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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/courrierdevaugel05pari
6<> Année.
N° 1.
1«' Avril 1894.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
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.^'^
DE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Journal Semi-Mensuel
V
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraissant la 1" at le IS de ehaana mola
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Élranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
36, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à i'Adm'
M. FiscHBACHER, 33, rue de Seine.
DEUXIEME EDITION.
SOMMAIRE.
Communication relative à deux erreurs ; — S'il est vrai que Je
vous demande excuse soit une mauvaise expression ; — Ce que
signifie exactement Metlre au rancart ; — Si Septennat est un
néologisme à accueillir; — Comment Humeur a |iu passer au
sens de disposition d'esprit, caprice; || Origine de l'expression
Faire fiasco ; — D'où vient Laver qui se trouve dans Lover
un livre: — Explication de l'expression proverbiale En avoir
dans l'aile : \\ Passe-temps grammatical. || Biographie (\' Antoine
Oudin. Il Ouvrages de grammaire et de littérature, jj Renseigne-
ments pour les professeurs français qui désirent trouver des
places à l'étranger, jj Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATION.
Le 16 janvier dernier, j'ai reru la lettre suivante,
relative à deux erreurs que j'avais commises :
Monsieur,
Dans le numéro du 15 novembre 1S73 du Courrier de
Vaugelas, où vous répondez à un étranger sur cette expres-
sion : Pardon de la liberté grande, vous dites : » Cette
locution contenant une espèce de proverbe depuis 1830,
époque où les Mémoires de Grammonl furent publiés pour
la première fois... »
Je ne doute pas que ce ne soit une faute d'impression.
Brunet cite 1° une édition de 1763, 2° une autre édition,
augmentée de notes et d'éclaircissements par Horace
Walpole, de 177i. Je ne parlerai pas des nombreuses éditions
qui lui ont succédé.
Je crois utile que cette faute d'impression soit rectifiée.
Permettez-moi, Monsieur, une autre observation. En
citant le dictionnaire de Furetiére, vous lui donnez la date
de 1727 en ajoutant (je cite de mémoire) : cette acception
existait en 1727, car, etc. Il semblerait en résulter, pour
vos lecteurs, que le dictionnaire n'a été publié qu'en 1727,
ce qui les induirait en erreur.
La confiance si bien justifiée que vos correspondants
mettent dans les renseignements qu'ils trouvent chez vous
exige de votre part des eflforls continuels pour qu'ils
n'aient pas à craindre de se tromper en s'appuyant sur
votre autorité ; et je ne doute pas de votre empressement
à recevoir volontiers les notes qui vous sont adressées.
C'est ce qui m'a engagé une fois déjà, Monsieur, à vous
écrire, car je crois ne pas vous être désagréable en conti-
nuant.
Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération dis-
tinguée.
[Un paraphe.)
Première observation. — Parfaitement juste. Les
Mémoires de Grammont ont été publiés, je crois, pour
la première fois, à La Haje, en 1731 ; d'où il résulte
que l'expression Pardon de la liberté grande a aujour-
d'hui quelque chose comme MO ans, tandis que je ne
lui en avais guère accordé d'abord que quarante.
Seconde observation. — Non moins juste ; car j'ai dit
p. 161, col. 2 : «dans le dictionnaire de Furetiére,
publié en 1727 » et tout le monde sait que cet ouvrage,
qui a valu à Furetiére d'être expulsé de l'Académie, a
paru pour la première fois à Rotterdam, en 1690, c'est-
à-dire deux ans après la mort de l'auteur.
Je comprends trop bien la nécessité de l'exactitude
dans les faits qu'allègue une publication comme la
mienne pour ne pas me montrer reconnaissant envers
les personnes qui, d'une plume amie, viennent me
signaler les endiwits où je puis m'êlre trompé.
Aussi, avec l'invitation de continuer à m'adresser
ses utiles et judicieuses remarques, mes bien sincères
remerciements au bienveillant auteur de la lettre qu'on
vient de lire.
X
Première Question.
Je lis dans un dictionnaire que fan ne peut pas dire
à quelqu'un que l'on a offensé : je vous demande exccse,
parce que cela signifie : j'exige de vous des excuses.
Cependant U n'est pas rare d'entendre cette expression.
Est-elle réellement mauvaise, ou est-elle bonne? Je
lirais avec bien du plaisir votre avis à ce sujet dans un
de vos prochains numéros.
Au xvii'siècle, comme nous l'apprend Ménage (Oi'wto.
II, p. .390), celte expression était « universellement
établie par tout le royaume », et j'en ai trouvé les deux
exemples suivants, qui sont de cette époque :
Ma chère enfant, je vous demande excuse à la mode du
pays,
(Sévlgné, Us Rockers.)
^"^
-yre
LE COURRIER DE VAUGELAS
Je vous detnande excuse, a-t-il dit, et j'ai tort.
(La Fontaine, Ragotîn, II, 1 1.)
Mais Antoine de Gourtin ayant critiqué un peu sévè-
rement, dans son Traité de Porrsse, les ouvrages et le
style du P. Bouhours, celui-ci critiqua à son tour la
Ciiilité que Gourtin venait de faire paraître, et se
déchaîna avec une fureur dont je vous laisse juge
contre l'expression demander excuse, qui se trouve duns
ce livre :
C'est grand'pitié que cette sotte phrase ait tant de cours
dans le petit peuple, et qu'elle se soit commuDiquée par la
contagion à quelques femmes du monde, qui d'ailleurs ont
de la politesse et du sens. Les tionnètes gens de la Cour et
toutes les personnes sçavantes en la Langue ne la peuvent
du tout souffrir.
Car enfin, il n'y a que les bourgeois et la populace qui
disent je vous demande excuse; et celuy qui s'est meslé de
donner des règles de la Civilité comme elle se pratique en
France parmi les honnêtes gens, ne sçait pas trop ce qu'il
dit dans le chapitre de l'Audience d'un Grand, en disant
que si la nécessité nous obligeait de le contredire, il ne le faut
faire qu'après luy en avoir demandé excuse... C'est parmi les
honnêtes gens de la rue Saint-Denys que cette civilité se
pratique ; et c'est là sans doute que ce maistre des hien-
séances a appris un si beau précepte, etc.
Le P. Bouhours, qui, au dire de Ménage, « s'étoit
érigé en précieux en lisant Voiture et Sarrazin, Molière
et Despréaux, et en visitant les dames et les cavaliers, »
le P. Bouhours, qui avait récemment publié trois ouvrages
sur la langue française, était alors une autorité dans les
questions grammaticales; l'édit de proscription qu'il
lança contre demander excuse eut son eflét, car plus
d'un a partagé son avis : pour Ménage [Observ. 1, p. 1 2)
cette expression « ne vaut rien du tout » ; dans Richelet,
elle est condamnée par les gens qui parlent bien;
Trévoux en fait absolument le même cas; Landais
l'appelle « un vrai galimatias, qui choque également
l'oreille et la raison » ; Bescherelle la signale aussi
comme mauvaise, et M. Littré la qualifie de « locution
à rejeter n.
Est-il donc vrai que demander excuse soit réellement
une expression qu'on ne peut accueillir? Je ne le crois
pas, et cela, pour plusieurs raisons que je vais vous
exposer.
)" Depuis l'interdit que le P. Bouhours a voulu jeter
sur elle, celle expression n'a pas cessé, non-seulement
de se dire, mais encore de s'écrire, ce que démontrent
ces exemples :
(xviii' siècle.)
Je suis confuse
De ce que vous pensez ; je vnus demande creuse.
(Diifreiny, la Caijuclte de village. I, 8.)
Cadet Ciron, sain et sauf arrivé,
Demande excuse au bœuf qu'il croit avoir sauvé.
|I.amotte, le Bmif el le Ciron.)
Je VOUS demande excuse. Je suis votre très-humble et très-
obëissanl serviteur.
... , (Bruéjs, dans Poitevin.)
(xix* siccle.)
J'ai tous les torts, et vous demande excuse :
La réputation suffit.
(Emile Augier, mfmo aoiirce. |
2" Dans sa première édition (IG94), l'Académie ne
mentionne pas demander excuse.
Dans celles de 1718 et de n40, elle dit :
On ne laisse pas pourtant quelquefois de dire dans le style
familier, Je vous demande excuse, soit pour prier quel-
qu'un d'avoir un peu d'indulgence pour quelque chose,
soit pour marquer civilement qu'on ne convient pas de ce
qu'il dit.
Dans celle de 1798, on lit au mot excuse :
N'est guère d usage qu'avec les verbes Faire ou Demander,
comme : Faire des excuses à quelqu'un. Je vous fais mille
excuses. Je vous en fais excuse pour lui. Je vous en demande
excuse.
Enfin, dans celle de ^83^, nouveau silence sur celle
expression, ce qui, après tout ce qu'on a dit pour la
proscrire, me semble dénoter une assez bonne dispo-
sition en sa faveur.
3" Le P. Bouhours admet qu'il y a des cas où cette
expression est indispensable, celle des « accomode-
mens », oii il faut le plus souvent trouver des termes
« foibles » pour sauver un peu l'honneur de celui qui
fait satisfaction, comme cela venait d'arriver :
Il y a trois ou quatre ans que le Prince Lokowis eut à
Vienne avec M. le chevalier de Grémonville un démêlé qui
éclata fort : on travailla à leur accommodement ; et comme
le Prince avoit tort, il fut condamné à faire satisfaction au
Chevalier. Il y consentit, mais il ne put se résoudre à luy
demander pardon. Le tempérament que l'on trouva, fut
qu'il lui demanderait excuse; et en effet il luy demanda
excuse.
Qui donc pourrait songer à repousser demander
excuse quand cette expression n'a pas cessé d'être en
usage depuis près de trois siècles ; quand l'Académie
l'enregistre sans la moindre allusion à son impropriété
prétendue, et enfin quand celui-là même qui, après
avoir mis tant d'acharnement à la poursuivre, vient
prouver, par une anecdote, que si c^te expression
n'existait pas, il faudrait l'inventer'?
Je ne reproduirai pas ici, pour les combattre, les
arguments du P. Bouhours contre demander excuse.,
qu'il pardonne cependant aux Allemands et à tous les
étrangers, mais qu'il ne peut passer aux Français el
surtout aux Parisiens, qui devraient mieux parler que
les autres; je me contenterai de faire voir, en termi-
nant, que cette expression, loin d'être « un vrai galima-
tias», comme dit Landais, esl au contraire parfaitement
conforme au génie de notre langue.
En effet, tout le monde considère comme bien fran-
çaises les phrases suivantes :
Je vous demande conseil.
Je vous demande pardon.
Je vous demande réponse.
Je vous demande respect.
Je vous demande audience.
Je vous demande protection.
Je vous demande obéissance.
Je vous demande secours.
phrases évidemment mises pour : Je demande que
vous me pardoimiez, que vous me répondiez, que
vous me respectiez, que vous m'écoutiez, que vous me
conseilliez, que vous me protégiez, que vous m'obéis-
siez, que vous me secouriez.
Or, si ces phrases, où un substantif tient lieu d'un
verbe à un mode personnel, sont irré|irocliables, pour-
quoi je vous demande rxriise, qui offre avec elles la
plus complète analogie de construction, ne le serait-
elle pas non plus?
LE COURRIER DE VAUGELAS
Du reste, panlnnnrr et excuser n'étant pas syno-
nymes, rien de plus naturel que, si nous avons le moyen,
par un substantif tiré du verbe pardonner, d'exprimer
plus brièvement ;> i-ous (lematidfi que rous mr pardon-
niez-, nous a\ons également, par un substantif tiré de
excuser, celui d'exprimer d'une manière plus rapide
je demande que vous m'excusiez.
Ainsi, à mon avis, le dictionnaire qui vous a ren-
seigné sur la phrase en question vous a évidemment
Induit dans une double erreur ; l'une, que je vous
demande excuse signifie j'exige de vous des excuses, et
l'autre, que ladite phrase constitue une expression dont
on ne peut pas se servir.
X
Seconde Question.
Que signifie donc au juste le mot bascari, cl est-il
vrai, comme le dit le dictionnaire de Noël et Ckapsal,
que METTEE AD EANCART ne soit pas français ?
Après avoir consulté en vain tout ce que je con-
naissais d'ouvrages sur l'étymologie, j'allais vous
répondre que l'origine de rancart était inconnue. Mais
il en coûte de s'avouer impuissant; j'ai fait de nouvelles
recherches, et je suis enfin arrivé à un résultat qui m'a
fait d'autant plus de plaisir que j'avais moins lieu de
l'espérer.
Rancart se compose de deux parties, savoir :
i° Ranc, qui n'est autre chose que noire adjectif
rance, lequel, comme il Test encore en espagnol sous
la forme rancio, et en italien sous celle de rancido, a
été employé dans notre langue du xvi' siècle avec le
sens de vieux, preuve ces exemples :
La louange de sobriété et de tempérance qu'il vouloit
ramener en usage, estoit desjà cliose si rance, par manière
de dire, et si desaccoustumée, qu'il n'en estoit plus de
nouvelle.
(Amyol, Galba, III.)
Le bled le plus récent est le plus fertile ; et au contrairei
le rance est impropre à fructifier.
(OUv. de Serres, loi.J
Se laboura de rides tout le front,
Marche au baston comme les vieillards font,
Et d'une voix toute caduque et rance
Francus aborde, et en ce poinct le tance.
(Ronsard, la Franciade, liv. I.)
2° Art, qui peut venir, comme aire et ier, de la finale
ariujn, laquelle, dans une foule de mots tels que les
suivants, désigne les divers endroits de l'habitation où
se mettaient chez les Romains les choses dont le nom
précède cette finale :
Carnarium (otSce pour les viandes).
Apicarium (endroit pour les abeilles).
Lararium (lieu destiné aux Lares).
Ossuarium (coffre aux ossements).
Or, quand je considère •1° que les choses qui sont
mises au rancart sont ainsi rejelées parce qu'elles sont
usées, démodées, vieilles, et 2° que mettre au rancart,
par sa signification de mettre de côté, au rebut, dans
un coin, implique nécessairement l'idée de lieu;
Je me crois parfaitement en droit d'en conclure que
rancart a été formé de rancus, lalin de rance, et de la
finale arium, transformée à notre usage en art, ce qui
donne pour signification littérale du terme à expliquer :
lieu ai' l'on inet les vieil les choses.
.Maintenant vous désirez savoir si mettre au rancart
est français.
A la vérité, cette expression ne se trouve pas dans le
dictionnaire de r.\cadémie, mais elle est dans celui de
Liltré, dans celui de Bescherelle, et il n'est pas rare,
soit de l'entendre dans la conversation, soit de la ren-
contrer dans les journaux :
Une autre statue à mettre au rancart.
{La France nouveUi du 25 février 187a.)
D'un autre côté, si, comme je le crois, nous n'avons
pas d'expression désignant l'endroit où se mettent les
choses hors de service, celle-ci nous est nécessaire, et
comme telle assurée d'être officiellement reconnue.
Quand une expression en est là, on peut, selon moi,
dire qu'elle est française.
Avant de finir, une réfiexion sur l'orthographe de
rancart. Si l'étymologie que je propose est la vraie,
comme j'en ai la presque certitude, il est évident que
ce mot a été mal écrit jusqu'ici : il n'y faut pas de t
final, puisque arium ne contient pas cette consonne, el
il n'y faut pas non plus d'e après Vr (c'est ainsi qu'il
se trouve écrit dans \e Dictionnaire de la langue verte),
attendu que rancus a un a, et non un e, après celte
lettre.
X
Troisième Question.
Le mot SEPTE>"SAT ne se trouvant pas dans Littré,
j'en conclus que c'est un néologisme. Mais pensez-vous
que ce néologisme soit admissible dans le vocabulaire
français? Il me semble que la finale at, daiis notre
langue, ne se donne qu'à des mots dont la première
partie désigne une personne (pontificat, ge'.néralat, etc.).
Oui, la finale at, du latin atus, s'ajoute généralement
à des noms de personnes pour désigner soit la dignité,
la charge, le grade qu'elles peuvent avoir, soit le corps
qu'elles forment, soit enfin le temps pendant lequel
elles exercent leurs charges, leurs emplois, comme le
montrent ces exemples :
Califat, consulat, décemvirat, cardinalat, consulat, épis-
copat, etc.
-Mais tous ces vocables faisant la plupart allusion à
l'autorité, à la puissance, on a naturellement attaché
cette idée à la finale at ; et, quand il s'est agi de dési-
gner le temps que devait durer l'exercice d'un pouvoir,
on a joint volontiers la finale en question au nombre
d'années qui en exprimait la durée. C'est ainsi que l'on
a fait d'abord triennat, que je trouve, depuis Trévoux
(n7l), dans tous les dictionnaires.
Or, quand ce premier a été adopté, il me semble
logique d'admettre aussi .■septennat, mot nouveau pour
désigner une forme de gouvernement toute nouvelle, et
présentant d'ailleurs les conditions requises pour faire
un mot français.
A l'occasion, on pourrait, à mon avis, créer de
ipême biennal, quadriennal, quinquennat , sexennat,
octennal, novennat, décennaf, etc., mots qui seraient
LE COURRIER DE VAUGELAS
autant d'excellents néologismes, et comme répondant à
un besoin (qui, je l'espère bien, ne se fera pas de sitôt
sentir), et comme traduisant parfaitement les noms
latins suivants : biennimn, quadrietinmm, quinq^tcn-
nium, sexenniiim, etc., composés de la finale («m, de
annus, et d'un nom de nombre.
X
Quatrièitie Question.
Comment expliquez -vous que le mot humecr, qui
signifie au propre un liquide (hdmori, a/7 pu passer de
ce sens à celui de disposition d'esprit, fantaisie, caprice ?
Le mot humeur a d'abord eu en français la même
signification qu'en latin, comme le prouvent ces deux
exemples du xiii" siècle :
Li fust [les arbres] del ctiamp seront saoulé d'humor,
(Psautier, fol. IJ4.)
Quant sa racliine dut conquerre,
Si lor failli humeurs et terre.
{Gui de Cambrai, Barl. et Jos., p. 3i.)
Mais, au commencement du xv^ siècle, ce mol avait
déjà pris l'acception de caractère, disposition morale,
car on trouve dans Olivier Basselin (xxii) :
Cbantre de table et buveur,
M'est injure ordinaire;
Mais ctiascun a son humeur :
Je n'y sçauroy que faire.
Comment humeur a-t-il pu passer ainsi du sens
primitif à ce sens figuré'?
C'est grâce à la propagation de la science médicale
des Grecs, comme je vais vous l'expliquer.
En effet, dans le traité de la Nature de l'homme, par
Hippocrale, se trouve une théorie célèbre connue sous
le nom de « théorie des quatre humeurs », laquelle
attribue la santé du corps au juste équilibre du sang,
du flegme, de la bile et de l'alrabile, et "les diverses
dispositions de l'esprit ou du tempérament à la pré-
pondérance de telle ou telle de ces humeurs fondamen-
tales.
Quand les oeuvres d'Hippocrate se répandirent en
Occident, la théorie en question, cela va sans dire, fut
adoptée par les médecins, fait démontré, du reste, par
la citation suivante empruntée à Brunetli Latini {li
Livres dou Trésor, p. 106, éd. Chabaille) :
L'une nature est de romplexion sanguine, l'autre de mé-
lancolie ou de Homme ou de colère, selonc ce que les
humor$ habundent plus.
Or, en vertu de la métonymie, figure qui permet de
prendre le nom de lu cause pour designer l'effet que
cette cause produit, humeur, après avoir signifié à
l'origine une idée de liquide, en est venu, pour ainsi
dire naturellement, à désigner l'état de l'esprit, une
bouderie, un caprice, etc.
ETRANGER
Première Qiie.slion.
On entend presque tous les jours l'expressiiin faire
riisco, dont je comprends parfaitemint la signification.
Mais qu'est-ce que le mot fiasco lui-même, et d'oi<
vient l'expression qu'il forme étant joint au verbe
FAIRE '?
Le mot fiasco, dont le radical est le même que celui
de l'allemand flasch, de l'espagnol fiasco, du portugais
frasco et du français flacon, est un terme de la langue
italienne qui signifie bouteille (dans cette langue, la
consonne / se change souvent en i, exemple : piii,
plus ; piantar, planter).
Quant à l'origine de la locution, que M. Liltré déclare
inconnue, j'ai eu la bonne fortune de la trouver dans
le Voleur du l'octobre <S73, qui dit l'avoir cueillie
dans le Figaro, et cela, selon toute probabilité, quelques
jours auparavant. La voici intégralement reproduite :
C'était à Florence. Un arlequin célèbre, Biancolelli, faisait
sa sortie dans une pièce en vogue par un désopilant mono-
logue qui roulait sur un objet quelconque que l'auteur
tenait à la main et qu'il était censé avoir trouvé.
Chaque soir, l'arlequin se présentait avec un nouvel objet
à la main, et les lazzis qu'il improvisait là-dessus consti-
tuaient le mérite du boufllon et faisaient son succès.
Un soir, Biancolelli arriva tenant une bouteille garnie de
paille. Or, à Bergame, lieu de naissance de l'arlequin, cela
se nomme un fiasco. Biancolelli, malgré tous ses efforts, ne
parvint pas celte fois à faire rire le public. Il lutta de son
mieux pendant quelques instants contre la froideur de son
auditoire ; mais, voyant enfin qu'on lui tenait rigueur, il
apostropha vivement son fiasco :
— C'est toi, s'écria-t-il, qui es cause que je suis si bête
aujourd'hui; tiens, va-t'en I. Et il jeta sa bouteille par-
dessus son épaule.
On se mit â rire, mais l'arlequin n'en avait pas moins
échoué.
Depuis, quand un artiste avait un sort analogue, on
disait : C'est comme le fiasco de Biancolelli ; puis on dit
tout simplement : C'est un fiasco. Aujourd'hui, ce mot est
passé dans notre langue.
X
Seconde Question.
Quelle est, s'il vous plaît , la signification et l'élymo-
logie du verbe laver dans la phrase suivante : « Le
garnement prit un gros volume daJis la bibliothèque de
son père et alla vite le laver ?
Appliqué à une somme d'argent, lavsr signifie la
dépenser :
11 me donna encore un gros écu, et vingt-quatre sous
pour le rogomme, que nous lavons chez M. de Capelin.
(CtedeCaylus. Œuvr. bad., l. X, p. J3.,''
Ayant pour régime un nom d'objet mobilier, comme
montre, livre, bijoux, etc., il signifie vendre à perle
pour se faire de l'argent :
Vous avez pour quarante francs de loges et de billets à
vendre, et pour soixante francs de livres à lacer au jour-
nal.
(Balzac, Gt. hom de prov. h Paris, t. II. p. 47.)
C'est avec ce dernier sens qu'est employé le verbe
laver dans la phrase que vous m'avez adressée.
Quant à ce verbe lui-même, il faut qu'il ne soit autre
que lurer au sens de purifier avec un liquide qui est
généralement de l'eau, car j'apprends par les Excen-
tricilcs du tangage que lessiver s'em|iloie absolument
dans la mému si^'uilicatiuii.
LE COURRIER DE VAUGELAS
Mais comment laver a-t-il pu passer au sens éloigné
qu'une sorte d'argot lui a donné dans des phrases ana-
logues à celles que je viens de citer plus haut?
C'est probablement grâce à l'idée ironique d'une
lessive sans savon où l'on envoie des objets qui ne
reviennent jamais.
X
Troisième Question.
J'ai remarqué celte phrase daj)s notre numéro 21,
page ^62, de la quatrième année : « qcoiqce j'en .\ie
DANS l'aile, comme dit un ancien proverbe ». Je com-
prends vaguement que cette expression signifie un espace
de temps; mais quel en est le sens exact > Je ne rois pas
du tout comment le sens propre ou le sens figuré de
iiLE a pu prendre une telle signification.
L'expression proverbiale En avoir dans l'aile, qui
est du style familier, a deux significations distinctes :
r C'est une allusion à l'état d'un oiseau blessé à
l'aile [en représente ici plomb, flèche, etc.) et qui, pour
cette raison, est incapable de voler. Elle s'emploie dans
ce cas, en parlant, soit d'une personne amoureuse que
la passion retient auprès de l'objet aimé, soit encore
de quelqu'un qui a éprouvé une disgrâce.
2° Elle se dit aussi pour signifier Être dans la cin-
quantaine. En ce sens, c'est un calembour fondé sur
rhomophonie de aile, membre d'un oiseau, et de /.
(majuscule), qui, employée comme chiffre, signifie
cinquante.
C'est dans cette dernière acception que j'ai fait usage
de l'expression dont vous désiriez connaître le sens
exact.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Phrases à, corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1* On voit que la situation faite au commerce en Europe
n'est pas des plus favorables à son développement, et c'est
à craindre qu'on ne soit pas au bout.
2* Ces poésies, qu'on louerait davantage si l'auteur ne
les avait fait oublier depuis, annonçaient un talent hors de
ligne.
3' Sa haute et noble stature, sa démarche, son port, son
front superbe, son nez aquilin, sa chevelure d'ébène, son
grand œil italien qui flamboie, impose à qui l'approchent
admiration et respect.
4° 11 me suffira, pour réhabiliter ma patrie, de prendre
à témoins tous ceux qui ont visité des villes les moins en
renom chez les artistes.
5" Ceux-ci étaient moins élégants et moins bien montés
que les prpmiers. Cétait sans doute les laquais des trois
gentilhommes.
6* Et nous ferons notre coulpe d'avoir considéré à tort
que la République est ce qui présente le plus de chance à
l'Espagne.
7° Et bonjour Schaunard, Marcel, Mimi, Rodolphe, nips
vieux amis de Pari.<! C'était le bon temps alors, \l vous
souvient. Je vous ai tous connu.=, aimés.
8" Je vais plus loin... J'oftre de parier qu'un simple
révérend père de la Compagnie do Jésus lui fasse baisser
pavillon.
9* Tous ceux qui garderont copie de cette lettre dans
leurs maisons, jamais les malins esprits, feu, foudre, fièvre,
tonnerre ni autres, ne pourront nuire.
10' Un supplément publié par VAkbar du 5 septembre, à
propos dps événements qui se sont passés à Alger le 4, est
poursuivi sous l'inculpation d'excitation à la haine des
citoyens les uns contre les autres.
Il" N'a-t-il pas été constaté par toutes les facultés médi-
cales que la plupart des gastralgies ou affections stomac-
cales quelconques proviennent presque toujours par suit©
d'une mauvaise trituration des aliments?
12° On eût dit la maison d'un mourant envahie par les
héritiers qui se distribuent déjà les dépouilles et se vêtissent
de ses défroques.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
l'RE.MIÈRE MOITIÉ DU XVll' SIÈCLE.
Antoine OUDIN.
Fils aine de César Oudin, il remplaça son père à la
cour de Henri IV dans les fonctions d'interprète pour
les langues étrangères.
Louis XIU l'ayant envoyé en Italie, il séjourna suc-
cessivement à la cour de Savoie et à celle de Rome, où
le pape Urbain YIII le prit en amitié.
En 1651, Louis XIV, surmontant son dégoût pour
l'élude, voulut apprendre l'italien, parce que c'était la
langue maternelle des trois nièces de Mazarin, qu'il
aima tour à tour : Antoine Oudin eut l'honneur de lui
donner des leçons.
11 mourut le 1 1 février 1653.
On a d'Antoine Oudin : \°Curiositez françaises pour
servir de supplément aux Dictionnaires ; i" Gram-
maire française rapportée au langage du temps, qui
reçut les éloges de plusieurs membres de l'Académie
française, récemment fondée; 3° Recherches italiennes
et franeoises ; 4° Trésor des deux langues espagnole et
française; 5" Histoire des guerres de Flandres, traduite
de l'italien. -
Voyons ce qu'il y a d'intéressant dans la grammaire,
publiée à Paris en i('.33, le seul des ouvrages d'Oudin
qui puisse nous occuper ici.
rnONONClATION DES VOYELLES.
A — Il se prononce ordinairement e dans arres,
catharre, charette et fantnsie, qui sonnent : erres,
catherre, chaireite, fantaisie.
11 ne se prononce pas dans aoust, .moul, faon, taon.
Uiiand un temps de verbe termine par a est suivi de
il, elle ou on, il faut ajouter un t : que dira-il, que
dira-elle se prononcent que dira-t-il, que dira-t-elle.
Les modernes écrivent ce / euphonique.
Si l'impératif m est suivi de en ou de y, on y ajoute
une ■< ,• on dit : vas y, ras en quérir.
Un double a, comme dans aage, sonne comme a
simple et allongé.
E — Il y en a quatre sortes dans noire langue,
quoique les grammairiens n'en aduictlent que trois :
le masculin, qui se marque toujours par un accent
LE COURRIER DE VAUGELAS
aigu à la fln des mois: le féminin, qui se prononce à
demi, et qui se rencontrée la fiu des syllabes ; l'ouvert,
qui se prononce comme la diphlbongue ai; enfin le
quatrième, qui tire sur notre diphthongue eu, et qui se
trouve dans de, ne, me, te, le, que.
Devant f, la voyelle e se prononce ouverte, excepté
dans clef, où T/' ne sonne pas.
Suivi d'un g, il est ouvert, manège, inolege, excepté
dans les trois suivants : piège, liège, siège.
Au milieu des mots, avant r, il est ordinairement
ouvert, diffère, espère; exception pour les suivants :
père, mère, frère et leurs composés.
Il se prononce fermé dans les verbes en er : aimer,
aller ; mais il est ouvert à la fin de ces mots : amer,
cher, enfer, fer, fier, mer, entier, allier.
Au pluriel du futur, il se prononce ouvert : cog-
noistres, ferez, irez.
Dans re signifiant un redoublement, ïe se prononce
bref ou a le son féminin : redire, refaire se disent rdire,
r faire.
Quand il y a deux e à la fin d'un mot, le premier se
prononce toujours fermé : armée, contrée.
Ces phrases : Il n'y a que trois, jmur se contenter,
en ce point se prononcent : il n'y ar trois, pour scon-
tenter, enspoint.
Au milieu des mots, e féminin « se mange » tout-à-
fait : demander, leçon, devant, achepter se lisent :
dmander, Içon, dvant, achter.
Lorsqu'un verbe est terminé par c et qu'on met après
lui //, elle ou on, il faut ajouter un t entre les deux :
pense-il, aime-elle, se prononcent pense-t-il, aime-t-
elle.
Quand le pronom je vient après un e muet, celui-ci
se change en e fermé long : aimé-je, contesté-je ?
La copulative et se prononce toujours è fermé.
I — Voyelle et mis devant / ou // après les diph-
Ihongues ie, eu et au, il ne se prononce point; mais il
donne un son liquide auxdites lettres, comme dans
vieillir, mouiller, deuil.
Pouil et genouil se prononcent poi/ et genou.
Pour le séparer de l'a, on marque 1'; par deux points :
naif, ha'ir.
Nous n'écrivons plus estrangier, davgier, mais bien
estranger, danger (1633).
Cette voyelle a le son de e dans crucifix, qui sonne
critcefix.
0 — Dans notre langue, o se prononce toujours fort
ouvert, contre rn]iinion « impertinente » de ceux qui
le veulent faire sonner ou quand il est devant m ou n,
car ceux qui parlent bien ne disent jamais houme,
coumr, buune; el, bien que plusieurs disent cliouse pour
chose, il ne faut pas les imiter.
Quand om el on sont suivis d'une consonne autre
que m et n, on les prononce comme Vum latin : ombre,
sombre, conte, lisez comme s'il y avait lunbrc, sumbre,
cunte.
Penlecoste se prononce aussi pentecnute.
On ne prononce point Vo (lans;;r/oH, Laon, faon.
U — Après le g, il ne se prononce point, excepté
dans arguer, aiguiser, aiguë, ciguë et dans Guise, nom
propre.
Marquée par deux points, cette lettre est voyelle :
loiier, jouer. Quelques-uns mettent les points sur Ve
qui suit, mais Oudin ne trouve pas cela à propos,
attendu que les points ne concernent pas ledit e.
L'accent circonflexe se met sur 1'?/ lorsqu'on sup-
prime ï'e qui le suit : esperdûment pour esperduement.
Um et un se prononcent quelquefois comme om et
on, et principalement lorsque ces syllabes sont tirées
du latin : unze se prononce et s'écrit onze.
Y — Placé entre deux voyelles, il se redouble en
prononçant ; croyable, effroyable se prononcent croy-
yuble, ejfroyyable.
Il a meilleure grâce à la fin des mots que i simple,
comme dans foy, loy, roy, moisy, saisy, excepté dans
quelques particules qui viennent du latin : si, qui, etc.
raOïNONCUTION DES COXSONNES.
B — Se prononce dans obmettre.
Il prend ie son de p dans les mots subtiliser, subtil,
subtilité.
C — Il se prononce comme g dans Claude, second et
secret (1633).
Il ne sonne pas dans blanc, bec-jaune, clerc et espic,
et il se prononce indifféremment dans avec.
Il ne se fait pas entendre dans sanctifier, sanctis-
sirnr.
Dans les pluriels, on rejette le t final; par exemple,
corrects se lit correcs.
On ne prononce qu'un c dans succer.
D. — A la fin des mois el devant une consonne, il ne
se prononce point ; mais devant une voyelle, il sonne
comme un t : quand on entend tin son. lisez .• quant
on entent un son.
Il se prononce au milieu des mots devant une »«,
excepté dans admonester et ses « descendans. »
Quoique d ne sonne pas dans pied, on prononce
pied à terre, pied à boule, de pied en cap comme s'il y
avait /lie/ à terre, piet à boule, de piet en cap.
F — Devant une voyelle, elle s'adoucit en v : les
expressions tieuf heures, Jieuf ou dix se prononcent
neuv heures, ncuv ou dix.
Celle consonne ne se prononce pas dans les « plu-
riers >> des noms terminés par euf: ainsi bœufs, œufs,
csteufs, neufs, sonnent beux, eux, etc.
Dans les noms composés, elle ne sonne point non
plus ; chef d'œuvre el covvre-chrf, se lisent : chédeuvrc,
couvreché.
G — Ne se prononce point dans regnard ni dans
signe.
Quand il y a deux g. il faut les prononcer séparé-
ment : suggérer, sug-gèrer.
A la fin des « dictions « devant une voyelle, g se
prononce r : bourg, sang, prononcez bourc, sanc.
Il ne se prononce point dans fauxbourg, quoique ce
soit un compose de bourg.
[La suite au prochain numéro.)
Lk Rédacteor-Giîuant : Ema« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
Lettres inédites de Jean-Louis Guez de Balzac,
publiées par M. Philippe Tamizey de Larroque. In-Zi",
Û62 p. Paris, imp. nationale.
Grammaire de la langue française ; par le P. Henri
Delavenne, de la compai-'oie de Jésus. Grammaire élémen-
taire. 5* édition, ln-12. vi-lU p. Paris, lib. Albanel.
Civilisation et mœurs du règne d'Auguste à la fin
des Antonins ; par L. Friedlœnder,, professeur à l'Uni-
versité de Kœnigsberg. Traduction libre par Ch. Vogel.
T. 3=, comprenant le luxe et les beaux-arts, avec un sup-
plémentaut. I". In-8»,xii-553p.Paris, lib. Reimvald et Cie.
La Dynastie des Fouchard ; par Marin de Li vonnière.
Nouvelle édition, ln-18 jésus, 252 p. Paris, lib. Blériot.
L'Armurier de Milan ; par Ponson du Terrail. Edition
ornée de bois gravés par Delaville, sur les dessins de J.-A.
Beaucé. In-4° à 2 col. 72 p. Paris, lib. Benoist et Cie.
\ fr. 10.
Lettres parisiennes. La politique en 1873 ; par
Léon Richer. In-18 jésus. iit-267 p. Paris, lib. de la Société
des gens de lettres. 3 fr.
Notes sur l'Angleterre ; par H. Taine. k' édition,
revueetcorrigée.Iu-18 jésus, vin-397p.Paris, lib. Hachette
et Cie, 3 fr. 50.
Œuvres morales de Vauvenargues, In-32, lxxxvih
1268 p. Paris, lib. Plou. 12 fr.
Les Mémoires secrets de la marquise de Pompa-
dour ; recueillis et mis en ordre par Jules Beaujoint.
Edition illustrée. Livraisons 1 à 13. In-i" lOi p. Paris,
librairie Fayard. La livraison 10 cent.
Contes d'une vieille fille à. ses neveux ; par Mme
Emile de Girardia. Nouvelle édition, In-18 jésus, 281 p.
Paris, lib. Michel Lévy frères, librairie Nouvelle. ^ fr. 25.
Sermons choisis de Bossuet. Nouvelle édition, soi-
gneusement revue d'après les meilleurs textes et précédée
d'une préface par l'abbé Maury, In-t8 jésus, 540 p. Paris,
lib. Garnier frères. 3 fr.
Ce que peut une femme ; par Césarie Farrenc. In-18
jésus. 319 p. Paris, lib. de la Société des gens de lettres.
3fr.
Les Hommes de l'exil ; par Charles Hugo. In-18 jésus,
355 p. Paris, lib. Lemerre. 3 fr. 50.
Exercices d'orthographe et de syntaxe appliqués,
numéros par numéros, à la iTrammaire complète et à la
Grammaire supérieure, et de manière à s'adapter à tout
autre cours de langue française; par P. Larousse, Livre de
l'élève. W édition. In-12. 312 p. Paris, lib. A. Boyer et Cie.
1 fr. 60.
Les Œuvres de J. Racine. Texte original avec
variantes; notice par Anatole France. T. L In-lC, Lx-28i p,
et port. Paris, lib. Lemerre, 5 fr.
Leçons et exercices gradués de littérature ; par
M. Charles Roblot, chef d'institution. In-12, vii-196 p.
Paris, lib. Pélagaud fils et Roblot.
Le lendemain de l'Empire ; par Auguste Vitu, ln-18
jésus, vni-306 p. Paris, lib. Lachaud et Burdin.
Rolande, étude parisienne ; par Fervaques et Bachau-
mont, 3« édition. ln-18 jésus, 362 p, Paris, lib, Dentu, 3 fr.
Cours de littérature, rhétorique, poétique, his-
toire littéraire ; par E. Gi^ruzez, ancien professeur hono-
raire de la faculté des lettres de Paris. Première partie.
Littérature, Poétique, Rhétorique. In-12, vin-200 p. Paris,
lib. Jules Delalainet fils. 1 fr. 75.
Publications antérieures
ENTRETIENS SUR LA LANGUE FRANÇAISE. -
1. Origine et formation de la langue française. — Par
HippOLYTE CocffERis, couservateur à la Bibliothèque Maza-
rine. — In-16, 272 p, — Paris, librairie de VEcho de la
Sorbonne, 7, rue Guénégaud. — 2 fr. 50.
ŒU^SRES COMPLETES DE PIERRE DE BOUR-
DEILLE, SEIGNEUR DE BRANTOME ; publiées d'après
les manuscrits, avec variantes et fragments inédits, pour la
Société de l'histoire de France, par Ludovic L.vlaxne, —
T. VII. Rodomontades espaignolles. Sermens espaignols.
M, de la Noue. Retraictes de guerre. Des dames. lo-S»,
i68 p. — Paris, librairie \'« Renouard. — 9 fr.
troisième et quatrième années). — En vente au bureau du
Courrier de Vaiigelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
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ÇAISE depuis son origine jusqu'à nos jours. — Par
A. Pëlissier, professeur de l'Université. — 2= édition,
revue et augmentée de textes anciens, avec introduction
et commentaires. — In-12, 348 p. — Paris, librairie Didier
et Cie. 38, quai des Augustins.
ŒUVRES DE RABELAIS. — Edition conforme aux
derniers textes revus par l'auteur, avec les variantes de
toutes études originales, une notice, des notes et un glos-
saire. — Par Pierre Jannet. — T. VL In-16. 250 p, —
Paris, \ibniT\e Alphonse Lemerre, 27-29, passage Choiseul.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
DE LA FORMATION DES NOMS DE LIEU, traité
pratique suivi de remarques sur les noms de lieu fournis
par divers documents. — Par J. Qlicherat. Petit in-8'.
— Paris, librairie A Franck, 67, rue Richelieu.
PROPOS RUSTIQUES, BALR'ERNES, CONTES ET
DISCOURS D'EUTRAPEL. — Par Noël du Fail, seigneur
8 LE COURRIER DE VAUGELAS.
de la Hérissaye, gentilhomme breton. — Edition annotée,
précédée d'un essai sur Noël du Fail et ses écrits. — Par
Marie Guica.iRD. — Paris, librairie Charpentier, 19, rue de
Lille.
ŒUVRES COMPLÈTES DE FRANÇOIS VILLON,
suivies d'un choix de poésies de ses disciples. — Edition
préparée par La Moanoye, mise au jour, avec notes et
glossaire, par Pierre Jannet. — 3^' édition. In-16, xvi-
271 p. — Paris, librairie Alphonse Lemerre. — Prix : 2 fr.
ÉTUDE SUR LE LANGAGE POPULAIRE OU
PATOIS DE PARIS ET DE SA BANLIEUE, précédée
d'un coup d'oeil sur le commerce de la France au moyen-
âge, les chemins qu'il suivait et l'influence qu'il a dû avoir
sur le langage. — Par Charles Nisard. — In-8', ^60 pages.
— Paris, lib. Franck, 67, rue Richelieu.
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DE LA
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A PARIS : M. Pelletier, 116, rue de Rivoli ; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin. — A LONDRES,
Miss Gray, 35, Baker Street, Portman Square; — A NEW-YORK : M. Schermerhorn, i30, Broom Street.
JOURNAUX POUR DES ANNONCES :
V American Regisler, destiné aux Américains qui sont en Europe ; — le Galignani's Messenger, reçu par nombre d'Anglais
qui habitent la France ; — le Wekker, connu par toute la Hollande ; — le Journal de St-Pétersbourg, très-répandu
en Russie ; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. Hartvvick, 390, rue Saint-Honoré, à Paris, se charge des insertions.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel attx prosateurs.
L'Académie française décernera pour la première fois, en 1875, le prix Jouy, de la valeur de quinze cetits francs,
prix qui, aux termes du testament de la fondatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
vation, soit d'imagination, soU de critique, et ayant pour objet l'étude des mœurs actuelles. — Les ouvrages adressés
pour ce concours devront être envoyés au nombre de trois exemplaires avant le l" janvier 1875.
Appel aux poètes.
Le prix de 600 fr. fondé par M. le docteur Andreveton, de la Roche, avec le concours de la ville d'Annecy, sera
décerné par la Société Fi.orimontane en juillet 1 874. — Le choix des objets à traiter est laissé aux concurrents. — Les
pièces de poésie doivent être inédites et écrites en langue française. — Les envois porteront une épigraphe qui sera
répétée h l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. —Sont seuls admis à concourir :
1° les nationaux, excepté les membres effectifs de la Société Fi.orimontane, et 2° les étrangers, membres effectifs ou
correspondants «le celte Société. — Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane
avant le l»'- juillet I87ii.
Le douzième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le 1" juin 1874. — Six médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, il M. Evariste Carrance, président du Comité, 92, route
d'KspaETiiP, à nr.rdnaiix ^Girond"). -- .■\ffrnnrliir.
Le roil.-iclciir du t'.ni/rrirr ilc ]'inii/rf(is est visible ;i son bureau de midi à uni' lirurr rt demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupelev ù Nogent-le-llotrou.
5" Année.
N° 2.
15 Avril 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le 15 de ehaane moi*
PRIX :
Abonnement TOur la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉC1.\L POUR LES ÉTR.\NGERS
Officier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédaeleur, soit à l'Adm'
M. FiscnsACHER, 33, rue de Seine.
SOMMAIRE.
Communication relative à Larmes de crocodile; — Comment
Paseolus, haricot, en latin, a pu donner Flageolet en français; —
Pourquoi Qui venant après un verbe précédé de Que constitue
une mauvaise phrase ; — La meilleure manière de prononcer
les LL mouillées ; — Orthographe d'un participe ayant pour
régime un Que dont la relation est douteuse. || Pourquoi dans
les ventes, le comniissaire-priseur emploie Marchand pour
Acheteur; — S'il faut écrire variable un participe passé
précédé de En et d'un adverbe de quantité. || Passe-temps
grammatical. || Suite de la biographie d'Antoine Oudin. \\
Ouvrages de grammaire et de littérature. || Renseignements
aus jirofesseurs français. || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUMCATION.
Dans sa quatrième année, le Courrier de Vaugelas
s'est occupé de l'origine de l'expression larmes de cro-
codile. Or, celte question, qui n'avait pu être complète-
ment élucidée, a tenté M. Georges Garnier, et le savant
philologue de Bayeux a bien voulu m'adresser le résul-
tat des recherches auxquelles il s'est livré à ce sujet.
Je m'empresse de remercier M. Georges Garnier, et de
lui faire les emprunts qu'on va lire.
Où et quand a pris naissance la fable d'après laquelle
le crocodile, caché au milieu des roseaux, pleure et
gémit pour attirer la proie qu'il convoite? Voilà ce
qu'il fallait découvrir.
Le Courrier de Vaugelas avait déjà fait voir qu'il
était très-probable que les Anciens n'étaient pas les
inventeurs de cette fable; M. Georges Garnier achève
la démonstration de ce fait en ces termes :
J'ai relu Hérodote, qui donne une longue description du
crocodile, copiée par Aristote et presque littéralement
traduite par Pline et par /Elien ; aucun de ces pères de
l'histoire naturelle ne reproduit la fable qui a donné lieu
au proverbe. Je ne trouve rien non plus dans les poètes
grecs ou latins des grands siècles.
J'ai compulsé les meilleurs lexicographes, et notam-
ment le Thésaurus lingux latinx de Henri Etienne, ce
répertoire si complet de toutes les expressions usitées par
les auteurs classiques, et les larmes de crocodile n'y sont
pas.
Répondant à une communication qui attribuait
l'origine de larmes de crocodile à la relation d'un
voyage fait en Orient par l'anglais Mandeville, relation
publiée à Londres en 1725, j'avais prouvé, par une
citation prise dans Rotrou, que le proverbe remontait
au moins au xvie siècle; M. Georges Garnier, dans les
lignes suivantes, établit qu'il est d'une époque bien
antérieure :
■V'oici jusqu'à plus ample informé le plus ancien monu-
ment où je le trouve inscrit dans une langue d'origine
aryenne :
Parât improbus ore cruento
Perdere te, lacrymas dum crocodilus agit.
Ce passage est tiré d'un poème du moyen âge intitulé
Pamphyli liber, de amore inler Pamphylum et Galateam,
attribué à Pamphyle Maurélien, qui mourut vers 1300,
l'année même de la naissance du voyageur Mandeville, et
qui fut imprimé en 1499, c'est-à-dire près de trois siècles
avant l'impression du voyage du noble chevalier breton.
Maurélien était contemporain des deux dernières croi-
sades; n'est-ce pas dans les récits des vaillants pèlerins,
compagnons de captivité de leur saint Roi sur la terre
d'Egypte, qu'il aura recueilli cette fable?
Ainsi, grâce à .M. Georges Garnier, la question déjà
trois fois débattue dans ce journal a fait un pas de
plus vers sa solution; car, d'un cùtè, nous savons posi-
tivement que l'expression larmes de crocodile ne vient
ni des Grecs ni des Romains, et de l'autre, nous sommes
presque certains qu'elle existait dès le xiif' siècle.
Encore quelques recherches, qu'on ferait probable-
ment avec succès dans les historiens orientaux et sur-
tout dans la DescripUon topographique et historique de
l'Egypjie qu'a laissée le célèbre .Makrisi, et nous possé-
derons enfin la véritable origine de larmes de crocodile.
X
Première Question,
Un haricot s' appelant faseolus en latin, comment se
fait-il que l'on ait flageolet, en français, pour designer
le même légume quand il est encore vert ? J'ai beau
relire De Chevallet et Brochet, je n'y trouve nulle part
40
LE COURRIER DE VAUGELAS
que la lettre L se soif Jamais ajoutée après mie F. Je
vous serais trcs-oblit/é de me donner cette explication.
En vieux français, Je mot faseolus avait donné pour
dérivé faseol, comme le montrent œs exemples, qui
sont du xvi'= siècle :
Si tu veux manger des poids et faseols, va à Crémone.
(Merlin Coccaie, Jli$l. I, p. 36.)
L'exemple y est manifeste en pois, febves, fazeolz, noix,
alberges, cotton, colocynthes, bled, pavot, etc.
(Rabelais, Pantag., III, ch. 8.)
Mais, dans les patois, le même terme latin avait
donné des dérivés où Vs était changée en j ou en ge ;
ainsi ce mot se dit en genevois fajole, fajule; à Lyon,
flageole; à Cambrai, fagcole; en Faucigny fajoulc,
fajole.
Il est probable que le français, quand il a voulu faire
un diminutif correspondant à faseolus, a formé, sous
l'influence des dérivés patois, le mot fageolet au lieu de
faseolet.
Maintenant pourquoi plus tard a-t-il introduit une /
après ïf?
Je crois pouvoir vous l'expliquer.
Depuis le xv" siècle au moins, nous avions dans
notre langue le mot flageolet pour désigner un instru-
ment de musique, ce qui ressort de ces citations :
C'est un navire sans pompe,
Cest un berger sans flageolet.
(Oliv. Baseelin, XII.)
Cependant on voit le gaillard Derthe approcher de sa
maison guidant ses chèvres et son trouppeau avec un
flageolet.
(Merlin Coccaie, Nist., vol. ], p. 54. J
Faisoit sonner chalumeaux, cornemuses
Et flageolets, pour esveiller les muses.
(Marot, I, p. 166.1
Grâce aux propriétés semi-musicales du faseolus,
vous savez que le peuple de France appelle, par manière
de plaisanterie, les légumes en question du terme argo-
tique de inusicicns. Or, lorsque fageolet évoque une
telle idée, comment pouvoir prononcer ce mot sans
songer au flageolet? On y a songé, en effet, et si bien
que, l'ignorance aidant, on a substitué flageolet à
fagrolet, ce qui a l'apparence de l'addition d'une / dans
le dérivé de faseolus, mais qui, en réalité, est le rem-
placement d'un mot par un autre.
Dans son dictionnaire, M. Litlré fait celte remarque
au sujet de flageolet désignant un haricot :
11 serait raisonnable d'abandonner ce barbarisme et de
dire fageolet. Aucun des patois n'a cette l barbare.
Barbarisme et / barbare, oui, s'il était vrai que
fageolet fût une corruption de /'w/wfc^; mais, quand il
cl démontré, du moins à ce que je crois, qu'il s'agit
bien ici de cet instrument de musique qui, selon
Hasselin, est imlispcnsable à un berger, le reproche
adressé à fUujrolei comme désignant un légume tombe
nécessairement de lui-même.
X
Seconde Qiicslioii.
Dans le premier volume de, la Giumiuiiie des cbam-
juiBES, on trouve, p. A.',2, la phrase suivante donnée
comme étant de l'Académie : « Ne fais à autrui que ce
QUE fu voudrais qui te fût fait à toi-même ». Est-ce que
c'est réellement là une bonne construction ? Ce qui après
un QBE me semble avoir quelque chose de choquant
pour l'oreille. Qti'en pensez-vous ?
Cette construction, qui consiste à rattacher, au
moyen de qui, le membre de phrase précédé de que au
membre de phrase qui lui sert de régime direct, a été
fort en usage au xvii" et au xvui° siècle, comme le
montrent ces exemples :
Cette madame de Quintin, que nous disions gui vous
ressemblait, est comme paralysée.
(Mme de Sévigné, 8g.)
Peut-être a-t-il démêlé dans votre vie quelque intrigue
que vous espériez qui ne serait pas connue.
(Fontenelle, Diaîog.)
Et que pourra faire un époux
Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous?
(La Fontaine, liv. VII, fable a.)
Mais, pour guérir du mal qu'il dit qui le possède,
N'a-t-il point exigé de vous l'autre remède?
(Molière, Ec. des /em., II, 6.)
Si nous attendons, nous attendons ce que Jésus-Christ a
prédit qui n'arriverait jamais.
(Massillon, Confcr. Zt'k contre le scand.)
Voici cette épitre qu'on prétend g«i lui attira tant
d'ennemis.
(Voltaire, Com. sur l'ép. à Ariste.)
Aujourd'hui, elle est passée à l'état d'archaïsme ;
mais le dictionnaire de Littré, qui la trouve « vive et
très-commode, » exprime le vœu qu'elle revienne en
honneur. Serai-je du même avis?
Non, et cela, parce qu'elle fait de cjui un emploi
tout-à-fait insolite, ainsi que je vais vous le démontrer.
En effet, analysons l'une des phrases précédentes, ce
qui sera suffisant, puisque toutes emploient qui de
la même façon, par exemple, la première :
Cette madame de Quintin, que nous disions qui vous res-
semblait, est comme paralysée.
Pi'oposition principale : Cette madame de Quintin est
comme paralysée ; proposition incidente : que nous
disions qui vous ressemblait. Le mot qui se trouve
dans celte dernière; c'est à elle qu'il faut demander le
rôle qu'il joue.
L'incidente en question équivaut à n'en pas douter
à ceci, qui n'est autre chose que sa transformation :
Nous disions que laquelle vous ressemblait;
Or, comme nous, disions, vous et ressemblait sont
communs à l'incidente primitive et à lincidcnte trans-
formée, et que le que de la première est représenté par
laquelle dans la seconde, il s'ensuit nécessairement
que le que de celle-ci correspond à qui dans la première,
ou, en d'autres termes, que le gui de l'incidente primi-
tive est une conjonction, iniisquc, dans l'incidenlc
transformée, que est un mol de cette nature.
Mais qiti ne peut jamais être que pronom relatif en
français; d'où je conclus que la construction dont il
s'agit doit être rcjetéo à titre de barbarisme.
LE COURRIER DE VALGELAS
U
Le seul moyen de donner aux phrases qui précèdent
une tournure vraiment irréprochable, c'est d'observer
la règle suivante :
Retrancher qui, mettre à rinfinitif, et accompagné
d'un pronom régime s'il y en a un, le verbe actif ou
passif qui peut suivre ; et, dans le cas où ce verbe est
au futur ou au conditionnel, mettre devoir devant
l'infinitif; on a ainsi :
Ne fais à autrui que ce que tu voudrais t'êlre fait à toi-
même.
Cette madame de Quintin, que nous disions vous ressem-
bler, est comme paralysée.
Peut-Otre a-t-il démêlé dans votre vie quelque intrigue
que vous espériez ne devoir pas che connue.
Et que pourra faire un époux que vous voulez e'tre jour
et nuit avec vous?
Si nous attendons, nous attendons ce que Jésus-Christ a
prédit ne devoir jamais arriver.
Mais pour guérir du mal qu'il dit le posséder...
Voici cette épitre qu'on prétend lui avoir attiré tant
d'ennemis.
X
Troisième Question.
Auriez-vous la bonté de me donner votre avis concer-
nant la prononciation correcte et élégante des ll
mouillées? Par exemple, est-il à présent permis de
dire comme M. Bescherelle l'indique, bi-iet, bi-urd, ou
bien doit-on prononcer ces mots comme M. Littré le
dit dans son dictionnaire, bi-lliet, bi-luhd?
Depuis que notre langue a des grammairiens, c'est-
à-dire depuis le xvi'= siècle, il a été généralement en-
seigné que les ll mouillées devaient se prononcer comme
le gti d'au-delà des monts, et c'est cette prononciation
que M. Littré a cru devoir adopter dans son diction-
naire.
Mais, à côté de cette manière de mouiller les ll, il s'en
est établi une autre, qui remplace ces consonnes par
un / aspiré, ce qui fait prononcer, par exemple, billet,
billard comme s'ils étaient écrits bi-yet, bi-ijard. C'est
celle que M. Bescherelle croit la meilleure.
Or, en présence d'un tel dissentiment, vous venez
me demander mon avis?
Je vais vous le donner ainsi que les raisons sur
lesquelles je le fonde.
La prononciation que recommande .M. Littré est d'un
âge fort respectable, car elle date au moins de trois
siècles; mais elle est très-difficile à saisir pour une
oreille française, elle a tout l'air d'une trace de l'inva-
sion que l'italien a faite chez nous, et il s'en faut de
beaucoup qu'elle soit la plus usitée.
Celle que préfère .M. Bescherelle, au contraire, peut
être moins ancienne; mais elle est la plus facile de
l'aveu même de ceux qui la repoussent, elle est toute
française, et c'est elle qui est la plus répandue : dans
la capitale, on en fait généralement usage au théâtre,
au palais, dans la chaire, etc., et, sauf peut-être dans
quelques pays avoisinant rilalie et l'Espagne (les //
en espagnol se prononcent comme gli en italien), je
crois qu'il en est de même en province.
C'est cette dernière que je conseille à mon tour;
car, si ancienne que soit l'autre, si autorisés que soient
les patrons qu'elle rencontre, attendu qu'un peuple,
toujours maître de son idiome, a l'incontestable droit
d'y apporter quand il lui ])lait telles modifications qu'il
juge à propos, cette autre, qui n'est agréée ni de la
France ni surtout de Paris, ne peut, à mon sens, être
tenue a correcte et élégante ».
Pour combattre la prononciation de M. Bescherelle,
le savant .M. Bernard Jullien dit, dans son Cours supé~
rieur de langue française, que les Parisiens ont tort de
prononcer Versa-ije, grenou-ge, au lieu de Versailles,
grenouille, et qu'il est « à peine » concevable que celte
prononciation « grêle et désagréable » puisse se pro-
duire <i constamment » au Théâtre-Français sans être
l'objet de la moindre remarque du public ni des jour-
nalistes.
Quelle que soit la qualité du son que cette pronon-
ciation fait entendre, quelle que soit sa fréquence,
quelque difficulté qu'on éprouve à comprendre l'accueil
qui lui est fait, l'argument qui lui est opposé ici ne
peut pas être sérieux ; car, d'un consentement unanime,
quoique tacite, Paris étant devenu chez nous, grâce
à son titre de capitale et au chitfre de sa population,
l'arbitre du langage aussi bien que celui de la mode
et du goût, comment admettre que la prononciation des
Parisiens soit entachée de vice ?
X
Quatrième Qaeslioo.
Comment écrire le participe BEMARQrÉ dans ce début
de phrase : « Toutes les sortes d'ennuis que les mora-
listes ont bemabqce' » Solution vivement attendue
car la question vient d'être posée par la Ville aux
candidats pour les emplois dans son administration.
Quoique votre citation soit incomplète, et qu'elle
présente par conséquent comme une difficuté gramma-
ticale doublée d'une énigme, je vais, puisque la chose
est si pressante, vous dire immédiatement ce que je
pense du participe qui la termine.
Les moralistes, dont l'élude a pour objet spécial le
cœur humain, c'est-à-dire l'ensemble de nos facultés
affectives et de nos sentiments moraux, ont établi une
classification des passions ; et, dans l'ennui, l'une
d'elles, ils ont naturellement distingué autant de sortes
qu'ils ont trouvé de causes pouvant le produire.
Or, le fragment de phrase que vous m'adressez me
semblant faire allusion aux difi'érents cantons que les
explorations du cœur ont fait découvrir dans la région
de la tristesse [l'une des trois passions primitives aux-
quelles -Malebranche rapporte toutes les autres), j'en
conclus que le relatif f/v( ne s'y applique point au mot
individuel rnnuis, mais bien au collectif sorte, ou, en
d'autres termes, que le participe remarqué doit être
mis au féminin pluriel.
i2
LE COURRIER DE VAUGELAS
ÉTRANGER
Première question.
Pourquoi, en France, dans les rentes, le coinmissaire-
priseur emploie-t-il cette formule : « ï a-t-il îiARcnAjiD »
jmur demander s'il y a des acheteurs pour l'objet qu'il
met en vente ?
Chose facile à vous expliquer.
En effet, indépendamment du sens de : qui fait
profession d'acheter et de vendre, le mot marchand,
ancienne forme manheant (du has-lalin mercatare,
faire le commerce) a, depuis les commencements de
notre langue, la signification de : qui achète accidentel-
lement :
Ung marchant ne vaut riens sans monnoye.
iPerccforest, t. III, fol. 114.)
Dit ce coquin dans sa boutique,
Vestu d'un liabit à l'antique,
Qui peste contre les passans
De ce qu'il n'a point de marchans.
(Berthod, Ville de Paris en vers turl., p. 5.)
Si jamais cette part tombait dans le commerce.
Et qu'il vous vînt marchand pour ce trésor cacbé.
(Corneille, le Menteur, III, 6.)
On n'achète pas le rang-, une reine qui serait laide ne
trouverait pas marchand.
(Voltaire, Zaïre, 10.)
Or, c'est dans cette même acception que nos commis-
saires-priseurs emploient ce terme quand ils prononcent
la formule : l' a-f-il marchand ? pour demander si, au
prix qu'ils proposent, l'objet qu'ils mettent en vente
trouve des acquéreurs.
X
Seconde Question.
Puisque vous voulez bien donner des solufiojis sur la
grammaire française aux personnes qui vous en de-
mandent, je viens vous inier de me dire ce que vous
pensez de l'accord du participe passé précédé de ex et
d'un adverbe de quantité; dans cette phrase, par
exemple : « Autant de batailles il a livrées, avtant il
E^' A CAG>"É B, faut-il GAG>É OU GAGSÉES?
Au siècle dernier, on écrivait généralement invariable
le participe passé précédé de en et d'un adverbe de
quantité, et cette orlhoi-'raplie est suivie encore aujour-
d'hui par un grand nombre de grammairiens et par
l'Académie elle-même ; ainsi j'ai trouvé :
Par son analyse, il a fait faire plus de prngrcs à la géomé-
trie qu'elle n'en avait /ai7 depuis la création du monde.
(Thomas, dans la Cram. nat. p. 703.)
Les Russes ont fait en quatre-vingts ans, que les vues
de Pierre-le-Crand ont été suivies, plus de progrès que
nous D'eu avons fait en quatre siècles.
(Voltairt, idem.)
Mais, comme certains auteurs offrent aussi des
exemples où le participe est variable avec un cortège
analogue, des grammairiens de notre temps, entre
autres .M. Beschcrelle et .M. Poitevin, ont proposé
d'adopter le principe de la variabilité en s'appuyant sur
ces phrases :
Ces terribles agonies effraient plus les spectateurs
qu'elles ne tourmentent le malade ; car combien n'en a-t-on
pas rus qui, après avoir été à la dernière extrémité,
n'avaient aucun souvenir de tout ce qui s'était passé, non
plus que de ce qu'ils avaient senti?
(BulTon.)
Les sénateurs accumulèrent sur sa tête plus d'honneurs
qu'aucun mortel n'en avait encore reçus.
(De S^gur.)
Combien en a-t-on vus, je dis des plus huppés,
A souffler dans leurs doigts dans ma cour occupés !
(Racine.)
Que les grandes puissances de l'Europe apprennent qu'il
leur faudrait beauconps moins d'efforts pour cette riche con-
quête qu'elles n'en ont faits depuis vingt ans pour détruire,
en dernier résultat, l'indépendance de quelques petits états-
(Jullien.)
Or, cette nouvelle règle doit-elle être accueillie ou
vaut-il mieux la rejeter?
Selon moi, elle doit être rejelée, et voici les raisons " '
sur lesquelles je me fonde pour parler de la sorte :
i" La Grammaire nationale admet comme tout le
monde l'invariabilité du participe précédé de en et
suivi d'un adverbe de quantité, et voici les exemples 1
qu'elle cite :
Le glaive a tué bien des hommes,
La langue en a tué bien plus.
(François de Neufchâteau. i
J'en ai connu beaucoup qui, polissant leurs mœurs,
Des beaux-arts avec fruit ont fait un noble usage.
(Voltaire.)
Le Télémaque a fait quelques imitateurs, les Caiactcres
de La Bruyère en onl produit davantage.
(Idem.)
Cela étant, comment expliquer que l'adverbe de quan-
tité, qui n'a ni genre ni nombre, puisse, quand il est
placé à gauche du participe, avoir sur ce dernier une
influence qu'il n'a pas étant placé à droite ? Pour mo-
difier une règle, il faut avoir, il me semble, de plus
solides raisons que celles qui se tirent de cette syntaxe
aussi subtile que neuve.
2» Ne pas écrire le participe variable dans ce cas,
dit M. Poitevin, ce serait s'exposer souvent à « mettre
l'expression en contradiction avec la pensée. » Mais,
dans noire langue, ofi l'on écrit toujours invariable le
participe [ail devant un infinitif; où l'adjectif feu se
met invariable avant l'article ; où le participe été parait
toujours sous la même forme; où il est, ainsi que tout
autre verbe impersonnel, peut être suivi d'un nom
pluriel qui en est le véritable sujet, la contradiction entre
l'expression et la pensée ne constitue point une infraction
à un principe d'orthographe. Pourquoi donc alors venir
l'invoquer, comme argument, dans la question qui nous
occupe ?
Le participe n'ayant pas d'autre régime que !e mot
en peut se trouver dans trois circonstances dill'ércnles :
avec en seulement, avec en suivi d'un adverbe de
quantité, ou avec en précédé do la même espèce
d'adverbe. Or, lorsque, du consentement de tous, on
LE COURRIER DE VADGELAS
<3
laisse le participe invariable dans les deux premiers
cas, n'esl-il pas plus sage de le soumellre à la môme
règle dans le troisième que de compliquer encore la
théorie du participe déjà si embarrassante parfois''
X
Troisième Question.
Je ne trouve l'exjiression pbendre sans veut dcms
aucun des (rois dictionnaires français que fui en ma
possession. Voudrie:-rous bien m'en dire la signification,
et, s'il est possible, l'oriyinc ?
Prendre fjudqu'im sans vert, c'est le prendre au
dépourvu, comme le montrent ces exemples ;
C'est ce qui fait toujours que je suis pris sans vert.
{Molière, VElouTdi, III, S )
Je confesse à ce coup que je suis pris sans vert.
(Th. Corneille, Am. à la mode. II, 3.)
Quant à l'origine de cette expression, elle remonte
à un jeu de société très-ancien, dont la principale
règle voulait qu'on portât sur soi une petite branche
de verdure pendant les premiers jours du mois
de mai. Ce jeu, auquel les deux sexes étaient également
admis, donnait à chaque joueur le droit d'en visiter
un autre à toute heure de la journée, aussi bien en
négligé qu'en toilette, afin de s'assurer s'il était muni
de l'espèce de verdure désignée par la société dont il
faisait partie. Quand on se laissait prendre sans branche
verte, ou avec une branche déjà fanée, on recevait un
seau d'eau sur la tête, et l'on était obligé de donner un
gage représentant le prix d'une amende, dont le produit
s'appliquait à des plaisirs variés.
Selon Quilard, le jeu en question était connu dès le
xiii' siècle ; mais attendu qu'il n'en fait la preuve par
aucun texte, et que c'est seulement dans Rabelais
(liv. 1"', ch. 22) que je trouve ce jeu mentionné pour la
première fois, j'en conclus que, jusqu'à plus ample
information, prendre iaM« t^er/ doit être considéré comme
ne datant guère que de François 1".
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
!• ... et il est à craindre que; — 1- ... un tilleul hors ligne (dans
cette expression, on supprime l'article) ; — 3" ... qui flamboie,
imposent à qui Vnppioche; — 4" ... de prendre à témoin tous
ceux; — 5" ... c'étaient sans doute les liquais; — 6° ... et nous
ferons notre mea cidpa (on dit battre sa coutpe); — 7"" ... le bon
temps alors, il vous en souvient; — S" ... lui ferait baisser
pavillon ; — 0° Tous ceux (|ui garderont copie de celle lettre
dans leurs maisons seront préservés des malins esprlls, etc. ; ou
encore : .Famais les malins esprits, etc., no pourront nuire n ceu.v
qui ijardeiont, etc.; — 10° ... est poursuivi sous l'inculpation
d'excitation des citoyens A .se lialr les uns les antres; — U' ...
proviennent i)resquc toujours rf'une mauvaise trituration, ou
encore : sont presque toujours la suite rf'une mauvaise tritura-
tion ; — 12° ... et se vêtent de ses défroques.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• M. Kaoul Duval pense qu'au point de vue conservateur,
il est indispensable qu'on ne voie pas à la tète du gouver-
nement les hommes qui se sont disputés le pouvoir à
la tète des partis politiques.
2° Cette décision sera accueillie avec une satisfaction
unanime, et le mérite en sera attribué au moins en partie
sur le nouvel ambassadeur français, M. de Chaudordy.
3- Il paraît que l'intrigue monarchique que nous dénon-
cions hier n'est pas la seule dont nous soyions menacés.
■1' C'est un excellent exemple que donne là le vaillant
maréchal; il serait fort à désirer que pas un de nos géné-
raux pensât autrement.
5° Il est peu d'animal qui varie autant dans son pelage-,
dans le Nord, on en trouve de roux piquetés de gris,
de gris cendré, de gris ardoisé foncé, de gris blanc, d'en-
tièrement blancs et noirs.
6° Cela ne laisse pas que d'être un présage, utile à
méditer, de ce que réserveraient les patrons de ces feuilles
le jour où ils seraient de nouveau les maîtres de la France.
7° L'Anglais ne saurait être susceptible de sentimenta-
lisme, voire môme d'humanité, pour les souffrances d'une
race qu'il a constamment traitée avec la plus grande bar-
barie. Pour lui, l'Inde est une poule aux œufs d'or.
8- Je ne puis donc admettre, vous le voyez, qu'on donne
le nom d'orléaniste à d'autres qu'à ceux qui sont partisans
du comte de Paris, comme je viens d'avoir l'honneur de
vous le dire.
y Les écluses bonapartistes sont lâchées, et des paroles,
quelques fermes et bien tournées qu'elles soient, ne
changeront pas l'opinion publique, qui est convaincue du
retour inévitable et prochain de l'Empire.
10° Si elle n'exprime pas franchement son mépris, c'est
dans la crainte de nous blesser par des railleries qui
risqueraient d'atteindre le pays tout entier, quoiqu'elles
ne viseraient en réalité que le parti bonapartiste.
11° On avait craint que les partisans de la Commune
vinssent provoquer des désordres, mais rien de semblable
n'a eu lieu.
(Les corrections à quinz-aine.)
FEUILLETON ■
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PaE.\llÈRE MOITIÉ DU XVIII" SIÈCLE.
Antoine OUDIN.
(Suite.J
H — L'aspiration de l'/t sert à éviter quantité d'équi-
voques, car il y a bien de la dillërcnce entre hante et
ente, hault et osf , hautte et /loste, hcstrc et estre,
hache et aehe.
On n'aspire point l'A dans un mot (pii dérive du
latin, comme homme, honneur, etc.
Cette consonne s'aspire au commencement des mots
qui ne sont point d'origine grecque ou latine.
Parmi les mots français qui ne dérivent point du
latin, il n'y a que huile, huict et huistre où l'on met l'/t
pour faire prononcer Vu initial qui, sans cela, sonnerait
comme v.
L — Au milieu des mots et devant une autre con-
sonne, ainsi qu'après les diphthongucs, elle ne se
prononce point, excepté dans coulpe et poulpe.
44
LE COURRIER DE VAUGELAS
Dans le pronom il, \'l ne doit jamais se prononcer
devant une consonne ; son pluriel reprend ladite l devant
les mots commençant par une voyelle, et « taist » son s
finale : ils ont, lisez il ont. Toutefois on peut dire
aussi : is ont.
Les mots col, licol, mol, fol, sol se prononcent par
ou : cou, licou, mou, etc. ; mais fol, suivi d'une voyelle,
se prononce comme il est écrit : fol outré.
Dans les finales des mots suivants, l ne sonne point :
fusil, gentil, sourcil, nombril, apvril, chevreul, pouil,
(jenouil, verrouil (1633).
Oudin trouve « fort à propos » de ne la point pro-
noncer dans ces autres : quelque, quelqu'un, ciuelconque.
Elle n'a point le son mouillé (celui qui a de l'affinité
avec le gl italien et le H espagnol) dans apostille,
camomille, pupille, torpille.
Le m.ot composé gentilhomme a le son liquide de /
au singulier, contre la règle de gentil ; il rejette l au
pluriel et zt\>vononc& gentishommes. he.{èm\mn gentille
ne suit pas la prononciation de son masculin.
M — Elle se change en n devant une autre n :
damné, solemnel se prononcent danné, solennel.
N — A la fin des noms propres et des substantifs
suivis d'une voyelle, elle ne se lie pas; on ne prononce
pas ces mots ; Ciceron ou Demost/iene en liant Vti avec
Yo comme font les Normands, qui disent Ciceronnou
Demostliene.
Avec le substantif ^«, il ne faut pas non plus lier \'n :
la fin en sera mauvaise; mais avec le même mot pris
comme adjectif, il le faut : Vous estes un finnhomme.
On la lie avec les possessifs mon, ton, son; avec
bon, un, en, bien, non, rien, et aussi avec les adjectifs
certain, ancien, malin.
Convent et monstier se prononcent ordinairement
couvent et moustier.
P — Quoiqu'on ne le prononce pas dans exempter,
on le prononce dans exemption.
Q — Ne se prononce point dans le pluriel cocqs, et
encore moins dans cocq d' Inde, qui se lit co d'Inde.
R — Dans les verbes en ir et en er, celte lettre ne se
prononce point quand elle est suivie d'un mot com-
mençant par une consonne.
On ne la prononce point non plus dans mouchoir,
miroir, porteur, covppeur, faiseur; on dit : mouchoi
de col, un miroi de Venise, porteu d'eau, etc.
Dans les substantifs en ir comme plaisir, désir,
souvenir sa prononciation est indifférente.
Celte prononciation est facullalive également dans
monsieur et )nessieurs; mais il est plus dou.x de ne pas
la prononcer devant une consonne.
Les (' pronoms » nosire et rostre, mis devant un
substaiilif, se prononcent par corruption note et vote.
Chaire se prononce généralement chaise, et ce der-
nier est plus « reccu » parmi les Courtisans.
Ordinairement on prononce mécredij pour mercredi/,
abre pour arijre, mabre pour marbre.
S— Pour faire la liaison, on la prononce comme
un z : toutes à la fois, lisez toutez à la fois.
Se prononce dans Christ quand il n'est point précédé
de Jésus, car alors on prononce Jésus-Chrit.
La plupart prononcent Vs dans Maistre de camp, et
c'est en effet sa vraie prononciation.
Elle se prononce toujours à la fin du mot ains.
T — Dans les noms de nombre compris entre 20 et
30, on prononce le < à la fin du vingt, bien qu'une
consonne vienne après.
Il ne se prononce pas AdLÏi?, postposer.
X — Dans Xainte et Xaintonge, il se prononce
comme « / Sainte, Saintonge.
Devant c, au, o, il a le son doux (gs) : exception,
exaucer, lisez egseption, egsaucer ; devant les autres
voyelles, et devant les consonnes^ il a le son dur (es) :
Alexayidre, extravagant, se prononcent Alecsandre,
ecstraragant.
Il se prononce comme s simple dans ces mots : ex-
cuser, expliquer, excommunier, exquis.
Dans plusieurs noms propres, il sonne comme deux
s /ainsi St-Maixant, Auxerre, Auxerrois, Bruxelles et
Luxembourg se prononcent St-Maissant, Ausserre, Aus-
serrois, Brusselles, Lussembourg .
Il a le son de s dans dixsept, dixhuit, dixneuf.
Z — On le met au pluriel des noms qui ont un é
final accentué au singulier, et non pas une s simple.
Pour une raison analogue, il termine la seconde
personne « pluriere » de tous les temps des verbes.
DES DirninONGUES.
AI ou AY — Il a généralement le son de l'e ouvert ;
mais il a celui de é masculin dans aisné, aisnesse, aisé,
ainsi que dans bréviaire, grammaire el paire (1633).
Il se prononce encore comme e masculin à la pre-
mière personne du passé défini et du futur : aimay,
aiineray, et dans les deux présents : j'ay, je sçay.
A la première personne plurielle de l'indicatif du
verbe faire, ainsi que dans tout l'imparfait, ai se pro-
nonce comme e féminin (muet) : faisons, dites fesons
ou fsons ; faisais, faisoit, etc., fesois fesoit. Les dérivés
faisant, faiseur, faiseuse suivent la même règle.
Dans quelques « dictions « aij se prononce en deux
syllabes : ayant, ayeul, bisayeul, abbaye se disent
a-yant, a-yeul, bisa-yeul, abba-ye.
Les mots Espaigne, campaigne et guigner se pro-
noncent Espagne, campagne, gagner.
Pais&lpaisant se prononcent pai-is,pai-isant comme
si Vi se redoublait.
El — Il a le même son que e ouvert : peine, pronon-
cez paine.
11 se prononce comme e masculin dans vieil, vieille,
treize, qui sonnent viél, vieille, tréze.
EU — Il se prononce comme un u simple au com-
mencement de heureux.
lE — A la fin des mots, avec e féminin, il se pro-
nonce séparément : partie, amie, lisQZ parli-e, ami-e.
10 — Dans le pluriel des verbes, cette diphthongue
ne fait qu'un son : aimions, entendions ; mais, partout
ailleurs, elle se prononce en deux syllabes : opinion,
violence, dites opini-on, vi-olence.
{La suite au prochain numéro.)
Le Rkuactecu-Géuaîit : Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
^5
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
L'Ange du Logis ; par Mme la comtesse de Bassanville,
élève de Mme Campan. In-S", V2ô p. Paris, lib. Rigaud.
La France héroïque ; vies et récits dramatiques d'après
les chroniques et les documents originaux; par M. Bathild
Bouniol. /(<= édition, revue et augmentée. T. Il et IV. In-12,
744 p. Paris, lib. Bray et Retaux.
Œuvres sociales de Channing. Traduction française
précédée d'un essai sur sa vie et sa doctrine, d'une intro-
duction et de notices par M. Edouard Laboulaye, de l'Ins-
titut. De l'éducation personnelle. De l'élévation des classes
ouvrières. De la tempérance. Des droits et des devoirs des
pauvres. In-18 jésus, xliv-372 p. Paris, lib. Charpentier.
3 fr. 50.
Œuvres complètes d'Emile Deschamps. T. V et VI.
Théâtre. 2 vol. in-18 jésus, 7U p. Paris, lib. Lemerre. 6 fr.
Hermann et Dorothée, poème ; par Goethe. Edition
classique, précédée d'une notice littéraire par H. Grimm.
In-18, xx-ll/i p. Paris, lib. Jules Delalain et fils. 90 cent.
Madame de Villerxel. La Recherche de l'inconnue;
par Amédée Acjjard. In-18 jésus, 295 p. Paris, lib. Michel
Lévy frères; lib. .Nouvelle. 3 fr. 50.
Mémoires secrets du XIX'^ siècle, par le vicomte
Beaumont-Vassy. 3' édition. In-18 jésus, vii-378. p. Paris,
lib. Sartorius. 3 fr. 50.
Esquisse d'un maître. Souvenirs d'enfance et de
jeunesse de Chateaubriand. Manuscrit de 1826 suivi de
lettres inédites et d'une étude par Ch. Lenormant. In-18
jésus, xix-357 p. Lib. Nouvelle. 3 fr. 50.
L'argent des autres; par Emile Gaboriau. II. La
Pêche en eau trouble. In-18 jésus, 345 p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr. 50.
Gerfaut; par Charles de Bernard. Nouvelle édition. In-lS
jésus, 414 p Paris, lib. Michel Lévy frères; 1 fr. 25.
Le Triomphe d'Éléanor ; par Miss M. E. Braddon.
Traduit de l'anglais par Charles Bernard-Derosne. Nouvelle
édition, revue et corrigée. 2 vol. in-18 jésus, 350 p. Paris,
lib. Hachette et Cie. 2 fr. 50.
Les Pionniers, ou les sources de la Susquehanna ;
par Fenimore Cooper. Traduction nouvelle. Edition revue
et corrigée. In-18 jésus, 372 p. Paris, lib. X. Rigaud. 2 fr.
Cours pratique de compositions épistolaires ; par
Victor Doublet, professeur de belles-lettres. 3° édition.
Exercices et développements. In-18, viii-120 p. Paris, lib.
Jules Delalain et fils. 1 fr. 50.
Les Prévalonnais, scènes de province; par MlleZé-
naïde Fleuriot. 3« édition, revue et corrigée. 2 vol. in-18,
513 p. Paris, lib. Bray et Retaux. 4 fr.
Histoire de France, des origines jusqu'aux traités
de 1815 ; par MM. Hubault, professeur d'histoire au lycée
Louis-le-Grand, et Marguerin, ancien professeur d'histoire
au lycée Condorcet. 5» édition. In-12, vii-542p. Paris, lib.
Delagrave. 3 fr. 50.
Histoire de la Révolution française (1789-1799);
par Théod. H. Barrau. 5' édition. In-18 jésus, 540 p. Paris,
lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Barnabe Rudge; par Ch. Dickens. Roman anglais
traduit sous la direction de P. Lorain, par M. Bonnomet.
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2 fr. 50.
La Cité antique, étude sur le culte, le droit, les insti-
tutions de la Grèce et de Rome; parFustel de Coulanges,
maître de conférences à l'Ecole normale supérieure. 5° éd.
In-18 jésus, 500 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
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LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
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46
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V American Ref/isler, destiné aux Américains qui sont en Europe ; — le Galignani's Messenger, reçu par nombre d'Anglais
qui habitent la France ; — le yVekker, connu par toute la Hollande ; — le Journal de St-Pétersbourg, très-répandu
en Russie ; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. Hartwick, 390, rue Saint-Honoré, à Paris, se charge des insertions.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel avx prosalcum.
L'AcAnÊsriE FiiANÇAisE décemera pour la première fois, en 1875, le prix Jouy, de la valeur de quiiize cents francs,
prix qui, aux termes du testament de la fondatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
vation, soit d'imagination, soit de critique, et ayant pour objet Vétude des mceurs actuelles. — Les ouvrages adressés
pour ce concours devront être envoyés au nombre de trois exemplaires avant le 1" janvier 1875.
Appel aux poètes.
Le prix de 600 fr. fondé par M. le docteur Andrevetan, de la Roche, avec le concours de la ville d'Annecy, sera
décerné par la Société Flori.montane en juillet 187i. — Le choix des objets A traiter est laissé aux concurrents. — Les
pièces de poésie doivent être inédites et écrites en langue française. — Les envois porteront une épigraphe qui sera
répétée à l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. — Sont seuls admis à concourir :
1" les nationaux, excepté les membres elVectifs de la Société Fi.orimontane, et 2» les étrangers, membres efl'ectifs ou
correspondants de cette Société. — Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane
avant le 1" juillet 1874.
Le douzième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le 1" juin 187/i. — Six médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, ii M. Ewristk Carr oce, président du Comité, 92, route
d'Ivspagne, à lionleaux fCironde). — Affrawlnr.
Le redacleiir du Courrier de Viiu;/f/iis est visible à son bureau de miili à une Iwurr ri demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley u Nogent-le-Rotrou.
5' Année.
N" 3.
l"gMai 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
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v\\\>-*' Journal Semi-Mensuel <JJ i À
S^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^-4 1
Paraisiant la !•' et le 15 de eba«ae mêla
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idera pour l'Étranger 10 f.
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Rédacteur: Eman MARTIN
ANXIEN rnOFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Oflicier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adra'
M. FiscHBACHER, 33, rue de Seine.
SOMMAIRE.
Communication relative à Laver; — Origine de Tirer une
carotte: — Comment Eau a été formé du latin Aqua; — Si
Vaucluse peut être construit avec les articles Le ou La ; —
Quelle heure est désignée par VAube des mouches-, — Signifi-
cation et origine de Payer en monnaie de singe. || Ce que veut
dire II n'est métier : — S'il est indifVérent de dire Bosseler tine
cafetièreou Bossuerune cafetière. || Passe-temps grammatical. ||
Suite de la biographie d'Antoine Otidin. || Ouvrages de gram-
maire et de littérature. || Renseignements à l'usage des profes-
seurs français. || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNIC.\TION.
On m'adresse la note suivante à propos de l'origine
du verbe laver, employé dans le sens de vendre :
Voici l'anecdote qui a donné lieu, je crois, au sens
singulier qu'a pris dans ces derniers temps le verbe laver,
dont vous parlez dans le 1" numéro de votre cinquième
année :
L'auteur Théaulon avait, paraît-il, l'habitude de remettre
à son blanchisseur, afin qu'il battît monnaie avec, les
nombreux billets auxquels il avait droit chaque jour. Or,
une fois, le vaudevilliste avait à sa table quelques amis,
parmi lesquels Charles Nodier et quelques notabilités
politiques, quand le blanchisseur entra pour prendre les
billets. C'est mon blanchisseur, messieurs, dit-il. « Bernier,
» ajouta-t-il en se tournant vers lui, vous trouverez mon
» linge dans ma chambre à coucher ; sur la cheminée, il y
j a un petit paquet que vous laverez aussi. » Le petit paquet
que Bernier trouva sur la cheminée contenait les billets
de spectacle, et Bernier fut obligé de comprendre que
laver voulait dire vendre. Depuis ce jour, il ne manquait
jamais de dire en entrant chez Théaulon : « C'est le blan-
chisseur de Monsieur ; Monsieur, y a-t-il quelque chose à
laver? » Grâce à cette circonstance, le verbe laver au sens
de vendre fit fortune ; et il a continué à s'employer depuis
lors dans ce sens.
Je remercie la personne qui a bien voulu prendre la
peine de m'envoyer celte communication ; mais impos-
sible d'admettre que l'anecdote qu'elle y relate soit
l'origine de l'emploi de laver au sens de vendre, comme
je vais le démontrer :
En effet, Théaulon, qui « ne fut pas aussi prompte-
ment accueilli à Paris » que sa position l'exigeait, dit la
Biographie Michaud, n'arriva dans la capitale que
« vers la fin de KS08 ». Or, 1808, c'est justement la
date de la publication du Dictionnaire du bas langage.,
où je trouve la phrase suivante :
Il a lavé sa montre, ses bijoux, pour dire qu'i'l les a
vendus.
Laver se disait donc pour vendre avant le temps où
remonte l'anecdote alléguée.
X
Première Question.
Je désirerais savoir d'oii vient Vcxpression tireb une
CAKOTTE A QUELQU'UN. Voudriez-vous bien me l'apprendre
par la voie de votre journal ?
Comme tirer une carotte signifie : obtenir quelque
chose par adresse ou par ruse (Littré), demander de
l'argent sous un faux prétexte (Lorédan Larchej),
conter une histoire mensongère destinée à vous atten-
drir (Alfred Delvau), escroquer au moyen d'une histoire
(Francisque Michel), et que tirer une dent veut dire :
escroquer de l'argent à quelqu'un en lui contant une
histoire (Alfred Delvau) ; escroquer (Lorédan Larchey
et Littré), je crois pouvoir en conclure que :
Tirer une carotte = Tirer une dent.
Carotte = Dent.
-Mais comment carotte a-t-il pu arriver au sens qu'in-
dique l'égalité précédente, ou, en d'autres termes, com-
ment tirer une carotte a-t-il pu se substituer à tirer
une dent ?
C'est ce que je vais essayer de vous expliquer.
On lit ce qui suit dans Génin [Récréations, l, p. 319) :
Le sixième chant du Malmantile est célèbre pour une
description de l'enfer pleine de verve bouftonne. Parmi les
damnés que le poète passe en revue, on trouve un maqui-
gnon (un sensale) auquel, en punition de ses mensonges,
on a arraché la langue et les dents; et, attendu que la
nature a horreur du vide, on les a remplacées par des
carottes, etc.
Or, le poème héro-comique en question a dû être lu
48
LE COURRIER DE VAUGELAS
et relu, car l'auteur Lorenzo Lippi était aussi bon poète
que bon peintre. Après le divertissement qu'il trouvait
dans eetle désopilante lecture, l'Italien aura, dans le
langage très-familier, adopté le mot carotte pour signi-
fier dent ; et quand nos soldats de la République sont
revenus d'Italie, où carotte au sens de dent pouvait être
populaire depuis plus d'un siècle (Lippi mourut en
1664, et la campagne d'Italie commença en 1796), ils
auront apporté ce mot dans tirer une carotte, qui
n'était autre que tirer une dent, légèrement modifié.
A l'époque où a été publié le Dictionnaire du bas
langage j1808j, la signification de tirer une carotte
était mal connue, car D'hautel la définit tirer les vers
du ne:., ce qui est faui ; et, de plus, cette expression
était « basse et tout à fait populaire, » comme J'ajoute
le même auteur, qualification convenant parfaitement à
une locution née récemment au milieu des soldats.
N'est-ce pas là une double circonstance qui vient plai-
der en faveur de l'origine que je donne ?
Quelques-uns ont voulu que ce proverbe Tint de
piantar carota iplanter carotte), expression dont les
Italiens se servent au moins depuis le ivii' siècle, avec
la signification de : en faire accroire, en donner à garder.
Mais l'existence de l'expression piantar carota chez nos
voisins ne m'a pas semblé suffisante pour expliquer la
nôtre; car, si notre expression vient de la leur, pour-
quoi, quand ils disent planter, disons-nous tirer, un
vrrbe exprimant presque un sens opposé'? Je n'ai jamais
vu qu'on eût adopté un proverbe étranger en y chan-
geant ainsi le verbe tout en conservant les autres
termes. Il faut nécessairement que tirer une carotte
viennç d'ailleurs, mesuis-je dit, et, après m'être assuré
que cette expression n'avait son origine ni en espagnol,
ni en anglais, ni en allemand, je lui ai trouvé celle
qu'on vient de lire.
X
Seconde Question.
Ouvres le premier dictionnaire français venu indi-
quant les étymologies, et vous y trouverez que le mot
Eiu vient du latin Aqca. Comment expliquez-vous une
pareille transformation >
Dans les autres langues modernes formées du latin,
le mot aqua n'a guère éprouvé que le changement de
qu en g ; ainsi l'ilalim ancien disait aigua, le catalan
dit aygua, l'espagnol et le portugais agua.
Mais en français, où qu, c'est-à-dire c, pouvait se chan-
ger en g, celui-ci en v ou en tv, et où toutes ces lettres
pouvaient disparaître, aqua a dû naturellement avoir
beaucoup plus de dérivés : j'en ai compté jusqu'à sept,
dont voici des exemples, rangés en autant de catégories
que la consonne lutine a subi de changements :
V Qu devenu g, comme en italien et en espagnol :
L'algue du cuer lui est es els rooniép.
{Jionctvaux, 48.)
A la cort ont l'auge criée,
Et li vallei l'ont apportée :
Quant ont lavé, si sont asis.
(i« ttau dutonnu dtni Llttt».)
Entre deus augues moult bruians,
Sist la cités, qui moult fu grans.
(Tdera.J
S'aucuns est accuseis qu'il ait aucuns ocliis et on ne le
poet prover par tesmongnages loiaus, il se doitpurgier del
fait par le jugement del aiguë froide.
(Taiiliar, Becuàl, p. 491.)
En cet vasciel l'areideclin
Fist Dieux servir, A'aige fait vin.
(Phil. Mouskes, ms. 383, dans Lacurne.)
2° Qu changé en v ou en iv, comme dans equa, cavale,
qui se trouve sous les formes ive, iwe :
E s'il a en arere larecin amendé, ait à Vewe.
[Lois de Guillaume, i7.|
A ! mult par est la vie del ctiaitif liumme grieve.
Or est chalz, or est freiz, cume celé eve tieve.
{Th. le Martyr, 9Î.)
Que ïiave seul percer la pierre bise.
{Couci. XI.)
Se hastoient les Anglois de passer cette Beauce pour le
danger des yauves dont ils estoient à grand meschef pour
eux et pour leurs chevaux.
(Froissart, H, 69.)
3° Qu disparu sans être remplacé par aucune autre
consonne, car l'exemple précédent ainsi que le second
et le troisième de la première catégorie montrent que
au faisait un son à lui seul ;
Et l'autre lui retrempe de fresche eaue en son vin.
(Berthe, LV.)
Si entendit bien le duc que c'estoit ung personnage
forgié, et qu'on venoit quérir eau«de loing puits.
IChastellain, Chron. des ducs de Bourgogne, U, ch. 56.)
Or, c'est celte transformation de aqua, usitée encore
au commencement du xvii' siècle (on la trouve dans le
Thresor de Nicot, -1606;, qui a fini par prévaloir; et,
comme le picard, où se trouvait iau, ieu, a eu une
grande influence sur le parler de l'Ile-de-France, on
retrancha à eaue, mais à tort, son e, représentant légi-
time de la finale a de aqua, ce qui donna enfin le mot
eau, dont la forme avait semblé pendant des siècles
aussi indéterminée, pour ainsi dire, que celle du corps
qu'il sert à désigner.
X
Troisième Question.
Lors de l'élection de M. Ledru-Rollin, les journaux
ont dit : « le déparlement de vaucluse, le département
DE LA VACCLCSE ; LE VACCLCSE. » Le mot VADCLDSE doit-tl
être fait du genre masculin ou féminin ?
En vertu du décret rendu par l'Assemblée consti-
tuante le 15 janvier 1790, la France fut divisée en un
certain nombre de départements, désignés par les
accidents géographiques, rivières, montagnes, etc., qui
s'y trouvaient.
Mais, pour abréger des dénominations qui eussent
été trop longues, on supprima le nom de l'accident pour
ne conserver que le mot qui servait à le spécifier, et l'on
a dit :
Déparlement de la Seine,
Département du Doubs,
Département des Pyrénées-Orientales,
Département de la Manche,
désignations dans lesquelles département est suivi de
la préposition de et de l'article attaché au déterminant
LE nOURRIER DE VAUGELAS
i9
de Taccident, Seine, Douhs, etc., comme il le serait si
l'expression otail complète.
Or, quand on voulut désigner la nouvelle division
dont Avignon allait être le chef-lieu, on songea à la
fontaine de Vaucluse, célèbre par les vers de Pétrarque,
et ainsi nommée à cause du petit village de Vaucluse
qui s'en trouve peu éloigné ; puis, appliquant un pro-
cédé analogue à celui qu'on avait suivi dans les déno-
minations précédentes, on a dit :
Département de Vaucluse,
en n'employant aucun article, puisque si le mot fon-
taine entrait dans la phrase, il n'en existerait pas entre
lui et Vaucluse.
Maintenant, il arrive très-souvent que, au lieu de
dire le département de, on supprime ce substantif pour
ne conserver que le mot désignant le déparloment, avec
l'article qui l'accompagne :
Le Loiret pour : Le département du Loiret.
La Seine — Le département de la Seine.
Les Landes — Le département des Landes.
Peut-on dire aussi le Vaucluse, ou la Vaucluse?
Je dis que non; et je vais vous en donner la preuve.
Pour que l'on pût dire le Vaucluse ou la Vaucluse,
il faudrait que l'on pût dire le département du Vaucluse
ou de la Vaucluse, puisque l'article qui est devant le
nom d'un département vient du déterminatif de l'acci-
dent qui a fait dénommer ce département.
Or, comme j'ai établi précédemment qu'on ne peut
pas dire autrement que le département de Vaucluse,
il s'en suit qu'on ne peut dire ni le Vaucluse, ni la
Vaucluse.
Ainsi, dans quelque phrase que se trouve placé le
mot Vaucluse, pour designer un département, il ne doit
pas, quoique réellement du féminin (car il vient de
Vallis clausa, vallée close), il ne doit pas, dis-je, se
trouver accompagné de l'article, et les journaux où
vous avez recueilli, à l'occasion d'une élection récente,
« le Vaucluse, le déparlement du Vaucluse, de la Vau-
cluse » ont commis une grosse faute : ceux-là seuls se
sont exprimés correctement qui ont dit : « le départe-
ment de Vaucluse. »
X
Quatrième Question.
Au livre /T', c/i. 9 de pai^tagroel, Rabelais a dit :
a Au tiers jours, à I'âvlbe des mocsches, nous apparut
une isle tria mjul aire. » Quelle heure de la journée
indique donc cette expression-là ?
Dans son Dictionnaire de la langue itcdienne. César
Oudin expliquant Alba dei tafani (l'aube des mouches
au-delà des .\lpesl par « le temps où les mouches
commencent à se faire senlir n, Le Duchat en a conclu
que cela signifiait « sur le soir », et tous les commen-
tateurs qin l'ont suivi ont adopté la même explication :
on lit dans De r.Vulnaje : Aid)e des Mouches, « le soir »
et dans Paul Lacroix, « sur le soir. »
Mais d'a])rès Génin, ces commcnlaleursscsonl trom-
pés, et l\iube des mouc/ics ne peut signifier autre chose
que midi :
C'est quand la chaleur est le plus intense que les mou-
clies sont le plus nombreuses et le plus importunes. Com-
ment Le Ducht ou César Oudin, son guide, outils pu dire
que les mouches se moni.raient et piquaient surtout au
crépuscule du soir? Au reste, comme il est bon en pareil
cas d'avoir pour soi, outre le sens commun de l'expérience,
une autorité écrite, voici la mienne. C'est Minucci,
dans ses notes surle Malmanlile. Lippi, dans la 8' slance du
.V chant, s'étant servi de cette expression Valba dei
tafani, Minucci l'explique i l'heure où le soleil est dans
toute sa force, et où les taons piquent avec le plus
d'âpreté... Ainsi, se lever à l'aube des taons, c'est-à-dire se
lever à midi.
Quand Genin dit que Vaube des mouches ne signifie
pas le soir, il a raison ; mais quand il prétend que
cette expression veut dire l'heure de midi, il a tort à
son tour, ce dont je crois pouvoir fournir une triple
preuve :
i" L'aube des mouches, c'est évidemment le moment
où elles commencent à se faire sentir, parce que ces
insectes, qui vivent de sang, doivent se mettre à piquer
aussitôt qu'ils se lèvent. Or, demandez à ceux qui
travaillent aux champs ou qui gardent les troupeaux
dans les pâturages si les taons attendent midi pour
persécuter leurs botes?
2° Au mot TAFANO, on trouve, au dire de Génin, ce
qui suit dans le dictionnaire d'.\ntonini :
Levarsi ali alba dei tafani, che è levarsi tardi, perciocchè
queir animaletto non ronza se non è alto il sole.
(Se lever à l'aube des taons, se lever tard, parce que
ce petit animal ne bourdonne que lorsque le soleil est
haut).
Or, comme il me semble que ces mots « le soleil est
haut )) signifient tout simplement à une certaine hau-
teur, mais non à la plus grande, j'en conclus que
prétendre que Vaube des mouches veut dire l'heure de
midi, est une grave erreur.
3" Dans le dictionnaire français-anglais de Cotgrave
(1660), on trouve au mot mocche :
L'aube des mouches, some two or three hours after
sunrise, or when the sun begins to be hot.
(Environ deux ou trois heures après le lever du
soleil, ou lorsque le soleil commence à être chaud).
Or, comme au temps des mouches, il est bien loin
d'élre midi quand le soleil n'est que depuis deux ou
trois heures sur l'horizon, il est évident que Vaube des
mouches n'est point le milieu du jour, mais bien une
certaine heure de la matinée.
Maintenant, quelle est au juste cette heure?
Rien de plus facile à trouver, après ce que je viens
de dire :
Les mouches armées de suçoirs qui piquent les gros
animaux, les taons, pour les appeler par leur nom,
n'apparaissent qu'au temps chaud. Or, comme d'une
part, il n'y a guère de temps chaud que lorsque le
soleil se lève entre 4 et 'i heures, et que, de l'autre,
Cotgrave nous dit que Vaube des mouches peul avoir
lieu « trois heures » après le lever du soleil, il en
résulte que le temps désigné par celte ex|)rcssion doit
être compris entre 4 plus 3 heures et ."» plus 3 heures,
c'esl-à-dire entre 7 et 8.
20
LE COURRIER DE VAUGELAS
X
Cinquième Question.
Que veut dire l'expression pater en monnaie de singe,
et d'où, vient-elle ?
Cette expression signifie se moquer de celui à qui
l'on doit, au lieu de le satisfaire, le leurrer de belles
paroles et de fausses promesses. Elle vient de ce que
les montreurs de singes pouvaient s'exempter du péage
sur le Petit-Pont de Paris en faisant jouer et danser
leurs singes devant le péager.
Cette question a déjà élé traitée p. 146, dans la
T année du Courrier de Vaiujelas.
ÉTRANGER
Première Question.
J'ai trouvé cette phrase dans un journal français :
« Vans George Dandin les sentiments ne sont point en
jeu; IL n'est métier d'aller chercher midi à quatorze
heures. » Quelle est la signification de il n'est me'tier?
Je ne trouve point cela expliqué dans mon diction-
naire.
Le mot métier vient du latin ministerium, lequel a
donné en espagnol et en portugais mester, en italien
mestiere, et en provençal mestrier, mester, meisteir.
Quant à il est métier lui-même, il signifie il est
besoin, comme le prouvent, et le langage des habitants
de certaines provinces, notamment celui des Normands,
et les citations suivantes, empruntées à noire vieille
langue :
Bien li fu, meslier que il eust en sa joenesce laide de
Dieu.
[Joinville, 20:.)
Dame, si vraiement com j'en ai grant meslier.
IBerle, XXXI.X.)
Et si elle les testa et gracia grandement, ce n'est pas de
merveilles, car elle avait bien meslier de leur venue.
(Froissart. 1, I, 177. J
Hz entendoient très bien comment il falloit conduire
telles brigues, et par importunitè de crieries et de voyede
faict, si meslier cstoil, obtenir ce qu'ilz vouloient.
(Amyot, Pnul EmiU^ 60.)
Après cela, il est à peine nécessaire de vous dire que
)■/ n'est métier signifie : il n'est pas besoin ; mais il l'est
essentiellement de vous faire remarquer que c'est une
expression liors d'usage depuis le xvr' siècle, et que,
par conséquent, vous devez vous abstenir de l'em-
ployer.
X
Seconde Question.
Je lis ceci dans le dictionnaire dr Boisir : « bossuer,
faire des busses à la vaisselle », et plus haut : «. bosse-
ler, travailler en bosse; bossiieh la vaisselle. » Est-il
donc indifférent de dire, par exemple, bosseler i:ne
CAFKTIKBK OU BOSSUER UNE CAFETIÈRE?
Règle générale, tous les substantifs de notre langue
en osse ont fait leur verbe en ajoutant une r :
Brosse adonné Brosser,
Rosse — Rosser,
Crosse — Crôsser.
Mais bosse a élé lobjet d'une sorte d'exception, car
non-seulement il a eu pour verbe bosser, mais encore
bosseler (d'abord sous la forme boverer), comme le
prouvent ces citations prises dans nos anciens au-
teurs :
(Bosser)
Tableaux, tapisseries eslevées et bosse'es d'or et d'argent.
(Ronsard, 585.)
La nape grande et large est couverte de plas
Entaillez en burin, où s'enlevoient bossdes
Des Dieux et des Titans les victoires passées.
(Idem, 9oa.)
iBosseler)
Tous plains de nouz et bocére's
Fu li ars dessous et dessore.
(ia Hose, 916.J
Aucunes fois aussi les os se cavent et bossellenl, comme
l'on voit aux pots d'estain et de cuivre.
(Paré, XIII, I.)
Tels meubles sont jettes sur le pavé indiscrètement, où
ils se bosselent et percent.
Vers la fin du xvr siècle, ainsi du moins que je le
présume, bosser tomba en désuétude; et, comme s'il
eût élé dans la destinée de bosse d'avoir toujours à la
fois deux verbes pour dérivés, on lui en créa un troi-
sième, bossuer, que je trouve pour la première fois dans
Cotgrave (I6G0), et qui a figuré depuis dans la plupart
des dictionnaires avec le sens restreint de faire des
bosses à des vases de métal.
.Mais bosseler n'a pas cessé pour cela de s'employer,
car r.\cadémie, gardienne de l'usage, admet encore
bosseler dans le sens de bossuer, et surtout avec le
pronom personnel. D'où je conclus que, sans risquer
de commettre une faute, on peut, sous l'égide de cette
grande autorité, dire aussi bien bosseler une cafetière
que bossuer une cafetière.
Cependant, je ne crois pas que ces deux expressions
se vaillent ; à mon avis, bosseler l'emporte de beaucoup
sur bossuer, pour les raisons que voici :
1° Tous les verbes qui appartiennent aux substantifs
en os.fe ayant été formés directement de ces substantifs,
le verbe bossuer, formé de l'adjectif bossu, contre l'ana-
logie, ne peut être considéré comme une bonne expres-
sion.
2" Bosse ayant aussi le sens de enfonçure, bosseler
signifie naturellement faire des enfoncements; mais
bossuer, formé de bossu, qui implique seulement l'idée
de proéminence, ne signifie que par convention faire
des bosses en creux: sa véritable signification, c'est
faire des bosses en relief,
30 Bosseler a fourni tous les dérivés que peut avoir
un verbe; bossuer, lui, n'a pu en donner aucun, de
sorte qu'après avoir dit, par exemple : je viens de
bo.'^suer celle timbale, on est oblige de dire : labosselure
n'est pas grave, anomalie ([ui n'existe point avec
bosseler.
11 y a des lexicographes qui veulent que, dans le cas
actuel, on dise bossuer et non bosseler, qu ils regardent
LE COURRIER DE VAUGELAS
21
comme une faule ; mais j'estime que s'ils eussent
examiné de plus près chacun de ces deux verbes, ils
auraient émis une tout autre opinion sur leur emploi.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
r ... qui se sont disputé le. pouvoir; — 2° ... au moins en
parlie au, nouvel anibassadenr; — 3' ... dont nous soyons me-
nacés ; — 4" ... que pas un Je nos généraux ne pcnsAl ; — 5' 11
est peu d'animaux qui varient autant dans leur pelage; — 6"...
cela ne laisse pas d'être (le Courrier de Vaugelns, 4" année,
p. 155, a démontré qu'il ne faut y— di™ 'Ve pas laisser que de) :
— 7° ... de sentimentalisme, voire d'humanité (pas de même) ; —
8° ... à d'autres que ceux (sans à, comme l'a fait voir le Cour-
rier de Vaugelas, 3« année, p. 74) ; — 9° ... et des paroles
quelque fermes et bien tournées qu'elles soient ; — 10° ... quoi-
qu'elles ne visassent en réalité; — 11° ... de la Commune ne
vinssent.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• Ceux-là polissent leurs armes, plus loin le soldat-
cuisinier veillant avec sollicitude à la marmite, et la faisant
bouillir, grâces, selon son expression, au soufflet du bon
Dieu.
2° Il n'y a pas jusqu'à la géographie européenne que
notre auteur ne travestit à son gré. 11 invente des altesses,
crée des marquisats, plante des rois à la Rabelais sur des
trônes fictifs.
3° Le cidre doux en bouteille poussait sa mousse épaisse
alentour des bouchons, et tous les verres, d'avance, avaient
été remplis de vin jusqu'au bord.
4° Au moment ou nous terminons les quelques mots ci-
dessus, quelques habitants de la rue Neuve-Coquenard
viennent se plaindre à nous de ce que depuis six heures
du matin des marchands des quatre saisons fassent reten-
tir les échos de cette rue paisible.
5° Et effectivement, le sorbier, comme l'amandier, le
pêcher, etc. est un des premiers arbres qui montre ses
fleurs au printemps.
6* Je cite mon auteur d'abord, parce qu'ainsi le veut la
délicatesse, et aussi parce qu'il pourrait se faire que le
mot tasse monter à l'échafaud celui qui l'a créé et mis au
monde.
7° L'élève Durand apparaît. 11 a douze ans, ;est fort mal
peigné, porte une veste et un pantaloa trop courts, des
bottines hérissées d'élastiques rompues ; ses poches sont
gonflées de balles, mouchoirs, toupies, etc.
8° Il vient de paraître, aux bureaux du Journal de
l'arrondissement de Montmédij, les deux premières livraisons
d'un ouvrage appelé à un grand succès.
9* Pour arriver jusqu'au trône, il avait foulé sous ses
pieds des cadavres français étendus par cent mille, depuis
les plaines de Leipzig jusqu'à celles de Montereau.
10° Voilà à quels expédients il faut avoir recours pour
accomplir, malgré le pays et sa volonté bien expresse, une
restauration plus difhcile encore de faire durer qu'à décié-
ter et à établir.
11" 11 faut avoir vécu de la vie militaire pour savoir
combien le tabac est indispensable aux soldats; la plupart
d'entre eux préféreraient se passer de manger que de
fumer.
\ï° .Nous avons examiné ces chiflVes avec la plus grande
attention. De ces examens, il est ressorti clairement que
le citoyen Lefebvre était en parfaite harmonie avec la
situation de notre trésorier.
13° Une lettre du ministre de la marine, arrivée au Havre,
a ordonné qu'une enquête soit ouverte au bureau de la
marine pour entendre les officiers et l'équipage de l'Amé-
rique.
14° Nul n'ignore que, depuis longues années, le rêve de
M. de Bismarck était de soustraire absolument les mouve-
ments des fonds de guerre au contrôle gênant des repré-
sentants de la nation.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVllI' SIÈCLE.
Antoine OUDIN.
(Suite.)
01, OY — Cette diphthongue se prononce comme œ
ouvert, ou bien comme oai, dans les infinitifs en oir :
concevoir, concerner ; appercevoir, appercevoer.
De même au milieu et à la fin des mots, et princi-
palement dans les monosyllabes comme trois, noix,
Jloy, foij, loy, boire, poire, qui sonnent Iroes, noes,
Roe, foe, loe, boere, pocre.
Dans les imparfaits, il faut la prononcer comme ai
ou comme e fort ouvert : i'aimois, je voulois, je ferais,
lisez : y aimais, je voulais, je ferais; et il en est de
même dans le subjonctif soi/, et dans l'indicatif croit.
« Davantage » dans ces mots : adroit, droit, froid,
estroit, courtois, François, courtoisie, car il est plus
doux et plus « mignard » de les prononcer adrait,
droit, esirait, courtais. Français, courtoisie. Cependant
droit se prononce droet quand il est substantif.
Devant </«. on prononce oi comme o simple : soigner,
soigneux, dites sogner, sogneiix.
Nettoyer se prononce ordinairement nettoyer.
EAU — Celte diphthongue, précédée d'un t, doit faire
entendre un peu de Ve, mais « délicatement » : batleau,
coutteau.
Elle se sépare dans heaume, qui sonne he-aume.
lEU — Se sépare en deux dans les adjectifs terminés
par ieux : dévot ieux, audacieux, ainsi que dans les
mots qui dérivent des verbes en ier, comme scieur,
crieur, prieur. Sieur suit la même règle, mais non
monaicur.
OUA — se prononce en une seule sjllabe : poiiacre.
DE L'iCCENT ET DE LA QUANTITÉ.
Les grammairiens français ont cru qu'il était difficile
de former des règles pour l'accent, et cependant Antoine
Oudin en trouve beaucoup qui sont générales. Il les
expose ; elles ne difièrent presque pas de celles que nous
avons aujourd'hui.
DE L'APOSTKOrHE.
L'apostrophe se met au lieu de Ve féminin à la fin de
tous les monosyllabes quand suit un mot commençant
par une voyelle ; l'un, d'autre, c'est, qu'entre, m'en-
22
LE COURRIER DE VAUGELAS
tendez-vous, n aimez-vous pas, etc. H faut ajouter ici
prend' homme et prend' hommie.
Il }■ a exception pour ce mis pour cela ; on dil consi-
dérez ce en quoy il vous contredit.
Quand le mot terminé par e féminin est de plus
d'une sjllabe, on fait l'élision de cet e sans marquer
l'apostrophe, excepté dans quelque, chaque, dans ceux
qui sont composés de la conjonction que, et dans les
prépositions entre et contre mises en composition :
quelqu'un, chaqu'un, jusqu'au temps, entr'ouvrir,
contr' opposer.
On la met après \'i de la conjonction si quand ceile-
ciest suivie de il : s'il s'ils, et quelquefois, en poésie,
devant elle, on : on écrit i'e/fe, s'on.
Il y a encore quelques mots qui s'apostrophent :
grand' pour grande, pri' ^onr prie, gard' pour garde,
suppli' pour supplie, souci' pour soucie.
DE l'article.
On distingue les articles en défmis et en indéflnis.
Antoine Oudin, après en avoir donné la déclinaison, et
nous avoirinformé que les auteurs modernes bannissent
entièrement es, tant eu parlant qu'en écrivant, passe à
l'application générale des articles.
Les inflnitifs subslanlifiés reçoivent l'article défini :
le boire, le manger, le dormir.
En parlant des parties du corps, on emploie l'article
défini au lieu de l'adjectif possessif : le cœur me fait
mal, elle s'e.^t blessée à la jambe, et non mon cceur me
fait mal, elle s'est blessée à sa jambe. On dit toutefois
il porte sur le front ou sur son front.
Quand le nom sainct se rencontre avec les noms rue,
bourg, (aux/wurg, on n'y met point d'article : la rue
Sainct Anthoine, le fauxbourg Sainct Germain.
Avec les adjectifs employés « absolument », après la
particule en, on ne met pas d'article défini : // y en a
d'autres et non des autres.
L'adverbe bien employé pour beaucoup prend l'article
défini : bien du pouvoir ; et il en est de même de son
composé très-bien.
Il faut se garder d'user de phrases comme celles-ci :
le logis à Jacques, le laquais à Monsieur, pour le logis
de Jacques, le laquais de Monsieur (1033'.
Il ne faut pas dire non plus : je vous feray tancer à
Madame, mais bien par Madame.
Nous ajoutons par bonne grâce un article (la prépo-
sition de) à l'infinitif : de dire que cela soit arrivé de la
sorte ; de voir qu'il est comme je dis.
Avec les noms des saisons ou temps de l'année, on
sous-enlend très-bien pendant ; on dit : on ne mange
point de chair k carnne ; on ne marie point l' Ad vent.
Le et la se mettent quelquefois pour un, une, comme
dans : // n'a pas le sol, il n'a pas la maille.
Il faut noter ces phrases : trente dr payez, vingt de
chassez, pour qui ont esté payez, etc.
Antoine Oudin signale ici des substantifs qui s'em-
ploient sans article après le verbe dont ils sont les
compléments; en voici quelques-uns qui n'existent plus
dans la langue actuelle : Avancer puis, avoir opinion,
boire chojune, courir danger, donner charge, faire
butin, faire conscience, faire conte, faire force, joiier
partie, ouir messe, rendre combat, retenir place.
DC GEHEE DES NOMS.
Antoine Oudin donne des règles basées sur la signi-
fication et d'autres basées sur les terminaisons. Dans
ces dernières, il signale duché et comté comme se pre-
nant mieux au féminin, ei archevesché e\, evesché coram^
plutôt du masculin (1633).
Vient une liste de substantifs en e muet dont le genre
n'est pas encore bien fixé, liste où sont indiqués les
substantifs d'un genre douteux, ceux qui vont mieux au
masculin ou au féminin. J'y trouve, par exemple, que :
Foudre est de genre indifférent.
Horloge est plus à propos du masculin.
&uide sonne mieux au féminin.
Beste est féminin dans l'expression à toute reste.
Unisson est toujours du féminin.
Flandres s'écrit avec une .s à la fin, mais jamais ainsi
quand il est écrit avec l'article la.
Minuict, sans article, passe aussi pour masculin,
mais autrement on dit la minuict.
QUELQUES FE'MININS TIRÉS DES MASCULIMS.
Menteur fait menteuse et non menteresse.
Procureur (a'd procureuse et non procuratrice.
Lévrier fait levrette.
Nourrisson ne se prend jamais activement pour celui
qui nourrit, mais passivement pour un enfant en
nourrice ; et nourrissonne ne se dit point.
Parmi les féminins des noms propres, je remarque
Claudine qui vient de Claude ; Jacqueline, de Jacques;
Tiennette, de Estienne ; Thomasse, de Thomas.
DC FÉMIMX DES ADJECTIFS.
Dans cet endroit, je trouve ce qui suit :
Crud et nud font par exception crUe et nue, et verd
a pour féminin verte et non verde.
Chresfien îai'û chrestienne ; mais les autres terminés
en n ne reçoivent qu'un e : certain, certaine.
Bénin, chagrin et malin ont pour féminin bénigne,
chagrigne et maligne.
L'adjectif coulis a pour féminin coulisse.
Ceux qui sont terminés en t doublent cette consonne
avant Ve muet : net, nette; plat, plaite ; sot, sotte;
mais ceux qui le sont en ani ou en ent ne prennent
qu'un e : prudent, prudente.
Les suivants courtaul, lourdaut, noiraut, ruslaut et
sourdaut font au féminin : courtaude, noiraude, etc.
Confez a pour-féminin confesse.
DE LA FORMAIIO.^ DC PLURIEL.
Tous les noms terminés au singulier par un e fémi-
nin (muet) prennent une s au pluriel : chambre,
chambres ; mais ceux qui se terminent par un e mas-
culin prennent un ; : botté, h'illcz; beauté, beautez.
Les noms en al et en ail font ordinairement leur
pluriel en aux ou aulx; excepte les suivants : bocal,
bticdls ; attirail, attirails ; mail, mails ; bal, bals ; mais
le pluriel de ce dernier n'est guère en usage.
(La suite au prochain numéro.)
Le RÉDACiEUE-GÉiuiiT : Ejun ALYRTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
23
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine
Les Coups d'épée de M. de La Guerche ; par
Amédée Achard. Nouvelle édition. In-18 jésus, ^22 p.
Paris, iib. Michel Lévy frères. 3 fr. 50.
L'Homme des bois; par Elie Bertliet. Edition illustrée
de 15 gravures. In-18, 3i8 p. Paris, Iib. Degorce-Cadot.
2 fr.
Le Tambour de la 32° demi-brigade; par Ernest
Capendu. Edition illustrée de nombreuses vignettes sur
bois. In-i" à 2 col., 224 p. Paris, Iib. Benoist et Cie. 3 fr.
Les rues et les cris de Paris au XIII" siècle,
pièces historiques publiées d'après les manuscrits de la
Bibliothèque nationale, et précédées d'une étude sur les
rues de Paris au xiii" siècle; par Alfred Franklin, de la
bibliothèque Mazarine. Petit ln-8°, 209 p. Paris, Iib. Willem
Daffis. 5 fr.
Les Marges du Code. La Belle Olympe; par Charles
Monselet. 2« édition. In-18 jésus, 340 p. Paris, Iib. Dentu.
3fr.
Par-dessus la haie ; par Mme de Stolz. Ouvrage
illustré de 56 gr. par A. Marie. 2° édition. In-18 jésus,
313 p. Paris, Iib. Hachette et Cie. 2 fr. 25.
La vie manquée ; par Th. Bentzon. Gr. in-18, 351 p.
Paris, Iib. Nouvelle. 3 fr. 50.
Les Musiciens célèbres depuis le xvr siècle jusqu'à
nos jours; par Félix Clément. Ouvrage illustré de àti por-
traits gravés à l'eau-forte par Masson, Deblois et Massard,
et de trois reproductions héliographiques d'anciennes gra-
vures par A. Durand. 2" édition, revue et augmentée. Gr.
ln-8», xi-664 p. Paris, Iib. Hachette et Cie. 12 fr.
Récits de la vieille France. François Buchamor ;
par Alfred Assolant. In- 12, 438 p. Paris, Iib. Delagrave.
2 fr.
Discours sur l'histoire universelle; par Bossuet.
Edition classique, accompagnée de notes et de remarques
grammaticales, historiques et littéraires, par E. Lefranc,
ancien professeur au collège Roilin. Paris, Iib. Jules Dela-
lain et tils. In-12, xn-Zi88 p. 2 fr. 50.
Œuvres complètes de P. Corneille. Œuvres choisies
de Thomas Corneille. T. 3. In-18 jésus, 407 p. Paris, llb.
Hachette et Cie. 1 fr. 25.
Contes contadins. Les Fonds perdus. Germain
Barbe-Bleue. Jean des Baumes; |iar Henry de la
Madeleine. In-18 jésus, yi-301 p. Paris, llb. Charpentier et
Cie. 3 fr. 50.
Le Diable boiteux; par Le Sage. Nouvelle édition,
complète, précédée d'une notice sur Le Sage par Sainte-
Beuve. In-18 jésus, xxxvui-396 p. Paris, Iib. Garnier
frères.
Jean qui grogne et Jean qui rit; par Mme la
comtesse de Ségur, née Rostopchine. Ouvrage illustré de
70 vignettes par H. Castelli. 5» édition, ln-18 jésus, 414 p.
Paris, iib. Hachette et Cie. 2 fr. 25.
Essais de critique et d'histoire; par H. Taine,
3' édition. Iu-18 jésus, xxxii-460 p. Paris, Iib. Hachette et
Cie. 3 fr. 59.
Couronne poétique de la Lorraine. Recueil des
morceaux écrits en vers sur des sujets lorrains; par
P. G. de Dumast, l'un des trente-six de l'Académie de Sta-
nislas. Gr. in-8°, x-356 p. Paris, Iib. Berger-Leviault.
Publications antérieures :
LES ÉCRIVAINS MODERNES DE LA FRANCE, ou
Biographie des principaux écrivains français depuis le pre-
mier Empire jusqu'à nos jours. — A l'usage des écoles et
des maisons d'éducation. — Par D. Roxnefon. — Paris,
librairie Sandoz et Fischbacher, 33, rue de .Seine.
MANUEL D'HISTOIRE DE LA LITTÉR.\TURE
FR.A.NÇA1SE, depuis son origine jusqu'à nos jours, à
l'usage des collèges et des établissements d'éducation. —
Par F. M.\RciLL.\c, maître de littérature à l'École supé-
rieure des jeunes filles à Genève. — Seconde édition, re-
vue et corrigée.— Genève, chez H. Georg, libraire-éditeur.
sur bois de l'édition originale. — N" X'VI du Cabinet du
BrBLiopHiLE. — 4 vol. in-16, format deVlIeplamëron, tirés
à 400 exemplaires sur papier de Hollande. — Prix : 10 fr.
le volume. — Paris, librairie des Bibliophiles, 338, rue
Saint-Honoré.
LES ÉCRIVAINS CÉLÈBRES DE LA FRANGE, de-
puis les origines de la langue jusqu'au xix* siècle. — Par
D. BoNNEFo.N. — Paris, librairie Sandoz et Fischbacher,
33, rue de Seine.
LES MARGUERITES DE LA MARGUERITE; poé-
sies de la reine de Navarre, réimprimées avec les gravures
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DES MOTS DE
LA LANGUE FRANÇAISE dérivés de l'arabe, du persan
ou du turc, avec leurs analogues grecs, latins, espagnols,
portugais et italiens. — Par A. -P. Pih\n, ancien prote de
la typographie orientale h l'Imprimerie impériale, che-
valier de la Légion d'honneur. — Paris, librairie de Chal-
lamel aillé, 30, rue des Boulangers.
24
LE COURRIER DE VAUGELAS.
PRÉCIS DE L'HISTOIRE DE LA LANGUE FRAN-
ÇAJSE depuis son origine jusqu'à nos jours. — Par
A. Pélissier, professeur de l'Université. — 2= édition,
revue et augmentée de textes anciens, avec introduction
et commentaires.— In-12, 3ii8 p. —Paris, librairie Didier
et Cie, 38, quai des Augustins.
DE LA FORMATION DES NOMS DE LIEU, traité
pratique suivi de remarques sur les noms de lieu fournis
par divers documents. — Par J. Quicherat. Petit in-8°
— Paris, librairie A. Franck, 67, rue Bichelieu.
PROPOS RUSTIQUES, BALIVERNES, CONTES ET
DISCOURS D'EUTRAPEL. — Par Noël du Fail, seigneur
de la Hérissaye, gentilhomme breton. — Edition annotée,
précédée d'un essai sur Noël du Fail et ses écrits. — Par
Marie Guichabd. — Paris, librairie Charpentier, 19, rue de
Lille.
9B3
DE LA
LITTÉRATURE FRANÇAISE
PAR
DÉsmÉ NISARD, Membre de l'Académie française.
Quatre volumes in-18 jésus de plus de 400 pages chacun.
1er 1,0/ ; Dgs orlglnes jusqu'au xvii« siècle ; — 1" vol. : Première moitié du xvii' siècle ; — 3'= vol. : Seconde
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JOURNAUX POUR DES ANNONCES :
VAmericmi Regisler, destiné aux Américains qui sont en Europe ; — le Galignani's Messenger, reçu par nombre d'Anglais
qui habitent la France ; — le Wekker, connu par toute la Hollande; — le Journal de St-Pétersbourg, très-répandu
en Russie ; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. Hartvvick, 390, rue Saint-Honoré, à Paris, se charge des insertions.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel aux j)rosaleurs.
L'Académie française décernera pour la première fois, en 1875, le prix Jouy, de la valeur de quinze cents francs,
prix qui, aux termes du testament de la fondatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
vation, soit d'imagination, soit de critique, et ayant pour objet l'étude des mœurs acluelles. — Les ouvrages adressés
pour ce concours devront être envoyés au nombre de trois exemplaires avant le 1" janvier 1875.
Appel aux poètes.
Le prix de 600 fr. fondé par M. le docteur Andrevetan de la Roche, avec le concours de la ville d'Annecy, sera
décerné par la Sor.iiiTÉ Florimontane en juillet 187Z(. — Le choix des objets à traiter est laissé aux concurrents. — Les
pièces de poésie doivent être inédites et écrites en langue française. — Les envois porteront une épigraphe qui sera
répétée il l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. — Sont seuls admis à concourir :
1° les nationaux, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane, et 2» les étrangers, membres effectifs ou
correspondants de cette Société. — Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane
avant le 1°'' juillet 1874.
Le douzième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le l"' juin 187/i. — Six médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, ■^ M. Evariste Carrance, président du Comité, 92, route
d'Espagne, ;"i Itordinnix (Girond.-). — Affranchir.
Le réilacleiir du Courrier dr l'ouf/das est visible à suii bureau de widi à une heure rt dii/iir.
Imprimerie GuuvER^Ecn, G. Daupei.ev à Nogent-le-Rolrou.
5> Année.
N° 4.
15 Mai 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
^«
^^^^
^"^
DE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Journal Serni-Metisuel
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraiaiant 1« 1" ot la IS de eba«a« moia
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Oflicier d'.Xcadémie
36, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sar la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adm'
M. FiscHBACHER, 33, rue de Seine.
SOM.MAIRE.
Communication sur Sortir d'un emploi le bdton blanc à la main;
— Origine et explication du proverbe Chercher midi à qua-
torze heures;— Élymologie du mot Bistouri;— La meilleure
orthographe de Fier-à-bras ; — Pourquoi on aspire 10 dans
Onze et Onzième; — D'où vient Saperlipopette ; — Pourquoi
Casser sa pipe veut dire mourir. || Si une femme peut être
qualifiée de Biche émissaire; — Origine de Battre la cam-
pagne ; — D'où vient le Calino des journaux parisiens. ||
Passe-temps grammatical. || Suite de la biographie i' Antoine
Oudin. Il Ouvrages de grammaire et de littérature. || Ren-
seignements aui professeurs français qui désirent se placer en
Angleterre. Il Concours littéraires.
FRANCE
COMMUMGATION.
Dans le mois d'interruption qui a précédé la publi-
cation de la 5° année de ce journal, j'ai reçu la lettre
suivante, dont je remercie sincèrement l'auteur :
Monsieur,
J'ai lu avec le plus grand plaisir l'explication que vous
donnez, dans votre numéro du 21, relativement à l'origine
toute militaire de l'expression Sortir d'un emploi avec le
bâton blanc; mais il me reste encore, au sujet de celte
expression, une chose à vous demander. Croyez-vous que
l'on en ait bien réellement donné le sens dans les diction-
naires? J'en doute; car je lis ce qui suit dans le Diction-
naire des armées de terre et de mer. que vous citez vous-
même dans votre article :
t En général, dans le xvir siècle, on ne regardait comme
honorables que les Capitulations obtenues par les garnisons
à qui il était accordé de rejoindre avec armes et bagages,
mèches allumées, balle en bouche, leur armée, et non
avec le bâton blanc à la )Hai/î, c'est-à-dire la pique sans fer,
comme on disait et comme on faisait au xv siècle, i
On devrait, il me semble, attacher une idée de déshon-
neur à l'expression figurée dont il s'agit, et, en consé-
quence, ne l'employer qu'en mauvaise part.
Qu'en penspz-vous?
■Veuillez agréer. Monsieur, avec mes témoignages de
sympathie pour votre excellente publication, l'expression
de ma considération distinguée.
In de vos abonnés.
Je suis entièrement de l'avis de la personne qui m'a
adressé la lettre précédente ; mais la véritable origine
de Sortir d'un emploi le bùlon blanc à la main n'ayant
été donnée que fort tard (elle n'est pas dans La Mésan-
gère, 4823), et cette expression ne s'étant employée pen-
dant plusieurs siècles qu'avec la signification de quitter
un emploi dans un complet dénuement, je crois qu'il
serait vainement tenté aujourd'hui d'en restaurer le
sens figuré conformément à celui qu'elle eut dans le
principe.
X
Première Question.
Aiiriez-vous la complaisance de me donner l'origine
de l'expression de chercher midi a quatorze hecbes, qui
se trouve employée si souvent dans le langage familier?
Autrefois, on mesurait le temps en France comme
aujourd'hui en Italie, nous dit Quitard.
Or, comment fait-on dans ce dernier pays ?
On commence le jour une demi-heure après le cou-
cher du soleil, on compte les heures jusqu'à 24, quoi-
que le cadran ne soit divisé qu'en douze parties, et l'on
appelle une heure ce que nous appelons sept, comme
l'implique la citation suivante que j'ai recueillie dans
l'Opinion nationale du 4 avril 1862 :
C'est ce prédicateur dont l'éloquence obtint le plus de
succès; les autres sermons furent délaissés à tel point
que le cardinal- vicaire, pour forcer les Romains d'aller les
entendre, vient de rendre un édit ordonnant aux cafe-
tiers, etc., de tenir leurs magasins fermés pendant la
durée des sermons, de ringt-et-une heures (trois heures) à
vingt-quatre heures (six heures du soir).
De là résulte cette correspondance entre rappelialion
ancienne des heures et les notations actuelles de notre
cadran, correspondance que je figure, pour plus de
clarté, par des chiffres arabes et des chiffres romains :
t (Vil)
7(1)
13 (VII)
19(1)
2 (VIII)
8 (II)
li (VIII)
20 (II)
3 (I.\)
9(111)
15 (IX)
21 (III)
4 (X)
10 (IV)
16 (X)
22 (IV)
5 (.\I)
U(V)
17 (.\I)
23 (V)
6 (XII)
12 (VI)
18 (XII)
24 (VI)
Ce tableau dressé, voyons à quelles heures pouvait
26
LE COURRIER DE VAUGELAS
arriver midi, cet instant nécessairement variable comme
dépendant du commencement du jour, lequel était
variable lui-même.
Il est évident que l'heure de midi se trouvait en
ajoutant (2 heures, moitié du jour, à l'heure où celui-ci
commençait. Or, quand le jour commençait a IV heures
et demie du soir ilO heures et demie, ancien système),
on avait midi à 22 heures et demie (même système) ;
et quand il commençait à VIII heures et demie du soir
f2 heures et demie, ancien système), on avait midi a
U heures et demie (même système), ce qui signifie, en
d'autres termes, que midi, avec l'ancienne méthode de
compter les heures et de commencer le jour, était rigou-
reusement compris entre ces limites :
14 iieures et demie et 22 heures et demie.
Mais il ne pouvait jamais se trouver à 14 heures;
d'où l'expression Chercher midi à quatorze heures pour
signifier chercher une chose, au physique ou au moral,
là où elle ne peut pas être, puis, par extension, cher-
cher des difficultés où il n'y en a pas.
X
Seconde Question.
Est -il vrai, comme je le trouve dans le dictionnaire
ÉTYMOLOGIQUE de Bruchet, que l'origine de bistodki soit
inconnue ?
Ce mot n'a pas toujours été masculin, ni toujours été
écrit par la finale i : au xvi'= et même au xv» siècle, il
se terminait par ie, et avait le genre féminin :
(xvi°)
On fera l'incision transversalement avec une lancette
courbée appelée bistorie.
(Amb. Paré, VI, 6.)
Il faut accroistre la playe avec une bistorie ayant un bou-
ton au bout, et qu'elle ne tranche que d'un costé.
(Idem, VIII, 35.)
(xve)
Guillaume Ression garni d'un voulge de guerre et dune
historié ou panart...
iDu Cange.)
Une bistorie ou grand cousteau...
(Idem.)
.Maintenant d'où vient bistorie ?
Les uns croient que c'est de Pisloria, ancien nom de
la ville itahenne de Pisloie, célèbre jadis par ses ou-
vrages en fer; d'après M. Littré, c'est de bastoria,
sorte d'arme, bâton, massue, du même radical que
bdlon, qui, du sens de arme, grand couteau, en serait
venu, sous la forme bistoria, à signifier l'instrument de
chirurgie en question.
Voyons de quel côté semble être la vérité.
Pisioria. — Cette ville a certainement été renommée
pour ses ouvrages en fer, car on trouve dans Henry
Estienne [Trait/} dn la Conformité du franc, avec le grecj
qu'elle « souloit faire de petits poignards » ; mais le
même auteur nous apprend (jue ces petits poignards,
nouvellement apportés en France, furent appelés jns-
toyers, pistoliers et pistoh, du nom moderne de la
ville de Pistoie, et non de son nom ancien. D'un autre
côté, quand on remarque que tous les noms de villes
d'Italie commençant par un p sont passés dans notre
langue avec cette même consonne, et non avec un 6,
on ne s'explique guère que de la coutellerie de Pistoria
ait jamais pu être appelée bistorie, quelque ressem-
blance qu'il y ait entre ces deux mots.
Bastoria.— S'il n'est pas très-fréquent de voir l'a
changé en (, ce n'est pas non plus cependant une per-
mutation sans exemple, car avellana, cerasum. eijacens
ont fait aveline, cerise et gisant ; Vo changé en ou est
chose fort ordinaire (on a dit chouse pour chose, etc.),
et le masculin remplaçant le féminin n'a rien d'insolite
à une époque où les genres étaient si loin encore d'être
fixés.
Il y a lieu de croire que bastoria est bien réellement
l'étymologie de bistouri.
X
Troisième Question.
M. Littré dit que fier-a-bras s'écrit au pluriel sans %
à FIER : des fier-a-bras ; mais il ajoute qu'on ne peut
condamner des fiers-a-bras, attendu que l'étymologie
est incertaine. Voudries-vous me donner votre opinion
sur l'orthographe de cette expression ? Je vous en serais
très-obligé.
M. Littré a parfaitement raison ; si Torigine de Fier-
à-bras est mal connue, on ne peut donner avec certi-
tude la manière d'en écrire le pluriel.
Mais il y aurait, à mon avis, un excellent moyen de
faire disparaître cette difficulté ; ce serait tout simple-
ment de restituer à ce terme sa forme primitive, qui
était Fiérabras, en un seul mot, comme le montrent
ces exemples :
Fiérabras
C'est anemis fie diable] qui maint mal brace.
(Du Cange, Ferrebrachia.)
Garin, dist Fiérabras, lai moi à toi parler.
[FiérabraSt p. l5.J
Trop sunt ambeduï soi tenant bras et bras ;
Plus fort ne fu, de voir, de ces deux Fiérabras.
(Girard de Hoss., vers 4649-)
Cette forme, qui a été usitéejusqu'au commencement
du xviii'' siècle (je vois pour la première fois l'expres-
sion en trois mots dans l'Académie de ni 8), permet-
trait de traiter le vocable en question comme matamore,
rodomont, etc., et la langue gagnerait à cela de compter
un embarras de moins.
X
Quatrième Question.
Pourquoi écrit-on le o.nze, le onzième, et non pas
l'onze, l'onzième ?
Comme il est évident qu'ici l'écriture dépend entière-
ment de la prononciation, je vais ramener votre ques-
tion à cette autre : Pourquoi prononce-t-on le onze, le
onzième, et non pas Votizc, l'onzième.'
Dans son dictionnaire, M. Littré explique ce fait par
une tendance qui aurait existé dans notre vieille langue
à aspirer certains mots :
La prononciation de onze, comme s'il était précédé d'une
aspiration, vient de la tendance du vieux français â faire
précéder d'une h les mots monosyllabiques ou du moins
les mots à une syllabe sonore, commençant par une voyelle :
haut, huit, huile, etc.
LE COURRIER DE VAUGELAS
27
Mais comme, après avoir compté dans le Glossaire de
Barbazan les monosyllabes et les mois de deux syllabes
dont la dernière est muette, je n'en ai trouvé que viii^'t
d'écrits avec une A, tandis que j'en ai compté trente
qui l'étaient sans cette consonne, j'ai cru devoir ne pas
m'en tenir à l'explication précédente, et en chercher une
qui eût au moins l'avantage de n'être pas en contradic-
tion avec les faits.
Or, pour une que je cherchais, en voici deux que j'ai
rencontrées :
^o Attendu que du latin c/ecet/i nous avons fait un
mot prononcé dice, il est très-probable que le mot
formé de undecim a d'abord été prononcé once. Mais,
dès les premiers temps de la langue, nous avions déjà
deux autres mots prononcés de la même manière, l'un,
désignant un poids, et l'autre un animal, ce que prou-
vent les citations suivantes, toutes deux du xiii'' siècle :
Nus du mestier devant dit ne puet ne ne doit batre ne
faire batre argent que en chascune bâteure de xsv onces
d'argent n'ait x estellins dor au mains.
{Livre des Métiers, p. 75.)
La chose gist sor tel endroit,
Que chascune beste voudroit
Que venist l'once.
'Rutebeuf, 203.]
Trois mots ayant la même prononciation, c'était
trop ; on différencia des deux autres celui qui n'était pas
substantif, d'abord en l'écrivant par un : (qui a
aussi passé dans les autres adjectifs numéraux, dou-
zième, treizième, etc.), et plus tard en aspirant l'o, ce
qui eut pour effet dempécher devant onze et l'élision
et la liaison.
2o Vaugelas, dans sa remarque sur le onzième (vol.
I, p. 252), a donné d'autres raisons que les précé-
dentes du fait de l'aspiration dans le mot onze; je
copie :
Voici une conjecture fort vrai-semblable de ce qui a
donné lieu à cette erreur, et je crois que tout le monde
en demeurera d'accord. C'est que l'on a accoutumé de dire
en comptant, le premier, le second, le troisième, et ainsi
généralement de tous les autres, jusques à dire, le centième,
le millième, tous les nombres commençant par une consone,
qui fait que l'on dit le, devant, n'y ayant pas lieu de faire
l'élision de la voyelle e. Et comme il n'y a qu'un seul
nombre en tout, qui commence par une voyelle, qui est
onze, onzième, on a pris une telle habitude de dire le, et
devant et après le nombre, que quand ce vient à onzième,
on le traite comme les autres, sans songer qu'il commence
par une voyelle, et que l'e de l'article le se mangp...
Quelle que soit la cause de l'aspiration de l'o dans
onze, il s'en faut bien que celte aspiration ail été rigou-
reusement observée au xvi'^ siècle ; car si l'on trouve
onze sans élision dans quelques phrases, on le trouve
aussi avec élision dans beaucoup d'autres :
Ce mesme jour, mourut Henry de Rohan, prince de Léon
en Bretagne, en sa maison de Belin, sa fille âgée èL'onze à
douze ans mourut tost après.
[Journal de l'Estoiie, p. 99.)
Quant à onzième (est-ce parce qu'il ne pouvait
offrir d'équivoque'?!, l'o continua à n'y être pas aspiré,
ce que montrent ces exemples, empruntés à des écrivains
du même temps :
Elle le porta jusqu'à lunziesme mois.
(Rabelais, Gari/., I, 3.)
Le'mois de janvier sous Romulus étoit Vunziesme.
fAmyot, Numa, 31.)
En l'unziesme se voyoit au plus près la piteuse contenance
du pauvre président Brisson.
{Satyre Ménippèe, p. 32, éd. Charp.)
Pendant le xvii^ siècle, on fut loin de se trouver
d'accord sur la prononciation de onze et de onzième.
Vaugelas se déclara pour l'onzième ; selon lui, c'était
« très-mal « s'exprimer que de dire le onzième ; car
comment justifier, dit-il, que la première de deux
voyelles dans cette situation ne s'élide pas comme cela
se fait toujours?
Thomas Corneille était au contraire pour l'aspiration
dans ces mots, ce qui ressort nettement de cet extrait
de la note qui accompagne la remarque de Vaugelas :
On dit : c'est aujourd'hui le onze ou le onzième du mois, et
non pas l'onze ou l'onzième. Ce qui est général quand on
compte heures, jours, mois ou années.
Boileau était du même avis ; car, dans l'édition de ses
œuvres qu'a donnée Brosselle, le fondateur de l'acadé-
mie de Lyon, on apprend par une note (tome I, p. 163)
que ce poète ne liait jamais r.s de ses en prononçant les
vers suivants de la xn= satire :
Un démon qui m'inspire
Veut qu'encore une utile et dernière satire
Se vienne, en nombre pair, joindre à ses onze sœurs.
Tout en approuvant l'opinion de Vaugelas, le P. Bou-
hours ajoutait que, depuis ses Remarques, plusieurs
disaient le onzième, et qu'il ne voudrait pas les con-
damner ; aussi cédait-il à la force de l'usage et tolérait-
il l'aspiration.
Le xvin* siècle ne vit pas non plus l'unanimité se
faire sur la question qui nous occupe.
Suivant la doctrine de Vaugelas, qui, comme on sait,
n'approuve que l'onze, l'abbé Dangeau écrit dans ses
Essais de grammaire [I, p. 3'i| :
J on ai trouvé vingt-six dans Cinna, et je n'en ai trouvé
qu'onze dans itithridate.
Dans les Principes de la langue française par De
^^^1illy, on nt ce qui suit à la page 426, preuve que
l'auleur considérait les deux prononciations comme
également bonnes :
On dit et l'on écrit le onze, le onzième ou l'onze, l'on-
zième.
Enfin, à peu près vers le milieu du ïix° siècle, l'usage
conlinuant à se montrer favorable à l'aspiration dans
onze el dans onzième, la plupart des grammairiens ont
fini par en conclure qu'ils devaient accueillir défini-
tivement cette exception, malgré l'indécision de l'Aca-
mie, et voilà pourquoi nous disons et nous écrivons
aujourd'hui le onze, le onzième, et non pas l'onze,
l'onzième.
X
Cinquième Question.
M. Edmond About, dans un feuilleton r/ui a paru
dans te xix' siècle le 2'i aoûf H 873, a employé cette
expression saperlipopette. Je voudrais bien en savoir le
sens et l'origine.
Cette expression a été formée, il me semble, ainsi
que je vais vous l'expliquer.
28
LE COURRIER DE VAUGELAS
Pour concilier autant que possible le respect du
deuxième commandement avec le besoin qu'on éprouve
parfois de jeter dans son discours quelque terme éner-
gique, on a fait d'abord sacristi, que je soupçonne
fortement d'être pour sacré Christ ce que sacrebleu est
pour sacré Dieu, je veux dire un euphémisme.
Mais sacrisii ne dissimulait pas assez son origine; on
y changea le c en p, ce qui donna sapristi, un mot
pouvant être prononcé par toutes les bouches :
Donc, plus de nouvelles de la fusion!... Où en est h
fusion? Voyons, sapristi, ne nous tenez pas le bec dans
l'eau comme ça...
(L'Avenir national du l" sept. 1873.)
Un scrupule plus grand encore nous valut saprelotte
ou superlotte, espèce de diminutif de sapristi :
Vous ici, mais sapertolte, Glier ami, que venez-vous donc
faire dans ce quartier ?
\L'Evénement du l5 sept. iS'jB,)
Enfin saperlotte a été transformé en saperlipopette,
que je considère en quelque sorte comme la dernière
dilution du juron sacristi.
X
Sixième Question.
Comment expliquez-vous que l'expression populaire
CASSEE SA eiPE puisse signifier nomis.'!
On peut croire que cette expression a pris naissance
au théâtre, car voici en quels termes il en est parlé dans
les Coulisses de Joachim Duflot (p. 54) :
L'acteur Mercier, fort estimé des titis du boulevard du
Temple, jouait le rôle de Jean Bart avec un entrain et une
rudesse qui ètaief.t fort appréciés du public de la Gaité.
Jean Bart, comme on le sait, fumait la pipe, et, pour être
fidèle à la vérité bislorique, Mercier fumait la pipe en
jouant le rôle.
La pièce eut une longue suite de représentations, ce
qui permit à Mercier de culotter une magnifique pipe qui
était devenue une curiosité. Aussi tous les titis étaient-ils
en admiration devant la pipe de Jean Bart-Mercier. De son
côté, l'acteur, orgueilleux de son ouvrage, ne s'en séparait
jamais, même en dormant, si l'on en croit les on-dif.
Mais, voilà qu'un jour la pipe tomba des lèvres de Mer-
cier. « Quel dommage! » s'écria-t-on, et on courut vers
lui. L'acteur venait de s'affaisser sur lui-même, il était
mort. Le lendemain, en s'abordant, les titis se disaient
tristement : t Tu sais bien. Mercier... Eb bien?... Il a cassé
hier sa pipe pour de bon. »
Cependant, ce n'est peut-être que « sous toutes
réserves » comme disent les journaux politiques, qu'il
convient d'accepter la susdite origine.
ÉTRANGER
Première question.
J'ai trouvé cette phrase dans un jourtial français :
« La belle-mère est presque toujours la biche émiss.uhe
de ces rancunes. » Ne vaudrait-il pas mieux dire ici
LE Bocc ÉMISSAIRE? .le VOUS .lerais très-oldigé de muloir
répondre le plus tôt possible à cette question.
C'est une erreur de croire que l'attribut doive néces-
sairement être du même genre que son antécédent ; une
foule d exemples prouvent (pi'un mot masculin et un
mot féminin peuvent parfaitement se construire, l'un
avant le verbe être et l'autre après ; en voici quelques-
uns empruntés à la Grammaire nationale (p. 94) :
La mèie est le premier instituteur de son enfant.
(Bernardin de Saint-Pierre.)
Un fanatisme aimable à leur âme enivrée
Disait : la femme est Dieu, puisqu'elle est adorée.
(Legouvé.J
La colère est à la fois le plus aveugle, le plus violent et
le plus vil des conseillers.
(De SégUT)
Les lois sont les souverains des souverains.
(Louis XIV. I
Je crois donc que l'auteur de la phrase en question
aurait dû dire le bouc émissaire, opinion confirmée
du reste par la citation suivante, que je rencontre dans
le dictionnaire de Litlré :
Vous sentez que je veux faire de Mme d'Argenton le bouc
émissaire de l'ancienne loi [la charger de tous les faits
reprochés au duc d'Orléans!.
(Saint-Simon, a52, laS.)
X
Seconde Question.
Quelle est, s'il vous plaît, l'origine de l'expression
battre la campagne ?
Au propre, le verbe battre, construit avec un nom
d'espace pour régime, a le sens de parcourir en cher-
chant quelque chose ; ainsi on dit :
Les cavaliers battent la plaine ; — nous avons battu tout
le pays, — ils battront toute la ville, etc.
Joint au mot campagne, ce verbe se dit, en langage
militaire, des soldats qui poussent des découvertes vers
Tennemi afin de reconnaître ses positions.
Or, comme pour faire ces reconnaissances, il faut
errer plus ou moins, on a naturellement pris cette
expression, au figuré, pour parler de quelqu'un dont
l'esprit divague dans le délire de la fièvre, qui s'écarte
de 'son sujet dans une discussion, ou qui s'amuse à de
vaines rêveries, à des imaginations n'ayant rien de
réel, de possible.
X
Troisième Question.
D'oii vient donc le nom de calino, que les journaux
parisie7is emploient si souvent depuis quelques années
pour désigner quelqu'un qui dit sérieusement des
7iiaiseries ?
Ce mot a pour origine une charge d'atelier par Théo-
dore Barrière et Antoine Fauchery, laquelle fut repré-
sentée pour la première fois à Paris sur la scène du
Vaudeville, le 12 mars 1856.
Le principal personnage de cette pièce est un certain
Calino, peintre en herbe, arrivé à Paris depuis quelques
mois avec sa femme, qui est jolie, et une sœur char-
mante. Celte <i bête trouvée sous le quatorzième degré
de latitude nord du quai aux Fleurs >> abandonne son
hôtel à des rapins à condition qu'ils lui donneront
des conseils ; mais, comme il n'a aucune disposition
pour la |)cinlurc, les rapins se moquent de lui et lui
montent une scie...
Cependant Calino peint toujours, et de préférence la
LE COURRIER DE VAUGELAS.
w
29
nuit, pour ne pas être découragé par la vue de ce qu'il
fait ; on vient à parler d'une crue des eaux, et il vous
prouve en ces termes comme quoi celles de la Seine
sont au même degré de l'étiage :
La Seiue n'est pas plus haute qu'à l'ordinaire... j'en suis
bien sûr moi; j'ai fait une marque â un bateau, et depuis
huit jours, leau n'a pas dépassé la marque.
Dès la première représentation, probablement, nos
journalistes se sont emparés de Calino pour lui faire
signifier ce type de Jocrisse auquel ils attribuent les
plus grosses niaiseries venant à leur connaissance.
PASSE-TEMPS CiRAMMATlCAL.
Corrections dn numéro précédent.
l* ... grâce, selon son expression (^race signifiant par lemoyen
de se met généralement au singulier); — 2° ... que noire auteur
ne travestisse (après it n'y a pas jusqu'à, on met le verbe au
subjonctif et accompagné de ne); — 3° ... autour des bou-
chons [alentour ne veut pas de régime); — 4° ... des quatre
saisons font retentir (après de ce que on met l'indicatif); —
5° ... un des premiers arbres qui montrent leurs lleurs ; — 6" ...
que le mot /it monter; — 7° ... délasliques rompus (on dit un
élastique) ; — 8° Les deux premières liTraisons d'un ouvrage
appelé à un grand succès viennent de paraître au bureau, etc.
(on ne peut meltre en lêle de la phrase, à 1 impersonnel, un verbe
neutre qui a pour sujet un nom précédé de l'article le, la ou les) ;
— 9" ... étendus par centaines de mille; — 10° ... qu'il est
plus difficile encore de faire durer que de décréter et d'établir ;
— 11° ... préféraient se passer de manger plutôt que de fumer
(Voir Courrier de Vaugelas, i' année, p. 153); — 12° ... de cet
examen (c'est ici l'action d'examiner) ; — 13° ... qu'une enquête
fût ouverte; — 14° ... que depuis de longues années...
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1* Si le caprice le prend de modeler en biscuit ou en
porcelaine de Saxe un berger ou une bergère rococo en-
guirlandés de fleurs, certes, il ne se gène pas.
2* Puis une obscurité subite sous les douces lueurs du
crépuscule et, dans les nuits parfois lucides, des étoiles
qui ressemblent à de froides pointes d'acier clouées au
firmament.
3» Comme la religion, elle [la musique] est mystérieuse,
voilée, disons même occulte; ses secrets et ses principes
ne sont penétrables à d'autres yeux qu'à ceux des initiés.
4° Ce qu'il faudrait, c'est qu'au sein de la commission on
manifestât d'une manière irrévocable les tendances qu'on
s'est plu à signaler, avant qu'elles n'aient été exprimées.
5* Ayant déféré à son désir, il vint à nous et nous fit
quelques passes sur les jambes; instantanément nous
n'eûmes plus l'usage de ces membres.
6° Je profitai de cet instant d'enthousiasme pour gagner
la rue Saint-Denis, où je rencontrai près celle Greneta les
gendarmes du poste de la Halle, qui avaient été désarmés.
7° Il se hâte de repartir pour Salon avant la mort de
Henri 11, qu'on dit qu'il avait prédite aussi bien que les
troubles qui la suivirent.
8* Ils ajoutent qu'aujourd'hui il est préférable de courir
les chances de la maladie que d'infuser des matières mor-
bides dans des veines pures et saines.
9* Emportée par la grandeur de la situation, Mlle Patry
s'est laissé aller à son propre élan et à ses propres larmes.
lÛ" Mais le public lettré qui suit assidûment ces paci-
fiques tournois oratoires s'attend à autre chose qu'à de
consciencieux éloges biographiques.
11° Il est seulement triste de voir dans quel état ils ont
mis le chemin de fer que nous côtoyons ; pas une station,
pas un pont n'a été respecté, les fils du télégraphe sont
coupés entre chaque poteau.
12° Après, il lui faudra de toute nécessité déterrer un
chef-d'œuvre — un drame à tout casser — ou une comédie
qui fasse couler des larmes à un trimestre de spectateurs,
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVlf SIÈCLE.
Antoine OUDIN.
(Suite. J
Genouil fait genoux et yenoûils; verroiiil fait ver-
roiii/s et verroux.
Quand universel est substantif, il fait universaux ;
mais adjectif, il fait universels.
Les pluriels des composés prennent une .« à la fin,
trenc/ie-plume, tre/whe-plumes, et cependant on l'ajoute
au milieu dans coqs d'Inde, gentilshommes, ponts-
(evis ; de plus, elle se met au milieu et à la fin de quarts
d'escus, bien qu'avec raison le mot escu n'y soit point
au pluriel.
Il y a beaucoup de noms qui se mettent toujours au
pluriel, tels sont : besoicjnes pour bardes ; grâces pour
actions de grâces ; chausses ; lettres pour patentes ;
papiers pour écritures; fonts où l'on baptise; vacances
et vacations pour désigner le temps pendant lequel on
ne fait point d'affaires.
Gens ne se construit point avec les noms de nombre,
mais avec les adverbes beaucoup, bien; par exemple,
on ne dit pas trois ou quatre gens, mais bien trois ou
quatre personnes.
Lunettes que l'on met sur son nez est pluriel ; mais
lunette « de Hollande » est singulier.
Une paire d'armes ne signifie qu'une armure ; une
paire de ciseaux, des ciseaux non divisés.
Les noms de nations s'emploient au singulier pour
signifier le pluriel ; on dit le Turc a bien de la peine,
le François dit, pour les Turcs ont bien de la peine, etc.
DES COMPABATIFS ET IlES SUFEKLATIFS.
Moindre et plus petit diffèrent en ce que le premier
se rapporte plus proprement à la condition et à la qua-
lité, et le dernier à la quantité ou dimension, comme
longueur, largeur, etc. ; par exemple, si l'on dit c'est
le moindre homme de lu ville, cela s'entend de la qua-
lité, et le plus petit homme de la ville, le plus bas
« louchant « la grandeur du corps.
Les étrangers mettent souvent grand pour gros, et
c'est une très-grave erreur, parce que le mot grand
s'entend proprement des choses qui ont de la grandeur
ou de la longueur de corps, tandis que gros s'applique
il celles qui sont ou rondes ou épaisses. On dit cepen-
dant, 7««e grosse heure d'horloge if633).
Les expressions homme de bien, femme de bien.
30
LE COURRIER DE VAUGELAS.
fille de bien, gens de bien se comportent comme les
qualificatifs -.plus homme de bien , très homme de bien, etc.
Au superlatif, on peut aussi ajouter le mol fort au
lieu de très : fort bon, fort mauvais.
Nous avons emprunté à l'italien doctissime, excellen-
(issime, ignorantissime, etc.
DES DIJIINCTIFS.
Les terminaisons ordinaires des diminutifs sont et,
elet, ette et elette ; mais il y a des diminutifs formés
irrégulièrement, et Antoine Oudin en donne une curieuse
liste que je vais reproduire en partie :
Advocat : advocaceau, advocacereau ; amour : amou-
reau ; archer : areherot ; bergère : bergeronnette, ber-
gerotte ; fol : follet, follion, follichon ; bœuf : bou-
villon ; barbeau : barbillon ; couleuvre : couleureau ;
vipère : vipereau; lévrier : levron ; porc : pourceau,
porcelet ; cochon : cochonnet ; pied : peton ; cham-
brière : chambrillon ; pré : preau ; pendard : pendar-
deau ; cheval : cavalot ; clerc : clergeon.
Les suivants, qui n'ont rien de semblable à leur
substantif, et qui ne sont pas des diminutifs réels, sont
aussi « fort plaisans » : bidelot, diminutif de bidet,
petit cheval ; laideron, qui signifie plutôt une grosse
laide qu'une petite ; hutaudeau, gros pouliet, qui se dit
ordinairement hesfoudeau.
Parmi les diminutifs des noms propres on remarque :
Henriot, de Henri; Denisot,de Denis; Marionel Ma-
riette, de Marie ; Annon, A nnichon, de Anne; Janne-
ton, de Jeanne ; Margot et Margoton, de Marguerite ;
Catin et Catavt, de Catherine.
DES NOMS NUMÉRAUX.
On dit ordinairement soixante et dix, soixante et
imze, soixante et douze, jusqu'à quatre-vingts ; mais
en langage d'arithmétique, on dit septante, septante et
un, etc., au lieu de huictante on d\i quatre vingts, et au
lieu de nonante, quatre vingts dix.
On dit six vingts plutôt que cent vingt (1633).
En parlant des années, mille « se retrenche » et l'on
écrit mil quatre cens, mil cinq cens.
La conjonction et ne se met dans les noms de nombre
qu'avec le nom de l'unité, vingt et un, trente et un, etc.,
mais on dit vingt deux, trente deux, etc.
Il est indifférent de dire page trente-cinq ou trente-
cinquiesme, feuillet dixhuirt ou dixhuictiesme.
On dit Chartes neuf [>o\iT Charles neufviesme (1633J-
Parmi les collectifs en aine, il n'y a d'usités que
six aine , huivlaine , neufvaine, dixaine, douzaine
quinzaine, vingtaine, trentaine, quarantaine, etc., jus-
qu'à centaine.
Huiclaiw se prend aussi pour l'espace de huit jours,
et neufvaine pour une sorte de dévotion qui dure neuf
jours.
Vingt en composition prend une .< de plus, comme
quatre vingts, six vingts, etc.
Il faut remarquer cet emploi quant aux adjectifs do
nombre ordinaux ; il est parly luy sixiesmc, il est venu
tuy troisiesme, etc.
Les Hauts Allemands disent quatorze joxirs \)0\xx Ae\x\
semaines ; chez nous on dit quinze jours.
OBSEllVATIONS SUa QUELQUES QUALIFICATIFS.
Nous disons, contrairement à la règle générale qui
fait accorder l'adjectif avec le substantif, lettres Royaux,
ordonnances Royaux.
On dit le feu Royeifeu monpere ; grand })ere elpere
grand ; grand' mère et mère grand ; mais grand père
et grand' mère sont mieux dits.
Meschant se rapporte aux personnes, mauvais aux
choses que l'on mange ou boit.
DES TITRES.
Sire est une qualité qui se donne au roi et aux simples
paysans, mais fort peu aux marchands ; pour qualifier
ces derniers, dans l'Ile de France, on se sert plutôt du
mot sieur.
Monseigneur se dit aux princes et aux grands prélats.
Monsieur, à Monsieur frère du roi, et à toutes sortes
« d'honnestes » personnes indifféremment.
Ce dernier, construit avec un article défini, accom-
pagné du nom de qualité ou propre de maison « se
retrenche » à moitié ; on dit : Mons de la Rivière, Mons
de la Coudraye. Quelquefois il se sépare par l'entremise
d'une autre particule, Mondit sieur.
Messire se dit aux prêtres de village.
Maistre s'applique aux artisans, comme lorsqu'on dit
Maistre Pierre le cordonnier, etc.
Madame se dit à la reine, aux filles de France, aux
princesses mariées et à toutes autres grandes dames que
l'on appelle « dames damées », aux religieuses, etc.,
à toutes les femmes au-dessous de la noblesse et aussi
à leurs familles.
Dame se dit à une simple femme d'artisan ou de
paysan : Dame Perrette, Dame Guillemette ; mais s'il
y a un complément à Madame, on dit encore dame :
la dame du chasteau, en parlant d'une femme de con-
dition.
A la Cour, on nomme Demoiselles toutes les femmes
qui en portent l'habit, nobles ou non, et les « chape-
ronnettes » s'appellent Madame.
Sieur se met avec un nom propre, le sieur Pierre, et
Seigneur se met absolument : le sieur Jean seigneur
d'un tel lieu.
DES PRONOMS PERSONNELS.
On ne peut plus omettre les pronoms personnels
comme on le faisait autrefois; ainsi on disait : J'ay
reçeu les lettres que m'avez envoyées, et nous disons :
que vous m'avez envoyées (1633).
Au lieu d'employer le, la, les avec les pronoms
personnels luy et leur, il est bien mieux de n'employer
que les datifs et de dire : je luy donneray, je leur
envoyé, plutôt que je les luy donneray, je les leur
envoyé. Cependant les deux peuvent se dire.
Que l'on se garde de mettre les pronoms personnels
après les « relatifs « /'', la, les, et de dire : les me
donnera. In te payera ; il faut dire : me les donnera, etc.
[La suite au prochain numéro.)
Le Re'dacteur-Uéaamt : Euan MâRTLN .
LE COURRIER DE VALlGELAS
34
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
Poésies,
ques ; par
Premières poésies; poésies philosophi-
L. Ackermann. Ia-18 jésus, 158 p. Paris,
lib. Lemerre. 3 fr.
Grammaire de la langue française; par le P. Henri
Delavenne, de la compagnie de Jésus. Exercices élémen-
taires. Partie du maître et partie de l'élève. 2 vol. in-12,
600 p. Paris, lib. Abanel.
Romans et contes ; par Théophile Gautier. In-18
Jésus, /|63 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Exercices d'orthographe et de syntaxe, appliqués,
numéros par numéros, à la grammaire complète et à la
grammaire supérieure, et de nature à s'adapter à tout
autre cours de langue française; par P. Larousse. Livre de
l'élève, à' édition, ln-12, 312 p. Paris, lib. Aug. Boyer et
Cie. 1 fr. 60.
Scènes du temps passé ; par .Mlle Julla Michel. In-12,
llii p. et grav. Paris, lib. F. -F. Ardant.
Les Prussiens devant Paris, d'après des documents
allemands ; par Edmond iNeukomm. In-18 jésus, vin-296 p.
Paris, lib. de la Société des gens de lettres. 3 fr.
Le Génie du christianisme ; par Chateaubriand.
Edition abrégée et revue, à l'usage spécial de la jeunesse,
par un directeur de bibliothèque chrétienne. In-8°, 192 p.
Paris, lib. F. -F. Ardant.
Les Amours de petite ville. Chardonnette ; par
Charles Deulin. 3' édition. In-18 jésus, 337 p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
La Morale ; par Paul Jannet, membre de l'Institut,
professeur à la faculté des lettres de Paris. In-8% xni-616 p.
Paris, lib. Delagrave. 7 fr.
Mémoires secrets de Bachaumont, revus et publiés
avec des notes et une préface par P.-L. Jacob, bibliophile.
In-18 jésus, x.Kin-Zi78 p. Paris, lib. Garnier frères. 3 fr.
Le Capitaine Fracasse ; par Théophile Gautier. Illus-
trations par Gustave Doré. In-Zi% iOO p. Paris, lib. Polo.
Histoire d'Alcibiadë et de la République athé-
nienne, depuis la mort de Périclès jusqu'à l'avènement des
Trente tyrans; par Henry Houssaye. 3' édition. 2 vol. in-12,
xx-855 p. Paris, lib. Didier et Cie. 7 fr.
Colomba, suivi de ; La Mosaïque et autres contes et
nouvelles; par Prosper Mérimée, de l'Académie française.
In-18 jésus, Zi55 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50.
Croyances et traditions populaires, recueillies dans
la Franche-Comté, le Lyonnais, la Bresse et le Bugey ; par
Désiré Mounier et Vingtrinier. 2= édition. In-S", 818 p.
Lyon, lib. Georg.
Histoire de la littérature contemporaine en Italie
sous le régime unitaire, 1859-187Zi; par Amédée Roux.
In-18 Jésus, i32 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Le Rémouleur, épisode du temps de la Terreur et du
Directoire; par Eugène Chavette. I. La Maison Surent.
II. Le Trésor de la Dubarry. 2" édition. Si vol. Gr. in-18,
681 p. Paris, lib. Dentu. 6 fr.
Le chevalier Casse-Cou. Le Camélia Rouge ; par
Fortuné Du Boisgobey. 2' édition. In-18 jésus, 395 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr.
Publications antérieures
HISTOIRE MACC.\RONI0UE DE MERLIN COC-
CAIE, prototype de Rabelais, ou est traicté les ruses de
Cingar, les tours de Boccal, les adventures de Léonard,
les forces de Fracasse, les enchantemens de Gelfore et
Pandrague, et les rencontres heureuses de Balde. Avec
des notes et une notice, par G. Bru.net, de Bordeaux. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur l'édition de 1606.
— Par P.-L. Jacob, bibliophile. — Paris, Adolphe Dela-
hays, éditeur, /i-6, rue Voltaire.
LES ÉCRIVAINS MODERNES DE LA FRANCE, ou
Biographie des principaux écrivains français depuis le pre-
mier Empire jusqu'à nos jours. — A l'usage des écoles et
des maisons d'éducation. — Par D. Box.nefon. — Paris,
librairie Snndoz et Fischbacher, 33, rue de Seine.
MANUEL D'HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE
FR.ANGAISE, depuis son origine jusqu'à nos jours, à
l'usage des collèges et des établissements d'éducation. —
Par F. Marcillac, maître de littérature à l'École supé-
rieure des jeunes filles à Genève. — Seconde édition, re-
vue et corrigée.— Genève, chez H. Georg, libraire-éditeur.
LES ÉCRIVAINS CÉLÈBRES DE LA FRANCE, de-
puis les origines de la langue jusqu'au xis' siècle. — Par
D. BoNNEFON. — Paris, librairie Sandoz et Fischbacher,
33, rue de Seine.
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sies de la reine de Navarre, réimprimées avec les gravures
sur bois de l'édition originale. — N» XVI du Cabinet du
Bibliophile. — /i vol. in-16, format deVHeptaméro7i, tirés
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la typographie orientale à l'Imprimerie impériale, che-
valier,de la Légion d'honneur. — Paris, librairie de Chal-
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32 LE COITRRIER DE VAPCELAS
LITTÉRATURE FRANÇAISE
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Pour les Français qui désirent aller professer leur langue en Angleterre.
Dans l'annuaire commercial et iNDusiniEL de .V. .^//r^-rf Hamonet. ouvrage approuvé par les Autorités consulaires de
France, on trouve la liste suivante des agents de Londres par l'intermédiaire desquels les Professeurs français des deux
sexes peuvent parvenir à se procurer des places :
M. Bisson, 70, Berners Street, W.
M. Biver et Cie, 46, Régent Circus, W.
M. Clavequin, 125, Régent Street, W.
M. Griffittis, 22, Henrietta Street, Covent garden.W. C.
M. Verstraete. 25. Golden Square, W.
Mme Hopkins, 9, New Bond Street, W.
Mme Waghorn, 3i, Soho Square.
Mme AVilson, 42, Berners Street, "W.
Nota. — Les majuscules qui figurent i la fin de ces adresses servent à marquer les « districts n pour le service des
Postes ; dans la suscription des lettres , on les met après le mot Londres , exemple : Londres W, Londres W. C.
Le volume de M. .Alfred Hamonet, qui coûte 1 fr. 25, se trouve à la librairie Hachette, â Paris.
CONCOURS LITTERAIRES.
Appel aux prosateurs.
L'Académie française décernera pour la première fois, en 1875, le prix .louy, de la valeur de quinze cenlf francs,
prix qui, aux termes du testament de la foodatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
valion, soit d'imaginalion, soil de critique, et ayant pour objet Vélude des mœurs actuelles. — Les ouvrages adressé?
pour ce concours devront être envoyés au nombre de trois exemplaires avant le 1" janvier 1875.
Appel aux poètes.
Académie de Savoie. — Concoms-de poésie pour Tannée 1874. — 1" Le prix de poésie de la fondation Guy pour
l'année 1874 sera de 400 francs. — 2" Les poèmes envoyés au concours auront au moins 100 vers, sur un seul sujet
laissé au choix des concurrents. — 3" Les poèmes seront adressés au Secrétaire perpétuel de l'Académie avant le
!"■ juillet 1874, et seront accompagnés d'un billet cacheté attaché au manuscrit et contenant et le nom et la demeure de
l'autour. Le billet portera, à l'intérieur, une épigraphe écrite aussi en tète du manuscrit. — 4" D'après le vœu du
fondateur, nul n'est admis à concourir s'il n'est né ou domicilié dans l'un des deux départements de la Savoie.
Le douzième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le 1" jui"l874. — Six médailles seront
décornées. — Demander le programme, qui est adressé franco, îi M. Evariste Cirrance. président du Comité, 92, route
d'Espaene, .i Honlo.iux (Gironde). — .Affranchir
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie GuL■vER^KL•R, G. Daupelev à Nogent-le-Rotrou.
6° Année.
H' 5.
1 ■■■ Juin 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
^«
^\?^
.X^U DE
» 1 -^^ f/\.tÊfinni V^'TW'l—
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Journal Semi-Mens
CONSACRÉ A L» PROPAGATION UNIVERSELLE OE LA LANGUE FRANÇAISE
Pmrmlaaant 1« 1« a( la IS «l« ehaaii« moto
PRI.K :
AbonnPtncnl [loiir U Frinrc. 0 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . -îO e.
Rédacteur: Eman MARTIN
A.NCIES PROFESSEUR SPKi;iAL POL'B LES ÉTBAÎiaBaS
OfCn-ier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant nn mandat sur la poste
soit au Rwlactear, "ioit 4 lAdm'
M. FiacHBACHiai, .3.3, rue de Seine.
SOMMAIRE.
De la signification du mot Charnier; — Etymologie de Ttnia-
marre: — ijrigine ilu proverbe S'en mntjuer comme de l'an
quarante ; — Si Ion peut dire Vivre une crue et Naître un
sujet; — Si le verbe AjfryiMler est français. || S'il faut écrire
iMisser-paaer on Lamez-passer ; — Du verbe Interroger
construit dans une phrase interjetée ; — Quaml Autrui ne peut
»e roellre pour Autre. || l'asse-ternps grammatical. 1| Suite de la
biographie (VAntolnf. Oudiii. \\ Ouvrages «le grammaire et de
littérature. || nenseignement» pour les Français qui désirent
se placer comme professeurs en Angleterre. || Concours litté-
raires.
FRANCE
Première Question.
Ac mol ciiARMtER s'esf-il employé nufrefoii pour
désigner un cimeliére, on n'n.-t-il rléxigné que les
endroits couverts oii l'on pinçait les ossements des
morts ?
Le 19 avril (Jernier, le A/M' .Sîèc/c publiait un article
intitulé <( la forme » où se trouvaient les deux phrases
suivantes :
Lorsqu'il fut rpconnu que le rimptifire des Innocents,
qui s'appelait dans la lani^ue «'■nergique du peuple lo char-
nier des Innocenta, était un foyer d'infection pour la
ville, etc.
L'arcUevôque, après avoir lutt»'^ fort longtemps, se rendit
à l'évidence de la m'jcessité. Il autorisa la suppression du
charnier.
Le lendemain, un lecteur de cette feuille adressait à
M. Francisque Sarcey, l'auteur de l'article, la lettre que
je transcris :
Monsieur,
Permettez-moi une légère rectification au sujet de votre
article d'hier, si remarquable k tous égards.
Vous semblez croire que le mot charnier est synonyme
ou plutôt est la traduction populaire du mot cimetière ,
c'est une erreur. Charnier et cimetière sont deux mot»
dont la signification ost différente et les deux ctioses qu'ils
expriment «ont distinctes.
Le cimetière est l'ondroit où l'on inhume les corps; le
charnier est ou, pour mieux dire, était, car les cbarniers
ont depuis longtpmps disparu, un lieu couvert, une galerie
si vous voulez, où l'on pla<;ait les ossements des morts
que le temps avait complètement dépouillés des chairs et
desséchés.
Chaque cimetière avait son charnier; il y avait le char-
nier du cimetière des Innocents, le charnier du cimetière
Saint-Paul, etc.
Recevez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments bien
distingués.
C C.
Pour sa défen.se, .VI. Sarcey a naturellement eu re-
cours au dictionnaire de Littré. Mais, s'il a trouvé, dans
cet ouvrage, un sens de charnier en sa faveur, et avec
un exemple, il y en a trouvé deux qui étaient contre
lui, mais .sans exemples, ce qui lui permettait encore
de croire que l'allégation de son adversaire était fausse,
comme étant dépourvue de preuves dans le dictionnaire
le plus complet que nous ayons.
Là-fJessus, estimant que le Courrier de Vaugelas
pourrait peut-être élucider cette question, plus particu-
lièrement de sa compétence, .VI. Francisque Sarcey, qui
tenait ;i savoir au juste ce qu'il en était, m'a proposé
dans son journal de la traiter dans le mien.
J'ai accepté, et voici ma réponse :
Le mot charnier (de caro, carni.i, allongé de arium
transformé en ier] a eu plusieurs significations dans
notre langue ; mais je ne parlerai ici que de celles qui
se rapportent aux lieux de sépulture, la question dont
il s'agit ne m'obligeant point à signaler les autres.
I» Jusqu'au xvi' siècle, charnier a désigné l'endroit
où l'on enterrait les morts à la suite d'une bataille, en-
droit que nous appelons aujourd'hui tranchée :
A pieux agUB font les charnier* ouvrir.
{RoncevauXf p. i56.)
Et no franc crestien (que Jhesus puist sauver)
Ont fait tous Antiocbe des mors Turs délivrer;
Ens ''8 carniers defors les alerent jeter.
(Ctuinton i'Antinche, VI, 10*5. J
Loys de Luxembourg fist faire en la place où la bataille
avoit été, plusieurs) camlers, et puis fist assembler tous les
morts.
rFénin, lilS.)
Et: non gueres loing de li est le charnier, auquel furent
34
LE COURRIER DE VAUGELAS
enterrez les corps des Macédoniens qui moururent en la
bataille.
(Amyot, Alex., i30
2° Comme la signification précédente le fait pressen-
tir, charnier a été employé aussi pour désigner un
cimetière, ce dont voici d'irrécusables preuves, trou-
vées dans Du Gange :
Et quoniam sepeliri singulatim ob multitudinem non
quibant, constructa in quibusdam locis, a Deum timen-
tibus, quEe vulgo dicuntur Carnaria, in quibus quingenta
et eo amplius... projecta sunt defunctorum corpora.
Celebraia est magna Missa corporum valde solemniter
per Episcopum Abnncensem.et postea arcae positîe fuerunt
in requie in Carnario dicta? Ecclesiœ.
3" Grâce à des constructions faites au cimetière des
Innocents, le mot charnier prit, relativement à ce lieu,
le sens pluriel de galeries couvertes, preuve ces lignes
que je trouve dans Y Histoire de Paris par A.-J. Meindre
(vol. I, p. 463) :
Dans rcriglne, il [le cimetière des Saints-Innocents]
demeurait ouvert de toutes parts, à cause de son voisi-
nage des halles; aussi était-il incessamment souillé et
profané par les passants. Pour faire cesser ce déplorable
état de choses, Philippe-Auguste lentoura de murs en
U8S; deux siècles plus tard, ces murs furent garnis de
galeries couvertes, appelées charniers, sous lesquelles on
plaça des sépultures. Elles formaient une espèce de cloître
carré composé de quatre-vingts arcades...
Au xiv siècle, la mode s'établit de venir au cimetière
des Saints- Innocents. Les oisifs s'y promenèrent, des
marchands s'y établirent, et le séjour de la mort fut un
lieu de rendez-vous, de plaisir et de luxe. Cette mode
dura plusieurs siècles. A la fin du xvni" siècle, les char-
niers étaient encore remplis de boutiques d'écrivains et de
modistes...
Enfin, une ordonnance royale de 1785 ordonna sa des-
truction. Ce lut alors que l'on démolit l'église et les char-
niers, en même temps que les chapelles et les autres mo-
numents du cimetière.
4' Au même cimetière, où, d'après l'auteur que je
viens de citer, on venait déposer les morts de « vingt
paroisses » les corps ne restaient pas longtemps en
terre ; aussitôt qu'ils étaient dépouillésde leurs chairs,
on en e.xhumait les ossements que l'on rangeait sous
les charniers ; de là le sens d'ossuaire qu'a pris le
mot charnier, sens attesté par ces citations, que me
fournit encore Du Cange :
Camarium. Locus, ubi ossa mortuorum ponuntur. Sedes
ossuum.
In que (Cœmeterio) prœdictus Manso intuitu pietatis,
Camarium ad ossa mortuorum reponenda de propria
pecunia construxit.
[Charte de 1161.I
5° Enfin, en vertu de la figure qui permet d'employer,
pour désigner le contenu, le mot qui désigne le con-
tenant, on a étendu le sens de charnier à un mon-
ceau, à un tas d'ossements, ce que prouve cet exemple,
trouvé dans le Grand Dictionnaire de Pierre Larousse:
Les charniers des catacombes de Paris.
Or, après toutes les citations qui précèdent, il est
facile de décider la ijart de raison ou de tort que peut
avoir }i\. Francisque Sarccy dans le débat dont il a bien
voulu me faire juge.
A mon avis, l'éminent rédacteur du .YAV"" Siècle a.v3.\l
parfaitement le droit de dire du cimetière des Inno-
cents qu'il s'appelait un charnier k dans la langue éner-
gique du peuple », puisque ce mot s'est employé jadis
dans le sens de cimetière; mais, quand il hésite à croire,
malgré l'assertion de .M. Liltré, que le même terme ait
signifié « dépôt des os exhumés des charniers ou cime-
tières » et aussi « la pile même des ossements », il est
certain qu'il glisse dans l'erreur.
X
Seconde Question.
Dans son DicTio^>AmE étymologique, M. Brochet dit
que l'origine de tintamabre est inconnue. Est-il vrai
qu'on ne sache réellement rien sur cette origine ?
Voici ce que j'ai trouvé dans Pasquier (Recherches de
la France, p. 737) relativement à l'élymologie du mot
en question :
Un jour qu'il allait à la chasse (c'est une anecdote
relatée dans les vieilles chartes du Berry, selon notre
auteur du xvi'^ sièclel, le duc Jean, fondateur de la
Sainte-Chapelle de Bourges, rencontra non loin de cette
ville des vignerons qui étaient à leur travail.
A'oyant la peine qu'ils se donnaient, il demanda à l'un
d'eux ce qu'ils pouvaient gagner par jour, combien
d'heures ils étaient obligés de travailler et autres parti-
cularités concernant leur condition.
Il lui fut répondu que, dans les grands jours de l'été,
ils étaient tenus d'être à leur besogne depuis 4 heures
du matin jusqu'il 8 ou 9 heures du soir, et pendant
l'hiver, depuis 6 heures du matin jusqu'à sept ou
huit heures du soir.
Le duc eut compassion de ces pauvres gens ; et, pen-
sant que la rigueur des maîtres à leur égard allait jus-
qu'à la tyrannie, il voulut abolir cette coutume. 11
ordonna, à cet effet, que, dorénavant, les vignerons ne
seraient obligés d'aller à leur ouvrage qu'à 6 heures du
matin, en toute saison, et qu'en été leur travail cesse-
rait à six heures du soir, et, en hiver, à 3 heures.
Pour empêcher que celle mesure ne ftil rendue illu-
soire, le duc prescrivit que ceux qui étaient les plus
rapprochés de la ville, et qui, conséquemment, devaient
entendre plus facilement que les autres le son de la
cloche, en avertiraient par leurs cris ceux qui étaient
près d'eux, que ces derniers feraient de même, et ainsi
« de mairi en main ».
Depuis lors, cette pratique fut très-strictement obser-
vée dans tout le Berry ; et, ainsi que Pasquier l'a en-
tendu dire, elle le fut également aux environs de Blois,
dans un grand » coustcau » de vignoble situé dans le
voisinage : dans celte localité, quand l'heure de la
retraite se faisait entendre, les vignerons criaient :
Dieu pardoint au comte Thibault, croyant que c'était à
lui qu'ils étaient redevables de l'établissement de ladite
coutume.
Or, les bonnes gens du pays disaient qu'ils avaient
« oui » qu'autrefois le premier vigneron qui donnait le
signal aux autres avait l'habilude de « tinter dessusses
warres avec une pierre » avant de crier l'heure à ses
LE COURRIER DE VAUGELAS
35
compagnons; et, comme le son du « tint r> sur la
marre (instrument pour cultiver la vigne dont il est
déjà question dans la Maison rustique de Columelle)
excitait une grande « huée » parmi les vignerons, on
est naturellement autorisé à croire que le mot tinta-
marre a été fait pour désigner, par analogie, tout grand
bruit, tout grand tumulte.
X
Troisième Question.
Quelle est, s'il vous plaît, l'oricjine du proverbe : je
m'en moque comme de l'a?i quarante?
Le parémiographe Quitard explique celle expression
en ces termes :
On croyait beaucoup à la fin du monde, dans le com-
mencement du onzième siècle. C'était une opinion alors uni-
versellement répandue que les mille ans et plus qu'on pré-
tendait assignés par Jésus-Christ lui-même comme terme à
son église et à la société entière, devaient expirer en l'an
quarante de ce siècle. La peur avait gagné tous les esprits.
Les pécheurs se convertissaient en foule, et chacun parlait
de se faire ermite. Mais lorsque celte époque si reiloutable
fut passée, on changea de langage, et l'on dit Je m'en moque
comme de l'an quarante, expression qui est encore usitée
en pariant d'une chose qui ne doit inspirer aucune crainte.
Mais les deux objections qui suivent sont tellement
sérieuses qu'elles ne permettent pas d'adopter l'expli-
cation du savant belge :
i" Ce n'est point à la 40" année du xi" siècle que la
croyance dont il vient d'être parlé assignait la fui du
monde; c'était au commencement de l'an mille, comme
le prouvent ces lignes empruntées à A. -J. .Meindre (Hist.
de Paris, vol. I, p. 260) :
Un fait t)ien e.xtraordinaire et unique dans toute l'his-
toire avait rempli de terreur et de consternation les der-
nières années du x* siècle. On avait répandu, en France et
en Allemagne, la croyance que le monde finirait raille ans
après Jésus-Christ, et qu'il serait détruit au commencement
de l'an 1000... Pès lors toutes choses se trouvèrent para-
lysées; soins temporels, affaires et intérêts matériels, tout,
jusqu'aux travaux de la campagne, languissait, abandonné,
dans la dernière année du X' siècle.
Le jour si redouté arriva, et l'an 1000 comtnença aussi
heureusement que les années précédentes...
2" Le proverbe s'en moquer comme de l'an quarante
ne se trouve ni dans l'Académie de 4 835, ni dans aucun
des dictionnaires parus antérieurement à cette éjioque,
sans en excepter celui de Leroux ; je ne l'ai rencontré
dans aucun auleur ancien, et je le vois paraître pour
la première fois dans le \ouret Alberti (186")). Or, si ce
proverbe avait pris naissance à la suite des terreurs
de l'an <000, est-il présumable qu'il eût mis près de
huit cents ans pour passer de la langue parlée dans
la langue écrile?
Il faut donc que cette expression soit toute moderne.
Aussi M. Liltré ne la fait-il remonter qu'à la fin du
XVIII" siècle. D'après l'illustre académicien, en effet,
s'en moqurr comme de l'an quarante, est un dicton
employé par les royalistes (on disait alors l'an i", l'an it,
l'an III, en sous-entendant « de la république ») pour
exprimer qu'on ne verrait pas la quarantième année de
ce nouveau gouvernement.
A cette explication, que je crois la vraie, il manque
cependant quelque chose, un bon texte justificatif que
.M. Liltré a oublié de nous donner, et que je n'ai pas
encore pu trouver malgré de longues recherches. Si
quelque ami du Courrier de Vamjelas a jamais la bonne
fortune d'en rencontrer un dans ses lectures, je le
prie instamment de vouloir bien me le communiquer.
X
Quatrième Question.
Je trouve dans la Revue des Deux-Mondes du i" no-
vembre 4 873 les deux phrases suivantes : (page 19)
« La (jénération qui raisonnait ainsi n'avait point
VÉCU LA TERRIBLE GBiSE ni subi le contre-coup immédiat ; »
(page 25) « De là sa tyrannie; l'homme de yénic kait
so.N suiET et n'a qu'à se soumettre sans le discuter à sa
morale, à ses principes. » Veuille:^ me dire dans votre
intéressant journal si l'emploi des verbes vivre et .naître
dans ces deux phrases est correct.
Il était élégant en latin de donner pour régime à un
verbe neutre le subslantif qui avait formé ce verbe;
ainsi, ouvrez le premier lexique venu, et vous y trou-
verez :
ooraniare somnium (Dormir un sommeil).
Vivere vitam (Vivre la vie).
Cette construction a été employée par quelques-uns
de nos auteurs; j'en ai recueilli ces preuves :
iNous savons qu'elle [la reine régente] a toujours imité
Dieu, dont elle porte sur le front le caractère; elle a tou-
jours pense des pensées de paix.
(Bossuet, !«■ Serm. Démons. 3.}
'Voilà ce qui fait honte ou ce qui fait frémir;
Gémissement que Job oublia de gémir.
(Lamartine, Jiép. aux ad. de 'Walter Scan.)
Au xiu* Siècle, le trouvère Walter Vogelweidp, laissant
tomber sa tête dans sa main, s'écriait : « Cette vie, \'ai-jc
vécue, l'ai-je rêvée? »
[Le Pays du i3 février i8'j4,)
Le suicide, il faut le pardonner à celui qui, après avoir
vaillamment combattu le combat de la vie, voit, au dédia
de ?es jours, la misère honteuse s'asseoir à son foyer sans
travail et sans pain.
(A. de Bragelonne, le Voleur du i" mai 1874.)
.Mais, de l'aveu de tous, je crois, la susdite construc-
tion ne peut guère convenir qu'en poésie et dans le haut
style.
Or, si déj.i les phrases en question et leurs analogues
onl un usage aussi restreint, à plus forte raison, ne
doit-on pas employer activement un des verbes neutres
qu'elles contiennent, avec un régime direct qui n'est
puiiit de la famille de ce verbe.
Je ne puis regarder vivre une terrible crise comme
une phrase de bon français.
Quant au verbe naître, il me semble qu'il n'y a aucun
auteur classique qui en ait fait usage comme verbe aclif,
cl je n'en avais jamais rencontré un seul exemple avant
celi^i que vous me citez.
Ce doit être une coquille!
36
LE COURRIER DE VAUGELAS.
X
Cinquième Question.
On lit ce qui suit, à la page 2, col. \,de la Revue
SAVOisiENNE du 25 mars 1874 : « Mais la violence du
torrent avait iFFOUiLLÉ son lit, etc. » J'ai cherché, dans
Littré, ce mot que je vois pour la première fois, et je
n'y ai trouvé que affouillememt. Est-ce que, par ha-
sard, AFFOUILLEK ne Serait pas français?
Dans le Dictionnaire des dictionnaires de Darbois
(1830), j'ai compté 114 mois en ement signifiant une
action, et correspondant chacun à un verbe :
Abrègement à Abréger,
Broiement — Broyer,
Engagement — Engager,
Recueillement — Recueillir,
Abattement — Abattre.
Or, pour la même raison, ajfouillement devant cor-
respondre au verbe a/fouiller, i'en conclus que ce verbe
est parfaitement employé dans la phrase que vous me
signalez, et que ce ne peut être que par oubli qu'il ne
figure pas dans le dictionnaire de Littré.
ÉTRANGER
Première Question.
Quelle est la meilleure manière d'écrire le substantif
composé LiissEii-PASSER? car on le voit tantôt écrit avec
vn i au premier verbe, et tantôt avec une k. Ce mot ne
se trouvant pas dans mon dictionnaire, je vous serais
bien obligé de répondre le plus tôt possible à cette ques-
tion.
Presque tous nos journaux écrivent laisser-pa-fser,
ainsi qu'on a pu facilement le remarquer pendant la
guerre, époque où ce mot revenait plus fréquemment
sous la plume des journalistes :
Je ne crois pas après tout, dit-il, quand nous eûmes fini,
qu'il soit nécessaire de vous retenir : on vous donnera tout
à l'heure un laisser-passer à mon état-major.
{Revtte des Deux-Mondes du !••■ février 1871.)
C'est, nous dit-on, dans l'intérêt de l'ordre qu'on demande
les taiiser-passer.
(La CInrhe du la février 1871.)
Relativement aux laisser-passer, un nouveau modèle vient
d'être arrêté.
(in Pairie du 16 février i87i.l
Mais celle orthographe est mauvaise, car un laissez-
passer, qui est une anlorisalion écrite pour la libre cir-
culation des personnes ou des voilures, doit, par cela
même, commencer par un impératif; c'est ainsi du reste
que le général Bardin [Dictionnaire de l'unnén de terre)
écrit ce mot, et qu'on le trouve dans les ouvrages trai-
tant de l'Administration :
Les tabacs de toute espèce, soit en feuilles, soit fidiriqués,
ne peuvent circuler sans acquit-à-caut'on. 11 suflit toute-
foisqu'ils soient accompagnés d'un laissez- passer ûe la régie
lor8(|U'ils sont enlevés de clipz le cultivuleur pour étrn ver-
sés dans les magasins du l'Elat.
(Bloch, Dicl. de CAdmiti., p. i5o4, col. j.)
Art. 8 : 11 sera délivré à chaque entrepreneur de voitures
publiques, par le préposé de la régie des droits réunis,
autant de laissez- passer conformes à sa déclaration, qu'il
aura de voitures en circulation.
{Décret impérial du ll^ fructidor, an Xîl.)
Aux Additions et Corrections placées à la fin du 4" vo-
lume de son dictionnaire, M. Littré, qui avait oublié le
mol en question à la lettre L, l'écrit également avec un
s à la première partie.
X
Seconde Question.
Le verbe interroger est-il bien employé dans les
phrases suivantes, que j'ai trouvées dans des journaux
français : « Save:--vous quelque chose du message,
i.XTERROGE Un député? Qu'est-ce que Costange, inter-
roge le docteur ? Dis, papa, interroge Bébé? » Sans que
je sache précisément pourquoi, il me semble que ces
phrases choquent l'oreille ? Est-ce aussi votre avis?
Toute phrase qui commence par les paroles que pro-
nonce la personne désignée par le sujet du verbe est
une tournure; ainsi les suivantes :
Les hommes, disait M. Koyer-Collard, ne sont ni aussi
bons, ni aussi mauvais que leurs principes.
{Victor Cousin.)
Mais si cette toile est véritablement si précieuse, aè-je
répondu, elle doit avoir un haut prix.
(Em. Souvestre, un Philos., p. 32.)
Mais, ajouta-i-il très-bas et en soupirant, vous m'avez
compris.
(Mérimée, Ckron., p. j56.)
ne sont autre chose qu'une transformation de celles-ci,
qui sont d'une construction plus naturelle, ou, si vous
voulez, moins savante :
M. Royer-Collard disait : Les hommes ne sont ni aussi
bons, etc.
J'ai répondu : Mais si cette toile est véritablement si pré-
cieuse, etc.
Il ajouta très-bas et en soupirant : Mais vous m'avez com-
pris.
Or, en vertu de ce principe, les phrases interjetées
que vous me proposez sont équivalentes à ces autres,
où «i^erroypr est mal construit puisqu'il n'a pas, comme
il le requiert, un nom de personne pour régime direct :
Un député interroge : Savez-vous quelque chose du mes-
sage?
Le docteur interroge : Qu'est-ce que Costange?
Bébé interroge : Dis papa?
D'où je conclus que le verbe interroger figure à torl
dans les phrases qui font l'objet de votre question.
C'est demander qu'il fallait y mettre.
Ce n'est ]ias seulement avec interroger qu'une phrase
interjetée peut être mal construite ; elle peut l'être aussi
avec plusieurs autres verbes tels que ceux qui se trou-
vent dans ces exemples :
A propos, questionna Harmodius, qui s'était installé sur
l'une des banquettes, je ne vois personne.
[Paris-Juunial du 13 juillet lB7i.)
Sedan! exclama l'oiitalne, alil ne prononcez pas ce nom
devant moi; car il met mon patriotisme û une trop rude
épreuve.
[Im Liberté du 18 mars 1871. J
LE COURRIER DE VAUGELAS.
37
Demandez la clef à l'inspecteur qui est au second, im-
plora i'uH d'eiijr.
(Z.« Pttit Journal du l8 juillet 1873 )
Napoléon, a raisonné le cabinet de .Sai/it-Jamp-'i, avait beau-
coup de sympathies en Angleterre.
[Le Figaro du 18 janvier 1873.)
X
Troisième Question.
Voudriez-vous bien me dire dans quels cas il n'est
pas permis d'employer actkci à la place de cis autre,
LES AUTRES?
Ces deux expressions sont synonymes; mais aulrui
est loin de pouvoir s'employer toules les fois qu'on
peut faire usage de autre; voici les principales restric-
tions auxquelles il est soumis :
\° Forme régime, autrui ne peut remplacer autre
quand celui-ci est sujet ; ainsi il n'y a pas possibilité de
le mettre dans la phrase suivante :
Vous comprenez qu'il est père, et par conséquent faible
comme un autre.
i" Aulrui ne peut être le concomitant de Vun ou de
les uns; il faut nécessairement dire :
Il ne faut pas ravir le bien des uns pour le donner aux
autres.
3° Quand autre est suivi d'un que, comme dans la
phrase suivante, il ne peut jamais être remplacé par
autrui :
Ne parlez pas de cela à d'autres que nos amis.
(Littré, Dict.)
PASSE-TEMPS GRA.MMATIGAL
Corrections du numéro précédent.
r Si le caprice lui prend de modeler; — 2°... dans les nuits
parfois claires ; — 3°... à d'autres yeux que ceux des initiés ; —
4°... avant qu'elles n'eussent été exprimées; — 5° Quand nous
eûmes déféré a son désir, il vint; ou : ayant déféré à son désir
nows le vîmes venir à nous; — 6°... où je rencontrai prés celle
de Greneta; — 7\.. qu'on le dit avoir prédite aussi liien : — 8°...
il est préférable de courir les chances de la maladie plutôt que
d'infuser; — 9'... Mlle Palry s'est laissée aller à son propre
élan ; — 10*... s'attend à autre chose que de consciencieux
éloges;— 11°... les (ils du télégraphe sont coupés entre tous
les poteaux : — 12'... qui fasse, pendant trois mois, couler des
larmes aux spectateurs.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1" Mérimée fit paraître ensuite la Guzla, choix de poésies
illyriques recueillies dans la Dalmatie.
2* Couronné aux jeux floraux, on lui donna, au lieu de
la modeste églantino, une Minerve d'argent massif.
3* Ce n'est que plus tard et par réflexion qu'on recon-
naît dans ces orbites enfoncées l'alanguissement des voluptés
mfinies et la lassitude du désir inassouvi.
4* On ne peut disconvenir que le héros du livre ne montre
souvent de l'esprit. Par exemple (et c'est la seule chose
malgré que j en aie dit plus haut, dont la reproduction soii
possible), on y raconte la manière dont ii se moqua un
jour de l'archevêque de Lyon.
5° Un jour, il y a déjà longtemps de cela, conduit par un
petit-fils de Beaumarchais, vous franchissiez le seuil d'une
maison de la rue du Pas-de-la-Mule, vous montiez à une
mansarde où personne n'était entré depuis longues années.
6° Malgré toutes les recommandations d'observer une
stricte discipline et de laisser la parole aux chefs, on pa-
raissait craindre que quelque incident fit dévier la discus-
sion et compromit ainsi le plan tracé d'avance de mainte-
nir le débat dans les limites fixées.
7° D'après les organes radicaux, il semblerait qu'il soit
défendu de parler du suffrage universel sans M. Ledru-
Bollin.
8° Les préparatifs que font plusieurs nations de l'Europe,
inquiétées par les prétentions germaniques, ne laissent
pas que de préoccuper l'empereur d'Allemagne et ses mi-
nistres.
9° Il est venu en habit couvert de broderies comme on
en a jamais vu, même sous l'Empire ; il en avait dans le
dos autant que sur la poitrine.
10" Je ne comprends pas, maître Carie, dit-il, que, dans
l'horrible situation que vous définissez si clairement, vous
ayiez songé à vous faire dévorer, dans une nuit de carna-
val, vos derniers écus.
11° Le fils du compagnon d'armes et de captivité de
Napoléon 1" maintient au contraire avec une grande éner-
gie sa candidature plébiscitaire; c'est du moins ce qu'il
résulte d'une lettre publiée par le Journal de Bordeaux.
(Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIE DU XVll' SIÈCLE.
Antoine OUDIN.
(Suite.y
Parlons-nous aux personnes « de respect », nous
nous servons du pluriel, et parlons-nous aux familiers
ou aux gens de basse extraction, nous nous servons du
singulier.
En s'adressant à quelqu'un qui est présent, on
n'emploie jamais la 3" personne comme les Flamands,
qui disent : Monsieur veut-il ? Madame veut-elle^
DES PfiOKOMS DÉMONSTRATIFS.
On peut mettre iai pour cij, mais il n'est guère élé-
gant de le faire.
Quant à là, on peut aussi bien s'en servir pour signi-
fier une chose proche qu'une chose éloignée, ear on dit
de ce qu'on tient à la main ce papier là que je tiens, et
d'un homme près de nous cet homme là.
On ne dit pas ces madames là, mais bien ces dames
là, ou mesilumes que voilà.
Ces jours-ctj, signifie ces jours derniers; un de ces
jours, un des jours prochains à venir; un de ces matins,
un des malins prochains.
On dit c'est nous et non pas ce sommes nous.
Ce est quelquefois employé pour ta rai.son pourquoi/,
comme dans ce que je viens icy n'est que pour vous
dire ..
Ce, el non cela, se met devant les participes termines
en ant : ce faisant vous m'obligerez ; el il en est de
même dans la conslruclion des parenthcses devant
quefque verbe, comme [rc disoit-il)^ [ce disoy-jc).
38
LE COURRIER DE VAUGELAS
Sur quelques frontières, on dit quelle heure est-ce?
pour quelle heure est-il? C'est une grosse faute.
Hors de l'interrogation, ce ne se rencontre point à la
fin des phrases; on le remplace par ceci, cela; on ne
dit pas Je suis assuré de ce.
Celuij et celle signifient quelquefois nul ou personne,
comme dans : il n'y a celuy qui naye envie, il n'y a
celle qui ne pense.
DES PHOXOMS POSSESSIFS.
On dit ce clieval est tien, sien, nostre, rostre; quant
à leur, il ne s'emploie jamais de celte manière.
Il est encore permis de dire un mien amy, un tien
parent; un sien frère; mais on ne fait plus usage des
autres possessifs 7iostre et vostre, etc.
Quand on doit répondre à celte question ou à une
semblable : à qui est ce livre? il faut bien se garder de
répondre seulement mien, tien, sien; il faut dire : il est
à moy, il est mien, ou (7 est à toy, ou il est tien.
« Beuvant » à plusieurs personnes, il est indifférent
de dire Messieurs à votre santé ou à vos santés Mes-
sieurs; le premier toutefois est bien meilleur.
Dans quelques façons de parler, les pronoms posses-
sifs changent complètement le sens : se7ifir l'homme,
avoir l'odeur d'un homme; sentir son homme, avoir la
qualité d'un brave homme.
DES PKOPiOMS BELiTIFS.
Personne ne se sert plus d'iceux ni d'icelles; cepen-
dant on les emploie encore en matière de justice : sera
iceluy tenu de faire, sera icelle reveiie et rapportée.
Dans plusieurs phrases, qui s'emploie pour ce qui,
comme dans je sçay bien qui vous meine pour ce qui
vous meine; arrive qui pourra pour ce qui pourra.
Que s'emploie quelquefois dans un sens négatif .'Je
n'ay que faire de vous, il n'y a que faire, je n'ai pas
affaire de vous, il n'y a rien à faire.
Que est superflu dans ces phrases : qu'est-ce que d'un
homme; quelle beste est-ce que d'un loup cervier^
Esquels et esquel/es ne sont plus en usage (1633).
Dont ne doit pas se confondre avec d'oi(, bien que
le vulgaire dise quelquefois f/on< venez-nous? pourrf'o/V
venez-vous?
Au singulier, rt«cM« est toujours né^a.WÎ : d'aucun
amy, d'aucune parente, c'est-à-dire de nul amy, de
nulle parente; au pluriel, il e.sl affirmatif : aucuns
disent, aucuns croyent. Antoine Oudin aimerait mieux
qu'on se servit de quelques-uns.
Chaque a un pluriel, chaques; on dit choques choses.
Un cliarun comprmd seul toutes sortes de i)ersonnes.
Quiconque vaut mieux que quiconques.
.Vu lieu de personne qui vive, on dit quelquefois
homme du monde, homme qui vive, ume qui vive.
Tel quel signifie médiocre : j'ay un serviteur tel quel.
nu VEIIIIE.
Après avoir exposé la conjugaison de être cVAt avoir,
Oudin donne des règles pour la formation des temps
dans les quatre conjugaisons, qu il distingue par les
finales er, ir, oir, re; puis, comme certains verbes ne
suivent pas les règles qu'il indique, il signale les irré-
gularités (|ue présente cliaciuf conjugaison.
DE L 0SAGE DES TEMPS.
Présent. — Nous avons une façon de parler où nous
mettons le présent pour le futur : il est demain fête,
quel jour est-il demain?
Imparfait. — On ne doit jamais s'en servir que
pour rapporter la chose « en sa durée » : je disais
hier, je courais hier; une continuation : lorsque j'estais
demeurant à Lion, je beuvois de bon vi7i; ou bien une
habitude : César avait accaustumé, Alexandre disait
ordinairement ; mais si c'est une action brève, ou « pas-
sante », il faut dire allant de Paris en Italie, comme
nous étions à Lion, nous beusmes, etc.
Cependant l'imparfait se met quelquefois pour un
temps sans durée, après le plus-que-parfait du subjonc-
tif : s'il eust tourné cœur, je gagnois.
Passé défini, passé indéfini. — Le passé déûni in-
dique une action tout-à-fait passée et dont il ne reste'
rien à « parachever » ; l'indéflni a quelque chose de
plus récent et quelque reste qui doit suivre, comme
dans on a ordonné depuis peu de temps.
Quand on ne définit point le temps, et qu'on dit sim-
plement que quelque chose est arrivé, il faut employer
le passé indéfini : il y. a eu du bruit ; mais si, au con-
traire, on définit quelque sorte de temps, on doit se ser-
vir du passé défini : il y eut alors du bruit.
En parlant d'aujourd'hui, il faut employer le passé
indéfini et jamais le défini ■■ j'ay fait aujourd'hui, j'ay
veu oujourd'hvy ; en parlant d'hier, « d'aulant hier »
ou de l'autre jour, on se sert du passé défini comme
dans 'hier, je vis monsieur, j'entray l'autre jour, etc.
.Mais si l'on vient à mettre un pronom démonstratif
avant le temps, on pratique le passé indéfini : j'ay ga-
gné cette sepmaine.
Avec les noms des divisions du temps, siècle, an,
mois, sepmaine, jour, on se serl du passé défini : le
siècle passé il y eut de doctes personnes qui escrivirent ;
mais si la partie du temps dont on parle n'est pas encore
écoulée, il faut employer le passé indéfini : re siècle a
founiy de grands hommes.
En l'absence des « formules » qui divisent le temps,
on emploie indifféremment le passé défini ou le passé
indéfini.
DE l'emploi des MODES.
Il y a trois sortes de verbes : 1° ceux qui expriment ^
la chose avec cerlilude, ou qui montrent la chose actuel-
lement existante, comme affirmer, appercevoir, asseurer,
connaislre, etc. ; 2° ceux qui ont un sens entre la certi-
tude et l'incertitude, comme avoir opinion, croire, dou-
ter, estimer pour penser, s' esmerveil 1er, se resjouir, etc.;
3° ceux qui posent la chose avec incertitude, et qui
montrent une condition requise pour la distinguer
comme appréhender, craindre , etc.
Ces trois natures de verbes étant bien retenues,
Antoine Oudin va dire de quelle manière les temps en
« attirent » d'autres après que et les relatifs qui, que,
lequel, dont .
[La suite au prochain numéro.)
Le Rbdacteok-Géiiant : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
39
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
Le Drame de la Sauvagère; par Philippe Audebrand.
In-18 josus, 399 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
L'Héritage d'un pique-assiette ; par Eugène Cha-
vette. I. Le Premier mari. IL Deux histoires du passé.
2 voL In-18 Jésus, 863 p. Paris, lib. Dentu. 6 fr.
Recueil nouveau de morceaux choisis extraits
des classiques français, à l'usage des classes de gram-
maire, avec des notes grammaticales, etc. Prosateurs; par
M. Etienne, professeur suppléant de littérature française.
In-12, viii-373 p. Paris, lib. Delagrave. 2 fr.
Œuvres poétiques de Malherbe, précédées de la vie
de Malherbe par Racan et suivies de lettres choisies. Nou-
velle édition, avec une préface par M. Louis Moland. In-18
Jésus. VI1I-Û58 p. Paris, lib. Garnier frères. 3 fr.
A fond de cale, voyage d'un jeune marin à travers
les ténèbres; par le capitaine Mayne Reid. Traduit de
l'anglais par Mme Henriette Loreau et illustréde 12 grandes
vignettes. Nouvelle édition. In-18 Jésus, 371 p. Paris, lib.
Hachette et Gie. 2 fr. 25.
Le Puy de Montchal ; par Alfred Assolant. ln-8° à
2 col., 110 p. Paris, bureaux de l'Opinion nationale.
Chefs-d'œuvre des conteurs français contempo-
rains de la Fontaine, XVII« siècle ; avec une intro-
duction, des notes historiques et littéraires et un index
par Charles Louandre. In-18 jésus, xsviii-/i37 p. Paris, lib.
Charpentier et Gie. 3 fr. 50.
La Tentation de saint Antoine ; par GustaveFlaùbert.
2' édition. In-8% 300 p. Paris, lib. Charpentier et Cie.
7 fr. 50.
La Cour et la ville de Madrid vers la fin du XVII«
siècle, relation du voyage d'Espagne par la comtesse
d'Aulnoy. Edition nouvelle, revue et annotée par Mme B.
Carey. ln-8*, iv-572 p. et port. Paris, lib. Pion et Cie.
8 fr.
Cours raisonné de langue française. Leçons élé-
mentaires et pratiques sur les étymologies et les
synonymes; par .\1. Delacroix, professeur à 1 école natio-
nale d'arts et métiers de Chàlons-sur-.Marne. ln-16, viii-
20Zi p. Paris, lib. Fouraut et fils.
Œuvres de La Rochefoucauld. Nouvelle édition,
revue surlesplusanciennesimpressions et les autographes,
et augmentée de morceaux inédits, de variantes, de notices,
de notes, de taljles particulières pour les maximes et pour
les mémoires, d'un lexique des mots et locutions remar-
quables, etc.; par MM. Gilbert et Gourdault. T. 2, par
M. Gourdault. ln-8°, lv-588 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
7 fr. 50.
Histoire de la littérature anglaise ; par H. Taine.
3= édition, revue et augmentée. T. 5<' et complémentaire.
Les Contemporains. In-i8 jésus, lu-àSti p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Défunt Brichet ; par Eugène Chavette. L Le Drame du
carrefour. H. L'idée de M. de Vivonne. 2= édition. 2 vol.
in-18 jésus. Paris, lib. Dentu. 6 fr.
Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la
seconde moitié du XIX= siècle ; par Maxime Du Camp.
3= édition. T. 3. In-8°, 5/ii p. Paris, lib. Hachette et Cie
7 fr. 50.
Des caractères des Français au XIX« siècle ; par
M. de Plasman, ancien vice-président du tribunal de pre-
mière instance d'Orléans. 2' partie. In-18 jésus, 191-316 p.
Paris, lib. Douniol et Cie.
Publications antérieures :
NOTIONS ÉLÉMENTAIRES DE GRAMMAIRE COM-
PARÉE, pour servir à l'étude des trois langues classiques.
— Par E. Egoer, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté des lettres, maître de conférences honoraire à
l'Ecole normale supérieure. — Sixième édition, revue et
augmentée de quelques notes. — Paris, librairie Durand
et Pedone-Lauriel, 9, rue Cujas.
DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DES NOMS PRO-
PRES D'HOMMES, contenant la qualité, l'origine et la
signification des noms propres se rattachant à l'histoire,
à la mythologie, des noms de baptême, etc. — Par Paul
Hecocet-Boucra.nd. — Paris, VictorSarlU, libraire-éditeur,
19, rue de Tournon.
THIRD FREXCH COURSE, intended as a sequel to
Arnold's, Hall's, Ann's, Hamel's, Levizac's, De Fivas' and
other bimilar educational French works. By A. Cogery,
B.A.,L.L., French Masteratthe Birkbeck Schools, Peckham;
etc. — Nouvelle édition revue et augmentée. — London :
Relfe brothers, Charterhouse buildings — Two shillings —
Corrigé du Third French course : Two shillings.
HISTOIRE MACGARONIQUE DE MERLIN COC-
GAIE, prototype de Rabelais, ou est traicté les ruses de
Cingar, les tours de Boccal, les adventures de Léonard,
les forces de Fracasse, les enchantemens de Gelfore et
Pandrague, et les rencontres heureuses de Balde. Avec
des notes et une notice, par G. Bruxet, de Bordeaux. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur l'édition de 1606.
— Par P.-L. Jacob, bibliophile. — Paris, Adolphe Dela-
hays, éditeur, /i-6, rue Voltaire.
LES ÉCRIVAINS MODERNES DE LA FRANCE, ou
Biographie des principaux écrivains français depuis le pre-
mier Empire jusqu'à nos jours. — A l'usage des écoles et
des maisons d'éducation. — Par D. Duxxefon. — Paris,
librairie Sandoz et Fischbacher, 33, rue de Seine.
MANUEL D'HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE
FR.\NÇAISE, depuis son origine jusqu'à nos jours, à
l'usage des collèges et des établissements d'éducation. —
Par F. Mabcillac, maître de littérature à l'École supé-
rieure des jeunes filles à Genève. — Seconde édition, re-
vue et corrigée.— Genève, chez //. Georg, libraire-éditeur.
40
LE COURRIER DE VAUGELAS
LES ÉCRIVAINS (:;ÉLÈBRES DE LA FRANCE, de-
puis les origines de la langue jusqu'au xix' siècle. — Par
D. BoNNEFON. — Paris, librairie Sandoz et Fischbacher,
33, rue de Seine.
LES >LARGL"ERITES DE LA MARGUERITE; poé-
sies de la reine de Navarre, réimprimées avec les gravures
sur bois de l'édition originale. — N" XVI du Cabinet du
Bibliophile. — 4 vol. in-16. format deVHepla>néro7i, tirés
à iOO exemplaires sur papier de Hollande. — Prix : 10 fr.
le volume. — Paris, librairie des Bibliophiles, 338, rue
Saint-Honoré.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde.
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas. 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DES MOTS DE
LA LANGUE FRANÇAISE dérivés de l'arabe, du persan
ou du turc, avec leurs analogues grecs, latiûs, espagnols,
portugais et italiens. — Par A.-P. Pihax, ancien prote de
la typographie orientale à l'Imprimerie impériale, che-
valier de la Légion d'honneur. — Paris, librairie de Chal-
lamel aîné, 30, rue des Boulangers.
LITTÉRATURE FRANÇAISE
PAR
Désiké NISARD, Membre de l'Académie française.
Quatre volumes in- 18 jésus de plus de 400 pages chacun.
1" vol. : Des origines jusqu'au xvii« siècle ; — 2= vol. : Première moitié du xvii' siècle ; — 3" vol.
moitié du xvii« siècle ; — h" vol. : Le xvi;i= siècle avec un dernier chapitre sur le xtx<'.
Seconde
Cinquième Édition.
Prix de l'ou-vrage : 16 francs.
SE TROUVE A PARIS
A la librairie de Firmin Didol frères, fils et Cie, 56, rue Jacob.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue en Angleterre.
Dans l'axnuaire commerclvi, et industriel de M. Alfred H.amonet, ouvrage approuvé par les Autorités consulaires de
France, on trouve la liste suivante des agents de Londres par l'intermédiaire desquels les Professeurs français des deux
sexes peuvent parvenir à se procurer des places :
M. Bisson, 70, Berners Street, W.
M. Biver et Cie, i6, Régent Circus, W.
M. Clavequin, 125, Régent Street, W.
M. Griffiths, 22, Henrietta Street, Covent garden,W. C.
M. Verstraete, 25, Golden Square, W.
Mme Hopkins, 9, New Bond Street, W.
Mme Waghorn, Si, Soho Square.
Mme Wilson, !i% Berners Street, 'W.
NoT.\. — Les majuscules qui figurent à la fin de ces adresses servent à marquer les >< districts » pour le service des
Postes; dans la suscription des lettres, on les met après le mot Londres: exemple : Londres W, Londres W. C.
Le volume de M. Alfred H.isiONET, qui coûte 1 fr. 25, se trouve à la librairie Hachette, à Paris.
CONGO LRS LITTÉRAIRES.
Appel avx prosateurs.
L'Académie française décernera pour la première fois, en 1875, le prix Jouy, de la valeur de quinze cents francs,
prix qui, aux termes du testament de la fondatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
vation, soil d'imagination, soit de critique, et ayant pour objet l'étude des mœurs actuelles. — Les ouvrages adressés
pour ce concours devront être envoyés au nombre de trois exemplaires avant le 1" janvier 1875.
Le rédacleur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouverneuh, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
G» Année.
N" 6.
15 Juin 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^'
A \ yV Journal Semi-Mermiel ^-w/ A
^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( 1
Paralaiant 1« 1" et le IS de ehaane mola
PRIX ;
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
ANXIEN PROFESSEUR SPÉCUL POUR LES ÉTRANGERS
Oflicier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adm''
M. FiscHBACHER, 33, rue de Seine.
SOMMAIRE.
Communications relatives à Faire fiasco et à Flageolet, légume ;
— Etymologie de Huguenot : — Comment on doit prononcer
Y entre deux voyelles dont la première est un 0 : — Si f «
petit peu est français; — Pourquoi Finisteire esl du masculin.
Il Etymologie de Titi ; — Formes impéralives du verbe Vou-
loir:— Signification et origine de Tenir la corde; — Ortho-
graphe de l'expression Seul à seul: — Nom d'un tapis étroit
mis sur un autre pour le garantir. || Passe-temps grammatical.
Il Suite de la biographie d'Antoine Oudin. || Ouvrages de
grammaire et de littérature. || Renseignements pour les Fran-
çais qui désirent se placer comme professeurs en Angleterre. ||
Concours littéraires.
FRANCE
GOMMUXIC.\TIONS.
Répondant à mon désir de voir critiquer sans indul-
gence les solutions que je donne dans ce journal, trois
abonnés ont bien voulu m'adresser les observations
suivantes sur l'expression proverbiale faire fiasco et sur
l'élymologie de flageolet, signifiant légume :
I.
J'ai dans mes notes une autre origine, et plus satisfaisante
encore que celle que vous tirez du Voleur ou du Figaro, la
. voici :
Un Allemand qui visitait une verrerie italienne, crut que
c'était la chose la plus simple du monde de former une
bouteille, et qu'il n'y avait qu'à souffler. Il demande à es-
sayer, ce qui lui fut bien vite accordé. Mais c'est en vain;
il sort de son chalumeau des bulles de verre (fiasco) qui
crèvent à l'instant. D'où le mot faire fiasco (échouer).
Le D' VARRY.
II.
Il n'est guère probable que flageolet vienne de phaseole
par corruption (en latin phaseolus et non faseolus). En effet,
dans aucun temps, flageolet n'a été le terme générique de
haricot vert, et jamais entre autres le soissons n'a été
appelé flageolet. Ce mot n'est employé que pour des variétés
ou sous-variétés A grains plats et allongés, les uns blancs,
les autres de couleur qui sont généralement cultivés en
vert. Les flageolets blancs sont excellents en vert, écossés
et secs, tandis que les flageolets de couleur, très-bons en
vert, sont peu estimés comme écossés ou secs. Parmi les
variétés de flageolets, quelques-unes sont marbrées de
diverses nuances , et autrefois on les nommait haricots
flagellés : de là sans doute vient le nom flageolet. Quant à
l'intervention de la musique, c'est une mauvaise plaisan-
terie : les variétés dites flageolets sont moins musicales que
les grosses espèces, et si on eût voulu faire un rapproche-
ment, on aurait choisi un instrument moins criard que le
flageolet, qui n'a rien de barytonant.
{Pas de signature.)
III.
L'étymologie du mot flageolet, dans ses deux sens, n'est
autre que le latiu flagellum. En principe, on ne voit pas de
consonnes telles que le g et l'I s'introduire dans l'intérieur
de deu.x syllabes qui se suivent, sans qu'elles aient de rai-
son d'être sérieuse et dérivant d'une langue antérieure-
ment parlée.
Flagellum, dans le principe, signifiait scion d'arbre, hous-
sine, petite branche; et c'est primitivement avec des bran-
chés flexibles qu'ont été faits les fouets; c'est aussi avec de
petites branches en sève que les bergers et autres gar-
deurs de troupeaux ont fabriqué les premiers flageolets
dont, en plus, le son aigu se rapproche de celui de la hous-
sine et du fouet, quand on les agite vivement dans l'air
ambiant.
Quant au second sens, celui de légume, remarquez que
sa signification véritable, celle qui est encore la plus fré-
quente, c'est que les flageolets sont des fèves encore vertes,
non arrivées à maturité, cueillies sur la branche toute
verte, sur le flagellum de la tige. Aussi le midi de la France
a fait flageole de flagellum, de même que les Italiens font
flamme de flammas, fiori de flores, etc.
Faseol. chez Rabelais et ses prédécesseurs, n'est autre
que le latin faseolus, et n'a avec flageolet d'autre rapport
qu'un simple rapprochement de sens. Flageolet français
n'est jamais dérivé de faseolus latin.
Toutefois, j'accepte que le langage usuel ait pu confondre
le latin faseolus, le genevois fazole, le lyonnais fiazole avec
flagellum et flageolet. Je veux bien y voir même une cer-
taine malice, — le Français né malin, — contre ces pauvres
produits de nos jardins que nous avons toujours connus
sous le nom de musiciens, et que nous appelons mieux au-
jourd'hui des farceurs.
Dans deux siècles, on se demandera la corrélation entre
les mots haricot et farceur, et pour peu que le mot farce
soit pris pour le mets ainsi nommé, à quelle torture d'es-
prit ne se livrera-t-on pas?
COUDRAY,
Chef d'institution à Janville (Eure-et-Loir).
Aujourd'hui, je ne puis qu'insérer ces communica-
tions et en remercier les auteurs; mais, dans un pro-
chain numéro, je répondrai ix chacune d'elles.
X
42
LE COURRIER DE VAUGELAS
Première Question.
En lisant la lettre d'un de ros abonnés, qui sr qua-
lifie de « bon et vieux hcgcewt », l'idée me vient de
vous demander l'étymologie de ce terme. Voudriez-
vous bien vous en occuper un jour ? J'espère que vous
en direz quelque chose quoique M. Brachet la déclare
« inconnue ■».
L'opinion la plus généralement et la plus récemment
adoptée relaliTement à l'étymologie de ce mot (à laquelle
Ménage n'a pas consacré moins de cinq colonnesi , c'est
qu'il vient de eidgenoss, eidge7iossen, confédéré, terme
usité dans la Suisse ailem.ande; on lit, en effet.
Dans le journal [Intermédiaire [A' année, col. 392) :
Il vaut mieux se ranger à lopiniou de M. Edouard Four-
nier, qui préfère la version donnant les mots allemands
Eid geiiossen pour racine, et qui signifient membres d'une
alliance jurée, « association par serment ».
Dans la lievue savoisienne du 30 avril 1874 (p. 27,
col. i) :
Les citoyens ne tardèrent donc pas à se partager, suivant
leur opinion, en deux partis politiques; dun cûté les Eid-
ge)wss [avec cette note : d'où l'on a fait plus tard Hugue-
nots] ou indépendants, et de l'autre, les Mamclus (mame-
luks) ou conservateurs.
Mais cette étymologie, toute vraisemblable qu'elle
parait, n'est point la vraie, ce que je vais prouver en
m'appuyant sur la prononciation du mol Huguenot, sur
sa signification, et sur l'époque de sa naissance.
PronoiTciation. — Le terme eidgcnossen , qu'i , ainsi
que nous l'apprend M. Lillré, se trouve sous la forme
aignos dans les Mémoires de Conde, n'a pas sa voyelle
initiale aspirée; et, comme il n'en est pas de même
pour huguenot, on ne peut guère admettre que ce der-
nie ait eidgenoss pour origine.
Signification. — Le sens n'est pas favorable à eid-
genoss, !e mot confédéré s'appliquant mal à une secte
religieuse; ce terme ne constituerait pas une sorte d'in-
jure comme les Calvinistes l'envisageaient eux-mêmes,
et il ne pourrait s'appliquer qu'aux seuls protestants,
qui pourtant n'ont jamais porté ce nom : Eidgenossen
est le titre que se donnent les citoyens de la Suisse, tant
protestants que catholiques.
Naissance. — C'est seulement en 1560 que le mot
huguenot apparaît jjour la première fois dans notre
langue pour désigner les protestants, ce dont voici deux
témoignages irrécusables :
En Krance, on avoit jusques ici appelle Luthériens ceux
qui professoient la nouvelle religion, quoiqu'en plusieurs
points ils ne suivissent pas les dogmes de Luther... Cette
année, on leur appliqua le nom de Huguenots, qui leur est
resté.
(Mezeray, Vit de François JI, nnn, i.';6o. dans Ménage )
Il marque dans sa lettre, qu'on a avis des Cevennes qu'd
n'y a plus de ces séditieux Huguenaulx rassemblés. On voit
ici pour la première fois le nom à'Hugucnols employé dans
les monuments de la province, pour designrr les Calvi-
nistes, et il est certain que ce terme ne commença à estre
en usage que cette année.
{H'sl. du Lnnçiud'jc, vol. V,p. 19?, lettre du 11 no». i56o)
Or, comme d'après Audin [Uist. de Calvin], c'est de
1610 à 1635 que Genève se trouva partagée en Eidgnots
et en « Mamelus », comment eidgenoss aurait-il pu, au
moment où le parti qu'il désignait n'existait plus depuis
25 ans, être adopté en France comme sobriquet des sec-
tateurs de la religion nouvelle?
Maintenant, si huguenot n'est pas venu d'un mot
allemand usité en Suisse, qui nous l'a donné''
Je dis que c'est la Toui'aine qui l'a vu naître, et la
conjuration d'Amboise qui a fait son succès.
Pour justiûer la première partie de cette assertion,
je pourrais invoquer le témoignage de Pasquier [Rech.
de la France, p. 738), celui de d'Aubigné (HisL, t. I,
p. 1801, celui d'.\ndré Du Chesne [Antiquité de la ville
de Tours, p. 512); mais le suivant, que j'emprunte à
Théodore de Bèze [Hist. ecclés. des Eglises réformées,
t. I, p. 2691, me semble préférable comme contenant de
plus curieux renseignements que les autres :
La superstition de nos devanciers, jusques à vingt ou
trente ans en ça, estoit telle, que presque par toutes les
bonnes villes du royaume, ils avoient opinion que certains
e.'prits faieoient leur purgatoire en ce monde après leur
mort : qu'ils alloientde nuict par la ville, battans et outra-
geans beaucoup de personnes, lés trouvans dans les rues.
Mais la lumière de l'Evangile les a fait esvanouir; et nous a
appris que c'estoieut coureurs de pavé et ruflens. A Paris,
ils avoient le Moine bourre; à Orléans, le Mulet Odet; à Blois,
le Lou garou; à Tours, le Roy Buguet, et ainsi des autres
villes. Or il est ainsi que ceux qu'on appelloit Luthériens
estoieni en ce temps là regardez de jour de si près, qu'il
leurfalloit nécessairement attendre la nuit pour s'assembler
pour prier Dieu, prescher et communiquer aux saincts Sa-
crcmens : tellement qu'encores qu'ils ne feissent peur ne
tort à personne, si est-ce que les prestres par dérision les
feirent succéder à ces esprits qui rodoyent la nuict. De là
avint nom estant tout comun en la bouche du menu peuple
d'appeller ceux de la Religion Huguenots au pays de Tou-
raine; et promieremetit à Tours que ceux de la Religion
s'assemblans de nuict furent surnommes Huguenots comme
s'il eussent esté la troupe de leur Roy Hugtiet.
Quant au second point de ce que j'ai avancé, il me
suffira, pour le mettre en évidence, de continuer à citer
le même auteur :
Et pource que la première descouverte de l'entreprise
d'.^mboise se feit à Tours, qui en baillèrent le premier
advertissement, sous ce nom de Huguenots, ce sobriquet
leur en est demeuré.
Quoi de plus naturel? A Tours, les Luthériens, qui
ne peuvent exercer leur culte pendant le jour, sont
assimilés à certain revenant que l'imagination populaire
fait errer la nuit à travers les rues, et ils prennent son
nom icar huguenot est, comme huguet, un diminutif
de hugon ; dans la même ville, on découvre, contre le
roi, qui était alors à Amboise, une conspiration de
Lulhériens, qualifiés de huguenots dans le pays, et
ce terme, jusqu'alors spécial à la ville de Tours et à la
Touraine, se répand par toute la France avec la nou-
velle de la cunspiratioM avortée à laquelle il est intime-
ment lie. Chercher ailleurs rctymologic de huguenot,
ne serait-ce pas, pour employer un proverbe expliqué
dans un numéro précédent, aller chercher midi à qua-
torze heures?
LE (^.OURRIER DE VAUGELÂS
i3
X
Seconde Question.
Dons tous 1rs mots oh \ se trouve entre deux voyelles
(ciTOVKN, iioïu., e/c), le dieliaiinaire de Bescherelle dit
qu il faut prononcer comme s'il y avait deux i (citoi-ie.n),
hoi-ial), tandis que celui de Littré veut qu'on fasse en-
tendre la voyelle qui précède y, et que ce dernier sonne
comme un \ simple (cito-ie\, ro-ul). Que pensez-voxis
de ces deux opinions si différentes ?
Après avoir dit, au sujet de y, qu'il se prononce pour
deux / entre deux voyelles dont la première est autre
que 0, M. Liltré ajoute ceci :
Quand il est précédé de o, la prononciation n'est pas fixée :
les uns, et l'Académie est de ce nomt)re, donnent à cet o
le son de oi, et à y le son de Vi : si-toiin, roi-ial, em-
ploi-ié, etc.; les autres laissent à l'o le son qui lui est propre :
si-to-iin, ro-ial, emplo-ie; c'est la prononciation ancienne,
ce le que l'Académie elle-même recommandait en 1694, celle
qui doit être préférée.
Ainsi l'illustre lexicographe adopte sito-irn , ro-ial,
etc., exception à la règle générale qui fait sonner comme
deux i la lettre y entre deux voyelles, et cela, pour ce
seul motif que c'est la « prononciation ancienne », celle
que reconnaissait l'Académie dans la première édition
de son diclionnaii'e.
Or, est-ce là une base assez solide pour soutenir une
telle exception?
Je pense que non, et pour des raisons que je vais
vous faire connaître :
1° L'Académie (et c'est elle qui l'a voulu) ne peut
guère être prise pour juge dans une question de pro-
nonciation, puisque, dans toutes ses éditions, elle a
déclaré ne point considérer comme de sa tâche de s'oc-
cuper de celte partie de la langue; mais le pût-elle, que
l'avis de 1694 [V édition) ne pourrait nullement infir-
mer celui de 1835 (5° édition), pour la raison bien
simple que les décisions d'un tel corps sont d'autant
plus autorisées dans le temps présent qu'elles s'en rap-
prochent davantage par leur date.
2° Si, dans le cas dont il s'agit, la prononciation la
plus ancienne doit l'emporter, ce ne peut être celle que
recommande M. Littré, attendu que l'autre, comme le
montrent les citations suivantes. Ta précédée de plus
d'un siècle :
(1569) V se prononce comme i... Les anciens s'en sont
aidé pareillement quand au milieu du mot il y avoit un i
entre des voyelles, comme envoyer, je voyoyc, A fin qu'on
n'assembtast l't de la syllabe précédente avec la syllabe
subséquente, et qu'on ne dist, eiivo-ier, je vo-io-ie.
(Robert Estieiine, dans le Courrier de Vnuyelas, 3"^ année, p. 53.)
(1584) C'est quenosancôtresayantàécrirpi deux n, lorsque
les diphthongues ai ou oi élaif nt suivips d'une syllabe cora-
mençinl par un i, les marquaient par Ij : ainsi plaije, loijal,
roijal, n'étaient autre chote que plai-ie, loi-ial, roi-ial... et
l'on doit dire en conservant les doux diphthongues, /j/rti-ie,
Ini-ial. C'est ainsi que nos ancêtres prononçaient ai-moi-ie,
première personne du singulipr de limparfail de l'indica-
tif, et nimeroî-ic, première personne du singulier de l'ira-
liarfâit optatif.
;Tli. de bèje, d»n» le Courritr de Vavgelnt. i' année, p. 54.)
En présence d'une exception qui n'est pas suffisam-
ment justifiée et de textes montrant que, par institution
primitive, // entre deux voyelles, quelles qu'elles soient,
est équivalent à deux «, je ne puis, moi, qui professe
le principe que quand deux manières de dir-e, d'écrire,
de construire, etc., sont encore permises par l'usage, il
vaut mieux adopter celle qui rentre dans l'analogie, je
ne puis, dis-je, ne pas me déclarer ici pour la pronon-
ciation qu'indique M. Bescherelle.
X
Troisième Question.
Pertnet lez-moi de vous adresser une question pour
vous payer ma bienvenue. Peut-on se servir de l'expres-
sion si usitée un petit pe(J, que condamnent quelques
grammairiens?
Pour moi, cette expression est très-française, et je
l'ai démontré dans un article du Courrier de Vawjelas
(page 51, r« année, 2° édition), dont je reproduis
seulement la conclusion, ne pouvant, dans une publica-
tion comme la mienne, répéter intégralement les solu-
tions déjà données :
A l'IiPure présente, nous avons donc encore deux formes
diminutives de un peu, dans notre langue : %in petit peu, le
grand coupable, le bouc émissaire des grammairiens, et un
tantinet, qui non-seulement a été assez heureux pour échap-
per à leur ostracisme, mais encore est l'objet de leur
prédilection.
Or. quelle raison ont-ils d'agir ainsi?
Trouvent-ils un petit peu trop vieux? Mais il l'est moins
que un tantinet, qu'ils lui préfèrent, puisque celui-ci est de
la première formation et que un petit peu ne peut être que
de la seconde. Ils le disent vicieux? Mais pourquoi les croi-
rions-nous s'ils ne nous disent point en quoi il pèche? Ils
prétendent qu'ils n'est pas français? Eh quoi! il a eu cours
dans notre langue dès les premiers temps sous la forma
un petitet,\l s'y est employé pendant tout le moyen âge, il
est aujourd'hui dans toutes les bouches, il s'écrit, se dit et
se dira probablement chez nos arriére-neveux, et une telle
expression n'est pas française! Mais quel mot le sera donc
si un petit peu ne l'est pas?
X
Quatrième Question.
Puisque vous résolvez aussi des questions de géogra-
phie, voudriez-vous bien m'expliquer pourquoi n7i dit :
« Le département du Finisterre « ' Il me semble que ce
mol . composé de teeke, devrait être du féminin.
Finisterre a été formé de finis et de terre.
Or, finis, qui appartient à la langue latine, est mas-
culin dans le sens de confins, limites, et c'est, je crois,
pour cette raison que Finisterre est du même genre.
ÉTRANGER
Première Question.
Le Courrier de ViCCEUAs pourrait-il me dire quelle
est l'étymologie du mol titi, qui se trouve dans l'expli-
cation qu'il donne, dans son numéro 4, de l'expression,
CASSER SA rlPE?
44
LE COURRIER DE VAUGELAS
L'origine du terme titi n'est donnée ni par le Diction-
naire de la langue verte, ni par les Excentricités du
langage, ni même par M. Littré. Le seul ouvrage à ma
connaissance qui parle de cette origine est le Diction-
naire d'argot de M. Francisque Michel, où je trouve ce
qui suit :
TiTi. Espèce de personnage de mascarade.
Nous avions autrefois mirni :
Les mimis ont failli se brouiller avec les masques, etc.
[Les Jeux de il, (.connu, 1645, p. 165.)
Mais, comme il n'est pas pbilologiquemenl possible
que mirni forme titi, j'ai cherché à expliquer ce dernier
d'une autre manière, et j'ai été assez heureux pour y
parvenir.
En picard, comme on peut le voir dans le Glossaire
de l'abbé Gorblet, on appelle didi (du verbe dire, à n'en
pas douter), un bavard, un grondeur. Or, ne pourrait-
il pas se faire que titi fut un terme de Picardie trans-
porté à Paris, et adopté après avoir subi la mutation de
la consonne d en f, mutation qui s'explique entre deux
consonnes de même ordre, deux dentales?
Telle est mon étymologie. Est-elle vraie? J'aurai le
droit de la croire telle jusqu'à ce que le contraire me
soit démontré.
X
Seconde Question.
Je trouve celte phrase dans le Joce^ial de Bccarest
du 30 avril ■1874 : « Je vous ai raconté plus d'une fois
que j'avais passé une partie de mon enfance en Italie.
Ne M'en veuillez pas, si j'y reviens encore. » J'entends
beaucoup de personnes qui disent, dans un pareil cas :
« Ne m'en voilez pas. » Pourrais-je savoir quelle est
celle des deux formes qui vous semble préférable à l'autre?
Au xvi" siècle, la forme de l'impératif du verbe
vouloir était la suivante, que je trouve dans Palsgrave,
à la page i 05 :
VeulJ-, vueille, voulons, voulez, vueillent.
Cent ans plus tard (1632), Charles Maupas s'expri-
mait ainsi au sujet de l'impératif du même verbe :
L'impératif peut rarement venir en usage; il le faudroit
former ainsi, impèrat. Veu.r, qu'il veule ou vueille, l'ou^on^,
voulez, qu'ils veulent ou vueillent.
