
que  celle  construction  est  très-correcte. 

En  elTet,  les  deux  verbes  devoir  rester  peuvent, 
quand  ils  sont  suivis  d'un  nom  de  lieu  et  d'un  nom  de 
temps,  se  rendre  par  être  suivi  du  même  nom  de  lieu 
cl  de  pour  suivi  du  même  nom  de  temps;  ainsi  ces 
[)hra3cs  : 

Il  doit  rester  en  Angleterre  plusieurs  mois. 
Il  doit  rester  ici  quelques  semaines. 


76 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Il  doit  rester  chez  ses  parents  une  quinzaine. 

se  tournent  comme  il  suit  : 

Il  est  en  Angleterre  pour  plusieurs  mois. 

Il  est  ici  pour  quelques  semaines. 

Il  est  chez  ses  parents  pour  une  quinzaine. 

Mais  les  phrases  du  premier  de  ces  groupes  admettent 
très-bien  pour  régime  de  temps  une  expressioji  com- 
posée de  jusqu'à  suivi  de  mots  signifiant  une  époque 
déterminée  : 

Il  doit  rester  en  Angleterre  ^hs^k»  la  fin  du  mois. 
Il  doit  rester  ici  jusqu'à  mardi  prochain. 
Il  doit  rester  chez  ses  parenti'  jusqu'à  Noël. 

Or,  si  l'on  remplace  dans  ces  dernières  phrases  doit 
rester  par  est...  pour,  son  équivalent,  il  vient  : 

Il  est  en  Angleterre  ;)o»;J«i(;!('à  la  fin  du  mois. 
Il  est  ici  2)our  jusqu'à  mardi  prochain. 
Il  est  chez  ses  parenls  pour  jusqu'à  Koël. 

ce  qui  démontre,  comme  je  l'ai  avancé,  que  i^our  peut 
parfaitement  se  construire  avec  jMiçM'À  mis  immédiate- 
ment après  lui. 

X 

Quatrième  Qucslion. 
Comment  l'expression  de:  vin  de  deux  oreilles ^mw^- 
elle  signifier  du  vin  mauvais,  comme  on  le  voit  dans  le 
Virgile  travesti  de  Scarron,  liv.  I,  vers  61 1  ? 

Dans  ses  Origines  de  cjuelrjues,co7itnmes  anciennes  et 
de  i)liisieurs  façons  de  parler  triviales  (p.  98,  éd. 
Georges  Garnier),  Moisanl  de  Brieux  définit  ainsi  le  vin 
d'une  oreille  : 

On  appehe  ainsi  le  bon  vin,  parce  que  le  bon  vin  fait 
pencher  la  teste  de  celuy  qui  le  goûte  bien,  d'un  côté  seule- 
ment et  luy  fait  du-e,  il  est  bon  :  au  lieu  que  sil  est  mau- 
vais, Oii  secoue  toute  la  teste,  et  par  conséquent  les  deu.x 
oreilles,  en  signe  de  dégoust  et  de  mépris. 

Peut-être  cette  explication  n'est-elle  pas  la  véritable, 
mais  je  n'en  connais  pas  d'autre  qui  puisse  la  rem- 
placer. 

(Voir  Courrier  de  Vaugelas,  4=  année,  p.  124,  où 
cette  qtiestion  a  déjà  été  traitée. i 


ÉTRANGER 

Première  Question. 
Pourquoi  dit-on  premier  et  non  vmhiEpour  l'adjectif 
ordinal  de  un,  et  pourquoi  unième  s'emploie-t-il  après 
un   autre  nom  de  nombre,  et  ne  dit-on  pas  vingt  et 

PREMIER,  T8ENTE  ET  PREMIER,  etC. 

Le  premier  adjectif  ordinal  en  latin  étant  primus, 
nous  en  avons  fait  prime,  qui  existe  encore  dans  de 
prime  saut,  de  prime  abord,  etc. 

Mais  des  le  xii=  et  le  xiii'  siècle,  on  avait  remplacé 
prime  pd.T primer,  premier  {do  primarius,  un  dérivé  de 
primus)  : 

En  la  bataille  el  primer  front. 

(Rom.  lie  Hou,  V,  lîBgO.) 

Je,  qui  n'ai  pas  non  d'estrc  main 
Levez,  jui  la  première  nuit... 

(Rutcbœuf,  t,  il,  iC.l 


Or,  comme  la  langue  latine,  mère  de  la  nôtre,  n'em- 
ployait jamais  unus  [>ouv  primiis,  nous  avons  de  même 
employé  premier,  et  non  unième  pour  notre  premier 
adjectif  numéral  ordinal. 

Les  Latins  avaient  deux  manières  de  composer  le 
nom  de  nombre  ordinal  qui  suit  immédiatement  celui 
de  chaque  dixaine  supérieure  à  dix;  ils  le  formaient  du 
nom  de  celte  dizaine,  qu'ils  accompagnaient  de  primus 
ou  de  unus. 

Primus  occupait  tantôt  la  première  place,  tantôt  la 
second*  : 

Primus  et  vicesimus        '  ou  Vicesimus  primus. 
Primus  et  tricesimus  —  Tricesimus  primus. 

Primus  et  quadragesimus  —  Quadragesimus  primus. 

Quant  h  unus,  il  n'allait  qu'en  tête  de  l'expression  : 

Vnus  et  vicesimus 
Unus  et  tricesimus 
Unus  et  quadragesimus. 

Naturellement,  on  s'est  servi  aussi  en  français  de 
premier  et  de  unième  après  les  noms  de  dizaines, 
ainsi  qu'on  le  voit  dans  ces  exemples  : 

...  e  du  Règne  nostre  Seigneur  le  Rey  Edward  avantdit, 
vyntysme  premer,  e  du  nostre  premer. 

(Rymer,  Fœdera,  I,  pars  IIP,  p.  Il5,  éd.  de  La  Haye.) 

Si  aucuns  estpit  rateis  [accusé]  d'omieide,  et  tcsmoignez 
n'estoit,  lui  vinl-utiisme  se  discolperoit. 

(Hisc.  de  MeU  par  les  Bénèd.,  t.  III,  Preuves,  p.  ht) 

Mais,  comme  le  dit  Burnouf  [Méth.  pour  étud.  la 
huig.  lut.  p.  129,  n"  2),  le  mot  ^mus  se  joignait  «  très- 
souvent  »  aux  noms  de  dizaines,  ce  qui  signifie  que 
pareil  fait  avait  lieu  moins  souvent  pour  primus.  D'où 
il  est  résulté  (car,  au  commencement,  on  ne  put  se 
soustraire  à  l'influence  du  latin)  que  nous  avons  joint 
plus  volontiers  unième  aux  noms  de  dizaines,  ou,  en 
d'autres  termes,  que  nous  avons  dit  : 

Vingt  et  unième 
Trente  et  unième 
Quarante  et  unième 

et  cela,  quand,  en  vertu  de  la  même  influence, 
nous  avions  adopté  premier  pour  adjectif  de  nombre 
ordinal  correspondant  à  un. 

Telle  est  la  raison  pour  laquelle  unième  ne  s'emploie 
jamais  feul,  et  ne  figure  qu'après  un  autre  nom  de 
nombre  exprimant  au  moins  deux  dizaines. 

X 
Seconde   Question. 
//  //  a  des  mots  dont  on  fait  un  grand  usage  et  dont 
le  sens  littéral  est  peu  connu,  tel  est,  par  exemple,  le 
mol  cuANCE.  Doit  vient  ce  terme  d'un  emploi  si  fré- 
quent ? 

Jusqu'au  xv  siècle,  on  a  généralement  écrit  le  mol 
chance  avec  un  e  après  Vli.  comme  on  le  voit  dans  ces 
exemples  : 

Tornée  lor  est  la  chcance 

Du  dé  en  perte  et  mesnheance. 

[Ilist.  de  Franc»  en  vers,  cité  pur  Littré.) 

Fors  que.  Geniillesce  sa  fille, 
Cousine  a  prochaine  clwance, 
Tant  la  lient  fortune  en  balance. 

(A'um.  Uc  lu  Koie,  vers  65|)».) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


77 


...  Point  do  plus  vaillant  homme, 
Ne  qui  plus  (le  victores,  pour  vigueur,  pour  cheance 
Heûst  :  quar  douze  fois  vainquit  le  roy  de  France. 

(Gérard  de  RossUton,  vers  3^8  ) 

Or,  cheance  est  le  subslanlif  formé  du  participe 
cheant,  de  cheoii\  verbe  qui  vient  du  latin  cadere, 
tomber,  arriver,  en  parlant  d'un  événement. 

Par  conséquent,  chance,  qui  ne  se  prend  guère  aujour- 
d'bui  que  dans  un  sens  favoi'able,  signifia  liltérale- 
ment,  dans  l'origine,  la  manière  dont  une  chose,  un 
événement  tombe,  arrive  à  quelqu'un. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


FEUILLETON. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1*...  le  délicat  et  cher  cruslacc  (cet  adjectif  pris  substantive- 
ment se  rapporte  à  animal)  ;  —  î°...  dit  Ilicard  en  approuvant; 
—  3°...  plaideront  publiquement  cette  aflaire,  demanda  HmeVey- 
tel;  —  i'...  modestes  stalles  se  louassent  dix  louis;  —  5°  C'est 
la  loge  royale,  c'est  là  que  le  roi  ;  —  6"  Isolée  comme  elle  est  en 
Europe;  —  7°...  ses  lunettes  sur  le  (irmameut  que  de  la  voir 
frapper  avec  des  bAtons;  —  8"...  comme  auteur  de  lettres,  il 
était  incomparable  (auteur  est  toujours  masculin,  même  quand 
il  se  rapporte  à  une  femme);  —  9'...  le  vieux  clocher  de 
l'église  à  moitié  ruinée  (le  mot  nii  ne  se  met  pas  devant  un 
adjectif.  Voir  Courrier  de  Vaucjelas,  1'  année,  p.  162). 

Phrases  à,  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1°  M°"  Broussais  est  une  femme  remarquablement  belle, 
une  brune  piquante  fortement  marquée  de  créole. 

2-  La  foudre  est  tombée  en  plusieurs  endroits,  notam- 
ment sur  la  maicon  de  la  rue  de  Lévis  portant  le  n"  54. 
Avec  cela  un  vent  à  décorner  des  bœufs  qui  a  renversé 
toute  la  journée  les  cheminées  par  centames. 

3°  Et  le  visage  si  rayonnant  et  si  rose  qu'on  ne  savait  ce 
que  l'on  devait  le  plus  admirer,  des  teintes  vermeilles  de 
ses  joues,  ou  de  ses  grands  yeux  céruléens  dans  lesquels 
la  voûte  céleste  semblait  se  mirer. 

4*  Dans  la  colonie  espagnole,  à  Paris,  il  continue  à  cir- 
culer les  bruits  les  plus  alarmants  pour  le  repos  intéri<»ur 
de  la  Péninsule  et  pour  le  maintien  de  l'autorité  d'Al- 
phonse .\I1. 

5°  Ayant  ouï  parler  à  un  de  ses  sujets,  retour  du  Séné- 
gal, des  charmes  de  la  musique  militaire,  un  roi  nègre  de 
la  côte  d'Afrique  eut  l'idée  d'ajouter  à  ses  nombreu.x  plai- 
sirs ce  nouvel  agrément. 

6°  L'armée  de  Dahomey  est  unique  dans  le  monde,  elle 
est  composée  mi-partie  d'hommes  et  de  femmes;  elle 
représente  un  effectif  total  de  28,000  soldats. 

7°  Us  ont  si  soif,  ces  pauvres,  qu'on  oublie  qu'ils  ont 
faim,  et  l'on  est  moins  triste  de  leur  détresse,  quand  on 
voit  ce  qu'ils  font  des  sous  qui  tombent  dans  leurs  mains 
noires  ou  devant  leurs  pieds  sales. 

8'  Comment  se  métier  d'une  maison  qui  fait  si  bien  hon- 
neur à  ses  engagements?  Bref,  beaucoup  de  négociants 
se  sont  laissés  tenter. 

9*  Le  vieux  M.  Crémieux,  que  lesévénementsontlaissé  bien 
en  arrière,  et  auquel  personne  ne  songeait  guère  plus, 
s'est  accroché  à  cette  occasion  de  regagner  un  peu  de  popu- 
larité et  de  faire  un  peu  de  bruit. 

10"  M.  Chevandier  (de  la  Drôme)  était  d'autant  plus  auto- 
risé à  porter  ce  toast  qu'il  représente  un  département  qui 
affine  à  la  Provence. 

(^Les  correcUont  à  quimaino.) 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SEGO.N'UE  MOITIÉ  DU  XVll-  SIÈCLE. 


Gilles  MÉNAGE. 

[Suite  et  fin.) 

Le  deux  mars,  livre  trois,  chapitre  quatre.  —  Ce  n'est 
pas  parler  élégamment  que  de  parler  de  la  sorte;  il 
faut  dire  le  deuxième  mars,  livre  troisième,  chapitre 
quatrième.  Mais  quand  deux  de  ces  nombres  ordi- 
naux se  suivent,  on  met  le  premier  «  au  substantif  »; 
on  dit  le  dix  ou  douzième,  le  sept  ou  huitième,  etc. 
Néanmoins  on  dit  au  denier  dix,  au  denier  vingt,  etc. 

On  ne  dit  ni  Henri  deux,  ni  Henri  deuxième  :  on  ne 
dit  que  Henri  seyond  (1672). 

Il  faut  dire  l'onzième  et  non  pas  le  onzième. 

S'il  faut  dire  cassonnade,  ou  caslonnade.  —  Le 
grand  usage  est  pour  caslonnade,  quoique  cassonnade 
soit  le  véritable  mot,  comme  venant  de  casser.  Ménage 
dit  donc  caslonnade,  mais  sans  blâmer  ceux,  qui  disent 
cassonnade. 

Des  prépositions  de  e<  du  devant  les  noms  de  famille. 
—  La  plupart  de  nos  gentilshommes  s'imaginent  que 
les  prépositions  de  et  du  devant  les  noms  de  famille 
sont  une  marque  de  noblesse;  ils  se  trompent  singuliè- 
rement. Nos  ancêtres  ne  les  ont  jamais  mises  que 
devant  les  noms  de  famille  qui  viennent  de  seigneuries  : 
du  Moret,  de  la  Vallée,  du  Belloy,  etc.,  et  il  ne  faut 
les  mettre  que  devant  ces  noms-là.  En  conséquence,  on 
doit  dire  M.  Paul,  M.  Charles,  M.  Ferdinand,  etc., 
et  non  pas,  comme  les  Gascons,  M.  de  Paul,  M.  de 
Charles,  M.  de  Ferdinand,  etc.  Malherbe,  qui  se  van- 
tait d'avoir  dégasconné  la  Cour,  ne  l'avait  pas  corrigée 
de  ces  façons  de  parler. 

S'il  faut  dire  la  Mexique  ou  le  Mexique.  —  Balzac  a 
dit  la  Mexique,  et  c'est  ainsi  qu'on  parle  ordinairement; 
mais  le  Mexique  n'est  pas  mal  dit;  car,  outre  que  ce 
mot  est  conforme  à  l'espagnol  el  Mexico,  il  est  employé 
par  tous  les  voyageurs. 

Façons  de  parler  qu'il  ne  faut  point  changer.  —  Il 
y  a  certaines  façons  de  parler  reçues  qu'on  ne  doit  point 
changer;-par  exemple,  au  lieu  de  ny  plus  ny  moins  on 
ne  peut  dire  ny  moins  ny  plus;  on  ne  peut  pas  dire 
non  plus  le  manger  et  le  boire,  les  morts  et  les  vivans, 
le  mal  et  le  bien,  le  coucher  et  le  lever  du  soleil,  etc.  11 
faut  mettre  les  termes  dans  l'ordre  inverse,  comme  cela 
se  fait  ordinairement. 

11  n'est  pas  permis  non  plus  de  changer  les  termes 
des  proverbes,  ni  ceux  des  façons  de  parler  prover- 
biales, comme  le  fait  Racan,  qui  a  dit  :  Je  ne  say  ce  qui 
vous  met  la  puce  dans  l'oreille,  car  on  dit  //  a  la 
puce  à  l'oreille. 

Des  articles  devant  les  noms  propres.  —  Les  articles 
ne  doivent  pas  se  mettre  devant  les  noms  propres; 
mais  comme  il  n'y  a  point  de  règle  qui  ne  souffre  des 
exceptions,   celle-ci  en  a  plusieurs.    Nous  disons  la 


78 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Magdeleineei  le  Lazare,  la  Sunamite,  la  Sa7naritainc. 
On  les  met  aussi  devant  les  noms  propres  italiens: 
le  Tasse,  le  Bembe,  l'Arioste,  le  Bocace,  le  Marin.  Pour 
ce  qui  est  de  Pétrarque,  on  dit  également  Pétrarque 
ou  le  Pétrarque.  A  l'égard  de  Dante,  il  faut  toujours 
dire  Dante;  c'est  très-mal  parler  que  de  dire  le  Dante, 
comme  font  plusieurs  de  nos  Académiciens. 

Il  faut  excepter  des  noms  italiens  recevant  l'ar- 
ticle ceux  qui  désignent  des  auteurs  connus  parti- 
culièrement par  des  ouvrages  latins;  ainsi  on  doit  dire 
Manuce,  Sadolet,  Baronius,  etc. 

Des  noms  de  fleuves.  —  Quand  un  nom  de  fleuve  est 
masculin,  on  met,  lorsqu'il  est  employé  en  régime,  du 
ou  de  le  devant  lui  :  les  rives  du  Pô,  les  bords  de  l'Eu- 
phrate;  mais  si  ce  nom  de  fleuve  est  féminin,  il  prend 
dans  la  même  fonction  de  ou  de  la  indifféremment  ;  on 
dit  les  rives  delà  Seine,  ou  les  rives  de  Seine;  les  bords 
de  la  Marne,  ou  les  bords  de  Marne.  Cependant  il  y  a 
quelques  exceptions;  on  ne  peut  dire  que  les  bords  de 
la  Meuse,  de  la  Moselle,  et  cela,  probablement,  parce 
que  ces  noms  nous  sont  moins  familiers  que  les  précé- 
dents, car  dans  le  voisinage  de  la  Moselle,  on  dit  du 
vin  de  Moselle. 

L'e.rpression  on  a  prononcée  onz  a.  —  C'est  une  pro- 
nonciation très-vicieuse,  quoique  employée  par  des 
personnes  de  grande  qualité  et  de  grande  érudition; 
.c'est  en  faveur  de  ces  personnes  que  Ménage  fait  sa 
remarque. 

De  la  conjugaison  du  verbe  haïr.  —  Au  milieu  du 
xvie  siècle,  on  disait  à  Paris^e  hdi,  et  ceux  qui  disaient 
je  hay,  conjuguaient  ainsi  ce  verbe:  je  hmj,  tu  hais,  tt 
hait,  nous  haijons,  vous  hayez,  ils  liayent,  ce  qui  était 
la  manière  des  provinces.  Ceux  qui  disaient  _;e  /m/le 
conjuguaient  ainsi  :  je  hdi,  tu  haïs,  il  haït,  nous  haïs- 
sons, vous  haïs.iez,  ils  haïssent.  Yaugelas  veut  que  l'on 
conjugue  ce  verbe  avec  le  singulier  des  Provinciaux  et 
le  pluriel  des  Parisiens.  C'est  aussi  l'avis  de  Ménage,  à 
la  réserve  de  je  hay,  qui  se  dit  à  Paris,  à  la  Cour  et 
dans  les  provinces. 

.S'/7  faut  dire  les  Souisses,  ou  les  Suisses.  —  Il  faut 
dire  les  Suisses  et  la  Suisse;  l'autre  prononciation  est 
provinciale  et  ancienne  (4  672). 

L'expression  je  ne  saurois.  —  Cette  expression,  qui 
est  «  l'imparfait  du  subjonctif  »  du  verbe  savoir,  se 
met  ordinairement  pour  je  ne  puis.  Mais  cela  ne  peut 
avoir  lieu  quand  cette  expression  est  précédée  de  si  et 
d'un  imparfait;  par  exemple,  on  ne  peut  dire  :  si  je 
mangeais  de  cela,  je  ne  saurois  dormir  la  nuit;  il  faut  : 
je  ne  pourrois,  chose  bizarre,  qui  témoigne  mieux 
qu'aucune  autre  de  l'extravagance  de  l'usage. 

S'il  faut  écrire  de  sang  froid,  ou  de  sens  froid;  de 
sang  rassis,  ou  de  sens  rassis.  —  Il  faut  écrire  de 
sang  froid,  car  les  Italiens  disent  de  même  a  sangue 
freddo.  Mais  il  faut  écrire  de  sens  rassis,  les  Latins 
ayant  dit  de  même  sedata  mente. 

Emploi  de  feu  pour  delTunct.  —  Deux  questions  se 
présentent  ici  :  de  qui  peut  se  dire /"^î/,  cl.-,'il  se  décline 
au  féminin,  c'est-à-dire  si  l'on  peut  dire  fruë. 
Il  est  à  remarquer  que  feu  et  deffunct  ne  se  disent 


que  des  personnes  mortes  que  nous  avons  vues  ou  pu 
voir;  ainsi  on  dit  feu  mon  père,  feu  mon  frère,  et 
jamais  feu  Platon,  feu  Cicéron,  si  ce  n'est  en  style 
burlesque.  Quand  on  parle  de  personnes  ayant  eu  la 
même  dignité,  ces  mots  ne  s'entendent  que  de  celle  qui 
est  morte  la  dernière. 

A  l'égard  de  la  seconde  question,  plusieurs  mettent 
feu  en  parlant  d'une  femme,  étant  persuadés  que  ce 
mot  vient  de  fuit  ;  mais  ils  se  trompent;  feu  se  décline, 
et  l'on  dit  la  feue  Reine  Mère  et  non  pas  la  feu  Heine 
Mère.  En  grammaire  la  feu  est  un  monstre. 

.S'(7  faut  dire  Fort-l'Evesque,  For-l'Evesque,  ou 
Four-l'Evesque.  —  Ceux-là  se  trompent  qui  mettent 
ici  an  t  k  Fort.  L'expression  est  en  latin  Forum  Epis- 
copi,  c'est-à-dire  le  lieu  où  s'exerçait  la  juridiction  tem- 
porelle de  l'évêque  de  Paris.  Celte  expression  est  ana- 
logue à  for  intérieur. 

Quant  à  la  prononciation.  For  l'Evesque  vaut  le 
mieux;  c'est  ainsi  que  parlent  les  honnêtes  gens. 

L'expression  demeurer  au  Faubourg.  —  A  Paris, 
quand  on  dit  je  demeure  au  Faubourg,  sans  rien  ajou- 
ter, cela  veut  dire  je  demeure  au  Faubourg  Saint 
Gerinain  (1672). 

Zes  verbes  amasser  et  ramasser.  —  Une  dame  de  la 
Ville  ayant  laissé  tomber  sa  coiffe  ou  son  masque  ne 
manquera  jamais  de  dire  à  son  laquais  :  Ramassez  ma 
coëffe,  ramas.'iez  mon  masque,  au  lieu  qu'une  dame  de 
la  Cour  dira  :  Ama.^sez  ma  coëffe,  amassez  mon  masque. 

Prononciation  de  la  diphthongue  oi.  —  Quand  il 
s'agit  d'un  discours  familier,  on  prononce  fraid,  sait, 
je  crai  dans  il  fait  grand  froid,  quoyqu'il  en  soit, 
je  le  croi;  mais  en  prêchant,  en  plaidant^  en  haran- 
guant, en  déclamant,  il  faut  prononcer  oi  dans  ces 
mots  par  un  son  éclatant.  Toujours  dans  le  styli  fami- 
lier, on  dit  un  grand  homme  drait  pour  droit;  un 
homme  adrait  pour  un  homme  adroit;  à  drait  et  à 
gauche  pour  à  droite  et  à  gauche.  Dans  le  sens  du 
latin  jus,  le  mot  droit  se  prononce  toujours  avec  le 
son  éclatant  de  oi. 

La  terminaison  oir  a  deux  prononciations  :  l'une 
fort  ouverte  et  faisant  sonner  \'r;  l'autre,  moins  ou- 
verte et  ne  la  faisant  pas  entendre;  les  mots  mouchoir, 
dortoir,  refectoir,  frotoir,  tiroir,  appartiennent  à 
cette  dernière. 

Dans  le  discours  familier,  le  mot  monnoie  se  pro- 
nonce monnaie. 

On  ^mnonca  saint  Benoist ;  mais  on  dit  un  grand 
benaist  et  un  henestier  (1672). 

On  dit  courtuis,  courtaisie;  raide,  raidir,  raideur; 
et  l'on  préfère  étrait  à  étroit. 

On  dit  également  les  Suédois  et  les  .Suédois;  les  Polo- 
7iois  et  les  Polonais. 

Plusieurs  personnes  prononcent  encore  les  François, 
V Académie  Françoise,  cela  n'est  pas  françois;  mais 
l'Académie  a  décidé  que,  dans  tous  ces  cas,  il  faut  dire 
français,  française. 

FIN. 

Le  RÉDAcrEDR-GÉRiNT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


T9 


BIBLIOGRAPHIE. 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Les  Martyrs  et  le  Dernier  des  Abencerages  ;  par 
Chateaubriand.  In-18  Jésus,  i7-2  p.  Paris,  lib.  Hachette  et 
Cie.  3  fr.  50. 

L'instruction  publique  dans  les  États  du  Nord, 
Suéde,  Nor-wége,  Danemarck  ;  par  C.  Hippeau,  pro- 
fesseur honoraire  de  faculté,  la-1'2,  x.\xv-32/i  p.  Paris, 
lib.  Didier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Théâtre  de  Marivaux  ;  publié'avec  notices  et  notes, 
par  George  d'HejUi.  Petit  in-12,  ssiu-i65  p.  et  porir. 
Paris,  Librairie  générale.  6  fr. 

Les  Armées  de  la  civilisation.  Les  Japonais  à  For- 
mose.  Les  Français  au  Toukiu.  Les  .anglais  à  la  Côte-d'Or. 
Les  Hollandais  à  Sumatra.  Suivi  delà  traite  des  Coolies  à 
Macao  ;  par  Edmond  Plauchut.  2«  édition,  ln-18  Jésus, 
vui-3i9  p.  Paris,  lib.  Calmana  Lévy.  3  fr.  50. 

Histoire  de  Léonard  de  "Vinci  ;  par  Arsène  Houssaye. 
2»  édition,  lû-12,  494  p.  et  portr.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie. 

UÎT. 


I      Sacha,  étude  parisienne;  par Fervaques.  2«  édition. 
In-18  Jésus,  284  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Œuvres  de  P.  L.  Courrier.  Publiées  en  3  vol.  et  pré- 
cédées d'une  préface  par  F.  Sarcey.  T.  I.  Ia-16,  xxxi-278  p. 
Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  3  fr. 

Petit  Dictionnaire  universel,  ou  abrégé  du  diction- 
naire d'E.  Littré,  de  TAcadémie  française.  Augmenté 
d'uue  partie  mythologique,  historique,  biographique  et 
géographique  par  A.  Bcaujean.  professeur  au  lycée  Louis- 
le-Grand.  ln-12  à  2  col.  912  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie. 
3fr. 

La  Femme  ;  par  J.  Michelet.  S"  édition.  In-18  Jésus, 
468  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  3  fr.  50 

Histoire  du  roi  Jean  Sobieski  et  du  royaume  de 
Pologne;  par  N.  A.  de  Salvandy,  de  l'Académie  française. 
Nouvelle  édition.  2  vol  in-8',  .\xxvi-968  p.  Paris,  lib. 
Didier  et  Cie. 

L'Institutrice  à  Berlin  ;  par  Mlle  Marie  Maréchal. 
2»  édition,  ln-18  Jésus,  290  p.  Paris,  lib.  Blériot. 


Publications  antérieures  ; 


HISTOIRES  DE  TROIS  MANIAQUES.  —  Par  Paul  de 
Musset.  —  Édition  complète  en  un  volume.  —  Paris, 
Charpentier  et  Cie,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Pri.ic  :  3  fr.  50. 


MARIE  DE  COMPIÈGNE,  d'après  I'Ev.axgile  .\us  fem- 
mes. —  Publié  pour  la  première  fois  d'après  les  quatre 
manuscrits  connus,  avec  des  notes  philologiques  et  histo- 
riques, et  une  dissertation  sur  l'origine  de  ce  fabliau.  — 
Par  M.  CoxsT.KXs,  professeur  agrégé  au  lycée  de  Sens.  — 
Paris,  librairie  Franck,  rue  Richelieu.  —  Prix  :  2  fr.  50. 


SœUR  PHILOMÈNE.  —  Par  Edmo.nd  et  Jules  de  Con- 
court. —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Pri.\  :  3  fr.  50. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  m.^rins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edou-\rd  Gœpp,  chef  de  bureau 
au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  M.\n- 
NouRY  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Je.\.n  B.\kv,  Duguay-Troui.s,  Scffres. 

—  Paris,  P.  Dticrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  4  fr. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  hommes 
de  guerre.  —  Première  série.  —  Par  Edou.a.rd  Gcepp, 
chef  de  bureau  au  .Ministère  de  l'instruction   publique. 

—  2«  édition,  ornée  de  quatre  portraits  et  de  trois  cartes. 

—  Ki.èber,  Des.ux,  Hocbe,  Marce.\c,  D.ic.mesnil.  —  Paris, 
P.  Ducron,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix, 
relié  :  4  francs. 


LA  JEL'NE  FILLE  ;  lettres  d'un  .vmi.  —  Ln  volume 
format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye,  avec 
fleurons,  lettres  ornées  de  culs-de-lampe.  —  Paris,  P. 
Ducroq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  PrLx  :  3  fr. 
50.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  5  fr. 


POÈMES  ET  FANTAISIES  (1867-1873).  —  Claudine.  — 
Que  sais-je?  —  L'Espoir  en  rhomme.  —  Prométhée.  — 
La  Légende  d'Lrfé.  —  Sonnets.  —  Par  Gust.vve  Vlnot.  — 
Paris,  librairie  des  Bibliophilex,  338,  rue  Saint-Honoré. 
—  Prix  :  3  francs. 


LA  CONQUÊTE  DE  PLASSANS.  —  Par  EiiiLE  Zol.v.  — 
Troisième  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires- 
éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  —  Prix  ;. 
3  fr.  50.  

ŒUVRES  DE  PHILARÉTE  CHASLES.  —  le  moyen-age. 
—  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris,  Charpentier 
et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Salnt-Ger- 
main.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  E.MAN  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugeias,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  NEVEUX  DU  PAPE.  —  Joannis.  —  Par  Gustave 
Vixot.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue  Saint- 
Honoré.  —  Prix  :  4  fr. 


•LES  SAULX-TAVANES  —  Etudes  sur  l'ancienne  Société 
française,  lettres  et  documents  inédits  —  Par  L.  Pinqaud, 


80 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon  —  Paris, 
librairie  Firmin  Didol  et  Cie,  imprimeurs  de  l'Institut, 
56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  6  fr. 


LE  CAMARADE  DE  VOYAGE.  -  Par  Andersen.  -  Tra- 
duction de  MM.  Grégoire  et  Moland.  —  Illustrations  de 
Yan  Dargent.  — Paris,  Garnier  frères,  libraires-éditeurs, 
6,  rue  des  Saints-Pères.  —  Prix  :  3  fr. 


ÉLÉMENTS  DE  GRAMMAIRE  FRANÇAISE,  rédigés  sur 
un  nouveau  plan,  avec  des  explications  tirées  de  la  gram- 
maire historique  et  précédés  d'une  Introduction  sur 
l'origine  de  notre  langue.  —  Par  G.  BoviER-LAPiEnnE,  an- 
cien professeur  à  l'École  normale  de  Cluny,  officier  de 
l'Instruction  publique.  —  Ouvragecouronné  par  la  Société 
pour  l'instruction  élémentaire.  —  A  Paris,  chez  Delagrave 
et  Cie,  rue  des  Ecoles.  —  1  vol.  in-12,  cart.  1  fr. 


REVUE  CRITIQUE  D'HISTOIRE  ET  DE  LITTÉRATURE. 

—  Recueil  hebdomadaire  publié  sous  la  direction  de  MM. 
C.  de  La  Berge,  M.  Bréal,  G.  Monod,  G.  Paris.  —  Dixième 
année.  —  Nouvelle  série,  i"  année  (1876).  —  Prix  d'abon- 
nement :    Un  au,  Paris,  20  fr.;    —  départements,   22  fr.; 

—  étranger,  le  port  en  sus  ;  —  un  numéro,  75  c.  —  Paris, 
Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte. 


Publications  périodiques  : 

par  an  pour  la  France  et  les  pays  faisant  partie  de  l'Union 
des  postes.  —  Paris,  bureau  du  Couriuer  LrTTÉR.\iRB,  33, 
rue  de  Seine. 


LE  COURRIER  LITTÉRAIRE,  revue  artistique,  biblio- 
graphique, scientifique  et  littéraire,  paraissant  le  10  et 
le  25  de  chaque  mois.   —  Prix  de  l'abonnement  :  20  fr. 


REVUE  SUISSE.  —  bibliographie,  archéologie,  littéra- 
ture, BE.\ux-ABTS.  —  Paraissant  le  !«■■  et  le  15  de  chaque 
mois.  —  Prix  par  an,  10  fr.,  et  le  port  en  sus  pour  l'étran- 
ger. —  Cette  revue,  qui  rend  compte  de  tous  les  ouvrages 
dont  on  lui  envoie  deux  exemplaires,  se  trouve  à  Paris, 
chez  MM.  Sandoz  et  Fischbaclier,  libraires-éditeurs,  33, 
rue  de  Seine. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Le  dix-septième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  aoilt  sera  clos  le  1"  décembre  1876.  —  Douze  médailles, 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrahce, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 


La  Société  des  études  historiques  a,  pour  l'année  1877,  mis  au  concours  pour  le  prix  Raymond  la  question 
suivante  :  Historique  des  institutions  de  prévoyance  dans  les  divers  pays,  et  spécialement  en  France.  —  Elle  vient 
de  décider  qu'en  1878  un  prix  de  1,000  fr.  sera  accordé  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  l'histoire  du  portrait 
en  Frayice  (peinture  et  sculpture). 

Le  Tournoi  poétique,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  ik'  année).  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien.  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements, 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


La  Société  nationale  d'éducation  de  Lyon  destine  pour  1876  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur 
ce  sujet  :  Quels  peuvent  et  doivent  être,  dans  l'étal  actuel  de  la  société,  les  rapports  de  l'Insliluleur  primaire  avec 
les  parents  de  ses  élèves?  —  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1877,  sous  le  nom  de  Prix  de  la  ville 
de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"''  Novembre  prochain,  à  M.  Palud,  libraire, 
k,  rue  de  la  Bourse,  à  Lyon. 

SOUSCRIPTION 

POUR 

LA  RÉIMPRESSION  DES  CINQ  PREMIÈRES  ANNÉES  DE  CE  JOURNAL. 


Les  cinq  premières  années  de  la  collection  du  Courrier  de  Vaugelas  se  trouvant  presque  entièrement  épuisées 
(il  ne  reste  plus  que  quinze  exemplaires  de  la  A«),  une  souscription  dont  voici  les  conditions  est  ouverte  pour  les  faire 
réimprimer  : 

!■>  L'original  sera  reproduit  intégralement  dans  ses  parties  essentielles,  avec  le  même  nombre  de  pages  et  sous  un 
format  identique; 

2"  La  réimpression  se  fera  de  manière  ii  fournir  une  année  tous  les  deux  mois; 

3°  Le  prix  de  chaque  année  (brochée)  sera  de  6  fr.  comme  celui  de  l'abonnement  au  journal  ; 

W  Les  années  seront  expédiées  franco  aux  souscripteurs  à  fur  et  mesure  de  leur  réimpression  ; 

5"  Chaque  année  sera  payable  aussitôt  après  qu'elle  aura  été  reçue; 

6"  Tout  souscripteur  qui  a  déjà  une  partie  de  ces  cinq  années  devra  désigner  celles  auxquelles  s'appliquera 
sa  souscription; 

7"  La  réimpression  commencera  dès  que  300  adhésions  auront  été  envoyées  au  Rédacteur. 

M.  Eman  Marlin,  Rédaclcur  du  Cohurier  dk  Vaugelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUl'ELEY  à  Nogent-le-Rotrou. 


7'  Année 


N"  11. 


1"  Novembre  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


FRANÇAI 
ParaUiant    1«    !•'  et    le    15    de    ebaqne   moia 

{Dans  sa  séance  du  [ï  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par  an,    6   fr.   pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvniges,    un    exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Emàn  Martin 

AN'CIEN      PROFESSEUR     SPECIAL     POUR     LES      ÉTBANOERS 

OflK  ier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 

Se  prennent  pour  une  année 
entière  et  parl(?nt  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soil  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


IMPORTANT. 

Le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  prie  ins- 
tamment les  personnes  qui  désirent  se  procurer  la  collec- 
tion complète  Je  son  journal  de  vouloir  bien  lire,  au  bas 
de  la  dernière  page,  les  conditions  d'une  souscription 
qui  lui  permettrait  d'en  faire  promptement  réimprimer 
les  cinq  premières  années,  presque  entièrement  épui- 
sées aujourd'hui. 


SO.MMAIRE. 

Communications  sur  Arlisane,  sur  Saducéen  et  sur  la  construc- 
tion d'une  phrase;  —  ÉtyraologFe  de  l'adjectif  Mièvre;  —  Si 
l'on  peut  employer  Embrouillamini;  —  Comment  on  doit 
former  les  dérivés  de  Silo;  —  Justitication  de  Informer  que. 

Il  Emploi  et  origine  de  l'expression  Après  grâces  Dieu  but;  — 
Si  Sainte  Sitouche  peut  s'appliquer  à  un  homme,  et  si  on  peut 
y  supprimer  Sainte;  —  S'il  faut  dire  Partisane  ou  Partisantc. 

Il  Passe- temps  grammatical,  jj  Biographie  de  Dominique 
Bouhours.  jj  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Cou- 
cours  littéraires,  jj  Souscription  pour  la  réimpression  des  cinq 
premières  années  de  ce  journal. 


FRANCE 


COM.MUNIGATIONS. 
I. 

Dans  mon  numéro  7,  page  50,  j'ai  donné  les  raisons 
qui  me  semblaient  propres  à  justifier  le  féminin  arli- 
sane, dont  une  lettre  était  venue  me  contester  la  légiti- 
mité et  l'opportunité.  L'auteur  de  cette  lettre  m'en  a 
écrit  une  autre  sur  le  même  sujet,  que  voici  entière,  à 
l'exception  de  quelques  lignes  : 

Honfleur,  7  septembre  1876. 
Monsieur  le  Rédacteur, 

Quoique  désespérant  un  peu  de  jamais  tomber  d'accord 
avec  vous  au  sujet  du  léminin  artisane,  je  vous  demande 
la  permission  d'insipter  encore  dans  mon  sens. 

Je  reconnais  volontiers  que  le  féminin  artisane  est  aussi 
régulièrement  fait  que  le  féminin  courtisane,  par  ctemple. 
Or,  puisque   courtisane  ne  tient  point  lieu  de  femme  de 


courtisan,  j'ai  bien  le  droit  do  douter  qu'artisane  tienne 
lieu  de  femme  d'artiMn,  en  l'absence  de  preuves  directes. 
Au  surplus,  pour  éviter  tout  rapprochement  blessant,  je 
me  bâte  d'ajouter  que  parmi  les  femmes  pouvant  à  la 
rigueur  se  qualifier  artisanes  beaucoup  sont  très-respec- 
tables et  même  la  grande  majorité  à  l'abri  de  la  médi- 
sance. 

11  est  certes  louable  de  chercher  à  abréger  le  discours. 
En  gardant  une  juste  mesure  toutefois  et  en  évitant  l'em- 
ploi des  composés  féminins  hors  leur  exacte  signification. 
Ainsi,  il  ne  faut  pas  dire  actrice  pour  femme  d'acteur,  mu- 
sicienne pour  femme  de  musicien,  institutrice  pour  femme 
d'instituteur.  Est-il  bien  certain  que  toute  femme  d'insti- 
tuteur sache  lire?  11  serait  du  dernier  fàcheu.x  d'intro- 
duire une  telle  confusion. 

En  somme,  arlisane  est  une  sorte  de  néologisme  assez 
peu  nécessaire  dans  la  langue  des  métiers,  où  déjà  l'usage 
du  masculin  artisan  est  passablement  rare,  à  tort  ou  à 
raison.  Enfin,  si  Ion  tient  absolument  à  ce  féminin,  on 
devrait  le  définir  approchant  comme  il  suit  : 

<L  Artisane,  femme  dont  le  travail  est  assimilable  au  tra- 
vail de  l'artisan  homme.  » 

Alors  les  très-remarquables  ouvrières  auxquelles  l'indus- 
trie parisienne  confie  la  façon  des  modèles  seront  de 
vraies  artisanes  sans  le  secours  des  liens  du  mariage.  De 
même  la  tailleuse,  sans  être  forcément  la  femme  d'un 
tailleur,  alliance  très-rare,  par  parenthèse,  n'en  sera  pas 
moins  une  artisane,  tout  comme  son  analogue  masculin. 
artisan  taillant  et  montant  des  vêtements  lui  aussi.  Il  faut 
donc  se  garder  d'attribuer,  sans  plus  ample  informé,  une 
seule  et  unique  profession  à  des  conjoints,  sous  peine  de 
chopper  comme  les  braves  gens  qui  veulent  absolument 
que  la  femme  d'un  ouvrier  soit  toujours  une  ouvrière. 
A  ce  compte  seraient  des  ouvrières  les  épouses  très-légi- 
times des  ouvriers  Marchais  peuplant  les  chantiers  de 
Paris,  ou  autres  grands  centres  de  travaux,  tandis  qu'elles 
sont,  bel  et  bien,  des  paysannes  cultivant  de  leurs  mains 
rustiqups,  en  l'absence  du  mari,  le  petit  domaine  du  mé- 
nage. Je  doute  fort  qn'ouirier  et  paysanne  soient  syno- 
nymes. 

Il  me  reste  à  me  disculper  du  défaut  de  respect  pour 
l'autorité  linguistique  des  romanciers  et  autres  fantai- 
sistes contemporains.  J'avoue  mon  crime  et  je  ne  suis 
point  prêt  à  m'en  repentir;  car  l'écrivain  de  l'une  et  de 
l'autre  de  ces  catégories  se  goure  trop  souvent  à  propos 
des  choses  les  plus  vulgaires  de  ce  bas  inonde,  dont  il  est 
ignorant  d'ordinaire  autant  qu'homme  de  France.  Ce  n'est 
pas  à  dire  qu'à  l'occasion  les  lexicographes  en  titre  soient 


82 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


mieux  renseigné?,  puisque  l'on  trouve  dans  un  gros  dic- 
tionnaire très-prôné  la  jolie  phrase  que  voici  : 

«  Arche  avalante,  arche  d'un  pont  où  le  courant  de  l'eau 
est  très-rapide.  » 

J'ai  l'honneur  d'être,  Monsieur  le  Rédacteur,  votre  très- 
humble  serviteur, 

Charles  Maisonrouge. 

Je  remercie  M.  Maisonrouge  de  n'avoir  pas  craint 
d'insister  sur  la  question  soulevée  au  sujet  du  fémi- 
nin artisans;  car  sa  communication  renferme  des 
réflexions  de  la  plus  grande  justesse  qui  plairont  cer- 
tainerncnt  à  mes  lecteurs,  et  dont  je  ne  serai  pas  le  der- 
nier à  tirer  profit. 

II. 

La  lettre  suivante  exprime  une  opinion  toute  con- 
traire à  celle  qu'a  émise  dernièrement  M.  le  colonel  de 
l'Espée,  et  un  doute  sur  la  présence  indispensable  d'un 
pronom  devant  le  verbe  principal  d'une  phrase  dont  j'ai 
déjà  donné  la  correction  : 

Clermont-Ferrand,  8  octobre  1S7C. 
Monsieur, 

Permettez-moi  de  vous  dire  que  M.  Littré  a  raison,  et 
pour  lèlymologie  et  pour  l'orthographe  du  mot  Saducccn. 

Quant  à  l'explication  donnée  par  M.  le  colonel  de  l'Es- 
pée, c'est,  pour  ce  qui  concerne  l'hébreu,  de  la  haute  fan- 
taisie. 

La  racine  Zadock  signifie  en  hébreu  :  juste,  Juiii/icr, 
acquitter.  Il  n'y  a  pas,  dans  toute  la  langue  hébraïque,  un 
seul  mot  qui  ait  le  sens  de  croire  ou  de  croi/ance.  Un 
Hébreu  serait  très-embarrassé  s'il  voulait  traduire  les 
mots  :  croyant,  loijal. 

Le  nom  propre  Zadoc,  d'où  Sadoc,  le  premier  Saducéen, 
s'écrit  sans  darjuesch  dans  la  lettre  D.  Or,  le  dayuescti  est 
un  petit  point  que  l'on  met  dans  cette  lettre  et  qui  indique 
qu'il  faut  la  prononcer  fortement.  Le  daguesch  n'existant 
pas  dans  Sadoc,  il  faut  écrire  Saducéen. 

Recevez  l'expression  de  ma  haute  considération, 

Ch.  Bn;.M,  rabbin. 

P. -S.  Merci  de  votre  dernière  correction  ;  mais  je  n'en 
persiste  pas  moins  à  soutenir  que  la  phrase  en  question 
serait  bien  plus  euphonique,  si  l'on  y  supprimait  le  pro- 
nom elle.  Dans  les  exemples  cités,  il  n'y  en  a  qu'un  seul 
de  concluant  :  Lucinius  se  doutant  de  l'imposture,  il  fit 
mettre,  etc.  Les  trois  autres  sont  réguliers  et  il  n'y  a  pas 
de  pronom  faisant  double  emploi  avec  le  sujet  de  la 
phrase.  Car  c'est  sur  ce  point  que  portait  mon  observa- 
tion. 

La  question  relative  à  l'ortliographe  de  Saducéen  me 
paraissant  assez  élucidée  pour  que  je  sois  dispensé  d'y 
revenir  (à  l'instant  môme  où  j'écris  ces  lignes,  je  rerois 
de  M.  Louis  Priou,  interprète  judiciaire  près  le  tribu- 
nal de  .Moiitaganem  et  ancien  professeur  au  collège' 
arabe-franrais  d'Alger,  une  lettre  qui  confirme  égale- 
ment l'opinion  de  M.  Littré  à  cet  égard),  il  me  reste 
seulement  à  répondre  au  post-scriptuni  de  la  lettre  |)ré- 
cédente,  c'est-à-dire  à  insister  sur  la  nécessité  de  mettre 
elle  devant  s'emploie  dans  celte  phrase  du  Courrier  de 
VaiKjelas  {V  année,  p.  32)  : 

«  L'exprefBion  yràcc  à  signifiant  par  le  fail  de,  par  le 
secours  de,  elle  s  emploie  aussi  bien  devant  un  substantif 
exprimant...  » 

Parmi  les  exemples  cités  par  moi  dans  ma  première 
justification,  M.  Blum  trouve  qu'il  n'y  a  de  concluant 
que  le  dernier,  qui  est  de  Fontenellc  : 


Lucinius  se  doutant  de  l'imposture,  il  fit  mettre  à  la  tor- 
ture le  prophète  de  ce  nouveau  Jupiter. 

Je  regrette  d'avoir  à  le  dire,  mais  mon  honorable 
contradicteur  se  trompe  encore  une  fois. 

En  ell'el,  la  tournure  dont  j'ai  parlé  n'affectant  au- 
cunement la  proposition  principale,  ce  que  j'ai  cherché 
à  mettre  en  évidence  en  faisant  imiirimer  tous  les 
termes  de  la  causale  en  italique,  il  s'ensuit  que  le  verbe 
de  cette  proposition  doit  toujours  être  précédé  d'un 
pronom  s'accordant  avec  le  sujet  du  participe  présent, 
si  ce  sujet  est  un  substantif  et  si  les  deux  verbes 
expriment  une  action  faite  par  la  même  personne. 
Ainsi,  les  exemples  cités  dans  le  numéro  !)  deviennent, 
lorsqu'ils  remplissent  cette  double  condition  : 

Cet  homme  lisant  pour  s'éclairer,  il  lit  en  philosophe. 

Les  soldats  n'ayant  point  de  paie,  ils  ne  pouvaient  être 
retenus. 

Gil  Btas  n'étant  pas  obligé  d'aller  à  grandes  journées,  il 
employa  quinze  jours  à  se  rendre  à  Lirias. 

La  raison  d'euphonie  est  secondaire  ici  ;  il  faut  avant 
■tout  que  la  règle  syntaxique  soit  observée,  sans  quoi  la 
phrase  renferme  une  faute  intolérable. 


Première  Question. 

Quelle  est  l'étymologie  du  mot  mièvre,  dont  vous 
avez  donné  ou  plutôt  rectifié  l'emploi  dans  votre  nu- 
méro 7? 

Parce  qu'eu  Normandie  on  dit  nirvre  au  lieu  de 
mièvre,  Ménage  en  conclut  que  ce  dernier  vient  du 
latin  nebulo,  qui  signifie  un  vaurien,  un  polisson. 

Cette  étymologie  conviendrait  sans  doute  assez  bien 
pour  la  forme  au  normand  nièvre;  mais,  sans  parler 
de  la  disparition  du  sens,  m  initiale,  comme  le  fait  très- 
bien  observer  M.  Littré,  se  change  quelquefois  en  n,  et 
non  pas  n  en  »?,  ce  qui  empêche  d'admettre  l'assertion 
de  Ménage. 

Selon  vous,  la  syllabe  mi  de  mièvre  pourrait  jouer 
dans  ce  mot  le  même  rôle  que  dans  migraine,  mi-ca- 
rcme,  mi-aoùt,  etc.,  et  le  surplus  cvre  serait  un  radical 
venant  du  latin  ebrius  comme  le  vieux  provençal  ebriac 
et  comme  l'italien  ebrio  ou  ebro,  attendu  qu'assez  ordi- 
nairement un  homme  à  moitié  ivre  est  vif,  remuant, 
plaisant  et  malicieux. 

Pour  moi,  cette  étymologie  est  aussi  impossible  que  la 
précédente;  car  si  w^'ccre  venait  de  mi  cl  dacbriiis,  il 
ne  s'appliquerait  pas  aux  jeunes  enfants  qui,  parmi 
leurs  défauts,  ne  comptent  pas  du  moins  celui  de  l'ivro- 
gnerie; et,  d'un  autre  côté,  remarque  non  moins  im- 
portante, la  jiarticule  mi  ne  se  met  que  devant  les  subs- 
tantifs, et  jamais  devant  les  adjectifs. 

Voici,  je  crois,  la  véritable  origine  de  mièvre. 

Ce  mot  a  d'abord  élé  prononcé  mieurre  (une  com- 
munication insérée  dans  le  n»  10  est  toute  favorable  à 
cette  opinion).  Or,  mieuvre  s'est  formé  selon  toute  ap- 
parence comme  pieuvre,  qui  vient,  lui,  d'un  type 
polyus  {'polypus]  transformé  en  poplus,  qui  a  donné 
peuvle,  peuvre,  et  par  diphthongaison  pieuvre.  D'où  il 
suit  qu'il  est  parfaitement  admissible  que  mièvre,  qui 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


83 


signifie  comme  je  l'ai  dit  mouvant,  vienne  de  nwhilis, 
mobile,  agile,  vif,  transformé  successivement  dans  notre 
langue  en  meuble,  meurle,  meuvre  et  mieicvre. 

Si  vous  me  demandiez  maintenant  comment  le  nor- 
mand nièvre  peut  s'accorder  avec  cette  étjmologie,  je 
répondrais  tout  simplement  ceci  : 

Au  lieu  que  le  terme  normand  ait  été  formé  du  terme 
français,  c'est  le  contraire  qui  a  eu  lieu  :  notre  wiièfre, 
en  vertu  de  la  permutation  possible  de  m  en  n,  est 
devenu  tiirne.  Comme  je  l'ai  déjà  fait  voir,  inièfre 
est  fort  ancien  dans  notre  langue;  qu'y  a-t-il  d'éton- 
nant à  ce  qu'il  ait  donné  nicrre  à  la  Normandie,  mi'uie 
dans  l'hypothèse  où  celui-ci  existerait  depuis  plusieurs 
siècles  dans  le  patois -de  cette  ancienne  province? 

X 
Seconde  Question. 
Apri'S  avoir  mis  en  relief  certaines  irrégularités  exis- 
tant dans  la  comptabilité  financière  de  l'empire  turc, 
le  journal  la  Phesse  termine  ainsi  sa  phrase  :  «  C'est 
un  EMBRODiLLAMiNi  dout  il  u'cst  pas  possible  de  déter- 
miner exactement  la  cause,  etc.  »  J'estime  qu'il  faut 
dire  «  C'-est  un  bhouillamini  ».  Vous  apprécierez,  et  si 
vous  le  jugez  utile,  vous  ferez  connaître  cette  apprécia- 
tion à  vos  lecteurs. 

Le  substantif  6roMi//a?n(ft(',  au  sens  de  confusion,  est 
sorti  de  l'officine  des  apothicaires,  comme  le  prouve  la 
définition  suivante  donnée  à  ce-mot  par  la  première 
édition  de  l'Académie  (1694)  : 

Brouillamini,  s.  tn.  Drogue  où  il  entre  plusieurs  sortes 
de  choses  en  composition.  C'est  un  brouillamini,  c'est  du 
brouillamini  que  cela. 

On  dit  fig.  que  c'est  un  brouillamini,  c'est  du  brouillamini 
que  cette  rt/J'aire,  pour  dire  que  c'est  une  chose,  que  c'est 
une  affaire  à  laquelle  on  n'entend  rien. 

Quant  à  embrouillamini,  c'est  un  terme  qui  a  été  fait 
à  l'imitation  debronillamini,  quand  celui-ci  en  fut  venu 
à  s'employer  au  figuré  (il  n'existe  ni  dans  la  première 
édition  de  .Ménage,  qui  parut  en  1650,  ni  dans  la  pre- 
mière édition  de  l'Académie)  :  on  pouvait  croire  que 
brouillamini  dérivait  du  verbe  brouiller,  qui  existait 
en  français  depuis  le  xiii''  siècle  au  moins;  on  fit  nalu- 
rellement  embrouillamini  de  embrouiller  quand  celui-ci 
fut  entré  à  son  tour  dans  la  langue,  ce  qui,  d'après 
l'historique  de  M.  Littré,  semble  ne  pas  avoir  eu  lieu 
avant  le  règne  de  François  I". 

Or,  de  même  que  embrouillement ,  substantif  de  em- 
brouiller,  est  le  synonyme  de  brouillement ,  substantif 
de  brouiller,  de  même  le  nouveau  vocable  embrouilla- 
mini est  devenu  le  synonyme  de  brouillamini,  et  s'est 
employé  en  cette  qualité  jusqu'à  notre  temps,  preuve 
ces  exemples  : 

Voilà  un  embrouillamini  où  je  ne  comprends  rien. 

(Dancourt,  Chcv.  à  In  mode.  H,  8.) 

Il  y  a  au  troisième  acte  un  embrouillamini  qui  me  dé- 
plaît, et  au  cinquième,  il  y  a  deux  poignards  qui  me  font 
de  la  peine, 

(Voltaire,  Litlrcs  d' Argeiital,  aG  nov.  17G0.) 

Sapristi,  quel  embrouillamini,  quel  pataqucs. 

(Eoii'c  Augier,  dans  Larousse.) 


Par  conséquent,  malgré  les  auteurs  du  Dictionnaire 
de  Noël  et  Chapsal,  qui  prétendent  que  «  ce  mot  n'est 
pas  français  »,  je  suis  parfaitement  convaincu  que  le 
journal  la  Presse  n'est  point  à  reprendre  pour  en 
avoir  fait  usage  dans  la  phrase  que  vous  avez  sou- 
mise à  mon  appréciation. 

X 
Troisième  Question. 

A  propos  de  mettre  en  tas  dans  la  terre  des  betteraves 
pour  les  conserver  et  les  préserver  du  froid,  plusieurs 
hommes  du  métier  disent  :  les  uns,  ensiloter,  ensilo- 
tage;  les  autres,  ensiler,  E^S1LAGE.  Laquelle  de  ces 
deux  sortes  d'expressions  est  préférable,  selon  vous? 

Tous  les  mots  de  la  langue  française  finissant  par  o 
forment  les  dérivés  qu'ils  peuvent  avoir  au  moyen  d'un 
t  et  de  la  finale  qui  convient  à  leur  espèce,  fait  dont 
voici  la  preuve  : 

Agio        donne  Agioter,  agio^offc. 

Domino      —      Uominotier. 

Echo  —      Echof/er  (nouv.). 

Ergo  —     Ergoïf;-,  ergo/c!/;-,  etc. 

Folio  —      Foliotée.  loYioiagc. 

Indigo        —      Indigo/zer. 
■  Piano         —      Pianoto-. 

Numéro      —      i\"uméro/«'. 

Or,  attendu  que  les  mots  de  votre  question  sont  des 
dérivés  de  silo,  terme  espagnol  qui  désigne  une  exca- 
vation, une  fosse  creusée  dans  le  sol  où  l'on  dépose  des 
grains,  etc.,  pour  les  conserver,  il  s'ensuit  naturelle- 
ment que  c'est  ensiloter  et  ensilotage  qu'il  faut  dire,  et 
non  ensiler,  ensilage. 

X 
Qualrioinc  Question. 

Cette  phrase  si  souvent  employée,  même  par_  les 
plumes  les  plus  autorisées  :  «  J'ai  l'honneur  de  vous 
informer  qce...  »  est-elle  française?  Dans  toutes  les 
grammaires  que  j'ai  fouillées,  j'ai  acquis  la  preuve 
(le  la  négative,  en  ce  sens  que,  dans  aucune,  je  n'ai 
trouvé  un  seul  exemple  qui  autorisât  l'emploi  de  cette 
phrase.  Et,  pourtant,  il  y  a  peu  de  jours  encore,  un 
général  bien  connu  s'en  servait  dans  une  lettre'publique. 
Je  serais  heureux  de  lire  votre  réponse  dans  un  de  vos 
prochains  numéros. 

J'ai  démontré  dans  la  6"  année  du  Courrier  de  Vau- 
gclas,  p.  130,  que  l'expression  Informer  que  est  tout 
aussi  française  que  se  douter  que,  enrager  que,  avertir 
que,  se  ■■ioucier  que  et  une  foule  d'autres  composées 
également  d'un  verbe  voulant  de  après  lui  quand  suit 
un  substantif  ou  un  infinitif,  et  que,  lorsque  c'est  un 
verbe  à  un  mode  personnel. 


ETRANGER 


Première  Question. 
Quels  sont,  s'il  vous  plaît,  l'origine  et  les  cas  d'em- 
])loi  de   l'expression  AruÈs  ckaces  Diei'  but?  Je  n'ai 


S4 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


jamais  pu  trouver  un  renseignement  qui  me  donnât 
pleine  satisfaction  là-dessus. 

Le  cas  d'emploi  de  cette  expression  est  facile  à  indi- 
quer :  on  prononce  les  paroles  après  grâces  Dieu  but 
pour  inviter  quelqu'un  à  boire  lorsque  le  repas  qui  se 
terminait  autrefois  par  une  prière  appelée  les  grâces) 
est  complètement  fini. 

Quant  à  son  origine,  il  a  été  émis  deux  opinions 
que  je  vais  vous  faire  connaître  : 

On  lit  dans  Peignol  [Amusem.  p/tilolog.,  p.  399)  : 

On  sait  que  la  petite  prière  qui  se  récite  après  le  repas 
sous  le  nom  de  grâces,  est  fort  ancienne,  et  qu'elle  a  été 
répandue  par  toute  la  chrétienté  comme  elle  l'est  encore 
dans  les  maisons  où  la  piété  s'est  conservée.  Cependant,  il 
arriva  dans  le  moyen  âge  que  les  .\llemands  fort  relâchés, 
négligèrent  ce  pieux  usage,  et  se  mirent  peu  en  peine  de 
le  reprendre.  On  eut  beau  y  exhorter  les  chanoines  et  les 
moines  dans  un  concile  tenu  à  Jlaytnce  en  847,  ces  exhor- 
tations furent  inutiles,  .\lors,  que  fit  le  pape  Honorius 
pour  réprimer  ces  abus?  11  connaissait  les  Allemands;  il 
usa  vers  l'"6  d'un  expédient  très-conforme  à  leur  goût; 
ce  fut  d'accorder  des  indulgences  à  tous  ceux  de  cette  na- 
tion qui  boiraient  un  coup  après  avoir  dit  grâces.  Le 
succès  fut  complet;  dés  lors  personne  n'a  manqué  à  rem- 
plir ce  devoir  religieux  avec  une  exactitude  ponctuelle  et 
vraiment  édifiante.  Le  fait  est  raconté  par  un  auteur  très- 
grave  nommé  Beotius  Epo.  De  là  est  venu  le  proverbe  : 
«  Après  grâces  Dieu  but  ». 

Mais  quelle  que  soit  la  gravité  de  Beotius  Epo,  comme 
le  fait  qu'il  relate  n'expliquerait  à  mon  avis  le  proverbe 
en  question  que  si,  autrefois,  le  peuple  allemand  s'était 
appelé  i>(e«,  ce  que  personne  n'ajamais  vu,  que  je  sache, 
mentionné  dans  l'histoire,  je  rejette  cette  explication 
comme  entièrement  insuffisante. 

D'après  M.  VioUet-le-Duc  commentant  le  vers  sui- 
vant du  vieux  Régnier  [Satyre,  II)  : 

Après  grâces  Dieu  but,  ils  demandent  à  boire. 
là  façon  de  parler  dont  il  s'agit  viendrait  plutôt  de  ce 
passage  de  l'Évangile  (Saint  Marc,  ch.  XIV,  vers.  23)  : 

Et  accepto  calice,  gracias  agens  dédit  eis  et  biberunt  rx 
illo  omnes  —  {Et  ayant  pris  le  calice,  après  avoir  rendu 
grâces,  il  le  leur  donna,  et  ils  en  burent  tous). 

Quand  je  songe  que  nos  pères  disaient  Dieu  en  par- 
lant de  Jésus-Christ ,  ce  qui  est  mis  hors  de  doute  par 
certains  de  leurs  jurons,  tels  que  corbleu  (corps  de 
Dieu),  morbleu  (mort  de  Dieul,  palsambleu  (par  le  sang 
de  Dieu),  par  exemple,  lesquels  ne  pouvaient  être  que  des 
allusions  a  Dieu  ayant  forme  humaine,  il  me  semble 
que  cette  seconde  explication,  qui  donne  pour  sens  au 
proverbe  :  après  grâces  Jésus-Christ  Imt,  on  peut  bien 
faire  de  même,  est  non-seulement  meilleure  que  la  pre- 
mière, mais  de  plus,  qu'elle  est  la  véritable. 

X 

Seconde  QuesUon. 

Au  sujet  de  Sainte  Nitouciie,  expliqué  dans  votre 
W  8,  permettez  que  je  vous  adresse  ces  deux  autres 
questions  :  cette  expression  peut-elle  s'appliquer  aussi  à 
un  homme,  e(  peut-on  employer  Nitoucue  sans  le  faire 
précéder  de  Sainte? 


Il  n'est  pas  rare,  il  me  semble,  de  rencontrer  sainte 
Nitouche  appliqué  à  un  homme,  comme  dans  cet 
exemple  : 

Est-ce  que  par  hasard  vous  seriez  un  finaud  avec  votre 
air  de  sainte  nitouche!' 

(Ch.  de  Bernard,  le  Gendre,  §  IX.) 

Mais,  selon  moi,  c'est  un  abus,  et  je  vais  vous  faire 
connaître  les  motifs  qui  m'inclinent  à  penser  de  cette 
manière. 

On  trouve  dans  le  Dictionnaire  de  Littré  que  le  verbe 
y  toucher  s'emploie  pour  «  avoir  de  la  malice  »,  ce  qui 
est  démontré  par  ces  exemples  : 

Voyez  un  peu,  dirait-on  qu'il  y  touche? 

(  La  Fontaine,  Gag.) 

C'était  une  vieille  pleine  de  traits  et  de  sel,  qui  coulaient 
de  source,  sans  faire  semblant  rf'y  touc/ier  et  sans  aucune 
affectation. 

(Saint-SimoD,  104,110.) 

On  dit  aussi  d'un  hypocrite  malicieux  qui  fait  le  niais, 
qu'il  ne  semble  pas  qu'il  y  touche. 

(Furetiere,  Dicl.) 

Or,  comme  c'est  y  toucher,  employé  négativement 
dans  ce  sens,  qui  a  donné  Nitouche,  et  que  ce  même 
verbe  se  dit  indifféremment  des  deux  sexes,  je  crois 
que  si  l'on  einploie  Nitouche  précédé  de  sainte  en  par- 
lant d'une  femme,  on  doit  logiquement  employer  ce 
mot  précédé  de  saint  lorsqu'on  parle  d'un  homme. 

Voici,  du  reste,  en  faveur  de  saint  Nitouche,  ce  qui 
se  lit  dans  Moisant  de  Brieux  [Orig.  de  quelq.  coût,  de 
parler,  p.  174,  éd.  Georges  Garnier)  : 

Il  faut  écrire  snint-ny-louche.  Un  hypocrite,  un  homme 
qui  fait  tellement  du  saint,  et  du  scrupuleux,  qu'il  fait  cons- 
cience de  toucher,  quand  ce  ne  seroit  que  du  bout  du 
doigt,  à  rien  qui  soit  souillé,  ou  estimé  profane. 

Je  passe  maintenant  à  la  partie  de  votre  question 
concernant  la  sujipression  de  .mainte  ou  .■iaint. 

Notre  peuple  a  l'habitude  d'employer  ces  termes  par 
dérision  devant  certains  noms  exprimant  des  défauts 
relatifs  au  moral  ou  au  physique  des  individus.  Ainsi, 
chez  lui,  un  homme  lent  dans  son  allure  est  un  saint 
Lambin;  un  paresseux,  un  saint  Lâche;  une  femme  qui 
n'est  douce  qu'en  apparence,  une  sainte  Sucrée,  etc. 

Or,  dans  toutes  ces  canonisations  populaires,  les 
mots  saint  et  sainte  sont  évidemment  superflus  au  pre- 
mier chef,  car  on  peut  dire  tout  simplement  un  lambin, 
un  ^«(7(6,  un  licheur,  une  sucrée,  etc. 

Il  doit  donc  en  être  de  même  pour  sainte  Nitouche, 
ce  que  M.  Littré  exprime  tacitement  quand  il  dit 
«  Sainte  Mitouche,  ou  simplement  Mitouche,  »  et  que 
corrobore  l'exemple  qui  suit  : 

Tu  fais  la  Mitouche  [Nitouche]  hors  de  saison. 

(Favart,  Cherch.  d'esprit,  te.  n.) 

X 

Troisième  Question. 

Laquelle  des  deux  formes  rAUiiSAVE  et  partisante 
pensez-vous  la  meilleure  pour  le  féminin  de  partisan'? 

A  la  vérité,  je  viens  de  trouver  partisante  dans  une 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS, 


85 


phrase  de  Ninon  de  Lenclos,  citée  par  M.  Littré,  et  dans 
la  suivante,  que  me  fournit  le  journal  la  France  du 
■17  octobre  1816  : 

L'Union,  partisantt  d'un  armistice  de  six  mois,  trouve 
dérisoire  l'armistice  de  six  semaines  proposé  par  la  Russie. 

Mais  dans  notre  langue,  les  noms  terminés  par  an 
au  masculin  forment  généralement  leur  féminin  en  une 
ou  anne  ;  et,  depuis  le  xv^  siècle,  partisane  y  est  en 
usage,  ainsi  que  le  montrent  ces  exemples  : 

La  marquise  de  Monlferrat.,.  grande  partisane  des  Fran- 
çois... 

(Commines,  VIII,  9  ) 

Telle  estoit  alors  l'afTection  partisane  [l'attachement  à 
son  parti]. 

(D'Aubigné,  Hist.,  111.  455  ) 

Elle  vous  rendait  bien  justice;  vous  n'aviez  point  de  par- 
tisane plus  sincère. 

(Voltaire,  Lettr.  Mme  du  Bocage,   13  octobre  1749.) 

Cratès,  vieux,  laid  et  bossu,  trouve  une  partisane  jeune 
et  jolie,  aux  yeux  de  qui  le  zèle  de  la  science  changea  ses 
défauts  en  agréments. 

(Llnguet,  cité  par  Noël  et  Carpent.) 

D'où  je  conclus  avec  assurance  que,  des  deux  formes 
féminines  données,  partisane  est  la  seule  qui  soit  vrai- 
ment française. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1'...  dont  l'origine  crcole  est  fort  apparente  (on  ne  peut  dire 
marqué  de  créole  comme  on  dit  marqué  de  petite  vérole)  ;  — 
1°...  avec  cel:i,  un  vent  à  écorner  des  bœufs;  —  3°...  ou  de  ses 
grands  yeux  Wt'K»  (le  besoin  du  néologisme  céruléen  ne  se  fait 
nullemcnl  sentir);  —  4°...  à  Paris,  les  bruits  les  plus  alarmants 
continuent  à  circuler  (Voir  pour  l'emploi  de  la  forme  imperson- 
nelle Courrier  de  Vaugelas,  1"  année,  n°  I,  p.  i);  —  à'...  de 
ses  sujets ,  revenu  du  Sénégal  (Voir  Courrier  de  Vaugelas, 
5"  année,  p.  17Î);  —  6°...  elle  est  composée  moitié  d'hommes 
et  de  femmes  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  3'  année,  p.  83;  — 
7'  Ils  ont  tellement  soif  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  5'  an- 
née, p.  116);  —  S'...  se  sont  laissé  loucher  (le  verbe  à  l'infinilif 
a  le  sens  passif  relativement  au  régime  direct);  —  9°...  ne  son- 
geait plus  guère;  —  10°...  un  département  qui  coii/tne  à  la  Pro- 
vence [affiner  a  ut»  sens  tout  différent). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1°  Tanger,  comme  ses  sœurs  africaines,  est  une  agglo- 
mération de  maisons  en  délabre  plus  ou  moins  bien  blan- 
chies à  la  cliaux,  plaquées  au-v  flancs  d'une  colline  et 
commandées  par  un  château  crénelé. 

2'  Plus  que  jamais  le  sol  tremble  sous  les  pas  des  Chré- 
tiens; plus  que  jamais  l'orage  gronde  sur  leurs  tètes,  plus 
que  jamais  leur  sang  est  prêt  à  couler. 

3'  On  a  assez  souvent  reproché  aux  Français  le  goût  des 
vaines  parades  pour  que  nous  voyons  avec  plaisir  des 
allures  plus  sérieuses  et  plus  simples  prévaloir  chez 
nous. 

4*  Avant  de  mourir,  M.  Sainte-Glaire  Deville  a  exprimé  le 
désir  que  son  enterrement  se  fasse  sans  pompe  ni  accom- 
pagnement de  troupes. 


5°  C'est  dimanche  qu'auront  lieu,  dans  toutes  les  com- 
munes rurales  de  France,  l'élection  des  maires  et  adjoints 
qui  doivent  être  choisis  dans  le  sein  des  conseils  muni- 
cipaux, par  les  membres  de  ces  assemblées. 

6'  Si  nous  nous  sommes  laissés  devancer  par  un  Italien 
dans  la  publication  des  pièces  d'un  procès  si  fameux,  nous 
devons  nous  en  prendre  à  la  négligence  ou  à  la  prudence 
du  gouvernement  français. 

7°  Malgré  sa  puissance  illimitée  sur  ses  sujets  et  sujettes, 
le  roi  de  Dahomey,  tout  noir  qu'il  soit  comme  un  charbon- 
nier, n'est  cependant  pas  absolument  maître  chez  lui. 

8°  Le  Ningar  [ministre]  se  couche  à  plat  ventre,  reçoit 
des  lèvres  lippues  du  souverain  l'arrêt  d'exécution  et  fait 
aussitôt  porter  les  victimes  sur  une  plate-forme  haute  de 
vingt  pieds  au-dessus  du  sol. 

9°  Chose  digne  d'observation,  c'est  que  ce  sont  les  plaines, 
jadis  si  fertiles  et  si  productives,  où  le  rendement  s'abaisse 
le  plus. 

10*  Indépendamment  de  ménages  comple's  que  nous 
chargeons  à  destination  de  Nemours,  on  nous  donne  des 
passagers  dont  la  physionomie  ne  laisse  pas  que  de  nous 
inquiéter  beaucoup  :  ce  sont  des  barillets  de  cartouches  de 
guerre. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVIP  SIÈCLE. 

Dominique  BOUHOURS. 

Né  à  Paris  en  1628,  jésuite  en  K)4.1,  à  l'âge  de  16 
ans,  Bouhours  professa  d'abord  les  humanités  à  Paris, 
et  la  rhétorique  à  Tours. 

Après  celle  épreuve,  qu'il  subit  avec  honneur,  il  fui. 
chargé  de  l'éducation  des  jeunes  princes  de  Longue- 
ville,  et  ensuite  de  celle  du  marquis  de  Seigneley,  fils 
de  Colberl. 

Tourmenté  toute  sa  vie  par  de  violents  maux  de  tête, 
il  mourut  à  Paris  le  27  mai  1702,  à  l'âge  de  75  ans. 

D'après  l'abbé  de  Longuerue,  Bouhours  était  un 
homme  poli,  ne  condamnant  personne,  et  cherchant  à 
excuser  tout  le  monde.  La  nalure,  ajoute  le  P.  Nicéron, 
lui  avait  donné  un  air  agréable  et  une  physionomie 
spirituelle. 

La  critique,  qui  l'occupa  longtemps,  lui  fit  des  amis 
el  des  ennemis  ;  les  premiers  le  louèrenl  d'avoir  con- 
tracté dans  l'usage  du  monde  des  manières  polies,  un 
caractère  indulgent,  affable,  officieux,  une  Humeur 
toujours  égale,  en  santé  comme  en  maladie  ;  d'avoir  su 
garder  les  bienséances  de  son  état  au  dehors,  comme  il 
en  remplissait  les  devoirs  au  dedans,  sans  affectation 
comme  sans  contrainte  ;  enfin,  d'avoir  mis  les  procédés 
de  son  côté  dans  ses  querelles  littéraires  avec  .Ménage 
el  .Maimbourg.  Les  derniers  l'accusaient  d'être  aussi 
recherché  dans  ses  manières  que  dans  ses  écrits,  et 
.Ménage  disait  qu'il  s'était  érigé  en  précieux  ridicule 
par  la  lecture  trop  assidue  de  Sarrasin  cl  de  Voilure.  Ils 
lui  reprochaient  de  fréquenter  les  dames  el  les  pelits- 
maitres,  el  relevèrent  avec  malignité  certains  bruits 
fâcheux  qui  coururenl  sur  son  compte  en  IGiil. 


$6 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


On  ne  peut  cependanl  lui  contester  le  mérite  d'avoir 
servi  utilement  la  langue  et  le  goût.  Mme  de  Sévigné 
disait  de  lui  :  «  L'esprit  lui  sort  de  tous  les  côtés.  » 

C'était  un  écrivain  exact,  poli,  correct,  connaissant 
à  fond  la  littérature  ;  mais  trop  minutieux,  ce  qui  l'a 
fait  comparer,  en  matière  de  langage,  à  ces  directeurs 
régides  qui  troublent  les  consciences  en  voulant  trop 
les  épurer.  L'abbé  de  la  Chambre  l'appelait  «  l'empeseur 
des  Muses  »  à  cause  du  peu  de  naturel  de  son  style  et  de 
ses  pensées.  Voltaire,  dans  le  Temple  du  goût,  le  place 
derrière  Pascal  et  Bourdaloue,  qui  s'entretiennent  du 
grand  art  de  joindre  l'éloquence  au  raisonnement,  et 
marquant  sur  des  tablettes  les  fautes  de  langage,  les 
négligences  qui  leur  échappent. 

Bouhours  a  composé  une  dizaine  d'ouvrages;  mais 
ma  compétence  ne  s'étendant  qu'à  ceux  qui  concernent 
exclusivement  la  langue,  je  n'aurai  à  m'occuper  ici 
que  des  Doutes  sur  la  langue  française  proposez  à 
Messieurs  de  l'Académie  française,  par  un  gentil/tomme 
de  province.  Paris,  1674. 

Pour  donner  aux  Académiciens  moins  de  difficultés 
dans  l'examen  des  doutes  qu'il  leur  propose,  lien  a  fait 
cinq  classes  :  ce  qui  regarde  le  choix  des  mots,  la 
pureté  des  phrases,  la  régularité  de  la  construction, 
la  netteté  du  langage  et  l'exactitude  du  style. 

l. 

DOUTES    snu   LES    MOTS. 

Le  premier  mot  sur  lequel  Bouhours  demande  des 
éclaircissements  est  urbanité,  fait  par  M.  de  Balzac,  qui 
l'a  introduit  pour  la  première  fois  dans  le  discours  de 
la  Conversation  des  Romains. 

Ménage  trouve  que  vénusté,  contraction  pour  vemis- 
teté,  est  très-beau,  et  il  s'en  sert  volontiers.  .Mais 
Bouhours  ne  l'a  jamais  entendu  dire  à  personne  ;  est-ce 
donc  un  mot  mystérieux  qu'il  n'est  pas  permis  à  tout 
le  monde  de  prononcer? 

Fatuité  est-il  français?  Un  auteur  célèbre  s'en  sert 
dans  l'Education  d'un  prince. 

Depuis  quand  dit-on,  dans  un  style  noble,  tracasser, 
tracasserie,  comme  fait  le  même  auteur? 

Jusqu'à  présent,  Bouhours  avait  cru  qu'on  ne  disait 
appel  qu'en  matière  de  duel  et  de  chicane.  Cependant 
il  est  pris  dans  un  excellent  livre  pour  une  inspiration 
sainte  et  pour  une  vocation  divine.     ' 

Il  a  vu  dans  des  ouvrages  fort  estimés  hautesse,  avec 
une  certaine  signification  qui  le  met  en  peine.  .Mais 
hors  .S'a  llautcsse,  quand  il  s'agit  du  Gçand  Seigneur, 
ce  mot  lui  déplaît  et  le  choque  étrangement.  C'est  peut- 
être  une  bizarrerie  et  un  caprice. 

L'auteur  des  Entretiens  d'Aristc  et  d'Eugène  se  sert 
du  moi  fermeté  pour  marquer  le  caractère  de  Tacite.  Ce 
mol  ne  regarde-t-il  pas  plutôt  l'humeur  que  le  style? 
Ne  signific-t-il  pas  plutôt  résolution  et  constance  que 
force  d'expression  et  de  pensée?  On  dit  bien  un  style 
ferme,  mais  Bouhours  doute  que  fermeté  de  style  soit 
français. 

Il  a  trouvé  quelque  part  le  rabaissement  des  inon- 
noyes,  mais  il  n'a  jamais  entendu  dire  que  le  rabais  des 
monnoyes,  qui  est  conforme  à  l'opinion  de  .Ménage. 


Pour  exprimer  que  l'Ecriture  suffit  toute  seule,  l'au- 
teur des  Préjugez  légitimes  contre  les  Calvinistes  dit  la 
suffisance  âeVEcrilare.  Peut-on  employer  ce  mot  dans 
ce  sens?  Bouhours  pensait  que  le  mot  en  question 
n'avait  que  deux  significations  :  l'une,  oîi  il  se  prenait 
en  mauvaise  part  et  signifiait  présomption  ;  l'autre,  où 
il  se  prenait  en  bonne  part  et  signifiait  capacité. 

Quant  ;i  suffisant,  Bouhours  croit  qu'il  n'a  point 
d'autre  signification  que  celle  de  son  verbe,  et  que 
lorsqu'il  est  adjectif,  il  signifie  toujours  orgueilleux,  à 
moins  qu'il  ne  soit  joint  au  verbe  faire,  auquel  cas  il 
signifie  capable,  habile. 

Ménage  a  îaM  prosateur  ;  d'autres  écrivains  illustres 
ont  fait  mitrmurateur ,  roranateur  et,  ne  se  contentant 
pas  d'asscusiti,  ils  ont  fait  assassinat eur.  Bouhours  sait 
le  meilleur  gré  du  monde  à  ces  grands  hommes  du 
dessein  qu'ils  ont  d'enrichir  la  langue  ;  mais  ces  mots 
entreront-ils  dans  le  dictionnaire  de  l'Académie? 

En  voici  d'autres  qui  lui  paraissent  ou  fort  vieux  ou 
fort  nouveaux  :  élevemcnt,  effacement,  parlement,  bri- 
sement, en  parlant  du  cœur  ;  abrègement,  reserrement, 
enyvrement.  Il  n'y  a  rien  de  plus  commode  que  tous, 
ces  mots  en  ment,  mais  d'où  vient  que  Messieurs  de 
l'Académie  ne  s'en  servent  pas  ? 

Bouhours  aurait  de  la  répugnance  à  approuver  impé- 
cunieux et  impecuniasité  ;  à  se  servir  d'imjjrabation, 
et  il  admire  Ménage,  qui  a  la  force  de  digérer  l'intem- 
perature,  Vinfarçable,  ['inscrufable,  Vinguerdonné,  Vin- 
terininé,  Vinternel  de  Nicod,  sans  parler  de  V incor- 
rompu de  Pascal,  ni  de  Y  inconvertible  des  sieurs  de 
Royaumonl  et  de  Marsilly. 

L'adjectif  indisposé  signifie-t-il  autre  chose  dans 
notre  langue  que  malade?  Bouhours  l'a  vu  employé 
pour  mal  disposé,  dans  un  exemple  qu'il  cite. 

Quant  au  Iverbe  indisposer,  formé  de  cet  adjectif,  il 
ose  dire  qu'il  lui  parait  quelque  chose  de  monstrueux. 

Que  faut-il  penser  de  mal-sage,  qui  a  été  employé 
par  Balzac  dans  son  Aristippe,  ouvrage  qu'il  estimait 
son  chef  d'œuvre?  Bouhours  croit  que  cette  expression 
ne  se  dit  pas. 

Défaveur  et  desservir,  qui  se  trouvent  dans  le  même 
ouvrage,  sont  sans  doute  français  ;  mais  ne  sont-ils  pas 
un  peu  vieux  ? 

Doit-on  dire  une  ieroglyphe,  ou  un  ierogkjphique  ? 
Bouhours  cite  des  exemples  de  l'un  et  de  l'autre. 

En  parlant  de  justice,  de  vice,  de  langue  faut-il  dire 
original  ou  originel  ? 

Vaugelas  a  mis  de  la  différence  entre  florissant  et 
fleurissant;  cependant  des  auteurs  renommés  disent 
d'ordinaire  /leurissant  au  lieu  de  florissant,  el  fleurissoit 
pour  florissoit,  ce  que  Bouhours  prouve  par  des  exem- 
ples. Qui  faut-il  suivre  de  ces  auteurs  ou  de  Vaugelas? 

Délecter  est-il  un  mot  du  bel  usage,  et  qu'on  puisse 
dire  sérieusement  ?  N'a-t-il  pas  vieilli  depuis  que  Balzac 
l'a  employé?  Bouhours  ne  peut  souffrir  délecter  ni 
délectation,  à  moins  qu'on  ne  les  dise  en  riant  (1674). 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Lk  RÉDACTEuii-GÉuiNT  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


87 


BIBLIOGRAPHIE. 

OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Le  Chasseur  de  rats.  Le  Commandant  Delgrès  ; 

par  Gustave  Aimard.  In-18  Jésus,  351  p.  Paris,  lib.  Dentu. 
3fr. 

Glossaire  du  patois  de  Montbéliard  ;  par  Ch.  Con- 
tejean,  professeur  k  la  faculté  des  sciences  de  Poitiers. 
In-8*,  282  p.  Montbéliard,  iinprim.  Barbier. 

Dictionnaire  étymologique  des  mots  français  d'ori- 
gine orientale  (arabe,  persan,  turc,  malais);  par 
L.  Marcel  Devic.  In-8',  x\i-279  p.  Paris,  lib.  Hachette 
et  Cie. 

Vacances  d'un  journaliste.  Huit  jours  dans  les 
Vosges.  Simple  coup  d'œil  sur  Londres.  A.  travers  l'Alle- 
magne et  l'Autriche-Hongrie  ;  par  Victor  Fournel.  In-18 
Jésus,  328  p.  Paris,  lib.  Ealtenweck. 

Œuvres  de  Lamartine.  Harmonies  poétiques  et 
religieuses,  \ouvelle  édition,  publiée  par  les  soins  de  la 
société  propriétaire  des  œuvres  de  M.  de  Lamartine. 
In-18  Jésus,  460  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50  cent. 

Les  Œuvres  de  Clément  Marot,  de  Cahors  en 
Quercy,  valet  de  chambre  du  roy.  Augmentées  d'un 
grand  nombre  de  compositions  nouvelles  par  ci-devant 
non  imprimées  ;  le  tout  mieu.x  ordonné  comme  l'on 
voirra  ci-après  et  soigneusement  reveu  par  Georges  Guif- 
frey.  T.  II.  In-S».  57i  p.  Paris,  imp.  Quentin.  50  fr. 


Théâtre  de  Collin  d'Harleville,  suivi  de  pièces  fugi- 
tives, avec  une  introduction  par  M.  Louis  Moland.  ln-18 
Jésus,  ixiv-/i77  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères. 

Le  Serment  de  Madeleine;  par  Charles Deslys.  4«  édi- 
tion. In-18  Jésus,  31Ù  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Une  rivale  de  Marguerite  ;  par  le  baron  E.  de  Fau- 
connet.  In-18  Jésus,  295  p.  Pau,  lib.  Ribaut. 

Nouvelles  ;  par  Théophile  Gauthier.  12«  édition,  revue 
et  corrigée.  Ia-18  jésus,  420  p.  Paris,  lib.  Carpentier. 
3  fr.  50. 

Abailard  et  Héloïse,  essai  historique  ;  par  M.  et 
Mme  Guizot.  Suivi  des  lettres  d'Abailard  et  d'Héloïse, 
traduites  sur  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale; 
par  M.  Oddoul.  Nouvelle  édition.  In-12,  lxxix-/i08  p. 
Paris,  lib.  Didier  et  Cie.  3  fr.  50  cent. 

Considérations  sur  les  causes  de  la  grandeur  des 
Romains  et  de  leur  décadence  ;  par  .Montesquieu.  Avec 
commentaires  et  notes  de  Frédéric  le  Grand.  Edition 
collationnée  sur  le  texte  de  173/i.  Grand  in-8»,  xxx-295 
p.  et  2  portr.  Paris,  lib.  Lemerre. 

L'Agence  Aubert  ;  par  Paul  Saumière.  In-18  jésus, 
355  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 


Publications  antérieures  ; 


GEORGE  WASHINGTON  d'.\.près  ses  mémoires  et  sa  cor- 
nEspo.ND.ixcE.  —  Histoire  de  la  Nouvelle-France  et  des  Etats- 
Unis  d'Amérique  au  xviii"  siècle.  —  Par  Alpho.nse  Jouault. 
—  Paris,  librairie  Ilachelte  et  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain.  —  Prix  :  1  fr.  25. 


LES  HOMMES  DE  DEMAIN.  —  Livre  pour  la  jeunesse. 
—  Par  Mme  Nelly  Lientier.  —  Chez  Botihoure,  éditeur, 
Û8,  rue  de  Lille.  —  Prix  :  3  fr. 


HISTOIRES  DE  TROIS  MANIAQUES.  —  Par  P.^UL  de 
Musset.  —  Édition  complète  en  un  volume.  —  Paris, 
Charpentier  et  Cie,  13,  rue  de  Grenellé-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr,  50.  

MARIE  DE  COMPIÈGNE,  d'après  I'Ev.angile  .\ux  fem- 
mes. —  Publié  pour  la  première  fois  d'après  les  quatre 
manuscrits  connus,  avec  des  notes  philologiques  et  histo- 
riques, et  une  dissertation  sur  rorigine  de  ce  fabliau.  — 
Par  M.  CoxsTANS,  professeur  agrégé  au  lycée  de  Sens.  — 
Paris,  librairie  Franck,  rue  Richelieu.  —  Prix  :  2  fr.  50. 


SOEUR  PHILOMENE.  —  Par  Edmond  et  Jules  de  Con- 
court. —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 

LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edou.\.rd  Gûepp,  chef  de  bureau 
au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 


Nounv  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duouay-Trouin.  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  h  fr. 


LA  CONQUÊTE  DE  PLASSANS.  —  Par  Emile  Zola.  — 
Troisième  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires- 
éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  —  Prix  : 
3  fr.  50.  

OEUVRES  DE  PHILARÊTE  CHASLES.  —  le  moyen-age. 
—  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris,  Charpentier 
et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Ger- 
main. —  Prix  :  3  fr.  50. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  hommes 
DE  guerre.  —  Première  série.  —  Par  Edouard  Gœpp, 
chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'instruction   publique. 

—  2"  édition,  ornée  de  quatre  portraits  et  de  trois  cartes. 

—  Ki.ÉBER,  Desaix,  Hocue,  Marcf.au,  Daumesnil.  —  Paris, 
P.  Ducroc,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix, 
relié  :  U  francs. 


LA  JEUNE  FILLE;  lettres  d'un  ami.  —  Un  volume 
format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye,  avec 
fleurons,  lettres  ornées  de  culs-de-lampe.  —  Paris,  P. 
bucroq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 
50.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broche)  5  fr. 


LE  COURRIER  DE  VAUGSLAS. 


POÈMES  ET  FANTAISIES  (1867-1873).  —  Claudine.  — 
Que  sais-je?  —  L'Espoir  en  l'homme.  —  Prométhée.  — 
La  Légende  d'L'rfé.  —  Sonnets.  —  Par  Gustave  Vingt.  — 
Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue  Saint-Honoré. 
—  Prix  :  3  francs. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Em.\n  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 


gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES-  NEVEUX  DU  PAPE.  —  Jo.a.nnis.  —  Par  Gdstavb 
Vingt.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rueSaint- 
Honoré.  —  Prix  :  4  fr. 


Publications  périodiques  : 

REVUE  CRITIQUE  D'HISTOIRE  ET  DE  LITTÉRATURE. 

—  Recueil  hebdomadaire  publié  sous  la  direction  de  MM. 
C.  de  La  Berge,  M.  Bréal,  G.  Monod,  G.  Paris.  —  Dixième 
année.  —  Nouvelle  série,  1"=  année  (1876).  —  Prix  d'abon- 
nement :    Un  au,  Paris,  20  fr.;    —  départements,   22  fr.; 

—  étranger,  le  port  en  sus  ;  —  un  numéro,  75  c.  —  Paris, 
Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte. 


LE  COURRLEB  LITTÉRAIRE,  revue  artistique,  biblio- 
graphique, scientifique  et  littéraire,  paraissant  le  10  et 
le  25  de  chaque  mois.   —  Prix  de  l'abonnement  :  20  fr. 


par  an  pour  la  France  et  les  pays  faisant  partie  de  l'Union 
des  postes.  —  Paris,  bureau  du  Courrier  littér.\ire,  33, 
rue  de  Seine. 


REVUE  SUISSE.  — bibliographie,  archéologie,  littéra- 
ture, beaux-arts.  —  Paraissant  le  l"  et  le  15  de  chaque 
mois.  —  Prix  par  an,  10  fr.,  et  le  port  en  sus  pour  l'étran- 
ger. —  Cette  revue,  qui  rend  compte  de  tous  les  ouvrages 
dont  on  lui  envoie  deux  exemplaires,  se  trouve  à  Paris, 
chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires-éditeurs,  33, 
rue  de  Seine. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


L'AcADÉMiE  FRANÇAISE  propose  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1877  :  André  Chènier.  —  Les  manuscrits 
devront  être  déposés  ou  adressés  francs  de  port,  au  secrétariat  de  l'Institut  avant  le  31  décembre  1876,  terme  de 
rigueur.  Ils  devront  porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce 
billet  contiendra  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au 
Concours  ne  seront  pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


Le  dix-septième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  août  sera  clos  le  1"  décembre  1876.  —  Douze  médailles, 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrancb, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 


La  Société  des  études  historiques  a,  pour  l'année  1877,  mis  au  concours  pour  le  prix  Raymond  la  question 
suivante  :  Historique  des  institutions  de  prévoyance  dans  les  divers  pays,  et  spécialement  en  France.  —  Elle  vient 
de  décider  qu'en  1878  un  prix  de  1,000  fr.  sera  accordé  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  l'histoire  du  portrait 
en  France  (peinture  et  sculpture). 

Le  Tournoi  poétique,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (û«  année).  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien.  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements, 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


SOUSCRIPTION 


POUR 


LA  RÉIMPRESSION  DES  CINQ  PREMIÈRES  ANNÉES  DE  CE  JOURNAL. 


Les  cinq  premières  années  de  la  collection  du  Courrier  de  Vaugelas  se  trouvant  presque  entièrement  épuisées 
(il  ne  reste  plus  qu'un  très-petit  nombre  d'exemplaires  de  la  k"  et  de  la  5'),  une  souscription  dont  voici  les  conditions 
est  ouverte  pour  les  faire  réimprimer  : 

1°  L'original  sera  reproduit  intégralement  dans  ses  parties  essentielles,  avec  le  même  nombre  de  pages  et  sous  un 
format  identique; 

2°  La  réimpression  se  fera  de  manière  à  fournir  une  année  tous  les  deux  mois; 

3°  Le  prix  de  chaque  année  (brochée)  sera  de  6  fr.  comme  celui  de  l'abonnement  au  journal  ; 

W  Les  années  seront  expédiées  franco  aux  souscripteurs  à  fur  et  mesure  de  leur  réimpression; 

5"  Chaque  année  sera  payable  aussitôt  après  qu'elle  aura  été  reçue; 

G*  Tout  souscripteur  qui  a  d('jù  une  partie  de  ces  cinq  aimées  devra  désigner  celles  auxquelles  s'appliquera 
sa  souscription; 

T  La  réimpression  commencera  dès  que  300  adhésions  auront  été  envoyées  au  Rédacteur. 


M.  Eman  Martin,  Rédacleur  du  (Iouriueu  de  Vaccelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  0.  DAUPELEV  à  Nogent-le-Rotrou. 


7«  Année. 


N»  12. 


15  Novembre  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^' 


'^t^  DE  VAUffpT 

A  \  YV>-  Journal  Semi-3Iensuel  ^C//     // 

^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(    J 


Paraitiant    la    1"  at    la    IS    da    ehaqac   mola 


{Dans  sa  séance  du  SI  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication). 


PRIX  : 
Par  an,    G   fr.   pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  lelranfpr.  — 
Annonces  :     Om rages,    un    exem- 
plaire; Concours  liuéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

AN'CIEN      PROFESSEUR     SPECIAL     POUR     LES      ÉTRANOERS 

Officier  d'AcaJémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 

Se  prî^nnont  pour  une  année 
entière  et  partent  tous  de  la  mi^me 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  liliraire  quelconque. 


AVIS. 
A  partir  du  \"  janvier  prochain,  le  Rédacteur  du 
CocBRiER  DE  VAroELAS  fera  présenter  sa  quittance,  avec 
une  augmentation  de  73  centimes  pour  frais  de  recou- 
vrement, à  ceux  d'entre  ses  abonnés  de  province  qui, 
à  cette  époque,  ne  lui  auront  pas  encore  envoyé  le  mon- 
tant de  leur  souscription  à  la  7=  année. 


SO.M.MAIRE. 

Communication  au  sujet  de  De  suite  et  de  Tout  de  suite;  — 
Autre  communication  sut  Endosser  ei  sur  un  participe  passé; 
—  Etymologie  de  Mignardise;  —  Origine  de  A  la  lionne 
heure,  expression  aiiprob:itive;  —  Si  Rien  autre  chose  que 
peut  se  dire.  ||  Origine  de  l'expression  C'est  l'histoire  du 
merle  et  de  la  merlette  ;  —  Comment  Guitare  est  devenu 
synonyme  de  Affaire:  —  Epoque  à  laquelle  Suiciile  a  été 
introduit  dans  la  langue;  —  Explication  de  l'expression  Je  ne 
sache  pas.  ||  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie 
de  Dominique  Bouhours.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de  litté- 
rature. Il  Concours  littéraires,  jj  Renseignements  offerts  aux 
Etrangers. 


FRANCE 


COM.MUXIGATIONS. 
L 

J'ai  oublié  d'insérer  à  sa  date  la  communication  sui- 
vante : 

Toulouse,  le  1"  avril  1876. 
Monsieur, 

Au  numéro  1,  6'  année  de  votre  Courrier  de  Vaugelns,  on 
lit  la  ptirase  suivante,  sous  la  rubrique  «  Phrases  à  corri- 
ger 3,  art.  4  : 

Son  début,  en  cette  matière,  nous  indiquera  de  suite  la 
nature  rie  ses  impressions  :  «  dans  tout  ménage  du  grand 
monde  français,  dit-elle,  l'homme  et  la  femme  se  convien- 
nent à  peu  près  comme  un  coup  de  poing  sur  le  nez  ». 

Au  numéro  2  de  la  même  année,  et  sous  la  rubrique 
«  Corrections  du  numéro  précédent  »  vous  avez  redressé 
une  seule  erreur,  celle  «  du  coup  de  poing  et  du  nez  sur 


lequel  on  l'applique  ».  Il  y  a  cependant  deux  erreurs  dans 
la  phrase  signalée  A  l'attention  de  vos  lecteurs,  et  celle 
que  vous  avi^z  omise  est  très-fréquemment  remarquée, 
soit  en  écrivant,  soit  en  pariant.  La  voici  :  s  nous  indi- 
quera de  suite  ».  11  faut  dire  :  u  tout  de  suite  ou  immédiate- 
ment, etc.  ».  C'est  là  une  faute  lourde.  On  peut  dire  «  de 
suite  »,  l'un  après  l'autre,  sans  interruption  :  il  ne  sait  pas 
dire  deu.\  mots  de  suite,  etc. 

«  Tout  de  suite  »  veut  dire  immédiatement,  promptement, 
sur-le-champ,  sans  délai,  aussitôt. 

Recevez,  Monsieur,  mes  civilités  les  plus  empressées. 

Adéma, 
Inspecteur  de  l'Enregistrement. 

Quoi  qu'en  disent  les  grammaires,  grosses  ou  petites, 
qui  se  sont  inspirées  de  celle  de  Girault-Duvivier,  tout 
de  suite  et  de  suite  ne  diCferent  enlre  eux  que  du  plus 
au  moins,  ce  qui  peut  se  démontrer  de  deux  manières. 

Par  l'analogie.  —  Nous  avons  dans  notre  langue  beau- 
coup d'expressions  commençant  par  tout;  telles  sont, 
par  exemple,  tout  d'abord,  tout  à  coup,  tout  de  tra- 
vers, tout  de  bon.  Or,  comme  ces  expressions  ne  sont 
en  quelque  sorte  que  le  superlatif  de  d'abord,  de  à 
coup  (jadis  employé  seul  comme  je  l'ai  montré  Courrier 
de  Vaugelas,  C*  année,  p.  361,  de  de  travers,  de  de 
bon,  n'est-il  pas  évident  que  tout  de  suite  doit  être 
dans  le  même  rapport  avec  de  suite  ? 

Par  des  textes.  —  Selon  l'Académie  de  1694,  tout  de 
suite,  dans  la  phrase  suivante,  signiGe  de  suite,  l'un 
après  l'autre,  sans  interruption  : 

Il  a  fait  trois  courses  de  bague  tout  de  suite. 

Le  Furetière  de  4727  attribue  aussi  le  sens  de  de  suite 
à  tout  de  suite  dans  cette  autre  phrase  : 

Il  a  bonne  mémoire,  il  répète  deux  cents  mots  qu'on  lui 
dira  tout  de  >,uite. 

La  même  opinion  est  professée  dans  le  Richelet  de 
4  728,  qui  donne  tout  de  suite  comme  équivalent  de 
tout  d'un  coup,  sans  discontinuation,  et  ajoute  cet 
exemple  : 

Il  s'en  va  au  palais,  et  tout  d'une  suite  il  s'en  va  aux 
autres  lieux  oi'i  il  a  des  affaires. 

Enfin  l'Académie  de  4833  constate  à  son  tour  l'em- 


90 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ploi  de  totit  de  suite  dans  le  sens  de  de  suite,  sans 
inlerruplion,  et  en  fournit  ces  deux  exemples  : 

Il  but  trois  rasades  tout  de  suite. 
Il  a  couru  vingt  postes  tout  de  suite. 

Or,  lorsqu'il  est  établi  par  des  autorités  comme  celles 
dont  je  viens  d'invoquer  le  témoignage  que  tout  de  suite 
s'emploie  pour  ainsi  dire  comme  superlatif  de  de  suite 
signifiant  l'un  après  l'autre,  sans  interruption,  sans 
discontinuité,  n'est-il  pas  manifeste  que  la  même 
expression,  employée  dans  le  sens  de  sur-le-champ, 
immédiatement,  aussitôt,  promplement,  sans  délai 
^acceplion  que  je  crois  moderne,  parce  que,  de  tous  les 
ouvrages  cités  plus  haut,  il  n'y  a  que  l'Académie  de 
■1835  qui  la  mentionne)  a  en  quelque  sorte  pour  positif 
de  suite  pris  dans  une  signification  analogue? 

Quand  M.  Adéma  aura  lu  celte  réponse,  j'ose  espérer 
que,  répudiant  la  règle  illogique  de  Girault-Duvivier,  il 
cessera  de  voir  une  «  lourde  faute  »  dans  le  de  suite 
que  j'ai  maintenu  dans  cette  phrase  : 

Son  début  en  celte  niatière  nous  indiquera  de  Sicile  la 
nature  de  ses  impressions. 

II. 

Je  -viens  de  recevoir  de  M.  le  directeur  de  l'École 
normale  de  Nimes  les  observations  suivantes  concer- 
nant aussi  les  corrections  faites  dans  un  numéro  précé- 
dent : 

Mmes,  le  5  octobre  1S7G. 
Monsieur, 

Les  élèves  de  l'Ecole,  que  j'e.xerce  quelquefois  à  l'étude 
des  petites  phrases  que  vous  donnez  à  corriger,  avaient 
trouvé  {Courrier  de  Vmiç/elas,  n°  7,  5=  pbrase)  qu'on  peut 
bien  endosser  un  veston,  une  redingote,  mais  qu'on  met, 
qu'on  passe  un  pantalon.  Ne  trouvez- vous  pas  comme  eux, 
qu'endosser  un  pantalon  est  plus  fautif  que  l'emploi,  avec 
Liltré,  de  même  après  voirel 

Ils  n'admettent  pas  non  plus  l'orthographe  que  vous 
adoptez  un  peu  plus  bas  (même  n°,  7"  phrase)  :  «  N'ayant 
pas  pu...  fort  de  cet  arriéré  de  désirs  et  d'espérances  qu'on 
aura  io/ssei  s'accroître  etc.,  »  parce  que,  disent-il?,  l'adjectif 
indicatif  ou  démonstratif  cet,  qui  précède  arriéré,  annonce 
un  complément  déterminatif  (qu'on  aura  laissé  s'accroître) 
qui  appartient  à  arriéré  et  non  à  désirs  et  â  espérances,  qui 
sont  deux  noms  indéterminés.  L'auteur  semble  bien,  en 
effet,  avoir  dans  l'esprit  un  arriéré  qu'on  a  laissé  s'ac- 
croitre,  lequel  arriéré  est  formé  de  désirs  et  d'espérances. 

Nous  admettons  que  l'ensemble  de  la  phrase  biisse  à 
désirer.  Mais  n'est-cp-pas  plutôt  l'emploi  sylleptique  du 
pronom  les,  les  connaître,  les  comprendre,  les  réaliser,  qui 
en  rend  la  signification  louche,  que  la  non-variabilité  du 
participe  laissé  ? 

El  n'est-ce  pas  aussi  maintenant  votre  avis? 

Agréez,  Monsieur  le  Rédacteur,  l'expression  de  ma  par- 
faite considération. 

Le  Directeur, 

BûYER. 

Lorsqu'après  avoir  attentivement  lu  bien  des  pages  à 
la  recherche  de  phrases  fautives,  il  m'arrive  d'en  ren- 
contrer une,  je  la  copie  le  plus  souvent  sans  me  deman- 
der si  elle  ne  contiendrait  pas  une  autre  faute  que  celle 
qui  m'a  frappé. 

C'est  ce  qui  m'est  arrivé  pour  la  première  dont  il  est 
question  dans  la  lellrc  précédente;  il  est  évident  qu'en- 
dosser ne  peut  s'y  dire  d'un  pantalon. 


Quant  à  l'expression  de  voire  même,  je  la  regarde 
toujours  comme  une  faute  depuis  qu'il  me  semble  avoir 
démontré  [Courrier  de  Vaugelas,  2"  année,  p.  i  85)  que 
c'en  est  réellement  une. 

Les  réilexions  suivantes  au  sujet  de  la  seconde 
phrase  sont -parfaitement  justes.  Elle  n'est  pas  d'une 
exactitude  irréprochable;  mais,  en  la  prenant  telle  qu'elle 
est,  je  crois  qu'il  est  impossible  de  n'y  pas  mettre  lais- 
sés (au  masculin  pluriel),  ce  participe  pouvant  aussi 
s'entendre  des  désirs  et  des  espérances. 

Je  remercie  sincèrement  M.  Boyer  de  vouloir  bien 
discuter  les  solutions  du  Courrier  de  Vaugelas  avec  ses 
élèves,  et  ensuite  me  transmettre  leurs  objections.  C'est 
un  exemple  qui  pourra  ne  pas  être  perdu  pour  les  con- 
frères ayant  daigné,  comme  lui,  accueillir  ma  modeste 
feuille  dans  leurs  établissements. 

X 

Première  Question. 

Quelle  est  l'origine  du  mot  MicNiRoisE  ?  Ce  mot  est-il 
antérieur  au  xvi"  siècle?  Un  auteur  le  met  dans  la 
bouche  d'un  de  ses  personnages,  qui  vivait  vers  •1480. 

Le  substantif  mignardise  vient  de  \'a.û\ecW{mignard; 
et  celui-ci,  qui  n'apparait  dans  la  langue  écrite  qu'au 
XVI'  siècle,  est  le  même  mot,  à  la  terminaison  près,  que 
mignon,  qui  s'y  trouvait,  lui,  dès  le  xv%  et  qui  y  fut 
précédé  par  mignot,  usité  dès  le  xiif,  comme  l'attestent 
ces  exemples  : 

Et  sur  un  destrier  delés  lui 
Avoit  cascune  son  ami' 
Cointe  et  mignot  et  bien  séant. 

{Lai  du  Trol.) 

Famé  est  plus  cointe  et  plus  mignote 
En  sorquanie  que  en  cote. 

(Rom.  de  la  Pose,  vers  iaj5.) 

Or,  comme  j'incline  fortement  à  croire  que  mignot, 
terme  de  tendresse  et  diminutif  comme  bellot  et  vieil- 
lot, a  été  formé  de  l'allemand  minne,  amour  (qui  se 
rencontre  dans  le  bas-breton  miHonez,  amie;  dans  l'ir- 
landais 7ninn,  mion,  amour,  ainsi  que  dans  minnesin- 
ger,  nom  des  anciens  poètes  erotiques  de  la  Souabe), 
j'en  conclus  naturellement  que  mignardise  vient  aussi 
de  la  même  source. 

Quant  à  l'époque  où  l'on  a  commencé  à  employer 
mignardise  en  français,  il  n'y  aurait  point  lieu  d'être 
surpris  qu'elle  coïncidât  avec  la  fin  du  xv"  siècle;  car, 
au  xvi%  ce  mot  était  déjà  d'un  usage  général,  ce  que 
montrent  ces  citations  : 

Propoz  bien  filez,  et  miynardises  de  discours. 

(D'Aubign^.  Hisl.  III,   198-) 

Certainement  Scipion  et  Laelius  n'eussent  pas  résigné 
riionni'ur'  de  leurs  comédies  et  toutes  les  mignardises  et 
délices  du  langage  latin,  à  un  serf  africain. 