Quand il a donné les principales formes temporelles
de vouloir. De Wailly il786; ajoute ces mots .
Le reste comme mouvoir.
Or, attendu que ce dernier fait à l'impératif : meus,
mouvons, mouvez, c'est dire que vouloir fait au même
mode : veux, voulons, muiez.
Le Dictionnaire des difficultés de Laveaux (18-571
donne absolument les mêmes formes impératives pour
le verbe en question.
Mais, d'un autre coté, il est incontestable que roulnir
fait depuis longtemps veuille, veuillez à l'impératif
quand on prie quelqu'un de faire quelque chose, et les
exemples suivants le prouvent :
Veuillez vous souvenir
Que les événements régleront l'avenir.
(Corneille, Pompcf, II, ic. 4,)
Je vais faire venir
Quelqu'un pour l'emporter; veuillei la soutenir.
^Molière, SgariareUe, 8c. 3.J
Veuillez du moins nous dire qui nous devons suivre.
fVolney, dans Laveaux. 1
Veuillez, Monsieur, rendre hommage au mérite.
{Voltaire, idem.)
D'où cette conclusion que l'impératif du verbe vou-
loir est veux, voulons, voulez, excepté dans le cas où
l'on emploie ce verbe pour je te prie de ou je vous prie
de; conclusion qui signifie que, dans la phrase au sujet
de laquelle vous me consultez, il faut mettre « ne m'en
voulez pas... »
X
Troisième Question.
J'ai trouvé cette phrase dans un de vos journaux :
•i Au Théâtre-Français, la location avait atteint son
maximum dans la journée. Décidément Molièbe tient
L.v CORDE.» Veuillez me dire ce que signifie cette expres-
sion, s'il vous plaîl.
Elle signifie avoir un avantage sur quelqu'un, ainsi
que je vais vous l'expliquer.
En effet, dans les courses de chevaux, on dit qu'un
écuyer tient la corde quand il est près de celle qui
limite Tespace autour duquel courent les chevaux, ce
qui est un avantage, puisqu'étant plus rapproché du
centre, il a naturellement une moins grande circonfé-
rence à parcourir.
Or, l'usage des courses est devenu si général depuis
quelques années, que tenir la corde a fini par sortir des
hippodromes et s'employer, au figuré, dans le sens que
je viens de vous indiquer.
X
Quatrième Question.
Auriez-vous l'obligeance de répondre à la question
suivante, qui n'est pas sans intérêt au point de vue de
l'orthographe : Quand un verbe au sujet pluriel est
suivi de l'expression seul a seul, \° peut-on mettre quel-
qttefois la marc/ue du pluriel à stcL, et 2" si le sujet
désigne un homme et une femme, faut-il mettre l'un des
SEUL au masculin et l'autre au féminin?
Quand le sujet ne désigne que deux personnes, on ne
met jamais la marque du pluriel à .sew^ dans l'expres-
sion seul à seul ; mais on peut y mettre celle du genre.
Voici la règle à cet égard :
lu S'il s'agit de deux hommes, on laisse seul à seul
invariable :
Eh bien! nous nous verrons seul à seul chez Barbin.
(Molière, Femm. sav., III, 5..'
2" S'il s'agit d'un homme et d'une femme, on laisse
également les deux parties de l'expression invariables :
Et sans doute il m'est doux,
Madame, de me voir seul à seul avec vous.
(Molière, Tari., III, 3.)
3" Si le sujet ne désigne que des femmes, on met
.'<eule au féminin; on dit :
Je les ai trouvées causant seule n seule.
LE COURRIER DE VAUGELAS
43
4» Lorsfjue le sujet désignait plusieurs personnes
formant pour ainsi dire deux camps en nombre égal et
combattant une à une, l'ancienne langue mettait le
pluriel :
... Et à arranger lesdits dix Cbevaliers tenans le Pas à l'un
des bouts pour venir combatre, et là coururent lesdits Clie-
valiers ieuls à seuls.
(La Colombière. Le Vray théâtre de Chev., I, p. i68 )
Et ont combatu lesdits Ctievaliers tenans le Pas seuls à
seuls contre tous ceux qui y sont venus du dehors.
(Idem, p. 169.)
Je crois que la langue moderne, en tenant compte
des règles du genre indiquées plus haut, doit également
employer le pluriel dans ce cas.
X
Cinquième Question.
On a en Allemagne une dénomination particulière
pour les tapis étroits dont on couvre les escaliers, et
qui, traversant une chambre d'un bout à l'autre, servent
à ménager le parquet ou la peluche élégante qui le
couvre. A-t-on en France des tapis semblables, et par
quel nom les désigne-t-on?
Certainement, nous avons de tels tapis, et, quant à
leur appellation, je tiens du caissier de l'un des plus
anciens et des plus renommés tapissiers de Paris, qu'on
les nomme des passages.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections da numéro précédent.
1°. .. poésies illyriennes; — 1' Couronné aux jeui floraux, il
reçut, au lieu; — 3°... ces orbites enfoncées [orbite est du fémi-
nin); — 4°... et c'est la seule cliose, 1^1*0/ que j'en aie dit ; —
5"... entré depuis de longues années; —6"... que quelque incident
ne fit dévier; — 7... il semblerait qu'il fût défendu; — 8'... ne
laissent pas de préoccuper (Voir Courrier de Vaugelas, 4' année,
p. 155); — 9'... comme on n'en a jamais vu; — 10^... vous ayez
songé (il n'y a que les verbes en yer à l'infinitif qui prennent un
i après \'y au subjonctif; — 11\.. du moins ce qui résulte d'une
lettre.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• Comme il y a quelques siècles, on eût bel et bien brûlé,
en qualité de sorcier, les savants qui se seraient amusés à
prédire une éclipse!
2' Tant qu'il y aura des cœurs brisés, pour espérer dans
un monde meilleur, il y aura toujours de la poésie ici-
bas.
3* Il est étrange à dire, mais cela n'en e?t pas moins
vrai, qu'avec beaucoup de foi et peu de lumière, il ne se-
rait pas impossible qu'on fût d'autant moins honnête qu'on
serait plus dévot.
4* Parmi les divers moyens mis en usage jusqu'à ce jour
pour nettoyer et blanchir les dents, il en est bien peu qui
n'aient pas des inconvénients plus ou moins grands. Les
uns, composés d'albâtre, de corail ou autres corps durs pul-
vérisés agissent à la manière de la lime et usent lentement
l'émail.
5' L'estime et la confiance dont la population de Versailles
vous a constamment entouré étaient des titres d'exclusion
trop éclatants pour que vous puissiez échapper à la pros-
cription administrative qui vient de vous atteindre.
G" Ils marchaient sur une seule ligne, mais sans se voir,
lorsque l'un d'eux, le gendarme Doumcns, que l'on guettait,
dit-on, a été assailli par cinq ou six individus, qui, après
l'avoir assommé de coups et foulé un bras, lui ont enlevé
le fusil et sa casquette, et ont disparu sans que les cama-
rades aient pu retrouver leurs traces.
?• M. Bœss n'a derrière lui ni son clergé, ni ses fidèles,
et moi qui fait partie de ce clergé, je ne crains pas de dire
qu'un cri d'indignation s'élèvera d'un bout de l'Alsace à
l'autre, contre la conduite du député de Scbélestadt.
8' Une copie de ce document a circulé avant-hier à l'As-
semblée nationale, et, comme on le pense bien, l'esprit qui
a présidé à sa rédaction n'a pas laissé que de produire
parmi les députés une profonde émotion,
9" Mais elle n'avait sa raison d'être que jusqu'à ce que le
pays ait montré ses préférences, jusqu'à ce qu'il ait exprimé
ses vœux d'une façon formelle.
10° Je me donne la mort moi-même ; je me trouvais sans
ouvrage, sans logis, sans moyens d'existence, sans parents,
je préfère mourir que de me rendre voleur.
[Les corrections à quinzaine.]
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIf SIÈCLE.
Antoine OUDIN.
Suite. ,
Les verbes de la première classe veulent après eux
le mode indicatif; ceux de la seconde classe requièrent
presque indifféremment l'indicatif ou le subjonctif;
quant à ceux de la troisième classe, ils veulent toujours
après eus l'optatif isubjonctif).
Notez que dans une phrase négative, conditionnelle,
interrogative ou a partitive», on met toujours le second
verbe au subjonctif.
Après avoir donné aussi l'emploi des temps relatifs
à ces deux modes, Ûudin nous signale une faute du
vulgaire qui consiste a employer le subjonctif imparfait
quand il devrait employer le conditionnel; par exemple.
Monsieur N. n'est pas partij? Non, mais il y a long
temps qu'il le fust, .fi je ne l'eusse retenu.
DE L'OltDBE DES PAEIIES DU DISCOUES.
Quand « le » période commence par un adverbe, il est
indiffèrent de mettre le nominatif avant ou après le
verbe : ainsi parla .Monsieur le Président aux assi.'i-
lans, ou ainsi Monsieur te Président parla, etc.; mais
Oudin aime beaucoup mieux la première construction.
Qu'on se garde de mettre, comme le font quelques-uns,
en avant y; il faut dire : il y en a, et non : il en y a.
Particularité bien remarquable! Apprenez encore,
dit Oudin, que le vulgaire et beaucoup de personnes
d'esprit forment inconsidérément des pluriels au lieu
de singuliers, aux verbes terminés par une consonne à
la première personne du présent de l'indicatif, et le font
à cause de la commodité de la liaison du pronom
personnel; ainsi ils disent : perdez-je pour pers-jr;
ollindez-je pour attens-je; dormez-j'- pour dors-jr;
46
LE COURRIER DE VAUGELAS
allez-jc pour vay-je. Et cette erreur est si « avant »
dans l'usage qu'elle échappe à quantité de bons « dis-
coureurs )>.
La seule exception que trouve notre grammairien
touchant la séparalion du pronom d'avec son verbe,
c'est cette manière d'écrire :je wubmjné confesse, etc.
qui se met au commencement des « cedules ».
DE l'emploi de certains VERBES.
Apprendre — Nos Français se servent improprement
de ce verbe pour signifier enseigner.
Bouger — Il est mieux de ne l'employer qu'avec la
négation.
Demeurer — Quand il signifie habiter, on dit : j'atj
demeuré; mais pour s'arrêter, on dit : je suis demeuré.
Despendre — C'est une grande impropriété que de
l'employer pour despenser (1633).
Devoir — C'est le seul de nos verbes qui puisse, sous
la forme subjonctive, s'employer au commencement
d'une phrase, car on dit ordinairement : vous deussiez
dcsjà avoir fait pour vous devriez, etc.
Penser — Construit immédiatement avant un infinitif,
il a une « force » particulière : il a pensé mourir, W est
presque mort; mais si l'on y met une préposition, il
change de sens : il a pensé de faire, etc.
Sortir — Prenez garde d'employer ce verbe dans le
sens de tirer dehors ou d'aveindre, comme on fait dans
quelques provinces, où Ant. Oudin a entendu dire :
sortez mon cheval de l'escurie.
Porter — Les Gascons emploient improprement ce
verbe dans le sens d'amener, ils disent : porte moij mon
cheval.
Serrer — Quelques-uns l'emploient pour fermer, et
disent improprement serrez la porte, ne considérant pas
qu'en français le vrai sens de serrer est estmindre.
Tomber — Il y a des endroits où l'on dit tomber de
l'eau, pour uriner; mais il est rejeté dans ce sens par
ceux qui parlent bien.
Vouloir — Avec ce verbe et la « diction » bien, on
fait un passif qui se met ordinairement au prétérit : il
est bien voulu de tous.
VERBES RÉCIPROQUES EN APPARENCE.
Quelques verbes, comme devoir, falloir, pouvoir,
sravoir, vouloir, etc., semblent des verbes réciproques
à cause de la « particule » qu'ils reçoivent devant eux;
mais ils n'en sont pas réellement : se devoir contenter
est pour devoir se contenter ; je ne i/ie puis appuiser,
pour je ne puis m'appai.'irr, e[c.,&l c'est le dernier verbe
qui est réellement conjugué réciproquement. •
Se disputer — On dit improprement : ils sr sont dis-
putez pour ils se sont querellez.
Se penser — Oudin le trouve impropre quoiqu'il
entende dire souvent : il se pense d'avoir, il se pense d/f
faire.
La phrase : il luy a pris un mal de leste, il m'a pris
un mal de cœur pour un mal de leste, de cœur, m'a
pris, est mauvaise.
.Se presxuner — L'usage fait passer ce verbe réci-
proque pour (/ prcsuiiie : on dit : (7 se présume d'estre.
.Se respandre — On dit vulgairement ou en « gaus-
sant : « il s'est laissé respandre, pour il s'est laissé
mourir.
Dïï RÉGIME DES VERBES.
On dit avoir accoustumé une maison, une personne,
et aussi eslre accoutumé à une maison, à une personne.
Coudre et travailler reçoivent la préposition en avec
le substantif de la matière.: coudre en linge, travailler
en tapisserie.
On dit courir les rites ou par les viles.
Quelques-uns se servent improprement de mander
pour envoyer; il signifie plutôt avertir par lettre, et
appeler par la même voie.
Il faut distinguer entre parler et dire; le premier
veut être suivi d'un nom de langue, et le second prend
tous les autres compléments : dire un mot, une parole.
Ressembler est mieux construit avec un datif (subs-
tantif avec la préposition «i qu'avec un accusatif (subs-
tantif sans préposition).
Revenir se dit pour plaire, comme dans : cette per-
sonne là ne me revient pas.
A quoy serf cela? et de quoy sert cela? semblent
également bons.
Il faut dire toucher au but, et non toucher le but.
Il y a un certain nombre de verbes qui veulent de
après eux quand ils sont suivis d'un infinitif, et «quand
ce qui suit est un substantif; tels sont : A
Conclure — On d'dj'ay conclu de dire, elj'ay conclu «
à cela.
Convier — Je vous convie de venir, elje vous convie
à mon festin.
Se délibérer, exhorter, forcer, obliger, s'opiniastrer et
se résoudre ont une construction identique pour leur
régime.
La plupart de ces verbes reçoivent indifleremment les
prépositions à et de devant l'infinitif; par exemple :je
suis obligé à, de faire; je suis prest de, à vous accorder;
mais .\nt. Oudin estime que la préposition de vaut
mieux, et qu'elle est plus ordinaire. ;
Quelques façons de parler ont un sens double, qui
oblige à changer de préposition; on dit : il est aisé à
faire, ce qui dénote la facilité de l'action, et il est aisé J
de faire, ce qui démontre la facilité de la nature de la
chose.
Venir se fait suivre de « pour signifier quelque chose
de futur : cela vient à signifier; il prend de pour indi-
quer une action passée : je viens de dire.
DU RÉGIME DES IMPERSONNELS.
Beaucoup de verbes actifs ayant pour sujet on peuvent
se tourner par la forme pronominale impersonnelle;
ainsi on dit : // s'invente beaucoup de choses pour on
invente beaucoup de choses; il se dit bien des choses
pour on dit bien des choses.
On dit : // est malin, il est jour, il est nuict , il est
bonne heure, il est tard; maison ne dit pas: il est soir.
On supprime de dans il fait vent; exemple : il fait
trop vent pour aller en campagne.
{La suite au prochain numéro.)
Le Rkuacteur-Gérant : Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAL'GELAS
47
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE
Publications de la quinzaine :
Le Secret de Silvio, épisode des Dragonnades; par
Mme Abric-Encontre. Gr. in-l8, 259 p. Paris, lib. Bonhoure.
Etudes dramatiques; par Auguste Barbier, auteur des
ïambes. Nouvelle édition, revue, corrigée et ornée de deux
gravures. Jules César. Benvenuto Cellini. In-18 Jésus, 336 p.
Paris, lib. Dentu.
Principes de lecture publique et de déclamation,
avec des ligures et de nombreux exercices annotés, princi-
palement à l'usage des maisons d'éducation; par le R. P.
Champeau, supérieur du collège Sainte-Croix, à Neuilly.
3« édition. In-12, xii-/il8 p. Paris, lib. Lecoffre fils et Cie.
Science des religions. L'Islamisme d'après le Coran,
l'enseignement doctrinal et la pratique; par Garcin de
Tassy, professeur à l'Ecole spéciale des langues orientales
vivantes. 3° édition. In-8% /il2 p. Paris, lib. Maisonneuve
et Cie.
Petit d.ictionnaire de la langue française, suivant
l'orthographe de l'Académie, etc. ; par Hocquart.
37" édition, revue et augmentée d'un grand nombre de
mots, par A. René. In-32, xii-500 p. Paris, lib. Lefèvre.
Pensées de B. Pascal (édition de 1G70). Précédées
d'un avant-propos et suivies de notes et de variantes.
Portr. gravé à l'eau-forte par Gaucherel. In-8°, lxiii-309 p.
Paris, lib. des Bibliophiles. 12 fr. 50 cent
Lettres sur l'histoire de Rodez ; par H. Affre, archi-
viste de l'Aveyron. In-B", vni-576. Rodez, imp. de Broca.
Œuvres facétieuses de Noël Dufail, seigneur de la
Hérissaye, gentilhomme breton, revues sur les éditions
originales et accompagnées d'une introduction, de notes
et d'un index philologique, historique et auecdotique, par
J. Assézat. T. 1. Propos rustiques de maître Léon Ladulfi,
balivernes ou contes nouveaux, contes et discours d'Eu-
trapel (chapitres I à 10). In-16, xxxvi-332 p. Paris, lib. Daffis.
Poésies de Théodore de Banville. Le Sang de la
Coupe. Trente-six ballades joyeuses. Petit in-12, 340 p.
Paris, lib. Leraerre. 6 fr.
Lazare Hoche, général en chef des armées de la
Moselle, d'Italie, des côtes de Cherbourg, de l^rest et de
l'Océan, de Sambre-et-Meuse et du Rhin, sous la Conven-
tion elle Directoire, 1793-1797; par Emile de Bonnechose.
6' édition. In-i8 Jésus, iv-272 p. Paris, lib. Hachette et Gie.
1 fr. 25 cent.
L'Héritage d'un pique-assiette ; par Eugène Chavette .
m. La Fortune des Faustol. In-18 Jésus, 372 p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
Contes du roi Cambrinus ; par Charles Deulin.
t" édition. In-18 Jésus, 315 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Cours de littérature dramatique, ou De l'usage
des passions dans le drame; par M. Saint-Marc
Girardin, membre de l'Académie française. 10" édition,
revue et corrigée, T. 5. In-18 Jésus, 520 p. Paris, lib. Char-
pentier et Cie. 3 fr. 50 cent.
Les États-Unis et le Canada; par M. Xavier Mar-
mier, de l'Académie française. Gr. in-8% 1kl p. et 2 gr.
Tours, lib. de Marne et fils.
Deux ans au lycée ; par Mme E. de Pressensé. W éd. In-
18 Jésus, 3/i5 p. Paris, lib. Sandoz et Fischbacher. 2 fr. 50.
Le Dialecte poitevin au XIII= siècle; par A. Bou-
cherie, professeur au lycée de Montpellier. In-8° xxiv-392p.
Paris, lib. Pedone-Lauriel.
Publications antérieures :
LES GRAMMAIRIENS FRANÇAIS depuis l'origine
de la Grammaire en France jusqu'aux dernières œuvres
connues. — Par J. Tell. — Un beau volume grand in-18
Jésus. — Prix : 3 fr. 50. — Librairie Firmin Didol frères,
fils et Cie, 56, rue Jacob, à Paris.
LE ROMANCERO FRANÇOIS, histoire de quelques
anciens trouvères et choix de leurs chansons, le tout nou-
vellement recueilli. — Par PaïUiii Paris. — Paris, librairie
Teckner, 52, rue de l'Arbre-Sec. Prix : 8 fr.
NOTIONS ÉLÉMENTAIRES DE GRAMMAIRE COM-
PARÉE, pour servir à l'étude destrois langues classiques.
— Par E. Egoeh, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté des lettres, maître de conférences honoraire à
l'École normale supérieure. — Sixième édition, revue et
augmentée de quelques notes. — Paris, librairie Durand
et Pedone-Lauriel, 9, rue Cujas.
DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGKiUE DES NOMS PRO-
PRES D'HOMMES, contenant la qualité, l'origine et la
signification des noms propres se rattachant à l'histoire,
à la mythologie, des noms de baptême, etc. — Par Paul
Heoqlet-Boucr.axd. — Paris, ViclorSarlit, libraire-éditeur,
19, rue de Tournon.
HISTOIRE MACCAROXIQUE DE MERLIN COG-
CAIE, prototype de Rabelais, ou est traicté les ruses de
Cingar, les tours de Boccal, les adventures de Léonard,
les forces de Fracasse, les enchantemens de Gelfore et
Pandrague, et les rencontres heureuses de Balde. Avec
des notes et une notice, par G. Brunet, de Bordeaux. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur l'édition de 1606.
— Par P.-L. Jacob, bibliophile. — Paris, Adolphe Dcla-
hays, éditeur, i-6, rue Voltaire.
LES ECRIVAINS MODERNES DE LA FRANCE, ou
Biographie des principaux écrivains français depuis le pre-
mier Empire jusqu'à nos jours. — A l'usage des écoles et
des maisons d'éducation. — Par D. Boxnefon. — Paris,
librairie Sandoz et Fischbacher, 33, rue de Seine.
MANUEL DHISTUIRE DE LA LITTÉRATURE
FRANÇAISE, depuis son origine jusqu'à nos jours, à
48
LE COURRIER DE VAUGELAS
l'usage des collèges et des établissements d'éducation. —
Par F. Marcillac, maître de littérature à l'École supé-
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vue et corrigée.— Genève, chez H. Georg. libraire-éditeur.
THIRD FRENCH COURSE, Intended as a sequel to
Arnold's, Hall's, Ann's, Hamel's, Levizac's, De Fivas' and
other similar educational French'works. By A. Cogery,
B.A.,L.L.,FrenchMasterattheBirkbeckSchools,Peckham:
etc. — Nouvelle édition revue et augmentée. — London :
Relfe brothers, Charterhouse buildings — Two shillings —
Corrigé du Third French course : Two shillings.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas. 26, boulevard des Italiens. — Prix
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sies de la reine de Navarre, réimprimées avec les gravures
sur bois de l'édition originale. — ^'<' XVI du Cabinet du
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1«"- vol. : Des origines jusqu'au xvii^ siècle ; — 2« vol. : Première moitié du xvii» siècle ; — 3^ vol.
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sexes peuvent parvenir à se procurer des places :
M. Bisson, 70, Berners Street, W.
M. Biver et Cie, i6, Régent Circus, W.
M. Clavequin, 125, Régent Street, W.
M. Griffiths, 22, Henrietta Street, Covent garden.W. G.
M. Verstraete, 25, Golden Square, W.
Mme Hopkins. 9, New Bond Street, W.
Mme Waghorn, 3i, Soho Square.
Mme Wilson, i2, Berners Street, W.
Nota. — Les majuscules qui figurent à la fin de ces adresses servent à marquer les ■< districts » pour le service des
Postes; dans la suscription des lettres, on les met après le mot Londres: exemple : Londres W, Londres W. C.
Le volume de M. Alfred Hamonet, qui coûte 1 fr. 25, se trouve à la librairie Hachette, à Paris.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
.Appel aux prosateurs.
L'Académie française décernera pour la première fois, en 1875, le prix Jouy, de la valeur de quinze cents francs,
prix qui, aux termes du testament de la fondatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
vation, soit d'imaginalion, soil de critique, et ayant pour objet Vëtude des mœurs actuelles. — Les ouvrages adressés
pour ce concours devront être envoyés au nombre de trois exemplaires avant le 1" janvier 1875. ,
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas esl visible a son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
5"g Année.
N" 7.
1'"^ Juillet 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^'
\<Wy^ Journal Semi-Mensuel ^J J A
S^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( 1
Paralsaant la f et 1« IS de ehaane mola
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANOEnS
Oflicier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adra'
M. FiscHBACHER, 33, rue de Seine.
SOMMAIRE.
Communication concernant le verbe Ifailre; — Etymologie du
mot Oinelelle; — Si, dans les phrases interjetées, on peut
mettre un verbe équivalent à Dire suivi d'un participe présent;
— Emonciion n'est pas un oubli de M. Litlré. || Explication de
l'eipressioD Faire four: — S'il y a une différence dans l'emploi
de Second el de Deuxième. || Passe-temps grammalical. || Suite
de la biographie A' Antoine Oudin. || Ouvrages de grammaire
et de littérature. || Renseignements pour les Français qui désirent
se placer comme professeurs eu Angleterre. || Concours liltéraires.
FRANCE
COMMUNICATIOiN.
Relativement à une question traitée dans mon nu-
méro 5, j'ai reçu de M. le Secrétaire de la rédaction du
journal la France, la lettre qu'on va lire :
Paris, le 4 juin 1874.
Cher Monsieur,
La question que je vous retourne ci-jointe, marquée à
l'encre, porte sur une étrange erreur de lecture, que vous
avez partagée dans votre réponse, faute sans doute d'avoir
sous les yeux le paragraplie complet d'où la phrase est
extraite.
Le texte porte :
« La société, comme la langue que nous parlons et que
nous écrivons, nous est commune à tous. De là sa tyran-
nie. L'homme naît son sujet... »
Rien de plus simple comme vous voyez : l'homme naît
le sujet de la société et n'a qu'à se soumettre, sans les dis-
cuter, à sa morale, à ses principes, etc.
Ne voyez dans ceci. Monsieur, qu'une preuve de l'intérêt
avec lequel je suis votre publication, et croyez à mes sen-
timents sympathiques.
E. Masseras.
Mes remerciements au bienveillant auteur de ces
lignes, et, à la personne qui, le H 3 décembre (873, m'a
adressé de Pans la phrase dont il \ est question, prière
de vouloir biéfa, sans toutefois ralentir son zèle, ne
m'envoyer dorénavant que des phrases complètes.
X
Première Question.
M. Litlré donne comme, origine ^'omelette l'éti/mo-
logie ALII.MELLE, vieux mot venu lui-même de lamella,
petite lame. Ne faudrait -il pas soupçonner dans
OMELETTE Une Origine latine, par exemple ovcm, œuf, et
MiscEO, je mêle, l'omelette étant un mélange d'œufs ?
Depuis le xiv' siècle, époque oîi omelette commença
à être connu par des textes (si M. Littré en a bien
recueilli les plus anciens exemples) jusqu'au xvi" siècle,
on a dit une omelette d'œufs, comme le prouvent ces
citations :
Et illec fut fait essay de certains poysons qui furent faiz
manger au chien de Macé Blanchet en une fressure de
mouton frite et en une amelete d'œufs.
[Bill, des Chants, 4« série, t. I, p. i68.)
En pareille alliance, l'ung appelloit une sienne mon ho-
melaicte, elle le nommoit mon œuf, et estoient alliez
comme une homelaicle d'œufz.
(Habelait, Parti. IV, 9.I
Dans les dictionnaires des langues étrangères qui
n'ont pas adopté omelette, on trouve ce mot expliqué
comme il suit : en espagnol, tortilla de Iiuevos (petite
tourte d'œufs) ; en portugais, fritada d'ovos (friture
d'œufs) ; en allemand, eier-kuchen (gâteau d'œufs) ; en
anglais, kind of pancake of eggs (une sorte de crêpe
faite avec des œufs).
D'où il résulte que omelette d'œufs = petite tourte
d'œufs = friture d'œufs = gâteau d'œufs = crêpe
d'œufs, ou, en d'autres termes, et plus simples, que le
sens général de omelette est donné pour celte for-
mule :
Omelette
II
Petite tourte, — friture, — gâteau, — crêpe.
Le sens du mot omelette une fois connu, on peut
s'en servir comme de pierre de touche pour apprécier
la valeur des étymologies diverses qui ont été proposées
jusqu'ici pour ce mot.
Quelles sont ces étymologies?
Lamolhe-Levayer, Ch. Nodier, et avant eux Trévoux
et Ménage ont indiqué œufs mêles; d'autres ont cru
que omelette venait du grec aiJ-uXaTiv, mis pour a.\).(x,
ensemble, et Xusiv, battre, délayer, dissoudre; d'autres
ont vu son origine dans un autre mot de la même
50
LE COURRIER DE VAUGELAS
langue, oo|X£Xtva, fait de oov, œuf, et de jxeXi, miel; et
enfin, pour M. Lillré, alumelle « parait « être l'élymo-
logie cherchée, parce qu'une omelette est plate comme
une alumelle, nom que l'on donnait autrefois à la
lame d'un couteau.
Mais, attendu que œufs mêlés, pas plus que a|j.uXaTcv
ni ooiJLeXiva, ni même alumelle, ne contiennent l'idée
fondamentale renfermée dans le mot omelette (tourte,
gâteau, friture, crêpe), cest-à-dire l'idée d'un mets
préparé au moyen du feu, j'ai cru devoir chercher
satisfaction ailleurs; et, non sans peine, j'ai trouve a
omelette l'origine suivante que je m'empresse de vous
adresser.
Dans le premier des exemples que j'ai cités en com-
mençant, le mot en question est sous la forme amelettc,
qui se trouve encore en sous-titre dans le dictionnaire
français-hollandais de Marin, publié en ^82, et qui
exist'e absolument sous la même forme en Picardie et
dans le Bas-Maine : il faut donc chercher l'origine
à'amelette, puisqu'il est plus ancien ^a'omeletie; et,
comme d'un autre côté, le simple aspect A'amelctte
montre que c'est un diminutif (ce qui est confirme par
l'espagnol tortilla, une petite tourte), la question se
réduit à trouver doù vient le primitif amele.
Après avoir cherché vainement ce mot dans Roque-
fort, dans Du Gange et dans tous les glossaires du vieux
français, je l'ai cherché en latin sans plus de succès;
mais', et heureusement, il me semble, j'ai interrogé le
vocabulaire grec, et voici ce que j'ai trouvé dans
Alexandre, p. 71, col. 3, pour second sens de av-u'koc, :
3ubs. An-j).o;, m (o, 7)), sorte de pâtisserie.
Or, si l'on rapproche le sens d'aij.uXoç de celui
d'omelette (tourte, gâteau), ne vient-il pas immédiate-
ment à la pensée que aiJ.uXîç offre, et par le sens et par
la forme (car I'j changé en y pour faire amyle a par-
faitement pu devenir un e dans amelette\, la source la
plus probable d'où l'on ait tiré omelette, corruption
A'anielette?
Voyons du reste quelles objections on pourrait faire
à celte étymologie.
Première objection. — Dans la partie consacrée à la
manière d'accommoder les œufs, le Menagier de-Paris,
ouvrage composé en 1393, appelle une omelette une
alumelle, comme le prouve cette citation prise t. II,
p. 208 :
Quant l'en cuideroit frire son alumelle, le frommage qui
Beroit dessoubs se tendroit à la paelle; et ainsi fait-il d'une
alvmelle d'œufs, qui mesle les œufs avec le frommage.
Or, si 11J.J/.0; est la véritable étymologie de omelette,
comment expliquer qu'il ait fait alumelle, un intermé-
diaire authentique entre a'fi.uXsi; et omelette?
Réponse. — Tant que le dérivé â'amele a été terminé
par tte, le mol n'olfrant aucune difficulté quant à sa
prononciation et n'ayant aucun homophone, il est resté
sous la forme amelette, forme qui, comme je l'ai déjà
dit, existe encore en Picardie et dans le Bas-Maine;
mais quand il iiril la finale lie, qui était préférée aileurs
(puisqu'au lieu de alouette on rencontre «/oue//e), on
trouva plus doux de faire changer de place à Vm et à 1'/
[scintiller et étinceler offrent un semblable changement
entre c et t], et l'on fit alemelle, mot qui désignait déjà
une petite lame (de alemella, diminutif de lamina) :
L'espee brise, Valemele chaït
i^Rom. de Gar. le Lohrain, t. II, p. 36 )
Coutel nous fet sanz alemele...
(r,a Bat. des Vil ars dans Rutebellf, t. II. p, 43l.)
Pour détruire l'amphibologie, on dit enfin alumelle,
qui non-seulement se trouve dans le Menagier, mais
encore existe dans le breton sous la forme alumen
(n=: 1), comme on le voit dans Le Godinec.
Seconde objection. — Le mot omelette a eu aussi la
forme aumelette, car on trouve dans Olivier de Serres,
939 :
Une aumelele faite de cinq ou six jaunes d'œufs.
Comment amele peut-il expliquer cette forme-là?
Réponse. -- A celle époque, les patois existaient
depuis des siècles ; or, j'ai dit précédemment que atne-
lette se trouvait dans celui de Picardie et dans celui du
Bas-Maine; aumelette provient de celte forme dont Va
a été changé en au, fait commun en anglais, où l'on
écrit aunt (notre ante), tante, et dont l'ancien français
n'est pas sans exemple.
Troisième objection. — Puisque le breton a le mot
alumen pour désigner une omelette, pourquoi ne pas
considérer ce vocable comme Fétymologie demandée,
sans aller chercher un mot grec arrivé en France on ne
sait quand ni comment?
Réponse. — Le terme alumen n'appartient pas en
propre au breton (qui dit plus communément eur
fritaden viou, une friture d'œufs), car il ne se trouve
pas dans le Gaëlic Dictionary d'Armstrong, et il se
montre dans un ouvrage composé par un bourgeois de
Paris à la fin du xiV siècle. Or, quand on songe que
pendant que les Croisés furent maîtres de Constanli-
nople (1204 à 12611, le duc de Bretagne, Pierre Mauclerc
se croisa deux fois, il ne répugne nullement de croire
que a[iuXs<;, désignant chez les anciens Grecs un produit
culinaire qui pouvait alors n'être pas oublié en Orient,
ait été rapporté en Bretagne par les soldats du duc,
comme il a pu l'être chez nous par ceux du roi.
Le vocable a^j.jXcç résiste aux objections qu'on peut
lui adresser : je le crois, pour celte raison, la véritable
étymologie d'omelette, forme à laquelle il serait arrivé
par les transformations suivantes :
Ajj.uXoç, amyle, amele, dont il ne reste pas d'exemple;
alumen et alumelle, par changement de place entre m
et / (Bretagne et lle-de-Frauce) ; amrlelte, dont la finale
pouvait être jointe au primitif amele sans intervertir
l'ordre de m et de l (patois picard, celui du Bas-Maine,
Dictionnaire français-hollandais de Marin), et enfin
omelette, par un changement de a initial en o, change-
ment qui n'a rien que de très-ordinaire.
X
Seconde Question.
Dans lu Vie de Bohême, par Murger, on trouve,
LE COURRIER DE VAUGELAS
91
p. 131, la phrase mimnte : « Oui, Monsieur, continua
Carlos, la haute philosophie, voilà oit j'aspire r>, et,
dans Rabelais, p. 381, éd. Paul Lacroix, celte autre :
« Je ne voxildroy (dist Pantagruel continuant) n'avoir
pali/ la iounnenle marim laquelle tant nous a vexez et
travaillez. » La comparaison de ces deux phrases inter-
jetées me suggère cette question générale : Est-il permis
aujourd'hui, dans une phrase de celte espèce, d'em-
ployer un verhe qui tienne lieu de son participe présent
précédé du verbe dire?
La presse périodique el beaucoup d'auteurs contem-
porains fourntiillenl de phrases interjetées construites
avec de tels verbes; en voici un certain nombre que
j'ai recueillies dans mes lectures :
(Verbes neutres employés comme actifs)
Anacliarsis, minauda Mademoiselle Victoria, tu es insup-
portable avec tes interruptions.
(Li Figaro du a5 août i8^i.)
Ail, ah, ati! ricane l'Univers, ali ! le bon billet qu'a
M. Thiersl
(Le Radical du 35 octobre 1871.)
Je VOUS répète que vous déplacez la question, gronda
Brisembourg, avec une sourde colère.
{Gabelle de Paris dn aS mars 1871.)
Cet impôt est immoral, injuste, odieux, tonnait M. Pouyer-
Quertier.
(La Ripub. franc, du 18 mari 1874O
Le fait est, mon cher, intervint un de ses confrères, qu'il
n'est pas facile de vous arriver à la cheville.
[.L'Evénemenl du 3o novembre 187J )
Ajoutons, insista le docteur, qu'éveillé, il est difficile d'être
surpris
(Emile Gaboriau )
Parlez! soupira M. Jules Arthur Dimanche.
(Marc-Bayeux.)
(Verbes actifs n'ayant pas le régime qui leur con-
vient)
C'est bien, c'est bien, interrompit Jersey, d'un ton bourru.
[La Patrie du a8 septembre l87l.(
Ce n'est pas la Commission qui a dit cela, s'excuse M. de
Sugny, c'est Nicolas.
(L'État d-a 9 avril 1873.)
J'avoue, inlerrompis-je, que cette première impression est
absolument défavorable à l'accusé.
(Le Gauloit du i5 novembre 187 1.)
Mais c'est énorme, s'cidama un de ses amis; comment
vous payez 1,500 fr. un valet de chambre?
(Le Figaro du ;" avril 1S71.)
Je veux d'abord, a-t-il commence, donner au tribunal cette
assurance que tous mes efforts tendront à éviter de pas-
sionner les débats.
(Le Petit Journal du ii août 1871 .)
Mais, à mon avis, toutes ces phrases sont mauvaises,
et cela, pour les raisons suivantes :
<° Parce qu'étant des phrases interjetées, leur verbe
doit avoir pour complément direct les mots prononcés
par la personne que désigne le sujet, ce qui n'a lieu
pour aucune d'elles ;
2" Parce que ces verbes, tout transposés qu'ils sont
pour former des phrases interjetées, ne peuvent, par ce
simple changement de place, acquérir le sens de dire,
qu'ils n'ont pas dans la construction naturelle de leurs
phrases respectives ;
3° Enfin, parce qu'on ne rencontre dans aucun clas-
sique de phrases interjetées avec un verbe prenant ainsi
à la fois le sens de deux autres.
Il n'y a que les verbes dire, répondre, demander,
répliquer et peut-être un ou deux autres qui puissent
figurer dans les phrases de cette nature; quand on veut
indiquer comment l'action qu'ils expriment est faite,
on met après eux le pronom en et le participe présent
d'un verbe propre à cet effet :
Anacharsis, dit Mademoiselle Victoria en minaudatit; —
Ah, ah, ah? dit l'Univers en ricanant, ahl le bon billet qu'a
M. Thiersl — C'est bien, c'est biCT\, dit Jersey en interrompant
d'un ton bourru ; — Je veux d'abord, a-t-il dit en commen-
çant, donner au tribunal, etc., etc.
Si l'usage s'établissait de construire autrement ces
dernières phrases, ce serait l'avènement d'une règle
aussi nouvelle que peu nécessaire dans la syntaxe de
nos verbes.
X
Troisième Question.
Dans le dernier numéro de la i" année du Gocrrier
DE Vaugelas, vous VOUS êtes servi du substantif mo^c-
TiON pour signifier l'action de se moucher. Or, ce mot
n'est point dans le dictionnaire de Littré, qui a cepen-
dant, pour la quantité des termes, renchéri sur l'Aca-
démie. Auriez-rous la bonté de me dire si c'est encore
un oubli de notre célèbre académicien .'
Vous venez de m'apprendre, à mon grand étonne-
raent, que, de même que M. Jourdain faisait de la prose
sans le savoir, j'ai fait, moi, un néologisme sans m'en
douter: car, en effet, émonction ne se trouve dans au-
cun des dictionnaires français que j'ai consultés à la
Bibliothèque.
Mais ce n'est pas offenser la langue que d'y intro-
duire un nouveau terme, et même, quelquefois, c'est
lui rendre un service quand ce terme est nécessaire et
qu'il est régulièrement fait : voyons donc, avant de
m'avouer coupable, si émonction ne remplirait pas les
conditions que je viens de dire.
Ce mot est-il nécessaire?
Vous êtes pris d'un fort rhume de cerreau, accident
qui n'a rien de rare; vous pouvez à peine vous mou-
cher; on vous enseigne un remède qui facilitera cette
opération ; vous vous en trouvez bien ; vous le con-
seillez à voire tour en disant qu'il rend (comment
nommer autrement l'action de se moucher?; Vémonc-
iion plus facile.
Pour ce qui me concerne, je disais [Courrier de Vau-
gelas, A' année, p. 187) en parlant de la mèche d'une
bougie :
Pendant qu'elle i^st allumée, il est souvent nécessaire de
lui pratiquer une opération qui s'appelle moucher, par ana-
logie probablement avec celle de...
Je voulais finir ma phrase par un substantif, et je
n'en pouvais employer d'autre, il me semble, que
émonction, qui correspond naturellement au verbe
latin emungcre, se moucher.
52
LE COURRIER DE VAUGELAS
Ce mot est-il régulièrement fait?
La plupart de nos substantifs en ion sont formés du
supin du verbe latin d'où dérive le verbe français cor-
respondant à ce substantif, preuve :
Mixtion de mixtum supin de miscere (mêler)
Ablution — ablutum — abluere (laver)
Vision — visum — videre (voir)
Scission — scissum — sciiidere (scinder)
Action — cictum — agere (agir)
Flexion — flexum — flectere (fléchir)
Par analogie, émnncfion de emunc/iim, peut parfaite-
ment se dire pour l'action de se moucher [emungere].
Emonction est nécessaire ; de plus, il est régulièrement
fait; je ne vois pas pour quelle raison ce mot ne serait
pas admis dans notre vocabulaire, où j'en pourrais
compter sans peine une douzaine d'autres qui sont loin
d'y avoir les mêmes droits.
Une dernière raison en faveur de émoncfion : la
famille de moucher n'est pas complète en français; car
si elle a un verbe (moucher), un nom d'instrument
pour faire l'action (mouchoir, mouchelles], un nom
pour désigner celui qui fait l'action (moucheur), un
autre pour désigner le résultat matériel de l'action
[niouchuré], elle n'a pas de nom pour désigner l'action
elle-même. Or, emonction vient à propos pour combler
cette lacune.
ÉTRANGER
Première Question.
Une autre expression composée du verbe faire que je
vous prierais de vouloir bien encore m' expliquer , c'est
FAIRE FODR, qiii sc dit si fréquemment aujourd'hui pour
exprimer la non-réussite, l'insuccès.
Dans le mois de décembre 1873, Paris-Journal, ainsi
que me l'apprend le Voleur du 2 janvier 1874, donnait
à ses lecteurs l'origine suivante de l'expression dont il
s'agit :
Vers 1855, il y avait à Paris, rue de Bondy, un pâtissier
du nom de Jullien, qui s'était mis en tête de faire de la
littérature. Il composa cinq ou six drames successifs qu'il
porta à VAmbiiju, son voisin.
A force do persévérance, il finit par en faire recevoir
un, la Maison maudite. On ne put en jouer que deux
actes.
Le pâtissier Jullien rentra tristement chez lui, prit tous
ses manuscrits, y compris celui de la Maison maudite, et
les jeta dans son four, où ils se calcinèrent peu à peu. Tous
ses gâteaux eurent ce soir-là un goût de papier brûlé dont
se plaignirent les pratiiues.
Le désolé Jullien lit des aveux qui coururent les jour-
naux. Inde l'expression.
Mais cette uiigine n'est pas plus vraie que toutes
celles qu'on pourrait établir sur un l'ait se rapportant à
noire siècle; el cela, pour la bonne raison que faire
four existait au commencement du siècle précédent, ce
que mettent en évidence ces lignes, copiées dans le
dictionnaire de Furetière (1727) :
En termes de comédien, on dit Faire un four pour dire
qu'il est venu si peu de ^ens pour voir lu représentation
d'une pièce, qu'on a été obligé de rendre l'argent et de les
renvoyer sans la jouer.
Maintenant, pourquoi les comédiens, refusant de
jouer et renvoyant leur public, appelaient-ils cela faire
un four ?
D'après M. Littré, c'est parce qu'en agissant ainsi,
ils rendaient la salle « aussi noire qu'un four; » mais,
attendu que la même expression ne s'emploie jamais
en parlant d'un autre endroit qu'on prive d'éclairage,
quoiqu'il y ait cependant identité d'état avec une salle
de spectacle dont les lumières viennent d'être subite-
ment éteintes, il m'a semblé que ce ne pouvait être là
le « sens primitif de l'expression » ; je l'ai en consé-
quence chercbé ailleurs, et j'ai trouvé que, selon toute
probabilité, ce four vient de l'italien fuori, dehors,
opinion qui s'appuie sur les considérations que voici :
D'abord cette étymologie est une de celles que la
prononciation peut avouer, car I'm italien étant pro-
noncé ou et l'accent étant mis sur la syllabe o, Vi final
est à peine sensible, et fuori ne fait guère entendre que
four à une oreille française.
Ensuite, elle rend bien compte du sens de l'expres-
sion faire un four; car des gens que l'on congédie sont
des gens que l'on met dehors; puis, du reste, aujour-
d'hui encore en Italie, quand le public veut rappeler
tout le monde-, c'est-à-dire faire sortir tous les acteurs
des coulisses, ne crie-t-il pas : fuori! fuori! dehors \
dehors I
Enfin, elle ne contredit en rien l'histoire, car c'est
en 1577, sous Henri ill, que Paris commença à avoir
des acteurs italiens, et c'est en 1639 seulement, comme
le prouve la citation suivante, que four nous apparaît
pour la première fois :
Ce Magnon fit beaucoup d'ouvrages, et le registre de La
Grange nous apprend que quand Molière et sa troupe furent
installés à Paris, ils représentèrent sans doute par bon sou-
venir, le 12 décembre 1659, une zénobie de cet auteur. La
pièce n'eut pas grand succès, car La Grange, après avoir
sorti hors ligne la somme très-faible que produisit chacune
des trois premières représentations, met comme résultat
de la quatrième : un four...
(Tasch«reau, Nist. de Molière, p. aia, 3* édit.)
L'existence d'un théâtre italien à Paris explique four
comme terme de coulisses; ce mol s'employant pour
congédier des spectateurs, il a pris le sens de renvoi;
partant de cette signification de four, les acteurs fran-
çais ont créé l'expression faire un four pour dire ren-
voyer le public; puis, comme cela était la conséquence
du peu d'attraction qu'avait exercé la pièce qu'on s'était
proposé de jouer, on a appliqué naturellement faire un
four à la pièce qui n'avait pas été représentée, ce qui
donna pour sens de l'expression : ne pas réussir.
X
Seconde Question.
A la pat/e 3 de votre numéro du I" airil,je lis :
« SECo.'vnE (iiESTiON ». N'cst-H pas admis que second
suppose l'absence de ■rnoisibiE'i'
Deuxième, non précède d'un nombre de di/aincs, ne
commença guère à s'employer qu'au xvn' siècle; il
LE COURRIER DE VAUGELAS
33
figure à la vérité dans l'alsgrave, mais il n'est pas dans
Nicot : on le trouve dans Balzac, dans Descartes, dans
La Fontaine et dans Bossuet; au xtiii', il devint plus
général encore ; et, de notre temps, il est souvent con-
fondu avec second, d'origine beaucoup plus ancienne.
Or, faut-il faire une distinction dans l'emploi de ces
deux termes?
Des grammairiens l'ont pensé, et Girault-Duvivicr 3,
fait de leur opinion l'objet de la note suivante [liem.
détach., p. 90) :
On dit également le premier, le second, le troisième, le
quatrième, etc., et le premier, le deuxième, le troisième et
le quatrième, etc.
Mais il y a cette différence que le deuxième lait songer
nécessairement au troisième, qu'il éveille l'idée d'une série,
et que le second éveille l'idée d'ordre sans celle de série.
On dira donc d'un ouvrage qui n'a que deux tomes : voici
le second (orne, et non pas le deuxième, et de celui qui en a
plus de deux : voici le deuxième tome, ou si l'on veut, voici
le second tome.
Mais quand je considère :
r Que du temps de Vaugelas, il n'a été fait aucune
remarque sur l'emploi de ces expressions;
2° Qu'au siècle suivant, il n'était établi non plus
aucune différence entre ces mots, puisqu'on trouve
dans le dictionnaire de Furetière (1727) et dans celui
de Trévoux (1771) :
César aimoit mieux être le premier en un village que
d'être le deuxième à Rome,
3° Que l'Académie de 1835 garde le silence le plus
complet sur cette prétendue différence ;
4° Que M. Littré déclare « arbitraire » la distinction
proposée entre les termes en question ;
5° Que l'Académie des Sciences, à qui l'on ne peut
refuser une certaine compétence en fait d expressions
numériques, édite, comme vous me l'apprenez, des
comptes-rendus qui portent en tête ces mots : Deuxième
semestre;
J'en conclus qu'on est parfaitement libre d'employer,
quand bon semble, ou deuxième ou second, et qu'il y
aurait puérilité à observer la distinction subtile que
Boniface a voulu établir [Manuel des Etrarujers, 2' an-
née, p. 8) et que la grammaire de Noël et Chapsal a
malheureusement propagée avec trop de succès.
PASSE-TE.MPS GKA.MMATICAL
Corrections du numéro précédent.
I°... en qualité de sorciers, les savants; — 2'... il y aura
de la poésie ici-bas (pas toujours, qui forme pléonasme après
tant que); — 3°... C'est étrange a dire, mais; — -i'... parmi les
divers dentifrices (on ne peut pas dire ipiun moyen esl composé
d'albâtre, etc.) ; — ô°... trop éclalaiils jiour que vous pussiez
échapper; — 6'... après l'avoir assommé de coups et lui aroir
foulé un bras, lui ont enlevé son fusil ; — 7"... et moi qui fais
partie; — 8°... à sa rédaction n'a |ias laissé de (sans que); —
9"... que JH.squ'à ce que le pays eiil monlré; — 10°... je préfère
mourir plutûl que de me rendre voleur (Voir Courrier de Vau-
gelas, i' année, p. 153).
Phrases à, corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• Il s'est passé à Bade, lors du passage du prince Gorts-
chakoff dans cette ville, un fait auquel nous ne voudrions
pas donner plus d'importance qu'il n'en a, mais qu'il nous
paraît curieux de signaler.
2° Cette charge disparaîtrait d'elle-même si le gouverne-
ment veillait à ce que le raccordement des voies ferrées
roumaines au réseau occidental européen, soit aux che-
mins de fer hongrois, eût lieu le plus tôt possible.
3' Le démon sait si bien accommoder sa figure aux cir-
consfemces et se faire débonnaire à seule fin d'être plus
nuisible! On dit bien encore, pour ne pas perdre une
métaphore, que nous grinçons; mais nous ne grinçons pas
du tout.
4" Le moment est opportun. L'Espagne croit avoir beau-
coup à se plaindre de la France, à l'occasion des secours
de toute sorte qu'elle a laissé arriver aux Carlistes.
S" Vaine concession : le centre droit a été de nouveau
battu, et il est à craindre que ce nouvel échec augmente
son irritation au lieu de la ramener à des vues plus
sages.
6° Ici sans doute quelque logicien sera intervenu et aura
dit : « Mais, messieurs, nous allons nous faire moquer de
nous; nous décidons que le principe est appliquable, et
nous ne l'appliquons pas. »
7* Cette anecdote court depuis longtemps le monde, et
nous nous souvenons l'avoir entendu conter, il y a une
trentaine d'années, par une bonne grand'maman, qui riait
beaucoup à ces grivoiseries.
8' Le maréchal de Mac-Mahon a été bien inspiré en fai-
sant entendre à cet orléaniste que les prérogatives du
pouvoir servaient à autre chose qu'aux vengeances person-
nelles et aux persécutions politiques.
9° Oui, c'est un grand malheur pour le sensible capitaine
Bûcheron du 7' chasseur, qui, ayant forcé son talent, ne
fait plus rien avec grâce.
10» Eugène Pennazi, négociant à Galatz, a l'honneur de
prévenir sa nombreuse clientèle qu'il continue, comme par
le passé, à tenir à leur disposition des vins et spiritueux
des premières maisons de France, Hongrie, Allemagne,
Italie.
[Les cortections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIE DU XVIl" SIÈCLE.
Antoine OUDIN.
(Suite./
Les trois impersonnels fa/loir, sembler et servir peu-
vent se construire sans le pronom sujet : à c/uoy sert ?
de quoij sert ^ faut dire, que vous en semble?
Une « fausseté » de grammaire qu'Oudin a rencontrée
dans son auteur (Ch. Maupas dont j'ai donné la bio-
graphie dans la i' année), lequel dit que il tient signifie
envie ou volonté, et forme ces phrases : il ne me tient
pas d'estre marié pour je n'ay pas envie, ihie leur tien-
dra pas désormais d'aller à la guerre, pour ils n'auront
pus la volonté, phrases qui n'ont jamais été bonnes en
français.
DES IMrERSO.WKI.S RÉCirBOQlES
Là plupart des impersonnels reçoivent les « parti-
54
LE COURRIER DE VAUGELAS
cules réciproques », comme H m'appartient, il m'ar-
rive, etc.
Quelques personnes disent indifféremment, je me
desplais et il me desplaist ; je m'ennuije et il m'ennuye;
je me fasche ei il me fasche;je me souviens et il me
sourient.
Il me semble veut après lui l'indicatif ou le subjonc-
tif indifféremment : vous semble-t-il que je suis ou que
je sois. Oudin prétend que c'est une assez mauvaise
manière de parler que de mettre un infinitif après sem-
bler comme dans cet exemple : vous me semblez resver,
et il ne conseille à personne de s'en servir.
DES PARTICIPES.
On « faisoit estât » autrefois de la construction du
participe en anf avec le verbe aller, comme d'une
chose fort élégante; par exemple, _;e me vnij nourris-
sant; maintenant, il y a beaucoup de personnes qui ne
l'approuvent pas. Toutefois Ant. Oudin le met à la
discrétion de qui voudra s'en servir; et notez, ajoute-
l-il, que contre l'opinion de mon grammairien (il s'agit
toujours de Charles Maupas) ledit participe, en termes
pluriels, doit toujours rester au singulier : les douleurs
qui me vont affligeant, et non pas affligeans ou affli-
geantes.
Quand ce participe est suivi d'un accusatif, il doit
être invariable : la terre produisant des fruits, les
Roy s asseurant leurs estais ; mais s'il est en fin de
phrase, il faut qu'il prenne le genre et le nombre de
son antécédent; les subjects obeissans, les femmes at-
trayantes.
Devant les participes, on ne met jamais les pronoms
personnels sujets, mais bien leurs formes accusatives,
moy, toy, luy, elle, eux, comme dans tnoy allant à
Rome, luy venant de la Cour.
Placés après les substantifs, les participes passifs
s'accordent toujours : les Roys méprisez se vengent, les
femmes importunées se laissent aller bien souvent.
Mais quand ils sont joints à l'auxiliaire avoir, il y a
trois cas à considérer : 1° Si on les met après le sujet
ou antécédent sur lequel ils agissent, il faut qu'ils lui
« conviennent » en genre et en nombre; par exemple :
j'ay veu les habits que vous avez achetez; j'ay receu
les lettres que vous m'avez envoyées; 2° S\ on les met
devant, ils ne changent aucunement : j'ay acheté une
espée, j'ay entendu de beaux diseurs; 3° Lorsqu'un
infinitif suit le participe, il faut le laisser au singulier
masculin : avez-vous oûy la maistresse? Oiiy, je l'ay
oiiy discourir, et non pas je l'ay oiiye.
Maintenant (IG331, les délicats rejetient quantité de
(ihrases qui passaient autrefois pour fort élégantes,
comme : je voy mes affaires réiissies, je pense mes sou-
hnifs arrivez, et cela, parce que le participe qui appar-
tient à des verbes neutres, n'aurait pas bonne grâce à
la fin.
DES ADVERBES.
Voici les remarques que j'ai faites en lisant ce cha-
pitre :
En matière interrogative, ça signifie baillez, comme
dans : ;•« de l'argent.
Céans ne se dit point en parlant d'une chambre; leans
est antique et hors d'usage.
Ça bas, ça haut, sont un peu vulgaires ; il vaut mieux
dire icy bas, icy haut.
Contre se met pour proche : tout contre chez nous ;
mais Oudin le trouve un peu « rude ».
Les prépositions dans, hors, sur, sous, s'emploient
devant les noms : dans le logis, hors du logis, sur la
table ; mais si le substantif se sous-entend, on met
dedans, dehors, dessus, dessous à la place : est-il dans
le logis? Il faut répondre : oiiy, il est dedans ; le disiier
est-il sur la table? Réponse ; oiiy, il est dessus.
(t633).
C'est parler improprement que de dire : dont venez
vous? pour d'oii venez vous?
Jouxte pour vis-à-vis ne se doit plus écrire, ni s'em-
ployer pour selon, bien que quelques auteurs s'en ser-
vent encore.
Oii que ce soit n'est pas une phrase bien « digérée »
il faut dire : en quel lieu que ce soit.
Parmi diffère de entre; il signifie mêlé dans une
confusion de choses, tandis que entre spécifie une chose
mise au milieu des autres sans confusion.
Il faut prendre garde d'employer y sans l'accompa-
gnement du verbe substantif, comme « d'aucuns » qui
écrivent : les tnatiéres y contenues au lieu de qui y sont
contenues.
Il y a une différence entre à la bonne heure et de
bonne heure, car le premier veut dire «propos, tandis
que de bonne heure signifie tost.
Du temps des hauts bonnets est une expression des
frontières, parce qu'on ne l'entend point à la Cour.
Au jour à la journée est une phrase vulgaire.
On ne dit point deuxiesmement , troisiesmement, mais
bien secondement, tiercement; et, après, on dit : en
qualriesme lieu, en cinquiesme lieu, car on ne dit point
quartement ni quatriesmement , quintement ni cinquies-
mement, sixtement ni sixiesmement (t633).
D'abordade est un peu extravagant.
A la par fin est vulgaire; ^« /în /?na/e est antique;
finablement est antique et hors d'usage.
Chacun à sa fois pour chacun à son tour n'est point
une bonne phrase.
Sens devant derrière et sens dessus dessous valent
mieux que c'en devant derrière.
Au lieu de la « diction » fois, on se sert aussi de coup;
on dit : un coup, deux coups, etc.
On ne dit point il y en a d'avantage de dix, mais
plus de dix.
Excellentement est meilleur que excellemment, mis
avec l'adjectif bon; on dit : excellentement bon.
Nous avons des personnes qui disent furieusement
bon, ravissamment bon; estrnnijement bon, etc.
Moult est trop vieux et « tire du latin ».
Prou est un mot vulgaire dont on ne devrait jamais
se servir.
[La fin au prochain numéro.)
Le Rédacteck-Gérant : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
55
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
Histoire d'un mort; par EvarlsteCarrance. 2« édition.
In-8", 207 p. Paris, lib. Lemerre. y fr. 50.
Peintres et sculpteurs contemporains; par Jules
Claretie, 2'- édition, revue et augmentée d'études et docu-
ments nouveaux. In-18 jrsus, xxx-i2/i p. Paris, lib. Char-
pentier et Cie. 3 fr. 50.
Histoire du merveilleux dans les temps modernes ;
par Louis Figuier. 3= édition. T. 2. Les Propliètes protes-
tants. La Baguette divinatoire. In-18 Jésus, 456 p. Paris,
lib. Hacliette et Cie. 3 fr. 50.
Contes et nouvelles en vers; par M. de La Fontaine.
Nouvelle édition, publiée par N, Sclieuring, éditeur, et
Illustrée de nombreuses gravures à l'eau-forte. T. I. In-8%
viii-230 p. et portr. Lyon, lib. Sclieuring.
Histoire de l'enseignement secondaire en France
au X'VII= siècle. Thèse pour le doctoral ès-lettres; par
Henri Lantoine, agrégé des lettres. In-S", xi-295 p. Paris,
lib. Thorin.
Lettres à une inconnue ; par Prosper Mérimée, de
l'Académie française. Précédées d'une étude sur .Mérimée
par H. Taine. 6'= édition, entièrement revue. 2 vol. in-18
Jésus, xxxii-7i9 p. Librairie Nouvelle. 7 fr.
Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la
seconde moitié du XIX' siècle ; par Maxime Du Camp.
3« édition. T. IL In-8', 477 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
7 fr. 50.
Œuvres complètes. Mélanges politiques et polé-
miques, par F. A. de Chateaubriand. In -8°, 718 p. Paris,
lib. Furne, Jouvet et Cie.
Œuvres de Camille Desmoulins, recueillies et
publiées d'après les textes originaux, augmentées de frag-
ments inédits, de notes et d'un index, et précédées d'une
étude biographique et littéraire, par Jules Claretie. 2 vol.
in-18 Jésus, 778 p. Paris, Charpentier et Cie. 7 fr.
Madame de Choiseul et son temps, étude sur la
société française à la fin du xviir' siècle; par M. 1. Grasset,
président à la Cour d'appel de Montpellier. In-8°, 319 p.
Paris, lib. Didier et Cie. 6 fr.
Œuvres de Lamartine. Souvenirs et portraits.
T. I". In-18 Jésus, vi-40/1 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
3 fr. 50.
Histoire des progrès de la grammaire en France
depuis l'époque de la Kenaissance jusqu'à nos jours; par,
Arthur Loiseau, professeur de seconde au lycée d'Angers,
lei- fascicule. In-8", 110 p. Paris, lib. Thorin.
Du dialecte Blaisois et de sa conformité avec l'an-
cienne langue et l'ancienne prononciation française :
Thèse présentée à la faculté des lettres de Paris ; par
F. Talbert, professeur au prytanée militaire de La Flèche.
ln-8", xv-338 p. Paris, lib. Franck.
Sujets et modèles de composition française, k
l'usage des classes supérieures; par A. Pélissier, professeur
de l'université. Application des Principes de rhétorique du
même auteur. In-12, 336 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
2 fr. 50.
Publications antérieures :
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANCION, composée par
Charles SoBEL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colombay. — Paris,
Adolphe Delalmys, éditeur, 4-6, rue Voltaire. — In-16 :
5 fr. ; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
VOCABULAIRE RAISONNÉ ET COMPARÉ DU
DIALECTE ET DU PATOIS DE LA PROVINCE DE
BOURGOGNE, ou Etude de l'histoire et des mœurs de
cette province d'après son langage. — Par Mign.\rd, de
l'Académie de Dijon. — In-S", 334 p — Paris, librairie
Aubry, 18, rue Séguier.
LES GRAMMAIRIENS FRANÇAIS depuis l'origine
de la Grammaire en France jusqu'aux dernières œuvres
connues. — Par J. Tell. — Un beau volume grand in-18
Jésus. — Prix : 3 fr. 50. — Librairie Firmin Didot frères,
fils et Cie, 56, rue Jacob, à Paris.
LE ROMANCERO FRANÇOIS, histoire de quelques
anciens trouvères et choix de leurs chansons, le tout nou-
vellement recueilli. — Par Paulin Paris. —Paris, librairie
Techner, 52, rue de l'Arbre-Sec. Prix : 8 fr.
— Par E. Egger, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté des lettres, maître de conférences honoraire à
l'École normale supérieure. — Sixième édition, revue et
augmentée de quelques notes. — Paris, librairie Durand
et Pedone-Lauriel, 9, rue Cujas.
DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DES NOMS PRO-
PRES D'HOMMES, contenant la qualité, l'origine et la
signification des noms propres se rattachant à l'histoire,
à la mythologie, des noms de baptême, etc. — Par Paul
Hecquet-Boucrand. — Paris, Victor Sarlil, libraire-éditeur,
19, rue de Tournon.
NOTIONS ÉLÉMENTAIRES DE GRAMMAIRE COM-
PARÉE, pour servir à l'étude des trois langues classiques.
HISTOIRE MAGCARONIQUE DE MERLIN COC-
CAIE, prototype de Rabelais, ou est traicté les ruses de
Cingar, les tours de Boccal, les adventures de Léonard,
les forces de Fracasse, les enchantemens de Gelfore et
Pandrague, et les rencontres heureuses de Balde. Avec
des notes et une notice, par G. Brunet, de Bordeaux. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur l'édition de 1606.
— Par P.-L. Jacod, bibliophile. — Paris, Adolphe Dela-
hays, éditeur, 4-6, rue Voltaire.
LES ÉCRIVAINS MODERNES DE LA FRANCE, ou
Biographiesdes principaux écrivains français depulsle pre-
56
LE COURIUER DE VAUGELAS
mier Empire jusqu'à nos jours. — A l'usage des écolfs et
des maisons d'éducation. — Par D. Bonnefon. — Paris,
librairie Sandoz et Fischbacher, 33, rue de Seine.
MANUEL D'HISTOIRE DE L.\ LITTÉRATURE
FRANÇAISE, depuis son origine jusqu'à nos jours, à
l'usage des collèges et des établissements d'éducation. —
Par F. Marcillac, maître de littérature à l'École supé-
rieure des jeunes filles à Genève. — Seconde édition, re-
vue et corrigée.^ Genève, chez //. Georg, libraire-éditeur.
THIRD FRENCH COURSE, intended as a sequel to
Arnold's, Hall's, Ann's, Hamel's, Levizac's, De Fivas' and
other similar educational French works. — By A. CooEnY,
B.A.,L.L., French Masteratthe Birkbeck Schools, Peckham;
etc. — Nouvelle édition revue et augmentée. — London :
Relfe brothers, Charterliouse buildings — Two shillings —
Corrigé du Third French course : Two shillings.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
rÊT
LITTÉRATURE FRANÇAISE
PAR
DÉSIRÉ NISARD, Membre de l'Académie française.
Quatre volumes in- 18 jésus de plus de 400 pages chacun.
\<" vol. : Des origines jusqu'au xvn<= siècle; — i" vol. : Première moitié du xvu= siècle; — 3" vol. : Seconde
moitié du xvii'^ siècle ; — W vol. : Le xvin« siècle avec un dernier chapitre sur le xix".
Cinquième Édition.
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RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue en Angleterre.
Dans l'annuaire commercial et industriel de M. Alfred Hamonet, ouvrage approuvé. par les Autorités consulaires de
France, on trouve la liste suivante des agents de Londres par l'intermédiaire desquels les Professeurs français des deux
sexes peuvent parvenir à se procurer des places :
M. Bisson, 70, Berners Street, W.
M. Biveret Cie, 46, Régent Circus, W.
M. Clavequin, 125, Régent Street, W.
M. Griffiths, 22, Henrietta Street, Covent garden,W. G.
M. Verstraete, 25, Golden Square, W.
Mme Hopkins, 9, New Bond Street, W.
Mme Waghorn, 3/i, Soho Square.
Mme Wilson, Zi2, Berners Street, W.
Nota. — Les majuscules qui figurent à la fin de ces adresses servent à marquer les « districts » pour le service des
Postes; dans la suscription des lettres, on les met après le mot Londres; exemple : Londres W, Londres W. C.
Le volume de M. Alfred Hamonet, qui coûte 1 fr. 25, se trouve à la librairie Hachette, à Paris.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel aux prosateurs.
L'Académie française décernera pour la première fois, en 1875, le prix Jouy, de la valeur de quinze cents francs,
prix qui, aux termes du testament de la fondatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
vation, soit d'imaginalimi, soit de critique, et ayant pour objet l'étude des mœurs actuelles. — Les ouvrages adressés
pour ce concours devront être envoyés au nombre de trois exemplaires avant le 1" janvier 1875.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible ;i son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
5° Année.
N' 8.
15 JuiUet 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^'
-^\Ï.R DE YAVaj,'
A\\>^ Journal Semi-Mensuel <J g À
-^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^A l
ParaUaant la l" et le IS de ehaaae aoia
PRIX ;
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
AN'CtEN" PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Oflirior d'Académie
26, boulevard des Italiens. Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adm'
M. FiscHBACHKR, 33, Tue de Seine.
SOMMAIRE.
Réponse à des communications ; — Etymologie de Morgue; —
Sens et origine de l'expression : .Ve donnons pas trop pour le
sifflet; — D'où vient le nom de Calvados donné à un départe-
ment; — Daigner n'est pas un verbe neutre comme on le croit
généralement. || Si le participe Dégringolé est variable; —
Pourquoi on ne peut pas dire Un trimestre de spectateurs. ||
Passe-temps grammatical. Fin de la biographie d'Antoine
Oudin. li Ouvrages de grammaire et de littérature. || Fa-
milles parisiennes recevant des étrangers pour les perfectionner
dans la conversation. || Concours littéraires.
FRANCE
Réponse aux communications du numéro 6.
L
-M. le docteur Varry croit que l'étymologie qu'il a
recueillie dans ses notes (publiée par le Gaulois le
i3 décembre 1869) est « plus satisfaisante encore » que
celle que j'ai donnée dans mon numéro 3 de cette
année (parue dans le Figaro, en octobre 18"3\
Une simple remarque me suffira pour prouver le
contraire.
En effet, dans le Nouvel Alberfi ^1839), le premier
dictionnaire italien-français où j'aie trouvé far fiasco,
qui nous a donné notre faire fiasco, cette expression
est signalée comme un néologisme, et fiasco dans le
sens de insuccès, coup manqué, comme un terme qui
s'emploie en parlant d'une pièce de théâtre, ce qui
implique naturellement que far fiasco est né dans les
coulisses ou sur les planches.
Or, comme l'étymologie rappelée par M. le docteur
Varry s'appuie sur un fait qui se serait passé dans une
<i verrerie », il est présumable, pour ne rien dire de
plus afOrmatif, qu'elle ne peut être la vraie.
IL
Voici ce que je réponds à la communication ano-
nyme :
i" Dans une parenthèse, l'auteur insinue que /a.<eo/«j(,
dont j'ai fait usage, n'est pas latin, et que j'aurais dit
écrire p/taseolus. S'il veut bien ouvrir Quicherat, p. 437,
col. 2, il y trouvera ce qui suit :
Faseolus, i, m. {faselus). Cic. Plin. Faséole , haricot,
légump.
2° L'auteur commence par ces mois : « 11 n'est guère
probable que flageolet vienne de phaseole par corrup-
tion. »
— Assertion qu'il me prête gratuitement! Je n'ai point
dit que flageolet, légume, avait été formé de faseole;
j'ai dit seulement que l'on avait « substitué » flageolet
à faseolef, que le premier mot avait remplacé l'autre.
3" L'auteur dit encore : « dans aucun temps flageolet
n'a été le terme générique de haricot vert. »
— Je ne le conteste pas; mais n'a-t-il pas pu se faire
qu'après que faseolet, diminutif de faseole et terme
générique pour désigner un petit haricot, a été rem-
placé par flageolet, ce dernier soit devenu le nom spé-
cial des variétés qui se mangent en vert ?
4° Il dit ensuite : « Parmi les variétés de flageolets,
quelques-unes sont marbrées de nuances diverses, et
autrefois on les nommait haricots flagellés; de là sans
doute vient le nom flageolet. »
— Il semblerait d'après ce passage qu'après avoir été
abandonnée, l'expression de haricot flagellé eût été
reportée sur le flageolet blanc. Mais il n'en est point
ainsi; cette expression existe encore, car j'ai trouvé
dans le Manuel du Jardinier [collection Rorel), I"
partie, p. 249 :
naricot flagelle', à membranes brunâtres.
Puis, en supposant que le qualificatif flagellé ait
cessé de s'employer, aurait-il pu, par corruption,
donner le mot flageolet ? Non, car pour que cela eût pu
arriver, il aurait fallu que \'e de gel se transformât en o,
ce qui me semble contraire à toutes les lois connues de
la permutation des voyelles.
3° « Quant à l'intervention de la musique, dit l'au-
teur en terminant, c'est une mauvaise plaisanterie : les
variétés dites /lagrolefs sont moins musicales que les
grosses espèces, et si l'on eût voulu faire un rappro-
chement, on aurait choisi un instrument moins criard
que le flageolet, qui n'a rien de barytonant. »
58
LE COURRIER DE VAUGELAS
— Erreur! Lorsque, dans le langage populaire, les
haricots comprenant les grosses espèces \faseoles)
étaient généralement, et pour d'excellentes raisons,
appelés musiciens, n etait-il pas de bonne logique et
aussi de naturelle association d'idées d'y désigner ceux
qui comprenaient les petites espèces par le nom de //«-
(jeolci, nom rappelant un instrument à vent plus petit
que les autres, et auquel faisait songer le diminutif /«.seo-
let, qui a dû servir jadis à nommer ces petites espèces?
IIL
M. Coudray, lui, voit l'origine de flageolet, légume,
dans le mot latin flayelluin, qui signifiait dans le prin-
cipe « scion d'arbre, houssine, petite branche » : les
« flageolets sont des fèves encore vertes, non arrivées
à maturité, cueillies sur la branche toute verte, sur le
flayelluin de la tige » : de là leur nom.
Je repousse cette nouvelle élymologie pour les motifs
suivants :
-1° Parmi les noms de fruits, il n'en est aucun à ma
connaissance qui reçoive une épilhète faisant allusion à
la partie de la plante sur laquelle il a été cueilli. Pour-
quoi en serait-il autrement du haricot verf
2' Si les flageolets sont ainsi nommés parce qu'ils
sont pris sur le « flayelluin de la tige », pourquoi
n'a-t-on pas donné le même nom aux haricots mûrs
dont la gousse est cueillie absolument au même endroit
où elle l'eût été si l'on avait voulu consommer les hari-
cots en vert?
3" Le mot flayellum n'a paru que sous deux formes
dans notre langue : dans le vieux français, sous celle
de flacl, flaicl, flaijau, lequel s'est transformé en fléau
vers le xvi*^ siècle, et dans la langue moderne, sous
celle de flayel, qui n'existe pas à l'état libre et ne se
trouve que dans les dérivés de flayellum. Or, flayeolcl
ne peut philologiquement être tiré d'aucune des formes
de flayelluin, car la première n'a pas de y, et la seconde
présente un e, lettre qui, comme je lai dit en répondant
à la seconde communication, ne peut se changer en u.
X
Première Question.
D'oii rient le nom de morgue, (lo7iné à ce petit bâti-
ment situé derrière Vcylise Notre-Dame, oii l'on dépose
les corps des noyés ?
Au grand comme au petit Châtelet de Paris, il existait
autrefois une basse geôle, appelée aussi le second guichet,
où l'on amenait les nouveaux prisonniers pour les faire
passer, comme on dirait aujourd'hui, à la visite.
Tous les guichetiers devaient être présents : il fallait
qu'ils examinassent le nouvel liôle avec la plus scrupu-
leuse attention alin de pouvoir le reconnaître s'il venait
jamais à s'écha|)per.
Or, en ce tcmjjs-là, on désignait par morgue celle
espèce d'inspection, ce qui a fait donner le même nom à
la salle où les prisonniers étaient ainsi inspectés au
visage.
Au Grand-Chàlelel, celte geôle changea de destination
un peu plus tard: on y déposa, comme l'apprend
Urice iDescripl. de la ville de Paris, 4752, 1. 1, p. iH3),
les cadavres trouvés dans la Seine ; et, comme les pas-
sants avaient droit d'y entrer pour examiner ceux qui
s'y trouvaient, le second guichet put garder son nom de
moryue, puisquMl s'y faisait encore une sorte d'inspec-
tion.
Maintenant quelle est l'étymologie de moryue?
Ce mot a été formé du verbe murguer, à la S'' personne
de l'indicatif, comme marc /le l'a été de il marche, garde
de il yarde, etc.
Mais d'où vient nwrguer?
Ménage dit que le mot moryue signifie visage, et j'ai
trouvé, en efl'et, plusieurs exemples où il est employé
dans ce sens et dans celui de figure, mine, grimace,
qui dérive du premier :
Vous, biaux soufl?ux, enfans de la chimie...
Pour recherclier queuques secrets nouviaux
Dedans Testai de votte verrerie,
Qui lait la morgue aux naturels cristaux.
[2^* pOTiie de la Muse iiormande, p. 41 l.^
Il n'est pas permis â un chacun de faire bonne morgue
aux plus hauts et plus honorables lieux, et estre appelle
monsieur.
(Les Didl. df. Jaque Tahureau, f» 73 verso.)
Ces parolies achevées, Jupiter, contournant la teste comme
ung cinge qui avalle pillules, feit une morgue tant espou-
vantable que tout le grand Olympe trembla.
(Rabelais, Nouv.proï. du livre IV.)
D'un autre côté, Grandgagnage [Dict. étymol. de la
lanyue irallo/ine] cite le languedocien morga, comme
signifiant museau.
Or, quand je vois qu'eu anglais le mot face, visage,
a fait le verbe to face, envisager, regarder en face, dévi-
sager, daus le sens populaire de ce mot; qu'en espagnol
cara, aussi visage, a fait le verbe encarar, qui a la
même signification que to (ace, je crois pouvoir en
conclure que le verbe morguer a été formé de morgue,
qui a le même sens que face et que cara dans leurs
langues respectives.
Du reste, voyez comme de cette signification primitive
de morgue on passe facilement à celle de lieu de dépôt
pour les cadavres des noyés :
Morgue, visage, d'où moryuer, remarquer le visage,
dévisager; moryue, action de morguer, de remarquer
les traits du visage comme les guiclieliers du Cliàtele't;
moryue, endroil du Grand-Châtelet où l'on déposait les
cadavres des noyés pour les faire reconnaître; moryue,
petit bâtiment à deslination semblable construit d'abord
non loin de l'emplacement du Grand-Châtelel et ensuite
derrière l'église Notre-Dame.
X
Seconde Question.
Un de mes amis m'écrit cette phrase en manière de
cunclu.tion d'une grande demi-paye : « Enfin, mon
cher, rappelle-toi ce proverbe : ke donnons Pis trop "j
POUR LESiFFLKT. » Quelle est, s^il vous pluit, la véritable '
significal'wn de ce proverbe, et aussi son origine?
lîenjanùn Franklin, cet éminenl Américain dont '
Turgol a résumé les plus beaux traits de gloire dans ce
vers célèbre :
Eripuil cœlo lulnien, sceptrunique tyrannis.
LE COURRIER DE VAUGELAS
59
(Il arracha la foudre an ciel et le sceptre aux tyrans.)
Benjamin Franklin, dis-je, ne tut pas seulement un
excellent citoyen et un habile physicien, ce fut encore
un grand moraliste et un modèle de vertu. Il s'était
créé une méthode de réforme morale, qui consistait à
combattre successivement chaque vice, et il contribua
au perfectionnement de ses concitoyens par une foule
d'écrits populaires, parmi lesquels on remarque la
Science du bonhomme lUchard.
Or, c'est de cet opuscule, traduit en françai.s, qu'est
tiré le proverbe en question, proverbe qui fait allusion
à une anecdote de son enfance, et que, sous le titre de
Sifflet, il a racontée en ces termes (éd. de Dijon, 1827; :
Quand j'étais un enfant de cinq on six an?, mes amis,
un jour de fête, rempliront ma petite poche de sous.
J'allai tout de suite à une boutique où l'on vpndait des
babioles; mais étant charmé du fon d'un sifflet ijue je ren-
contrai en chemin dans les mains d'un autre petit garçon,
je lui offris et lui donnai volontiers pour cela tout mon
argené. Revenu chez moi, sifflant par toute la maison, fort
content de mon achat, mais fatiguant les oreilles de toute
la famille; mes frères, mes sœur?, mes cousins, apprenant
que j'avais tout donné pour ce maudit bruit, nip dirent
que c'était dix fois plus que la valeur; alors ils me firent
penser au nombre do bonnes choses que j'aurais pu ache-
ter avec Je reste de ma monnaie si j'avais été plus prudent:
ils me ridiculisèrent tant de ma folie que j'en pleurai de
dépit, et la réflexion me donna plus de chagrin que le sif-
flet de plaifir.
Cet accident fut cependant dans la suite rie quelque uti-
lité pour moi, l'impression restant sur mon âme, de sorte
que, lorsque j'étais tenté d'acheter quelque chose qui ne
m'était pas nécessaire, je di.^ais en moi-mèrae, A'e donnons
pas trop pour le sifflet, et j'épargnais mon argent.
Devenant grand garçon, entrant dans le monde et obser-
vant les actions des hommes, je vis que je rencontrais
nombre de gens gui donnaient trop pour le sifflet.
Quand j ai vu quelqu'un qui, ambitieux de la faveur de la
Cour, consumait son temps en assiduité aux levers, son
repos, sa liberté, sa vertu, et peut-être ses vrais amis, pour
obtenir'quelque petite distinction, j'ai dit en moi-même.
Cet homme donne trop pour son sifflet.
Quand j'en ai vu un autre, avide de se rendre popu-
laire, et pour cela s'occupant toujours de contestations
publiques, négligeant ses affaires particulières, et les rui-
nant par cette négligence, il paie trop, ai-je dit, pour son
sifflet.
Et Franklin continue, énumérant de nouvelles cir-
conslances oij l'on peut faire application de la phrase
Trop donner pour le ■■sifflet, qui signifie, en général,
comme ce qui précède le fait voir : follement dépenser
pour une chose dont on ne doit retirer que les plus
médiocres avantages.
Le conseil de votre ami n'est autre que cette même
phrase, à la négative près.
X
Troisième Question.
Encore une question sur la géographie, si vous le
permellez. Pourriez-vous me dire d'oii vient le mot
Calvados, qui donne son nom à un département de la
Jlasse-lSorinandie ?
Dans l'origine, le département dont Caen est le chef-
lieu devait s'appeler déiiartement de VOrne-hiféricuro;
mais, à l'instigation de Mlle Delaunay, sœur du député
de Baycux, laquelle trouvait que c'était employer là une
désignation bien terne lorsqu'on avait à sa disposition
le nom sonore de Calcados. une adresse ayant été en-
voyée à l'Assemblée constituante, celle-ci' revint sur
une décision récemment prise, et le département en
question reçut le nom qu'il ]iorte aujourd'hui.
.Mais pourquoi le rocher de quatre à cinq lieues qui se
présente au nord de ce département s'appelle-t-ifrocher
du Calvados?
Grâce à V Intermédiaire, cet excellent journal qui
vient de reparaître à la grande satisfaction des cher-
cheurs et des curieux, je puis vous répondre sans trop
de retard.
Deux solutions ont été données à ce sujet :
r Le rocher du Calvados est sinon pelé, du moins
aride, chauve, en un mot. Or, chauve se dit en espagnol
cali-o et cali-a, de la même famille que calvez, calvez-a,
et autres dérivés semblables, dans chacun desquels
entre essentiellement l'idée de calvitie. C'est donc l'es-
pagnol qui a fait les frais du nom de Calvados oa plutôt
de sa désinence, puisque le radical est latin.
2° Lorsqu'on ^.^88, Philippe 11, roi d'Espagne, envoya
son Invincible Armada pour anéantir l'Angleterre, cette
llolle fut, comme on sait, dispersée dans la .Manche par
la tempête. Or, un des navires qui la composaient, le
Calvados, vint échouer sur les rochers qui longent
notre côle, et leur donna son nom.
.Maintenant quelle est la meilleure de ces solutions?
En Normandie, la tradition est pour la seconde ; de
plus, les anciennes cartes du British Muséum écrivent
le nom de ces rochers Calvador, expression bien peu
différente de notre Calvados; et enfin, la partie de mer
qui est entre les rochers et les côtes s'appelle Fosse
d'Espagne, ce qui, en impliquant un naufrage d'Espa-
gnols en cet endroit, corrobore ladite solution.
Quant à la première, je sais que l'on a allégué en sa
faveur que, dans le nord de la France, Philippe II, par
respect filial, avait donné le nom de son père à une ville,
Qaintinopolis, devenue depuis Saint-Quentin ; mais je
ne vois pas là une raison suffisante pour établir que
l'espagnol ait servi à dénommer, à cause de leur aspect,
les roches de la côte de Normandie : les habitants de
ce pays, qui ont simplement appelé Ile pelée une île
improductive située en face de Cherbourg, auraient
appelé Roches chauves les rochers du Calvados, s'ils y
eussent attaché, comme on l'a prétendu, une idée de
calvitie. Du reste, est-il bien certain que les rochers du
Calvados, qui ne s'aperçoivent jamais que dans les plus
fortes marées, soient réellement aussi chauves qu'on
s'est plu à le dire?
La seconde explication me sernble l'emporter de beau-
coup sur la première.
X
Quatrième Question.
Soi/e: ft.s-.vp; l)on pour répondre dans l'un des premiers
numéros du Ci)iiiiiir:ii de ViicraAS « lu question que
voici : Quel rôle jow l'infinilif *ccori>eu dan.t cette
60
LE COURRIER DE VAUGELAS
phrase : Daignez nocs AcconnEB votre aide, etc. Le
verbe daignée étant neutre, nous sommes dans l'embar-
ras pour analyser l'infinitif qui le suit.
Je trouve que le verbe accorder, dans cette phrase,
joue absolument le même rôle que dans celle-ci :
Veuillez nous accorder votre aide, etc.
Or, dans cette dernière, «(con/er est régime direct;
par conséquent, dans la première, il l'est également.
Mais, direz-vous, dans l'une, veuillez- est un verbe
actif, et dans l'autre, daignez est un verbe neutre, qui
ne peut avoir un tel régime.
C'est une profonde erreur, partagée du reste par les
sept dixièmes des lexicographes que j'ai consultés;
daigner est bel et bien un verbe actif, ainsi que, par
une triple preuve, je vais vous le démontrer.
\a Daigni^r vient du latin dignari, qui est un verbe
déponent à signification active, puisqu'on trouve dans
Quicherat :
Haud iali me dignor honore. Virg. (Je ne mérite pas un
tel honneur,) — Dignari regem filium. Curt. (Adopter un roi
pour tils.)
Or, en passant en français, un tel verbe n'a pu don-
ner un verbe neutre. Daigner est donc un verbe actif.
2° Un verbe neutre peut se construire seul à la fin
de la phrase : je marche, tu tombes, il règne, nous
arrivons, vous venez, ils dorment ; or, ce n'est jamais
le cas de daigner, qui requiert toujours après lui un
infinitif : il daigne le secourir, elle daigne me sa-
luer, etc. Conclusion : daigner ne peut être qu'actif.
3" Cherchez les équivalents de daigner; vous trou-
verez qu'il veut dire^a^er à propos, croire convenable,
avoir pour agréable, vouloir bien, toules expressions
contenant un verbe actif; or, il ne peut en être ainsi
qu'à la condition que daigner soit actif lui-même.
ÉTRANGER
Première Question.
M. Littré n'est pas d'accord avec l'Académie sur la
manière d'écrire le participe de'gri\gole'; il dit :
« L'Académie écrirait : les marches guej' a iitÉGUi^GOiÉcs;
la grammaire veut qu'on écrive : les marches que nous
avons DÉGRINGOLÉ. On ne peut pas dégringoler quelque
chose. Que pensez-vous à votre tour de l'orthographe
de ce participe ? .
Depuis que le verbe dégringoler a été admis par
l'Académie dans son édition de 1717, il n'a pas cessé
de se construire tantôt ncutralement comme tomber,
tantôt activement avec le régime direct degré ou un
mot synonyme ;
(Exemples de la construction neutre)
Nos ministres dégringolent l'un après l'autre comme les
personnages de la lanturnc magique.
(Voltaire, Lettre h Mme du Deffant, 3 décembre i-jS!).)
Mlle Clairon et Mme du Gliappe soutiennent la j;loire de
la France, mais ce n'est pas assez : nous ilc'gringoluns fu-
rieusement.
lIHem, Lftlrf nu duc de Richel , ai oct. fjtiij
(Exemples de la construction active)
Il a dégringolé les montées; on lui a fait dégringoler les
marcties.
(Académie de 1717).
On lui a fait dégringoler les montées quatre à quatre.
(Furetière, 17117.)
Dégringoler un escalier.
(Académie de i835.|
Dégringoler la colline,
(Bescherelle, Diction.]
Or, après cela, je ne comprends pas comment il serait
possible d'écrire, sans faire varier le participe :
Les marches que nous avons dégringolé, 9
car dans cette phrase la construction est active, et, par
conséquent, le participe doit s'y accorder, comme dans ■
tous les cas analogues, avec son régime direct, 1
Pour justifier ici l'invariabilité du participe, M. Littré J
dit que dégringoler n'est pas plus un verbe actif que "
n'en sont marcher et courir dans les phrases, marcher
deux heures, courir deux lieues; mais qu'il me soit
permis de faire observer que le cas n'est pas du tout le
même : dans ces dernières phrases, en effet, la prépo-
sition pendant est sous-entendue, tandis que, dans
celle dont il est question, elle ne peut l'être, comme
n'ayant jamais existé.
Du reste, en supposant que, dans l'origine, dégrin-
goler ait été neutre, ce ne serait pas une raison pour
qu'il ne fut pas actif; car, avec le temps, les verbes
peuvent changer de nature; ainsi, par exemple, penser
était neutre dans l'origine, onA\i3d[, penser d'une chose,
comme on le dit encore en anglais, et aujourd'hui on
dil penser une chose; nous disions prier à Dieu, au
moyen âge, et nous disons maintenant prier Dieu.
X
Seconde Question,
Dans votre numéro 5, vous avez corrigé, au Passe-
Temps, une phrase oii se trouvaient ces mots : «. qui
fasse couler les larmes à m trimestre de spectateurs ».
Je sens très-bien que cela ne doit pas se dire; mais
comme d'autres cas analogues pourraient se présenter,
je voudrais savoir en vertu de quelle règle il faut cons-
truire de cette manière.
Pour qu'un substantif exprimant une division du
temps puisse être suivi d'un complément détcrminatif,
il faut que ces deux substantifs se puissent construire
dans un ordre inverse et être séparés par qui durepcn-
dani; ainsi on dit très-bien ;
Une heure de leçon,
Si.x mois de révolution.
Un an de maladie.
Une semaine de travail.
Parce qu'on peut dire :
Une leçon qui dure pendant une heure.
Une révolution qui dure pendiinl six mois,
Une maladie qui dure pendant un an,
Un travail qui dure pendant une semaine.
LE COURRIER DE VAUGELAS
6i
Mais l'expression un trimestre de spectateurs ne
pouvant se tourner i)ar :
Des spectateurs qui durent pendant un trimestre,
j'en ai naturellement conclu que cette expression était
mauvaise ; et, comme trimestre n'y pouvait convenir,
attendu qu'il s'emploie plutôt comme terme de finances,
j'ai corrigé comme vous l'avez vu la phrase où ladite
expression se trouvait.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1°... mais qui nous pirait curieux à signaler; — 1'... au
réseau occidental européen, ou {soit ne s'emploie qu'en cas de
répétition); — 3°... et se faire débonnaire afin d'èlre (Voir
Courrier de Vaugelas, 2" année, p. 13'J); — i'... qu'elle a laissés
arriver aux Carlistes; — 5°... et il est à craindre que ce nouvel
échec n'augmente ; — 6°... nous allons nous faire moquer (sans
de nous ; Voir Courrier de Vangelas, 4' année, p. 130) ; — 7"...
et nous nous souvenons de l'avoir entendu conter; — 8°... ser-
vaient à autre chose que les vengeances personnelles et les por-
sécutions (Voir Courrier de Vaugelos, 3' année, p. 7i) ; — 9"...
du 7' chasseurs (au pluriel, parce que régiment de est sous-
entendu); — 10°... comme par le passé, à tenir à sa disposition
(en français les adjectifs possessifs qui se rapportent à des noms
collectifs ne se meltenl pas au pluriel).
Phrases à, corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1' Comment parler d'autre chose que des scènes qui de-
puis deux jours s'étaient succédé à la gare Saint-Lazare?
2* Le ligaro, annonçant notre interdiction de vente sur
la voie publique, ajoute, non sans raillerie, que la Fronde
plus lieureuse, a vu lever hier soir l'interdit qui l'avait
frappé.
3° Mais au fait, exclama-t-il tout-à-coup, pourquoi un
ministèrel est-ce que nous ne sommes pas aussi heureux
en ce moment que si nous en avions un?
4° Aujourd'hui les théâtres de Paris ne font plus four; à
moins de relâche officiellement annoncée, ils jouent cons-
tamment, ne fût-ce que devant l'orchestre, les banquettes,
le pompier et le garde de Paris.
b' On ne se suicide pas soi-même, quand on est un parti
sérieux, et le parti légitimiste se suiciderait, s'il faisait une
tentative de ce genre.
6' Aujourd'hui, je me borne à constater que ce n'est pas
moi qui ai commencé à traiter politique devant le public.
On m'a obligé à faire acte de ma personne pour expliquer
ma conduite à l'égard d'un homme que je vénère profon-
dément.
7° Comme nous avons appris qu'ici même on distribue
des couronnes et des récompenses â ceux qui les méritent,
nous sommes venus dans l'espoir qu'on voudra bien juser
que nous en méritons aussi.
8" Vous plairait-il, cher lecteur, que nous revenions à
nos Etudes sur la Roumanie? pauwres études commencées
depuis SI longtemps, interrompues tant de fois, et qui
s'achèveront quand il plaira à Dieu.
9° La livrée llamboyante de la princesse Bagration a
disparu, mais il est resté le Suisse unique de l'époque, un
vrai Suisse, un géant, qui a servi longtemps dans l'artillerie
suisse.
10» Et quand il vous y reçoit, on peut dire, comme d'un
ancien itomain, qu'il porte dans ses traits ie reflet des
grands événements qu'il a vécus.
11° Il avait, dans sa jeunesse, essayé du vaudeville et
risqué, sur quelques scènes minuscules, quelques petits
actes qui ne valaient ni mieux ni pire que ceux de tels et
tels de ses rivaux d'alors qui, depuis, ont fait grande figure
dans la carrière dramatique.
11° Un homme pendu par des femmes, en présence d'une
foule furieuse et en vertu de cette terrible loi du Lynch,
si en honneur dans les contrées presque sauvages, tel est
le spectacle dont la Trinidad a été le théâtre depuis quelques
jours.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Antoine OUDIN.
,'Suite et fin.}
Aux frontières, on dit un petit peu, ce qui n'est poitit
du tout à propos.
D'après Oudin, on ne doit point mettre l'adverbe de
quantité après son substantif, comme font ceux qui
disent : il a du bien assez; il a du pain plus que vous
ne penses.
Les adverbes de qualité foi'més des adjectifs terminés
en ïe et iie, ne retiennent point Ve féminin dans la pro-
nonciation ni même dans l'écriture; exemple : hardie,
hardiment ; fjoulite, (jouluinent.
Il ne faut pas dire : à la franche Marguerite parce que
c'est une phrase d'artisan.
C'est mon, ce fay mon, ce faudra mon sont des façons
de parler de harengères.
Voire est trop vulgaire comme adverbe d'adlirmation.
On dit : je ne le feray mie, mais c'est picard.
11 e?t indifférent de répéter la particule mj après une
négative; ainsi on peut dire :7e ne puis manger ny
boire, ou bien : je ne puis ny manger ny boire.
Quant à l'emploi des négatives, voici quelques règles
que donne Antoine Oudin :
1° On peut supprimer «e dans quelques interrogations
négatives, et dire, par exemple : changera-t-il point de
volonté?
i° Avec la « particule » que, on ne met que ne sans
pas, ni point, comme dans : que ne faites-vous, que ne
dit-elle?
3" A\'ec pourquoy , il faut les deux négatives : paur-
quoy ne voyez-vous pas?
Il se rencontre une phrase où les deux négatives ont
comme un sens affirmatif : il n'est pasjusques aux plus
petits qui en veulent parler.
Beaucoup de personnes confondent 7;rt,s- 1\. point : m3.\s
il y a pourtant de la différence, car jmint se rapporte
aux choses « qui portent » quantité, et pas conclut une
négative sim[)le de qualité : par exemple : je n'ay point
d'argent et non je n'ay pas d'argent.
Dans une phrase négative, au lieu de la conjonction
''^•il faut mettre «y; par exemple : l'ous n'avez pas
62
LE COURRIER DE VAUGELAS
voulu, ny motj aussi; les étrangers diraient impropre-
ment et moy aussi (1633).
Lorsque, dans une comparaison, la dernière partie
se termine par un infinitif, il faut mettre non pas, et
dire, par exemple : il aime mieux n'avoir rien que non
pas avoir du bien mal acquis. S'il en est autrement, il
faut y mettre ne et tie pas; ainsi : je suis tout autre
qu'il n'est pas; ils sont plus vaillans que ne sont nos
gens. Quand la seconde partie de la comparaison est
sans verbe, il est indifférent de mettre non pas ou de
l'omettre : les tromperies se reconnaissent mieux par
les evenemens que par les apparences ou que non pas
par les apparences. La première construction est la
meilleure.
Voici des expressions adverbiales dont on se sert
pour exprimer la contradiction : voire, voire voire,
justement, ils sont bossus, elles sont sonnées, des neffics,
des flustes; mais juste et quarré comme une fluste est
une expression vulgaire.
En voici encore quelques autres du même genre :
on vous en fricasse; vous me la baillez, belle; vous y
estes, laissez-vous choir; autant pour le brodeur.
Nous contredisons quelqu'un qui nie par si, comme
dans : vous n'estes pas mauvais, si suis; vous ne le faites
pas, si fay.
Les « courtois » qui parlent le plus honnêtement se
servent des formes qui suivent : excusez-moy, pardon-
nez-moy, sauf vostre grâce, sauf vostre honneur.
Pour signifier le silence, on dit coy, tout coy, mot;
on emploie aussi cliut, qui est un mot normand, ^^a/x,
paix-là.
On emploie taij, tay pour appeler les chiens, et mi-
non, minon pour appeler les chats.
Aussi ne reçoit point la particule comme; c'est mal
parler que de dire aussi riche comme vous ; dites plutôt
que vous.
D'après Ant. Oudin, comme adverbe de similitude «
l'instar est trop latin, et n'est point en usage parmi les
« bons François ».
Voila qui est une mauvaise construction ; au lieu de
voila qui est beau, il vaut mieux dire cela est beau.
On ne doit jamais mettre les pronoms le, la, les
entre voy et cy ou là, comme « d'aucuns », qui disent
voy le cy, voy te là; car ce sont de fort mauvais « ar-
rangemens. »
Lorsque la négative précède voïcy, il faut se garder
de mettre l'impersonnel // après, comme le vulgaire qui
dit : ne voila-t'il pas au lieu de ne voila pas, qui est
plus convenable; car voy est la seconde personne de
l'impératif, qui ne se peut rapportera (7, qui en est une
troisième.
Voyez-cy n'est guère élégant, et voyez là est fort peu
fréquent.
Quant et mnij est un peu vulgaire.
Anl. Oudin remarque que si l'on dit à qui mieux
mieux, on ne dit point à qui pis pis.
Tant y a se trouve [)armi les adverbes de conclusion.
DES CORJO.NCriONS.
Alors U633) on employait fu.st cx)mme nous em-
ployons aujourd'hui soit; mais Oudin le trouve un peu
« nud » et hors d'usage: fust au logis, fust en cam-
pagne; il dirait, lui, ou que ce fust au logis, ou que ce
fust en campagne.
Au lieu de }i'estoit,n'eustesté ^ae, Oudin aime mieux
qu'on dise plus « modernement » si ce n'estoit, si ce
n'eust esté.
Dans le langage vulgaire, qui ne s'emploie pour si on
ne, comme dans : on n'en sçauroit jouir qui ne leur
donne, c'est-à-dire si on ne leur donne.
L'expression à celle fin est vulgaire.
A ce que pour d'après ce que s'emploie très-bien : à
ce que j'ay entendu dire.
Nous avons des modernes (1633) qui ne veulent
point admettre le car; mais il y a des occasions où ils
se trouveraient bien embarrassés s'il leur était défendu
de s'en servir.
Ains est devenu vieux depuis dix ans « en ça ».
Mais s'emploie dans la phrase populaire Je w'ewjjwù
mais pour direy'e n'en suis pas cause.
Et SI pour toutefois ne se dit plus.
DES PRÉPOSITlOiNS.
11 faut dire à travers et non au travers.
Au ras n'est point recevable, et ne signifie rien « en
ce pays cy. »
On dit mettre la porte dedans pour l'enfoncer, la
rompre.
Sus pour sur ne se met que dans cette phrase : courir
sus à quelqu'un.
DES INTEBJECTIO-N'S.
Parmi les interjections de « cry » on trouve à i' arme.'
Da est une syllabe qu'on emploie trop fréquemment.
Il est bien nécessaire de s'en servir dans certains cas
comme par manière de refus ou de moquerie : ouy-da,
(•oî're-f/a; mais attendu qu'Oudin ne voit pas d'étran-
ger revenant des bords de la Loire qui n'en farcisse ses
discours, il croit que dans ces lieux-là on en fait une
parure au langage. Toutefois, il ne dit pas cela dans
l'intention de ravir aux gens de ce pays la réputation
qu'ils ont de parler mieux qu'à la Cour.
Ici se termine la grammaire d'.^ntoine Oudin, ou-
vrage qui dut être en son temps d'une grande utilité
pour l'étude de la langue française si l'on en juge par
ces vers, signés Baro, qui se trouvent aux premières
pages de la seconde édition (1640) :
A Monsieur Oudin.
Que ne doit la France à tes veilles?
Et quel effort de jugement
Eui-t démeslé plus nettement
ïant de difficulté?, pareilles?
L'ouvrage dont tu viens à bout
Est si fort au dessus de tout,
Que pour payer tes soins d'un prix qui te contente.
Elle souhaitto désormais,
Que comme sa langue est vivante,
Ta gloire no meure jamai.^.
FIN.
Le RÉDACTEOll-GÉBAlNT 1 EsiA.\ .MARTIN.
LE COURRIER DE YAL'GELAS
63
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
Exercices sur le style épistolaire, à l'usage des
jeunes demoiselles, précédés de réflexions, d'instructions et
de modèles sur les différents genres de style épistolaire ; par
Alex. Abrant. 3' édit. In-12, 196 p. Paris, lib. Boyer et C'.
La Jetinesse de Mirabeau; par Mme Louise Colet.
Nouvelle édition, complétée. Iq-18 Jésus, iv-312 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr.
Voltaire et la société française au XVIII= siècle.
Voltaire et J.-J. Rousseau; par Gustave Desnoires-
terres. ln-8», 520 p. Paris, lib. Didier et C^ 7 fr. 50.
Dialogues sur l'éloquence en général, et sur celle
de la chaire en particulier ; par Fénelon. Nouvelle
édition, augmentée de notes, par l'abbé Drioux. professeur
d'histoire. In-18, 119 p. Paris, lib. Lecoffre fils et C«.
Les Mondes imaginaires et les mondes réels,
voyage pittoresque dans le ciel et revue critique des théo-
ries humaines, scientifiques et romanesques, anciennes et
modernes, sur les habitants des astres; par Camille Flam-
marion. I2« édition. In-12, vii-599 p. et pi. Paris, lib. Di-
dier et C'. 3 fr. 50.
Grammaire des langues romanes; par Frédéric
Diez. 3'^ édition, refondue et augmentée, t. I. Traduit par
Auguste Brachet et Gaston Paris. 2= fascicule, ln-8*, 2/il-
Z|76 p. Paris, lib. Franck.
En congé; par Mlle Zenaïde Fleuriot. Ouvrage illustré
de 61 vignettes sur bois |)ar A. Marie. In-18 Jésus, 26i p.
Paris, lib. Hachette et C°. 2 fr. 25.
Histoire de la caricature sous la République,
l'Empire et la Restauration; par Champfleury. In-18
Jésus, 300 p. Paris, lib. Dentu. 5 fr.
Les Femmes illustres de la France; par Joseph
Delanox. 2» édition, soigneusement revue. Gr. in-iS, 225 p.
Limoges, lib. Ardant et G'.
Louis XIV et son siècle ; par Alexandre Dumas. Nou-
velle édition. T. 1 et 2. ln-18 Jésus, 629 p. Paris, lib. Nou-
velle, i fr. 25 le vol.
Le Fils du diable ; par Paul Féval. Nouvelle édition,
illustrée de ?Zi gravures sur acier. T. 1 et 2. Gr. in-S»,
81i p. Paris, lib. Legrand, Troussel et Pomey.
Maître Pierre; par Edmond About. 6« édition. In-18
Jésus, vi-309 p. Paris, lib. Hachette et C«. 2 fr.
Envers et contre tous; par Aniédée Achard. Nouvelle
édition, ln-18 Jésus, 300 p. Paris, lib. Nouvelle. 3 fr. 50.
La Famille et l'éducation en France dans leurs
rapports avec l'état de la Société; par Henri Baudril-
lart, membre de l'Institut. In-12, xi-i31 pag. Paris, lib.
Didier et G'. 3 fr. 50.
Une campagne en Kabylie, récit d'un chasseur
d'Afrique et autres récits; par Erckmann-Chatrian, 3« édi-
tion. In-I8 Jésus, 305 p. Paris, lib. Hetzel et G". 3 fr.
Les Lettres d'un logicien, questions des années 1872
et 1873; par Emile de Girardin. In-8», xvi-il9 p. Paris, lib.
Nouvelle.
Publications antérieures :
LES ANCIENS POÈTES DE LA FRANCE, publiés
sous les auspices de S. Exe. Monsieur le Ministre de l'Ins-
truction publique et des Cultes, et sous la direction de
M. Guessard. — fierabr.^s. — p.keise l.\ duchesse. — Paris,
chez F. Vieweg, libraire-éditeur, 67, rue Richelieu.
LES GRAMMAIRIENS FRANÇAIS depuis l'origine
de la Grammaire en France jusqu'aux dernières œuvres
connues. — Par J. Tell. — L'n beau volume grand in-18
Jésus. — Prix : 3 fr. 50. — Librairie Firmin Didol frères,
fils et Cie, 56, rue Jacob, à Paris.
CONFORMITÉ DU LANGAGE FRANÇOIS AVEC
LE GREC, par Henri EsTiENNE. — Nouvelle édition, accom-
pagnée de notes et précédée d'um essai sur la vie et les
ouvrages de cet auteur. — Par Léon Feugère, professeur
de rhétorique au lycée Louis-le-Grand.— Paris, chez Jules
Delatam, imprimeur de l'L'niversité de France, rue de
Sorbonne et des .Mathurins.
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANCION, composée par
CH.\RLEsSonEL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propfts et notes par E.mile Colo.mbay. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, ù-6, rue Voltaire. —In-16 :
5 fr. ; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
VOCABULAIRE RAISONNÉ ET COMPARÉ DU
DIALECTE ET DU PATOIS DE LA PROVINCE DE
BOURGOGNE, ou Etude de I histoire et des mœurs de
celle province d'après son langage. — Par Mignard, de
l'Académie de Dijon. - In-8», 33Zi p. — Paris, librairie
Aubry, 18, rue Séguier.
LE ROMANCERO FRANÇOIS, histoire de quelques
anciens trouvères et choix de leurs chansons, le tout nou-
vellement recueilli. — Par Paulin Paris. — Paris, librairie
Techner, 52, rue de l'Arbre-Sec. Prix : 8 fr.
NOTIONS ÉLÉMENTAIRES DE GRAMMAIRE COM-
PARÉE, pour servir à l'étude destrois langues classiques.
— Par E. Egoer, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté des lettres, maître de conférences honoraire à
l'École normale supérieure. — Sixième édition, revue et
augmentée de quelques notes. — Paris, librairie Durand
et Pedone-Lauriel, 9, rue Cujas.
DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DES NOMS PRO-
PRES D'HOMMES, contenant la qualité, l'origine et la
signification des noms propres se ratlachant à l'histoire,
à la mythologie, des noms de baptême, etc. — Par Paul
Hecuuet-Boucrand. — Paris, ViclorSarlily libraire-éditeur,
19, rue de Tournon.
64
LE COURRIER DE VAUGELAS
HISTOIRE MACARONIQUE DE MERLIN COC-
CAIE, prototype de Rabelais, ou est traicté les ruses de
Cingar, les tours de Boccal, les adventures de Léonard,
les farces de Fracasse, les enchantements de Gelfore et
Pandrague, et les rencontres heureuses de Balde. — Avec
des notes et une notice, par G. Brunet, de Bordeaux. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur l'édition de 1606.
— Par P.-L. J.\coB, bibliophile. — Paris, Adolphe Dela-
hays, éditeur, /i-6, rue Voltaire.
THIRD FRENCH COURSE, intended as a sequel to
Arnold's, HalFs, Ann's, Hamel's, Levizac's, De Fivas' and
other similar educational French works. — By A. Coqery,
B.A.,L.L., French Masteratthe Birkbeck Schools, Peckham;
etc. — Nouvelle édition revue et augmentée. — London :
Relfe brothers, Charterhouse buildings — Two shillings —
Corrigé du THran French course : Two shillings.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
LITTÉRATURE FRANÇAISE
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Quatre volumes in-18 jésus de plus de 400 pages chacun.
1" vol. : Des origines jusqu'au xyii^ siècle ; — 2= vol. : Première moitié du xvii' siècle ; — 3" vol.
moitié du xvii": siècle ; — h" vol. : Le xviii« siècle avec un dernier chapitre sur le xix».
Seconde
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Prix de l'ouvrage : 16 francs.
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FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
A Passy (près du Ranelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Dans un grand pensionnat de DemoiseUes, situô
dans une des localités les plus salubresde la banlieue de
Paris, on reçoit de jeunes étrangères pour les perfec-
tionner dans langue française. — Chambres particulières.
Table de la Directrice. — Prix modérés.
Une Maison d'éducation qui n'est point une pension
prend des étrangers à demeure pour leur enseigner la
langue et la littérature françaises. — Près du Collège de
France et de la Sorbonne.
Avenue de l'Impératrice. — Un ancien préfet du
collège Rollin prend en pension quelques jeunes étrangers
pour les perfectionner sérieusement dans l'étude de la
langue française. — Enseignement de l'allemand et prépa-
ration aux examens pour le service militaire en Angleterre.
(Les adresses sont indiquées à la rédaction du Journal.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel aux prosateurs.
L'AcADKMiE FRANÇAISE décemcra pour la première fois, en 1875, le prix Jouy, de la valeur de quinze cents francs,
prix qui, aux termes du testament de la fondatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
vation, soit d i III affinât i(m, snit de critique, et ai/ant pour objet Vclude des mœurs actuelles. — Les ouvrages adressés
pour ce concours devront être envoyés au nombre Je trois exemplaires avant le l''' janvier 1875.
Le rédacteur du Courrier de Vaurjclas est visible à son bureau de midi à uiw heure et demie.
Imprimerie Guuvernedr, G. Daupeley ù Nogent-le-Rotrou.
5" Année.
m° 9.
1" Août 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
^«
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^"^
DE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Journal Semi-Mensuel
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraissant la l" at la IS da eha«aa Bola
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANQERS
Officier dWcadémie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à lAdm'
M. FiscHBACHER, 33, ruc de Seine.
SOMMAIRE.
Communication relative au proverbe S'en moquer comme de l'an
quarante et à l'emploi de Charnier;— S'il faut écrire Pantoufle
de verre ou Pantoufle de vair; — Origine de Chat-huant; —
Explication de Orgue de Barbarie: — Le verbe Devoir peut se
prendre en mauvaise part. || Étymologie de Dégringoler; —
Vrai subjonctif du verbe \'ouloir. || Passe-temps grammatical. ||
Biographie de Vaugelas. || Ouvrages de grammaire et de littéra-
ture. Il Familles parisiennes recevant des étrangers pour les
perfectionner dans la conversation. || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATIOiN.
J'ai reçu la lettre qu'on va lire au sujet d'un pro-
verbe et d'un mot dont j'ai donné Texplication dans
mon 5'= numéro :
Monsieur,
Le Courrier de Vaugelas du 1" juin 1874 contient deux
solutions sur la question de l'origine du proverbe Je m'en
moque comme de l'an 40.
Voulez-vous accorder l'hospitalité de votre journal pour
une troisième solution que j'ai hasardée dans l'Intermé-
diaire du 10 juin 1874? La question avait été posée en ces
termes -. t Je m'en f...iche... etc.
Voici ma réponse :
€ Mercier a fait un livre intitulé: L'an 2440, qui figurait
le monde à cette époque. Or, comme aucun de ses contem-
porains ne pouvait songer â vérifier la prophétie, on paro-
diait le mot de Louis W, Après moi le déluge! et l'on disait
Je m'en moque comme de l'an 2440 (de Mercier), et, par abré-
viation, comme de l'an 401 Les f... ne sont venus qu'après
suivant la loi du progrès moderne. >
E. G. P.
Sur la question soulevée à propos du mot charnier, je
dirais que M. Sarcey a pu employer le mot charnier dans
le sens général de cimetière, mais qu'il a eu tort en l'ap-
pliquant au cimetière des Innocents, qui avait un charnier
et n'en était pas un.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considéra-
tion distinguée.
{Un paraphe.)
Voici ma réponse à chacune des deux parties de celle
lettre :
I.
Je ne crois pas que ce soit là l'origine du proverbe
S'e?i moquer comme de l'an quarante, vu les objections
suivantes qui se peuvent adresser à l'explication
donnée :
1° Dans ce proverbe, Je m'en moque comme signilîe
Je ne le crains pas plus que., formule qui demande
après elle une expression signifiant une idée de danger.
Or, quel danger annonçait la prophétie de .Mercier le
philosophe, l'homme qui, dans son « Rêve s'il en fut
jamais » consignait ses vœux pour le bonheur de ses
concitoyens ? La réalisation de ce rêve ne pouvait cons-
tituer une menace pour personne. Pourquoi alors dire
S'en moquer comme de Van 2440, et, par abréviation,
comme de l'an 40, puisque cette année n'annonçait
aucune catastrophe générale ni particulière pour le
genre humain ?
2° Depuis le temps où .Mercier a publié l'ouvrage dont
il s'agit, quatre dates mémorables ont été enregistrées
par l'histoire de France: 1789, 1793, 1830 et 1848.
Or, quand on voit que l'on peut dire 89 , 93 et 48,
mais qu'on doit dire 1830 (millésime oti il n'entre point
d'unités) n'est-on pas naturellement porté à croire que
malgré le succès obtenu par L'an 2450, ce titre n'a
jamais été abrégé en L'an 40 ?
Tant qu'on n'aura pas fourni de texte, et bien
authentique, pour montrer l'origine du proverbe en
question, on n'aura rien de certain relativement à cette
origine.
U.
Dans ma réponse à M. Sarcey, après avoir prouvé
par plusieurs exemples que le mot charnier s'était
employé au moyen âge dans le sens de cimetière, j'en
concluais qu'il avait pu dire du cimelière des Innocenta
qu'il s'appelait un charnier, dans la langue énergique
du peuple, puisque ce mot s'était employé jadis dans le
sens de cimetière.
Or, comme cette conclusion était un peu trop rapide
pour être bien comprise, je saisis avec empressement
l'occasion qui m'est oU'erte pour revenir sur la question
de charnier.
66
LE COURRIER DE VAUGELAS
A quelle époque se rapporte la phrase de M. Sarcey,
ou, en d'autres termes, quand fut-il reconnu que le
cimetière des Innocents était un fojer d'infection pour
la ville?
— Ce fut au moins en 4 765, ce que montre la cita-
tion suivante empruntée à MM. Hurtaul et Magny [Dic-
tionnaire de la ville de Paris, t. II, p. 347, art. Cime-
TIÈKE DES SAINTS InISOCENTS) :
Le 7 juin 1765, le Parlement de Paris rendit un arrêt par
lequel, après avoir exposé les motifs de considération qui
déterminoient ce Tribunal à supprimer tous les cimetières
qui se trouvoient dans l'enclos delà ville de Paris, ordonna
qu'à compter du 1" janvier 1766, aucunes inhumations ne
pourront être faites dans les Cimetières qui sont situés
dans cette Capitale.
A cette époque, quelle était la signification du mol
charnier ?
— Ce mot s'est employé pour cimetière pendant la
plus grande partie du xvii'' siècle, car on trouve,
Uans le Thresor de Nicol (1606) :
Charnier et cemetiere. Cœmeterium, quasi, Charongner.
lUic enim cadavera deponuntur et sepeliuntur.
Et dans Cotgrave (1660) :
Charnier : m. A churctiyard ; a place wherein dead bodies
are laid.
(Un cimetière, un endroit oiîi les corps morts sont
mis).
A la fin du même siècle, charnier avait le sens qu'il
a dans charniers des Innocents ; on lit en effet dans la
première édition du dictionnaire de l'Académie (1694) ;
Charnier, s, m. Lieu couvert, qui est auprès ou autour
des Eglises et où l'on enterre les 'frespassez; comme les
ctiarniers de Saiut Umocent.
Mais, au xviii'' siècle, ce mot ne signifia plus que
galerie autour d'une église oia se donnait la com-
munion aux gi'andes fêles, ce dont je trouve la preuve,
» Dans le dictionnaire de Furetière (1727) :
Charnier, s. m. Portique; gallerie qui est ordinairement
autour des cimetières, au dessus de laquelle on mettoit
autrefois les os dècharnez des morts, comme il y en a
encore des vestiges aux Charniers de Saint Innocent à Paris.
Maintenant les Charniers ne servent qu'à donner la com-
miiiiion aux Paroissiens aux fêtes de Pâques, et ils sont
ordinairement attacbez aux Eglises.
Dans le dictionnaire de Trévoux (1771) :
Aujourd bui on appelle charnier, une gallerie qui règne
ordinairement autour des églises paroissiales, et attachée
â l'Eylise, où l'on donne la Communion aux Paroissiens les
jours de grandes festes.
Ainsi, au temps auquel fait allusion la phrase de
M. Sarcey, le mot charnier avait cessé de s'employer
pour cimetirre, et il pouvait y avoir près d'un siècle
qu'il ne désignait plus qu'une sorte de galerie.
Or, cela élant, ne doit-on pas en induire que M. Sar-
cey a eu tort de qualifier de charnier le cimetière des
innocents?
l'oint du tout, alLendu qu'il a mis celte qualification
ajirès la phrase iticidente :
« qui s'appelait dans le langage énergique du peuple »,
et qu'il n'y a rien de surprenant à ce qu'un terme soit
encore en usage parmi les ignorants cent ans après que
les gens instruits l'ont rayé de leur vocabulaire : une
foule d'expressions locales sont dans ce cas, et le j'«t;oM«
du xvi° siècle en est un exemple.
Tant qu'il ne sera pas démontré qu'en l'an 1765, date
de l'arrêt du Parlement cité plus haut, le peuple de
Paris ne disait plus charnier pour cimetière, le droit
pour M. Sarcey de s'exprimer comme il l'a fait restera
certainement incontestable.
X
Première Question.
Faut-il écrire « les pantoufles de verre de Cendril-
lon » ou « les pantoufles de vair » ?
Dans sa Chronique du 4 juin 1874, le journal le
Temj)s ayant eu l'occasion d'apprécier un petit livre de
M. Husson, intitulé la Chaîne traditionnelle, avait dit,
en parlant de la pantoufle de Gendrillon :
11 n'y a qu'un inconvénient à cela. C'est que, dans le
conte original de Perrault, Cendrillon porte une pantoufle
de vair, et non une pantoufle de verre. Le vair est le nom
sous lequel on désignait autrefois la fourrure de petit-gris.
Les bonnes éditions modernes, celle des contps de Perrault
illustrée par Doré, ont restitué U version première.
M. Husson écrivit sur le champ à l'auteur de l'article
pour maintenir l'expression qu'il avait employée, affir-
mant que la première édition des contes de Perrault,
quia paru en 1697, orthographiait invariablement le
nom en litige verre, et non vair.
Le chroniqueur du Temps eut naturellement recours
au dictionnaire de Lillré pour éclaircir le point en dis-
cussion ; mais, quoiqu'il y trouvât un renseignement
qui lui était tout favorable, il n'en considéra pas moins,
devant l'alfirmalion de M. Husson, la question comme
non suffisamment tranchée, et il fit appel au Courrier
de Vauyclas.
J'ai procédé aussitôt que possible au nouvel arbitrage
dont la grande presse voulait bien m'honorer, et j'ai
porté sur la question qui m'était soumise le jugement
motivé qu'on va lire : I
M. Lillré s'exprime ainsi : au mot vair:
C'est parce qu on n'a pas compris ce mot maintenant
peu usité qu'on a imprimé, dans plusieurs éditions du h
conte de Cendrillon souliers de verre (ce qui est absurde), '
au lieu de souliers de vair, c'est-à-dire souliers fourrés de
vair.
Mais, après y avoir bien réfléchi, il m'est impossible
de partager ici l'opinion du célèbre académicien, et ji
cela, pour des raisons qui se basent sur l'intention de '
Perrault, sur les lois du monde où il place ses héros, et
enfin sur la signification de l'expression que recom-
mande M. Lillré.
1°Jeme suis procuré, à la Bibliothèque nationale,
les éditions de 1724 (la seconde), de 1742, de 1781, de
1808 et de 1812 des contes de Perrault, et j'ai trouvé
dans toutes que celui oi;i il est question de Gendrillon
avait pour titre :
Cendrillon, ou la petite pantoufle de verre.
Or, M. Husson affirme que la première édition de ces
contes, dont il s'agit, écrit « invariablement f le nom
verre et non vair.
LE COURRIER DE VAUGELAS
67
De là je conclus que l'intenlion de Perrault a bien été
de mettre pantoutle de x-errc
2° M. Littré trouve cette expression absurde. Oui,
certes, elle l'est ; mais seulement quant au monde réel,
car dans celui des fées, oii la nature obéit en esclave
aux génies, où, par la vertu d'une simple baguette, une
citrouille se transforme en carrosse, une souris en
cheval, un rat en cocher, un lézard en laquais, des gue-
nilles en habits d'or et d'argent, etc., quoi d'étonnant
à ce que le verre devienne pantoutle pour chausser le
pied qui doit séduire un fils de roi?
3° Dans notre langue, lorsqu'un nom de vêtement est
suivi de la préposition de et d'un nom de matière qui
entre dans la confection dudit vêtement, ce dernier
désigne toujours la principale chose dont le vêtement
est fait : chapeau de soie, paletot de drap, chetiiise de
toile, etc. Or, attendu que dans l'expression pantoufle
de vair il n'en peut être ainsi, puisque, selon la pensée
de M. Littré, le vair ne doit entrer que comme « four-
rure », c'est-à-dire comme accessoire, dans la confec-
tion de la chaussure en question, il en résulte que cette
expression est complètement impropre à signifier ce que
son auteur veut lui faire dire, et que, par conséquent,
elle doit être rejelée.
J'ose espérer qu'en présence de ces arguments, M. le
chroniqueur du Temps pensera avec moi que l'opinion
de son adversaire était vraiment la bonne.
X
Seconde Question.
Puisque vous invitez vos abonnés à user largement de
voire obligeance, voulez-vous être assez bon pour donner,
dans un de vos prochains numéros, votre avis sur l'ori-
gine du mot CHAT-HDANT, sur laquelle on ne parait pas
être bien fixé ?
Ce qu'on appelle un chat-huant parmi nous n'est pas
un chat, c'est un oiseau ; un chat ne hue pas, il miaule :
deux raisons qui font de chat-huant une expression
parfaitement ridicule.
L'oiseau nocturne en question s'appelait caïman ou
chahuan, dans la langue primitive, comme le montrent
ces exemples :
Mes moult i brait et se démente
Li chahuan o sa grant Iiure,
Proptiete de maie aventure.
(Rom- de la Rose, I, p. i99, éd. Fr. Michel. 1
Les arondes y font leur Dis
Et li cahuan soir et main.
(Emile Deschamps. )
En Languedoc, on l'appelle chauana, et dans la basse
latinité, cauanna, cauannus, qu'on peut lire à ces mots
dans Du Gange.
Ce n'est donc que par une regrettable confusion de
sens et par une fausse analogie de son avec chat qui
hue, que le xvi" siècle (car c'est l'époque de la Renais-
sante qui nous a valu cette altération), en est venu à
écrire chat-huant.
Maintenant est-il possible de trouver un ancêtre à
cahuan? Je le pense.
Les invasions germaniques en France au moment où
se formait le français, ont introduit dans notre langue
un nombre considérable de termes, et c«/(!/fl» est, selon
toute apparence, venu de l'allemand , car on trouve
pour chat-huant dans cette langue et ses congénères :
Chauch (anglo-saxon); — hauz (ancien allemaud); — kauti
(allemand) ; — schuivit (hollandais).
Un radical germanique, chau ou eau (qui a pu donner
le féminin chouette par la suppression de l'a, comme
dans août), voilà, à mon avis, la véritable origine de
l'absurde expression chat-huant.
X
Troisième Question.
Permettez-moi de vous demander, au nom d'un de
mes amis, de vouloir bien expliquer à vos lecteurs pour-
quoi l'orgue portatif à manivelle s'appelle vulgairement
ORGUE DE BABBAEiE. Je Serais charmé que lesujet ne vous
parût pas indigne de vos recherches.
On trouve ce qui suit dans le Dictionnaire français
illustré de Dupiney de Vorepière, p. 580, 3« col., art.
Orgies a cylindre :
Ces instruments, lors même qu'ils sortent justes des
mains du facteur, sont bientôt dérangés par Ips variations
de la température, Pt deviennent alors d'un fau.x insuppor-
table : de là sans doute le nom A'orgucs de Barbarie sous
lequel on les désigne habituellement.
.Mais je ne goûte point cette explication, et pour plu-
sieurs raisons que voici :
<» Nulle part, que je sache, on n'a désigné un ins-
trument de musique en le faisant suivre d'un nom qui
exprimât un degré de civilisation quelconque.
2'' L'orgue en question s'est appelé aussi orgue d'Al-
lemagne, ce qui peut faire admettre que l'idée de bar-
barie n'est jamais entrée dans l'esprit de ceux qui l'ont
dénommé.
3" Si le mot Barbarie fait ici allusion à une époque
barbare, pourquoi donc l'écrire toujours par une majus-
cule? On n'écrit point : un acte de barbarie avec une
telle lettre.
D'après M. Littré, Barbarie est la corruption de
Barberi, nom d'un fabricant de .Modène. Quoique je
n'aie rien pu trouver sur ledit fabricant, je me range
de cet avis, car il me semble tout naturel qu'on ait dit
à l'origine orgue de Barberi, comme on dit tous les
jouis ^/a«o d'Erard.
X
Quatrième Question.
Peut-on dire : « L'incendie qui a dévoré hier quatre
maisons dans telle rue est dv à l'imprudence d'un
fumeur v' Il me semble que le verbe devoir ne veut
pour sujet, quand il est passif, et pour complément
direct, quand il est actif, qu'un nom de chose avanta-
geuse et non préjudiciable à quelqu'un.
C'est en effet le plus souvent le cas, comme on le voit
dans ces exemples :
Si Racine doit à Tacite la belle scène entre Agrippine et
son (ils. Corneille doit à Sénèque celle d'Auguste et de
Cinna.
(Diderot, Rfg. de Cl. ri de AVV., II.)
68
LE COURRIER DE VAUGELAS
Il y a de certains grands seniimenis, de certaines actiom
nobles et élevées que nom devotis moins à la force de notre
esprit, qu'à la bonté de notre naturel.
(La Bruyère, IV.)
Si Menzikoff fit cette manœuvre de lui-même, la Russie
lui dut son salut; si le czar l'ordonna, il était un digne
adversaire de Cùarles XII,
(Voltaire, Charles XII, 4-)
Mais, dans ces phrases, le substantif qui suit la pré-
position à peut devenir le sujet d'une autre phrase,
transformation de la première, où devoir est remplacé
par valoir, procurer, ce qui donne :
Si Tacite a valu à Racine la belle scène entre Agrippine
et son fils, etc.
La force de notre esprit moins que la bonté de notre
naturel nous vaut, nous procure certains grands senti-
ments.
Or, valoir peut se construire avec un complément
direct qui n'exprime pas une chose avantageuse, comme
le témoignent ces exemples :
J'ai travaillé jusqu'à mes derniers jours; cela m'o valu
des ennemis, mais aussi cela m'a valu votre amitié.
(Voltaire, Leltr. Chabann.j
Oui, je dormais sur un petit volume
Qui me vaudra d'être encore étrillé.
(Béranger, Gohier.)
Par conséquent, il en peut être de même de son cor-
rélatif devoir, c'est-à-dire qu'on peut parfaitement, et
« sans être un Iroquois " le moins du monde, employer
devoir dans cette phrase et autres analogues :
L'incendie qui a dévoré bier quatre maisons est dû à
l'imprudence d'un fumeur.
Du reste, je ne suis pas seul de cette opinion, car je
trouve dans le dictionnaire de Littré :
Devoir se dit aussi quelquefois en mauvaise part.
ce qui, en d'autres termes, signifie exactement la même
chose que ma conclusion.
ETRANGER
Première Quesliou.
Je désirerais bien également savoir quelle est l'ori-
gine de ce verbe [dégrl"(goler), (/ue mon Drachet déclare
« inconnue », et sur laquelle M. Littré lui-même est loin
d'être suflisamment affirtnatif.
Voici comment j'explique cette origine :
Voyant aux gargouilles des grands édifices du moyen
âge la forme de chimères, de serpents, de dragons, etc.,
le peuple, je présume, les aura appelées tout simple-
ment ijrandes gueules, ce qui, en langage du temps, se
prononçait grungole.
Celle exi)ressiùii se corrompit de deux manières :
)° En gragole,qii'\ devint gargote (le peuple dit guer-
nouitle [)our grenouille], dont voici un exemple que
M. Littré donne comme étant du xiv" siècle :
riusieurs lieux di^s entablements qui sont en droit les
gargotes [d'une église] sont à refaire.
[Bibl. de VÉeole du Chartit, 5» lérie. t III. p. ufi )
2° En gringole (dans Roquefort on trouve gringne
pour grandior, plus grand), que donne le P. Ménétrier
(Origine des Armoiries, p. 529), et dont l'existence est
encore prouvée par le terme gringole, appliqué à toute
pièce héraldique qui se termine par une tête de serpent.
Or, en joignant la particule séparative dé à gringole
et en allongeant ce dernier d'une r, on a fait le verbe
dégringoler pour signifier tomber de haut comme l'eau
qui s'échappe d'une gringole (gargouille).
Ce verbe si expressif, qui a formé dégringolade et
même une espèce d'adverbe comique dégringolando,
n'est ni dans Mcot (IC06), ni dans Cotgrave (1660), ni
dans la première édition de l'Académie (1694) ; c'est au
xviii' siècle qu'il apparut pour la première fois dans
notre vocabulaire. Ce ne fut d'abord qu'un terme « bas
et burlesque » comme le dit Richelet; mais, grâce à
Voltaire, qui semble l'avoir atTectionné particulière-
ment, il a fini par être parfaitement reçu dans la
langue familière et par s'y employer fréquemment.
X
Seconde Question.
A la fin de son Traité des jeux de théâtre, Fléchier
a écrit : « Ne croyez pas que nous vdeillions vous
effrayer ». Est-ce là le vrai présent du subjonbtif du
verbe vouloir?
Au xvi'' siècle, comme on le voit dans Palsgrave
(p. i04j, le subjonctif du verbe vouloir a.ya.i{. la forme
suivante :
Vueille, vueilles, vueille, vueillions, vueilliez, vueillent.
Mais, avec le temps, une altération se produisit dans
les deux premières personnes plurielles; et, au com-
mencement du xviii« siècle, Régnier-Desmarais s'expri-
mait ainsi dans sa grammaire (p. 444) au sujet du
même verbe :
11 semble que l'Usage soit partagé sur la manière dont
vouloir forme le sien [subjonctif). Ceux qui s'attachent à la
règle générale disent, nous veiiillions vous veililliez, ils
veuillent; et quant à la 3* personne, il n'y a point de par-
tage; mais la pluspart du monde forme autrement les deux
autre.s, et dit, nous voulions, vous vouliez. Quoyque ce soit
que nous roulions, Pourveu que vous le vouliez. La Grammaire
est pour les uns; l'Usage le plus ordinaire est pour les
autres.
Avant la fin du même siècle, on employait générale-
ment voulions, vouliez, et, dans le nôtre, la forme
vcuillions, veuilliez a été tout-à-fait proscrite, ce que
rend manifeste cette citation empruntée à Girault-
Duvivier (p. 622) :
On dit au présent du subionct'iS que je veuille ; mais au plu-
riel on liit que nous voulions, que vous vouliez, et non pas que
nous veuillions, que vous veuilliez, comme quelques écri-
vains l'ont dit.
Or, faut-il conclure de là que la phrase de Fléchier
doive élic condamnée'^
Nullement; parce que du temps de cet auteur, qui
naquit en 1632 et mourut en 1710, on n'avait pas
encore déliiiitivcnient ilcciilé la l'orme qu'on ado|)lerait
pour le subjonctif de vouloir, comme cela résulte de la
LE COURRIER DE VAUGELAS
«9
citation que je viens d'emprunter à Régnier-Desmarais,
et que, conséquemment, Fléchier a pu faire usage de
veuillons : ce qui serait une faute aujourd'hui n'en
pouvait être une alors.
M. Littré qui, avec M. Bernard Jullien, préférerait
veuiliions et veuilliez à la forme actuelle, dit que celte
forme est un « barbarisme » autorisé par l'usage.
Je regrette de ne pouvoir partager cette opinion, et
voici les raisons qui m'en empéclient :
Nous avons beaucoup de verbes dont la voyelle pénul-
tième de l'infinitif, après avoir éprouvé une modification
aux trois personnes singulières du subjonctif, reparaît
aux deux premières personnes du pluriel ; tels sont :
Tenir — que je tienne : que nous tenions, que vous teniez.
Devoir — que je doive : que nous devions, que vous deviez.
Acquérir — que j'acquière : que nous acquérions, que vous
acquériez.
Mouvoir — que je meuve : que nous mouvions, que vous
mouviez.
Mourir — que je meure: que nous mourions, que vous mou-
riez.
Valoir — que je vaille : que nous valions, que vous valiez.
Or, vouloir, au subjonctif, étant absolument dans le
même cas (que je veuille : que nous vo?<lions, que
vous vowliez), il me semble que voulions, vouliez ne
peut-être un barbarisme, c'est-à-dire une forme en
quelque sorte étrangère à la langue, une forme qui
n'est point le résultat d'une règle commune à plusieurs
termes de même espèce.
PASSE-TEMPS GRA.MMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... Comment parler d'autre chose que les scènes; — "' ... que
la Fronde a vu lever hier soir l'interdit qui lavait frappée; —
3° ... Mais au fait, j'eeria-l-il tout à coup; — 4° ... à moins de
relâche officiellement annoncé (dans ce sens relâche est mascu-
lin); — 5° ... on ne se suicide pas (soi-même est inutile adendu
qu'on ne peut pas se suicider par la main d'un autre); — 6" ...
à parler politique devant le public; 7° — ... nous sommes venus
dans l'espoir qu'on voudrai! bien; — 8° ... Vous plairait-il, cher
lecteur, (|ue nous revinssions; — 9° ... mais le Suisse unique
de l'époque est resté (Voir Courrier de Vaugelas, \" année,
p. 2) ; — 10' ... des grands événements qu'il a traversés (Voir Cour-
rier de Vaugelas, h' année, p. 35); — 11° ... qui ne valaient ni
mieux ni pis; — 12" ... de cette terrible loi de Ljnch (Voir Cour-
rier de Vaugelas, 3* année, p. 26).
Phrases à. corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1" Mais il est immoral qu'un maire de la République so
permette d'é.taler sur sa maison des emblèmes séditieux,
d'afticher publiquement des sympathies pour un régime
solennellement décbu par le vote du I" mars 1871.
2» Nous nous asseyons en face de S. A. avec laquelle
nous causons longuement. Que nous dit-il? Cesi à peine
si nous saurions le répéter; il a une manière unique qu'on
ne saurait analyser.
3' Helas! Monsieur, gémit-il, vous le voyez, la sainte
femme vient de rendre son àme à Dieu.
4° La France, quoique purgée de ses anciens maires et
dotée de préfets trèg-édifiauts, est encore en voie de per-
dition. Ce serait bien pire si le commerce revenait et si la
vigne n'avait pas eu son 16 mai.
5* Et aujourd'hui, après les cent cinquante millions de
francs qu'a coûtés la confection du cadastre, nous en
sommes encore à répéter ce que le premier consul disait
en 1799 : « Celui qui fera un bon cadastre méritera une
statue. •
6* En attendant, les choses vont leur train, et l'agitation
grandit, bien que' personne, parmi les catholiques, ne
songe à autre chose qu'à une résistance passive.
7° Monsieur le juge, je m'honore d'être le substantif;
c'est moi dont on se sert pour nommer une personne ou
une chose, comme Pierre, Paul, livre, table, etc.
8* Ceci, dit en passant, à seule fin d'engager les amateurs
d'émotions fortes à apporter avec eux un petit bout de
bougie, comme pour une visite dans les Catacombes.
9" Nous discuterons avec d'autant plus de liberté que,
quoi qu'il en advienne des lois constitutionnelles, la situa-
tion du maréchal de Mac-Mahon n'en serait pas moins en-
tière.
10° Les hommes d'État italiens, bien que moins accom-
modants qu'on le voudrait à Berlin, parlent dans les termes
les plus flatteurs de la grande puissance germanique.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
VAUGELAS.
Claude Favre de Vaugelas, l'un de nos plus célèbres
grammairiens, était le second fils d'Antoine Fabre,
habile jurisconsulte, et naquit à Cliambéry vers ^58o.
Etant venu à Paris dans sa jeunesse, il obtint une
place de gentilhomme ordinaire de Gaston, duc d'Or-
léans, qui le fit ensuite son chambellan. L'attachement
qu'il portait à ce prince ne lui permit pas de l'aban-
donner dans ses disgrâces; mais, mal payé qu'il était de
ses gages, il fut obligé de contracter des dettes dont il
ne put jamais se libérer.
Outre la baronnie de Peroges, en Savoie, Vaugelas
jouissait, sur la cassette du roi, d'une pension de deux
mille livres, que son père lui avait fait accorder en
1629, et qui formait le plus clair de son revenu.
Le cardinal de Richelieu ayant fait supprimer cette
pension, sans doute pour le punir de son zèle pour les
intérêts de Gaston, Vaugelas se trouvadansunesituation
fort embarrassée. L'étude, qui jusque-là n'avait guère
été pour lui qu'un délassement, vint le consoler des
caprices de la fortune. Habitué de bonne heure à réfléchir
sur ses lectures, il avait acquis une connaissance appro-
fondie de la langue et s'était fait la réputation de la
parler très-correctement, genre de mérite fort rare à
son époque. C'est à ce titre seul qu'il fut admis à
l'Académie française, lors de sa fondation.
Très-assidu aux séances, toutes consacrées alors a
des discussions grammaticales, il notai! avec exactitude
les points sur lesquels on ne pouvait s'accorder, et
achevait de les éclaircir.
A^ant reconnu que tous ses membres ne pouvaient
70
LE COURRIER DE VAUGELAS
prendre une part active à la rédaction du Dictionnaire,
l'Académie présenta Vaugelas au ministre pour le mettre
à la tête de celle grande entreprise, et, en même temps, |
demanda que sa pension fut rétablie. Il alla remercier
Richelieu, qui lui dit en l'apercevant : « Eh bien, vous
a n'oublierez pas dans le Dictionnaire le mot de pension?
« — Non, Monseigneur, répondit Vaugelas, et encore
« moins celui de reconnaissance. »
Vaugelas était un des oracles de l'hôtel de Rambouil-
let, où il n'était pas moins assidu qu'à l'Académie.
S'étant formé dans sa jeunesse principalement par
la lecture des ouvrages de Coëffeleau, il conserva
longtemps pour cet écrivain une admiration excessive.
Il faisait tant de cas de son Histoire romaine, qu'il ne
pouvait presque concevoir aucune phrase qui n'y fût
employée. Dans la suite, il reconnut cependant qu'il
pouvait choisir un meilleur modèle.
Il avait composé quelques vers italiens, qu'on estimait
beaucoup; mais il ne put jamais réussir à en faire de
supportables en français.
La douceur de ces mœurs, sa probité scrupuleuse et
ses talents lui méritèrent de nombreux amis, parmi
lesquels on cite Faret, Voiture, Chapelain, Conrart, etc.
Vaugelas mourut presque subitement d'un abcès à
l'estomac, au mois de février ■1650, à l'âge de 63 ans.
Ses manuscrits ayant été saisis par ses créanciers,
l'Académie fut obligée de plaider pour avoir le travail
qu'il laissait sur le Dictionnaire.
Vaugelas était fort dévot, civil et respectueux jus-
qu'à l'excès, particulièrement envers les dames, pour
lesquelles il avait une extrême vénération. 11 craignait
toujours d'otîenser quelqu'un, et, le plus souvent, il
n'osait, pour celte raison, prendre parti dans les ques-
tions que l'on mettait en discussion.
La gloire de Vaugelas est d'avoir épuré notre langue,
que Malherbe avait renouvelée. Boileau le nomme « le
plus sage de nos écrivains. »
On a de Vaugelas :
h" Une traduction de l'histoire d'Alexandre par
Qninte-Curce, à laquelle il a travaillé trente ans, la
changeant et la corrigeant sans cesse. Elle fut publiée
pour la première fois par les soins de Chapelain el de
Conrart, et il s'en fit, presque sur le champ, une seconde
édition. Palru ayant retrouvé ensuite une copie de
celte traduction, beaucoup meilleure, il la fit imprimer
en 1659, et celte édition a servi de base à toutes celles
qui ont paru depuis. Balzac a dit que ; « Si l'.Vlexandre
de Quinle-Curce est invincible, celui de Vaugelas est
inimitable. »
2° Itemarques sur la langue françoise, dont quelques-
unes paraissent puériles; mais, dit Pélisson, u la matière
en est très-bonne pour la plus grande partie, et le style
excellent et merveilleux; il y a dans tout le corps de
l'ouvrage je ne sais quoi d'honnête homme, tant d'in-
génuilé et tant de franchise qu'on ne sauroit presque
s'empêcher d'en aimer l'auteur. « La préface passe pour
un chef d'œuvre en ce genre.
Les Iknumiues de Vaugelas furent critiquées par
Dupleix et par La Motte Le Vayer; mais elles trouvèreut
un grand nombre de partisans et de défenseurs parmi
nos meilleurs grammairiens, tels que Palru, le P. Bou-
hours, etc. On les a souvent réimprimées.
En parcourant ce dernier ouvrage (car le premier
n'est pas de mon ressorti, je vais noter ce que j'y
pourrai trouver d'intéressant et de curieux pour l'étude
et rhistoire de la langue française.
Préface.
I.
Le dessein de Vaugelas n'est ni de réformer notre
langue, ni d'abolir des mots, ni d'en créer; il se propose
seulement de montrer le bon usage de ceux qui existent;
el, si cet usage est douteux ou inconnu, de l'éclaircir
ou de le faire connaître. Il n'entreprend point de se
constituer juge des différends; il ne prétend passer
que pour un simple lémom qui dépose de ce qu'il a vu
et « oui. »
Voilà pourquoi son ouvrage a pris le titre de Remarques
et ne s'est pas chargé du « frontispice fastueux » de
Décisions ou de Loix; car, bien qu'il traite des lois d''un
souverain, qui est l'usase, il a voulu éloigner toutsoup-
çon de chercher à établir ce qu'il ne fait que rapporter.
II.
Il y a deux sortes d'usages, un bon et un mauvais.
Le bon, qui est composé non de la pluralité, mais de
l'élite des voix, est véritablement celui qu'on nomme
le mailre des langues. Vaugelas définit le bon usage :
« la façon de parler de la plus saine partie de la Cour,
conformément à la façon d'écrire de la plus saine partie
des auteurs du temps. >>
Quand il dit la Cour, il entend les femmes comme
les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le
Prince réside, qui, par les rapports qu'elles ont avec
les gens de la Cour, participent à sa politesse.
Toutefois, quelque avantage qu'il trouve à la Cour,
il reconnaît qu'elle ne suffit pas toute seule pour impo-
ser une règle; il faut que les bons auteurs lui viennent
en aide, et ce n'est que par l'accord qui se fait entre ces
deux autorités que l'usage s'établit.
.Mais comme il se présente beaucoup de doutes et de
difficultés que la Cour n'est pas apte à résoudre et que
les écrivains ne peuvent élucider, il faul, pour acquérir
la pureté du langage, ajouter à la lecture des bons
auteurs et à la fréquentation de la Cour le commerce
des gens qui ont étudié tout spécialement la langue.
III.
Vaugelas a ce triple avantage; aussi ne peut-on
guère proposer de doute, de difficulté ou de question
dont la solution ne soit dans ses neman/ties.
Il sait bien qu'il ne sera pas toujours de l'avis de tout
le monde; mais pourquoi se Irouve-t-il dès gens qui
s'obstinent à ne pas suivre l'usage? Quelque réputation
qu'on ail acquise dans l'art décrire, on n'a pas pour
cela le droil d'établir ce que les autres condamment, ni
celui d'o[)poser son oj^inion particulière au « torrent »
de l'opinion générale.
(La suite au prochain numéro.)
Le Rkdactbor-Géiunt : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VaUGELAS
T\
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine
Les Chasseurs d'abeilles ; par Gustave Aimard. /l'édit.
ln-18 Jésus, 399 p. Paris, lib. Amyot.
Histoire intime du second empire; par le vicomte
de Beaumont-Vassy. In-18 Jésus, /|21 p. Paris, lib. Sartorius.
3 fr. 50.
Histoire de France continuée jusqu'en l'année
1873; par Emile de Bonnechose. 16" édition, conforme au
programme universitaire. 2 vol. In-12, xii-1530 p. Paris,
lib. Firmin Didot frères et Cie. 6 fr.
Vie de Mahomet, d'après le Coran et les historiens
arabes; par P. Henry Delaporte, ancien consul de France
en Orient. In-8°, 272 p. Paris, lib. Leroux. 10 fr.
Les Grands hommes de la France. Hommes de
guerre. 2" série; par Edouard Gœpp et E.-L. Gordier.
Bertrand Du Guesclin, Bayard. Gr. in-18 et in-8°, 516 p.
Paris, lib. Ducrocq. h fr. et 3 fr.
Les Essais de Montaigne, accompagnés d'une notice
sur sa vie et ses ouvrages, d'une étude bibliographique,
de variantes, de notes, de tables et d'un glossaire; parE.
Courbet et Ch. Royer. T. 2. In-8°, û07 p. Paris, lib. Le-
merre. 10 fr.
Mœurs et portraits du temps; par Louis Reybaud.
Nouvelle édition, ln-18 jésus, 329 p. Paris, Ub. Nouvelle.
1 fr. 25.
Les six mariages de Henri VIII; par Jules d'Argis.
2= édition, augmentée de nombreux fragments inédits.
ln-18 Jésus, XV-5H p. Paris, lib. de la Société des gens de
lettres, 3 fr.
Les Filles du Régent. La duchesse de Berry. L'abbesse
de Chelles. La princesse de Modène. La reine d'Espagne.
La princesse de Conti. Mademoiselle de Beaujolais; par
Edouard de Barthélémy. 2 vol. in-8°, xi-822 p. Paris, lib.
Firmin Didot frères et Cie.
Histoire de Colbert et de son administration ; par
Pierre Clément, de l'Institut. Précédée d'une préface par
M. A. Geoffroy, de l'Institut. 2 vol. in-8», xx-1080 p. Paris,
lib. Didier et Cie. 16 fr.
Grammaire des langues romanes; par Frédéric
Diez. 3' édition, refondue et augmentée. T. 2. Traduit par
Gaston I^aris et Morel-Fatio. l" fascicule. In-8°, 224 p.
Paris, lib. Franck.
Journal d'un habitant de Nancy pendant l'inva-
sion de 1870-1871; par Louis Lacroix, professeur d'his-
toire à la faculté des lettres de Nancy. In-12, xi-623 p.
Paris, lib. Lecoffre fils et Cie.
Le Médecin des pauvres; par Xavier de Montépin.
Edit. illustrée. ln-i"à2col., Iii7p. Paris, lib. BenoistetCi".
Histoire de la guerre civile en Amérique; par M. le
comte de Paris. T. 1 et 2. In-8°, iii-1177 p. Paris, lib.
Nouvelle. Chaque vol. 7 fr. 50.
Les Écorcheurs sous Charles VII. Episodes de l'his-
toire militaire de la France au xv= siècle, d'après des docu-
ments inédits; par A. Tuetey, archiviste aux Archives na-
tionales. 2 vol. in-8", iv-1000 p. Montbéliard, lib. Barbier.
Les Moralistes français au XVIII» siècle ; par Jules
Barni, député de la Somme. Vauvenargues, Duclos, Hel-
vétius, Saint-Lambert, Volney. In- 1 8 jésus, vu-235 p. Paris
lib. Germer Baillière. 3 fr. 50 cent.
Publications antérieures
LE GYMB.^LUM MUNDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de BOiNAVENiusE des Periers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. Jacod,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delahays, éditeur, /i-6, rue
Voltaire. — Prix, in-16 : 5 fr. ; in 8° : 2 fr. 50.
LES ŒUVRES DE TAB.\RIN avec les Adventures du
capitaine Rodomont, la Farce des Bossus et autres pièces
tabariniques. - Nouvelle édition. - Préface et notes par
Georges d'Habmonville. — Paris, Adolphe Delahays, li-
braire-éditeur, 4-6, rue Voltaire.
LES ANCIENS POÈTES DE LA FRANGE, publiés
sous les auspices de S. Exe. Monsieur le Ministre de l'Ins-
truction publique et des Cultes, et sous la direction de
M. Guessard. — fiebabras. — parise la duchesse. — Paris,
chez F. Vieiveg, libraire-éditeur, 67, rue Richelieu.
CONFORMITÉ DU LANGAGE FRANÇOIS AVEC
LE GREC, par Henri Estienne.— Nouvelle édition, accom-
pagnée de notes et précédée d'un essai sur la vie et les
ouvrages de cet auteur. - Par Léon Feuoère, professeur
de rhétorique au lycée Louis-le-Grand.- Paris, chez y«/e«
Delalain, imprimeur de l'Université de France, rue de
Sorbonne et des Mathurins.
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANGION, composée par
CH.\RLEsSoREL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colo.mbay. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, 4-6, rue Voltaire. — In-16 :
5fr. ; in-18 jésus, 2 fr. 50.
VOCABULAIRE RAISONNÉ ET COMPARÉ DU
DI.\LECTE ET DU PATOIS DE LA PROVINCE DE
BOURGOGNE, ou Etude de l'histoire et des mœurs de
cette province d'après son langage. — Par Miqisard, de
l'Académie de Dijon. — In-8°, 334 p. — Paris, librairie
Aubry, 18, rue Séguier.
LES GRAMMAIRIENS FRANÇAIS depuis l'origine
de la Grammaire en France jusqu'aux dernières œuvres
connues. — Par J. Tell. — Un beau volume grand in-18
jésus. — Prix : 3 fr. 50. — Librairie l'iunin Didot frères,
/ils et Cie, 56, rue Jacob, à Paris.
LE ROMANCERO FRANÇOIS, histoire de quelques
anciens trouvères et choix de leurs chansons, le tout nou-
vellçment recueilli. — Par Pauli.n Paris. — Paris, librairie
Techner, 52, rue de l'Arbre-Sec. Prix : 8 fr.
72
LE COURRIER DE VAUGELAS
NOTIONS ÉLÉMENTAIRES DE GRAMMAIRE COM-
PARÉE, pour servir à l'étude des trois langues classiques.
— Par E. Egger, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté des lettres, maître de conférences honoraire à
l'École normale supérieure. — Sixième édition, revue et
augmentée de quelques notes. — Paris, librairie Duratid
et Pedone-Lauriel, 9, rue Cujas.
DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE DES NOMS PRO-
PRES D'HOMMES, contenant la qualité, l'origine et la
signification des noms propres se rattachant à l'histoire,
à la mythologie, des noms de baptême, etc. — Par Paul
Hecqdet-Boucrand. —Paris, Victor Sarlit, libraire-éditeur,
19, rue de Tournon.
THIRD FRENCH COURSE, intended as a sequel to
Arnold's, Hall's, Ann's, Hamel's, Levizac's, De Fivas' and
other bimilar educational French works. — By A. Cogery,
B.A.jL.L., FrenchMasteratthe Birkbeck Schools, Peckham;
etc. — Nouvelle édition revue et augmentée. — London :
Relfe brothers, Charterhouse buildings. — Two shillings.
— Corrigé du Third French course : Two shillings.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
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DÉSIRÉ NISARD, Membre de l'Académie française.
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Paris, on reçoit de jeunes étrangères pour les perfec-
tionner dans langue française. — Chambres particulières.
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prend des étrangers à demeure pour leur enseigner la
langue et la littérature françaises. — Près du Collège de
France et de la Sorbonne.
Avenue de l'Impératrice. — Un ancien préfet du
collège Rollin prend en pension quelques jeunes étrangers
pour les perfectionner sérieusement dans l'étude de la
langue française. — Enseignement de l'allemand et prépa-
ration aux examens pour le service militaire en Angleterre.
(Les adresses sont indiquées à la rédaction du Journal.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel aux prosateurs.
L'ACADÉMIE FRANÇAISE décemera pour la première fois, en 1875, le prix Jouy, de la valeur de quinze cents francs,
prix qui, aux termes du testament de la fondatrice, doit être attribué, tous les deux ans, à un ouvrage, soit d'obser-
vation, soit d imagination, soit de critique, et ayant pour objet fétude des mœurs actuelles. — Les ouvrages adressés
pour ce concours devront être envoyés au nombre de trois exemplaires avant le 1" janvier 1875.
Le rédacteur du Courrier de Vauyelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupelev à Nogent-le-llolrou.
5' Année.
N" 10
15 Août 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
ParaUiant !• 1°' ot la IS de eha«a« mola
PRIX :
Abonnement pour la France. 0 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 a
Rédacteur: Eman MARTIN
NXIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTR.\NGERS
Oflicicr d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adra'
M. FiscHBACHER, 33, rue de Seine.
SOMMAIRE.
Communication relative à Capharnaiim : — Justification de
Manger sur le pouce ; — Explication de Dorviirla grassema-
tinée; — Quand il faut employer Plus bon au lieu de Meil-
leur; — Si Fautif peut se mettre pour Qui a failli; — Si
après l'n de on doit mettre l'adjectif superlatif au pluriel ; —
Pourquoi le nom de Ricliepance donné à une rue de Paris. ||
Origine de l'expression Faire la barbe à quelqu'un ; — Si l'n
alcaraza vaut mieux que Un alcarazas. || Passe-temps gram-
matical. 'I Suite de la biographie de Vaugelas. || Ouvrages
de grammaire et de littérature. |] Renseignements aux pro-
fesseurs de français qui désirent aller à l'étranger. || Concours
littéraires. .
FRANCE
COMMUNICATION.
J'ai reçu, concernant le mot Caphartiaum, une lettre
que je m'empresse de publier.
Monsieur,
En véritable chercheur de la vérité, vous invitez vos
lecteurs à critiquer vos solutions. Je réponds â votre
appel ; et, quoiqu'il s'agisse d'une étymologie traitée par
vous il y a déjà quelque temps, celle de CapharnaUm, je
crois devoir vous adresser la note suivante, qui n'est autre
chose que la copie d'un article du journal V Intermédiaire
(■2° année, col. 144) :
« Au risque de surprendre beaucoup de lecteurs,je crois
pouvoir avancer que le nom de la ville galiléonne n'a
rien de commun avec le mot en question. M. Littré, qui a
adopté l'ètymologie que je repousse, donne au substantif
Capharnaiim deux acceptions bien distinctes : « 1° Lieu
i qui renferme beaucoup d'objets entassés confusément.
■ 2" Lieu de désordre et de débauches.- Etym. CapharnaUm,
« ville de Judée mentionnée dans l'Evangile. C'était une
€ grande ville de commerce, et pour cela ce nom a pris le
f sens vulgaire de lieu où mille choses sont entassées. »
« En persistant â poursuivre l'ètymologie cherchée dans
Capharnaiim, ville de Galilée, on n'arrivera à aucun résul-
Ut satisfaisant. iM. H. T. {Vid., p. 122) a seul côtoyé la vé-
rité; malheureusement, au lieu de s'arrêter, il a passé
outre, c Je crois me rappeler, disait-il, que George Sand,
« dans un de ses romans champêtres, fait dire au conteur:
n Cafornion et non Capharnaiim, comme veut le maître
t d'école et qui n'a pas de sens. » Est-ce une boutade du
chanvreur qui raconte l'histoire, ou de l'auteur '! Celui-ci
croirait-il à quelque étymologie patoise? » Hic jacet lepus.
Non, ce n'est pas une boutade de George Sand, et Cafor-
nion est bien le mot dont le peuple, par une similitude
d'assonance, a fait Capharnaiim, nom que l'audition des
Evangiles à l'Eglise a rendu familier à son oreille. Cafor-
nion est le diminutif de caforne ; il est devenu masculin en
prenant la désinence ion. C'est ainsi qu'une lampe a fait un
lampion. Mais que signitie le substantif féminin cafornel
On sait qu'en philologie /" et w sont identiques; / est un
V dur ou V un /doux, en sorte qu'on peut poser l'équation
/ = V, et réciproquement. Qui ne voit après cela que ca-
forne n'est autre chose que caverne ? Le mot Caforna et ses
dérivés sont employés journellement par les écrivains
provençaux modernes, ka reste, le dictionnaire d'Honnorat
lève tous les doutes : a CafTourna, s. f. caffouchon, Caf-
t fournoun, cafourna, caforna. Cachette, recoin, enfonce-
I ment, lieu retiré dans une maison où l'on peut cacher
" quelqu'un ou quelque chose, — Cahutte, mauvaise petite
« maison. Etym. du latin Caverna. n On trouve dans le
même dictionnaire : « Encafournar, v. a. Cacher avec soin,
« serrer dans un lieu secret et ditficile à trouverr. Etym.
« de en, dans, et Cafournon, petit réduit, i
« On voit donc que le dictionnnaire provençal-français
satisfait aux deux sens donnés par Littré. En résumé,
Capharnaiim est une corruption de Cafornion, ou Caffour-
noun, en provençal, et signifie littéralement petite caverne. »
[Un abonne'.)
Je remercie de tout cœur, et les lecteurs du Courrier
de Vaugelas remercieront comme moi la personne qui
a bien voulu prendre la peine de transcrire puis de
m'adresser l'ètymologie qui précède; car, à mon avis,
non-seulement celte étymologie est préférable à celle
que j'ai donnée (numéro 20 de la 2= annéej,mais encore
elle est la vraie.
X
Première Question.
Faut-il dire ; « Manger sua le pouce » ou. bien « Man-
ger soos le pouce » ?
Comme je vais essayer de vous le démontrer, la véri-
table locution est Manger sur le pouce, donnée par la
plupart des lexicographes (je l'ai trouvée dans Galtel,
dans Landais, dans l'Académie, dans Bescherelie, dans
Poitevin et dans Littré), et non Manger sous le pouce,
qui ne se trouve dans aucun.
Dans notre ancienne langue, sur et sous avaient la
LE COURRIER DE VAUGELAS
même prononciation ; on écrivait sor et so:, ïo sonnant
ou, ou bien encore sour et sous.
Devant une voyelle, la consonne finale étant pronon-
cée, il ne pouvait y avoir d'équivoque; dans ces vers,
par exemple :
Gerars li biau?, sans nul arrest,
Descend dessous un feu molt haut.
[La Violelle, p. 55.)
Desour une coûte vermeille
Fu li rois Loeys tout sens.
(Idem, p. 3S.)
il est manifeste que Gérard descend sous un hêtre, et
que le roi Louis est sur une couverture vermeille.
Mais, devant une consonne, attendu que IV (Génin
l'a démontré) ne se prononçait pas à la fin des mots en
our, on n'avait pour se guider, que le sens de la phrase,
comme dans cette autre citation :
Et maintenant haste son oirre
Qqb a Bûuni, qui siet sou Loire,
Voulra jesir ancor anuit.
(Idem, p. 41.)
(Et maintenant, il hâte sa marche afin de coucher en-
core aujourd'hui à Bouni-.?j«'-Loire).
Cette prononciation de sur devant une consonne fit
confondre l'emploi de cette préposition avec celui de
sous, ce qui est prouvé avec la dernière évidence par
l'exemple suivant, qui contient sous là où, dans toutes
les langues, on met sur :
Basle et Strasbourg et autres villes imperialles qui sont
soubz le bout de ceste rivière du Rhin.
(Commineg, V, I,)
Si l'on ne peut affirmer que l'emploi de sur pour sous,
devant une consonne, ait jamais été une règle générale,
on est certain du moins que plusieurs substantifs con-
servèrent pendant quelque temps le privilège d'être pré-
cédés de sur, dans ce sens; ainsi :
\° Au XIV* siècle, on disait sttr condition, lequel est
devenu sous condition au xvi" :
Et fut encore cette trêve présentée et accordée sur cette
condition que
(Froissard, I, I, 144.)
2° Devant peine, la préposition sur s'est employée pour
TOM.« jusqu'au xviii^ siècle exclusivement :
Est-ce un article de foi qu'il faille croire, sur peine de
damnation ?
(Pascal, i8« pro».l
Le lioca est défendu à Paris sur peine de la vie, et on le
joue chez le roi.
(Sévigné, 334.^
Et lorsque d'en mieu.x faire on n'a pas le bonheur,
On ne doit de rimer avoir aucune envie,
Qu'on n'y soit condamné sur peine de la vie.
(.Molière, Misanth., acle IV, se. I.)
3° .Vvec le substantif armes, on mettait encore sur
pour sous vers le milieu du xvii« siècle; on trouve en
effet dans Vaugelas (tome II, p. .^.îojquc, pour signifier
que l'armée avait été toute la nuit en armes, on pouvait
dire également bien :
L'armée demeura toute la nuit sur tes armes, et demeura
toute la nuit sous tes (irnic<i.
Or, il me semble qu'il en est de même dans l'expres-
sion Manger sur le pouce : le sur y a le sens de sous
comme il l'avait dans sur condition, sur peine, sur les
armes; mais^wr /e^JOwcedilTère de ces dernières expres-
sions en ce que celles-ci admettaient en même temps
sous condition, sous peine et sous les armes, qui ont fini
par remporter, tandis que sur le pouce, lui, invariable- ]
ment joint au verbe manger, n'a jamais été remplacé
par sous le pouce.
Il faut donc dire Manger sur le pouce, propre et
unique expression pour signifier manger en tenant sous
le pouce ce qu'on mange avec son pain; c'est un emploi
archaïque de surqpX a résisté et résistera probablement
longtemps encore à la logique des grammairiens.
X
Seconde Question.
Je vous adresse ci-joint le prix de mon abonnemetit,
et, par la même occasion, la question suivante : Quelle
est l'origine de l'expression dormir la grasse matinée?
Je serais heureux de lire un jour votre opinion à ce
sujet dans votre journal.
Dans l'origine, on a dit g7-ans matinée, une matinée
tout entière, comme nous disons toute une grande
journée, ce que fait voir ce texte du xiu" siècle, fourni
par M. Littré :
Elles vont chascun jour au moustier oïr messe ;
Mais c'est près de midi, porce qu'il n'aient presse,
Car el se couchent tart ; por ce fault qu'on les lesse
Dormir gratis matinées por norrir en leurs gresse.
(Jubinal, Nouv. recueil de contes, l, p. 188.)
Mais, comme le long dormir fait engraisser, on a fini
par dire, en vertu d'une association d'idées, la grasse
matinée, changement qui s'est opéré avant le xvi'= siècle,
puisqu'en celui-ci on ne trouve plus que la dernière i
expression, comme le montrent ces exemples :
Qui dort grasse matinée, trotte toute la journée.
(Leroux de Lincy, Prov., t. Il, p. 389.)
Ha ! que c'est chose belle et fort bien ordonnée,
Dormir dedans un lict la grasse matinée.
(Régnier, .Sa(yr« VI,)
De Ghevallct dit (II, p. 183) que celte substitution de
grasse à grans est due à ce qu'un moment vint où l'ex-
pression (jrans mutinée ne fut plus qu'un « absurde
solécisme » ; mais je ne crois pas que cela soit la véri-
table cause de cette substitution, car, après le temps où
grans prit la forme grande devant un substantif fémi-
nin, il y a eu des cas nombreux |et nous en avons en-
core) où grans, c'est-à-dire grand selon la nouvelle
orthographe, restait invariable.
X
Troisième Question.
Le comparatif de bon est meilleur. Cette règle d'ex-
ception est-elle absolue? ou bien, au contraire, y a-t-il
des cas oit le principe général reprend son empire et oit
le comparatif régulier flcs bon doit être employé? Par
exemple, faut-il dire : plus le café est ciiaud, plus il
EST BON, et ferait-on une faute de français en disant :
plus lk café est ciiAun, MiiiLLErR il est'' Je vous renier'
cie d'avance de la réponse que vous voudrez bien me
LE COURRIER DE VAUGELAS
75
transmettre, j'espère, 2)ar la voie de votre intéressante
puhlicatio?i.
Le latin ne formait pas d'une manière régulière le
comparatif de supériorité de l'adjectif 6o««s, c'est-à-dire
qu'il n'y changeait pas us en ior comme dans les autres
qualificatifs [sanctus, saint; sanctior, plus saint, etc.);
il adaptait cette terminaison à un autre radical, mel, et
disait melior.
Cette irrégularité a naturellement passé dans le fran-
çais; mais cette langue n'a pas fait un principe absolu
déplus b<)n = meilleur ; il faut pour que j;/«s6o« puisse
être tourné par le comparatif latin francisé que ^j/m.< soit
immédiatement suivi de bon, sans quoi la construction
française reprend ses droits; aussi dit-on :
Acheter un livre plus ou moins bon.
Cette tisane est plusqwp toute autre bonne contre la toux.
Dans la seconde phrase que vous me proposez, plus
devant être suivi immédiatement de bon, il y faudrait
évidemment meilleur; mais je crois qu'il vaut mieux n'y
pas employer ce terme, et cela, pour la raison que je
vais vous dire, raison complètement indépendante de la
place relative de plus et de bon.
La phrase en question est une de celles que j'appelle
proportionnelles, parce que ce qui est exprimé dans le
second membre, action ou qualité, est en proportion
avec ce qui est exprimé dans le premier.
Or, dans de semblables phrases, que la proportion
soit directe ou inverse, c'est-à-dire que les deux mem-
bres commencent par plus ou par moins, ou que l'un
commence par ^j/ms et l'autre par moins, ou réciproque-
ment, dans de semblables phrases, dis-je, il y a généra-
lement symétrie dans la construction, ainsi que le mon-
trent ces exemples :
(Phrases proportionnelles directes)
Plus on est sujet à cette loi, plus on est heureux.
(Bourdaloue, Puri/. de ta Vierge.)
Plus je vois les hommes, plus je vous estime.
(Mme de Maiatenon, Letl. au D. de Noailles.)
Plus il a su, plus il a pu ; mais aussi 7)ioins il a fait, moins
il a su,
(Buffon, Œuv., t. XIII, p. 357.)
Plus VOUS serez gai, pius longtemps vous vivrez.
(Voltaire. LetC. au roi de Prvise.l
(Phrases proportionnelles inverses)
Wws je suis pénétré de reconnaissance pour Votre Ma-
jesté, moins ie dois abuser de ses bienfaits.
(D'Alembert, Leit. au roi de Fruste.)
Plus je suis votre amant, moins je suis Curiace.
(Corneille, Bor., II, 8.)
D'où je conclus que la première des phrases que vous
me proposez :
Plus le café est chaud, plus il est bon.
doit être préférée à la seconde :
Plus le café est chaud, meilleur il est.
attendu que celle-ci pèche contre la symétrie qui s'ob-
serve généralement dans la construction de ses ana-
logues, symétrie qui exige que bon, contenu danswieiï-
/e«r, soit placé comme chaud à la fin du membre auquel
il appartient.
X
Quatrième Question.
Permettez-moi de vous demander si l'adjectif Tkvm
peut cire onployé.pour qualifier une personne qui est en
défaut, qui a commis une faute. Ainsi peut-on dire :
a. Ce n'est pas moi qui suis fadtif? »
Actuellement, fautif, qui se dit des personnes et des
choses, a deux significations :
Une ancienne, qui est sujet à faillir, qui est en dé-
faut, qui manque en quelque chose, comme dans ces
exemples :
L'homme est fautif; nul vivant ne peut dire
>'avoir failli
(Pibrac, dans Trévoux. )
La vue est de tous les sens le i>\us fautif.
(J.-J. Rousseau, Emiie, II.)
Pièce de bois fautive, celle qui a quelque défaut.
(Littré, Dicl.)
Une moderne, s'appliquant spécialement aux per-
sonnes, celle de qui a failli, et qui s'emploie très-sou-
vent aussi bien dans le discours écrit que dans le dis-
cours parlé :
M. Baragnon, se sentant fautif, se dérobe promptement,
sans avoir osé répondre aux justes protestations que ses
paroles peu convenables avaient provoquées,
{Le Sucie du 3i mai 1874.J
Or, il s'agit de savoir si celte dernière, qui est assez
nouvelle (car on ne la trouve ni dans Furetière, ni dans
Trévoux, ni dans l'Académie, ni dans Bescherelle), doit
être adoptée ou rejetée.
M. Littré croit qu'on a tort de s'en servir; moi, je
serais enclin à plus d'indulgence envers elle, et je vais
vous dire pourquoi :
4° Je sais que la plupart de nos adjectifs en if se tra-
duisent par un verbe au présent iabusif, qui renferme
un abus; attentif, qui a de l'attention; craintif, qui a
de la crainte, etc.) ; mais nous en avons deux autres
qui se traduisent par des verbes au passé :
Adoptif — qui a élc adopte, qui a adopté.
Natif — qui est néà...
D'où il résulte que fautif n'esl pas sans analogues.
2" Dans ce sens, fautif esl un néologisme; mais un
néologisme n'est pas un mot essentiellement condam-
nable, tant s'en faut, et je soupçonne entre fautif et
coupable une nuance assez forte pour faire accueillir le
premier.
3" On accuse fautif d'èlre populaire. Mais combien
de termes qui n'ont pas eu de naissance plus illustre et
qui ont aujourd'hui les honneurs du vocabulaire des
mieux parlants!
4» Il y a d'autres adjectifs qui ont des acceptions dont
la différence est plus grande que celle qui se trouve
entre fautif, sujet à faillir, et fautif, qui a failli. Et
cependant, cela ne fait pas proscrire la dernière en date.
0° Invoque-t-on l'amphibologie que peut offrir fautif.^
Je crois que le sens général de la phrase indique tou-
jours suffisamment s'il signifie qui est sujet à faire une
faute, ou s'il implique l'idée de culpabilité réalisée.
Pour ces raisons, il me semble, en elTet. bien diffi-
76
LE COURRIER DE VAUGELAS
cile, en ce qui concerne le langage familier, de pouvoir
condamner l'emploi de /"ûw/i/ dans la phrase que vous
m'avez adressée.
X
Cinquième Question.
Dans son numéro du il mai 1874, le journal le
TEMPS demande dans sa « Chronique » la raison qui a
fait nommer une rue de Paris, voisine de la rue Diiphot,
rue RiCHEPANCE. Est-ce que le Coudrier de Yaccelas ne
pourrait pas donner cette explication?.
Sur l'emplacement du couvent de la Conception, il
devait être créé quatre rues; mais deux seulement le
furent, et voici, en date du 3 frimaire an XI, l'arrêté
du ministre de l'Intérieur, alors le chimiste Chaptal,
relatif à leur construction :
Article 1". Les deux rues à percer sur les terrains du
ci-devant couvent delà Conception, et qui sont obligatoires
aux termes du contrat d'acquisition du citoyen Devinck,
recevront leur exécution ; la première sur la direction et
la largeur de la rue Saint-Florentin, allant aboutir au bou-
levard [la seule qui ait été construite].
Article 2. Il sera substitué aux deux autres rues une
seule rue diagonale qui prendra de la rue Saint-Honoré
près de celle du Luxembourg, et aboutira perpendiculaire-
ment sur le boulevard de la Madeleine, etc.
Or, celte dernière reçut le nom du général Duphot,
tué en 1797, dans une émeute qui avait eu lieu à Rome
devant le palais de notre ambassadeur, et l'autre, per-
cée en 1807, celui du général Richepance, mort de la
fièvre jaune à la Guadeloupe, en 1802, après avoir
réprimé l'insurrection de cette île.
X
Sixième Question.
Doit-on écrire : « Cette question est des plus délicate
o« DÉLICATES? o!<, en d' autres termes, l'adjectif ou le
participe passé doit-il sn rapporter au sujet exprime,
au même mol sous-entendu après des plus?
Que veut dire celte phrase? Évidemment que la
question dont on parle compte parmi les plus délicates.
Or, ce sens implique le pluriel pour l'adjectif au super-
latif, dans ce cas et dans tous les analogues. Il faut
écrire :
Cet homme est des plus célèbres.
Cette femme est des plus ynéchantes.
Ce pays est des plus fertiles.
ETRANGER
Première Question.
Je ne comprends pas comment l'expression faire la
BiUBE A iitTA.Qv'v:i peut signifier avoir l'avantage sur lui,
car Je ne vois aucun avantage sur moi à celui qui me
rase. Auriez-vous l'obligeance de me donner à ce sujet
une explication qui m'est bien nécessaire?
L'explication de ce proverbe ne se trouve pas dans
Faire la barbe à quelqu'un au sens actuel de !ui enlever
avec un rasoir les poils poussés depuis plus ou moins
de jours sur la figure; elle se tire du sens symbolique
qui, jusqu'au xu' siècle, a été constamment attaché à
la barbe portée dans toute sa longueur.
Dans les anciennes lois de l'Allemagne, au dire de
Pasquier, il était défendu, sous des peines excessive-
ment sévères, de tondre un homme libre ou de lui raser
la barbe contre sa volonté. Chez les Francs, c'était une
espèce d'infamie que d'avoir la barbe tout-à-fait coupée,
et la plus terrible peine que Dagobert pût infliger à
Sadragrésil, duc d'Aquitaine, après l'avoir fait fustiger,
ce fut de lui faire raser le menlon. 11 existait une indis-
soluble union entre le diadème et la barbe, et Ton sait
que la première formalité pour opérer la déchéance des
rois consistait à leur raser la tête et le visage.
Au commencement du roman intitulé la Chevalerie
Ogier de Danemarche, on voit venir à la cour de Char-
leraagne, qui se tenait alors à Saint-Omer, quatre mes-
sagers qui avaient été envoyés vers Godefroy, père
d'Ogier, pour recouvrer le tribut qu'il devait à l'empe-
reur, et auxquels ledit Godefroy avait fait couper et les
cheveux et la barbe :
Corones orent, s'ot cascuns rès la barbe
Et les grenons, le menton e la face;
El pallais montent, si dèfublent lor capes,
Li rois les voit, tos li tainst le visage,
Contre aus se liève fièrement les araisne :
Baron, dist-il, qui vos fist cest outrage?
Cil dient : « Sire Gaufrois de Danemarche,
Li maus quvers où vus nos envoiastes :
11 ne vos doit fuere ne homage. »
A ces mots, Charlemagne, plein de courroux, jure
par Dieu et le « baron » saint Jacques que les otages de
Godefroy, et par conséquent son fils, seront tous pendus
par représailles.
C'était donc une grave offense, en ce temps-là, que de
faire la barbe à quelqu'un ou plutôt de la lui faire faire;
d'où les signiflcalions de l'emporter sur quelqu'un, lui
donner des marques de mépris, le braver, le surpasser
en esprit et en lalcnl, que celte expression a successi-
vement prises, et qui nous sont parvenues pour la plu-
part.
X
Seconde Question.
Faut-il dire un alcazaua ou un alcarazas? // me
semble que alcalaza est plus correct comme étant la
forme singulière de ce mot dans la langue espagnole de
laquelle vous l'avez pris. Etes-vous de la même opinion?
Le français a souvent emprunté aux langues Blran-
gères des mots sous la forme plurielle dans ces langues,
pour les em[iioyer au singulier; tels sont :
(Venus du latin)
Un errata. \\\. df crriitum.
Un duplkula, pi. de duplicatum.
(Venus de l'italien)
Un lazzi, p). de laszo.
Un concetti, pi. de concetto.
Un macitroiii, pi. de mararone.
LE COURRIER DE VAUGELAS
77
(Venus de l'espagnol)
Un mehiws, pi. de merino.
Un mararedis, pi. de maraiedi.
Un Irabucos, \i\. de Irabuco.
Un albinos, pi. de albino.
Or, en présence de ce fait, je ne trouve rien d'éton-
nant à ce que alcarazas s'emploie aussi en français
plus volonLiers sous la forme plurielle pour signifier le
singulier; car cet emploi est conforme à un usage assez
généralement reçu, et l'analogie, comme vous voyez, ne
lui fait nullement défaut.
FEUILLETON
PASSE-TEMPS GRA.MMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
!• ... solennellement condamné par le vole ; — 2° Que nous
Ail-elle ? ...elle a une manière unique; — 3°... Hélas! monsieur,
d!/-il en gémissant; — i' Ce serait bieni^is si le commerce; —
5* ... de francs qu'a coiile la confection ; — 6" ... ne songe à
autre chose qu'une résistance ; — 7° C'est de moi îu'on se sert ;
— 8° ... a/in d'engager les amateurs (Voir Courrier de Vaugelas,
2' année, p. 139) ; — 9° ... que, quoi qu'il advienne des lois (pas
je en) ; — 10° ... qu'on ne le voudrait à Berlin.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• Sept ans, c'est une longue période pour des espé-
rances dont l'ajournement équivaut à l'anèantissetnent.
L'occasion unique qui s'est offerte de rétablir la monarchie
légitime, on l'a laissé échapper.
2° Nous avons roulé hier pendant une heure sur la ligne
du Nord, pour aller et revenir d'Enghien ; et nous avons
constaté que l'orage de la veille avait causé un véritable
désastre dans toute la campagne environnante.
3° Pourquoi d'ailleurs aurait-il à ménager les espérances
de ceux qui, en l'élevant à la première magistrature de
l'État, se sont réservés, par réticence intime, le droit de
retirer demain ce qu'ils accordent aujourd'hui.
4* Toutefois, la présence des Carlistes dans cette partie
du nord de l'Espagne, qu'ils n'avaient point encore par-
courue en aussi grand nombre, ne laisse pas que d'être
l'objet de vives inquiétudes à Madrid, où les esprits sont
très-surrexcités depuis la mort de Concha.
5'' Les trois fortes tètes de la sous-commission n'ont sans
doute pas eu le temps de songer à cela, et elles se sont
imaginées, qu'en nommant un Sénat pour six ans, ces
fonctionnaires...
6" M. S... enferme prudemment ses théories dans les
limites qu'il peut présumer devoir s'imposer à sa pratique
ou à celle de ses amis dans l'avenir. Encore n'est-ce pas
sans s'effrayer un peu lui-même de sa hardiesse grande.
7° 0 ma guitare 1 amie intime de mes beaux jours, il n'y
a plus que toi qui me réponde.
8° Ce qui nous étonne, c'est qu'il n'est nullement parlé,
dans la dépèche, des amis de l'ancien membre du Gouver-
nement du 4 septembre qui se sont évadés avec lui.
9" Pour qui ht ces lettres sans rechercher la pensée
intime, M. Thiers apparaît comme un vieillard ayant soif
de repos, un philosophe désireux de couler le restant de
ses jours dans la retraite.
10' Le conseil général de l'Aude a émis le vœu que les
élections départementales aient lieu conformément à la loi
organique le plus tôt possible.
[Le.i corrections à quinzaine.]
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIl' SIÈCLE.
VAUGELAS.
(Suite.)
IV.
Le bon usage se divise en usage déclaré el en usage
douteux. Ces Remarques serviront à discerner égale-
ment l'un et l'autre, et à s'assurer de tous les deux.
L'usage déclaré esl celui sur lequel la plus saine partie
de la Cour et des auteurs du temps sont parfaitement
d'accord; et, par conséquent, le douteux ou Vinconnu
est celui sur lequel cet accord n'existe pas.
V.
Notre langue n'est fondée que sur ïusaye ou sur
Xanalogie. L'usage fait beaucoup de choses contre la
raison, qui non-seulement ne laissent pas d'être aussi
bonnes que celles où la raison se rencontre, mais
encore sont souvent plus élégantes et meilleures que
celles qui sont conformes à la raison et à la règle ordi-
naire.
L'usage fait beaucoup de choses par raison, beaucoup
sans raison el beaucoup contre raison. Par raison,
comme la plupart des constructions grammaticales,
par exemple, l'accord de l'adjectif avec le substantif;
sans raison, comme la variation ou la ressemblance
des temps et des personnes dans les conjugaisons des
verbes, car pourquoi ^'e fais el tu fais se ressemblent-
ils plutôt que tu fais .et il fait ? Contre raison, par
exemple, lorsqu'on dit péril éminent pour imminent,
recouvert pour recouvré, etc.
VI.
Il reste encore à parler d'un autre usage, qui n'est
point différent de celui qui a été délini, puisqu'il n'est
point contraire à la façon de parler de la Cour, et qu'il
est conforme au sentiment des meilleurs auteurs. C'est
l'usage de certaines particules, qu'on n'observe guère
en parlant, et dont on trouvera divers exemples dans
ces Remarques.
vu.
Un dictionnaire reçoit toutes sortes de mots français,
qu'ils soient du bel usage, ou, au contraire, bas el de
la lie du peuple; mais le dessein des Remarques est tout
autre; elles condamnent tout ce qui n'est pas du bel
usage, car Vaugelas a toujours cru que, dans la vie
civile et dans le commerce ordinaire du monde, il n'était
pas permis aux honnêtes gens de parler autrement que
selon le bon usage qui, pour lui, n'offre aucune diffé-
rence avec le beau.
Vlll.
Le peuple n'est point le maitre de la langue. Ceux-là
se trompent qui lui accordent cette juridiction ; ils sont
abusés par l'exemple mal entendu de la langue latine,
laquelle, à leur avis, reconnaît le peuple pour son sou-
78
LE COURRIER DE VAUGELAS
verain. Mais il faut distinguer entre populus en latin et
peuple en français; ce mot, parmi nous, ne signifie que
ce que les Latins appelaient ^^/eôi, ce qui est une chose
bien diCférente et bien au-dessous âe, popuhts, qui dési-
gnait, avec le sénat, tout le corps de la République,
c'est-à-dire les patriciens, l'ordre des chevaliers et le
reste du peuple.
IX.
Ils se sont plaints avec bien peu de raison ces écri-
vains modernes qui ont tant déclamé contre le soin de
la pureté de la langue et contre ses partisans; il ne faut
qu'un mot pour détruire tout ce qu'ils peuvent dire à
ce sujet, c'est V usage; car toute cette pureté, à laquelle
ils en veulent tant, ne consiste qu'à se servir de mots
et de phrases qui soient du bon usage. Malgré qu'on en
ait, on doit se soumettre à cette puissance souveraine.
Un mauvais mot, parce qu'il est facile à remarquer, est
capable de faire plus de tort qu'un mauvais raisonne-
ment, dont peu de gens s'aperçoivent.
Quant au grand nombre d'allégations qu'ils ont ra-
massées contre le soin de la pureté, il n'y en a pas une
seule qui prouve ce qu'ils prétendent; car quel auteur
célèbre ou médiocrement sensé se serait avisé de dire
qu'il ne faut point se soucier de parler ni d'écrire pu-
rement?
X.
On lui objectera que, puisque Tusage est le maître de
notre langue, et que, de plus, il est changeant, ces
Remarques ne pourront servir longtemps, attendu que,
dans quelques années, ce qui est bon maintenant sera
mauvais, et réciproquement. C'est la destinée de toutes
les langues vivantes d'être sujettes au changement;
mais ce changement n'arrive pas si « à coup «, et n'est
pas si notable que les auteurs qui excellent aujourd'hui
dans la langue ne puissent encore être infiniment esti-
més dans vingt ou trente ans, comme nous en avons un
exemple dans M. Coëffeteau. Or, si l'on avait égard à
ce changement, on travaillerait en vain aux grammaires
et aux dictionnaires des langues vivantes, et il n'y au-
rait point de nation qui eût le courage d'écrire dans son
idiome.
Mais quand ces Bemarquea ne serviraient que vingt
ou trente ans, ne seraient-elles pas bien employées?
Comme il pose des principes qui n'auront pas moins de
durée que notre langue et notre empire, Vaugelas ne
croit pas que l'utilité de ses Remarques se borne à un
si petit espace de temps; car il sera toujours vrai qu'il
y a un bon et un mauvais usage; il faudra toujours
parler et écrire selon l'usage qui se forma sous l'in-
tluence de la Cour et des auteurs, et, lorsque cet usage
sera douteux ou inconnu, il faudra toujours s'en rap-
porter aux maîtres de langue et aux meilleurs écrivains.
Ces maximes sont immuables, et pourront servir à la
postérité aussi bien qu'aux contemporains.
XI.
Pour traiter à fond de l'usage, Vaugelas examine la
question de savoir si l'on peut faire des mots « qui
n'aient jamais été dits dans notre langue. « Il ne blAme
point ceux qui en font, mais il se garde de les imiter;
selon lui, il n'est permis à qui que ce soit de faire un
mot nouveau, pas même au Souverain. Vaugelas a
entendu dire à un grand homme qu'il en est des mots
comme des modes : les sages ne se hasardent jamais à
faire ni les uns ni les autres; mais si quelque téméraire
en veut bien prendre le « hazard » et que la chose
réussisse, les sages suivent, non le mot ou la mode
que le téméraire a inventée, mais bien ce que l'usage a
reçu.
XII.
Vaugelas n'a mis aucun ordre dans ses Remarques.
S'il eût observé celui qu'on appelle alphabétique, peut-
être eût-il satisfait certaines personnes. Mais la table
n'atteint-elle pas le même but? L'ordre alphabétique
n'a d'avantage que de faire trouver plus promptement
ce qu'on cherche ; il a toujours été considéré comme le
dernier de tous les ordres.
D'ailleurs Vaugelas a été en quelque sorte forcé de
présenter son travail sous cette forme, car ne l'ayant
pas achevé quand ceux qui « avoient tout pouvoir »
sur lui eurent commencé à lui faire mettre ses Remar-
ques sous presse, il avait ainsi le moyen d'en ajouter de
nouvelles, ce qui lui aurait été impossible s'il eût suivi
un ordre quelconque.
XlII.
Toutes les fautes dont Vaugelas fait l'objet d'une
remarque sont relevées dans nos bons auteurs; mais ce
n'est point leur manquer de respect; car, si excellent
que soit un écrivain, il ne peut avoir la prétention d'être
impeccable. Ces Remarques^ auxquelles le plus grand
soin a été donné, n'ont été publiées qu'après avoir été
soumises à des personnes très-compétentes.
XIV.
Ce n'est point de son chef que Vaugelas reprend cer-
tains auteurs; il se contente de rapporter le bon usage,
de montrer que l'auteur y a manqué, et de dire qu'il ne
faut pas l'imiter.
Dans ces « répréhensions », il ne nomme ni ne dé-
signe jamais aucun auteur, qu'il soit mort ou vivant :
en servant le public, il ne voudrait pas nuire à des par-
ticuliers qu'il honore. Il ne forge pas de « fantômes »
pour les combattre; il ne reprend pas une seule faute
qui ne soit dans un auteur, et quelquefois, il « change
les mots » pour empêcher qu'on ne reconnaisse celui
qui l'a faite. Aussi ces Remarques ne concernent-elles
pas les fautes grossières qui se commettent dans les
provinces, ou dans le bas peuple de Paris; elles sonl
presque toutes choisies et telles qu'il peut dire sans
vauilé, puisque ce n'est pas lui qui prononce ces arrêts,
qu'il n'y a personne à la Cour, ni aucun écrivain qui
n'y puisse apprendre quelque chose; et comme il n'y
en a point qui ne fasse de faute, il n'y en a point non
plus qui n'y puisse trouver quelque profit; lui-même,
qui les a rédigées, a besoin de les relire souvent, car son
ouvrage est beaucoup plus savant que lui, étant non
pas son propre fonds, mais le fonds de l'usage.
[La suite ou prochain numéro.)
Lii RÉBACTECii-GÉiuNT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
T9
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine
Les Mondes des esprits, ou la Vie après la mort ;
par Olympe Audouard. ln-18 Jésus, 288 p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
Traditions et souvenirs, ou Mémoires touchant
le temps et la vie du général Auguste Colbert (1793-
1809); par N.-J. Colbert, marquis de Cliabanais (son iils).
T. 5. In-S", i83 p. et carte. Paris, lib. Firmin Didot
frères, fils et Cie.
Les Artistes cambraisiens du IX° au XIX° siècle
et l'école de dessin de Cambrai, avec iO pi. lithogr.
dont 2 en couleurs, et 2 photographies; par A. Durieux.
In-8', hlh p. Cambrai, imp. Simon.
Contes bleus ; par Edouard Laboulaye, de l'Institut.
S' édition. In-18 Jésus, 302 p. Paris, lib. Charpentier et
Cie. 3 fr. 5u.
Mémoires de la Société historique, littéraire,
artistique et scientifique du Cher. 1' série, 2= vol.
In-S", xvi-377 p. Paris, lib. Dumoulin.
Le Poëme humain, chant de force et de jeunesse;
par Gustave Rousselot. ln-18 jésus, 288 p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
Ëtymologies françaises et patoises ; par A. Bou-
cherie, professeur au lycée de Montpellier. In-8% A6 p.
Paris, lib. Franck.
Armelle Trahec; par Mlle Zénaïde Fleuriot. In-12,
318 p. Paris, lib. Lecoffre fils et Cie. 2 fr.
Etudes marines. Jean Bart et son fils; par G. de La
Landelle. ln-18 jésus, 463 p. Paris, lib. de la Société des
gens de lettres.
Histoire des Protestants de France depuis 1861;
par F. Bonifas, professeur à la faculté de théologie protes-
tante de Montauban. In-S", 116 p. Paris, lib. protestantes.
1 fr.
La Révolution française et la féodalité; par Henry
Doniol, correspondant de l'Institut. In-8°, xi-369 p. Paris,
lib. Guillaumin et Cie.
Moralistes et philosophes; Par Ad. Franck, de
l'Institut. 2« édition. In-12, viii-/|89 p. Paris, lib. Didier et
Cie. h fr.
Renart-le-Nouvel, roman satirique composé au xiii«
siècle par Jacquemars Gielèe de Lille ; précédé d'une
introduction historique et illustré d'un fac-similé d'après
le manuscrit La Vallière de la Bibliothèque nationale ; par
Jules Houdoy. In-S'J, 212 p. Paris, lib. Aubry.
Histoire de France; par J. Michelet. xyi» siècle. La
Renaissance. Nouvelle édition, revue et augmentée. T. 7.
In-8", 367 p. Paris, lib. internationale. 6 fr.
Le Théâtre français au XVI= et au XVII'^ siècle,
ou Choix des comédies les plus curieuses anté-
rieures à Molière; avec une introduction, des notes et
une notice sur chaque auteur ; par Edouard Fournier, et
illustré de portr. en pied coloriés, dessinés par MM. Mau-
rice Sand et H. Allouard. ^'^ édition. Gr. in-8"' à 2 col.,
xi-583 p. Paris, lib. Laplace, Sanchez et Cie.
Robin Hood le proscrit; publié par Ale.xandre Dumas.
Nouvelle édition. 2 vol. in-18 jésus, 5^3 p. Paris, lib.
Nouvelle. 2 fr. 50.
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de sang; par Arsène Houssaye. In-8% 379 p. Paris, lib.
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Publications antérieures
LE MÉNAGIER DE PARIS. — Traité de morale et
d'économie domestique, composé vers 1393, par un Bour-
geois parisien ; contenant des préceptes moraux, quelques
faits historiques, des instructions sur l'art de diriger une
maison, des renseignements sur la consommation du Roi,
des Princes et de la ville de Paris, à la finduxiv^ siècle;
un traité de cuisine fort étendu et un autre non moins
complet sur la chasse à l'épervier. — Publié pour la pre-
mière fois par la Société des Bibliophiles français. — 2 voL
— A Paris, à l'imprimerie de Cra;Be/e<, 9, ruedeVaugirard.
LE CY.MBALUM MUXDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de Bonaventube des Periers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. J.\cob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delahays, éditeur, A-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 ; 5 fr. ; In-S" : 2 fr. 50.
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capitaine Rodomont, la Farce des Bossus et autres pièces
tabariniques. — Nouvelle édition. — Préface et notes par
GEonoEs n'HABMONViLLE. — Paris, Adolphe Delahays, li-
braire-éditeur, li-6, rue Voltaire.
LES ANCIENS POÈTES DE LA FRANCE, publiés
sous les auspices de S. Exe. Monsieur le Ministre de l'Ins-
truction publique et des Cultes, et sous la direction de
M. Guessard. — fierabras. — parise la dlchesse. — Paris,
chez F. Vieiveg, libraire-éditeur, 67, rue Richelieu.
CONFORMITÉ DU LANGAGE FRANÇOIS AVEC
LE GREC, par Henri Estiexne. — Nouvelle édition, accom-
pagnée de notes et précédée d'un essai sur la vie et les
ouvrages de cet auteur. — Par Léon Feugère, professeur
de rhétorique au lycée Louis-le-Grand. — Paris, chez /«/es
Delalain, imprimeur de l'Lniversité de France, rue de
Sorbonne et des Mathurins.
LA VR.\IE HISTOIRE DE FRANCION, composée par
CH.\RLEsSonEL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colomday. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, i-6, rue Voltaire. — In-16 :
5 fr. ; in-18 jésus, 2 fr. 50.
VOCABULAIRE RAISOXNli ET COMPARÉ DU
DIALECTE ET DU PATOIS DE LA PROVINCE DE
BOURGOGNE, ou Etude de l'histoire et des mœurs de
cette province d'après son langage. — Par Migtiard, de
l'Académie de Dijon. — In-8°, 33i p. — Paris, librairie
Au^ry, 18, rue Séguier.
80
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troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
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PRES D'HOMMES, contenant la qualité, l'origine et la
signification des noms propres se rattachant à l'histoire,
à la mythologie, des noms de baptême, etc. — Par Paul
Hecqdet-Boucrand. — Paris, VictorSarlit, libraire-éditeur,
19, rue de Tournon.
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anciens trouvères et choix de leurs chansons, le tout nou-
vellement recueilli. — Par P.\ulin Paris. — Paris, librairie
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I.
En faisant insérer quelques annonces dans le Journal de Bucarest, dirifîé par M. Ulysse de Marsillac, on peut se
procurer des places de professeur et d'institutrice en Roumanie.
Les annonces pour ce journal, qui sont reçues à Paris par M. Eugène Grain, 9, rue Drouot, coûtent 30 cent, la ligne.
Moyennant 10 centimes, le rédacteur du Courrier de Vaugelas envoie, en France, un spécimen du Journal de Bucarest
aux personnes qui lui en font la demande.
Sous le titre de Revue anglo-française, il paraît à Brigthon une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer praxis pour I'Angleterre ou le Continent des places de professeur et d'institutrice à
ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires.
L'abonnement est de 10 fr. pour la France, et il se prend à Paris chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires, 33, rue
de Seine, ou à la librairie Grassart, 2, rue de la Paix.
III.
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diaire des Agents de Londres dont les noms et les adresses suivent :
M. Bisson, 70, Berners Street, W.
M. Biver et Cie, ùG, Régent Circus, W.
M. Clavequin, 125, Régent Street, W.
M. Grifflihs, 22, llenrietta Street, Covent garden,W. C.
M. Verstraete, 25, Golden Square, W.
Mme Hopkins, 9, New Bond Street, W.
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CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel au.t poêles.
Le treizième Concours poétique ouvert i Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre I87.'t. — Dix médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Evariste Carrance, président du Comité, 92, route
d'Espagne, à liordeaiix (Girondi'). — .Affranchir.
Le réiiaclciir du Courrier de Vaiii/rlas est visililc a son bureau de /;//(/( à iinr heure et drmic.
imprimerie Gouverneur, U. Uaupeley à Nogent-le-Rotrou.
5* Année.
N" 11.
i." Septembre 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
ParaUaant la 1" et le IS de ebaane moia
PRIX :
Abonnement pour la France. G
Idem pour l'Étranger 10
Annonces, la ligne ....
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50 c
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCI.\L POUR LES ÉTR.INGERS
Officier d'Académie
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ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adm'
M. FiscEBACHER, 33, ruc de Seine.
SO.MMAIRE.
Origine de Querelle d'Allemand; — Noms des habitants des
villes de France; — Prononciation de Vlilan: — S'il faut dire
Vil règalia ou Un rcgalias. || Lequel \aut le mieux de Un fruit-
sec ou de Vn fruits-secs; — Élymnlogie de Salmigondis; —
Difl'érence des mots Tili et T'oyoît. || Passe-temps grammatical.
Il Suite de la biographie de Vaugelas. \\ Ouvrages de gram-
maire et de littérature. || Renseignements aux professeurs de
français qui désirent aller à l'étranger. || Concours littéraires.
FRANCE
Première Question.
Quelle est, s'il vous plaît, l'origine de l'expression
QUERELLE d'Allemand, qtte des bruits récents mettaient
pour ai7isi dire à l'ordre du Jour?
On a donné plusieurs étymologies du mot allemand
contenu dans cette expression; mais comme querelle
d'Allemand s'est dit autrefois querelle d'Allemagne,
ainsi que le montrent ces exemples :
11 rostoit à trouver une querelle d'Allemagne pour cclorer
ce nouveau changement.
(D'Aubigné, Hist., l, p. 34l.)
Mais, estant vers Bourdeaux, il luy trouva quelque qite-
relle d'Allemagne, aucuns disent venant de luy, autres de
la Ueyne-more.
(Brantôme, éd. iSjS, t. IV, p. 446 )
Pensez-vous, au demeurant. Sire, que si quelques princes
sont ennemys de l'empereur, qu'il n'ait pas dedans les
villes de la Germanie une infinité de serviteurs obligés,
jurés, gaignés et affectionnes qui seroient bien aises de
vous dresser une querelle d'Allemaigne.
(Carloix, t, tV, cli. l8.)
il est évident qu'il ne peut s'agir ici que du peuple
allemand lui-même, et que l'origine de l'expression en
question doit être celle de querelle d'Allemagne.
Or, cetl« dernière expression n'a point été trouvée
par M. Littré dans les siècles antérieurs au xvi% et
elle a été em.pJoyée par Brantôme, qui écrivit ses
Mémoires quelques années après la mort de Charles IX,
arrivée en ^574, et par Carloix, qui rédigea ceux de
Yieilleville peu.de temps après la mort de ce maréchal,
arrivée en 1571.
D'où je conclus que querelle d' Allemagne a dû faire
son apparition entre 1500 et I5S9, qui vit mourir si
tristement Henri III.
Mais, parmi les règnes compris entre ces deux dates,
il n'y a que celui de François ¥' où la France ait été
pour ainsi dire constamment en lutte avec toute l'Alle-
magne; il est donc probable que c'est sous ce règne
que l'expression querelle d'Allemagne a pris naissance.
Celte conjecture est, du reste, confirmée par ce qu'on
trouve dans Gaillard [Hisl. de François I", t. I,
p. 313) au chapitre intitulé, Maximes féodales de l'Em-
pire :
Géographiquement, l'Allemagne était bornée au nord
par le Danemark, et les autres puissances qui s'éten-
daient, soit sur la mer du Nord, soit sur la mer Bal-
tique; à l'est, par les royaumes de Pologne et de Hon-
grie et par la Turquie; au sud, par l'Italie; au couchant
par la France et la Suisse. Mais les prétentions de l'Em-
pire allaient si loin au-delà de ces limites, qu'elles sem-
blaient devoir soulever contre lui tous les voisins.
Les publicistes impériaux avaient inventé une jurispru-
dence à la faveur de laquelle l'Empire, élevé sur des
fondements éternels, n'avait rien à redouter des révo-
lutions les plus funestes; et, remontant jusqu'au temps
de Gharlemagne, ils prétendaient que si les empereurs
d'Allemagne, toujours chefs, jamais maîtres de l'Em-
pire, avaient bien pu en accroître l'étendue par des con-
quêtes, ils n'avaient pu aucunement la diminuer par
des aliénations. La plupart des fiefs ayant passé dans
des mains étrangères, par vente, donation, échange
ou conquête, leurs possesseurs ne tenaient point leurs
droits de l'Empire, mais de leur épée, titre violent et
injuste, ou les avaient reçus de vassaux qui n'avaient
point qualité pour les transmettre. En un mol, les
Allemands étaient une nation qui so croyait assez
favorisée du ciel pour que, ])ar laps de temps, clic pût
toujours acquérir des droits sans jamais pouvoir en
perdre.
D'après cette jurisprudence, l'Allemagne ne voyoit au-
S2
LE COURRIER DE VAUGELAS
tour dVUe que des usurpateur?; elle prètendoit, mais cela
ètoit très-contesté, que la Pologne avoit été un fief de l'Em-
pire... L'Allemagne avoit les mêmes prétentions sur la Hon-
grie, elle alléguoit l'inféodation faite par l'empereur Henri II
à saint Etienne, roi de Hongrie, au commencement du
XI' siècle, et la suzeraineté de l'Empire reconnue, vers le
milieu du même siècle, par les rois Pierre et André; mais
les Hongrois interprétoient cette inféodation et ces recon-
noissances. L'Italie presque tout entière étoit réclamée
par l'Empire, soit quant au domaine suprême, soit quant
au domaine utile. En France, toutes les provinces qui
avoient formé autrefois les royaumes de Bourgogne et
d'Arles étoient autant de flefs de l'Empire, puisque ces
royaumes avoient été possédés par les empereurs depuis
Henri 111 jusqu'à Frédéric II. L'Allemagne regardoit le Dane-
marck comme un de ses flefs, prétention trés-contestée
parles Danois; elle avoit sans doute la même prétention
sur la Suéde, s'il est vrai, comme le dit Puffendorff, que
Maximilien I" ait ordonné aux États de Suède d'obéir à un
arrêt du Sénat de Danemarck, et qu'il les ait menacés, sur
leur refus, de procéder contre eux selon les lois de l'Em-
pire.
En général, tous les voisins de l'Allemagne résis-
taient à ses prétentions, puis l'intérêt d'une juste dé-
fense l'unissait souvent avec la Pologne, la Hongrie et
même l'Italie, contre le Turc, leur ennemi commun;
l'Empire était content des Suisses, qui ne s'étaient point
encore soustraits à son domaine suprême ; mais il voyait
dans la France son plus terrible ennemi comme on
peut en juger par cette autre citation empruntée au
même auteur :
La France étoit, après le Turc, la puissance la plus enne-
mie de l'Empire, soit parce que les limites de ces deux États
n'étoient point parfaitement fixées, soit parce que Maxi-
milien avoit eu l'adresse de mettre sous la sauvegarde de
l'Empire les provinces et les droits litigieux qu'il tenoit de
la succession de Bourgogne. La France ètoit plus redou-
table à l'Empire que les Turcs mêmes.
Or, étant connues les prétentions de l'Allemagne
ainsi que ses sentiments de haine à l'égard de la France,
pourrait-on hésiter à croire que ce sont les incessantes
querelles que nous suscita cette puissance au temps de
la rivalité entre François l" et Charles-Quint qui ont
valu à notre langue l'expression proverbiale de querelle
d'Allrmarjne, remplacée un siècle plus tard par querelle
d'Allemand?
Cette dernière expression remonte au moins à l'année
\ 370 ; car on trouve ce qui suit dans le Printemps d'Y ver,
ouvrage écrit pendant Jes deux années qui précédèrent
la Saint- Barthélémy :
Or, la façon d'en venir à bout lui sembloit de difficile
invention et de plus fâcheuse exécution; car d'assaillir à
force d'armes, sous une querelle d'Mlcmand et forgée à
plaisir, celui qu'il savoit bien être adroit et stylé à l'escrime
ne lui sembloit pas sûr.
X
Seconde Question.
Je vous serais obligé de vouloir bien publier la liste
des noms que l'on donne aux habitants des diverses
villes de France, car on est souvent embarrassé pour
trouver lesdits noms.
Après de longues recherches, je suis parvenu à com-
poser la liste suivante, où j'ai rangé les noms des villes
par ordre alphabétique, et présenté en italique les noms
des habitants :
A.
Arles, les Artésiens; Amiens, les Amiénois. Abbeville, les
AbbeviUois; Auch, les Anchois ou Auscitains; Agen, les Age-
nais ou Agenois; Arras, les Arrageois; Angers, les Angevins;
Angoulême, les Angoumois; Avignon, les Avignonnais;
Auxonne, les Auxonnais: Auxerre, les Auxerrois: Avallon,
les Avallonnais ; Autun, les Autunois; Arbois, les Arbosiens;
Alençon, les Alençonnais ; Avranclies, les Avranchais; Am-
bert, les Ambertois; Aurillac, les Aurillaquois; Annonay, les
Annonéens; Alby, les Albigeois; Auray, les Alréens ou Alriens;
Autun, les Autunois ou Autunais; Aigues-JIortes, les Aiguës-
Mortains.
B.
Brest, les Breslois; Brignoles, les Brignolais; Boulogne-sur-
Mer, les Boulonnais; Beauvaif, les Beauvaisiens ou Beau-
vaisins; Bagnères. les Baguerais: Bordeaux, les Bordelais;
Blaye, les Blayais; Blois, les Blésois ou Biaisais; Bar-sur-
Aube, les Bar-sur- Aubois; Briançon, les Driançonnois ; Bar-
le-Duc, les Barrais; Beaune, les Beaunois; Besançon, les
Bisontins; Bayeux, les Bageusains; Belfort, les Belfortains
ou Béfortins; Béziers, les Biterrois ou Biterrais; Beaucaire,
les Beaucairiens; Brioude, les Brivadois.
C.
Le Croisic, les Croisicais; Clisson, les Clissonnais; Calais,
les Calésiens ou Calaisiens ; Condom, les Condomoi'i ; Cahors,
les Caliorsins ou Cadurciens; Chartres, les Chartrains ; Châ-
teaudun, les Chdteauduaois; CUàlons, les Clialonnais ou C/iâ-
lonnois; Cbaumont, les Chaumontois; Ghàtillon, les Chdtit-
lonnais; Caen, les Cuennais ou Caennois; Coutances, les
Coutunçais: Clermont-Ferrand, les Clennontais; Cette, les
Cellois; Carcassonne, les Carcassonnais ; Castres, les Castrais;
Cherbourg, les Cherbourgeois ; Courbevoie, les Courbecoisiens;
Cambrai, les Cambrésiens ou Cambraisiens; Colmar, les Col-
mariens; Coulommiers, les Columériens. ,
D. i
Dinan, les Binannais; Dol, les Dotais; Draguignan, les
Braguignanais; Digne, les Dignois; Douai, les Douaisiens;
Dunkerque, les Dunkerquois; Dûle, les Bôlois; Dieppe, les
Dieppois; Die, les Diois; Dijon, les Dijonnais.
E.
Embrun, les Embrunois; Eu, les Eudois; Evreux, les
Ebroiciens; Elbeuf, les Elbeuviens; Escideuil, les Excido-
liens.
F.
Falaise, les Falaisiens.
G.
Guingamp, les Guingampois; Guérande, les Gucrandais;
Grasse, les Grassois; Gien, les Giennois; Grenoble, les Greno-
blois ou Grcnoblais; Gap, les Gopcncois; Gex, les Gexois; Gray,
les Graglois; Granville, les Granvillais.
H, I, J.
Honfleur, les Honfleurais; Issoudun, les Issoudunois ou
Issoldunois; Issoire, les Issoriens; Josselin, les Josselinais.
L.
Loudéac, les Loude'aciens; Lisieux, les Lexoviens; Lannion,
les Lannionais; Landerncau, les Landcrnicns ou Lander-
nistes; Loriént, les Lorientais; Lyon, les Lgannais: Laon, les
Laonnois ou Laonnais; Lectoure, les Lectourois; Langres,
les Langrois; Lille, les Lillais; Laval, les Lavallois; Loudun,
les l.uudunois; Lons-le-Saulnicr, les Lcdoniens: Limoges,
les Limousins; Le Man?, les Manceaur ou Mansois: La Réole.
les Rvolais; La Rochelle, les Itochclais; Les Sables-d'Olonne,
les Sablais ou Olonnais; La Ferté-Bernard, les Ferlais.
M.
Morlaix, les Morlaisiens; Montivillicrs, les Monliviltons;
Marseille, les Marseillais; Montrcuil- sur-Mer, les Monlreuit-
lais; Mirande, les Mirandais; Montauban, les Montatbanais;
LE COURRIER DE VAUGELAS
83
Moissac, les Moissagtiais: Meaux, les Meldois ou Meldiens:
Maubeuge, les Mnllmdiens ou Haiibeugeois; Mamers, les
Mamcrsiensou Mumeitins: Martigues, les Martcgallais ; Metz,
li'S Mcssi>is: Monlbard, les MoiMardois; Màron, les Maçon-
nais: Mulhouse, les MMiousiens: Montpellier, les Montpeil-
lii'rains ou Monspesfulam: Mende, les Mendais; Mantes, les
Maniais: Melun, les Melunois: Morlaix, les Morlaisiens;
Montbrison, les Montbrisonnais ; Monaco, les Monégasques
ou Monécasques.
N.
Nantes, les Aaniais ou i\anlois; iNogent-le-Rotrou, les
yogenlais; Niort, les Mariais; Noirmoutiers, les lioirmou-
tias: Nancy, les yancêens ou Nancciens; Nuits, les huilons;
Narbonne, les yarbonnais: yitnes, les .Vimojs; Nice, les Mçois
ou .Mrards; Nevers, les ISivernais.
0.
Ortiiez, les Orihcziens: Orléans, les Orléanais.
P.
rioermel, les Ploermelais: Pau, les Pauniens; Provins, les
Provinois ou Piovenisiens; Pont-à-Mousson, les Mussipon-
lains: Pontarlier, les Ponlissaliens ; Vonl- \udemer, \es Ponf-
Audemciois ou Pont-Àudomarécns: Perpignan, les Peipignu-
nais: Privas, les Privadois; Paris, les Parisiens; Poix, les
Ponhiers ou Pohiers; Pontivy, les Pontiviens.
Q.
Quimper, les Quimperois; Quiberon, les Quiberonnais;
Quillebœuf, les Quillebois; Quimperlé, les Quimpertéens.
R.
Rennes, les Rennais; Roscoff, les Rnscovites; Roanne, les
Roannais: Rotiez, les Ruiliènes; Reims, les Rémois; Rélbel,
les Rélhelois; Rochefort, les Rochefortins; Rouen, les Rouen-
nais; Riom, les Riomois; Rambouillet, les Rambolitains.
S.
Senli?, les Senlisiens; Soissons, les Soissonnais ; Sarlat, les
Sarladais; Sens, les Sénonais; Sedan, les Sedanais ou Seda-
nois; Sablé, les Sablésiens ;Sesré, les Segréens; Saumur, les
Saumurais; Sancerre, les Sancerrois; Semur, les Semuriens :
Salins, les Salinois; Séez, les Sogiens ou Salens; Sarrebriick,
les Sarreb.'uckois; Strasbourg, les Sirasbourgeois; Saint-Flour,
les Saint-Flouriens; Saint-Brieuc, les Briochins; Saint-Quen-
tin, les Quialinois ou Saint-Quenlinois: Saint-Omer, les Audo-
marois; Saint-Malo, les Malouins; Saint-L6, les Saint-Lois;
Saint-Jean-de-Losne, les Losnois; Saint-Germain, les Germi-
nois; Saint-Étienne, les Stéphanois.
T.
Tréguier, les Trécorois ou Trégorois; Tours, lès Touran-
geaux; Toulon, les Toulonnais ; Tarbes, les Tarbais ou Tar-
béens; Troyes, les 7"ro(/e)is,- Tourcoing, les Tourquenais; Toul,
les Toulois; Tbionville, les Thionvillois; Tbiers, les Thier-
nois; Toulouse, les Toulousains; Tarare, les Tararais.
V.
Vannes, les Vannetais; Vendôme, les Vendômois; Vitré,
les Vilréens; Valenciennes, les Valenciennois; Vienne, les
Viennois; Valence, les Valencians ou Valenciens; Verdun,
les Verdunois; Vesoul, les Vesuliens; Vire, les Virais ou
Virais; Vaucluse, les Vauclusiens; Vervins, les Veninois;
Versailles, les Vcrsaillais.
Je sais combien celte liste est incomplète malgré le
temps qu'elle m'a coûté; aussi je prie toutes les per-
sonnes qui liront ce numéro de vouloir bien m'envojer
les gentilés de leur connaissance que je pourrais avoir
oubliés : je les |)ublierai sous forme de communication
aussitôt que j'en aurai reçu un certain nombre.
X
Troisième Question.
Quelle est, selon i-ous, la meilleure manière de pro-
noncer le mot i:nLA>? Est-ce d'aspirer /'c, c'est-à-dire
de s'abstenir de faire la liaison et l'clisio7i devant lui,
ou est-ce de ne pa^ l'aspirer?
D'après l'Académie, r« est aspiré dansnhlan, et celle
opinion, adoptée par nos principaux lexicographes,
.MM. Landais, Bescherelle, Poitevin et Litlré, l'a été
naturellement aussi par la plupart des écrivains :
Quelques-uns d'entre eux imaginèrent d'entraîner dans
leur cause un régiment de uhlans dont les hommes étaient
de la province.
(A. Achard, Sole de Xessus, p. i63.)
Hier, les francs-tireurs de la garde nationale aperçurent
sur la rive de la Seine, au-dessous de Sèvres, un groupe
de uhlans accompagnés par plusieurs individus habillés en
bourgeois.
( Le Gaulois du ï6 septembre 1 870. )
Ainsi, c'est une grosse faute que de dire ou d'écrire,
par exemple, comme M. Pihan, l'auteur du Diclion-
iiaire ctymobKjique des mots de la lan(juc française
dérivés de l'arabe, elc. :
On trouve aujourd'hui des régiments i'uhians chez cer-
taines puissances de l'Europe, telles que la Russie, la
Prusse et l'Autriche.
Mais, en reconnaissant cette aspiration, qu'impose
impérieusement l'usage, je n'entends point, tant s'en
faut, venir excuser ceux qui, ayant voix au chapitre,
n'ont pas su mettre ici l'orthographe mieux d'accord
avec la prononciation; car, puisque nous n'avons pas
d'w initial aspiré dans riotre langue, et que nous pou-
vons écrire Iiulan par une h (tous les dictionnaires
donnent cette forme à côté de uhlan), pourquoi ne. pas
emplo\er le terme portant le signe naturel de l'aspira-
tion? Plusieurs auteurs l'écrivent déjà de celle manière;
ainsi j'ai trouvé :
La France eut, en 1734, des hulans qu'organisa chez nous
le maréchal de Saxe.
(Chéruel, Dict. historique.]
C'est chez les Polonais qu'on trouve la première mention
de hulans.
(Dupiney, DicL franc, illustré,)
L'uniforme des premiers hulans consistait en une culotte
à la turque, montant au-dessus des hanches.
[Victionn. de la convers.')
En les imitant, on détruirait, sans qu'il fût néces-
saire de rien inventer, une anomalie des plus singulières
de noire langue. Mais, pour cela, il faudrait rompre
avec la routine, et ce Ijran-là est si fort...
X
Quatrième Question.
Une chose qui intéresse les fumeurs désireux de bien
parler français : Faut-il dire un uégalia, vn panetéla
ou un RÉGALIAS, «« PARETÉLAS?
J'ai fait voir dans le numéro précédent que la langue
française avait admis plusieurs noms latins, italiens et
espagnols avec la forme plurielle qu'ils ont dans leurs
langues respectives, pour signifier le singulier, chez
elle : un errata, un lazzi, un mérinos, elc.
Or, M. Litlré admettant trabucos, pluriel de l'espa-
gnol trabuco, pour signifier u» cigare, il me semble que,
par analogie, on peut admettre de morne tous les autres
noms de cigares de la Havane (où l'on parle espagnoli
84
LE COURRIER DE VAUGELAS
pour sigtiifier le singulier en français, el qu'en consé-
quence, on peut dire :
Un panetelas (pi. de panelela).
Un réfjalias (pi. de regalia).
Un damas (pi. de dama].
ÉTRANGER
Première Question.
Doit-on écrire un fruit-sec pour désigner un jeune
homme qui sort d'un établissement d'instruction sans
avoir satisfait aux examens desortie, ou «mfrciis-secs,
avec des s aux deux parties cotnposantes?
On s'imagine généralement que le mot fruit-sec est
une métaphore, et qu'on désigne de cette façon les
élèves dont les études n'aboutissent à aucun résultat,
par une comparaison avec les fruits qui se dessèchent
et tombent avant de parvenir à maturité. Mais il n'en
est point ainsi : le terme en question a une origine anec-
dotique que voici, telle que la raconte Génin (Récréât.
philoL, t. II, p. 8'i), qui la tenait d'un ancien élève de
l'Ecole polytechnique, « contemporain de l'alïaire » et
devenu plus tard un des plus illustres membre de l'Aca-
démie des sciences :
Donc il y avait à l'École (il s'agit d'une des premières
promotions) un élève venu d'une province du Midi, où son
père faisait un grand commerce de fruits secs. Ce jeune
homme, dont la vocation n'était pas du côté des mathé-
matiques, travaillait peu ou ne travaillait pas du tout. Et
quand ses camarades essayaient de le stimuler par la
crainte de manquer ses examens et de perdre sa carrière,
il répondait d'un ton insouciant et avec son accent proven-
çal : « Eh! qu'est-ce que cela me fait? Eh hien I je serai dans
les fruits secs, comme mon père! » Ce mot, obstinément
répété, fit fortune. Le jeune homme fut effectivement
dans les fruits secs, et depuis on a dit par allusion et par
euphémisme : Un tel sera dans les fruits secs; il a élé fruits-
secs; c'est un fruits-secs de l'École polytechnique.
Or, à cause de cette origine, je pense qu'il faut écrire
un fruits-secs, ce qui est aussi l'opinion de Génin, lequel,
une page plus loin, ajoute à ce sujet :
Je reviens à ce que je disais tout à l'heure, qu'on doit
toujours écrire dans cette locution fruits-secs au pluriel :
C'est îui fruits-secs, parce que lidce, abrégée par l'e.vpres-
sion est : c'est un élève voué au commerce des fruits secs.
Le substantif qui porte le singulier est caché dans l'ellipse,
et la phrase s'achève régulièrement au pluriel.
Du reste, rien d'étonnant dans celte orthographe;
n'écrit-on pas, en pluralisaiit des mots qui viennent
après un, les expressions suivantes : un cenl-Suisses,
un Quinze-Vingts, etc.?
M. Littré n'écrit pas de la même manière; il laisse
invariables les deux parties de fruits-secs dans ces
exemiiles, qui sont de lui :
Ce maréchal des logis d'artillerie e.st un /ruil sec de
l'École polytorhiiique; et son cousin, sergent d infanterie,
était un fruit sec do Saint-Cyr.
Ce capitaine au long cours est un fruit sec de l'École
navale.
Mais je ne vois pas comment on pourrait établir que
cette orthographe, qui ne peut qu'induire en erreur sur
l'origine de fruits-secs, vaut mieux que celle qui met
pour ainsi dire sur la voie de ladite origine.
X
Seconde Question.
Parmi lesnoms de la langue française qui expriment
une réunion hétérogène d'objets, il y en a un qui m'a
toujours semblé singulier; c'est siLMicONDis. Voudriez-
vous bien m'en expliquer l'origine et aussi le véritable
sens, dans un de vos prochains numéros?
Les Romains appelaient salgama des racines, des
herbes, des fruits, etc. qu'ils gardaient conservés dans
la saumure, ce dont nous avons une preuve par salga-
marius, nom de celui qui vendait de ces conserves ou
qui en faisait :
Deinde, sicut consueverunt salgamarii, decussatim ferra-
mento lunato incidito.
(Coluœelle, XII, 56.)
(.\près cela, comme ont coutume de faire les confi-
seurs, fendez-les en sautoir avec un instrument de fer
en forme de croissant.)
Libres très edidit, quos inscripsit nominibus Coci, et Ceta-
rii et Salgamarii.
(Idem, XII, 46.)
(Il a donné trois livres qu'il a intitulés le Cuisinier,
l'Apprêteur de poissons et le Confiseur.)
Or, de salgama et de conditus, assaisonné, on aurait
fait d'abord, par une sorte de redondance, salgama con-
f/i'/rt; ensuite, par contraction et en vertu du change-
ment si fréquent de c en g, et par celui non moins ordi-
naire de î'^w.'; en i (maritus, mari, infinilus, inlini, etc.),
salmigondi; et enfin, par l'addition d'une s, qui ter-
mine une foule de mots à leur finale sonnant i, salmi-
gondis.
Voilà pour l'origine du mot ; voyons maintenant pour
sa signification.
Le Grand d'Aussy, après avoir dit (p. <42) comment
se perdit à Paris un vieil usage qui précéda le règne de
Louis XI, usage qui consistait, chez les gens du peuple,
à souper les jours de grandes fêtes et de réjouissances
publiques à leurs portes et en dehors de leurs maisons,
mais que les guerres civiles et les malheurs qui en furent
la suite abolirent, continue en ces termes :
Cependant il s'en forma un autre qui tenait davantage à
la sociabilité, et dont il est parlé dans le Itoman bourgeois
(p. 171). Les jours de fête et les dimanches plusieurs mai-
sons voisines et amies se réunissaient pour souper en-
semble. Chacune apportait feon plat, ou, comme on parlait
alors, son salmigondis.
Le plat ainsi nommé, qui consistait probablement en
une espèce de ragoût de différents morceaux, était donc
très-populaire au xvir' siècle; or, quand on sentit le
besoin d'un mol pour signifier, au figuré, un certain
nombre de divers objets jetés pêle-mêle, on employa
naturellement salmigondis, terme qui a cessé depuis de
se dire dans le sens iiro]irc.
LE COURRIER DE VAUGELAS
85
X
Troisième Question.
Je crois que beaucoup de personnes confondent les
mots TiTi et voïoc. Sont-ils synonymes?
Non, et M mon avis, voici la différence qu'il y a entre
ces deux expressions non encore bien définies du lan-
gage populaire parisien :
Le ///(, c'est le gamin de Paris, le jeune ouvrier des
faubourgs :
Mousqueton est le iUi par excellence, c'est le vrai gamin
de Paris avec sa gaieté, sa souplesse, ses bons mots.
{Alhoy, dan3 Lorédan-Larchey.)
Le voyou, c'est l'enfant du peuple malpropre et mal
vêtu, celui qu'.\lfred Delvau a qualifié d' « hùpital
ambulant de toutes les maladies morales de l'huma-
nité. »
Le premier est plutôt espiègle que malfaisant; le se-
cond est fatalement voué au vice.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... on l'a laissée échapper; — 2° ... pour aller à Enghieii et
pour en revenir; — 3° ... se sont réservé; — 4" ne laisse pas
d'élre l'objet (pas de que); — ... 5° et elles se sont imaginé qu'en
nommant ; — 6° ... de sa grande hardiesse (Voir Courrier de ^'au■
gelas, 4' année, p. 140); — 7' ... il n'y a plus que toi qui me
répondes; — 8° Ce qui nous étonne, c'est qu'il ne soit nullement
parlé; — 9° ^ qui lit ces lettres sans chercher; — 10' ... eussent
lieu conformément à la loi...
Phrases à, corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1° Les éléments conjurés ont continué à saper par la
base l'unique raison alléguée par le jeune marquis quand
il a demandé campo.
2° Nous avons annoncé qu'une assemblée générale de la
Société des géomètres de France a eu lieu sous la prési-
dence de M. Lefébure de Sucy.
3- Aussi, et tout en trouvant que la dissolution est peut-
être le seul moyen de sortir des équivoques présentes,
nous ne laissons pas que d'être néanmoins séduits par la
perspective des six mois de calme que nous promet l'ajour-
nement.
4° Ils se plaignent avec raison qu'on leur fait jouer un
rôle ridicule en leur donnant pour mission de bloquer la
cOie cantabrique avec des navires qui ne peuvent se mou-
voir.
5* La logique était en pratique chez les Grecs et les La-
tins, et il a suffi aux écrivains français de traduire les au-
teurs anciens pour que nous soyions initiés à la logique.
0' Nous croyons que toutes les crises sociales sont des
troubles d'estomac. L'homme qui a bien dîné, il est joyeii.x,
il sourit, son œil brille, son cerveau apaisé n'a que des
pensées charitables, il rayonne d'indulgence.
?• La France est un pays nerveux, impressionnable,
disent les étrangers. Il faut qu'elle le soit niouis qu'on le
dit pour résister si longtemps à ce régime d'attente, d'ajour-
nements, de provisoire, de déceptions.
8' C'était la mode, à Satory, que les régiments, en défi-
lant devant le président, criaient à tue-tête ; Vive l'Empe-
reur! »
9° 11 donne l'origine de beaucoup de manières de parler.
Il est précieux, lorsqu'il nous dit qu'il fut un des premiers
qui fît des vers mesurés.
10° Parmi ces légendes, il y en a deux frappantes. Toutes
deux sont terribles et sombres, et quand on les raconte le
soir dans les ports de mer de Bretagne, marins et pêcheurs
font de grands signes de croix.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIKRR MOITIE DU XVIl" SIECLE.
VAUGELAS.
(Suite.,
XV.
Dans ces Remarques, Vaugelas ne nomme que les
morts qu'on loue; quant aux vivants, de peur de leur
attirer de l'envie ou de passer pour llalteur, il se con-
tente de les désigner; et, quoique ce soit d'une façon
qui permette de les reconnaître, elle sert toujours à
soulager leur pudeur, et à rendre la louange moins sus-
pecte et de meilleure grâce.
11 traite dilTéremment les auteurs anciens et ceux
de son temps, se conformant en cela à l'usage. Par
exemple, il dit toujours Amijot, et toujours M. Coè/fe-
teau et M. de Malherbe, quoique Amyot ait été évéque
aussi bien que M. CoëlTeteau; car, puisque tout le
monde dit et écrit Anujot, et que l'on parle ainsi de
tous ceux qui n'ont pas été de son temps, ce serait
parler contre l'usage de mettre Monsieur devant leurs
noms; quant à ceux que nous avons vus et dont la
mémoire est encore toute fraîche parmi nous, on ne les
saurait nommer autrement, ni en parlant ni en écri-
vant.
Il y a encore beaucoup de choses dont Vaugelas au-
rait pu « enrichir » cette préface, et il n'eût pas oublié
l'éloge de « cette illustre Compagnie, qui doit être
comme le palladium de notre langue, pour la conser-
ver dans tous ses avantages et dans ce llorissant état où
elle est, et qui doit servir comme de digue contre le
torrent du mauvais usage, qui gagne toujours si l'on
ne s'y oppose. » Mais comme toutes ces belles matières
veulent être traitées «■ à plein fonds " et avec apparat,
il y aurait eu de quoi faire un « juste » volume, plutôt
qu'une préface. Aussi il ne l'a point tenté.
Les Remarques commencent immédiatement; je vais
m'arréler aux plus intéressantes.
PREMIER VOLUME.
Héros, héroïne, héroïque. — Dans le héros, la lettre
h est aspirée contre la règle générale, qui veut que les
mots commençant par h et venant du latin n'aspirent
point cette lettre. C'est une exception qui a été amenée
par la confusion faite avec le héraut par ceux qui ne
86
LE COUBRIER DE VAUGELAS
savaient pas ce qu'on entendait par héros. Ce qui con-
firme bien cette conjecture, c'est que, dans héroine et
hérdique, l'A est muette. — La prononciation irrégu-
lière de héros a encore été autorisée par le pluriel de ce
mot qui, sans l'aspiration de 17t, aurait fait entendre
les zéros.
Période. — Masculin, quand il signifie le plus haut
point ou la fin de quelque chose; mais féminin, quand
il veut dire une partie de « l'oraison » qui a un sens
complet.
Ce qu'il vous plaira. — C'est ainsi qu'il faut dire, et
non : Ce qui vous plaira, parce qu'on y sous-entend
des paroles que l'on supprime par élégance. Dans Je
vous rendrai tous les honneurs qu'il vous plaira, on
sous-entend que je vous rende.
Propreté et non Propriété. — La netteté, la bien-
séance ou l'ornement, en ce qui concerne les habits, les
meubles, voilà ce qui s'appelle propreté, et non pas
propriété : ce dernier est venu d'un mot \SiV\a proprie-
tas, l'autre est un mot tout français.
Chypre. — Il faut dire Visle de Chypre, \d.poudre de
Chypre, et non pas \'isle de Cijpre, Xa, poudre de Cypre.
L'usage le veut ainsi, et M. de Montaigne ne dit jamais
autrement.
Personne. — Deux significations et deux genres diffé-
rents. Il signifie l'homme et la femme tout ensemble,
comme fait homo en latin, et, en ce sens, il est toujours
féminin. Mais il signifie aussi nemo, le nadie des Espa-
gnols et le nessuno des Italiens, et ce que les vieux Gau-
lois disaient nulli. En ce sens, il est indéclinable et veut
ses qualificatifs au masculin : Personne n'est venu. —
Après avoir em\i\o\è personne au féminin, il est élégant
de le représenter par un pronom masculin, et de dire,
par exemple. Des personnes qualifiées ont pris la peine
de me témoigner le déplaisir qu'ils ont eu...
Si on, si l'on. — 11 n'y a pas grand mal à ne pas
employer /' euphonique avant on; mais, pour une plus
grande perfection, Vaugelas adopte l'emploi de cette
consonne.
On, l'on, t-on. — Devant le verbe, on met on et l'on;
devant et après le verbe on met on; quant à l'on, il ne se
met jamais après le verbe que par les Bretons et quel-
ques autres provinciaux; et t-on se met toujours après
le verbe. On dit et l'on dit sont bons; mais on dit est
meilleur en tête de la période. — Si le verbe finit par
une voyelle devant on, il faut prononcer un t entre les
deux quand même il ne serait pas marqué. — 11 faut se
garder de mettre, comme beaucoup le font, une apos-
trophe après ce t : alla-l'on est une grosse faute.
Recouvert, recouvré. — Le mot recouvert pour recou-
vré s'est introduit dans la langue depuis quelques an-
nées, contre la règle et contre la raison; mais il n'en
est pas moins bon, car l'usage est le roi des langues.
Pour que. — Ce terme est fort usité, même à la Cour,
où une personne d'une très-éminente condition (le car-
dinal de ilichcliini) a bien aidé à le mettre en vogue. On
s'en sert en plusieurs façons qui ne valent toutes rien :
K" on l'cmjjloie pour (ijin que; 2° on dit : // est trop
honnête pour qu'il me refuse cela, au lieu de : pour me
refuser cela ; Z° on s'en sert encore d'une façon bien
étrange, comme dans : Un père sera-t-il déshonoré pour
que ses enfants soient vicieux ? Ma'\spour que étant court
et commode, il finira par s'établir tout-à-fait, et alors
Vaugelas s'en servira comme les autres.
Hàir. — Les uns disent : je huis, tu hais, il hait en
deux syllabes; d'autres n'aspirent pas ïh et disent :
fha'is, etc. ; d'autres enfin disent : nous hayons, vous
hayez-, ils hayent. Tout cela est mauvais, il faut s'ex-
primer ainsi : Je hais, tu hais, il hait, nous haïs-
sons, etc.
Promener. — Il faut d'ive pro7nener, et non pas powr-
mcner. Ce verbe est tantôt actif -.promener un enfant ;
tantôt neutre : allons promener, il est allé promener;
et tantôt pronominal : je me promènerai.
J2isque. — On ne doit jamais l'écrire sans s à la fin
quand il est suivi d'une consonne : jusques-là ; su'iv'i
d'une voyelle, on le peut -.jusqu'aux enfers, jusqu'à
Pâques. — Jusques à et jusqu'à sont tous deux bons.
Mais mêmes. — II se dit et s'écrit communément, et
tous les bons auteurs s'en servent. On ne doit pas se
faire scrupule de l'employer.
Même, Mêmes. — Adverbes, ces deux mots sont bons,
et avec une a' et sans s; mais Vaugelas voudrait faire _
une distinction. Quand même est près d'un substantif ■
singulier, il voudrait mettre mêmes, avec une *•, etpiès
d'un substantif pluriel il voudrait l'écrire sans *', et
cela, pour éviter l'équivoque et pour empêcher que
même adverbe ne fût pris pour même pronom.
Quasi. — Ce mot est bas, et nos meilleurs écrivains
ne l'emploient que rarement. Ils disent d'ordinaire
presque, bien qu'en certains endroits quasi puisse se
dire même avec quelque grâce.
Fronde. — Quoique M. Coëffeteau et après lui un de
nos meilleurs écrivains « dient » toujours fonde (du
latin fiinda], il faut mettre une r, et dire fronde.
Soumission, submission. — Au palais, on dit // a fait
les submissions au greffe; mais, depuis vingt ans, on
dit soumission dans le langage ordinaire.
De la sorte, de cette sorte. — On ne doit mettre de la
sorte qu'après une chose qui vient d'être dite ou faite;
de cette sorte se met avant ou après.
Epithète, Equivoque, Anagramme. — Ce dernier est
toujours du t'émïn'm; épithèle est à volonté masculin
ou féminin; quelques-uns font encore équivoque du !
masculin.
Je vais, je va. — Tous ceux qui savent écrire et qui
ont étudié disent je vais; mais toute la Cour ditje va,
et ne jicut souffrir jV vais, qui passe pour un mot pro-
vincial et du peuple de Paris.
La. — Presque toutes les femmes de Paris et de la
Cour l'emploient à la place d'un adjectif féminin; elles
disent, par exemple, quand on demande h l'une d'elles
si elle est malade : Je la suis. C'est une faute, il faut
dire : Je le suis.
{La suite au prochain numéro.)
Le Rkdactedu-Géuant : Emam MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
8T
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE
Publications de la quinzaine :
Le Seigneur de Lanterne ; par Alfred Assolant. In-18
Jésus, 376 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Garibaldi et l'armée des Vosges. Récit officiel de la
campasnc. avec documents et quatre cartes à l'appui; par
le général Bordone, chef détat-major de l'armée des
Vosges. W édition. In-8% ix-617 p. Paris, lib. Le Chevalier.
5 fr.
Les Secrets d'une sorcière; par la comtesse Dash.
Nouvelle édition. T. 2. In-18 Jésus. 310 p. Paris, lib. Nou-
velle, 1 fr. 25.