(Montaigne,  I,  p.  a88.) 

Venus  et  ses' enfants  volent  tout  à  l'entour, 
La  douce  mignardise  et  les  douces  blandices. 

(Ronsard,  Elégie  du  Prinl.) 

X 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


9i 


Seconde   Question. 
Pourquoi,  lorsqu'on  a  reçu  de  quelqu'un  une  réponse 
s>iffi<anle,  et  qu'on  veut  approuver  ce  qxi'il  a  fait,  lui 
dit-on  :  A  la  boîïne  heure  1 

L'expression  à  la  bonne  heure,  qui  avait  en  quelque 
sorte  pour  pendant  â  la  maie  heure,  a  été  autrefois  en 
usage  dans  le  sens  de  par  bonheur,  heureusement,  comme 
le  font  voir  les  exemples  ci-après  : 

Lequel  partit  e»  la  bonne  heure  en  poste,  conduit  par  son 
ange  qui  ne  vouloit  pas  qu'il  y  demeurast  davantage  pour 
n'y  mourir  avec  les  autres. 

(Carloix,  I,  ch.   i5,  p.  4î3.) 

Et  là  dessus  j'advance  de  cinq  ou  six  pas  en  rue  ;  mais 
à  la  bonne  heure  pour  moy.  au  lieu  de  me  suivre,  les  plus 
apparens  reculans  quelques  pas  en  arriére,  se  retirèrent. 

(Régnier  de  la  Planclie,  le  Liv.  des  march.^  p.  426.) 

Mais  puis  qu'il  plaist  au  ciel  par  vos  yeux  que  je  meure. 
Vous  direz  que,  mourant,  je  meurs  à  la  bonne  heure. 

(^Régnier,  Satyre  XVII.) 

Puis,  par  extension,  à  la  bonne  heurea.Cin\  par  s'em- 
ployer comme  terme  d'assentiment,  de  félicitation  ;  ce 
que  mettent  en  évidence  ces  autres  exemples  : 

A  la  bonne  heure,  contentez  s'il  se  peut  l'honneur  et  la 
dignité  de  la  couronne. 

•  (Balzac,  6^  dise,  sur  la  Cour.) 

S'ils  se  sentent  pleins  de  sentiments  pour  l'aimer  et 
l'adorer,  et  qu'ils  y  trouvent  leur  joie  principale,  qu'ils 
s'estiment  bons,  à  la  bonne  heure. 

(Pascal,  Grand,  et  mis.} 

Si  Baal  est  votre  dieu,  adorez-le  tout  seul,  à  la  bonne 
heure. 

(Mas&illon,  Carême.) 

Enfin,  attendu  que,  généralement,  on  approuve 
quelqu'un  qui  répond  bien  à  une  question  qu'on  lui 
adresse,  et  que,  dans  le  cas  où  il  le  fait  du  premier 
coup,  on  lui  dit  :  c'est  bien,  ou  c'est  très-bien,  on  a 
réservé  à  la  bonne  heure  pour  celui  où  une  réponse 
satisfaisante  ne  vient  qu'après  une  ou  plusieurs  qui 
ne  l'ont  pas  été. 

Du  reste,  l'emploi  de  cette  expression  doit  sembler 
assez  logique  quand  on  considère  qu'on  dit  aussi  :  ah  ' 
c'est  heureux.  Ah!  ce  n'est  pas  malheureux  impliquant 
l'idée  de  bonne  heure] ,  h  quelqu'un  dont  la  réponse  s'est 
fait  longtemps  attendre. 

Dans  son  ouvrage  intitulé  le  Langarje  des  marins. 
M.  de  la  Landelle  dit,  page  290,  au  sujet  de  l'expression 
dont  il  s'agit,  expression  également  employée  en  mer 
pour  clore  le  discours  du  navire  qui  en  «  fait  raisonner  » 
un  autre  : 

A  la  bonne  heure!  à  la  bonne  chance;  populairement,  au 
petit  bonheur,  â  vos  souhaits,  comme  il  vous  plaira,  ainsi 
soit-il. 

Je  crois  qu'il  y  a  là  une  légère  erreur,  et  que  la  for- 
mule après  1e  prononcé  de  laquelle  chaque  navire  pour- 
suit sa  route,  a  tout  simplement  le  sens  àe  c'est  bien, 
comme  dans  les  exemples  qui  précèdent. 

X 
Troisième  Question. 

Je  vous  serais  très-reconnaissant  si  vous  vouliez  bien 


traiter  un  jour  dans  votre  Journal  la  question  de  savoir 
si  on  peut  se  servir  de  l'expression  kieh  autre  chose  qoe. 
N'est-  ce  pas  un  pléonasme  ? 

11  n'est  pas  rare  d'entendre  dire  à  des  personnes  qui 
sorteiit  d'un  tribunal  : 

Le  juge  lui  a  demandé  alors  s'il  n'avait  rien  autre  chose  à 
dire. 

Et  celle  expression  s'emploie  non-seulement  en  par- 
lant, mais  encore  en  écrivant,  car  en  voici  un  exemple 
trouvé  dans  un  livre  moderne  : 

On  m'a  dit  qu'il  existait  des  gens  qui,  devant  la  fresque 
du  Jugement  dern'er  de  Michel-.\nge,  n'y  avaient  rien  vu 
autre  chose  que  l'épisode  des  prélats  libertins. 

(Th.  Gautier,  Mlle  de  .Vaupin,  Préf.  2.) 

Néanmoins,  je  la  crois  mauvaise,  et  cela,  pour  la  rai- 
son que  je  vais  vous  expliquer. 

Le  mot  rien,  qui  dérive  du  latin  rem,  chose  làl'accu- 
satifi,  s'est  employé  et  s'emploie  fort  bien  encore  con- 
curremment avec  chose  lui-même,  dans  les  phrases  où 
ces  deux  termes  ne  jouent  pas  le  même  rôle,  comme 
dans  celles-ci,  par  exemple  : 

Celuy  qui  peult,  s'il  luy  plest,  faire  estre  de  riens  quelque 
chose,  et  de  glace  feu  ardent. 

[Marguerite,  Lettres,  10.) 

Nous  avons  à  penser  que  rien  de  ces  choses  n'advient, 
sinon  par  le  vouloir  et  proviJence  du  Seigneur. 

(  Calvin,  Inst.  557.  ) 

Voulez-vous  que  moi,  chien,  qui   n'ai  rien  à  la  chose. 
Sans  aucun  intérêt  je  perde  le  repos? 

(Lafontaine,  liv.  XI,  3.) 

Vous  avf z  bien  raifon  de  dire  que,  dans  ce  siècle,  il  y  a 
des  choses  qui  ne  ressemblent  à  rien. 

(Voltaire,  Lettr.  33  octobre  1758.) 

Mais,  dans  le  cas  actuel,  où  rien  est  suivi  de  l'adjec- 
[\(autre,  il  n'est  pas  possible  d'employer  c/(ose  immédia- 
tement aiirès;  car  alors  rien  et  chose  auraient  la  même 
foncUon  et  formeraient  une  expression  composée  en  quel- 
que sorte  d'un  même  substantif  précédant  et  suivant  un 
adjectif  .jms  chose  autre  chosc\  ce  qui  constitue  une 
espèce  de  pléonasme  que  n'admet  point  la  syntaxe  de 
notre  langue. 

Selon  moi,  il  faut  dire  ici,  ou  rien  autre  que,  ou  pas 
autre  chose  que. 


ETRANGER 


Première  Question, 

J^ourquoi,  je  vous  prie,  dit-on  d'une  querelle  sans 
importance  qui  s'élève  en  quelque  sorte  périodiquement 
)i  toujours  sur  le  même  sujet,  que  c'est  l'histoire  on 
.MEULE  ET  DE  LA  MEULETTE?  A  qucl  mcrlc  et  à  quclle  mer- 
leltf  cela  fait-il  allustbn  ? 

Voici,  littéralement  reproduite,  l'explication  de  ce 
proverbe  d'après  le  Grand  Dictionnaire  du  \i\°  siècle, 
par  Pierre  Larousse  : 

L'origine  vraie  ou  supposée  do  cette. façon  de  parler 
parjit  remonter  à  un  de  nos  vieu.x  fabliaux 


92 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Dn  vilain  voulant  fêter  dignement  !e  saint  patronal,  prit 
quelques  merles  aux  lacets  et  les  remit  à  sa  femme  en  lui 
disant  :  «  Tenez,  Catherine,  voilà  des  merles  qu'il  faut  nous 
accommoder  de  votre  mieux  pour  le  diner. 

I  _  Ça  des  merles,  fit  la  femme  après  un  coup  d'œil 
jeté  sur  les  volatiles;  eh!  mon  pauvre  homme,  vjdus  n'y 
connaissez  rien  :  ce  sont  des  merlettes. 

«  —  Et  moi,  je  soutiens  que  ce  sont  des  merles. 

«  —  Des  merlettes,  François,  des  merlettes. 

(i  —  Des  merles,  encore  une  fois. 

,  _  Ah!  Catherine,  le  dos  vous  démange,  ma  bonne;  je 
vous  répète  que  ce  sont  des  merles. 

«  —  Et  moi,  François,  je  me  moque  de  vos  menaces  et 
de  vos  gros  yeux,  et  je  vous  soutiendrai  sans  en  démordre 
que  ce  sont  des  merlettes. 

«  —  Ah!  c'est  comme  cela  »,  fit  François  bleu  de  colère; 
et  s'armant  d  un  bâton,  il  commença  à  en  caresser  le  dos 
de  son  opiniâtre  moitié.  Mais  celle-ci  n'en  criait  que  plus 
fort  :  «  Des  merlettes,  François,  des  merlettes;  »  tant  que 
François  dut  s'arrêter  sous  peine  de  mettre  sa  femme  en 
cannelle. 

La  querelle  finit  par  s'apaiser,  et  toute  l'année  on  laissa 
en  paix  merles  et  merlettes.  Mais  la  fête  patronale  revint, 
et,  pendant  le  diner,  Catherine  fut  frappée  du  souvenir 
évoqué  par  la  circonstance.  «  Il  y  a  un  an,  François,  que 
vous  m'avez  rouée  de  coups  parce  que  je  vous  soutenais 
que  les  oiseaux  que  vous  aviez  rapportés  étaient  des  mer- 
lettes, et  j'avais  cependant  raison. 

«  —  Je  vous  dis,  Catherine,  que  c'étaient  des  merles. 

»  —  Des  merlettes. 

I  —  Des  merles,  mordieu  I 

„  _  Des  merlettes,  par  Notre-Dame.  » 

Et  Martin-bâton  de  recommencer  son  jeu. 

L'année  suivante,  même  comédie,  et  puis  encore  l'autre 
année.  Bref,  cela  dura  ainsi  dix-sept  ans,  au  bout  desquels 
le  pauvre  François  rendit  son  âme  à  Dieu.  Catherine  put 
alors  jurer  en  toute  sécurité  que  c'étaient  bien  des  merlettes. 

X 
Seconde  Question. 

J'ai  trouvé  cette  phrase  dans  nn  journal  :  «  Pour  les 
filles,  c'est  r.vE  actue  guitare.  On  les  fourre  au  cou- 
vent.... »  Pourriez-vous  me  dire  la  raison  qui  a  rendu 
ainsi  gditaue  synonyme  de  affaire  ? 

Le  mot  guitare,  qui  désigne  un  instrument  de  mu- 
sique fort  à  la  mode  en  France  au  temps  de  Louis  XIV, 
a  plusieurs  autres  significations  dans  notre  langue. 

Au  figuré,  il  représente  les  chansons,  la  poésie  ba- 
dine, comme  la  Ijre  représente  la  poésie  noble  : 

Choisis  quelque  excellente  main 
Pour  une  si  belle  aventure, 
Prends  la  lyre  de  Chapelain 
Ou  la  guitare  de  Voilure. 

(Sarrasin,  cité  par  Littré.) 

On  l'a  également  appliqué  à  certaines  petites  compo- 
sitions poétiques  empreintes  de  la  couleur  espagnole  et 
dans  le  goiit  des  sérénades,  qui  se  chantent  avec  accom- 
pagnement de  guitare.  Telles  sont,  par  exemple,  les  deux 
pièces  qui  se  trouvent  dans  les  Rayons  et  les  Ombres  âc 
Victor  Hugo,  et  dont  la  iiremiere  commence  comme  il  suit  : 

Gaslibelza,  l'homme  à  la  Carabine, 

Chantait  ainsi  : 
Quelqu'un  a-t-il  connu  dona  Sabine, 

Quelqu'un  d'ici? 
Dansez,  chantez,  villageois!  la  nuit  gagne 

Le  mont  Falù. 
—  Le  vent  qui  vient  à  travers  la  montagne 

Me  rendra  fou. 


Enfin,  au  témoignage  de  M.  Lorédan  Larchey,  les 
romantiques  s'en  seraient  servis  dans  le  sens  de  ren- 
gaine, répétition,  au  temps  de  leur  querelle  avec  les 
classiques. 

Or,  attendu  que,  dans  cette  dernière  signification,  le 
mol  (jïiitare  est  synonyme  de  f/m/!.s'Ort,  et  qu'avec  a!<</"e, 
celui-ci  s'emploie  dans  le  sens  de  afj'uire,  il  est  facile  de 
comprendre  qu'on  ait  été  amené  à  dire,  dans  le  dis- 
cours familier  :  c'est  une  autre  guitare,  pour  signifier 
c'est  une  autre  affaire 

Il  faut  que  l'emploi  populaire  de  guitare  dans  le  sens 
de  phrase  répétée  plus  qu'il  ne  convient  soit  de  date 
toute  récente;  car,  il  y  a  juste  dix  ans,  Kastner  impri- 
mait dans  sa  Parémiologie.musicale  que  ce  iTiot  n'était 
encore  «  qu'un  terme  de  comédien,  d'artiste,  de  lettré, 
dont  la  presse  de  1856  s'était  emparée  pour  caractériser 
les  vieilles  rocamboles  des  partis.  » 

X 
Troisième  Question. 
Vous  parlez,  dans  votre  numéro  8,  de  l'introduction 
du  mot  Suicide  en  français,  introduction  qui  serait  due 
à  l'abbé  Desfontaines.  Vous  serait-il  possible  de  dési- 
gner l'époque  précise  à  laquelle  remojite  ce  mot,  relati- 
vement moderne  ? 

Le  premier  diclionuaire  français  qui,  à  ma  connais- 
sance, ait  enregistré  suicide,  est  celui  de  Trévoux,  édi- 
tion de  (7.'52,  où  .ce  mot  est  donné  comme  création  de 
l'abbé  Desfontaines,  dans  la  phrase  suivante  : 

Lorsqu'on  veut  favoriser  un  coupable  dans  le  Japoo,  on 
lui  permet  de  se  faire  tuer  par  un  de  ses  parents  :  mais 
le  suicide  est  plus  beau. 

Or,  attendu  que,  d'après  la  Biographie  Michaud, 
ledit  abbé  a  commencé  sa  carrière  de  critique  en  \1\^, 
et  qu'il  est  mort  en  1745,  je  crois  pouvoir  en  conclure, 
avec  assez  de  certitude,  que  c'est  entre  ces  deux  dates 
que  le  néologisme  suicide  a  pris  naissance. 

X 
Quatrième  Question. 
Le  subjonctif  exprimant  une  action  dépendante  .toit 
d'une  conjonction,  soit  d'un  verbe,  soit  d'un  pronom 
relatif,  je  ne  puis  comprendre  comment  vous  pouvez 
dire  dans  votre  langue  :  Je  ne  sache  pas  que...  Auriez- 
vous  la  complaisance  de  m'expliquer  cet  emploi  dans 
un  de  vos  prochains  numéros  ? 

Celte  forme  subjonctive,  qui  parait  en'ectivement  bien 
singulière,  surtout  quand  elle  est  placée  en  léle  d'une 
phrase,  n'est  autre  chose  que  la  traduction  de  quod 
scium,  qui  s'emploie  en  latin  tantôt  dans  les  phrases 
adirmalivcs,  tantôt  dans  les  phrases  négatives,  avec  le 
sens  de  û  ma  connaissance. 

Vojez  pour  plus  amples  explications  le  Courrier  de 
Vaugelas,  Z'  année,  p.  170,  où  celle  question  a  été  trai- 
tée avec  tous  les  développements  ([u'cllc  comporte. 

X 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


93 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 


[•...  de  maisons  en  délabrement  on  délabrées  (le  mot  délabre 
n'est  pas  français);  —  1°...  leur  sang  est  près  de  couler  (on  dit 
prêt  à  pour  signifier  disposé  ù);  —  3"...  pour  que  nous  voijions 
(après  pour  que  on  met  le  subjonctif);  — 4°...  a  exprimé  le 
désir  que  son  enterrement  se  fit;  —  b°...  qu'oitra  lieu  l'élection 
des  maires  et  adjoints;  —  6°...  nous  nous  sommes  laisse  devan- 
cer (l'iiilinitif  qui  suit  le  participe  est  p.issif  relativement  au 
régime);  —  7*  Le  roi  de  Dahomey,  quoiqu'il  soit  noir  comme 
un  charbonnier,  ou  tout  noir  qu'il  est;  —  8"...  reçoit  des  lèvres 
épaisses  du  souverain  (l'adjectif  lippu  voulant  dire  qiii  a  de 
grosses  lèvres,  il  ne  peut  se  rapporter  à  /cidres);  —  9°...  c'est 
dans  les  plaines  que  le  rendement  s'abaisse;  —  10"...  dont  la 
physionomie  ne  laisse  pas  de  nous  inq  liéler  (Voir  Courrier  de 
Vaugelas,  4'  année,  p.  15.5,  où  il  est  démontré  qu'il  ne  faut  pas 
de  que  après  ne  pas  laisser,  suivi  d'un  inlinilif). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  clans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 


1°  Dans  le  quartier,  jamais  on  n'avait  pu  voir  le  mari 
sans  être  ivre  et  la  femme  sans  grommeler  entre  ses  dents 
et  sans  bousculer  sa  fille  maigre  comme  un  squelette. 

'i.'  L'indignation  de  la  population  a  été  très-violente,  et 
le  caractère  de  la  cérémonie  seul  a  empêché  que  des 
scènes  de  désordre  eussent  lieu. 

3°  Elles  marquent  leur  époque  d'un  signe  particulier, 
celui  d'une  demi-corrupiion  aimable,  d'une  soif  de  jouis- 
sances infinie,  d'une  poésie  mièvre  et  rechercliée,  mais 
parfois  heureuse  en  ses  rencontres. 

4°  Vous  saurez  parfait'^ment  que  ce  rideau  d'autonomie 
cache  une  prus.-iflcation  réelle,  et  que  nos  populations 
n'entendent  pas  de  cette  oreille. 

5°  La  seule  chose  certaine,  c'est  que  par  chaque  demi- 
bataillon,  c'est-à-dire  par  chaque  quatre  compagnies,  il 
faut  trouver  un  officier  possédant  bien  l'art  de  la  lecture, 
de  l'écriture  et  du  calcul. 

6°  Sa  Majesté  noire,  malheureusement,  ne  s'est  pas 
laissée  intimider  pour  si  peu.  Au  blocus  des  Anglais,  elle 
a  répondu  en  faisant  saisir  et  incarcérer  tous  les  blancs. 

7°  Si  la  Kus.'ie  maintient  son  projet  d'occupation  mili- 
taire, l'Autriche,  non-seulement  s'emparera  de  la  Bosnie, 
mais  elle  marchera  contre  les  Serbes  afin  d'empêcher  le 
démembrement  de  la  Turquie. 

8°  Ces  tabacs  seraient  plus  combustibles  et  brûleraient 
d'une  façon  plus  régulière  que  ceux  qu'il  m'avait  été 
donné  de  déguster  à  Alger. 

9*  Quant  à  la  vigne,  dont  la  cueillette  est  commencée 
depuis  près  d'un  mois,  elle  semble,  d'après  les  renseigne- 
ments particuliers  qui  nous  sont  parvenus,  donner  quan- 
tité et  qualité. 

10'  Le  comité  d'initiative  du  Congrès  ouvrier,  vu  le 
nombre  considérable  de  demandes  de  paroles  qui  lui  ont 
été  adressées,  informe  les  orateurs  qu'ils  ne  pourront 
parler  dans  le  Congrès  que  sur  une  seule  question. 

Il*  Il  diminue  à  vue  d'œil  comme  un  jiassant  qui  s'en  va 
à  l'horizon.  Il  faut  mieu.v  dire,  en  terminant,  que  ce  révo- 
lutionnaire n'a  rien  des  nôtres. 

(Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII»  SIÈCLE. 

Dominique  BOUHOURS. 

{Suite.) 

Balzac  s'emporle  avec  beaucoup  d'animosilé  contre 
le  mot  religionaire,  et  il  en  dit  tout  le  mal  qu'il  peut. 
Mais  ce  mot  est-il  réellement  aussi  barbare  et  aussi 
monstrueux  qu'il  le  dit  '?  Bouhours  reconnaît  que  /ni- 
(juenot  ou  calviniste  est  plus  usité;  qu'il  s'en  faut  ser- 
vir d'ordinaire,  surtout  dans  le  discours  familier;  mais 
ne  pourrait-on  pas,  dans  un  discours  élevé,  après  avoir 
dit  souvent  Intguenot,  dire  une  fois  ou  deux  religio- 
naire? Il  serait  bien  trompé  si  Messieurs  de  l'Académie 
ne  le  préféraient  pas  à  parpaillaux. 

Le  sieur  de  Mombrigny  emploie  le  mot  évaporation 
dans  un  sens  moral.  Si  ce  mol  est  français,  n'est-ce 
pas  un  terme  de  physique  et  de  chimie?  On  dit  bien 
peut-être  quand  il  s'agit  d'un  alambic  Vévaporation  des 
esprits;  mais  peut-on  dire,  en  matière  de  morale,  Véva- 
poration de  l'esprit  comme  on  dit  un  esprit  évaporé? 

M.  de  la  Chambre  a  employé  atrabile  dans  son  Art 
de  connoistre  les  hommes.  Bouhours  connaît  atrabilaire, 
mais  il  a  été  surpris  de  rencontrer  Vatrabile  au  lieu  de 
la  bile  noire. 

Le  même  auteur  dit  ^mr  après  et  en  après  quand, 
selon  Vaugelas,  il  faut  dire  après  tout  seul.  Qui  des 
deux  doit  l'emporter? 

D'Ablancourt  emploie  l'adverbe  titrbulemment  dans 
les  Annales  de  Tacite;  mais,  avant  de  s'en  servir,  Bou- 
hours désirerait  connaître  le  sentiment  de  Messieurs  de 
l'Académie. 

On  dit  sans  doute  très-bien  le  vraij,  le  fin,  le  sérieux  ; 
mais  Bouhours  voudrait  bien  savoir  s'il  est  permis  de 
faire  de  ces  mois  à  sa  fantaisie,  et  de  dire,  par  exemple, 
l'inutile,  le  simple,  le  provincial  d'un  écrit,  le  poli,  le 
pur.  Il  ne  pense  pas  qu'un  particulier  ait  le  droit  d'éta- 
blir des  mots  nouveaux. 

IL 

DOCTES   SCR    LES    PHRASES. 

Beaucoup  de  phrases  ont  arrêté  Bouhours  dans  la  lec- 
ture des  bons  auteurs. 

Balzac  a  des  façons  de  parler  qu'il  ne  goûte  nulle- 
mcnl.  Il  dit  dans  une  de  ses  leilres  acquérir  des  fluxions 
et  des  catharres.  Peut-on  dire  cela  plutôt  que  gagner 
une  fluxion  et  des  catharres  ?  Il  semble  à  Bouhours 
que  acquérir  ne  se  joint  qu'à  des  choses  qui  sont  avan- 
tageuses, qu'on  se  propose  comme  une  fin. 

Voilure  a  dit  sortir  de  l'honneur  de  son  souvenir. 
Est-ce  là  parler  un  bon  français  ?  Ne  valait-il  pas  mieux 
dire  simplement  sortir  de  son  souvenir  ? 

L'expression  s'en  prendre  à  quelqu'un  ou  à  quelque 
chose,  ne  semble  à  Bouhours  devoir  s'employer  qu'en 


94 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


mauvaise  part,  comme  dans  s'en  prendre  à  la  mauvaise 
fortune. 

Bouhours  a  trouvé  quelque  part  la  charité  que  ?iOî/s 
devons  avoir  pour  le  salvt  de  tous  les  rois.  11  doute  que  ce 
soit  parler  proprement,  car  on  n'a  de  la  charité  que 
pour  les  personnes. 

Le  verbe  rendre  peut-il  se  joindre  aux  participes 
passés,  dans  notre  langue  ?  Par  exemple,  peut-on  dire 
rendre  chéri,  rendre  destitué,  rendre  préparé,  rendre 
disposé,  rendre  connu?  Bouhours  croit  qu'on  ne  joint  le 
verbe  rendre  qu'aux  adjectifs  personnels  comme  bon, 
aimable,  illustre,  etc. 

Retenir  de  s'engager  est-il  bien  dit?  Bouhours  ne  le 
pense  pas. 

En  général,  les  phrases  connues  et  usitées  valent  tou- 
jours mieux  que  les  phrases  nouvelles  qui  ne  sont  pas 
encore  établies. 

Un  de  nos  meilleurs  écrivains  a  dit  élever  les  yeux 
vers  le  ciel;  cette  phrase  n'est  point  française,  il  faut 
dire  lever  les  yeux. 

11  y  a  des  mots  qui  ne  sont  bons  qu'employés  au 
propre,  comme  fraischeur.  On  dit  bien,  au  figuré,  de 
fraische  date,  mais  on  ne  dit  pas  là  fraischeur  d'une  date. 

On  pourrait  presque  dire  la  même  chose  de  jeunesse 
et  de  vieillesse  :  leur  signification  s'étend  moins  loin 
que  celle  de  jeune  et  de  vieux.  On  ne  dit  pas  la  jeu- 
nesse d'%tn  arbre,  quoiqu'on  dise  un  jeune  arbre  ;  on  dit 
bien  une  vieille  peinture,  mais  on  ne  dit  pas  la  vieil- 
lesse d'une  peinture. 

Tout  le  secret  pour  faire  de  bonnes  phrases  est  de 
bien  associer  les  mots  ;  mais  il  faut  de  l'usage  pour  cela. 

Une  phrase  qui  a  constamment  choqué  Bouhours,  et 
dont  plusieurs  écrivains  se  servent,  c'est  le  prince  des 
orateurs,  le  prince  drs  poètes.  Cette  phrase  est  tirée  sans 
doute  du  latin,  mais  apparemment  du  latin  mal  entendu. 
Princeps  oratorum,  poëtarum  ne  signifie  pas  dans  la 
langue  latine  le  prince,  mais  le  premier  des  orateurs  des 
poêles.  Il  est  mal  de  confondre  ces  deux  significations. 
Chose  qui  démontre  encore  l'impropriété  de  cette  ex- 
pression, c'est  qu'on  ne  dirait  pas  de  l'Académie  fran- 
çaise qu'elle  est  la  princesse  des  académies,  pour  dire 
qu'elle  tient  le  premier  rang  parmi  les  académies  de 
l'Europe. 

Autre  surprise  de  Bouhours,  c'est  qu'on  donne  de  la 
royauté  à  tout  le  monde,  et  qu'on  dise  c'est  le  ray 
'des  hommes,  vous  êtes  le  roy  des  hommes,  la  lumière 
est  la  reine  des  couleurs.  Parce  que  l'usage  permet  de 
dire  que  le  lyon  est  le  roy  des  animaux,  et  que  la  rose 
est  la  reine  des  fleurs,  il  ne  s'ensuit  pas  que  tout  ce  qui 
excelle  en  son  genre  doive  s'appeler  roy  ou  reine. 

Dans  l'avant-propos  du  Socrate  chrétien,  Balzac  dit 
imjiatient  du  joug;  le  mol  impatient  n'est-il  pas  de 
ceux  qui  n'ont  point  de  suite,  et  qui  vont  tout  seuls'!* 

Un  auteur  a  dit  les  cordes  humaines  pour  signifier 
les  liens  de  la  société.  Bouhours  estime  que  c'est  une 
très-mauvaise  expression;  car,  selon  le  cardinal  du  Per- 
ron, les  métaphores  ne  doivent  jamais  descendre  du 
genre  ii  l'espèce.  On  peut  bien  dire  la  flilmc  d'amour, 
mais  non  le  ti.wn,  le  fallût,  la  mèche  d'amour. 


Ce  ne  sont  pas  là  les  seules  phrases  qui  aient  arrêté 
Bouhours;  mais  il  a  bien  d'autres  difficultés  à  propo- 
ser sur  la  syntaxe.  Comme  la  liaison  du  discours  est  ce 
qu'il  y  a  de  plus  essentiel  dans  la  langue,  les  doutes 
qui  regardent  cette  liaison  sont  plus  importants  et  plus 
dignes  en  quelque  sorte  du  jugement  de  l'Académie. 
III. 

DOCTES   SDR   LA   COXSTRDCTioN. 

Puisque  la  syntaxe,  que  nous  appelons  construction 
dans  notre  langue,  embrasse  les  genres  et  les  cas  des 
noms,  le  régime  et  les  inflexions  des  verbes,  les  usages 
différents  des  articles,  de  la  préposition  et  des  adverbes, 
Bouhours  va  constater  ses  doutes  sur  tous  ces  points. 

11  commence  par  les  genres,  et  il  demande  si  insulte 
est  masculin  ou  féminin,  car  il  y  a  des  exemples  de 
l'un  et  de  l'autre  genre. 

11  y  a  des  écrivains  qui  mettent  après  personne  un 
pronom  relatif  féminin  comme  lui;  d'autres,  qui  en 
mettent  un  masculin.  Certes,  le  masculin  est  plus  élé- 
gant, mais  le  féminin  est  plus  régulier. 

M.  Coslar  a  donné  à  consentir  une  signification  pas- 
sive, ainsi  il  a  dit  une  vérité  consentie.  Avait-il  raison? 

Plusieurs  auteurs  mettent  le  verbe  au  singulier 
quand  le  sujet  se  compose  de  deux  substantifs  unis  par 
et,  puis  font  accorder  l'adjectif  avec  le  dernier  comme 
dans  cette  phrase  :  C'est  ïin  sentiment  et  une  veuë  qui 
n'est  pas  moins  forte.  Vaugelas  veut  que,  dans  ce  cas, 
on  mette  le  verbe  et  l'adjectif  qui  le  suit  au  pluriel. 
Quelle  est  la  meilleure  manière  d'écrire  ? 

Voici  des  phrases  mal  construites  trouvées  dans  les 
meilleurs  écrivains  du  temps  (1674)  : 

Us  étaient  contraints  de  demander  leur  vie,  quelque 
peine  et  quelque  honte  qu'ils  en  eussent.  Il  faut  qu'ils  y 
eussent  ;  en  ne  se  peut  joindre  avec  peine,  parce  qu'on 
ne  dit  pas  avoir  peine  de  demander,  mais  bien  avoir 
poine  à  demander. 

Ils  ne  sçaiir oient  le  faire,  s'ils  ne  se  connaissent  eux- 
viêmes  et  les  autres.  Le  verbe  connaissent  régit  bien 
eux-mêmes,  mais  non  'pdi&  les  autres .  Il  eût  fallu,  d'après 
Bouhours,  répéter  connaissent ,  et  dire  s'ils  ne  se  con- 
naissent eux-mêmes  et  ne  connaissent  les  autres. 

Il  ne  pensa  plus  qu'à  reconnaître  la  volonté  deDieu, 
et  ce  qui  luy  serait  plus  agréable  et  plus  parfait.  Ici 
serait  ne  se  rapporte  pas  à  plus  parfait  comme  à  plus 
agréable;  c'est  une  mauvaise  construction. 

Annoncez-  partout  que  vostre  roy  vous  vient  l'oir,  et 
vous  témoigner  sa  douceur.  La  régularité  exigerait  que 
vous  fût  placé  après  voir,  et  qu'on  dît  vient  vous  voir  et 
vous  témoigner  .m  douceur. 

Ils  n'ont  plus  ni  affection  ni  créance  pour  elles.  Cepour 
elles  se  rapporte  bien  à  affection,  car  on  dit  avoir  de 
l'affection  pour  quelqu'un;  mais  il  ne  se  rapporte  pas 
bien  à  créance  j)arce  qu'on  dit  avoir  créance  en  une 
personne. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


Le  Rédàcteor-Gékant  :  Ema«  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


95 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Cours  supérieur  de  grammaire  française,  ou  Syn- 
taxe raisonnée  rédigée  conformément  au  programme 
Officiel  du  cours  supérieur  des  écoles  de  la  ville  de 
Paris;  par  M.  A.  Charles,  agrégé,  et  M.  E.  Ridiez,  pro- 
fesseur. Partie  du  maitre.  ln-1-2,  291  p.  Paris,  lib.  Gedalge 
jeune. 

Précis  de  la  guerre  franco-allemande  ;  par  le 
colonel  Henri  Fabre-Massias.  Ouvrage  renfermant  13  cartes 
stratégiques.  2/  édition.  In-18  Jésus,  372  p.  Paris,  lib. 
Pion  et  Cie. 

Le  Rhin.  Lettres  à  un  ami;  par  Victor  Hugo.  3  vol. 
ln-18  Jésus,  976  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  10  fr.  50. 

Mémoires-journaux  de  Pierre  de  L'Estoile.  Edi- 
tion pour  la  première  fois  complète,  et  entièrement 
conforme  aux  originaux ,  publiée  avec  de  nombreux 
documents  inédits  et  un  commentaire  historique,  biogra- 
phique et  bibliographique,  par  MM,  G.  Drunet,  A.  Cham- 
pollion,  E.  Halphen,  Paul  Lacroix,  Charles  Read,  Tamizey 
de  Larroque,  et  Ed.  Tricotel.  T.  3.  Journal  de  Henri  III, 
1587-1589.  In-8",  392  p.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles. 
Chaque  vol.  15  fr.;  sur  papier  de  Hollande,  20  fr. 

Les  Cinq  livres  de  F.  Rabelais,  publiés  avec  des 
variantes  et  un  glossaire  par  P.  Chéron  et  ornés  de  onze 
eaux-fortes  par  E.  Boilvin.  Livre  II,  Pantagruel.  In-16, 
212  p.  et  2  grav.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  10  fr. 

La  Littérature  française  au  XVIII'  siècle;  par 


Paul  Albert,  maitre  de  conférences  à  l'École  normale 
supérieure.  2=  édition,  In-18  Jésus,  A82  p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

L'Empereur  Titus;  par  Lucien  Double.  In-18  Jésus, 
266  p.  Paris,  lib.  Sandoz  et  Fischbacher. 

Œuvres  d'Edmond  et  Jules  de  Goncourt.  Germinie 
Lacerteux.  Petit  in-12,  3G3  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  6  fr. 

Œuvres  complètes  de  La  Fontaine.  Nouvelle  édi- 
tion, très-soigneusement  revue  sur  les  textes  originaux, 
avec  un  travail  de  critique  et  d'érudition,  aperçus  d'his- 
toire littéraire,  vie  de  l'auteur,  notes  et  commentaires, 
bibliographie,  etc.,  par  M.  Louis  Moland.  T.  6.  In-S", 
xL-48/i  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères,  7  fr.  50  ;  sur  papier 
de  Hollande,  15  fr. 

Œuvres  complètes  de  Montesquieu,  avec  les  va- 
riantes des  premières  éditions,  un  choix  des  meilleurs 
commentaires  et  des  notes  nouvelles,  par  Edouard  Labou- 
layé,  de  l'Institut,  T.  3.  De  l'esprit  des  lois.  Livres  i-x. 
In-S",  Lxix-395  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  7  fr.  50. 

Un  mariage  sous  la  Terreur;  par  Charles  Yrtal. 
In-18  Jésus,  28!  p.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  3  fr. 

Œuvres  complètes  d'H.  de  Balzac.  Edition  défini- 
tive. XXIV.  Correspondance,  1819-1850.  Avec  portrait  et 
fac-siraile.  In-8'',  lxxix-677  p.  Paris,  lib.  Nouvelle.  7  fr.  50. 

Les  Mystères  du  nouveau  Paris  ;  par  Fortuné  Du 
Boisgobey.  2  vol.  In-18  jésus,  793  p.  Paris,  lib.  Dentu,  6  fr. 


Publications  antérieures  : 


LES  CONFESSIONS  DE    FRÉRON  (1719-1776),   s.\    vie. 

SOUVENIRS      INTIMES       ET      .\XECDOTIQUES,      SES      PE.NSÉES.      — 

Recueillis  et  annotés  par  Ch.  Barthélémy.  —  Paris, 
G.  Charpentier,  libraire-éditeur,  13,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


LE  ROMAN  DE  LA  POUPÉE  —  Par  Louis  Dépret  — 
Paris,  G.  Decaux,  éditeur,  16,  rue  du  Croissant  ;  —  Bru- 
xelles, E.  Sardou,  librairie,  ii,  galerie  du  Roi  —  Prix: 
1  franc. 


GEORGE  WASHINGTON  D'.ipnès  ses  mémoires  et  s.>l  cor- 
BEspoND.\NCE.  —  Histoire  de  la  Nouvelle-France  et  des  Etats- 
Unis  d'Amérique  au  xviii'  siècle.  —  Par  Alphonse  Jou.\ult. 
—  Paris,  librairie  flachelle  et  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain.  —  Prix  :  1  fr.  25. 


LES  HOMMES  DE  DEMAIN.  —  Livre  pour  la  jeunesse. 
—  Par  Mme  Nelly  Lientier.  —  Chez  Bonhoure,  éditeur, 
AS,  rue  de  Lille.  —  Prix  :  3  fr. 


HISTOIRES  DE  TROIS  MANIAQUES.  —  Par  Paul  de 
Musset.  —  Édition  complète  en  un  volume.  —  Paris, 
Charpentier  et  Cie,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Goepp,  chef  de  bureau 
au  Ministère  de  rinstruction  publique,  et  Henri  de  Man- 


NouRY  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duquay-Trouin,  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  ti  fr. 


OEUVRES  DE  PHILARÈTÉ  CHASLES.  —  le  moyen-age. 
—  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris,  Charpentier 
et  Cie,  libraires  éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Ger- 
main. —  Prix  :  3  fr.  50. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  hommes 
DE  GUERRE.  —  Première  série.  —  Par  Edouard  Goepp, 
chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'instruction   publique. 

—  2=  édition,  ornée  de  quatre  portraits  et  de  trois  cartes. 

—  Klèber,  Desaix,  Hoche,  Marceau,  Dau.mesnil.  —  Paris, 
P.  Ducroc,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix, 
relié  :  U  francs. 


MARIE  DE  COMPIÈGNE,  d'après  I'Evangile  aux  fem- 
mes. —  Publié  pour  la  première  fois  d'après  les  quatre 
manuscrits  connus,  avec  des  notes  philologiques  et  histo- 
riques, et  une  dissertation  sur  l'origine  de  ce  fabliau.  — 
Par  M.  CoNSTANS,  professeur  agrégé  au  lycée  de  Sens.  — 
Paris,  librairie  Franck,  rue  Richelieu.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

SŒUR  PHILOMÈNÉ.  —  Par  Edmond  et  Jules  de  Con- 
court. —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


96 


LE  COURRIER  DE  VAUGSLAS. 


POÈMES  ET  FANTAISIES  (1867-1873).  —  Claudine.  — 
Que  sais-je?  —  L'Espoir  en  l'homme.  —  Prométhée.  — 
La  Légende  d'Urfé.  —  Sonnets.  —  Par  Gustave  Vinot.  — 
Paria,  librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue  Saint-Honoré. 
—  Prix  :  3  francs. 


•  LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Eman  Marti.n  ,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LA  CONQUÊTE  DE  PLASSANS.  —  Par  Emile  Zola.  — 
Troisième  pdition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires- 
éditeurs,  43,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  —  Prix  : 
3  fr.  50. 


LA  JEUNE  FILLE;  lettres  d'un  ami.  — Un  volume 
format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye,  avec 
fleurons,  lettres  ornées  de  culs-de-lampe.  —  Paris,  P. 
Ducroq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 
50.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  5  fr. 


LES    GRANDS    ÉCRIVAINS    DE    LA    FRANCE 


LETTRES     INÉDITES 
DE 

MADAME    DE    SÉVIGNË    A    MADAME    DE    GRIGNAN,    SA     FILLE 

Extraites  d'un  ancien  manuscrit,   publiées  pour  la  première  fois,  annotées  et  précédées  d'une  Introduction,  par 

Charles  Gapmas,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Dijon. 


Deux  volumes  contenant  ensemble  983  pages  ;  —  Prix  :   15  francs. 


Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


L'Académie  française  propose  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1877  :  André  Chénier.  —  Les  manuscrits 
devront  être  déposés  ou  adressés  francs  de  port,  au  secrétariat  de  l'Institut  avant  le  31  décembre  1876,  terme  de 
rigueur.  Ils  devront  porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce 
billet  contiendra  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au 
Concours  ne  seront  pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


Le  dix-septième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  aoiU  sera  clos  le  i"  décembre  1876.  —  Douze  médailles, 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carran.ce, 
Président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  A/franchir. 


La  Société  des  études  historiques  a,  pour  l'année  1877,  mis  au  concours  pour  le  prix  Raymond  la  question 
suivante  :  Historique  des  institutions  de  prévoyance  dans  les  divers  pays,  et  spécialement  en  France.  —  Elle  vieijt 
de  décider  qu'en  1878  un  prix  de  1,000  fr.  sera  accordé  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  l'histoire  du  portrait 
en  France  (peinture  et  sculpture). 

Le  Tournoi  poétique,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (4"=  année).  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien.  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements , 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


Société  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de  Montauban  —  Sujets  proposés  :   «  Poésies  diverses.  »  —  Prix 
médailles  d'or  et  d'argent  de  200  fr.  à  50  fr.  —  Clôture  du  Concours  le  1"  février  1877. 


RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTIiANGERS. 


Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  indique  aux  Etrangers 
qui  lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter  r—l"  des  professeurs  de  français; — 2»  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  française  ;  —  3°  des  maisons  d'éducation  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français  ;  —  ti"  des  réunions  publiques  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  où  se 
parle  un  très-bon  français  ;  —  5»  des  agences  qui  se  chargent  de  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 
gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 

M.  Eman  .Martin,  Rêilaclcur  du  GorniiiEii  ue  Vaugklas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cim/  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  Q.  DAUPELEY  à  Nogent-le-Rotrou. 


7«  Année 


N»  13. 


1"  Décembre  1876. 


QU'ESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^' 


A\W  Journal  Semi-Uemuel  <!/ /      À 

-^      CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "<>    1 


Paraliiant    la    l*  at   la    IS    da    ehaqna  mois 


(Vam  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par  an,    6   fr.   pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 1 
Annonces  :     Ouvrages,    lot    exem- 
plaire; Concours  liltéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

AN'CIEN       PROFESSEUR     SPECIAL      POUR      LES      ÉTRANGERS 

Officier  d'AcavIémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  mi'nie 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


AVIS. 
A  partir  du  {"  janvier  prochain,  le  Rédacteur  du 
Courrier  de  Vacgelas  fera  présenter  sa  quittance,  avec 
une  augmentation  de  73  centimes  pour  frais  de  recou- 
vrement, à  ceux  d'entre  ses  abonnés  de  province  qui, 
à  cette  époque,  ne  lui  auront  pas  encore  envoyé  le  mon- 
tant de  leur  souscription  à  la  V  année. 

SO.MMAIRE. 
Communications  sur  Amulette  et  sur  Cartable;  —  Origine  de 
Vteux  comme  Uérodt:  —  Lequel  vaut  le  mieux  de  Mièvrerie 
ou  de  Mierretë;  —  Explication  de  Battre  à  plates  coutures.  ]| 
Origine  de  l'expression  négative  Par-dessus  l'épaule;  — 
Signification  littérale  de  Cheval  fondu  ;  —  L'expression  Se 
donner  le  baiser  Lamourette.  ||  Passe-temps  grammatical.  || 
Suite  de  la  biographie  de  Dominique  Bouhours.  ||  Ouvrages 
de  grammaire  et  de  littérature.  Il  Concours  littéraires.  ||  Rensei- 
gnements à  l'usage  des  professeurs  français. 

FRANCE 


COM.MUNICATIONS. 
I. 
Voici  une  lettre  relative  au  genre  d'amulelte,  subs- 
tantif que  j'ai  employé  au  féminin  dans  le  numéro 
9  de  ce  journal  : 

Paris,  le  lî  octobre  1876. 
Monsieur  le  Rétlactei:r, 
Dans  le  dernier  numéro  du  Courrier  de  Vaugelas,  p.  68, 
je  lis  :  t  Cette  pr(''tendue  amulette  ».  Est-ce  avec  intention 
et  d'après  une  raison  que  j'ignore  que  vous  écrivez  ce  mot 
au  féminin  quand  tous  les  dictionnaires  l'indiquent  au 
masculin?  Il  est,  jusqu'à  présent,  dans  la  langue  française 
le  seul  mot  purement  latin  qui  s'écrive  au  masculin  avec 
une  terminaison  féminine,  car  le  mot  squelette  est  grec 
(ox£).ETci;,  desséché).  Aussi  serait-il  plus  logique  d'écrire  ce 
mot  avec  un  seul  (  ;  amulète,  forme  qui  se  coi. formerait 
directement  au  latin  amulelum,  et  qui  prendrait  place  dans 
les  noms  à  terminaison  masculine,  comme  les  suivants 
athlète,  anachorète,  prophète,  interprèle,  ascète. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  le  Rédacteur,  l'assurance  de 
ma  considération  la  plus  distinguée. 

P.  Hecqcet-Boucrand, 
52,  rue  NoUet,  aux  Datignolles. 


A  mon  avis,  faire  amulette  du  féminin,  c'est  non- 
seulement  ne  pas  commettre  une  faute,  mais  encore 
lui  donner  le  seul  genre  qu'il  puisse  avoir  en  français. 

Ce  n'est  pas  comynettre  une  faute.  — Tous  les  diction- 
naires ne  font  pas  amulette  du  masculin  ;  celui  de  Bes- 
cherelle,  celui  de  Napoléon  Landais,  celui  de  Xoël  et 
Carpentier,  celui  de  Pierre  Larousse  et  celui  de  Noël  et 
Ghapsal  le  d.onnent  comme  étant  du  féminin. 

L'Encyclopédie  du  XIX^  siècle  lui  attribue  le  même 
genre,  preuve  celte  phrase  que  j'y  ai  rencontrée  : 

La  Mishna  défend  aux  Juifs  les  amulettes,  à  moins  qu'e//es 
ne  viennent  d'un  homme  qui  ait  déjà  guéri  trois  personnes 
par  leur  moyen. 

On  le  trouve  aussi  employé  au  féminin  dans  YEncy- 
clopédie  des  Gens  du  monde  : 

Une  amulette  irès-reclierckée  fut  entre  autres  la  pierre 
alectorienne,  qui  se  formait,  dit-on,  dans  l'estomac  des 
poules. 

Plus  dun  écrivain  autorisé  a  également  rangé  ce  nom 
dans  le  genre  féminin,  ce  que  montrent  ces  exemples  : 

Comme  ils  ont  de  ces  amulettes  en  papier.  Ils  en  ont 
aussi  de  gravées  sur  des  pierres. 

(Chardin.) 

La  mu5e  ne  se  réveilla  plus  qu'un  moment,  animée  d'une 
vie  d'emprunt,  se  jouant  avec  des  amulettes  enchantées. 

(Ch.  Xodier.) 

Cependant  le  geste  du  capitaine  avait  mis  à  découvert 
l'amulette  mystérieuse  qu'elle  portait  au  cou. 

(Victor  Hugo.l 

Au  moyen  âge,  on  lui  attribuait  [au  diamant!  les  vertus 
préservatrices  d'une  amulette  de  premier  ordre. 

(Ch.  Rozan,  A  travers  les  mots,  p.  24i-) 

Si  l'on  en  croit  une  piquante  anecdote  publiée  par  le 
Correspondant  au  mois  d'avril  dernier,  il  n'est  pas 
jusqu'à  des  membres  de  l'Académie  française  «  travail- 
lant au  Dictionnaire  »  qui  n'aient  incliné  ou  n'inclinent 
encore  fortement  à  voir  un  nom  féminin  dans  amulette. 

Or,  en  présence  de  tels  faits,  je  suis  persuadé 
qu'écrire  «  cette  prétendue  amulette  »  n'est  pas  com- 
mettre une  faute. 


98 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


C'est  lui  donner  le  seul  genre  qu'il  puisse  avoir  en 
français.  —  En  effet,  est-il  de  règle  que  tout  nom 
masculin  ou  neutre  désignant  en  latin  une  chose  qui 
n'a  pas  de  sexe,  comme  teinplum,  par  exemple,  ne 
puisse  passer  en  français  qu'à  la  condition  d'y  prendre 
le  genre  masculin? 

Nullement;  car  les  noms  latins  qui  suivent,  tant 
neutres  que  masculins,  sont  du  genre  féminin  dans 
notre  langue,  fait  qui  lient  uniquement  à  ce  qu'ils  y 
ont  reçu  une  terminaison  féminine  : 

Alnetum  (n)  a  donné  Aunaie 

Sagum  (0)  —  Saie 

Sancialium  (n)  —  Sandale 

Salinum  (n)  —  Salière 

Alveus(m)  —  Auge  < 

Uter  (m)  —  Outre 

Horologium  (n)  —  Horloge 

Cornu  (n)  —  Corne 

Stabulum  (n)  —  Etable 

Cymbalum  (n)  —  Cymbale 

Insubulum  (n)  —  Ensouple 

Armarium  (n)  —  Armoire. 

Par  conséquent,  quoique  amuletum  soit  neutre  en 
latin,  son  dérivé  amulette  n'en  doit  pas  moins  appar- 
tenir au  genre  féminin  en  français,  attendu  qu'à  une 
seule  exception  près  (celle  de  squelette].,  tous  les  noms 
à  la  finale  ette  y  sont  rangés  sous  ce  genre. 

J'espère  que  cette  réponse  donnera  satisfaction  à 
M.  Hecquet-Boucrand  ainsi  qu'à  M.  Lejosne,  un  autre 
abonné  qui  a  pensé  que  c'était  par  mégarde  que  j'avais 
mis  le  mot  en  question  au  féminin. 

II. 

La  communication  suivante  concerne  le  mot  cartable 
que,  dans  mon  numéro  du  \"  septembre  dernier,  je  dé- 
clarais ne  pas  connaître  : 

Marseille,  le  24  octobre  1876. 
Monsieur, 

Je  vous  remercie  de  l'empressement  que  vous  avez  mis 
à  m'adresser  les  deux  numéros  qui  me  manquaient  de 
votre  intéressant  journal. 

Dans  l'un  de  ces  numéros  (1"  septembre  1876,  que  je 
n'avais  pas  reçu),  vous  répondez  que  le  mot  cartable  n'ap- 
partient pas  encore  à  la  langue  française. 

En  effet,  ce  mot  est  provençal;  mais  on  peut  dire  que, 
dans  notre  midi,  il  s'est  francisé,  et,  dans  mon  enfance, 
je  l'ai  entendu  prononcer  par  bien  des  instituteurs  et  ins- 
titutrices. Aujourd'hui,  il  tend  un  peu  à  disparaître  parce 
que  l'objet  lui-même  s'est  modifié. 

Le  cartable  (qui  n'est  autre  que  le  carton-portefeuille 
renfermant  une  collection  de  gravures)  sert,  ou  plutôt 
servait  â  renfermer  les  livres  et  cahiers  de  l'élève  externe 
des  petits  pensionnats  et  surtout  des  Frères  de  l'Ecole 
chrétienne.  Aujourd'hui,  le  cartable  a  été  remplacé  par  une 
espèce  de  g'beciôre. 

Voici  quelques  indications  que  j'ai  trouvées  sur  ce  mot  : 

•  Carlablo.  s.  m.  Portefeuille.  C'est  celui  dont  se  servent 
les  dessinateurs  pour  y  mettre  leurs  dessins,  et  les  écoliers 
pour  y  tenir  leurs  cahiers  d'écriture.  » 

( Dicl.  prov.-franç.  par  Avril.) 

(  Cartable.  Grand  portefeuille  propre  à  renfermer  des 
gravures,  des  dessins. 

i  Etym.  De  Charta,  papier,  et  de  la  terminaison  abte; 
propre  ù  renfermer  des  papiers.  > 

{DlcU  prov.  pu  Honnortt.) 


t  Cartable.  Un  portefeuille  de  poche  ou  de  cabinet.  • 

(Dict.  du  Vieux  langage  ^SlT  Lacombe,  t.  II.) 

«  Cartable,  s.  m.  (v.  lang.).  Registre. 

{Compl.  du  Dict.  de  l'Acad.  ^t^r  Barré.) 

Recevez,  Monsieur,  avec  mes  remerciements,  mes  très- 
respectueuses  salutations. 

J.  Arnaud. 

Quoique  le  mot  dont  il  s'agit  ait  perdu  ou  soit  en 
train  de  perdre  une  de  ses  acceptions,  je  crois  qu'il  n'en 
sera  pas  moins  mentionné  dans  le  Supplément  du 
dictionnaire  de  Littré  qui  se  trouve,  me  dit-on,  actuel- 
lement sous  presse. 

X 
Première  Question. 
Pourriez-vous  me  donner  l'origine  et  l'explication  de 
cette  locution  Vieux  co.mme  Hérode? 

Cette  comparaison,  qui  se  dit  des  personnes  et  des 
choses  comme  superlatif  de  l'adjectif  vieux,  a  été 
expliquée  ainsi  qu'il  suit  par  La  Mésangère  : 

Vieux  comme  Hérode.  Peut-être,  par  corruption,  pour 
Hérodote,  et  par  allusion  à  radote  pour  Hérodote;  cet  histo- 
rien, trop  ami  du  merveilleux,  ayant  été  fort  décrié. 

Rien  n'empêche  d'admettre  vieux  comme  Hérode  dans  le 
sens  naturel.  On  dit  connu  comme  Barrabas,  traître  comme 
Judas,  rcntoijer  de  Calphe  à  Pilate,  etc. 

La  première  explication  n'est  pas  admissible  ;  car 
Hérodote  étant  beaucoup  plus  propre  qn  Hérode  à  faire 
allusion  à  radote,  pourquoi  en  aurait-on  retranché  la 
partie  ote,  celle  justemenlqui  pourrait  le  mieux  marquer 
celte  allusion? 

Quant  à  la  seconde,  si  elle  semble  plus  naturelle, 
parce  qu'on  peut  croire,  en  effet,  qu'il  s'agit  ici  d'Hérode 
le  Grand  qui,  par  rapport  à  ses  descendants,  était 
appelé  le  vieil  Hérode,  je  ne  puis  pas  plus  l'accueillir 
que  la  première,  et  cela,  pour  les  raisons  que  voici  ; 

{"  Quand,  au  moyen  d'une  comparaison  biblique,  on 
veut  signifier  que  quelqu'un  est  très-àgé,  on  se  sert 
du  nom  de  Malhusalem  comme  le  populaire  de  nos 
jours  (qui  prononce  Mathieu  salé) .  Ce  personnage,  qui  a 
vécu  963  ans ,  est  bien  autrement  propre  à  donner 
l'idée  d'un  grand  âge  que  le  vieil  Hérode,  qui  n'en 
a  pas  vécu  plus  de  75. 

2»  Pour  exprimer  le  sens  de  très-vieux,  les  Italiens 
empruntent  aux  livres  saints  des  termes  d'une  propriété 
incontestable  :  ils  disent  vecchio  come  l'alleluia  (vieux 
comme  l'alleluia) ,  antico  come  Adamo  (vieux  comme 
Adam).  Pourquoi,  puisant  à  la  même  source,  n'aurions- 
nous  pas  fait  un  choix  aussi  irréprochable  que  le  leur? 

3"  En  Espagne,  on  dit  proverbialement  Andar  de  Hero- 
des  a  Pilatos  (aller  de  mal  en  pis),  ce  qui  est  un  bon 
emploi  du  mot  Hérode.  Pour  quelle  raison  en  eût-on 
fait  en  France  un  usage  bien  moins  rationnel? 

4°  Enfin,  notre  langue  ayant  pris  naissance  au 
milieu  de  populations  qui  étaient  chrétiennes  depuis 
longtemps,  toutes  les  comparaisons  qu'elle  a  empruntées 
à  l'Ancien  et  au  Nouveau  Testament  ont  dii  exister 
avant  le  xvk  siècle.  Or,  si  vieux  comme  Hérode  vient 
de  l'Évangile,  comment  se  fait-il  qu'il  ne  se  trouve 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


99 


ni  dans  Moisant  de  Brieux,  qui  mourut  en  1C74,  ni 
dans  le  Cotgrave  de  1632,  ni  dans  les  Curiositez 
d'Antoine  Oudin,  publiées  en  1656,  et  qu'il  apparaisse 
seulement  pour  la  première  fois  "dans  le  Furetière 
de  1690? 

Je  ne  vois  jusqu'ici  qu'une  manière  de  rendre  compte 
de  l'expression  dont  il  s'agit;  c'est  la  suivante  : 

Tous  les  dictionnaires  qui  ne  mentionnent  point 
vieux  comme  Bérode,  aussi  bien  que  ceux  qui  le  men- 
tionnent, donnent  les  expressions  «  vieux  comme  les 
rues,  vieux  comme  les  chemins  ,  lesquelles  sont,  pour 
le  sens,  équivalentes  à  ce  proverbe.  Or,  chemin  se  dit 
road  (pron.  rôde)  dans  l'idiome  de  nos  voisins  d'oulre- 
Manche,  dont  les  ancêtres  ont  jadis  guerroyé  pendant 
cent  ans  sur  le  soi  de  la  France.  Ne  serait-il  donc  pas 
possible  que  road  fût  resté  comme  synonyme  de  chemin 
dans  une  de  nos  provinces  les  plus  longtemps  occupées 
par  les  Anglais;  que  «  vieux  comme /m  rodes  »  s'y  fût 
dit  pour  vieux  comme  les  chemins,  et  que  cette  expres- 
sion, non  comprise  plus  lard,  eut  été  traduite  par  vieux 
comme  Hérode?  Dans  notre  langue,  on  rencontre  sou  vent 
des  corruptions  beaucoup  plus  surprenantes  que  ne 
serait  celle-là. 

Je  suis  bien  loin,  certes,  d'être  en  mesure  de  pouvoir 
démontrer  par  des  textes  que  celte  explication  est  la 
bonne;  mais,  quoi  qu'il  en  soit,  vous  m'accorderez  au 
moins  qu'on  ne  peut  lui  refuser  la  vraisemblance,  et 
qu'elle  est  à  l'abri  des  reproches  fondés  que  j'adresse 
plus  haut  à  celles  de  La  Mésangère. 

X 

Seconde  Question. 

Dans  votre  article  sur  mièvre  (numéro  7),  vous  ne 
parlez  pas,  pour  une  raison  facile  à  comprendre,  du 
mot  MiÈvHETÉ.  Cependant  ce  mot  existe  comme  mièvbebie. 
Voudriez-vous  bien  me  dire  si  ce  dernier  est  plus 
français  que  mièvbeté? 

Des  deux  dérivés  de  mièvre,  c'est  mièvreté  f\\x\  semble 
avoir  été  fait  le  premier;  du  moins,  je  le  trouve  seul 
dans  la  première  édition  de  l'Académie  (16951. 

Tout  le  xviii'  siècle  s'est  servi  de  mièvreté,  comme  le 
montrent  ces  exemples  : 

Oui,  mièvreté  d'un  fils  lassé  d'être  en  tutelle. 

{D&ncourt,  Mad.  Artus,  \,  4.) 

11  faut  que  je  vous  dise  qu'un  de  ces  infortunés  jeunes 
gen?,  qui  méritait  d'être  six  mois  à  Saint-Lazare,  et  qui 
a  été  condamné  au  plus  norntjle  supplice  pour  une 
mièvreté,  etc. 

(Voltaire.  Lillre  du  3 5  mai  1767.1 

Si  c'est  une  mièvreté  des  ministres  [anglais]  pour  mettre 
la  nation  en  joie,  c'est  une  bien  pauvre  ressource. 

(Llnguet,  dans  Noël  et  Carpcntier.) 

Mais,  peu  à  peu,  il  s'est  remplacé  par  mièvrerie,  qui 
se  dit  presque  exclusivement  aujourd'hui;  et  il  s'agit 
de  savoir  si  l'on  peut  justifier  cette  préférence  de 
l'usage. 

Je  dis  qu'elle  peut  parfaitement  l'être,  et  voici  de 
quelle  manière  : 

Ceux  de  nos  substantifs  abstraits  iformés  d'adjectifs) 
qui  ont  la  terminaison  té  viennent  de  substantifs  latins 


en  itas  fvérité,  veritas;  sonorité,  sonoritas;  pureté, 
puritos;  dureté,  durilas,  etc.),  et  ceux  qui  ont  la  termi- 
naison erie  viennent  d'adjectifs  français  bégueulerie, 
bégueule;  bizarrerie,  bizarre  ;  niaiserie,  niais,  etc.). 

Or,  mièvreté  n'étant  pas  tiré  d'un  substantif  latin  à 
la  finale  itas,  il  s'ensuit  naturellement  qu'il  est  moins 
bon  que  mièvrerie,  formé,  lui,  d'un  adjectif  français  : 
celui-ci  est  dans  l'analogie,  celui-là  n'y  est  pas. 

X 

Troisième  QuesUon. 
Auriez-vous    l'obligeance    de    me    donner    dans  le 
prochain  numéro  de  votre  estimable  journal  l'expli- 
cation de  BATTEE  i  PLATES  CODTDBES  ? 

Cette  expression  signifie  littéralement  battre  au  point 
d'aplatir  les  coutures  des  vêtements  portés  par  celui 
qu'on  frappe,  et,  au  figuré,  défaire  complètement,  en 
parlant  d'une  armée. 

Dans  celte  expression ,  on  écrit  généralement  co?//Mre 
au  singulier;  mais  il  me  semble  qu'il  est  plus  logique 
de  l'y  mettre  au  pluriel,  comme  vous  le  faites. 

ÉTRANGER 


Première  Question. 
Je  vous  serais  bien  oblige  de  me  dire  doit  vient 
l'expression  par-desscs  l'épacle,  qui,  ajoutée  à  un 
verbe  ou  à  un  adjectif,  lui  donne  un  sens  tout  contraire 
à  celui  qu'il  a  quand  il  est  seul,  comme  par  exemple, 
lorsqu'on  dit  :  «  A-t-il  été  à  Londres?  —  Ah.'  oui, 
PAB-DEsscs  l'épacle    il  n'y  a  pas  été;.  » 

A  ma  connaissance,  il  a  été  donné  jusqu'ici  deux 
explications  de  celle  singulière  expression  négative. 

D'après  Pasquier,  elle  viendrait  du  jeu  de  cartes 
appelé  le  flux.  Une  fois,  raconte  l'auteur  des  Recherches 
sur  la  France,  il  arriva  qu'un  certain  joueur  dit 
par  plaisanterie  qu'il  avait  deux  atouts  dans  son  jeu 
au  flux,  l'as  est  la  carte  la  plus  forte  ;  et,  quand  il  les 
eut  abattus,  on  s'aperçut  que  c'étaient  des  valets, 
personnages  qui  portent,  comme  on  sait,  une  unité  sur 
l'épaule.  La  compagnie  se  mit  alors  à  rire,  et  notre 
homme  répondit  qu'il  avait  bien,  en  effet,  deux  as, 
ma'\sq[jec'é[aki]ldes3iS par-dessus: l'épaule  :  d'où  l'em- 
ploi de  ces  termes  pour  faire  signifier  à  une  phrase  le 
contraire  de  ce  qu'elle  exprime  sans  eux. 

Selon  Sébastian  Roulliard  [Gijmnopodes,  p.  130, 
Paris,  1623),  cette  expression  nous  serait  venue  comme 
on  va  le  voir  : 

Nous  apprenons  de  la  loy  Salique,  selon  la  rédaction  qui 
en  futfaicte  sur  le.  modellede  l'ancienne,  par  le  Roy  Char- 
lemagne  :  quec'estoit  une  ob^ervance  usitée  entre  les  vieux 
François,  Saliens,  ou  Sicambriens  :  que  quand  quelqu'un 
d'entre  eux  vouloit  faire  faillite,  c'est  à  dire  abandonne- 
ment  ou  cession  de  biens  :  il  avo:t  accoustumé  de  se 
mettre  tout  nud  en  chemise  :  puis  alloit  ramasser  de  sa 
main  la  poulsiere  qui  estoit  es  quatre  coings  de  sa  maison  : 
s'en  venoit  ainsi  en  chemise  sur  le  sueil  de  sa  porte, 
jectoil  ceste  poulsiere  pardessus  son  espaule  :  cela  faict  ; 
prenoit  un  baston  blanc  en  son  poing,  préparé  à  cetefTect 


400 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


prés  sa  porte  ;  à  lors  faisoit  une  grande  esjambèe  ou  tres- 
sault  pardessus  une  liaye  proche  de  là  :  puis  tiroit  che- 
min sans  regarder  derrière  :  et  sans  plus  revenir. 

De  là,  sans  doute,  est  venu  le  proverbe  ironique  d'un 
homme  riche  pardessus  l'espaule  :  et  qui  sort  d'une  maison 
1471  bastoH  blanc  au  poing.  Secret  Je  l'antiquité  Françoise, 
qui  n'ha  esté  sçeu  par  l'Autheur  des  Recherches  :  ny  des- 
couvert par  la  Recherche  des  Recherches. 

Je  trouve  que  ce  dernier  a  raison  de  rejeter  l'explica- 
tion de  Pasquier  ;  car  il  est  bien  diFficile  d'admettre 
qu'un  fait  unique  s'éLant  passé  dans  une  société  privée 
ait  pu  donner  lieu  à  un  p'roverbe,  surtout  à  une  époque 
où  il  n'exisFait  aucun  papier  public  qui  pût  le  répandre. 
Mais  RouUiard  lui-même  est-il  dans  le  vrai'?  J'en  doule 
fort,  car  il  me  semble  que,  d'après  celle  antique  loi  des 
faillis,  l'expression  jyar-dessus  l'épaule  n'aurait  dû 
s'employer  qu'avec  riche  (le  failli  était  un  riche  par- 
dessus l'épaule),  tandis  que  cette  locution  accompagne 
principalement  un  verbe  :  je  l'ai  fait  par-dessus 
l'épaule  ;  il  t'a  écrit  par- dessus  l'épaule.,  etc. 

A  mon  sens,  voici  quelle  serait  la  véritable  origine 
du  proverbe  dont  il  s'agit  : 

Sous  Louis  XI,  en  1460,  les  Suisses,  armés  de  halle- 
bardes, prirent  du  service  dans  l'armée  française. 

Ces  troupes  mercenaires  ne  portaient  généralement 
pasla  hallebarde  sur  l'épaule  [par  dessus  l'espaule.,  comme 
on  disait  en  ce  temps-là\  ce  qui  est  démontré  par  le 
passage  suivant  de  May  de  Romainmolier  {llist.  milit. 
de  la  Suisse,  tome  IV,  p.  40)  : 

Quant  au  soldat,  il  portait  la  hallebarbe  en  parade  ou 
en  marchant  à  l'ennemi,  perpendiculairement  dans  le  bras 
droit;  et,  en  marche,  il  portait  la  hallebarde  sur  l'épaule 
droite  comme  la  pique,  mais  plus  haut. 

Or^  ce  fut  l'objet  d'une  remarque,  et  l'on  dit  naturelle- 
ment de  quebju'un  qui  n'avait  pas  fait  une  chose  qu'il 
devait  faire,  qui  ne  possédait  pas  une  chose  qu'il  aurait 
dû  posséder,  qu'il  l'avait  faite,  qu'il  l'avait  aussi  réelle- 
ment que  les  Suisses  portaient  la  hallebarde  par-dessus 
l'épaule,  ce  dont  voici  une  double  preuve  : 

Vous  en  avez  fait  tout  plein;  mais  c'est cowme  les  Suisses 
portent  la  hallebarde,  par  dessus  l'cpaule. 

(Coméd.  des  Prov.,  acte  I,  se.  6.) 

On  dit  proverbialement  d'une  chose  fausse,  qu'elle  est 
vraye  comme  les  suisses  portent  la  halebarde  par  dessus 
l'épaule. 

(Furetière,  Die!.  1^27) 

Puis,  faisant  ellipse  de  la  première  partie  de  celle 
comparaison  trop  longue  pour  se  maintenir  entière,  on 
n'en  conserva  que  par-dessus  l'épaule,  qui  a  continué 
à  s'employer  seul  dans  un  sens  négatif  : 

Tel  pouvons-nous  estimer  ce  commun  propos,  quand 
nous  disons  un  homme  estre  rîche  ou  vertueux  par 
dessus  l'espaule,  nous  mocquans  de  luy,  \oulans  signifier 
n'y  avoir  pas  grands  traicts  de  vertu  ou  richesse  en  luy. 

(Pasquier,  lieckf^jchcs,  iiv,  \\\l,  ch.  47.) 

Cléandbe. 

Ton  aveu  me  console. 
Tu  dis  que  j'ai  bien  fait? 

PlIU.Il'I'IÏ». 

Oui,  par-dessus  l'épaule. 
((Juinault,  l'Am.  indite.,  acte  IV,  «c.  4.; 

Il  y  a  des  personnes  (j'en  ai  entendu)  qui  croient 


devoir  ajouter  le  mot  r/avche  à  l'expression  proverbiale 
en  question.  Je  vous  ferai  remarquer  que  c'est  une  faute, 
l'expression  étant  basée,  non  sur  ce  que  les  Suisses 
portaient  la  hallebarde  sur  l'épaule  droite,  mais 
bien  sur  ce  qu'ils  ne  la  portaient  ordinairement  sur 
aucune  épaule.  _ 

X 

Seconde   Question. 

Je  vous  prierais  de  vouloir  bien  me  d'ire  1°  Quel  est 
le  sens  du  mot  roym  dans  cee\âl  ToyDvJeud'enfants,  et 
2°  quelle  est  exactement  l'espèce  de  jeu  que  ces  mots 
désignent  ? 

Mathurin  Cordier,  célèbre  professeur  du  xvi"  siècle^ 
à  qui  l'on  doit  un  grand  nombre  d'ouvrages  destinés  en 
majeure  partie  à  l'instruction  des  jeunes  gens,  en  a 
composé  un  entre  autres  sous  le  titre  de  De  corrupti 
sennonis  emendatione  libellus,  où  l'on  trouve  ce  qui 
suit  (chap.  XXXYIIl,  noie  24)  : 

Ludamus  equo  depresso  —  (Jouons  au  cheval  fondu). 

Or,  depresso  est  le  participe  passé  du  verbe  latin 
deprimcre,  qui  signifie,  au  propre,  abaisser,  et  au 
figuré,  abattre. 

D'où  il  suit  que  fondu  weul  dire  littéralement  a6a«5e, 
abattu,  affaissé,  ce  qui  est  bien,  en  effet,  le  sens 
qu'avait  autrefois  ce  mot,  appliqué  au  cheval,  comme  le 
montrent  ces  exemples  du  dictionnaire  de  Lillré  : 

Et  ils  estoient  si  foibles  et  si  fondus  et  si  affamés  [leurs 
chevaux]  qu'à  peine  pouvoient  ils  aller  avant. 

(Froissart,  1,  I.  p.  44  ) 

Quant  il  sentit  son  cheval  fondre,  il  se  tourna  si  appoint 
qu'il  demoura  en  estant  sur  ses  pieds. 

(Percelorest^tome  1,  fol.  Qi.) 

Relativement  à  la  signiflcation  de  cheval  fondu,  les 
lexicographes  et  les  commenlaleurs  que  j'ai  consultés 
ne  sont  pas  d'accord;  il  règne  parmi  eux  trois  opinions 
différentes  : 

Pour  Esmangart  et  Eloi  Johanneau  [Œuvres  de 
Babelais,  liv.  I,  p.  430),  celle  expression  désigne  un 
jeu  où  un  enfant  se  baisse  et  reçoit  sur  son  dos  un 
camarade  qui  se  fait  ainsi  porter. 

D'après  Dominguez  (dont  le  sentiment  me  semble  par- 
tagé par  M.  Littré),  la  même  expression  s'applique  à  un 
jeu  où  un  enfant  se  tient  courbé,  les  mains  posées 
sur  les  genoux,  tandis  qu'un  autre  lui  saule  par-dessus 
le  dos. 

Enfin,  la  troisième  définition  est  celle  d'un  jeu  où 
plusieurs  enfants  courbés  sont  placés  à  la  suite  l'un  de 
l'autre,  le  premier  appuyé  sur  un  mur  ou  sur  un  banc, 
pendant  que  leurs  camarades,  en  nombre  égal,  pren- 
nent leur  élan  et  sautent,  aussi  loin  que  possible,  sur 
cette  espèce  de  cheval  à  longue  échine. 

-Mais,  comme  nos  écoliers  ne  donnent  le  nom  de 
chrval  fondu  qu'à  ce  dernier  jeu,  j'lmi  lire  la  conclusion 
que  c'est  à  celui-l;i  seul  que  doit  s'a|>pli(iuer  l'expression 
qui  l'ait  l'objet  do  cet  article. 
X 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


I0< 


Troisième  QueslioQ. 
Quelle  est,  je  mus  prie,  la  Mgnificalion  de  la  phrase 

SE    DONNER    LE    BAISEIl    LiMOlRETTE? 

Cette  expression,  qui  se  dit  généralement  des  hom- 
mes politiques,  signifie  se  réconcilier  dans  an  moment 
où  ir  y  a  les  plus  grandes  chances  pour  que  l'accord 
survenu  ne  soit  pas  de  longue  durée.  _ 

Pour  l'origine  de  baiser  Lamottrette,  voyez  le  Cour- 
rier de  Vawjelas  \V'  année,  n"  ^ ,  p.  3). 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

r...  voir  le  mari  sans  qu'il  fût  ivre  et  la  femme  sans  qu'elle 
grommelât;  —  2°...  a  empêché  que .  des  scènes  de  désordre 
n'enssent  lieu;  —  3*...  d'une  poésie  a/fc'lée  et  recherchée  (Voir 
Courrier  de  Vmigelas  d,e  celle  année,  p.  50,  sur  l'emploi  de 
mièere);  —  4'...  cache  xyne  prussianisationréeWt  (le  \nolprusii- 
ficalion  ne  peut  pas  (Hre  français);  —  5°...  c'est-à-dire  par 
chaque  groupe  de  quaire  com|iagnies;  —  6°...  ne  s'est  pas 
laissé  inlimider  (la  maji'sié  ninliiniJail  pas);  —  7°...  non- 
seulement  l'Autriche  s'emparera  ;  —  8'...  qu'il  m'avait  été  donné 
àe  fumer  à.  K\%eT  (oït  déguste  seulement  les  liqieurs);  —  9'.., 
dont  la  vendange  (on  ne  dit  pas  là  cueillette  de  la  vigne);  — 
10'...  de  demandes  de  parole;  —  U°...  11  vaut  mieux  dire. 


Phrases  à,  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1*  La  jeune  fille,  qui  a  dix-liuit  ans,  mais  qui  n'en  paraît 
qu  e  douze,  s'est  levte  en  criant  :  je  suis  guérie. 

2'  Il  est  aussi  une  autre  espèce  de  bohémiens  non  moins 
charmants,  non  moins  poétique.'^;  c'est  une  jeunesse  folle 
qui  vit  de  son  intelligence,  un  peu  au  hasard  et  au  jour 
le  jour. 

3°  Ici,  la  description  de  ces  êtres  étranges,  fiers,  fauves, 
bâillonnés,  pittoresques,  tels  que  Gautier  les  a  reDContrés 
en  Espagne  et  ailleurs. 

4°  Avez-vous  jamais  vu  les  véritables  bohémiens?  — 
Nous  en  avons  vu  par  douzaine,  et  nous  pouvons  vous 
assurer  qu'ils  ne  ressemblent  guère  aux  vôtres. 

5°  La  longueur  totale  de  ces  deux  promenades,  qui  n'en 
forment  en  réalité  qu'une  seule,  n'est  pas  moindre  de 
quinze  cents  métrés. 

6"  En  raison  même  de  l'opposition  systématique  faite 
par  un  parti  hostile  à  toute  entente  cordiale,  peu  s'en 
fallut  qu'un  avoriement  regrettable  vînt  couronner  d'aussi 
louables  efforts. 

7*  Madame  Dangeville  échangea  un  regard  plein  de 
malice  avec  Berold,  et  s'adressant  à  son  mari,  elle  lui 
demanda  :  —  Je  voudrais  bien  savoir  d'où  vous  venez, 
monsieur? 

S'  C'est  merveilleux,  approuve-t-il,  et  je  suis  sincère- 
ment étonné  de  la  façon  intelligente  dont  vous  m'avez 
répondu. 

9"  Étant  donné,  ècrit-il,  vingt  candidats  qui  réunissaient 
au  premier  tour  de  scrutin  149,805  voix,  et  vingt  candidats 
qui  n'en  avaient  obtenu  que  65,077,  devinez  lesquels  ont 
été  nommés. 

tO-  S'ils  y  avaient  songé,  sans  doute  ils  auraient  adouci 
leur  langage  et  montré  plus  de  respect  pour  les  institu- 
tions qui  nous  régissent.  S'ils  ne  l'ont  pas  fait  c'est  ([u'ils 
sont  aveugles;  et,  en  effet,  ils  sont  aveugles,  et  leur  cécité 

est  incurable. 

(/.es  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 


Dominique  BOUHOURS. 

(Sîtite.) 

.Mais  d'où  vient  que  les  Remarques  sur  la  langue 
française  sont  négligées  de  la  sorte?  Serait-il  bien 
possible  que  Dupleix  l'eût  emporté  peu  à  peu  sur 
Vaugelas?  .\  la  vérité,  quelques  mois  et  quelques 
phrases  des  Remarques  ont  changé  avec  le  temps;  mais 
Bouhours  ne  savait  pas  que  les  règles  qui  regardent  la 
construction  pussent  jamais  être  altérées  ;  il  les  croyait 
invariables,  éternelles.  Quand  donc  la  Liberté  de  la 
lonr/ue  française  (l'ouvrage  critique  de  Dupleix)  est- 
elle  devenue  la  règle  du  langage  des  courtisans  et 
du  style  des  bons  auteurs? 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  adverbes  qui  n'ont  point 
de  régime  avec  ceux  qui  en  ont  ;  par  exemple,  il  ne 
faut  pas  mettre  un  nom  ou  un  verbe  après  awparrtya»*; 
car  le  véritable  usage  de  ce  mot,  dit  Vaugelas,  c'est  de 
s'employer  comme  adverbe  et  non  comme  préposition. 

Auparavant  que  pour  devant  que,  ou  avant  que  n'est 
pas  «  aussi  »  du  bel  usage  ;  les  bons  écrivains  ne 
disent  jamais  auparavant  que  vous  soyez  venu. 

Il  en  est  de  même  de  cependant;  car,  pour  bien 
parler,  on  ne  doit  jamais  dire  cependant  que. 

Alentour  est  essentiellement  un  adverbe,  et  autour 
est  une  préposition.  Il  faut  dire  la  Reine  avait  ses 
fillfs  autour  d'elle,  et  non  alentour  d'elle.  Cependant,  il 
y  a  une  foule  d'auleurs  fort  modernes  qui  ne  tiennent 
pas  compte  de  cette  règle  de  .Ménage. 

Peut-on  joindre  la  particule  si  avec  l'adverbe  extrê- 
mement, et  dire,  par  exemple,  il  en  fut  si  extrêmement 
touché  que,  etc.?  Il  semble  à  Bouhours  qu'extrêmement 
tient  lieu  de  très  et  marque  le  superlatif;  mais  comme 
on  ne  dit  pas  si  très,  il  doute  qu'on  puisse  dire  si 
extrêmement. 

11  n'appartient  qu'à  la  langue  italienne  de  relever 
ses  superlatifs  par  des  adverbes,  des  prépositions  et  des 
particules;  on  n'y  voit  rien  de  plus  commun  que  »«o//» 
richissima,  molto  bellissima,  etc. 

Nous  sommes  en  cela  beaucoup  plus  modestes  que 
les  Italiens  et  que  les  Latins.  Comme  notre  langue  n'a 
point  pris  ses  superlatifs  du  latin,  qu'elle  n'en  a' 
point  d'autre  que  (jeneralissime,  qui  est  tout  français, 
et  que  le  cardinal  de  Richelieu  a  fait  de  son  autorité 
absolue,  allant  commander  les  armées  de  France  en 
Italie  (si  nous  en  croyons  M  de  Balzac),  elle  ne  peut 
soulfrir  parfaitement  ou  infiniment  avec  ires-humble, 
comme  l'écrivent  beaucoup  de  gens  quand  ils  finissent 
une  lettre  :  ce  parfaitement,  équivalant  à  très,  est  ici 
inutile. 

Un  traducteur  donne  un  régime  à  lors,  et  dit  lors  de 
ce  tumulte;  Vaugelas  dit  que  celle  expression  n'est 
guère  bonne,  ou  du  moins  peu  élégante.  Qu'en  est-il? 


\Q2 


LE  COURRIER  DE  VAtlGELAS. 


On  dit  toujours  le  onzième  (1674),  quoique  Vaugelas 
tienne  pour  l'onzième. 

Le  verbe  commencer  veut  après  lui  la  préposition  à, 
dit  Vaugelas,  et  il  faut  dire  11  commence  à  se  Mieux 
porter,  et  non  il  commence  de  se  mieux  porter.  Cepen- 
dant, beaucoup  d'écrivains  emploient  de  après  com- 
mencer.  Est-ce  que  l'usage  a  changé  depuis  quelque 
temps,  ou  n'est-ce  point  une  entreprise  sur  l'usage? 

Le  même  Vaugelas  dit  que  ce  serait  mal  parler  que 
de  dire  //  a  esté  blessé  d'un  coup  de  flfche  qui  estoit 
empoisonnée;  l'auteur  de  YHistoire  du  Vieux  et  du 
Nouveau  Testament  et  d'autres  avec  lui  n'ont  point 
égard  à  celle  règle.  Qui  a  raison?  - 
.  L'auteur  de  la  Perpétuité  de  la  foi  ûM.lls  ne  demeu- 
rèrent jamais  courts,  malgré  la  Remarque  qui  veut  que 
court  et  fort  restent  invariables  dans  ces  phrases  où 
parle  une  femme  :  je  me  fais  fort  de  cela,  je  suis 
demeurée  court. 

L'auteur  des  Remarques  veut  que  quelque  devant  un 
adjectif  seul  reste  invariable  :  quelque  riches  qu'ils 
soient,  tandis  qu'on  trouve  dans  d'autres  auteurs 
quelques  infâmes,  ou  quelques  atroces  quils  soient, 
quelques  imprudents  qu'ils  fussent,  pour  combattre  la 
remarque  qui  ne  leur  plaît  pas. 

Vaugelas  recommande  de  mettre  de  devant  un  adjectif 
et  f/es  devant  un  substantif:  il  y  a  d'excellens  hommes, 
ce.  pays  porte  des  hommes  excellens,  et  il  ajoute  que 
c'est  une  règle  essentielle  dans  notre  langue. 

Plusieurs  niellent  toujours  des  devant  un  adjectif,  et 
l'on  voit  bien  que  c'est  «  de  gajeté  de  cœur  ». 

D'après  Vaugelas,  il  faut  dire  sasseiant,  et  non  s'as- 
séant,  parce  que  ce  temps  est  formé  de  la  première 
personne  plurielle  de  l'indicatif,  qui  est  asseions,  et  non 
asséons.  Le  traducteur  de  saint  Chrysoslome  en  juge 
autrement,  et  dit  s'asséant  sur  un  asne. 

Vaugelas  veut  encore  qu'on  dise  aoant  que  de  mou- 
rir, et  non  avant  que  mourir,  ou  avant  de  mourir.  Le 
même  traducteur  de  saint  Chrysostome  ne  juge  nulle- 
ment à  propos  de  parler  de  celle  façon. 

Cette  phrase  vjstre  cellule  vous  sera  ennuyeuse,  si  vous 
aimez,  d'en  sortir  ne  devrait-elle  pas  être  corrigée 
ainsi  :  si  vous  aimez  à  en  sortir?  Bouhours  pense  qu'on 
dit  aimer  à  sortir,  à  partir,  etc. 
*  Dans  la  phrase  suivante,  n'a-t-on  pas  employé  de 
d'une  manière  superflue?  Qui  navoient  ni  de  cupidité 
pour  les  accroislre,  ni  d'avarice  pour  en  faire  des  tré- 
sors. Douhours  serait  d'avis  qu'on  supprimai  ce  de. 

Il  fatiguerait  Messieurs  de  l'Académie  s'il  leur  énu- 
mérait  toutes  les  constructions  qui  lui  paraissent 
suspectes;  cependant,  il  faut  encore  qu'il  leur  demande 
si  c'est  parler  selon  les  règles  que  de  dire  : 

Le  renversement  de  la  morale  de  Jesus-Christ  par  les 
erreurs  des  Calvinistes.  Tous  les  substantifs  n'ont  pas 
le  régime  des  verbes  et  des  participes;  on  dit  renverser 
une  chose  par  une  autre,  et  on  dirait  Irès-bicn  la  morale 
de  Jesus-C.hrist  renversée  par  les  erreurs  des  Calvinistes. 
Mais  la  première  i>hrase  ne  lui  parait  pas  plus  régu- 
liiïre  que  la  défaite  de  Coliat  par  Dwid,  construction 
qu'il  a  Irouvce  dans  un  autre  écrivain. 


Jesus-Christ  trouva  lors  qu'il  fut  arrivé  en  Judée, 
toute  Jérusalem  en  trouble.  Dans  celte  phrase,  le  toute 
est-il  employé  selon  l'usage?  On  dit  tout  Rome  dit  cela; 
tout  Venise  s'en  étonne,  en  sous-entendant  le  mot 
peuple. 

Mais  ce  qui  précède  ne  suffît  pas  pour  bien  parler; 
il  faut  encore  chercher  avec  soin  tout  ce  qui  contribue 
à  la  netteté  du  langage,  ce  que  Bouhours  va  examiner 
maintenant. 

IV. 

DOUTES  SUE  LA  NETTETÉ  DU  LAXGAGE. 

Les  écrivains  célèbres  n'ont  pas  beaucoup  d'aversion 
pour  tout  ce  qui  obscurcit  le  discours,  soit  que  pour  se 
distinguer,  ils  négligent  les  règles  communes,  soit  qu'ils 
affectenl  un  langage  mystérieux,  tel  qu'était  celui  des 
oracles,  pour  se  faire  admirer  davantage;  soit  enfin 
que  les  expressions  obscures  régnent  présentement 
dans  le  beau  style. 

A  ce  propos,  Bouhours  cite  les  phrases  suivantes 
dont  il  indique  les  fautes  : 

Ayant  appris  en  mesme  temps  la  défaite  de  ses  géné- 
raux par  les  Juifs,  il  résolut  de  marcher  contre  eux. 
L'expression  porte  à  croire  qu'il  apprit  par  les  Juifs 
la  défaite  de  ses  généraux. 

Scipion  doit  estre  en  cela  leur  modelle  comme  en  tout 
le  reste.  Tite-Live  a  remarqué  que  quand  il  alla  assiéger 
Carthayene  etc.  Ce  il  est  équivoque,  il  faudrait  répéter 
ici  le  mot  Scipion. 

Il  estoit  importa7it  que  le  Concile  marquast  en  parti- 
culier combien  il  condamnoit  la  profanation  que  font 
ces  personnes  de  leur  caractère,  qui  retombe  sur  tout  le 
corps  des  évesques.  Celte  période  serait  certainementplus 
clan'e  si  l'on  mettait  laquelle  retombe  sur  tout  le  corps 
des  évesques  au  lieu  de  qui;  car  alors  il  serait  évident 
que  laquelle  se  rapporterait  à  profanation,  et  non  à 
caractère. 

Telle  fut  la  fin  de  cette  malheuretise princesse,  qui  fut 
un  grand  instrument  de  la  justice  de  Dieu,  pour  puri- 
fier ses  serviteurs  par  ses  violences.  Ces  pronoms  pos- 
sessifs font  obscurité  à  cause  des  divers  rapports  qu'ils 
ont  dans  la  même  phrase;  car,  par  exemple,  ses  servi- 
teurs se  rapporte  à  Dieu,  et  ses  violences,  à  cette 
malheureu.se  princesse. 

Il  tacha  d'inspirer  à  tous  ses  soldats  la  mesme 
confiance  en  Dieu,  dont  il  estoit  plein  luy-mesme,  leur 
reprrsentant  qu'il  estoit  lut/  seul  le  Dieu  des  armées. 
Croit-on  que  ces  ;'/  et  ces  luy  fassent  une  grande  beauté 
dans  le  discours?  Si  Bouhours  se  mêlait  d'écrire,  il 
tâcherait  de  les  éviter. 

Vaugelas  a  beau  dire  qu'il  y  a  des  équivoques  dont 
on  ne  saurait  presque  se  défendre,  Bouhours  pense 
qu'on  a  toujours  tort  d'en  faire  quand  on  peut  s'en 
dispenser;  car  c'est  une  mauvaise  manière  d'excuser 
les  équivoques  que  de  dire  que  le  sens  seul  supplée  au 
défaut  des  périodes  :  c'est  aux  |)aroles  à  l'aire  entendre 
le  sens,  et  non  au  sens  à  faire  entendre  les  paroles. 

[La  fin  au  prochain  numéro.) 


Le  Rkdagtecu-Gbhant  :  Ema«  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


103 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Jacques  Dumont;  par  Médéric  Charot.  Préface  de 
George  Sand.  In-lS  jésus,  iii-306  p.  Paris,  lib.  Caïman 
Lévy.  3  fr.  50  cent. 

Contes  et  nouvelles;  par  Jules  Janin.  T.  2.  ln-18 
Jésus,  323  p.  et  1  gr.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  3  fr. 
50  cent. 

Œuvres  d'Alfred  de  Musset.  Contes  et  nouvelles. 
Croisilles.  Le  Merle  blanc.  Pierre  et  Camille.  Le  Secret 
de  Javotte.  Mimi  Pinson.  La  Mouche.  Petit  in-12,  359  p. 
Paris,  lib.  Lemerre.  6  fr. 

Œuvres  de  P.  J.  de  Béranger.  Nouvelle  édition, 
contenant  les  dix  chansons  publiées  en  18/i7,  avec  le 
portrait  de  l'auteur  d'après  Charlet.  2  vol.  in-18  jésus, 
758  p.  Paris,  lib.  Garnier  frères.  7  fr. 

Œuvres  complètes.  Le  Démon  de  l'argent;  par 
Henry  Conscience.  Nouvelle  édition.  In-18  jésus,  328  p. 
Paris,  lib.  .Michel  Lévy.  1  fr.  25  c. 

Les  Aventures  véridlques  de  Jean  Barchalou; 
par  Paul  Saunière.  In-18,  231  p.  et  2i  grav.  Paris,  lib. 
Th.  Lefebvre. 


Henriette,  fragments  du  Journal  du  marquis  de 
Boisguerny,  député,  recueillis  et  publiés  par  Ernest 
Daudet.  Ln-18  jésus,  357  p.  Paris,  lib.  Dentu. 

Les  Cours  et  les  Chancelleries.  Impressions  et  sou- 
venirs; par  L.  Léouzon  le  Duc.  ln-18  jésus,  329  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Le  Diable  médecin.  La  Grande  dame.  Henriette 
Dumesnil;  par  Eugène  Sue.  Nouvelle  édition.  ln-18  jésus, 
267  p.  Paris,  lib.  Caïman  et  Lévy.  1  fr.  25. 

Esquisses  et  croquis  parisiens,  petite  chronique 
du  temps  présent  ;  par  Bernadille.  ln-18  jésus,  /|0/|  p. 
Paris,  lib.  Pion  et  Cie.  3  fr. 

La  Marquise  de  Parabère;  par  la  comtesse  Dash. 
Nouvelle  édition.  ln-18  jésus,  307  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy  frères.  1  fr.  25. 

Les  Confessions  de  J.  J.  Rousseau.  Nouvelle 
édition,  ln-18  jésus,  655  p.  Paris,  lib.  Charpentier  et  Cie. 
3  fr.  50.    . 


Publications  antérieures  : 


LES  FEMMES  D'ARTISTES.  —  Par  Alphonse  D\LrET. 
—  Avec  une  eau-forie  de  A.  Gill.  —  Paris,  Alphonse 
Lemerre  J  éditeur,  27-31,  passage  Choiseul.  —  Pri.t  :  3  fr. 
50  cent. 


ŒUVRES  CHOISIES  DE  LUCIEN.  —  Traduction  Belin 
DE  Ballu.  —  Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  par 
Emile  Pesson.neaux.  —  Paris,  G.  Charpentier,  libraire- 
éditeur,  13,  rue  de  Grenelle-St-Germain.  —  Prix  ;  3  fr. 
50  cent. 


LES  CONFESSIONS  DE    FRÉRON  (1719-1776),   sa   vie, 

SOUVENIRS      INTIMES       ET      ANECDOTIQUES,       SES      PENSÉES.      — 

Recueillis  et  annotés  par  Ch.  (Barthélémy.  —  Paris, 
G.  Charpentier,  libraire-éditeur,  13,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


NOUVELLES  ANCIENNES.  —  Par  Louis  Dépret  — - 
Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain.  —  /i83  pages  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


GEORGE  WASHINGTON  d'après  ses  mémoires  et  sa  cor- 
bespondance.  —  Histoire  de  la  Nouvelle-France  et  des  Etats- 
Unis  d' .Amérique  au  xviii"  siècle.  —  Par  Alphonse  Jouault. 
—  Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain.  —  Prix  :  1  fr.  25. 


LES  HOMMES  DE  DE.MAIN.  - 
—  Par  Mme  Nelly  Lientier.  — 
Zi8,  rue  de  Lille.  —  Prix  :  3  fr. 


-  Livre  pour  la  jeunesse. 
Chez  Bunhoure,  éditeur. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Gcepp,  chef  de  bureau 
au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 


NOURY  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duocay-Trouin,  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  !i  fr. 


HISTOIRES  DE  TROIS  MANIAQUES.  —  Par  P.^ul  de 
Musset.  —  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris, 
Charpentier  et  Cie,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germaln.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


OEUVRES  DE  PHILARÉTE  CHASLES.  —  le  moyex-aoe. 
—  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris,  Charpentier 
et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Ger- 
main. —  Prix  :  3  fr.  50. 


LES   GRANDS  HOMMES    DE  LA  FRANCE.  —   hommes 

de  guerre.  —  Première  série.  —  Par  Edouard  Gcepp, 
chef  de  bureau  au  Ministère  de  l'instruction  publique. 
—  2=  édition,  ornée  de  quatre  portraits  et  de  trois  cartes. 
— •  Klédeiî,  Desais,  Hoche,  Makceau,  Daumesnil.  —  Paris, 
P.  Ducron,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix, 
relié  :  h  francs. 


MARIE  DE  COMPIÈGNE,  d'après  I'Evangile  aux  fem- 
mes. —  Publié  pour  la  première  fois  d'après  les  quatre 
manuscrits  connus,  avec  des  notes  philologiques  et  histo- 
riques, et  une  dissertation  sur  Torigine  de  ce  fabliau.  — 
Par  M.  CoNSTANs,  professeur  agrégé  au  lycée  de  Sens.  — 
Paris,  librairie  Franck,  rue  Richelieu.  —  Prix  :  1  fr.  50. 


SOEUR  PHILOMÈNE.  —  Par  Ed.mond  et  Jules  de  Con- 
court. —  Nouvelle  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie, 
liJjraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


<04 


LE  COURRIER  DE  VAUGSLAS. 


POÈMES  ET  FANTAISIES  (1807-1873).  —  Claudine.  — 
Que  sais-je?  —  L'Espoir  en  riiomme.  — ■  Prompthée.  — 
La  Légen.Je  d'Urfé.  —  Sonnets.  —  Par  Gustave  Vingt.  — 
Paris,  librairie  des  Bibliophile/!,  338,  rue  Saint-Honoré. 
—  Prix  :  3  francs. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇVISE  APRÈS  L'ORTHOGR.\PHE. 
—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LA  CONQUETE  DE  PLASSANS.  —  Par  Emile  Zola.  — 
Troisième  édition.  —  Paris,  Charpentier  et  Cie,  libraires- 
éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  —  Prix  : 
3  fr.  ôO. 


LA  JEUNE  FILLE;  lettres  d'un  ami.  —  Un  volume 
format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye,  avec 
fleurons,  lettres  ornées  de  culs-de-lampe.  —  Paris,  P. 
Diicroq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine.  —  Prix  :  3  fr. 
50.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  5  fr. 


LES    GRANDS    ÉCRIVAINS    DE    LA    FRANGE 


LETTRES     INÉDITES 

DE 

MADAME    DE    SEVIGNÊ    A    MADAME    DE    GRIGNAN,    SA     FILLE 

Extraites  d'un  ancien  manuscrit,   publiées  pour  la  première  fois,  annotées  et  précédées  d'une  Introduction, 
Par  Charles  Capmas,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Dijon. 


Deux  volumes  contenant  ensemble  9S3   pages  ; 


Prix  :   15  francs. 


Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


L' Académie  fr.akçaise  propose  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1877  :  André  Chènier.  —  Les  manuscrits 
devront  être  déposés  ou  adressés  francs  de  port,  au  secrétariat  de  l'Institut  avant  le  31  décembre  1876,  terme  de 
rigueur.  Ils  devront  porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce 
billet  contiendra  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au 
Concours  ne  seront  pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


L'Académie  française  propose  1'  «  Eloge  de  Bcffox  »  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Quant  aux 
autres  conditions,  elles  sont  les  mêmes  que  celles  du  concours  de  poésie,  annoncé  plus  haut. 

La  Société  des  études  historiques  a,  pour  l'année  1877,  mis  au  concours  pour  le  prix  Raymond  la  question 
suivante  :  Historique  des  institutions  de  prévoyance  dans  les  divers  pays,  et  spécialement  en  France.  —  Elle  vient 
de  décider  qu'en  1878  un  prix  de  1,000  fr.  sera  accordé  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  sur  l'histoire  du  portrait 
en  France  (peinture  et  sculpture).  

Le  Tournoi  poétique,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (4«  année).  —  MàlaiUe  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien.  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements, 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


Société  des  Sciences,  Belles-Lettres  et  Arts  de  Montauban  —  Sujets  proposés  :   «  Poésies  diverses.  »  —  Prix 
médailles  d'or  et  d'argent  de  200  fr.  à  50  fr.  —  La  clôture  du  Concours  aura  lieu  le  1''  février  1877. 


RENSEIGNEMENTS 
A  l'usage  des  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

AGENCES    AUXQUELLES    ON    PEUT   s'aDRESSER  : 

A  Paris:  M.  Pelletier,  19,  rue. de  l'Odécn;  —  Mme  veuve  Simonnot,  33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin;  — 
A  Londres  ;  M.  Bisson,  70,  Bernera  Street,  W.;  —  MM.  Griffltlis  et  Smith,  22,  Henrietta  street,  Covent- Garden, 
W.  C.  ;  —  Le  Collège  of  preceptors,  Queen's  Square;  —  A  Liverpool  :  M.  le  prof.  Husson,  Queen's  Collège;  —  A  New- 
York  :  M.  Schermerhorn,  /i30,  Brooni  Street. 

JOUR.NAUX    D\NS    LESQUELS    ON    PRUT   FAIRE   DES   ANNONCES    : 

L' American  Ri-gister,  destiné  aux  Américains  voyageant  en  Europe;  —  le  Galiijnams  .Vessenger,  reçu  par  nombre 
d'Anglais  qui  habitent  en  France;  —  le  M'ekker,  connu  par  toute  la  Hollande;  —  le  Journal  do  Saint-Pétersbourg,  très 
répandu  en  Russie;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  llarlwick,  390,  i  un  St-Ilonoré,  i  Paris,  se  charge  des  insertions.) 


M.  Eman  Martin,  Rédacteur  du  Codruieu  ue  Vaugelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  UAUl'lîLEV  à  iNogeul-le-Rotrou. 


7«  Année. 


N»  14. 


15  Décembre  1876. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 

PHILOLOGIQUES 


^« 


'^^^  DE  YAU(}j,7 

A  \  yV-^  Journal  Semi-Mensuel  "C//      // 

-^     CONSACRÉ    A   LA    PROPAGATION     UNIVERSEiLE     DE    LA  LANGUE     FRANÇAISE      "^yf    J 


CONSACRÉ 

ParaUiant    !•    !•*  «t    !•    15    d*   ehaqo«   mots 

{Dans  sa  séance  du  \1  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celle  publication.) 


PRIX  : 
Par  an,    6  fr.   pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.   — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  liiléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN      PROFESSEUR     SPECIAL     POUR     LES      ÉTRAX0ER5 

Officier  d'AcaJémie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMEN,TS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  mffiie 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  liliraire  quelconque. 


AVIS. 
A  partir  du  \"  janvier  prochain,  le  Rédacteur  du 
Courrier  de  Vadgelas  fera  présenter  sa  quittance,  avec 
une  augmentation  de  73  centimes  pour  frais  de  recou- 
Trement,  à  ceux  d'entre  ses  abonnés  de  province  qui, 
à  cette  époque,  ne  lui  auront  pas  encore  envoyé  le  mon- 
tant de  leur  souscription  à  la  7'  année. 

SOMMAIRE. 
Communication  sur  Grâce  à  ,  —  Origine  de  Avoir  ses  lettres  de 
Cracovie  ;  —  Explication  de  l'expression  Téle-béche  ;  —  S'il 
faut  dire  C'est  mes  amis  qui,  ou  Ce  sont  mes  amis  qui.  || 
Explication  du  proverbe  Avoir  la  tête  près  du  bonnet  ;  — 
Lequel  vaut  le  mieux  de  Vivre  au  jour  le  jour,  ou  de  Vivre 
au  jour  la  journée  ;  —  A  quoi  se  rapporte  En  dans  En  vouloir 
à  quelqu'un.  Il  Passe-temps  grammatical.  ||  Fin  de  la  biographie 
de  Dominique  Bouhours.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de 
littérature.  ||  Concours  littéraires.  |{  Renseignements  offerts  aux 
Etrangers. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

L'auteur  de  la  lettre  suivante  exprime  sur  l'emploi 

de  grâce  «  une  opinion  différente  de  celle  que  j'ai  émise 

dans  mon  numéro  7  : 

Paris,  19  octobre  1876. 
Monsieur, 

Un  de  vos  correspondants  vous  ayant  demandé  s'il  était 
permis  d'employer  l'exprespion  grâce  à  devant  un  subs- 
tantif exprimant  une  mauvaise  chose,  vous  lui  avez 
répondu  affirmativement  dans  votre  numéro  du  1"  sep- 
tembre dernier,  posant  en  fait  que  cette  expression  signifie 
simplement  par  le  fait  de,  par  l'action  de,  et  citant  quatre 
exemples  qui,  selon  vou.s,  mettent  ce  fait  en  évidence. 

J'ai,  je  vous  l'avoue,  quelque  peire  à  me  ranger  à  votre 
opinion,  et  il  m'est  difficile  de  ne  pas  continuer  à  croire 
que  l'expression  dont  il  s'agit,  dans  son  sens  primitif  et 
propre,  doit  se  restreindre  à  la  signification  par  le  secours 
de  (que  vous  lui  donnez  en  troisième  ligne  et  qui  n'est  pas 
synonyme  des  deux  autres)  et  ne  trouve  dés  lors  légitime- 
ment sa  place,  à  moins  qu'elle  ne  soit  ironiquement  détour- 
née de  ce  sens,  que  devant  un  substantif  exprimant  une 
ctiose  bonne  et  dont  il  y  ait  à  rendre  grâce. 


Les  exemples  que  vous  invoquez,  outre  qu'ils  sont  bien 
modernes  et  n'émanent  pas  de  maîtres  de  notre  langue, 
ne  me  semblent  pas  contredire  ma  croyance.  D'abord  le 
second  serait  plutôt  propre  à  la  confirmer  :  car  il  est  bien 
probable  qu'aux  yeux  de  la  mère  Brichard,  que  je  n'ai  pas 
l'avantage  de  connaître,  c'était  une  chose  bonne  que  celle 
qui  l'aidait  à  conserver  la  parole  le  plus  longtemps  pos- 
sible. Quant  aux  trois  autres,  les  phrases  qui  les  fournis- 
sent impliquent  manifestement  des  idées  de  critique  ou 
de  reproche,  qu'on  est  fondé  à  considérer  comme  impri- 
mant à  l'expression  grâce  à  une  tendance  plus  ou  moins 
ironique. 

J'ajoute,  pour  préciser  davantage  ma  pensée  et  revenir 
à  la  phrase  même  qui  vous  avait  été  soumise,  que  je 
conçois  très-bien  quelqu'un  disant,  avec  reproche  et  amer- 
tume :  «  c'est  grâce  à  vous  que  je  suis  ruiné  n,  mais  que 
je  regarde  comme  une  locution  défectueuse  de  dire,  à  titre 
de  simple  narration  :  t  il  a  été  ruiné  grâce  à  la  faillite  de 
son  correspondant,  j 

Si  je  me  trompe,  ce  qui  est  fort  possible,  je  crois  qu'il 
serait  utile  que  cela  fût  prouvé,  à  moi  et  à  vos  autres 
lecteurs,  par  des  exemples  plus  concluants  que  ceux  que 
vous  avez  d'abord  produits. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considé- 
ration très-distinguée. 

Un  de  vos  lecteurs. 

Je  saisis  avec  empressement  l'occasion  qui  se  présente 
de  revenir  sur  une  question  qui,  à  mon  point  de  vue 
également,  n'a  pas  rem  une  solution  assez  complète 
dans  mon  numéro  7. 

Grd<  e  à  vient  de  la  phrase  latine  gracias  agere  alicui, 
laquelle  a  été  traduite  en  français  par  rendre  grdces  à 
quelqu'un. 

Celte  dernière  s'abrégea  bientôt  en  grâces  à,  grâce  à, 
qui  se  mit  devant  le  nom  de  toute  personne  que  l'on 
voulait  remercier  d'avoir  procuré  un  avantage  quel- 
conque : 

Grâces  ait  ciel,  mes  mains  ne  sont  pas  criminelles. 

(Racine,  Phèdre,  I,  3.> 

11  se  porte  mieux,  grdce  à  Dieu. 

(Littré,  Dict.) 

Mais,  comme  on  n'adresse  des  remcrciomcnls  qu'aux 
pe'Tsonnes  qui  ont  été  cause  de  ce  qui  nous  est  arrivé 
d'iieureui,  grâce  à  prit  la  signification  depar  le  secourt 


^06 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


de,  puis  celle  de  par  le  moyen  de,  par  le  fait  de,  ce 
qui  en  a  amené  l'usage  devant  Its  noms  de  choses  : 
Comme  le  nombre  dœuf?,  grâce  à  la  renommée 
De  bouche  en  bouche  allait  toujours  croissant. 

(La  Fontaine,  FaMes,  VIII,  6.) 

Grâce  aux  préventions  de  votre  esprit  jaloux, 

Nos  plus  grands  ennemis  ont  combattu  pour  vous. 

(Racine,  Brit.,  V,  i.) 

Une  fois  ce  degré  d'extension  atteint,  l'expression  ç/râce 
à  s'est  employée  aussi  bien  avec  un  nom  exprimant  une 
mauvaise  chose  qu'avec  un  nom  qui  en  exprimait  une 
bonne,  preuve  les  exemples  que  j'ai  déjà  cités  dans 
mon  premier  article,  et  cet  autre,  que  j'ai  trouvé 
récemment  dans  le  journal  le  A7A=  siVr/e; 

En  France,  grâce  aux  nombreuses  i-évolutions  qui  ont  fait 
passer  successivement  le  pouvoir  dans  tant  de  mains,  les 
psoscriptions  ont  été  fréquentPs. 