Foyers et coulisses. Histoire anecdotique de tous les
théâtres de Paris. Variétés. Avec photographies. In-32,
111 p. Paris, lib. Tresse. 1 fr. 50.
Philosophie de l'histoire de l'humanité; par J.-G.
Herder. Traduction de l'allemand par Emile Tandel. .Nou-
velle édition. T. 3. In-8°, 399 p. Paris, lib. internat. 6 fr.
La Famille Alain; par Alphonse Karr. Nouvelle édit.
Gr. in-18, 33i p. Paris, lib. Nouvelle. 1 fr. 25.
Méthode lexicologique. Traité complet d'analyse
et de synthèse logiques rédigé sur un plan entière-
ment nouveau; par P. Larousse. 9' édition. Livre du
Maître. In-12, vni-135 p. Paris, lib. Auguste Boj'er et Cie.
2 francs.
Le docteur Marat; par le docteur H. Mettais. In-18
Jésus, 351 p. Paris, lib. de la Société des gens de lettres.
3fr.
"Volupté; par Sainte-Beuve, de l'Académie française.
8' édition, revue et corrigée, avec un appendice contenant
les témoignages et jugements contemporains. ^In-18jésus,
420 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Les Drames du cloitre; par Elle Berthet. ln-18 Jésus,
302 p. et grav. sur acier. Paris, lib. Sartorius. 3 fr.
Œuvres choisies de Chateaubriand, avec gravures.
Les Natchez. 2 vol. gr. in-18, vin-512 p. Paris, lib. Degorce-
Cadot. Chaque vol.. 1 fr. 25.
Maître Baniel Rock; par Erckraann-Chatrian. W édit.
In-18 Jésus. 3i0 p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 3 fr.
La Fontaine aux perles; par PaulFéval. ln-18 Jésus,
379 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Edouard III et les bourgeois de Calais, ou les
Anglais en France. Ouvrage revu par .M. Guizot 'I3i6-
1558.) 5« édition. ln-18 Jésus, 96 p. Paris, lib. Hachette.
1 fr. 25.
La Rédemption d'Olivia; par Henry de la Madelène.
ln-18 Jésus, 31x0 p. Paris, lib. Nouvelle. 3 fr. 50.
Le mérite des femmes, poëme; par Gabriel Legouvé.
Nouvelle édition, accompagnée de pensées empruntées à
toutes les littératures, recueillies par Jules Andrieu. 3' édit.
In-32, 96 p. Paris, lib. Taride. 50 cent.
Desclée, biographie et souvenirs ; par Emile de
Molènes. Orné d'un portrait à l'eau forte. ln-18 Jésus,
214 p. Paris, lib. Tresse. 3 fr. 50.
Nouveau dictionnaire des synonymes français ;
par A.-L. Sardou. Nouvelle édition. ln-18 Jésus, vii-580 p.
Paris, lib. Delagrave.
Histoire des Romains depuis les temps les plus
reculés jusqu'à la fin du régne des Antonins; par
Victor Duruj', membre de l'Institut. T. A. In-8°, 489 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 7 fr. 50.
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L'INTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET DES
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cher, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : 1™ année, 15 fr.,
2"= année, 10 fr.; 3= année, 12 fr.; 4° année, 8 fr.; 5= année,
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franco pour la France.
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fragments et de deux chapitres du 5' livre, etc., et pré-
cédées d'une notice historique sur la vie et les ouvrages
de Rabelais. — Nouvelle édition, revue sur les meilleurs
textes, éctaircie quant à l'orthographe et à la ponctuation,
accompagnée de notes succinctes et d'un glossaire, par
Louis Barré, ancien professeur de philosophie. — ln-18
Jésus, xxxv-612 p. Paris, lib. Garnier frères, 6, rue des
Saints-Pères, à Paris.
mière fois par la Société des Bibliophiles français. — 2 vol.
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LE CYMBALUM MUNDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de Bo.naventcre des Periebs. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.L. Jacod,
bibliophile. — Paris, Adolphe Dcl'ihays, éditeur, 4-6, rue
Voltaire. — Prix; in-i6 : 5 fr. ; in-80 : 2 fr. 50.
LE MÉXAGIER DE PARIS. — Traité de morale et
d'économie domestique, composé vers 1393, par un Bour-
geois parisien ; contenant des préceptes moraux, quelques
faits historiques, des instructions sur l'art de diriger une
maison, des renseignements sur la consommation du Roi,
des Princes et de la ville de Paris, k la fin duxiv' siècle;
un traité de cuisine fort étendu et un autre non moins
complet sur la chasse à l'épervier. — Publié pour la pre-
LES ŒUVRES DE TAB ARIN avec les Adventures du
capitaine Rodomont, la Farce des Bossus et autres pièces
tabariniques. — Nouvelle édition. — Préface et notes par
Georges d'Harmoxville. — Paris, Adolphe Delahays, li-
braire-éditeur, 4-6, rue Voltaire.
LES ANCIENS POÈTES DE LA FRANCE, publiés
sous les auspices de S. Exe. Monsieur le Ministre de l'Ins-
truction publique et des Cultes, et sous la direction de
M. Guessard. — fieradras. — parise la duchesse. — Paris,
chez F. Vietveg, libraire-éditeur, 67, rue Richelieu..
CONFORMITÉ DU LANGAGE FiU\NÇOIS AVEC
LE GREC, par Henri Estienne.— Nouvelle édition, accom-
pagnée de notes et précédée d'un essai sur la vie et les
88 LE COURRIER DE VAUGELAS
ouvrages de cet auteur. — Par Léon Feugère, professeur
de rhétorique au lycée Louis-le-Grand.— Paris, chez Jules
Delalain, imprimeur de l'Université de France, rue de
Sorbonne et des Mathurius.
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANCION, composée par
CH.\nLEsSoREL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colombay. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, Zi-6, rue Voltaire. — In-16 :
5 fr. ; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
VOCABULAIRE RAISONNÉ ET COMPARÉ DU
DIALECTE ET DU P.\TOIS DE LA PROVINCE DE
BOURGOGNE, ou Etude de l'histoire et des mœurs de
cette province d'après son langage. — Par Mignaed, de
l'Académie de Dijon. — Iii-S", 334 p. — Paris, librairie
Aubrij, 18, rue Séguier.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
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Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
En faisant insérer quelques annonces dans le Journal de Bucarest, dirigé par M. Ulysse de Marsillac, on peut se
procurer des places de professeur et d'institutrice en Roumanie.
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Moyennant 10 centimes, le rédacteur du Courrier de Vaugelas envoie, en France, un spécimen du Journal de Bucarest
aux personnes qui lui en font la demande.
Sous le titre de Revue anglo- française, il paraît à Brigthon une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal se charge de procurer gratis, pour I'A^gletebre ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice à
ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires.
L'abonnement est de 10 fr. pour la France, et il se prend à Paris chez MM. Sandoz et Flschbacher, libraires, 33, rue
de Seine, ou à la librairie Grassart, 2, rue de la Paix.
Les Professeurs français des deux sexes peuvent parvenir à se procurer des places en Angleterre par l'intermé-
diaire des Agents de Londres dont les noms et les adresses suivent :
M. Verstraete, 25, Golden Square, W.
Mme Hopkins, 9, New Bond Street, W.
Mme Waghorn, 3à, Soho Square.
M. Bisson, 70, Berners Street, "W.
M. Biveret Cie, !i6, Régent Circus, W.
M. Clavequin, 125, Régent Street, W.
M. Griffiths, 22, Henrietta Street, Covent garden.W. G.
Mme Wilson, A2, Berners Street, W.
CONCOURS LITTERAIRES.
Le journal Le Tournoi est rédigé au concours par ses abonnés seulement.
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2« Prime Quinze exemplaires de l'article, tiré à part avec titre et nom de l'auteur, et formant une brochure.
Tout abonné douze fois lauréat reçoit une médaille en bronze, grand module, gravée à son nom.
Les articles non publiés sont l'objet d'un compte-rendu analytique.
On s'abonne en s'adressant à M. Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte, à Paris.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875.
Los auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois .sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur
d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur.
Sont seuls admis à concourir : 1» les Français, excepté les membres effectifs do la Société Florimontane, — 2" les
étrangers, membres effectifs ou correspondants de cette Société.
Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane, avant le 1" juillet 1875. Ils resteront
déposés aux archives de ladite Société, où les auteurs pourront en prendre connaissance.
Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins de cent vers.
Le treizième Concours poéliqnc ouvert i Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre tS7/i. —Dix médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Evariste Caru vnrk, président du Comité, 92, route
d'Espagne, à Bordeaux (Gironde"). — Affranchir.
Le rcdaclcur du Cnunier de yiii>;/rhis est visible à son Inireau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupelev à Nogent-le-Rotrou.
5' Année.
N» 12.
15 Septembre 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraitiant 1« 1" at le 15 de chaqae mola
PRIX :
Abonnpmcnl pour la France. 6 f.
Idem pour l'Élranger. 10 f.
Annonces, la ligne . . . .50 c.
Rédacteur : Eman MARTIN
N'CIEN mOFESSEin SPÉCI.\L POm LES ÉTR.4.SGERS
Officier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soil au Rédacteur, soit à lAdm'
M. FiscHBACHEK, 33, Tuede Seine.
SOM.MAIRE.
Communication sur Après moi le déluge ; — Signification litté-
rale de Dés le potion minet; — D'où vient Bâtonnier, chef
des avocats ; — Etymologie de Alénois. \\ Signification de
Autant pour le brodeur! — A quoi se rapporte Sec dans
l'expression Boire sec ; — Impropriété de As percé, terme de
bouillotte. Il Passe-temps grammatical. 1, Suite de la biogra-
phie de Vaugelas. || Ouvrages de grammaire et de littérature.
Il Renseignements pour les professeurs français qui désirent
aller à l'étranger, jj Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATION.
J'ai reçu dernièrement la iellre suivante :
Monsieur,
A la page 101 de la 4' année du Courrier de Vaugelas,
vous vous exprimez ainsi au sujet de l'origine du fameu.K
Après moi le déluge .'
« Un jour, vers la fin de son règne, où il avait travaillé
lui-même et en connaissance de cause à la désorganisation
sociale, Louis XV, sentant les vieux ressorts de la monar-
chie craquer sous de continuelles secousses, dit à Madame
de Pompadour ;
« Au reste, les choses comme elle sont dureront autant
« que moi. Berry ^le Dauphin] s'en tirera comme il pourra!
« Après moi le déluge ! t
« Ce mot fut recueilli, et la ruine imminente de l'Etat
valut ainsi (faible compensation!) une expression prover-
biale de plus â notre langue. »
Eh bien! il paraîtrait que le mot ne serait pas de
Louis XV; car je trouve ce passage dans la Revue OiOlio-
graphique publiée par Ernest Leroux, rendant compte du
Keliquaire de M. Q. de la Tour, peintre du roi Louis XV
(N° 6, p. 103) :
<i Tout est curieux, tout est à lire dans ce volume, on y
trouve une note de Mlle Fel qui cite ce mot cynique de
Mme de Pompadour : « Il (la Tour) m'a raconté aussi que,
peignant Mme de Pompadour, le roy, après l'affaire de
Rosbach, arriva tort triste; elle luy dit : Qu'il ne fallait
point qu'il s'affligeât, qu'il tomberait malade, qu'au reste,
après eux le déluge, t
Vous demandez des critiques, des notes, etc. J'espère
vous être agréable. Monsieur, en vous envoyant ce texte,
qui n'est peut-être pas trop à dédaigner,
[Un lecteur assidu.)
Certainement non, il n'est pas à dédaigner ce texte
qui vient si inopinément déposséder Louis XV en faveur
de Madame de Pompadour. Aussi, je m'empresse de le
publier et d'adresser mes sincères remerciements à la
personne qui me le communique.
X
Première Question.
Je vous serais bien reconnaissant de me donner dans
un de vos prochains numéros la signification littérale
de la singulière expression dès le fotron mtxet, qu'en-
registre l'Académie avec le sens de dès l.i poi?<te du
jour. Je vous remercie d'avance de votre réponse.
Quand Génin traitait cette question dans l'Illustra-
tion, un correspondant lui écrivit que, dans sa province,
on exprimait le sens de se lever de très-bonne heure
par se lever dès les chats. C'est une preuve que minet
veut dire ici chat, ce qui se confirme du reste par le
mol mine, emplojé dans quelques pays, le Perche et la
Beauce, par exemple, pour désigner la femelle de l'ani-
mal ainsi appelé.
Maintenant, qu'est-ce que potron, qui, isolé, ne se
trouve dans aucun dictionnaire?
De prime abord, on se sent porté à croire que c'est le
potron qu'employaient nos ancêtres pour désigner le
petit d'un quadrupède quelconque.
En effet, ce mot s'adapte facilement à la locution
dont il s'agit, puisqu'il lui donne pour signification :
se lever dès le petit chat, et que le chat passe pour être
Irès-matineux.
D'un autre côté, on dit aussi dès le potron Jacquet,
comme le prouve cet exemple, emprunté à Grandval :
Il avançoit pays monté sur son Criquet,
Se levoit tous les jours dès le potron Jacquet.
{Poème de Cartouche, Vll, p. 70.)
Et si, dans celte variante, où Jacquet désigne un écu-
reuil (au moyen âge les animaux avaient reçu comme
on sait des noms propres de personnel, on remplace
potron par petit, on obtient encore une signification
analogue, l'écureuil ayant, comme le chat, la réputation
de se réveiller de très-bonne heure.
90
LE COURRIER DE VAUGELAS
Mais voici une objection qui ne permet pas d'ad-
mettre plus longtemps un tel sens pour ^;o/;'o« ;
Pourquoi donc prendre ici pour comparaison le petit
du chat et celui de l'écureuil? Est-ce que les petits de
ces animaux, qui, naturellement, n'ont aucune expé-
rience, se lèvent plus tôt que leurs mères, que l'instinct
pousse à les pourvoir de nourriture? Puis, dans la va-
riante de ce proverbe donnée par le correspondant pro-
vincial de Génin, il n'est question que de cliats, et non
àe petits chats; et, enfin, on trouve dans Trévoux, pour
signifler dès la première lueur du jour : dès que les
chais sont chaussés, et non \es petits chats.
Il y a là-dessous « quelque machine », pour parler
comme le rat de La Fontaine; et il îàat kpotron une
autre élymologie que celle qui en fait une espèce de
diminutif.
On n'a pas dit toujours ni partout /Jo/?-o« dans l'ex-
pression qui nous occupe. Ainsi, le bourguignon em-
ploie po//o«; nos auteurs du xv!!** siècle écrivaient ^ûj-
tron, comme le montrent ces exemples :
Il s'est levé dès le poltron Jacquet.
(OuJin, Curios. franc. ^ p. i35.)
La dame du Potiron Jacquet l'est encore moins [ingrate].
(Sérigné, j^l.)
Le comte Jaubert [Gloss. du centre de la France) nous
apprend qu'en Berry on dit jja^row; d'après ce que je
trouve dans Duméril [Dict. du pat. norm.], on dit ^e-
tron dans presque toute la Basse-i\ormandie, et je lis
dans le dictionnaire de Littré que quelques personnes
disent : dès le paître au minet.
Cette dernière leçon me suggère l'idée que patron
pourrait bien être mis pour paître au, et les consi-
dérations suivantes me font croire qu'en effet, c'est une
réalité :
•|o Jadis les infinitifs s'employaient comme substan-
tifs, et la présence de paître après dès ne déroge point
à la construction requise pour ce dernier.
2° Pendant fort longtemps, le rapport de possession,
que nous marquons actuellement par de, se marqua par
à; on disait le fils à un tel, emploi qui s'est conservé
dans la bête au bon Dieu.
3" Le son ai de paître correspond à oi, car en bour-
guignon on dit puître pour paître, et oi a pu devenir
0, puisque dans oignon, moignon, etc., nous pronon-
çons sans faire sentir 1'/.
4° Enfin on s'est dit souvent pour ou, et ce dernier
se rencontre quelquefois pour aw, ce dont voici quelques
exemples :
Advis m'estoit à ceste fois,
Bien y a cinq ans et cinq mois,
Qu'où joli moi.s de May songeoie
Ou ti.m|is amourpux plein de joie
Que touic ctiose si osgaye.
(Rom. de ta Rose, dan» Roquefort.)
L'ahsoluclon vous drpars
Ou nom d'Amours le Dieu vaillant
El par ainsi de vous me pars.
[Confeti. de la Belle-Fille, dans Roquefort.)
Or, quand on sait que minet veut dire chat, et que
patron est la corruption du verbe ^;f»7;e, pris substan-
tivement, et de l'article composé au, on tient naturelle-
ment pour démontré, et de la manière la plus évidente,
que dès le patron minet signifie littéralement : dès le
moment où, le chat va paître.
Dans le Journal des Débats du 26 juin 1863, Jules
Janin, rendant compte du drame de Mandrin, qu'on
venait de reprendre au Cbàtelet, avait dit, en emprun-
tant du reste son expression à la pièce elle-même
(acte IV, 8= tabl.,sc. I) :
Le meunipr se lèvera demain dès le patron minette.
11 s'est trouvé quelqu'un parmi les correspondants de ,
l'Intermédiaire qui l'en a repris, et qui voudrait que I
l'on dit : patron minette.
Je crois que ce correspondant a doublement tort ;
d'abord, en voulant qu'on écrive minette, quand il faut
minet (dans les autres formes de l'expression on ne
voit que Jacquet et non son féminin Jacqueline), et
ensuite, parce que, malgré l'orthographe |)o^row, qu'on
rencontre assez généralement, patron est préférable
comme se rapprochant plus de paître, avec son a, que
ne le fait potron, avec son o.
X
Seconde Question.
Pourquoi le chef que les avocats se donnent tous les
ans s'appelle-t-il batonkier, au lieu de porter le titre
de PRÉSIDENT, employé (jènéraleinent pour désigner le
chef dans toutes les sociétés?
L'usage du bâton comme symbole de puissance ou
de dignité remonte à l'antiquité la plus haute. Dans les
siècles les plus reculés, non-seulement les princes, mais
encore les personnes considérables telles que les pères
de famille, les juges, les chefs d'armée, etc., portaient
pour marque de distinction un bâton. Cet usage, très-
expressément marqué dans l'Écriture sainte, était établi
chez tous les anciens peuples. Égyptiens, Babj Io-
niens, etc., et s'y est perpétué fort longtemps. Homère
ne parle ni de couronnes, ni de diadèmes; mais il n'ou-
blie pas le bâton de distinction. Les principaux magis-
trats romains portaient de ces bâtons. Les monarques
français tenaient autrefois le sceptre d'une main et le
bâton de l'autre. Les évéques et les abbés prirent aussi
cette marque de dignité, et, en Angleterre, l'état-major
de la milice s'appelle staff-corps, c'est-à-dire corps à
bâton, en prenant ce dernier dans l'acception de signe
de commandement.
Or, le nom de bâtonnier n'aurait-il pas été donné
chez nous, dans l'origine, à celui auquel on déférait un
pouvoir temporaire, et qui, en conséquence, portait un
bâton, insigne de ce pouvoir?
Au comté de Bourgogne, comme l'atteste P. Helyot
(tome VIII, ch. 50), les chevaliers de l'ordre de saint
Georges donnèrent le nom de bâtonnier à leur chef,
litre qui fut changé depuis en celui de gourerneur ; et,
d'après Trévoux, quelques auteurs l'ont donné de même
à de simples sergents ou bedeaux.
Mais, malgré ces faits, ce n'est pas de bâton, symbole
LE COURRIER DE YAUGELAS
9i
de puissance ou de commandement, que vient &rf^o»?»'er,
appliqué au chef annuel de Tordre des avocats; c'est de
blUon signifiant la hampe d'une bannière comme on en
porte dans les fêles religieuses. Il me suffira, pour le
prouver, de citer Fournel [Ilisl. des avocats au par-
/c»i.),qui s'exprime en ces termes (t. II, p. 380) :
Ce fut dans cette période [de 1550 à ICOO! et vers son
commencement, que le nom de bâtonnier fut particulière-
ment affecté au chef de l'ordre des avocats du parlement
de Paris.
Jusque-là, ce titre n'étoit qu'accessoire à celui de do'jen,
à cause de la garde qui lui ctoit confiée de la bannière ou
bâton de saint Nicolas.
En effet, il faut se rappeler que la communauté des pro-
cureurs etl'ordre des avocats s'étoient réunis dans la con-
frérie de saint Nicolas, et que la bannière ou bûton se por-
toit, par honneur, chez le chef des avocats, qui en prenoit
le titre de bâtonnier.
Après la dissolution de la confrérie [1782] le nom de t)â-
tonnier lui resta, et ce ne fut que sous ce nom qu'il fut
désigné dans le public, dans les tribunau.x, et dans les arrêts
et règlements relatifs à la profession d'avocat.
Et voilà pourquoi l'avocat élu annuellement par ses
confrères pour dresser le tableau, présider le conseil et
représenter l'ordre entier, porte le nom de bâtonnier
au lieu de celui de président, qui est d'un emploi beau-
coup plus général.
Etablie par les clercs du Palais et confirmée par
lettres de Philippe-le-Bel datées d'avril 1342, la con-
frérie de saint Nicolas, qui réunissait, comme on l'a vu
plus haut, la communauté des procureurs et Tordre des
avocats, employait le terme bâtonnier; cette dénomina-
tion subsiste encore de nos jours dans le même sens :
elle a, par conséquent, l'âge respectable de cinq cent
Irenle-deux ans.
X
Troisième Question.
Selo7i Ménage, il est difficile de dire pourquoi le
CKESSOX ALÉNOis « été appelé ainsi; et le dictionnaire
français-anglais de Fleming et Tibbins insinue que le
mot ALÉNOis, einploijé dans cette seule expression, vient
dtt mot ALÊNE. Etrs-vous de ce dernier avis, et, dans le
cas contraire, quelle étijmologie proposeriez-vous pour
le mot en question ?
On a toujours distingué deux sortes de cresson, le
cresson alénois et le cresson d'eau ou de fontaine :
Le cresson Alénois et le cresson d'eau ne sont point du
tout du même genre, quoiqu'ils aient tous les deux leurs
fleurs en croix.
(Dictionn. de Trévoux.)
Maintenant, en quoi diffèrent ces deux herbes?
Le dictionnaire de Furetière dit que les feuilles du
cresson alénois ou cresson des jardins sont oblongues,
découpées profondément, et je lis dans celui de Trévoux:
La seule différence qu'on établisse entre ces deux
plantes ne se tire que des feuilles qui sont entières dans
le Thiaspi.
Il n'y a donc pas lieu de croire que ce soit le mot
exprimant la forme des feuilles qui a servi à faire
l'adjectif n/c-nois; car, d'un côté, le cresson alénois
n'est point signalé comme ayant des feuilles terminées
en forme d'alêne, et, de l'autre, parmi les nombreux
adjectifs en ois que compte notre langue, je n'en vois
pas un seul qui rappelle le nom d'un instrument quel-
conque.
Mais alors d'où vient alénois ?
En cherchant les gentilés de France, pour répondre
à une question que devait renfermer le numéro précé-
dent, j'ai trouvé, dans le Dictionnaire analogique
de Boissière, que, jadis, TadjecLifqui correspondait à
Orléans était olenois, olénois. Or, comme on a des
exemples de o changé en a [domina, dame; locusta,
langouste, etc.l, j'en conclus que alénois n'est autre
que olenois, et veut dire par conséquent qui est d'Or-
léans.
Du reste, je puis, grâce à une note qui m'a été
adressée le 20 avril dernier, vous fournir un texte du
xii« siècle, où le cresson en question est appelé cresson
orlcnois, avec une majuscule ^comme dans la première
phrase de Trévoux citée en commençant;, ce qui dé-
montre, doublement en quelque sorte, que alénois signi-
fie bien d'Orléans. Voici ce texte, emprunté aux Crie-
ries de Paris par Guillaume de La Villeneuve, tel qu'il
se trouve dans Barbazan, t. II, p. 278, édit. Méon :
Letues fresches demanois
Vez ci bon cresson Orlenois.
L'ancien adjectif était orlenois; par suppression de
l'r, pratique excessivement commune au moyen âge, on
a fait olenois : et, par le changement de o en a, alénois,
dans lequel MM. Fleming et Tibbins ont cru voir, mais
à tort, une allusion au principal outil du cordonnier.
A la même page de Barbazan, se lit une note qui
apprend que ce a bon cresson d'Orléans » s'appelle
aujourd'hui [ISOS] cresson Laonois. Depuis lors, on a
fait cresson à la noix, usité parmi les gens de la Halle,
et aussi, parait-il, dans certains traités de cuisine.
^"est-ce pas un exemple frappant des bévues que peut
faire commettre l'ignurance des origines en fait de
langue, el qui constate une fois de plus l'utilité très-
réelle de la recherche des élymologies?
ÉTRANGER
Première Question.
Quelle est la véritable signification de Vcxpression
AUTAXT rocR LE BRODEUR, qui s'cmpluie comme une espèce
d'exclamation pour marquer le peu de confiance qu'on
a dans ce que vient de nous dire quelqu'un?
On peut donner deux explications de cette expression
proverbiale.
Voici la première : le brodeur est celui qui brode; et
broder, au figuré, signifie amplifier, embellir :
Cette princesse vous écrit de sa belle écriture, elle m'a
montré la belle morale qu'elle vous a brodée.
(Së>igné. 443.)
92
LE COURRIER DE VAUGELAS
Ne se permettre aucune fiction, ne broder aucune cir-
constance.
(J.-J. Rousseau, dans Littré.^
D'où : j'en ai autant au service de l'ampliOeur, de
l'embellisseur, pour sens de l'expression elliptique que
vous me proposez.
Voici la seconde : nolro ancienne langue avait le
verbe bourder signifiant dire des bourdes (mensonges,
mauvaises excuses, défaites), et ce verbe avait donné
bourdeur, qui se trouve dans ces exemples :
Adonc prit la parole le duc de Bretagne et dit : Entre
vous, bourdeurs et langayeurs, vous mettez le royaume en
vostre volonté, et jouez du roi à vostre entente.
(Froissard, II, II, i45.)
Jehan de la Fontaine dist publiquement à baulte voix
que il y avoit aucuns Bourdeurs et Bourderesses en la ville,
qui avoient bourde et rapporte aux gens d'armes, etc.
(Du Cange, Burdare.)
Or, bourdeur, par transposition de lettres et par mu-
talion de ou en o, a pu devenir brodeur (comme pour-
mener, fonrmenf, founnage, sont devenus promener,
froment, fromage] ; d'où il suit que Autant pour le
brodeur signifierait littéralement : autant pour le
diseur de bourdes.
Reste à savoir maintenant laquelle de ces deux expli-
cations est la bonne.
Je crois que c'est la seconde, et pour les raisons que
je vais vous alléguer :
h" Comme je viens de le montrer, broder a été em-
ployé au figuré pour signifier amplifier, embellir; mais
je n'ai vu nulle part que brodeur l'eût été pour corres-
pondre à ce sens.
2° Dans les Recherches de Pasquier (liv. VIII, p. 733),
on trouve cette phrase, qui donne brodeur comme dé-
rivé de bourde :
Aussi le Brodeur que nous adaptons à un insigne men-
teur, quand un homme nous ayant payé d'une bourde, nous
en souhaitons autant pour le Brodeur est dit par corruption
de langage au lieu de Bourdeur.
3° Je lis ce qui suit dans les Apres-disnées de Cho-
lières (folio 22, verso) :
Et après vous direz que le dormir d'après disner est
contre-naturel. Baye, et autant pour le brodeur aut [ou] bour-
deur.
Cela ne semble-t-il pas donner à entendre que bro-
deur avait pour équivalent bourdeur, ou plutôt qu'il
n'en était que la transformation?
On trouve dans Cotgrave que l'expression dont il
s'agit, s'est dite aussi Autant pour le burdeur, mol qui,
d'après cet auteur, fait allusion à bourdeur, menteur;
Du Cange fournil également un exemple de bordcur
dans le même sens :
En cetuy saint disner soit bien gardé, que hiraux et Bar-
deurs h6 fassent leur offices.
Selon toute probabilité, le dernier terme de ladite
expression a donc été d'abord bourdeur, puis bordeur
et enfin brodeur.
X
Seconde Question.
Quel est le véritable sens de l'expression doire sec?
Cela veut-il dire boire de façon à mettre à sec le vase
dans lequel on boit, ou bien ne pas mettre d'eau da7is
son vin ?
Nos lexicographes sont bien peu d'accord à ce sujet.
Selon l'Académie, Beseherelle et Littré, boire sec a deux
significations; la première, bien boire, boire beaucoup,
boire excessivement; et la seconde, boire sans eau.
D'après Landais, cette expression veut dire les deux
choses à la fois, boire beaucoup et sans eau. Enfin, pour
Poitevin, elle n'en signifie qu'une, boire sans eau.
Laquelle de ces opinions est la vraie?
A mon avis, c'est la dernière^ et j'en fournis les
preuves suivantes :
1° Attendu que dans les expressions boire frais, boire
chaud, l'adjectif se rapporte évidemment au liquide,
il est probable qu'il en est de même dans boire sec,
ou, en d'autres termes, que sec ne s'y rapporte pas au
vase.
2° L'adjeclif sec est le contraire de mouillé; or, si
l'on ne dit pas du vin mouillé (dans lequel on a mis de
l'eau), on dit, comme équivalent, du vin trempé, ce dont
voici deux exemples :
Et surtout de boire mon vin fort trempe'.
(Molière, Malade imag., III, 14.1
Des vins pressés ou raqués, trempés, allongés et autres de
mesnage.
{Olivier de Serrei, aig.)
D'où il suit que boire sec signifie boire du vin dans
lequel on n'a pas mis d'eau.
3° Dans quelques langues étrangères^ to/re iec se tra-
duit par des phrases impliquant l'absence d'eau; ainsi
l'allemand dit : Reinen wein trinken (boire du vin pur),
et, dans Quicheral, je trouve boire sec avec les mots
« sans eau » entre parenthèses, traduit par Yinum me-
racum sumere (prendre du vin pur).
X
Trosième Question.
Vous savez qu'au jeu de la bouillotte, on appelle as
paucé un as qui est seul de sa couleur. Pourquoi cette
appellation? Quel rapport y a-t-il entre la circonstance
d'être seul et celle d'être percé, pour un as?
Voici l'explication de ce fait, qui est, comme vous
l'allez voir, des plus simples.
Les Latins disaient per me, per te, dans le sens de
moi seul, toi seul :
Quamvis, Scaiva, satis per te tibi consulis, et scis.
(Horace, Ép. 17, liv. I.)
(Quoique tu saches, Scœva, suffisamment te conduire
tout seid.)
Nos pères ont nalurcllemenl imité celte construction,
et ont dit : par lui, par elle, par soi :
Ainsi ron li vilains par lui se démentoit,
Une voiz l'apella qui pitié en avoit,
Et li a demandé pourquoi se complaingnoit.
(Jubinal. Noiiv. recvcii, I, p. lag.l
Les cloches de l'église, de ce soiez certains,
Sonnèrent tout i>ar elles, sanz mètre piez ne mains.
(Idem, I, p. 69.)
LE COURRIER DE VAUGELAS
93
Qant au mostier ira par soi,
Et il venra devant trcsloz.
(Baibazan, III, p. au.)
Or, lorsqu'au xvi" siècle, lo français fut envahi par
l'ilalien, nous avons remplacé par soi, [ja.T perse, expres-
sion équivalcnle dans cette langue; et, trompés par une
apparente identité de son, nous avons ém\. percé, qui
n'avait ici aucun sens, au lieu de pcr se, qui eût repré-
senté à la fois et le sens et l'orthographe véritable.
PASSE-TEMPS GRAiMiMATlCAL.
FEUILLETON
Corrections du numéro précédent.
l'... quand il a demandé campos ; — 2°... avait eu lieu sous
la présidence de M. Lefébure; — 3v.. nous ne laissons pas dVMre
(pas de que) ; — 4° Ils se plaignent avec raison qu'on leur fasse
jouer un rùle; — 5°... pour que nous soyons (pas d'j après l'y) ;
— 6°... Quand un homme a bien diné; — 7° Il faut qu'elle le
soit moins qu'on ne le dit; — 8°... que les régiments, en défilant
devant le président, criassent à tue-tête; — 9°... qu'il fut un des
premiers qui firent des vers ; — 10° Parmi ces légendes, il y en a
deux de frappantes.
Phrases à, corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• Je ne sais pas combien de millions ce beau travail a
coûtés à la France; il faut multiplier 750 par 25, et multi-
plier ce produit par 365.
1° Je vous ferai remarquer que, de tous les grands pri-
sonniers, depuis le 4 septembre, je suis encore le seul qui
ne se sois pas évadé.
3° Mais ce n'est pas assez, qu'à partir de l'apparition du
journal nous ayions avec nos abonnés un échange constant
d'idées et de communications; il faut que, du 1"' juillet au
1" octobre, nous ayions reçu une correspondance de chaque
maître.
4* Pour la plupart des républicains, le monde commence
en l'an 1 de la République (1780); ça leur dispense d'ap-
prendre l'histoire.
5° Uans le Nord, on a si peur que les gens qu'on ne con-
naît pas soient des fripons qu'on évite généralement d'avoir
des rapports avec eux jusqu'à ce qu'une présentation ait pu
rassurer sur leur compte.
6° Il n'y a pas de livre où il soit mieux démontré que
dans celui-ci, les inconséquences du système étymologique.
7' S'ils ne le pressentent pas tous également, ils le
supposent tous. Ils labourent le sol profondément qui doit,
pour produire, recevoir la rosée céleste dont parle l'Ecri-
ture.
8° C'est sur les tourments de toutes sortes qu'enJure le
mari d'une trop jolie femme que roule la comédie que
M. Labiche, assisté de M. Uaru, ont donné au Gymnase.
9° Votre correspondant vous adonné dos renseignements
incomplets sur les points que j'ai visités; je n'ai vu les
communes du canton de Poissy qu'après que j'avais par-
couru celles de l'arrondissement de Mantes.
10" La droite, craignant que M. Tbiers prit la parole, s'est
empressée, sitôt après le discours de M. Denfort, de récla-
mer la clôture de la discussion.
[Les corrections à quinzaine.)
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
VAUGELAS.
(Suite.)
Prononcialion des mots en ient. — Il faut prononcer
cette dernière syllabe comme si elle s'écrivait avec un
an, et non avec un c; ainsi ingrédient, expédient, in-
convénient, escient se prononctni : ingrédian , expé-
dian, etc.
Soif, soit que. — Au lieu de répéter soit que, on peut
mettre à sa place ou que, ce qui est une façon de parler
plus douce que l'autre; mais la première ne laisse pas
d'être fort bonne. — 11 ne faut point mettre ou devant
soit que répété; ce qui suit est une mauvaise phrase :
soit qu'il n'eût pas donné bon ordre, ou soit que ses
commandements, etc.
Superbe. — Ce mot est toujours adjectif, et jamais
substantif, quoiqu'une infinité de gens, et particuhère-
ment les prédicateurs disent la superbe pour l'orgueil.
En somme. — Ce terme est vieux et ceux qui écrivent
purement ne s'en servent plus. — Somme toute a cessé
aussi de se dire.
Oubli du pronom relatif ve.. — Plusieurs omettent le
pronom relatif le, aux deux genres et aux deux nombres;
ils disent, par exemple : un tel veut acheter mon cheval,
il faut que je lui fasse voir; c'est une faute, il faut dire :
le lui fasse voir.
Mensonge, poison, relâche, reproche. — Ces mots sont
tous masculins, quoique quelques-uns de nos meilleurs
auteurs les aient faits féminins.
Œuvre, œuvres. — Au singulier, quand il signifie
livre, volume, composition, il est masculin. Pour
action, il est féminin : faire une bonne œuvre. Au plu-
riel, il est toujours féminin, quelle que soit sa signiQca-
tion.
Valant, vaillant. — L'usage, plus fort que la raison
dans les langues, fait dire à la Cour, et écrire à tous les
bons auteurs cent mille écus vaillant, et non valant,
comme on le dit principalement en Poitou.
Ne plus ne moins. — Pour signifier comme, tout,
ainsi que, il faut dire ne plus ne moins, et non pas ni
plus ni moins, qui est bon pour exprimer exactement
la quantité dune chose.
j\i. —Devant la seconde épithète d'une proposition
négative, il vaut mieux mettre ni dans le cas où ces
épithètes ne sont pas synonymes, comme dans : il n'y
eut jamais de capitaine plus vigilant ni plus sage que
lui, et à plus forte raison, si ces qualificatifs expriment
des choses contraires.
]\lie,-_ _ Quand la négative ne est devant ce verbe, il
faut encore la répéter avec le verbe suivant : je ne nie
pas que je ne l'aie dit. Le non emploi de la seconde
négation ne constitue pas une mauvaise phrase ; elle a
seulement moins d'élégance.
Subvenir. — Il faut dire subvenir A la nécessité de
94
LE COURRIER DE VAUGELAS
quelqu'un, el non pas survenir, comme disent la plu-
part des gens.
Sortir. — Ce verbe est neutre; c'est pourquoi sortez
ce cheval, pour dire faites sortir ce cheval, ou tirez ce
cheval est très-mal dit « encore que » cette façon de
parler soit devenue fort commune à la Cour el par
toutes les provinces. On accuse les Gascons d'en être
les auteurs, parce qu'ils ont l'habitude de convertir
plusieurs verbes neutres en actifs, comme tomber, ex-
celler, etc.
Insidieux. — C'est Malherbe qui le premier a em-
ployé ce mot tout latin. Yaugelas voudrait qu'on suivit
son exemple, parce que nous n'avons point de terme
qui signifie celui-là.
La pluspart, la plus grand'part. — Le premier régit
toujours le pluriel : la plupart se laissent emporter à la
coutume; le second régit toujours le singulier : laj^lus
grand'part se laisse emporter.
Voire même. — On ne le dit plus à la Cour, et tous
ceux qui veulent écrire purement évitent avec soin de
s'en servir.
Sens dessus dessous. — Les uns écrivent c'en dessus
dessous, les autres sens dessus dessous. Vaugelas croit
qu'il faut écrire saiis dessus dessous, attendu que cela
signifie que la chose dont on parle est dans un tel dé-
sordre qu'on n'j reconnaît plus ce qui devrait être des-
sus ou dessous.
Peur, crainte. — Il y a longtemps que l'on dit el
écrit crainte pour de crainte, mais peur pour de peur
est insupportable;
Là oi(. — Celte expression employée pour au lieu que
n'est pas du beau langage; quoiqu'on s'en serve ordi-
nairement, .M. Goëffeteau ne l'emploie jamais, ni après
lui, aucun de nos excellents écrivains.
Particularité. — Il ne faut pas dire particuliarité
comme plusieurs le font, même à la Cour.
Parce que, pource que. — Tous deux sont bons;
mais parce que est plus doux et plus usité à la Cour et
presque chez tous les meilleurs écrivains. Pource que
est plus d'usage au Palais, quoiqu'à la Cour plusieurs
le disent aussi, particulièrement ceux de la Normandie.
Qui. — Ce n'est pas une faute de s'en servir deux
fois dans une même période, comme le croient quelques-
uns qui, à cause de cela, mettent à sa place lequel, les-
quels, etc. On dit très-bien : il y a des gens qui n'ai-
ment que les choses qui leur sont contraires. Mais il y
a une exception, c'est quand les deux qui ont rapport à
un même substantif, sans que la copulalive et soit entre
les deux, comme dans : c'est un homme qui vient des
Indes, qui apporte quantité de pierreries.
Pour. — Il est contre la netteté du style de le mettre
deux fois dans une même période, et surtout devant
deux infinitifs. Il ne faut pas dire : // cherche des raisons
pour s'excuser de ce qu'il s'en alla pour donner ordre.
liépétition des prépositions devant les noms. — Celte
répétition n'est nécessaire que quand les deux substan-
tifs ne sont pas synonymes; ainsi on dit Irès-bien -.par
les rvses et les artifices de mes ennemis; mais il faudrait
dire : par les ruses et par les armes de mes ennemis.
Qtii répété plusieurs fois pour dire les uns, les adtkes.
— C'est une façon de parler foi't en usage, mais non
parmi les excellents écrivains. On dit : qui criait d'un
côté, qui crioit de l'autre, qui s'enfuijoit sur les toits,
qui dans les caves, qui dans les églises. Les bons au-
teurs remplacent qui par les uns, les autres.
Quant et moi. — On le dit ordinairement pour avec
moi; mais les bons auteurs ne l'écrivent point, quoique
Malherbe s'en soit servi.
Quant à moi. — C'est une faute grossière que de
l'écrire quand à moi, avec un d.
Quoi. — Ce mot est d'un usage fort élégant et fort
commode pour remplacer lequel à tous les genres et à
tous les nom bres, comme faitf/o»< d'une au Ire manière.
On dit fort bien : le plus grand vice à quoi il est sujet ;
la chose du monde à quoi je suis le plus sujet ; les trem-
blements de terre à quoi ce pays est sujet. — On ne
se sert jamais de ce mot en parlant des personnes.
Qci employé après les prépositions. — Au génitif, au
dallf et à l'ablatif, il ne s'applique jamais qu'aux per-
sonnes; on ne peut pas dire : un cheval de qui, un
cheval à qui, un cheval pour qui; il faut dire : un che-
val dont, auquel, pour lequel.
Solliciter. — Pour servir, secourir et assister un ma-
lade, comme on le dit ordinairement à Paris, il est du
plus bas usage, tandis que dans les autres significations,
il est fort bon et fort noble.
Longuement. — X'est plus employé à la Cour, où il
était si usité il y a vingt ans; on n'oserait plus s'en ser-
vir dans le beau langage; on dit longtemps.
Pourpre. — Pour désigner la maladie, il est mascu-
lin; quand il signifie le poisson qui donne la pourpre,
les uns le font masculin, et les autres féminin.
Poitrine, face. — Le premier est condamné, en prose
et en vers, sous le prétexte ridicule qu'on d'ii poitrine
de veau; le second, dans le sens de visage, a été con-
damné également; cependant on dit encore : la face de
Notre Seigneur, voir Dieu face à face.
Résoudre. — Depuis quelque temps, ce verbe, qui a
toujours été neutre, s'emploie avec un régime direct
dans le sens de faire prendre résolution; on dit/e l'ai
résolu à cela pour je l'ai fait résoudre à cela. Il y a
apparence que la « phrase » sera bientôt établie.
Si. — Au lieu de le répéter, il est mieux de le rem-
placer par (/Me; par exemple, si nous sotnmes jamais
heureux, et si la fortune se lasse de nous persécuter,
nous ferons, vaut moins que et que la fortune...
Pour. — Ne peut être séparé de l'infinitif suivant, si
ce n'est par des particules d'une ou de deux syllabes :
pour y aller, pour lui dire ; mais les phrases pojir avec
Quintius aviser, pour après avoir fait beaucoup de fa-
çons, ne dire rien qui vaille sont mauvaises.
Tandis. — Parmi la i)luparl de ceux qui parlent en
public ou qui font profession de bien écrire, on voit une
grande an'ectalion à se servir de ce mol; à la Cour on
en use moins, on dit d'ordinaire pc«f/««/ qtte.
[La suite au prochain numéro.)
Le Re'dactecb-Gébant : Ema« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
95
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
L'histoire romaine à Rome; par J.-J. Ampère, de
l'Académie française. Nouvelle édition, avec des plans
topographiques. T. 1 et 2. In-S", 1071 p. Paris, lib. Michel
Lévy frères. Les U vol., 30 fr.
Histoire de Théophile Malo de La Tour d'Au-
vergne (Covret), premier grenadier de France, ré-
digée d'après sa correspondance et les documents les plus
authentiques; par A. Buhot de Kersers. 2« édition. In-8",
232 p. et gravure. Pari.s, lib. Lefort.
La Vengeresse; par Albert Delpit. In-18 Jésus, 392 p.
Paris, lib. Dentu, 3 fr.
Galerie des hommes utiles; par A. Du Saussois.
Oberkampf.Ganneron. Paris, chez l'auteur, 108, rue Mont-
martre.
Histoire contemporaine, comprenant les principaux
événements qui se Gont accomplis depuis la Révolution de
1830 jusqu'à nos jours, et résumant durant la même pé-
riode le mouvement social, artistique et littéraire ; par
Amédée Gabourd. T. 12. In-8% Zi95 p. Paris, lib. Firmin
Didot frères, fils et Cie.
Portraits contemporains, Littérateurs, peintres,
sculpteurs, artistes dramatiques; par Théophile Gautier.
Avec un portrait de Théophile Gautier, d'après une
gravure à l'eau forte par lui-même, vers 1833. In-18 jésus,
468 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Les Mœurs et les femmes de l'extrême Orient.
Voyage au pays des perles; par Louis Jacolliot. Illus-
trations d'E. Yon. In-18 Jésus, 351 p. Paris, lib. Dentu. Zi fr.
Un nouveau voyage au Groëland ; par Xavier Mar-
inier, de l'Académie française. In-8'', 30 p. Paris, lib.
Douniol et Cie.
Le Mari de la vieille, étude de mœurs; par Gabriel
Prévost. In-18 jésus. 25i p. Paris, lib. générale, 3 fr.
Les Evasions célèbres; par Frédéric Bernard. 3' édit.
illustrée de 25 vignettes sur bois par Emile Bayard. In-18
jésus, 362 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr. 25 cent.
Les Cabotins ; par Eugène Deligny. ln-18 jésus, i90 p .
Paris, lib. Nouvelle. 3 fr. 50 cent.
La Dame aux perles; par Alexandre Dumas fils, de
l'Académie française. Nouvelle édition. Gr. in-18, 32/i p.
Paris, lib. Nouvelle. 1 fr. 25.
Vie des savants illustres depuis l'antiquité jus-
qu'au XIX" siècle, avec l'appréciation de leurs travaux;
par Louis Figuier. Savants du xvni' siècle. 2« édition,
accompagnée de 38 portraits ou gravures dessinées d'après
des dessins authentiques. Grand in-8'', 502 p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 10 fr.
Louis XVI, le marquis de Bouille et Varennes.
Episode de la Révolution française juin 1791 ^ par l'abbé
Gabriel, aumônier du collège de Verdun. In-S», àl5 pa-
ges. Paris, lib. Ghio.
Pierre Gariel, sa vie et ses travaux, 1584-1674;
par A. Germain, professeur d'histoire et doyen de la fa-
culté des lettres de Montpellier. In-/i°, 224 p. .Montpellier,
impr. Martel aîné.
Les Quarts de nuit, contes et causeries d'un vieux
navigateur; par G. de La Landelle. Nouvelle édition.
In-18 jésus, 33Zi p. Paris, lib. Lecoffre lils et Cie.
Les Tragédies de Paris. I. La Sage-femme; par Xa-
vier de Montépin. In-18 jésus, 292 p. et grav. Paris, lib.
Sartorius. 3 fr. 50.
L'Esprit des bétes. Le Monde des oiseaux, orni-
thologie passionnelle ; par A . Toussenel. 2" partie. Zi^ édi-
tion, entièrement revue et augmentée. Paris, lib. Dentu.
Publications antérieures
DU DIALECTE BLAISOIS et de sa conformité avec
l'ancienne langue et l'ancienne prononciation française. —
Thèse présentée à la faculté des lettres de Paris, par F.
Talbebt, professeur de rhétorique au prytanée militaire de
La Flèche. -- Paris, Ernest Thorin, éditeur, libraire du
Collège de France et de l'Ecole normale supérieure, 7, rue
de Médicis.
L'INTERMÉDL\IRE Dlï.S CHERCHEURS ET DES
CURIEUX. — En vente à la librairie Sandoz el Fischba-
cher, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : i»* année, 15 fr.,
a» année, 10 fr.; 3"= année. 12 fr.; /c^ année, 8 fr.; 5" année,
12 fr. — Chaque année se vend séparément. — Envoi
franco pour la France.
ŒUVRES DE RABELAIS, augmentées de plusieurs
fragments et de deux chapitres du 5* livre, etc., et pré-
cédées d'une notice historique sur la vie et les ouvrages
de Rabelais. — Nouvelle édition, revue sur les meilleurs
textes, éclaircie quant à l'orthographe et à la ponctuation,
accompagnée de notes succinctes et d'un glossaire, par
Louis Babrk, ancien professeur de philosophie. — Inl8
jésus, xxxv-612 p. Paris, lib. Garnier frères, 6, rue des
Saints-Pères, à Paris.
LE MÉNAGIER DE PARIS. — Traité de morale et
d'économie domestique, composé vers 1393, par un Bour-
geois parisien ; contenant des préceptes moraux, quelques
faits historiques, des instructions sur l'art de diriger une
maison, des renseignements sur la consommation du Roi,
des Princes et de la ville de Paris, à la finduxiv* siècle;
un traité de cuisine fort étendu et un autre non moins
complet sur la chasse à l'épervier. — Publié pour la pre-
mière fois par la Société des Bibliophiles français. — 2 vol.
— A Paris, à rimprimeriedeCrfl/«/e<, 9, ruedeVaugirard.
LE CYMBALUM MUNDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de Bonaventlre des Periers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.L. Jacob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Dclahciys, éditeur, i-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 : 5 fr. ; in^" ; 2 fr. 50.
LES ŒUVRES DETABARIN avec les Adventures du
capitaine Rodomont, la Farce des Bossus et autres pièces
tabariniques. — Nouvelle édition. — Préface et notes par
Georges d'Harmonville. — Paris, Adolphe Delahays, li-
braire-éditeur, 4-6, rue Voltaire.
96
LE COURRIER DE VAUGELAS
LA VRAIE HISTOIRE DE FRAXCION, composée par
CHARLEsSoRELjSieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Eahle Colosibay. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, i-6, rue Voltaire. — In-16 :
5 fr. ; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
VOCABULAIRE RAISONNÉ ET COMPARÉ DU
DIALECTE ET DU PATOIS DE LA PROVINCE DE
BOURGOGNE, ou Etude de l'histoire et des mœurs de
cette province d'après son langage. — Par Mignaru, de
l'Académie de Dijon. — In-S", 33/i p. — Paris, librairie
Aubry^ 18, rue Séguier.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Pri.x
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
En faisant insérer quelques annonces dans le Journal de Bucarest, dirigé par M. Ulysse de Marsillac, on peut se
procurer des places de professeur et d'institutrice en Rou.mame.
Les annonces pour ce journal, qui sont reçues à Paris par M. Eugène Grain, 9, rue Drouot, coûtent 30 cent, la ligne.
Moyennant 10 centimes, le rédacteur du Courrier de Vaugelas envoie, en France, un spécimen du Journal de Bucarest
aux personnes qui lui en font la demande.
Sous le titre de Revue anglo- française, il paraît à Brigthon une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Angleterre ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice à
ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires.
L'abonnement est de 10 fr. pour la France, et il se prend à Paris chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires, 33, rue
de Seine, ou à la librairie Grassart, 2, rue de la Paix.
CONCOURS LITTERAIRES.
Le journal Le Tournoi est rédigé au concours par ses abonnés seulement.
Les articles sont soumis à l'examen d'un Comité de rédaction. L'insertion donne droit à l'îwie des primes suivantes :
irc Prime — Cinq exemplaires du numéro du journal contenant l'article et un diplôme confirmant le succès du lauréat ;
2« Prime — Quinze exemplaires de l'article, tiré à part avec titre et nom de l'auteur, et formant une brochure.
Tout abonné douze fois lauréat reçoit une médaille en bronze, grand module, gravée à son nom.
Les articles non publiés sont l'objet d'un compte-rendu analytique.
On s'abonne en s'adressant à M. Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte, à Paris.
Appel avx Poêles.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875.
Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront une épigraphe qui sera répétée à re.\térieur
d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur.
Sont seuls admis à concourir : 1° les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane , — 2» les
étrangers, membres effectifs ou correspondants de cette Société.
Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane, avant le 1" juillet 1875. Ils resteront
déposés aux archives de ladite Société, on les auteurs pourront en prendre connaissance.
Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins de cent vers.
Le treizième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 187û. —Dix médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Evariste CAnR.\NCE, président du Comité, 92, route
d'Espagne, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
L'Ar.An(:MiE française donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone.
Le nombre des vers ne doit pas excéder celui de deux cents.
Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secrétariat de l'Institut, franches de port, avant «
le 15 février 1875, terme de rigueur. ^I
Les manuscrits porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage;
ce billet contiendra le nom et l'adre.'^se de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître.
On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en
ont besoin.
Le redaclciii- du Cm/rricr de Vaugelas est visible a son bureau de midi à une heure cl demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupei.ey à Nogent-le-Rotrou.
5" Année.
N" 13.
1" Octobre 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Para lisant le 1" et le 18 de ehaane mola
PRIX :
Abonnement pour la France. 0 f.
Idem pour l'Élranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
ANXIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la posie
soit au Uéilacleur, soit à lAdm'
M. FiscHBACBER, 33, rue de Seine.
SOMMAIRE.
Étymologio de l'adjectif Feu, — Origine des locutions C'est au
diable ouvert, au diable vert. \\ D'où vient le verbe Recroque-
viller;— Ce qu'on entend par Doubler le cap Fayot; — Com-
ment il se fait que Rossinante ait deux genres; — Pourquoi
VE dans Cueillir et Jtecueillir sonne comme Eu. || Passe-temps
grammatical. || Suite de la biographie de Vaugelas. || Familles
parisiennes pour la conversation. || Concours littéraires.
FRANCE
Première Question.
Je voudrais bien vous voir donner un jour, dans votre
journal, l'élymologie de l'adjectif feu, un mot dont
jusqu'ici il n'a pas encore été bien rendu compte.
On a passablement discuté au sujet de cette étymo-
logie. Ménage veut que feu vienne de felix; selon le
dictionnaire de Trévoux, ce mot est tiré de fuit et de
fueruni ; d'après M. Paulin Paris, il répond à functus;
M. Lillré suggère qu'il pourrait venir d'une forme bar-
bare fadulus ou fafutus; quelqu'un le tire du berri-
chon fu7if, et enfui un autre lui croit pour origine l'ita-
lien fu, correspondant au latin fuit.
Oi'i est le vrai dans cette diversité d'opinions?
— Ménage, qui a vu dans le dictionnaire français-
italien d'Ant. Oudin que la feue reine y est traduit par
la reç/ina de felice memoria, ce qui répond au felix me-
morix des Latins, en conclut que feu vient de felix.,
dont il le fait descendre par les transformations sui-
vantes : felix, felicis, felice, felce, feu.
Mais je vois une grave objection à celte origine, à sa-
voir que c'est par heureux et non par felix que l'idée de
bonheur, sous forme adjective, a toujours été exprimée
chez nous, dès les commencements de la langue :
Qui ctie biau bacheler aroit en sa baillie,
Eiireuse seroit, car de chevalerie
Est li plus souverains de ceste mortel vie.
{Baudouin de Sebourg, VIII, 167.)
D'un autre côté, on sait que, dans tout mot français
en cl venu d'un mot latin privé de sa terminaison, la
finale est devenue non-seulement eu, mais encore eau
(castellum, castel, château; porcellus, porcel, pourceau,
etc.) Or, qui, dans notre langue, a jamais vu feau avec
le sens â' heureux?
Quoique l'étymologie de Ménage ait l'approbation de
Le Duchat, je ne l'en crois pas moins erronée.
— Du tem.ps où fut publiée la seconde édition de Tré-
voux (1771), les notaires de quelques provinces disaient
encore furent en parlant de deux personnes conjointes
et décédées, ce qui semble indiquer que feu vient de /"mj<
ou de fuerunt.
Je sais qu'au moyen âge et jusqu'au xvi' siècle, on
employa en effet qui fut, qui furent dans le sens de
défunt, dernier, comme le montrent ces exemples :
Nous Pelisses et Marguerite de Chastelz suers, filles
Richardin lou woyel qui fut...
(Du Cange, Charte de i3ii.)
De bonne aventure, sa dame, qui ce fut, vint à ce heurt...
(Cent nouv. nouvelles, aa® nouv.)
Or, tandis que Girard devisoit avec sa dame, celle qui fut
s'en vint â sa chambre, etc.
(Idem, a6' nouv.)
Mais comment admettre que fut, qui n'est pas ici par-
ticipe, ait été transformé en adjectif, et cela, en sup-
primant le qui comme si ce dernier s'ellipsait jamais
ailleurs que devant un temps composé où entre l'auxi-
liaire (Hre? Ce serait dans la langue un fait unique au-
quel il me parait impossible de croire.
El autre chose. On trouve feu après le verbe être, ce
dont voici un exemple :
Quar s'il ostoit demain ch6us
Et li rois Loys fust /"««, etc.
{Eutebeuf, II, p. 6a. 1
Or, il est évident que feu avec le sens de qui fut ne
pourrait occuper celle place.
Du reste, comme au dire de Trévoux, on employait
plulôl qui furent que le singulier, comment furent
aurait-il donné feu? Passe encore pour fut, mais pour
furent?
— M. Paulin Paris paraît mieux inspiré, quand il
dit que feu vient de func/us; en cITet, le latin defunclus
ayant donné defcu dans le patois du Bcrry, et le mot do
même origine functus y ayant donné feu, que je retrouve
98
LE COURRIER DE VAUGELAS
dans cel exemple du xiV siècle, cilé par le comte Jau-
bert comme appartenant aux archives du déparlement
du Cher :
Certaines maisons que Guillaume Baron et Raquillc,
femme feux dudit Baron avionl achatèes des lioirs feux
Tevenot
il est assez naturel de croire que feu dérive de funclus;
c'est du moins conforme à l'analogie.
Mais voilà qu'ici encore se dresse une grave objec-
tion : funcius a donné funt, dont \'u était probablement
prononcé eu comme dans le blaisois, où ^mcj et humble
sonnent eun, eumblo (voirTalbert, â\x Dialecte blaisois,
p. 51 et 52), ce qui a donné feu d'une syllabe. Or, on
trouve dans le dictionnaire de Litlré des exemples de
feu, en deux syllabes :
Certes, biaus cbiers sire, à mon vuel,
Fussiez vous evesques eslus,
Quant nostre evesque fut feiis.
[Th. [t. au mot/en l'igf., p. i4S.)
D'où il suit que feu ne peut venir de functns ffunfl,
ce qui est mieux prouvé encore par l'exemple suivant,
emprunté à une charte de •12/(2, et qui dénote une ori-
gine toute difTérente :
Ge Gauvaings, ctievalers, filz fahu Jofre, fais asaver que
ge ai doné V. sol. à Deu e a ladite maison de l'ospitau de
Fontseche por faire l'anniversaire fahu Ostent Boraud, che-
valer, toz temps mais chascun an.
(Bibl. de VÈc. des chartes, B» série, V, p. S6.)
— D'après M. Littré, feu pourrait venir d'un adjectif
barbare fadutus ou fatutus, et s'il est permis de conjec-
turer que cet adjectif dérive irrégulièrement de fatum,
le mot feu signiflerait : qui a accompli sa destinée; voici
les deux exemples que le savant auteur du Dictionnaire
cite à l'appui de cette explication :
Lasl mal feux! cum esmes avogluz!
Quer [car] ço vedons que tuit sûmes desvez;
De nos péchez sûmes si ancumbrez,
La dreite vide nus funt très oblier.
(Chans. de S. Alexis, CXXIV.)
Pur que portai [eus-je un enfant], dolente, mal feiide?
(Idem, LXXXIX.)
Mais, de l'avis même de M. Littré, ce feti-là, précédé
de )nal, équivaut à l'anglais ill-fatcd, et cette expres-
sion, que je sache, ne signifie pas qui est mort, elle
exprime seulement que la personne à laquelle on l'ap-
plique est mal partagée dans la vie. Ce ne peut donc être
la source de notre feu, dont la signification ne permet
devant lui aucun modificatif adverbe.
— Feu vient-il du berrichon funt?
On n'est guère disposé à admettre cette élymologie
quand on vient de voir, comme dans les exemples pré-
cédents, l'adjectif feu sous les formes fahu et feil (en
deux syllabes).
— Enfin feu ne vient-il pas de l'italien /"m, 3" personne
singulière du passé défini du verbe être? car on dit dans
celle langue :
La fu regina (la feue reine).
11 /u Gran Duca (le feu grand Duc).
Au xvi" siècle, nous avons pris, en effet, cette forme
de l'ilalien en lui donnant notre orthographe :
Le tien lui pore.
(J. Marot, p. sio dans Lacurnc.)
Mais elle ne se maintint pas, et l'on revint à feu,^
l'expression française.
Or, si au moment où la langue italienne était le plus
en faveur parmi nous, on a vainement tenté d'intro-
duire fu dans la nôtre, il est à croire que feu ne nous
est point venu d'au-delà des Alpes.
D'ailleurs, Ménage dit que /"«, pour défunt ou défunte,
ne se trouve point dans les anciens livres italiens et que
cette façon de parler à été introduite « vraisemblable-
ment « de la langue française dans la langue italienne.
Les étymologies que l'on a données jusqu'ici de l'ad-
jectif feu n'étant pas selon moi acceptables, je vais à
mon tour en proposer une qui, à défaut d'autre mérite,
aura au moins celui de la nouveauté.
Le mot en question vient defaillu, un participe passé
depuis longtemps oublié de faillir, ce qui sera démontré
si je fais voir : que le verbe faillir s'est employé jadis
dans le sens de mourir, que le participe de faillir a pu
s'écrire faliu, et enfin que fahu a pu être transformé
en feu par la prononciation.
V point. — Le verbe faillir signifie manquer, et ce
dernier s'emploie encore dans la Beauce et dans le Perche
pour mourir; on y dit, par exemple :
Quand il viendra à manquer, sa fortune sera bientôt dis-
sipée.
Ah! la pauvre femme! elle a manqué trop tôt pour ses
enfants.
D'où il suit que faillir a signifié mourir, fait mieux
établi encore par l'exemple suivant, où failli lient jus-
tement la place de mort :
Il lui en prend comme aux poures orphelins qui sont
moins avantagez que leurs frères, d'autant que leur père
est failli trop test.
(Th. de Bèze, Vie de Calvin, p. j,J
2° point. — Autrefois, beaucoup de verbes à l'infinitif
en ir avaient leur participe en m, tels étaient, par
exemple, bouillir, férir et gésir, qui faisaient bouillu,
féru, (jéu. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que faillir
ait fait faillu (il le fait encore en blaisois) ; et, attendu
que, dans l'origine, ce verbe, venu du latin fallere, a
dû s'écrire fallir, la question à résoudre ici se trouve
ramenée à expliquer comment, dans ce dernier verbe, l
a pu se changer en h.
La manière dont on prononce aujourd'hui les l du
verbe faillir peut déjà faire conjecturer qu'une /* a pu
entrer dans le participe de ce verbe ; mais voici une
explication plus positive.
Dans l'ancien dialecte poitevin, la lettre l se change
en (j, ainsi qu'on le voit dans vowju, pour voulu, et
dans rougist, pour voulsit, vieil imparfait subjonctif
du verbe vouloir; et comme, dans le même dialecte, le
g s'emploie aussi pour v dans le participe des verbes
en evoir (on trouve recegv], c'est-à-dire là où il ne peut
être qu'un signe pour la séparation des voyelles, puis-
que lesdits participes, d'abord en éim, ont fini par se
terminer en eu, ce qui implique le silence du r pour la
première forme, il en resuite la certitude que la lettre /
a été supprimée jadis entre deux voyelles, et remplacée
par un signe de diérèse.
Or, on n'employa pas partout la même lettre pour
LE COURRIER DE VAUGELAS
99
préyenir l'œil de ne pas confondre certaines voyelles
dans une même émission de voix; le français, par
exemple, se servit de l'h (trahir, envahir, etc.). D'où la
possibililé, à mon avis, que les deux l de faillir aient
été remplacées dans notre langue par la lettre /;, et, par
conséquent, que ce verbe, ancienne forme de faillir,
ait eu pour participe fahu.
3°7;o!»<.— De fahu, on passa naturellement à /aw, en
deux syllabes, qu'on trouve en effet dans cette citation :
Aniprès lou clous [elosi qui fu monseigneur Girard, lou
prévoira 'prètrei faii... el la vigne qui fu fait Tliiebault.
{Bibl, des chartes, 5* série, IV, p. 470-)
Puis, chose la plus commune dans les mutations de
voyelles, a se changea en e, ce qui est attesté par cet
exemple :
Certes, biaus chiers sire, à mon vuel
Fussiez vous evesques eslus,
Quant nostre evesque fut /"eu.
(Th. fr. au moyen âge, p. 148 )
En supprimant la diérèse (cela s'est fait dans tous
les participes en eu se prononçant «), on est tombé sur
feu, monosyllabe parfaitement identique, sauf l'origine,
à feu venu dans le Berry, de fundus.
La démonstration est faite; je tiens faillu pour l'ély-
mologie de feu, et je confirme celte opinion par le
rapprochement qui suit :
En allemand, le verbe fallcn, tomber, a pour parti-
cipe passé gefallen, qui s'emploie, dit de Suckau, pour
désigner ceux qui sont morts dans un combat ou à la
suite des coups d'un assassin : die gefallenen. Or, peut-
on être surpris après cela que faillu, participe défaillir,
verbe qui correspond au fallen de nos voisins, se soit
dit chez nous pour exprimer comme chez eux l'idée de :
qui a cessé de vivre?
X
Seconde Question.
Le CoDERiER DE Y LJJGELks pourrcit-H expliquer l'ori-
gine de la locution c'est au diable auvert, employée
pour designer un endroit ircs-cloigné? Quelques per-
sonnes disent aussi : c'est ac diable veut. Laquelle de
ces deux expresions est la bonnet
Non loin de l'emplacement où est aujourd'hui l'Ob-
servatoire, le roi Robert avait fait bâtir jadis une mai-
son de plaisance dans un endroit nommé Vauvert, c'est-
à-dire val vert, vallée verte, al se prononçant alors au.
Sous saint Louis, cette maison fut abandonnée; mais
comme les Chartreux que le pieux roi avait établis à
Gentilly la voyaient de leurs fenêtres, ils se prirent à la
convoiter. Au risque de s'exposer à un refus, il fallait
une raison pour la demander, et ils n'en avaient poini,
car leur habitation était fort belle. Ils appelèrent la
ruse à leur secours. La croyance au diable florissait en
ce temps-là: ils s'en servirent : à leur commandement
une légion d'esprits infernaux peupla le vieux château,
et y firent un tel vacarme que bientôt personne n'osa
plus en approcher. Alors, il n'y eut que les moines
qui fussent jugés capables, par leur présence et leurs
prières, de disputer la propriété aux revenants, et saint
Louis fut tout heureux et tout aise de trouver les bons
pères pour l'en débarrasser :
Lq Roi leur accorda leur demande, et non-seulement
leur donna le lieu et i'iiôtel de Vauvei t, avec toutes ses
appartenances et dépendances, mais même leur laissa la
maison, les vignes et les terres où il les avoit établis à
Gentilli.
(Hurtaut et Magny, Dici. hist. de Paris, II, p. 280.)
Le diable de Vauvert, dont le tintamarre avait effrayé
la population de Paris pendant toute une année peut-
être (la donation de saint Louis est datée du mois de
mai ^ 259, et la pensée de s'établir à Vauvert était venue
aux moines un an après leur installation à Gentilly,
qui avait eu lieu en <2d71, le diable de Vauvert, dis-je,
acquit une grande célébrité comme le montrent ces
exemples :
Que le grand diable de Vauvert
A peine s'en peut demesler.
(Coquiilard, a' part, des Droits nouv.')
]e vous cUiquaneray en diable de Vauvert.
(Rabelais, Pant., IV, 6.)
Il y a certaiQS gentilshommes qui font le diable de Vau-
vert tant sont insolens et desreiglez.
iFourmer.teau. Finances. III, p. a5l.)
Avec le xvi' siècle, le diable de Vauvert disparut
comme superlatif de force, de puissance, de bruit. Mais
le nom de diable, qui compose tant de locutions en fran-
çais, se trouvait dans celles-ci : s'en aller au diable,
à tous les diables, pour signifier être perdu sans
retour :
Il faudra, si je veux,
Que le manteau s'en aille au diable.
(La Fontaine, FaUes, VI, 3.)
Si vous ne daignez vous en informer, le Temple du Goût
ira à tous les diables.
(Voltaire, lett. en vers et en prose, iS.)
Or, comme ce qui va sans jamais revenir va naturel-
lement loin, on s'est servi de aller au diable pour dire
aller loin ; et comme le diable de Vauvert avait la répu-
tation d'être un plus grand diable que les autres, on a
fini par dire aller au diable de Vauvert, c'est au diable
de Vauvert, pour signifier excessivement loin : c'est
encore une expression superlative, mais qui s'applique,
celle-là, à la dislance.
Après ce qui précède, il est à peine nécessaire d'ajou-
ter que les locutions c'est au diable Auvert, c'est au
diable vert, sur lesquelles vous avez bien voulu me
consulter, sont aussi impropres l'une que l'autre.
Au sujet de ladite expression proverbiale, on trouve
ceci dans le dictionnaire de Liltré, 7= acception du
mot diable :
11 m'a fait aller au diable Vauvert (et non, comme on dit
communément par erreur : au diable au vert).
Et au mot vacvert, on lit, dans le même ouvrage :
Mot qui n'est usité que dans cette locution : Aller au diable
Vauvert, aller très-loin, faire une grande course.
D'où cette conséquence que, pour le célèbre académi-
cien, l'expression aller au diable Vauvert est parfaite-
ment bonne.
Je ne suis point du tout du même avis: la préposi-
-100
LE COURRIER DE VAUGELAS
lion de ne pouvant être supprimée que devant un nom
propre de personne (rue Lamartine, pont Notre-Dame,
etc.), il faut nécessairement dire ici: Aller au diable
de Vauvert, le dernier terme de cette phrase étant un
nom propre de lieu.
ÉTRANGER
Première Question.
Le Dictionnaire étymologique de Brachel disant que
l'origine du verbe beckoqcevillek est « inconnue »,
permettez-moi de venir vous demander si, réellement,
on ne sait rien sur cette origine.
D'après Aug. Scheler, à l'opinion duquel M. Littré se
range, recroqueviller est un « mot défiguré de recoqvil-
1er, en y faisant entrer l'idée de croc, chose recourbée,
repliée »; mais cela ne suffît pas pour établir l'origine
du mot en question, car l'introduction de cette sjllabe
ne peut donner que
Re— croqu— jller,
et n'explique nullement la présence du v qui se trouve
dans
Re— croque— v—iller.
J'ai donc cherché une explication plus satisfaisante,
et voici celle que j'ai trouvée :
Le verbe recroqueviller, qui, de même que son syno-
nyme rccoquiller, exprime une idée d'enroulement, de
repliement d'un corps sur lui-même, viendrait de l'ad-
jectif curvus, courbe, ainsi que je vais vous l'expli-
quer.
Après une légère altération dans le primitif/ m changé
en 0, et v en b, altération qui n'a rien que de très-ordi-
naire), on aurait fait recorbiller, sorte de diminutif,
dont l'existence est révélée par la citation suivante, qui
s'applique à la convoitise :
liccorbillies et croçues
Avoit les mains icèle ymage.
^liom. de la lîosf, ï, p. 4'3. td, Fr. Michel.)
Puis, on aurait fait rétrograder IV de cor, de même
qu'on l'a fait dans fromage, autrefois formage; d'où
recrobillcr, qui s'employa au xvi" et au xvn" siècle dans
le sens de se retirer sur soi-même :
Car ainsy qu'un limaçon, si tost qu'on touche l'une de
SCS cornes, l'autre se retire, se rccrobitc en sa coquille;
ainsy faisoyenl ces Lombards dans leurs tranch(^es...
{Sati/rc Mênippik, p. 352, éd. Cliarp.)
Ensuite, perdant entièrement de vue l'origine de ce
verbe, sans cesser toutefois d'y sentir l'idée générale
qu'il renfermait, on en serait venu à l'écrire comme s'il
fût dérivé de croc, mot représentant la môme idée :
Les feuilles de cet arbre sont toutes recrnquebUtc'cs.
(La Quintinie, dans Furetière, ^^l'J.)
Enfin, le son dur de que, devant le son également dur
de b, aurait ramené ce dernier à son origine v, et l'on
aurait eu le mot recroqueviller, dont l'étymologic s'est
dérobée si longtemps aux investigations des grammai-
riens :
La chaleur excessive du soleil a desséché et recroquevillé
les feuilles des plantes et des arbres.
(Trévoux, I?*;!.!
X
Seconde Question.
On trouve dans riNTERMÉDUiRE (4° année, col. 2S3)
utie explication signée : « Un marin qui, plus d'une fois
a eu de la peine à doubler le Cap Faïot. » Qu'est-ce
que cela veut dire? La géographie ne mentionne aucun
cap de ce nom.
Il ne s'agit point ici de géographie, mais bien de
cuisine. En effet, fayot est une forme altérée de fayolle,
lequel est venu de l'italien fagiuolo, fait du latin faseo-
lus, qui n'est autre que le vocable grec çisYjXoç, un
haricot; et ce mot, qui se dit communément aujour-
d'hui dans l'ouest de la France, a été adopté par les
matelots.
Or, le jour où, à bord, toutes les provisions fraîches
sont consommées, où l'on en est réduit au lard, au bœuf
salé et aux légumes secs (dont le principal est le hari-
cot), les matelots disent qu'ils naviguent sous le cap
Fayot, passage qu'il importe d'effectuer le plus promp-
tement possible en prenant terre quelque part :
Au large, l'équipage est généralement au cap Fayot dés
le second jour, les maîtres bien peu de temps après, les
aspirants plus tard; les officiers, dont la table est mieux
pourvue de provisions, ne l'aperçoivent que vers la fin de
la traversée; mais si les calmes et les vents contraires s'en
mêlent, un commandant, un amiral même peuvent être
affalés sous le maudit cap.
(De La Landelle, Laiig. des marins, p. Il8.)
La phrase que vous me citez signifie donc tout sim-
plement que le marin qui l'a signée a eu plusieurs fois
à souffrir, en naviguant, de n'avoir plus à manger que
des provisions sèches.
X
Troisième Question.
Voudriez-vous bien m' expliquer pourquoi rossinante,
musculin quand il désigne la monture de Don Qui-
chotte, est féminin qua7id il désigne un cheval efflan-
qué, celui qui s'appelait auparavant, je crois, un che-
val d' Apocalypse ?
Quand Bassinante apparut dans notre langue (ce qui
dut avoir lieu vers le milieu du xviii'' siècle, puisque ce
mot ne se trouve pas dans Furetière, et qu'il est dans
la seconde édition de Trévoux), nous avions déjà le mot
ross'' depuis plus d'un siècle pour désigner un cheval
dans le même état que celui du chevalier de la Manche ;
CCS exemples le prouvent :
Un cheval généreux ne devient jamais rosse.
(Ronsard, 56i.)
Mais la postérité d'Alfane et de Dayard,
Quand ce n'est qu'une rosse, est vendue au hasard.
(Bolleau, Sat , V.l
Or, Uossinante, employé ])ar antonomase, avait le
même sens que rosse em[)Ioyé au propre; et c'est de là,
je pense, qu'est venue, pour le premier, son assimila-
tion de genre avec le second.
LE COURRIER DE VAUGELAS
iOi
X
Quatrième Question.
Pourriez-vous, ou plutôt voudriez-vous bien m'expli-
qucr pourquoi I'e des mots cueillir, REcrEiLLiK, e/c, se
prononce eu quand^ partout ailleurs, devant ill, il se
prononce i ?
Ayant reconnu que le son eu n'est qu'un affaiblisse-
ment du son plein de Vu (prononcé oui, nos ancêtres,
pour amoindrir ce son, faisaient souvent suivre Vu d'un
e, et ils écrivaient ue ce que nous écrivons et pronon-
çons eu :
Quel chose est li liomes ke tu 1' magnefies, ou por koi
mes tu ton cuer à luy.
(Saint Bernard, Serm.^ p. 5a6.)
Blanche la eue e la crignete jalne.
[Ch. de Roland, ch. III, v. $7.)
Duzes hues et les eues tûtes ensemble une part turnerent.
(Rois, p. 5j4)
Un cerf troverent maintenant
De seize ramers fier et grant,
Les muetes li ont descoplees,
Baudes et bien entalentèes.
(Du Cange, ifota. 6.)
Cette orthographe semble s'être généralement perdue
assez vite; mais il y eut une exception pour le cas où
ue était précédé d'un c, auquel il fallait maintenir le
son de h; et voilà pouiquoi on a conservé cueillir ,, re-
cueillir,, etc., où e sonne eu devant ill : c'est une écri-
ture archaïque.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... a coûté à la France; — 2" ... le seul qui ne se soit pas
évadé; — 3° ... nous ayons pas d'j après l'y); — 4° ... ça les
dispense d'apprendre; — 5°... ne soient des fripons; — 6° ... où
l'on ait mieuï démontré, ou bien : où soient mieux démontrées
que dans celui-ci les inconséquences; — 7° Ils labourent ^ro/oii-
de'ment le ,sol qui doit; — S" ... que SI. Labiche, assisté de
M. Duru, a donnée au Gymnase; — 9* ... du canton de Poissj
qu'après a l'Oic parcouru celles; — 10" ... craignant que M. Tbicrs
ne prit la parole.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• Les stagiaires s'amufaient de ses manie?, parodiaient
ses tics, ses phrases à effet, l'audace de ses métaphores,
mais pas trop haut, car il avait le bec et les ongles.
2° Nous nous sommes donnés comme lâche régulière de
contrôler les dépenses et les recettes de chaque jour.
3' Je puis vous annoncer en même temps que le ministre
des travaux publics vient de demander et d'obtenir de la
commission du budget qu'elle proposerait à l'Assemblée le
vote d'un crédit important...
4° Elle vint se mettre sur les genoux de sa mère en lui
disant : « Donne-moi un peu de vinaigre, je sens que je
vais m'évanouir, » et, avant que sa malheureuse mère ait
pu se lever, elle poussa un léger soupir et mourut.
5* A diverses reprises, M. de Deauchamp a déclaré hau-
tement qu'il défendra le septennat. « J'ai voulu, dit-il, dans
une nouvelle profession de foi, j'ai voulu que les électeurs
soient bien convaincus de ma ferme résolution...
6* Je suppose qu'on lui portit votre histoire de tout à
l'heure en lui disant le mot sacramentel : il y a une pièce
là-dedans.
7° D'après de nouveaux avis de la frontière, il serait
inexact que les carlistes auraient tiré des coups de fusil sur
les corvettes allemandes.
8- Ne nous sommes-nous pas laissés aveugler jusqu'à
nous livrer aux passions, aux égarements de tous les
partis?
9* Le public, moins naïf qu'on Croit, ne s'y trompa point.
Il ne se trompe pas davantage aujourd'hui.
10' M. Antonin Lefebvre-Pontalis, auteur de ce rapport,
s'est acquitté de sa tâche avec beaucoup de conscience. Il
a étudié son sujet avec un zèle on ne peut plus louable.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU SYII' SIÈCLE.
VAUGELAS.
fSuite.y
Je peux. — Plusieurs le disent et l'écrivent; mais je
puis est beaucoup mieu.\ dit, et plus en usage.
Preigne, vieiyne. — C'est une faute familière aux
courtisans, hommes et femmes, de dire preigne pour
prenne, vieigne pour vienne.
Naviguer, naviger. — Tous les gens de mer disent
naviguer; mais à la Cour on dit naviger, et tous les
bons auteurs l'écrivent ainsi 0 647).
yu-pieds. — Ce mot se dit en parlant, mais jamais
les bons auteurs ne l'écrivent; ils disent les pieds
nuds.
Noms propres. — Que les noms propres soient grecs
ou latins, il faut les prononcer selon l'usage, car il n'y
a point de règle certaine pour cela.
Huit, huitième, huitain. — Devant ces trois mots,
on ne fait point l'élision de I'e; on dit : le huit, le hui-
tième, etc.
Température, tempérament. — Le premier se dit de
l'air, le second des personnes.
Terroir, terrein, territoire. — Terroir se dit de la
terre « en tant » qu'elle produit les fruits; territoire,
lorsqu'il s'agit de juridiction, et terrein, quand il s'agit
de fortification. Le laboureur parle du terroir, le juris-
constille du territoire, et le soldat ou l'ingénieur du
terrein.
Article. — Toutes les fois qu'un adjectif est mis après
son substantif avec plus entre les deux, il faut que
l'article précède plus, comme dans : c'est la coutume
des peuples les plus barbares. Les poètes aussi bien
que « ceu.x qui écrivent en prose » doivent s'y assu-
jélir.
Siéger, tasser. — Le premier employé pour assiéger,
et le second |)our entasser ne valent rien; c'est une faute
pariiculièremcnl familière aux Normands.
102
LE COURRIER DE VAUGE^AS
Le onzième. — Plusieurs parlent et écrivent ainsi,
mais Irès-mal. Il faut dire /'oiziéme.
Sur le minuit. — C'est ainsi que depuis neuf ou dix
ans toute la Cour parle, et que les bons auteurs écrivent.
C'est pourquoi il faut dire et écrire sur le minuit et non
pas sur la minuit, bien qu'une inflnité de gens trouvent
cette façon de parler insupportable.
Verbes régissant deux cas, mis avec un seul. — Nos
excellents écrivains modernes condamnent cette façon
de parler : ayant embrassé et donné la bénédiction à
son fils, parce que, disent-ils, embrassé régit l'accusatif,
et que donné régit le datif. Celte règle est fort belle. Il
y a fort peu de temps qu'on a commencé à la pratiquer.
Tomber, tumber. — 11 faut dire tomber avec un o,
quoiqu'on entende dire souvent à des personnes qui
parlent très-bien tumber avec un u; mais ce n'est pas
supportable.
Un adjectif avec deux substantifs de genre différent.
— Dans cet exemple : ce peuple a le cœur et la bouche
ouverte à vos louanges, faut-il dire ouverte ou ouverts?
Il iaiUdrail dire ouverts selon la grammaire latine; mais
l'oreille a de la peine à s'y accommoder. Vaugelas vou-
drait qu'on dît ouverte, qui est beaucoup plus doux, et,
du reste, c'est ainsi que l'on parle à la Cour.
Songer. — Il y en a qui ne peuvent souffrir ce mot
pour ^ÊHie;; mais ils n'ont pas raison, car qu'y a-t-il
à alléguer contre l'usagequi le fait dire et écrire ainsi à
tout le monde?
Si c'était moi qui eusse, si c'était moi qui eût. — La
plupart assurent qu'il faut dire si c'était moi qui
eusse fait cela, et non pas qui eût fait cela, car pour-
quoi tnoi régirait-il une autre personne que la pre-
mière? Ils ont raison puisqu'on dirait si c'étoient nous
qui eussions fait cela. Cependant le grand usage est
pour eût.
Age. — La 3' personne singulière du subjonctif du
verbe «l'OiV s'écrivait ainsi autrefois; mais aujourd'hui,
on n'écrit plus que ait.
Par ce que. — Il ne faut jamais séparer ainsi celle
expression en trois mots quand elle signiQe quia.
Quoique. — Il faut prendre garde de ne le mettre
jamais après que , comme dans je vous assure que
quoique je vous aime etc., à cause de la cacophonie. Il
faut dire que bien que ou qu'encore que, qui est peut-
être plus doux, ayant un que de moins.
Le libéral arbitre. — Ancienne expression dont plu-
sieurs modernes se servent encore. Elle est mauvaise
parce que libéral ne veut pas dire libre. Le plus sûr et
le meilleur est d'écrire et de dire franc arbitre.
Prochain, voisin. — Ces deux mots ne reçoivent
jamais de comparatif ni de superlatif; on ne dit point :
plus prochain, très-prochain, plm voisin, très-voisin.
Le peuple dit abusivement c'est mon plus prochain
voisin.
Proches. — Presque tout le monde le dit pour
parens : je suis nljandonnè de mes proches; mais
les gens de la Cour, comme CoëlTeleau, ne le peuvent
souffrir.
1'. — Les courtisans emploient ordinairement g pour
« lui, comme dans cette phrase : j'ai remis les hardes
de mon frère à un tel, afin qu'il les y donne. C'est une
faute.
Y et en. — Il faut que y précède en; dites : il y en
a, et non : il en y a, qui se disait anciennement.
Tout. — C'est une faute que presque lout le monde
commet que de dire tous au lieu de tout. Par exemple,
il faut dire, ils sont tout étonnez, et non tous étonnez,
parce qu'en cet endroit, c'est l'adverbe.
Vinrent, vindrent. — Tous deux sont bons, mais
vinrent est beaucoup meilleur et plus usité.
Prononciation de oi. — La Cour prononce beaucoup
de mots écrits avec la diphthongue ai, parce que cette
dernière est incomparablement plus douce et plus déli-
cate. Mais quand faut-il prononcer ai pour ai? Vaugelas
va donner quelques règles à ce sujet.
4° Dans tous les monosyllabes, il faut prononcer ai,
comme dans lai, bois, quoi, etc. ; il n'y en a que fort
peu d'exceptés, comme froid, droit, soient, sait, qui
sonnent fraid, drait, saient, sait, excepté quand soit
est conjonction. Par exemple, on dira : soit que cela
sait ou non.
2° Dans tous les mots terminés en air, comme mou-
choir, parloir, etc., on prononce toujours ai.
3° On prononce aussi toujours ai aux trois personnes
singulières des verbes qui se terminent en cois, comme
je conçois, j'aperçois.
4° Tantôt on prononce oi et tantôt ai dans les syllabes
qui ne sont pas à la fin des mots; dans les suivants, oa
prononce ai : boire, mémoire, gloire, foire, et l'on pro-
nonce craire, craitre, connaître les mots croire, croître,
connaître, etc.
5" 11 faut dire avoine avec toute la Cour, et non pas j
aveine, avec tout Paris. "j
6° Ai se prononce pour oi, à la fin des noms natio-
naux, provinciaux ou des habitants des villes; on dit
pourtant Génois, Suédois et Liégeois.
Sçavoir. — Ce verbe se construit souvent avec un
infinitif ou le pronom qui suivi d'un mode personnel :
;/ fit du bien à tous ceux qu'il sçavoit avoir aimé son
fils, au lieu de qui avaient aimé son fils. Mais Vaugelas
ne voudrait jamais se servir de la seconde construction,
et rarement de la première, parce qu'il y a quelque
chose de rude dans cette phrase.
Des vers dans la prose. — 11 faut éviter, non pas de
citer des vers dans la prose, mais de faire de la prose
qui fasse des vers, et cela, principalement au commen-
cement ou à la fin de la période. De tous, les alexandrins
sont les plus vicieux.
Vrquit, vécut. — Les deux se disent, seulement on
peut avertir ceux qui écrivent exactemcnl, et qui aspi-
rent à la perfection, de prendre garde d'employer vrquit
ou vécut selon qu'il sonnera mieux à l'endroit où il sera
mis. Vaugelas aimerait mieux dire, // vêquil rt mourut
chrétiennement que il vécut et mourut.
{La suite au prochain numéro.)
Le Rédactebr-Géba.nt : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
^03
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE
Publications de la quinzaine :
L'Homme à l'oreille cassée; par Edmond About.
7" édition. In-18 Jésus, 285 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
3 fr.
Galerie des hommes utiles; par A. Du Saussois. Pa-
lissy. ln-32, 3'2 p. l'aris, l'auteur, 108, rue Montmartre.
Notions de philosophie; par Joseph Favre, professeur
de ])hilosophie à la faculté des lettres de Bordeaux, ln-18
jésu.-;, Z|60 p. Paris, lib. Delagrave.
Colbert, ministre de Louis XIV (1661-1683); par
M. Jules Gourdault. 2° édition. Gr. in-8% 350 p. et à grav.
Tours, lib. Manie et fils.
Les Secrets de la, plage ; par J. Pizzetta. Ouvrage
illustré de 83 gravures. In-8°, 22/i p. Paris, lib. Rigaud.
Première expédition de Jeanne d'Arc. Le Ravitail-
lement d'Orléans. Nouveaux documents. Plan du siège
et de l'expédition ; par M. Boucher de Molandon, delà
Société archéologique et historique de l'Orléanais. In-8°,
Xix-116 p. Orléans, lib. Colas.
La Défense de Belfort, écrite sous le contrôle de
M. le colonel Denfeit-Rochereau; par MM. Edouard Thiers,
capitaine du génie, et S. de La Laurencie, capitaine d'ar-
tillerie. Avec cartes et plans, à^ édition. In-8% /|17 p. Pa-
ris, lib. Le Chevalier. 7 fr. 50.
Scènes et proverbes; par Octave Feuillet, de l'Acadé-
mie française. Le Fruit défendu. La Grise. Rédemption.
Le Pour et le Contre. Alix. La partie de Dames. La Clef
d'or. Nouvelle édition. In-18 jésus, M3 p. Paris, lib.
Michel Lévy. 3 fr. 50.
Encyclopédie générale des deux mondes, revue
universelle des sciences, des lettres, de l'histoire, des arts,
du commerce et de l'industrie mise à la portée de tous.
Histoire générale de tous les peuples du monde; par une
Société de savants et de gens de lettres sous la direction
de Ferdinand de Boyères. T. 1 et 2. In-S", xvi-710 p. Paris,
l'auteur, 11, rue Blottière.
Nouvelle grammaire française sur un plan neuf,
méthodique et essentiellement pratique, divisée en
deux parties : 1° Eléments et orthographe ; 2» Syntaxe ; par
Abel Fabre. 7" édition. In-12, vni-132 p. Lyon, lib. Gay,
Notes pour servir à l'histoire de Provence; par
V. Lieutand, bibliothécaire de la ville de Marseille. N° 6.
Le Pape Léon X, archevêque d'Aix (8-20 juin 1483). In-8%
8 p. Marseille, libr. Boy fils. 2 fr.
Œuvres complètes de lord Byron, traduites par
Benjamin Laroche. Nouvelle édition. 2'^ série : Poèmes.
W série : Don Juan. In-18 jésus, 996 p. Paris, lib. Hachette
et Cie. Chaque vol. 3 fr. 50.
Quinze Satires ; par Desiderais. In-18 jésus, 269 p.
Paris, lib. Lachaud et Burdin. 3 fr.
Éloge de Bourdaloue. Discours auquel l'Académie
française a décerné le prix d'éloquence dans sa séance
publique annuelle du 13 août 187/i ; par Anatole Feugère,
professeur de rhétorique au collège Stanislas. In-li", 88 p.
Paris, lib. Firmin Didot frères; fils et Cie.
Publications antérieures
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CIENNES ET MODERNES, classées par ordre chrono-
logique et par noms d'auteurs, avec biographie et notices.
— Par Louis Mo.ntjoie. — In-32. — Paris, librairie Gar-
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tilhomme du Mans, avec notice et index. — Par F. Cons-
cience. — Petit in-12, xxviii-201 pages. — Paris, librairie
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l'ancienne langue et l'ancienne prononciation française. —
Thèse présentée à la faculté des lettres de Paris, par F.
Talbert, professeur de rhétorique au prytanée militaire de
La Flèche. — Paris, Ernest Tliorin, éditeur, libraire du
Collège de France et de l'Ecole normale supérieure, 7, rue
de Médicis.
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CURIEUX. — En vente à la librairie Sandoz et Fischba-
cher, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : i" annéi-, 15 fr.,
2« année, 10 fr.; 3» année, 12 fr.; U" année, 8 fr.; 5° année,
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fragments et de deux chapitres du 5' livre, etc., et pré-
cédées d'une notice historique sur la vie et les ouvrages
do Rabelais. — Nouvelle édition, revue sur les meilleurs
textes, éclaircie quant à l'orthographe et à la ponctuation,
accompagnée de notes succinctes et d'un glossaire, par
Louis Barré, ancien professeur de philosophie. — In-i8
jésus, xxxv-612 p. Paris, librairie Garnier frères., 6, rue
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LE MÉNAGIER DE PARIS. — Traité de morale et
d'économie domestique, composé vers 1393, par un Bour-
geois parisien ; contenant des préceptes moraux, quelques
faits historiques, des instructions sur l'art de diriger une
maison, des renseignements sur la consommation du Roi,
des Princes et de la ville de Paris, î» la fin du xiv^ siècle;
un traité de cuisine fort étendu et un autre non moins
complet sur la chasse h l'épervier. — Publié pour la pre-
mière fois par la Société des Bibliophiles français. — 2 vol.
— A Paris, à rimpriraerie deCrapelet, 9, rue de Vaugirard.
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créations et joyeux devis de Bonaventuoe des Periers. —
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nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. Jacor,
bibliophile. — Paris, Adolphe Pclahays, éditeur, 4-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 : 5 fr. ; In-S» : 2 fr. 50.
^04
LE COURRIER DE VAUGELAS
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANCION, composée par
CHARLEsSoREL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colombay. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, Zi-6, rue Voltaire. — In-IG :
5 fr. ; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
VOCABULAIRE RAISOXÎSÉ ET COMPARE DU
DIALECTE ET DU PATOIS DE LA PROVINCE DE
BOURGOGNE, ou Etude de l'histoire et des mœurs de
cette province d'après son langage. — Par MioisAnD, de
l'Académie de Dijon. — In-8°, 334 p. — Paris, librairie
Aubry, 18, rue Séguier.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation
A Passy (près du Ranelagh). —Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Dans un grand pensionnat de Demoiselles, situé
dans une des localités les plus salubres de la banlieue de
Paris, on reçoit de jeunes étrangères pour les perfec-
tionner dans langue française. — Chambres particulières.
Table de la Directrice. — Prix modérés.
Une Maison d'éducation qui n'est point une pension
prend des étrangers à demeure pour leur enseigner la
langue et la littérature françaises. — Près du Collège de
France et de la Sorbonne.
Avenue de l'Impératrice. — Un ancien préfet du
collège Rollin prend en pension quelques jeunes étrangers
pour les perfectionner sérieusement dans l'étude de la
langue française. — Enseignement de l'allemand et prépa-
ration aux examens pour le service militaire en Angleterre.
(Les adresses sont Indiquées à la rédaction du Journal.)
CONCOURS LITTERAIRES.
Le journal Le Tour>-oi est rédigé au concours par ses abonnés seulement.
Les articles sont soumis à l'examen d'un Comité de rédaction. L'insertion donne droit à Vune des primes suivantes :
ire Prime — Cinq exemplaires du numéro du journal contenant l'article et un diplôme confirmant le succès du lauréat ;
2= Prime — Quinze exemplaires de l'article, tiré à part avec titre et nom de l'auteur, et formant une brochure.
Tout abonné doii:e fois lauréat reçoit une médaille en bronze, grand module, gravée à son nom.
Les articles non publiés sont l'objet d'un compte-rendu analytique.
On s'abonne en s'adressant à M. Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte, à Paris.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875.
Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envols sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur
d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur.
Sont seuls admis à concourir : 1° les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane , — 2° les
étrangers, membres effectifs ou corresponJants de cette Société.
Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane, avant le 1='- juillet 1875. Ils resteront
déposés aux archives de ladite Société, où les auteurs pourront en prendre connaissance.
Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins de cent vers.
Le treizième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 187Zi. —Dix médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Evariste C.\rraxce, président du Comité, 92, route
d'Espagne, à Bordeaux (Gironde). — A/franchir.
Livingstone.
L'AcADÉ.MiË FRv.NÇAisE douno pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875
Le nombre des vers ne doit pas excéder celui de deux cents.
Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secrétariat de l'Institut, franches de port, avant
le 15 février 1875, terme de rigueur.
Les manuscrits porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint h l'ouvrage;
ce billet contiendra le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître.
On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en
ont besoin.
Lo ri'ilaclfiir du Courrier de Vaui/rlds csl visible ;i son bureau de midi à une heure et dn/iie.
Imprimerie GouvERNEun, G. DAUPEi-iiv à Nogent-le-Rotrou.
5' Année.
N° 14.
15 Octobre 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^^
\\Wy Journal Semi-Mensuel ^-^/ //
S^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE ^>( 1
Paraisiant !• 1* et !• IS de eha«a« mola
PRIX :
Rédacteur: Eman MARTIN
ON S'ABONNE
Abonnement pour la France. 6 f.
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
En envoyant un mandat sur la poste
Idem pour l'Élrangcr lO f.
Oflirier d'Académie
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26, boulevard des Italiens, Paris
M. FiscHBACHER, 33, cue de Seine.
SOMM.\IRE.
Ce qui a été cause de la propagation de l'argot dans notre
langue; — Élymologie, pluriel et prononciation de Guet-apens;
— Si le verbe Écœurer est français; — Prononciation des syl-
labes nasales devant un mot commençant par une voyelle; —
Si A part soi est une bonne expression. || Prononciation du
mot Fils; — Orthographe de Boulevard; — Élymologie de
Avachir. \\ Passe-leraps grammatical. || Suite de la biographie
de Vaugelas. || Familles parisiennes pour la conversation. || Con-
cours littéraires.
FRANCE
Première Question.
Je désirerais bien savoir ce qui a contribué à répandre
l'argot dans notre langue au point oit nous le voyons
aujourd'hui. Mais cette question sortirait peut-être de
votre cadre?
Le Courrier de Vaugelas s'étant donné la lâche de
répondre à toutes les questions qui concernent la langue
française, j'ai fait des recherches pour résoudre celle
que vous me proposiez, et je m'empresse de tous faire
part des résultats auxquels je suis parvenu.
Langue des gueux et des voleurs, l'argot a probable-
ment existé dans tous les temps et dans tous les pays.
Toutefois, ce n'est guère qu'au xv" siècle que l'on trouve
des monuments du jargon des voleurs français, monu-
ments qui constituent six ballades composées par Vil-
lon, né, comme on sait, en U3i.
Le premier ouvrage tout en argot est un petit livre
de Pechon de BuJnj, et le second, intitulé Vie des Mer-
cclots, Gueux et Bohémiens, du même auteur, se ter-
mine par un Dictionnaire en langage blesquin avec
explication en vulgaire (^596). Mais il s'en faut que ces
recueils soient complets, car il y avait en circulation
une foule de mots et d'expressions appartenant à l'argot
qui n'y étaient pas recueillies.
Si la pièce ayant pour titre: Responce et Complaincte
du grand Coësre sur le jargon de l'argot réformé (1630)
n'est point une facétie, on doit en conclure que l'argot,
dont les gueux étaient parvenus à dérober la connais-
sance aux profanes jusqu'à la fin du xvi'' siècle, s'était,
quelques années plus tard, singulièrement répandu
parmi le peuple, à ce point « qu'il n'y a à présent, dit
l'auteur de la Responce, si chestive cambrouse qui ne
rouscaille le jargon (si misérable chambrière qui ne
parle argot). »
Au xvm" siècle, Grandval enrichit d'un dictionnaire
d'argot son Cartouche ou le Vice puni [K 725) ; et, comme
ce poème eut un grand nombre d'éditions, il contribua
puissamment à répandre la connaissance de l'argot
dans une société plus élevée que celle des lecteurs du
Jargon, dont les éditions continuaient à se succéder à
Paris et à Troyes.
La comédie de Le Grand, les Fourberies de Cartouche
(représentée en 1721 pendant le procès de ce criminel)
laquelle renferme bon nombre de mots d'argot, notam-
ment dans la scène oii Cartouche se fait rendre compte
des exploits de la nuit, ne doit pas non plus être
oubliée.
Les œuvres poissardes de Vadé et celles de l'Escluse
() 796) popularisèrent encore davantage la langue des
malfaiteurs, qui, en général, sortis du peuple et sans
cesse en contact avec lui, ont enrichi son vocabulaire
d'une foule d'expressions qui leur sont communes.
Mais il était réservé au xix= siècle de voir fleurir
l'argot, et de répandre par la presse la connaissance de
ce langage parmi tous ceux qui étaient dignes d'en sen-
tir les délicatesses.
Le premier livre composé dans celte vue est un
Dictionnaire d'argot, ou Guide des gens du monde, pour
les tenir en garde contre les mouchards, filous, etc. par
un monsieur « comme il faut », ex-pensionnaire de
Sainte-Pélagie (1827). Ce monument lexicographique fut
fort goûté, parait-il, car il s'en est fait une deuxième
édition la même année, avec une lithographie et une
page de musique.
Deux ans après, vint Vidocq.qui initia complètement
le public au langage des basnes par la publication de
ses Mémoires (1820), et par son livre sur les voleurs,
deux ouvrages qui renferment un dictionnaire d'argot
Irès-élendu.
'loe
LE COURRIER DE VAUGELAS
La même année parut, presque immédiatement après
le premier de ces deux ouvrages, un Nouveau cliction-
naire d'argot^ par un ex-ciief de brigade sous Vidocq,
suivi de la chanson des galériens, ouvrage utile aux
gens du monde.
En 1835, nous eûmes le Nouveau dictionnaire de
police, par MM. Elouin, Trébuchet et Labbat.
C'est dans les deux ouvrages ci-dessus désignés, mais
plus sûrement encore dans les Mémoires de Vidocq,
qu'Eugène Sue puisa les connaissances qui lui valurent
tant d'applaudissements dans toutes les classes de la
société, et, au livre dans lequel il les avait employées,
et presque à son apparition, deux glossaires consacrés à
Texplicaliondes mots qu'on n'est pas habitué à entendre
dans le grand monde :
Dictionnaire de l'argot moderne, ouvrage indispen-
sable pour l'intelligence des Mystères de Paris de M. Eu-
gène Sue (1843);
Dictionnaire complet de l'argot employé dans les
Mystères de Paris, destiné à donner la clef des mots
obscurs qui se rencontrent si souvent dans la bouche
du Chourineur, du Maître d'école et de la Chouette
(1844).
Depuis lors, il s'est encore produit de nouvelles
œuvres argotiques, parmi lesquelles on peut citer : i° la
satire publiée par Barthélémy dans la Nouvelle Némésis,
le 2 février 1845, où l'on rencontre, dans la pièce inti-
tulée les Escarpes, beaucoup d'expressions d'argot sou-
mises à l'alexandrin ; 2° l'Intérieur des Prisons, qui
renferme un dictionnaire des mots les plus usités dans
ces lieux de détention (1 846) ; S° Dictionnaire d'argot, ou
la langue des voleurs dévoilée, contenant les moyens de
se mettre en garde contre les ruses des filous (1848); et
4" Voleurs et Volés, par Louis Paillet (1855), qui, outre
bon nombre de mots d'argot semés çà et là, renferme
un opuscule écrit dans ce jargon lui-même, et destiné
à prémunir le public contre les ruses des escrocs.
Tel est, esquissé à grands traits, Tensemble des causes
qui ont amené l'invasion de l'argot dans la langue fran-
çaise.
Que l'argot soit l'unique langage employé par les
voleurs entre eux, et à peu près le seul (comme nous
l'apprend M. Francisque Michel, dont le Dictionnaire
d'argot m'a fourni le fond de cet article) qui se parle
dans les prisons et dans les bagnes, même parmi les
employés et les infirmiers, je n'y trouve rien à redire;
mais quand je vois ceux qui vivent dans la société
honnête prendre plaisir, en quelque sorte, à émailler
leurs discours de vocables d'une source aussi impure,
je ne puis que m'en attrister profondément avec les
gens de goût.
X
Seconde Question.
Quelle est l'élymologie du mot Goet-apens, et com-
ment doit-on l'écrire au pluriel? Gvet-apens ou Gcets-
Al'K.Nb?
Au moyen âge, le français avait le verbe s'apenser,
dans le sens de se préoccuper, préméditer (devenu hors
d'usage au xvin" siècle comme on le voit dans Trévoux),
et de ce verbe, il avait fait le participe apensé, qui se
joignait le plus souvent au mot guet :
Tous lesquels quatre de guet apensé et propos délibéré
vinrent assaillir ledit Petit Jeban.
(Jean de Troyes, Chron., 1477.)
Pose qu'elle n'eust commis le cas à son escient, el aussi
de guet apensée.
{Aresia (zmorum, p. 201 , dans Lacurne. )
Plus tard, perdant de vue l'origine de cette expres-
sion, on transforma apensé en à pens, en appens, et
même en à pend, comme le montrent ces exemples :
Cestuy mary et son filz, occultement, en trahison de guet
à pens, tuarent Abecé.
(Rabelais, Panl., UI, 44.)
11 y avoit six juges liguez ensemble pour me faire perdre
mon procès, c'est un guet appens.
(Furetière.)
Venez-vaus icy de guet à pend pour assiéger ma simpli-
cité?
(Ghérardi, Cause des femmes, vol. Il, p. 37. J
Enfin, la forme apens nous est restée comme compagne
de guet, avec lequel elle a fait, dans la langue moderne,
un nom composé qui prend le trait d'union :
Un pli qui par hasard est resté dans ses draps
Lui semble un guet-apens pour lui meurtrir les bras.
(Boureaut, Mère, gai., I, i,)
Quant au pluriel de ce nom composé, il se forme en _
mettant une s à guet : des guets-apens ; mais la pronon- If
dation ne fait pas sentir cette s, de sorte que le pluriel
de guet-apr?is se prononce, dit M. Littré, absolument
comme le singulier.
X
Trosième Question.
Il y a quarante ans, le verbe Ecoedrer n'existait que
dans le vocabulaire de la plus vite populace ; est-ce que,
montant de la cuisine et de l' antichambre au salon, ce
verbe est aujourd'hui devenu français ?
Pour moi, un mot fait partie d'une langue lorsqu'il
est d'un usage général dans cette langue et qu'il pré-
sente une formation selon les règles du groupe auquel il
appartient.
Or, voyons si écœurer remplit ces conditions.
■ Est-il d'un usage général? — Certainement, puisque
c'est justement la raison qui sert d'appui à votre plainte ;
mais il y a plus encore : c'est qu'il est usité depuis le
xvii" siècle au moins, attendu qu'on le trouve dans Ant.
Oudin {Curiosités françoises) et avec la signification qui
suit :
Faire perdre le cœur, dégoûter. Cette odeur m'écœure. Un
pareil langage m'ccœure.
.\-t-il été composé en verUi des lois de l'analogie? —
Evidemment, car écœurer, formé de la particule é (de
ex) et de cœur dans l'une des diverses acceptions que
l'on sait (ardeur, vif iutérêt, courage, fermeté, estomac),
LE COURRIER DE VAUGELAS
407
a une composition entièrement semblable à celle des
mots suivants :
Etètfir(ôter la tète).
Ebarber (ôter les barbes).
Ebrancher(ôterlps branches).
Ecosser (ôter les co?sps).
Ecbeniller (ôterles chenilles).
Ecorner (ôter les cornes).
Par conséquent, le verbe en question est, à n'en pas
douter, français et bien français.
Quant au reproche que vous lui adressez de n'avoir
existé, il y a 40 ans, que dans « le vocabulaire de la
plus vile populace », il me parait difficile de [)Ouvoir
l'admettre; car un mot, qui est en quelque sorte un
article du vêtement de la pensée, subit à ce titre l'in-
fluence de la mode, et peut, grâce à cette reine capri-
cieuse, à la vérité, mais toute puissante, devenir un
jour en faveur auprès des gens instruits après avoir été
longtemps employé par le seul vulgaire.
X
Quatrième Question.
Quand un mot finissant par une syllabe nasale est
suivi d'un autre commençant par une voyelle ou une h
muette, V faut-il toujours les lier, et 2" comment cette
liaison doit-elle se faire? Par exemple, c.-v homme,
DIVIN ENfAHT doivent-Hs se prononcer une homme, divine
ENFANT?
Règle générale, les sons nasals ne se lient pas au mot
suivant; mais il y a un certain nombre d'exceptions
indiquées ci-après :
4° Les adjectifs qui précèdent leurs substantifs, tels
que mon, certain, malin, prochain, mien, etc. ;
2° Le mot en, préposition ou mis pour comme;
3° Les pronoms on et en, mais seulement quand ils
sont placés avant le verbe-,
4° Les adverbes bien , combien , rien , quand ils
précèdent les adjectifs, les participes ou d'autres ad-
verbes ;
5° L'adverbe de négation non, devant l'adjectif ou le
substantif qu'il modifie;
6" L'article indéfini un, ainsi que le même mot dans
l'expression un à un, et dans toutes celles où ïun est
suivi de Vautre.
Maintenant, comment celte liaison doit-elle se faire?
Est-ce en altérant le son nasal, ou est-ce en le laissant
intact?
Je suis toujours d'avis (car j'ai déjà traité la question
dans le Courrier de Vaugelas, \" année, p. 29j, que
l'on fasse entendre la finale nasale comme si elle était
seule, et que l'on mette une n euphonique devant le
mot qui suit cette syllabe, c'est-à-dire que
Bon espoir se prononce : Bon nespoir.
Certain homme — Certain nhomme.
Divin enfant — Divin nenfant.
Ancien ami — Ancien jiami.
Je sais que celte manière de lier les finales nasales
n'est pas adoptée par tous les grammairiens, et que
M. Liltré, entre autres, n'est pas de ceux qui l'approu-
vent entièrement; mais quand je considère :
1° Que M. Litlré a édifié la « règle générale de ces
prononciations » sur vinaigre, un composé dont le
premier terme est un substantif et le second un adjectif,
tandis que la question dont il s'agit concerne le plus
souvent la liaison d'un adjectif suivi de son substantif,
ce qui constitue une certaine offense à la logique ;
2° Que le célèbre lexicographe admet tantôt une ma-
nière de lier et tantôt une autre, puisqu'il veut, d'un
côté, que Ton ijrononce u-nami, u-n/iomme, bié-nécrire,
tno-ncimi, no-nacfivité, et de l'autre, divin-namour ,
commun-nintércl, on-naime, en-navant, ce qui, à ihon
avis, ne peut guère se justifier;
3° Qu'une telle prononciation fait entendre au fémi-
nin des adjectifs qui sont au masculin, ce qui me semble
contraire au principe de la liaison, établie non pour
changer le son des mots, mais seulement pour en faci-
liter la prolation;
Je me trouve parfaitement autorisé à croire que la
règle de prononciation que j'ai donnée plus haut, règle
qui non-seulement s'applique sans exception à toutes
les finales nasales, mais encore se rattache par son res-
pect de la voyelle finale au principe plus général sur
lequel repose la théorie de la liaison dans notre langue,
est la seule règle rationnelle qui puisse être établie pour
joindre la voyelle nasale de la fin d'un mot à la voyelle
qui peut la suivre.
X
Cinquième Question.
Je trouve dans un journal : «■ On se dit a pabt
soi... » Est-ce bien réellement r orthographe qui con-
vient ici au mot part? Je vous prierais de vouloir bien,
par la voie de votre cocRRiER,;rte faire connaître ce que
vous pensez à ce sujet. Je vous en serais bien reconnais-
sant.
Dans notre vieille langue (comme je l'ai déjà dit dans
le n" 12 de cette année), le sens de l'adjectif *ew/ s'expri-
mait par la préposition par suivie d'un pronom :
Si corne Berte fust en la forest par U.
(BerU, 1.)
Les cloches de l'église, de ce soiez certains,
Sonnèrent tout par elles sanz mètre piez ne mains.
(Ach. Jubinal, Nouv. rec, I, p. 69.)
D'un autre côté, la même langue employait comme la
nôtre l'expression à part, dans le sens de séparément;
ainsi on trouve :
Quant aucuns trueve en quemin aucune coz queue [chue]
lever l'en pot et porter en à part.
(Beaumanoir, XXV, 20. 1
11, laissée la concion d'eux, traisit les consulz à part.
(Berclieure, fol. 72 recto.)
Or, un jour vint, avant le xvi" siècle, si j'en juge par
les citations que je vais faire, que l'origine de ce par
suivi d'un pronom tomba en oubli, et que cette prépo-
sition fut confondue avec le substantif jinrt, qui se
trouve dans à part; ce dernier était plus en usage : on
mil après lui le pronom qui avait jadis suivi par (confu-
.-^ion d'autant plus facile qu'il y a un grand rapproche-
ment d'idée entre seul et séparément], et l'on eut l'ex-
pression à part moi, à part lui, à part e«.r, etc., comme
le montrent ces exemples :
408
LE COURRIER DE VAUGEL.\S
Et souvent à part soy disoit:
Sainct Gabriel, bonne nouvelle 1
(Ch. d'Orléans, Sali., S^■ )
Quand je suis à part moi, souvent je m'estudie.
(Régnier, Sali/re XII.)
L'on le trouvoit toujours apprenant par cœur, ou com-
posant à part soy quelques harangues.
(Amyot, Thémis., a.)
Depuis lors, on a continué à donner la même ortho-
graphe à cette expression :
Pendant ces mots l'époux gronde o part soi.
(La Fontaine, Jument.)
Je voulais m'y prendre autrement pour étudier à part
moi un homme si cruellement, si légèrement, si univer-
sellement jugé.
(J.-J. Rousseau, a« diaî.)
Mais, en réunissant en une seule deux expressions
renfermant, l'une par., et l'autre part, on en a obtenu
une troisième qui est loin d'être bonne; en effet :
1° Elle offre un substantif immédiatement suivi d'un
pronom, construction qui, n'ayant jamais eu lieu tant
dans le français moderne que dans le français ancien,
est un pur barbarisme;
2° Le sens en est tout autre que celui qu'on lui donne ;
car à part exprimant une idée de séparation, à part soi,
par exemple, doit naturellement signifier étant séparé
de soi, tandis qu'il s'emploie pour dire : étant séparé
des autres;
3° La préposition à y est complètement inutile, parce
que l'origine de cette expression est le latin per se (par
soi), qui n'a jamais été traduit avec la préposition à
avant /)nr.
Ainsi, ce n'est pas seulement quant à l'orthographe,
mais c'est encore à tous les autres égards que à part soi
est une expression vicieuse.
Dans ses Variations (p. 409), et dans ses Récréations
(1, p. 218), Génin dit que l'adverbe à part n'est qu'une
forme elliptique de à par, et qu'on devrait y écrire ^«j/
sans t.
Je ne suis pas du tout de cet avis ; à part, qui veut
dire en étal de séparation, comme à flot, par exemple,
veut dire en étal de flottaison, vient, selon moi, du
verbe partiri, séparer, diviser, et requiert en consé-
quence un t final.
Du reste, comment « part pourrait-il venir du latin
per (par) suivi d'un pronom, quand à ne peut se mettre
devant aucune autre préposition?
ÉTRANGER
Première Question.
Le mot FJLS doit-il se prononcer ri ou fisse ?
M. Lillré indique pour ce mot la prononciation fi,
puis il ajoute :
Beaucoup de personnes ont pris depuis quoique temps
l'habitude de faire entendre r.s quand ce mot est isolé ou
devant une consonne, un fiss', c'est une très mauvaise
prononciuliOD.
Je partage entièrement celle manière de voir, et pour
les deux raisons que je vais vous dire :
<o Si l'on fait sonner l'* finale dans le mot en ques-
tion, pourquoi ne pas prononcer également, par analo-
gie, un puiss', pour un puits, des fusiss', pour des fusils,
les gentiss, pour les gentils ?
2" Adopter la prononciation fîss', c'est rendre faux et
impossibles à dire les nombreux vers, tant anciens que
modernes, où fils rime avec un mot en is, comme dans
les suivants :
J ai lu dans quelque endroit qu'un meunier et son fi,ls,
L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits.
(La Fontaine, Fabl., III, i.)
J'ai vu, seigneur, j'ai vu votre malheureux fils,
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
(Racine, Phèdre, V, 5.)
Je puis les regarder comme nos ennemis.
Et donne sans regret mes souhaits à mes fils.
(Corneille, Horace, III, S.)
Du plus grand des héros je reconnais le fils :
Il est déjà tout plein de l'esprit de son père,
Et le feu des yeux de sa mère,
A passé jusqu'en ses écrits.
(Boileau, Poés. div.)
Pour des raisons tirées également de l'analogie et des
règles de la versification, fondées sur la prononciation
ancienne, il faut se garder, contrairement à ce que font
certaines personnes suivant en cela les errements du
Théâtre-Français, de prononcer l's dans les trois autres
monosyllabes, gens, mœurs et vers, à moins qu'ils ne
se trouvent suivis d'une voyelle, auquel cas « a le son
de 5 comme partout ailleurs.
X
Seconde Question.
J'admets l'étymologie rapjportée par Voltaire, et
j'écris BocLEViKT. Ai-jetort ?
Voici le résumé de la solution que j'ai donnée de cette
question à la page 68 de la 3" année du Courrier de
Vaugelas :
Au xv° siècle, époque où boulevard nous est venu
d'Allemagne, on écrivait boulevercq; au xvi^ siècle,
boulevers et bouleverl, et, en même temps, boulevars,
boulevart et boulevard, en verlu d'un changement de
er en ar qui n'a rien d'insolite quand il s'agit de la
langue française.
Vers le milieu du xvii= siècle, le mot en question
n'avait plus que deux formes : boulevart et boulevard,
formes admises encore aujourd'hui par l'Académie (1833)
et dont la première a été adoptée par l'administration
municipale, probablement à cause de rempart.
Quant à la meilleure de ces deux orthographes, il me
semble que c'est boulevard, avec un d, parce qu'on en
dérive plus naturellement boulevardier, qu'on ne peut
le faire de boulevart.
X
Troisième Question.
Voudriez-vous bien me donner l'étymologie de ava-
cuiii, que mon dictionnaire fait venir de VAciiii, sans
fjur je puisse Ir croire suffisamment?
Si l'on cherche avachi en espagnol, on trouve hoba-
LE COURRIER DE VAUGELAS
109
cho, qui correspond à notre adjectif wow; si on le cherche
en italien, on trouve debok^qm se traduit également en
français par mou ; nos dictionnaires donnent ?/iou comme
sjnonyme de avachi, troisième fait qui prouve que mou
est bien le sens de ce mot.
Or, mou se dit tveich ipron. va'ich'^ en allemand, langue
qui a fourni jadis un certain nombre de termes à la
nôtre : je crois que avachir vient de weich.
Je comprends que, de prime abord, on ait la pensée
de rattacher avachir à vache; mais il y a un empêche-
ment à la possibilité de cette origine, c'est que s'avachir
s'écrit en wallon s'avachi et s'awachî, ce qui confirme
l'étymologie allemande.
PASSE-TEMPS GRA.M.MATIGAL.
Corrections du numéro précédent.
1* ... car il avait bec et ongles (sans article); — 2° Nous nous
sommes donné comme Wche; — 3° ... vient de demander à la
Commission dabudgetet d en obtenir quellefroposa^; — 4°.. . que
sa malheureuse mère eût pu se lever; — 5° ... qu'il défendrait...
J'ai voulu que les électeurs fussent bien; — 6° Je suppose qu'on
luipor(e,- — 7° ... il serait inexact que les Carlistes eussent tiré;
— 8" ... pas laisse' aveugler; — 9° ... moins naïf qu'on ne croit .
— 10° ... avec un zèle des plus louables (Voir Courrier de Vau-
gelas, 3' année, p. 84).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
[' Mais cette victoire, tout accidentelle qu'elle soit, nous
humilie profondément, et nous en concluons à la nécessité
pourrie parti républicain de déployer plus d'initiative et
d'énergie que jamais.
2* Pour cette œuvre dissolvante, les légitimistes, les
orléanistes et les républicains ont oublié leurs haines les
mieux justifiées; il se sont donné la main et ils se sont ima-
ginés nous avoir porté des coups dont nous ne pourrions
pas nous relever.
3* Il est impossible que cette malencontreuse idée pré-
value, et l'on doit croire que la prévoyance politique de la
Chambre en ferait justice quand même
i' En revenant le soir à Stockolm, les centaines de villas
qui se trouvent sur le lac étaient toutes illuminées, et ces
milliers de lumières augmentaient la beauté et l'origina-
lité du panorama.
5' A deux reprises déjà, une fois avant la guerre, et la
seconde fois après la guerre, les Allemands ont essayé
d'empècber que la langue française fût la langue officielle
des congrès d'anthropologie.
6' Il fallait d'ailleurs s'y attendre, étant donné les anté-
cédents du candidat longtemps fonctionuaire sous l'empire,
puis député officiel, et des plus aveuglément dévoués au
régime.
7» Voici d'abord le soulier à poulaine, terminé par un bec
démesuré, chaussure bizarre et incommode, qui se main-
tint en usage depuis le milieu du quatorzième siècle jus-
qu'à la fin du quinzième.
8" L'arrêté de nomination sera signifié avant deux mois
aux intéressés, qui devront être rendus à leur corps res-
pectif le 31 décembre au plus tard.
9" Le journal de M. Jules Simon témoigne à ce propos
des regrets qui ne laissent pas, au premier coup d'oeil, que
de paraître assez surprenants.
[Les corrections à quinzaine.]
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVU* SIÈCLE.
VAU GELAS.
(.Suite.)
Verbes dont l'infinitif se termine en ieb. — \ la pre-
mière et à la seconde personne plurielle du subjonctif,
il faut doubler \'i et dire, par exemple, afin que nous
signifiions, que vous signifiiez. 11 est vrai que personne
ne l'écrit ainsi, mais on ne laisse pas de sentir le défaut
d'un second i, et comme il serait impossible de pro-
noncer deui », Vaugelas propose de mettre un accent
circonflexe, et d'écrire que nous sirjnifions, que nous
humilions.
Premier que. — Ceux qui ont quelque soin de la
pureté du langage ne font jamais usage de cette expres-
sion ancienne, qui se mettait pour avant que.
Orthographe. — Quelques-uns l'écrivent orthografe;
mais il vaut mieux l'écrire par;)/; final, covam^ philo-
sophe.
Persécuter. — Une infinité de gens é.\?:m\.perzécufer,
c'est une faute; dans tous nos mots commençant par
pers \'s est dure.
Lors. — Suivi d'un génitif, par exemple, lors de son
élection, pour dire quand il fut e/«, n'est guère élégant;
plusieurs néanmoins le disent et l'écrivent parce qu'il
abrège.
Lequel, laquelle. — Toutes les fois qu'on le peut, il
vaut généralement mieux employer cm/, dùt-on le répé-
ter deux fois dans une même période, que les pronoms
lequel, laquelle, laquels, lesquelles, pronoms rudes
pour l'ordinaire.
Lairrois, lairrai. — Ces abréviations pour lais.'terois,
laisserai ne valent rien, quoiqu'une infinité de gens s'en
servent.
Invectiver. — Pour signifier faire des invectives, n'est
pas du bel usage, et il n'est pas permis de faire à sa
fantaisie des verbes tirés et formés des substantifs,
quoique beaucoup de gens se donnent celte autorité.
Des mieux. — 11 n'y a rien de si commun que celte
façon de parler, il danse des mieux, il chante des mieux
pour dire (7 danse fort bien, il chante parfaitement bien ;
mais elle est très-basse, et nullement du langage de la
Cour, où l'on ne peut la souffrir.
Quatre pour quatrième et autres semblables. — Dans
la chaire et au barreau, on dit au chapitre neuf pour
neuvième, Henri quatre pour Hi'nri quatrième; mais
comme tous demeurent d'accord que l'adjectif est meil-
leur, pourquoi ne pas l'employer plutôt que le nom de
nombre?
.Sur, sous. — Ces prépositions, suivies d'un substan-
tif, doivent toujours être simples, .\insi il est dessus la
table, dessous la table sont de mauvaises expressions,
il faut sur la table, sous la table. Le grand usage des
composés est à la fin des périodes; on dit en parlant,
par exemple, d'une chaise -.je suis assis dessus.
440
LE COURRIER DE VAUGELAS
Incendie, embrasement. — V'augelas a appris d'un
« oracle » de la langue qu'incendie se dit proprement
d'un feu qui a été mis à dessein, et embrasement, d'un
feu qui a été mis par cas fortuit.
Magnifier. — Excellent vocable qui a une grande
« emphase » pour exprimer une louange extraordinaire;
mais il vieillit, et Vaugelas, qui a une certaine tendresse
pour tous « ces beaux mots » succombant sous la tyran-
nie de l'usage, voit passer celui-ci avec regret.
Toute sorte, toutes sortes. — Avant un nom singu-
lier, on met toute sorte, comme dans :je vous souhaite
toute sorte de bonheur; et avec un nom pluriel, toutes
sortes, comme dans : Dieu vous préserve de toutes sortes
de maux. Cependant ce n'est pas une faute que de con-
fondre dans ce cas le singulier avec le pluriel.
Première personne du présent de l'indicatif. —
Quelques-uns ont cru qu'il fallait ôter l's finale de la
première personne de je crois, je fais, je dis, je crains,
et écrire je croy, je fay,je dij,je crain, changeant i en
y selon le génie de noire langue, afin de distinguer
ainsi la première personne d'avec la seconde, tu crois,
tu fais, tu dis, tu crains. Il est certain que la raison le
voudrait pour éviter toute équivoque, mais on pratique
le contraire, et l'on ne met point ordinairement de diffé-
rence entre ces deux personnes. Ce ne serait pas une
faute que de supprimer 1'*, mais il vaut beaucoup mieux
la mettre en prose.
Trouver, treuver. — Ils sont bons tous deux-, mais
trouver est sans comparaison le meilleur.
Le titre de, la qualité de. — C'est une faute très-
commune de finir une lettre par : me donnant la har-
diesse de prendre le titre de, ou par : pour mériter la
qualité de, avec Monsieur ou Madame en bas, à l'endroit
où l'on a accoutumé de le mettre, et suivi de : votre
très-humble serviteur. 11 n'y a rien de raisonnable dans
un tel agencement de mots.
Quel pour quelque. — C'est une faute familière à
toutes les provinces qui se trouvent au-delà de la Loire
que de dire, par exemple, quel mérite que l'on ait, il
faut être heureux, au lieu de dire quelque mérite que
l'on ait, etc.
Languir, plustôt. — Après avoir passé plusieurs an-
nées à Paris, les gens du Languedoc ne peuvent s'empê-
cher de dire : vous languissez pour vous vous ennuyez.
Ils font de même à l'égard de jo/m.s7o7 qu'ils mettent pour
auparavant, comme dans cette phrase -.je vous conte-
rai l'affaire, mais plustôt je me veux asseoir.
Sortir. — Autre curiosité : un Bourguignon qui aura
été toute sa vie à la Cour aura bien de la peine à ne pas
dire sortir pour parlir, comme dans : je sortis de Paris
un tel jour, pour aller à Dijon.
Arrivé qu'il fut. — Cette façon de parler et autres
analogues ne valent rien, quoiqu'une infinité de gens
s'en servent en parlant et en écrivant. Au lieu de celte
expression, i! faut dire étant arrivé.
Trois infinitifs de suite. — Ils ne sont pas toujours
vicieux, ni n'ont pas toujours mauvaise grâce; par
exemple, dans le Itoy veut aller faire sentir aux rebelles
la puissance de ses armes, il n'y a rien qui choque.
Mais s'il y en avait quatre, ils auraient bien de la peine
à passer.
L'un et Vautre. — On les met et avec le singulier et
avec le pluriel; ainsi, on dit également bien l'un et
l'autre vous a obligé, et l'un et l'autre vous ont obligé.
11 en est de même avec ni; on dit ni l'un ni l'autre ne
vaut rien, ou ni l'un ni l'autre ne valent rien.
N'en pouvoir mais. — Celle façon de parler est ordi-
naire à la Cour, mais elle est bien basse pour s'en ser-
vir en écrivant, si ce n'est dans le style burlesque.
Noms propres et autres terminés en en. — Depuis peu
d'années seulement, nous terminons en en la plupart
des noms propres (1647) et plusieurs autres tirés du
lalin et finissant en anus; nous disons et écrivons Ter-
tullien, Quint ilien, S. Cyprien.
Pouvoir. — On se sert de ce verbe d'une façon bien
étrange, mais qui néanmoins est si ordinaire à la Cour,
qu'il est certain qu'elle est très-française. En parlant
d'une table, d'un carrosse, on dit : il y peut huit per-
sonnes, pour il y a place pour huit personnes; on sous-
entend tenir.
Si après vingt et un il faut mettre un pluriel ou un
singulier. — Cette question a été agitée dans une
grande compagnie; les uns voulaient le substantif au
pluriel, les autres, au singulier; mais l'usage n'étant
point décisif dans ce cas, Vaugelas ne se prononce pour
aucun nombre.
Possible. — Employé pour peut-être, les uns l'ac-
cusent d'être bas, les autres d'être vieux. « Tant y a »
que pour une raison ou pour une autre, ceux qui
veulent écrire poliment feront bien de ne pas s'en
servir.
Ou la douceur ou la force le fera. — Faut-il le fera
ou le feront? Il faut dire le fera au singulier, car comme
c'est une alternative, ou une disjonctive, il n'y a que
l'une des deux qui régisse le verbe. Quand il y a plu-
sieurs ou, on peut mettre le pluriel.
Ni la force ni la douceur n'y peut rien. — Il est loi-
sible de mettre le verbe au singulier ou au pluriel; mais
Vaugelas préfère le pluriel
Matineux, matinal, matinier. — C'est matineux
qui est le meilleur des trois; c'est celui qui est le plus
en usage, en parlant et en écrivant, soit en prose, soit
en vers.
Après souper, après soupe. — Tous deux sont bons,
et nos meilleurs auteurs, anciens et modernes, se ser-
vent indifiéremment de l'un ou de l'autre.
Remplir et emplir. — L'un et l'autre « est bon «, mais
avec cette différence que remplir se dit d'ordinaire des
choses inimîtlérielles ou figurées, et qu'emplir se dit
communément des choses matérielles et liquides.
C'est une des plus belles ac/ions qu'il ait jamais
faites. — Il faut mettre faites au pluriel, parce que ce
participe se ra|)porte de nécessité absolue au pronom
que, lequel est après action cl se rapporte à ce substan-
tif, et non à u)ie.
{La suite au prochain numéro.)
Le Rkuàcteur-Ukuant : EuaiN MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
m
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
La Vieille-Roche. Le Marquis de Lanrose; par
Edm. About, 2« édition, ln-18 Jésus, 365 p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 3 fr. 50.
La Case de l'oncle Tom, ou Vie des nègres en
Amérique; par Henriette Beecher Stowe. Traduction de
La Bédollière. Nouvelle édition, augmentée d'une notice
de George Sand. Illustrations anglaises. In-i" à 2 col.
112 p. Paris, lib. Barba. 1 fr. 60.
La Chanson du chevalier au Cygne et de Gode-
froid de Bouillon, publiée par C. Hippeau. Première
partie : Le Chevalier au Cygne. In-8°, viu-268 p. Paris,
lib. A. Aubry. 8 fr.
Moines et Sibylles dans l'antiquité judéo-grecque;
par Ferdinand Delaunay (de Fontenay). 2' édition, In-12,
xix-403 p. Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr. 50.
Histoire des naufrages qui ont désolé la marine
française, comprenant celui de la Méduse, position diffi-
cile de l'Astrolabe et la prise de Mogador en 1845 ; par
Ebbark, lieutenant de vaisseau. In-8% 108 p. Paris, lib.
Bernardin-Béchet.
Pensées de J. Joubert, précédées de sa correspon-
dance, d'une notice sur sa vie, son caractère et ses tra-
vaux par M. Paul de Raynal, et des jugements littéraires
de ÎHM. Sainte-Beuve, Silvestre de Sacy, Saint-Marc Girar-
din, Géruzez et Poitou. 6= édition. I. Correspondance.
In-12, cxLvn-253 p. Paris, lib. Didier et Cie.
Pensées choisies de Biaise Pascal, publiées sur les
manuscrits originaux et mises en ordre par iM. Faugère.
W édition. In-12, x-292 p. Paris, lib. Jules Delalain et fils.
2 fr. 50.
Théâtre de Jean Racine, trésorier de France, l'un
des quarante de l'Académie française. Orné de vignettes
gravées à l'eau-forte sur les dessins d'Ernest Hillemacher,
par Frédéric Hillemacher. T. 3. lQ-8°, 325 p. Paris, lib.
des Bibliophiles. 20 fr.
Histoire contemporaine (3° partie de l'Histoire de
France); par M. Th. Bachelet, professeur d'histoire au
lycée Corneille. Grand in-i8, 532 p. Paris, lib. Courcier.
3 fr. 50.
Un peu partout. Du Bosphore aux Alpes ; par Jules
Chambrier. In-12, 316 p. Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr.
La Chiffarde; par Eugène Ghavette. I. Le Passé de la
duchesse. IL Les Gentillesses de Rob. 2 vol. In-18 Jésus,
617 p. Paris, lib. Dentu. 6 fr.
Les Voleurs de Londres ; par Charles Dickens. Tra-
duction de La Bédolière. Edition illustrée de 25 vignettes
par Bertall. In-4» à 2 col. 72 p. Lib. Barba. 95 cent.
Morceaux choisis des classiques français k l'usage
des classes supérieures; recueillis et annotés par Léon
Feugère, censeur des études au lycée Bonaparte. Ouvrage
spécialement destiné aux élèves de troisième, de seconde,
de rhétorique et de mathématiques. 21« édition. Chefs-
d'œuvre de prose, ln-12, xxxii-/i76 p. Paris, lib. Jules
Delalain. 3 fr.; cart. 3 fr. 25.
Études sur les Barbares et le moyen âge; par
E. Littré, de l'Institut, 3« édition. In-12, xxxii-Zi60 p.
Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr. 50.
Le Quatre-Septembre devant l'enquête ; par Eugène
Pelletan. 2« tirage. In-18 Jésus, 343 p. Paris, lib. Pagnerre.
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d'après un manuscrit du xv= siècle, précédés de recher-
ches sur le traducteur et de remarques sur la traduction,
et ornés d'un fac-similé du manuscrit et d'un portrait de
David. — Paris, librairie Edwin et Hermann Tross, 5,
rue Neuve-des-Petits-Champs.
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CIENNES ET MODERNES, classées par ordre chrono-
logique et par noms d'auteurs, avec biographie et notices.
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nier frères, 6, rue des Saints-Pères.
LES DIALOGUES DE JACQUES TAHUREAU, gen-
tilhomme du Mans, avec notice et index. — Par F. Cons-
cience. — Petit in-12, xxviii-201 pages. — Paris, librairie
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l'ancienne langue et l'ancienne prononciation française. —
Thèse présentée à la faculté des lettres de Paris, par F.
TALBEnt, professeur de rhétorique au prytanée militaire de
La Flèche. — Paris, Ernesl Tliorin, éditeur, libraire du
Collège de France et de l'Ecole normale supérieure, 7, rue
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CURIEUX. — En vente à la librairie Saridoz et Fischba-
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fragments et de deux chapitres du 5= livre, etc., et pré-
cédées d'une notice historique sur la vie et les ouvrages
de Rabelais. — Nouvelle édition, revue sur les meilleurs
textes, éclaircie quant à l'orthographe et à la ponctuation,
accompagnée de notes succinctes et d'un glossaire, par
Louis Barré, ancien professeur de philosophie. — ln-18
Jésus, xxxv-612 p. Paris, librairie Garnier frères, 6, rue
des Saints-Pères, à Paris.
LE MÉNAGIER DE PARIS. — Traité de morale et
d'économie domestique, composé vers 1393, par un Bour-
geois parisien ; contenant des préceptes moraux, quelques
faits historiques, des instructions sur l'art de diriger une
maison, des renseignements sur la consommation du Roi,
des Princes et de la ville de Paris, à la fin du xiV siècle ;
un traité de cuisine fort étendu et un autre non moins
complet sur la chasse à l'épervier. — Publié pour la pre-
mière fois par la Société des Bibliophiles français. ~ 2 vol.
—A Paris, à l'imprimerie de Crope/e^ 9, rue de Vaugirard.
442
LE COURRIER DE VAUGELAS
LE CY.MBALUM MUNDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de Boxaventure des Pehiers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.L. Jacob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delahays, éditeur, i-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 : 5 fr.; ln-8» : 2 fr. 50.
LA VRAIE HISTOIRE DE FRAXCION, composée par
Charles SoREL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colomb.^y. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, 6-6, rue Voltaire. — In-16 :
5 fr. ; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
VOCABULAIRE RAISONNE ET COMPARÉ DU
DIALECTE ET DU PATOIS DE LA PROVINCE DE
BOURGOGNE, ou Etude de l'histoire et des mœurs de
cette province d'après son langage. — Par Mignard, de
l'Académie de Dijon. — In-S", 334 p. — Paris, librairie
Aubry, 18, rue Séguier.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
A Passy (près du Ranelagh).— Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Dans un grand pensionnat de Demoiselles, situé
dans une des localités les plus salubres de la banlieue de
Paris, on reçoit de jeunes étrangères pour les perfec-
tionner dans langue française. — Chambres particulières.
— Table de la Directrice. — Prix modérés.
Une Maison d'éducation qui n'est point une pension
prend des étrangers à demeure pour leur enseigner la
langue et la littérature françaises. — Près du Collège de
France et de la Sorbonne.
Avenue de l'Impératrice. — Un ancien préfet du
collège Rollin prend en pension quelques jeunes étrangers
pour les perfectionner sérieusement dans l'étude de la
langue française. — Enseignement de l'allemand et prépa-
ration aux examens pour le service militaire en Angleterre.
(Les adresses sont Indiquées à la rédaction du Journal.)
CONCOURS LITTERAIRES.
Le journal Le Tournoi est rédigé au concours par ses abonnés seulement.
Les articles sont soumis à l'examen d'un Comité de rédaction. L'Insertion donne droit à l'MMe des prîmes suivantes :
V" Prime — Cinq exemplaires du numéro du journal contenant l'article et un diplôme confirmant le succès du lauréat ;
2« Prime Quinze exemplaires de l'article, tiré à part avec titre et nom de l'auteur, et formant une brochure.
Tout abonné douze fois lauréat reçoit une médaille en bronze, grand module, gravée à son nom.
Les articles non publiés sont l'objet d'un compte-rendu analytique.
On s'abonne en s'adressant à M. Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte, à Paris.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875.
Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envols sont Inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur
d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur.
Sont seuls admis à concourir : 1° les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane, — 2» les
étrangers, membres effectifs ou correspondants de cette Société.
Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane, avant le 1" juillet 1875. Ils resteront
déposés aux archives de ladite Société, où les auteurs pourront en prendre connaissance.
Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins de cent vers.
Le treizième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 187i. —Dix médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Evariste Carrance, président du Comité, 92, route
d'Espagne, à Bordeaux (Gironde). — A/franchir.
L'Académie française donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone.
Le nombre des vers ne doit pas excéder celui de deux cents.
Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secrétariat de l'Institut, franches de port, avant
le 15 février 1875, terme de rigueur.
Les manuscrits porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage;
ce billet contiendra le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître.
On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en
ont besoin. ^^^^^^^^^__^_^^^^^___^__
Le rcdacleur du Courrier de Vaugrlas est visible a son bureau de midi à une heure et demie. ||
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rolrou. **
5> Année.
N° 15
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
^«
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0^.
m
1" Novembre 1874.
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Journal Semi-Mensuel
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paralarant 1« 1" «t !• IS de ehaane atoia
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
.\NXIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Oflirier d'.^cadémie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteiir, soit à l'Adra'
M. FisCHBACHER, 33, Plie de Seine.
SO.MMAIRE.
Deux communications ; — Signification littérale de Conter fleu-
rettes; — Emploi de Découvreur ; — Usage singulier du mot
De après En; — Pourquoi, contrairement à létjmologie, tous
nos participes présents finissent en ant. \\ Cylindrer ou Calan-
drer du linge: — Avoir si peur est une mauvaise expression;
— S'il faut dire qu'l'ne loi pointe ou point à l'horizon. ||
Passe-temps grammatical. || Suite de la biographie de l'auge-
las. Il Ouvrages de grammaire et de littérature. || Familles pari-
siennes pour la conversation. || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
J'ai reçu dernièrement les deux lettres qu'on va lire,
relativement à des questions traitées dans des numéros
précédents :
L
Sens (Yonne), 14 septembre 1874.
Monsieur,
En vous adressant un mandat de 6 fr. pour renouvelle-
ment de mon abonnement au Courrier de Vaugelas, per-
mettez-moi de vous faire une petite observation touchant
la liste des noms que l'on donne aux habitants des diverses
villes de France.
Cette liste est intéressante; mais elle eût pu l'être
davantage, ce me semble, si vous aviez donné la clé
d'appellations souvent éloignées du nom de la ville elle-
même. Ainsi, il est facile de comprendre pourquoi les habi-
tants d'Arles s'appellent les Artésiens , et les habitants
d'Amiens les Amiénois; mais on s'explique difficilpmpnt
au premier abord que les habitants de St-Omer s'appellent
les Audomarois, ceux de Sens les Se'nonais, ceux de Besan-
çon les Viîontins, etc. Il y aurait tout profit pour le lec-
teur à savoir que ces dénominations singulières, quand
on n'en sait pas la source, tiennent au nom ancien de ces
villes, Audomarum, Senones, Vesontio, etc. qui, par suite de
corruptions rationnelles, si je puis m'exprimer ainsi, s'est
profondément altéré, tandis que l'adjectif, resté dans
l'ombre et hors de la portée du vulgaire, se maintenait
dans son intégrité.
Il est facile, par exemple, de comprendre comment l'ac-
cent fortement appuyé sur la première syllabe a fait Sens
de Senones, et Orner de Audomarum.
Agréez, Monsieur, l'expression de ma considération la
plus distinguée.
FlLLBMlN.
Les observations contenues dans celle lettre, obser-
vations que j'avais prévues, du reste, sont parfaitement
justes. Je serai heureux d'y faire droit dans un prochain
numéro, où je me propose d'expliquer l'origine de tous
les genlilés qui ne dérivent pas directement du nom
actuel des villes.
Quant au mandat renfermé dans la même lettre, je
l'anéantis, pour la raison que, le 23 février dernier,
M. Fillemin m'en a déjà envoyé un semblable pour
payer son abonnement à la 5' année.
II.
Bayeux, le 26 Septembre 1874.
Monsieur,
Le numéro du Courrierdu 15 septembre courant ne m'est
pas parvenu, et nous touchons à la fin du mois. 'Veuillez,
je vous prie, me le faire expédier, car je serais désolé de
voir une lacune dans ma précieuse collection.
Dn des précédents contenait quelques erreurs au sujet
du rocher du Calvados que, de ma chaumière de pêcheur,
au bord de la Manche, je puis voir de mes fenêtres, dans
une grande marée comme celle de ce jour, où il découvrira
presque entièrement, ce qui n'arrive que deux ou trais fois
chaque année. On le confond généralement, et à tort, avec
les roches qui bordent la côte de Colleville â Langrune,
qui découvrent à chaque marée et sont adhérentes aux
falaises sur une longueur d'environ 20 kilomètres, de Port-
en-Bessin à Courseulles. Le seul rocher isolé et qui seul a
droit au nom de Calvados, est situé au nord de la Fosse
d'Espagne, entre St-Côme-de-Fresné et Asnelles, et la carte
de l'Etat-major, qui en contient un relevé fort exact, ne lui
donne, avec raison, que 1 kilomètre de 10. à l'E., sur
.500 mètres du N. au S. Mais elle le baptise improprement:
les Calvados, tandis que son nom doit être au singulier, et
n'est que la corruption du nom du vaisseau de VAnnada
qui vint y échouer, et qui s'appelait non point le Calvador,
mais le Salvador (le Sauveur) : au xvi' siècle, la forme de
r.S se rapprochait beaucoup de celle du C, et on lut mal la
finale; de là l'erreur commune, consacrée par l'Assemblée
nationale qui, sur la proposition de M. Delaunay, député
des Etats de Normandie, et qui n'était que l'organe de sa
sœur (dont on conserve encore le portrait au musée de
Bayeux. où elle fut connue jusqu'à sa mort sous le nom de
Mademoiselle Calvados) attribua au département le nom vul-
gairement donne au rocher qui en est une annexe.
J'ai déjà recueilli beaucoup de noms à ajouter à la liste
géographique publiée dans votre numéro 11 ; j'attends
i\i
LE COURRIER DE VAUGELAS
d'avoir augmenté et ordonné une liste pour vous l'envoyer,
comme supplément à ia vôtre.
En attendant, veuillez agréer. Monsieur, l'assurance de
mes sentiments distingués.
Georges Garnieb.
Je remercie M. Georges Garnier des précieux rensei-
gnements qu'il donne dans sa lettre sur le rocher du
Calvados, et j'attendrai qu'il m'ait envoyé la liste qu'il
prépare pour répondre aux observations contenues dans
la communication précédente.
X
Première Queslioa.
Je désirerais bien savoir la véritable signification de
l'expression comer fléchettes, et vous serais, en con-
séquence, très-obligé de la donner dans un de vos pro-
chains numéros.
Le verbe conter peut avoir ici un double sens, celui
de dire, et celui de compter, pour lequel il s'est
employé dans les commencements de notre langue :
Jo ai cunlé, n'i ad mais que .vii. liwes.
\Ch. de Roland, ch. IV, v. 364.J
Sans les autres richesses que le ne sai conter.
(Berle, XCVIl.)
Tuit li enfant d'un mariage, quant il vienent en compai-
gnie avec le secont mariage ou avec le tiers, ne sont conté
que por une sole personne.
(Beaumanoir, XXI, 8 )
D'un autre côté, le mot fleurette, indépendamment
de la signification de galanterie, a eu aussi celle de
pièce de monnaie, ce qui est attesté par cet exemple :
La fleurette ou florelte était une e.spéce de monnaie fran-
çaise en usage au siv et au sv siècle.
(Ch. Nisard, Curios. del'étymoî.^ p. 6.)
D'où il suit que le véritable sens de la phrase en
question doit être contenu dans l'une des quatre com-
binaisons suivantes :
Conter (dire) fleurettes (monnaie).
Conter (dire) fleurettes (galanterie).
Conter (compter/ fleurettes (monnaie).
Conter (compter) tleurelles (galanterie).
Or, comme on n'a jamais employé dire suivi d'un
nom de monnaie, pas plus que compter suivi d'un nom
signifiant un propos galant, il est à croire que le sens
littéral de l'expression ne peut se trouver que dans
conter (compter) fleurettes (monnaie), ou dans conter
(dire) fleurettes (galanterie).
Conter /levrettes veut-il dire compter de la monnaie?
Ce serait un tort de le croire comme quelques-uns
l'ont fait; d'abord, parce qu'expliquée ainsi l'expression
prendrait un sens immoral qu'elle n'a jamais eu, car
elle n'impli(iue que paroles d'amour, compliments gra-
cieux, dire des choses jolies, flatteuses, séduisantes; et,
ensuite, parce que le mot /levrette peut très-bien figurer
après un verbe qui ne veut pas pour régime un nom de
monnaie, preuve ces exemples :
... Et votre femme entendra le.s flextrelles.
(Moliî-re, /ic. des M'iris, I. t.]
OÙ peuvent tous venants débiter leurs fleurettes.
(Corneille. IMenl. I. l.)
Du reste, si /leurette \ou\a.'i[ dire ici pièce de mon-
naie, on ne le trouverait évidemment pas en compagnie
du mot argent, comme il s'y voit dans ce vers :
Des gens qui sèmeront l'argent et la fleurette.
(I.a Fontaine, Joconde.)
Conter fleurettes signifie donc dire des galanteries?
C'est, à mon avis, le véritable sens de cette expres-
sion, et voici les raisons sur lesquelles je base une con-
viction que j'espère vous faire partager :
V Le mot fleurette est le diminutif de /leur; or, par
une métaphore facile à saisir (la fleur de quelque chose,
c'est ce qu'il y a de mieux, de plus fin), les discours
galants qui, selon M. Charles Rozan, se tiennent « dans
un langage qui n'est pas le langage de tout le monde ni
de tous les jours » ont été assimilés à de jolies petites
fleurs.
De fl.eur, pris dans le même sens, nos pères avaient fait
fleureter (qui pourrait bien avoir donné le flirtation des
Anglais), verbe qui signifiait babiller, dire de jolis
riens, et dont j'ai recueilli l'exemple suivant ;
Ces paroles servent à ceux qui n'ont accoustumé que de
flageoler et fleureter à l'oreille, en parlant de choses de peu
de valeur.
(Commines. cité par Ch. Nisard, p. 6.)
2» En espagnol, on emploie /lor (fleur) pour signifier 1
ornement du discours, éloge, louange; et l'on appelle
floreo (mot de la famille de /lor] une flatterie, une cajo-
lerie, une douceur dite à une femme : /leurette, formé
de fleur, a le même sens que floreo. j
3° Pour signifier ce que nous exprimons par conter "
fleurettes, les Latins employaient rosas loqui (dire des
roses), expression d'autant plus heureuse que la rose
était consacrée à Vénus, la déesse des amours. Or, le
fleurettes de notre proverbe, c'est le rosas du proverbe
latin, c'est un mot ayant le sens de propos galants.
Le Dictionnaire étymologique de Noël et Carpentier
écrit conter fleurette avec fleurette au singulier. Mais
comme la plupart de nos auteurs écrivent fleurette au
pluriel dans cette expression, et que, d'ailleurs, rose
est au pluriel dans rosas loqui, ainsi que fleur dans
Andarse en flores, que je rencontre dans un diction-
naire espagnol comme traduction d& conter fleurettes,
j'en lire la conclusion qu'il faut mettre fleurette au
pluriel dans ce proverbe.
X
Seconde Question.
Voudriez-i'ous bien me dire comment se nomme une
per.'ionne qui a fait une découverte, et aussi ce que voits
pensez de de'cocvreub datis la p/uase suivante, que je
trouve dans la Revue des deux Mondes du {"septembre
\^1^ : « Les cliétifs instrumens qui bravèrent alors le
courroux des flots rehaussent à peine pour moi l'audace
des anciens décocvrecrs. »
Le substantif découverte se disant de toute chose
dont le nom peut servir de régime direct à l'un des
trois verbes trouver, inventer, découvrir, qui expri-
ment l'action d'arriver à connaître ce qui était caché,
couvert en quelque sorte, on a dû naturellement dési-
LE COURRIER DE VAUGELAS
fl5
gner celui qui fait une découverte par les mots trou-
veur, inventeur, découvreur.
Mais ces noms ne s'appliquent qu'à certaines signi-
fications des verbes dont ils sont formés, de sorte que,
pour en faire un emploi convenable, il faut savoir ce
qui suit relativement à chacun d'eux :
Trouveur. — Se dit de celui qui rencontre un objet
perdu, et aussi comme synonyme de trourrre, corres-
pondant au grec îroiTjTYiç, poète (de toiéw, faire, in-
venter).
Inventeur. — Répond au sens d'imaginer quelque
chose de nouveau, de combiner des conditions connues
d'une façon nouvelle; on dit :
L'inventeur de l'imprimerie; — Y inventeur Ae la poudre à
canon; —V inventeur An télégraphe électrique, etc.
Mais il s'emploie spécialement en terme d'archéo-
logie pour désigner celui qui trouve une médaille; il
correspond alors au sens du latin invenire, qui a fourni
invention dans cette dénomination d'une fête de l'Eglise,
l'invention de la vraie croix, pour la découverte de la
vraie croix.
Découvreur. — S'est employé jusqu'au xvi° siècle
pour désigner, à la guerre, ceux qu'on envoyait en
éclaireurs, comme le montrent ces exemples :
Et avoient les François leurs descouvreurs, et les Hongres
les leurs.
(Froissart, III, IV, 53.)
Les capitaines, qui avoient mis des descouvreurs sur les
champs, eurent taatost avis que...
(M. du Bellay, 383.)
Puis, on en est venu à ne plus le dire que de celui
qui avait fait une découverte géographique :
Quel fut le prix des services inouïs de Cortez? Celui
qu'eut Colomb -. il fut persécuté; et le même êvêque Fon-
seca, qui avait contribué à faire renvoyer le découvreur de
l'Amérique chargé de fers, voulut faire traiter de même
celui qui en était le vainqueur.
(Voltaire, M(eurs, 147. 1
Or, comme je ne vois pas pour quelle raison décou-
vreur, employé dans ce sens au xviii" siècle, n'y pour-
rait pas figurer encore aujourd'hui, j'en conclus que la
phrase de la Revue des deux Mondes où vous l'avez
rencontré ne peut être taxée d'incorrection.
Les substantifs trouveur et découvreur ne figurent
pas dans le Dictionnaire de l'Académie; mais quand je
vois que M. Littré les enregistre dans le sien, qu'il jus-
tifie l'emploi du premier par ces exemples empruntés à
la vieille langue :
Les irouveurs auront la moitié de ladite trouveure pour
leur part.
(Du Cange, Troaf.)
L'amende doit estre d'autant de valeur comme le fiai
coze trovée, lequele li trouvères vaut retenir à soi.
(Eeaiimanoir, XXV, 21.)
et qu'il fait remarquer que, si l'Académie n'approuve
plus le second aujourd'hui, elle l'avait mis dans sa
3= édition, je ne crois pas être dans l'erreur en tenant
ces mots pour bien français. j
X
Troisième Question.
Vans la phrase suivante, où il s' agit de princesses :
« // y en avait de brunes, de blondes, de châtain clair,
de châtain foncé et d'autres aitx cheveux d'or d, faut-il
DE ou DES ? Je crois que de choque moins l'oreille.
Il faut (le, et voici pourquoi.
Complète, cette phrase serait exprimée par celle qui
suit :
11 y avait des princesses qui étaient brunes, des prin-
cesses qui étaient blondes, des princesses qui étaient châ-
tain clair, des princesses qui étaient châtain foncé, etc.
Or, dans celte dernière, si l'on remplace par en (ce
qui se fait d'ordinairei le substantif jorùfce.'ises, répété et
pris dans un sens partitif, elle devient :
11 y en avait qui étaient brunes, qui étaient blondes qui,
étaient châtain clair, qui étaient châtain foncé, etc.
Puis, si au lieu de qui étaient, dans cette seconde
phrase, on met le mot de, après la substitution de en à
princesses (ce qui n'est ni moins permis ni moins géné-
ralement pratiqué), on arrive à cette forme doublement
elliptique qui n'est autre que la phrase que vous me
proposez :
Il y en avait de brunes, de blondes, de châtain clair, de
châtain foncé, etc.
Ainsi, ce n'est pas parce que de «■ choque moins
l'oreille « qu'il doit être employé dans celte phrase et
autres semblables; c'est en vertu d'une règle bien posi-
tive de construction qui veut que le pronom qui et le
verbe rtre, suivis d'un adjectif ou d'un participe, soient
remplacés par de quand le substantif auquel qui se rap-
porte a été lui-même remplacé pare«.
X
Quatrième Question.
Puisque le français est dérivé du latin, et que dans
cette dernière langue il y a des participes présents en
kys, ANTis (amans, amamis) et d'autres en ens, entis,
(lhoens, i-egentis , pourquoi n'avons-nous pas écrit les
uns par ent et les autres par ant? C'aurait élé plus con-
forme à l'élymologie.
Gomme les autres langues néo-latines, le français n'a
que trois conjugaisons :
La première, qui a l'infinitif en er [porter], ai\ec\e
participe passé en e, et qui correspond à la première
conjugaison latine, dont l'infinitif est en are [onare] ;
La seconde, qui a l'infinilif en ir [finir] avec le passé
en i, et qui correspond à la quatrième conjugaison
latine, dont l'infinilif est en ire {finire);
La troisième, quia l'infinilif en oir (recevoir, devoir),
et en re [vendre, prendre], avec le participe passé le
plus souvent en u. et qui correspond à la troisième des
Latins dont l'infinilif est en ère [reciperc, rendere), bien
qu'elle renferme beaucoup de verbes dont les primitifs
appartiennent à la seconde conjugaison latine, ayant
l'infinilif en cre [debcre, prendcre''.
Or, les modèles de ces trois conjugaisons porter,
partir, mollir cl battre donnant en lalin :
Portans, antis (an)
u«
LE COURRIER DE VAUGELAS
Partiens, entis [en)
Mollescens, entis (en)
Baltuens, entis [en)
il eût été sans doute plus conforme à l'étymologie
d'écrire par ent la terminaison de nos participes présents
des deux dernières conjugaisons, c'est-à-dire partent
et bottent, dérivés de partiens et de batfuens. Mais,
comme la notation en de celte terminaison aurait eu le
son de an nasal, et que tous les participes présents de
la première conjugaison, qui sont les plus nombreux,
s'écrivent régulièrement par an, d'après leur prove-
nance [portant déportons, tis], on fut conduit, dès les
premiers temps de notre langue (cette orthographe se
trouve adoptée dans les textes les plus anciens), à repré-
senter également par an le même son nasal qui se trou-
vait à la terminaison du participe présent dans les
autres conjugaisons.
Du reste, il y a encore d'autres raisons qui peuvent
justifier celte terminaison unique en ont pour répondre
à la double terminaison des participes présents latins :
\° C'est qu'il existe dans presque tous les verbes une
autre forme qui, pour l'orthographe, eût été identique
au participe présent écrit par ent, la troisième per-
sonne plurielle du présent de l'indicatif : Ws partent,
ils battent, etc.
2° Comme nous avons un certain nombre d'adjectifs
verbaux qui ont la même source que nos participes
présents, c'est-à-dire qui proviennent comme eux des
participes présents latins, il nous a été possible de dis-
tinguer les uns des autres en terminant tous nos parti-
cipes présents en ant et nos adjectifs verbaux en ent ;
grâce à celte convention, on peut immédiatement voir
que excellent, négligent, sont des mots d'une autre
espèce que excellant, négligeant.
Voilà pourquoi, en dépit des suggestions de l'étymo-
logie, nous écrivons tous nos participes présents par
ant, de quelques verbes latins qu'ils viennent.
ÉTRANGER
Première Question.
Faut-il dire cïlindrer du linge ou calandreb du
LINGE ? Je vous remercie d'avance de votre réponse.
On lit ce qui suit (vol I, p. 123) dans le Manuel du
blanchiment et du blanchissage, par Julia do Fonte-
nelle, ouvrage faisant i)artie de la collection Roret :
Nous avons en France l'habitude de repasser le lin^e
de m(?nage avec des fers chauds de diverses formes; mais
cette opération occasionnant toujours une dépense assez
considérable, â cause du charhon de hois qu'on est obligé
d'employer à cet effet, et do la lenteur avec laquelle ce
travad s exécute, il arrive aussi tres-IVéqueninicnt que,
par la négligence des repasseuses, le linge se trouve roussi
et même h?ûlé. Les Anglais se servent pour le repassage
du linge uni, tel que celui de table, les draps de lits, etc.,
d'une marlime qu'ils nomment mongle ou calender, qui
n'a pas les inconvénients dont on vient do parler, quoi-
qu'elle opère Irès-promptement et ù froid. Le linge dont
on veut unir ou lustrer la surface, après avoir été légère-
ment humecté, est roulé le plus exactement possible au-
tour de deux cylindres de bois de hêtre, qu'on place, ainsi
chargés, entre deux planchers horizontaux très-unis, dont
I inférieur est fixé et le supérieur mobile dans le sens per-
pendiculaire à la direction des cylindres, de manière à pou-
voir aller et venir librement dans un espace limité. Ce
même plancher supérieur, formant le fond d'une caisse
qu'on remplit de pierres ou d'autres poids d'environ 1,000
kilogrammes, exerce sur chacun des rouleaux une pression
qui a d'autant plus d'effet qu'elle n'a lieu que successive-
ment et suivant les points de contact des rouleaux avec
les plans tangents : aussi le linge, mis en quantité raison-
nable sur les cylindres, se trouve-t-il uni et même lustré
au bout d'un très-petit nombre d'allées et venues de la
caisse de la machine.
On s'est servi pendant longtemps de ces sortes de
calandres dans nos fabriques de rubans, de calicots, etc. :
il n'y a de nouveau que l'application qu'on en a faite au
repassage du linge de ménage, et le mécanisme qu'on y
a ajouté pour produire un mouvement uniforme de va-et-
vient par un mouvement uniforme et continu de rota-
tion.
Puisqu'il s'agit d'une c«/a«(Z/-e appliquée au repassage
du linge, on peut évidemment dire culandrer du linge;
mais comme calandre est synonyme de cylindre (il
vient de ctjlindrus par le bas-latin calendra), et que
j'entends toujours dire aulour de moi linge cylindre et
non linge calandre, j'en conclus qu'il vaut mieux se
servir de l'expression cijlindrer du linge.
X
Seconde Question.
Dans une des phrases que vous ave: données à cor-
riger dans votre numéro i2, il s'en trouve une, /a 5',
qui commence ainsi : « Dans le Nord, on a si pede des
gens qu'on ne connaît pas... » Or, dans le numéro sui-
vant vous n'avez point dit que cette expression fût une
faute. Est-ce quelle serait correcte?
C'est un oubli de ma part.
Si, dans le sens de tellement, ne peut s'employer que
devant les adjectifs et les adverbes :
Une main si habile eût sauvé l'Etat, si l'Etat eût pu être
sauvé.
(BoBSuet, Heine d'Angl.)
Jean Corvin Huniade, ce fameux général des armées
hongroises, qui combattit si souvent Amurat et Mahomet II.
(Voltaire, Mœurs, 89.)
Par conséquent, l'emploi de si que vous me signalez
est une faute, puisque ce mot est placé devant un subs-
tantif; il fallait dire : on a tellement peur.
Une foule de gens commettent la même erreur avec
les expressions avoir faim, avoir lioif, avoir chaud,
avoir froid, avoir envie. Cela tient sans doute à ce que
lesdiles expressions reçoivent souvent comme modifi-
calif l'adjeclif grand, qui admet très-bien l'adverbe si
avant lui : la suppression de cet adjectif entraine un
changement d'adverbe, mais beaucoup ne le savent pas,
doii leur construction vicieuse.
X
Troisième Question.
Phrase trouvée du7is un jonnial frani^'ois : « Il est
vrai que, avec la nouvelle lai militaire qui pointe à
l'horizon, il a de quoi rattraper ce mutisme forcé. »
Ici point ne vaudroit-it pas mieux que pointe?
LE COURRIER DE VAUGELAS
447
Il faul point s'il s'agit du verbe poindre^ et pointe,
s'il s'agit du verbe pointer.
Lequel de ces deux verbes convienl-il d'employer?
Pointer se dit, au propre, en parlant des herbes, des
bourgeons, etc., qui commencent à pousser, et, au
figuré, dans le sens de se faire remarquer :
Une femme, depuis fort de mes amis, commençait à
pointer par elle-même à la Cour.
(Sl-Simon, ^S, >l3.)
Harcourt courtisa Madame de Maintenon dès qu'il put
pointer, et la cultiva toujours sur le pied d'en tout
attendre.
(Idem, 8j, 61.)
Poindre s'emploie aussi dans la sens de commencer
à pousser comme une pointe, en parlant des végétaux,
et se trouve, au figuré, dans la même signification que
le précédent :
De tous les maux on vit poindre l'engeance.
(Benierade. dan3 Oiraud-Duvivicr.)
On m'assure qu'elle [Madame de Coulanges] est très- bien,
et que les épigrammes recommencent à poindre.
(Sévigné, !•' octobre 1676.)
Par conséquent, dans la phrase en question, il est
parfaitement loisible d'employer /?om? oa pointe.
PASSE-TEMPS GRA.MMATICAL
Corrections du numéro précédent.
t'... tout accidentelle qu'elle est (après tout... que, on ne met
pas le sobjonclif; — 2'... et ils se sont imaginé; — 3'... que
cette malencontreuse idée prévale; 4°... Pendant que nousreve-
niojis le soir à Stockolm; — 5°... d'empêcher que la langue
française 7j€ fût; — 6°... élantrfonne's les antécédents; — 7° Voici
d'abord le soulier à la poulaine (c'est-à-dire à la polonaise) ; —
8'... qui devront être rendus à leurs corps respecli/s ; — 9°...
qui ne laissent pas de paraître (Voir Courrier de Vaugelas ,
4' année, p. 155).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1° Vous vous convaincrez que l'interprétation du minis-
tère est erronnèe et qu'elle s'applique à la suppression du
maire de Cormeilles une expression qui, dans la pensée et
dans la lettre de l'article s'applique à toute autre chose.
2* L'Etat ne doit que consacrer, par son adoption déBni-
tive, des résultats obtenus par d'autres que par lui, au
moyen d'expériences hasardeuses, et qui ne laissent pas
d'avoir leur danger.
3° S'ils croient sérieusement que le retrait d'une frégate
française, dont la station n'est pas située à moins de
80 kilomètres du Vatican, peut e.\poser l'Kglise à tels dan-
gers que ce soit, nous comprenons leur tristesse et leur
amertume.
4" Pour me rendre compte de la quantité extraordinaire
de fumée qui sort, ou à intervalles ou d'une manière con-
tinue, du cratère, je me sus rendu sur le sommet de
lEtna, et j'y ai fait les observations nécessaires pour éta-
blir ce qu'il y a de vrai dans les bruits courus.
5* En matière de polémique, l'ardeur de la lutte peut
faire excuser les exagérations, voire même les violences.
6° Les élections des conseils généraux s'annoncent on ne
peut mieux en ce sens.
7* Sans parler des obstinés pour qui Sedan et Metz ont
été des leçons perdues, il y a bon nombre d'électeurs qui
se sont laissés prendre encore une fois aux fanfaronnades
bonapartistes.
8° Le pauvre garçon témoignerait d'une bien autre assu-
rance s'il sentait derrière lui une vaste corporation qui le
soutienne.
9' Bientôt après, m'étant placé de l'autre côté, un coup
de feu retentit à la distance de trois ou quatre toises, et,
me retournant dans cette direction, j'aperçus la maigre
figure du criminel, que je n'avais jamais vu.
10" Cela n'empêche pas que nous avons, encore de nos
jours, des libraires qui publient des grammaires d'après
Port-Royal, pourquoi pas d'après Sylvius?
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVII' SIECLE.
VAUGELAS.
(Suite.)
.Satisfaire, sati.ifaction. — Depuis peu, il y en a
qui prononcent sans .s salifuire, salifaction. C'est une
faute que ne commettent point la plus saine partie de
la Cour et des auteurs ; mais Vaugelas craint bien que
cette mauvaise prononciation ne l'emporte, grâce à
l'euphonie.
Unir ensemble. — C'est fort bien dit, quoique plu-
sieurs soutiennent que unir est suffisant pour exprimer
la pensée. Mais ce sont ceux qui n'ont point étudié et
qui n'ont nulle connaissance des anciens auteurs.
Je me souviens. Il me souvient. — Tous deux sont
bons ; cependant Vaugelas préfère le premier parce
qu'il lui semble plus usité à la Cour.
Temple. — Celte partie de la tète qui est entre l'oreille
et le front s'appelle temple, avec une /, et non pas
tempe, sans /, comme le prononcent et l'écrivent quel-
ques-uns, trompés par le mol latin tempus u d'où il est
pris », lequel signifie la même chose.
Ensuite dr quoi. — Façon de parler française et
ordinaire, qui ne doit pas être employée dans le beau
style.
Sans point de faute. — Est une façon de parler dont
les honnêtes gens n'ont garde de se servir, et beaucoup
moins encore les bons écrivains ; il faut en ôter point.
Survivre. — On dit survivre quelqu'un et à quel-
qu'un ; c'est à l'oreille de juger ce qu'elle préfère.
Mais que. — En parlant, on en « use fort n ; mais il
est bas et ne s'écrit point dans le beau « stile ». La Cour
dil à chaque instant : Venez moi quérir mais qu'il soit
vnu, pour dire quand il sera venu.
Pri'cipitément, précipitamment. — Le premier est
bon ; mais le second est beaucoup meilleur, et Vaugelas
l'emploierait toujours.
118
LE COURRIER DE VAUGELAS
Armez à la légère, légèrement armez. — Quoique la
première expression soit plus en usage, il faut les
employer toutes deux pour diversifier.
Monsieur, Madame. — Il faut se garder de com-
mencer une lettre par ces mots, quand ils sont déjà mis
en vedette ; cet emploi offense autant l'œil que l'oreille.
.S'asseoir. — Vaugelas veut qu'on dise ils s'assient et
non pas ils s'asseient. A l'impératif pluriel, il faut dire
asseiez-vous et non pas asstsez-vous, comme disent
(1647) une infinité de gens. Au subjonctif, il faut dire
asseie, asseient, et non pas assie/it, ou encore assiseni ;
au participe présent s'asseiant, et non pas s'asséant,
quoique le simple soit séant et non séiant.
Soi, de soi. — Lorsque de soi est après l'adjectif
pluriel, comme dans ces choses sont indifférentes de soi,
il est vicieux ; mais quand il est devant, comme dans
de soi ces choses sont indifférentes, il est très-bien dit.
Il y en a qui préfèrent d'elles-mêmes après l'adjectif.
Tomber aux mains de quelqu'un. — Avant que la
particule es pour aux fiât bannie du beau langage, on
disait tomber es mains ; depuis on dit tomber aux mains ;
mais ni l'un ni l'autre ne valent rien ; il faut toujours
dire tomber entre les mains de quelqu'un.
Grand. — Gomment connaître quand il faudra
mettre un e final à cet adjectif, ou le remplacer par une
apostrophe devant un substantif, car on dit il nous a
fait grand' chère et non grande chère, une grande
calomnie et non grand' calomnie ? Il n'y a point d'autre
règle que la suivante : Il y a certains mots consacrés a
cette élision où l'on à\\. grand' avec l'apostrophe, comme
à grand'peine, gratid'chère, grand'inère, grand'pitié,
grand' messe, la grand' chambre ; mais il ne faut pas
supprimer Ye dans ceux où l'usage n'a pas établi celte
distinction.
Monde. — Ce mot est souvent employé par les bons
auteurs pour dire, une infinité, une grande quantité ;
aussi Gûëffeteau a dit : on vit un monde d' horribles pro-
diges. Vaugelas voudrait qu'on le restreignît aux per-
sonnes.
Tout mon monde, tout Ion monde, etc. — On emploie
ordinairement ces expressions pour dire tous mes gens^
tous mes domestiques ; mais c'est un terme bas qu'il
faut éviter comme étant de la lie du peuple.
Le long, du long, au long. — Les uns disent le long
de la rivière, les autres, du long de la rivière, d'autres,
au long. Tous les trois étaient bons autrefois ; aujour-
d'hui, il n'y a plus que le long de la rivière qui le soit.
// a esprit. — Cette façon de parler est en vogue
depuis peu, elle règne par toute la ville et s'est même
insinuée dans la Cour. Mais elle n'y a pas été bien reçue,
et les bons écrivains s'opposent à son établissement.
.lamais plus. — Expression tirée de l'ilalicn maipiu,
mais qui n'en est pas moins bonne. Nous l'employons
tous les jours en |)ailant et en écrivant.
Mishui. — N'est plus en usage parmi les bons écri-
vains ; à sa place, on A'\\. désormais, tantôt, comme dans
il est tantôt temps pour il est mrshui temps.
SECOM) VOLUME.
Devers. — Celle préposition a toujours été en usage
dans les bons auteurs ; par exemple, // se tourne devers
lui, cette ville est tournée devers l'Orient. Mais depuis
quelque temps, elle a vieilli, et les écrivains modernes
ne s'en servent plus dans le beau langage. Ils disent
toujours vers à sa place. |
// y en eut cent tuez, il >j en eut cent de tuez. —
Nous avons de bons auteurs qui disent l'un et l'autre.
Mais, aujourd'hui, le sentiment le plus commun de nos
écrivains est qu'il faut toujours mettre de ; car en par-
lant, on ne l'omet jamais, et, par conséquent, c'est
l'usage qu'on est obligé de suivre aussi bien en écri-
vant qu'en parlant, sans s'amuser à « éplucher » pour- j
quoi celte préposition est devant le participe. f
Du depuis. — Encore aujourd'hui une infinité de
gens disent et écrivent du depuis ; mais c'est contre le
sentiment de tous ceux qui savent parler et écrire.
Règles du participe passé. — Dans toute la gram-
maire, il n'y a rien de plus important ni de plus ignoré,
et Vaugelas fait connaître des règles qui ont été déjà
citées, d'après lui, à la page H'i de la 4" année de ce
journal.
Etude. — Ce mot, qui a eu jadis deux genres, est
actuellement du féminin dans toutes ses significations,
tant au pluriel qu'au singulier.
Place de l'adjectif relativement au substantif. — Il
y a des adjectifs que l'on met toujours avant le subs-
tantif, et d'autres que l'on met toujours après. On dit
Henri quatrième, Louis treizième, etc. ; parce qu'on
sous-entend roi, comme si l'on disait Henri quatrième
roi de ce nom. Les adjectifs bon, beau, mauvais, grand,
petit « marchent » toujours devant le substantif, et il y
en a encore d'autres de la même nature qui ne viennent
pas sous la plume de Vaugelas. Quant à ceux qui ne se
mettent qu'après le substantif, il n'a remarqué que les
adjectifs de couleur, comme un chapeau noir, une
écharpe rouge, etc.; il n'y a exception que pour les
Blancs-manteatix, du blanc-mangc. Mais il n'est ques-
tion ici que des adjectifs qui peuvent se mettre avant ou
après les substantifs. Quand est-il à propos de leur faire
occuper la première place plutôt que la seconde? Après
avoir bien cherché, Vaugelas a reconnu qu'il est impos-
sible d'établir aucune règle à ce sujet, et que le seul
guide à suivre est l'oreille. Coëffeleau est celui de tous
nos auteurs qui aime le plus 'n. mettre l'adjectif avant
le substantif ; nos modernes écrivains (1647), tout au
contraire, donnent beaucoup plus souvent la préférence
au substantif qu'à l'adjectif.
Vu croissant, va faisant. — Cette façon de parler
avec le verbe aller et le « gérondif » est vieille, et n'est
plus en usage aujourd'hui ni en prose, ni en vers, à
moins qu'il n'y ail un mouvement visible auquel le mot
aller puisse proprement convenir; par exemple, sien
marchant une personne chante, on peut dire : elle va
chantant.
{La suite au prochain numéro.)
Le RÉDACTEDii-GÉKiNT : Emain MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
419
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
Nouveaux récits d'outre-mer. Histoires améri-
caines ; par Edouard Auger. 2" édition, augmentée. In-12,
331 p. Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr.
Abrégé de l'histoire de France depuis l'établisse-
ment des Francs dans les Gaules jusqu'à nos jours,
à l'usage des écoles primaires, etc. par M. Th. Benard,
9° éd., revue et augmentée. In-18 viii-231 p. Paris, lib. Belin.
Essai sur l'histoire de l'éloquence judiciaire en
France avant le XVII' siècle. Thèse présentée à la
faculté des lettres de Paris ; par Théodore Froment, pro-
fesseur de rhétorique au lycée de Bordeau.x. In-8', xvi-
367 p. Paris, lib. Thorin.
La Grammaire pratique. Cours de langue fran-
çaise et de style divisé en trois parties; (lar E.-V.
Mallein. 1" et 2° parties. In-12, viii-258 p. Avignon, impr.
Seguin aine. 1 fr. 50.
Morceaux choisis des classiques français (prose
et vers) ; par A. Pelissier, professeur au collège de Sainte-
Barbe. Recueil composé d'après les programmes officiels
pour l'enseignement secondaire siiécial (3' année). 5' éd.
In-12, viii-353 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr.
Mémoires du duc de Saint-Simon; publiés par
MM. Chéruel et Ad. Régnier fils, et collationnés de nou-
veau, pour cette édition, sur le manuscrit autographe,
avec une notice de M. Sainte-Beuve. T. 16. ln-18 Jésus,
/|76 p. Paris, lib. Hachette et Cie. Chaque vol. 3 fr. 50.
Les Misérables de Londres ; par Pierre Zaccone.
Edition illustrée. Gr. in-S" à 2 col., 383 p. Paris, lib. Be-
noist et Cie. 3 fr.
La Chanteuse des rues; par M.-E. Braddon. Roman
traduit de l'anglais par Charles Bernard- Derosne. 2 vol.
inl8 Jésus, 680 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr. 50.
Souvenirs de la marquise de Caylus. Nouvelle
édition, soigneusement revue sur les meilleurs textes
contenant la préface et les notes de Voltaire, avec une
étude sur l'auteur, un commentaire historique et une table
analytique; par M. de Lescure. In-16, 236 p. Paris, lib.
Lemerre. Sur papier glacé, 2 fr. 50 c. ; sur papier vélin,
5 fr. ; sur papier de Chine, 15 fr.
La Fille du bandit, scènes et mœurs de l'Espagne
contemporaine; par Ale.x. de Lamothe. In-i° à 2 col.
796 p. Paris, lib. Blériot.
Œuvres complètes de Biaise Pascal. T. 2. In-18
Jésus, 336 p. Pans, lib. Hachette et Cie. 1 fr. 25.
Les Enfants des Tuileries; par Mme la vicomtesse
de Pitray, née de Ségur. Ouvrage illustré de 29 vignettes
sur bois; par E. Bayard. 3= édition. In-18 Jésus, 380 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr. 25.
Grammaire française théorique et pratique rédi-
gée pour les écoles régimentaires; par M. -P. Poitevin,
ancien professeur au collège Rollin. The'orie et applica-
tion. Partie de l'élève. In-12. vii-132 p. Paris, lib. Firmin
Didot frères; fils et Cie.
Madame de Sommerville, suivi de La Chasse au
roman ; par Jules Sandeau, de l'Académie française. In-18
Jésus, ùki. p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr.
Les Enfers de Paris; par Xavier de Montépin. Edi-
tion illustrée de 6!i vignettes gravées sur bois par MM.De-
laville et Hildibrand, d'après les dessins de M. Gerlier. Gr.
in-8' à 2 col. 332 p. Paris, lib. Eenoist et Cie. 2 fr. 75.
Publications antérieures :
CHRONIQUES DE J. FROISSARD, publiées par la
Société de l'histoire de France, par Siméon Luce. T. 5.
1356-1360. Depuis les préliminaires de la paix de Poitiers
jusqu'à l'expédition d'Edouard 111 en Champagne et dans
rUe-de-France. — In-8°, lxxi-/i36 p. — Paris, librairie
V' J. Renoiiard. — Prix : 9 francs.
PROPOS RUSTIQUES, BALn'ERNES, CONTES ET
DISCOURS D'EUTRAPEL. — Par Noël du Fail, seigneur
de la Hérissaye, gentilhomme breton. — Edition annotée,
précédée d'un essai sur N'oél du Fail et ses écrits. — Par
Marie GuiCBARD. — Paris, Uhr&meCharpeniier, 19, rue de
Lille.
ŒUVRES DE RABEL.\IS, augmentées de plusieurs
fragments et de deux chapitres du 5' livre, etc., et pré-
cédées d'une notice historique sur la vie et les ouvrages
de Rabelais. — Nouvelle édition, revue sur les meilleurs
textes, éclaircie quant à l'orthographe et à la ponctuation,
accompagnée de notes succinctes et d'un glossaire, par
Louis Babré, ancien professeur de philosophie. — Iu-18
Jésus, xxxv-612 p. - Paris, librairie Garnier frères, 6,
rue des Saints-Pères, à Paris.
L'INTERMEDIAIRE DES CHERCHEURS ET DES
CURIEUX. — En vente à la librairie Sandoz et Fischba-
clter, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : 1" année, 15 fr.;
2= année, 10 fr.; 3« année, 12 fr.; à' année, 8 fr.; 5"' année,
12 fr. — Chaque année se vend séparément. — Envoi
franco pour la France.
DU DIALECTE BLAISOIS et de sa conformité avec
l'ancienne langue et l'ancienne prononciation française. —
Thèse présentée à la faculté des lettres de Paris, par F.
Talbkrt, professeur de rhétorique au prytanée militaire de
La Flèche. — Paris, Ernest Thorin, éditeur, libraire du
Collège de France et de l'Ecole normale supérieure, 7, rue
de Médicis.
LES PSAUMES DE DAVID ET LES CANTIQUES
d'après un manuscrit du xv-' siècle, précédés de recher-
ches sur le traducteur et de remarques sur la traduction,
et ornés d'un fac-similé du manuscrit et d'un portrait de
David. — Paris, librairie Ec/win et llermann Tross, 5,
rue Neuve-des-Petils-Champs.
CHANSONS POPULAIRES DE I \ FRANCE, AN-
^20
LE COURRIER DE VAUGELAS
CIEXNES ET MODERNES, classées par ordre chrono-
logique et par noms d'auteurs, avec biographie et notices.
— Par Louis Montjoie. — In-32. — Paris, librairie Gar-
nier frères, 6, rue des Saints-Pères.
LE CYMBALL'M MUNDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de Bonaventure des Periers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. J.\cob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delahays, éditeur, 4-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 : 5 fr. ; in-8° ; 2 fr. 50.
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANGION, composée par
Charles SoREL, sieur de Souvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colo.mbay. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, û-6, rue Voltaire. — In-16 :
5 fr. ; in-18 jésus, 2 fr. 50.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
A Passy (près du Ranelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Daos on grand pensionnat de Demoiselles, situé
dans une des localités les plus salubres de la banlieue de
Paris, on reçoit de jeunes étrangères pour les perfec-
tionner dans langue française. — Chambres particulières.
— Table de la Directrice. — Prix modérés.
Une Maison d'éducation qui n'est point une pension
prend des étrangers à demeure pour leur enseigner la
langue et la littérature françaises. — Près du Collège de
France et de la Sorbonne.
Avenue de l'Impératrice. — Un ancien préfet du
collège Rollin prend en pension quelques jeunes étrangers
pour les perfectionner sérieusement dans l'étude de la
langue française. — Enseignement de l'allemand et prépa-
ration aux examens pour le service militaire en Angleterre.
(Les adresses sont indiquées à la rédaction du Journal.)
CONCOURS LITTERAIRES.
Le journal Le Tournoi est rédigé au concours par ses abonnés seulement.
Les articles sont soumis à l'examen d'un Comité de rédaction. L'insertion donne droit à l'une des primes suivantes :
Ire Prime — Cinq exemplaires du numéro du journal contenant l'article et un diplôme confirmant le succès du lauréat ;
2' Prime — Quinze exemplaires de l'article, tiré à part avec titre et nom de l'auteur, et formant une brochure.
Tout abonné douze fois lauréat reçoit une médaille en bronze, grand module, gravée à son nom.
Les articles non publiés sont l'objet d'un compte-rendu analytique.
On s'abonne en s'adressant à M. Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte, à Paris.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875.
Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont Inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envols porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur
d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur.
Sont seuls admis à concourir : 1° les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane, — 2» les
étrangers, membres effectifs ou corresponJants de cette Société.
Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane, avant le 1" juillet 1875. Ils resteront
déposés aux archives de ladite Société, oà les auteurs pourront en prendre connaissance.
Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins de cent vers.
Le treizième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 187i. —Dix médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Evariste Carr.^nce, président du Comité, 92, route
d'Espagne, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
L'Académie française donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone.
Le nombre des vers ne doit pas excéder celui de deux cents.
Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secrétariat de l'Institut, franches de port, avant
le 15 février 1S75, terme de rigueur.
Les manuscrits porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage;
ce billet contiendra le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître.
On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en
ont besoin.
Le rédacteur du Courrier de Vatit/ela.i est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
6* Année.
N° 16.
15 Novembre 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^^
\<\\y Journal Semi-Mensuel <J// À
S^ CONSACRÉ * LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( J
Paraiaiant !• 1" et le 15 de eha«ae mola
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
.\NCIEN PROFESSEUR SPÉCrAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacio r, soit à l'Adm'
M. FiscHBACHER, 33, me de Seine.
SOMM.\IRE.
Si tanne dans Larmes de crocodile a le sens de Gémissement ;
— Si l'on peut mettre le participe au féminin dans II l'a
échappe belle ; — Place de l'adjectif dans les phrases qui ren-
ferment Plus... plus, Moins... moins, etc.; — Ce qu'on entend
par le patois Bouchi : — Ce que veut dire Brosser les bois ; —
Place du numéro dans la suscription d'une lettre. || Nature du
mot Enle dans Prunes d'ente; — Emploi d'un nom pluriel
faisant allusion à un nom singulier; — Explication de Bois de
corde; — Si l'on peut dire II fait faim: — Ce qu'on entend
par Faire valoir le bouchon. \\ Passe-temps grammatical. !|
Suite de la biographie de Vaugelas. Il Ouvrages de grammaire
et de littérature. || Renseignements pour les professeurs de
français. || Concours littéraires.
FRANCE
Première Question.
Dans l'expression larmes de crocodile, dont vous
avez parlé dans voire 4' année., et sur laquelle je vous
demande la permission de revenir, le mot larmes ne
serait-il pas mis pour ge'missement? Cest une méto-
nymie assez fréquente dans la langue latine, oii LAcurM.t
et FLEins se prennent souvent comme synonymes.
A l'article Lacryma, dans le grand diclionnaire de
Freund (trad. N. Theil), je n'ai point vu que ce mol,
qui a donné larme en français, ait eu un sens autre
que celui de liquide qui sort des yeux, ou de liquide
analogue qui sort de la vigne.
L'historique de larme, dans le dictionnaire de Littré,
n'offre pas d'exemple où ce mot n'ait pas la signification
de pleur.
Dans toutes les langues de nos voisins qui ont
l'expression larmes de crocodile, et où elle est probable-
ment aussi ancienne que dans la n(Mre, le terme qui
traduit larmes désigne réellement, matériellement des
pleurs (en italien, lagriine; en espagnol, layrimas ; en
allemand thrânen ; en anglais, tears).
Or, si le latin, en supposant que l'expression ait été
écrite d'abord dans celle langue, n'a jamais employé
lacryma que dans le sens de larme; si le français
n'a jamais fait usage de larme que dans le sens de
pleur, et si les langues étrangères traduisent larme,
dans l'expression qui nous occupe, par un mot signi-
fiant également pleur, ne devienl-il pas évident que,
dans celte expression, le mot larme n'a jamais été mis
pour celui de mugissement ?
On trouve, à la vérité, dans le dictionnaire du P.
Joseph Jouberl, publié en <709, l'expression Jeter de
ces larmes [de crocodile]; et, comme le \erhe jeter a
eu pour complément, en français, le nom d'un son de
voix, car on trouve :
Quant s'estoit relevée, moût grans soupirs getoil.
(Berte. XXVIII.}
Lors a la maie serve un meut grant cri geié.
(Idem, XV.)
Parlant aux flots, leur jecta ceste voix.
(La Boélie, 444.)
il semble qu'on en peut conclure que jeter des larmes de
crocodile signifie pousser des cris, des mugisseinents
de crocodile.
Mais il y a une chose bien simple à dire pour
détruire celle objection : c'est que le verbe jeter,
comme on peut du reste s'en convaincre en consultant
la première édition de l'Académie (1694), s'est employé
aussi autrefois \)Out répandre, ce qui fait que la phrase
alléguée, loin d'être contraire à mon opinion, plaide en
sa faveur.
Dans le Livre des Merveilles, dont j'ai pu, grâce à
M. Fillemin, citer un passage (4° année, p. 169), se
trouvent ces lignes :
Ces animaux féroces sont pourvus d'une sensibilité ex-
quise; à ce point que souventes fois les ai moi-même ouys
gpignants ou se lamentants es rozeaux. poussants des san-
glots qui semblent mugissements de bœufs, et versants,
ainsi qu'il m'a été assure, larmes qui jaillissent du pcrtuis de
leurs yeux, comme do pommes d'arrosoirs.
Ce texte, écrit par .Mandeville, un voyageur qui a mis
trente-trois ans à visiter l'Orienl au xiv° siècle, achève-
rail, s'il en était besoin, de démontrer que /«rwe.s-, dans
rex|)ression larmes de crocodile, a fait allusion, dès
l'origine, à un liquide et non à un son de voix.
122
LE COURRIER DE VAUGELAS
X
Seconde Question.
Quand fai à écrire la phrase il l'a échappé belle, je
suis toujours tenté de mettre le participe au féminin.
Est-ce que ce serait réellement une faute ?
D'après M. Litlré, c'est une « irrégularité » que
d'écrire le participe invariable dans cette phrase;
d'après M. Quitard, au contraire, le participe n'y doit
pas être variable, ce qui est conforme au sentiment de
la généralité des écrivains, car j'ai trouvé :
La pudeur de Mlle Temple l'avait échappé belle.
{Hamilton, Gram., lo.)
Nous l'avons, en dormant, Madame, échappé belle.
(Molière, Fim. sav., IV, 3-)
11 l'a échappé belle, et le plus sûr est de ne pas trop faire
parler de lui.
(Le Temps du ^ juillet 1874.)
Maintenant, en présence de ce dissentiment, quel
parti prendre? celui du savant français ou celui du
savant belge?
Je suis pour échappé invariable, et je justifie ainsi
qu'il suit ma manière de voir à cet égard :
Depuis le xvi° siècle, et peut-être auparavant, le
verbe échapper s'est employé activement dans le sens
de éviter., construction qui impliquait un régime signi-
fiant un danger, un péril quelconque :
Le jeune Marias, voyant bien qu'il ne pouvoit eschapper
qu'il ne fusl pris se desfeit luy mesme.
(Amyol, Sylta, 67. J
Qu'un enfantait échappé tous les périls.
(SéTigné, 3»S.)
J'ai échappé la mort à telle rencontre.
(Bos3uet, Brièv.)
Or, on en est venu à dire il l'a échnpp)é belle,
employant le pronom /' pour danger, sous-enlendu,
comme dans l'emporter, par exemple, on l'emploie pour
avantage, qu'on a coutume également d'ellipser de la
phrase.
D'où le participe invariable, comme ayant pour ré-
gime direct un pronom du genre masculin, ce qui est
encore prouvé, du reste, par lo miss it narrowlij
(échapper cela étroitement), traduction anglaise de
l'échapper belle, donnée par Gotgrave.
Quant au mot belle, ce n'est point du tout le féminin
de l'adjectif ôeaM se rapportant à un substantif; le sens
ne comporte pas échapper une chose belle. Gomme la
phrase en question veut dire qu'on a échappé heureuse-
ment à un danger, qu'il s'en est peu fallu qu'on n'y
tombât, belle y représente l'idée adverbiale de bien,
qui, dans une foule de cas, s'exprimait autrefois par
bel, preuve ces exemples :
La mort" vit son enfant angoisseus;
Trop bel lui dit : lillc reliaitez vous.
(Momancero, p. 74. 1
liel et courtoisement a le roi salue.
(mne, LXVii.)
Je les ai jusque ici bien et bel maintenus.
(J, de Mcuiig, Tesl., J55.)
C'est sans doute l'exemple suivant, recueilli dans un
de ses historiques, qui fait regretter à M. Littré que le
participe soit laissé invariable dans il l'a échappé
belle :
De ce que, par sa faveur, ils l'avaient, non pas si belle,
mais si mortelle et sanglante eschappée.
(Carloix, VU, 4.)
Mais, attendu que je ne vois aucun substantif qui,
mis ici à la place de l', puisse être qualifié par les deux
adjectifs mortelle et sanglante, je crois pouvoir en
inférer que la citation empruntée à Carloix ne démontre
pas avec assez d'évidence que belle s'y rapporte à un
nom féminin pour qu'il soit possible de fonder sur elle
la variabilité du participe dans l'expression dont il
s'agit.
X
Troisième Question.
Lequel vaut le mieux de dire avec Lamartine :
« PLUS OBSCURE cst la nuit, plus l'étoile y brille », en
mettant l'adjectif immédiatement après plus, ou de
dire avec Lenoble : « plus vos fers sont dorés, et plus
ils sont pesants », en mettant l'adjectif à la fin de la
phrase ?
La construction des phrases proportionnelles (et il
s'agit ici de telles phrases) offre deux cas à considérer :
celui où l'un des deux membres ne renferme ni adjec-
tif ni adverbe, et celui où s'y trouve l'une ou l'autre
de ces espèces de mots.
Dans le premier cas, on met invariablement après
j)lus ou moins le sujet, le verbe et son complément,
sans qu'il y ait jamais d'exception à cette règle :
Certes, plus 'je médite, et moins je me figure
Que vous m'osiez compter pour votre créature.
(Racine, Brilann., I, t.)
Moins on lui parlait, et plus il s'en occupait.
{J.-J, Rousseau, Emile V.)
Plus on aime quelqu'un, moins il faut qu'on le flatte.
(Molière, dam la Gram. nat., p. 761.)
Plus on a étudié la nature, plus on a connu son auteur.
(Voltaire, idem.)
Plus les causes physiques portent les hommes au repos,
plus les causes morales les en doivent éloigner.
(Montesquieu, idem)
Dans le second cas, deux constructions sont en
usage, l'une, qui place l'adjectif ou l'adverbe immédia-
tement après ;j/m« ou moins, et l'autre, qui le laisse à la
fin de la phrase :
(L'adjectif suivant immédiatement p/w.?, moins]
Plus était profond le sentiment religieux, et plus grand
fut le scandale.
(Jules Bastide, Giier. de rel.) <
Plus notre ;lme sera vertueuse et active, plus prompte-
ment et plus parfaitement elle arrivera dans ce séjour sa
demeure éternelle.
(Le comte de Ségur, Gai. mor.)
Plus la mort nous enlève de h'\ei), plus cruelle est sa
venue.
(Conscience, le Gant, p. 180.)
N'ayez plus de goutte; mais faites souvent des vers â
Sans-Souci dans ce goùt-là; plus vous serez gai, phis long-,
temps vous vivrez.
(Voltoire, Leilre au roi de Prutie.)
LE COURRIER DE VAUGELAS
423
Plus l'offenseur est grand, etplus grande est l'offensp.
iCorneille, dans la Grcm nat., p. 761,)
(L'adjectif ou l'adverbe placé après le verbe)
Plus la vie est tranquille, et plus sa faible trame
Echappe au ciseau d'Atropos.
(Bemis, dans la Grnm. nat., p. 761.)
Plus les bommes sont médiocres, plus ils mettent de soin
à s'assortir.
(Mme de Staël, idem.)
Pltis les devoirs sont étendus, plus il faut faire d'efforts
pour les remplir.
(Mably, idem.)
Plus le malheur est grand, plus il est grani de vivre.
(Crébillon, idem.)
Or, vous désirez savoir laquelle de ces deux cons-
tructions doit, selon moi, être préférée à l'autre ? Je vais
vous dire mon opinion à cet égard.
Quand je considère :
i° Que cette dernière construction se rencontre bien
plus souvent que la première (j'ai trouvé avec peine
six exemples de celle-ci tandis que j'en ai facilement
recueilli quinze de l'autre) ;
2° Que, de plus, elle a l'avantage d'être identique à
celle du premier cas, et qu'il n'y a réellement pas de
raison, du moins pour la prose, pour qu'il en soit
autrement ;
J'en conclus que, dans les phrases que vous me citez,
Lamartine a construit d'une manière moins usitée,
moins logique, et partant moins française que ne l'a
fait Lenoble.
X
Quatrième Question.
Page 138, col. 2 de la i' année de votre intéressant
CODBBiER, VOUS parlez du jiatois rocchi. Quel est ce
putois? Comment s'appelle le pays qui lui donne pro-
bablement son nom ?
Le rouchi est le patois qui se parle dans le pays dont
Valenciennes peut élre considéré comme le centre. Ce
patois, où se trouvent une infinité de mots d'ancien
français avec la prononciation du xV et du xvi" siècle,
commence à Sainl-Araand, où il se mêle avec le lan-
gage de Lille et du Tournésis ; à Bouchain et à Cambrai,
où il se confond avec le picard ; à Quiévrain, où com-
mence déjà le patois wallon, lequel finit à Bruxelles ; à
Bavay, à .Uaubeuge, dont le langage prend une teinte
de français en empruntant quelques expressions de la
Belgique, qui est contiguë.
Ce nom lui vient d'un pays qui porta dans l'origine
le nom de Drouchi, dont on a fait Rouchi comme du
grec Afiso;, rosée, les Latins ont fait vos -oris, en vertu
d'une aphérèse :
Maubeugp, situé entre le pays rouchi et celui de
Lauvau.
(Hécart, Dict. rouchi/rançais, VUI.)
Il faut bien se garder, dit l'auteur du dictionnaire
que je viens de citer, de confondre ce patois, comme l'a
fait Grégoire d'Essigny, avec le wallon, qui n'y res-
semble guère. Le rouchi est parlé dans le ci-devant
Hainaul français et dans une partie du Hainaut belge,
jusqu'à Avesnes et Maubeuge.
X
Cinquième Question.
Quelle si(/nifi''ation a donc cette phrase trouvée dans
le THÉÂTRE ITALIE.N de Ghérurdi fvol. IV, p. 240j .■ « Cet
homme-là serait toujours à brosser les bois » ?
Le mot brosse, venu du bas-latin brustia, au sens de
bruyère, buisson, quelque chose de hérissé, a fait deux
verbes en français : brosser, nettoyer avec une brcsse,
et brosser, signifiant marcher au milieu des buissons,
traverser un bois, par conséquent :
ils laisfoient, tous quasi, leurs chevaulx, parce qu'ils ne
pouvoient aisément brosser au travers des taillis.
{Cailoix, V, j5.)
Lors en sursaut, où me guidoit la vois,
Le fer au poing je brossai parle bois.
(Ronsard, 75.)
Or, c'est avec ce dernier sens, conservé en terme de
chasse, qu'est employé brosser dans la phrase que vous
proposez à mon explication ; seulement, avec le temps,
le verbe en question, comme bien d'autres, est devenu
actif de neutre qu'il était d'abord.
X
Sixième Question.
Il y en a qui mettent, dans la suscription d'une
lettre, le numéro avant le nom de la rue; dans /'Al-
HiNACH BoTTf.v, au Contraire, il se trouve après. Quelle
est la meilleure manière d'écrire, selon vous ?
A mon avis, c'est celle qui met le numéro avant le
nom de la rue, et voici pourquoi :
Si l'on n'avait à s'occuper que de la logique, en écri-
vant une adresse, on mettrait évidemment d'abord le
nom du pays, puis celui de la ville, ensuite le nom de
la rue, celui du numéro, et enfin le nom de la personne
avec son titre, comme dans cet exemple :
France — Paris — Rue Tronchet — Numéro 10 — Mon-
sieur Michel, rentier.
Mais il faut compter aussi avec la politesse, qui
exige que l'on commence par nommer la personne à qui
l'on écrit, ce qui entraine un ordre inverse dans l'énoncé
des diverses parties de la suscription. Or, dans ce nou-
vel ordre des mots, le numéro prend place avant le nom
de la rue :
K;onsieur Michel, rentier — Numéro 10 — Rue Tronchet
— Paris — France.
ETRANGER
Première Question.
Le mot ESTE, qu'on voit sur les boîtes à conserves
(pROES d'ente) est-il verbe ou nom propre ? Comme ces
deux mots sont imprimes tout entiers en majuscules, je
ne puis faire la distinction.
Il n'est ni l'un ni l'autre ; c'est tout simplement un
424
LE COURRIER DE VAUGELAS
substantif commun, ainsi que je rais vous le faire voir
en quelques lignes.
Pour modifier la nature d'un arbre à fruit, on pra-
tique sur ses branches une opération qui consiste à y
insérer un petit scion, nommé greffe ou ente, de l'espèce
que l'on veut obtenir :
Les principaux résultats des greffes sont de modifier les
qualités de la plupart des arbres fruitiers, et de bonifier
leurs produits au point de les rendre méconnaissables; de
faire croître sur ces arbres des fruits plus volumineux et
en même temps plus succulents.
(Bailly, Man. duJard., vol. 1, p. laS, coll. Eoret.)
Or, le prunier est du nombre des arbres dont les
produits se modifient de cette manière, et l'on appelle
nàluveWemeni prunes d'enle celles qui proviennent de
sujets sur lesquels on a fait cette opération : c'est
l'équivalent de prunes de greffe, qui me semble ne pas
être usité.
Remarque pour l'orthographe. Comme on appelle aussi
entes les jeunes arbres nouvellement greffés, on pour-
rait également bien écrire, je crois, prunes d'entés, avec
une s au dernier mot.
X
Seconde Question.
Est-ce qu'après avoir parlé d'un certain animal, on
peut dire ensuite ces animaux? Par exemple, après
avoir parlé d'un mclet, peut-on dire : ces amimaux sont
BXTÉrÉS ?
Après un substantif employé au singulier et dans un
sens individuel, on peut, en se servant du démonstratif
ce, employer le nom général de l'espèce à laquelle
appartient l'individu que ce substantif désigne, et
mettre ce nom au singulier :
Dans un profond ennui ce lièvre se plongeait :
Cet animal est triste, et la craiute le ronge.
(La Fontaine, liv. II, fable l4.)
Mais il est permis aussi de mettre au pluriel ce
second substantif, ce qui est rendu évident par les
exemples qui suivent :
C'est probablement ainsi que raisonnait l'animal, c'est-à-
dire le c/iie/i,il raisonnait juste, selon l'usage de ces créa-
tures, que notre orgueil prive de raison.
(Méry, Damnés de Vîndf.)
On la nomme la cloche banale; elle servait à convoquer
les assemblées municipales, à avertir des incendies, à son-
ner le couvre-feu ; elle appelait les bourgeois aux armes.
Ces cloches communales, symbole de la puissance populaire,
avaient souvent un nom particulier.
(Chéruel, Dict. des liistU, de la Franct' )
Mais une ville comme Paris est dans une crue perpétuelle.
Il n'y a que ces tilles-ld. qui deviennent capitales.
(Poitevin, Cours de dictées.)
Le chef d'unp netite gare de la ligne de X... avait été mis
par son médecin au régime du lait de chèvre; cliaiiue ma-
tin sa temme allait traire un de ces animaux qu'elle avait
acheté...
(Le I-'if/aro du ai oct. 18/4.1
Quant à moi, je préfère le pluriel (lour le substantif
précédé du démon.stralif ce, dans ces sortes de phrases,
parce que la dilTerence entre le sens particulier (qui est
généralement celui dans lequel est pris le premier
substantif) et le sens général, me semble ainsi mieux
marquée.
X
Troisième Question.
Pourquoi, en français, un certain bois à brûler
s'appelle-t-il bois de corde ?
Pour une raison bien simple.
Autrefois, ainsi que nous l'apprend De la Mare
{Traité de la Police, liv. V, p. 836, col. 2), lorsque les
bûcherons devaient compter avec leurs maîtres, ou les
marchands avec les acheteurs, on plantait, pour mesu-
rer le bois à brûler qui ne se mettait pas en fagots,
quatre pieux hauts chacun d'autant de pieds, et for-
mant un carré de 8 pieds de côté ; et, comme les dimen-
sions de cette mesure se prenaient avec une corde, on
appela naturellement corde la quantité de bois qu'elle
pouvait contenir, puis, par suite, bois de corde, le bois
de chauffage qui se débitait à ladite mesure.
X
Quatrième Question.
Dans le tome III, 5'' cours, p. 94 de la Litte'eatdee
FRANÇAISE par le lieutenant-colonel Staaff, on trouve
cette phrase dans un passage de Champfleunj : « Sou-
vent IL FAIT FAIM duns les mansardes ». Peut-on s'expri-
mer ainsi en français ?
Le verbe faire, sous la forme impersonnelle, ne peut
s'employer que dans deux cas :
r En parlant de l'état de l'atmosphère :
Selon le temps qu'»2 fait, l'homme doit naviguer.
(Régnier, Satt/re VI.)
M. le prince n'avoit pas eu lieu de s'imaginer qu'il piit
trouver le roi au retour du bain, par un temps aussi froid
qu'il faisait.
(Reti, III, 347-)
2° En parlant de l'état du sol sur lequel on marche :
Allez doucement, il fait glacé, vous vous rompriez les
jambes.
(Voltaire, Mœurs, laS.)
Il y fait un peu crotté; mais nous avons la chaise.
(Molière, Prcc. rii., se. X.)
Par conséquent, l'expression il fait faim appartient a
la catégorie de celles que l'on doit forcément rejeter.
X
Cinquième Question.
Que signifie cette phrase trouvée dans Gil Blas ;
« Elle savait bien faire valoir le bouchon ». Je vous
serais obligé de m'en donner la vraie signification.
Du vieux français bouche, dérivé jirobablement de
Tallemand busch, buisson, nous avons fait comme les
Picards, les Berrichons et les Normands, le diminutif
bouchon, avec le sens de bouquet, rameau de verdure
servant d'enseigne à un cabaret :
Et, ravalant l'hœbus, les Muses et la grâce,
Font un bouchon à vin du laurier de Parnasse.
(Régnier, Salj/re IV.)
A bon vin ne faut point de bouchon.
^Oudin, Curies, frtnç.)
LE COURRIER DE VAUGELÂS
125
Puis, par métonymie, nous avons donné le même
nom au cabaret lui-même :
Les rouliers s'arrêtent à tous les bouchons.
(Litlré, Dict.)
Or, faire valoir une chose, signifie lui donner du
prix, en retirer le plus de profit possible, la faire
paraître meilleure, plus belle :
Je me suis engagé de faire valoir la pièce, et l'auteur
m'en est venu prier encore ce matin.
(Molière, Préc. se. X.)
D'où il résulte que faire valoir le bouchon, en parlant
d'une femme qui tient un cabaret, veut dire que cette
femme sait y faire venir les chalands.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
I°... elle applique à la suspension ... qui s'applique à tout
autre choss; — 2°... obtenus par d'autres que lui (pas de par);
— 3°... puisse exposer l'Eglise à de tels dangers; — 4°... ce qu'il
y a de vrai dans les bruits qui courent ou mis en circulation;
— 5°.., excuser les exagérations, voire les violences (Voir Cour-
rier de Vaugelas, 2' année, p. 185) ; — 6°... s'annonc«nt par-
faitement bien (Voir Courrier de Vaugelas, 3" année, p. 84) ; —
7°... qui se sont laissé prendre; — 8°... une vaste corporation
qui le soutint; — 9°... j'entendis retentir un coup de feu à la
distance; — 10°... que nous ayons (après empêcher on met le
subjoDCtiQ.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• Et ces danses ne furent troublées que pendant les
luttes nombreuses qui se sont succédées pendant tout le
reste de la soirée, et dont la plus amusante a été sans con-
tredit la course aux ânes.
2° C'est bien pire au village. Le maire en plus d'une com-
mune a insent d'office qui ne devait pas y être, a effacé
qui aurait diî être maintenu.
3° Aussitôt que le gouvernement se sera convaincu qu'il
a autre chose à faire qu'à combattre le pays, la loi sur les
maires sera remplacée.
4° Après quelques jours de repos passés à l'hôtel Bagra-
tion et employés tout entiers, comme bien on pense, à
ébranler les bases de l'ordre social, M. Thiers a pris le che-
min de l'Italie en faisant escale â Grenoble, à Vizille et à
Chambèry.
5* Il est clair que l'unité consiste dans la participation à
l'esprit de Christ, et non dans les formes extérieures, ou
dans l'acceptation des mêmes dogmes, ou dans la célébra-
tion des mêmes rites.
6* Une telle pensée de conciliation, un tel rapprochement
de frères ennemis ne laisse pas que d'avoir, en France,
même à la fin du xix' siècle, quelque chose de hardi.
?• A la bonne heure, M. de Padoue ne va pas par quatre
chemins; il se pose carrément devant les électeurs de
Seine-et-Oise en bonapartiste militant, en sujet de Napo-
léon IV.
8° La Presse répond à l'une des deux questions que nous
lui avons posées; mais ce n'estqu'â une question accessoire
et non à la question principale.
9" Ces jours derniers, on avait signalé à l'autorité supé-
rieure qu'un navire de pavillon hoilandai.':, chargé d'armes
destinées aux Carlistes, devait venir dans les eaux de Belle-
Isle remettre ces armes à un navire e.spagnol.
10* Nous l'avons dit, pour reconnaître ces conservateurs
des bonapartistes, nous avons un critérium qui nous paraît
sûr.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIERE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
VAUGELAS.
(Suite.)
Eux-même, elles-méme. — 11 faut une .s à même,
parce qu'il est ici pronom. Quand il est adverbe, il est
« libre » d'y mettre Vs ou de ne l'y pas mettre.
Si la seconde personne singulière de l'impératif doit
prendre une s. — H y a des impératifs de trois sortes :
les uns, où d'un consentement général on ne met jamais
d'.s-, d'autres où l'on en met toujours une, et certains
au sujet desquels les opinions sont partagées. Vaugelas
a compté jusqu'à dix-neuf ou vingt terminaisons
différentes de ces impératifs, et tout le monde est d'ac-
cord qu'on ne met jamais 1'* à ceux qui se terminent
par a ou par e.
On écrit i^a devant tous les mots commençant par
une voyelle, excepté en adverbe relatif et y ; car devant
le premier il prend un t, comme « ra-t-en », et devant
le second, il prend une .s, comme ims-y.
Les uns écrivent béni, fini, di. H, ri, fui, tai, crain,
fein, pein; voi, connoi; tien, vien, fui; les autres,
bénis, finis, dis, etc. (1647).
Pour l'heure. — Cette façon de parler pour dire ^jour
lors est bonne; mais elle est basse, et ne doit pas être
employée dans le beau style.
A l' improviste, à l'impourvà. — Tous deux sont bons
et signifient la même chose; mais à V improviste,
quoique pris de l'ilaiien, est tellement naturalisé fran-
çais qu'il est plus élégant qu'à l'imjiourvù.
Bais. — Ni en prose ni en vers, il ne se dit plus pour
désigner les rayons du soleil, quoiqu'il se dise fort bien
pour désigner ceux de la lune. Hors de là, il ne s'ap-
plique qu'à une roue.
L'aventure du lion et de celui qui vouloit tuer le
Tyran, sont semblables. — Les opinions sont partagées
au sujet de cette construction, qui met sont après un
nominatif singulier; est-elle vicieuse ou élégante'^ Vau-
gelas ne voudrait pas s'en servir.
De moi, pour moi, quant à moi. — Ce dernier ne se
dit ni ne s'écrit presque plus, sans doute à cause de
cette façon de parler proverbiale : Il se met sur son
quant à moi. On dit fort bien quant à lui, quant à vous,
quant à nous; pourquoi ne dirait-on pas aussi bien
quant à moi ? — De moi est fort bon, fort élégant; mais
Vaugelas éviterait de le mettre souvent en prose. Il
aime mieux pour moi, dont tout le monde se sert, soit
en parlant, soit en écrivant.
U aspirée et H muette. — Reaucoup de personnes,
tant dans les provinces qu'à l'étranger, font I7( muette
quand elle est aspirée selon Ramus et plusieurs fameux
grammairiens; par exemple, elles disent l'hazard pour
le hazard; l'hardi pour le hardi; l'hallebarde pour /a
hallebarde. On a grand besoin, dans les pays qui
parlent mal, de bien savoir la nature de cette /( ,• c'est
426
LE COURRIER DE VAUGELAS
pourquoi Vaugelas se trouve obligé de dire ici « le
peu » qu'il en sait. Il fait un examen des consonnes
Qnales qui se prononcent, examen où je trouve : i" que
Vf se mange dans œuf, on dit un œuf de j)igeo?i , un
œuf Mté, sans prononcer Vf; 2° que le g se prononce
dans coq, et que l'on dit, en faisant sonner cette lettre,
un coq de Paris, un coq hardi : 3° que r ne se prononce
pas dans les infinitifs en er et ir, et que aller, courir,
se prononcent allé, court.
Règle pour discerner l' H aspirée d'avec V H muette. —
C'est une règle fort connue, mais Vaugelas y ajoutera
de nouvelles remarques. Gomme celte règle est fondée
sur la connaissance du latin, il faut que ceux qui ne
savent pas celte langue aient recours à la lecture des
bons livres. Suivent les mots faisant exception à la
règle à laquelle Vaugelas fait allusion.
De l'H dans les mots composés. — Quand cette con-
sonne se trouve ailleurs qu'au commencement du mot,
elle se prononce « tout de même » que si elle était au
commencement. Ainsi deshonoré se prononce comme
honoré avec h muette; enhardi, éhonté, dehors, comme
les simples hardi, honte, hors. Il y a une seule excep-
tion, exhaussé, qui se prononce exaucé.
Comment il faut prononcer et orthographier les mots
venant de mots grecs oii il y a des aspirations. — Tous
les mots français venant du grec et dans lesquels il y a
une ou plusieurs h n'en peuvent venir que par cinq
voies : i" quand le mot grec commence par une voyelle
ou une diphthongue aspirée âp|Asv(a, âîpïst;, qui nous
ont donné harmonie, hérésie; 2° quand le mot grec a
un 6 (thêta), que nous rendons par th, comme dans
ôsaiç, thèse; 3» quand le mot grec commence par un p
(rho), que nous rendons par rh, comme 'Pôoo;, Rhodes,
ou que ce p est redoublé au milieu du mot, comme
nûppoç, Pyrrhus; 4° quand le mot grec a un <p (phi)
que nous rendons p&r ph, comme dans ç'.Acdsçsç, philo-
sophe; 5° quand le mot grec renferme un x (chi), lequel
se rend en français par ch, comme dans X-'P^'-'Pï'^',
chirurgie. Or, dans tous les mots français d'une telle
dérivation, Vh s'écrit toujours, mais elle ne se prononce
jamais.
En votre absence, et de Madame votre mère. — Cette
construction est-elle bonne? La plupart disent que oui,
et que, loin d'être vicieuse, la suppression de ces « pa-
roles » en celte, qui sont sous-entendues, a au contraire
bonne grâce. Quelques-uns néanmoins condamnent celte
construction non-seulement comme contraire à la net-
teté du style, mais encore comme barbare. Quant à
Vaugelas, il pense qu'il est bon d'éviter aussi bien la
phrase elliptique que la phrase complète, qu'il trouve
trop languissante.
N'onl-ils pas fait? Ont-ils pas fait? — Tous deux
sont bons pour exprimer la même chose, et ceux-là se
trompent qui croient que l'on ne peut pas dire : ont-ils
pas fait ? Il est d'ordinaire plus élégant de ne pas mettre
le ne dans une telle phrase.
Aimé-je sans être aimé? — Ici, aime ne s'écrit ni ne
se prononce comme de « coutume» ; car Ve qui est au
féminin aime se change en '' masculin, el l'on doit
écrire et prononcer aimé-je. Cette remarque est très-
nécessaire pour les provinces qui se trouvent au-delà
de la Loire, et elle pourra encore servir à ceux qui
orthographient de cette sorte aimai-je, au lieu d'aimé-je,
car qui ne voit qa'aimai-je fait une équivoque avec la
première personne du passé défini ?
Mais celte règle ne concerne que les verbes qui ont
un e muet à la première personne du présent; et les
personnes de Paris et de la Cour qui disent menté-je,
pour ments-je; perdé-je, pour perds-je ; rompé-je, pour
romps-je, commettent une faule qu'on ne trouve pas
dans le plus médiocre auteur qui ait jamais écrit.
Conjoncture. — Pour dire une certaine rencontre,
bonne ou mauvaise, dans les affaires, ce mot est excel-
lent, quoique très-nouveau et pris des Italiens, qui
l'appellent congiontura. Il exprime merveilleusement
bien ce qu'on lui fait signifier.
Se conjoiiir, féliciter. — Vaugelas a vu le premier
de ces mots dans plusieurs auteurs approuvés; mais il
ne lui souvient point de l'avoir jamais entendu à la
Cour. On dit plutôt se réjouir, quoique l'autre soit plus
convenable, parce qu'il ne signifie que se réjouir avec
quelqu'un du bonheur gui lui est arrivé, au lieu que se
réjouir est un mot extrêmement général. — Depuis peu
on se sert d'un terme qui, auparavant, était tenu à la
Cour pour barbare, quoique commun en plusieurs pro-
vinces de France, c'est féliciter, que tout le monde dit
aujourd'hui et que nos meilleurs écrivains emploient
volontiers (1647).
Règle nouvelle et infaillible pour savoir quand il fctut
répéter les articles ou les prépositions, tant devant les
noms que devant les verbes. — Pour ce qui est de
l'article devant les noms, on disait autrefois : J'ai
conçu une grande opinion de la vertu et générosité de
ce Prince ; mais Coëffeteau n'aurait pas construit ainsi,
il aurait observé la règle suivante : si les substantifs
joints par la conjonction sont synonymes ou appro-
chants, comme vertu et générosité, il ne faut pas répéter
l'article; mais quand ils sont contraires, comme force
et dextérité, il faut le répéter et dire : de la force et de
la dextérité.
Cette règle est applicable aux prépositions mises
devant les infinitifs; ainsi il faut dire : il n'y a rien
qui porte tant les hommes à aimer et chérir la vertu,
parce que aimer et chérir sont synonymes. Mais il faut
dire : il n'y a rien qui porte tant les hommes à aimer et
à haïr leurs semblables, eic, en répétant à, parce que
les verbes aimer et hair expriment des actions tout-à-
fait opposées.
Vaugelas sait bien que quelques-uns de nos meilleurs
écrivains ne « prennent point garde » à cette règle;
mais il sait bien aussi qu'ils en sont justement blâmés
par tous ceux qui font profession d'écrire purement. Si
chacun s'émancipait de son côté, nous ferions bientôt
retomber notre langue dans son ancienne barbarie.
{La suite au prochain numéro.)
Le Rédàctedh-Gébant : Ëtun MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
42t
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
A travers l'Océanie; par Mme la comtesse Droho-
jowska. 1" édition. In-8°, 229 p. Paris, lib. Lefort.
Le Cardinal Jean Jouffroy et son temps (1412-
1473). Etude liistorique.Tlièse pour le doctorat ès-lettres;
par Cil. Fierville, censeur des études au lycée de Gou-
tances. In-S", vn-296 p. Coutances, lib. Salettes.
Réséda; par Mlle Zénaïde Fleuriot (Anna Edianez).
5= édition. In-18 Jésus, 286 p. Paris, lib. Bray et Retaux.
Lettres à une inconnue; par Prosper Mérimée, de
l'Académie française. Précédées d'une étude sur Mérimée,
par H. Taine. 8" édition entièrement revue. 2 vol. In-18
Jésus, xxxii-7i9 p. Paris, lib. Michel Lévy. 7 fr.
Les Quatre grands historiens iatins, suivis de
Vingt-deux mois de la vie de Mirabeau; par D. Ni-
sard, de l'Académie française. In-18 Jésus, iv-Zi07 p. Paris,
lib. Michel Lévy frères. 3 fr. 50.
La Belle Rivière. Le Fort Duquesne ; par Gustave
Aimard. ln-18 jésus, 335 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Les Salons d'autrefois, souvenirs intimes; par
Mme la comtesse de Bassanville. 2' série. La princesse
Bagration. La comtesse Merlin. Madamede Mirbel. Madame
Campan. 5» édition. In-18 jésus, 321 p. Paris, lib. Brous-
sois et Cie. 2 fr. 50.
Les Borgia d'Afrique ; par Pierre Cœur. In-18 jésus,
366 p. Paris, lib. de la Société des gens de lettres. 3 fr.
La Chambre aux histoires ; par F. Fertiault. ln-12,
383 p. Paris, lib. Didier et Cie.
Le Roman d'un jeune homme pauvre; par Octave
Feuillet, de l'Académie française. Nouvelle édition. In-18
jésus, 356 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 3 fr. 50.
La Vie à deux. Les Malheurs de Rosette. Les
Aventures de Madeleine. La Race maudite ; par
Louis Enault. 2' édition. In-18 jésus, 2/i7 p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 2 fr.
Salammbô ; par Gustave Flaubert. Edition définitive
avec des documents nouveaux. In-18 jésus, 379 p. Paris,
lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Le Chemin le plus court ; par Alphonse Karr. Nou-
velle édition. In-18 jésus, 296 p. Paris, lib. Michel Lévy
frères.
Les Tragédies de Paris. IL Une araignée parisienne;
par Xavier de iVlontépin. In-18 jésus, 288 p. et grav. Paris,
lib. Sartorius.
Jeanne d'Arc ; par Marius Sepet. Avec une introduc-
tion par M. Léon Gautier. 3= édition. In-12, 288 p. et gr.
Tours, lib. Mame et lils.
Œuvres complètes de J. Autran, de l'Académie
française. 1. Les Poèmes de la mer. ln-8», lill p. Paris,
lib. Michel Lévy frères. 6 fr.
Lëontine, histoire d'une jeune femme ; par Madame
Bourdon (Mathilde Froment). 7= édition. In-18 jésus, 238p.
Paris, lib. Bray et Retaux.
Trois histoires de terre et de mer ; par Armand
Dubarry. In-12, 386 p. Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr.
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Publications antérieures
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rondeau que ledit Villon fist quand il fust jugé à mort, et
la requeste qu'il bailla à Messeigneurs de Parlement et à
Monseigneur de Bourbon.— 111. — In-16, 120 p. — Lille,
Imprimerie Six-Hormans.
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Société de l'histoire de France, par Siméon Luce. T. 5.
1356-1360. Depuis les préliminaires de la paix de Poitiers
jusqu'à l'expédition d'Edouard III en Champagne et dans
l'Ile-de-France. — In -8% lxxi-436 p. — Paris, librairie
F» J. Renouard. — Prix : 9 francs.
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DISCOURS D'EUTRAPEL. — Par Noël du Fail, seigneur
de la Hérissaye, gentilhomme breton. — Edition annotée,
précédée d'un essai sur Noél du Fail et ses écrits. — Par
Marie Guichard. — Paris, librairie Charpentier, 19, rue de
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fragments et de deux chapitres du 5' livre, etc., et pré-
cédées d'une notice historique sur la vie et les ouvrages
de Rabelais. — Nouvelle édition, revue sur les meilleurs
textes, éclaircie quant à l'orthographe et à la ponctuation,
accompagnée de notes succinctes et d'un glossaire, par
Louis Babré, ancien professeur de philosophie. — Inl8
jésus, sxxv-612 p. - Paris, librairie Garnier frères, 6,
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CURIEUX. — En vente à la librairie Sandoz et Fischba-
cher, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : 1« année, 15 fr.;
2= année, 10 fr.; 3" année, 12 fr.; W année, 8 fr.; 5= année,
12 fr. — Chaque année se vend séparément. — Envoi
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l'ancienne langue et l'ancienne prononciation française. —
Thèse présentée à la faculté des lettres de Paris, par F.
Talbert, professeur de rhétorique au prytanée militaire de
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Collège de France et de l'Ecole normale supérieure, 7, rue
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<28
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logique et par noms d'auteurs, avec biographie et notices.
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nales avec des notes et une notice. — Par P.L. Jacob,
bibliophile. — Paris, Adolphe DeMiays, éditeur, 4-6, rue
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CHARLEsSonBL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colombay. — Paris,
Adolphe DelahaySj éditeur, i-6, rue Voltaire. — In-16 :
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LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
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France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
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César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Angleterre ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice à
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On s'abonne en s'adressant à M. Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte, à Paris.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1375.
Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur
d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur.
Sont seuls admis à concourir : 1» les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane, — 2° les
étrangers, membres effectifs ou correspondants de cette Société.
Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire de la Société Florimontane, avant le 1" juillet 1875. Ils resteront
déposés aux archives de ladite Société, où les auteurs pourront en prendre connaissance.
Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins de cent vers.
Le treizième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 187/i. —Dix médailles seront
décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Evariste Carrance, président du Comité, 92, route
d'Espagne, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
L'Académie française donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone.
Le nombre des vers ne doit pas excéder celui de deux cents.
Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secrétariat de l'Institut, franches de port, avant
le 15 février 1875, terme de rigueur.
Les manuscrits porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint h l'ouvrage;
ce billet contiendra le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître.
On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Le rédacteur du Courrier de Vaurjclo.s est visible à son bureau de midi à une heure cl demie.
Imprimerie GouvuRMiUH, G. Daopeley à Nogent-le-hotrou.
5* Année.
N" 17.
1»' Décembre 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
-^V \ \\)^ Journal Semi-Metisuel "^Jj/i r\,
V \J CONSACRÉ A L* PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE ^A^
ParaUiant la 1* «t le IS de ehaane moia
PRIX :
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Idem pour l'Étranger 10 f.
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ANXIEN PROFESSEUR SPÉCI.\L POUR LES ÉTR.\NGERS
Oflicier d'Académie
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En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Admi
M. FiscBBACBEB, 33, me de Seine.
SOMMAIRE..
Origine du mot TarUt/fe; — Explication de Courte honte; —
Comment une phrase renfermant une comparaison d'inégalité
peut être incorrecte avec iVe dans le second membre. || Expli-
cation du proverbe Un averti en vaut deux; — Signification
littérale de l'expression De plus belle. || Passe-temps gramma-
tical. Il Suite de la biographie de Vaugelas. || Ouvrages de
grammaire et de littérature. 1| Renseignements pour les profes-
seurs français. || Concours littéraires.
FRANCE
Première Question.
Où Molière a-t-il pris le nom de tartuffe, qui est
devenu dans notre langue le synonyme de hïpocbite,
depuis qu'il l'a appliqué à l'un de ses personnages ?
Il règne à ce sujet trois opinions différentes que je
Tais d'abord vous faire connaitre et ensuite discuter.
\° Nos pères du xvi^ siècle disaient tartufle pour
trufe ou trufle, comme on parlait alors, et preuve,
c'est que le traducteur français du traité de Platine
[De honesfa volupfa/e] a donné pour titre Des truffles
ou tartulfles à l'un des chapitres de son livre IX.
Or, comme nous avons employé, pour tromper, le
verbe truffer, que l'on suppose dérivé de truffe, on
peut croire qu'on a dit aussi tartuffer, dans le même
sens, et que Molière a appelé son béros Tartuffe pour
signifier un bomme trompeur et non moins difficile à
pénétrer que les tartuffes ou truffes, qu'on ne trouve et
ne découvre qu'avec beaucoup de difficulté.
Telle est l'opinion de Le Ducbat, partagée par M. Tas-
chereau [Vie dr Moliire, p. •126, 3'' édition).
2° Dans ses Œuvres de Molière avec des remarques
grammaticales (1773), Bret s'exprime ainsi sur l'ori-
gine du mot Tartuffe (tome IV, p. 399) :
Voici ce que la tradition nous apprend à cet égard : Plein
de cet ouvrage qu'il tnéditoit, Molière se trouva un jour
chez le Nonce du Pape avec plusieurs personnes, dont un
marchand de truffes, vint par hasard animer les phisio-
nomies béates et contrites. Tartu/foli, Signor Auntto, tartuf-
folil s'écrioient les courtisans de l'Envoyé de Rome, en lui
présentant les plus belles Attentif à ce tableau, qui peut
être lui fournit encore d'autres traits, il conçut alors le
nom de son imposteur d'après le mot de Tartu/J'oli, qui
avoit fait une si vive impression sur tous les Auteurs de la
scène.
3° Du temps de Molière, il courait par toute l'Europe,
à l'état de manuscrit, un poème, le Malmantile, ayant
pour auteur Lippi, ouvrage plein de facéties, de pro-
verbes, de plaisanteries, de locutions populaires, de
mots du meilleur comique, et qui devait certainement
être au premier rang parmi ceux dont Molière préférait
la lecture. Or, dans ce poème, à la stance 'û du livre xi,
là où il est question du combat d'Egène et de Grand-
Baptiste, on trouve ces vers :
E tanto fach'Egeno il mal tartufo
Manda con un buffeto a far qiierciuolo.
(Et fait tant qu'Egène envoie d'une cbiquenaude la
méchante truffe faire l'arbre fourchu.)
Et lartufo ne devait pas être un mot forgé par Lippi,
car Minucci, qui a annoté le poème de Lippi, ne con-
sacre que ces mots à Tartufo : « Uomiccittlo di caitivo
animo », ce à quoi il ne se fût pas borné si tartufo eiit
été un mot nouveau, ou seulement inusité.
D'où cette conséquence tirée par Génin [liécréat., I,
p. '292i que non-seulement .Molière n'a point inventé
le mot Tartuffe, mais qu'il l'a pris tout fait dans l'ita-
lien vulgaire.
Reste maintenant à découvrir parmi ces trois opinions
celle qui est, ou la vraie, ou du moins la plus vraisem-
blable.
Première opinion. — Les objections ne manquent
pas contre elle, et ces objections, comme on va le voir,
sont telles qu'il est bien difficile de l'adopter.
{a] Je n'ai trouvé aucun texte autorisant à croire
qu'on ait jamais dit. en français, tartuffer pour trom-
per. Alors comment Tartuffe en viendrait-il?
[b] SI Molière avait tiré de tarluffrr le nom du héros
de sa pièce, ce personnage imposteur aurait dû s'ap-
peler, non pas Tartuffe, mais bien Tartuffeur; et comme
ce mot n'a jamais paru, du moins à ma connaissance,
130
LE COURRIER DE VAUGELAS
dans un vocabulaire de notre langue, il en résulte que
Tartuffe peut difficilement être considéré comme venu
de tarluffrr.
\c] Le Duchat prétend que Molière, en prenant ce titre,
a voulu indiquer que la pensée d'un hypocrite n'est pas
plus facile à découvrir que les truffes. Mais, dans cette
hypothèse, Molière, comparant sou héros à une tartuffe,
aurait dit, il me semble :
Cet liomme est comme une iariujfe.
et, par abréviation :
C'est une tartuffe.
Or, il l'a appelé le Tartuffe, un nom masculin; ce
litre ne peut donc lui avoir été suggéré par une compa-
raison avec une tartuffe (truffe), dont le nom est du
genre féminin.
[d] Le Tartuffe fut joué pour la première fois le
■12 mai 1664. Or, à cette époque, il y avait longtemps
que truffe se disait à l'exclusion de tartuffe. Pourquoi
Molière, s'il voulait un titre faisant allusion à un végé-
tal, n'a-t-il donc pas intitulé sa pièce le Truffe, expres-
sion bien plus connue de ses contemporains que l'autre,
et partant, plus significative?
Seconde opinion. — Quoiqu'elle soit en quelque sorte
confirmée par une variante que le ?iational a publiée
dernièrement, j'ai peine à croire que Tartuffoli,signor,
Tartuffoli, soit l'origine de Tartuffe, et cela, pour deux
raisons, qui me semblent militer avec succès contre
celle origine traditionnelle.
(a) Le nom d'un personnage de théâtre peut être le
sobriquet dont l'auteur qualifie, dans sa pensée, un
personnage réel à cause d'un certain mol qu'il lui a
entendu dire lorsqu'il l'a vu pour la première fois. Ainsi,
par exemple, un auteur comique en train de composer
une pièce entend quelqu'un du caractère qu'il veut
peindre employer ou prononcer d'une façon singulière
l'expression tiéanmoins; il lui sera certainement per-
mis de se servir de celte expression pour dénommer
son personnage. Mais cela ne se fait, je pense, que
si la personne prise pour modèle répète souvent et à
tout propos cette expression particulière, et produit
ainsi une espèce d'agacement sur l'oreille de celui
qui l'écoute. Or, Molière, que l'on adopte la ver-
sion de Bret ou celle donnée par le National, n'aurait
entendu qu'une ou deu.v fois le mot tartuffoli, et
j'estime que ce n'est pas suffisant, surtout s'il était
amateur de truffes, pour faire admettre qu'il ait créé,
par désagréable réminiscence, le terme dont il est ici
question.
(b) Lorsque le titre d'une pièce est donné d'après le
nom de l'un de ses personnages, je ne crois pas qu'il
prenne jamais l'article défini le, si ce personnage a
reçu son nom d'une expression que l'auteur a entendu
répéter. Il me semble, par exemple, qu'on n'intitulerait
pas le Delenda tme pièce dont le héros ferait allusion
à quelqu'un ayant toujours à la boMC'be les mots de
Galon au sujet de Carthage. Or, on dit, et Molière lui-
même a dit Ipréface de la première édition de sa pièce; :
le Tnrtufff. Il faut donc que ce titre ait une autre origine
que l'exclamation : Tartuffoli, tartujfoli!
Troisième opinion. — Je ne vois qu'une légère
objection à faire ici ; c'est que, dans la langue italienne,
tartufo ne se prenait pas dans le sens d'hypocrite, que
le chef-d'œuvre de Molière a irrévocablement imprimé
à Tartuffe. Mais il n'est pas rare, je crois, de voir des
mots qui modifient ainsi plus ou moins leur significa-
tion en passant d'un idiome dans un autre.
Chez les Latins, comme nous l'apprend Génin, le
champignon, funç/us, servait à une métaphore mépri-
sante; tartufo, en italien, est l'abrégé de tartufolo,
Iruffe, tubercule que l'on considérait, selon le même
auteur, comme une pourriture de la terre. Molière ne
pouvait guère choisir un terme plus énergique pour
flageller, comme ils le méritent.
Ces gens qui, par uns âme à l'intérêt soumise
Font de dévotion métier et marctiandise.
Du reste, avec le mol pris dans Lippi, tout s'explique :
le genre masculin de Tartuffe, parce que tartufo est
masculin en italien; l'article défini le, parce qu'en
italien ce mot se trouve em]3loyé avec la même espèce
d'article dans il mal tartufo; et en partie aussi la
signification, car tartufo est appliqué dans Lippi à
un personnage (un nain au service du prince Matthias
de Toscane) qui a tous les vices possibles, et notam-
ment celui du libertinage.
Aussi, incliné-je fortement à croire, d'accord en cela
avec Génin et avec M. Litlré, que c'est bien le tartufo
de Lippi qui a fourni Tartuffe à Molière.
X
Seconde Question.
Ayant lu dans le Pays du 27 février 1874 la phrase
suivante : « Ces pauvres diables en seront pour leur
COURTE HOSTE j), je désirerais savoir d'abord si cette
expression est bien française, et ensuite, comment on
peut Vexpliquer. Agréez d'avatice mes remerciements
pour votre réponse.
L'expression courte honte existait dans notre langue
au xvi" siècle, car je l'ai trouvée dans la phrase sui-
vante de Pierre de l'Estoile :
Mais voyant le Peuple mutiné et armé, pour repousser
la force par la force, se retira avec sa courte honte.
(Jourttnt de Henri llî, vol. I, p. 20»,)
Elle n'a pas cessé de s'employer depuis, comme le
prouvent ces exemples :
(wii' siècle)
Tu me vois avec ma courte honte.
(Th. Corneille, Don Bert. de Cigarrnl, IV, «,)
Qu'il serait pris ainsi qu'au trébucliet
Et s'enfuirait avec sa courte honte.
(La Fontaine, Confid.\
(xviii« siècle)
Pour laisser le marquis avec sa courte liante.
(Hauteroche, Bourg, de quai.. III, I.)
Le cliat court, mais trop tard, et bien loin de son compte,
N'eut ni lard ni souris, n'eut que sa courte honte.
(La Motte, /n«« IV, 8.)
Par conséquent, l'expression dont il s'agit, en usage
au moins depuis trois siècles, est bien française, cela
ne peut faire l'ombre d'un doute.