Or,  il  résulte  de  ce  qui  précède  : 

V  Que  le  «  sens  primitif  et  propre  »  de  l'expression 
dont  il  s'agit  est  celui  de  remerciements  à,  fait  mis  en 
évidence  par  le  thanks  to  et  le  da7ik  (suivi  d'un  datif) 
qui  traduisent  cette  expression  en  anglais  et  en  alle- 
mand, ainsi  que  par  le  merci  à  qui  a  servi  quelquefois 
à  la  traduire  en  français  : 

Il  se  treuve,  à  celte  heure  en  sa  vieillesse,  riche  pour 
un  homme  de  sa  condition,  mercy  à  cette  trafique,  de 
laquelle  il  se  confesse  ouvertement. 

(Montaigne,  Essais,  III,  266.) 

2°  Que,  par  conséquent,  je  me  suis  gravement 
trompé  en  attribuant  d'abord  à  /jràce  à  le  sens  originel 
de  par  le  fait  de,  })ar  l'action  de,  par  le  secours  de; 
mais  que  l'auteur  de  la  lettre  à  laquelle  je  réponds  se 
trompe  à  son  tour  quand  il  croit  que  l'expression 
grâce  à  a  pour  sens  principal  par  le  secours  de,  et 
qu'elle  ne  peut  se  placer  que  devant  des  substantifs 
désignant  des  choses  «  dont  il  y  ait  à  .rendre  grâce  «. 

X 

Première  Question. 
Pourquoi  dit- on  de  quelqu'un  qui  est  généralement 
connu  comme  menteur,  comme  débiteur  de  bourdes, 
qu'il  A  SES  LETTRES  DE  Cracovie?  Je  VOUS  serais  bien 
obligé  de  me  donner  cette  explication,  dont  je  vous  fais 
mes  remerciements  d'avance. 

Dans  le  jardin  du  Palais-Royal  tel  qu'il  existait  avant 
la  construction  des  arcades  en  4783,  se  trouvait  un 
arbre  antique  sous  l'ombrage  duquel  se  réunissaient  les 
nouvellistes  du  temps.  C'était  là  que  l'on  vous  traçait 
sur  le  sable,  avec  sa  canne,  la  marche  des  armées 
russes,  et  qu'on  s'emparait  de  Constantinople;  que  les 
partisans  respectifs  de  l'Angleterre  et  de  l'Amérique,  en 
guerre  à  cette  époque,  se  livraient  des  combats  non 
sanglants. 

La'  quantité  considérable  de  fausses  nouvelles  (en 
langage  populaire  craques,  du  verbe  craquer,  mentir) 
qui  se  débitaient  sous  cet  arbre  lui  fit  donner  le  nom 
à'nrbre  de  Cracovie,  expression  qui,  sous  un  nom  de 
ville  polonaise,  signifiait  arbre  du  mensoityc. 

Lo  nom  de  Cracovie,  dans  ce  sens,  ne  disparut  pas 
avec  l'arbre  auquel  il  avait  été  donné. 


D'après  M.  Francisque  Michel  [Dictionnaire  d'argot. 
p.  423),  il  existait,  il  y  a  20  ans,  à  Monerabeau , 
département  de  Lot-et-Garonne,  canton  de  Francescas, 
une  maison  nommée  l'Hôtel  de  Cracovie,  dont  le  maître, 
qui  était  cafetier,  délivrait  moyennant  quelques  sous 
des  brevets  de  hâbleur  que  les  mauvais  plaisants 
envoyaient,  par  la  voie  de  la  poste,  aux  menteurs  de 
leur  connaissance,  et  voici  le  texte  des  «  lettres-pa- 
tentes de  la  très-véridique  cour  de  Monerabeau,  en 
forme  de  privilège  »  : 

NOUS,  GRAND    ARCHICHANCELIER   DE   LA   DIÈTE   OéNÉRALE   DE 

MoNCRABEAU,  Pt  en  cetie  qualité  Spigneur  Haut-Jusiicier  de 
la  ville  et  faubourgs  de  Cracovie.  Contrôleur-Général  de 
toutes  les  vérités  qui  se  dispnt  en  ce  bas-moniip.  Chef- 
fondé  de  tous  lesH^blPurs,  Menteurs,  Nouvellistes,  Bourgeois 
sans  occupation,  et  autres  personnes  désoeuvrées  qui  s'exer- 
cent dans  le  bpl  Art  de  mpntir  finement,  sans  porter 
préjudice  à  autre  qu'à  la  vérité,  dont  nous  faisons  profes- 
sion d  ètrp  ennemis-jurés  :  A  tous  ceux  qui  cps  préspntes 
Lettres  verront,  Salut  el  Joie,  surtout  Haine  pour  la  vérité! 

Avons  reçu  les  très-humbles  supplications  de  plusieurs 
de  nos  Clipvaliprs  Pt  Officiers  de  la  Diètp,  qui  nous  ont 
souvent  exposé  que  le  sipur  ...,  habitant  de  ...,  désirant 
d'être  agrégé  dans  la  Diète,  s'exerçait  depuis  longtemps 
dans  la  noble  profession  de  Mentpur,  et  qu'il  avait  fait  de 
si  rapidps  progrès,  que  dans  peu  il  mériterait  la  réputation 
de  modèle  parfait  en  ce  genre. 

A  CES  CAUSES,  enquête  scrupuleusement  faite  des  dispo- 
sitions heureuses,  des  rarps  talents,  des  brillants  succès 
dudit  sieur  ...,  voulant  fonder  le  pieux  désir  qu'il  a  de 
pouvoir  mentir  avec  autorité,  lui  avons  accordé  et  octroyé, 
et  par  ces  Présputes  lui  accordons  et  ootroj'ons,  dès  à 
présent  la  chargp  de  Grand-Correcteur  de  toutes  les  Vérités 
qui  se  diront  dans  touie  l'étendue  de  notre  Empire  ;  le 
recpvons  en  Frère  et  Chpvalier  de  l'Ordre  des  Vérités 
altérées  ;  lui  donnons,  dp  plus,  plein  pouvoir  d'y  agréger, 
après  un  examen  suffi-ant,  toute  personne  qui  se  présen- 
tera à  lui,  t't  par  intérim  lui  fera  expédier  des  lettres 
signéps  dP  sa  main  et  set  liées  du  pptit  sceau,  à  la  charge 
par  lui  d'en  envoyer  un  état  à  notre  bureau,  et  de  se  servir 
pour  son  greffier  du  sieur  ...,  dont  la  capacité  nous  est 
connue,  pour  qu'après  un  filèle  rapport,  nos  Lettres  du 
Grand-Sceau  lui  soient  expédiées.  Ce  faisant,  lui  avons 
donné  et  lui  donnons  plein  pouvoir  de  mentir  impunément 
dans  ...  et  sa  juridiction  ;  dans  les  provinces  de  Languedoc, 
Guypnne,  Bigorre;  dans  le  Périgord,  Limousin,  Angoumois; 
dans  Ips  comtés  d'Armagnac,  Marsan,  Astarae,  Loùmagne, 
Coudomois,  Agenais,  B;izadais,  pays  dps  Landes,  et  géné- 
ralpment  dans  tous  autres  lieux  dpçà  et  delà  les  mers,  où 
il  se  trouvera  dépendant  de  notre  Empire.  Et  pour  l'effet 
de  l'exécution  de  nos  ordrps,  nous  enjoignons  à  tous  nos 
sujets  de  le  publier  et  le  reconnaître  pour  tpl,  afin  qu'on 
n'en  prétende  cause  d'ignorance,  à  peine  contre  les  contre- 
venants d'être  punis  sévèrement,  suivant  les  lois  de  la 
Diète  :  Car  tel  est  notre  tlaisib. 

Donné  à  Monerabeau,  en  pleine  Diète,  sous  lecontre-scel 
de  notre  Archichancelier,  le  ...  jour  du  mois  de  ...  mil  huit 
cent  ... 

Signé  :  Le  Marquis  des  Hadleurs. 

Par  mondit  seigneur  Archichancelier  -. 
Secrétaire. 

Ainsi  les  lettres  de  Cracovie  ont  été,  et  sont  peut- 
être  encore  [quelque  lecteur  voudra  bien,  je  pense,  me 
renseigner  sur  ce  poinl),  des  brevets  réels  qui  s'expé- 
diaient, par  plaisanterie,  de  la  ville  de  Monerabeau;  et      1 
comme  ceux  qui  avaient  reçu  de  ces  lettres  étaient      ■ 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


407 


par  le  fait  déclarés  ou  proclamés  menteurs,  on  a  dit 
de  quelqu'un  qu'il  amit  ses  lettres  de  Cracoi-ie  pour 
faire  entendre  qu'il  était  bien  coanu  par  ses  hâbleries, 
ses  bourdes,  sa  pratique  continuelle  du  mensonge. 

X 

Seconde  Question. 

Quelle  est,  je  vous  prie,  iétymologie  du  mot  téte- 
BÈcnE,  qu'on  emploie  en  parlant  de  deux  objets  placés 
dans  un  sens  tout-à-fait  opposé,  de  manière  que  le 
haut  de  l'un  soit  avec  le  bas  de  l'autre? 

Dans  l'origine,  pour  signifier  assembler  deux  objets 
en  sens  inverse,  placer  deux  personnes  de  manière  que 
la  tête  de  l'une  soit  aux  pieds  de  l'autre,  on  a  fait  le 
verbe  béchevelter,  de  bé,  venant  du  latin  bis,  et  de  chef, 
venant  de  caput,  terme  de  la  même  langue,  lequel  verbe 
existe  encore,  avec  la  prononciation  bcjuetter,  parmi 
les  paysans  de  la  Heauce  ^Voir  Desgranges,  Mots  de  lu 
canipagne  du  canton  de  Bonneval,  2"  vol.  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  France),  avec  celle  de  béchuetter, 
en  Basse-Bourgogne,  et  sous  la  forme  du  participe 
béquevéché,  employé  en  qualité  d'adverbe,  dans  l'arron- 
dissement de  Caen. 

En  parlant  de  deux  objets  bécheretfés,  on  a  dit  qu'ils 
étaient  à  béchevet,  ou  bécàeret  pour  signifier  placés  de 
manière  à  former  comme  un  double  chef,  à  présenter 
un  ensemble  qui  avait  comme  une  double  télé  : 

Les  escuiers,  avec  chascun  poignard  au  poin?,  faisoient 
parler  le  gallaiit  par-dessus  leurs  jambes  appuiées  à  la 
muraille  de  l'autre  costé,  et  aux  deux  à  béchevet. 

(D'Aubigné,  HisL,  II,  420.) 

Là  dessus  furent  envoies  les  cardinaux  du  Perron  et 
Ossat,  lesquels,  s'estant  traisnez  de  genoux,  se  couchèrent 
de  leur  long  la  face  en  bas,  et,  comme  l'on  dit,  à  béchevet. 

(Idem,  m,  43l.) 

Getle  expression,  usitée  encore  au  xvi'  siècle,  comme 
le  montrent  les  exemples  précédents,  finit  par  n'être 
plus  bien  comprise,  et  alors  on  la  fit  précéder  des  mots 
teste  à  teste,  ce  qui  constitua  un  pléonasme  que  l'on 
trouve  déjà  dans  Rabelais  {Garg.  I,  ch.  22!,  sous  la 
forme  de  teste  à  teste  bechevd. 

Ensuite,  on  a  dit  tète  béchevet;  puis,  par  abréviation, 
tête-bêche  qui  se  trouve  dans  le  patois  du  Berry  et 
aussi  en  français,  comme  le  montrent  ces  citations  : 

Dans  les  chaleurs  de  l'été,  les  chevaux  qui  sont  au  pâtu- 
rage ont  l'instinct  de  se  placer  deux  à  deux  béchevet,  ou 
iéle-béche. 

(Jaubert,  Gloss.  rfu  centre  de  la  France,) 

Il  y  a  un  jeu  d'enfants  dans  lequel  les  deux  joueurs  se 
tiennent  tétc-béche  ou  à  téte-béche. 

(Liitré,  Dict.  de  la  lang.  franc.) 

Ils  étaient  dans  le  même  lit,  mais  couchés  têle-bèche. 

(Idem.) 

Telle  est,  si  je  ne  me  trompe,  la  curieuse  origine 
de  tête-bêche,  néologisme  qui  me  parait  être  d'assez 
fraîche  date,  vu  qu'il  ne  figure  pas  dans  la  dernière 
édition  de  l'Académie  (1835). 


Dans  ses  Châtiments,  Victor  Hugo  a  dit  : 

Pour  attirer  les  sot*  qui  donnent  tcte-béche 
Dans  tous  les  vils  panneaux  du  mensonge  immortel, 
Vous  avez  adossé  le  tréteau  de  Bobèche 
Aux  saintes  pierres  de  l'autel. 

Je  regrette  d'avoir  à  constater  que  le  premier  de  ces 
vers  contient  une  licence  inadmissible,  car  tête-bêche  y 
a  la  signification  de  tête  baissée,  ce  qui  n'a  jamais  été 
ni  ne  sera  probablement  jamais  la  sienne. 

X 
Troisième  Question. 

//  ij  a  des  personnes  qui  disent,  par  exemple,  c'est 
MES  AMIS  QUI  ONT  FAIT  CELA,  tandis  que  d'autres  disent 
CE  soxT  MES  AMIS  oc[  ovT  FAIT  CELA.  Estimez-vous  que  la 
première  expression  vaille  mieux  que  la  seconde,  ou 
est-ce  le  contraire  ? 

Quand  un  substantif  pluriel  se  trouve  entre  c'est  et 
qui,  ou  entre  c'est  et  que,  il  y  a  une  double  règle  à 
observer  relativement  au  nombre  du  verbe  être._ 

Si  ce  substantif  n'est  ni  sujet  ni  régime  direct  du 
verbe  principal  (ce  qui  se  reconnaît  facilement  en 
retranchant  c'est,  gui,  ou  que  de  la  phrase),  on  laisse 
toujours  être  au  singulier  : 

Cruel!  c'est  à  ces  dieux  que  vous  sacriflezl 

(Racine,  Iphig  ,  acte  IV,  hc.  4') 

C'est  des  contraires  que  résulte  l'harmonie  du  monde. 

(Bem.  de  St-Pierre.) 

Mais  dans  le  cas  où  il  est  sujet  ou  régime  direct  du 
verbe  principal,  on  emploie  à  volonté  être  au  singulier 
ou  au  pluriel,  ccmme  le  montrent  ces  exemples,  dont 
je  pourrais  facilement  décupler  le  nombre  : 

(Le  substantif  qui  suit  être  est  sujet) 

C'est  eux  qui  ont  bâti  ce  temple. 

(Bossuet.) 

Ce  sont  les  mœurs  gui  font  la  bonne  compagnie. 

(La  Chausiée.) 

C'est  elles  [les  femmes]  qui  ont  accompli  votre  vœu. 

(Fénelon,  Dial.  dts  morts,  33.) 

Ce  sont  les  poètes  de  La  Mecque  qui  commencèrent  l'at- 
taque contre  les  nouvelles  doctrines. 

(Sédillot,  Hisl.  des  Arabes.) 

iLe  substantif  qui  suit  être  est  régime  direct) 

Les  dieux  décident  de  tout;  c'at  donc  les  dieux  et  non 
pas  la  mer  qu'W  faut  craindre. 

(Fénelon,  Télim.,  VI.) 

Ce  ne  sont  pas  les  médecins  git'il  joue,  c'est  la  médecine. 

(Molière  ) 

Ce  xx'est  pas  les  vaines  distinctions  que  l'usage  y  attache. 

(Massillon,  Pet.  Car  ) 

Ce  sont  moins  leurs  ennemis  que  les  animaux  fuient  que 
la  présence  de  Ihomme. 

(Bulfon.) 

Or,  comme  dans  la  phrase  que  vous  me  proposez, 
nos  amis  est  le  sujet  de  ont  fait,  il  en  résulte  que  l'on 
est  autorisé  par  l'usage  à  écrire  : 

C'est  mes  amis  qui  ont  fait  cela, 
tout  aussi  bien  que  : 
.  Ce  sont  mes  amis  qui  ont  fait  cela. 

Toutefois,   cette  conclusion    ne  signifie    pas   que 


40S 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


je  trouve  les  deux  manières  également  bonnes;  car, 
pour  des  raisons  que  je  vais  vous  faire  connaître,  j'ai- 
merais mieux  qu'on  écrivit  toujours  c'est  au  singulier 
dans  ces  sortes  de  phrases  : 

i"  Attendu  qu'on  dit,  par  exemple,  c'est  nous  qui 
avons  fait  cela,  c'est  vous  qui  avez  fait  cela,  il  serait 
plus  logique  de  dire  seulement  c'est  eux  qui  ont  fait 
cela,  que  d'admettre  encore  ce  sont  eux. 

2°  L'expression  c'est  ...  que,  ou  c'est  ...  qui,  em- 
ployée de  celle  manière,  constitue  une  tournure  au 
moyen  de  laquelle  on  met  en  tête  de  la  phrase  un  mot 
qui  était  à  la  fin  ou  au  milieu  ;  ainsi  quand  on  dit  : 

C'est  là  que  j'ai  été  ;  —  C'est  votre  père  que  j'ai  vu  ;  — 
C'esl  de  vous  qu'û  s'agit  ;  —  C'est  à  vous  que  je  parle,  etc. 

ces  phrases  équivalent  pour  le  sens  à  celles-ci  : 

J'ai  été  Id;  —  J'ai  vu  votre  frère  ;  —  Il  s'agit  de  fous,  etc. 
'  Or,  comme  les  termes  de  cette  espèce  de  formule 
n'ont  aucun  rapport  avec  ceux  de  la  phrase  où  elle 
est  employée,  il  serait  certainement  plus  rationnel  d'y 
laisser  e7re  invariable  pour  le  nombre,  quand  on  l'y 
laisse  toujours  pour  la  personne,  et  le  plus  souvent 
pour  le  temps. 


ETRANGER 

Première  Question. 

Voici  une  expressioti  bien  singulière,  avoir  la  tète 
PRÈS  DU  BO'NET  ;  pourriez-vous  m'en  donner  procliainc- 
ment  l'explication  dans  votre  intéressant  journal? 

Cette  locution,  familière  et  figurée,  veut  dire  être 
prompt  à  se  mettre  en  colère,  avoir  le  défaut  de  se 
fâcher  sérieusement  pour  peu  de  chose  : 

Un  Picard  a  la  tête  prés  du  bonnet. 

(Des  Périers,  Contes,  IV.) 

Il  \eut  bien  que  l'on  sçache  qa'it  a  la  leste  si  prés  du 
bonnet,  qu'il  ne  pourroit  jamais  endurer  qu'on  lui  fîst  la 
part,  etc. 

(Brantôme,  Œuv.  comp.,  Panth.  lltt.,  t.  Il,  p.  492.) 

Je  rognois  le  seigneur  Rodolphe  il  y  a  longtemps;  il  a 
la  teste  assez  près  du  bonnet. 

(Après  disnées  de  Ckoliercs,  Paris,  l588.  f"  32  Terso.  ) 

C'est  là  un  fait  connu  de  tout  le  monde;  mais  com- 
ment un  tel  sens  a-t-il  pu  se  loger  sous  les  termes  de 
cette  phrase  contenant^  au  propre,  une  vérité  à  la 
Palisse?  .le  vais  vous  l'expliquer  grâce  à  M.  Francisque 
Michel  [Dict.  d'argot,  p.  62). 

Sans  avoir  encore  le  nom  de  calembour,  nos  pères 
n'en  pratiquaient  pas  moins  volontiers  la  chose;  jouant 
sur  l'adjectif  to«  suivi  de  et,  ils  appelaient  une  |)ièce 
d'or  bonnet  jaune  (bon  et  jaune),  et,  du  temps  d'Oudiii, 
comme  l'apprennent  les  Curiositez  françaises,  ils 
disaient  bonnet  gras  (bon  et  gras)  pour  fort  gras. 

Or,  engagés  dans  celte  voie,  ils  ont  tout  naturelle- 
ment fait  bonnet  synonyme  de  bonté,  et  ils  onl  dit 
avoir  la  tête  près  du  bonnet  pour  signifier  avoir  la 
tête  "près  d'être  bonne,  expression  qui,  prise  ironique- 
ment, voulait  dire  avoir  une  mauvaise  tête. 


X 

Seconde   Question. 
Faut-il  dire  vivbe  au  jour  le  jour,  ou  vivre  au  jour 
LA  JOURNÉE?  Et  si  tous  les  deux  se  disent,  laquelle  des 
deux  phrases  vous  parait  la  meilleure  ? 

Depuis  le  xvi'  siècle  au  moins,  notre  langue  emploie 
l'expression  vivre  au  jour  la  journée,  comme  en  font 
foi  ces  exemples,  que  j'emprunte  au  Dictionnaire  de 
M.  Littré  : 

Gens  qui  vivent  ordinairement  au  jour  la  journée. 

(Amyot,  Galh.,  JO.) 

Je  vis  au  jour  la  journée,  et  je  n'ai  pas  le  courage  de  rien 
décider;  un  jour  je  pars,  le  lendemain  je  n'ose. 

(Sévigné,  127.) 

C'est  beaucoup  pour  eux  ;  ils  chercheront  ensuite  quelque 
nouveau  moyen  de  subsister;  ils  vivent  au  jour  la  journée. 

(Pascal,  Provinc,  III.) 

Il  faut  vivre  au  jour  la  journée  quand  on  a  affaire  à  des 
voisins  ;  on  peut  suivre  un  plan  chez  soi. 

(Voltaire,  leUre  du  i3  juillet  !t6i.) 

Et,  il  y  a  plus,  car  tandis  que  vivre  au  jour  le  jour  ne 
me  semble,  au  propre,  susceptible  d'aucune  explication 
grammaticale,  vivre  au  jour  la  journée  en  peut  rece- 
voir une  parfaitement  satisfaisante;  c'est  une  phrase 
elliptique  qui  équivaut  à  ce  qui  suit  : 

Vivre  [de  manière  quel  au  jour  (suffise  le  salaire,  le  gain 
de]  la  journée. 

Or,  pour  cette  raison  et  aussi  pour  celle  d'un  em- 
ploi plus  fréquent,  je  suis  persuadé  que  vivre  au  jour 
la  journée  est  une  locution  plus  française  que  vivre  au 
jour  le  jour,  quoii|ue  celle-ci  soit  également  mentionnée 
dans  plus  d'un  dictionnaire  faisant  aulorité. 


Troisième  Question. 
Comment  expliquez-vous  la  présence  du  pronom  en 
dans  la  phrase  :  il  M'E^^  veut  parce  que  j'ai  ar  de  lui? 

On  a  d'abord  dit  vouloir  du  mal,  vouloir  mal  à 
quelqu'un,  comme  on  dit  encore  lui  vouloir  du  bien, 
ce  que  ces  citations  mellent  en  évidence  : 

Mais  il  ne  laisse  à  continuer  de  m'en  vouloir  du  mal 
et  de  m'en  faire  la  mine. 

(Quimti  joj/es  de  mariage,  p.   160.) 

Peuple,  qui  me  veux  mal,  et  m'imputes  à  vice 
D'avoir  été  payé  d'un  fidèle  service. 

(Malherbe,  VIII,  j5.) 

Que  l'éclat  de  la  plus  belle  victoire  paraît  sombre  I 
qu'on  en  méprise  la  gloire,  et  qu'on  veut  du  mal  à  ces 
faibles  yeux  qui  s'y  sont  laissé  éblouirl 

(lîossuet.  Louis  de  Bourb.) 

Et  tout  ce  que  sur  moi  pfut  le  raisonnement, 
C'est  de  me  vouloir  mal  d'un  tel  aveuglement. 

(MoiitTc,  Ffm.  sav.,  acte  V,  se.  i.) 

Puis,  avec  le  temps,  on  a  supprimé  mal,  substantif 
employé  ici  dans  un  sens  parlilif,  cl  on  l'a  remplacé 
par  le  pronom  en,  qui  s'est  bienlùt  construit  avec  le 
verbe  vouloir  (comme  dans  d'autres  cas  analogues)  sans 
qu'auparavant  on  eùl  fait  figurer  dans  la  phrase  le 
substantif  dont  il  tenait  la  place. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


4  09 


Notez  qu'en  vertu  de  cette  origine,  en  ne  doit  pas  se 
mettre  dans  la  même  proposition  que  vouloir  du  mal, 
et  que,  par  conséquent,  le  second  des  vers  suivants, 
qui  sont  de  Molière  (Dép.  amour.  1,  se.  2),  renferme 
une  faute  de  construction  : 

Ne  me  déguise  point  un  mystère  fatal  : 

Je  ne  t'en  voudrai  point  pour  cela  plus  de  mal.  ' 

11  fallait  tout  simplement  :  je  ne  te  voudrai  point  etc. 
PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 


1*...  qui  ne  paraît  en  avoir  que  douze;   —   1'...  un   peu  au 

hasard  et  au  jour  la  journée  ; 3°...  couverts  de  haillons, 

pittoresques  (haillonné  n'est  dans  aucun  lexique  français);  — 
4*...  TU  par  douzaines  (au  iiluriel)  ;  —  5'...  n'est  pas  moindre 
que  quinze  cents  mètres  ;  —  6°...  qu'un  avortement  regrettable 
ne  vînt  ;  —  7°...  elle  lui  dit  :  Je  voudrais  bien  savoir  d'oii 
vous  venei  ;  ou  bien  :  elle  lui  demanda  d'oii  il  venait  ;  — 
&'...  C'est  merveilleux,  dit-il  en  approuvant  (voir  Courrier  de 
Vaugelas,  5"  année,  p.  138,  où  se  trouvent  les  conditions  pour 
qu'un  verbe  puisse  s'employer  comme  intercalaire); —  9=... 
Etant  donnés,  écrit-il,  vingt  candidats;  —  10'...  et  leur 
aveuglement  est  incurable  (d'après  M.  Littré,  le  mot  cécité  ne 
s'emploie  que  dans  le  sens  propre). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 


1*  Deux  mècties  grises  couraient  sous  le  madras  autour 
de  tempes  desséchées;  ses  yeux  sans  couleur  s'éveillaient 
parfois  comme  les  yeux  d'un  fiévreux  ;  ses  sourcils  étaient 
mitan  blancs,  mitan  noirs. 

2°  Heureusement,  la  France  n'en  est  pas  tombée  là  qu'un 
parti  qui  affecte  de  pareilles  allures  puisse  se  flatter  de  la 
ramener  jamais  à  lui. 

3*  Je  le  trouvai  avec  sa  femme,  son  enfant  et  ses  chiens 
dans  un  lugubre  petit  appartement  de  Batignolles. 

V  Or,  nous  ne  sachons  pas  que  depuis  la  suppression 
des  brevets,  les  libraires  qui  font  également  la  location 
de  livres,  soient  soumis  à  aucune  autorisation  adminis- 
trative. 

5'  Lord  Derby  a  brusquement  quitté  la  salle,  et  quelques 
membres  du  Conseil  ont  dû  intervenir  pour  que  les  délibé- 
rations puissent  être  reprises. 

6*  Sur  la  place  Solférino,  les  marchands  de  vaches,  tau- 
reaux et  porcs.  Au  quinconce  de  la  Fourche,  sur  deux 
lignes  parallèles,  les  chevaux  de  labour. 

7*  Est-il  pos.sible  qu'un  homme,  si  bien  doué  qu'il  soit,  pt 
par  les  forces  physiques  et  par  la  volonté,  rame  chaque 
jour  de  pareilles  galères. 

8*  On  trouve  à  Cadix,  indépendamment  des  confiterias, 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  des  petits  établii-sements 
spécialement  affectés  à  la  vente  des  boi^sons  gazeuses. 

9*  La  première  fois  qu'on  mit  devant  moi  l'un  de  ces 
volatiles  fantastiqui,s,  cette  nuance  insolite  ne  laissa  pas 
que  de  m  intrig,uer. 

10*  Les  renseignements  fournis  sur  le  compte  de  la  jeune 
fille  et  de  sa  mère,  qui  habitent  rue  de  Valence,  5,  sont 
00  ne  peut  plus  favorables. 

(Lei  eorreetions  à  qvintaim.) 


FEUILLETON. 


BIOGRÂrHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII*  SIÈCLE. 


Dominique  BOUHOURS. 

(Suite  et  fin.) 

Selon  le  précepte  de  Quintilien,  il  faut  éviter  toutes 
sortes  d'équivoques,  non-seulement  celles  qui  embar- 
rassent le  sens,  mais  encore  celles  qui  ne  consistent 
que  dans  les  mots. 

Bouhours  prie  qu'on  le  tire  de  l'embarras  où  le  met- 
tent les  bons  écrivains  qui  ne  suivent  ni  les  préceptes 
de  Quintilien  ni  les  conseils  de  Vaugelas. 

Les  constructions  qu'on  appelle  louches  ne  sont-elles 
pas  contraires  à  la  clarté  du  discours?  Et  Vaugelas 
n'a-t-il  pas  raison  de  les  condamner  quand,  après  avoir 
produit  cet  exemple,  Germanicus  a  égalé  sa  vertu,  et 
son  bonheur  n'a  jamais  eu  de  pareil,  il  dit  :  «  Ce  n'est 
pas  écrire  nettement  que  d'écrire  comme  cela  ;  a  égalé 
sa  vertu,  et  son  bonheur,  parce  que  sa  rer^«  est  accusatif 
régi  par  le  verbe  a  égalé,  et  son  bonheur  est  nominatif 
et  le  commencement  dune  autre  construction  ». 

En  lisant  depuis  peu  l'Imitation  de  Jesus-Christ  et 
YHistoire  du  Vieux  et  du  Nouveau  Testament,  Bou- 
hours est  tombé  sur  des  endroits  qui  ressemblaient 
fort  à  ces  constructions  louches,  et  il  ea  cite  des 
exemples. 

L'abbé  qui  demeure  dans  son  voisinage,  et  qu'il  visite 
assez  souvent,  dit  qu'il  raffine  un  peu  trop,  et  que 
l'on  ne  pourrait  plus  ni  parler  ni  écrire,  si  l'on  voulait 
y  regarder  de  si  près.  11  ajoute  qu'une  construction 
louche  est  une  vraie  vision  et  qu'on  s'exprime  assez 
clairement  pourvu  qu'on  se  fasse  entendre.  Mais  Bou- 
hours croit  qu'il  se  méprend,  tout  éclairé  et  tout  habile 
qu'il  est,  et  ce  qui  le  lui  fait  croire,  c'est  l'avis  qu'émet 
Vaugelas  sur  le  même  sujet. 

Bouhours  ne  sait  s'il  se  trompe  ;  mais  il  lui  semble 
que  les  phrases  que  voici  n'ont  pas  le  bon  sens  : 

Judas  aida  beaucoup  à  arracher  ce  consentement  de 
Jacob,  et  il  tuy  promit,  avec  toute  la  certitude  possible, 
de  luy  repondre  de  Benjamin  et  de  le  luij  rammer.  Que 
signifie  il  lui  promit  de  luy  repondre  de  Bcnjaminl  Le 
sens  ne  serait-il  pas  plus  net  avec  luy  repondit  de 
Benjamin,  et  il  luy  promit  de  le  ramener,  sans  ajouter 
avec  toute  la  certitude  possible,  qui  étant  joint  à  pro- 
mit  est  un  peu  galimatias. 

Eve  se  laissa  séduire  par  ces  paroles  artificieuses,  et 
commençant  de  tomber  dans  le  cœur,  elle  acheva  tout-à- 
fait  de  se  perdre,  en  s'arrestant  à  considérer  ce  fruit. 
Qui  donc  comprend  d'abord  ce  que  veut  dire  ici  tomber 
dans  le  cœur? 

Comme  Messieurs  de  l'Académie  sont  les  ennemis 
déclarés  du  phébus,  du  galimatias  et  de  tout  ce  qui 
choque  le  bon  sens,  Bouhours  doute  que  ces  belles 
phrases  leur  plaisent. 


1+0 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Il  lui  reste  mainlenant  à  les  consulter  sur  les  diffi- 
cultés touchant  l'exactitude  du  style,  et  il  va  le  faire 
avec  toute  la  brièveté  possible,  pour  les  délivrer  de 
l'importunité  d'un  provincial  qui  n'a  déjà  que  trop 
abusé  de  leur  loisir. 

V. 

DoriEs  scB  l'exactitode  du  sttle. 

Bouhours  parlera  ici  de  ce  qui  regarde  la  politesse  et 
la  perfection  du  style  (c'est  le  sens  qu'il  donne  au  mot 
eiactitude),  ou  plutôt  des  doutes  qui  lui  restent  rela- 
tivement aux  négligences  que  Vaugelas  distingue  des 
fautes  commises  contre  la  pureté  et  la  netteté. 

Le  savant  auteur  des  Remarques  dit  que  la  principale 
de  ces  négligences  consiste  à  répéter  dans  la  même 
page  une  même  phrase,  sans  que  cela  soit  nécessaire, 
et  il  ajoute  que  si  la  phrase  est  plus  noble,  la  faute  est 
encore  plus  grande,  parce  qu'étant  plus  éclatante,  elle 
se  fait  mieux  remarquer. 

Que  penser  alors  de  l'écrivain  qui  a  mis  dans  un  tel 
espace  :  tombe  dans  la  mesme  condamnation,  tomba 
dans  le  mesme  précipice,  tomba  dans  la  mesme  impiété, 
et  de  celui  qui,  dans  trois  pages  consécutives,  a  em- 
ployé :  le  plus  grand  prince  qui  soit  dans  le  monde,  des 
plus  puissantes  monarchies  qui  ayent  esté  dans  le  monde, 
et  un  des  plus  grands  ouvrages  qui  soit  aujourd' huy 
dans  le  monde  ? 

La  seconde  sorte  de  négligence,  au  sentiment  de 
Vaugelas,  c'est  de  répéter  deux  fois  un  même  mot 
»  spécieux  »  dans  une  même  page,  sans  que  cela  soit 
nécessaire,  et  Bouhours  cite  un  passage  du  Vieux  et  au 
Nouveau  Testament  où  se  trouve  un  soin  prodigieux, 
et,  huit  lignes  plus  bas,  une  foule  prodigieuse. 

Mais  la  répétition  fréquente  des  mots  simples  et 
communs  n'est-elle  pas  également  contraire  à  l'exactitude 
du  style?  Bouhours  cite  un  auteur  qui  emploie  trois  ou 
quatre  fois  marquer  dans  une  page. 

En  relisant  les  lettres  de  Voiture,  il  a  été  surpris  de 
rencontrer  dans  une  page  cinq  fois  le  mot  honneur, 
sans  parler  d'extrême  et  d' extrêmement,  qui  paraissent 
jusqu'à  sept  fois  dans  une  lettre  n'ayant  qu'une  page 
et  demie.  D'abord,  Bouhours  avait  cru  que  l'auteur 
voulait  réjouir  les  autres  par  une  répétition  plaisante; 
mais,  après  y  avoir  regardé  de  près,  il  n'y  a  pas  trouvé 
le  mot  pour  rire;  il  lui  est  venu  à  l'esprit  que  ce  pour- 
rait bien  être  une  négligence,  et  il  en  fait  juges  Mes- 
sieurs de  l'Académie. 

Ne  pourrait-on  pas  compter  les  synonymes  inutiles 
entre  les  fautes  qui  se  commettent  contre  la  justesse? 
Bouhours  entend  par  synonymes  inutiles  ceux  qui  ne 
contribuent  ni  à  la  clarté  de  lexpression  ni  à  l'orne- 
ment du  discours,  comme  sont  les  suivants,  par 
exemple: 

Le  contentement  et  la  satisfaction,  les  bornes  et  les 
limites,  ce  flambeau  et  cette  lumière,  quels  pleurs  et 
quelles  larmes,  en  cendre  et  en  poussière,  une  manière 
plus  sublime  v[  plus  élevée. 

Bouhours  sait  bien  que  lesauleurs  grecs  ainsi  que  les 
latins  sont  remplis  de  ces  sortes  de  mots;  mais  notre 


langue  n'est-elle  pas  à  cet  égard  plus  exacte  que  les 
langues  anciennes? 

Vaugelas  est  partisan  de  ces  synonymes;  quant  à  lui, 
il  ne  les  peut  souffrir,  attendu  qu'ils  n'ajoutent  rien 
au  sens,  et  qu'ils  ne  servent  qu'à  remplir  ou  à  étendre 
les  périodes. 

Mais  Bouhours  a  bien  d'autres  scrupules  encore  sur 
la  répétition  des  mots,  ou  pour  mieux  dire  sur  la  ren- 
contre des  mêmes  termes  dans  une  même  période. 

Dans  cette  phrase  :  Comme  ce  chastiment  effroyable 
n'empesche  pas,  comme  dit  saint  Bernard,  qu'il  ne  vole 
encore  de  toutes  parts  des  cendres  de  ces  villes  abomi- 
nables ,  les  deux  comme,  si  près  l'un  de  l'autre,  ne  bles- 
sent-ils pas  l'exactitude  et  l'oreille? 

Dans  cette  autre  :  Le  reste  des  peuples  du  inonde 
estait  brûlé  par  les  ardeurs  du  péché,  puis  par  un  miracle 
contraire  l'Eglise  ensuite  répandue  par  toute  la  terre 
a  receu  etc.,  ctspar  mis  de  suite  sont-ils  bien  agréables 
et  bien  nécessaires? 

Comment  la  Cour  s'accommode-t-elle  de  deux  en  avec 
deux  participes,  dans  cette  phrase  :  Si  David  luy 
mesme  ne  l'eust  persuadé  de  le  laisser  faire,  en  luy 
disant  qu'il  estait  accoutumé,  en  gardant  les  trou- 
peaux, etc.? 

Deux  après,  trois  ou  quatre  de  qui  se  suivent  font- 
ils  bien  dans  une  même  période? 

Ceux  qui  n'ont  pas  le  goût  de  notre  langue,  et  qui  ne 
savent  pas  ce  que  c'est  qu'un  style  exact,  se  moqueront 
sans  doute  de  ces  minuties.  Mais  Bouhours  pense  que 
Messieurs  de  l'Académie,  qui  ont  le  vrai  goiît  et  la  par- 
faite idée  du  langage,  ne  trouveront  pas  mauvais,  sans 
doute,  qu'il  descende  dans  les  petits  détails  pour  s'éclai- 
rer et  pour  s'instruire.  Ils  savent  que  dans  la  Gram- 
maire, comme  dans  la  .Alorale,  la  perfection  dépend  de 
petites  choses,  et  que  ce  qui  n'est  presque  rien  en 
apparence  fait  quelquefois  toute  la  difformité  d'une 
phrase,  aussi  bien  que  d'une  action. 

C'est  bien  peu  de  chose  que  le  mauvais  emploi  d'un 
et  et  d'un  que  dans  le  discours;  et  cependant,  il  ne 
faut  que  cela  pour  défigurer  la  plus  belle  période  du 
monde;  du  moins  Bouhours  se  l'imagine,  et  il  croit 
même  qu'un  des  secrets  du  style  est  de  savoir  ménager 
convenablement  ces  particules. 

Il  a  presque  les  mêmes  scrupules  sur  les  si  et  sur  les 
mnis;  les  phrases  où  ces  mots  sont  mal  dispensés  ne 
lui  plaisent  guère. 

Voilà  les  principaux  doutes  que  Dominique  Bouhours 
avait  sur  «  l'éloquence  »  des  paroles.  11  en  a  bien  d'autres 
sur  celle  des  choses,  qui  est  plus  essentielle  et  plus  im- 
portante. Mais  c'est  trop  abuser  du  loisir  de  Messieurs 
de  l'Académie,  et  il  est  temps  de  finir  un  discours  dont 
il  est  fatigué  lui-même.  Après  tout,  il  espère  qu'ils  lui 
pardonneront  la  liberté  qu'il  a  prise,  quand  ils  consi- 
déreront qu''!!  n'en  aurait  pas  usé  de  la  sorte  s'il  n'avait 
une  extrême  passion  pour  notre  langue,  ainsi  qu'une 
très-haute  idée  de  leur  illustre  Compagnie. 

FIW. 

Lk  RîDiciEDs-GiiiiHT  :  ËHAM  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


m 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Les  Amateurs  d'autrefois  ;  par  L.  Clément  de  Ris, 
conservateur  du  musée  de  Versailles.  Avec  8  portraits 
gravés  à  l'eau-forte.  In-S",  xxxi-i77  p.  Paris,  lib.  Pion 
et  Cie. 

Cours  complet  de  langue  française  (théorie  et  exer- 
cices) ;  par  M.  Guérard,  directeur  des  études  à  Sainte- 
Barbe.  2«  partie  :  Grammaire  et  compléments.  Partie  du 
maître.  Nouvelle  édition.  In-12,  vi-2S6  p.  Paris,  lib  Delà- 
grave. 

Les  Soirées  de  Saint-Pétersbourg,  ou  Entretiens  sur 
le  gouvernement  temporel  delà  Providence;  suivies 
d'un  traité  sur  les  sacrilices  ;  par  le  comte  J.  de  .Maistre. 
iW  édition,  2  vol.  In-12,  xxiii-767  p.  Paris,  lib.  Pélagand. 

Voyages  autour  du  monde  ;  par  M""  Ida  Pfeiffer. 
Abrégés  par  J.  Belin  de  Launay  sur  la  traduction  de 
M.  W.  de  Suckau,  et  accompagnés  d'une  carte.  In-18 
Jésus,  viii-332  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  1  fr.  25  cent. 

La  Satyre  Mënippëe,  ou  la  Vertu  du  Catholicon, 
selon  l'édition  princeps  de  159Zi.  Edition  nouvelle  avec 
introduction  et  éclaircissements  par  M.  Ch.  Read.  In-16, 
xxiii-326  p.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  3  fr. 
.  Les  Voyages  extraordinaires.  Michel  Strogoff. 
Moscou.  Irkoutsk;  par  Jules  Verne.  Suivi  de  :  Un  drame 
au  Mexique.  Dessins  de  J.  Férat,  gravés  par  Ch.  Barbant. 
Gr.  in-8^  37i  p.  Paris,  lib.  Heuel  et  Cie.  7  fr. 


Voltaire  et  la  société  au  XVIII»  siècle  ;  par  Gus- 
tave Desnoiresterres.  VII.  Voltaire  et  Genève.  VIII.  Retour 
et  mort  de  Voltaire.  2»  édition,  2  vol.  In-12,  1055  p.  Paris, 
lib.  Didier  et  Cie.  Chaque  vol.  à  fr. 

La  Pécheresse  ;  par  Arsène  Houssaye.  Nouvelle  édi- 
tion. In-i8  Jésus,  289  p.  Paris,  lib.  Calmaun-Lévy.  3  fr. 
50  cent. 

Les  Loups  de  Paris  ;  par  Jules  Lermina  (William 
Cobb).  II.  Les  Assises  rouges.  In-18  Jésus,  Zi07  p.  Paris, 
lib.  Dentu.  3  fr. 

Voyages  et  découvertes  outre-mer  au  XIX'  siècle  ; 
par  Arthur  Mangin.  Illustrations  par  Durand-Brager. 
3=  édition.  \n-à°-  Tours,  lib.  Mame  et  fîls. 

Le  Château  de  Montsabrey.  Karl  Henri,  Le  Con- 
cert pour  les  pauvres.  Vingt-quatre  heures  à  Rome; 
par  Jules  Sandeau,  de  l'Académie  française.  In-i8  Jésus, 
263  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  1  fr.  25  cent. 

Corinne,  ou  l'Italie;  par  M""  de  Staël. Nouvelle  édition, 
précédée  dune  notice  par  M"'"  de  .Saussure.  In-18  Jésus, 
319  p.  Paris,  lib.  Charpentier.  3  fr.  50  cent. 

A  travers  l'Amérique.  Nouvelles  et  récits;  par 
Lucien  Biart.  28  dessins  hors  texte,  par  F.  Lix,  grav.  de 
Gérard,  Hotelin,  Langeval,  A.  Leray,  F.  Méaulle  et  Rave- 
nel.  Gr.  in-8",  388  p.  Paris,  Bibliothèque  du  Magasin  des 
demoiselles,  li  fr. 


Publications  antérieures  ; 


RÉCITS  ESPAGNOLS.  —  Par  Ch.*.hles  Glecllette.  — 
2"  édition.  —  Paris,  E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la 
Société  des  Gens  de  lettres.  —  Palais-Royal,  15-19,  galerie 
d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


L'HEPTAiMRON  DES  NOUVELLES  de  tbès  haute  et  très 

ILLUSTRE     PRINCESSE     MARGUERITE     d'AnGOULÉME,     ROINE     DE 

Navarre.  —  Nouvelle  édition  collationnée  sur  les  manus- 
crits, avec  préface,  notes,  variantes  et  glossaire-index.  — 
Par  BENj.iMi.N  PiFTEAU.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre,  édi- 
teur, 27-29,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  2  fr.  50  cent. 


PETIT  DICTIONNAIRE  UNIVERSEL,  ou  Abrégé  du 
DICTIONNAIRE  FRANÇAIS  DE  E.  LiTTRÉ,  de  l'Académie  fran- 
çaise, augmenté  d'une  partie  mythologique,  historique, 
biographique  et  géographique.  —  Par  A.  Beaujean,  pro- 
fesseur au  lycée  Louis-Ie-Grand.  —  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain.  —  Prix  ; 
3  francs. 

ŒUVRES  CHOISIES  DE  LUCIEN.  —  Traduction  Belin 
DE  Ballu.  —  Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  par 
Emile  Pessonneaux.  —  Paris,  G.  Charpentier,  libraire- 
éditeur,  13,  rue  de  Grenelle-St-Germain.  —  Prix  :  3  fr. 
50  cent. 


NOUVELLES  ANCIENNES.  —  Par  Louis  Dépret  — 
Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain.  —  483  pages  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


LETTRES  DE  MADEMOISELLE  DE  LESPINASSE.  — 
Nouvelle  édition  augmentée  de  dix  lettres  inédites,  ac- 
compagnée d'une  Notice  sur  la  vie  de  M"'  de  Lespinasse 
et  sur  sa  société,  de  Note?  et  d'un  Index  analytique.  — 
Par  Gustave  Isambert.  —  2  volumes.  —  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  éditeur,  27-31,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  5  fr. 


LES  FEMMES  D'ARTISTES.  —  Par  Alphonse  Daudet. 
—  Avec  une  eau-forte  de  A.  Gill.  —  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  éditeur,  27-31,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  3  fr. 
50  cent. 


GEORGE  WASHINGTON  d'après  ses  mémoires  et  sa  cor- 
respondance. —  Histoire  de  la  Nouvelle-France  et  des  Etats- 
Unis  d'Amérique  au  xviii''  siècle.  —  Par  Alphonse  Jouault. 
—  Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain.  —  Prix  :  1  fr.  25. 


LES  HOMMES  DE  DE.MAIN.  —  Livre  pour  la  jeunesse. 
—  Par  Mme  Nbllv  Lientier.  —  Chez  Bunhoure,  éditeur, 
ù8,  rue  de  Lille.  —  Prix  :  3  fr. 


LES  CONFESSIONS  DE    FRÉHON  (1719-1776),   sa    vie, 

souvenirs      intimes       ET      ANECDOTIQUES,      SES      PENSÉES.      — 

Recueillis   et   annotés    par   Ch.    Barthélémy.    —    Paris, 
•  G.  Charpentier,  libraire-éditeur,  13,  rue   de   Grenell«- 
Saint-Germaln.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


^^2  LE  COURRIER  DE  VAUGKLAS. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


HISTOIRES  DE  TROIS  MANIAQUES.  —  Par  Paul  de 
Musset.  —  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris, 
Charpentier  et  Cie,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Gcepp,  chef  de  bureau 
au  .Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 
NouRY  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 


de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duouay-Trouin,  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  h  fr. 


OEUVRES  DE  PHILARÉTE  CHASLES.  —  le  moyen-age. 
—  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris,  Charpentier 
et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Ger- 
main. —  Prix  :  3  fr.  50. 


MARIE  DE  COMPIÈGNE,  d'après  I'Evangile  aux  fem- 
mes. —  Publié  pour  la  première  fois  d'après  les  quatre 
manuscrits  connus,  avec  des  notes  philologiques  et  histo- 
riques, et  une  dissertation  sur  l'origine  de  ce  fabliau.  — 
Par  M.  Constans,  professeur  agrégé  au  lycée  de  Sens.  — 
Paris,  librairie  Franck,  rue  Richelieu.  —  Prix  :  2  fr.  60 


LES    CxRANDS    ÉCRIVAINS    DE    LA    FRANCE 

LETTRES     INÉDITES 

DE 

MADAME    DE    SÉVIGNÊ    A    MADAME    DE    GRIGNAN,    SA     FILLE 

Extraites  d'un  ancien  manuscrit,   publiées  pour  la  première  fois,  annotées  et  précédées  d'une  Introduction, 
Par  Charles  Gapmas,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Dijon. 

Deux  volumes  contenant  ensemble  983  pages  ;  —  Prix  :   15  francs. 


Paris,  librairie  Hacheite  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


L'AcADÈMlE  FRANÇAISE  propose  pour  sujet  du  prix  de  poésie  à  décerner  en  1877  :  André  Chénier.  —  Les  manuscrit» 
devront  être  déposés  ou  adressés  francs  de  port,  au  secrétariat  de  l'Institut  avant  le  31  décembre  1876,  terme  de 
rigueur.  Ils  devront  porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce 
billet  contiendra  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  — Les  ouvrages  envoyés  au 
Concours  ne  seront  pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


L'Académie  française  propose  T  «  Eloge  de  Buffon  »  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Quant  aux 
autres  conditions,  elles  sont  les  mêmes  que  celles  du  concours  de  poésie,  annoncé  plus  haut. 


Le  Tournoi  poétique,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (W  année).  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien.  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements, 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


La  Société  d'agriculture,  commerce,  sciences  et  arts  du  département  de  la  Marne  décernera,  en  1877,  une 
médaille  d'or  de  la  valeur  de  100  francs  à  l'auteur  de  la  meilleure  pièce  de  vers  sur  un  événement  de  notre  histoire 
nationale.  —  La  Société,  à  mérite  égal,  donnera  la  préférence  aux  sujets  relatifs  à  la  Champagne.  —  Les  ouvrages 
envoyés  au  concours  devront  être  adressés,  francs  de  port,  au  secrétaire  de  la  Société,  avant  le  1"  juillet  1877, 
terme  de  rigueur. 

RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTRANGERS. 


Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  indique  aux  Etrangers 
qui  lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter  i—l"  des  professeurs  de  français; — 2»  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perf  îctionner  dans  la  conversation  française  ;  —  3'  des  maisons  d'éducation  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français  ;  —  W  des  réunions  publiques  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  où  se 
parle  un  très-bon  français  ;  —  5"  des  agences  qui  se  chargent  de  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 
gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 

M.  Eman  iMailin,  Rédacteur  du  Courkieii  de  Vaugelas,  est  visible  à  bOn  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVEHNEUB,  G.  DAUPELEY  à  Nogent-le-Rotrou. 


7»  Année. 


N»  15. 


1"  Janvier  1877 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    l"  et    le   IS    de   chaque   moi* 


(Dans  sa  séance  du  M  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 

Par  an,  6  fr.  pour  la  France, 
le  pnrl  en  sus  pour  I  elran{;er.  — 
Annonces  :  Ouvrages,  «n  exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

NCIEN      PROFKSSEUR     SPÉCTAL     PODH     LES      ÉTRANGERS 

Officier  d'Académie 
#  26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    pn^nnent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  liliraire  quelconque. 


AVIS. 

Si  les  cinquante  adhésions  qui  lui  manquent  encore 
ne  se  font  pas  Iropatlendre,  le  Rédacteur  du  Gocrbier 
DE  YiCGELAS  pouppa  faipc  commencer,  au  1"  févpier 
prochain,  la  réimpression  des  cinq  premières  années  de 
son  journal. 

SO.M.MAIRE. 

Communication  sur  Cela  fera  du  bruit  dans  Landerneau,  et 
sur  l'emploi  de  L'être  à  la  place  d'un  verbe  passif;  —  Origine 
de  l'expression  ^1/i.'  le  bon  biltc.t  qu'a  la  Chaire'.  —  Éljmolo- 
gie  de  Brouillamini:  —  Emploi  de  Sdanmoins:  —  S.  quelle 
époque  remonte  l'Iiisloirc  de  Guéridon.  \\  Communication 
sur  l'étymôlogie  de  .Mièvre;  —  S  il  faut  dire  A  brasse- 
corps,  ou  A  bras-le-corps:  —  Origine  du  proverbe  Être  tiré  à 
quatre  épingles;  —  Différence  entre  Le  point  du  jour  et  La 
pointe  du  jour  \\  Passe-temps  grammatical.  ||  Biographie  de 
yicolas  Andry  |{  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature. 
Il  Concours  littéraires.  ||  Renseignements  à  l'usage  des  profes- 
seurs français. 


FRANCE 


CO.M.MUNICATIONS. 
I. 
Voici  une  nouvelle  communication  qui  m'a  été 
adressée  le  5  décembre  dernier  par  M.  .Malgrange,  juge 
de  paix  à  Joigny  (Yonne),  au  sujet  de  la  phrase  pro- 
verbiale Cela  fera  du  bruit  daiis  Landerneau,  dont  j'ai 
déjà  parlé  deux  fois  dans  le  Courrier  de  Vaugelas  : 

Vous!  citez,  dans  votre  numéro  du  15  Octobre  dernier,  un 
souvenir  qui  m'est  resté  ilans  la  mémoirp,  de  mes  excur- 
sions ^n  Bretagne,  relatif  à  l'e-xpression  proverbiale  Cela 
fera  du  bruit  dans  Landerneau;  ot  vous  ajoutez  que  c'est  la 
pièce  d'Alexandre  Uuval,  li>s  Héritiers,  â  laquelle  le  public 
a  ri  pendant  25  ans,  qui  a  introduit  ce  proverbe  dans  notre 
langue. 

Que  cette  pièce  l'ait  vulgarisé,  je  ne  le  nie  pas.  Mais  je 
ne  pense  pas  qu'il  soit  une  heureuse  inspiration  éclose 
au  cerveau  d'un  spirituel  vaudevilliste  dans  le  feu  de  la 
composition. 

C'est  assurément  une  réminiscence  d'un  dicton  popu- 


laire du  pays  natal,  qui  s'est  trouvé  sous  sa  plume,  et  a 

fait  fortune. 

Plusieurs  motifs  me  confirment  dans  mon  opinion  et  la 
corroborent. 

Jacques  Cambry,  savant  breton  et  l'un  des  fondateurs  de 
l'Académie  celtique,  mort  en  1807,  a  cherché  quelle  pou- 
vait être  l'origine  de  ce  proverbe.  Ses  recherches  sont 
assurément  antérieures  à  la  vogue  de  la  comédie  d'A- 
lexandre Duval. 

Pendant  la  période  où  cette  pièce  fut  jouée,  on  ne  voya- 
geait guère;  quelques  privilégiés  de  la  fortune  d'une  pro- 
vince aussi  éloignée  de  la  capitale  pouvaient  seuls  assister 
aux  représentations  du  Théâtre-Français. 

A  l'égard  de  l'usage  de  donner  un  charivari  à  la  veuve 
qui  se  remarie,  origine  de  notre  dicton,  selon  la  convic- 
tion des  habitants  de  Landerneau  et  de  la  plus  grande 
partie  du  reste  de  la  Bretagne,  voici  ce  qu'on  lit  dans  le 
Journal  illustré  du  8  septembre  1867,  numéro  187  : 

a  II  y  aura  du  bruit  dans  Landerneau.  C'est  de  Lander- 
neau que  vient  l'usage,  encore  en  vigueur  en  France,  dans 
beaucoup  de  localités,  de  donner  un  charivari  à  la  veuve 
qui  se  remarie.  Quand  un  de  ces  mariages  était  sur  le 
point  de  se  faire,  le  bruit  s'en  répandait  bien  vue  dans  la 
contrée,  et  alors  on  disait  :  Il  y  aura  ce  soir  du  bruit  dans 
Landerneau.  > 

Dans  ta  préface  de  sa  pièce,  Alexandre  Duval  nous 
apprend  qu'avant  de  se  livrer  à  la  littérature,  il  avait 
été  marin  et  qu'il  avait  fait  ses  études  à  l'école  de 
Brest.  Or,  comme  cette  ville  est  seulement  à  quatre 
lieues  et  demie  de  Landerneau,  il  est  bien  probable 
que  notre  auteur  aura  fréquemment  entendu  le  pro- 
verbe en  question,  et  qu'en  effet,  il  l'aura  mis  par 
Il  réminiscence  »  ainsi  que  ledit  .M.  Malgrange,  dans 
celte  comédie  des  Héritiers,  qu'il  écrivit  en  un  jour. 

Je  remercie  M.  le  juge  de  paix  de  Joigny  d'avoir  bien 
voulu  insister  sur  une  question  pour  la  solution  de 
laquelle  il  avait  de  si  bons  renseignements  à  donner. 
II. 

La  lettre  qui  suit  m'invite  à  dire  pour  quelle  raison 
j'ai  mis  l'être  à  la  place  de  V\nî'inW  être  justifiée  dans 
un  de  mes  derniers  numéros  : 

Paris,  le  9  décembre  1876. 
Monsieur, 
.€  Il  s'agit  de  savoir  si  l'on  peut  justifier  cette  préférence 
de  l'usage.  Je  dis  qu'elle  peut  parfaitement  l'être.  » 


4U 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Voilà  ce  que  je  trouve  au  bas  de  la  première  colonne  de 
la  page  99,  dans  votre  numéro  du  Courrier  de.  Vaiigelas  du 
1"  de  ce  mois.  C'est  évidemment  là  une  phrase  à  corriger, 
et,  non  moins  évidemment,  c'est  par  suite  d'une  simple 
distraction  qu'elle  a  pu  se  trouver  sous  votre  plume.  Tou- 
tefois, comme  il  peut  y  avoir  certains  de  vos  lecteurs,  à 
l'étranger,  par  exemple,  qu'elle  serait  de  nature  à  induire 
en  erreur,  je  crois  qu'il  est  essentiel  qu'un  de  vos  plus 
prochains  numéros  en  contienne  la  correction. 

Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considéra- 
tion très-distinguée. 

Un  de  vos  lecteurs. 

Dans  la  cinquième  année  de  ce  journal,  page  1^8, 
j'ai  consacré  presque  deux  colonnes  à  cette  question 
controversée  de  l'emploi  de  l'être  à  la  place  d'un  infi- 
nitif passif  dont  l'actif  est  énoncé  plus  haut  dans  la 
phrase.  Or,  comme  j'y  conclus,  et  avec  raison,  je 
crois,  en  faveur  de  cette  construction  quand  il  y  a 
«  identité  de  son  »  entre  l'infinitif  du  verbe  et  son 
participe,  il  me  semble  que  j'ai  pu,  sans  commettre  de 
faute,  écrire  l'être  dans  la  phrase  incriminée  par  les 
lignes  qi^'on  vient  de  lire. 

X 
Première  Question. 

Je  trouve  cette  phrase  dans  le  Figaro  :  «  Cette  mal- 
heureuse diplomatie,  dont  les  décisions  et  les  verdicts 
auront  la  valeur  du  bon  billet  qu'a  La  Châtre.  »  Je 
vous  serais  obligé  de  me  faire  connaître  par  la  voie  de 
votre  journal  la  signification  de  cette  phrase,  et,  en 
même  temps,  l'origine  de  l'expression  que  j'y  souligne  ? 

Depuis  quelque  temps,  le  marquis  de  La  Châtre  était 
l'amant  favorisé  de  la  célèbre  Ninon  de  Lenclos,  quand 
il  reçut  l'ordre  de  se  rendre  à  l'armée. 

La  séparation  en  pareil  cas  lui  était  bien  cruelle,  car 
il  pressentait  le  torique  l'absence  devait  lui  faire  auprès 
d'une  personne  accoutumée  à  voir  dans  l'amour  autre 
chose  qu'un  sentiment. 

Pour  se  rassurer  l'esprit,  il  chercha  une  garantie 
contre  l'inconstance  bien  connue  de  sa  maîtresse  :  il 
voulut  qu'elle  s'engageât  par  écrit  à  lui  rester  fidèle. 

Ce  fut  en  vain  que  Ninon  lui  représenta  l'extrava- 
gance, la  folie  d'un  pareil  acte  ;  obligée  de  céder  pour 
se  soustraire  a  des  importunités  incessantes,  elle  lui 
signa  un  billet  où  elle  faisait  de  tous  les  serments  celui 
qu'elle  était  le  moins  capable  de  tenir,  le  serment  de  ne 
jamais  aimer  que  lui  seul. 

Muni  de  ce  précieux  titre,  La  Châtre  courut  où  l'ap- 
pelait son  service. 

A  quelques  jours  de  là,  Ninon  se  donnait  à  un  autre, 
et  laissait  échapper  l'exclamation  qui  suit  au  moment 
où  elle  manquait  le  plus  manifestement  à  sa  promesse  : 
Ah!...  Ah  /...le  bon  billet  gu'a  La  Châtre! 

Instruit  de  l'allusion  contenue  dans  ces  paroles,  le 
nouvel  amant  trouva  la  précaution  du  marquis  si  ori- 
ginale qu'il  ne  put  en  faire  un  mystère,  et  le  bille/  de 
•La  Châtre,  comme  le  dit  Bret  [Mém.  sur  la  vie  de 
Ninon,  p.  .'iSj,  devint  bientôt  dans  la  bouche  de  tout 
le  monde  un  proverbe  qu'on  appliquait  et  qu'on  ap- 
plique encore  à  toutes  les  choses  sur  lesquelles  il  n'est 
guère  sage  de  compter. 

Or,  il  résulte  évidemment  de  l'explication  précédente 


que  la  phrase  du  Figaro  que  vous  avez  bien  voulu 

m'adresser  signifie  tout  simplement  ceci  : 

Cette  malheureuse  diplomatie,  dont  les  décisions  et  les 
verdicts   n'auront  aucune  valeur. 

X 
Seconde  Question. 
Vous  dites  dans  i-otre  numéro  du  \"  novembre, 
page  83  ;  «  On  pouvait  croire  que  Brouillamini  venait 
du  verbe  Brouiller,  qui  existait  en  français  depuis 
le  XIII''  siècle  au  moins.  »  Mais  n'est-ce  donc  pas  de  là 
que  vient  Brouillamini?  Dans  le  cas  contraire,  je  vous 
plierais  de  me  donner  son  étymologie. 

Auguste  Scheler  voit  dans  brouillamini  un  «  terme* 
burlesque  »  formé  de  la  terminaison  latine  du  2"  plu- 
riel de  l'indicatif  présent  du  passif  et  du  verbe  brouiller 
«  comme  pour  dire  :  vous  êtes  brouillés  »;  M.  Littré 
tient  pour  l'opinion  de  Ménage,  qui  pensait,  comme 
Jean  Bourdelot,  auTeur  d'un  Traité  de  l'étymologie  des 
mots  françois,  que  brouillamini élaW.  la  corruption  de  bol 
d'Arménie,  du  grec  Pojao;,  glèbe,  motte  de  terre. 

Mais,  comme  je  vais  vous  le  démontrer,  la  première 
de  ces  étymologies  est  complètement  fausse ,  et  la 
seconde  n'est  pas  tout-à-fait  vraie, 

La  première.  —  Si  brouillamini  venait  du  verbe 
brouiller,  il  désignerait,  ou  plutôt  il  aurait  désigné  à 
l'origine  un  certain  mélange,  ce  qui  n'est  point,  comme 
le  prouvent  ces  définitions  : 

(Le  Furetièrede  1690) 

Brouillamini.  —  C'est  une  terre  rouge  et  visqueuse  natu- 
rellement sèche  avec  un  peu  d'odeur  et  de  saveur. 

(Le  Dictionnaire  de  l'Encyclopédie,  1751) 
Brouillamini.  —  Subst.  m.  (Pharmacie).  —  Nom  que  l'on 
donne  à  des  masses  de  bol  qui  sont  de  la  grosseur  du 
doigt  :  on  les  appelle  aussi  bol  en  bille. 

La  seconde.  —  Dans  bol  d'Arménie,  il  y  a  un  d, 
qu'aucune  corruption,  je  pense,  ne  peut  faire  disparaî- 
tre, parce  qu'il  va  parfaitement  bien  après  1'^  de  bol. 
Comment  alors  une  telle  expression  aurait-elle  pu 
donner  brouillamini  ? 

Ce  mot,  qui  ne  peut  être  tiré  non  plus,  ni  de  bol 
armenicque  ni  de  bol  urmene,  usités  tous  deux  au 
XYi""  siècle,  ne  peut  venir  que  de  boli  armeni,  génitif  de 
bolus  armenus,  bol  d'Arménie,  que  les  médecins  d'au- 
trefois employaient  dans  leurs  ordonnances,  écrites 
comme  on  sait  en  latin  : 

Recipc  (prenez)  boli  armeni  (de  bol  d'Arménie) 

En  effet,  grâce  à  la  voyelle  o  sonnant  ou  dans  une 
foule  de  cas,  à  la  tendance  à  prononcer  mouillées  les  / 
qui  se  trouvaient  entre  deux  voyelles,  au  changement 
fréquent  de  e  en  /,  et  à  un  caprice  de  l'usage  qui 
transportait  quelquefois  les  r  du  milieu  des  mots  au 
commencement,  et  réciproquement  (les  paysans  de  la 
Beauce  disent  encore  cocodvillc  pour  crocodile),  on  ex- 
plique très-bien  comment  brouillamini  a  pu  être  formé: 

llili  armeni 

Iloîdi  arm/ni 

Bcouli  amini 

Broui//  amini. 

Il  peut  se  faire  que  cette  étymologie  vous  surprenne; 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


415 


mais  si  vous  voulez  bien  y  réfléchir,  je  suis  persuadé 
que  vous  reconnaîtrez  bientôt  avec  moi  que  c'est  la 
seule  vraie. 

X 
Troisième  Question. 

Quels  sont,  s'il  vous  plaît,  les  cas  d'emploi  du  mot 
Néanmoins?  Lex  ç/rammaires  et  les  dictionnaires  ne  ren- 
seignent pas  suffisamment  à  ce  sujet. 

L'adverbe  en  question  est  composé  de  néant  et  de 
moins,  car  on  écrivait  autrefois  ncant  moins. 

Dans  l'origine,  néant  s'employa  seul  dans  le  sens  de 
non,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 

Quant  aucuns  eslisent  néant  digne  à  lor  esciant,  il  per- 
dent le  pouer  d'eslire. 

{LivTt  de  Justice,  p.  45.  J 

Turpins  y  Sert,  ki  nient  ne  s'ésparignet. 

(CA.  de  Roland,  st.  CXIII.) 

Joint  à  moins,  le  mot  néant  eut  divers  emplois  que 
je  vais  vous  faire  connaître  : 

•("Il  serait  pour  ne...  pas  moins,  devant  un  verbe 
aCfirmatif,  comme  dans  cet  exemple  : 

Et  niantmoins  il  fait  tousjours  Son  devoir. 

(Oresme,  Elh.  j5.) 

2°  Attendu  que  ne...  pas  moins  s'emploie  dans  une 
proposition  pour  exprimer  une  cho.'se  faite  en  quelque 
sorte  en  dépit  de  celle  qui  est  exprimée  précédemment, 
neVmmùi?w  a  naturellement  pris  la  signification  de  quoi- 
que, dans  les  phrases  négatives  aussi  bien;que  dans 
les  affirmatives,  ce  que  prouvent  les  citations  suivantes  : 

Et  néanmoins  qu'il  menast  la  vie  que  je  vous  dis,  si  estoit 
il  prince  craignant  et  aimant  Dieu. 

(Marguerite,  A'oiâ'.  XXV.) 

Beau  sire  Dieu,  qui  à  si  hault  lieu  comme  à  l'ordre  do 
chevalerie  me  laissastes  monter  et  m'eleutes  à  vostre  ser- 
viteur, neanlmoins  que  je  n'en  fusse  pas  digne. 

{Lancelot  du  Lac,  t.  III,  fol.  83,  dans  Lacunie.  ) 

3°  Le  pronom  ce  s'employant  souvent  pour  rappeler 
une  proposition  déjà  énoncée ,  on  l'a  fait  suivre  de 
néanmoins,  avec  lequel  il  a  formé  le  sens  de  malgré 
cela,  qu'il  a  dans  cette  phrase  : 

D'autres  la  divisent  [l'âme]  en  une  partie  mortelle,  et 
l'autre  immortelle;  autres  la  font  corporelle,  et  ce  néan- 
moins immortelle. 

(Montaigne,  EssaU,  liv.  II,  ch.  IS,  p.  4c6.) 

Mais,  pour  des  motifs  que  je  n'ai  pu  découvrir,  la 
langue  moderne  ayant  abandonné  ce  néanmoins  ainsi 
que  néanmoins  que,  il  s'en  suit  que  cet  adverbe  com- 
posé n'est  plus  employé  aujourd'hui  que  dans  le  sens  de 
ne...  pas  moins,  malgré  cela. 

X 
Quatrième  Question. 
Je  serais  curieux  de  .-iavoir  l'époque  à  laquelle  se 
place  l'histoire  de  Gcéhidon,  ce  personnage  dont  le  nom, 
comme  vous  l'avez  montre  dans  votre  premier  numéro 
de  la  présente  année,  est  dcrenu,  dans  notre  langue., 
synonyme  de  porte-flambeau  ?. 

L'opuscule  contenant  les  Fola.Hres  et  joyeuses  amours 


de  Guéridon  et  Robinette  a  été  publié  à  Paris  en  1 6  M  ; 
et,  quand  se  passaient  les  faits  qui  s'y  trouvent  relatés, 
la  «  Place  de  la  Pucelle  «  existait  déjà  a  Orléans,  puis- 
que c'est  non  loin  de  cette  place  que  fut  rencontrée 
Robinette  par  le  messager  de  Guéridon. 

Or,  la  dénomination  de  ladite  place  était  néce.ssaire- 
ment  postérieure  à  la  délivrance  d'Orléans  par  Jeanne 
d'Arc,  délivrance  qui  eut  lieu  le  8  mai  1429.  D'oii 
découle  la  certitude  que  l'époque  à  laquelle  remonte 
l'histoire  du  personnage  en  question  se  trouve  comprise 
entre  les  années  1429  et  1611. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  vous  donner  une  indication 
plus  précise;  mais  le  résultat  des  recherches  au.xquelles 
je  me  suis  livré  à  ce  sujet  ne  me  le  permet  pas. 


ETRANGER 


COM.MUNICATION. 

L'auteur  de  la  lettre  suivante,  dont  l'exemple  sera 
bientôt  suivi,  du  moins  je  l'espère,  par  d'autres  lec- 
teurs du  Courrier  de  Vaugelas  à  l'étranger,  propose 
pour  mièvre  une  étymologie  différente  de  celle  que  j'ai 
donnée  dans  mon  numéro  W  de  la  présente  année  : 
Copenliague,  6  décembre  1876. 
Monsieur  le  Rédaf  teur, 

Lecteur  assidu  du  Courrier  de  Vaugelas,  je  trouve  dans 
votre  numéro  11,  l'étymologie  du  mot  mièvre. 

Permettez-moi  d'appeler  votre  attention  sur  une  origine 
de  c&mot  qui  me  paraît  plus  simple  et  plus  naturelle  que 
celle  que  vous  avez  trouvée. 

Selon  moi, Mi'èircvientdel'adjpctifdanoisra'i'eï- (prononcez 
rèrr'),  qui,  d'après  iMolbecli,  lexicographe  danois,  veut  dire 
mobile,  vif,  agi!e,  alerte,  et  dérive  de  l'anglais  uave. 

Dans  la  partie  occidentale  du  Jutland,  on  dit  nœver 
(pron.  Hcir')  au  lieu  de  vœver. 

N'y  aurait-il  pas  une  proche  parenté  entre  le  terme  nor- 
mand nîèvre  et  le  terme  jutlandais  nœver? 

Je  serais  heureux  de  lire  votre  appréciation  dans  un  des 
prochains  numéros  du  Courrier  de  Vaugelas. 

Agréez,  Monsieur,  l'expression  de  mes  sentiments  distin- 
gués. 

p.  ViLSOËT. 

A  partir  de  la  fin  du  règne  de  Charlemagne  (8J4), 
nos  côtes  de  la  .Manche  fui'ent  en  proie  aux  ravages 
continuels  des  pirates  Scandinaves  et  danois  ;  et  ces 
derniers  finirent  par  s'y  établir  en  912,  c'est-à-dire 
SOUS  le  règne  de  Charles-le-Simple. 

Il  se  peut  donc  fort  bien  que  vœver,  corrompu  en 
nœver,  ait  été  apporté  en  Normandie  par  des  envahis- 
seurs venant  du  Jutland  occidental,  et  y  soit  devenu 
tiièvre,  ce  qui  implique  naturellement  que  j'aurais 
commis  une  erreur  en  donnant  niévre  comme  dérivé 
de  mièvre. 

.Mais  est-ce  le  normand  nièrre  qui  a  fourni  mièvre  'a 
la  langue  française'!" 

Je  ne  le  crois  pas;  car  il  faudrait  pour  qu'il  en  fut 
ainsi  un  changement  de  l'initiale  n  en  ?n,  changement 
dont  jusqu'ici  il  n'a  pas  été  trouvé  d'exemple,  apparlc- 
hant  à  l'un  des  idiomes  qui  se  sont  parlés  ou  se  par- 
lent encore  6ur  le  sol  de  la  France. 


1(6 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Or,  si  le  français  mièvre  ne  peut  se  tirer  du  normand 
nièvre^  c'est-à-dire  du  Jutlandais  nœver,  venu  du 
danois  vaver,  quelle  est  son  origine? 

Pour  le  moment,  je  n'en  aperçois  pas  d'autre  que 
mobilis,  celle  que  j'ai  déjà  indiquée. 

X 

Première  Question. 
Faut-il  dire  pre.ndre  qdelqd'on  a  brasse-corps,  ou 

PREJiDRE    QCELQd'CN   A  BRAS-LE-CORPS?   VoUà  XITIC  qUCStiOll 

dont  la  solution  intéressera  probablement  plus  d'un  de 
vos  lecteurs. 

A  mon  avis,  ni  l'un  ni  l'autre  ne  sont  bons;  la  seule 
forme  vraiment  française  de  celte  expression  doit  être 
prendre  quelqu'un  à  bras  de  corps,  ce  que  j'espère 
pouvoir  vous  démontrer. 

En  effet,  que  signifie  l'expression  dont  il  s'agit? 

Elle  veut  dire  prendre  quelqu'un  au  mo^en  de  ses 
bras  (à soi)  appliqués  sur  son  corps  (à  lui). 

Or,  dans  l'ancienne  langue  française  : 

1°  Le  nom  de  l'instrument  avec  lequel  se  faisait  l'ac- 
tion de  prendre  se  construisait  avec  la  préposition  « 
devant  lui  : 

Pernez  m'as  bras,  si  m'  drecez  en  séant. 

{Moland,  ch.  IV,  p.  237.) 

On  le  blasma  d'avoit  fait  cest  accord  pour  recouvrer  des 
gens  qui  par  laschelé  s'estoient  laissez  prendre  aux  enne- 
mis. 

(Amyot,  Fab.  19.) 

Dn  manant  au  miroir  prenoil  des  oisillons. 

(La  Fontaine,  FnW.  VI,   i5,) 

2°  Le  nom  de  la  partie  du  corps  saisie  admettait, 
comme  maintenant,  par  devant  lui,  et  celte  préposi- 
tion pouvait,  dans  plus  d'un  cas,  se  remplacer  par  de, 
preuve  les  exemples  ci-après  : 

Bon  sont  à  vaincre,  de  verte  le  sachez. 

(Roncevaux,  p.  70.) 

Et  se  voulut  agenouiller  de  la  grand  joie  qu'elle  avoit. 

(Froissart,  I,  I,  14.) 

Fut  prins  ung  varlet  des  Angloys,  et  fut  incontinent 
amené  devant  le  roy  d'Angleterre. 

(Idem,  IV,  7.) 

Par  conséquent,  il  a  été  loisible  de  dire  prendre 
quelqu'un  à  bras  de  corps;  et,  comme  on  l'a  dit 
réellement,  ce  que  montre  la  phrase  suivante,  em- 
pruntée aux  Ce7it  nouvelles  nouvelles  de  Louis  XI  (éd. 
du  bibl.  Jacob,  p.  9A)  : 

Si  se  tourna  [l'épouste]  tôt  devers  lui  et  le  prini  à  bnns 
bras  de  corps,  et  lui  commença  à  dire  :  Venez  çà,  mon 
mari,  etc. 

j'en  conclus  que  c'est  bien  ainsi,  et  non  autrement,  que 
doit  se  formuler  l'expression  que  vous  m'avez  soumise. 

X 
Seconde  Queslion. 

En  parlant  d'une  femme  bien  mise,  vous  dites  :  Elle 
EST  TIRÉE  A  QtUTRE  ÉPINGLES.  D'oit  rient  donc  Cette  ex- 
pression ?  Je  vous  remercie  d'avance  de  la  réponse  que 
vous  voudrez  bien,  je  l'espère,  me  faire  à  ce  sujet. 


Le  fichu,  cette  pointe  légère  que  les  femmes  se  mettent 
parfois  autour  du  cou,  fut  jadis  une  partie  essentielle 
de  leur  vêlement,  comme  il  en  est  encore  une  chez  les 
paysannes  de  la  Beauce  et  du  Perche. 

Or,  pour  que  la  personne  qui  le  portait  fût  bien 
habillée,  il  fallait  que  le  fichu  fit  le  moins  de  plis  pos- 
sible, condition  que  l'on  réalisait  au  moyen  de  quatre 
épingles  ;  une  pour  l'arrêter  dans  le  dos,  deux  pour 
l'assujélir  sur  les  épaules,  et  une,  enfin,  pour  le  tenir 
croisé  sur  la  poitrine. 

D'où  la  locution  proverbiale  être  tirée  à  quatre  épingles 
(lilléralement,  avoir  son  fichu  tendu  par  quatre  épin- 
gles) pour  signifier,  en  parlant  d'une  femme,  qu'elle 
est  extrêmement  soignée  dans  sa  mise. 

Si  l'on  en  croit  La  Mésangère,  celte  expression  ne 
s'appliquerait  pas  aux  hommes.  Mais  c'est  une  erreur, 
car  voici  une  citation  que  Quitard  dit  empruntée  à  un 
Règlement  de  la  paroisse  de  Saint-Jacques  de  l'Hôpital 
de  Paris,  rédigé  il  y  a  près  de  300  ans,  laquelle  prouve 
de  la  manière  la  plus  évidente  que,  vers  le  xvi"  siècle, 
les  quatre  épingles  ont  joué  un  rôle  aussi  important 
dans  la  toilette  des  hommes  que  dans  celle  des 
femmes  : 

Le  crieur  est  tenu  avant  la  fête  de  monseigneur  saint 
Jacques,  d'aller  par  la  ville,  avec  sa  cloctiette  et  vestu  de 
son  corset,  crier  la  confrérie.  Item,  doit  à  chasque  pèlerin 
et  pèlerine  quatre  épingles  pour  attacher  les  quatre  cor- 
nets des  manielets  des  hommes  et  les  chapeaux  de  fleurs 
des  femmes,  etc. 

X 
*       Troisième  Question. 

Selon  vous,  laquelle  de  ces  expressions,  la  pointe  do 
JOCH,  ou  LE  point  DU  JOCR,  doit  être  préférée  à  l'autre? 

M.  Litlré  voit  une  différence  de  sens  entre  ces  deux 
expressions,  qui  renferment  toutes  deux  le  participe 
passé  du  verbe  poindre,  l'une  au  féminin,  l'autre  au 
masculin. 

D'après  le  célèbre  lexicographe,  \e  point  du  jour 
serait  le  moment  précis  o'ù  le  jour  commence  à  paraître, 
et  la  pointe  du  jour  serait  formée  par  les  premières 
lueurs  qui  se  montrent  le  matin. 

En  est-il  réellement  ainsi  ? 

Je  ne  le  pense  pas  ;  il  me  semble  que  les  expressions 
dont  il  s'agit  signifient  absolument  la  même  chose,  à  en 
juger  par  les  exemples  suivants,  où  le  point  du  jour 
pourrait  parfaitement  se  remplacer  par  la  pointe  du 
jour  : 

Et  ne  l'ai  pu  savoir  jusqiies  au  point  du  jour. 

(Corneille.  CiJ,  IV,  3.) 

11  surprit  an  point  du  jour  les  cent  vaisseaux. 

(Fénelon,  TMm  ,  XVI.) 

Mais  si  elles  ne  diffèrent  pas  de  sens,  ces  expressions 
diffèrent  de  construction  ;  car,  bien  que  Bernardin  de 
Saint-Pierre  ait  dit  dans  Paul  et  Virginie  : 

Noua  re^lAines  14  jusqu'au  pciil  point  du  jour. 
il  est  certain  qu'avec  un  qualificatif,  l'usage  s'accom- 
mode généralement  mieux  de  pointe  que  de  point. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


U7 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1'  ...  ses  sourcils  olaieiit  moitié  blancs,  moitié  noirs;  —  2°  ... 
pas  tombée  à  ce  point  qu'un  parti;  —  3°  ...  petit  appartement 
des  Balignolies  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  6'  année,  p.  18);  — 
■i*  Or,  nous  ne  sachions  pas  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  5"  an- 
née, p.  188);  —  5°  ...  pour  que  les  délibérations  pussent  être 
reprises;  —  6'  Sur  la  place  de  Suiférino  (Voir  Courrier  de  Vau- 
gelas, l"  année,  n*  1,  p.  3,  où  se  trouve  l'explication  de  ce  de); 
—  7°  ...  rame  chaque  jour  sur  de  pareilles  galères  (le  verbe 
ramer,  mouvoir  une  rame,  n'a  jamais  été  actif); —  8°  ...  plus 
haut,  de  petits  étalilissements;  — 9°  ...  ne  laissa  pas  de  m'in- 
Iriguer  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  4°  année,  p.  155,  où  il  est 
démontré  qu'il  ne  faut  pas  dire  ne  pa.s  laisser  que  de)\  —  10°  ... 
sont  des  plis  favor.ibles  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  i'  année, 
p.  84,  sur  l'emploi  de  on  ne  peut  plus  suivi  d'un  adjectif). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 


1°  A  cette  politique,  je  ne  sache  qu'une  seule  objection, 
c'est  que  triomphant  sans  péril,  elle  triompherait  sans 
gloire. 

1'  Le  Reichstag  a  commencé  aujourd'hui  la  discussion, 
en  seconde  lecture,  du  projet  de  budget  pour  l'Alsace-Lor- 
raine.  Ce  projet  a  été  adopté  jusques  et  y  compris  le  cha- 
pitre relatif  à  l'administration  judiciaire. 

3*  Il  s'en  prit  à  ma  propre  personne,  qu'il  mit  grotesque- 
ment  en  scène,  sans  que  j'aie  honoré  ces  pantalonnades 
d'autre  chose  que  de  mon  mépris. 

4°  Ne  les  froissez  pas  ces  braves  gens,  dans  leur  religion, 
la  religion  de  celui  dont  les  prodiges  les  faisaient  fiers 
d'appartenir  â  la  première  nation  du  monde. 

5*  Je  poursuivis,  me  disant  que  je  garderais,  malgré  tout, 
mon  indépendance;  je  trouvai  original  une  œuvre  impé- 
riale faite  par  un  démocrate. 

6*  Tel  rapproché  que  soit  le  sujet,  Aapoléon  et  ses  chefs 
ont  été  absolument  pour  nous  comme  Agamemnon  et  les 
chefs  grecs  ei  troyens. 

7*  Comme  j'escaladais  le  perron,  la  porte  principale  s'ou- 
vrit, et  je  fus  reçu  dans  les  termes  suivants  par  un  homme 
âgé  de  cinquante  ans  environ. 

8'  Ce  sera,  sans  doute,  notre  première  et  dernière  entre- 
vue, car  je  puis  à  peu  près  vous  promettre,  términa-t-il 
avec  un  ac'-ent  très-significatif  pour  moi  seul,  que  nous  ne 
nous  verrons  plus  à  Paris. 

9°  L'arrivée  de  M.  Jules  Simon,  c'est  l'entrée  définitive 
et  on  ne  peut  plus  juridique  du  personnel  du  4  septembre 
aux  afiairef,  mais  dans  sa  partie  la  moins  ardente,  pour 
ne  pas  dire  la  moins  novatrice. 

10°  Tous  les  rapporteurs  qui  se  sont  succédés  depuis 
cinq  ans  à  l'Assemblée  nationale  ont  usé  et  abusé  de  cet 
argument. 

11"  M.  Valette  est  à  cette  heure  très-bien  et  ne  songe 
rien  moins  qu'à  quitter  ce  bas  monde  malgré  ses  soixante- 
douze  ans. 

12°  Comme  je  liens  à  maintenir  la  paix,  l'interpellation 
qui  m'est  adressée  m'est  on  ne  peut  plus  désagréable.  Je 
ne  crois  pas  que  le  proopinant  ait  l'intention  de  rendre 
ma  lâche  plus  difficile. 

13°  0  puissance  inconnue  I  souffle  de  vie,  électricité  posi- 
tive, qui  a  su  rassembler  ces  pierres  inanimées,  sois 
bénie  :  deux  grands  hommes  te  devront  lu  bonheur  de 
leur  vie. 

{/.et  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII»  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

Né  à  Lyon  en  1658,  Nicolas  Andry,  surnommé  Bois- 
Regard,  vint  à  Paris  étudier  en  philosophie  au  collège 
de  Grassins,  où  il  se  fit  répélileur  pour  subvenir  aux 
frais  de  ses  éludes  en  théologie.  H  devint  professeur  au 
même  collège,  et,  en  1687,  il  commença  à  se  faire  con- 
naître dans  les  lettres  par  sa  traduction  du  Panégyri- 
que de  Théodose-le-Grund,  de  Pacatus,  et  par  un 
ouvrage  intitulé  :  Des  sentiments  de  Cléarquc  sur  le 
Dialoque  d'Eudoxe  et  Pilante,  où  il  attaquait  les  opi- 
nions philosophiques  du  P.  Bouhours. 

Dégoûté  de  la  théologie,  il  étudia  la  médecine,  fut 
reçu  docteur  à  Reims,  et,  en  1697,  à  la  Faculté  de 
Paris. 

Un  peu  de  mérite  et  un  grand  talent  d'intrigue  le 
firent  connaître,  et  il  fut  nommé  successivement  profes- 
seur au  Collège  royal,  censeur  et  collaborateur  au  Jour- 
nal drs  Savants. 

Malgré  les  justes  préventions  qu'avait  inspirées  la 
manière  adroite  dont  Andry  avait  préparé  ses  succès,  et 
malgré  son  caractère  satirique  et  emporté,  qui  ne  lui 
faisait  épargner  ni  rivaux  ni  amis,  il  fut  élu  doyen  de 
Faculté,  en  1724. 

Les  premiers  temps  de  son  décanat  furent  marqués 
par  les  vues  les  plus  sages  ;  frappé  de  la  supériorité  de 
talent  qu'exige  l'exercice  de  la  médecine,  Andry  voulut 
lui  assurer  la  prééminence  sur  la  chirurgie,  et  fit  con- 
server à  la  Faculté  le  droit  d'inspection  qu'elle  avait 
toujours  eu  sur  les  chirurgiens  ;  il  fit  aussi  décréter  que 
nul  chirurgien  ne  pourrait  pratiquer  l'opération  de  la 
tiiille  qu'en  présence  d'un  médecin. 

Bientôt,  il  voulut  dominer  la  Faculté  elle-même,  et 
aspira  dès  lors  à  faire  nommer  Helvétius,  son  ami, 
premier  médecin  du  roi  protecteur  de  la  Faculté; 
mais  il  fut  deviné  par  cette  compagnie,  qui  reconnut 
dans  cette  apparence  de  zèle  l'ambition  particulière  du 
doyen,  et  il  ne  lui  pardonna  pas  de  lui  avoir  fait  éprou- 
ver un  refus. 

Des  ce  moment,  Andry  s'efi'orça  de  perdre  ceux  des 
membres  de  la  Faculté  qui  s'étaient  opposés  à  son 
projet.  Dans  celte  vue,  il  ne  rougit  pas  d'altérer  l'opi- 
nion que  cette  Faculté  avait  émise  sur  la  bulle  i'nirjc- 
nilus,  alin  de  lui  nuire  dans  l'esprit  du  ministre.  L'af- 
faire se  termina  à  sa  honte,  et,  pour  prévenir  un  sem- 
blable abus,  il  fut  décidé  que  les  décrets  de  la  Faculté 
seraient  dorénavant  signés  par  plusieurs  docteurs. 

Un  devine  la  haine  que,  dès  lors,  la  Faculté  porta  à 
.Vndry,  haine  qui  s'augmenta  encore  par  les  querelles 
jiarticulieres  qu'il  eut  avec  plusieurs  de  ses  membres, 
et  par  les  écrits  polémiques  et  injurieux  auxquels  ces 
querelles  donnèrent  lieu.  Andry  ne  fut  pas  réélu  doyen. 

La  composition  de  quelques  libelles  contre  Geoffroy, 


us 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


son  successeur,  et  contre  la  Faculté,  parut  d'abord  le 
venger;  elle  lui  valut  même  la  censure,  au  prix  de 
laiiuelle  on  crut  acheter  la  paix.  Mais  son  triomphe  fut 
de  courte  durée  ;  le  cardinal  de  Fleury  connut  enfin  les 
excès  dans  lesquels  le  dépit  et  l'orgueil  précipitaient  un 
homme  qui  devait  sa  réputation  plus  à  l'intrigue  qu'au 
talent  ;  il  cessa  de  l'écouter,  et  devint  le  protecteur  et  le 
vengeur  de  la  médecine  et  de  l'Université. 

Andry  mourut  le  \3  mai  1742,  à  l'âge  de  84  ans, 
doyen  d'âge  des  professeurs  du  Collège  royal. 

11  a  laissé  de  nombreux  écrits  en  tête  desquels  figure, 
avec  la  date  de  4689,  un  ouvrage  ayant  pour  titre  : 
Réflexions  ou  Remarques  critiques  sur  l'usaqe  présent 
de  la  langue  française,  ouvrage  dont  les  matières  sont 
rangées  par  ordre  alphabétique,  et  d'oii  je  vais  extraire 
ce  qui  me  semblera  devoir  intéresser  mes  lecteurs. 

A  employé  pour  De.  —  On  entend  dire  quelquefois  : 
c'est  le  frère  à  ce  monsieur  ;  c'est  l'ancienne  manière 
de  parler  ;  il  faut  dire  de  ce  monsieur. 

A  plus  élégant  que  Par.  —  x\près  se  laisser  suivi  d'un 
infinitif,  il  est  plus  élégant  de  mettre  à  que  par  ;  ainsi 
se  laisser  prendre  à  l'éclat  vaut  mieux  que  se  laisser 
prendre  par  l'éclat. 

A  l'aveugle  et  Aveuglément .  —  L'un  et  l'autre  «  se 
dit,  »  mais  différemment  :  aveuglement  marque  le 
mouvement  déréglé  de  la  volonté  vers  un  objet,  et  à 
l'aveugle.,  le  mouvement  de  l'esprit  et  le  défaut  d'intel- 
ligence. 

A  l'envy,  A  qui  mieux  mieux.  —  Ce  dernier  est  du 
style  simple  et  familier  ;  à  l'envy  est  plus  noble.  Vau- 
gelas  condamne  à  qui  mieux  mieux  ;  mais,  ou  il  s'est 
trompé,  ou  l'usage  s'en  est  introduit  depuis  peu. 

A  merveille.  —  Ne  se  dit  plus  qu'en  bonne  part  ; 
autrefois,  il  se  disait  aussi  bien  en  mauvaise  qu'en 
bonne. 

A  nage,  A  la  nage.  —  Tous  les  deux  sont  bons; 
l'emploi  dépend  de  la  cadence  de  la  phrase. 

A  la persanne,  A  lapersienne.  —  On  dit  ordinaire- 
ment â  la  persienne  mieux  qu'à  la  persanne.  Mais  il 
faut  remarquer  qu'on  dit  plutôt  le  langage  persan  que 
le  langage  persien,  quoiqu'il  y  en  ait  beaucoup  qui 
préfèrent  ce  dernier. 

Président  à  mortier,  Président  au  mortier.  —  Plu- 
, sieurs  personnes,  très- versées  dans  la   langue,  vou- 
draient qu'on  dit  président  à  mortier,    comme  on  dit 
couteau  à  ressort;  mais  l'usage  combat  cette  façon  de 
parler,  et  veut  qu'on  d'iso  président  au  mortier. 

Ahbé  à  court  manteau,  en  court  manteau.  —  Il  y  a 
une  dilTéretice  entre  ces  deux  expressions  ;  la  première 
signifie  un  abbé  qui  a  l'habitude  d'aller  en  manteau 
court  ;  la  secomle,  un  abbé  qui,  accidentellement,  porte 
un  manteau  court. 

Accélérer.  —  Ce  mol  n'est  |)as  assez  établi  (1(189)  ; 
on  le  dit  néanmoins  en  «  philosophie  »  :  V accélération 
du  mouvement. 

Accoust rement.  —  Ce  terme,  comme  le  verbe  nccous- 
trer,  ne  [leut  guère  trouver  place  que  dans  le  burlosiiue 
ou  le  style  bas. 
Acquérir.  —  Le  futur  de  ce  verbe  n'est  pas  encore 


bien  fixé;  les  uns  disent  ']acquerray,  et  les  autres  j'ac- 
querreray. 

Additions  élégantes.  —  Il  est  bon,  quelquefois,  d'a- 
jouter certains  mots  qui,  ne  servant  point  au  sens,  ne 
laissent  pas  néanmoins  de  donner  de  la  force  et  de  l'or- 
nement au  discours.  Ainsi  quand  le  sublime  vient  à 
paroistre,  il  renverse  tout  comme  un  foudre  vaut  mieux 
que  si  l'on  disait  seulement  quand  le  sublime  parois. 

Adjectifs  pour  substantifs  —  Ce  n'est  pas  la  même 
chose  de  s'exprimer  par  les  substantifs  ou  par  les  adjec- 
tifs ;  d'accuser,  par  exemple,  un  homme  d'ignorance, 
ou  de  dire  qu'il  est  un  ignorant,  de  lui  reprocher  une 
sottise,  ou  de  lui  dire  qu'il  est  un  sot. 

Adulateur.  —  Ce  mot  est  un  peu  hardi  ;  il  est  meil- 
leur en  poésie  qu'en  prose. 

Affectionné  serviteur.  —  On  ne  signe  jamais  ces  mots 
qu'en  écrivant  à  une  personne  inférieure  ;  ce  serait  ne 
pas  savoir  vivre  que  d'en  user  autrement. 

Agneau,  Anneau.  —  Quand  on  parle  de  la  chair  de 
cet  animal,  on  prononce  anneau;  mais  si  on  parle  de 
l'animal  même,  il  faut  dire  agneau  (1689). 

Aheurté.  —  Ce  mol  est  fort  bon  pour  marquer  l'at- 
tache opiniâtre  à  un  sentiment  :  il  est  tellement  aheurté 
à  cela,  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  l'en  desabuser. 

Aider  quelqu'un.  Aider  à  quelqu'un.  —  Pour  signi- 
fier proprement  partager  avec  lui  les  mêmes  peines,  on 
dit  aider  à  quelqu'un  ;  mais,  dans  les  autres  cas,  on  dit 
aider  quelqu'un. 

Pluriel  de  Ail.  —  Puisque  le  pluriel  aux  n'est  plus 
en  usage,  pourquoi  ne  pas  dire  des  ails? 

Aise.  —  Avec  le  verbe  atmir  et  autres  semblables,  on 
met  ce  mot  au  pluriel  :  avoir  ses  aizes,  chercher  ses 
aizes. 

Alambiquer.  —  Ce  mot  n'est  d'usage  qu'au  figuré 
burlesque,  alambiquer  son  esprit  ;  mais  on  ne  dit  pas, 
au  propre,  alambiquer  des  herbes  au  lieu  de  distiller. 

Il  est  allé,  Il  a  esté.  —  Ces  deux  termes  diffèrent  de 
signification  :  il  est  allé  à  la  me.sse  suppose  qu'on  y  est 
encore  ;  il  a  esté  à  la  messe  suppose  qu'on  en  est  revenu. 
Aménité.  —  Ce  mol  commence  à  s'établir. 
Amelette,  Omelette.  —  L'un  et  l'autre  sont  bons. 
Ascendant.  —  Il  y  a  des  gens  qui  se  servent  trop  de  ce 
mot,  et  qui  mettent  V  ascendant  à  tout.  C'est  un  terme 
fort  en  usage  aujourd'hui  (1689),  mais  il  ne  faut  pas 
l'affecter. 

Assez  suffisant.  —  Les  bonnes  gens  disent  cela  quel- 
quefois; mais  c'est  très-mal  parler,  puisque  dire  qu'une 
chose  est  suffisante,  c'est  dire  qu'il  y  a  assez  d'elle. 

Assouvir.  —  Ne  se  dit  bien  que  des  passions  déréglées 
de  l'âme  :  assouvir  sa  rangeance,  sa  haine. 

Attendu  que.  —  Il  a  un  peu  vieilli,  veu  que  vaut 
mieux. 

Attrocilé.  —  C'est  un  très-bon  mot  pour  exprimer  la 
noirceur  et  la  grandeur  d'un  crime;  mais  l'adverbe 
utlrovcmcnt  ne  se  dit  pas. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Lr  RÉDiCTEOR-GÉHAnT  1  Emak  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


449 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE, 


Publications  de  la  quinzaine 


Erreurs  et  mensonges  historiques;  par  M.  Ch.  Bar- 
thélémy, membre  de  l'Académie  de  la  religion  catholique 
de  Rome,  6"  série.  In-18  jésus,  285  p.  Paris,  librairie 
Blériot.  2  fr. 

Origine  des  cultes,  histoire  complète  de  toutes 
les  religions  chez  les  peuples  anciens  et  modernes. 
Ouvrage  entièrement  nouveau,  publié  à  la  suite  de  nom- 
breuses recherches  sur  les  documents  les  plus  authen- 
tiques; par  Dupuy.  In-18,  1/ii  p.  Paris,  lib.  Le  Bailly. 

Nouveau  Dictionnaire  français,  orthographique, 
géographique,  historique  et  mythologique,  par 
J.  George.  Nouvelle  édition,  entièrement  refondue,  avec 
addition  des  étymologies  et  de  plus  de  3,000  mots;  par 
Armand  Lacombe,  ancien  directeur  d'école  normale. 
In-18  Jésus,  viii-11112  p.  Pariz,  lib.  Fourault  et  fils. 

Les  Filles  du  Professeur;  par  Mlle  Julie  Gouraud. 
Ouvrage  illustré  de  36  vignettes  par  Bertall.  In-18  jésus, 
363  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  2  fr.  25  cent. 

Histoire  du  mobilier,  recherches  et  notes  sur  les 
objets  d'art  qui  peuvent  composer  l'ameublement 
et  les  collections  de  l'homme  du  monde  et  du  cu- 
rieux; par  Albert  Jacquemart.  Avec  une  notice  sur  l'au- 
teur par  M.  H.  Barbet  de  Jouy,  conservateur  des  collec- 
tions du  moyen  âge  et  de  la  renaissance  au  musée  du 
Louvre.  Ouvrage  orné  de  plus  de  200  eaux-fortes  typo- 
graphiques, procédé  Gillot,  par  Jules  Jacquemart.  Grand 
in-S»,  iv-671  p.  Paris,  Mb.  Hachette  et  Cie.  30  fr. 

Lettres  sur  les  États-Unis  et  le  Canada  adressées 
au  Journal  des  Débats  à  l'occasion  de  l'exposition  uni- 
verselle de  Philadelphie;  par  M.  G.  de  Molinari,  membre 
correspondant  de  l'Institut,  ln-18  jésus.  371  p.  Paris, 
lib.  Hachette  et  Gie.  3  fr.  50. 


Histoire  de  la  Révolution   de  1870-71  ;  par  Jules 

Claretie.  Edition  illustrée  par  les  plus  célèbres  artistes. 
Livraisons  21  à  120.  T.  5  (lin).  In-S»,  380  p.  Paris, 
lib.  Illustrée.  Chaque  livraison,  25  cent.;  chaque  vol.  6  fr. 

L'Enfant  trouvé  ;  par  Etienne  Enault.  Edition  illus- 
trée. ln-ti°,  àbO  p.  Paris,  lib.  Roy. 

Les  Amoureux  du  livre.  Sonnets  d'un  bibliophile. 
Fantaisies  d'un  bibliomane  Commandements  du 
bibliophile.  Bibliophiliana.  Notes  et  anecdotes.  Tables 
et  index  analytiques;  par  F.  Fertiault.  Préface  du  biblio- 
phile Jacob  (Paul  Lacroix).  16  eaux-fortes  par  Jules  Che- 
vrier.  In-8°,  XL-iOO  p.  Paris,  lib.  Claudin.  30  fr. 

La  Famille  Luzy,  ou  Désintéressement  et  Cupi- 
dité; par  A.  Gardon.  7<=  édition.  In-12,  226  p.  et  gr'av. 
Paris,  lib.  Lefort. 

Voyage  au  pays  de  la  Liberté.  La  "Vie  commu- 
nale aux  États-Unis;  par  Louis  Jacolliot.  In-18  jésus, 
235  p.  Paris,  lib.  Decaux. 

Du  rôle  auxiliaire  de  la  littérature  dans  le  mou- 
vement social.  La  Mort  de  Louis  d'Orléans.  Le 
Monde  dramatique;  par  Julien  Le  Rousseau.  In-18 
jésus;  575  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Dans  les  herbages.  Les  Échos  suisses.  Le  curé 
de  Saint-Gérabold.  Les  Amours  de  Jacqueline;  par 
Gustave  Le  Vavasseur.  In-18  jésus,  3i7  p.,  Paris,  lib. 
Pion  et  Cie. 

Le  Moulin  rouge  ;  par  Xavier  de  .Montépin.  Edition 
illustrée  de  vignettes  sur  bois.  In-i»  à  2  col.,  207  p.  Paris, 
lib.  Benoist  et  Cie.  3  fr. 

Notes  sur  l'Angleterre;  par  H.  Taine.  5»  édition, 
revue  et  corrigée.  In-18  jésus,  vin-397  p.  Paris,  lib.  Ha- 
chette et  Cie.  3  fr.  50. 


Publications  antérieures  ; 


ARTISTES  ET  BOURGEOIS.  —  Par  Germ.un  Picard.  — 
Paris,  A.  Derenne,  éditeur,  52,  boulevard  Saint-Michel. 
-^  Prix  :  2  francs. 


NAPOLEO  EPICUS.  —  Deux  volumes.  —  Paris,  Vanter, 
libraire-éditeur,  6,  rue  Hautefeuille.  —  Prix  :  7  fr.  50 
les  deux  volumes. 


BÊTES  ET  GENS,  fables  et  contes  humoristiques  à  la 
plume  et  au  crayon.  —  Par  Stop.  —  Paris,  E.  Pion  et  de, 
Imprimeurs-éditeurs,  rue  Garancière,  10.  —  Prix  :  7  fr. 


RÉCITS  ESPAGNOLS.  —  Par  CH.\RtES  Gueullette.  — 
2'  édition.  —  Paris,  E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la 
Société  des  Gens  de  lettres.  —  Palais-Royal,  15-49,  galerie 
d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


L'HEPTAMÉRON  DES  NOUVELLES  de  très  h.aute  et  très 

ILLUSTRE     PRINCESSE      M.\.RGUER1TE     d'AxG0ULÉ.ME,     ROINE     DE 

Navarre.  —  Nouvelle  édition  collationnée  sur  les  manus- 
crits, avec  préface,  notes,  variantes  et  glossaire-index.  — 
Par  Be.njamin  Pifteau.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre.  édi- 
teur, 27-29,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  2  fr.  50  cent. 


PETIT  D1i:TI0.\NAIRE  UNIVERSEL,  ou  Abrégé  du 
dictionnaire  français  de  e.  Littré,  de  l'Académie  fran- 
çaise, augmenté  d'une  partie  mythologique,  historique, 
biographique  et  géographique.  —  Par  A.  Beaujean,  pro- 
fesseur au  lycée  Louis-Ie-Grand.  —  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain.  —  Prix  : 
3  francs. 


ŒUVRES  CHOISIES  DE  LUCIEN.  —  Traduction  Belw 
DE  Ballu.  —  Nouvelle  édition,  revue  et  corrigée  par 
E.MILE  Pessonneaux.  —  Parls,  G.  Charpentier,  libraire- 
éditeur,  13,  rue  de  Grenelle-St-Germain.  —  Prix  :  3  fr. 
50  cent. 


NOUVELLES  ANCIENNES.  —  Par  Louis  Dépret  — 
Paris,  librairie  Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint- 
Germain.  —  i!i83  pages  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


LETTRES  DE  MADEMOISELLE  DE  LESPINASSE.  — 
Nouvelle  édition  augmentée  de  dix  lettres  inédites,  ac- 
compagnée d'une  Notice  sur  la  vie  de  M"«  de  Lespinasse 
et  sur  sa  société,  de  Notes  et  d'un  Index  analytique.  — 
Par  Gustave  Isamdert.  —  2  volumes.  —  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  éditeur,  27-31,  passage  Choiseul.  —  PrLx  :  5  fr. 


420  LE  COURRIER  DE  VAUGSLAS. 


Publications  périodiques  : 


L'INTERMÉDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  CURIEUX.— 
Questions  et  réponses,  communications  diverses  à  l'usage 
de  tous  les  littérateurs,  artistes,  bibliophiles,  etc.  — 
Dixième  année.  —  Abonnement  :  12  fr.  pour  la  France, 
et  15  fr.  pour  l'étranger.  —  S'adresser  à  la  librairie 
Sandoi  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris. 


REVUE  CRITIQUE  D'HISTOIRE  ET  DE  UITTÉRATURE. 
—  Recueil  hebdomadaire  publié  sous  la  direction  de  MM. 
G.  de  La  Berge,  M.  Bréal,  G.  Monod,  G.  Paris.  —  Di.^ième 
année.  —  Nouvelle  série,  2=  anuée  (1877).  —  Prix  d'abon- 


nement :  Un  an,  Paris,  20  fr.;  —  départements,  22  fr.; 
—  étranger,  le  port  en  sus  ;  —  un  numéro,  75  c.  —  Paris, 
Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte. 


REVUE  SUISSE.  —  bibliographie,  archéologie,  ltttèra- 
TURE,  BEAUX-ARTS.  —  Paraissant  le  l"''  et  le  15  de  chaque 
mois.  —  Prix  par  an,  10  fr.,  et  le  port  en  sus  pour  l'étran- 
ger. —  Cette  revue,  qui  rend  compte  de  tous  les  ouvrages 
dont  on  lui  envoie  deux  exemplaires,  se  trouve  à  Paris, 
chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires-éditeurs,  33, 
rue  de  Seine. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Société  .académique  de  Saixt-Quentix.  —  Concours  de  l'année  1877  —  Poéde  :  le  sujet  est  laissé  au  choix  des 
concurrents.  —  Cantates:  le  sujet  est  laissé  au  choix  des  concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  Concours  devront 
remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national  de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-dire  être  à 
personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'hommes),  et  contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un 
trio  final.  La  Cantate  couronnée  en  1877  servira  de  texte  pour  le  concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1878.  —  Ces 
Concours  seront  clos  le  1=''  mars  1877. 


L'Académie  fr.^noaise  propose  1'  «  Eloge  de  Buffon  »  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Ils  devront 
porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce  billet  contiendra  le 
nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envjoyés  au  Concours  ne  seront 
pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


Société  littérmre,  scientifique  et  artistique  d'Apt.  —  Concours  de  poésie  française  pour  l'année  1876-1877.  — 
Le  sujet  et  le  genre  sont  laissés  au  choix  des  concurrents.  Prix  :  une  médaille  d'or.  —  Il  est  ouvert  en  outre  un 
Concours  spécial  :  Pièce  de  vers  français  en  l'honneur  de  Sainte-Anne.  Prix  :  une  médaille  d'or.  —  Les  pièces  devront 
être  adressées  franco  au  Secrétariat  de  la  Société  avant  le  15  mars.  —  Il  pourra  être  décerné  des  médailles  d'argent 
ou  de  bronze  à  titre  de  2"^  prix  ou  de  mention  honorable. 


La  Société  d'agriculture,  commerce,  sciences  et  arts  du  département  de  la  Marne  décernera,  en  1877,  une 
médaille  d'or  de  la  valeur  de  100  francs  à  l'auteur  de  la  meilleure  pièce  de  vers  sur  un  événement  de  notre  histoire 
nationale.  —  La  Société,  à  mérite  égal,  donnera  la  préférence  aux  sujets  relatifs  à  la  Champagne.  —  Les  ouvrages 
envoyés  au  concours  devront  être  adressés,  francs  de  port,  au  secrétaire  de  la  Société,  avant  le  1"  juillet  1877, 
terme  de  rigueur. 

Le  Tournoi  poétique,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Parai.ssant  trois  fois  par  mois  (4«  année).  -  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien.  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze,  Livres,  Musique).  -  Abonnements, 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Euvoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 


RENSEIGNEMENTS 
A  l'usage  des  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue   à,  l'étranger. 


agences  auxquelles  on  peut  s'adresser  : 
A   P.tnis  :    M.    Pelletier,   19,   rue   de   l'Odécn;   —  Mme  veuve  Simonnot,   33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin;  — 
A  Londres  ;  M.  Bisson,  70,  Berncrs  Street,  W.;   —  MM.  Grifflths  et  Smith,  22,  Henrietta  street,  Covent-Garden, 
W.  C.  ;  —  Le  Collège  of  preceptors,  Queen's  Square  ;  —  A  Liverpool  :  M.  le  prof.  Husson,  Queen's  Collège  ;  —  A  New- 
York  :  M.  Schermerhorn,  630,  Broom  Street. 

Journaux  dans  lesquels  on  peut  faire  des  annonces  : 
V American  lH-gister,  destiné  aux  Américains  voyageant  en  Europe;  —  le  Galignani's  )fessenger,  reçu  par  nombre 
d'Anglais  qui  habitent  en  France;  —  le  Wekker.  connu  par  toute  la  Hollande;  —  le  Journal  de  Saint-Pétersbourg,  très, 
répandu  en  Russie;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Harlwick,  390,  rue  St-Honoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 


M.  Eman  Martin,  Rédacteur  du  CocRniER  de  Vaugelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUPELEV  à  Nogent-le-Rotrou. 


7"  Année. 


N"  16. 


15;  Janvier  1877 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraiasant    le    1«  et   le   15    de   chaque  mois 


{Dans  sa  séance  du  M  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par  an,    6   fr.   pour  la  France, 
le  porl  en  sus  pour  l'étranger.   — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  lidéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN       PROFESSEUR     SPECIAL      POUR      LES      ETBANOERS 

Officier  d'Académie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  lil)raire  quelconque. 


AVIS. 

Les  personnes  qui  désirenl  se  procurer  la  colleclion 
complète  du  Cocrrier  de  Vaugel.4s  apprendront  avec 
plaisir  que  la  réimpression  des  cinq  premières  années 
de  ce  journal  va  probablement  pouvoir  commencer 
dans  la  première  quinzaine  du  mois  prochain. 

SO.M  MAIRE. 

Communication  sur  Péqnin;  —  ■Signification  de  T'/e«.,r  Carcan, 
expression  employée  par  les  charretiers;  —  Explication  de 
J'irais  quand  il  tomberait  des  hallebardes:  —  Etymologie  de 
iXonobstant  ;  —  Justification  de  la  construction  Devrait- elle 
disparaître  ...  que;  —  Pourquoi  Prussificalion  ne  peut  être 
français;  —  Si  l'on  doit  dire  On  dirait  un  homme,  ou  On 
dirait  d'un  liommeW  Origine  et  emploi  de  Prenez  mon  ours; 
—  Pourquoi  les  enseignes  commencent  par  A;  —  Etymologie 
de  l'expression  Blacit-boulé  ||  Piisse-iemps  grammatical.  1| 
Suite  de  la  biographie  de  Mcolas  Aadry  \\  Ouvrages  de 
grammaire  et  de  littérature.  ||  Concours  littéraires.  ||  Rensei- 
gnements offerts  aux  Étrangers. 


FRANCE 


COM.MUNICATION. 

Le  correspondant  qui  m'écrit  la  lettre  suivante  n'est 
pas  convaincu  de  la  bonté  de  1  etymologie  de  péqttin 
qui  m'a  été  transmise  par  .M.  Philarète  Chasles,  et 
que  j'ai  publiée  dans  leCourrier  de  Vaugelas  (3e  année, 
p.  33)  : 

Honfleur,  le  29  novembre  1876. 
Monsieur  le  Rédacteur, 

Mon  seul  mérite  étant  de  persévérer  à  suivre  une  piste 
lorsque  je  la  juge  bonne,  vous  ne  devez  point  trop  vous 
étonner  que  j'insiste  sur  nouveaux  frais  à  propos  du  mot 
Péquin. 

Je  vous  avais  dit  que,  dans  mon  opinion,  l'usage  de  ce 
mot,  surtout  dans  l'armée,  devait  être  antérieur  au  pre- 
mipr  Empire,  Pt  mêmp  do  beaucoup.  Or,  en  fpuilletant  le 
Dictionnaire  liistorique  de  la  France  par  Ludovic  Lalannr, 
voici  ce  que  j  ai  trouvé  : 

«  Pcquin,nomque  l'on  donnait  quelquefois  aux  piquiers  ». 


Les  compagnies  régulières  d'infanterie,  au  moins  en 
France,  furent  composées  jadis  de  piquiers  formant  le 
gros,  auxquels  on  adjoignait,  suivant  les  époques,  des 
archers,  des  arbalétriers,  des  arquebusiers  ou  des  mous- 
quetaires. Evidemment,  les  piquiers  ne  durent  point  être 
en  général  les  hommes  d'élite,  et  les  quolibets  ne  durent 
point  leur  être  épargnés.  Ce  n'était;  point  à  coup  sûr 
pour  les  honorer  qu'on  leur  donnait  le  nom  de  péquins. 
D'où  l'étymologie  de  ce  mot  tirée  du  latin  peciis,  ma 
semble  prendre  d'autant  plus  d'autorité  que  les  autres 
étymologies,  en  raison  des  faits  que  je  viens  de  citer,  sont 
de  moins  en  moins  soutenables. 

La  pique  cessa,  il  est  vrai,  d'être  en  usage  dans  l'armée 
proprement  dite  dès  les  premières  années  du  dix-huitième 
siècle.  Mais  en  1792,  on  donna  des  piques  aux  gardes 
nationaux  sédentaires.  Cela  suffit  pour  porter  à  croire  que 
les  militaires,  les  soudards,  qui  ne  furent  jamais  très- 
aimables  à  rencontre  des  gardes  nationaux,  leur  attri- 
buèrent les  sobriquets  appartenant  d'origine  aux  militaires, 
et  qui  n'avaient  point  été  oubliés.  Les  appeler  piquiers 
n'eût  guère  été  plus  injurieux  que  d'appeler  fusiliers  des 
gens  armés  de  fusils.  Péquin  était  bien  plus  drôle,  et  le 
laps  de  temps  écoulé  entre  179î  et  l'Empire  n'était  point 
tel  que  l'on  puisse  en  argupr.  D'ailleurs  l'usage  de  la 
pique  se  continua  pendant  plusieurs  années  et  il  allait  si 
bien  aux  gens  incapables  d'en  mésuser  que  beaucoup  de 
massiers  la  portent  encore  aujourd'hui. 

J'ai  l'honneur  d'être,  monsieur  le  Rédacteur, 

Votre  très- humble  serviteur. 
Charles  Maisonrouqe. 

Voici  ma  réponse  à  cette  communication  : 
1"  Il  est  parfaitement  exact  que  Ludovic  Lalanne  dit 
que  le  nom  de  péquin  fut  donné  «  quelquefois  »  aux 
piquiers.  Mais  puis-je  avoir  confiance  dans  celte  asser- 
tion sans  texte  à  l'appui,  quand  je  ne  trouve  le  mot 
dont  il  s'agit  mentionné  nulle  part  dans  le  Diction- 
naire des  armées  de  terre  qu'a  publié  le  général  Bardin? 
2"  Si  jamais  on  a  donné  le  nom  de  péquins  à  des  sol- 
dats-armés  d'une  pique,  il  me  semble  que  ce  nom  a 
dû  être  une  corruption  de  piquiers,  et  non,  comme 
le  prétend  .M.  .Maisonrouge,  un  dérivé  de  pecvs,  vocable 
latin  dont  le  sens  collectif  s'oppose  complètement  à 
ce  qu'il  puisse  passer  avec  le  sens  individuel  dans 
liolre  langue. 


122 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


3'>  Monlécuculli  appelait  la  pique  «  la  reine  des 
armes  »  ;  Folard  et  Maurice  de  Saxe  s'en  montraient 
chauds  partisans,  et  Gugy  en  portait  l'engouement 
jusqu'à  proposer  de  la  rendre  au  premier  rang  de  l'in- 
fajiterie  légère.  Or,  il  m'est  impossible  de  croire  qu'une 
arme  tenue  en  si  haute  estime  pendant  le  xvni"  siècle 
ait  pu,  en  1792,  rendre  ridicules  aux  yeux  des  mili- 
taires les  citoyens  qui  la  reçurent  pour  contribuer  à 
défendre  la  patrie  mise  en  danger. 

La  véritable  origine  de  péquin,  terme  par  lequel  tous 
ceux  qui  portent  l'uniforme  désignent  aujourd'hui  ceux 
qui  ne  le  portent  pas,  n'est  autre  que  celle  qui  m'a 
été  envoyée  par  M.  Philarète  Chasles,  et  qu'indique 
M.  Liltré. 

X 
Première  Question. 

//  n'est  pas  rare  d'entendre  un  charretier  en  colère 
traiter  son  cheval  rfeviEcx  carca:v.  D'oii  vient  donc  celte 
locution  ?  Je  vous  serais  bien  reconnaissant  si  vous  pou- 
vies  me  le  faire  savoir  par  la  voie  de  votre  journal. 

En  vertu  d'une  certaine  figure  qui  autorise  l'emploi 
du  nom  de  la  cause  pour  désigner  l'elTet,  du  nom  de 
l'instrument  pour  signifier  celui  qui  en  joue  etc.,  on  dit 
uneépée  pour  un  combattant,  un  violon  pour  un  musi- 
cien qui  joue  du  violon,  une  plume  pour  un  écrivain, 
une  fourchette  pour  un  dîneur,  etc.,  comme  le  montrent 
les  exemples  qui  suivent  : 

C'était  la  plus  rude  épée  de  France. 

(Hamilton,  Gramm.  4.) 

Qu'on  fasse  venir  les  violons  du  village,  et  que  la  journée 
finisse  par  des  danses. 

(Marivaux,  l'Epreuve,  se.  ai.l 

C'est  une  de  nos  meilleures  plumes,  c'est-à-dire  un  de 
nos  meilleurs  auteurs. 

(Dumarsais,  Tropes,  II,  2.) 

C'est  une  bonne  fourchelte,  c'est  un  liomme  qui  dîne  bien, 
qui  sait  bien  dîner. 

(Littré,  Diciionn.) 

La  même  figure  a  permis  de  dire  un  collier  pour  un 
cheval  de  trait,  ce  dont  voici  la  preuve  : 

Il  y  a  tant  de  colliers  pour  le  service  de  cette  ferme. 

(Littré,  Diciionn,) 

Le  Normand  fermier  général  fournit  de  bons  chevaux  à 
Crery,  son  ami,  et  ne  donna  que  des  colliers  et  des  char- 
rettes à  l'autre. 

(Saint-Simon,  47,  41.) 

Or,  autrefois,  collier  avait  pour  synonyme  carcan 
(dérivé  de  l'ancien  haut-allemand  (luerca,  ancien  Scan- 
dinave qverk,  signifiant  gorge,  cou),  mot  écrit  dans 
nos  vieux  auteurs  chanhant,  cherchant,  carcjuant, 
carquan,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 

Un  granl  cherchtnit  li  ont  au  col  lanciet 
Li  enfes  pleure,  ne  se  set  consilier. 

(Raoul  de  Cambrai,  3c7.) 

Un  grand  charchanl  li  fait  el  col  lacier. 

{Au/ieyy,  dan»  Du  Cange,  Cnrcanmtm) 

Vx  durant  la  vie  dudit  duc  de  Brabant,  y  eut  un  nommé 


Jean  Chevalier  qui  voulut  mettre  à  icelui  duc  un  cnrquant 
au  cou. 

(Monstrelet,  II,  4i.) 

Les  capporauLv  sont  tenus  de  l'attacher  eux-mesmes  au 
carquan  ou  collier. 

(Carloix,  IV,   i3.) 

D'où  cette  conclusion  que  l'apostrophe  Injurieuse  de 
vieux  carcan,  dont  les  charretiers  se  servent  si  sou- 
vent pour  stimuler  leurs  chevaux,  est  tout  simplement, 
comme  vous  l'avez  déjà  deviné  sans  doute,  l'équivalent 
de  vieux  collier,  vieux  cheval  de  collier,  vieux  cheval 
de  trait. 

On  trouve  dans  le  Dictionnaire  du  sport  français, 
par  M.  Ned  Pearson  : 

Carcan,  expression  vulgaire  et  d'un  assez  mauvais  goût 
pour  dé.-igner  un  cheval  dépourvu  de  qualités.  Il  est 
impossible  de  se  rendre  compte  de  l'origine  de  cette 
locution. 

J'espère  qu'à  sa  prochaine  édition,  l'auteur,  à  qui  je 
me  propose  d'envoyer  ce  numéro,  pourra  peut-être  pen- 
ser qu'il  y  a  lieu  de  faire  quelques  changements  aux 
lignes  que  je  viens  de  citer. 

X 

Seconde  Question. 

Quand  on  veut  exprimer  qu'on  a  la  ferme  résolution 

d'aller  quelc/ue  part,  on  dit  assez  souvent  :  if  J'irais, 

quand  même  il  To.viBEitiiT  des  hallebakdes.   »   Quelle 

est  l'origine  de  cette  expression  ? 

D'invention  danoise,  dit-on,  la  h«llebarde  qui,  au 
temps  de  Philippe-Auguste,  s'était  appelée,  sous  des 
foi'mes  plus  ou  moins  bizarres,  bec-de- faucon,  fauchon, 
fauchai'd,  guisarme  et  pertuisanne,  fut  introduite  en 
France  par  les  troupes  suisses  que  Louis  XI  prit  à  sa 
solde. 

Elle  se  composait  d'une  hampe  ou  manche  de  deux 
mètres  au  plus  de  long  et  d'un  fer  de  forme  particu- 
lière adapté  à  une  douille  placée  au  bout  de  la  hampe. 
Ce  fer  formait  au-dessus  de  la  douille,  d'un  côté,  tantôt 
une  hache,  tantôt  un  croissant  tranchant  à  pointes 
aiguës,  et,  de  l'autre,  un  dard  droit  ou  crochu;  il  se 
continuait  dans  le  prolongement  de  la  hampe  en  une 
lame  à  deux  tranchants,  large  à  la  base,  et  se  terminant 
en  pointe  aiguë. 

Arme  d'estoc  et  de  taille,  la  hallebarde  faisait  de  si 
graves  blessures,  qu'il  était  expressément  défendu  de 
s'en  servir  dans  les  duels. 

Or,  ayant  à  manifester  la  ferme  résolution  de  se 
rendre  d'un  lieu  dans  un  autre  malgré  les  objections 
que  la  personne  à  qui  l'on  parle  peut  tirer  des  menaces 
du  temps,  on  a  trouvé  tout  naturel  de  dire  : 

J'irais  quand  même  (/  pleuvruit,  ou  tomberait  des  halle- 
bardes. 

phrase  qui  est  restée  proverbiale  et  d'un  usage  fréquent 

dans  la  langue  familière. 

X 

Troisième  Question. 
Quelle  est  l'ctijmoloyie  de  isoinodstant,  et  dans  quels 
cas  peut-on  employer  ce  mot  ? 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


^23 


La  préposilion  dont  il  est  question  ici  est  composée 
de  la  négative  non  el  de  obstant  (vieux  verbe  obster, 
empêcher,  faire  obstacle'  participe  qui  est  encore  fort 
en  usage  dans  quelques  provinces,  après  avoir  été  long- 
temps usité  dans  la  langue  française .  comme  ces 
exemples  en  font  foi  : 

Depuis,  ohslant  le  bel  et  grant  apport  des  pèlerins,  etc. 

(G.  Dubois,  dit  Crétin,   1337  ) 

Elle  ne  les  rapporte  en  telle  sincérité  comme  elle  les 
avoit  vues,  obstant  l'imperfection  et  fragilité  des  sens  cor- 
porels. 

(Rabelais,  t.  III,  p.  81,  éd.  de  173:  ) 
Enfin,   obstant  ce  qu'il  vit   que    la    place    n'estoit    pas 
tenable,  il  prinl  argent  et  abandonna  cette  place. 

(àlain  Chartier,  Hist.  de  C  arles  VU,  p.  90.) 

Au  participe  présent  obstant,  on  a  joint  la  négative 
non,  ce  qui  donna  la  signification  de  malgré,  puisque 
le  sens  littéral  est  ne  faisant  pas  obstacle  telle  chose  : 

Celui  qui  est  vertueux  et  beneuré  est  touzjours  droit  et 
bien,  non  obstant  les  fortunes. 

(Oresme,  les  Ethiques.  34) 

11  n'y  mena  pas  tant  de  gens  qu'il  eust  peu,  nonobstant 
qu'il  alla  iiien  accompagné- 

{Hist.  d'Artus  m,  Connestahle.) 

Vrai  est  que  ces  os  lui  croquoient  parfois  sous  les  dents; 
mais  ils  passoient  non  obstant. 

(Des  Perriers,  Contes,  LXXV-) 

Puis  nonobstant  s'est  joint  à  ce  pour  former  une  ex- 
pression signifiant  malgré  cela  fceia  ne  faisant  pas 
obstacle)  : 

Ce  nonobstant  estoient  jà  les  besognes  si  menées... 

(Froissart,  II.  II,  200.) 

lie  duc  de  Toscane  garda  l'incognito;  mais  ce  nonobstant 
le  roi  voulut  le  distinguer. 

(Saint-Simon,  54,  iSa.) 

Recevez-moy,  vostre  humble  chrestienne, 
Que  comprinse  soye  entre  vos  esleuz. 
Ce  non  obstant  qu'oncques  rien  ne  valuz. 

(Villon,   OEuv,   p.  168,  Paris,    l832.; 

Mais  aujourd'hui,  cette  dernière  construction  a  com- 
plètement dispara,  et  il  en  a  été  de  même  de  obstant 
iqui  avait  donné  obstance,  terme  de  droit  canonique, 
difficulté  qui  empêche  le  pape  de  faire  droit  à  une  de- 
mande- ;  de  sorte  qu'il  ne  nous  reste  plus  que  nonobs- 
tant, que  nous  écrivons  en  un  seul  mot,  el  que  nous 
employons  comme  synonyme  de  malgré  devant  les 
substantifs  et  les  pronoms. 

X 
Quatrième  Question. 

On  trouve  cette  phrase  relative  à  la  France,  dans  la 
GÉOGB.APniE  l'îiiVEESELLE  de  M.  Reclus  :  «  Du  reste, 
uEviiAir-ELLE  mcmc  disparaître  de  la  scène  du  monde, 
QUE  son  action  ne  s'en  continuerait  pas  moins,  grâce  à 
.sa  langue,  etc.  »  Ce  qde,  après  devrait-elle,  n'est-il 
pas  une  faute  ? 

Dans  toute  phrase  commençant  par  une  proposition 
conditionnelle  qui  s'annonce  par  quand  même,  lors 
même,  si  même,  on  peut  supprimer  la  conjonction  avec 
même  ;  mettre  le  verbe  au  conditionnel  ou  a  l'imparfail 


du  subjonctif;  le  faire  précéder  ou  suivre  de  son  sujet 
s'il  est  au  conditionnel,  et  l'en  faire  suivre  s'il  est  à 
l'imparfait,  et  cela,  pourvu  qu'on  introduise  un  que 
entre  la  proposition  conditionnelle  et  la  proposition 
principale.  Ainsi  celles  que  voici  : 

Quand  mime  les  avares  auraient  tout  1  or  du  monde,  ils 
en  demanderaient  encore. 

Lors  même  que  les  dames  auraient  pelotonné  leurs 
enfants  dans  leurs  caisses  à  chapeau.x,  elles  ne  manifeste- 
raient pas  une  plus  tendre  sollicitude. 

A  ce  point  de  vue,  si  même  la  doctrine  du  progrès  était 
une  illusion,  nous  devrions  la  bénir. 
ont  été  tournées  comme  il  suit,  en  vertu  de  la  règle  que 
je  viens  d'énoncer  : 

Les  avares  auraient-ils  tout  l'or  du  monde,  qu'ils,  en 
désireraient  encore. 

(Cité  par  Girault-Duv.) 


Les  dames  auraient  pelotonné  leurs  enfants  dans  leurs . 
caisses  â  chapeaux,  qu'elles  ne  manifesteraient  pas  une 
plus  tendre  sollicitude. 

(Wey,  Us  Anglais  chez  eux,  p.  21.) 

A  ce  point  de  vue,   la  doctrine  du  progrès  fut-elle  une  • 
illusion,  que  nous  la  devrions  la  bénir. 

(Eug.  Pelîetaji,  le  Monde  marche,  p.  a8  1 

Or,  la  phrase  que  vous  avez  envoyée  à  mon  examen 
est  évidemment  la  tournure  de  cette  autre,  faite  sur 
le  modèle  des  trois  premières  que  j'ai  citées  : 

Du  reste,  quand  même  elle  devrait  disparaître  de  la 
scène  du  monde,  son  action  n'en  continuerait  pas  moins, 
grâce  à  sa  langue,  etc. 

D'où  je  conclus  que  la  conjonction  que  mise  par 
.M.  Reclus  après  monde  est  absolument  nécessaire,  et 
que  sans  même,  qui  se  supprime  généralement  avec 
quand,  lorsque  et  si,  sa  phrase  serait  complètement 
irréprochable. 

X 
Ciuquiême  Question 

Dans  votre  numéro  du  V  juillet  vous  dites,  corri- 
geant la  phrase  t>  du  numéro  précédent,  que  «  le  mot 
rnrssiFicATiON  n'est  et  ne  peut  être  français.  »  Dans 
votre  numéro  du  i"  décembre,  vous  redites  la  même 
chose  à  l'occasion  d'une  autre  phrase.  Voudriez-vous 
bien  m' expliquer  pour  quelles  raisons  le  /not  en  question 
ne  petit  entrer  dans  notre  vocabulaire  ? 

En  français,  lorsqu'on  veut  exprimer  par  un  seul 
mot  le  sens  de  rendre,  suivi  d'un  adjectif  désignant 
une  nationalité  ou  un  idiome,  on  emploie  des  verbes 
formés  de  cet  adjectif  et  d'une  finale  qui  est  tantôt  iser 
'franciser,  germaniser,  etc.),  et  tantôt  //(>/■  (russiOer), 
verbes  d'où  se  tirent  naturellement  des  substantifs  en 
a  lion . 

Or,  le  mot  Prusse  n'étant  pas  un  adjectif,  on  n'en 
peut  faire  le  verbe  prussi/ier,  et,  partant,  le  substantif 
prussification  ne  peut  pas  exister  davantage. 

Voilà  pour  quels  motifs  j'ai  remplacé  prussification, 
un  vrai  barbarisme,  par  prussianisation,  terme  parfai- 
tement conforme  à  la  règle. 

X 


124 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Sixième  Question. 
Doit-on  dire  on  niniii  ti\  homme  qui,  ou  o\  dirait 
d'un  homme  qui  ?  Le  de  est  peu  usité  dans  cette  tournure 
de  phrase  ;  il  me  paraît  une  monstruosité. 

Depuis  le  xviie  siècle  jusqu'à  notre  temps,  les  meil- 
leurs auteurs  ont  employé,  les  uns,  on  dirait  d'un,  et 
les  autres,  on  dirait  un. 

Mais,  de  ces  contructions  toutes  deux  en  usage,  il 
y  en  a  une  meilleure  que  l'autre;  c'est,  je  crois,  la 
seconde,  qui  est  mise  pour  : 

On  dirait  [que  c'est]  un... 

et  qui  devient  devant  un  nom  pluriel  : 
On  dirait  [que  ce  sont]  des... 
Dans  la  i"  année  du  Courrier  de  Vaucjelas  (numéro  2, 
page  21,  j'ai  déniontré  qu'en  effet,  c'est  bien  ainsi  que 
l'on  doit  s'exprimer,  et  j'ai  expliqué  d'où  vient,  selon 
moi,  l'erreur  qui  a  fait  construire  de  là  où  il  n'a  aucune 
raison  d'être. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

D'où  vient,  je  vous  prie,  l'expression  de  prenez  mon 
ocus,  que  j'ai  entendue  maintes  fois,  pendant  mon  séjour 
en  France,  pour  engager  quelqu'un  à  prendre  une  chose 
que  l'on  vend,  et  quel  est  le  cas  oit  l'on  peut  employer 
ce  singulier  proverbe? 

Celte  expression  nous  est  venue  de  la  folie-vaudeville 
de  Scribe  et  Xavier,  intitulée  l'Ours  et  le  Pacha,  repré- 
sentée pour  la  première  fois  à  Paris  sur  le  théâtre  des 
Variétés,  le  10  février  1820. 

L'ours  favori  de  Schahabaham  vient  de  mourir.  Com- 
ment distraire  le  pacha  et  l'empêcher  de  penser  à  cette 
perte?  On  veut  à  celte  fin  lui  donner  une  petite  fête. 
Des  marchands  européens  se  présentent  au  palais,  et, 
par  bonheur,  ils  ont  un  ours  dont  ils  cherchent  à  se 
défaire. 

Lagingeole. 

11  joue,  il  danse  comme  une  personne  naturelle  de 
l'Opéra....  Je  n'ai  pas  encore  pu  lui  apprendre  à  chantPr, 
cela  viendrai...  mais,  en  revanche,  il  pince  de  la  harpe 
divinement,  et  il  a  manqué  de  tlgurer  dans  une  représen- 
tation à  bénéfice. 

Mabécot. 

Ah!  mon  ami!  mon  cher  ami!  nous  sommes  sauvés...  Je 
prédis  à  vous  et  à  votre  ours  le  sort  le  plus  brillant!... 
Par  exemple,  si  celui-là  ne  devient  pas  le  favori  du 
Pacha!...  Mais  ce  n'est  pas  tout:  le  Pacha  aime  aussi  les 
poissons,  et  à  cause  du  carnaval,  il  nous  faudrait  ...  mais 
il  fiudrait  quelque  poisson  ...  extraordinaire  ...  vous 
devez  avoir  celaï 

Lagingeole. 

Parbleu!  j'ai  votre  affaire  I...  l'rencz  mon  nurs. 

Ces  trois  mots,  dits  par  Odry  dans  une  pièce  qui  cul 
au  moins  "iOO  représciilalions,  obtinrent  une  telle 
vogue  qu'ils  s'employèrent  ligurémcnl  dans  le  sens  de 
croyez-m'en,  prenez  ce  que  je  vous  offre,  comme  le 


montre  une  chanson  composée  en  1829  par  Randon  du 
Thil,  et  dont  voici  quelques  couplets  : 

Le  monde  est  comme  un  grand  bazar  ' 

Où  chacun  étale  à  sa  guise, 
Et  sait  farder  sa  marchandise. 
Qui  se  débite  par  hasard. 
Plus  d'un  intrigant  vous  cajole, 
Plus  d'un  fripon  hausse  le  cours, 
Répétant  comme  la  Gingeole  ; 
Prenez  mon  ours. 

Voyez  cette  bonne  maman 
Qui  se  trémousse,  qui  babille. 
Et  qui  veut  vous  passer  sa  fille 
Comme  un  cadeau  de  nouvel  an. 
Cette  veuve  qui  vous  attire 
Et  se  montre  dans  ses  atours; 
Par  un  souris  semble  vous  dire  : 

Prenez  mon  ours. 
Ouvre-t-on  l'urne  du  scrutin  , 
Quand  chaque  parti  se  démèqe? 
Un  opposant  énerguméne 
Se  fait  loracle  du  destin; 
Avec  quelle  emphase  il  s'écrie, 
Vous  rabâchant  ses  longs  discours  ; 
Voulez-vous  sauver  la  patrie? 

Prenez  mon  ours! 

Voilà  d'où  vient  et  comment  s'emploie  prenez  mon 
ours,  expression  qui  n'existe  que  depuis  un  demi-siècle 
dans  notre  langue,  mais  qui  me  paraît  devoir  y  rester 
longtemps. 

-X 

Seconde   Question. 

Voudriez-vous  bien  me  dire  pourquoi  les  enseignes 
des  marchands  commencent  toutes  par  la  préposition  A: 
A  la  belle  jardinière,  a  saint-adgustiin,  aux  trois  quar- 
tiers, etc.  C'est  vraiment  curieux. 

Cela  tient,  je  crois,  au  rôle  qu'a  joué  jadis  l'enseigne 
matérielle.  En,  effet,  pour  désigner  une  maison  de  com- 
merce, il  fallait,  au  temps  où  le  numérotage  n'existait 
pas  encore  lil  n'a  commencé  à  Paris  qu'en  1728)  y 
ajouter  celui  de  l'enseigne,  addition  qui  se  faisait  au 
moyen  de  la  préposition  A;  de  sorte  que  l'on  devait 
dire,  par  exemple  : 

La  maison  à  [ayant!  l'enseigne  du  Grand  Cerf. 

Mais,  quand  il  s'agissait  de  la  partie  écrite  de  l'en- 
seigne, consistant  en  quelques  mots  qui  accompagnaient 
le  plus  souvent  une  image  placée  sur  le  devant  de  la 
maison,  il  devenait  inutile  de  mettre  le  moimaison  sur 
l'objet  même  qu'il  servait  à  nommer  : 
A  l'enseigne  du  Grand  Cerf, 
ce  qui  devenait,  après  l'ellipse  du  mot  enseigne,  qui  se 
faisait  aussi  naturellement  que  celle  de  maison  : 
Au  Grand  Cerf. 

Or,  cette  formule  s'étant  conservée,  quiconque  ouvre 
une  boutique,  un  restaurant,  un  magasin  de  nou- 
veautés, etc.,  ne  manque  pas,  s'il  y  met  une  enseigne 
écrite,  de  faire  précéder  de  A  le  nom  de  l'objet  maté- 
riel (pii,  dans  l'origine,  eût  distingué  su  maison  de 
celle  d'un  autre. 

Cette  explication  a  déjà  été  donnée,  et  avec  plus  de 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


125 


développements  qu'ici,  dans  le  numéro  19,  page  3,  de 
la  V  année  de  ce  journal. 

X 

Troisième  Question. 

D'où  vient  l'expression  de  black-boclk,  que  je  trouve 
employée  assez  fréquemment  dans  vos  Journaux  en  par- 
lant d'un  candidat  qui  a  échoué  ?  Je  ne  la  trouve  dans 
aucun  dictionnaire,  pas  même  dans  celui  de  Littré  ? 

En  anglais,  où  noir  se  dit  black,  et  où  boute  se  dit 
bail,  on  qualifie,  si  je  ne  me  trompe,  de  black-balled 
un  candidat  qui,  dans  un  examen,  obtient  plus  de 
boules  noires  que  de  blanches. 

Or,  cette  expression  a  passé  assez  récemment  en 
français,  sans  changer  de  sens;  et,  de  même  que  les 
Anglais  défigurent  le  plus  souvent  les  termes  qu'ils 
nous  empruntent,  de  même  nous  avons  défiguré  leur 
black-balled  :  nous  en  avons  fait  black-boulé,  composé 
hybride  qui  s'est  appliqué  familièrement,  d'abord  à 
queliiu'un  qui  avait  échoué  dans  un  examen,  et  ensuite, 
par  extension,  à  tout  candidat  qui  n'avait  point  réussi 
dans  une  élection,  soit  politique,  soit  autre. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrqptions  du  numéro  précédent. 

1°.,  A  cette  politique, ,/e  ne  ia/s([u'iine  seule  objeclion;  ^  Î-...  Ce 
projet  a  élé  ado|)lé  jusqu'au  chapitre  relatif  à  l'administration 
judiciaire  inclusivement  (voir  Courrier  de  Vaur/clas,  6'"  année, 
p.  53)  ;  —  3"  ...  ces  pantalonnades  d'aulre  chose  que  mon  mé- 
pris; —  4°  ...  les  prodiges  les  rendaient  fiers;  —  5°  ...  je 
trouvai  originale  une  œuvre;  —  6°  .Si  rapproché  que  soil  le 
sujet;  —  7°  ...  Comme  je  montais  le  perron  (on  escalade  ce  que 
l'on  franchit  au  moyen  d'une  échelle,  scala);  —  8°  ...  dit-il  en 
terminant  avec  un  accent;  —  3°  ...  c'est  l'entrée  délinitive  et 
com;)MeH!CH/ juridique;  —  10°  ...  qui  se  sont  succède'  (parti- 
cipe toujours  invariable);  —  11"  ...  ne  songe  à  rien  moins  qu'à 
quitter;  —  12°  ...  m'est excessi'ycmeni désagréiible;  —  13°  ...élec- 
tricité positive,  qui  as  su  rassembler  ces  pierres. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

!•  Sa  plus  grande  hauteur  du  pavé  au  sommet  de  la 
coupole  est  de  ai  mètres.  D'énormes  piloris  contre  lesquels 
sont  appliquées  118  colonnes  corinthiennes  à  cannelures, 
la  partagent  en  trois  nefs. 

2°  Le  tnalhpur  est  que  ceux  qui  tiennent  ce  langage  nous 
font  tout  l'air  de  s  l'tre  assurés,  à  l'avance,  de  l'agrément 
du  pouvoir. 

3"  On  voit  alors  que  c'en  est  fait  de  lui  :  acculé  à  la 
barrière,  haletant,  la  tète  basse,  la  langue  injectée  et 
pendante,  il  fond  par  un  suprême  elfort  sur  le  fer  qui  va 
la  transpercer. 

4°  Ces  étrennes  forcées,  beaucoup  moins  innocentes  que 
la  question,  romaine,  ne  lais.senl  pas  ([ue  de  venir  fort  mal 
à  propos,  elle  eonllit  n'aura  pas  le  succès  que  ses  auteurs 
en  attendent. 


5"  La  nouvelle  constitution  turque  n'est  rien  autre  chose 
qu'une  machine  de  guerre  inventée  pour  faire  avorter  les 
décisions  de  la  Conférence. 

6°  La  Commission  du  budget  s'est  donnée  trop  de  peine 
dans  l'éplucliage  du  budget  de  la  guerre  pour  se  laisser 
corriger  comme  des  écoliers  pris  en  faute. 

7°  En  un  mot,  et  à  peu  d'exception  près,  on  a  autorisé, 
partout  où  elle  était  demandée,  l'installation  de  ces  petites 
boutiques  de  circonstance. 

8'  Et  puis,  il  y  a  une  chose  que  le  paysan  préfère  à  son 
opinion,  c'est  son  intérêt.  Or,  le  préfet  est  loin,  mais  le 
juge  de  paix,  le  percepteur,  le  garde-champêtre  sont 
tout  prêts. 

(Aes  corrections  à  qtiinzaine.) 


FEUlLLETOiN. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII-  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

[Suite. ) 

D'avanture.  —  Ainsi  que^jar  avantxire,  il  ne  se  dit 
plus  que  dans  le  style  badin  et  burlesque. 

Avènement,  Exaltation.  —  En  parlant  du  souverain, 
on  dit  avènement;  mais,  en  parlant  du  pape,  on  dit 
exaltation. 

Auteur.  —  Quand  on  dit  tout  court  c'est  un  auteur. 
cela  signifie  c'est  un  homme  qui  n'a  pas  le  sens  com- 
mun, qui  se  mêle  d'écrire  et  qui  n'y  entend  rien,  qui  ne 
raisonne  pas  comme  les  autres  hommes,  qui  ne  parle 
jamais  naturellement,  qui  fait  consister  son  souverain 
bonheur  à  mettre  un  livre  au  jour. 

Bailler,  Donner.  —  Le  premier  est  du  style  familier, 
tandis  que  l'autre  s'emploie  dans  tous  les  styles. 

Bigeare,  Bizarre.  —  L'auteur  des  Mœurs  des 
Israélislesditô/yeare;  maisôiôan-eest  meilleur  et  beau- 
coup plus  usité. 

Bonjne,  borgnesse.  —  Il  faut  â'n'eborgne  au  féminin, 
car,  par  exemple,  on  ne  dit  pas  une  aveuglesse. 

Bon-homme.  —  Ce  mot  se  dit  rarement  en  bonne 
part;  quand  on  dit  un  Imn-homme,  c'est  comme  si  l'on 
disait  un  homme  qui  n'a  pas  beaucoup  d'esprit. 

Brin.  —  Le  peuple  met  ce  mot  partout  :  un  brin  de 
feu,  un  brin  de  bois,  un  brin  de  sel,  etc.,  ce  qui  est  très- 
mal  parler;  mais  on  dit  bien  un  brin  d'Iierbe. 

Brisement.  —  Ce  mot  est  nouveau  (1(589),  et  s'est 
introduit  dans  l'usage  ;  quoiqu'il  déplaise  au  P.  Bou- 
hours,  toutes  les  personnes  polies  s'en  servent. 

Cercle,  Assemblée.  —  Ne  pas  confondre  ces  deux 
mots;  cercle  ne  se  dit  parmi  nous  que  des  assemblées 
des  dames. 

C'est  eu.r.  Ce  sont  eux.  —  Le  second  parait  meilleur; 
néanmoins ,,  de  bons  auteurs  ont  quelquefois  parlé 
autrement:  c'est  eux  gui  ont  bâti  ce  superbe  laby- 
rinthe. 

Cet,  Cette.  —  Le  premier  se  prononce  ouvert  ;  cette 
se  prononce  muet;  on  dit  à  cette  heure  comxnQ  s'il  y 


<26 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


avait  à  ce  l'heure.  C'est  ainsi  que  tout  le  monde  parle, 
excepté  ceux  qui  sont  nouvellement  venus  de  pro- 
vince. 

Chandelle  de  cire.  —  Mauvaise  expression  ;  il  faut 
dire  bougie  ;  les  provinciaux  y  manquent  souvent. 

Chenu.  —  Ne  se  dit  plus  guère  aujourd'hui  ;  mais  il 
peut  avoir  sa  place  dans  la  poésie  et  dans  le  burlesque. 

Chifonner.  —  Dans  quelques  provinces,  dans  le 
Lyonnais  surtout,  on  dit  froisser  un  rabat  pour  chifon- 
ner un  rabat.  C'est  mal  parler. 

Cocq  d'Inde,  Dinde.  —  11  n'y  a  que  le  vulgaire  qui 
diseun  dinde  pour  dire  un  tocg  d'Inde.  Les  provinciaux 
et  aussi  le  petit  peuple  de  Paris  sont  sujets  à  cette 
faute. 

Consommer  et  Consumer.  —  Le  premier  marque  la 
perfection,  et  l'autre  la  destruction.  Un  homme  con- 
sommé dans  les  sciences;  le  feu  consume  tout. 

Conteste,  Contestation.  —  A  Lyon  et  dans  les  pro- 
vinces, on  dit  conte.ite  pour  contestation  ;  c'est  peu 
français.  Les  Lyonnais  disent  aussi  consulte  pouv  con- 
sultation, impresse  pour  impression,  ce  qui  est  grossiè- 
rement parler. 

Sauf  correction.  —  Celte  manière  de  parler  n'est  que 
du  menu  peuple,  aussi  bien  que  sauf  votre  respect. 

Cotterie.  —  Il  est  plus  propre  que  société  pour  ex- 
primer ces  cabales  qui  ne  regardent  que  de  petites 
choses,  et  qui  n'ont  pour  motif  et  pour  fin  que  des 
bagatelles. 

Courtisan,  Courtisane.  —  Le  premier  signifie  un 
homme  de  cour;  mais  le  second  signifie  une  femme  qui 
mène  à  la  cour  une  mauvaise  vie. 

Cris  des  animaux.  —  L'abeille  bourdonne,  l'âne 
brait,  le  bœuf  meugle  ou  mugit,  la  brebis  bêle,  le  chat 
«  miole  »,  le  cheval  hennit;  le  chien  jappe  ou  abboie; 
le  corbeau  et  la  grenouille  croassent;  le  lapin  clapit,  le 
lion  rugit,  l'ours  hurle,  le  serpent  «  sille  ». 

De  après  les  noms  de  nombre.  —  U  y  a  des  occa- 
sions où  il  faut  ajouter  de  après  les  noms  de  nombre  ; 
par  exemple,  il  y  en  eust  cent  tuez-  n'est  pas  correct  ;  il 
faut  dir«  cent  de  tuez. 

Déchirement.  —  Se  dit  seulement  au  figuré. 

Déconfire.  —  Dans  le  sens  de  mettre  en  déroute,  ce 
verbe  est  tout-à-fait  hors  d'usage. 

Déferrer.  —.Ce  verbe  s'emploie  quelquefois  au  sens 
de  démonter,  déconcerter;  d'.Vblancourt  s'en  est  servi 
dans  cette  signification  :  Alors  il  se  fit  une  huée  qui 
déferra  le  témoin. 

Ni  raison,  ni  demi.  —  Cette  fai;on  de  parler  est 
d'usage  dans  le  discours  familier,  et  on  dit  tous  les  jours 
11089;  il  nij  a  ni  raison  ni  demi  dans  tout  ce  qu'il  dit. 

Dépiquer.  —  Ce  verbe  se  met  quelquefois  au  lieu  de 
vons'iler;  Voiture  s'en  est  servi  dans  ce  sens  en  écrivant 
à  M.  fie  Lyonne. 

Déprendre.  —  (Juelqu'un  a  prétendu  que  ce  verbe 
avait  vieilli  dans  notre  langue;  mais  il  s'est  tromjjé; 
ceux  qui  savent  ce  que  c'est  que  de  bien  [larlcr  ne  se 
font  nullement  scrupule  de  l'employer. 

Désasseurer.  —  C'est  un  vieux  mot  qu'on  devrait  bien 
faire  revivre;  car  nous  n'avons  point  de  terme  ilfiS!» 


qui  signifie  rendre  un  homme  incertain  d'assuré  qu'il 
était;  le  mettre  dans  le  doute  touchant  une  chose  dont 
il  ne  se  doute  pas. 

Désireux. —  Cet  adjectif  n'est  pas  du  bel  usage,  quoi- 
que quelques  personnes  s'en  servent  dans  les  livres  de 
dévotion  :  désireux  de  son  salut. 

Diriger,  Directeur. . —  Ne  se  disent  d'ordinaire  qu'en 
termes  de  direction  spirituelle;  quant  à  direction,  il 
n'est  pas  uniquement  attaché  au  spirituel. 

Dissoudrç.  —  Ce  verbe  présente  des  difficultés  dans 
sa  conjugaison.  Faut-il  dire  les  vapeurs  se  dissoucient, 
ou  se  dirolvent?  Andry  croit  qu'il  faut  dire  dissoudent, 
forme  employée  par  nos  bons  auteurs. 

Dont,  D'oii.  —  Il  faut  dire  la  maison  dont  il  est  sorti, 
s'il  s'agit  de  l'extraction,  et  d'oii  il  est  sorti,  si  l'on 
parle  de  quelqu'un  sorti  d'une  maison  après  y  être  entré. 

Droiture. — Ce  mot  ne  se  dit  point  au  sens  naturel  ;  on 
ne  dit  pas  la  droiture  d'un  bâton;  c'est  seulement  au 
moral  qu'il  s'emploie. 

Efficace, Efficacité. —  Quelques-uns  sontpoure/'/îcace, 
et  d'autres  pour  efficacité  ;  mais  l'usage  le  plus  général 
est  pour  efficace. 

En  nulle  part.  Nulle  part.  —  Plusieurs  disent  nulle 
part  tout  court;  d'autres  disent  en  nulle  part  ;  la  pre- 
mière expression  parait  la  meilleure. 

Une  enfant,  Un  enfant.  —  S'il  s'agit  d'une  fille,  on 
dit  une  enfant  et  non  un  enfant.  C'est  ainsi  que  l'on 
parle  dans  le  monde. 

Entretenement,  Entretient.  —  Le  premier  n'est  plus 
bien  employé  que  sur  les  troncs  des  églises.  A  la  vérité, 
d'.Vblancourt  a  dit  Y  entretenement  des  soldats;  mais  s'il 
écrivait  aujourd'hui  (IC89),  il  dirait  certainement  l'en- 
tretient. 

Appeler  et  Eppeler.  — Le  premier  se  dit  d'un  enfant 
qui  ne  sait  pas  encore  bien  lire  ;  eppeler  ne  se  dit  que 
par  les  maîtresses  d'école,  et  parmi  le  vulgaire. 

Esprit  malin.  Malin  esprit  —  Par  esprit  malin  on 
désigne  un  homme  malicieux;  quant  à  malin  esprit,  il 
signifie  le  démon. 

Ecitabh.  —  Quoiqu'on  dise  inévitable,  on  ne  dit 
point  évitable  ;  il  est  à  souhaiter,  toutefois,  que  ce  mot 
s'établisse,  car  il  faut  toujours  chercher  à  enrichir  la 
langue. 

Excepté  eux.  Exceptez  eux.  —  Il  faut  dire  excepté 
ew.i",parcequ'ea;ce/)<eestindéclinable  devant  unsubslan- 
tif  ;  mais,  après  le  substantif,  excepté  se  décline  :  eux 
exceptez. 

Explorateur.  —  Le  terme  ordinaire  est  expion;  mais 
il  y  a  des  mots  inusités  qui  ont  quelque  chose  de  noble 
et  de  hardi  qui  plaît  d'abord  -.  il  semble  que  l'usage  ait 
tort  de  ne  pas  les  recevoir.  Explorateur  parait  avoir 
ce  caractère. 

Extirpation.  —  Dans  le  sens  propre,  on  ne  se  sert 
,  guère  de  n;  mot;  mais,  au  figuré,  il  est  très  en  usage. 

Fadeur.  —  Ce  mol  est  toul-à-fait  bon  ;  il  y  en  a  qui 
disent  insipidité,  mais  fadeur  est  i)lus  beau. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 

Le  Rkuacteur-Gébant  :  Emaii  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


127 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Théâtre  complet  d'Emile  Augier,  de  l'Académie 
française.  II.  Diane.  Philiberte.  Le  Gendre  de  M.  Poi- 
rier. Ceinture  dorée.  In-18  jésus,  459  p.  Paris,  librairie 
Calmann  Lévy.  3  fr.  50. 

Lettres  royaux  et  lettres  missives  inédites,  no- 
tamment de  Louis  XI,  Louis  XII,  François  I'^'',  Charles- 
Quint,  Marie  Stuart,  Catlierine  de  Médicis,  Henri  IV, 
BiancaCapelio,  Sixte-Quint,  etc.,  relativement  aux  affaires 
de  France  et  d'Italie,  tirées  des  archives  de  Gênes, 
Florence  et  Venise;  par  C.  Charles  Casati,  juge  au  tri- 
bunal civil  de  Lille,  archiviste-paléographe.  Gr.  in-8°, 
113  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Cie. 

Poésies  d'André  Chénier;  précédées  d'une  notice 
par  H.  de  Latouche.  Nouvelle  édition.  OEuvres  posthumes. 
In-18  Jésus,  '283  p.  Paris,  lib.  Charpentier.  3  fr.  50  cent. 

L'Education  d'Aline;  par  Georges  Fath.  65  dessins 
gravés  sur  bois.  Gr.  in-8°,  3il  p.  Paris,  lib.  Ducrocq. 

Pasquino  et  Marforio.  Les  Bouches  de  marbre 
de  Rome.  Traduits  et  publiés  pour  la  première  fois  par 
Mary-Lafon.  2"  édition.  In-18  j^sus,  350  p.  Paris,  Lib. 
internationale.  3  fr.  50. 

Les  Prussiens  en  Allemagne,  suite  du  Voyage  au 
pays  des  milliards;  par  Victor  Ti.^sot.  28°  et  29'=  édi- 
tions. In-18  Jésus,  516  p.  Paris,  lib.  Dentu,  3  fr.  50. 


Discours  sur  l'histoire  universelle  ;  par  Dossuet. 
Nouvelle  édition,  d'après  les  meilleurs  textes,  avec  une 
préface  et  des  notes  philologiques,  littéraires,  historiques, 
par  P.  Jacquinet,  inspecteur  général  de  l'Instruction 
publique.  In-12,  57i  p.  Paris,  lib.  Eugène  Belin. 

Les  Scrupules  de  Christine;  par  Ernest  Billaudel. 
In-18  Jésus,  366  p.  Paris,  lib.  Charpentier.  3  fr.  50. 

Souvenirs  d'un  médecin.  Le  Médecin  des  pauvres 
d'après  Samuel  Warren,  kingsby,  Mayhew,  précédé  d'un 
coup  d'œil  sur  le  paupérisme,  la  charité  et  les  institutions 
charitables  en  Angleterre;  par  Philarète  Chasies.  pro- 
fesseur au  Collège  de  France.  In-18  Jésus,  vi-266  p.  Paris, 
lib.  Calmann  Lévy.  3  fr    50. 

Essais  de  critique  et  de  littérature  ;  par  E.  Gar- 
sonnet,  inspecteur  général  de  l'Instruction  publique. 
In-18  Jésus,  vi-339  p.  Paris,  lib.  Thorin. 

Eléonore  de  Roye,  princesse  de  Condé.  1535-1564: 
par  le  comte  Jules  Delaborde.  Gr.  inS».  3ii  p.  et  port. 
Paris,  lib.  Sandoz  et  Fischbacher. 

La  Première  aventure  de  Corentin  Quimper;  par 
Paul  Féval.  In-18  jésus,  385  p.  Paris,  lib.   Dentu.  3  fr. 

La  Fille  maudite;  par  Emile  Richebourg.  II.  La 
Belle  Blanche,  ln-18  jésus,  '4OU  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 


Publications  antérieures  : 


CHANSONS  ET  SÉRÉNADES  —  Par  Louis  Déprf.t  — 
Tiré  à  100  exemplaires  —  Paris,  E.  Denlu ,  éditeur, 
Palais-Royal,  15-19,  galerie  d'Orléans. 


LA  JEUNE  FILLE  ;  lettres  d'un  .\mi.  —  Par  Charles  Roz.\n 
—  Un  vol.  format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye^ 
avec  fleurons,  lettres  ornées  de  culs-de- lampe  —  Paris, 
P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine  —  Prix  : 
3  fr.  50  cent.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  :  5  fr. 


I  A  GRAMMAIRE  FRANÇMSE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Eman  Martin  ,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  .marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Gœpp,  chef  de  bureau 
au  .Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 
NODRY  d'Ectot,  ancleu  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duquay-Trouin,  Suffrex. 

—  Paris,  f.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  i  fr. 


ARTISTES  ET  BOURGEOIS.  —  Par  Germain  Picard.  — 
Paris,  A.  Deremie,  éditeur,  52,  boulevard  Saint-Michel. 
—  Prix  :  2  francs. 


NAPOLEO  EPICUS.  —  Deux  volumes, 
libraire-éditeur,  6,  rue  Hautefeuille.  - 
les  deux  volumes. 


-  Paris,  Vanier, 
Prix  :  7  fr.  50 


BÊTES  ET  GENS,  fables  et  contes  humoristiques  à  la 
plume  et  au  crayon.  —  Par  Stop.  —  Paris,  E.  Pion  et  Cie, 
imprimeurs-éditeurs.  10,  rue  Garancière.  —  Prix  :  7  fr. 


RÉCITS  ESPAGNOLS.  —  Par  Charles  Gueullette.  — 
2"  édition.  —  Paris,  E.  Denlu,  éditeur,  libraire  de  la 
Société  des  Gens  de  lettres.  —  Palais-Royal,  15-19,  galerie 
d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


L'HEPTAMERON  des  NOUVELLES  de  très  haute  et  très 
illustre  princesse  M.\bguerite  d'Angoulème,  RoiiNE  DE 
Navarre.  —  Nouvelle  édition  collationnée  sur  les  manus- 
crits, avec  préface,  notes,  variantes  et  glossaire-index.  — 
Par  Benjamin  Pifteau.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre.  édi- 
teur, 27-29,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  2  fr.  50  cent. 


PETIT  DICTIO.NNAIRE  UNIVERSEL,  ou  Abrégé  du 
DICTIONNAIRE  FRANÇAIS  DE  E.  LiTTRÈ,  de  l'Académie  fran- 
çaise, augmenté  d'une  partie  mythologique,  historique, 
biographique  et  géographique.  —  Par  A.  Beaujean,  pro- 
fesseur au  lycée  Louis-le-Grand.  —  Paris,  librairie 
Hachette  et  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain.  —  Prix  : 
3  francs. 


LETTRES   DE    MADEMOISELLE    DE    LESPINASSE.  — 

Nouvelle  édition  augmentée  de  dix  lettres  inédites,  ac- 
compagnée d'une  Notice  sur  la  vie  de  M"'  de  Lespinasse 
et  sur  sa  société,  de  Notes  et  d'un  Index  analytique.  — 
Par  Gustave  Isamhert.  —  2  volumes.  —  Paris,  Alphonse 
Lemerre,  éditeur,  27-31,  passage  Choiseul.  —  Prix  :  5  fr. 


<28  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


LES   CONFESSIONS   DE    FRÉRON   (1719-1776),    sa    vie, 

SOUVENIRS      INTIMES       ET      ANECDOTIQUES,      SES      PENSÉES.      — 

Recueillis  et  annotés  par  Ch.  Barthélémy.  —  Paris, 
G.  Charpentier,  libraire-éditeur,  13,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


OEUVRES  DE  PHILARÉTE  CHASLES.  —  le  moyen  âge. 
—  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris,  Charpentier 
et  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Ger- 
main. —  Prix  :  3  fr.  50. 


Publications  périodiques  : 


REVUE  CRITIQUE  D'HISTOIRE  ET  DE  LITTÉRATURE. 

—  Recueil  hebdomadaire  publié  sous  la  direction  de  MM. 
C.  de  La  Berge,  M.  Bréal,  G.  Monod,  G.  Paris.  —  Dixième 
année.  —  Nouvelle  série,  2«  anaée  (1877).  —  Prix  d'abon- 
nement :    Un  au,  Paris,  20  fr.;    —  départements,   22  fr.; 

—  étranger,  le  port  en  sus  ;  —  un  numéro,  75  c.  —  Paris, 
Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte. 


L'INTERMEDIAIRE  DES  CHERCHEURS  ET  CURIEUX.  — 

Questions  et  réponses,  communications  diverses  à  l'usage 
de   tous  les  littérateurs,   artistes,  bibliophiles,  etc.  — 


Dixième  année.  —  Abonnement  ;  12  fr.  pour  la  France, 
et  15  fr,  pour  l'étranger.  —  S'adresser  à  la  librairie 
Sando:  et  Fischbacher,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris. 


REVUE  SUISSE.  —  BrBLiooRAPHiE,  archéologie,  littéra- 
ture, beaux-arts.  —  Paraissant  le  1"  et  le  15  de  chaque 
mois.  —  Prix  par  an,  10  fr.,  et  le  port  en  sus  pour  l'étran- 
ger. —  Cette  revue,  qui  rend  compte  de  tous  les  ouvrages 
dont  on  lui  envoie  deu.x  exemplaires,  se  trouve  à  Paris, 
chez  M.M.  Sandoz  et  Fischbacher,  libraires-éditeurs,  33, 
rue  de  Seine. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Société  académique  de  Saint-Quentin.  —  Concours  de  l'année  1877  —  Poésie  :  le  sujet  est  laissé  au  choix  des 
concurrents.  —  Cantates  :  le  sujet  est  laissé  au  choix  des  concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  Concours  devront 
remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national  de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-dire  être  à 
personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'hommes),  et  contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un 
trio  final.  La  Cantate  couronnée  en  1877  servira  de  texte  pour.le  concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1878.  —  Ces 
Concours  seront  clos  le  1"  mars  1877. 


L'Académie  française  propose  I'  «  Eloge  de  Buffon  »  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Ils  devront 
porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce  billet  contiendra  le 
nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au  Concours  ne  seront 
pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


Société  littéraire,  scientifique  et  artistique  d'Apt.  —  Concours  de  poésie  française  pour  l'année  1876-1877.  — 
Le  sujet  et  le  genre  sont  laissés  au  choix  des  concurrents.  Prix  :  une  médaille  d'or.  —  Il  est  ouvert  en  outre  un 
Concours  spécial  ;  Pièce  de  vers  français  en  l'honneur  de  Sainte-Anne.  Prix  :  une  médaille  d'or.  —  Les  pièces  devront 
être  adressées  franco  au  Secrétariat  de  la  Société  avant  le  15  mars.  —  11  pourra  être  décerné  des  médailles  d'argent 
ou  de  bronze  à  titre  de  2"  prix  ou  de  mention  honorable. 


La  SrfciÉTÉ  d'agriculture,  commerce,  sciences  et  arts  du  département  de  la  Marne  décernera,  en  1877,  une 
médaille  d'or  de  la  valeur  de  100  fj-aucs  à  l'auteur  de  la  meilleure  pièce  de  vers  sur  un  événement  de  notre  histoire 
nationale.  —  La  Société,  à  mérite  égal,  donnera  la  préférence  aux  sujets  relatifs  à  la  Champagne.  —  Les  ouvrages 
envoyés  au  concours  devront  être'  adressés,  francs  de  port,  au  secrétaire  de  la  Société,  avant  le  1°"' juillet  1877, 
terme  de  rigueur. 

Le  Tournoi  poétique,  littéraire  et  scientifique,  organe  de  la  Société  des  Amis  des  Lettres.  —  Journal  rédigé 
par  ses  Abonnés.  —  Paraissant  trois  fois  par  mois  (W  année).  —  Médaille  d'honneur  de  la  Société  nationale  d'encoura- 
gement au  bien.  —  Concours  poétiques  et  littéraires  (Prix  :  Médailles  de  bronze.  Livres,  Musique).  —  Abonnements, 
un  an,  10  fr.;  6  mois,  6  fr.  —  Envoi  gratuit  d'un  numéro  spécimen.  —  Bureaux,  12,  Boulevard  Montmartre,  à  Paris. 

RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTRANGERS. 


Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  indique  aux  Etrangers 
qui  lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter:— 1°  des  professeurs  de  français; — 2°  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  française;  —  3°  des  maisons  d'éducation  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français  ;  —  /i»  des  réunions  publiques  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  où  se 
parle  un  très-bon  français  ;  —  5°  des  agences  qui  se  chargent  de  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 
gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 


M.  Eman  Martin,  Rédacteur  du  Courrieu  de  Vacgelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 
Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUPELEY  à  Nogent-le-Rotrou. 


7*  Année 


N»  17. 


l'i'jFévrier  1877 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


LE 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


^^^ 


-.^t^  DE  YAVa.- 

AWV-^  Journal  Smi-Uensuel  <!/ /       À 

^     CONSACRÉ    *    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "<>     J 


ParaUiant    la    1"  at    la    15    da    ohaqaa   mois 


{Dans  sa  séance  du  \1  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par  an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  rélran<;er.   — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  littéraires,  gratis 


Rédacteur  :  Emàn  Martin 

NCIEN      PROFESSEUR     SPECIAL     POUR     LES      ÉTRANGERS 

Officier  d'AcaJéniie 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à,  Paris. 


ABONNEMENTS: 

Se  prennent  pour  une  année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  liliraire  quelconque. 


Par  un  arrêté  en  date  du  17  janvier.  Son  Excellence 
M.  Waddington,  ministre  de  l'Instruction  publique  et 
des  Beaux-Arts,  a  daigné  conférer  le  titre  d'Oy^ci'e/- de 
l'Instruction  publique  au  Rédacteur  du  Cocrbier  de 
VircEi.AS. 


SOMMAIRE. 

Communication  sur  De  suite;  —  Origine  de  Boire  comme  nn 
templier;  —  L'expression  A  furet  mesure.  —  Explication  de 
Passer  par  toutes  les  étamines  ;  —  Si  l'on  peut  dire  Une 
pluie  de  traits;  —  Origine  de  l'expression  Je  m'en  lave  les 
maiits,  —  D'où  vient  le  mot  Truisme.  ||  Communication  sur 
un  mot  signalé  comme  faute;  —  Explication  de  l'ne  vérité  à 
la  Palisse  :  —  Véritable  sens  de  .Ve  pas  être  dans  son  assiette  : 
Il  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie  de 
Nicolas  Andry.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature. 
Il  Concours  littéraires.  ||  Renseignements  à  l'usage  des  pro- 
fesseurs français. 


FRANCE 


COMMUiNIGATION. 
Dans  mon  numéro  )2  (p.  90i,  j'ai  dit,  répondant  à 
M.  Adéma,  qui  critiquait  l'expression  de  suite  au  sens 
de  immédiatement,  que  j'avais  laissée  dans  une  phrase 
où  j'avais  fait  une  correction  : 

Quand  M.  Adéma  aura  lu  cette  réponse,  j'ose  espérer  que, 
répudiant  la  règle  illogique  de  Girault-Duvivier,  il  cessera 
de  considérer  comme  une  a  lourde  faute  »  le  de  suite  que 
j'ai  maintenu  dans  cette  phrase  : 

f  Son  début  en  cette  matière  nous  indiquera  de  suite  la 
nature  de  ses  impressions.  » 

Mais  le  résultat  que  j'attendais  n'a  pas  été  obtenu,  et 
mon  correspondant  toulousain  m'adresse  une  longue 
réplique  qui  peut  se  résumer  ainsi  : 

De  suite  n'a  jamais  voulu  dire  aussitôt,  tout  de  suite,  à 
l'instant  (latin  slalim  ou  illico).  Il  n'a  pris  celte  acception 
que  dans  un  mauvais  jargon.  Il  signifie  sine  interccssu, 
cesl-à-û'ire  consécutivement,  l'un  après  l'autre,  d'une  manière 
non  interrompue.  On  peut  citer  jusqu'à  2.3  bons  auteurs,  tant 


du  xvir  que  du  xviii'  siècle,  qui  nont  jamais  employé  de 
suite  dans  le  sens  de  immédiatement,  aussitôt,  soudain. 

Donc  j'ai  raison  de  le  répéter  et  de  croire  que  M.  le  Ré- 
dacteur du  Courrier  de  Yaugelas  est  à  son  sujet  dans  une 
profonde  erreur. 

.K  cela,  je  réplique  à  mon  tour  : 

Attendti  qu'en  français,  les  expressions  adverbiales 
qui  renferment  tout  ne  sont  autre  chose  que  des  super- 
latifs tout  à  la  fois,  tout  de  travers,  tout  à  plat,  etc., 
ne  diffèrent  que  du  plus  au  moins  de  à  la  fois,  de 
travers,  à  plat  etc.),  et  que  l'Académie  de  1835  admet 
tout  de  suite  dans  le  sens  moderne  de  sur-le-champ, 
sans  délai,  il  me  semble  impossible  que  de  suite  ne  soit 
pas,  au  degré  de  signification  près,  le  parfait  équivalent 
de  tojtt  de  suite,  employé  dans  ce  dernier  sens. 

Quand  tout  de  suite  a  bien  deux  significations  admi- 
ses par  M.  Adéma,  lune  ancienne  et  l'autre  moderne, 
pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même  pour  de  suite,  le 
positif  en  quelque  sorte  de  ladite  expression  't 

X 

Première  Question. 
Je  lirais  avec  plaisir  dans  votre  journal  V eocplication 
du  véritable  sens  de  boike  comme  c.n  templier,  expres- 
sion que  le  populaire  emploie  si  fréquemment . 

lia  été  donné  trois  explications  de  cette  comparaison 
proverbiale;  je  vais  d'abord  les  reproduire,  et  ensuite 
les  discuter. 

1"  Le  mot  templier  serait  mis  ici,  suivant  certains, 
pour  temprier,  lequel,  inusité  maintenant,  avait  autre- 
fois plusieurs  significations,  et  désignait  aussi  l'artisan 
que  nous  nommons  verrier.  En  elfet,  les  ouvriers  em- 
ployés à  la  fonte  du  verre  sont  obligés,  à  cause  de  la 
grande  chaleur  à  hquelle  ils  sont  exposés,  de  boire 
souvent,  par  suite  de  leur  transpiration  continuelle. 

2"  QuitanI  explique  ce  proverbe  en  donnant  au  verbe 
boire  le  sens  de  bien  vivre;  il  dit  (|ue  les  Templiers 
élaient  très-opulents,  qu'ils  vivaient  dans  une  grande 
aisance,  et  que  c'est  la  vraie  signification  de  boire 
comme  un  templier. 


430 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


3°  Enfin,  selon  d'autres,  le  rerbe  b;)ire,  dans  celle 
phrase,  atout  simplement  son  sens  naturel,  et  templier 
y  signifie  un  des  chevaliers  de  l'ordre  du  Temple,  ordre 
fondé  en  Palestine  au  temps  des  croisades. 

Maintenant,  voyons  laquelle  de  ces  explications  con- 
vient le  mieux  à  notre  proverbe. 

La  première.  —  Cette  explicaiion,  qui  a  été  trans- 
mise à  l'Académie  française  dès  -ISO",  si  l'on  en  croit 
Legoarant,  est  loin  d'être  invraisemblable.  Nous  avons 
des  comparaisons  analogues  avec  un  nom  d'homme  qui 
fait  un  exercice  à  l'échaufter  beaucoup,  telles  sont  : 

Boire  comme  un  sonneur, 
Boire  comme  un  musicien; 

puis,  le  changement  de  r  en  /n'est  point  du  tout  un  fait 
rare  dans  notre  langue.  Seulement,  pour  la  justifier, 
il  faudrait  au  moins  un  exemple,  et  je  ne  crois  pas 
qu'on  ait  jamais  rencontré  lemprier  au  lieu  de  tem- 
plier dans  l'énoncé  du  proverbe  en  question. 

La  seconde.  —  Celle-ci  semble  trouver  une  justifica- 
tion dans  ce  passage  de  Guillaume  Paradin  [Cronique 
de  Savoye,  p.  249;  Lyon  -1552)  : 

Plusieurs  autres  grandes  impietez  et  méchancetez  per- 
pelroient,  car  avec  toutes  ces  choses,  ilz  faisoient  estai 
de  gourmanuises,  banquets  et  yvrongneries,  et  estoient 
ceux  qui  mi>^u.v  remplissoient  la  pance  en  plus  grande 
réputation  entre  eux,  dont  l'on  dit  encore  jusques  aujour- 
d'hui, boire  comme  un  Templier,  qui  est  adage  de  Taverne 

Mais,  pour  lui  donner  entière  créance,  il  serait  abso- 
lument nécessaire  d'établir  qu'autrefois  boire  a  signifié 
goûter  tous  les  plaisirs  d'une  vie  sensuelle,  et  aucun 
des  anciens  dictionnaires  que  j'ai  consultés  ne  men- 
tionne cette  signification. 

Du  reste,  voici  une  citation  donnée  par  Quitard 
comme  venant  d'un  ancien  manuscrit  qui  traite  du 
Mode  de  réception  des  chevalier.'^  du  Temple,  laquelle 
montre  bien  que  boire  n'avait  point  autrefois  la  signi- 
fication que  lui  attribue  ce  parémiographe  : 

Denostre  religion  vos  ne  véès  que  l'escorche  qui  est  par 
defors,  car  l'escorche  si  est  que  vos  nos  véés  avoir  biaux 
chevaus  et  biaus  iiarnois,  et  bien  boivre  et  bien  mangier,  et 
bêles  robes. 

En  efi'et,  si  boire  avait  jamais  signifié  à  lui  seul  bien 
vivre,  l'auteur  de  ces  lignes  n'eût  certainement  pas  mis 
dans  sa  phrase  bien  mangier  après  bien  boiire,  puisque 
le  sens  de  celte  dernière  expression  eût  impliqué  celui 
de  l'autre. 

La  troisième.  —  C'est  celle  que  je  tiens  pour  la  bonne, 
parce  que  : 

{»  Dans  les  autres  comparaisons  avec  le  verbe  boire 
qui  sont  formées  d'un  nom  d'homme  ne  désignant  pas 
une  profession  iboire  comme  un  Suisse,  boire  comme 
un  Polonais)  ce  verbe  a  le  sens  naturel,  et  que,  d'après 
un  passage  de  Rabelais  [Garfj.  liv.  I,  ch.  v),  il  avait  le 
même  sens  au  xvi"  siècle,  dans  le  proverbe  qui  nous 
occupe. 

2o  F^a  citation  de  Guillaume  Paradin  que  j'ai  l'aile 
plus  haut,  qu'elle  relaie  une  accusation  fondée  ou  non 
fondée,  n'en  démontre  pas  moins  avec  la  dernière  évi- 
dence que,  dans  boire  comme  un  templier,  le  terme  de 


comparaison  est  bien  une  allusion  à  un  chevalier  de 
l'ordre  du  Temple. 

X 

Seconde  Que.stion. 

Peut-on  justifier  la  locution  a  fdr  et  a  mesure  au  lieu 

de  AC  FCR  ET  MEsniiE,  et  ne  vaut-il  pias  mieux  dire  tout 

simplement  a  mesohe  ? 'Q^'es^-ce  (/«e  ce  fur  çwe  l'on  ne 

trouve  que  là? 

Le  mot  fur,  qui  s'est  écrit  aussi  feur  (du  latin 
forum,  marché,  d'où  le  sens  de  taux,  de  mesure),  s'est 
employé  seul  jusqu'au  xvie  siècle,  ce  dont  voici  la 
preuve  : 

Et  priseront  tout  ledit  mur,  au  fur  de  la  toise. 

{Ordonn.,  1485.^ 

Car  au  feur  qu'il  croissoit,  grâce  et  beauté  croissoient  et 
multiplioient  en  luy. 

(Boucicaut,  I,  j). 

l,ors  les  dettes  se  paient  au  fur  de  ce  que  chascun  en 
amande. 

(Loisel,   3>9  ) 

A  partir  de  cette  époque,  sa  signification  ayant  pro- 
bablement commencé  à  s'obscurcir,  on  y  a  joint 
mesure,  avec  lequel  il  a  fait  une  expression  de  compo- 
sition semblable  à  celle  des  suivantes  : 

Je  connais  ses  laits  et  gestes. 

Je  le  jure  sur  mon  âme  et  conscience. 

Voilà  son  seigneur  et  maître. 

Procès  fait  en  due  et  bonne  forme. 

Condamné  aux  frais  et  dépens. 

Or,  cette  locution  adverbiale  a  reçu  trois  formes  diffé- 
rentes :  au  fur  et  à  mesure,  à  fur  et  mesure,  et  à  fur 
et  à  mesure.  Laquelle  est  la  meilleure? 

Pour  moi,  c'est  à  fur  et  mesure  (Voir  Courrier  de 
Vauyelas,  '2'^  année,  p.  136,  où  j'ai  déjà  examiné  cette 
question)  qui  peut,  à  la  volonté  de  l'écrivain,  devenir  à 
mesure,  comme  les  expressions  analogues  que  je  viens 
d'énumérer  peuvent  se  réduire  à  un  seul  des  substantifs 
qui  les  composent. 

X 
Troisième  Question. 

Quel  est  le  véritable  sens  ainsi  que  l'origine  de  l'ex- 
pression TASSER  PAR  TODTES  LES  ÉTAMINES  ? 

On  donne  le  nom  d'étamine  à  un  tissu  très-peu 
serré  de  laine,  de  soie  ou  de  crin  employé  pour  faire 
des  tamis,  des  bluteaux,  des  filtres  à  liqueurs,  etc. 

De  là  l'expression  passer  par  l'ctaminc  pour  signifier, 
au  propre,  clarifier  ou  être  clarifié,  nettoyer  ou  être 
nettoyé,  et,  au  figuré,  examiner  ou  être  examiné  d'une 
manière  très-sévère  : 

Qu'il  lui  fa.<se  tout  passer  par  ietamine,  et  ne  loge  rien 
en  sa  teste,  par  simple  autorité  et  à  crédit. 

(Montaigne,  Essais,  I,  p;   |6|.) 

Et,  sitùt  qu'une  fois  la  viTve  me  domine, 
Tout  ce  qui  s'otîi-e  à  moi  puisc  par  l'étamine. 

(Boileau,  Stil.  VII.) 

Dans  celle  dernière  acception  ,  elle  s'applique  aussi 
aux  personnes,  et  signifie  alors  être  soumis  à  une 
épreuve,  à  quelque  adversité  : 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


431 


Ce  traitant  a  été  taxé  à  la  CUambre  de  Justice,  il  a  passé 
par  l'étamine. 

(Furetière,  Dictionn.) 

Il  y  avait  loin  d'une  reine  de  41  ans  [Anne  d'Autriche], 
flUed'Espasînf,  q'ji  avait  elle-même /JOisedf'jà  par  plus  d'une 
étamine  aux  affaires  d'Etat,  et  M.  le  duc  d'Orléans  qui  n'avait 
que  sa  naissance. 

(Saint-Simon,  4co,  aai.j 

Or,  cela  dit,  il  est  clair  que  passer  par  toutes  les 
étamines,  allusion  aux  diverses  sortes  de  tissus  plus  ou 
moins  serrés  que  l'on  emploie  pour  les  instruments 
servant  à  filtrer,  à  tamiser,  veut  dire  passer  par  toutes 
les  épreuves,  par  toutes  les  adversités  imaginables. 

X 

Quatrième  Question. 
Peut-on  dire  qu'une  plcie  de  ifiiiTS  tombe  sur  la  tête 
de  quelqu'un  ?  Est-ce  réellement  bien  français? 

C'est  mon  intime  conviction  ;  car  le  mol  plvie,  qui 
signifie  eau  tombant  par  gouttes  de  l'almosphere,  se  dit 
par  extension,  de  tout  ce  qui  tombe  de  l'air  dune 
manière  analogue,  comme  feu,  pierres,  grenouilles, 
sauterelles,  cendres,  etc.  : 

Alors  le  Seigneur  fit  descendre  du  ciel  sur  Sodome  et 
sur  Gomorrlie  une  pluie  de  soufre  et  de  feu. 

(Genèse,  ch.  Aix,  vers.  34.) 

Nous  sortîmes  de  ces  forges  avec  une  pluie  de  pièces  de 
quatre  sous,  dont  nous  eûmes  soin  de  rafraîchir  ces  mes- 
sieurs. 

(Mme  d«  Sévigné,  dans  le  Dicl.  etym,  de  Noël  et  Carp.) 

On  dit  qu'Hercule  combattant  contre  Albion  et  Bergion 
en  faveur  de  Neptune,  et  manquant  de  traits,  fut  secouru 
de  Jupiter  par  une  pluie  de  pierres  qu'on  y  voit  encore 
[dans  la  Cran]. 

(Fuxetière,  Dictionn,) 

D'ailleurs,  il  n'y  a  rien  d'étonnant  dans  celte  exprès- 
"  sion  pour  quiconque  réfléchit  que  trait>  pouvant  servir 
de  sujet  au  verbe  pleuvoir,  il  doit  naturellement  pou- 
voir servir  de  régime  au  substantif /)/«ee. 
X 
Cinquième  Question 

L'n  de  vos  nouveaux  lecteurs,  qui  s'intéresse  vive- 
ment à  votre  excellent  Courrieb  de  YiccELis,  vous  prie 
de  vouloir  bien,  dans  l'un  de  vos  prochains  numéros,, 
expliquer  l'oriyine  de  cette  expression  :  Je  ii'e.\  lave 

LES  MAINS. 

Au  chapitre  .xivii  de  l'ivvangile  selon  saint  Matthieu, 
on  lit  ce  qui  suit  : 

21.  Le  gouverneur  leur  ayant  donc  dit  :  Lequel  des  deux 
voulez-vous  que  je  vous  délivre?  Ils  lui  répondirent: 
Barabbas. 

22.  Pilale  leur  dit  :  Que  ferai-je  donc  de  Jésus,  qui  est 
appelé  Christ  ? 

23.  Ils  répondirent  tous  ;  Qu'il  soit  crucifié.  Le  gouver- 
neur leur  dit  :  Mai.s  (luel  mal  n-t-il  fait?  Et  ils  se  mirent  4 
crier  encore  plus  fort,  en  disant  :  Qu'il  soit  crucifie. 

24.  Pilate  voyant  cju  il  n'y  gagnait  rien,  mais  que  le  tu- 
multe s'excitait  toujours  de  plus  en  plus,  se  fit  apporter 
dp  l'eau  et,  se  lavant  les  mains  devant  le  peuple,  il  leur  dit: 
Je  suis  innocent  du  sang  de  ce  juste;  ce  sera  à  vous  à  en 
répondre. 

Or.  à  n'en  pas  douter,  c'est  de  là  qu'est  venue  l'ex- 


pression se  laver  les  mains  d'une  chose,  qui  s'emploie 
pour  déclarer  que  l'on  se  considère  comme  parfaitement 
irresponsable  d'une  mesure  à  l'exécution  de  laquelle  on 
peut  prendre  part,  mais  dont  on  n'est  point  l'auteur. 

X 

Siiième  Question. 

J'ai  lu  dans  la  Revce  littékaire  et  roLiiiQUE  du 
4  novembre  courant  {art.  de  M.  Faucher  de  Careil  : 
l'Algérie  et  le  .Sahara]  :  —  «  C'est  de  l'habile  et  pré- 
voyante Angleterre  qu'il  est  question,  et  c'est  en  com- 
parant notre  politique  commerciale  à  celle  de  l'Angle- 
terre que  je  me  permets  d' énoncer  ce  tbcisme...»  J'avoue 
que  TiiciSME  m'a  compl'tement  dérouté.  J'ai  cherché  ce 
mot  dans  les  dictionnaires  de  Littré-Beaujean,  de  Th. 
Soulice  H869i,  de  Bescherelle,  et  je  n'ai  rien  trouvé  de 
pareil.  Je  vous  serais  obligé  d'élucider  cette  question 
dans  votre  estimable  CocuRrEa;  elle  pourra  être,  je 
crois,  de  quelque  intérêt  pour  vos  lecteurs. 

Le  mot  truisme,  un  terme  que  je  ne  connaissais  pas, 
n'est  autre  chose  que  la  francisation  de  l'anglais  truism, 
substantif  formé  du  suffixe  ism,  signifiant  qualité,  et  de 
l'adjectif  true.  vrai.  Au-delà  de  la  Manche,  un  truisme 
est  une'vérité  tellement  évidente  par  elle-même,  qu'elle 
n'a  pas  besoin  de  démonstration  :  c'est  ce  qu'en  langage 
scientifique  nous  appelons  un  axiome. 

Mais  que  l'introduction  de  truisme  en  français  puisse 
être  revendiquée  par  M.  Foucher  de  Careil,  ou  qu'elle 
soit  le  fait  d'un  autre  écrivain  de  talent,  elle  n'en  doit 
pas  moins,  a  mon  avis,  être  énergiiiuemenl  repoussée; 
car  elle  est  contraire  au  sage  principe  d'après  lequel  les 
emprunts  à  une  langue  étrangère  ne  sont  permis  que 
lorsqu'il  s'agit  de  mots  auxquels  on  ne  peut  réellement 
trouver  d'équivalents  dans  la  sienne. 


ÉTRANGER 


COMMU.NICATIOX. 

M.  le  docteur  Anselme  Ricard,  professeur  à  l'Uni- 
versité de  Prague,  a  bien  voulu  m'adresser  la  lettre 
suivante  au  sujet  d'une  faute  que  j'aurais  signalée  à 
tort  dans  un  des  derniers  numéros  du  Courrier  de  Vau- 

gelas  : 

Prague,  ce  4  janvier  1377. 
Cher  Monsieur, 

Dans  votre  numéro  14,  15  décembre  187G,  p.  109,  à  pro- 
pos de  (/  m'en  veut,  vous  critiquez  ce  vers  de  Molière  : 

Je  ne  t'en  voudiai  point  pour  cela  plus  damai, 
et  vous  ajoutez  :  «  U  fallait  tout  simplement  :  Je  ne  te 
voudrai  point,  etc.  » 

Permettez-moi  de  ne  pas  être  de  votre  avis. 

Le  en  est  ici  explétif,  augmentatif,  et  s'emploie  comme 
gallicisme;  avec  un  comparatif,  on  emploie  en  dans  lo  sens 
de  pour  cela,  à  cause  de  cela,  exemple  : 

Je  vous  abandonne  â  votre  sort;  soyez  dorénavant  bon 
eu  mauvais,  je  ne  vous  en  mépriserai  pas  moins,  ou,  jo 
ne  vous  en  voudrai  ni  plus  de  bien  ni  plus  de  mal. 


432 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Il  est  vrai  que  Molière  a  dit  : 

Je  ne  l'en  voudrai  point  pour  cela  p\us  de  mal. 
Il  y  a  simplement  redondance,  mais  i!  n'y  a  pas  de  faute 
dans  le  sens  que  vous  expliquez.  Il  aurait  mieux  valu  dire 
que  Molière  aurait  dû  écrire  sans  mettre  foui  cela  : 
Je  ne  te  voudrai  point  plus  de  mal. 
La  critique  eut  été  plus  juste. 
Voilà  ma  manière  de  voir  sur  cette  question. 
11  est  bien  entendu  que  je  puis  faire  erreur;  mais  je  suis 
fortement  d'avis  que   votre  critique  tombe  à  faux,  quand 
vous  dites  que  Molière  n'avait  pas  le  droit  de   mettre  en 
(avec  vouloir  plus  de  mal),  tandis  que  vousdite.=,  avec  vou- 
loir du  mal,  ce  que  Molière  n'a  pas  du  tout  employé. 

Je  vous  prie  de  revenir  sur  cette  explication,  pour  voir 
si  vous  avez  à  persister  dans  votre  dire. 
Votre  réponse  dans  un  procbain  numéro  me  fera  plaisir. 
Bien  à  vous, 

A.  Ricard. 

Après  avoir  établi  que,  dans  une  phrase  renfermant 
l'expression  en  vouloir,  le  pronom  en  tenait  lien  du 
substantif  mal,  j'en  ai  conclu  que  ce  vers  de  Molière 
était  fautif  quant  à  la  construction  : 

Je  ne  t'en  voudrai  point  pour  cela  plus  de  mal. 

Mais  tel  n'est  pas  l'avis  de  M.  le  docteur  A.  Ricard. 
D'après  lui,  en  serait  employé  ici  par  redondance  pour 
l'expression  pour  cela,  qu'il  peut  remplacer  également  ; 
de  sorte  que,  selon  moi,  ce  pronom  est  une  redondance 
non  permise  du  substantif  mal,  tandis  que,  selon  mon 
honorable  contradicteur,  c'est  une  redondance  permise 
de  pour  cela.  En  d'autrea  termes,  M.  le  docteur  A.  Hi- 
card  maintient  le  pronom  en  dans  le  vers  en  question, 
et  moi,  je  l'en  supprime. 

Qui  de  nous  deux  a  raison  '? 

Dans  toute  proposition  renfermant  un  adverbe  de 
comparaison,  il  est  certainement  loisible  de  remplacer 
re.\pression  pour  cela  par  en;  mais  je  n'ai  jamais 
vu  d'exemple  où  ces  deux  équivalents  fussent  employés 
en  même  temps. 

Or,  si  l'emploi  de  en  dans  le  vers  de  Molière  n'est 
pas  permis  à  cause  de  mal  qui  se  trouve  après  vouloir 
lil  l'est  seulement,  je  crois,  lorsqu'il  s'agit  de  phrases 
exclamalives  sous  forme  d'interrogalioni,  et  s'il  ne  l'est 
pas  non  plus  à  cause  de  pour  cela,  il  ne  l'est  d'aucune 
manière,  et  je  n'ai  point  commis  d'erreur  en  le  signa- 
lant comme  une  vraie  faute,  puisqu'il  offense  en  quel- 
que sorte  doublement  la  syntaxe. 

Du  reste,  même  en  supposant  que  je  me  trompe  et 
que  la  redondance  de  en  puisse  avoir  lieu  avec  vouloir 
mal  ou  du  mal  etavecpo*»-  cela,  il  est  facile  de  prouver 
que,  dans  le  cas  actuel,  cette  redondance  serait  encore 
une  construction  blâmable. 

En  effet,  une  dos  qualités  essentielles  du  style,  c'est 
la  clarté,  et  toute  eipiivoquc  est  une  faute  contre  celte 
qualité  première.  Or,  si  en  redonde  dans  le  vers  de 
Molière,  à  quoi  se  rapportc-t-il?  Est-ce  à  pour  cela,  ou 
est-ce  à  mal,  qui  sert  de  régime  à  rouloir?  Personne  no 
le  saurait  dire,  le  pronom  en  ayant  la  propriété  de  se 
mettre  aussi  bien  pour  l'un  que  pour  l'autre.  L'emploi 
de  ce  mot  constilue  donc  ici  une  équivoque,  et,  parlant, 
justilic  ma  critii|ue  une  fuis  de  plus. 

,Ic  remercie  bien  sincèrement  M.  le  docteur  Anselme 


Ricard  de  m'avoir  adressé  la  communication  à  laquelle 
je  viens  de  répondre,  et  de  m'avoir  fourni  ainsi  l'oc- 
casion d'expliquer  plus  amplement  les  raisons  qui  me 
font  considérer  la  présence  du  pronom  en  dans  le  vers 
de  Molière  comme  tout-à-fait  inadmissible. 

X 
Première  Question. 

Dans  votre  numéro  14,  p.  108,  vous  diten  que  l'ex- 
pression   AVOIR    LA  TÈTE   PRÈS  DU   BONNET  contient    «  Une 

vérité  à  la  Palisse  >. .  Qu'est-ce  que  cela  veut  dire,  je 
vous  prie,  car  cette  expression  n'est  point  dans  les 
dictionnaires  français,  même  les  phts  récemment  pu- 
bliés? 

Parmi  nos  chansons  populaires,  il  s'en  trouve  une  de 
51  couplets  intitulée  Monsieur  de  la  Palisse.  Cette 
chanson,  qui  a  été  composée  par  Bernard  de  la  Monnoye, 
poète  et  littérateur,  né  à  Dijon  en  1041,  et  mort  en 
1728,  a  ceci  de  remarquable  que  chaque  couplet  est 
formé  d'un  quatrain  se  terminant  par  deux  vers  dont 
l'un,  comme  vous  l'allez  voir  par  quelques  citations,  est 
une  espèce  de  périssologie  : 

Monsieur,  vous  plaît-il  d'ouïr 
L'air  ilu  fameux  La  Palisse  ? 
Il  pourra  cous  rrjouir 
Pourvu  qu'il  vous  divertisse. 

La  Palisse  eut  peu  de  bien 
Pour  soutenir  sa  naissance  ; 
.Vais  il  ne  rnanqua  de  rien 
Dés  qu'il  fui  dans  l'abondance. 

Bien  instruit  dès  le  berceau, 
Jamais,  tant  il  fut  honnête, 
//  ne  ineltait  son  chapeau 
QuUl  ne  se  couvrit  la  tête. 

Or,  comme  avoir  la  tête  près  du  bonnet  constitue, 
au  propre,  une  vérité  qu'il  est  complètement  superflu 
d'exprimer,  puisqu'elle  résulte  du  sens  même  du  mot 
bonitet,  j'ai  cru  pouvoir  dire  que  ce  proverbe  ren- 
fermait une  vérité  à  la  manière  de  celles  qui  se  ren- 
contrent d'un  bout  à  l'autre  de  Monsieur  de  la  Palisse, 
et,  par  abréviation,  «  une  vérité  à  la  Palisse  «. 

X 
Seconde  Question. 

Pourquoi  une  personne  quelque  peu  souffrante  dit- 
elle  qu'ELLf.  n'est  pas  dans  SON  ASSIETTE'?  Cette  expres- 
sion m'a  frappe  étant  dite  par  quelqu'un  qui  venait  de 
s'asseoir  à  table  à  côté  de  moi. 


Il  ne  s'agit  nullement  ici,  comme  vous  le  pensez 
bien,  de  l'assiette,  vaisselle  plaie  et  large  sur  laquelle 
on  mange.  Cette  expression  fait  allusion  à  l'assiette, 
manière,  snit  de  se  poser  ou  d'être  posé,  soit  de  se 
tenir  à  cheval,  comme  dans  ces  exemples  : 

Ce  malade  est  inquiet,  et  nr  [leut  dciiieurer  longtemps 
dans  la  mrmo  assielle. 

(Furctiire,  Dictionti.) 

tin  bon  cavalier  ne  perd  jamais  l'assiette. 

[LMré,  iXei ion  II.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


433 


Les  hommes  errants  dans  les  bois  ayant  pris  une  assiette 
plus  fixe,  etc. 

(J.-.I     Rousseau,  Orig,  t.) 

On  dit  qu'on  n'eut  pas  dans  son  assiette  pour  signifier 
qu'on  n'est  pas  dans  son  état  accoutumé^  dans  sa  dis- 
posilion  habituelle  de  corps  ou  d'esprit. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 


!•  ...  Dénormes  piliers  (le  mot  p«or»  ne  s'emploie  que  dans 
le  sens  de  poteau  pour  al  tacher  un  criminel);  —  2*...  ce  langage 
nous  ont  tout  l'air;  —  3°  ...  Alors  que  c'est  fait  de  lui  (le  en 
tiendrait  ici  la  place  de  de  lui  :  il  est  inutile)  ;  —  4'  ...  Ne  lais- 
sent pas  de  (sans  que,  conformément  à  ce  qui  a  été  dit  dans  le 
Courrier  de  Vaugelas,  i'  année,  p.  155:  —  5»  ...  N'est  rien  autre 
qu'une  machine,  ou,  n'est  pas  autre  chose  (Voir  Courrier  de 
■  Vaugelas,  V  année,  p.  91);  —  f  ...  s'est  donne  trop  d«  peine; 
—  7°  En  un  mot,  et  à  peu  ^'exceptions  près;  —  S'  ...  le  garde- 
champêtre  sont  tout  prés. 


Phrases  à  corriger 

irouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  el 
autres  publications  contemporaines. 

1*  Le  même  M...,  qui  porte  un  grand  nom  sans  que  ce 
soit  de  sa  faute  le  moins  du  monde,  est  extrêmement  va- 
niteux. 

2*  M.  Martel,  ministre  de  la  justice,  doit  soumettre  à  la 
signature  ûu  président  de  la  République  des  nouveaux 
décrets  accordant  des  grâces  à  près  de  quatre  cents  con- 
damnés pour  faits  politiques. 

3°  Puissent  les  prévisions  de  ces  hommes  placés  assez 
hauts  pour  bien  voir  et  ne  rien  dire,  n'être  pas  .de  vaines 
et  vides  déclamations  officielles. 

4'  Il  refuse  de  parler  de  Marie  Le  Manach  â  toute  autre 
personne  qu'aux  magistrats  de  linstruction.  L'une  de  ses 
distractions  est  de  lire  le  Mémorial  de  Sainle-Helène. 

5*  Livre  merveilleux,  qui  s'empare  du  lecteur  et  le  tient 
fasciné,  les  Mémoires  d'un  chasseur,  frappèreut  un  grand 
coup,  et,  comme  on  l'a  bien  dit,  jamais  renommée  ne  fut 
mieux  méritée.  Livre  vécu,  dans  le  sens  le  plus  large  de  ce 
mot,  etc. 

6*  On  vient  de  placer  dans  les  galeries  du  Muséum  d'his- 
toire naturelle  de  Paris,  le  moulage  en  plâtre  d'un  hydro- 
céphale le  plus  extraordinaire  que  l'on  ait  jamais  vu. 

7-  S'il  en  est  ainsi,  le  Français  a  mieux  à  faire  qu'à  se 
leurrer  lui-même  à  complimenter  d'une  manière  paterne 
M.  Dufaure. 

»•  Oui,  mes  amis,  terminait-il,  quand  on  n'empale  pas  un 
fonctionnaire  en  disgrâce,  on  le  pond.  On  appelle  cela  le 
suspendre  de  ses  fonctions. 

9'  La  sonnette  du  président  s'agite  vivement.  Le  tumulte 
continue  et  ne  s'apaise  que  par  degré.  On  dirait  un  entre- 
croisement de  fusées  à  la  Congreve  entre  républicains  et 
bonapartistes. 

10'  Aux  quatre  coins  étaient  fixés  des  panaches  de  plu- 
mes d'autruches,  mi-parlie  noires  et  mi-partie  blanches. 
Cotait  d  une  nouveauté  rare. 

(/-«s  corrections  à  quimaing.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NUE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLB. 


Nicolas  ANDRY. 

(Suite.) 

Femme  poète,  Femme  philosophe.  —  Il  faut  dire 
celte  femme  est  poète,  philosophe,  médecin,  auteur, 
peintre,  et  non  poétesse,  philosophesse,  médecine,  au- 
trice,  pcintresse.  On  doil  en  cela  déférer  à  l'usage  qui 
donne  la  terminaison  féminine  à  certains  mots  pour  le 
genre  féminin,  et  qui  ne  la  donne  pas  à  d'autres. 

Feu,  Feiie.  —  On  dit  feu  au  masculin,  et  feiie  au 
féminin  :  la  feiie  Heijne.  C'est  confirmé  par  l'usage  de 
tous  les  honnêtes  gens. 

Fondement,  Fondation.  —  Il  y  a  des  gens  qui 
disent  les  fondations  d'un  bâtiment  pour  dire  les  fon- 
demens;  mais  c'est  mal  parler.  Fondation  a  un  sens 
bien  différent  :  c'est  proprement  le  jet  des  fondements; 
et  non  les  fondements  mêmes. 

Fortuitement .  —  Quelques  personnes  préfèrent  par 
hazard;  mais  c'est  par  un  vain  scrupule  ;  fortuitement 
est  aussi  bon,  et  quelquefois  même  beaucoup  meil- 
leur. 

Foudre.  —  Le  P.  Bouhours  prétend  qu'on  ne  dit 
un  foudre  qu'au  sens  figuré,  un  foudre  de  guerre; 
mais  .\ndry  ne  voit  pas  ce  qu'il  y  aurait  de  ridicule  à 
dire  :  Quand  le  sublime  vient  à  paroistre,  il  renverse 
tout  comme  un  foudre. 

Fourbe,  Fourberie.  —  Quelques  personnes  se  servent 
de  ces  deux  mots  indifféremment;  néanmoins,  écrivant 
à  M.  Costar  à  leur  sujet,  Voiture  signale  entre  eui 
quelque  diversité  de  signification  :  fourberie  ne  se 
dit-il  point  de  la  mauvaise  foi  en  général,  et  fourbe  de 
l'action  de  mauvaise  foi  en  particulier'? 

Fronde,  Fonde.  —  On  prononce  fronde,  mais  il  n'y 
a  pas  cent  ans  qu'on  écrivait  et  qu'on  prononçait 
fonde.  Ce  changement  de  prononciation  pourrait  bien 
être  venu  du  bruit  qu'on  fait  en  tournant  la  fronde. 

Frugal,  Frugaux.  —  Frugal  n'a  point  de  pluriel  au 
masculin;  on  ne  dit  ni  frugals  ni  frugaux;  il  faut 
tourner  la  phrase  par  le  féminin. 

Fumée.  —  S'emploie  ordinairement  au  singulier 
dans  le  sens  propre;  on  ne  dit  point  les  (innées  des 
cheminées  ;  mais  dans  le  figuré,  on  le  met  au  pluriel  : 
les  fumées  qui  montent  au  cerveau. 

Futile.  —  Ce  terme  n'est  pas  d'usage,  et  Andry  est 
surpris  qu'un  habile  écrivain  ail  dit  :  toute  la  littéra- 
ture Grecque  estoif  futile  et  impertinente  en  comparai- 
son de  celle  des  Egyptiens  (1689i. 

Galant.  —  On  dit  c'est  un  galant  homme  en  parlant 
d'un  homme  d'esprit,  enjoué,  agréable  ;  mais  homme 
galant  marque  un  homme  qui  a  de  certaines  passions 
qu'il  ne  devrait  point  avoir. 

Genre  douteux.  —  Il  ne  faut  pas  dire  que  ton  corps 
et  ta  teste  sont  beaux,  mais  bien  sont  belles  :   c'esl 


f34 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


comme  parle  le  traducteur  de  Phèdre  dans  la  fable  du 
Corbeau.  On  dit  de  même  les  pieds  et  la  teste  nue,  et 
non  pas  nmls,  quoique  ce  soit  contre  la  Grammaire. 

Gens.  —  Ce  mot  ne  se  met  jamais  avec  un  nombre 
déterminé;  on  ne  dit  point  dix  gens,  douze  gens. 
Mais  on  dit  bien  vous  ij  trouverez  mille  gens,  parce  que 
mille  a  ici  le  sens  indéterminé. 

Grand  homme.  Héros.  —  Ce  dernier  ne  se  dit  que 
d'un  homme  de  guerre,  et  grand  homme  s'applique 
aussi  bien  à  un  homme  de  robe  qu'à  un  homme  d'épée, 
de  cabinet  ou  de  Cour. 

Grand'  messe.  Grande  messe.  —  On  dit  la  grand' 
messe,  c'est  grand'  pitié,  la  grand'  Chartreuse,  co/iseil- 
ler  en  la  grand'  Chambre,  grand'  chère,  et  non  la 
grande  messe,  c'est  grande  pitié,  etc.  Mais,  pour  mar- 
quer que  grand'  est  mis  là  pour  grande,  et  qu'on 
retranche  \'e,  il  faut  mettre  une  petite  apostrophe  au- 
dessus  du  d. 

Grandissime.  —  D'Ablancourt  s'est  servi  de  grandis- 
sime pour  très-grand;  mais  si  ce  terme  peut  entrer 
dans  un  discours  tout  simple,  ce  serait  une  faute 
que  de  le  mettre  dans  un  discours  un  peu  relevé. 

Gratis,  Gratuitement.  —  Gratis  est  un  mot  latin  que 
l'usage  a  francisé  et  qui  ne  s'emploie  que  dans  le  dis- 
cours familier.  Gratuitement  est  plus  noble. 

Grillet,  Grelot.  —  Dans  quelques  provinces,  on  dit 
un  grillet,  des  grillets;  mais  il  faut  dire  un  grelot,  des 
grelots. 

Hyper  critique.  —  Ce  mol  se  dit  quelquefois  dans  le 
style  familier.  .Ménage  s'en  est  servi;  néanmoins,  quel- 
ques-uns trouvent  ce  terme  un  peu  pédantesque. 

Jardin  des  Olives,  Jardin  des  Oliviers.  —  Plusieurs 
préfèrent  jardin  des  Oliviers  comme  plus  français  ; 
mais  d'autres  di&enl  jardin  des  Olives.  Andry  croit  que 
jardin  des  Oliviers  est  plus  du  bel  usage. 
'  //  est  demain  [este.  —  Cette  manière  de  parler  est 
assez  bizarre  et  fait  bien  voir  ce  que  peut  l'usage  : 
selon  les  règles,  il  faudrait  dire  il  sera  demain  (este. 

Impie.  —  Comme  on  dit  un  homme  impie,  il  semble 
qu'on  devrait  dire  aussi  un  homme  pie;  mais  l'usage 
s'y  oppose. 

Improbation.  —  C'est  un  fort  bon  mot,  et  l'usage  l'a 
reçu  depuis  quelques  années,  malgré  l'opposition  de 
certains  critiques  (1689). 

Inaccoutumé.  —  Ce  terme,  qu'on  attribue  à  Ronsard, 
avait  vieilli  ;  mais  on  l'a  fait  revivre  il  n'y  a  pas  long- 
temps, et  Pascal  l'a  employé. 

Inaction.  —  Terme  nouveau,  mais  qui  est  fort  bon  et 
fort  en  usage. 

hwontinent.  —  Bien  des  gens  ont  fait  le  procès  à  ce 
mot;  mais  il  faut  n'avoir  aucun  usage  du  monde,  ni 
aucune  connaissance  de  nos  auteurs  français  pour  le 
condamner.  .\os  meilleurs  écrivains  s'en  servent. 

Indélébile.  —  Ce  mot  n'est  pas  bon  ;  autrefois  on 
disait  indrleblr;  mais  aujourd'hui  (UiS'.i),  on  ne  dit 
ni  l'un  m  l'autre;  Il  faut  dire  inéfaçable. 

Inscription,  Suscription.  —  En  [jarlanl  du  dessus 
des  lettres,  on  dit  suscription,  et  inscription  se  dit  ordi- 
nairement de  ces  litres  qui  s'écrivent  au-dessus  des 


portes  des  bâtiments,  et  au-dessus  des  arcs  de  triomphe. 

Insolvabilité.  —  Ce  terme  n'est  pas  fort  en  usage 
(<6S9)  ;  mais  il  serait  à  souhaiter  qu'il  y  fut. 

Interdisit.  —  Ménage  se  trompe  quand  il  dit  que 
l'usage  est  pour  cette  forme  du  verbe  interdire;  nos 
meilleurs  écrivains  ne  l'emploient  jamais. 

Intérieur,  Interne.  —  Le  premier  regarde  l'esprit,  et 
interne,  le  corps;  on  dit,  par  exemple,  une  joye  inté- 
rieure, et  un  remède  interne. 

Termes  inutiles.  —  Dans  cette  phrase  :  cette  lettre 
est  remplie  de  beaucoup  de  civilité,  le  mot  beaucoup 
est  inutile  :  quand  une  lettre  est  remplie  de  civilité,  il 
y  en  a  évidemment  beaucoup. 

Juste,  Justement.  —  Ces  deux  mots  sont  fort  diffé- 
rents :  justement  signifie  avec  justice,  et  juste  avec 
justesse.  11  faut  dire  d'un  homme  qu'il  raisonne  _;'!«<«, 
et  non  pas  justeme?it. 

Isolé.  —  Pour  séparé  comme  une  isle,  il  n'est  pas  en 
usage  au  figuré,  quoique  dans  le  sens  propre  il  soit 
fort  usité  :  une  maison  isolée,  une  figure  isolée^  autour 
desquelles  on  peut  tourner.  Ce  mot  vient  de  l'italien 
isola,  qui  signifie  une  isle. 

Labeur.  —  Ce  mot  ne  se  dit  point;  c'est  un  terme 
qui  a  vieilli  et  qui  ne  se  trouve  plus  que  dans  les  livres 
«  gaulois  >i. 

Le,  Luy.  —  On  demande  s'il  faut  dire  la  fièvre  luy 
prit,  ou  la  fièvre  le  prit.  Plusieurs  personnes  pensent 
que  l'un  et  l'autre  «  est  bon  ».  Néanmoins  Andry  croit 
que  le  premier  est  le  meilleur.  Le  P.  Bouhours  dit  tou- 
jours lutj  prit. 

L'est-ce,  Est-ce  Ivy.  —  En  parlant  d'une  chose,  on 
dit/'w^-ce;  en  parlant  d'une  personne,  on  diii  est-ce 
luy.  Si  l'on  parle  au  pluriel,  il  faut  dire  sont-ce  là  mes 
Livres?  ouy,  ce  les  sont,  et  non  ce  sont  eux  ;  sont-ce  là 
ces  Messieurs?  ouy,  ce  sont  eux,  (t  non,  ce  les  sont. 

Logis,  Maison.  —  Ceux  qui  parlent  bien  disent  :  il 
est  retm  au  logis,  il  a  dîné  au  logis;  il  n'y  a  que  le 
petit  peuple  qui  dise  à  la  maison  (l()89). 

Magister.  — ■  Quoique  latin,  ce  mot  peut  s'employer 
quelquefois  agréablement  dans  le  style  railleur. 

Maniment.  —  Ne  se  dit  point  dans  le  sens  propre  et 
naturel  ;  il  faudrait  ne  pas  savoir  le  français  pour  dire, 
par  exemple,  qu'il  y  a  des  aveugles  qui  connaissent  les 
pièces  fausses  au  maniment  ;  il  faut  dire  :  à  les  manier. 

Matter  sa  chair.  —  Celte  expression  est  d'usage.  A  la 
vérité,  il  y  a  des  personnes  à  qui  elle  ne  plait  pas,  mais 
c'est  être  trop  délicat  que  de  ne  pas  l'admettre. 

Marmaille.  —  Ce  mot  n'a  place  que  dans  le  discours 
familier;  venant  du  grec  iji,upp.àx£i;,  fourmi,  il  ne  s'em- 
ploie que  par  raillerie  :  qu'on  chasse  d'icy,  toute  celle 
inurmuille  équivaut  à  q\('on  chasse  d'icy  toute  celte 
armée  de  fourmis. 

Menées.  —  Quelques  personnes  aiment  mieux  qu'on 
dise  pratiques,  intrigues;  néanmoins,  menées  est  fort 
bon,  et  plusieurs  auteurs  s'en  servent  :  Durant  ces 
menées,  Arlabaze  arrive. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  RKDicfECR-GKBANT  :  Euà«  MARTIN.  ' 


LE  COURRIER  DE  VAUGKLAS. 


4  3S 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


Œuvres  de  Lamartine.  Les  Confidences.  Nouvelle 
édition,  publiée  par  les  soins  de  la  Société  propriétaire 
des  œuvres  de  Lamartine,  ln-18  Jésus,  a9i  p.  Paris,  lib. 
Hachette  et  Cie.  3  fr. 

Poëtes  et  Amoureuses,  portraits  littéraires  du 
XVI'  siècle;  par  Prosper  Hlanchemaiii,  de  la  Société  des 
Bibliophiles  français.  T.  I.  In-18,  223  p.  et  3  portraits. 
Paris,  lib.  Willem.  L'ouvrage  complet  (2  tomesj,  10  fr.; 
avec  port,  doubles,  15  fr. 

Le  Meneur  de  loups;  récit  de  village;  par  Alfred 
des  Essarts.  ln-12,  223  p.  Paris,  lib.  Lecoffre  fils  et  Cie. 
i  fr.  25  cent. 

Etude  sur  la  philosophie  en  France  auXIX'^  siècle. 
Le  socialisme,  le  naturalisme  et  le  positivisme;  par  M.  Fer- 
raz,  professeur  de  philosophie  à  la  Faculté  des  LeHres  de 
Lyon.  In-S",  ww-USI  p.  Paris,  lib.  Didier  ot  Cie.  7  fr.  50. 

Le  Lien  des  peuples,  poésies  par  Anlonin  Martin, 
Gaetano  Belluzzi,  L.  de  Préville,  L.  Oppepin,  Ch  Manso, 
le  capitaine  Bonnefoy,  V.  Froment.  J.  A.  Fauché,  Garau, 
etc.;  publiées  par  Evariste  Carrance.  In-8°.  716  p.  Bor- 
deaux, 7,  rue  Cornu.  10  fr. 

Nouvelles  et  Contes;  par  Alfred  de  .\Iu5set.  Avec  un 
port,  de  l'auteur  gravé  par  .M.  .\lph.  Leroy  et  une  eau- 
forte  de  M.  Lalauze,  d'après  Bida.  T.  3.  ln-32,  475  p. 
Paris,  lib.  (;har|)entier  et  fie.  !i  fr. 

Mémoires  d'un  assassin.  Cyrille;  par  Louis  Ulbach. 
In-18  Jésus.  à'2!i  p.  Paris,  lib.  Calmann-Lévy. 

Le  Baiser  fatal;  par  Charles  Valois.  In-18  Jésus, 
û28p.  Paris,  lib.  Dentu,  3  fr. 


Marcelle,  ou  les  Préludes  de  la  Révolution  fran- 
çaise. Traduit  librement  de  l'anglais  par  Mme  Arbousse- 
Hastide.  In-12.  370  p.  Paris,  lil).  Bouhoure  et  Cie. 

Journal  de  Cléry.  Relation  des  événements  de  la 
tour  du  Temple  pendant  la  captivité  de  Louis  XVi.  In-12, 
120  p.  Limoges,  lib.  E.  Ardant  et  Cie. 

Une  pointe  en  Espagne,  en  Portugal  et  au  Maroc, 
et  retour  par  l'Algérie,  1868  ;  par  le  comte  Robert 
des  Maisons.  Eau.x-fortes  de  Jules  Adeline.  10-8",  303  p. 
Rouen,  lib.'  Deshays. 