LE COURRIER DE VAUGELAS
431
Quant à son explicalion, je vais essayer de vous la
donner, quoique M. Liltré déclare que cela ne peut se
faire « avec quelque sûreté », attendu que ladite expres-
sion manque complètement d'historique.
On emploie l'expression courte honte pour signifier
qu'on a échoué dans une tentai ive; honte s'explique,
car ce mot signifie d'après Furetière :
• Confusion, trouble, pspèce de tristesse mêlée de colère
qui vient de l'opinion qu'on a d'être blâme ou tnép^i^é des
autres •
et l'on éprouve ce sentiment-là en cas de non-réussite
dans quelque entreprise.
Mais que fait là courte ? L'expression courte honte
veut-elle dire, comme le suggère M. Littré, « honte à
court délai, honte qui arrive tout de suite » ou bien
« une honle avec laquelle on demeure court, on est
arrêté court « ?
Ni l'un ni l'autre, à mon avis.
Dans le dictionnaire de Dominguez, j'ai trouvé qu'en
espagnol Rester avec sa courte honte se dit : Quedarse
à solas con sti poca vergiienza; et comme l'adjectif
foca signifie court, de peu de durée, j'en conclus que
la locution courte honte veut dire tout simplement
honte de queUiues instants.
On peut, du reste, justifier cette explication sans
sortir du domaine de la langue française. En effet, nous
avons une autre expression plus populaire pour signifier
la honle de n'avoir pas réussi dans une entreprise; c'est
Avoir un pied de nez. Or, dans l'esprit de celui qui
emploie celte dernière expression, l'allongement du nez
(signe de honte; ne dure qu'un instant, le temps que
met à se passer l'émotion produite par l'échec éprouvé ;
n'esl-il pas naturel alors que, pour exprimer, sans
recourir à une figure, une honte qui également dure
peu, on l'appelle une courte honte?
X
Troisième Question.
D'Alembert a dit [lettre à Voltaire du 4 octobre
4764) : « // vaut mieux tuer le diable que le diable >e
nous tue, » tandis que Mossillon, d'après vous iCoLuniER,
3° année, p. 4 00), aurait dit : « // vaut mieux que
l'innocent périsse que si toute la nation allai/ .se révolter
contre César. » Ces deux phrases renferment toutes deux
une comparaison d'inégalité, ce qui exige généralement
NE après QBE, et il se trouve que celle qui a n'e est in-
correcte, lorsque celle qui ne l'a pas est correcte. Com-
ment expliquez-vous cela ?
Dans toute comparaison, on supprime généralement
après que les termes communs aux deux membres.
Ainsi, au lieu de dire ;
J'ccm aussi bipn que tu écris.
Vous marchez moiiis vite que je ne marche.
Ils visent plus juste que nous ne visons.
on dit, en transformant le pronom sujet en pronom à
forme de régime et en ellipsant la négation avec le verbe
s'il s'agit d'une comparaison d'inégalité :
J'écris aussi bien que toi.
Vous marchez moins vite que moi!
Us visent plus juste que nous.
Mais il _v a un cas dans lequel cette simplification n'est
pas possible.
Quand le verbe répété est suivi d'un régime annoncé
par la conjonction que, comme dans :
Il est moins rpgrotlable qu'il se soit ruiné qu' [il ne se-
rait regrettable' ^M'il se fût tué.
l'ellipse des termes communs aux deux membres,
termes mis ici entre parenthèses, amène à la suite l'un
de l'autre deux que, construction qui n'est pas admise
dans la langue moderne, car on ne peut pas dire :
Il est moins regrettable qu'il se soit ruiné que qu'il se
fût tue.
11 faut alors remplacer le second (/!/eparla conjonction
si, après laquelle on met le présent ou l'imparfait selon
que le verbe supprimé est au premier ou au second de
ces temps :
Il est moins regrettable qu'il se soit ruiné que s'il s'était
tué.
Or, la phrase comparative de Massillon, à laquelle la
règle de syntaxe dont je viens de parler a été bien
appliquée, a naturellement perdu sa négalion avec son
verbe, en quelque sorte remplacé par si; mais il en a
été autrement pour celle de D'Alembert, qui, en vertu
de la même règle, aurait dû, au lieu de conserver la
négation, être construite comme il suit :
Il vaut mieux tuer le diable que si le diable nous iuait.
Et voilà comment il se fait que de deux phrases
exprimant une comparaison d'inégalité. Tune est fau-
tive quoique renfermant ne, tandis que l'autre est cor-
recte quoique celte négation en soit absente.
ÉTRANGER
Première Question.
Pourrais-je savoir, par votre journal, d'abord si, dans
le proverbe c.\ averti en vaut deux, le mot averti
siguifie, comme quelques-uns le disent, A verti, (A
retourné); et ensuite ce que vous pensez de la double
forme de ce proverbe, car je trouve dans mon Littré :
UN BON averti en vact decx?
11 a été donné plusieurs explications de ce proverbe.
^elon Le Duchat, il a pour sens littéral qu'un a avec
un accent circonfiexe frer.'ius, contourné) vaut deux a
comme dans le mol dge, qui s'écrivait autrefois aage.
Jadis, d'après Charles Nodier, le mol verti (du latin
vertere) élait français, et voulait dire tourné; et
comme, dans les signes conventionnels de l'imprimerie,
un A retourné (y) valait deux A, on disait : un A verti
en vaut deux.
Dans ses Petites ignorances de la Conversation,
.M. Charles Rozan a donné l'explication suivante :
La phrase complète est : un homme averti en vaut deux,
un homme prévenu, sur ses g.iides, est doublement fort,
doublement en état de prendre ses précautions, ses me-
sures.
Laquelle de ces explications est la vraie?
Je ne crois pas que ce puisse être la première; car je
n'ari vu nulle part que le participe latta versus ait
432
LE COURRIER DE VAUGELAS
signifié contourné, enveloppé, pour ainsi dire, d'un
signe en forme d'arc; puis, cela fûl-il, il n'aurait pas
toujours été vrai, bien loin s'en faut, qu'un a verti fiît
mis pour deux «, car combien û'a infiniment plus nom-
breux dont l'accent circonflexe n'indique que la sup-
pression d'une «.'
Séduit par la seconde explication, j'en avais fait
choix dans ma Sijl/rxie (explication des proverbes);
mais je l'ai abandonnée depuis, parce que j'ai appris
dans Roquefort que vertir avait signifié tourner,
changer, traduire dune langue dans une autre; dans
Nicot, venir dans quelque lieu; dans Du Gange, retour-
ner d'où l'on était parti; dans Trévoux, s'appliquera
quelque chose, retourner, sens qu'il conservait encore
parmi les Normands (l'771), et que, nulle part, je n'ai
rencontré ce verbe avec le sens de renverser, mettre
sens dessus dessous.
Il ne reste plus que la troisième explication, qui me
semble très-naturelle, et que, jusqu'à preuve d'erreur,
je tiendrai pour la bonne.
Voyons maintenant la forme de l'expression.
Dans sa première édition (1694), l'Académie disait
simplement un averti :
On dit proverbialement Qu'un adverty en vaut deux
pour dire Qu'en toutes sortes d'affaires, un homme qui en
est instruit a un grand avantage sur un autre qui ne l'est
pas.
Dans la seconde (I7IS), pour un motif que je ne suis
pas parvenu à découvrir, elle modifia la forme du pro-
verbe en y introduisant l'adjectif bon; on trouve en
effet dans cette édition :
On dit proverbialement qu'Un averti, qu'un bon averti en
vaut deux, pour dire, etc.
Cette double forme s'est maintenue dans les trois
éditions suivantes; mais dans la sixième (1835), la
forme ancienne disparaissait, et l'Académie ne donnait
plus que la nouvelle :
Un lion averti en vaut aeux.
Or, il s'agit de savoir si cette dernière leçon vaut
autant que la première, si elle vaut mieux ou si elle
vaut moins.
Quoique M; Littré ne donne non 'plus le proverbe
qu'avec l'adjectif bun, je crois que la première est infi-
niment préférable, et pour des raisons que je vais vous
faire connaître :
i" Le sens du proverbe n'est pas qu'un homme bien
averti en vaut deux autres, mais seulement qu'un
homme averti en vaut deux ; en d'autres termes, qu'on a
un double avantage quand on est averti.
2° C'est la forme ancienne, celle qu'ont employée les
inventeurs mêmes du proverbe, c'est-à-dire ceux qui
comprenaient le mieux ce qu'il doit signifier; forme qui
a été suivie par Furetière, par Trévoux, par Georges
de lîacker, par Leroux, etc.
3" Dans les langues étrangères qui ont le même pro-
verbe, l'adjectif 6ow (son correspondant je veux dire) ne
figure nulle part : il n'est ni dans l'anglais fore-icar-
ned, fore-aruied (averti d'avance, armé d'avance), ni
dans l'espagnol, qui le traduit par : el qur rsti avisado
vale por dos (celui qui est averti en vaut deux), ni dans
l'italien, qui l'exprime comme il suit : uomo avvisato è
mezzo salvato (un homme averti est à moitié sauvé), et
qui ne met bon que lorsqu'il rend averti par avertisse-
ment : un buon avvertiinento ne val molli (un bon
avertissement en vaut plusieurs).
4° L'adjectif bo7i ne peut figurer grammaticalement
avant averti^ parce que ce mot n'est ni un substantif,
ni un participe employé comme substantif; devant un
tel mot, on ne peut mettre qu'un adverbe, qui serait
bien dans le cas actuel.
5° Le proverbe s'exprime aussi par un homme averti
en vaut deux; La Mésengère et Quitard le présentent
sous cette forme. Or, nul ne s'est jamais avisé d'y faire
entrer bien avant averti, ce qui prouve que ce terme
doit y paraître sans modiflcatif.
Un bon averti en vaut deux, n'est point rigoureuse-
ment l'équivalent de un averti en vaut deux, et déplus,
l'adjectif bon y constitue un barbarisme. Cette nouvelle
forme est donc à rejeter.
X
Seconde Question.
Je trouve bien dans les dictionnaires que l'expression
DE PLDS BELLE signifie de nouveau, plus que jamais, en
augmentant [Littré], encore davantage. Mais je n'en
rois nulle part l'explication littérale. Pourriez-vous la
donner ? Je suis persuadé que plus d'un parmi vos lec-
teurs la lirait avec plaisir.
Autrefois, l'idée adverbiale de bien s'exprimait en
français par bel, beau, ainsi que le montrent ces
exemples :
(Bel)
Sa mère entra, si s'assiet devant li;
Bel li pria : fille, prenez mari.
(Homancero, p. ^3.)
Bel et courtoisement a le roi salué.
{Berte, LXVU.)
J'ai mes petis enfans à qui je suis tenus
Plus qu'as povres estranges, ne qu'as frères menus-,
Je les ai jusque ci bien et bel maintenus.
(J. de Meung, TetC, 355.1
(Beau)
0 ! vous facteurs parlans beau comme ung ange,
D'tionneur et loz donnez ung million
Au roy Loys.
(J. Marot. p. 134, éd. de I7i3.)
Ses successeurs voyaus qu'ils n'y gagnoient rien, se
déportèrent bien et beau de ceste obstination.
(Calvin, Instit., 909.)
Cela permettait de rendre mieux sous la forme d'un
comparatif régulier; on disait plus beau ou plus bel,
comme le font voir les citations suivantes :
Ver.s une rivière m'adresce,
(lue j'oï près d'ilecques bruire;
Car ne me soi aillors déduire
Plus bel que sus celé rivière.
{Rom. de la Hose, vers 107. j
Et d^s lors recommença plus beau que devant i. siffler.
iDe» Périors, Contts CXV.)
LE COURRIER DE VAUGELAS
133
Mais, par un caprice de l'usage, plus beau cessa de
s'employer, cédant la place à plus bel; et, comme ce
dernier se plaçait après le verbe en qualité d'adverbe,
on cruL probablement que, dans les phrases où il ligu-
rail, le mol manière était sous-entendu, ce qui induisit
à écrire bel au féminin, et à faire précéder jj/«s de la
préposition de comme si l'expression eût été l'abrégé
de de la plus belle manière :
Les corbeaux recommencèrent à crier arrière de plus
belle.
(Amyot, P/ioc. u, dans Uittré.)
Tant que l'ennemy est en pieds, c'est à recommpncer de
plus belle: ce n'est pas victuire.si elle ne met fin à la guerre.
^Montaigne, 1. 35l.)
Telle serait, selon moi, l'origine si généralement
ignorée de l'expression de plus belle. Cette expression
voudrait dire, au sens littéral, mieux, et c'est de cette
signiOcalion fondamentale que seraient dérivées toutes
celles qui se trouvent recueillies dans la question que
vous m'avez transmise.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1°... qui se sont succédé; — 2° c'est bien pis au village; —
3°... qu'il a autre chose à faire que de combattre; — 4'... a
pris le chemin de l'Italie en faisant station à Grenoble; —
5"... participation à l'esprit du Christ; — 6'... ne laisse pas
d'avoir (pas de que) ; — 7°. ..n'y va pas par quatre chemins ; —
8°... qu'à la question accessoire; — 9°... on avait in/ormé
l'autorité prussienne; — 10^.. pour distinguer ces conserva-
teurs.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1° Quoiqu'il en soit, les arguments que cet écrivain judéo-
ale.xandrin fait valoir pour prouver que les philosophes
païens avaient mis à contribution les livres de Moïse, sont
de deux sortes.
2* D'une part, la mobilité avec laquelle don Carlos change
ses généraux n'a pas laissé que d'impressionner défavora-
blement ses partisans les plus sincères.
3* M. le maréchal est arrivé à Compiègne à dix heures et
demie, après avoir déjeuné en wagou. .aussitôt arrivé, la
chasse a commencé.
4° Les aspirations à l'indépendance des nationalités mi-
souveraines et à demi-civilisées qui occupent le cours infé-
rieur du Danube vont s'affirmant chaque jour d'une ma-
nière plus prononcée.
5* On aura beau dire, clamait-il, M. Thiers est le seul
diplomate que nous possédions, et si du maître nous pas-
sons aux élèves, on ne peut nier que ceux qu'il a faits
n'aient déjà acquis une certaine notoriété.
6' En douter est peu clairvoyant, s'en irriter serait in-
juste ; la majorité du 'i4 mai n'a pas été faite pour créer,
mais bien pour empêcher qu'on créât quelque chose.
7° C'est ce que M. le duc Decazes a fait comprendre aux
membres présents, en déclarant qu'il acceptait d'ailleurs
devant l'Assemblée l'entière re.'^ponsahilité de la politique
extérieure qu'il avait conseillée d'adopter.
8' Il n'est pas un personnage ayant un caractère officiel
et gouvernemental quelconque qui songe à autre chose
qu'à éviter la dissolution de l'Assemblée sur l'organisation
du septennat.
9' Nous avons conquis, nous avons fait les peuples se
heurter les uns contre les autres; nous avons pétri, en
les écrasant sous notre talon, les générations du globe.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVII* SIÈCLE.
VAUGELAS.
'Suite. '
Arroser. — C'est ainsi qu'il faut dire, et non pas
arrovser, quoique la plupart le disent et l'écrivent,
cette erreur étant née lorsque l'on prononçait ctiouse,
coûté, foussé pour chose, côté, fossé.
C'est chose glorieuse. — On parlait encore ainsi du
temps du cardinal du Perron, de Coëffeteau et de
-Malherbe; mais tout à coup cette locution a vieilli, et
l'on dit maintenant (1647; c'est une chose glorieuse.
Quelque chose. — Quoique chose soit féminin, ces
deux mots font comme un neutre selon leur significa-
tion ; voilà pourquoi il faut dire, par exemple, ai-je fait
quelque chose que vous n'ayez fait ? et non pas que vous
n'ayez- faite.
Taxer. — Ce mot, qui a été employé par tant d'excel-
lents auteurs anciens et modernes pour dire blâmer,
noter, reprendre, n'est plus reçu aujourd'hui dans le
beau langage.
Supplier. — Bien que ce terme soit beaucoup plus
respectueux et plus soumis que celui de prier (car il
faut àÀTe, prier le ftoi et non suppli?r le Boi), il ne faut
jamais cependant dire supplier Dieu, ni supplier tes
Dieux, comme le disent quelques-uns de nos bons
écrivains dans leurs traductions des livres anciens. On
doit dire prier Dieu, prier les Dieux.
A la réservation. — Cette expression est barbare. Il y
a peu de gens qui ne sachent qu'il faut dire : à la
réserve de.
Aller à la rencontre de quelqu'un. — Celle phrase,
quoique très-commune, n'est pas approuvée de ceux qui
font profession de bien écrire.
Par après, en après. — Ces manières de parler sont
vieilles, et à leur place, on dit après tout seul.
Cependant, pendant. — Il y a cette différence entre
les deux que cependant est toujours adverbe, et qu'il ne
faut jamais dire cependant que, tandis que pendant
n'est jamais adverbe, mais tantôt conjonction comme
dans pendant que vous ferez cela, et tantôt prc|)Osition,
comme dans pendant les vacations.
.A présent. — Vaugelas sait bien que tout Paris ledit,
et que la plupart de nos meilleurs écrivains en usent ;
mais il sait aussi que cette façon de parler n'est point
de la l'our. On y dit « celle heure, maintenant, aujour-
d'hui, en ce temps, présentement.
A qui mieux mieux. — Locution vieille et basse
(1647), qui n'est plus en usage parmi les bons auteurs,
4 34
LE COURRIER DE VAUGELAS
ainsi que à qui mieux, comme l'écrivent quelques-uns.
Il faut dire « l'envi.
Partant. — Ce mot, qui semble si nécessaire dans le
raisonnement, et qui est si commode en tant de ren-
contres, commence néanmoins à vieillir et à n'être plus
guère reçu dans le beau sljle.
Lors et Alors. — C'est mal parler que de dire, comme
font quelques-uns de nos meilleurs écrivains, voijant
lors le péril dont il était menacé. Le maître des maîtres,
Tusage, enseigne qu'il faut dire voyant alors le péril, etc.
A peu près. — Quelques-uns soutiennent qu'au lieu
de cela il faudrait dire à forprès, et d'autres disent et
écrivent à plus près, comme plus conforme à la raison
et plus aisé à comprendre. Vaugelas n'est pas de cet
avis ; car, outre qu'il n'y a pas à répliquer contre
l'usage, qui établit bien d'autres manières de parler
contre la raison, il ne lui semble pas qu'à peu près
doive être mis au nombre de celles-là.
Il en est des hommes comme de ces animaux. — Cette
forme de comparaison est très-française et très-belle ;
mais il y a une chose à laquelle nos meilleurs écrivains
sont accoutumés de manquer ; c'est qu'ils disent il en
est, quand il faut ôter le mot en.
Revêtant, Revêtissant. — Il faut dire revêtant, parce
que le « participe actif » se forme de la première per-
sonne plurielle du présent de l'indicatif, en changeant
ons en ant.
Humilité. — L'usage de ce mot, dans notre langue,
est purement chrétien, et ne signifie point du tout ce
que humilitas veut dire en bon latin, les anciens
« Payens » ayant si peu connu celte vertu chrétienne.
Rimes dans la prose. — Il faut avoir grand soin
d'éviter les rimes en prose, car elles y sont un grand
défaut ; et ce n'est pas assez de les éviter dans les
cadences des périodes, ou des membres d'une période,
il faut les éviter dans les mots rapprochés les uns des
autres comme, par exemple, dans il entend pourtant
avant toutes choses, davantage de courage, etc.
Exact, Exactitude. — Plusieurs écrivent exacte au
masculin ; c'est très-mal, il faut exact. Quant à exacti-
tude, c'est un m.ot que Vaugelas « a vu niiître comme
un monstre », tout le monde criant contre lui ; mais il
avait prévu qu'on « s'y a[)privoiserail » parce que c'élail
un mot nécessaire.
Mânes. — Il faut prendre garde de l'employer comme
les Latins, pour signifier les Dieux infernaux; il ne
s'emploie dans notre langue, ni en poésie ni en prose,
que dans la signification de âme d'une personne.
Souloit. — Quoique ce mot (imparfait du verbe sou.
loir, avoir coutume) soit vieux, il serait fort à souhaiter
qu'il fût encore en usage parce que l'on a souvent besoin
d'e.x|irimcr ce qu'il signifie.
Autant. — Quand ce mot est comparatif, il demande
que après lui, et non pas comme, qu'emploient ;i tort
une iiiliiiité de gens.
Oui. — Vaugelas ne peut comprendre pourquoi ce
mol vcul que l'on prononce celui qui le précède « tout
de même » que s'il y avait un h consonne devant oui,
el que l'on écrivit houi. Ainsi, quoique l'on écrive cet
oui, on prononce ce oui.
Innumerable, Innombrable. — Du temps du cardinal
du Perron el de M. Coëffeteau, on disait toujours inn.u-
merable, et jamais innombrable ; maintenant (1647),
c'est le contraire, on dit innombrable et non innume-
rable.
Mêmement. — Il y a 25 ans (1647), il passait déjà
pour vieux ; on disait mêmes à sa place. Il n'a pas été
rajeuni.
De deçà. De de-là. — Il y en a qui disent les nou-
velles de de deçà ; il faut , en mettant un de de moins,
dire les nouvelles de deçà.
Affaire. — Ce mot est toujours féminin à la Cour et
dans les bons auteurs; au Palais, on l'a toujours fait
masculin jusqu'ici, mais les jeunes avocats commencent
à le faire féminin.
Bénit, béni. — Tous deux sont bons ; mais ils s'em-
ploient différemment. Bénit semble être consacré aux
choses saintes. On dit à la Vierge : Tu es bénite entre
toutes les femmes ; on dit de l'eau bénite, du pain bénit,
un cierge bénit. Mais hors de là, on emploie toujours
be7ii et bénie.
Dépenser, dépendre. Tous deux sont bons, car ils
se disent el s'écrivent tous les jours, avec cette diffé-
rence pourtant que dépenser était autrefois plus en
usage à la Cour que dépendre, el qu'aujourd'hui, au
contraire, on y dit plutôt dépendre que dépenser. Ce
dernier est maintenant plus usité à la Ville.
Guigner la bonne grâce. — C'est une faute ; on doit
dire guigner les bonnes grâces, car bontie grâce, au sin-
gulier, signifie autre chose qu'au pluriel.
Délice. — Beaucoup de gens disent c'est un délice ;
mais c'est une façon de parler très-basse. Délice ne se
dit point dans le beau langage autrement qu'au pluriel,
nombre auquel il est féminin.
Guarir, guérir, sarge. — Autrefois, on disait plutôt
guarir que guérir ; mais ceux qui parlent el écrivent
bien disent guérir. — Toute la ville de Paris dit serge,
el toute la Cour dit sarge.
A travers, au travers. — Tous deux sont bons ; mais
au travers est beaucoup meilleur el plus usité.
A rencontre. — Ce terme est purement du Palais, où
il s'emploie comme préposition et comme adverbe ;
mais il ne se trouve point dans les bons auteurs, et ne
se dit jamais à la Cour.
// fut fait mourir. — Cette façon de parler est très-
ordinaire le long de la Loire el dans les provinces voi-
sines pour dire : // fxit exécuté à murt . La noblesse
du pays l'a ajiporlée à la Cour, où plusieurs l'emploient
aussi, et Coëfi'eteau, qui était du Maine, en a usé égale-
ment. Celte locution se trouve en italien. Malgré cela,
elle est condamnée par tous ceux qui font profession de
bien parler et de bien écrire.
Encore. — Qu'on emploie toujours celle orthographe,
mais jamais encor ni cncores.
[La suite au prochain numéro.)
Le RKUACTEDa-GÉBANT : Ema« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
133
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine
Un Prêtre marié ; par Jules Barbey d'Aurevilly. 3" édi-
tion. ln-12, /|36 p. Paris, lilx Palmé.
Trente ans dans les harems d'Orient. Souvenirs
intimes de Melek-Hanum, femme de S. A. le grand-vizir
Kibrizli-Mehemet-Pacha. 18Z|0-1870. In-18 jésus, i\-36/i p.
et port. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Les Pensées; par Biaise Pascal. Edition revue. Iq-8',
237 p. Limoges, lib. E. Ardant et Cie.
Mademoiselle de Cérignan ; par Maurice Sand. In-i8jé-
sus, 363 p. In-18 Jésus. Paris, lib. Michel Lévy frères. 3 fr. 50.
Trois mois de vacances ; par Mme iNanine Souvestre.
7= édition. In-12, 'J87 p. et grav. Tours, lib. Mame et fils.
Les Enfants du capitaine Grant, Voyage autour
du monde; par Jules Verne. 3" partie. Océan pacifique.
9' édition. In-18 jésus, 292 p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 3 fr.
La Poésie, études sur les chefs-d'œuvre des poètes
de tous les temps et de tous les pays ; par Paul Albert,
maître de conférences à lEcole normale supérieure. 3' édi-
tion. In-8°, i02 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 5 fr.
Nouvelle Grammaire française fondée sur l'histoire
de la langue, à l'usage des établissements d'instruction
secondaire; par Auguste Brachet, professeur à l'Ecole poly-
technique. In-12, xix-2/(8 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
1 fr. 50.
Histoire de la littérature française depuis ses ori-
gines jusqu'à nos jours; par J. Demogeot, ancien pro-
fesseur de rhétorique au lycée St-Louis. 14' édition, aug-
mentée d'un appendice, contenant l'indication des princi-
pales œuvres littéraires publiées depuis 1830 jusqu'en 187û.
In-18 jésus, xiv-702 p. Paris, lib. Hachette et Cie. h fr.
Une femme capricieuse; par Mme Emilie Carlen.
Traduit du suédois par Mlle R. du Puget. T. 2. In-18 jésus,
Zi32 p. Paris, lib. Garnier frères.
Nouveaux contes bleus ; par Edouard Laboulaye, de
l'Institut. Briam le fou. Petit bonhomme gris. Deux exor-
cistes. Zerbin. Pacha berger. Perlino. Sagesse des nations.
Château de la vie. 2« édition. In-18 jésus, 326 p. Paris,
impr. Raçon et Cie. 3 fr. 50.
Histoire de Manon Lescaut et du chevalier Des
Grieux ; par l'abbé Prévost. Précédée d'une étude par
Arsène Houssaye. Six eaux-fortes par Hédoin. Première
partie, ln-16, xxxii-180 p. Paris, lib. des Bibliophiles.
La Diva tirelire ; par Léopold Stapleaux. In-18 jésus,
.367 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Extraits des Contes d'un grand-pére ; par Walter
Scott. Publiés avec une introduction et des notes par
A. Talandier, professeurau lycée HenrilV. In-16, viii-l75p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 1 fr. 50.
Les Serées de Guillaume Bouchet, sieur de Brécourt,
avec notice et index, par C. E. Roybet. T. 3. In-12, 319 p.
Paris, lib. Lemerre. 7 fr. 50.
Les Compagnons du Roi; par Albert Delpit. In-18
jésus; 426 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Paris, suite du Paradis des femmes ; par Paul
Féval. 2" édition. In-18 j.-sus, /|88 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Histoire de la littérature française, depuis son
origine jusqu'à la Renaissance ; par Charles Gidel,
professeur de rhétorique au lycée Fontanes. Petit in-12,
Zi76 p. Paris, lib. Lemerre. 2 fr. 50.
Publications antérieures :
DE LA FORMATION DES ANCIENS NOMS DE
LIEU, traité pratique suivi de remarques sur des noms de
lieu fournis par divers documents. — Par J. Quicherat. —
Petit 10-8°. — Paris, librairie A . Franck, 67, rue Richelieu.
ŒUVRES COMPLÈTES DE :\IELIN DE SAINCT-
GELAYS, avec un commentaire inédit de B. de la Mon-
noye, des remarques de MM. Emm. Philippes-Beaulieux,
R. Dezeimeris, etc. Edition revue, annotée et publiée par
Prosper Blanchemain. — T. 2. — In-16, 365 p. — Paris,
librairie ûaffis, 9, rue des Deaux-.Arts.
LE GRAND TESTAMENT DE VILLON ET LE PE-
TIT. Son Codicille. Le Jargon et ses ballades, aussi le
rondeau que ledit Villon fist quand il fust jugé à mort, et
la requeste qu'il bailla k Messeigneurs de Parlement et à
Monseigneur de Bourbon.— 111. — In-16, 120 p. — Lille,
imprimerie Six-Hormans.
CHRONIQUES DE J. FROISSARD, publiées par la
Société de l'histoire de France, par Siméon Luce. T. 5.
1356-1360. Depuis les préliminaires de la paix de Poitiers
jusqu'il l'expédition d'Edouard III en Champagne et dans
l'Ile-de-France. — In-8°, lxxi-Zi36 p. — Paris, librairie
V J. Renouard. — Prix : 9 francs.
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clier, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : i'* année, 15 fr.;
2"! année, 10 fr.; 3" année, 12 fr.; 4= année, 8 fr.; 5= année,
12 fr. — Chaque année se vend séparément. — Envoi
franco pour la France.
DU DIALECTE BLAISOIS et de sa conformité avec
l'ancienne langue et l'ancienne prononciation française. —
Thèse présentée à la faculti^ des lettres de Paris, par F.
T.\LBt;nT, professeur de rhétorique au prytanée militaire de
La Flèche. — Paris, Ernest Tliorin, éditeur, libraire du
Collège de France et de l'Ecole normale supérieure, 7, rue
de Médicis.
CHANSONS POPULAIRES DE LA FRANCE, AN-
CIENNES ET MODERNES, classées par ordre chrono-
436
LE COURRIER DE VAUGELAS
logique et par noms d'auteurs, avec biographie et notices.
— Par Louis Montjoie. — In-32. — Paris, librairie Gar-
nier frères, 6, rue des Saints-Pères.
LE CYMBALUM MUNDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de Bo.n.wenture des Periers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. Jacob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delahays, éditeur, à-6, rue
Voltaire. — Prix; ia-16 : 5 fr. ; in-8» : 2 fr. 50.
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANCION, composée par
CHARLEsSoREL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colombay. — Paris,
Adolphe Delahays, éditeur, /i-6, rue Voltaire.
5fr.; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
• ln-16
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
PROPOS RUSTIQUES, BALIVERNES, CONTES ET
DISCOURS D'EUTRAPEL. — Par Noël du Fail, seigneur
de la Hérissaye, gentilhomme breton. — Edition annotée,
précédée d'un essai sur Noël du Fail et ses écrits. — Par
Marie Guichard. — Paris, librairie Charpentier, 19, rue de
Lille.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur lang^ue à l'étranger.
L
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
Secrétaire du Collège des Précepleurs, /|2, Queen Square à Londres, W. C, qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
II.
Sous le titre de Revue aytglo- française, il paraît à Brigthon une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Angletebre ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice à
ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires. — L'abonnement est de 10 fr. pour la
France, et il se prend à Paris chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires, 33, rue de Seine, ou à la librairie Grassart,
2, rue de la Paix.
CONCOURS LITTERAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Ac.\DÉMiE française proposc pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et Ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au
Concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont inédits et
n'ont été présentés à aucun autre concours. — Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront
une épigraphe qui sera répétée h l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. —
Sont seuls admis à concourir: 1° les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane; 2» les
étrangc-rs, membres effectifs ou correspondants de cette Société. — Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire
de la Société Florimontane, avant le l""- juillet 1875. — Ils resteront déposés aux archives de ladite Société, où les
auteurs pourront en prendre connaissance. — Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins
de cent vers.
L'Académie française donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone. — Le nombre des vers
ne doit pas excéder celui de deux cents. — Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secré-
tariat do l'Institut, franches de port, avant le 15 février 1875, terme de rigueur. — Les manuscrits porteront chacun
une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint h l'ouvrage; ce billet contiendra le nom et
l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours,
mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
IjC réiiacleiir du Courrier de Vnuiichis csl visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouvbhneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
6' Année.
N° 18.
15 Décembre 1874.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
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DE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Journal Semi-Mensuel
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANi;
Paraiaaant la I» et le 1 S de eha«ae mois
PRIX :
Rédacteur: Emàn MARTIN
ON S'ABONNE
Abonnomcnt pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
ANXIEN PROFESSEUR SPF,GI.\L POCR LES ÉTRANGERS
Oflicier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris.
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adm'
M. FiscHBACHEH, 33, rue de Seine.
SO.MMAIRE.
Trois communications; — Étjmologie de Écrevisse; — Justifica-
tion de Tendre comme la rosée; — Emploi de l'impersonnel
Il chaut; — Différence entre Arriver comme Mars en carême
et Arriver comme marée en carême; — Explication de A qui
mieux mieux; — DifTérence entre Ascension et Assompli'in;
— Origine de Pantalon pour désigner un homme. 1| Si Com-
pliment peut se dire quand il arrive un malheur à quelqu'un. ||
Passe-temps grammatical. || Suite de la biographie de Vauge-
las. Il Ouvrages de grammaire et de littérature. || Renseigne-
ments pour les professeurs français. || Concours littéraires.
FRANCE
CO.M.MUNICATIONS.
1.
Le 7 novembre, M. Georges Garnier m'a adressé de
Por[-en-Bessin une liste devant compléter celle que j'ai
donnée dans mon numéro ^^. Je m'empresse de la pu-
blier en faisant suivre d'un astérisqtie les gentilés qui
diffèrent plus ou moins des miens.
A.
Mais, les Alësiens ; klet, les Alétiens; Angoulème, les An-
goulémiens'; Apt, les Aptésiens; Andelys, les Andelysiens:
Arbois, les Arboisiens'; Arras, les Atrébatiens.
B, C.
Brives, les Brivois: Bazas, les Bazadois; Bourges, les Bitu-
rigiens; Cahors, les Cahorsais* ou Cadurques'.
E.
Eu, les Augiens'; Elbeuf, les Elbouviens*.
G.
Grandcatnp, Ips Grandcampois: Gy, les Gyssiens: Guèret,
les Guéretins ou Guérétains.
H, J, L.
Le Havre, les Haïrais; Jussey, les Jusséens; Limoges, les
Lémoviciens' .
M, N, G.
Meaux, les Meldéens; Mirebeau, les Mirebalais; Nantua, les
Nantiiéens ou yantuains; Ornans, les Ornansais.
P.
Poitiers, les Piclaviens; Périgueux, les Pêlricoriens; Port-en-
Bessin, les Portais; Pont-Audemer, les Pont-Audomariens ;
Paimbeuf, les Paimbouviens.
U, R.
Quillebeuf, les Quillebouviens ; Rennes, les Rédoniens*; Ro-
dez, le&Rutèniens*.
S.
Séez, les Sagiens ou Séens': Saint-Brieuc, les Saint-Brio-
siens'; les Sables-d'Olonne, les ùlonnais; Saintes, les Sain-
tons; Saint-Denys, les Saitit-Dyonisiens; Sceaux, les Scéens;
Saint-Germain, les Saint-Germainiens'; St-Vaast, les Valais;
Saint-Jean-de-Losne, les Lônois.
T, V.
Tréguier, les Trécoriens* ; Vannes, les Venètes* ou Van-
nais'; Vernon, les Vemonais. '
Grâce à cette communication, dont je ne saurais trop
remercier l'auteur, il va m'étre permis de répondre
prochainement, et plus complèlemnt que je n'aurais pu
le faire sans elle, à l'intéressante question que -M. Fille-
min a bien voulu madresser.
II.
En me réclamant le numéro 3, qui ne lui était pas
parvenu quoique, pour plus de sûreté, je le lui eusse
adressé moi-même, un nouvel abonné, .M. Ernest David,
m'a écrit ce qui suit au sujet d'une « inconséquence »
dont je me serais rendu coupable :
Je profite de celte lettre pour vous signaler une légère
inconséquence dans le Courrier. Unns plusieurs endroits,
vous dites avec raison que l'on ne doit pas se servir de que
dans la plirase : « Ceci ne laisse pas que d'être » et qu'il
faut dire: « Ceci ne laisse pas d'être. » Mais dans votre
n* 17, 1" juin 1870, p. 13'2, vous avez laissé passer cette
phrase : « Ce qui ne laisse pas que d'être indifférent ». Je
ne pense pas que ce soit une coquille du compositeur. Un
mot d'explication, je vous prie, dans le prochain numéro
de votre excellent journal.
Mon explication sera bien simple.
Pendant longtemps, moi aussi, j'avais cru qu'on pou-
vait dire ne pas laisser que de, et je le croyais encore
quand j'ai rédigé le numéro du Courrier de Vaugelas
en question. J'ai écrit en ^870 :
Ce qui ne laisse pas que d'être indiffèrent.
.Mais en décembre 1873, la question de savoir s'il
faut que dans cette phrase et autres analogues m'ayant
été soumise, je l'ai résolue avec abondance de preuves
dans le sens de la suppression do que;el depuis lors,
pour être conséquent, j'ai signalé que après laisser
comme une faute.
Je remercie sincèrement .M. Ernest David de lire si
atlenlivemenl ma petite feuille, et surtout de vouloir
<38
LE COURRIER DE VAUGELAS
bien prendre la peine de m'indiquer les erreurs que je
puis y commettre.
III.
Le 9 du mois dernier, je recevais d'un littérateur-
grammairien (deux termes dont le premier devrait
toujours, il me semble , impliquer le second) cette
critique générale de la 5^ année du Courrier de Vau-
yelas :
Monsieur et cher confrère,
J'ai le regret tie vous dire que votre réponse à ma ques-
tion sur l'emploi du mot de dans « il y en avait de brunes... »
ne m'a pas entièrement satisfait. « Si au lieu de qui étaient,
on met, dites-vous, le mot de... n. Eh bieni mais si on met-
tait le mot des, comme font certains écrivains, qu'arrive-
rait-il? Bemarquez que, dans la première phrase, vous
avez des princesses et non de princesses.
Le défaut de votre explication, c'est qu'elle est fondée
sur une supposition. Je préfère celle de M. Baudry, l'au-
teur de la Grammaire comparée du sanscrit, du grec et du
latin, qui me disait hier que la suppression de l'article
tenait surtout à ce que de précédait immédiatement l'ad-
jectif.
J'ai lu avec intérêt la collection des numéros du Cour-
rier de Vaugelas que vous m'avez adressée. Je goûte le plus
souvent les raisons que vous donnez des choses-, mais per-
mettez-moi de vous confier que je ne suis pas de votre
avis sur certaines phrases interjetées dont il est question
dans votre n° 7.
Vous trouvez qu'il n'est pas nécessaire de chercher des
synonymes à Dire. Vous en parlez bien à votre aise. Si vous
écriviez des romans, vous sentiriez l'ennui que cause dans
le dialogue la perpétuelle répétition de dit-il avec ou sans
le participe précédé de en, qui rend la phrase si lourde et
si languisfante. Le verbe Dire donne alors autant de tabla-
ture que le verbe Avoir, le verbe Faire et le verbe Être qui,
au dire de Dumas fils (préface générale de son Théâtre com-
plet), d décourageraient les plus braves. »
Vous ne voulez pas de s'exclamat-il. Pourquoi? Remarquez
ciue s'exclama-t-il est formé exactement comme s'écria-t-il,
qui, pas plus que lui, n'a le régime qui lui convient, et qu'il
ajoute une nuance â 1 idée, comme doit le faire tout bon
synonyme ; la clameur étant plus forte que le cri. Permet-
tez-moi donc de demander des lettres de naturalisation
pour s'exclamal-il.
Au numéro 2, je préfère, sans oser, hélas! les employer,
les gallicismes du xvii' pt du xviii' siècle : que nous disions
qui..., ç»e vous espériez çui..., à votre construction : que
nous disions vous ressembler, que vous espériez ne devoir pas
être connue.
En général, les grammairiens visent trop à la régularité
gramoiaticalp, et ne tiennent pas a=;sez de compte de la viva-
cité, la première qualité française après la clarté.
Entin, numéro 11, dans vos Phrases à corriger, sm lieu de :
« Ils se plaignent avec raison qu'on leur fait jouer, » vous
voulez qu'on écrive : qu'on leur fasse. Or, d'après Littré,
on met le subjonctif seulement a lorsque le sens est que
l'acte exprimé par le verbe au subjonctif est hypothé-
tique. •
Et qui peut mieux que l'auteur savoir s'il y a, ou non,
hypothèse dans son idée?
J'aflirme quils se plaignent qu'on leur fait jouer... De
quel droit rhanf!ez-vous lt> caractère de ma phrase et faites-
vous un doute de mon aftirmalion?
Voilà, monsieur et cher confrère, à peu près toutes les
observations que j'avais à vous adresser. S'il vous plaît de
les discuter dans votre journal, occupez-vous surtout, je
vous prie, de s'exclama-l-il, que je voudrais voir adopter, le
croyant nécessaire.
Agréez, monsieur et cher confrère, l'assurance de mes
meilleurs sentiments.
Charles Ogulin.
Je ne répondrai à la communication qu'on vient de
lire qu'après avoir répondu à celle de .M. Fillerain. Mais
je puis ofl'rir immédiatement mes bien sincères remer-
ciements à M. Charles Deulin, et je m'empresse de le
prier de vouloir bien les agréer.
X
Première Question.
Votre explication de cancre, emplotjé en termes de
classes plutôt que écrevisse, me donne l'idée de vous
demander l'é/ymolocjie de ce dernier mot. Littré dit
qu'il rient du <' haut allemand schrepiz; allemand
KKEBs ». Ne pourrait-on pas aussi., et peut-être mieux,
le tirer du latin cauabus?
k la vérité, .M. Littré dit que l'étymologie de écrevisse
est l'ancien haut allemand (le saxon) sc/ire;;/;, allemand
moderne krebs. Mais il donne pour formes de ce mot,
dans le namurois, (jravase, et en rouchi, graviche.
Comment cela a-t-il pu se faire? On a bien de nombreux
exemples de a changé en e, mais un e changé en a me
semble généralement contraire à la loi de la permuta-
tion de cette voyelle.
D'un autre côté, écrevisse se dit craicfish et crayfish
en anglais, langue dérivée en partie du saxon. Com-
ment l'e de schre ou kre a-t-il pu se changer en un a
que l'on tenait tellement à maintenir qu'il reste encore
lorsqu'il prend le son de é dans crayfish ?
Il faut que écrevisse dérive d'une autre source.
Est-ce de carabus ?
Il y a certes plus d'une raison pour le croire; car, en
appliquant à ce terme les règles de la permutation des
lettres, on peut reproduire toutes les formes connues
de écrevisse, en allemand, en anglais, dans les patois
et en français.
.Vinsi de carabus, on fait crabe par suppression du
premier a et changement de u en e.
Puis, au mojen d'une terminaison diminutive, va-
riable selon les pays, on forme naturellement de crabe :
L'anglais crawfish, crayfish (b = v = f) ;
Le haut allemand shrepiz ou krepiz (a = e, b = p);
L'ancien français crevice |a = e, b = v) ;
Le rouchi graviche (c =; g, b = v) ;
Le namurois gravase (c = g, b = v) ;
Le wallon grérèse (c = g, a = e, b = v) ;
Enfin, en préposant un e [es), ce qui a eu lieu pour
une foule d'autres mots, on obtient, par des mutations
analogues aux précédentes :
Le picard écréviche.
Le genevois écrivisse,
Le français escrevisse, écrevisse.
Mais carabus lui-même a un ancêtre, le grec x.âpaSoç,
signifiant crabe, langouste, écrevisse de mer; d'où il
suit que, rigoureusement parlant, c'est ce dernier, et
non carabus, qui est l'origine demandée.
X
Seconde Question.
Comment expliquez -vous la comparaison tendre
COMUE LA HOSE'k, OU COUME ROSÉE?
LE COURIUER DE VAUGELAS
139"
Celle comparaison, qui se fait à l'occasion d'une subs-
tance alimentaire excessivement tendre, existait dans
notre langue au xiit" siècle, comme en fait foi l'exemple
qui suit, où il s'agit de la Beauté :
Teiidre ot la cbar comme rousce,
Simple fu com uns cspousée.
(liom. de la Rose, vers ioo3)
Mais il faut remonter aux Grecs pour en avoir l'ex-
plication. En effet, voici ce que dit madame Dacierdans
une note de sa traduction de l'Odyssée (tome II, p. 323,
édit. de (756) :
Pour dire les plus jeunes, Homère se sert du mot t^a-r,,
qui signifie la rose'e. Il appelle donc ïç^nxi les agneaux et
les chevreaux les plus tendres, cVst-à-dire le« plus jpunes,
et qui sont comme la rosée. C'est ainsi qu'Es-hylp, dans
son Agamemnon, a appelé les petits oiseaux qui viennent
d'èclore Spôaou;, de la rosée. De là les Grecs ont dit des
cliairs de rose'e, pour dire des viandes tendres et délicates.
Alciphron a dit r|7tap Spoaw npoueioxo;, un foye semblable à la
rosée-
Là rosée, cette couche d'humidité qui, sous l'aspect
de gouttelettes liquides, se forme à la surface des corps
pendant la nuit, n'a pas la moindre consistance : c'est
en la prenant pour terme de comparaison que les Grecs
ont dit, et que nous avons dit d'après eux, tendre
comme la rosée, une conformité du français avec le grec
que Robert Estienne me semble n'avoir pas recueillie.
Les Grecs avaient deux mots pour signifier rosée :
l'un, îcdîo; (qui est passé en latin sous la forme ros,
en perdant son d initial), et l'autre, Iprr;. Or, chose
remarquable, et qui prouve bien que c'est en prenant,
dans le sens propre, rosée comme terme de comparai-
son, qu'ils ont dit tendre comme la rosée, c'est qu'ils
ont fait cette comparaison avec les deux termes signi-
fiant rosée, ce qui détruit d'avance toute explication
basée sur un autre sens de ce mot.
X
Troisième Question.
Dans le feuilleton de M. Charles de la Rounat
(xix' SIÈCLE du 8 septembre] j ai remarqué cette phrase :
« Oh! oui, cela ne vous chact guère, Je le vois bien ».
Est-ce bien correct ?
Pour exprimer la vivacité du désir qu'on a de faire
ou d'obtenir quelque chose, nous le comparons à une
flamme, et nous exprimons le sentiment éprouvé par
brûler, griller (langage familier), employés dans le sens
neutre :
Il brûle d'être à Rome, afin de recevoir
Du maître qu'il s'y donne et l'ordre et le pouvoir.
(Corneille, Sartor., I. i.)
C'est qu'elle sort d'un sang qu'il brille de répandre.
(Racine, Iphig., H, 6.)
L'» femme du pondeur s'en retourne clieï elle;
L'autre grille déjà d'en conter la nouvelle.
(La Fontaine. Fnlil., Vin, 6.)
Les Latins usaient d'une semblable comparaison
pour exprimer l'action de désirer; ils employaient à
cet effet le verbe calere, être chaud, avoir chaud, avoir
la fièvre :
Tubas audire calcns (Stat.) ; — Quœ stravisso calcn! (Claud.)
(Brûlant d'entendre la trompette; — L'ennemi qu'ils
brûlent de terrasser.)
Nous avons pris ce verbe du latin; mais nous lui
avons donné une construction requérant i" la forme
impersonnelle, 2° toujours au datif (avec à) le nom de
la personne à qui l'on attribue le désir ou l'envie de
quelque chose, et 3° au génilif (avec de) le nom de la
personne ou de la chose qui excite ce désir ou cette
envie.
Celte construction a existé dans notre ancienne langue
comme le prouvent ces citations, que j'emprunie au
dictionnaire de Littré, citations où le pronom // est le
plus souvent sous-entendu :
[11] Ne lui chaV, sire, de quel mort nous muriuns.
(CA. de Roland, XV.)
E bien as hui mustred que [il] rien ne te chall de tes
cunestables ne de tes hommes.
{Bois, 191.)
// ne chaloit, à cens qui l'o.-t voloient depecier, del meil-
leur ne del peieur, mais que li ost se despartist.
(Villehardouin, LXXXIX.)
C'estoient païens, auxquels il chaloit autant de J.-C. que
de celui qui n'avoit jamais esté.
(Calvin, Insi , i55.)
La même construction existe encore dans la langue
moderne, car j'ai trouvé :
Il ne vous en chaut, n'est-ce pas?
(Littré, Dicl.)
Que tout s'y pervertisse, il ne m'en chaut d'un double.
(Régnier, Sat., VI.)
Soit de bond soit de volée, que nous en chaut-il, pourvu
que nous prenions la ville de gloire?
(Pascal, Prov., 9.)
Car quant à moi, du plaisir [il] ne me chaut,
A moins qu'il soit mêlé d'un peu de peine.
(La Fontaine, Gageure.)
Or, dans aucun de ces exemples, ni nulle part ail-
leurs, on ne voit le nom de la personne ou de la chose
qui donne la chaleur (le désir, l'envie) construit sans la
préposition de avant lui, ce qui me fait croire que la
phrase que vous me signalez contient une faute, et
qu'elle devrait être corrigée de l'une de ces deux ma-
nières :
Oh ! oui, il ne vous chaut guère de cela.
Oh ! oui, (/ ne vous en chaut guère.
X
Quatrième Question.
Faut-il dire cela arrive comme mare'e en carême, ou
CELA ARRIVE COMME MARS E\ CARÊME?
En parlant d'une chose qui arrive immanquablement,
on dit cela arrive comme mars en carême, parce que
mars se trouve toujours en carême; mais en parlant
d'une chose qui arrive à propos, on dit cela arrive
comme marée en carême, attendu qu'au temps où l'on
observait rigoureusement le jeûne et l'abstinence qui
précèdent Pâques, rien n'arrivait plus à propos que la
marée.
Cette question a déjà été traitée page i)2, dans la
1" aTinée du Courrier de Vaugclas.
HO
LE COURRIER DE VAUGELAS
ÉTRANGER
Première Question.
Dans la construction de la phrase suivante : « Ils
crient A qui mieux mieux », comment rendez- vous
compte d'abord de la préposition a, et ensuite du redou-
blement de MrECX, qui ne se trouve, je crois, en aucune
autre langue ?
Les phrases dont le verbe est suivi de à qui sont
elliptiques; la préposition à y est l'équivalent de a/î»
de savoir, afin de décider, ce qu'on reconnaît facile-
ment en pratiquant la substitution dans les deux cita-
lions suivantes :
Eh bienl gageons nous deux,
Dit Pbébus, sans tant ds paroles,
A qui plus tût aura dégarni les épaules
Du cavalier que nous voyons.
(La Fontaine, FaU., VI, 3.)
Hélène adorée vit les peuples et les dieux combattre à qui
la posséderait. ^p ^ ^^_^^.^^^
Quant au redoublement mieux mieux, auquel je ne
vois, en effet, aucun analogue ni en espagnol (où à qui
mieux mieux se dit a cual mejor), ni en italien, ni en
anglais, ni en allemand , voici l'explication qui me
semble pouvoir en être donnée :
Autrefois, avec qui... qui, mis pour les U7is... les
autres, et après un simple qui, employé comme complé-
ment d'un verbe et signifiant compétition, on redou-
blait les adverbes plus, ains (avant) et mieux, comme
le montrent ces exemples du xiii% du xiy= et du xv'=
siècle :
Nos gens se lassèrent cheoir de la grant nef en la barge
[barque] de caniiers, qui plus plus, qui miex miex.
iJoinville, îl4.)
Et cil des grans nés jnefs] entrèrent es barques, et sail-
lirent hors qui ains ains, qui miels miels.
(VUlehardoin.LXXIX.)
Mais au fort cbascun s'assembla :
Qui mieulx mieulx à la cbace alla.
(Emile Deschamps, le Miroir,)
Mais cette manière d'exprimer le superlatif des
adverbes après qui finit par se perdre \>our plus et pour
ains (lequel disparut lui-même complètement), et, par
un privilège que je crois dû à un pur caprice de l'usage,
mieux, dans le sens de le mieux, continua à se redou-
bler après qui, formant ainsi, vestige d'une construc-
tion toute primitive, un véritable gallicisme dans notre
langue moderne.
Seconde Question.
Quelle différence y a-t-il entre ascension et Assomp-
tion, dans le langage religieux?
Ces deux mots, qui expriment tous deux une éléva-
tion miraculeuse au ciel, s'emjtloicnt, le premier, en
parlant de Jésus-Christ, et le second, en parlant do la
vierge Marie.
Maintenant pourquoi?
J'espère pouvoir vous le dire.
Il s'agit ici de deux mouvements ascensionnels qui
n'ont pas été accomplis dans les mêmes conditions.
Jésus-Christ s'est élevé dans le ciel « par sa propre puis-
sance et sans le secours des créatures » dit le Gros caté-
chisme du diocèse de Chartres (p. 22) ; le mol ascension,
de ascendere, monter, mot au sens actif, convenait pour
désigner cette élévation. Mais l'opinion la plus com-
mune (car l'enlèvement de Marie au ciel n'est pas un
dogme du christianisme), celle qui a inspiré Murillo
peignant son admirable toile, étant que la mère du Sau-
veur fut ravie au ciel par une légion d'anges, le mot
assomption, de assumere, prendre avec soi, transporter
vers, valait beaucoup mieux que ascension pour expri-
mer cette action toute passive.
X
Troisième Question.
Pourquoi, en français, nomme-t-on pantalon un
homme capable de jouer toutes sortes de rôles pour par-
l'enir à ses fins?
Les habitants de Venise honoraient particulièrement
la mémoire de saint Pantaléon, (nom formé de deux
mots grecs qui signifient tout miséricordieux] ; d'où le
terme de Pantalons pour les désigner ironiquement :
En un coing est peint un Pantalon à barbe grise, qui tire
en arrière son capitaine.
(D'Aubigné, Fœn., IV, 19.)
Quand le Vénitien parut à Paris sur la scène de la
Comédie-Ilalienne, où il partagea avec le Docteur l'em-
ploi des pères, il conserva son costume (culotte prolon-
gée, longue robe, habit de dessous garni de larges bou-
tons) et surtout son sobriquet :
Le soir, il y eut comédie italienne, où le Pantalon parut
pour la première fois; madame la Uauphine le trouva assez
bon.
(Dangeau, I, ^8.)
Dans ces pièces, le Docteur était toujours immolé à
la risée publique tandis que Pantalon, souvent repré-
senté comme un vieillard amoureux et dupé, un avare,
un père fantasque, était parfois également un bon père
de famille, un honnête commerçant, un homme plein
de sens et de raison.
Or, je pense que c'est par allusion à ces emplois
divers de Pantalon qu'on a appelé de son nom, dans la
vie réelle, un homme qui, pour atteindre son but, con-
sent à jouer toutes sortes de rôles.
X
Quatrième Question.
Peut-on dire faibe son compliment a qdelqb'bm quand
il s'agit d'un malheur qui lui arrive, ou qui arrive à
l'un des siens ?
On le peut certainement très-bien, et je vais vous en
donner une double preuve :
r Cette phrase de Mme de Sévigné (20?° lettre), où
il est question de quelqu'un qui s'empresse d'arriver le
premier pour exprimer au neveu deTurenne la douleur
LE COURRIER DE VAUGELAS
U1
qu'il ressenl de la mort subite de ce grand homme de
guerre :
Un gentilhomme qui voulut être le premier à lui faire
son compliment.
2° Les lignes suivantes, qui définissent le 2° sens de
compliment, dans le dictionnaire de Littré :
Paroles de civilité adressées à quelqu'un de vive voix ou
par lettre au sujet d'un événement tieureux. ou malheu-
reux qui le touche.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1» Quoi qu'il en soit (en deui mots); — 2° ... change ses géné-
raux n'a pas laissé de (sans que; voir Courrier de Vaugetas,
4» année, p. 155); — 3° ... Aussllùt qu'il a été arrivé, la chasse
a commencé; — 4° ... des nationalités à demi souveraines (Voir
Courrier de Yaugelas, 2° année, p. 16Î); — 5" On aura beau dire,
criait-il, M. Thiers; — 6° ... mais bien pour empêcher qu'on ne
créât; — 7° ... la politique extérieure qu'il avait conseillé d'adop-
ter; — 8° ... qui songea autre chose que d'éviter la dissolution;
— 9° ... nous avons fait heurter les peuples les uns contre les
autres (l'inlinitif doit suivre hnmédialement /aire).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1" Cette proposition ne sauvera personne, parce qu'elle
n'aboutira pas, parce qu'elle est morte avant que de naître,
parce qu'il y a un certain degré de ridicule qu'en France
on ne peut dépasser.
2° Quant aux divisions du pays, M. Laboulaye affirme
qu'elles sont moins grandes que le répètent les gens d'es-
prit, qui sont prêts à se charger pendant six ans de nous
rendre sages.
3° Nous avons annoncé dernièrement à nos lecteurs que
ia Tribune, journal radical de Bordeaux, suspendait pour
quelques jours sa publication, remettant à l'époque de sa
réapparition les explications qu'il croyait opportun de don-
ner au public.
4° L'homéopathie, qui est maintenant répandue dans
tout le monde civilisé, guérit d'une manière facile et
agréable, non-seulement les maladies aiguës, mais elle
montre son effet salutaire dans les maladies les plus chro-
niques.
5" Sans s'arrêter à jeter de simples anathèmes et fulmi-
ner de vulgaires excommunications, M. Benezet examine
les moyens de suppléer l'institution septennale.
6° Le rédacteur en chef et le gérant de {'Ordre social, de
Nice, sont cités devant le juge d'instruction pour publica-
tion d'un article excitant au mépris et à la haine des
citoyens les uns contre les autres.
7» Et la feuille anglaise ajoute : « C'est là une perspective
que l'Angleterre peut envisager avec indifférence, voire
même avec satisfaction.
8" Les efforts de la Prusse pour augmenter ses forces
maritimes ne laissent pas que de causer des préoccupa-
tions au cabinet de Saint-Pétersbourg.
9° Laferrière, sans y croire tout d'abord, mais par curio-
sité et puis par habitude, fit usage de ce philtre. Il en
résulta que La Kerrière, â 74 ans, en parait trente.
(Les corrections à quinzaine.]
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVH» SIECLE.
VAUGELAS.
fSuite.j
Articles devant les noms propres. — Plusieurs disent
le Plu/arque, le Pétrone, etc. C'est mal parler ; il ne
faut pas employer l'article, pour se conformer au génie
de notre langue. Cependant il y a une exception; on
dit : le Pétrarque, l'AriosIe, le Tasse, le Boccace, le
Bembe, probablement parce qu'en Italie on dit : il Pe-
trarca, l'Ariosto, il Tassa, etc.
Fors, hors, hors-mis. — Aujourd'hui fors, qui se
disait autrefois en prose et en vers pour hors-mis, est
tout-à-fait banni de la prose, et il n'y a plus que les
poètes qui en usent, parce qu'en vers il est beaucoup
meilleur que hors (1647).
Sériosité. — Jusqu'ici il ne s'est dit qu'en raillerie ;
néanmoins, si l'on faisait l'horoscope des mots, on pour-
rait prédire à celui-ci qu'un jour il s'établira.
Courre, courir. — Dans certains endroits, on dit
courre, comme dans courre le cerf, courre le lièvre,
courre la poste; dans certains autres, il faut dire cou-
rer. Mais si quelqu'un disait courir le cerf, on se moque-
rait de lui.
Accroire. — Excellent mot, quoi qu'en pensent quel-
ques-uns, qui disent toujours faire croire. Du reste, il
y a une différence entre les deux expressions : faire
croire se dit toujours des choses vraies, et faire accroire,
des choses fausses.
Chez Plularque, chez Platon. — Cette locution, fami-
lière à beaucoup de gens, pour dire dans Plutarque,
dans Platon, c'est-à-dire dans les œuvres de Plutarque,
de Platon, est insuppor'uible. Chez ne vaut rien pour
citer les auteurs; il n'est propre qu'à dénoter la demeure
de quelqu'un.
Cesser. — Depuis quelques années, on le fait souvent
actif en vers et en prose.
De gueres. Pour dire gueres simplement, il ne
faut jamais mettre df avant lui; mais si l'on mesure
deux choses, et que l'une ne soit qu'un peu plus grande
que l'autre, on dira fort bien qu'elle ne la passe de
gueres.
Foudre. — Masculin ou féminin à volonté.
Aigle, fourmi. — Ce sont deux subtanlifs « herma-
phrodites », car on dit un grand aigle et une grande
aigle, un fourmi et une fourmi.
Consommer, consumer. — Deux significations bien
différentes, que plusieurs de nos meilleurs écrivains ne
laissent pas de confondre. Consommer veut dire accom-
plir; consumer signifie achever le sujet en le détruisant.
Ceu.\ qui savent le latiu voient clairement cette diflc-
rence.
Aroisiner. — Ce mot n'est guère bon en prose, mais
la plupart des poètes s'en servent en décrivant une mon-
U2
LE COURRIER DE VAUGELAS
tagne extrêmement haute; ils disent qu'elle avoisine les
deux.
Péril éminent. — Il est certain qu'il faudrait dire
péril imminent, puisqu'en latin on dii pericu/um immi-
nens; mais il n'est pardonnable à qui que ce soit de
vouloir, en matière de langues vivantes, s'opiniâtrer
pour la raison contre l'usage.
Ce devant le verbe substantif. — Il vaut mieux dire
ce qu'il y a de plus déplorable, c'est, etc., que de dire
ce qu'il II a de plus déplorable est, parce que c'est
recueille tout ce qui a élé dit entre deux, et rejoignant
le nominatif au verbe, rend l'expression plus nette et
plus forte.
Ce avec le pluriel du verbe substantif. — Le pronom
ce a encore un bel usage dans notre langue, c'est de se
mettre devant le pluriel du verbe être, comme dans
cette phrase : les plus grands capitaines de l'antiquité,
ce furent Alexandre, César, Hannibal, etc. Cependant
Vaugelas croit que furent ne serait pas mauvais sans
ce. Quant à ce fut, s'il est bon, c'est sans aucun doute
le moins bon de tous.
Ce que. — 11 est bien français, et a une grâce
« nompareille » en notre langue, étant employé pour si,
comme dans cette phrase : ce que tu tiens de moi, des
jardins, des rentes et des maisons, ce sont toutes choses
sujettes à mille accidens. Il y en a pourtant qui croient
que cette expression est vieille et bien moins élégante
que si.
Ce dit-il, ce dit-on. — On les dit tous les jours l'un
et l'autre en parlant; mais on ne doit point les écrire;
il suffit de dit-il, dit-elle, sans ce.
Outre ce, à ce que. — Cette première façon de parler
ne vaut rien ; il faut dire outre cela. Quant à la seconde,
mise pour afin que, elle est vieille.
Ce fut pourquoi. — Certains écrivains croient qu'il
faut s'en servir devant un temps passé, comme dans
ce fut pourquoi les Romains immolèrent des vic-
times; mais c'est une faute, il faut mettre c'est. Cette
locution ce fut pourquoi vient de la Normandie, de l'An-
jou ou du Maine, car on s'en sert dans ces trois pro-
vinces.
Ce, à ce faire, en ce faisa?it. — Plusieurs n'approu-
vent pas qu'on se serve de ce à la place de l'article, par
exemple, qu'on dise : il m'a fait ce bien de me dire,
et veulent que l'on « die » il m'a fait le bien de médire.
Vaugelas les approuve, car l'article est plus doux et
plus régulier que ce.
Les locutions à ce faire, en ce faisant sont sans doute
fort commodes et souvent employées; mais elles ne sont
plus du beau style, elles sentent celui des notaires.
Peu s'en est fallu. — C'est ainsi que l'usage veut que
l'on jiarle; mais la raison voudrait que l'on AW. peu s'en
est failli, car il est certain que fallu ne veut \r.\s dire
autre chose que manqué, lequel a pour synonyme failli
et non fallu.
Avec, avecque, avecques. — Le dernier ne vaut rien
ni en prose ni en vers; les deux premiers sont tous
deux bons, et ils sont aussi commodes aux poètes
qu'aux prosateurs.
Exemple. — Da,ns la ville de Paris, on le fait du fémi-
nin, surtout en parlant d'un modèle d'écriture; mais à
la Cour, on ne l'emploie qu'au masculin.
Faire pièce. — Celte façon de parler, qui est si fort
en vogue depuis quelques années à Paris fl647), d'où
elle s'est répandue par toutes les provinces de la France,
est loin d'être aussi excellente que plusieurs le pensent;
la Cour en fait Tobjet principal de son aversion.
Acheter. — Vaugelas a entendu plusieurs « hommes »
de la Chaire et du Barreau prononcer ajeter; c'est un
défaut particulier à Paris.
Eu. — Plusieurs prononcent, en deux syllabes, é-w;
c'est une faute; ce mot n'a qu'une syllabe.
En mon endroit, à l'endroit d'un tel. — Ces façons
de parler ne sont plus du beau langage, comme elles en
étaient du temps de Coëffeteau; à leur place, on dit
envers moi, envers un tel.
Avant que, devant que. — Tous deux, devant un infi-
nitif, veulent être suivis de la préposition de; on dit :
avant que de mourir, devant que de mourir.
Rien autre chose. — Plusieurs croient que cette locu-
tion ne vaut rien; la vérité est qu'elle est emphatique
en certains endroits, mais que, pour l'ordinaire, elle
est basse, tandis qu'autre chose, non précédé de rien,
est une expression élégante.
// m'a dit défaire. — Expression venue de Gascogne,
et qui s'est introduite à Paris; elle est mauvaise, il faut
dire : il m'a dit que je fisse.
Août. — Le peuple de Paris prononce a-oût; mais
c'est une faute; il faut dire comme s'il y avait eût.
Il n'y a rien de tel, il n'y a rien tel. — Tous deux
sont bons; mais, en parlant, on dit plutôt il n'y a rien
tel, et, en écrivant, il n'y a rien de tel.
Fort, court. — Ces deux adjectifs ont un usage assez I
étrange, mais qui est bien français, c'est qu'une femme
dit « tout de même » qu'un homme : je me fais fort de
cela, et non pas, je me fais forte. Elle dit aussi : en
parlant, je suis demeurée court, et non pas courte. -|
Le pronom démonstratif avec la particule la. — I
Quand le pronom démonstratif est suivi d'un relatif,
qui ou lequel, il ne faut jamais mettre M entre les deux ;
cette phrase est mauvaise : ceux-là qui aiment Dieu,
gardent ses commandemens. Mais quand le relatif est
séparé du démonstratif, il faut joindre là à ce dernier :
ceux-là se trompent, qui croyent.
Quiconque. — Quand on a employé ce mot, il ne faut
pas mettre il après, quelque distance qu'il y ait entre
les deux : quiconque veuf vivre en homme de bien,
doit, etc., et non pas, il doit.
Bel et beau. — Pour qu'on puisse employer la forme |
en ri de cet adjectif, comme aussi celle de nouveau, il 'f
faut qu'il soit suivi immédiatement de son substantif:
vn bel homme, le nouvel an; mais dans les autres cas,
môme devant une voyelle, il I'juU la forme en wm; on
dit : (7 est beau m tout temps, un homme nouveau à la
Cour.
{La suite au prochain numéro.)
Le R^DACTEDR-GÉttiHT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
443
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
La Mer et ses héros. Ouvrage écrit d'après les Dic-
tionnaires historique et de la conversation, les Encyclopé-
dies, etc. par Alp. d'Augerot. In-i", 272 p. et grav.
Limoges, lib. Bardou frères.
Les Diaboliques (les six premières) ; par J. Barbey
d'Aurevilly. In- 18 Jésus. 355 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Les Spectacles forains et la Comédie-Française.
Le Droit des pauvres avant et après 1789. Les
Auteurs dramatiques et la Comédie-Française au
XIX» siècle, d'après des documents inédits; par
Jules Boiinassies, ancien attactié à la direction des beaux-
arts. Avec une eau-forte par Edmond Houdin. In-1 8 Jésus,
303 p. Paris, lib. Oentu. Zi fr.
Cours de style. Seconds exercices sur la valeur des
termes et locutions et sur les principaux genres de compo-
sition française. Ouvrage faisant suite aux Premiers exer-
cices, du même auteur; par Ernest Caron, clief d'institu-
tion à Paris. In- 12, 20û p. Paris, lib. Sarlit.
Nouvelles récréations et joyeux devis de B. Des
Periers, suivis du Cymbalum mundi, réimprimés par
les soins de P. Jouaust. Avec une notice, des notes et un
glossaire par Louis Lacour. T. 1. In-8'', XLn-283 p. Paris,
lib. des Bibliophiles. 10 fr.
Les Grandes dames ; par Arsène Houssaye. Edition
illustrée de 20 gravures sur acier par Flameng, La Guil-
lermie, Morin, Bertall, Masson, etc. Gr. in-S", 402 p.
Paris, librairie Dentu.
Gastronomie, récits de table; par Charles Monselet.
ln-18 Jésus, ni-399 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50.
Poésies choisies de J. A. de BaiT, suivies de
poésies inédites; publiées avec une notice sur la vie et
les œuvres de Baïf, des appendices bibliographiques, un
tableau de la prononciation au xvi<^ siècle, des notes et des
index, par L. Becq de Fouquières. Edition ornée d'un por-
trait, gravé à l'eau-forte par Adrien Féart. In-i8 Jésus,
xL-392 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Nouvelle Grammaire française fondée sur l'his-
toire de la langue, à l'usage des établissements d'ins-
truction secondaire; par Auguste Brachet, ancien profes-
seur à l'Ecole polytechnique, membre de la Société de Lin-
guistique. 2» édition. In-12, xix-252 p. Paris, lib. Hachette
et Cie. 1 fr. 50.
Œuvres poétiques d'André Chénier. Avec une notice
et des notes par M. Gabriel de Chénier. 3 vol. Petit in-12,
CLvii-963 p. Paris, lib. Lemerre. Chaque vol. 6 fr.
Christine; par Louis Enault. S'' édition. In-18 Jésus,
190 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 1 fr. 25.
Le Brigadier Frédéric, histoire d'un Français chassé
par les Allemands ; par Erckmann-Chatrian. In-18 Jésus,
269 p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 3 fr.
Cours de dictées sur les règles et les difficultés
de la langue française; par Mme Lèbe-Gigun, direc-
trice honoraire des études de la maison nationale de Saint-
Denis. In-12, vii-351 p. Paris, Lecoffre tils et Cie.
Dona Sirène ; par Henry Murger. In-18 Jésus, 309 p.
Paris, lib. .Michel Lévy. 3 fr. 50.
Nouveaux Contes à Ninon ; par Emile Zola. Un Bain.
Les Fraises. Le Grand Michu. Les Epaules de la marquise.
Mon voisin Jacques. Le Paradis des chats. Lili. Le Forge-
ron. Le Petit village. Souvenirs. Les Quatre journées de
Jean Gourdon. ln-18 jésus, 311 p. Paris, lib. Charpentier.
3 fr. 50.
Publications antérieures :
LES DIALOGUES DE JACQUES TAHUREAU, gen-
tilhomme du Mans, avec notice et index. — Par F. Cons-
cience. — Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, 47, Passage
Choiseul. — Prix : 7 fr. 50.
ŒUVRES COMPLÈTES DE MELIN DE SAINCT-
6ELAYS, avec un commentaire inédit de B. de la Mon-
noye, des remarques de MM. Emm. Philippes-Beaulieux,
R. Dezeimeris, etc. Edition revue, annotée et publiée par
Prosper Blanchemain. — T. 2. — ln-16, 365 p. — Paris,
librairie Daffis, 9, rue des Beaux- Arts.
LE GRAND TESTAMENT DE VILLON ET LE PE-
TIT. Son Codicille. Le Jargon et ses ballades, aussi le
rondeau que ledit Villon fist quand il fust jugé à mort, et
la requeste qu'il bailla à Messeigneurs de Parlement et à
Monseigneur de Bourbon.— III. — Ia-16, 120 p. — Lille,
Imprimerie Six-Hormans.
CHRONIQUES DE J. FROISSARD, publiées par la
Société de l'histoire de France, par Siméon Luce. T. 5.
1356-1360. Depuis les préliminaires de la paix de Poitiers
jusqu'à l'expédition d'Edouard 111 en Champagne et dans
l'Ile-de-France. — In-8% lxxi-436 p. — Paris, librairie
V^ J. Retwuard. — Prix : 9 francs.
L'INTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET DES
CURIEUX. — En vente à la librairie Sandoz et Fischba-
clier, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : 1™ année, 15 fr.;
2° année, 10 fr.; 3"= année, 12 fr.; 4" année, 8 fr.; 5« année,
12 fr. — Chaque année se vend séparément. — Envoi
franco pour la France.
DU DIALECTE BLAISOIS et de sa conformité avec
l'ancienne langue et l'ancienne prononciation française. —
Thèse présentée à la faculté des lettres de Paris, par F.
T.iLDERT, professeur de rhétorique au prytanée militaire de
La Flèche. — Paris, Ernest Tkorin, éditeur, libraire du
Collège lie France et de l'Ecole normale supérieure, 7, rue
de Médicis.
CHANSONS POPULAIRES DE LA FRANCE, AN-
CIENNES ET MODERNES, classées par ordre chrono-
LE COURRIER DE VAUGELAS
logique et par noms d'auteurs, avec biographie et notices.
— Par Louis Montjoie. — In-32. — Paris, librairie Gar-
nier frères, 6, rue des Saints-Pères.
LE CYMBALUM MUNDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de Boxaventure des Periers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. Jacob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delahays, éditeur, i-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 : 5 fr. ; in-S" : 2 fr. 50.
Adolphe Delahays, éditeur, i-6, rue Voltaire. — In-16 :
5 fr. ; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANCION, composée par
Charles SoREL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colo.mbay. — Paris,
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
PROPOS RUSTIQUES, BALIVERNES, CONTES ET
DISCOURS D'EUTRAPEL. — Par Noël du Fail, seigneur
de la Hérissaye, gentilhomme breton. — Edition annotée,
précédée d'un essai sur Noël du Fail et ses écrits. — Par
Marie Guichard. — Paris, librairie Charpentier, 19, rue de
Lille.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
Secrétaire du Collège des Précepteurs, /i2, Queen Square à Londres,. W. C, qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
II.
Sous le titre de Revue anglo- française, il paraît à Brigthon une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Angleterbe ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice à
ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires. — L'abonnement est de 10 fr. pour la
France, et il se prend àParischezMM. Sandoz et Fischbacher, libraires, 33, rue de Seine, ou à la librairie Grassart,
2, rue de la Paix.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
Sur le caractère et ta portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au
Concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel avx Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont inédits et
n'ont été présentés à aucun autre concours. — Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront
une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. —
Sont seuls admis à concourir: 1° les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane; 2» les
étrangers, membres effectifs ou correspondants de cette Société. — Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire
de la Société Florimontane, avant le 1" juillet 1875. — Ils resteront déposés aux archives de ladite Société, où les
auteurs pourront en prendre connaissance. — Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins
de cent vers.
L'Académie française donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone. — Le nombre des vers
ne doit pas excéder celui de deux cents. — Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secré-
tariat de l'Institut, franches de port, avant le 15 février 1875, terme de rigueur. — Les manuscrits porteront chacun
une épigraphe ou devise qui sera' répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage; ce billet contiendra le nom et
l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours,
mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Le rédacteur du Courrier de Vauç/rla.-! est visible à son bureau de 7nidi à une heure et demie.
Imprimerie Gouvkrneur, G. Daupeley à Nogeut-le-Hotrou.
5* Année.
N° 19.
1" Janvier 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
}RAMMAUUAI.l.^ -j^-j^ Tri>- -^
^-^^\ \\)>' Journal Semi-Meiisuel ^J J A r\
V X^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( ^
Paralaaant la 1" «t le 15 de ehaane mois
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Élranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris.
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à rAdm'
M. FisCHBACHEH, 33, rue de Seine.
SOM.MAIRE.
Cïommunication relative au nom des habitanls de Pau: — Origine
de certains gentilés irréguliers; — Élymologie de F/ajonier;
— Pourquoi le participe passé n'ayant d'autre régime que en ne
s'accordel-il pas; — Variante de l'explication que lirct a don-
née de Tartuffe. || Si l'on peut se servir de L'ctre pour tenir
lieu d'un verbe employé au passif; — Comment Sorcellerie
peut dériver de Sorcier. || Passe-temps grammatical, i Suite
de la biographie de Vaugelas. || Ouvrages de grammaire et de
littérature. || Renseignements pour les jirofesseurs français qui
désirent aller à l'étranger. || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
Je viens de recevoir la note suivante, qui est à la fois
une reclificatiou et l'explication du nom des liabitanls
d'une ville du midi de la France :
Il est observé que dans le numéro du Courrier de Vau-
gelas du 1" septembre 1874, on donne le nom dp Paunieas
aux liabitants de la ville de Pau. Il y a là erreur. Les habi-
tants de Pau s'appellent Palesiens, du nom de Palo (pieu),
qui forme une des parties principales des armoiries par-
lantes de la ville. En effet, en ces armoiries, accordées aux
jurais de Pau, par Gaston XI, en 148i, se trouvent trois
pieux (sur l'un desquels, celui du milieu, se tient perché
un paon fesant la roue). Ces pieux signifient qu'au x* siècle,
les habitants de la vallée d'Ossau concédèrent au vicomte
de Bèarn un terrain situé à l'extrémité occidentale de la
ville actuelle pour s'y bâtir un château, et que, pour fixer
les limites de la concession qu'ils prétendaient faire, ils
plantèrent trois pieux (pâli).
C'est â cette circonstance que le château doit le nom
de Pal ou pieu (en patois du pays Fait). Dans la suite,
quelques maisons vinrent se grouper autour de cette
habitation princière et donnèrent naissance à la ville de
Pau.
Je savais l'origine du nom de Pmi; mais comme le
dictionnaire de Boissière donne Pauniens pour celui des
habitants de cette ville, j'avais cru qu'il y avait eu là
un changement de /en «, et j'avais adopté Pauniens.
La note que je viens de transcrire prouve que je m'étais
trompé : mes remerciements à l'auteur anonyme qui a
bien voulu me l'adresser.
Réponse à M. Fillemin.
Le nom des habitants d'une ville se forme générale-
ment du nom de cette ville en y ajoutant les terminai-
sons ois, «w (Voir la raison de cette double finale dans
le Courrier de Vaugelas, 2« année, p. 165) :
Lille, les Lillois: Rouen, les Roucnnais, etc.
D'autres se forment plus ou moins capricieusement
par l'addition de ain, in, éen ou ien, on, isfe; ainsi on
dit:
Aigues-Mortes, les Aiguës- Mortains: Belfort, les .Be^/'orfnis;
Annonay, les Annonéens: Arles, les Arlésiens; Saintes, les
Saintons; Landerneau, les Landernistes.
Mais il y en beaucoup qui présentent un radical
différent de celui du nom de la ville actuelle, et c'est
cette difficulté, dont la clef a déjà été donnée par
M. Fillemin, que je me propose de résoudre ici en
détail.
Je prendrai à cet ed'et, par ordre alphabétique, les
gentilés irréguliers des deux listes que j'ai publiées, en
faisant suivre chacun du nom de la ville à laquelle il se
rapporte.
A.
Les Auscitains (Auch) de Ausci, peuple dont Auch était
jadis le chef-lieu; — les Airebales (Arras), parce que cette
ville était autrefois la capitale des Atrebates: — les Ange-
vins (Angers) de Andecavi: — les Angoumoisins (Angoulême),
de l'ancien nom Jnculisma: — les AII)igeois[\\by),de Albigai
ancien nom de celte ville; les Alréens (Auray), al se pro-
nonçait autrefois au, et a fini par s'écrire de même; — les
Aplesiens (Apt), de Apia Julia, l'ancien nom.
B.
Les Bituriges (Bourgps), de Bituriges, ancien nom de cette
ville; — les Bolonais (Boulogne), de Bolonia, en latin mo-
derne; — les Bordelais (Bordeaux), de Burdigala devenu
probablement Bourdel, prononcé Bourdeu; — les Bizonlins
(Besançon), de Visontio, nom ancien de cette ville ; — les
Biterrois (Béziers), à cause du Bi'crrx, dernier nom latin
de Béziers ; — les Brivadois (Brioudo), de Brivas, l'ancien
nom; — les Briochins (Saint-Brieuc), de Briocum ou Fanum
sancii Brioci, en latin moderne.
C.
Les Cadurques (Cahors), de Cadurcum, ancien nom de la
ville de Cahors.
H46
LE COCRRIER DE VACGELAS
E.
Les Augiens (Eu), de Alga, Autjn, nom latin de cette ville;
— les Ebrolciens (Evreux), de Ebrolcum, nom de la ville au
moyen âge.
G.
Les Gapençois (Gap), de l'ancien nom Vapincum; — les
Graylois (Gray), de Grael, mot celtique signifiant passage.
L.
Les Lémovices (Limoges), de Lemovices, l'ancien nom latin;
— les Lexoviens (Lisieux), de Lexovium, capitale du peuple
de ce nom; — les Laclorata (Lectoure), parce que cette
ville fut jadis la capitale des Ladoiates; — les Ledoniens
(Lons-le-Saulnier), de Ledo Salinarius.
M.
Les Monlalbanais (Montauban), de Mons Atbanus, l'ancien
nom; — les Meldois ou Metdiens (Mcaus), de Meldi, nom des
anciens habitants de la Brie; — les Malbodiens (Maubeugt),
de Malbodium, le nom latin; — les Monspessiilaiis (Mont-
pellier), de Mons Pesiulauus, le nom au moyen âge; — les
Monagasques ou Monacasques (Monaco), de Hercatis ilomcci
portas.
N.
Les Nivernois (Ne vers), de l'ancien nom A'eviruum.
P.
Les Pictaviens (Poitiers), de Pictavi, le dernier nom latin
de cette ville; — les Petrocoriens (Périgueu.x), de Petiocoiii,
l'ancien peuple de la contrée; — les Palcsiens (Pau), dont
l'origine est donnée par la communication précédente; —
les Mussipontins (Pont-â-.\lousson), de Mussi Pons, le nom
latin; — les Pontissatiens (Pontarlier), de l'ancien nom Pons
jEIH.
R.
Les Rutkénes ou Butheniens (Rliodez), parce que cette ville
était la capitale des Rutliènes, Civilas Bulhenorum; — les
Rambolitains (Bambouillet), de Ramboleium . nom latin.
S.
Les Sagiens ou Saiens (Sèez), de l'ancien nom de peuple
Sagti; — les Saintons (Saintes), de Santones; — Saint-Dyo-
nisiens (Saint-Denis), du nom latin Byonisîus; — les Séno-
nais (Sens), de Senones; — les Aiidoinarcens (Sainl-Omer),
de Audotnarus, moine de Luxeuil qui devint évêque de Tlie-
rouanne, près de la ville actuelle; — les Uléphanais (Sdint-
Éiienne), de Stéphane, d'où est venu Etienne.
T.
Les TrécoTois ou Trégorois (Tréguier), de Trecora ou Tre-
corium; — les Tourangeaux (Tours), nom désignant le.s habi-
tants de la Touraine; —les Thiernois (Thiers), de Tigernum
Castrum;—\es Turquenois (Tourcoin), du celtique Tour-Ken,
fort sur une hauteur.
V.
Les Vannetni.<i ou Vanèles (Vannes), du nom latin Veneti;
— les Vèsuliens (Vesoul), de Vesulium, l'ancien nom.
X
Première Question.
Pourriez-volts me donner l'étymologie du verbe fla-
GORNEK? Le diclionnaire étipnokxjique de Brucliet dé-
clare quelle est inconnue.
Ce verbe a été ex|)liqué de deux manières :
\° D'après Le Duclial, dont l'opinion est approuvée
par le cclèhre Diez, Flagorner est un mot de fantaisie
composi- des éléments /latlcr et corner atix oreilles).
2° M. Liltré y voit une altération de flageoler, jouer
du flageolet, au figuré, piper, attendu que le sens an-
ci<'n de //(((/0/7W7' est Icivardcr, dire à roreille, et que
c'est aussi lo sens de /lar/eoler; mais la sjllaln! /la, qui
semble se rattacher à /laflrr, a été peut-être une des
causes qui lui ont fait prendre le sens actuel.
Laquelle de ces étymologies est la bonne?
Supposons que ce soit la première. Sans doute que
(' = g; mais corner, dont j'ai parcouru l'historique dans
le dictionnaire de Littré, n'a jamais signifié bavarder,
ni dire bas à l'oreille; le sens de corner me semble
repousser l'élymologie en question.
Suivant la seconde, on aurait fait flagornerai flageo-
ler, ou, en d'autres termes, la partie geoler se serait
corrompue en gorner. Mais si j'ai vu maintes fois /
changée en «,je ne l'ai jamais vue transformée en r«,
ce qui, à mes yeux, rend cette seconde étymologie
complètement impossible.
L'origine du terme flagorner était donc encore à
découvrir. Je lai cherchée, et je suis arrivé à un résul-
tat qui vous paraîtra, je l'espère, assez satisfaisant.
J'ai trouvé ce qui suit dans le Dictionnaire étymolo-
gique de MM. Noël et Charpentier :
Flagorner, dans la Farce de Patliclin, est pris dans le sens
de dire des riens,de conter des sornettes. GuUlemelte, jouant
l'affligée, dit au drapier:
Hêlas! sire,
Chacun n'a pas si faim de rire
Comme vous, ne de flagorner.
Et cela m'a suggéré l'idée que gorner, la dernière
partie du mot qui nous occupe, pourrait bien venir de
sorne, ancien mot français qui a donné pour diminutif
sornette, qui avait pour verbe correspondant sorner,
dire des sornettes, et que Diez dérive du kimry swrn,
bagatelle.
Quant à fla, il pourrait venir du grec çXaÇw, dont
un composé r.i^'kxc[j.x voulait dire, au figuré, parole
emphatique, style boursoufflé; ce serait la syllabe qui,
par redoublement, aurait fait flafla, mot populaire chez
nous, signifiant « étalage pompeux en paroles ou en
actions », si le Dictionnaire de la langue verte nous
renseigne bien à ce sujet.
Après avoir été réunis comme tu et toi dans tutoyer,
les deux éléments fla et sorne, suivis d'une r, seraient
arrivés par le changement assez naturel, je crois, de s
en :;, de - en j, et de J en g k former ainsi qu'il suit le
verbe flagorner :
Fia— sorner
Fia— lorner
Fia— jorner
Fia— fforner.
Du reste, si flagorner a bien été formé comme je
viens de le dire, son élymologie doit expliquer les
diverses significations qu'il a ou qu'il a pu avoir. Voyons
ce qu'il en est.
4° Avec fla signifiant étalage pompeux de paroles, et
sorne, qui rappelle l'idée de bagatelle, le mot flagorner
doit signifier conter pompeusement des sornettes, dire
des inutilités, bavarder. Or, n'est-ce pas le sens qu'il a
eu dans l'origine, celui qu'on lui voit dans les vers de
Palhelin?
i" Pourquoi conte-l-on des sornettes en empruntant
la poiii|)e du discours'? Pour l;iclier d'arriver à plaire,
d'en liror un avantage. (Jr, flagorner est devenu synO'
nyiiie de flatter, faire sa coin' aux dépens des autres;
mais avec cotte différence qu'il contient une idée de
LE COURRIER DE VAUGELAS
147
bassesse qui n'est pas dans ce dernier, ce qui ressort
pleinement de ces exemples :
J'appris par ce succès de mon tardif coup d'essai ^ ne
plus me mêler de vouloir fla/jonier et flatter maigre
Minerve.
(J.-J. Rousseau. Con/ess., X[.}
Après que ledit Paul sera d('tenu è.'; prisons de Paris aussi
longtemps qu'il conviendra pour l'entière satisfartion des
dits courtisans, gens de cour, flatteurs, flagorneurs flagor-
nant par tout le roj'aume.
{P.-L. Courier, Aux âmes dévoles.)
3» Le verbe flatter, dont on a cru apercevoir le radi-
cal dans /Ingonier, s'est employé à l'origine (comme il
le fait eucore maintenant parmi les écoliers dans
quelques parties du département d'Eure-et-Loir) pour
signifier rapporter. Or, ce sens, donné à la syllabe
initiale de flayorner, a fini, grâce probablement à l'igno-
rance de l'étymologie de ce mot, par absorber entière-
ment le sens de l'autre élément, et, depuis le com-
mencement du XVII* siècle jusqu'au-delà de la première
moitié du xviii', flagorner s'est dit, comme synonyme
de rapporter, particulièrement en parlant d'un domes-
tique qui chercbe, aux dépens des autres, à obtenir les
faveurs de son maître. On trouve en eiTet dans Furetière
(<727), et dans Trévoux (1771), l'explication suivante
de ce verbe :
Vieux mot populaire qui signifie faire de mauvais rap-
ports à son maiire des autres domestiques pour faire le
bon valet ; Il va flagorner aux oreilles de son maître.
L'étymologie que je pro[)Ose s'appuie sur des permu-
tations qui ne semblent point impossibles; elle explique
toutes les significations qu'a eues ou que peut avoir
encore le verbe flagorner. Y aurait-il témérité a croire
que cette étymologie est la vraie?
X
Seconde Question.
Pourquoi le participe pa.sac ayant pour seul régime
le mot EN ne varie-t-il pas comme tout autre participe
précédé de son régime direct ?
Appliquant la règle générale, les écrivains du xvu'et
du xviii' siècle faisaient accorder le participe ayant
pour régime en aveclesubslantif dont ce pronom tenait
la place :
L'usage des cloches est, chez les Chinois, de la plus haute
antiquité, nous n'en avons eues en France qu'au vr siècle
de DOtr,e ère.
(Voltaire, dans la Gram. nat., p. 703.)
■Vous critiquez nos pièces de théâtre avec l'avantage non-
seulement d'e» avoir eues, mais encore A'en avOir faites.
(D'Alembert. idem.)
J'avais cherché un moyen de donner â rries observations
sur ces lois un air de nouveauté. Comme je viens de le
dire, à plusieurs époques on en a proposées et accepiée'..
{Benjamin Constant, idem.)
Mais les grammairiens ne goûtèrent pas tous cette
simplicité; il y en eut qui virent dans le pronom en un
régime indirect à cause du de qui procède le substantif
pour lequel il est mis 'ce qui est une erreur, puisque
ce substantif se mettrait à l'accusatif en latin : nous
avons du pain, des amis, habrmus panem, amicos , et
comme ils se trouvèrent plus nombreux ou plus auto-
risés que ceux qui y voyaient avec raison un régime
direct, leur opinion prévalut, et l'on finit par toujours
écrire, dans ce cas, le participe invariable.
Je ne saclie pas qu'il y ait à expliquer autrement
l'exception relativement moderne qui a condamné en
que'que sorte à l'invariabilité tout participe ayant pour
seul régime le pronom en.
X
Troisième Question.
Dans votre numéro du I" décembre, vous partes
d'une variante de l'explication du mot tartcffe ^jf?r
liret. Ne vous serait-il pas possible d'en donner le
texte? Pour mon compte, je vous en serais bien recon-
naissant.
Voici cette pièce, publiée par le îVational du 2 sep-
tembre 1873, et que j'ai pu recueillir, un heureux
hasard m'ayant fait prendre ce jour-là le journal de
M. Roussel pour y chercher des phrases fautives :
Une curieuse anecdote sur Tartuffe, trouvée par un de
nos confrères dans les lettres peu connues de Barilli, chan-
teur italien qui, en 1808, faisait partie de la musique par-
ticulière de I Empereur, et qu'il quitta ensuite pour entrer
au Théâtre-Italien, en qualité de primo buffe. Le grand-
pere de Barilli avait été secrétaire du nonce du pape
à Paris, et c'est dans ses papiers que Barilli prétend avoir
trouvé son historiette. Quoi qu'il en soit, voici ce qu'il
raconte :
« .\umomentoù Molière travaillait à son immortelle comé-
die, il se trouva à dîner un jour chez un grand person-
nage, en compagnie de deux ecclésiastiques italiens, dont
l'un, avec son air mortifié, mais faux, rendait assez bien
l'idée du caractère que le poète comique était en train de
mettre en scène.
(i On servit une oie rOtie, entièrement bondée de ces suc-
culents tubercules si vantés par Brillat-Savann; à cet aspect,
l'un des ecclésiastiques sembla sortir tout à coup du dévot
silence qu'il s'était imposé, et quand le plat vint à lui, il
choisit saintement les plus belles truffes, en murmurant
d'un ton béat : Tartuffoli, signor, tartuffoli!
5 Molière, dont l'esprit était toujours en éveil, fut frappé
par les allures papelardes de cet homme qui réalisait, sous
plusieurs rapports, le type de son imposteur, et c'est à
cause de cette exclamation Tarlujfoli, tartuffoli, qu'il adopta
pour son personnage le nom de Tartuffe. »
ÉTRANGER
Première Question.
Voici une plirase oii le mot le, suivi du verbe étiie,
est mis pour le participe d'un verbe passif quand il nij
a auparavant que ce même verbe sous forme active :
« J'espérerai mus faire ATTiiiBrER cette Imur.'ie tant
qu'elle ne le sera pas à un autre. » Est -il permis de
construire le pronom le de cette façon ?
On est loin d'être d'accord à ce sujet.
Ré-'nierDesmarais, dont la grammaire exprime en
quelque sorte l'opinion de l'Académie, est d'avis 'p. 3)31
qile /'' peut très-bien remplacer un |iarlicipe passé après
us
LE COURRIER DE VAUGELAS
être, à quelque temps que ce soit. Ce serait, selon lui,
o une espèce d'affeclation vicieuse » de construire avec
le participe, parce que Vêlre dit la même chose et « d'une
façon plus abbregée >'.
D'après De Waiily (p. 336), il vaut mieux employer le
participe que de le remplacer par le.
M. Bescherelle [Grain. ?iat., p. 367) pense aussi que
la construction qui consiste à maintenir le participe est
préférable comme « plus claire » et « plus conforme » à
l'usage des meilleurs écrivains.
Enfin, M. Littré vient proscrire à son tour l'emploi
de l'être, et déclare que les phrases suivantes offrent
une mauvaise construction :
Je ie traiterai comme il mérite de l'être.
Il corrigerait ces abus s'ils pouvaient l'être.
Il y faudrait : comme il mérite d'être traité, s'ils
pouvaient être corrigés; c'est une règle « absolue ».
Cependant que d'écrivains, et de ceux qui ne comp-
tent pas au dernier rang dans notre littérature, n'ont
tenu aucun compte de la règle en question! Qu'on en
juge plutôt par ces exemples :
(xvn' siècle)
Celte femme est belle, et j'aurais un grand penchant à
l'aime'", si ce qu'on m'a dit de son inconstance ne la ren-
dait indigne de l'être.
(Corneille, dans la Gram. nat., p. 367.)
Les autres suent dans leurs cabinets pour montrer aux
savans qu'ils ont résolu une question d'algèbre qui n'avait
pu l'être jusqu'ici.
tPascal, dans Âubertin, p. 35l )
(xvin= siècle)
Le bœuf remplit ses premiers estomacs tout autant qu'ils
peuvent l'être.
(Buffon, dans la Gram. nat., p. 367-)
On ne peut vous estimer et vous aimer plus que vous ne
l'êtes du vieux solitaire.
(Voltaire, idem.)
(xix" siècle)
J'ai la conscience d'avoir servi la légitimité comme elle
devait l'être.
(Chateaubriand, dans Aubertin, p. aSi.)
11 faut vous décider, car moi je le suis.
(Alphonse Karr, idem.)
Qui donc croire ici? Les auteurs, qui dans cette ma-
tière ont certainement voix au chapitre, puisqu'ils repré-
sentent l'autorité de l'usage, ou les grammairiens, qui
ont tout autant le droit de se faire entendre'?
Je vais vous donner une solution propre, il me semble,
à terminer ce grave dilferend.
Si je ne me trompe, voici comment s'est successive-
ment étendu l'emploi du pronom /«dans le sens neutre :
D'abord, ce mot s'est mis à la place d'un adjectif ou
d'un participe passé qui, suns lui, aurait dû être répété,
ce qui a permis à Mme George Sand de dire :
Olil que (le mal vous m'avez fait, cruelle mamita! Vous
m'avez aimée comme je ne le serai jamais de personne.
au lieu de :
Vous m'aie; aimée comme je ne serai jamais aimée de
pei sonne.
En.sMilo, quand après le verbe rire se trouva un par-
ticipe identique de prononciation avec une forme active
à laquelle le même verbe était employé précédemment,
on substitua encore le à ce participe :
Il la regarda et lut dans ses yeux. Il la servit comme elle
voulait l'être [servie].
(Michelet, dans Âubertin, p. a5i.}
On ne peut bien déclamer que ce qui mérite de l'être
[déclamé].
(Voltaire, .Siècfe de Louis XIV , Lulli.)
La masse des spectateurs court risque de s'entre-égorger,
chacun codant à la crainte de l'être [égorgé].
(Georges Sand.)
Enfin, l'analogie finit par faire remplacer, au moyen
de le, tout participe se rapportant à un verbe actif em-
ployé à une personne qui différait de son avec ledit par-
ticipe, comme dans ces exemples :
On paya alors avec cet argent tous ceux qui voulurent
l'être [payés].
(Voltaire, dans Aubertin, p. a5l.)
11 les traite comme il l'a été [traite] tout à l'heure.
(Michelet, id«m,)
Il est difficile à'embellir ce qui ne doit Teïre [embelli] que
jusqu'à un certain degré.
(Thomas, dans la Gram. nat., p. 367.)
Je Vaimerois si son inconstance ne la rendoit indigne de
l'être [aimée].
(Régnier-Desmarais, Gram.')
Or, dans ces dernières phrases, on a été évidemment
trop loin; c^v paya eipaijé, traite et traité, embellir et
embelli, aimerais et aimée ne se prononçant pas de la
même manière, il n'y avait pas lieu d'appliquer le prin-
cipe tout d'euphonie sur lequel repose la substitution
de le à un adjectif ou à un participe.
D'oîi je conclus que, excepté dans le cas où il n'y a
pas identité de son, on peut toujours remplacer avanta-
geusement par le un verbe mis à l'actif, si ce pronom le
fait sous-entendre dans un sens passif, et qu'en consé-
quence, la phrase que vous me proposez est irrépro-
chable de construction, puisque le participe attribuée,
qui s'y rencontre, sonne comme l'infinitif attribuer.
X
Seconde Question.
Puisqu'on dit sorcier, pourquoi dit-on sorcellerie?
Voilà une de ces bizarres dérivations qu'on ne trouve
que dans votre langue, que je n'en étudie pas moins
toutefois avec ardeur.
Les noms en ier donnés à des hommes exerçant une
certaine profession forment généralement le nom de
cette profession eu changeant le son ié en e muet, et j
en s'allongeant de la finale ie :
' Bijoutier — Bijouterie
Chapelier— Chapellerie
Epicier — Epicerie.
Un seul dérivé de cette espèce, sorcellerie, fait excep-
tion. Comment expliquer celte anomalie? Je crois que
c'est ainsi (]u'il suit :
Nous avons également des noms en ie qui se sont
formés, non pas du nom de la personne qui fait l'action,
mais du verbe par lequel on désigne cette action elle-
même; tels sont :
fiadauder/e de Badauder
Escroquerie — Escroquer
Marqueterie — Marqueter.
LE COURRIER DE VAUGELAS
449
Or, notre vieille langue possédait le verbe sorcrler
(venu de sorcier par le changement si commun à une
certaine époque de r en ^), verbe qui avait donné sorce-
lage. N'est-il pas à croire que l'on a tiré aussi du même
verbe le nom désignant l'art du sorcier, et que, plus
tard, abandonnant peu à peu sorcerie (car dans l'ori-
gine, sorcier avait eu ce dérivé), on l'a finalement rem-
placé par sorcellerie, qui diffère des autres noms de pro-
fession en ie, parce que ce n'est, en quelque sorte, qu'un
descendant de sorcier au second degré?
L'anglais sorcery est évidemment le vieux mot fran-
çais sorcerie, porté en Angleterre par les soldats de
Guillaume-le-Gonquéranl(l066).Or, deux siècles après,
on ne trouve plus que sorcellerie, dont voici le plus
ancien exemple, cité par M. Littré :
DacieDS voit son frère, moult docement 11 prie;
Amis, car croi en Dieu le fil sainte Marie,
fit relenquis Malion et sa sorcelerie.
(Chanson d'Antioche.)
On peut en inférer, il me semble, que le mot sorcel-
lerie a pris naissance à peu près vers le xn= siècle.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
f ... parce qu'elle est morte avant de naître (pas de que); —
2° ... moins grandes que ne le répètent; — S" ... les explications
qu'e/ie rrojait (se rapporte à Tribune et non à journal); —
4° ... dans tout le monde civilisé, non-seulement guérit... mais
encore elle montre son effet; — 5" ... à jeter de simples ana-
thèmes et à fulminer; — 6' ... excitant des citoyens à se me'pri-
ser et à se haïr les uns les autres; — 7° ... avec indifférence,
voire avec satisfaction (pas de même, expliqué par le Courrier de
Vaugelas, l' année, p. 185); — 8°... ne laissent pas de (il faut
supprimer que); — 9° ... à 74 ans, paraît en avoir trente.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
!• Il serait temps que le corps enseignant soit débarrassé
de l'élément révolutionnaire et libre-penseur qui l'a envahi
et qui l'a corrompu.
ï' On dirait qu'il prévoit que la roue de la fortune
pourrait bien cesser de tourner pour l'Allemagne, et que,
tout homme de génie qu'il soit, M. de Bismark n'est pas
infaillible.
3* Le prince Louis-Napoléon Bonaparte, s'inspirant de la
gravité des circonstances, avait demandé et obtfnu du
peuple français de transformer une légalité précaire et
limitée en un droit définitif et indéfini.
4* Il en sera temps, lorsque cette assemblée, qui s'est ima-
ginée que la France tie 89 s'était abîmée dans un offondre-
ment définitif, aura fait place à une autre assemblée.
5* Il s'en trouvait qui songeaient, en les poussant ainsi,
à d'autres intérêts qu'à ceux de la République.
6" Un témoin oculaire a vu cent jonques environ se heur-
ter les unes contre les autres, sombrer ensemble et repa-
raître quelques minutes après, sur les flots, hachées me-
nues comme des allumettes.
7" 11 dépendrait donc de la partie jeune que nous ayons
bientôt un ministère de détente. Ne nous berçons pas d'il-
lusions, cependant, et attendons la rentrée.
8' Mais si la douleur déchirait notre âme, notre espérance
en la vitalité de la France ne nous abandonna jamais. Plus
ses malheurs étainnt grands, plus grande aussi était notre
confiance en son étoile.
9" Ainsi les journaux bonapartistes se plaignent de ce
que nous ayons usé contre eux des paroles prononcées par
le ministre de l'intérieur devant la commission de perma-
nence.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIE UU XVII' SIECLE.
VAUGELAS.
'Suite.)
Ait demeurant. — Ceux qui écrivent purement ne se
servent plus de ce terme pour dire au reste ; il a cepen-
dant été en grand usage parmi les bons auteurs.
Bigearre, bizarre. — Tous deux sont bons (1647; ;
mais bizarre est tout-à-falt de la Cour, en quelque sens
qu'on le prenne.
DES remplacé par de. — Au nominatif et à l'accusatif,
de se met devant l'adjectif, et des devant le substantif;
il faut dire il y a d'excellens hommes, et ;/ y a des
hommes excellens. Cette règle, qui est essentielle eH
notre langue, est enfreinte dans la plupart des pro-
vinces et par un nombre infini d'écrivains français.
Encliiier. — Quelques-uns, et même à la Cour, disent
ce mot au lieu de incliner, se fondant sur ce que l'on
dit enclin; c'est une faute.
Accueillir. — Plusieurs bons auteurs ainsi que les
habitants des bords de la Loire emploient ce verbe en
mauvaise part : accueilli de lu teinpcle, de la famine,
etc. Mais à la Cour, on s'en sert plutôt en bonne part :
il a été accueilli favorablement.
Après. — Devant un infinitif, et pour dénoter une
action continue, ce mot est français, mais bas; j'e suis
après de les achever n'est pas du beau style.
Comme, comment, comme quoi. ■ — Ce dernier est un
terme nouveau (1647), qui n'a cours que depuis quel-
ques années, mais qui est tellement usité qu'on l'a à
tout propos à la bouche. Vaugelas aimerait mieux que
l'on dit comment. Quant aux deux autres, il y a bien
peu d'endroits où l'on puisse les employer l'un pour
l'autre, .\insi, par exemple, quand on se sert du verbe
demander pour interroger, nul doute qu'on ne puisse
dire comme; la phrase demandez-lui comme cela se
peut faire est fort mauvaise.
Guère, r/ueres. — On met à volonté une s à ce mot.
Coinpagnée, compagnie. — Le premier est un terme
barbare s'il en fut jamais, ce qui n'empêche pas qu'il
soit dans la bouche et dans les écrits d'une quantité de
gens qui font profession de bien parler et de bien écrire.
Il faut toujours dire compagnie.
Bienfaiteur, bienfaicteur, bienfacteur. — C'est le
premier qui est le meilleur pour la prononciation et
pour l'orthographe. Bienfacleur ne vaut rien.
Bétail, bestial. — Tous deux sont bons; mais bétail
est beaucoup meilleur. Il semble que bestial est plus
450
LE COURRIER DE VAUGELAS
dans l'usage de la campagne, et que Fautre est plus de
la Ville et de la Cour.
IL EST pour IL ri. — C'est une expression qui est
très-familière à Malherbe; mais il n'est pour il n'y a
est beaucoup meilleur et plus en usage que il est pour
il y a. Du reste, il y a trois cas, donnés par Vaugelas,
où cette substitution est seule possible.
Parricide, fratricide. — Le premier s'applique aussi
bien à celui qui a tué sa mère, son prince ou trahi sa
patrie qu'à celui qui a tué son père. Ceux qui disent
fratricide composent un mot qui n'est pas français.
Cupidité. — Aujourd'hui (Ifi47l, aucun de nos bons
écrivains n'emploie ce mol, tous disent convoitise.
Portrait, pourtrait. — • Il faut dire portrait et non
pourtrait avec un u, comme la plupart ont accoutumé
de le prononcer et de l'écrire. Depuis dix ou douze ans,
certains o prononcés par ou, comme dans chôme, se
prononcent o.
Filleul, fillol. — Toute la Cour dit filleul, filleule,
et toute la ville fillol, filiale. L'usage de la Cour doit
prévaloir, parce que la diphlhongue e« est incompara-
blement plus douce que la voyelle o.
Etre pour. — Façon de parler française, mais basse
quand elle est employée comme dans celte phrase : ils
étaient pour avoir encore pis.
Date. — Beaucoup de gens disent le date d'une
lettre; il faut dire la date, et ne mettre qu'un t; c'est
à datte, fruit du palmier, qu'il en faut deux.
Sûreté, sûrté. — Toujours sûreté et jamais sûrté.
Dont. — Quelques-uns disent encore dont pour d'où,
comme le lieu dont Je viens; mais c'est très-mal parler,
il faut dire d'oii je viens, quoique réellement dont
vienne de undè.
Ambitionner. — Il y a longtemps que Ton se sert de
ce mot, mais ce n'est pas dans le bel usage; ceux qui
font profession de parler et d'écrire purement l'ont tou-
jours condamné, et quoi que l'on ait fait pour l'intro-
duire, ça été avec si peu de succès, qu'il y a peu d'ap-
parence qu'il s'établisse à l'avenir.
Fond, fonds. — Fo7id, sans s, est la partie la plus
basse de ce qui contient ou qui peut contenir quelque
chose, c'est le latin fundum; fonds, avec une s, c'est le
latin fundus.
Il a fait tant et de si belles actions. — Cette façon de
parler a été fort usitée autrefois; mais aujourd'hui elle
a quelque chose de vieux et de rude, et ceux qui écri-
vent bien purement ne s'en servent plus. Ils se conten-
tent de dire il a fait tant de belle.': actions.
Quoi que l'on die, quoi qu'ils dient . — Au singulier,
quoi qu'il die est fort en usage, et en parlant et en écri-
vant, bien que quoique l'on dise ne soit pas mal dit;
mais (juoi qu'ils dient, au pluriel, ne semble pas si bon
à jjlusieurs que quoi qu'ils disent .
Bailler, donner. — Sauf en quelques endroits, comme
dans bailler à ferme, on dit toujours donner.
Mes obéissances. — Une infinité de gens disent et
écrivent 7e vous irai assurer de mes obéissances. Celte
façon de parler n'est pas française; elle vient de la Gas-
cogne; il faut dire obéissance au singulier.
Le voilà qui vient. — C'est ainsi qu'il faut dire, et
non le voilà qu'il vient.
Comme je suis. — On a repris, plusieurs le savent,
celle façon de parler qxiand je ne serais pas votre servi-
teur comme je suis, et cela, en disant que ces derniers
mots sont inutiles. Selon Vaugelas, cette allégation est
entièrement fausse.
Vers où. — Employée comme dans cette phrase, il se
rendit à un tel lieu, vers ait l'armée s'avançait, celte
expression, introduite depuis peu, n'est pas bonne,
attendu que la préposition vers ne régit jamais un
adverbe, mais bien un nom, avec ou sans article. Nous
avons pris ce vers oii des Italiens, qui disent verso dove.
Plaire. — Ce verbe se construit quelquefois avec de
et quelquefois sans de, et, dans certains endroits, il est
comme indifférent de l'accompagner ou de ne pas l'ac-
compagner de celle préposition. Il vaut mieux dire la
faveur qu'il vous a plu me faire; mais ce serait une
faute que de ne pas mettre de dans les phrases suivantes :
il me plaît de faire cela, il me plaît d'y aller, etc.
Il s'est brillé, et tous ceux qui étaient auprès de lui.
— Quoique familière à nos meilleurs écrivains, cette
construction n'est pas bonne; il faudrait dire : il s'est
brûlé, et a brûlé tous ceux qui étaient auprès de lui.
Rien ne peut dispenser ici de répéter un mol; il est
impossible que la construction du verbe passif puisse
« compatir » avec celle du verbe actif.
Demi-heure, demi-douzaine. ■ — C'est ainsi qu'il faut
dire et écrire, et non demie heure, demie douzaine;
mais on écrit une heure et demie, etc.
Quelque riches qu'ils soient. — Comme ici quelque
est adverbe, il ne faut pas l'écrire avec uneA-;caril
signifie encore que. Néanmoins, on doit remarquer qu'il
n'est adverbe qu'avec les adjectifs, car on écrit quelques
perfections qu'il ait, etc.
Valant, Vaillant. — Entre le substantif et le prix
qu'on adjuge à l'objet qu'il représente, on met valant,
comme dans : je lui ai donné vingt tableaux valans
cent pistoles la pièce, et non pas vaillans.
A moins de faire cela. — Phrase aussi mauvaise que
à moins que faire cela. Il faut à moins que de faire cela.
Loin de m' avoir récompensé, il m'a fait mille maux.
— Encore une mauvaise phrase; il faut mettre ô/e» de-
vant loin, et dire bien loin de m'avoir récompensé, etc.
Jours caniculaires. — On dit a.nss\ jours caniculiers,
mais la première expression est beaucoup meilleure, car,
à la Cour, on ne peut souffrir l'autre.
Gancjreine. — 11 faut écrire ce mot avec un «7 au com-
mencement, mais on prononce cangrène, avec un c,
pour éviter la répétition des deux g.
Un mien frère. — Aujourd'hui, on ne se sert plus
ainsi des pronoms possessifs, fort usités autrefois; il
faut dire : un de mes frères, et s'il n'y en a qu'un, mon
frère.
Notamment. — Gel adverbe n'est plus du bel usage ;
il vaut mieux dire nommément.
[La suite au prochain numéro.)
Le Rkdacteor-Gkkant : Emam .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
ir,\
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
Une parente pauvre; par M""" Bourbon iMathilde
Froniont). 6° édition. In-18 Jésus, 275 p. l'aris, lib. Bray
et Retaux.
Œuvres politiques de Benjamin Constant, avec
introduction, notes et index, par Charles Louandre. In-18
Jésus, xxviii-i36 p. Paris, lib. Cliarpentier l'X C'". 3 fr. 50.
Froment jeune et Risler aine. Mœurs parisiennes;
par Alphonse Daudet. 2' édition, in-18 Jésus, 394 p. Paris,
lib. Charpentier et C". 3 fr. 50.
Les Pensées de tout le monde; par Arnould Frémy.
In-18 Jésus, iv-281 p. l'aris, lib. IVlichel Lévy frères. 3 fr.
50.
Les filles d'Enfer; par Charles Joliet. In-18 Jésus,
293 p. Paris, lib. Deutu. 3 fr.
Contes et Nouvelles envers; par M. de La Fontaine.
Édition des Fermiers généraux. T. 2. Avec 42 fig. à part,
39 têtes de page, fleurons et culs-de-lampe. In-8", xi-320 p.
Paris, lib. Barraud. kO fr.
Le Mari de Ctiarlotte; par Hector .Malot. In-18 Jésus,
439 p. Paris, lib. Micliel Lévy frères. 3 fr. 50.
Chronique du règne de Charles IX, suivie de la
Double méprise et de la Guzla ; par Prosper Mérimée,
de l'Académie française. In-18 Jésus. Uû p. Paris, lib.
Charpentier et G'«. 3 fr. 50.
Les Boutiques de Paris. La Boutique du mar-
chand de nouveautés; par Eugène Muller. 2« édition.
In-18 Jésus, 247 p. Paris, lib. Hachette et C"^ 1 fr. 25.
Correspondance de P. J. Proudhon; précédée
d'une notice sur P. J. Proudhon; par J. A. Langlois.
T. 1. In-8', XLviii-36/i p. Paris, lib. InternatioDale. 5 fr.
Œuvres complètes de Rutebeuf, trouvère du XIII»
siècle; recueillies et mise au jour pour la première fois
par Achille Jubinal, ex-professeur de faculté. Nouvelle
édition, revue et corrigée. T. 2. ln-16, 396 p. Paris, lib.
Daffls. 5 fr.
L'Ancien Orient. Études historiques, religieuses et
philosophiques sur l'Egypte, la Chine, l'Inde, la Perse, la
Chaldée et la Palestine; par Léon Carre. T. I. Egypte-
Chine. T. 2. Inde-Perse-Chaldée. In-8', xvi-1016 p. Paris,
lib. Nouvelle. 6 fr. le vol.
Souvenirs de guerre et de captivité (France et
Prusse) ; par le H. P. de Damas, de la compagnie de Jésus.
In-12, 3'24 p. Paris, lib. Téqui.
Théâtre complet d'Alexandre Dumas. Nouvelle édi-
tion. 25 vol. In-18 Jésus, 7,463 p. Paris, lib. Michel Lévy
frères. Chaque vol. 1 fr. 25.
Souvenirs militaires du colonel de Gonneville;
publiés par la comtesse de Mirabeau, sa fille, et précédés
d'une étude par le général baron Ambert. In-S-, lxx-399 pi.
Paris, lib. Didier et C'«. 7 fr.
Maine de Biran, sa vie et ses pensées; publiées
par Ernest Naville. 2" édition, revue et augmentée. la-S",
xi-459 p. Paris, lib. Didier et C'".
La Marquise de Barol, sa vie et ses œuvres, sui-
vies d'une notice sur Silvio Pellico ; par M. le v''" de
Meluu. i' édition. Ia-12, 358 p. Paris, lib. Poussielgue
frères.
Tragédies de Paris. III. La Femme du baron
■Worms ; par Xavier de .Montépin. In-18 Jésus, 288 p. et
gr. Paris, lib. Satorius. 3 fr. 50.
Les Nouveaux Samedis ; par A. de Pontmartin.
10* série. Gr. in-18, 3S4 p. Paris, lib. IMichel Lévy frères.
3 fr. 50.
Œuvres complètes de Régnier, revues sur les édi-
tions originales, avec préface, notes et glossaire;
par M. Pierre Jannet. In-16, xxiv-264 p. Paris, lib. Le-
merre. Sur papier glacé, 2 fr. 50; papier vélin (fil) 5 fr. ;
papier de Chine, 15 fr.
Ma sœur Jeanne; par Georges Sand. 5° édition. In-18
Jésus, 363 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 3 fr. 50.
Publications antérieures
NOUVELLE GRAMMAIRE FRANÇAISE fondée sur
l'histoire de la L.\NGUE,à l'usagc des établissements d'ins-
truction secondaire. — Par Auguste Br.vchet, professeur à
. l'Ecole polytechnique.— In-12, xix-248 p.— Paris, librairie
Hachette et Cie, 97, boulevard St-Cermain.— Pri.x : 1 fr. 50.
LES DIALOGUES DE JACQUES TAHUREAU, gen-
tilhomme du Mans, avec notice et index. — Par F. Cons-
cience. — Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, 47, Passage
Choiseul. — Prix : 7 fr. 50.
ŒUVRES COMPLÈTES DE MELIN DE SAINCT-
GELAYS, avec un commentaire inédit de B. de la Mon-
noye, des remarques de MM. Emm. l'hilippes-Beaulieux,
R. Dezeimeris, etc. Edition revue, annotée et publiée par
Prosper Blanchemain. — T. 2. — In-16, 365 p. — Paris,
librairie Ûa/'/î.v, 9, rue des Beaux-Arts.
LE GRAND TESTAMENT DE VILLON ET LE PE-
TIT. Son Codicille. Le Jargon et ses ballades^ aussi le
rondeau que ledit Villon fist quand il fust jugé à mort, et
la requeste qu'il bailla k Messeigneurs de Parlement et à
Monseigneur de Bourbon.— III. — In-16, 120 p. — Lille,
imprimerie Six-Hormans.
CHRONIQUES DE J. FROISSARD, publiées par la
Société de l'histoire de France, par Siméon Luce. T. 5..
1356-1360. Depuis les préliminaires de la paix de Poitiers
jusqu'à l'expédition d'Edouard UI en Champagne et dans
l'Ile-de-France. — In-8% lxxi-436 p. — Paris, librairie
V" J. Renouard. — Prix : 9 francs.
L'INTERMEDIAIRE DES CHERCHEURS ET DES
CURIEUX. — En vente à la librairie Sandoz et Fischba-
cher, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : 1« année, 15 fr.;
2'- année, 10 fr.; 3" année, 12 fr.; 4= année, 8 fr.; 5° année,
12 fr. — Chaque année se vend séparément. — Envoi
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CIENNES ET MODERNES, classées par ordre chrono-
452 LE COURRIER DE VAUGELAS
logique et par noms d'auteurs, avec biographie et notices.
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nier frères, 6, rue des Saints-Pères.
LE CYMBALUM MUNDI, précédé des Nouvelles re-
créations et joyeux devis de Bonaventuhe des Perters. —
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nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. Jacob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delihays, éditeur, û-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 : 5 fr. ; in 8» : 2 fr. 50.
Adolphe Delahays, éditeur, It-G, rue Voltaire. — In-16
5fr.; in-18 Jésus, 2 fr. 50.
LA VRAIE HISTOIRE DE FRANCION, composée par
Charles SoREL,sieurdeSouvigny. — Nouvelle édition, avec
avant-propos et notes par Emile Colombay. — Paris,
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
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DISCOURS D'EUTRAPEL. — Par Noël du Fail, seigneur
de la Ilérissaye, gentilhomme breton. — Edition annotée,
précédée d'un essai sur Noël du Fail et ses écrits. — Par
Marie Guichard. — Paris, librairie Charpentier, 19, rue de
Lille.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue â l'étranger.
I.
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
Secrétaire du Collège des Précepteurs, /i2, Queen Square, à Londres, W. C, qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
II.
Sous le titre de Revue anglo-française, il paraît à Brigthon une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Angleterre ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice à
ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires. — L'abonnement est de 10 fr. pour la
France, et il se prend à Paris chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires, 33, rue de Seine, ou à la librairie Grassart,
2, rue de la Paix.
CONCOURS LITTERAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Académie françaisf. propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au
Concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont inédits et
n'ont été présentés à aucun autre concours. — Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront
une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. —
Sont seuls admis à concourir: l-les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane; 2° les
étrangers, membres effectifs ou correspondants de cette Société. — Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire
de la Société Florimontane, avant le 1" juillet 1875. — Ils resteront déposés aux archives de ladite Société, où les
auteurs pourront en prendre connaissance. — Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins
de cent vers.
L'Aradémiiî française donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone. — Le nombre des vers
ne doit pas excéder celui de deux cents. — Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secré-
tariat de l'Institut, franches de port, avant le 15 février 1875, terme de rigueur. — Les manuscrits porteront chacun
une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint ;i l'ouvrage; ce billet contiendra le nom et
l'adresse do l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours,
mais les auteurs pourront on faire prendre copie.
Le, rcil.irlpiir du Caurricr de Viuit/r/as csl visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Uolrou.
6* Année.
N' 20.
15 Janvier 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^^
\<\\S Journal Semi-Mensuel "W/ //
S^ CONSACRÉ A L* PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( J
Paraissant la 1" ot la IS da ehaana moia
PRIX ;
Rédacteur: Eman MARTIN
ON S'.\BONNE
Aboanement pour la France. 6 f.
ANCIEN PROFESSEIR SPÉCUL POUR LES ÉTB.AXGERS
En envoyant un mandat sur la poste
Wera pour l'Étranger 10 f.
Ofiicier d'Académie
soit au Rédacteur, soit à r.\dra'
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
26, boulevard des ItaMens, Paris.
M. FiscHBACHEH, 33, TUtt de Seine.
SOM.M.\IRE.
Réponse à une communication; — Pourquoi la qualification Armes
de Bourges est appliquée à un ignorant; — Si c'est une faute
que de dire : Vous que j'appris à pleurer. \\ Quand Pourquoi
en un mot, et quand en deux mots; — Ce qu'on entend par
Cercle de Popilius. || Passe-temps grammatical. || Suite de la
biographie de Vaugelas. || Ouvrages de grammaire et de litté-
rature. Il Renseignements pour les professeurs français. || Con-
cours littéraires. || Avis aux abonnés de la province.
FRANCE
Réponse à M. Charles Deiilin.
Les points sur lesquels la letlre de M. Charles Deulin
appelle mon attention sont au nombre de quatre ; je vais
les examiner successivement dans Tordre oii ils se pré-
sentent.
I.
M. Charles Deulin m'avait adressé cette question :
Dans la phrase suivant?, où il s'agit dp princesses: t II
y en a dP brunes, de blondes, de chàtain-clair, etc. « faut-
il de ou des ?
Je croyais ayoir suffisamment prouvé qu'il faut de, et
non des, dans cette phrase; mais .M. Charles Deulin
n'ayant pas été « entièrement satisfait » de mon expli-
cation, je me vois obligé de lui en donner une autre,
espérant être cette fois plus heureux.
Voici cette seconde explication :
En français, c'est une règle générale, si l'on ellipse
les mots qui est, (/ni sont, qui étaient, etc., suivis d'un
adjectif ou d'un participe, de remplacer ces mots par
de, lorsque le substantif en relation avec qui a été
lui-même remplacé par le mot en, comme dans ces
exemples ;
La terre commence à verdir, les arbres à bourgeonner,
leB fleurs à s'épanouir : il y en a déjà de passées.
',Bern. de Saint-Pierre.)
On peut dire que parmi les anecdotes, les discours, les
mots rélèbres rapportés par les historiens, il n'y en a pas
un de rigoureusement authentique.
(Renan, Vie de Jésus, p. 47-1
Mais parmi les traits lancés de toutes parts, ne s'en trou-
vera-t-il aucun d'empoisonné?
(Em. Souvestre, Phil., p. m.)
Or, comme dans la phrase que m'a envoyée .M. Charles
Deulin, e« a été mis à la place de princesses, il faut
nécessairement de, et non des, avant brunes, blondes,
etc., puisque l'expression qui étaient, répétée, a été
ellipsée avant ces adjectifs.
.M. Charles Deulin me dit qu'il préfère à la mienne la
solution de M. Baudry, pour qui la « suppression » de
l'article dans ce cas tient « surtout « à ce que de précède
immédiatement un adjectif.
Oi;i voit-on donc qu'il y ait ici suppression d'article?
Quand la phrase est complète, des princesses se trouve
bien, à la vérité, après le verbe, et qui étaient sépare
des princesses d\i qualificatif; mais, par suite de l'ellipse
des mois des princesses, l'article que renferme des va
s'absorber dans le pronon en, et il ne reste avant
l'adjectif que les mots qui étaient, dont le remplacement
par de ne peut donner lieu au rejet d'aucun article.
Du reste, ce n'est pas le seul cas où de s'emploie de
cette manière. Ainsi, il est évident qu'on ne substitue
pas ce mot à l'article quand, par exemple, on dit, en
parlant d'un combat :
Nous avons eu quarante hommes de tués et deux cents
de blessés.
Si, après ce qui précède, il restait encore quelques
doutes à. M. Charles Deulin, relativement à la question
qu'il m'a adressée, il lui suffirait, pour les dissiper, de
lire la phrase suivante, de Bernardin de Saint-Pierre
parlant des mouches de son rosier :
Il y en avait dedoréps, d'argpntops, de bronzées, de tigrées,
de bleues, de vertes, de rembrunies, de chatoyantes.
IL
Dans le numéro 7 de la présente année, j'ai eu à
examiner la question de savoir si une phrase interjetée
peut-renfermer un verbe qui tienne lieu de son participe
434
LE COURRIER DE VAUGELAS
présent précédé de en et du verbe dire, ou, en d'autres
termes, si les phrases comme les suivantes sont bonnes :
Ah, ab! ricane Idit en ricanant] VVnivers, le bon billet
qu'a M. Thirrs.
Je \'ous répète que vous déplacez la question, gronda [dit
en grondant] Brisemberg.
Cet impôt est immoral, tonnait [disait en tonnant]
M. Poiiyer.
Ajoutons, insista [dit en insistant] le docteur, qu'éveillé,
il est difficile d'être surpris.
C'est bien, interrompit [dit en interrompant] Jersey d'un
ton bourru.
Parlez, soupira [dit en soupirant| M. Arthur Dimanche.
Ce n'est pis la Commission qui a dit cela, s'excusa [dit en
s'excusant] M. de Sugny, c'est Nicolas.
J'ai répondu que, selon moi, toutes ces phrases sont
mauvaises, et cela, pour les raisons suivantes :
^° Parce qu'étant des phrases interjetées, leur verbe
doit avoir pour complément direct les mots prononcés
par la personne que désigne le sujet, ce qui n'a lieu
pour aucune d'elles ;
2° Parce que leurs verbes, tout transposés qu'ils
sont pour former des phrases interjetées, ne peuvent,
par ce simple changement de place, acquérir le sens de
dire, qu'ils n'ont pas naturellement;
3° Enfin, parce que, dans aucun auteur classique,
on ne rencontre de phrases interjetées avec un verbe
ayant ainsi deux sens difTérents à la fois.
Mais ces raisons n'ajant pas convaincu .M. Charles
Deulin, qui trouve que la nécessité de créer des syno-
nymes à dire suivi d'un participe présent est sentie
surtout par ceux qui écrivent des romans, je vais lui
en donner une autre qui, peut-être, le rangera enfin de
mon avis.
Supposons, pour un instant, que l'innovation synta-
xique en question soit admise; elle autoriserait certai-
nement les phrases que voici :
Viens donc, sauta-t-il, si tu l'oses!
En avant! courut notre chef, l'ennemi est là!
J'ai mangé de bon appétit, se lera-i-il.
Eh bifn! but-il un coup, êtes- vous satisfait?
.M. Charles Deulin consentirait- il à les signer?
Evidemment non : il faut donc que son principe soit
erroné pour impliquer une telle conséquence.
Quant à s'rxclamer, autre synonyme de dirr que
M. Charles Deulin affectionne tout pariiculièremenl, je
ne suis guère mieux disposé en sa faveur, quoiqu'il ail
l'avantage cependant d'avoir été employé par .Saint-
Simon ; je le re|)Ousse :
D'abord, parce que i'ccrier nous a parfaitement suffi
jusqu'ici, et preuve, c'est que la plupart des lexico-
graphes n'enregistrent même pas. •^'exclamer;
Etisuile, parce que la répétition de s'écrier n'est pas
tellement fréquente que le besoin d'un synonyme pour
lui m'apparaisse comme évident;
Enfin, parce que j'eslime que s'écrier, qui est une
vieille forme pronominale dont l'analyse ne peut rendre
compte, n'est nullement propre à servir de patron pour
un néologisme.
III.
Sans oser les employer, .M. Charles Deulin préfère les
gallicismes que nous disions qui vous ressemblait, que
l'ous espériez qui ne serait pas connue, à la construction
moderne que nous disions vous ressembler, que rous
espériez ne devoir pas être connue.
Pourquoi ? Le paragraphe suivant de sa lettre le donne
à entendre :
En général, les grammairiens visent trop à la régularité
grammaticale et ne tiennent pas assez compte de la viva-
cité, la première qualité française après la clarté.
Ainsi, pour M. Charles Deulin, toute défectueuse
qu'est la construction présentée par lesdits gallicismes
(ce quejecroisavoir complètementdéraontréi, ils valent
mieux que la tournure au mo>en de l'infinitif, parce
qu'ils expriment plus rapidement la pensée.
Voyons donc si, véritablement, ils ont cet avantage.
Je reprends les exemples cités dans le numéro 2, et
je compte les syllabes des gallicismes :
Cette madame de Quintin, (jue nous disions qui vous res-
semblait (9 syllabes)
Peut-être a-t-il démêlé dans votre vie quelque intrigue
que vous espériez qui ne serait pas connue (12 syllabes).
Et que pourra faire un époux
Que l'oulez-vous qui soit... (6 syllabes).
Mais pour guérir du mal qu'il dit qui le possède (6 syl-
labes).
Je compte ensuite les syllabes de la même partie de
ces phrases, rendue par la tournure moderne :
... Que nous disions vous ressembler (8 syllabes); — que
vous espériez ne devoir pas être connue (13 syllabes); —
que vous voulez être (6 syllabes); — qu'il dit le posséder
(6 syllabes).
Or, en faisant la somme de part et d'autre, je trouve
les résultats suivants :
Pour les gallicismes du xvii" et du xvni^ siècle :
33 sjllabes.
Pour la forme moderne : 33 syllabes.
D'où je conclus que, considérée au point de vue de
la rapidité de l'expression, la tournure moderne possède
celte qualité juste au même degré que l'ancienne.
Les grammairiens ont souvent tort, je l'avoue: mais
ce n'est point ici le cas de leur faire un reproche.
IV.
Enfin, passant aux Phrases à corrif/erôa numéro 11,
M. Charles Deulin me demande pourquoi, dans celle-
ci : a Ils se plaignent avec raison qu'on leur fait jouer »
je veux qu'on écrive : qu'on leur fasse jouer, quand,
d'après .M. Liltré, on met le subjonctif seulement « lors-
que le sens est que l'acte exprimé par le verbe au sub-
jonctif est hypothétique ».
.Ma raison, la voici :
(Vcst une lègle qui me semble sans exception que de
meltie au subjonclif, après la simple conjonction que,
tout verbe régime d'un autre exprimant les émotions
suivantes de l'Ame : \e plaisir et \aL peine, Vamour et la
haine, le désir et l'arersion, la joie et la (rislesse, la
salisfaction et le mécontentement. tl
LE COURRIER DE VAUGELAS
^55
Or, qn'esl-ce que se plaindre? C'est lémoigner un
méconlcnlemenl, bien ou mal fondé, mais qui, quelle
qu'en soiL la cause, n'en existe pas moins.
Par conséquent, de même que les verbes signifiant
les émotions énoncées précédemment, sp. plaindre
demande après lui le subjonctif, comme le montrent,
du reste, ces exemples :
Combien de fois ne s'es(-on pas plaint que les affaires
n'eussent ni règle ni flnl
(Bossuet, Le Tellier.)
Vous mèmp, Monsieur, pouvez-vous vous plaindre qu'on
n'ait pas rendu, justice à votre dialogue de 1 amour et de
l'amitiè?
^Boileau, Lett. à Ch. Perrault.)
Quelques-uns ont pris rintérèt de Narcisse, et se sont
plaints que j'en eusse fait un mécliant homme.
(Racine, Brit. Prcf.)
Le roi de Prusse se plaignit qu'on eût ainsi laissé échapper
un ennemi.
(Voltaire, dans Aubertin, p, 367.)
11 n'a pas le droit de se plaindre que le roi ne vienne pas
à son secours.
(Cité d'après Appert, dans la Grom. nat.^ p. 646 )
Il se plaignait dans le Sénat que Germanicus n'eût pas
demandé ses ordres pour passer à Alexandrie.
{Suétone, tr. de I.a Harpe.)
Je sais que M. Charles Deulin pourrait m'opposer sur-
le-champ ces autres e.vemples, cités par .M. Littré, où
le verbe complément de se plaindre a été mis à l'indl-
calif :
La mouchp, en ce rommun besoin,
Se plaint qu'elle agit seule et qu'elle a tout le soin.
(La Fontaine, FaU. Vil, 9.)
Elle se plaint que vous avez- fini le premier un commerce
qui lui faisait le plus grand plaisir.
(Sévigné, lettre du 7 sept. 16S9.)
Nous nous sommes plaints que la mort, ennemie des fruits
que nous promettait la princesse, les a ravagés dans sa
fleur.
iBosauet, Ducfi' d'Orléans.)
Vous vous plaignez que votre ennemi vous a décrié en
secret et en public.
(Massillon, Carême, Fard.)
Mais quand je considère :
\° Qu'il y a en français plusieurs verbes, après les-
quels certains auteurs ont mis le subjonctif tandis que
d'autres, dans le même cas, ont mis l'indicatif;
2° Qu'il importe, pour élucider cette théorie encore
confuse, d'employer toujours le subjonctif quand le
premier verbe rentre, par analogie, dans la catégorie
de ceux pour lesquels cet emploi est parfaitement
décidé ;
3° Que, de plus, contrairement à l'opinion assez
généralement reçue, le verbe au subjonctif peut expri-
mer une action bien positive, sur l'existence de laquelle
il ne peut y avoir le moindre doute, comme dans ces
exemples :
Ce qui m'étonnait, c'e.'t (ju'il cûl /ail ronfiilrnce à son
nègre que la tète lui tournait.
(Philarète Chasle».)
L'e.xistenre me pesait, je regrettais parfois que la maladie
m>i/( épargné.
(L. Rayband. J. Paturot, p. 4o )
Lesape, comme Molière et La Fontaine, ne se doutait pas
qu'il eût au cœur le génie fiançais.
(Ars. Houssaye, le ^i^ Fauteuil.)
J'ai pris congé de ces deux époux, en leur protestant
que j'étais ravi que leur hymen eût succédé à leurs longues
amours.
(Lesage, Gil Bios.)
Je suis le prince d'Armagne, et je trouve trés-imperti-
nent qu'on se permette de me plaindre.
(About, Madelon, I, p. 7.)
Je demeure persuadé que, dans la jjhrasesur laquelle
porte l'observation de M. Charles Deulin, il vaut mieux
mettre fasse que fait, attendu que c'est écrire d'après
un principe général que les meilleurs auteurs, comme
on l'a vu plus haut, autorisent parfaitement à suivre.
X
Première Question.
Pourquoi dit-on en rayant un ignorant assis dans
un fauteuil qu'il représente les aumes de Bockges? Les
armes de cette ville ne font pas voir un homme sur un
tel siège.
Pour vous donner celte explication, il faut d'abord
vous dire ce qu'on entend ici par les armes de Bourges,
expression où armes ne me semble point avoir le sens
d'armoiries, que beaucoup peuvent lui croire.
Pendant le siège de Bourges (fait relaté dans un
manuscrit latin du Vatican cité par l'abbé Bordelon)
Vercingélorix, chef des Gaulois, commanda à un capi-
taine, nommé Asinius Pol/io, de faire une sortie sur les
troupes de César. Ce capitaine ne pouvant conduire lui-
même ses soldats au combat, parce qu'il était chargé
d'années et incommodé de la goutte, envoya un lieute-
nant à sa place. .Mais apprenant bientôt après que le
lieutenant lâchait pied, il se fit porter dans une chaise
aux portes de la ville, et anima tellement ses soldats
par ses discours et par sa présence, qu'ils reprirent
courage, retournèrent contre les Romains, en tuèrent
un grand nombre et firent ainsi lever le siège.
Une si belle action ne devait pas rester sans récom-
pense : on voulut la transmettre à la postérité A cet
effet, on fit représenter Asinius sur un lableau (qui se
vit longtemps, dit l'histoire, à l'hôtel de-ville), tableau
qui portait l'inscription suivante : Asinius in sede,
.\sinius dans une chaise. C'était la représentation du
moyen, de l'engin en quelque sorte qui avait été si
heureusement employé iiour la défense de Bourges.
Mais, avec le temps, le nom d'Asinius fut changé en
Asinus, et l'on finit par dire : les armes de Bourges,
un âne assis dans un fauteuil, comme, par exemple, on
pourrait très-bien dire, si toutefois l'on n'a pas déjà dit :
les armes de Sam.<;on, une mâchoire d'âne.
Maintenant, l'explication que vous me demandez est
si facile, que vous l'avez probablement trouvée vous-
même. Un ignorant, c'est un âne, en d'autres termes.
Or, si les armes de llourijes représentent, d'après lo
dicton, un âne dans un fauteuil, elles représentant par
cela'méme un ignorant qui se tient sur un semblable
456
LE COURRIER DE VAUGELAS
siège, d'où, réciproquement, un ignorant dans un fau-
teuil représente les armes de Bourges.
X
Seconde Question.
J'ai souvent entendu citer comme une faute de fran-
çais ce vers de Béranger dans la Bo.mxe Vieille : « Vous
QUE j'appeis à pleurer sur la France. » En est-ce une
réellement ?
Le verbe apprendre s'est employé primitivement en
français dans le sens d'instruire, et, comme tel, il a
suivi la syntaxe de docere; on disait en latin :
Docere boves arab ilare composite {Cû1l.iii.),
(Enseigner les bœufs à marcher d'un pas égal)
on a dit en français apprendre quelqu'un à, construc-
tion qui a persisté depuis le xiv^ siècle, comme le prou-
vent votre citation et ces exemples :
Nous ordonnons qu'il [y] ail un cler qui apprendra nos
filles,
(Du Cange, Apprehendere.)
La douceur de sa grâce, quelque souefve qu'elle soit,
apprend la hommes de s'esmerveiiler avec crainie.
(Calvi.i, Inslit., 440.)
Oiseaux çii'ils ont appris à cbanter toutes sortes de ra-
mages.
(Vaugelas, Quiiite-Curce, 4?3 )
Le temps et vos leçons l'apprendront à penser.
(De Boissy, Dehors tromp., 1, se. ^.)
A la vérité, depuis le xvi" siècle, où il me semble que
apprendre à quelqu'un a pris naissance, l'usage de la
première construction a pu devenir de moins en moins
fréquent; mais, attendu que son emploi ne peut cons-
tituer tout au plus qu'un archaïsme, je pense qu'il
ne serait pas raisonnable de dénier aux poètes le droit
de s'en servir, et que, par conséquent, Béranger n'est
nullement à reprendre pour l'avoir fait.
Quitardajugéà propos de corriger le proverbe j4?«0Mr
apprend les ânes à danser; il le donne sous la forme
Amour apprend aux dnes à danser. Je n'approuse pas
ce rajeunissement : avec Tancienne construction, on
soupçonne l'âge du proverbe; avec la nouvelle, on peut
croire qu'il date d'hier. Dans une expression de celte
sorte, l'archaïsme n'a pas seulement du charme, il a
encore de l'utilité.
ETRANGER
Première Question.
Quand doit- on écrire pocrqdoi [en un seul mot), et
quand faut-il écrire polr quoi ("« deux mots) ?
Toutes les fois que l'expression pour quoi est prise
substantivement, ou que, placée avant ou après le
verbe, elle signifie pour quelle raison, on l'écrit en un
seul mot :
Nous ne sommes pas faits pour rendre raison du pourquoi
des cho'^.
(BulTon, Anim,, ch. 10.)
Pourquoi les astres circulent-ils d'Occident en Orient plu-
tôt qu au contraire?
(Voltaire, Dùl. phil.)
Euphorbe est arrêté sans qu'on sache pourquoi.
(Corneille, Cinna, IV, 5.)
Mais quand cette expression est précédée d'un subs-
tantif, il faut l'écrire en deux mots, comme le montrent
ces exemples :
C'est encore ici une des raisons pourquoi je veux élever
Emile à la campagne.
(J.-J. Rousseau, Emile.)
Je veux qu'il ait nom mouche; est-ce un sujet ^o«r quoi
Vous fassiez sonner vos mérites?
(La Fontaine, Fiib, IV, 3.)
Quant à la raison de cette seconde orthographe, elle
est facile à donner. En efTel, le pronom quoi, qui peut
très-bien se mcltre pour lequel, laquelle, etc., après un
nom de chose, prend, dans cet emploi, la préposition
requise par le verbe :
C'est l'assidu travail à quoi je me soumets.
(Racan, Poés. ag.)
. Ce blasphème, seigneur, de quoi vous m'accusez.
(Corneille, Andr., I, 2.J
M. de Longuevilie ouvre la barrière derrière quoi ils étaient
retranchés.
(Sévîgné, 3 juillet 1671,)
Or, lorsque le verbe dont qttoi est le régime demande
la préposition pour, n'est-il pas naturel que cette prépo-
sition, à l'instar des autres, se place séparément avant
le pronom quoi ?
Dans l'ancienne langue, il était facultatif d'écrire en
un seul mot ou en deux l'expression pour quoi après
un substantif :
Et la raison pourquoi il l'a laissée là.
{Berte, CXXII.)
Andromaia, qui esioit assise au plus près de Blanche, pour
quoy la journée se faisoit...
(Perceforest, t. III, fol. 8.)
Ce fait explique comment les écrivains du xvii' siècle
ont pu l'écrire dans ce cas en un seul mot :
Le grand secret pourquoi je vous ai tant cherché.
(Molière, Dépit., I, 1.)
Je m'efTraye et m'étonne de me voir ici plutôt que là,
car il n'y a point de raison pourquoi ici plutôt que là...
(Pascal, Pensées, XXV, 16, édit. Havet.)
Mais le même fait démontre également que l'ortho-
graphe que je recommande doit l'emporter sur l'autre,
puisqu'elle est tout aussi ancienne, et que, de plus, elle
est conforme à l'analogie dans la langue acluelle.
X
Seconde Question.
J'ai lu celte phrase dans l'un de vos journau.r : « Le
gouvernement .s'est enferme dans vu ckrcle de Popilics
dont il ne peut plus sortir. » Que signifie donc cette
e.rpression que je ne trouve ni dans- /m Mésangère, ni
dans Quilard, ni dans le Dictionnauie étïmologique de
MM. Noël et Carpentier ?
Antiochus Epipbane, roi de Syrie, faisait le siège
LE COURHIER DE VAUGELAS
<57
d'Alexandrie. Les Romains, alliés des Égyptiens, dépu-
lèrenl auprès de lui le consul F'opilius Lénas. Gomme
Antiochus ne répondait que d'une manière évasive à
l'envojé des Romains, ce dernier traça avec sa baguette
un cercle autour du roi, et lui défendit d'en sortir avant
d'avoir donné une réponse décisive ou de paix ou de
guerre. Cette action hardie intimida Antiochus, et le
siège fut levé.
Au figuré, et par allusion à cette anecdote, on appelle
cercle de Popilius une situation morale telle que celui
qui s'y trouve ne peut se dispenser de se prononcer
dans un sens ou dans un autre.
11 y a une foule de circonstances historiques aux-
quelles peut s'appliquer l'expression de cercle de Popi-
lius. En voici deux que j'emprunte à M. Charles Rozan
{Petites Ignorances, p. 22<) :
. Le honteux traité de Madrid que signa François I" est
sorti du cercle de Popilius dans lequel Charles-Quint avait
enfermé son rival après la défaite de Pavie.
L'amiral Duquesne mit aussi les Génois dans le cercle de
Popilius lorsqu'il les menaça de détruire leur ville, si le doge
et les principaux sénateurs n'allaient se jeter aux pieds de
Louis -MV.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... que le corps enseignant fiit: — 2° ... el que, tout homme
de génie qu il est ; — 3' ... avait demandé au |ieu|'le français et
en avait obtenu; — 4° ... lorsque cette assemblée, qui s'était
imaginé que la France; — 5° ... à d'autres intérêts que ceux
(pas de à) ; — 6° ... cent jonques environ... hachées me>m comme
des allumettes; — 7° ... que nous eussions bientôt un ministère;
— 8° ... plus ses malheurs étaient grands, plus aussi notre con-
fiance était grande; — 9" ... se plaignent de ce que nous avons
usé.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1° Le divorce n'est pas plus dans les mœurs de la Suisse
qu'il ne l'est dans celles de la France; le calvinisme même
y répugne.
2* Quant aux abus possibles de la collation des grades,
déférée à d'autres qu'à l'État, nous avons ici en France un
exemple qui crève Ips yeux dppuis vingt-cinq ans.
3' Quels que légitimes que puissent être vos griefs contre
l'Assemblée, ne vous écartez pas, croypz-moi, d'une pru-
dente el déférente réserve vis-à-vis de la représentation
nationale.
4" Il n'est pas probable que les débats révèlent autre
chose que des tendances, mais étant donné les opinions
sur la nécessité du maintien de la République en France, il
n'y aura aucune présomption à admettre...
5° En quelques minutes, l'ordre du joui- allait être vidé;
peu s'en est fallu qu'à trois heures tout fût fini.
6" Le jour où, au lieu d'avoir recours à des insinuations,
on dirait le contraire de ce que nous affirmons ici, il nous
sera facile de confondre nos contradicteurs.
7' Les députés de l'Appel au peuple auraient l'iiitention
de demander, lundi prochain, que l'élection de M. de Bour-
going soit validée sans retard.
8* Us font le malheur d'un brave garçon que vous rédui-
sez au désespoir. Il pleurait, là, tout-à-l'heure devant moi,
il s'arrachait les cheveux. — 'Vraiment! les cheveux ? inter-
rogea Adèle avec une moue ironique.
9* Ce n'est point une maladie aigûe qui emportera la
Turquie; elle se mourra d'une maladie chronique.
10° M. le comte de Chaudordy a vivement protesté contre
un pareil langage, et pour lui donner satisfaction, les jour-
naux incriminés ont été officieusement invités d'avoir à
baisser le ton de leur polémique.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMM.URIENS
PREMIERS MOITIE DU XVll» SIECLE.
VAUGELAS.
(Suite.y
Pseaumes pénitentiaux. — Selon la règle, il faudrait
d\re pénitentiels, car tous les noms dont les pluriels se
terminent en aux finissent en al ou en ail au singulier.
Cependant Tusage veut que l'on dise pénitentiaux, et
non pas pénitentiels. C'est une exception.
Cï Joint aux substantifs. — Tout Paris dit, par
exemple, cet homme-cij, ce temps-cij, cette année-cy;
mais « la plus grande part » de la Cour dit cet homme
ici, ce temps ici, cette année ici, et trouve l'autre mot
insupportable, comme, réciproquement, font les Pari-
siens. Vaugelas laisse le choix de l'un ou de l'autre;
mais il voudrait toujours dire cet homme ici, etc.
Ordres. — Selon la position qu'il occupe dans la
phrase, ce nom d'un sacrement est masculin ou fémi-
nin; ainsi on dit les saintes Ordres, mais on dit et on
écrit les Ordres sacrez. Cette bizarrerie n'est pas nou-
velle dans notre langue, témoin gens.
Aller au-devant. — Les Gascons et quelques Parisiens
qui ont corrompu leur langage naturel par la contagion
des provinciaux disent : il lui est allé ait-devant; mais
il faut dire : il est allé au-devant de lui.
Si. — Se « mange » seulement devant i, et quand le
mot suivant est ;/, ils; ainsi on dit s'il vient, s'ils vien-
nent, maiisjamais si il vient, si ils viennent.
Pacte, paction. — Pacte est bon, on dit faire un
pacte avec le diable; mais paction est le meilleur et le
plus usité, faire une paction.
Ebene, y voire. — Ces deux noms sont toujours fémi-
nins (i6/t7).
Courroucé. — Très-bon au figuré, mais, au propre,
il est vieux et presque hors d'usage; à sa place on dit
en colère.
Vers, envers. — Le premier est pour le lieu, vers
l'Orient, et le second, pour la personne, ta pieté envers
Dieu.
l'icere. — A la Cour, plusieurs le font du féminin.
L ne partie du pain 7nanyé. — Faut-il le participe au
masculin ou au féminin? Les uns sont jioiir le participe
variable et lesautres pour le participe invariable. L'usage
veut le participe invariable comme il le veut dans ces
phrases : (7 a une partie du bras cassé, il a une partie
de l'os rompu, et non cassée, rompue; on ne peut aller
458
LE COURRIER DE VAUGELAS
contre lui, d'autant plus qu'il n'y a point de locutions
qui aient si bonne grâce que celles qui se sont établies
contre la règle.
De la façon que j'ai dit. — C'est ainsi qu'il faut dire,
et non pas de la façon que j'ai rfî7e, quoique ce dernier
soit exigé par la règle. C'est parce que de la façon que
signifie comme.
Il se vient justifier , il vient se justifier. — Ces deux
constructions sont bonnes; mais il se vient jus/ i fier est
la meilleure, comme étant plus usitée que l'autre.
Vieil, vieux. — Devant un substantif commençant
par une voyelle, vieil est beaucoup meilleur.
Non seulement tous ses Iwnneurs et toutes ses richesses,
mais toute sa vertu s'évanouit. — Voilà comment il faut
dire quoique quelques-uns aient soutenu que s'évanoui-
rent valait mieux. Et la raison, c'est que, dans cette
phrase, tout demande nécessairement comme collectif
le singulier du verbe qui le suit.
Verbes qui doivent être mis au subjonctif et non à
l'indicatif. — Quand il y a trois verbes dans une pé-
riode continue, et que le premier est accompagné d'une
négative, les deux autres doivent être au subjonctif. Il
faut donc dire je ne crois pas que personne puisse dire
que je l'aye trompé., et non que je l'ai trompé. Peu de
personnes, au dire de Vaugelas, manquent d'employer
au subjonctifle premier verbe; mais beaucoup manquent
d'y mettre le second.
Après six mois de temps écoulez-. — Faut-il mettre
écoulé au pluriel ou au singulier? Le pluriel est plus
grammatical, mais le singulier est plus élégant.
Accoutumance. — Il commence à vieillir; on dit main-
tenant coutume.
B'avanture, par avanture. — L'adverbe d'avanture
pour signifier par hazard, de fortune n'est plus guère
en usage parmi les excellents écrivains. Quant & par
avanture pour peut-être, il commence aussi à vieillir.
Le peu d'affection qu'il m'a témoigné. — Faut-il
mettre le participe variable ou invariable? La plupart le
veulent au masculin, qui se rapporte à le peu, et c'est
aussi l'avis de Vaugelas. Il en est de même de tous les
adverbes de quanldé pi us, moins, beaucoup, autant, clc.
Il a été blessé d'un coup de flèche, qui était empoi-
sonnée. — Cette phrase est mal construite, parce que le
pronom relatif ne se rapporte jamais au nom qui n'a
que l'arlicie indéfini, lequel est ici de. Pour être bonne,
il faudrait qu'il y eijl un coup de In flrchr...
Amour. — Il est toujours masculin quand on parle
de Gupidon et de l'amour de Dieu, dans les deux sens;
mais, dans les autres cas, il est indiffèrent de le faire
masculin ou féminin '1647). Cependant Vaugelas pré-
fère le féminin, attendu l'inclination ordinaire de notre
langue pour ce genre.
De certains mots terminez en e féminin et en es. —
On écrit toujours Charles, ./arques, Jules, et jamais
Charte, Jarque, Jule; on écrit Philippe et Philippes,
Flandre et Flandres, avec celle différence néanmoins,
qui est assez bizarre, que l'on écrit en Flandres, cl non
pas en Flandre, et que Ion écrit la Flandre, et non |)as
la Flandres; on écrit jusqu'à, jusqu'aux, et jusqnes
à, et non jui^que sans élision et sans s; quand on fait
avec de trois syllabes [avecque), on n'y met jamais à's;
on écrit toujours doncques avec une s.
Mille, milles. — Les noms de nombres vingt, cent,
millier, million ont un pluriel, qui se marque par une
s; mais mille n'en a point, ou pour mieux dire, ne
prend point d's au pluriel; on écrit deux mille, et non
deux milles. C'est seulement quand il signifie une éten-
due de chemin qu'il prend la marque du pluriel.
Béciproque, mutuel. — Le premier se dit propre-
ment de deux, et mutuel de plusieurs.
Si remplacé par que. — Au lieu de répéter si précédé
de la conjonction et, on met ordinairement que à sa
place; ainsi au lieu de dire : si vous y retournez, et si
l'on s'en plaint, ce qui est certainement bon, on dit plus
naturellement : si vous y retournez et que l'on s'en
plaigne, avec le verbe au subjonctif.
Et. — Il est contraire au bon style de mettre deux
fois la conjonction et devant deux membres d'une même
période ; on ne la met qu'avant le dernier.
TROISIÈME VOLUME.
Soupçonneux, suspect. — Plusieurs emploient mal
ces deux mots; ils disent soupçonneux pour suspect, ce
qui est une chose insupportable : soupçonneux signifie
celui qui soupçonne ou qui est enclin à soupçonner, et
suspect, celui qui est soupçonné ou qui le doit être.
Fil de richar. — Mauvaise expression. Il faut dire
fil d'archal, du latin aurichalcum.
Faire signe, donner le signal. — Il ne faut pas con-
fondre ces deux expressions; la première signifie faire
un mouvement des mains, de la tète, du corps; l'autre
signifie avertir au moyen d'un feu, d'un coup de canon,
etc., comme on le fait à la guerre : le signe n'est pas le
résultat d'une convenlion, le signal l'est toujours.
Prouesse. — Ce mot est vieux, et n'entre plus dans le
beau style qu'en raillerie.
Esclavitude. — jMalherbe disait et écrivait toujours
esclavitude, et ne pouvait souffrir esclavage; cependant,
ce dernier est beaucoup plus usité que l'autre.
Contre-pointe, courte-pointe. — Au commencement
on a dit contre-pointe ; mais depuis, par corruption et
par abus, on a dit courte-pointe.
Aviser. — Dans le sens de apercevoir ou découvrir,
ne peut être absolument rejeté, mais il est bas et de la
lie du peuple.
Pas, point. — Vaugelas fait plusieurs remarques à
ce sujet : |o on ne met jamais pas, point devant deux
ni, |jar exemple, on ne dit pas il ne faut point être ni
avare ni prodigue; 2° on ne le met jamais non plus
devant que mis pour sinon que, comme dansée we
mange qu'une fois par jour; 3° on dit sans faute, et non
.sans point de faute; — ■'>" il y a di.i jours qticjp ne l'ai
pas vu est mauvais; 5° on le supprime ordinairement
avec le verbe pouvoir signifiant faire, avec saimir signi-
fiant pouvoir, et avec le verbe oser.
(La suite au prochain numéro.)
Le Réuactedu-Gébant : EiuiN MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
<59
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
Histoire abrégée de la littérature française; par
E. Géruzez, ancien professeur lionoraire de la faculté des
lettres de Paris. W édition. In-12, viii-336 p. Paris, lib.
Jules Delalain et fils. 3 fr.
Histoire de mes amis; par Amédée Achard. Ouvrage
illustré de 23 vignettes sur bois par E. Bellecroi.x, Mesnel,
etc. In-18 Jésus. 313 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr. 25.
Histoire de la mode en France. La Toilette des
femmes depuis l'époque gallo-romaine jusqu'à nos jours;
par Augustin Cliallamel. Ornée de 12 pi. gravées sur acier,
coloriées à la main, d'après les aquarelles de P. Li.x.
Gr. in-S", 2M p. Paris, imp. Hennuyer, 51, rue Laffitte.
12 fr.
Traité de l'existence de Dieu et de ses attributs ;
parFénelon. Nouvelle édition, précédée d'une introduction,
d'une analyse développée et d'appréciations philosophiques
et critiques, par E. Lcfranc, ancien professeur au collège
Rollin. In-12, xxiv-203 p. Paris, lib. Jules Delalain.
La Jeunesse de Condé d'après les sources imprimées
et manuscrites ; par Jules Gourdault. Gr. in-S", 323 p. et
U grav. Tours, lib. Marne et fils.
Contes et récits; par E. Mestépès. In-8°, xvi-144 p.
Paris, lib. Le Chevalier.
Mademoiselle de Sassenay, histoire d'une grande
famille sous Louis XVI ; par Mme E. Thuret, 2= édition.
2 vol. in-12, 76/i p. Paris, lib. Didier et Cie. 7 fr.
Choix de chroniques et mémoires relatifs à l'his-
toire de France, avec notices biographiques; par J.-A.-C.
Buchon. Anonyme d Orronville. Christine de Pisan. Juvé-
nal des Ursins. Miguel del Worms, etc. Gr. in-8" à 2 col.,
xLvu-631 p. Orléans, lib. Herluison. 7 fr. 50.
Les Fiancés du Spitzberg; par X. Marmier, de l'Aca-
démie française. 3° édition. In-18 Jésus, 418 p. Paris, lib.
Hachette. 2 fr. 25.
La Bible et l'astronomie. Extraits de quelques lettres,
etc.; par Thomas Brunton, ingénieur. In-A», 180 p. et pi.
Paris, lib. Maréchal.
Le Guet-apens; par Henri Conscience. Nouvelle édit.
Gr. in-8", 2hà p. Paris, lib. Michel Lévy. 1 fr. 25.
Les Saltimbanques, leur vie, leurs mœurs ; par
Gaston Escudier. 500 dessins à la plume par P. de Crauzat.
Gr. in-18, 29U p. Paris, lib. Michel Lévy. 10 fr.
Chroniques de Monstrelet (France, Angleterre, Bour-
gogne, li00-l/i/ii). Avec notice biographique et littéraire
par J. A. Buchon. Gr. in-8° à 2 col., iv-859 p. Orléans, lib.
Herluison. 7 fr. 50.
Les Nuits de Paris; par Paul Féval. Nouvelle édition
illustrée de 32 gravures sur acier. T. 3 et li. Gr. in-8%
792 p. Paris, lib. Legraiid-Troussel et Pomey.
Œuvres complètes de La Fontaine. Nouvelle édition.
très-soigneusement revue sur les textes originaux, avec
un travail de critique et d'érudition, apperçus d'histoire
littéraire, vie de l'auteur, notes et commentaires, biblio-
graphie, etc. T. 3 et li- Contes. T. 5. Théâtre, ln-8', cxxxiii-
133Zi p. Paris, lib. Garnier frères. Chaque vol., 7 fr. 50 ;
sur papier de Hollande, 15 fr.
Histoire d'une forteresse; texte et dessins par VioUet-
le-Duc. Avec 8 g-av. en couleurs. Gr. in-8% 372 p. Paris,
lib. Hetzel et Cie. 9 fr.
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NOTIONS ÉLÉMENTAIRES DE GRAMMAIRE COM-
PARÉE, pour servir à l'étude des trois langues classiques.
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Faculté des lettres, maître de conférences honoraire à
l'École normale supérieure. — Septième édition, revue,
corrigée et augmentée — Paris, A. Durand et Pedone-
Lauriel, éditeurs, 9, rue Cujas.
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l'histoire de la l.\xgue, à l'usage des établissements. d'ins-
truction secondaire. — Par Auguste Bn.^cnET, professeur à
l'Ecole polytechnique.— In-12, xix-2i8 p.— Paris, librairie
Hachette et Cie, 97, boulevard St-Cermain.— Prix : 1 fr. 50.
LES DIALOGUES DE JACQUES TAHUREAU, gen-
tilhomme du -Mans, avec notice et index. — Par F. Cons-
cience. — Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, ^7, Passage
Choiseul. — Prix : 7 fr. 50.
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GELAYS, avec un commentaire inédit de B. de la Mon-
noye, des remarques de MM. Emm. Philippes-Beaulieux,
R. Dezeimeris, etc. Edition revue, annotée et publiée par
Prosper Blanchemain. — T. 2. — In-16, 365 p. — Paris,
librairie Daffis, 9, rue des Beaux-Arts.
CHRONIQUES DE J. FROISSARD, publiées par la
Société de l'histoire de France, par .Siméon Luce. —T. 5.
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jusqu'à l'expédition d'Edouard 111 en Champagne et dans
l'Ile-de-France. — In -8°, lxxi-Zi36 p. — Paris, librairie
V' J. Renouard. — Prix : 9 francs.
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CURIEUX. — En vente à la librairie Sandoz et Fischba-
cher, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : 1"= année, 15 fr.;
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CIENNES ET MODERNES, classées par ordre chrono-
^60
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créations et joyeux devis de Boxaventube des Periers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. Jacob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delahays, éditeur, 4-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 : 5 fr. ; in-S» : 2 fr. 50.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaiigelas, 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
Dans l'annuaire commercial et industriel de M. Alfred Hamonet (1875), on trouve la liste suivante des agents de
Londres par l'intermédiaire desquels les Professeurs français des deux sexes peuvent parvenir à se procurer des places :
M. Grenier de Fajal, 5i, Fitzroy street, W.
iVl. Bisson, 70, Berners Street, W.
M. Biveret Cie, 46, Régent Circus, W.
M. Grifflths, 22, Henrietta Street, Covent garden.W. G.
M. Verstraete, 25, Golden Square, W.
Mme Hopkins, 9, New Bond Street, W.
Mme Waghorn, 34, Soho Square.
Mme Wilson, 42, Berners Street, W.
Nota. — Les majuscules qui figurent à la fin de ces adresses servent à marquer les « districts » pour le service des
Postes; dans la suscription des lettres, on les met après le mot Londres; exemple : Londres W, Londres W. C.
Le volume de M. Alfred Hamonet, qui coûte 1 fr. 25, se trouve à la librairie Hachette, à Paris.
CONCOURS LITTERAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère el la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, ter»ie de rigueur, et Ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au
Concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont inédits et
n'ont été présentés à aucun autre concours. — Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront
une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. —
Sont seuls admis à concourir: 1" les Français, excepté les membres elTectifs de la Société Florimontane; 2" les
étrangers, membres effectifs ou correspondants de cette Société. — Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire
de la Société Florimontane, avant le !•"■ juillet 1875. — Ils resteront déposés aux archives de ladite Société, o(\ les
auteurs pourront en prendre connaissance. — Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins
de cent vers.
L'Académie frvnçaise donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone. — Le nombre des vers
ne doit pas excéder celui de deux cents. — Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secré-
tariat de l'Institut, franches de port, avant le 15 février 1875, terme de. rigueur. — Les manuscrits porteront chacun
une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage; ce billet contiendra le nom et
l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours,
mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Avis aux Abonnés de la province.
Le {" mars prochain, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas (qui s'est fait depuis quelque temps l'administrateur
de .son journal) mettra en circulation, avec un supplément de somw(e-7'(»nrece»<iw?.'i pour les frais de recouvrement,
les quittances de ceux de ses Abonnés de la province, qui, avant cette époque, ne lui auront pas envoyé le prix de leur
abonnement à la présente année.
F^e rcdacleur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie Gouverneur, G. Uaupbley à Nogent-le-Kotrou.
5° Année
N" 21.
1«' Février 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^«
^\ \ yV-^ Journal Semi-Mensuel ""C// //
S^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( 1
mêla
PRIX
Aboanempnt pour la France.
Iflem pour l'Étranger
Annonces, la ligne ....
6 f.
lof.
50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POnR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris.
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adm'
M. FiscHBACHER, 33, me de Seine.
RÉCO.MPENSE DE L'AC.\DÉ.M1E.
Les lecteurs du Courrier de Vaugelas apprendront
certainement avec plaisir que le Rédacteur de ce journal
vient d'obtenir le prix Lambert, récompense que l'Aca-
démie française décerne chaque année à un homme de
lettres auquel il lui semble" juste de donner une marque
publique d'intérêt. »
SOMMAIRE.
Trois communications sur des solutions données précédemment;
— Emploi de l'expression Jusqu'à ce que: — Pourquoi on ne
dit m Mc'ditaleur, ni Sophislicateur; — Si les deux substantifs
Gre/I'e et Ente peuveul être employés l'un pour l'autre-, 1
Signilication, âge et étyrnologie de F'iibre: — Ce que veut
dire littéralement Donner un poil à quelqu'un: — D'où vient
qu'un mancbe de fouet s'appelle un Perpignan. || Passe-temps
grammatical. || Suite de la biograpliie de Vauijelas. \\ Ouvrages
de grammaire et de littérature. || Renseignements pour les pro-
fesseurs français. || Concours littéraires. || Avis aux abonnés de
la province.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
I.
Relativement à ma solution sur la place que doit
occuper le numéro dans la suscription d'une lettre, j'ai
reçu la communication suivante :
Paris, 24 décembre 1874.
Monsieur,
En relisant le numéro du Courrier de Vaugelas portant la
date du 15 novembre dernier, je m'arrête à une question
sur laquelle mon attention ne s'était pas suffisamment
fixée lors d'une première lecture.
Un de vos correspondants vous demandait si, dans la
suscription d'une lettre, il faut mettre le numéro de la
maison avant ou après le nom de la rue. « A votre avis,
« la meilleure manière d'écrire est celle qui met le numéro
t avant le nom de la rue. » Permettez-moi, .Monsieur, de
ne pas me ranger à cet avis, lequel, dites-vous, serait tout
différent, si l'on n'avait à s'occuper que de la logique. La
logique, en effet, demande que l'on procède du connu à
l'inconnu, c'est-à-dire du nom du destinataire au nom de
la ville qu'il habite, du nom de cette ville au nom de la
rue, et du nom de cette rue à l'indication de la maison
par le numéro qu'elle porte. L'usage, il est vrai, a depuis
longtemps interverti cet ordre en rejetant à la fin de la
suscription et en plaçant en vedette le nom de la ville;
mais le motif de cette modification saute aux yeux; elle
est, au surplus, recommandée par l'administration des
postes, dont elle facilite les rapides opératons; mais cette
administration, dans les modèles qu'elle nous propose, ne
s'est jamais avisée de mettre le numéro avant le nom de
la rue.
Cet usage que vous expliquez par une considération de
politesse peu appréciable à mon sens, m'a toujours paru
prétentieux et ridicule. Il est d'importation anglaise, et son
origine remonte chez nous à une quarantaine d'années.
Adopté d'abord par la fashion, comme beaucoup d'autres
modes d'outre-Manche, il a gagné de proche en proche,
est devenu de bon ton, et a fini par se généraliser.
Ce n'est pas, du reste, que les protestations aient man-
qué. Je me souviens d'avoir vu au Vaudeville ou aux Varie'-
te's une petite pièce dont toute l'intrigue avait pour pivot
la moitié d'une enveloppe déchirée sur laquelle il ne res-
tait que ces mots :
Mademoiselle Adélaïde
36, rue de la
Pari
L'amoureux, possesseur de ce chiffon de papier, n'avait
que cette indication pour suivre la trace de Mademoiselle
Adélaïde; et, après avoir frappé à une foule de numéros 36
depuis la rue de la (^lef jusqu'à la rue de la Victoire, ce qui
engendraitde très amusants quiproquo, il maudissait l'inno-
vation qui le frustrait du moyen de retrouver sa belle.
■Votre correspondant dit que, dans l'Almanach Boltin, la
rue se trouve avant le numéro : cet almanach fait preuve
de bon sens, et je suivrai son exemple aussi longtemps
qu'on s'en tiendra à l'usage assez raisonnable de ne pas
mettre la charrue avant les bœufs.
Agréez, Monsieur le Rédacteur, l'assurance de ma par-
faite considération.
G. D.
Votre fidèle abonné.
.\près mes bien sincères remerciements, voici ma
réponse à l'auteur des observations qu'on vient de
lire.
Autrefois les maisons des villes n'étaient désignées
que- par des enseignes ou autres signes extérieurs,
462
LE COURRIER DE VAL'GELAS
comme le montrent ces exemples, recueillis au bas des
titres de quelques ouvrages :
A Paris, par Fleury Bourriquant, au Mont St-Hilaire,
près le puits Certain, aux Fleurs roijalles.
[No'éls et cantiques,)
A Paris, chpz UavW Douceur, Libraire-juré, rue Sainct-
Jacques, « l'enseigne du Mercure arresté.
(Nicot. Thrésor.]
A Paris, chez Jean-Baptiste Coignard, imprimeur et libraire
ordinaire du Roy et de l'Académie Françoise, rue S.-Jacques,
à la Bible d'or.
tEégnier-Desmarais, Tr. delà Gram. franc.)
Quand on eut fait le numérotage (ce qui eut lieu à
Paris en l'année I72S), on énonça naturellement sur les
lettres le numéro à la place du nom de l'enseigne, c'est-
à-dire après le nom de la rue, et cet usage a subsisté
jusqu'à nos jours.
Mais, depuis près de -50 ans, on emploie aussi en
France l'usage anglais, qui veut, lui, le numéro de la
maison accDit le nom de la rue.
Lequel vaut le mieux?
Je dis qu'étant donnée la forme officielle de la sus-
cription d'une lettre, le second usage est, non pas plus
français, mais plus rationnel que le premier.
En effet, je prends un exemple où il y ait après le
nom de la personne et de sa profession autant de déno-
minations géographiques que possible, afin de voir
Tordre dans lequel elles doivent nécessairement se ran-
ger; je suppose qu'on écrive de l'étranger à M. Louis,
avocat, qui habite à Saint-Cyr, dans le déparlement de
Seine-et-Oise.
Les mots à mettre à la suite l'un de l'autre devant
présenter des sens de plus en plus restreints, il est évi-
dent qu'il faudrait, si l'on était affranchi de toute pres-
cription postale, les écrire dans l'ordre suivant :
France (1) - Seine-el-Oise (-2) — Saint-Cyr (3) — Grande
rue (4) — Numéro (5).
Mais, pour se conformer aux recommandations de
l'Administration des postes, on doit écrire après le nom
de la personne fje conserve les chiffres d'ordre employés
plus haut) :
Grande rue (4) — Numéro (5) — Saint-Cyr (3) Soine-et-
Oise (2) — France (1).
Or, lorsque je considère que, de cette façon, les mots
de la suscriplion, excepté les deux premiers, s'oiïrent
dans le sens inverse de l'ordre logique, je pense que,
pour être conséquent, on doit les écrire tous dans ce
même sens, ce qui exige évidemment que le numéro (•'>)
soit placé avant le nom de la rue (4).
Que ce soit là « mettre la charrue avant les bœufs »,
je ne puis le croire : c'est tout sim|jlemeMl,à mon avis,
faire occuper aux mots la place qui leur convient.
IL
Au sujet de la réponse que j'ai faite à M. Ernest David
(n°18),M. Charles Souiller m'a écrit, le 2 î décembre
1874, une lettre tendant à établir une dillercuce entre
ne pas laisser de el ne pas laisser que de; voici comment
il s'exprime :
fie pas laisser de jaiie, c'est continuer, c'est nn pas cesser
ou ne pas s'abstenir de, etc.; tandis que ne pas laisser que de,
c'est faire beaucoup sans éclat, sans ostentation, etc.
Ces deux locutions diffèrent également de sens, de forme
et de nature. Elles ne sauraient être confondues entre
elles, et elles ne doivent avoir quelque rapprochement qu'en
raison des termes identiques qui les accompagnent, mais
qu'il faut bien se garder de confondre entre eu.\.
Gomme j'ai surabondamment démontré [Courrier de
Vawjelas, i" année, p. 155) que ne pas laisser et l'infi-
nitif suivant ne peuvent jamais être liés par un que, la
seule expression possible devant un infinitif étant ne
pas laisser de. il s'ensuit que la distinction que voudrait
établir M. Charles Souiller n'a pas d'objet, puisque l'une
des deux expressions dont elle implique la comparaison
ne peut exister.
m.
Le 13 mai 1874, je recevais de Yitry-le-Fiançois une
lettre où se trouvaient ces lignes :
Bien qu'il accueille favorablement les observations sé-
rieuses qui lui sont faites, et que les rectifications s'y fassent
avec autant d'empressement que de bonne grâce, l'auto-
rité du Courrier de Vaugelas gagnerait, je crois, à ne parler
qu'à coup sûr. Or, ne rien risquer lui serait aussi facile
qu'à moi de ne pas risquer cet avis, que pourtant, je vous
prie. Monsieur, de considérer comme un témoignage d'es-
time et de bienveillance.
A quoi cela pouvait-il faire allusion'? La lettre était
signée; je cherchai à plusieurs reprises dans ma corres-
pondance la signature qu'elle portait; ce fut toujours en
vain. .Mais le hasard a bien voulu se mettre de la par-
tie, et je viens enfin de découvrir le mystère.
Dans ma i" année, j'avais eu occasion de m'occuper
de l'étymologie du mot autant, qu'un instructeur dit à
un soldat auquel il veut faire recommencer un exercice
mal réussi. J'avais reçu à ce sujet une étymologie diffé-
rente de la mienne, et, au lieu de la mettre dans la che-
mise où je dépose ce qui doit être inséré comme commu-
nicalinn, je l'avais mise, par mégarde, dans une autre.
Je la retrouve, je m'empresse de la publier en remer-
ciant son auteur, et en lui exprimant mes regrets de
n'avoir pu faire cette insertion plus tût :
Vitry-le-François, 24 mai 1873.
Monsieur,
Ancien caporal n'ayant que bien juste l'érudition exigée
pour ce grade, j'ose pourtant rii^quer une observation au
sujet de ce que vous dites, 3" année, n° 17 de votre inté-
ressant journal, au mot autant.
Quand on faisait la charge in-[1 — cela remonte à l'âge
de la pierre taillée — si un temps était mal exécuté, au
temj)s.' exclamait linstructeiir. Et les patients de se remettre
au temps précédent, attentifs au nouveau commandement
qui devait leur faire recommencer le temps manqué, en
murmurant tout bas, mais avec un ensemble parfait :
Quelle scie!
Je vous prie. Monsieur, de recevoir, avec mes très-
humbles salutations, un mandat sur la poste pour abonne-
ment de l'année courante.
JANSON-MAURUPT.
J'espère être très-prochainement en mesure de décider
si cette élymologie de autant vaut mieux ou moins que
celle que j'ai donnée,
X
Première Question.
Je trouve cette phrase dans l'Ordre du 19 décembre
LE GUURHIER DE VAUGELAS
i63
1874 : « Mais il sera impossible que l'Empereur lui
accorde sa grâce jusqu'à ce que tous les der/rés de juri-
diction soient épuisés. » Croyez-vous que jcsqp'a y soit
bien employé ?
La locution jusqu'à ce que, qui se place entre un
verbe à l'indicatil et un verbe au subjonctif, exprime,
relativement à l'action signifiée par le premier, l'idée
d'une continuité qui ne doit êire interrompue qu'au
moment ou se fait l'action exprimée par le second :
Et pplui dont le ciel pour un sceptre fit choix,
Jusqu'à ce qu'd le porte, en ignore le poids.
fCorneilIe, Héraclivs, I, l.)
Les liommes ont la volonté de rendre service jusqu'à ce
çu'ils en aient le pouvoir.
(VauvenargUM, dans Girault-Duvivier.)
Cette locution peut se tourner par aussi longtemps
que... ne pas; ainsi sa présence dans les phrases précé-
dentes permet de les changer en celles-ci :
Et celui dont le ciel fit choix pour un sceptre en ignore
le poids ausù longtemps qu'il ne le porte pas.
Les hommes ont la volonté de rendre service aussi long-
temps qu'ils n'en ont pas le pouvoir.
Or, dans la phrase que vous me proposez, jusqu'à ce
que est-il emplojé dans le sens que je viens d'indi-
quer?
Non; car on ne peut pas dire :
Mais il sera impossible que l'Empereur lui accorde sa
grâce aussi longtemps que tous les degrés de juridiction ne
seront pas cpuisés.
La seule expression à employer ici entre les deux
verbes est avant que, a moins, toutefois, qu'on ne mette
jusqu'à ce que avant ou après il sera impossible, auquel
cas la phrase serait irréprochable :
Mais, jusgtt'a ce que tous les degrés de juridiction soient
épuisés, il sera impossible que l'Empereur lui accorde sa
grâce.
X
Seconde Question.
Permettez-moi deux questions : \'> Puisqu'on dit
MÉDITATION, pourquoi ne dirait-on pas méditatecr ?
2° Pourquoi ne dit-on pas soPHisTiciiEUB au lieu de
sormsTiQCECE, puisqu'on dit sophistication?
Pour répondre à votre double question, j'ai dû dres-
ser une liste des verbes en er qui font leur substantif
d'action en ation, comme :
Tenter — Tentation
Compenser — Compensation
Compliquer — Complication.
Or, au moyen de cette liste, on peut faire les remar-
ques suivantes :
1" Les i22 verbes qui la composent n'ont pas tous
donné, tant s'en faut, un dérivé pour désigner celui qui
fait, ou ce qui fait l'action qu'ils expriment; il y en a
68, parmi lesquels se trouve méditer, qui ne comptent
pas un tel parent dans leur famille.
2° Ceux de ces verbes au nombre de 511 qui ont un
dérivé désignant l'agent, forment généralement ce dé-
rivé en ateur, finale indiquée, du reste, par le latin;
mais, i)armi eux, il s'en rencontre quatre qui le foi'ment
en changeant simplement la finale er en eur :
Accepteur, planteur, solliciteur, sophistiqueur.
D'où je conclus qu'on ne dit point médilateur proba-
blement pour la raison que, pas plus que pour tant
d'autres termes analogues, on n'a senti la nécessité de
ce mot; et qu'on dit sophistiqueur au lieu desopliisti-
caleur, par exception à la règle, comme on dit accep-
teur, planteur et solliciteur au lieu de plantateur (latin
plantât or), sollicitât eur (latin sollicitator] , et accep-
tateur (latin acccptator\.
Comme les verbes de la première conjugaison qui
n'ont pas de substantif dérivé en ation font générale-
ment en eur leur substantif d'agent (porter, ^jor/eur;
brosser, brosseur, etc.), il semble évident que c'est la
confusion faite entre ces verbes et ceux ayant ledit
dérivé qui a été cause des exceptions que je viens de
signaler.
X
Troisième Question.
Les deux noms creffe et ente peuvent-ils être em-
ployés indi/l'éremment l'un pour l'autre ?
Autrefois, pour désigner la petite branche que l'on
insère dans un arbre pour en modifier les produits, on
s'est servi également bien de ente et de greffe ; ainsi je
trouve dans le dictionnaire de Littré :
^Exemples de ente]
Bon e7ile en bon estoc deit bien fructifier.
(Thom., le mar.. 128.)
Par le jardin ou ot mainte ente bien feuillie.
(Berle. II.)
En esté cljante,
En yver plor et mi^ gaimante,
Et me desfuel ausi com Vente
Au premier giel.
(Rutebœnf, s6.)
(Exemples de gre/fej
Bon greife quant de bon cep crest,
Li bons fruz par raisun en nest.
[Édoiiard le Confesseur, v. 97.1
Ainsi, en y mettant de bons greffes, on se peuple des
meilleures races de raisins qu'on puisse choisir.
(Olivier du Serres, 177)
Or, attendu que je ne vois pas pour quelle raison il
n'en pourrait plus être de même aujourd'hui, j'en tire
celte conclusion que, sauf le cas (déjà mentionné) où
ente désigne l'arbre sur lequel on a pratiqué l'opération,
greffe et f«/e peuvent parfaitement s'employer l'un pour
l'autre.
Furetière ne professait pas la môme opinion que le
célèbre La Quinlinie à ce sujet; il prétendait, lui, que
ente devait s'entendre de la greffe et du sujet mis en-
semble. Mais il est probable qu'il n'eût pas fait longue
opposition à son adversaire, s'il avait eu sous les yeux
les exemjiles que je viens de mettre sous les vôtres,
et dont le nombre pourrait facilement être augmenté
eneore.
<64
LE COURIÏÏER DE VAUGELAS
ÉTRANGER
Première Question.
Tai trouvé cette phrase dans un journal fra/içais :
« La nouvelle suivante nous arrive du pays des félibres. »
Qu'entend-on par ce mot qui n'est pas dans les diction-
naires^ et d'oii vient -il?
Grâce à un article publié par M. Ed. Baillière dans la
Bibliographie de la France [numérodu 24 octobre IS74,
p. 228), je puis vous dire le sens exact de ce mot, em-
ployé si souvent dans les journaux à loccasion du cen-
tenaire de Pétrarque, son étunologie et même la date à
laquelle il aurait commencé à s'écrire.
En effet, cet article, consacré au poète Roumanille,
l'ami de Mistral et d'Aubanel, est enrichi d'une note
que je copie textuellement :
Le 21 mai 1854, jour de san Estelle (sainte Étoile), dans
le calendrier provençal, Houtnanille et ses amis déridèrent
qu'ils prendraient le nom de Félibres (le nom de troutia-
doar leur semblant usé), felibre vient du mot grec j^a^Soç,
ami du beau. Tous ceux qui ont fait et font vaillamment
leurs preuves sont reçus membres de l'Académie des Fé-
libres
Ainsi, à n'en pas douter, le pajs des Félibres, c'est
la Provence, et les Félibres, ce sont les poètes de la nou-
velle école provençale.
Mais, la noie que vous venez de lire ne m'a satisfait
qu'imparfaitement quant à l'étymologie de Félibre, et je
vais vous en dire la raison :
Un correspondant avignonnais de la République fran-
çaise ùonne. les renseignements suivants [Interméditire,
■yiP année, col. 6941, dont il garantit l'exactitude, sur
l'invention et la formation de ce terme :
Il y a de cela vingt ans, les poètes provençau.x qui, volon-
tiers, comme les gens du xvi* siècle, tiennent séance à
table, s'étaient réunis pour festoyer, et dire des vers, tout
près d'Avignon, sous les ombrages de Fon-Ségugne. Une
vieille paysanne, au dessert, vint leur chanter des cbansons
du pays. La mémoire de la vieille faillit-elle ou bien l'éru-
dition néo-romane se trouva-t-elle en défaut? Toujours
est-il que, dans une de ces cbansons, nos poètes, surpris,
rencontrèrent un mot, précisément le mot /élibre, dont
personne d'entre eux ne put déterminer le sens. On plai-
santa de l'aventure, on rit : Eb! Felibre! — Bonjour, Felibre!
— Et comme ce petit groupe enthousiaste se cherchait
alors un nom et redoutait celui de troubadour, il fut convenu
qu'à l'avenir, les poètes provençaux s'appelleraient Félibres.
Or, d'après ces renseignements, felibre serait un mot
patois adopté par des poètes modernes, et non créé par
eux, comme peut le faire supposer la note qui accom-
pagne Tarticle de .M. Ed. Baillière.
Pour savoir ce qu'il en est réellement,je vais, aussitôt
qu'il sera paru, adresser le présent numéro à M. Rou-
manille, persuadé qu'il voudra bien, avec l'obligeance
qu'on lui connaît, me donner le supplément d'infor-
mation nécessaire pour m'édifier couiplètemcnt sur le
nom dont il s'agit ici.
X
Seconde Question.
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien me don-
ner l'origine du mot poil dans l'expression donner cn
POIL A qcelqd'dn, que je 7ie trouve pas dans le diction-
naire de Littré.
Je lis ce qui suit dans le Dictionnaire de la langue
verte :
Poil. Réprimande, objurgation, dans I argot des ou-
vriers.
C'est évidemment le sens qu'a ce mot dans l'expres-
sion que vous me proposez. Mais comment poil peut-il
vouloir dire réprimande?
Je ne connais aucun dictionnaire français, tant an-
cien que moderne, qui donne cette signification; et, dans
aucune langue des peuples qui nous avoisinent, ce mot
(en anglais hair, en allemand luiar, en espagnol et en
italien ^je/oj ne se rencontre non plus avec la significa-
tion susdite.
Il n'y a qu'un moyen, je crois, pour arriver à expli-
quer po;Y dans l'expression donner un poil à quelqu'un,
c'est de lui trouver, dans une langue qui aurait pu le
donner à la nôtre, un homophone dont le sens puisse
s'adapter à cette expression.
J'ai cherché cet homophone, non à po^'Z, mais à son
ancienne forme, laquelle était écrite et prononcée pei,
peil, comme le montrent ces deux exemples, le premier
du XI" siècle, et le second du xii'' :
E Blancandrins i vint al canud peil.
(Ch. de Roland, I, vers 502. )
Et par ma barbe dont li pels est meslez.
{Roncisvals, p. 3.)
Or, comme il existe en anglais un mol peal,qm a dû
se prononcer comme notre ancien pel, puisqu'il est
écrit peele dans Palsgrave; que ce mot signifie carillon
(de clochesl,et que les Anglais disent: to ring one
a peal {sonner un carillon à quelqu'un), ce que nous
traduisons par le proverbe laver la tête à quelqu'un,
équivalant par le sens à donner un poil à quelqu'un;
il me semble qu'il est permis de croire que l'anglais
peal est l'étymologie de ^oi/, dans celte dernière expres-
sion, de sorte que donner un poil à quelqu'un signifie-
rait littéralement lui donner un carillon, le carillonner,
ainsi que disent encore, si j'ai bonne souvenance, les
gens du Perche et de la Beauce.
On dit en italien : dar ad uno uno capello , pour
signifier laver la tète à quelqu'un, ou, plus familière-
ment, lui donner un poil. Or, comme capello signifie
cheveu, ilans celte langue, on pourrait en tirer la con-
clusion que son correspondant poil doit signifier la
même chose en français.
Ce serait là une objection sérieuse, s'il était démontré
que c'est l'expression italienne qui a donné l'expression
française; mais comme on peut tout aussi bien croire
que c'est le contraire qui a eu lieu (notre langue est
bien assez riche, surtout en proverbes, pour prêter de
temps à autre aux idiomes voisins), je m'en tiendrai
jusqu'à preuve d'erreur, à Télymologie de />o«/queje
viens de vous proposer.
LE raURRIER DE VAUGELAS
465
X
Troisième Question.
D'où rient le nom de pekpisian que vos charretiers
donnent à leurs manches de fouet? Ce mol n'est dans
aucun des dictionnaires que j'ai en ma j)ossession.
Du nom de la ville de Perpignan, clief-lieu du dépar-
lement des Pjrénées-Orienlales, ainsi que le prouve
celle cilalion empruulée à l'Histoire des villes de
France, par Aristide Guiibert (vol. IV, p. 320) :
Son industrie [île Perpignan] consiste en distilleries et
tanneries, en fMljriques do draps et d'étoffes de laine, de
cartes à jouer, françiises et catalanes, de cliandclles, d'ex-
cellent ctioeolat, de Ijouchons de liège et de manches de
fouet en bois d'alisier nommés perpignans.
Mais veuillez remarquer que ce n'est pas per/j/w/rt»
qu'il faut dire ni écrire, mais bien perpignon [yn non
suivi de i].
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
!• ... qu'il n'est dans celle de la l'rance (pas de le); — ï' ...
déférées à d'autres que l'Étal; — 3° Quelque (invariable et en un
seul mol) légilimes que puissent; — 4° ... mais étant données
les opinions; — 5° . . qu'à trois lieures tout ne fùl fini; — 6° ...il
nous serait facile; — 7° ... que léleclion de M. de Bourgoing /"«(
validée; — 8° ... vraimentl les cbeveux? demanda Adi;le; — 9' ...
elle mourra d'une maladie chronique {se mourir, dit Lillré, ne
s'emploie plus qu'au présent et à l'imparfait de lindicalif); —
10° ... officieusement invités à avoir...
Phrases à. corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1° Ni le temps, ni les prédications, ni les influences
administratives, ni les municipalités imposées, ont manqué
aux électeurs pour réfléchir, comparer, juger en connais-
sance de cause.
2° Un autre dessin représente une pauvre femme qui
demande à M. Halanzier une place d'ouvreuse. — Mais,
interroge le directeur, avez-vous des diamants à mettre
sur vous?
3° Les directeurs continueront à répéter : o Les premiers
pauvres, ce sont nous; les plus intéressants, nos artistes,
que votre droit féroce met annuellement sur le pavé.
4° S'il venait à échouer, par hasard, croyez-vous que
l'Assistance publique lui donnera un secours de cent sous,
après qu'il lui aurait versé, pendant de longues années,
des sommes énormes?
5° Il y a quelques jours, mourait à Bucharest un éminent
citoyen, M. Jean Mano, dont la famille n'est pas très-fortu-
née, ce qui décida la Chambre des députés à voter les fonds
nécessaires à des funérailles dignes du décédé.
6* Us ont fait appel aux sentiments conservateurs de
l'honorable M. Berger; ils l'ont cajolé, enguirlandé', caressé
jusqu'à ce qu'ils l'aient décidé à se désister.
7° Cette traversée, dans une pareille saison et par un
pareil temps, est un de ces faits de courageuse audace qui
mérite d'être signalé, et qui fait l'éloge du sang-troid et
de l'habileté du brave capitaine Palfresne.
8" Le ministère public eu ayant appelé de l'arrêt pro-
noncé dans l'affaire d'Arnim par le tribunal de première
instance de Berlin, M. d'Arnim a également interjeté appel
hier soir.
9» Bier, M. le maréchal de Mac-Mahon, accompagné de
M°° la Maréchale, sont allés visiter les salons d'Alphonse
f'iroux, où ils ont rencontré un grand nombre de per-
sonnes du moLde.
iLes corrections à quinzaine.)
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIERE MOITIE UU XVII' SIECLE.
VAUGELAS.
'Suite. j
Quant à la dilTérence entre pas et point, il est très-
difficile de l'établir par des règles; il faut l'apprendre
par l'usage.
Berlan, brelandier. — Le premier de ces mots a
presque toujours été écrit de cette façon, maison l'a
toujours prononcé brelan. Quant au second, on l'a tou-
jours prononcé el écrit de même.
Réguelisse, triacleur. — Le premier est toujours du
féminin. Il faut dire triacleur, el non thériacleur pour
le charlatan qui vend de la thériaque.
Ployer, plier. — Tout le monde les confond bien sou-
vent, quoique chacun sache que plier c'est faire des plis
ou mettre par plis, tandis que ploijer signifie céder,
obéir. On est sans doule mis en erreur par la pronon-
ciation de la Cour, qui prononce oi ou oij comme ai, et
qui d'\t player pour ployer.
Vitupérer — Ce mol n'est guère bon, quoique M. Goëf-
feleau et M. Malherbe s'en soient servis.
Remercimenl, agrément, viol. — 11 faut écrire et pro-
noncer remercimeni el non remerciement, et de même
pour agrément. Qimnl à viol, il se dit très-mal à propos
à la Cour et dans les armées pour violement.
Bcgimes qu'il faut éviter de do7iner à certaim verbes.
— On ne dit plus se réconcilier à quelqu'un, prier aiix
dieux, s'acquitter aux grands, s'offenser de quelqu'un;
il faut dire : se réconcilier avec, prier les dieux, s'ac-
quitter envers, s'o/fenser contre.
Négligences dans le style. — Voici les principales que
Vaugelas a remarquées : i" répéter deux fois la même
phrase dans la même page; 2° répéter deux fois un
même mot « spécieux » dans une même page sans qu'il
en soit besoin; 3° répéter mais trop souvent; 4° faire
fréquemment des vers alexandrins; 5° faire des rimes,
riches ou pauvres, dans la même phrase, comme dans
cela donne darantuge de courage.
Septante, ociante, nonante. — Le premier n'est fran-
çais que dans la iraduction des Septante. Hors de là,
on dit soixante-dix, el, pour les deux aulres, quatre-
vingt, quatre-vingt-dix.
Suppression des prono)ns personnels dernnt les verbes.
— Elle a Irès-bonne grâce quand elle se fait à propos;
mais il faut se garder de la faire quand la construction
change, el surtout après mais et avant le second de
deux ou répétés : ou nous le confesserons, ou le nierons
serait mauvais.
Mercredi. — Ceux qui savent (jue ce mol vient de
466
LE COURRIER DE VAUGELAS
Mercure onl de la peine à l'écrire et à le prononcer
autrement que mercredi, avec une r après Ve. D'autres
veulent bien, à cause de cette étymologie, écrire de cette
façon; mais ils prétendent qu'il faut le prononcer /«e-
credi, sans r, selon la prononciation ancienne. 11 est
vrai qu'autrefois la Cour prononçait ahre, mabre, pus,
ce qu'on écrivait arbre, marbre, plus; mais cela est
changé, et la plus saine opinion est de prononcer et
d'écrire mécredi sans r, et non pas mercredi.
Commencer. — Dans la pureté de notre langue, ce
verbe demande toujours la préposition à après lui;
mettre de, c'est commettre la faute de certains Parisiens,
des Gascons et de quelques autres provinciaux.
Plusieurs Parisiens font encore une faute en pronon-
çant ce verbe : ils disent c/uemenccr, au lieu de com-
mencer, comme ils disent ajetter pour acheter, burreau,
pour bureau, et arêt pour arrêt.
Demain matin, demain au malin. — Tous deux sont
bons, mais il faut dire jusques à demain matin, et non
"^diSpisques à demain au matin.
Des participes actifs. — Vaugelas va traiter « à plein
fond » de ces participes (présents) parce que c'est une
partie peu connue de notre grammaire. Voici les règles
qu'il donne :
Ayant el étant sont toujours invariables; cependant
on écrit Je les ai trouvez ayans le verre à la main, mais
sans mettre jamais ayant au féminin : il serait barbare
de dire je les ai trouvées ayantes le verre à la main.
Quant aux autres verbes, on dit Je les ai trouvées buvant
et mangeant parce que les mots en ant « étant proches
de trouvées, se doivent rapporter naturellement à trou-
vées plustôt qu'à Je, qui en est fort éloigné »; mais s'il
y avait un régime direct, on dirait ou plutôt on écrirait
je les ai trouvez mangeans des confitures, bûvans de la
limonade. Suivent d'autres distinctions qui prouvent
rembarras où l'on était alors pour l'orthographe des
participes présents.
Courir sus. — Jadis fort élégante, cette façon de par-
ler commence à vieillir. Quelle bizarrerie! Vaugelas dit
que il ne faut pas courir sus aux affairés est bien dit,
mais que il ne faut pas leur courir stis est mal dit,
parce que leur, qui est le datif, est mis devant courir
sus, dont il est régi.
De façon que, de manière que, de mode que, si que.
— Il n'y a pas un bon auteur qui se serve des deux
premières manières de parler tant elles sont peu élé-
gantes; les deux autres sont barbares. Il faut dire .si'
bien que, de sorte que ou tellement que.
Fntrer, sortir, monter, descendre. — C'est une faute
très-commune de conjuguer ces verbes avec l'auxiliaire
avoir au lieu de les conjuguer avec être. Ne dites pas
il n'a pas entré, il a monté, il a descendu, il a sorti,
mais il est monté, etc.
Chez, on. — Ces deux mots se prononcent très-mal,
même à la Cour, où l'on dit cheuz moi, chruz lui, et
on zn, on zourrc, on zordonne.
La lettre ii finale des infinitifs. — Que dans la Nor-
mandie on prononce cette consonne dans les verbes en
er, comme aller (qui sonne allair], cela n'étonne pas
Vaugelas; mais ce qui l'étonné, c'est que des personnes
nées et « nourries » à Paris et à la Cour le prononcent
parfaitement dans le discours ordinaire, et qu'en lisant,
elles le prononcent fort mal.
Prononciation de d dans les mots commençant par
AD.— D'après Vaugelas, cette lettre ne sonne point dans
adjuger ni dans advenir.
Chaire, chaise. — Il ne faut pas s'en servir indiffé-
remment; on dit la chaire de Saint-Pierre, chaire de
prédicateur, chaire de droit, tandis que l'on dit chaise
pour s'asseoir et se faire porter par la ville.
Vouloir. — Dans le sens de volonté, c'est un terme
qui a vieilli, mais qui s'emploie encore en poésie quoique
banni de la prose.
Adverbes terminés en ment. — Quoique ces adverbes
soient formés du féminin des adjectifs, on y retranche
l'e qui vient après une voyelle; ainsi on d'il éperdû-
ment, ingénument pour éperduement, ingénuement, qai
s'écrivaient autrefois.
Ouvrage. — Parlant de ce qu'elles ont à faire, les
femmes emploient ouvrage au féminin ; dans tous les
autres cas, ce mot est du masculin.
Ne mettre gueres. — Pour ne pas être longtemps, ne
guère demeurer, est français; mais il constitue une
expression si basse que Vaugelas ne voudrait pas l'em-
ployer, même dans le style « médiocre. »
Fureur, furie. — La lecture des bons auteurs appren-
dra quelles sont les phrases où l'on doit se servir de
l'un et non de l'autre, car s'ils ont la même signification,
ils ne se mettent pas aux mêmes endroits.
Gentil. — Cet adjectif forme son féminin par /^mouil-
lées, ce qui n'a lieu que pour lui.
Jumeau, Gémeau. — Nonobstant l'origine commune
de ces mois, gemellus, il faut prononcer et émrejumeau,
et non pas gémeau pour désigner l'un des enfants qui
sont nés d'une même couche. Mais quand on parle des
signes du Zodiaque, on dit gémeaux.
Transfuge. — Mot nouveau, mais reçu avec applau-
dissement à cause de la nécessité que l'on en avait dans
notre langue.
Et si. — On se servait autrefois de cette particule
avec beaucoup de grâce pour avec tout cela, comme
dans j'ai fait tout ce que j'ai pu, et si je n' ai pu en
venir à bout; mais aujourd'hui, on ne s'en sert plus ni
en prose ni en vers.
Gestes. — Pour dire les faits mémorables de la guerre,
ce mol commence à « s'apprivoiser « dans notre langue.
Ce n'est pas tant un mot nouveau qu'un vieux mot que
l'on remet en usage.
Si FDin à l'infinitif, au prétérit défini et indéfini est
d'une syllabe ou de deux. — Le sentiment de tous les
bons grammairiens est que fuir, je fuis elj'cii fui sont
de deux syllabes.
En Cour. — Façon de parler très-commune qui est
insiippnrlablo, quoiqu'elle s'emploie à la Cour même;
il faut dire il est allé à la Cour, et non en Cour.
[La suite nu prochain numéro.)
Le RÉDACTEua-GiittAiST : ëua« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
167
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine :
La Littérature française au XVIII* siècle; par
Paul Albert, maître de conférences à l'Ecole normale
supérieure. In-18 Jésus, Z|82 p. Paris, lib. Hachette et Gie.
3 fr. 50.
La Vengeance d'une jeune fille; par M. Badère (de
Vendôme), auteur de Marie Favrai. In-18 Jésus, 322 p.
Paris, lib. Dentu, 3 fr.
La Vie réelle ; par Mme Bourdon (Mathilde Fromenti.
19' édition. In-12, 279 p. Paris, lib. Bray et Retaux.
Grammaire des langues romanes ; par Frédéric
Diez. 3= édition, refondue et augmentée. T. 2. Traduit par
Gaston Paris et A. Morel-Fatio. 2« fascicule. In-8», 225-Zi60
pages. Paris, lib. Franck.
En congé ; par Mlle Zénaïde Fleuriot. Ouvrage illustré
de 61 vignettes sur bois par A. Marie. 2^ édition. In-18
Jésus, 26i p. Paris, lib. Hachette et Gie. 2 fr. 25.
Les Voleurs de femmes; par H. Gourdon deGenouil-
lac. In-lS Jésus, à'28 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Nouveau Dictionnaire de la langue française,
d'après la dernière édition de l'Académie, par Ch. Martin.
Précédé des participes réduits à une seule règle, par V. A.
Vanier. Nouvelle édition. In-32, cn-536 p., lib. Garnier
frères.
Portraits historiques et littéraires ; par Prosper
Mérimée, de l'Académie française. 2= édition, entièrement
revue et corrigée. Gr. in-18, 363 p. Paris, lib. Michel
Lévy frères. 3 fr. 50.
Grands jours de Poitiers, de lliôU à 1634; par Félix
Pasquier, archiviste de l'Ariége. In-8'', lùO p. Paris, lib.
Thorin.
La Princesse des Ursins ; par Rosseeuw Saint-Hilaire,
de l'Acadimie des sciences morales et politiques. In-8',
127 p. Paris, lib. Furne, Jouvet et Gie. 2 fr.
Le Désert de glace, aventures du capitaine Hatteras;
par Jules Verne. li° édition. In-18 Jésus, 322 p. Paris, 11b.
Hetzel et Gie. 3 fr.
L'Aventurier. II. Un duel sousPempire; par Alfred
Assolant. 3" édition. In-18 Jésus, 396 p. Paris, lib. Dentu.
3 fr.
La Comédie française, histoire administrative (1658-
1757) ; par Jules Bonassies, ancien attaché à la direction
des beaux-arts (bureau des théâtres). In-12, xiv-380 p.
Paris, lib. Didier et Gie. 3 fr. 50.
Les Petites comédies du vice; par Eugène Chavette.
La Guillotine par la persuasion. Deux vers de Properce. Le
Père d'Adolphe. Le Pendu par conviction. Illustrations
d'A. Fleury. Eaux-fortes d'E. Benassit. In-18 Jésus, 323 p.
Paris, lib. Internationale. 5 fr.
La Dame aux camélias, par Alexandre Dumas fils.
Préface de M. Jules Janin. Nouvelle édition, entièrement
revue et corrigée. In-18 Jésus, 32ù p. Paris, lib. Michel
Lévy frères. 1 fr. 25.
La France, nos fautes, nos périls, notre avenir ;
par le comte A. de Gasparin, à' édition. Z vol. Gr. in-18,
810 p. Paris, lib. .Michel Lévy frères. 7 fr.
Œuvres de Jules Lacroix. Théâtre. L Œdipe roi.
Le Testament de César. IL Valéria. La Jeunesse de Louis XJ.
III. Macbeth. Le Roi Lear. In-18 Jésus, xx-1173 p. Paris,
lib. Michel Lévy frères. Chaque volume, 3 fr. 50.
La Vie fantastique; par Méry. Nouvelle édition. In-18
Jésus, 295 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 1 fr. 25.
Théâtre de J. F. Regnard ; précédé d'une étude par
J. J. Weiss. In-18 jésus, xxxii-313 p. Paris, lib. Michel
Lévy frères. 1 fr. 25.
Dix ans d'études historiques; par Augustin Thierry.
Nouvelle édition, revue avec le plus grand soin. In-18
Jésus, Z|68 p. Paris, lib. Garnier frères. 3 fr.
Paris à tous les diables; par Pierre Véron. In-18
Jésus, 315 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 3 fr. 50.
Publications antérieures
L'ETUDE DES LANGUES RAMENÉE A SES VÉRI-
TABLES PRINCIPES ou l'art de pe.nser d.\ns une langue
ÉTRANGÈRE. — Par C. M.VHCEL. ancien consul, Chevalier de
la Légion d'honneur. — Paris, C. Borrani, libraire-éditeur,
rue des Saints-Pères, 9.
NOTIONS ÉLÉMENTAIRES DE GRAMMAIRE COM-
PARÉE, pour servir à l'étude des trois langues classiques.
— Par E. Eqger, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté des lettres, maître de conférences honoraire ii
TEcole normale supérieure. — Septième édition, revue,
corrigée et augmentée — Paris, A. Durand et Pedone-
Lauriel, éditeurs, 9, rue Cujas.
NOUVELLE GRAMMAIRE FRANÇAISE fondée sur
l'histoire de la l.\ngue, à l'usage des établissements d'ins-
truction secondaire. — Par Auguste Brachet, professeur à
l'Ecole polytechnique. — In-12, xi\-2i8 p. — Paris, librairie
Hachelle el Cie, 97, boulevard St-Cermain.— Prix : 1 fr. 50.
L'INTERMEDIAIRE DES CHERCHEURS ET DES
CURIEUX. — En vente à la librairie Sandozel Fischba-
cker, 33, rue de Seine, à Paris. — Prix : 1« année, 15 fr.;
2" année, 10 fr.; 3« année, 12 fr.; h" année, 8 fr.; 5= année,
12 fr. — Chaque année se vend séparément. — Envoi
franco pour la France.
CHANSONS POPULAIRES DE LA FRANCE, AN-
CIENNES ET MODERNES, classées par ordre chrono-
<68
LE COURRIER DE VAUGELAS
logique et par noms d'auteurs, avec biographie et notices.
— Par Louis Montjoie. — In-32. — Paris, librairie Car-
nier frères, 6, rue des Saints-Pères.
LE CYMBALUM MUNDI, précédé des Nouvelles ré-
créations et joyeux devis de Bonaventube des Periers. —
Nouvelle édition, revue et corrigée sur les éditions origi-
nales avec des notes et une notice. — Par P.-L. Jacob,
biblioptiile. — Paris, Adolphe Delahays, éditeur, 4-6, rue
Voltaire. — Prix; in-16 : 5 fr. ; in-8° : 2 fr. 50.
LE COURRIER DE VAUGELAS (première, seconde,
troisième et quatrième année). — En vente au bureau du
Courrier de Vaiigelas^ 26, boulevard des Italiens. — Prix
de chaque année, broché, 6 fr. — Envoi franco pour la
France, l'Algérie et l'Alsace-Lorraine.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
Dans l'annuaire commercial et industriel de M. Alfred Hamonet (1875), on trouve la liste suivante des agents de
Londres par l'intermédiaire desquels les Professeurs français des deux sexes peuvent parvenir à se procurer des places :
M. Grenier de Fajal, 5i, Fitzroy street, W.
iVI. Bisson, 70, Berners Street, W.
M. Biveret Cie, 66, Régent Circus, W.
M. Grifflths, 22, Henrietta Street, Covent garden.W. G.
M. Verstraete, 25, Golden Square, W.
Mme Hopkins, 9, New Bond Street, W.
Mme Waghorn, 34, Soho Square.
Mme Wilson, 42, Berners Street, W.
Nota. — Les majuscules qui figurent à la fin de ces adresses servent à marquer les « districts » pour le service des
Postes; dans la suscription des lettres, on les met après le mot Londres: exemple : Londres W, Londres W. C.
Le volume de M. Alfred Hamonet, qui coûte 1 fr. 25, se trouve à la librairie Hachette, à Paris.
CONCOURS LITTERAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au
Concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont inédits et
n'ont été présentés à aucun autre concours. — Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront
une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. —
Sont seuls admis à concourir: 1° les Français, excepté les membres effectifs de la Société Florimontane; 2° les
étrangers, membres effectifs ou correspondants de cette Société. — Les manuscrits devront être adressés au Secrétaire
de la Société Florimontane, avant le 1" juillet 1875. — Ils resteront déposés aux archives de ladite Société, où les
auteurs pourront en prendre connaissance. — Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins
de cent vers.
L'Académie française donne pour sujet du prix de poésie à décerner en 1875 : Livingstone. — Le nombre des vers
ne doit pas excéder celui de deux cents. — Les pièces de vers destinées à concourir devront être envoyées au secré-
tariat de l'Institut, fntnches de port, avant le 15 février 1875, terme de rigueur. — Les manuscrits porteront chacun
une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage; ce billet contiendra le nom et
l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au concours,
mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Avis aux Abonnés de la province.
Le i" mars prochain, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas (qui s'est fait depuis quelque temps l'administrateur
de son journal) mettra en circulation, avec un supplément de .«ojxa«/e-(/'a'/i;ece«/iws pour les frais de recouvrement,
les quittances de ceux de ses Abonnés de la province, qui, avant cette époque, ne lui auront pas envoyé le prix de leur
abonnement à la présente année.
Le réilaclfiir du Courrier de Vauyelas est visible à son biircuii de widi a. une heure et demie.
Imprimerie GuuvER^Eun, G. Daupiiley à Nogent-le-llolrou.
5* Année
N° 22.
15 Février 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
PamUiant la I* et le 15 da cha«a« mot*
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Élranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
.\NCrEN" PROFESSEIR SPÉCI.\L POUR LES ÉTR.\NGERS
Oflicicr d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris.
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adm'
M. FiscHBACHER, 33, vue de Seine.
SOMMAIRE.
Explication de Prendre quelque chose au pied de >n lettre; —
Pourquoi une rue de Paris s'appelle Rue du Cherche-Midi: —
Sens et origine de Parler du puits: — Construction de Parfai-
tement;— S'il faut dire Comte- Venaissin ou Comiat-Venais-
sin; — Expliration de Donner un suif à quelqu'un; — Cas
dans lequel on met l'indicàlif après Se plaindre. || Communi-
cation sur les LL mouillées; — Mauvaise construction du mot
Retour; — S'il faut écrire Pesant ou Faisant. \\ Passe-temps
grammatical. I; Suite de la biographie de Vaugelas. || Ouvrages
degrammaire et de littérature. || Renseignemenlspour les profes-
seurs français. Il Concours littéraires. Il .\\is aux abonnés de la
province.
FRANCE
Première Question.
Quelle est, je vous prie, l'origine et, par conséquent,
le sens littéral de l'expression peexdre quelque chose au
PIED DE LA LETTKE?
L'expression à la lettre, qui signifie selon le sens
littéral, selon le propre sens des paroles, a comme deux
degrés de force dans noire langue : le premier, à la
lettre, et le second, au pied de la lettre :
Sans une femme de ce quartipr-là qui passait, et qui a
eu pitié d'elle; je dis pitié à la lettre.
(Marivaux, .Marianne, II" partie.)
Jp VOUS aimp de tout mon cœur, mais c'est au pied de la
lettre, sans en rien rabattre.
{Sévigné. 326.)
Mais, comment expliquer l'espèce de superlatif formé
par cette dernière?
Je crois que l'introduction de pied dans cette expres-
sion est due à l'art ou plutôt au langage de l'art typo-
graphique. En effet, on trouve ce qui suit dans VEnci/-
clopédie (tome XII. p. .565, col. I) :
piÉ DE LA LETTRE Pst le bout OU extrémité opposée à loeil ;
on l'appelle pié, parce qup c'est cette extrémité qui sert
de point d'appui à la superficie et au corps de la lettre, qui
peut être considérée dans son tout, comme ayant trois
parties distinctes, I œi|, le corps et le pié.
Or, quand je considère que, dans ces derniers temps,
la langue familière a bien reçu des musiciens la locu-
tion vide de sens à la clef {voir Courrier de Vaugelas,
4"' année, p. 29i,je crois pouvoir en conclure que les
imprimeurs, qui ont souvent h parier du pied de la
lettre, auronl, AU figuré, substitué tout naturellement
celte expression à l'autre, et cela, en lui attribuant une
idée de rigueur que à la lettre n'avait pas.
X
Seconde Question.
Pourriez-rous me dire pour quelle raison une cer-
taine rue de Paris s'appelle rue du Chekche-Midi? Cette
question a déjà été agitée dans /'iMERMÉDiAtHE, jnais il
me semble que rien n'a encore été dit de complètement
satisfaisant à son sujet.
On a généralement fait intervenir les cadrans pour
donner l'explication que vous me demandez; mais, à
mon avis, ils n'ont servi qu'à y chercher midi à qua-
torze heures.
La rue dont il s'agit est nommée dans Sauvalle (t. l,
liv. IL p. 125] rue des Vieilles Thuilleries, parce que,
de tout temps, il y avait eu là des tuileries comme il y
en avait encore en 172.5, époque où fut publié l'ouvrage
de cet historien. Elle traversait un terrain certainement
appelé jadis (quoique je n'aie pu en découvrir la raison) :
Le Chasse A^idy,
car celle dénomination figure sur le plan de Paris qui
accompagne l'histoire de Félibien, oii elle est écrite dans
la direction de l'ouest à l'est.
C'est là, comme je vais vous le faire voir, l'origine
du nom de rue du Cherche-Midi.
En effet, cetle rue reçut d'abord le nom de rue du
Chasse-Midi, qu'on lui a donné de même qu'on a donné
plus tard, par exemple, celui de rue Culture-Sainte-
Catherine et de rue des Champs-Elijsées aux rues tra-
cées à travers la culture de Sainte-Catherine, et au
milieu des Champs-Elysées :
Le sieur Robineau acheta pour la somme de 120. livres
tournois de rente une pièce de terre sise au faubourg S.-
Germain procùe du regard du Luxembourg aboutissant
no
LE COURRIER DE VAUGELAS
d'un bout à la rue des Vieilles Thuilleries dite Chassemidy,
et d'autre bout, etc.
(Félibien, t. IV. p. III, col. l.)
Or, dans la langue du moyen âge, le verbe chasser,
qui se prononça et s'écrivit cacher, se disait au lieu de
chercher, comme le montrent ces exemples, trouvés
dans le Dictionnaire de Littré :
Oq dit pieça
Que les cache [cherche] li mal d'autrui,
Que li max retourne sour lui.
[Blondd el Jehan, SSgi.)
Seigneurs, dit le chevaliers, vous chassez [cherchez] bien
votre malheur; car se nous avions nos chevaulx, nous
vous ferions danser avec elle.
(PeTce/oresl, t. I, fol. 67.)
Par la dite coustume locale, le seigneur a droit que nuls
meuniers estans en la ditte baronie ne peuvent ou doivent
cliasser et aller quérir les bleds des sujets de la dite ba-
ronie.
(Coustum. gcnéral, t. Il, p. f>4.)
Tant que chasser s'employa dans ce sens, il n'y eut
qu'une dénomination pour l'ancienne rue des Vieilles
Thuilleries; mais quand chasser fut remplacé par cher-
cher {ce qui eut lieu, je présume, au ivi" siècle), il y
en eut deux : l'ancienne, qui se maintint au moins jus-
qu'en 1779, puisqu'elle est mentionnée encore dans le
Didioîinaire historique de .M.M. Hurlant et Magny, et la
la nouvelle, rue du Cherche-Midi, qui a fini par l'em-
porter sur son aînée, et par nous rester seule.
11 y a beaucoup de personnes qui, s'autorisant sans
doute de ce qu'on trouve dans Sauvalle : « la rue
Chasse-.Midi », et dans Félibien : « la rue des Vieilles
Thuilleries dite Chassemidy », où l'arlicle ne figure
pas avant chasse, croient pouvoir dire également rite
Cherche-Midi, sans employer du. L'origine que je viens
de donner pour le nom de celle rue, origine qui me
semble cire la vraie, démontre que l'on doit toujours,
comme le fait du reste l'Administration de la voirie
parisienne, mettre l'article composé dans cette dénomi-
nation :
Rue du Cherche-Midi.
X
Troisième Question.
Je lirais un jour avec plaisir dans le Courrier de
Vacgelas le véritable sens que l'on attache à l'expres-
sion PAiiLER nu rons, ainsi que l'origine de celte façon
de parler, qui me semble assez moderne.
■Voici, d'après Joachim Dullot [Secrets des Coulisses],
ce qui a donné lieu à ce dicton, assez répandu dans le
monde des théâtres :
Le comédien BoulTé est un artiste très-consciencieux,
mais surtout très-nietliodiqne; il ne se laisse pas guider
par l'inspiration, tout doit être convenu à l'avance:
paroles, (gestes et pas. Dans un vaudeville dont je tairai le
titre. Bouffé devait ilescendre dans un puits; l'entreprise
n'était pas sans |iéril, mais la situation l'exigeait. Dès
le premier jour, UtulTé s'incpiiéta de quel cûté il des-
cendrait dans le puits, et celte question donna lieu A une
discus&ion fort longue. L'heure accordée passa, et la ré-
pétition fut remise au lendemain. Le lendemain, Bouffé
crut s'apercevoir que la margelle du puits n'était pas
assez large.
Grande discussion à propos de la margelle. — On ne peut
se risquer à entrer dans ce puits avec une margelle aussi
étroite. Qu'on fasse une autre margelle et je descendrai.
Le jour suivant, on essaya la nouvelle margelle; elle est
d'une largeur ridicule, elle rend le puits trop étroit, on ne
peut s'y mouvoir. — Gardez la margelle si vous voulez,
mais élargissez le puits. On défait, on refait, puis on démo-
lit, puis on recommence, puis chaque jour une heure se
passe à parler du puits, une heure se perd dans de vaines
conversations qui n'aboutissent â rien.
Quant à la signification de cette expression, vous la
savez maintenant aussi bien que moi; elle veut évidem-
ment dire : perdre son temps a parler d'une chose qu'on
ne peut réussir â terminer.
X
Quatrième Queslion.
Peut-on dire d'un arti.ite « qu'il a parfaitement
chanté » comme le font quelques journaux ? Ne vau-
drait-il pas mieux dire : « il a parfaitement bien
chante » ? Il me semble que la première expression est
une faute grave.
h'aùverhe parfaitement s'emploie dans deux cas diffé-
rents, en français :
1" Comme modificatif d'un verbe, dans le sens d'une
manière parfaite, complètement, ainsi qu'on le voit par
ces exemples :
Comme je vous aime parfaitement, je pense être aimé de
vous de la même sorte.
(Balzac, liv. IV. lett. la.)
C'est à la Cour que l'on sait parfaitement ne rien faire, ou
faire très-peu de chose pour ceux que l'on estime beau-
coup.
(La Bruyère, VIII )
Qui vous ouvrirait le paradis ne vous obligerait pas par-
faitement.
(Pascal, Provin., IX.)
Je viens d'écrire au chevalier; il m'a parfaitement ou-
bliée.
(SéTigné, Il janvier 1680.J
2° Comme modificatif, soit d'un adjectif, soit d'un
adverbe, preuve ce qui suit :
Aussi impossible, lui répliqua l'autre, que d'être parfai-
tement habile, parfaitement fort, parlaitcment puissant, par-
faitement heureux.
(Voltaire, Memnon.)
■Voici un temps de justice et de clémence; on prend plai-
sir à faire non-seulement ce qui est bien, mais ce qui est
parfaitement bien.
(Sévigné, I7 avril 168a.)
Par conséquent, vous êtes dans l'erreur quand vous
croyez que c'est une faute « grave » d'employer por/a/-
temeiit dans la phrase que vous me proposez, où cet
adverbe modifie un verbe.
X
Quatrième Question.
Un de mes amis prétend que l'on doit dire « /ecOMTÉ-
Venaissin » quoique (jénératement on dise « te comtat-
Venuissin ». Quelle est, selon vous, la meilleure de ces
deux expressions ?
M. Charles Souiller, l'auteur de Y Histoire de la Révo-
LE COURRIER DE VAUGELAS
ai
lu/ion d'Avifjnon, m'ajanl remis une note qui résout
celte question dans le sens où je l'aurais résolue moi-
même, je vous demande la permission de reproduire ici
ses propres termes :
Le mot Comlal, nom que l'on donnait autrefois au démem-
brement de l'ancienne Provence dont Carpentras était la
capitale, est le terme provençal qui signifie comté dans cet
idiome, c'est-à-dire une certaine partie du territoire dont
le seigneur suzerain portait le litre de comte. Pris isolé-
ment, il a été adopté dans la langue française et s'y est
impatronisé comme une foule d'autres, gui nous sont
venus des pays étrangers. On appelle donc encore aujour-
d'hui Comlal celte portion de pays réunie aux lilati d'Avi-
gnon qui, après la guerre des Albigeois, par suite d'un
traité de paix, vers l'an 1228, fut concédé à la Cour ponti-
ficale. Mais toutes les fois que ce mot est suivi d'un autre
mot français et notamment de celui concernant la partie de
terrain qui lui était réservé dans l'ani-ienne Provence
(Comté-Venaissin), il ne peut pas plus subir d'altération
locale que celui auquel il se réunit. Et, en effet, dans Com-
lal-Venaissin seraient alliés deux mots hétérogènes dont
l'un est provençal et l'autre français; il y a dans cette
alliance quelque chose qui blesse la logique, et l'on ne
peut pas plus dire Comlat-Venaissin que l'on ne dirait Estais
d'Avignon.
Du reste, si l'on consulte les écrits antérieurs à l'acte
qui réunit le comté d'Avignon à la France, ainsi que
le décret lui-même de l'Assemblée nationale qui pro-
nonça cette réunion (le 26 mars i~92), on rencontre
partout Comlé-Venaissin , ce qui corrobore l'opinion
énoncée plus haut, savoir que la véritable expression
est Comlé-Venaissin, et non Comlat-Venaissin, comme
la plupart disent et écrivent.
X
Sixième Question.
Comment expliques-vovs que donner un suif a quel-
qu'un puisse signifier lui faire une réprimande?
Ce serait à un usage de la marine que nous derrions
l'expression proverbiale dont il s'agit.
En effet, j'ai trouvé ce qui suit dans le Glossaire
nautique d'Alphonse Jal :
Une préparation dont le suif (chez les Anglais) est la base,
et où entrent du soufre, du brai chaud, du savon, etc., est
étendue sur la carène d'un navire, qu'elle peut, jusqu'à un
certain point, préserver des attaques des vers et dont elle
doit favoriser la marche. Appliquer ce mélange à un bâti-
ment, c'est lui Sonner un suif.....
Or, de même qu'au propre, un .wifesl une réparation
ordonnée par le commandant du navire pour lui assurer
une meilleure marche, de même, au figuré, un suif est
une réprim.nnde, faite par celui qui a autorité sur un
autre, dans rintenlion de mieux le l'aire agir.
X
Cinquième Question.
Dans le numéro oit vous répondez à M. Charles
Deulin qu'il vaut mieux mettre le subjonctif que l' indi-
catif après SE ri.Ai.NuiiE, rous rorri(/rz. la phrase 9 du
numéro précédmt, en subslilvant l'indicatif avons au
subjonctif kYo^s, après le même verbe. N'est-ce pas là
une légère inconséquence ?
J'ai dit que, dans le cas où un verbe exprimant une
émotion de Pâme était suivi « de la simple conjonction
que », le verbe qui vsnait après cette conjonction devait
toujours être mis au subjonctif, ce qui est parfaitement
vrai.
Mais il cesse d'en être ainsi quand, au lieu de que,
la phrase renferme de ce que; avec ces trois mots, j'ai
constaté qu'on emploie invariablement l'indicatif, et
voici des exemples :
Les communes témoignèrent leur mécontentement de ce
qu''i\ usurpait ainsi les droits du peuple.
(Jeudi, Hist. de Cromif-d,)
On doit nous savoir gré de ce que nous n'avons pas démoli
la salle.
{L. Reybaud, Jérôme Pâlurot, p. 5.)
Apollon, disait-il, indigné de ce çi/e Jupiter par ses foudres
troublait le ciel dans les plus beaux jours, voulut s'en ven-
ger sur les Cyclopes.
(Fénelon. Tél.)
Le libraire D. jeta les hauts cris de ce que son associé B.
a pu laisser croire ce qui n'était pas.
(Diderot, p. io3.)
Il s'indigna de ce que Philippe, non-seulement levait sur
eux des contributions, mais encore de ce qu'il employait le
produit de ces contributions à des guerres...
(J. Bastide, Guer. derelig., p. l38.)
Le Kain se plaignait, au café Procope, de ce que sa pen-
sion de 12,000 liv. venaiid'ètre réduite de moitié par le roi.
(Encyctopédùina, p. gô, col. :.]
Je n'ai donc pas commis d'inconséquence en mettant
à l'indicalif un verbe séparé par de ce que de se plaindre,
dont la dernière des phrases que je viens de citer offre
justement un exemple.
ÉTRANGER
CO.MMUNIGATION.
.\u sujet de la prononciation des II mouillées, je viens
de recevoir une lettre que j'insère dans son entier, toute
longue qu'elle est, et dont je commence par remercier
bien sincèrement l'auteur.
Genève, le 22 janvier 1875.
Monsieur le Rédacteur,
Dans son numéro du 15 avril dernier, le Courrier de Vau-
t/elas se montre partisan de la prononciation allaiblie de II
mouillées qui a prévalu en France et surtout à Paris. Vous
appuyez cette décision du motif « qu'un peuple, toujours
maître de son idiome, a l'incontestable droit d'y apporter
telles modifications qu'il juge à propos », et vous terminez
en disant que « Paris étant devenu chez nous, grâce à son
litre de capitale et au chiffre, de sa population, l'arbitre
du langage aussi bien que celui de la mode et du goût,
comment admettre que la prononciation des Parisiens soit
entachée de vice? j
J'ai hésité longtemps à donner mon avis sur cette ma-
tière parce que je sais que toute vérité n'est pas bonne à
dire. Un besoin inné de combattre l'erreur sous quelque
forme qu'elle se présente m'a fait mettre la plume à la
main, et répétant une vieille devise, j'ai dit: Fais ce que
dois, advienne que pourra. Ce n'est pas une raison en effet
que, parce que le roi est roi, il soit infaillible et parfait. Ce
n'est pas non plus en se répétant qu'on a atteint la perfec-
tion qu'on se maintient tète de colonne. Les langues pas plus
que les peuples et les individus n'arrivent à un degré de
-172
LE COURRIER DE VAUGELAS
perfection telle que la perfectibilité ne soit plus possible.
L'histoire de la langue française en particulier en et^t une
preuve, puisqu'en remontant seulement au seizième siècle,
nous trouvons un travail d'élaboration constant, et qui
n'est pas près de finir.
Mais, laissant ces considérations suffisamment passées à
l'état de vérité, j'aborde franchement le problème des II
mouillées. On sait que notre langue a été parfois affligée
de maladies étranges, fruits du langage affété mis à la
mode par les doucereux de l'hôtel de Rambouillet et leurs
successeurs. Toutefois ce ne fut pas sans de vives protos-
tations que germèrent ces semences délétères. Molière,
entre autres, exerça sa verve charmante contre les parti-
sans de ces ridicules manières de parler. Mais la sottise
humaine reparait toujours sous une forme ou sous uue
autre. Au commencement de ce siècle, on trouva de bon
ton de supprimer l'r, parce que la langue française étant
plus douce que gutturale, cette consonne donne le plus de
peine à prononcer. On disait : c'est incoijable, chaînant, une
hoeu, pour incroyable, charmant, horreur. Du reste, on lui
en a voulu à cette infortunée lettre, car, au seizième siècle,
sous les Paisgrave comme sous les de Béze, les « femme-
lettes » de Paris (expression du grammairieu Dubois) et à
leur exemple quelques hommes affectaient de mettre des z
pour des r : ma méze, mon fréze, pour ma mère, mon frère.
De même U mouillées se prononçaient lie, comme elles
doivent être dites dans les siècles qui nous ont précédés,
prononciation que les grammairiens Meigret, Ramus et
Robert Estienne au seizième siècle appelaient adoucisse-
ment ou amoUisement et que de Saint-Lien, de Beze, Masset,
Maupas, eux environs du dix-septiém.e, nomment humecia-
tion ou liquéfaction. Mais Jean-Baptiste Duval trouve déjà
que cette prononciation donne beaucoup de peine. La pro-
nonciation te adoptée d'abord par les badauds du boule-
vard a fait école en France, mais non point hors de France,
au moins dans la Sui^se Romande et la Savoie (trop récem-
ment française pour être classée ici dans votre pays) qui
ont su résister à cet entraînement de mauvais aloi. Dans ces
deux contrées, il n'y a que les petits enfants qui, à cause
de la faiblesse de leur organe, prononcent ie Jl mouillé,
comme aussi ils suppriment souvent l'r ou radoucissent
en l ou s. Qui ne voit que cette tendance fâcheuse des
Français leur rendra toujours plus difficile l'étude des
langues étrangères? Que diraient-ils s'ils avaient à pronon-
cer comme les Russes deux espèces A'I, l doux et l dur,
qui exige une véritable gymnastique de palais? Aussi ap-
prouvons-nous entièrement le professeur Richard lorsqu il
s'écrie dans son Manuel de prononciation, publié en 1S62 :
< Nous repoussons avec énergie ce grasseiement désa-
« gréable et ridicule, cher surtout aux garçons limonadiers
et aux demoiselles de comptoir, personnes fort respec-
tables sans doute, mais qui font rarement autorité en fait
( de beau langage. » Jamais Talma, ce maître par excel-
lence en telle matière, n'a dit:
Paraissez, Navarrois, Maures et Castyofis,
Et tout ce que l'Espagne a nourri de \ayans.
L'hiimertation des lettres existait déjà en latin, par
exemple dans les verbes dits de la 3* conjugaison bis: capio,
salio, où \'i a été introduit par simple adoucissement. L'hu-
mectation, autre forme de l'iidoucissement, est comme lui
un phénomène naturel et qui constitue un progrès dans
la langue. C dur a été adouci dans beaucoup de mots dans
leur passage du latin en français : campus, cpntus, canis,
etc., ont donné champ, chant, chien. Le l s'est aussi hu-
mecté : amicitas, pietas, ont donné amitié, piiié. Les voyelles
même s'adoucissent : oquila a donné aigle, ocer, aigre.
Mais mouiller et adoucir ne sont pas changer, ni retrancher,
et c'est ce qui arrive lorsqu'au lieu de prononcer 11, lie,
on le prononce ie.
Pour terminer, voici la règle : 1* H se mouille lorsque
Vi qui précède fait partie d'une diphlhongue : bailler, tailler,
corail, émail, ailleurs, railleur; — veiller, abeille, treillis.
soleil, oreille, vermeil; — feuille, veuille, fauteuil, écureuil;
— mouiller, grenouille, fouiller, brouiller, bouillir; 2" Il ne
se mouille pas lorsque l'i qui précèdn ne fait pas partie
d'une diphthongue : Achille, Camille, Gille, Lille; — cavil-
lation, fibrille, distiller, tranquille, mille; — scille, sibylle,
camomill», venus du grec (ce dernier mot indiqué à tort
par M. Littré comme devant être mouillé); — ville et pu-
pille, dont l'origine comme diminutifs, s'est oubliée; —
codicille, qui, selon l'exception donnée ci-après, devait
être mouillé.
Exception à cette dernière régie. — Lorsque les mots pro-
viennent d'un mot latin en ius, ia, io, ou d un diminutif en
culus, cula, cellus, cella, l'humeciation a lieu: tilleul, fille,
famille; — papillon, pavillon; — périlleux, lentille, fourmil-
ler, corbillon, oisillon, grillon, bille, billard.
Et maintenant s'il est besoin d'avoir quelque direction
pour prononcer ces U mouillées, je rappellerai la recom-
mandation de Claude de Saint-Lien, insérée dans le Cour-
rier de Vaugelas : « Lorsque deux 11 suivent une des quatre
» diphthongues ai, ei, oi, ui, ils se prononcent en touchant
« le palais non avec la pointe, mais avec le milieu de la
langue, ce qui donne à ces lettres un son mouillé. »
J'aime à espérer que ceslignes, forcement un peu longues,
vu la nature du sujet, ne seront pas malvenues de vos lec-
teurs, car les grands peuples doivent être comme les grands
hommes, dont le génie n'est autre chose, a dit Buffon,
qu'une grande aptitude à la patience.
Agréez, Monsieur le Rédacteur, l'expression de mes sen-
timents dévoués.
DUFOUR-VERNES.
P. S. — Bien loin que la prononciation mouillée ait l'air
d'une trace de l'invasion que l'italien a faite chez nous, je la
crois au contraire venue du latin, et j'en donne pour preuve
que les langues néo-latines la possèdent. J'ai en outre de
fortes raisons de croire que la prononciation /e ne se trouve
qu'à Paris.
Comme on n'improvise pas une réponse à des objec-
tions de la nature de celles qu'on vient de lire, .M. Du-
four-Vernes voudra bien consentir à ce que je remette
la mienne à un prochain numéro.
X
Première Question.
Est-ce qu'il est bien correct de dire : M. un tel,
UETora de Vienne, Mme une telle, retour de Borne ?
Les journaux emploient Irès-souvent celte construc-
Uon, qui consiste à faire disparaître de avant le subs-
lanlif retour :
Le comte et la comtesse Potoki, et M'"" la duchesse de
Reggino, retour de Dieppe, sont rentres hier soir à Paris.
[Paris-Journol du 9 septembre 1874.)
On voit bien que vous n'êtes pas préfet de l'ordre moral, me
répondu d'un ton grave mon agronome retotir de Nevers.
t Le Bien public ivL 4 févrû-r 1874.)
Mais cette elli[)se, que je soupçonne fortement d'avoir
pris naissance dans les bureaux télégraphiques, n'est
point de celles qui se puissent pratiquer ; la grammaire
permet de sous-enlendre qtti est, f/tti sont, qui étaient,
etc., mais jamais le mol qui les suit. A moins qu'il ne
s'agisse d'un télégramme, rendez donc toujours le sens
de qui est rei'cnu par de retour, comme dans la phrase
suivante :
Hier matin e«l arrivé à Paris M. le prince do Chimay, de
retour de 'Vienne.
(Lu Presse du 3o nov. 1874.)
LE COURRIER DE VAUGELAS
173
X
Seconde Question.
L'auteur anonyme de la communication du numéro 19,
relative au nomdes habitantsde Pau, écrit tesx^t avec
un E. Cette orthographe vaut-elle mieux que celle qui
écrit FAISANT avec k\1
C'est une règle sans exception dans nos verbes que la
voyelle conlenuedans le radical du participe présent est
toujours la même que celle contenue dans le radical de
l'imparfait de l'indicatif :
Je prenais, prenant; j'avais, ayant; je fovais, sochant.Ptc.
Or, comme depuis le xm'' siècle, le verbe /«//-e s'écrit
faisais [faisais] à l'imparfait de l'indicatif, ce dont on
peut vérifier l'exactitude en parcourant l'historique du
dit verbe dans le Dictionnaire de Litlré, j'en conclus
que la véritable orthographe du participe présent du
verbe faire esl faisant, et non fesani, bien que celle-ci
ait eu la préférence de Voltaire et de plusieurs célèbres
grammairiens.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... ui les municipalités imposées n'ont manqué; — 2° ... mais
demande le direcleur; — 3" ... les premiers pauvres, c'est nous;
— 4- ... lui donnerait un serours; — 5° ... dont la famille n'est
pas très-ric/ic,- — 6° ...jusque ce qu'ils Veussent décidé; — 7° ...
est un fait de courageuse audace; — 8° Le ministère public ayant
appelé de l'arrêt (pas de en); — 9° ... accompagné de M"« la Ma-
réchale, est allé visiter...
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1" J'ai dit un des motifs pour lesquels je supplie l'Assem-
blée de ne pas passer à la spconde délibération; et je la
supplie rie ne pas continuer une discussion dont tout le
monde sait qu'elle n'aboutira pas.
î" Depuis cette loi du 20 novembre, que s'est-il passé? 11
est arrivé que, je ne sais par quelle circonstance, par quelle
habileté, ceux qui avaient voté contre elle s'en sont acca-
parés pour la diriger contre nous.