Le  Roman  d'un  prince  russe;  par  P.  N.  Fortuoio; 
Gr.  in-18,  350  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Auguste  Comte  et  la  Philosophie  positive;  par 
E.  Littré.  3'  édition.  In-8°,  xi-679  p.  Paris,  bureaux  de 
la  Philosophie  positive,  16,  rue  de  Seine,  8  fr. 

Considérations  sur  les  causes  de  la  grandeur  des 
Romains  et  leur  décadence;  suivies  de  la  Dissertation 
sur  la  politique  des  Romains  dans  la  religion,  du  Dialogue 
de  Syllaet  d'Eucrate,  et  de  Lysimaque;  par  Montesquieu. 
Nouvelle  édition,  précédée  d'une  notice  sur  l'auteur, 
accompagnée  de  notes  etc.,  par  L.  Grégoire,  professeur. 
ln-12,  xx[-2i0  p.  Paris,  lib.  Belin. 

Voyages  autour  du  monde  et  dans  les  contrées 
les  plus  curieuses  du  globe,  depuis  Christophe  Co- 
lomb jusqu'à  nos  jours,  par  les  plus  célèbres  naviga- 
teurs; rais  en  ordre  par  William  Smith.  Illustrés  de  pi. 
sur  acier.  12  vol.  in-8°,  Lxxvi-/i805  p.  Paris,  lib.  de 
l'Encyclopédie  du  si.x*  siècle. 


Publications  antérieures  : 


CENT  DICTÉES  GRADUÉES  sur  les  premières  règles  de 
la  Grammaire.  —  Par  M"«  Trècourt.  —  S'adresser  au 
numéro  59,  Avenue  de  la  Grande  Armée.  • 


ŒUVRES  DE  PHILARÉTE  CHASLES.  —  le  moyen  âge. 
—  Edition  complète  en  un  volume.  —  Paris,  Charpentier 
el  Cie,  libraires-éditeurs,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Ger- 
maln.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


CHANSONS  ET  SÉRÉNADES  —  Par 
Tiré  à  100  exemplaires  —  Paris,  E. 
Palais-Royal,  15-19,  galerie  d'Orléans. 


Louis  Dépret  — 
Denlu ,    éditeur, 


LA  JEUNE  FILLE  ;  lettres  d'un  .\mi.  —  Par  Ch.vbles  Roz.\n. 
—  Un  vol.  format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye, 
avec  fleurons,  lettres  ornées  de  culs-de-lampe  —  Paris, 
P.  Diicrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine  —  Prix  : 
3  fr.  50  cent.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché;  :  5  fr. 


lA  GR.AM.MAIRE  FR.^NÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Eman  Marti.v,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  — Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Gcepp,  chef  de  bureau 


au  -Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 
NOURY  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duquay-Trouin,  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  U  fr. 


ARTISTES  ET  BOURGEOIS.  - 
Paris,  A.  Derenne,  éditeur,  52, 
—  Prix  :  2  francs. 


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boulevard  Saint-Michel. 


NAPOLEO  EPICUS.  —  Deux  volumes.  —  Paris,  Vanier, 
libraire-éditeur,  6,  rue  Hautefeuille.  —  Prix  :  7  fr.  50 
les  deux  volumes. 


RÉCITS  ESPAGNOLS.  —  Par  Charles  Gueullette.  — 
2'  édition.  —  Paris,  E.  Denlu,  éditeur,  libraire  de  la 
Société  des  Gens  de  lettres.  —  Palais-Royal,  15-19,  galerie 
d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


PETIT  DICTIO.NNAIRE  UNIVERSEL,  ou  Adrégé  du 
uiCTioNNAiRE  FRANÇAIS  DE  E.  LiTTRÉ,  de  l'Acadéniic  fran- 
çaise, augmenté  d'une  partie  mythologique,  historique, 
biographique  et  géographique.  —  Par  A.  Beaujean,  pro- 
fesseur au  lycée  Louis-le-Grand.  —  Paris,  librairie 
•Uachelle  el  Cie,  79,  boulevard  Saint-Germain.  —  Prix  : 
3  francs. 


436 


LE  COURRIER  DE  VAUGSLAS. 


Publications  périodiques  : 


REVUE  DE  LA  POÉSIE,  organe  de  l'Académie  des 
Poètes.  —  Publication  mensuelle,  sous  la  direction  du 
Comité.  —  Par  an,  6  fr.  —  50  cent,  l'exemplaire.  — 
L'abonnement  part  du  1"  janvier  de  chaque  année.  — 
Le  prix  des  collections  des  aimées  antérieures  est  égale- 
ment de  6  fr.  chacune. 


REVUE  CBITIQUE  D'HISTOIRE  ET  DE  LITTÉRATURE. 
—  Recueil  hebdomadaire  publié  sous  la  direction  de  M.\l. 
C.  de  La  Berge,  M.  Bréal,  G.  Monod,  G.  Paris.  —  Dixième 


année.  —  Nouvelle  série,  2=  année  (1877).  —  Prix  d'abon- 
nement :  Un  au,  Paris,  20  fr.;  — 'départements,  22  fr.; 
—  étranger,  le  port  en  sus  ;  —  un  numéro,  75  c.  —  Paris, 
Ernest  Leroux,  éditeur,  28,  rue  Bonaparte. 


GAZETTE  DES  LETTRES,  des  sciences  et  des  arts, 
paraissant  le  1",  le  10  et  le  20  de  chaque  mois.  —  Direc- 
teur :  D.  de  Liversay.  —  Prix  par  an  :  8  fr.  pour  Paris 
et  les  départements;  10  fr.  pour  l'Étranger  (Europe);  un 
numéro  25  centimes.  —  Paris,  direction  et  administra- 
tion, 12,  boulevard  Montmartre. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Société  archéologique,  scientifique  et  littèr.^ire  de  Béziers.  —  Concours  pour  l'année  1877.  —  Dans  la  séance 
solennelle  qu'elle  tiendra  le  Jeudi  de  l'Ascension,  10  mai  1877,  cette  Société  décernera  un  rameau  de  chêne  en 
argent  à  la  meilleure  pièce  de  vers  français.  —  Les  sujets  politiques  sont  exclus  du  Concours.  —  Les  pièces  destinées 
au  Concours  ne  seront  pas  signées.  Elles  devront  être  lisiblement  écrites,  et  adressées  en  double  copie  et  franches 
de  port,  avant  le  1"  avril  prochain,  terme  de  rigueur,  à  M.  le  Secrétaire  de  la  Société.  Chacune  portera  une  épi- 
graphe qui  sera  répétée  sur  un  billet  cacheté,  renfermant,  avec  le  nom,  la  profession  et  le  domicile  de  l'auteur,  la 
déclaration  qu'elle  est  inédite  et  qu'elle  n'a  pas  été  présentée  à  d'autres  Sociétés.  —Les  pièces  envoyées  au  Concours 
ne  seront  pas  rendues.  -' 

Société  académique  de  Saint-Quentin.  —  Concours  de  l'année  1877  —  Poésie  :  le  sujet  est  laissé  au  choix  des 
concurrents.  —  Canlales  :  le  sujet  est  laissé  au  choix  des  concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  Concours  devront 
remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national  de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-dire  être  à 
personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'hommes),  et  contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un 
trio  final.  La  Cantate  couronnée  en  1877  servira  de  texte  pour  le  concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1878.  —  Ces 
Concours  seront  clos  le  1"  mars  1877.  

L'Académie  française  propose  1'  »  Eloge  de  Bufpon  »  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Ils  devront 
porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce  billet  contiendra  le 
nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au  Concours  ne  seront 
pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 

Société  littéraire,  scientifique  et  artistique  d'Apt.  —  Concours  de  poésie  française  pour  l'année  1876-1877.  — 
Le  sujet  et  le  genre  sont  laissés  au  choix  des  concurrents.  Prix  :  une  médaille  d'or.  —  Il  est  ouvert  en  outre  un 
Concours  spécial  :  Pièce  de  vers  français  en  l'honneur  de  Sainte-Anne.  Prix  :  une  médaille  d'or.  —  Les  pièces  devront 
être  adressées  franco  au  Secrétariat  de  la  Société  avant  le  15  mars.  —  Il  pourra  être  décerné  des  médailles  d'argent 
ou  de  bronze  à  titre  de  2'  prix  ou  de  mention  honorable. 

La  Société  d'agriculture,  commerce,  sciences  et  arts  du  département  de  la  Marne  décernera,  en  1877,  une 
médaille  d'or  de  la  valeur  de  100  francs  à  l'auteur  de  la  meilleure  pièce  de  vers  sur  un  événement  de  notre  histoire 
nationale.  —  La  Société,  à  mérite  égal,  donnera  la  préférence  aux  sujets  relatifs  à  la  Champagne.  —  Les  ouvrages 
envoyés  au  concours  devront  être  adressés,  francs  de  port,  au  secrétaire  de  la  Société,  avant  le  1"  juillet  1877, 
terme  de  rigueur. 


RENSEIGNEMENTS 
A  l'usage  des  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 


agences  auxquelles  on  peut  s'adresser  : 
A   Paris  :    M.    Pelletier,    19,   rue   de   l'Odéon;  —  Mme  veuve  Simonnot,   33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin;  — 
A  Lo.ndres  ;  M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W.;   —MM.  Griffiths  et  Smith,  22,  Uenrietta  street,  Covent-Garden, 
W.  C.  ;  —  Le  Collège  of  preceptors,  Queen's  Square;  —  A  Liverpool  :  M.  le  prof.  Husson,  Queen's  Collège;  —  A  ISew- 
YoHK  :  M.  Schermerhorn,  ù30,  Broom  Street. 

Journaux  dans  lesquels  on  peut  faire  des  annonces  : 
W  American  Register,  destiné  aux  Américains  voyageant  en  Europe;  —  le  Galignani's  Hfessenger,  reçu  par  nombre 
d'Anglais  qui  habitent  en  France;  —  le  Wekker,  connu  par  toute  la  Hollande;  —  le  Journal  de  Saint-Pétersbourg,  très- 
répandu  en  Russie;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Hartwick,  390,  rue  St-Honoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 

M.  Eman  Martin,  Rédacteur  du  Couriiieii  de  Vaugelas,  est  visible  à  poii  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  UAUPELEY  à  Nogent-le-Rotrou. 


7'  Année. 


N°  18. 


15  Février  1877 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    I"  ot   le   IB    de   ehaqne   mola 


{Dans  sa  séance  du  12  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celle  publication.) 


PRIX  : 
Par   an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN   PROFESSEUR  SPECIAL  POUR  LES   ÉTBANOERS 

Officier  de  l'Instruction  publique 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 

Se  prennent  pour  une  année 
entière  et  parlent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


AVIS. 

Jusqu'au  \0  mars  prochain,  les  souscripteurs  de  la 
province  el  de  l'étranger  qui  n'ont  pas  encore  payé  leur 
septième  aranee  pourront  en  envoyer  directement  le  prix 
au  Rédacteur;  mais,  passé  cette  époque,  ils  devront 
attendre  qu'il  leur  soit  présenté  une  quittance,  laquelle 
portera,  comme  frais  de  recouvrement,  75  centimes 
pour  la  France,  et  I  franc  ou  \  franc  30  centimes  pour 
les  autres  pays. 


SOMMAIRE. 

Communication  sur  l'étymologie  de  Péguin,  et  sur  celle  de  Carcan; 

—  Signification  et  origine  de  Acheter  chat  en  poche;  —  Une 
question  d'accord  du  verbe  avec  son  sujet;  —  E.\plication  de 
i\e  rien  prendre  au  pied  de  la  lettre;  —  Emploi  de  En 
imposer  el  de  Imposer  ||  Origine  de  Tirer  son  épingle  du  jeu; 

—  Emploi  de  .Ve  après  Sans  que  ||  Passe-temps  grammatical. 
Il  Suite  do  la  biographie  de  .Mcolas  Andry.  \\  Ouvrages 
de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Concours  littéraires.  || 
Renseignements  offerts  aux  étrangers. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

Un  savant  abonné  du  Courrier  de  Vaxtgelas  m'a 
adressé  les  observations  suivantes  sur  mon  avant- 
dernier  numéro  : 

Eonfleur,  le  II  janvier  1877. 
Monsieur  le  Rédacteur, 

Dans  le  n*  16,  7'  année  du  Courrier  de  Vaugelas,  vous 
m'objectez,  à  propos  du  mot  péguin,  qu'il  ne  saurait  être  un 
dérivé  de  «  pecus,  vocable  latin  dont  le  sens  collectif  s'op- 
pose complètement  à  ce  qu'il  puisse  passer  avec  le  sens 
individuel  dans  notre  langue  p. 

Si  je  me  suis  trompé,  Littré  aurait  commis  une  errpur 
de  même  nature  pour  les  mots  pécore  et'  pecque,  dont  le 
sens  individuel  n'est  pas  douteux  et  qu'il  fait  cependant 
dériver  du  latin  pecus. 

Mais  c'est  qu'en  réalité  le  latin  pecus  se  prend  dans  le 
sens  individuel  tout  comme  dans  le  sens  collectif  suivant 
les  cas  qui  se  présentent.  Il  suffit  pour  s'en  convaincre  de 
consulter  le  dictionnaire  de  Freund,  traduction  N.  Theil. 


Le  sens  individuel  ou  particulier  de  pecus  y  étant  justifié 
par  des  citations  de  Cicéron  et  d'Ovide,  il  n'y  a  rien  à 
demander  de  plus. 

La  pique,  arme  tenue  d'abord  en  haute  estime,  je  le 
veux  bien,  s'est  ensuite  singulièrement  démodée,  malgré 
les  phrases  creuses  adressées  aux  »  citoyens  qui  la  reçu- 
rent pour  contribuer  à  la  défense  de  la  patrie  mise  en 
danger  ».  Par  le  fait,  depuis  i79î,  la  pique  n'a  servi  sur 
aucun  champ  de  bataille,  tandis  qu'elle  a  figuré  dans  pas 
mal  de  scènes  hideuses  ou  ridicules. 

Au  demeurant,  je  ne  puis  me  rendre  à  accepter  pour 
lionne  l'étymologie  de  péquin,  telle  que  l'adonnée  M.  Phi- 
laréte  Chasles  en  s'appuyant  simplement  sur  de  vagues 
souvenirs  d'enfance.  Cela  n'est  en  vérité  point  sérieux. 

Je  passe  à  d'autres  observations  sur  le  contenu  du 
même  numéro.  Voyons  ce  qui  concerne  le  terme  carcan. 

Il  est  très-exact  que  collier  se  dit  très-souvent  pour 
cheval  de  trait;  mais  point  sûrement  en  mauvaise  part. 
Carcan,  au  contraire,  lorsqu'il  s'applique  à  un  cheval  est 
toujours  pris  en  très-mauvaise  part,  surtout  par  les  ma- 
quignons, qui  en  usent  plus  encore  que  les  charretiers, 
et  même  sans  y  adjoindre  le  moindre  adjectif.  Carcan 
signifie  une  rosse,  tout  aussi  bien  de  selle  que  de  trait. 
On  désigne  ainsi  volontiers  un  locatis.  Mais  on  fait  l'éloge 
d'un  bon  cheval  de  trait  en  disant  qu'il  est  franc  du  col- 
lier. D'ailleurs,  la  synonymie  n'est  rien  moins  qu'absolue, 
collier  ne  s'entendant  que  d'un  animal  de  service  ou  en 
service.  On  utilise  beaucoup  ce  mot  maintenant  dans  la 
statistique,  où  Ion  évalue  la  fréquentation  des  rues, 
routes  ou  chemins  en  nombre  de  colliers  pour  véhicules 
roulants.  Et  il  est  bien  recommandé  aux  compteurs  de  ne 
porter  dans  la  colonne  destinée  aux  colliers  que  les  seuls 
chevaux  réellement  attelés.  Les  chevaux  de  selle,  de  bât, 
de  somme  ou  libres  devant  figurer  dans  d'autres  colonnes. 
Lorsqu'on  fait  l'état  du  service  d'une  ferme,  on  laisse  en 
dehors  des  colliers,  toutes  les  bêtes  au  repos  pour  une 
raison  quelconque.  Ainsi  dans  les  pays,  le  Boulonnais, 
par  exemple,  où  les  fermes  sont  montées  en  juments,  les 
seules  juments  susceptibles  d'être  attelées  sur  l'heure 
constituent  le  groupe  des  colliers  à  l'exclusion  de  toutes 
les  juments  à  terme,  en  gésine  ou  en  repos. 

De  ce  qui  précède  j'infère  donc  que  dans  l'argot  des 
hommes  de  chevaux,  carcan  ne  vient  point  de  collier,  et  je 
puis  parler  de  ces  choses  parce  qu'elles  me  furent  jadis 
assez  familières.  Quant  à  la  phrase  de  Saint-Simon,  il  y  a 
iine  méprise  évidente.  Saint-Simon  n'avait  en  vue  que  des 
colliers  de  harnachement.  Par  conséquent,  il  faut»chercher 
une  autre  origine  à  carcan. 


4  38 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Carcasse  correspondrait  beaucoup  mieux  que  collier,  et 
même  correspondrait  parfaitement,  au  carcan  des  maqui- 
gnons. Or,  je  trouve  juste  à  point  dans  le  dictionnaire  de 
Littré  une  étymologie  du  mot  carcasse.  —  Berry,  carca, 
carcas,  carcan,  carcou,  charcois,  charcou.  Il  me  semble 
qu'il  est  inutile  de  chercher  plus  loin,  et  j'hésite  d'autant 
moins  à  m'arrêter  que  messieurs  les  charretiers  sont  aussi 
disposés  à  appeler  une  rosse  carcasse  que  carcan. 

Je  finis  sur  un  point  de  tfés-peu  d'importance.  Seule- 
ment il  s'agit  de  rendre  à  César  ce  qui  appartient  à  César. 
OJry  n'a  jamais  dit  au  tliéâtre  les  trois  mots  Prenez  mon 
ours.  11  jouait  dans  VOurs  et  le  Pacha  ;  mais  il  y  remplissait 
le  rôle  de  Marécot  et  non  celui  de  Lagingeole;  par  consé- 
quent, ce  n'est  point  à  lui  qu'il  appartenait.de  prononcer  la 
fameuse  phrase. 

J'ai  l'honneiir  d'être,  Monsieur  le  Rédacteur, 

Votre  très-humble  serviteur, 
Charles  Maisonrouge. 

Réponse  aux  critiques  qu'on  vient  de  lire  : 

I»  En  revoyant  ma  dernière  épreuve,  je  m'étais  bien 
aperçu  qu'en  effel,  il  n'était  pas  vrai  que  le  sens  col- 
lectif de  pecug  s'opposât,  comme  je  le  disais,  à  ce  que 
ce  mot  latin  pi!it  donner  en  français  un  dérivé  ayant  le 
sens  individuel,  et  je  m'étais  promis  de  corriger  le  pas- 
sage erroné;  mais  mon  attention  fut  attirée  et  retenue 
sur  un  autre  point,  et,  pressé  par  l'heure,  j'ai  oublié 
la  correction  dont  M.  Maisonrouge  s'est  si  parfaitement 
acquitté. 

2'  Je  veux  bien  que  la  pique  n'ait  servi  sur  aucun 
champ  de  bataille  en  1792;  mais  il  me  semble  que  si 
ceux  qui  la  portèrent  à  travers  les  émeutes  avaient  dû 
être  ridiculisés  à  cause  d'elle,  on  les  aurait  appelés 
piquiers  et  non  péquins,  attendu  que  ce  dernier  terme 
qui,  au  dire  de  Ludovic  Lalanne,  s'était  «  quelquefois  » 
employé  pour  désigner  des  soldats  armés  d'une  pique, 
devait  depuis  longtemps  être  complètement  tombé  en 
désuétude. 

Dans  son  Dictionnaire  du  bas-langage,  publié  en 
4808,  D'Hautel  donne  la  définition  suivante  : 

PÉQLTN.  —  Terme  mjurieux  qui  équivaut  à  ignorant,  sot, 
imbécile;  homme  intéressé,  avare  au  dernier  degré. 
C'est  aussi  un  sobriquet  que  les  soldats  se  donnent  entre 
eux. 

A  la  vérité,  la  première  partie  de  cette  définition 
peut  suggérer  l'idée  que  péqiiin  vient  de  pecus,  puisque 
ce  mot  latin  nous  a  déjà  donné  pécore,  personne  stu- 
pide,  et  pecque,  femme  sotte  et  impertinente  qui  fait 
l'entendue;  mais  on  sait  de  bonne  source  que  les  sol- 
dats de  Napoléon  1"  appelaient  péquin,  tout  ce  qui 
n'était  pas  militaire  (réponse  du  maréchal  Augereau  à 
Talleyrand) ,  et  cette  assertion  est  en  contradiction 
manifeste  avec  celle  de  l'auteur  cité. 

Pour  expliquer  péquin,  il  me  semble  qu'il  n'y  a  qu'un 
moyen;  c'est  de  voir  en  lui  deux  mots  réunis  sous  une 
même  orthographe  :  l'un,  venu  de  peius,  donnerait  le 
sens  de  ignorant,  sot,  imbécile  (qui  ne  se  dit  jtlus  mémo 
parmi  les  soldats),  cl  l'autre,  venu  ô^pékin,  étoffe,  don- 
nerait celui  qui,  depuis  l'Empire,  s'est  entièrement 
substitué  au  premier. 

J'ai  déjà  montré  dans  ce  journal  (6=  année,  p.  00)  un 
mot  offrant  une  semblable  particularité. 

3"  J'incline  fortement  à  croire  que  l'étymologie  de 


carcan  indiquée  par  M.  Maisonrouge  est  la  vraie,  et  que 
ce  mot  signifie,  non  pas  collier  comme  je  l'avais  pensé 
d'abord,  mais  bien  carcasse,  étant  données  les  formes 
berrichonnes  carca,  carcas,  carcan  pour  équivalents  de 
ce  dernier  terme. 

4"  Peut-être  bien,  n'était-ce  pas  l'acteur  Odry  qui 
remplissait  le  rôle  de  Lagingeole  dans  l'Ours  et  le 
Pacha  ;  mais  alors,  c'est  Alfred  Delvau  qui  est  respon- 
sable de  mon  inexactitude,  car  citant  Joachim  Duflot 
dans  son  Dictionnaire  de  la  langue  Verte,  où  je  me 
suis  renseigné,  il  dit  littéralement  ceci  : 

Le  père  Brunet  représentait  le  pacha  blisé  qui  veut  qu'on 
l'amuse;  OJry  jouait  le  montreur  de  bêtes,  répétant  à  tout 
propos  :  Prenez  mon  ours! 

J'adresse  mes  bien  sincères  remerciements  à  M.  Mai- 
sonrouge qui,  non  content  de  lire  attentivement  ma 
petite  feuille,  veut  bien  encore  prendre  la  peine  de  me 
signaler  les  erreurs  qu'il  y  rencontre,  ou  croit  y  ren- 
contrer. 

X 
Première  Question. 

Je  lis  dans  Stlvaxdibe,  roman  d'Alexandre  Dumas 
père,  la  p/ira.se  suivante  :  vous  me  forcez  a  acbeter  chat 
EN  POCUE.  Quelle  est  la  signification  exacte  ainsi  que 
l'origine  de  cette  expression  ? 

Le  mot  poche  [que  les  paysans  du  Perche  et  de  la 

Beauce  ont  encore,  et  qu'ils  prononcent  pouche],  s'est 

employé  autrefois  pour  sac,  et  l'on  a  dit  chat  en  sac  au 

lieu  de  chat  en  poche,  comme  le  montrent  ces  exemples  : 

Folie  est  d'accepter  chai  en  sac. 

(Adages  /tançais  du  xvi*  siècle.) 

Veuls-tu  espouser  chat  en  sac, 
Et  que  nuls  tes  nopces  ne  vois? 

lEust.  Deschamps,  cité  par  Littré.  ) 

De  sorte  que  acheter  chat  en  poche  veut  dire,  dans 
le  sens  propre,  acheter  un  chat  dans  un  sac,  ce  qui 
équivaut  à  dire  l'acheter  sans  le  voir  : 

Vous  n'achetez  pas  un  ctiat  en  poche;  si  vous  marchandez 
un  cheval,  vous  luy  ostez  ses  bardes,  vous  le  voyez  nud  et 
à  descouvert. 

(Montaigne,  Essais,  I,  p.  3a4.) 

Au  figuré,  cette  expression  signifie  faire  une  impru- 
dence analogue  à  celle  que  l'on  commettrait  en  achetant 
un  chat  dans  une  poche,  c'est-à-dire  s'exposer  au  risque 
d'être  dupé  : 

Mais,  Monsieur  le  Charlatan,  afin  que  je  n'acheté  point 
chat  en  poche,  dites-moy  ce  que  vous  entendez  par  la  va- 
leur? 

(Ghérardi,  les  Souhaits,  p.  ai.) 

Vous  ètes-vous  mis  en  tête  que  Léonard  de  Pourceaugnac 
soit  un  homme  à  acheter  chat  en  poche? 

(Molière,  Pourc.,  acte  II,  se.  7.) 

Quant  à  l'origine  de  ladite  expression,  je  la  vois  dans 
le  prudent  usage  qui  a  dû  être  généralement  adopté 
par  tous  les  pays  de  renfermer  dans  un  sac  le  chat  que 
Ion  voulait  allor  vendre  au  marché;  car,  excepté  en 
anglais,  où  le  proverbe  a  été  pris  du  jeune  porc  [to  buy 
a  piy  in  a  pvke'\,  les  langues  des  peuples  nos  voisins  y 
ont  fait  entrer  comme  nous  le  nom  du  félin  domes- 
tique : 

Die  Kat.e  im  Sacke  kaufun  (allemand). 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


ia9 


Comprar  gato  en  saco  (pspagnol). 
Comprare  il  gallo  nel  sacco  (Ualien). 

X 

Seconde   Question. 

Lecteur  assidu  de  voire  excellent  journal.,  je  me  per- 
mets d'avoir  recours  à  votre  bienveillance  pvur  me  fixer 
sur  le  cas  suivant  :  Est-il  français  d'écrire  celte 
phrase  :  «  Sur  200  sociétaires  dont  le  quart  à  peine  se 
CONNAISSENT  "  OU  «  Sur  200  sociétaires  dont  le  quart  à 
peine  se  conmaîi  »  ? 

Lorsqu'un  yerbe   a  pour   sujet   l'expression  moitié 
accompagnée  d'un  subslanlif  pluriel,  je  remarque  que 
les  auteurs  emploient  ce  verbe,  Tes  uns  au  singulier, 
les  autres  au  pluriel.  Ainsi  j'ai  trouvé  : 
(Verbe  au  singulier) 

Des  enfants  de  Japel  toujours  une  moitié 
Fournira  des  armes  â  l'autre. 

(La  Fontaine,   Fobles  II,  6.) 

La  moitié  des  passagers,  affaiblis,  expirants  de  ces 
angoisses  inconcevables,  n'avait  pas  même  la  force  de 
s'inquiéter  du  danger. 

(Voltaire.) 

Des  enfants  qui  naissent,  la  moitié  au  plus  parvient  à 
l'adolescence. 

(J.-J.  Rousseau.) 

(Verbe  au  pluriel) 

On  dit  aui-si  plus  de  la  moitié  de  mes  dépens  sont  payés; 
pour  (tire  qu'on  est  avancé  en  âge,  et  qu'on  n'a  plus  si 
longtemps  â  vivre  qu'on  a  déjà  vécu. 

(Furetière,  Dicllonn.) 

La  moitié  de  nos  concitoyens,  épars  dans  le  reste  de  l'Eu- 
rope et  du  monde,  vivent  et  meurent  loin  de  la  patrie. 

(J.-J.  Rousseau  ) 

La  moitié  des  arbres  que  j'ai  fait  planter  sont  morts. 

(L*abbé  Picard,  cité  par  N.  Landais.) 

Ce  n'ei^t  pas  trop  de  dire  que  la  moitié  de  nos  larmes  sont 
répandues  en  vain. 

(Jules  Simon,  dans  Larousse.) 

D'où  j'infère  qu'en  général,  il  est  facultatif  de  mettre 
au  singulier  ou  au  pluriel  tout  verbe  ayant  pour  sujet 
un  nom  fractionnaire  désignant  une  quantité  déterminée 
{quart,  par  exemple)  quand  ce  nom  a  un  complément 
au  pluriel. 

Mais  cette  règle  a  au  moins  une  exception;  car 
lorsque  le  verbe  est  pronominal  et  a  le  sens  réciproque, 
il  ne  peut  se  mettre  qu'au  pluriel.  Ur,  comme  c'est 
précisément  le  cas  dans  la  phrase  que  vous  m'avez  sou- 
mise, j'en  conclus  qu'il  y  faut  écrire  : 

Sur  200  sociétaires  dont  le  quirt  à  peine  se  connaissent. 

En  mettant 46 cowreoiV,  on  n'exprimerait  qu'une  action 
réfléchie  :  la  moitié  à  peine  des  sociétaires  connaît  elle- 
même,  ce  qui  ne  rend  pas  la  pensée;  tandis  qu'eii  riict- 
lanl  se  connaissent,  on  exprime  une  action  de  plusieurs 
individus  agissant  l'un  sur  l'autre,  ce  qui  la  rend 
parfaitement. 

X 
Troisii^me  Question. 
Quelle  est  l'origine  de  l'expression  ne  rie.\  I'UENdue 

AU  l'IED  l'E  LA  LEITKE'? 


Je  termine  ainsi  qu'il  suit  [Courrier  de  Vaugelas, 
y  année,  p.  169)  l'explication  de  prendre  quelque 
chose  au  pied  de  la  lettre,  phrase  qui  est  juste,  pour 
le  sens,  le  contraire  de  la  vôtre  : 

Quand  je  considère  que,  dans  ces  derniers  temps,  la 
langue  familière  a  bien  reçu  des  musiciens  la  locution 
vide  de  sens  à  la  clef  (\-o'n  Courrier  de  Vaugelas,  4'  année, 
p.  29),  je  crois  pouvoir  en  cont-lure  que  les  impiimeur.-=, 
qui  ont  pouvent  à  parler  du  pied  de  la  lettre,  auront,  au 
figuré,  substitué  tout  naturellement  cette  expression  à 
l'autre,  et  cela,  en  lui  attribuant  une  idée  de  rigueur  que 
à  la  lettre  n'avait  pas. 

S'il  n'y  a  pas  d'erreur  dans  ces  lignes,  elles  vous 
fourniront  facilement  l'origine  de  l'expression  ne  rien 
prendre  au  pied  de  la  lettre.  . 

X 

Quatrième  Question. 

Peut-on  dire  :  il  est  probable  que  je  lui  es  impose, 
puisqu'il  ne  dit  rien  devant  moi?  Cette  phrase  est-elle 
française,  ou  doit-on  dire  :  il  est  probable  que  je  lui 

IMPOSE'? 

Ici,  le  verbe  imposer  a  évidemment  pour  régime 
sous-entendu  l'un  des  substantifs  respect,  soumission 
ou  crainte. 

Or,  j'ai  fait  voir  par  de  nombreux  exemples  ip.  49 
de  la  présente  année)  que,  dans  ce  cas,  il  est  permis, 
ou  d'employer  le  verbe  imposer  tout  seul,  ou  de  le  faire 
précéder  du  mol  en. 

Par  conséquent,  quoique  les  grammairiens  aient 
essayé  d'établir  une  différence  entre  en  imposer  et  m- 
po.fer,  je  demeure  persuadé  qu'on  s'exprime  tout  aussi 
bien  en  disant  : 

Il  est  probable  que  je  lui  en  impose,  puisqu'd  ne  dit  rien 
devant  mo', 

que  si  l'on  dit  sans  le  pronom  en  : 
Il  est  probable  que  je  lui  impose,  puisqu'il  ne  dit  rien  etc. 


ETRANGER 


Première  Question. 

Pourquoi  dit-on  de  quelqu'un  qui,  engagé  dans  une 
mauvaise  affaire,  a  pu  s'en  tirer  avec  honneur  et  sans 
compromettre  ses  intérêts,  qu'il  a  su  tirer  son  épingle 

DU  JEU  '? 

Voici,  au  sujet  de  cette  expression  proverbiale,  ce 
que  je  trouve  dam  V  Intermédiaire  [{"^  année,  p.  3631; 

Dans  [ilusieurs  villages  du  Roussillon,  on  voit  des 
petites  filles  s'amuser  à  un  jeu  qu'elles  appellent  Joch 
de  las  agullas  [jeu  des  aiguilles,  ou  des  épingles).  Trois 
ou  quatre  petites  filles  se  réunis.sent;  elles  font  un  tas 
de  quelques  poignées  de  terre  ou  de  sable,  dans  lequel 
elles  cachent  chacune  une  épingle;  au  moyen  d'une 
pierre  qu'elles  jettent  successivement  dessus,  elles  dé- 
molissent le  las,  et  les  épingles  qui  apparaissent 
jleviennent  la  propriété  de  celle  qui  a  jeté  la  pierre.  11 
arrive  souvent  que   le  sable  ne   laisse   qu'une   seule 


440 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


épingle  à  découvert  ;  la  pelile  fille  qui  l'a  gagnée  s'écrie 
alors  : 

Bé!  jo  hé  trait  la  méouna  agulla  del  joch  —  (Bon  !  moi 
j'ai  tiré  mon  épingle  du  jeu). 

ce  qui  signifie  qu'elle  ne  peut  perdre  cette  fois-ci, 
qu'elle  a  retiré  l'enjeu  qu'elle  exposait.  La  partie  finit 
lorsqu'il  n'y  a  plus  d'épingles  dans  le  tas  de  sable. 

N'est-ce  pas  cet  amusement  d'enfants  qui  a  donné 
naissance  à  l'expression  figurée  qui  constitue  notre 
proverbe  ? 

Quoique  M.  Littré  le  pense,  car  il  explique  aussi  cette 
expression  par  un  jeu  de  petites  filles  qui  ne  diffère  pas 
sensiblement  de  celui  qui  vient  d'être  décrit,  je  suis 
dlun  autre  avis,  pouvant  faire  à  cette  origine  les  objec- 
tions suivantes  : 

1°  Le  jeu  dont  il  s'agit  ici  doit,  ce  me  semble,  être 
presque  moderne,  et  ne  dater  que  de  l'époque  où  les 
épingles  étaient  devenues  d'un  prix  qui  permettait  aux 
petites  filles  de  s'en  servir  comme  d'enjeux.  Or,  ainsi 
que  le  fait  voir  cet  exemple  : 

Mais  ne  pouvant  rien  contre  vent  et  marée,  il  tira  son 
épingle  du  jeu. 

(D'Aubigné,  Hisl.,  p.  334.) 

notre  proverbe  remonte  au  moins  au  xvi^  siècle  ;  et 
comme  je  doute  fort  qu'en  ce  temps  les  épingles  coû- 
tassent assez  peu  pour  être  mises  à  la  portée  de  la 
bourse  des  petites  filles,  j'incline  naturellement  à  en 
conclure  que  l'explication  de  ï Intermédiaire  a  bien 
des  chances  pour  n'être  pas  la  vraie. 

2°  Du  reste,  si  l'origine  qui  vient  d'être  donnée  était 
réelle,  on  aurait  di^i,  je  crois,  appliquer  tirer  son  épingle 
du  jeu  plutôt  aux  femmes  qu'aux  hommes,  tandis 
qu'au  contraire,  je  ne  l'ai  jamais  entendu  appliquer 
qu'à  ces  derniers. 

Voici,  à  mon  tour,  comment  j'explique  le  proverbe 
qui  nous  occupe  : 

Au  xvi=  siècle,  les  épingles,  qui  étaient  encore  un 
objet  de  luxe  au  xv',  comme  le  font  entendre  ces  vers 
d'Eustache  Deschamps,  empruntés  au  Dictionnaire  de 
Littré  : 

Humbles  furent,  coies  et  simples, 
Ne  sçurent  que  ce  fust  d'espingles, 
Ne  d'orgueil,  car  humilité 
Estoit  en  leur  simplicité. 

les  épingles,  dis-je,  devinrent  d'un  usage  plus  géné- 
ral, et  leur  prix  en  diminua  sensiblement.  Alors,  les 
jeunes  gens  s'en  servirent  en  les  mettant  au  jeu  au  lieu 
d'argent,  fait  dont  je  crois  trouver  la  preuve  : 

\°  Au  chapitre  38,  note  74,  de  l'ouvrage  de  Mathurin 
Cordiev  [De  corrupli  sermonis],  chapitre  consacré  aux 
jeux  des  écoliers  : 

Ego  amisi  quatuor  ligas  in  isto  ludo.  —  J'ay  perdu 
quatre  esguilleles  à  ce  jeu  icy. 

2"  Dans  le  passage  suivant  uc  .Montaigne  [Essais,  1, 
p.  108),  où  l'auteur  parle  de  la  force  de  l'habitude 
contractée  dès  l'enfance  : 

La  laideur  de  la  piperie  ne  despend  pas  de  la  dilIVrenco 
des  pscusaux  a/iiKglrs;  file  despend  de  soy.  Je  Ireuve  bien 
jilus  juste  de  conclure  ainsi  :  «  Pourquoy  ne  Iromperoit 
il  [l'enfant]   aux  escus  puisqu'il  trompe  aux  cspingles  ■>? 


que  comme  ils  font  ;   «  Ce  n'est  qu'aux  espingles,  il  n'au- 
roit  garde  de  le  faire  aux  escus  ». 

Or,  s'il  en  a  été  ainsi,  un  joueur  pouvait  parfaite- 
ment dire,  lorsqu'il  avait  été  assez  heureux  pour  finir 
la  partie  sans  rien  perdre,  qu'il  avait  tiré  (mis  évidem- 
ment pour  retire']  son  épingle  du  jeu,  origine  en 
vertu  de  laquelle  ce  proverbe  a  dû  s'appliquer  de  préfé- 
rence aux  hommes. 

X 
Seconde  Question. 

J'ai  rencontré  cette  phrase  dans  un  de  vos  journaux: 
«  Un  collégien  ne  se  voit  pas  gronder  par  un  jésuite, 
sans  que  M.  Sarceij  xe  jette  l'anatlième  et  ne  crie  à 
r abomination  de  la  désolation  ».  Etes-vous  d'avis  que 
ce  .\E  ava7it  jette  et  crie  soit  bien  nécessaire  ? 

L'emploi  de  ne  après  sans  suivi  de  que  se  rencontre 
quelquefois,  même  dans  les  meilleurs  auteurs;  ainsi 
Mme  de  Sévigné  a  écrit  ce  qui  suit  (Lettre  du  26  août 
1675): 

Ces  cris  de  toute  un  armée  [lors  de  la  mort  de  TurenneJ 
ne  se  peuvent  pas  représenter,  sans  que  l'on  «'en  soit 
ému. 

.Mais,  généralement,  cette  négation  ne   se  met  pas 
en  pareille  circonstance,  ce  que  prouvent  ces  exemples  : 
(La  proposition  principale'est  iiffirmalive  ou  négative) 
Il  se  laissa  gronder  sans  qu'û  en  fût  autre  chose. 

(Hamilton,  Gramm.,  4.) 

Je  prends  pour  principe  que  jamais  un  corps  ne  se  meut 
par  son  poids  sans  que  !e  centre  de  gravité  descende. 

(Pascal,  KquU.  des  liq.,  II.) 

(Le  verbe  craindre  et  le  substantif  crainte,  qui  veu- 
lent ne  après  eux,  se  trouvent  placés  entre  sans  etçwe) 

Vous  pouvez  traiter  avec  lui  sans  crainte  ou  sans  craindre 
qu'il  vous  trompe. 

(Liltré,  Dictionn.) 

(La  phrase  renferme  tii,  aucun,  personne,  rien, 
jamais  qui  veulent  également  ne) 

Je  reçois  et  je  vois  le  jour  que  je  respire 
Sans  que  père  ni  mère  ait  daigné  me  sourire. 

(Racine,  Ip'^ig,,  H,  1.) 

Je  la  voyais  souvent  triste  sans  qu'elle  m'expWquàl  jamais 
le  sujet  de  sa  tristesse  autrement  que  par  une  cause 
physique. 

(Alex.  Dumas,  la  Dame  aux  Camélias,  p.  2li.) 

Les  puissances  établies  par  le  commerce  s'élèvent  peu  à 
peu  et  sans  qw  personne  s'en  aperçoive. 

^Montesquieu) 

Or,  en  présence  d'un  tel  fait,  il  est  évident  pour 
moi  que  la  négative  ne  figure  à  tort  dans  la  phrase  de 
journal  que  vous  me  signalez. 

La  règle  dont  il  vient  d'être  question  s'observait  déjà 
dans  notre  langue  du  moyen  âge  : 

La  porte  fut  ouverte,  et  y  entrèrent  les  Gantois,  sans  que 
nul  mal  y  fissent. 

(Froissarl,  II,  II,  57.) 

Et  parleront  eulx  deux  ensemble  grant  pièche  sans  qu'\\ 
y  eust  nulz,  de  leurs  gens  qui  les  peust  ouir. 

(réiiin,  i4l6.) 

Je  crois  que  c'est  une  raison  de  plus  pour  la  mainte- 
nir dans  le  français  niodernc. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


141 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 


1"...  sans  que  ce  soil  sa  faute  (on  ne  met  pas  de  avant  sa);  — 
2°...  de  nouveaux  décrets  accordant;  —  3°...  placés  assez  haict 
(c'est  ici  un  adverbe  et  non  un  adjectif);  —  4°...  à  toute  autre 
personne  que  les  magistrats  (après  le  que  qui  suit  autre,  on  ne 
met  pas  la  préposition  qui  peut  précéder  autre);  —  5°...  livre 
qui  est  le  résultat  de  l'expérience,  ou  quelque  chose  de  syno- 
nyme (le  participe  vécu  ne  peut  s'employer  au  passif)  ;  —  6'...  de 
Thydrocéphale  le  plus  extraordinaire,  ou  d'un  hydrocéphale  qui 
est  le  plus  extraordinaire;  —  7'...  a  mieux  à  faire  que  de  se 
leurrer  (c'est  mis  pour  a  à  faire  mieux  que  d'^);  —  8°...  disait- 
il  en  terminant,  quand  on  l'empale  (voir  Courrier  de  Vau- 
gelas,  5'  année,  p.  51);  —  9°. ..  ne  s'apaise  que  par  degrés  (au 
pluriel);  —  10°...  moitié  noires  et  moitié  blanches  (voir  Cour- 
rier de  Vaugetas,  i'  année,  p.  83,  sur  l'emploi  de  mi-partie 
devant  un  adjectif). 


Phrases  à  corriger 

lrouvÊe8  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

!•  C'est  une  faute  de  goût  de  porter  une  chaîne,  telle 
précieuse  fût-elle,  dès  qu'on  se  met  en  habit  noii;;  car  il 
est  de  la  plus  élémentaire  convenance  que  paraître  s'in- 
quiéter de  l'heure  dans  un  salon  est  une  impolitesse. 

2'  A  deux  heures  du  matin,  Julie  partait  à  l'étranger; 
elle  avait  conservé  quelques  mille  francs  avec  lesquels  elle 
vécut,  l'uis  quand  elle  se  crut  oubliée,  elle  revint  à  Pans 
et  travailla. 

3*  Ce  simple  devoir  de  politesse  ne  laisse  pas  que  de 
m'embarrasser,  car  je  suis  forcé  de  jouer  tout  seul  une 
manière  de  lever  de  rideau  â  plusieurs  personnages. 

4"  Depuis  hier,  M.  Donato  fait  une  expérience  nouvelle 
on  ne  peut  plus  intéressante  ;  elle  consiste  dans  l'influence 
que  la  musique  exerce  sur  une  personne  somnambulisée  : 
c'est  ravissant  et  prodigieux. 

6'  On  voudrait  qu'un  conflit  nouveau  vînt  surgir,  â 
propos  de  cette  loi  sur  l'administration  militaire,  entre  la 
Chambre  et  le  Sénat.  Que  nos  députés  se  tiennent  sur 
leurs  gardes  ! 

6"  Il  a  suffi  que  le  comte  de  Chaudordy  sourit  un  peu 
trop  au  général  Ignatieff  et  prononçât  quelques  paroles 
sympathiques  à  la  Russie,  pour  que  l'Allemagne,  hantée 
par  le  cauchemar  de  l'alliance  franco-russe,  en  prenne  de 
suite  ombrage. 

7*  Non  pas  que  l'état  sanitaire  ne  fût  excellent,  quoi 
qu'en  ait  dit  nombre  de  journaux,  mais  parce  qu'ils  sont 
habitués  à  cette  rude  température. 

8°  Est-ce  que  M.  Jules  Simon  s'opposerait  à  ce  que  les 
députés  donnassent  à  la  France  ces  trois  instruments  de 
progrès  politique?  —  Non!  —  Alors  si  nos  députés  ne  les 
obtiennent  pas,  ce  sera  de  leur  faute. 

9°  Ils  aiment  beaucoup  mieux  marcher  solidement  sur 
la  terre  plutôt  que  s'enfoncer  jusqu'à  mi-jambes  dans  la 
boue  des  roules  non  empierrées. 

10*  Cela  n'empêche  pas  qu'il  ne  se  passe  pas  une  se- 
maine sans  que  l'on  ne  voie  deux  des  membres  du  parti 
de  la  concorde  se  prendre  de  langue  et  se  disputer  comme 
des  harengéres. 

11°  D'aucuns  prétendent  que  le  prince  de  Bismark,  pour 
n'être  pas  obligé  de  céder  devant  cette  redoutable  oppo- 
sition, verrait  avec  déplaisir  de  nouvelles  complications 
s'élever  en  Orient. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XV1I«  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

(Suite.) 

Métaphore.  —  Il  y  a  une  espèce  de  métaphore  qui 
doit  être  condamnée  en  quelque  langue  que  ce  soit, 
mais  surtout  dans  la  nôtre,  qui  est  plus  sévère  et  plus 
religieuse  que  jamais.  C'est  d'appliquer  aux  vérités  de 
notre  religion  ces  noms  «  prophanes  »  que  l'antiquité 
païenne  a  donnés  à  ses  fausses  divinités.  Il  n'est  besoin 
que  d'un  peu  de  bon  sens  pour  reconnaître  qu'il  ne 
faut  pas  ainsi,  par  des  noms  fabuleux,  donner  l'appa- 
rence du  mensonge  à  des  vérités  constantes. 

Meurtrir,  Tuer.  —  Le  mol  meurtrir  dans  ce  sens  a 
vieilli.  Dans  sa  traduction  de  Quinte-Curce,  Vaugelas 
s'en  sert;  mais  il  est  plus  digne  de  remarque  que 
d'imitation. 

De  la  modestie  de  nostre  langue.  —  La  langue  fran- 
çaise est,  à  proprement  parler,  la  plus  modeste  de 
toutes  les  langues;  elle  rejette  non-seulement  toutes 
les  expressions  qui  blessent  la  pudeur,  mais  encore 
celles  qui  peuvent  recevoir  un  mauvais  sens.  Nos  écri- 
vains les  plus  polis  vont  en  cela  jusqu'au  scrupule. 

On  doit  aussi  éviter  les  comparaisons  licencieuses, 
que  certains  prédicateurs  indiscrets  osent  faire  des 
mystères  les  plus  sacrés  de  la  religion  chrétienne  avec 
les  fictions  les  plus  infâmes  de  l'antiquité  fabuleuse, 
approfondissant  parfois  des  matières  dont  ils  ne  de- 
vraient pas  même  paraître  instruits. 

Monsieur.  —  Certaines  gens  s'imaginent  qu'il  est  de 
la  bienséance  d'appeler  monsieur  la  plupart  des  auteurs 
qu'ils  citent;  mais  ils  se  trompent  fort;  et,  à  moins 
que  l'auteur  ne  soit  vivant,  ou  qu'il  ne  soit  mort  que 
depuis  peu,  on  ne  lui  donne  point  tant  du  monsieur. 
S.  peine  aujourd'hui  (1681)1,  dit-on  momieur  Paschal; 
on  commence  à  dire  Paschal  tout  court. 

Naguéres.  —  11  serait  à  souhaiter  qu'il  fût  encore 
employé,  car  il  exprime  seul  ce  qu'on  ne  peut  dire 
autrement  qu'avec  le  secours  de  plusieurs  mots;  mais 
l'usage  l'a  banni  à  ce  point  qu'il  n'existe  plus  (1689). 

Natal.  —  Cet  adjectif  n'a  jamais  de  féminin.  On  dit 
bien  son  lieu  natal;  mais  il  n'est  pas  permis  de  dire 
sa  ville  natale. 

Négatives.  —  On  remarque  qu'une  proposition  a 
quelquefois  plus  de  force  quand  elle  est  négative  que 
lorsqu'elle  est  affirmative.  Quand  on  dit,  par  exemple, 
ce  n'est  pas  une  petite  chose  que  de  sçavoir  se  taire,  on 
s'exprime  beaucoup  mieux  que  si  l'on  disait  c'est  une 
grande  chose  que  de  sçavoir  se  taire. 

N'en  déplaise.  —  Selon  le  P.  Bouhours,  cette  expres- 
sion est  agréable  dans  le  discours  faïuilier,  quoique 
.M.  .Ménage  ne  soit  pas  de  cet  avis. 

Nominatif  sans  verbe.  —  C'est  un  vice  ordinaire  à 
ceux  qui  savent  plus  de  latin  que  de  français,  de  mettre 


U2 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


quelquefois  un  nominatif  sans  verbe,  comme  dans 
cette  phrase  :  Je  souhaitais  de  voir  vivre  ces  armées 
de  bons  citoyens,  lesquels  s'ils  vivaient  encore  du  moins 
la  République  subsisterait,  où  le  pronom  lesquels 
ne  se  rapporte  à  rien. 

Nombre  changé.  —  On  met  quelquefois  de  la  grâce 
dans  le  discours  en  y  changeant  les  singuliers  en  «  plu- 
riers  »,  comme  lorsqu'on  dit  les  Alexandrcs,  les  Césars, 
les  Pompées.  Cette  manière  déplaît  à  quelques  per- 
sonnes, mais  Andry  la  voit  si  universellement  reçue 
qu'il  croirait  téméraire  de  la  condamner. 

On  change  aussi  les  pluriels  en  singuliers;  ainsi  on 
dit  :  le  soldat  ne  cessa  de  tuer,  que  la  nuit  ne  luy  eust 
dérobé  l'ennemy. 

Noms  propres.  —  Bien  des  gens  disent  Ammian 
Marcellin,  Appian  Alexandrin.  D'autres  aiment  mieux 
Ammien  Marcellin,  Appien  Alexandrin,  qui  cependant 
ne  sont  pas  si  bons. 

Nous  disons  au  singulier,  Gracchus,  Lucullus,  Hor- 
tensius,  et  au  pluriel,  les  Gracques,  les  Luculles  et  les 
Hortenses. 

Nonce,  Ambassadeur.  —  On  dit  nonce  pour  le  pape, 
et  ambassadeur  pour  un  autre  souverain. 

Obscène.  —  Ce  mot  n'est  pas  encore  bien  établi 
(^689);  mais  Andry  croit  qu'il  s'établira  parce  qu'il 
signifie  quelque  chose  que  n'expriment  ni  impur,  ni 
impudique. 

Œuvre.  —  Dans  le  sens  d'action  de  piété  ou  de 
quelque  entreprise  considérable,  il  est  masculin  après 
son  adjectif,  et  féminin  devant.  Patru  a  dit  :  Toutes  les 
Communautez  ecclésiastiques  et  séculières  coopéraient 
d'une  mesme  ardeur  à  ce  saint  œuvre;  et  ailleurs,  la 
gloire  d'une  œuvre  si  sainte. 

L'onze,  Le  onze.  —  On  dit  le  onze  et  non  l'onze;  du 
onze,  et  non  de  l'onze:  Mais  on  dit  jusqu'à  l'onzième, 
et  non  Jusques  au  onzième. 

C'est  un  original.  —  Ce  mot  a  un  «  grand  penchant  » 
à  être  pris  en  mauvaise  part;  il  se  dit  en  parlant  de 
quelque  personne  dont  les  manières  sont  très-ridicules. 

Ouvrage.  —  Ce  nom  est  toujours  masculin  au  sin- 
gulier, en  quelque  sens  qu'il  se  prenne;  mais  quand  il 
est  employé  au  pluriel,  et  qu'il  signifie  des  ouvrages  de 
femmes,  il  est  du  féminin;  on  dit  Voilà  de  belles  ou- 
vrages, et  non  de  de  beaux  ouvrages  (\(i)i9). 

Parce  séparé  de  que.  —  C'est  quelquefois  une  élé- 
gance de  séparer  parce  de  que,  comme  dans  cette 
phrase  :  //  fut  receu  à  Rome  comme  victorieux,  parce 
seulement  qu'il  n'a  voit  pas  désespéré  des  affaires  de  la 
République. 

Des  participes.  —  II  y  a  des  personnes  très-éclairées 
qui  prétendent  que  lorsqu'un  participe  est  suivi  d'un 
infinitif,  il  doit  rester  «  indéclinable  »,  et  qu'on  doit 
écrire  elle  m'est  venu  voir;  cependant,  il  y  a  de  bons 
auteurs  qui  n'observent  point  cette  règle  et  (|ui  disent, 
par  exemple,  le  château  oit,  la  Marquis-;  cstoil  allée 
passer  l'automne. 

Quoique  précédés  de  leur  accusatif,  les  participes  de 
plaindre  et  de  craindre  sont  indéclinables;  on  dit  :  la 


maladie  que  j'ai  craint,  et  je  vous  ai  toujours  plaint, 
madame. 

Le  participe  ne  doit  point  non  plus  se  décliner 
quand  le  nominatif  est  après  lui;  il  faut  écrire  :  la 
peine  que  m'a  donné  cette  affaire,  et  non  donnée  (1689). 

Personnes  changées.  —  Il  est  élégant  quelquefois  de 
changer  les  personnes.  Ce  changement  se  fait  souvent 
en  mettant  à  la  seconde  ce  qu'on  a  coutume  d'expri- 
mer par  la  troisième;  rien  n'est  plus  commun  dans 
le  style  familier  :  vous  diriez  à  le  voir  que  etc. 

Le  mot  vous  n'est  pas  des  plus  respectueux  lorsqu'on 
parle  à  quelque  personne  que  l'on  doit  ou  que  l'on  veut 
traiter  avec  respect.  Si,  par  exemple,  on  est  avec  un 
grand  seigneur,  et  qu'on  ait  occasion  de  lui  demander 
sa  volonté  sur  quelque  chose,  il  faut  bien  se  garder,  si 
l'on  n'est  pas  son  égal,  de  lui  dire  vous  plaist-il  Mon- 
seigneur etc.,  ou,  ce  qui  serait  bien  pis,  voulez-vous, 
Monseigneur.  Il  faut  parler  indirectement  et  dire  : 
Monseigneur  agréroit-il  que,  etc. 

C'est  un  excès  de  grossièreté  que  de  dire  comment 
vous  portez-vous?  en  abordant  des  personnes  de  la 
première  qualité. 

Estre peuple  pour.  —  On  dit  quelquefois  il  faut  esire 
bien  peuple  pour  croire  cela,  c'est-à-dire  avoir  l'âme 
bien  basse,  et  être  plein  des  sentiments  du  peuple. 
Cette  expression  plaît  à  quelques  précieuses,  mais 
beaucoup  d'autres  personnes  hésitent  encore  à  s'en  ser- 
vir (1689). 

Avous  dîné  pour  Avez-vous  dîné.  —  Ce  n'est  rigou- 
reusement pas  correct;  mais  le  désir  qu'on  a  d'expliquer 
promptement  ce  qu'on  veut  dire,  fait  souvent  passer 
là-dessus,  et  des  personnes  très-habiles  ne  croient 
point  que  ce  soit  une  faute  de  s'exprimer  ainsi. 

Plwrier,  Pluriel.  —  Tous  les  deux  sont  bons;  c'est 
un  défaut  ordinaire  chez  nos  Grammairiens  de  s'ima- 
giner que,  dès  qu'une  chose  se  dit  de  deux  façons,  il 
faut  condamner  l'une  pour  autoriser  l'autre. 

Plurier  joint  avec  un  verbe  singulier.  —  Nous  avons 
plusieurs  expressions  où  un  nominatif  pluriel  se  trouve 
joint  avec  un  verbe  singulier,  comme  dans  il  est  passé 
par  là  dix  mille  hommes,  et  ne  disons-nous  pas  il  est 
dix  heures,  comme  nous  disons  il  est  une  heure .'  11  y  a 
de  ces  manières  de  parier  dans  toutes  les  langues,  le 
grec  et  le  latin  en  sont  remplis. 

Plus  bien.  —  11  peut  se  dire,  et  se  dit  tous  les  jours, 
dans  les  phrases  analogues  à  celles-ci  :  Autrefois  il 
écrivait  bien,  mais  à  présent  il  n'écrit  plus  bien. 

Plus  bon.  —  Il  y  a  un  cas  où  l'on  doit  employer 
celle  expression  comme  comparatif  de  bon;  c'est 
lorsque  bon  se  prend  en  mauvaise  pari,  et  qu'il  signifie 
niais,  simple,  «  à  la  bonne  foy  »,  comme  dans  cet 
exemple  :  Vous  vous  eslonnez,  dites-vous,  qu'il  ait  esté 
as.tez  bonp'jur  croire  toutes  ces  choses;  et  moy  je  vous 
trouve  encore  bien  plus  bon  de  vous  imaginer  qu'il  les 
ait  crues.  Il  est  visible  que  meilleur  ne  vaudrait  rien 
dans  cette  phrase  (1689). 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 

Le  RÉPACTEDR-GÉBiNT  :  Ema«  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


m 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Correspondances  et  souvenirs  (de  1793  à  1805)  ;  par 
André-Marie  Ampère.  Recueillis  par  M.  H.  C.  7'  édition. 
in-18  Jésus,  372  p.  Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie.  3  fr. 

La  Belle  madame  Chavard,  scènes  de  la  vie 
réelle;  par  William  Boerne.  3'  et  h'  éditions.  In-18 
Jésus,  vi-279  p.  Paris,  lib.  Ladreich  et  Cie.  3  fr. 

Mémoires  du  comte  de  Grammont;  par  Antoine 
Hamilton.  Avec  notice,  variantes  et  index,  par  Henri 
Motheau.  Petit  in-12,  xui-àih  p.  et  port.  Paris,  lib. 
Lemerre.  5  fr. 

Histoire  générale  des  Arabes,  leur  empire,  leur 
civilisation,  leurs  écoles  philosophiques,  scienti- 
fiques et  littéraires;  par  L.  A.  Sédillot,  ancien  profes- 
seur d'histoire  au  lycée  Saint-Louis.  2'  édition.  2  vol. 
in-8",  viii-910  p.  Paris,  lib.  Maisonneuve  et  Cie. 

Morceaux  choisis  des  grands  écrivains  du 
XVI'  siècle,  à  l'usage  de  la  classe  de  rhétorique  ;  re- 
cueillis et  annotés  par  E.  Talbot,  professeur  de  rhétorique 
au  lycée  Fontanes.  3*  édition.  In-12,  xvi-416  p.  Paris,  lib. 
Jules  Dilalain  et  fils.  3  fr. 

Mémoires  de  Pierre  Thomas,  sieur  du  Fossé; 
publiés  en  entier  pour  la  première  fois  d'après  le  manus- 
crit original,  avec  une  introduction  et  des  notes  par 


F.  Bouquet.  T.  I.  In-8°,   vi-3i4  p.  Bouen,   lib.  Métérie. 
12  fr. 

Anthologie  des  prosateurs  français  depuis  le 
XII=  siècle  jusqu'à  nos  jours,  précédée  d'une  intro- 
duction historique  sur  la  langue  française.  Petit  in-12, 
1x67  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  6  francs. 

Eloge  de  la  folie,  d'Erasme,  traduit  par  de  La  Veaux. 
Dessins  de  Hans  Holbein.  In-S",  xn-318  p.  Paris,  lib. 
Delarue.  5  fr. 

De  la  nature  ;  par  Lucrèce.  Traduction  nouvelle  par 
M.  Patin,  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de  Paris,  secré- 
taire perpétuel  de  l'Académie  française.  In-18  Jésus, 
iv-3i0  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Œuvres  complètes.  L'Abbesse  de  Castro.  Les 
Cenci.  Vittoria  Accoramboni.  Vanina  Vanini.  La 
Duchesse  de  Palliano  ;  par  de  Stendhal  (Henry  Beyle). 
Nouvelle  édition,  ln-18  Jésus,  309  p.  Paris,  lib.  Michel 
Lévy  frères.  1  fr.  25. 

Les  Histoires  de  mon  parrain;  par  P.-J.  Stahi.  Des. 
sins  de  Frœlich,  gravure  par  Matthis.  Gr.  in-S»,  317  p. 
Paris,  lib.  Hetzel  et  Cie   7  fr. 

L'Afrique  mystérieuse  ;  par  Louis  JacoUiot.  Edition 
illustrée.  Livraisons  1  à  23.  In-4",  184  p.  Paris,  lib. 
Decaux.  10  cent,  la  livraison. 


Publications  antérieures  : 


CORNEILLE  INCOiNNU  —  Par  Jules  Levallois  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35, 
quai  des  Augustins  —  Prix  :  7  fr. 

LETTRES  SUR  LES  ÉTATS-UNIS  ET  LE  CANADA 
adressées  au  Journal  des  Débals  à  l'occasion  de  l'exposi- 
tion universelle  de  Philadelphie.  —  Par  M.  G.  de  Molin.a.ri, 
membre  correspondant  de  l'Institut  —  Prix  :  3  fr.  50. 

CHEFS-D'ŒUVRE  DE  PIERRE  CORNEILLE,  éditi.on 
accompagnée  d'une  Vie  de  Corneille  et  de  Notices  histo- 
riques sur  ses  tragédies  —  Par  M.  Emile  Ch.^sles,  profes- 
seur de  faculté  —  Paris,  chez  Ch.  Delagrave  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  78,  rue  des  Ecoles  —  Prix  :  3  fr.  50. 

LITTÉRATURE  ET  HISTOIRE  —  Par  E.  Litthé,  de 
l'Institut  (Académie  française  et  Académie  des  Inscrip- 
tions) —  Deuxième  édition  —  Paris,  librairie  académique 
Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35,  quai  des  Augustins 

—  Prix  :  4  fr.  

LA  RÉFORME  EN  EUROPE  ET  LE  SALUT  EN  FRANCE 

—  le  proor.vmme  des  unions  de  la  paix  socule,  avec  une 
Introduction  de  M.  H. -A.  Munro  Butler  Johnston,  membre 
de  la  Chambre  des  communes  d'Angleterre.  —  Par  M.  F. 
Le  Play,  ancien  conseiller  d'Etat,  ancien  sénateur  — 
Paris,  Dentu,  libraire,  Palais-Royal,  19.  galerie  d'Orléans. 


COMME  NOUS  SOMMES  —  .Notes  et  opinions  —  Paris, 
librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue  Saint-Honoré  —  Par 
Louis  Dèpbet  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LA  JEUNE  FILLE;  lettîies  d'un  ami.  —  Par  Ch.vrlesRozan. 
—  Un  vol.  format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Clave, 
avec  fleurons,  lettres  ornées  et  culs- de- lampe  —  Paris, 
P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine  —  Prix  : 
3  fr.  50  cent.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  :  5  fr. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  E-MAN  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru  —  Prix  ;  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANGE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Goepp,  chef  de  bureau 
au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 
NOURY  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duguay-Trouin,  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  h  fr. 


NAPOLEO  EPICUS.  —  Deux  volumes.  —  Paris,  Vanier, 
libraire-éditeur,  6,  rue  Hautefeuille.  —  Prix  :  7  fr.  50 
les  deux  volumes. 


RÉCITS  ESPAGNOLS.  —  Par  Charles  Guecllette.  — 
1'  édition.  — -  Paris,  E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la 
SociétédesGensdelettres.  — Palais-Royal,  15-i9,  galerie 
d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr.  50  cent. 


m  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 

HISTOIRE 

DE    LA 

LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

Par  DÉSIRÉ  NISARD,  membre  de  l'Académie  française. 


Cette  nouvelle  édition,  complètement  revue  par  l'auteur,  forme  une  véritable  bibliothèque  historique  et  littéraire, 
où  sont  conservés  les  plus  précieux  trésors  de  notre  langue. 

Le  tome  I"  est  une  introduction  à  l'histoire  de  la  littérature  française;  —  le  tome  II  contient  l'histoire  de  cette 
littérature  depuis  l'époque  de  la  Renaissance  jusqu'au.^  premières  années  du  seizième  siècle  ;  —  le  tome  III  traite 
des  premiers  modèles  de  l'art  d'écrire  en  prose  et  en  vers  et  de  l'influence,  soit  de  certaines  institutions,  soit  du 
gouvernement  et  de  la  royauté  sur  la  littérature  du  dix-septième  siècle; —  le  tome  IV  embrasse  le  dix-huitième  tout 
entier,  et  se  termine  par  une  appréciation  générale  des  principales  richesses  littéraires  de  notre  époque. 

SIXIÈ.ME  ÉDITION,  QUI  VIENT  DE  PARAITRE. 


Quatre  volumes  :  format  in- 18  jésus,  Iti  fr.;  —  format  in-8°,  30  fr. 
A  Paris,  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Le  dix-huitième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  1"  juin  1877.  —  Dix-sept  médailles 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  C.^rrance, 
président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 

La  société  Nationale  d'éducation  de  Lyon  destine,  pour  1877,  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur  ce 
sujet  :  Jusqu'à  quel  point  l'étude  des  théories  et  des  définitions  grammaticales  est-elle  nécessaire  dans  l'enseignement 
primaire  pour  apprendre  la  langue  et  l'orthographe?  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1878  sous  le 
nom  de  Prix  de  ta  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  novembre  prochain,  à 
M.  Palud,  libraire,  Zi,  rue  de  la  Bourse.  —  Pour  plus  amples  renseignements  s'adresser  à  M.  J.-B.  Mathey,  secrétaire 
général  de  la  Société.  

Société  archèolooique,  scientifique  et  littèb.vire  de  Béziers.  —  Concours  pour  l'année  1877.  —  Dans  la  séance 
solennelle  qu'elle  tiendra  le  Jeudi  de  l'Ascension,  10  mai  1877,  cette  Société  décernera  un  rameau  de  chêne  en 
argent  à  la  meilleure  pièce  de  vers  français.  —  Les  sujets  politiques  sont  exclus  du  Concours.  — Les  pièces  destinées 
au  Concours  ne  seront  pas  signées.  Elles  devront  être  lisiblement  écrites,  et  adressées  en  double  copie  et  franches 
de  port,  avant  le  1"  avril  prochain,  terme  de  rigueur,  à  M.  le  Secrétaire  de  la  Société.  Chacune  portera  une  épi- 
graphe qui  sera  répétée  sur  un  billet  cacheté,  renferniant,  avec  le  nom,  la  profession  et  le  domicile  de  l'auteur,  la 
déclaration  qu'elle  est  inédite  et  qu'elle  nJa  pas  été  présentée  à  d'autres  Sociétés.  —Les  pièces  envoyées  au  Concours 
ne  seront  pas  rendues.  

Société  académique  de  Saint-Quentin.  —  Concours  de  l'année  1877  —  Poésie  :  le  sujet  est  laissé  au  choix  des 
concurrents.  —  Cantates  :  le  sujet  est  laissé  au  choix  des  concurrents.  Les  pièces  envoyées  au  Concours  devront 
remplir  les  conditions  exigées  par  le  Conservatoire  national  de  musique  pour  le  prix  de  Rome,  c'est-à-dire  être  à 
personnages  (une  voix  de  femme  et  deux  voix  d'hommes),  et  contenir  des  récitatifs,  un  ou  deux  soli,  un  duo  et  un 
trio  final.  La  Cantate  couronnée  en  1877  servira  de  texte  pour  le  concours  de  musique  qui  aura  lieu  en  1878.  —  Ces 
Concours  seront  clos  le  1"  mars  18'77. 

L'Académie  française  propose  1'  «  Eloge  de  Buffon  »  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Ils  devront 
porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce  billet  contiendra  le 
nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au  Concours  ne  seront 
pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 

RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTRANGERS. 


Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  indique  aux  Etrangers 
qui  lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter  :— 1°  des  professeurs  de  français  ; — 2°  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  française;  —  3°  des  maisons  d'éducation  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français  ;  —  4»  des  réunions  publiques  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  où  se 
parle  un  très-bon  français  ;  —  5"  des  agences  qui  se  chargent  de  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 

gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 


M.  Eman  Martin,  Rédacteur  du  ConREiER  de  Vaugelas,  est  visible  à  son  bureau  de  (rois  à  cinq  heures. 
Imprimerie  QOUVEa^EUB,  Q.  DâUPEUV  à  iNogent-le-Rotrou. 


7"  Année. 


N"  19. 


1"  Mars  1877 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PyiLOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"   et    le    IS    de   chaane   mois 


{Dans  sa  séance  du  iï  janvier  \S75,J'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  celle  publicalion.) 


PRIX  : 
Par  an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'élranger.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  liltéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

NCIEN      PROFESSEUR     SpÉCIAI.     POUR     LES      ÉTRANQBRS 

Officier  de  llnslruclion  publique 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


AVIS. 
La  réimpression  des  cinq  premières  années  du  Cour- 
rier DE  ViUGELiS  commence  décidément  aujourd'iiui 
i"  mars.  Elle  fournira  au  moins  une  année  tous  les 
deux  mois,  et  sera,  en  conséquence,  complètement 
achevée  le  \"  janvier  prochain. 

SOMMAIRE. 
Explication  du  proverbe  Faire  gille  :  —  Si  la  phrase  Cela  sera 
plus  ou  moins  bien  fait  est  réellement  française;  —  Fausse 
orthographe  de  Sens  dessus  dessous  ;  —  Pourquoi  un  homme 
appelle  sa  femme  .Sa  moitié;  —  Véritable  prononciation  du 
mol  Fils.  Il  Explication  de  Se  mettre  en  quatre  pour  quel- 
qu'un; —  Comment  doit  se  prononcer  la  linale  des  adverbes 
en  Ment  ;  —  Origine  de  .Se  donner  les  gants  d'une  chose:  — 
Si  Coloration  est  passé  dans  l'usage.  ||  Passe-temps  gramma- 
tical. Il  Suite  de  la  biographie  de  Xicolas  Andrtj.  \\  Ouvrages 
de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Concours  littéraires.  || 
Renseignements  pour  les  professeurs  français. 


FRANCE 


Première  Question. 
On  trouve  ces  vers  dans  le  voyaçje  de  Chapelle  et 
Bachaumont  en  Lawjuedoc  :  «  Et  craignant  pour  mon 
compaijnon.  Qui  pour  moi  Ji  était  pas  tranquille.  Nous 
crions  au  postillon  Au  plus  vite  de  faire  gille.  >>  Pour- 
riez-vous  m'éclairer  sur  l'étymologic  de  la  locution 
FAIRE  GILLE,  qui  iicst  pas  expliquée  dans  les  années 
précédentes  de  votre  journal  ? 

J'ai  compté  jusqu'à  quatre  explications  de  celle 
expression  proverbiale.  Je  vais  d'abord  les  exposer,  et 
ensuite  chercher  à  déterminer,  sinon  celle  qui  est  la 
vraie,  du  moins  celle  qui  offre  le  plus  de  chances  pour 
l'être. 

I»  On  donne  comme  origine  de  ce  proverbe  la  con- 
duite de  saint  Egidius,  dont  on  a  transformé  le  nom  en 
celui  de  saint  Gilles,  prince  languedocien,  qui  s'enfuit 
secrètement  de  peur  d'être  élu  roi. 


2»  D'après  .Ménage,  le  mot  gille  représenterait  ici 
l'ancien  français  gile  ou  guile,  tromperie ,  et  faire 
gille  aurait  naturellement  la  signification  de  tromper, 
s'esquirer,  et  même  faire  banqueroute. 

3°  Celte  expression,  dit  V Intermédiaire  (2e  année, 
col.  CitO),  vient  comme  beaucoup  d'autres  des  Théâtres 
en  plein  vent,  si  communs  autrefois.  11  y  avait  sur  le 
Pont-Neuf,  vers  l'an  1640,  un  bouffon  idolâtré  des 
laquais  et  des  chambrières,  que  l'on  nommait  Gilles,  et 
que  l'on  surnommait,  selon  les  farces  auxquelles  il  prê^ 
tait  l'appui  de  son  talent,  tantôt  Gilles  le  niais,  tantôt 
Gilles  dr.iloge.  On  commença  par  dire  d'une  façon  pro- 
verbiale :  faire  Gilles  déloge,  pour  déloger,  décamper; 
puis  le  déloge  finit  par  se  supprimer,  et  l'expression 
se  réduisit  à  faire  f/ille. 

4°  Enfin,  selon  Aug.  Scheler,  \emol gille,  ancienne- 
ment gile,  est  dans  cette  expression,  le  substantif  du 
verbe  giler,  qui  se  rencontre  dans  les  patois  (nouveau 
provençal  gilha),  avec  le  sens  de  s'enfuir,  et  que  Diez 
dérive  de  l'ancien  haut-allemand  gtlan,  gîljan,  se 
mettre  à  courir. 

Examinons  maintenant  ces  explications  une  à  une. 

La  première.  —  C'est  probablement  le  Moyen  de 
parvenir,  par  Béroalde  de  Verville,  qui  lui  a  donné 
créance,  car  voici  ce  qu'on  trouve  dans  le  Chapitre  gé- 
néral de  cet  ouvrage  : 

Mais  ayant  que  passer  outre,  dit  le  bon  homme  Scaliger, 
pourquoy  est-ce  que  quand  quelqu'un  s'en  est  fui,  on  dit  : 
il  fait  Gilles?  —  (Protagoras).  C'est  pource  que  S.  Gilles 
s'enfuit  de  son  pays,  et  se  cacha  de  peur  d'être  fait  Roi. 

Mais  cette  explication,  la  seule  que  donne  Quitard, 
n'a  aucun  fondement  réel. 

L'expression  faire  gille  se  rencontre  surtout  dans 
le  voyage  de  Chapelle,  dans  Scarron,  dans  Tallement 
des  Réaux  et  dans  la  plupart  des  auteurs  légers  du 
second  tiers  du  xviie  siècle,  ce  qui  permet  de  penser 
qu'elle  était  alors  assez  nouvelle,  cl  qu'elle  ne  devait 
guère  remonter  au-delà  de  1000.  Or,  csl-il  possible  que 
celte  expression  ait  été  introduite  dans  la  langue  par 
une  allusion  à  l'acte  d'humilité  ou  de  prudence  de  saint 


146 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Gilles,  qui  mourut  en  721 ,  sur  les  domaines  de  Wamba, 
roi  des  Visigoths?  Je  ne  puis  pas  plus  ajouter  foi  à 
celte  élymologie  qu'à  celle  de  donner  la  venette  expli- 
quée par  le  peuple  de  la  Vénétie  fuyant  jusqu'à  l'Adria- 
tique devant  les  hordes  d'Attila. 

La  seconde.  —  Il  est  parfaitement  vrai  qu'en  vieux 
français,  le  mot  guille,  qui  compte  dans  sa  famille  le 
verbe  (/MiY/e;- et  le  substantif  ^'u/Z/ere,  signifie  trompe- 
rie, duperie;  en  voici  un  exemple  : 

Là  fut  li  quens  de  Tancarville, 
En  lui  n'ot  ni  barat,  ni  guille. 

{Rojnan  de  la  Chasse.) 

Mais  cette  explication  a  le  grave  défaut  de  ne  point 
s'accorder  avec  le  sens  de  faire  gille.  En  effet,  dans 
tous  les  dictionnaires,  ce  proverbe  a  la  signification, 
non  de  tromper,  mais  bien  de  se  retirer,  de  s'enfuir, 
de  prendre  de  la  poudre  d'escampette,  ce  que  montrent 
les  exemples  suivants  : 

Or,  comme  à  coups  de  pieds  l'buis  s'estoit  presque  ouvert, 
Tout  de  bon  le  gait  vint.  La  quenaille  fit  gille. 

(Régnier,  Satyre  XI,) 

Rien  ne  semblait  plus  sûr  qu'un  si  proche  hyménée; 
Et,  parmi  ces  apprêts,  la  nuit  d'auparavant 
Vous  sûtes  faire  gille,  et  fendîtes  le  vent. 

(Corneille,  SuUe  du  Menttnir,  I,    i.) 

Deux  raisons  qui  feront  le  partage  de  ce  discours,  après 
que  nous  aurons  imploré  le  secours  de  celle  qui  fit  taire 
gille  au  diable  lorsque,  l'ange  lui  dit  :  Ave  Maria. 

(Le  petit  père  André,  Exorde.) 

Par  conséquent,  ce  n'est  point  encore  là  une  origine 
qu'il  soit  possible  d'accueillir. 

La  Troisième.  —  D'après  ce  que  dit  l'Intermédiaire, 
l'introduction  de  faire  gille  devrait  être  postérieure 
à  1640,  époque  à  laquelle  le  bouffon  Gilles  aurait 
donné  lieu  à  cette  expression.  Or,  faire  gille  existait 
avant  1613,  date  de  la  mort  de  .Mathurin  Régnier,  qui 
s'en  est  servi  dans  un  des  vers  que  je  viens  de  citer,  et 
cette  expression  était  antérieure  même  à  1612,  puisque 
Béroalde  de  Verville,  qui  mourut  cette  même  année, 
l'avait  employée  dans  le  Moyen  de  parvenir,  comme 
je  l'ai  également  fait  voir. 

D'où  je  conclus,  naturellement,  que  cette  troisième 
explication  est  aussi  à  rejeter. 

Du  reste,  si  cette  expression  avait  été  créée  après 
l'apparition  du  bouffon  Gilles  sur  le  Pont-Neuf,  en 
16i0,  elit-elle  été  assez  autorisée  parmi  les  honnêtes 
gens  pour  que  Corneille  l'employât,  comme  il  l'a  fait 
dans  la  Suite  du  Menteur,  comédie  qui  date  de  1643? 
J'en  doute  fort. 

La  Quatrième.  —  Le  verbe  (jiller,  selon  le  Trévoux 
de  1771,  est  un  terme  bas  et  populaire  qui  signifie  se 
retirer  promplement,  sortir,  quitter  une  place.  On 
peut  donc  très-bien  croire  que  le  substantif  gille  a  été 
formé  de  ce  verbe  :  laissant  giller  à  l'usage  du  peuple 
comme  il  y  est  encore  aujourd'hui,  d'après  M.  Liltrc, 
les  gens  instruits  auront  um[jloyé  à  sa  place  faire  gille 
qui  pouvait  avoir  à  leurs  yeux  le  double  avantage 
d'être  plus  moderne  cl  moins  encanaillé. 

A  mon  avis,  cette  dernière  explication  doit  être  pré- 
férée à  toutes  les  autres. 


Pour  finir,  une  considération  tirée  de  l'orthographe  : 
Si  le  mot  gille  venait  ici  de  saint  Gilles  ou  de  Gilles, 
le  bouffon  du  Pont-Neuf,  il  devrait  commencer  par  une 
majuscule  (on  écrit  Charlemagne  par  une  telle  lettre 
dans/rt/re  Charlemagne],  et  se  terminer  par  une  s.  Mais 
il  ne  prend  généralement  pas  d'^  finale,  et  s'écrit  tou- 
jours par  un  petit  g  :  c'est  une  preuve  de  plus  en 
faveur  de  l'étymologie  que  je  préconise. 

X 

Seconde  Question. 
Je  vous  serais  reconnaissant  de  me  faire  savoir,  par 
la   voie  de  votre  journal,  si  cette  expression,  qui  a 
passé  dans  l'usage,  est  française  :  Cela  sera  plus  ou 

510IXS  BIES  FAIT. 

Il  est  très-facile  de  la  justifier,  comme  je  vais  tous 
le  faire  voir. 

Dans  notre  langue,  toutes  les  fois  que  deux  compa- 
ratifs, qu'ils  soient  formés  d'adjectifs  ou  d'adverbes, 
sont  séparés  par  ou,  on  met  celui  de  supériorité  le  pre- 
mier, et  l'on  ellipse  après  lui  l'adjectif  ou  l'adverbe; 
ainsi  cette  phase  : 

Vous  serez  plus   respecté  ou  moint  respecté,   selon  que 
vous  serez  plus  respectable  ou  moins  respectable. 
devient,  après  la  suppression  de  l'adjectif  placé  après 
l'adverbe  plus  : 

Vous  serez  plus  ou  moins  respecté,  selon  que  vous  serez 
plus  ou  moins  respectable. 

Quand  il  s'agit  de  l'adjectif  meilleur  ou  de  l'adverbe 
mieux  (qui  sont  des  comparatifs  par  eux-mêmes),  on 
peut  sans  doute  les  faire  entrer  dans  la  phrase,  et  dire, 
par  exemple  : 

Cela  sera  meilleur  ou  moins  bon,  peu  importe. 
Cela  sera  mieux  ou  moins  bien  fait. 

Mais  comme  une  telle  construction  fait  disparaître  un 
plus  que,  dans  cette  sorte  de  phrase,  on  est  accoutumé 
à  voir  figurer  avant  moins,  on  suppose,  à  la  place 
du  comparatif  irrégulier,  un  comparatif  régulier  dont 
on  supprime  l'adjectif  ou  l'adverbe,  ce  qui  donne  pour 
les  dernières  phrases  citées  : 

Gela  sera  plus  ou  moins  bon. 
Cela  sera  plus  ou  moins  bien  fait. 
Cette  expression  étant  fréquemment  employée  par 
les  personnes  qui  parlent  bien  et  se  trouvant  dans  les 
bons  auteurs,  vous  pouvez   la  tenir  pour  très-fran- 
çaise. 

X 
Troisième  Question. 
J'ai  des  doutes  sur  une  autre  locution  qui  me  parait 
obscure.  On  dit  sens  dessus  dessous  ;  SE?iS  signifie  sans 
doute  direction  :  est-ce  bien  là  l'orthographe?  Cette 
ellipse  me  semble  un  peu  forte;  je  vous  serais  bien 
obligé,  si  vous  le  jugiez  intéressant,  de  vouloir  bien 
nous  l'expliquer,  car  je  n'ai  trouvé  cette  explication 
nulle  part. 

Jusqu'au  xv°  siècle  inclusivement,  le  pronom  dé- 
monstratif ce,  ainsi  que  le  montrent  les  exemples  que 
je  vais  citer,  pouvait  se  construire  sans  être  suivi  im- 
médiatement des  relatifs  qui  ou  que  : 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


^47 


Ce  me  donnez  que  je  désire  tant. 

(Jioncivaux,   i53) 

Je  jetai  hors  ce  d'argent  que  j'y  trouvai. 

(JoinvîUe,  aSo  ) 

Les  archers  anglois  avoient  laissé  en  leur  logis  ce  de 
harnois  ju'ils  avoient. 

(Froissart,  II,  II,   193.) 

En  vertu  de  celle  règle,  on  a  dit  mettre  quelque  chose 
ce  dessus  [qui  esl]  dessous,  ce  qui  a  donné,  par  retran- 
chement de  qui  est,  mots  qui  de  loul  temps  fui-enl 
sujets  à  rellipse  :  mettre  quelque  chose  ce  dessus  des- 
sous, dont  voici  des  exemples  : 

Retournez  la  lamproie  ce  dessus  dessoubz  ou  [auj  pot. 

(Ménngier  de  Paris,   I,   5.) 

On  lui  tourna  ses  armes  ce  dessus  dessous,  comme  si  il 
fust  traistre. 

(Froissart,  II,  II,  117.) 

Plus  tard,  on  ne  sut  plus  d'où  venait  le  ce  de  celte 
expression,  et  on  le  changea,  les  uns  en  s'en,  les  autres 
en  cen  comme  le  prouve  ce  qui  suit  : 

Renverser  s'en  dessus  dessoubz, 
Est-ce  bien  fait,  je  vous  en  prie? 

(Ch.  d'Orléans,  Rondeau,  p.   296.) 

Cela  estoit  pour  renverser  entièrement  nostre  chasteau 
s'en  dessus  dessous. 

(Paré,  t.  Ili,  p.  7ii.) 

Geste  mayson  est  transposée  cen  dessus  desoubz. 

(Paisgrave,  Esdair.,  p.  4*1.) 

Puis,  une  fois  égaré  dans  celle  voie,  on  alla  jusqu'au 
bout,  c'est-à-dire  que  le  ce  devint  successivement  sans 
(sous  la  plume  d'Amyot,  de  Vaugelas  et  de  .M'""  de  Sé- 
vigné)  et  sens  (sous  celle  de'Pasquier,  de  Ghapelain,  de 
Ménage),  forme  à  laquelle  esl  définitivement  condamnée 
l'expression  sens  dessus  dessous,  puisqu'elle  a  été  enre- 
gistrée par  l'Académie  française. 

Or,  d'après  ce  que  je  viens  de  dire  sur  ladite  expres- 
sion, il  est  de  la  plus  grande  évidence  que  l'ortho- 
graphe de  sens  y  est  entièrement  fausse. 

Dans  rexplication  qu'il  consacre  à  la  locution  adver- 
biale dont  il  s'agit,  M.  Littré  a  écrit  cette  phrase,  qui 
contient  un  fait  erroné  dans  la  partie  que  je  mets  en 
italique  : 

Au  xv°  siècle  on  a  dit  c'en  dessus  dessous  :  ce  qui  est  en 
dessus  mis  en  dessoics. 

En  effetj  j'ai  dit,  et  cela  avec  vérité,  je  pense,  que 
sens  dessus  dessous,  à  l'origine,  a  été  construit  d'après  le 
principe  que  le  pronom  ce  el  le  relatif  que  ou  qui  pou- 
vaient être  séparés  l'un  de  l'autre,  ce  dont  voici  un 
nouvel  exemple  : 

Si  se  mit  dans  un  vaisseau  â  tout  ce  de  gens  qu'il  avoit 
eschappës. 

IFroîssart,  I,  I,  18a.) 

Or,  ce  principe  a  donné  la  construction  ce  dessus 
[qui  est]  dessous,  laquelle  signifie  réellement  : 

Ce  [qui  esl]  dessous  [mis]  dessus, 
quand  c'esl  juste  le  contraire  que  dit  M.  Littré  dans  la 
phrase  que  je  viens  de  citer  plus  haut. 

X 
Quatrième  Question. 
Pourquoi,  en  parlant  familièrement,  un  homme  dit-il 


de  sa  femme  ma  moitié  ?  D'oii  cette  expression  peut-elle 
venir,  et  pourquoi,  réciproquement,  la  femme  ne  s'en 
sert-elle  pas  à  icgard  de  son  mari? 

Dans  plusieurs  endroits,  pour  signifier  l'indissolubi- 
lité de  l'union  légitime  entre  l'homme  et  la  femme,  les 
Ecritures  expriment  l'idée  que  les  époux  ne  font  qu'un 
en  deux  corps  : 

Î2.  Et  le  Seigneur  forma  la  femme  de  la  côte  qu'il  avait 
tirée  d'Adam,  et  l'amena  à  Adam. 

23.  Alors  Adam  dit  ;  Voilà  maintenant  l'os  de  mes  os,  la 
chair  de  ma  chair.  Celle-ci  s'appellera  d'un  nom  qui 
marque  l'homme,  parce  qu'elle  a  été  prise  de  l'homme. 

24.  C'est  pourquoi  l'homme  quittera  son  père  et  sa  mère, 
et  s'attachera  à  sa  femme,  et  Us  seront  deux  en  une  seule 
chair. 

(Genèse,  chap.  II.) 

.Ainsi  ils  ne  seront  plus  deux  mais  une  seule  chair.  Que 
l'homme  donc  ne  sépare  pas  ce  que  Dieu  a  joint. 

(Saint-Matthieu,  ch.  XIX.  v.  5.) 

6.  Mais  dès  le  commencement  du  monde,  Dieu  ne  forma 
qu'un  homme  et  une  femme. 

7.  C'est  pourquoi  il  est  dit  :  l'homme  quittera  son  père 
et  sa  mère,  et  il  s'attachera  à  sa  femme. 

8.  Et  ils  ne  seront  plus  tous  deux  qu'une  seule  chair. 

(Saint-Marc,  chap.  X.) 

Cette  idée  a  naturellement  conduit  l'homme  et  la 
femme  mariés  à  se  considérer  comme  étant  une  moitié 
l'un  de  l'autre;  mais  si  l'homme  a  pu  dire  ma  moitié, 
au  lieu  de  ma  femme,  grâce  à  l'identilé  de  genre  qu'il 
y  a  entre  les  deux  expressions,  la  femme  n'a  pu  dire 
ma  moitié  pour  mon  mari,  la  différence  de  genre  y 
faisant  obstacle. 

Ainsi  que  les  exemples  suivants  l'attestent,  le  mot 
moitié  ne  s'emploie  pas  pour  femme  que  dans  le  style 
familier,  comme  vous  paraissez  le  croire  : 

Rends-toi  digne  du  nom  de  ma  chaste  moitié. 

(Corneille,  Horace,  IV.) 

Votre  digne  moitié,  couchée  entre  des  fleurs, 
Tout  près  d'ici  m'est  apparue. 

(La  Fontaine,  rablcs,  VIII,   14,) 

Laissez  à  Ménélas  racheter  d'un  tel  prix 
La  coupable  moitié  dont  il  est  trop  épris. 

(Racine,    Iphig.,  IV,  14.) 

C'est  qu'en  elfet,  prise  dans  un  livre  aussi  grave  et 
aussi  respectable  que  la  Bible,  cette  expression  devait 
appartenir  avant  loul  au  style  noble  et  poétique. 

.      X 

Cinquième  Question. 
Permettez-moi  de  vous  consulter  sur  la  prononciation 
du  mot  FILS.  M.  Littré  dit  à  ce  sujet:  «  Fi;  l'sse  lie:  le 
fi-z  aîné.  Beaucoup  de  personnes  ont  pris  depuis  quelque 
temps  l'habitude  de  faire  entendre  l's  quand  le  mot  est 
isolé  ou  devant  une  consonne,  ux  fiss";  c'est  une  très- 
mauiaise  prononciation.  »  Votre  opinion  à  cet  égard 
est-elle  aussi  absolue  que  celle  de  M.  Littré  ? 

J'ai  déjà  eu  occasion  de  traiter  cette  question  dans  le 
'Courrier  de  Yauyelas  (3<^  année,  p.  208s  et  j'y  ai  expri- 
mé l'opinion  qui  suit  : 


14S 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Je  partage  entièrement  cette  manière  de  voir  [celle  de 

M.  Littré],  et  pour  les  deux  raisons  que  je  vais  vous  dire  : 
!•  Si  l'on  faisait  sonner  ï's  finale  dans  le  mot  en  ques- 
tion, pourquoi  ne  pas  prononcer  également,  par  analogie, 
un  puiss'  pour  un  puils;  des  fusiss'  pour  des  fusils;  les 
gentiss'  pour  les  gentils  ? 

2'  Adopter  la  prononciation  un  fiss,  c'est  rendre  faux  et 
impossibles  à  dire  les  nombreux  vers,  tant  anciens  que 
modernes,  onjils  rime  avec  un  mol  en  is,  comme  dans  les 
suivants  : 

J'ai  vu,  seigneur,  j'ai  vu  votre  malheureux  fils, 
Traîné  par  les  chevaux  que  sa  main  a  nourris. 

(Racine,  Phèdre.) 

Mais,  soit  justice  ou  crime,  il  est  certain,  mes  /ils, 
Que  mon  amour  pour  vous  fit  tout  ce  que  je  fis. 

(  Corneille,  Hodogune.) 

Je  puis  les  regarder  comme  nos  ennemis, 

Et  donne  sans  regrets  mes  souhaits  à  mes  fils. 

(Idem,  Horace.) 

Or,  comme  les  nouvelles  réflexions  que  j'ai  dû  faire 
avant  de  vous  répondre  n'ont  aucunement  modifié  ma 
première  manière  de  voir  à  ce  sujet,  je  persiste  à  pro- 
tester contre  une  prononciation  qui,  pour  être  adoptée 
par  le  Théâtre-Français  et  par  une  foule  de  gens  qui 
se  croient  obligés  de  le  suivre,  n'en  est  pas  moins 
pour  moi  une  véritable  faute. 


ETRANGER 


Première  Question. 

Je  vous  prie,  si  vous  croyez  que  cela  doive  intéresser 
vos  lecteurs,  de  vouloir  bien  expliquer  dans  un  de  vos 
prochains  numéros  l'origine  de  l'expression  se  meiihe 

EN  QUATBE  PODK  QDELQC'UN. 

Autrefois,  au  bon  vieux  temps,  on  écartelait  les  cou- 
pables pour  certains  crimes,  et  cela  s'appelait  les  mettre 
eu  quatre  quartiers  ou  simplement  en  quartiers,  comme 
le  montrent  les  citations  suivantes  : 

Son  corps  a  été  mis  en  quartiers,  en  quatre  quartiers,  se 
dit  d'un  supplicié  dont  on  expose  les  membres  en  diffé- 
rents endroits. 

(Littré,  Diciionn,  ) 

frère  Oldecorn  et  frère  Granet  furent  mis  en  quartiers 
pour  la  fameuse  conspiration  des  poudres. 

(Voltaire,  Facettes.) 

On  l'estrangla,  puis  on  le  meit  à  quartiers. 

(Montaigne,  Essais,  II,  i3o.} 

Grombac  fut  mis  vif  à  quatre  quartiers. 

(D'Aubigné,  Iltst.,  I,  335.1 

Ecarteler.  Mettre  en  quatre  quartiers,  faire  tirer  par 
quatre  chevaux  un  condamné. 

(Littré,  Diciionn.) 

Au  figuré,  on  a  dit  se  mettre  en  quartiers  ou  se  mettre 
en  quatre  quartiers  pour  qurlqu'un,  dans  le  sens  de 
faire  tous  ses  efforts  pour  le  servir  (des  ellbrls  à  s'écar- 
leler,  à  se  rompre  le  corps  en  quartiers)  ;  et,  par  suite 
d'une  eHij)SC  qui  a  porté  sur  le  mol  quartier  précédé 
de  quatre,  on  est  arrivé  à  dire  se  mettre  en  quatre, 
qui  s'emploie  aussi  bien  devant  les  verbes  à  l'infinitif 
que  devant  les  noms  : 


La  lecture  nous  fait  passer  le  temps  avec  des  gens  qui 
se  sont  mis  en  quatre  pour  nous  plaire. 

(Boiste,  Dictionn.) 

Va  religieux  qui  prêchait  chez  des  religieuses  dit,  en 
faisant  le  panégyrique  de  leur  patron,  que  la  Trinité  s'était 
mise  en  quatre  pour  en  faire  un  grand  saint. 

CEnef/ctopédiana,  p.   loi .) 

Telle  est  l'explication  de  la  phrase  proverbiale  que 
vous  avez  bien  voulu  m'adresser  pour  inaugurer  votre 
correspondance  avec  le  Courrier  de  Vaugelas. 

X 

Seconde  Question. 

En  ma  qualité  d'étranger  ayant  fait  une  étude  assez 
approfondie  de  la  lamjue  française.  Je  viens  vous  prier 
de  me  dire  si  vous  croyez  que  M.  Littré  indique  bien 
réellement  la  prononciation  de  vos  adverbes  en  .me.m 
quand  il  figure,  par  exemple,  celle  de  coinstajiment  par 
co.N-sTA-MA.N.  Je  vous  seruis  bien  reconnaissant  d'exami- 
ner cette  question ,  qui  me  paraît  avoir  son  impor- 
tance. 

Voici  ce  que  je  crois  la  vérité  sur  le  point  que  vous 
venez  me  prier  d'éclaircir  : 

Lorsqu'une  voyelle  nasale  termine  un  mot,  et  n'est 
suivie  d'aucune  consonne,  elle  est  toujours  brève,  sans 
aucune  exception,  comme  dans 


Autan 

Adam 

Matm 

Sereiii 

SaxoH 

Jourdaire 

Aucioj 

Plongeoft 

Mais,  toutes  les  fois  qu'une  vojellede  cette  espèce  est 
à  la  fin  d'un  mot,  et  qu'elle  se  trouve  suivie  d'une 
consonne  ou  d'un  plus  grand  nombre,  cette  voyelle 
est  longue  ;  ainsi  : 

Les  mouli/M  se  pron.  Les  moulin... 
Longtemps         —       Longtewi... 
So»3      .  —       Si/îi... 

Marchand  —       Marcha»... 

Cru»i(  (il)  —       Grain... 

Or,  attendu  que  les  adverbes  en  ment  ont  une  termi- 
naison qui  se  range  dans  ce  dernier  cas,  il  est  évident 
que  man,  syllabe  brève,  n'indique  pas  exactement  la 
prononciation  de  la  finale  desdits  adverbes. 

X 

Troisième  Question. 

Quel  est  le  véritable  sens  ainsi  que  l'origine  de  l'ex^ 
pression  se  donner  les  gants  d'dne  cbose,  comme  dans 
cette  phrase  que  je  trouve  dans  un  journal  français  : 
«  Les  yens  qui  se  bonnaie.iit  les  gants  de  réclamer  plu- 
toniquement  des  réformes.  » 

Il  était  d'usage  autrefois  de  donner  une  paire  de 
gants  à  ceux  qui  apportaient  les  premiers  une  nouvelle. 
Dans  le  lioman  de  la  llose  (qui  date  du  xm"  siècle),  la 
Vieille  parlant  à  l'Amant  tient  ce  langage  : 

Viens-ge,  dist-ele,  à  point  as  gans. 

Se  ge  vous  dis  bones  hoveles 

Toutes  frescUes,  toutes  noveles'? 

(Ed.  l"r.  Michel,  t.  Il,  p.  117.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


U9 


Et  dans  le  Roman  de  Perceforest,  le  roi  dit  au  valet 
qui  lui  amène  un  cheval  de  la  pari  de  sa  maîtresse  : 
Passavant,  je  vous  doits  vos  gants. 

Or,  de  cet  usage  de  donner  des  gants  pour  présent  et 
pour  marque  de  reconnaissance  d'un  service  rendu  est 
venue  l'expression  figurée  se  donner  les  yanls  de  qurl- 
que  chose,  pour  dire  s'attribuer  la  gloire  de  cette  chose, 
s'en  donner  le  mérite,  et  pour  ainsi  dire  la  récompense. 

X 
Quatrième  Question. 
On  se  sert  quelquefois  du  mot  coloration.  //  ne  se 
trouve  pas  dans  le  DictioJinaire  de  l'Académie.  Est-il 
désormais  passé  dans  l'usage?  Ainsi  cette  phrase  espa- 
gnole :  EL  coLOREAR  DE  LAS  NUBES  psut-clle  ainsi  se 
traduire:  la  coloiiatio.\  des  ruages?  Salutations  et 
remerciements. 

La  coloration  est  l'action  par  laquelle  un  corps 
devient  coloré;  c'est  le  résultat  de  cette  action  et  aussi 
l'apparence  qu'elle  lui  donne. 

Or,  de  même  qu'on  peut  dire,  comme  vous  savez  et 
comme  tout  le  monde  sait  : 

La  coloration  des  fruits  par  la  chaleur  du  soleil, 
de  même  on  doit  pouvoir  dire  également  : 
La  coloration  des  nuages. 

Voici,  du  reste,  un  exemple  d'auteur  pour  justifier 

mieux  encore  l'emploi  de  ce  mot  : 

C'est  toujours  dans  sa  patrie  originelle  que  chaque  in- 
secte déploie  sa  plus  vive  coloration. 

(Maury,  cité  pai  P.  Larousse.; 

PASSE-TEMPS  GRAJLMATIGAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

!•...  si  précieuse  qu'elle  soit  (après  c'est,  qui  est  au  présent,  on 
ne  peut  mettre  un  imparfait  du  subjonctif,  et  tel  ne  se  met 
pas  pour  quelque  devant  un  adjectif);  —  2°...  partait  pour 
l'étranger;  ...  quelques  milliers  de  francs  (voir  Courrier  de 
Vaugelas,  i'  année,  p.  69);  —  3°...  ne  laisse  pas  de  (il  a  été 
démontré  dans  le  Courrier  de  Vaugelas,  i'  année,  p.  155,  qu'il 
ne  faut  pas  de  que  ici);  —  i'...  une  expérience  nouvelle  des  plus 
intéressantes  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  S'  année,  p.  8i,  où  est 
expliqué  dans  quel  cas  il  n'est  pas  permis  d'employer  on  ne^eut 
plus  devant  un  adjectif);  —  5°...  condit  nouveau  vint  à  surgir 
(ce  qui  exprime  un  sens  bien  différent)  ;  —  6°...  le  cauchemar  de 
l'alliance  franco-russe  en  /irit  de  suite  ombrage;  —  7°...  quoi 
qu'en  aient  dit  nombre  de  journaux  (on  met  au  pluriel  le  verbe 
qui  a  pour  sujet  nombre  de);  —  8°...  ne  les  obtiennent  pas,  ce 
sera  leur  faute  (il  tant  supprimer  de);  —  9°. ..  sur  la  terre  que 
de  {pluldt  ne  doit  pas  ligurer  ici  puisqu'il  y  a  déjà  le  comparatif 
beaucoup  mieux);  —  10"...  sans  que  l'on  voie  (p:is  de  ne);  — 
ir  Quelques-uns  prétendent  (le  Courrier  de  Vaugelas,  3''  année, 
p.  50  explique  pourquoi  d'aucuns  ne  doit  pas  être  employé). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
utres  publications  contemporaines. 


aut 


!•  Moins  heureux  sur  nos  boulevard»,  deux  voleurs  «  au 
raton  »  se  sont  vus  arrêter  en  plein  midi,  c'est-à-dire  au 
moment  le  plus  fructueux  de  la  journée. 


2"  11  courut  à  la  tente  d'un  général,  ami  de  sa  famille, 
lui  demanda  de  quitter  ses  galons  et  de  s'engager  comme 
simple  .soldat,  à  seule  fin  de  se  battre  tout  de  suite. 

3°  Mais  que  la  disette  d'argent  continue  au  palais,  et 
alors  c'en  sera  fait  bientôt  du  père  de  la  Constitution. 

4°  Et  enfin  un  homme  sympathique,  le  comte  de  Xoé 
pour  VOf/iciel,  Cham  pour  le  reste  du  monde,  Cham  l'un 
des  hommes  qui  ait  dépensé  le  plus  d'esprit  depuis  un 
quart  de  siècle. 

5°  Les  Ouarouas,  qui  possèdent  des  esclaves,  préfèrent 
mourir  que  de  se  laisser  amener  en  captivité, 

6=  11  tomba  un  jour  sous  la  main  de  M.  Jules  Simon  la 
demande  d'un  malheureux  qui  était  au  bagne  depuis  1815. 
C'était  un  meurtrier,  et,  disait  son  dossier,  un  incorrigible 
révolté. 

7"  Pendant  trente-cinq  ans,  il  avait  été  noté  comme  insu- 
bordonné, comme  forçat  dangereux,  parce  qu'il  en  appelait 
de  la  justice  de  Blùcher  à  la  justice  des  Français. 

8'  Le  général  a  protesté,  notamment  contre  le  reproche 
que  font  les  républicains  au  gouvernement  du  tzar  d'être 
despotique  et  antilibéral  :  si  les  Polonais,  par  exemple, 
sont  persécutés,  c'est  de  leur  faute. 

9*  Au  Théâtre-Français,  reprise  de  Chatterton,  un  con- 
temporain, voire  même  un  cousin-germain  d'Antony. 

10°  L'Événement,  qui  crie  par  des.s'us  les  toits,  au  voleur  ! 
au  moindre  »  béquet  »  qu'on  lui  dérobe,  continue  à  déva- 
liser sans  pudeur  jusqu'aux  almanachs  les  plus  frustes. 
{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII»  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

[Suite.) 

De  la  ponctuation.  —  La  ponctuation  a  été  inventée 
pour  distinguer  les  diverses  parties  du  discours,  et 
pour  marquer  les  «  poses  »  qu'on  doit  faire  en  lisant, 
afin  de  ne  rien  confondre. 

11  y  a  quatre  distinctions  qui  servent  à  la  netteté  du 
discours,  la  virgule.,  les  deux-points,  le  point,  Ig  point 
et  la  virgule,  dont  Andry  indique  l'usage. 

Des  nccens.  —  On  met  un  accent  aigu  (I6S91  sur 
tous  les  e  qui  se  prononcent  comme  dans  les  mots 
bonté,  clarté,  fierté,  pourvu  qu'ils  ne  soient  pas  au 
pluriel  ;  car  alors  on  met  «  au  bout  »  un  ;  qui  tient  lieu 
d'accent,  comme  dans  les  hontez,  vous  sçavez.  On 
marque  encore  l'accent  aigu  dans  ces  mots  succès , 
procès,  excès,  etc. 

Ce  qui  fait  que  l'on  met  un  accent  grave  sur  voilà, 
c'est  que  ce  mot  est  un  composé  du  verbe  voir  et  de 
l'article  /«. 

L'accent  circonflexe  est  le  moins  usité  ;  il  y  en  a  qui 
s'en  servent  pour  suppléer  au  retranchement  des  s, 
écrivant,  par  exemple,  vôtre  au  lieu  de  vosire,  Evêque 
au  lieu  ù'Evesque;  mais  cette  manière  d'écrire  n'est  pas 
la  meilleure. 

De  quelques  autres  remarques  parliculicrcs.  — 
Quand  on  retranche  une  voyelle  à  la  fin  d'un  mot,  on 
marque  au-dessus   une  petite  virgule,  qui  s'appelle 


4  no 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


apostrophe,  comme  dans  ces  mots  grand'messe,  grand' 
mère. 

Cette  même  apostrophe  se  met  au  commencement 
des  mots,  lorsque  l'on  retranche  la  voyelle,  comme  dans 
rentrer,  r'awpner,  s'oublier,  l'/iomiiie,  parce  que  c'est 
comme  si  l'on  disait  reentrer,  reamener,  etc. 

h'i  se  supprime  dans«i  devant  le  pronom  //,•  on  dit 
s'il  vient,  pour  si  il  vient.  Autrefois,  la  même  ellipse 
avait  lieu  derant  toutes  les  voyelles;  on  disait  i'ow  pour 
si  on,  s'un  pour  si  un;  s'en  pour  si  en;  s'elle  pour  si 
elle. 

Des  mots  qui  doivent  commencer' par  une  grande 
lettre.  —  On  écrit  les  noms  propres  avec  une  capitale 
au  commencement,  et  Jésus-Christ,  lenom  du  Sauveur, 
tout  en  petites  capitales  :  c'est  un  signe  de  respect. 

Les  noms  qui  tiennent  lieu  de  noms  propres  doivent 
aussi  commencer  par  une  capitale  :  VAjmstre  pour 
saint  Paul;  le  Psalmiste  pour  David. 

Les  noms  des  arts  et  des  dignités  requièrent  égale- 
ment une  majuscule  :  Roy,  Astronomie,  etc. 

Des  pointes  ou  jeux  de  mots.  — Quoiqu'à  cette  époque 
(1689)  la  langue  soit  devenue  très-sérieuse,  il  y  a  encore 
des  prédicateurs  qui  font  des  jeux  de  mots  en  chaire; 
mais  à  qui  plaisent-ils?  Il  n'y  a  personne,  pour  peu 
qu'il  ait  du  bon  sens,  qui  ne  regarde  comme  une  pau- 
vreté cette  ridicule  pointe  du  P.  Caussin  :  «  les  hommes 
ont  bâty  la  Tour  de  Babel,  et  les  femmes  la  Tour  de 
Babil  ». 

Prés  du  Palais,  Prés  le  Palais.  —  Si  le  substantif 
qui  suit  près  est  précédé  de  l'article,  on  peut  mettre  prés 
ou  proche  sans  ajouter  la  particule  de  ;  exemple  : 
prés  le  Palais,  proche  la  maison;  mais  quand  il  n'y  a 
pas  d'article,  et  que  le  substantif  n'a  qu'une  syllabe 
ou  deux ,  il  faut  toujours  mettre  cette  préposition  : 
prés  de  luy,  proche  de  moy. 