3* 11 est donc lié, quoiqu'il en ait, à la cause du maréchal
et de l'organisation de ses pouvoirs.
4" On avait craint un moment que les dissentiments qui
s'étaient élevés entre le prince Nitika et le sultan ne pro-
voquent de sérieuses complications en Orient.
5* Rien n'est plus insolent et impitoyable que la vale-
taille autorisée du maître. Elle semble alors vouloir se ven-
ger sur autrui des humiliations et des duretés qu'elle a dû
subir.
6° L'Autriche-Hongrie, l'Allemagne et la Russie recon-
naissent à la Roumanie le droit de conclure des traités de
commerce avec les autres puissances, sans avoir à se préoc-
cuper d'autres cboses que de ses propres intérêts.
7* M. le duc de Nemours et M. le comte de Paris étaient
également au nombre des invités. On a dansé jusqu'à trois
heures et quart du matin,
H* Le bataillon des guides ayant commis des e.KCès à Ver-
gara, les populations ont demandé qu'il soit dissous.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVll- SIECLE.
VAUGELAS.
(Suite. _
Narration historique. — Il y en a qui prétendent
que, dans le style historique, il ne faut pas employer
le présent pour le passé; mais Vau?elas ne peut assez
s'élonncr que des gens qui d'ailleurs écrivent parfaite-
ment bien* soient tombes dans cette erreur : il a vu dans
une foule d'auteurs le présent employé pour le passé
dans des « relations «.
Le verbe avoir suivi du participe été. — Si ce n'est
pas une faute, c'est une imperfection que de séparer ces
deux termes par un adverbe; ainsi, il faut éviter de
dire : ('/ a plusieurs fois été contraint ; il faut mettre
plusieurs fois après, et dire : il a été plusieurs fois con-
traint, et mieux encore : il a été contraint plusieurs
fois.
Voile. — Vaugelas voit une infinité de gens qui font
ce mot masculin en parlant des voiles d'un navire; c'est
une faute.
Je suis plus vaillante que vous. — Une dame peut-
elle dire cela à un homme? Cette manière de parler n'est
certainement pas absolument mauvaise; mais elle n'est
pas fort bonne, et il faut l'éviter en se servant d'une
autre phrase, comme fai plus de courage que vous.
Autrement, il faudrait, pour parler régulièrement, ne
point construire avec l'ellipse.
A même. — Dans le sens de en même temps, comme
dans cette phrase : à mêmeque la prière fut faite, l'orage
fut appaisé, est très-mauvaise. Qu'on ne s'en serve
jamais.
Gens. — Quand il signifie personnes, il est toujours
féminin si l'adjectif le précède, et masculin si l'adjectif
le suit. Ainsi on dit voilà de belles gens, eij'ai i-t'i des
gens bien faits. Une seule exception pour tout, qui se
met toujours au masculin devant gens; on dit tous les
gens de bien, on ne peut dire toutes les bonnes gens.
Futur. — Quoique l'on dise futur époux et future
épouse, Vaugelas ne croit pas qu'on puisse l'employer
dans le beau langage.
Fatal. — Se prend le plus souvent en mauvaise part,
mais il ne laisse pas de s'emjiloyer quelquefois en bonne
part, comme on le voit dans Malherbe.
Incognito. — Depuis quelques années (nous sommes
en 16-171, nous avons pris ce terme des Italiens. Il reste
invariable qu'il se dise de plusieurs hommes ou de plu-
sieurs femmes. Toutes les nations se servent du mot et
de la chose.
Banquet. — Ce mot est vieux et n'est plus guère en
usage que parmi le peuple. Il se conserve cependant
en parlant des choses sacrées, où il est meilleur que
festin.
Débarquer, desembarquer. — Tous deux se diseni et
sont bons; mais f/fj/jan/wer est plus doux et plusen usage,
car ces verbes composés d'un verbe simple qui coin-
174
LE COURRIER DE VAUGELAS
mence par em ou en laissent d'ordinaire cette première
sjliabe dans leur composition, comme du simple eiuja-
ger se forme le composé dégager, et d'embarrasser se
forme débarrasser.
Pluriel. — Vaugelas met toujours ce mot avec une l
quoique tous les grammairiens français aient toujours
écrit plurier avec une r; il se fonde sur ce qu'il vient
du ]dX\npluralis.
Arc-en-c/el. — C'est ainsi qu'il faut écrire, avec deux
tirets, et non arcencii-l ; el, au pluriel, il faut écrire
plusieurs arc-en-ciels, et non pas arc-en-cieux, ni arcs-
en-ciel.
Faute d'argent, à faute d'argent , par faute d'argent.
— Tous les trois sont bons, mais le meilleur est de dire
faute d'argent ; après celui-là vient à faute, et par faute
est le moins bon des trois.
Florissant, fleurissant. — Dans le sens propre, on
dit le plus souvent fleurissant, comme un arbre fleuris-
sant, et, dans le sens figuré, on dit plutôt florissant,
comme dans un empire florissunt .
Arcenal,arsenac. — Le premier est le plus usité; plu-
sieurs disent aussi arcenac. Mais il semble qu'on pro-
nonce plutôt arcenac quarcenal, et qu'on écrit plus
volontiers arsenal qu'arcenac. On dit au pluriel arce-
naux, et Vaugelas n'a jamais entendu dire arcenacs.
Auparavant , auparavant que. — Le vrai usage d'au-
paravant c'est de le faire adverbe, et non pas préposi-
tion; ceux qui parlent et qui écrivent le mieux ne s'en
servent jamais que de cette façon; mais ceux qui n'ont
nul soin de la pureté du langage disent et écrivent tous
les jours, par exemple, auparavant moi, il est venu
auparavant lui.
Réussir. — On se sert plus élégamment de ce verbe
dans le sens actif ou avec l'auxiliaire avoir que dans le
sens passif ou avec le verbe être. Par exemple, il est
beaucoup mieux de dire ce dessein lui a réussi que lui
est réussi.
Servir, prier. — Ces deux verbes régissent mainte-
nant l'accusatif tandis qu'autrefois ils régissaient tou-
jours le datif; on disait il faut servir à son roi, prier à
Dieu, tandis qu'on dit servir son roi, prier Dieu.
Quanlefois. — Ce mot pour dire combien de fois est
beau et agréable à l'oreille selon l'avis de beaucoup de
gens, tellement que Vaugelas s'étonne qu'il ait eu une
si mauvaise destinée.
Arrangement des mots. — C'est un des plus grands
secrets du style. Qui n'a jioint cela ne peut pas dire
qu'il sache écrire; il a beau employer de belles phrases
el de beaux mots, étant mal placés, ils ne sauraient
avoir ni beauté ni grâce. Suivent quelques phrases dont
la construction est mauvaise.
Au préalable, préaliib'einent. — Nous n'avons guère
de plus mauvais mots dans noire langue. Ils étaient
l'objet de l'aversion d'un grand prince, qui leur trou-
vait quelque chose de monstrueux.
Beaucoup. — Employé pouy plusieurs, ce mol ne doit
pas être mis seul; il faul toujours, soit y ajouter /jpc-
sonnc, gens, ou quchpii; autre suhstiuilif, soit encore
le faire précéder du mut en, comme daus il ij en a beau-
coup. Quand beaucoup suit un adjectif, il faut mettre
avant lui la préposition de.
La découverte, la découverture. — Appliquées à des
terres neuves, ces deux expressions sont bonnes. Amyot
dit la découverture, et Vaugelas l'a entendu dire aussi
à des femmes de la Cour et de Paris.
Et donc, donc. — Plusieurs pensent que ce n'est pas
bien s'exprimer en français que de commencer une
période par et donc, mais gascon, attendu que les Gas-
cons ont, en effet, souvent ce terme à la bouche. Vau-
gelas n'est pas de cet avis, parce qu'il l'entend dire fré-
quemment à la Cour. On peut aussi commencer une
période par donc.
Celle-ci pour lettre. — C'est du style bas. Plusieurs,
Vaugelas le sait, ont accoutumé de commencer ainsi
une lettre -.je vous écris celle-ci. Il faut dire Je vous
écris cette lettre, car pourquoi celle-ci quand le subs-
tantif n'a pas encore été dit ?
Faisable. — Appliqué à une chose, ce mot signifie
qu'il est possible de faire cette chose, et non qu'il est
permis de la faire.
Dévouloir. — Malherbe s'est servi de ce mot pour
dire cesser de vouloir. Ce terme est fort commode et
fort significatif, il serait à désirer qu'il fût en usage.
// sait la langue latine et la langue grecque. — Le
sens de ces paroles peut s'exprimer encore de trois
autres manières : il sait la langue latine et la grecque;
il sait la langue latine et grecque; il su'l les langues
latine et grecque. Ces quatre expressions sont-elles
bonnes, et laquelle est la meilleure? Les deux premières
sont bonnes selon Vaugelas, mais les deux dernières
sont mauvaises (1647).
Le pronom le devant deux verbes qui le régissent. —
Faut-il dire, par exemple, envoyez-moi ce livre pour le
revoir et augmenter? C'est ainsi qu'écrivent les auteurs
renommés; mais ce n'est point là de la pureté; il faut
pour le revoir et l'augmenter.
D'une heure à l'autre. — Il faut dire d'//e2/r? à autre;
l'emploi des articles fait que cette expression n'est pas
française.
Discord. — Mis pour discorde, ce mot ne vaut rien
en prose, mais il est bon en vers, dit .Malherbe.
Con.'itruction grummaticale. — Plusieurs croient que
celle phrase n'est pas bonne : comme le Roi fut arrivé,
il commanda, etc., et qu'il faut dire : le Roi, comme il
fut arrivé, commanda. Ud\s ils se trompent fort, c'est
la derriière qui ne vaut rien.
C'est que. — Quelquefois ce terme est superflu, comme
dans quand c'est que je suis malade. Une infinité de
gens disent ainsi, et particulièrement les Parisiens et
leurs voisins. Il faut simplement quand je suis malade.
.Mais on n'est pas aussi certain que cette façon de parler
soit mauvaise : quand est-ce qu'il viendra ? Les uns
soutiennent qu'il faut dire quand viendra-til, et les
aulrcs la trouvent bonne. Vaugelas est de l'avis de ces j
derniers.
[La sui/r au prochain numéro.)
Le RéDACTËDH-Gh'aANT : EuAM MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
473
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE
Publications de la quinzaine
Les Vaincus victorieux; par F. Alone. Le journal
d'un professeur. La Confession d'un prêtre. Vieille histoire.
Marie. La Vengeance de Pierre. L'tnfant prodigue. In 18
Jésus, 319 p. Paris, lib. Sandoz et Fischbacher.
L'Art dans la parure et dans le vêtement; par
M. Charles Blanc, membre de l'Institut, ancien directeur
des beaux-arts. In-8- carré, 375 p. et vignettes. Paris,
lib. Loones.
Rose, splendeurs et misères de la vie théâtrale;
par Edouard Cadol. 3" édition. In-18 Jésus, 263 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr.
Textes classiques de la littérature française
extraits des grands écrivains français, avec notices biogra-
phiques et bibliographiques, appréciations littéraires et
notes explicatives. Recueil servant de complémeut à l'his-
toire de la littérature française et composé d'après les
programmes officiels de l'enseignement secondaire spécial
(3' année) ; par J. Demogeot, agrégé de la faculté des
lettres de Paris. Moyen-âge. Renaissance, xvii« siècle.
In-12, vNi-568 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
Les Écoles du doute et l'École de la foi. Essai sur
rautorité en matière de religion ; par le comte Agénor de
Gasparin. 2' édition. Grand in-i8, xxii-Zi37 p. Paris, lib.
Michel-Lévy. 3 fr. 50.
Les Mœurs et les Femmes de l'extrême Orient.
Voyage au pays des perles; par Louis Jacolliot. Illus-
trations d'E. Yvon. 2' édition. In-18 Jésus, 351 p. Paris,
lib. Dentu. i fr.
La Pluie d'or; par Clémence Robert. Nouvelle édition.
Gr. in-iS, 2Zi7 p. Paris, lib. Michel Lévy frères.
Les Antiqultez et Chroniques de la ville de Dieppe ;
par David .\sseline, prestre. Publiées pour la première fois,
avec une introduction et des notes historiques, par M.\l. Mi-
chel Hardy, Guérillon et l'abbé Sauvage. 2 vol. in-8°, xxxii-
825 p. Paris, Maisonneuve et Cie.
Le Brosseur du lieutenant; par M. E. Braddon.
Roman traduit de l'anglais par Charles Bernard-Derosne.
2 vol. in-18 Jésus, 566 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
2 fr. 50.
Choix de chroniques et mémoires relatifs à l'his-
toire de France, avec notes et notices par J.-A.-C. Bu-
chon. .Mathieu de Coussy. Jean de Troyes. Guillaume GrueL
Pierre de Fénin. In-8° à 2 col., xxxvni-736 p. Orléans,
lib. Herluison. 7 fr. 50.
La Dame de Montsoreau; par Alexandre Dumas.
In-i- à 2 col., 2/i0 p. Paris, lib. Michel Lévy. 2 fr. 70.
Fables de Florian, précédées d'une étude sur la fable,
suivies de Ruth et de Tobie, et accompagnées de notes, par
E. Géruzez, ancien professeur honoraire à la faculté des
lettres de Paris. In-16, xv-l/ii p. Paris, lib. Hachette et Cie.
60 centimes.
Han d'Islande, Discours; par Victor Hugo. 2 vol. in-18
Jésus, 801 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 7 fr.
Les Moralistes français. Pensées de Pascal. Maximes
et réflexions de La Rochefoucauld. Caractères de La
Bruyère. Œuvres de Vauvenargues. Textes soigneusement
révisés, complétés et annotés à l'aide des travaux les plus
récents de l'érudition et de la critique. Précédés d'une
notice sur chacun de ces écrivains; par Sainte-Beuve.
Ornés de 4 portraitr gravés sur acier. Par MM. Goutière
et Delanoy. Gr. in-18 à 2 col., viu-762 p. Paris, lib. Gar-
nier frères.
Publications antérieures :
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NES ET DE PLUSIEURS FAÇONS DE PARLER
TRIVIALES. — Par Moisant de Brieux, fondateur de
l'Académie de Caen. — Avec une introduction biographique
et littéraire par .M. E. de Beaurepairs. — Un commentaire
et une table analytique par M. George Garxier, et un
portrait de l'auteur gravé par M. L. de Merval. — Caen,
Le Gost-Clérisse, libraire-éditeur, place du Palais-de-
Justice.
LES SALTIMBANQUES, leur vie, leurs mœurs. —
Par Gaston Escudier. — 500 dessins à la plume par P. de
Crauzat. — Paris, Michel Lécy Jrères, éditeurs, 3, rue
Auber, place de l'Opéra. — Prix : 10 francs.
CONTES D'UN BUVEUR DE BIÈRE. - ParCHAtiLES
Deulin. — 6" édition. — Paris, E. Dentu, éditeur, libraire
de la Sociéti- des Gens de lettres. Palals-Uoyal, 17 et 19,
galerie d'Orléans.
L'ÉTUDE DES LANGUES RAMENÉE A SES VÉRI-
TABLES PRINCIPES ou l'art de penser dans une langue
ÉTRANGÈRE. — Par C. Marcel, ancien consul, Chevalier de
la Légion d'honneur. — Paris, C. Borrani, libraire-éditeur,
rue des Saints-Pères, 9.
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PARÉE, pour servir à l'étude destrois langues classiques.
— Par E. Egger, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté des lettres, maître de conférences honoraire à
l'École normale supérieure. — Septième édition, revue,
corrigée et augmentée — Paris, A. Durand el Pedone-
Lauriel, éditeurs, 9, rue Cujas.
NOUVELLE GRAMMAIRE FRANÇAISE fondée sur
l'histoire de la langue, à l'usage des établissements d'ins-
truction secondaire. — Par Auguste Brachet, professeur à
l'Ecole polytechnique. — In-12, xix-248 p.— Paris, librairie
Hachette el Cie, 97, boulevard St-Germain.— Prix : 1 fr. 50.
^76
LE COURRIER DE VAUGELAS
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nales, avec des notes et une notice. — Par P.-L. Jacob,
bibliophile. — Paris, Adolphe Delihays, éditeur, /i-6, rue
■Voltaire. — Prix : in-16 : 5 fr. ; in-S» : 2 fr. 50.
LES DIALOGUES DE JACQUES TAHUREAU, gen-
tilhomme du Mans, avec notice et index. — Par F. Cons-
cience. — Petit in-12, xxviii-201 pages. — Paris, librairie
Alphonse Lemerre, passage Choiseul. — Prix : 7 fr. 50.
CHRONIQUES DE J. FROISSARD, publiées par la
Société de l'histoire de France, par Siméon Luce. — T. 5.
1356-1360. Depuis les préliminaires de la paix de Poitiers
jusqu'il l'expédition d'Edouard 111 en Champagne et dans
l'Ile-de-France. — In-8', Lxxi-i36 p. — Paris, librairie
V" J. Renouard. — Prix : 9 francs.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
Secrétaire du Collège des Précepteurs, 42, Queen Square, à Londres, W. G., qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
II.
Sous le titre de Revue anglo-française, il paraît à Brigthon une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Angleterre ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice à
ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires. — L'abonnement est de 10 fr. pour la
France, et il se prend à Paris chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires, 33, rue de Seine, ou à la librairie Grassart,
2, rue de la Paix.
CONCOURS LITTERAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et ta portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au
Concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel aux Poètes.
Le prix de poésie fondé par M. le docteur Andrevetan, avec l'aide de la ville d'Annecy (200 francs), sera décerné par
la Société Florimontane en juillet 1875. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs envois sont inédits et
n'ont été présentés à aucun autre concours. — Tout auteur qui se ferait connaître serait exclu : les envois porteront
une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un billet cacheté, indiquant le nom et le domicile de l'auteur. —
Sont seuls admis à concourir: 1° les Français, excepté les membres effe-ctifs de la Société Florimontane; 2» les
étrangers, membres eflectifs ou correspondants de cette Société. — Les manuscrits devront être adressés au .Secrétaire
de la Société Florimontane, avant le 1'' juillet 1875. - Ils resteront déposés aux archives de ladite Société, où les
auteurs pourront en prendre connaissance. - Le sujet, laissé au choix des concurrents, ne peut être traité en moins
de cent vers.
Avis aux Abonnés de la province.
Le 1" mars prochain, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas (qui s'est fait depuis quelque temps l'administrateur
de son journal) mettra en circulation, avec un suppU-menl de soixante-qainze centimes ponr les {r:xis de recouvrement,
les quittances de ceux de ses Abonnés de la province, qui, avant cette époque, ne lui auront pas envoyé le prix de leur
abonnement à la présimte année.
Le réilacleiir du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie liuuvEii.>Eun, G. Daupeley à Nogent-le-Uolrou.
6* Année
N» 23.
1" Mars 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^
^\\\y^ Journal Semi-Mensuel -/> / /
^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE ~<J 1
Paralaaant la l" at la IB da eba«aa mola
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Élranger 10 f.
Annonces, la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Oflicier d'Académie
26, boulevard des Italiens, Paris.
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à l'Adm'
M. FiscBBACHER, 33, ruc de Seine.
SOMMAIRE.
Trois communications sur des questions traitées; — Origine de
l'expression Bâtir des châteaux en Espagne; — Pourquoi on
ne met pas d'.4 après 1p V dans Avent, temps avant Noël. Il
Sens et origine de Manger la grenouille: — Si l'on peut em-
ployer Efficace pour Efficacité; — Pourquoi on n'écrit pas Con-
fortable, venu de l'anglais, avec une m; — Raison pour quoi l'ad-
jectif Coi fait au féminin Coite. || Passe-temps grammatical. ||
Suite de la biographie de Yaugelas. || Ouvrages de grammaire
et de littérature. |1 Renseignements pour les professeurs français.
Il Concours littéraires. || Avis aux abonnés de la province.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
I.
Le 16 décembre 1874, j'ai reçu la rectification sui-
vante ajant trait à la signification d'un proverbe espa-
gnol que j'avais invoqué pour l'explication d'une locu-
tion française :
Permettez-moi, Monsieur, de rétablir le sens du pro-
verbe espagnol que vous citez dans votre explication de la
locution Courte honte.
Quedarse à solas con su rocA verguênza ce signifie pas
rester seul avec une honte courte ou longue; poca verguenza
est encore une sorte de locution proverbiale qui signifie
l'absence même du sentiment de la honte. La vraie traduc-
tion de la phrase serait donc : rester seul avec son itnpu-
deur, ou avec un manque de pudeur, ou enfin, plus littéra-
lement : avec le peu de pudeur que l'on peut avoir.
J'insère cette note d'autant plus volontiers que, mal-
gré mon interprétation erronée de ;;oc« dans le proverbe
en question, je n'en suis pas moins arrivé, je pense, à
découvrir le véritable sens de courte honte.
II.
Le 9 janvier 1875, M. Coudray, chef d'institution à
Janville (Eure-et-Loir), m'écrivait, à propos de la
2« question du numéro 19, une lettre qui se termine par
ce paragraphe :
Si le participe passé précédé de en reste invariable, ce
n'est donc pas seulement l'usage et la volonté des gram-
mairiens qui ont établi cette règle; c'est avant tout la lo-
gique de la construction de la phrase et du sens qu'elle
apporte à l'esprit.
Je ne crois pas que ce soit cette logique-là, parce
qu'il faudrait, pour qu'il en fût ainsi, que Voltaire,
Buffon et Benjamin Constant, dont j'ai cité des exem-
ples avec le participe variable, n'eussent pas été aptes à
la comprendre, ce qui n'est guère admissible.
Pour moi, l'invariabilité du participe passé précédé
en, établie après les auteurs du xviii« siècle, qui, eux,
faisaient varier ce participe, ne peut être due qu'aux
grammairiens puisqu'elle est la conséquence d'une ap-
préciation différente sur la fonction de eti dans la
phrase, et que ce sont généralement les grammairiens
qui abordent de semblables questions.
M. Coudray ne veut en aucune façon que en puisse
être régime direct. Cependant, que peut-il être dans la
phrase suivante, s'il n'a pas la qualité d'un tel ré-
gime?
Combien de maisons avez-vous?— J'en ai trois.
Il me semble que en, mis pour maisons dans/ae trois
maisons, qui serait la réponse complète à la question
faite, montre assez que ce n'est point un régime indi-
rect.
Du reste, j'ai encore deux autres preuves à donner à
M. Coudray que en est bien un véritable régime direct
dans les phrases où il remplace un substantif employé
dans le sens partitif; elles me sont fournies par l'espa-
gnol et l'allemand, les deux seuls idiomes de peuples
voisins où le terme qui tient lieu de notre en soit va-
riable.
Pour rendre en espagnol le mot en mis devant un
adjectif pour un substantif pris dans un sens partitif,
on se sert des pronoms ta, la (sing.), /os, las (plur.) :
A-t-il de bon sucre? (iTiene buen azucar?) — Il en a de
bon [La tiene bueno).
Quel beurre a le cuifinier?— (iQué manteca tiene el coci-
nero?) — Il en a de bon {La tiene buena).
1, 'homme a-t-il de bons chevaux? («.Tiene el hombre bue-
nos cahallos?) — Il ea a de bons {Los tiene buenos).
Dans la langue allemande, en mis pour un substantif
pris dans un sens partitif s'exprime par welc/i ;
Avez-vous du vin? (Haben sie Wein?) — i'en ai (Ich habe
welchen).
ns
LE COURRIER DE VAUGELAS
Avez-vous de l'eau? (Haben sie Wasser?) — i'en ai (Ich
habe ivelches).
Avez-vous des souliers? (Haben sie Schuhe?) — J'en ai
(Ich habe welche).
Or, les pronoms lo, la, los, las, par lesquels e» se
traduit en espagnol, représentent nos pronoms le, la,
les, toujours employés comme régimes directs ; et ivel-
c/ien, welches, welc/ie, qui le traduisent en allemand,
sont des formes accusativesqui correspondent au genre
du substantif partitif sous-entendu.
C'est donc un régime direct que ce pronom en puis-
qu'il se rend par des formes accusatives dans les langues
où je viens d'en citer des exemples; et si les grammai-
riens qui ont vu dans ce pronom un régime indirect
sont parvenus à faire prévaloir leur doctrine contre
celle de leurs adversaires, c'est bien plutôt à leur crédit
qu'ils le doivent qu'à la vérité de l'opinion qu'ils ont
soutenue.
III.
Voici une nouvelle communication relative à la place
que le numéro de la rue doit occuper dans la suscrip-
tion d'une lettre.
Sens, le 2 février 1875.
Monsieur,
Voudrez-vous bien me permettre de dire encore un mot
{le dernier j'espère) au sujet de la position du numéro
dans l'adresse d'une lettre. U émane cette fois d'un Anglais,
et comme il s'agit d'un usage importé d'Angleterre, nous
pouvons, je crois, nous en rapporter à ,une autorité tout à
fait compétente.
La lettre insérée dans le numéro du 1" février du Cour-
rier de Vaugelas ne m'ayant pas paru concluante, et les
observations judicieuses dont vous l'avez fait suivre ne
me semblant pas péremptoires, j'ai soumis les pièces du li-
tige au professeur qui vient donner des leçons de langue
anglaise cbt'Z moi.
Après avoir pris communication du tout, celui-ci se mit
à sourire. •• Ab! me dit-il, je reconnais bien là les Fran-
çais 1 Absence d'esprit pratique, des abstractions à outrance;
ils trouvent le moyen de faire de lestUetique sur une
adresse de lettre! (Ju'il s'agisse des lois constitutionnelles
ou d une question de grammaire, les voilà dans les nuages;
ils vont s'enquérir des lois de Minos, et se préparent à une
nouvelle édition de la Dc'clai'ation des droili de l'homme .'
L'usage est d'origine anglaise, c'est dire qu'il est motivé
par une contidéralion toute t.imple et toute pratique. En
voici l'explication en deux mots : L'immense superficie de
la ville de Londres, qui occupe un espace quatre ou cinq
fois plus grand que Pans, oblige ses habitants à toujours
placer le nom du quartier à la suite du nom de la rue.
Ainsi, au lieu de dire, comme on le ferait chez vous, Prin-
ces-Slreel, on dit Piinces-Street, Cavcndisk Square, ou bien
encore liinrj William aireet, Ulraad, etc. L'écriture anglaise
étant fort allongée, il en résultait souvent qu'à la suite du
nom de la rue, on manquait de place pour écrire lisible-
ment le numéro. Or, si quelques lettres de plus ou de moins
importent peu daus le nom d'une rue, il en est tout autre-
ment quand il s'agit des deux ou trois numéros qui la
composent. On s'avisa donc, pour éviter ce grave inconvé-
nii'nl, de placer tout siiiiplpiiient le numéro d'abord, pour
Otie bien sur que, dans tous les cas, il serait écrit correc-
tement et lisililenieiit Lidee était simple comme celle de
lœufdi' Chiistuplif Colomb; elli' fut iininèdiatement adop-
tée, et se rrpanilit paitout, comme tout ce qui est vrai et
logique. Voila toute l'an'aire. »
Telle est Mon.-ieur, l'explication fournie par mon profes-
seur d'anglais, lille m'a semblé parfaitement juste et irré-
futable. J'ai pensé que vous la trouveriez telle aussi, et
c'est pour cela que je me suis fait un plaisir de vous la
transmettre.
Recevez, Monsieur, je vous prie, l'expression de ma con-
sidération la plus distinguée.
FILLEMIN.
Je suis très-reconnaissant à M. Fillemin d'avoir bien
voulu m'écrire la lettre qui précède; mais, ne lui en
déplaise, je trouve que, pour n'être pas comme nous
« dans les nuages », le professeur d'anglais dont lia
pris conseil n'en résout pas mieux la question.
En effet, de quoi s'agil-il? De savoir si, dans la sus-
cription d'une lettre écrile dans notre langue, il est
préférable de mettre le numéro avant ou après le nom
de la rue.
Or, « après avoir pris communication du tout, »
que répond le professeur de M. Fillemin? Quel choix
fait-il entre ces deux manières de construire, et com-
ment prouve-t-il la supériorité de celle qui l'emporte à
ses jeux?
Au lieu de chercher à résoudre la question dans le
sens où elle a été posée, et en tenant compte de la for-
mule prescrite par notre Administration des postes, cet
homme à l'esprit pratique nous donne la raison qui a
fait établir à Londres l'usage de mettre le numéro avant
le nom de la rue; ou, en d'autres termes, à une ques-
tion générale, il répond comme il suit :
Il faut mettre (il s'agit toujours du français) le numéro
amnl le nom de la rue, parce que, dans la capitale de
l'Angleterre, qui est d'une superficie quatre ou cinq fois
plus grande que celle de la France, on a reconnu l'avan-
tage de le placer ainsi.
Attendu qu'il m'est impossible de croire « juste et
irréfutable » un raisonnement comme celui-là, je main-
tiens jusqu'à nouvel ordre la solution que j'ai donnée
précédemment.
X
Première Question.
Quelle est, s'il vous plaît, l'origine de V expression
FAIRE DES CHATEAUX EN EsPAGNE, que l'ou emploie SI sou-
vent pour signifier faire des projets qui ne se réalisent
jamais?
Il a été émis bien des opinions à ce sujet; je vais
d'abord les donner par ordre chronologique, et je les
apprécierai ensuite pour découvrir celle qui doit avoir
la préférence.
1° Pasquier dit que ce proverbe vient de « ce qui a
esté de tout tems pratiqué en Espaigne, où vous ne
rencontrez aucuns chasteaux par les champs » de peur
que les Maures, aux incursions desquels ce pajs était
exposé, ne s'en emparassent et n'en fissent des fortifi-
cations pour se maintenir dans leurs conquêtes.
2° BcHin,i;en l'a rapporté à la conduite de Q. Mételius
le Macédonique. qui, désespérant de réduire par la force
la ville hispanicnne de Contébrie, en leva le siège, dans
l'intention de surprendre la place par ruse, et parcourut
la province, où il élevait de côté et d'autre des redoutes,
des forts et des châteaux, ouvrages qui, étant abandon-
nés lorsqu'il changeait de quartier, semblaient n'an-
noncer que des projets vains et extravagants.
LE COURRIER DE VAUGELAS
ng
3° Voici l'explication qu'en donne Furetière : les
Maures ajanl passé en Espagne, ils y bâlirenl à chaque
pas des châteaux pour s'y maintenir; « on y en voit
encore une inOnité ». De sorte que lorsqu'on dit Bâtir
des châteaux en Espaqne, « ou il y en a déjà trop »,
on veut dire faire une chose ridicule et inutile, comme
de porter de l'eau à la rivière.
4° D'après l'abbé Morellet [Mél. de lift., t. I, p. 351!,
ce proverbe est né de l'opinion qui fît regarder l'Es-
pagne, devenue maîtresse des mines du Mexique et du
Pérou, comme « le pays le plus riche, et la source des
richesses les plus abondantes. » Le désir et l'espérance
de faire fortune ont été fort naturellement exprimés
par celle locution.
5° En 1822, un journaliste de Madrid l'a expliqué en
se basant sur ce fait qu'on ne voit pas de châteaux en
Espagne, parce que les grands, les seigneurs de ce
pays étaient « aux arrêts » à la Cour, ne pouvant la
quitter sans une permission spéciale du mailre, même
pour visiter leurs domaines.
6° Eloi Johanneau, membre de la Société royale des
antiquaires de France, voit l'origine de châteaux en
Espagne dans les pommes d'or des Hespérides, ou de
l'Hespérie, ancien nom de l'Espagne, où une tradition
mythologique avait placé la demeure souterraine de
Plutus.
7° Pour Quitard, celte origine remonte à l'époque où
Henri de Bourgogne, suivi d'un grand nombre de che-
valiers, alla guerroyer contre les Infidèles au-delà des
Pyrénées, et obtint , en récompense des services qu'il
rendit à Alphonse, roi de Caslille, la main de Thérèse,
fille de ce prince, avec le comté de Lusitanie,qui devint,
sous son fils Henriquès, le royaume de Portugal. Le
succès de ces illustres aventuriers excita les espérances
de la noblesse française, et il n'y eut personne parmi
ses fils qui ne se flattât de fonder, comme eux, quelque
riche établissement, et qui, prenant son imagination
pour architecte, ne bdtit des châteaux en Espagne.
Maintenant, cherchons à démêler la vérité de l'erreur.
Le proverbe en question est très-ancien, car on le
trouve dans le Roman de la Rose, qui date comme on
sait du XIII'' siècle :
Lors feras chasdaus en Espaigne,
Et auraË joie de noient.
(Edition de Fr. Michel, I, p. 80.)
Ce proverbe, comme le fait observer si justement Qui-
tard, ne signifie pas seulement des choses qui n'existent
que dans l'imagination, mais des choses qui expri-
ment de douces, d'heureuses illusions, de ces choses
qui, selon la citation précédente, vous donnent «joie
de noient. »
Ces deux remarques vont me servir pour apprécier
la valeur des explications que je viens de relater.
Première explication. — Pasquier dit qu'on ne ren-
contre « aucuns chasteaux » en Espagne, ce qui a été
pratiqué « de tout lems ». Uui, du sien, il est possible
qu il en fut ainsi; mais il esl certain qu'il n'en a pas
toujours été de même (et le proverbe existait alors depuis
300 ans), car on trouve dans D. José Yanguas (Dicl.
des Antiq. du royaume de Nauarre, t. I, p. 209-21. S)
une liste de cent dix châteaux dans ce seul coin de
l'Espagne, ce qui permet de croire que les châteaux,
dans ce pays, n'étaient pas aussi chimériques que le
prétend Fauteur des Recherches. — Cette explication ne
peut inspirer de confiance.
Seconde explication. — Le proverbe en question
appartient en propre à la langue française; dans les
autres langues voisines, on dit bâtir des châteaux en
l'air. Or, s'il devait sa naissance au fait raconté par
Bellingen, ce proverbe aurait dû être espagnol ou latin.
— Je passe !
Troisième explication. — Furetière donne une origine
qui a pour conséquence le sens de : « Faire une chose
ridicule et inutile, comme de porter de l'eau à la rivière.»
-Mais une telle origine doit être fausse, car faire des
châteaux en Espagne ne signifie rien de semblable : ce
proverbe exprime « de douces et d'heureuses illusions »
dont l'idée de ridicule me parait totalement absente. —
Ce n'est pas encore là que je m'arrête.
Quatrième explication. — Un mol, et elle croule :
puisque le proverbe en question existait au xiii= siècle,
il n'a pu avoir pour origine une allusion à FEspagne
enrichie par l'or de r.\mérique, la découverte de ce
pays par les Espagnols n'ayant eu lieu qu'à la fin du xv^
Cinquième explication. —Même sort que la précé-
dente : le journaliste madrilène rapporte notre proverbe
au temps où les seigneurs de son pays étaient « aux
arrêts » à la Cour. .Mais cela ne put avoir lieu qu'après
la fondation de la monarchie espagnole, qui remonte à
1497, Landis que chastiaux en Espaigne venait sous la
plume de Guillaume de Lorris avant l'année ^260.
Sixième explication. — La mythologie a été étudiée
par les autres nations comme par nous. Pourquoi les
fameuses pommes d'or des Hespérides et la demeure
souterraine de Plutus n'ont-elles valu un proverbe qu'à
la France'? Puis, remarquez que le jardin des Hespé-
rides était situé, selon la tradition, non en Espagne,
mais sur la côte d'.\frique. — Rien de sérieux là-dedans.
Septième explication. — A mon avis, c'est la seule
vraie, car on ne peut lui faire aucune des objections qui
s'adressent aux autres. C'est en 1093 que Henri de
Bourgogne se mit au service des rois de Caslille : les
événements accomplis à celte date par les Français
n'excluent point la naissance d'une expression qu'on
trouve pour la première fois dans une composition du
XIII' siècle; à cette époque de féodalité, on construisait
beaucoup de châteaux, et toutes les idées de grandeur
et de fortune étaient attachées à l'idée de ces édifices : le
succès d'illustres aventuriers français excita chez nous
l'émulation et les espérances de la noblesse, l'expression
de châteaux en Espagne fut créée, et depuis, elle est
restée la propriété exclusive de notre langue.
Dans le cas où ce qui précède ne vous aurait pas entiè-
rement convaincu, j'ajoute ces quelques mots en faveur
de l'opinion que je viens d'émettre :
La considération des grands biens échus en [lartage
aux principaux compagnons d'armes de Guillaume-lc-
■180
LE COURRIER DE VAUGELAS
Conquérant avait excité l'ambition dans toutes les têtes,
et donné naissance à l'expression Faire des châteaux
en Albanie, le nom d'All^anie, synonyme d'Albion, s'ap-
pliqnant alors à l'Angleterre, que ses nouveaux maîtres
s'empressaient de couvrir de châteaux pour éviter le
sort des Saxons :
Je vais, je viens, le trot et puis le pas.
Je dis un mot, puis après je le nye,
Et si tu bastis sans reigle ni compas,
Tout fin seulel les chasteaxdx d'Albanye.
{Vergier d'honneur.)
Or, sachant que, 29 ans après la conquête de l'An-
gleterre, une expédition analogue et non moins heureuse
fut entreprise au-delà des Pyrénées par un duc de Bour-
gogne, n'est-on pas fondé à croire que le proverbe Bdiir
des châteaux en Espagne, qui, du reste, a le même sens
que Faire des châteaux en Albanie, tire bien réellement
son origine de cette expédition?
X
Seconde Question.
Puisqu'on définit /'ivest le temps qui s'écoule avant
Noël, pourquoi n'écrit-on pas ce mol par un a après le
v, comme la préposition avant?
Attendu que Noël est la fête de l'avènement, de l'arri-
vée du Seigneur, on l'appela, dans l'origine, Adventus
(arrivée), en sous-entendant Doinini (du Seigneur).
Mais plus tard, après le vu' siècle si l'on s'en rapporte
au Dictionnaire des Antiquités chrétiennes de l'abbé
Martigny, le mol Adventus désigna le temps que l'on
consacre à se préparer à la célébration de la même fêle,
et, quand on le francisa, on l'écrivit naturellement sous
la forme Avent, c'est-à-dire avec un e après le v.
ÉTRANGER
Première Question.
Pourrais-je apprendre par votre journal quel est le
véritable sens et l'origine de l'expression manger la gre-
KouiLLE, que je rencontre de temps en temps en lisant
du français, mais que les dictionnaires ne mentionnent
point.
En rouchi, le mot quernoule (grenouille) se dit pour
bourse commune, une telle bourse ayant probablement
affecté jadis la forme du batracien de ce nom; ainsi
Mète al (jHcrnoule veut dire mettre à la masse.
Cette signification a passé en français; dans la langue
familière, nous employon.s grenouille avec le sens de
somme d'argent mise en réserve par une association,
prêt, argent de l'ordinaire parmi les soldats :
11 tenait la grenouille.
(Vidal, citr par L Larcliey.)
Or, comme l'argent se prend et se dépense, on a fait
naturellement les deux expressions suivantes, dont la
dernière est l'objet de votre question :
^o Faire sauter, emporter la grenouille pour dire
dérober, escamoter une somme d'argent qui appartient
à plusieurs :
Alors ce monstre d'homme commence à me raconter
comme quoi il a f.iit sauter la grenouille de la Société.
\L. Eeybaud, Jér. Futurot, V, p- îg.)
2» Manger la grenouille, qui se dit de quelqu'un dans
une administration quelconque, civile ou militaire, qui
s'empare de l'argent de la caisse, et le mange (dissipe)
comme s'il était à lui :
Un pion déclassé, un sergent qui a mangé la grenouille
se jettent dans la politique comme des Corses dans le ma-
quis.
(Ed. About, dans le Soir.)
X
Seconde Question.
Je trouve cette phrase dans un journal : « Les confé-
rences de jeudi n'ont point amené ce miracle : il est
difficile de croire que celles d'aujourd'hui agissent avec
plus ^'efficace, d Est-ce qu'on peut employer ce mot
pour efficacité'?
Dans le sens de efficacité, le substantif efficace s'est
employé depuis le xiv= siècle jusqu'à la fin du xvii';
ainsi on trouve :
Choses petites et de pou de eHicace.
(Bercheure, fol. ï8 ro.)
Parlans de la vertu, propriété, efficace et nature de tout
ce que leur esloyt servy à table.
(Rabelais, Garg., I, »3.)
La lecture des histoires est celle qui a plus ^'efficace pour
ensemble plaire et profiter.
(Amyot. Préf..l, >6.)
Si mes commandements ont trop peu à'efficace,
Ma rage pour le moins me fera faire place.
(Corneille, Médée,\, 3.1
On n'ignore pas qu'une louange en grec est d'une mer-
veilleuse efficace .i la tête d'un livre.
(Molière, Pré/, des Préc.)
Mais alors, il en a été autrement; et, quoique le
P. Bouhours eût reproché à des prédicateurs de se ser-
vir du mot efficacité, qui, disait-il, n'était pas français,
l'usage n'en a pas moins prévalu bientôt de l'employer,
et efficace, son prédécesseur, a été, comme il l'est
encore aujourd'hui, relégué dans le langage théolo-
gique.
Or, comme ce n'est point de théologie qu'il est ques-
tion dans la phrase que vous me proposez, on aurait du
y mettre efficacité, et non efficace.
X
Troisième Question.
Puisque l'adjectif confortable est emprunte à l'an-
glais, pourquoi ne pas écrire cet adjectif avec une u
(comfortabi.e) comme on le fait dans cette langue?
Les Anglais ont raison d'écrire cet adjectif par une m,
parce qu'ils écrivent le substantif comfort (de cum et
de fort] jiar une m.
Mais nous, qui avons écrit et qui écrivons le substan-
tif confort par un n (en vertu de la règle qui change le
latin cum eu con devant toute consonne autre que b,
m, ]i], nous devons écrire aussi con fort alilr par un n,
car bien que né dans un autre idiome que le nôtre, cet
adjectif n'en est pas moins un membre de la famille
dont le chef est confort .
LE COURRIER DE VAUGELAS
484
X
Qualriènoe Question.
Je vous prierais de vouloir bien m'expliquer comment
Use fait que l'adjectif qui s'écrit coi au masculin ait
pour féminin coite.
L'adjectif latin quietus a donné en français l'adjectif
coi (sans t final) ; et, jusqu'à la (in du xvi« siècle, cet
adjectif a fait régulièrement son féminin par l'addition
d'un e muet au masculin, comme le montrent ces
exemples :
Je trop redout celle qu'amer je souloie,
La grant, la gente et la simple et la coie.
(Cotici, p. u5.)
La mer, qui esloit moult quoye.
(Joinville, 187.)
Nature lente, coye et reposée.
(Amyot, Fabr., 1 )
Mais, plus tard, sans rien changer à Torthographe du
masculin, on forma le féminin, je ne sais pour quel
motif, comme si le masculin eût été terminé par un t;
les choses sont restées dans le même état jusqu'à nous,
et voilà pourquoi, aujourd'hui, nous avons le féminin
coite pour le masculin coi.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections dv numéro précédent.
1° ... ne pas continuer une discussion que tout le monde sait
ne pas devoir aboutir ; — 2° ...qui avaient volé contre elle ne l'ont
accaparée (on ne dit pas s'accaparer d'une ctiose); — 3° ... mal-
gré qu'il en ait (Voir Courrier de Vaugelas, 2' année, p. 43) ; —
4° ... ne provoquassent de sérieuses complications; — 5° ... n'est
plus insolent ni plus impitoyable; — 6" ... à se préoi cuper
d'autre chose que ses propres intérêts (sans de); — 7" ... on a
dansé jusqu'à trois heures un quart (Voir Courrier de Vaugelas,
'2* année, p. 76) ; — 8° qu'il fût dissous.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique.
1° On connaît plusieurs rois qui tapotent passablement
le piano ; eh bien I ils ne le tapotent pas comme les autres.
Leurs gammes, quoi qu'on en ait, vous tiennent ù dis-
tance.
2* On rasspmbla un congrès de la mort : les médecins y
vinrent des cinq parties du monde : il en vint des blancs,
des jaunes, des noirs, des cuivrés, et ils cherchèrent
ensemble un remède contre U vie, sans pouvoir le trou-
ver.
3* Je me fais fort de te fabriquer deux sonneurs méca-
niques qui ressemblent comme deux gouttes d'encre à ces
pauvres martyrs.
4" Depuis 1848, il était des citoyens ardents qui s'obsti-
naient à profiter de tous les prétextes pour arborer les
lampions de 1848 et de 1849, devenus factieux.
5' Un brave homme, bâilla la Paresse, un homme qui, en
temps de paix, se lève avec les coqs pour faire l'exercice,
et qui, en campagne, couche sur le carreau et finira par
y rester.
6* La discussion qui va s'engager aujourd'hui sur la for-
mation et sur les attributions du Sénat présente des diffi-
cultés et des complications plus grandes que n'en a ren-
contrées celle qui a eu lieu dernièrement au sujet de la
transmission des pouvoirs.
7° La ville a été en partie brûlée. Toutes les maisons ont
reçu plus ou moins d'obus ou de bombes, et il n'y en a
pas une intacte.
8" Cet auteur vaut beaucoup mieux que Port-Royal; cela
n'empêche pas que ce dernier est (dans le public) en grande
vénération, tandis que Froraant n'est guère cité par les
écrivains.
{Les corrections à quinzaine.]
—
FEUILLETON
BIOGRAPHIE DES GRAMM.\IR1ENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XVIl- SIÈCLE.
VAUGELAS.
(Suite.)
Poste. — Quand c'est un terme de guerre, il est
masculin ; quand il veut dire course de cheval, lieu où
sont les chevaux destinés à cet usage, chacun le fait du
féminin. Le premier sens vient de l'italien posta, et le
second à^posto, dans la même langue.
Abus du pronom démonstratif celui. — Il consiste à
commencer par celui, celle, etc., une phrase dont le
sujet est le mot qui termine la précédente, comme dans
celle-ci : j'ai parlé à un tel de notre affaire, il s'^j por-
tera avec affection. Celle que vous m'avez témoignée,
etc. Ce sont particulièrement les femmes et les courti-
sans qui emploient cette tournure.
Perdre le respect à quelqu'un. — Tonte sa vie Vau-
gelas a entendu employer cette façon de parler dans la
bouche des hommes et des femmes qui « hanloient » la
Cour; cependant il voit tant de gens qui la condamnent,
qu'il faut en user sobrement. Perdre le respect pour
quelqu'un est beaucoup mieux dit.
Genre de quelque chose. — L'adjectif qui vient après
quelque c/io.se doit-il être au féminin ou au masculin?
Les sentiments sont partagés. Selon Vaugelas, il y a des
cas où il faut nécessairement mettre le masculin, d'autres
où il faut mettre le féminin. Mais pour les discerner, il
ne sait aucune règle, ou du moins il n'en sait d'autre
que l'oreille.
Succéder pour RE'ussiit. — Dans cette signification,
succéder veut être conjugué avec avoir, ainsi on dit :
cette affaire lui a bien succédé, et non lui est bien suc-
cédée.
Bien que, quoique, encore que. — Ces conjonctions
ne doivent point être répétées dans la même période ;
on les remplace par que ; ainsi on dit : bien que l'expé-
rience nous fasse voir tous les jours..., et que les gens
de bien soient exposez à la persécution, etc.
Comme ainsi soit. — Cette locution, employée souvent
par Amyot, est tombée dans un grand decri parce que
les notaires ont coutume (1647) de s'en servir au com-
mencement de leurs contrats.
Considéré que. — Cette expression, qui équivaut à vu
que, n'est plus guère en usage. Attendu que commence
à se rendre fort commun dans le beau style.
^82
LE COURRIER DE VAUGELAS
S'attaquer à quelqu'un. — C'est une façon de parler
très-étrange et très-française tout ensemble. C'est une
de ces phrases qui, à l'avis de Vaugelas, ne doivent pas
être épluchées ni prises au pied de la lettre parce
qu'elles n'auraient point de sens.
Bexsembler. — Ce verbe régit le datif sans aucun
doute; mais peut-il régir aussi l'accusatif? Chez les
vieux auteurs, il régit ce dernier cas. Malherbe a écrit :
gardons-nous de le ressembler; mais les modernes lui
font régir le datif.
GoEiLLERA ou ccEiLLiBi. — A la Cour, tout le monde
dit cueillira, et à la Ville cueillera, d'où Vaugelas con-
clut qu'il faut dire cueillira, puisque c'est un principe
reçu partout que, lorsque la Cour parle d'une façon et
la Ville d'une autre, il faut suivre la Cour.
Emploi du mot faire. — Il y a des répétitions qui
sont nécessaires, comme dans je n'ai fait aujourd'hui
que ce que j'ai fait depuis vingt ans. Il y en a d'autres
qui ne sont pas absolument nécessaires, mais qui a font
grâce et figure. » Il y en a d'autres qui ne sont ni néces-
saires ni belles, comme lorsqu'on répète un verbe au
lieu de se servir de faire, qui est un avantage pour
éviter cet inconvénient. Au lieu lieude je n'écris plus
tant que j'écrivois autrefois, on dira beaucoup mieux ^e
n'écris plus tant que je faisois autrefois. Remplaçant un
verbe actif, /"aire prend après lui un accusatif : (/ «e les
a pas si bien apprêtées qu'il faisoit les autres.
Parfaitement avec très-hcmble. — C'est une faute
que font beaucoup de gens de dire, en finissant une
lettre, Je suis parfaitement, Monsieur, votre très-humble
serviteur, car parfaitement ayant le même sens que très,
cela fait une redondance.
Quand on n'a que faire. — Cette expression, qui
signifie quand on n'a rien à faire, est très-française et
très-élégante; mais il ne faut pas affecter cet emploi de
que pour rien devant un infinitif.
Si devant deux adjectifs. — Il faut le répéter et dire,
par exemple, vous êtes si sage et si avisé.
Belle et curieuse exception à la règle des prétérits. —
Vaugelas qui croyait avoir complètement traité du par-
ticipe passé dans son prem.ier volume, consigne ici une
nouvelle remarque sur cette théorie. « C'est quand le
nominatif qui régit le prétérit participe ne va pas devant
ce prétérit, mais après. Par exemple, la peine que m'a
donné celte affaire. » Vaugelas veut qu'on écrive ici
donné et non donnée.
BoNBECu peut-il s'employer au pluriel? — • L'opinion
commune est que ce mot ne peut se dire qu'au singu-
lier; mais Vaugelas a vu des gens très-savants dans
notre langue qui soutiennent le contraire, et quoiqu'il le
trouve bon à ce nombre dans cet exemple : il lui pour-
voit arriver tous les malheurs et tous les bonheurs, '\\
n'en voudrait pas user, attendu que la plupart du monde
le condamne.
Ma saur est allée visiter ma mère. — Le participe
allé dans celte phrase doit-il être variable ou invariable?
Il faut qu'il soit invariable; on doit écrire est allé visi-
ter, et non est allée risiter H6/i7).
Convent. —Il faut écrire ainsi à cause de conventus;
mais il faut prononcer couvent. Cela se fait pour la dou-
ceur de la prononciation, comme on prononce moustier
pour monstier, vieux mot qui veut dire monastère.
Autrui. — Il y a des gens qui croient que ce mot
n'est pas bon, et le remplacent par flM<rcs,eslimant qu'il
est vieux. Ils sont dans une profonde erreur; dans beau-
coup d'endroits, il faut dire autre, et dans d'autres
autrui. Vaugelas signale leur différence.
Arondelle, hirondelle, herondelle. — Le dernier est
le meilleur et le plus usité des trois; après lui vient
hirondelle, qui a plusieurs partisans capables de l'au-
toriser, et même de le disputer à l'autre.
Usage de la négative iNe. — Lorsqu'on n'interroge
pas, il faut toujours mettre la négative ne; par exemple,
il faut dire : il veut savoir s'ils n'ont point été mariez ;
mais quand on interroge, il est loisible de la mettre ou
de ne pas la mettre : n'ont-ils point été mariez, ou ont-
ils point été mariez ?
Detteur. — Ce mot devrait être plus français que
débiteur, parce qu'il s'éloigne plus du latin, et s'ap-
proche plus du français dette ou debte. Mais detteur
est un vieux mot hors d'usage, il faut dire débiteur.
Long paur longue. — L'opinion commune est qu'il
faut dire tirer de longue et aller de longue pour dire
avancer, gagner pays, faire du chemin, et non pas tirer
de long ni aller de long. C'est une expression fort basse
et dont Vaugelas ne voudrait pas se servir.
Landi ou LANDiT. — C'cst ccttc dernière forme qui est
la bonne. Ce mot désigne ce que le disciple paie tous
les ans à son précepteur, en reconnaissance de la peine
qu'il a prise à l'instruire; il vient du \a.\,\n annus diclus,
ou, comme d'autres pensent, à^indictum.
CoNJURATEUR pouT coxjDRÉ. — Lc mot conjurateuT ,
pour désigner un homme qui est auteur ou complice
d'une conjuration n'est pas français, il faut dire con-
juré.
Cela dit. — Cette phrase ne vaut rien quoique plu-
sieurs l'écrivent. On dit ordinairement ayant dit cela.
Ce qui trompe, c'est que l'on écrit fort bien cela fait,
ce qui est bien meilleur et plus élégant que de dire cela
étant fait.
Pronoms possessifs. — Il faut les répéter devant le
nom comme on répète l'article; on doit dire son père et
sa mère, et non ses père et mère.
Jusques à aujourd'hui. — Faut-il s'exprimer ainsi ou
à'wtjusques aujourd'hui.' Les uns sont pour la première
locution, les autres pour la seconde. V'augelas donne
les rai^ons des deux parties, cite des cas où il faut né-
cessairement à devant aujourd'hui, mais il ne se pro-
nonce pas.
lîiEN au commencement de la période. — Il « sent son
ancienne façon d'écrire », qui aujourd'hui n'est plus
guère en usage. On dit encore bien est-il mal aisé, bien
crois-je, mais il semble que ce n'est pour l'ordinaire
qu'en se raillant.
{La fin nu prochain numéro.)
Le Rédacteur-Gkbant : Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
'ISS
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE
Publications de la quinzaine
La Belle rivière. Le Serpent de Satin; par Gustave
Aimard. ln-18 Jésus, 382 p. Paris, lib. Dentu, 3 fr.
Nouvelle grammaire française, par demandes et
par réponses, avec deux tableaux synoptiques, etc.;
par J.-B. Buridant, instituteur. In-8\ 323 p. Paris, lib.
Delagrave.
Madame de Hautefort, nouvelles études sur les
femmes illustres et la société du XVIII' siècle ; par
M. Victor Cousin. W édition. In-12, vi-i36 p. Paris, lib.
Didier et Cie.
La Chute d'un ange, épisode; par M. de Lamartine.
Nouvelle édition, publiée par les soins de la Société
protectrice des œuvres de M. de Lamartine. In-18 Jésus,
Û30 p. Paris, lib. Hachette. 3 fr. 50.
Le Paradis perdu; par Milton. Traduit par de Pon-
gerville, de l'Académie française. Nouvelle édition, revue
et corrigée, précédée de considérations sur Milton, son
époque et ses ouvrages, par le traducteur. In-18 Jésus,
368 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
L'Esprit de l'esprit; par Alexandre Weill. In-32, vi-
90 p. Paris, lib. Dentu. 30 cent.
L'Orpheline de Moscou, ou la Jeune institutrice ;
par Mme Woillez. Gr. in-8°, 239 p. et 2 gr. Tours, lib.
Marne et fils.
Une muse. Une évasion. Daphnis et Chloé. Une
vengeance. Une maladroite amie; par Alfred Bonser-
gent. Id-18, 217 p. Paris, lib. Lachaud. 3 fr.
Le Secret de M. Ladureau; par Champfleury. In-18
Jésus, 291 p. Paris, librairie Dentu. 3 fr.
Une femme gênante; par Gustave Droz. Ia-18 Jésus,
26/i p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 3 fr.
Les États-Unis et le Canada; par Xavier Marmier,
de l'Académie française. Gr. in-S", 239 p. et 2 grav.
Tours, lib. Marne et fils.
Les Mystères de Paris; par Eugène Sue. Nouvelle
édition, conforme à l'édition in-8' corrigée par l'auteur
en 1851. U vol. Gr. ia-18, 1259 p. Paris, lib. internatio-
nale. 5 fr.
Saint Louis et son temps; par H. Wallon, membre
de l'Institut. 2 vol. Iu-8', xxxvi-i05(j p. Paris, lib. Hachette
et Gie. 15 fr.
Rome, description et souvenirs; par Francis Wey.
Ouvrage contenant 358 grav. sur bois dessinées par nos
plus célèbres artistes et un plan. 3« édition, revue et
corrigée, augmentée d'un voyage à Rome en 187/(, et
d'un index général analytique. In-i", .'ai-760 p. Paris,
lib. Hachette et Cie. 50 fr.
Publications antérieures
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DU XVIe SIÈCLE, accompagnés d'une grammaire et
d'un dictionnaire de la langue du xvi« siècle. — Par
Auguste Brachet, ancien examinateur et professeur à
l'École polytechnique, lauréat de l'Académie française et
de l'Académie des Inscriptions, membre de la Société de
linguistique. — Deuxième édition levue. — Paris, librairie
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Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
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NES ET DE PLUSIEURS FAÇONS DE PARLER
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et littéraire par M. E. de Beaurepaire. — Un commentaire
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portrait de l'auteur gravé par M. L. de Merval. — Caen,
Le Gost-Clérisse, libraire-éditeur, place du Palais-de-
Justice.
LES SALTDIBANQUES, leur vie, leurs mœurs. —
Par Gaston Escudier. — 500 dessins à la plume par P. de
Crauzat. — Paris, Michel Lécy Jrères, éditeurs, 3, rue
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L'ETUDE DES LANGUES RAMENEE A SES VÉRI-
TABLES PRINCIPES ou l'art de penser dans une langue
ÉTRA^GÈRE. — Par C. Marcel, ancien consul, Chevalier <ie
la'Légion d'honneur. — Paris, C. Borrani, libraire-éditeur,
rue des Saints-Pères, 9.
4S4
LE COURRIER DE VAUGELAS
CONTES D'UN BUVEUR DE BIERE. — Par Charles
Deulin. — 6' édition. — Paris, E. Dentu, éditeur, libraire
de la Sociétfi des Gens de lettres, Palais-Royal, 17 et 19,
galerie d'Orléans.
NOTIONS ELEMENTAIRES DE GRAMMAIRE COM-
PARÉE, pour servir à l'étude des trois langues classiques.
— Par E. Egger, membre de l'Institut, professeur à la
Faculté des lettres, maître de conférences honoraire à
l'École normale supérieure. — Septième édition, revue,
corrigée et augmentée — Paris, A. Durand et Pedone-
Lauriel, éditeurs, 9, rue Cujas.
NOUVELLE GRAMMAIRE FRANÇAISE fondée sur
l'histoire de la langue, à l'usage des établissements d'ins-
truction secondaire. — Par Auguste Brachet, professeur à
l'Ecole polytechnique.— In-12, xix-2/i8 p.— Paris, librairie
Hachette et Cie, 97, boulevard St-Germain.— Prix : 1 fr. 50.
CHRONIQUES DE J. FROISSARD, publiées par la
Société de l'histoire de France. — Par Si.méon Luce. — T. 5.
1356-1360. Depuis les préliminaires de la paix de Poitiers
jusqu'à l'expédition d'Edouard 111 en Champagne et dans
l'Ile-de-France. — In 8% Lxxi-i36 p. — Paris, librairie
V' J. Renouard. — Prix : 9 francs.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
Secrétaire du Collège des Précepteurs, /i2, Queen Square, à Londres, W. G., qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
n.
Sous le titre de Revue anglo- française, il paraît à Brigthon une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Anqletebre ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice à
ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires. — L'abonnement est de 10 fr. pour la
France, et il se prend à Paris chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires, 33, rue de Seine, ou à la librairie Grassart,
2, rue de la Paix.
CONCOURS LITTERAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au
Concours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel aux Poètes.
La direction de l'Exposition Internationale des Industries maritimes et fluviales, avec section française des principaux
articles d'exportation, ouvre un concours pour la composition d'une pièce de poésie dont le sujet est la Navigation. —
Le nombre des vers devra être de deux cents environ. Les pièces destinées à concourir devront être adressées au direc-
teur de l'Exposition, 21, boulevard Montmartre, à Paris, au plus tard le 15 mai 1875. — La pièce jugée digne de récom-
pense par un jury spécial dont on fera connaître la composition, sera lue publiquement, le jour de l'inauguration
solennelle de l'Exposition qui aura lieu le samedi 10 juillet 1875. — Chaque pièce, qui ne devra porter aucune signa-
ture, sera accompagnée d'une enveloppe cachetée portant en inscription soit le titre de la pièce, soit une légende cor-
respondante, et contenant les noms et adresse de l'auteur. — Cette enveloppe ne sera ouverte que dans le cas où la
pièce de vers aurait été jugée digne de récompense. Cette récompense consistera en un diplôme d'honneur et une
•somme de mille francs.
Le quatorzième Concours poétique, ouvert à Bordeaux le 15 février, sera clos le i" juin 1875. — Dix médailles or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Ev.ariste Garrance, prési-
dent du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — A/franchir.
Avis aux Abonnés de la province.
Le l" mars prochain, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas (qui s'est fait depuis quelque temps l'administrateur
de son journal) mettra en circulation, avec un s\ij)p\i'meni de soixante-quinze centimes ponr \es (nxis de recouvrement,
les quittances de ceux de ses Abonnés de la province, qui, avant cette époque, ne lui auront pas envoyé le prix de leur
abonnement à la présente année.
Le rédacteur du Courrier de Vaui/elas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie GyuvER^EUR, G. Daupeley à Nogent-le-Kotrou.
5* Année.
N" 24.
15 Mars 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
^«
^>i^'
.#'ï^
DE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Journal Semi-Mensuel
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraissant !• 1* et U Ig de ehaao* mots
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Idem
Annonces,
pour l'Étranger
la ligne . . . . 50 c.
Rédacteur: Eman MARTIN
LES ETB.\NGERS
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR
Oflicier d'Académie
26, boulevard des Ita'iens, Paris
ON S'ABONNE
En envoyant un mandat sur la poste
soit au Rédacteur, soit à lAdra''
M. FiscHBACBER, 33, TU.,' de Seine.
AVIS.
Le Rédacteur du Cocruier de Vadgelas étant décidé à
prendre un mois de vacances après la publication de
son 24* numéro, la Sixième Année de ce journal ne
commencera qu'au l^' Mai prochain.
SO.MMAIRE.
Communication relative à plusieurs questions, et réponse-, — S'il
faut dire Grincer les den's ou Grincer des dénis: — Comment
on doit prononcer Langue d'oil: — Sens littéral de Cuver son
vin: — SiRnification de Avoir la beauté du diable. || Réponse
à une communication; — lixplicalion de Je ne sache pas en
têle d'une phrase; — Différence dans l'emploi de Chai- huant
et de Chouan. Il Passe-temps gramm ilical. || Fin de la bio-
graphie de Vnugelas. || Table des matières contenues dans la
cinquième année de ce journal.
FRANCE
COM.MUMCATION.
Je regrette de n'avoir pu insérer plus tôt la lettre
qu'on va lire: mais je l'ai oubliée dans le numéro 22,
et quand l'auteur m'eut exprimé l'espoir de la trouver
« comme c'est son droit « dans le numéro suivant,
celui-ci était déjà depuis quelques jours entre les mains
de l'imprimeur.
Paris, le 25 janvier 1875.
Cher Monsieur,
Un dernipr mot, comme dit notre confrère Saint-Gpnest.
Je ne tipns nullement à éterniser notre di.-^cussion ; mais
je tiens à rectifier quelques points de votre réplique où,
sans le vouloir, vous avez dénaturé ma pensée.
Sur la première question : il y en avait de brunes, de
■ blondes, etc., on doit croire, en vous lisant, que je me suis
prononcé pour des: or, j'ai déclaré tout d'abord que, selon
moi, il faut de, et je vous ai seulement demandé quelle
est, selon vous, la raison de ce de.
Me pardonnerpz-vous de ne pas admettre, cette fois en-
core, votre explication, ni l'assimilation que vous essayez
d'établir entre i7 y en avait de brunes et nous avons eu qua-
rante homme de tués ?
U y en avait de brunes revient évidemment à guelijues-
unes d'entre elles étaient bruties, et le de est partitif, tandis
que dans votre exemple, il est erplétif.Xoire explication ne
me semble donc pas bien catégorique, et je ne vois pas
davantage la raison de ce de que, je le répète, je n'ai ja-
mais contesté.
Pour ce qui est des phrases interjetées, il va sans dire
que je n'ai pas entendu demander qu'on acceptât toutes
cpIIps que le premier venu peut se permettre, mais seule-
ment quelques-unes, comme s'exclama-t-il, que parait néces-
siter l'emploi plus fréquent du dialogue dans le roman.
Celte discrète innovation n'autorisait pas : viens donc,
saula-t-il,si tu l'oses.' qui est absurde et ridicule; ni même:
cet impôt est immoral, tonnait M. Pouijer: mais elle permet-
trait (le dire, avec un verbe actif ou pris activement: iïe/as.'
soapira-til, et, comme quelqu'un de ma connaissance l'a
risqué en personnifiant les péchés capitaux : Parlez pour
vous, ma belle, siffla l Envie... Un joli hôte, ma foi, vociféra
la Colère.
C'est, je crois, affaire de goiit, et, selon que l'écrivain
po.sséde plus ou moins cette espèce d'instinct qui juge les
règles et qui n'en a point, il franchit avec plus ou moins
de bonheur et recule même quelquefois les bornes posées
par les grammairiens.
Vous l'avouerai-je? je préfère toujours, sans oser l'em-
ployer, le gallicisme des derniers siècles : que vous espériez
qui ne serait pas connue à la tournure moderne : que vous
espériez ne devoir pas être connue.
■Vous comptez les syllabes des deux membres de phrase,
et, trouvant la somme à peu près égale de part et d'autre,
vous en concluez que les deux tournures se valent pour
la vivacité.
Permettez-moi, mon cher confrère, de vous faire obser-
ver qu'il faut ici considérer bien moins le nombre que la
pesanteur des syllabes. On peut en dire ce qu oti a dit des
témoins: non numerantur sed ponderantur. Interrogez votre
oredlp, elle vous répondra que rien n'est lourd et traînant
comme que vous espériez ne devoir pas être connue.
Enfin, pour la dernière question : ils se plaignent avec
raison qu'on leur fait {ou fasse] jouer, il me sulfit de savoir
que, de votre aveu, vous professez une théorie du subjonc-
tif contraire non-seulement à celle de M. Littré, mais en-
core à « l'opinion assez généralement reçue. »
Je vous ai consulte pour m'é:lairer, non pour me donner
le plaisir de dissprter en public. Comme je reste libre de
chciisir entre vous et la presque généralité ies grammairiens,
je n'entrerai pa-^ dans une discussion qui me paraît oiseuse,
et je terminerai cette lettre déjà trop longue en vous
priant d'agréer, mon cher confrère, l'expression de mes
sincères remerciements.
Charles DEULI.N.
•186
LE COURRIER DE VAUGKLAS
— Voici les propres termes de la question que
M. Charles Deulin m'avait adressée relativement à l'em-
ploi du mot de :
J'ai écrit à propos de princesses la phrase suivante : « 11
y en avait de brunes, de blonde?, de châtain clair, di^
châtain foncé et d'autres aux cheveux d'or. » Après avoir
longtemps hésité, je me suis décidé pour de, qui m'a paru
choquer moins l'oreille, et pourtant, u'aprés l'usage mo-
derne on doit dire : Il y avait des princesses brunes, et
non de brunes princesses. Faut-il de, faut-il des, et pour-
quoi?
Or, est-ce là, comme le dit M. Charles Deulin, décla-
rer « tout d'abord » qu'il faut de, et me demander « seu-
lement » la raison de ce de?
Evidemment non, et M. Charles Deulin se trompe
quand il dit que j'ai « dénaturé » sa pensée : c'est lui
qui, dans la lettre qu'on vient de lire, a restreint, par
oubli, l'étendue de sa question.
— M. Charles Deulin a parfaitement le droit de ne
pas admettre l'explication que je donne sur l'emploi de
la préposition de après le pronom en dans la phrase ;/
y en avait de brunes. Mais il est dans l'erreur quand il
croit que l'on peut expliquer la construction // y en avait
de brunes par quelques-unes d'entre elles étaient brunes ;
car si la première de ces phrases « revient incontesta-
blement à la seconde, elle n'en est nullement tirée;
c'est de // y en avait qui étaient brunes que vient, par
ellipse, il y en avait de brunes.
— Quant aux phrases interjetées, M. Charles Deulin
n'entend pas qu'on accepte « toutes celles que le pre-
mier venu peut se permettre », mais « seulement quel-
ques-unes ». Or, quelles sont ces « quelques-unes «? Il
n'en dit presque rien, ou plutôt, pour lui, cette question
est, comme beaucoup d'autres, une ad'aire de goût, et
quiconque possède « plus ou moins cette espèce d'ins-
tinct qui juge les règles et qui n'en a point » peut se
passer assez bien de la grammaire.
C'est là sans doute une doctrine fort commode; mais
je ne puis l'admettre, r parce qu'elle n'est applicable
qu'autant qu'il s'agit d'une phrase faite par quelqu'un
qui n'est pas le « premier venu «, condition qui n'a
jamais été requise pour juger si une expression est
bonne ou mauvaise; 2° parce que le goiit (sentiment de
l'oreillei pouvant varier d'un écrivain à l'autre, la langue,
si cette doctrine itrévalait, sérail immédiatement livrée
à l'arbitraire.
Selon moi, le seul principe vrai pour ce qui concerne
les phrases intercalaires, c'est que leur verbe doit élre
tel qu'il puisse élre mis au commencement et recevoir
pour complément le reste du texte, parce que ces sortes
de (ihrases sont des tournures qui supposent la possi-
bilité d'une construction naturelle. Ainsi, par exemple,
je repousse Uétas! soupira-t-il, que cite M. Charles
Deulin, attendu que soupirer ne peut avoir pour régime
les paroles que quelqu'un prononce; c'est dit-il en sou-
pirant (|u'il faut dire, conmie dans la complainte du
Juif-Errant :
Jésus la bonté même.
Me dit en soupirant, etc.
Comme parmi les nombreux auteurs français que j'ai
lus, je n'ai trouvé que quelques contemporains qui em-
ploient activement des verbes neutres à la place de dire
en suivi du participe présent de ces verbes, j'en ai con-
clu et je répète qu'une telle construction ne peut être
bonne dans notre langue.
Maintenant, à M. Charles Deulin de voir s'il doit con-
tinuer à poursuivre sa « discrète innovation » ou s'il
juge prudent de se ranger enfui à mon avis.
— M. Charles Deulin préfère toujours le gallicisme
du xvii'" siècle que voîts espériez qui ne s'irait pas con-
nue à la tournure moderne que vous espériez ne devoir
pas être connue. Alors, qu'il l'emploie! Quant à moi,
qui trouve les que... qui insupportables (c'est mon
oreille, à laquelle fait appel M. Charles Deulin, qui
apprécie ainsij, et qui sais que la locution où ils entrent
est réfractaire à toute anal jse, je suis persuadé plus que
jamais qu'ils doivent être rejetés.
M. Charles Deulin ne veut pas que la vivacité d'une
expression se mesure par le nombre des syllabes qu'elle
contient; il faut, selon lui, que ce soit plutôt par leur
« pesanteur ». Mais il me permettra de ne pas trouver
ce moyen très-praticable ; car, pour mesurer une chose
matérielle, une unité est nécessaire, et je ne vois pas
celle qu'on pourrait prendre ici.
— Depuis 1851, époque où, étant à Londres, j'ai conçu
le plan de mes études grammaticales, je n'ai pas cessé
de m'occuper exclusivement de la langue française; et,
parmi les dilférents traités que j'ai écrits sur cette ma-
tière, il se trouve un Emploi du subjonctif qu], imprimé,
comprendrait certainement plus de quarante pages de
format ordinaire. Ùr, je pense que M. Charles Deulin,
après avoir reçu celle confidence, voudra bien m'accor-
der le droit de professer relativement au mode en ques-
tion une théorie pouvant être contraire sur quelques
points « non-seulement à celle de M. Littré, mais encore
à l'opinion assez généralement reçue. »
Maintenant que j'ai fourni à M. Charles Deulin la
preuve que je ne me suis jamais refusé à insérer les
communicalions qu'il m'avait adressées, j'ai la ferme
conviction qu en bon confrère, il regrettera les vivacités
de la lettre qu'il m'a écrite le 10 de ce mois.
X
Première Question.
Je désirerais bien savoir s'il faut dire grincer les
DENTS ou bien gri.xcee des dents. Aucuti dictionnaire
Jusqu'ici ne m'a donné satisfaction sur ce point ; J'es-
père que Je serai plus heureux en vous consultant.
De prime abord, on peut croire que, dans cette expres-
sion, il est loisible de faire dofjrincer un verbe actif ou
un verbe noulre, car on trouve les exemples suivants :
(Où tjrinccr est suivi de les]
Il s'est armécontie moi de toute sa fureur; il a grincé
les denl.i en me menaçant.
(Saci, ma. Job, XVI, lo.)
Les fanatiques grinceront les dents et no pourront pas
mordre.
(D'Alembeit, Lelt. à Volt., i3 mai 1759.)
LE COURRIER DE VAUGELAS
<87
(Où (/rincer est suivi de des)
Grincer des dents, sorrpp Ips donts fortemont, de manière
qu'elles font entendre un bruit.
iLittri;, Del.)
Que le pécheur verra tout cela, et en sera counoucé et
marri, que même il en grincera des dents et frémira de
{Les Évén. sinçul., p. 287.)
Mais il n'en est pas ainsi ; à mon avis, il faut dire
grincer des dents quand faire ne précède pas l'expres-
sion, et grincer les dents quand faire la précède, ce
dont je vais vous donner la raison.
1» Le verbe grincer est un verbe né de rimilalion du
bruit occasionné par deux corps frollanl l'un contre
l'autre; il est équivalent à
Faire entendre le bruit pn-î-in,
comme claquer, verbe formé d'une manière identique,
équivaut à
Faire entendre le bruit clac.
Or, claquer, qui se dit aussi des dents, requiert tou-
jours la préposition de avant dents, parce que claquer
des dents veut dire claquer au moyen des dénis, absolu-
ment comme claquer des mains, veut dire claquer avec
les mains :
Claque des dents, tremble et frissonne.
(La Fontaine, Oraù)
D'où je conclus que grincer, verbe de la catégorie de
c/of/Mp/', et neutre comme lui, doit élre suivi d'un régime
qui ne peut être qu'indirect, ou, en d'autres termes,
qu'il faut dire grincer des dents, et non grincer les
dents.
2° Quand le verbe faire précède l'expression, celle-ci
est une phrase infinitive qui sert de complément direct
à faire; dans cette phrase, dents est le sujet de grincer,
et le nom de la personne se construit avec la préposition
«, ou, si c'est un pronom, avec me, te, se, lui, nous,
vous, leur; de sorte que le tout signifie littéralement :
Faire que les dents grincent à quelqu'un,
construction parfaitement conforme au sens neutre de
grincer. Aussi Irouve-t-on toujours, dans ce cas, grincer
suivi de les :
Les douleurs de la néphrétique lui feront grincer les dénis.
(J.-J. Rousseau, Emile, IV.)
Malgré son aigre voix, qui fait grincrr les dents.
Il apprend de Lambert les airs les plus touchants.
(Regnard, Epil. i.)
Le bruit de la scie /ait grincer les dents.
(Académie.)
X
Seconde Question.
Comment doit-on prononcer langle d'oïl? Faut-il
dire UNG0E d'o-il ou langue d'oilI J'ai entendu pro-
noncer des deux manières.
D'après M. Littré, Langue d'oil (la langue parlée au
nord de la Loire au .xvi" siècle, et ainsi nommée parce
qu'elle avait oil pour terme d'affirmation) doit se pro-
noncer langue d'oil; mais tel n'est pas mon sentiment :
il me semble qu'il faut prononcer langue d'oui, et cela,
pour les raisons que je vais vous dire.
Géniu a fait cette remarque, que je crois vraie [Va-
riât., préf. xv), à savoir qu'au moyen âge, quoiqu'un
mot se présentât sous des formes différentes, il n'en
avait pas moins une prononciation unique.
Or, avant d'élre figuré par oui, notre adverbe d'affir-
mation l'a été par ouil, et avant de l'être par ouil, il
l'a été par oil, comme ces exemples le mettent en évi-
dence :
(xvi" siècle)
Et tant qu'ouy et nenny se dira,
Par l'univers le monde me lira.
(Marot, II. 2>i.)
(xV siècle)
Par ma foi, respondit le duc de Lancastre, ouil.
(Froissart, II, III, aai.)
ixiii^ siècle)
Sire, fait-ele, oil, mon cuer lui ai donné.
{Ber/e. XLV.l
D'où je conclus que oil ayant dû se prononcer oui,
Texpression langue d'oil doit naturellement se pronon-
cer langue d'oui.
X
Troisième Question.
QufUe est la véritable signification de l'expression
populaire cuver son ws' Est-ce que ce serait par hasard
une allusion au corps du buveur considéré comme une
cure?
Vous n'y êtes pas, tant s'en faut.
Dans cette expression, curer vient du verbe latin
cithare (b ^ v), qui veut dire être couché, être étendu,
dormir; cuver son vin, c'est rester couché ou se coucher
pendant qu'on est sous rinfiuence de Bacchus.
Nos pères du xvi« siècle disaient dormir son vin, ce
qui est une confirmation de l'étymologie que je viens
de vous donner :
Néantmoins en y avoit-il bien de telx qui eussent eu
grand mestier de dormir le vin qu'ilz avoient beu à oul-
trage.
(Menard, Hist. de Dugttesclin, p. 528.)
X
Quatrième Question.
Voudriez-vous bien prendre la peine de m'expliquer,
dans un de vos prochains numéros, comment il se fait
que AVOIR LA beauté' du diable .se dit, en parlant d'une
femme, pour signifier être jeune?
L'expression beauté du diable n'a pas précisément le
sens que vous lui croyez; elle désigne cette espèce de
beauté que la jeunesse donne aux figures les moins
jolies, aux physionomies les plus insignifiantes, grâce à
cette mystérieuse loi de la nature qui veut que la femme
la moins belle illumine un jour son visage d'un charme
qLii la fait aimer. Ainsi quand à la question : « Com-
ment est-elle? » on répond : « Oh! elle a la beauté du
diable >', cela veut dire : elle n'a d'autre beauté que celle
que donne la jeunesse.
.Mais pourquoi cette beauté d'un moment s'appelle-t-
elle beauté du diable, expression qui, prise à la lettre,
devrait plutôt signifier une affreuse laideur?
L'origine de cette expression se trouve, selon toute
a[iparence, dans le vieux proverbe qui dit que le diable
était beau quand il était jeune, allusion probable,
d'après Quitard, au tem|is où le diable figurait au rang
des anges du ciel.
188
LE COURRIER DE VAUGELAS
ÉTRANGER
Réponse à M. Dufour-Vernes.
Dans mon numéro du 15 avril dernier, ayant eu à
donner mon avis sur la meilleure manière de pronon-
cer les // mouillées, j'ai incliné pour ie, el j'ai dit pour
quelles raisons.
Mais un de mes lecteurs, M. Dufour-Vernes, ne les a
pas goiitées; et, après avoir longtemps hésité, il a fini,
cédant à « un besoin de combattre l'erreur sous quelque
forme qu'elle se présente, » par m'écrire la longue pro-
testation qu'on a lue dans le numéro 22.
M. Dufour-Vernes, qui croit que la lendance fâcheuse
des Français à prononcer les // mouillées comme ie leur
rendra u toujours difficile l'étude des langues étran-
gères », insiste pour que nous prononcions ces lettres
lie, comme le faisaient nos pères du xvi' siècle, et
comme le font encore la Suisse Romande et la Savoie :
Dans ces deux contrée?, il n'y a que les petits enfants
qui, à cause de la faiblesse de leur organe, prononcent ie
11 mouillées.
Du reste, M. Dufour-Vernes peut justifier son opinion
par celle du professeur Richard, qui s'exprime en ces
termes, au sujet de la prononciation ie, dans un Manuel
publie en 1862 :
Nous repoussons avec énergie ce grasseiement désa-
gréable et ridicule, rlier surtout aux garçons limonadiers
et aux demoiselles de comptoir, personnes fort respeotibles
sans doute, mais qui font rarement autorité en fait de beau
langage.
Maintenant, la protestation de M. Dufour-Vernes est-
elle réellement fondée?
Je ne le pense pas, parce qu'il faudrait pour cela
qu'on ne pût alléguer ce qui suit en faveur de la pro-
nonciation que je préfère :
1° Dans une langue, on compte au moins quatre par-
ties : la prononciation, l'orthographe, la construction et
la siirnification. Or, quand depuis le xvi" siècle, les trois
dernières ont éprouvé en français des changements
que M. Dufour-Vernes accepte certainement, pourquoi
n'admet-il pas que la prononciation puisse s'être modi-
fiée comme les autres parties'?
2° Quand M. Dufour-Vernes reconnaît aux Italiens
(du moins je le siipposel le droit de prononcer 1'/ après
Je y.» comme un i [pidntarp, planter; piazza, place; ^j/«-
cere, plaisir; piatja, plaie, etc.), changement qui a bien
pu ne pas avoir lieu dès l'origine de leur langue, pour-
quoi rel'usc-l-il aux Français celui de changer, quand
il leur pla'it, les consonnes // également en i [ie] ? Est-
ce que, dans cette question, ils ne sont pas entièrement
maîtres '/
3° M. Dufour-Vernes semble conlester que Paris
possède si bien le droit d'être souverain régulateur en
matière de laiigige (pie « la proiioncialioti des Parisiens
ne peut être entachée de vice ». Quoi de plus naturel,
cepi.'udant? Paris jouit du privilège qu'ont A\x avoir
jadis et qu'ont encore de nos jours toutes les grandes
capitales des peuples civilisés.
4° 11 n'est pas admissible que les habitants d'un pays
parlant français et ayant conservé une prononciation
peut-être générale autrefois, mais certes fort loin de
l'être aujourd'hui, puissent être considérés comme pro-
nonçant mieux que la capitale même de la France : il
en est ici comme en astronomie, où le gros astre fait la
loi au petit.
5° Quelque singulière que puisse paraître la manière
de prononcer certaines lettres, elle devient la vraie
quand elle est adoptée par le plus grand nombre renfer-
mant les plus instruits, et il n'est pas jusqu'à la pro-
nonciation des « incroyables » qui n'eût pu, en cas de
succès, devenir parfaitement française, puisque cette
même prononciation, imitée de l'anglais, a bien pu
passer à l'état de règle générale de l'autre coté de la
Manche.
6° Les // mouillées se prononcent plus facilement ié
que lie, parce que le premier son est plus doux. Or, si
l'adoucissement dans les langues est un progrès
comme le dit M. Dufour-Vernes, pourquoi nous reproche
t-il donc de préférer la première de ces prononciations
qui l'emporte sur la seconde?
7° M. Dufour-Vernes met dans son post-scriptum qu'il
a « en outre de fortes raisons de croire que la pronon-
ciation ie ne se trouve qu'à Paris ». Qu'il veuille bien
constater encore ici son erreur : j'ai eu occasion d'en-
tendre parler des personnes bien élevées de toutes les
parties de la France, et je puis lui certifier qu'à de rares
exceptions près, je ne les ai jamais entendues dire :
cana-lie (canaille); enta-lie (entaille), etc.
A moins qu'il n'ait pris le parti de rester quand même
fidèle à sa doctrine, et de se montrer plus royaliste que
le roi, j'espère que, cessant de croire que la prononcia-
tion ie n'est bonne que pour les« garçons limonadiers »
et les « demoiselles de comptoir », M. Dufour-Vernes
voudra bien la reconnaître, au contraire, comme la vraie
prononciation de nos II mouillées.
X
Premier* Queslioo.
Je viens de trouver dans le numéro i9,à la page \ AT,
tout au commencement de la seconde colonne : « je ne
SACUE l'is qu'il y ail, etc. » Or, pourquoi avez-rous
employé le subjonctif au lieu de l'indicatif iz ke sais pas?
Si rous daigne: me répondre dans votre journal, vous
m'obligerez beaucoup.
L'expression que je sache est la traduction littérale
de quod sciam, propre à la première personne singu-
lière du subjonctif de scire (savoir), que les Latins
emplON aient tantôt dans les phrases négatives, tantôt
dans les phrases positives, avec le sens de à ma con-
naissance.
Le français a (ail u.sagc de la même construction, mais
seulement dans les [ihrases négatives.
Or, dans ces phrases, nous pratiquons une inversion
remarquable, qui consiste en ceci :
LE COURRIER DE VAUGELAS
189
On fait passer 7c .fac^e, accompagné de la négation de
l'autre verbe, en tête de la phrase, ce qui fait je ne
sachepas, puis on le fait suivre du que qui le précé-
dait, en mettant le verbe suivant au subjonctif sans
négation; par ce procédé tout français, on obtient des
phrases comme les suivantes :
Je ne sache pas qu'oti ait jamais vu d'enfant en liberté se
tuer.
(J.-J. Rousseau, dans la Gram. nat.^ p. 6.i3.J
Je ne sachepas qu'i\ y ait eu d'hommes blancs devenus
noirs.
(BufTon, dans la Gram. nat., p. 64».}
phrases qui sont mises pour :
On n'a jamais vu que je sache d'enfant en liberté se
tuer.
Il n'y a jamais eu que je sache d'hommes blancs devenus
noirs.
C'est ainsi que s'explique, dans celle que vous me
citez, l'emploi du subjonctif Je 7ie sache pas au lieu de
l'indicatif Je ne sais pas.
Comme cette question a déjà été traitée dans le Cour-
rier de Vauyrlas (3'^ année, p. 170), ce qui précède, en
vertu d'une règle adoptée au sujet des questions qui se
répètent, n'est qu'un résumé de la solution donnée à
l'endroit indiqué.
X
Seconde Question.
Le chut-hvant [dont il vaudrait mieux écrire le nom
CHiHDAN, comme vous le dites dans votre numéro 9),
s'appelle aussi par corruption CHOUiN. Quelle distinction
l'usage fait-il dans l'emploi de ce dernier et de cuat-
HOANT?
On emploie le mot chouan :
i" En zoologie, pour désigner le moyen-duc;
2" En histoire, pour désigner les bandes de Ven-
déens qui, pendant la Révolution et après ^830, fai-
saient la guerre de partisans contre le gouvernement
français :
Les Chouans furent ainsi appelés du nom de leur pre-
mier chef, Jean Coitereau, dit le Chouan, et qui avait lui-
même reçu ce surnom parce qu'il faisait la contrebande et
avait adopté pour signe de ralliement le cri du chathuant.
(Bouillet, Dict. d'hisi. et de géog.)
Dans tous les autres cas, on se sert de chat-huant :
Le marchand repartit : hier au soir sur la brune
Un chat-huant s'en vint votre fils emporter.
|La Fontaine, f'ab. IX, i.)
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... malgré qu'on en ait (Voir Courrier de Vaugelas, 2' an-
née, p. 43); — 2° ... il en vint de blancs, de jaunes, de noirs, de
cuivrés; — 3* ... qui ressemblent par/ailement à ces |iaii\res
martyrs (Voir Courrier de Vaugelas, 1" aniioe, p. 11, col. 1); —
4" ... pour exhilier les lampions (au propre, ou n arbore que ce
qui peut se dre3<;er comme un arbre); — 5° Un brave homme, dit
la Paresse en bâillant; — 6' ... que n'eu a renconirti celle qui a
eu Heu; —7* ...et il n'y en a pas une d'intacte ; —8" ... cela
n'empêche pas que ce dernier .loit...
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
PREMIÈRE MOITIÉ DU XYU' SIECLE.
VAUGELAS.
iSuile et fin.
Gracieux. — Ce mol ne semble pas bon, quelque
signification qu'on lui donne; la plus commune et la
meilleure est doux, courtois, civil ; il se met ordinaire-
ment après un de ces adjectifs : courtois et gracieux.
Absinthe, poison. — Dans ses vers, Malherbe fait
absynthe tantôt masculin, et tantôt féminin; Vaugelas
l'aimerait mieux de ce dernier genre. Quant à poison,
il est masculin, quoique les Parisiens le fassent d'ordi-
naire du féminin, et disent de la poLfon.
Aimer mieux. — Quand cette expression est suivie
de deux infinitifs, faut-il mettre que de ou simplement
que devant le second? Presque toujours, il faut mettre
le de, et il est certain qu'il est plus français et plus
élégant de le mettre que de le supprimer : il leur fil
réponse qu'ils aimoient mieux mourir, que de montrer
aucun signe de crainte et de lâcheté. Cependant, il y a
des cas où Vaugelas croit qu'il vaut mieux ne pas
mettre de, comme dans cette phrase, par exemple :
j'aime mieux mourir que changer.
Pour afin. — Cette expression est tellement barbare,
que Vaugelas s'étonne qu'il y ait tant de gens à la Cour
qui s'en serrent.
5e fier. — Ce verbe a quatre constructions : se fier à,
se fier sur, se fier en, se fier de. La préposition de n'est
plus en usage; beaucoup croient que la vraie préposi-
tion requise est en; mais fl,qui se construit depuis peu
avec se fier, esLdesliné à supplanter en.
A avec l'u.n et l'autue. — L' « article » ou la préposition
à veut être répétée entre ces deux mois l'un et l'autre.
Il faut dire cela convient à l'un et à l'autre, et non cela
convient à l'un et l'autre. Cette construction doit être
observée avec toutes sortes de prépositions : pour l'un
et pour l'autre, avec l'un et avec l'autre.
Asseoir un jugement. — Ne peut se dire qu'avec le
verbe à l'infinitif; on ne peut employer asseoir aux
autres temps; il faut le remplacer par le verbe faire.
Pas pour passage. — II n'est permis de dire pas pour
passage que pour exprimer quelque « détroit » de
montagne ou quelque passage difficile, comme le pas de
Suze.
Insulter. — Mot fort nouveau, mais excellent pour
exprimer ce qu'il signifie. Coëffeteau le vit naître quelque
temps avant sa mort, et il prédit ce qui est arrivé, c'est-
à-dire qu'il serait reçu dans quelque temjis aussi bien
qn'insidte. Cette phrase lui semblait particulièrement
élégante : insulter à la misère d'autrui.
Pudeur. — 11 a été introduit par Desportes. Ce mot
nous élait bien nécessaire, car honte veut dire la bonne
et la mauvaise honte, ce qui le rend équivoque, tandis
que pudeur ne signifie que la bonne honte.
Il sied. — Ce verbe est fort « anomal » dans sa cou-
190
LE COURRIER DE VAUGELAS
jugaison; il ne s'emploie qu'aux temps suivants : au
présent de l'indicatif, il sied: à l'imparfait, ce/a luiscioit
bien; au futur, cela cous seira bien; à l'impératif, qu'il
lui seie bien ; au conditionnel seieroit. Il n'a point d'in-
finitif. Au participe présent, il ne s'emploie que pour
les mœurs, et non pour les habits.
Croyance, créance. — Se prononcent tous deux à la
Cour de la même façon, à cause de la diphtliongue oi
ou oy, qui sonne é. Ce sont néanmoins deux ci oses
différentes, comme le prouvent ces exemples ; une lettre
de créance, avoir la créance de quelqu'un, et ce n'est
pas ma croyance.
Entaché. — Ce mot, qui se dit des fruits en .\njou,
est dans la bouche de presque tout le monde; on dit
entaché d'un vice pour taché, souillé d'un vice; mais il
est extrêmement bas, et un des plus excellents poètes
modernes s'étant laissé aller au « torrent du peuple »
qui parle ainsi, s'en est vu reprendre comme d'un mot
indigne de la place où iU'emploie (1657).
Inonder. — Coëfl'eteau et quelques auteurs de son
temps se servent de ce verbe d'une manière qui n'est
pas commune; ils l'emploient avec la préposition sur et
neutralement : le Po qui avoil inondé sur les terres voi-
sines. Néanmoins l'usage ordinaire est de faire inonder
actif, et de dire inonder les terres voisines.
Jaillir. — Employé pour réjaillir, ce verbe n'est pas
fort bon; c'est peut être un défaut du pays, où l'on se
sert de plusieurs verbes simples au lieu des composés;
ne dit-on pas tasser et siéger pour entasser et assiégera
Monseigneur, Monsieur, Madame, Mademoiselle. —
Ces mots ne peuvent pas être mis indifféremment dans
tous les endroits d'une lettre ou d'un discours. Ordi-
nairement, on les place fort mal. Voici des règles pour
ne pas tomber dans ce défaut : 1° Il ne faut jamais,
dans la première période d'une lettre ou d'un discours,
répéter le mot Monseigneur, Monsieur, par lequel on a
commencé; ce serait importuner et non respecter la
la personne que l'on prétend honorer; 2° Après vous
finissant le membre de la j)ériode, il faut mettre Mon-
seigneur, Monsieur, etc. ; ainsi il n'appartient qu'à
vous, Monseigneur, etc., vaut beaucoup mieux que sans
Monseigneur ; 3° II faut bien faire attention à ne point
mettre ce titre après un verbe actif, à cause de l'équi-
voque ridicule qu'il peut faire, comme dans je ne veux
pas acheter. Madame, si peu de chose à si haut prix ;
4° Ne point le mettre non plus entre le substantif et
l'adjectif, ne point dire, par exemple, c'est un adver-
saire. Monsieur, très-insolent ; 5° On ne doit jamais
mettre ni Sire, ni Monseigneur, ni Madame après votre
Majesté, votre Eininence, ou votre Altesse ; mais on les
peut mettre devant, et dire Sire, votre Majesté ne souf-
frira pris; Madame, votre Altesse est si sage.
Si en écrivant on peut mêler vovs avec votre majksté,
VOTBE Ai.TKssK et autres expressions semblables. — Dans
une lettre pas trop longue, il faut toujours mettre votre
Majesté, et jamais vous. Dans une longue lettre on dans
un discours de longue haleine, on peut dire tantôt vous
et tantôt Votre Majesté. Les plus scrupuleux avouent
qu'il y a même des endroits où il faut nécessairement
dire vous, comme dans vous êtes, Madame, la plus
grande Reine du monde.
Alte, halle. — Faut-il écrire faire halte avec une h,
ou sans h? La plus saine et la plus commune opinion
est qu'il faut écrire alte sans h, et sans avoir égard aux
diverses étymologies contraires que l'on pourrait invo-
quer : une foule de témoins assurent qu'ils n'ont jamais
entendu aspirer dans cette expression.
Hampe, hante. — On dit la hampe ou la hante d'une
hallebarde; mais hampe est incontestablement le meil-
leur, comme étant le plus en usage.
Et qu'ainsi ne soit. — Cette façon de parler semble
dire tout le contraire de ce qu'on lui fait signifier, car
son véritable sens est et qu'ainsi soit. On ne peut pas
voir un plus bel exemple de la force ou de la tyrannie
de Pusage contre la raison. Cependant ce sont ces
choses-1 1 qui font d'ordinaire la beauté des langues.
Tout de même que. — N'est pas absolument mauvais,
mais il est extrêmement bas; si Vaugelas en a fait lui-
même souvent usage, c'est parce qu'il ne connaît que
depuis peu la faute dont il avertit les autres.
ToDT avec plusieurs substantifs. — On ne doit pas
mettre cet adjectif avant ces substantifs; il faut le
répéter devant chacun d'eux. Par exemple, il ne faut
pas dire pour voir toutes les beautez, l'artifice et les
grâces parfuiiement employées; il faut dire pour voir
toutes les beautez, tout l'artifice et toutes les grâces
parfaitement employées. 11 semble que tous les substan-
tifs qui suivent sont jaloux du premier si on ne les
traite pas avec autant d'honneur. Mais si les substan-
tifs sont synonymes ou approchants, on peut à volonté
répéter ou ne pas répéter tout.
Le participe crai.me. — Il a si mauvaise grâce dans
les temps composés, qu'il faut Téviler avec soin; ainsi,
qui ne sent la rudesse de ce mol dans c'est une chose
que j'ai toujours crainte? EWe provient sans doute de
l'équivoque de ce participe avec le substantif c;'rt/«/e.
Des noms qui ont à la fois la signification active et
la signification passive. — Le mot estime a la signifi-
cation active dans mon estime n'est pas une chose dont
vous puissiez tirer grand avantage, el la signification
passive dans mon estime ne dépend pas de vous. Les
mots aide, secours, opinion, peuvent s'employer d'une
manière analogue.
Prendre à témoin. — Quand on met tous dans cette
phrase, il faut que témoin soit au singulier -.je vous
prends tous à témoin, parce qu'il signifie alors témoi-
gnage, ce dont il ne faut pour preuve que celte formule
si ordinaire : en témoin de quoi j'ai signé la présente.
Pardonnable. — 0;i abuse souvent des adjectifs ver-
baux, el en particulier de celui-ci, qui ne se dit jamais
des, personnes, mais seulement des choses.
Encore (pielqucs pages, qui sont consacrées au barba-
risme, au solécisme et aux équivoques, autant de vices
contre la pureté et la netteté du style, cl Vaugelas ter-
mine le troisième et dernier volume de ses liemarques.
FIN.
Lk Rkoacteuk-Uerant : Eman MARTIN.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LA CINQL'liiME ANNÉE DE CE JOURNAL.
QUESTIONS RESOLUES.
A.
Affouiller. Le verbe — est-il français ou ne l'est-il pas. p. 36.
Alcaraza ou Alcarazas. S'il faut dire — , p. 76.
A part soi. bi dans — il convient de mettre un t à pari, p. 107.
Apprendre quelqu'un à. Si l'on peut dire — , p. 156.
Après moi le diflurje. Coniinuiiicalion sur —, p. 8'J.
A gui mieux mieux. Explitalion du redoublement de mieux
dans — , p. 140.
Algol. Causes de la propagation de 1' — dans notre langue, p. 105.
Armes de Bourges. Pourquoi un ignorant dans un fauteuil est
dit représenter les — , p. 155.
Arriier comme mars en caicme et Arriver comme marée en
carême. Diflerence entre — , p. 140.
Ascension et Assomplion. Différence entre — , p. 140.
As percé. Explication de — , terme de bouillotte, p. 92.
Aube des mouches. Quelle heure de la journée indique l'expres-
sion r — , p. 19.
Aulant. Communication sur l'origine de — , donnée dans la
3* année, p. 162.
Autant pour le brodeur. Véritable signification de — , p. 91.
Autrui. Cas où le pronom — ne peut s'employer pour un autre.
p. 37.
Avachir. Elymologie de — . p. lOS.
Avent. Pourquoi un e dans — , temps qui précède Noël, p 180.
Avoir la beauté du diable. Signification el origine de — ,
p. 187.
B.
Battre ta campagne. Origine de l'expression —, p. 28.
Bâtonnier. Pourquoi le chef anouel des avocats sappelle —,
p. 90.
Biche émissaire. Si en parlant d'une femme, — peut se dire,
p. 28.
Bistouri. Elymologie de —, p. 26.
Boire sec. Sens littéral de l'expression —, p. 92.
Bois de corde. Pourquoi un certain bois à brûler s'appelle — ,
p. 124.
Bosseler ou Bossucr une cafetière. S'il faut dire —, p. 20.
Bouleiart. S il convient décrire — , p. 108.
Brosser les bois. Sens de — , p. 123.
G.
Calino. Origine du néologisme — , p. 28.
Calrados. Origine de — , p. 59.
Calvados. Cotnm mication relative à l'origine de — ■. p 113.
Cap faijot. Origine de l'exi ression : Doubler le — , p. 100.
Cupharnadm. Communication relative à — , p. 73.
Casser sa pipe. Poupiuoi — a le sens de .Mourir, p. 2^^.
Cela ne vous chaut guère. Si la construction de — est bien cor-
recle, p. 139.
Cercle de Popilius. Signification et origine de l'expression — ,
p. 156.
Ces animaux. Si, après avoir parlé d'un certain animal, on peut
dire —, p. 12i
C'est au diat'te auverl. Origine du proverbe — , p. 99.
Charniir. Si le mot — s'est employé autrefois pour désigner un
cimetière, p. 33.
Charnier. Communication relative à — , p. 65.
Chal-huanl. Elymologie de l'expression — , p. 67.
Chat huant el Chouan. Diflerence d'emploi entre — , p. 189.
Chercher midi à quatorze heures. Origine de l'expression — ,
-, P-
Comte-Venaissin ou Comtat- \ enaissin. Si l'on doit dire —
t>. 170.
Confortable. Pourquoi l'adjectif — n'a pas à'm comme en
anglais, d'où il e>t tiré, p. 180.
Conter rieuret tes. Véritable signification de — , p. 114.
Courte honte. Explii ation de l'expression — , p. 130.
Courte honte. Communication relative à un proverbe espagnol
cité au sujet de — , p. 177.
Cresson alenois. Pourquoi un certain cresson s'appelle — , p. 91.
Cuver .son rin. Véritable signification de — , p. 187.
Cylindrcr du linge ou Calandrer du linge. Lequel vaut le mieux
—, p. 116.
D.
Daigner. Le verbe — est nécessairement actif, p. 60.
De ou Des. S'il faut mettre — devant un adjectif précédé de £«,
p. 115.
De ou Des. Cornmunicition de M. Cb. Deidin, relative à l'eui-
ploi de — devant un qualificatif précédé du pronom En,
p. 138.
De ou Des. Réponse à M. Ch. Doulin sur —, p. 153.
De ou Des. Réplique de ."U. Charles Deulm sur—, p. 185.
Déplus belle. SigniJication littérale de —, p. 132.
Découvreur. Emploi du terme —, p. 114.
Dégringolé. Si le participe — est invariable, p. 60.
Dégringoler. Etyniologie de — , p. 68.
Demander excuse, s il est vrai que— soit une mauvaise expres-
sion, p. I.
Dèi le potrou minet. Signification littérale de —, p. 89.
Des plus. Avec quoi doit s'accorder l'adjectit précédé de —, p. 76.
Devoir. Si le verbe — au passif peut avoir pour sujet un nom
signihant une chose préjudici.ible à quelr|u'Hu. p. 67.
Donner un poil à quelqu'un. Significttion littérale de —,
p. 164.
Donner un suif à quelqu'un. Origine de l'expression —, p. 171.
Dormir la grasse matinée. Origine de l'expression —, p. 74.
E.
E. Pourquoi — prononcé eu dans Cueillir, Recueillir, etc.,
p. lût.
Eau. Comment le mot — s'est formé du latin Aqua, p. 18.
Ecœurer. Si aujourd'hui — est devenu franc lis, p. 106.
Ecrevisse. Elymologie de —, p. 138.
Efficace. Quand le substantif — peut se dire pour Efficacité.
p. 180.
EmonctiOH. Juslificition de l'emploi de — , p. 51.
En. Réponse à .M. Coudray où il est démontré que — mis pour
un substantif partitif est régime direct, p. 177.
En avoir dans l'aile. Pourquoi — signifie un espace de temps,
p. .■).
Ente. .Nature du mot — dans Prunes d'ente, p. 123.
F.
Faire fiasco. Origine de —, p. 4.
Faire fiasco. Communication relative à —, p. 41.
laire fiasco. Réponse à la communication sur — , p. 57.
Faire four. Origine de l'expression —, p. 52
Faire la barbe à quelqu'un. Origine de l'expression proverbiale
— , p. 76.
Faire valoir le bouchon. Signification de la phrase — . p. 124.
Faire son compliment à quelqu'un. Si — peut se dire à l'occa-
sion d'un malheur, p. 140.
Faire des chlleaux en Espagne. Origine du proverbe —, p. 178.
Faisant ou Fc.utnI. S'il faut écrire — . p. 173.
Fautif Eni) loi de — pour qualifier une personne qui a commis
une faute, p. 75.
Félibre. Signifie ilion et elymologie de — . p. 164.
Fiu. Et_Mnolo;;ie de l'ailjcciif —, p. 97.
1 ier-à-liias. M lyen de faire disparaître la dilUculté qu'offre le
pluriel de — . p. 26.
Fils. Si le mot — doit se prononcer fi ou fisse, p. 108.
Finales nasales, s'il faut toujours lier les —, et comment celle
liaison doit se faire, p. 107.
Fin'isterre. Pourquoi il est masculin dans : Département du —,
p. 43.
Flageolet. Comment —, au sens de haricot, est venu de Faseolus,
p. 9.
Flageolet. Communication relative à —, p. 41.
Flageolet. Réponse à la communication du numéro 6, p. 57.
Flagorner. Elymologie du verbe — . p. 146.
Fruit-sec ou Fruits-secs. S'il faut écrire au singulier —, p. 84.
G.
Greffe et Ente. Si les deux substantifs — sont synonymes,
p. 163.
Grincer les dents ou Grincer des dénis. S'il faut dire —, p. 186.
Guet-apens. Elymologie de — , et son orthographe au pluriel,
p. 106.
H.
Habitants des villes de France. -Noms donnés aux — . p, 82.
Habitants ries villes de France. Ccuiiniunicaliori de M. Fillemin
relative à l'utilité d'expliquer les noms irréguliers des —,
p. 113.
Habitants des villes de France. Communication par M. George
Garnier d'une liste complémentaire des noms des —, p. 137.
Habitants des villes de France. Réponse a M. Fillemin, p. 145.
Habitants de Pau. Communication relative au nom des — ,
p. 145.
Huguenot. Elymologie du mot — , ]i. 42.
Humeur. Comment du sens de liquide — a pu passer à celui de
disposition d'espril, p. 4.
L
// fait faim. Si l'expression — est française, p. 124.
/( l'a échappé belle. Pourquoi le participe dans — doit rester
invariable, p. 122.
// n'est métier. Signification de —, p. 20.
492
LE COURRIER DE VAUGELAS
Interroger. Si le verbe — peut s iolerjeter dans une phrase, p. 36.
J.
Je lie sache pas. Explicalion de — employé au commencement
dune phrase, p. 1S8.
Jusqu'à ce que. Phrase dans laquelle — doit être remplacé par
Avant que, p. 163.
Li.
LL mouille'cx. Comment doivent se prononcer les —, p. H-
LL mouillées. Communication de M. Dul'our-Vernes sur la pro-
nonciation des — , p. 17t.
Il mouillées. Réponse à M. Dufoin-Vernes surles— , p. 187.
Laisser-iJasser. La mailleure manière d'écrire le substantif com-
posé — , p. 36.
Langue d'oil. Coninient il faut prononcer —, p. 187.
larmes de crocodile. Comuuinication relative à —, p. 9.
Larmes de crocodile. Si larmes dans l'expres.sion — signiûe
Gémissements, p. 121.
Laver. Elvmologie de — signifiant Vendre, p. 4.
Laver. Communication relative à —, p. 17.
Le onze, le onzième. Pouniuoi on écrit — , et non L'onze, L on-
zième, p. 16.
L'être. Cas dans lesquels — peut remplacer un verbe précédent
mis au passii, p. 147.
M.
Manger sur le pouce. Explication de l'emploi de Sur dans l'ex-
pression — . p. 73.
Manger la grennuilie. Véritalile sens et origine de —, p. 180.
Marchand. Pourquoi — s'emploie pour Acheteur, p. 12.
Meditaieiir. Pourquoi on ne dit pas — quand on dit Méditation,
V- 163. , ,,
Morgue. D'où vient le nom de —, lieu où 1 on dépose les noyés
à Paris, p. 58.
N.
Naître. Si l'on peut employer — dans celte phrase : Naître un
sujet, p. 35.
Naître. Communication concernant le verbe —, p. 49.
Ne. Comment une phrase comparative peut être incorrecte avec
landis qu'une autre est correcte sans — , p. 131.
Ne donnons pas trop pour le si/flel. Signification et origine
de — , p. 58. .
Ne m'en veuillez pas ou Ne m'en voulez pas. Si 1 on doit dire
— , p. 44.
Ne pas laisser que de. Communication de M. Ernest David au
sujet de l'expression —, p. 137.
Ne pas laisser que de. CommuDicalion de M. Charles SouUier au
sujet de l'expression — , p. 162.
Numéro. Place que doit occuper le — dans la suscription d une
lettre, p. \li.
Numéro. Commnnicalion sur la place que doit occuper le —
dans la s,isrrl|ilion d'une lettre, p. 161.
Numéro. Communication de II. Fillemin sur la place que doit
occuper le — dans la suscriidion d'une lettre, p. 178.
0.
Omelette. Elymologie du mot —, p. 49. . „ , „
Orgue de barbarie. Pourciuoi 1 orgue * manivelle s appelle —,
p. 67.
p.
Pantalon. Comment le terme — a pu désigner un homme,
Pantoufles de verre el Pantoufles de mir. Laquelle des expres-
sions — est la meilleure, p. 66.
Pardon de la litierle grande. Communication relative à une
erreur commise sur l'âge de — , p. 1.
Parfaitement. Conslructiou de l'adverbe —, p. 170.
Parler du puils. Sens et origine de —, p. 170.
Pariicipc passé. Accord du — ayant pour régime Que précédé
de deux .substintifs séparés par De, p. 11.
Participe passé. Accord du — précédé de En et d un adverbe
de quantité, p. 12.
Participes présents. Pourquoi nos — ont une (iaale identique
iiuoique venus de mots latins en ans et en ens, p. 115.
Participe passe. Pourquoi le — invariable quand il a pour seul
régime En, p. 147.
Payer en monnaie de singe. Signification el origine de — ,
p. 20. , ,
Perpignan. D'où vient le nom de — désignant un manche de
l'cMict, p. 165.
Phrases interjetées. S'il est permis d'employer dans les — un
verbe qui tienne lieu de son participe présent précédé dn
verbe Dire, p. 51. ,. , .
Phrases interjetées. Communications de M. Ch. Deulin relatives
aux verbes des —, p. 138 et 185.
précédée de De est bien cor-
Phrases interjetées. Réponses à M. Ch. Deulin, p. 153 et 186.
Plaindre (Se). Communication de M. Ch. Deulin relative au
subjonctif mis après — , p. 138.
Plaindre (.Se). Réponses à M. Ch. Deulin, p. 154 et 186.
Plaindre (Se). Cas dans lequel — veut toujours l'indicatif après
lui, p. 171.
Plus bon. Dans quels cas on dit — au lieu de Meilleur, p. 74.
Plus. Place de l'adverbe — quand il est répété, ou employé avec
Moins dans les phrases proportionnelles, p. 122.
Pointe ou Point. S'il faut dire : Une loi qui — , p. 116.
Pourquoi. Quand il faut mettre — eu deux mots, et en un seul
mol, p. 1561
Prendre sans vert. Signification et origine de —, p. 13.
Prendre quelque chose au pied de la lettre. Explication de
l'expression —, p. 169.
Q.
Que... qui. Si l'on doit employer la construction — , p. 10.
Que... qui. Communications de M. Ch. Deulin relatives au gal-
licisme que forment —, p. 138 et 187.
Que... qui. Réponses à M. Ch. Deulin, p. 154 et 186.
Querelle d'Allemand. Origine de — , p. 81.
R.
Rancart. Signification exacte de — , p. 3.
Recroqueviller. Elymologie de — , p. 100.
Régalia ou Régalias. S'il faut dire — , p. 83.
Retour de. Si l'expression — non précédée di
recle, p. 172.
Rossinante. Explication des deux genres de — , p. 100.
Rouchi. Ce qu'on entend par patois — , p. 123.
Rue R'iChepnnce. Origine de la dénomination —, p. 76.
Rue du Cherche-Midi. Origine de la dénomination — , p. 169.
S.
Salmigondis. Origine et véritable sens de — , p. 84.
Saperlipopette. Sens et origine de — , p. 27.
Second et Deuxième. Si les adjectifs — diffèrent d'emploi,
p. 52.
S'en moquer comme de l'an quarante. Origine du proverbe —,
p. 35.
S'en moquer comme de l'an quarante. Communication relative
à —, p. 65.
Septennat. Si — est un bon néologisme, p. 3.
Seul à seul. Orthographe de l'expression —, p. 44.
.Si. Devant quels mots s'emploie l'adverbe — dans le sens de
Tellement, p. 116.
Sophisticateur. Pourquoi on ne dit pas — quand on dit Sophis-
ticntion, p. 163.
Sorcellerie. Comment le mot — a pu dériver de Sorcier, p. 148.
Sortir d'un emploi le bâton blanc à la main. Communication
sur —, p. 25.
T.
Tapis étrnits dont on couvre les escaliers. Par quel nom on
désigne en français les — , p. 45.
Tartuffe. Où Molière â pris le nom de —, p. 129.
TartujI'e. Variante de l'origine de — par Bref, p. 147.
Tendre comme la rosée. Explication de la comparaison — ,
p. l.!9.
Tenir ta corde. Signification et origine de l'expression —, p. 4'i.
Tintamarre. Origine <Ui mot —, p. 34.
Tirer une cnrntle à quelqu'un D'où vient l'expression —, p. 17.
Tili. Elvmologie du mol — p. 43.
Tili el Voi/ou. Différence qu'il y a entre —, p. 84.
Un trimestre de spectateurs. Raison pour laquelle — ne peut se
dire, p. 61.
U.
llilan. La meilleure manière de prononcer —, p. 83.
Un averti en vaut deux. Ce que signifie Averti dans le pro-
verbe — , et si l'on peut dire : Un bon averti en vaut
deux, p. 131.
Un petit peu. Si l'on peut se servir de —, que condamnent plu-
sieurs grammairiens, p. 43.
Vaucluse. S'il faut dire : le département de —, le département
de la — ou simplement le —, p. 18.
Veuillions. Si — esl le subjonctif du verbe Vouloir, p. 68.
Vivre. Si l'on peut faire de- un verbe actif, p. 35.
Y.
y. Prononciation de — quand il se trouve entre deux voyelles,
p. 4.i.
BIOGRAPHIES DONNEES
Antoine Oudin, numéros I, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.
Vauoelas, numéros 9, 10, U, 12, 13, jusqu'à 2i.
Imprimerie GouvERKEun, G. Daupbley à Nogent-le-Rotrou.
G'' Année
N" 1.
1" Mai 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^'
A\Vv Journal Semi-Mensuel <V / //
^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE '^J J
Paraissant le 1" et le 15 de chaque mois
{Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Acadcmie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ETHANOERS
Officier d'Académie
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
Annonces, la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à. Paris.
nal, soit à un libraire quelconque.
Le Rédacteur du Courrier de Yaugelas remercie
d'avance ceux d'entre ses lecteurs qui, dans le courant
de cette 6= année, voudront bien lui adresser, soit des
questions à résoudre, soit des phrases fautives trouvées
dans les auteurs contemporains, soit enfin des obser-
vations critiques sur les solutions qu'il aura données.
SO.MMAIRE.
Communications relatives à Félibre; — Origine de l'expression
Attende:,-moi soms l'orme; — Eiymologie et signification de
Boui-boui; — Pourquoi on ne dit plus Acculer ses souliers 1
Origine et sens de VŒitf de Christophe Colomb; — Pro-
nonciation de Avril; — Explication de Rat dans le sens
d'avare B Passe-temps grammatical || Biographie de Laurent
Chifjlet II Ouvrages de grammaire et de littérature || Renseigne-
ments aux professeurs français [ Concours littéraires.
FRANCE
GOM.MUNICATIONS.
Dans mon numéro 21 de la Cinquième année, j'avais
à résoudre la question de savoir ce qu'on entend par
félibre. et d'où vient ce terme nouveau.
Il m'a été facile de répondre exactement à la première
partie de cette question ; mais il n'en a pas été de même
pour la seconde : félibre était-il un mot créé par les
modernes poètes provençaux, ou l'avaient-ils pris tout
fait dans leur langue?
J'envoyai le numéro qui traitait de cette question à
M. Roumanille, le priant de me renseigner sur la
naissance de félibre. L'aimable poète s'est empressé de
me répondre une longue lettre, parce qu'il n'a pas eu
le temps de la faire plus courte, où je trouve ce qui
suit :
Il Or, Marie et Josepti, un jour, perdirent de vue le petit
Jésus.
B El ils étaient très-inquietR, et ils le cherchaient partout.
» Et ils disaient à tous ceux qu'ils rencontraipnt : Notre
petit Jésus s'est égaré. N'auriez-vouspas vu notre petitJêsus?
» Et tout le monde répondait : Nous ne l'avons pas vu.
» Et Joseph et Marie étaient très-inquiets, et ils cher-
chaient partout le petit Jésus.
» Longtemps, longtemps ils le cherchèrent. Ils le cher-
chèrent tant qu'ils finirent par le trouver.
» Où était donc le petit Jésus?
» Le petit' Jésus était assis au milieu des sept félibres de
la loi. »
C'est une page de l'Evangile telle, à peu prés, que nos
mères nous la récitaient en provençal, telle que quelques
rares vieillards la récitent encore, n'oubliant jamais de
dire ; au milan di sel félibre de la léi, au milieu des sept
félibres de la loi.
. Ainsi, il est certain que le mot félibre n'a point été
créé par les poètes modernes de la Provence, et que ce
nom, quand ils l'ont adopté, existait depuis un certain
temps déjà dans la langue populaire de leur pays.
J'avais indiqué pour origine de félibre celle qu'avait
donnée M. Ed. Baillière, oi/^Spoç, ami du beau, (qui
a été imprimé par erreur çtXapêoç) ; mais cette origine
était fort contestable, et un savant philologue, que j'ai
l'honneur de compter parmi mes abonnés, a daigné
m'en adresser une autre dans la lettre suivante :
Paris, 4 février 1875.
Monsieur,
Dans le Courrier du 1"' février, vous avez donné du mot
Félibre, qui est le nom que portent les poètes provençaux
écrivant en langue vulgaire, une explication que je vous
demande la permission de rectifier et de compléter.
D'abord, et sur l'autorité de M. Ed. Baillière, vous avez
dit que Félibre vient du grec çO.apgoç, et signifie nmi du
beau.
Ensuite, et sur la foi d'un correspondant avignonnais
d'un journal de Paris, vous ajoutez :
» Des poètes provençaux s'étaient réunis, il y a vingt
ans, pour festoyer et dire des vers, tout prés d'Avignon,
sous les ombrages de Fon-Ségngne. Une rieille paysanne, au
dessert, vint leur chanter </«.? chansons du pays. La mémoire
de la vieille faillit-elle, ou bien i'éruditian néo-romane se
Iroura-t-elle en défaut ? Toujours est-il que, dans une de
ses chansons, nos poètes surpris rencontrèrent un mot,
précisément le mot félibre, dont nul d'entre eux ne put
déterminer le sens. On plaisanta de l'aventure, on rit:
Eh! Félibre.' Bonjour, félibre! et comme ce petit groupe
enthousiaste se chei-chait alors un nom, et redon tait celui
de Troubadour, il fut convenu qu'à l'avenir, les poètes pro-
vençaux s'appelleraient Félibres. »
Vous déclarez n'être que médiocrement satisfait de l'ex-
LE COURRIER DE VAUGELAS.
plication de M. Ed. Baillière; et vous avez bien raison.
Premièrement, le mot çiXapéoç n'a jamais eu aucun sens en
grec; ensuite, c'est émettre une hypothèse entièrement
gratuite, de supposprque les poètes provençaux voulurent
réellement devoir leur nom à la langue grecque.
L'histoire de la vieille paysanne de Fon-Ségugne et de sa
chanson, parlant des anciens Fe/i'irei aux Félibres modernes,
qui ne la comprirent pas, est plus sérieuse. Cette paysanne
avait conservé, sans en avoir conscience, une tradition
bien ancienne, semblable au-\ prêtres saliens du temps
d'Horace, chantant des vers antiques qu'ils ne compre-
naient pas.
Fèlibre est un nom que durent porter, dans le midi de
l'Espagne et de la l'rance, les poètes écrivant en langue
vulgaire, avant les troubadours. Le mot est dans le Liber
glossarum d'Isidore de Sèville, mort en 636. Le sens de ce
mot, qui signifie bon ou joijeur vivant, est e.xpliqué par
certaines habitudes des poètes, anciens et modernes.
Lorsque l'Ai-adèraie des jeux floraux, la plus ancienne
de l'Europe, s'établit à Toulouse en 1323, les sept poètes
qui la fondèrent prirent le titre de Mantenedors del gaij
saber, mainteneurs du gay savoir. La première fleur qu'elle
distribua fut le gauc ou souci d'argent, fleur emblématique,
dont le nom gaulois signifie joie, et avait été employé
dans ce sens par Ennius et par Ausone.
L'Académie de Barcelonne consacra les mêmes traditions.
Fondée en 1390 par Don Jayme I", roi d'Aragon, elle prit
aussi le titre de Consistoire destiné à la culture de la gaya
sciencia, ou de la gaie science.
Qui ne trouve dans cette direction de l'esprit littéraire,
dans ces mœurs des poètes primitifs de la Gaule et de
l'Espagne, la source d'où jaillirent les mœurs et l'esprit des
quatre sociétés du caveau ? Que furent Armand Vidal, à
l'Académie du gai savoir, et Don Henrique de 'Villena, au
Consistoire de la gaie .science, sinon les précurseurs et les
initiateurs de Piron, de Collé; de Barré, de Désaugiers, de
Béranger, au Caveau, aux Soupers de Momus, à la société
des Francs Gaillards, dont Emile Débraux fut le membre
le plus populaire?
C'est en vertu de cette tradition ancienne que les poètes
du midi prirent dans leurs réunions le nom de Félibres,
qu'Isidore de Séville traduit ainsi du patois andaloux en
latin, Fellebre, lœlé vivens, bon ou joyeux vivant.
En reprenant ce nom, longtemps négligé, comme celui
de barde, que les poètes bretons ne portent plus, les
poètes actuels de la Provence ont donc renoué une tra-
dition littéraire encore vivante, il y a vingt ans, dans les
souvenirs du peuple, et que consacrait la chanson de la
vieille paysanne de Fon-Ségugne.
Veuillez agréer, Monsieur, mes compliments empressés.
A. Granibr de Cassagnac.
Or, après avoir remarqué
Il'une pari, (]ue Au milan di xèt felibre de la lèi
(Citation de l'évangile provençal qui se trouve plus haut)
implique pour félibre la signification de docteur., de
savant, comme claiil la traduction d'une partie de ce
Terset de saint Luc (chiap. II) :
Troi.'i jours après ils le trouvèrent dans le Temple assis
au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant ;
D'autre part, que la même cilalion fait clairement
allusion, par le mol aèt (sept), au nombre des fondateurs
de l'Académie des Jeux llorau.\, les mainteneurs du
(jai savoir;
Je me crois en possession d'indices sufllsants pour
en conclure que l'origine donnée dans la lettre qu'on
vient de lire est la vraie.
Mes biens sincères remerciements à M. Roumanillc
el à M. Granier de Cassagnac, dont Icscomimiiiicalioiis
m'ont permis de renseigner si sûrement mes lecteurs
sur le nom de félibre., ce nom qui se lisait dernière-
ment encore dans un article de M. Alichel Bréal publié
par le Temps.
X
Première Question.
Vous m'obligeriez infiniment si vous vouliez bien,
datis un de vos prochains numéros, me donner l'origine
de l'expression proverbiale attendez-moi sous l'orme.
Autrefois, au temps de la féodalité, il y avait ordi-
nairement un orme planté à l'entrée des châteaux.
Ainsi, j'ai recueilli ce passage dans l'abbé Lebœuf
[Histoire cirile du diocèse d'Atixerre, tom. II, p. 66,
année <743) où il est question de cet orme :
« On trouve dans les Archives de l'Abbaye de Molême,
un Tilre de lui par lequel il confirme à ce Monastère
les biens qu'on lui avoit donnés dans la Paroisse de
Saint-iMoré-sur-Cure, au Diocèse d'Auxerre. Ce Titre y
est dit, passé, et accordé dans le Château d'Auxerre
sous l'orme : in Castello sub ulmo. »
Il y en avait un également devant la porte de l'église,
comme l'altestent, par exemple, les vieilles cédules évo-
catoires qui assignent les débiteurs à comparoir sous
l'orme St-Geri'ais, à Paris.
Ce dernier était un endroit de réunion, d'assemblée,
d'actes solennels, oii l'on célébrait des jeux, des danses ;
et, comme on y rendaiL la justice, il avait donné lieu à
plusieurs expressions telles que avocat dessous l'orme,
signifiant un avocat de village, obscur, par consé-
quent; jtige dessous l'orme, équivalant à juge de cam-
pagne; attendre quelqu'wi sous l'orme, voulant dire
ne pas craindre d'être attaqué par lui en justice :
Le cardinal Petrucci les attend sous l'orme [les juges de
l'inquisition], et ils n'osent l'attaquer, parce qu'il a de
l'esprit et du savoir joints à une grande dignité.
(Sévigné, t. VIII, p. l33, éd. Régnier.)
Naturellement, on a cru trouver dans cette ancienne
expression l'explication de aflendez-moi sotts l'orme. Il
arrivait souvent, a-t-on dit, que les parties assignées
manquaient au rendez-vous, se faisaient attendre vaine-
ment, et delà le sens actuel.
Quoique cet avis soit celui de Génin, de Leroux
de Lincy, de Quilard et môme de .M. Littré, il ne peut
être le mien, parce , que je ne puis comprendre com-
ment du sens sérieux, provocateur, pour ainsi dire, de
je vous attends sous l'orme, on a pu passer au sens
badin, ironique de attendez-moi .wus Vorme, formule
employée pour donner un rendez-vous auquel on n'a
pas dessein de se rendre. Aussi, ai-je cherché une expli-
cation qui me satisfit davantage, et, par bonheur,
je crois l'avoir trouvée.
C'est la comédie de Regnard (d'autres disent de
Dnfresnyï intitulée Attendez-moi .'!Ous l'orme, qui a
donné lieu à l'expression proverbiale en question.
La scène se passe « sous l'orme » dans un village de
Poitou. Lisplle exige, avant son mariage avec Dorante,
que celui-ci aille rompre l'engagement qu'il a pris avec
le père d'Atiathe.
.E COURRIER DE VAUGELAS.
Dorante.
Oh! pour cela volontiers!
Lisette.
Mlez promptement, et revenez dans une demi-heure
m'altendre sous cet orme.
Mais la fausseté de Dorante se découvre, et l'on va se
venger de lui : tous veulent berner ce petit « coquet ».
Dorante vient au rendez-vous; il u"y trouve que
Pasquin. son domestique, qui lui annonce que la
veuve Lisette) est partie, enlevée à l'instant par une de
ses tantes.
Le choîur chante derrière le théâtre :
Attendez-moi sous l'orme,
Vous m'attendrez longtemps.
Une noce vient à passer, elle se moque de Dorante, et
le chœur chante encore :
Attendez-moi sous l'orme,
Vous m'attendrez longtemps.
Furieu.v-, Dorante tire son épée et menace de saccager
le village avec un régiment qu'il achètera exprès; il
fait seller son cheval, et part. Le village poursuit
Dorante en dansant et en chantant :
Attendez-moi sous l'orme,
Vous m'attendrez longtemps.
Or, quand je considère
h" Que personne, à ma connaissance, n'a rencontré
nulle part atte?ide:-7noi sous l'orme, dans le sens
ironique, avant l'époque où parut pour la première fois
la pièce de Regnard '169-5) ;
2° Que le premier emploi de cette expression au sens
actuel (en supposant que ce soit M. Littré qui l'ait
réellement donné) est postérieur de 21 ans à la pièce
de Regnard, car attendez-moi sous l'orme se trouve
dans la phrase suivante de la première partie de Gil
Blas (VI, 2 , partie qui fut publiée en 1715 :
Vous n'avez, ajouta le fils de Lucinde, qu'à nous attendre
sous ces saules; nous ne tarderons pas à vous venir rejoindre.
Seigneur don Raphaël, m'écriai-je en riant, dites-nous
plutôt de vous attendre sous l'orme. Si vous nous quittez,
nous avons bien la mins de ne vous revoir de longtemps ;
3° Que si le sens moderne de l'expression ne peut se
tirer qu'avec la plus grande difficulté de attendre sotts
l'orme signifiant ne pas craindre d'être attaqué en jus-
lice, il se tire très-facilement, au contraire, du refrain
dont la phrase de Lesage offre comme une réminis-
cence dans longtemps, son terme final ;
11 me semble pouvoir en induire avec certitude que
attendez-moi sous l'orme a bien réellement l'origine
que je viens de vous indiquer.
X
Seconde Question.
Je vous serais très-obligé de vouloir bien me donner,
par la mie de votre journal, V étymologie et la Signifi-
cation du mot Bon-Bom.
C'est en l'année 1834 que ce mot parut pour la pre-
mière fois dans une œuvre littéraire, Paris anecdote,
un petit volume écrit par Privât d'Anglemont, et voici
les lignes de la page 34, où il se trouve :
Les impresarii des marionnettes y établissent leurs
quartiers généraux. Ceux-ci ont importé toute une indus-
trie dans la rue du Clos-Bruneau. Ils v font vivre toute
une population qui rappelle de loin certains personnages
des contes fantastiques d'Hoffmann. Elle est toute employée
à la fabrication des fantoccini. .11 y a d'abord le sculpteur en
bois qui fait les tètes... A côté de lui se trouve l'habilleuse
qui fait les costumes... Puis viennent les cordonnières,
celles qui font les souliers de satin pour les marionnettes
danseuses et les bottes en chamois pour les chevaliers...
Enfin, le véritable magicien de ce monde, celui qui
ensecrètc les bouijbouis. Ensecre'ter un bouiibouis consiste
à lui attacher tous les fils qui doivent servir à le faire
mouvoir sur le théâtre : c'est ce qui doit compléter
l'illusion.
Or, une fois connue comme synonyme de marion-
nette, l'expression de bouisbouis aura été employée par
quelque auteur de revue dramatique qui, au lieu de dire :
un théâtre à marionnettes, aura dit pour rajeunir son
style, un théâtre à boiiisbouis, et, par ellipse, un bouis-
bouis, absolument comme on dit tous les jours, familiè-
rement, un guignol, pour un théâtre analogue à celui de
Guignol, aux Champs Elysées.
D'où il smy'mx&bouisbouis signifie théâtre ayant pour
acteurs des marionnettes: sens qui. par extension, est
naturellement devenu théâtre de dernier ordre, théâtre
en plein vent, théâtre à quatre sous.
Maintenant, quelle est l'élymologie de bouisbouis?
M. Francisque .Michel croit qu'il a été emprunté par
onomatopée au cri de Polichinelle, la marionnette par
excellence, quand il appelle -les spectateurs, et qu'il
s'annonce à eux.
En me rappelant que les Napolitains, au dire de
Génin [Récréât, philol., 11, p. 97i, avaient surnommé
les Français les oui-oui parce que, lors de notre ancien
séjour à Naples. le peuple avait remarqué que nos
soldats prononçaient souvent l'affirmation oui! oui ! je
me sens tout disposé à faire un accueil favorable à
l'opinion que professe l'auteur du Dictionnaire d'argot
à l'égard du mot qui nous occupe.
Théophile Gauthier, qui a été, sinon le premier, du
moins un des premiers, je crois, à faire usage de bouis-
bouts, pour désigner un théâtre de bas étage, avait
prédit la fortune du nouveau vocable dans ce passage cité
par P. Larousse [Gr. Dict. du XIX' siècle) :
Aussi, chaque soir, des files de voitures entrent-elles
devant ces tréteaux sans prétention, qu'on nomme bouigs-
bouigs, un nom peu académique, mais qui finira par
prendre sa place dans le dictionnaire.
La prédiction s'est accomplie : car, après avoir fait,
comme on dit assez ordinairement, le tour de la presse.
bouisbouis est venu prendre rang dans le -Supplément
de .M. Littré, sous la forme boui-boui.
X
Troisii'me Question.
On trouve dans Rabelais [Garg. II, cli. II l'expres-
sion AccrLBR SES SOULIERS : « Tousjours .<e ravltroyt par
les fanges, AccrLori ses soliers ». Pourquoi dit-on
aujourd'hui écolee?
Au XVI" siècle, on se servait de acculer au.?s'i bien
en parlant des souliers que pour signifier pousser dans
un endroit sans issue, faire tomber sur la partie de
derrière (s'il s'agissait d'une voiture), et il en fut de
LE COURRIER DE VAUGELAS.
même jusque dans la seconde moitié du wn" siècle,
puisque celle expression se trouve dans le dictionnaire
français-anglais de Cotgrave (1660).
Mais il y avait plus de cinquante ans que le Thresor
de Nicot avait donné escMler en pariant d'une
aiguille; et, quand l'Académie publia la première
édition de son dictionnaire (1694), elle substitua escw/er
à acculer, appliqué aux chaussures, mue probablement
par les raisons suivantes :
r Que le fait démarcher sur le talon d'un soulier,
ou de le rabattre en dedans, produit la destruction du-
dit talon ;
20 Que le préfixe qui signifie retranchement, destruc-
tion est ordinairement e (es) dans notre langue;
3° Que l'espagnol exprime la même action par le
verbe descalcamr ; composé de catcana, talon, et de
des, qui équivaut à notre e [es), et l'italien, par scalca-
gnare, composé de calcagno talon, et de s, autre équi-
valent de notre e [es).
Or, depuis cette époque tous les lexicographes ont
imité l'Académie, et voilà pourquoi on dit aujourd'hui
écider ses souliers au lieu de acculer ses souliers, qui a
été autrefois plusieurs siècles en usage.
M. Litlré fait cette remarque sur accider :
Dans la première édition rie son dictionnaire, r.\cadéraie
tolérait l'expression d'acculer ses souliers, mais les dernières
ne permettent plus que le verbe éculer.
J'ai demandé à la Bibliothèque nationale, où je vais
prendre mes notes, la première et la deuxième édition
du dictionnaire en question, et je n'y ai trouvé, ni
positivement admise, ni seulement tolérée l'expression
dont il s'agit ; je n'y ai vu que escider des souliers.
X
Quatrième Question.
Comment expliquez-vous l'expression apprendre par
CŒCR? Il (st impossible de discerner en quoi le siège
du mouvement du sang intervient ici pour remplacer le
cerveau, ou la mémoire qui s'y trouve logée.
D'après les croyances des Grecs, toutes les facultés
intellectuelles résidaient dans la poitrine.
Or, cette opinion physiologique s'est transmise par
les Romains jusqu'à nous, et elle a donné, dans notre
langue, l'expression apprendre par cœur, qui, tout
erronée qu'elle est, n'a pas cessé d'être en usage.
Cette question a déjà été traitée dans le Courrier de
Vaugelas (3* année, p. 59).
ÉTRANGER
Première Question.
Dans votre numéro 23, p. 178, ^'e trouve cette phrase :
« L'idée était simple comme celle de /'iïcf de Christophe
COLOMB ». J'ai déjà entendu cette expression plusieurs
fois. Quels en sont, .t'il vous plait, l'origine et le sens?
C'est l'œuf de Colomb, telle est l'expression dont on
se sert en parlant d'une chose qu'on n'a pu faire et
qu'on trouve TMciic après ([u'elie vous a été enseignée.
Quant à l'origine de ce proverbe, voici com-
ment elle est expliquée par Quitard :
Les détracteurs de Christoplie Colomb lui disputaient
l'œuvre de son génie, en objectant que rien n'était plus
aisé que de faire la découverte du Nouveau-Monde. Vous
avez raison, leur dit le célèbre navigateur ; aussi je ne me
glorifie pas tant de la découverte que du mérite d'y avoir
songé le premier. Prenant ensuite un œuf dans sa main,
il leur proposa de le faire tenir sur la pointe. Tous l'es-
sayèrent, mais aucun n'y put parvenir. La chose n'est
pourtant pas difficile, ajouta Colomb, et je vais vous le
prouver : en même temps il fît tenir l'œuf sur sa pomte,
qu'il aplatit en le posant. — Oh! s écrièrent- ils alors, rien
n'était plus aisé. — J'en conviens, Messieurs, mais vous ne
l'avez point fait, et je m'en suis avisé seul. Il en est de
même de la découverte du Nouveau-Monde. Tout ce qui
est naturel paraît facile quand il est une fois trouvé. La
difficulté est d'être l'inventeur.
X
Seconde Question
Je vois dans Littré que l'Académie prononce avril
avec Vl mouillée (avri-yé); mais plusieurs grammairiens
veulent qiC on prononce sans mouiller Vl, et d'autres
veulent qu'on dise avri. D'après vous, quelle est la
meilleure de ces trois manières de prononcer ?
Au point de vue de la prononciation, les mots en ;/
ayant un dérivé en // mouillées forment deux groupes
bien tranchés dans la langue française :
L'un, composé de trois mots, où il sonne iye: cil
(ciller), mil imillet), péril (périlleux) ;
L'autre, composé de onze mots, où il sonne i :
babil (babiller), chenil (décaniller), baril (barillet),
courtil (courtille), fusil (fusiller), grésil (grésiller),
gentil (gentille), yril (grille), outil (outiller), persil
(persiller), sourcil (sourciller).
Or, auquel de ces deux groupes appartient am/, qui,
lui aussi, a des dérivés, avrillé et avrillet, où les II
sont mouillées?
Il me semble que c'est au second, et, cela, pour les
raisons que je vais vous dire.:
1° Il y appartient par son passé; car au xvii« siècle,
d'après le grammairien Chiftlet, on prononçait avri.
2° On prononce encore aujourd'hui poisson d'avril
sans faire entendre 1'/ finale, pourquoi prononcer
différemment quand ce mot n'est pas précédé du
substantif po«.s,so«?
3° Les listes qui précèdent sont un indice que notre
langue tend à prononcer i les finales U qui deviennent
mouillées dans les composés; par conséquent, il est
plus français de prononcer avri que tout autrement.
X
Troisième Qucsliou.
Comment expliquez-vous l'emploi de n.\T dans le
sens fZ'AVARE. De quelque côté que je considère l'animal
de ce nom, dans l'histoire naturelle ou dans la fable,
je ne vois rien qui puisse légitimer celle synonymie.
D'ailleurs, on n'a jamais dit, que je sache, avare
COMME C.N RAT.
Le Diclionnuirc de la langue verte, recueil des termes
lio|uilaiie6 de la Capitale, contient deux mots de Signi-
LE COURRIER DE VAUGELAS.
ficalion identique, qui sont : rat, auquel ildonnc le sens
de « avare, homme intéressé », et rapiat, qu'il définit
« cupide, avare, un peu voleur même ».
Or, en remarquant que le premier de ces mots a le
même radical que le second, et que celui-ci vient évi-
demment du verbe latin rapere, enlever, ravir, piller,
il me semble pouvoir en conclure avec certitude que
rat (mal orthographié ainsi sans nul doute) a égale-
ment ce verbe pour étymologie.
Il y a plus : j'incline fortement à croire que rut,
terme d'argot, désignant celui qui vole la nuit, dans
l'intérieur des auberges, les rouliers et les marchands
forains, a été tiré aussi de la même source.
FEUILLETON.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1° Il nous parait que les conservateurs nont d'autre
devoir à remplir qu'à adjurer le maréclial de Mac-Malion
de tenir ferme contre tout sentiment de lassitude, contre
toute velléité de défaillance, mènae toute impression de
dégoût.
1' Si les ancêtres de la famille d'Audiffret ont appartenu
aux provinces de langue d'oil, surtout à l'ouest de la
Gaule, leur nom a dû se composer de d'autres èlémenls.
3° Dans des petits livres de comptabilité qu'on voit à
l'étalage de tous les papetiers, on lit, en tête d'une colonne;
Aumônes.
4° Son début, en cette matière, nous indiquera de suite
la nature de ses impressions : « Dans tout ménage du
grand monde français, dit-elle, l'homme et la femme se
conviennent à peu près comme un coup de poing sur le
nez.
5° S'en tenir à des avertissements ou à des conseils, c'est
une dérision, et vouloir se faire moquer de soi de Cons-
tantinople à Saint-Pétersbourg.
6° Le dandynisme qui, jadis, nous offrait les gandins, en
est arrivé aux petits crevés, puis aux gommeax ; tout cela
ne pré.=ente-t-il pas à nos yeus éblouis matière à critique
et par conséquent â comédie?
?• L'opérette-bouffe est un genre excessif, et tout excès
a sa limite qu'on ne peut dépasser. Est-il possible désor-
mais de faire plus qu'on a fait?
8° Ajoutez à cela les soins, le temps matériel qu'exige,
et par conséquent les difficultés que comporte l'exécution
de ces illustrations, et vous comprendrez sans peine.
9° Il n'est pas jusqu'au sexe enchanteur créé à seule tin
de faire damner l'autre qui n'oublie sa mission provi-
dentielle pour sacrifier â la passion régnante.
10° Il lui suffit que l'œuvre grandiose qu'il a entreprise
et qui lui a réussi jusqu'à ce jour soit empêchée, inter-
rompue, discréditée, voire même mise en péril par le
Saint-Siège.
11° Elle consistait en une caisse de vis-à-vis à fond d'or,
orné des plus belles et délicates peintures.
12" Quand ce serait votre histoire, insista le vieux garçon
en esquissant un sourire équivoque, je compte que vous
n'hésiteriez pas à recourir à ma bourse.
[Les corrections à quinzaine.)
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU XVH' SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
Il naquit à Besançon en <n98, et mourut dans le
couvent de son ordre (compagnie de Jésus), à Anvers,
le i» juilleH6o8.
Il se trouvait à Dôle pendant le siège de cette ville
par le prince de Condé, en 1636. Son zèle et sa piété
ingénieuse ne contribuèrent pas peu à soutenir le
courage des habitants. Poyvin, qui a écrit l'histoire du
siège, lui donne les plus grands éloges.
Le P. Chifllet a composé un grand nombre d'ou-
vrages ascétiques, en français et en latin, souvent
réimprimés dans lexvii" siècle, et même pour la plupart
traduits en espagnol et en italien, mais oubliés aujour-
d'hui.
Il a eu part a la révision du dictionnaire de Calepin,
en huit langues, dont il y avait eu plusieurs éditions
en deu.ï volumes.
Ce savant religieux avait fait une élude particulière
de la langue française, et il en avait composé une
grammaire qui fut imprimée pour la première fois par
les soins de quelques-uns de ses confrères, sous le titre
d'Essay d'une parfaite Grammaire de la langue fran-
çaise (16391.
C'est cet ouvrage que je me propose d'analyser ici.
Après avoir exposé son dessein au lecteur, et avoir
fait l'éloge de A'augelas, dont il a mis les Remarques à
profit pour composer son livre, Chifllet entre immé-
diatement en matière.
Il divise en deux parties sa grammaire : l'une, où il
examine en huit chapitues ce qui est relatif aux parties
du discours, et l'autre, où il s'occupe principalement
de la Prononciation et de l'Orthographe.
Je vais le suivre pas à pas, notant çà et là, comme
d'habitude, ce qui me paraîtra propre à exciter la
curiosité de ceux à qui je destine ce travail.
EXPLICATION DES TERMES DE LA GRAMMAIRE.
En parlant des lettres, Chifflet dit que le ; s'appelle
zêta., et que l'y s'appelle // (jrec ou y psilo/i.
Le discours, d'après lui, n'est composé que de neuf
espèces différentes de paroles; le nom est la désignation
commune du substantif et de l'adjectif.
Les cinq premières espèces se peuvent décliner, c'est-
à-dire qu'elles souffrent divers changements de termi-
naisons ou d'articles, selon les divers usages auxquels
on les emploie. Les « autres quatre » sont indéclinables.
La déclinaison du verbe s'appelle plus proprement
conjugaison.
Suit une définition des diverses espèces de mots, qui
doivent être expliqués au moins « grossièrement »
avant de traiter de chacune d'elles en particulier.
Les noms sont des paroles qui signifient les choses
dont on peut parier, ou leurs qualités de toutes sortes :
Dieu, vertu, grand, petit.
LE r.OURRIER DE VAUGELAS.
Les articles sont ces petites particules qui font con-
naître les cliangements de chaque nom dans ses diverses
positions, pour divers usages.
On appelle cas les « cheutes » du nom, et l'ensemble
des cas s'appelle la déclinaison du nom.
Les pronoms sont comme les « lieulenans » des noms,
représentant les diverses personnes. Mien, tien, sien
sont rangés parmi les pronoms.
Les verbes dont ces mots qui signifient « l'Estre,
l'Agir et le Patir », diversifiés par les circonstances du
temps, présent, passé, à venir.
Le temps passé est appelé par les grammairiens le
prétérit, le temps à venir, le futur.
Le participe est une partie du verbe, qui devient
comme un nom, el en « participe « la nature et les
propriétés.
L'adverbe est un mol qui aide à mieux entendre la
façon d'êlre ou d'agir signifiée par le verbe. On l'ap-
pelle de ce nom parce qu'il est joint au verbe.
Lesprepositijns sont des particules du langage qui
se mettent devant les noms qu'elles « tirent >> après
elles; d'où leur nom de prépositions, c'est-à-dire mises
devant, ou préposées.
Il j a aussi des prépositions qu'on peut appeler insé-
parables; mais il vaut mieux les appeler coitipositives,
parce qu'elles servent à faire des mots composés, et à
en « altérer >> la signification par leur adjonction.
La conjonction est une particule qui sert à joindre et
à lier les parties du langage.
Les interjections sont des paroles qui marquent la
véhémence de quelque passion, comme Iiélas! etc.-
DES NOMS ET DES AKTICLES.
Tous les noms sont substantifs ou adjectifs. Le nom
substantif est celui qui signifie certaine chose déter-
minée, bien qu'il soit seul et sans l'aide d'aucun
adjectif; le nom adjectif es\. celui qui étant ajouté au
substantif signifie ses qualités bonnes, mauvaises,
indilTérentes.
11 y a trois genres dans la langue française : le mas-
culin, le féminin et le neutre; ce dernier est marqué
comme le masculin par l'article le : ainsi le froid, le
vmt, le chait'l, voilà des noms neutres.
La langue llamande a beaucoup de ces noms qu'elle
marque par l'article het, comme het lichaem, le corps;
hel kindl, l'enfant, etc.
Les adjectifs ont trois degrés de comparaison : le
positif, le comparatif, qui se marque par plus, et le
superlatif, qui se marque par très.
Mais il y a des comparatifs irréguliers; on dit /bW
peu au lieu de tris-peu.
Pour former le su|)erlalif, on emploie les motsc.s/m«-
(jcment , extrêmement , merveilleusement, incroyable-
ment, infiniment, excellemment, ravissamment,du tout.
Il y a des suiierlalifs latins qui sont propres à certains
usages particuliers, comme serenissime, illustrissime,
reverendissime, etc.
Tout singulier a un pluriel, môme dans les noms
propres, car on dit tous les Jeans, tous les Pierres;
mais il y a des pluriels qui n'ont pas de smgulior, et
Chifflet en donne la liste. Ils ne diffèrent pas sensible-
ment de ceux que nous comptons dans ce cas aujour-
d'hui.
Quand il s'agit des heures canoniales, vespre est
toujours pluriel; mais quand il s'agit du soir, il s'em-
ploie au singulier : sur le vespre, bon vespre, sur le
soir, bon soir.
AETICLE ET De'cLINAISON DES NOMS.
Chifilet, qui admet les cas dans les noms et dans les
articles, explique ici la signification des termes par
lesquels on les désigne.
Lenominatifesi comme la droite position et situation
du nom. Il s'appelle ainsi parce qu'il ne fait que nom-
mer la chose dont on veut parler. De cette droite
position du nominatif, il tombe et décline en certain
« rabais » ou déchéance dans les autres cas, c'est-à-
dire cheutes.
Le génitif, c'est-à-dire l' engendrement tire son nom
de l'un de ses principaux usages, qui est de servir à
exprimer la chose de laquelle uneautre est la production,
comme le fils du Roy. Mais il sert encore plus ocdi-
nairement à signifier celui à qui la chose appartient,
comme le Palais du Roy.
Le troisième cas s'appelle datif, parce qu'il sert à
désigner celui à qui l'on donne quelque chose, ou à
qui cette chose s'adresse : donner Vltonneur au Roy.
L'accusatif s'appelle ainsi de l'un de ses usages, qui
est de suivre les verbes d'accusation, comme accuser le
larron.
Le vocatif ou Yappellant sert à appeler quelqu'un,
comme 0 ami, venez-çà.
L'ablatif suit ordinairement les verbes signifiant
séparer, éloigner, oster, ce qui fait que les Latins lui
ont donné le nom qu'il porte.
Toute la dilTérence qu'il y a entre le nominatif et les
autres cas, soit au singulier, soit au pluriel, se recon-
naît par l'article.
Viennent la déclinaison de le, la, les et celle de un,
qui constituent pour Chifflet l'article défini.
Mais il y a encore un autre article qu'on appelle
indéfini, et qui est fort en usage; il est de tout genre,
et n'a que deux monosyllabes de et à pour le singulier,
et de, à de, à des pour le pluriel. Il s'appelle indéfini
ou indéterminé, parce qu'il laisse le nom dans sa signi-
fication générale et confuse : quand on dit une cou-
ronne de Roy, l'article de joint à Roy équivaut à de
quelque Roy qxiel qu il soit , sans s'appliquera celui-ci
plutôt qu'à celui-là.
IIÈGLES rOCR l'usage DES ARTICLES.
Après lui, l'adverbe beaucoup veut de, comme beau-
coup de pain; mais son sjnonyme bien veut l'article
défini : bien du pain.
On n'emploie plus es pour aux (1659); en consé-
quence, il faut dire avancer aiix honneurs, et non
avancer os honneurs.
[La suite au prochain numéro.)
Le RÉiiiGTEiii-dÉiiA^T : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Nouvelles récréations et joyeux devis de B. Des
Periers, suivis du Cyrabalum Mundi. Réimprimés par les
soins de P. Jouaust. Avec une notice, des notes et un
glossaire par Louis Lacour. T. 2. in-8°, 330 p. Paris,
librairie des Bibliophiles. 10 fr.
La Vie en casque, carnet intime d'un officier; par
Ernest Billaudel. h' édition. In-18 Jésus, 382 p. Paris, lib.
Ghio. 3 fr. 50.
Lies DeuxDianes; par Alexandre Dumas. Nouvelle
édition. T. 2. In-8° Jésus, 296 p. Paris, lib. Michel Lévy
frères. 1 fr.
Histoire des Protestants de France; par G. de
Félice. continuée depuis 1861 jusqu'au temps actuel, par
F. Bonifas. 6' édition, ln-8% xiv-819. Paris, lib. protes-
tantes, i fr.
Grammaire littéraire, ou Explications suivies d'exer-
cices sur les phrases, les allusions, les pensées heu-
reuses empruntées à nos meilleurs écrivains et qui
font aujourd'hui partie du domaine public de notre litté-
rature, à laquelle elles servent en quelque sorte de
condiment; par Pierre Larousse. Guide du maître. In-12,
336 p. Paris, lib. Aug. Boyer et Cie.
Une vie d'artiste; par .\lexandre Dumas. Nouvelle
édition. In-18 Jésus, 316 p. Paris, lib. Michel Lévy frères,
I fr. 25.
Les Rougon-Macquart. V. La faute de l'abbé
Mouret; par Emile Zola, ln-18 Jésus. i32 p. Pari?, lib.
Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Contes et discours d'Eutrapel, de Noël Dufail. réim-
primés par les soins de D. Jouaust, avec une notice, des
notes et un glossaire par C. Hippeau. T. L In-8°, xii-
318 p. Paris, lib. des bibliophiles. 10 fr.
L'Armée de la Révolution, ses généraux et ses
soldats, 1789-1871 ; par A. de Cliamborant de Périïsat.
In-8°, vi-258 p. Paris, lib. Pion et ù^.
La Maison forestière; par Erckmann - Chatrian.
7= édition. In 18 Jésus. 311 p. Paris, lib. Hetzel et Cie.
3 fr.
Fa dièze; par Alphonse Karr. Nouvelle édition, ln-18
Jésus, 287 p. Paris, lib. Nouvelle. 3 fr. 50.
Matinées littéraires. Cours complet de littérature
moderne; par Edouard .Mennechet. 6' édition. T. 2 et 3.
ln-18 Jésus. 838 p. Paris, lib. Garnier frères.
Les Ancêtres d'Adam, histoire de l'homme fossile;
par Victor Meunier. Gr. in-32, x\iii-284 p. Paris, lib.
Rothschild, i fr.
La Cellule n» 7; par Pierre Zaccone. Illustrée de
30 dessins sur bois par Trémelat. In-i° à 2 col. 2i7 p.
Paris, lib. Bouillet. 3 fr.
Voyage autour de mon jardin; par .Alphonse Karr.
Nouvelle édition, augmentée de deux chapitres inédits.
ln-18 Jésus, 330 p. Paris, lib. Jlichel Lévy frères. 1 fr. 25.
NUITS D'ALTOMNE; par Ev.iRiSTECARRAXcE. — Deuxième
édition. — Prix: 5 francs — Paris, Alphonse Lemerre,
éditeur, 27-29. passage Choiseul.
Publications antérieures:
études hisToriques et littéraires, etc. — Par J.-Alsx.
Adrant. professeur de langues et de littérature. — Paris,
Aug. Boyer et Cie. libraires-éditeurs. 49, rue St-André-
des-.\rts.
LE DICTIONNAIRE EN EXERCICES, étude pratique des
mots de la langue française faisant connaître 1° les racines
françaises ou les radicaux; 2° les préfixes et les suffixes;
3" La valeur primitive et actuelle des dérivés français ;
i» l'emploi des mots ; 5" l'orthographe d'usage. — Par
L. Ghimblot. — Partie du maître et partie de l'élève. —
Paris, Aug. Bayer et Cie, libraires-éditeurs, i9, rue St-
André-des Arts.
LES AMOURS DE PETITE VILLE; CHARDONNETTB; —
Par Charles Delli.n. — Troisième édition. — Paris,
E. Dentu, éditeur, libraire de la Société des Gens de
lettres. Palais-Royal, 17-18, Galerie d'Orléans.
RÉCITS ESP.\GNOLS; par Charles Gueullette — Un beau
volume ia-18 de 316 pages — En vente chez Dentu et
dans toutes les gares. — Prix : 3 francs.
LE PANTHÉON DE LA FABLE, choix des meilleurs
apologues empruntés aux fabulistes de tous les temps et
de tous les pays, avec des notices biographiques, des
LA MORALE UNIVERSELLE, un beau volume in-8°,
papier cavalier, de 476 pages. — Par A. Eschenaver —
Ouvrage couronné par l'Académie française — Chez
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ancien examinateur et professeur à l'École polytech-
nique, lauréat de l'Académie française et de l'Académie
des Inscriptions, membre de la Société de linguistique.
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libraires-éditeurs, 49, rue Saint-André-des-Arts.
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nesse et de tous ceux qui ont besoin de renseignements
LE COURRIER DE VAUGELAS.
prompts et précis sur la langue française. — Par Besche-
RELLE AÎ.NÉ. — Paris, Garnie)' frères, libraires-éditeurs,
6, rue des Saints-Pères, et Palais-Ro}'al, 215.
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DE PLUSIEURS FAÇONS DE PARLER TRIVIALES. —
Par MoisAXT de Brieux, fondateur de TAcadémie de Caen.
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M. E. DE Beacuepaire. — Un commentaire et une table ana-
lytique par M. Georges Garmer, et un portrait de l'auteur
gravé par M. L. de .Merval. — Caen, Le Gost-Clérisse,
libraire-éditeur, place du Palais-de-Justice.
NOUVELLE GRAMMAIRE FRANÇAISE FONDiiE sur l'his-
toire DE LA LANGDE, à l'usage des établissements d'instruc-
tion secondaire. — Par Auguste Br*chet, professeurs l'École
polytechnique. — In-12, six-218 p. — Paris, lib. Hachette
et Cie, 97, boulevard Saint-Germain. — Prix : 1 fr. 50.
L'ÉTUDE DES LANGUES RAMENÉE A SES VÉRITABLES
PRINCIPES ou l'art de PE.NSER dans une langue ÉTRA.NCiSRE.
— Par C. Marcel, ancien consul. Chevalier de la Légion
d'honneur. — Paris, Aiig. Boyer et de, libraires-éditeurs,
49, rue Saint-André-des-Arts.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
Secrétaire du Collège des Précepteurs, /i2, Queen Square à Londres, W. C, qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
n.
Sous le titre de Revue anglo- française, il paraît à Brighton une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Axgleterre ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice
à ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires. — L'abonnement, qui est de 10 fr. pour
la France, se prend à Paris chez M.V1. Sandoz et Fischbacher, libraires, 33, rue de Seine, ou à la librairie Grassart, 2,
rue de la Paix.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Acadèuie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent pjrvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au Con-
cours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel aux poètes.
La direction de l'Exposition Internationale des Industries maritimes et fluviales, avec section française des principaux
articles d'exportation, ouvre un concours pour la composition d'une pièce de poésie dont le sujet est la .yavigation. —
Le nombre des vers devra être de deux cents environ. Les pièces destinées à concourir devront être adressées au directeur
de l'Exposition, 21, boulevard Montmartre, à Paris, au plus tard le 15 mai 1875. — La pièce jugée digne de récompense
par un jury spécial dont on fera connaître la composition, sera lue publiquement, le jour de l'inauguration solennelle de
l'Exposition qui aura lieu le samedi 10 juillet 1875. — Chaque pièce, qui ne devra porter aucune signature, sera accom-
pagnée d'une enveloppe cachetée portant en inscription soit le titre de la pièce, soit une légende correspondante, et conte-
nant les noms et adresse de l'auteur. — Cette enveloppe ne sera ouverte que dans le cas où la pièce de vers aurait été
jugée di^ne de récompense. Celte récompense consistera en un diplôme d'honneur et une somme de 7niUe francs.
Le (luatorzième Concours poétique, ouvert à Bordeaux le 15 février, sera clos le l'^' juin 1875. — Dix médailles or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le prosramme, qui est adressé franco, à M. Evariste Carhance, président
du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — A/franchir.
Académie des Jeux floraux.
Cette Académie dispose, tous les ans, de six Fleurs comme prix de l'année, savoir: l'Amarante, la Violette, le
Souci, la Primevère, le Lys et l'Eglantine.
L'Amarante vaut 400 (r.; la Violette 250 ; le Souci 200; la Primevère 100; le Lys 60 ; l'Eglantine 450.
Le Programme est envoyé gratis et franco à toute personne qui en fait la demande par lettre affranchie au
Secrétaire perpétuel de l'Académie des Jeux floraux, à Toulouse.
Le rédactfur du Courrier de Vauge/as cA \isiiile à fon hurraii di' midi à une heure et demie.
Nopent-le-Rotrou, imprimerie de A. GOUVERNEUR.
6' Année
N» 2.
15 Mai 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1** et le 15 de chaque mois
{Dans sa séance du \1 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Abounement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PBOFKSSEUR SPÉCIAL POUR LES ETRANGERS
(lllirier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Ce journal annonce gratis, à sa dernière page, tous
les Concours littéraires en langue française dont on veut
bien lui adresser les programmes.
SOM.MAIRE.
Communications relatives à l'expression Querelle d'Allemand et
à une nouvelle manière de prononcer les L mouillées; —
Origine du mot Bock pour désigner un verre de bière; —
Pourquoi nous n'avons pas Pharmacologue ; — Orthographe
de l'expression Acte sous seing privé D Etyraologie du pronom
relatif /)on( ; — Origine de Donner une perruque à quelqu'un
i Passe-temps grammatical | Suite de la biographie de Lau-
rent Chifllet II Ouvrages de grammaire et de littérature ||
Familles parisiennes recevant des étrangers pour les per-
fectionner dans la conversation || Concours littéraires.
FRANCE
COM.MUNICATIONS.
L
Un lecteur qui n'a pas été satisfait de l'origine que
j'ai attribuée à Querelle d'Allemand, dans un des
numéros de la 5""= année, m'en propose une autre
dans la lettre suivante :
CourseuUes, 10 mars 1875.
Monsieur,
Usant de la permission que vous donnez à vos lecteurs
de vous signaler ce qu'ils croient être une erreur, je vous
indique une autre origine que celle mentionnée par vous
dans le numéro 11 de l'année 1874 du Courrier de Vauge-
las.
Vous donnez à Querelle d'Allemand une orthographe et
une origine que je crois erronées; vous ajoutez d'après
Littré qu'avant le xvi« siècle on n'en trouve pas trace.
Reportez-vous, je vous prie, à la Bibliothèque gauloise.
Livre des Proverbes par M. Leroux de Lincy, 1' édit. (1859),
tome II.
On y voit pages 1 et 2, une origine de cette locution,
ainsi qu'une façon d'orthographier que je crois être la
vraie, et qui remonte au xni' ou au xiv° siècle.
Que deux siècles plus tard, trompé par la similitude de
son, mettant en oubli l'illustre famille qui avait donné
naissance à la locution, et en présence du caractère de la
nation germaine, on ait écrit Allemand, je ne dis pas non ;
mais avec Oudin et Quicherat, je pense qu'il faut écrire
Alleman.
Voire respectueusement dévoué
S. C.
Un abonné fureteur.
La famille en question existait au .\ii° siècle, comme
le prouvent ces lignes, empruntées à l'Intermédiaire
II, col. 310) :
Les membres de la famille des Caletais n'étaient pas
seulement chefs d'une nombreuse tribu; ils étaient encore
unis entre eux. comme l'étaient vers la même époque
(xii" siècle), par exemple, les membres de l'horoïque et
puissante famille des Alleman.
Puissants et jaloux de leur puissance, les membres
de cette famille avaient déjà donné lieu en Dauphiné au
dicton Gare la qtieue des Alleman; on a voulu natu-
rellement leur rattacher, comme le fait mon contra-
dicteur, l'expression proverbiale Querelle d'Allemand.
Dans mon numéro 1 1 , j'ai fait naître celte expression
pendant la lutte entre François l" et Charles-Quint :
j'espère corroborer aujourd'hui cette opinion en répon-
dant à l'objection qui précède. Voici, en elïel, quelques
arguments auxquels l'origine qu'elle indique pourra,
je pense, assez difficilement résister :
{" .M. Littré, qui a lu toutes les principales œuvres
de notre vieille littérature pour y recueillir les citations
dont il a composé l'historique de son Dictionnaire, n'a
trouvé Querelle d'allemand <\n'd. partir du xvi» siècle.
Or, n'aurait-il pas dû le rencontrer dans les auteurs
des siècles précédents, si, comme le prétend la commu-
nication, l'origine de cette expression remontait au
xiii' ou au xiv°?
2° J'ai fait une citation, empruntée au Printemps
d' Yver, qui montre que Querelle d'Allemand s'em-
ployait concurremment avec Querelle d' Allemagne dans
la seconde moitié du xvi^ siècle. Or, dans le cas
oi'i l'expression Querelle d'Allemagne aurait précédé
l'autre (à celte époque elle parait jjIus fréquennnent
10
LE COURRIER DE YAUGELAS.
employée), il serait prouvé que Querelle d' Allemand
ne peut qu'être une allusion au peuple de ce nom : et,
dans le cas contraire, c'est-à-dire où Querelle d'Alle-
magne aurait suivi Querelle d'Allemand, cette trans-
formation impliquerait évidemment encore pour l'Alle-
mand du proverbe l'idée du peuple ainsi nomm.é.
3° Comme Oudin {Curiosifez franroixex, p. 462)
écrit Querelle d'Alleman, l'auteur de la comrnunication
y Toit une preuve en faveur de l'origine donnée par
Leroux de Lincy. Eh bien! je crois qu'il se trompe;
ce n'est pas là une preuve, et il va le compreudre.
Dans les premiers temps de notre langue, on écrivait
Aleman. nom de peuple, sans d final, comme le
montre cet exemple du \\\' siècle :
îi'il ne cremi les reis d'Engleis ne le Francur, Aleman
ne Tieis, ne dac n'empereûr.
(Thovuis te 3IarlyT, loo,)
Cette orthographe était encore suivie par quelques
auteurs au xvir' siècle, notamment par Cotgrave (IfiOO'i.
Or, parce qu'on trouve Querelle d'Alleman dans un
contemporain de Cotgrave (Autoine Oudin mourut en
<653j, peut-on logiquement en inférer, surtout si l'on
sait que Richelet a écrit Alleman pour désigner le
peuple d'Allemagne, que, dans l'expression qui nous
occupe. Allemand fasse plutôt allusion à une famille
ayant porté le nom d'Allejiian qu'au peuple allemand
lui-même?
Après ce que j'en avais dit une première fois, il
pouvait ne pas être inutile de revenir sur l'expression
proverbiale Querelle d'Allemand ; aussi, mes remer-
ciements à l'abonné qui a bien voulu provoquer de ma
part une plus ample explication à ce sujet.
n.
J'ai reçu trois lettres relativement à des questions
résolues dans le dernier numéro de la 3' année. Voici
la première en date :
Dimanche, 28 mars 1875.
Monsieur,
Je lis souvent avec plaisir vos consciencieux travaux
sur les particularités de notre grammaire et de notre
prononciation. Vous comprenez qu'il m'arrive quelquefois
de n'être pas tout-à-fait de votre avis; mais, ne trouvant
pas mon e.xplication plus satisfaisante que la vôtre, je me
fais scrupule de vous importuner. Touti?foi.«, je me risque
aujourd'hui à vous exposer un doute, et à vous soumettre
une objection.
Dans votre discussion avec M. Charles Deulin, vous
avez soutenu, et non à tort, selon moi, que de est dans
certaines phrases une particule supplétive :
11 y en avait de brunes.
Je ne sais rien rfeplus beau,
de équivaut à qui étaient, qui soit. Mais dans
Quarante hommes de tués,
11 n'y a pas de route pire,
il semble bien que de soit purement explétif; et, de fait,
dans les locutions de ce genre, il est souvent supprimé
sans inconvénient.
Je ne partage pas votre opinion sur les « phrases inter-
jetées »; « interrompit-elle », soupira-t-il », « s'exclama
celui-ci » me paraissent des locutions fort correctes et
bien employées.
Mais venons à une quostion assez délicate, et qui est le
véritable motif de ma lettre, à la question des /( mouillées.
Vous proposez la prononciation courante à Paris : ye.
Un Suisse réclame en faveur de : lie.
Je ne goûte ni l'un ni l'autre de ces moyens d'éluder
une petite difticulté vocale. Le vrai son est intermédiaire,
comme je vais essayer de le démontrer ; et je ne vois pas
encore dans une corruption d'origine toute parisienne, et
répandue par l'usage depuis peu d'années, une raison
suffisante de supprimer une des articulations caractéris-
tiques de notre idiome.
Vous citez l'italien pianta, piazzn, etc. qui prouvent bien
une tendance de 1"/ à se vocaliser; dans l'exemple italien
la vocalisation se fait en i ; ailleurs, en français, elle se
faisait souvent en o : chevaw-léger, chevaux =chevah;
autre^a/tre, etc. Mais le rapprochement ne me parait pas
justifié, et ne prouve rien pour ou contre les II mouillées.
L'espagnol cabatlero, llano.i, etc. vous fournirait un argu-
ment plus décisif 'ou plutôt à votre adversaire suisse); car
le son est bien lie, cavaliero, lianos.
Je pense toutefois, malgré les affinités qui unissent les
langues romanes, que l'affaiblissement espagnol lie ne
peut prévaloir contre le Ih provençal et le gl italien, qui
correspondent tout-à-fait à nos II mouillées, ou à notre //,
tel qu'il se présente encore dans orgueil, deuil, cercueil, et
tel qu'il se prononçait au xvu' siècle dans fusil, persil,
péril, etc.
L'articulation dont il s'agit est à la liquide l ce que le
son gn est à la nasale n.
Elle se produit en pressant légèrement du milieu de la
langue la région du palais qui avoisine les gencives, sans
toucher celles-ci.
De même gn se prononce en pressant encore le palais
avec la langue, mais un peu plus en arrière.
Figlia, migliore en italien ne sont ni filia, ni fitja, ni
miliore, ni miijnre.
Fille, meilleur ne sont pas davantage fiye, meiyeur, ou
filie, mèlieur: orgueil, deuil ne sont pas orgueiij, deuiy ou
deulie, orgueilie.
Le son mouillé, sorte de semi-voyelle où l prédomine,
peut se prolonger comme j, ch, v, /'. etc.. quoique moins
nettement. C'est, je le répète, un caractère particulier au
français, au provençal et à l'italifn.
L'usage, sans doute, pourra nous contraindre à le rem-
placer par ie, comme dans le dialecte parisien, ou par lie
comme en espagnol ; mais l'exemple de ceux qui parlent
bien peut nous conserver longtemps encore, ce que je
souhaite, cette nuance phonétique.
Pardonnez-moi, Monsieur et cher Confrère, cette menue
dissertation, et croyez à ma vive sympathie pour l'œuvre
que vous poursuivez avec un goût si judicieux.
, .\ndré LEFÈVRE,
21, rue Hautefeuille.
Aujourd'hui, mes remerciements à .M. André Lefèvre;
et, dans quinze jours, je l'espère, ma réponse.
X
Première Question.
Je profile de VovcaMon que j'ai de vous écrire pour
rous prier de me donner l'origine et l'/tisloire du mot
BOCK. Vous obligerez cotre abonne et tout dévoué
serviteur.
Si j'ai bonne souvenance, deux vocables sont à
votre disposition pour « commander >> dans un café
où vous entrez avec l'intention de prendre de la bière :
chope, et surtout, connue [dus moderne, bock.
Chope se comprend, c'est en quelque sorte l'ancêtre
de chopine; mais bock est un terme allemand qui veut
dire /)oi/c. et qui, parait-il, ne s'emploie jamais au-delà
du Rhin dans le sens de verre à boire. Que lui est-
LE COURRIERTDE VAUGELAS.
Il
il donc arrivé en France pour qu'il y ait pris celle
sii-'iiificalion?
Je crois pouvoir vous le dire, grâce à une note que
j'ai recueillie dans le Figaro du 19 octobre 1874, noie
conlcnaht une explication du mot en question, par
M. Charles Rozan.
On dit proverbialement en Allemagne Etre heurte,
poussé par le bouc, pour signifier avoir trop bu, être en
élat d'ivresse ; et, attendu que la bière nouvelle est
très-capiteuse, les Allemands ont naturellement appelé
bière de bouc, celle qui met son buveur dans l'état
prévu par ce proverbe. L'expression est adoptée dans
toute l'Allemagne, et la plupart des brasseries y ont
pour enseigne la tête du ruminant que la Grèce
païenne sacrifiait a Bacchus.
Or, dans la langue de nos voisins de l'est, langue où
le délerminanl précède toujours le délerminé, bière de
bouc se dit bock bier, et rerre de bière se dit glas bier,
sans qu'on mette aucune préposition entre gins et
bier, tandis que nous, nous mettons un de entre verre
et bière. Avant la guerre, nos compatriotes allaient
volontiers visiter l'Allemagne; ils y entendirent pro-
noncer boc/c bier, qu'ils retinrent, et qu'ils rapportèrent
chez eux comme souvenir de voyage. Mais, étant
peu familiarisés avec la syntaxe allemande, ils auront
cru pouvoir traduire bock bier par bock de bière, qu'ils
auront bientôt après réduit à t)ock. au sens de ferre,
comme piécedeniment ils avaient réduit c/iope de bière
à chope.
Telle est, à mon avis, l'origine de bock, une des plus
curieuses certainement que puisse offrir la langue
française.
X
Seconde Queslion.
Du mot ARCHÉOLOGIE, 0)1 (i fait abchéologue, et ces
mots se trouvent dans tous les dictionnaires; pourquoi
de puAiiMAcOLOGiE .)/. Littré n'u-t-il pas fait ruAUiiAco-
LOGCE, car ce mol n'est pas dans le sien?
C'est pour une raison très-simple, que quelques
mots suffiront à vous expliquer.
Toutes les fois' qu'une partie des sciences n'est pas
enseignée exclusivement par quelqu'un, on ne crée pas
de nom pour désigner celui qui l'enseigne, un tel mot
n'étant pas nécessaire. Ainsi, il n'y a pas de désignation
spéciale pour ceux qui enseignent la théodicée, l'ortho-
graphe, l'acoustique et la planimétrie, parce qu'elles
sont traitées par les professeurs de philosophie, de
grammaire, de physique, de mathématiques.
Or, la pharmacologie est justement dans le même
cas; partie du cours de Matière médicale {ayant pour
objet de faire connaître les médicaments el d'en indiquer
l'emploi), elle est enseignée par le professeur chargé
de ce cours.
D'où il suit que le nom de pharmacoloyue n'existe
pas, et ne peut, par conséquent, figurer dans aucun
dictionnaire de la langue actuelle.
Que, par suite du progrès, la pharmacologie devienne
une partie assez étendue pour faire en quelque sorle
une spécialité dans l'enseignement de l'art de guérir,
et l'on dira pharmacoloyue, comme on dit astrolo'/tie,
pédagogue, assyriologue, etc.; mais jusque-là, crojez-
le bien, ce mot ne sera pas mis en usage.
Troisii'me Queslion.
J'ai une double question à vous faire relativement à
l'expression acte sous seimg trivé. 1° Faut-il mettre un
trait d'union entre seix et piiivÉ; 2° Faut-il écrire
SEIN et PKivÉ au singulier ou au pluriel?
Dans cette expression, sous a le sens de qui porte ;
et, de même que, par exemple, sans mettre le trait
d'union, on dit d'un navire qu'il navigue sous pavillon
français, de même on doit écrire, sans employer ce
signe, un acte sous seing privé, portant une signature
privée. Cette orthographe est celle qu'on trouve dans
les traités de législation :
Un acte sous seing privé devient-il authentique par le
dépôt qui en est fait dans l'étude d'un notaire?
(Rolland de Villargues, Hep. du Not., vol. I, p. (83.)
Celui auquel on oppose un acte sous seing privé est
obligé d'avouer ou dedésavouerformellement son écriture
ou sa signature.
[Code civil, art. l3l3.)
Dans la supposition où l'acte notarié rédigé en langue
étrangère devrait être considéré comme nul en tant
qu'acte authentique, il faudrait, au moins, lui reconnaître
la force d'un écrit sous seing privé, si toutefois il se trouvait
signé de toutes les parties contractantes.
(Dalloz, Rêpsrt. de Jurisp., vol. 2, p. 3?o.J
On ne peut mettre le trait d'union à cette expres-
sion que dans le cas où le substantif acte est sous-
entendu; alors, on écril sous-seing-privé ian pluriel des
so2ts-seings-privés' , substanlif composé, abrégé souvent
en sous-seing, et fait comme boute-tout-cuire, risque-
tout, etc., c'est-à-dire formé des mots servant de déter-
minatif au substantif qu'on ellipse : un homme qui
boule i|ineli tout cuire, quelqu'un qui risque tout.
Maintenant, faut-il écrire au singulier on au pluriel
les mots seing et pri'-é quand ces mots ne forment pas
un substantif composé'?
Le Code civil les présente toujours au singulier,
même avec acte ou écrit mis au pluriel :
13-25. Les actes sous seing privé qui contiennent des
conventions synallagmaliques ne sont valables qu'autant
qu'ils sont faits en autant d'originaux qu'il y a de parties
ayant un intérêt distinct.
13'28. Les actes sous seing privé n'ont de date contre les
tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la
mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits.
Il en est ainsi dans Dalloz, lors même qu'il est
évident que l'acte est signé de plusieurs personnes :
De là il suit que les actes sous seing privé pourraient être
rédigés autrement que dans la langue frani.aise.
(Vol. 1, p. 38o.)
On a trouvé dans les rouleaux du Parlement un acte
sous seing privé de l'an 1448, signé du comte Faucomberge
et autres.
(Vol. 40, p. 344,)
A une phrase près (qui se trouve vol. I, p. (8.5i, j'ai
12
LE COURRIER DE VAUGELAS.
constamment rencontré la même orthographe dans
Rolland de Viilargues :
Remarquez, au surplus, que nous exigeons que le dépôt
de l'acte sous seing privé soit fait par toutes les parties qui
y ont figuré.
(Vol. I, p. 184.)
Ces actes, s'ils étaient d'abord rédigés soiis seing privé,
'leviendraient-ils authentiques par le dépôt qui en serait
fait par les parties en l'étude d'un notaire?
(Vol. I, p. 186.)
Or, des exemples qui précèdent, je conclus que les
mots en question doivent toujours s'écrire au singulier
dans acte sous seing priré.
. Du reste, si peu logique que cette orthographe puisse
paraître au premier abord, elle est loin d'être injus-
tifiable, tant s'en faut.
En effet, le mot seing est synonyme de signature^ et
ce dernier, qui désigne pour ainsi dire la partie de
l'acte où l'on signe, s'emploie généralement au sin-
gulier, quel que soit le nombre des signataires, comme
en voici une preuve trouvée dans Dalloz, cité plus
haut :
L'acte privé est celui qui est fait sans l'intervention
d'aucun officier public, sous la seule signature des parties,
et n'a pour cela même aucun caractère public.
ETRANGER
Première Qiieslion.
D'après notre « biographie » du numéro 19, p. 150
(5° année), Yaugelas foulait que l'on dît : « le lieu
d'où je viens, » et non « do.nt je viens » quoique réelle-
ment DOiM vienne de xîadè « . Mais dont est un pronom
relatif; comment peut-il venir de u.ndè, qui est un
adverbe ?
Quelque singulier que cela puisse vous paraître, ce
n'en est pas moins un fait, et un fait dont on peut
facilement rendre compte.
L'adverbe latin undè, d'où, devint d'abord unt, ont,
ond en langue d'oïl, comme il était devenu en italien et
en portugais onde, en valaque unde, en espagnol ond,
et en langue d'oc ont :
En l'abbéie ot un porter;
Ovrir s'ileit 1 us del muster,
Defors par mit lagent veneient.
(Marie de France, t. I. p. i5o.}
Vous saves bien che retenu
Aves longtems nostre treu;
Orul, se sour vous avons coru,
Droit ocheison e reison fu.
(Cité par Chevalitt, III, p. i68.)
Plus lard, on joignit la préposition de à unt, ont,
ond, ce qui forma d'uni, d'ond, d'ont, ou bien, en un
seul mot, dunt, dond, dont, adverbe qui fut usité
jusque vers le xvii" siècle, dans le sensdef/'o«, comme
le montrent ces exemples :
Dont venez vous si seule parmi ce gaut feuillu.
{Berie, LI.)
David reparlad al bachelier ki la nuvele portad, si
enquist dunl il fust.
(Livre des Pois, p. lai.)
Et n'has-tu pas ton franc arbitre
Pour sortir tiond tu es entré?
<M.irot, I, 204. >
Le mont Aventin
Dont il l'aurait vu faire une horrible descente.
(Corneille, Nie. V, 2.)
Rentre dans le néant dont je t'ai fait sortir.
(Racine, BaJ,, If, 1.)
Mais undé avait un autre emploi en latin; il se disait
pour de qui, duquel, desquels, par lequel, avec qui, au
moyen de qiioi, ce dont voici des preuves empruntées
à Ouicherat :
l'nde te audisse dicis (Cic.) — (Celui de qui tu prétends
le tenir).
E prœdonibus, unde emerat (Ter.) — (D'après les pirates
de qui il l'avait acbeté).
nereditas, uide ne nummum quidem attigisset (Cic.) —
(Héritage dont il n'aurait pas touché un sou).
£//irfe jus stabat, ei victoriam dédit (Liv.) — [K celui du
côté de qui était la justice, il a donné la victoire.)
Ingenium, «ddelongùm absum (Cic.) — (Le talent dont je
suis loin.)
Il en est résulté que l'adverbe composé français dont,
équivalent du latin twîdè,, s'employa également dans le
sens de de qui, duquel, par lesquels, etc., et cela, aussi
bien pour les personnes que pour les choses, comme le
montrent d'ailleurs ces exemples remontant à l'origine
de la langue :
Le blanc haubert dunt la maille est menue.
(CA. de Roland, Cil.) ,
E mi desconfort greignor
Dont']& morrai sans retor.
{Couci, I,)
Il fait creuser souz terre à pic et à martel
A ses engigneors, dont out pris maint chaste!.
(C/i. des Saxi'iis, IX.)
Ainz chai morz de mort soubite,
Dont Diex nos gart par la mérite
De sa très douce sade Mère.
(Barbazan, I, p. 292.)
Or, l'emploi de dont pour d'oii, autrefois si fort en
usage, comme je le faisais remarquer tout à l'heure,
finit par se perdre complètement, surtout quand Vauge-
las se fut déclaré contre lui, et il ne nous est plus resté
que dont s'employant pour duquel, de laquelle, des-
quels, desquelles, et rangé, à raison de cet emploi, dans
la classe des pronoms relatifs.
X
Seconde Qiieslioti
Dites-moi, s'il vous plaît, d'oii vient l'expression
DONNER u.NE rERRCQDE A QCEL(}u'u.\. Je ne puis trouver
la relation qu'il peut y avoir entre le sens propre de
cette expression et le sens figuré : réprimander forte-
ment, faire de vifs reproches, infliger une punition.
Quitard explique ainsi qu'il suit ce proverbe :
Cette façon de parler triviale a pris naissance dans
quelque couvent de bénédictins ou d'autres moines que
leur règle obligeait d'avoir la tête rasée, comme Serfs de
Dieu. Lorsijue ces religieux renvoyaient un novice, reconnu
indigne d'être admis à faire profession, ils lui mettaient
une perriu|ue en remplacement do ses cheveux qui avaient
été rasés, afin ((u'il pût reparaître dans le monde sans
scandale; et les admoniteurs, prenant occasion de cela,
disaient ordinairement aux autres novices ; Prenez garde
de vous faire donner une perruque, dis recevoir une perruque;
d'où vient l'emploi de ce mot dans le sens figuré de
réprimande et de correction.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
f3
Mais, malgré mon rcspecl pour la science du savant
belge, je n'admets pas volontiers cette explication, car
il me semble que si elle était vraie,
•l." Le sens figuré ne venant qu'après le sens propre,
on aurait dû [vQ[i\ev donner jme perruque à qtielqu'un
avec ce dernier sensdans queiqueauteur plus ou moins
ancien, tandisqu'à ma connaissance, on ne l'a rencontré
dans aucun ;
2° L'expression dont il s'agit, passant au figuré, aurait
dû bien plutôt signifier exclure quelqu'un d'une société
pour une cause d'indignité quelconque que lui faire une
réprimande, lui administrer une correction.
PASSE-TE.MPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
i'...- devoir à remplir que rf'adjurer le maréchal (Voir
Courrier de Vuugelas, S» année, p. 7i); — 2o... leur nom a dû
se composer d'autres (et non de d'autres); — 3"" Dans de petits
livres de complabililé ; — 4"... comme un coup de poing et le
nez sur lequel on l'applique ; — 5» . . . et vouloir se faire moquer
(Voir Courrier de Vaiigelas, 4' année, p. 130); — 6° Le dan-
dysme (puisque le mot simple est dandy); — l"... est-il pos-
sible désormais de faire plus qu'on n'a fait; — 8°... le temps
qu'exige (pourquoi l'adjectif matériel?); — 9o... jusqu'au sexe
enchanteur créé afin de faire (Voir Courrier de Vaugelas, 2' an-
née, p. 139); — lO°... discréditée, voire mise en péril (Voir
Courrier de Vaugelas, 'i' année, p. 185); — 11»... des plus
belles et des plus délicates peintures ; — 12°. . . dit en insistant
le vieux garçon (Voir Courrier de Vaugelas, 5' année, p. 51).
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1° Miguel ne laissa pas que de faire sonner adroitement
à leurs oreilles quelques-unes de ses grosses dépenses.
2° Inutiles et délaissés par leur faute, ils reportent alors
sur eux-mêmes l'affection que les autres leur refusent, et
s'en prennent au genre humain de l'isolement qu'ils se
sont volontairement imposé.
3* Voulant te remercier, dit-il, des plaisirs que tu nous
as causés ce soir, comme de la protection dont tes ancêtres
et toi ont toujours entouré notre tribu, nous avons songé
que le meilleur moyen de te plaire...
4" L'ascension du Zénith, la plus longue, en durée, de
toutes celles qui aient été faites jusqu'à ce jour, avait
essentiellement pour but la détermination de la quantité
d'acide carboniciue et d'électricité contenus dans les hautes
régions de l'atmosphère.
5" On a remarqué avec étonnement que le renvoi de la
classe de 1870, qui avait déjà commencé, a été arrêté tout-
â-coup.
6° Je sais des tableaux pour lesquels ce tour a été joué
cinq ou six fois. Ils finissent ijres([ue toujours par être
vendus plus chers qu'ils ne valent.
7° Que de gros mots! mais, comme ils révèlent bien un
protond dépit de ce que nous ne soyions pas encore, nous
aussi, lancés dans les aventures désagréables avec les-
quelles le nouvel empire est aux prises!
8° Les officiers coupables de s'être laissés surprendre
ont été immédiatement déférés à un conseil de guerre qui
les jugera souverainement.
9* Le temps, le seul don qui soit distribué également
à chaque mortel, est, excepté l'àme, la perte qui soit
irréparable.
10° Un homme, aussi dur que soit son cœur, peut rare-
ment résister aux rayons d'affection qui le réchauffent.
Il" On doit aviser que les récompenses aient toujours
un cûté utile.
\ï° L'abomination et la désolation ne sont-elles pas à
leur comble? Tout est perdu. U no reste plus aux honnêtes
gens qu'a se charger la tète d'un sac de cendre.s et à
attendre la mort.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII" SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
[Suite.)
Parlant d'une maladie, d'une blessure, ou encore
d'une « qualité » intérieure de quelque partie du corps,
on se sert de l'article défini au lieu de « pronom » ;
on dit : la teste me fait mal, et non, comme disent les
Allemands, mn teste me fait mal; j'uy mal aux yeux, et
non faij mal à mes yeux. .Mais pour les habits et
les ornements extérieurs, on peut se servir de cette
espèce de mots, et dire : ilporte à sa teste ou à la teste
une cotironne de laurier.
Il y a des verbes qui « tirent » après eux des noms
sans articles, dans certaines façons de parler, comme
avoir froid, prendre congé, courre fortune, etc. Il faut
les apprendre par l'usage, attendu que le nombre en est
considérable.
Voici encore une règle d'une grande importance.
Uuand l'adjectif est mis devant le substantif au pluriel,
on se sert de l'article de; ainsi, par exemple, on dira :
il y a de curieuses remarques dans ce livre. .Mais si le
substantif « alloit devant « il faudrait des, comme dans
des remarques curieuses, des soldats raillants. Cette
règle doit être soigneusement observée, car c'est une
faute de parler autrement.
Il n'y a qu'une exception, c'est quand on parle d'une
partie de quelque tout; par exemple, vous avez beau-
coup de perles; rendez-moy des plus grosses et des plm
rondes, ou bien encore : vendez-moij des grosses et des
rondes.
Les expressions il n'a pas le sol, il n'a pas la maille,
signifient il n'a pas un sou, une maille. Mais il ne faut
s'en servir que dans ces phrases-là, qui sont en quelque
sorte proverbiales, car on ne pourrait dire : il n'a pas
le lésion, il n'a pas le liart.
Quelquefois on met l'article devant un irtfinitif,
comme devant un nom : // enpert le boire et le manger
(1659).
L''< article « de se met également devant l'infinitif, an
commencement de la iiériodc, quand il est suivi d'un
verbe qui le prendrait après lui s'il était autrement
construit; par exemple, de croire que je m'accorderay
à vos intentions, c'est ce que je ne feray jamais.
u
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Devant un nom singulier, ioiit, sans article, se met
pour tom les avec le même nom au pluriel : tout
homme est créé pour le ciel signifie tous les hommes
sont créés, etc.
rORîUTIOJi DES NOMS PLURIELS.
La règle générale qui consiste à ajouter une s au
singulier a des exceptions que Chifflet fait connaître,
et où je remarque ce qui suit :
Parmi les noms en al, on trouve bocal qui fait au
pluriel les bocals ; et parmi ceux en ail. on trouve
destail comme n'ayant pas de pluriel.
Les noms singuliers en e forment leur pluriel en
ez; comme la vérité, \e&véritez; il est aymé, ils sont
aymez.
Voici des pluriels qui ont des irrégularités dans leur
formation : on dit le ciel, les deux, mais des ciels de
lit, des arc-en-ciels ; le pluriel de la loy est les loix;
on dit Vail et les yeux; le chevreuil, les chevreux; le
genoiiil, les genoux; le verroUil, les verroux; on dit
un pseaume penitenciel, et les psrawwes pénitent taux ;
un universel de logique, et les cinq universaux.
Les noms numéraux ne changent pas au pluriel, on
dit deux mille Sommes et non deux milles hommes.
Mais il y a une exception pour vingt et cent placés
devant les substantifs : on dit quatre vingts hommes,
deitx cents hommes, qui se prononcent quatre vin-
zhommes, deux cen-zhommes.
DES NOMS NUMÉRAUX.
On ne dit pas septante, huilante, nonante, sinon en
termes d'arithmétique, et Chifllet recommande de dire
six vingts plutôt que cent et vingt, et aussi onze cents
hommes, douze cents hommes plutôt que mille cent
hommes, mille deux cents hommes.
Quelques remarques sur les nombres cardinaux :
La conjonction et ne se met jamais que devant
l'unité, comme dans vingt et un, trente et un, etc.;
devant les autres noms de nombre, on ne la met pas :
vingt-deux, vingt-trois, etc.
Après cent, on n'emploie jamais cette conjonction :
cent un, cent deux, etc.
Quand on « dit quelque nombre avec doute », on
parle ainsi : un ou deux, deux ou trois, etc. jusqu'à
(Zîx; après on dit : dix ou douze, douze ou quinze,
quinze ou vingt, vingt ou trente, etc., soixante ou
quatre-vingts, quatre-vingts ou cent, etc.
Eu parlant du teniiis, on dit ditns huit Jours, et non
dans une semaine; dans quinze jours, et non dans
quatorze jours, ni dans deux semaines. On dit trois
MOIS, et non un quart d'an.
Au lieu de deux, on dit quelquefois une couple,
comme une couple d'ceufs ; mais quand on parle de
deux choses artilicielles qui vont ensemble, on dit une
paire : une paire de cis'aux, une paire d'habits, c'est-à-
dire le pourpoint et le haut-de-chausses.
Lorsqu'on parle de « l'an courant » du siècle, on ne se
seil que des nombres cardinaux, comme l'an initie six
cents cinquante huit, et non pas cinquante huitième.
En parlant des feuillets ou des pages d'un livre, on
se sert plus communément des nombres cardinaux :
vous trouverez ce passage en la page soixante-deux.
-Mais il ne faut pas dire, quand on cite les auteurs,
livre cinq, chapitre quatre; il faut se servir des nombres
ordinaux, livre cinquième, chapitre quatrième (IC59).
De même, il faut dire l'empereur Ferdinand troi-
sième, et non pas Ferdinand trois.
En parlant des choses qu'on a coutume de couper en
pièces, on emploie quartier, comme dans un quartier
de veau, un quartier de pain. Ce mot s'emploie aussi
en parlant des phases de la lune.
Quand on dit // voyageait luy sixième, luy septième.
cela signifie, accompagné de cinq, de six autres.
Les substantif^ collectifs sont : une huitaine, une neuf-
vaine, dixaine, douzaine, quinzaine, vingtaine, etc ,
jusqu'à centaine. Les autres ne sont pas usités.
Au lieu de la centaine, on dit quelquefois le cent,
comme dans : combien vendez-vous le cent d'épingles ?
FORMATION DU FÉMININ DANS LES ADJECTIFS.
On ajoute généralement un e pour former ie féminin
des adjectifs; mais il y a des exceptions, parmi les-
quelles je remarque que crud, mtd, verd font crue,
nuë. Inerte; que coulis fait coulisse; que ceux qui sont
terminés en t doublent cette lettre : plat, net, sot
font platte, nette, sotte; que rustaut et sourdaut font
rustaude et sourdaude.
FORMATION DES SUBSTANTIFS FE'mININS.
Dans l'usage de notre langue, il y a beaucoup de
substantifs masculins qui n'ont point de féminin :
possesseur, successeur, etc.
Lévrier fait au féminin levrette; nourrissier fait
nourrice, et yvrogne fait yvresse.
FORMATION DES DIMINUTIFS.
Il y a beaucoup de noms dont ne ne peut former
des diminutifs, parce que l'usage ne le souffre pas;
soldat et galund sont de ce nombre : on ne dit ni
soldatet ni galandet. mais bien petit soldat, petit
galand.
Aigre a pour diminutif uigret ; le substantif /(owiwe
en a deux : hommet et hommelet; l'adjectif minard
fait mignardelet.
Les diminutifs des noms propres ont été inventés
fort diversement par la mignardise des pères et des
mères envers leurs enfants : de Pierre on a fait Pier-
richon. de .feanne on a fait Janneton.
Parmi ceux des noms communs, en voici qui sont
remarquables : avocasseau, petit avocat; bergeronnette.
petite bergère; bouvillon, petit bœuf; chamhrillon.
petite chambrière; chichon, petit chien; cavalot, petit
cheval ; follion. follichon, petit fou ; levron. petit lièvre;
moinichon. petit moine; oursat. petit ours.
11 y a des diminutifs qui n'ont aucune ressemblance
avec les substantifs dont ils diminuent la signification;
tels sont : bidet, petit cheval ; marcassin, petit san-
glier; cochon, petit pourceau; poussin, ]eiine coq.
(La suite au prochain numéro.)
Le Ri;nAC.TEUH-GKRA>T : Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
13
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
André-Marie Ampère et Jean- Jacques Ampère.
Correspondance et souvenirs (de 1805 à I86Z1). recueillis
par M""" H. C. 2 vol. in-18 Jésus. 977 p. Paris, lib.
Hetzel et Cie. 7 fr.
Fromont jeune et Isler aîné, mœurs parisiennes;
par Alphonse Daudet. 5'^ édition. In-18 jésus. 392 p.
Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50 cent.
Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans
la seconde moitié du XIX' siècle; par Maxime
Du Camp. 2' édition T. 6. In-8°. 586 p. Paris, lib. Hachette
et Cie. 7 fr. 50 cent.
Graziella; par A. de Lamartine. Nouvelle édition.
publiée par les soins de la Société propriétaire des
œuvres de M. de Lamartine. In-i8 jésus, 18i p. Paris,
lib. Hachette et Cie. 1 fr. 25 cent.
Les Marguerites de la marguerite des princesses.
Texte de l'édition de 15i7. publié avec introduction,
notes et glossaire par Féli.x Frank, et accompagné de la
reproduction des gravures sur bois de l'original et d'un
portrait de Marguerite de Navarre. T. 2 et 3. ln-16, 517 p.
Paris, lib. des Bibliophiles.
Mémoires secrets du XIX"^ siècle ; par le vicomte
Beaumont-Vassy. 5"^ édition. In-12. vh-378 p. Paris, lib.
Sartorius.
LesFrèresde la Côte; par Emmanuel Gonzalès. ln-i°
à 2 col. 160 p. Paris, lib. des Célébrités contemporaines.
Jeanne la Folie; par Clémence Robart. Nouvelle
édition, ln-18 jésus, 279 p. Paris, lib. Michel Lévy frères.
1 fr. 25 cent.
Le Damné; par Camille Bodin. Nouvelle édition. Gr.
in-18. 288 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 1 fr. 25 cent.
Œuvres complètes de Diderot, revues sur les éditions
originales, comprenant ce qui a été publié à diverses
époques et les manuscrits inédits conservés à la biblio-
thèque de l'Ermitage. Notices, notes, table analytique.
Etude sur Diderot et le mouvement philosophique au
xviii'! siècle, par J. Assézat. T. I. Philosophie. I. In-8%
r,xviti-i92 p. Paris, lib. Garnier frères. 6 fr.
Le Credo du jardinier; par Alphonse Karr. In-18
jésus. 313 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 3 fr. 50 cent.
Paris anecdotique. Les industries inconnues. La
Childebert. Les Oiseaux de nuit. La Villa des Chiffonniers.
Voyage de découverte du boulevard de la CourtiUe par
le fauboura du Temple. Paris inconnu; par Alex. Privât
d'Anglemont. In-16. 363 p. Paris, lib. Delahays.
Les Baigneuses de Trouville, suite des Mystères
mondains; par .\dolphe Belot. i« édition. In-18 Jésus,
390 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Les Aventures de Piaymond Rocheray; par Ernest
Daudet. 1. Amours de jeunesse. I'. Le Cœur et TÉpée.
2<^ édition. In-18 jésus, 710 p. Paris, lib. Dentu. Les
2 vol. 6 francs.
Les Amours du temps passé ; par Charles Monselet.
ln-18 jésus. 316 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 3 fr. 50.
Le Mariage de Gérard, suivi de : Une Ondine ; par
André Theuriet. In-lS jésus, 362 p. Paris, lib. Charpentier
et Cie. 3 fr. 50 cent.
Voyage en Orient; par Gérard de Nerval. 8^ édition,
revue, corrigée et augmentée d'uje préface nouvelle
par Théophile Gautier. 2 vol. in-18 jésus, xxxv-779 p.
Paris, lib. Charpentier et Cie. 7 fr.
Œuvres de Vadé; précédées d'une notice sur la vie
et les œuvres de Vadé. par Julien Lemer. ln-18 jésus,
426 p. Paris, lib. Garnier frères.
Publications antérieures :
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du;. — 11 ne
reste plus que la 1'. la h" et la 5« année, en vente au
bureau du Courrier de Vungelas, 26, boulevard des
Italiens. — Prix : 6 fr. par année. — Envoi franco pour
la France. — La i'^ et la 3= année seront prochainement
réimprimées.
LA CHUTE D'UN ANGE, épisode; par A de Lamartine.—
Nouvelle édition. — Paris, Hachette, et Cie, Paynerre-
Fu]rne et Cie, éditeurs.
SAINT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallon.
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hachette et Cie. 79, boulevard Saint-Germain.
NUITS D'AUTOMNE; par Ev.\RiSTECAnnANCE. — Deuxième
édition. — Prix: 5 francs — Paris, Alphonse Lemerre.
éditeur, 27-29, passage Choiseul.
LE DICTIONNAIRE EX EXERCICE.S, étude pratique des
mots de la langue française faisant connaître 1° les racines
françaises ou les radicaux; 2° les préfixes et les suffi.ves;
3° la valeur primitive et actuelle des dérivés français ;
!i° l'emploi des mots ; 5° l'orthographe d'usage. — Par
L. Grimblot. — Partie du maître et partie de l'élève. —
Paris, Aiig. Boyer et Cie, libraires-éditeurs, Zi9, rue St-
André-des Arts.
LES AMOURS DE PETITE VILLE; CHARDONNETTE ; —
Par Chaules Deulln. — Troisième édition. — Paris,
E. Dentu, éditeur, libraire de la Société des Gens de
lettres, Palais-Roval, 17-18. Galerie d'Orléans.
RECITS ESPAGNOLS; par Charles Gueullette — Un beau
volume in-18 de 316 pages — En vente chez Dentu et
dans toutes les gares. — Prix : 3 francs.
LE PANTHÉON DE LA FABLE, choix des meilleurs
K.
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apologues empruntés aux fabulistes de tous les temps et
de tous les pays, avec des notices biographiques, des
études historiques et littéraires, etc. — Par J.-Alex.
Abrant, professeur de langues et de littérature. — Paris,
Aug. Boyer et Cie, libraires-éditeurs, à9, rue St-André-
des-Arts.
LA MORALE UNIVERSELLE, un beau volume in-8",
papier cavalier, de 476 pages. — Par A. Eschenauer —
Ouvrage couronné par l'Académie française — Chez
Sandoz et Fischbaclier, 33, rue de Seine.
MORCEAU.X CHOISIS DES GRANDS ÉCRIVAINS DU XVI'=
SIÈCLE, accompagnés d'une grammaire et d'un diction-
naire de la langue du xvr siècle. — Par Auguste Brachet,
ancien e.xaminateur et professeur à l'École polytech-
nique, lauréat de l'Académie française et de l'Académie
des Inscriptions, membre de la Société de linguistique.
— Deuxième édition revue. — Paris, librairie Hachette
et Cie, 79, Boulevard Saint-Germain.
PRÉCIS CLASSIQUE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE
AU XVIIP ET AU XIX"- SIÈCLE. — Ouvrage servant de
complément aux Quatre siècles littéraires. — Par Tu.
Lepetit, professeur à Paris. — Paris, Aug. Boyer et Cie,
libraires-éditeurs, Zi9, rue Saint-André-des-Arts.
PETIT DICTIONNAini' NATIONAL, à l'usage de la jeu-
nesse et de tous ceux qui ont besoin de renseignements
prompts et précis sur la langue française. — Par Besche-
RELLE AÎNÉ. — Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs,
6, rue des Saints-Pères, et Palais-Royal^ 215.
ORIGINES DE QUELQUES COUTUMES ANCIENNES ET
DE PLUSIEURS FAÇONS DE PARLER TRIVIALES. —
Par MoiSANT de Brieux, fondateur de l'Académie de Caen.
— Avec une introduction biographique et littéraire par
M. E. DE BEAURErAiRE. — Un commentaire et une table ana-
lytique par M. Georges Garmer, et un portrait de l'auteur
gravé par M. L. de .Merval. — Caen, Le Gost-Clérisse,
libraire-éditeur, place du Palais- de-Justice.
NOUVELLE GRAMMAIRE FRANÇAISE fondée sur l'his-
toire DE LA LANGUE, à l'usage des établissements d'instruc-
tion secondaire. — Par Auguste Brachet, professeur à l'Ecole
polytechnique. — In-12, xix-2i8 p. — Paris, lib. Hachette
et Cie, 97, boulevard Saint-Germain. — Prix : 1 fr. 50.
L'ÉTUDE DES LANGUES RAMENÉE A SES VÉRITABLES
PRINCIPES ou l'art de penser dans une langue étrangère.
— Par C. Marcel, ancien consul. Chevalier de la Légion
d'honneur. — Paris, Aug. Boyer et Cie, libraires-éditeurs,
49, rue Saint-André-des-Arts.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
A Passy (prés du Ranelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner daus la langue française et achever
leur éducation.
Rue de Turin (près de la gare Saint-Lazare). —
Une ancienne maîtresse de pension reçoit dans sa famille
deux jeunes étrangères pour les perfectionner dans la
langue française. — Leçons de musique.
Près de la gare Saint'Lazare (vue sur la voie). —
Un homme de lettres recevrait comme pensionnaire un
étranger qui voudrait profiter de son séjour à Paris pour
se perfectionner sérieusement dans la. pratique de la
langue française.
Avenue de l'Impératrice. — Un ancien préfet du
coUégî RoUin prend en pension quelques jeunes étrangers
pour les perfectionner sérieusement dans l'étude de la langue
française.
(Les adresses sont indiquées à la rédaction du Journal.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Appel aux Prosateurs.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de soti œuOre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Appel aux poètes.
Le quatorzième Concours poétique, ouvert à Bordeaux le 15 février, sera clos le 1"'' juin 1875. — Dix médailles or,
argent et bronze, seront décernées.— Demander le programme, qui est adressé franco, à M. Evariste Carrance, président
du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
Académie des Jeux floraux.
Cette Académie dispose, tous les ans, de six Fleurs comme prix de l'année, savoir : PAmarante, la Violette, le
Souci, la l'rimevére, le Lys et l'Eglantine.
L'Amarante vaut AOO fr.; la Violette 250 ; le Souci 200; la Primevère 100; le Lys 60; l'Eglantine 450.
Le Programme est envoyé gratis et franco à toute personne qui en fait la demande, par lettre affranchie, au
Secrétaire perpétuel de l'.\cadémic des ./eux floraux, à Toulouse. ^_^_^^_^^^^_^__^___^_^_^.^_^^.^^
Le rédacteur du V.nurrirr de Vtiugelns est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
~ Imprimerie GOnVliRNEUH, G. U.'\Uri;LEV, a NogeiU-le-Hotrou.
G'^ Année
No 3.
1" Juin 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraiasant le 1" et le 15 de chaque mois
{Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'.\caJémie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s' adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
SO.M.MAIRE.
Réponse è une communication du numéro précédent; — S'il
faut mettre l'article devant Balignolles, et d'où vient ce mol?
— L'expression C'est un iéro en chiffre, est-elle bonne? — Ori-
gine et signification de A la Irôle : — Emploi de Médiéval pour
désigner le moyen-àge; — Assyriologie et Assyriologue sont
français J Réplique de M. Dufour-Vernes et répanse ; — Si
Devant peut s'employer pour Avant: — Passe-temps gram-
matical ; Suite de la biographie Ae Laurent Chifjlel \\ Ouvrages
de grammaireet de littérature 11 Renseignements aux professeurs
français qui désirent aller à l'étranger || Concours littéraires.
FRANCE
Réponse à M. André Lefèvre.
La lettré que M. André Lefèvre a bien voulu m'écrire
louche à trois points : le premier concerne de dans
certains cas; le second, la conslniclion des verbes
interjetés ; le troisième . la prononciation des II
mouillées. Elle me donne raison sur le premier, ne
partage pas entièrement mon avis sur le second, et
diffère complètement avec moi sur le troisième.
Comme je ne pourrais que me répéter en reprenant
la question des verbes interjetés, je ne parlerai ici que
de la prononciation des // mouillées, qui est « le véritable
motif » de la communication de .M. André Lefèvre.
Jusqu'à présent, les discussions soutenues dans le
Covrrier de Vaurjelas relativement aux // mouillées
n'avaient eu pour objet que de décider si l'on devait
les prononcer ie ou lie. Mais ce n'est ni l'un ni l'autre,
d'après M. André Lefèvre: le « vrai son est intermé-
diaire », c'est celui de Ih provençal et (\egl italien.
Pour combattre cette opinion, que je crois erronée,
je vais simuler entre mon adversaire et moi un dialogue
ot'i, avec sa permission, je prendrai l'initiative.
— Dans un groupe de langues de même famille, qui
s'écrivent avec les mêmes caractères, pensez-vous
qu'il puisse y avoir quelque divergence relativement à
la prononciation de certaines lellres'!"
— Assurément.
— Comment prouveriez-vous qu'une telle divergence
peut exister?
— Par une comparaison. Je suppose qu'une grande
nation dont la législation est uniforme se fractionne
un jour en plusieurs parties qui deviennent autant
d'autres nations. Il pourra fort bien arriver, après un
laps de temps plus ou moins long , que diverses modi-
fications s'introduisent dans le code de chacune d'elles.
Or, y a-t-il quelqu'un qui puisse prétendre que l'une
de ces nations aurait tort d'admettre l'une des modifi-
cations en question, parce que ses sœurs ne l'auraient
pas admise"? Certainement non, attendu que toute nation
a le droit incontestable de faire des lois à sa guise et à
sa convenance. Eh bien ! il en est de même pour les
langues de commune origine : les affinités qu'elles ont
entre elles n'empêchent pas qu'elles ne soient com-
plètement indépendantes les unes des autres, et chacun
des peuples qui les parlent est maitre de prononcer
comme bon lui semble les caractères servant à les
écrire.
— Ainsi, vous admettez, par exemple, que la véritable
manière de prononcer le j en espagnol est celle qui a
été adoptée par le peuple d'Espagne, et non celle que
pratique le peuple italien ou le peuple français? que la
véritable manière de prononcer cci en italien est tc/ti.
comme on dit de l'autre côté des Alpes, et non csi,
comme on dit de celui-ci?
— Mais, sans doute.
— Alors, soyez conséquent. Il y a dans les langues
néo-latines trois manières de prononcer les //mouillées :
comme en Espagne, comme en Italie et en Provence, et
comme on le fait généralement chez nous. Laquelle de
ces trois manières doit être réputée la vraie pronon-
ciation française?
Ou je me trompe singulièrement, ou laréponseà cette
question exige que M. André Lefèvre abandonne son
opinion sur la prononciation des // mouillées.
Il \ a un certain nombre de sons que l'on est
18
LE COURRIER DE VAUGELAS.
incapable de produire si on ne les a pas entendus
dès l'enfance. Ainsi, quoi qu'il fasse, un Arabe adulte
étudiera en vain la prononciation de notre gn : il dira
toujours onion pour oiynon; un Espagnol dans la même
condition d'âge n'arrivera jamais à faire sonner s entre
deuï voyelles comme un :;, eût-il passé plusieurs années
en France. Or, le son des II mouillées que préconise
M. André Lefèvre est justement pour nous ce que sont
notre gn et notre s pour les étrangers, dont je viens de
parler : nous ne le percevons qu'avec la plus grande
difficulté 'pour mon compte, j'avou'i franchement que
je ne sais comment dire fille et meilleur quand on
m'interdit fille et fiye, meilieur et meiyeur), et il est
impossible que notre oreille puisse y être accoutumée
à l'époque où elle est apte à le saisir. D'où cette consé-
quence que, même s'il était vrai que la prononciation
de nos II mouillées fût exactement celle du gl italien
et du //* provençal, ce serait poursuivre une chimère
que de chercher à la faire prévaloir.
X
Première Question.
Je vous prierais de vouloir bien répondre aux deux
questions suivantes^ bien faites^ il me semble^ pour
intéresser vos nombreux lecteurs parisiens : \ ° Faut-il
dire: aller a batigxolles, demeurer a batig^jolles ,
VEMR DE BATiooLLES, o!<, avec l'article composé : aller
AUX BATIG.NOLLES, DEMEURER AUX BATIGN'OLLES, VENIR DES
BATiGNOLLEs? 2° D'ûit Vient le nom lui-même de
BiTlGNOLLES?
Sur le plan de Paris et de ses environs levé par
l'ingénieur Roussel, et publié en 1730, plan qui s'étend
un peu au-delà des limites actuelles, on voit, au nord
et à l'ouest du village de Monceaux, onze places garnies
d'arbres, en forme de carrés allongés. Ces places
figurent des remises établies sans doute pour servir
d'abris au gibier des plaines, de ce côté de Paris. Parmi
ces remises, dont les noms étaient pour la plupart
empruntés aux plantes et aux arbres qui y dominaient
(il y avait la remise des Epineltes, la remise du Chien-
dant, la remise des Noyers, etc.), se trouvait la remise
du Fond ou des Batignolles, située entre les chemins
de Clichy et de Sl-Ouen. C'est la plus ancienne citation
que l'on connaisse du nom de Batignolles, lequel a été
affecté depuis au village devenu aujourd'hui un des
quartiers de Paris.
Or, si, dans le principe, on a dit les Batignolles, ce
qui est incontestable, il est évident qu'on doit dire
encore, avec l'article contracté au pluriel : Aller aux Ba-
(ignolles, venir des Bafignolles, etc.
Maintenant d'où vient le nom de Balignolles?
Le journal l'Intermédiaire, auquel j'emprunte les
éléments de cette réponse, conlient à ce sujet deux
élymologies sérieuses que voici :
i" En 17.30, d'après Auguste Descauriet llist. de la
transform. des grandes villes de l'empire], le duc
d'Orléans fit élever dans la plaine de Clichy une sorte
(le remise. Deux piqucurs, La Folie et Picard, sur-
nommés à cause de leur humeur joyeuse les Bati-
gnolcurs, du vieux mot butignoler, auraient baptisé
cette remise du nom de Balignolles, qui aurait été
ainsi l'origine de la dénomination du village dont il
s'agit.
— J'ai consulté tous les lexiques du vieux langage
que j'ai pu trouver à la Bibliothèque nationale, et je
n'ai rencontré nulle part le verbe batigaoler. Or, sans
ce verbe, le substantif balignoleur, sur lequel repose
l'étymologie de Urt<(^no//e,«, ne peut exister; ce n'est
donc point là l'étymologie cherchée.
Du reste, si l'on songe que c'est la même année (1730)
que fut publié le plan où se lit Remise du Fond ou
des Balignolles, il est évident que, ce plan figurant
un état de choses qui existait au moins un an plus tôt,
le noni de Balignolles est plus ancien que la bâtisse à
laquelle les piqueurs du duc d'Orléans auraient pu
donner la qualification qu'on leur attribue.
2" Les mots bâtir, bâtiment, bastille, bastion,
bastide venant tous de bdton ibaston; puisque les pre-
miers abris furent faits avec des branches, des bâtons,
ces mots peuvent fournir la véritable étymologie de
Batignolles . car la remise du Fond, indiquée sur le
plan de Roussel, devait tenir son deuxième nom d'an-
ciennes constructions en bois qui la distinguaient des
remises voisines où il n'en existait pas.
— En termes de chasse, une remise n'étant autre
chose qu'un retranchement dans lequel le gibier se met
en sûreté, il n'y a rien que de très-naturel à voir
donner un nom. signifiant ifw^'oîi, bastille, etc. à un
tel retranchement; et, de même que croquignole se dit
d'une petite chose qui se croque, de même batignoUe
a pu se dire d'une petite chose qui se bâtissait : j'incline
fortement vers celte seconde étymologie.
On pourrait peut-être me dire que si Batignolles
était réellement un diminutif comme croquignole, il
devrait aussi n'avoir qu'une l; mais je répondrais à
cette objection que nous avons beaucoup de noms de
lieux en France terminés par olles : Brignolles iVarl,
Lignerolles (Côle-d'Or), Membrolles Maine-et-Loire),
Marolles (Calvados), Feugerolles (.Mayenne), Charolles
(Saùne-et-Loire), Faverolles (Cantal;, etc., et que, par
conséquent, le nom commun batignole a bien pu,
passé à l'état de nom propre, doubler sa consonne
finale comme tous les autres.
X
Seconde Queslion
Que pensez-vous de l'expression c'est un ze'ro en
CHIFFRE, qu'on entend de temps à autre, et qu'on voit
dans tous les dictionnaires? Pour ma part, je la crois
un pléonasme intolérable.
La forme primitive de cette expression était un o en
chiffre la lettre o employée en qualité de chitl're ; j'en
trouve la preuve chez les paysans de la Beauce et du
Perche, qui n'y prononcent jamais zéro, et surtout
dans le dictionnaire de M. Lillré, qui dit positivement
qu'autrefois le chiffre zéro s'est appelé comme la lettre
LE COURRIER DE VAUGELAS.
49
0, et qui, déplus, cite l'exemple suivant, du xvi» siècle,
contenant cette expression :
Que M. de Guyse se devoit saisir de sa personne THenri UV,
et que de là en avant, il ne serviroit plus que de 0 en
chiffre.
[ParCicul. concern. rassfts. du duc de Guyse, p. 4t.)
Quand zéro fut inventé (on le trouve déjà en italien
dans l'ouvrage de Philippe Galcnder sur l'arithmétique,
Florence •1491), il remplaça naturellement o, et l'expres-
sion 0 en cliiffre, parfaitement logique à l'origine,
devint, par suite de cette substitution, zéro en c/iiff're,
qui, bien qu'enregistré par le Dictionnaire de la langue
rerte et une foule d'autres, n'en est pas moins, comme
vous le dites fort bien, un pléonasme intolérable.
Pour signifier qu'une personne est absolument inutile
quelque part, qu'elle n'a aucune valeur, soit comme
caractère, soit comme talent, il faut dire, ou tout sim-
plement, que c'est VH zéro, ou bien, comme disaient nos
pères, que c'est mi o en chiffre (la lettre o].
J'ai eu la curiosité de rechercher a quelle époque
remontait l'expression de zéro en chiffre, et voici où
mes recherches m'ont conduit :
Dans le dictionnaire de Furetière (1727), on trouve
que. proverbialement, un homme inutile s'appelle un
zéro, ou un o en chiffre (la lettre o] ; dans celui de
Trévoux (177-1), qu'on l'appelle «» zéro en chiffre. Ce
serait donc entre 1727 et 4771, que cette confusion
regrettable se serait opérée : le mal n'est pas assez
ancien pour qu'on n'y puisse porter remède.
X
Troisième Question.
Que signifie l'expression a Li ïkôle ; d'oit rienf-elle ,
et peut-on s'en servir aussi bien acec le verbe acheter
qxi'avec le verbe vendre?
Uuand un ouvrier en meubles envoie des entre-
metteurs, ou va en personne porter et vendre ce
qu'il a fabriqué aux marchands en boutique, on dit
qu'il vend à la irâle, et on l'appelle un ouvrier à la
frôle :
Aussi, prévoyons-nous, dans un avenir peu lointain, la
disparition presque absolue des petits ateliers en chambre,
et, par cela même, de la vente ii lu frôle, qui consiste,
pour l'ouvrier, à colporter ses meubles de maison en
maison...
(P. Dalioz, Monit. univers, du 5 octobre 1867, p. 1273.)
Quant au mot trôle, qu'on ne trouve pas dans le Dic-
tionnaire de l'Académie, mais que celui de Littré
mentionne, il vient du verbe trôler, lequel a pour
origine, selon toute apparence, l'allemand trollen
(anglais to troll; picard droler ; vieux français trevler,
d'un fréquent usage encore dans le pays chartrain),
signifiant promener de tous côtés, courir çà et là.
-Maintenant peut-on appliquer à la trôle aussi bien
au verbe acheter qu'au verbe vendre ?
Le Dictionnaire de la langue rcrte dit que le mar-
chand de peaux de lapin s'appelle " chineur quand il
acheté, et trolleur quand il revend ». Cette remarque
prouve qu'on ne peut pas dire Acheter à la trôle; et.
en efiet, il n'y a que celui qui vend, qui trôle, qui
promène sa marchandise; ce ne peut être celui qui
l'achète puisqu'il est dans sa boutique, et que, par con-
séquent, il ne trôle pas.
X
Quatrième Question!
Pensez-rous que l'on puisse, en français, comme on le
fait en anglais, employer le mot médiéval pour désigner
la période du moyen-âge. Ce mot n'est pas dans Littré
quand médiéviste s'y froure.
.le ne pense pas que nous adoptions jamais médiéval.
et cela, pour deux raisons :
La première, parce que cette expression n'aurait
point d'analogue parmi les noms des autres parties de
l'histoire, qui sont tous formés d'un substantif et d'un
adjectif [histoire ancienne ou ternies anciens; histoire
■moderne ou temps modernes) ;
La seconde, parce que cette désignation de médiéval
n'est pas sensiblement plus courte que moyen-âge,
qu'elle serait destinée à remplacer.
Mais le jour où un certain nombre d'hommes se
voueront spécialement à l'étude de cette partie de
l'histoire, nul doute que médiéviste ne puisse parfai-
tement leur servir de désignation, ce qui, du reste,
parait avoir été déjà fait, puisque le dictionnaire de
Liltré enregistre ce néologisme.
X
Cinquième Question.
On ne trouve pas dans le dictionnaire de Littré les
mots AssïRiOLOGJE et assïriologce. Est-ce que ces mots
ne seraient pas français? Je les ai cependant vus bien
souvent ailleurs.
Si vous aviez cherché à la fin de l'ouvrage, à
l'endroit intitulé Additions et Corrections, vous
vous seriez épargné la peine de m'écrire, car on y
trouve les deux mots en question, expliqués comme il
suit :
AssYRioLOGiE s. f. Etude des choses relatives à l'Assyrie.
AssYRiOLOGUE. — Celui qui s'occupe de l'histoire et des
antiquités de l'Assyrie.
11 aurait été vraiment surprenant que ces termes, qui
sont si fréquemment employés pour désigner la science
relative aux Ninivites ainsi que les savants qui la
cultivent, eussent été oubliés dans un dictionnaire qui
a coûté (je le tiens de M. Littré lui-rnême) 27 ans de
travail à son auteur.
ETRANGER
Réplique de M. Dufour-Vernes.
M. Dufour-Vernes, que ma réponse sur la pronon-
ciation des // mouillées n'a pas encore pu convaincre,
m'a adressé, le 29 mars, une réplique à la fin de laquelle
se trouve ceci :
.T'ai aujourd'hui mieux que de fortes raisons de croire
20
LE COURRIER UE VAUGELAS.
que la prononciation ie ne se trouve qu'à Paris. Quelques
jours après avoir écrit mon premier article, je me ren-
contrai successicement avec deux Français instruits et de
bonne société qui prononçaient II mouillées lie. Je leur
demandai insidieusement si l'on ne devait pas dire ie.
Tous deux m'ont répondu en souriant : ûli ! ce n'est qu'à
Paris qu'on parle ainsi. J'accorde maintenant qu'il peut se
trouver dans le reste de la France des esprits qui aiment
à imiter la Capitale.
Trois jours auparavant, je recevais de M. Malgrange,
juge de paix à Joiguj (Yonne), une lettre dont j'extrais
le passage suivant pour l'opposer à l'assertion des deux
Français « instruits et de bonne société » auprès des-
quels s'est si habilement renseigné M. Dufour-Vernes
relativement à la manière dont se prononcent les //
mouillées en France :
J'ai lu avec une vive satisfaction votre réponse à M. Dufour-
Vernes dans votre numéro îi, que je reçois à l'instant. Je
n'ai ni le droit ni la prétention de me poser en régulateur
ou arbitre du beau langage; j'invoque mon expérience, et
je vous demanderai humblement l'autorisation de la
joindre à vos lumières et à votre propre expérience.
Pendant 3U ans, j'ai fréquenté l'ètè les bains de mer de
la France; l'hiver, pendant ma jeunesse, j'ai habité Paris,
fréquenté les salons de gens bien nés, écouté les orateurs
à la Sorbonne, au Collège de France, au Palais de justice;
j'ai entendu Rachel dans tous ses rôles, et autres acteurs;
j'ai même rencontré à ma table d'hôte très-fréquemment
des acteurs célèbres, Bouffé, Ferville, et je vivais dans
un hôtel tenu par un acteur du Gymnase; une branche
de ma famille, dont les membres étaient tous receveurs
d'enregistrement, m'a fait connaître plus de vingt villes
depuis la Bretagne jusqu'à Lille; dés ma sortie du collège,
j'ai été mêlé à des personnes scrupuleuses et amateurs
d'une pure prononciation; j'ai acquis une finesse d'oreille
telle que je reconnais souvent à un seul mot le pays natal
d'un individu qui parait en avoir complètement perdu
l'accent; j'ai eu de fréquentes prises de corps —ou de bec
avec les étrangers à qui l'on avait enseigné à prononcer
les // comme le veut M. Dufour; eh bien! je puis vous
affirmer que du nord an centre de la France et à l'ouest,
dans la bonne compagnie de la Bretagne, j'ai toujours
remarqué que l'on ne prononce pas les II mou-liees, mais
mou-iées. Et je l'ai d'autant mieux remarqué que, quand
je devenais assez intime ponr me permettre cette fami-
liarité, je disais : n Vous me donnez mes nerfs avec vos
H mouliées. »
Je crois qu'après la lecture de ces lignes, il serait
assez difficile à M. Dufour-Vernes, dans l'hypothèse
(contraire à l'intention qu'il m'a manifesléei où il vou-
drait conlinuer le débat, de me faire une seconde
réplique affirmant de plus belle sa conviction que la
prononciation ie de nos // mouillées « ne se trouve
qu'à Paris. »
X
Première Qiioslion.
Pourquoi donne-t-on le nom de mkkcurule « une
réprimande faite en particulier à quelqu'un ? Je ne vois
pas comment Mkuciuk peut intervenir ici ; .serait-ce à
litre de dieu de l'éloquence?
La justice n'a pas toujours été rendue en France
d'une manière aussi satisfaisante qu'aujourd'hui; il se
commettait autrefois plus d'un abus dans son in)por-
lante admiijistration.
Pour remédier à un lel étal de choses, nos rois
prescrivirent que des assemblées périodiques des cours
souveraines seraient tenues par les présidents et
quelques conseillers à l'elTet de s'informer si leurs
ordres avaient été exécutés; et, comme lesdites assem-
blées avaient lieu le mercredi ^dans les derniers temps,
c'était le premier après la Saint-.Martin et le premier
après la semaine de Pâques), on les appela, tnercuriale.s.
du nom de Mercure, qui avait servi à désigner ce jour:
Il arriva au mois d'avril 1559, dans une assemblée qu'on
nomme mercuriale, que les plus savants et les plus modérés
du Parlement proposèrent d'user de moins de cruauté à
l'égard des protestants, et de chercher à réformer PégUse.
(Voltaire, Hist. pnrîcm., XXI.]
Dans ces mercuriales, on prononçait des discours qui
furent naturellement appelés du même nom ; puis, ces
discours contenant des censures contre les juges qui
avaient manqué à leurs devoirs, mercuriale se prit pro-
verbialement pour désigner une admonestation adressée
par un supérieur à un inférieur :
Le sommeil, qui m'oblige à finir ma lettre plus tard que
je ne. voudrais, vous sauve une mercuriale dont vous
n'êtes pourtant pas quitte.
(Boursault, Leur, nouv., t. III, p. 166.)
Un des administrateurs vint m'adresser une mercuriaU-
assez vive.
(J.-J. Rousseau, Con/ess., I.)
X
Seconde Question.
Dans sa fable VII, liv. 10, La Fontaine dit : «■ Je
suis Gros- Jean comme devant ». Or, il est manifeste
que DEVANT exprime ici une idée de temps : comme
AVANT la chose dont il est question. Quelle explication
donnez-vous d'un tel fait, devant signifiant pour l'or-
dinaire une idée de lieu, de position relative?
C'est seulement dans la langue moderne qu'on ne
fait usage de devant que pour signifier une idée de
lieu. En effet, pendant tout le moyen-âge, cette pré-
position s'est employée pour aw<«^, comme ces citations
le mettent hors de doute :
Devant la mienuit li tems un peu s'escure.
(Berte, XLir.)
Et ainsi comme les anciens dient, les roys de Jérusalem
qui furent derant le roy Jehan, tindrent bien ceste cous-
tume.
fjoinville, 217.)
Le dit prince print congio du dit duc le soir devant la
bataille.
(Froissart, V, 3.)
■ Ayant pris ceste resolution, il s'en alla devant toute
œuvre en la ville de Delphes.
(Amyot, Lt/c, 8.)
Et l'usage d'employer devant dans ce sens était loin
d'être perdu au temps do Louis XIW, car je l'ai trouvé
dans ces phrases :
Je crie toujours : voilà qui est beau, devant que les
cliandelles soient allumées.
(Molière, Prie., 10.)
Si les Egyptiens n'ont pas inventé l'agriculture, ni les
autres arts que nous voyons devant le déluge
(Bossuet, lliH., III, 3.)
Or, si devant, au sens peut-être un peu vieilli de
LE COURniER DE VALC.ELAS.
■21
avant, a pu être employé par l'ossiiet, à plus t'orle
raison a-t-il pu l'éLre par son contemporain La Fon-
taine.
Quoique, depuis le xvu" siècle, on ait établi une dis-
tinction bien marquée entre l'emploi de devant et celui
dea'-a«^, on n'en a pas moins conservé le premier dans
le sens de arant après la conjonction comme, placée
en On de phrase :
Une constance qu'il n'avait jamais comme devant.
(Hamilton, Gramm., il.)
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1* Miguel ne laissa pas de faire (Voir Courrier de Vaiigelas,
4« année, p. 155); — 2"... que les autres leur refusent, et se
prennent au ganre humain de l'isolement loa ne dit pas : s'en
prendre d quelqu'un rfe); — 3'... dont tes ancêtres et toi
avei toujours entouré; — 4°... de toutes celles qui ont été
faites (le qui ne suit pas le superlatif); — 5»... qui avait déjà
commencé, ait été arrêté; — 6"... par être vendus plus cAer
qu'ils ne valent); — T>... de ce que nous ne sommes pas encore
(Voir Courrier de Vaugelas, 5* année, p. 171); — 8° Les
ofilciers coupables de s'être laissé surprendre; — 9»... est,
excepté l'âme, \a seule perle qui soit; — 10"... quelque dar
que soit son coeur (aussi ne s'emploie pas dans le sens de
quelque);- — 11° On doit aviser à ce que les récompenses; —
12° L'abomination de la désolation n'esl-elle pas à son comble
(cette expression de l'Évangile a toujours un de).
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1° Il est donc juste de dire qu'au moyen de cette ins-
titution du Sénat, non-seulement la démocratie intervient
dans la loi. puisqu'elle en est le principe, la source et
l'origine; mais elle tient à sa discrétion, les pouvoirs
publics.
'î' Et de même que VOrdre a soutenu, dès le début, la
nécessité de Vl'nion conservatrice, nous continuerons de
toutes nos forces à provoquer la formation de cette ligue
sociale, plus indispensable aujourd'hui que jamais.
3' Les ministres, qui sont hommes de sens, quoi qu'en
ait l'Agence Havas, ne peuvent professer une autre opinion
et n'en professent pas d'autre.
4' Je déteste le monde, dit-on souvent, parce qu'on
voudrait qu'on ne s'y occupât que de soi, qu'on ne parlât
qu'à soi et de soi.
5' Quoique celui qui s'attacherait exclusivement au
genre de La Bruyère et de Boileau n'aurait point à s'en
plaindre.
» 6' M. le général Changarnier est, nous dit-on, grave-
ment atteint d'une bronchite aiguo qui ne laisse pas que
d'alarmer ses amis, vu l'âge avancé du malade.
7= Après avoir examiné les diverses questions à l'ordre
du jour, communication a été donnée de la correspondance
des départements, relative à la session des Conseils-géné-
raux.
S° Ils se réunissaient maintenant autour d Hector qui,
ayant besoin de distractions, était allé d'une extrême à
l'autre, et frayait volontiers avec tout le monde.
9' Certes, ils auraient bien voulu qu'on leur donnât une
République selon les formules de MM. Marcou et autres .
docteurs es radicalisme; nous comprenons ce désir; mais
enfin, il n'a pas été réalisé.
10' C'est que la démarche vive et légère do l'inconnue,
sa jambe mignonne et bien cambrée, sa taille élégante et
jusqu'à sa tournure lui rappelaient, à s'y méprendre,
Luisa, la belle fugitive.
11° En vérité. Monsieur, gronda le vieillard, il faut que
vous soyez bien honteux de vos sentiments pour refuser
d'en faire part à l'auteur de vos jours.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU XVII- SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
{Suite.)
observatio:ns des .no.ms.
Cliifflet va commencer par ceux dont l'usage est
contesté entre « lAutheur des Remarques >'. cest-à-
dire Vaugelas, et ceux qui « luy ont contredit » par
leurs censures.
La Remarque veut bienfaiteur, malfaiteur. Un
nouveau grammairien dit que malfaiteur est bon, et
que bienfaiteur est plus en usage que bienfaiteur.
Selon la Remarque, accoutumante vieillit; la Censure
le nie, et les meilleurs écrivains s'en servent encore
aujourd'hui il65î) .
La Remarque renvoie futur aux notaires, aux poètes
et aux grammairiens; la Censure maintient qu'il est
fort bon en tout « stile. «.
La Remarque préfère herondelle à liirondelle ou
harondelle. Mais les herondelies s'étant retirées avant
l'hiver, il n'est revenu au printemps que des hiron-
delles ou des harondelles.
La Remarque veut décrier e.tclavage ; la Censure
s'en étonne, et elle a raison.
La Remarque tâche de bannir gracieux et malgra-
cieux; la Censure demande pourquoi, puisque ces mots
sont très- significatifs, et toujours admis par l'usage.
La Remarque dit que courroucé n'est bon que dans
le sens figuré ou môtaph'orique : la mer courroucée. La
Censure dit qu'il est tres-bon dans le sens propre : tm
homme fort courroucé.
Face pour visage, dit la Remarque, ne se dit plus
que pour les choses divines, comme dans voir Dieu
face à face, et dans ces phrases résister en face,
reprocher en face, mais toujours sans article. Néan-
moins, il est bon au sens figuré, comme dans la face
horrible d'un grand désert, la face d'un théâtre (JC59).
La Remarque n'approuve pas gestes pour actions
dans celte manière de parler les Gestes d'.ilexandre.
La Censure l'approuve, et en appelle à l'usage.
Il faut dire gagner les bonnes grace!< de guelcun, et
non pas la bonne grâce, dit la Remarque; selon la
Censure, l'un et l'autre sont bons.
Elle est icy incognito, dit la Remarque; la Censure
aime mieux dire à l'incognito, ou inconiie.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Un passage étroit entre deux montagnes s'appelle
un pas, et non un passage, comme le pas des Thermo-
pijles, dit la Remarque; la Censure dit que passage est
aussi bon que pas.
Prouesse n'est plus en usage que dans la raillerie, au
dire de la Remarque ; la Censure maintient que ce mot
est bon dans le langage sérieux.
Superbe, dit la Remarque, n'est substantif qu' « au-
près » des prédicateurs; la Censure dilqu'ils ont raison,
et que ce mot est substantif et adjectif aussi bien que
colère, sacrilège, chagrin, adiiUere.
La Remarque prétend que entaché de quelque vice
n'est pas bien dit, et qu'il faut dire taché ; mais l'usage
enseigne que taché est pour le sens propre, et entaché
pour le sens figuré.
Selon la Remarque, il faut dire portrait, et non pour-
trait ; la Censure veut qu'on dise powrtra/^. Tous deux
sont bons.
Voici maintenant une liste de noms qui, d'après
Chifflet, sont condamnés par tout le monde (1()59) :
Banquet ne se dit que des choses sacrées, et banque-
ter est hors d'usage.
Condoléances n'est plus un bon mot, quoiqu'on dise
bien se condouloir avec quelcun.
Au lieu de le confiant de deux rivières, il faut dire le
confluant.
Délice, au singulier, ne vaut rien.
Fratricide et matricide sont des mots barbares, car
parricide se dit de celui qui tue son père, sa mère, son
frère, sa sœur, son prince.
L'Aristole et le Plutarque sont mauvais, parce que
les noms propres ne veulent pas d'articles, excepté
quelques noms venus de l'italien, où nous gardons la
coutume de cette langue, comme l'Arioste, le Tasse, le
Pétrarque, le Boccace.
Au lieu de loisible dites licite ou permis.
Matinier ne peut se dire que dans estoile matiniére.
Matineux est bon, et meilleur que matinal; mais l'un
et l'autre ne se disent que des personnes.
Mercredi doit se prononcer mecredi.
Nu pieds est bon en parlant ; mais en écrivant, il faut
dire les pieds nuds.
Onguent pour jjarfum n'est plus bon, car onguent ne
se dit que des médicaments.