Bemarrjues  sur  la  prononciation  de  quelques  mots.  — 
Les  Picards  et  les  Gascons  prononcent  brèves  la  plupart 
des  syllables  qu'on  doit  faire  longues  ;  par  exemple,  ils 
disent  nn  patlé,  de  la  patte,  battir,  pour  un  pastc,  de 
]a  paste,  l)aslir.  Ils  sont  encore  sujets  à  mal  prononcer 
les  finales  ;  ils  disent,  par  exemple,  succez  pour  succès, 
inèr  pour  mer,  fier  pour  fier,  cher  pour  cher. 

Les  monosyllabes  mes,  tes,  ses  et  quelques  autres 
semblables  se  prononcent  autrement  devant  les  voyelles 
que  devant  les  consonnes.  Devant  les  consonnes,  ils 
gardent  l'e  masculin,  et  l'on  prononce  }nés,  tés,  ses; 
mais  lorsqu'ils  sont  devant  des  voyelles,  ils  perdent  le 
masculin  pour  prendre  le  féminin,  et  Vs  qui  esl  à  la  fin 
prend  le  son  de  s,  et  se  lie  au  mot  suivant,  de  sorte 
qu'il  faut  prononcer  le  zhommes,  me  zamis,  se  zamis 
(1089). 

Il  est  bon  de  faire  sonner  un  peu  les  r,  cela  donne 
de  la  grâce  au  langage;  mais  il  faut  se  garder  d'imiter 
le  peuple  de  i'aris,  qui  prononce  mo»  prrre,  ma  merre, 
mon  frerre.  On  doit  un  peu  faire  entendre  Vr,  mais  il 
faut  que  ce  soit  d'une  manière  douce  cl  qui  n'ait  rien 
de  «  badaut  ». 

La  prononciation  des  syllabes  brèves  et  des  sylla- 
bes longues  est  l'écueil  non-seulement  des  étrangers. 


mais  encore  de  la  plupart  des  provinciaux,  et  particu- 
lièrement des  Normands,  des  Picards,  des  Lyonnais, 
des  Gascons  et  des  Provençaux.  Andry  a  examiné  ces 
syllabes  en  leur  faveur,  et  voici,  pour  nous,  ce  qu'il  a 
remarqué  de  plus  curieux  : 

La  syllabe  a  devant  v  est  longue  si  le  v  est  suivi  d'un 
e  féminin  ;  ainsi  l'on  prononce  yrdre,  cave,  hâve, 
concave,  brave,  entrave;  mais  s'il  est  suivi  d'un  e  mas- 
culin, il  est  bref  :  gravier, 'l'avoir,  graver. 

Devant  un  c,  la  voyelle  i  est  longue  dans  service, 
escrevice,  bénéfice  et  office  {(689). 

Lorsqu'un  (  est  devant  la  finale  vre,  il  est  long; 
ainsi  on  dit  vivre,  survivre,  livre,  cuivre,  ivre,   suivre. 

Il  faut  prononcer  nous  fesions,  je  fesois,  les  formes  du 
verbe  faire  écrites  nous  faisio7is,  je  faisois. 

Le  mot  payen  et  autres  mots  de  la  sorte  ne  doivent 
pas  se  prononcer  peyen,  reyon,  eyons  ;  il  faut  y  faire 
entendre  r«  et  dire  payen,  rayon,  ayons.  On  doit  cepen- 
dant prononcer  \'eye,  tu  eyes,  peyer,  peyons. 

Les  Gascons  disent  aboir  pour  avoir,  et  voire  pour 
tmire  ;  cette  prononciation  est  vicieuse,  mais  elle  a  son 
fondement  dans  l'antiquité  :  sur  les  vieux  marbres,  on 
trouve  encore  cibica  pour  civica,  base  pour  vase,  vene- 
ficium  pour  beneficium,  sibe  pour  sive,  et  dans  les  pan- 
dectés  de  Florence,  aveo  pour  habeo,  vohem  pour  bovem, 
vestias  pour  bestias  ;  et  même,  en  France,  on  disait 
autrefois  aveille  pour  abeille. 

En  prose,  passion  et  action  sont  de  deux  syllabes, 
mais  en  poésie,  ils  en  ont  trois;  fuir  n'a  qu'une  syllabe 
en  poésie;  les  mois  jouir,  réjouir,  ouïr,  fouir,  éblouir 
ontégalement  une  syllabe  de  plus  en  poésie  qu'en  prose. 

«  Au  regard  de  »  jV>  hais,  lu  liais,  il  hait,  il  faut  les 
prononcer  en  une  syllable,  bien  qu'ils  viennent  de 
hciir,  qui  en  a  deux. 

Tous  les  c  qui  sont  devant  la  syllable  ge  se  pronon- 
cent fermés  :  manège,  cortège,  collège,  etc.,  et  non 
ouverts  comme  chez  les  Lyonnais,  qui  disent  collaige, 
privilaige,  etc. 

Prophète  royal,  Roy  prophète.  Prophète  Roy.  —  La 
première  expression  n'est  plus  du  bel  usage-,  prophète 
roy  est  plus  usité,  mais  roy  prophète  paraît  le  meilleur 
des  trois. 

Quasi.  —  Il  y  a  des  gens  qui  en  veulent  à  ce  mot; 
mais  il  ne  laisse  pas  d'être  bon,  car  nos  meilleurs 
auteurs  s'en  servent. 

Quel  quantième.  —  Ménage  n'est  pas  à  imiter  quand 
il  recommande  dans  ses  Observations  de  ne  pas  dire 
quel  quantième,  mais  quantième  tout  seul  ;  car  il  est 
certain  qu'on  dit  aujourd'hui  quel  quantième  avons- 
nous?  quel  est  le  quantième. 

Qui,  Ce  qui.  —  Dans  cette  phrase  :  Pour  aimer  Dieu 
il  faut  se  mépriser  soy-mes)ne,  qui  esl  une  chose  fort 
(ll/firile  II  l'homme,  Andry  aimerait  mieux  ce  qui  est  ; 
mais  il  a  remarqué  que,  généralement,  nos  bons  au- 
tours parlent  ainsi. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  Rkdacteou-Géuant  :  Ema«  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


^5^ 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTERATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Les  Mariages  de  Paris;  par  Edmond  About.  Nou- 
velle édition.  In-18  Jésus,  hhô  p.  Paris,  lib.  Hachette  et 
Cie.  2  francs. 

Pendant  la  guerre,  poésies  ;  par  Eugène  Manuel. 
3'=  édition,  ln-18  jésus,  195  p.,  Paris,  lib.  Calmann  Lévy. 
3  fr.  50. 

Gerbe  de  l'âge  d'or,  poésies  ;  par  M.  P.  D.  de  Saint- 
Sylvestre.  In-S»,  128  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr.  50. 

Grammaire  pratique  d'idées  et  nouveau  cours 
lexicologique  de  langue  française.  Quatre  cents 
devoirs  écrits  et  oraux,  comprenant  des  exercices  de 
langage  et  d'Intelligence,  d'invention  et  de  raisonnement, 
d'orthographe  et  de  permutation,  etc.;  par  J.  \Virth, 
inspecteur  de  l'enseignement  primaire.  I.  Cours  élémen- 
taire pour  des  élèves  de  sept  à  neuf  ans.  Partie  du 
maître.  In-12,  185  p.  Paris,  lib.  Delagrave. 

Œuvres  complètes.  Histoire  de  Sibylle;  par  Oc- 
tave Feuillet,  de  l'Académie  française.  Nouvelle  édition. 
In-18  Jésus,  392  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  3  fr.  50. 

Histoire  nationale  des  naufrages  et  aventures  de 
mer;  par  Ch.  d'Héricault.  Période  contemporaine  (1800- 
1830).  3-  édition.  Iu-12,  xvm-388  p.  Paris,  lib.  Gaume 
et  Cie. 


Les  Causes  finales;  par  Paul  Janet,  membre  de 
l'Institut,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Paris. 
In-S",  752  p.  Paris,  lib.  Germer-Baillière  et  Cie,  10  fr. 

Le  Secret  du  chevalier  de  Médrane;  par  A.  Granier 
de  Cassagnac.  ln-18  jésus,  3/il  p.  Paris,  lib.  Dentu. 

Histoire  buissonniére;  par  Nadar.  ln-18  jésus,  202  p. 
Paris,  lib.  Decaux.  3  fr. 

Œuvres  complètes.  Le  Gant  perdu;  par  Henri 
Conscience.  Nouvelle  édition.  ln-18  jésus,  269  p.  Paris, 
lib.  Calmann  Lévy.  1  fr.  25  cent. 

Voyages  prodigieux.  TJn  drame  au  fond  de  la 
mer,  suivi  de  l'Histoire  de  trois  capsules;  par  Richard 
Cortambert.  Gr.  in-18,  312  p.  Paris,  lib.  Decaux.  3  fr. 
'Extraits  des  grands  philosophes;  par  Alfred  Fouil- 
lée, maître  de  conférences  à  l'école  normale  supérieure. 
ln-8'',  60i  p.  Paris,  lib.  Delagrave, 

Les  Filles  d'Eve;  par  .\rsène  Houssaye.  Nouvelle  édi- 
tion. ln-18  jésus,  280  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  3  fr. 
50  cent. 

Notes  sur  Paris.  Vie  et  opinions  de  M.  Frédéric- 
Thomas  Graindorge,  etc.;  recueillies  et  publiées  par 
H.  Taine,  son  exécuteur  testamentaire.  1"  édition.  ln-18 
jésus,  xi-347  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50  cent. 


Publications  antérieures  : 


A  TRAVERS  PARIS  INCONNU.  —  Par  P.-L.  Lmbert.  — 
Paris,  Georges  Decaux,  éditeur,  7,  rue  du  Croissant.  — 
3  fr.  50  cent. 

RAYMONDE.  —  Par  André  Theukiet.  —  Paris,  G.  Char- 
pentier, éditeur,  13,  rue  de  Grenelle-Saint-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


CENT  DICTÉES  GRADUÉES  sur  les  premières  règles  de 
la  Grammaire.  —  Par  M"«  Trecourt.  —  Paris,  librairie 
Truchy,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Prix  :  1  franc. 


CORNEILLE  INCONNU  —  Par  Jules  Levallois  —  Paris, 
librairie  académique  Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35, 
quai  des  Augustius  —  Prix  :  7  fr. 

LETTRES    SUR    LES    ÉTATS-UNIS    ET   LE    CANADA 

adressées  au  Journal  des  Débats  à  l'occasion  de  l'exposi- 
tion universelle  de  Philadelphie.  —  Par  M.  G.  deMolin.vri, 
membre  correspondant  de  l'Institut  —  Prix  :  3  fr.  50. 

CHEFS -D'OEUVRE  DE  PIERRE  CORNEILLE,  édition 
accompagnée  d'une  Vie  de  Corneille  et  de  Notices  histo- 
riques sur  ses  tragédies  —  Par  .M.  Emile  Chasles,  profes- 
seur de  faculté  —  Paris,  chez  Cli.  Delagrave  et  Cie, 
libraires-éditeurs,  78,  rue  des  Ecoles  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LITTERATURE  ET  HISTOIRE.  —  Par  E.  Littré,  de 
l'Institut  (Académie  française  et  Académie  des  Inscrip- 
tions). —  Deuxième  édition.  — Paris,  librairie  académique 
Didier  et  Cie,  libraires-éditeurs,  35,  quai  des  Augustins 
—  Prix  :  U  fr. 


LA  REFORME  EN  EUROPE  ET  LE  SALUT  EN  FRANCE 

—  LE    PROGRAMME    DES    UNIONS  DE    LA    PAIX  SOCIALE,  aVCC    Une 

Introduction  de  M.  H. -A.  Munro  Butler  Johnston,  membre 
de  la  Chambre  des  communes  d'Angleterre.  —  Par  M.  F. 
Le  Play,  ancien  conseiller  d'Etat,  ancien  sénateur  -— 
Paris,  Dentu,  libraire,  Palais-Royal,  19,  galerie  d'Orléans. 


COM.ME  NOUS  SOMMES  —  Notes  et  opinions  —  Paris, 
librairie  des  Bibliophiles,  338,  rue  Saint-Honoré  —  Par 
Louis  Dépret  —  Prix  :  3  fr.  50. 


LA  JEUNE  FILLE  ;  lettres  d'un  ami.  —  Par  Charles  Rozan. 
—  Un  vol.  format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Cl.^ye, 
avec  fleurons,  lettres  ornées  et  culs-de-lampe—  Paris, 
P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine  —  Prix  : 
3  fr.  50  cent.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  :  5  fr. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Martin  ,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  GRANDS  HOM.MES  DE  LA  FRANCE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Goepp,  chef  de  bureau 
au  .Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 
NOURY  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duguay-Trouin,  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  A  fr. 


^32  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


HI  STOIRE 

DE    LA 

LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

Par  DÉSIRÉ  NISARD,  membre  de  l'Académie  française. 

Cette  nouvelle  édition,  complètement  revue  par  l'auteur,  forme  une  véritable  bibliothèque  historique  et  littéraire, 
où  sont  conservés  les  plus  précieux  trésors  de  notre  langue. 

Le  tome  P"'  est  une  introduction  à  l'histoire  de  la  littérature  française;  —  le  tome  II  contient  l'histoire  de  cette 
littérature  depuis  l'époque  de  la  Renaissance  jusqu'aux  premières  années  du  seizième  siècle;  —  le  tome  III  traite 
des  premiers  modèles  de  l'art  d'écrire  en  prose  et  en  vers  et  de  l'influence,  soit  de  certaines  institutions,  soit  du 
.gouvernement  et  de  la  royauté  sur  la  littérature  du  dix-septième  siècle; —  le  tome  IV  embrasse  le  dix-huitième  tout 
entier,  et  se  termine  par  une  appréciation  générale  des  principales  richesses  littéraires  de  notre  époque. 


SIXIÈME  ÉDITION,  QUI  VIENT  DE  PARAITRE. 
Quatre  volumes  :  format  in-IS  jésus,  \H  fr.;  —  format  in-8°,  30  fr. 
A  Paris,  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  fils  el  Cie,  56,  rue  Jacob. 


CONCOURS  LITTERAIRES. 


Société  florimontane  d'annecy.  —  Concours  de  Poésie.  —  Le  prix  de  600  fr.  fondé  par  le  docteur  Andrevetan  sera 
décerné  en  1877.  —  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux  concurrents.  Le  nombre  minimum  des  vers  pré- 
sentés par  le  même  auteur  est  fixé  à  cent.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  travaux  sont  inédits 
et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Les  concurrents  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus  :  les 
envoi*  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de 
l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux  archives  de  la  Société  ;  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie.  -^ 
Les  Français  et  les  Etrangers  membres  de  la  Société  Florimontane  sont  seuls  admis  à  concourir.  —  Les  travaux 
devront  parvenir  franco  à  M.  Louis  Revon,  secrétaire  de  la  Société,  avant  le  \<"-  juillet  1877. 

Le  dix-huitième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  \"  juin  1877.  —  Dix-sept  médailles 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carrance, 
président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 

L\  SOCIÉTÉ  NATIONALE  d'éducation  DE  LvON  dcstinc,  pour  1877,  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  siar  ce 
sujet  :  Jusqu'à  quel  point  l'étude  des  théories  et  des  définitions  grammaticales  est-elle  nécessaire  dans  l'enseignement 
primaire  pour  apprendre  la  langue  et  l'orthographe'^  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1878  sous  le 
nom  de  Prix  de  la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  l^--  novembre  prochain,  à 
M.  Palud,  libraire,  Zi,  rue  de  la  Bourse.  —  Pour  plus  amples  renseignements  s'adresser  à  M.  J.-B.  Mathey,  secrétaire 
général  de  la  Société.  ^ 

Société  archéùlogique,  scientifique  et  littéraire  de  Béziers.  —  Concours  pour  l'année  1877.  —  Dans  la  séance 
solennelle  qu'elle  tiendra  le  Jeudi  de  l'Ascension,  10  mai  1877,  cette  Société  décernera  un  rameau  de  chêne  en 
argent  à  la  meilleure  pièce  de  vers  français.  —  Les  sujets  politiques  sont  exclus  du  Concours.  —Les  pièces  destinées 
au  Concours  ne  seront  pas  signées.  Elles  devront  être  lisiblement  écrites,  et  adressées  en  double  copie  et  franches 
de  port,  avant  le  1"  avril  prochain,  terme  de  rigueur,  à  M.  le  Secrétaire  de  la  Société.  Chacune  portera  une  épi- 
graphe qui  sera  répétée  sur  un  billet  cacheté,  renfermant,  avec  le  nom,  la  profession  et  le  domicile  de  l'auteur,  la 
déclaration  qu'elle  est  inédite  et  qu'elle  n'a  pas  été  présentée  k  d'autres  Sociétés.  —Les  pièces  envoyées  au  Concours 
ne  seront  pas  rendues. 


RENSEIGNEMENTS 
A  l'usage  des  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à,  l'étranger. 

AGENCES    auxquelles    ON    PEUT    s'aDRESSER   : 

A  Paris  :  M.  Pelletier,  19,  rue  de  l'Odéon;  —  Mme  veuve  Simonnot,  33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin;  — 
A  Londres  ;  M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W.;  —  MM.  Griffiths  et  Smith,  22,  Henrietta  street,  Covent-Garden, 
W.  C.  ;  —  Le  Collège  of  preceptors,  Queen's  Square;  —  A  Liverpool  :  M.  le  prof.  Ilusson,  Queen's  Collège;  —  A ISew- 
VoRK  :  M.  Schermerhorn,  630,  Broom  Street. 

Journaux  dans  lesquels  on  peut  faire  des  annonces  : 
V American  Remisier,  destiné  aux  Américains  voyageant  en  Europe;  —  le  GalignaAi's  Messenger,  reçu  par  nombre 
d'Anglais  qui  habitent  en  France;  —  le  Wekkcr.  connu  par  toute  la  Hollande;  —  le  Journal  de  Saint-Pétersbourg,  très- 
répandu  en  Russie;  —  le  Times,  lu  dansje  monde  entier. 

(M.  Hartvvick,  390,  rue  St-Honoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 

M.  Eman  Martin,  Ilodaclciir  du  CoiiiiiUKii  ue  Vaugelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cim/  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUl'ELEV  à  Nogent-le-Rotrou. 


7°  Année. 


N"  20. 


15  Mars  1877 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    I"  et   le   IS    de   ehaane  mota 


(Dans  sa  séance  du  \i  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publicalion.) 


PRIX  : 
Par   an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN      PROFESSEUK     SPÉCIAI.     POUR     LES      ÉTRANGERS 

Officier  de  l'inslriiclion  publique 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


SOMMAIRE. 

Communication  sur  Acheter  chat  en  poche;  —  Etymologie  de 
Cauchemar:  —  S  il  faut  dire  Pain  enchanté,  ou  Paiti  à 
chanter  :  — .  S'il  est  français  de  dire  Fréquenter  où;  —  Lequel 
vaut  le  mieux  <le  Cuir  de  Roussi,  ou  de  Cuir  de  Russie;  — 
Prononciation  de  Cyclone.  ||  Origine  de  Comme  le  chien  du 
jardinier;  —  Emploi  et  orthograpbe  de  l'adjectif  Feu;  —  Ce 
que  veut  dire  et  d'où  vient  l'expressinn  Montrer  patte  blanche. 
Il  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biographie  de 
Nicolas  Andry.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de  littérature. 
Il  Concours  littéraires.  ||  Renseignements  offerts  aux  Étran- 
gers. 


FRANCE 

COMMUNICATION. 

Je  viens  de  recevoir  la  lettre  suivante  au  sujet  de 
l'origine  de  Acheter  chat  en  poche,  que  j'ai  donnée 
dans  mon  numéro  18  : 

frontignan,  le  25  février  1877. 
Monsieur  le  Bédacteur, 

Permettez-moi  de  vous  faire  remarquer  que,  dans  le 
proverbe  latin  emere  in  sacco  catulum,  que  nous  traduisons 
par  acheter  chat  en  poche,  il  n'est  nullement  question  de 
chat.  Un  proverbe  de  ce  genre  ne  dérive  guère  que  d'un 
usage;  et  le  chat  n'a  jamais  été  nulle  part  une  denrée 
offerte  au  marché. 

Le  mot  latin  catulus  signifie  avant  tout  petit  chien.  Il 
signifie  aussi  petit  de  toutes  sortes  d'animaux,  mais  plus 
particulièrement  petit  pourceau.  Voilà  une  denrée  qui  abon- 
dait sur  les  marchés  des  Romains,  comme  elle  abonde 
encore  sur  les  nôtres.  C'est  elle  que  désigne  plus  particu- 
lièrement le  proverbe  latin,  dans  son  sens  primitif. 

C'est  donc  avec  raison  que  les  Anglais  traduismt  a  pig 
in  a  pake,  un  pourceau  en  sac.  C'est  donc  leur  traduction 
qui  est  la  vraie. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  Rédacteur,  l'assurance  de 
tout  mon  dévouement. 

Votre  abonné, 
A.  A. 

Je  crois  que  cette  lettre  contient  la  véritable  explication 
du  proverbe.  Le  chai  n'étant  pas  une  denrée  qui  se  soit 
jamais  vendue  au  marché  (je  n'avais  pas  pu  m'assurer 


de  ce  fait  quand  j'ai  donné  ma  solution),  il  faut  que  le 
mot  chai  y  désigne  autre  chose  qu'un  individu  de  la 
race  féline:  emere  in  sacco  catulum  prouve  que  ce  mot 
vient  de  catulus,  qui  se  disait,  en  effet,  pour  le  petit 
d'un  animal  en  général,  souvent  pour  un  petit  chien, 
et  plus  souvent  pour  un  pelit  porc,  ce  que  mellenl  en 
évidence  plusieurs  citations  du  Dictionnaire  de  Freund 
(trad.  N.  Theil),  que  je  viens  de  consulter. 

Dans  la  6'=  année  du  Courrier  de  Vaugelns,  p.  ^7^, 
j'ai  fait  voir  que  nous  avions  tiré  de  ce  vocable  le  chat 
qui  se  trouve  dans  mon  petit  chat,  terme  de  tendresse 
signifiant  mou  petit  chien;  grâce  à  mon  savant 
abonné  de  Frontignan,  que  je  m'empresse  de  remercier 
de  son  excellente  communication,  il  est  dorénavant 
acquis  à  la  science  de  la  langue  française  que,  dans  le 
proverbe  acheter  chat  en  poche,  nous  avons  aussi  pour 
chat  l'acception  de  pig  en  anglais. 

X 
Première  Question. 
S'il  rous  était  possible  de  donner  dans  votre  journal 

l'éti/wologie    du   substantif  Caccuemar,  je  crois   que 
vos  lecteurs  ne  la  liraient  pas  sans  plaisir. 

La  sensation  pénible  à  laquelle  nous  donnons  le  nom 
de  f«Mf/ie»i«r  étant  désignée  en  anglais  par  night-mare, 
il  me  parait  évident  que  le  mot  cauchemar  est  composé 
de  cauche  et  de  mar. 

Voyons  d'abord  d'où  vient  ce  dernier. 

Dans  la  mythologie  des  anciens  Scandinaves,  Mâra 
était  le  nom  d'une  divinité  subalterne,  d'un  esprit  mal- 
faisant, d'un  lutin  qui  se  plaisait  à  tourmenter  les 
humains  pendant  leur  sommeil. 

D'après  Wachter,  nacht-mahr  est  le  nom  que  donne 
le  vulgaire  allemand  à  un  spectre  de  nuit. 

Johnson,  auteur  d'un  grand  dictionnaire  anglais  qui 
porte  son  nom,  fait  venir  aussi  night-mare  de  Mara, 
nom  d'un  mauvais  génie. 

Celte  déesse  Mara  a  servi  à  nommer  en  suédois  une 
maladie  dans  laquelle  les  cheveux  sont  mêlés  et  comme 


154 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


feutrés  ;  c'est  le  marlock,  en  basse  Allemagne  tna/ir- 
klatte,  en  flamand  marenvlhht,  ce  qui  veut  dire  cheve- 
lure tressée,  bouclée  par  la  Mara. 

En  Hollande,  le  gui  s'appelle  la  marentakken,  parce 
que  cette  plante  parasite,  dont  la  croissance  est  si 
singulière,  a  toujours  été  en  possession  de  passer  pour 
douée  de  propriétés  surnaturelles. 

Or,  on  trouve  mare^  avec  le  double  sens  d'oppression 
nocturne  et  de  mauvais  génie  qui  cause  cette  oppres- 
sion, dans  les  dictionnaires  islandais,  suio-gothique, 
anglo-saxon,  danois,  hollandais,  et  les  dictionnaires 
allemands  le  donnent  comme  particulier  à  l'Allemagne 
septentrionale;  mais,  dans  le  nord-ouest  et  dans  l'ouest 
de  l'Europe,  où  se  parlent  les  langues  nommées  cel- 
tiques, on  ne  trouve  aucun  terme  qui  ressemble  à 
cauchemar. 

D'où  je  conclus,  avec  M.  le  baron  Cocquebert-Monlbret, 
auteur  de  l'article  où  je  puise  mes  renseignements 
[Coll.  de  la  Soc.  des  Antiq.  de  France,  vol.  i,  p.  293), 
que  mar  a  dû  être  apporté  dans  le  nord  de  la  France 
par  les  Normands,  comme  il  l'a  été  en  Angleterre  par 
les  Anglo-Saxons. 

Quant  à  candie,  beaucoup  d'auteurs  ont  prétendu 
que  ce  n'était  rien  autre  que  le  latin  calcans.  Voyant 
dans  7)iar  le  nom  tnare,  que  la  jument  porte  en  anglais, 
ils  ont  traduit  cauchemar  par  ec/ua  calcans,  jument 
foulante;  mais,  outre  qu'il  n'est  pas  très-naturel  de  se 
représenter  une  jumentayantlespieds  sur  la  poitrined'un 
homme,  on  se  demande  pourquoi  ce  terme  hybride 
composé  de  parties  aussi  hétérogènes  que  le  latin  et 
l'allemand. 

Voici,  je  crois,  la  véritable  origine  du  mot  en  question: 

Quelschen.  qu'on  prononce  à  peu  près  couetche,  est 
un  verbe  allemand  dont  le  sens  zs'ipresser  cxtrêmeynent, 
écraser;  rien  n'empêche  qu'on  n'ait  dit  en  allemand 
couelche-mare,  pour  signifier  l'oppression  causée  par 
la  Mara,  et  il  est  facile  de  concevoir  que,  dans  la  bouche 
des  Français,  le  mot  se  soit  changé  en  couche-mare, 
puis  en  cauche-mare,  et  enfin  en  cauchemar. 

Peut-être  objectera-t-on  à  cette  étymologie  que  la 
langue  allemande  n'était  pas  celle  des  anciens  Nor- 
mands. Mais  on  peut  substituer  le  verbe  anglais  quasch  et 
jilusieurs  autres  semblables  appartenant  aux  langues  de 
la  Scandinavie,  ce  qui  ôte  à  l'objeclion  toute  sa  valeur. 

Ainsi  cauchemar  serait  formé  de  cauche,  corruption 
d'un  verbe  des  langues  du  Nord,  ayant  le  sens  de 
presser,  fouler,  et  de  mara,  qui  désigne  le  malin  génie 
auquel  les  ancêtres  des  peuples  parlant  ces  langues 
attribuaient  l'oppression  que  l'on  ressent  quelquefois 
pendant  le  sommeil. 

X 
Seconde  Question. 

J'aurais  (jrand  plaisir  à  lire  dans  un  de  vos  pro- 
chains numéros  si  l'on  doit  employer  l'expression  P.ii\ 
A  ciiANTEK  ou  l'AiN  ENCiiAiSTE,  cn  parlant  du  pain  qui  sert 
d  hostie  dans  le  sacrifice  de  la  messe. 

Voltaire  a  employé  pain  enchanté  dans  ce  passage 
des  Lettres  en  vers  et  en  prose,  p.  137  : 


Madame  d'Argental,  qui  est  l'adresse  même,  coupera  le 
papier  avec  ses  petits  ciseaux,  et  le  collera  bien  propre- 
ment à  sa  place,  avec  quatre  petits  pains  qu'on  nomme 
enchantés;  vous  savez,  par  parenthèse,  pourquoi  on  leur 
a  donné  ce  drôle  de  nom? 

Beaucoup  de  personnes  de  nos  jours  disent  encore  de 
la  même  manière;  mais-ici  Voltaire  et  ceux  qui  l'imitent 
sont  dans  la  plus  complète  erreur  ;  on  doit  dire  à 
chanter,  qui  s'appliquait  autrefois  au  pain,  à  l'eau  et 
au  vin  employés  pour  dire  la  messe ,  comme  le  dé- 
montrent sans  réplique  les  citations  suivantes  : 

1422.  ij  burett's  d'or,  à  mettre  le  vin  et  Veaue  à  chanter 
à  la  chapelle  du  roy  nostre  sire. 

(Delaborde,  Not.  des  Emaux,  II»  part.  p.  iTgJ 

1328.  Une  boueste  d'yvoire  à  mettre  pain  à  chanter,  gar- 
nie d'argent.  (Inv.  de  la  royne). 

(Idem,  p.  4a6.) 

Pour  faire  un  baignet,  il  faut  deux  grands  pains  à 
chanter. 

(Soupers  de  la  Cour,  IV,  p.  jo,   l^SS.) 

Quant  à  l'explication  de  cette  locution,  elle  est  facile 
à  donner  ;  c'est  le  résultat  de  l'ellipse  des  mots  messe 
ou  en  citer;  car  on  a  dit  d'abord  pain  à  chanter  inesse, 
à  chanter  en  cuer,  comme  le  font  voir  ces  autres  cita- 
tions : 

1422.  Une  boiste  d'or  à  six  quarrés,  à  mettre  pain  à  chan- 
ter messe,  où  est  la  Passion  entaillée,  etc.  (Comptes  royaux). 

(Delaborde,  Not.  des  Emaux,  II*  part.,  p.  426-I 

1379.  Pour  pain  à  chanter  en  cuer  (Comptes  de  l'église  de 
Troyes). 

(Idem.) 

Les  quarante  sous  de  parisis  que  me  dame  Béatrice  me 
taie  [ma  tante]  donna  pour  Diu  en  aumosne  à  l'église 
Clermaresch  pour  vin  et  oistes  [hosties]  à  chanter  messe. 

(Tailliar,  Recueil  d'acles,  p.  3o8.  )  , 

Tout  récemment,  il  a  été  question  dans  le  journal  le 
Times  de  l'étymologie  de  singing  cake,  expression  par 
laquelle  on  désignait  autrefois  en  anglais  le  pain  d'au- 
tel, appelé  actuellement  dans  cette  langue  ivafer, 
gaufre.  Si  la  personne  qui  a  émis  l'opinion  que  singing 
est  ici  une  corruption  du  latin  siynum  lit  la  solution 
que  je  viens  de  donner,  j'ai  lieu  d'espérer  qu'elle  y 
trouvera  la  preuve  que  singing  n'est  nullement  ce 
qu'elle  pense,  mais  bien  tout  simplement  le  participe 
présent  du  verbe  to  sing. 

X 
Troisième  Question. 

Boileau  a  dit  dans  son  Art  poétique  [oh.  Il, 
rcrs  174)  :  «  Heureux  si  ses  discours,  craints  du  chaste 
lecteur,  Ne  se  .'tentaient  deslieuxOM  frécjuentait  l  auteur  .y 
Oc  est  adverbe  de  lieu;  cependant  il  me  choque  ici 
l'oreille.  QiE  serait,  me  semble-t-il,  plus  approprié  à 
notre  manière  d'écrire  actuelle.  Ai-je  tort  ? 

Cette  construction  est  bonne. 

En  effet,  quand  le  verbe  fréquenter  a  pour  régime 
un  nom  de  lieu,  il  peut  se  construire  avec  à  (qui  signi- 
fie alors  dans],  et  avec  chez  (qui  signifie  à  la  maison 
de),  ce  que  prouvent  ces  exemples  : 

Il  fréquentoit  au  logis  de  l'intimé. 

(Patru,  Plaidoyer  11,,  dans  Eichelet.) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


153 


Sans  doute,  et  je  le  vois  qui  fréquente  chez  nous. 

(Molière,  Fenu  s<^v.,  II,    i  J 

Si  tout  ce  qu'on  dit  est  vrai,  vous  me  feriez  plaisir  de 
ne  plus  fréquenter  chez  nous. 

(Voltaire,  Ecoss.,  IV,   i.) 

Or,  l'adverbe  où  s'est  emplové  el  s'emploie  encore 
dans  notre  langue  pour  signifier  auquel,  â  laqnelle, 
dans  lequel,  dans  laquelle,  etc.,  ainsi  qu'on  le  voit  par 
ce  qui  suit  : 

Et  l'herbe  du  rivage  où  ses  larmes  touchèrent, 
Perdit  toutes  ses  fleurs. 

(Malherbe,  V,  ai.) 

Ayez,  je  vous  prie,  agréable 
De  venir  honorer  la  table 
Où  vous  a  Sosie  invités. 

(Molière,  Amphitr.  III,  5.) 

Ma  foi,  me  trouvant  las,  pour  ne  pouvoir  fournir 
Aux  différents  emplois  où  Jupiter  m'engage... 

(Idem,  Prol,  d'Ampft.) 

Par  conséquent,  tout  en  reconnaissant  avec  vous  que 
fréquenter,  dans  le  sens  d'aller  souvent  quelque  part, 
s'emploie  piulût  aujourd'hui  comme  verbe  aclif  que 
comme  verbe  neutre,  je  n'en  conclus  pas  moins  que 
Boileau  a  parfaitement  pu  dire  : 

Ne  se  sentoieni  des  lieux  où  fréquentoil  l'auteur, 
ainsi  que,  du  reste,  Buffon  a  dit  plus  tard  dans  son 
Histoire  naturelle,  à  l'article  Cochon  : 

Il  est  assez  facile  de  surprendre  le  sanglier  dans  les  blés 
et  dans  les  avoines  où  il  fre'quente  toutes  les  nuits. 

X 
Quatrième  Question. 
J'ai  entendu  des  personnes  qui  disaient  du  Cuir  de 
Hocssi,   d'autres,  du  CiiR  de  Rlssie.  Laquelle  de  ces 
deux  expressions  est  la  bonne  ?  Vous  m'obligeriez  beau- 
coup en  résolvant  celte  difficulté  dans  votre  journal. 

Au  xTii'  siècle,  on  disait  cuir  de  roussi,  et  par  abré- 
viation roussi  ;  en  voici  la  preuve  :  ■ 

Je  verrois  le  roturier  Adonis  à  la  faveur  de  son  teint  de 
lait  et  de  son  carrosse  en  cuir  de  Roussy  se  faux-filer  parmi 
'  les  pelits-maitres. 

[Ghérardi,  vol.  111,  p.  414.) 

Ses  souliers  estoient  si  couverts  de  rubans  qu'il  ne  m'est 
pas  possible  de  vous  dire  s'ils  estoient  de  roussi,  de  vache 
d'Angleterre  ou  de  maroquin. 

{Récita  en  prose  et  en  vers  de  la  Jnrce  des  Prêcintses  ) 

Les  Phrygiens  vinrent  aussi 
En  grosses  bottes  de  roussi 

[Scarron,  Virg.,  IV.) 

Or,  comme  le  cuir  en  question,  qui  est  teint  en  rouge 

ou  en  brun,  se  lire  de  Russie,  il  faut  en  conclure  que 

cuir  de  Russie  est  la  seule  correcte  des  deux  expressions, 

et  qu'en  conséquence,  elle  doit  être  préférée  à  l'autre. 

X 

Cinquicnie  Question. 

Je  vois  bien  par  la  lettre  que  M.  LillrJ  a  écrite  au 

journal  /'Evénement,  au  mois  de  mai  dernier,  que  le 

mot  CïCLONE  est  généralement  fait  du  genre  masculin; 

mais  comment  faut-il  le  prononcer  ?  Est-c  cïci.ô.ne,  ou 

cïclôîie'?  Je  vous  prierais  de  vouloir  bien  me  l'apprendre. 


Plusieurs  personnes  prononcent  le  mot  en  question 
en  y  faisant  entendre  l'o  bref  et  aigu.  3Iaisje  crois 
que  si  l'on  veut  bien  considérer  que  zone  et  cône,  par 
exemple,  qui  viennent  de  ^wvy]  el  de  xtovo;,  se  pronon- 
cent avec  un  o  grave  el  long,  on  sera  facilement  amené 
à  la  conviction  que  cyclone,  qui  vient  de  ■/.•j-/.A(o;j.a,  mot 
ayant  aussi  un  oméga  pour  lettre  antépénultième,  doit 
faire  entendre  o  comme  s'il  portait  un  accent  circonflexe. 

ÉTRANGER 

Première  Question. 

Dans  la  Princesse  d'Ei.ide  [acte  IV,  se.  6),  Molière 
fait  dire  à  Moron  :  «  C'est  faire  justement  oo.mme  le 
cuiFX  DC  jardinier.  »  Que  faut-il  entendre  par  là,  et 
quelle  est  l'origine  de  cette  locution  proverbiale  ? 

Il  y  a  là  des  mots  de  supprimés  ;  celle  phrase  s'énonce 
ordinairement  comme  il  suit,  lorsqu'on  la  donne  au 
complet  : 

C'est  faire  comme  le  chien  du  jardinier,  qui  ne  mange 
point  de  choux,  et  ne  veut  pas  que  les  autres  en  mangent. 

L'explication  du  sens  se  trouve,  comme  vous  voyez, 
dans  la  seconde  partie,  que  l'on  sous-enlend  presque 
toujours  à  cause  de  sa  longueur. 

On  emploie  celte  phrase  au  figuré  pour  reprocher  à 
une  personne  de  ne  vouloir  pas  permettre  aux  autres 
de  faire  usage  d'une  chose  parce  qu'elle  ne  veut  pas,  ou 
ne  peut  pas  en  faire  usage  elle-même. 

Voilà  pour  la  signification  et  l'emploi  du  proverbe; 
voyons  maintenant  d'où  il  peut  venir. 

Le  Dictionnaire  anglais  et  français  de  Fleming  et 
Tibbins  dil  que  celle  comparaison  est  une  allusion  «  au 
chien  de  la  fable  »,  el,  comme  ladite  comparaison  se 
trouve  dans  les  Curiositez  françaises  d'.\ntoine  Oudin, 
il  est  certtiin  que  son  origine,  qu'elle  suit  française  ou 
étrangère,  doit  remonter  au-delà  de  1653,  époque  où 
mourut  l'auteur  dudil  ouvrage. 

Celle  origine  est-elle  française  ? 

Je  ne  le  crois  pas  ;  car  jusqu'à  la  date  que  je  viens 
d'indiquer,  c'est-à-dire  dans  Marie  de  Francevxiii'' siècle), 
dans  Gilles  Gorrozet,  qui  a  donné,  en  <378,  une  tra- 
duction des  fables  d'Esope,  dans  le  Théâtre  des  /l/;;- 
Mflwx  (iOie),  j'ai  toujours  vu  la  fable  du  chien  qui  ne 
veut  pas  souffrir  un  plaisir  qu'il  ne  peut  goîiler  lui- 
même  intitulée  d'une  autre  manière. 

A  ma  connaissance,  il  y  a  trois  langues  parlées  au- 
tour de  nous  qui  ont  le  proverbe  dont  il  s'agit,  lequel, 
très-probablement,  leur  a  été  inspiré  par  le  Chien 
envieux  d'Esope  : 

L'anglais,  qui  dil  :  To  platj  the  dog  in  t/ie  manger 
(faire  comme  le  chien  qui  est  dans  la  mangeoire!  ; 

L'italien,  qui  l'énonce  ainsi  :  Far  corne  il  can  dell 
ortolano,  che  non  mangia  la  lattuga,  e  non  lu  lascia 
mangiar  agli  ait  ri  (faire  comme  le  chien  du  jardinier 
qui  ne  mange  pas  de  laitue,  el  qui  ne  permet  pas  aux 
autres  d'en  manger)  ; 


<56 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Enfin  l'espagnol,  qui  dit,  lui  :  Hacer  como  el  peiro 
del  hortelano,  qve  ni  corne  la  brrza  ni  la  déjà  corner 
(faire  comme  le  chien  du  jardinier  qui  ne  mange  pas 
de  clioux,  et  n'en  laisse  pas  manger). 

Or,  comme,  en  anglais,  ce  proverbe  ne  parle  pas  de 
jardinier;  que  s'il  en  parle  en  italien,  il  dit,  dans  la 
seconde  partie,  laitue  quand  nous  disons  choux;  et 
que  c'est  seulement  en  espagnol  que  sa  teneur  est  exac- 
tement la  même  qu'en  français,  J'en  conclus  que,  n'é- 
tant pas  né  chez  nous,  il  a  dû  nous  venir  d'au-delà  des 
Pyrénées. 

Du  reste,  attendu  que  la  langue  castillane  possédait, 
au  moins  depuis  Lope  de  Véga,  la  comparaison  qui  nous 
occupe,  puisque,  parmi  les  nombreuses  comédies  de 
ce  célèbre  poëte,  il  s'en  trouve  une  intitulée  El  perro 
del  hortelano ,  il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  que  cette 
comparaison  ait  passé  en  français  à  l'époque  où,  grâce 
au  mariage  de  Louis  XIII  avec  Anne  d'Autriche  (1015), 
la  France  subit  l'influence  du  goût  et  de  la  littérature  de 
l'Espagne. 

X 
Seconde   Question. 

Je  vous  serais  très-obligé  de  m'expliquer  tout  ce  quil 
faut  savoir  pour  bien  se  servir  de  l'adjectif  te\3\  j'é- 
prouve toujours  quelque  embarras  quand  je  dois  em- 
ployer ce  mot-là. 

L'adjectif  feu  diffère  de  construction  avec  son  syno- 
nyme défunt  :  ce  dernier  se  met  toujours  après  le 
substantif  ou  le  verbe,  tandis  que  feu  se  place,  tou- 
jours avant  le  substantif,  commun  ou  propre. 

Quant  à  son  orthographe,  en  voici  les  règles  bizarres  : 
Cet  adjectif  varie  lorsqu'il  se  trouve  placé  entre  le 
substantif  et  l'article  défini,   ou    l'adjectif  possessif, 
comme  on  le  voit  dans  ces  exemples  : 

Une  devise  qui  est  peinte  au  Louvre  dans  l'antichambre 
de  la  feue  reine  mère  Anne  d'Autriche. 

(Bouhoufs,  Enlr.  des  devises^  p.  287. 1 

Votre  feue  mère  était  beaucoup  moins  indulgente  que 
votre  tante. 

(Poiterin,  Cours  théo,  delang.  franc.) 

11  est  correct  de  dire  :  les  feus  mis  de  Prusse  et  d'Angle- 
terre. 

(Littré,  Dictwnn.) 

Mais,  quand  il  précède  l'article  défini  ou  l'adjectif 
possessif,  et  aussi  quand  le  substantif  n'est  accompagné 
d'aucun  de  ces  déterminatifs,  il  reste  invariable  : 

J'ai  ouï  dire  à  feu  ma  sœur  que  sa  fille  et  moi  naquîmes 
la  même  année. 

(Montesquieu,  Lell.  pers.  5i.) 

Et  l'on  dit  qu'autrefois  feu  Bi'tise,  sa  mère, 

Dont  tout  Tempe  croyoit  que  Mopse  étoit  le  père.., 

(Molière,  .Vclifcrtc,  acte  II,  se.  7.) 

Vous  (Miez,  Madame,  aussi  bien  que  feu  madame  la  prin- 
cesse de  Conti,  à  la  tète  de  ceux  qui  se  flattaient  de  cette 
espérance. 

(Vû)lairc,  Ep'ttre  à  la  duch,  du  Maine.) 

Enfin,  relativement  à  son  emploi,  il  importe  de 
savoir  les  deux  choses  suivantes  : 


1°  Qu'il  n'est  pas  indifférent  de  le  placer  avant  ou 
après  l'article  quand  le  substantif  est  accompagné  de 
cette  espèce  de  mot;  en  efi'et,  lorsqu'on  parle  d'un  fonc- 
tionnaire qui  vient  de  mourir,  on  met  feu  avant  l'article 
[feu  le...]  tant  que  ce  fonctionnaire  n'a  pas  été  remplacé 
par  un  autre;  mais_ lorsqu'il  lui  a  été  donné  un  succes- 
seur, on  le  désigne  en  mettant  feu  après  l'article 
(le  feu...),  de  sorte  que  le  feu  pape,  par  exemple,  signifie 
le  pape  qui  a  précédé  immédiatement  le  pape  actuel. 

2"  Que  l'adjectif  feu  se  dit  seulement  des  personnes 
que  nous  avons  vues  ou  que  nous  aurions  pu  voir  ;  ainsi 
on  ne  dit  pas  feu  Platon,  feu  Boileau,  si  ce  n'est  en 
plaisantant  ou  en  style  burlesque. 

Ce  n'est  guère  qu'après  le  xvi»  siècle  qu'il  a  été  établi 
des  cas  d'invariabilité  pour  l'adjectif /'e;*  ;  auparavant, 
il  s'accordait  toujours  : 

Les  biens  de  feuwe  Maroie  de  l\ansart,  laqueUe  trespassa 
ou  dit  hospital. 

(Compte  de  l36o,  cité  par  Roquefort. 1 

Eu  esgard  mesmement  à  son  contracl  de  mariage  et  tes- 
tament de  feue  sa  femme. 

(Pasquier,  Cech.  VI,  11  ) 

Feue  de  très  recommandable  mémoire  madame  l'arctii- 
duchesse  d'Autriche. 

(CéTémonial  de  France,  p.  336,  éd.  in-^".) 

Pourquoi  les  grammairiens  n'ont-ils  pas  eu  la  sa- 
gesse de  conserver  ce  principe  qui  s'appliquait  à  la  plu- 
part des  autres  adjectifs?  Ils  eussent  épargné  plus 
d'un  ennui  à  ceux  qui  éluJient  notre  langue. 

X 

Troisième  Question. 

Je  rencontre  cette  phrase  dans  un  journal  français  : 
«  On  ne  pénètre  que  très-difficilement  près  d'eux,  et 
après  AVOIR  montré  patte  blaxche.  »  Que  signifie  cette 
expression,  que  je  ne  trouve  pas  dans  mon  dictionnaire, 
et  d'oit  vient-elle  ? 

L'expression  montrer  patte  blanche  est  tirée  d'une 
fable  de  La  Fontaine,  intitulée  :  Le  loup,  la  chèvre  el 
le  chevreau  (la  15<î  du  liv.  IV).  Avant  de  s'en  aller  aux 
champs,  la  bique  ferme  bien  sa  porté,  et  fait  ses  recom- 
mandations à  son  biquet  : 

Gardez-vous,  sur  votre  vie. 
D'ouvrir,  que  l'on  ne  vous  die, 
Pour  enseigne  et  mot  du  guet, 
Foin  du  loup  et  de  sa  race! 

Gomme  elle  disait  ces  mots,  le  loup  passe  par  hasard, 
les  recueille,  et  dès  qu'il  voit  la  chèvre  partie,  il  va 
crier  à  la  porte  du  biquet  :  Foin  du  loup  !  croyant  que 
la  porlc  lui  sera  tout  de  suite  ouverte  ;  mais  il  s'eUiit 
réjoui  trop  lot  : 

l.ii  l)i(iupt  soupçonneux  par  la  fente  regarde  : 
Montrez-moi  imite  blanche,  OU  je  n'ouvrirai  point, 
S'écria-t-il  d'abord 

Quant  au  sens  figuré  qu'a  cette  expression  dans 
la  phrase  où  vous  l'avez    trouvée,    il    est  évident. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


<57 


altendu  que  l'ennemi  mortel  du  chevreau,  selon  ce 
qu'ajoute  le  labulisle,  ne  pouvait  montrer  qu'une  patte 

noire  : 

Patte  blanche  est  un  point 
Chez  les  loups,  comme  on  sait,  rarement  en  usage. 

il  est  évident,  dis-je,  qu'il  n'est  autre  que  donner,  pour 
se  faire  admettre  auprès  des  gens,  une  preuve  manifeste 
qu'on  est  bien  de  leurs  amis. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


FEUILLETON. 


Corrections  du  numéro  précédent. 


1°...  se  sont  vu  arrêter  (ils  n'arrêtaient  pas);  —  î°...  comme 
simple  soldat  afin  de  se  battre  (voir  Courrier  de  Vaugelas, 
i'  année,  p.  139);  —  3°...  alors  ce  sera  fait  bienlùl  (pas  de  en 
puisque  le  substantif  père,  qu'il  remplace,  est  dans  la  pbrase)  ; 
—  4°...  Cbani  l'un  des  hommes  qui  ont  dépensé;  —  5°...  préfé- 
rèrent mourir  plutôt  que  de  (Voir  Courrier  de  Vaugelas, 
4*  année,  p.  153);  —  6"...  une  demande  d'un  malheureux  qui 
était  au  bagne  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  ["  année,  p.  2,  où 
sont  indiquées  les  conditions  pour  qu'on  puisse  employer  un 
verbe  à  l'impersonnel);  — 7°...  parce  qu'il  appelait  de  la  justice 
de  Bliicher  à  la  jusiice  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  7°  année, 
p.  '20,  où  est  expliqué  pourquoi  il  ne  faut  pas  ici  de  en);  — 
8°...  sont  persécutés,  c'est  leur  faute  (sans  de);  —  9°.,.  un  con- 
temporain, voire  un  cousin  germain  i'Antony;  —  10°. ..  qui  crie 
sur  les  toits  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  1'  année,  p.  67). 


Phrases  à.  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1°  La  passion  ne  raisonne  pas  :  librettistes,  compositeurs 
l'affirment  à  l'envie  en  vers  d'un  lyrisme  capiteux,  en 
mélodies  suaves,  énervantes,  qui  montent  au  cerveau,  etc. 

2"  Fait  singulier  :  l'enfant  avait  un  bandeau  en  sautoir 
sur  l'œil  droit.  On  a  cru  d'abord  à  la  maladie  de  cet  œil; 
mais  rien  n'a  été  constaté  par  les  médecins. 

3*  Les  poursuites  ou  plutôt  les  persécutions  dont  les 
Droits  de  l'homme  ont  été  la  victime  jusqu'à  ce  que  mort 
s'en  soit  ensuivie,  avaient  produit  sur  le  public  une  fort 
mauvaise  impression. 

4°  Aujourd'hui,  nous  nous  trouvons  toujours  dominés 
par  les  lois  de  l'Empire,  du  gouvernement  de  Juillet, 
voire  même  de  la  Restauration,  qui  régissent  ces  matières. 

5"  Malgré  les  189  millions  affectés  au  département  de  la 
marine  dans  le  projet  de  budget  de  1S7S,  d'aucuns  pensent 
que  tout  n'est  pas  pour  le  mieux  dans  la  meilleure  des 
marines  possibles. 

6°  Je  borne  ici  le  sens  du  mot  critique  au  sens  de  cri- 
tique littéraire  jugeant  les  œuvres  nouvelles  au  fur  et  à 
mesure  qu'elles  sont  pubhées. 

7*  Et  nous  ne  sachions  pas  que  les  affaires  de  l'Angle- 
terre en  soient  pour  cela  plus  mal  administrées. 

8°  Il  pourrait  que  quelque  intrigue  anti-russe  vienne  à 
la  détruire,  mais  cette  éventualité  n'est  envisagée  que 
dans  un  temps  encore  bien  éloigné,  et  si  la  Russie  passe 
le  Prutb,  ce  ne  sera  pas,  en  tous  cas,  avant  trois  mois. 

9"  Si  l'on  commettait  la  fajte  de  se  diviser  sur  un  point 
aussi  grave  de  la  politique  générale,  c'en  serait  fait  de 
toutes  nos  espérances. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII"  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

(Suite.) 

Qui,  pour  Les  uns.  —  Cet  emploi  est  légitime  lors- 
que qui  est  le  sujet  du  verbe,  comme  dans  :  les  hommes 
se  conduisent  qui  d'une  façon,  qui  de  l'autre. 

Quoyque  au  lieu  de  Pour.  —  C'est  le  sentiment  de 
plusieurs  personnes  qu'il  est  souvent  à  propos  de  mettra 
pour  au  lieu  de  quoyque;  Nicolas  Andr.y  eu  connaît  qui 
n'approuveraient  pas  celte  phrase  :  vous  sçavez  que 
quoyque  l'on  soit  riche,  on  n'en  est  pas  plus  heureux, 
et  qui  aimeraient  mieux  que  pour  être  riche,  etc. 

Rancune.  —  Ce  mol  n'est  presque  plus  en  usage  que 
parmi  le  petit  peuple  (1689). 

Rccitateur.  —  11  parait  être  un  terme  nécessaire,  car 
nous  n'en  avons  point  d'autre  pour  exprimer  ce  qu'il 
signifie.  Balzac  ne  s'en  sert  point  mal  à  propos. 

Recouvrer.  —  Faut-il  dire  :  //  recouvrit  la  santé,  ou 
il  recouvra  la  santé?  11  est  visible  qu'il  faut  dire  recou- 
vra, puisque  l'infinitif  €Sl  recouvrer. 

Réfectiiir,  Réfectoire.  —  L'un  et  l'autre  sont  bons; 
mais  réfectoir  est  meilleur. 

Fautes  contre  le  régime.  —  On  commet  une  faute 
de  cette  nature  quand  on  fait  «  gouverner  »  à  un  verbe 
un  cas  qui  ne  saurait  être  mis  régulièrement  après  lui. 
Les  exemples  de  cette  faute  ne  sont  pas  rares,  ainsi 
Voiture  a  dit,  au  sujet  du  mot  car,  qu'on  voulait  bannir 
de  la  langue  :  quand  je  voids  qu'on  est  prest  de  chasser, 
et  de  faire  le  procès  à  un  mot  qui  a  si  utilement  servi 
cette  Monarchie,  ce  qui  est  une  faute  :  chmser  veut  un 
régime  direct^  et  foire  le  procès  un  régime  au  datif. 

Relique.  —  On  se  sert  élégamment  de  ce  mot  en 
parlant  des  tristes  restes  de  quelque  incendie,  de  quel- 
que naufrage,  ou  de  quelque  autre  accident  de  cette 
sorte. 

Rencontre.  —  Ce  nom -est  toujours  du  féminin, 
excepté  lorsqu'on  parle  d'une  chose  achetée  à  bon  mar- 
ché :  c'est  un  rencontre,  et  non,  c'est  une  rencontre. 

Répétitions  nécessaires.  —  C'est  peut-être  une  des 
choses  auxquelles  on  manque  le  plus,  et  l'on  y  peut 
faire  des  fautes  en  tant  de  manières  qu'il  est  bien  dif- 
ficile de  s'en  empêcher.  Aussi  Andry  va-t-il  rapporter 
des  exemples  de  toutes  sortes  afin  de  faire  connaître  les 
différents  cas  où  elles  sont  nécessaires. 

I"  Quand  il  y  a  un  que  au  commencement  de  la 
phrase,  il  faut  le  répéter  dans  tous  les  autres  membres. 
.Vinsi  au  lieu  de  dire  :  Ils  croijent  qu'Apollon  chasse  les 
nintiidirs.  Minerve  préside  aux  ouvrages,  et  Mars  est 
l'arbitre  de  la  guerre,  il  faut  mettre  (/«':■  avant  Minerve 
et  avant  Mars. 

2»  L'adjectif  tout  doit  toujours  se  répéter.  C'est  une 
faute  de  dire  :   César  tourne  toutes  ses  forces  et    ses 


4S8 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


pensées  contre  Ambiorix.  Il  fallait  toutes  ses  forces  et 
toutes  ses  pensées. 

3'  La  répétition  des  verbes  est  quelquefois  aussi  très- 
nécessaire  comme  dans  cet  exemple  :  Si  c'est  comme 
Boy,  répondit  le  maistre,  vous  arez  droit  de  le  faire  ; 
si  comme  Musicien,  vous  faites  mal.  Il  fallait  dire  :  Si 
c'est  comme  musicien. 

4°  Cette  phrase  :  //  faut  attendre  tout  de  Dieu,  et 
rien  de  soy-mesme,  est  défectueuse;  il  faut  répéter 
attendre  et  dire,  en  ajoutant  la  négation  :  et  ne  rien 
attendre  de  soy-mesme. 

5°  Il  est  bon  quelquefois,  en  répétant  le  verbe,  d'ajou- 
ter dis-je  lorsque  la  phrase  est  de  trop  longue  haleine  ; 
mais  il  faut  éviter  de  se  servir  trop  souvent  de  ces 
dis-je,  comme  fait,  par  exemple,  le  P.  Bouhours,  qui 
en  met  presque  partout. 

6o  II  faut  répéter  le  pronom  l'Oi/idans  cette  phrase  : 
//  est  écrit,  vous  aimerez  vostre  prochain  et  haïrez 
vostre  ennemy,  et  dire  :  et  vous  hdirez. 

7°  La  répétition  des  particules  n'est  pas  moins  néces- 
saire quelquefois  que  celle  des  pronoms.  Ainsi  cette 
phrase  :  Nostre  loy  ne  juge  personne  sans  l'avoir  en- 
tendu et  examiné  ses  actions,  veut  être  corrigée  ainsi  : 
et  sans  avoir  examiné  ses  actions. 

S"  Quand  les  noms  sont  synonymes,  on  ne  répète 
point  les  particules.  On  dit  très-bien  :  le  fils  de  Dieu 
est  venu  pour  racheter  les  hommes  et  les  délivrer  de  la 
servitude;  mais  on  ferait  une  faule  en  disant  et  pour 
les  délivrer. 

Cependant  cette  règle  n'est  pas  sans  exceptions;  la 
particule  avec  ne  laisse  pas  de  se  répéter  souvent 
quoique  devant  des  termes  synonymes  :  il  a  acjy  dans 
cette  affaire  avec  prudence  et  avec  sagesse. 

Répétitions  vicieuses.  —  L'auteur  met  au  nombre  de 
ces  répétitions  celle  des  génitifs  comme  dans  lu  phrase 
suivante  :  la  délicatesse  des  pensées  de  l'Auteur  du 
discours  que  je  m'en  vais  prononcer. 

Voici  encore  une  phrase  vicieuse  de  la  même  ma- 
nière :  le  discours  est  imparfait  lorsqu'on  n'y  lit  pas 
tous  les  traits  de  la  fortne  des  pensées  de  celuy  qui 
parle.  Ces  de  et  ces  des  sont  insupportables  pour  peu 
qu'on  ait  de  bon  goût. 

Répit.  —  Ce  mot  n'est  qu€  du  discours  familier  :  je 
vous  donne  répit  de  six  mois  pour  ce  que  vous  me  devez. 

Retranchemens  vicieux.  —  Il  faut  prendre  garde  que 
le  désir  d'être  court  ne  fasse  rien  retrancher  de  néces- 
saire. Ainsi  dans  celte  phrase  :  Nous  sçavons  que  1rs 
hommes,  avant  d'entrer  dans  cette  vie,  n'en  ont  point  eu 
d'autre  oii  ils  ayrni  fait  ni  bien  ni  mal,  il  y  a  deux 
fautes;  la  première,  le  retranchement  de  que,  car  il 
faut  dire  avant  que  d'entrer  (4689);  la  seconde,  le 
retranchement  de  la  négation,  car  il  faut  dire  oii  ils 
n'ayent  fuit  ni  liien  ni  mal. 

Revanche.  —  Dans  certaines  provinces,  on  fait  ce 
nom  du  masculin  ;  mais  c'est  une  faute. 

lUiétorication.  —  C'est  un  mot  de  nouvelle  «  estampe  » 
dont  il  est  facile  d'abuser;  il  peut  déplaire  aisément,  et 
il  vaut  peut-être  mieux  mettre  un  autre  mot  à  sa  place. 

Ridiculiser.  —  Ménage  alfecte  de  se  servir  de  ce  mot  i 


cependant  Andry  doute  qu'il  soit  aussi  bon  que  le  pense 
l'auteur  des  Observations. 

Rime.  —  Elle  est  vicieuse  en  prose,  comme  dans 
cette  phrase,  par  exemple  :  le  divertissement  de  la  Co- 
médie est  un  obstacle  à  la  bonne  vie;  il  faut  changer 
le  mot  ine,  qui  rime  avec  comédie. 

Risque.  —  Ce  mot  est  du  féminin  :  Il  a  couru  de 
grandes  risques.  A  la  vérité.  Ménage  le  fait  du  masculin, 
mais  il  n'est  pas  suivi  en  cela  de  beaucoup  de  monde 
(1689). 

Des  sages-femmes,  Des  sage-femmes.  —  Il  faut  écrire 
sans  «  à  sage,  parce  que  sage-femme  est  considéré 
ici  comme  étant  un  seul  mot. 

De  sang  froid,  De  sens  froid.  —  D'après  l'opinion 
la  plus  généralement  répandue,  il  faut  dire  de  sang 
froid  a  l'imitation  des  Italiens,  qui  disent  di  sangue 
freddo.  D'autres  cependant,  Fontenelle,  par  exemple, 
disent  de  sens  froid. 

Santé.  —  Ménage  se  trompe  quand  il  dit  que  ce  mot 
n'a  de  pluriel  que  lorsqu'il  signifie  les  santés  qu'on 
boit.  On  dit  fort  bien,  et  en  bon  français,  toutes  les  sau- 
tez ne  sont  pas  si  fortes  que  la  vostre. 

Satisfaire  à  son  envie.  Satisfaire  son  envie.  —  Le  verbe 
satisfaire  va  beaucoup  mieux  ici  avec  la  préposition 
à  que  sans  elle  ;  cependant,  on  dit  satisfaire  quelqu'un 
et  non,  à  quelqu'un.  Voici  la  règle  :  devant  le  nom 
d'une  personne,  pas  de  préposition  ;  devant  le  nom  d'nne 
des  passions  de  cette  personne,  la  préposition. 

Sçavoir,  Savoir.  —  Laquelle  des  deux  orthographes 
est  la  meilleure?  Le  plus  grand  usage  est  pour  sçavoir 
avec  un  ç. 

Scélérat.  —  Ne  se  dit  qu'au  masculin,  c'est  un  scé- 
lérat ;  mais  on  ne  dit  pas  en  parlant  d'une  femme  qui 
n'a  ni  pitié  ni  religion  que  c'est  une  scélérate. 

Se  au  lieu  de  Son.  —  Il  y  a  des  occasions  où  le  pro- 
nom réciproque  se  vaut  mieux  que  son,  par  exemple, 
dans  cette  phrase  :  il  prit  son  épée  et  ouvrit  son  sein 
soy-mesme;  il  faut  et  s'ouvrit  le  sein  soy-mesme. 

Jeux  séculaires.  Jeux  séculiers.  —  On  ne  dit  jeux 
.sefM//e;-.s- qu'en  parlant  de§  jeux  ordinaires  qui  sont  en 
usage  parmi  les  personnes  laïques  et  qui  sont  «  indignes 
des  ecclésiastiques.  »  Les  jeux  séculaires  ne  se  dit  que 
des  jeux  de  l'antiquité  païenne  qui  se  célébraient  de 
siècle  en  siècle. 

'Seriosité.  —  C'est  un  mot  dont,  à  la  vérité,  Balzac  se 
sert  souvent;  mais  Andry  ne  croit  pas  qu'il  fût  bien 
reeu  aujourd'hui  (1689). 

Soudain.  —  Ce  terme  était  en  usage  il  y  a  quelques 
années  et  Sarrazin  l'emploie  en  plusieurs  endroits. 
.Vndry  s'étonne  qu'on  s'en  serve  encore. 

Sous  re.y)rrance,  Sur  l'espcrance.  —  Avec  un  article, 
on  met  sur,  mais  sans  article,  on  met  sous;  il  faut 
dire  sur  l'espérance  de,  et  sous  espérance  de. 

Souvenance.  —  Ce  mol  no  peut  avoir  sa  place  que 
dans  le  style  plaisant. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  HÉDAGTEUu-GiîuAiM  :  Ema«  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


<59 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE, 


Publications  de  la  quinzaine 


Les  Premiers  habitants  de  l'Europe,  d'après  les 
auteurs  de  l'antiquité  et  les  reciierches  les  plus  récentes 
de  la  linguistique;  par  H.  d'Arbois  de  Jubainville,  corres- 
pondant de  l'Institut.  In-8»,  x-350  p.  Paris,  lib.  Dumou- 
lin. 7  fr. 

Les  Aventures  de  Télémaque,  flls  d'Ulysse  ;  par 
F.  de  Salignac  de  Lamothe-Fénelon.  Ia-12,  380  p.  Paris, 
lib.  Bouret. 

Un  Été  dans  le  Sahara;  par  Eugène  Fromentin. 
Zt«  édition,  ln-18  Jésus,  xxin-286  p.  Paris,  lib.  Pion  et  Cie. 
3  fr.  50. 

Sully  et  son  temps,  d'après  les  mémoires  et  docu- 
ments du  xvi"'  siècle  ;  par  Jules  Gourdault.  3'  édition. 
Gr.  in-8'',  3i8  p.  et  k  gr.  Tours,  lib.  Marne  et  fils. 

Le  Mari  de  Lucile.  Le  Soulier  de  Rosine;  par 
Mme  Manoel  de  Grandfort.  In-18  Jésus,  3û7  p.  Paris,  lib. 
Calmann  Lévy.  3  fr.  50. 

Les  Rois  de  l'Océan.  L'Olonnais  ;  par  Gustave  Ai- 
mard.  In-18  Jésus,  350  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Aimé  de  son  concierge;  par  Eugène  Chavette.  ln-18 
Jésus,  387  p.  Paris,  lib.  Dentu.  3  fr. 

Essais  de  littérature  et  de  miorale  ;  par  M.  Saint- 
Marc  Girardin,  de  l'Académie  française.  Nouvelle  édition. 
2  vol.  in-18  Jésus,  86i  p.  Paris,  lib.  Ciiarpentier.  7  fr. 

Première  série  de  Comédiens  et  Comédiennes.  La 
Comédie  française.  Notices  bibliographiques;  par 
Francisque  Sarce)'.  Portraits  gravés  à  l'eau-forte  par 
Léon  Gaucherel.  lO»  livraison.  Febvre.  Paris,  lib.  des 
bibliophiles.  La  livraison,  2  fr.  50  cent. 


Cours  de  philosophie  positive  ;  par  Auguste  Comte. 
W  édition,  augmentée  de  là  préface  d'un  disciple  et  d'une 
étude  sur  les  progrès  du  positivisme,  par  E.  Littré,  et 
d'une  table  alphabéthique  des  matières.  6  voL  in-S», 
cin-3464  p.  Paris,  lib.  J.-B.  Baillière  et  fils.  i8  fr. 

Salambô;  par  Gustave  Flaubert.  Edition  définitive, 
avec  des  documents  nouveaux.  ln-18  jésus,  579  p.  Paris, 
lib.  Charpentier.  3  fr.  50. 

Le  Tailleur  de  pierres  de  Saint-Point,  écrit  villa- 
geois; par  A.  de  Lamartine.  Nouvelle  édition,  publiée 
par  la  Société  propriétaire  des  œuvres  de  Lamartine. 
ln-18  Jésus,  2(5  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  1  fr.  25. 

Les  Cinq  livres  de  F.  Rabelais;  publiés  avec  des 
variantes  et  un  glossaire  par  P.  Chéron  et  ornés  de  onze 
eaux-fortes  par  E.  Boilvin.  Livre  IV.  Pantagruel.  In-16, 
316  p.  et  2  gr.  Paris,  Lib.  des  bibliophiles.  10  fr. 

Œuvres  complètes.  Le  Sortilège,  récit  du  moyen 
âge;  par  Henri  Conscience.  Traduction  Coveliers.  ln-18 
Jésus,  294  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy  ;  Lib.  nouvelle. 
1  fr.  25  cent. 

Œuvres  complètes.  La  Guerre  du  Nizam;  par 
J.  Méry.  Nouvelle  édition.  ln-18  Jésus,  367  p.  Paris,  lib. 
Calmann  Lévy.  3  fr.  50. 

Les  Anglais  chez  eux  ;  suivi  de  Hogarth  et  ses 
amis,  ou  Londres  au  siècle  passé  ;  par  Francis  Wey. 
7«  édition.  ln-18  jésus,  404  '^3.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie, 
3  fr.  50  cent. 


Publications  antérieures  ; 


LA  JEUNE  FILLE  ;  lettres  d'un  .on.  —  Par  Chables  Rozan. 
—  Un  vol.  format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye, 
avec  fleurons,  lettres  ornées  et  culs-de-lampe —  Paris, 
P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine  —  Prix  : 
3  fr.  50  cent.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  :  5  fr. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugetas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Gcepp,  chef  de  bureau 
au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 
NOUBY  d'Egtot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Duouay-Trouin,  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  4  fr. 

RABELAIS,  LA  Renaiss.\nce  et  la  Réforme,  par  Emile 
Gedhart,  professeur  de  littérature  étrangère  à  la  Fa- 
culté des  lettres  de  Nancy.  —  Ouvrage  couronné  par 
l'Académie  française.  —  Un  volume  in-18,  broché.  3  fr. 


50  cent.  —  Paris,  librairie  Hachetle  et  Cie,  79,  boule- 
vard Saint-Germain. 


BIOGRAPHIE  D'ALFRED  DE  MUSSET.  —  Par  Paul 
de  Musset.  —  Un  grand  volume  in-18  jésus.  —  Prix  :  3  fr. 
50  cent.  —  Paris,  G.  Charpentier,  13,  rue  de  Grenelle- 
Saint-Germain. 


LE  CHEMIN  DES  BOIS.  —  Poésies  couronnées  par 
l'Académie  française.  —  Par  André  Theuriet.  —  Deu- 
xième édition.  —  Paris,  Alphonse  Lemerre,  éditeur, 
27-31,  Passage  Cholseul. 


A  TRAVERS  PARIS  INCONNU.  —  Par  P.-L.  Imdert.  — 
Paris,  deorges  Decaux,  éditeur,  7,  rue  du  Croissant.  — 
3  fr.  50  cent. 


RAYMONDE.  —  Par  André  Theubiet.  —  Paris,  G.  Char- 
pentier, éditeur,  13,  rue  de  Grenelle-Salnt-Germain.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 


CENT  DICTÉES  GRADUÉES  sur  les  premières  règles  de 
la'  Grammaire.  —  Par  M""  Trécourt.  —  Paris,  librairie 
Truchy,  26,  boulevard  des  Italiens.  —  Pfix  :  l  franc. 


160  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


HISTOIRE 

DE    LA 

LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

Par  DÉSIRÉ  NISARD,  membre  de  l'Académie  française. 


Cette  nouvelle  édition,  complètement  revue  par  l'auteur,  forme  une  véritable  bibliothèque  historique  et  littéraire, 
où  sont  conservés  les  plus  précieux  trésors  de  notre  langue. 

Le  tome  l"  est  une  introduction  à  l'histoire  de  la  littérature  française;  —  le  tome  II  contient  l'histoire  de  cette 
littérature  depuis  l'époque  de  la  Renaissance  jusqu'aux  premières  années  du  seizième  siècle  ;  —  le  tome  III  traite 
des  premiers  modèles  de  l'art  d'écrire  en  prose  et  en  vers  et  de  l'influence,  soit  de  certaines  institutions,  soit  du 
gouvernement  et  de  la  royauté  sur  la  littérature  du  dix-septième  siècle;  —  le  tome  IV  embrasse  le  dix-huitième  tout 
entier,  et  se  termine  par  une  appréciation  générale  des  principales  richesses  littéraires  de  notre  époque. 


SIXIÈ.ME  ÉDITION,  QUI  VIENT  DE  PARAITRE. 


Quatre  volcmes  :  format  in-18  jésus,  ^6  fr.;  —  format  in-8",  30  fr. 


A  Paris,  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  fils  el  Cie,  56,  rue  Jacob. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


Société  florimont.\xe  d'annecy.  —  Concours  de  Poésie.  —  Le  prix  de  600  fr.  fondé  par  le  docteur  Andrevetan  sera 
décerné  en  1877.  —  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux  concurrents.  Le  nombre  minimum  des  vers  pré- 
sentés par  le  même  auteur  est  fixé  à  cent.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  travaux  sont  inédits 
et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Les  concurrents  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus  :  les 
envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  biilet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de 
l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux  archives  de  la  Société;  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie.  — 
Les  Français  et  les  Etrangers  membres  de  la  Société  Florimontane  sont  seuls  admis  à  concourir.  —  Les  travaux 
devront  parvenir  franco  à  M.  Louis  Revon,  secrétaire  de  la  Société,  avant  le  I"  juillet  1877. 


Le  dix-huitième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  \"  juin  1877.  —  Oix-sept  médailles 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  C.uirance, 
président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 

La  société  nationale  d'èdlxatio.n  de  Lyon  destine,  pour  1877,  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur  ce 
sujet  :  Jusqu'à  quel  point  l'étude  des  théories  et  des  définitions  grammaticales  est-elle  nécessaire  dans  l'enseignement 
primaire  pour  apprendre  la  langue  et  l'orthographe'?  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1878  sous  le 
nom  de  Prix  de  la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  novembre  prochain,  à 
M.  Palud,  libraire,  û,  rue  de  la  Bourse.  —  Pour  plus  amples  renseignements  s'adresser  à  M,  J.-B.  Mathey,  secrétaire 
général  de  la  Société. 

Société  archéoloqique,  scientifique  et  littéraire  de  Béziers.  —  Concours  pour  l'année  1877.  —  Dans  la  séance 
solennelle  qu'elle  tiendra  le  Jeudi  de  l'Ascension,  10  mai  1877,  cette  Société  décernera  un  rameau  de  chêne  en 
argent  à  la  meilleure  pièce  de  vers  français.  —  Les  sujets  politiques  sont  exclus  du  Concours.  —  Les  pièces  destinées 
au  Concours  ne  seront  pas  signées.  Elles  devront  être  lisiblement  écrites,  et  adressées  en  double  copie  et  franches 
de  port,  avant  le  l""-  avril  prochain,  terme  de  rigueur,  à  M.  le  Secrétaire  de  la  Société.  Chacune  portera  une  épi- 
graphe qui  sera  répétée  sur  un  billet  cacheté,  renfermant,  avec  le  nom,  la  profession  et  le  domicile  de  l'auteur,  la 
déclaration  qu'elle  est  inédite  et  qu'elle  n'a  pas  été  présentée  à  d'autres  Sociétés.  —Les  pièces  envoyées  au  Concours 
ne  seront  pas  rendues. 


RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTRANGERS. 

Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  indique  aux  Etrangers 
qui  lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter  i-l"  des  professeurs  de  français;— 2»  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  française;  —  3'  des  maisons  d'éducation  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français  ;  —  W  des  réunions  publiques  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  où  se 
parle  un  très-bon  français  ;  —  5"  des  agences  qui  se  chargent  de  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 
gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 

M.  Eman  Martin,  Rédacteur  du  Courrier  de  Vadgelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  Q.  DAUPELEY  â  Nogent-le-Rotrou. 


7«  Année. 


N°  21. 


1"  Avril  1877. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


(QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


/"^V  \  yv-^  Journal  Semi-Mensuel  ^w/     // 

^    V-^     CONSACRÉ    A    LA    PROPAGATION     UNIVERSELLE     DE    LA   LANGUE     FRANÇAISE       "^>(    J 


Parsiasant    la    1"  «t   le   15    de   ebaaae  mole 


(Dans  sa  séance  du  il  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lamberl  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par   an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvrajjes,    «)(    exem- 
plaire; Concours  lilléraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN      PROFESSEUR     SPECIAL     POOR     LES      ÉTRANGERS 

Oflicier  de  l'Instruclion  publique 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prcnnonl    pour    une    année 
entière  et  jiartent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


I 


AVIS 
Les  abonnés  du  Courrier  de  Vaugelas  excuseront 
l'enToi  tardif  de  ce  numéro  quand  ils  sauront  que  la 
fermeture  annuelle  de  la  Bibliothèque  nationale  pen- 
dant la  quinzaine  qui  précède  la  fête  de  Pâques  n'a  pas 
permis  au  Rédacteur  de  vérifier  ses  citations  avant  le 
mardi  3  avril. 


SOMMAIRE. 

Origine  de  Coiffer  sainte  Catherine;  —  Sens  réel  de  l'expres- 
sion Bas  percé:  —  Pourquoi  Ours  désigne  une  pièce  qui  n'a 
pas  été  représentée;  —  Si  après  C'est  suivi  d'un  inlinilif  il 
faut  De  ou  Que  de;  —  Origine  de  Être  en  nage  ||  Ce  qu'on 
entend  par  Le  volcan  de  M.  Sali-andy ;  —  Eljiuologie  du  mol 
Assiette,  plal;  —  Si  l'on  peut  dire  Avoir  des  émotions  sur  la 
planche;  ||  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de  la  biogra- 
phie de  Nicolas  Andry.  ||  Ouvrages  de  grammaire  et  de 
littérature.  ||  Concours  littéraires.  ||  Renseignements  à  l'usage 
des  Français. 


FRANCE 

Première  Question. 
Quel  âge  doit  avoir  une  demoiselle  pour  qu'on  jouisse 
dire  d'elle  (/m'elle  coiffe  sainte  GiiHERi.NE,  et  quelle 
est  l'origine  de  cette  expression  ? 

M.  Littré  dit  que  c'est  de  23  à  33  ans  qu'une  fille 
peut  coiffer  sainte  Catherine;  mais,  à  en  croire  les 
dames  que  j'ai  consultées,  ce  ne  serait  que  de  23  à  30  : 
on  met  la  première  épingle  à  20  ans,  la  seconde  à  27, 
la  troisième  a  28,  la  quatrième  à  29,  la  cinquième  à  30  ; 
puis,  la  coiffure  étant  complète,  on  passe  au  rang  de 
vieille  fille,  c'est-à-dire  que  l'on  cesse,  en  quelque 
sorte,  de  compter  sur  la  place. 

Voyons  pour  l'origine  de  l'expression. 

D'après  la  Vie  des  Saints  du  P.  Gir\ ,  sainte  CaLlierine, 
qui  naquit  à  Alexandrie  (Egypte),  d'une  famille  noble 
et  éclatante,  que  Siniéon  .Mélaphraste  appelle  royale, 
fut  décapitée  dans  cette  même  ville  le  23  novembre  307, 


par  ordre  de  l'empereur  Maximinll,  qui,  charmé  de  sa 
beauté  et  de  sa  science,  l'avait  longtemps  mais  inuti- 
lement sollicitée  de  consentir  à  l'épouser. 

Sa  mémoire  a  toujours  été  fort  célèbre  parmi  les  Grecs 
(qui  l'appelaient  .Echaterinei ,  et  elle  l'est  devenue  en 
Orient  par  les  secours  miraculeux  que  les  princes  et 
seigneurs  de  l'Europe,  passés  en  Asie  pour  délivrer  la 
Terre-Sainte,  ont  reçus  de  sa  puissante  protection.  C'est 
en  reconnaissance  de  ses  bienfaits  que  saint  Louis, 
revenu  d'outre-mer,  fit  construire  à  Paris  la  célèbre 
église  de  Sainte-Catherine-du-Val. 

Tous  les  martyrologes  parlent  honorablement  de 
sainte  Catherine,  celle  illustre  vierge  dont  Eusèbe  de 
Césarée  loue  si  hautement  la  constance  et  la  chasteté, 
et  pour  laquelle  Jeanne  d'Arc  avait  une  dévotion  toute 
particulière;  aussi  sainte  Catherine  a-t-elle  été  et  est- 
elle  encore  la  patronne  des  demoiselles. 

Dans  beaucoup  d'églises,  ai-je  entendu  dire,  on 
coiffait  autrefois  la  mère  du  Sauveur,  le  jour  de  sa  fête. 
Il  en  fut  probablement  de  même  pour  sainte  Catherine; 
et  comme  on  n'aura  choisi  que  des  vierges  pour  lui  atta- 
cher sa  coiffure,  à  la  question  :  Pourquoi  (elle  demoi- 
selle ne  se  marie-t-elle  pas'?  il  était  naturellement 
répondu  par  ces  mots  :  elle  reste  pour  coi/fer  sainte 
Catherine,  lesquels,  quand  l'usage  se  perdit  de  mettre 
une  coiffure  à  la  sainte,  signifièrent  le  plus  souvent, 
c'est  parce  qu'elle  ne  trouve  pas,  et  quelquefois,  c'est 
parce  qu'elle  ne  veut  pas. 

Mais,  attendu  qu'à  raison  de  l'âge  où  sainte  Cathe- 
rine subit  le  martyre,  on  feint  que  les  vierges  ne  sont 
admises  qu'ji  23  ans  à  l'honneur  de  la  coifTer,  et  que, 
grâce  à  une  autre  fiction,  ce  privilège  cesse  à  30,  on 
dit  familièrement,  en  parlant  d'une  personne  du  sexe 
qui  se  trouve  entre  ces  deux  limites  d'Age,  sans  avoir 
été  mariée,  quelle  coiffe  sainte  Catherine. 

Je  crois  que  cette  phrase  proverbiale  ne  remonte  pas 
au-delà  de  la  seconde  moitié  du  xvii''  siècle,  parce 
qu'elle  iie  se  trouve  pas  dans  les  Ciiriosilez  fraiiçoises 
d'ÎVntoine  Oudin  (1636),  ouvrage   renfermant   entre 


^62 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


autres  locutions  vulsiaires  ceUeàc  coiffer  Hobine,  (s'eni- 
vrer), qui  aurait  dii,  il  me  semble,   rappeler  coiffrr 
sainte  Catherine  à  l'auteur  si  celte  expression  eût  existé 
quand  il  a  composé  son  livre. 
X 
Seconde  Question. 

Je  lirais  avec  plaisir  dans  un  de  ros  prochains  nu- 
méros l'explication  de  l'expression  bas  teucé  do7it  on 
qualifie  quelquefois  une  personne  qui  se  trouve  à  peu 
près  ruinée,  soit  par  suite  d'inconduilc,  soit  par  des 
spéculations  malheureuses. 

Après  en  avoir  cité  ces  deux  exemples  : 
D'ung  homme  mince  et  bas  percé. 

(Guill.  Coquillart,  éd.  Tarbé,  t.  I,  p.  98.) 

Je  "n'avays  rien  qui  ne  fust  mier, 
E.\cepté  sans  plus  la  cornette 
De  velours,  non  pas  trop  honneste, 
Car  elle  sentoit  son  bas  percé. 

(Idem,  p.  196.) 

M.  Francisque  Mége,  dans  ses  Souvenirs  de  la  lanyue 
d' Auvergne,  donne  de  bas  percé  l'explication  suivante  : 
Cette  e.\pression  fait  proljablement  aliufion  à  une  habi- 
tude autrefois  assez  générale.  Dans  chaque  ménage,  on 
mettait  les  économies  dans  un  pied  de  bas  :  un  bas  percé 
désignait  donc  celui  qui  ne  faisait  pas  d'économies  ou  qui 
les  mettait  dans  un  bas  sans  fond  qui  ne  pouvait  les 
retenir. 

Mais,  àmonavis,  cette  explication  n'est  pas  la  bonne; 
car  elle  implique  pour  bas  ia  qualité  de  substantif,  et 
cette  qualité  ne  peut  réellement  lui  être  attribuée,  ainsi 
que  je  vais  en  donner  une  double  preuve  : 

1"  Il  est  évident  que  si,  dans  bas  percé,  le  mot6«.<est 
un  substantif,  l'expression  qu'il  sert  à  former  est  iden- 
tique à  celle  de  panier  percé,  et  doit  se  construire  abso- 
lument de  la  même  façon  que  cette  dernière.  Or,  en 
parlant  d'un  dissipateur,  on  dit  bien  que  c'est  un  panier 
percé,  mais  on  ne  dit  pas  d'un  homme  presque  ruiné 
que  c'est  un  bas  percé.  D'où  je  conclus  qu'il  ne  faut 
point  voir  ici  un  substantif  dans  le  mot  bas. 

2°  Une  paysanne  de  la  Beauce  qui  menace  son  enfant 
d'une  correction  lui  dit  quelquefois  qu'//  sent  son  vieux 
battu,  c'est-à-dire  qu'il  agit  comme  s'il  était  fùché  de 
n'avoir  point  été  battu  depuis  quelque  temps  ;  c'est 
une  expression  tout-à-fait  analogue  à  elle  sentoit  son 
bas  percé,  qui  se  trouve  dans  la  seconde  citation  de 
M.  Francisque  Mége.  Or,  comme  dans  rieux  battu,  le 
mot  vieux  est  un  adjectif  pris  adverbialement  (au  sens 
de  il  y  a  loncjtemps],  il  faut  que,  dans  bas  percé,  le 
terme  bas  soit  un  mot  de  mémo  espèce. 

Si  je  ne  me  trompe,  voici  la  véritable  explication  de 
la  locution  que  vous  m'avez  proposée  :    . 

C'est  tout  simplement  une  allusion  ;i  un  tonneau  où 
il  ne  reste  plus  que  très-peu  de  liquide.  Eu  cil'el,  la 
situation  d'un  homme  qui  a  perdu  à  peu  près  toute  sa 
fortune  présente  une  certaine  ressemblance  avec  celle 
d'un  tonneau  presque  ville:  bientôt  ses  créanciers  n'en 
pourront  plus  rien  tirer.  Or,  comme  le  tonneau,  dans 
cet  étit,  est  dit  bas  percé  parce  qu'on  a  dû  y  pratiquer 
pour  la  cannelle  un  trou  placé  à  quelque  distance  au- 


dessous  de  l'ancien,  la  même  expression  s'est  naturelle- 
ment dite  aussi  d'un  homme  qui  n'avait  presque  plus 
rien  de  ce  qu'il  avait  possédé  autrefois. 
X 
Troisième  Question. 

Je  voudrais  bien  savoir  pour  quelle  raison  on  appelle 
OURS,  en  terme  de  théâtre,  une  pièce  qui  n'a  pas  été  re- 
présentée. Le  Dictionnaire  de  Lifiré  donne  bien  celte 
acception,  mais  il  ne  l'explique  pas. 

Dans  mes  recherches,  j'ai  trouvé  deux  explications 
du  ipot  ours  désignant  une  pièce  de  théâtre  qui  reste 
dans  les  cartons  du  directeur  faute  d'avoir  pu  être  jouée; 
l'une  d'Alfred  Delvau,  l'autre  de  Joachim  Duflot. 

L'auteur  du  Dictionnaire  de  lu  langue  verte  le  fait 
venir  d'une  comparaison.  Comme  autrefois,  dit-il,  aux 
cirques  de  Rome,  on  ne  faisait  combattre  les  ours  que 
lorsqu'il  n'y  avait  plus  ni  lions,  ni  tigres,  ni  éléphants, 
on  appelle  ours  un  drame,  un  vaudeville  ou  une  comé- 
die qui,  grâce  à  l'absence  d'intérêt,  de  style,  d'esprit  et 
d'imagmation,  est  restée  comme  dernière  ressource  à  un 
directeur. 

L'auteur  des  Coulisses  des  th'âtres  de  Paris  le  tire, 
lui,  du  mot  ours  qui  se  trouve  dans  l'expression  Prenez 
moti  ours,  dont  j'ai  donné  précédemment  l'origine,  et 
il  s'exprime  ainsi  à  ce  sujet  : 

Ces  trois  mots  obtinrent  une  telle  vogue  au  théâtre,  que 
les  directeurs,  à  l'aspect  d'un  auteur  qui  tenait  un  manus- 
crit, lui  disaient  de  loin  : 

—  Vous  voulez  m'amuser;  vous  m'apportez  votre  ours. 

—  C'est  une  pièce,  charmante,  faite  pour  votre  théâtre, 
répondait  l'auteur. 

—  C'est  bien  ce  que  je  pensais,  prenez  mon  ours! 

Depuis  ce  temps,  l'ours  est  un  vaudeville  ou  un  mélo- 
drame qui  a  vieilli  dans  les  cartons  d'un  auteur,  et  qu'on 
cherche  à  caser  quelque  part. 

■  Maintenant,  laquelle  de  ces  explications,  toutes  deux 
vraisemblables,  est  la  bonne? 

11  est  certain  que,  depuis  l'apparition  de  VOurs  et  le     i 
Pacha,  on  a  employé  le  mot  ours  au  sens  de  pièce  dra-     1 
malique  qui  n'a  pu  être  jouée  ;  car  en  voici  un  .exemple 
de  Th.  Gauthier,  emprunté  au  Prologue  d'ouverture  du 
théâtre  de  l'Odéo/i,  récité  le  15  novembre  1845  : 

Les  ours  du  pôle  arctique  et  les  ovrs  des  carions  M 

Dans  cet  autre  Spilzberg  avaient  pris  leurs  cantons.  ■ 

Or,  comme  je  n'ai  point  trouvé  ours,  avec  son  nou- 
veau sens,  dans  les  dictionnaires  parus  avant  la  repré- 
sentation de  la  folie- vaudeville  de  Scribe  et  Xavier 
(\0  février  -1820),  et  cela,  quoiqu'à  l'époque  de  leur 
publication  on  sût  aussi  bie.n  qu'aujourd'hui  quand 
les-  Romains  faisaient  combattre  les  ours,  j'incline 
très-fortement  à  voir  dans  l'explication  de  Joachim 
Duflot  celle  qui  doit  être  préférée. 

X 

QuiiUiùme  Question. 

Certains  auteurs,  devant  un  infinitif  précédé  rf<?  c'est, 

mettent  simplement  de  (c'est    mal  de  parler   ainsi);      i 

d'autres  mettent  qi'e  de  (c'est  mal  que  de  parler  ainsi]. 

Ces  deux  constructions  sont-elles  également  françaises? 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


463 


Je  lirais  avec  bien  du  plaisir  votre  avis  à  ce  sujet  dans 
undrs  prorhdins  nuwrros  dr  cotre  intéressant  journal. 

La  phrase  que  vous  me  proposez  renferme  une  inver- 
sion :  le  verbe  [ôtre]  se  trouve  au  comniencement,  et 
son  sujet  (parler)  est  placé  après  lui. 

Or,  dans  toutes  les  phrases  analogues,  on  met,  comme 
le  montrent  d'ailleurs  les  exemples  suivants,  le  pronom 
ce  devant  cire,  et  de,  que  ou  que  de  devant  le  sujet  ainsi 
transposé  : 

(L'infinitif  accompagné  de  la  préposition  de) 

C'est  un  avis  général,  et  qui  est  d'une  grande  importance 
pour  les  maîtres,  d'avoir  présent  tout  ce  qu'ils  doivent 
montrer  aux  enfants. 

tNicoIe,  Pcns':e$,  p.   107.) 

C'est  m'tionorer  beaucoup  de  vouloir  que  je  sois  témoin 
d'une  entrevue  si  agréable. 

(Molière,  Mat.  imag.  Il,  5.) 

Ce  serait  bien  mal  connaître  le  cœur  humain  de  soupçon- 
ner qu'il  soit  possible... 

(Voltaire,  Mœurs,  Inlrod.  J 

C'est  tantôt  le  tour  de  l'imagination,  tantôt  celui  de  la 
sensibilité,  de  faire  prédominer  l'individu  sur  l'homme. 

(D.  Nisard,  Hist.  de  la  LitUr^  Iranç.  \,  p.    17.) 

C'est  le  privilège  et  le  danger  des  études  sémitiques  de 
toucher  au.K  problèmes  les  plus  importants  de  l'histoire  et 
de  l'humanité. 

(E.  Renan,  Ouv.  d'un  Cours.) 

(L'infinitif  accompagné  de  la  conjonction  que] 

C'est  se  taxer  hautement  d'un  défaut,  que  se  scandaliser 
qu'on  le  reprenne. 

(Molière,  Cntiqitc,  7.) 

C'est  l'acheter  trop  cher,  que  l'acheter  d'un  bien 
Sans  qui  les  autres  ne  sont  rien. 

(La  Fontaine,  Fab.  IV,  i3.i 

C'est  mériter  la  mort  que  l'attendre  d'autrui. 

(Decaux,  cité  par  GirtiuLt-Duvivier.) 

Le  mérite  a  toujours  droit  de  charmer  nos  yeux. 
Et  c'est  presque  eu  avoir  que  savoir  le  connaître. 

(Lanoue,  cité  par  le  même.) 

(L'infinitif  accompagné  de  que  de] 

Figurez-vous  quelle  joie  ce  peut  être  que  de  relever  la 
fortune  d'une  personne  que  l'on  aime. 

(Molière,  rAvare,  I,  al 

C'eût  été  une  chose  fâcheuse  pour  moi  que  d'exposer 
cette  enfant. 

(Sévigiié,  loô.i 

Ce  n'est  point  un  forfait;  c'est  imiter  les  dieux 
Que  de  remplir  son  cœur  du  soin  des  malheureux. 

(Crébillon,  Atrée  et  Thyeste,  IV,  se.  i.) 

C'est  un  assez  grand  mal  que  de  connaîtr^^  les  défauts  de 
son  esprit,  de  les  sentir,  et  de  ne  pouvoir  les  corriger. 

(Nicole,  l'cnsées,  p.  Ga.) 

Hélas!  monsieur,  cest  un  triste  don  g«e  de  changer  en  or 
tout  ce  que  l'on  touche! 

'.L.   Reybaud,  Jer.   Palurot:) 

Par  conséquent,  non-seulement  les  constructions  au 
sujet  desquelles  vous  me  consultez,  c'est  mal  dr  parler 
ainsi  et  c'est  mal  que  de  parler  ainsi,  sont  également 
françaises,  mais  encore  il  en  existe  une  troisième,  c'est 
mal  que  parler  ainsi,  qui  ne  l'est  pas  moins  que  cha- 
cune d'elles. 

D'après  la  Grammaire  des  r/rammaircs  'page  382i,  la 


conjonction  que  ne  peut,  dans  le  cas  actuel,  être  mise 
sans  de  devant  l'infinitif.  Les  exemples  cités  plus  haut 
prouvent  manifestement  que  cette  assertion  est  fausse  : 
la  seule  chose  vraie  qui  puisse  être  dite  contre  cet  em- 
ploi, c'est  qu'il  se  rencontre  plus  rarement  que  celui 
de  la  préposition  de  et  celui  de  la  locution  que  de. 

X 
Cinquième  Question. 

Quand  je  considère  que  être  en  promenade,  être  en 
cuAssE,  etc.,  signifient  être  en  train  de  se  promener,  de 
chasser,  etc.  ,je  ne  puis  comprendre  que  être  en  nage  ne 
signifie  pas  être  en  train  de  nager.  Voudriez- vous 
bien  m'expliquer  cette  difficulté,  pour  moi  insurmon- 
table jusqu'ici. 

Dans  la  langue  actuelle,  être  en  nagp  a  un  synonyme, 
être  en  eau,  dont  voici  des  exemples  : 

Je  suis  en  eau,  prenons  un  peu  d'haleine. 

(Molière,  Fcm.  snv..  Il,  2.) 

Le  dos  chargé  de  bois  et  le  corps  tout  en  eau. 

(Boileau,  Pièces  divers.,  a8.) 

Sous  ce  tombeau  ■gît  un  pauvre  écuyer 
Qui  tout  en  eau  sortit  du  jeu  de  paume. 

;J.-B.  Rousseau,  III,  aJ.) 

Or,  autrefois,  euu  s'est  dit  âge  iqui  s'écrivait  aussi 
aiqe  comme  le  montrent  ces  autres  exemples  : 

.■^tant  s'en  part  sans  delaier, 
L'âge  passe  sans  atargier. 
A  l'âge  vient  et  au  passage 
Cil  qui  le  cuer  n'avoit  pas  sage. 

(Gautier  de  Coinci,  dans  Roquef.,  art.  Eau.) 

En  cel  vasciel,  l'arcideclin 

Fist  Dieux  servir,  à'aige  fait  vin. 

(Ph.  Mouskes,  m>\  p.  283,  dans  Lacurne.) 

Par  conséquent,  on  est  fondé  à  croire  que,  dans  l'ex- 
pression dont  il  s'agit,  nage  n'est  autre  chose  que  âge, 
forme  ancienne  de  eau,  que  l'on  a  fait  précéder  par 
erreur  d'une  n,  son  de  la  liaison  entre  en  et  âge.  lorsque 
ce  dernier  mot  cessa  d'être  compris. 

Du  reste,  cette  solution  s'accorde  très-bien  avec  la 
manière  dont  les  langues  parlées  autour  de  nous  ex- 
priment être  rnnage;  car  dans  toutes,  nage  est  traduit 
par  le  terme  qui  signifie  sueur  en  français  ;  siveel  en 
anglais,  .'iudor  en  espagnol,  Sckiceiss  en  allemand, 
sudore  en  italien,  c'/iouéz-  en  breton,  etc. 

Cependant  .M.  Litlré  ne  partage  pas  cet  avis.  .Ayant 
remarqué  que  être  en  nage  se  dit  être  en  nangc,  en 
wallon,  où  nanger  signifie  nager,  notre  célèbre  lexico- 
graphe en  conclut  que,  dans  l'expression  à  expliquer, 
nage  est  le  seul  terme  qui  convienne. 

Mais  une  hirondelle  ne  fait  pas  le  printemps  ;  et  parce 
qu'un  patois  du  nord  a  mis  nange  (nage)  dans  une  ex- 
pression qu'il  a  pu  imiler  du  français,  il  me  semble, 
en  présence  de  la  manière  dont  se  traduit  cette  ex- 
pression, et  dans  notre  |>ropre  langue  et  d:ins  celles  de 
nos  voisins,  que  ce  n'est  pas  une  raison  qui  permette 
d'en  inférer  que  le  mot  nage,  dans  être  en  nage,  vient 
réellement  du  verbe  nager. 


464 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Quelques-uns  voudraienl  que  l'Académie  écrivit  rtre 
en  (uje  au  lieu  de  être  en  noge.  Mais  après  avoir  consi- 
déré : 

1°  Que  celte  seconde  forme  de  l'expression  était 
adoptée  par  les  bons  auteurs  avant  que  l'Académie 
publiât  la  première  édition  de  son  Dictionnaire  (169'!), 
comme  le  prouve  cet  exemple  du  Florentin  de  La  Fon- 
taine, pièce  qui  date  de  itinS  : 

Arpagène  revint  essouflé,  tout  en  nage; 

2"  Qu'au  XVIII''  siècle,  on  ne  connaissait  probablement 
pas  l'origine  de  être  en  nage,  et  que,  maintenant  qu'on 
la  connaît,  tout  le  monde  n'en  écrit  pas  moins  /lac/c, 
comme  le  substantif  du  verbe  nager; 

Je  suis  persuadé  que,  quelque  gré  qu'elle  en  pût 
avoir,  il  ne  serait  guère  possible  à  l'Académie,  «  gref- 
fière  de  l'usage  »,  de  donner  aujourd'hui  satisfaction 
au  désir  exprimé. 

ÉTRANGER 


Première  Question. 
J'ai  trouvé  ceci  dans  une  gazette  imprimée  en  fran- 
çais :  «  Nous  AVONS  pendant  deux  mois  dansé  sur  le 
VOLCAN  DE  M.  Salvaisdï  ».  Quel  est  le  sens  de  celle 
jthrase,  je  vous  prie,  car  dans  la  géographie  il  n'y  a 
point  de  volcan  qui  porte  ce  nom  ? 

Dans  le  \"  volume  de  Paris,  ou  le  Livre  des  vent  et 
lin,  M.  de  Salvandy  a  fait  un  récit  de  'la  fête  du  Palais 
Royal  donnée  par  le  duc  d'Orléans,  en  juin  1830,  au  roi 
et  à  la  reine  de  Naples,  récit  où  le  futur  ministre  de 
Louis-Philippe  parle  en  ces  termes  (p.  398)  : 

Je  venais  de  m'entretenir  avec  un  des  membres  du 
cabinet  des  dangers  de  la  lutte  engagée  par  l'autorité 
royale,  a  Nous  ne  reculerons  pas  d'une  semelle,  »  m'avait-il 
dit;  grave  parole  que  peu  après  j'ai  entendu  prononcer 
plus  haut.  «  Eb  liien!  lui  répondis-je,  le  roi  et  vous  recu- 
lerez d'une  frontière  ».  Ce  msnistre  qui,  du  reste,  ne 
voyait  pas  la  situation  des  affaires  sans  alarmes,  est 
aujouni'bui  en  Angleterre,  condamné  à  la  morl  civile,  et 
retiré  près  de  son  roi  proscrit. 

Ce  fût  peu  après  que,  passant  près  de  M.  le  duc  d'Or- 
léans, qui  recevait  de  nombreu.Y  compliments  sur  la  ma- 
gnilicence  de  cette  fête,  je  lui  adressai  ce  mot  que  les 
feuilles  répétèrent  le  lendemain  :  «  C'est  une  fête  toute 
napolitaine,  Monseigneur;  nous  dansoiis  sur  un  volcan  ». 

Or,  ces  paroles  n'étant  pas  oubliées  parmi  nos  journa- 
listes, l'un  d'eux  a  parfaitement  pu  dire,  à  mon  avis, 
danser  sur  le  volcan  de  M.  Salvandy  pour  signifler  être 
dans'uncsituation  politiquofaisantcourirles  plus  grands 
dangers  au  gouvernement  de  la  France. 

X 

'    Seconde   Question. 
D'oii  vient  le  nom  assiette  pour  désigner  les  plats  peu 
profonds  dans  lesquels  on  mange  ?  Je  vous  remercie  d'a- 
vance de  la  solution  que   vous  voudrez  bien,  Je  n'en 
doute  2>as,  me  donner  de  celte  question. 

.Autrefois,  je  veux  dire  au  moyen  âge,  on  se  servait 
Ires-fréquemmenl  du  verbe  asseoir  en  parlant  d'un  objet 


que  l'on  plaçait  quelque   part,  ce  que  montrent  ces 
exemples  : 

Ses  blans  dois  Ions  et  traitis, 

Son  gent  cors  et  son  clair  vis, 

Et  sa  bouche  bien  assise. 

(^Chans.  du  chût,  de  Couci,  p.  120.) 

Prist  la  curune  del  chef  le  rei...  si  \'asist  sur  son  chef. 

{Liv.  des  Rois,  p.  162.) 

Et  vinrent  l'un  contre  l'autre  asseoir  leurs  glaives. 

(Froissart,  II,  II,  81.) 

Les  aultresremparoyent  murailles,  asseoyeal  sentinelles. 

(Rabelais,  Panl  ,  III,  Prol.) 

Nous  asservons  nostre  logis  des  champs  en  lieu  sain. 

(Oliv.  de  Serres,   i7,) 

Naturellement,  le  même  verbe  s'employa  en  parlant 
des  objets  divers  qu'on  plaçait  sur  une  table  à  manger  : 

Quand  le  premier  mets  fut  as^is,  l'hôte,  qui  avoit  secrète- 
ment fait  faire  une  robe,  pour  sa  femme,  de  gros  bureau 
de  gris,  etc. 

(Louis  XI,  Nouv.,  XLIX,) 

Etant  à  table,  un  maistre  d'hôtel,  en  asse/jant  les  plats, 
lui  répandit  un  potage  sus  un  saye  de  velours  qu'il  portoit. 

(Des  Periers,  Contes,  XLIX.) 

1460.  Vint  Lizane  sa  damoiselle,  qui  apportoit  l'escuelle 
du  premier  metz,  et  Lyriope  en  prit  en  la  main  ladamoy- 
selle  et  lassist  par  devant  le  roi  Alexandre. 

(Perce/orest,  dans  Delaborde.  Gloss.  MeU.) 

De  ce  verbe,  on  fil  le  substantif  as4-«e«e,  qui  s'employa 
dans  le  sens  de  service,  ce  qu'on  met  tout  ensemble 
sur  la  table,  dans  un  repas  : 

Première  assiette.  Garnache  et  tostées...  Seconde  assiette. 
Civé  de  lièvre...  Tierce  assiette.  Rost,  connins. 

iMénagier  de  Paris,  II,  p.  91.) 

Le  môme  substantif  s'employa  aussi  pour  signifier 
place  d'une  personne  à  table,  comme  le  montre  cet 
autre  exemple  : 

Deux  maistres  d'ostel  pour  faire  lever  [laver]  et  ordener 
ïassielle  des  personnes. 

(Ménagier  de  Parts,  U,  p.  ir7.) 

Enfin,  quand  le  pain  tranchoir,  dont  on  se  servit  au 
moins  jusqu'à  la  moitié  du  XV''  siècle  pour»  asseoir»  les 
viandes  devant  chaque  convive,  fut  remplacé  par 
un  petit  plat,  le  mol  assielle  s'appliqua  au  nouvel  usten- 
sile, qu'il  n'a  pas  cessé  de  désigner  depuis  lors,  tandis 
que  ses  autres  acceptions  relatives  à  la  table  sont  com- 
plètement tombées  en  désuétude. 

X 

Troisième  Question. 

Je  vous  serais  bien  oblige  de  me  faire  savoir  par  la 

voie  de  voire  (Iocriueii  si  vous  pensez  qu'on  puisse  dire 

en  français  Avom  des  émotions  sur  la  tlancue,  phrase 

que  j'ai  trouvée  dans  un  journal  publié  à  Paris  ? 

Il  me  semble  que,  toute  familière  qu'elle  esl,  cette 
phrase  peut  parfailcmenl  s'cm|ilover. 

En  clVel,  les  paysans  qui  demeureiiL  loin  des  villes  ont 
l'habitude  de  faire  cuire  d'avance  une  assez  grande 
quantité  de  pain,  et  de  le  placer  sur  une  planche,  fixée 
aux  solives  du  plafond  au  moyn  tle  nioulaiils  en  bois. 
Tant  qu'ils  ont  ainsi  du  pain  de  cuit,  ils  disent  qu'//.v 
onl  du  pain  sur  la  planche,  expression  qui  a  dé  prise 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


165 


au  figuré,  el  s'esl  appliqué  à  toute  personne  ayant  de 
quoi  vivre,  du  bien  tout  acquis,  sans  qu'elle  ait  besoin 
de  travailler  pour  en  acquérir. 

Or,  attendu  que  dans  cette  locution  proverbiale,  les 
mots  sur  la  planche  signifient  rn  réserve,  on  a  pu  non- 
seulement  les  appliquer  à  d'autres  choses  matérielles, 
comme  dans  la  phrase  suivante  : 

On  estime  qu'il  peut  y  avoir,  de  ce  clief,  de  40  à  50  mil- 
lions de  travaux  sur  la  planche. 

(Petit  Journal  du  5  décembre  1871.) 

mais  encore  les  dire  des  choses  morales,  comme  dans 
celle  que  vous  soumettez  à  mon  appréciation. 


PASSE-TE.MPS  GRAM.MATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1"...  l'affirment  à  ienvi:  —  i'...  un  bandeau  en  écharpe  sus 
l'œil  droit  {en  sautoir  se  dit  de  deux  choses  croisées);  — 
3°...  jusqiià  ce  que  mort  s'en  soit  suivie  (pas  ensuivie,  parce  que 
le  en  se  trouve  après  se]  ;  —  A°...  voire  de  la  Restauration 
(pas  de  même;  voir  Courrier  de  Vaugelas,  2'  année,  p.  185);  — 
5°...  quelques-uns  pensent  (voir  Courrier  de  Vaugelas,  3'  année, 
p.  50);  —  6*...  les  œuvres  nouvelles  à  fur  et  mesure  (voir  Cour- 
rier de  Vaugelas,  1'  année,  p.  155);  —  7°...  en  soient  plus  mal 
administrées  (pas  de  pour  cela,  qui  est  incompatible  avec  en  ;  voir 
Courrier  de  Vaugelas,  présente  année,  p.  132);  —  8°...  11  se 
pourrait  que  quelque  intrigue  antirusse  vint  à  la  détruire;  — 
9°...  ce  serait  fait  de  toutes  nos  espérances  (en  est  inutile, 
puisque  le  régime  dont  il  lient  la  place  est  dans  la  phrase). 


Phrases  à.  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  conlemporaines. 

!•  On  a  vendu  les  tableaux  inactievés  et  les  études  de 
Troyon,  provenant  de  la  collection  conservée  par  feue 
Mme  Troyon. 

2»  Aux  obsèques  d'un  franc-maçon,  qui  ont  eu  lieu  hier 
soir,  M.  de  Cadilhan,  maire  réactionnaire,  assisté  de  ses 
agents  et  de  la  force  publique,  a  empêché  que  les  em- 
blèmes maçonniques  soient  placés  sur  le  cercueil. 