Poitrine n'est plus guère en usage, excepté en cas
de blessure ou de maladie, comme dans une fluxion sur
ta poitrine; à sa place, il faut dire le sein.
Proches itoiir parents n'est pas du bel usage.
Prochain et raisin n'ont point de comparatif ni de
superlatif; mais à leur place, on Gmp\o\e plus proche,
très-proche.
Il faut écrire faire atte et non faire halte.
On dit a volonté berland ou breland, mais on ne dit
que brelandicr .
ISigearrc est un bon mot, mais, avec le même sens,
bizarre est plus usité à la Cour.
Contcmptible est bon; contempteur est un mot rude.
Créance est meilleur que croyance, excepté quand on
parle de foi et de religion.
Une couverture de litpiquée s'appelle par abus d'usage
courte-pointe, au lieu de contre-pointe.
Découverte ou découverture des Indes sont tous les
deux également bons.
Vaugelas dit que débiteur signifie celui qui doit ;
mais Malherbe l'appelle mieux detteur, car débiteur
est celui qui débite de la marchandise.
Eminent péril se dit par force d'usage au lieu de
péril imminent.
Excusable se dit de la faute, de la personne qui a
failli ; pardonnable ne se dit que de la faute.
Fatal s'emploie plutôt en parlant du mal que du
bien.
Fureur, en parlant des hommes, est l'agitation inté-
rieure et la véhémence de l'esprit, fureur martiale; le
mot furie dit de plus un ekcès de passion aveugle qui
ne consulte point la raison : il estait dans une estrange
furie. On n'oserait point appeler furie la juste colère
de Dieu, il faut dire fureur.
Un galant homme désigne un homme doué de belles
qualités et agréable dans sa conversation et ses « depor-
temens « ; un galand signifie un vaurien.
Les noms propres les plus usités prennent la termi-
naison française au lieu de la terminaison latine.
On écrit avec une .s les mots Jules, Jacques, Charles;
mais on ne s'en sert pas en parlant, car on « mange »
\e par apostrophe.
On dit orthographe quoique le verbe soit orthogra-
phier.
Il y en eut cent de tue:; vaut mieux que cent tuez.
L'« article « de ne veut pas être séparé de son nom ;
ne dites pas : c'est l'avis de presque tous les casuistes,
mais bien presque de tous les casuistes (1659).
Prévoyance désigne l'action de prévoir; providence,
la vertu qui nous rend prévoyants, et qui nous
« incline » et nous aide à bien conduire une affaire.
Fort et court sont invariables quand ils accom-
pagnent, l'un le verbe se faire, l'autre, le verbe demeu-
rer : lisse font fort de; elles sont demeurées court...
11 en est de même de tesmoin, garent, partie, dans
cette phrase : prendre à tesmoin, à garent, à partie.
DES PROÎSOMS.
Chifflet appelle conjonctifs les pronoms ^'e, tu, il, elle
et leurs cas, we, te, le, luy, la avec leurs pluriels,
nous, vous, ils, elles, se, leur, les, parce qu'ils n'ont
aucpn sens s'ils ne sont « conjoints >> à quelques
verbes.
Les autres, moy, toy, luy, elle, et leurs pluriels
710US, vous, eux, elles s'appellent absolus, c'est-à-dire
indépendants et parfaits, parce qu'étant seuls, ils ont*
quelque sens.
Avec si pour si est-ce que, on met le pronom après le
verbe : si diray-je en passant, etc., et, de même après
quelques autres mots qui ont presque le sens de néan-
moins connnc dans : toujours faudra-t-il en venir à
la contrainte; aussimevois-jc obligé d'avancer que, etc.
[La suite au prochain numéro.)
Li; RKiucTEDR-GiJKi.'ST : E.MAN MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
23
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Lettres d'Abélard et d'Héloise. Traduction nouvelle
d'après le texte de Victor Cousin, précédée d'une intro-
duction par Octave Gréard, inspecteur général de
rinstruction publique. 2'' édition, avec le texte en regard.
In-S" xL-575. Paris, lib. Garnier frères.
Les poésies de Théodore de Banville. Les Exilés.
Les Princesses. Petit' in-12, iv-30/i p. et portrait. Paris,
lib. Lemerre. 6 fr.
Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille,
seigneur de Brantôme. Pul)lièes d'après les manuscrits,
avec variantes et fragments inédits, pour la Société de
l'histoire de France, par Ludovic Lalanne. T. 8. Des
Dames (suite). ln-8°, 229 p. Paris, lib. Lornes. 9 fr.
Sans peur et sans reproche, poésies ; par Madame
Fanny Dénoix des \ergnes. In-12, 29/i p. Paris, lib.
Mellier.
Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la
seconde moitié du XIX« siècle ; par Maxime Du Camp.
U^ édition. T. 3. In-8°, 5/ii p. Paris, lib. Hachette et Cie.
7 fr. 50.
L'Argent des autres; par Emile Gaboriau. II. La
Pêche en eau trouble. 7" édition. In-18 Jésus, 3i5 p.
Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Les Amours du Vert- Galant. La Mignonne du Roi.
Une princesse russe. Le Serment de la veuve. Giangurgolo.
Jacqueline. L'Epave. Mes Jardins de Monaco ; par
Emmanuel Gonzalès. ln-i° à 2 coi. 156 p. Paris, bureaux
du Siècle. 2 fr. 50.
Jeanne d'Are; par H. Wallon, professeur d'histoire
moderne à la faculté des lettres de Paris. S' édition.
2 vol. In-18 Jésus, 91/i. Paris, lib. Hachette et Cie. 7 fr.
Les Locutions vicieuses corrigées et la synonymie
des mots usuels; par un ancien professeur. Pascal
Avignon. In-18, 272 p. Toulouse, lib. Itegnault. 2 fr.
La Vie inquiète. Au bord de la mer. Jeanne de
Courtisols. George Ancelys; par Paul Bourget. In- 18
Jésus, 232 p. Paris, lib. Lemerre. 3 fr.
Le Secret de M. Ladureau; par Champfleury. 2' éd.
In-18 Jésus. 293 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Entretiens sur la langue française. — l. Origine et
formation de la langue française. II- Origine et formation
des noms de lieu ; par Hippolyte Cocheris, conservateur
à la Biliothèque Mazarine. 2 vol. Gr. in-16, li32 p. Paris,
lib. de l'Echo de la Sorbonne. La l" partie, 1 fr. 50; la
2^ 2 fr. 50.
Voltaire et la société au XVIII' siècle; par Gustave
Desnoiresterres. V. Voltaire aux Délices. VI. Voltaire et
J.J. Rousseau. 2 vol. in-12, 1033 p. Paris, lib. Didier et
Cie. Chaque vol. h fr.
Le Bossu, aventures de cape et d'épée; par Paul
Féval. In-i" à 2 col. 190 p. Paris, bureaux du Siècle.
2 fr. 50.
Œuvres d'Edmond et Jules de Goncourt. Renée
Mauperin. Petit in- 12, ii-283 p. et 2 portraits. Paris, lib.
Lemerre. 6 fr.
Les Grands bienfaiteurs de l'humanité; par
Adolphe Iluard. Gr. in-18, 335 p. Paris, lib. Berche et
Tralin. 3 fr.
La Bible dans l'Inde. Vie de Jezeus Christna; par
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xième édition. — Prix : 5 francs — Paris, Alphonse
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mots de la langue française faisant connaître 1° les racines
françaises ou les radicaux; 2" les préfixes et les suffixes;
3° la valeur primitive et actuelle des dérivés français ;
4° l'emploi des mots ; 5° l'orthographe d'usage. — Par
L. Grimblot. — Partie du maître et partie de l'élève. —
Paris, Aiig. Bayer el Cie, libraires-éditeurs, Zi9, rue St-
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LES AMOURS DE PETITE VILLE; CHARDONNETTE. —
Par Charles Deulin. — Troisième édition. — Paris,
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volume in-18 de 316 pages . — En vente chez Dentu et
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24
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Abraxt, professeur de langues et de littérature. — Paris,
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SIÈCLE, accompagnés d'une grammaire et d'un diction-
naire de la langue du xvi' siècle. — Par Auguste Brachet,
ancien examinateur et professeur à l'École polytech-
nique, lauréat de l'Académie française et de l'Académie
des Inscriptions, membre de la Société de linguistique.
— Deuxième édition revue. — Paris, librairie Hachette
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AU XVIIP ET AU XIX" SIÈCLE. — Ouvrage servant de
complément aux Quatre siècles littéraires. — Par Th.
Lepetit, professeur à Paris. — Paris, Aug. Boyer et Cie,
libraires-éditeurs, 49, rue Saint- André-des-Arts.
LES DIALOGUES DE JACQUES TAHURE.\U gentilhomme
du Mans. — Avec Notice et Index.— Par F. Conscience. —
Paris, Alphonse Le?nerre, éditeur, Z|7, passage Choiseul.
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Par MoiSANT de Brieux, fondateur de l'Académie de Caen.
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M. E. DE Beaurepaire. — Un commentaire et une table ana-
lytique par M. Georges G.armer, et un portrait de l'auteur
gravé par M. L. de Merval. — Caen, Le Gost-Clérisse,
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politique dont le directeur, le Révérend César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'Anoleterre ou le Continent,
des places de professeur et d'institutrice à ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires.
— L'abonnement, qui est de 10 fr. pour la France, peut se prendre à Paris, chez M.VI. Sandoz et Fischbacher, libraires,
33. rue de Seine, ou à Brighton, chez M. Duval, 92, Eastern Road (Affranchir).
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le journal littéraire le tournoi est rédigé au concours par ses Abonnés seulement.
Les articles sont soumis à l'examen d'un comité de rédaction. L'insertion donne droit à Yune des primes
suivantes (expédiée franco) : 1" prime. — Cinq exemplaires du numéro du journal contenant l'article et un diplôme
confirmant le succès du lauréat; 2« prime. — Quinze exemplaires de l'article, tiré à part avec titre et nom de
l'auteur, et formant une brochure. ; 3« prime. — Un ouvrage de librairie au choix, du prix de 3 fr. 50 cent.
Tout abonné douze fois lauréat reçoit une médaille en bronze, grand module, gravée à son nom.
Les articles non publiés sont l'objet d'un compte-rendu analytique.
On s'abonne chez MM. Ed. Moreau et Fils, administrateurs du journal, boulevard Montmartre, 12, à Paris.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
La Société littéraire d'Annecy, la Socii'aé académique de Cambrai et la Société d'Emulation d'Epinal reçoivent les
manuscrits, pour leur concours de 1875, jusqu'au 1" juillet; — La Société académique de Chaions-sur-Marne,
jusqu'au 15 juillet; — La Société littéraire de Poligny (Jura), jusqu'au 15 septembre; — La Société dunkerquoise
jusqu'au 1" octobre; — Les Sociétés académiques de Troyes, de Lille et l'Académie de la Rochelle, jusqu'au 15
octobre; — La Société littéraire d'Apt, l'Académie de Bordeaux et la Société académique de Houlogne-sur-Mer,
jusqu'au l"' novembre.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à .'■on bureau de midi k une. heure et demie.
" Imprimerie GOUVKUNRUli, G. U.\Uri';LE\, ;i iNogi-nl-le-Rotroi!.
6^ Année
N» 4.
15 Juin 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
Q.UESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le 15 de chaque mola
{Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le pria: Lambert à celle puUicalion.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'ÉI ranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
2G, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
SOMMAIRE.
Communication sur le gentilé de Pau ; — Origine de Mettre la
lumière sous le boisseau : — Signification du mot Poing ; —
S'il est correct de dire Monde interlope. Femme interlope; —
, Faut-il dire Vitry-le- François ou le Français; — Explication
de Par contre; — Pourquoi le substantif Travail a deux plu-
riels, Travaux et Travails 11 Sens littéral de A la queue leu leu;
— S'il faut dire de l'ouate ou de la ouate; B Passe-temps gram-
matical 5 Suite de la biographie de Laurent Cliiffîet || Ouvrages
de grammaire et de littérature || Familles parisiennes recevant
des étrangers pour les perfectionner dans la conversation ||
Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATION.
Dans mon numéro H de la 5" année, j'ai indiqué,
sur la foi d'un correspondant que je croyais bien
informé, le nom de Palésiens comme désignation des
habitants de la ville de Pau. A raison de 1 etymologie
du nom de cette ville (pa/i«), Palésiens me semblait
valoir mieux que Pauniens, donné d'abord d'après le
dictionnaire de Boissière. Mais je n'étais pas encore dans
le vrai; il faut dire Pa/o/s, ce qui est parfaiteraentdémon-
trédans le Bulletin de la Société des sciences, lettres et
arts de Pau (11^ série, tome 4*= p. 171) qui m'a été
envoyé avec la lettre suivante :
Pau, 3 mai 1875.
Monsieur,
L'attention de la Société ayant été appelée par l'un de
ses membres sur le numéro du Courrier de Yaugelas du
l" septembre dernier, qui contient une note relative au
nom des habitants de Pau, elle a décidé que la livraison
de son Bulletin contenant cette réponse vous serait adres-
sée.
J'ai l'honneur de vous l'expédier en même temps que
cette lettre, et je vous prie. Monsieur, d'agréer l'assurance
de mes sentiments les plus distingués.
Le Secrétaire général,
P. Raymond.
En effet, après avoir rectifié ce qu'il y a de faux dans
la légende en vertu de laquelle Pav devrait son nom à
trois pieux (car alors on devrait l'écrire Paus, comme
on le fait pour un petit domaine de Salles, les Paus , et
avoir mis hors de doute que le nom de Pau vient de
palus au sens de palissade, .M. Lespy, l'auteur de
l'article, continue en ces termes :
11 me reste à dire conlment il me semb'e que doivent
s'appeler les habitants de Pau. Le mot Pauniens du Diction-
naire de Boissière est inacceptable, vînt-il de PauUens,
par le changement de l en h, comme l'avait cru d'abord
le rédacteur du Courrier de Vaugelas. Il est tout aussi bizarre
de tirer Pauniens, Pauliens de Pau, qu'il le serait de former
Bordeauniens ou Bordeausiens Ae Bordcaui. '
Palésiens, adopté par le correspondant anonyme du
Courrier de Vaugelas. est de beaucoup préférable. Mais il
est formé contre toutes les règles que l'analogie va nous
fournir.
Au moyen-âge, presque tous les noms de lieu.'i et leurs
dérivés, qu'on ne trouvait point dans les textes latins,
furent latinisés. Pau dpvint Palum, et ce qui appartenait à
Pau fut ensuite désigné par le mot Palensis, palense; on
écrivait curia palensis, parlement de Pau, sigilhun palense,
sceau de la ville de Pau.
Il faut donc tirer le nom des habitants de notre ville
de Palensis, dérivé de Palum.
Dans Palensis, on voit pal, radical de Palum, et le suffixe
ensis, au pluriel enscs, que l'on rencontre dans les mots
latins ou latinisés : yarbonenses, Alhenienses, Lemoviceiues,
Piclarenses, Albigenses, Cart/iaginienses, etc., etc. Le suffixe
en.fes de ces mots est représenté en français parles termi-
naisons ais, ens, ins, ois : Narbonnais, .athéniens. Limou-
sins, Poitevins, Albigeois, Carthaginois, etc., etc. Palensis
ne peut donner, par conséquent, que Palais, Paliens,
Patins, Palois, et jamais Palésiens, puisque, dans aucun de
ses nombreux analogues, enses n'a produit ésiens.
Mais comment choisir entre Palais, Païens, Palins ou Palois?
Comme il n'y a aucune raison grammaticale ou historique
pour adopter l'une de ces formes à l'exclusion des autres,
il faut encore recourir à l'analogie. Tout près de nous, la
plus importante des vallées du Béarn porto le nom d'Ossau,
qui s'écrivait anciennement Orsal, de même que Pau a dû
s'écrire Pal. En liai, on a fait d'Orsal le mot Orsalenses,
pour désigner les habitants d'Ossau, tout comme plus tard
Palensis fut formé de Pal. Or, toujours en trançiis, on a
traduit Orsalensis par Ossalois; il me semble donc que
Patois doit être la traduction do Palensis. C'est ainsi que
26
LE COURRIER DE VAUGELAS.
le nom des habitants de la ville de Pau ressemblera à
d'autres du même genre; on dit les Duquois, les Lillois, les
.Mmois, les habitants de Dax, de Lille, de Nimes, Aqueuses,
Insulenses, M'emaiisences.
Sûr de l'approbàlion générale des lecteurs du
Courrier de Vauijelas, j'adresse ici de bien sincères
remerciements au savant M. Lespit ainsi qu'à la Société
(les sciences, lettres et arts de Pau, qui a daigné hono-
rer ma petite feuille de la communication qu'on vient
de lire.
X
Première Question.
Qiielle est l'origine du proverbe mettre la lcmière
socs LE BOISSEAU?
Ce proverbe est tiré de l'Evangile.
En effet, en parlant d'une lampe, qui est une lumière
destinée à éclairer la maison, l'Evangile dit qu'on ne la
place ni sous un lit, ni sous un vase, ni sous un
boisseau :
Il n'y a personne qui, après avoir iilluraé une lampe, la
couvre d'un case ou la mette sous un lit; mais on la met sur
le chandelier, afin que ceux qui entrent voient sa lumière.
(Saint Luc, VIII, v. 16 1
Il leur disait aussi : Fait-on apporter la kuniie pour la
mettre sous le boisseau, ou sous le lit? N'est-ce pas pour la
mettre sur le chandelier?
(Saint Marc, IV, v. ai.)
Et on n'allume point une lampe pour la mettre sous le
boisseau; mais on la met sur un chandelier, afin qu'elle
éclaire tous ceux qui sont dans la maison.
(Saint Mathieu, V, v. i.S.)
Or, pour exprimer le sens de cacher la vérité aux
hommes, laisser le talent dans l'obscurité (la vérité et
le talent sont comme la lumière de l'esprit), on
s'est servi naturellement de mettre la lumière sons le
boisseau, et cette expression, grâce à l'immense popu-
larité du livre où elle se trouve employée dans le sens
propre, a fini par passer en proverbe.
M. Liltré donne il ne faut pas mettre le chandelier
sous le boisseau pour une des variantes de l'expression
dont il s'agit. Il me semble que cela n'est pas exact;
car, dans tous les textes que je viens de citer, il est
toujours parlé du chandelier comme étant simplement
le su|iporl de la lamjie, ce qui fait que mettre le chan-
delier sous le boisseau ne peut vouloir dire cacher la
lumière, celle-ci étant en quelque sorte absente. Dans
toute allnsion aux susdits textes, le mot chandelier ne
peut paraître qu'en compagnie du mot iumicre, et non
le remplacer.
X
Seconde Question.
Pourquoi dit-on, ikumeii le roiNc et dob.mui a poincs
FERMÉS? Un poing ouvert n'est pas un poing, c'est une
main tout simplement. Et comme la main ne devient
poing que lorsqu'elle est fermée, ronc fermé est un
pléonasme.
Vous êtes là dans une profonde erreur.
Le mol poing a deux significations en français, celle
de main fermée et celle de main ouverte. Il a celle
de main fermée quand il est employé comme terme de
comparaison -pour donner facilement l'idée de la gros-
seur d'un objet, ou qu'il est assimilé à une arme
(massue) avec laquelle on frappe :
J'ai la tête plus grosse que le poing, et si, elle n'est pas
enflée.
(Molière, Bourg, geni., III, 5.J
Et si eust gresle au lendictet à Sainct Denys, merveilleuse
et grosso l'une comme ung homme a le poiivj l'autre
comme les deux poings.
(Juvénal, Charles VI, 1406.)
De grand folie s'entremet
Qui de &on poing fait un maillet.
(Leroux de Lincy, Prov., t. I, p. 273.1
Dans tous les autres cas, le mot poing, depuis le
moyen-âge jusqu'à nos jours, s'est pris pour main,
comme vous pouvez en juger par ces nombreux
exemples :
Si ço avent que alquen colpe le poin à altre u le pié.
(iois dû Guillaume, l3.)
Adonc s'assit Bertran à sa devision;
Où qu'il voit à mengier, il y prend à plain poing.
(Guesclln, var., 86.)
11 voit de toutes parts combler d'heur sa famille,
La javelle à plein poing tomber sous la faucille.
(Racan, Pastor.)
Le cimeterre au poing, ils ne m'écoutent pas.
(Corneille, Cid, IV, 3.)
Il falloit avant toutes choses qu'ils leur livrassent entre
les mains Crassus et Cassius pieds et poings liés.
(Rollin, Hisl. anc. Œuv., t. IX, p. 531.)
Et doit ledit Paul comparoir pour s'ou'ir condamner à
confesser, la hart au col, la torche au poing, que le passé
seul est bon, que le présent ne vaut rien.
(Paul L. Courier, aux Anies dév.)
Il y a deux siècles, pour dire ironiquement que l'on
menait une personne par la main, pour la présenter
quelque part, on disait qu'on la menait sur le poing, c^
dont voici la preuve :
On dîne, et après dîner, me revoilà sur le poing de Mon-
sieur de Jlarseille, à voir la citadelle et la vue.
(Sévigné, jeudi 1673 )
Le grand protecteur de l'auteur, est M. l'abbé de Mably,
qui mène M. Clément sur le poing de porte en porte.
(D'AIembert, lett. ii Volt., 6 mars 177a.)
Quand on portait un faucon sur le poing, on n'avait
pas la main entièrement fermée; on le tenait posé sur
l'index, comme on peut s'en assurer en regardant des
tableaux représentant des scènes de chasse à l'oiseau.
l'.nlln, dernière preuve que poing a bien signifié
main ouverte, c'est qu'avec ce mot on a fait le verbe
empoigner, qui signifie saisir avec la main, action
requérant naturellement l'ouverture des doigts.
Or, si, dans notre langue, poing s'est employé et
s'emploie encore pour main non fermée, il n'y a pas le
moindre pléonasme à dire fermer le poing, dormir à
poings fermés, et .Marnioiitel était du même avis, puis-
qu'il a fait usage de celte expression (Ofc'rty. 1. 1.\) p. 491):
L'éloquence a la main ouverte, au lieu que, dans la
plaidoirie, elle est souvent obligée d'avoir le poing ferme
comme la dialectique.
I
LE COURRIER DE VAUGELAS.
27
X
Troisième Qiieslion.
Est-H correct de dire : monde intkrlope, femmk
INTERLOPE? Le dictionnaire de Litlré ne donne pas
d'exemples de l'emploi de ce mot dans le sens ci-dessus.'
D'après Augiislc Scheler, interlope vient directement
du verbe anglais to interlope, faire le commerce en
contrebande. C'est une composition bybride du préfixe
inier et du verbe bas-allemand loopen (ail. littér.
laufen]; elle dit absolument la même chose que le
latin intercurrere, courir entre, se glisser frauduleuse-
ment.
Ce mot est à la fois substantif et adjectif.
Substantif, il désigne, soit le navire qui trafique en
fraude dans les pays de la concession d'une compagnie
de commerce, soit le marchand qui empiète sur les
privilèges d'une telle compagnie.
Adjectif, il se dit du navire qui pratique la fraude,
du commerce qu'il fait, des relations qu'il établit, et
des marchandises qu'il transporte :
Le commerce des navires interlopes est d'ordinaire forl
lucratif. ,^ .. ,
(Furetlere.)
Vous nécessitez, par un port exclusif, ce commerce
interlope que le privilège de la compagnie des Indes avait
introduit.
(Mirabeau, CoUect., t. III, p 411.)
L'île manquait alors souvent des choses les plus néces-
saires, et il fallait Ijien qu'elle les demaniiût à ceux de
ses voisins avec qui elle avait formé des liaisons interlopes.
(Raynal, Hisl. phtl., XII, II.)
Les marchandipes ainsi conduites en contrebande s'ap-
pellent marchandises interlopes.
(Dict.^de la Conversation.)
Or, comme dans ces divers exemples, il n'y a que
interlope appliqué à narire (une collection d'êtres
intelligents! qui puisse se dire des hommes, et qu'un
navire interlope s'est appelé et s'appelle encore aven-
turier, je croisque, toutes les fois que l'on peut qualifier
quelqu'un de ce dernier terme, il est permis aussi de le
qualifiei d'interlope, ce qui équivaut à dire que, puis-
qu'il y a un monde aventurier, des femmes aventu-
rières, on peut dire : monde interlope, femme interlope.
X
Qiialriome Question.
• Dans rotre numéro 21, de la 5° année, roiis parlez,
p. \ G2, de viTRï-LE-FRANçois, // y a des personnes qui
disent vitry-le-français. Laquelle de ces deux appel-
lations pensez-vous être la meilleure ?
On lit ce qui suit dans Guilbert [Hist. des villes de
France] vol. 3, p. 102, oti il est question de Vitry-en-
Perthois :
La prospérité de Vitry était grande alors [fin du xv
siècle], et son orgueil éclatait dans ses armoiries, où l'on
voyait un paon couronné regardant sa queue, avec cette
légendo : Honni soit qui mal ij pense. Toute cette splendeur
fut détruite par Charles-Ouint : lorsqu'il attaqua la ville, en
lô5i, il éleva des batterios sur les montagnes qui la domi-
naient et la foudroya impitoyablement. Vitry-en-Verthois,
réduit en un monceau de décombres, disparut du terri-
toire français et n'appartint plus désormais qu'à l'histoire.
François 1", au lieu de réparer les murs, les lit abattre
pour en transporter les débris au village de Maucourt, sis
à peu de distance, sur les bords de la Marne, au milieu
d'une vaste plaine. C'est là qu'il fonda la nouvelle cité ;
tout en lui conservant son vieux nom, il y ajouta le
sien
Or, attendu que, malgré la prononciation italienne
qui voulait, au xvi" siècle, qu'on dit Francès. Franccse,
pour désigner un homme, une femme de France, on
continuait, selon Henri Estiennc [Deux dialogues du
nouveau lanr/ar/e françois italianisé) a dire >i le roy »,
ce qui implique le même respect pour François, il en
résulte qu'à l'origine, la ville en question s'est appelée
Yilry-le-Francois, et que, par conséquent, c'est encore
ainsi qu'il faut l'appeler aujourd'hui,
X
Cinquième Question.
.lui deux choses à vous demander au sujet de
l'expression pin contre : C Comment expliquer le sens
de PAR COMPENSATION, E.N REVANCHE qu'OH lui dounc ?
2° Est-elle bien française et, dans tous les cas,
littéraire?
Dans la partie française du dictionnaire de Fleming
et Tibbins, j'ai trouvé ^jar contre avec celte traduction
anglaise : per contra, as a set-off, et, dans la partie
anglaise, les définitions suivantes de ces deux dernières
expressions :
Contra, s. [on the other side; a term used la merchants
accounts, terme usité dans les livres de comptes où d'un
côté on trouve ce qui est dû de la part d'un tel et de l'autre
ce qu'on lui doit.
set-o/f. iThe act of admitting one daim to counterba-
lance another; the daim so admitted] l'action d'admettre
une demande qui en contrebalance une autre ; ce qui
contrebalance.
D'où il suit que le mot contre est ici un substantif,
et que par contre a le sens de par cotnpensation, en
revanche.
Maintenant /jar contre est-il bien français?
Bescherelle répond que non, et Poitevin dit qu'il est
(c vieux ». C'est une erreur de part et d'autre; car une
locution qui, selon P. Larousse {Gr. Dict. du A7 A";
siècle) est « universellement usitée » ne peut être ni
hors de la langue ni qualifiée de vieille.
Et il y a plus ; car si l'on considère
1° Que par contre se trouve dans cette phrase de
Cuvier citée par Poitevin :
Si plusieurs essais de Buffon sont heureux, quelques
autres, 2'or contre, ne le sont pas ;
2° Qu'il est employé dans cette autre phrase des
Débats du 2\ février 4873 :
Ceux-ci seraient nommés pir r.\ssemblée et seraient
inamovibles, l'ar contre, on restituerait au Président de la
République le droit de nommer lui-même les conseillers
d'état ;
3° Qu'on le rencontre dans ces lignes du discours de
M, d'ilaussonville répondant à M. Alexandre Dumas fils
à l'Académie française 1 1 février 18751 :
Pour mon compte, je ne déconseillerais pas aux pères
de famille de mener leurs filles aux pièces de Molière,
quoiqu'elles soient exposées à y entendre des mots un
peu crus, aujourd'hui rejetés par la pruderie de notre
28
LE COURRIER DE VAUGELAS.
langue moderne. J'ai connu, par contre, des mères qui
volontiers auraient parfois fait sortir leurs filles de l'église
afin de les dérober à d'autres leçons tombées du haut de
la chaire ;
II devient manifeste que, non-seulement cette expres-
sion fait partie de notre vocabulaire actuel, mais encore
qu'elle compte bel et bien dans la langue littéraire.
X
Sixième Question.
Comment expliquez-vovs que travail, espèce de cage
oii Von enferme les chevaux difficiles à ferrer, fasse an
pluriel TRiVAiLs, tandis que, dans le sens d'occupation,
fatigue, ce môme mot fait au pluriel travaux ?
Au xm'^^ siècle, le substantif bal, comme les autres
substantifs en al, avait son pluriel en ans ainsi que
le montrent ces exemples :
Si cheveil sont par ses espaules,
Lors n'ot talent de mener buus.
(Rutebeuf, II, 121.)
Danses, baas et caroles veïssiez commencer.
[Berle, XI. J
Plus tard, la prononciation du singulier ayant
changé, il prit au pluriel la forme bals, qu'il a toujours
conservée depuis.
Eh bien! il s'est passé quelque chose d'analogue
pour travail désignant la machine à quatre piliers de
bois pour ferrer les chevaux vicieux. Dans l'origine, ce
nom, que Du Gange donne sous la forme travallum
(venu selon toute apparence du latin trabs, poutre,
attendu qu'il fait travaren provençal, trava en wallon,
et trave, trarel, ravise en anglais), ce nom, dis-je, eut
pour pluriel travaus, preuve cet exemple trouvé dans
un poète du xiv siècle :
[Mon cheval] Le marischal a defolé
Et s'a son vallet affolé,
Et à la force de ses reins
Ha rompu deus travaus à Reins.
(Machault, p. 81.)
Mais quand travail se fut substitué à la forme pri-
mitive traval, que laisse supposer le travallum de Du
Gange, il est probable que le pluriel assez rarement
employé de ce nom devint travails, et cela, sans que
le même changement se produisit pour le pluriel beau-
coup |)lus fréquent de travail, occupalion, fatigue.
Voilà, si je ne me trompe, l'explication du double
pluriel qu'a notre substantif travail.
ÉTRANGER
Première Qiieslion.
On dit quelquelois, enparlant de plusieurs personnes :
« Elles se suivent a la quëuk lku leu ». Quelle est la
véritable signification de ces mots lei- leu?
Au mojen-ùge, le mol loup se disait leu en français
comme il se dit encore en jùcard, témoin ces exempl'es :
Li leu qui mouton sembleroit,
S'il 0 les brebis demorast,
Cuidiés vous qu'il nés devorast?
[La Bose, 1 1164.)
Car un proverbe dit par vraie autorité :
Toujours rêva li leus devers le bois ramé.
(Guesfliii, 20969.)
Après le xvi» siècle, il s'est dit loup ; mais leu n'a pas
disparu tout-à-fait; il est resté dans l'expression à la
queue leu leu, qui désignait un jeu d'enfants, probable-
ment bien ancien, puisqu'on le trouve mentionné dans
Rabelais.
Le sens de l'expression est bien clair ; on a remarqué
que les loups n'allaient point par troupes, mais qu'ils
marchaient en se suivant ; à la queue leu leu signifie
donc en une file où l'un va après l'autre.
Mais que veut dire leu leu, que l'on rencontre aussi
quelquefois sous la forme lou-lou, comme dans la
phrase suivante'?
En voyant cette émigration des grandes dames, toutes
ces femmes de robe imaginèrent que ce devait être l'usage
de la Gour, et elles se mirent à défiler à la queue lou-lou
révérencieusement et devant la présidente Mole, qui ne
savait que devenir.
[Souv. de la marg. de Créqui, t. V, ch. 12,)
Ce redoublement du mot leu me semble mis tout
simplement pour le leu, employé pour du leu; et voici
sur quelle raison je fonde cette opinion :
Dans l'ancienne langue française, on supprimait la
préposition de entre certains noms de lieu et le mot
suivant quand celui-ci était un nom de personne.
Cette règle, qui s'est conservée jusqu'à notre temps (on
dit encore l'église Notre-Dame, la place Mauberf,
l Hôtel-Dieu, etc.) a pu être autrefois d'un usage plus
étendu, et avoir permis de dire à la qit£ue le leu (cor-
rompu en leu leu) pour à la queue du leu.
Je suis d'autant plus porté à croire à la vérité de
cette explication que les écoliers, qui sont loin d'avoir
oublié le jeu indiqué par l'expression dont il s'agit,
disent souvent, avec la construction moderne -.jouer à
la queue du loup.
X
Seconde Question
Doit-on dire de la odate ou de l'ouate?
Certains auteurs n'aspirent pas Vou dans ce mot : '
On vous souffrira avec tous vos défauts : robe d'ouate,
écharpe, bonnets, serviettes sur la tète, ce sont tous ceux
que je connais.
{Mme de Maintenon, i3 décembre 1687.)
On apporte à l'instant ses somptueux habits
Où sur l'ouate molle éclate le tabis.
(Boileaii, Liilr., IV.)
L'ouate ne semble pas faite pour figurer dans un vers.
(La Harpe, Cours de îiU., t. VI, cli. (o, p. 3,(5.)
Vouute est renfermée dans des gousses qui s'ouvrent
quand elles sont en maturité.
( Encyclopédie. )
Certains autres, au contraire, l'aspirent :
Le cbat-huant vole d'une aile silencieuse, comme étoupée
de ouate.
(Michelet, VOueau.)
.E COUREURR DE VAUGELAS.
20
On fait aussi avec la ouate divers vêtements chauds.
(Francœur, Tlch., p. i78.)
Dans ce pays- là, d'où viennent tant d'étoffes de soie,
la ouate doit être d'un grand usage pour fourrer les
vestes.
(Ménage, Dict- ètym.)
Mainlenant, quelle est celle des deux prononciatons
qu'il convient d'adopter'?
J'ai parcouru dans Liltré les mots qui commencent
paro«, et je n'en ai trouvé relativement qu'un très-petit
nombre [oui et les interjections ouf! ouais' qui pos-
sèdent l'aspiration de cette diphthongue.
D'où la conclusion que l'ouate, qui est tout aussi
usité que la ouate, a, sur ce dernier, l'avantage d'être
plus conforme à l'analogie.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précèdent.
1°... mais encore qu'elle lient à sa discrétion (quand non-
seu/emen/ est suivi d'un mais, celui-ci doit être suivi de eni-ore"!;
— 2»... la nécessité de VVnion conservatrice, de même nous
continuerons (il faut répéter de même); — 3°... ma/jré qu'en ait
l'Agence Havas (Voir Courrier de Vaugelas, â« année, p. i3); —
4°... parce qu'on voudrait qu'î/ ne s'occupât que de vous, qu'ii
ne parlât qu'à vous et de vous; — 5... n'ettt point à s'en
plaindre (à cause de quoique qui veut le subjonctif); — 6°..- qui
ne laisse pas d'alarmer ses amis (pas de que : Courrier de
Vaugelas, 5oanr.ee, p. 155); — 7" Après que les diverses ques-
tions à l'ordre du jour eurent été examinées; — 8'. . . était allé
d'un extrême à l'autre ; — 9°... et autres docteurs en radica-
lisme (es ne peut se mettre que devant un nom pluriel, comme
équivalant à dans les); — 10'... sa jambe mignonne est bien
moulée (si la cambrure du pied est une beauté, il n'en est pas de
même de celle de la jambe : une jambe cambrée est une jambe
arquée) ; — 11°. . . dit le vieillard en grondant.
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1° Fasse le ciel qu'il [un acteur qui prend sa retraite
dans un établissement religieux^ y oublie aussi qu'il fut
comique, car il pourrait lui arriver d'y faire rire â gorges
chaudes les frères, les sœurs et le père éternel.
2° Etant donné des lois nombreuses, des peines sévères
comment concevoir que tous les gouvernements se soient
plaints de linsuftisance des moyens de répression mis à
leur dispOï^ition?
3" Ils voulaient démontrer au pape, s'il était d'accord
avec le ministre, que, dans ce cas, et quoi qu'il en eût, il
lui était arrivé de se tromper une fois.
4° C'est ainsi que VAssemtile'e générale des catholiques de
France vient d'adopter, au sujet de la presse, des résolutions
dont les termes ne laissent pas que de soulever des
objections.
5* Ils savourèrent les fortes et vives séductions d'une
nature que n'a jamais contrarié le génie de l'homme, et
qui se révèle dans toute sa splendeur.
6' Qu'est ceci et quelle est cette nouvelle raillerie'.'
tonna le tuteur dont le visage affecta des ions livides.
7° Dans le ménage, on ne tarissait point en éloges sur
la jolie veuve, et c'était auquel en penserait le plus de
bien.
8* Dn sénéchal de Hongrie, le seigneur. \lfarin, asubstitué
sa fille Clorinde aux lieu et place du fils de Clodomir XXVI
qu'il a vendu à des Boliémiens.
9° Il craint toujours qu'on le retire du fauteuil sur lequel
son parti est commodément assis.
10° Le général fut mis alors simplement en disponibilité
avec une pension de retraite, libre de rentrer, s'il l'eût
voulu, dans son grade, étant toujours sensé faire partie de
l'armée.
11° D'où les malheureux habitants acquirent connais-
sance et certitude que jamais ils ne retrouveraient le
corps devant que les coupables ne fussent punis.
lî" Mais ce n'était qu'un mieux passager et factice. 11
retombait plus épuisé que jamais après ces efforts; les
meilleurs m_édecins perdaient leur français à le vouloir
guérir.
13" Ces terrains ont été aliénés en vertu d'une décision
récente du Conseil municipal, à seule fin de créer de
nouvelles ressoprces à la ville.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.XDE MOITIÉ DU XVll- SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
[Suite.)
Un grammairien a dit qu'il vaut mieux supprimer
le, la, les quand ils sont suivis d'un autre pronom
personnel; il a tort, il faut dire :je le luij donneray,
et non je luy donnerai/.
Le désir qu'avez de me voir, les lettres que m'avez
écrites et autres semblables « antiquailles » ne sont
plus en usage. II faut exprimer le pfcnom ro^is (<6o9y.
Après la conjonction et, on peut ne pas répéter le
sujet ; mais quand il se trouve une adversalivc à sa
place, il faut nécessairement le répéter : je l'ay rencon-
tré, mais je ne luy ai rien dit.
PnO>OMS DÉMONSmATIFS.
Les pronoms démonstratifs ccttuy-cy, cette-cy,cettuy-
là, cette-là ne sont plus guère en usage, et l'on se sert
de celuy-cy, celle-cy, etc.
En parlant, on dit cet homme icy plutôt que cet
homme-cy. .Mais en écrivant, on ne se sert ni de l'un
ni de l'autre, et l'on se contente de dire : cet homme,
ce temps, ce royaume. Toutefois, on peut écrire cet
homme icy, ce temps icy, dans le sljle corrompu, saty-
rique et burlesque qui représente le style populaire du
langage familier.
Dans ces phrases : je vous verray un de ces jours, un
de ces matins, et autres semblables, ces signifie les
jours « procliains à venir ».
Quelquefois celuy signifie la même chose que nul ou
personne, comme lorsqu'on dit .• il n'y a celuy qui ne
■•icache, etc.
Entre le démonstratif ce/uy-Zà et le relatif çi//, il faut
toujours interposer le verbe qui est régi par celuij-là,
comme dans : ccluy-là est souvent trompé qui croit à
30
LE COURRIER DE VAUGELAS.
un mentevr, et non pas : celuy-là qui croit à nn tnen-
teur est souvent trompé.
On ne dit plus : // m'a fait ce bien, cet honneur de
médire; mais on dit : il nia fait le bien, V honneur
de me dire.
Les expressions à cause de ce, non content de ce, .mr
ce, et pour ce, outre ce, pour ce faire, ce faisant, ce
dit-il, sont liors d'usage; il faut partout remplacer ce
par cela.
Dans il est force pour il est nécessaire, « con-
traignant », inévitable, « obligeant », c'est une parti-
cularité du mot force d'être construit ainsi comme un
adjectif, car on ne dit pas il est contrainte, il est
nécessité.
Après c'est, excepté quand il s'agit d'un nom propre,
il faut toujours un article ou un pronom; ainsi, on ne
dit pas c'est chose glorieuse, c'est chose asseurée, mais
bien c'est une chose glorieuse, asseurée.
DES PRONOMS POSSESSIFS.
Il y a des « pronoms possessifs » qui vont avant le
substantif, et d'autres qui vont après; les premiers
sont : mo«, ton, son, etc., et les autres, mien, tien,
sien, etc.
On ne dit plus vn mien amij, un sien parent. Voici
l'usage de ce pronom possessif, qui ne précède jamais
les substantifs : il se met ^rès le verbe être ou se
remplace par à vous, à Iwj, comme dans : je pemois
que ce livre fust mien ou à moy, etc. ilG59,\
Mien, tien, sien se disent pour richesses, moyens :
Je fournirai/ du mien, mettez aussi du vostre.
PRONOMS RELATIFS.
Ce sont, d'après ChifOet, lui/, elle, le, la, les, qui,
que, lequel, dont, y, en, quoy.
H ne fait pas mention de iceluy, icelle, iceux, icelles
parce qu'ils sont tout-à-fait bannis du bon langage, et
ne se trouvent plus que dans le style des notaires.
Oii se met très-élégamment pour le relatif auquel,
comme dans cette phrase : le mauvais estât oit je vous
ay laissé.
Lequel et qui ont entre eux cette différence d'usage
que qui ne s'emploie que quand on parle des personnes
intellectuelles ou raisonnables, c'est-à-dire de Dieu,
de l'ange ou de l'homme, et que, si l'on parle des bêtes
ou des choses inanimées, on emploie lequel, duquel,
• auquel.
En parlant des choses qui sont destituées de raison,
on emjiloie souvent quoy au lieu de lequel ou lesquels,
comme dans : le cheval sur quoy j'estais monté; les
chaises sur quoy ils estaient assis.
Lorsque devant le relatif il y a deux noms de diffé-
rents genres unis par de, il faut employer un relatif
qui empêche l'équivoque. Ainsi, au lieu de dire, c'est
une ordonnance du Itoy qui fera de grands changements
en tout le royaume, il faut dire laquelle fera, etc.
USAGE DES PARTICIPES PASSES APRÈS LES RELATIFS.
Si le nominatif (sujet) va après un prétérit précédé
d'un pronom relatif, il faut laisser le participe inva-
riable, et dire, en conséquence, les lettres que m'a
envoyé ma mère, et non pas envoyées (1659).
Quand un participe passé est précédé d'un relatif
régime direct et suivi d'un infinitif, ce participe reste
encore invariable; ainsi l'on dit : les lettres que je vous
ay veu escrire, et non pas veues; je les ay fait peindre ;
elles se sont fait peindre, et non pas faites.
Manquer à ces deux règles, ajoute Chifflet, constitue
une assez lourde faute.
Quant aux façons de parler qui suivent, il vaut mieux
dire le commerce de cette ville l'a rendu puissante , le
commerce nous a rendu puissants que rendue, que
rendus.
Dans les verbes réciproques, le participe, toujours
accompagné des verbes substantifs, s'accorde avec les
pronoms personnels; exemple : nous nous somines ren-
dus pîiissants. Mais il y a une exception pour le cas du
participe féminin suivi d'un autre participe du même
genre; ainsi il faut dire : elle s'est trouvé guérie, et no.n
pas trouvée (1659).
DES PRONOJIS INTERROGATIFS.
Ces pronoms, qui sont qui, quoy, que, lequel, quel,
se mettent après les verbes « de sçavoir et d'ignorer »,
comme dans cette phrase : je ne sçais qui vous estes.
Il ne faut jamais dire tel qu'il soit au lieu de quel
qu'il soit.
DES PK0îi0.MS INDÉFINIS.
Le mot force est rangé au nombre de ces pronoms.
Quand quelque signifie environ, il est indéclinable :
nous estions quelque trente hommes.
On dit bien au singulier, j'ay trouvé quelcun qui
m'a dit, etc; mais au « plurier », il faut dire quelques
personnes au lieu de quelques-uns.
Chaque ne se met point au pluriel, excepté devant
des noms qui ne s'emploient pas au singulier, on dit :
à chaques Matines, à chaques Laudes.
Aucun ei aucune sont toujours négatifs; il ne faut
pas dire, en. conséquence, j'ay trouvé aucunes personnes
qui m'aidèrent; dites quelques personnes (1659)."
Au lieu de personne, on emploie quelquefois homme
qui vive, honune dti monde, ame qui vive, personne du
monde, comme dans : vous ne trouverez homme qui
vive qui entreprenne cela.
L'autruy pour le bien d'aulrui est une mauvaise
façon de parler.
Tel quel signifie passable, médiocre, comme dans :
// m'aime d'une effusion telle quelle.
OBSERVATIONS DES PRONOMS.
L'expression quant à peut être suivie des pronoms
de toutes les personnes, excepté de ceux de la première ;
on ne dit pas quant à moy, il faut dire pour moy, de
moy.
Le relatif en est mal employé quand on dit : il en
est . des hommes comme des feuilles d'un arbre qui
tombent et flétrissent l'une après l'autre; il faut le
supprimer, et dire : il est des hommes, etc. (1669).
[La suite au prochain numéro.)
Le Rédactedr-Gékant : Eman MARTIN.
I
LE COURRIER DE VAUGELAS
31
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
La Toison d'or ; par Ainédée Achard. 2" édition. In-
18 Jésus, 338 p. Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50 cent.
Œuvres de M. de Bonald. Essai analytique sur
les lois naturelles de l'ordre social. Du divorce consi-
déré au X1X= siècle, relativement à l'état domestique et à
l'état public de société. Pensées sur divers sujets. Dis-
cours politiques. In-8°, 604 p. Paris, lib. Le Clère,
Reichel et Cie.
Costal l'Indien, ou le Dragon de la reine. Scènes
de la guerre de l'indépendance du Mexique; par Gabriel
Ferry (Louis de Bellemare). Nouvelle édition, avec une
préface de Mme George Sand. In-18 Jésus, mi-452 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
La Banque du diable et autres petites histoires;
par Eugène de Margerie. ln-12, 285p. Paris, lib. Téqui.
Vie du frère Philippe, supérieur général de l'Institut
des Frères des écoles chrétiennes; par M. Poujoulat.
1" édition, revue, corrigée et augmentée, ln-8", 376 p.
Tours, lib. Marne et fils.
Soirs d'hiver; par Socelyn Bargoin. Avec sonnet —
préface par François Coppée. Gr. in-S", 119 p. Pau. lib.
Ribaut.
La musique française au XVIII' siècle. Gluck et
Piccinni, 1774-1800; par Gustave Desnoiresterres. 2« édit.
In-12, xt, 424 p. Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr. 50.
Le Régent Mustel ; par Ale.xandre Dumas fils, de
l'Académie française. Nouvelle édition, Gr. in-18, 352 p.
Paris, lib. Michel Lévy. 1 fr. 25.
A travers l'antiquité. La Vie joyeuse au Pays
latin, par A. Grenier. Iu-i8 Jésus, 283 p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
Roses noires et Roses bleues; par Alphonse Karr.
Nouvelle édition. In-18 Jésus, 323 p. Paris, lib. Michel
Lévy. 1 fr. 25 c.
Lundis révolutionnaires, 1871-1874. Nouveaux éclair-
cissements sur la Révolution française à propos des tra-
vaux historiques les plus récents et des faits politiques
contemporains; par Georges Avenel. In-lS", iv-416 p.
Paris, lib. Leroux. 7 fr. 50.
Œuvres complètes de Diderot, revues sur les éditions
originales, comprenant ce qui a été publié à diverses
époques et les manuscrits inédits conservés à la biblio-
thèque de l'Ermitage. Notices, notes, table analytique.
Etude sur Diderot et le mouvement philosophique au
XVlIIe siècle; par J. .\ssézat. T. 2. Philosophie II.
In-8°, 534 p. Paris, lib. Garnier frères. 6 fr.
Histoire de Napoléon I""-; par P. Lanfrey, 5' édition.
T. 5. In-18 Jésus. 512 p. Paris, lib. Charpentier et Cie.
3 fr. 50.
Œuvres complètes d'A. F. Ozanam. Avec une
préface par M. Ampère, de l'Académie française, a- édi-
tion. T. 4. Etudes germaniques. II. La Civilisation
chrétienne chez les Francs, recherches sur l'histoire
ecclésiastique, politique et littéraire des temps méro-
vingiens .et sur le règne de Charlemagne. In-12. 664
p. Paris, lib. Lecoffre flls et Cie.
La littérature française au XIX' siècle; par J. P.
Charpentier, inspecteur honoraire de l'académie de Paris.
Ia-18 Jésus, xxui-374 p. lib. Garnier frères.
Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la
seconde moitié du XIX^ siècle; pur Maxime Du Camp.
4" édition. T. 2. In-8°. 477 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
7 fr. 50.
La Bande Cadet; par Paul Féval. II. Clément le Man-
chot. ln-18 Jésus. 360 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Heptaméron (Y). Contes de la reine de Navarre.
Nouvelle édition, revue avec soin et accompagnée de
notes explicatives. In-18 Jésus, xii-468 p. Paris, lib.
Garnier frères. 3 fr.
Manuel de morale pratique, à l'usage des écoles;
par Emile Loubens, chef d'institution honoraire, h' édit.
2 vol. In-18 Jésus, x-304 p. Pari.«. lib. Delagrave.
Publications antérieures ;
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avec des exemples choisis dans les œuvres des classiques
anciens et modernes. — Ouvrage adopté à la maison
d'éducation de la Légion d'honneur de Saint-Denis. —
Par .Mlle Tu. Brismontier. Ancienne élève de la Maison
de Saint-Denis, Professeur spécial pour la préparation
aux examens. Répétiteur des premières classes de latin
et de grec. — Paris, chez l'auteur, 1, rue Wagram.
HISTOIRE DE LA LlrrKRATLRE CONTEMPORAINK EN
RUSSIE.—- Par C. CoiRRiÈnE.— Paris, Cliarpenlier et Cie;
libraires éditeurs, 28, quai du Louvre. — Prix : 3 fr. 50.
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reste plus que la 2'=, la 4= et la 5" année, en vente au
bureau du Courrier de Vaugelas, 2G, boulevard des
Italiens. — Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco
pour la France. — La 1" el la 3« année seront prochaine-
ment réimprimées.
LA CHUTE D'UN ANGE, épisoue; par A. de Lamartine. —
Nouvelle édition. — Paris, Hachette et Cie, Pagnerre-
Furne et Cie, éditeurs.
SAINT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallo.v,
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Suint-Germain.
32
•LE COURRIER DE VAUGELAS.
MITS D'AUTOMNE. — par Evariste Carrance. — Deu-
xième édition. — Prix : 5 francs — Paris, Alphonse
Lemerre, éditeur, 57-29, passage Clioiseul.
LE DICTIONNAIRE EN EXERCICES, étude pratique des
mots de la langue française faisant connaître 1° les racines
françaises ou les radicaux; 2» les préfixes et les suffixes;
3' la valeur primitive et actuelle des dérivés français ;
U" remploi des mots ; 5° l'orthographe d'usage. — Par
L. Gri-mdlot. — Partie du maitre et partie de l'élève. —
Paris, Aiig. Boijer el Cie, libraires-éditeurs, Z|9, rue St-
André-des Arts.
LES AMOURS DE PETITE VILLE; CHARDONNETTE. —
Par Charles Deulix. — Troisième édition. — Paris,
E. Denlu, éditeur, libraire de la Société des Gens de
lettres, Palais-Royal, 17-18, Galerie d'Orléans.
RÉCITS ESPAGNOLS; par Charles Gueullette.— Unbeau
volume in-18 de 316 pages. — En vente chez Denlu et
dans toutes les gares. — Prix : 3 francs.
LE PANTHÉON DE LA FABLE, choix des meilleurs
apologues empruntés aux fabulistes de tous les temps et
de tous les pays, avec des notices biographiques, des
études historiques et littéraires, etc. — Par J.-Alsx.
Arrant, professeur de langues et de littérature. — Paris,
Aug. Boyer et Cie, libraires-éditeurs, 69, rue St-André-
des-Arts.
LA MORALE UNIVERSELLE, un beau volume in-8»,
papier cavalier, de 476 pages. — Par A. Eschenauer —
Ouvrage couronné par l'Académie française — Chez
Smidoz el Fischbaclier, 33, rue de Seine.
MORCEAUX CHOISIS DES GRANDS ÉCRIVAINS DU XVI»
SIÈCLE, accompagnés d'une grammaire et d'un diction-
naire de la langue du xvf siècle. — Par Auguste Brachet,
ancien examinateur et professeur à l'École polytech-
nique, lauréat de l'Académie française et de l'Académie
des Inscriptions, membre de la Société de linguistique.
— Deuxième édition revue. — Paris, librairie Hachette
et Cie, 79, Boulevard Saint-Germain.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
Avenue de la Grande Armée (prés de l'Arc de
triomphe de l'Etoile). — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très bel appartement.
A Passy (près du Ranelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Rue de Turin (près de la gare Saint-Lazare). —
Une ancienne maîtresse de pension reçoit dans sa famille
deux jeunes étrangères pour les perfectionner dans la
langue française. — Leçons de musique.
Prés de la gare Saint- Lazare (vue sur la voie). —
Un homme de lettres recevrait comme pensionnaire un
étranger qui voudrait profiter de son séjour à Paris pour
se perfectionner sérieusement dans la pratique de la
langue française.
(Les adresses sont indiquées à la rédactioii du Journal.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le journal littéraire le tournoi est rédigé au concours par ses Abonnés seulement.
Les articles sont soumis à l'examen d'un comité de rédaction. L'insertion donne droit à l'une des primes
suivantes (expédiée franco) : i'" prime. — Cinq exemplaires du numéro du journal contenant l'article et un diplôme
confirmant le succès du lauréat; 2« prime. — Quinze exemplaires de l'article, tiré à part avec titre et nom de
l'auteur, et formant une brochure.; .3» prime. — Un ouvrage de librairie au clioix, du prix de 3 fr. 50 cent.
Tout abonné qui a été c/ouze fois lauréat reçoit une médaille en bronze, grand module, gravée à son nom.
Les articles non publiés sont l'objet d'un compte-rendu analytique.
On s'abonne chez MM. Ed. ÛIoreau et Fils, administrateurs du journal, boulevard Montmartre, 12, à Paris.
L'Académie irançaise propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère ei la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de porj. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de, l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cour.s, mais les auteuri pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
La Société littéraire d'Annecy, la Société académique de Cambrai et la Société d'Emulation d'Epinal reçoivent les
manuscrits, pour leur concours de 1875, jusqu'au l" juillet; — La Société académique de Châlons-sur-Marne,
jusqu'au 15 juillet; — La Société littéraire de Poligny (Jura), jusqu'au 15 septembre; — La Société dunkerquoise
jusqu'au !"• octobre; — Les Sociétés académiques de 'Troyes, de Lille et l'Académie de la Rochelle, jusqu'au 15
octobre; — La Société littéraire d'Apt, l'Académie de Bordeaux et la Société académique de Doulogne-sur-Mer,
jusqu'au {"•' novembre.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie GUUVEUNKliH, U. UAUl'KLEV, à Nogenl-le-Hotrou.
G" Année
N" 5.
l''^ Juillet 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le I" et le 15 de chaque mois
(Dans sa séance du \-2 janvie}- 1875, l' Académie /ranraise a décerné le prix Lambert à ceite publicaiion.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
Abonnement pour la France. Cf.
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ETRANGERS
On les prend en s'adressant, soit
Idem pour l'Etranger 10 f.
Officier d'Académie
directement au Rédacteur du jour-
Annonces, la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
nal, soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Les Abonnés de ce journal à qui certains numéros
de la présente année ne seraient pas encore parvenus,
sont priés de vouloir bien les réclamer immédiatement
au Rédacteur.
SO.M.MAIRE.
Communications sur La beauté du diable et Feux, terme de
théâtre; — Explication de Conter des fagots; — S'il faut dire
Bi-mensuel ou Semi-mensuel ; — Le pluriel Arc-en-cicis 1
Comment Jeter son anneau dans une rivière peut signifier
s'assurer les faveurs de la fortune; — Véritable signiBcation
de Toul-à-coup ; — S'il faut dire Mettre la charrue avant ou
devant les bœufs I Passe-temps grammatical 0 Suite de la
biographie de Laurent Chi/jlet || Ouvrages de grammaire et de
littérature |{ Renseignements pour les professeurs français ||
Concourj littéraires.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
Mon explication du proverbe Avoir la beauté du
diable m'a valu une lettre et un article de journal.
Voici la lettre, où je supprime quelques longueurs :
Paris, le 1" avril 1875.
Monsieur,
Dans le numéro du Courrier de VaiigelasAw 15 mars 1875,
vous donnez de la locution la beauté du diable une expli-
cation qui ne me paraît pas satisfaisante, bien qu'elle ait
en sa faveur l'autorité de Quitard et la vôtre.
Lorsque le diableétaitun ange du ciel, s'il était beau, il ne
l'était point parce qu'il était jeune. Il était beau comme
tous les anges créés par Dieu, indépendamment de son
Age, puisqu'il était, aussi bien qu'eux, immortel par essence.
S'il a perdu sa beauté, ce n'a pas été parce qu il a vieilli ;
mais il l'a perdue en punition de sa révolte contre Dieu.
Je crois plutôt que la beauté du diable est celle qui, en
dehors de la régularité des traits, tente par son éclat, c'est-
à-dire par la fraîcheur, apanage ordinaire de la jeunesse
et de la santé. Une femme médiocrement belle 'je ne
dirai pas absolument laide) mais fraîche, d'une bonne
santé, aux couleurs avenantes et fleuries, plaît, ou si l'on
veut, tente plus qu'une autre femme, régulièrement belle,
mais pùle et maladive.
En résumé, la beauté du dialde est la beauté qui tente. Or,
la beauté qui tente, c'est celle d'un sang vigoureux qui
tient à la jeunesse et à la force et non à la délicatesse ou
à l'arrangement artistique des traits.
Veuillez recevoir. Monsieur, l'assurance de ma parfaite
considération.
Elle Petit.
Voici l'article, trouvé dans le Charimri du P'' avril
i 873 par un abonné qui a eu l'obligeance de le trans-
crire et de me l'envoyer :
Une excellente petite publication à laquelle on doit
d'avoir élucidé plus d'un point de grammaire, le Courrier
de Vaugelas, donne ainsi, dans son dernier numéro, l'éty-
mologie de l'expression Aroir la beauté du diable :
« L'origine de cette expression se trouve selon toute
apparence dans le vieux proverbe qui dit que le diable
était beau quand il était jeune, allusion probable, d'après
Quitard, au temps où le diable figurait au rang des anges
du ciel. »
N'est-ce pas aller chercher bien loin?
•^ La beauté du diable, c'est tout simplement, nous semble-
t-il, cette beauté qui fait venir le baiser aux lèvres; c'est
la beauté gui tente.
Si, au lieu de consulter les vieux proverbes oubliés,
Quitard avait eu l'idée de regarder le joli minois d'une
fillette qui le croisait, l'excellent grammairien n'eût pas
douté, croyons-nous, de l'origine de cette expression.
Paul Parfait.
Quelles qu'en soient la raison et l'origine (je n'ai
point à m'en occuper ici . il a existé chez nospères, c'est
certain, un proverbe qui disait que
Le diable était beau quand il était jeune. '
Et, une fois admis que le diable avait eu de la beauté
dans sa jeunesse, on a dit tout naturellement d'une
femme qui n'av,ait que la fraîcheur de ses jeunes
années qu'e//e avait la beattté du diable, espèce d'eu-
phémisme pour signifier qu'elle n'était pas belle.
Telle est, selon moi, la véritable explication de
l'expression en litige.
MM. Elle Petit et Paul Parfait pensent autrement;
je les remercie de l'avoir dit, et je vais essayer de lein-
faire voir en quelques mots qu'ils se trompent.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
L'opinion de mes coniradicteurs est que « la beauté
du diable est la beauté qui tente. »
Or, pour que cette proposition puisse être vraie, il
faut que la beauté qui n'est pas celle du diable, c'est-à-
dire la beauté réelle, ne tente pas, car sans cela, l'épithète
du diable ne serait pas justifiée.
En est-il ainsi ? Non, et la preuve c'est que le diable,
lorsqu'il veut séduire le sexe fort au moyen du sexe
faible, ne manque jamais, lui, le tentateur par excel-
lence, de prêter les traits d'une parfaite beauté à la
femme qu'il clioisil pour ministre.
Partant, la beauté du diable ne peut être défaiie la
beauté qui tente.
IL
J'avais donné (2'= année, page 4) une origine du mot
feux appliqué à la somme qu'un acteur reçoit en plus
de ses appointements chaque fois qu'il joue ; une autre
explication, que je reproduis ci-dessous, m'a été adres-
sée par M. Loubens, chef d'institution honoraire à Paris:
Louis XIV avait mis à exécution un règlement qui
stipulait que les chanteurs, les acteurs, les danseurs et les
symptionistes de la chambre, de la chapelle et de l'Aca-
démie royale de musique toucheraient, en sus de leurs
appointements, du pain, du vin, de notables morceaux de
viande, ce qui leur donnait la qualité de commensaux du
château, dans si.x bonnes fêtes de l'année. Mais les jours
de la Saint-Louis ou de la Saint-Martin, à la placé du vin
et de la viande, celle-ci étant supprimée parce que ces
fêtes pouvaient tomber un jour de maigre, on en évaluait
le prix à 170 fr., et chaque pensionnaire recevait en argent
le montant de ces vivres.
LuUi maintint avec grand soin cet arrangement. Vers la
fin du svu' siècle, on ajouta un supplément de traitement
pour payer les bougies que les premiers sujets avaient eu
tant de peine à obtenir à la place des chandelles qui
éclairaient leurs loges. Dés lors, la somme allouée pour le
pain, le vin, la viande et les bougies prit le nom de /en.',
qui est encore en usage.
{Bulletin de la Société acad. de Poitiers, 1871.)
La première explication porte que « Molière trouva la
demande juste, et leur accorda (à ses acteurs) 2 fr. par
soirée pour acheter du bois », et que « de là vienlj^
nom de fe^ix. >> Avec cette explication, on ne voit
pas la nécessité de mettre feu au pluriel, chaque acteur
ayant dû dire : je touche tant pour mon feu; aussi lui
préféré-je celle qu'on vient de lire, qui justifie beau-
coup mieux 1':^ : il y avait une somme allouée pour
des bougies, chaque acteur dut dire : mes feux.
Mes sincères remerciements à M. Loubens.
X
Première Question.
Comment eocplique:^-i-ous que contée des fagots «/<
pu prendre le sens de conter des fadaises, des bourdes,
des choses de peu d'importance?
A. ma connaissance, on a expliqué cette expression
de trois manières diifércntcs :
4 û C'est la Gazette (\c Rcnaudol (le premier journal
((ui ait paru en France) qui a donné lieu à cette expres-
sion. On criait et on vendait celte feuille dans les rues,
il arriva un jour qu'un marchand de fagots criait sa
marchandise en même temps que le vendeur île gazette
criait la sienne; et toutes les fois que celui-ci annonçait
à haute voix la gazette, celui-là articulait aussi ses
fagots. Depuis, réunis par le hasard ou la malice, ces
mots devinrent synonymes, et quiconque rapporte une
nouvelle apocryphe est un conteur de fagots.
— Quoique répétée dans plusieurs ouvrages, cette
origine n'en est pas moins fausse. Il est évident que si,
avant Renaudot, l'expression conter des fagots n'avait
pas été employée, personne ne se serait avisé de faire
le moindre rapprochement lorsque le colporteur et
le marchand criaient, l'un sa gazette et l'autre ses
fagots. Ce n'est donc point la Gazette de Renaudot
qui a donné lieu à l'expression dont il s'agit.
2" Ceux qui font des fagots, dit le Dictionnaire éty-
mologique de Noël et Carpentier, ont soin de mettre
en évidence les meilleurs morceaux de bois qui
entourent de mauvaises broutilles, et les cachent aux
yeux des acheteurs. Cet exemple est soigneusement
suivi par les marchands d'asperges, de carottes, etc.
C'est ce qu'on appelle pare;- la marchandise. Ces fagots
ont excité la méfiance des acheteurs, d'où l'on a dit :
cela sent le fagot, pour dire : cela est trompeur ; et tout
débiteur de mensonges a été appelé débiteur ou comp-
teur de fagots, d'où compter des fagots, pour débiter,
dire des mensonges.
— L'expression sentir le fagot, qui a pris naissance
avec le brûlement des hérétiques en France, ne signiQe
pas tromper; cette expression, qui s'appliquait le plus
souvent aux personnes, voulait dire être entaché d'hé-
résie, et, par conséquent, mériter le supplice du feu
iallumé à des fagots). C'est faire fausse route que de
chercher à expliquer conter des fagots par cela sent le
fagot.
3" D'après Quitard, cette locution est venue tout
simplement d'une allusion à la mauvaise foi»de3 mar-
chands de bois, qui comptent les fagots qu'ils vendent
de manière à tromper sur la quantité ou sur la qualité.
Une phrase de la vieille farce intitulée : La querelle de
Gaultier Garguille et de Périnc, sa femme ne laisse
aucun doute sur ce sujet. « Tu me renvoies de Ca'iphe
à Pilate; tu me contes des fagots pour des cotterets. «
Conter est mis ici pour coinpter; la dilïérence que l'œil
remarque entre ces deux homonymes ne fait rien à la
chose; dérivés l'un et l'autre, suivant Nicot, du verbe
latin computare, ils étaient autrefois confondus sous le
rapport de l'orthographe.
— Si cette expression est venue « simplement « de
la mauvaise foi de ceux qui vendent des fagots, mau-
vaise foi probablenientaussi ancienne que leur profession
elle-même, pourquoi M. Littré n'a-t-il donc trouvé le
Iiremier exemple de conter des fagots que dans la
phrase suivante d'une lettre de Mme de Sévigné, écrite
en 108'.?
Je n'écrirai point aujourd'hui à mon ami, je ne l'en
aime pas moins : il me coule toujours des fagots fort
jolis.
l'uis encore, si l'explication précédente, qui donne à
conter des fagots le sens de tromper, user d'artifice
pour tromper, est la vraie, comment a-t-il pu se faire
I
LE COURRIER DE VAUGELAS.
33
que fagot en soH venu à signifier rien, fadaise, sornetle,
comme on le voit dans l'Académie?
J'ai cherché, el peut-être non en vain, une autre
origine à ce proverbe.
L'expression conter des fagots ne remonte pas si
haut que le prétend Quilard; elle vient, à mon avis.
de la farce invoquée à l'appui de l'origine qu'il indique,
la Querelle de Gaultier Gurguille et de Perrine sa
femme, où se trouve la phrase suivante prononcée par
Perrine :
Le premier jour de nos nopcps, quand je te demanday
conseil comment je devois me gouverner, tu me dis à ma
volonté; et maintenant tu me renvoyé de Cayphe à Pilate,
tu me conte des fagots pour des coirets. Va, va, de par le
diable : va-t'en au vin. tandis que je mangeray mon potage ;
tout ce que tu me contes, vois-tu, passe par une oreille
et sort par l'autre.
Voici, en effet, sinon la démonstration rigoureuse de
cette thèse, du moins une suite de remarques militant
assez fortement en sa faveur pour lui faire accorder
un certain degré de vraisemblance.
L'origine que je propose peut être celle de l'expres-
sion.— Non-seulement la Querelle de Gaultier Garguille
contient l'expression conter des fagots, conime le
montre la citation que je viens de faire, mais encore elle
la contient allongée de quelques mots , ce qui permet de
croire qu'elle est la source d'où ladite expression a été
tirée.
Cette orifrine peut expliquer l'usage qui a été fait de
l'expression. — Le célèbre bouffon Gaultier Garguille
mourut à la fin de iCi23. Une expression créée par lui
n'avait guère chance d'être adoptée tout de suite par les
bien parlants; aussi, celle dont il s'agit n'est-elle pas
dans Cotgrave (1660;. Mais grâce au temps, on se fami-
liarisa avec elle: Mme de Sévigné employait fagot
pour niaiserie, bourde, en 1684, et dix ans plus tard.
conter des fagots prenait place dans la première édition
du Dictionnaire de l'Académie, accompagné de cette
note : « proverbial et bas » laquelle est comme une
allusion au style du lieu où je le fais naitre.
Celte origine peut expliquer le sens de l'expression.
— Dans la citation que j'ai faite, Perrine dit à son
mari Gaultier Garguille que tout ce qu'il lui conte
« passe par une oreille et sort par l'autre », et ce qu'il
lui conte, elle l'a nommé deux lignes plus haut: ce
sont « des fagots et des cotrets. >■ Mais des choses
auxquelles une femme accorde si peu d'attention ne
peuvent être que des niaiseries, des riens, des fadaises,
ce qui est justement le sens que l'Académie donne à
fagots quand il se dit au figuré.
, Cçlte origine peut expliquer l'emploi des termes
composant l'expression. — Dans le style bouffon, lés
licences grammaticales sont sans bornes ; on forge des
mots à volonté, on les construit de même, et il s'en
fait des associations plus ou moins singulières. Or, le
fagot étant plus long que le cotret (il avait 3 pieds et
celui-ci 2 seulement), il n'y a rien d'impossible à ce
que conter des fagots povr dex cotrets. ait eu. dans le
langage de Gaultier Garguille, la signification de conter
plus longuement, en plLis di' mots (ju'il ne faut en
employer ordinairement; d'où, pour l'expression
abrégée, la construction du verbe conter, au sens de
dire, avec le substantif fagots figurant là, en dépit de
la raison, conâme réRirae de ce verbe.
Seconde Question.
Votre journal, qui paraît deux fois par mois, se dit
SEMi-MENSCEL ; la Chromqce MrsicALE, f/ui se publie dans
les mêmes conditions de périodicité, se dit, elle, bi-
mensuelle. Je voudrais bien saroir si semi-mensuel et
Bi-MENSUEL sont également français, et, dans la négative,
pourquoi 'Je suppose la raison de votre côté vous pré-
férez SEMI-MENSUEL à Bi-MENsuEL. J'ose espérer, dans un
de vos plus prochains numéros, une réponse à cette
question qui n'est pas pour moi sans importance.
Comme cette question a déjà été résolue (2° année,
numéro 2, page i;, je pourrais, restant fidèle à une
règle que je me suis faite relativement aux questions
qui peuvent se i-eproduire dans le cours de cette publi-
cation, vous donner simplement un résumé de mon
article ; mais un heureux hasard m'ayant mis entre les
mains une appréciation de semi-mensuel et de bi-men-
suel par quelqu'un qui conclut absolument comme moi.
je vais vous la transcrire tout entière pour donner plus
de poids à la mienne.
Voici comment s'exprime M. E. Mouillard, auteur de
ladite appréciation, datée du 29 avril I.S73 :
La solution de cette difficulté est toute dans l'étude
comparative des mots Bl ou Bis et Scmi, que les gram-
mairiens appellent des préfixes, et de la modification qu'ils
font subir à la partie des mots au-devant desquels ils sont
placés avec ou sans trait d'union.
Bi ou Bis (suivant que le mot auquel on joint le préfixe
commence par une consonne ou unp voyelle) ajoute à
l'idée exprimée par le mot principal la pensée de la répé-
tition du fait ou de l'extension de la situation exprimée
dans la limite qui semble en doubler l'importance.
Ainsi Bi-mcstre, d'après Littré, est un adjectif indiquant
uni" durée de deux mois, comme trimestre et semestre
indiquent trois ou sis mois, et non pas le tiers ou le
sixième d'un mois ou la moitié d'un mois.
Bis-annuel exprime une idée de deux ans, et non une
demi-année ; une plante bis-annuelle est celle qui parcourt
en deux années les phases et le terme assigné à son
existence.
Biscuit signifie un pain qui a subi deux cuissons néces-
saires à sa longue conservation.
Enfin Bisaïeul s'applique au vieillard père de l'aïeul et
considéré à ce titre comme deux fois aïeul.
Ainsi, sans multiplier les exemples dans le sens qui vient
d'être spécifié, reconnaissons que si la locution bi-mensuel
est parfaitement admissible dans la langue française, c'est
à la condition que cet adjectif voudra dire : qui dure
deux mois, et que dans le sens restreint à un demi-mois,
que lui attribue la Clironique musicale, elle est évidemment
incorrecte.
Voyons maintenant si l'étude de la locution rivale de
Semi-mensuel ne vient pas encore â l'appui de cette appré-
ciation.
Semi, d'après Littré, est un préfixe qui se joint toujours
à un autre mot. et qui signifie demi.
Uisoris d'abord que Semi-mensuel est comme Bi-mensuel
une locution sinon admise, au moins parfaitement admis-
36
LE COURRIER DE VAUGELAS.
sible dans la langue française, et qu'à cet égard, leur
position est exactement la même.
Au fond, Semi signifie bien demi, et répond uniquement
à la division en deux parties égales, ou indiquées arbi-
trairement comme telles.
C'est ainsi qu'on qualifie de Semi-annuel ce qui se repro-
duit tous les six mois;
Semi-diurne, ce qui dure la moitié du jour ;
Semi-nocturne, la portion de cercle astronomique qui
forme la 1' moitié parcourue pendant la nuit;
Semi-périodique, la publication dont la périodicité n'est
pas complète, mais, au contraire, sujette à des intermit-
tences.
Tous ces exemples nous permettent de déclarer, d'accord
avec le sens propre des termes, que Semi-mensuel indique
• bien une périodicité basée sur la division du mois en
deux parties, et répond parfaitement aux intentions du
journaliste qui a inscrit cette locution dans le titre même
de sa feuille.
X
Troisième Question.
Dans votre numéro du 15 février, à la partie
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS, VOUS écrivez au pluriel :
AKc-EN-ciEi,s. Je vous serais bien reconnaissant si vous
vouliez donner la raison qui vous fait mettre le contraire
de ce qu'enseignent toutes les grammaires que j'ai vues.
La partie de mon journal dont vous parlez est une
espèce de revue rétrospective de la langue, où les faits
et les doctrines ne peuvent être imputés qu'aux auteurs
eux-mêmes dont j'analyse les ouvrages.
Je ne puis donc avoir à m'expliquer sur le pluriel du
nom composé arc-en-ciels, donné par moi, non comme
une orthographe que j'approuve , mais comme une
curiosité recueillie dans Vaugelas.
ÉTRANGER
Première Question.
Dans un feuilleton de M. Louis Ulbach sur le nouvel
Opéra, je lis cette phrase : « Déjàj'kwkis jeté mok anneac
DA^s LA PETITE Rivii-;KE quB j'ai étanchée pour être sûr de
jouir de ma gloire. « Ce sont des paroles prêtées à
M. Garnier, l'architecte de l'édifice. Comment un archi-
tecte peut-il tenir un tel langage ?
L'Ile de Samos, jadis la plus puissante des îles lon-
niennes, fut gouvernée, dans le sixième siècle avanlJ.-C,
par un roi absolu qui s'était emparé du pouvoir après
avoir fait mourir ses deux frères, et qui a pris place
dans l'histoire sous le nom de l'olycrate.
Tout ce qu'il avait tenté pour soumettre et asservir son
peuple lui avait réussi. Non moins heureux dans ses
conquêtes, il s'était rendu maître de plusieurs iles de la
mer Egée et même des villes de la côte d'Asie. Enlin, il
était parvenu à faire lleurir le commerce, les arts et les
sciences, et jamais prospérité ne fut plus grande que
celle des onze années de sa domination.
Le roi d'Egypte Amasys, son ami et son allié, effrayé
d'un pareil bonheur, lui écrivit ces mots : « Vos pros-
pérités m'épouvantent; je souhaite à ceux qui m'inté-
ressent un mélange de biens et de maux, car une divinité
jalouse ne souffre pas qu'un mortel jouisse d'une
félicité inaltérable. Ménagez-vous des peines et des
revers pour les opposer aux faveurs constantes de la
fortune. »
Mettant à profit ce conseil, le tyran voulut aller au-
devant de la fortune adverse ; il jeta dans la mer un
anneau d'un très-grand prix. Mais le destin n'accepta
pas le sacrifice : il lui renvoya son anneau, quelques
jours après, par un officier qui l'avait retrouvé dans le
gosier d'un poisson.
Or, les paroles que M. Louis Ulbach prête à M. Gar-
nier sont une allusion au sacrifice de Polycrate.
X
Seconde Question.
Vomlriez-vous bien me dire quelle est la véritable
signification de tout-a-cocp? Probablement que a coup a
été autrefois employé seul.
Vous avez deviné juste.
Avec le mot coxip, dans le sens de fois, où il s'em-
ploie encore, la langue française a formé l'expression
à un coup, au coup, à coup signifiant à la fois, expres-
sion qui s'est employée depuis le xv' siècle au moins
jusqu'au xviii% comme ces exemples en sont la preuve :
Le bateau n'estoit pas trop grand où nous passasmes,
car il n'y pouvoit entrer que deux chevaux au coup.
(Froissart, II, III, 7.)
Disant que on faisoit ces dissimulations pour n'avoir
point la guerre aux deux royaumes à ung coup.
(Commiiies, III, 6.)
Ce conte lui vint à coup frapper l'imagination.
(Marot, 1, ri4.)
Au lieu de descendre doucement dans leur matière, ils
y tombent soudainement et à coup.
(Balzac, liv. VII, lettr. 5o.)
Or, en préposant à cette expression le modificatif
tout, qui a commencé à s'employer de cette manière
dès les premiers temps de notre langue {la Chanson de
Roland présente une foule de cas de cet emploi), on a
formé tout à coup pour signifier soudainement, ins-
tantanément.
C'est une expression composée d'une manière ana-
logue à tout à fait, dont j'ai parlé dans la 3= année,
page 4 73.
X
Troisième Question.
J'ai entendu dire à plusieurs personnes : mettre la
cHARRi E devant LES iicJEUES, et je vois que l'auteur de la
COMMUNICATION I iiiuméro 1\ de la 5» année) dit : mettre
LA CHARRUE AVANT LES BOEUFS. Lequel de ces deux énoncés
est le tneilleur? Celui qui contient devant ou celui qui
contient avant'.'
11 est évident que, dans ce proverbe, la préposition
requise doit signifier la position qu'occupe la charrue
relativement aux bœufs.
Or, à en juger par l'historique qui le concerne dans
le dictionnaire de Littré, avant, en tant que préposition,
ti'aurait jamais siimifié en français qu'une idée de
temjis.
I
I
LE COURRIER DE VALGEL\S.
D'où il suit que, si ancien que puisse être le proverbe
en question, il est tout à fait impossible qu'avant y
figure, et que, par conséquent, ce proverbe doit être
énoncé comme il suit :
Mettre la charrue devant les bœufs.
Du reste, au raisonnement qui précède, je puis ajouter
cet exemple du xni= siècle, qui montre le complet
accord qui régne ici entre le fait et la théorie :
Ce seroit certes grans eschars [faute] ;
Devant li buef iroit 11 chars.
{^Proverbe, dans Leroux de Lincy.)
PASSE-TE.MPS GRAM.\IAT1GAL
Corrections du numéro précédent.
l». . . à gorge déployée (on ne dit pas rire à gorges rhauiles),
— a» Etant données des lois; — 3°... el malgré qu'il en eût
(Voir Courrier de Vaugelas, i' année, p. i3j; — i"... dont les
termes ne laissent pas de (sans que); — 5°... que n'a jamais
contrariée le génie; — 6»... dit avec urte voix de tonnerre le
tirteur; — T>... et c'était o qui en penserait (c'est pour à ce/ui gui
avec celui sous-entendu); — 8°... au lieu et place (comme dans
au fur et à mesure); — 9»... qu'on ne le relire; — 10°.. . étant
toujours censé ice qui signifie regardé comme); — 11°... le
corps avant que les coupables \devant que ne se dit plus); —
12». . . perdaient leur latin à le vouloir guérir lici latin veut dire
science, et français ne s'emploie jamais dans cette sigoiScalion);
— 13°... afin de créer (Voir Courrier de Vaugelas, 2' année,
p. 159).
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1" 11 était difQcile de résister au plaisir d'initier ses
contemporains aux mystères de ce monde étrange, mi-
bohème, mi-artiste.
î" Quand il lui suffirait d'un trait de plume pour délivrer
la langue d'une sottise que rien ne recommande et que
tout condamne, elle la laisse se perpétuer avec la plus
grande indifférence. Elle fait pire, elle l'explique.
3' De son cùté, la comtesse n'a pas compris qu'en pareil
cas, l'épouse négligée, blessée au cœur, atteinte cruelle-
ment dans son orgueil, n'avait rien de mieux à faire qu'à
se renfermer dans la dignité du silence et dp la résignation.
i° Dn jour, à Saint-Germain, pendant la fête de la Saint-
Louis, nous étions entré dans la loge du Jeune Indien,
capture à la youvcUe-Z èlande .
h' Quoi de plus palpitant que l'esclave lâché dans une
arène où y bondissent quelques sauvages panthères et où
deux lions rugissent.
6° Dans certaines casernes, les soldats croiraient manquer
à leurs devoirs en achetant le tripoli nécessaire à la
propreté de leurs boutons à d'autres qu'à lui.
7° Seulement je crois bien que la mèche de la fusée est
toujours humide, car jamais, jamais je ne l'ai vu s'enflam
mer.
8= D'après la Gazette de Pékin, il serait faux que la vpuvr
du dernier empereur se serait suicidée, après la mort de
son époux.
9 Depuis hier matin, une quête est organisée au salon
de l'exposition, dans la grande nef du Palais de l'Industrie,
au profit de l'œuvre des petites-sœurs, gardes-malades des
. pauvres à domicile.
10° C'est en vertu du raisonnement que voici que les soi-
disants libéraux de Belgique et de France nous contestent
par des guet-apens en plein jour, la liberté consolante de
croire en Dieu.
11° Nous avons eu occasion de signaler le mauvais effet
qu'a produit la nomination à l'un des postes les plus élevés
ressortissant du ministère de la justice d'un tout jeune
magistrat du parquet de la Seine, M. Ribot.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII» SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
[Suite.)
L'auteur des Remarques (Vaugelas) trouve qui du
bas style dans cette phrase : ils s'enfuijrent qui cà, qui
là; qui d'un côté, qui d'un autre; mais l'un de ses
censeurs le trouve bon et élégant.
// a esprit -vt cœur pour dire de l'esprit et du cœvr
est un mauvais « langage. »
Ce/a /"«(Y est bien dit; cela dit n'est pas si bon, il
vaut mieux employer ayant dit.
Que devant un verbe pour rien à est élégant, comme
dans : vous n'avez que faire icij, vous n'avez que repar-
tir à ce juste reproche.
Quand le pronom « va devant » le verbe dont il est
régi, il n'est pas nécessaire de le mettre toujours immé-
diatement avant; on peut dire à volonté : il veut se
justifier ou il se veut justifier.
DES VEBBES ET DE LEITE COSJCGAISOS.
Chlftlet réduit à l'optatif, mode qui exprime l'action
du verbe en manière de désir, le mode quQ les Latins
appellent le conjonctif ou le subjonctif « parce qu'il a
coustume d'estre mis après certaines conjonctions»;
mais il ne les distingue pas parce qu'ils n'ont point de
différence dans leur conjugaison, et que la « multipli-
cation » dés modes ne servirait qu'à surcharger la
mémoire.
La première conjugaison a l'infinitif en er. la seconde
.en ir, la troisième en oir, la quatrième en re (1639).
Pour ce grammairien, le participe forme à' lui seul
un mode, qui est le cinquième.
Du teinps de Chifllet, il y avait encore des provinces
qui disaient : je m'aij trompé, tu t'as trompé, il s'a
trompé, etc., mais c'était fort mal parler.
COSJCGAISO.N DC VEBBE ArXILIAlBE.
On prononce ^"ay comme je; il a comme il at, toute-
fois sans jamais faire entendre le t. Ils ont se prononce
iz ont. Ils avoient sonne iz aref, car au pluriel de
l'imparfait, \'n ne se prononce pas.
Il y a quelques femmes qui pensent que c'est une
belle élégance que de dire : ils aviont, ils pensiont, ils
disiont; mais c'est une grave erreur.
C0.\'.irGAIS0.>' DES VEBBES IBBEGCLIEBS.
La première conjugaison n'a qu'un seul irrégulior,
aller; il feit au présent je vaij ou je va, et à l'impé-
ratif, va toy.
3. s
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Le verbe pnijr (piieri n'est plus iisilé à l'inllnitif ; on
A\\. sentir mauvais.
Quérir n'a que le présent de l'infinitif.
Saillir n'est pas en usage, il faut se servir de saw/^er.
On ne se sert plus de je vests ni de je me revests
(1639}.
Le verbe choir n'a plus que deux temps, je cheu et
je suis cheu; aux autres temps, il faut employer tom-
ber à sa place.
Bavoir n'a que l'infinitif; dans le reste de la conju-
gaison, on fait usage de recouvrer.
Seoir ne~s'emploie plus guère; on peut dire cela vous
sied bien, cela vous seyait bien, cela vous seyera bien.
Souloir, avoir coutume, est tombé en désuétude.
Bruire n'a que l'infinitif et le participe présent,
bruyant.
Frire n'a non plus que l'infinitif; on supplée aux
autres temps en employant fricasser.
Vaincre fait au futurje vainqueray.
Vivre fait au passé défini je vesquis ou je vescus,
mais 7e vesquis est le meilleur.
COMOCAISOi^ DES VERBES NEUTRES, BÉCLPKOQUES
ET IMPEKSONiNELS.
Il y a des verbes neutres qui se conjuguent avec être
dans leurS' temps composés. Quand il s'agit d'une femme,
on met le participe au féminin : je suis allée, je suis
venue; mais il y a une exception si le participe est
suivi immédiatement d'un infinitif; dans ce cas le
participe est invariable : mamcre est allé voir son beau
fils.
Le verbe pronominal s'enfvyr se conjugue comme
il suit dans les temps composés : je m'en sîcis fuy, ils
s'en estoient fuys.
Les verbes impersonnels sont divisés par Chifflet en
actifs et en passifs, selon qu'ils correspondent à des
formes actives ou passives en latin : il pleut, il faut
sont actifs comme correspondant àpluit, à oportet; et
on dit, on chante sont passifs parce qu'ils correspondent .
à dicitur, cantatur.
On ne doit jamais dire faut faire cela, faut prendre
t/arde, sans y joindre il, comme font les Provençaux
(1639).
I(E.1UKQUES SUR L'DSAGE DES MODES ET DES TEMPS.
Le prétérit défini n'est jamais employé quand on
parle du même jour, du même mois, de la même année,
où '< en fin « du même temps qui est encore en
'i course ■>■> ; ne pas dire, par conséquent, uujourd'huy
matin je fus bien en peine. Un tel langage est inconnu
à toute la France; il faut dire : aujourd'huy j'ay esté
bien en peine.
Le prétérit indéfini se peut dire de toute espèce de
temps qui n'est plus.
Le prétérit défini sert à la narration des choses pas-
sées.
Le prétérit imparfait sertà signifier une action comme
iliiranl encore : pendant que j' estais aux champs, on a
volé ma maison.
On s'en sert aussi fiuand on parle des qualités et des
nclioiis d'une iicrsoniie « Ircspasséc >> : le l'ape Pie
vinquiesine estait un yrand zélateur pour le bien de
l'Eylise.
Les Espagnols qui apprennent notre langue abusent
facilement du prétérit défini parce que, dans la leur, on
peut fort bien l'employer en parlant du même jour
auquel a été fait ce qu'on raconte, car ils disent : lo
comiesta mandna en casa de mi amigo, je disnay ce
matin chez un de mes amis.
Quant à l'optatif (subjonctif), les Allemands et les
Flamands ont bien de la peine à prendre l'habitude
de s'en servir, parce que leur langue n'a point d'optatif,
excepté le second imparfait je dirais, je ferais (notre
conditionnel actuel).
Voici des règles queChifflet donne comme fort claires
pour l'emploi de ces formes subjonctives :
1° Les conjonctions bien que, quoique « tirent » après
elles le subjonctif.
2° Les verbes qui signifient volonté, désir, comman-
dement, permission ou crainte ont après eux que arec
r « optatif « : je veux que vous fassiez- cela, je désire
que tout aille bien.
Toutefois ces mêmes verbes sont mis à l'infinitiS,
quand ce mode « porte >> l'action de la même per-
sonne que celle qui désire ou qui craint : je veux sçavair
cela, je désire de vous satisfaire, etc.
3° Quand les verbes qui demandent le subjonctif sont
au temps présent ou au futur, ils veulent le présent ou
le fuliu' du subjonctif : je veux qu'il aille chez lui;
quand je commanderay qtion se tienne prest à partir.
4" Quand ces mêmes verbes sont au passé, ils veulent
après eux l'imparfait du subjonctif : il fallait que cela
se fit.
5° Après quelque verbe que ce soit, accompagné de
la particule négative ne, si la conjonction que suit ce
verbe, ce dernier doit être mis au subjonctif : je ne
croy pas qu'il me veuille tromper; je ne sçavois pas que
l'ous fussiez si sçavant.
Et si après ce second verbe il en vient encore un
autre avecja conjonction que, il faut aussi le mettre au
subjonctif : je ne croy pas que vous pensiez que je sois
si téméraire.
PARTICU'ES PRÉSENTS.
Quand ayant et estant sont auxiliaires, ils sont
indéclinables (invariables) : ces messieurs ayant esté bien
receus; mais quand il n'en est pas ainsi, et qu'ils
suivent un nom pluriel masculin, on peut les mettre au
pluriel : mes amis ayans à cœur ma conservation,
estans sur le point de me venir trouver.
Les participes masculins des autres verbes se mettent
fort bien au pluriel : les soldats montans à labresche et
trouvans de la résistance [\ 639).
OBSERVATIONS DES VERBES.
Ititea arroser plutôt que arrouser.
Avons dit est une corruption de langage populaire
pour urcz-vous dit.
Ambitionner n'est pas une bonne expression.
{La suite au prochain numéro.)
Le Uédacteou-Géhant : Iîmas .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
39
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Histoire de mes amis; par Amédée Achard. Ouvrage
illustré de 23 vignettes sur bois par Bellecroix, Mesnel,
etc. 2' édition. In-18 Jésus, 313 p. Paris, lib. Hachette
et Cie. 2 fr. 25.
L'As de cœur; par Fortuné Boisgobey. 2 vol. in-i8
Jésus, 682 p. Paris, lib. Dentu. 6 fr.
Bourdaloue, sa prédication et son temps; par
Anatole Feugère, professeur de rhétorique au collège
Stanislas. 2' édition. In-12, xji-52i p. Paris, lib. Didier
et Cie. !i fr.
lies locutions vicieuses corrigées. Ouvrage indis-
pensable à toutes les maisons d'éducation et utile à toutes
les personnes du monde qui désirent éviter les e.xpres-
sions banales ou incorrectes, les termes impropres, les
fautes de langage et de grammaire, etc. ln-16. 50 p.
Paris, lib. Mollie. 2 fr. 50. *
Récits intimes. Le Droit de conquête. La Potiche.
La Sœur. Marthe; par Georges Maillard. In-lS Jésus,
317 p. Paris, lib. Lachaud et Cie. 3 fr.
Le Théâtre de Versailles. L'Assemblée au jour le
jour, du 24 mai au 25 février; par Camille Pelletan.
In-18 Jésus, vm-288 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Dictionnaire étymologique de la langue française ,
éclaircissant le sens douteux ou l'orthographe d'un grand
nombre de mots par les rapports directs et pratiques du
langage; parN. Ponthieux. !■■' livraison. 1" janvier 1875.
In-S" à 2 col. 16 p. Montdidier, imprimerie Merot. iO c.
Eugénie de Revel. Souvenirs des dernières années
da XVIII« siècle; par Ravensberg. 7"^ édition, ln-12.
2/i0 p. et grav. Paris, lib. Lefort.
Paris inconnu; par A. Privât d'Anglemont. Précédé
d'une étude sur sa vie par .\lfred Delvau. In-16. 319 p.
Paris, lib. Delahays.
Journal de ma vie. Mémoires du maréchal de
Bassompierre. l'^ édition, conforme au manuscrit
original, publiée avec fragments inédits pour la Société
de l'histoire de France, par le marquis de Chantérac.
T. 3. In-S", !i6l p. Paris, lib. Loones. 9 fr. le vol.
Les Etrivières, 1862-1872 ; par Alexandre Ducros.
ln-18 Jésus. 213 p. Paris, lib. Lechevalier. 3 fr.
Une année de la vie d'une femme ; par Mlle Zénaïde
Fleuriot. 5" édition, ln-12. 270 p. Paris, lib. Lecoffre fils
et Cie. 2 fr.
Le livre du voir-dlt de Guillaume Machaut. où
sont contées les amours de messire Guillaume de Machaut
et de Perronnelle dame d'Armentières'. avec les lettres et
les réponses, les ballades, lais et rondeaux du dit Guil-
laume et de ladite Perronnelle. Publié sur trois manus-
crits du XIV^ siècle, par la Société des bibliophiles
français. ln-8°, xxxy-kOS p. Paris, lib. Aubry.
Le Dit des rues de Paris ilSOOi, par GniUot de
Paris) ; avec préface, notes et glossaire, par Edgar
Mareuse. Suivi d'un plan de Paris, sous Philippe-le-Bel.
In-16. xxv-95 p. Paris, lib. générale. 5 fr.
Dix mille francs de récompense; par Victor Perceval.
In-18 Jésus, iOl p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Histoire d'Angleterre depuis les temps les plus
reculés; par .Antonin Roche, directeur de l'Ediicational
Institute de Londres. W édition, entièrement refondue.
T. 2. Gr. in-18. 408 p. Paris, lib. Delagrave. Les 2 vol.
6 fr.
L'Araignée rouge; par René de Pont-Jest. In-18
Jésus. 357 p. Paris, lib. Lachaud et cie. 3 fr. 50.
Publications antérieures :
DICTIONNAIRE DE LA LANCLT! FRANÇAISE, .vbrégé du
DICTIONNAIRE d'e. littré. de l'Académie française, con-
tenant tous les mots qui se trouvent dans le Dictionnaire
de l'Académie française, plus un grand nombre de
néologismes et de termes de science et d'art, avec l'indi-
cation de la prononciation, de rétymologie, et l'expli-
catioa des locutions proverbiales. — Par A. Be.^ujeu,
professeur au lycée LouisleGrand. — In-8° à 2 col. —
iv-1298 p. — Paris, librairie llachelle et Cie.
COURS DE LITTÉRATURE SPÉCIAL, prépabatoire au
BBEVET ï^upÉRiEUH, renfermant les théories de la littérature
avec des exemples choisis dans les œuvres des classiques
anciens et modernes. — Ouvrage adopté à la maison
d'éducation de la Légion d'honneur de Saint-Denis. —
Par Mlle Th. Brismontier, Ancienne élève de la Maison
de Saint-Denis, Professeur spécial pour la préparation
au.\ examens, Répétiteur des premières classes de latin
et de grec. — Paris, chez l'auteur, 1, place Wagram.
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE CONTE.MPORAINE EN
RUSSIE.— Par C. Courrière.— Paris, Charpenlier et Cie,
libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre. — Prix : 3 fr. 50.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la 2', la W et la 5= année, en vente au
bureau du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des
Italiens. — Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco
pour la France. — La 1" et la S" année seront prochaine-
ment réimprimées.
LA CHUTE D'UN ANGE, épisode. — Par A. de Lamartine.
— Nouvelle édition. — Paris, Hachette et Cie, Paijnerre-
Furne et Cie, éditeurs.
SAINT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallon.
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
NUITS D'AUTOMNE. — Par Evariste C arrange. — Deu-
Ad
LE GOURRIER DE VAUGELAS.
xième édition. — Prix : 5 francs — Paris, Alphonse
Lemerre, éditeur, 27-29. passage Clioiseul.
LE DICTIONNAIRE EN EXERCICES, étude pratique des
mots de la langue française faisant connaître 1° les racines
françaises ou les radicaux; 2° les préfixes et les suffixes;
ô" la valeur primitive et actuelle des dérivés français ;
h' l'emploi des mots ; 5» l'orthographe d'usage. — Par
L. Grimblot. — Partie du maître et partie de l'élève. —
Paris, Aug. Boyer et Oie, libraires-éditeurs, /t9, rue St-
André-desArts.
LA MORALE UNIVERSELLE, un beau volume in-8°,
papier cavalier, de 476 pages. — Par A. Eschen.\uer. —
Ouvrage couronné par l'Académie française. — Chez
Sandoz et Fischbacher, 33, rue de Seine.
LE PANTHÉON DE LA FABLE, choix des meilleurs
apologues empruntés aux fabulistes de tous les temps et
de tous les pays, avec des notices biographiques, des
études historiques et littéraires, etc. — Par J.-Alex.
Abrant, professeur de langues et de littérature. — Paris,
Aug. Boyer et Cie, libraires-éditeurs, û9, rue St-André-
des-Arts.
RECITS ESPAGNOLS; par Charles Gueullette.-^ Un beau
volume in-18 de 316 pages. —En vente chez Detilu et
dans toutes les gares. — Prix : 3 francs.
MORCEAUX CHOISIS DES GRANDS ÉCRIVAINS DU XVI«
SIÈCLE, accompagnés d'une grammaire et d'un diction-
naire de la langue du xvi' siècle. — Par Auguste Brachet,
ancien examinateur et professeur à l'École polytech-
nique, lauréat de l'Académie française et de l'Académie
des Inscriptions, membre de la Société de linguistique.
— Deuxième édition revue. — Paris, librairie Hachette
et Cie, 79, Boulevard Saint-Germain.
RENSEIG-NEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
L •
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
Secrétaire du Collège des Précepteurs, /i2, Queeu Square à Londres, W. G, qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
II.
Sous le titre de Revue anglo-française, il parait tous les mois à Brighton un recueil littéraire, philosophique et
politique dont le directeur, le Révérend César Pascal, se charge de procurer gratis, pour I'AxCiLeterre ou le Continent,
des places de professeur et d'institutrice à ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires.
— L'abonnement, qui est de 10 fr. pour la France, peut se prendre à Paris, chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires,
33^ rue de Seine, ou à Brighton. chez M. Duval, 9i, Eastern Road (Affranchir).
(Les adresses sont indiquées à la rédaction du Journal.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le journal littéraire i.e tournoi est rédigé au concours par ses Abonnés seulement.
Les articles sont soumis à l'examen d'un comité de rédaction. L'insertion donne droit à Vutie des primes
suivantes (expédiée franco) : /" prime. — Cinq exemplaires du numéro du journal contenant l'article et un diplôme
confirmant le succès du lauréat; 2' prime. — Quinze e.xemplaires de l'article, tiré à part avec titre et nom de
l'auteur, et formant une brochure.; .3= prime. — Un ouvrage de librairie au choix, du prix de 3 fr. 50 cent.
Tout abonné qui a été douze fois lauréat reçoit une médaille en bronze, grand module, gravée à son nom.
Les articles non publiés sont l'objet d'un compte-rendu analytique.
On s'abonne chez MM. Ed. Moreau et Fils, administrateurs du journal, boulevard Montmartre, 12, à Paris.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 xm Discours sur le génie de Rabelais,
sur. le caractère el la portée de S07i œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
rinslitut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. ■ — Les manuscrits
porteront chacun uqe épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
La Société académique do Chilons-sur-Marne reçoft les manuscrits pour le Concours do 1875, jusqu'au 15 juillet;
— La Société littéraire de Poligny (Jura), jusqu'au 15 septembre; — La Société dunkerquoise jusqu'au 1" octobre;
— Les Sociétés académiques de Troyes, de Lille et l'Académie de la Rochelle, jusqu'au 15 octobre; — La Société
littéraire d'Apt, l'Académie de Bordeaux et la Société académique de Boulogne-sur-Mer, jusqu'au l" novembre.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à sou bureau de midi à mmc heure et demie.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. UAUl'KLEV, à Kogent-le-Rotrou.
G' Année
N" e.
15 Juillet 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le 15 de chaque mota
{Dans sa séance du 11 janvier 1875, l'Académie française a décerné le pris: Lambert à cette publication.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f .
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d',\caJémie
2G, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
AVIS
Tout abonné de ce journal à qui un numéro pourrait
manquer de parvenir est instamment prié de vouloir
bien le réclamer au Rédacteur avant l'époque où doit
paraître le numéro suivant.
SO.MMAIRE.
Communication sur le nom Russe; — Origine de S'en moquer
comme de Colin-Tampon; — Eljmologie de Cabotin; — Pro-
nonciation de Epousseler au présent de l'indicatif; — Lettres
de naluralité ou de naturalisation; — Si Trévoux peut s'em-
ployer comme nom d'auteur; — Explication de Prendre un
rat 11 Signification de Entrer dans la peau du bonliomme ; —
— Si Être un cliiffre peut se dire en français 1 Passe-temps
grammatical ( Suite de la biographie de Laurent Chijjlet \\
Ouvrages de grammaire et de littérature |1 Familles parisiennes
pour la conversation |] Concours littéraires.
FRANCE
GO.M.MUXIGATION.
Dans ma 2"" année, ayant eu à expliquer pourquoi on
dit Russie au lieu de Russien, j'ai attribué à Voltaire la
substitution du premier de ces noms au second ; mais
j'ai commis là une erreur : l'emploi de Russe pour
Russien remonte plus -haut, comme l'établit la com-
munication suivante, due à M. Ch. Goiirriere.
Paris, le 20 mai 1875.
Monsieur,
Permettez à un de vos nouveaux abonnés, qui a long-
temps habité la Russie, de rectifier l'explication que vous
donnez sur les mots Russe et Bussien, au sujet de la contro-
verse engagée entre Voltaire et le comte Schouvalof
(année, 1869- 1870, p. 67). Vous dites que ce fut à l'initiative
de Voltaire que les Russes doivent de n'avoir pas à leur
nom la même finale que les Prussiens.
Or, les mots Russie, Russe étaient connus et employés
bien avant Voltaire. En effet, dans les chroniques byzan-
tines et arabes, ainsi que dans toutes les chroniques
latines du moyen-âge, dues à des écrivains norwégiens,
allemands, polonais ou italiens, on trouve l»s mots Russia,
Russii. t'ietcher, ambassadeur de la reine Elisabeth à
Moscou, emploie sans cesse, dans sa relation Oftlie Russe
Common-M'callli. le mot Russe. La reine Elisabeth elle-même,
dans une lettre qu'elle envoya en 1570 au tsar de Moscou,
suivit son exemple. Un officier français du nom de Mar-
geret, qui fut capitaine des gardes à la cour de Moscou, a
laissé des mémoires intitulés : Etat de l'empire de Russie etc.
(1590-1606) dans lesquels il se sert toujours du mot Russe.
Je vous fais grâce de tous les témoignages que je pour-
rais réunir pour vous prouver que la dénomination de
Russe était acceptée dans toute l'Europe bien avant l'époque
oit Voltaire écrivit son histoire. Ce dernier n'a donc eu
que le mérite de défendre d'une façon plus spirituelle que
savante le mot en question, contre les exigences du comte
Schouvalof. 11 n'est pas étonnant du reste que celui-ci
ait essayé de faire prévaloir le mot Russien. A cette époque,
les Ru.=ses s'appelaient dans leur langue Rossinnes. et non
pas Rus.'iians comme vous dites. Ce mot qui, au lieu d'être
un adjectif employé substantivement, est un vrai subs-
tantif, expliquerait la qualification de Russiani qu'on trouve
dans certaines chroniques occidentales.
Je remercie cordialement le savant auteur de l'Histoire
de la liltérature contemporaine en Russie ie lu prompte
reclificalion qu'il a bien voulu m'adresser, et j'espère
retrouver son bienveillant concours toutes les fois que
j'aurai à. résoudre ici quelque question se rapportant
aux termes que notre langue a pu emprunter à la
langue russe.
X
Première Question.
Dans le langage familier , on entend souvent
l'expression : je m'en moque comme de colin-tampon,
pour signifier je n'en fais pas le moindre cas, en
parlant d'une personne. Quelle est donc, je vous prie,
l'orif/ine de cette singulière comparaison?
h'Orclicsogràphic de Jean Tabourot, ouvrage sur la
danse publié en ^589, offre un chapitre intitulé:
« Tabulature contenant toutes les diversités des batte-
ments du tambour » dans lequel, après avoir Dguré
par les syllabes tan, 1ère et fré les divers battements
42
LE COURRIER DE VAUGELÂS.
français, Arbeau (le maitrc; répond ce qui suit à une
question de Capriol (l'élève) :
Le Tambour des Suysses faict un souspir aprez la troi-
sième notte, et trois souspirs à la fin : mais tout revient à
un : car les assiettes des pieds se font tousjours sur la
première et cinquième notte.
(Fol. i5, verso.)
Puis viennent les lignes d'une portée, sur laquelle
s'ont écrites les notes, et, au-dessous de. chacune
d'elles, une des syllabes de Colintampon.
Le mot Colintampon (que Jean Tabouret ou son édi-
teur a laissé imprimer Colintamplon) était donc, en
paroles, l'imitation de l'air de la marche des Suisses,
et l'on disait faire ou battre le colintampon comme
nous disons aujourd'hui battre le rataplan, ce qui
est parfaitement mis en évidence à la page 150 de
y Histoire comique de Francion, édition de IC33.
Toujours moqueurs, nos soldats tirent de colin-
tampon un sobriquet qu'ils appliquèrent aux soldats
suisses, fait dont je trouve un témoignage dans YEstat
de France sous Charles IX {%' édit., tome II, fol. 289,
rectol , où il est question d'un défi que les Rochellois
assiégés il 373) firent aux Suisses de l'armée royale :
Sur le midy ils firent sortie par la porte de Coigne, et
combatirent plus de deux heures, où y en eut force de
blessez de costé et d'autre. Estans retirez crioyent par-
dessus la muraille, que l'on fist aller les Coliniampon à
l'assaut, et qu'ils avoyent bon coutelas et espôes pour
découper leurs grandes piques.
Ainsi, à n'en pas douter, l'expression Colintampon
désignait un soldat suisse dans notre argot militaire, et
cela, très-probablement même avant le commencement
du xv!*^ siècle.
Quant à la comparaison où entre cette expression
proverbiale, voici ce qui me semble l'avoir fait naitre :
Un événement mémorable s'accomplit en Italie en
^313; les Suisses furent vaincus par les troupes de
François I" à la bataille de Marignan, que l'histoire a
enregistrée sous le nom de Bataille des Géants.
Or, comme à partir de ce moment, les Suisses ne furent
plus à redouter pour les Français, ceux-ci auront dit en
parlant de quelqu'un qui ne leur inspirait aucune
crainte : Je m'en soucie comme de Colintampon, que
nous avons modifié en : Je m'en moque comme de
Colintampon.
De l'origine que je viens de vous indiquer, et pour
Colintampon (véritable onomatopée comme te tintin
des cloches, la fanfare des clairons, le nom de notre
jeu de tric-trac, etc.), et pour la comparaison qui a été
faiie avec ce mot, découlent, si cette origine est
\raic, deux conséquences grammaticales: t° c'est une
faute d'orthographe que d'écrire Colin-Tampon en
deux mots, avec un trait d'union et une majuscule
à Tampon comme s'il s'agissait de désigner un homme
qui eût deux noms ; 2° c'est une faute de construction
que de dire comme de Colin-Tampon; il faut dire
comme d'un Colintampon, puisqu'on dirait com7ne
d'un soldat stiisse.
J'ai entendu des gens demander à quoi piiuvait
servir la recherche des étymologies de la langue : voilà
une double preuve que cette recherche a son 'utilité.
X . ■
Sccoade Question.
Je trouve dans le dictionnaire étymologique de
Brachet que cabotin vient du verbe cabotek, parce que
« le comédien ambulant va de ville en ville comme le
marin cabote de port en port ». Est-ce bien là, selon
vous, l'étijmologie de cabotin ?
Si je les ai bien recueillies toutes, voici les diverses
manières dont on a expliqué ce mot :
1° Il y a un chien courant à longues oreilles qu'on
appelle Clabaud; c'est un aboyeur malavisé qui doit à
sa mauvaise habitude de ne point parler à propos d'être
le radical de clabauder, clabaudaye, clubaudier, cla-
bauderie, mots qui, au propre comme au figuré, se
rattachent à l'idée d'aboiements désagréables, de bavar-
dages insipides, de criailleries incommodes et sans
motifs. Or, en argot, clabaud se dit cabot, et, dans la
pensée de.M. Francisque -Michel, c'est ce dernier mot qui a
donné naissance à cabotin, parce que, dit-il, « le débit
des mauvais auteurs est assimilé aux aboiements d'un
chien ».
2° Selon Joachim Duflot, le nom de cabotin vient
d'un personnage dépenaillé de la comédie italienne.
3° Un ami de l'auteur des Secrets des coulisses a
pensé que cabotin pourrait bien avoir été formé de
chat-botté, chat-botliné.
4° Ce que cabotin veut surtout dire, c'est comédien
ambulant. Or, si cette idée a présidé à la formation de
cabotin, le mot vient de caboter. De même que le
caboteur en naviguant le long des côtes va d'un cap à
un autre, et de port en port, de même le cabotin court
de ville en ville et ne fait nulle part d'installation.
Mais je ne puis admettre aucune de ces origines,
trouvant à leur objecter les raisons suivantes :
A la premiîre. — Quoique l'épithète de cabotin,
appliquée aux comédiens, entraine nécessairement avec
elle l'idée de médiocrité et de vagabondage, il n'est
guère probable qu'elle ait sa source dans la compa-
raison choquante que fournit cette explication ; car ce
n'est pas seulement pour critiquer la voix d'un comédien
que l'on se sert du terme cabotin à son égard.
A la seconde. — L'auteur ne dit ni de quel person-
nage il s'agit, ni à quelle pièce il appartenait : c'est
trop peu pour recommander efRcacement l'élymologie
qu'il propose.
A la troisième. — Bien que le chat dont elle parle
puisse plaire davantage que le chien de .M. Francisque
Michel, je crois qu'il ne vaut pas mieux pour expliquer
l'origine en question; car les comédiens qui couraient
la province jouaient-ils donc généralement en bottes
à l'éeuyère pour être comparés à des chats-bollés?
A lar/uatrirmc. — Si cabotin vient du verbe caboter, ]e
ne mexiilique pas pourquoi on a fait ce mot : le terme
caboteur, qui existe probablement depuis qu'il y a un
verbe caboter en français, pouvait parfaitement suffire.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
•53
Puis, joignez à cela que, dans notre langue, le nom de
celui qui faR une action n'est généralement pas terminé
par j«.
A mon avis, l'étymologie cherchée ici n'est autre
que le nom propre Cabotin, qui se trouve dans ces
lignes, empruntées à M. Edouard Fournier [Chansons
de Gaultier Garguille, préf. lxxvi'i :
Les farceurs au nom roturier ont survécu davantage
Les comédiens de lias étage qui s'en vont, comme on dit.
rôtir le l)aiai dans les provinces, avoient déjà un patron
tout baptisé, le sieur Cabotin, célèbre opérateur nomade,
qui, en même tems que tous les gens de son métier, étoit
tout ensemble improssario et charlatan, vendoitdes drogues
et jouoit des farces.
Quoi de plus simple, en effet, que celte étjmologie?
D'abord on appela cabotins tous ceux de la troupe de
Cabotin; ensuite, par extension, on donna ce nom à
tout débiteur de farces en public; et, enfln, comme ces
comédiens étaient sans nul doute fort mauvais, on leur
assimila naturellement tout artiste dramatique qui man-
quait de talent.
Comme la préface d'où j'ai extrait la citation qui
précède est consacrée à l'histoire de notre théâtre avant
d 660, il en résulte que cabotin, dans le sens de mauvais
acteur, quoique ne se trouvant pas dans Trévoux (^77l),
pourrait très-bien dater de la seconde moitié du xyiii-
siècle.
X
Troisième Queslion.
Comment le verbe épocsseter doit-il se prononcer à
la première personne du présent de l'indicatif? J'ai
entendu soutenir à des gens qui ont passé de brillants
examens qu'il fallait dire ^y'ÉrousTE, ce qui me semble
contraire à la règle des verbes en- eter.
Nous avons deux manières de prononcer le présent
de l'indicatif et le futur de la plupart des verbes en eter,
tels que Jeter, cacheter, etc. : l'une, qui est ancienne,
l'autre, qui est moderne.
La prononciation ancienne repose sur ce principe :
Quand il se trouve deux e muets de suite séparés par
la consonne t, on les supprime tous deux si le mot peut
facilement se prononcer sans les faire entendre, et l'on
change le premier en e ouvert marqué par un accent
grave, ou un t redoublé, si la suppression des deux doit
produire un" rapprochement de consonnes qui rende
l'articulation difficile. Ainsi on dit, en supprimant les e
muets :
Baqueter — Je bacte, je bactrai
Cacheter — Je cachte, je cachtrai
Colleter — Je coite, je coltrai
Crocheter — Je crochte, je crochtrai
Fureter — Je furte, je furtrai
Saveter — Je savte, je savtrai ;
et, sans les supprimer, ou en n'en supprimant qu'un :
Marqueter — Je marquette, je marquetrai
Vergeler — Je vergette, je vergetrai
Coupleter — Je couplette, je coupletrai,
attendu que ce ne serait qu'avec un certain effort qu'on
prononcerait : je marcte, je verg'te, je coupltC', etc., et
que le futur serait bien autrement difficile, puisque la
consonne r viendrait s'y ajouter à celles qui précèdent :
je marctrai, je verg'trai, etc.
La prononciation moderne, établie à la fin du xvii'
siècle, a pour base cet autre principe : Dans la conju-
gaison des verbes en eter, on change l'e qui précède
le t en e grave quand il arrive que cette consonne se
trouve suivie d'un e muet, ce qui implique l'obligation
de dire :
Acheter — J'achète, j'achèterai
Cacheter — Je cachette, je cachetterai
Jeter — Je jette, je jetterai
Tacheter — Je tachette, je tachetterai.
Mais, malgré les puissantes autorités sur lesquelles
elle s'appuyait (l'Académie, Régnier-Desmarais, Buffier,
Restant, etc.l, cette seconde prononciation n'est point
arrivée à se substituer entièrement à la première, qui
avait sur elle l'avantage d'une existence plusieurs fois
séculaire; plus d'une personne, qui n'est pas illettrée,
peut encore être surprise à dire : ']achtrni pour
yach''tl'rai; je cachte, je cachtrai pour je cachette,
je cachetterai ; il savte, il sartra pour il sarette, il
savettera; et, au lieu de 'j'époussette, ']'époussetterai,
l'Académie permet i'épouste, ']'épousseterai ipron.
époustrai'. qui se sont non-seulement dils, mais encore
écrits, comme le montrent ces exemples :
11 épomle parfois aussi mon justaucorps.
(Legtand, F.um. extrav. se. ii.)
Je l'épousseteray comme il faut,
(Académie, i" édition.)
Oui-dà, très-volontiers, je Vépousterai bien.
(Molière, VEtourdi, IV, •;.)
La première fois, mon ami, nous épousseterons Michel
Wanloo.
(Diderot, Salon de 1767.)
D'où cette conséquence que les gens à qui vous avez
entendu soutenir qu'il « fallait » i'we i'épouste n'ont pas
plus complètement raison que vous, qui croyez qu'on
doit dire exclusivement 'fépoussette; la vérité est que
les deux formes sont bonnes :
L'impératrice de Russie epoussetie le vicaire de Mahomet.
(Voltaire, leit. au roi de Prusse.)
Les deux formes sont bonnes, ai-je dit; mais à
la condition toutefois d'être employées chacune à sa
place, i'épouste, j'époustrai est la forme populaire du
verbe épousseter : elle convient au style d'une corres-
pondance amicale, à la conversation ordinaire: quant
à 'j'époussette, ']'époussetterai, qui est la forme savante
du même verbe, elle est préférable dans le style élevé,
et quand il s'agit d'un discours public.
X
Quatrième Queslion.
Dans la revce savoisie>ne du 31 mars dernier, je lis
« LETTRES DE NATCRALITÉ ». Est-CC ainsi qu'oU doit
s'exprimer, ou doit-on dire lettres de natiualisatios '?
Autrefois, on disait lettres de naturalité en parlant
de lettres dans lesquelles le gouvernement accorde le
droit de citoyens aux élrangci's :
44
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Ce sont mes vieilles lettres de naluralitë, et de barbare
me voici devenu citoyen romain.
(Balzac, Lelt. V, 3.)
M. Colbert n'avoit pas moins de cbaleur que le pape et
Bologne à leur disputer M. Cassini, et enfin il eut le plaisir
de vaincre et de lui faire expédier des lettres de naluralitë
en 1673.
(Fontenelle, Cassini.)
Mais aujourd'hui, comme on peut du reste s'en con-
vaincreen consultant \i\ock [Diction, de l'Adm. franc.],
]e moi nahtra Usât ion est bien plus souvent employé que
son synonyme naturalité.
X
Cinquième Question.
On sait que le dictio^niire de trévoux n'a point
reçu cette dénomination d'un nom de savant, mais de
la ville de Trévoux-sur-Saône, oit il a été publié par
les PP. Jésuites du collège de cette ville. Pourquoi
alors dites-vous dans votre publication : trévoux dit,
selon TRÉVOUX, etc. co7nme litiré dit, selon litiré, etc. ?
Il me semble que tre'voux ne peut pas être ainsi assimilé
à une personne, et parler comme elle.
Le Dictionnaire de Trévoux ayant reçu son nom de
la manière que vous indiquez, il semble difficile d'ad-
mettre, en effet, qu'on puisse dire : Trévoux dit,
d'après Trévoux, on trouve dans Trévoux, etc.
Cependant celle locution n'est pas tout-à-fait inexpli-
cable, ce, que j'espère vous faire voir.
Les expressions Dictionnaire de Bescherelle, Diction-
naire de Littré, etc. étant très-longues, on les abrège ;
et, comme toujours, cette abréviation se fait en ellipsant
la première partie, c'est-à-dire le mot complété : Besche-
relle, Littré, etc., s'emploient alors pour Dictionnaire
de Bescherelle, Dictionnaire de Littré.
Or, quoique la dénomination de Dictionnaire de
Trévoux ne soit point formée d'un nom d'auteur (fait
sinon unique, du moins fort rare dans notre langue),
on ne l'en a pas moins, par analogie, abrégée de la
même façon que les autres, et l'on a dit : Trévoux
dit, selon Trévoux, à en croire Trévoux, absolument
comme si Trévoux eût été le nom d'une personne.
Il aurait été du reste par trop incommode de ne
pouvoir s'exprimer ainsi.
X
Sixième Question.
Comment l'expression prendre tu rat a-t-elle pu
arriver à signifier ne pas réussir? Il me semble que
cela devrait plutôt signifier prendre un voleur, puisque
le rat vous dépouille sans pitié.
Prendre un rat se dit, au propre, d'une arme à feu
quand le coup ne part pas :
Ce fusil, ce pistolet a pris un rat.
Or, il y a une autre manière d'exprimer cette action
manquée; c'est d'employer le verbe rater, qui signiûe
absolument la même chose.
D'où il suit, selon moi, que le rat de l'expression
prendre un rat ne désigne point le rongeur que l'on
pourrait croire, ni un caprice, ni une fantaisie comme
quelques-uns l'ont suggéré : c'est . tout simplement
un substanlif formé du verbe rater, comme appel, gel,
soutien, etc. l'ont été des verbes appeler, geler, soutenir.
Il est probable que, dans l'origine, on a dit : faire un
rat pour rater, comme on dit : faire un saut pour .saM^er ;
mais, s'apercevant combien l'expression serait plus
drôle si l'on y remplaçait faire par prendre (une arme
à feu qui prend un rai au lieu de le tuer\ on a opéré
cette substitution, qui n'avait rien d'incompatible avec
le langage familier.
Transporté dans le sens figuré, prendre un rat a
signifié naturellement manquer son coup, ne pas
réussir :
Ohl par ma foi, monsieur, votis ne prendrez qu'un rat,
Et le notaire peut remporter son contrat.
(Regnard, le Jouevr, V, 8.;
ÉTRANGER
X
Première Question.
J'ai trouvé dernièrement la phrase suivante, relative
à un acteur dont on venait de faire l'éloge : « On ne
saurait entrer plus complètement dans la pead du
BO.NHOMME. » C'est la première fois que je vois cette
expression; que signifie-t-elle?
Dans la langue familière, nous disons, en parlant
d'une personne dont nous sommes loin d'envier le
sort : je ne voudrais pas être dans sa peau, et nous
employons souvent le mol bonhomme pour signifier un
individu, un monsieur; un homme quelconque.
A table, on ne manqua pas, selon la méthode française,
de faire beaucoup babiller le petit bonhomme.
(J.-J. Kousseau, Emile, p. 21 5, éd. de 1824'}
Or, comme un acteur joue d'autant mieux qu'il sait
mieux se mettre, par la pensée, à la place du person-
nage qu'il est chargé de représenter. On a créé, dans
le langage des coulisses, l'expression pittoresque entrer
dans la peau du bonhomme, pour signifier comprendre
très-bien son rôle, et le rendre dans la perfection.
X
Seconde QuesUon.
L'explication que vous donnez sur zéro en chiffre,
dans votre numéro 3, me fait penser à vous demander
si, en français, on peut dire comme en anglais être un
CHIFFRE, chose que nous exprimons par to stand for a
CIPHER.
Dans l'origine, nous avons employé chiffre comme
vous le faites, c'est-à-dire pour signifier rien, ce dont
voici d'incontestables preuves :
Li première ligure fait 1, la seconde fait 2, la tierce fait
3, et les autres ausi jusc'à la darraine qui est apelée
cijfrc cijfre ne fait riens.
(Comput, fol. i5.)
.E COURRIER DE VAUGELAS.
Avecques eulx leur duc Serenissime,
Qu'on peult juger un chiffre en algorisme,
Lequel tient lieu et de soy n'a pouvoir,
Mais seulement fait les autres valoir.
(J. Marot, I, 80.)
Quelques sots et glorieux Italiens se sont voulus affubler
de tel honneur pardessus nous, qu'ils semblent, par leurs
escrits, nous reputer comme clii/l'ies.
(Pasquier, lettr. t. I, p. 45.)
Mais quand le terme zéro fut inrenlé (on a vu dans
le numéro 3 que ce fut vers la fin du xv^ siècle), nous
l'avons substitué à chiffre, qui a complètement disparu
alors de la langue dans ce sens :
Ce chef de parti IConti] étoit un zéro qui ne multiplioit
que parce qu'il étoit prince du sang.
(Retz, II, ai7.)
De sorte que, pendant que votre nation, qui a du
goût pour l'archaïsme, dit encore : c^est un chiff're
(littéralement he is a cip/ier), la nôtre, qui a plus
d'attrait pour la nouveauté, a cessé d'employer, et
depuis longtemps, cette expression du vieux langage.
PASSE-TEMPS GRAM.MATICAL
Corrections du numéro précédent.
l"... aonde étrange, moitié bohème, moitié artiste; —
2° Elle fait pis (on ne dit pas pire fo\xr plus mal); — 3». .. Rien
de mieux à faire que de se renfermer; — i". . . pendant la fêle
de Saint-Louis (pas Je la après de ; il ne se met qu'avec fête sous-
tnlendu : la Saint-Louis); — 5»... une arène où bondiisenl
(pas de !/, qui n'est là d'aucune utilité); — 6°. . . à d'autres que
lui (après autre, on ne met pas la préposition qui peut être avant
lui); — T>... jamais je ne l'ai i^ue s'enflammer; — 8°... du
dernier empereur se fût suicidée; — ' 9°... des petites-sœurs,
garde-malades (garde est verbe et par conséquent invariable);
lO». . . par des guets-apens (au pluriel guet prend l's, qui ne se
prononce pas); — 11"... les plus élevés ressortissant au minis-
tère de la justice. . .
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1° La compagnie a suscité et profité des querelles avec
les propriétaires des terrains.
2° Delille, parlant du cinquième livre de l'Enéide, observe
que les épisodes, qui sont un défaut dans la tragédie,
deviennent l'ornement de l'épopée.
3° Bien qu'ils crieront plus fort que moi, je m'apitoie
davantage sur ma destinée.
4" Le cadre, c'est un premier acte pouvant se résumer
par cette demande : « Monsieur, vous avez fait un opéra?
Faites-nous l'entendre. »
5° Je vous dirai que le scrutin de liste donnera certai-
nement une dèputalion rouge foncée, dont quelques
échantillons fort inconnus, du reste, du public, et pour
cause, sont déjà à la Chambre.
6° 11 descend de nos montagnes [le fleuve de la Seine]
et se perd dans notre Océan, sans avoir fécondé d'autres
plaines, sans avoir baigné d'autres villes, sans avoir miré
d'autre ciel que ceux de la France.
7' Comme je l'indiquais tout à l'heure, ce projet est
quelque chose de plus, de pire, si vous voulez, qu'une loi
politique, c'est une loi stratégique.
8° Il faut que la délégation municipale soit abordable,
même pour les citoyens peu fortunés, ce qui suffirait à.
justifier la disposition de M. Dufaure.
9" Agostino, tout sceptique et tout blasé qu'il fût sur de
pareilles scènes, ne pouvait s'empêcher d'éprouver un
léger frisson d'admiration.
10' Chez nous, le Sénat aura, dans notre République,
non-seulement à conserver la tradition, mais à la faire,
dans un esprit conservateur, comme vous le dites, en
même temps qu'éclairé.
11° L'origine de nos malheurs nous en dit assez le
remédé, et nous trace la règle à suivre. Ne nous en pre-
nons qu'à nous-mêmes de ce qui nous a accablés.
iZ" L'association générale d'Alsace-Lorraine, 37, boule-
vard Magenta, vient de publier le compte-réndu de ses
"opérations en 1871.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
(Suite.)
Au lieu de despendre son argent, il faut dire despenser,
et au lieu de naciguer, il faut dire nariger.
Le verbe sortir n'est jamais actif; ne dites pas:
sortes ce cheval de iestable, mais bien tirez ce cheval.
Le verbe cueillir fait au futur cueilliray, et non
cueilleray.
Courre et courir sont tous deux bons; mais on se
sert plutôt de courre en parlant de quelques exercices
de course à cheval, comme dans courre le cerf, le
lièvre, la poste, la bague.
Faire accroire se dit des choses fausses, faire croire
de celles qui sont vraies.
Magnifier est un terme des bons auteurs, et qu'il ne
faut laisser ni perdre ni vieillir.
On dit survivre quelcun et à quelcun.
Il me sourient n'est pas mal dit; mais Je me souviens
est plus usité à la Cour 1039 .
S'approcher 'de quelcun signifie un mouvement local;
approcher quelcun ne se dit qu'à l'égard des grands
auprès de qui l'on a beaucoup d'accès.
Est-ce pas ou n'est-ce pas un grand malheur est
excellent, et mille autres semblables.
Eschapper les emhusches ou des embusches est bien
dit; mais eschapper aux embusches est encore plus
élégant.
Tirer de longue, aller de longue signifient « avancer
le chemin » et « gagner pays » : tirer en longueur,
aller en longueur se dit du retard d'une affaire.
OBSERVATIONS DES ADVERBES.
Voici des adverbes qui ne s'emploient plus : adonc,
tousjours-mais, ce temps pendant, c'est mon, pour dire
il -est ainsi ; d'abordude, d'arrivée ; de prime abord,
46
LE COURRIER DE VAUGELAS.
de fait (l'-isé. du dcintis. pour depvis; en aprcf, par
après; en embas, en cnhaut; mais que pour quand;
mie pour pas; nonc/ialamment, qui ne vaut rien
quoique nonclialant soil bon ; parfois, qui est du bas
style; par laps de temps; prou pour assez; quasiment;
un petit peu, qu'il faut remplacer par un bien peu
;I6d9 .
L'auteur des Remarques dit que possible pour peut-
rtre doit être rejeté.
Hier soir, aujourd'hui) soir, demain soir, lundy soir
sont un fort mauvais langage; il faut dire hier au
soir, demain au soir, aujourd'hui/ sur le soir, lundij au
soir. Après ces mêmes adverbes de temps, on peut
raèllre matin ou au matin.
Comme quoy signifie la même chose que comment;
mais Chifflet ne voudrait s'en servir que dans le style
familier.
L'adjectif gentil a gentiment pour adverbe.
Ne plus ne moins que ^owr comme ne doit pas se dire
ni plus ni moins; mais, cet adverbe, n'est guère en
usage dans le beau style.
Cà signifie quelquefois donnez, comme lorsqu'on
dit : çà de l'argent.
Sus pour e« haut n'est point en usage; mais il est
bon dans cette phrase : courir sus à quelcun, et quand
il sert à exhorter : sus, sus donc, or sus.
Il ne faut pas dire d'un jour à l'autre, d'une heure à
l'autre; il faut dire de jour à autre, d'heure à autre.
Precipitiment est une bonne expression; précipitam-
ment n'est guère en usage .
A l'improriste est aussi bon qu'à l'imjyourveu.
A peu prés est bien dit pour presque, comme dans je
rous ai raconté à peu prés tout ce qui s'est passé ; car
cet « peu prés est la même chose que à un peu prés ou
il s'en faut peu.
. Après soupe ou après souper, après disné ou après
disner, sont tous deux bons.
KEMAUQCES scR pas ET point.
Quand on contredit à une affirmation par la réponse
négative, on s'exprime ainsi : rous estes un trompeur :
non suis ; rous arez tort : non fay ; et à tous les autres
verbes, on répond : non fais comme dans : vous me
trompez; non fais.
Pareillement, si l'on contredit à la négation par une
réponse affirmative, on dit : rous n'estes pas de nos
amis : si suis; vous n'avez point de raison : si ay ; vozts
ne me voulez point de bien : si fais. Mais on dit plus
courtoisement : excusez-moy, pardonnez-moy ; vous
m'excuserez s'il rous plaist (1659).
OBSERVATIONS DES PRÉPOSITIONS.
Arec se met devant toutes sortes de mots, soit qu'ils
commencent par une voyelle ou par une consonne;
mais arecque n'irait pas bien devant la lettre q ou g.
En citant les auteurs, il n'est pas bien de dire chez
Plutarquc. chez Ciccron ; il faut dire dans.
Les prépositions suivantes sont « décriées » : à la
réservation de, à l'instar de, à mont, devers, emmy,
jouxte, etc.
L'auteur des Remarques désapprouve « l'endroit de
quelcun ]iour envers quelcun ; la Censure dit que tous
deux sont du beau langage.
En Cour au lieu de à la Cour n'est bon que sur les
paquets de lettres.
CSAGE DES CONJONCTIONS.
Voici des conjonctions dont on ne se sert plus : ains,
ainçois que, à celle fin que, ce nonobstant, de mode
que, donques avec une .s, finablemcnt , en fin finale, à
la parfin, somme toute.
Partant est employé par de bons auteurs et notam-
ment par d'Ablaneourt, mais d'autres le « refuyent ».
C'est un grand dommage que voire ti vôtres mesmes
aient vieilli; on dit maintenant mesmes ou et mesmes
(I65i)).
Si pour ,•!/ est-ce que est une façon de parler bonne
et élégante, comme dans si dircuj-je en passant, pour
si est-ce que je diray en passant.
La conjonction que marquant la comparaison entre
deux infinitifs veut de devant le second : il est plus
soigneux de s'enrichir que de bien vivre. Si les infinitifs
sont tout seuls, on ne met point de; on dit : plustosf
mourir que pécher.
Qui ne s'emploie pour si l'on ne comme dans cette
phrase : l'on ne sçauroit les faire obéir, qui ne les bat
rudement.
Que si se met pour et -n ou tnais si comme dans :
que si vous jugiez plus convenable, etc.
Bien, au commencement des périodes en prose, sent
la vieille mode dans bien est-il malaisé; mais il est
bon dans bien est-il vray.
OÈSERV AXIONS DE Li SYNTAXE.
Il srait la langue latine et la grecque est bien dit;
mais il est mal de dire : la langue latine et grecque
ou les langues latine et grecque.
On dit éiialement bien l'un et l'autre ne vaut rien, ou
l'un et l'autre ne valent; de même on peut dire ny la
force ny la douceur n'y peut rien, ou n'y peuvent rien.
Dites la force ou la douceur le fera, et non le feront.
L'usage approuve perdre le respect à quelcun pour
dire lui manquer de respect.
N'imitez pas Malherbe qui met une préposition entre
pour et l'infinitif suivant : pour avec luy délibérer;
cette construction n'est plus permise qu'aux notaires.
kkpf'tition de quelques jiots.
La règle générale des répétitions est celle-ci : les
« articles » à et de mis devant des infinitifs ou des
noms doivent se répéter quand ces infinitifs ou ces
noms sont contraires ou ditTérents; mais il ne faut pas
les répéter quand ces mêmes mots sont synonymes
ou approchants; exemples : les hommes sont enclitis
à ha'ir et à aimer leurs semblables; il estait porté dès
.son enfance à aimer et chérir les gens de bien.
Il faut observer la même règle pour les prépositions
pour, sur, dans, sous, avec, etc.
{La suite au prochain numéro.)
Le Riîdacteou-GiSuant : Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Hélène et MatUilde, par Adolphe Belot. H' édition.
In-18 Jésus, vm-281 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
La Fille de Carilés. Le petit prince Ulrich. Nedji
la Bohémienne. La Bonne Mitche; par Mme Coloml).
Ouvrage illustré de 96 vignettes par Ad. Marie. 2' édi-
tion. ln-8°, 280 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 5 fr.
Le Mystère de 'Westfild. Roman américain; par
Emile Desbaux. In-lS Jésus, 29/i. Paris, lib. Degorce-Cadot.
3fr.
Lettre sur les occupations de l'Académie fran-
çaise, suivie des lettres de Lamotte et de Fénelon sur
Homère et sur les anciens. Nouvelle édition, accompa-
gnée de notes historiques, etc. ; par M. E. Despois.
In-12, 136 p. Paris, lib. Delagrave.
Les Chasseurs d'hommes; par Emmanuel Gonzalès.
In-Zi" à 2 col., 120 p. Paris, bureaux du Siècle. 2 fr. 50.
Trois mois sur le Gange et le Brahmapoutre;
par Mme Louis Jacolliot. Illustrations d'E. Yvon. In-18
Jésus, 29!i p, Paris, lib. Dentu. !i fr.
Mémoires d'une forêt. Fontainebleau ; par Jules
Levallois. In-12, l/(3 p. Paris, lib. Sandoz et Fischbacher.
Du Pape; par le comte J. de Maistre. 2/1" édition, seule
conforme à celle de 1821, augmentée de lettres inédites
de l'auteur, de notes et d'une table analytique. ln-8°, .\i-
512 p. Paris, lib. Berche et Tralin.
Rivalité de François I" et' de Charles-Quint; par
M. Mignet, de l'.Xcadémie française, 2 vol. In-8°, IO6/1 p.
Paris, lib. Didier et Cie. 15 fr.
Nouvelles et romans choisis. Une Maison de
Paris; par Elle Berthet. In-/|o à 2 col. 7G p. Paris,
bureaux du Siècle. 1 fr. 20.
Adolphe. Anecdote trouvée dans les papiers d'un
inconnu; par Benjamin Constant. .Nouvelle édition,
suivie des Rollexions sur le théâtre allemand, du même
auteur, et précédée d'une notice sur Adolphe par Gustave
Planche, ln-18 Jésus, 275 p. Paris, lib. Charpentier et
Cie. 3 fr. 50.
Œuvres complètes de Diderot, revues sur les édi-
tions originales, comprenant ce qui a été publié à diverses
époques et les manuscrits inédits conservés à la biblio-
thèque de l'Ermitage. Notices, notes, table analytique.
Etude sur Diderot et le mouvement philosophique au
XVlIIe siècle, par J. Assézat. T. 3. Philosophie. III. Ia-8°.
55i p. Paris, lib. Garnier frères. 6 fr.
La Tentation de saint Antoine; par Gustave Flau-
bert. 3« édition. In-lS Jésus, 308 p. Paris, lib. Char-
pentier et Cie. 3 fr. 50.
Exercices sur chacune des parties de la gram-
maire et compléments; par M. Guérard. Nouvelle édi-
tion. In-12, 256 p. Paris, lib. Delagrave.
Correspondance de Lamartine, publiée par Mme Va-
lentine de Lamartine. T. 6, 18^2-1852, ^-8°, i77 p. Paris,
lib. Hachette et Cie, Furne. Jouvet et Cie.
Anecdotes de théâtre. Comédiens, comédiennes,
bons mots des coulisses et du parterre; recueillis par
Louis Loire. Série auecdotique. In-18 Jésus, 2/i0 p. Paris,
lib. Dentu. 2 fr.
Etudes sur les arts au moyen-âge; par Prosper
Mérimée, de l'Académie française, ln-18 Jésus, 383 p.
Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
Publications antérieures ;
RÉCITS D'UN AUTRE MONDE. —.Par Julks i.b B.4Ude,
membre de la Société des études historiques, de la
Société hàvraise d'études diverses, de la Société des Gens
de lettres. — Le Havre, imprimerie Eugène Cosley., 6,
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tenant tous les mots qui se trouvent dans le Dictionnaire
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mots de la langue française faisant connaître 1" les racines
françaises ou les radicaux; 2° les préfixes et les suffixes;
o" la valeur primitive et actuelle des dérivés français ;
h' l'emploi des mots ; 5° l'orthographe d'usage. — Par
L. Grimblot. — Partie du maître et partie de l'élève. —
Paris, Au(j. Boyer et Cie, libraires-éditeurs, Zi9, rue St-
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FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
Avenue de la Grande Armée (prés de l'Arc de
triomphe de l'Etoile). — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très bel appartement.
A Passy (prés du Ranelagh). —Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Rue de Turin (près de la gare Saint-Lazare). —
Une ancienne maîtresse de pension reçoit dans sa famille
deux jeunes étrangères pour les perfectionner dans la
langue française. — Leçons de musique.
Près de la gare Saint-Lazare (vue sur la voie). —
Un homme de lettres recevrait comme pensionnaire un
étranger qui voudrait profiter de son séjour à Paris pour
se perfectionner sérieusement dans la pratique de la
langue française.
(Les adresses sont indiquées à la rédaction du Journal.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
La Société d'encour.vgement au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher et développer
les moyens les plus prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralité comme le bien-être de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, secrétaire général, 2, rue Brochant-BatignoUes, avant le
31 décembre 1875.
La Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne publie le programme des concours de 1876-
1877. Voici celui de littérature et de poésie. La Société propose pour cette année 1876 une médaille d'or de la valeur
de 200 fr. à la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.); une médaille d'argent de la valeur
de 100 fr. à la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la valeur de 50 fr.
au meilleur groupe de trois sonnets. — Toutes demandes de renseignements devront être adressées au Secrétaire
de la Société, à Montauban.
Académie des lettres ml Rouen. — Prix à décerner en 1877 pour un conte en vers de 100 vers au moins. ~
S'adresser au Secrétaire perpétuel, M. Julien Loth.
La Société littéraire de Poligny (Jura) reçoit les manuscrits pour le Concours de 1875, jusqu'au 15 septembre; —
La Société dunkerquoise jusqu'au 1" octobre; — Les Sociétés académiques de Troyes, de Lille et l'Académie de
la Roch.'lle, jusqu'au 15 octobre; — La Société littéraire d'Apt, l'Académie de Bordeaux et la Société académique
de Boulogno-sur-Mer, jusqu'au l'""' novembre.
Le réilaclciir du ('ourricr.de Vaugclns est visible à .«on bureau de midi à une heure et demie.
liiiprinicnc (iOUVEKNKlIH, G. U.MJl'KLEV, à Nogenl-le-Uotrou.
6'' Année
N» 7.
1" Août 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Parai§sant le I" et le IS de chaque mois
{Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
Les lecteurs du Courrier de Yattgelas apprendront
avec plaisir que, par arrêté du 28 juillet dernier, M. le
Ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des
Beaux-Arts a souscrit à la collection de ce journal pour
les Bibliothèques des établissements de son ressort.
SO.M.MAIRE.
Communications relatives à de nouveaux gentilés ; — Origine de
Faire le bon apôtre; — Eiymologie de Bric-à-Brac; — Pour-
quoi Faveur désigne un petit ruban ; — Justification de Ortho-
graphe; — Participe passé suivi de A et d'un infinitif; — Signi-
fication exacte de Quartier latin [ Si L'échapper belle et La
manquer belle sont synonymes; — Explication du sens de
Monter une scie à quelqu'un; — Si Jusques et y compris est
une bonne construction II Passe-temps grammatical g Suite de
la biographie de Laurent Chifflet || Ouvrages de grammaire et
de littérature II Renseignements pour les professeurs français ||
Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNIG.\TIONS.
Le 27 avril dernier, M. Paul Hecquet-Boucrand, le
savant auteur du Dictionnaire étymologique des noms
propres d'hommes, m'a adressé une série de nouveaux
gentilés que je mets aujourd'hui sous les yeux de mes
lecteurs.
A.
Agde, les Agaiho'ts; Aix, les Aixois.
B.
Bourg-en-Bresse, les Bourg- Bressons; — Briare, les Bria-
rois; — Beaujeu, les Beaujolais.
C.
Castelnaudary, les Castelnaudariciens ; — Caudebec, les
Caudebe'fjuois; — Chambéry, les Chambcriens ; — Cbâteau-
Thierry, les Theodoriciens; — Corbeil, les Corbelliens; —
Châtellerault, les Châlelleraullois ou Héraldiens.
D, F, G, H, J.
Dreux, les Durocassiens; — Fontainebleau, les Fonfaine-
hleausiens; — Foix, \es Fuxiens; — Gien, les Giénois; —
Hazebrouck, les Bazebrouquais ; — Joigny, les Joviniens.
h.
Limoux, les Limousins; — Lesparre, les Lesparrais; —
Lens, les Lénois.
M, N, 0.
Moulins, les Molinois; — Nemours, les Aemouriens ou
yemosiens; — Orange, les Orangiens.
P.
Puy, les Pu'j-Velaisiens; — Pézenas, les Piscénois; —
Pauillac, les Pauillaquais; — Pithiviers, les Piluérins; —
Poissy, les Pisrois ou Pisciaquais; — Pontoise, les Ponté-
siens; — Pont-de-Cè, les .'iaiens.
R.
Rodez, les Rodéziens ou R/iuléniens.
■ S.
Saint-Pons, les Saint-Panais; — Seyne, les Seynois; —
Seine, les Seinois; — Sainte-Foix, les Fidéens; — Sainte-
Menehould, les Menehildiens.
V.
Valence, les Valençois.
M. Georges Garnier, qui glane toujours pour le
Courrier de Vaugelas, m'a écrit deux lettres, l'une le
2-3 mars dernier, l'autre le 27, où se trouvent les lignes
suivantes concernant 3 autres gentilés :
Epînal, les Spinaliens.
Saint-Brieuc, les Briochins. L'êtymologie voudrait Brio-
cins, du latin Brioci, mais un naturel du pays m'a affirmé
que l'usage a ainsi corrompu la dénomination primitive.
Dans le département de la Manche, voisin de celui que
j'habite, deux gros bourgs (ou plutôt petites villes), Sour-
dei-nl et Villedieu-les-Pocles, sont situées à peu de distance
l'une de l'autre, sur les rives de \aSourde, qui a donné son
nom à la première [VaUis Sur-d.r); or, les habitants de ces
deux localités se donnent le nom de Sourdins, sous lequel
ils sont désignés collectivement dans toute la contrée.
Je remercie cordialement .M. Paul Hecquet-Boucrand
et M. Georges Garnier de leurs communications.
X
Première Question.
Voudriez-vous bien me dire., dans un de vos pro-
chains numéros, ce que vous penses de l'origine de
l'expression proverbiale YAiRE le box apôtre?
Un des collaborateurs de V Intermédiaire a cru trou-
■ver "cette origine dans le breton; mais, quand je songe
50
LE COURRIER DE VAUGELAS.
au concert de malédictions auquel la conduite de Judas
envers son maître a donné lieu pendant tout le moyen-
âge, il me semble qu'il n'y a pas à douter un seul
instant que faire le bon apôtre ne soit une allusion
fort ancienne à l'acte infâme que saint Maltliieu raconte
en ces termes au chapitre xxvi :
46. Levez-vous, allons : celui qui doit me trahir est près
d'ici.
47. Il n'avait pas encore achevé ces mots que Judas, un
des douze, arriva et avec lui une grande troupe de gens
armés d'épées et de bâtons, qui avaient été envoyés par
les princes des prêtres, et par les anciens du peuple.
48. Or, celui qui le trahissait leur avait donné un signal
pour le reconnaître, en leur disant : Celui que je baiserai,
c'est celui-là même que vous cherchez : saisissez-vous de
lui.
49. Aussitôt donc il s'approcha de Jésus, et lui dit ;
Maître, je vous salue, et il le baisa.
50. Jésus lui répondit ; Mon ami, qu'êtes-vous venu
faire ici? Et en même temps tous les autres s'avançant,
se jetèrent sur Jésus, et se saisirent de lui.
><
Seconde Question.
D'oh viennent les expressions bric-a-brac et de bric
ET DE CROC'? Le dictionnaire de Littré et celui de
Scheler, les seuls qui parlent de ces étijmologies, ne
disent rien de positif à ce sujet.
Gomme l'expression de bric-à-brac pour désigner
une réunion de vieilles marchandises, telles que bahuts,
ferraille, tableaux, statuettes, etc., ne se trouve pas
dans le dictionnaire de Gattel (0971, et qu'elle est
dans celui de Napoléon Landais (18361, il y a tout lieu
de croire qu'elle a pris naissance dans le premier tiers
du XIX'' siècle, ce qui, du reste, est rendu assez probable
par cette phrase de Balzac, recueillie dans les Excen-
tricités du langage :
« Ces travau.v, chefs-d'œuvre de la pensée, compris
depuis peu dans ce mot populaire de bric-à-brac. »
Maintenant, d'où vient cette expression?
Le mot bric est un radical qui signifie bond, saut,
ricochet, fait attesté 1" par l'espagnol brincar, sauter,
bondir; 2° par notre substantif bricole, employé au jeu
de paume pour signifier le bond que fait la balle
lorsqu'elle a frappé une des murailles; 3° par le terme
de chasse bricoler, qui se dit d'un chien s'écartant à
droite et à gauche de la piste; 4° enfin, par l'expression
de bricole, qui veut dire indirectement, en suivant une
ligne brisée.
Or, au lieu de dire une marchandise de bricole,
achetée tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, on a formé
avec le radical bric une expression adverbiale analogue
à rie à rac (notre rie à rie en poitevin), où 1'/ du pre-
mier terme se change on a dans le second ; et, attendu
que bricole était précédé de la préposition de dans
marchandise de bricole, on amis cette préposition après
marchandise, ce qui a donné :
Marchandise de bric et de broc,
expression qui |)arait bien mieux peindre que de bricole
la diversité des sources d'où vient la marchandise en
(lucstion.
Puis, par la suppression de la préposition de avant
brac, on a eu :
Marchandise de bric et brac
Ensuite, grâce à la corruption de et en a, qu'il est
d'autant plus facile de s'expliquer que ses auteurs ont
dii moins comprendre l'expression sur laquelle ils la
pratiquaient (n'oubliez pas que, d'après Balzac, cette
expression est d'origine populaire', on a dit :
Marchandise de bric à brac.
Enfin, étendant le sens, on a désigné par bric-à-brac
non-seulement la marchandise, mais encore le mar-
chand lui-même :
Le fait est qu'aujourd'hui le bric-à-brac est une industrie
formidable, que le gros marchand de bric-à-brac possède
jusqu'à 000,000 fr. de marchandise.
(Roqueplan, 184 1.)
Ce voleur de bric-à-brac ne voulait me donner que
quatre livres dix sous.
(Gavarni.)
Voilà, si je ne me trompe, quand et comment s'est
formée l'expression de bric-à-brac.
Quant à de bric et de broc, il me semble que c'est tout
simplement de bric et de brac, de çà et de là, conservé
à l'état d'expression adverbiale, et modifié seulement
dans la voyelle de son dernier terme (a remplacé paro).
X
Troisième Question.
Voudriez-vous bien expliquer dans votre journal
comment il a pu se faire que faveur, qui est évidem-
ment le latin favor, soit arrivé à désigner ce petit
ruban, roucje ou bleu, dont les confiseurs entourent
leurs paquets ?
Autrefois, les chevaliers qui se présentaient pour
combattre dans un tournoi nommaient hautement les
dames dont ils se déclaraient les esclaves et les servi-
teurs; et, au milieu du tournoi, les dames donnaient
à leurs champions des rubans, des gants de soie, et
autres récompenses de leur valeur et de leur dévoue-
ment, usage dont on trouve la preuve dans le roman de
Perceforest ^vol. I, feuil. lo5, verso, col. \) :
[A la fin du tournoi] elles estoient si desnuees de leurs
atours que la plus grant partie estoit en pur chef; car
elles s'en alloyent les cheveul.x sur leurs espauUes gisans
en plus leurs cottes sans manches : car tout avoient donné
aux chevaliers pour eulx parer et guimpieset chapporons,
manteaulx et camises, manches et habitz.
Ces rubans, ces gants, ces manches, ces chaperons,
etc., que les dames détachaient successivement de leurs
propres vêlements, jicndant l'ardeur de la joute, pour
en armer les chevaliers, et pour animer cl soutenir
leur courage, s'appelaient faveurs, du latin favor, qui
s'employait dans cette langue pour désigner un signe
d'encouragement donné au théâtre.
Quand les tournois disparurent, ce qui eut lieu à
la suite de celui de 1359, où Henri H fut blessé
morlcllement, les chevaliers continuèrent à la vérité
à porter ])ubliquement des faveurs qu'ils avaient reçues
des dames, comme on le voit dans d'Aubigné {llist. II,
p. 4 Ci;} ; mais, peu à peu, le mot fareîtr se restreignit
LE COURRIER DE VAUGELAS.
51
dans sa signification de chose matérielle, et ne désigna
bientôt plus que le petit ruban dont Savary a dit,
dans son Dictionnaire du commerce, publié en 1723 :
« C'est la seconde sorte de rubans de soie, qui se
fabriquent â Lyon, et dans les rubanneries du Forest. Ils
ont près de cinq J ignés de largeur, c'est-à-dire trois
lignes de plus que ce qu'on appelle nompareille. »
X
Qiialriéme Question.
Pourquoi l'art d'écrire correctement les mots d'une
languese nomme-t-il oniHOcnAPUE et non orthographie?
Cette anomalie a-t-elle toujours existé, et qui en est
responsable?
On croit généralement, même parmi les gens ins-
truits, que orthographe est une anomalie dans notre
langue. C'est une profonde erreur, ainsi que je rais
vous le démontrer.
Attendu que le mot orthographia existait en latin, il
a dû, en passant en français, subir un changement de
terminaison analogue à celui qu'ont subi tous les noms
en ia.
Or, quel a été ce changement?
Pour certains de ces noms, ia est devenu le, comme
dans les exemples qui suivent :
Incuna — Incurie
Philosopbia — Philosopliie
Perfid/n — Perfidie
Strategjfl — Stratégie
OEconomia. — Economie
Mais, pour beaucoup d'autres, cette terminaison est
devenue f , ce dont voici la preuve :
Ecclesia — Eglise
GloWœ — Gloire
Sciencia — Science
Gallia — Gaule
Concordia — Concorde
Pecunirt — Pécune
Guvi(7 — Gouge (instr.).
Bernia — Hargne (ànc. fr.).
D'où il suit que la dérivation du substantif ortho-
graphe n'est pas plus anormale que celle des substan-
tifs appartenant au premier des deux groupes que je
viens de vous signaler.
Nous avons certains substantifs venus du grec par
le latin qui ont pris la finale te après avoir eu d'abord
la Cnale e; tel est, par exemple, nécromancie, prononcé
nigromance pendant le moyen-âge :
Si disoient par nigromance
De tout leur bon, de leur enfance.
{ JRomancero, p. Sg.)
Mais c'est là une exception qui ne peut être invoquée,
selon moi, pour suhsMuer orthographie à orthographe,
vocable employé par fout le monde depuis plus de
trois cents ans, et, comme je l'ai fait voir plus haut,
aussi légitimement écrit avec sa finale e qu'il le serait
avec la finale ie.
X
Cinquième Question. ,
Dans les phrases oie un régime direct précède vn
participe passé suivi de la préposition a et d'un
infinitif actif comme dans : les combats qc'il a ec a
SOrTE.MR, LES LEÇONS Qu'ON LCl AVAIT DO^NE' A e'iUBIEB,
faut-il faire varier le participe ou le laisser invariable?
Au xvn'' siècle, comme on l'a vu dernièrement dans
la biographie de Laurent Chifflet (n" 4), tout participe
passé précédé d'un régime direct et suivi d'un infinitif
était invariable; et il en était encore de même au
commencement du xviii^ siècle, témoin ce qu'on lit
dans la grammaire de Régnier Desmarars.
Malheurt'usement, celte théorie si simple se modifia
peu à peu, et voici ce qu'on pratique aujourd'hui :
Quand un participe passé est suivi d'un infinitif, ce
participe varie généralement si l'infinitif exprime l'ac-
tion faite par la personne ou la chose que représente
le pronom régime direct, et re^te invariable, s'il en est
autrement; ainsi, par exemple, on écrit :
Les entants que j'ai entendue lire,
parce que l'action de lire est faite par les enfants, mot
représenté par le régime direct qxœ, placé avant le
participe ;
Les maisons que j'ai vu démolir,
parce que l'action de démolir n'est pas faite par les
maisons, représenté par que, régime direct placé avant
le participe.
Cette règle n'est pas applicable lorsque l'infinitif est
précédé de à pouvant se tourner par pour, afin de, dans
le but de, ni lorsqu'il est précédé de la préposiion de
formant avec lui le déterminatifdu substantif auquel
se rapporte le régime direct, comme dans la phrase
suivante, où de juger est le complément de témérité :
On s'est élevé contre la témérité qu'on a eue de juger de
cette cour orientale.
Dans ces deux cas, on traite le participe comme s'il
n'était pas suivi d'un infinitif.
Cela dit, voyons comment il faut «crire les participes
des phrase^ que vous me proposez.
Les combats qu'il a eu à soutenir. — Comme à, dans
cette phrase, ne tient pas lieu de pour, afin de, dans le
but de, il faut se demander si les combats (que^ soute-
naient. La réponse est négative : le participe doit rester
invariable.
Les leçons qu'on lui avait donné à étudier. — La
préposition «signifie pour, afin que. dans le but de;
il faut écrire doniié absolument comme on le ferait si à
était remplacé par un de ses équivalents. Or, dans la
phrase suivante :
Les leçons qu'on lui avait donné pour qu'W les étudiât,
donné serait mis au féminin pluriel : il le faut aussi,
par conséquent, au féminin pluriel dans celle où
l'infinitif est précédé de la préposition à.
Dans la 2' année du Courrier de Vaugclas, p. 23, j'ai
traité, avec tous les développements qu'elle comporte,
cette- difficile question de l'orthographe du participe
passé suivi d'un verbe m l'infinitif.
52
LE COURRIER DE VAUGELÂS.
X
Sixième Question.
La phrase sauvante de Murger : « Et vous habites le
QCiRTiEii LATiJi? — Place St-Sulpice. », a donné lieu en
ma présence à une discussion. L'tin des antagonistes
prétendait que la place St-Sulpice n'est pas dans le
quartier latin; l'autre, arec Murger, prétendait, au
contraire, quelle ij est. Auriez-vous l'obligeance de
décider, dans un de ros proc/iai?i,s numéros, quia raison
dans cette question intéressant tous les Parisiens
amateurs d'un langage correct?
Le Quartier latin ou Pays latin, comme on disait
encore (deux appellations qui n'ont jamais eu rien
d'officiel), n'était autre que le quartier Si-Benoît,
ainsi que le prouvent les lignes suivantes de la descrip-
tion de ce dernier quartier dans Hurtaut et Magny
[Dict. hist. de Paris, IV, p. i9o) :
Ce Quartier, qui est extrèmempnt peuplé, est principale-
ment celui des Relieurs, Doreurs de livres, Cartonniers,
Fabricateurs de papiers dorés, marbrés et en pièces pour
les appartemens; c'est aussi celui des Sciences, des
Collèges, des Pensions, en faveur de ceux qui suivent
l'Université ; des Parcheminiers, des Imprimeurs en lettres
et en taille douce, des Libraires, des Géographes, des
Graveurs, des Marchands d'estampes. Enlumineurs, et
enfin des Artistes les plus habiles; c'est pourquoi on lui
a donné le nom de Pni/s latin
Or, voici ce que dit Jaillot (1782) relativement aux
limites du quartier St-Benolt (le 1 7" dans son ouvrage) :
Ce Quartier est borné à l'orient par la rue du Pavé de la
Place Maubert, par le Marché de ladite Place; les rues de
la Montagne Ste Geneviève, Bordet, Moufetard et de
Lourcine exclusivement; au septentrion, par la Rivière, y
compris le petit Châtelet; à l'occident, par les rues du
Petit-Pont et de S. Jacques inclusivement; et au midi, par
l'extrémité du fauxbourg S. Jacques inclusivement, jusqu'à
la rue de Lourcine.
D'où, naturellement, cette conclusion que la place
St-Sulpice, située bien loin à l'occident de la rue du
Petit-Pont et de la rue St-Jacques, n'est pas sur le
territoire du Quartier latin comme l'a dit -Murger, et
comme, peut-être, plus d'un autre le pense.
ETRANGER
Première Question.
Je trouve dans le dictionnaire anglais de Stone
(^842) que l'expression la manquer belle est traduite
par TO luvE A NARROw EscAPE, cfi qui signifie justement
l'écuaci'Eii belle. Est-ce que la manquer belle et
L'ÉcnAPPEtt BELLE sont des phrases synonymes en fran-
çais?
Synonymes, nullement.
On emploie l'échapper belle lorsqu'on veut dire de
quelqu'un (|u'il a heureusement évité un péril dont il
était menacé, que peu s'en est fallu (pi'il n'ait été
pendu, no}é, fait prisonnier, etc. :
iNous Favons en dormant, madame, tcliappi' belle.
(Molière, Fcm. sav-, IV, 3.)
Je viens de l'échapper bien belle, je vous jure.
(Idem, Ec. des/em.. IV, 6.) .
Quant à la manquer belle, on s'en sert pour dire
qu'on a laissé passer une occasion favorable sans la
mettre à profit, qu'on n'a pas réussi lorsque les circons-
tances étaient les plus propices :
Le galant indigné de lu manquer si belle.
(La Fontaine, Fiancée.)
Je sais que les dictionnaires sont loin d'être d'accord
à ce sujet; ainsi, sans compter celui de Stone, que vous
me nommez, je puis vous citer cortme donnant à la
manquer belle le sens d'échapper à un grand danger :
Gattel, l'Académie de 4 835, Landais, Boiste, Besche-
relle, Poitevin, qui le regardent comme synonyme de
l'échapper belle; Furetière et Trévoux, qui admettent
de plus que cette expression a un double sens.
Alais lorsque je considère :
1° Que la première édition de l'Académie (4G94)
donne à la manquer belle le sens de ne pas réussir, en
faisant de celte expression un terme de jeu :
« Manquer est quelquefois, actif... J'oy manqué une belle
occasion, pour dire, je l'ay perdue. J'ay manqué mon
coup, c'est-à-dire je n'ay pas réussi dans mon dessein. Je
l'ay manque belle, j'ay mal joiié, j'ay manqué la partie » ;
2° Que M. Litlré ne fournit aucun exemple de la
manquer belle, dans le sens d'éviter heureusement un
péril menaçant, ce qui peut faire douter fortement que
cette expression soit française dans ce sens ;
3° Que si Furetière et Trévoux donnent à là même
expression deux significations différentes, on peut
croire, attendu qu'ils ne les accompagnent pas d'exem-
ples, que c'est le résultat du peu d'attention avec laquelle
cette question a été examinée de leur temps;
4° Enfin, qu'il est nécessaire que nous ayons deux
expressions différentes pour signifier deux idées qui le
sont entièrement, lune, la satisfaction d'avoir heureu-
sement échappé à un danger qui nous menaçait;
l'autre, le regret de n'avoir pas su ou pu profiter de
l'occasion qui se présentait d'obtenir ce que nous
désirions;
Je me trouve parfaitement en droit d'en conclure que
l'échapper belle et la manquer belle sont deux locutions
qui ne peuvent s'employer comme équivalentes.
X
Seconde Question.
Je vous prierais de vouloir bien ^n'expliquer comment
l'expression monter une scie a quelqu'un peut .signifier
lui faire une mystification, car je ne trouve cette expli-
cation dans aucun des dictionnaires que je possède.
Dans les ateliers de peinture, on appelle scie, par
allusion probablement à l'effet queproduit l'instrument
du tnême nom sur le tympan, un mot, une phrase ou
une chanson qu'on répète à satiété à la personne qu'on
a choisie pour victime :
Les romantiques do la Childebert commencôrent cette
scie par vengeance.
(Privât d'Anglcmont. Paris anecdote, p. |85.)
Ov, comme on dit, au propre, monter une scie à
LE COURRIER DE VAUGELAS.
53
quelquun pour signifier assujétir pour lui une lame de
scie sur un châssis de bois, on s'est naturellement
servi de la même expression, au figuré, pour signifier
organiser contre quelqu'un l'espèce de vexation connue
parmi les peintres sous le nom de scie.
X
Troisième Question
Peut-on dire : « Cela se fit .irsQCE et t compris le
x\i^ siècle «? Il me semble qu'il y a là taie faute;
qu'en pensez-vous ?
Effectivement, cette phrase est fautive, et je vais vous
expliquer pourquoi.
Il est de règle que, pour faire ellipse de termes ser-
vant de régime commun à des substantifs, à des adjec-
tifs, à des verbes ou à des adverbes, il faut que ces
termes soient précédés de la même préposition ; ainsi
on ne peut pas dire :
Cet homme aime et est utile « son pays,
parce que, après aitne, il y a de sous-entendu seulement
son pays, tandis que ces mots sont précédés de à après
utile.
Mais on dit très-correctement :
Cet homme est cher et utile à sa famille,
parce que l'adjectif cher veut après lui à sa famille
comme l'adjectif utile.
Or, si l'on rétablit les mots supprimés dans la phrase
que vous me proposez, il vient ceci :
Cela se fitjiisque[à le xvi° siècle] et y compris le xw
siècle.
Celte phrase offre donc une ellipse qui n'est pas
recevable, puisque les mots supprimés forment un
régime avec la préposition «, lorsque la même prépo-
sition ne se trouve pas après y compris.
Pour construire régulièrement la phrase en question
sans répéter xvi' siècle, on- doit avoir recours à l'ad-
verbe inclusivement, et dire :
Cela se fit jusqu'au xvr siècle inclusivement.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1»... a suscité des querelles avec les propriétaires des ter-
rains, et en a profité ; — 2». . . fait observer que les épisodes;
— 30 Bien qu'ils crient plus fort que moi; — i"... faites-/e-
nous entendre; — 5».. . une dépulation rouge foncé (d'un rouge
foncé); — 6"... sans avoir réfléchi d'autre ciel (le verbe mirer
ne se dit jamais de l'objet qui ré(léchit); — '!<'... ce projet est
quelque chose de plus, de pis, si vous voulez; — 8°. . . pour les
citoyens peu riches (fortuné pour riche ne se dit plus); — 9». . .
tout sceptique et tout blasé qu'il était; — 10»... non-seulement
à conserver... mais encore à la faire ; — 11°.. . ne nous prenons
qu'à nous-mêmes de ce qui nous a accablés (pas Je en) ; — 12°...
boulevard de Magenta (dans ce cas, on ne peut supprimer la
préposition de que lorsqu'elle est suivie d'un nom de personne :
boulevard Richard-Lenoir).
Phrases à, corriger
trouvéps dans la presse périodique el autres publications
contemporaines.
1" Les martyrs victorieux dans leur conscience sont
vaincus et asservis dans leur personne. On les sépare
violemment de ceux qui leur sont le plus cher.
î- J'aurais dû m'en aller à ce moment-là : je ne me suis
pas en allé; j'ai continué, ou, du moins, j'ai cherché à
continuer mes visites.
3° Le ministre d'Italie a exprimé, à cette occasion, le
désir du gouvernement italien que les négociations pour
la conclusion d'un nouveau traité soient bientôt entamées.
4° Dans le midi de la France, où la température atteint
souvent une élévation insensée, les propriétaires voisins
s'entendent pour organiser un système de tentes qui,
passant dune maison à l'autre, etc.
D° Nous irons diner à douze sous dans notre ancien res-
taurant de la rue du Four, là où il y a des assiettes en
faïence de village, et où nous avions si faim quand nous
avions fini de manger.
6° On peut .constituer tellement quellement à seule fin
de rendre le plus promptement possible la parole aux
électeurs, ou refuser de constituer et fatiguer le pays par
les agitations d'un long-parlement.
7° On peut affirmer que les 1,520 hommes qui mirent en
déroute 12,000 Prussiens devant Longwy, en batteraient
de nos jours 30,000.
8° On croyait qu'ils auraient duré des siècles, j'aurais
voulu qu'ils les eussent dures.
9° Comme je vous vois en train de faire des folies, je
préfère vous guider que de vous abandonner aux conseils
et aux entraînements d'un cœur trop épris.
10° Oui, flattez-moi maintenant, après nous avoir aban-
donnés pendant un grand mois. Prenez garde que je me
venge en vous desservant.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XV1I= SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
[Suite.)
L'adjectif tout se construit absolument comme les
prépositions ; on dit : ('/ a employé toutes .ses ruses et
finesses, et // a employé toutes ses ruses et toutes ses
violences.
Quand un sujet est composé de deux substantifs
synonymes unis par et, on met le verbe au singulier :
sa clémence et sa douceur estait incomparable ; mais
s'ils sont différents, il faut le verbe au pluriel.- la haine
et l'amour l'ont perdu.
Après la conjonction ou signifiant c'est-à-dire, il ne
faut pas répéter l'article : la théologie ou science des
choses divines; car si on le répétait, celui qui nous
écoute pourrait croire que nous parlons de deux
choses.
L'adverbe si veut toujours être répété devant les
adjectifs et les adverbes.
Après ces mots je ne nie pas que, il vaut mieux répé-
-ter la négation ne que de la supprimer, et dire en
conséquence : je ne nie pas que Je ne l'aye fait.
.E COURRIER DE VAUGELAS.
Après la négation ne et le verbe qu'elle accompagne,
on peut mettre ou omettre le premier ny devant les
infinitifs : je ne puix manger ny boire, ou je ne puis ny
manger ny boire; mais avant les adjectifs, il faut tou-
jours le répéter : je ne suis ny fasclieux ny importun.
Le verbe faire s'emploie souvent en français pour
un verbe actif-: je n'escris pas tant de lettres que je
faisais autrefois.
COSSTKCCTIOX'S PABTICCLlÈKES.
Ces deux mois féminins quelque chose représentent
souvent le pronom neutre des Latins aliqvid, et veulent
en conséquence l'adjectif qui s'y rapporte au masculin :
il y a en. ce livre quelque chose qui n'est pas approuvé
(I6d<J).
Après une partie de quelque chose, l'adjectif s'accorde
non avec parlie, mais avec le substantif qui suit : j'ay
trouvé Jine partie de pain mangé, une partie du bras
onporté; mais il faut dire : il a eu une partie de la cuisse
emportée d'un coup de canon. Tel est l'usage.
Voici encore des « syntaxes » remarquables : le peu
d'affection qu'il m'a témoigné vaut mieux que temoi-
i/née. De même il faut dire : f ay plus perdu de pistoles
que vous n'en ave:- gagné, et non gagnées, parce que
gagné se rapporte à plus et non à pistoles. Après six
mois écoulé est plus élégant que écoulez-, quoique celui-
ci soit plus grammatical. Be la façon que j'ay dit, et
non pas dite, parce que ces mots signifient comme.
PEnFECTI0:SS DU STYLE ET SES DIFFÉRENCES.
Les « sliles » sont aussi différents que les visages et
les voix des hommes, chacun voulant énoncer ses sen-
timents intérieurs selon son inclination et selon son
esprit.
Chiftlet compte au nombre des perfections du style :
i" La congruité, que d'autres appellent pureté. Elle
consiste à parler et à écrire correctement, sans faire de
solecismes ou de barbarismes.
Le nolecisme est une grosse faute contre les règles de
Ja syntaxe, comme si vous disiez inon teste, un beau
maison. Faire un barbarisme, c'est se servir d'un mot
qui n'est pas propre à la langue, comme ils disiont, ils
faisiont pour /7s disoient, ils faisaient; ou employer des
mots qui ne sont plus en usage, comme ains, jadis,
iceluy, etc. (1659).
2" La ne«Ê/e, qui consiste dans la bonne situat^n
des mots pour exprimer clairement ce qu'on veut dire,
cvilanl tout ce qui aiiproche de l'équivoque ou de l'obs-
curité.
3° La propriété, dans l'emploi des mots et des
phrases propres au sujet que l'on traite.
4° La douceur, à éviter les rencontres scabreuses du
choc trop fréquent des consonnes ou de 1' « entrebâil-
lement " des voyelles.
5° La variété, à « refuir » les rimes et les cadences
trop rcconnaissables ; à ne pas employer plusieurs fois
quelque mot ilUistre, sinon « de loing à loing »; à
diversifier les phrases cl les figures.
Relativement à celte qualité du style, notre langue a
un grand avantage sur touLcs les autres, à cause^de la
grande diversité des terminaisons qui se trouvent dans
les noms, dans les verbes et dans les conjonctions.
6° L'elegance, à faire chois des plus belles façons
d'expliquer ce que l'on veut du'e, évitant toutes celles
qui sont vulgaires ou triviales.
7° La gravité, à entremêler des sentences graves et
morales.
8° La subtilité, à user des figures qui font paraître la
vivacité de l'esprit de celui qui écrit ou qui parle.
9° La majesté, dans la juste grandeur des périodes,
et dans le choix des paroles pompeuses et emphatiques,
quand il est à propos de s'en servir.
10" Lr force, dans 1'» efficace » et la vigueur d'un
puissant raisonnement qui convainque l'esprit et per-
suade puissamment.
M" La naifveté, à fuir toute affectation, et à « décla-
rer » sa pensée si simplement qu'il semble qu'on
la voie à l'œil ; de plus, à présenter des descriptions si
naturelles qu'elles soient comme une peinture vivante
de ce que l'on décrit.
12» Enfin Veloquence, qui contient et « enferme »
toutes les perfections du style qui viennent d'être énu-
mérées, et y ajoute encore le discernement nécessaire
pour l'accommoder au sujet du discours, employant
tantôt le style simple, tantôt le médiocre, tantôt le
sublime.
Pour que le lecteur ait bonne provision des particules
de transition, qui sont si nécessaires en toutes sortes
de styles, Chiffiet en -présente un recueil; puis, après
avoir expliqué comment se doit enseigner la langue
française et avoir ajouté un chapitre spécial pour les
Flamands, il arrive à la seconde partie de son ouvrage,
coriiposée de trois traités que je vais examiner succes-
sivement.
DE LA PRONOJÎCUTIOÎV.
Tous les grammairiens français que Chiffiet a pu
lire s'acquittent fort « légèrement » de cette partie; ils
omettent beaucoup de points très-importants, et quel-
ques-uns suivent plutôt leur caprice que le bon usage.
Il va lâcher de remédier à leur insuffisance.
VOVELLES ET iCCEiNTS.
Tous les pluriels des noms ont la dernière syllabe
longue; ainsi eu est bref dans feu, mais long dans
feux. Il n'y a d'exception que pour ceux qui se ter-
minent par un e muet.
Les voyelles longues sont quelquefois marquées d'un
accent aigu, comme dans aimée, renommée.
L'accent grave ne s'écrit que sur trois mots : sur où,
adverbe, qui signifie en quel lieu; sur là adverbe, et
sur à quand il est « article » ou préposition. C'est un
moyen de dislinguer ces mots de leurs homophones.
L'accent circonficxe se met sur les syllabes longues
dont, on a retranché Vs, comme dans pâle.
A.
Arres et catharrc se prononcent erre, caterre.
Le peuple dit serge; mais la Cour dit sarge.
[La suite auprochain numéro.)
Le Rl;l)ACTEUn-G^:llA^T : Ema.-s .'iARTlN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
55
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Nelly; par Amédée Achard. iNouvelle édition. In-18
Jésus, 252 p. Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
Etudes morales sur le temps présent; par E. Caro,
de l'Académie française. 3" édition, ln-18 jësus, Z(05 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Les Contes d'un inconnu ; par Charles Dickens. Tra-
duits par Amédée Pichet. Nouvelle édition. In-18 Jésus,
279 p. Paris, lib. Michel Lévy. 1 fr. 25.
Les Oiseaux; par Louis Tiguier. Ouvrage illustré de
312 vignettes dessinées par A. Mesnel, Bévallet, etc.
3« édition. Grand in-8", 53i p. Paris, lib. Hachette et Cie.
(0 fr.
Plus ça change...; par Alphonse Karr. In-lS Jésus,
30Zi p. Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
Souvenirs d'histoire et de littérature ; par M. Pou-
joulat. Nouvelle édition, revue et corrigée. ln-8° 368 p.
et portr. Paris, lib. Lefort.
Les Mystères de Paris ; par Eugène Sue. Nouvelle
édition, illustrée et conforme h l'édition, in-8'', corrigée
par l'auteur en 1851. T. l. In-l!» Jésus, 30i p. Paris, lib.
Degorce-Cadot. 2 fr.
La Chambre du crime; par Eugène Chavette. 2" édi-
tion. In-18 Jésus, 376 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
A travers Londres et l'Angleterre ; Esquisses de
mœurs britanniques; par A. de Fontréal. ln-18 Jésus,
329 p. Paris, lib. Lachaud. 3 fr.
Etude sur l'idée de Dieu dans le spiritualisme
moderne; par P. -M. Béraud. ln-18 Jésus, vu-Zil7 p.
Paris, lib. fieinwald et Cie. h fr.
La Vie moderne au théâtre, causeries sur l'art
dramatique; par Jules Claretie. 2'- série, ln-18 jésus,
Yii-3tl8 p. Paris, lib. Barba. 3 fr.
La Dame aux camélias; par A. Dumas, de l'Acadé-
mie française. Précédée d'une préface de M. Jules Janin,
illustrations de MM. Gavarni et A. de Neuville. Grand
in-S", 25A p. Paris, lib. illustrée ; tous les libraires.
Les Mille et une nuits parisiennes; par Arsène
Houssaye. H. Les Confessions de Caroline. III. La Prin-
cesse au grain de beauté. Nouvelle édition, ln-8", 774 p.
Paris, lib. Denlu. Chaque vol. 5 fr.
Dictionnaire historique de l'ancien langage fran-
pois ou Glossaire de la langue française depuis sors
origine jusqu'au siècle de Louis XIV; par La Curne
de Sainte-Palaye, membre de l'Académie des Inscriptions
et de l'Académie française. Publié par les soins de
L. Favre, auteur du Glossaire du Poitou, de la Saintonge
et de r.Aunis, etc., etc. 2= à 7" fascicules. In-Zi" à 2 col.,
Zi9-336 p. Paris, librairie Champion.
Algérie. Types et croquis; par Andrieu, ancien offi-
cier de chasseurs d'Afrique. 1"= série, in-8", 168 p. Riom,
imp. Jouvenet. 2 fr.
Poésies de François Coppée, 1869-187/i. Les Humbles.
Ecrit pendant le siège. Plus de sang. Promenades et inté-
rieurs. Le Cahier rouge. Petit in- 12, 2/i0 p. Paris, lib.
Lemerre. 5 fr.
Lettres à. une autre inconnue; par Prosper Mérimée,
de l'Académie française. Avant-propos par H. Blaze de
Bury. ln-18 jésus, Lxxn-237 p. Paris, lib. Michel Lévy.
3 fr. 50.
Publications antérieures ;
LA LITTÉRATURE FRANÇAISE depuis l.\ roRji.iTiON de
L.\ LANG-uE jusqu'à NOS JOURS. — Lecturcs choisies. — Par
Je lieutenant-colonel STAAFF, officier de la Légion d'hon-
neur et de ITnstruction publique en France. — Ou\rage
désigné comme prix aux concours généraux de 18<38 à
1872; adopté et recommandé par la commission des
Bibliothèques de quartier, etc., etc. — Quatrième édition.
— Six volumes du prix de 4 à 5 francs chacun. — Paris,
à la librairie académique Didier et Cie, 35, quai des
Grands-Augustins, et à la librairie classique de Ch. Delà-
grave et Cie, 58, rue des Ecoles.
POÉSIES DE THÉODORE DE BANVILLE, les eXilks ;
LES PRINCESSES. — Parls, .1 /yj/ion.se Z,cwe?Te, édltcur, 27-29,
passage Choiseul. — Prix : 6 fr.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin; professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaiif/elas, 26, boulevard des Italiens.
RÉCITS D'UN AUTRE MONDE. — Par Jules le Baude,
membre de la Société des études historiques, de la
Société hâvraise d'études diverses, de la Société des Gens
de lettres. — Le Havre, imprimerie Eugène Costeij, 6,
rue de l'Hôpital.
DICTIONNAIRE DE LA LANGUE FRANÇAISE, .adrégé du
DICTIONNAIRE d'e. LiTTRÉ, de l'Acadéniié* française, con-
tenant tous les mots qui se trouvent dans le Dictionnaire
de l'Académie française, plus un grand nombre de
néologismes et de termes de science et d'art, avec l'indi-
cation de la prononciation, de l'étymologie, et l'expli-
cation des locutions proverbiales. — Par A. Beaujeu,
professeur au lycée Louis-leGrand. — In-8° à 2 col. —
iv-1298 p. — Paris, librairie HachcUe et Cie.
COURS DE LITTÉR.ATURE SPÉCIAL, préparatoire au
BREVET SUPÉRIEUR, renfermant les théories de la littérature
avec des exemples choisis dans les œuvres des classiques
anciens et modernes. — Ouvrage adopté à la maison
d'éducation de la Légion d'honneur de Saint-Denis. —
Par Mlle Tu. Bbismontier, Ancienne élève de la Maison
LE COURRIER DE VAUGELAS.
de Saint-Denis, Professeur spécial pour la préparation
aux examens, Répétiteur des premières classes de latin
et de grec. — Paris, chez l'auteur, 1, place Wagram.
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE EN
RUSSIE.— Par C. Courrière.— Paris, Charpentier et Cie,
libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre. — Pri.x ; 3 fr. 50.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la W et la 5« année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La !■•«, la 2' el la 3= année doivent élre pro-
chainement réimprimées.
LA CHUTE D'UN ANGE, épisode. —Par A. de Lamartine.
— Nouvelle édition. — Paris, Hachette et Cie, Pagnerre,
Fume et Cie, éditeurs.
SAINT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallon,
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hachette el Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
Sous le titre de Revue anglo-française, il parait tous les mois à Brighton un recueil littéraire, philosophique et
politique dont le directeur, le Révérend César Pascal, se charge de procurer gratis, pour l'ÀNOLETERnE ou le Continent,
(les places de professeur et d'institutrice à ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires.
— L'abonnement, qui est de 10 fr. pour la France, peut se prendre à Paris, chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires,
33^ rue de Seine, ou à Brighton, chez M. Duval. 92. Eistern Road (^Affranchir).
ON DExMANDE POUR UNE INSTITUTION EN VALACHIE
Un Fran!;ais pouvant donner des leçons de Grammaire, de Rhétorique, de Littérature et de Sciences physiques et
naturelles, à partir du 1" septembre prochain. — Pour les renseignements s'adresser à M. H. Maréchal, 79, boule-
vard St-Germain, à Paris.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Société D'.icnicuLTURE, scie.nxes et arts de toligny (Jura) — Programme du Concours de 1875. — Prose : Le sujet
choisi doit se rattacher par quelque point à l'histoire littéraire ou politique, à l'archéologie ou à la géographie du
Jura, ou tout au moins k la Franche-Comté. — Poésie : Les sujets sont laissés aux soins des concurrents (150 vers
environ); on tiendra compte cependant, dans le classement, des sujets qui intéresseront l'histoire locale. — Pour
être admis au Concours, il faut en faire la demande avant le 15 octobre 1875, et envoyer pour la même époque les
mémoires et travaux qui devront être inédits. — Les demandes d'admission doivent contenir la déclaration, faite
par les concurrents, que leurs travaux n'ont pas été et ne sont pas en même temps présentés à d'autres sociétés
savantes. Cette condition est de rigueur. — S'adresser à M. Richard, professeur au collège de Poligny, secrétaire-
général de la Société.
La Société d'encouragement au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : liecherche)- el développer
les moyens les plus prompts- et les plus efficaces d'améliorer la moralité comme le bien-ctre de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, Secrétaire-général, 2, rue brochant-Batignolles, avant le
31 décembre 1875.
La Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne publie le programme des concours de 1876-
1877. "Voici celui de littérature et de poésie. La Société propose pour cette année 1876 une médaille d'or de la valeur
de 200 fr. à la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.); une médaille d'argent de la valeur
de 100 fr. k la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la valeur de 50 fr.
au meilleur groupe de trois sonnets. — Toutes demandes de renseignements devront être adressées au Secrétaire
de la Société, a Montauban.
Académie des lettres de Rouen. — Prix k décerner en 1877 pour un conte en vers de 100 vers au moins. —
S'adresser au Secrétaire-perpétuel, M. Julien Loth.
La Société dunkerquoise reçoit les manuscrits pour le Concours de 1875, jusqu'au 1" octobre; — Les Sociétés
académiques de Troyes, de Lille et l'Académie de la Rochelle, jusqu'au 15 octobre; — La Société littéraire d'Apt,
l'.'Vcadémie de Bordeaux et la Société académique de Boulogne-sur-Mer, jusqu'au 1" novembre.
Le rédacteur du Courrier de Vauç/elas est \isibie k foii bureau de midi à tuix heure et demie.
Imprimerie (JUilVKHNKIIll, G. UAUHELEV, à INogcnt-le-Hotnni.
6" Année
N» 8.
15 Août 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^
^\V Journal Semi-Mensuel /v/
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraissant le 1" et le 15 de chaque mois
{Dans sa séance du \1 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à celle publication.)
'49
PRIX :
Abonnement pour la Franco. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEOR SPÉCIAL POXJR LES ETRANGERS
OffK ier (l'Afd.lémie
26, Boulevard des Italiens, à. Paris.
ABONNEMENTS:
6n les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire (luclconque.
SOMMAIRE.
Communications sur le sens de Bosse el sur l'origine de Mercu-
riale; — D'où vient Porter des cornes : — Elymologie de De-
rechef;— S'il faut le masculin ouïe féminin dans une annota-
tion sur une lettre 11 Explication dé N'y pas aller par quatre
chemins; — Origine et emploi de : Avocat, passons au déluge;
— Explication des deux significations de Croquiynole ; —
Pourquoi Faisanderie et non Faisunnerie \\ Passe-temps
grammatical J Suite de la biographie de Laurent Chiffïel
Il Ouvrages de grammaire et de littérature || Renseignements
pour les professeurs français i| Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
I.
Dans une lettre en date du (tî juin ^875, qu'a bien
voulu m'écrire M. Malgrange, se trouve l'observation
suivante :
Vous dites (N° 3, t" mai 1874, p. 20) : « Bosse ayant aussi
le sens A'cnfonçure. »
Je ne trouve nulle part cette acception. Littré, dans sa
partie historique, ne cite que des pbrasps oii ce vocable
est employa, toujours dans le sens de tumeur. De même
Larousse, qui lui "donne pour antonyme : cavité,'creux
en/onceme«? ; Boissière {Dictionnaire annlijlique), Boiste, etc.
Je lis, quand je peux, nos vieux poètes du xui'etdu xiv°
siècle; fy ai fait attention, et je n'ai pas vu encore
d'exemple de cette signification.
Quand un vase de métal a été délérioré, soit par
une chu'e, soiL jjar nu choc, on dit qu'il a des ôo.mc.s,
appelant ainsi les saillies produites à sa surface par les
concavités plus ou moins nombreuses qui j' ont, été
faites. D'où il suit que le mol bo.ise, appliqué à un vase
métallique, a pour ainsi dire le sens A'enfoncure.
Dans la seconde raison que j'ai donnée pour faire
rejeter bossuer une tliéirre, et lui faire préférer bosseler,
j'ai laissé imprimer :
0 Bosse ayant aussi le sens de enfonçure, bosseler signifie
naturellement faire des enfoncements... »
Or, il est évident qu'il y avait là une assertion
erronée, et que, le mot fto.s.fe n'ayant jamais eu le sens
de convexité, j'aurais dtî dire :
» Bosse ayant en quelque sorte ici le sens de enfonçure,
le verbe bosseler me semble convenir pour signifier une
action qui produit des enfoncements... »
Mes remerciements à M. Malgrange, qui, au milieu
de ses graves fonctions, trouve encore le temps de lire
assez attentivement le Courrier de Vavgelas pour m'en
signaler les erreurs.
II.
Le 7 juillet dernier, j'ai reçu d'un nouvel abonné de
Rouen deux communications; l'une relative à l'étvmo-
logie de mercuriale, l'autre, à la question de l'aspira-
tion dans le mot ouate.
J'insérerai aujourd'hui la première, qui donne la
date précise où parut le mot mercuriale.
L'explication de ce mot, donnée dans le numéro du 1°'
juin 1875, p. 20, est fort juste, et, si vous le trouviez bon,
Monsieur, vous pourriez y joindre les renseignements
suivants, qui servent à constater l'existence de celte
coutume judiciaire, dès la fin du xv siècle, et â montrer,
pour ainsi dire, la naissance du mot lui-même.
Je les puise dans le Code du Roy Henri III. A Lyon, par
Jean Pillehotte m. d. xcix, 1 vol. in-4% pp. 60-62.
Le livre second traite Des Cours de Parlement et officiers
d'icelles, et le titre huitième porte : Des Assemblées des
cours de Parlement, dictes MERCiniALES.
Une ordonnance de Charles VIII, 1493, art. 110 établissait
le fait eu ces termes : « Afin que les Ordonnances soyent
» gardées pt observées, et les transgresseurs punis des
» peines contenues m icelles : Ordonnons que les Presi-
» dens de nos cours de Parlement s'assemblent, du moins
» chacun mois une /ois : et convoquent et appellent avec
» eux les Président des Chambres des Enquestes d'icelles
» nos cours et aucuns de nos conseillers : aussi nos
» Advocats et Procureurs : et enlr'eux diligemment s'in-
» forment si lesdiclos Ordonnances ont esté bien gardées,
)) et s'il y a eu aucuns transgresseurs d'icelles. d
Louis XII, en 1498 et 1499, s'occupe encore de ce point de
discipline, et voici les mesures prises par lui : « Ordon-
» nous que de quinze en quinze jours, ou du moins une fois
» le mois, les Presidens de nostre Cour, ensemble ceux des
» Enquestes, s'assemblent au Mercredi/ aprPs disner. » Et,
« aiidict jour de Mercredi/ », ils devaient délibérer contre
tous ceux qui auraient manqué à leurs devoirs profession-
nels ou autres.
58
LE COURRIER DE VAUGELAS.
L'ordonnance de François I", rendue à Villers-Cotterets,
en août lô3'J, prononce, pour la première fois dans le Code,
le nom de Mercuriale.
« Pour obvier et pourvoir à toutes contraventions à nos
» Ordonnances, et icelles faire promptement cesser : Vou-
» Ions les Mercuriales estre tenues de six en six mois...
» Assçavoir en nos dicts Parlemens, les premiers Mercredis
» après la lecture « des Ordonnances qui se falot après les
» festes de Saint-Martin et Pasques. »
11 est question ici de la Saint-Martin d'hiver, le 11 no-
vembre, date habituelle de la rentrée des Parlements.
Pour montrer toute l'importance qu'il y attachait, Fran-
çois ajoutait : « Auxquelles Mercuriales, voulons les fautes
» et contraventions faictes à nosdictes Ordonnances par
j» les officiers de nosdictes Cours, de quelque ordre ou
» qualité qu'ils soyent, estre pleinement et entièrement
» deduictes, et les articles proposez estre, incontinent
» après, jugez sans intermission, ou discontinuation : tant
» es jours d'audience, qu'autres : pour lesdictes Mercu-
» riales estre envoyées à nous et à nostre chancelier. »
Le mot et la chose ne tardèrent pas à se répandre en
dehors du Palais. Aussi voit-on, vers la fin du xvi= siècle,
Agrippa d'Aubigné dire, dans son poème des Tragiques,
dont la composition remonte à l'année 1577, tout mdigné
qu'il est de la partialité et des iniquités du Parlement :
Mais encor, pour mieux voir entière la boutique
Où de vie et de biens l'Injustice trafique.
L'occasion s'offrit que Henri, second roy.
En la .Mercuriale ordonna par sa loy
Le feu pour peine deuë aux âmes plus constantes.
(Livre III. la Chnmbre dorée.)
Etl'éditeur, M. Ludovic Lalanne, explique le passage par
cette note : « Le mercredi, 14 juin 1.559, le Parlement de
» Paris étant assemblé pour une mercuriale, Henri II s'y
» transporta, et, à la suite de discours prononcés devant
» lui, il fit arrêter, le même jour, les conseillers du Faur,
» Anne du Bourg, P. de Foix, A. Fumée et Eust. de la
1) Porte. »
Rien n'est donc mieux établi, à l'aide des Ordonnances
mêmes de nos rois, que la véritable ètymologie du mot
Mercuriale, dérivant de Mercredi, qui se dit, en latin, Mer-
curii dits.
F. B.
Merci, et de tout cœur, à M. F. B., qui a bien voulu,
à peine inscrit sur la liste de mes Abonnés, m'adresser
la précieuse communication dont je viens de transcrire
une partie.
X
Première Question.
Voudriez-vovs bien expliquer dans nn des prochains
numéros de votre utile journal pourquoi on dit fatniliè-
remenl d'une femme infidcle ^m'elle fait porter des
coR>ES A SON MARI? Mes remerciements anticipés pour
votre réponse.
Le temps change tout, l'usage des cornes en est un
frappant exemple.
Dans la plus haute antiquiié, les cornes étaient le
symbole de la puissance, de la force et du courace.'Les
Anciens donnaient des cornes aux simulacres do
presque toutes leurs divinités : Jupilcr-Ammon était
représenté avec des cornes de bélier; Astarté, déesse
des l'beiiiciens et des Syriens, portait pour diadème
une tête de cerf avec des cornes; il s'en trouvait une
pair*! sur le front du dieu Pan; Apollon et Diane
avaient, dans l'ile de Delos, un autel l'ait de cornes
entrelacées.
Et les cornes ne furent point exclusivement l'attribut
des dieux ; elles ornèrent aussi la tête de plusieurs
grands hommes : Alexandre est représenté sur ses
monnaies avec des cornes, et, si l'on en croit les histo-
riens, il en porta toujours sur son casque.
Il n'est pas jusqu'à la Bible qui n'emploie les cornes
comme signe de dignité et de puissance; car, en suppo-
sant que Moïse descendant du Sina'i n'eût sur le front
que des rayons de lumière (la Vulgate donne à entendre
que c'étaient des cornes), on trouve dans l'Apocalypse
le passage suivant, qui ne laisse aucun doute sur l'ac-
cueil fait au même symbole par les premiers Chrétiens :
Les dix cornes que vous avez vues sont dix rois à qui le
royaume n'a pas encore été donné; mais ils recevront
comme rois la puissance en une même heure avec la bête.
(Chap. XVII. V. n.)
Comment a-t-il pu se faire qu'après avoir employé
primitivement les cornes aux usages les plus respec-
tables, on en ait depuis si complètement altéré le sens?
Voltaire, à qui cette question ne devait point échap-
per, a prétendu que les cornes métaphoriques étaient
venues des cornettes, espèce de coilTure dont les
femmes se paraient au xv« siècle. Mais ce n'est point
là l'origine du nouveau sens donné aux cornes ; car
cornard, cornu, et tout ce qui, mot ou phrase, rappelle
la même idée, étaient employés bien avant l'invention
desdites coiflures, comme le prouvent ces exemples,
l'un du xiie^ siècle, l'autre du xiii'= :
Nous verrons le fort escu
Maistre Gaultier le cornu.
(Hugues de la Ferté, Romancero, p. 190.)
S'est plus coruars qu'un cers ramé
Riches homs qui cuide estre aimé.
{^Roman de la Rose, 4825.)
Selon toute apparence, le nouveau sens symbolique
des cornes a pris naissance en Grèce.
Le sol de cette petite contrée est excessivement mon-
tagneux, .et, comme tel, parfaitement propre à l'habi-
tation des chèvres, qui aiment les lieux élevés, même
les plus escarpés. Or, comme on peut le voir dans
Buffon [Hist. des Animaxix, vol. IV, p. 233 et 235j la
femelle de ce ruminant au pied léger est fort lascive.
Les Grecs lui comparèrent l'épouse infidèle, donnèrent
le nom de fils de chèvre aux enfants illégitimes,-
qualifièrent naturellement de bouc l'époux de celle
qui avait de tels enfants, et dirent plaisamment de lui
(l'expression se trouve livre II, ch. 12, dans le Traité
des Sonr/es d'Arlémidore, auteur qui vivait au u" siècle
de notre èrci qu'il portait des cornes.
De la Grèce, le nouveau sens symbolique des cornes
passa chez les Romains ; il leur valut l'expression
Vulcanus conieus, qui répond à notre mari encornaillé,
et permit ce vers à Ovide :
Atque maritorum capiti non cornua desunt.
(Et les cornes ne manquent pas à la tête des maris.)
U traversa ensuite le moyen-àge, où, grâce proba-
blement à l'oubli de son origine, l'allusion aux cornes
de bouc s'étendit aux cornes de cerf, ce que, du moins.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
59
semble impliquer cet endroit des Annales de Nicétas
(trad. Cousin, tome V, p. 314) signalant les déborde-
ments de l'empereur Andronic :
Il passoit des jours entiers plongé dans, la débauche...
11 attachoit aux portes de la place publique le bois des cerfs
qu'il avoit pris, moins pour faire montre de la grandeur
de ces botes que pour se railler des femmes dont il avoit
abusé.
Enfin, le ridicule alWiché aux cornes mélapho-
riques se propagea chez nous, et ce fut anciennement
un malicieux usage que de se moquer des maris trompés
en arborant des cornes à leur porte la veille de la saint
Jean. A Paris, dit Quitard, on poussait même encore
plus loin l'avanie. L'homme convaincu de s'être laissé
déshonorer par sa femme était coifTé d'un grand
bonnet à cornes, et condamné à parcourir les rues,
sur un âne, la tête tournée vers la queue, qu'il tenait
à la main, tandis que sa femme menait l'animal par
la bride, et qu'un crieur public répétait à haute et
intelligible voix :
On en fera autant à celui qui le sera.
Depuis longtemps, nos mœurs adoucies ont cessé de
permettre ce spectacle barbare ; mais le ridicule attei-
gnant toujours ceux qui auraient pu y chevaucher
l'âne, on a continué à dire du mari d'une femme
infidèle qu'il porte des cornes, et de cette même femme,
qu'e//e fait porter ou plante des cornes à son mari.
X
Seconde Question.
Je lirais avec bien dn plaisir l' étyynologie de Vexpres-
sion DERECHEr, dans un des prochains numéros de
votre Courrier.
Autrefois, je veux dire avant le xvf siècle, cette
expression s'écrivait en deux mots, de et rechef, ce que
démontrent les citations suivantes, empruntées au
dictionnaire de M. Littré :
Cest règne aveient eisillié ;
Or de rechef sunt repairié
A destruire le remanant.
(Benoist, I, r. 1935.)
Adont li dist tôt de rekief..
(Fleur el Blanch. 1939.)
Or retournons de rechef au bien de quoy nous queirons
et disons...
(Commine;?, V, 6.)
Par conséquent, chercher l'étymologie de derechef se,
réduit à chercher d'où vient rechef.
L'expression de rechef se dit en italien da capo.
Cette expression se dit en provençal de rescap
ou de recap, comme on le voit par ces exemples, tirés
du (//ositt/re roma» de- Raynouard (t. II, p. 319) :
Li discipol anneron de rescap (Les disciples allèrent de
rechef).
(Trad. du Nouv. Test. Saint Jean, 20.)
De rescaps albiram et disem etc. {De rechef nous jugeons
et disons).
{Titre de 1248.1
De recap dis lU dit de rechef).
[Trad. de Bide. fol. 20)
Or, en italien capo signifie tête \Aq caputi ; en pro-
vençal rescap est un composé de res, particule équiva-
lente à notre re. et de cap, également tête, qu'on trouve
dans : armé de pied en cap. D'où je conclus qu'on
peut dire avec certitude, je crois :
1° Que rechef est un composé de re et de chef, au
sens de tête, bout, extrémilé, mot qui existe encore dans
couvre-chef, couvre-tête ;
2° Que rep/(e/'vient du pi-ovençal /eca/j 'c = ch; p =f),
attendu que re, qui ne se trouve en français que dans
des substantifs dérivés d'un verbe {retour, recul, etc.),
ne peut s'expliquer ici qu'en faisant venir rechef de cet
ancien idiome.
Dans tous nos lexiques modernes, on écrit derechef,
en un seul mot. C'est évidemment une faute; car notre
vieille langue l'écrivait généralement en deux mots ;
l'italien écrit en deux mots da capo; le provençal écrit
aussi de rescap en deux mots, et, enfin, le français
moderne, dans les autres expressions adverbiales,
n'unifie jamais de avec le mot qui le suit : d'abord, de
relevée, d'aplomb, etc.
X
Troisième Queslion.
Comment doit-on écrire l'annotation mise frécjuem-
nient sur les enveloppes des lettres ? Faut-il mettre au
ma.'iculin personnel, coNFiiuiNTrEL, pressé, e/c, ou au
féminin personnelle, confidentielle, phesse'e ?
Je poserai la question d'une manière plus générale :
Faut-il écrire au masculin ou au féminin l'adjectif mis
fréquemment sur le coin d'un envoi confiée la poste '^
Il y a deux cas à considérer :
S'il s'agit d'une lettre, on met l'adjectif au féminin :
confidentielle, personnelle, pressée, eic. attendu que le
mot lettre est dans la pensée de l'envoyeur.
Mais s'il s'agit d'autre chose qu'une lettre, comme
un mémoire, un litre de rente, un écrit quelconque, 11
faut nécessairement que l'adjectif soit au masculin, le
mot envoi étant sous-entendu.
Cette question a déjà été traitée 2= année, p. 147.
ETRANGER
Première Question.
Comment expliquez-vous N'v pis iiLER par griTRE
caEm^s, pour dire : y aller franchement, directement,
sans détour ?
Voici de quelle manière Quitard explique (p. 217)
l'expression Aller par (juatre chemins:
« Elle fait peut-être allusion à ce qui se pratiquait cliez
les Francs lorsqu'on affraiicliissait un esclave. On plaçait cet
esclave dans un carrefour qu'on appelait la place des
Quatre-Chemins, compîlum quatuor viarum, parce qu'elle
aboutissait à quatre chemins, et on prononçait cette for-
mule ; Qu'il sotl libre et qu'il aille où il voudra. Le mallieu-
reu.x affranchi, qui n'avait pas de demeure, devait proba-
blf^ment errer sur res quatre chemms pour en trouver
une où l'on voulût le recevoir. »
60
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Mais je ne suis pas du même avis, et je vais vous en
dire la raison.
L'abolition de l'esclavage a toujours été regardée
comme un des plus grands bienfaits que le Christia-
nisme ait rendus à la société du moyen-àge. Or, si
l'alTranchissement avait eu pour l'esclave les consé-
quences que Quitard suppose dans son explication,
c'eût été, au lieu d'un bienfait, une sorte d'exil, un
procédé barbare, ce qui est incompatible avec le but
que l'on se proposait par sa mise en liberté.
Sans remonter si haut, il y a un mo\en bien simple
de rendre compte de cette expression.
En effet, dans notre langue, le mot quatre^ comme
dix, vingt, trente-six, etc., s'emploie fort souvent pour
signifier un pluriel indéterminé :
A quatre pas d'ici je te le fais savoir.
(Corneille, Ckl, II, ii.)
J'écris quatre lignes à M"" de la Fayette : appelez-vous
cela écrire 1
(Sévigné, 7 octobre iGS-j.)
Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre
jours, si légers sur le mal qu'Us ordonnent.
(Beaumarchais, Le Barbier, \, 6.)
L'expression aller quelque part par quatre c/iemins
signifie aller dans un endroit on prenant plusieurs
chemins à la suite l'un de l'autre, plutôt que de
prendre le chemin direct, et, par conséquent, faire des
détours pour se rendre audit endroit.
D'où l'expression figurée w'y pas aller par quatre
chemins, pour signifier aller (au but de son discours)
par des voies directes, s'exprimer sans ménagements :
Je n'y vais pas par quatre diemins, moi, j'aime la fran-
chise.
(Carmontel, liée, de Prov, dram.)
Autre preuve que l'expression dont je m'occupe ne
peut faire allusion à la place des « (Juatre-Chemins «
mentionnée par Quitard, c'est qu'au lieu de quatre, on
dit aussi deux, dans la même phrase, comme le
montrent ces vers :
Et, sans aller par deux chemins,
Disons qu'à cette corai^die
Les rats de la folle Tlialie
Grignoltaient mal ses brodequins.
(Piron, Epit. au comte de Livry.)
X
Seconde Qiieslion.
Je trouve cette piirase dans le Raitel du Kd avril
<875 : « Avocat, i-assoms ai; déluge ». Quelle est l'ori-
gine de cette locution, et quand convient-il de l'em-
ploijer ?
Elle est empruntée à la pièce des Plaideurs de Racine,
oii l'on trouve ce qui suit lacte III, se. 3) :
l'intimé (d'un ton pesant).
...Puis donc qu'on nous permet de prendre
Haleine, et que l'on nous défend de nous étendre,
Je vais, sans rien omettre, et sans prévariqucr,
Compendieusement énoncer, e.xpliquer,
Exposer à vos yeux l'idée universelle
De ma cause et des faits renfermés en icelle.
DANDIN.
Il aurait plutôt fait de dire tout vingt fois,
Que de l'abréger une. Humme, ou qui que tu sois,
Diable, conclus, ou bien que le Ciel te confonde.
l'intimé.
Je finis.
DANDIN.
Ahl
l'intimé.
Avant la naissance du monde...
DANDIN (bâillant).
Avocat, ah ! passons au déluge.
Cette expression, devenue proverbiale, peut s'em-
ployer toutes les fois que l'on veut prier familièrement
quelqu'un d'abréger le récit d'une affaire qu'on le voit
disposé à conter avec d'inutiles détails, au lieu d'arriver
promptement au fait dont il s'agit.
On y retranche généralement l'interjection ah !
X
Troisième Question.
Pourriez-vous m' expliquer cotnment il se fait que
voire mot cboquignole signifie et une pièce de pâtisserie
et un coup donné sur la figure avec le doigt d%i milieu ?
Quel rapport peut-il y avoir entre ces deux choses-là ?
Selon toute probabilité, le mot croquignole, pâtisserie,
vient, comme le wallon croquète, du verbe croquer ; en
effet, un intermédiaire inconnu, mais qu'on peut très-
bien supposer, croquin, augmenté de la finale féminine
oie après qu'on y a changé Vn finale en gn, change-
ment fort commun dans notre langue, donne naturel-
lement ce mot.
Quant à croquignole dans le sens de chiquenaude, il
a une tout autre origine.
En Picardie et en Lorraine, on emploie le mot gnole
pour signifier coup, tape, soufflet, et, sur les confins de
la Beauce et du Perche, les enfants s'en servent pour
désigner la marque faite sur une toupie par le fer d'une
autre toupie.
Or, de même qu'en joignant le mol gnole à tor, qui
me semble l'abrégé de torneis (ancien adjectif de la
famille de tourner, lequel se trouvait dans pont torneis,
dit autrefois pour pont tournant), on a fait torgnole,
coup frappé en faisant décrire en l'air une certaine
courbe à la main ; de môme en le joignant à croqui,
venu de crochi, que je suppose un ancien adjectif tii'é
de crochir, rendre croche (verbe qui se trouve encore
chez nos paysans et, m'assurc-l-on, dans le patois de
la Suisse romande), on a formé croquignole, coup
frappé avec le médium tendu en arc contre le pouce.
Voilà comment j'explique les deux significations si
opposées de notre mot croquignole ; mais suis-je dans
le vrai?
X
Quatrième Qnosliou.
.4 l'occasion de cette lettre, pcrmctlez-moi de vous
demander pourquoi du mol faisan vous avez fuit fai-
san uerie, plutôt que FAISANNER1E'?
LE COURRIER DE VAUGELAS.
CI
Quoique faisan se dise en latin phasianus (de Phasis,
fleuve de la Coichide, d'où l'oiseau de ce nom fut
apporté en Occident), notre langue du xvi" siècle,
comme l'anglais, ne l'en écrivait pas moins par un t :
Faisaut bruant vingt deniers, faisant non bruant ou
gentil, deux sols six deniers.
{Coiilum. gè'tcj-. t. II, p. i'i?-)
Faites que soyez secret, luy montrant bon visage,
autrement la queue du faisant se gasteroit.
INuits de StrapiiTole, 1. 1, p. 85 dans Lacurne.)
Or, le t étant une lettre souvent remplacée en fran-
çais par le d, consonne de même ordre, il n'y a rien
d'étonnant à ce que nous disions, non-seulement fui-
sanderie, mais encore faisander^ faisandeau^ faisandier,
au lieu de faisaimerie, faisanner, etc.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1»... de ceux qui leur sonl les plus cliers; — 2° . . je ne
m'en suis pas allé (Voir Courrier de Vaugelas, l'c année, n» 3,
p. 5) ; — ^3" . . d'un nouveau trailé fussent bientôt entamées; —
4» une élévation extraordinaire (on ne peut dire qu'une tempé-
rature, qui n'est pas le fait de l'homme soit insensée); — 5'...
et où nous avions si grand faim (l'adveibe si ne peut se mettre
devant un substantif) ; — 6". • • afin de rendre (voir Courrier de
Vaugelas, 2° année, p. 159); — 7°... en battraient) pas d'e
après le second l) ; — 8"... qu'ils les eussent duré (le pronom
les n'est qu'en apparence régime direct) ; — 9» ... je préfère vous
guider plulâi que de (Voir Courrier de Vaugelas, 4° année,
p. 153); — 10»... que je ne me venge...
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1* Plus tard, quand il se sera fait un nom, un nom sérieux,
basé sur autre chose que sur des pipes culottées et des
bocks ingurgités, il repassera, et nous verrons.
2° Etant donné cette situation, il est probable que nous
aurons une session d'automne ; le gouvernement pourrait,
peut-être, en intervenant, faire pencher la balance du côté
des gauches.
3 Et dire que Prosper Mérimée n'a jamais eu qu'une
crainte en sa vie, celle de pas.ser pour dupe ! Et il se fait
dire (en dépit qu il en ail) des messes après sa mort!
N'est-ce pas une bien petite cruelle mystification ?
4° M. de Bourgoing avait été élu dans son département
à quelques trois cents voi.ï de majorité quand l'honorable
M. Girerd donna connaissance à l'Assemblée de la pièce
que l'on sait.
5° Six ou sept députés sont montés à la tribune, récla-
mant qui contre le vote que l'Officiel leur fait émettre, qui
contre l'abstention qu'il leur impose; la majorité ne doit
tenir qu'à une paire de voix.
6° Que voulez-vous qui advienne d'un pays où là moitié
de la jpunesse étudiera le droit à l'école de M. Marotte, le
vicaire-général du diocèi^e de Verdun, l'auteur du caté-
chisme dont nous avons-cité qupl(|ues extraits?
7' Hier lundi, la Prusse a com[iaru en Sorbonne, non pas
devant un de ces jurys mixtes mi-partie allemands, mi-par-
tie slaves, tels qu'on en voyait dans l'ancien Brandebourg,
mais devant cinq bons Français, d'esprit indépendant.
8° Ce n'est pas à eux que les bonapartistes pourront s'en
prendre du rôle de dupes qu'ils ont joue en votant « pour
l'honneur « une loi dont ils avaient espéré recueillir un
bénéfice immédiat.
9' Comment se fait-il que des dispositions si claires n'ont
pas été respectées, et que les établissements placés sous la
surveillance de la police n'ont jamais trouvé que des com-
plices pour les aider à les violer ?
(Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU'XVII' SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
[Suite.)
L'a est long dans image, car Ghifllet dit que ce mot
ne peut rimer avec mge.
A est long également dans plage, page de livre;,
adage, suffrage, naufrage e,l présage.
11 en est de même dans cloaque, opaque et cinabre,
simulacre, diacre, poùacrc; mais la même vojelle est
brève dans ladre.
Les verbes en ave ont Va bref : // bave, il pave;
mais les substantifs et les adjectifs ont celte vojelie
longue : brave, grave, suave, cave, octave.
Ant ou and final est toujours long comme dans grant.,
vaillant, et cela sans exception; mais ent et end, écrits
par e et prononcés par a, sont brefs : il vend, tourment.
11 en est de même pour les adverbes terminés en ment,
comme sagement.
On ne met plus 1'/ après Va devant la sjllabe gne ;
on écrit montagne, Espagne, au lieu de montai.gne,
Espaigtie.
E.
Les participes masculins des verbes en cer s'écrivent
avec un accent aigu sur le dernier e, et non sur le pre-
mier : créé, agréé.
Plusieurs mettent l'accent circonflexe sur Vu des ad-
verbes en ument, comme esperdùwent, ingénument, etc.
On met l'accent aigu sur les mots en e'.s-, dont Ve est
prononcé ouvert : excès.
Tous les mots en ez ont l'e masculin ; c'est par con-
séquent une faute que de prononcer clieuz au lieu de
chez.
Les mots allier, entier, familier, régulier, séculier
ont l'e final ouvert comme «wcr (1059).
A l'exception de ceux de liège, siège, père, mère. ■
frère, tous les e de la syllabe pénultièiîie se prononcent
ouverts : herbe, pièce, suprême, etc.
L'e ne se prononce pas à la finale des troisièmes per-
sonnes plurielles de l'imparfait et du conditionnel, et on
ne l'écrit plus, parce qu'il est «du tout» inutile; au
V\t\xiïe,itsaimoient, ils aimeraient, écrivez : ilsaimoint,
ils aimeroint.
Les verbes en ier ne font pas entendre l'e au futur,
et, en poésie, on ne l'écrit pas : je dediraij, je sup-
plirois.
' L'adjectif féminin demyc, placé devant un substantif,
(i2
LE COURRIER DE VAUGELAS.
supprime son e; on écrit : demij-douzaine, demij-
heure, etc. (1631)).
Dans le mol juillet, Vi ne sonne aucunement.
Crucifix doit être prononcé crucifi, et non crucefi,
comme le veut certain grammairien.
0.
La terminaison orne est longue dans tome, dôme,
axiome.
Lorsque après cm ou on -vient une consonne difte-
rente de m et de 7i, om et on se prononcent oun,
comme dans nombre, ronce, ronfler, songer. Il en est
aussi de même dans les monosyllabes bon, don, etc.
qui sonnent boun, doun, etc.
Certains mots en ol, comme fol, col, licol, mol, fol,
se prononcent f<m, licou, cou, mou, excepté leurs
composés, et fol suivi d'une voyelle.
Le mot tahon, mouche, se prononce tan, comme
paon, faon et Laon se prononcent pan, fan, lan .
V.
On le marque de deux points pour signifier qu'il
n'est pas consonne, mais voyelle : oiiyr, joiier, etc.
DES DIPHTHONGCES.
Le participe présent ayant et l'indicatif cajez se pro-
noncent a-yant, a-yez (1639).
Quand la syllabe fai du verbe faire est suivie d'une .<
entre deux voyelles, celte syllabe se prononce fe; ainsi
nous faisons, je faisais, faisayit se prononcent fezons,
fezois, fezctnt.
Le son oi ou oy se prononce en faisant sonner 1'/
comme un è ouvert après \'o; de sorte que Roy, moy,
boire se prononcent roèt, moc, boaire, etc.
Les noms des nations en ois se prononcent plus élé-
gamment en ai; on dit Français, Anglais, Portugais;
mais il y a exception pour Génois, Suédois, Liégeois.
On ne dit ni n'écrit plus roine, mais bien reine
(1639).
Pseaume se prononce sôme, et le mot heaume fait
trois syllabes.
On a le choix entre heureux prononcé comme il est
écrit et hureux.
DES VOYELLES A LA FIN DES MOTS.
Règle générale, quand un mot finissant par un e
muet est suivi d'un autre commenijanl par une voyelle,
on supprime complètement cet e : quelque ami se pro-
nonce quelquami; mais il y a exception 1° pour /mit
et huilième; 2° pour l'adverbe d'affirmation oiiy, on
dit le oiiy; 3» pour onze et onzième, quoique ce ne
soit pas le sentiment de Vaugelas.
(In met raj)Ostropbe dans les verbes composés de re
devant une voyelle : rallier, rouvrir, entrouvrir, etc.
On la met aussi après grand suivi de certains subs-
tantifs féminins, tels que ;«ere, chère, pitié, messe, etc.,
ainsi qu'à la place de l'e final du verbe </arder dans
l'expression Dieu rous gard' .
L'e du pronom le ne se supprime point dans l'écri-
ture après un im|iéralif; mais, dans la prononciation,
il ne se fait pas sentir ; ainsi menez le a sa maison se
prononce menez l'a sa maison.
A la troisième personne singulière des verbes non
terminés par un t, on ajoute, dans les interrogations,
une apostrophe après cette lettre quand elle est suivie
du pronom il ou du pronom elle; on écrit : parle-t'il,
2)arlera-t'elle? que dira-t'on? Quelques-uns aiment
mieux que l'on mette le f entre deux petits tirets de
liaison ayant cette forme : que dira-t-on ?
L'on pour on, qui accompagne les verbes imperson-
nels, a aussi une apostrophe après 1'/, comme dans
ion dit.
Les impératifs de la première conjugaison terminés
par a ou e féminin (muet), prennent un = ou une s,
avec l'apostrophe, devant les particules relatives en et
y, comme dans va-z'y voir, ou va-s'y voir; voila une
dangereuse entreprise : parle-z'en à tes amis.
PRONONaATlOH DES COiSSONNES FINALES.
Règle générale, à la ?m des périodes, quand on inter-
rompt le cours des paroles pour reprendre haleine, on
ne prononce pas les consonnes qui finissent le dernier
mot, et ces consonnes sont muettes encore quand le
mot suivant commence par une consonne.
Mais voici des exceptions à ces règles :
On prononce toujours les consonnes finales des mots
étrangers : l'homme de bien Job ; l'homme de bien Job
disait; il en est de même pour les autres lettres: Isaac,
David, Aman, .Tuppiter, Mars, Judith, Ajax, Sud,
Est, Ouest.
Dans les noms terminés en ect, le c ne se prononce
pas : effect, respect, etc., sonnent effet, respet, etc.
Le c et le < se prononcent dans correct, direct, exact.
Les mots suivants froc, cinc ou cinq, estomac, donc
font entendre le c quand ils sont suivis d'une voyelle.
Dans les interrogations, le c de donc, ne se pro-
nonce pas; est-il donc arrivé? sonne est-il don arrivé.
L'/ se prononce toujours à la fin des mots, excepté
dans Ixiillif, clef, courrechef et esteuf, ainsi que dans
les trois pluriels bœufs, œufs, neufs.
Au singulier, ces derniers ne sonnent pas 1'/ devant
une consonne : un œuf tout frais, lisez eu.
On ne prononce pas l finale dans filleul, cspagneul,
chevreul (1659).
Devant les consonnes, le pronom il ne sonne point
\'l; il dit se prononce / dit, et il en est de même dans
les interrogations : que dil-il? parle-t'il à vous? se
lisent dit-i,parle-ti.
Le pluriel ils no fait entendre que son .s devant une
voyelle ; ils ont se prononce i zont.
La consonne r se prononce à la fin de tous les mots,
mais on peut ne la point prononcer dans mouchoir de
col.
Dans le mot monsieur, on peut |)rononcer 1';- devant
les consonnes, mais il vaut mieux ne la point faire
entendre.
L'.s- finale se prononce toujours, dans .■.■(•/),<, ])our éviter
les é(iuivoques avec satig; c'est ainsi que parlent les
plus « disers ».
[La fin auinocha'n numéro.)
Le RÉDACTËitR-GÉiiAM' : Emak .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
63
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE.
Publications de la quinzaine :
Le duc de Carlepont ; par Amédée Achard. Nouvelle
édition, la-18 Jésus, Zi31 p. Paris, lib. Michel Lévy frères.
3 fr. 50.
La mort de Louis XVI, scènes historiques. Le
10 août, le 2 septembre, le 21 janvier; par A. du Cliatelier.
correspondant de l'Institut de France. 2' édition. In-8".
33i p. Paris, lib. Picard.
Œuvres de Larochefoucauld ; précédées d'une
notice sur sa vie et le caractère de ses écrits. Maximes,
Mémoires et Lettres. In-12, ààS p. Tours, lib. Gattier,
2fr.
L'ancien Orient, études historiques, religieuses et
philosophiques sur l'Egypte, la Chine. l'Inde, la Perse,
la Chaldée et la Palestine, depuis les temps les plus
reculés; par Léon Carre. T. o. Palestine. T. 4. Appendice.
ln-8<>, lZi36 p. Paris, lib. nouvelle. 6 fr.
Mme "Vitel et Mlle Leiièvre, suite des Baigneuses
de Trouville ; par Adolphe Belot. 2» édition. In- 18 Jésus.
327 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
.Dieu dans la nature; par Camille Flammarion.
13= édition. In-12, xs-556 p. et portrait. Paris, lib.
Didier et Cie. Zifr.
Les Mœurs et les Femmes de l'extrême Orient.
Voyage au pays des Bayadéres ; par Louis Jacolliot.
Illustrations de Riou. 3'^ édition. In-18 Jésus, 380 p.
Paris, lib. Dentu. U fr.
Voyage au pays des milliards; par Victor Tissot.
3' édition, revue et corrigée. In-i8 Jésus, 392 p. Lib.
Dentu. 3 fr. 50.
Grammaire complète de la langue française ; par
.M. Lucien Leclair. 19'' édition, revue et corrigée. In-12,
x-242 p. Paris, lib. Belin.
Voyage aux Pyrénées ; par H. Taine. 7' édition,
revue et corrigée. In-18 Jésus , vi-350 p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Premières et Nouvelles Méditations poétiques ;
suivies de la .Mort de .Socrate. du Pèlerinage de Childe-
Harold et du Chant du Sacre ; par A. de Lamartine. .Nou-
velle édition, publiée par les soins de la Société proprié-
taire des œuvres de M. de Lamartine. In-8". 550 p. port,
et 3 grav. Paris, lib. Hachette et Cie ; Furne, Jouvet et
Cie ; Pagnerre. 7 fr. 50.
Histoire de l'origine des inventions, des décou-
vertes et des institutions humaines ; par D. Ramée
architecte. In-S", viii-540 p. Paris, lib. Pion.
Grammaire des langues romanes ; par Frédéric
Diez. 3" édition, refondue et augmentée. T. 3. Traduit par
Alfred Morel-Fatio et Gaston Paris. 1" fascicule. ln-8°,
22i p. Paris, lib. Franck.'
La chanson de Roland ; Texte critique, traduction
et commentaire ; par Léon Gautier, professeur à l'école
des Chartes, ô": édition. In-8% 395 p. vign. et à grav.
Tours, lib. Marne et (ils.
Grammaire française, rédigée d'après le programme
officiel des écoles de la ville de Paris. Cours élémentaire
accompagné de 883 exercices ; par .M.M. L. Leclair, agrégé
et C. Rouzé, professeur agrégé, à" édition, corrigée.
In-12, U4 p. Paris, lib. Belin.
Publications antérieures :
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siennes, — Par Alphonse D-^udet. — Septième édition. —
Paris, Charpentier et Cie, libraires-éditeurs. 28, quai du
Louvre.
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et les œuvres de Vadé. — Par Julikn Lemer. — Paris.
Garnier frères, libraires-éditeurs, 6, rue des Saints-Pères.
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LES. PRINCESSES.— Parls, Alphonse Lemerre, éditeur, 27-29*,
passage Choiseul. — Prix : G fr.
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(de Parisf — Avec préface, notes et glossaire — Par
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procès de Robert-François DAMIENS (1757) — Lettres du
poëte Robbé de Beauveret au dessinateur Desfriches. —
Publiées pour la première fois. — Avec notice, notes et
documents inédits — Par Georges d'Heylli — Paris.
Librairie générale, 72, boulevard Haussmann.
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volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
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Sous le titre de Revue anglo-française, il parait tous les mois à Brighton un recueil littéraire, philosophique et
politique dont le directeur, le Révérend César Pascal, se charge de procurer gratis, pour l'AxGLETEnnE ou le Continent,
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Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876. dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris: L'histoire du huitième arrondissement.— Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ;.le 2= prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le S"" prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le l" juin 1875.
L\ Société d'éducation de Lyon a mis au concours pour 1876 le sujet suivant : Préciser ce que peut el doit faire
l' Instituteur primaire, en ce qui concerne Véducalion de ses élèves ; indiquer par quels moyens il accomplira le mieux
cette partie de sa lâche. — Le prix sera de 500 fr., décerné dans la séance publique de 1876, sous le nom de Prix de
la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" septembre prochain, à M. Palud, libraire,
/(, rue de la Bourse, à Lyon.
La Société d'encouragement au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher el développer
les moyens les pl:s prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralité comme le bien-être de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, Secrétaire-général, 2, rue Brochant-Ratignolles, avant le
31 décembre 1875.
La Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne publie le programme des concours de 1876-
1877. Voici celui de littérature et de poésie. La Société propose pour cette année 1876 une médaille d'or de la valeur
de 200 fr. ii la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.); une médaille d'argent de la valeur
de 100 fr. il la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la valeur de 50 fr.
au meilleur groupe de trois sonnets. — Toutes demandes de renseignements devront être adressées au Secrétaire
de la Société, à Montauban.
Académie des lettres de Rouen. — Prix ii décerner en 1877 pour un conte en vers de 100 vers au moins. —
S'adresser au Secrétaire-perpétuel, .M. Julien Loth.
La Société dunkerquoise reçoit les manuscrits pour le Concours de 1875, jusqu'au l" octobre; — Les Sociétés
académiques de Troyes, de Lille et l'Académie de la Rochelle, jusqu'au 15 octobre; — La Société littéraire d'Apt,
l'Académie do Bordeaux et la Société académique do Boulogne-sur-Mer, jusqu'au I'"' novembre.
Le rédacUnir du Courrier de Vuuf/r/us fst \i.<ible
liunau (le 7>iidi à vne heure et demie.
Imprimerie GULVEK.NKIH, G. U.\l.li;Llii, a INogeiU-leltotrou.
6" Année
N° 9.
1" Septembre 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
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;^^\^U DE YAliGy,7
v\ \ y.^ Journal Semi-Mensuel ^ -JJj i
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraissant le 1" et le 15 de chaque mois
{Dam sa séance du 1î janvier 1S75, l'Académie française a décerné le pri.r Lambert à celle publication.)
4y
PRIX :
Abonnement pour la Franre. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Oflicier d'AcdJémie
26, Boulevard des Italiens, à. Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressanf, soit
direclement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
SOMMAIRE.
Communication sur la prononciation de Ouate; — Explication
et signification de Prendre ses jambes à son cou: — Ce que
doit être un Prannel; — Si c'est une faute que d'écrire
Oignon sans i 1] Explication de Fesser la messe ; — Elyinolo-
gie de Brandi dans Tout brandi || Passe-temps grammatical
[ Fin de la biographie de Laurent Chifflel || Ouvrages de
grammaire et de littérature || Familles parisiennes pour la
conversation || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATION.
Voici la seconde des deux communications que j'ai
annoncées dans mon numéro 8, comme venant d'un
nouvel aijonné de Rouen :
Le mot ouate peut-il admettre l'aspiration?
C'est par l'analogie que le Courrier de Yaugelas s'est'
prononcé pour la négative (15 juin dernier, p. -iO), parce
que le dictionnaire de M. Littré n'offre qu'un très-petit
nombre de mots oii rette diphthongue soit aspirée.
Ke pourrait-on pas, aussi bien, invoquer l'etymologie?
En effet, sur le passage du Lutrin, cité dans cet article.
On apporte à l'instant ses somptueux habits
Où sur l'ouale molle éclate le tabis;
une édition de Boileau (m. dcc. Lxvr, 2 vol. in-1'2), annotée
par l'abbé Renaudot et M. de Valincour, porte en note -.
« Nos anciens disoient oue pour oie, et ouctte pour oison,
t Le mot û'ouale qu'on prononce ouette en province, Vient
» de là, par rapport à ce mol duvet que Rabelais, liv. 4,
» ch. 13, exalte si fort dans les oisons. Cette étymologie est
» de M. de la Monnoye. »
Laissons de côté l'indication fautive du passage de
Babelais. Cependant, s'il est vrai que le mot ouate vienne
du vieux mot oue, ce ne serait donc plus par analogie,
mais bien à cause de l'etymologie qu'il faudrait toujours
écrire l'ouate et non la ouate, puisque le mot oue n'était
jamais aspiré chez nos anciens auteurs. Maître Pathelin
ne dit-il pas â Guillemette, en parlant du drapier Gos-
seaume :
Il doit venir manger de l'oue.
Je conçois que l'auteur de cette communication, qui
habile Rouen, capitale d'une ancienne province ot'i l'on
prononce ouette, ait pensé, comme La Monnoye, qui
était de Dijon, capitale d'une autre ancienne- province oi't
l'on prononi'ait de même en écrivant ouaite, que le
mot onate vient de oue, nom que l'on donnait autre-
fois aux oies. Mais c'est une erreur dont les réflexions
suivantes pourront, à mon avis, faire justice :
1° La ouate est du coton que l'industrie a substitué
au produit naturel de l'apocyn (en langage scientifique
Asctepias Syriuca], plante originaire de Syrie, d'Egypte
et d'Asie mineure, quand le coton fut devenu commun
en Europe, c'est-à-dire au xvii° siècle. Or, pourquoi
lui avoir donné le nom du petit d'un oiseau de basse-
cour qui fournit la plume dont on fait des lits? On
comprendrait jusqu'à un certain point, attendu qu'elle
en a quelque peu l'apparence, qu'on l'eîit nommée
comme la plume d'oie, mais cette plume n'a jamais été,
■que je sache, appelée ouette.
2" Comme, dans toutes les langues de l'Europe occi-
dentale, le mot en question s'écrit par un a avant le t,
ou son équivalent le rf (anglais, w'rtf/; wallon, «-aW;
espagnol, Iniata; italien, orata; allemand, watte;
hollandais, md),\\ est évident que la forme française
de ce mot est ouate; et, attendu que ate n'est point
une finale diminutive dans notre langue, il en résulte
que owa^e estun in'imilif, et non un dérivé.
3o Dans le Dictionnaire étijmolorjique de Ménage
(1730), oiiate est qualifié par Le Duchat de « mot
nouveau ». Or, à cette époque, le mot ouette, petite
oiie, avait cessé depuis longtemps d'être en usage, car
je ne l'ai trouvé ni dans Furetière (1771), ni dans
Nicot (1606), ni même dans Roquefort, qui ne va que
jusqu'au xvi" siècle. Quelle raison y aurait-il donc
eu d'aller chercher cet archaïsme pour dénommer
un produit que l'on venait do créer? .le n'ai pas
d'exemple d'une semblable antithèse.
Comme ouate n'a pu, en aucune façon, être tiré de
ouctte, diminutif de o«e, il en résulte qu'il faut, comme
je l'ai fait, invoquer l'analogie et non l'tîtymologie pour
66
LE COURRIER DE VAUGELAS.
décider la question de savoir comment l'initiale ou doit
se prononcer dans ce mot.
X
Première Question.
Quelle est la xiynificatioii exacte de l'expression
PKK^DRE SES JAMBES A SON COU, et commeiit expliquez-
vous cette expression, que M. Littré qualifie à bon
droit, il me semble, de « singulière ».
Un collaborateur de V Intermédiaire, journal où la
même question avait été posée (1'" et 2^ année), a
cherché à expliquer celte expression par le correspon-
dant qu'elle a en anglais et en allemand. Mais je crois
cette méthode défectueuse, et voici pourquoi :
Etant donnée l'expression prendre ses jambes à son
cou, l'expression -correspondante en anglais, to go neck
and heels together (aller cou et jambes ensemble), s'en
tire facilement : quand on a pris ses jambes à son cou,
le cou et les jambes doivent être réunis; et il en est de
même de l'expression allemande Die Beine in die Hand
wetee» (prendre sesjambesàsa main), car pour prendre,
mettre ses jambes à son cou, il faut employer les
mains. D'où je conclus que prendre ses jambes à son
cou doit bien plutôt servir à expliquer la manière dont
deux peuples voisins ont rendu la même idée, que la
forme de ladite expression en anglais et en allemand
ne doit servir à expliquer celle qu'elle a revêtue en
français.
Selon moi, l'expression dont il s'agit, qui appartient
à la langue familière (langue qui admet les associations
les plus contraires à la nature des mots, qui parfois
semble prendre à tâche d'obscurcir la pensée au lieu
de la mettre en évidence), celte expression, dis-je, ne
peut trouver son explication que dans notre idiome lui-
même, ce dont j'espère vous fournir une preuve incon-
testable.
Les quilles étaient un des jeux de l'ancienne France;
et, attendu que lorsqu'on les troussait, c'est-à-dire
qu'on les mettait dans le sac, c'était pour s'en aller,
partir, on a dit d'abord trousser ses quilles et trousser
son sac et ses quilles, dans ce sens, comme les citations
suivantes en font foi :
'Sans plus dire dpspesche-toy
Incontinent trousse les quilles.
\^Le Mislcre du Vicl Test, par pers., cité par Fr. Michel.)
Si tu n'è d'ène humeur jantille
Trouce me ton sai et le quille.
(Dicl, Jt, et bourg. ^ dans Mignard, p. 280'.)
D'autre part, les dames gentilles
Promptement ?roiiiseren< leurs quilles.
(D'As^oucy, Jug. de Paris.)
MaudoUp, sus à la justice
Troussez costre sac et voz quilles.
(Citiî par Fr. Michel, Dict. d'Arfjnt.)
11 faut de grand matin demain trou-'^-ier ses quilles.
(Th. Corneille, D. Serlrand de Cig, II. 4.)
Et trousser, vos sacs et vos quilles.
(Ch. d'Orlean», Rondel.)
Avec le temps, la première de ces expressions a subi
deux transformations remarquables.
Première transformation. — Comme le verbe (rousser
a le sens de plier, sens qu'il availdès saint Louis, elque,
par plaisanterie, quille se disait anciennement, comme
aujourd'hui, pour jambe, on a remplacé trousser par
plier, quilles par Jambes, et l'on a dit -.plier ses jambes,
pour trousser ses quilles, preuve ces deux exemples
trouvés par M. Littré dans un ouvrage du xv siècle :
Et sur ce le galant, qui a un pou de delay, desplée ses
jambes et s'en va.
{Les \S joycs de mariage, p- Iî3-)
Le gallant ployé ses jambes et s'en va.
(Idem, p. l5o.)
Seconde transformation. — Les quilles une fois
troussées, on emportait au cou le sac qui les contenait,
comme les bergers font leur pannetière, les chasseurs
leur carnassière, et les colporteurs leur balle. Or, après
la substitution de Jambes a quilles, on a été naturelle-
ment conduit à dire prendre ses jambes (ses quilles) à
son cou, et cette expression, qui a eu la bonne fortune
de se voir préférer à plier ses Jambes, peut-être parce
qu'elle était plus singulière encore, est restée seule,
dans la langue moderne, comme synonyme de trousser
ses quilles :
Alors se voyant dans la basse-cour, il a pris ses jambes à
son cou, et ne savait oii donner de la tète.
(Mme de Genlia, T/i. d'Ediic, la Cloison, se. l4.)
Et prenant, sans tarder, mes jambes à mon cou
J'arrive tout en nage et plus qu'à moitié fou.
(Desforges, Tom Jchn à Londres, III, 3.)
Telle est la manière dont j'explique l'expression que
vous m'avez proposée. Je pense que c'est la vraie ; et
voici, du reste, deux raisons qui me semblent propres
à donner crédit à cette opinion :
l» Antoine Oudin nous apprend qu'on disait éga-
lement « Jelter ses Jambes à son cou. » Ce jetter
n'exprime-t-il pas bien ici l'action de celui qui, après
avoir mis les quilles dans leur sac, se lance le tout sur
le cou pour le porter plus facilement'?
2° Le même auteur ajoute : « D'autres disent Pendre
ses jambes à son cou. » L'emploi de ce verbe pendre
est justifié aussi par la manière dont un paquet se
porte au cou : il y est pendu, en quelque sorte, soit
par un cordon soit par une courroie.
Voyons maintenant quel est au juste le sens de
l'expression prendre ses Jambes à son cou.
Les lexicographes sont peu d'accord là-dessus :
d'après Antoine Oudin (1640), elle signifie « se mettre
en chemin, s'en aller » ; selon la première édition de
l'Académie (1604), elle veut dire « se disposer à partir
promptement, sur l'heure « ; d'après Furelière (1727),
elle se dit de celui « qui se résout à partir pour quelque
message, quelque voyage»; Riclielet (1728) dit, lui,
« partir pour un message »; pour Trévoux (1771),
elle signifie « se sauver, s'enfuir, partir promptement » ;
à en croire Quitard, elle veut dire « s'enfuir de toute
sa vitesse »; Fr. Michel lui trouve simplemeni le sens
de « s'enfuir »; enfin. Th. Lorin [Vocabulaire pour
les œuvres de La Fontaine), pense qu'elle équivaut à
« s'en aller, s'enfuir rapidement ».