3°  Depuis  une  demi-heure,  je  n'avais  pas  ouvert  la 
bouche  pour  autre  chose  que  pour  manger. 

4''  Ce  prêtre  en  rupture  de  robe  ne  nous  parait  pas  plus 
intéressant  que  ces  propriétaires  de  journaux  républicains 
condamnés  à  d'innombrables  amendes. 

5'  Les  journaux  de  Paris  qui  nous  arrivent  nous  mon- 
trent que  la  presse  française  s'est  laissée  tromper,  comme 
il  est  arrivé  tant  de  fois  déjà,  par  les  agences  télégra- 
phiques. " 

6"  Je  ne  puis  .que  constater  la  fixité  de  la  mode  des 
robes  tant  de  ville  que  de  soirée,  c'est-à-dire  les  longues 
tailles  obtenues  au  moyen  de  corsets-cuirasse,  et  les  jupes 
à  traîne  de  plus  en  plus  exagérées  comme  longueur. 

7°  Pendant  qu'elle  mettait  sa  mantille  et  son  chapeau. 
Angélique  s'excusa  de  sa  résistance,  la  motivant  sur  les 
précautions  qu'une  mère,  dans  sa  situation,  devait  prendre, 
de  peur  qu'un  trop  grand  désir  de  dissipation  ne  se  déve- 
loppe dans  une  jeune  tète. 

8*  Que  deviendraient  les  Plaideurs  et  le  Bourgeois  Gentil- 
homme si  tous  les  Peiit-Jean  et  si  tous  les  Jourdain  qui 
figurent  sur  le  Boitin  se  pourvoyaient  devant  les  tribu- 
naux, à  seule  fin  d'interdire  au  Théâtre-Français  de  traîner 
leurs  noms  sur  les  planches. 


9*  Nous  avons  aussi  remarqué  que  les  dames  et  les  ou- 
vrières, toutes  chaussées  d'élégantes  bottines  et  de  bas 
bien  étirés  et  bien  blancs,  avaient  ces  derniers  jarretés  au- 
dessus  du  genou. 

{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECO.NDE  MOITIÉ  DU  XVI1«  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

(Suite.) 

Sphi7ix.  —  Dans  sa  défense  de  la  langue  française, 
Charpentier  fait  ce  nom  du  féminin  ;  mais  il  est  plus 
conforme  à  l'usage  présent  de  le  faire  du  masculin. 

Tendresse,  Tendreur,  Tendreté.  —  En  parlant  d'une 
viande  qui  est  tendre,  on  ne  sait  le  plus  souvent  lequel 
des  trois  on  doit  choisir;  mais,  autant  qu'il  a  pu  s'en 
instruire  par  les  personnes  qu'il  a  consultées,  Andry  croit 
qu'il  vaut  mieux  dire  :  roilà  une  viande  qui  est  d'une 
grande  tendreur,  ou  bien,  qui  est  d'un  grand  tendre; 
car  pour  tendreté,  c'est  un  mot  hors  du  bel  usage.  Ten- 
dresse ne  se  dit  guère  que  dune  affection  tendre. 

Termes  favoris.  —  C'est  quelque  chose  de  bien  désa- 
gréable que  ces  termes  mignons  et  favoris  auxquels  on 
donne  toujours  la  préférence.  Il  y  a  des  gens  qui  vont 
en  cela  jusqu'au  ridicule  ;  on  en  voit,  par  exemple,  qui 
placent  partout  le  mot  consonnné.  Ces  sortes  d'affecta- 
tions ne  sont  dignes  que  d'un  petit  esprit,  et  ne  peuvent 
que  déplaire. 

Termes  généraux.  —  Nicolas  Andry  appelle  ainsi  cer- 
taines expressions  qui  conviennent  presque  à  toutes 
choses,  et  qui  s'appliquent  à  tout  ce  qu'on  veut.  11  faut 
en  user  le  moins  possible,  parce  qu'elles  rendent  le 
discours  désagréable. 

Tondaille.  —  Ce  mot  est  en  usage  dans  le  style 
familier  en  parlant  des  moutons. 

Tout  estonnez.  Tous  estonnez.  —  Tout  se  prend  là- 
non  comme  adjectif,  mais  comme  adverbe;  c'est  la 
même  chose  que  <oM<-«-/'a/<,  entièrement.  Il  en  est  de 
même  devant  un  nom  féminin  commençant  par  une 
voyelle  :  ces  étoffes  sont  devenues  tout  autres.  Quand 
l'adjectif  est  féminin,  et  commence  paruneconsonne,  on 
met  tout  au  féminin,  comme  dans  elles  estaient  taules 
surprises  (IC89). 

Perdre  la  tramontane.  —  Cette  expression  n'est  que 
du  style  familier.  C'est  une  manière  de  parler  figurée. 
Proprement,  c'est  le  vent  de  bise,  .\insi  quand  on  dit 
perdre  In  tramontane,  c'est  comme  «  qui  diroit  »  perdre 
le  vent  qui  doit  guider  le  vaisseau  ;  et  comme  ceux  qui 
perdent  le  vent  s'égarent,  de  là  est  venue  cette  locution 
pour  marquer  quelque  égarement  d'esprit  et  de  raison. 

Trancher  du  grand.  —  Celte  façon  de  parler  est  dans 
la  bouche  de  tout  le  monde,  et  nos  meilleurs  écrivains 
s'en  servent. 

Tranquilliser.  —  Ce  terme  est  aujourd'hui  en  usage, 


H6 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


mais  ce  n'esl  pas  sans  peine  qu'il  a  été  reçu  ;  il  parut 
ridicule  des  sa  naissance,  et  la  Cour  en  fit  mille  raille- 
ries :  à  force  de  le  dire  pour  rire,  on  a  commencé  par 
le  dire  sérieusement  ;  les  personnes  les  plus  graves  s'en 
sont  servies,  les  prédicateurs  l'ont  employé,  et  il  a  pris 
enfin  place  parmi  les  mots  de  la  langue. 

Triomphateur.  —  Bien  des  gens  font  difficulté  d'em- 
ployer ce  mot;  il  se  peut  dire  néanmoins  en  plusieurs 
occasions. 

Avoir  l'etmemià  ses  trousses.  —  Il  y  a  des  personnes 
qui  n'approuvent  pas  cette  manière  de  parler  la  considé- 
rant comme  peu  noble  ;  mais  c'est  sans  fondement. 

Trouver  à  dire,  Trouver  à  redire.  —  Ces  deux  ex- 
pressions ont  des  sens  fort  différents  ;  trouver  à  redire 
signifie  reprendre,  reprocher,  désapprouver,  tandis  que 
trouver  à  dire  signifie  désirer  avec  empressement,  sou- 
haiter, s'apercevoir  de  quelque  perte. 

Tumttituaire,  Tumultueux.  —  Le  premier  est  plus 
usité  au  pluriel  qu'au  singulier  ;  tumultueux  se  dit  à 
l'un  et  à  l'autre  nombre. 

Vaincre.  —  Ce  verbe  n'est  pas  d'usage  au  singulier 
du  présent  de  l'indicatif;  on  ne  dit  pas,  par  exemple, 
l'accoutumance  au  bien  se  vainct  par  l' accoutumance  au 
mal  (^689). 

Je  vais,  Je  vas  —  On  dit  l'un  ou  l'autre,  selon  sa 
fantaisie.  Le  P.  Bouhours  écrit  toujours  Jet-os. 

Vers  le  soir,  Sur  le  soir.  —  On  dit  assez  indifférem. 
ment  l'un  et  l'autre.  Cependant  Nicolas  .\ndry  trouve 
vers  le  soir  plus  usité  dans  tous  les  auteurs. 

Vesquit,  Vescut.  —  Tous  deux  sont  bons,  mais  ves- 
quit  parait  plus  du  beau  style. 

Un  chacun.  Chacun.  —  On  doit  dire  chacun  tout 
simplement,  quoique  l'abbé  de  la  Chambre  et  quelques 
autres  disent  un  chacun. 

Voir  au  lieu  A' Entendre.  —  Voir  se  dit  quelquefois 
au  lieu  du  verbe  entendre,  comme  dans  je  l'aij  vu  chan- 
ter. Je  Taij  vu  haranguer.  L'usage  a  autorisé  ces  façons 
de  parler  qui  ne  choquent  point  la  grammaire,  car  voir 
se  rapporte  à  la  personne  que  l'on  regarde  et  non  à  la 
voix  que  ion  entend. 

Il  y  a  pour  II  est.  —  C'est  une  sotte  affectation  de 
vouloir  toujours  mettre  il  est  pour  il  ij  a.  Plusieurs  au- 
teurs se  rendent  ridicules  en  écrivant  il  est  des  hommes 
qui  pour  il  [i  a  dès  hommes  '(68!)). 

Zélateur.  —  Ce  mot  se  dit  quelquefois  avec  grâce,  et 
d'excellents  écrivains  s'en  servent. 

SCITE    DES    RÉFLEXIOiNS   CRITIorES. 

Voici  ce  que  j'ai  trouvéde  curieux  ou  de  remarquable 
dans  ce  second  volume  de  Nicolas  Andry  : 

Tomber  à  terre.  Tomber  par  terre.  — Ces  deux  e.x. 
pressions  présentent  une  diflérence  :  tomber  par  terre 
se  dit  de  ce  qui  étant  déjà  à  terre  tombe  de  sa  hauteur, 
cl  tomber  à  terre,  de  ce  qui  étant  élevé  au-dessus  de 
terre  tombe  de  haut. 

A  qu'iij,  Aii.rquels.  —  On  emploie  f'url  bien  à  quoi/ 
jjour  uu.rquels,  aussi  on  dit  :  ce  sont  des  choses  à  quotj 
il  faut  songer. 

Avec  ce  que  pour  Outre  que.  —  Celte  expression  est 
a  la  fois  élégante  et  Ires-énergique  ;  on  dij  très-bien  : 


de  sorte  que  le'vaisseau,  avec  ce  qu'il  était  déjà  vieux, 
ne  put  résister  longtemps. 

Avoir  la  crainte  de  Dieu  devant  les  yeux.  —  Ce  qu'on 
peut  dire  de  mieux  en  faveur  de  cette  expression,  c'est 
qu'elle  est  de  l'Ecriture. 

Autrement  pour  Beaucoup,  Extraordinairement .  — 
Andry  remarque  que  autrement  se  dit  souvent  pour 
beaucoup,  fort,  extraordinairement,  comme  dans  ces 
phrases  habituelles  :  il  ne  fait  pas  autrement  froid  au- 
jnurd'huy  ;  quand  il  me  dit  cela,  je  n'y  fais  pas  autre- 
ment de  réjlexion  [K  693j . 

Avoir  faute,  Avoir  besoin.  —  Grande  différence  entre 
ces  deux  expressions.  Avoir  besoin  ne  signifie  pas  tou- 
jours manquer,  mais  il  fait  entendre  que  la  chose  est 
absolument  nécessaire  ou  utile  ;  tandis  que  avoir  faute 
signifie  toujours  manquer,  et  emporte  l'idée  de  priva- 
tion. 

Ce  vint.  Quand  ce  vint.  —  C'est  une  manière  de 
parler  fort  ordinaire  dans  le  discours  familier  :  quand 
ce  vint  au  fait  et  au  prendre,  quand  ce  vint  à  compter, 
etc.  Cette  expression  n'est  que  du  style  médiocre. 

Composition. —  Ondirabienlà  composition  d'une  eau, 
d'un  remède,  d'un  parfum,  etc.  ;  mais  on  ne  peut  dire 
de  même  la  composition  d'un  savant  homme,  d'un  grand 
homme,  quoiqu'on  dise  ce  qui  compose  un  savant 
homme,  un  grand  homme. 

Concept.  —  Une  personne  qui  se  pique  d'habileté  ne 
peut  ignorer  que  ce  mot  est  un  terme  particulier  aux 
philosophes,  et  fort  en  usage  parmi  eux. 

Dans  la  confiance  de  la  victoire.  —  Le  P.  Bouhours 
trouve  vicieuse  cette  phrase  employée  souvent  par  Vau- 
gelas.  Nicolas  Andry  s'étonne  à  son  tour  que  le  P.  Bou- 
hours ait  critiqué  cette  phrase,  dans  laquelle  il  n'y  a       ^ 
rien  à  reprendre.  ■ 

Con.<pirer  une  chose.  Conspirer  à  une  chose.  —  On 
emploie  cette  dernière  phrase  en  parlant  de  choses  où  la 
volonté  n'a  point  de  part  :  tout  conspire  à  son  bonheur; 
la  première  se  dit  quand  il  y  a  de  la  volonté  et  du  des- 
sein :  ils  se  liguèrent  ensemble  pour  conspirer  la  mort 
de  l'usurpateur. 

Couvrir  de  gloire.  —  On  dit  couvrir  de  confusion, 
couvrir  de  honte;  mais  pour  couvrir  de  gloire,  c'est  une 
phrase  barbare,  ,quoi  qu'en  aient  dit  quelques  auteurs. 

La  dame  du  logis.  —  Cela  ne  se  doit  point  dire  d'une 
dame  de  qualité;  on  trouve,  à  la  vérité,  l'expression 
dans  un  auteur  nouveau,  mais  cet  auteur  n'est  pas  à 
imiter  en  cela. 

Je  me  suis  donné  une  telle  chose.  —  Cette  manièrede 
parler,  pour  signifier  /''  me  stiis  achet/é  une  telle  chose, 
est  fort  à  la  mode  aujourd'huy  ilf.93,  ;  mais  il  faut  re- 
marquer qu  'elle  s'emploie  plutôt  au  sujet  du  superflu 
que  du  nécessaire. 

//  s'en  e.s<  fui,  Il  .':'rst  enfui.  —  V  proprement  parler, 
il  s'en  est  fui  marque  une  fuite  de  précaution,  et  il  s'est 
enfui  marque  une  fuite  qui  suppose  qu'on  est  pour- 
suivi. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 

Le  Rki)Acteiik-Géb.4NT  :  Euan  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


167 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine  : 


Principes  d'éducation  positive;  par  le  docteur  Eug. 
Bourdet.  Nouvelle  édition,  entièrement  refondue,  avec 
préface  du  professeur  Ch.  Robin,  ln-18  Jésus,  xxxvi- 
277  p.  Paris,  lib.  Germer  Baillière  et  Cie.  3  fr.  50  cent. 

La  France  biographique  iUustrée.  Marins  ;  par 
Edouard  Gœpp  et  Henri  de  Mannoury  d'Ectot.  T.  I.  In-S", 
360  p.  Paris,  lib.  Furne.  Jouvet  et  Cie. 

Biographie  d'Alfred  de  Musset,  sa  vie  et  ses 
œuvres;  par  Paul  de  Musset.  In-18  jésus,  376  p.  Paris, 
lib.  Charpentier.  3  fr.  50. 

Vie  et  voyages  de  Christophe  Colomb,  d'après  des 
documents  authentiques  tirés  d'Espagne  et  d'Italie;  par 
Roselly  de  Lorgues.  Illustrations  de  M.  Rouargue.  In-S». 
111-492  p.  Paris,  lib.  Laplace,  Sanchez  et  Cie. 

Les  Ancêtres  de  la  Commune.  L'Attentat  Fieschi  ; 
par  Maxime  Ducamp.  Iu-18  jésus,  312  p.  Paris,  lib.  Char- 
pentier. 3  fr.  50. 

La  Chanson  du  Chevalier  au  cygne  et  de  Gode- 
froy  de  Bouillou;  publiée  par  G.  Hippeau.  2' partie  : 
Godefroy  de'Rouillon.  In-S",  mii-289  p.  Paris,  lib.  Aubry. 
8  fr. 

Les  Neiges  d'antan,  légendes  et  chroniques  ;  par 
Mme  Julie  0.  Lavergne.  In-12,  ix-ZiOl  p.  Paris,  librairie 
Palmé.  2  fr. 


Œuvres  complètes.  V.  Romans  et  poésies  diverses; 
par  F.-A.  de  Chàteaubriant.  In-8°,  670  p.  Paris,  lib. 
Furne,  Jouvet  et  Cie. 

Les  Moines  d'Occident,  depuis  saint  Benoît  jusqu'à 
saint  Bernard  ;  par  le  comte  de  Montalembert,  l'un  des 
quarante  de  l'Académie  française.  T.  6  et  7.  In-S",  1366  p. 
Paris,  lib.  Lecoffre  fils  et  Cie. 

Jarousseau,  le  pasteur  du  désert;  par  Eugène 
Pelletan.  In. 18  jésus,  xii-268  p.  Paris,  lib.  Germer  Bail- 
lière et  Cie.  3  fr.  50. 

L'Eau  qui  court;  par  Gustave  Aimard.  In-lS  jésus, 
UUli  p.  Paris,  lib.  Amyot.  3  fr.  50. 

Autour  du  monde.  Inde,  Chine,  Japon,  Californie, 
Amérique  du  Sud;  par  A.  U.  Carlisle.  Ouvrage  traduit 
et  extrait  de  l'anglais,  par  Gabriel  Marcel,  de  la  Biblio- 
thèque nationale.  In-18  jésus,  420  p.  et  une  carte.  Paris, 
lib.  Decaux.  3  fr. 

L'Esprit  d'Alphonse  Karr.  Pensées  extraites  de  ses 
œuvres  complètes,  ln-18  jésus,  iv-356  p.  Paris,  lib.  Cal- 
mann-Lévy.  3  fr.  50. 

Lettres  provinciales;  par  Biaise  Pascal.  2  vol.  in-32, 
.'ixv[i-651  p.  Paris,  lib.  Pion  et  Cie.  8  fr. 


Publications  antérieures  : 


SOUVENIRS  DE  LA  LANGUE  D'AU^TÎRGNE , 
essai  sur  les  idiotismes  du  département  du  Puy-de-Dôme. 
—  Par  Ffl.vNcisyL-E  Mège.  —  F'aris,  Auguste  Aubry, 
libraire-éditeur,  16,  rue  Dauphine.  —  Prix  ;  3  fr.  50. 


COURONNE  POÉTIQUE  DU  PREMIER  AGE,  choix 
de  poésies  modernes,  recueillies  et  mises  en  ordre  par 
M.  P.  Poitevin,  auteur  du  Cours  théorique  et  pratique  de 
langue  française.  —  Deuxième  édition.'  —  Paris,  librairie 
Firmin  D-iclol,  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


LAGRYM^  RERUM  —  Poésies  —  Par  Lucien  P.^.té. 
—  2»  édition.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  rue 
Saint-Honoré,  338.  —  Prix  :  2  fr. 


ILLUSTRATIONS  LITTÉRAIRES  DE  LA  FRANCE. 
—  Poètes  et  Pros.\teurs.  —  xix<:  siècle.  —  Extraits  des 
œuvres  les  plus  remarquables  des  écrivains  modernes. 
Par  M.  P.  PoiTEvi.N,  auteur  du  Cours  théorique  et  pra- 
tique de  langue  française.  —  Deuxième  édition,  enrichie 
d'un  très-grand  nombre  de  nouveaux  articles  et  de  mor- 
ceaux inédits.  —  Paris,  librairie  de  Firmin  Didol  et  Cie, 
imprimeurs  de  l'Institut,  56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  3  fr. 


EUGÉNIE  LAMOUR.  mémoires  d'une  femme.  —  Par 
Marius  Roux.  —  Paris,  E.  Denlu,  éditeur,  libraire  de  la 
Société  des  Gens  de  lettres^  Palais-Royal,  15-19,  galerie 
d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr. 


MANUEL   D'EXAMEN   GRAMMATICAL   à   l'usage 

des  aspirants  et  des  aspirantes  au  brevet  de  capacité, 
composé  de  lectures  et  dictées  littéraires  empruntées 
aux  meilleurs  écrivains,  avec  questions  d'examen  et  ré- 
ponses raisonnées.  —  Par  Adrien  Guerrier  de  Haupt.  — 
Ouvrage  approuvé  et  recommandé  par  le  Conseil  supé- 
rieur de  perfectionnement  de  l'Instruction  publique.  — 
Paris,  librairie  Firmin  Didol,  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue 
JjW20b.  —  Prix  :  2  fr.  25. 


LA  JEUNE  FILLE  ;  lettres  d'un  .\mi.  —  Par  Ch.\bles  Roz.\n. 
—  Un  vol.  format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye, 
avec  fleurons,  lettres  ornées  et  culs-de-lampe—  Paris, 
P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine  —  Prix  : 
3  fr.  50  cent.  —  Sur  papier  de  Hollande  (broché)  :  5  fr. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇAISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 

—  Par  Eman  Martin,  professeur  spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français.  —  Syi.lexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  m.miins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Goepp,  chef  de  bureau 
au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 
noury d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Jean  Bart,  Dcquay-Trouin,  Suffren. 
_  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 
—  Prix  (broché)  :  i  fr. 


468  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


HI  STOIRE 

DE    LA 

LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

Par  DÉsmÉ  NISARD,  membre  de  l'Académie  française. 


Cette  nouvelle  édition,  complètement  revue  par  l'auteur,  forme  une  véritable  bibliotlièque  historique  et  littéraire, 
où  sont  conservés  les  plus  précieux  trésors  de  notre  langue. 

Le  tome  I'"'  est  une  introduction  à  l'iiistoire  de  la  littérature  française;  —  le  tome  11  contient  l'histoire  de  cette 
littérature  depuis  l'époque  de  la  Renaissance  jusqu'aux  premières  années  du  seizième  siècle;  —  le  tome  III  traite 
des  premiers  modèles  de  l'art  d'écrire  en  prose  et  en  vers  et  de  l'influence,  soit  de  certaines  institutions,  soit  du 
gouvernement  et  de  la  royauté  sur  la  littérature  du  dix-septième  siècle  ;  —  le  tome  IV  embrasse  le  dix-huitième  tout 
entier,  et  se  termine  par  une  appréciation  générale  des  principales  richesses  littéraires  de  notre  époque. 


SIXIÈME  ÉDITION,  QUI  VIENT  DE  PARAITRE. 


QuiTEE  VOLUMES  :  format  in-18  jésus,  4  6  fr.;  —  format  in-8°,  30  fr. 


A  Paris,  librairie  de  Firniin  Didol  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


L'Ac.iDÉMiE  FRANÇAISE  proposB  1'  «  Eloge  DE  BoFFON  »  pour  sujct  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Ils  devront 
porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce  billet  contiendra  le 
nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au  Concours  ne  seront 
pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 

Société  florimontane  d'annecy.  —  Concours  de  Poésie.  —  Le  prix  de  600  fr.  fondé  par  le  docteur  Andrevetan  sera 
décerné  en  1877.  —  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux  concurrents.  Le  nombre  minimum  des  vers  pré- 
sentés par  le  même  auteur  est  fixé  à  cent.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  travaux  sont  inédits 
et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Les  concurrents  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus  :  les 
envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de 
l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux  archives  de  la  Société  ;  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie.  — 
Les  Français  et  les  Etrangers  membres  de  la  Société  Florimontane  sont  seuls  admis  à  concourir.  —  Les  travaux 
devront  parvenir  franco  à  M.  Louis  Revon,  secrétaire  de  la  Société,  avant  le  1"  juillet  1877. 

Le  dix-huitième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  1"  juin  1877.  —  Dix-sept  médailles 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evarjste  C.\branxe, 
président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 

La  société  nationale  n'ÉDuc.iTio.N'  DE  Lyon  destine,  pour  1877,  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur  ce 
sujet  :  Jusqu'à  quel  point  l'étude  des  théories  et  des  définitions  grammaticales  est-elle  nécessaire  dans  l'enseignement 
primaire  pour  apprendre  la  langue  et  l'orthographe?  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1878  sous  le 
nom  de  Prix  de  la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  l"  novembre  prochain,  à 
M.  Palud,  libraire,  h,  rue  de  la  Bourse.  —  Pour  plus  amples  renseignements  s'adresser  à  M,  J.-B.  Mathey,  secrétaire 
général  de  la  Société. 

RENSEIGNEMENTS 
A  l'usage  des  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue  à  l'étranger. 

AGENCES   AUXQUELLES    ON   PEUT    s'aDRESSEK  : 

A  Paris:  M.  Pelletier,  19,  rue  de  l'Odéon;  —  Mme  veuve  Simonnot,  33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin ;  — 
A  Londres  ;  M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W.;  —  M.M.  Griffiths  et  Smith,  n,  llenrietta  street,  Covent-Garden, 
W.  C.  ;  —  Le  Collège  of  preceptors,  Queen's  Square;  —  A  Livbrpool  :  M.  le  prof.  Husson,  Queen's  Collège;  —  A  New- 
York  :  M.  Scherinerhorn,  /|30,  Broom  Street. 

Journaux  dans  lesquels  on  peut  faire  des  annonces  :  . 
L' American  Regisler,  destiné  aux  Américains  voyageant  en  Europe;  —  le  Galignani's  .Messenger,  reçu  par  nombre 
d'Anglais  qui  habitent  en  France;  —  le  U'ekker.  connu  par  toute  la  Hollande;  —  le  Journal  de  Saint- Pélersboury,  très- 
répandu  en  Russie;  —  le  Times,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Hartvvlck,  390,  rue  St-llonoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 


M.  Eman  Martin,  Rédacteur  du  Cocrrieii  de  Vaugelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  UAUPELEV  à  Nogent-le-Rotrou. 


7°  Année. 


N"  22. 


15'AvrU  1877. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant   la    l*  et   le   15    de   ehaaae  moi* 


(Dans  sa  séance  du  n  janvier  1875,  V Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par   an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  littéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN      PROFESSEUR     SPÉCIAL     POUR     LES      ETRANOERS 

Officier  de  l'Instruction  publique    . 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à.  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  partent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adressersoit au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


IMPORTANT. 
Les  personnes  qui  n'ont,  pas  l'intention  de  renouveler 
leur  abonnement  au  Courrier  de  V.iccEL.vs  à  la  fin  de 
celte  septième  année,  sont  instamment  priées  de  vou- 
loir bien  en  informer  le  Rédacteur  aussitôt  qu'elles 
auront  pris  connaissance  du  présent  avis. 


SOMMAIRE. 

Communication  relative  au.\  noms  de  métier  en  er  el  en  ier :  — 
Origine  de  Mess,  table  des  ofliciers  d'un  régiment;  —  S'il  faut 
écrire  la  Palisse  ou  la  Palice;  —  Orthograpbe  de  Yétyver;  — 
Différence  entre  A  raison  de  et  En  raison  de;  —  K  quelle 
époque  remonte  l'expression  Ah  .'  le  bon  billet  qu'a  la  Châtre  ; 
—  S'il  faut  un  accent  circonflexe  sur  Le  Havre.  ||  Etymologie 
de  Dorénavant  ;  —  Quand  on  peut  dire  à  quelqu'un  Celui-ci 
est  aussi  Alexandre;  Il  Passe-temps  grammatical.  ||  Suite  de 
la  biographie  de  IVicolas  Andry.  \\  Ouvrages  de  grammaire 
et  de  littérature.  ||  Concours  littéraires.  ||  Renseignements 
olTertâ  aux  étrangers. 


FRANCE 

COMMUNICATION. 

Voici  une  seconde  letlre  relative  à  la  suppression  de 

i'i  dans  certains  noms  de  métier  : 

Nîmes,  le  23  octobre  1876. 
Monsieur  le  Kédacteur, 

Permettez-moi  quelques  observations  à  propos  de  la 
discussion  soulevée  dans  le  numéro  du  1"  août  de  votre 
estimable  journal,  et  reprise  dans  le  numéro  du  15  sep- 
tembre, sur  les  noms  de  métiers  en  er  et  en  ier. 

M.  Werkmann,  s'appuyant  sur  l'autorité  de  M.  Bracbet 
attribue  l'absence  de  l'i  avant  l'e  dans  quelques-uns  de  ces 
noms  à  l'iulluence  de  la  gutturale  qui  précède,  et  il  cite 
cocher,  horloger,  boucher  et  boulanger.  Vous  répondez  en 
citant  à  votre  tour  banquier,  perruquier,  cagier  et  imagier, 
ajoutant  qu'on  ne  s'expliquerait  pas  l'influence  que  la 
gutturale  aurait  pu  exercer  sur  un  i  qui,  dans  l'origine,  n'a 
pas  dû  être  prononcé. 

De  ces  quatre  exemples,  les  deux  premiers  seuls  sont 
valables.  Car  imagier,  que  M.  Littré  écrit  avec  raison  imager, 


ne  saurait  constituer  une  e.xception;  c'est  la  vieille 
orthographe  du  mot  imagier  qu'il  faut  mettre  à  côté  de 
vachier  =  vacher,  porchier  =  porcher,  clergiè  =  clergé.  Quant 
à  cagier,  el  à  tout  autre  semblable,  c'est  un  mot  moderne 
formé  d'après  une  fausse  analogie  sur  les  noms  de  métier 
si  nombreux  terminés  en  ier. 

11  est  vrai  d'ailleurs  que  la  gutturale,  en  tant  que  gutturale 
pure,  n'aurait  pu  amener  un  i  parasite;  mais  en  devenant 
douce  ou  chuintante,  elle  a  développé  au  moyen  âge  pré- 
cisément cet  i  parasite  non  pas  dans  les  noms  de  métier 
{où  il  était  justifié  par  l'étymologie  et  antérieur  à  la  modi- 
fication de  la  gutturale),  mais  dans  les  infinitifs  et  par- 
ticipes passés  de  la  première  conjugaison.  Au  xui-  siècle, 
on  disait  régulièrement:  renoncier,  marchier,  congié,  chassier, 
où  l'i  parasite  a  disparu  complètement  aujourd'hui  ;  et 
cet  i  se  mettait  en  particulier  dans  les  terminaisons  chier, 
gier,  chié,  ^ie,  même  contrairement  à  létymologie.  Il  dépen- 
dait au  contraire  de  l'étymologie  dans  la  terminaison  siier. 

Il  est  facile  maintenant  de  rendre  raison  de  l'anomalie 
apparente  existant  dans  l'orthographe  des  noms  de  métier 
(ou  autres  comme  rocher,  verger,  anciennement  verdier) 
terminés  en  iir,  er. 

Ces  noms  ont  tous  été  formés  des  mots  latins  ou  bas- 
latins  en  arius,  arium,  ou  directement  des  substantifs,  par 
analogie.  La  forme  ier  est  donc  la  forme  réguliéfe,  Cf. 
primarius  —  premier,  salinarius  =  saunier.  Mais  comme  l'i 
parasite  développé  par  la  chuintante  douce  ou  forte  (et 
non  par  la  gutturale)  n'avait  d'autre  effet  que  û'aiguiser  la 
prononciation  de  la  chuintante  elle-même,  il  a  disparu 
dans  l'orthographe  des  infinitifs  et  participes  de  la  pre- 
mière conjugaison  en  chier,  gier,  chié,  gié,  ce  qui  a  amené 
par  analogie  la  disparition  de  l'i  da.ns  les  mots  terminés 
de  même,  et  en  particulier  dans  les  noms  de  métier  en 
cher,  ger,  où  l'étymologie  et  l'analogie  semblaient  exiger 
son  maintien. 

Lps  mois  perruquier,  banquier,  etc.,  montrent  bien  d'ail- 
leurs que  la  gutturale  n'a  pu  amener  la  suppression  do  l'i, 
qu'elle  a  au  contraire  développé  au  xni'  siècle,  par  sa  trans- 
formation en  chuintante. 

Veuillez  excuser,  Monsieur  le  Rédacteur,  la  longueur  de 
ces  explications,  et  agréer  l'assurance  de  ma  considération 
distinguée. 

L.   CONSTANS, 

Professeur  agrégé  de  l'Université. 

Dans  mon  numéro  du   15  août  dernier,  ayant  eu  à 

résoudre  la  question  de  savoir  [muiquoi  certains  noms 

de  métier  sont  terminés  par  er  tandis  que  d'autres  le 


no 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


sont  par  icr,  j'avais  attribué  la  suppression  de  1'/  dans 
quelques-uns  au  caprice  de  l'usage. 

Un  abonné,  M.  Werkmann,  ne  fut  pas  de  mon  upi- 
uion;  et  s'appuyant  sur  une  règle  donnée  par  M.  lîra- 
chel  relativement  aux  noms  d'arbres  fruitiers,  il  m'écrivit 
qu'il  lui  semblait  que  cette  suppression  de  1'/  était  due 
à  l'influence  de  la  gutturale,  douce  ou  forte,  qui  le  pré- 
cédait. 

Je  répliquai  en  citant  des  noms  de  métier  où  1'/  était 
resté  malgré  la  présence  d'une  gutturale.  Mais  mon 
argument  ne  satisfit  pas  un  autre  abonné,  M.  Gons- 
tans,  qui  a  rouvert  alors  le  débat  en  m'adressantla 
lettre  qu'on  vient  de  lire,  lettre  à  laquelle  je  réponds  ce 
qui  suit  : 

Est-il  vrai  que  imagier  et  cagier  ne  puissent  être  in- 
voqués contre  M.  Werkmann  ?, 

D'après  le  dictionnaire  de  Poitevin,  imagiT  est  le 
terme  dont  on  se  sert  pour  désigner  celui  qui  fait  ou 
vend  des  images;  et,  comme  tout  en  donnant  imager, 
M.  Littré  applique  à  ce  dernier  l'épithète  de  «  mot  qui 
vieillit  »,  il  s'en  suit,  puisque  la  profession  existe  tou- 
jours, que  c'est  réellement  imagier  qui  est  le  liom  actuel . 
de  celui  qui  exerce  cette  profession. 

Pour  ce  qui  est  de  cagier  désignant  un  homme  qui 
fait  des  cages,  ce  n'est  pas,  à  mon  avis,  un  nom  mo- 
derne; c'est,  avec  une  différence  de  signification,  le 
cagier  qui,  en  terme  de  fauconnerie,  désignait  autrefois 
celui  qui  portait  des  faucons  et  autres  oiseaux  de 
chasse. 

D'où  il  suit  que  les  deux  noms  en  question  peuvent 
parfaitement,  avec  banquier,  perruquier  ti  piquier  (que 
j'ai  oublié),  être  opposés  à  M.  Werkmann,  puisque, 
comme  ces  derniers,  ils  appartiennent  à  la  langue  ac- 
tuelle^  et  qu'ils  renferment  ier  devant  une  gutturale. 

La  suppression  de  Vi  dans  les  noms  de  métier  en  ier 
a-t-elle  eu  la  cause  que  lui  assigne  .M.  Gonstans? 

Gomme  on  vient  de  le  voir,  toute  l'explication  du 
savant  professeur  de  Nîmes  repose  sur  l'admission  de 
ce  fait  que  \'i  était  prononcé  au  moyen  âge  dans  les 
finales  ier,  appartenant  aux  substantifs,  aux  infinitifs 
des  verbes,  etc.  Mais  il  n'en  était  réellement  pas  ainsi  ; 
car  l'examen  des  textes  de  ces  temps  reculés  fait  voir  : 

\°  Que  les  mots  en /er,  substantifs,  verbes,  adverbes, 
etc.,  avaient  leur  finale  écrite  également  par  er,  ce  qui, 
selon  moi,  n'aurait  pas  eu  lieu  si  l'on  eût  prononcé  1'/ 
dans  ces  finales  : 

1391.  Que  nulle  imager  ne  peintre  ne  commence  à  peindre 
aucune  ymage  de  quelque  liois  qu'elle  soit,  etc. 

(Delaborde,   Not.  des  Emaux,  II,  p.  435.) 

Que  eve  seul  [a  coutume  de]  percer  la  piere  bise. 

(Rom*  du  chast.  de  Couci,  XI.) 

Qui  souloit  faire  messages  volenlers. 

{Ch.  de  Roland,  CLXXXIX.) 

2°  Que  le  futur  des  verbes  en  ier,  qui  a  été  formé  au 
moyen  de  l'infinitif,  absolument  comme  celui  des  autres 
verbes  (voir  Courrier  de  Vuugelns,  I'"  année,  n°  lt>), 
ne  renferme  pas  d'i  avant  \'r,  et  qu'il  en  serait  tout 
autrement, si  cet  i  se  fût  fait  entendre  à  l'infinitif. 

Par  conséquent,  je  me  crois  autorisé  à  ne  pas  voir 


non  plus  dans  la  gutturale  douce  ou  chuintante  qui 
précède  ier,  finale  ancienne  de  verbes  aujourd'hui  en  er, 
la  cause  qui  a  produit  la  suppression  de  l'i  dans  un  cer-     j 
tain  nombre  de  noms  de  métier.  ' 

Cependant,  je  l'avoue,  le  nouvel  examen  auquel  je 
viens  de  me  livrer  a  notablement  modifié  mon  opinion 
première  sur  la  suppression  dont  il  s'agit;  et  voici  de 
quelle  façon,  informé  plus  complètement,  j'estime  que 
les  choses  se  sont  passées  : 

Dans  les  verbes  ayant  la  finale  ier,  c'était  probable- 
ment la  gutturale  douce  et  la  chuintante  qui  dominaient; 
quand  on  voulut  mettre  l'écriture  d'accord  avec  la  pro- 
nonciation, ce  fut  naturellement  après  ces  consonnes 
que  s'opérèrent  le  plus  grand  nombre  de  suppressions  de 
l'i  muet;  et,  par  analogie,  cette  voyelle,  sauf  quelques 
exceptions,  disparut  des  noms  de  métier  présentant  à 
leur  radical  une  gutturale  de  même  espèce.  < 

Ainsi,  ce  n'a  pas  été  par  l'effet  du  hasard  que  ier 
s'est  changé  en  er  dans  quelques  noms  de  métier;  le 
fait  s'est  produit  par  l'application  d'une  réforme  ortho- 
graphique qui,  générale  dans  les  verbes,  ne  le  fut  pas 
dans  les  substantifs. 

Je  remercie  de  tout  cœur  M.  Gonstans  de  m'avoir 
ramené  sur  une  question  que  j'étais  loin  d'avoir  assez 
approfondie,  même  après  ma  réponse  à  M.  Werkmann. 


Première  Question. 

Pourquoi  appelle-t-on  depuis  quelque  temps  du  nom 
de  MESS  la  fable  des  officiers  de  notre  armée  ?  Quelle  est 
l'origine  de  ce  mol,  qui  n'a  point  du  tout  la  physiono- 
mie française? 

Après  la  guerre  de  Crimée,  les  officiers  des  Guides 
ayant  commencé  à  prendre  leur  pension  à  la  caserne 
même  où  étaient  logés  leurs  hommes,  ceux  des  régi- 
ments de  la  Garde  les  imitèrent,  et  il  en  fut  bientôt  de 
même  dans  plusieurs  autres  régiments  de  l'armée,  où, 
paralt-il,  cette  institution  existe  encore. 

Vous  désirez  savoir  d'où  vient  le  singulier  nom'  de 
mess,  qui  a  été  donné  à  cette  pension  militaire?  Je  vais 
vous  le  dire. 

On  a  prétendu  qu'il  était  tiré  du  latin  mensu,  table, 
comme  l'espagnol  mesa;  mais  c'est  une  grave  erreur.  Si 
telle  était  l'origine  de  mess,  il  n'aurait  pas  deux  .<,  le 
mot  mensa  n'en  ayant  qu'une,  et  l'habitude  du  français 
n'étant  pas  de  terminer  par  une  double  consonne  les 
vocables  qu'il  dérive  du  latin.  Mess  est  un  emprunt 
fait  à  la  langue  anglaise,  comme  ce  qu'il  sert  à  dési- 
gner en  est  un  fait  à  la  manière  de  vivre  des  officiers 
anglais. 

Toutefois,  je  vous  ferai  remarquer  que,  bien  qu'ap- 
partenant à  la  langue  de  nos  voisins  d'outre-.Manche,  le 
mot  en  question  n'est  pas  vraiment  anglais;  car  on 
disait  autrefois  chez  nous  prendre  melz  (qui  se  trouve 
dans  Roquefort)  pour  signifier  «  s'associer  pour  manger 
ensemble  »,  fait  mis  en  parfaite  évidence  par  l'exemple 
suivant  : 


I 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


m 


Lesquelz  eompaignons  se  associèrent  et  prindrenl  metz 
pour  soier  [scier]  et  labourer  ensemble  en  la  présente 
mosson  [moissonj. 

(Du  Gange,  mot  Missoriiim.) 

En  adoptant  le  mess  des  officiers  anglais,  tant  pour 
le  nom  que  pour  la  chose,  les  noires  n'ont  fait,  en 
quelque  sorte,  que  reprendre  leur  propre  bien. 

X 
Seconde  Quesllon. 
A  propos  de  l'expression  vse  vérité  a  l\  palisse,  je 
vous  prie  de  me  tirer  du  doute  oii  Je  suis  sur  l'orlho- 
grrip/ie  du  mot  palisse.  L'académicien  Lamonnoije  écrit 
la  palisse,  le  Dictionnaire  de  Larousse  orthographie 
la  PALICE.  Puis-je  espérer  trouver  quelques  renseigne- 
ments à  ce  sujet  dans  un  de  vos  prochains  numéros? 

J'ai  consulté  deux  ouvrages  contenant  la  chanson  de 
La  Monnoye,  ce  modèle  d'un  style  qu'on  pourrait  appeler 
le  style  niais  :  les  Poésies  de  la  Monnaye,  publiées  à  La 
Haye,  en  1716,  par  Sallenge,  et  les  Œuvres  de  la  Mon- 
noije,  publiées  à  Dijon  en  1769,  par  Rigobey. 

Dans  le  premier  de  ces  ouvrages,  le  héros  de  la  chan- 
son porte  partout  le  nom  de  la  Gatisse ;  dans  le  second, 
celui  de  la  Palisse. 

Evidemment  la  Galisse  est  une  erreur;  Sallenge,  lit- 
térateur français  réfugié  a  La  Haye,  qui  a  édité  les 
Poésies  de  la  Monnoye  à  l'insu  de  l'auteur,  a  lu  un  g 
pour  un  p  sur  la  copie  qui  lui  aura  été  remise  ;  mais, 
à  cela  près,  dans  la  Chanson  du  fameux  la  Palisse  (car 
le  titre  primitif  ne  porte  point  monsieur  comme  le  titre 
d'aujourd'hui),  on  doit  écrire,  si  les  sources  que  je  cite 
font  autorité,  comme  je  le  crois,  on  doit  écrire,  dis-je, 
la  Palisse,  et  non  la  Palice. 

Plusieurs  personnes  croient  que  la  chanson  en  ques- 
tion a  été  dirigée  contre  l'intrépide  maréchal  de  la  Pa- 
lisse qui  prit  le  commandement  de  l'armée  d'Italie  après 
la  mort  de  Gaston  de  Foix.  Telle  n'est  pas  mon  opinion  ; 
car  Sallenge,  qui  publia  cette  chanson  à  l'étranger, 
c'est-à-dire  là  où  il  avait  toute  liberté  de  s'expliquer  sur 
les  intentions  que  le  public  du  temps  prêtait  à  son  au- 
teur, voit  tout  simplement  dans  le  fameux  la  Galisse  un 
«  homme  imaginaire  dont  .M.  de  la  Monnoye  a  pris 
plaisir  de  faire  en  cinquante  quatrains  »  la  description 
que  l'onconnait. 

X 
Troisième  Question. 

J'ouvre  un  dictionnaire  français ,  et  mes  yeux  se 
portent  sur  le  mot  vétyvi:r,  qui  est  défini  :  plante  dont 
les  racines  très-odorantes  servent  à  préserver  des  insec- 
tes le  linge  et  les  vêtements  de  drap.  Pourquoi  cet  ï? 
Le  mol  n'est  probablement  pas  bien  orthographié  :  je 
cherche  dans  le  (lictionnaire  de  Littré  et  Beaujean  : 
même  orthographe.  Est-ce  que  J'aurais  cru  à  tort  Jus- 
qu'ici que  vÉTïVEii  vietit  de  veto  el  de  vek? 

Je  suis  iïiché  d'avoir  à  vous  le  dire;  mais,  en  effet, 
vous  vous  êtes  complètement  trompé  jusqu'à  ce  jour  sur 
le  sens  réel  du  mpt  en  question. 


Certainement,  ce  mot  concorde  en  apparence  avec 
l'usage  auquel  est  propre  la  racine  qu'il  sert  à  désigner  ; 
mais  en  réalité  (j'appuie  mon  dire  sur  le  témoignage  de 
deux  hommes  de  science,  Lemaout  et  Decaisne),  il  vient 
de  v/tivaijr,  nom  que  ladite  racine  porte  dans  l'Inde, 
d'où  elle  est  originaire. 

Quanta  l'orthographe  de  '•e7i/ir;-,jenepuisrapprouver; 
car  voyant,  d'un  côté,  que  ce  mot  est  tiré  de  l'indien 
vitivayr,  et  de  l'autre,  que  le  vètyver  porte  en  latin  le 
nom  de  vetiveria  odorata,  je  crois  impossible  de  justi- 
fier l'y  que  nos  lexicographes  y  ont  mis  après  le  t. 

X 

Quatrième  Question. 

Voudriez-vous  bien  me  dire,  par  la  voie  de  votre 
journal,  laquelle  de  ces  deux  locutions  doit  être  pré- 
férée :  A  RAISON  DE  ou  EX  ilAlSOX  DE'? 

Le  substantif  raison  sert  à  former  deux  locutions  pré- 
positives, à  raison  de  et  en  raison  de,  lesquelles  ne  sont 
nullement  synonymes. 

A  raison  de  a  une  double  signification  : 

\^  Il  se  met  pour  «  cause  de,  comme  le  montrent  les 
exemples  suivants  : 

Il  y  a  des  gens  capables  d'adopter  cette  critique,  à  raison 
de  sa  commodité. 

(J.-J.  Rousseau,  cité  par  Lafaye.) 

Cet  employi^,  à  raison  de  ses  bons  services,  vient  de 
recevoir  une  gratification. 

(Littré,  Diction.) 

2"  11  s'emploie  dans  la  langue  des  affaires  pour  au 
taux  de,  au  prix  de  : 

11  doit  le  change  de  dis  mille  francs,  à  raison  de  tant 
pour  cent. 

(Académie.) 

Sur  ce  vaisseau,  la  disette  de  l'eau  oblige  de  ne  la  dis- 
tribuer qu'à  raison  d'un  demi-litre  par  tète. 

(Littré,  Diction.) 

Quant  à  en  raison  de,  il  signifie  en  proportion  de  : 

L'imposition  doit  être  faite  en  raison  des  biens  des  con- 
tribuables. 

(J.-J.  Rousseau,  cité  par  Lafaye. } 

On  paya  cet  ouvrier  en  raison  du  temps  qu'il  avait  mis  à 
cet  ouvrage. 

(Académie.) 

X 

cinquième  Question. 
Dans  votre  numéro  45,  vous  avez  donné  l'origine  de 
Aul  LE  Rox  BILLET  qi'a  LA  CHATRE.  Mais  VOUS  u'avcz  }}as 
dit  ce  que  vous  dites  assez  souvent  en  parlant  des  ques- 
tions proverbiales,  la  date  à  laquelle  cette  expression  a 
pris  naissance.  Si  vojts  ne  le  jugez  pas  indigne  de  vos 
recherches,  je  vous  prierais  de  la  donner  dans  un  de 
vos  prochains  numéros. 

C'est  à  l'âge  de  quinze  ans  que  Ninon  de  Lenclos, 
qui  était  née  à  Paris  en  I(>I6,  devint,  par  la  mort  de 
son  père,  maîtresse  absolue  de  ses  actions,  et  put  donner 
un  libre  cours  à  son  penchant  pour  le  plaisir  ;  d'où  il 
suit  que  l'expression  proverbiale  en  question  ne  peut 
rigoureusement  remonter  au-delà  de  1(13). 
•    D'après  Brel,  les  amours  du  marquis  delà  Châtre  et 


472 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


de  Xinon  précédèrent  celles  de  la  même  personne  et  du 
marquis  de  Sévigné.  Or,  comme  celui-ci  ne  commença  à 
aimer  Ninon  qu'après  son  retour  du  siège  de  Candie,  où 
il  avait  été  combattre  contre  les  Turcs,  en  qualité  de 
volontaire,  il  en  résulte  que  cette  expression  est  cer- 
tainement antérieure  à  1669. 

A  n'en  pas  douter,  c'est  donc  entre  4631  et  1669  que 
ah!  le  bon  billet  qu'a  la  Châtre  a  pris  naissance. 

J'aurais  bien  désiré  vous  donner  deux  dates  moins 
éloignées  l'une  de  l'autre  pour  le  gisement  bistorique 
de  celte  expression  ;  mais  les  biographies  ne  disant 
rien  ou  presque  rien  du  marquis  de  la  Châtre,  et  les 
autres  ouvrages  que  j'ai  consultés  ne  m'ayantpas  suffi- 
samment renseigné,  il  m'a  élé  impossible  de  vous 
répondre  d'une  manière  plus  précise. 

X 

Siiième  Question. 

Voxis  m'obligeriez  si,  dans  voire  prochain  Courrier, 
vous  vouliez  bien  faire  connaître  ce  que  vous  pensez  de 
cette  orthographe  :  le  havde,  ou  simplement  HAvnE,f»'e[' 
ou  sans  accent  cucon/lexe,  que  Je  vois  très-souvent  va- 
rier en  tête  des  lettres. 

Le  nom  commun  havre  vient  du  terme  germanique 
hafen,  port,  lequel  n'a  jamais  élé  écrit  par  aa,  ni  par 
un  a  suivi  d'une  h,  double  manière  d'indiquer  l'a  long 
en  allemand. 

Dans  l'ancien  français,  on  ne  trouve  jamais  l'a  de  ce 
mol  suivi  d'une  s,  signe  qui  marquait  généralement  une 
voyelle  longue  dans  cette  première  période  de  notre 
langage  : 

Souz  Alexandre  [Alexandrie],  à  un  havre  moût  lé. 

[Concisvals,  p.  ii8.) 

Quant  [les  Anglais]  se  départirent  des  havres  d'Angle- 
terre, etc. 

(Froissart  II,  II,  37.) 

Tu  quiers  chemin  à  toy  perdre,  à  l'exemple  de  moy,  et 
veulx  saillir  du  havre  do  seureté  pour  toy  noyer  dedans 
la  mer. 

(A.  Chartier,  le  Curial.) 

Depuis  que  nous  avons  introduit  les  accents  (au  xvi" 
sièclei  jusqu'à  l'époque  actuelle,  les  auteurs  n'ont 
jamais  mis  de  circonflexe  sur  Va  de  havre  : 

Et,  comme  un  marinier  échappé  de  l'orage, 
Uu  havre  sûremeni  contempler  le  naufrage. 

(Régnier,  Epit.,  II.) 

La  tempête  se  lève,  la  flotte  va  périr,  elle  essaye  de 
gagner  le  havre  prochain. 

(Chateaubriand,  Génit  du  christ.,  I,  V.  9.) 

Or,  comme  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  que  Havre, 
nom  de  ville  (autrefois  Havre  dr  Gnù-cu  dilTèrc  d'orllio- 
graphe  avec  havre,  nom  commun,  jeu  tire  celte  con- 
clusion que  l'accent  circonflcxo  ne  jicut  nullcmcnl  s'y 
jubtilicr,  allcndu  qu'il  serait  contraire  et  a  l'etymologic 
et  à  un  usage  qui  n'a  jamais  varié  depuis  le  commcncc- 
menl  de  la  langue  française. 


ETRANGER 


Première  Question. 

Je  n'ai  jamais  bien  compris  la  signification  du  mof 
dore'xavant.  Pourriez-vous  m'en  donner  l'explication 
dans  votre  journal  ?  Vous  me  feriez  là  un  sensible 
plaisir. 

Ce  mot  est  un  composé  de  quatre  autres  :  de,  or,  en 
et  avant,  fait  que  mettent  en  évidence  ces  exemples,  tirés 
de  l'ancienne  langue,  où  les  éléments  de  dorénavant 
sont  encore  à  l'état  libre  : 

Ne  doit  estre  souffert  dore  en  avent  que  bourgeoise, 
combien  que  ele  soit  riche  famé,  face  char  pour  soi. 

{Ordonn,  Toy.  de  1279.) 

H'or  en  avant  el  grant  fer  de  ma  lance 
Est  vostre  mort  escrite  sans  faillance. 

{Rom.  de  Raoul  de  Cambrai,  p.  71,  éd.  Le  Glay.J 

Dore  en  avant  serons  nous  compeignon.  J 

(Concisvals,  p.  140.)  ^M 

Par  conséquent,  cet  adverbe  veut  dire,  dans  le  sens 
littéral,  sens  que,  du  reste,  il  a  conservé,  de  ce  Jour  en 
avant,  car  le  terme  latin  fiora,  qui  a  donné  or,  avait 
entre  autres  sens  celui  de  jowr. 

La  réunion  des  quatre  termes  composant  doréna- 
vant a  fait  commettre  une  faute  dans  l'orthographe  de  ce 
mot,  qui  se  prononçait  naturellement  doran-navant, 
quand  ces  termes  étaient  séparés  :  d'abord  le  en  se 
changeaen  e,  on  dit  dore-navant;  puis  cet  e  prit  l'accent, 
ce  qui  était  contraire  à  l'élymologie.  Mais  aujourd'hui, 
cette  faute  est  irréparable. 

X 

Seconde   Question. 
,4  quel  propos  peut-on  dire  à  quelqu'un  celdi-ci  est 
AUSSI  ALEXANDRE,  cxprcssion  que  je  trouve  dans  le  char- 
mant livre  un   Philosophe  sous  les  toits,  dans  lequel 
vous  me  donniez  mes  leçons  de  lecture? 

L'origine  de  cette  expression  se  trouve  dans  le  pas-    ■ 
sage  suivant  de  Rollin  (Hist.  anc.  l.  II,  p.  215)  :  | 

Après  qu'Alexandre  se  fut  acquitté  de  tous  ces  devoirs 
il  envoya  avertir  les  reines  qu'il  allait  les  visiter;  et,  ayant 
fait  retirer  toute  sa  suite,  il  entra  seul  dans  la  tente  avec 
Ephestion  :  c'était  son  favori  ;  et  comme  ils  avaient  été 
élevés  ensemble,  le  roi  lui  faisait  part  de  tous  ses  secrets, 
et  personne  n'osait  lui  parler  si  librement  que  lui  ;  mais  il 
usait  de  cette  liberté  avec  tant  de  discrétion  el  de  réserve 
qu'il  paraissait  le  faire  moins  par  inclination  et  par  goût 
que  pour  obéir  au  roi,  qui  le  voulait  ainsi.  Us  étaient  do 
même  âge  :  mais  Ephestion  avait  sur  lui  l'avantage  de  ii 
taille;  de  sorte  que  les  reines  le  prirent  pour  le  roi,  et  lui 
rendirent  leurs  respects.  Quelques  eimuques  d'entre  les 
captifs  leur  montrant  qui  était  Alexandre,  Sysigambis  se 
jeta  à  ses  pieds,  et  lui  demanda  pardon,  s'excusant'sur  ce 
qu'elles  ne  l'avaient  jamais  vu.  Le  roi,  la  relevant,  lui  dit: 
«  Non,  ma  mère,  vous  no  vous  êtes  pas  trompée,  car  cc/wi- 
c'(  rit  aussi  Ahxandrt.  » 

Quant  à  la  manière  de  l'emiiloyer,  clic  est  dictée  par 
le  récit  même  que  je  viens  de  rapporter.  En  effet,  à  qui 


LE  COUBRIER  DE  VAUGELAS 


473 


celle  phrase  fut-elle  adressée?  A  Sysigambis,  qui  avait 
pris  Epheslion  pour  Alexandre.  Elle  peut  donc  être  em- 
ployée par  toute  personne  qui  aura  été  l'objet  d'une 
méprise  analogue  à  celle  que  commit  la  mère  du  roi  des 
Perses,  et  auprès  de  qui  l'auleur  de  cette  méprise 
viendra  se  confondre  plus  ou  moins  en  excuses. 


PASSE-TEMPS  GRAMAIATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

1°,..  collection  conservée  par  feu  M"'  Troyon;  —  2'...  a  em- 
pêché que  les  emblèmes  maçonniques  île  fussent  placés  ;  — 
3"...  pour  autre  chose  que  manger(le  your  est  inutile);  —  4°...  ce 
prêtre  défroqué  ne  nous  parait  (on  ne  peut  pas  dire  en  rupture 
de  robe;  voir  Courrier  de  Vaugelas.  2°  année,  p.  13);  — 
S'...  s'est  laissé  tromper  (elle  ne  trompait  pas);  —  6'...  au 
moyen  de  corsets-cuirassei  ;  —  7°...  doit  prendre  de  peur  qu'un 
trop  grand  désir;  —  8°...  devant  les  tribunaux  afin  d'interdire 
(voir  Courrier  de  Vaugelas,  2"  année,  p.  139)  ;  —  9»...  bottines 
et  de  bas  bien  tirés  et  bien  blancs. 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

t*  Son  visage  est  gras,  coupé  par  une  large  bouche  aux 
lèvres  lippues;  son  nez  petit  et  rond,  bourgeonné  comme 
une  framboise. 

2'  Au  cercle  de  la  rue  de  Ctiarenton,  c'est  toute  autre 
chose  :  on  y  pratique  un  culte  dont  les  esprits  sont  les 
révélateurs,  et  les  médecins  les  grands  prêtres. 

3'  L'entrée  du  square,  en  raison  des  travaux,  a  dû  être 
interdite  à  deux  ou  trois  personnes  qui  se  présentaient 
déjà  pour  déposer  des  couronnes  d'immortelles  sur  lesocle 
du  monument. 

4°  Gaudry,  qui  affecte  les  manières  et  la  tenue  d'un 
officier  aisé,  a  quarante-deux  ans,  bien  qu'il  n'en  paraisse 
qu'environ  trente-cinq. 

5°  Il  regarde  la  nature  les  yeux  mi-fermés,  laissant  les 
détails  aux  faux  artistes  qui  peignent  la  bataille  de  Marengo 
sur  un  chaton  de  bague. 

6°  Le  remplacement  était  irrévocablement  condamné  par 
l'opinion  publique.  C'est  là  une  puissance  avec  laquelle, 
quoi  qu'on  en  ait,  il  faut  bien  bon  gré,  mal  gré  compter. 

7°  Le  directeur  de  l'octroi  à  l'honneur  d'informer  MM.  les 
chasseurs  qu'à  l'exemple  des  années  précédentes,  des  cartes 
spéciales  devant  servir  à  la  prompte  introduction  du 
gibier  dans  Paris,  seront  mises  à  leur  disposition. 

8'  Ce  brave  artiste,  dont  je  tairai  le  nom,  quoiqu'il  soit 
bien  connu  dans  tout  le  quartier  Montparnasse,  aimait  le 
jus  de  la  treille  autant  et  plus  que  la  musique. 

9'  Monsieur,  commence  alors  papa  Saint-Clair  en  cares- 
sant les  breloques  de  sa  chaîne  de  montre,  je  ne  vous 
interrogerai  ni  sur  votre  personne,  ni  sur  votre  situation 
de  fortune. 

10"  Il  est  venu  tardivement  [l'hiver],  un  mois  au  moins 
après  qu'on  ne  l'atiendait,  mais  il  est  venu,  et  cela,  au 
grand  contentement  des  officiers  supérieurs  de  l'armée  de 
Bessarabie. 

11"  L'auteur  mùlé  aux  faits,  depuis  l'exposition  jusqu'au 
dénouement,  a  communiqué  à  son  récit  l'impression  atta- 
chante d'une  histoire  vécue. 

(Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

(Suite.) 

En  la  mai»,  Entre  les  maim.  —  Le  P.  Bouhours  ne 
trouve  pas  que  la  phrase  il  a  le  van  en  la  main  soit 
bien  dite,  parce  qu'on  ne  tient  pas  un  van  comme  un 
éventail  ;  on  la  entre  ses  mains,  et  non  en  la  main. 
Mais  ce  grammairien  na  pas  pris  garde  que  le  sens  de 
saint  Jean-Baptiste,  de  qui  sont  ces  paroles,  n'est  pas 
que  Dieu  vanne  déjà  son  blé,  mais  seuleinent  qu'il  est 
prêta  le  vanner.  Or,  quand  on  tient  le  van  seulement 
pour  s'en  servir,  il  est  bien  plus  naturel  de  le  tenir 
d "une  main  que  des  deux. 

Entendu.  —  Que  l'on  dise  un  dessein  bien  entendu, 
une  maison  bien  entendue,  cela  parait  régulier;  mais 
qu'on  dise  un  homme  entendu,  une  femme  entendue, 
pour  dire  qui  entendent  bien  ce  qu'ils  font,  c'est  une 
bizarrerie  où  l'usage  fait  bien  voir  son  autorité,  car 
c'est  une  expression  élégante,  et  d'autant  plus  élégante 
qu'elle  est  plus  irrégulière. 

Estre  de  mise.  —  C'est  une  façon  de  parler  qui  est 
plus  à  la  mode  que  jamais  ;  on  s'en  sert  dans  la  con- 
versation et  même  dans  le  haut  style  (•1693). 

Expressions  qui  ne  se  doivent  pas  prendre  à  la  lettre. 
—  Il  y  a  des  expressions  qui  seraient  ridicules  étant 
examinées  à  la  rigueur,  lesquelles  ne  laissent  pas  d'être 
très-bonnes  étant  considérées  par  rapport  à  l'usage. 

Eternel,  Eternellement.  —  Nicolas  Andry  constate 
que  ces  mots  sont  fort  a  la  mode. 

Il  a  failli.  Il  a  pensé.  —  Le  dernier  est  le  meilleur. 
Vaugelas,  à  la  vérité,  dit  dans  son  Quinte-Curce  Meni- 
das  et  Benus  faillirent  à  être  blessez.  Il  s'est  réglé  en 
cela  sur  Goelïeteau,  qui  dit  toujours  failli  au  lieu  de 
pensé.  Mais  si  failli  était  bon  autrefois  en  ce  sens,  il 
ne  l'est  plus  guère  aujourd'hui. 

Fasse  le  ciel.  —  Expression  usée  dont  se  parent 
encore  certains  prédicateurs,  qui  ne  croiraient  pas 
avoir  fait  un  discours,  s'ils  n'avaient  dit  vingt  fois 
fasse  le  ciel.  Ils  feraient  bien  mieux,  les  bonnes  gens, 
d'implorer  le  secours  du  ciel,  pour  parler  plus  raison- 
nablement et  de  meilleur  sens. 

Faire  à  deu.v  fois.  —  Cette  expression  est  ordinaire 
dans  le  discours  familier  ;  elle  s'écrit,  et  même  l'au- 
teur des  Remarques  nouvelles  n'a  pas  fait  difficulté  de 
s'en  servir  dans  son  dernier  livre. 

.S'e  fier  en.  Se  fier  à.  —  Le  premier  a  un  sens  plus 
fort  que  se  fier  à;  ce  dernier  signifie  seulement  ce 
que  nous  entendons  par  le  mot  croire,  comme  dansée 
me  fie  à  i-ous,  ne  me  trompez  pas. 

Gros  seigneur.  —  Il  y  a  des  persouiies  qui  croient 
u]ue  cela  signifie  grand  seigneur.  Elles  se  trompent  ;  lo 
grand  seigneur  est  fait  par  la  naissance,  ël  le  gros  sci- 


ai 


L,E  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


giieur  est  fait  par  le  bien  qu'il  possède.  On  dit  d'un 
homme  de  rien  qui  a  fait  forLune  que  c'est  un  gros  sei- 
gneur, et  d'un  homme  de  haute  naissance,  que  c'est  un 
grand  seigneur,  quoiqu'il  ne  soit  pas  riche. 

Quelles  expressions  de  notre  langue  on  doit  appeller 
gallicismes.  —  Nous  avons  plusieurs  façons  de,  parler 
qui  sont  tellement  propres  à  notre  langue  qu'on  ne  les 
trouve  en  aucune  autre.  Les  unes  consistent  à  mettre 
être  pour  avoir,  comme  dans  :  //  s'est  voulu  tuer,  il 
s'est  piqué  le  doigt  ;  les  autres  consistent  à  mettre  le 
pronom  réciproque  se  avec  un  texte  qui  ne  le  saurait 
gouverner,  comme  dans  il  s'en  r«,  il  s'en  fuit,  il  se 
meurt,  car  on  ne  dit  pas  aller  quelqu'un,  enfuir  quel- 
qu'un ;  d'autres  consistent  dans  l'irrégularité  du 
nombre,  comme  dans  //  est  neuf  heures,  il  est  dix 
heures,  rais  pour  :  ils  sont  neuf  heures,  ils  so7it  dix 
heures,  ce  qui  se  disait  autrefois.  11  y  en  a  d'autres  qui 
ont  de  la  régularité  dans  la  construction,  mais  qui  n'en 
ont  pas  dans  le  sens,  à  prendre  les  mots  à  la  lettre. 
Telles  sont  les  expressions  se  louer  de  quelqu'un,  se 
battre  contre  quelqu'un,  etc.;  car  se  donner  des  louanges 
à  soi-même,  se  vanter,  n'est  point  ce  que  se  loiier  si- 
gnifie en  cette  occasion  :  se  donner  des  coups  à  soi- 
même,  n'est  point  ce  que  signifie  ici  se  battre. 

11  y  a  des  gallicismes  de  mille  sortes,  et  l'on  n'aurait 
pas  fini  si  l'on  voulait  les  rapporter  tous.  Cependant 
en  voici  encore  quelques-uns  :  faire  brun,  faire  sombre, 
faire  chaud,  faire  du  soleil,  être  sur  sa  bouche  pour 
dire  être  sujet  à  sa  bouche  ;  faire  bon  pour  dire  faire 
caution  de  quelqu'un  ;  se  prendre  à  pleurer  pour  com- 
mencer à  pleurer. 

Grief  considérable.  —  Le  mot  grief  est  encore  de  bon 
goût,  quoi  qu'en  disent  certains  précieux  et  certaines 
précieuses  ;  on  le  trouve  dans  les  livres  les  plus  nou- 
veaux et  les  mieux  écrits.  Le  P.  Cheminais  s'en  sert  en 
mille  endroits  de  ses  sermons. 

i/aVV  à  mort.  Haïr  à  la  mort.  —  Il  faut  employer  la 
première  expression,  c'est  incontestable,  et  l'usage  n'est 
point  pour  le  second,  qui  d'ailleurs  renfermerait  une 
équivoque. 

Uonncstes  gens.  —  Ce  terme  n'est  pas  toujours 
opposé  à  mal  honnestes  gens.  Par  les  honnêtes  gens  on 
entend  souvent  les  gens  polis,  les  gens  qui  ont  du 
monde  et  qui  savent  vivre;  comme,  par  exemple,  en 
parlant  d'un  mot  que  l'on  désapprouve  :  ce  mot,  dira- 
t-on,  n'est  que  du  petit  peuple,  il  n'est  pas  en  usage 
parmi  les  honnêtes  gens. 

Homme  d'/ionneur,  Ilonneste  homme.  —  D'après 
.\ndry,  c'est  absolimient  la  même  chose,  car  il  ne  peut 
com|)rendre  qu'on  puisse  être  homme  d'honneur  sans 
être  honnête  homme;  cl  réciproquement. 

Hors  cela,  Hors  de  là.  —  Un  des  censeurs  d'Andry 
prétend  qu'au  lieu  de  hors  cela,  il  aurait  du  dire  liors 
de  là  ;  mais  il  n'a  pas  |>ris  garde  que  lorsque  hors  si- 
gnifie excepté,  sens  où  il  se  prend  ici,  on  ne  met  point  la 
particule  après  ce  mot. 

Iin/iio/idr,  Impur.  —  Ce  dernier  ne  doit  point  se  dire 
quand  il  est  question  des  impuretés  légales  des  Juifs. 
Hors  cela,  on  peut  dire  impur  au  licii  d'immonde  ;  el 


c'est  critiquer  à  plaisir  que  de  prétendre  que  Vesprit 
impur  n'est  pas  une  expression  correcte. 

Mots  composez  de  in.  — Nous  disons  fort  bien  impec- 
cable, intarissable,  innombrable,  inépuisable,  etc. ,  et 
cependant,  l'on  ne  dit  point  ^ecc«We,  nombrable,  épui- 
sable,  etc. 

Il  y  a  des  mots  composés  en  in  qui  sont  inusités  au 
simple,  quand  la  proposition  est  affirmative,  et  usités 
quand  elle  est  négative,  tels  que  incompatible,  incon- 
solable, inconcevable,  inexplicable  ;  on  dit  bien,  par 
exemple,  cela  n'est  pas  concevable,  et  l'on  ne  dira  pas 
(7  est  consolable. 

Avoir  de  la  jalousie.  —  On  dit  avoir  de  la  jalousie 
d'une  chose,  mais  on  ne  dit  point,  comme  font  certains 
auteurs,  amir  de  la  jalousie  de  quelqu'un;  il  faut  dire 
contre  quelqu'un. 

Il  se  dit  que.  —  D'après  Andry,  cette  expression  est 
une  phrase  barbare. 

//  n'y  a  si.  —  Cette  façon  de  parler  n'est  que  du 
style  médiocre  et  du  discours  familier  ;  mais  elle  y  est 
très-élégante  :  //  ii'tj  eut  si  petit  espace  qui  ne  fut  rempli 
de  ses  troupes,  dit  Vaugelas.  Dans  le  discours  sublime, 
Andry  aimerait  mieux  un  autre  tour,  quand  même 
il  serait  plus  long. 

Imiter.  —  Ne  se  dit  que  du  moindre  au  plus  grand 
ou  d'égal  à  égal,  et  une  personne  qui  parle  bien  ne  dit 
point,  par  exemple.  Dieu  imite  les  homines,  à  moins 
qu'il  ne  veuille  dire  que  Dieu  prend  quelquefois  plaisir 
à  s'abaisser  jusque-là. 

Immisericordieux,  Impieusement ,  Incharitable.  — 
On  ne  voit  aujourd'hui  (1693)  que  précieux  et  que  pré- 
cieuses affecter  ces  sortes  de  termes.  Est-il  utile  de  dire 
que  ces  mots  ne  se  disent  pas  plus  que  intheologien  et 
imphilosophe  ? 

Idole.  —  Certain  auteur  dont  Andry  a  déjà  signalé 
bien  des  fautes,  prétend  qvi'idolr  ne  convient  qu'à  des 
figures  fabriquées  pour  être  l'objet  d'un  culte  religieux  ; 
il  a  voulu  dire  d'un  culte  superstitieux,  ou  bien  d'un 
culte  divin  ;  car  nos  images,  par  exemple,  ne  sont  pas 
des  idoles.  En  français,  nous  appelons  idole  les  spectres, 
les  «  phantômes  »  et  tout  ce  qui  n'ayant  qu'une  appa- 
rence de  vérité  peut  imposer  aux  yeux  :  Orphée  croyait 
ramener  Euridice,  et  il  ne  trouva  qu'une  vainc  idole. 

Il  n'y  a  pas  d'apparence.  —  C'est  une  expression  fort 
irrégulière,  mais  fort  en  usage  :  voila  un  grand  orage, 
il  n'y  a  pas  d'apparence  de  partir  par  ce  tems  là, 
c'est-à-dire  il  n'y  a  pas  moyen  de  partir.  Il  y  a  là  ellipse 
de  qu';7  soit  raisonnable.  Il  y  a  peu  d'expressions  irré- 
gulières dans  notre  langue  dont  on  ne  pût  rendre  raison 
si  l'on  voulait  un  peu  les  examiner. 

Inventer  le  premier.  —  Il  semble  à  quelques  per- 
sonnes qu'il  suffit  de  dire  inventer  sans  ajouter  leiive- 
mier;  mais  Vaugelas  ainsi  que  d'autres  auteurs  ne 
faisant  pas  de  difliculté  pour  empkner  cette  expression, 
on  peut  parfaitement  s'en  servir  :  les  raffinements  gâtent 
tout  en  matière  de  langage. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Le  Réuacteuh-Géuant  :  Eman  MARTIN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


175 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Traite  des  blondes,  par  Amédée  Achard.  Nou- 
velle édition.  In-18  jésus,  288  p.  Paris,  lib.  Calraann 
Lévy.  1  fr.  25. 

Pailles  et  Poutres,  critique  des  mœurs  d'aujourd'hui; 
par  Alfred  Bougeart.  In-18  jésus,  .\ii-20i  p.  Paris,  lib. 
Lenierre. 

La  France  sous  Louis  XVI;  par  M.  Alphonse  Jobez, 
ancien  représentant.  T.  I.  Turgot.  Réformes  accordées 
(mars  1876).  Réformes  retirées  (août  1876).  In-8»,  vii- 
556  p.  Paris,  lib.  Didier  et  Gie.  6  fr. 

Les  Cinq  livres  de  Rabelais,  publiés  avec  des 
variantes  et  un  glossaire  par  P.  Chéron,  et  ornés  de  ouze 
eaux-fortes  par  L.  Boilvin.  Livre  V  :  Pantagruel.  In-16, 
xvn-307  p.  et  2  gr.  Paris,  lib.  des  Bibliophiles.  10  fr. 

Trois  poètes  condomois  du  XVI=  siècle.  Etudes 
biographiques  et  littéraires  sur  Jean  Duchemin,  Jean- 
Paul  de  Labeyrie,  Gérard-Marie  Irabert;  par  Léonce 
Couture,  rédacteur  en  chef  de  la  Revue  de  Gascogne, 
In-S",  111  p.  Paris,  lib.  Claudin. 

Le  Livre  des  psaumes.  Ancienne  traduction  fran- 
çaise publiée  pour  la  première  fois  d'après  les  manuscrits 
de  Cambridge  et  de  Paris,  par  Francisque  Michel, 
correspondant  de  l'Institut  de  France.  In-li"  à  2  col., 
xi-3/i3  p.  Paris,  Impr.  nationale. 

Voyage  au  pays  des  éléphants;  par  Louis  Jacol- 
liot.  Illustrations  d'E.  Yon.  3°  édition,  ln-18  jésus, 
355  p.  Paris,  lib.  Dentu.  à  fr. 

Œuvres  poétiques  de  Malherbe,  réimprimées  sur 
l'édition  de  1630,  avec  une  notice  et  des  notes  par  Pros- 
per  Blanchemain.  In-16,  xi-325  p.  Paris,  lib.  des  Biblio- 
philes. 3  fr. 

La  Princesse  de  Clèves;  par  Mme  de  La  Fayette. 
In-16,  vHi-239  p.  Paris,  lib.  Lemerre.  2  fr.  50  cent.;  sur 
papier  vélin,  5  fr.;  sur  papier  de  Chine,  15  fr. 


Œuvres  complètes  de  Beaumarchais.  Nouvelle 
édition,  ornée  de  quatre  dessins  coloriés,  dessinés  par 
M.  Emile  Bayard.  In-12,  vni-505  p.  Paris,  lib.  Laplace, 
Sanchez  et  Gie.  3  fr.  50. 

Alice,  roman  d'hier;  par  Arsène  iïoussaye.  In-18 
jésus,  vu-28o  p.  et  grav.  Paris,  lib.  Dentu,  3  fr.  50. 

Œuvres  de  J.  de  La  Fontaine,  d'après  les  textes 
originaux  ;  suivis  d'une  notice  sur  sa  vie  et  ses  ouvrages, 
d'une  étude  bibliographiqne,  de  notes,  de  variantes  et 
d'un  glossaire,  par  Alphonse  Pauly,  de  la  Bibliothèque 
nationale.  Contes.  T.  L  In-S",  û23  p.  Paris,  lib.  Lemerre. 
10  fr. 

Œuvres  poétiques  de  Boileau-Desprèaux.  Nou- 
velle édition,  collationnée  sur  les  meilleurs  textes  et 
renfermant  une  annotation  générale  d'après  tous  les 
commentateurs ,  des  sommaires  historiques  et  analy- 
tiques, etc.,  par  M.  Ch.  Aubertin.  Iu-12,  xix-292  p.  Paris, 
lib.  Belin. 

Les  Aventures  de  Télémaque,  suivies  des  aven- 
tures d'Aristonoûs ;  par  Fénelon.  Contenant  des  notes, 
les  passages  des  auteurs  anciens'  traduits  ou  imités,  et 
des  observations  générales  sur  chaque  livre,  par  M.  Ma- 
zure.  Nouvelle  édition,  à  l'usage  des  collèges,  etc.  In-12, 
625  p   Paris,  lib.  Belin. 

Grammaire  française;  par  Alain  Gouzien,  professeur 
au  collège  de  Brest,  /i"  édition,  augmentée  d'un  traité 
élémentaire  de  la  versification  française;  par  Louis  Gou- 
zien. ln-8°,  228  p.  Paris,  lib.  de  l'Écho  de  la  Sorbonne. 

Louis  xm  et  Richelieu,  étude  historique  accompa- 
gnée des  lettres  inédites  du  roi  au  cardinal  de  Richelieu; 
par  -Marius  Topin.  3«  édition.  In-12,  x-i/i9  p.  Paris,  lib. 
Didier  et  Cie.  3  fr.  50. 

Le  Livre  d'un  père;  par  Victor  de  Laprade,  de 
l'Académie  française.  In-18  jésus,  251  p.  Paris,  lib. 
Hetzel  et  Cie.  3  fr. 


Publications  antérieures: 


LE  LIVRE  DES  MANIÈRES.  —  Par  Etie.nm;  de 
FouQÈRES,  évêque  de  Rennes  (1168  1178).  —  Auloriraphié. 
—  Publié  pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  de 
la  bibliothèque  d'Angers.  —  Par  F.  T.\lbert,  docteur  ès- 
lettres,  professeur  au  Prytanée  militaire  de  La  Flèche  et 
à  l'Université  libre  d'Angers.  — Paris,  E.  Tliorin,  librairie 
du  Collège  de  France,  7,  rue  de  Médicis. 


SOUVENIRS  DE  LA  LANGUE  D'AUVERGNE  , 
essai  sur  les  idiotismes  du  département  du  Puy-de-Dôme. 
—  Par  Francisque  Mège.  —  Paris,  Auguste  Aubry , 
libraire-éditeur,  16,  rue  Dauphine.  —  Prix  :  3  fr.  50. 


COURONNE  POÉTIQUE  DU  PRE.MIER  AGE,  choix 
de  poésies  modernes,  recueillies  et  mises  en  ordre  par 
M.  P.  Poitevin,  auteur  du  Cours  théorique  et  pratique  de 
langue  française.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  librairie 
Firmin  Didol,  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


LACRYM.E  RERU.M  —  Poésies  -  Par  Llciex  P.vté. 
—  2"  édition.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  rue 
Saint-Honoré,  338.  —  Prix  :  2  fr. 


ILLUSTRATIONS  LITTÉRAIRES  DE  LA  FRANCE. 
—  Poètes  et  Prosateurs.  —  xix«  siècle.  —  Extraits  des 
œuvres  les  plus  remarquables  des  écrivains  modernes. 
Par  M.  P.  Poitevin,  auteur  du  Cours  théorique  et  pra- 
tique de  langue  française.  —  Deuxième  édition,  enrichie 
d'un  très-grand  nombre  de  nouveaux  articles  et  de  mor- 
ceaux inédits.  —  Paris,  librairie  de  Firmin  Didol  et  Cie, 
imprimeurs  de  l'Institut,  56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  3  fr. 


EUGENIE  LAMOUR,  mémoires  d'une  femme.  —  Par 
Marius  Roux.  —  Paris.  E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la 
Société  des  Gens  de  lettres^  Palais-Hoyal,  15-19,  galerie 
d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr. 


^76  LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


HISTOIRE 

DE    LA 

LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

Par  De'siué  NISARD,  membre  de  l'Académie  française. 


Cette  nouvelle  édition,  complètement  revue  par  l'auteur,  forme  une  véritable  bibliothèque  historique  et  littéraire, 
où  sont  conservés  les  plus  précieux  trésors  de  notre  langue. 

Le  tome  I"'  est  une  introduction  à  l'histoire  de  la  littérature  française;  —  le  tome  II  contient  l'histoire  de  cette 
littérature  depuis  l'époque  de  la  Renaissance  jusqu'aux  premières  années  du  seizième  siècle  ;  —  le  tome  III  traite 
des  premiers  modèles  de  l'art  d'écrire  en  prose  et  en  vers  et  de  l'influence,  soit  de  certaines  institutions,  soit  du 
gouvernement  et  de  là  royauté  sur  la  littérature  du  dix-septième  siècle  ;  —  le  tome  lY  embrasse  le  dix-huitième  tout 
entier,  et  se  termine  par  une  appréciation  générale  des  principales  richesses  littéraires  de  notre  époque. 

SIXIÈME  ÉDITION,  RÉCE.MMENT  PARUE. 


Quatre  VOLUMES  :  format  in-18  jésus,  16  fr.;  —  format  in-8°,  30  fr. 
A  Paris,  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  fils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 


CONCOURS  LITTÉRAIRES. 


L'Académie  française  propose  1'  «  Eloge  de  Butfon  »  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Ils  devront 
porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce  billet  contiendra  le 
nom  et  l'adresse  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au  Concours  ne  seront 
pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 


Société  florimontaxe  d'annecy.  —  Concours  de  Poésie.  —  Le  prix  de  600  fr.  fondé  par  le  docteur  Andrevetan  sera 
décerné  en  1877.  —  Le  choix  du  sujet  ou  des  sujets  est  laissé  aux  concurrents.  Le  nombre  minimum  des  vers  pré- 
sentés par  le  même  auteur  est  fixé  à  cent.  —  Les  auteurs  devront  déclarer  par  écrit  que  leurs  travaux  sont  inédits 
et  n'ont  été  présentés  à  aucun  autre  concours.  —  Les  concurrents  qui  se  feraient  connaître  seraient  exclus  :  les 
envois  porteront  une  épigraphe  qui  sera  répétée  à  l'extérieur  d'un  billet  cacheté  indiquant  le  nom  et  le  domicile  de 
l'auteur.  —  Les  manuscrits  resteront  acquis  aux  archives  de  la  Société;  les  auteurs  pourront  en  prendre  copie.  — 
Les  Français  et  les  Etrangers  membres  de  la  Société  Florimontane  sont  seuls  admis  à  concourir.  —  Les  travaux 
devront  parvenir  franco  à  M.  Louis  Revon,  secrétaire  de  la  Société,  avant  le  1"  juillet  1877. 


Le  dix-huitième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  1"  juin  1877.  —  Dix-sept  médailles 
or  ar''ent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  C.vrrancb, 
président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 

La  société  nationale  d'éducation  de  Lyon  destine,  pour  1877,  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur  ce 
sujet  •  Jusqu'à  quel  point  V étude  des  théories  et  des  définitions  grammaticales  est-elle  nécessaire  dans  l'enseignement 
primaire  pour  apprendre  la  langue  et  l'orthographe^  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1878  sous  le 
nom  de  Prix  de  la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  novembre  prochain,  à 
M.  Palud,  libraire,  û,  rue  de  la  Bourse.  —  Pour  plus  amples  renseignements  s'adresser  à  M.  J.-B.  Mathey,  secrétaire 
général  de  la  Société. 


RENSEIGNEMENTS  OFFERTS  AUX  ÉTRANGERS. 


Tous  les  jours,  les  dimanches  et  les  fêtes  exceptés,  le  Rédacteur  du  Courrier  de  Vaugelas  indique  aux  Etrangers 
qui  lui  font  l'honneur  de  venir  le  consulter  :— 1°  des  professeurs  de  français;— 2°  des  familles  parisiennes  qui  reçoivent 
des  pensionnaires  pour  les  perfectionner  dans  la  conversation  française;  —  3°  des  maisons  d'éducation  prenant  un  soin 
particulier  de  l'étude  du  français  ;  —  W  des  réunions  publiques  (cours,  conférences,  matinées  littéraires,  etc.),  où  se 
parle  un  très-bon  français  ;  —  5-  des  agences  qui  se  chargent  du  procurer  des  précepteurs,  des  institutrices  et  des 
gouvernantes  de  nationalité  française. 

(Ces  renseignements  sont  donnés  gratis.) 


M.  Eman  Martin,  Rédacteur  du  Cocrbier  de  Vacgelas,  est  visible  à  son  bureau  de  trois  à  cinr/  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUPELEY  A  Nogent-le-Rotrou. 


7<î  Année. 


N»  23. 


l"  Mai  1877. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"   et    le    15    de    ehaane   mol* 

{Dans  sa  séance  du  \2  janvier  187.i,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par   an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'étranger.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  littéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN       PROFESSEUR     SPECIAL     POUR      LES      ETRANGERS 

Olïicier  de  l'inslniclion  publique 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 

Se  prennent  pour  une  année 
entière  et  partent  tous  de  la  nit^nie 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


IMPORTANT. 

Les  personnes  qui  n'ont  pas  l'intention  de  renouveler 
leur  abonnement  au  Courrier  de  VircELAS  à  la  fln  de 
la  présente  année,  sont  instamwcn/  priées  de  vouloir 
bien  ne  pas  attendre  plus  longtemps  pour  en  informer 
le  Rédacteur. 


SOM.MAIRE. 

Communicalion  sur  Pcquin  et  sur  Tirer  ion  épingle  du  jeu  ;  — 
Origine  de  Se  faire  blanc  de  son  épée ;  —  Analyse  de  Que 
après  Ce;  —  Origine  de  Se  retirer  sous  sa  tente;  —  Emploi 
du  mot  Idenliié;  —  D'où  vient  Jurer  comme  un  sacre;  —  Le 
tréma  sur  Poème  et  Poète.  \\  Emploi  et  origine  de  Sonate, 
que  me  veux-tu  ?  —  Signification  de  Paraguante ;  —  Origine 
de  l'expression  Ils  ne  sont  pas  cousins;  ||  Passe-temps  gram- 
matical. Il  Suite  de  la  biographie  de  Nicolas  Andry.  \\  Ouvrages 
de  grammaire  et  de  littérature.  ||  Concours  littéraires.  || 
Renseignements  à  l'usage  des   Français. 


FRANCE 


COM.MUiMCATlON. 

J'ai  reçu  la  lettre  suivante  au  sujet  de  questions 
traitées  dans  mon  numéro  1S  : 

.Nancy,  le  26  février  1877. 
Monsieur  le  Rédacteur, 

J'ai  riionneur  de  vous  soumettre  ci-après  quelques 
observations  au  sujet  des  étymologies  contenues  dans  votre 
numéro  du  15  de  ce  mois. 

1°  Péquin.  —  Les  militaires  du  premier  empire,  qui 
avaient  fait  la  guerre  d'Espagne,  parlaient  souvent  de  la 
profusion  avec  laquelle  les  liabitants  employaient  le  mot 
pequeho  (petit). 

L'alcade  du  village  où  l'on  venait  loger  accourait  au- 
devant  des  troupes,  et  pour  atténuer  les  réquisitions  qu'il 
craignait,  décrivait  ses  concitoyens  comme  de  bien  pauvres 
gens  —  pequena  gente  —  lui-même  hombre  mu'j  pequeiio 
«  un  bien  pauvre  diable  »  et  les  siens,  pequeîios.  pobreiitos 
«  pauvres  petits  ».  J'ai  entendu  dire  par  les  narrateurs  que 
de  pequcno  l'on  avait  fait  pcquin,  dans  le  sens  d  habitant  de 
la  classe  civile. 

Remarquez  l'analogie  de  cet  ordre  d'idées  avec  la  cou- 


tume de  beaucoup  de  militaires  ayant  servi  en  .^f^ique 
qui  appellent,  en  France,  les  bourgeois  des  colons.  L'une 
et  l'autre  expression  entraînent  d'ailleurs  une  idée  légère- 
ment railleuse  et  péjorative. 

'2'  Tirer  son  épingle  du  jeu.  —  Epingle  signifie  aussi 
bénéfice  personnel  —  le  pot  de  vin  —  les  épingles  dans 
un  marché,  profit  supplémentaire.  Tirer  son  épingle  du 
jeu  reviendrait  à  ce  qui  a  lieu  souvent  dans  un  marché 
désavantageux  pour  les  contractants,  où  l'agent  d'affaires, 
désintéressé  dans  le  fond,  n'en  retire  pas  moins  le  béné- 
fice particulier  de  son  intervention,  les  épingles,  ou  son 
épingle,  par  corruption  du  dicton  primitif. 

Agréez,  monsieur  le  Rédacteur,  les  salutations  empres- 
sées de 

Votre  abonné 

Gustave  Leblanc. 

Le  mot  pérjuiii  existait  eu  français  comme  terme  de 
mépris  avant  la  guerre  d'Espagne  (il  se  trouve  dans  le 
Diclionnaire  du  bas-tanijagc  publié  par  D'Haulel  en 
^S08);  mais  il  n'avait  pas  alors  l'acception  de  &oî</'yco/.s-, 
qu  il  a  prise  et  conservée  exclusivement  depuis. 

Or,  il  s'agit  de  savoir  d'où  vient  cette  acception. 

Les  uns,  comme  .\1.  Gustave  Leblanc,  pensent  qu'elle 
vient  Ae, pcqiieno;  les  autres,  comme  .M.  Lillré,  croient 
qu'elle  vient  de  pékin,  étoffe.  Qui  a  raison  ? 

A  coup  sûr,  il  est  bien  difficile  de  le  dire;  seulement 
quand  je  considère  : 

1°  Que  dans  la  plupart  des  mots  espagnols  qui  ont 
passé  en  français,  nous  avons  traduit  par  (jn  toute  n 
avec  une  tilde  qui  pouvait  s'y  rencontrer  [musaraiia,  ma- 
&a.ra\gne\ pano,  pagne;  cliioria,  duègne,  etc.),  et  que,  par 
conséquent,  nos  soldats  n'ont  pas  dû  rendre  par /^rçî//» 
ce  qu'ils  entendaient  souvent  et  distinctement  prononcer 
péquégiio  ; 

•T  Que  le  pékin,  étoffe,  qui  pcrmcUail  si  facilement 
de  distinguer  à  première  vue  un  civil  d'un  militaire, 
fut  à  la  mode  bien  avant  1813,  époque  à  laquelle  nos 
premières  troupes  revinrent  d'Espagne  sous  la  conduite 
du  maréchal  Soult; 

•  Je  ne  puis  m'cmpêcher  de  croire,  quoique  je  manque 
de  texte  établissant  que  pcquin  s'employait  par  nos 


ns 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


soldats  pour  désigner  les  bourgeois  avant  ^8^3,  que 
c'est  plutôt  le  nom  du  tissu  chinois  que  pequeho  qui  a 
donné  péquin^  dans  le  sens  moderne. 

Quant  à  ce  qui  concerne  tirer  son  épingle  du  jeu,  je 
regrette  de  ne  pas  encore  me  trouver  de  l'avis  de  M.  Gus- 
tave Leblanc,  et  voici  pourquoi  : 

Attendu  que  le  mol  éphujie  désignant  une  légère  aug- 
mentation du  prix  principal  d'un  marché  a  toujours  dû, 
à  mon  avis,  être  mis  au  pluriel  (car  très-probablement 
cette  augmentation  a  été  réclamée,  dans  l'origuie,  pour 
que  la  femme  du  vendeur  s'en  achetai  non  une  épingle, 
mais  des  épingles)  ;  et  que,  dans  le  proverbe  tirer  son 
épingle  du  jeu,  on  n"a  jamais  vu,  que  je  sache,  ni  en- 
tendu épingle  employé  au  pluriel,  il  s'en  suit  naturelle- 
ment que  ce  proverbe  ne  peut  en  aucune  sorte  faire 
allusion  à  épingle  signifiant  profit  supplémentaire. 

X 
Première  Question. 
Quelle  est  l'origine  de  la  locution  se  faire  blamc  de 
SON  e'pée;  ef  à  quelle  époque  remonte-t-elle?.  Je  ne  la 
trouve  pas  dans  le  Courrier  de  Vacgelas  dcjmis  la 
4^  année,  et  je  ne  sais  si  vous  l'arez  traitée  dans  les 
trois  premières. 

L'origine  de  cette  expression  a  été  donnée  en  ces 
termes  dans  la  2"'  année,  p.  83  de  ce  journal  : 

Le  blanc  est  le  symbole  de  l'innocence  ;  vous  savez 
qu'on  dit  familièrement  de  quelqu'un  qui  a  commis  une 
faute  :  il  n'est  pas  blanc. 

Se  faire  blanc,  c'est  donc  trouver  le  moyen  de  se  discul- 
per, de  s'innocenter;  et,  si  l'on  ajoute  de  son  e'pc'e,  l'expres- 
sion fait  allusion  à  ce  qui  se  passait  autrefois  dans  les 
combats  judiciaires,  où  celui-là  était  réputé  innocent  qui 
avait  tué  sa  partie  adverse. 

Quant  à  la  naissance  de  ladite  expression,  il  parait 
bien  évident,  d'après  l'explication  précédente,  quelle 
remonte  aux  combats  judiciaires,  qui  durèrent  depuis 
les  temps  de  l'invasion  des  barbares  ila  loi  Gombelte  ou 
des  Bourguignons  en  fait  déjà  mention)  jusqu'à  l'époque 
où  saint  Louis  substitua  la  preuve  par  témoins  au 
seul  «  jugement  de  Dieu  »  ;  mais  il  m'est  impossible 
pour  le  moment  de  lui  assigner  une  date  plus  précise. 

Si  quelque  lecteur  du  Courrier  de  law^re/ai.- allait  être 
plus  heureux  que  moi,  je  lui  serais  reconnaissant  de  me 
faire  connaître  le  plus  tût  possible  la  solution  que  je 
regrette  de  ne  pouvoir  vous  donner  moi-même. 

X 

Seconde  Question. 
Comment  analysez-vous  le  qce  de  la  phrase  suivante, 
qui,  je  crois,  est  de  madame  de  Sévigné  :  «  C'est  une 
sorte  de  vie  étrange  que  eellc  de  prorince;  on- fait  des 
affaires  de  tout  ».  Je  serais  content  de  lire  votre  réponse 
dans  un  prochain  numéro. 

Quand  une  phrase  a  pour  sujet  un  substantif,  pour 
verbe  <'irc  et  pour  nttrihul  un  autre  substantif,  on  peut 
en  construire  les  |iarlios  dans  l'ordre  suivant  :  d'abord 
le  verbe,  ensuite  l'attribut,  et  enfin  le  sujet;  mais  cela, 
a  la  condition  expresse  do  faire  précéder  le  verbe  de  ce, 


et  le  sujet  de  que.  C'est  en  vertu  de  celle  règle  qu'au 
lieu  de  : 

La  vie  de  province  est  une  vie  étrange, 
l'auteur  de  la  phrase  que  vous  m'avez  adressée  a  pu 
dire  : 

C'est  une  vie  étrange  que  celle  de  province. 

Or,  dans  cette  tournure,  quel  rôle  joue  que? 

Il, est  tout  simplement  mis  là  pour  avertir,  concur- 
remment avec  ce,  qu'il  y  a  une  inversion. 

En  conséquence,  je  crois  qu'on  l'analyserait  bien 
en  disant  :  «  que,  concomitant  de  ce  qui  annonce  la 
transposition  du  sujet  à  la  fin  de  la  phrase,  laquelle, 
sans  inversion,  aurait  la  forme  suivante:  la  vie  de 
province  est  une  vie  étrange  ». 

A  propos  d'analyse,  permettez-moi  de  vous  dire  quel- 
ques mots  relativement  à  la  manière  dont  j'aimerais 
qu'on  la  fit  dans  les  écoles. 

Selon  moi,  l'analyse  doit  être  un  exercice  oral  divisé 
en  deux  parties  :  la  première,  oii  le  maître  s'assure  si 
les  élèves  savent  bien  reconnaître,  sur  un  texte  donné 
d'avance,  les  espèces  de  mots,  leurs  fonctions  dans  la 
phrase,  les  diverses  propositions,  etc.  ;  la  seconde,  où 
prenant  un  à  un  les  mots  qui  composent  ledit  texte,  il 
demande  les  dérivés  de  ces  mots,  leurs  synonymes, 
leurs  sens  dill'érents,  ce  qu'ils  peuvent  offrir  de  remar- 
quable dans  leur  emploi,  leur  prononciation  et  leur 
orthographe,  les  proverbes  dans  lesquels  ils  entrent. 

Je  sais  par  expérience  qu'ainsi  pratiquée,  l'analyse 
produit  les  meilleurs  résultats. 

X 

Troisième  Question. 
J'ai  lu  ceci  dans  un  journal  :  «  Après  la  conférence, 
cette  belle  entente  a  été  détruite  :  l'Angleterre,  la 
France,  l'Italie,  l'Allemagne  SE  sont  retire'es  sous 
LEURS  textes,  et  ont  manifesté  l'intention  d'attendre  les 
événements  ».  Voudriez-vous  bien  me  dire  d'oii  vient 
l'expression  se  retirer  sous  sa  tente  '? 

Chrysès,  prêtre  d'Apollon,  s'est  rendu  au  camp  des 
Grecs  pour  racheter  sa  fille,  qui  a  été  adjugée  comme 
captive  à  Agamemnon.  Celui-ci  a  repoussé  Chrysès  avec 
dureté;  mais  Chrysès  a  supplié  Apollon  de  venir  à  son 
aide,  et  ce  dieu  a  envoyé  une  contagion  qui  décime 
l'armée.  Achille  a  convoqué  une  assemblée,  dans  laquelle 
le  devin  Calchas  a  annoncé  que  la  colère  d'Apollon  venait 
de  l'outrage  fait  à  son  prêtre,  et  qu'il  ne  serait  apaisé 
que  lorsque  Chryséis  aurait  été  rendue  à  son  père. 
Irrité  de  la  réponse  du  devin,  Agamemnon  a  consenti 
à  rendre  sa  captive,  pourvu  qu'on  lui  donnât  une  autre 
récompense  :  cette  prétention  a  fait  naître  entre  Achille 
et  lui  une  très-vive  altercation,  où  Achille  menace 
d'abandonner  l'armée  : 

Homme  revêtu  d'impudence  et  passionné  pour  le  gain, 
lui  dit-il,  comment  se  peut-il  qu'un  seul  des  Grecs  se 
soumette  volontairement  à  tes  ordres;  soit  qu'il  faille 
aller  en  embuscade,  ou  attaquer  vigoureusement  l'en- 
nemi? Je  ne  suis  pas  venu  combattre  sur  ces  bords  par 
haine  des  Troyens,  armés  de  la  lance  I  car  ils  ne  sont  point 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


179 


coupables  envers  moi,  jamais  ils  n'ont  enlevé  mes  génisses 
ni  mes  chevaux;  jamais  dans  la  Phthie,  féconde  nourrice 
(les  guerriers,  ils  n'ont  ravagé  nos  moissons  :  car  entre 
eux  et  nous,  il  y  a  bien  des  montagnes  ombragées  et  bien 
des  flots  retentissants.  C'est  toi  que  nous  avons  suivi, 
liomme  sans  pudeur,  pour  réjouir  ton  âme,  pour  venger 
l'affront  que  les  Troyens  vous  ont  fait,  à  Ménélas  et  à  toi, 
œil  de  chien!  Mais  tu  n'as  de  ces  bienfaits  ni  souci,  ni 
souvenir,  et  voilà  que  tu  menaces  de  m'enlever  de  ta 
propre  main  la  récompense  que  j'ai  méritée  par  mes 
fatigues  et  que  m'ont  donnée  les  fils  des  Grecs.  Jamais 
d'ailleurs  je  n'ai  eu  une  part  égale  à  la  tienne  lorsque  les 
Grecs  ont  ravagé  quelque  ville  populeuse  des  Troyens.  Ce 
sont  pourtant  mes  mains  qui  soutiennent  le  plus  grand 
poids  de  celte  rude  guerre  ;  mais  quand  vient  le  partage, 
ton  lot  est  de  beaucoup  supérieur  au  mien;  et  moi,  il 
faut  que  je  me  contente  de  porter  dans  mes  vaisseaux  une 
part  médiocre  après  que  je  me  suis  fatigué  dans  le  combat. 
Or,  je  m'en  retourne  à  Phthie;  car  il  m'est  beaucoup  plus 
avantageux  de  me  retirer  chez  moi  avec  mes  navires  à  la 
poupe  recourbée,  et  je  ne  pense  pas  qu'après  m'avoir  ainsi 
outragé,  tu  doives  te  gorger  de  richesses  et.de  biens. 

C'est  de  ce  passage  de  Vlliade  (Irad.  Pessonneaux, 
3'  édition),  qu'a  été  tirée  l'expression  proverbiale  se 
retirer  sous  sa  fente,  pour  signifler  cesser,  par  contra- 
riété, de  prendre  part  à  une  action  commune. 

Toutefois,  il  est  à  remarquer  que  le  mot  tente  n'est 
point  prononcé  par  le  flls  de  Pelée,  et  qu'il  se  trouve 
seulement  quelques  lignes  plus  loin,  dans  la  réponse 
d'Agamemnon  : 

Et  voici  la  menace  que  je  t'adresse  :  puisque  Phébus- 
Apollon  m'enlève  Chryséis,  je  la  renverrai  sur  un  de  mes 
navires  avec  mes  compagnons;  mais  j'irai  moi-même  à  ta 
tente,  et  je  te  ravirai  Briséis,  aux  belles  joues,  celle  qui 
fut  ta  récompense. 

X 
Quatrième  Queslion. 
Tous  les  jours,  on  voit  des  journaux  annoncer  des 
suicides  dont  1rs  victimes  n'ont  rien  laissé  qui  pût  les 
faire  reconnaître:  alors  ils  disent  yénérnlement  rjne 
a  /'iDEXTiTÉ  de  Vindividu  n'a  jm  être  reconnue  ».  Pen- 
sez-vous que  ce  terme  soit  réellement  celui  qu'il  con- 
vient d'employer  dans  celte  circonstance  ? 

J'en  suis  persuadé  :  identité,  qui  vient  du  latin 
idem,  le  même,  est  bien  le  mot  qu'il  faut  employer 
ici,  et  il  me  sera  facile  de  vous  le  démontrer  au  moyen 
de  quelques  exemples  : 

r  Une  personne,  prise  pour  un  voleur,  est  arrêtée 
par  les  sergents  de  ville  et  conduite  au  poste.  Comment 
se  fera-t-elle  relaxer'?  En  prouvant  qu'elle  est  la  même 
que  telle  autre  qui  n'a  |ias  maille  à  partir  avec  la  ])0- 
lice  ;  ou,  en  d'autres  termes,  en  prouvant  son  identité 
(avec  cette  autre  personne). 

2  "  Un  individu,  absent  depuis  beaucoup  d'années,  vient 
réclamer  ses  biens  de  famille;  mais  pour  se  les  faire 
rendre,  il  faut  qu'il  prouve  qu'il  est  bien  le  nuhne  que 
l'individu  qui  doit  posséder  ces  biens,  ou,  pour  autre- 
ment dire,  qu'il  prouve  son  identité  (avec  ledit  indi- 
vidu). 

3"  Quelqu'un  est  assassiné  ou  se  suicide,  cl  rien 
n'est  trouvé  sur  lui  qui  jiuissc  servir  à  le  faire  recon- 
naître.  La  justice  cbercbc  la   preuve  que  le   corps 


inanimé  est  bien  le  même  que  celui  d'une  certaine  per- 
sonne connue;  elle  cherche  à  établir  it/« /f/e«^//e  (avec 
celui  de  cette  personne). 

Certainement  les  journaux  ne  respectent  pas  toujours 
la  langue;  mais  il  faut  reconnaître  que  lorsqu'ils  em- 
ploient identité  en  parlant  d'un  cadavre,  ils  sont  là 
parfaitement  dans  leur  droit. 

X 

Cinquième  Question. 
J'ai  entendu  dire  assez  souvent  de  quelqu'un  qui  fait 
de  (jros  jurements  qu'iL  jure  comme  r\  sacke.  Qu'est-ce 
que  cela  veut  dire  au  juste  ? 

Au  propre,  le  sacre  est  un  grand  oiseau  de  proie  du 
genre  faucon. 

Au  figuré,  c'est  un  homme  capable  de  toutes  sortes 
de  rapacités  et  môme  de  crimes,  comme  le  monlrenl  ces 
exemples  : 

Car  nous  disons  :  c'est  un  sacre,  de  celuy  qui  en  quelque 
lieu  qu'il  puisse  mettre  les  mains,  happe  tout,  racle  tout, 
et  en  somme  auquel  rien  n'échappe. 

(H.  Estie.ine,  Proj.  de  la  Précell.') 

Ce  maréchal  de  Joyeuse  était  une  manière  do  sacre  et 
de  brigand,  ([ui  pilloit  tant  qu'il  pouvait. 

(Saint-Simon,  37S,  6.) 

L'abbé  Dubois...  était  en  plein  ce  qu'un  mauvais  français 
appelle  un  sacre,  mais  qui  ne  se  peut  guère  exprimer 
autrement. 

(Idem,  3ijo,  i3.) 

Or,  un  bomme  d'un  tel  caractère  ne  doit  rien  respec- 
ter; il  jure  sans  la  moindre  retenue  comme  il  prend  le 
bien  d'autrui  sans  le  moindre  scrupule.  Voilà  pourquoi 
on  dirait  ,/(//"er  comme  un  sacre. 

Mais  Génin  a  donné  une  aulre  élymologie  [Récr.pltil., 

vol.  I,  p.  55)  ;  sacre_  serait  ici  Vhomo  sarer  des  Latins,  ou 

simplement  le  sacer,  un  maudit,  un  homme  frappé 

d'analhème,  un  sacrilège,  un  infâme,  mot  qui,  d'après 

Freund,  ne  se  trouverait  que  dans  les  poètes  et  dans  les 

prosateurs  postérieurs  à  Auguste  : 

....    Ego  sum  malus, 
Ego  sum  saccr,  scelestus. 

(Plante,  les  Bacchis,  acte  IV.  se.  6,  v.  8a5.) 

«  Oui,  je  suis  un  méchant,  un  sacre,  un  scélérat  ». 

Laquelle  de  ces  deux  solutions  faut-il  adopter?  Quand 
on  dît  d'un  homme  qu'il  jure  comme  un  sacre,  faît-on 
allusion  à  un  homme  qui  ressemble  par  le  moral  à  l'oi- 
seau appelé  sacre,  ou  au  sacre,  le  maudît,  que  le  latin 
appelle  sncer .' 

Je  croîs  ([ue  c'esl  la  seconde,  et  voici  des  raisons  qui 
paraissent  militer  en  sa  faveur  : 

r  Etant  arabe,  le  mot  sacre,  oiseau,  a  dû  être  admis 
en  français  bien  plus  tard  que  sacre,  quî  se  trouve  sous 
la  forme  .s-rtcc/'  en  lalîu;  c'est  donc,  probablement,  ce 
dernier  qui  entre  dans  le  proverbe  en  question. 

2"  Je  ne  doule  pas  que  celui  qui  pille,  vole,  et  fait 
main  basse  sur  tout  ne  puisse  être  un  grand  jureur; 
mais  il  me  semble  que  le  maudît,  le  damné,  celui  qui 
n'a  plus  à  compter  sur  aucune  miséricorde,  a  la  répu- 
tation de  jurer  bien  plus  encore,  et  que,  par  consétpient, 
c'est  son  nom  qui  est  cnlré  dans  l'expression  (|uîl 
s'agissait  de  vous  expliquer. 


ISO 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


X 

Sixième  Question. 
Selon   VOUS,  vaut-il  mieux  met  Ire  iin  tréma  qu'un 
accent  aigu  sur  les  mots  i'Oëme,  poëte,  etc.  ? 

Tous  les  autres  membres  de  la  famille  à  laquelle  ap- 
parliennenl/Jo/->np  el^joc'7e,  reçoivent  sur  IV  qui  suit  o 
un  accent  aigu,  lequel  se  change  en  accent  grave  quand 
la  finale  suivante  devient  muette  : 

Enivrons-nous  de  poésie^ 
Kos  cœurs  n'en  aimeront  que  mieux. 

(Béranger,  les  Sciences,) 

Je  sus,  prenant  l'essor  par  des  routes  nouvelles, 
Elever  assez  haut  mes  poétiques  ailes. 

(Boileau,  Epitrc,  X.  ) 

Maître  Clément,  ce  grand  forgeur  de  mètres, 
Si  doucement  n'eût  su  poétiser. 

(J.-B.  Rousseau,  Ep-,  III,  4.) 

Par  conséquent,  il  me  semble  logique,  quoique  plus 
d'un  lexicographe  ne  l'admette  pas,  entre  autres  M.  Liltré, 
que  l'on  surmonte  aussi  des  mêmes  accents  les  mots 
poème  &\,  poète. 