Comment trouver qui a raison ici'?
11 est évident que, pour découvrir le véritable sens de
LE COURRIER DE VAUGELAS.
67
prendre ses jambes à son cou, il n'y a qu'à inlerroger les
expressions plier ses jambes et trousser ses quittes, qui
onl rendu précédemmenl la même pensée. Or, 'dans
les exemples suivants, ces locutions marquent seule-
ment l'action de recueillir quelques efl'ets qui se
peuvent emporter avec soi :
Et mepsifo Jehan trousse ses quilles et s'en va tout riroict
devers le roy.
(Chastellain, C/ir. des D. de Bourg., IIl, p. i85.)
... Le galant, quia un pou de deslay, desplée ses jambes
et s'en va.
[Les ib Joies de mariage, p. 123.)
Le gallant ployé ses jambes et s'en va.
[Idem, p. l5o.)
J'en tire celte conclusion que prendre ses jambes à
son coti, dont le sens a été évidemment altéré au
xvii« siècle par suite de l'ignorance où l'on était rela-
tivement à l'oiigine de ladite expression, veut dite
tout siiniilement plier bagage, et, par métonymie,
figure qui permet de prendre le conséquent pour l'an-
técédent, s'en aller, partir, mais sans impliquer aucune
idée de marche rapide ni de fuite.
X
Seconde Queslion.
La Revue des Socie'te's SAVA^'TES [Mai \ 867" a publié
une pièce trouvée à la Bibliothèque nationale par
M. Léopold Delisle, oit il est question de plusieurs
« traraux de hucherie « faits par Gautier d'Oessel, au
château de Rouen, en 1433, lorsqu'il présente ses
comptes à la vicomte de cette ville. On y lit ce pas-
sage : « Fait unrj prannel ou 'au^i degré de la chambre
où soulloit estre logice Jehanne la Pucelle. » Qu'est-ce
qu'un PUANNEL? La question a d'autant plus besoin
d'être résolve, qu'elle a une importance historique, que
le mot ne se trouve pas dans une dizaine de vieux
dictionnaires qui ont été consultés, et que plusieurs
savants déclarent ignorer le sens précis qu'il faut
attacher à ce mot.
Grâce à la complaisance de M. Léopold Delisle,
aujourd'hui directeur de la Bibliothèque nationale, j'ai
pu voir la pièce en question, qui m'a été montrée et
lue avec empressement par M. Ulysse Robert, jjréposé
au département des .Manuscrits.
Il y a bien, comme vous le dites, prannel : toutes les
comparaisons qui peuvent être faites entre les deux
premières lettres de ce mot et les p et les r du reste de
la pièce ne permettent pas de lire autrement.
11 faut donc expliquer prannel, ce que je présume
n'être pas impossible.
Des « travaux de hucherie » étaient des travaux de
menuiserie; car on apprend dans le Dictionnaire
des Arts et Métiers, au mol Menuisier, que, jusque vers
la fin du xiv-' siècle, les menuisiers s'appelaient en
France huchers, ce qui implique pour leur métier le
nom de hucherie.
On sait d'un autre côté que, jusqu'au xtu'^ siècle,
ce que nous appelons aujourd'hui escalier s'est appelé
degré :
Colui cui il l'ot commandé
A tost le cheval enseie,
Et puis au degré li amené.
(lienard, 23307.)
Apportant ung plat de viande sur le degré.
(Commines, I, 9.)
Il .se laissoit, maintes fois tomber du haut d'un degré, ou
en la trappe dune cave.
(Desperlers. Contes, LXXIX.)
Il s'agit donc d'un travail en bois, d'une réparation
que le menuisier Gautier d'Oessel a exécutée à une
partie de l'escalier qui conduisait à la chambre où fut
renfermée Jeanne d'Arc.
Or, j'ai cherché dans l'Encyclopédie et bien ailleurs
les noms techniques des diverses parties d'un escalier;
et. dans les lignes suivantes, j'en ai trouvé un,
panneau, que je crois être identiquement le même que
celui de votre question :
Lorsque le dessous des escaliers doit être décoré de
compartiments avec panneaux, l'épaisseur des limons et
les battants de rives doivent être développés; quant aux
traverses etaux panneaux, les bois qui les forment doivent
être élégis comme les dessous dont nous venons de
parler.
{Manuel du Menuisier, Coîl. Roret, I, p. 3Ô2.)
En effet, à la date où fut présenté le mémoire de
Gautier d'Oessel (ii^3], le mol ^anweaM; dans toutes
ses signiOcalions, se disait pa?ine/, comme le montrent
ces exemples :
Si monta sus le comte sans selle et sans pannel.
(Froissart. Il, II, p. 159.)
Au trou oii le conin se glisse
Ma bourse et mon pannel tendoie.
(Em. Deschamps, Poés., mss., f° 438-)
D'où celte première conséquence que le menuisier
dont il s'agit a parfaitement pu mettre sur sa note
qu'il avait fait un pannel.
Maintenant quand je considère :
i" Que si prannel n'a jamais été rencontré dans
aucun des dictionnaires français où l'on a pu le cher-
cher, il n'est nullement rare, dans notre langue, de
voir la lettre r mise dans des mois où elle n'est point
appelée par l'élymologie, puisqu'on trouve : chanvRe
(cnnna.h'is , f Ronde (funda), tRésor (thesaurusi, chartRe
(caria) , registRe (regeslum , poutRe (postis) ; char-
(Z/?o?ine<, pop. (chardonneret);
2° Qu'en supposant que \'r de prannel ne soit pas
une faute de copiste, il a très-bien pu se faire que les
artisans rouennais du xv° siècle, et partant les menui-
siers, eussent l'habitude de prononcer cette lettre dans
panneau;
J'en lire cette seconde conséquence, qui sera aussi ma
conclusion, que prannel n'est probablement qu'un
terme propre à l'ancienne population de Rouen, terme
formé de pannel, panneau, et enrichi d'une ;• adven-
tice, comme les mots que je viens de citer.
X
Troisième Question.
Je vous serais extrêmement reconnaissant si vous
vouliez bien répondre, dans vos prochains ?iuméros, à
la question .■suivante : Celui qui, dans un examen,
écrirait ognon et non oionox commettrait-il une
faute ?
68
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Qu'est-ce qu'une faute?
Un manquement à un principe, à un usage, à une
manière de faire quelque chose.
Or, quelle est la manière reçue d'écrire le mot en
question? C'est oigno7t, avec un i après l'o, forme qui
se trouve dans tous les dictionnaires, tant anciens que
modernes.
C'est donc une faute que d'écrire le mol sans (', dans
quelque circonslance que ce soit.
Peut-éire dira-t-on que oùjnon se prononçant comme
s'il n'y avait pas d"(, on peut supprimer celte lettre;
mais que de mots contiennent des lettres qui ne se
prononcent pas, et qui sont cependant rigoureusement
exigées pour leur orthographe! Par exemple, pour ne
citer que des cas analogues à celui d'oigtion, l'i est muet
également dans neige, pleine, treize, Seine, etc., sans
y être, pour cela, moins indispensable.
ÉTRANGER
Première Question.
Comment expliquez- cous l'expression fesser la messe,
pour signifier la dire promptement? Il me semble qu'il
y a là deux termes hurlant un peu de se voir assem-
blés, car on ne bat pas la messe.
Probablement parce qu'en stimulant un attelage avec
le fouet, on fait marcher plus rite le véhicule, la
langue anglaise emploie to ichip (fouetter), pour signi-
fler faire exécuter un prompt mouvement à l'objet dont
le nom figure généralement comme régime, mouvement
dont la nature est indiquée par la préposition qui suit
to ichip. Ainsi elle dit :
To toiiip off a thing (faire exécuter un prompt
mouvement d'éloignement à une affaire, c'est-à-dire
l'expédier) ;
To ichip ont (faire exécuter un prompt mouvement
d'extraction, c'est-à-dire tirer promptemenfi ;
To whip up (faire faire un prompt mouvement d'as-
cension, c'est-à-dire saisir ou prendre promptement) ;
To ivhip dou'n lexécuter un prompt mouvement de
descente, c'est-à-dire descendre promptement) ;
To tvhip in (faire un prompt mouvement d'entrée,
c'est-à-dire entrer promptement].
Or, chez nous, le verbe fouclter s'est construit au
xvi°, au XYH" et au xvni' siècle d'une manière presque
semblable, avec certains substantifs, ce dont voici la
preuve :
Ainsi, mon amy, fouclle moy ce vuijrre de vin.
(Rabelais, Garg., I, 5:)
C'est lui qui fait que les femmes, pour avoir quelque
chose de masculin, portent, au lieu de cravate?, des
stPinkerques, et le poignard au bout, qu elles fnuett'enl les
bouteilles de vin comme des Suisses, le ratafial et l'eau
clairette comme nos jeunes officiers.
(Ghérardi, VI, pi 390.)
On dit aussi fouetter le cahier, pour dire écrire fort vite,
ou achever vite son ouvrage bien ou mal.
(Fureticre.5
Mais fouetter a un synonyme en français, fesser,
lequel, dans le sens de faire vite l'action réellement
subie par le régime, semble avoir eu la préférence :
Elle fesse son vin de Champagne à merveille, et sur la
fin du repas, elle devient fort tendre.
(Regnard, Sérén., II.)
îs'ous les aidâmes à fesser les meilleurs vins.
(Lesage. Gil Bios, Vil, 14.)
Pour divertir la veuve et la consoler de la perte du
défunt, ils fessent son vin de Champagne à la santé du
mort.
(Dancoun, Stc. chap. du Diab. boit., I, i,l
On trouve/'esser le requiem dans Oudin (Curios. franc. ,
p. 219} avec le sens de « se hâter en chantant pour les
morts »; d'après le même auteur, on disait fesser le
bréviaire, fesser l'alleluia, pour signifier les dire
promptement : on a dit naturellement, comme étant
dans le même ordre d'idées, fesser la messe, pour
signifier, en parlant de celui qui officie, arriver aussi
vite que possible à Vite missa est.
X
Scconile Question.
J'ai trouvé ceci dans le xw^ Siècle du 17 février
•1874 : « Je n'ai pas la prétention de produire ici une
organisation TOUTE brasdie. » Quel est, je vous prie,
le sens de cette phrase?
Voici, au sujet de l'expression tout brandi, ce que
pensent ceux de nos lexicographes qui n'ont pas
oublié de la mentionner dans leurs ouvrages :
D'après Cotgrave (^660l, elle signifie « totalement,
tout entier»; selon l'Académie (1694), elle veut dire
« tout d'un coup»; pourFuretière (1727), c'est « de vive
force »; Trévoux (1771) ajoute à la signification donnée
par Furetière celle de : « dans l'état où l'on se trouve »;
le comte Jaubert [Gloss. du centre de la France) lui
donne le sens de « tout de go, tout entier, la tête la |
première » ; Bescherelle et Poitevin reproduisent le
sentiment de l'Académie; enfin, .M. Littré y voit le
sens de « comme la personne ou la chose se trouve. »
-Mais la diversité de ces renseignements n'étant nul-
lement propre à résoudre la question que vous me pro-
posez, je vais m'occuper d'abord de déterminer le sens
de l'adjectif qui en fait la dilficulté.
Dans l'armement du moyen-âge, le mot brand dési-
gnait la lame d'une grosse épée qui se maniait à deux
mains; et, comme la partie se prenait souvent pour le
tout, on disait aussi le brand pour désigner l'épée elle-
même :
En son poing tenoit le brand fourbi d'acier.
\Berle, XI.X.)
Du substantif brand, on a dû faire l'adjectif brandi,
comme de casque, de brassard on a fait dans la suite
casqué el brassiirdé, qui se disent d'une personne ayant
un casque, un brassard :
Islobad ne doutait pas qu'étant casqué, brassardé, il ne
vînt à bout du champion.
(Voltaire, Zadig, %\.)
Précédé de tout, l'adjectif brandi a signifié tout
armé ; et, à l'époque où le brand était encore en usage.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
O'J
on a dil d'un chevalier qu'il entrait quelque part tout
brandi, lorsqu'il y entrait sans avoir déposé son braiid,
comme nous disons tuuf botté en parlant de quel-
qu'un qui, arrivant d'un voyage ou de la chasse,
ne prend pas le temps doter ses bottes pour entrer
dans un lieu où l'on pénètre généralement avec
d'autres chaussures.
Avec les années, et surtout quand les guerriers ne
portèrent plus le brand, tout brandi passa du sens de
tout armé aux sens successifs de : tout prêt pour son
service, sans aucun changement de toilette, tel qu'on
se trouve, et, au figuré, sans se modifier, comme
semblent l'indiquer ces exemples :
Il estoyt en griefve maladie, tumbé, par certaine cruiité
d'estomacli, causée de ce que la vertus concoctriee de son
estomach, apte naturellement à moulins à vent tousbran-
diz digérer n'avoyt peu a perfection consommer lespaelles
et cojuasses.
(Habelaia, Pantagr., liv. IV. ch. XVII )
Sa colère s'étoit tournée contre l'Olive, qui lo porta tout
brandi, comme on dit à Paris, sur le lit que faisoit la
servante.
(Scarron, Hom. com., II, ch. 7.)
Ils antdes chemises qui ant des manches où j'entrerions
tout brandis toi et moi.
(Molière, le Festin de Pierre, 11, se. 1 .)
Nun n'entre an Paircidi
To brandi.
(Guy Barozay, iW/5 bourg\)
Maintenant que la véritable signification de tout
brandi est découverte (car, si je ne m'abuse, c'est
réellement celle que je viens d'indiquer), il est facile
de donner le sens exact de la phrase que vous m'avez
proposée. En effet, elle veut, dire que l'écrivain qui s'y
exprime n'a point la prétention d'exposer dans son
article une organisation toute prcte à fonctionner
en quelque sorte comme l'ancien chevalier armé de son
brand.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
10... basé sur autre chose que des pipes culottées (pas de
sur); — 2° Etant donnée cette situation; — 3" . . quelque
dépit qu'il en ait; — 4° . . . à quelque trois cents voix de majo-
rité ; — 5°. . . ne doit tenir qu'à une couple de voix: 6" Que
voulez-vous g«'i7 advienne; — T... moitié allemands, moine
slaves; — 8". . . se prendre du rôle de dupes (pas de en) ■
9°... n'aient pas été respectées. . . n'oient jamais trouvé.
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1" M. Jules Barni est depuis dix jours au lit, atteint
d'une érésipèle. Il n'a pu, à son grand regret, se rendre à
Versailles pour le vote de la loi dite d'enseignement
supérieur.
2- Les bonapartistes se défendent en disant qu'ils ont fait
tous ces préparatifs avant que l'Assemblée ait déclaré
que la République est le seul gouvernement légal, avant
même que le septennat ait été institué.
3° « Le cabinet considérera comme un refus formel de
concours le vote de l'ordre du jour pur et simple » ter-
mine M. le Président du Conseil.
4° iSos prélats rivalisent de zèle et d'activité; il n'en est
pas un qui ne tienne à coeur do posséder dans son diocèse,
à l'expiration des vacances scolaires, sinon une université
complète, du moins une faculté.
5" Cependant un bon averti en vaut deux, et il est pru-
dent de se faire vacciner, si on ne l'est déjà, et revacciner
si l'on a été inocculé il y a quelques années.
6° Mais, depuis un temps immémorial, le docteur
Lelargp, puisque doctftur il y a, exerçait le droit incontes-
table de mettre au monde les enfants du pays, à seule
fin de les assassiner plus tard quand ils seraient ma-
lades.
7° Nous avons le bonheur de voir de temps en temps
l'imporatrine du Mexique. C'est une maîtresse femme
qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Louis-Phi-
lippe.
8° Qui dit septennat, dit institution d'expédient. En face
d'une situation semblable, ce serait pousser jusqu'à l'excès
la doctrine du droit populaire que d'exiger qu'elle soit
ratifiée par un plébiscite.
9° Si tel est aussi le sentiment des lecteurs du Voleur,
j'espère qu'ils ne laisseront pas que de prendre quelque
intérêt aux détails tout intimes que je dois aux confidences
d'un vieil ami.
10° M. le garde des sceaux se venge impitoyablement
des craintes qu'on a laissé percer touchant son silence.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVIl- SIÈCLE.
Laurent CHIFFLET.
{Suite et fin.)
raoNOîicuTioN des consonnes finales devant les
VOÏELLES.
La dernière censonne d'un mol se dit en une seule
syllabe avec la voyelle qui commence le mot suivant :
louer un excellent homme, lisez : louc-nm-n exccllen-
tomme. Voilà la règle telle que les grammairiens ont
coutume de l'énoncer. .Mais pour mieux faire com-
prendre son usage et ses reslriclions, Chiftlet ajoute
une observation importante qui découvrira une mer-
veilleuse propriété de notre langue, et donnera « une
grande lumière « à loute la prononciation des consonnes
finales devant les voyelles qui commencent les mots
suivants. Voici celte observation :
Les consonnes finales, principalement !'«, le t et le
<^, prononcé comme un t, ont coutume de se faire
entendre et de sonner clairement devant les voyelles
des mots suivants quand ces mots sont régis par le pré-
cédent, qui finit par une consonne, autrement non.
Ainsi l'adjectif devant son substantif, la préposition
devant ses « cas », le verbe devant son complément,
J' « adverbe » oreou /'on devant son verbe impersonnel,
' font sonner leurs consonnes finales, comme dans ces
70
LE COURRIER DE VAUGELAS.
exemples : petit-t' enfant devant-t'hier^ il alloit-tà la
rille, elc.
Excepté dans sang et lomj, le ç/ final ne se prononce
pas ; mais dans ces mots suivis d'une voyelle, il sonne c.
L'n finale ne s'unit pas aux voyelles qui commencent
le mot suivant : Platon a dit.
L'n sonne dans les adjectifs fi.i, bon, aucun, com-
mun, divin; les expressions vn fin homme, un bon
ami, le divin ah.our, decommun accord, aucun homme
se prononcent : fin-n homme, divin-n amour,- commun-
n'accord, bon-n'ami.
Les mois mon, ton, son et un devant les substantifs
et les adjectifs sonnent leur n; ainsi mon ami, un
enfant se prononcent mon-ti'ami, un-n enfant.
11 ne faut jamais mettre un z après on devant les
verbes commcnranl par une vojelle; au lieu de on s'a
dit, on doit prononcer on a dit.
Le p se prononce dans camp suivi d'une voyelle,
comme dans tout le camp est en alarme.
Dans les mois suivants, le t se prononce non-seule-
ment devant les voyelles, mais encore devant les
consonnes : fat, placet, heurt (1659).
LES CONSONNES AC COMMENCEMENT ET AU MILIEU
DES MOTS.
C. _ Avec une virgule dessous, c'est-à-dire quand
c'est un « V à queue, « on le prononce comme une *-.
On prononce indilTéremment chable ou cable.
Dans les mots Claude, secret, second, le c se pro-
nonce comme un g; on dit Glande, segret, segond;
cependant on dit secrétaire.
On dit indifféremment bien- fadeur et bien-faicteur ;
mais au féminin, Chifllet préfère bienfactrice à hien-
faictrice.
On n'écrit plus succer, mais sucer, ainsi qu'il se
prononce.
D. — Le plus fréquent el le meilleur usage est main-
tenant de dire vinrent et tinrent, plutôt que vindrent
(titindrent. _
Autrefois, quelques-uns disaient, par ignorance de
rétymologie, adversion pour aversion, qui veut dire
horreur, dé.lain; mais présentement, il n'y a plus que
quelques femmes qui « retiennent » cette mauvaise
expression.
0 Le mol vagabond se prononce vacabond, et
gangrené se prononce cangrene.
Dans signifier, signer, assigner, le g ne sonne nulle-
ment; on dit : sinifier, siner, assiner (1659).
L. _ Les // mouillées se prononcent comme II en
espagnol el gli en italien.
Les // ne sont pas mouillées dans les mots anguille,
camomille, pupille.
L'I simple n'a jamais le sou mouillé dans le corps
des mois, excepté dans gentilhomme.
p. — Les mots pseaume cl pseaulier se prononcent
sûme ci sûtier.
R. — Quand elle est entre deux voyelles, elle a le
.son simple; mais dans tous les autres cas, on la pro-
nonce comme s'il y avait deux /•.
S. — Elle ne se prononce ni dans registre ni dans
le verbe tistre.
Celte lettre est nulle dans Pasquier.
Dans les mots jusque e.ipre'^que, il est indifférent de
prononcer \'s ou de ne pas la prononcer. De « braves »
grammairiens sont en désaccord au sujet de la propo-
sition de Vs dans ces deux prépositions, s'appuyant les
uns et les autres sur l'usage de la Cour, signe évident
qu'on peut dire des deux manières.
On n'écrit plus chasque, mais bien chaque.
L'a- doit être prononcée encore dans les mots sui-
vants : affitsfer; alabastre, quoiqu'on dise albâtre ;
bastant, quoiqu'on dise bâton; risposle, repartie ou
vengeance, el aussi dans mestre de camp.
C'est maintenant une bonne coutume parmi les
savants de ne point écrire l'.f dans beaucoup de mots
où elle ne se prononce pas, principalement dans ceux
qui sont composés de des, es, mes, se contentant de
mettre un'accent aigu sur l'e .• défier, écrire, mécroire.
On n'écrit plus douziesme, troisiesme, mais bien dou-
ziélne, troisième.
X. — Dans les mots soixante el lexive, il se pro-
nonce comme une double s .• soissante, lessive.
La même prononciation s'observe pour beaucoup de
noms propres de villes el de provinces, comme Luxem-
bourg, Auxerre, Auxonne, Bruxelles, Xaintonges et
Saint-Muixant, qui se prononcent Lussembourg , Aus-
stre, Aussonne, Brusselles, Sainionge, elc.
Les mieux entendus n'écrivent plus deuxième, si-
xiéme, dixième; mais bien deuziéme, sixième, diziéme.
DD GENEE DES SUBSTANTIFS.
A l'instar des dictionnaires grecs et latins, les dic-
tionnaires français auraient dû indiquer le genre des
substantifs en les faisant suivre d'une m ou d'une f;
mais puisqu'ils ne l'ont pas fait, cela impose à Chifflet
la nécessité de combler celte lacune. 11 va traiter cette
matière avec ordre et clarté.
Voici ce que je relève sur le genre :
On dit minuit est sonné, mais on peut dire la minuit
ou le minuit (1659).
Le mot a&.s'î/wi/te est masculin; fl/a?v«eest indifférent;
anagramme vaut mieux au masculin; ancre à écrire est
du genre commun; ange et busqjte de statue sont mas-
culins; on dit un couple en parlant de deux bœufs
attelés à un même joug; escrivisse el horloge sont
masculins; huile est du genre commun; huistre est
masculin, ainsi que personne, signifiant nul, comme
dans personne n'est venu; reste est masculin, excepté
dans cette seule i)hrase, à toute reste; de même pour
.saulcice et nnjdange.
Enfin, après avoir dit quels adjectifs vont avant les
substantifs et lesquels vont après, ce qui n'est pas
sans importance, Laurent Chifllet arrive « au bout «
de sa Grammaire, dont la com|iosilion lui a ajipris
à se corriger de bien des fautes qu'il avail commises
jusqu'alors comme tout le monde.
FIN.
Le Rkiuctedii-Gkuant : Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
71
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Le Protestantisme comparé au catholicisme dans
ses rapports avec la civilisation européenne; par
Jacques Balniès. 9" édition, revue et corrigée avec soin,
et augmentée d'une introduction par X. de Blanche-
Raffln. 3 vol. in-12, x-lo88 p. Paris, lib. Bray et Retaux.
Le capitaine Gueule-d'Acier, épisode des guerres
de religion, 1536-1541, roman historique; par
Charles Buet. In-t2, 3i9 p. Paris, lib. Téqui.
Les Amours de Paris; par Paul Féval. In 4° à 2 col.,
188 p. Paris, bureaux du Siècle. 2 fr. 50.
Danie', étude; par Ernest Feydeau. Nouvelle édition.
2 vol. in-lS Jésus, 736 p. Paris, lib. Michel Lévy frères.
7 fr.
Marie de Mancini; par Sophie Gay. Nouvelle édition.
Grand in-18. 323 p. Paris, lib. Michel Lévy frères.
I fr. 25.
Une belle-mére; par Hector Malot. In-4» à 2 col..
135 p. Paris, bureaux du Siècle. 2 fr. 50.
Etudes sur le comique. Le Rire dans la vie et
dans Tart; par Victor Courdaveaux, professeur à la
faculté des lettres de Douai. Iu-i2, 30i p. Paris, lib.
Didier et Cie. 3 fr.
Monsieur, Madame et Bébé; par Gustave Droz
(Gustave Z ). 72^ édition. In-18 Jésus, 3i2 p. Paris, lib.
Hetzel et Cie. 3 fr.
Les Amoureux des quatre filles d'honneur; par
Octave Féré. In- 18 Jésus. i08 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Heptamëron ;T) des nouvelles de trés-haiite et
trés-illustre princesse Marguerite d'AngouIême,
reine de Navarre. Nouvelle édition, collationnée sur
les manuscrits, avec préface, notes, variantes et glos-
saire-index, par Benjamin Pifteau. T. 1". In-16, 28G p.
Paris, lib. Lemerre. Papier glacé, 2 fr. 50; papier vélin,
5 fr.; papier de Chine. 15 fr.
Histoire des marins illustres de la France, de
l'Angleterre et de la Hollande; par Bescherelle. 2'=
édition, soigneusement revue. In-V. 22i p. Limoges.
imp. Eug. Ardant et Cie.
Don Quichotte de la Manche; par Cervantes. Edit.
revue avec soin. Gr. ia-8', 223 p. et grav. Limoges, lib.
Barbou frères.
Rien ne va plus; par Carie Des Perrières. Avec grav.
sur acier d'après Bertall. Monaco. M. Blanc. Les Décavés.
Les Croupiers. Les Suicidés. Les Professeurs. Les Filous.
Le Cercle de Nice, etc. ln-18 jésus, viii-298 p. Paris, lib.
Sartorius. 3 fr. 50.
Les plus célèbres voyageurs des temps modernes,
voyages les plus intéressants, aventures de terre et de
mer dans les six parties du monde; par Charles Folleville.
In-^i", 336 p. Limoges, lib. Eug. Ardant et Cie.
Dictionnaire analogique et étymologique des
idiomes méridionaux qui sont parlés depuis Nice
jusqu'à Bayonne, et depuis les Pyrénées jusqu'au
centre de la France, comprenant tous les termes
vulgaires de la flore et de la faune méridionale, ua
grand nombre de citations prises dans les meilleurs
auteurs, ainsi qu'une collection de proverbes locaux
tirés de nos moralistes populaires; par L. Boucoiran. 1<^"'
à 4'= fascicules. Gr. in-8° à 2 col., 160 p. Nîmes, imprim.
Baloy-Riffard. Chaque fascicule. 1 fr.
Maître Olivier, épisode du temps de la Terreur
en Alsace; par Charles Dubois. In-12, 333 p. Paris, lib.
Le Clerc, Reichel et Cie. 2 fr.
Cours de littérature dramatique, ou de l'usage
des passions dans le drame; par Saint-.Marc GirarJin.
membre de l'Académie française. 11" édition, revue et
corrigée. T. 2. In-18 jésus, i32 p. Paris, lib. Charpentier
et Cie. 3fr. 50.
Autour de la table; par George Sand. Nouvelle
édition. In-18 jésus, 381 p. Paris, lib. Michel Lévy frères.
3 fr. 50.
Publications antérieures ;
S.\INT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallon,
membre de ITustitut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
FROMONT JELNE ET RISLER AINE. — Mœurï pari-
Siennes. — Par Alphonse D.vudet. — Septième édition. —
Paris, Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du
Louvre.
OEUVRES DE VADÉ, précédées d'une notice' sur la vie
et les œuvres de Vadé. — Par Julien Lemer. — Paris,
GaiTiier frères, libraires-éditeurs. 6, rue des Saints-Pères.
RECUEIL ALPHABÉTIQUE DE CITATIONS MORALES
des meilleurs écrivains, prosateurs et poètes, historiens
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ou ENCYCLOPÉDIE MORALE. — Par M. E. Lolbens, chef
d'institution honoraire. — Un beau volume grand in-S"
jésus à deux colonnes. — Ouvrage adopté par la Com-
mission officielle des livres pour prix et pour toutes les
bibliothèques scolaires de France. — Prix ; 6 francs.
ECHOS. CHOrx de poésies. — Par le pasteur A. Esche-
N.\LEii. — Un joli volume elzévirien, où l'on trouvera
entre autres une pièce souvent signalée sur le Bombar-
dement de Strasbourg — Paris, librairie Sandoz et Fish-
bâcher, 33, rue de Seine.
•LA LITTÉRATURE FRANÇAISE depuis la formation de
LA LANGUE jusqu'à NOS JOURS. — Lectiites choisies. — Par
72
LE COURRIER DE VAUGELAS.
le lieutenant-colonel STAAFF, officier de la Légion d'hon-
neur et de l'Instruction publique en France. — Ouvrage
désigné comme prix aux concours généraux de 1868 à
1872; adopté et recommandé par la commission des
Bibliothèques de quartier, etc., etc. — Ouatrièmc édition.
— Six volumes du prix de i à 5 francs chacun. — Paris,
à la librairie académique Didier et Cie, 35, quai des
Grands-Augustins, et à la librairie classique de Ch. Delà-
grave et Cie, 58, rue des Ecoles.
i^POÉSIES DE THÉODORE DE BANVILLE, les exilés ;
LES PRINCESSES. — Paris, Alphonse Le/nerre, éditeur, 27-29,
passage Choiseul. — Prix : 6 fr.
COURKIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la W et la 5= année, en vente au bureau
du Courrier de Vangelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La 1", la 1' et la 3'= aniiêe doivent être ■pro-
chainement réimprimées.
LE DIT DES RUES DE PARIS (1300) — Par Guillot
(de Paris) — Avec préface, notes et glossaire — Par
Edgar Mareuse — Suivi d'un plan de Paris sous Philippe-
le-Bel. — Paris, Librairie générale, 72, boulevard Hauss-
mann.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
Avenue de la Grande Armée (près de l'Arc de
triomphe de l'Etoile). — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très-bel appartement.
A Passy (près du Ranelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famdle quelques pensionûaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Rue de Turin (près de la gare Saint-Lazare). —
Une ancienne maîtresse de pension reçoit dans sa famille
deux jeunes étrangères pour les perfectionner dans la
langue française. — Leçons de musique.
Prés de la gare Saint-Lazare (vue sur la voie). —
Un homme de lettres recevrait comme pensionnaire un
étranger qui voudrait profiter de son séjour à Paris pour
se perfectionner sérieusement dans la pratique de la
langue française.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le quinz-ième concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 aoi^t sera clos le 1" décembre 1875 ; douze médailles or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrance,
président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux, Gironde — {A/franchir).
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. — Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; le 2'= prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le S' prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le 1" juin 1876.
L^ Société d'éducation de Lyon a mis au concours pour 1876 le sujet suivant : Préciser ce que peut et doit faire
l Instituteur primaire, en ce qui concerne Véducation de ses élèves ; indiquer par quels moyens il accomplira le mieux
celte partie de sa tâche. — Le prix sera de 500 fr., décerné dans la séance publique de 1876, sous le nom de Prix de
la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" septembre prochain, àM. Palud, libraire,
/i, rue de la Bourse, à Lyon.
La Société d'encouragement au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher et développer
les moyens les plus prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralilé comme le bien-clre de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, Secrétaire-général, 2, rue Brochant-Batignolles, avant le
31 décembre 1875.
La Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-e.t-Garonne publie le programme des concours de 1876-
1877. Voici celui de littérature et de poésie. La Société propose pour cette année 1876 une médaille d'or de la valeur
de 200 fr. ii la meilleure teuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.); une médaille d'argent de la valeur
de 100 fr. îi la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la valeur de 50 fr.
au meilleur groupe de trois sonnets. — Toutes demandes de renseignements devront être adressées au Secrétaire
de la Société, h Montauban.
Académie des lettres de Rouen. — Prix à décerner en 1877 pour un conte en vers de 100 vers au moins. —
S'adresser au Secrétaire-perpétuel, M. Julien Loth.
Le rédacteur du Courrier de Vauç/elas est vipiiilc à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. UAUl'KLEV, à Nogent-le-Hotrou.
G" Année
N" 10.
15 Septembre 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
Q.UESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" at le IS de chaqoe moU
{Dans sa séance du \2 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
Abonnement pour la France. 6 f.
PROFESSEtJR SPÉaAL PODR LES ÉTRANGERS
On les prend en s'adressant, soit
Idem pour l'Étranger 10 f.
Officier d'.^cadémie
directement au Rédacteur du jour-
Annonces, la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
nal, soit à un libraire quelconque.
SONLMAIRE.
CommnnicatioQ sur Davantage que et réponse ; — Eljmologie Je
Bachelier et de Baccalauréat; — Si Dans le lut de est fran-
çais; — Signification de Sujet à caution || Lequel vaut le
mieux de Mine renfrognée ou de Mine refrognée ; — Signifi-
cation et eljmologie du mot Gnangnan ]| Passe-temps gram-
matical 1 Biographie de Claude Lancelot || Ouvrages de
grammaire et de littérature || Renseignements pour les pro-
fesseurs français || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATION.
Il y a quelque temps, j'ai reçu d'un lecteur qui ne
signe pas une lettre que je transcris jusqu'au posl-
scriptum :
Paris, 21 juillet 1875.
Monsieur,
Dans la réponse que contient votre numéro du 15 de ce
mois à la question qui vous avait été faite sur l'étymologie
du mot cabotin, je trouve une phrase qui, suivant ce que
je croyais jusqu'ici, serait à classer parmi les phrases à
corriger; c'est celle où vous dites : « bien que le chat...
puisse plaire davantage que le chien, etc. » Je pensais
que le mol davantage ne devait jamais être suivi de gue et
ne pouvait trouver sa place que dans des phrases telles,
par exemple, que la suivante : « J'aime peu les chiens;
les chats me plaisent davantage. »
J'ai tout lieu maintenant de supposer que ma croyance
devait être erronée; comme cependant j'ai eu occasion
de constater que je n'étais pas seul à l'avoir, je regarderais
«)mme utile une explication que vous voudriez bien
donner dans un de vos prochains numéros sur les motifs
pour lesquels elle ne doit pas être admise.
Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération très-
distinguée.
Un de vos lecteurs.
■Voici ma réponse :
C'est vers le xf^ siècle que l'expression davantage,
écrite d'abord avec une apostrophe, semble avoir com-
mencé à s'employer :
Seigneurs, le fuir ne nous vaut rien; et si nous fuyons,
nous sommes perdus d'avantage.
(Froissart, I, I. 3J7)
Vous povez veoir en lisant ces choses (avec ce que vous
en savez davantage) que, de ces mauvais princes, nuls ou
peu en demeurent impunis.
(Commines, III, 4-)
Et comme ce qu'on a par avantage, d'avantage, on
l'a en plus, l'expression davantage s'employa pour
plus, au xvi« siècle, ainsi que le montrent ces exemples :
Il vaait mieux pleurer moins et boyre davantaige.
(Rabelais, Pant., II, 3!)
Voylà cinq esclaves, mange les et nous t'en amerrons
davantage.
(Montaigne, I, 3l9.|
Puis cette analogie entraîna l'emploi de gue^t de de
après davantage; en voici la preuve :
Un bien tout clair, je l'ayme davantage
Que je ne fay un grand bien en partage.
(La Boétie, Pots, div., p. 474.)
En faisant deux lieues davantage que par le droit che-
min.
(Lànoue, 664.)
Hz avoient retenu l'office davantage que le terme qui
leur estoit prefix, quatre mois entiers.
(Amyot, Pëlopi, 43.)
Tout le xTii' siècle a fait usage de cette construction ;
j'en pourrais citer de nombreux exemples :
\{ ne \)6\ll davantage
Que soupirer tout bas.
(Malherbe, I, 4.)
Ils peuvent avancer beaucoup davantage que ceux qui
courent.
(Descartes, Méth.)
Oui, vous ne pourriez pas lui dire davantage
Que ce que je lui dis pour le faire être sage.
(Molière, VElourdi, I, 9.)
Quel astre brille davantage dans le firmament que le
prince de Condé n'a fait en Europe?
(Bûssuet. Louis de Bourtfon.)
Dieu n'aime donc pas davantage la vertu, la pudeur...
que l'impudicité?
(MaAsillon, CaréiM.)
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Je ne doute pas que cet excès de familiarité ne les j
révolte davantage que nous ne sommes blessés de leurs
prosternations. , t, . ■
(La Bruyère)
Rien ne décrie davantage la violence des méchants que
la modération des gens de bien.
(St-Evremont.)
Il en fut encore de même pendant le xviu" siècle ; les
exemples abondent :
Une tuile qui tombe d'un toit peut nous blesser davan-
tage, mais ne nous navre pas tant qu'une pierre lancée à
dessein par une main malveillante.
fJ.-J. Rousseau, 8" Prom.)
Si vous êtes enchanté de M. le marquis de Mare, il l'est
bien davantage de vous.
(D'Alembert)
Je suis flatté de plaire à un homme comme vous ; je le
suis encore davantage de la bonté que vous avez.
(Voltaire.)
On voit dans le cours de quelques années la jurispru-
dence varier davantage qu'elle n'a fait dans les trois cents
dernières années de notre monarchie.
(Montesquieu.)
Le xix<= siècle n'a point abandonné la construction
dont il s'agit; « il est peu d'écrivains, dit Bescherelle,
même parmi ceux du jour, qui n'aient employé davan-
tage pour jdus, et qui, par conséquent, ne l'aient fait
suivre de que »■; en voici deux exemples :
C'est une belle idée de Thomas, que les images des objets
en mouvement plaisent toujours davantage que celles des
objets en repos. ,, , , o
(Mme Necker de Saussure. I
Le talent qui expire saisit davantage que l'individu qui
meurt. „ . , . j ,
(Chateaubriand.)
Or, après tant de citations dont le nombre pourrait
facilement être décuplé, est-il admissible que davan-
tage que, expression parfaitement conforme à l'analogie
et employée constamment par les meilleurs écrivains
depuis le xvi^ siècle, doive être soigneusement évitée'?
Je ne puis être de cet avis, et c'est pour cette raison
que je n'ai point hésité à écrire :
« Bien que le chat dont elle parle puisse plaire davan-
tage guele chien de i\I. Francisque Michel... »
phrase qui eût été, du reste, insupportable avec plus
que, attendu qu'elle aurait offert quatre mots de suite
commençant par un p :
... parle ;<uisse plaire plus que...
C'est à Nicolas Andry, surnommé Boisregard, que
remonte la proscription absolue de davantage que,
et voici comment il en expose les motifs dans son
ouvrage inlilulé lieinarqucs critiques sur l'usage présent
de la langue française (1(i89) :
i Davantage ne veut point de que après soy. 11 ne faut
pas dire, il a davantage de livres que tnog. Ce ne serait pas
parler pohment; mais il faut dire, il a plus de livres que
mog. Plusieurs écrivains habiles ont fait des fautes contre
cette règle. Témoin cet exemple de la morale du Sage,
« Celuy ([ui se confie davantage à ses lumières qu'a celles
de la grâce commet une ingratitude envers Dieu. » Et cet
autre do l'art de parler. Il s'abbaisse davantage que son
enncinij ne l'a élevé: ce davantage que blesse l'oreille, il
fdlloit dire, a Cctug qui se confie plus à ses lumières qu'à
celles de la grâce, etc., il s'abbaisse plus que son ennemy ne
l'a élevé, p
Il y a des phrases où le davantage que blesse bien plus que
dans d'autres; c'est lorsque le que finit presque la période,
et qu'il n'est suivy que d'un ou de deux mots. Comme dans
cet exemple de l'auteur des Réflexions sur l'Éloquence. « La
force de son discours, dit-il, en parlant d'un certain pré-
dicateur, alloit toujours en augmentant comme par degrez
pour frapper encore davantage les esprits à la fin qu'au.
commencement. 11 falloit : pour frapper encore plus les
esprits à la fin qu'au commencement.
Lorsque la phrase est périodique, et que le que suit
immédiatement après ctot'a/îta(/fi, on ne s'apperçoit pas tout-
à-fait tant de cette faute. La cadence de la phrase empê-
chant l'oreille d'y prendre garde, comme on le peut voir
en cet exemple du dernier traducteur de l'Imitation.
» L'humble contrition des pécheurs vous est. Seigneur, un
agréable sacrifice, dont l'odeur vous plaist sans compa-
raison davantage que celle de tout l'encens du monde. » Ce
qui fait encore que ce davantage ne blesse point l'oreille
en cet endroit, c'est qu'il se trouve par hazard qu'il est
mis dans un lieu où il faut un grand mot; et où une
monosyllabe comme plus n'iroit pas si bien. Mais cela
n'empêche pas que ce ne soit une faute; car si la mono-
syllabe pii« ne venoit pas bien en cet endroit, il la falloit
passer ailleurs. Et dire « l'humble contrition des pécheurs,
vous est, Seigneur, un agréable sacrifice, donc l'odeur vous
plaist p<«s sans comparaison que tout l'encens du monde;
ou bien, en ajoutant un petit mot, dont l'odeur vous plaist
beaucoup plus, ou infiniment plus que tout l'encens du
monde. »
iMais il n'est pas vrai que davantage que blesse
l'oreille; car, s'il en était ainsi, Vaugelas et Ménage s'en
seraient certainement aperçus; le P. Bouhours, qui a
examiné l'emploi des synonymes j^lus et davantage en
eût fait la remarque, et Malherbe, Descartes, Molière,
Bossuet, Massillon, La Bruyère, Sainl-Evremont, J.-J.
Rousseau, etc., dont j'ai cité plus haut des exemples,
ne l'auraient pas employé si c'eût été une expression
contraire à l'euphonie.
D'où il suit que l'opinion de nos modernes gram-
mairiens sur davantage que, opinion prise de confiance
dans Boisregard (un médecin , dit la Biographie Michaud,
qui a sacrifié à l'esprit de satire dans tous ses ouvrages),
repose sur une allégation complètement fausse, et ne
peut, en conséquence, avoir force de loi, malgré l'auto-
rité et le nombre de ses partisans.
J'adresse de bien sincères remerciements à la per-
sonne dont la lettre m'a fourni l'occasion de m'élever
contre l'injuste sentence qui, après 186 ans, fait
rejeter encore une construction souvent utile dans les
vers et toujours bonne dans la prose.
X
Première Question.
On lit dans le XIX" Siècle du 10 juillet 1875 :
« Jieaiicotip de personnes croient que iuccaladréat vient
de tiAcuKi.iKii. Grande est leur erreur. Bacuemeii n'est
autre que la contraction de bas-cuevalieh [terme
féodal crée oti emprunté par l'ancienne Université de
Pari.'i], tandis que dans baccalauiiéat, on trouve le sub.i-
tantif isAcci et l'adjectif lal'bka : baie de laurier. »
Etes- vous de cet avis?
11 me semble que le journal de M. Edmond About a
publié là une double erreur étymologique, ol j'espère
pouvoir le déinonlrcr.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Sous la féodalité, on appelait bacheles ou bachekries
des terres composées de 10 manses, et réputées terres
jiobles, mais d'une classe inférieure aux terres de che-
valier ; elles étaient sujettes à certaines obligations, et
devaient fournir pour l'ost ou service militaire un
homme d'armes.
Ceux qui possédaient des terres de cette nature
gardaient toujours le nom de bacheliers^ quel que fiit
leur âge.
Or, comme à cette éjtoque, toute lu société se réglait
sur la hiérarchie féodale, on assimila au jeune chevalier
tous ceux qui débutaient dans une carrière. On appela
bachelier le moine qui n'était pas encore prélre, le jeune
homme non marié, l'apprenti soumis aux gardes d'un
métier, enOn, le théologien et l'étudiant qui avaient
obtenu le premier des grades universitaires.
Cela dit, voyons d'où vient bachelier.
Comme la terre du noble ayant ce titre n'avait qu'un
rang secondaire, on a cru naturellement que bachelier
avait été formé de bw: chevalier; mais il n'en est rien,
et je vais vous en donner une double preuve :
En effet, pour que bachelier eût cette origine, il
faudrait :
^o Que l'a de ba fût long, et ensuite, que la syllabe
va eût pu disparaître dans cheralier. Or, si une syllabe
avait dû disparaître dans ce mot, c'est évidemment \'e
de c/(e, qui, dans beaucoup de cas, ne se prononce
pas, et non a, qui, lui, se prononce toujours.
2° Que le v qui se trouve dans chevalier eût pu
disparaître aussi. Or, s'il est des exemples dans les
patois où V s'ellipse (les paysans de la Beauce disent : je
ois pour _;e vois], celte ellipse n'a pu être appliquée à
bas chevalier puisque chevalier n'a jamais perdu cette
consonne.
Bachelier se tire donc d'ailleurs; et d'où? c'est ce
que je vais essayer de vous dire maintenant.
Dans les plus anciens textes de notre langue, on
trouve ce mot sous la forme baceler et bacheler, comme
le montrent ces exemples :
El escremissent cil hacelcr léger
(Cluins: de Botnnd, VIII.)
Tuit baceler et noble conquérant.
{Rcnc., p. i3:.)
Blont et le poil, menu recercelê,
Ed nulle terre n'ot si beau bacheler.
(^Romancero, p. 5l.)
Or, comme, d'un côté, cette forme implique un
radical bacel, bachel, qui peut parfaitement venir de
bacnlus, bâton (u = e : jnnia, génisse) ; et que, d'un
autre, on trouve : en gaélique bachall, en irlandais
bacal, aussi dans le sens de bâton; en ancien italien
baccalaro. pièce de bois de pin ou d'orme; en ancien
français baccalat, dans le même sens, il me semble que
ce n'est pas une conjecture dénuée de fondement de
penser que bachelier vient de baculus.
Je passe à baccalauréat.
L'opinion la plus commune est, je crois, que ce sin-
gulier barbarisme, pour appeler ce mot comme .M. Littré,
a été formé de bacca, baie, et de laurea, laurier, ce
qui donne littéralement pour sens :
Baccalauréat = Baie de laurier.
Mais, en considérant que les noms de dignités, de
litres, etc. terminés en at, ont été formés, dans notre
langue, du nom de la personne qui est revêtue de cette
dignité, qui porte ce titre, comme :
Généralat de Général
Doctorat — Docteur
Professorat — Professeur,
je me suis demandé si, logiques autant que nous,
nos pères du ïvi^ siècle (car c'est alors que ce mol fut
introduit^ avaient réellement pu faire baccalatiréat
des deux éléments qu'indiquent d'ordinaire nos lexi-
cographes; je me suis prisa en douter, j'ai cherché
une explication plus satisfaisante, et enfin, j'ai trouvé
celle-ci, qui, tout en admettant que baccalauréat est
un terme quelque peu défiguré, ne le range cependant
pas en dehors de la règle qui préside à la dérivation
des noms de son espèce.
En bas-latin, le rang de débutant chevalier s'appelait
baccalariatus, dénomination conforme à l'analogie,
puisque la terre dudil noble, comme on l'a vu plus haut,
s'appelait une bachelerie (baccalaria, qui se trouve
dans les textes du ix» siècle). En français, le titre de
bachelier a dû être d'abord baccalariat. Mais à peu de
chose près, la seconde partie du mot, lariat, se pro-
nonçait comme lauréat, nom exprimant une idée de
triomphe, et baccalariat, autre nom impliquant une
idée analogue, fut transformé par ignorance en bacca-
lauréat, expression qui, parle plus singulier effet du
hasard, se trouve renfermer bacca et lauréat, sans que
les idées de baie et de laurier soientjamais entrées dans
sa signification originelle.
Seconde Question.
Une expression très-commune et très-usitée est celle-
ci : DAîis LE BUT DE. Pensez-vous que ce sott français?
.le me souviens que M. Gidel, professeur au lycée
Condorcet, nous reprenait .souvent à ce sujet.
Il avait bien raison, votre professeur ; car quelque
usitée et quelque commode que soit celte expression,
elle n'en est pas moins mauvaise. Vous en jugerez par
ces quelques lignes que j'emprunte au Courrier de
Vaugelas ^'' année, p. 82), où celte question a déjà été
traitée.
Toutes les fois qu'après un verbe d'action on veut
exprimer la disposition desprit dans laquelle agit la
personne que désigne le sujet de ce verbe, on emploie
la préposition dans suivie d'un substantif signifiant
l'idée qui, par sa présence, constitue l'état accidentel de
cette personne; ainsi on dit :
11 fait cela dans l'intention de m'êlre utile.
Il a écrit dans le désir de vous être agréable.
11 a étudié dans V espérance de réussir.
Or, peut-on dire de même, par exemple : Il a fait
cela dans le but de se réconcilier avec moi ?
Evidemment non; car la personne désignée par le
sujet ne peut être dans le but qu'elle se propose d'at-
teindre, comme elle peut être dans l'intention, dans le
désir, dans l'espérance de; ce but, c'est quelque chose
76
LE COURRIER DE V/VUGELAS.
de plus ou moins éloigné d'elle, et dans lequel, par
conséquent, elle ne peut êlre.
Ceux qui se piquent de bien parler et de bien écrire
ne doivent donc pas se servir de l'expression dans le
but de.
X
Troisième Question.
Quel est le sens littéral de l'expression être sujet a
ciUTiOîi? Merci d'avance.
Le mot caution (du verbe latin câvere, prendre garde)
désigne un engagement par lequel on répond pour un
autre, et, par extension, celui même qui prend cet
engagement.
Or, on dit d'une personne, d'une chose suspecte, sur
laquelle on ne peut compter qu'elle est sujette à cau-
tion, pour signifier que le peu de confiance que celte
personne ou cette chose nous inspire l'assujétit en
quelque sorte, dans notre esprit, à fournir une caution,
une garantie :
Ma divine moitié, soit dit sans vous déplaire.
Vous me semblez un peu sujette à caution-
(Regnard, Fol. amour, Divert.)
Ces choses-là sont un peu sujettes à caution.
(MoUère. Malade, I, 4.)
ÉTRANGER
Première Question.
Dans les Récits espagnols de .1/. Charles GiieuUette,
je troure (p. 62) : mine renfrognée. J'entends des
persoimes instruites dire avec certains dictionnaires mine
REFUOGNÉE. Laquelle de ces expressions vous parait la
meilleure?
Le français ancien comme le français moderne dit
refrogner et renfrogner, preuve ces exemples :
Ce seigneur vint tout refrongné
Vers Ihostesse par bon moyen,
Et luy dit : mon cas va bien.
(Villon, 2« repue.^
Ces discours ont accoustumé d'esgayer et resjouir ceulx
qui lestraictent, non les renfrongner et contrister.
(Montaigne, I, p. 175;}
L'usage de la vieille langue ne pouvant être invoqué
pour résoudre la question que vous m'adressez, je
vais prendre une autre voie.
Trois hypothèses peuvent être faites sur la formation
du mot dont il s'agit : re et [rogner ; re et enfrogner ;
ren{re) et /rogner. Voyons laquelle a le plus de chances
d'être la vraie.
-l" Ce mot est composé de re et du verbe frogner. —
La particule re devant un verbe peut jouer l'un des
trois rôles suivants : marquer une répétition comme
dans redire, revoir; signifier retour, une action rétro-
active, réagir, reprendre ; reproduire simplement l'idée
du verbe, en l'augmentant ou même quelquefois sans
valeur bien sensible.
Or, le verbe frogner avec le sens de froncer la '
bouche, ou le front, existait dans l'ancien français:
Le cheval, qui sentoit les chevaux des Anglois, commença
à hennir et à frongnier et à frapper du pied en terre.
(Froisoart, II, III, ia4.)
Il y a donc déjà lieu de croire que refrogner, qui
existe en genevois, qui est en anglais sous la forme to
froicn, et qu'on trouve dans Palsgrave (p. 559, col. \)
sous celle de refraygner, est composé tout simplement
de re, au troisième sens indiqué, et de frogner.
2° Ce mot est com]}osé de re et de enfrogner. — S'il
en était ainsi, il faudrait que le verbe enfrogner eût
existé dans notre langue. Or, de tous les vieux glos-
saires que j'ai consultés, il n'en est aucun où j'aie
rencontré ce verbe.
3° Ce mot est composé de ren, formé de re par l'ad-
dition d'une n, et du verbe frogner. — Tous les verbes
français commençant par ren, comme ceux-ci, par
exemple :
Rencaisser
Renchérir
Rencogner
Rendormir
Rendurcir
Renforcer
Renfermer
Rengager
Rengainer
Renvoyer
sont composés de la particule re et d'un verbe où
entre la préposition en jointe tantôt à un adjectif (ren-
chérir), et tantôt à un substantif (renforcer). Or, Vn
qu'une telle loi de formation admet après re n'est
jamais adventice.
Puisque l'examen des deux dernières hypothèses ne
diminue en rien les présomptions qu'a fait naître la
première, j'en conclus qu'il faut préférer refrogner à
renfrogner, et, partant, mine refrognée à mine renfro-
gnée.
X
Seconde Question.
J'ai rencontré celte phrase dans le national du
28 décembre \ 874 : « Lorsque cette politique de gnan-
gnan aura triomphé, etc. » Que veut dire ce mot
gnangnan, et d'oii vient-il, car je ne le trouve point
dans le dictionnaire que j'ai en ma possession, lequel
cependant est celui de l'Académie?
Ce mot, qui s'écrit aussi gnian-gnian, est une sorte
d'expression mimologique par laquelle on représente
l'hésitalion d'une personne qui craint de dire ou de
faire quelque chose :
La... chante-t-il? — Oh! madame, je suis si tremblant !..
— Et gnian, gnian, gniati, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian;
dès ([ue madame le veut, modeste auteur ! je vais l'accom-
pagner.
(Beauinarcliais, Mar. de Fig., II, 4.)
En français, comme dans le patois du licrry, on
en a fait un substantif, masculin ou féminin selon qu'il
s'applique à un homme ou à une femme : un gnan-
gnan ou une gnangnan sert à désigner un lambin,
une personne molle, sans énergie, agissant avec peine
et se plaignant toujours.
Ce mot s'emploie aussi comme adjectif, et reste
toujours invariable pour le genre ; ainsi on dit :
LE COURRIER DE VAUGELAS.
77
OU! qu'elle est gnangnan!
Allons donci vous êtes des gnangnam!
Quant à son ét^mologie, M. Littré croit que c'est le
redoublement du vieux vocable niant, c'est-à-dire
néant, rien. Je me permettrai d'ouvrir un autre avis.
Le latin kjnavus a absolument la même signification
que celle de gnangnan, comme le prouve la définition
ci-après, copiée littéralement dans Quicherat :
a JONAVLs. 1° Qui manque d'activité, inactif, mou, pares-
seux; au fig. Qui est sans énergie; oisif, immobile; stérile,
inutile ; 2° Lâche, sans cœur, sans courage. »
Or, serait-il téméraire de penser que cet ignavus ait
donné d'abord igna, puis gna, ensuite gnagna, par
répétition, et enfin (/?i««(/wa», puisque le son « (preuve
tambour, autrefois labour] peut devenir voyelle nasale
dans notre langue?
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1"... alteint i'un énjsipéle; — 2° . . avant que l'Assemblée
eût déclaré... que le septennat eu? été institué; — 3" . . dit
en terminant M. le Président; — 1°. . . il n'en est pas un qui
n'ait à cœur (on dit qu'on a une chose à cœur, et qu'une chose
nous <ien( à cœur); — 5°... un averti en vaut deux (pas de
ion (Voir Courrier de Vaugelas, 5« année, p. 13t); — 6". .. afin
de les assassiner (Voir Courrier de Vaugelas, 2« année, p. 139);
— "». .. qui ressemble parfaitement à Louis-Philippe (Voir
Courrier de Vaugelas, !'■• année, numéro 2, p. 3); 8»... que
d'exiger qu'elle fût ratifiée; — 9»... qu'ils ne laisseront pas de
prendre (pas de que); — 10° .. qu'on a laissées percer (l'aclion
de percer est faite pour le régime que).
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1° Je sais bien qu'il y a place dans l'art pour autre chose
que pour la peinture religieuse, mais je dois relever une
erreur de M. le Rapporteur.
2° Il faudrait au moins commencer par dire ce que l'on
veut, exposer un programme et trouver des gens qui
consentent à s'en faire les champions.
3° L'évèque de Paderborn, Mgr Martin, a écrit au président
gouvernemental de Minden pour expliquer les motifs qui
l'avaient fait quitter la ville de Wesel, dans laquelle il
était interné.
4° Autrement, il autoriserait les bonapartistes à crier
par-dessus les toits que M. Buffet a prouvé le cas qu'il
fallait faire des rapports du procureur-général, du préfet
de police, et de toutes les révélations contenues dans
l'enquête parlementaire.
5* Pour peu que la peste ait duré huit jours, il n'y a
plus personne dans la ville de Crémone.
6" On parle de nouveau d'un consistoire qui serait tenu
d'ici Pâques et dans lequel serait distribué un certain
nombre de chapeaux.
7" Calino allant avec un de ses amis rendre visite à un
personnage quelconque (qui était ce jour-là à la campagne),
remarque que son ami fait une corne à sa carte. 11 corne
également la sienne.
8° On se demande comment il se fait qu'il y ait encore
relativement un si petit nombre de ces établissements, et
comment le gouvernement ne prenne pas l'initiative d'en
fonder partout.
9° Ainsi s'écoulèrent deux semaines pendant lesquelles
Estevan attendait son fantôme, et, quand il apparaissait,
s'enivrait de sa vue, reportant sur Luisa son esprit et ses
pensées.
10" La nouvelle marquise, qui s'était imaginée jusque-là
que rien n'égalait le lu.xe paternel, fut à ce point éblouie
qu'elle en perdit le souvenir des choses de son enfance.
11° Au lieu de l'essaim brillant des jouvenceaux qui
bourdonne autour d'une femme et lui murmure de tendres
choses, on étouffa sa vie entre un courtaud à face rubi-
conde et trois clercs.
\1' Maintenant qu'il repoussait toute idée de travail, son
unique passe-temps consistait à revoiries sites ou prome-
nades qu'avait illuminés la présence de Luisa.
13" Ce n'est pas seulement à Paris que la grippe fait des
victimes dans le personnel des théâtres; à la Scala de
Milan, trente-neuf artistes sont retenus chez eux par le
fléau à la mode.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU XVIP SIÈCLE.
Claude LANCELOT
Il naquit à Paris en 1613. Elevé dans la communauté
de Saint-Nicolas du Chardonneret, il se sentit de bonne
heure enclin à la piété, et se mit sous la direction du
fameux abbé de Saint-Cyran, pour lequel il conçut une
estime portée jusqu'à l'enthousiasme.
Sa première retraite fut la maison de Port-Royal de
Paris, dont l'abbé de Saint-Cyran était le chef et l'âme.
Quand cet abbé, dont l'iniluence et le caractère por-
taient ombrage au cardinal de Richelieu, fut arrêté et
mis au donjon de Vincennes, Lancelot subit plusieurs
déplacements ; mais il ne cessa d'être attaché à M. de
■ Saint-Cyran ; et, après la mort de celui-ci, il s'occupa de
mettre à exécution le projet, conçu par son maître, de
réunir dans des écoles une élude plus spéciale de la
doctrine chrétienne à l'enseignement des lettres et de
la philosophie.
C'est d'après ce plan que se formèrent les écoles de
Port-Pioyal, d'où sortirent ces méthodes si connues que
l'on doit pour la plupart à Lancelot, le premier maître
de Tillemont et de Racine.
Apres la dissolution des écoles de Port-Royal, amenée
par le zèle à soutenir la doctrine de Jansénius, Lancelot
donna des soins particuliers au jeune duc de Chevreuse,
fils du marquis de Luynes. .Mais, toujours attaché à
l'esprit qui animait ses confrères, il entreprit un
voyage en <6()7, avec .M. de Loménie fils, oratorien,
pour aller visiter l'évèque d'.\let.
En l()70, il fut chargé de l'éducation des deu.x jeunes
princes de Conti, par l'entremise de M. de Sacy, qui
avait été, avec Antoine Arnault, le directeur de Port-
RojaL Mais, après la mort de la princesse, mère de ses
78
LE COURRIER DE VAUGELAS.
élèves, on l'obligea de donner sa démission, sous pré-
texte que, malgré les intentions du Roi, il refusait de
conduire les princes à la comédie.
Lancelot se retira alors dans le monastère de Saint-
Cyran (diocèse de Bourges), où il ne passa pas le sous-
diaconat, et où il remplit même, par humilité, l'office
de simple cuisinier.
Les mêmes opinions que celles qui avaient troublé
Port-Rojal ayant causé la disparition des religieux de
Saint-Cyran, Lancelot, plus que sexagénaire, fut en-
voyé en exil à Quimperlé, où il mourut le 15 avril 1695,
à l'âge de 79 ans.
On doit à Lancelot comme grammairien : 1^ Nouvelle
méthode j)our apprendre la langue latine, avec un
Traité de la poésie latine, et des Règles pour la poésie
française ; 2° Méthode pour apprendre la langue
grecque, avec une préface sur le renouvellement des
lettres grecques en Europe et sur les auteurs qui y ont
le plus contribué; 3° Jardin des racines grecques, suivi
d'un Traité des prépositions et autres particules indé-
clinables, et d'un Recueil de mots français tirés du
«rec ; ■4° Nouvelle méthode pour apprendre la langue
italienne, avec une préface sur l'origine, les progrès,
la décadence et le renouvellement de cette langue;
5» Nouvelle méthode pour apprendre la langue espa-
gnole, avec une préface et une dédicace à l'infante
d'Espagne Marie-Thérèse; 6» Grammaire générale et
raisonnée qui appartient en entier, pour la composition,
à Lancelot, et en grande partie, pour l'invention, à
Antoine Arnault.
Je vais faire une analyse de ce dernier ouvrage,
dont l'examen est plus spécialement du ressort de ma
publication.
La Grammaire générale et raisonnée, qui parut en
1660, est divisée en deux parties : dans la première, il
est parlé des lettres et des caractères de l'écriture; dans
la seconde, des principes et des raisons sur lesquelles
sont appuyées les diverses formes de la signification
des mots.
FBEMIÈBE PARTIE
Des voyelles. — Les divers sons dont on se sert pour
parler, et qu'on appelle lettres, ont été trouvés d'une
manière toute naturelle, et qu'il est utile de remarquer.
Ceux qui étaient tellement simples qu'ils n'avaient
^besoin que de la seule ouverture de la bouche pour se
faire entendre et pour former une voix distincte ont
été appelés voyelles.
Ceux qui dépendaient de l'application particulière de
quelqu'une des parties de l'organe vocal, comme des
dents, des lèvres, de la langue, du palais, ne pouvaient
faire un son parfait que par l'ouverture même de la
bouche, c'est-à-dire par leur union avec les premiers
sons, ce qui les a fait appeler consonnes.
On compte ordinairement cinq voyelles: a, e, i, o, u;
mais outre que chacune d'elles peut être longue ou
brève, on aurait encore pu en ajouter quatre ou cinq
autres aux précédentes.
Sans considérer la difl'ércncc qui se fait entre les
voyelles d'un même son, on en pourrait distinguer
jusqu'à dix, en ne s'arrêtant qu'aux sons simples et
non aux caractères : a, é, é, i, o, â, eu, ou, u, e muet.
Des consonnes. — Après avoir donné le tableau des
consonnes qui n'ont qu'un son simple en latin, en
français, en grec et en hébreu, Lancelot fait remarquer
qu'il contient sept consonnes faibles [b, d, g, j, c, v, s),
sepl fortes (j), t, g, ch, k, f, s); deux nasales (m', n],
deux liquides {l, r), trois mouillées Ull de paille, gn de
règne, ï àepaien], et enfin une aspirée [h de héros).
Des syllabes. — La syllabe est un son complet qui
est quelquefois composé d'une seule lettre, mais pour
l'ordinaire de plusieurs.
Une voyelle peut faire une seule syllabe.
Quand deux voyelles entrent dans une seule syllabe
comme dans mien, hier, elles forment ce qu'on appelle
une diphthongue.
La plupart des diphthongues se sont perdues dans la
prononciation ordinaire du latin; car les a? et les œ ne
se prononcent plus que comme e; mais elles se
« retiennent « encore dans le grec pour ceux qui pro-
noncent bien.
Dans les langues vulgaires, deux voyelles ne font
qu'un son simple, comme eu, ce et au; mais ces langues
ont de véritables diphthongues : ai, ayant; oi, foi, etc.
Les consonnes ne peuvent seules composer une syl-
labe; il faut qu'elles soient accompagnées de voyelles
ou de diphthongues.
Plusieurs, néanmoins, peuvent être de suite dans la
même syllabe, de sorte qu'il peut y en avoir jusqu'à
trois devant la voyelle, et deux après, comme dans
scrobs , et quelquefois deux devant et trois après,
comme dans stirps.
Les Hébreux n'en souffrent jamais plus de deux,
soit au commencement, soit à la fin de la syllabe.
Des mots et de l'accent. — On appelle mot ce qui se
prononce seul, ce qui s'écrit séparément. Il y en a
d'une seule sUlabe, mai, saint, qu'on nomme monosyl-
labes, et de plusieurs syllabes comme dominus, miséri-
cordieusement , qu'on appMe polysyllabes.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans la prononcia-
tion des mots, c'est l'accent, qui consiste en une éléva-
tion de voix sur l'une des syllabes qui les composent,
et après lequel la voix s'affaiblit nécessairement.
L'élévation de la voix s'appelle accent aigu, et
l'abaissement accent grave; mais, parce que les Grecs et
les Latins avaient certaines syllabes longues sur les-
quelles on élevait et on abaissait la voix, ils avaient
inventé un troisième accent qu'ils appelaient circonflexe
(d'abord fait ainsi : A, puis ainsi : n), lequel compre-
nait les deux premiers.
Les Hébreux ont beaucoup d'accents qu'on croit avoir
servi autrefois à leur musique, et dont jilusicurs font
maintenant le même usage que nos points et nos vir-
gules. Mais l'accent qu'ils appellent naturel et de
grammaire est toujours sur la pénultième ou sur la
dernière sjllabe des mots.
[La suite au prochain numéro.)
Lii Rkdacieuu-Géiiant ; Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE.
Publications de la quinzaine
Une maison centrale de femmes, fin de la série
des Mystères mondains; par Adolphe Belot. 3» édition.
In-18 Jésus, 385 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Les Grands hommes de la France. Marins; par
Edouard Goepp, chef de bureau au ministère de l'Ins-
truction publique, et Henri de Maunoury d'Ectot, ancien
capitaine au long cours. Duquesne. Tourville. In-18,jésus.
392 p. Paris, lib. Ducrocq. 3 fr.
C. A. Sainte-Beuve, sa vie et ses œuvres; par le
vicomte d'Haussonville, député à l'Assemblée nationale.
Gr. in-18, 3û2 p. Paris; lib. Michel Lévy frères.
Œuvres complètes de Rutebeuf, trouvère du
XIII" siècle; recueillies et mises au jour pour la pre-
mière fois par Achille Jubinal, ex-professeur de faculté.
Nouvelle édition, revue et corrigée. T. 3. ln-16, iiO p.
Paris, lib. DafBs. 5 fr.
Traité de l'existence et des attributs de Bieu; par
Fénelon. Nouvelle édition, accompagnée de notes et pré-
cédée d'une introduction et d'une analyse des chapitres;
par M. A. Aulard, ancien professeur de philosophie. la-
12, xix-220 p. Paris, lib. Belin.
Les Voyages d'une goutte d'eau; par J. Pizetta.
Ouvrage illustré de 47 grav. et de 5 cartes. In-8°, 202 p.
Paris, lib. A. Rigaud.
Mademoiselle de Petitvallon ; par Mathieu \Vitche.
In-12, 25Zi p. Paris, lib. Dillet. 2 fr.
Légendes et récits populaires du pays basque;
par M. Cerquand, inspecteur de l'académie de Bordeaux.
In-8», 7i p. Pau, lib. Ribaut.
Aventures prodigieuses de Tartarin, de Tarascon;
par Alphonse Daudet. 3' édition. In-18 Jésus, 369 p.
Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Les Brillantes époques de Thistoire de France;
par Albert Guillemot, ex-professeur d'histoire du Lycée
de Limoges, 3" édition. In-8<', 224 p. et grav. Limoges,
lib. F. F. Ardant frères.
Cours supérieur de grammaire française, accom-
pagné de 505 exercices; pir .M. L. Leclair et M. C. Rouzé,
professeur agrégé. 2= édition. In-12, 288 p. Paris, lib.
Belinr
Mémoires de Ninon de Lenclos; par Eugène de
Mirecourt. Edition illustrée. In-Zi'', 756 p. Paris, lib.
Bunel. 9 fr. 50.
Histoire de la conquête de l'Angleterre par les
Normands; par A. Thierry. ln-8°. 240 p. Limoges, lib,
E. Ardant et Cie.
Voyage au centre de la terre; par Jules Vernes.
17« édition. In- 18 Jésus, 356 p. Paris, lib. Hetzel et
Cie. 3 fr.
Les Couteaux d'or; par Paul Féval. Nouvelle édition.
In-i8 Jésus, 388 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Récits américains; par Xavier Marmier, de l'Aca-
démie française. In-8", 143 p. et gravures. Tours, lib.
Mame et fils.
Les Sept péchés capitaux. La Luxure et la
Paresse; par Eugène Sue. Nouvelle édition. In-18 Jésus,
298 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 1 fr. 25.
Les Ecrivains célèbres de la France, ou histoire de
la littérature française depuis l'origine de la langue
jusqu'au XIX"= siècle. 2= édition, revue, corrigée et consi-
dérablement augmentée, à l'usage des établissements
d'instruction publique; par D. Bonnefon. In-12, 532 p.
Paris, lib. Sandoz et Fishbacher. 3 fr. 50.
Publications antérieures :
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE EN
RUSSIE. — Par C. Colrhière. — Paris, Charpentier el Cie,
libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre. — Prix : 3 fr. 5o.
■ SAINT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallon,
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hachette el Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
FROMONT JEUNE ET RISLER AÎNÉ. — Mœurs pari-
siennes. — Par Alphonse Daidet. — Septième édition. —
Paris, Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du
Louvre.
OEUVRES DE YADÉ, précédées d'une notice sur la vie
et les oeuvres de Vadé. — Par Julien Lemer. — Paris,
Carnier frères, libraires-éditeurs, 6, rue des Saints-Pères.
RECUEIL ALPHABÉTIQUE DE CITATIONS MOR.\LES
des meilleurs écrivains, prosateurs et poètes, historiens
et philosophes de tous les temps et surtout contemporains,
ou ENCYCLOPÉDIE MORALE. — Par M. E. Loubens, chef
d'institution honoraire. — Un beau volume grand ia-S"
Jésus à deux colonnes. — Ouvrage adopté par la Com-
mission officielle des livres pour prix et pour toutes les
bibliothèques scolaires de France. — Prix : 6 francs.
ECHOS, CHOIX DE POÉSIES. — Par le pasteur A. Esche-
NAL-ER. — Un joli volume elzévirien, où l'on trouvera
entre autres une pièce souvent signalée sur le Bombar-
dement de Strasbourg. — Paris, librairie Sandoz el Fish-
bâcher, 33, rue de Seine.
80
LE COURRIER DE VAUGELAS.
LA LITTÉRM'URE FRANÇAISE depuis la formation de
LA LANGUE jusqu'a NOS JOURS. — Leclures choisies. — Par
le lieutenant-colonel STAAFF, officier de la Légion d'hon-
neur et de l'Instruction publique en France. — Ouvrage
désigné comme prix aux concours généraux de 1868 à
1872; adopté et recommandé par la commission des
Bibliothèques de quartier, etc., etc. — Quatrième édition.
— Six volumes du prix de i à 5 francs chacun. — Paris,
à la librairie académique Didier et Cie, 35, quai des
Grands-Augustins, et à la librairie classique de Ch. Delà-
grave et Cie, 58, rue des Ecoles.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — Il ne
reste plus que la A« et la 5"= année, en vente au bureau
du Courrier de Vangelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La 1™, la 2» et la 3" année doivent être pro-
chainement réimprimées.
LE DIT DES RUES DE PARIS (1300). — Par Guillot
(de Paris). — Avec préface, notes et glossaire. — Par
Edgar Mareuse. — Suivi d'un plan de Paris sous Philippe-
le-Bel. — Paris, Librairie générale, 72, boulevard Hauss-
mann.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
Secrétaire du Collège des Précepteurs, ù2, Queen Square k Londres, W. C, qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
II.
Sous le titre de Revue anglo-française, il paraît à Brighton une publication mensuelle dont le directeur, le Révérend
César Pascal, se charge de procurer gratis, pourl'ANGLETERRE ou le Continent, des places de professeur et d'institutrice
à ceux de ses abonnés qui se trouvent munis des recommandations nécessaires. — L'abonnement, qui est de 10 fr. pour
la France, se prend à Paris, chez MM. Sandoz et Fishbacher, libraires, 33, rue de Seine, ou à la librairie Grassart, 2,
rue de la Paix.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
l'Institut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Le quinzième concours poétique ouvert k Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 1875 ; douze médailles, or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste C.^rrange,
président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux, Gironde — (A/franchir).
m
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. — Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; le 2" prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3' prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le l"'' juin 1876.
La Société d'encouragement au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher et développer
'les moyens les plus prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralité comtne le bien-être de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, Secrétaire-général, 2, rue Brochant, aux BatignoUes
(Paris), avant le 31 décembre 1875.
La Société des sciences, helles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne publie le programme des concours de 1876-
1877. Voici celui de littérature et de poésie. La Société propose pour cette année 1876 une médaille d'or de la valeur
de 200 fr. à la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.); une médaille d'argent de la valeur
de 100 fr. k la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la valeur de 50 fr.
au meilleur groupe de trois sonnets. — Toutes demandes de renseignements devront être adressées au Secrétaire
de la Société, k Montauban.
Académie des lettres de Rouen. — Prix à décerner en 1877 pour un conte en vers de 100 vers au moins. —
S'adresser au Secrétaire-perpétuel, IVl. Julien Loth.
Le rédacteur du Courrier de Vaugnlas est vi.»;ible à .-ioii bureau tic midi à une heure et demie.
Imprimerie GOUVliRNEUR, G. DAUl'ICLEV, k Nogent-le-Rotrou.
6= Année
N° 11.
1" Octobre 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1» et le IS de chaqne mol*
{Dans sa séance du \'2 janvier 1875, V Académie française a décerné le prix Lantèert à celle publicalion.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'.UjJémie
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
Annonces, la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
nal, soit à un libraire quilconque.
FAUTES A CORRIGER.
Numéro 7, page 1, lire Sourg-Brcssans, Hazebrouguois,
Lesparrins , Moulinais au lieu de Bourg- Bressons , Haze-
brouguois, Lcsparrais, Molinois; — Numéro 'J, page tiO, coi. 1,
ligne 27, lire Pairaidi au lieu de Paircidi; — Numéro 10,
page 74, col. 1, ligne 40, lire évilé au lieu de évilée.
SO.M.MAIRE.
Trois communications sur les étjmologies de Choléra, de Cha-
rabia et de Bocii ; — Explication de Entre chien et loup; —
Elymologie de Charlatan : — Ce qu'on entend par Conceptions
byzantines; — Si Emérite peut s'employer pour l'iein de
mérites; — Comment a été formée la préposition Dans |{
Lequel vaut le mieux de Burnous ou de Bournous ; — Si Dont
peut s'employer comme régime commun de mots n'ayant pas
la même fonction; — Si Départ s'emploie dans le sens
de Partage; — Quels accents il faut mettre sur les e de
Fénélon ; — Si Aéronef est français 1| Passe-temps grammatical
fl Suite de la biographie de Claude Lancelot || Ouvrages de
grammaire et de littérature || Concours littéraires.
FRANCE
COM.MUNIGATION.
I.
Un nouvel abonné, qui avait reçu comme spécimen
le numéro 13 de la i' année, où se trouve l'étymologie
de choléra, m'a adressé la lettre suivante :
Tours, le 23 juillet 1875.
Monsieur,
Permettez à un de vos lecteurs de venir vous poser une
question. A la première page du numéro du 1" septembre
1873 du Courrier de Vaugelas, je lis une intéressante discus-
sion sur l'étymologie du mot choléra. Après avoir réfuté
l'opinion commune qui fait venir ce mot du grec, vous pro-
posez une oriKine hébraïque, et, à ce propos, vous citez
ce verset de la Bible {Ecclesiasie, ch. VI, verset 1) : o 11 est
un mal que j'ai vu sous le soleil et qui pèse souvent sur
l'homme ». Mal se dit en hébreu Ra ou Raa. El il est pos-
sible, en effet, que la dernière syllabe du mot choléra
vienne de l'hébreu Raa. Mais je ne trouve nulle part dans
la langue hébraïque, et pas plus dans le reste de la Bible
que dans le verset cité de rEcclésiaste, le mot choli, écrit
par votre correspondant. Qu'est-ce que ce mot? et, si vous
rejetez l'origine yolr,, d'oti peut-il venir?
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considéra-
tion distinguée.
Edmond Stapfer,
Pasteur à Tours (Indre-et-Loire).
Je ne m'explique pas comment M. Jobard (de Bru-
xelles , à qtiij'ai emprtTnlé l'étymologie reproduite dans
le numéro 1.3 de ma 4" année, a pu lire c/ioli-ra dans
le texte hébreu de la Bible, quand .M. le pasteur Edmond
Stapfer n'a trouvé, lui, rien de semblable dans aucun
endroit du même texte.
-Mais, de deux choses l'une, ou choU-ra est réellement
dans le texte hébreu de la Bible, ou il n'y est pas.
S'il y est, je crois pouvoir continuer à le tenir pour
l'étymologie de choléra, mot qui nous aurait été trans-
mis par le grec et le latin"; el, s'il n'y est pas, j'avoue
ne voir d'autre origine possible à choléra que le grec
■/iA£pa, expression composée de yzXr,, bile, et de la
finale pa, venue probablement de ç£w, couler, en dépit
de la règle que le docteur Tardieu a invoquée.
II.
Un savant orientaliste, .M. Florian Pharaon, a bien
voulu me rcraellre la noie suivante sur l'étymologie
de charabia, que je n'avais pu donner d'une manière
satisfaisante dans mon numéro 23 (2" année) :
Ce n'est point en Auvergne qu'il faut chercher l'origine
de charabia. Ce mot désigne un langage incorrect, com-
posé de divers idiomes, que l'on comprend sans l'avoir
jamais appris.
La langue franque, qui est en usage dans tout le bassin
de la Méditerranée, composée de mois italiens, provençaux,
espagnols, arabes, grecs, est le charabia par excellence et
la langue commerciale universelle. Cliarahia vient de deux
mots arabes, chara, achat, et bid, vente : c'est le langage
des transactions commerciales.
En Algérie, la langue charabia est courante, et je me
rappellerai toujours le récit que me fit, dans cet idiome,
un vieux Turc, ancien forban, des divers bombardements
dont Alger fut l'objet depuis le commencement de ce
LE COURRIER DE VAUGELAS.
siècle. Faisant allusion aux expéditions des Espagnols, des
Hollandais et des Anglais qui bombardèrent, en 181G, la
capitale de notre colonie, il me disait :
— Esbagnoul benir : fazir baoum! baoum! andar! (Les
Espagnols vinrent; ils firPnt boum! boum! et partirent).
— Fiamingue benir : fazir baoum! baoum! andar!
— Ingiisch benir : .fazir baoum! baoum! andar!
— Francis benir : fazir turlututul turlututu! entrarl
Et en disant le mot turlututu, qu'il prononçait touiiou-
ioutou, notre homme mimait, avec sa main, le jeu du
clairon.
Je ne saurais Irop vivement remercier M. Florian
Pharaon de l'élymologie qui vient combler si lieureuse-
ment une lacune dans les solutions dont s'est occupé
jusqu'ici le Courrier de Yaugelas.
m.
Voici, en date du 20 août 1875, une communication
relative à l'élymologie de bock que j'ai donnée il y
a quelque temps :
Monsieur,
Voulez-vous me permettre de rectifier les renseigne-
ments que vous donnez -dans le numéro 2, 6° année,
d'après une relation un peu fantaisiste d'un rédacteur du
journal le Figaro, sur l'origine du mot Bock, employé aujour-
d'hui dans tous les cafés pour désigner un verre de bière,
en remplacement de l'ancienne appellation Choppe?
Ce mot a fait son apparition à Paris vers 1860, mais pas
dans le sens qu'il a aujourd'hui ; il servait à cette époque
à désigner une qualité de bière très-renommée en Alle-
magne depuis longtemps et fabriquée à Munich (Bavière)
par un brasseur se nommant Bock, nom qui signifie bouc;
c'est pourquoi la plupart des brasseurs et des débitants de
cette bière en Allemagne représentent sur leurs enseignes
la tète de ce ruminant.
Cette bière a eu un très-grand succès à Paris; on ne la
trouvait que dans les établissements de premier ordre ;
on la servait dans des verres de forme différente de
celle des choppes et plus petits, et elle coûtait dix cen-
times plus cher.
Les établissements de second ordre, qui furent eux-
mêmes bientôt suivis parles établissements les plus vul-
gaires, ne tardèrent pas à débiter sous le nom de Bock des
bières de toutes provenances, comme ils l'avaient déjà fait
auparavant pour la bière de Strasbourg, et c'est ainsi qu'un
nom qui désignait le contenu est, par extension, devenu
le nom du contenant.
Le Petit Journal pour rire (1861-6-2) a résumé le fait que
je vous signale par un dessin où l'on voit un consommateur
adresser cette question à un garçon de café : « Quelle
diflërence y a-t-il entre un bock et une choppe? — Je
vais vous le dire, Monsieur; le bock est plus petit et coûte
deux sous de plus, mais la bière est la même. »
Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération très-
distinguée.
Vn de vos lecteurs.
Je m'empresse de remercier l'auteur de cette com-
munication, et de déclarer que si, contrairement à
ce que je pense, son explication n'est pas la vraie, elle
est du moins bien préférable à celle que j'ai donnée
en m'appuyanl sur les renseignements que M. Charles
Rozan avait recueillis dans le Figaro.
X
Première Qneslion.
Comment expliquez-vous l'expression entre chien et
LOCP, que l'on entend a.isez fréquemment dans le dis-
cours familier ?
Cette expression, qui date au moins du viit^ siècle
puisqu'elle est dans les Formules de Marculfe (Infra
horam vesperlinam , inter canem et lupum) , a été
expliquée de deux manières.
Comme Baïf, poète du xvi' siècle, avait dit dans un
passage :
Lorsqu'il n'est jour ne nuit, quand le vaillant berger
Si c'est un chien ou loup ne peut au vrai juger,
la plupart ont vu dans entre chien et loup une allusion
à la difficulté qu'on éprouve, lors d'un certain moment
crépusculaire, à distinguer un chien d'un loup.
Mais selon Quitard, entre chien et loup désigne pro-
prement l'intervalle qui sépare le moment où le chien
est placé à la garde du bercail et le moment où le
loup profite de l'obscurité qui commence pour venir
rôder à l'entour; car c'est un usage de tout temps
observé par les bergers, ajoule-t-il, de lâcher le chien
ou de le mettre en sentinelle aussitôt que la chute du
jour les avertit que le loup ne tardera pas à sortir du
bois.
Or, comme on ne dit point entre loup et chien, et
que l'explication de Quitard repousse aussi cette inver-
sion de termes (l'espace de temps dont on parle com-
mence toujours par la garde du chien), il me semble
que la seconde manière d'expliquer entre chien et loup
doit l'emporter sur la première.
X
Seconde Qneslion.
Je lis dans un article de M. Alphonse Karr [le figaiio
du ["juin 1875) que « sciRLiTTiNA, écarlate, est l'éty-
mologie de CHinLATAN », parce que les charlatans appa-
raissent ordinairement dans les places publiques vêtus
de ro2ige. Etes-vous du même avis, et si non, doit vient
CHARLATAN, d'aprês vous ?
Charlatan est bien, en effet, tiré de l'italien ; mais ce
ne peut être de la source qu'indique l'auteur des Guêpes,
attendu que les mots de cette langue à la finale ina,
ino, inio, qui ont passé dans la nôtre, ont toujours pris
la terminaison in ou ine :
Scarp/Ho a fait Escarpài
CantJHa — Cant/He
Brigantjreo — Briganti»
LesiHO — Lésine
CarmiHJo — Carmift
Tontfna — ToutïJie.
Le substantif charlatan vient de ciarlatano, formé du
verbe ciarlare (espagnol et portugais charlar), lequel
signifie bavarder, jaser, étourdir par son caquet.
Cette élymologie laisse déjà peu de. doute quand on
a écouté cinq minutes un charlatan débitant sa mar-
chandise dans quclcpie carrefour, et qu'où sait que les
noms italiens ena«o ont passé en français avec la finale
an (artigiano, artisan; balzano, balzan; cortigiano,
courtisan, etc.); mais elle acquiert un nouveau degré
de certitude si l'on considère que charlatan n'a été
trouvé par M. Liltré qu'au xvi» siècle, époque de l'inva-
sion de l'italien à la cour de France.
X
Troisième Question.
Que veut dire byzantines dans la phrase suivante :
LE COURRIER DE VAUGELAS.
83
« // perdait son temps dans des cohceptioss bïza>-
TIHES » ?
Le pape Eugène IV avait assemblé le concile de Bâle
{\i3{) pourla réforme du clergé et la réunion de l'église
grecque et de l'église romaine, qui étaient séparées
depuis le schisme de Photius, c'esl-à-dire depuis plus de
cinq cents ans.
Mais les Grecs, malgré le danger dont le Croissant
menaçait leur empire, qui ne s'étendait guère alors au-
delà des faubourgs de Constanlinople (depuis 1H60, les
Turcs s'étaient emparés d'Andrinople, de la Macédoine,
de l'Albanie et de la Servie), les Grecs, dis-je , n'en
discutaient pas moins gravement sur les conditions de
l'union des deux églises; et, pendant que Jean Paléo-
logue, l'avant-dernier successeur de Constantin, allait
tranquillement à la chasse, ses théologiens s'occupaient
de préparer, dans des conférences particulières, les
articles qui devaient être soumis aux pères du Concile,
articles portant principalement :
Sur la question de savoir si le Saint-Esprit procède du
Père et du Fils;
Sur l'addition de ces mots : et du Fils, Filioque, faite au
symbole de Nicée ;
Sur la nature des peines du purgatoire;
Sur l'état des âmes avant le jugement dernier;
Sur l'usage du pain azyme dans la célébration des Saints-
Mystères;
Sur la suprématie du pape de Rome.
Après de longs efforts, on finit par s'entendre (4439).
Mais, sans songer aux périls de la situation, beaucoup
de moines de Constantinople, parmi lesquels on remar-
que surtout Marc d'Ephèse et Gennadius, n'acceptèrent
pas l'accord ; ils entretinrent leurs compatriotes dans
leur opiniâtreté à rejeter le décret d'union, ce qui para-
lysa les efforts que le pape et les princes chrétiens
étaient encore disposés à faire pour délivrer les Grecs
des cruels Ottomans; et, en agitant les consciences et
en les remplissant de vains scrupules, ils étouffèrent
dans le cœur des habitants toute espèce d'énergie, les
rendirent indifférents aux tristes destinées qui les atten-
daient, et portèrent ainsi les derniers coups à leur
malheureuse patrie, qui tomba au pouvoir des Turcs le
29 mai de l'année 1453.
Or, c'est par allusion à ces misérables subtilités des
moines de Byzance (nom peut-être plus communément
en usage alors que celui de Constanlinople' , au mo-
menloù la puissante artillerie de .Mahomet II allait battre
en brèche les remparts de cette ville, que les journaux
politiques qualifient de byzantines les préoccupations,
les querelles, les discussions frivoles qui se produisent
dans les assemblées nationales lorsqu'un intérêt de
premier ordre est en jeu.
X
Quatrième Question.
Le mot ÉMÉRiTE est employé souvent pour plein de
HÉuiTES. N'est-ce pas en changer complctemcnt le seîis ?
Mais là encore ne pourrait-on suivre l'usage, surtout
n'ayant pas d'équivalent en français ?
Les Latins avaient un -verbe, ewere/e, qui signifiait
servir à l'armée, et dont le participe, emeritus, se disait
d'un soldat qui avait fait son temps de service, et, par
extension, de toute personne qui avait fourni sa carrière,
qui se reposait, qui était fatiguée.
C'est ce participe qui nous a donné émérite, terme qui
s'emploie tantôt en bonne part, tantôt en mauvaise.
En bonne part, il se dit presque exclusivement d'un
professeur de l'Université qui a pris sa retraite, et jouit
des honneurs de son titre.
En mauvaise part, il s'applique, par allusion à la
longue pratique dudit professeur, à des personnes
ayant contracté depuis longtemps quelque défaut ou
quelque vice; ainsi on dit :
Un buveur émérite.
Une coquette émérite.
Un voleur émérite.
Or, vous désirez savoir si , dans cette dernière
acception de plein de mérites^ l'adjectif en question est
bien employé?
A mon avis, cela ne fait aucun doute, vu que tout
adjectif exprimant une qualité peut toujours se prendre
dans un sens ironique.
X
Cinquième Question.
Puisque le français dérive du latin, veuillez m'ex-
pliquer comment s'est formée la préposition da>s; car
c'est en vain que je cherche parmi les prépositions
latines celle qui a pu donner la nôtre.
De l'adverbe intus, intérieurement, la langue d'o'il fit,
avec le même sens, ens, ens 'dérivation prouvée par le
languedocien ints, ins), qui s'employait sans régime :
De ci qu'à ciel irra la mer,
Par force voldra enz entrer.
{Adam, Drame pub. par M. Luzarche, p. 77.)
Lors m'en entrai, ne dis puis mot,
J'ar l'uis que Oiseuse overt m'ot,
Ou vergier; et quant je fui eus,
Je fui liés et baus et joiens.
[Boman de la Rose, vers 636.)
Suivi d'un régime, en:- se redoublait fréquemment
sous la formée»; en, comme le montrent ces exemples :
Em en l'fou la getterent com arde tost.
{CantUcne de sainte Eulalie, vers i9,)
Cil sunt muntez ki le mesage firent,
Enz en lur mains portent branrties d'olive.
{Roland, st. VII, vers 4.)
-Mais, dans le même cas, on mettait encore la prépo-
sition de devante«3, ens, ce qui donna denz, dens, nou-
velle forme qui se trouve dans les citations suivantes :
Denz ces chambres l'en mena.
(Jubinal, Nouv. recueil, II, p, 193. J
Et la tierce est quand ceuls de dens et ceuls de liors se
combatent au.x murs.
(Cliristine de Pisan, Charles V, 1 1, ch. 34)
Toutefois, on écrivit aussi dans, et c'est cette dernière
forme qui, ajirès la disparition successive de enz en et
de dens, est restée au français moderne pour exprimer
le l'apport d intériorité.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
ÉTRANGER
Première Question.
J'ai deux renseignements à vous demander au sujet
deBORNOos : H° faut-il faire sonner /'s, c'est-à-dire pro-
noncer BUR.NorssE ; 2° faut-il dire bcrnous ou bocrnous,
car j'ai vu aussi ce dernier ?
Ce mot, qui vient de l'arabe, s'écrit en espagnol et en
portugais albornoz, composé deTarlicle al et debornoz.
Or, dans ces deux dernières langues, le z final se pro-
nonce, ce qui est une preuve que ï's de burnous se
prononce en arabe, et que, par conséquent, elle doit
aussi se prononcer en français.
Quant à la forme du mot lui-même, elle paraît être
double; car si M. Littré écrit burnous, M. Pihan
[Dict. étijm. des mots dérivés de l'arabe] écrit, lui,
bournous, témoin ces pbrases empruntées à son article
sur le mot en question :
Les bournous d'été sont de couleur blanche, et ceu.x;
d'hiver de couleur foncée et en laine beaucoup plus
épaisse.
Depuis 1830, l'usage des bournous s'est introduit en
France avec plusieurs modifications pour servir à la toi-
lette d'hiver des deu.ï sexes.
Maintenant, quelle est la meilleure de ces deux
manières d'écrire?
J'incline fortement vers la dernière, qui, à l'avantage
d'une prononciation, suivant moi, plus douce, joint
celui d'être plus conforme à l'étjmologie.
X
Seconde Question.
Dans votre numéro V6 de la â" année, p. H 4, 2" col.,
on lit cette phrase : «■ car Th. Corneille, dont l'entrée
à l'Académie a beaucoup contribué à éclaircir les
doutes ». Est-il permis d'employer ainsi dont pour
régime commun de deux mots atjant des fonctitms diffé-
rentes ?
Le relatif (^on/! peut être employé en qualité de régime
commun de deux ou de plusieurs substantifs remplis-
sant une même fonction, comme dans :
La duchesse de Mazarin ne laissa de regrets qu'à Saint-
Evremont, dont la vie, la cause de la fuite et les ouvrages
sont si connus.
(St-Simon, 69, l28.)
.Mais il peut l'être très-bien aussi quand les mots
auxquels il se rapporte remplissent des fonctions
différentes, ce dont les citations suivantes sont la
preuve :
C'est un homme dont le mérite égale la naissance.
(Tli. Corneille.)
Le lynx, dont les anciens ont dit que la vue était assez
perçante pour pénétrer les corps opaques, est un animal
fabuleux.
(Buffon.)
Il est fie Français] le seul peuple dont les mœurs peuvent
se dépraver sans que le coeur se corrompe et i[uo le
courage s'altère.
(Duclos, Consid. sur la Ma-urs, ch. l.)
X
Troisième Question.
Voici une phrase trouvée dans le cours de LrriÉ-
BATURE du lieutenant-colonel Staaff, p. 31 : « Les
défauts et les qualités sont sortis en toute licence, et
la postérité aura à faire ce départ...». Ce mot départ
est-il français dans ce sens ? ,
Certainement. C'est un substantif qui vient, comme
département, division administrative de la France, du
verbe départir, formé de la particule dé et du verbe
partir au sens ancien de séparer. Il signifie l'action de
partager, de trier, et en voici des exemples, dont les
premiers remontent au \\\<^ siècle :
Quelques pantagruelistes modernes, évitans le labeur
des mains que seroyt à faire tel départ, usent de certains
instrumens.
(Rabelais, Pant, III, 49.)
Mort pourra bien du corps faire départ;
Mais nul malheur n'aura jamais puissance
De mettre un cœur des deux autres à part.
(Les Marg. de la Marg, p. 368, dans Lacurne.}
Il y a dans ces contes de fée une princesse malheureuse
à qui on commande, dans un grand tas de blé et d'avoine,
de faire le départ de ces grains.
(LiUré, Dicl. de la lang. fr.)
X
Quatrième Question.
Faut-il écrire Féhe'lon avec un accent aigu sur chacun
des deux e, ou seulement sur le premier ? Je rencontre
tantôt la première de ces orthographes et tantôt la
seconde.
Au xviiie siècle (conséquence de la prononciation du
xvii^), on écrivait Fénélon avec un accent aigu sur
chaque e; mais, depuis un certain nombre d'années, on
ne met plus un tel accent que sur le premier.
Laquelle de ces orthographes vaut le mieux?
Selon Génin [Chans. de Roland, Introd. xxv), le mot
Fénélon vient de Ganelon par les intermédiaires Ganilon,
Wenilon, Wenelon. Or, Ganelon s'étant prononcé pro-
bablement comme il se prononce encore (gan'lonj, il me
semble que le second e, pour cette raison, ne peut rece-
voir d'accent dans Fénélon , et que l'orthographe
Fénélon est la plus rationnelle, comme reproduisant
plus fidèlement la prononciation de l'étymologie.
X
Cinquième Question.
J'ai trouvé la phrase suivante dans le Journal de
RucAHEST du 3 juin \ 875 : « Encore un peu de temps,
et les AÉBONEFS fendant l'espace forceront chacun de
répéter le mot de Galilée. » Veuillez me dire si aéro.\ef
est français, et, dans l'affirmative, s'il vaut mieux que
AÉROSTAT'?
Le mot aéronef est français, il se trouve dans le sup-
plément du dictionnaire de M. Littré.
11 est composé de aer, air, et de nef (venu de navis,
navire), ce (jui lui donne la signification littérale de
LE COUI'.RIER DE VAUGELAS.
navire de l'air, pour l'air; tandis que aérostat, formé
de ac>\ air, et du verbe stare, rester, signifie simple-
ment qui se tient dans l'air.
Or, quand il s'agit de la navigation aérienne, pour
laquelle, du reste, il faudra des machines autrement
disposées que nos ballons actuels, il me semble que
l'eipression d'aéronef convient beaucoup mieux que
celle d'aérostat.
PASSE-TE.MPS GRA.MMAT1C.\L
Corrections du numéro précédent.
1°. . pour autre chose que la peinture (pas de pour après que) ;
— 2°...des gens i\m consenlissent ; — 3"... qui lui avaient fait
quitter la ville de Wesel ; — 4° ... sur les toits que M. Bufiet ;
5». . la peste dure huit jours; — 6" ■ ■ ■ tenu d'ici à Pâques
(l'ellipse de o ne doit pas se faire ici) ; — 7». . . 11 fait également
une corne à la sienne (corner ne s'emploie pas dans ce sens) ;
8°... et que le gouvernement ne prenne pas l'iniiialive,
9"... quaud il apparaissait, il s'enivrait de sa vue; —
lOo... qui s'était imaginé jusque-là que rien ; — 11°... e//e
eut sa vie étouffée entre un courtaud ; 12". . . à revoir les sites
ou Zes promenades qu'avait illuminées ; — 13" . . sont retenus
chez eux par le fléau régnant.
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
l' Il est difficile d'imaginer que cet homme soit né avec
les mêmes facultés des premiers tiommes de ce siècle.
■2» Tout le monde, sans acception, arborait un chapeau
de paille entièrement neuf, un pantalon d'une entière
fraîcheur, un gilet de couleur agréable et dont la nuance
vert tendre ne laissait rien à désirer.
3° Toutefois, même au sein du foyer domestique, les
infortunés Chimèricitains ne laissent pas que d'être
encore poursuivis par la réglementation gouvernementale.
4° On aurait dit des fracs découpés à l'emporte-pièce,
tant les moindres particularités de ce vêtement inusité se
reproduisaient avec exactitude sur tous les omoplates.
5" Il ne faut pas songer, dans l'heureux pays des Chi-
mères, à un bijou, un meuble, un nœud de ruban, en
dehors de ceux que la loi impose et que l'administration
fournit.
6" L'erreur des vieux moralistes, disait pertinemment
notre 'S'aganopolitain, consiste toute entière dans une
distinction qui échappait à la médiocrité de leur intelli-
gence.
7° Cependant que M. Gambetta allait, venait, comme s'il
eût repoussé les .\llemands, respecté la loi et la France,
quelques hommes étaient menacés, inquiétés, accusés.
8* Les journaux qui s'efforcent avec toutes sortes de
lamentations ingénues, d'enrayer le mouvement qu'ils ont
provoqué, auraient mieux à faire qu'à dépenser leur temps
en regrets stériles.
9° Espérons que les royalistes se repentent, et que, dés
la rentrée, ils s'uniront aux républicains pour obtenir que
l'on rapporte tous les décrets relatifs à l'état de siège.
10» On y voyait un soldat, le fusil en bandoulière, la
giberne au côté et s'appuyant sur une bêche mi-enfoncée
dans la terre.
11» La femme, qui paraissait vingt-six ans, et en avait
peut-être trente, ne broncha pas sous l'investigation d'ail-
leurs timide de l'homme.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Claude LANCELOT
{.Suite.)
Des lettres considérées comme caractères. — Les
lettres peuvent être considérées de deux manières, ou
comme signifiant. simplement le son, ou comme nous
aidant à concevoir ce que le son signifie.
Considérées de la première manière , les lettres
requièrent quatre choses pour leur perfection : i" que
toute figure marque quelque son ; 2" que tout son soit
marqué par une figure ; 3° que chaque figure ne marque
qu'un son, simple ou double; 4" qu'un même son ne
soit point marqué par diflérentes figures.
Mais,enregardanllescaractères de la seconde manière,
on trouve qu'il nous est quelquefois avantageux que
ces règles ne soient pas toujours observées, au moins
la première et la dernière; car il arrive souvent, sur-
tout dans les langues dérivées d'autres langues, qu'il y
a certaines lettres qui ne se prononcent point, et qui ne
laissent pas de nous servir pour l'intelligence de ce que
les mots signifient. Par exemple, dans les mots champs
el chants, lepetlef, quoique n'étant pas prononcés,
nous. apprennent que le premier vient du latin, campi,
et le second du latin cantus.
Dans l'hébreu même, il y a des mots qui ne diffèrent
que parce que l'un finit par un aleph, et l'autre par un
he, qui ne se prononcent point.
Ceux qui se plaignent tant de ce qu'on écrit autre-
ment qu'on ne prononce, n'ont pas toujours grande-
ment raison, et cequ'ils appellcntabus n'est pas toujours
sans utilité.
La différence des grandes et des petites lettres semble
contraire aussi à la 4e règle énoncée plus haut, d'autant
plus que les Anciens n'avaient pas cette difTérence,
que les Hébreux ne l'ont point encore, et que plusieurs
pensent que les Grecs et les Romains ont été longtemps
à n'écrire qu'en lettres capitales. Néanmoins c'est une
distinction fort utile pour commencer les périodes
et pour distinguer les noms propres des noms com-
muns.
11 y a aussi dans une même langue différentes sortes
d'écritures, comme le romain et l'italique dans l'im-
pression, du latin et de plusieurs langues vulgaires
(1660), écritures qui peuvent être utilement employées
pour le sens en distinguant certains mots ou certains
discours, quoique cela ne change rien dans la pronon-
ciation.
86
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Voilà ce qu'on peut dire pour excuser les différences
qui se trouvent souvent entre la prononciation et l'écri-
ture, ce qui n'empêche pas que plusieurs d'entre elles
ne soient faites sans raison ; car n'est-ce pas un abus
que d'avoir donné au c la prononciation de l's, d'avoir
prononcé autrement le g devant a que devant e, d'avoir
adouci Vs entre deux voyelles, d'avoir donné au t suivi
d'un / le son de .« ?
Quelques-uns se sont imaginé qu'ils pourraient cor-
- riger ces défauts dans ies langues vulgaires, en inven-
tant de nouveaux caractères ; mais ils auraient dû
considérer qu'ils tentaient une chose impossible, car il
ne faut pas croire qu'il soit facile de faire changer à
toute une nation les caractères dont elle a depuis long-
temps l'habitude : l'empereur Claude ne put même pas
réussir à en introduire un nouveau qu'il voulait mettre
en usage.
Tout ce que l'on pourrait faire de plus raisonnable,
ce serait de retrancher les lettres qui ne servent à rien,
ni à la prononciation, ni au sens, ni à l'analogie des
langues, comme on a déjà commencé à le faire.
D'une noui-elle manière pour apprendre à lire facile-
ment dans toutes les langues. — La plus grande diffi-
culté pour apprendre à lire, c'est incontestablement
d'assembler les lettres.
Or, ce qui rend cet assemblage difûcile, c'est que
chaque lettre ayant un nom propre, on la prononce tout
autrement en l'assemblant avec d'autres. Par exemple,
si l'on fait assembler /"/-y, à un enfant, on lui fait pro-
noncer ef,ère,y grec, ce qui l'embrouille infailliblement
lorsqu'il veut ensuite joindre ces trois lettres pour faire
le son de la syllabe fnj.
11 semble donc que la voie la plus naturelle, pour
ceux qui montrent à lire, comme du reste quelques
personnes d'esprit l'ont déjà remarqué, serait celle-ci :
Qu'ils n'apprissent d'abord aux enfants à connaître
les lettres que par le nom de leur prononciation, et
qu'ainsi, pour apprendre à lire en latin, par exemple,
on ne donnât que le même son d'e à \'e simple, à l'a?, à
l'œ, puisqu'on les prononce d'une même façon ; et de
même à \'i et à l'y grec, et encore à Yo et à Vau, selon
qu'on les prononce aujourd'hui en France, car les
Italiens fontl'au diphthongue;
Qu'on ne leur nommât aussi les consonnes que par
leur son naturel, en y joignant seulement \'e muet, qui
est nécessaire pour les prononcer; par exemple, qu'on
donnât pour nom à 6 ce qu'on prononce dans la der-
nière syllabe de tombe, à d ce qu'il fait entendre dans
la dernière syllabe de ronde, et ainsi des autres lettres
qui ont un son unique ;
Que, pour celles qui en ont plusieurs, comme c, g.
t, s, on les appelât par le son le plus naturel et le
plus ordinaire, qui est pour c le son de que, et pour g
le son de gue, pour t la dernière syllabe de forte, et
pour \'s le son de la finale de bourse;
Qu'ensuite, on leur apprit à prononcer à part et sans
épeler, les syllabes ce, ci, gi, ge, tia, tie, tii, et que s
entre deux voyelles sonne comme uns, miser/a, misère,
comme s'il y avait mizeria, mizère.
Telles sont les observations les plus générales sur
cette méthode de lecture. Mais pour la présenter dans
toute sa perfection, il faudrait faire un petit traité spécial
où l'on pourrait consigner les remarques nécessaires
pour l'adapter à toutes les langues.
SECONDE PARTIE.
Après avoir montré que la connaissance de ce qui se
passe dans notre esprit est nécessaire pour comprendre
les principes de la grammaire, et que c'est de là que
dépend la diversité des mots qui composent le discours,
Lancelot traite des matières suivantes :
Des substantifs et des adjectifs. — Les objets de nos
pensées sont ou les choses, comme la terre, le soleil,
etc. (substances), ou la manière des choses comme
d'être dur, rond, rouge, elc. (accidents).
C'est ce qui a fait la principale différence entre
les noms; ceux qui signifient les substances ont été
appelés noms substantifs, et ceux qui en signifient les
accidents, noms adjectifs.
En ajoutant aux mots qui signifient des substances
la signification confuse d'une chose à laquelle ces subs-
tances se rapportent, on en fait des adjectifs ; ainsi
d'homme on a fait humain.
Les Grecs et les Latins ont une infinité de ces mots,
ferreus, aureus, bovinus, vitulinus, etc. Mais l'hébreu,
le français et les autres langues vulgaires en ont moins :
le français emploie à leur place le substantif précédé
de la préposition de, il dit d'or, de fer, de bœuf, etc.
Lorsque d'un adjectif formé d'un substantif on fait
un nouveau substantif, ce dernier s'appelle abstrait,
séparé. Wnû homme ayant fait humain, on fait de ce
dernier le substantif abstrait /(!<Mart;ïe'.
Il y a une espèce d'adjectifs qui passent pour sub-
stantifs, comme roi, philosophe, peintre, soldat, etc., et
cela, parce quene pouvant avoir pour sujet que l'homme
seul, du moins pour l'ordinaire, et selon la première
imposition des noms, ils peuvent s'employer sans
accompagner un substantif.
Des tioms propres et appellatifs. — Nous avons deux
sortes d'idées, les unes qui ne nous représentent qu'une
seule chose, les autres qui nous en représentent plu-
sieurs semblables, et auxquelles cette idée peut égale-
ment convenir, comme l'idée qu'on a d'un homme en
général, d'un cheval en général, etc.
Les hommes ont besoin de noms différents pour ces
deux dilTérentes sortes d'idées.
Ils ont appelé noms propres ceux qui conviennent aux
idées singulières, comme le nom de Socrate, et le nom
de Paris; et ils ont appelé noms appellatifs ceux qui
signifient des idées communes, comme le mot homme,
qui convient à tous les hommes.
A la vérité, il arrive souvent que le mot propre con-
vient à plusieurs, comme Pierre, Jean, mais ce n'est
que par accident.
{La suite au prochain numéro.)
Le Rédactece-Gériim : Emam MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
87
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Une méprise du cœur; par Edmond Arnous-Rivière.
In-18 Jésus, iv-3i3 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
L'Art du XVIII' siècle; par Edmond et Jules de
Goucourt. Notules, additions, errata, précodés du titre et
de la préface du livre. Livraison contenant quatre eaux-
fortes. In-ù', iv-67 p. Paris, lib. Dentu. 20 fr.
Gustave Paturot. In-18 Jésus. 321 p. et grav. Paris,
lib. Sartorius. 3 fr.
Du Pape; par le comte Joseph de Maistre. In-12,
il2 p. Paris, lib. Téqui. 2 fr.
Les Quatre campagnes militaires de 1874. Les
Japonais à Formose. Les Français au Tonkin. Les
Anglais à la Côte-d'or. Les Hollandais à Sumatra,
suivi de la Traite des coulies à Macao ; par Edmond
Plauchut. In-18 Jésus, 353 p. Paris, lib. Michel Lévy.
3 fr. 50.
Le Navire fantôme. Voyage du Van-Diémen,
navire hollandais, dans une tle d'anthropophages ;
par William d'Arville. 2'= édition, augmentée. In-8»,
240 p. Limoges, lib. E. Ardant et Cie.
Nouvelle grammaire française sur un plan neuf,
méthodique et essentieilement pratique, divisée en
deux parties : l" Eléments et orthographe; 2° Syntaxe;
par Abel Fabre, 8= édition, In-12, vm-132 p. Lyon,
lib. Gay.
Les Grands hommes de la France. Marins; par
Edouard Gœpp, chef de bureau au ministère de l'instruc-
tion publique, et Henri de Mannoury d'Ectot, ancien
capitaine au long cours. Duquesne. Tourville. In-8°,
394 p. et 2 port. Paris, lib. Ducrocq. 4 fr.
L'Homme selon la science, son passé, son présent,
son avenir, ou D'où venons-nous? qui sommes-
nous? où allons-nous? Exposé très-simple d'un grand
nombre d'éclaircissements et remarques scientifiques;
par le docteur Louis Biichner, auteur de Force et Matière.
Traduit de l'allemand par le docteur Ch. Letourneau.
Orné de nombreuses gravures sur bois, 3» partie. Où
allons-nous? In-8', 307-442 p. Paris, lib. Reiuwald et Cie.
Les Mille et une nuits parisiennes. IV. La Dame
aux diamants. Morte de peur. Les Sacrifiées, etc.;
par Arsène Houssaye. In-8°. 388 p. Paris, lib. Dentu.
5 fr.
Carmen. Arsène Guillot. L'Abbé Aubain. La
Dame de pique. Les Bohémiens. Le Hussard. Nico-
las Gogol; par Prosper Mérimée, de l'Académie fran-
çaise. 9« édition. In-18 Jésus, 363 p. Paris, lib. Michel
Lévy frères. 3 fr. 50.
Le Secret de Mlle Chagnier; par Louis Ulbach. In-
18 Jésus, 321 p. Paris, lib. Michel Lévy frèreS, 3 fr. 50.
Les Grands guerriers des Croisades; par M. Bes-
cherelle aine. Augmenté d'un Précis historique des
croisades. In-8", 240 p. et gr. Limoges, lib. E. Ardant
et Cie.
Histoire du règne de Louis XIV; récits et ta-
bleaux; par M. Casimir GaiUardin. professeur d'histoire
au lycée Louis-le-Grand. 3' partie. La Décadence. Guerre
de la seconde coalition et de la succession d'Espagne.
T. 5. In-8°. 650 p. Paris, lib. Lecofifre et fils et Cie.
Plus ça change...; par Alphonse Karr. In-18 Jésus,
304 p. Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon
Lescaut; par l'abbé Prévost. Petit in-12, xvi-239 p. Paris,
lib. Delarue. 1 fr.
Publications antérieures :
VERCINGÉTORIX ET L'INDÉPENDANCE GAULOISE.
— Religion et institutions celtiques. — Par Francis
MoNMEB. — Deuxième édition augmentée. — Paris .
librairie académique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35,
quai des Augustins. — Prix : 2 francs.
HISTOIRE D'ANGLETERRE DEPUIS LES TEMPS LES
PLUS RECULÉS. — Par A.nto.mx Rochç, Directeur de
V EducaUonal Inslilute de Londres, chevalier de la Légion
d'honneur — 2 vol. avec cartes historiques. — Ouvrage
approuvé par le Conseil supérieur de l'instruction pu-
blique. — W édition, entièrement refondue. — Paris,
librairie Ch. Delagrave, 58, rue des Ecoles.
MON VOYAGE AU PAYS DES CHIMÈRES. — Par Anto-
NiN- Rondelet, professeur honoraire de faculté. — Paris,
librairie académique Didier et Cie, libraires-éditeurs,
33, Quai des Augustins. — Prix : 3 fr. 50.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par E.MAN Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE CONTEMPORAINE EN
RUSSIE. — Par C. CoiRBiiinE. — Paris, Charpentier et Cie,
libraires-éditeurs, 28. quai du Louvre. — Prix : 3 fr. 50.
SAINT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallon,
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hac/ielte et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
FROMONT JEUNE ET RISLER AINE. — Mœurs pari-
siennes. — Par Alphonse D.vudet. — Septième édition. —
Paris, Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du
Louvre.
88
LE COURRIER DE VAUGELAS.
LA LITTÉRATURE FRANÇAISE depuis la fobmatiox de
i.A LANGUE jusqu'à NOS JOURS. — Lectuies choisies. — Par
le lieutenant-colonel Staaff, officier de la Légion d'hon-
neur et de rinstnictiorf publique en France. — Ou\rage
désigné comme prix aux concours généraux de 1868 à
1872; adopté et recommandé par la commission des
Bibliothèques de quartier, etc., etc. — Quatrième édition.
— Six volumes du prix de /i à 5 francs chacun. — Paris,
à la librairie académique Didier et Cie, 35, quai des
Grands-Augustins. et à la librairie classique de Ch. Delà-
grave et Cie, S8, rue des Ecoles.
LE DIT DES RUES DE PARIS (1300). — Par Guillot
(de Paris). — Avec préface, notes et glossaire. — Par
Edgar Mareuse. — Suivi d'un plan de Paris sous Philippe-
le-Bel. — Paris, Librairie générale, 72, boulevard Hauss-
mann.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la li" et la 5<= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La l"-«, la 2« el la 3" année doivent être pro-
chainement réimprimées .
ECHOS, CHOIX DE POÉSIES. — Par le pasteur A. Esche-
NAUER. — Un joli volume elzévirien, où l'on trouvera
entre autres une pièce souvent signalée sur le Bombar-
dement de Strasbourg. — Paris, librairie Sandoz el Fish-
bâcher, 33, rue de Seine.
ŒUVRES DE VADÉ, précédées d'une notice sur la vie
et les œuvres de Vadé. — Par Julien Lemer. — Paris,
Garnier frères, libraires-éditeurs, 6, rue des Saints-Pères.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L'.Ac.vDÉ.MiE DE LA ROCHELLE (sectiou littéraire) vient d'ouvrir aux sonnettistes un concours, dont le prix, une
médaille d'argent, sera décerné en séance publique, dans le courant de décembre prochain. — Deux médailles de
bronze pourront en outre être accordées, s'il y a lieu. — Le choix des sujets est laissé à la volonté des candidats.
La forme seule est obligatoire : celle du, sonnet dans toute la rigueur de ses rimes, mais avec toute liberté pour
■ l'ordre des stances. — Les pièces signées ou non inédites seront exclues du Concours. — Chaque envoi portera une
devise qui- devra être reproduite à l'intérieur d'un billet cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur. — Le
Concours sera clos le 15 octobre )S75, dernier terme auquel les sonnets devront être remisa M. Paul Gandin, Secré-
taire de l'Académie, 29, rue Dupaty, à la Rochelle.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
rinslitut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent p.irvenir francs de port. — Les manuscrits
perleront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cours, mais les auteur; pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Le quinzième concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 1875 ; douze médailles, or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrance,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux, Gironde — {Affranchir).
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. — Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; ie 2' prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3<' prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le 1" juin 1876.
La Société d'encour.^gement au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher et développer
les mogens les plus prompts et les pins efficaces d'améliorer la moralité comme le bien-être de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, Secrétaire-général, 2, rue Brochant, aux Batignolles
(Paris), avant le 31 décembre 1875.
La Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne publie le programme des concours de 1876-
1877. Voici celui de littérature et de poésie. La Société propose pour cette année 1876 une médaille d'or de la valeur
de 200 fr. il la mrilleure œuvre de poésie lyriiiue (ode, poème, stances, etc.); une médaille d'argent de la valeur
de 100 fr. il la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la valeur de 50 fr.
au meilleur groupe de trois sonnets. — • Toutes demandes de renseignements devront être adressées au Secrétaire
de la Société, îi Montauban.
Académie des lettres de Rouen. — Prix à décerner en 1877 pour un conte en vers de 100 vers au moins.
S'adresser au Secrétaire-perpétuel, M. Julien Loth.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à vne heure et demie.
IiuprimerieGOUVERMUiri, G. DMU'KLEV ;\ Nogeul-le-Rotrou.
e« Année
N» 12.
15 Octobre 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^
;,-a^\îiï^ DE VAlffyj,;
A \ yv-^ Journal Semi-}Iensuel ^O/ /
^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE ^>( f
ÇAISE
Paraissant le 1" et le 15 de chaque mola
{Dans sa séance du \1 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prijc Lambert à cette publication.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
Abonnement pour la France. 6 f .
PROFESSEUR SpÉaAL POUR LES ÉTRANGERS
On les prend en s'adressant, soit
Idem pour l'Étranger 10 f.
Officier d'AcaJémie
directement au Rédacteur du jour-
Annonces, la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à, Paris.
nal, soit à un libraire quelconque.
SOMMAIRE.
Communication au sujet de Ouate; — Etymologie de l'adjectif
Sot: — Comment Nicodéme en est venu à signifier imbécile;
— Explication de Garde montante. Garde descendante. — Ori-
gine de Cornichon appliqué à celui qui fait une sottise |! D'où
ïient le proverbe Point d'argent, point de Suisse; — Si Sou-
ventes fois est bien français ; — S'il faut dire Virer de bord ou
Virer le bord || Passe-temps grammatical 1 Suite de la bio-
graphie He Claude Laneelot || Ouvrages de grammaire et de
littérature || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATION.
L'abonné qui m'avait demandé si la non aspiration
de Vou dans ouate n'était pas plutôt due à l'étymologie
qu'à l'analogie, vient de m'adresser la lettre suivante
au sujet de la réponse que je lui ai faite :
Rouen, le 17 septembre 1875.
Monsieur,
Je vous remercie de l'empressement que vous avez mis
à répondre à une question que j'avais eu l'honneur de
vous poser à propos de l'aspiration dans le mot ouate.
Vous aviez conclu précédemment (numéro du 15 juin)
que « l'ouate, qui est tout aussi usité que la ouate, avait,
» sur ce dernier, l'avantage d'être plus conforme à l'ana-
• logie. »
Sans repousser votre conclusion, je vous avais demandé,
à mon tour, si f pour justifier l'ouate on ne pourrait
< pas aussi bien invoquer l'étymologie •, puisque quelques
annotateurs faisaient dériver le mot ouate du mot ouetle,
employé anciennement pourojsoii.
Je n'en étais pas bien sûr, et j'ai fait à vos lumières un
appel qui a été entendu (numéro du 1" septembre).
Votre rapprochement du mot ouate avec celui qui sert à
exprimer la même idée dans les langues de l'Europe occi-
dentale est un argument ((ui m'a paru sérieux et con-
vaincant. 11 prouve bien que la forme primitive de ce
mot est ouate, puisque l'a a été conservé dans tous les
mots similaires des langues étrangères, et l'on ne s'é-
loignerait peut-être pas beaucoup de la vérité en avançant
que ce mot leur a servi de type unique, d'après lequel
elles ont formé ou calqué les mots que vous citez.
Mais, tout en admettant votre principe de l'analogie et
votre réfutation touchant l'étymologie, je vous demanderai
la permission de vous adresser quelques remarques com-
plémentaires ou secondaires soit sur votre principe, soit
sur votre réfutation.
En traitant de l'aspiration vous dites que « l'ouate est
aussi usité que la ouate. • Il est possible qu'il en soit ainsi
aujourd'hui; mais, autrefois, il est certain que l'ouate était
l'exception. On lit, en effet, dans le Dictionnaire de Trévoux,
nouvelle édition, 1743 : » Remarquez qu'on écrit et qu'on
prononce de la ouate, quoique quelques-uns disent et
écrivent de l'ouate. L'Acad. •
L'aspiration n'était donc, au xvii' siècle, d'après l'Acadé-
mie, que le fait de quelques-uiis ; le plus grand nombre ne
l'admettait pas. Aujourd'hui, il y a partage égal, suivant
vous. Encore quelques années, et l'exception d'autrefois
deviendra la règle de l'avenir.
C'est une variation dans les lois du langage qu'il n'était
peut-être pas sans intérêt de signaler.
Votre second article (1" septembre), qui traite de la
question étymologique, porte : « Je conçois que l'auteur
» de cette communication, qui habite Rouen, capitale d'une
j ancienne province où l'on prononce ouette, ait pensé,
» comme La Monnoye, qui était de Dijon, capitale d'une
» autre ancienne province où l'on prononçait de même en
» écrivant ouaite, que le mot ouate vient de oile, nom que
» l'on donnait autrefois aux oies. »
Je n'oserais pas affirmer que l'on ne rencontre pas, en
Normandie, la prononciation défectueu.se que vous signa-
lez; mais, fi elle existe, ce n'est qu'à l'état d'exception, et
ce n'est point par un défaut particulier à cette province,
ni à Rouen, sa capitale. L'exemple lui en avait été donné
par rile-ile-France, par Pans lui-même, au dire des auteurs
du Dic^nnnnire rie Trévoux : « Plusieurs aussi prononcent
oncte; et il est » vrai qu'à Paris on dit, un jupon ouété,
» une robe de chambre ouétée : non ouatée. » Le mot était
même encore assez usité en 1743, pour être conservé sous
la forme ouete et ouété, avec un renvoi à ouate, dans ce
même dictionnaire. Il fjut remarquerqu alors on n'écrivait
plus ouette, mais nuete, ce qui enlevait à ce mot sa forme
ancienne d'un diminutif.
La définition qui suit du mot ouate est incomplète : " La
» ouate est du coton que l'industrie a substitué au produit
» naturel de l'apocyn (en langage scientifique, Asclepias
t sijriaca), plante originaire de Syrie, d'Egypte, d'Asie
». mineure, quand le coton fut devenu commun en Europe,
« c'est-à-dire au xvii' siècle. » Il y a^ait encore un autre
90
LE COURRIER DE VAUGELAS.
produit qui portait le nom de ouale, comme nous l'apprend
le même dictionnaire.
(t Ouate, s. f. C'est, en sa propre signification, une
» espèce de coton qui croît autour de q'uelque fruit d'Orient ;
« mais en France, c'est le premier vêtement, ou la pre-
» mière soie qui se trouve sur la coque du ver à soie.
» Tomenium xijUnum, Gossipium. On la fait bouillir, et
1 quand elle est cuite, on en fait la ouate, dont on se sert
> pour mettre dans les doublures des robes de chambre. »
Voilà une troisième espèce de ouate qu'il faut placer
entre le produit naturel de l'Orient et la ouate de coton
faite à son imitation.
Enfin, en recourant au passage de Rabelais, bien indiqué
par le Dictionnaire de Trévoux, iiv. I (et non IV), ch. 13,
on voit qu'il n'y est nullement question de ouate, ce qui
prouve, comme vous le disiez, d'après. Le Duchat annotant
le Dictionnaire étymologique de Ménage, que c'était « un mot
nouveau. »
Rabelais parle « d'un oyzon bien dumeiè, et il viinte
« la douceur d'icelluy dumet », nous donnant ainsi l'éty-
mologle de notre mot duvet, qu'on ne ferait pas dériver
tout d'abord, du latin dumetum, buisson.
Dans ces quelques remarques, destinées à compléter bien
faiblement vos doctes travaux, veuillez voir, Monsieur, une
nouvelle preuve de tout l'intérêt que j'y prends.
F. H.
Que le savant auteur de celle communication veuille
bien recevoir ici mes plus sincères remerciements, et
continuer longtemps à ma modeste feuille l'envoi de
ses excellentes remarques.
X
Première Question.
// est bien étramje que le mot sor, si important dans
notre langue et dans notre imys, liait pas d'origine
certaine. Qu'est-ce que le latin sottds? D'oii peuvent
î)enir ces trois lettres qui, par leur assemblage., signi-
fient tant de choses et désignent tant de gens?
Les adjectifs latins slultus et stolidîis, qui signifient
tous deux dénué de jugement, qui n'a point de raison,
niais, inepte, stupi.de, n'ont point donné l'adjectif so<
en français; en verlu de la règle qui mettait, dans l'an-
cien temps, un e devant l'initiale st, pour faire un mot
de noire langue, ces adjectifs ont fourni estait, estons,
estout, avec leurs dérivés estoutie, estoidement, estou-
tir, ce dont voici quelques exemples :
Qui moult estoit fel et estons.
,(-Rom. de la VioleUe, p. 2l4, )
Ysengrins fist un poi Vextoul,
Mais li Rois la les apaisa.
(Rennrd. vol. I, vers 8597-)
Et od ço qu'il est si estais,
Com il purest humles et dousl
{Ptirtonopeus, comte ds BtoU, vers 27^4!)
Uuanl ;i sottus, loin d'être l'origine de sot, il en est,
au contraire, le dérivé en latin du mojen-âge, fait
qu'établit parfaitement l'anecdolc suivante, raconlcepar
Génin [Introd. à la chuns. de Roland, xi.ix) :
Voici un calembour de Théodulfe, évoque d'Orléans,
mort en 8îl. Dans une pièce de vers adressée à Charle-
magne, par conséquent antérieure à8li,révùquo d'Orléans
plaisante aux dépens d'un certain Théodore Scot. Voulez-
vous, dit-il A l'empereur, savoir ce (|ue c'est que Scot?
Supprimez la seconde lettre de son nom; ce nom ainsi
réduit vous dira la valeur de Thonuno : quud somit hoc et
erit, c'est-à-dire un set. Or, sottus n'est pas un mot d'ori-
gine latine; c'est toujours du latin moulé sur le français.
Mais si notre adjectif sot n'est pas tiré du latin, d'où
peut-il venir?
Chose remarquable, et peut-être encore peu remar-
quée! Sous des formes diverses, il est vrai, mais tou-
jours avec le sens d'imbécile qu'il a chez nous, .«of se
rencontre dans l'idiome de la plupart des pays où les
peuples de la Germanie s'établirent pendant la période
des grandes invasions qui se terminèrent avec celles
des Normands. Ainsi il se trouve :
r En anglais [sot, sotis/i). — Au vi^ siècle, les
Angles, peuple de la Germanie qui habitait la partie
orientale du Holstein et peut-être aussi le Sleswig,
passèrent en Bretagne, où ils établirent trois royaumes.
2° En anglo-saxon [sot, sootli, soote). — Les Saxons,
peu civilisés et grands pirates comme leurs voisins les
Danois, commencèrent, en 449, à passer dans la Bre-
tagne, où ils fondèrent quatre étals.
3" En hollandais \zot]. — Après une victoire san-
glante remportée par Charles-Martel sur les Frisons,
eu 730, les trois tribus qui occupaient la Hollande,
passèrent au pouvoir des Francs, peuple aussi d'origine
germanique.
4° En wallon [so, sott). — C'est par les pays où se
parle cette langue que les Francs commencèrent la con-
quête des Gaules.
a" En picard [sot). — La Picardie fut conquise par
Clodion, chef des Francs, et depuis lors, elle fit partie
du royaume d'Austrasie.
6° En français [sot]. — Les Francs, confédération
des Germains du N. 0., devinrent sous Clovis le peuple
dominant de la Gaule, et formèrent plusieurs petits
royaumes dans ce pays, qui prit d'eux le nom de
France.
7° En espagnol et en portugais [zot). — Les Wisi-
goths, peuple également d'origine .germanique, après
s'être emparés de la France jusqu'à la Loire, et du nord
de l'Espagne, conquirent complètement la péninsule
Ibérique en 621, et la possédèrent jusqu'à l'arrivée des
Arabes (710).
Or, comme le fait d'un terme commun à des langues
différentes ne peut s'expliquer, il me semble, qu'en
admettant l'introduction de ce terme par un peuple
ayant conquis autrefois les pays où se parlent lesdites
langues, je crois pouvoir en inférer que sot vient de
l'allemand antérieur au ix° siècle, c'est-à-dire du
teuton ou ludesque.
Au moment d'envoyer ce numéro à l'imprimeur, je
trouve dans le Vocabulaire de haut-allemand au
moyen-dge par Bencckc et Millier, .lot, soie, ox[iliqué
par le français sot, et suivi de plusieurs citations dont
la suivante a été recueillie dans les Minnesingers (I,
25):
Ich bin ir sot.
Cette découverte de la dernière heure, pour me
servir d'une expression souvent rencontrée dans nos
journaux politiques, corrobore évidemment l'opinion
que j'ai émise plus haut.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
91
X
Seconde Question.
Pourquoi, (latis le langage familier, dit-on en
parlant d'un homme niais, simple, borné, que c'est rs
sicoDÈME? Tous mes remerciements d'avance pour votre
explication.
Le nom de Nicodème, formé de deux mots grecs,
v'.y.ati), je vaincs, et cr,;j.:ç, peuple, exprime une idée
très-noble dans la langue d'oii il est tiré. Pourquoi en
offre-t-il donc une si dilTérente dans la nôtre?
Des étymologisles au nombre desquels se trouve
M. Liltré' ont pensé que c'était à cause de 7iice et de
nigaud, qui ont, pour l'oreille, une certaine analogie
avec les deux premières svllabes de ce mot; mais je
crois qu'ils se sont trompés.
Dans le Mistcre de la passion de nostre Seigneur
Jhesucrist imprimé en gothique, et sans ponctuation ni
date, on trouve, au feuillet xx.wui, racontée ainsi
qu'il suit la conversation de Jésus et de Nicodème
quand celui-ci, frappé des miracles du Sauveur, vient
nuitamment le trouver pour se convertir à sa doctrine :
NiCODÈMR.
Ceey mest bien tort a scavoir
Qui! faille ung homme ne renaistre
Je vous pry declairez moy maistre
Comme peuli naistre ung bomme ancien
Est il possible que au gre sien
Dedans les flans de sa mère entre
Et naisse encore de son ventre
Ce seroit faict plus fort que cliarme.
Jeshs.
Certes je te dis et afferme
Qui régénère ne sera
De leaue qui le lavera
En la vertu du saincl esperit
Lequel sera'baptesme dit
Jamais ne pourra pour certain
Avoir part au règne haultain.
Nicodème.
Je ne vous entens point.
Jésus.
Comment
Tu es docteur en Israël
Et maistre en la loy solempnel
Qui entens bien les eseriptures
Dis je parolles si obscures
Que tu ne les peulx pas comprendre.
Nicodème.
Voicy doctrine la plus belle
Que jamais on peult recepvoir
Voicy doctrine solempnelle
La meilleure quon puisse avoir
Autre je ne quiers recepvoir
Je y vueil adhérer a jamais
Et faire si bien mon debvoir
Que je ne loublie jamais
Vostre disciple je me rends...
Or-, pour qui sait combien les Mystères iavtni popu-
laires au moyen-àge (on les i-epréscntait dans les églises; ,
il est évident que c'est le rôle joué par Nicodème
dans la scène que je viens de reproduire en partie, qui
a fait prendre son magnifique nom vainqueur des
peuples) dans le sens de niais, d'imbécile, d homme
simple, borné, qu'il a conservé dans la langue familière
de nos jours.
A Nicodème, on ajoule quelquefoisrfans la lune. C'est
une allusion à un personnage d'une pièce du Cousin
Jacques intitulée : « Nicodème dans la lune, ou la révo-
lution pacifique, folie en prose et en trois actes », et
qui fut représentée pour la cinquantième fois, à Paris,
le lundi 21 février 1791.
X
Troisième Question.
Quelle est l'origine des expressions garde mo.maxte,
GARDE descendante, quc l'on emploie souvent sans qu'il
y ait à monter pour la troupe qui prend la garde, ou à
descendre pour celle qui la quitte ?
Il arrive quelquefois qu'on peut être mis sur la voie
de l'explication d'une expression française en vo-
janl la manière dont elle est rendue dans les langues
des peuples voisins. Mais ce ne peut être ici le cas; ces
langues disent toutes comme la nôtre, monter la garde
et descendre la garde (italien : montare la guardia,
Smontare la guardia; espagnol : montar la guardia,
bajar la guardia; allemand : au f die icar/ie' sie/ten,
von der icache abiiehen; anglais : to go upon guard,
corne off the guard], et cela, je crois, parce qu'à une
certaine époque, tous les peuples qui parlent ces langues
ont généralement adopté nos termes militaires.
Les expressions dont il s'agit doivent donc trouver
leur explication dans le français lui-même, et, à mon
avis, voici comment :
A l'époque de la féodalité, la France se hérissa de
châteaux-forts, les uns construits à mi-côte pour avoir
l'avantage de l'élévation et de la proximité de l'eau ; les
autres, au sommet d'un rocher, ou en rase campagne
pour dominer une vallée, le passage d'une rivière.
Or, comme il y avait toujours plus ou moins à
monter pour les soldats qui gardaienlsur les murailles
de ces châteaux, on a dit de ceux qui devaient prendre
le service de la surveillance qu'ils allaient monter la
garde, et de ceux qui le quittaient, qu'ils descendaient
la garde; puis ces façons de parler conduisirent
naturellement à garde montante, pour désigner la
troupe allant prendre ou faisant le service, et à garde
descendante, pour désigner celle qui le quittait, deux
expressions dont, avec le temps, on a fini par faire
usage sans avoir égard à la situation du lieu où la
garde se tenait.
Si cette explication n'est pas entièrement satisfai-
sante, j'espère que parmi les militaires abonnés au
Courrier de Vaugelas il se trouvera quelqu'un pour
m'en proposer une qui le soit davantage.
X
Quatrième Question.
Je vous serais reconnaissant de me faire connaître,
dans un des prochains numéros de votre courrier,
92
LE COURRIER DE VAUGELAS.
quelle est votre opinion sur l'origine de la qualification
de CORNICHON, appliquée à quelqu'un qui commet une
sottise.
Au temps d'Homère, si l'on en croit M. Francisque
Micliel {Dict. d'argot, p. 265, col. \), Tiiersile se
moquait des Grecs en les appelant zotov:;, qualification
qui signifie concombres mûrs.
D'un autre côté, Génin nous apprend (Récréât,
philol. vol. I, p. 29-5) que, chez les Latins, le champi-
gnon, fungus, servait à une semblable métaphore
méprisante :
Tanti est quanti fungus putidus (Plaute). — (J'en fais
autant de cas que d'un ctiampignon pourri.)
Or, notre 'langue, obéissant probablement comme
celles des peuples que je viens de nommer à la tendance
qui semble pousser aux assimilations végétales pour
exprimer la nullité de l'expérience, du jugement ou de
l'esprit, a employé cornichon (je pourrais dire aussi
melon) pour qualifier familièrement un homme chez
qui Ton remarque cette nullité.
ÉTRANGER
Première Question.
Voudriez- l'ous bien me dire quelle est l'origine de
cette expression, que l'on trouve dans les plaideurs de
Racine : point d'argent, point de sdisse, et que je sais
être proverbiale en français ?
Après la conclusion de la paix qui suivit la célèbre
victoire remportée par François I" à Marignan, les
Suisses guerroyèrent plusieurs années en Italie afin d'y
défendre, au profil de la France, cette même Lombardie
qu'ils avaient perdue en combattant contre nous.
Mais leurs troupes étaient fort exigeantes; il fallait
les payer avec la plus grande régularité, ou s'exposer à
les voir immédiatement rompre leur engagement. Qu'on
en juge par ces lignes, empruntées aux Mémoires deDu
Bellay, p. 318, où il s'agit de la campagne de 1522,
commandée par le maréchal de Laulree :
Quelques jours après, estant le seigneur de Lautrec à
Monchp, vindrent devers luy les capitaines des Suisses, qui
luy firent entendre que les compagnons estoient ennuyez
de campeger, et qu'ils demandoient de trois ctioses l'une,
argent, ou congé d'eux retirer, ou bien qu'il eust à les
mener au conabat promptement, sans plus temporiser. Le
seigneur de Lautrec, le bastard de Savoye elle mareschal
de Cbabannes les prièrent d'avoir patience pour quekiues
jours, parce ([u'ils espéroient vaincre leurs ennemys sans
combattre, ou, pour le moins, les combattre à leur avan-
tage, pstans leurs ennemys contraints d'abandonner leur
fort par famine, et que de 1rs aller assaillir dedans leur
fort, c'estoit faict contre toutes les raisons de la guerre.
Mais quel(|ues renionstrances qu'ils leur pussent faire,
jamais n'y eut onlre de les divertir de leur opinion, et
tousjours persistèrent d'aller au combat; autrement, le
lendemain, ils estoient délibérés do leur en aller.
Ce fut cet esprit intéressé des Suisses qui, probable-
ment après que leur abandon de la partie nous eut l'ait
perdre le duché de .Milan, donna lieu chez nos soldats
à l'expression point d'argent, point de Suisse, expres-
sion voulant dire qu'on n'a rien sans argent, et qui
nous est restée depuis comme proverbe.
X
Seconde Question,
Dans un article du rappel intitulé : zigzags dans
PARIS, je trouve la phrase suivante : « Oui, j'ai sor-
VENTEs fois admiré votre courage obstiné ». Est-ce que
ce mot est bien français ?
Dès l'origine dç la langue, le mot souvent, qui vient
du latin sub inde, aussitôt que, de fois à autre (en
vertu de la transmutation des lettres : u = ou;
b =: v; d = l), s'est employé, ainsi que l'italien sovente,
et comme adverbe (souvent), et comme adjectif (sou-
vente), emploi qui avait surtout lieu devant fois :
Et de le tençon vient laide parole, et de le parole mellée,
por le quele aucuns reçoit mort soucenles fois.
(Beaumanoir, XXX, 6.)
Pendant le xvi'= et le xvii« siècle, on continua à se
servir de souventes fois, dans le style sérieux, témoin
ces exemples :
L'un perd sourcilles fols ce que l'autre conserve.
(Mairet, Sophon., IV, 4.)
Quant à ses valets-de-pied,
C'èloient messieurs les Borées,
Qui portoient par les contrées
Ses mandats souventes fois.
(La Fontaine, la Coupe eiich.)
Mais cette expression a uni par vieillir, et aujour-
d'hui, comme tant d'autres qui ont subi le même sort,
elle n'est plus de mise que dans le style familier.
Or, si la phrase que vous me citez est de ce style-là
(ce que semble indiquer la rubrique sous laquelle vous
l'avez trouvée), il est certain que l'auteur a pu y faire
usage de souventes fois.
X
Troisième Question. . .
Lorsqu'on parle d'un bateau, faut-il dire qu'il vire
DE BORD, 0Î< q^Ùl VIRE LE BORD?
Aujourd'hui, on dit généralement virer de bord, fait
établi par cette citation empruntée à M. Littré :
On dit qu'un vaisseau vire de bord quand il tourne
horjzonlalement sur lui-même pour présenter au vent le
cùté opposé à celui qui le recevait avant cette évolution.
Mais je crois qu'il voudrait beaucoup mieux dire
virer le bord, attendu que virer a toujours été et est
encore un verbe actif recevant pour régime le nom
de la chose qui est tournée, comme le prouvent ces
exemples :
Tout cela, je le vois en moy aulcunement selon que je
me vire.
(Montaigne, II, 7.)
Si bien qu'à la pointe du jour, nous avions le vent, et
ayant l'ait la contremarclie, et viré le bord par J'arrière-
garde, et eux Vaijaiit aussi nré, on lit le §ignal d'arriver
sur eu.\.
(Jal, Rel. du cnmb. de Zipan^ 1676.)
Paul-Louis la laisse mûrir ;l l'air, de temps en temps
ta vire, la remue.
f Paul-Louis, Giii. de Vill., n« 4.)
LE COURRIER DE VAUGELAS.
93
Il esl très-probable que c'est l'assimilation du sens
de virer à celui de changer (ce dernier veut la préposi-
tion de avant son régime) qui a mis en usage virer de
bord : c'est une faute analogue à celle que l'on com-
met en disant se rappeler d'une chose, construction
modelée à tort sur se souvenir d'une chose.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
FEUILLETON.
Corrections du numéro précédent.
1». . . les mêmes facultés que les premiers hommes; — î». . .
mettait un chapeau (on n'arlore que ce qui a la forme d'un
arbre); — 3°. . ne laissenl pas d'être (Voir Courrier de Vauge-
las, i' année, p. 155); — 4°... avec exactitude sur toutes les
omoplates; — 5"... à un bijou, à un meuble, à un nœud; —
6»... consiste tout entière; — 7° Pendant que [cependant que
ne se dit plus depuis longtemps) ; — 8» .auraient mieux à faire
que de dépenser; — 9°... se repcn(iron( (le ïerbe espérer n'est pas
de ceux qui veulent le subjonctif après eux); — lO". . . sur une
bêche à moitié enfoncée (Voir Courrier de Vaugelas, 3' année,
p . 83) ; — 1 r ... qui paraissent avoir vingt ans (le verbe paraître
veut pour régime uu autre verbe ou un adjectif, mais non un
nombre d'année..].
Phrases à, corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
!• L'apôtre rassenible ses forces anéanties; il veut e.xpi-
rer près de l'autel de Saint-Etienne, et se consomme
comme l'encens dans le temple.
2" Je me rappellerai toute ma vie du jour où j'entendis
prononcer ce nom pour la première fois : c'était en omni-
bus.
3' Les promoteurs de ce projet veulent ainsi donner à
l'Allemagne une leçon, en lui montrant que l'Italie est
loin de faire servir ses souvenirs tiistoriques à autre chose
qu'au progrès et à la civilisation.
4* Il serait à désirer qu'il en fût de même dans toutes
les grandes administrations, et que les réservistes qui en
font partie, à un titre quelconque, ne soient pas privés de
leurs émoluments pendant leur présence momentanée
sous les drapeaux.
3' Ces conditions ne sont pas celles des démonstrations
susceptibles de troubler l'ordre public.
6° Et, ctiose étrange, cette situation qui troublerait peut-
être un autre, ne fait qu'irriter et que hérisser cette
passion de réaction.
?• J'aperçus alors un des plus ravissants spectacles que
j'ai jamais contemplés de ma vie.
8* Toutes choses graves à nos yeux et aggravées par les
antécédents du préfet de la Seine, qui devait nous faire
compter sur autre chose de sa part que sur de semblables
actes.
_9* Le maire d'Andresfien était tisserand, clerc, carillon-
neur, voire môme fossoyeur... Xe riez pas, on peut être
tout cela, car jusque-là on ne reçoit un salaire que de ses
clients ou de la fabrique de l'église.
10" Les dou.K accusés avaient tenu tète à l'accusation
d'une manière qui ne laissait pas que de surprendre de la
part de deux artisans illétrés.
(Les corrections à quinzaine.)
BIOGRAPHIE DES GR.\MM.\IRÏENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Claude LANCELOT
(Suite.)
Du nombre singulier et pluriel. — Les noms com-
muns peuvent être pris de diverses faisons, car on peut
les appliquer à une des choses auxquelles ils convien-
nent, ou les appliquer à plusieurs tou^ ensemble.
Pour distinguer ces deux manières de signifier, on a
inventé deux nombres, le singulier et le pluriel; mais,
en même temps, quelques langues, comme le grec, ont
fait un duel lorsque les noms conviennent à deux.
Les Hébreux en ont un aussi ; mais seulement lorsque
les mots signifient une chose double, ou par nature,
comme les yeux, les mains, les pieds, ou par art,
comme des meules de moulin, des ciseaux, etc.
D'où cette conséquence que les noms propres n'ont
point de pluriel, et que si on les y met quelquefois
comme quand on dit les Cicérons, les Alexandres, c'est
par figure, en comprenant dans le nom propre toutes
les personnes qui leur ressembleraient.
Tous les adjectifs doivent avoir un pluriel parce que
leur signification peut toujours convenir à plusieurs.
Les substantifs appellatifs n'ont pas tous un pluriel,
ce qui esl dii tantôt au simple usage, tantôt à quelque
autre raison.
Des Genres. — Comme les noms adjectifs de leur
nature conviennent à plusieurs, on a jugé à propos,
pour rendre le discours moins confus et aussi pour
l'embellir par la variété des terminaisons, d'inventer
une diversité selon les substantifs auxquels on les
appliquait.
Or, les hommes se sont premièrement considérés
eux-mêmes ; et, ayant remarqué parmi eux une diffé-
rence extrêinement considérable, qui est celle des sexes,
ils ont jugé à propos de varier les mêmes noms adjec-
tifs, leur donnant diverses terminaisons, selon qu'ils
s'appliquaient aux hommes ou aux femmes. C'est ce
qu'on a appelé le genre masculin et féminin.
Mais il a fallu aller plus loin: car, attendu que ces
mêmes adjectifs se pouvaient attribuer à d'autres que
des hommes et des femmes, on a été obligé de leur
donner l'une ou l'autre des terminaisons inventées pour
les hommes et pour les femmes : d'où il est arrivé que,
par rapport aux hommes et aux femmes, ils ont dis-
tingué tous les autres substantifs en masculins et en
féminins.
Les Grecs et les Latins ont encore inventé un troi-
sième genre, qu'ils ont appelé neutre, comme n'étant
ni du masculin ni du féininin.
Des Cas. — SI l'on considérait toujours les choses
séparément les unes des autres, on n'aurait donné aux
noms que les deux changements dont il vient d'être
question, savoir celui du nombre pour toutes sortes de
94
LE COURRIER DE VAUGELAS.
noms, et du j^enre pour les adjectifs; mais, parce qu'on
les regarde souvent dans les divers rapports qu'eHes ont
entre elles, on a donné aux noms, dans quelques
langues, pour marquer ces rapports, diverses terminai-
sons qui ont été appelées cas, du verbe latin cadere,
tomber.
Quoiqu'il n'y ait peut-être que le latin et le grec qui
aient proprement des cas, dans leurs noms, il est
presque nécessaire, pour apprendre quelque langue que
ce soit, de savoir ce qu'on entend par cas, et Lancelot
en donne une explication complète.
Des Articles. — La signification vague des noms
communs et appeliatifs n'a pas seulement engagé à les
mettre à deux sortes de nombres, le singulier et le
pluriel, pour les déterminer; elle a fait ainsi que
presque toutes les langues, qui ont inventé certaines
particules appelées articles, qui en déterminent la signi-
fication d'une autre manière.
Les Latins n'ont point d'article; les Grecs en ont
un, 0, r„ '.z.
Les langues nouvelles en ont deux, l'un qu'on appelle
déûni, comme le, la, et l'autre indélini, tin, une.
Ces articles n'ont point proprement de cas, non plus
que les noms. Mais ce qui fait que l'article le semble en
avoir, c'est que le génitif et le datif se font toujours au
pluriel, et souvent au singulier par une contraction
des particules de et a, qui sont les marques de ces deux
cas, avec le pluriel les et le singulier le.
Quant à l'article indéfini wn, une, on croit ordinaire-
ment qu'il n'a point de pluriel ; à la vérité, il n'en a
point de lui-même, mais il en a un pris d'un autre mot,
qui est des, avant les substantifs, et de quand l'adjectif
précède.
L'article ne se devrait point mettre aux noms propres,
parce que, signiOant une chose singulière et déterminée,
ils n'ont pas besoin de la détermination de l'article.
Néanmoins, l'usage ne s'accordant pas toujours avec
la raison, on en met quelquefois en grec aux noms
propres des hommes mêmes, et les Italiens en font un
usage assez ordinaire, l'.Ariosto, il Tasso, l'Aristotele,
ce que nous imitons quelquefois, mais seulement devant
les noms purement italiens;' on dirait, par exemple,
l'Arioste, le Tasse, etc.
Excepté dans le cas d'un nom appellatif devenu nom
propre, nous n'employons pas non pLus l'article devant
les noms de lieux.
Nous le mettons généralement devant les noms de
royaumes et de provinces; mais il y a quelques noms
de pays où il ne se met point; on dit : Cornouailles,
Comminges, Roanne:-.
Nous mettons aussi l'article aux noms dos rivières
et des montagnes, la .Seine, l'Olympe.
Des Pronoms. — Comme les hommes ont été obligés
de parler souvent dos mêmes choses dans un même dis-
cours, et (ju'il eût été iusupportablc de répéter toujours
les mêmes noms, ils ont inventé certains mots pour
tenir la place de ces noms, et que, pour cette raison, ils
ont appelés pronoms.
Les pronoms faisant loflice des autres noms, en ont
aussi les propriétés, c'est-à-dire qu'ils ont un singulier
et un pluriel, des genres et des cas. .
Après avoir expliqué l'usage de ce qu'on appelle
les pronoms principaux et primitifs, Je, me, moi, tu, te,
lui, nous, vous, il, elle, eux, ils, elles, leur, etc., l'au-
teur ajoute qu'il s'en est formé d'autres appelés posses-
sifs, parce qu'ils signifiaient confusément une idue de
possession.
Il y a de ces pronoms qui se mettent toujours avec
un nom sans article : mon, ion, son. et leurs pluriels
nos, ros; d'autres qui se mettent toujours avec l'article
sans nom, 7nien, tien, sien, et les pluriels nôtres,
vôtres.
C'est la raison qui a fait rejeter cette vieille façon de
parler, un mien ami.
Du pronom relatif. — Il y a encore un autre pronom
qu'on ajipelle relatif, qui, qux, quod ; qui, lequel,
laquelle ; il a quelque chose de commun avec les autres,
et quelque chose de propre.
Ce qu'il a de commun, c'est qu'il se met au lieu du
nom et plus généralement même que tous les autres
pronoms, car il s'emploie pour toutes les personnes :
moi qui suis ckrétien, vous qui êtes chrétiens.
Ce qu'il a de propre peut être ramené à deux règles:
H" Il a toujours rapport à un autre nom ou pronom
qu'on appelle antécédent, comme Die%i qui est saint.
2- Une autre propriété de ce pronom, et que Lancelot
croit n'avoir pas encore été remarquée, c'est que la
proposition dans laquelle il entre (qu'on appelle ordi-
nairement incidente] peut faire partie du sujet ou de
l'attribut d'une autre proposition qu'on appelle prin-
cipale.
Ces deux usages du relatif servent à expliquer plu-
sieurs choses dont les grammairiens ont bien de la
peine à rendre compte.
Examen d'une règle concernant le pronom relatif.
— Vaugelas est le premier qui ait publié qu'on ne doit
pas, en français, mettre de qui après un nom sans
article. Ainsi on dit très-bien : ;/ a été traité arec vio-
lence; mais si l'on veut remarquer que cette violence a
été tout-à-fart extraordinaire, on ne le peut faire qu'en
y ajoutant un article : il a été traité avec une violence
qui a été tout-à-fait extraordinaire.
Cela parait d'abord raisonnable; mais comme il se
rencontre en notre langue plusieurs façons de parler
qui ne semblent pas conformes à cette règle, entre
autres celle-ci : // agit en politique qui sait gouverner,
il est coupable de croies qui méritent châtiment, Lan-
celot a pensé qu'on pourrait la concevoir en termes qui
la rendissent plus générale, et qui fissent voir que ces
façons de parler et autres semblables, qui y paraissent
contraires, n'y sont pas contraires en effet.
Suit une explication où sont examinées les diverses
manières dont un nom sans article peut être déterminé.
{La suite au prochain numéro.)
Le Rkuactece-Géuamt ; Emas MARTIN,
LE COURRIER DE VAUGELAS
95
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE.
Publications de la quinzaine
La Cape etl'Épée; par Amédée Achard. 3* édition.
ln-18 Jésus, liôO p. Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
Études dramatiques. III. La Galanterie au
théâ.tre; par Ludovic Celler. In-12 carré, \iii-169 p.
Paris, lib. Baur. 6 fr .
Drames de l'Amérique du Nord. Poignet-d' Acier,
ou les Chippiouais; par Emile Chevalier. Nouvelle
édition. In-18 Jésus, 280 p. Paris, lib. Michel Lévy.
I fr. 25.
Les Grands hommes de !a France. Hommes de
guerre. 2' série ; par Edouard Gœpp et E.-L. Cordier.
Bertrand Du Guesclin. Bayard. 2« édition. In-8', il5 p.
et 2 port. Paris, lib. Ducrocq. li fr.
Les Fils de Dieu; par Louis JacoUiot. 2« édition. In-8',
366 p. Paris, lib. Albert Lacroix. 6 fr.
Les Années de gaieté; par Charles Monselet. In-18
Jésus, 330 p. Paris, lib. Michel Lévi. 3 fr. 50.
L'Art d'écrire rendu accessible à tout le monde
par l'étude théorique et pratique de la ponctuation.
Ouvrage indispensable à quiconque veut en peu de temps
apprendre à fond le mécanisme intime de la langue fran-
çaise; par M. Arsène Petit. 2 vol. gr. ia-lG, 912 p. Paris,
lib. Fouraut et fils.
Les Colombes de La Forliére; par Mlle Gabrielle
d'Ethampes. ln-18 Jésus, 356 p. Paris, lib. Bourguet, Calas
et Cie. 2 fr. 50.
Extraits des classiques français, xvu», xviii' et
SIX» siècles. Accompagnés de notes et notices, par
Gustave Merlet, professeur de rhétorique au lycée Louis-
le-Grand. A l'usage de tous les établissements d'instruc-
tion publique. Cours moyens. Grammaire et enseignement
spécial, i" partie : Prose. 2= édition, revue et corrigée.
In-12, viii-509 p. Paris, lib. Fouraut et fils.
Le Monstre; par Camille Bodin. Nouvelle édition.
ln-18 Jésus, 25."> p. Paris, lib. Nouvelle. 1 fr. 25.
Le Roman d'une honnête femme; par Victor Cher-
buliez. 5' édition. In-18 Jésus, 405 p. Paris, lib. Hachette
et Cie. 3 fr. 50.
Sybil; par Benjamin Disraeli. Roman anglais traduit
sous la direction de P. Lorain. 2 vol. in-18 Jésus, 52/i p.
Paris, lib. Michel Lévi. 2 fr. 50.
Les Dianes et les Vénus; par Arsène Houssaye. ln-18
Jésus, 315 p. Paris, lib. Michel Lévi. 3 fr. 50.
Colomba, suivi de la Mosaïque, et autres contes et
nouvelles; par Prosper Mérimée, de l'Académie fran-
çaise. Gr. in-18. Zi55 p. Paris, lib. Charpentier et Cie.
3 fr. qO.
La Jeunesse des hommes célèbres; par Eugène
Muller. à' édition. ln-18 Jésus, 395 p. Paris, lib, Hetzel.
3 fr.
L'Esprit nouveau; pnr Edgard Quinet. h" édition.
ln-18 Jésus, iv-358 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50,
Deux mazarinades en patois Orléanais. Dialogue
de deux guépins et Dialogue guépinois. Edition nouvelle
précédée d'une préface et suivie d'un glossaire ; par
Auguste Boucher, ancien professeur au lycée d'Orléans.
In-8% 95 p, Orléans, lib. Herluison.
Les Éléments matériels du français, c'est-à-dire
les sons de la langue française entendus ou repré-
sentés.. Ouvrage utile à tous ceux qui s'occupent de
l'étude de notre langue; par B. JulMen. In-12, tiii-271 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr. 50.
Récits et souvenirs d'un voyage en Orient; par
-M. B. Poujoulat. 9^^^ édition. In- 12. 288 p. et gr. Tours,
lib. Mame et tils.
Publications antérieures :
DIEU ET LA NATURE. Poésies pour l'enfsnce. — Par
Mlle M. Trècoirt. — Ouvrage publié en 1865 sous le
patronage de Limartiue. — Deuxième édition. — Paris,
librairie fiançaise et anglaise de J.-Il. Trucliy, 26, boule-
vard des Italiens.
BOIELDIEU, SA VIE, SES ccuvnEs, s.i correspo.ndance, —
Par Arthuh PougIn, — Edition ornée d'un portrait de
Boieldieu, gravé sur acier, par M. Deswrdins, et du fac-
similé d'une lettre autographe de Boieldieu. — Paris,
Charpentier elCie, libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre.
LA TENTATIO.N de SAINT-ANTOINE. — Par Gustave
Flaubert. — Deuxième édition. — Paris, Charpentier et
Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre. — Prix :
7 fr. 50.
VERCLNGÉTORIX ET L'INDÉPENDANCE GAULOISE.
Religion et institutions celtiques. — Par Fba.ncis
Moxxier. — Deuxième édition augmentée. — Paris,
librairie académique Didier et Cie. libraires-éditeurs^Sô,
quai des Augustins. — Prix : 2 francs.
HISTOIRE D'ANGLETERRE DEPUIS LES TEMPS LES
PLUS RECULÉS. — Par Antoxix Roche, directeur de
VEducaiional histiluie de Londres, chevalier de la Légion
d'honneur — 2 vol. avec cartes historiques. — Ouvrage
approuvé par le Conseil supérieur de l'Instruction pu-
blique. — W édition, entièrement refondue. — Paris,
librairie Ch. Delagrave. 58, rue des Ecoles.
MON VOY.VGE AU PAYS DES CHIMÈRES. — Par Anto-
Nix Rondelet, professeur honoraire de faculté, — Paris,
librairie académique Didier et Cie, libraires-éditeurs,
33, Quai des Augustins. — Prix : 3 fr. 50.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
96
LE COURRIER DE VAUGELAS.
— Par Eman Mvrtin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
SAINT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallon,
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hachette et Cie, 79, boulev^d Saint-Germain.
FROMONT JEUNE ET RISLER AINE. — Mœurs pari-
siennes. — Par Alphonse Daudet. — Septième édition. —
Paris, Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du
Louvre.
Lk LITTÉRATURE FRANÇAISE depuis la formation de
la langue jusqu'à nos jours. — Lectures choisies. — Par
le lieutenant-colonel Staaff, officier de la Légion d'hon-
neur et de l'Instruction publique en France. — Ouvrage
désigné comme prix aux concours généraux de 1868 à
1872; adopté et recommandé par la commission des
Bibliothèques de quartier, etc., etc. — Quatrième édition.
— Six volumes du prix de 4 à 5 francs chacun. — Paris,
à la librairie académique Didier et Cie, 35, quai des
Grands-Augustins, et à la librairie classique de Ch. Delà-
grave et Cie, 38, rue des Ecoles.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — Il ne
reste plus que la W et la 5= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La 1", la 1' et la 3' année doivent être pro-
chainement réimprimées.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Un concours de poésie sur ce sujet la Revanche est ouvert à l'Académie des Poètes. — Pour concourir, il faut
appartenir à cette Académie, comme membre titulaire, honoraire, ou membre correspondant, et être Français. — Le
prix du concours consistera en une médaille d'or de la valeur de 150 fr. donnée par un des membres de l'Académie,
M. Marc Bonnefoy. — Les poésies envoyées au concours devront se renfermer autant que possible dans la limite de
100 et 200 vers (ces chiffres n'ont rien d'absolu», et être inédites; elles pourront être signées ou non signées, au gré
des concurrents, et dans ce dernier cas, être accompagnées d'un pli cacheté contenant le nom de l'auteur. — Les
envois relatifs au concours doivent être adressé.s franco à M. Elle de Biran, archiviste de l'Académie, rue des
Missions, 22, à Paris, avant le l'^-' mars 1876.
L'Académie de la Rochelle (section littérairei vient d'ouvrir aux sonnettistes un concours, dont le prix, une
médaille d'argent, sera décerné en séance publique, dans le courant de décembre prochain. — Deux médailles de
bronze pourront en outre être accordées, s'il y a lieu. — Le choix des sujets est laissé à la volonté des candidats.
La forme seule est obligatoire : celle du sonnet dans toute la rigueur de ses rimes, mais avec toute liberté pour
l'ordre des stances. — Les pièces signées ou non inédites seront exclues du Concours. — Chaque envoi portera une
devise qui devra être reproduite à l'intérieur d'un billet cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur. — Le
Concours sera clos le 15 octobre 1875, dernier terme auquel les sonnets devront être remisa M. Paul Gaudin, Secré-
taire de l'Académie, 29, rue Dupaty, à la Rochelle.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétariat de
rinslitut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent pirvenir francs de port. — Les manuscrits
porteront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Le quinzième concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 aoilt sera clos le l'"' décembre 1875 ; douze raédailles, or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrance,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux, Gironde — (Affranchir).
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 187G, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. — Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; le 2=, prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3" prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le 1='' juin 1876.
La Société d''en(;ouragemi;nt au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher et développer
les moyens les plus prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralité comme le bien-être de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul,, Secrétaire-général, 2, rue Brochant, aux Batignolles
(Paris), avant le 31 décembre 1875.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas e.<l visil)le à son bureau de midi à une heure çt demie.
Imprimerie GOUVERNEUH, G. UACl'ELEV ù Nogcul-le-Rotrou.
6" Année
N" 13.
lor Novembre 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" st le 15 de chaque mois
{Dans sa séance du \1 janvier ISTô, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publicaiion.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
OlTuier d'.UaJéniie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
direclenienl au Rédacteur du jour-
nal, soil A un libraire quelconque.
SOMMAIRE.
Communications relatives à Prendre un rat, à Oignon et à Gnan-
gnan: — Explication de faire danser l'anse du panier; —
Etymologie du mol Entrefaites; — Si l'on peut employer ()«! ..
qui pour Les uns. . les autres ; — Un remarquable emploi
de En jj Si Cliat, nom d'un animal domestique, entre dans
Entrechat. — Différence d'emploi entre Col et Cou; — Ety-
mologie du mot Guéridon || Passe-temps grammatical 1 Suite
de la biographie de Claude Laneelot || Ouvrages de gram-
maire et de littérature II Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
I.
J'ai reçu la lettre que roici à propos d'une explication
qui n'a pas paru satisfaisante à un de mes lecteurs :
Paris, 1 août 1875.
Monsieur,
Permettez à un vieux disciple de saint Hubert, qui ne
déteste pas Vaugelas, quelques observations sur la question
Prendre nn rat, traitée dans votre estimable publication,
numéro du 15 juillet dernier.
Le mot rat, que l'on devrait écrire ration ract,ne s'em-
ploie pas dans l'acception oit vous le prenez : rater ne
sert qu'à donner l'onomatopée du bruit que fait le chien
(du fusil à silex) en frappant la platine et en découvrant
le bassinet, sans allumer l'amorce. On dit, lorsque cela
arrive que l'arme rate, qu'elle a raté, rater, et nulleiuent
faire un rat, et moins encore prendre un rdt.
Si la poudre s'enflamme, si le plomb n'atteint pas le
gibier, le chasseur n'a pas raté la pièce; ce dire n'aurait
pas de sens : rater est un verbe neutre; il ne l'a pas
non plus manquée; car ce dernier verbe, neutre égale-
ment, ne s'emploie comme rater, au figuré, que par
nécessité, à défaut d'autre expression significative. Le
chasseur a manrjuéde mérite...
Le commerçant ou tout autre, ne manque, ne rate pas
une affaire; mais il peut manquer de l'activité, du soin,
en un mot des conditions nécessaires pour la conclure.
S'il a perdu son crédit, son argent, s'il cesse de payer, il
manque à ses engagements, à la confiance qu'il inspirait;
il ne fait pas i;!n rat, il fait faillite.
L'usage omnipotent en a décidé autrement : je me
soumets pour le mot manquer; mais quant à rater, je
m'insurge!... Rater n'a pas et ne peut avoir d'autre signi-
fication que celle que j'explique plus haut.
Encore un mot.
Je me rappelle qu'un des nôtres qui avait, en vain,
tout l'hiver, tendu des pièges à loups, était plaisanté de
son insuccès par ses camarades. Ceux-ci disaient en riant
qu'il avait enfin pris an rat ?
Etait-ce une, allusion à l'accouchement de la montagne?
je ne sais. C'était moins poétique sans doute, mais les
amants de Diane ne sont pas souvent les amis d'Apollon.
Recevez, Monsieur, l'assurance de toute ma considération.
Sylvain Deschamps.
Tout en le remerciant bien sincèrement de la peine
qu'il s'est donnée à mon inlenliou, je suis obligé de
répondre ce qui suit à l'auteur de cette lettre :
\° Que prendre un rat se dit parfaitement, au propre,
d'une arme à feu dont le coup ne part pas, ce dont il
trouvera la preuve -dans le dictionnaire de Littré,
p. 1485, col. I, ligne I.S.
2" Que je n'ai point dit qu'on se servait actuelle-
ment de l'expression faire un rat; mais bien qu'il est
« probable » qu'on l'a employée dans l'origine, vu les
analogies que fournit la langue d'aujourd'hui.
3" Que le verbe rater est d'un usage incontestable,
au figuré, dans le sens actif, car on trouve :
Dans le dictionnaire de Boiste :
Rater, {fig. famil). v. a. Ne pas réussir ; manquer son
coup; ne pas attraper ou toucher, etc.
Dans le dictionnaire de Littré :
Rater. Figurément et familièrement. Manquer son coup,
ne pas réussir. Nous verrons si un grand seigneur peut
rater une conquête. (Lesage, Gil Blas, III, 5.)
D'OLi il suit que, si je ne m'abuse, les observations
de .M. Sylvain Deschamps n'atteignent nullement l'ex-
plication qu'elles visent dans le Courrier de Vaugelas.
II.
' Dans le numéro du 13 août, j'avais eu à répondre à
la question de savoir si c'est une faute que de ne pas
9S
LE nOURUIER DE YAUGELAS.
mettre d'i dans oi'jnon. Jai reçu au sujet de ma
réponse, qui était affirmative, la lettre qu'on ya lire :
Beaumont, 5 septembre 1875.
Monsieur le Rédacteur du Courrier de Vaugelas,
Permettpz-moi une rectification à votre réponse sur le
mot oignon.
Le dictionnaire moderne de Maurice Lachâtre l'écrit
ognon, et de plus ajoute la note suivante :
t L'Académie et quelques lexicographes écrivent oignon,
mais l'i ne se prononçant pas, est tout-â-fait inutile, et
l'orthographe la plus usuelle, adoptée par tous les natu-
ralistes, est ognon.
Votre bien dévoué,
. Tabany.
Parce que M. Maurice Lachâtre écrit ognon, ortho-
graphe adoptée par « tous les naturalistes », est-ce
une raison suffisante pour qu'on ait réellement le droit
de supprimer Vi dans ce mot?
Je ne le crois pas, et, en quelques lignes, je vais
dire pourquoi.
D'abord, parce qu'on peut être un grand, même un
très-grand naturaliste, et n'avoir pas les connaissances
nécessaires pour élre d'une compétence souveraine en
matière d'orthographe.
Ensuite, parce que M. Maurice Lachâtre ne peut être
admis à écrire ocjnon, sous prétexte que l'i ne s'y pro-
nonce pas, quand il met celte lettre, comme je viens de
m'en assurer, dans poignard, poignarder, poignant,
poignée, empoigner et moignon, autres mots où elle ne
se prononce pas davantage.
III.
J'avais proposé, pour l'expression gnangnan (numéro
du <5 septembre) une étjmologiedont je ne garantissais
nullement la véracité. Un de mes lecteurs en a trouvé
une autre qu'il m'a adressée dans cette note :
Paris, 18 septembre 1875.
Monsieur,
Un mot sur gnangnan : le peuple prononce fainéant,
faignani! Et il n'est pas rare d'entendre les petits patrons
faubouriens accabler leurs apprentis paresseux d'une
série de feignants! feignants 1 feignantsi Puis, par lassitude,
gnants! gnarts! gnants!"
De là : gnant-gnant et gnangnan.
iMarius Bonhojijie.
M. Littré dit que gnangnan est un mimologisme, ou,
pour autrement dire, un de ces termes au moyen des-
quels on imite la voix de quelqu'un, ses locutions
habituelles ou sa prononciation.
Par conséquent, ni néant, proposé par le savant
académicien, ni ignaims, que j'ai proposé ensuite, ni
fainéant, que propose l'auteur de la communication
qu'on vient de lire, ne peut être l'origine demandée,
aucun de ces termes ne i^eignant un son vocal.
Lt moi gnangnan est une imitation de la manière
dont prononce une personne qui, par cause, soit de
souffrance hahiluelle, soit d'indolence ou de non-
(îhalance, traîne sur la finale de ses mots, surtout
quand cette finale est ant ou ent.
C'est une e.\|)ression de même espèce que roincoin,
qui peint le son de voix de quelqu'un qui nasille; que
didon, nom par lequel les Arabes de l'Orient nous
désignent, parce que, pour inlcrijcller, nous eniplojons
souvent dis donc ; et que zeze, dans l'expression popu-
laire parler zeze, c'est-à-dire en mettant des s à la
place des 7' et des g doux, comme font généralement les
tout petits enfants.
Je remercie beaucoup M. Marius Bonhomme d'une
communication qui m'a permis de revenir, non sans
avantage pour mes lecteurs, je pense, sur ce que j'avais
dit d'abord concernant l'étymologie de gnangnan.
X
Première Queslion.
Comment expliquez-vous que l'expression faire dan-
ser l'aivse du panier jiuisse signifier, en parlant d'une
cuisinière, quelle fait des profits illicites sur ce qu'elle
ac/tètepour ses maîtres ?
Dans l'origine, les cuisinières regardaient commeun
droit de se faire remettre une petite gratification p&r
les fournisseurs de leurs maîtres, ce qu'on apprend par
ces vers trouvés dans un opuscule sans lieu ni date, et
intitulé la Maltôte des Cuisinières, ou la Manière de
bien ferrer la mule :
Sur chaque fourniture il vous revient un droit.
Rôtisseur, épicier, chandelier, tout vous doit.
De porter le panier, ne soyez point honteuse,
Et faites- vous payer te droit de la porteuse.
Les choses ont changé depuis, et ce furent les
maîtres qui durent payer à la place des fournisseurs,
par suite dune entente qu'on souhaiterait moins cordiale
entre ces derniers et les cuisinières.
Exercé au préjudice des maîtres, ce droit eut un
nom qu'il reçut des cuisinières elles-mêmes.
C'était le droit de celle qui portait le panier, et le
panier se porte par l'anse : elles l'appelèrent naturelle-
ment le droit de l'anse du panier, et, par abréviation,
l'anse du panier, expression dont voici des exemples :
Elle s'amusera à se faire brave aux despens de l'ance du
panier [aux dépens de ses économies].
(La Response des Sercanlfs, p. 10. Paris, i6Z&-)
Puis on règle à la majorité des voix le maximum de l'anse
du panier.
{L'Ordre du 24 o:tobre iS^S.)
La même expression signifia encore, en quelque
sorte, le tremplin sur lequel la cuisinière exerçait
son habileté, et aussi le soin des achats pour la cuisine,
preuve ces citations :
Je m'accostois souvent de certaines servantes
Que je voyois toiijours propres, lestes, pinpantes;
Et qui pour soutenir l'éclat de leurs atours,
Sur l'anse (lu panier faisoient d'habiles tours.
{La MaJtôte des ctiUinii res.)
Depuis le commencement de Garesrae, je perds plus de
dix escus, car ma maistresse va tous lesjours à la Halle, et
moy après elle, avec un grand panier, je ne gaigne pas
pour faire mettre des bouts à mes souliers, depuis que je
ne gouverne plus lance du panier.
[La Response des ServaiUes, p. G.)
Cela dit, l'explication de faire danser l'ansedu panier
se donne facilement.
En eU'et, au w siècle, comme on le voit par les vers
suivants, empruntés à Eustaclie Deschamps [Miroir
de Mariage, p. tl7 et 08), on exprimait la même idée
par batre le cabas:
.E COURRIER DE YAUGELAS.
99
Ainsi comme on bat le cabas
A ceuls qui np scevent le prix
Du marcllip, tant qu'ils ont apris
S'une pouiaille, ou un chapon,
Ou une espaule de mouton
Coustent iiii s. et demy,
Les VI d. seront pour my
Qui suis servens, pour moy esbatre.
Ainsis seult on le cabas balre,
But on, et l'en a souvent fait
A ceuls qui ne scevent ce fait.
Or. battre, dans la langue familière, se rend fré-
quemment \)3.Y faire danser; le caba,': c'est un panier,
dont la partie, Vanse, peut se dire pour le tout, comme
on dit une roile pour un vaisseau : 6n a rajeuni hatre
le cabas en l'exprimant par faire danser l'anse du
panier, locution qui, depuis longtemps déjà, l'a emporté
à l'exclusion de la. précédente.
Il parait qu'on dit aussi faire danser les anses du
panier, car on trouve dans une lettre reproduite par
M. Ch. Nisard [Curios. de l'ctymol. p. 214) :
Quelle est l'origine de cette locution Faire danser les
ansesdu panier, si redoutée des ménagères?
Mais ceci n'a rien qui doive étonner : comme le cate
a deux anses, et que battre le cabas a précédé faire
danser l'anse du panier, cette, dernière locution a pu
avoir une forme intermédiaire où anse était au pluriel.
X
Seconde Question.
Je désirerais bien saroir l'étymologie du mot E?iTRE-
FAiTES, et, de plus, s'il vaut mieux l'emplotjer au sin-
gulier qu'au pluriel; car, d'après le dictionnaire de
Noël et Chapsal, il se dit bien « quelquefois » au singu-
lier, mais quand? Là-dessus le plus complet silence.
Selon .M. Littré, le mot entrefaites vient de entrefait,
participe passé du verbe entrefaire, au sens de faire
dans l'intervalle. .Mais, comme le célèbre lexicographe
ne fournit aucun exemple de entrefaire dans ce sens,
et que je n'ai trouvé nulle part ailleurs ce même
verbe, je me suis permis de mettre en doute la bonté
de son étymologie; et, après en avoir cherché une autre,
j'ai trouvé celle que je viens vous offrir.
Le terme en question n'est point un participe, c'est
un composé de la préposition entre et du substantif
fait, ce que montrent ces exemples, où sur ces entre-
faites est exprimé par entre ces faits et par en ces entre
faits :
Entre ces feiz Joseph li pruz
A N'ichodem estoit venuz.
{Tk. franc, au inoyi'.n-''ige, p. 16.)
En ces entre faytz. 'Whyle thèse thynges were in doyng
[Pendant que ces choses se passaient].
(Palsgrave, Esclairc, p. 8l4, col. 2.)
Dès le xiii'= et le xiv° siècle, comme le prouvent les
deux citations ci-après, cette locution, grâce probable-
ment à son assimilation avec circonstances, a reçu la
forme féminine, qu'elle a gardée depuis :
Ensinc sevra li pruzdon son fli, et avlnl entre ces entre-
fi'les que...
• (Merlin, l» f.8.)
En ces entre faictes envoya le duc de Bourgongne...
fCommines. III. 3,1
C'est évidemment cette forme altérée, prise pour la
forme primitive entre fait, qui a empêché M. Littré de
remonter à la véritable origine.
Maintenant, vaut-il mieux dire une entrefaite que
des entrefaites? ■
Généralement, ce mot s'emploie au nombre pluriel;
ainsi, indépendamment desexemplesque j'ai déjà cités,
je puis ajouter ceux qui suivent :
Sur ces entrefaicles, les Aquiliens, qui en ouïrent le vent,
s'en recoururent incontinent à la maison.
(Amyot, Publ., 7.)
Dans ces entrefaites, la plus ancienne des deux femmes
de chambre qu'elle avait tomba malade d'une fièvre aigùe
qui l'emporta.
(Maritaux, Marvmne, lo« part.)
.Mais on le trouve aussi au singulier, comme dans ce
vers de La Fontaine :
L'ennemi vient sur l'enlrefaile.
{Le rUiUnvl et l'Ane.)
Or, attendu que entrefaites signiOe réellement le
temps qui s'écoule entre deux faits, je crois que, rigou-
reusement parlant, c'est au singulier 'autorisé du reste
par l'Académie, qui dit dans l'entrefaite et sur Ventre-
faite) qu'il faudrait donner la pjéférence : le mot dont
il s'agit, estropié en genre et en nombre, ne le serait
plus au moins que d'une façon.
X
Troisième Question. 1
■ J'ai trowé cette phrase : « On rous offre à la porte
du t/iédtre Qti une .ttalle, qci un fauteuil ». Pourquoi
r introduction de cette forme ridicule et bizarre adoptée
par des écrivains prétentieux?
Le pronom latin alins, répété, a été exprimé de deux
manières en français : I ' par les uns pour le premier
alii, et |)ar les autres pour le second; 2» par qui subs-
titué aussi bien au premier alii qu'au second. Ainsi la
phrase latine :
Divitias alii praeponunt, ali/ potenliam, nia honores.
peut se traduire des deux manières suivantes :
Les uns préfèrent les richesses, les autres le pouvoir;
d'autresWs honneurs.
Us profèrent qui les richesses, qui le pouvoir, qui les
honneurs.
La seconde de ces deux traductions de alii a été en
usage dès les premiers temps de la langue française,
comme le montrent ces exemples du xiii" siècle :
Et cil des grans nés entrèrent es barques, et saillirent
hors, îin ains ains, qui miels miels.
(Villehardouln, LX.XIX.)
Qui lors veist vilain venir
Et fremier par le boscage,
Qui portent tinel, et gui hache,
Qui flael, gui baston d'espine.
(Rermrd, vers lo33. 1
Elle était encore usitée au xvi», comme le prouvent
ces autres citations :
Qui lance un pain, un plat, une a.^siette, un couteau,
■Qui pour une rondacho empoigne un escabeau.
, (Régnier, le festin.)
400
LE COURRIER DE VAUGELÂS.
Us cherchèrenl la source du mal, qui d'un cOté, qui d'un
autre, et pas un ne la trouva.
■^ (Balzac, 3' discours.)
Au xvii« siècle, les meilleurs auteurs l'emploj aient;
jugez-en par ce qui suit :
Les médecins ont raisonné là-dessus, et ils n'ont pas
manqué de dire que cela procédait, qui du cerveau, qui des
entrailles, qui de la rate, qui du foie.
(Molière, Mid. malg. lui, II, 9.)
Chacun y est en action, qui à bâtir, qui à l'agriculture,
" ' *" (Bossuet. .Çe;m. gutnq-, 2.)
Il ne serait pas difficile d'en trouver des exemples
dans le xvm% et en voici appartenant au xix^ :
Chacun avait pris parti, qui pour le feu de joie, 5"; pour
le mai, qui pour le mystère.
' ' "^ (Victor Hugo.)
Nos gens faisant main basse sur tout, s'envont qui de çà,
qui de là.
(P.-L. Courier.)
Chacune des sept gueules du monstre imprimait sur la
chair d'horribles morsures, qui au front, qui au cœur, qui
au ventre, qui à la bouche, qui aux flancs, qui aux bras.
( Alex. Dumas'.)
Or, après ce constant usage depuis l'origine de notre
idiome jusqu'au temps actuel, il me semble que l'expres-
sion qui... qui.., dans le sens de les uns... les autres,
ne constitue point une forme « ridicule et bizarre », et
que son emploi, dans un style quelconque, ne peut faire
qualiner de « prétentieux «•l'écrivain qui juge à propos
de s'en servir.
X
Quatrième Question.
N'y a-l-ilpas des cas oit, dans des phrases comme
celle-ci : « // w'en est pas moins vrai..., il m'en est pas
moins certain... », il est pré/érable de supprimer la
particule relative en?
Nous avons dans notre langue plus d'un cas où le
pronom en se met sans qu'il y ail de sous-entendu
aucun substantif qui lui serve d'antécédent.
L'un des plus fréquents est celui où l'on emploie en
pour tenir lieu des expressions pour cela, pour cette
raison, malgré cela, à ce sujet, comme le montrent ces
exemples :
Ils ne dévorent pas les hommes ; mais les en épargnent-
ils moins? ,,, _,
(Marmontel.)
Ils jouaient pour s'amuser, et ils n'en jouaient que
mieux. ,„ „ .
[Fr.inc. S.ircey. )
Il n'en persiste pas moins à penser que l'idée de l'ouvrage
était excellente. ,^ . . ,
(Guizot.)
Chargée de tous les outrages, elle en croyait à peine ses
yeux et ses oreilles.
^ (Jules Janin, VAne mort.)
Si Dieu nous a donné quelque puissance spéciale, notre
devoir n'en est que plus étroit.
(Jules Simon.)
Il faut m prendre son parti et traverser bravement cette
voie douloureuse bordée de tombeaux.
(Ara. ïloussaye. )
Or, attendu que, dans les plirases que vous me pro-
posez, le pronom en joue un rôle identique à celui qu'il a
dans les cxenqjlcs qui précèdent, il est évident qu'il faut
bien se garder de l'en retrancher.
ETRANGER
Première Question.
Comment expliquez-vous le terme de danse entrecqat,
dans lequel H n'est probablement fait aucune cdlusion
au félin domestique ? Je vous serais bien reconnaissant
de me le dire dans un de vos prochains numéros.
L'entrechat est un saut léger dans lequel les pieds
battent rapidement l'un contre l'autre; \e. moi entrechat
n'est point un composé de chat, comme il en a l'appa-
rence; c'est un substantif où l'idée dechat est complè-
tement absente, et qui est venu de l'italien comme je
vais vous l'expliquer.
Dans celle langue, on appelle l'espèce de saut en
question capriola inlrecciata, ce qui signifie littérale-
ment cabriole entrelacée (de intrecciare, composé de in
et de treccia, qui veut dire tresse).
Or, c'est de inlrecciata, participe pris substantive-
ment, qu'est venu noire entrechat (ci = ch), mais non,
toutefois, sans que le mot italien perdit son genre dans
cette transformation.
X
Seconde Question.
Voudriez-vous bien me faire connaître la différence
d'emploi qii'il y a entre col et coc? Je vous en serais
bien obligée.
On emploie col, forme archaïque de cou :
1" Comme terme d'anatomie, pour désigner l'embou-
chure de certains vaisseaux : le col de la vessie, le col
du fémur;
2" Par analogie, en parlant de vases; ainsi on dit
le col d'une cornue;
30 En ternie de géographie, pour signifier un passage
étroit entre deux montagnes : le col de Tende ;
40 Pour désigner la partie d'un vêtement qui avoisine
le cou : le col d'une chemise ;
5° Dans les composés hausse-col et faux-col.
Mais, dans tous les autres cas, on emploie com; ainsi
on désigne par ce mol la partie de l'animal qui avoisine
la tète; par cou de cygne la partie courbée de l'avant-
train d'une voiture, l'encolure de quelques chevaux ;
^a.r cou-blanc, cou-jaune certains oiseaux, et enfin, par
cou de chameau, cou de cigogne le narcisse des prés
et le géranium commun des bois.
X
Troisième Question.
Sauriez-vous quelque chose sur iétymologie de guéki-
DOK, que Brachet, Scheler et Littré même déclarent
iiiconnue ?
Voici ce que j'ai eu le plaisir de trouver dans le jour-
nal le Voleur du 23 juin de la présente année :
Le guéridon est un personnage de ballet qui avait le.
triste rùle de tenir à la main un flambeau, pendant que
les autres tournaient autour de lui on s'embras.'îant. 11 va
sans dire qu'on s'arran^oait toujours de manière que cet
emploi ne lut pas Wèvolu aux jolies femmes.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
loi
Quand l'usage des petits meubles destinés à porter un
llambeau s'introduisit dans les appartements, on les appela
gucridons en souvenir du pau\re patient dont c'était l'office
à la danse. Cela est si vrai qu'on donne le même nom aux
canilélabres qui ne servent que dans les grands apparte-
ments, dans les palais, et qui, soutenus par des gaines ou
par des groupes d'enfants, sont destinés à porter des giran-
doles et des arbres de lumières.
C'est au savant M. Edouard Fournier que nous
sommes redevables de celte origine, qui avait défié
jusqu'ici les plus habiles chercheurs.
PASSE-TEMPS GRA.MMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1»... et se consume comme l'encens; — 2°... je me rappel-
lerai toute ma vie /e jour; — 3"... à autre chose que le progrès
(pas de à après que); — i° . . . et que les réservistes . . ne
fussent pas privés; — 5°... des démonstralions capables de
troubles; — 6»... qui en troubleraient peut-être un autre; —
7°... que j'aie jamais contemplés; — 8°... sur autre chose de
sa part que de semblables actes ; — 9°. . . voire fossoyeur (On ne
met pas même avec voire); — 10"... qui ne laissait pas de
surprendre (pas de que.)
Phrases à, corriger
trouvées dans la presse périodique et auti'es publications
contemporaines.
1" L'existence est du reste assez remplie pour qu'il soit
impossible de s'occuper d'autre chose que du métier.
2» Les sciences n'ont pas d'autre origine : à leur point de
départ, elles sont chimériques; le but, elles ne Tattein-
dront jamais; seulement, chemin faisant, elles découvrent
quelques vérités de détail, qui, dans quelques mille ans,
seront traitées d'erreurs.
3° Bien que cartésien jusque et y compris les tourbillons,
Fontenelle reste avant tout sceptique : il l'est surtout en
métaphysique, et il fera école.
4° Ces petits chapitres de VEsprit des lois, qui n'ont
parfois que deux ou trois lignes, sont de véritables guet-
apens.
5* En Angleterre, Prior, Addisson, Dryden, Swift, Newton,
Pope, Congrève jouissaient non-seulement du respect de
tous, mais ils étaient appelés aux postes les plus impor-
tants de l'Etat.
6° L'étude corrige souvent les défauts de l'éducation.
Combien d'enfants délaissés à eux-mêmes, se sont sauvés
en donnant à leur esprit la nourriture que l'on refusait à
leur âme !
7" 11 n'y avait alors que mépris pour le labeur manuel et
ceux qui en vivaient ; l'oisiveté était noble et sainte, suivant
qu'elle s'incarnât dans un grand seigneur ou dans un
moine.
8* J'ai l'honneur de solliciter de votre zèle un renseigne-
ment qu'il vous sera d'autant plus facile à me donner que
les personnes qu'il vise sont le plus en lumière, et par
leur grande fortune, et par leurs opinions avancées.
9' Il y a bien un point noir. Le mouvement clérical qui
semble en ce moment emporter la France ne laisse pas
que d'inquiéter les gouvernements étrangers.
10° Quel vieillard n'a éprouvé cette surprise, et quel,
dans cette voie descendante, n'a été tenté de dire comme
Voltaire octogénaire : c Quand j'étais à r;ige heureux de
70 ans?»
11' Eh quoi! voilà un prétendu préfet conservateur qui
méconnaissait assez les règles les plus élémentaires de la
hiérarchie, au point de se faire délivrer, .par d'anciens
subordonnés, des certificats approbatifs de sa conduite
administrative!
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NDE .MOITIÉ DU XVll' SIÈCLE.
Claude LANCELOT
(Suite.)
Des prépositions. — Les cas et les prépositions,
comme on l'a déjà dit, ont été inventés pour le même
usage, qui est de marquer les rapports que les choses
ont les unes aux autres.
Ce sont presque les mêmes rapports dans toutes les
langues, qui sont indiqués par les prépositions: c'est
pourquoi il se contentera de parler des principaux
d'entre ceux qui sont marqués par les prépositions de
la langue française.
Lancelot croit qu'on peut réduire les principaux
rapports à ceux : 4" de lieu, de situation et d'ordre;
2° de temps; 3' de terme où l'on tend ou que l'on
quitte; 4° de cause, qui peut être efficiente, naturelle,
finale; et à quelques autres espèces.
En aucune langue, un même rapport n'est marqué
par une même préposition, et réciproquement : un
même rapport est, au contraire, souvent signifié par
plusieurs prépositions, comme dans, en, à.
Les mots à et de ne sont pas seulement des marques
du génitif et du datif, mais encore des prépositions qui
servent à d'autres rapports.
Il faut bien distinguer ces cinq prépositions dans,
hors, sur, sons, avant de ces cinq mots, qui ont la même
signification, mais qui ne sont point prépositions, du
moins pour l'ordinaire : dedans, dehors, dessus, des-
sous, auparavant .
Ces quatre particules en, y, dont, oit signifient : en,
de lui ; y, à lui; dont, de qui ; oii, à qui.
Des adverbes. — Le désir qu'ont les hommes d'abré-
ger, le discours est ce qui a donné lieu aux adverbes ;
car la plupart de ces particules n'ont pour objet que de
signifier, en un seul mot, ce qu'on ne pourrait marquer
que par une préposition et un nom, comme sapienter,
sagement, pour cutn sapientia, avec sagesse; hodie,
pour in hoc die. aujourd'hui.
C'est pourquoi, dans les langues vultraires, lesadverbes
s'expriment ordinairement d'une manière plus élé-
gante par le nom avec la préposition; ainsi on dit
plutôt avec sagesse que sagetnent, avec prudence que
prudemment, etc., tandis qu'en latin il est plus élégant
de se servir des adverbes.
<02
LE COURRIER DE VAUGELAS.
De là Tient que l'on prend souvent pour adverbe ce
qui est un nom, comme instar en latin, et dessus,
dessous, dedans, qui sont de vrais noms.
Mais, comme ils se joignent le plus souvent au verbe
pour en modifier l'action, on les a appelés adverbes.
Des verbes. — Jusqu'ici Lancelot a expliqué les mots
qui signifient les objets des pensées; il reste à parler
de ceux qui signifient la manière des pensées, c'est-à-
dire des verbes, des conjonctions et des interjections.
Le verbe est un mot dont le principal usage est de
signifier l'affirmation, c'est-à-dire de marqirer que le
discours où ce mot est employé est le discours d'un
homme qui ne connaît pas seulement les choses, mais
qui en juge et qui les affirme.
On peut dire que de lui-même le verbe ne doit point
avoir d'autre usage que de marquer la liaison que nous
faisons dans notre esprit des deux, termes d'une propo-
sition; mais il n'y a que le verbe '7re, qu'on appelle
substantif, qui soit demeuré dans cette simplicité; car,
attendu que les hommes sont naturellement portés à
abréger leurs discours, ils ont presque toujours joint à
l'affirmation d'autres significations dans un même mot.
\° Ils y ont joint celle de quelque attribut, de sorte
qu'alors doux mots font une proposition, comme quand
on dit Petrus ririt, Pierre vit, parce que le mot vi'vit
renferme seul l'affirmation, et de plus l'attribut d'être.
De là est venue la grande diversité des verbes dans
chaque langue.
2" Ils y ont encore joint dans certaines circonstances
le sujet de la proposition, de sorte qu'alors deux mots
peuvent encore, et même un seul mot, faire une
proposition entière. Deux mots, quand je dis ; suin
])omo, je suis homme; un seul mot, comme quand on
dit vh-o, je suis vivant. De là est venue la ditTerence
des personnes, qui se trouve ordinairement dans tous
les verbes.
3° Ils y ont encore joint un rapport au temps rela-
tivement auquel on affirme; de sorte qu'un seul mot
comme cœnnsti signifie l'affirmation de souper, non
pour le temps où je parle, mais pour le temps passé. Et
de là est venue la diversité des temps.
C'est la diversité de ces significations jointes au
même mot qui a empêché beaucoup de personnes de
bien connaître la nature du verbe.
Arislote s'étant arrêté à la 3'' des modifications l'a
défini un mot qui signifie avec le temps.
Ceux qui ont préféré la seconde, l'ont défini, un
mol qui a diverses inflexions, avec temps et personnes.
D'autres s'étant arrêtés a la première de ces signifi-
cations, qui est celle de l'attribut, et ayant considéré
que les attributs que les hommes ont joints à l'aflir-
mation dans un mémo mot sont d'ordinaire des actions
et des passions, ont cru (pie l'essence du verbe consis-
tait a signifier des actions et des passions.
ICnliu, .Iules César Scaliger a cru révéler un grand
mystère en disant que la distinction des choses en
celles qui demciu'cnt et celles qui passent était la vraie
origine de la distinclion entre les noms et les verbes.
Toutes ces définitions sont fausses, et n'expliquent,
point la nature du verbe.
Il doit donc demeurer pour constant qu'à ne consi-
dérer simplement que ce qui est essentiel au verbe, la
seule vraie définition est : un mot qui signifie l'affir-
mation; car on ne saurait trouver de mot marquant
l'affirmation qui ne soit un verbe, ni de verbe qui ne
serve à la marquer, au moins à l'indicatif.
Si l'on veut joindre dans la définition du verbe ses
principaux accidents, on pourra dire : le verbe est un
mot qui signifie l'affirmation avec désignation de la
personne, du nombre et du temps, ce qui convient
proprement au verbe substantif.
Après avoir expliqué l'essence du verbe, et en avoir
marqué en peu de mots les principaux accidents,
Lancelot va considérer ces accidents un peu plus en
particulier, et commencer par ceux qui sont communs
à tous les verbes.
Dirersité des personnes et des nombres. — Pour se
dispenser de mettre toujours les pronoms ego, moi, je,
tu, toi, etc. devant le verbe, on a donné à ce mot une
certaine terminaison qui marquât que c'est de soi-
même qu'on parle, et c'est ce qu'on a appelé la première
personne du verbe, video, je vois.
On a fait de même à l'égard de celui à qui l'on
adresse la parole, et c'est ce qu'on a appelé la 2-= per-
sonne, vides, tu vois.
Et comme ces pronoms ont leur pluriel quand on
parle de soi-même en se joignant à d'autres, nous, vous,
on a donné aussi deux terminaisons différentes au
pluriel : videmus, nous voyons, videlis, vous voyez.
Mais, parce que ce sujet n'est souvent ni soi-même,
ni celui à qui l'on parle, il a fallu nécessairement faire
une 3° terminaison qui se joignit à tous les autres
sujets; et c'est ce qu'on a appelé la 3° personne, tant
au singulier qu'au pluriel.
Outre les deux nombres, singulier et pluriel, qui
sont dans les verbes comme dans les noms, les Grecs y
ont ajouté un duel, quand on parle de deux choses.
Les langues orientales ont même cru qu'il était bon
de distinguer quand l'affirmation regardait l'un ou
l'autre sexe, le masculin ou le féminin; c'est pourquoi,
le plus souvent, elles ont donné à une même personne
du verbe deux terminaisons différentes pour servir aux
deux genres, ce qui sert dans plus d'un cas pour éviter
les équivoques.
Des temps. — Il est une autre chose qui a été
jointe à l'affirmation du verbe, c'est la signification des
temps; de là est venu qu'on a encore donné d'autres
inflexions au verbe, pour signifier ces divers temps.
Il n'y a que trois temps simples : le présent, comme
«w!o, j'aime; le passé, comme amavi, j'ai aimé; et le
futur umubo, j'aimerai.
[La suite au prochain numéro.)
Le RiiuiCTECii-GÉttÀNT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
403
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Les Français en Italie au XVI* siècle; par Th.
Eachelet. Nouvelle édition. Iq-8°, 2i0 p. Rouen, lib.
Mégard et Cie.
Les Serées de Guillaume Bouchet, sieur de Bro-
court, avec notice et index par C.-E. Roybet. T. 4. In-12,
333 p. Paris, lib. Lemerre. 7 fr. 50.
Histoire des ducs de Normandie, avec la description
des mœurs, coutumes, villes et monuments de toute la
province; p. Céline Fallet. Gr. in-8% 205 p. Limoges,
lib. Barbou frères.
Les Guêpes; par Alphonse Karr. Nouvelle édition.
T. à- In-18 Jésus, 328 p. Paris, lib. Michel Lévy frères.
1 fr. 25.
Voyage au pays des milliards; par Victor Tissot. Il"
et 12= éditions, revues et corrigées, ln-18 Jésus. 392 p.
Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Les Soupirs de ma lyre, essais poétiques; par
-Marius Coste. fi" édition, revue et corrigée. In-8% 223 p.
Marsille, lib. Mabilly.
Les Étangs; par Gustave Droz. ll'édition. In-18 Jésus,
3i8 p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 3 fr.
Madame Lebailly, scènes de la vie de province ; par
Fervacques. 2' édition. In-18 Jésus, 36!i p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
La Mer; par Michelet. 4« édition. In-18 jésus, 432 p.
Paris, lib. Nouvelle. 3 fr. 50.
Les Drames du désert. L'Homme aux yeux d'acier.
La Savane aux serpents; par Louis Noir. Livraisons
20 à 45. In-Zi" à 2 col. 153-360 pages. Paris, lib. Claverie.
De la connaissance de Dieu et de soi-même ; par
Bossuet. Nouvelle édition, avec introduction, sommaires
et notes, par M. Emile Chasles, recteur de l'Académie de
ClermontFerrand. In-12, xx\ix-295. Paris, lib. Belin.
Les Mormons; par P->iul Duplessis. In-i'^ à 2 col.,
220 p. Paris, lib. Degorce-Cadot. 10 cent, la livraison.
Fausse route. Souvenirs d'un poltron. La première
faute. Aveux d'un égoïste ; par J. Girardin. Ouvrage
illustré de 63 gr. dessinées sur bois par H. Castelli, etc.
Grand-in-8°. yiu-29i. Paris, lib. H ichette et Cie. 5 fr.
Le Dernier Fantôme. Voisins et Voisines; par
Méry. Nouvelle édition. Gr. in-18, 280 p. Paris, lib.
Michel Lévy frères. I fr. 25.
La Reine Berthe au long pied, légende du vieux
temps; par Camille d'Arvor. In-8". 137 p. et gr. Paris,
lib. Lefort.
Œuvres complètes de Diderot, revues sur les édi-
tions originales, comprenant ce qui a été publié à
diverses époques et les manuscrits inédits conservés à la
bibliothèque de l'Ermitage. Notices, notes, table analy-
tique. Etude sur Diderot et le mouvement philosophique
au sviii' siècle, par J. Assézat. T. 5 et 6. Belles-lettres.
Il et III. In-S", 989 p. Paris, lib. Garnier frères. Chaque
vol. 6 fr.
Mémoires d'un imbécile écrits par lui-même,
recueillis et complétés par Eugène Nool. Avec une pré-
face de E. Littré. In- 18 jésus, .\xxi-285 p. Paris, lib.
Germer-Baillière. 3 fr. 50.
Aujourd'hui et Demain ; par Auguste Vacquerie. In-18
jésus, 339 p. Paris, lib, .Michel Lévy frères.
Publications antérieures :
LES ÉLÉMENTS MATÉRIELS DL FRANÇAIS, c'est-à-
dire les sons de la langue française entendus ou repré-
sentés. — Ouvrage utile à tous ceux qui s'occupent de
l'étude de notre langue. — Par B. Jcllien, docteur ès-
lettres, licencié ès-sciences. — Paris, lib. Hachelle et Cie,
76, boulevard Saint-Germain.
COURS COMPLET DE LANGUE FRANÇAISE (théorie et
exercices). — Par M. Guérvud, agrégé de l'Université,
Directeur des Etudes à Sainte-Barbe, chevalier de la
Légion d'honneur. — Deuxième partie. — Exercices sur
chacune des parties de la grammaire. — Nouvelle édition.
Paris, Ch. Delagrave et Cie, libraires-éditeurs, 58, rue
des Ecoles.
LE MARI DE LA VIEILLE. — Par G.\briel Prévost. —
Etude de Mœurs. — Chez Maillet, libraire-éditeur, 72,
boulevard Haussmann.
LA VIE PARISIENNE. — Par Armand L\pointe. —
vol. in-18. — Paris, librairie de Casimir Pont, 97,
Richelieu. — Prix : 3 fr. 50 cent.
Un
rue
DIEU ET LA NATURE. Poésies pour l'enfance. — Par
Mlle M. Trècocrt. — Ouvrage publié en 1865 sous le
patronage de Lamartine. — Deuxième édition. — Paris,
librairie française et anglaise de J.-H. Truchy, 26, boule-
vard des Italiens.
BOIELDIEU, SA VIE, ses œuvRES, sa correspondance. —
Par Arthur PocgIn. — Edition ornée d'un portrait de
Boieldieu, gravé sur acier, par M. Desjardins,, et du fac-
similé d'une lettre autographe de Boieldieu. — Paris.
Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre.
LA TENT.\TI0N de SAINT A.NTOINE. — Par Gistave
Flaubert. — Deuxième édition. — Paris, Charpentier et
Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre. — Prix :
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VERCINGÉTORIX ET L'INDÉPENDANCE GAULOISE.
Religion et institutions celtiques. — Par Francis
MoNMER. — Deuxième édition augmentée. — Paris:
librairie académique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35,
quai des Augustins. — Pris : 2 francs.
iOi
LE COURRIER DE VAUGELAS.
HISTOIRE D'ANGLETERRE DEPUIS LES TEMPS LES
PLUS RECULÉS. — Par Antonix Roche, directeur de
VEducalional Inslilule de Londres, chevalier de la Légion
d'honneur — '2 vol. avec cartes historiques. — Ouvrage
approuvé par le Conseil supérieur de l'Instruction pu-
blique. — /i' édition, entièrement refondue. — Paris,
librairie Ch. Detagrave, 58, rue des Ecoles.
MON VOYAGE AU PAYS DES CHLMÈRES. — Par Anto-
nix Rondelet, professeur honoraire de faculté. — Paris,
librairie académique Didier et Cie, libraires-éditeurs,
33, Quai des Augustins. — Prix : 3 fr. 50.
SAINT LOUIS ET SON TE.MPS. — Par H. Wallon,
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Sylle.me, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaitgelas, 26, boulevard des Italiens.
FROMONT JEUNE ET RISLER AINE. — Mœurs pari-
siennes. — Par Alphonse Daudet. — Septième édition. —
Paris, Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du
Louvre.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la h^ et la 5= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La 1", la 2' et la 3» année doivent être pro-
chainement réimprimées.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Un concours de poésie sur ce sujet la nevanche est ouvert à l'Académie des Poètes. — Pour concourir, il faut
appartenir à cette Académie, comme membre titulaire, honoraire, ou membre correspondant, et être Français. — Le
prix du concours consistera en une médaille d'or de la valeur de 150 fr. donnée par un des membres de l'Académie,
M. Marc Bonnefoy. — Les poésies envoyées au concours devront se renfermer autant que possible dans la limite de
100 et 200 vers (ces chiffres n'ont rien d'absolu), et être inédites; elles pourront être signées ou non signées, au gré
des concurrents, et dansée dernier cas, être accompagnées d'un pli cacheté contenant le nom de l'auteur. — Les
envois relatifs au concours doivent être adressés franco à M. Elle de Biran, archiviste de l'Académie, rue des
Missions, 22, à Paris, avant le 1" mars 1876.
L'Académie de la Rochelle (section littéraire) vient d'ouvrir aux sonnettistes un concours, dont le prix, une
médaille d'argent, sera décerné en séance publique, dans le courant de décembre prochain. — Deux médailles de
bronze pourront en outre être accordées, s'il y a lieu. — Le choix des sujets est laissé à la volonté des candidats.
La forme seule est obligatoire : celle du sonnet dans toute la rigueur de ses rimes, tnais avec toute liberté pour
l'ordre des stances. — Les pièces signées ou non inédites seront exclues du Concours. — Chaque envoi portera une
devise qui devra être reproduite à l'intérieur d'un billet cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur. — Le
Concours sera clos le 15 octobre 1S75, dernier terme auquel les sonnets devront être remisa M. Paul Gandin, Secré-
taire de l'Académie, 29, rue Dupaty, à la Rochelle.
L'Académie française propose pour le prix d'éloquence à décerner en 1876 un Discours sur le génie de Rabelais,
sur le caractère et la portée de son œuvre. — Les ouvrages adressés au Concours seront reçus au secrétari.it de
rinslitut jusqu'au 15 février 1876, terme de rigueur, et ils doivent parvenir francs de port. — Les manuscrits
perleront chacun une épigraphe eu devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage ; ce billet contiendra
le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — On ne rendra aucun des ouvrages envoyés au con-
cours, mais les auteurs pourront en faire prendre copie s'ils en ont besoin.
Le quinzième concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 1875 ; douze médailles, or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé frando, à M. Evariste , Carrance,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux, Gironde — {Affranchir).
Le. Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris: L'histoire du huitième arrondissement.— Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; le 2» prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3" prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le 1" juin 1876.
La Société d'encouragement au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher et développer
les moyens les plus prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralité comme le bien-être de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, Secrétaire-général, 2, rue Brocliant, aux Batignolles
(Paris), avant le 31 décembre 1875.
Le réilactcur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. UAUl'lîLEV i Noeenlle-Rotrou.
6" Année
N» 14.
15 Novembre 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^«
v\ \ yv-^ Journal Semi-Mensuel ^J/ / 4
S^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^^ f
FRANÇAISE
ParaUcant la 1« «t le IS de ehaqne mola
(Dans sa séance du \'i janvier 1ST5, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'AcdJémie
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
Annonces, la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
nal, soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Comptant aujourd'hui plus de cinq mille lecteurs,
le Courrier de i'm/gelas offre, pour les ouvrages
français (graramaire et littérature) une publicité dont
les bons résultats ne peuvent être mis en doute.
SO.M.MAIRE.
Communications relatives à Choli-ra, à Bock el à Russe ; —
Explication de Faire ripaille: — Eijmologie de Bronvlier; —
S'il (tul dire Sainl-Nicolasdu-Chardonneret ou du Chardonnet;
— Si l'on peut dire : Faire danser l'anse du panier à quel-
qu'un. Il Origine de l'expression C'est un compte d'apothi-
caire; — Comment Gorge cliaude peut signilier plaisanterie,
moquerie. || Passe-temps gramniatical | Suite de la biogra-
phie de Claude Lancelot || Ouvrages de grammaire et de
littérature || Concours littéraires.
FRANCE
C0M.MUiMCATIi3NS.
I.
Au sujet de choli-ra, que M. le pasteur Edmond
Stapfer n'a pas trouvé dans le texte original de la
Bible (numéro du 1" octobre}, j'ai reçu d'un autre
hébraisant, que j'ai l'honneur de, compter parmi mes
abonnés, la lettre qu'on va lire :
Paris, le 5 octobre 1875.
Monsieur,
Le mot clioli en hébreu veut dire malade, et ra veut dire
mauvais; choli-ra en bébreu veut donc dire littéralement
mauvaise maladie. Voyez Deutéronome, cb. 28, \. 59 et 61.
Dans le dernier verset se trouve choU au singulier; mais
verset 59, on trouve les deux mots réunis au pluriel cho-
lim raim. Ce sont les deux mots pénultièmes du verset.
Je vous salue cordialement,
Alexandre Weill.
Des communications verbales m'ajant également
attesté l'existence des mots hébreux choli-ra aux
endroits sus-indiqués, j'en conclus que je puis mainte-
nir mon adhésion à l'étymologie reproduite d'après
-M. Jobard (de Bruxelles).
II.
A l'occasion de ma nouvelle explicalion de bock, j'ai
reçu, en date du 5 octobre .dernier, les quelques mots
que voici :
Monsieur,
Vous avpz donné, dans votre dernier numéro, une nou-
velle êtymologie du mot Bock. Libre à vous de la préférer
à la mienne. Seulement je vous demande la permission
de vous faire remarquer que je n'rii pas, comme il vous
plaît de le dire, « recueilli mes renseignements » dans
le Figaro. Si vous avez voulu m'èire desagréable, vous
avez réussi.
J'ai l'honneur de vous saluer,
Ch. RozAN.
Quand, pour la première fois, j'ai eu à traiter de
l'origine du mot bock, je me suis appuyé (et je l'ai dit)
sur une note trouvée dans le Figaro du 19 octobre
J87i, note expliquant comment.M. Charles Rozan, dans
un article intitulé Voyagea travers les mots, avait
« vidé » la question du bock.
.Mais, dans mon numéro W, on j'ai inséré une
origine du même mot qui m'a paru plus probable, j'ai
écrit par erreur que .M. Charles Rozan « avait recueilli
ses renseignements dans le Figaro » ; et, conmie s'il
ne m'était pas permis de me.tromper, et qu'il fîit désho-
norant de glaner dans le spirituel journal de la rue
Drouot, .M. Charles Rozan m'a demandé, dans les termes
qu'on vient de lire, une rectification.
Celle rectification est déjà faite, et j'ose espérer que
M. Charles Rozan, pour qui je n'ai jamais montré que
de la sjmpalhie (le nombi'ede fois que j'ai ù{é&(i& Petites
Ignorances de la conrersation le prouve assez), voudra
bien reconnaître que l'hypothèse de la fin de sa lettre
implique à mon égard un soupçon que je n'ai pu
mériter.
III.
La communication suivante est relative à la question
406
LE COURRIER DE VAUGELAS.
de Russe et de Russien, reprise au mois de juillet
dernier.
_ Sedan, le 12 octobre 1875.
Monsieur,
Je tombe pir hasard sur le numéro du 15 juillet 1875 de
votre très-intéressant Courrier de Vaugelas.
J'y vois qu'antérieurement vous attribuiez à Voltaire
la substitution du mot Russe au mot Russien, mais que,
d'après M. Cli. Courrière, les mots Russe et Russie étaient
employés bien avant que Voltaire écrivît Ihisloire de l'em-
pire des tzars.
La bibliothèque municipale de Sedan possède les deux
ouvrages suivants :
Histoire des révolutions de l'Empire de Russie par La-
combe, Paris, chPZ Hérissant, 1760, 1 vol. in-S°.
Description de 1 Empire Rmsien, traduite de l'allemand
de M. le Baron de Strablenberg. Paris, chez Desaint, 1757,
2 vol. in- ri.
Les dénominations différentes employées dans ces deux
ouvrages, antérieurs si je ne me trompe à celui de Vol-
taire, prouveraient donc qu'on a employé synoptiquemeiit
les mots Russe et Russien.
Pardonnez, Monsieur, à un ancien journaliste atteint de
la manie du néologisme, et veuillez agréer mes respec-
tueuses salutations.
Ch. Pi Lard,
Rue des Laboureurs, 1.
Certainement, Russe s'est emplojé concurremment
avec Russien : M. Ch. Courrière a fourni la preuve que
cela avait lieu dès la fin du .xvf siècle, et les ouvrages
cités dans la communication précédente, ainsi que la
controverse élevée entre Voltaire et le prince Schouva-
lof, sont une preuve qu'il en était encore de même au
commencement de la seconde moitié du xviii''. C'est
seulement lorsque l'auteur de l'Histoire de la Russie
sous Pierre-le-Graml eut fait choix de Russe, à l'exclu-
sion de Russien, que ce dernier cessa peu à peu d'être
en usage.
X
Première Question.
Vous serait-il possible de me dire, dans un de vos
prochains numéros , l'origine de l'expression faire
ripaille'? Je ruus en serais bien reconnaissant.
Plusieurs explications ont déjà été données de cette
expression ; les voici :
Eloi .lohanneau fait venir ripaille de ripuaille, aug-
mentatif de mépris, dérivé de repue.
Selon Le Duchat, le mot ripaille est la contraction de
repaissaille.
Comme dans le voisinage de Lausanne, dit \& Diction-
naire de Fureticre, on recueille du vin qui s'appelle
ripaille, on aura dit faire ripaille pour signifier boire
d'excellent vin.
D'après d'autres, cette locution vient de cequ'Amédée
VIII, duc de Savoie, qui fut depuis antipape sous le
nom de Félix V, se relira dans le château de Ripaille,
sur les bords du lac Léman, pour j passer sa vie au
milieu des délices.
Voyons comment chacune de ces explications suppor-
tera la discussion.
Il se peut certainement que ripaille vienne de ri-
puaille; mais comment ce dernier peut-il venir de
repue? Celui-ci a conservé Ve initial de repascere, et je
ne vois pas de raison pour que ripuaille ait changé cet
e en i.
Pour que ripaille vint de repaissaille , il faudrait
qu'il fût démontré qu'une double s peut s'élider dans
le corps des mots. Or, jusqu'ici, je n'ai rencontré aucun
exemple de cette élision.
Dans rh\pothése où ripaille viendrait du vin des
environs de Lausanne, il devrait y avoir quelque expres-
sion analogue à faire ripaille, pour signifier boire de
bon vin. Dit-on faire bordeaux, faire Champagne,
etc.? Non; par conséquent, faire ripaille n'est -point
venu du vin suisse en question
Pas plus que les trois premières, la quatrième étymo-
logie, qui est cependant celle que préfère M. Lillré, n'est
à l'abri des objections. Ainsi :
\° Avec le verbe /"'(('/-e et un nom de lieu, notre langue
n'a jamais composé d'expressions signifiant goiîter des
plaisirs semblables à ceux qu'offre ce lieu ; elle n'a jamais
dit, par exemple, faii-e Capoue, faire C.orinthe , faire
Paris, etc.
2° Si cette expression venait de Ripaille, nom d'un
château, on aurait di'i la rencontrer quelque part avec
une majuscule; mais on ne l'a jamais vue, que je
sache, écrite avec une telle lettre.
3" Le journal \' Intermédiaire a démontré (o" année,
col. 6l9i que, quoi qu'on en ait dit, le séjour
d'Amédée VIII, à Ripaille, n'a pu donner prétexte à la
locution dont je m'occupe.
.'i" Au dire de Furetière (1727), l'expression faire
ripaille ■< est inconnue en Savoie et en Piémont » ;
Comment serait-elle originaire du premier de ces pays?
Ne pouvant adopter aucune des explications précé-
dentes, j'en ai cherché une à mon tour, et j'ai trouvé
celle que vous allez lire :
Quand une paysanne de la Beauce ou du Perche
ramène des champs sa vache bien repue, et que celle-ci
se permet de broutera droite ou àjgauche la verdure
■feuillage, blé, luzerne, etc.) dont le chemin peut être
bordé, on entend cette paysanne apostropher sa vache
et la qualifier de ripe (évidemment de rapere, enlever,
voler, dérober), pour lui reprocher sa gourmandise:
.4/;, la ripe.' dit-elle à l'animal, en lui administrant
quelques coups de bâton.
Si ripe existe dans ce sens, comme terme local, il
est probable qu'il a été autrefois d'un usage général, et
qu'il a donné lieu à un verbe riper, lequel a fourni, lui,
un verbe ripailler, dont on a fait ripaille (nous avons
encore de la même famille ripailleur qui n'a pu être
formé que d'un tel verbe, comme batailleur la été non
de battre, mais de batailler].
Or, avec ripaille tiré de cette source, on à pu dire
faiie une ripaille, puis faire ;-//?ai//e pour signifier com-
mettre un acle de gourmandise, se livrer â une débauche
de table, faire un bon repas.
X
Seconde Question.
Presque tous les étijmologistes, même Littré , font
renir le rerbe iiiiONcuiiii de l'ancien français biionche,
(jui signifiait isiiANciiE, /;// attribuant ainsi le sens pri-
LE GOUlUllER DE VAUGELAS.
107
midf de heurter le pied contre %tne branche. Youdriez-
vous tjien me dine si rozts êtes de la même opinion, qui
n'est pas du tout la mienne?
Si le verbe broncher avait toujours eu la même
orthograplie à sa première syllabe, j'adopterais assez
volontiers l'élymologie dont vous parlez ; mais il en a été
autrement.
Jusqu'au xvi" siècle, broncher s'est généralement écrit
bruncher (brunchier, bninquier], comme le montrent
les exemples suivants :
Tliibaul fery de la hache, qu'il tenoit, sur les espaules
de Colart si grant cop, qu'il le flst brunquier sur le col de
son cheval.
(Du Cange, Broquerius.)
Le grand colosse, à ce coup estonné,
D'un sault horrible aller bruncher par terre.
(Du Bellay, V, 9, yerso.)
C'est un coup de la fortune, de faire bruncher nostre
ennemy et de luy esblouyr les yeulx par la lumière du
soleil.
(Montaigne, lassais, I, 242.)
A mon avis, ce simple fait est une preuve évidente
que bronche, ancien terme mis pour branche, n'est
point l'élymologie demandée, et que, par conséquent,
cette étymologie est encore à découvrir.
Un jalon se trouve sur la route qui doit conduire
sûrement à l'endroit cherché ; c'est bruncher, intermé-
diaire dont l'authenticité vient d'être constatée par
les citations précédentes :
Mais d'où vient bruncher ?
11 n'est pas rare, en français, de rencontrer des mots
ayant une n qui n'existait pas dans leur forme primi-
tive; ainsi convoité est venu de l'adjectif latin cupitus;
lanterne est venu de lalerna; amande, de amygdala ;
langouste s'est formé de locusla; jomjleur, de jocula-
tor, etc.
Or, attendu qu'on trouve dans le même sens que
broncher les mots qui suivent :
Bruquer, en berrichon, où l'on dit, d'après le comte
Jaubert [Glossaire du centre de la France :
Mon pied a bru<iue contre ou dans une pierre; j'ai briiquc
et je suis tombé;
Burcfir (qui a pu devenir brvcar] en roman provençal,
verbe dont le Lexique de Raynouard offre cet exemple,
à la page 272 :
Om non pot tan plan anar
Que non l'avengua burcar.
(Un homme ne peut aller si sagement qu'il ne lui
arrive de broncher) ;
Je crois pouvoir en inférer que le verbe bruncher
vient de brucher ou bruquer, car ces deux mots n'en
font qu'un, en vertu d'une règle connue de transmu-
tation (ch= qu).
Maintenant, peut-on remonter plus haut dans la
généalogie de broncher ?
M. Litlré nous apprend que Diez a cru apercevoir
un autre ancêtre à ce mot dans l'ancien haut-allemand
brvch, flamand broc/i, signifiant quelque chose de
rompu, de brisé; mais une telle signification n'est
guère propre à convaincre sur ce point; et, plutôt que
de m'aventurer dans la nuit qui commence, je m'ar-
rête, et je résume comme il suit ma pensée sur l'ély-
mologie qui fait l'objet de votre question :
i° Je ne crois pas que broncher ait été tiré de
bronche, vieux mot français signifiant branche, parce
que, si cela était, les plus anciennes formes débrancher
renfermeraient nécessairement un o, et non un n, à la
première syllabe.
2° Selon toute apparence, broncher est venu' de brun-
cher [brunquer, brunchier], formé par l'addition d'une
M à brucher, lequel se trouve dans le patois du Berry,
et dans le roman provençnl [burcar), au sens de butter,
heurter le pied contre quelque chose, manquer de
tomber.
En d'autres termes, l'origine de broncher est bru-
quer, termepatois, changé par l'introduction de la nasale
n en brunquer, duquel on a formé broncher en adoucis-
sant qu en ch, et en remplaçant u par o, comme on l'a
fait, par exemple, dans tumber, plumjcr, première
orthographe de tomber et de plonger.
X
Troisième Question.
Est-il Juste de dire Saist-Nicolas-dc-Chardonneret ?
J'ai souvent entendit dire du GHARDOiNKET.
L'église de Paris qui porte ce nom, ou plutôt ce double
nom, car Saint-Nicolas-du-Chardonnet en est le nom
populaire, et Saint-Nicolas-du-Chardonneret, le nom
officiel, cette église, dis-je, a été ainsi appelée de l'em-
placement rempli de chardons sur lequel on l'a édifiée,
comme le prouve la citation suivante, que j'emprunte
au Dictionnaire historique de Hurtaut et Magny (III,
p. (50.5) :
^'IcoLAs-Du-CHARDo^'^■ET, (Saiu!) ainsi nommé à cause
du lerrilnire rempli dg chardons, sur lequel cette Église est
située, et du Fief du Gliardonnet...
Pour découvrir laquelle de ces deux déilominations
est préférable à l'autre, il faut donc résoudre préala-
blement cette question ; Doit-on appeler chardonnet ou
chardonneret un terrain sans culture où croissent beau-
coup de chardons?
he, moi chardon a servi à former deux noms dans
notre langue; l'un, pour désigner un oiseau qui affec-
tionne le chardon; l'autre, pour signifier un lieu, un
endroit planté de chardons, ce qui résulte de la citation
historique faite plus haut.
Par toutes les provinces, le nom de l'oiseau a élé
généralement formé de chardon, comme il se disait. .
par l'addition de cl inormand : chardon, chardonnet;
berrichon : échardon, cchardonnet; picard : cardon,
cardonnel] ; toutefois, on disait aussi chardonneret,
comme le montre cette cilalion du xive siècle, trouvée
dans le Dictionnaire de Littré :
Pinchons, cardonneriez, tarins.
(Mmtus, 10 CXXVI.)
et ce mot, qui devint en faveur à Paris et à la Cour,
nous est resté, comme une exception, au milieu de
toutes les formes patoises régulières, pour désigner le
petit oiseau chanteur que vous savez.
-108
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Mais il n'y a aucun indice que, pour désigner un lieu
oii les chardons poussent en abondance, on ait jamais
employé un mot à la finale neret ; on désignait par
aulnay, tremblai/, cspiiiuij, etc., un lieu planté d'aunes,
de trembles, d'épines, etc.; on appela, selon toute
apparence, chardonnay (écrit à tort selon moi par et)
un espace inoccupé où les chardons croissaient en plus
grande quantité que les autres herbes.
D'où il suit que l'église de Saint-Nicolax aujourd.'hui
succursale de Saint-Elienne-du-.Mont, église dont le
surnom, comme l'histoire le dit, fait allusion à la char-
donnière naturelle sur laquelle on l'a bâtie, ne peut
être appelée à juste litre Saint-Nicolas-du-Ckardonneret :
c'est du Chardonnet, tout mal écrit qu'est ce mot, qu'il
faut dire, et non autrement.
X
Qiialriéme Question.
Doit-on dire : faibe danser l'anse do panier a qcel-
Qu'tN, ou employer toujours cette expression sans aucune
espèce de régime de personne?
L'expression faire danser l'anse du panier peut par-
faitement, il me semble, être suivie de la préposition à
et d'un nom ou d'un pronom désignant la personne au
préjudice de qui cette danse a lien, et je vais vous en
dire la raison, qui est fort simple :
Dans le numéro précédent, où j'ai expliqué le sens
littéral de faire danser l'anse du panier, j'ai dit que
cette expression avait été précédée de battre le cabas,
ce que j'ai prouvé par une citation empruntée au poète
Euslache Deschamps.
Or, dans cette citation, battre le cabas est suivi de à
et d'un mot désignant les victimes du droit du panier :
Ainsi comme on bat le cabas
A ceuls qui ne scevent le prix
Du marcliié
Ainsis seiilt on le cabas balre,
Bol on, et l'en a souvent fait
A ceuls qui ne scevent ce fait.
Par conséquent, faire danser l'anse du panier, qui
n'est qu'une variante, en quelque sorte, de batre le
cabas, doit admettre l;i moine construction.
ÉTRANGER
Première Queslion.
Pourquoi dit-on d'une note ou les articles sont
comptes trop cher que c'est un compte D'APOïniCAïUE?
Autrefois les apothicaires vendaient de tort mauvaises
drogues, et ils les faisaient payer des prix exorbitants,
double fait mis en évidence par un opuscule publié à
Tours eu l'Kia, sous le litre de Dcclaralion des Alniz
et Tromperies que font les Apoficaires.
Voici, en eiïet, ce rpie l'auleur, MaistrcLissetRenan-
cio, dit aux feuillcls suivants (non numérotés) de ce
curieux opuscule :
(2). Hz n'useront jamais que de miel rousat avpcques
quelques eaux puantes et recoulees, et de cela vous en
feront ung beau item en leur partie, et ne feront point
de conscipnfp de vendre ung tel gargarisme dix soh et
quinze solz qui ne vault pas deux solz.
(20). Ces misérables escorclient les malades, si les Méde-
cins ne modèrent leurs parties, nrevoyantz que leurs par-
ties seront rongnees , ilz les augmentent du tiers, et
semblent les marchantz de Paris, qui feront une marchan-
dise qui ne vaudra que vmgt solz, soixante solz, et pour
mieulx vendre leurs drogues esventees, ilz se contenteront
a dix solzetseptsolzet demy (qui est Jjeaucoup) pour jour,
mais ilz mettront en leurs parties a vingt solz ce qui n'en
vault que cinq.
(îi). Lesquelz [les apoticaires de Poitoul n'ont eu honte
etconscience de vendre ungpeiit voirre de ptisane, avecque
ung peu de miel, trente solz, faisant a croire aux malades
que c'est une décoction magistralie et pectoralle, disant
qu'U y entre des choses bien chères, jacoit qu'il n'y entre
que du regalice, des raisins et de l'orge.
Or, ces trois citations me paraissent suffisantes pour
vous l'aire comprendre pourquoi l'on qualifie de compte
d'apollticaire une note qu'un fournisseur présente
singulièrement enflée.
A mon avis, on ne pouvait guère trouver une meilleure
comparaison.
X
Seconde Queslion.
Je lis dans un dictionnaire français : « oorge cbacde,
«. /. plaisanterie, moqueri'' : faire des gouges cuaudes,
FAHiE de quelque cbose tine GORGE cuAUDE, s'fift réjouir . »
Youdriez-rous bien m' expliquer comment l'idée de joie,
de plaisanterie, de moquerie, se lie à celle de gorge
CHiCDE?'
En termes de fauconnerie, on appelle gorge, chez
l'oiseau, le sachet supérieur connu vulgairement sous
le nom de poche.
Par métonymie, on désigne aussi par gorge la quan-
tité de nourriture que l'oiseau prend en une fois :
Mettre avecques luy quelque poulaille vive, ou autre
oiseau vif, le plus souvent qu'on pourra, et luy faire plu-
mer et manger à son aise et plaisir, jusques à ce qu'il en ait
prins (jorye raisonnable.
(De Francllièrés, Faucon, f" 6, verso.)
Toutesfois, il y doit bien avoir de la discrétion pour le
regard, du rocher : pour ce qu'enfin l'oiseau pourroil estre
maigre et bas, qui plus auroit besoin d'une bonne gorge,
que du bain, du rocher, et de la bouche.
(Idem, f® 7, recto.)
Pour conserver faucons et autres manières d'oiseaux de
proye en santé, maistre Molopin dit qu'il se faut surtout
garder de leur donner grosse gorge.
(Idem, f" 10, verso.)
Quand la gorge est composée d'un animal vivant,
comme une alouette, un rat, une souris, etc., on l'ap-
pelle gorge chaude, à raison de la température inté-
rieure de ces diverses proies :
... Quand ils sont aux champs et en leur liberté, ils se
paissent selon leur gré de bon past et de gorges chaudes
ordinairement.
(Saincte-Aul.'ïire, Fauconn., p. l96,-)
Notre bonne commère
S'efTorce de tirer son hôte au fond de l'eau,
LE COURRIER DE YAUGELAS.
100
Contre In droit des gens, contre la foi jurée,
Prétend qu'elle en fera gorge chaude et curée.
(La Fontaine, /aS. IV. ii.l
D'abord, on s'est naturellement servi de celle expres-
sion, au figuré, pour signifier le plaisir de ceux qui
avaient fait bonne chère à la suite de quelque succes-
sion, qui, en peu de temps, avaient dissipé une-certaine
fortune ou perdu quelque avantage; ensuite, comme on
se réjouit beaucoup a plaisanter les autres, et à s'en
moquer, on a comparé celle joie à celle du faucon se
repaissant d'un être « vif », et, non moins naturelle-
ment, on a employé l'expression de (jorge chaude dans
le sens indiqué par le dictionnaire franeais que vous
avez consulté :
Le duc de Saint-.\ignan trouva l'aventure si plaisante
qu'il en fit une gorge chaude au lever du roi.
(St Simon, 95, 3.)
Le soir le duc du Maine fit chez lui une gorge chaude fort
plaisante de Fagon avec Le Brun.
(Idem, 4o5, 53.)
PASSE-TE.MPS GRAiM.MATlGAL
Corrections du numéro précèdent.
1». .. d'autre chose 'que le métier ; — 2°... qui, dans quel-
ques milliers d'années; — 3» Bien que cartésien jusqu'aux
- tourbillons inclusivement (Voir Courrier de Vaugelns, 6' année,
p. 5!i); — i° . . . sont de véritables g«e/s-apens (au pluriel on
met une s à guet); — 5»... Pope, Congrève non seulement
jouissaient (mais, le concomitant de non-seulement étant avant le
verbe, il faut que celui-ci soit placé de même); — 6"... laissés
à eux-mêmes; — 7°... suivant qu'elle s'incarnait dans un
grand seigneur; — S'... d'autant plus facile i/e me donner ..
sont tes plus en lumière; 9\ . . ne laisse pas d'inquié-
ter ; — 10'... celte surprise, et /eçHC/ (devant un nom, on m'et
quel, mais, avec le même nom sous-entendu, il faut lequel)-
Phrases à, corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
l' Si j'avais à choisir parmi les ouvrages ou opuscules
assez nombreux de d'Alembert, je n'hésiterais pas, je met-
trais en première ligne son Essai sur la Société des gens
de lettres et des grands.
2° La combinaison du Post, feuille qui passe pour avoir,
comme tant d'autres, des attaches gouvernementales, mé-
rite donc d'être au moins signalée. Nous ne l'avions pas
laissé passer inaperçue.
3° M. le procureur de la Képublique a constaté, en
outre, que ladite commission se réunissait parfois, et tout
récemment encore, dans le but de préparer les élections
sénatoriales.
4° Ce que nous disons de la Vaucluse, on peut le- dire
hardiment de tous les départements. En France, il n'y a
plus, à proprement parler, de partis intransigents.
5° Ce qui m'a induit à parler comme je l'ai fait, en
commençant cet article, c'est une particularité assez sin-
gulière que l'on vient de m'apprendre, A qui je ne vois'
d'autre e.xplication possible que la parfaite inutilité du
recteur.
G' 11 lui écrit aussi souvent que les règlements le lui
permettent, et ses lettres n'expriment ([u'un désir, celui
dé voir sa fille et de la serrer dans ses bras. 11 l'a par-
donnée.
7" Il déclar.^ aux députés bourgeois que les électeurs
de Paris, dans l'élection Engelhard, intiment à leur can-
didat de ne voler et n'envoyer au Sénat qu'un mandataire
qui ne verrait dans la Constitution qu'une enseigne répu-
blicaine.
8" Le ménage V..., demeurant rue d'.\ngoulèmp-du-
Temple, vivait dans les meilleurs termes, et quand une
discussion s'élevait entre eux, comme dans tous les mé-
nages, elle se terminait généralement sans dégénérer en
querelle.
9" 11 semblerait qu'un ministre dût attendre impa-
tiemment l'heure d'en app. 1er à l'Assemblée du jugement
plus que sévère rendu par l'opinion publique en première
instance.
'Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GR\MM.\IRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU XVJl» SIÈCLE.
Claude LANCELOT
[Suite.] ■
Mais, parce que dans le passé on peut indiquer que la
chose ne vient que d'être faite, ou indéfiniment qu'elle
a été faite, il est arrivé que la plupart des langues vul-
gaires ont eu deux sortes de prétérit; l'un qui marque
la chose précisément faite , et que pour cela on
nomme défini, comme j ni écrit, j'ai dit ; et l'autre qui
la marque indéterminémenl faite, et que pour cela on
nomme indéfini ou aoriste, comm^j'écriris, je vis, ce
qui ne se dit proprement que d'un temps qui soit au
moins éloigné d'un jour de celui auquel nous parlons;
car on dit h'ienj'écriris hier, mais non pas j'écrivis ce
matin. Notre langue est si exacte dans la propriété des
expressions qu'elle ne souffre aucune exception en ceci,
quoique les Espagnols et les Italiens confondent quel-
quefois ces deux prétérits.
Le futur peut recevoir aussi les mêmes différences;
car on peut désirer de marquer une chose qui doit
arriver bientôt, ainsi les Grecs ont un paulopost- futur,
qui-marque que la chose va se faire; et l'on peut mar-
quer une chose comme devant arriver simplement.
On a voulu aussi marquer chacun de ces temps avec
rapport à un autre, par un seul mot; de ià est venu
qu'on a encore inventé d'autres inflexions dans les
verbes, qu'on peut appeler des temps cow/jo.se's dans le
sens, lesquels sont au nombre de trois.
Le premier est celui qui marque le passé par rapport
au présent; on l'a nommé prétérit imparfait, iiarcoqu il
ne marque pas la chose simplement et proprement
comme faite, mais comme' présente à l'égard d'une
chose qui est déjà néanmoins passée. Quand on dit
je soupois lor.'iqu'il est entré, l'action du souper est à
la vérité passée, mais elle est marquée comme présente
relativement à la chose dont on parle.
Le deuxième temps composé est celui qui martitie
doublement le passé, et qui, à cause de cclii, s'appelle
MO
LE COURRIER DE VAUGELAS.
plus -que-par fait , comme cœnuveram ^ j'avais soupe,
lequel exprime l'action de souper non-seulement comme
passée en soi, mais encore comme passée relativement
à une autre chose qui est aussi passée, comme lors-
qu'on àW. j'avois sovpé quand il est entré .
Le troisième temps composé est celui qui marque
l'avenir avec rapport au passé, savoir le futur parfait,
comme /aurai soupe, par lequel on marque que
l'action de souper sera passée quand une autre égale-
ment future aura lieu : quand j'aurai soupe, il entrera.
Les langues orientales n'ont que le passé et le
futur, sans loules les autres différences d'imparfait, de
pJus-que-parfait, etc., cequi rend ces langues sujettes à
beaucoup d'ambiguités, qui ne se rencontrent point
dans les autres.
Des modes. — Les hommes ont trouvé qu'il était
bon d'inventer encore d'autres inflexions, pour expli-
quer plus distinctement ce qui se passait dans leur
esprit ;car premièrement ils ont remarqué qu'outre les
affirmations simples comme il aime, il aimoii il y en
avait de conditionnées et de modifiées, comme quoiqu'il
aimai, quand il aimerait. Et pour mieux distinguer ces
affirmalions des autres, ils ont doublé les inllexions
des mêmes temps, faisant servir les unes aux aflirma-
tions simples, comme aime, aimoit, et réservant les
autres pour les afOrmations modifiées, comme aimât,
aimerait : c'est de ces dernières sortes d'inflexions que
les grammairiens ont fait le mode appelé subjonctif.