On  peut,  du  reste,  donner  encore  d'autres  motifs 
pour  justifier  celte  manière  d'écrire  : 

^'>  L'accent  (aigu  ou  grave)  indique  tout  aussi  bien 
que  les  deux  points  qu'il  faut  prononcer  séparément  l'o 
et  l'e;  et,  de  plus,  il  a  sur  eux  un  avantage  qui  n'est 
pas  à  dédaigner,  celui  de  marquer  avec  précision  la 
prononciation  de  l'e. 

2»  Dans  notre  langue,  le  tréma  ne  se  met  géné- 
ralement que  sur  une  voyelle  qui  peut  faire  diphthongue 
avec  la  vo^elle  précédente. 


ÉTRANGER 


Première  Question. 

Il  ne  suffit  pas  de  connaître  une  expression,  il  faut 
encore  en  savoir  faire  un  usage  convenable.  Aussi 
viens-je  vous  demander  dans  quel  cas  on  emploie 
SONATE,  QDE  ME  VErx-TD ?  cl,  par  la  même  occasion, 
d'oii  lient  cette  drôle  d'expression  ? 

Le  mol  sonate  vient  de  l'italien  sonata,  participe  de 
sonare,  et  désigne  une  pièce  de  musique  jouée,  dans 
l'origine,  seulement  sur  des  instruments  à  cordes  et  à 
vent,  et  aujourd'hui,  sur  des  instruments  quelconques. 

C'est  à  Fontenelle  qu'est  due  la  plaisante  apostrophe 
qui  a  logé  sonate  dans  ^expression  dont  il  s'agit; 
d'Alemberl  nous  en  fournil  la  preuve  dans  le  passage 
suivant  [(ouvres,  l.  II,  p.  /.03i  : 

Toutf  musique  instrumentale,  sans  dessein  et  sans 
objet,  ne  parle  ni  à  l'esprit  ni  à  l'àme,  et  mérite  qu'on  lui 
demande  nrec  Fontenelle:  Sonate,  que  me  veux-tu? 

L'auteur  de  la  J'iura/ilè  des  Mondes  était  sans  doute 
un  philosophe  spirituel  et  un  causeur  aussi  aimable  ([ue 
piquant  ;  mais  cet  esprit  fin  élail  indillérenl  et  froid  ; 
inaccessible  à  aucune  émotion,  il  se  vantail  de  n'avoir 
jamais  fait  ha  I  ha!  cl  raérilail  de  M'"''  de  Tcncin  le 


reproche  de  n'avoir  pour  cœur  que  de  la  cervelle 
«  comme  dans  la  léte  ». 

Rien  d'étonnant  à  ce  qu'une  organisation  pareille 
n'aimât  pas  la  musique,  dit  Kastner,  et  qu'elle  ait  fait 
pa\er  la  sonate  pour  le  reste. 

Du  temps  de  Fontenelle,  la  sonate  était  un  des  mor- 
ceaux les  plus  en  vogue,  et  son  exécution  ne  durait  pas 
moins  de  vingt  minutes.  C'est  très-probablement  dans 
un  salon  où  l'on  se  préparait  à  écouter  quelque  virtuose 
que  notre  philosophe,  arraché  à  une  conversation  qui 
lui  plaisait,  et  forcé  de  changer  son  rôle  de  causeur 
brillant  et  écouté  pour  celui  d'auditeur  muet  et  attentif, 
aura  laissé  échapper  la  boutade  devenue  proverbiale  : 
Sonate,  que  me  veux-tu  ? 

Quant  à  l'emploi  de  celle  expression,  il  découle  natu- 
rellement de  la  circonstance  présumableoù  elle  est  née. 
Elle  peut  se  dire,  par  conséquent,  par  toute  personne 
(danseur,  parleur,  politique  ou  autre)  qui,  dans  un 
salon,  éprouve  quelque  contrariété  à  voir  poser  sur  le 
piano  les  flambeaux  devant  éclairer  le  personnage  qui 
se  dispose  à  chanter. 

Mais  cet  emploi  ne  se  borne  pas  là,  car  le  Diction- 
naire de  Bescherelle  donne  à  entendre  que  Sonate,  ijue 
me  veux-tuf  peut  se  dire,  et  se  dit  en  effet  de  toute 
chose  fatigante  pour  Tesprit. 

X 
Seconde  Question. 
Que  signifie  rARACCAivTE  que  votre  Molière  a  employé 
dans  sa  pièce  de  /'Étourdi,  acte  IV,  scène  9,  et  peut- 
on  encore  aujourd'hui  se  servir  de  ce  mot  ? 

Le  mol  paraguan le  signifie  présent  fait  à  quelqu'un 
pour  reconnaître  un  service  qu'il  nous  a  rendu  ;  on  dit  : 

Voilà  une  bonne  paraguanle. 

On  l'accuse  d'avoir  reçu  des  paraguanies. 

C'est  un  terme  espagnol  composé  de  para,  pour,  et 
de  f/uanle,  gant  (pour  les  gants),  lequel,  selon  toute 
probabilité,  a  été  introduit  en  France  à  l'époque  où  la 
langue  et  les  usages  de  l'Espagne  eurent  à  notre  cour 
une  si  grande  influence. 

Ce  mot  s'employait  encore  très-bien  au  xviii'^  siècle, 
car  on  le  trouve  dans  cette  phrase  de  Gil  Blas  (liv.  viii, 
ch.  2),  roman  dont  la  première  partie  parut,  comme  on 
sait,  en  1715  :  '        ■ 

On  diroit  qu'il  partage  avec  lui  l'autorité  de  premier  mi- 
nistre, puisqu'il  fait  donner  des  charges  et  des  gouverne- 
ments à  qui  bon  lui  semble.  Le  public  en  murmure  sou- 
vent; mais  c'est  de  quoi  il  ne  se  met  guère  en  peine, 
pourvu  qu'il  tire  des  paraguantes  d'une  alîaire,  il  se  soucie 
fort  peu  des  èpilogueurs. 

.Mais  aujourd'hui,  puraguante  a  (juclque  peu  vieilli, 
et  on  le  remplace  le  plus  généralement  par  pot-dc-vin, 
en  parlant  des  hommes,  et  par  épingles,  en  parlant  des 
femmes.  Du  reste,  l'expression  épingles  est  celle  qui 
lavait  précédé,  comme  le  montre  cette  citation  prise 
dans  Henri  Eslienne  : 

De  là  1.1  coul\inie  en  Italin  d'appeler  manica  ces  petits 
présents  qu'en  France  on  nomme  épingles,  et  que  les  Kspa- 
gnols  appellent  des  paraguanies. 

{Apolo'jie  pour  Hérodote,  vol.  1,  p.  io) 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


481 


•      X 

Troisième  Question. 
Pourquoi  dil-onde  deux  hotnmes  qui  ne  sont  pas  bien 
ensemble  qu'its  ne  sont  pas  cousins?  Je  serais  curieux 
de  coiinai/re  l'ejpliralion  de  ce  dicton  qu'on  a  souvent 
l'occasion  d'entendre,  dans  la  conversation  française. 

An  xui"  siècle,  le  mot  cousin  (latin  consobrinvs,  de 
cum,  avec,  et  de  sobrinus,  cousin),  en  était  venu  à 
s'employer  pour  désigner  tous  les  parents  d'une  même 
famille;  en  voici  la  preuve  évidente  : 

Nos  apelons  coisiiis  toz  cez  que  la  loi  apèle  parenz  de  par 
père  ou  de  par  mère. 

[Livres  de  Josticc,  p.  25l.) 

Au  xvi%  il  s'employait  dans  le  sens  A'ami,  ce  que 
montre  également  cet  autre  exemple  : 

L'apotliicaire  le  mène  disner  en  son  logis.  Après  disner, 
ayant  toujours  continué  ses  premiers  propos,  ils  furent 
incontinent  cousins. 

[Des  Periers,  Contes,  LXI.) 

Or,  depuis  ce  temps,  où  le  roi  qualifiait  de  cousins\es 
ducs,  les  maréchaux  et  les  grands  officiers  de  la  cou- 
ronne, ce  mot  s'est  conservé  dans  la  même  acception,  et 
voilà  pourquoi  on  peut  dire  de  deux  hommes  fâchés 
l'un  contre  l'autre  qu'ils  ne  sont  pas  cousins. 

PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


5°  Il  semble  que  nous  n'ayions  pas  fait  un  seul  pas, 
depuis  la  chute  de  l'ordre  moral,  puisque,  derrière  le  mi- 
nistère nominatif,  toute  l'action  gouvernementale  est  restée 
aux  mains  des  hommes  de  ce  temps-là. 

6°  Ce  sentier,  je  suis  forcé  de  vous  en  donner  une  des- 
cription détaillée,  en  raison  des  événements  dont  il  était 
destiné  à  devenir  le  théâtre. 

7°  C'est  lui  qui  a  créé  dans  l'Eure-el-Loir,  à  Sorel  et  au 
Ménil,  près  de  Dreu.x,  ces  deux  colonies  ouvrières,  qui 
sont,  comme  on  l'a  répété  bien  souvent,  un  progrès  autant 
qu'une  bonne  œuvre. 

8°  Qu'on  n'oppose  pas  à  cette  supposition  l'élection  de 
M.  iNadaud,  conseiller  actuel,  dans  la  Creuse,  et  celle  de 
M.  Lockroy,  ancien  conseiller  municipal,  à  Paris  :  tous 
deux  ont  été  élus  à  de  tout  autres  titres  qu'à  celui  de 
conseillers  municipaux  de  Paris. 

0°  Mes  esquisses  auraient  le  tort  de  nous  écarter  de 
l'histoire  â  laquelle  vous  avez  des  droits,  et  que  vous 
n'avez  pas  encore  vu  poindre  dans  mes  préambules. 
{Les  corrections  à  quinzaine.) 


FEUILLETON. 


Corrections  du  numéro  précédent. 

l°...  une  large  bouche  aux  lèvres  épaisses  (l'adjeclif  lippu 
signifie  gui  a  de  grosses  lèvres);  —  2°...  c'est  tout  autre  chose 
(cela  signilie  c'est  une  chose  tout  autre);  —  3°  L'entrée  du 
square,  à  raison  des  travaux  (n  cause  des  travaux)  ;  —  4°...  bien 
qu'il  ne  paraisse  en  avoir  qu'environ  trente-cinq  {paraître  ne 
s'emploie  pas  avec  un  nom  de  temps  immédiatement  après  lui)  ; 

—  5°...  les  yeux  à  moitié  fermés  (la  particule  mi  ne  se  met  pas 
devant  un  adjectif);  —  6'...  avec  laquelle,  malgré  qu'on  en  ait; 

—  7°...  les  chasseurs  que,  de  même  que  les  années  précédentes; 

—  8"...  (tans  tout  le  (piarlier  de  Monlparn;issc  (il  faudrait  que 
Montparnasse  fût  un  nom  d'homme  pour  i[»'on  put  supprimer 
de);  —  9"...  commence  alors  à  dire  papa  Saint-Clair;  — 
10°...  un  mois  au  moins  plus  tard  qu'on  ne  l'attendait;  — 
11°...  l'impression  attachante  d'une  histoire  personnelle  (ou  un 
autre  mot,  mais  pas  vécue). 


Phrases  à  corriger 

trouvées  pour  la  plupart  dans  la  presse  périodique  et 
autres  publications  contemporaines. 

1°  Les  Seigneuret  avaient-ils  du  monde  dans  leur  jardin, 
vite  ma  mère  se  vèlissait  d'une  robe  de  travail,  la  plus 
sale,  la  plus  décousue. 

2*  J'ignorais  que  mon  cousin  jardinait  pour  son  plaisir, 
et  ne  prenais  pas  garde  que  mon  père  travaillait  pour 
vivre  et  faire  vivre  sa  famille. 

3°  Les  puissances  reculent  devant  l'exercice  de  leur  droit 
par  amour  de  la  paix;  la  Russie  n'a  pas  les  mêmes  scru- 
pules et  pousse  jusiiu  aux  conséquences  ultimes  la  poli- 
tique d'intervention  admise  par  l'Europe   à  la   conférence. 

4'  D'aucuns  penseront  ([u'il  aurait  peut-être  mieux  valu 
ne  pas  se  mettre  dans  l'alternative  désagréable  de  se  déju- 
ger ou  de  faire  la  guerre. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

(Suite.) 

Latiniser,  Franciser,  Cathoiiser.  —  Ces  mots  sont 
fort  bons,  quoiqu'un  certain  auteur  n'en  demeure  pas 
d'accord.  Et  pourquoi  ne  le  seraient-ils  pas  quand 
erangclisfr  est  reconnu  bon  par  tout  le  monde? 

Les  puissances  ecclésiastiques  et  séculières.  —  Un 
auteur  qui  a  fait  des  remarques  sur  la  langue  française 
voudrait  qu'on  dit  en  répétant  le  mot  puissance  :  les 
puissances  ecclésiastiques  et  les  puissances  séculières,  ou 
bien  sans  le  répéter,  les  puissances  ecclésiastiques  et  les 
srculicres,  parce  qu'autrement,  dit-il,  il  y  aurait  équi- 
voque. Mais  les  meilleurs  auteurs  permettent  de  ne 
point  accepter  sa  règle. 

Mal  parler,  Parler  mal.  —  Ne  pas  confondre  ces 
deux  expressions  :  parler  mal,  c'est  se  servir  d'une 
expression  hors  d'usage;  mal  parler,  c'est  dire  des 
paroles  offensantes,  surtout  à  ceux  à  qui  l'on  doit  du 
respect. 

Marescageux.  —  11  ne  doit  se  dire  que  du  lieu,  du 
pays  où  se  trouve  un  marécage;  d'une  plante  ou  d'un 
oiseau  qui  se  plait  dans  un  tel  pays,  il  faut  dire  île 
iiKiresrage. 

Mesaises.  —  On  dit  bien  les  aises  de  la  vie;  mais 
Aiidry  doute  qu'on  puisse  dire  mesaises,  quoi  qu'un 
auteur  nouveau  s'en  soit  servi. 

Urner  du  bruit.  —  Celle  expression  n'agrée  pas  à 
tout  le  monde;  néaninoiiis  Andry  pense  qu'elle  est 
bonne  en  parlant  d'une  armée,  d'un  train,  d'un  équi- 
page cl  de  quelque  allirail. 

Mon,  Ma.  —  Uuand  un  mol  se  doit  prendre  dans  un 
sens  général,  il  ne  faut  point  se  servir  de  mon  ni  de 
ma,  mais  de  le  cl  de  la  ;  par  CAcmplc,  il  tic  faut  pas 


482 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


dire  ma    lumière  nufurel/r   m'a   fait   connoitre    telle 
chose,  mais  bien  /«  lumière,  etc. 

Mot.  —  Andry  ne  comprend  pas  quelle  faute  ce  peut 
être  de  dire  que  gros-seigneur  est  un  vieux  mot  qu'on 
a  fait  revivre.  Qui  ne  sait  qu'on  n'appelle  pas  seule- 
ment du  nom  de  mot  les  expressions  qui  consistent  en 
un  seul  terme,  mais  encore  toutes  celles  dont  les  termes 
sont  liés  ensemble  par  l'usage,  pour  porter  tout  d'un 
coup  à  l'esprit  l'idée  de  ce  qu'on  veut  dire  ? 

Noms  de  la  semaine.  —  Dans  quelques  provinces,  on 
fait  l'inversion  de  di,  c'esl-à-dire  qu'on  le  met  au  com- 
mencement du  nom  du  jour  :  diliin,  dimar,  dimercre, 
etc.;  ce  n'est  pas  ainsi  qu'il  faut  parler. 

Mots  lafim.  —  Le  génie  de  notre  langue  ne  peut  s'ac- 
commoder de  ces  mots  latins  dont  certaines  gens  ont 
coutume  d'entrelacer  leurs  discours,  pour  s'épargner  la 
peine  de  chercher  des  mots  français  qui  puissent  expri- 
mer ce  qu'ils  veulent  dire. 

Mille  pardons.  —  C'est  une  façon  de  parler  assez  or- 
dinaire, je  vous  demande  mille  pardons.  On  ne  demande 
ni  deux  ni  trois  pardons,  mais  on  demande  bien  deux 
fois  et  trois  fois  pardon,  il  en  est  de  même  de  mille,  il 
faut  dire  demander  mille  fois  pardon. 

\oms  propres  mal  assortis.  —  Il  ne  faut  pas  dire 
Paris,  Lyon  et  Vaugelas  se  servent  tous  trois  de  ce  mot. 
Mis  de  la  sorte,  ces  noms  sont  ridicules;  il  faudrait 
pour  qu'il  n'y  eût  point  de  faute,  que  ces  noms  fussent 
ou  trois  noms  d'hommes,  ou  trois  noms  de  pays. 

On  pour  Je.  —  Il  y  a  des  occasions,  dans  une  pré- 
face, par  exemple,  où  il  est  plus  poli  et  plus  modeste  de 
se  servir  de  on,  en  parlant  de  soi-même  que  de  se  ser- 
vir de  je. 

On.  —  Ce  pronom  ne  se  dit  que  des  hommes  et  ja- 
mais de  Dieu;  c'est  une  remarque  dont  plusieurs  per- 
sonnes ont  besoin. 

Originel,  D'origine.  —  Il  y  a  des  personnes  qui 
aiment  mieux  [e  péché  d'origine  que  le  pcchc  originel; 
c'est  une  délicatesse  un  peu  «  poussée  ».  Cependant 
Andry  assure  que,  dans  un  discours  d'éloquence,  le 
péché  d'origine  serait  peut-être  meilleur  que  le  péché 
originel. 

Vn  livre  qui  parle.  —  C'est  une  faute  que  font  mille 
gens  que  de  dire  c'est  un  livre  qui  parle  bien,  ce  livre 
parle  mal;  il  faut  dire  bien  écrit,  en  beau  langage. 

Participer  à,  Participer  de.  —  Lorsque  participer 
signifie  entrer  en  partage,  on  dit  participer  à  ;  mais 
quand  il  signilie  tenir  de  la  nature  ou  de  la  qualité 
d'une  chose,  il  faut  \X\vt  participer  de. 

Peinturer.  —  Ce  mot,  qui  déplait  tant  à  certains  au- 
teurs, peut  néanmoins  trouver  sa  place  dans  le  discours; 
il  signihe  ap[iliquer  des  couleurs  sans  art,  tandis  que 
peindre,  c'est  représenter  avec  le  pinceau  la  figure  de 
quelque  objet,  comme  un  oi.<eaii.  un  arbre,  un  homme, 
etc.  Andrj  s'etonno  (jue  Richelet  et  Furcliere  se  soient 
trompés  là-dessus. 

Phrases  rudes.  —  Il  faut  éviter  les  phrases  difficiles 

a  prononcer  comme  celles-ci,  par  exemple  :  Ir  pain 

dont  nous  nous  nourrissons,  c'est  une  inhumanité,  etc. 

l'fTsnnnc.  —  Un  écrivain  prétend  qu'il  vaut  mieux 


dire,  en  parlant  d'un  homme  :  atte  personne  que  vous 
m'avez  fait  si  petite,  qu'avec  Voiture  :  cette  personne 
que  vous  m'avez  fait  si  petit.  C'est  un  tort,  car  le  mot 
de  petit  au  masculin  fait  d'abord  connaître  qu'il  s'agit 
d'un  homme  et  non  d'une  femme,  au  lieu  qu'au  fémi- 
nin il  ne  détermine  «  à  rien  »,  et  qu'on  ne  sait  si  ce 
féminin  est  mis  à  cause  du  mot  personne,  ou  s'il  s'agit 
d'une  femme. 

Perspicacité.^ —  Andry  ne  croit  pas  qu'il  soit  sitôt 
reçu  ;  car  autrement,  il  faudrait  approuver  procacité  de 
pocox,  fallacilé  de  fallcur,  mendacité  de  menda.r,  etc. 

Pour  lors.  —  Il  y  a  des  personnes  polies  et  éclairées 
qui  condamnent  ce  mot,  et  qui  prétendent  qu'il  faut 
dire  alors  ;  mais  il  y  a  en  cela  plus  de  dégoût  que  de 
délicatesse,  et  selon  Andry,  cette  expression  est  bonne. 

Prest  à  mourir,  Prest  de  mourir.  —  Ils  signifient 
tous  deux  qui  est  disposé  à  mourir,  et  s'il  y  a  quelque 
différence,  elle  n'est  que  pour  le  temps. 

Heureux.  —  Dire  que  c'est  une  faute  de  prononcer 
liureux  au  lieu  de  heureux,  quoiqu'on  l'écrive  de  cette 
dernière  façon,  c'est  condamner  la  prononciation  de 
toute  la  Cour  et*faire  voir  une  grande  attache  pour 
la  province. 

Mo'ise.  —  Ce  n'est  pas  comme  on  l'écrit  qu'il  faut 
prononcer  ce  mot,  mais  bien  Mouise. 

Les  finales  en  Ation.  —  C'est  avoir  bien  de  la  défé- 
rence pour  le  théâtre  que  de  s'imaigner  que,  parce  que 
les  comédiens  \)rononcen[ passi-on ,  acti-on,  etc.,  il  faille 
prononcer  de  même  dans  la  prose;  il  n'y  a  que  les  Gas- 
cons,, les  Provençaux,  et  quelques  autres  provinciaux 
qui  prononcent  de  la  sorte.  Dans  les  vers,  cette  pronon- 
ciation est  bonne,  mais  non  dans  la  prose. 

Froideur.  —  Ce  mot  se  prononce  dans  le  figuré  autre- 
ment que  dans  le  propre,  comme  le  remarque  fort  bien 
Richelet;  on  dit,  par  exemple,  il  lui  a  parlé  arec 
liraucoup  de  fraideur,  et  dans  le  propre  on  prononce 
froideur. 

Comment  on  prononce  Faite.  —  La  première  syllabe 
de  ce  mot  se  prononce  diversement  selon  les  occasions; 
elle  est  longue  à  la  seconde  personne  plurielle  du 
verbe  foire,  et  elle  est  brève  quand  elle  est  au  parti- 
cipe; on  dit,  par  exemple,  la  grâce  que  rous  me  faites, 
en  traînant  sur  la  première  syllabe,  et  au  .participe,  la 
grâce  que  rous  m'avez  faite,  en  passant  rapidement 
sur  cette  syllabe. 

Puis,  Ensuite.  — Le  mot  puis,  pour  ensuite  ou  après, 
est  un  terme  que  certains  précieux  et  certaines  pré- 
cieuses condamnent,  mais  que  ceux  qui  savent  la 
langue  emploient  sans  scrupule  quand  l'occasion  s'en 
présente;  ce  mot  est  même  très-souvent  nécessaire  et 
d'un  grand  secours  dans  les  récits,  pour  ne  pas  tou- 
jours répéter  ses  synonymes. 

Quelque  chose  qui  arrive,  ou  qu'il  arrive.  —  Le  bon 
usage  est  pour  ipi'il  arrive.  Car  Quelque  chose  est  là 
pour  le  mol  quoi/;  et  comme  on  ne  dit  pas  quoy  qui 
arrive,  il  faut  quctijur  chose  iju'il  arrirr. 

(La  suite  au  prochain  numéro.) 
Li;  Kkuacteuh-Gkhant  :  Ema«  .MARTliN. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


(S3 


BIBLIOGRAPHIE. 


OUVRAGES     DE     GRAMMAIRE     ET     DE     LITTÉRATURE. 


Publications  de  la  quinzaine 


La  Vie  d'une  comédienne  ;  par  Th.  de  Banville.  In-18 

Jésus,  281  p.  Paris,  lib.  Nouvelle.  1  fr.  25  cent. 

Les  Commentaires  d'un  soldat  ;  par  Paul  de  Molènes. 
Avec  une  préface  de  Paul  de  Saint-Victor.  3'  édition 
In-18  Jésus,  xv-367  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  3  fr.  50. 

Petits  Romans.  Le  Bouquet  de  cerises.  Une  pasto- 
rale dans  rOberland.  Gildas.  L'Été  de  la  Saint-Martin. 
Trop  heureux;  par  Francis  Wey.  Nouvelle  édition.  ln-J8 
Jésus,  /|93  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  ,iO  c. 

Dictionnaire  classique  de  la  langue  française,  le 
plus  exact  et  le  plus  complet  de  tous  les  ouvrages  de  ce 
genre,  et  le  seul  où  l'on  trouve  la  solution  de  toutes  les 
difficultés  grammaticales  et  généralement  de  toutes  les 
difficultés  inhérentes  à  la  langue  française  ;  par  Besche- 
relle,  membre  de  plusieurs  Sociétés  savantes.  3'  à  1'  liv. 
In-8"  à  2  col.,  65-22Û  p.  Paris,  l'auteur,  rue  des  Grands- 
Augustins,  9.  L'ouvrage  complet,  7  fr.  50. 

Les  Drames  de  l'honneur.  L'Enfant  trouvé  ;  par 
Etienne  Enault.  In-â»  à  2  col.,  VSl  p.  Paris,  bureaux  du 
Siècle.  2  fr.  50  cent. 

Renaissance  et  Réforme.  Erasme,  Thomas  Morus, 
Mélanchton  ;  par  Désiré  Nisard,  de  l'Académie  française. 
2  vol.  gr.  in-18,  viii-872  p.  Paris,  lib.  Calmann  Lévy.  7  fr. 

Nouvelles  et  romans  choisis.  Le  lieutenant  Hobert; 
par  A.  de  Lavergne.  In-W  à  2  col.,  133  p.  Paris,  bureaux 
du  Siècle.  2  fr.  50  cent. 

La  Conscience;  par  le  comte  Agénor  de  Gasparin. 


5«  édition.  In-18  Jésus,  350  p.    Paris,  lib.  Calmann  Lévy. 
1  fr.  25  cent. 

Registre  criminel  de  la  justice  de  Saint-Martin- 
des-Champs.  à  Paris,  au  XIV  siècle;  publié  pour  la 
première  fois,  d'après  le  manuscrit  des  Archives  natio- 
nales, et  précédé  d'une  étude  sur  la  juridiction  des  reli- 
gieux de  Saint-Martin  (1060-1(576);  par  Louis  Tanon, 
substitut  au  tribunal  de  la  Seine.  In-S",  cxxxii-239  p.  et 
1  pi.  Paris,  lib.  Willem.  10  fr. 

Histoire  d'Allemagne.  L'Empire  germanique  et 
l'Église  au  moyen  âge.  Les  Henri.  Querelle  des  investi- 
tures; par  Jules  Zeller,  membre  de  l'Institut.  In-S», 
519  p.  et  carte.  7  fr.  50  cent. 

Le  Plaisir  et  la  Douleur;  par  Francisque  Bouillier, 
membre  de  l'Institut.  2'^^  édition,  revue  et  augmentée. 
In-18  Jésus,  xn-365  p.  Paris,  lib.  Hachette  et  Cie.  3  fr.  50. 

Les  Muscadins;  par  Jules  Claretie.  In-û"  à  2  col., 
ihU  p.  Paris,  bureaux  du  Siècle.  2  fr.  50  c. 

Cours  complet  de  langue  française  (théorie  et 
exercices);  par  M.  Guérard,  préfet  des  études  à  Sainte- 
Barbe.  Exercices  sur  chacune  des  parties  de  la  gram- 
maire et  compléments.  Nouvelle  édition.  In-12,  256  p. 
Paris,  lib.  Delagrave. 

Lettres,  instructions  diplomatiques  et  papiers 
d'État  du  cardinal  de  Richelieu,  recueillis  et  publiés  par 
M.  Avenel.  T.  8.  Additions,  corrections,  errata  généraux 
et  tables  générales  des  matières.  In-Zi»,  vni-517  p.  Paris, 
Imp.  nationale. 


Publications  antérieures  : 


LA  JEUNE  FILLE  ;  lettres  d'un  .\mi.  —  Par  Ch.\rles  Rozan. 
—  Un  vol.  format  anglais,  imprimé  avec  luxe  par  J.  Claye, 
avec  fleurons,  lettres  ornées  et  culs- de- lampe  —  Paris, 
P.  Dticrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine  —  Prix  : 
3  fr.  50  cent.  —  Sur  papier  de  Hollande  i  broché)  :  5  fr. 


LA  GRAMMAIRE  FRANÇ-^ISE  APRÈS  L'ORTHOGRAPHE. 
—  Par  Em.\n  Martin,  professeur^ spécial  pour  les  Etran- 
gers. —  Ouvrage  pour  les  Français,  —  Syllexie,  premier 
volume  paru.  —  Prix  :  3  fr.  50.  —  Au  bureau  du  Courrier 
de  Vaugelas,  26,  boulevard  des  Italiens. 


LES  GRANDS  HOMMES  DE  LA  FRANCE.  —  marins.  — 
Deuxième  série.  —  Par  Edouard  Goepp,  chef  de  bureau 
au  .Ministère  de  l'Instruction  publique,  et  Henri  de  Man- 
NOURY  d'Ectot,  ancien  capitaine  au  long  cours.  —  Orné 
de  deux  portraits.  —  Juan  Bart,  Duguay-Trouin,  Suffren. 

—  Paris,  P.  Ducrocq,  libraire-éditeur,  55,  rue  de  Seine. 

—  Prix  (broché)  :  à  fr. 


SOIVEXIRS  DE  LA  LAXGUE  D'AUVERGNE  , 
essai  sur  les  idiotismes  du  département  du  Puy-de-Dôme. 

—  Par   Francisque   Mèoe.    —   Paris,    Auguste   Aubry, 
libraire-éditeur,  16,  rue  Dauphine.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

COURONNE  POÉTIQUE  DU  PREMIER  AGE,  choix 
de  poésies  modernes,  recueillies  et  mises  en  ordre  par 
M.  P.  Poitevin,  auteur  du  Cours  théorique  et  pratique  de 
langue  française.  —  Deuxième  édition.  —  Paris,  librairie 
Firmin  Didol,  frères.,  /ils  et  Cie,  56,  rue  Jacob. 

LACRYM-E  RERUM  —  Poésies  —  Par  Lucien  Pâté. 

—  2"  édition.  —  Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  rue 
Saiat-Honoré,  338.  —  Prix  :  2  fr. 


LE  LIVRE  DES  MANIERES.  —  Par  Etienne  de 
FounÈREs,  évêque  de  Rennes  (1168  1178).  —  Autographié. 
—  Publié  pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  de 
la  bibliothèque  d'Angers.  —  Par  F.  Talbert,  docteur  ès- 
lettres,  professeur  au  Prytanée  militaire  de  La  Flèche  et 
à  l'Université  libre  d'Angers.  —  Paris,  E.  Thorin,  librairie 
du  Collège  de  France,  7,  rue  de  Médicis. 


ILLUSTRATIONS  LITTÉRAIRES  DE  LA  FRANCE. 
—  Poètes  et  Pros-^teurs.  —  xix=  siècle.  —  Extraits  des 
œuvres  les  plus  remarquables  des  écrivains  modernes. 
Par  .M.  P.  Poitevin,  auteur  du  Cours  théorique  et  pra- 
tique de  langue  française.  —  Deuxième  édition,  enrichie 
d'un  très-grand  nombre  de  nouveaux  articles  et  de  mor- 
ceaux inédits.  —  Paris,  librairie  de  Firmin  Didol  et  Cie, 
imprimeurs  de  l'Institut,  56,  rue  Jacob.  —  Prix  :  3  fr. 

EUGÉNIE  LAMOUR,  mémoires  d'une  femme.  —  Par 
Marius  Roux.  —  Paris.  E.  Dentu,  éditeur,  libraire  de  la 
Société  des  Gens  de  lettres,  Palais-Royal,  15-19,  galerie 
d'Orléans.  —  Prix  :  3  fr. 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


HISTOIRE 

DE    LA 

LITTÉRATURE     FRANÇAISE 

Par  DÉsiaÉ  NISARD,  membre  de  l'Académie  française. 


Cette  nouvelle  édition,  complètement  revue  par  l'auteur,  forme  une  véritable  bibliothèque  historique  et  littéraire, 
où  sont  conservés  les  plus  précieux  trésors  de  notre  langue. 

Le  tome  l"  est  une  introduction  à  l'histoire  de  la  littérature  française;  —  le  tome  II  contient  l'histoire  de  cette 
littérature  depuis  l'époque  de  la  Renaissance  jusqu'au.^  premières  années  du  seizième  siècle  ;  —  le  tome  III  traite 
des  premiers  modèles  de  l'art  décrire  en  prose  et  en  vers  et  de  l'influence,  soit  de  certaines  institutions,  soit  du 
gouvernement  et  de  la  royauté  sur  la  littérature  du  dix-septième  siècle  ;  —  le  tome  IV  embrasse  le  dix-huitième  tout 
entier,  et  se  termine  par  une  appréciation  générale  des  principales  richesses  littéraires  de  notre  époque. 

SIXIÈME  ÉDITION,  RÉCEM.MENT  PARUE. 


Quatre  VOLUMES  :  format  in-18  jésus,  16  fr.;  —  format  in-8°,  30  fr. 
A  Paris,  librairie  de  Firmin  Didol  frères,  fils  et  Oie,  56,  rue  Jacob. 


CONCOURS  LITTERAIRES. 


L'Académie  française  propose  1'  «  Elooe  de  Boffon  »  pour  sujet  du  prix  d'éloquence  à  décerner  en  1878.  —  Les 
ouvrages  envoyés  à  ce  concours  ne  seront  reçus  que  jusqu'au  31  décembre  1877,  terme  de  rigueur.  —  Us  devront 
porter  une  épigraphe  ou  devise  qui  sera  répétée  dans  un  billet  cacheté  joint  à  l'ouvrage.  Ce  billet  contiendra  le 
nom  et  l'adressé  de  l'auteur,  qui  ne  doit  pas  se  faire  connaître.  —  Les  ouvrages  envoyés  au  Concours  ne  seront 
pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront  en  faire  prendre  copie. 

Société  des  sciences,  des  arts  et  des  lettres  de  Hainaut.  —  Concours  de  1877.  —  Littérature  :  1°  Une  pièce  de 
vers  sur  un  sujet  puisé  dans  l'histoire  de  Belgique;  2»  Une  pièce  de  vers  dont  le  sujet  est  au  choix  de  l'auteur; 
3»  Une  nouvelle  en  prose.  —  Le  prix  pour  chacun  de  ces  sujets  est  une  médaille  d'or.  —  Les  Mémoires  doivent 
être  remis  franco,  avant  le  31  décembre  1877,  chez  M.  le  Président  de  la  Société,  rue  des  Compagnons,  n»  21,  à  .Mons. 
Les  concurrents  ne  signent  pas  leurs  ouvrages  :  ils  y  mettent  une  devise  qu'ils  répètent  sur  un  billet  cacheté  ren- 
fermant leur  nom  et  leur  adresse.  —  La  Société  devient  propriétaire  des  manuscrits  qui  lui  sont  adressés  ;  mais  les 
auteurs  peuvent  en  prendre  des  copies  à  leurs  frais. 

Le  dix-huitième  Concours  poétique  ouvert  à  Bordeaux  le  15  février  sera  clos  le  1"  juin  1877.  —  Dix-sept  médailles 
or,  argent,  bronze,  seront  décernées.  —  Demander  le  programme,  qui  est  envoyé  franco,  à  M.  Evariste  Carr.^nce, 
président  du  Comité,  7,  rue  Cornu,  à  Bordeaux  (Gironde).  —  Affranchir. 

L.V  SOCIÉTÉ  NATIONALE  D'ÉDuc.mo.v  DE  Lyon  destluc,  pour  1877,  un  prix  de  500  fr.  au  meilleur  mémoire  inédit  sur  ce 
sujet  :  Jusqu'à  quel  point  Vélude  des  théories  et  des  définitions  grammaticales  est-elle  nécessaire  datis  l'enseignement 
primaire  pour  apprendre  la  langue  et  l'orthographe?  Le  prix  sera  décerné  dans  la  séance  publique  de  1878  sous  le 
nom  de  Prix  de  la  ville  de  Lyon.  —  Les  mémoires  devront  être  adressés  franco,  avant  le  1"  novembre  prochain,  à 
M.  Falud,  libraire,  Zi,  rue  de  la  Bourse.  —  Pour  plus  amples  renseignements  s'adresser  à  M.  J.-B.  Mathey,  secrétaire 
général  de  la  Société. 


RENSEIGNEMENTS 
A  l'usage   des  Français  qui  désirent  aller  professer  leur  langue   à  l'étranger. 


AGENCES    A.L'XQUELLES    ON    PEUT   s'aDRESSER  ; 

A  Paris:  M.  Pelletier,  19,  rue  de  l'Odéon;  —  Mme  veuve  Simonnot,  33,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin;  — 
A  Londres  ;  M.  Bisson,  70,  Berners  Street,  W.;  —  MM.  Griffiths  et  Smith,  22,  Henrietta  street,  Covent-Garden^ 
VV.  C.  ;  —  Le  Collège  of  preceptors,  Queen's  Square;  —  A  Liverpool  :  M.  le  prof.  Husson,  Queen's  Collège;  —  A  New- 
York  :  M.  Schermerhorn,  iSO,  Broom  Street. 

Journaux  dans  lesquels  on  peut  faire  des  annonces   : 
L' American  Register,  destiné  aux  Américains  voyageant  en  Europe;  —  le  dalignanis  .Vessenger,  reçu  par  nombre 
d'Anglais  qui  habitent  en  France;  —  le  W'ekker.  connu  par  toute  la  Hollande  ;  —  le  Journal  de  Sainl-Pétersboury,  très, 
répandu  en  Kussie;  —  le  Tirnes,  lu  dans  le  monde  entier. 

(M.  Hartwlck,  390,  rue  St-Honoré,  à  Paris,  se  charge  des  insertions.) 


M.  Eman  Marlin,  Rédacleur  du  Coukuier  de  Vadgelas,  est  visible  à  son  bureau  de  troi.'i  à  cinq  heures. 


Imprimerie  GOUVERNEUB,  G.  DAUPELEV  à  Nogent-le-Rotrou. 


7'  Année. 


N°  24. 


15  Mai  1877. 


QUESTIONS 
GRAMMATICALES 


L  E 


QUESTIONS 
PHILOLOGIQUES 


Paraissant    le    1"   et    le    15    de    eba«a«  moia 

(Dans  sa  séance  du  \1  janvier  1875,  l'Académie  française  a  décerné  le  prix  Lambert  à  cette  publication.) 


PRIX  : 
Par   an,    6   fr.  pour  la  France, 
le  port  en  sus  pour  l'élranper.  — 
Annonces  :     Ouvrages,    un    exem- 
plaire; Concours  liuéraires,  gratis. 


Rédacteur  :  Eman  Martin 

ANCIEN      PROFESSEUR     SPECIAL     POUR     LES      ÉTRANGERS 

Officier  de  l'Inslruclion  publique 
26,  Boulevard  des  Italiens,  à  Paris. 


ABONNEMENTS: 
Se    prennent    pour    une    année 
entière  et  parlent  tous  de  la  même 
époque.  —  S'adresser  soit  au  Rédac- 
teur soit  à  un  libraire  quelconque. 


AVIS. 
Après  la  publication  de  son  2\^  numéro,  le  rédacteur 
du  Courrier  de  Vaugelas  ayant  l'habitude  de  prendre 
un  mois  de  vacances,  la  huitirmc  année  de  ce  journal 
commencera  à  paraître  le  1°''  juillet. 


SOMMAIRE. 

Communication  au  sujet  de  Truisme;  —  Esplicalion  de  0  gué, 
qui  se  trouve  dans  un  refrain;  —  Origine  de  Brûler  ses  vais- 
seaux;—  Elymologie  du  mot  Canapé  ;  —  Valeurde  1  etymologic 
de  Calembour  donnée  par  M.  S.irdou  ;  —  Pourquoi  des  vers  de 
douze  syllabes  s'appellent  Alexandrins;  —  Origine  et  signifi- 
cation de  C'est  une  bague  au  doigt.  ||  Emploi  et  origine,  de 
Adore  ce  que  ta  as  brûlé,  et  brûle  ce  que  tu  as  adoré;  —  S'il 
faut  écrire  Hors  de  page  avec  une  s  à  Page?  ||  Passe-temps 
grammatical.  ||  Fin  de  la  biographie  de  i\icolas  Andrij.  \\ 
Table  des  matières  contenues  dans  la  septième  année  de  ce 
journal. 


FRANCE 


COMMUNICATION. 

Voici  une  lettre  relative  à  un  néologisme  que  j'ai 
combattu  dans  un  numéro  précédent  : 

Moscou,  28  février  (12  mars)  1877. 
Monsieur  le  Rédacteur, 
Dans  votre  numéro  17,  1"  février  1877,  à  propos  du  mot 
truisme,  vous  dites  que  ce  mot  doit  être  repoussé,  car, 
selon  vous,  il  a  son  équivalent  en  français  :  vous  le  rem- 
placez par  le  mot  axiome.  Votre  correspondant  a  vaiue- 
ment  cherché  ce  mot  dans  les  dictionnaires  de  Littré-Reau- 
jean,  de  Th.  Soulice  et  dans  celui  de  Heschereile.  —J'ai 
ouvert  le  dictionnaire  de  Littré,  et  j'y  ai  trouvé  le  mol 
truisme,  que  Littré  explique  de  la  manière  suivante  :  «  S.  m. 
vérité  banale  et  qui  ne  mérite  pas  d'être  répétée.  J'éprou- 
vais l'embarras  de  quelqu'un  qui  entreprend  la  démons- 
tration d'un  axiome,  et  qui  énonce  un  véritable  truisme 
financier.  Buffet,  au  Corps  Législatif,  Monit.  univers., 
7  juillet  18G8,  p.  988,  5"  col.  ».  Le  mot  axiome  est  défini  par 
Littré:  0  S.  m.  Vérité  évidente  de  soi  et  non  démontrable, 
par  ex.  :  le  tout  est  plus  grand  que  sa  partie.  »  Ces  deux 


définitions  nous  prouvent  que  les  mots  truisme  et  axiome 
ne  sont  pas  équivalents  et  qu'on  ne  peut  remplacer  truisme 
par  axiome.  —  Comme  je  ne  connais  pas  de  mot  en  fran- 
çais qui  ait  la  signification  de  truisme,  je  trouve  que  c'est 
un  néologisme  utile  qui  doit  être  adopté  en  français.  — 
Voici  du  rpste  les  paroles  de  Foucher  de  Careil  : 

«  Je  parle  d'infériorité;  vous  devez  savoir  vis-à-vis  de 
quelle  nation.  C'est  de  l'habile  et  prévoyante  Angleterre 
qu'il  est  question,  et  c'est  en  comparant  notre  politique 
commerciale  à  celle  de  l'Angleterre  que  je  me  permets 
d'énoncer  ce  truisme.  » 

Il  me  semble  qu'on  ne  peut  mettre  axiome  ici,  et  que, 
par  con.séquent,  le  mot  truisme  doit  être  gardé. 

Voilà,  Monsieur,  ce  que  j'avais  à  vous  dire,  et  je  vous 
serais  bien  reconnaissant,  si  vous  vouliez  me  répondre 
dans  un  de  vos  prochains  numéros. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  mon  profond  respect. 

Un  de  vos  abonnés. 

Dans  ma  réponse  à  la  personne  qui  me  demandait 
d'où  vient  truisi/ie  i7'' année,  p.  (311,  j'avais  dit  que, 
selon  moi,  l'introduction  de  ce  mot  dans  notre  langue 
devait  être  «  énergiquement  repoussée  «,  comme  con- 
traire au  principe  en  vertu  duquel  «  les  emprunts  à 
une  langue  étrangère  ne  sont  permisque  lorsqu'il  s'agit 
de  mots  auxquels  on  ne  peut  réellement  trouver  d'équi- 
valents dans  la  sienne  ». 

Mais  il  semble  au  correspondant  dont  je  viens  de 
transcrire  la  lettre  que  truisme  manque  à  la  langue 
française,  et,  naturellement,  qu'il  faut  l'adopter. 

Cette  opinion  est-elle  fondée? 

J'ai  trouvé  le  mol  truisme  défini  comme  il  suit  dans 
deux  dictionnaires  anglais  : 

'Dans  celui  de  Fleming  et  Tibbins) 

Truism.  [An  identical  proposition,  a  self-evident  but 
unimportant  truthl,  vérité  évidente,  proposition  qui  ne 
demande  pas  de  preuve. 

(Dans  celui  de  Webster) 

Truisji.  [from  True].  An  undoubted  or  self-evident  truth. 
Et,  condensées  pour  ainsi  dire  en  une  seule,  ces  défini- 
lions  apprennent  que  le  mot  truisme  signifie  :  une 
vérité  évidente,  une  proposition  qui  ne  demande  pas  de 
preuve,  une  vérité  évidente  par  elle-même. 


iS6 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


Or,  une  telle  vérité  porte  depuis  longtemps  le  nom 
d'ojriome  en  français,  comme  on  peut  s'en  convaincre 
en  consultant  les  diverses  éditions  de  l'Académie. 

Par  conséquent,  nous  n'avons  nullement  besoin  de 
truisme,  qui  ne  serait  chez  nous  qu'une  superfétation. 

Du  reste,  j"ai  encore  une  autre  raison  à  faire  valoir 
contre  l'adoption  de  ce  mot. 

Dans  la  phrase  donnée  par  M.  Littré  comme  point 
de  départ  de  truisme,  il  y  a  évidemment  confusion  entre 
axiome  et  théorème  (elle  contient  l'expression  «  dé- 
monstration d'un  axiome  »  quand  on  sait  qu'un  axiome 
est  une  vérité  qui  ne  se  démontre  pas);  et  cette  con- 
fusion a  été  cause  que,  pour  ne  pas  répéter  axiome, 
employé  à  tort,  l'auteur  y  a  substitué  un  synonyme 
emprunté  à  l'anglais,  langue  qui  lui  est  probablement 
très-familière. 

Est-il  donc  admissible  qu'un  terme  étranger  intro- 
duit dans  une  phrase  française  à  la  faveur  d'une  telle 
méprise  doive  nécessairement,  après  avoir  été  repro- 
duit seulement  une  ou  deux  fois,  prendre  place  dans 
notre  vocabulaire? 

Ce  n'est  point  du  tout  mon  avis. 

X 

Première  Question. 
Puisque,  non-seulement  vous  permettez,  mais  encore 
que  vous  provoquez  les  questions  sur  In  langue,  je 
m'adresse  à  vous  pour  un  éclaircissement  qui  me  fait 
défaut  depuis  longtemps.  Vous  connaissez  le  refrain  : 
J'aime  mieux  ma  mie,  o  gue',  j'aime  miedx  ma  mie,  qui  se 
trouve  dans  le  MiSAXinnoPE  de  Molière.  Auriez-vous  la 
complaisance  de  me  dire  ce  que  signifie  ici  o  gué? 

On  trouve  ce  qui  suit  aux  pages  7  et  8  de  la  Biogra- 
phie d'Alfred  de  .V«.<.se/,  récemment  publiée  par  son 
frère,  M.  Paul  de  Musset  : 

i...  Selon  l'armorial  de  France,  les  armes  de  la  famille 
de  Musset  sont  d'azur  à  l'épervier  d'or,  chaperonné, 
longé,  perché  de  gueules,  avec  cette  devise  :  Courtoisie, 
Bonne- Aventure  aux  preux.  La  Courtoisie  et  la  Bonne- 
Aventure  étaient  deu.\  terres  patrimoniales.  La  première 
appartenait  encore  à  la  famille  au  milieu  du  siècle 
dernier;  la  seconde,  quj  a  fait  partie  du  patrimoine 
d'Alfred  de  Musset,  fut  occupée  par  Antoine  de  Bourbon, 
père  de  Henri  IV,  pendant  le  séjour  de  la  cour  de 
France  au.Y  cbùleaux  d'Amboise  et  de  Blois.  Elle  est 
située  à  deux  lieues  de  Vendôme,  au  conlluent  du  Loir  et 
d'une  petite  rivière,  dans  un  lieu  qu'on  appelle  le  Gué-du- 
Loir.  Antoine  de  Bourbon,  comme  on  sait,  ne  menait  pas 
une  vie  fort  édifiante.  Pour  se  distraire  des  ennuis  de  la 
représentation,  il  quittait  souvent  la  cour,  et  se  rendait  à 
]a  lionne-Aventure,  où  il  donnait  asile  à  des  donzelles 
encore  moins  vertueuses  que  les  filles  d'honneur  de  la 
reine  Catherine.  Le  secret  de  ces  parties  de  plaisir  fut 
mal  gardé;  le  bruit  en  vint  aux  oreilles  du  poète  Ronsard, 
qui  se  trouvait  à  la  Poissonnière,  non  loin  de  Vendôme, 
Ilonsard  lit  sur  les  fredaines  du  roi  de  Navarre  une  chan- 
son dont  le  refrain  était  :  La  Bonne- Aventure  au  gué,  la 
bonne  aventure!  Cette  chanson  satirique  parcourut  toute  la 
France,  et  l'air  en  a  été  conservé  par  les  nourrices.  » 

Or,  attendu  que  le  refrain  des  couplets  cités  par 
AIccstc  dans  le  premier  acte  du  Misanthrope  dérive 
évidemment  de  celui  de  la  chanson  de  Ronsard,  j'en 
tire  cette  triple  conclusion  : 


V  Que  gué,  dans  le  refrain  en  question,  est  une 
abréviation  de  Gué-du-Loir; 

2°  Que  l'auteur  a  mal  orthographié  en  mettant  devant 
gué  un  o,  signe  du  vocatif,  et  que  c'est  l'article  com- 
posé au  qu'il  faut  dans  cet  endroit; 

3»  Que  ledit  refrain  est  un  non-sens  des  plus  com- 
plets, le  moUjué  ne  pouvanttiaturellement  aller  qu'avec 
la  Bonne-Arriifurr,  nom  de  la  propriété  possédée  jadis 
au  Gué-du-Loir  par  Antoine  de  Bourbon. 

C'est  grâce  à  la  connaissance  du  passage  cité  plus 
haut  que  j'ai  pu  enfin  répondre  à  cette  question,  dont  je 
cherchais  la  solution  depuis  fort  longtemps.  Aussi 
j'adresse  mes  bien  sincères  remerciements  à  j\L  Loi- 
seau,  professeur  au  lycée  de  Vanves,  qui,  non  content 
de  me  l'avoir  signalé  de  vive  voix,  a  bien  voulu  m'en 
envoyer  une  copie  quelques  jours  après. 
X 
Seconde   Question. 

En  même  temps  que  je  vous  envoie  le  jjrix  de  mon 
abonnement ,  je  vous  demanderai  d'oii  vient  le  proverbe 
Brcler  ses  VAISSEAUX,  ainsi  que  le  sens  qu'il  faut  y 
attacher. 

Pour  forcer  leurs  soldats  à  vaincre,  un  certain  nombre 
de  grands  capitaines  ont  fait  incendier  les  vaisseaux 
qui  les  avaient  portés,  eux  et  leurs  troupes,  sur  les 
bords  ennemis.  Agathocle,  tyran  de  Syracuse,  donna, 
sur  la  cote  d'Afrique,  le  premier  exemple  de  cette  réso- 
lution hardie,  Asclépiotade,  envoyé  par  Dioctétien  contre 
l'usurpateur  de  la  Grande-Bretagne,  agit  comme  Aga- 
tocle  et  fut  victorieux  comme  lui.  L'empereur  Julien 
mit  le  feu  à  ses  magasins  et  à  ses  onze  cents  navires 
qui  mouillaient  dans  le  Tigre,  lorsqu'il  fit  son  expédition 
contre  Sapor,  roi  de  Perse.  Guillaume  le  Conquérant, 
abordant  en  Angleterre,  eut  recours  au-  même  moyen, 
qui  fut  suivi  de  la  victoire  de  Hastings.  Robert  Guis- 
card,  dans  le  péril  pressant  oii  il  se  trouvait  avec  sa 
petite  armée,  devant  les  troupes  nombreuses  d'Alexis 
Comnène,  brîila  aussi  sa  flotte  et  ses  bagages,  et  gagna 
la  bataille  de  Durazzo,  Enfin,  c'est  ainsi  que  Fernand 
Gorlez,  débarqué  sur  la  côte  du  Mexique,  préluda  à  la 
conquête  de  celte  contrée. 

Or,  le  proverbe  brûler  ses  vaisseaux  n'est  autre 
chose  qu'une  allusion  à  cette  manière  résolue  de  dis- 
puter la  victoire  à  un  ennemi  chez  qui  l'on  s'est  trans- 
porté par  mer. 

Quant  à  sa  signification,  elle  découle  naturellement 
de  ce  qui  précède  :  ce  proverbe  signifie  s'interdire, 
s'ôter  les  moyens  de  revenir  sur  une  résolution,  de 
renoncer  à  une  entreprise,  se  mettre,  en  un  mol,  dans 
l'impossibilité  de  reculer. 

X 
Troisième  Question. 

Pourriez-vous  me  dire  dans  un  de  nos  prochains 
numéros  quelle  est  l'élymologic  de  cx^wi't 

Ce  mot  vient  du  grec  -/tovwtj^,  qui  signifie  cousin,  cet 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


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insecte  qui  a  la  bouciie  armée  d'une  trompe  conique 
avec  laquelle  il  suce  le  sang;  et  voici  comment  de  cette 
signification  d'être  sans  pitié  pour  les  dormeurs,  il  en 
est  venu  à  désigner  un  meuble  où  ils  sont  fort  à  l'aise. 

Les  Grecs  ont  appelé  -/.wvw-î'.ov  une  espèce  de  filet, 
d'un  tissu  très-fin,  dont  se  servaient  originairement  les 
Égyptiens  pour  se  garantir  des  mouches,  filet  qui  se 
mettait  principalement  au-dessus  d'un  lit. 

De  ce  mot  les  Latins  ont  fait  conopeum,  qu'ils  ont 
employé  dans  le  sens  de  moustiquaire,  rideau,  tenture, 
pavillon,  comme  on  en  trouve  la  preuve  dans  Juvénal, 
Horace,  Properce,  etc. 

Au  xvf  siècle,  il  s'était  franciséen  canopée,  ainsi  que 
nous  le  montre  cet  exemple,  trouvé  dans  Rabelais  édit. 
d'Amst.,  171  il  : 

Entre  les  précieux  canopées,  entre  les  courtines  dorées. 

[Pantagruel,  III,   I8.) 

Enûn,  après  avoir  désigné  le  rideau  qui  enveloppait 
un  lit,  canapé  (car  la  forme  canapeum  du  bas  latin  a 
fini  par  prévaloir),  a  désigné  un  siège  long  pouvant 
servir  de  lit  de  repos  :  le  nom  du  tissu  a  passé  à  l'ana- 
logue  du  meuble  qu'il  couvrit  d'abord,  et  cela,  absolu- 
ment comme  le  mot  bureau,  désignant  une  étofiequi  se 
mettait  autrefois  sur  une  table  à  écrire,  en  est  venu  à 
signifier  une  table  de  cette  espèce  avec  ses  accessoires. 

Le  mot  canapé,  au  sens  moderne,  ne  se  trouve  ni 
dans  le  dictionnaire  de  .Monet  '1033),  ni  dans  celui  de 
Colgrave  (4661),  et  il  se  trouve  dans  la  première  édition 
de  l'Acadértiie  (4694),  qui  en  donne  cette  simple  défini- 
tion : 

Sorte  de  lit  de  repos.  Canapé  en  maroquin. 

Tout  porte  donc  à  croire  que  ce  mot  ne  date  guère  que 
de  la  seconde  moitié  du  xvii"  siècle.  Du  reste,  à  l'appui 
de  cette  opinion,  je  puis  citer  Furetière  (1727:,  qui  dit 
que  «  ce  mot  est  fort  nouveau  dans  la  langue  ». 

X 
Qualrième  Question. 
En  donnant,  à  la  page  4  77  de  votre  6*  année,  Vétytno- 
locjie  du  mot  calembocr,  d'après  M.  Sardou,  mus  urcz 
promis  d'examiner  la  valeur  de  cette  élijmoloijie.  Je  dé- 
sirerais bien  que  vous  pussiez-  bientôt  vous  livrer  à  cet 
examen,  auquel  je  m'intéresse  particulièrement. 

A  ma  coiinaissance,  il  a  été  projiosé  trois  étymologies 
de  calembour  :  'l'une,  qui  tire  ce  nom  du  curé  de 
Calembert/  ;  l'autre,  du  comte  de  Kahlemburcj,  ambas- 
sadeur de  l'empire  d'Allemagne  près  la  cour  de  France; 
et  la  troisième,  celle  de  M.  Sardou,  qui  le  fait  venir  du 
bois  de  calcmlwur. 

J'ai  dit  {Courrier  dr  VtnKjrlas,  2'  année,  p.  478)  les 
raisons  pour  lesquelles  je  rejetais  Calemberr/  et  lui  pré- 
férais Kaltlemburrj ;  ici,  je  vais  comparer  ce  dernier 
avec  calembour,  bois  des  Indes. 

L'ambassadeur  qui  aurait  donné  lieu  au  nouveau 
terme  ralemliour  parut  à  Versailles  sous  Louis  XV,  c'est- 
à-dire  entre  4713  et  4774,  ce  qui  concorde  assez  bien 
avec  la  première  apparition  de  ce  mot  dans  VAlmanach 
des  calembours,  publié  en  4774  par  le^narquis  de  Bièvre.  ' 


—  L'époque  où  florissait  la  joyeuse  société  dont  faisait 
partie  l'abbé  Claude  Cherier,  mort  en  4  738,  n'est  pas 
non  plus  incompatible,  tant  s'en  faut,  avec  la  première 
apparition  de  ce  terme. 

Tous  les  noms  allemands  en  burg  qui  se  sont  fran- 
cisés ayant  conservé  leur  <i  final  [Strasbourg,  Ham- 
bourg, Au(/sbourh,  brandebourg,  ornement  pour  les 
habits),  il  est  fort  douteux  que  calembour,  terminé  à 
l'origine  comme  aujourd'hui  par  une  r,  soit  venu  de 
Ka/ilniiburg.  —  Gomme,  aussitôt  qu'il  parut  dans  la 
langue,  le  mol  calembour  ijeu  de  mots  s'est  écnicalam- 
bour,  orthographe  identique  à  celle  qu'avait  alors 
calembour  'bois  des  Indes),  il  s'ensuit  que,  relativement 
k  la  dérivation,  l'étymologie  qui  fait  venir  ce  mot  de 
calembour  (espèce  de  bois)  est  complètement  irrépro- 
chable. 

Quand  on  sait  la  manière  dont  le  comte  de  Kahletn- 
burg  parlait  la  langue  française,  on  comprend  sans 
peine  que  le  nom  de  cet  ambassadeur  ait  pu  désigner 
d'abord  des  liaisons  intempestives,  des  rencontres  de 
mois  très-singulières,  puis  qu'il  ait  fini  par  se  donner 
à  un  ensemble  de  syllabes  formant  un  double  sens.  — 
11  est  tout  aussi  admissible  qu'après  avoir  été  répété 
mainte  et  mainte  fois  par  la  société  de  Monlgent,  dans 
le  sens  de  fredaine,  baliverne,  pointe,  etc.,  le  nom  de 
calembour  (espèce  de  bois)  ait  été  propagé  au  dehors, 
qu'il  se  soit  insensiblement  modifié  sur  la  route,  et  que, 
s'écartant  de  plus  en  plus  de  son  point  de  départ,  il  en 
soit  venu  à  signifier  non-seulement  une  sottise,  mais 
encore  une  calembredaine,  puis  un  coq-à-l'àne,  et 
enfin  ce  qui  s'appelait  au  xvr'  siècle  une  équivoque. 

Or,  comme  l'étymologie  de  M.  Sardou  l'emporte  sur 
Kahiemburg  (selon  moi  préférable  à  Calemberg],  j'en 
conclus  que,  si  elle  n'est  pas  la  vraie,  elle  est  du  moins 
la  meilleure  de  celles  que  j'ai  vu  proposer  jusqu'ici. 


Ciaquiëme  Question. 

,  Aiirie:-vous  la  complaisance  de  m' eûcpUquer pourquoi 
les  vers  de  douze  syllabes  s'appellent  alexandri.ns? 


Selon  .Ménage,  quelques-uns  ont  cru  que  c'est  parce 
qu'.Vlexandre  Paris,  vieux  poète  français,  s'était  servi 
particulièrement  de  ce  genre  de  vers.  Mais  voici  un 
passage  de  Geofroy  Tory  [Champ  /leuri/.  feuil.  III, 
verso),  qui  me  semble  donner  une  meilleure  origine 
de  l'expression  dont  il  s'agit  : 

Qui  se  vouldroit  en  ce  bien  fonder,  a  mon  advis  porroit 
user  des  œuvres  de  Pierre  de  Sainct  Cloct  pt  des  œuvres 
de  Jelian  Linevelois  qui  ont  descript  la  vie  Datexandre  te 
grant,  en  longue  ligne,  que  Lautheur  qui  a  compose  en 
prose  le  jeu  des  Eschecz,  dit  estre  de  douze  syllabes,  et 
appelloe  Rilhmc  Alexandrine,  pource  que  comme  dict  est,  la 
vie  Dalexandre  en  est  descripte. 

Il  y  a  bien  plus  de  probabilité,  en'cfTet,  pour  que 
alexandrin  se  soit  dit  d'un  nouveau  vers  employé  à 
chanter  le  héros  macédonien  qu'il  n'y  en  a  pour  que 
ce  qualificatif  (qu'on  ne  trouve  qu'au  xvr  siècle,  si 


488 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


M.  Lillré  l'a  bien  noté  à  sa  première  apparition!  fasse 
allusion  à  un  de  nos  vieux  poètes  ayant  pour  nom 
de  baptême  Alexandre. 

X 
Sixième  Question. 

Je  trouve  dans  le  ALvncel  générai,  de  l'Instruction 
PRiJUiRE,  numéro  du  24  février  dernier,  la  plirase  sui- 
vante :  «  Le  Nord  trouvé,  c'est  une  bague  au  doigt  de 
trouver  les  autres  points  cardinaiix.  «  Quelles  sont,  s'il 
vous  plaît,  la  signification  et  l'origine  de  l'expression. 
que  je  souligne  dans  cette  phrase?  léserais  tri's-curieux 
de  voir  quelques  mots  d'explication  dans  l'un  de  vos 
prochains  numéros. 

Au  moyen  âge,  pour  investir  quelqu'un  d'un  béné- 
fice, on  lui  remettait  un  objet  matériel  qui  variait  selon 
les  personnes  et  les  choses  :  Charlemagne,  en  conférant 
à  Tassillon  le  duché  de  Bavière,  lui  remit,  en  présence 
de  sa  cour  ou  plutôt  de  son  armée,  un  bâton  dont  le 
haut  représentait  une  figure  humaine;  dans  le  roman 
de  Gérard  de  Roussillon,  l'investiture  des  fiefs  se  donne 
tantôt  par  une  branche  verte,  tantôt  par  une  pièce 
de  monnaie  appelée  besant,  tantôt  par  un  gant. 

Parmi  ces  différents  symboles  de  l'investiture,  l'un 
des  plus  anciens  et  des  plus  fréquents  était  l'anneau, 
symbole  sur  lequel  les  parties  contractantes  juraient,  et 
qui  était  remis  au  nouveau  propriétaire.  Quitard  en 
cite  un  exemple  de  497,  qui  se  rapporte  à  l'acte  de  fon- 
dation du  monastère  de  Myssy,  depuis  Saint-Maximin, 
et  aujourd'hui  Sainl-Mesmin-sur-Loiret  : 
Per  annulum  tradidimus.  —  (Nous  avons  livré  par  l'anneau). 

Or,  à  mon  avis,  c'est  de  cet  usage,  nommé  l'investi- 
ture de  l'anneau,  que  nous  est  venu  Avoir  une 
bague  au  doigt,  ou  une  belle  bague  au  doigt,  selon 
l'importance  de  la  propriété  concédée. 
•  Quant  à  l'expression  c'est  une  bague  au  doigt,  qui 
est  l'abrégé  de  la  comparaison  c'est  comme  une  bague 
au  doigt,  elle  se  dit  de  toute  chose  dont  on  peut  tirer 
facilement  un  avantage,  la  bague  ou  l'anneau  passé 
au  doigt  ayant  été,  dans  l'origine,  le  signe  d'une  acqui- 
sition qui  n'avait  rien  ou  presque  rien  coûté. 

Je  suis  très-étonné  de  trouver  c'est  une  bague  au 
doigt  dans  la  phrase  que  vous  me  proposez  ;  car  cette 
expression  y  a  évidemment  le  sens  de  il  est  facile  de  : 

Le  Nord  trouvé,  il  est  facile  de  trouver  les  autres  points 
cardinau.x, 

et  elle  n'a  point  et  n'a  jamais  eu,  que  je  sache,  cette 
signification  dans  notre  langue. 

Ne  vous  scriez-vous  point  trompé  en  copiant'? 


ETRANGER 


Première  Question. 

Jr  voudrais  bien  lire  dans  un  'le   vus  prarliains  nu- 
viéros,  l'iirigine  dr  l'expression  adouk  ce    yrii   tu   as 


BKULÉ,  ET  BRULE  CE  QUE  TU  AS  ADORÉ,  ainsi  que  les  cas  oii 
l'on  peut  employer  cette  expression,  car  il  ne  su/fit  pas 
de  connaiirc  les  proverbes,  il  faut  encore  savoir  s'en 
servir  à  propos. 

Cette  expression  a  été  empruntée  au  récit  que  Gré- 
goire de  Tours  a  fait  de  la  conversion  de  Clovis,  roi  des 
Francs,  récit  traduit,  comme  on  le  voit  plus  bas,  par 
Henri  Martin  {Hist.  de  France,  vol.  I,  p.  424,  4"  édit.). 

Sur  le  point  d'être  vaincu  à  Tolbiac,  Clovis,  qui  était 
païen,  avait  imploré  le  Dieu  de  Clotilde,  sa  femme,  et 
fait  vœu  de  se  convertir  s'il  le  rendait  viclorieux.  Clovis 
remporta  sur  les  Allemands  une  victoire  complète,  qui 
le  laissa  seul  maître  de  la  Gaule.  Alors  il  songea  à 
remplir  sa  promesse  : 

Chlotilde  aussitôt  manda  secrètement  saint  Rémi  [évèque 
de  Reims]  en  le  priant  d'insinuer  au  roi  la  parole  du 
salut....  «  Je  t'écouterai  volontiers,  très-saint  père  »,  ré-, 
pondit  Clilodowig. 

L'évêque,  cependant,  transporté  d'allégresse,  ordonne 
qu'on  prépare  la  piscine  sacrée.  On  tend,  d'un  bout  à 
l'autre,  dans  les  rues  et  sur  le  parvis  de  l'église  des  voiles 
aux  brillantes  couleurs;  on  orne  les  murailles  de  blanches 
draperies;  on  dispose  le  baptistère;  l'encens  fume,  les 
cierges  brillent,  et  le  baptistère  et  le  temple  tout  entier 
sont  remplis  d'un  parfum  divin.  Le  cortège  se  met  en 
marche,  précédé  par  les  crucifix  et  les  saints  Evangiles, 
au  chant  des  hymnes,  des  cantiques  et  des  litanies,  et  aux 
acclamations  poussées  en  l'honneur  des  saints...  Le  saint 
pontife  menait  le  roi  par  la  main  du  logis  royal  au  baptis- 
tère... «  Patron,  s'écriait  Ghlodowig  émerveillé  de  tant  de 
splendeur,  n'est-ce  pas  là  le  royaume  de  Dieu  que  tu  m'as  '; 
promis?  —  Non,  répliqua  l'évèque,  ce  n'est  pas  le  royaume 
de  Dieu,  mais  la  route  qui  y  conduit.  » 

Le  nouveau  Constantin  descend  il  dans  la  cuve,  où  les  caté- 
chumènes, à  cette  époque,  se  plongeaient  encore  presque 
nus;  ce  fut  alors  que  saint  Rémi  prononça  ces  paroles 
célèbres  :  «  Adoucis-toi,  Sicambre,  et  courbe  la  tète;  adore 
ce  que  tu  as  brûlé,  et  brûle  ce  que  tu  as  adoré.  » 

Gomme  vous  l'avez  déjà  deviné,  sans  doute,  l'expres- 
sion dont  il  s'agit  sert  à  inviter  quelqu'un  à  renoncer  à 
ses  opinions,  religieuses  ou  autres,  pour  eft  adopter  de 
lout-à-fait  opposées. 

X       . 
Seconde  Question. 

Faut-il  écrire  r expression  ^0Vi%  de  page,  avec  ou  sans 
s  à  page?  fl  me  semble  que  le  pluriel  serait  bien  pré- 
férable ici  au  singulier.  N'est-ce  pas  votre  opinion  ? 

Dans  son  Dictionnaire  historique  des  Institu/ions  de 
la  France,  M.  Chéruel  met  toujours  page  au  pluriel 
quand  il  écrit  cette  expression  : 

A  l'ùge  de  quatorze  ans,  on  était  mis  liors  de  pages. 

Le  gentilhomme  mis  hors  de  liages  était  présenté  à  l'autel 
par  son  père  et  sa  mère. 

Mais,  dans  la  plupart  des  cas,  on  trouve  le  singulier, 
comme  dans  ces  exemples,  empruntés  tant  à  la  langue 
ancienne  qu';\  la  langue  moderne  : 

...Pantagruel,  lequel  j'ay  servy  à  guaiges  des  ce  que  je 
feus  hors  de  paige  jusques  a  présent. 

(lîiihi'lais,  Prol.  du  U'  liv.) 

11  estoit  assez  grant  pour  cstro  /tors  de  page. 

[Pclil  Jcltnn   de  Hainlrc,  p.    i3c  tlana  Lacurne.)  ..^ 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS. 


1S9 


Je  70US  ferai  bien  voir  que  je  suis  hors  de  page. 

(Th.  Corneile,  D.  Bcrl.  de  Cigarr.,  acte  V,  ii.) 

Il  faut  se  relever  de  ce  honteux  partage, 

Et  mettre  liautement  votre  esprit  hors  de  page. 

(Molière,  Ffm.  sav.,  acte  III,  se.  2.) 

Laquelle  de  ces  deux  orthographes  est  la  meilleure? 

Je  crois  que  c'est  la  seconde;  et  je  vais  vous  dire 
pourquoi,  à  mon  avis,  elle  doit  avoir  la  préférence. 

Le  mot^jac/e,  qui  vient  de  l'italien  ^^ajri/io,  est  dérivé, 
par  contraction,  du  latin  puclar/or/iiit/i,  qui  désignait 
chez  les  Romains  trois  choses  dillérentes,  savoir  : 

\o  Une  troupe  de  jeunes  gens  richement  habillés  qui 
étaient  entretenus  chez  les  riches  pour  le  service  domes- 
tique : 

Pœdagogia  sunt  puerorum  cœtus,  id  est,  servitia  puerilis 
œtatis. 

(Turnèbe,  Adversarta.  liv,    VIII,  eh.  y.J 

2°  Le  lieu  où  logeaient  ces  jeunes  enfants  : 
Puer  in  pœdagogio  mistus  pluribus  dormiebat. 

(Pline,  Epil-  Ut.  III.) 

3°  Ces  enfants  eux-mêmes  (appelés  aussi  pœdago- 
giani  jiueri]  comme  cela  ressort  de  cet  exemple  : 
Quare  pœdagogium  veste  preciosa  suecingitur. 

(Sénèque,  De   Vùa   Beata,  ch.  17.) 

Or,  comme  de  ces  trois  significations  de  pœdago- 
gium,  le  mot  jJCffe  relient  naturellement  l'une  des  deux 
premières  quand  il  suit  /(o«  de  (expression  qui  précède 
toujours  un  nom  signifiant  une  idée  de  lieui,  il  me 
semble,  et  je  dirai  mieux,  je  suis  parfaitement  con- 
vaincu que,  dans  hors  de  page,  ce  mot  ne  peut  s'écrire 
qu'au  singulier. 

X 

Troisième  Question. 

Pourriez-vous  me  dire  d'où  vient  sacreblec,  ce  juron 
si  commun  parmi  /c.<  Français  ?  Ce  mot  ne  se  trouve  pas 
dans  le  dictionnaire  de  Littré. 

Dans  tous  les  jurons  terminés  par  bleu,  cette  finale 
est  une  espèce  d'euphémisme  mis  pour /)/««,  ainsi  que  je 
l'ai  déjà  fait  voir  dans  le  Courrier  de  Vaugelas  [V^  an- 
née, numéro  .5;.  Par  conséquent,  sacrebleu  n'est  autre 
chose  que  sacré  Dieu  imaudit  Dieu),  présenté  sous 
une  forme  moms  blasphématoire. 


PASSE-TEMPS  GRAMMATICAL. 


Corrections  du  numéro  précédent. 


l"...  vile  ma  mère  se  vêtait;  —  2*...  el  je  ne  prenais  pas 
garde;  —  3°...  jusiiu'aux  dernières  conséquences  (pourquoi 
ultimes  (lUAiid  nous  avons  juste  l'éiiuivaicnl?);  —  4°...  Quel- 
gues-uiis  penseront  (Voir  Courrier  de  Vaugelas,  3'  année,  p.  .50); 
—  5"...  que  nous  a  ayons  (pas  à'i,  même  au  subjonctif);  — 
6'...  détaillée,  à  raison  des  èvéneraenls;  —  7°...  qui  a  créé  dans 
Eure-et-Loir;  —  8°...  à  de  tout  autres  titres  que  celui  (Voir 
Courrier  de  Vaugelas,  3'  année,  p.  74);  —  9°...  ef  que  vous 
n'avez  pas  encore  vue  poindre. 

X 


FEUILLETON. 


BIOGRAPHIE  DES  GRAMMAIRIENS 

SECONDE  MOITIÉ  DU  XVII'  SIÈCLE. 


Nicolas  ANDRY. 

[Suite  et  fin.) 

Begretter  ses  péchez.  —  Cette  phrase  est-elle  bonne? 
car  enfin  regretter  marque  du  désir  pour  la  chose  qu'on 
regrette,  comme  regretter  le  temps  perdu,  son  ami,  le 
passé.  Il  semble  que  ce  soit  un  contre-sens  de  dire  re- 
gretter ses  pec/iez  ;  cependant  on  entend  bien  ce  que  cela 
veut  dire,  et  un  fameux  prédicateur  n'a  pas  fait  diffi- 
culté de  s'en  servir. 

riessusciter  d'entre  les  morts.  Ressusciter  des  morts. 
—  L'un  et  l'autre  «  est  bon  »,  c'est  une  expression  con- 
sacrée, en  pariant  de  la  résurrection  de  Jésus-Christ. 

lietranchemens  élégants.  —  On  supprime  le  verbe 
avoir  dans  une  phrase  comme  celle-ci  :  le  chevalier 
éloil  jeune,  bien  fait,  les  manières  honnestes,  l'air  un 
peu  fier,  etc.  Ces  sortes  de  retranchements  donnent  au 
style  un  air  aisé  et  naturel. 

Reiranchemens  nécessaires.  —  Devant  un  infinitif 
régime  d'un  verbe,  personnel  ou  impersonnel,  il  faut 
retrancher  de,  comme  dans  ces  exemples  :  l'avis  cha- 
ritable qu'il  vous  a  plu  nous  donner,  beaucoup  de 
choses  que  vous  souhaitez  voir  écrites. 

Rompre.  —  Au  figuré,  il  se  dit  dans  mille  occasions; 
cependant,  parce  qu'on  dit  rompre  un  dessein,  il  ne 
s'ensuit  pas  qu'on  puisse  dire  rompre  une  volonté; 
c'est  une  phrase  qu'on  ne  doit  passer  dans  aucun  ou- 
vrage, quelque  poli  qu'il  puisse  être  d'ailleurs. 

Sans  que,  N'estoit  que.  —  La  seconde  de  ces  expres- 
sions peut  très-bien  s'employer  pour  la  première;  on 
dit  élégamment  n'étoil  que  j'ai/  un  peu  affaire,  j'irois 
avec  vous.  Vaugelas  s'en  sert  quelquefois. 

Sçavoir.  —  Cette  expression  a  été  employée  par  de 
grands  prédicateurs  ;  ainsi  le  P.  Cheminais  a  dit  :  Si  le 
mondain  étoit  vivement  persuadé  d'un  principe  qu'il 
ne  peut  nier,  sçavoir,  que  le  genre  et  l'heure  de  la  mort 
sont  incertains.  Il  y  a  des  personnes  qui  voudraient  la 
bannir  du  haut  style  ;  mais  Andry  pense  que  ce  serait 
être  trop  délicat. 

Si  tant  est.  —  11  y  a  des  personnes  très-versées 
dans  la  langue  qui  trouvent  que  celle  façon  de  parler 
est  un  peu  passée  ;  mais  plusieurs  auteurs  nouveaux 
s'en  servant,  Andry  pense  qu'on  peut  l'employer  quel- 
quefois. 

Stile  de  phrase.  —  11  consiste  à  s'exprimer  par  ses 
termes  éloignés  et  qui  ne  sont  point  naturels,  à  se  ser- 
vir sans  cesse  de  termes  figurés,  et  à  dire  cent  paroles 
où  souvent  il  n'en  faudrait  qu'une.  Que  de  prédicateurs 
auraient  besoin  d'avis  sur  ce  chapitre! 

.Suppléer  à  une  chose.  Suppléer  une  chose.  —  Le 
verbe  suppléer  ne  veut  point  d'à  après  «  soy  »  lorsqu'il 
signifie  donner,  mellre,  accorder,  comme,  par  exemple, 


oo 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


lorsqu'on  dit  suppléer  ce  qui  manque,  car  c'est  juste 
comme  si  l'on  disait  donner  ce  qui  manque  ;  mais  quand 
on  ne  peut  pas  faire  un  sens  raisonnable  en  changeant 
suppléer  en  riotmer  ou  en  quelque  autre  synonyme,  on 
met  à  après  ce  verbe  :  suppléer  au  défaut,  au  besoin. 

Superbe.  —  Ce  mot  s'emploie  très-bien  pour  orgueil 
en  style  de  dévotion  (1693),  ainsi  on  dit  :  le  christia- 
nisme est  l'ennemi  de  l'esprit  de  superbe. 

Sur  peine,  Sous  peine.  —  Cette  remarque  est  destinée 
à  faire  observer  que  sur  peine  se  dit  à  l'égard  d'un 
bien,  et  sous  peine  à  l'égard  d'un  mal  :  on  dit  sur  peine 
de  la  vie,  mais  on  ne  dit  pas  de  même  sur  peine  de  la 
mort,  il  faut  sous  peine. 

Il  suit  delà,  Il  s'ensuit  delà.  —  L'expression  il  s'en- 
suit est  la  meilleure  ;  il  faut  dire  il  s'ensuit  de  ce  prin- 
cipe que  etc.,  d'oit  il  s'ensuit,  et  non  il  suit  de  la,  il 
suit  de  ce  principe  :  le  verbe  s'ensuivre  est  un  vieux 
mot  employé  pour  suivre;  il  ne  faut  point  considérer  le 
eti  comme  faisant  mot  à  part. 

Tant  que  terre.  —  Dans  le  discours  familier  et  bur- 
lesque, on  emploie  souvent  cette  expression  :  il  court 
tant  que  terre,  il  va  tant  que  terre;  c'est  une  expres- 
sion tronquée  dans  laquelle  un  verbe,  se  présenter  ou 
peut  porter,  est  sous-entendu  :  tant  que  terre  se  pré- 
sente, tant  que  terre  peut  porter  (1693).  Mais  on  n'en 
est  pas  demeuré  là,  on  a  ensuite  fait  servir  cette  ma- 
nière de  parler  à  toutes  les  exagérations,  de  sorte  qu'il 
y  a  des  cas  où,  examinée  à  la  rigueur,  elle  ne  parait  pas 
avoir  de  sens,  comme  dans  manger  tant  que  terre,  par 
exemple. 

Termes  trop  forts  ou  trop  faibles.  —  D'après  Quin- 
tilien,  rien  ne  rend  l'élocution  plus  basse  et  plus  plate 
que  les  termes  ou  qui  disent  trop,  ou  qui  disent  trop 
peu;  en  conséquence,  il  ne  faut  pas  appeler  mal- 
honneste  homme  un  homme  coupable  de  parricide, 
ni  traiter  de  scélérat  un  homme  qui  aurait  seulement 
quelques  petites  intrigues  de  galanterie. 

Termes  plats.  —  Dans  un  discours  un  peu  poli,  on 
ne  fera  point  entrer  ci-dessus,  ci-derant,  ci-aprés, 
non  plus  que  et  autres,  ce  que  dessus,  et  plusieurs  mots 
de  la  même  sorte. 

Termes  retranchez  en  certaines  expressions.  —  Nous 
avons  plusieurs  expressions  où  l'usage  a  supprimé  des 
termes  qu'il  faut  nécessairement  sous-enlendre  pour  le 
sens,  tels  sont  :  retourner  d'oit  l'on  rient,  donner  à 
qui  nous  demande,  où  les  mots  da7ts  l'endroit  et  celui 
sont  sous-entendus. 

Termes  qui  se  contredisent.  —  On  entend  dire  quel- 
quefois ce  sont  de  grandes  bagatelles,  c'est-à-dire  de 
grandes  petites  choses.  Ce  mot  grand  paraît  bizarre- 
ment placé  dans  ce  cas  à  notre  grammairien. 

Torfu,  Tortueux.  —  Le  premier  se  dit  seulement  de 
ce  qui  n'est  pas  droit  :  un  bdton  lortu,  un  arbre 
tortu,  etc.-,  tortueux  dit  plus,  il  signifie  une  chose  qui 
va  eu  tournant  et  qui  fait  plusieurs  plis  et  replis. 
Tortu  marque  un  défaut,  tortueux  n'en  marque  point. 

Tronquer.  —  Ce  verbe  ne  se  dit  pas  seulement  au 
figuré,  comme  le  ci'oient  quelques  personnes;  il  so  dit 
aus.-îi  dans  le  sens  (iroiirc;  ou  dit  très-bien  en  parlant 


de  soldats  privés  d'un  membre  que,  quoique  tous  tron- 
qués, ils  viennent  encore  au  combat. 

Qui  voudroit.  —  Andry  trouve  cette  expression  par- 
faitement bien  employée  dans  la  phrase  suivante,  quoi- 
que elle  y  paraisse  hors  d'œuvre,  n'étant  suivie  d'au- 
cun verbe  qui  s'y  rapporte  :  sérieusement  qui  voudroit 
me  renvoyer  au  monde,  à  condition  que  je  serois  une 
personne  accomplie,  je  ne  crois  pas  que  j'acceptasse  le 
parti.  Ce  tour  est  noble,  aisé  et  naturel,  et  le  tour  de 
la  phrase  régulière  est  rampant,  gêné  et  pédanlesque; 
ce  n'est  pas  dans  les  expressions  les  plus  naturelles, 
que  la  construction  doit  être  la  plus  régulière. 

Vouloir,  Volonté.  —  Employé  pour  volonté,  le  mot 
vouloir  est  plus  d'usage  en  poésie  qu'en  prose;  la  poésie 
fait  passer  bien  des  choses  dont  la  prose  ne  s'accom- 
moderait pas. 

Voir.  —  Il  faut  avouer  que  ce  mot  sert  à  un 
usage  bien  bizarre  dans  les  expressions  voyons  voir, 
écoutons  voir ,  goûtez-  voir.  Employé  de  celte  façon, 
voir  renferme  d'ordinaire  une  idée  de  doute  et 
d'incertitude;  souvent  aussi  il  fait  entendre  que  ce 
qu'on  en  fait  n'est  que  par  manière  d'acquit;  il  revient 
à  un  peu,  dont  on  se  sert  en  mille  occasions  :  dites- 
moi  un  peu,  voyez  un  peu  si  etc. 

Ne  voir  goutte.  —  Cette  manière  de  parler  est  bonne, 
quoique  condamnée  par  quelques  personnes;  elle  n'est 
pas  du  style  sublime,  mais  elle  a  sa  place  dans  le  dis- 
cours familier,  où  elle  est  même  assez  élégante  quel- 
quefois. 

Stile  usé.  —  Il  y  a  des  personnes  qui  ne  sauraientcom- 
mencer  un  discours  que  par  si,  par  quoique,  ou  par 
comme;  ce  style  est  usé  aujourd'hui  (1693),  il  faut 
entrer  tout  de  suite  en  matière  sans  ces  préludes  qui 
ne  servent  à  rien  .•  J'ay  reçu  la  chère  vôtre,  je  vous 
écris  celle-ci,  style  usé  dans  les  lettres.  Il  en  est  de 
même  des  prédicateurs  qui  croiraient  ne  pas  s'être  bien 
tirés  de  leurs  discours  s'ils  n'avaient  envoyé  leurs  audi- 
teurs à  la  gloire,  et  n'avaient  fini  par  l'antithèse  de 
Terre  et  ciel,  qui  est  toujours  précédée  de  ces  mots  : 
afin  qu'ayant,  ou  bien  afin  qu'après  avoir. 

Ce  n'est  pas  la  peine.  —  Cette  expression  qui  signifie 
il  est  inutile,  il  n'est  pas  nécessaire,  est  extrêmement 
naturelle  et  élégante,  quoiqu'il  soit  difficile  d'en  rendre 
compte. 

Emploi  de  )'.  —  Avant  le  verbe  appeler,  c'est  une 
faute  de  mettre  ;/  pour  tenir  la  place  du  nom  que  l'on 
donne  au  sujet;  ainsi  dans  cette  phrase:  //  y  a  des 
gens  qui  sont  au  desespoir  quand  on  les  appelle  Mar- 
quis ou  Comtes,  et  d'autres  quand  on  ne  les  y  appelle 
pas,  il  fallait  dire  :  et  d'autres  quand  on  ne  leur  donne 
pas  celte  qualité. 

Après  des  «  additions  de  quelques  remarques,  » 
Nicolas  Andry,  connu  encore  sous  le  surnom  de  Bois- 
regard,  termine  ses  Réflexions  rritiqurs  sur  l'usage 
présent  de  la  langue  fruneoise. 

FIN. 


Le  RÉuACTEcii-GÉBANT  :  Ema«  MARTIN. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

CONTENUES  DANS  LA  SEPTIÈME  ANNÉE  DE  CE  JOURNAL 


QUESTIONS  RÉSOLUES 


A.  Poiiii(tioi  les  enseignes  commencent  rur  —,  p.  124. 

A  brasse-corps  ou  .1  bras-le-corps.  S'il  faiil  dire  —,  p.  IIG. 

A  d'autres,  dénicheur  de   merles!  Origine   de   l'cxpiession    —, 

p.  G(j. 
A  fur  et  à  mesure.  Examen  de  l'expression  — ,  pi  130. 
A  la  bonne  heure.  D'oi'i  vient  — ,  expression  approbalive,  p.  91. 
A  raison  de  el  b'n  raison  de.  Diflérence  de  — ,  p.  171. 
A-f-il  été  suicidé.  Opinion  snr  — ,  p.  43. 
A  propos  de  boites.  Kxplicalion  de  —,  p.  36. 
Aciieler  chat  en  poche.  Sigjiilicalion  el  origine  de  — ,  p.  138. 
Aciieler  chat  en  poche.  Comniunicaiion  snr  — ,  p.  1.53. 
Adore  ce  que  lu  as  briité,  et  brûle  ce  que  tu  as  adoré.  Origine 

de  rexpres.sion  — ,  p.  ISS. 
Ah!  le  bon  billet  qu'a  la  Châtre.  Origine  de  l'expression   — , 

p.  114. 
Ah!  te  bon   billet  qu'a  la   Cliâtre.    .\  quelle    époque   remonte 

l'expression  —,  p.  171. 
Aidant.  Si  —  est  adjectif  dans  Dieu  aidant,  p.  36. 
Air.  Comment  —  a  pu  signifier  apparence,  extérieur,  mine,  p,  1 1. 
Air  de  vent.  Communication  relative  à  — ,  p.  33. 
Alexandrin.   Pourquoi   le  nom   d'    —  a  été  donné  aux  vers  de 

douze  syllabes,  p.  187. 
Amulette.  Communication  sur  le  genre  de  —,  p.  97. 
Appeler.  Cas  dans  lequel  —  doit  être  précédé  de  En,  p.  10. 
Après  grâces  Dieu  but.  Emploi  et  origine  de  l'expression  de  —, 

p.  S3. 
Artisane.  Si  l'on  peut  donner  —  pour  féminin  à  Artisan,  p.   28. 
Arlisane.  Communication  relative  à  — ,  p.  50. 
Artisane.  Seconde  communication  sur  —,  p.  82. 
Assiette.  Étymologie  du  mot  —  signifiant  plat,  p.  164. 
Aujottr  le  jour.  Lequel  préférer  de  —  ou  de  Au  jour  la  jour- 
née, p.  108. 
Avant  que.  Communication  sur  le  temps  du  subjonctif  qu'exige 

—,  p.  73. 
Avoir  barres  sur  quelqu  un.  Signification  de — -,  p.  12- 
Avoir  son  plumet.  Exiitication  de  — ,  p.  44. 
Avoir  ses  lettres  de  Cracorie.  Origine  de  l'expression  — ,  p.   106. 
Avoir  la  télé  prés  dit  bonnet.  Explication  du  proverbe  — ,  p.  108. 
Avoir  des  émotions  sur  la  planche.  Si   l'expression  —  peut  être 

considérée  comme  française,  p.  161. 
Axonge.  Pourquoi  le  nom  — ^  donné  à  la  graisse  de  porc,  p.  60. 

B. 

B,as  percé.  Sens  réel  de  l'expression  — ,  p.  102. 
Battre  à  plates  coutures.  Explication  de  l'expression  — ,  p.  90. 
Belluaire.  Origine  et  signification  de — ,  qui  n'est  pas  dans  le  dic- 
tionnaire de  Lillré,  p.  43. 
Bissextile.  Élymologie  de  —,  p.  12. 
Black-boulé.  Élymologie  de  l'expression  — ,  p.  125. 
Boire  à  tire-larigot.   Élymologie  de  — ,  p.  11. 
Boire  comme  un  templier.  D'où  vient  le  proverbe  — ,  p.  129. 
Brouillamini.  Élymologie  de  —,  p.  114. 
Brûler  ses  vaisseaux.  Origine  du  proverbe  —,  p.  186. 

C. 

Calembour.  Appréciation  de  l'étymologie  de  —  donnée  par 
M.  Sardou,  p.   187. 

Canapé.  Élymologie  de  —,  p.  186. 

Carcan.  Élymologie  de  — ,  employé  par  les  cbarretiers,   p.   122. 

Carcan.  Communication  sur  l'élyniologie  de  —,  p.  137. 

Cartable,  ^i  le  mot  —  est  français,  p.  52. 

Cartable.  Communication  sur    -,  p.  98. 

Cauchemar.  Elymologie  de  — ,  p.  153. 

Cela  fera  du  bruit  dans  Landerneau.  Communication  sur  —, 
p.  06. 

Cela  fera  du  bruit  dans  Landerneau.  Seconde  communication 
sur  — ,  p.  113. 

Cela  sera  plus  ou  moins  bien  /ait.  Si  la  phrase  —  est  réelle- 
ment lrancai.se,  p.   146. 

Celui-ci  e.s(  aussi  Alexandre.  Quand  on  peut  dire  à  quelqu'un 
-,  p.  172. 

C'est  l  histoire  du  merle  el  de  la  merlette.  Origine  de  l'expres- 
sion —,  p.  91. 

C'est  mes  amis  qui  ou  Ce  sont  mes  amis  qui.  S'il  faul  dire  — ,' 
p.  107. 

C'est.  Si  après  —  suivi  d'un  infinitif,  il  faut  De  ou  De  qui, 
p.  162. 

C'est  une  tiague  au  doigt.  SIgnilicalion  et  origine  de  — ,  p.  188. 

Chance.  Elymologie  el  signification  de  —,  ]>.  70. 

Chaud.  D'où  \ient  —  dans  //  es/  chaud,  signifiant  ru.sé,  p.  51. 

Cheval  fondu.  Signification  liltéralc  de  —,  p.  100. 

Choucroute.  Élymologie  du  mot  —,  p.  28. 


Coi/ler  sainte  Catherine.  Origine  du  proverbe  —,  p.  161. 
Coloration,.  Si  le  mot  —  est  passé  dans  l'usage,  p.  149. 
Comme.    Pourquoi   —   a  le   double  sens    de  Lorsque  et  de  De 

quelle  manière,  p.  3. 
Comme  le  chien   du  jardinier.   Origine  de  la  comparaison  —, 

p.  155. 
Crier  sur  les  toits.  Pourquoi  —  et  non  Crier  par-dessus  les  toits, 

p.  67. 
Croquer  le  marmot.  Origine  du  proverbe  —,  p.  41. 
Croquetaco.  Communication  sur  — ,  p.  9. 
Cuir  de   roussi  ou   Cuir  de  Russie.   S'il   convient  de  dire  — , 

p.  155. 
Cyclone.  Prononciation  du  mol  — ,  p.  155. 

D. 

D'aucuns.  Si  —  est  une  bonne  expression,  p.  43. 

Demander  à  el  Demander  de.  Différence  entre  — ,  p.  35. 

Demander  après  quelqu'un.  Si  l'on  peut  dire  —,  p.  52. 

De  manière  à  ce  que.  Justification  de  la  construction  —,  p.    11. 

De  suite  et  Tout  de  suite.  Communication  au  sujet  des  expres- 
sions — ,  p.  89. 

De  suite.  Communication  sur  —,  p.  129. 

Deux.  Pourquoi  —  a  un  double  adjectif  ordinal,  p.  27. 

Dévergondé.  Pouniuoi  dire  —  quand  on  dit  Vergogne,  p.  67. 

Derrait-elledisparaître...  que.  Justification, de  la  construction  — 
p.  123. 

Dorénavant.  Élymologie  de  l'adverbe  —,  p.  172. 

E. 

EffeuiUaison,  Effeuillement,  E/feuillage.  Lequel  des  trois  noms 
—  vaut  le  mieux,  p.  42. 

E(feuillaison,  E/leuillement,  Effeuillage.  Communication  sur  les 
synonymes  — ,  p.  74. 

Embrouillamini.  Si  l'on  peut  employer  — ,  p.  83. 

En.  A  quoi  se  rapporte  —  dans  En  voulntr  à  quelqu'un,  p.  108. 

En.  Communication  au  sujet  de  — ,  employé  dans  un  vers  de  Mo- 
lière, p.  131. 

Endosser.  Communication  sur  — ,  p.  90. 

En  imposer  el  Imposer.  S  il  y  a  une  différence  enire  —,  p.   139. 

Etre  en  nage.  Origine  du  mot  Nage  dans  —,  p.  103. 

Etre  né  coiffé.  Origine  de  l'expression  —,  p.  68. 

Etre  tiré  à  quatre  épingles.  Origine  du  proverbe  —,  p.  116. 

Exemplaire  avant  les  clous.  Communication  sur  l'expression 
déjà  traitée  — ,  p.  1. 

F. 

Faire  Charlcmagne.  D'où  vient  —,  p.  26. 

Faire  gille.  Explication  de  l'expression  — ,  p.  146. 

Faire  ripaille.  Communication  sur  — ,  p.  10. 

Faire  un  Philippe.  S'il  esl  bien  français  de  dire  —,  p.  42. 

Fauteur.  Signification  el  emploi  de  —,  p.  13. 

Feu.  Emploi  el  ortliogranhe  de  l'adjectif  — ,  p.  156. 

Fils.  Quelle  est  la  véritable  prononciation  du  mot  — ,  p.  147. 

Fréquenter  où.  S'il  est  bien  français  dédire  —,  p.  154. 

G. 

Grâce  à.  Emploi  de  l'expression  — ,  p.  .52. 

Grâce  à.  Communication  sur  l'expression  — ,  p.  105. 

Guéridon.  Communicalion  sur  — ,  p.  1. 

Guéridon.   A  quelle  époque   remonte    l'histoire  du    personnage 

appelé  —,  11.  115. 
Guitare.  Comment  le  mot  —  est  devenu  synonyme  de  Affaire, 

p.  92. 
Gymnasiarque  et  Gymnaste.  Diflérence  entre  —,  p.  44. 

H. 

Haricot.  Communication  sur  l'Age  et  l'étymologie  de   — ,  p.   17. 
Hors  de  page.  Si  dans  l'expression  — ,  il  faul  écrire  Page  avec 
ou  sans  s,  p.   188. 

l. 

Identité.  Emploi  du  mot  —,  p.  179. 

1er.  Pourquoi  des  noms  de  métier  en  —  el  d'autres  en  er,  p.  36. 

1er.  Communication  sur  les  noms  de  métier  en  — ,  p.  58  cl  p.  169. 

Il  n'y  a  pas  mèche.  Explication  de  — ,  p.  28. 

Il  n'y  a  pas  mèche,  l'ommunication  sur  — ,  p.  57. 

H  a  été  suicidé.  Communication  sur  —,  p.  74. 

Ils  ne  .mut  pas  cousins.  Origine  de  lexpression  — ,  p.  181. 

Imposer  el  En  imposer.  S'il  y  a  une  diflérence  entre  —,  p.   19. 

Imposer.  Communication  relative  à  —,  p.  49. 

Informer  que.  Justification  de  la  couslruction  —,  p.  83. 


492 


LE  COURRIER  DE  VAUGELAS 


Je  m'en  lare  Im  mains.  Origine  Je  l'expression  —,  p.  131. 
Je  ne  sache  pas.  Explication  de  l'expression  — ,  p.  92. 
Je  ne  saurais.  Tem|)S  dn  siibjonclit'  requis  par  — ,  p.  52. 
J'irais  quand  il  tomberait  des  hallebardes.  Explication  de  — ,  p.  122. 
Jurer  comme  un  sacre.  D'où  vient  le  proverbe  — ,  p.  179. 

L. 

La  Police  ou  La  Palisse.  S'il  faut  écrire  —,  p.  171. 

Le  temps  jadis  et  le  temps  de  jadis.  Laquelle  des  expressions  — 

est  la  plus  correcte,  p.  74. 
L'être.  Communication  sur  l'emploi  de  —  à  la  place  d'un  verbe 

passif,  p.  1 13. 
Le  point  du  jour  el  La  pointe  du  jour.  S'il  y  a  une  différence 

entre  — ,  p.  116. 
Le  volcan  de  M.  de  Salvandy.   Ce  qu'il  faut   entendre  par  — , 

p.   164. 
Le  Havre.  S'il  faut  un  accent  circonflexe  sur  — ,  p.  172. 
Lexiologie.  Si  l'on  peut  employer  — ,  p.  43. 
Lejciologie.  S'il  faut  préférer  —  à  Lexilogie,  p.  68. 
Loquace.  Prononciation  de  — ,  p.  12. 
Lui   ojfrît-on   une  fortune.    Explication  du    subjonctif  dans  la 

phrase  — ,  p.  59. 

M. 

Mariage  morganatique.  Signification  littérale  de  — ,  p.  4. 
Ment.  Comment  doit  se  prononcer  la  finale  des  ad  verbes  en  —  ,p.  148. 
Mess.  Origine  de  — ,  table  des  officiers  d'un  régiment,  p.  170. 
Mièvre  et  Mièvrerie.  Véritable  signification  de  — ,  p.  50. 
Mièvre.  Communication  sur  — ,  p.  74. 
.^lièvre.  Élymologie  de  — ,  [).  82. 

Mièvre.  Seconde  communication  snr  l'élymologie  de  — ,  p.  115. 
Mièvrerie.  Lequel  vaut  le  mieux  de  —  ou  de  Mièvrete',  p.  99. 
Mignardise.  Étymologie  de  — ,  p.  90. 

Moitié.  Pourquoi  un  homme  appelle  sa  femme  sa  — ,  p.  147. 
Montrer  patte  blanche.  Que  veut  dire  et  d'où  vient  l'expression 
—,  p.    156. 

N. 

i\abot.  Élymologie  du  terme  —,  p.  4  et  51. 

Ne.  Si  l'on  doit  employer  —  après  Sans  que,  p.  140. 

Néanmoins.  Emploi  de  — ,  p.  IJ5. 

Ne  pas  être  dans  son  assiette-  Véritable  sens  de  — .  p.  132. 

Ne  rien  prendre  au   pied  de  la  lettre.  Explication  de  la  phrase 

-,  p.  139. 
Nonobstant.  Élymologie  de  la  préposition  — ,  )).  122. 

0. 

0  gué.  Explication  de  — ,  qui  se  trouve  dans  la  chanson  que 
Molière  a  insérée  dans  Misatitlirope,  p.  186. 

Oi.  Communication  relative  à  —,  dans  certains  mots,  p.  33. 

Oignon.  Communication  sur  l'orthographe  de  — ,  p.  4. 

On  dirait  un  homme  ou  On  dirait  d'un  homme.  Si  l'on  doit 
dire  —,  p.  124. 

Ouate.  Communication  sur  l'orthographe  de  —,  p.  4. 

Ours.  Pourquoi  on  appelle  —  une  pièce  qui  n'a  pas  été  repré- 
sentée, p.  162. 

P. 

l^ain  à  chanter  ou  Pain  enchanté.  S'il  faut  dire  —,  p.  154. 
Paraguante.  Signification  de  —,  p.  180. 

Par-dessus  l'épaule.  Origine  de  l'expression  négative  — ,  p.  99. 
Participe  passé.  Orthographe  du   —  d'une  phrase   corrigée  au 

Passe-temps,  p.  10. 
Participe  passé,  (iommunicalion  sur  l'orthographe  d'un  —  dans 

une  phrase  cxirrigée,  p.  90. 
Partisane  ou  Partisante.  S'il  faut  dire  — ,  p.  84. 
Passer  par  toutes  les  étamines.   Explication  de  la  phrase  — , 

p.  130. 
Paul  et  Julien  connaîtraient  la  société  que.   Examen  de   la 

phrase  —,  p.  26. 
Pays  deOocagne.  Origine  de  —,  p.  18. 
Penser.  Comment  —  a  pu  devenir  impersonnel,  p.  27. 
Péquin.  Élymologie  de  —,  p.  44. 
J'équin.  Communication  sur  l'élymologie  de  — ,  p.  74. 
Péquin.  Seconde  communication  sur  l'élymologie  de  —,  p.  121. 
/'e(^i(/n.  Troisième  communii  aliou  sur  l'étjmologie  de  — ,  p.  137. 
Péquin.  Quatrième  communication  sur  l'élymologie  de —.,  p.  177. 
Poème,  Poète.  Si  le  tréma  sur  —  vaut  mieux  i|ue  l'accent,  p.  180. 


Pour  jusqu'à.  Si  l'expression  —  est  correcte,  ji.  75. 

Prannel.  Communication  sur  le  mot  —,  p.  25. 

Prannel.  Seconde  communication  sur  le  mot  —,  p.  58. 

Prenez-  mon  ours.  Origine  et  emploi  de  — ,  p.  12i. 

Prix.  Etymologie  de  —  dans  l'expression  .iu  prix  de,  p.  20. 

Pronom  personnel.  Emploi  du  —  dans  une  certaine  phrase,  p.  65. 

Pronom  personnel.  Communication  sur  l'emploi  du  —  dans  une 

phrase  où  se  trouve  un  participe  présent,  p.  82. 
P russification.  Pourquoi  le  néologisme  —  ne  peut   entrer  dans 

notre  vocabulaire,  p.  123. 

Q. 

Quant-à-moi.  Si  —  vaut  mieux  que  Quant-à-soi,  p.  51. 

Que.  Analyse  de —  venant  après  Ce,  p.  178. 

Quiproquo.  Comment  le  mot  —  en  est  venu  à  signifier   Méprise, 

p.  12. 
Quiproquo.  Communication  relative  à  — ,  p.  49. 

R. 

Rien  autre  chose  que.  Si  —  peut  se  dire,  p.  91. 
Bien  que.  Equivalence  de  —  et  de  Seulement,  p.  28. 


Sacrebleu.  Etymologie  du  juron  —,  p.  189. 

Sadduccen.  Orthographe  de  —,  p.  35. 

Sadducéen.  Comunication  sur  l'orthographe  de— ,  p.  66  et  p.  82. 

Sa  in  te- Mi  touche  et  Sa'inte-Nitouche.  Laquelle  des  expressions  — 
vaut  le  mieux,  p.  60. 

Sa'tnte-Nitouche.  Si  l'expression  —  peut  s'appliquer  à  un  homme, 
p.  84. 

•S'e  donner  le  baiser  Lamourette.  Origine  de  l'expression  —, 
p.  101. 

Se  donner  les  gants  d'une  chose.  Origine  de  l'expression  prover- 
biale —,  p.  148. 

Se  faire  blanc  de  son  épée.  Origine  de  — ,  p.  178. 

.Se  mettre  en  quatre  pour  quelqu'un.  Explication  de  l'expres- 
sion — ,  p.  148. 

Se  mettre  sur  son  dix-huit.  Communication  sur  —,  p.  2. 

S'en  battre  l'œil.  Explication  de  — ,  p.  3. 

S'en  battre  l'œil.  Si  —  peut  se  dire  des  personnes,  p.  59. 

Sens  dessus  dessous.  Fausse  orthographe  de  l'expression  — ,  p.  149. 

Se  retirer  sous  sa  tente.  Origine  de  — ,  p.  178. 

Se  .w/e;rfe;\  Ap])réciation  de  — ,  p.  5S. 

S'il  lui  arrivait  quelque  chose.  D'où  vient  l'euphémisme — ,  p.  35. 

Silo.  De  quelle  manière  ou  doit  former  les  dérivés  du  substantif 
-,  p.  83. 

Sonate,  que  me  veux-tu  ?  Emploi  et  origme  de  — ,  p.  180. 

Sous  le  point  de  vue  de  et  Sous  le  rapport  de.  Si  —  sont  de 
bonnes  expressions,  p.  59. 

Suicide.  .\  quelle  époque  —  a  été  introduit  dans  la  langue  fran- 
çaise, p.  92. 

Sur  la  rue  et  Dans  la  rue,  Différence  d'emploi  entre  — .  p.  01. 

T. 

Tant  .;«'f>.  Si  l'expression  —  peut  se  dire  à  la  place  de  Quant  à, 

p.  68. 
Téte-bèche.  Explication  de  l'expression  — ,  p.  107. 
Tirer  à  balle  que  veux-tu?  Si   la  phrase  —  est   bonne,   p.    19. 
Tirer  son  épingle  du  jeu.  Origine  de  — ,  p.  139. 
Tirer  son  épingle  du  jeu.  Communication  sur  — ,  p.  177. 
Tombal.  Si  l'adjectif  —  peut  remplacer  Tumu'aire,  p.  52. 
Tous.  Prononciation  de  — ,  p.  5. 
Truisme.  D'où  vient  le  mol  —,  p.  131. 
Truisme.  Communication  sur  —,  p.  185. 
Tuer  le  mandarin.  Communication  sur  — ,  p.  9. 
Tuer  le  mandarin.  Autre  communication  sur  — ,  p.  66. 

u. 

Une  pluie  de  traits.  Si  l'on  peut  dire  — ,  p.  131. 
Une  férité  à  la  Palisse.  Explication  de   l'expression  —,  ■[>.   132. 
Unième,  Vingt  et  premier,  Trente  et  premier.  Pourquoi  on  ne 
dit  pas  — ,  p.  76. 

V. 

'Vaudeville.  Etymologie  de  —,  p.  34. 

Vaudeville.  Divers  sens  de  l'expression  —,  p.  75. 

Verbe.  Lue  question  d'accord  du  —  avec  son  sujet,  p.  139. 

Vétyver.  Ortliogr.iphe  injustifiable  do — ,  p.  171. 

Vieux  comme  Ilérode.  Origine  de  la  comparaison  —,  i;^_98. 

Vin  de  deux  oreilles.  Ce  qu'il  faut  entendre  par  —,  p.  70. 


BIOGRAPHIES  DONNÉES 


(■iLLES  ïliÎNAOE,  numéi^ÉBâ^^ 
Dominique  liounouRS,  amÊ^^^ 


i,  5,  6,  7,  8,  9  el  10. 
,  12,  13  et  14. 


Nicolas   Andry  (dit  Iîoisreoakb),  numéros    15,  10,  17,  18,    19, 
20,  21,  22,  23  et  24. 


Imprimerie  GOUVERNEUR,  G.  DAUPELEV  à  Nogent-Io-Rotrou. 


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