Outre l'affirmation, l'action de notre volonté peut se
prendre pour une manière de notre pensée, et les
hommes ont eu besoin de faire entendre ce qu'ils vou-
laient aussi bien que ce qu'ils pensaient. Or, nous
pouvons vouloir une chose de trois manières princi-
pales :
•l" Vouloir ce qui ne déjjcnd pas de nous, et alors la
volonté n'est qu'un simple souhait, ce qui s'explique en
Jalin par la particule ntinam, et en français, par l'ex-
pression plût à Dieu.
Quelques langues, comme la grecque, ont inventé des
inflexions particulières pour cela, ce qui a donné lieu
aux grammairiens de les appeler mode optatif; il y en
a dans notre langue, en espagnol et en italien, qui s'y
jjcuvent rapporter, j)uisqu'il y a des temps qui sont
lri|)les. .Mais en latin les mômes inllexions servent [lour
le subjonctif et pour l'optatif.
2" Une aulj'c manière de voidoir, c'est lorsque
nous nous contentons d'accorder une chose, quoiqu'ab-
flolumeiit nous ne la voulussions pas, comme quand on
dit qu'il dépense, qu'il perde, qu'il prêche, etc. Les
hommes auraient pu inventer une inilexion j)Our mar-
quer ce mouvement, aussi bien qu'ils en ont inventé
en grec pour marquer le simple désir; mais ils ne
l'ont pas fait, et se servent jjour cela du subjonctif,
auquel nous ajoutons que en français : qu'il dépense.
OueNiucs grammairiens ont ajipelé ce mode modus
potentialis, ou modus concessivus.
3° Nous voulons de la troisième sorte quand ce que
nous voulons dépendant dlune personne de qui nous i
pouvons l'obtenir, nous lui signifions la volonté que '
nous avons qu'elle le fasse. C'est le mouvement que
nous avons quand nous commandons ou que nous
prions; c'est pour marquer ce mouvement qu'on a
inventé le mode qu'on a appelé impératif, lequel n'a
point de première personne, surtout au singulier, parce
qu'on ne se commande point à soi-même; ni de troi-
sième, en plusieurs langues, parce qu'on ne commande
proprement qu'à ceux à qui l'on s'adresse, et à qui on
parle. Et comme le commandement ou la prière est
toujours antérieur à son accomplissement, l'impératif
a été mis par les grammairiens au nombre des futurs.
De tous les modes dont il vient d'être question, les
langues orientales n'ont que l'impératif.
De l'infinitif. — C'est l'inflexion du verbe qui ne
reçoit point de nombre ni de personnes : essere, être,
amare, aimer. L'infinitif est aux autres manières du
verbe ce qu'est le pronom relatif aux autres pronoms.
De là est venu qu'en français nous rendons presque
toHJours l'infinitif par l'indicatif du verbe et la particule
que, et alors ce que ne signifie que cette union d'une
proposition avec uneautre, laquelle union est, en latin,
renfermée dans l'infinitif, et en français aussi, quoique
plus rarement, comme lorsqu'on dit : il croit savoir
toutes choses.
Cette manière de joindre les propositions par un
infinitif, ou par le quàd et le que est principalement en
usage quand on rapporte les discours des autres : le
Uoi m'a. dit qu'il me donnera une charge.
Cette union des propositions se fait encore par si en
français et par an en latin, quand le discours qu'on
rapporte est interrogatif; ainsi, par exemple, pour
exprimer qu'on lui a demandé : Pourez-vaus faire cela?
quelqu'un peut dire, en rapportant ces paroles et en
changeant la personne : on m'a demandé si je pouvais
faire cela.
Il est à remarquer que les Hébreux, lors même qu'ils
parlent dans une autre langue, se servent peu de cette
union des propositions, et qu'ils rapportent presque tou-
jours les di_^scours directement, et comme ils ont été faits.
Cette coutume a passé dans les auteurs profanes, qui
semblent lavoir empruntée aux Hébreux.
Différentes espèces de verbes adjectifs. — C'est une
erreur commune de croire que tous les verbes signifient
des actions ou des passions; car il n'y a rien qu'un
verbe ne puisse avoir pour son attribut, s'il jilail aux
hommes de joindre l'affirmation avec ledit allrihiif.
Cela n'empêche pas néanmoins qu'on ne puisse con-
server la division ordinaire de ces verbes en actifs,
passifs et neutres.
On appelle proprement actifs les verbes qui signifient
une fiction à laquelle est opposée une passion, comme
bnttre, être battu, soit que ces actions se terminent à
un sujet, ce qu'on appelle action réelle, comme tiattrc,
rampre, tuer, etc., soit qucllesse terminent seulement à
un ol jet, ce qu'on appelle action intentionnelle, comme
aimer, connaître, voir, etc.
{La .luile au prochain numéro.)
Le Rkuacteub-Géuamt : Euan MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
<ll
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
La Flûte et le Tambour; par J, Autran, de l'Aca-
démie française. In-S», 416 p. Paris, lib. Micliel Lévy.
6 fr.
Vinçt ans après, suite des Trois mousquetaires ;
par Alexandre Dumas. Edition illustrée par J. A. Be.iucé.
In-W à 2 col. 401-556 p. Livraisons 51 à 70 (fin). Paris,
lib. Polo. 10 cent, la livraison.
Souvenirs de jeunesse , suivis d'Hélène , études
politiques et littéraires ; par Léonard Laborde. In-18,
xiii-456 p. Bayonne. imp. Limaignère. U fr.
Sonnets parisiens , caprices et fantaisies; par
Gabriel Marc. In-8<>, vni-140 p. Paris, lib. Lemerre.
3 fr.
La Seconde vie de Marius Robert; par Paul Par-
fait. ln-18 Jésus. /i56 p. Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
■Wolf, le loup ; par Clémence Robert. In-18 Jésus.
313 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 1 fr. 25.
Mémoires du duc de Saint-Simon; publiés par
.MM. Chéruel et Ad. Régnier fils, et collationnés de nou-
veau pour cette édition sur le manuscrit autographe,
avec une notice de M. Sainte-Beuve. T. 19. In-18 Jésus,
i51 p. Paris, lib. Hachette et Cie. Chaque vol. 3 fr. 50.
Le général Philippe de Ségur , sa vie et son
temps; par Saint-René Taillandier, de l'Académie fran-
çaise. ln-12, V11I-3C6 p. Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr. 50.
Moïse, le Talmud et l'Evangile, revu et augmenté
de plus de 100 textes; par Alexandre Weil. à vol. in-32,
268 p. Paris, lib. Dentu.
Un mariage dans le monde; par Octave Feuillet, de
l'Académie française. In-18 Jésus, 341 p. Paris, lib. Michel
Lévy.^ fr. 50.
La République de Martin; par Louis Rambaud. ln-
18 jésu=.iv-363 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
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que des plus intrépides voyageurs : Le major Lamy,
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roman parisien; par Xavier de .Montépin. Edition illus-
trée. In-4'. 259 p. Paris, lib. Roy. 10 cent, la livraison.
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précédé de Discours, Lettre à d'Alembert sur les spec-
tacles, et suivi de Considérations sur le gouvernement de
Pologne et la réforme projetée en 1772. Lettre à .M. de
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Nouvelle édition, revue d'après les meilleurs textes, ln-18
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similé d'une lettre autographe de Boiel lieu. — Paris,
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YEducalional Iiislilulc de Londres, chevalier de la Légion
d'honneur — 2 vol. avec cartes historiques. — Ouvrage
approuvé par le Conseil supérieur de l'Instruction pu-
blique. — k' édition, entièrement refondue. — Paris,
librairie Ch. Delagrave, 58, rue des Ecoles.
MON VOYAGE AH PAYS DES CHIMËRRS. — Par Anto-
nin Rondelet, professeur honoraire de faculté. — Paris,
librairie académique Didier et Cie, libraires-éditeurs,
33, Quai des Augustins. — Prix : 3 fr. 50.
SAINT LOUIS ET SON TEMPS. — Par H. Wallon,
membre de l'Institut, professeur d'histoire moderne à la
Faculté des lettres de Paris. — Deux volumes. — Paris,
librairie llacheile et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru, — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la Zi" et la 5= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La l", la 2' et la 3^ année doivent être pro-
chainemenl réimprimées.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation,
Dans un des plus beaux quartiers de Paris, —
Un .Monsieur et une Dame, sans enfants, désirent recevoir
des pensionnaires. — Prix modérés.
Dans les environs de Paris. — • Une dame désire
recevoir comme pensionnaires de jeunes demoiselles de
Avenue de la Grande Armée (prés de l'Arc de
triomphe de l'Etciiei. — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très-bel appartement.
bonne famille pour leur enseigner la langue française, la
musique, etc.
A Passy (près du RanelaghJ. — Un chef d'institution
reçoit dans sa famdle quelques pensionoaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Au centre de Paris. — Un pasteur recevrait volon-
tiers, comme pensionnaires, trois ou quatre jeunes fdles,
qui trouveraient dans sa maison la vie de famille, et, au
besoin, des leçons.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Un concours de poésie sur ce sujet la Revanche est ouvert à l'Académie des Poètes. — Pour concourir, il faut
appartenir à cette Académie, comme membre titulaire, honoraire, ou membre correspondant, et être Français. — Le
prix du concours consistera en une médaille d'or de la valeur de 150 fr.. donnée par un des membres de l'Académie,
M. Marc Bonnefoy. — Les poésies envoyées au concours devront se renfermer autant que possible dans la limite de
100 et 200 vers (ces chiffres n'ont rien d'absolu), et être inédites; elles pourront être signées ou non signées, au gré
des concurrents, et dans ce dernier cas, être accompagnées d'un pli cacheté contenant le nom de l'auteur. — Les
envois relatifs au concours doivent être adressés franco à M. Elle de Birant archiviste de l'Académie, rue des
Missions, 22, à Paris, avant le 1" mars 1876.
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. — Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; le 2= prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3" prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le 1" juin 1876.
La Société d'encouragement au bien décernera en- 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Hechercher el développer
les moyens les plus prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralité comme k bien-ctre de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, Secrétaire-général, 2, rue Brochant, aux ftatignolles,
(Paris), avant le 31 décembre 1875.
Le réiluclcur du Courrier de Vauye/ns est vi.'^ible à .«ou bureau de midi à unr. heure el demie.
" '" Imprimerie GUIJVKKN'lilJH, G. UAL'l'liLKV à Nogent-le-Rotrou.
6^ Année
N" 15.
1" Décembre 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le 15 de cbaqoe mois
{Dans sa séance du [2 janvier IS75, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX : -
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTBANOERS
OITicier (l'.VcdJémie
2G, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
ACADÉMIE FRANÇAISE
séance publique annuelle du jeudi 11 novembre 187.5.
«apport de M. Patin, secrétaire-perpétuel de l'Académie,
sur les Concours de 1875.
(Extrait.)
« Le prix Lambert est, selon l'intention du fondateur,
une marque d'intérêt public qui s'adresse à la personne
même d'un homme de lettres. 11 peut être encore et il a
été quelquefois une dislinntion indirectement adressée à
son œuvre, faute d'une autre manière de la récompenser.
En le décernant cette année à M. Eman Martin, l'Académie
couronne, autant qu'il est en elle, son Courrier de Vaugelas,
journal grammatical très-digne du nom dont il se pare, où,
depuis assez longtemps déjà, les singularités, les difficultés
de l'usage sont savamment, ingénieusement expliiiuées ou
résolues. »
SO.M.MAIRE.
Communications relatives au verbe Espérer, au proverbe Etre
plus prés de Sainte-Larme que de Vendôme et à l'emploi de
Transmutation; — Explication de Haricot de mouton: — Pour-
quoi Dépistera, deux significations; — Pourquoi Molière a dit
Concert de musique; — Orthographe du participe passé pré-
cédé de En et d'un adverbe d equanlité ; — Explication de
Rat de ponts et de Rat de soupe. || A quoi fait allusion Le sac
et les quilles de La Fontaine; S'il faut dire Ils ont un cAe;-
'toi ou Ils ont un chez-eux \\ Passe-temps grammatical J
Suite de la biographie de Claude Laneelot {{ Ouvrages de
grammaire et de littérature || Familles parisiennes pour se
perfectionner dans la conversation || Concours littéraires.
FRANCE
GO.M.MUNICATIONS.
I.
A la date du 20 octobfe, j'ai reçu la lettre suivante,
contenant des réflexions sur une phrase du « passe-
tem])s », où j'aurais mis à tort un futur au lieu d'un
présent :
Monsieur,
Dans votre numéro du jour, 15 octobre 1875, vous corrigez
une phrase où se trouvent ces mots :
« Espérons que les royalistes se repentent... »
Vous dites : le verbe espérer n'est pas de ceux qui veulent
lesubjonctif après eux.
Je crois (quoique la phrase que vous critiquez ne soit
pas de moi) que le verbe repentent est au présent et non au
subjonctif. Le contexte de la phrase semble me l'indiquer.
U naît alors pour moi un doute sur lequel ji'appelle votre
attention.
On emploie tous les jours le verbe espérer pour des faits
présents ou accomplis, sur l'existence desquels on n'est pas
encore fixé. L'on dira, par exemple, dans ce sens :
J'espère que les ennemis ont été battus. — J'espère que
le beau temps règne actuellement dans tel pays...
Cela signifie évidemment : J'espère que j'appremlrai la
nouvelle que les ennemis ont été battus, et que le beau
temps règne dans tel pays...
Au fond, est-ce bien logique'? U entre dans l'essence du
mot espérer de se référer à un fait à venir. Or, dans les
exemples précités, il n'y a, se référant à l'avenir, que la
connaissance précise qu'on acquerra d'un fait actuel ou
passé.
Cela suffit-il pour que, en bonne logique, on soit endroit
de se servir du mot : espérer? JSe serait-ce pas le cas
d'appliquer à ces sortes de phrases la parodie du mot de
Voltaire : « Tout ce qui n'est pas logique n'est pas français. »
Veuillez agréer. Monsieur, mes plus respectueuses
sympathies.
Gabriel Prévost.
Les phrases que l'auteur de cette communication
donne comme exemples - sont bonnes, car le verbe
espérer, qui s'emploie dans le sens de penser, estimer,
croire, peut avoir pour régime une proposition renfer-
mant un présent, un passé ou un futur. .Mais on n'en
est pas plus autorisé à employer le présent repentent
dans la jihrase que j'ai signalée comme fatilive, et cela,
pour la raison très-simple que voici :
Dans cette phrase, et que annonçant un second com-
plément oi'i espérer se trouve suivi d'un verbe au futur,
il faut nécessairement mettre le même temps, c'est-à-
dire repentiront, dans le premier complément, ce qui
donne pour la phrase complète :
Espérons que les royalistes se repentiront, et {espérons]
que, (lès la rentrée, ils s'uniront aux républicains pour
obtenir que l'on rapporte tous les décrets relatifs à l'état
de siège.
i\A
LE COURRIER DE VAUGELAS.
II.
Dans ma 4' année, je terminais ainsi un article sur
l'explication du proverbe Être plus près de Sainte-
Larme que de Vendôme :
(t Attendu qu'il pourrait parfaitpment se faire que l'ex-
plication que je viens de donner ne fût pas la bonne, et
que je tiens essentiellement à prouver à mes lecteurs que
je ne néglige rien dans mes recherches pour découvrir la
vérité, ce numéro du Courrier de Vaugelas sera envoj'è à
dix personnes compétentes de Vendôme, à l'effet de provo-
quer de leur part les critiques auxquelles ladite explication
pourrait donner lieu, n
Cet appel n'a pas été fait en vain; le 26 octobre
dernier, un abonné, qui est originaire de Vendôme,
m'a adressé de Cherchell, où il habite, la lettre que
je vais transcrire :
Monsieur,
Dans votre numéro du 1" novembre 1873, vous donnez,
du proverbe II est plus près de Sainte-Larme que de Vendôme,
une explication qui n'est peut-être pas tout-à-fait exacte.
Permettez qu'en ma qualité de Vendômois, je vous en pro-
pose une autre un peu différente.
La fameuse relique à laquelle vous faites allusion, et qui
a donné lieu au proverbe, s'appelait communément la
Sainte-Larme de Vendôme. On la trouve désignée ainsi dans
les vieux auteurs. Nos pères aimaient les jeux de mots : la
teigne était le mal Saini-Aignan; ils disaient Fou est près
de Tau; aller au retrait, c'était aller à Cambrai...
Être prés de Sainte-Larme eut le sens d'è're sur le point
de verser des larmes ; d'où le proverbe : /( est plus près de
Sainte-Larme que de Vendôme. Ce qui revient à dire, si je ne
m'abuse : il est près de Sainte-Larme, et ce n'est pas de
la Sainte- Larme de Vendôme. Tournure bizarre, mais vive
et piquante, et qui n'est peut-être pas sans exemple.
Le proverbe signifie donc : Il est sur le point de verser
des larlnes; et, par extension : 11 est menacé d'une afflic-
tion prochaine; ou, sons une forme familière, il est plus
prés de pleurer que de rire. Mais je doute que le refrain
de chanson que vous citez d'après M. Quitard ait rien à
faire ici, pas plus, d'ailleurs, que la situation de l'abbaye en
dehors de la ville.
Je lis. Monsieur, avec un vif intérêt votre excellente
petite feuille, et je regrette de ne l'avoir pas connue
plus tôt.
.\gréez mes bien sincères compliments.
A. S.
Je trouve l'explication qu'on vient de lire plus naturelle
. que la mienne, et je remercie bien sincèrement l'abonné
qui en est l'auteur d'avoir eu l'obligeance de me
l'adresser.
111.
Enfin, le 23 novembre, j'ai reçu de Paris les quelques
mots suivants :
Monsieur,
Dans votre dernier numéro, p. 107, col. 1, je lis : « car
ces deux mots n'en font qu'un, en vertu d'une règle
connue de transmutation (rh = qu) ». J'avais toujours
entendu dire, en pareil cas, permutation. Voudriez-vous
bien me faire connaître la raison qui vous a induit ici à
déroger à un emploi que je crois généralement reçu? Vous
obligeriez ainsi un de vos lecteurs les plus assidus.
Pendant que j'écrivais mon article sur rélTmologie
de broncher, je faisais, pour une autre queslion, des
recherches dans un ouvrage traitant de philosophie
hermétii|ue. Je venais de voir transmutation appliqué
aux métaux, et par distraction, 'qui donc n'en a
jamais'?) je l'ai appliqué à des lettres
Mes remerciements à la personne qui m'a fourni
l'occasion de réparer cette erreur.
X
Première Question.
Je roKs prierais de vouloir bien me dire, dans mw de
vos prochains numéros, comment on a pu appeler
HAïucoT DE MOUTON uu plat oii Ics huricots brillent,
comme on dit quelquefois, par leur absence.
La chose est des plus faciles à expliquer.
En effet, dans notre ancienne langue, nous avions un
verbe haligoter , qui s'employait dans le sens de
déchirer, mettre en pièces, en morceaux :
Moult par estoit Perars hideus
Balirjotez et détailliez.
Férus et frapez à mailliez.
(_Les Tournois de Chnuvenc'J, p. l48, vers 3976.)
Mais, en vertu de la règle relative à la permutation
des liquides il = r), on a dit aussi hariyoter. ce
que montrent ces exemples :
Trois cos li done qui molt l'ont estoné
Si que li hiaumes fu tos harigotez.
{Mort de Garni, p. 62, vers 1398 )
Car si les ont [les boucliers] harigotez,
Qu'a délivre sur les cotez, etc.
(Crestien de Troies, Chev. nu Lyon, v. ij98.)
Du verbe harigoter s'est naturellement formé, par le
changement de ^ en c, le mot haricot, signifiant mor-
cellement, mise en pièces ;
Gardez bien qu'il ne s'échappe, il feroit un haricot de mes
scientifiques substances.
(Cyrano, le Péd. joué, I, se. 7.)
Lorsqu'on ne verra plus que côtes enfoncées,
Que gigauts décharnez, qu'eschines fracassées,
Quel haricot, morbleu, de jambes et de bras!
(Arlequin Jason. TA. ital. p. 173 )
Or, c'est ce substantif verbal qui, appliqué à la chair
de mouton, a fait l'expression dont vous ne pouviez
que difficilement vous rendre compte.
.M. Littré dit que « haricot de mouton parait être
un terme de boucherie, et désigner un certain mor-
ceau ». En lisant dans la Cuisinière de la campagne et
de la ville la recette pour faire le ragoiit de ce nom.
recette qui commence par ces mots :
« Faites revenir dans le beurre de l'épaule, de la poitrim
ou des côtelettes de mouton, etc. »
j'ai acquis la certitude que celte expression n'existe
pas chez le boucher, et que c'est à la cuisine qu'elle a
pris naissance.
X
Seconde Question.
Le verbe dépister a deux significations presque
oppo.'iécs, l'une, trouver la piste, et l'autre, faire perdre
la piste. Quelle explication donnez-vous de ce singulier
fait ?
Il y a deux verbes dépister dans noire langue.
Le premier, qui a le sens de suivre la piste", marchei-
siu' la piste, nie semble dater tic la première moitié du
xvin" siècle; car il n'est pas dans l'uretière ^1727), cl
LE COURRIER DE VAUGELAS.
H 5
on le trouve dans cette phrase du Journal de Trévoux
(août 1737) :
On y dépiste les premières traces du territoire Liégeois,
lie son étendue, de ses bornes, etc.
11 a été composé du mot ;)(«^e et de la particule dé,
lion point au sens indiquant « l'action de suivre >' comme
le dit le dictionnaire de Lillré, mais au sens qu'elle a
dans beaucoup de verbes tels que ceux que je mentionne
plus bas, où elle n'ajoute pourainsi dire rien à la signi-
flcalion du mot auquel elle est jointe :
Dérober
Déirancher
Définir
Déguerpir
Défiler
Découper
Décrépiter
Défrauder
Démanger
Dénommer
Le second, qui a le sens de faire perdre la piste, est
venu une centaine d'années plus lard, ou, pour autre-
ment dire, vers le milieu de noire siècle. 11 a été com-
posé aussi dépiste et de dé, mais de dé signifiant cette
fois l'idée d'ôter, de défaire, etc., ce qui a produit un
sens tout dilïérent de celui du premier verbe, qui
était composé cependant des mêmes éléments. Pierre
Larousse, le premier lexicographe moderne qui l'ait
enregistré, je crois, en cite les exemples suivants dans
son Grand Dictionnaire :
Le renard venait de traverser un étang, afin de dépister
les chiens.
(Eugène Sue.)
11 était parvenu, après des peines infinies, à dépister les
gens de police mis à sa recherche.
;Idem.)
Mon Dieu, s'ils vous dépistent, vous n'êtes pas dans de
beaux draps.
(Damas- Hinard.)
En parlant des malfaiteurs qui, naturellement, cher-
chent à échapper aux agents de la police, les journaux
emploient fréquemment dépister pour signifier faire
perdre la piste ; je notais dernièrement cette phrase :
Ils sont dans leur rôle, comme l'individu qui vient de
faire un mauvais coup, et qui détale à toutes jambes pour
dépister les gendarmes.
(Le A'7A'e sii'cle du 27 septembre 1875.)
Mais les deux verbes dont il s'agit ayant absolument
la même prononciation et la même orthographe, vous
croyiez (comme une foule d'autres probablemcnli qu'il
n'y avait qu'un verbe dépister, et vous ne voyiez pas
comment ce verbe avait pu en venir, par extension
de sens, à posséder deux significations si diamélrale-
ment opposées. -
Voilà l'explication de ce mystère.
En lisant ce que les dictionnaires disent du verbe
dépister (le premier en' date, le seul qu'ils mention-
nent pour la plupart;, on pourrait croire, tant cela
semble aller de soi, que c'est à un chasseur que nous
devons la création de ce verbe. C'est une erreur .
Nous la devons aux antiquaires, chose que le Dic-
tionnaire de Trévoux, publié à une époque où le
premier dépister était encore d'introduction récente,
donne clairement à entendre dans le passage suivant :
« Ce terme est forgé pour marquer l'attention d'un
auteur à faire des recherches sur les antiquités, comme d'un
homme qui suit à la piste les choses qu'il cherche. •
X
Troisii'me Question.
On trouve dans le bodrgeois gentilhomme de Molière
(II, Ij la phrase suivante: « FI faut qu'une personne
comme vous ait un co.\cert de McsiycE tous les mer-
credis et tous les je^idis ». Mais on sait bie?i qu'un
concert est composé de musique ; pourquoi donc Molière
n'a-t-il pas dit concert tout court ?
Vous n'êtes pas seul à vous étonner de cette cons-
truction; cependant l'espèce de pléonasme qu'elle forme
peut parfaitement se justifier, ainsi que je vais vous le
fnire voir.
Le mot concert nous est venu de l'italien concerto, à
la fin du xvi= siècle, deux faits que nous apprend
Pasquier (mort en liiiri) dans ces lignes, citées par le
Dictionnaire de Dochez :
« Nous avons depuis trente ou quarante ans emprunté
plusieurs mots à l'Italie, comme concert pour conférence. »
Ce mot fut appliqué à l'harmonie composée de plu-
sieurs voix ou de plusieurs instruments; on a dit
concert de flûtes, concert de hmds-bois. concert de luths
et de voix, elc, et, en général, concert de musique,
expression qui semble avoir été usitée pendant tout le
xvu' siècle, car on trouve :
Dans le dictionnaire français et anglais de Cotgrave
(ICGO :
Concert de musique — (A consort of musick);
Dans Hamilton {Mémoires du chevalier de Grammont,
chap. 4) :
Il était bien malheureux de n'avoir pu donner un petit
concert de musique à M. de Sénantes.
Vers la fin du même siècle, on employait aussi concert
absolument; car si, dans la première édition de
l'Académie i 16941, on lit encore concert de musique
comme exemple, on y lit également ceci :
Beau, agréable concert; — grand concert; — faire un
concert; — donner un concert ; — II y a concert chez lui
toutes les semaines.
Avec le wiW. on cessa complètement de joindre à
concert le complément de musique, ce qui est mis hors
de doute par l'absence de ces mots après concert dans le
dictionnaire deFuretière (1727).
Or, .Molière, dont le Bourgeois yentiUiommc a été
représenté publiquement pour la première fois en 1670,
a fait parler les personnages de cette comédie-ballet en
langage du temps, et ce langage autorisait l'expression
concert de musique, comme en sont la preuve les cita-
tions que j'ai faites plus haut.
D'où il suitque cette expression, qui serait aujourd'hui
un pléonasme, n'en était nullement un à l'époque où
parut la pièce en question, et que, par conséquent, en
parlant d'une réunion musicale, .Molière ne pouvait
s'exprimer autrement qu'il ne l'a fail.
X
Quiilrirme Question.
Que pensez-vous de la distinction établie par Poitevin
quand il dit : que le participe passé précédé de m et
d'un adverbe de quantité est tantôt variable et tantôt
ii(i
LE COURRIER DE VAUGELAS.
invariable, selon l'idée qu'offre à l'esprit le nom repré-
senté par EiN?
Le participe passé n'ayant d'autre régime que le mot
en peut se trouver construit de trois manières diffé-
rentes : avec en seulement, avec en suivi d'un adverbe
de quantité, et avec en précédé de la même espèce
d'adverbe.
Or, lorsque de l'assentiment de tous, on laisse le
participe invariable dans les deux premiers cas, il est
plus logique, selon moi, dele soumettre à lamèmerègle
dans le troisième cas que de compliquer encore la
théorie du participe, théorie déjà bien assez difOcile à
appliquer telle qu'elle est.
Cette question a été traitée avec toute l'étendue
qu'elle comporte à la page 1 2 de la 5« année du Courrier
de Vaugelas.
X
Cinquième Question.
Je trouve dans le diction.^aire de la LàHGCE verte
que, à l'École polytechnique, on emploie rat de poiNTS et
RAT DE socPE pour désigner un élève qui n'a pas eu, à
ses examens de sortie, un assez bon rang dans les ponts-
et-chaussées, et celui qui arrive à table après que le repas
est commencé. Comment expliquez-vous cet autre rat?
Les expressions dont vous parlez ont été évidemment
suggérées par le verbe rater, manquer. L'élève qui
manque son entrée dans le service des ponts-et-chaus-
sées, rate les ponts-et-chaussées; celui qui arrive trop
lard pour le diner, râtela, soupe; d'où les expressions
de rate-ponts et de rate-soupe.
Mais ces expressions donnaient lieu à un calembour ;
et comme ce jeu de mots n'est point banni de l'École
polytechnique, on y a dit, en plaisantant, tm rat de
ponts, un rat de soupe, sans songer aucunement à
l'offense faite ainsi à l'orthographe et au sens.
ETRANGER
Première Question.
De quel sac et de quelles quilles est-il donc q^testion
dans celle phrase de La Fontaine : « El ne laisse aux
plaideurs que le sac et les quilles?
Cette phrase est un vers de la fable de l'Uuitre et les
Plaideurs.
Quand le juge a prononcé la sentence requise par les
deux pèlerins, La Fontaine en tire cette morale ou
plutôt cette leçon de prudence :
Mettez ce qu'il on coûte à plaider aujourd'hui,
Comptez ce qu'il en reste à beaucoup «le familles;
Vous verrPZ que Perrin tire l'argent à lui,
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et tes quittes.
Il s'agit de trouver de quel sac et de quelles quilles
le fabuliste entend parler dans cet endroit Plusieurs
l'ont essayé qui n'^ ont pas réussi d'une manière salis-
t'aisantc; voyons si je serai plus heureux.
Le mot sac me semble susceptible de trois acceptions
dans cette phrase : <" le sac où l'on met les pièces d'un
procès; 2» le sac où l'on met les quilles au jeu de ce
nom; 3o le sac où l'on met de l'argent ; quant à quille,
il peut en avoir deux : 1° un de ces petits morceaux de
bois dont neuf composent le jeu de quilles, 2* la jambe,
comme je l'ai déjà dit (Coî/mé"/- de Vaugelas, sixième
année, page 66).
Si l'on prend successivement sac et quilles dans les
acceptions que je viens d'indiquer, on trouve pour la
phrase donnée les significations suivantes :
|o Sac 'd'un procès) avec quilles (morceaux de bois).
— Et ne laisse aux plaideurs que le sac renfermant les
pièces du procès et les quilles.
2° Sac (d'un procès) avec quilles (jambesU — Et ne
laisse aux plaideurs que le sac renfermant les pièces
du procès et les jambes.
3» .Sac Cpour les quillesi avec quilles (morceaux de
bois). — Et ne laisse aux plaideurs que le sac où l'on
met les quilles et les quilles elles-mêmes.
4» Sac (pour les quilles) avec quilles (jambes). — Et
ne laisse aux plaideurs que le sac pour les quilles et les
jambes.
3° Sac (pour l'argent) avec quilles (morceaux de bois) .
— Et ne laisse aux plaideurs que le sac où l'on met
l'argent et les quilles d'un jeu de ce nom.
6" Sac (pour l'argent) avec quilles (jambes). — Et
ne laisse aux plaideurs que le sac où l'on met l'argent
et les jambes.
Or, quand je considère qu'il n'y a pas de raison
pour que quilles ligure dans la i'" et dans la 3" com-
binaison ; que, dans la 2^, dans la â'- et dans la. 6«, il
faudrait leurs quilles, puisqu'on dirait, par exemple :
et ne leur laisse que leurs souliers; j'incline fortement
à croire que la combinaison numéro 3 est la vraie,
c'est-à-dire que La Fontaine a fait tout simplement,
dans le vers dont il s'agit, une allusion au jeu de
quilles, jeu très-répandu chez nos aïeux, et qui, dès le
xvi= siècle au moins (comme il me semble en voir la
preuve dans Leroux de Lincy, Prov. U, p. 180) avait
donné naissance à l'expression familière :
Bailler à quelqu'un son sac et ses quilles,
expression signitiaut renvoyer une personne que l'on
ne veut plus garder à son service.
X
Seroiiile Question.
Faut-il (lire : ils oîsï on curz-soi ou ils ont cn cqez-
Ecx? Je vous serais bien obligée de répondre à cette
question, qui est toujours pour moi un sujet d'embarras
quand elle se présente.
Quand, avec la préposition chez et un pronom, ou
veut exprimer le sens de maison qui vous appartient,
on met .wi après cette préposition si le sujet est on,
lors(iun le verbe est un impersonnel suivi d'un infinitif,
ou encore quand chez sert de complément à un infinilil
sujet delà phrase. Ainsi il faut dire :
LE COURRIER UE VAUGELAS.
U7
On est heureux d'avoir un chez-sot. — // est triste de
xCavoir point de cfiez-soi. —Après tant de voyages, retrou-
ver son cliez-soi est une douce chose.
Dans tous les autres cas, on fait suivre c/tez du
pronom régime qui correspond au sujet; c'est-à-dire
qu'on s'exprime comme il suit :
7'aiun chez-moi
Tu as un cliez-toi
Il a un chez-liti
Elle a un chez-elle
Nous avons un cficz-nous
Vous avpz un chez-iou:,
Ils ont un chez-eux
Elles ont un chez- elles.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1». . enlre les ouvrages ou plutôt les opuscules assez nom-
breux ; — 2°. .. Nous ne l'avioriS pas laissée passer inaperçue; —
3». . àVeffet de préparer les élections (Voir CoMrrier de Vaugelas,
6' année, p . 75) ; — 4° . . . de Vaucluse (point de la ; voir Cour-
rier de Vaugelas, b' année, p 18) ; — 5». . . à laquelle je ne vois
d'autre explication {qui précédé d'une préposition ne s'emploie
pas en parlant des choses); — G"... Il lui a pardonné; —
7°.. intiment à leur candidat de n'honorer de leur vote et de
n'envoyer au Sénat qu'un mandataire (pour que deux verbes
puissent recevoir un régime commun, il faut ou que ce régime soit
direct à l'égard de chacun d'eux, ou qu'il se joig'ne à chacun
d'eux par la même préposition) ; — 8"... et quand une discussion
s'élevait enlre ses membres; — 9". . . l'heure d'appeler à l'Assem-
blée du jugement (on dit appeler à.. . de. .., et l'on ne met en
avant appeler que lorsque ce qui suit de est ellipse).
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaine.s.
1° Ce sont toujours, au dire du Petit Journal, des mission-
naires retour de llnde qui auraient apporté de ces climats
lointains le précieux rabifuge avec la manière de s'en
servir.
V M. Offenbach en appelle du jugement qui l'a condamné
à payer 8,000 fr. à M. Delannoy pour n'avoir pas fait jouer
à cet artiste le Don Quichotte à l'époque indiquée par le
traité.
3° M. Hoslein est-il ou n'est-il pas directeur de l'Ambigu ?
Non, disent lès uns; oui, affirment les autres. Voici, d'après
nos renseignements, le fia mot de l'affaire.
4° L'asile du département d'Alger sera, au mois de
novembre 1877, en état non-seulement de recevoir ses
aliénés dans d'excellentes conditions, mais encore ceux des
départements d'Oran et de Constantine.
5' Malgré les précautions que prenait Madame Charlotte
à se cacher, le prince découvrit sa retraite...
e» Mais si tu mettais près de ces énormes roses mous-
seuses quelques plantes légères, répondit la baronne, du
liseron, par exemple?
7* Bien que nous ayions des ressources nombreuses,
(luoique nous soyions parfaitement compris, nous fatiguons
notre mémoire.
8* M. Thiers écoute avec extase les sérénades amoureu-
sement ridicules que lui donnent deux amateurs de Teste-
les-Bordeaux, et deux flûtistes d'un casino méridional.
9° Que l'idéal parlementaire en ait reçu une atteinte
peut-être fâcheuse... dam! je ne puis aller contre l'histoire,
et les attaques de nerfs de la Presse ny font rien.
10' Cette fâcheuse situation entraînait non-seulement des
dépenses considérables, mais elle était un obstacle à la
guérison des malades arrachés brusquement des pays où
ils laissent leurs familles et leurs amis.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGR.\PHIE DES GR.\MMAIRIENS
SECO.NUE MOITIÉ DU XVJ1= SIÈCLE.
tSSi — »
Claude LANCELOT
[Suite.]
De là, il est arrivé que, dans plusieurs langues, les
hommes se sont servis du même mot, en lui donnant
diverses inllexions, pour signifier l'qn et l'autre, appe-
lant verbe actif celui qui a l'inflexion par laquelle ils
ont marqué l'action, el verbe passif celui qui a l'in-
flexion par laquelle ils ont marqué la passion : amo,
amor; rerbero, rerl)eror. C'est ce qui a été en usage
dans toutes les langues anciennes, latine, grecque et
orientales; et qui plus est, ces dernières donnent à un
même verbe trois actifs, a\anl chacun leur passif, et
un réciproque, qui tient de l'un et de l'autre, comme
fait s aimer, qui signifie l'action du verbe sur le sujet
même du verbe.
Les langues vulgaires de l'Europe n'ont poi'nt de
passif ; elles emploient à la place un participe fait du
verbe actif, qui se prend au sens passif avec le verbe
substantif 7e suis, comme je suis aimé, je svis battu.
Les verbes neutres, que quelques grammairiens
appellent rerba intransitiva, verbes qui ne passent
point au dehors, sont de deux sortes :
Les uns, qui ne signifient point d'action, mais ou une
qualité, comme albet, il est blanc, viret, il est vert; ou
quelque situation, sedet, il est assis, i/a<, il est debout;
ou quelque rapport au lieu, adc.^t, il est présent, abest,
il est absent, etc. ; ou quelque autre étal ou attribut,
comme quiescit, il est en repos, rerinat, il est roi, etc.
Les autres verbes neutres signifient des actions,
mais des actions qui ne passent point dans un sujet
différent de celui qui agit, ou qui ne regardent point un
autre objet, comme dîner, souper, nuircher.
Néanmoins, les verbes neutres de ces dernières sortes
deviennent quelquefois transitifs, lorsqu'on leur donne
un sujet, commç, amhulare viarn, où le chemin est pris
pour le « sujet » de cette action.
Souvent aus..-i en grec, et quelquefois en latin, on leur
donne pour régime le nom m'éme formé du verbe, comme
pugnare ptignam, serviTeservitidem, viiere vitani.
Mais Lancelot croit que ces dernières façons de parler
ne sont venues que de ce qu'on a voulu marquer
quelque chose de particulier qui n'était pas entièrement
renfermé dans le verbe, comme lorsqu'on a voulu dire
ns
LE COURRIER DE VAUGELAS.
d'un homme qu'il menait une vie heureuse, ce qui
n'élail pas renfermé clans le mot rii-ere, on a dit viven
vitam beatam. Ainsi, quand on dit rivcre vitam, c'est
sans doute un pléonasme qui est venu de ces autres
façons de parler.
C'est pourquoi aussi, dans toutes les langues nouvelles,
on évite comme une faute de joindre le nom à son verhc,
et de dire par exemple, combattre un grand combat.
Par là on peut résoudre la question desavoir, si tout
verbe non passif régit toujours un accusatif, au moins
sous-entendu. C'est le sentiment de quelques grammai-
riens fort habiles, mais Lancelot ne le partage pas, et dit
pourquoi en terminant ce chapitre.
Des verbes impersonnels. — L'infinitif est proprement
ce qu'on devrait appeler verbe impersonnel, puisqu'il
marque l'affirmation, ce qui est propre au verbe, et la
marque indéfiniment, sans nombre et sans personne,
ce qui est proprement être impersonnel.
Néanmoins, les grammairiens donnent ordinairement
ce nom d'impersonnel à certains verbes défectueux qui
n'ont guère que la 3"= personne.
Ces verbes sont de deux sortes; les uns ont la
forme de verbes neutres comme pœnifet, pudet, piget,
etc.; les autres se tirent des verbes passifs, et en
retiennent la forme, comme curritur, amatur, etc.
Or, ces verbes ont quelquefois plus de personnes que
les grammairiens ne pensent; car il semble qu'on ne
les a appelés impersonnels que parce que, renfermant
dans leur signification un « sujet » qui ne convient
qu'à la y personne, il n'a pas été nécessaire d'exprimer
ce fait, parce qu'il est assez marqué par le verbe même,
et qu'ainsi on a compris par le sujet, l'affirmation et
l'attribut en un seul mol, CQma\e pudet me, c'est-à-dire
pudor tenet, ou est tenens me.
Quant aux impersonnels passifs, statur, curritur,
etc., on les peut aussi résoudre par le verbe est ou fit,
ou existit et le nom verbal pris d'eux-mêmes, comme
statur, c'est-à-dire statio fit, ou est facta, ou existit.
De là on peut conclure, il semble, que notre langue
n'a point proprement d'impersonnels ; car, quand nous
disons /'/ faut, il est permis, il me plaît, cet il est là
proprement un relatif qui lient toujours lieu du nomi-
natif du verbe, lequel d'ordinaire vient après, dans le
régime, comme si l'on dit // me plaît de faire cela, c'esl-
à-dire il de faire, jiour l'action ou le mouvement de
faire cela me plail, ou est mon plaisir.
Pour les impersonnels passifs, comme amatur, cur-
ritur, qu'on exprime en français par on aime, on court,
il est certain que ces façons de parler dans notre langue
sont encore moins impersonnelles.
Et l'on peut encore remarquer que les verbes des
effets de la nature, comme pluit, ningit, grandinat,
peuvent être expliqués [lar ces mêmes principes dans
l'une et dans l'autre langue : pluit est mis pour pluvia
fit ou (•';(///, i;l quand nous disons il pleut, le pronom
// est mis la pour le nouiiualif, c'cst-à-ilire pluie, ren-
ferme avec le verbe substantif w< ou /(»7, comme si l'on
disait il pluie est.
Cela se voit mieux dans les façons de parler où nous
joignons un verbe avec notre il, comme// fait chaud,
qui équivaut à calor est, ou fit, ou existit.
Des participes. — Ce sont de vrais noms adjectifs
qui se rapportent aux verbes.
Ce rapport consiste en ce qu'ils signifient la même
chose que le verbe, excepté l'affirmation qui en est
ôtée, et la désignation des trois différentes personnes,
qui suit l'affirmation. C'est pourquoi, en l'y remettant,
on fait la même chose par le participe que par le verbe;
ainsi amatus sum est la même chose qu'amor, et sum
amans-qu'amo, et cette façon de parler par le participe
est |ilus ordinaire en grec et en hébreu qu'en latin,
quoique Cicéron s'en soit servi quelquefois.
Il y a des participes actifs et d'autresqui sont passifs :
les actifs en latin se terminent en ans et ens: amans,
docens; les passifs en «.s .• amatus, doctus. .Mais il y en
a encore qui ajoutent à celte signification passive que
cela doit l'tre, qu'il faut que cela soiî; ce sont les par-
ticipes en dits: amanclus, qui doit êlre aimé.
■ Ce qu'il y a de propre au participe des verbes actifs,
c'est qu'il signifie l'action du verbe, comme elle est
dans le verbe, cesl-à-dire dans le cours de l'action
même, au lieu que les noms verbaux, qui signifient
aussi des actions, les signifient plutôt dans l'habitude
que dans l'acte.
De là vient que les participes ont le même régime que
les verbes,- amans Deum, tandis que les noms verbaux
n'ont le régime que des noms, amor Dei.
Des gérondifs et des supins. — En ôtant l'affirmation
au verbe, on en fait aussi, en latin, deux noms subs-
tantifs ; l'un en dum, appelé gérondif, qui a divers cas,
dum, di, do : amandum, amandi, aniando, mais qui
na (ju'un genre et un nombre, ce en quoi il diffère du
participe en dus : amandus, amanda, amandum, et
l'autre en um, appelé supin, qui a aussi deux cas, tum,
tu : amatum, amatu, mais qui n'a point non plus de
diversité de genre ni de nombre, ce en quoi il diffère
du participe en tus : amatus, amata, amatvm._
Les grammairiens ont été embarrassés pour expliquer
la nature du gérondif; quelques-uns œit cru que c'était
un adjectil passif. Lancelot croit, lui, qu'il est toujours
actif, et qu'il ne dilfere de l'infinitif, considéré comme
nom, que parce qu'il ajoute à la signification de l'action
du verbe une idée de nécessité ou de devoir. C'est pour
cela que pugnandum est est la même cho&t ç\\xq pugnare
oppoitct.
Notre langue, qui n'a point de gérondif, rend cette
forme latine par l'inlinitif et un mot qui signifie devoir:
il faut combattre.
Quant au supin, Lancelot est d'accord avec les autres
grammairiens : c'est un nom substantif qui est pas-
sif, au lieu ([ue le gérondif est toujours actif.
[La fin au prochain numéro.)
Lis RBUACTEOii-tiÉuANT : Euam .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
H 9
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Diderot et la Société du baron d'Olbach. Etude sur
le XYiii" siècle, 1713-1789; par C. Avezac-Lavigne. In-S",
272 p. Paris, lib. Leroux. 7 fr. 50.
Cent (les) nouvelles nouvelles, dites les Cent nou-
velles du roi Louis XI. Nouvelle édition, revue sur
l'édition originale, avec des notes et une introduction
par P. L. Jacob, bibliophile. In-18 Jésus, xxui-393 p.
Paris, lib. Delahays. 3 fr. 50.
Derrière le rideau. Ma femme et moi. Ni chair ni
poisson. Les Maris de M"' Nounouche. La Tache
noire. Feu follet. La Sonnette; par Camille l>emonnier.
In-18 Jésus, 321 p. Paris, lib. Casimir Pont. 3 fr.
Dernières nouvelles. Brigitte. Le Violon de Fidélio.
Sreur Jacinthe. La Dune d'Apremont. La Tour Vitrée.
Le Bon ange et le Mauvais génie. Jolibols. Pierre de La
Gasca ; par Edouard Ourliac. In-18 jcsus, 317 p. Paris,
lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
Aujourd'hui et demain; par Auguste Vacquerie.
4= édition. In- 18 Jésus, 339 p. Paris, lib. Nouvelle.
Contes du lundi; par Alphonse Daudet. Nouvelle
édition, revue et considérablement augmentée. In-18
Jésus, 363 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Mémoires de Oudard Coquauld, bourgeois de
Reims vl6/t9-1068), publiés pour la première fois, sur
le manuscrit de la bibliothèque de cette ville, avec une
introduction, un appendice etdesnotes. par Ch. Loriquet,
conservateur .de la bibliothèque, des archives et du
musée de la ville. 2 vol. in-8», xc-7l0 p. Paris, lib.
Didron. 16 fr.
Poésies de Théodore de Banville. Occidentales.
Rimes dorées. Rondels. Petit in-12, 307 p. et I grav.
Paris, lib. Lemerre. 6 fr.
Madame Des Grieux; par Léonce Dupont. In-18
Jésus, xv-287. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
La Chanson de Roland. Texte critique, traduction
et commentaire, grammaire et glossaire ; par Léon
Gauthier, professeur à l'École des Chartes. Edition clas-
sique. ln-12. LV-662 p. Tours, lib. Mame et fils.
L'Heptamèron des nouvelles de très-haute et
très-puissante princesse Marguerite d'Angoulême,
royne de Navarre. Nouvelle édition, publiée d'après le
texte des manuscrits, avec des notes et une notice, par
P. L. Jacob, bibliophile, ln-18 Jésus, xxvni-3i0 p. Paris,
lib. Delahays. 3 fr. 50.
La Belle Va,lentine ; par Clémence Robert. In-18
Jésus, 298 p. Paris, lib. Michel Lévy. 1 fr. 25.
Philosophie mondaine; par Xavier Aubryet. In-18
Jésus, xviii-322 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Le Ministère de M. de Màrtignac, sa vie politique
et les dernières années de la Restauration (d'après
des publications récentes et des docunients^nédits) ; par
Ernest Daudet. In-8°, 426 p. Paris, lib. Dentu. 6 fr.
A travers mers et forêts, scènes et aventures de
voyages ; par Victor Lamy. Iii-12, vii-299 p. Paris, lib.
Bonhoure et Cie. 3 fr.
Les États de Bretagne et l'administration de
cette province jusqu'en 1789; par le comte de Carné,
de l'Académie française. 2" édition. 2 vol. ln-12, xvr-
818 p. Paris, lib. Didier et Cie. 7 fr.
Publications antérieures :
UNE JONCHÉE DE FLEURS. — Par M'"" Marie-Fki.icie
Testas. — Paris, librairie Ch. Blëriot, éditeur. 55, quai
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de Seine à Paris. — Chacune des 7 années parues se vend
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grand'gardes. — Par P.vul Collix. — Paris, librairie
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l.emerre, éditeur, 27 et 29, passage Choiseul.
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dire li;s sons de la langue française entendus ou repré-
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lettres, licencié ès-sciences. — Paris, lib. llachelle el Cie,
76, boulevard Saint-Germain.
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— Paris, librairie Hachette el Cie, 79, boulevard Saint-
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MAiBE. — Premier livre de lecture approprié aux étrangers.
— Par M"« M. Trécoibt. — Troisième édition. — Paris,
Ch. Delagraie el Cie. éditeurs, 58, rue des Écoles.
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Directeur des Etudes à Sainte-Barbe, chevalier de la
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chacune des parties de la grammaire et compléments.
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vol. iii-18. — Paris, librairie de Casimir Pont, 97, rue
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DIEU ET LA NATURE. Poésies pour l'enfance. — Par
Mlle M. Tkècourt. — Ouvrage publié sous le, patronage
de Limaitine. -^ Deuxième édition. — Paris, librairie
française et anglaise de J.-U. Trucliy, 26, boulevard des
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BOIELDIEU, SA VIE, ses oeuvres, sa correspondanxe. —
Par Arthur PougIn. — Edition ornée d'un portrait de
Boieldieu, gravé sur acier, par M. Desjardins, et du fac-
simile d'une lettre autographe de Boieldieu. — Paris,
CAar/jew/iereiCî'e, libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre.
LA TENTATION DE SAINT ANTOINE. — Par Gustave
Flaubert. — Deuxième édition. — Paris, Charpentier et
Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre. — Prix :
7 fr. 50.
LA BONTÉ, ouvrage couronné par l'Académie fran-
çaise. — Par Charles Rozan. — Cinquième édition. —
Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la à" et la 5« année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La 1", la 1' el la 3' année doivent être pro-
chainemenl réimprimées.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
Dans un des plus beaux quartiers de Paris. —
Un .Monsieur et uneDanif, sans enfants, désirent recevoir
des pensionnaires. — Prix modérés.
Avenue de la Grande Armée (prés de l'Arc de
triomphe de l'Etoile). — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très-bel appartement.
bonne famille pour leur enseigner la langue française, la
musique, etc.
A Passy (près du Ranelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner daus la langue française et achever
leur éducation.
Dans les environs de "Paris. — Une dame désire
recevoir comme pensionnaires de jeunes demoiselles de
«
Au centre de Paris. — Un pasteur recevrait volon-
tiers comme pensionnaires trois ou quatre jeunes fdies,
qui trouveraient dans sa maison la vie de famille et, au
besoin, des leçons.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
La Société acadèmihue de Saixt-Quentin propose des médailles d'or pour les sujets suivants, mis au concours pour
l'année 1876 : Poésie, — Sujet laissé au choix des concurrents. Canlales. — Sujet également laissé au choix des
concurrents. Les pièces envoyées au concours devront remplir les conditions exigées par le Conservatoire national
de musique pour le prix de Rome, c'est-à-dire être à personnages (une voix de femme et deux voix d'homme), et
contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un trio final. — La Cantate de 1876 servira de texte pour le
concours de musique qui aura lieu en 1877. Littérature. — !■•'■ question : « Etude sur la poésie contemporaine. » —
2" question : « Des moyens de développer le goût de l'étude dans toutes les conditions sociales. »
Un concours de poésie sur ce sujet la Revanche est ouvert à l'Académie des Poètes. — Pour concourir, il faut
appartenir à cette Académie, comme membre titulaire, honoraire, ou membre correspondant, et être Français. — Le
prix du concours consistera en une médaille d'or de la valeur de 150 fr., donnée par un des membres de l'Académie,
M. Marc Bonnefoy. — Les poésies envoyées au concours devront se renfermer autant que possible dans la limite de
100 et 200 vers (ces' chiffres n'ont rien d'absolu), et être inédites; elles pourront être signées ou non signées, au gré
des concurrents, et dans ce dernier cas, être accompagnées d'un pli cacheté contenant le nom de l'auteur. — Les
envois relatifs au concours doivent être adressés franco à M. Elle de Biran, archiviste de l'Académie, rue des
Missions, 22, à Paris, avant le l'"' mars 1876.
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. — Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; le 2" prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3" prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le l""' juin 187().
La SocnVri: d'e.miouhaukment au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, jiour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher et développer
les moijens les plus prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralité comme le hicn-étre de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, secrétaire-général, 2, rue Brochant, aux Hatignolles
(Paris), avant le 31 décembre 1875. _^ ^
Le rcdacleur du Courrier de Vaugelas ol \i.>^ilj|e à .'■ou luirraii de miili à une heure et demie.
Impiiuierie GOUVEUNEUH, G. UaUI'ELEV à INogeiille-Hotrou.
e* Année
N" 16.
15 Décembre 1875.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^«
^\\y.^ Journal Semi-Mensuel ^'U/ /
CONSACflÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraissant le 1« et le 15 de chaque mois
'49
{Dans sa séance du 11 janvier 187.i, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
.Abonnement pour la France. 6 f .
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEDR SPÉCIAL POUB LES ETRANGERS
Offirier J'.\cdJémie
26. Boulevard des Italiens, à, Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressent, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Les Souscripteurs de la province qui n'ont pas encore
payé leur abonnement à la 6" année, sont instamment
priés de vouloir bien, le plus tut possible, en faire
parvenir le montant au Rédacteur.
SO.M.MAIRE.
Communication sur Guéridon; — Origine de Scaferlati, nom
officiel du tabac à fumer, — Explication de Avoir la venelle ;
— Si Avoir l'air bon peut se dire d'une chose inanimée ||
D'où vient J«/i>nne désignant un potage; — Le juge Perrin
dans La Fontaine ; — Origine de CaJino, signifiant niais,
jocrisse. 5 Passe-temps grammatical. || Suite et fin de la
biographie de C/«Krfe Lancelot . \\ Ouvrages de grammaire et
de littérature (| Renseignements aux professeurs français. |1
Concours littéraires.
FRANCE
GOM.MUNIGATIONS.
A l'occasion de l'étymologiedu mot ^ft/e'/'/c/o», donnée
dans mon numéro 13, j'ai rei;u la lettre qui suit :
Monsieur,
Votre citation d'après M. Edouard Fournier dit bien que
guéridon était un personnage de ballet, mais elle ne nous
apprend pas comment le mot est, formé. Où est l'étymologie?
Pourquoi ce chevalier de la triste figure chargé de tenir
la chandelle au.x gens qui s'embrassaient s'appelait-il
(fuéridou ? La question est là tout entière.
On lit dans le Dictionnaire de lîichelet :
a Le mot de guéridon, selon M. Bouillaud, fut apporté
d'Afrique par les Provençaux, et alors sur ce mot, qu'on
métamorphosa en homme, on fit un vaudeville que le
peuple appela guéridon, et qui avait pour reprise, à la fin
de chaque couplet, le mot de (/«('((Vio/i. Voici un échantillon
de cet air qu'on chanta longtemps ])ar tout le royaume :
Guendon est mon;
Depuis [irès d'une heure.
Sa femme le pleure,
Hélas! guéridon.
De son côté, M. Francisque Alichpl dit, à propos d'une
autre espèce de chanson qui s'appelait filou :
I Le filou était donc une chanson ou plutôt un air de
musique, comme le guéridon, ainsi appelé du nom de son
auteur. »
Enfin, il me semble acquis que le mot guéridon, après
avoir désigné une chanson particulière, s'est dit de toutes
les chansons où il entrait comme refrain; on en trouve
un exemple dans ce passage d'une facétie de 1616, citée
par M. Francisque Michel :
0 Belles-Oreilles et Poltronesque ayant dit à Joly Barby,
qui vient de chanter une chanson : « Tu n'en sçay pas
davantage ? > celui-ci répond : « Si fay ; mais c'est un
second guéridon et un autre filou. » Voyez le Carabinage
et matoiserie soldatesque, p. 76.
Ces matériaux servent à marquer le chemin parcouru
par le mot : du refrain il aura passé à la danse, de la
danse à l'homme porte-flambeau, et de Phomme au meuble
qui a rempli le même office, meuble dont Richelet a donné
la description: mais il reste toujours à savoir quelle est
l'origine, quelle est la véritable signification du nom.
A vous, Monsieur, à vous qu'on ne prend jamais sans
vert, de nous dire ce dernier mot.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considé-
ration très-distinguée.
Kast.ner.
J'adresse mes bien sincères remerciements à l'auteur
de cette savante communication, et lui promets de
m'occuper aussitôt que je le pourrai de l'intéressante
question qu'il m'y propose.
.X
Premii'rc Question.
Quelle est l'ork/ine ou l'élymolofjie du nom Scaki;b-
LATi, que i Administration donne au tabac à fumer? Je
n'ai pu trouver ce mot mclle parl,el les emploi/és de la
réijic, qui s'en serrent chaque jour, sont aussi icjnornnts
que moi sur ce sujet.
Dans son Dictionnaire, .M. Lillré propose trois étymo-
logies pour ce mot : selon les uns, dit-il. c'est la déno-
mination que les Levantins donnaient à une sorte du
taliac qu'on e.\pédiait de Turquie; selon d'autres, c'est
le nom d'un ouvrier italien .qui, travaillant à la ferme
dans la première moitié du wiii' siècle, inventa un
nouveau procédé pour hacher le tabac ; on prétend en-
122
LE COURRIER DE VAUGELAS.
core que scaferlati est la corriiplion du mot italien
scarpellelli, petits ciseaux.
Examinons tour à tour la valeur de ces étymologies.
Scaferlati vient-il de l'italien scarpelletti, signifiant
petits ciseaux? — C'est impossil)le, et pour les deux
raisons que voici :
-1» Par corruption, scarpelletti n'a pu se transformer
en scaferlati, car une telle transformation exigerait une
permutation de tant de lettres qu'il n'y en aurait pas
d'exemple analogue dans la langue.
2° Scarpelletti désignant non des ciseaux à deux
lames comme en requiert le découpage du tabac en
lanières, mais bien des ciseaux comme en emploient
les sculpteurs, le mot qui en serait venu par corruption
ne pourrait figuVer parmi les termes techniques de la
fabrication du tabac, où il n'y a, comme chacun sait,
aucune ciselure à faire.
Scaferlati eat-W le nom d'un ouvrier italien? — Cette
étymologie n'est pas plus admissible que la précé-
dente, ce qui est facile â démontrer.
En effet, l'art. 220 de la loi sur les Finances du
28 avril (SI 6, est conçu en ces termes [linlletin des Lois,
p. 600) :
Les ustensiles de fabrication, tels que moulins, râpes,
liachie-tabac, rouets, mécaniques à scaferlati, presses à
carottes, et autres, etc.
Or, l'expression mécaniques à scaferlati, qui est ana-
logue à presses à carottes, désigne évidemment non
l'ouvrier qui a inventé ces machines (on eût dit dans
ce cas machines Scaferlati, comme on dit moteur
Lenoir, etc.), mais bien le tabac fabriqué au moyen
desdites machines.
Le mot scaferlati ne désigne pas un homme, mais une
qualité de tabac à fumer; et la preuve, c'est qu'on trouve
dans le Dictionnaire technologique, à l'article Tabac,
paragraphe Mélanges, p. 228, la définition qui suit :
La première qualité de tabac à fumer ou scaferlati se
compose ordinairement de 70 parties de Maryland et de
30 de Virginie maigre. La deuxième qualité se fait avec
60 parties de Maryland et iO parties de tabac indigène.
Scarferlati désigne-l-il un tabac de Turquie? — Ce
nom a certainement désigné dans l'origine un tabac
étranger, comme cela ressort de l'art. K"' de l'Ordon-
nance du IS mars 1832, inscrite au Bulletin des lois
sous le n" /(083 :
Lo prix de vente aux consommateurs des tabacs élran-
i/ers sont réduits, savoir : pour les carottes à pulvériser, à
dix francs le kilogramme, et pour les tabacs en poudre et
scaferlati, à deux francs le kilogramme.
Mais, malgré les recherches que j'ai faites depuis
l'époque déjà éloignée où vous m'avez adressé la
f|ucslion dont il s'agit, je n'ai pas encore pu découvrir
de quel pays a été tiré primitivement le tabac ainsi
appelé.
La première apparition officielle du mot scaferlati
me semble avoir eu lieu dans la loi du 28 avril IsKi,
dont l'art. 220 a été en partie cité plus haut.
Dans les lois précédentes sur le tabac, on ne voit
figurer ce mot à la suite d'aucun nom de machine
propre à la fabrication :
44. Tout particulier qui aura chez lui des ustensiles de
fabrication, tels que moulins, râpe, hache-tabac, presse à
carottes et autres, de quelque forme qu'ils puissent être,
sera tenu, etc.
(Loi du 24 décembre 18 14.)
43. 11 est défendu aux entrepreneurs principaux et parti-
culiers, et aux débitants, d'avoir chez eux aucun instru-
ment à tabac, tel que moulin, nipe, liaclie-tabac, tamis et
autres, de quelque forme qu'ils puissent être.
(Loi du 13 janvier 1811.)
D'où il suit que c'est très-probablement entre les
années 18H et 1816, sinon entre cette dernière année
et ISM, que l'expression de scaferlati a été introduite
dans la langue française.
J'ose espérer qu'en limitant ainsi le champ des inves-
tigations, les dates ci-dessus permettront enfin de
découvrir une origine qui, à mon avis, doit nécessai-
rement se rencontrer dans quelque document relatif à
la régie.
X
Seconde Question.
Quelle est l'origine de la phrase fannlière ivom la
VENETTE, que l'on emploie si fréquemment pour dire
avoir peur, frayeur?
Il a été donné deux étymologies du mot v^nette :
l'une le fait venir des Vénètes, peuple d'Italie qui,
obligé de fuir devant le conquérant Attila, fonda
Venise; l'autre, qui est de M. Littré, le dérive de fene,
vesne, vieux substantif français tombé en désuétude, et
qui, pour cette raison, brave mieux l'honnêteté que
son synonyme dans la langue moderne.
Quoi qu'on ait pu dire en faveur de la première, elle
n'a aucun fondement ; car le mot venelle ne se trouvant
ni dans Furetière (1727), ni dans Trévoux (1770), ni
dans la dernière édition de l'Académie (1833), il n'est
pas à croire qu'un événement arrivé sur l'Adriatique au
\e siècle ait pu donner lieu, chez nous, à une expression
qui ne date guère que du nôtre.
La seconde est sans doute plus sérieuse ; mais ce
n'est pas encore la vraie. En effet, si renette est le di-
minutif de i'e?ie, il doit se construire avec les mêmes
verbes que le synonyme de ce dernier. Or, on n'emploie
pas et l'on n'a jamais employé donner et avoir avec le
synonyme en question : ce synonyme n'a jamais été
que le complément du verbe faire ou d'un verbe de
sens analogue. Par conséquent, venelle ne peut non
plus venir de vene.
Voici, à mon avis, comment a été formé le mot dont
il s'agit :
Au commencement du xviii' siècle, nous avions le
verbe vener (latin venari) dans le sens de chasser ; ce
verbe s'appliquait aux animaux de boucherie, veaux,
bœufs, etc., que l'on faisait courir, parait-il, pour qu'ils
eussent la chair [ilus iendrc :
A Rome et en Angleterre, on ^a coutume de lener les
bœufs.
(Furetière, Dictionn.)
Ce même verbe s'employait en parlant des personnes.
On disait de quelqu'un qu'il avait été bien rené, pour
^E COURRIER DE VAUGELAS.
123
signifier qu'on l'avait bien fait courir, qu'on lui avait
bien donné de l'exercice.
Or, c'est de rener qu'on a fait renette, comme de
(inuiser, .seriner, deviner, etc., on a fait amusetle, seri-
nette, devinette.
De même qu'aujourd'hui, on disait alors donner la
chasse à quelqu'un, ainsi que le montrent ces exemples:
L'aigle donnait la chasse à maître Jean Lapin.
(La Fontaine, II, 8.)
M. de Grignan donnera la citasse à ces démons.
(Sévigné, 515.)
Il donne ta chasse aux vires.
(Bossuet, Union.)
Une fois qu'on eut créé venelle, on dit, jiar analogie,
donner la venelle à quelqu'un, pour signifier lui donner
la chasse. Mais l'animal qu'on vène a évidemment
peur, puisqu'il fuit, et la personne que l'on poursuit de
la même manière a peur également : on a appliqué
le nom de la cause à l'effet (ce qui se pratique souvent
pour étendre le sens des mots), et venelle s'est employé
pour frayeur, peur, alarme.
M. Littré signale le mot venelle comme un terme
« bas », conséquence naturelle de l'origine qu'il lui
attribue ; mais si celle que je lui assigne est la vraie,
comme j'ai tout lieu de le croire, il est évident que ce
mot n'a pas moins de noblesse que les autres de même
finale tirés comme lui d'un verbe.
X
Troisii'me Question.
Avoir l'air bon peut-il se dire d'une chose inani-
mée? Ainsi peut-on dire cette pojime a l'air bon? Je
ne le crois pas, mais certaines personnes affirment que
l'adjectif doit s'accorder avec le mot air.
Ce mot étant du masculin, l'adjectif qui vient immé-
diatement" après lui aurait toujours dû être du même
genre comme dans ces exemples :
Qu'elle est laide à présent, et qu'elle a l'air mauvais.
(Regiiard, Dém. amour. IV, 7.)
Elle a l'air doiir, et semble assez docile.
{Collin d'Harleville, CHib. III, 10.)
Mais comme avoir l'air s'igniCie paraître, sembler, on
l'a tout naturellement substitué à ces verbes dans les
phrases où ceux-ci étaient suivis d'un adjectif; et
comme l'adjectif, dans de telles phrases,' se rapporte
toujours au sujet :
Elles semblent heureuses et contentes,
il en est résulté que l'expression avoir l'air s'est
construite avec un adjectif se rapportant tantôt à air,
tantôt au sujet du verbe.
Dans l'un et l'autre cas, la signification est identique :
il s'agit toujours de qualifier l'apparence de la personne
ou de la chose désignée par le sujet; mais l'adjectif
varie, et de là, une difficulté pour l'orthographe.
L'accord avec le sujet du verbe peut toujours se faire,
de quelque qualité qu'il s'agisse :
Ces hommes ont l'air étourdis.
Elles ont l'air dvsappoiniccs.
Comme elle a Van prclenlieuse!
Quant à l'accord avec air, il n'est pas toujours pos-
sible; l'air, chez les personnes, c'est le maintien, l'en-
semble des manières ; dans ce cas, il peut avoir pour
épilhète coquet, doux, embarrassé , furibond, mauvais,
méchant, cliurmarit, mignon, etc., comme on le voit
dans ces phrases :
Ne vous y fiez pas, elle a, ma foi, les yeux fripons; je
lui trouve l'air bien coquet.
(Boileau. Bist. des r(mt. X, II, p. ia6-l
Je ne suis point d'avis qu'on vous peigne en amazone;
vous avez iair trop doux.
(Fontenelle, Utl. XLI.)
Elle a iair bien furibond.
fVollaire, VEcoss, I, 5.)
Elle avait l'air tendre, embarrassé.
(Idem, l'En/nni prod. IV. 7.)
De grâce, diies-moi, parlant sincèrement,
Sous l'habit de Vénus aurais-je l'air charmant?
[Regnard, Dém. amour. IV, 7.)
Mon Dieu! qu'elle est jolie, et qu'elle a l'air mignon.
(Molière, r Etourdi. III, il.)
En parlant des choses, on emploie air "pour signifier
le dehors, l'extérieur, l'aspect de la surface, et des
auteurs l'ont qualifié de gai. de grossier, dans ce cas,
comme le montrent ces exemples :
La tuile a iair plus propre et plus gai que le chaume.
(Rousseau, Emit', IV, t. 7, p. I73.)
En voici une [statue^ qui a l'air bien grossier.
(Fénelon, fable XXV, 3. )
Mais il y a tels adjectifs qui ne peuvent se dire que
des personnes, comme enceinte, rompu, fatigué, altéré.
etc. ; on ne doit point les mettre après le mot air parce
qu'il n'y a pas convenance entre eux et ce substantif;
il faut nécessairement dire :
Cette femme a l'air enceinte.
Sa cavalerie a l'air bien fatiguée.
Nos soldats ont l'air rompus à la marche.
Ils ont l'air bien ajfectés de la nouvelle.
Maintenant j'arrive à votre question : peut-on dire
cette pomme a l'air bon ?
A la rigueur, oui, puisque air signifie ici la surface,
l'extérieur; mais avoir l'air, avec un adjectif masculin,
n'ayant été que rarement appliqué aux choses 'je
n'en ai trouvé que les deux exemples cités plus
haut avec les noms de J.-J. Rousseau et de Fénelon),
il me semble qu'il vaut mieux faire accorder l'adjectif
avec le sujet du verbe, et dire :
Celte pomme a l'air bonne.
Avant de finir, je veux vous parler d'une correction
qui, si elle était adoptée, ferait disparaître au profit
de notre syntaxe une anomalie des plus choquantes.
Avoir l'air est le synonyme, dans notre langue, de
avoir la mine, dont la composition est entièrement
semblable à la sienne : il doit se construire d'une ma-
nière analogue.
Or, dans les phrases où se trouve avoir la mine, si
l'adjectif se rappOTte à mine, il se met immédiatement
après lui :
424
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Ce rôti a la mine appétissante ;
et, quand il se rapporte au sujet de la phrase, les mois
d'être précèdent toujours l'adjeclif :
Cet homme a toute la mine d'être heureux.
Ces personnes ont la mine d'être satisfaites.
Par conséquent, lorsqu'il s'agit de avoir l'air, on
devrait mettre également d'être avant l'adjectif dans le
cas où celui-ci se rapporte au sujet de la phrase :
Cette soupe a l'air d'être bonne;
car dire cettesotipe a l'air bonne est tout aussi contraire
à la syntaxe et à l'euphonie que si l'on disait : ce
bouilli a la mine bon.
Il est déjà permis d'employer d'être comme je viens
de l'indiquer; il suffirait, pour avoir une construction
irréprochable à tous les points de vue, de le rendre
obligatoire, de facultatif qu'il a été jusqu'ici, lorsqu'on
fait la substitution de avoir l'air aux verbes paraître et
sembler.
ETRANGER
Première Question.
D'oii vient le nom de jclienne, donné à un potage fait
avec plusieurs sortes de légumes ?
hd. julienne, qu'on appelle dans le patois de Genève
la soupe à la bataille, n'est mentionnée ni dans Taille-
vent, ni dans le Ménagier de Paris (<393), ni dans le
Dictionnaire français-anglais de Cotgrave (1660), ni
dans le Cuisinier françois de La Varenne (1670) ; c'est
seulement dans le Cuisinier roijal et bourgeois (1722)
qu'on la trouve pour la première fois, ce qui me fait
présumer que ce potage n'est guère connu que depuis le
commencement du xvm'" siècle.
On a dit d'abord potage à la Julienne, comme le
montrent ces exemples :
Potage à la Julienne en maigre.
[Cuisinier ray. et bourg, vol. II, p. l63. )
On fait aussi des potages à la Julienne de poictrine de
veau, chapon, poularde, pigeons et autres viandes.
{Idem, vol. II, p. 39J.I
Puis, on a supprimé potage, ce qui a réduit l'expres-
sion à Julienne, qui s'est employé alors sans
majuscule :
Potage ou julienne de poulets farcis.
[Cui.'iiiiier rotj . el bourg,, vol, II, p. 133 )
\QtTe julienne serait manquée si l'on y avait oublié de
l'oseille.
(Roque, dans Larousse. J
Maintenant, d'où a-t-on lire l'expression à lu Julienne?
IJst-ce un homme qui l'a fournie, ou est-ce une
femme ?
(tn peut croire que c'est un homme, parce que l'art
culinain; a d'abord élé exercé jiar des liommcs, cl qu'un
certain cuisinier, Julien, a pu inventer ce potage, qui,
de son nom, se sera appelé potage à la Julienne,
comme, par exemple, un pantalon ayant la forme de
ceux des hussards s' amteWe pantalon à la hussarde.
Mais on peut croire aussi que c'est une femme, parce
que Julienne a désigné autrefois un type de servante
grossière, maladroite, et que pour dire grossièrement,
sans façon, nous avons eu à la Julienne (conservé
dans le proverbe recoudre sa robe à la Julienne),
expression qui a pu s'appliquer à une préparation
culinaire faite avec négligence et sans art.
Cependant, comme en lisant la recette de la Cui-
sinière de la campagne et de la ville, je ne vois pas
qu'un potage à la Julienne exige moins de soin, moins
d'habileté qu'un autre potage quelconque, j'en conclus
que, probablement, l'expression dont il s'agit vient
plulôl d'un nom d'homme que d'un nom de femme.
A mon grand regret, je ne puis rien vous dire de
plus sur l'origine du mot Julienne, terme de cuisine.
X
Seconde Question.
A l'occasion de la fable de l'hcItre et les plaideurs,
voudriez-vous bien me dire encore ce que c'est que ce
Perrin dont il y est question ?
On trouve ce qui suit dans Rabelais (Pantag. liv.
III, ch. i\):
€ Estoyt a Semerue ung nommé Perrin Dendin, homme
honnorablp, bon laboureur, bien chantant au letrain,
homme de crédit et eagé, autant que le plus de vous
aultres, messieurs : lequel disoit avoir veu te grand bon
homme Concile de Latran, avec son gros chapeau rouge;
ensemble la bonne dame Pragmaticque Sanction, sa femme,
avec son large tissu de satin pers et ■ ses grosses pate-
nostres de jayet. Cestuy homme de bien appoinctoit plus
.de procès qu'il n'en estoyt vuidê en tout le palays de
Poictiers, en l'auditoire de Monsmorillon, en la halle de
Parthenay le vieulx. Ce que le faisoit vénérable en tout le
voisinaige de Chauvigny, Nouaillé, Croutelles, Aisgne,
Leguge, la Motte, Lusignan, Vivonne, Mezeaulz. Estableset
lieux confins. Tous les debatz, procès et differens estoyent
par son devis vuidez, comme par juge souverain, quoy que
juge ne feust, mais homme de bien. Il n'estoyt tué pourceau
en tout le voisinaige, dont il n'eust de la hastilo [saucisse] et
des boudins. Et estoytpresque tous les jours de bancquet,de
festin, de nopces, de commeraige, de relevailles, et en la
taverne, pour faire quelque appoinctement, entendez. Car
jamais n'appoinctoit les parties, qu'il ne les feist boyre
ensemble, par symbole de reconciliation, d'accord parfaict
et de nouvelle joye...
Or, c'est par allusion à ce personnage que La Fon-
taine, qui faisait ses délices de la lecture de Rabelais,
a nommé Perrin le juge devant lequel il fait plaider les
pèlerins de sa charmante fable.
X
Troisième Question.
Voudriez-vous bien me dire d'oii vient le nom de
ciLi.NO qxton donne dans vos journaux à quelqu'un qui
dit des choses niai.'<es ?
Ce nom a pour origine (voir Courrier de Vaugelas,
y>" année, page 2.s) une charge d'atelier par Théodore
Barrière el Antoine Fauchery, pièce dont le principal
personnage, un peintre en herbe dont les rapins se
mo(]uciil, porte le nom de Cutino.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
^25
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1"... revenus de l'Inde qui auraient; — 2» M. Offenbach
appelle du jugement (pas de en); — 3°. . . oui. disent les autres
(on ne dit pas affirmer oui]; — i". .. en étal de receroir non-
seulemenl ses aliénés (il faut non-seulement après le verbe]; —
5»... Madame Charlotte pour se cacher; — 6°... ces énormes
roses moussues (voir Courrier de Vuugelas, 3* année, p. 91); —
1' Bien que nous ayons, quoique nous soyons (pas d'i après l'y) ;
— 8°... amateurs de Tesle-Zes-Bordeaux; — 9"... peut-être
fâcheuse... dame! ie ne puis; — 10» iVon-scM(emen( cette fâcheuse
situation entraînait. . mais encore elle était un obstacle. . .
Phrases à corriger
trjuvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
!• Donc, étant donné une telle situation, la ligne de con-
duite est simple; défendre énergir[uement M. Buffet contre
l'abominable coalition qui le menace.
ï° Le Conseil des ministres, qui s'est tenu ce matin à
l'Elysée, sous la présidence de M. le maréchal de Mac-
Mahon, et qui a commencé à neuf heures et quart, ne
s'est terminé qu'à onze heures.
3° Le navire français ï Aimable-Prudence vient de périr
sur les côtes de Cardiflf, dans des circonstances on ne peut
plus dramatiques.
4° Ce ne sont pas les républicains, dit-il, quoi qu'en pré-
tendent leurs adversaires, qui attaquent ou attaqueront
une loi qui affirme et légalise l'aspiration de toute leur
vie, la République.
5° L'Assemblée nationale vient de voter un crédit pour
leur entretien et leur nourriture, et leur accorde, de ce
dernier chef, une somme de quatre piastres par jour, et
cette somme, en Serbie, suffira amplement â remplir le
but.
6" Ceci vous conviendra mieux, continua-t-il en hésitant
néanmoins un peu : je consens au partage, soyez à moi et
à lui.
7° 11 nous semble que cette affaire a fait trop de bruit
pour que la commission d'enquête elle-même ne tienne
point â cœur de se décharger vis-à-vis de la presse et de
M. de Saint-Mesmin lui-même.
8° Si je comprends bien l'institution du faubourg Pois-
sonnière, cela veut dire qu'il a ses brevets de capacité,
autrement dit, c'est un bachelier es musique.
9° Comme elle s'est donnée de la peine, la vaillante
artiste, pour soutenir une pièce qui n'eût pas été au bout
sans elle!
10" On pourrait vous répondre que vous êtes bien osé de
vous plaindre quand on vous fournit, avec une prodigalité
qui demande un conseil judiciaire, la synthèse toute
entière de l'Ecole française en une soirée.
11° Les journaux dévoués au ministre de l'intérieur, dans
un but qu'il est facile à comprendre, persistent, malgré les
nombreux démentis qui leur ont été donnés, à publier, etc.
12° Il vous ferait crédit pendant un acte, voire môme
deux actes, s'il était prévenu en votre faveur, pourvu
qu'au troisième vous vous déclariez spontanément son
débiteur.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GR.AMMÀIRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU XV11« SIÈCLE.
Claude LANCELOT
[Suite et fin.)
Des verbes auxiliaires. — Il y a deux de ces verbes
qui sont communs à toutes les langues modernes de
lEurope : être et aroir. Quelques-unes en ont encore
d'autres, comme l'allemand, qtii a werden, devenir,
et tcol/en, vouloir.
Être. — Avec le participe des verbes actifs, il forme
tous les passifs, Je .mis aimé, J'étais aimé. D'où il suit
que le verbe passif, comme amor, signifie l'affirmation
de l'amour passif, et, par conséqueiit, aimé signifiant
cet amour passif, il est clair qu'en y joignant le verbe
substantif, qui marque l'affirmation, je suis aimé doit
signifier la même chose qa'amor.
Avoir. — Cet autre auxiliaire est bien plus étrange,
et il est assez difficile d'en donner la raison.
Il forme non-seulement le prétérit, mais encore tous
les temps qui, en latin, dérivent du prétérit, c'est-à-
dire amaveram, amarerim, amavissem , ainavero,
amavisse.
Et le même verbe avoir forme ces sortes de temps
par lui-même comme auxiliaire et son participe eu, car
on dit : j'ai eu, f avais eu, etc.
Le verbe être forme également ces mêmes temps
d'avoir et de son participe été : j'ai été, j'avais été.
En cela, notre langue diffère de l'allemand, de l'italien
et de l'espagnol, qui font de être l'auxiliaire de lui-
même dans ces temps-là, car ils disent je suis été,
ce qu'imitent les Wallons.
.Mais si celte façon de parler au moyen de l'auxiliaire
et du participe est assez étrange en elle-même, elle ne
l'est pas moins dans la construction avec les noms qui se
joignent aux prétérits qu'elle sert à former. En effet :
\° Le nominatif du verbe ne cause aucun change-
ment dans le participe ; ainsi on dit (7 a aimé et ils ont
aimé, elle a aimé et elles ont aimé.
2" L'accusatif qui suit ce participe ne cause point
non plus de changement dans le participe lorsqu'il le
suit : il a aimé Dieu, elle a aimé l'Eglise.
3° Mais quand cet accusatif précède le verbe auxi-
liaire 'ce qui n'arrive guère en prose que pour l'accusa-
tif du relatif ou du pronom', le participe se doit accor-
der en genre et en nombre avec cet accusatif : la lettre
que j'ai écrite, les livres que j'ai lus, etc.
Il y a néanmoins, selon Yaugelas, une exception à
cette règle, c'est que le participe reste indéclinable, lors-
qu'il précède son nominatif: la peine que m'a donné
cette affaire, les soins que m'a donné ce procès.
Circonstances oit î^.tre est employé pour avoir. —
Dans les verbes conjugués avec le réci[)roque se, on
forme des temps composés avec être et non avec avoir;
<2G
LE COURRIER DE VAUGELAS.
mais lorsque le participe ne se rapporle qu'à se,
comme dans Caton s'est tué soi-même, il s'accorde en
genre et en nombre arec les personnes ou les choses
dont on parle : Lucri'ce s'est tuée soi-même, etc.
Si le participe régit quelque chose de différent du
réciproque, comme lorsqu'on dit Œdipe s'est crevé les
yeux, le participe reste invariable, de sorte qu'il faut
dire : cette femme s'est crcré les yeux, elle s'est fait
peindre, elle s'est rendu catholique.
11 n'y a encore rien de bien arrêté dans notre langue
touchant ces dernières façons de parler (IG60;; mais
Lancelot ne voit rien qui soit plus utile, pour les fixer,
que de s'arrêter à la considération du régime.
Lorsque le verbe estre forme des prétérits de verbes
Lntransitifs, comme aller, partir, sortir, etc. ; le parti-
cipe s'accorde en genre et en nombre avec le nominatif.
Quand ces verbes deviennent transitifs et proprement
actifs, ils reprennent avoir, et le participe ne change
plus de genre ni de nombre : cette femme a monté la
montagne.
Des conjonctions. — La seconde sorte de mots qui
signifient la forme et non les objets de nos pensées, ce
sont les conjonctions, comme e/, non, vel,si,ergo, etc. ;
car si l'on y réfléchit bien, on verra que ces particules
ne signifient que l'opération même de notre esprit, qui
joint ou disjoint les choses, et les considère absolument
ou avec condition.
C'est la raison pour laquelle Lancelot n'a point parlé
du pronom inlerrogatif quis, qiur, qiiid, parce que ce
n'est autre chose qu'un pronom auquel est jointe la
signification de ne, c'est-à-dire qui, outre qu'il tient la
|ilace du nom, marque de plus le mouvement de notre
àme qui veut savoir une chose, et qui demande d'en
être instruite. C'est pourquoi nous voyons que l'on se
sert de diverses choses pour marquer ce moHvement.
Ouelquefois cela ne se connaît que par l'inflexion de la
voix, dont l'écriture avertit par une petite marque que
l'on appelle la marque de l'interrogation (?).
Des interjections. — Ces espèces de mots ne signi-
fient non plus l'ien qui soit iiors de nous ; ce sont seule-
ment des voix, plus naturelles qu'artificielles, qui mar-
quent les mouvements de notre âme, comme uh ! heu !
hélas !
De la syntaxe ou construction des mots ensemijle. —
Cette partie de la grammaire se distingue en conâtruc-
tionde convenance et en construction de régime.
La première, dans sa majeure partie, est la même
pour toutes les langues, parce que c'est une suite
naturelle de ce qui est en usage presque partout, à
l'effet de mieux distinguer le discours.
Ainsi la distinction des deux nombres, singulier et
pluriel, a obligé d'accorder le substantif et l'adjectif en
nombre. La distinction du féminin et du masculin a
obligé de mettre au même genre le substantif et l'adjec-
tif, ou l'un et l'autre quelquefois au neutre, dans les
langues qui en ont un tel genre.
Les verbes doivent de môme avoir la convenance des
nombres cl des personnes avec les noms et les pronoms.
Que s'il se rencontre quelque chose de contraire en
apparence à ces règles, c'est qu'on aura fait usage de
figure, c'est-à-dire sous-entendu quelque mot, ou con-
sidéré les pensées plutôt que les mots mêmes.
La syntaxe de régime, au contraire, se trouve très-
différente dans toutes les langues ; car les unes font
les régimes par les cas, et les autres, par de petites
particules qui en tieiinenl lieu.
Voici quelques maximes générales qui sont d'un
grand usage, et que, pour cette raison, il est bon de
remarquer :
1° 11 n'y a jamais de nominatif qui n'ait rapport à
quelque verbe, exprimé ou sous-entendu.
2° Il n'y a point non plus de verbe qui n'ait son no-
minatif, exprimé ou sous-entendu, parce que le propre
du verbe étant d'affirmer, il faut qu'il y ait quelque
chose dont on affirme.
3" Il ne peut y avoir d'adjectif qui n'ait rapport à un
substantif, parce que l'adjectif marque confusément un
substantif.
4° 11 n'y a point de génitif dans le discours qui ne
soit gouverné par aucun nom.
5° Le régime des verbes dépend souvent du caprice
de l'usage ; ainsi on dit eu français servir quelqu'un, et
servir à quelque chose. En espagnol, la plupart des
verbes gouvernent indifféremment le datif ou l'accusatif.
Des figures de construction. — Parce que les hommes
suivent souvent plus le sens de leurs pensées que les
mots dont ils se servent pour les exprimer, et que sou-
vent ils retranchent quelque chose du discours, qu'ils y
laissent quelque mot qui semble superflu, ou qu'ils en
renversent l'ordre naturel, il s'est introduit quatre fa-
çons de parler, qu'on nomme figurées, et qui sont
comme autant d'irrégularités dans la grammaire, quoi-
qu'elles soient quelquefois des perfections et des beautés
dans la langue.
Celle qui s'accorde plus avec nos pensées qu'avec les
mots du discours s'appelle s.yllepse ou conception, comme
quand on dit // est six heures, au lieu de elles sont six
heures.
Celle qui retranche quelque chose s'appelle ellipse ou
défaut; car quelquefois on sous-entend le verbe, ce qui
est très-ordinaire en hébreu, oîi le verbe substantif n'est
presque jamais exprimé; quelquefois le nominatif,
quelquefois le mot qui en gouverne un autre, etc.
La façon de parler qui emploie un ou plusieurs mots
déplus qu'il n'en faut rigoureusement, s'appelle pléo-
nasme, ou abondance, comme vivcre vitam.
Celle qui renverse l'ordre naturel des mots s'appelle
hyperbate, ou renversement .
Lancelot termine sa grammaire en remarquant qu'il
n'y a guère de langues qui usent moins de ces figures
que la nôtre, parce qu'elle aime plus particulièrement
la netteté, et que, sans céder à aucune autre eu beauté
et en élégance, elle tend à exprimer les choses, autant
qu'il se peut, dans l'ordre le plus naturel et le plus
« désembarrassé ».
FIN.
Le Ri;dactedr-GiSka:^t : E.MAPi .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
^'27
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DB GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE.
Publications de la quinzaine :
Les Femmes du monde; par Bachaumont. In-18
Jésus, 26/i p. Paris, lib. Deiitu. 3 fr.
Voyages fantastiques de Cyrano de Bergerac.
Publiés avec une introduction et îles notes par Marc de
Montifaud. In-16, lxxiii-283 p. Paris, lib. des Bibliophiles.
12 fr.
Poésies posthumes de Clovis Michaux, ln-18 Jésus,
x.Kïvi-236 p. et portr. pliotog. Paris, lib. Delagrave.
Le livre de l'exilé, 1851-1870. Après Texil.
Manifestes et discours, 1871-1875; par Edgar Quinet.
In-8'', vii-Gi9 p. et portr. Paris, lib. Dentu. 7 fr. 50.
Honneur et Patrie, nouvelles militaires; par Emile
Richebourg. In-18 Jésus, 303 p. Paris, lib. A. SSgnier. 3 fr.
Voyage sentimental en France et en Italie; par
Laurence Sterne. Traduction nouvelle par Alfred Hédouin.
Six eaux-fortes par Edmond Hédouin. In-16, xlv-2/|6 p.
Paris, lib. des Bibliophiles. 20 fr.
L'eau dormante. Extraits des Mémoires du
docteur Bernagius. Ce que femme peut. Silvérie. Dôna
Luz. La Grotte de San Francisco ; par Lucien Biart. ïn-lS
Jésus, iv-356 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Les Femmes; par Chrysale (Albert Blanquet). In-18
Jésus, 323 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Les Mésaventures de Jean-Paul Choppart; par
Louis Desnoyers. Illustrées par A. Giacomelli. Nouvelle
édition, avec grav. hors texte, par Cham. Gr. in-8'', iv-
336 p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 7 fr.
Chaste et infâme; par le prince Lubomirski. ln-18
Jésus, vi-i20 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Le Violon de Job. Sous le masque. Sang-mêlë.
Armelle; par Th. Bentzon. In-i8 Jésus, i05 p. Paris, lib.
Michel Lévy. 3 fr. 50.
La France guerrière de Jeanne d'Arc à, Henri IV.
Récits historiques d'après les chroniques et les mémoires
de chaque siècle; par M. Ch. d'Héricault et L. Moland.
Nouvelle édition, illu^jtrée de nombreuses vignettes sur
bois. ln-18 Jésus, 327 p., lib. Garnier frères.
Les Courtisanes de l'antiquité. Marie-Magdeleine;
par .Marc de Montifaud. à' édition. ln-18 Jésus, i02 p.
Paris, lib. A. Sagnier.
Œuvres de Mathurin Régnier ; publiées par
D. Jouaust, avec 'préface, notes et glossaires par Louis
Lacour. ln-16, xn-279 p. Paris, lib. des Bibliophiles. 3 fr.
Le Lieutenant aux gardes ; par Paul Saunière. ln-
18 Jésus, 38/1 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
L'Ile mystérieuse. Le Secret de l'île ; par Jules
Verne. 7* édition. ln-18 Jésus, 29i p. Paris, lib. Hetzel et
Cie. 3 fr.
Meta Holdenis ; par Victor Cherbuliez. 3« édition. ln-
18 Jésus, 275 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Histoire de Colbert et de son administration; par
Pierre Clément de l'Institut. Précédée d'une préface par
M. A. Gefifroy, de l'Institut. 2<= édition. 2 voL In-12, xx-
1080 p. Paris, lib. Didier et Cie. 8 fr.
Le Bleuet; par Gustave Haller. Préface de George
Sand. i' édition. ln-18 Jésus, iii-237 p. Paris, lib. Michel
Léw. 3 fr. 50.
Publications antérieures :
HISTOIRE DES INVENTIONS ET DÉCOUVERTES. — Par
Roux-Febra.nd. — 7" édition. — Paris, librairie de f'aul
Dupotil, 41, rue J.-J. Rousseau. Prix : 1 fr.
SONNETS PARISIENS, caprices et fantaisies. — Par
Gabriel Mauc. — Paris, Alphonse Le/ner, éditeur, 31,
passage Choiseul. — Prix : 3 fr.
LA BONTÉ, ouvrage couronné par l'Académie fran-
çaise. — Par Charles Rozan. — Cinquième édition. —
Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine..
UNE JONCHÉE DE FLEURS. — Par M'"« Marie-Félicie
Testas. — Paris, librairie Ch. Blériol, éditeur, 55, quai
des Grands-Augustins.
L'INTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX.
— En vente à la librairie Sandaz et Fishbacher, 33, rue
de Seine à Paris. — Chacune des 7 années parues se vend
séparément. — Envoi franco pour la France.
GLAS ET CARILLONS, sonnets, poésies diverses,
grand'gardes. — Par Pall Colli.n. — Paris, librairie
Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain, et Adolphe
Lemerre, éditeur, 27 et 29, passage Choiseul.
LES ÉLÉMENTS M.\TÉRIELS DU FRANÇAIS, c'est-à-
dire les sons de la langue française entendus ou repré-
sentés. — Ouvrage utile à tous ceux qui s'occupent de
l'étude de notre langue. — Par B. Jiu.ien, docteur ès-
lettres, licencié ès-sciences. — Paris, lib. Hachette et Cie,
76, boulevard Saint-Germain.
MUSIQUE DE CHAMBRE, poésies. — Par Paul Collin.
— Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-
Germain.
CENT DICTÉES sur les premières règles de la gram-
.MAiRE. — Premier livre de lecture approprié aux étrangers.
— Par M"'' M. Tuècolrt. — Troisième édition. — Paris.
Ch. Delagrave et Cie, éditeurs, 58, rue des Écoles.
(28
LE COURRIER DE VAUGELAS.
LA TENTATION DE SAINT ANTOINE. — Par Gustave
Flaubert. — Deuxième édition. — Paris, Charpentier et
Cie, libraires-éditeurs, Î8, quai du Louvre. — Prix :
7 fr. 50.
DIEU ET LA NATURE. Poésies pour l'enfance. — Par
Mlle M. Trècocrt. — Ouvrage publié sous le patronage
de Lamartiae. — Deuxième édition. — Paris, librairie
française et anglaise de J.-H. Tricchy, 26, boulevard des
Italiens.
BOIELDIEU, SA VIE, ses oeuvres, sa correspondance. —
Par Arthur PougIx. — Edition ornée d'un portrait de
Boieldieu, gravé sur acier, par M. Desjardixs, et du fac-
simile d'une lettre autographe de Boieldieu. — Paris,
Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 28, quai du Louvre.
LA VIE PARISIENNE. — Par Armand Lapointe. — Un
vol. in-18. — Paris, librairie de Casimir Pont, 97, rue
Richelieu. — Prix : 3 fr. 50 cent.
L'ESPAGNE, SES SPLENDEURS ET SES MISÈRES. —
Voyage artistique et pittoresque. — Par P. L. Imuert. —
Illustrations d'Alexandre Prévost. — Deuxième édition. —
Paris, E. Pion et Cie, imprimeurs-éditeurs, 10, rue
Garancière. — Prix i fr.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la h" et la 5= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La 1", la 2« et la Z" année doivent être pro-
chainement réimprimées.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
Les Professeurs de Irançais désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute conliance au
Secrétaire du Collège des Précepteurs, Û2, Queeii Square à Londres, W. C, qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
IL
Une lettre reçue dernièrement de Litchfield (Etat de Connecticut) informe le Rédacteur du Courrier de Vaugelas
qu'il est très-facile de se procurer des places de professeur de français dans les Etats-Unis d'Amérique. — S'adresser
à M. J. W. Schermerhorn, 430, Broome Street, à New-York. — Affranchir.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
La Société académique de Saint-Quentin propose des médailles d'or pour les sujets suivants, mis au concours pour
l'année 1876 : Poésie. — Sujet laissé au choix des concurrents. Cantates. — Sujet également laissé au choix des
concurrents. Les pièces envoyées au concours devront remplir les conditions exigées par le Conservatoire national
de musique pour le prix de Rome, c'est-à-diré être à personnages (une voix de femme et deux voix d'homme), et
contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un trio final. — La Cantate de 1876 servira de texte pour le
concours de musique qui aura lieu en 1877. Littérature. — i" question : « Etude sur la poésie contemporaine. » —
2<- question : « Des moyens de développer le goût de l'étude dans toutes les conditions sociales. »
Un concours de poésie sur ce sujet la Revanche est ouvert à l'Académie des Poètes. — Pour concourir, il faut
appartenir à cette Académie, comme membre titulaire, honoraire, ou membre correspondant, et être Français. — Le
prix du concours consistera en une médaille d'or de la valeur de 150 fr., donnée par un des membres de l'Académie,
M. Marc Bonnefoy. — Les poésies envoyées au concours devront se renfermer autant que possible dans la limite de
100 et 200 vers (ces chiflVes n'ont rien d'absolu), et être inédites; elles pourront être signées ou non signées, au gré
des concurrents, et dans ce dernier cas, être accompagnées d'un pli cacheté contenant le nom de l'auteur. — Les
envois relatifs au concours doivent être adressés franco à M. Elle de Biran, archiviste de l'Académie, rue des
Missions, 22, à Paris, avant le l"'' mars 1876.
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. ~ Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; le 2= prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3' prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le l" juin 1876.
La Société d'encouragement au bien décernera en 1876 deux médailles d'or : l'une, pour une composition poétique
dont elle ne détermine pas le sujet; l'autre, pour un travail en prose sur le sujet suivant : Rechercher et développer
les moyens les plus prompts et les plus efficaces d'améliorer la moralité comme le hien-étre de tous. — Tous les
renseignements doivent être adressés à M. Honoré Arnoul, secrétaire-général, 2, rue Brochant, aux Hatignollcs
(Paris), avant le 31 décembre 1875.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à 80n bureau de midi a une heure et demie.
Impruucne GOUVEU.NKLH, G. U.VUl'IiLliV à NogeiU-le-Kolrou.
G' Année
N" 17.
1" Janvier 187G.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^«
;,.^\^u DE yaugj,;:
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraissant le 1" et le 15 de chaque mois
'49
{Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerne le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f .
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier J'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Les Souscripteurs de la province qui n'ont pas encore
payé leur abonnement sont instamment priés de vou-
loir bien, le plus tôt possible, en faire parvenir le
montant au Rédacteur.
SOMMAIRE.
Communication sur CAo/éra.- — Elymologie de Jambette, couteau;
— La consiruclion J'ai l'honneur de vous informer que; —
Origine de la dénomination Rue Sainl-André-des-.4rl$; — L'ex-
pression C'es( ù vous à qui. B Laquelle des trois formes Csar,
tsar, /lar est la meilleure; — Orthographe de En termes de;
— Explication de Chercher la pierre philosophnle. || Passe-
temps grammatical. || Biographie de Marguerite Bufj'el. \\
Ouvrages de grammaire et de littérature. || Renseignements
aux professeurs français. || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATION.
J'ai reçu la lettre suivante relativement à 1 etjmologie
de choléra, dont il a déjà été question dans quelques
numéros précédents :
Tours, li novembre 1875.
Monsieur,
Je ne suis point un hébraïsant, comme vous me faitps
l'honneur de me le dire, et je ne me permpttrai point de
discuter avec uns autorité aussi incontestable que M. Alex.
Weill. Le mot choli se trouve, en effet, dans la Bible bé-
braïque. Il est fréquemment employé et signifie maladie.
Au verset 2 du chapitre 6 de l'Ecclésiaste, nous lisons
même, en propres termes, c/io?/-ra (maladie mauvaise).
Permettez-moi, ceppndant, de contester encore cette
étymologie. D'après elle, le grec y.o)£pa viendrait du phé-
nicien [ici en caractères hébraïques le mot choli-ra]
Je dis le phénicien parce que les Grecs avaierit des rap-
ports avec les Phéniciens, et ceux-ci parlaient la même
langue que les Hébreux.
Mais j'ai trois objections à faire à cette origine : 1° Pour-
quoi le grec yoXôfa est-il du féminin? cholim-rnim (Deut.îS,
59) est du masculin. 2° Pourquoi les Grecs disaient-ils
yoliça et non pas yoXîpa? Enfin, pourquoi plaçaient-ils l'ac-
cent sur l'avant-dernière syllabe?
Les Grecs ont certainement emprunté quelques mots aux
langues étrangères sémitiques, mais en fort petit nombre,
et, à ma connaissance, aucun mot composé comme ce-
lui-là.
Bref, je me permets de trouver purement fortuite la
coïncidence que présentent ici le grec et l'hébreu, et vous
prierais de vouloir bien me dire pour quels motifs vous
repoussez l'étymologie vulgaire indiquée par M. Littré
iifol-fi et ps'w).
Je ne voudrais pas fatiguer vos lecteurs d'une discus-
sion déjà trop longue; cependant, si ces quelques remar-
ques vous paraissaient devoir les intéresser, je vous serais
reconnaissant de les publier.
Veuillez agréer. Monsieur, l'expression de mes senti-
ments distmgués.
Edmond Stapfer, pasteur.
Les raisons pour lesquelles je repousse l'étymologie
qui a les préférences de .M. Edmond Stapfer sont les
deux suivantes :
|o En grec, les noms composés exprimant une idée
relative à la bile commencent tous par xo'-x, yahr,, yo\:,
ou yy^'i mais jamais par -/o/.î. Par conséquent, la pre-
mière partie de x^lépa., qui renferme un =, ne doit pas
avoir été formée de Xolr,, bile.
2° Les mots grecs ayant pour finale le verbe péw,
couler, ont tous deux p, avec l'esprit rude sur le der-
nier, comme vovGppsta, gonorrhée; îiappo-.a, diarrhée;
a'.;j.appo'.a, flux de sang, uîpscpoa, conduit pour l'écou-
lement des eaux. Or, attendu que yo'kipx n'a ni le
redoublement du p, ni l'esprit rude, et qu'il n'est pas
permis de supposer que, dans ce mot et dans toute
sa famille, les Grecs aient enfreint un principe
essentiel de leur orthographe, j'en conclus que le mot
en question n'a point été formé non plus de péw.
Du reste, comme au moyen de vocables venus des
langues étrangères dans la nôtre, on expliquerait faci-
lement de quelle manière, en passant en grec, clmii-ra
a pu changer sa voyelle i en s, son genre masculin en
féminin, et, sans trop de difficulté peut-être, comment
il a pu déplacer son accent, je reste convaincu que cette
H 30
LE COURRIER DE VAUGELAS.
expression hébraïque est la véritable origine de cho-
léra.
X
Première Question.
Voudriez-vovs bien me dire quelle est Vétymologie du
mot Jambette qui^ comme vous savez, désigne chez les
paysans une sorte de couteau ?
La jambette est le plus simple des couteaux; elle se
compose d'une lame commune, d'un manche en bois et
d'un clou.
Quant au mot lui-même, d'oii vient-il?
D'après le dictionnaire de Liltré, ce serait à cause de
sa forme que ce couteau aurait été ainsi appelé; mais tel
n'est pas l'avis de M. Pihan 'Dictionnaire des mots fran-
çais dérivés de l'arabe] , car il dit :
« J'ajouterai, pour ce qui concerne l'étymologie, que le
mot français jambette, dans le sens de couteau, n'a aucun
rapport avec jamfce. »
Et pour étjmologie du mot en question, M. Pihan
propose djambiijyat, qui ne figure point, dit-il, dans
les dictionnaires de la langue arabe, mais qui se ren-
contre souvent avec le sens de poignard. Voici, en
effet, des exemples de djambié, que j'ai trouvé avec
cette signification dans les phrases suivantes :
Un chaie de cachemire formait sa ceinture, à travers la-
quelle était passé un de ces longs poignards recourbés, à
fourreau d'or ciselé, que les Arabes nomment djembie'.
(Botta. Heltil. d'un voi/, dans l'Iémen^ p. 22.)
Tous étaient vêtus simplement et ne se distinguaient du
reste des habitants que par leurs poignards ou djemhiés.
(Idem, p. 46.)
Mais il y a plus d'une grave objection à faire contre
cette origine étrangère :
-l" Comment le mot djembié, qui signifie poignard
(un couteau toujours ouvert), en est-il venu à s'ap-
pliquer à un couteau qui se ferme ?
2° Comment a-t-il pu se faire que djembié désignant
un poignard dont le fourreau est le plus souvent
enrichi de ciselures, ait été employé justement à dési-
gner le plus modeste des instruments de son espèce?
3" Le djembié se porte à la ceinture; comment son
nom a-t-il pu être donné, par comparaison, à un cou-
teau qui se porte dans la poche ?
4" Enfin, y a-t-il apparence que djembié, avec un i
tellement marqué en arabe que .M. Pihan le fait suivre
de deux y pour le rendre en français, ait pu former le
diminutif Ja?nAe<^e, qui n'a pas d'/?
C'est l'étymologie de M. Liltré qui est la vraie,
ce que démontrent avec la dernière évidence les
lignes suivantes, empruntées à l'ingénieur Landrin
\Man. du coutel. p. 3()C, Coll. Horet] :
« Le plus simple des couteaux fermants est la jambette;
ce nom lui vient de la forme qu'on a longtemps donnée
aux manches, dans le Limousin, où le bois de l'instrument
représentait assoz imparfaitement une jambe terminée par
un pied, dans lequel se logeait la lame. »
X
Trorsième Question.
Ne trouvez-vous pas très-incorrecte l'expression :
« J'ai l'honneur de vous informer que ? •« On informe
n'une chose, ou bien on fait savoir que cette chose a eu
lieu ; QOE ne peut aller dans ce cas qu'avec un l'erbe
actif. Le Dictionnaire de Liltré ne mentionne pas cette
locution, qui est cependant d'un usage journalier', et
qui me parait fautive.
Quand il s'agit d'un verbe requérant la préposition
de avant le substantif qui lui sert de régime (ceci est
une règle qui, je crois, n'est mentionnée nulle part),
il faut changer ce de en que dans le cas où le substantif
régime est remplacé par une proposition avec un verbe
à un mode personnel. Ainsi comme on dit :
Avertir quelqu'un d'un danger,
Se douter d'un départ,
Se soucier de l'opinion,
Enrager de dépit,
les auteurs dont les noms suivent ont écrit :
On m'avertit qu'il fait tous ses efforts pour lui parler;
(Molière, Médecin mat. lui, IIJ, 7.)
Je me doutais bien aussi que les prophéties auraient été
entièrement fausses à l'égard de Vardes.
(Sévigné, letl, 27 mars I671.)
Je dis ce que je pense, et je me soucie peu que les autres
pensent comme moi.
CVoltaire, Candide, 35)
J'enrage que mon père et ma mère ne m'aient pas fait
étudier dans toutes les sciences quand j'étais jeune.
(Molière, Bourg, gent. Il, 6)
Or, attendu que le verbe m/'onner veut aussi e^e après
lui quand son régime est un substantif, il en résulte
qu'il doit également être suivi de que lorsqu'il a pour
complément une proposition renfermant un verbe à un
mode autre que l'infinitif, et qu'il faut dire, par
exemple :
Je vous informe que je pars demain.
X
Quatrième Question.
Auriez-vous l'obligeance de me dire pourquoi la rue
de Paris oie se trouve la librairie lioyer et C'" porte le
nom de Saint-André-des-Akts ? A quels arts ce nom
fait-il allusion ?
Quelques-uns ont prétendu que celte rue avait été
ainsi surnommée parce qu'elle était à l'entrée de
l'Université, où l'on enseignait les arts libéraux ; sa-
chant qu'elle s'était appelée aussi St-André-des-Arcs ,
d'autres ont cru que c'était parce qu'il y avait eu autre-
fois des arcades, qu'on y avait fait des arcs, ou encore
qu'il y avait eu un jardin dans lequel on s'exerçait à
tirer de l'arc : ces diverses étymologies n'ont aucun
fondement réel.
Tracée sur un territoire qui s'appelait Laas, la rue
dont il s'agit fut primitivement appelée rue de Laas, et
quand ensuite l'église de Saint-André-dcs-Arts y fut
construite, elle prit le nom de cette église.
Pour répoudre à votre question, il suffit donc de dire
d'où vient le surnom des Arts, donné autrefois à
l'église de Sainl-André en Laas.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
13(
Dans se% Recherches sur Paris, Jaillot dit avoirtrouvé
des actes de 1234 et de 1260, où on lit : St-Andrecis de
Assiciis, et de Arciciis; un autre de 1261 qui porte
St-Andreas de Assibtts, et un quatrième de 1274, où il
y a. de Arsiciis.
Une déclaration faite par les Sachettes ^12841, décla-
ration vue par le même historien, exprime ce surnom
par de Arcubus.
Avant la moitié du xiv* siècle, ce dernier surnom
avait prévalu, preuve le passage suivant, emprunté au
Dictionnaire historique de Hurtautet Magny (I, p. 233),
où il est traduit par des Arcs :
L'abbé et les Religieux de Saint-Germain-des-Prés ont
joui du Patronage de ces deux cures [S. André et S. Corne]
jusqu'en 1315, que par transaction passée avec l'Université,
Ils cédèrent à ceux-ci « tout ce que à eux appartenoit, ou
appartenir pourroit au tems avenir, èa Patronage des
Eglises de Saint- Andrien-des-Arcs et de Saint-Cosme. »
Mais, au moyen-âge, arc se prononçait ar, comme
cela résulte des citations suivantes, dans lesquelles ce
mot n'a pas de f :
Et li Commain et li Blac et li Grieu ctiacierent et hor-
doierent à celé bataille à ars et à saiettes.
(Villehardoin, CXLV.)
Li uns des ars si fu d'un bois
Dont li fruit iert mal savoréE.
{La Unse, vers 9i4-)
Entre les autres [présents] li apportèrent ars de cor.
[JoinviUe, 379 )
Or, quand on a prononcé arc en faisant entendre le c
(ce qui a commencé, si je ne me trompe, au xvi'' siècle,
parce que, depuis cette époque, on y remarque cette
lettre], l'ancienne prononciation de arc dans Saint-
André-des-Arcs a fait confondre ce mot avec art, et
l'on a fini par écrire comme on écrit encore aujour-
d'hui :
L'église de Saint- André-des-ArIs.
De sorte que, si l'on ne sait pas précisément l'origine
de Assiciis, Assibus, Arciciis, formes diverses de l'an-
cien surnom de la rue Saint- André-des-Arts (selon
Jaillot, cette origine serait Laas), il n'en est pas
moins certain que, dans cette dénomination, Arts n'a
de commun que le son avec le mot art, manière de faire
une chose avec méthode.
X
Cinquième Question.
Boileau a dit : « C'est a vocs, mon esprit, a qui je
veux parler »; Molière, « Et que c'est a sa table a qdi
l'on rend visiter. Il me semble que cette construction
donne à la pensée vne accentuation et une force parti-
culières. Mais n est-elle pas cependant fautire ?
En français, quand, pour les mettre en évideri«e, on
présente en tête d'une phrase des mots qui servent de
complément à un verbe, ou encore un adverbe, on [)lace
ces mots entre c'est et que, comme pour avertir le lecteur
de l'inversion. Ainsi, au lieu de :
Les conquérants de l'Univers sortirent d'une retraite de
pâtres.
0 sexe enchanteur I votre puissance est dans vos vertus.
Mon fils, je prétends marcher à Home.
les auteurs suivants ont dit :
Ce fut d'une retraite de pâtres que sortirent les conqué-
rants de l'Univers.
(Roi lin.)
0 sexe enchanteur! c'est dans vos vertus qu'est votre
puissance.
(Bernardin de Saint-Pierre )
C'est à Rome, mon fils, que je prétends marcher.
(Racine, Milh. III. i.)
Et réciproquement, toute phrase qui commence par
c'est suivi de mots inversés, doit, pour être régulière-
ment construite, renfermer que après ces mots.
Or, les deux que vous m'offrez ayant à qui 3.11 lieu de
qtte, j'en conclus que, si elles ont pu être irréprochables
à l'époque où Boileau et Molière les ont écrites, elles ont
complètement cessé de l'être pour nous.
Cette question a déjà été traitée dans \e^ Courrier de
Vaugelas (4',année, p. 35) ; mais j'ajouterai ici un argu-
ment que j'ai oublié de faire valoir à cet endroit contre
la construction que je rejette.
C'est une règle aujourd'hui que le relatif g-w», précédé
d'une préposition, ne peut se dire des choses non per-
sonnifiées. Or, quand on veut inverser un régime indi-
rect de chose ayant une préposition quelconque avant
lui, comme dans l'exemple emprunté à .Molière, il faut
nécessairement, si l'on n'observe pas la règle que j'ai
donnée en commençant, mettre qui après cette prépo-
sition (c'est à sa table à qui], construction impossible,
puisqu'elle implique contradiction avec une règle qui
s'observe toujours.
ÉTRANGER
Première Question.
Dans votre numéro 14, vous reproduisez une lettrede
Sedan oit le nom de l'empereur de Russie est écrit tzab.
Je vois ailleurs ce nom écrit czak et tsar. Laquelle de
ces trois formes est ta meilleure, à votre avis ?
Depuis que le souverain de la Russie a son nom men-
tionné dans nos dictionnaires, ce nom s'est géné-
ralement écrit czar, comme dans ces exemples :
Le c^ar a composé lui-même des traités de marine, et
l'on augmentera de son nom la liste pou nombreuse des
souverains qui ont écrit.
(Fontenelle, Ze czar Pierre. )
L'élection de Michel Romanov (1613) met un terme à tant
de maux. La Russie se relève un peu sous ce c:iar et ses
deux successeurs.
(Bouillet, Dict. hisf., p. 1547. co'. l.)
Le czar Michel Fédérowitch prit avec l'ambassade hols-
teinoise les titres de Grand Seigneur, etc.
(Noël et Car[)entîer, Dicf. étymol.)
Théoriquement parlant, cette orthographe est défec-
tueuse ; on devrait écrire ^<«/-, comme l'établit fort bien
la note suivante, due à l'obligeance de .M. Charles
Courrière, le savant auteur de la Littérature contem-
poraine en Russie :
-132
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Lorsqu'on emprunte un nom commun ou un nom propre
à une langue étrangère, doit-on se régler sur l'ortho-
graphe de ce mot, ou sur la façon dont il se prononce
dans cette langue ?
Selon moi, il y a deux cas bien distincts :
Si la langue en question a l'alphabet latin, il faut se ré-
gler sur l'orthographe. C'est ainsi que nous écrivons
Shakespeare, Ryron, Th. Moore, etc., bien que ces noms
propres se prononcent autrement.
Si la langue à laquelle nous faisons un emprunt a un
alphabet autre que l'alphabet latin, il est évident que nous
ne pouvons plus nous régler sur l'orthographe des mots,
car les alphabets slaves et orientaux possèdent certaines
lettres qui manquent à l'alphabet latin. Nous devons donc
transcrire le mot emprunté de façon à lui donner une
prononciation équivalente à celle qu'il a dans sa langue.
Ainsi, il faut dire tsar et non czar, qui est défectueux, car
un Slave dirait Ichar.
Mais comme isar est d'une prononciation très-dure
pour nous, .imême lorsque nous lui donnons la forme
tzar, qu'on trouve aussi dans quelques dictionnaires,
je crois que , pour donner à l'oreille la satisfaction
qu'elle réclame ici, l'usage se maintiendra demplojer
czar, qui, grâce à sa prononciation de gzar, a un avan-
tage inconteslable sur ses compétiteurs.
X
Seconde Question.
Une expression que je n'écris jamais sans hésiter,
c'est EN TERMES DE commc, par exemple, dans en termes
DE MARINE. Faut-il y mettre terme au singulier ou au
pluriel ?
Quand l'expression en terme de est suivie d'un nom
d'art, de métier ou de science, on la trouve générale-
ment écrite au pluriel ; c'est toujours ainsi que la met
M. Littré dans son dictionnaire, comme l'attestent les
exemples suivants, pris dans ses explications :
En termes d'architecture, la gorge des chapiteaux dorique
et toscan en est la partie la plus étroite, qui se nomme
aussi gorgerin et colerin.
(Page 1895. col. 3.)
En termes de cuisine, graisse se dit de la graisse fondue
et de la friture.
(Page 1913. col, I.)
[Grouperj. £(i termes d'avt., être groupé. Ces figures grou-
pent bien.
(Page I9.'('j, col. 7.)
En fermes de fortification, sac à terre, petit sac en forte
toile, qu'on remplit de terre.
(Page 3196, col. a.)
[Texture] En termes de littérature, la liaison des diffé-
rentes parties d'un ouvrage.
(Page 2ÎIJ, col. 1.)
Dans le même cas, toutefois, on trouve aussi terme
au singulier, et en voici des exemples dans lesquels
il est à ce nombre :
En terme de coutume, entreprise était la poursuite ou
continuation d'un ouvrage malgré la clameur de haro.
(Cliéruel, fJicl. ilr.i nururs cl eut p- 356. col. %.}
En terme de blason, les émaux sont les couleurs ou mé-
taux dont un écu est chargé.
(Iilcm, p. 347, col. j,)
En terme de blason, une croix portée, c'est une croix
qui n'est pas debout, comme sont généralement les croix.
[Encych'pidit , Porté, p. i37)
Laquelle de ces deux orthographes doit être réputée
pour la meilleure ?
Je regrette une fois de plus de ne pas me trouver
d'accord avec la plus grande autorité grammaticale de
notre époque; mais il me semble que, dans toutes les
phrases qui précèdent, et autres analogues, terme
doit être mis au singulier, pour la raison que voici:
Toutes ces phrases contiennent la déRnition d'une
expression (gorge, graisse, grouper, sac à terre, texture,
entreprise, émaux, etc.), et en terme de y signifie
employé comme un terme de, ce qui implique nécessai-
rement le singulier pour terme.
Attendu que employé comme un terme de, véritable
équivalent quant au sens de en terme de, exige pour sa
construction que le molà définir, à expliquer, remplisse
la fonction de sujet, il est évident quee?» terme de figure
à tort dans les phrases suivantes :
En terme de blason, on appelle les /omftreîiwns feuillards
à cause de leur ressemblance avec la feuille d'acanthe.
(Chéruel, p. 4j5, col. 1.)
En terme de blason, on appelle quartiers les parties d'un
grand écusson qui contient des armoiries différentes.
(Jdem, p. 1038, col. a.)
II n'y a de possible dans ces phrases que en langage
de blason, ou encore dans le langage du blason.
X
Troisième Question.
Pourquoi dit-on de quelqu'un qui poursuit des recher-
ches que l'on croit devoir rester sans résultat, qu'il
CnERCHE l.A PIERRE PHILOSOPHALE ?
Rapportée d'Orient par les Croisés, la science hermé-
tique, ou autrement l'alchimie, fut bientôt cultivée par ce
qu'il y avait de plus savants hommes en Europe : Roger
Bacon, Albert-le-Grand , saint Thomas d'Aquin en
furent de zélés disciples.
Vérité pour les uns, pure chimère pour les autres,
celte science, étudiait la composition intime des métaux,
leur perfectionnement et leur transmutation.
Ceux qui s'y livraient portaient le nom de philosophes,
et les composés qu'ils obtenaient au moyen de leurs
troispriucipes,lesel,lesoufreet le mercure, étaient géné-
ralement désignés par le nom de pierre, que la pharmacie
moderne a conservé, du reste, dans pierre divine, pierre
infernale, etc.
U'oii le nom de pierre philosophale donné à une com-
[losition qui devait changer les métaux inférieurs en or
ou en argent, selon que c'eût été de l'or ou de l'argent
qu'on y aurait employé.
Or, comme on n'est jamais parvenu à découvrir cette
composition tant et si longtemps cherchée (Nicolas Fla-
mel publiait encoreen l782unouvragcsurcettematière),
on a dit de quelqu'un qui s'occupait de la solution
d'un problème jugé insoluble qu'«/ cherv/iail la pierre
philosophale.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
133
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... étant donnée uoe telle situation; — 2° . . . à neuf
heures el un quart, ou à neuf heures un quart; — 3° . . dans
des circonstances excessivement dramatiques (Voir Courrier de
Vaitgelas, 3° année, p. 84.); — 4° ... quoi qu'en disent leurs
adversaires ; — 5» ... à atteindre le but (on ne remplit pas un
but); — 6° . . . continua-t-il à dire en hésitant; — 7- ... n'ait
point à cœur ; — 8° . . . c'est un bachelier en musique (Voir
Courrier de Vaugelas, l" année, n' 1, page 4) ; — 9* Comme
elle s'est donné de la peine; — 10' . .. une prodigalité fotie, la
synthèse tout entière ; — 11" . de l'intérieur dan? une pensée
qu'il est facile de comprendre Voir Courrier de Vaugelas, 6' an-
née, p. 75) ; — lî" . . . un acte, voire (pas de même) . . . pourvu
qu'au troisième vous vous déclarassiti .
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique el autres publications
coniemporaines.
r La Commission s'est réservée d'entendre les observa-
tions que le ministre des finances pourrait présenter à cette
rédaction.
2° Permettez-nous, en conséquence, de faire appel aux
sentiments dont nous vous savons animé, en vous priant
de vous inscrire sur les abonnés de l'Ordre.
3° Les dernières nouvelles de la santé de M. Patin sont
meilleures. On commence à espérer que l'honorable acadé-
micien parvienne à se lever.
4° La démocratie française n'aspire pas â autre chose
qu'à l'application complète des grands principes de 1789.
5° 11 y a des esprits tournés de telle façon qu'ils inter-
prètent dans un sens ce qui en a évidemment un autre, et
qui font dire ainsi à un orateur toute autre chose que ce
qu'il a réellement dit.
6° Si quelque chose est à craindre, c'est que le Maréchal
fasse à l'insatiable révolution une concession nouvelle, et
prenne un ministère de tendances encore plus républi-
caines que le cabinet actuel.
7° M. Vogel lui facilite la tâche en lui soulignant, sans
les dissimuler, les sources où il a péché.
8° Aidez ceux qui ont été dépouillés de tous les biens,
voire même de leur patrie, et qui, dans leur affreuse si-
tuation, n'attendent de secours que du dehors, et particu-
lièrement de la Russie.
9° M. L. Goudounèche, ancien chef d'institution, ancien
adjoint au maire du 11' arrondissement, est mort hier ma-
tin, comme nous l'avons annoncé, â sept heures moins le
quart, dans sa 68« année.
10° Certes, l'empire peut avoir sa raison d'être et de
durer ; mais cette raison est toute autre que la liberté et
la vertu politique.
It* Sans doute, il y aura des bonapartistes militants
dans les deux futures chambres du prochain parlement.
Mais ils seront beaucoup moins nombreux qu'on l'avait
supposé, il y a quelques mois à peine.
lî° Au nom du ministre, le président a décerné la palme
d'officier de l'Instruction publirjue à l'un des plus anciens
professeurs de l'Association, et la croix d'officier d'Aca-
démie à quatre autres de ses collègues.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVll" SIÈCLE.
Marguerite BUFFET.
C'était une «fille de condition» qui, pour vivre, avait
été obligée d'avoir recours aux lettres. Elle donnait des
leçons de français, ce qu'elle nous apprend par le titre
d'un ouvrage sur cette langue, publié en ((368, titre où
se lit ce qui suit :
« Damoiselle Marguerite Buffet, faisant profession d'en-
seigner aux Dames l'art de bien parler et de bien écrire
sur tous sujets, avec l'Orthographe Françoise par règles. »
Voilà tout ce que j'ai pu recueillir sur celte savante
personne dont le nom ne figure dans aucune des
Biographies que j'ai consultées.
Quant à son ouvrage, qui est dédié à la Reine, il est
intitulé Nouvelles observations sur la longue française,
oit il est traitté des termes anciens et initsitez, et du bel
usage des mots nouveaux.
Ces observations portant pour la plupart sur ce qu'il
ne faut pas dire et sur ce qu'il faut dire (bien des
arrêts qui ont été plus ou moins respectés par le
temps) sont divisées en quatre parties.
Après avoir exposé la nécessité qu'il yadebienparler
sa langue, et fait voir combien la nôtre est estimée
de toutes les nations de l'Europe, .Marguerite liuffet
entre en matière.
Je vais la suivre pas à pas, notant avec soin ce
qui me semblera propre à intéresser les lecteurs de
ce journal.
PREMIÈRE PARTIE
Parmi les diverses personnes que Marguerite Buffet
voit tous les jours, il en est peu qui sachent leur langue.
11 y en a qui, par l'usage ou la connaissance du latin,
ne font point de fautes dans 1'» explication » des verbes
qui en composent une des premières parties; mais, sans
en avoir conscience, elles en font un grand nombre d'au-
tres qui sont ridicules : elles se servent de termes bar-
bares qui ne se peuvent souffrir entre gens polis et
diserts.
Ignorant la langue latine, d'autres manquent à l'ordre
qu'il faut observer dans l'emploi de quelques verbes.
Ce ne sont pas les plus petites fautes, et c'est ce qui
oblige Marguerite Buffet à expliquer ici ceux qu'elle croit
être les plus nécessaires pour l'usage de notre langue,
et aussi ceux où elle a remarqué que l'on manque le
plus ordinairement.
Pour les autres verbes, ils sont écrits par ordre dans
son livre de règles pour l'orthographe, règles qu'elle
donne aux dames ;i qui elle enseigne, et qu'elle leur
fait apprendre en peu de temps par une méthode très-
facile.
Ce livre est composé de 3S ou -50 règles différentes
expliquées en français, quoique dérivées du latin, Kms
434
LE COURRIER DE VAUGELAS.
lequel il serait impossible d'enseignei- l'orthographe,
cette science étant trop délicate et exigeant trop d'études
pour être apprise sans ordre et sans méthode.
Comme les curieux veulent savoir l'origine des lettres
qu'emploie l'écriture, Marguerite Bufl'et va leur dire ce
qu'elle en sait.
Les Egyptiens furent les premiers qui représentèrent
les conceptions de leur esprit par des figures d'animaux,
et les plus anciens monuments de leur antiquité se
voyaient empreints sur des pierres; aussi se vantaient-
ils d'être les inventeurs des lettres.
Depuis, les Phéniciens, qui étaient alors les meilleurs
et les plus puissants matelots sur mer, apportèrent ces
lettres en Grèce; et, quoiqu'ils les eussent apprises des
Egyptiens, ils se virent attribuer partout l'honneur de
les avoir inventées.
On a trouvé par écrit que l'Athénien Céerops et
l'Argien Palamède (contemporain de la guerre de Troie)
inventèrent les caractères de H lettres, et que Simo-
nide trouva le reste.
Elles ont été transportées en Italie par le Corinthien
Damarale, qui les apprit aux Toscans, et l'Arcadien
Evandre, qui les enseigna aux aborigènes ; c'est pour
celte raison que les lettres latines ont la forme des plus
anciens caractères grecs.
L'empereur Claude en ajouta trois, lesquelles ont été
en usage pendant son règne, et se voient encore au-
jourd'hui il6(j8) gravées sur des lables.de cuivre qui
furent placées dans les temples et sur les places pu-
bliques de Rome, pour exposer à la connaissance d' « un
chacun » les ordonnances du peuple.
Si l'invention des lettres a été difficile, leur liaison et
leur ordre ne l'ont pas été moins; c'est ce dernier qui
donne le vrai moyen de faire un son expressif de la
chose que nous voulons énoncer, ainsi qu'une juste
prononciation; enfin, c'est lui qui est le véritable ins-
trument de l'éloquence et du beau discours.
Les lettres toutes seules pourraient être comparées à
un monceau de pierres, lesquelles ne sont d'aucun
usage, mais qui, étant taillées et mises en ordre, for-
ment d'élégants édifices et servent à élever des palais
d'une belle architecture.
Marguerite Bufi^et revient aux verbes.
Il faut remarquer que nous en avons plusieurs qui
s'énoncent autrement qu'ils ne s'écrivent. Nous en
' avons où le g se prononce, ce que bien des gens n'ob-
servent pas, manque de le savoir; par exemple, il
faut faire entendre cette lettre dans avmdre, et dire
j'avinf/nis, nous ariiignismes, etc.
L,e verbe dissoudre t'ait au passé défini je dissoudls,
tu dissoudis, nous dissoudismes, etc.
Prévoir, d'après Marguerite Buffet, a pour futur ^e
prererray, etc.
Quant à pourvoir, il fait au passé défini je pourvus,
nous pourvùsmes, ils pourvurent.
Il est bien peu de gens qui sachent quand il faut le
d ou [l dans le verbe résoudre; au futur, il faity'e ré-
soudra]!, et au présent nous résolvons ; le participe
présent est résolvant et non resoudant.
Les verbes qui « terminent » en er à l'infinitif se
conjuguent comme porter, donner, et n'olTrent pas
de difficultés.
Mais on fait encore contre la langue française un
très-grand nombre de fautes qui ne dépendent pas des
verbes, soit en employant des mots barbares et an-
ciens, soit en n'évitant point les superflus, ni les mots
corrompus et mal prononcés, soit encore en confon-
dant le masculin avec le féminin.
Elle va signaler les principales de ces fautes.
Parmi les termes barbares, on se sert souvent de
mesque, qui n'est pas français; par exemple, on dit
mesque nous ayons fait cette affaire. Il faut dire
quand nous aurons fait.
Plusieurs disent vous aurez du repenty d'avoir fait
cela; c'est encore un mot des plus barbares, il faut dire
l'OMS aurez du regret.
Quand il est nuit, d'autres disent souvent on ne voit
plus goûte, ne croyant point faire de faute; mais on ne
doit employer goule qu'en parlant de quelque chose
qui coule, comme l'huile, le vin et l'eau ; il faut dire
on ne voit plus, ou // fait nuit.
On dit assez ordinairement vous avez controuvé
toutes ces choses; il faut dire vous avez svposé toutes
ces choses, quand il s'agit de personnes au-dessous de
soi, autrement ce serait trop injurieux.
D'autres disent encore vous vous acotez sur telle
chose ; il faut dire v^ous vous opuyez.
Cette lettre est bien lisable, disent les provinciaux ;
mauvaise expression, il faut dire lisible.
On ne doit pas dire d'un homme qa' il est courtois en-
vers les Dames ; ces mots courtois et envers sont du
vieux style; il faut dire il est civil et obligeant aux
Daines.
Pour ménager les syllabes, il y en a qui disent il a
esprit, elle a esprit; il faut dire de l'esprit.
Parlant d'un homme qui est fin, il s'en « trouvent »
qui disent il est bien madré; c'est un terme ancien et
ridicule.
On ne dit plus il aroit apris de faire telle chose, ou
il souloit, qui est un mot fort ancien et hors d'usage
M 668), ni il vous est loisible de dire, ce qui est une ex-
pression fort barbare. Il faut dire il vous est permis
de faire, au lieu de loisible, qui est « tres-meschant. »
On peut dire dépendre ou dépenser, l'un et l'autre
sont également bons.
C'est ridiculement parler que de dire gagner la bonne
grâce de quelqu'un; il faut parler « en » pluriel, et dire
gagner les bonnes grâces.
Ne dites pas c'est un délice de se promener, car l'ex-
pression est mauvaise; dites // est délicieux.
Quand elles sont bien adaptées, les expressions à
travers et au travers sont bonnes.
// fut fait mourir tant de personnes ne vaut absolu-
ment rien ; il faut dire on fit exécuter tant de per-
sonnes.
[La suite au prochain numéro.)
Le Rkdacteoii-Gkkant : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE YAUGELAS
133
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE.
Publications de la quinzaine :
La Chine familière et gâtante; par Jules Arène In-
18 Jésus, in-292 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Histoire de la caricature au moyen-âge et sous
la Renaissance; par Cliampileury. 2' édition, très-
augmentée. Ia-18 Jésus, 355 p. Paris, lib. Dentu. 5 fr.
La Pièce de vingt francs; par Marie Conscience. In-
12, 216 p, Paris, lib. Sundoz et Fischbacher,
Le Foyer, scènes de la vie de famille aux Etats-
Unis. Ouvrage imité de « Home » de Miss Sedgwick; par
Mme A. Gael. In-12, 260 p. Paris, lib. Sandoz et Fischba-
cher.
Histoire du XIX' siècle, II. Jusqu'au 18 brumaire.
III. Jusqu'à Waterloo; par J. .Michelet. In-S", xl\-8ô6
p. Paris, lib. Michel Lévy. Chaque vol., 6 fr.
Voyage au pays des milliards; par Victor Tissot.
17' édition, revue et corrigée. In-18 Jésus, 392 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr. 50.
Œuvres complètes de Diderot revues sur les
éditions originales, comprenant ce qui a été publié à
diverses époques et les manuscrits inédits conservés à la
bibliothèque de l'Hermitage. Notices, notes, table
analytique. Etude sur Diderot et le mouvement philo-
sophique au xvin° siècle; par J. Assézat. T. 8. Belles-
lettres. V. In-8° 524 p. Paris, lib. Garnier frères. Chaque
vol. 6 fr.
Les Peintres du cabaret. Van Ostade, sa vie et
son œuvre; par .Arsène Houssaye. .^vec 20 eau.\-fortes
par Van Ostade, Charles Jacque et Subercase. Gr. in-S»,
16 p. Paris, lib. J. .Maury et Cie.
Les Soirées amusantes. 4° série. Contes d'au-
tomne; par Emile Riehebourg. X. Octobre. In-32, 192 p.
Paris, lib. Pion et Cie, 75 cent.
Œuvres complètes de Beaumarchais. Nouvelle
édition, augmentée de quatre pièces de théâtre et de
documents divers inédits, avec une introduction par
M. Edouard Fournier. Ornée de 20 portr. en pied coloriés,
dessinés par Emile Bayard. Gr. in- 8» à 2 col., Lvii-78i p.
Paris, lib. Laplace. Sanchez et Cie. 18 fr.
La Clique dorée; par Emile Gaboriau. 9« édition. In-
18 Jésus, 568 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Annales, souvenirs et traditions historiques du
pays chartrain; par Ad. Lecocq. chartrain. Gravures
d'après les dessins de MM. Ed. Moulinet, P. Rousseau,
Ph. Bellier, E. Bayard, L. .Michaut et L. Petit. In-8°, iv-
386 p. Chartres, lib. Petrot-Garnier,
Les Demoiselles du Ronçay ; par Albéric Second.
5' édition. In-12, 332 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Les Glaciers; par Zurcher et MargoUé. 3<: édition,
revue et augmentée, illustrée de, Uâ gravures sur bois
par L. Sabatier. Inl8 Jésus, 320 p. Paris, lib. Hachette
et Cie. 2 fr. 2.ï,
Les Gardiennes du trésor; par Emmanuel Gonzalès.
Edition illustrée de vignettes sur bois. In-W à 2 col. i8
p. Paris, lib. Benoist et Cie. 80 cent.
Femmes de Versailles. Les Femmes de la cour
de Louis XV; par Imbert de Saint-Amand. In-18 Jésus,
368 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr, 50. '
.... Plus c'est la même chose; par Alphonse Karr.
■In-18 Jésus. 372 p. Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
Voyage d'un étudiant et ses suites^^rariées.
Histoire d'un homme enrhumé ; par B. J. Stahl.
11" édition. In-18 Jésus, 331 p. Paris, lib. Hetzel et Cie.
3fr.
Publications antérieures :
LA CHASSE AUX SOUVENIRS. — les derxiehs péchés du
CHEVALrER DE V.^UCELaS. — L,\ B.i^LLE E>"CB-\NTÉE. — Paf
le marquis G. de Cherville. — Paris, librairie de Firmin
Didol et Cie, imprimeurs de l'Institut, 56, rue Jacob.
LES PASSIONS. — Par le D-- F. Fréd.\ult. — Paris,
librairie Victor Palmé, éditeur, 25, rue de Grenelle-
Saint-Germain.
LIVINGSTONE. — Par Emile Glurd. — Poésie cou-
ronnée par l'Académie française. — Paris-, Paul
Ollemiorff, éditeur, 28 bis, rue Richelieu, — Prix : I fr.
L'ESPAGNE, SES SPLENDEURS ET SES MISÈRES. —
Voyage artistique et pittoresque. — Par P. L. Imiiert. —
Illustrations d'Ale.xandre Prévost. — Deuxième édition. —
Paris, E. Pion et Cie, imprimeurs-éditeurs, 10, rue
Garancière, — Prix k fr.
HISTOIRE DES INVENTIONS ET DÉCOUVERTES. — Par
Rol-x-Ferrand, — 7= édition. — Paris, librairie de Paul
Dupont, 41, rue J.-J. Rousseau. — Prix : 1 fr.
SONNETS PARISIENS, caprices et fantaisies. — Par
Gabrfel Marc. — Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, 27
et 29 passage Choiseul. — Prix : 3 fr.
LA JBONTÉ, ouvrage couronné par l'Académie fran-
çaise. — Par Charles Rozan. — Cinquième édition. —
Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55. rue de Seine.
UNE JONCHÉE DE FLEURS. — Par M"'= .Marie-Fémcie
Testas, — Paris, librairie Ch. Blériol, éditeur, 55, quai
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<le Seine à Paris. — Chacune des 7 années parues se vend
séparément. — Envoi franco pour la France.
136
LE COURRIER DE VAUGELAS.
GLAS ET CARILLONS, sonnets, poésies diverses,
grand'gardes. — Par Paul Collin-. — Paris, librairie
flackette et Cie, 79, boulevard Saint-Germaia, et Adolphe
l.emerre, éditeur, 27 et 29, passage Choiseul.
LES ÉLÉMENTS MATÉRIELS DU FRANÇAIS, c'est-à-
dire les sons de la langue française entendus ou repré-
sentés. — Ouvrage utile à tous ceux qui s'occupent de
l'étude de notre langue. — Par B. Jlllien, docteur ès-
lettres, licenciées-sciences. — Paris, lib. Hachette et Cie,
76, boulevard Saint-Germain.
CENT DICTÉES sun les premières règles de la gram-
MAiRE. — Premier livre de lecture approprié aux étrangers.
— Par M"' M. TnÉcouRT. — Troisième édition. — Paris,
Ch. Delagraue et Cie, éditeurs, 58, rue des Écoles.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la Zi« et la 5= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelqs, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La 1", la 2« et la 3« an?iee doivent être pro-
chainemeiU réimprimées.
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
I.
13 Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute confiance au
étaire du Collège des Précepteurs, â2, Queen Square à Londres, W. C, qui leur indiquera les formalités à remplir
Les
Secrétaire du Collège des Précepteurs, â2, Queen Square à Londres, W. C, qui leur indiquera
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
II.
Une lettre reçue dernièrement de Litchfield (Etat de Connecticut) informe le Rédacteur du Courrier de Vaugelas
qu'il est très-facile de se procurer des places de professeur de français dans les Etats-Unis d'Amérique. — S'adresser
k M. J. W. Schermerhorn, 630, Broome Street, à New-York. — Affranchir.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
La société d'èmul.«iox de Cambrai décernera, s'il y a lieu, au mois de novembre 1876, en séance publique, une
médaille d'or, de vermeil, d'argent ou une mention honorable, à l'auteur du meilleur mémoire sur la question
suivante : « Quels sont au jourd'hui les principaux caractères de la littérature des feuilletons ; quels caractères présente-
t-elle et comment pourrait-on y remédier » ?
SocîÉTÈ FLORiMO.NTANF. d'Anxecv. — Concours de 1876. — Poésie : Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux
concurrents. — Le nombre minimum des vers est fixé à cent. — Les travaux seront composés en langue française.
— Les auteurs devront déclarer par écrit que ces travaux sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
— Les auteurs qui se feraient connnaître seraient exclus. — Lps envois porteront une épigraphe qui sera répétée à
l'intérieur-d'un billet cacheté indiquant le nom et le domicile de l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux
archives de la Société, les auteurs pourront en prendre copie.
La Société académique de Saixt-Quextix propose des médailles d'or pour les sujets suivants, mis au concours pour
l'année 1876 : Poésie. — Sujet laissé au choix des concurrents. Cantates. — Sujet également laissé au choix des
concurrents. Les pièces envoyées au concours devront remplir les conditions exigées par le Conservatoire national
de musique pour le prix de Rome, c'est-à-dire être à personnages (une voix de femme et deux voix d'homme), et
contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un trio final. — La Cantate de 1876 servira de texte pour le
concours de musique qui aura lieu en 1877. Littérature. — \" question : « Etude sur la poésie contemporaine. » —
2» question : « Des moyens de développer le goût^de l'étude dans toutes les conditions sociales. »
Un concours de poésie sur ce sujet la tlevanche est ouvert à l'Académie des Poètes. — Pour concourir, il faut
appartenir i cette Académie, comme membre titulaire, honoraire, ou membre correspondant, et être Français. — Le
prix du concours consistera en une médaille d'or de la valeur de 150 fr., donnée par un des membres de l'Académie,
M. Marc Uonnefoy. — Les poésies envoyées au concours devront se renfermer autant que possible dans la limite de
100 et 200 vers (ces chiffres n'ont rien d'absolu), et être inédites; elles pourront être signées ou non signées, au gré
des concurrents, et dans ce dernier cas, être accompagnées d'un pli cacheté contenant le nom de l'auteur. — Les
envois relatifs au concours doivent être adressés franco ;\ M. Elle de Biran, archiviste de l'Académie, rue des
Missions, 22, à Paris, avant le l" mars 1876. ^
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'orgauiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté i l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. — Le premier
prix sera une médaille d'or de 500 fr. ; le 2» prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3" prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Les Compositions devront être remises par les concurrents avant le l" juin 1876.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas e.^t \i;iil)le à sou bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie UUUVKUNEUU, G. UACl'ELEV a Nogeul-le-Rotrou.
6° Année
N" 18.
15 Janvier 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraiasant le 1" et le IS de chaque mola
{Dans sa séance du. 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prijc Lambert à cette publication.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROFESSEtTR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à. Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s' adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soil à un libraire quelconque.
AVIS.
Les Souscripteurs de la province qui n'ont pas encore
payé leur abonnement à la 6= année, sont instamment
priés de vouloir bien tarder le moins possible à en
envoyer le montant au Rédacteur.
SOMMAIRE.
Communication sur l'origine de Rat de ponts, rat de soupe; —
Origine de l'expression Le tiers et le quart; — Etymologie de
Tohu-bohu; — Lequel vaut le mieux de Lès' ou de Lez; — Ce
qu'on eutend par un Ine-rpressible; — Comment Fou en est
Tenu à se dire d'une somme d'argent. S Etymologie du mot
Acabit; — Du trait d'union dans les expressions com-
mentant par Au; — Pourquoi on compare à La quadrature
du cercle uae chose impossible || Passe-temps grammatical {|
Suite de la biographie de Marguerite Buffet. |) Ouvrages de
grammaire et de littérature. {| Familles parisiennes pour la
conversation. || Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNICATION.
Au sujet de l'explication que j'ai donnée dernièrement
des expressions rat de ponts et rat de soupe, j'ai reçu
l'intéressante lettre qui suit :
Bordeaux, le 3 décembre 1875.
Monsieur le Rédacteur,
Je viens de lire, dans le numéro du 1" décembre du
Courrier de Vaugelas, l'explication que vous donnez au
sujet de l'origine des expressions rat de ponts, rat de soupe,
usitées à l'Ecole polytechnique. D'après vous, ces expres-
sions seraient dérivées du verbe rater; on aurait d'abord
dit rate ponts, etc., puis, par un calembour assez singulier,
rat de ponts, etc. Je crois que cette explication est inexacte,
et je vous demande la permission de vous faire connaître
ce qui me paraît être la véritable origine de la manière
de parler dont il s'agit.
Les élèves doivent être rendus, à, six heures et demie
précises du matin, dans leurs salles d'étude respectives,
et une consigne est infligée aux retardataires. Malgré leurs
habitudes de travail, les élèves de l'Ecole polytechnique
ne dédaignent pas les douceurs du lit, surtout en hiver;
aussi, à part quelques intrépides qui ont le courage de se
lever à six heures un quart, le plus grand nombre attend
six heures vingt-cinq minutes avant de donner signe de
vie. Vous comprenez aisément que, si sommaire que
puisse être la toilette d'un polytechnicien, cinq minutes
ne sont pas de .trop pour se lever, s'habiller, se peigner,
se laver, etc., et enfin se rendre aux salles d'étude, .\ussi,
pendant les dernières secondes qui précèdent la demie
fatale, on se presse, on se bouscule dans les corridors
et dans les escaliers afin d'arriver à temps; les uns
mettent leurs tuniques, d'autres ajustent leurs cravates,
quelques-uns même n'en sont encore qu'à leurs pantalons.
Mais la demie sonne; aussitôt un tambour, représentant
rine.xorable discipline, ferme à double tour une porte
grillée qui intercepte la communication entre les dortoirs
et les salles d'étude, de sorte que les malheureux retarda-
taires se trouvent surpris comme dans une souricière. Si
vous vous étiez jamais trouvé pris de cette façon, vous
n'auriez certainement, Monsieur le Rédacteur, aucun doute
sur l'origine de l'expression que vous avez cherché à ex-
pliquer. Il n'y a là aucune espèce de calembour, mais
simplmeent l'expression d'une analogie évidente. Entre le
malheureux élève qui, arrivé une seconde trop tard, s'est
vu fermer la porte au nez et qui regarde mélancolique-
ment à travers les barreaux de sa cage ses camarades
plus heureux, et le rat qui s'est laissé prendre dans une
souricière, la ressemblance est frappante, sauf que le
polytechnicien sait qu'il en sera quitte pour une consi-
gne, tandis que le rat n'a ordinairement pas cette conso-
lation.
Voilà, je crpis, la véritable origine du mot rat dans les
expressions qui vous ont été signalées. On a dû dire tout
d'abord d'un retardataire qu'il avait été pris comme un
rat, puis, plus simplement, qu'il avait été rat. Que de fois
n'ai-je pas entendu, étant à l'Ecole, lorsque l'heure fatale
approchait et que je n'en étais encore qu'au premier
article du vêlement, un camarade charitable me crier :
Dépêche-toi, il n'y a plus qu'une minute, tu vas être rat!
Cette expression ctre rat une fois adoptée dans le sens que
je vous indique, c'est-à-dire d'arriver en retard à l'étude du
matin, il était assez naturel de l'étendre à d'autres situa-
tions impliquant l'idée de retard. De là sont venues les
expressions rut de ponts, rat de soupe.
Puisque j'en suis sur ce chapitre, je vous signale une
expression fort bizarre, qui est de la même famille. On
dit fréquemment à l'Ecole polytechnique être rat de botte
dans le sens de manquer les positions civiles données à la
sortie de l'Ecole. Les emplois civils sont désignés collecti-
138
LE COURRTER DE VAUGELAS.
vementsous le nom de bntle, et on appelle bottiers ceux qui
les obtiennent. Quelle est l'origine de ces étranges expres-
sions, c'est ce que j'ignore d'une façon complète?
Veuillez, Monsieur le Rédacteur, excuser cette trop
longue lettre, et agréer l'expression de ma considération
la plus distinguée.
J. Jacquier,
Ingénieur des Ponts et chaussées.
L'esplicalion de rat de ponts et de rat de soupe qu'on
vient de lire me semble infiniment plus naturelle que
la mienne : ce doit être la vraie. Je remercie de tout
cœur M. J. Jacquier de m'avoir permis, par une com-
munication qu'il sera certainement seul à trouver trop,
étendue, de rectifier, dès ce numéro, une inexactitude
commise par moi dans celui qui le précède.
X
Première Question.
On dit souvent en plaisantant qti'oy se moque du tiers
ET Dc QUART. Voudriez-vous bien me dire l'origine de
cette singulière locution familière ? Mes remerciements
d'avance.
Voici, en substance, comment M. Charles Nisard
explique celte expression dans ses Curiosités de l'étij-
mologie française (p. 72) :
Il y a, dans notre langue, beaucoup de locutions
proverbiales qui ont pris leur origine dans une taxe,
un impôt, une redevance quelconque. Se moquer du
tiers et du quart est du nombre.
Comme les impôts, les taxes pesaient principalement
sur le peuple, il y rapportait tous les maux qu'il endu-
rait; il y comparait ce qu'il haïssait et ce qui lui cau-
sait le plus de gêne, et, en créant des métaphores, il
créait aussi des proverbes.
Parmi les nombreux impôts qu'inventa la féodalité,
il y avait le tertium qui était, ou la troisième partie de
la dîme, ou le droit de mutation dû au seigneur par le
vassal qui vendait son bien, ou le droit d'enlever les
gerbes dans sa censive, ce qu'on appelait le champart,
ou le droit surla vente des coupesdebois et de la ven-
dange, nommé tiers et danger, etc. 11 y avait de plus
la quarta, ici, prestation en nature prélevée sur le blé,
le foin, les fruits, etc. ; là, taxe exigée d'un mort avant
d'être mis en terre. 11 y avait aussi le quarto ou le
quartum, autre prestation en nature, affectée surtout
au produit de la vigne. Enfin , il y avait le quint, ap-
pelé aussi quint relief. C'était la cinquième partie du
prix d'une terre vendue, partie qui était payée, selon
les localités, soit par l'acheteur, soit par le vendeur.
On trouve dans un relevé fort curieux des biens
ecclésiasliques en France, au commencement du xviii»
siècle [Descript. de la carte cénomanique, 2' édit.
n<5), le passage suivant :
Sont fournis lesdits ecclésiastiques île deux cent cin-
quante-neuf mille métairies et sept mille arpens de vignes
(jui sont par eux baillés â ferme, sans comprendre trois
mille arpens où ils prennent le tiers et le quart.
On peut naturellement conjecturer de tout cela que
si les hommes qui avaient du bien au soleil et qui, par
conséquent, étant soumis à ces impôts, avaient peu
de disposition à s'en moquer, il n'en était pas de même
des gueux qui, n'ayant rien, ne payaient aucun impôt,
se moquaient du tiers comme du quart, et rappelaient
aux officiers du fisc que « là où il n'y a rien, le roi perd
ses droits ».
Mais je ne puis admettre cette explication du pro-
verbe, et je vais vous faire connaître les raisons que
j'ai pour cela.
1° La véritable explication de l'expression le tiers et
le quart doit convenir à cette expression dans toutes
les phrases où elle peut se rencontrer, comme les
suivantes, par exemple :
Tout passait par son étamine;
Aux dépens du tiers et du quart
11 se divertissait
(La Fontaine, te roi Candaule.)
Et l'on y sait médire et du tiers et du quart.
(Molière, Tari. I, i.)
Vous savez avec quelle bonne foi j'ai prêté mon argent
au tiers et au quart depuis deux ans.
CDancourt, Désol. des Joueuses, se. 9.)
Or, l'explication de M. Gh. Nisard étant fondée sur
le fait que ceux qui n'avaient rien se moquaient des
impôts portant les noms de tiers et de quart, elle n'est
nullement applicable aux cas nombreux où la locution
n'est pas le complément du verbe se moquer, et par
conséquent, elle ne peut, à mon avis, être tenue pour
la vraie.
2° Comme jusqu'ici il n'a pas été trouvé d'exemple
de le tiers et ^ le quart avant le xvii« siècle, il est
permis de croire que celte locution, qui ne se dit que
des personnes, n'a point pour origine des noms
d'impôts du système féodal.
3° .M. Ch. Nisard cite, à la vérité, une phrase oi^i le
tiers et le quart signifie un prélèvement sur le produit
d'une propriété. Mais, évidemment, cette expression
ne signifie point le total du produit; et comme je
trouve partout que le tiers et le quart veut dire tout
le monde, toute personne indistinctement, il me semble
voir encore là une preuve que le tiers et le quart n'a
point une origine fiscale.
D'après .M. Littré, le tiers et le quart veut dire tout
simplement la 3° et la 4° personne d'une façon indé-
terminée, opinion que le célèbre lexicographe appuie
sur la phrase suivante, où en tiers et en quart sont
employés, en effet, comme 3" et V personne :
Grammont soupait continuellement en tiers ou en quart
avec eux [Livry et des Ormes].
(St-Simon, i3i, jio.)
Je pense que c'est la meilleure explication qu'on
puisse donner de la locution dont il s'agit.
X
Seconde Question.
Voudriez-vous bien me donner l'étymologie et le
sens littéral de tohc-boud, dont on fait un si fréquent
usage dans la conversation?
Cette expression ne se trouve ni dans la première
édition de l'Académie {<C!)4), ni dans Furelière (1727),
ni tlans Trévoux (1770); mais je l'ai rencontrée
LE COURRIER DE" VAUGELAS.
439
dans un ouvrage de Voltaire intitulé la Bible enfin
expliquée, ouvrage dont le premier paragraphe (qui
renferme le premier verset de la Genèse) est rendu
comme il suit :
Du cotnmencempnl les dieux [conforme au texte hébreu]
fit le ciel et la terre. Or, la terre était iohu-hohu, et le
vent de'Dieu courait sur les eaux.
Si je ne me trompe, c'est dans ce livre, publié en
1776, que fo/iu-bohu parut en français pour la première
fois.
Maintenant, d'où ce mol vient-il?
Si l'on compare avec l'hébreu la traduction que je
viens de citer, ou trouve qu'il correspond à l'expression
to/iou vabohou, expression composée de trois mots :
toJioj/, qui signifie confus, -va, qui est la conjonction
copulatlve, et bo/wu, qui veut dire vide.
C'est l'étymologie que vous demandez.
Tout d'abord, les. adjectifs tohott et bohou, joints
ensemble, ont formé une sorte d'adjectif composé, inva-
riable en genre et en nombre, comme dans l'exemple
qui précède : mais ensuite, le mot tolni, qui signifie
aussi confusion, à en croire Cotgrave, a fini par s'em-
ployer comme substantif; et, attendu que to/ni. d'après
le Dictionnaire hébreu-français de Sandcr et Trenel
(page 777) accompagne toujours bohu, on a donné à
ces deux mots juxtaposés le sens de confusion, chaos,
mélange, qui n'appartenait qu'au premier, en hébreu,
sens qu'ils ont conservé depuis, et qu'ils conservent
encore, tant au propre qu'au figuré, comme le montrent
ces exemples :
Désigner une parure de fleurs sous le nona d'un iohu-
bohu de fleurs, c'est présenter bien mal une image gra-
cieuse.
(^Dict. de BeschereUe.)
Notre révolution a vu paraître tous les systèmes
politiques, et de leurs débris se forma dans les têtes un
véritable tohu-bohu.
[Dict. de Boiste)
Une note de Voltaire dit que toliu-bolm signifie « à
la lettre » sens dessus dessous. Il y a là, assurément,
une erreur manifeste : ces mots ne signifient pas autre
chose que ce que j'ai dit, preuve la manière dont saint
Jérôme les a traduits dans la Vulgate:
Terra erat inanis et vacua. — (La terre était informe et
vide).
X
Troisii'me Queslion.
Dans votre miméro 16, rous indiquez teste-lez-
liORDEAux pour correction de teste-i.es-bordeacx. Ne
pourrait-on- pas également mettre un accent sur lès, gui
serait ainsi distingué de l'article ?
Quand on veut exprimer qu'un endroit est à côté,
auprès d'un autre, on peut employer lès ou le:-, pour
marquer ce rapport.
Mais le dernier me semble valoir bien mieux que
l'autre, et pour des raisons que je vais vous dire.
4° C'est ainsi que, généralement, l'ancienne langue
écrit la préposition prononcée lé, comme le montrent
ces exemples :
Lez une roche, soz l'ombre d'un ?apin.
(i?0HC!5. p. 50.)
Il descendirent à la porte et entrèrent ens, et troverent
l'empereour Kirsac le père, et l'empereur .\lexis son fils,
séant ambedui lez à lez- en dui chaieres.
(Villehardouin, XCIII. )
Lors les alcyons ponent et esclouent leurs petits lez le
rivage.
(Rabelais, Pnnl. Y, 6.)
2° C'est ainsi qu'on la trouve dans Furetière, dont
voici la plupart des exemples :
Saint-Germain des Prés lez Paris.
Saint-Nicolas lez Angers.
Le traité f.iit dans le camp lez Milan.
Les officiers lez la personne du Roi.
3° C'est ainsi également que l'écrit .M. Littré, qui ne
donne pas même l'autre forme.
4° Enfin le mot les, qu'on y mette ou qu'on n'y
mette pas d'accent grave pour le distinguer de l'article
et du pronom les, fait entendre un e ouvert, ce qui est
une incorrection, puisque cette préposition, venue du
nom latin latus, doit nécessairement se prononcer
comme le substantif lé (d'une étoffe) venu de la même
source.
X
Quatrième Question.
Je lis cette phrase dans la frange du ^8 Juillet
1875 : oc Le dormeur à demi réveillé, pctsse à la hâte
un \yE\rREss,\RLE, puis sans plus de toilette, etc. » Que
veut dire ce mot-là, qui n'est point dans le diction-
naire de l'Académie?
En Angleterre, où les idées sur la pudeur diffèrent
des nôtres (il est facile de s'en convaincre en lisant
l'ouvrage intitulé les Anglais chez eux, par Francis
Wey, surtout au dernier chapitre), on ne peut non-
seulement demander une cuisse de volaille pendant
qu'on est à table, ni dire, souffrant de la colique, j'ai
mal au rentre, mais encore prononcer breeches (cu-
lotte), pantaloons (pantalon) et draivers (caleçon).
Chez nos voisins d'outre-.Manche, ces noms de vête-
ments sont « shocking ». pour me servir du terme
qu'ils emploient habituellement.
Or, au nom proscrit de bieeches, les Anglais substi-
tuent inexpressible inexprimable), et c'est cet euphé-
misme, que nous n'employons, nous, que par plaisan-
terie, qui se trouve dans la phrase que vous m'avez
adressée.
Le mot en question figure dans le Dictionnaire de
Littré, et il y est écrit avec une s finale, ce qui est par-
faitement régulier, parce que breeches étant pluriel, les
Anglais mettent inexpressible au pluriel. Mais comme,
en français, culotte s'emploie généralement au singulier,
je crois que nous pouvons aussi écrire inexpressible à
ce nombre : nous ne sommes pas tenus d'admettre les
vocables étrangers sans en exiger de temps en temps
un léger sacrifice.
X
Cimniième Question.
Voudries-vous bien me dire, dans un de vos prochains
numéros, comment l'adjectif fou a pu en venir à
iÂO
LE COURRIER DE VAUGELAS.
signifier quantité considérable, comme dans les phrases
si souvent répétées : il ï avait dn monde foc, il dépense
UN ARGENT FOU ?
C'est par une suite de déductions fort logiques,
comme vous l'allez voir, que cela s'est fait.
Dans sa signification primitive, fou se dit de quel-
qu'un qui a perdu la raison.
La perte de la raison faisant commettre des extrava-
gances, on a appelé fou celui qui, tout en possédant
entièrement sa raison, faisait des choses insensées :
Tous les hommes sont fous, et malgré tous leurs soins
Ne diffèrent entre eux que du plus ou du moins.
(Boileau, Sat. IV.)
Les choses extravagantes produites, dites, combinées
par un fou (ayant sa raison) furent naturellement qua-
lifiées de folles, comme le prouvent ces exemples :
Dis plutôt d'une indigne et folle résistance.
(Corneille, Pol_v. I, 3.)
Albéroni ayant entendu toutes les conditions du projet,
le traita de fou et de chimérique.
(St-Simon, 49o- iS^.)
Le cœur de l'insensé publie à haute ;volx ses folles
pensées.
(De Sacy.)
Oubliant tout jusqu'à leurs chaînes,
Nos gens poussent des rires fous.
(Béranger, Nègrest)
Dans une chose folle (extravagante), il y a toujours
de l'excès; d'où une nouvelle extension de fou pour
qualifier un concours de personnes comme exagéré,
un bien comme prodigué outre mesure, et, par consé-
quent, permettant de dire :
11 y avait là un monde fou.
Ce jeune homme dépense un argent fou.
ÉTRANGER
Première Question.
Je sais qu'un fruit de bon, de mauvais acabit est un
fruit de bonne, de mauvaise qualité. Mais que veut
dire littéralement acabit? Quelle est son étymologie, en
un mot ?
Sous la féodalité, on avait le verbe acapitare (de ad
et de caput, chef) pour signifier se constituer vassal
d'un seigneur, ou, plus littéralement, le reconnaître
pour chef; et de ce verbe, on avait dérivé le substantif
acopitum [acapita, acapitagium] pour signifier l'action
de se constituer vassal.
Avec le temps, la signification de acapitum s'étendit.
D'abord, il s'appliqua au droit qui se payait à la
mutation du seigneur ou du vassal; puis, comme les
■vassaux achetaient ainsi en partie les possessions qui
leur étaient inféodées, le mot acapitum en vint à signi-
fier un achat quelconque.
Or, c'est de arapitum dans ce dernier sens qu'est
venu acabit, par le changement de p en 6, et le retran-
chement de la finale. On a dit d'un fruit, d'une étoffe,
etc., qu'ils étaient de bon ou de mauvais acabit pour
exprimer qu'ils étaient de bon ou de mauvais achat,
de bon ou de mauvais débit, et, par extension, de bonne
ou de mauvaise qualité.
Certains auteurs ont écrit acabie; ainsi on trouve
dans Boursault [Fables d'Esope, IV, 3} :
Et de quelle acabie étoit-il conseiller?
Quand on sait que ce mot vient de acapitum (nouvelle
preuve de l'importance qu'il faut attacher à la recherche
des étymologies), il est évident qu'on n'est pas exposée
commettre cette double faute contre le genre et contre
l'orthographe.
X
Secoode Questioa.
Je vois, dans le Dictionnaire de Littré, que les ex-
pressions AO DEÇA, AU DEDANS, AC DEHORS et AU DELA n'ont
pas de trait d'union; ywe au-dessous, au-dessus e# au-
devant en ont un ; enfin que non-seulement auparavant
n'a jjas de trait d'union, mais encore qtte le au est
réuni au mot suivant. Cette remarque me suggère
l'idée de vous demander si vous croyez qu'il soit permis
de placer de ces trois manières la contraction au
devant une préposition.
Dans notre ancienne langue, toutes les prépositions
composées de dans, hors, sur, sous, avant recevaient
devant elles au et par sans que ces mots leur fussent _ '\
juxtaposés; ainsi on trouve :
(Avec au)
Sa more, tout le temps au paravani luy avoit celé qui
estoit son vrai père:
(Amyot, T/iés. 6.)
Conceptions qu'il ne pieuvent esclaircir oit dedans, ni par
conséquent produire au dehors.
(Montaigne, I, 188 )
Et au devant il sont paisibles sans estre esmeus.
(Oresme. Ec/i. 81.)
Li empereres qui moût avoit bien fais ses afaires et cui-
dast bien del tout estre au desus s'enorgueilli moût envers
les barons.
(Villehardouin, XCII.)
(Avec par)
Telz monstroit bonne chiere d'atendre un horion,
Qu'enfremez vausist estre par dedens sa maison.
{Baudoin (le Sebour, VII, 176.)
Là furent pris ledit messirc Hue la père et le comte
d'Arondel, et amenés par devant la reine.
(Frolssart, i, I, ïo-)
Il luy mettoit quelquefois la trompe dans le sein, par
dessoubs son collet.
(Montaigne, II, 18S.)
Lorsque le trait d'union vint en usage (ce qui
n'eut pas lieu avant le xvi" siècle, puisque Paisgrave
écrit les substantifs composés sans ce signe orthogra-
phique), il ne fut point établi de règle pour son emploi
dans les expressions qui précèdent : les uns le mirent,
les autres ne le mirent pas; et tous écrivirent attpa-
ravant en un seul mot, ayant oublié sans doute que
paravant s'était employé autrefois comme dehors,
dedans, etc., ce que prouvent ces exemples :
LE COURRIER DE VAL'GELAS.
i',\
Et moût en y eut qui paravant avoient tenu le parti au
duc Phelipe et au duc Johan.
(Fénin, I4ï0.)
Chascun membre Tattire a soy et s'en alimente a sa
guise; et lors ont faictz debteurs, qui paravant estoyent
presteurs.
(Rabelais, Paul. III. 4.)
Or, cet emploi du trait d'union dans les composés
dont il s'agit n'ayant pas encore été, que je sache,
astreint depuis à une règle positive, il s'ensuit que
M. Liltré avait parfaitement le droit d'écrire ces com-
posés comme il l'a fait.
X
Troisième Question.
Pourquoi dit-on d'une chose qu'il est impossible de
trouver que c'est la qcadbatcre di" cercle? N'est-il
donc pas possible de faire un cercle égal à un carré"!
On démontre en géométrie que le côté du carré équi-
valent à la surface d'un cercle quelconque est égal au
rayon de ce cercle multiplié par la racine carrée du
rapport de la circonférence au diamètre.
Or, comme on n'a pas encore pu obtenir la valeur
exacte de ce rapport fmalgré des calculs poussés jus-
qu'à la \ oOe décimale; , et que, par conséquent, celle de sa
racine carrée n'a pu être obtenue non plus, il s'ensuit
que, rigoureusement parlant, il n'est pas possible de
transformer un cercle en un carré de même surface, et
qu'on est parfaitement autorisé à dire, à propos d'une
question, d'un problème que nul ne peut résoudre, que
c'est la quadrature du cercle.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1" . . . s'est réservé d'entendre ; — 2" ... de vons inscrire sur
la liste des abonnés ; — 3° . . . que l'honorable académicien
parviendra ; — 4° . . . pas à autre chose que l'application ('pas
de à) ; — 5» ... à un auteur tout autre chose; — 6° ... que le
Maréchal ne fasse ... et ne prenne ; — 7' ... les sources où il
a puisé; — 8° ••■ voire de leur patrie (pas de même); —
9* ... à sept heures moins un quart; — 10' ... cette raison
est tout autre que la liberté; — 11° .. qu'on ne l'avait sup-
posé ; — 12' ... et celle d'ofBcier d'Académie à quatre autres. . .
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
!• A la dernière tieure, nous pouvons affirmer qu'aucune
modification en mieux ou en pire n'est â signaler depuis
deux jours dans la maladie de l'honorable secrétaire-
perpétuel.
1' On sait que MM. Paul de Cassagnac et Edmond Tarbé
sont poursuivis en raison du discours prononcé par M. Paul
de Cassagnac à Belleville, le 23 novembre dernier.
3* Le père Jean, tout vigoureux qu'il soit, ne possède ni
le style ni l'esprit d'un Paul Louis; il n'en a pas moins
écrit un pamphlet, mais non de la bonne espèce.
4* En 1478, les Turcs élevèrent une batterie contre Scu-
tari, qui se composait de pièces assez volumineuses pour
lancer des boulets de trente-deux pouces de diamètre, el
dont l'un d'eux pesait seize cSht quarante livre?.
5° D'où il s'ensuit que la guerre du Mexique est un sou-
venir respectable, et Sedan un regret qui mérite les coups
de chapeau de tous.
6° .Nous oserons ajouter que si l'opposition roumaine
avait un peu plus de sens politique, elle ajournerait ses
revendications et attendrait pour faire valoir ses griefs que
la Roumanie ait consolidé la situation qu'elle s'est faite.
7° M. le baron de Vinols explique, dans une lettre adres-
sée au Journal des Débals, les motifs qui l'ont fait demander
qu'on rayât son nom de la liste des gauches.
8° Nous pourrons le contempler à loisir, et le spectacle
qu'il nous offrira, si majestueux qu'il demeure, ne laissera
pas, nous l'avouons, que de nous être particulièrement
agréable.
9" Une campagne fut entreprise dans le but de faire
effacer partout le nom de la République, sans le remplacer
par aucun autre.
10* Si courageux qu'on soit, on éprouve la nuit, dans les
posadas [auberges] isolées, un vague frisson d 'horreur. On
se figure toujours marcher sur des trappes, être entouré
de guet-apens.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DD XVII' SIÈCLE.
Marguerite BUFFET.
(Suite.)
Il est permis de dire cette personne a le visage téné-
breux, ou rt le visage brun.
On dit également bien cela est indubitable, ou
cela est infaillible.
Plusieurs disent, ne pensant point faire de faute, il
est tombé d'accord de cette affaire ; il faut dire demeuré
d'accord.
On dit assez ordinairement _/e cueille bien du bled, il
faut-dire^e recueille.
Au lieu de 7e n'aij bougé de la inaison, qui est fort
rude, il faut dire Je n'a y point sorti de ma maison.
D'autres disent encore, s'exprimant d'une manière
très-barbare, furj fait telle chose hormis cela; il faut
dire hors cela, car hormis n'est pas un mot français.
On dit fréquemment enquestez-vous de cela; il
faut dire enquerez-vous, ou informez-i-ous.
Bien des gens de province disent il est deligent, il
deligente les affaires; il faut dire diligent et diligente.
Quand on fait une visite qui dure peu de temps, on
l'appelle visite à la cavalière; quand elle est longue, on
l'appelle visite à la pedantesque.
On dit encore, en termes nouveaux, nous prendrons
le bain à la Romaine, et aussi ils prennent le bain à la
bourgeoise. (Vest qu'on sait que le bain était une des
voluptés des Romains, ce qui lait que les gens de
442
LE COURRIER DE VAUGELAS.
qualité le doivent prendre autrement que les bourgeois.
Au lieudu mot;)0!(/ef, donton ne se sert plus (1668),
0:1 dit plus ordinairement billet doux.
Belle comme un astre et comme un ange sont aussi
bons l'un que l'autre.
L'expression en vérité est généralement en usage; elle
est fort bien reçue quand on parle et quand on écrit.
Encore une autre locution fort usitée et nouvelle:
pour exprimer qu'une femme a quelque chose d'a-
irréable, on dit qu'e//« a bien du revenant.
Il vaut mieux dire d'une femme qu'c//e parle régu-
lièrement de toutes choses que de dire qu'e//e en parle
pertinemment.
Quand une femme est savante, on peut lui dire de
bonne grâce qu'e//e a mérité le premier rang au Par-
nasse, plutôt que de la faire passer pour un Platon ou
un Aristote, comme font quelques-uns.
En parlant d'un homme, il vaut mieux dire riistre
que rustique; le premier est plus doux.
Dans le beau style, on dit vn régal de conversation;
un régal de musique.
On peut dire également bien un beau poil ou de
beaux c/iereux, l'un et l'autre sont bons. Mais quand
on parle des cheveux que les femmes appliquent, il ne
faut pas dire des coins, mais bien des apossetiches
(1668).
Au lieu de dire adoucir un homme, on dit d'une ma-
nière plus nouvelle humaniser un homme.
Il ne faut pas appeler femme de lecture une femme
qui se plait à cultiver les sciences; il faut dire que c'est
une femme de cabinet.
Beaucoup de personnes disent je ne peux faire telle
chose; il faut dire je ne puis.
Certes est un mot usité dans les provinces; asseure-
ment est meilleur et plus en usage.
Incommodé par la chaleur, il ne faut pas dire je ne
puis durer mon habit, c'est souffrir qu'il faut employer.
Une expression qui est encore bien reçue quoiqu'elle
semble un peu précieuse, c'est celle de Résides enchan-
tées, pour désigner les alcôves richement embellies
des femmes « curieuses ».
Au lieu de dire_/e ne tarderai/ point, qui est trop rude,
il faut dire Je n'arresteraij point.
Encanailler commence à s'introduire ; par exemple,
on dit je ne peux point m'encanailler de ces gens-là.
Quoiqu'il ne soit pas fort en usage (1668), il est bien
reçu, appliqué à ceux qu'on ne veut pas voir.
En parlant de quelque chose qui est ancien, d'un
livre, par exemple , on le qualifie très-bien d'an-
ticaille; c'est un terme nouveau.
Au lieu de dire qu'un homme est chagrin, il faut
dire qu'il est mélancolique.
Voyant qu'une personne n'a pas sa gaieté ordinaire,
on dit (\\i'elle est toute desorientée, et le terme est fort
bon.
D'un homme qui a un peu d'assiduité auprès d'une
femme, on dit qu'// a bien du tendre pour celte femme;
c'est un mot fort en usage.
On ne dit plus cette femme s'ajuste bien, il faut dire
cette femme s'habille fort bien, ou est mise du bel air.
Dans le beau style, on ne dit plus un visage long
pour dire un visage en ovale; on dit c'est une ovale
achevée.
Les expressions elle est de belle taille, elle a un beau
maintien ne sont plus du bel usage; il faut dire, ou
elle a bonne grâce, ou tout le bel air qu'il faut avoir.
Celles qui parlent correctement ne disent pas un poil
roux, mais u?i poil ardent ou M?^ blond doré.
On ne dit plus il s'entend à railler; il faut dire il
entend la belle raillerie.
En parlant d'un homme qui flatte une femme, on ne
dit plus qu'il sçait bien dire la fleurette; on remplace
cette expression par // entend la belle galanterie. -
Ne pas dire d'un savant qn'il a l'entretien provincial;
la bonne expression est l'entretien pedantèsque.
Beaucoup disent encore, quand une personne est
fâchée, qu'e^^e est outrée jusques au cœur ; ce mot est
rude et ancien, il faut dire fâchée ou affligée.
Partant que vous fassiez cette affaire n'est pas fran-
çais, il faut d'ire pourveu que vous fassiez.
Mesmement ne vaut rien ni en parlant ni en écrivant;
il faut y substituer mesnie.
On ne dit plus // est mery de cela; pour bien s'expri-
mer il faut dire fâché de cela (1668).
En parlant d'une lettre, il ne faut pas dire cela est
bien dicté, ou cela est bien couché par escrit ; il faut dire
cette personne dit bien par escrit.
Ceux-là ne sont pas rares qui disent melieu, quand
c'est milieu qu'il faut dire.
Ne pas dire allons promener, mais bien allons nous
promener, qui vaut mieux.
En parlant d'un homme qui a de l'inclination pour
une femme, certaines personnes disent q\ï il lui porte
une grande amitié ; cela n'est plus du bel usage ; il
faut dire qu'iV a beaucoup d'inclination et de respect
pour celte femme.
Se garder de dire on fait telle chose parmy ces gens-
là; il faut dire entre ces gens-là.
Plusieurs disent vingt et un chevaux à cause de la
règle du « plurier >> ; mais il a été décidé qu'il faut
dire ritigt et tin cheval, expression qui est plus usitée.
11 n'est plus du bel usage de dire il est aisé de faire
telle chose, il faut dire il est facile.
Parlant de « vesture », quelques personnes disent
revestissons-nous; c'est mal parler, il faut dire rewes-
tons-nous.
Bizare est meilleur que bigeare.
On doit dire ttne armée florissante, et un arbre fleu-
rissant (1668).
Il y en a qui disent un ceumetiere, d'autres un ceme-
tiere; on doit dire un cimetière.
Il faut prononcer naviger, et non naviguer.
On dit souvent extreordinaire pour extraordinaire,
qui est la seule bonne de ces expressions.
[La suite au prochain numéro.)
Le RKi)ACT£DR-UÉttAi>T : Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
U3
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Fleur de péché; par Ernest Daudet. 3' édition. In-18
Jésus, 330 p. Paris, lib. Ctiarpentier et Cie. 3 fr. 50.
L'Auberge du Monde. Le colonel Chamberlain;
par Hector Malet. Inl8 Jésus. 378 p. Paris. 11b. Dentu.
3 fr.
Les Prosateurs français, recueil de morceaux
choisis dans les meilleurs prosateurs depuis l'origine de
la littérature française jusqu'à nos jours, avec une
notice biographique sur chaque auteur; par Antonin
Roche, directeur de l'Educational Institute de Londres.
10° édition, augmentée de notes grammaticales, litté-
raires, etc. In-18 Jésus, 5^8 p. Paris, lib. Delagrave.
Louis de Blois. Un bénédictin au XVI' siècle;
par Georges de Blols. In-12, 408 p. et portr. Paris, lib.
Palmé.
Les Aventures du capitaine Magon, on Une explo-
ration phénicienne mille ans avant l'ère chrétienne; par
Léon Cahun. Ouvrage illustré de 72 grav. dessinées sur
bois, par P. Philippoteaux, et accompagné d'une carte.
Gr. in-8", i29 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 10 fr.
Histoire des faïences patriotiques sous la Révo-
lution; par Champfleury. 3" édition, avec gravures et
marques nouvelles. In-18 Jésus, xii-o82 p. Paris, lib.
Dentu. 5 fr.
Les Etats-Unis contemporains, ou les Mœurs, les
Institutions et les Idées depuis la guerre de sécession ;
par Claudiot Jannet. Ouvrage précédé d'une lettre de
M. Le Play, ln-18 Jésus, xiii-SlZi p. Paris, lib. Pion et
Cie.
Histoire de l'Orfèvrerie depuis les temps les plus
reculés jusqu'à nos jours; par Ferdinand de Lasteyrie,
membre de l'Institut. Ouvrage illustré de 62 grav. d'après
les dessins de Justin Storck. P. Sellier. In-i8 Jésus, 326 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr. 25.
Le Prêtre, la Femme et la Famille ; par J. Mlchelet.
Nouvelle édition. In-18 Jésus, xxxiii-324 p. Paris, librairie
Nouvelle. 3 fr. 50.
Les villes mortes du golfe de Lyon. Illiberris,
Ruscino. Xarbon, .4gde, Maguelone. Aiguesmortes. Arles,
les Saintes-Mariés; par Charles Lenthéric. ingénieur des
ponts et chaussées. Ouvrage renfermant 1.5 cartes et
plans. Gr. in-lS, 528 p. Paris, lib. Pion et Cie. 5 fr.
Ces monstres de femmes; par Pierre Véron. In- 18
Jésus, 310 p. Paris, lib. Michel Lévy, 3 fr. 50.
Nouveaux contes danois; par .\ndersen. Traduits
par MM. Grégoire et Louis Moland, illustres d"après les
dessins de M. Yan' Dargent. Gr. in-S", xni-ii8 p. Paris,
lib. Garnier frères. 10 fr.
Œuvres complètes de Pierre de Bourdeilles.
abbé et seigneur de Brantôme; publiées pour la
première fois selon le plan de l'auteur, augmentées de
nombreuses variantes et de fragments inédits, suivies des
œuvres d'André de Rourdeilles et d'une table générale
avec une introduction et des notes, par M. Prosper
Mérimée de l'Académie française, par M. Louis Lacour,
archiviste paléographe. T. U. In-16, 368 p. Paris, lib.
Daffis.
Œuvres de Philarète Chasles. L'Antiquité. In-18
Jésus, Yiti-/!i31 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Monsieur Nostradamus ; par Mlle Zénaïde Fleuriot.
Ouvrage illustré de 36 gravures dessinées sur bois par
Adrien .Marie. Gr. ln-8', 296 p. Paris, lib. Hachette et
Cie. 5 fr.
Les Compagnons du désespoir; par Alex, de
Lamothe. 3 vol. in-18 Jésus, 836 p. Paris, lib. Blériot.
6fr.
Les Vraies perles; par Mme Hermance Lesguillon.
In-12. 285 p. Paris, lib. Téqul.
Médecine et médecins ; par E. Littré, de l'Académie
de médecine. 3« édition. In-12, vm-516 p. Paris, lib.
Didier, à fr.
Le Capitaine philosophe; par Marcel Tissot. In-18
Jésus, 310 p. Paris, lib. Blériot.
Publications antérieures :
ESSAIS SLR LA M'iTHOLOGIE COMPARÉE, les tba-
DiTio.Ns ET LES COUTUMES. — Par M\x MiiLLER, associé
étranger de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres,
professeur à l'Lniversité d'Oxford. — Ouvrage traduit de
l'anglais avec l'autorisation de l'auteur par GEonc.ES Peuhot
maître de conférences à l'Ecole normale. — Deuxième
édition. — Paris, librairie académique Didier et Cie,
libraires-éditeurs, 35, quai des Augustins. — Prix : 4 fr.
LA CHASSE AUX SOUVENIRS. — les derniers pèches do
CHEVALIER DE VAUCELAS. — LA BALLE ENCBANTÉE. — Par
le marquis G. de Cherville. — Paris, librairie de Firmin
Didot et Cie, imprimeurs de l'Institut, 56, rue Jacob.
LES PASSIONS. — Par le D"- F. Frédault. — Paris,
librairie Victor Palmé, éditeur, 25, rue de Grenelle-
Saint-Germain.
L'ESPAGNE, SES SPLENDEURS ET SES MISÈRES. —
Voyage artistique et pittoresque. — Par P. L. Imrert. —
Illustrations d'Alexandre Prévost. — Deuxième édition. —
Paris, E. Pion et Cie, imprimeurs-éditeurs, 10, rue
Garanciére. — Prix : U fr.
HISTOIRE DES INVENTIONS ET DÉCOUVERTES. — Par
Roux-Ferraxd. — 7' édition. — Paris, librairie de Paul
Dupont, Ul, rue J.-J. Rousseau. — Prix : 1 fr.
SONNETS PARISIENS, caprices et fantaisies. — Par
Gabriel Marc. — Paris, Alphonse l.emerre, éditeur, 27
et 29, passage Choiseul. — Prix : 3 fr.
LA BONTÉ, ouvrage couronné par l'Académie fran-
çaise. — Par Charles Rozan. — Cinquième édition. —
Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
Ui
LE COURRIER DE VAUGElAS.
GLAS ET CARILLONS, sonuets, poésies diverses,
grand'gardes. — Par Paul Collun. — Paris, librairie
Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germaia, et Adolphe
Lemerre, éditeur, 27 et 29, passage Choiseul.
LES ÉLÉMENTS MATERIELS DU FRANÇAIS, c'est-à-
dire les sons de la langue française entendus ou repré-
sentés. — Ouvrage utile à tous ceux qui s'occupent de
l'étude de notre langue. — Par B. Juluen, docteur ès-
lettres, licencié ès-scieuces. — Paris, lib. Ilachelle et Cie,
76, boulevard Saint-Germain.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la h" et la 5"= année,' en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La i", la 2« et la Z" aimée doivent être pro-
chainement réimprimées.
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
Dans un des plus beaux quartiers de Paris. —
Un .Monsieur et une Dame, sans enfants, désirent recevoir
des pensionnaires. — Pri.x modérés.
Avenue de la Grande Armée (près de l'Arc de
triomphe de l'Etoile). — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très-bel appartement.
Dans les environs de Paris. — Une dame désire
recevoir comme pensionnaires de jeunes demoiselles de
bonne famille pour leur enseigner la langue française, la
musique, etc.
A Passy (près du Ranelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Au centre de Paris. — Un pasteur recevrait volon-
tiers comme pensionnaires trois ou quatre jeunes filles,
qui trouveiaient dans sa maison la vie de famille et, au
besoin, des leçons.
(Les adresses sont données au Bureau du Journal.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L\ Société D'ÉMUL.«-roN db Cambrai décernera, s'il y a lieu, au mois de novembre 1876, en séance publique, une
médaille d'or, de vermeil, d'argent ou une mention honorable, à l'auteur du meilleur mémoire sur la question
suivante ; « Quels sont au jourd'hui les principaux caractères de la littérature à&& feuilletons ; quels caractères présente-
t-elle et comment pourrait-on y remédier »?
Société florlmo.stane d'Annecy. — Concours de 1876. — Poésie : Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux
concurrents. — Le nombre minimum des vers est fixé à cent. — Les travaux seront composés en langue française.
— Les auteurs devront déclarer par écrit que ces travaux sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
— Les auteurs qui se feraient connaître seraient exclus. — L«s envois porteront une épigraphe qui sera répétée à
l'intérieur d'un billet cacheté indiquant le nom et le domicile de l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux
archives de la Société, les auteurs pourront en prendre copie.
La Société académique de Saint-Quentin propose des médailles d'or pour les sujets suivants, mis au concours pour
l'année 1876 : Poésie. — Sujet laissé au choix des concurrents. Cantates. — Sujet également laissé au choix des
concurrents. Les pièces envoyées au concours devront remplir les conditions exigées par le Conservatoire national
de musique pour le prix de Rome, c'est-à-dire être à personnages (une voix de femme et deux voix d'homme), et
contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un trio final. — La Cantate de 1876 servira de texte pour le
concours de musique qui aura lieu en 1877. Littérature. — 1" question : « Etude sur la poésie contemporaine. » — .
2° question : « Des moyens de développer le goût de l'étude dans toutes les conditions sociales. »
Un concours de poésie sur ce sujet la Revanche est ouvert à l'Académie des Poètes. — Pour concourir, il faut
appartenir à cette Académie, comme membre titulaire, honoraire, ou membre correspondant, et être Français. — Le
prix du concours consistera en une médaille d'or de la valeur de 150 fr., donnée par un des membres de l'Académie,
M. Marc Bonnefoy. — Les poésies envoyées au concours devront se renfermer autant que possible dans la limite de
100 et 200 vers (ces chiffres n'ont rien d'absolu), et être inédites; elles pourront être signées ou non signées, au gré
des concurrents, et dans ce dernier cas, être accompagnées d'un pli cacheté contenant le nom de l'auteur. — Les
envois relatifs au concours doivent être adressés franco à M. Elle de Blran, archiviste de l'Académie, rue des
Missions, 22, à Paris, avant le 1" mars 1876.
Le Comité de la Caisse de secours du huitième arrondissement de Paris vient d'organiser un Concours historique
pour 1876, dont le sujet est emprunté à l'histoire de Paris : L'histoire du huitième arrondissement. — Le premier
prix sera une médaille d'or do fiOO fr. ; le 2" prix, une médaille d'argent de 300 fr. ; le 3'' prix, une médaille d'argent
de 200 fr. — Le.s Compositions devront être remises par les concurrents avant le l" juin 1876.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est vi.silile à son bureau de tnidi à une heure et demie.
'"" Imprimerie GOUVEUiNEIIH, G. UAUl'KLKV à Nogent-le-Rotrou.
6" Année
N' 19.
1" Février 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Psraiaiant le 1°* et le 15 de ehaqoe mola
{Dans sa séance du \1 janvier 1875, l'Académie tramaise a décerne le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
AbonneraenI pour la France. 6 f .
Idem pour l'Étranger 10 f.
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
On les prend en sudressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
Annonces,.la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
nal, soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Les Abonnés de ce journal sont informés que, jus-
qu'au V mai proc/iahi, il sera possible au Rédacteur
de leur envoyer gratis les numéros de la 0' année qui
pourraient manquer dans leurs collections.
SO.MMAIRE.
Explication de Se mettre sur son trente-el-un ; — Etymologie de
l'adjeclif Bot; — Signification de Les portes de l'enfer; —
Pourquoi Levraut et Crapaud n'ont pas la terminaison Eau ;
— Pourquoi Avoir mal au cœur quand il s'agit de l'estomac B
Emploi et étymolpgie du mot Rubrique; — Signification de
En sautoir; — Signification et origine de Belluaire. — Pour-
quoi certain couteau s'appelle Eustache. || Passe- temps gram-
matical Il Suite de la biographie de Marguerite Buffet. ||
Ouvrages de grammaire et de littérature. || Familles parisiennes
pour la conversation. || Concours littéraires.
FRANCE
Première Question.
Un abonné qui n'a encore rien demandé serait heu-
reux de lire dans le Couurieu de Vacgelas l'explication
de l'expression se mettre sca som teeiste-et-c.n, pour
dire se vêtir de ses plus beaux habits.
Depuis l'origine de la langue jusque dans la seconde
moitié du xvii« siècle, la préposition sur, souvent
employée sous la forme sus, accompagna le verbe
mettre, avec lequel elle formait le sens figuré d'accu-
ser, comme le montrent ces exemples :
Home qui plaide en curt... e home li melted sur qu'il ait
dit cliose que il ne voille conustre...
[Lois de GuiUnume, s8.)
Et l'autre partie leva l'un des tesmoins et li mist sus
qu'il estoit faus tesmoins.
(Beaumanoir. VI, 34 1
Là me souvent des gens de maie guise.
Qui m'ont mis sits mensonge à escient.
(Quesneâ, fiomancero, p. 80. J
El le frère du seigneur de la Rivière mourut en prison,
et luy mil on sur qu'il sestoit tué d'un pot.
(Phil. de Fénin, l4l3.)
Mais accuser quelqu'un de quelque chose, c'est l'en
charger, le lui mettre sur le dos; et, comme une ex-
pression figurée a pour origine la même expression
prise dans le sens propre, il est tout probable que
se mettre sur a eu autrefois la signification de se vêtir
de : les Anglais, qui ont conservé plus d'une tournure
de l'ancien français, ne disent-ils pas encore to put on
dans le double sens d'accuser et de mettre un vête-
ment ?
D'où il suit que se mettre sur son trente-et-un veut
dire, sans ellipse, se mettre sur le dos son trente-et-un.
Reste à savoir maintenant quel est le vêtement qui
a pu être baptisé de cette singulière façon.
On trouve ce qui suit dans Van Tenae {Académie des
Jeux, p. 213) :
Le Trente-el-un est un jeu de hasard qui se joue entre
un banquier et des pontes dont le nombre est indéterminé.
En voici les règles :
1° Le banquier ayant un jeu de 5î cartes, ou même deux
ou trois jeux, selon le nombre des pontes, mêle tout en-
semble, fait couper, puis il distribue â chacun et à lui-
même, une par luie, trois cartes. Les figures valent dix,
les autres cartes les nombres qu'elles indiquent; l'as a le
privilège de valoir onze ou un, selon qu'il convient à celui
qui l'a eu main.
ï' La distribution de ces trois cartes étant terminée,
chacun regarde son jeu. Celui dont les trois cartes forment
trente-et-un les montre, et reçoit du banquier deux jetons
d'une valeur déterminée au commencement du jeu. Si le
banquier a trente-et-un d'emblée, chacun des pontes lui
paye deux jetons, excepté ceux qui auraient trente-et-un,
lesquels, dans ce cas, ne paient m ne reçoivent rien.
3' Le banquier n'ayant pas trente-et-un d'emblée
demande qui veut carte; le premier à sa droite a la pnrole,
et les autres successivement. Celui qui croit avoir un jeu
trop faible demande carte; on lui en donne une; il la
regarde, et il peut ainsi en prendre successivement plu-
sieurs; mais s'il arrive ainsi à dépasser le point de trente-
et-un, il crève, et paye deux jetons au banquier.
Or, comme il résulte de cette citation qu'au jeu dont
146
LE COURRIER DE VAUGELAS.
il s'agit, le point de trente-et-un est le plus beau, je
crois qu'on aura appelé familièrement troite-el-un
le plus bel habit de quelqu'un, et qu'on aura dit de lui
qu'»7 se mettait sur son trente-et-un pour si;jnifier
qu'il se parait de cet habit.
L'auteur que je viens de citer insinue dans sa préface
que le jeu du trente-et-un. fut inventé en (789, ce qui
ferait remonter l'expression de se mettre sur son trente-
et-un au plus à cette époque :
Dès l'année 1789, le jeu, exilé de? maisons particulières,
s'était réfugié dans les tr'pots clandestins. Un sieur Azon,
à qui l'on attribue l'invention du trente-et-un, fut l'uti des
premiers, etc., etc.
xMais c'est une profonde erreur, attendu que ce jeu de
cartes est mentionné dans le dictionnaire de Furetière,
qui, comme on sait, fut publié en 1727.
X
Seconde Question.
Quelle est l'origine du mot bot dans l'expression
PIED BOT? Le DicTioNJVAinE HISTORIQUE de Brac/iet dit que
cette origine est inconnue.
J'ai trouvé sur ce mot les renseignements suivants :
4» Dans le Dictionanj of tlie u-elsh language d'Owen
Pughe (-1 832) :
Bot, s. f. Any round body — (Un corps rond quelconque).
2° Dans le Dictionnaire françois et suédois de Levin
Môller (1 755) :
Bot, adj. m. Composé Irubbot, dans le sens de l'allemand
t)utziçi [tronqué]; d'où l'e.xpression En irubbot fol, un
pied bot.
3" Dans le Grand dictionnaire françois et hollandois
de Marin (1 768) :
Bot, émoussé, pas tranchant. Een bot mes, un cou-
teau émoussé, qui ne coupe pas bien. IJ signiBe aussi
bourgeon, bouton d'une branche. Een nieuve en cUtike bot,
un nouveau et gros bourgeon. Il a pour composés Bothiel
et Bolooet, pied bot.
4° Dans le Nouveau dictionnaire français-espagnol
de Blanc (1853) :
liOTO, mousso, obtus; d'où Embotar los filos del espada,
émousser le til de l'épée.
Il suit de là que le mot en question, qui n'existe en
français que dans l'expression pied hot, est un terme
commun à plusieurs langues de l'Europe, où il s'em-
ploie généralement comme adjectif, et dans le sens de
contrefait, quand on l'applique au pied.
X ■
Troisième Question.
Dans sa réponse à l'adresse des catholiques de
Maijence, le Pape a dit : « Nous nous réjouissons avec
vous en vous voyant convaincus que Dieu est avec vous
et que les cortes de l'enfer ne prévaudront pas contre
la cause défendue par vous ». Quel est ici le véritable
sens du mot i'Orte?
La phrase que vous venez de citer est une allusion
à ce passage de Saint Matthieu (ch. xvi, verset 18) :
Et ego dico tibi quia tu es Petrus, et super hanc petram
œdificabo Ecclesiam meam, et port.r infcrlnon pr.cvalebunt
adversus eam.
(Et moi aussi je vous dis que vous êtes Pierre, et
que sur cette pierre je bâtirai mon Église; et les
portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle.)
Mais quel est ici le sens de porte ?
Le mot porta est souvent employé dans la Bible pour
signifier un tribunal, parce que les Juifs étant la plu-
part occupés aux travaux des champs, on avait établi
qu'on s'assemblerait à la porte des villes, et qu'on y
rendrait souverainement la justice, afin de ménager le
temps des villageois; on trouve porta avec ce sens
dans les Proverbes (ch. xxir, v. 22) :
Non facias violentiam pauperi, quia pauper est : neque
conteras agenum in porta.
(Ne faites point de violence au pauvre, parce qu'il est
pauvre, n'opprimez point au tribunal celui qui n'a
rien.)
Le mot porta est employé aussi pour désigner la
ville elle-même, ce que montre parfaitement cette autre
citation :
Benedicam tibi, et multiplicabo semen tuum sicut
stellas cœli, et velut arenam quas est in littore maris :
possidebit semen tuum portas inimicorum suorum.
(Geiùse, ch XXU, v. 17.)
(Je vous bénirai, et je multiplierai votre race comme
les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le
rivage de la mer. Votre postérité possédera les villes de
ses ennemis.)
Chez les anciens monarques de l'Asie, le mot porte
était synonyme de palais, résidence royale, cour, ce qui
ressort de cet exemple :
Les jeunes seigneurs [chez les anciens Perses] étaient
élevés à la porte du roi avec ses enfants.
(Bossuet, Disc, sur l'Hist. III, 5.)
Voltaire l'a employé avec le même sens dans son
Histoire de Bussie (2« part. ch. I) :
Une légère attention de la part d'une femme qui envo-
yait des pelisses et quelques bagues, comme il est d'usage
dans toutes les cours, ou plutôt dans toutes les portes
orientales ne pouvait être regardée comme une corruption.
Le nom de porte se dit encore pour palais chez les
Turcs; en elTet, qapou, qui le traduit dans leur langue,
signifie et l'hôtel du grand-visir (porte ottomane), et
le palais du grand-seigneur (sublime porte).
Ur, comme les deux premières significations de porte
sont incompatibles avec nos idées sur l'enfer (il n'a
jamais été, que je sache, assimilé ni à un tribunal ni
à une ville), et que la troisième, au contraire, peut
parl'ailcnient lui convenir (c'est là que séjournent les
princes des ténèbres), j'en conclus que les portes de
l'enfer, dans la phrase que vous m'avez adressée,
signifie les cours de l'enfer.
{..a signification de porta n'a pas toujours été bien
comprise, tant s'en faut, par ceux qui ont traduit (a
Iw/7rt<e en français; ainsi, par exemple, celte phrase
du Dentéronome (ch. XVI, vers. 18) :
Judiccs et magistros constitues in omnibus portis tuis.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
quas Dominus Deus luus (Jedent tibi, per singulas tribus
tuas...
a été rendue comme il suit par Le Maistre de Saci et
par l'abbé Genoude :
Vous établirez des juges et des magistrats à toutes les
portes des villes que le Seigneur votre Dieu vous aura
donnée;:, en chacune de vos tribus....
C'est un contre-sens manifeste; car, il n'est pas
possible que Moïse ait ordonné d'établir un tribunal à
chaque porte des villes conquises par les Hébreux en
Palestine. Ces traducteurs auraient dû dire :
Vous établirez des juges et des magistrats dans loules les
tilles que le Seigneur votre Dieu vous aura données.
X
Quatrième Question.
D'où vient la terminaison dans les mots levraut,
CBAPAUD, et pourquoi n ont-ils pas la finale commune
EAO? D'ailleurs il y a un certain nombre de mots qui
s'écrivent ainsi. Si vous trompez qu'il raille la peine de
répondre à cette question, vous obligerez un de vos
nouveaux abonnés.
Les diminutifs de noire langue qui ont le son «m pour
finale, se terminent de trois manières différenles ;
i" Par aud là l'exception toutefois de rieillol), quand
il s'agit d'un diminulif venant d'un adjectif;
Courtaud de Court.
Finaud — Fin.
Lourdaud — Lourd.
r<ouaud — .\oir.
2' Par eau, quand le diminutif est tiré d'un subs-
tantif, comme on le voit dans :
Bécasseau de Bécasse.
Baleineau — Baleine
Caveau — Cave.
Soliveau — Solive.
Tuileau — Tuile.
3° Par ot au lieu de eau, dans les suivants, qui font
exception à la règle précédente :
Bachot de Bac.
Billoi, — Bille.
Cuissot— Cuisse.
Goulot — Goule (gula).
Poulot — Poule.
Pourquoi lerrauf, qui est le diminulif de lièvre, ne
s'écrit-il ni avec la finale eau ni avec la finale ot ?
Probablement parce que, dans l'origine, on aura
donné à ce mot la finale aud, qui ne convient qu'aux
dérivés d'tui adjectif (comme on a donn6 à vieillot la
finale ot, qui ne convient qu'à des diminutifs venus
d'un substantifi, et qu'on ne se sera aperçu de la faute
commise que longtemps après, alors que, passée dans
l'usage 'on écrivait déjà levraut au xvk siècle), cette
faute n'était en quelque sorte plus réparable.
Quant à crapaud, qui n'est point un diminulif, il
n'y a aucune nécessité, pour la régularité de son ortho-
graphe, que sa finale soit identique à celle des dimi-
nutifs que je viens de signaler. Dès les premiers temps
de la langue, il s'écfivait crapot, témoin ces exemples :
Quar des serpenz i ot à grant plento,
Laisardes grans et grans crapoz enflés.
(ie moninge GuUlaurrv, v. î54i.)
Lesquelles femmes portèrent secondement un gros crapot
pour deffdire ledit sort; et ce fait la fille tantost après fu
aussi comme toute garie.
(Du Cange, Buffo.)
Si. depuis, ce mot a pris la finale qu'on lui voit aujour-
d'hui, nul doute que ce ne soit parce que le bas-latin le
disait crapaldus. forme qui impliquait crapaud pour le
français.
X
Cinquième Question.
Comment, expliquez-vous que avoir mal ac coecr se
dise pour signifier avoir mal a l'estomac? // est évident
que le siige du malaise n'est pas dans le cœur?
Quelques mots suffiront pour cela.
En elïet, comme, dans l'ancienne anatomie grecque,
on donnait le nom de cœur à l'orifice cardiaque ou
supérieur de l'estomac, cette appellation passa dans
la nôtre, ce que prouvé la citation'suivante :
Ledit ventricule a deux orifices, à sçavoir un supérieur,
nommé l'estomach et vulgairement ccrur, et l'autre infé-
rieur, nommé pylore.
(Amb. Paré, I, 14. |
Puis, le mot cœwr en est venu à signifier l'estomac
lui-même, d'où ces expressions, employées encore dans
le style familier :
Cette viande lui est restée sur le cœur.
Cette soupe lui a fait mal au cœur.
Voyager sur mer fait mal au cœur, etc.
ETRANGER
Première Question.
Je VOUS serais reconnaissante de m'expliquer deux
choses relativement au mot rcbriqce : \° Quand
peut-on. dans un journal, employer l' expression socs i.a
RrBRiiîtJE DE, et 2° d'oit vient le mot de RtmarocE?
Un journal qui donne une nouvelle trouvée dans
un autre journal ou ailleurs, la fait presque toujours
précéder du nom de l'endroit d'où elle vient, comme
dans l'exemple suivant, que j'emprunle à la Presse
du 22 décembre 1873 :
Versailles, '2 heures.
0 On ne pense pas que le premier tour de scrutin donne
un résultat; il est probable qu'au second tnur, par suite
d'une transaction, on portera MM. de Montaignac et de
Malleville. »
Quand un confrère reproduit celle nouvelle, il dit
qu'il l'a trouvée dans telle feuille sous la rubrique de.
et fait suivre ces mots du nom du lieu d'où elle est
originaire; ainsi la reproduction de la nouvelle ])récé-
dcnle pourrait se formuler en ces termes :
Dans la /'refsc du Zi décembre IST.î, on lit .îoh.« la rubrique
de Versailles :
n On ne pense pas que le premier tour de scrutin donne
un résultat; il est probable qu'au second tour, etc. »
Voilà comment s'emploie généralement dans les
journaux l'expression sous la rubrique de, qui équivaut
à sous le nom de lieu de.
us,
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Quant au terme de rubrique, il a été tiré, comme je
vais vous l'expliquer, du nom latin ruhrica iformé
dé l'adjectif ruber}, qui signifie craie rouge.
En effet, il était d'usage chez les Romains d'écrire
en encre rouge les titres des lois de l'Etat, et le mot
rubrica, pris au figuré, signifiait le droit, ce dont four-
nit la preuve cette citation empruntée à Quicherat :
Transferre se ad rnbricam — ,Se tourner vers l'étude
du droit).
Pendant le moyen-âge, la même coutume non-seule-
ment fut suivie en France, mais encore étendue; on
marqua en rouge les chapitres des ouvrages de droit
civil et canon, d'histoire, etc., etc.
Et tûtes les rubriches estoient escrites, chascune par soi
vermeilles. , ,. , , - ,
(^ssise5 de Jérusalem, 1, 33.)
Cy commence la table de toutes les rubriches de ce pré-
sent livre, onquel sont contenus les faits et hjrstoires du
bon chevalier Bertran.du Guesclin.
(Chr. de Du GuMciiii. Notice, p. 14.)
Or, avec le temps, le mot rubrique a fini par se dire
aussi bien d'un titre écrit en noir que d'un titre écrit
en rouge, et de là, il a passé au nom du lieu d'oii vient
une nouvelle, ce nom, dans les journaux, lui servant
comme de titre.
X
Seconde Question.
Voudriez-vous bien avoir l'obligeance de donner
le véritable sens et l'étijmologie de l'expression e>
SACTOiB, dont on se sert en parlant d'une décoration
qui se porte à un ruban passé autour du cou?
Dans la science du blason, le mot sautoir désigne
une croix faite et placée comme un x majuscule; d'où
l'expression en sautoir avec le sens de disposé en
• croix de saint André (X) :
Les armes de .l'Eglise, la bannière de saint Pierre, de
gueules à deux clefs d'argent en sautoir.
(Froi3sart, II. II, 207.)
On fait un fréquent usage de .sfl?//o(r dans cette accep-
tion ; ainsi les buffieteries qui se croisent sur la poi-
trine d'un soldat sont dites en sautoir; deux hampes
de drapeaux, deux pièces de bois de charpente, deux
épées, etc., peuvent être mises en sautoir.
Mais il n'y, a rien qui ait l'apparence d'un X dans un
ruban passé autour du cou et auquel pend une croix.
Comment expliquer sautoir dans ce cas?
D'une manière bien simple.
Indépendamment de sa signification primitive, sau-
toir en a une autre qui est dérivée de celte pre-
mière : il désigne aussi une petite pointe d'étoffe que
les femmes portent autour du cou en nouant les
deux bouts sur la poitrine ; de sorte que, quand la
décoration d'un ordre se porte suspendue au cou, on
dit naturellement qu'elle se porte en sautoir, comme,
dans le cas où elle est suspendue au côté par un
ruban qui passe sur l'épaule du côté (tpposé, on dit
qu'elle se porte en écharpe :
La décoration [de la Légion d'honneur] est suspendue en
sautoir au cou des commandeurs par un ruban plus large.
( Ch^rutl, Li'f. i/'A'/nii,, p. fi49, col. I.)
L'origine de sautoir, terme de blason, est une ques-
tion plus difficile à résoudre.
On sait, à la vérité, qu'il a existé autrefois dans la
cavalerie un objet ainsi appelé, car Du Gange le men-
tionne au mot saltatoria en en citant un exemple, et
Furetière en donne la description suivante :
C'étoit une pièce de harnois du chevalier, qui étoit
attachée à la selle de son cheval, et lui servoit d'étrier
pour sauter dessus, ce qui lui a donné le nom de sautoir,
11 étoit fait de cordons de soye ou d'une corde couverte
d'une étoffe précieuse.
.Mais on ne peut pas conclure de là que sautoir, terme
héraldique, vienne de cette source, attendu que le mot
sautoir a ici le sens de croix de saint André, et que ce
sens n'a pu lui être attribué par allusion à un ancien
appendice de la selle qui devait avoir la forme d'un
grand anneau, si j'en juge par celle des étriers de la
fin du xi^ siècle que j'ai vus dans l'ouvrage tout
récemment publié par M. Demay sur le Costume de
guerre et d'apparat.
Cependant, comme les choses présentant la forme
d'une croix sont désignées en espagnol par aspa, en
italien par a.<tpo ou naspo, eu allemand par haspel, en
grec par '/j.az'^.a., (du nom de la lettre X), et en latin par
decussis, appellation de Vx employé comme chiffre, il
est certain, aucune de ces expressions étrangères
n'ayant pu donner sautoir par une permutation quel-
conque de lettres, que ce mot est un vocable qui appar-
tient à notre langue.
.Mais qu'était-ce que le sautoir dont l'image s'est
perpétuée dans un meuble de blason?
A mon grand regret, je n'ai pu le découvrir.
X
Troisième Question.
Auriez-vous l'obligeance de m'expliquer dans un
prochain numéro de votre estimable journal la signi-
fication et l'origine du mot bellchre, qui n est pas dans
le Dictionnaire de Littré?
On a d'abord appelé de ce nom, en français, celui
qui, dans les amphithéâtres romains, combattait les
bêtes féroces, et aussi l'esclave attaché au service des
animaux du Cirque :
Les lielluaires ont levé les grilles des autres souterrains.
(Th. Gautier.)
Ensuite, par extension, il a désigné princijialement
celui qui dompte des bêtes féroces, et qui va les montrer
de ville en ville :
11 ne manque pas d'esprils agréablement sceptiques qui,
lor.squ'un bcVua'tre fait de périlleux e.\ercices, vantent
paradoxalement la mansuétude des lions.
(Th. Gautier'.)
■ Quant au nom lui-même, que le Grand Dictionnaire
du AY.V" siccle de Pierre Larousse me semble avoir
été seul à mentionner jusqu'ici, il est composé de
bellua, mot de la langue latine qui signifie gros animal,
bête féroce, sauvage, et de arius, suffixe de la même
langue, qui se joint généralement à des noms de
choses pour désigner les professions exercées par les
hommes: tabernarius, boutiquier; ferrarius, forgeron;
niolendinarius, meunier; etc.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
(i3
X
Qualiiinie Question.
Quel est le genre de couteau que ion appelle un
GUSTÀCHE, et quelle est la raison de cette appellation ?
Le couteau ainsi nommé n'est autre chose que la
jambette, dont il a été question dans le numéro 17.
Mais eustache n'est que la moitié de son nom ; pour
l'avoir cfti complet, il faut y ajouter Dubois.
En effet, on lit ce qui suit, page 306, dans le Manuel
du Coutelier qui fait partie de la collection Roret :
« Ces couteaux [les jambettesj sont connus dans une
certaine partie de la France sous le nom d'EusIaclie- Dubois ;
c'est le nom d'un coutelier de Saint-Etienne qui avait
acquis une grande célébrité dans cette fabrication. Pen-
dant de longues années ses descendants ont joui de la
même,réputation, et ont continué à porter son nom. »
M. Liltré a eu parfaitement raison de dire dans son
dictionnaire, au sujet du mot en question : « sans
doute un nom propre transporté à l'instrument. »
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... en mieux ou en pis ,'pire esl un adjectif) ; — 2» ... à
raison du discours (puisqu'on dirait à cause de-, — 3° ... tout
vigoureux qu'il est; — 4° ... et dont l'un pesait {d'eux est super-
flu) ; — 5"" D'où il suit que la guerre du Mexique;
6° . . . que la Roumanie eû( consolidé; — 7* ... les motifs qui
lui ont fait demander; — 8° ... ne laisser^ pas, nous l'avouons,
de^nous être ; — 9° ... fut entreprise dans l'intention de faire
(Voir Courrier rfe Vaugelas, 6' année, page 75); — 10° ... être
entouré de guets-apens.
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1° Je vous avais toujours dit, Saiil, interrompit un
homme jeune encore et très-élégamment vêtu, que nous
avons eu tort de faire grâce au louveteau.
1' L'Anglais descend. Il est accosté par un pauvre diable
qui ressemblait, parait-il, comme deux gouttes d'eau à feu
Tantale.
3° C'était assez d'avoir essayé de nous persuader que
cette formidable épée que nous avons vu flamboyer entre
vos mains était encore vierge.
4' N'ayant point apporté de bottes de cheval, je m'étais
figuré que de hautes guêtres protégeraient un peu mieux
mes jambes qu'un mince pantalon de drap, et je les avais
bravement endossées.
5" Il vient de paraître à la librairie Lacroix les cinq pre-
mières livraisons de VHiitoire de France illustrée de
Michelet. Cette publication, qui met à la portée de tous
l'oeuvre de l'éminent historien, voit son succès augmenter
à chaque livraison.
6» Quelques-uns s'étaient, en effet, imaginés que leur
non comparution et l'impossibilité d'en appeler devant
une juridiction supérieure auraient mis la haute-cour dans
l'embarras.
7" Une infinité de pierres précieuses criblent le corsage
de satin blanc ; une rivière de diamants inonde la gorge
et la taille; les souliers sont en or, les bas de soie, brodés
à jour.
S- La France, de son cote, n'a aucune idée de faire la
guerre, quoiqu'elle soit douloureusement affectée de ce
que r.^ngleterre se soit approprié un canal que le monde
doit à l'esprit d'entreprise et aux capitaux français.
9° Depuis longtemps, la Russie et r.\utriche cherchaient
à se concilier, au détriment l'une de l'autre, les sympathies
de la Serbie et du Monténégro ; ils espéraient obtenir une
sorte de suprématie, et, à cet effet, ils ne négligeaient
rien pour arriver à ce résultat.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAiMMAIRIENS
SECONDE .MOITIÉ DU XVll- SIÈCLE.
Marguerite BTJFFET.
{Suite.)
Quelques-uns disent rediculement et redicule, il faut
dire ridiculement, ridicule.
Il est honteux de dire ou de faire quelque chose est
(lu vieux sljle; il faut dire il a honte de dire., qui vaut
mieux.
On entend beaucoup de personnes dire j'e m'esbahis à
telle chose; elles devraient dire Je m'estonne.
Il y en a plus d'un qui dit faij pris la hardiesse de
vousescrire; c'est d'un « très-meschant » style; il faut
s'exprimer ainsi : j'arj pris la liberté de vous escrire.
Cela est tombé lammy est une fort mauvaise locu-
tion ; il faut dire ce/a est tombé à bas.
.Vu lieu de dire je ne hante point, je ne fréquente
plus ces fjens-ln, phrases qui sont deux vieilles façons
de parler ridicules, il faut dire je ne voy plus ces
gens-là.
Je tâcherai/ de vous obliger est une expression hors
du bel usage; on la remplace par^'e ferai/ en sorte.
Plusieurs disent encore j'aij fait cette chose à nuit;
cette façon de parler est ridicule et introduite par le
[letit peuple; il faut dire aujourd' huij .
On ne dit plus pour que vous fassiez cela; il faut
dire afin que vous fassiez cela.
Au lieu de il a fait cela envers moij, il faut dire
contre inoij (KiOS;.
On ne se sert plus de naguère; il faut dire rfe/?w?s
peu.
A la Cour, il est bien reçu de dire tandis que j'iraij
là pouv pendant quej'iraij là.
Au lieu de assiéger une ville, entasser du blé, il y eii
a qui disent à tort siéger, tas.ser.
On ne dit plus pource ni par ainsi, il faut dire à
cause de cela.
Premier que je fasse cela ne vaut rien; il faut dire
avant que je fasse.
Il danse, il chante des mieux ne se dit plus; il faut
dire fort bien.
430
LE COURRIER DE VAUGELAS.
D'aiilres disent à lorl il n'en peut mais pour ce n'est
point sa faute.
Possible pour peuf-estre n'est pas bon.
Les expressions en suite de quoy et en suite de ce
doivent se remplacer cm puis après.
On ne doit pas dire nous arons partij, noiis avons
sorttj ; c'est nons sommes qu'il faut dire.
Au lieu de qimnd on n'a que faire on va là, il faut
dire quand on n'a rien à faire.
On doit éviter bien que au commencement d'un dis-
cours ; c'est une yfeille faron de parler.
Beaucoup de personnes disent il est entaché d'vn tel
vice, qui devraient dire il est taché de ce vice.
Ne pas dire en jouant jf suis bien en malhetir; il
faut dire^"ay bien du malheur.
On dit souvent cette affaire m'ht très-importante;
il faut dire m''est de la dernière conséquence.
Quand du fruit n'est pas bon, bien des gens disent
re fruit n'est pas d'un bon écabit ; il faut dire ce fruit
n'est pas bien oriente^ ce qui le rend moins bon.
Plusieurs disent encore faites froidir l'eau; c'est
mal, il faut dire refroidir l'eau.
Le long de la rivière vaut mieux que au long de
et aussi que du long de la rivière.
Ne pas dire du depuis ce temps, mais depuis ce temps.
A Paris comme en province, on dit je ne puis faire
cela pour l'heure, il faut d'we présentement.
Le mot quasi n'est plus du bel usage ; les auteurs
modernes ne s'en servent plus; à sa place on emploie
presque.
On ne dit plus aller à la rencontre de quelqu'un, il
faut dire aller au devant.
Cet homme est joyeux, voilà une ancienne expres-
sion qui ne convient plus au beau style; il faut dire
gatj, ou de belle humeur.
Ne pas dire ces gens sont fort chiches pouv dire qu'ils
sont ménagers; ce mot cliiche est ridicule; il faut dire
vilains.
On peut également bien dire une bierre ou un cercueil.
Superbe est plus en usage que orgueilleux.
Beaucoup de femmes parlant d'une autre femme
qui est indisposée disent moy, quand je la 'suis; il
faut dire quand je le suis.
On ne dit plus comme nos ancêtres un mien pareiit,
un mien frère; il faut dire un de mes parents, un de
mes frères.
Pour dire ne sortes point de là, on se sert souvent
de ce « méchant « mot ne demarés point de là; c'est
le petit peuple qui fait celle faute.
Ne dites pas le plus grand désordre à quoy il s'arreste;
il faut dire auquel.
En parlant d'un malade à qui l'on a bien donne ses
.soins, il ne faut pas dire qu'»7 a été bien solicité, mais
bien qu'eV a été assisté et secouru.
Circonstance où plusieurs encore font une faute,
c'est quand ou dit bien que j'uye été là; il faut dire
bien quej'ais été là (1068).
Il vaut mieux dire 7e vous souhaite le bonjour quc^'e
vous donne le bonjour.
Ouand ou parle d'un siège d'où l'on s'adresse au
public, on dit cliaire, mais dans tous les autres cas, on
change ï'r en s, et l'on dit chaise.
Ne mettes guère à faire telle chose est une expression
du petit peuple; il faut dire n'arrêtés point à revenir.
Dans les provinces, on dit beaucoup venez- quand et
moy pour dire vené.^ avec moy.
Incognito est fort bon et fort en usage.
Voici « un » rencontre où plusieurs manquent : ils
disent il a perdu le respect pour cette personne ; il faut
dire il a manqué de respect.
Je suis infiniment ou parfaitement vostre servante
n'est pas bien reçu dans le beau style; il faut dire J<?
suis fort vostre servante.
Dans le même style, on ne se serl plus de gratieux
ni de. mal gratieux.
Il n'a pas un sols vaillant est plus u^é que
valant, bien qu'il soit moins bon; c'est l'usage, et aller .
contre, ce serait montrer qu'on ne sait point sa langue
maternelle ou qu'on « voudroit faire la reformatrice ».
On dit présentement «e /•ejorter avec quelqu'un d'un
bonheur ou se féliciter, qui est un mot nouveau (1668).
Il ne faut pas dire il m'a taxé en ma réputation; il
faut dire il a mal traité ma réputation.
Supplier ne doit s'employer qu'en parlant et en écri-
vant aux puissances souveraines ; dans les autres cas.
on dit prier.
Au lieu de dire vous irés en tel endroit, menez my
au.<si, il faut dire menés y moi aveo vous.
On ne dit •pVM'ferons-nous telle chose à présent; il
faut dire à cette heure, ou maintenant, aujourd'huy.
Au lieu de il avoit accoutumé de faire telle chose, il
faut dire // avait coutume.
Il y a des gens si peu versés dans notre langue qu'ils
disent encore partisses le gâteau; il faut dire partagés.
Cet homme a bon renom est fort barbare; il faut dire
a bonne réputation.
Le mot volontiers est si ancien que ceux qui suivent
le beau style ne s'en servent plus.
Aussi bien lorsqu'on parle que lorsqu'on écrit
qu'ainsi soif n'est plus rei;u.
Priser le mérite de quelqu'un est une expression
très ridicule; il faut direestimer le mérite.
Eu parlant du vêlement, bas vaut mieux que chausse.
Exactelé, qui est un mot nouveau, se dit pour exac-
titude, employé ordinairement.
On dit encore fors pour hors; mais le premier n'est
pas bon (ICdlS).
Seriosité est uti mot nouveau dont on se sert, et qui
est bien reçu à la Cour.
En terme de chasse on dit courre, mais dans les
autres cas, on dit courir.
Il faut dire ce sont les affaires et non c'est les affaires.
Il ne faut pas dire ce fut pourquoy telle chose arriva,
mais c'est pourquoy telle chose arriva.
{La suite au prochain numéro.)
Lii RÉDiCTEUii-GÉiiiNT : Eman MARTIN. .
LE COURRIER DE VAUGELAS
fjf
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
La Chanson de Tenfant; par Jean Aicsrd. In-8",
245 p. Paris, lib. Sandoz et Fishbacher.
La Merlette; par Mlle Eudoxie Dupuis. Illustrations
par Emile Bayard. In-18 Jésus, 296 p. Paris, lib.
Delaçrave.
Genèse de l'humanité. Fétichisme, polythéisme,
monothéisme; par Louis Jacolliot. In-8°. 391 p. Paris,
Lib. internationale.
A la chute du jour, vers anciens et nouveaux,
1847-1876 ; par Ernest Prarond. ln-18 Jésus, xvi-33/i p.
Paris, lib. Lenierre. 3 fr.
Les Fédérés blancs, épisode de la défense de l'Alsace
en 181/i et en 18i5; par Edouard Siebecker. ln-18 jésus,
316 p. Paris. Lib. illustrée.
Une Maison centrale de femmes, tin de la série des
.\Iystères mondains: par Adolphe Belot. 8' édition. ln-18
Jésus, 385 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Correspondance militaire de Napoléon P', extraite
de la Correspondance générale et publiée par ordre du
Ministre de la Guerre. T. 2. ln-18 jésus. vi-528 p. Paris,
lib. Pion et Cie.
Les Gredins; par F. Du Boisgobey. L L'Empoisonneur.
IL La Tête de mort. In-û" à 2 col. 287 p. Paris, lib.
Degorce-Cadot. 10 c. la livraison.
La Chance ou la Destinée ; par le docteur P. Foissac.
In-8", 667 p. Paris, lib. J.-B. Baillière et Fils. 7 fr.
tes Braves gens; par J. Girardin. Ouvrage illustré
de 115 vignettes par Emile Bayard. 3« édition. ln-8°.
311 p. Paris, lib. Hacliette et Cie. 5 fr.
Channing, sa vie et sa doctrine, d'après ses écrits
et sa correspondance ; par René Lavollée, rédacteur aux
affaires étrangères. ln-18 jésus, xii-301 p. Paris, lib.
Pion et Cie.
Histoire de Louis-Philippe; par A. E. Billault de
Gérainville. T. 3. In-8', lxiii-30« p. et 3 plans. Paris,
chez tous les libraires.
Londres; par Louis Enault, Illustré de 174 gravures
sur bois par Gustave Doré. Gr. in-i", 438 p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 50 fr.
Œuvres de Victor Hugo. La Légende des siècles.
1« série: Histoire. Les Petites épopées. Petit in-12. 425p.
Paris, lib". Lemerre. 6 fr.
Dictionnaire historique de l'ancien langage fran-
çois, ou Glossaire de la langue françoise depuis
son origine jusqu'au siècle de Louis XIV; par La
Curne de Sainte-Palaye, membre de l'Académie des Ins-
criptions et de l'Académie française. Publié parles soins
de- L. Favre, auteur du Glossaire du Poitou, de la
Saintongc et de l'Aunis, etc. etc. 8« à 10' fascicules (fin
du t. 1). In-4'' à 2 col. 337-482 p. Paris, lib. Champion.
Louis XIII et Richelieu, étude, historique accom-
pagnée des lettres inédites du roi au cardinal de Riche-
lieu ; par Marins Topin. In'8% xi-449 p. Paris, lib.
Didier et Cie. 7 fr. 50.
Le Mari de madame Cazot; par Alfred de Bréhat.
ln-18 jé^us. 323 p. Paris, lib. Michel Lévy. 3 fr. 50.
L'Université de Paris, 1200-1875. La Nation de
Picardie. Les Collèges de Laon et de Presles. La loi sur
l'enseignement supérieur ; par Ch. Desmaze, conseiller à
la cour d'appel de Paris. ln-18 jésus, xii-347 p. Paris, lib.
Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Les Contemporains de Molière, recueil de comédies
pares ou peu connues, jouées de 1659 à 1680, avec l'his-
toire de chaque théâtre, des notes et des notices biogra-
phiques , bibliographiques et critiques ; par Victor
Fournel. T. 3. Théâtre du Marais. In-8°, xl-572 p. Paris,
lib. Firmin Didot et Cie.
Publications antérieures :
ESSAIS SUR LA MYTHOLOGIE COMPARÉE, les tra-
DIT10X6 ET LES couTLMES. — Par M\x MiiLLER, associé
étranger de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres,
professeur à l'Université d'Oxford. — Ouvrage traduit de
l'anglais avec l'autorisation de l'auteur par Georues Perrot
maître de conférences à l'Ecole normale. — Deuxième
•^dition. — Paris, librairie académique Didier et Cie,
libraires-éditeurs, 35, quai des Augustins. — Prix : 4 fr.
LES PASSIONS. — Par le D-^ F. FrbI).\ult. — Paris,
librairie Victor Palmé, éditeur, 25, rue de Grenelle-
Saint-Germain.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la 4« et la 5'= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — Lm 1", la 2' el la 3« année doivent être pro-
cliainemenl réimprimées.
LA CHASSE .\UX SOUVENIRS. — les derniers péchés du
CHEV.^LIER de V.\UCEL.\S. — L.V BALLE ENCBANTÉE. — Par
le marquis G. de Cherville. — Paris, librairie de Firmin
Didot el Cie, imprimeurs de l'Institut. 56. rue Jacob.
L'ESPAGNE, SES SPLENDEURS ET SES MISÈRES. —
Voyage artistique et pittoresque. — Par P. L. Imbert. —
Illustrations d'Alexandre Prévost. — Deuxième édition. —
Paris, E. Pion et Cie, iinprimeurs-éditeurs. 10, rue
Garanciére. — Prix : 4 fr.
SONNETS PARISIENS, caprices et fantaisies. — Par
Gabriel Marc. — Paris, Alphonse Lemerre, éditeur, 27
et 29, passage Choiseul. — Prix : 3 fr.
LA BONTÉ, ouvrage couronné par l'Académie fran-
çaise. — Par Charles Rozan. — Cinquième édition. —
Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
152
LE COURRIER DE VAUGElAS.
CATALOGUE DESCRIPTIF ET RAISONNÉ
Manuscrits de la Bibliothèque de Tours.
Par M. A. DORANGE, Conservateur.
Gros in-quarto à 2 colonnes de 583 pages.
Cet ouvrage, qui a coûté dix ans de travail à son auteur, a été apprécié comme il suit par M. Léopold Delisle,
administrateur de la Bibliothèque nationale (7oî«-na/ officiel du 29 juin 1875) :
« La ville de Tours possède une des plus riches collections de manuscrits qui existent en France. La description
qu'en donne M. Oorange, dans son C.vt.vlogue descriptif et raisonsè de l.*. bibliothèque de Tours, rendra de réels
services à la science. C'est dans cette collection que M. Luzarche a découvert le drame d'Adam, et que M. Thurot a
trouvé un manuscrit qui a notablement amélioré le texte des lettres familières de Cicéron. Le travail de M. Dorange
permettra de faire encore plus d'une découverte intéressante. La municipalité de Tours, qui a fait les frais du
Catalogue, mérite aussi la reconnaissance des savants. »
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
Dans un des plus beaux quartiers de Paris. —
Un Monsieur et une Dame, sans enfants, désirent recevoir
des pensionnaires. — Prix njodérés.
Avenue de la Grande Armée (près de l'Arc de
triomphe de l'Etoile). — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très-bel appartement.
Dans les environs de Paris. — Une dame désire
recevoir comme pensionnaires de jeunes demoiselles de
bonne famille pour leur enseigner la langue française, la
musique, etc.
A Passy (près du Ranelagh) . — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionnaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Au centre de Paris. — Un pasteur recevrait volon-
tiers comme pensionnaires trois ou quatre jeunes filles,
qui trouveraient dans sa maison la vie de famille et, au
besoin, des leçons.
(Les adresses sont données au Bureau du Journal.)
CONCOURS LITTÉRAIRES.
SociiiTÉ d'Émulation de C.widrai. Extrait du programme des questions mises au concours pour 1876. Poésie. Le sujet
et l'étendue de la pièce destinée à le traiter, sont laissés au choix des concurrents. — Une lyre d'argent ou une
médaille dont la nature et la valeur sont subordonnées au mérite de l'ouvrage, sont affectées également à ce con-
cours. — Les travaux et mémoires inédits et n'ayant jamais figure dans aucun concours seront seuls admis. Ils porte-
ront une épigraphe répétée sur un pli cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur, et devront être adressés,
franco, avant le /">' Juin 1870 au Président ou au Secrétaire général de la Société. — Les œuvres non couronnées ne
sont pas rendues, et les plis cachetés qui les accompagoent sont brûlés en séance.
Société florimo.ntane d'Annecy. — Concours de 1876. — Poésie : Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux
concurrents. — Le nombre minimum des vers est fixé à cent. — Les travaux seront composés en langue française.
— Les auteurs devront déclarer par écrit que ces travaux sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
— Les auteurs qui se feraient connaître seraient exclus. — Les envois porteront une épigraphe qui sera répétée à
l'intérieur d'un billet cacheté indiquant le nom et le domicile de l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux
archives de la Société, les auteurs pourront en prendre copie.
La Société acadé.mique de Saint-Quentin propose des médailles d'or pour les sujets suivants, mis au concours pour
l'année 1876 : Poésie. — Sujet laissé au choix des concurrents. Cantates. — Sujet également laissé au choix des
concurrents. Les pièces envoyées au concours devront remplir les conditions exigées par le Conservatoire national
de musique pour le prix de Rome, c'est-à-dire être à personnages (une voix de femme et deux voix d'homme), et
contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un trio final. — La Cantate de 1876 servira de texte pour le
concours de musique qui aura lieu en 1877. I.ittérature. — 1" question : « Etude sur la poésie contemporaine. » —
2" question : « Des moyens de développer le goût de l'étude dans toutes les conditions sociales. »
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUPIiLEV à Nogenl-le-Uotrou.
G'^ Anuée
N» 20.
15 Février 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraisaant le 1** et le 15 de chaque mois
{Dans sa séance du 12 janvier 1S75, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
Annonces, la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à, Paris.
nal, soit à un libraire quelconque.
SO.M.MAIRE.
Communicalions sur Calino et sur Tohu-boliu: — Pourquoi les
femmes sont appelées Les oies du frère Philippe; — Si Arté-
sien appliqué à un puils ^ér'we d'Artère; — S'il j a une diffé-
rence entre Se plaindre que et 5e plaindre de ce que; —
Orthographe de Nouveau devant un participe passé; — Emploi
du mot Majoration; || Etjmologie du mot Dentelle; — Origine
de Homme de sac et de corde || Passe-temps grammatical ||
Suite de la biographie de Marguerite Bu/fet. || Ouvrages
de grammaire et de littérature. || Familles parisiennes pour la
conversation || Concours litttéraires.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
I.
Le journal Y Evénement du 9 janvier contient ce qui
suit à mon adresse :
Nous avons reproduit récemment, d'après le Courrier de
Vaufjelas, l'étymologie du nom dp Calino, que ce journal
fait remonter à une charge d'atelier dont .MM. Théodore
Barrière et Antoine Fauchery avaient fait une pièce.
Le Charivari déclare c[ue celte étymologie est inexacte-
< On racontait depuis longtemps, dit-il, dans les petits
journaux, des charges sur ce successeur de Jocrisse quand
parut la pièce en question.
» Depuis longtemps aussi on lui donnait le nom de Calino
dans ces charges-là. Ce fut précisément cela qui donna
à Barrière l'idée de faire sa pièce pour Parade.
» Le Courrier de Vaugelas a pris l'effet pour la cause, et
le problème subsiste tout entier.
• Calino, en réalité, fut un élève de l'atelier Picot, vers
1840, élève dont la bêtise devint proverbiale parmi les
peintres, et l'on se mit à lui fourrer sur le dos toutes les
calembredaines qui peuvent rentrer dans son genre. »
Le Courrier de Vauyelas a la parole.
• Le Charivari a parfaitement raison quand il dit que
l'origine de Calino remonte plus haut que la pièce à
laquelle je l'ai attribuée.
En effet, la Bibliographie de la France, du 17 no-
vembre ISSj, annonce un volume de .M.M. Edmond et
Jules de Concourt intitulé Une roiture de Masques, où
se trouve un chapitre consacré à la légende de Calino.
Or, comme la pièce de .MM. Barrière et Fauchery n'a
été jouée pour la première fois que le 12 mars de l'an-
née suivante, il est évident que cette pièce n'a pu que
propager notre nouveau tjpe de jocrisse, et non l'inau-
gurer.
.Mes remercimenls à .M.M. Achille .Morel et Gérard de
Frontenay, rédacteurs de V Événement, qui m'ont per-
mis de rectifier une erreur que je venais de commettre
pour la seconde fois.
U.
Le 19 janvier dernier, j'ai reçu de Paris la courte
communication suivante, qui fait allusion à une ques-
tion traitée dans le numéro 18 de la présente année :
Monsieur,
Comment pouvez-vous avancer que le mot toku-bohu a
été employé pour la première fois par Voltaire (en fran-
çais) ?
Je vous engage à lire le chapitre de Rabelais intitulé :
Comment Pantagruel passa les îles de Tohu et de Bohu.
Si l'auteur de ces lignes m'avait lu avec un peu plus
d'attention, il aurait pu s'épargner la peine de m'écrire
l'invitation qu'elles contiennent.
En effet, qu'ai-je dit? Que l'expression de tohu-bohu,
qui ne se trouve ni dans la première édition de l'Aca-
démie (1094;, ni dans Furelière ^1727), ni dans Tré-
voux (1771), avait été rencontrée par moi dans la
Bible cnftn expliquée, ouvrage paru en 1776, et que
c'était probablement cet ouvrage qui avait introduit
tohn-bohu dans notre langue.
Or, cette assertion semble erronée à l'auteur de la
communication précédente ; il prétend que l'expression
de tohu-bohu existait au temps de Rabelais parce que
celui-ci a intitulé un chapitre de Pantagruel (le 17* du
livre IV) : « Comment Pantagruel passa les isles de Tohu
et Bohu. «
Mais ce n'est pas là notre expression tohu-bohu; ce
sont les deux termes qui la composent, employés sépa-
rément comme noms projjrcs, dans une géographie
plus ou moins fantastique, et rien de plus.
- En faisant remonter tohu-bohu à Rabelais, mon con-
^5-i
.E COURRIER DE VAUGELAS.
Iradicteur se trompe donc aussi évidemment que si, par
exemple, il soutenait que l'expression d'Alsace-Lor-
raine est bien antérieure à la guerre de 1870, parce
que les noms d'Alsace et de Lorraine ont existé des
siècles avant cette guerre.
X
Première Question.
Voudriez-vous bien me dire^ par la voie.de votre
excellent journal, pourquoi on appelle les femmes les
OIES DC FRÈRE PuiLippE ? Je VOUS en serais bien recon-
naissant.
Philippe Balduci, ricbe habitant de Florence, resté
veuf avec un fils de deux ans, se consacra avec ce fils
au service de Dieu. Il distribua tous ses biens aux
pauvres, et se retira au milieu des bois, où il ne subsis-
tait que des charités des bonnes âmes. 11 éleva son fils
dans la piété et dans l'ignorance des choses du monde,
de peur qu'elles ne le détournassent des choses du
ciel. Il le garda plusieurs années dans sa grotte sans
le laisser sortir, et sans lui laisser voir d'autres objets
que des oiseaux et des bêles fauves. Il avait l'habitude
de l'enfermer toutes les fois qu'il allait faire la quête à
Florence. Enfin, son fils étant parvenu à l'âge de dix-
huit ans, sans avoir jamais quitté le bois, il demanda à
son père la permission de l'accompagner pour qu'il
pût connaître les personnes pieuses et charitables qui
les assistaient; d'ailleurs^ il était plus jeune et plus vi-
goureux, puis Dieu pouvait retirer son père de ce
monde, et que deviendrait-il, lui qui n'y connaissait
personne?
Le bonhomme goûta fort une proposition si rai-
sonnable ; et, croyant son fils bien affermi dans la
sainteté, il ne fit aucune difficulté pour le mener avec
lui à Florence. Le jeune homme arrête les yeux avec
étonnement sur tous les objets qu'il aperçoit, et, ravi
d'admiration, il demande à son père le nom de chaque
chose. Son père le lui dit, et il parait enchanté de l'ap-
prendre. Pendant qu'il continuait ses questions, il
aperçoit une troupe de jeunes dames, bien habillées,
qui revenaient d'une noce. Il les examine attentive-
ment, et demande au vieillard ce que c'était.
« Ne regarde point cela, mon fils : c'est quelque chose de
dangereux. — Mais comment cela s'appelle-t-il? » Le père,
qui veut écarter de l'esprit de son tils toute idée cliarnelle,
et qui craint de nouvelles question» capables d'exciter dans
son enfant les désirs do la concupisco'nce, ne croit pas
devoir lui dire leur nom, et lui répond que ce sont des
oies. Chose étonnante! celui qui n'avait jamais vu ni
entendu parler de ces oies, se sentit vivement ému à leur
aspect, et ne se sentant plus touché, ni de la beauté des
palais, ni de la genldlesse du cheval, ni de la grosseur du
bœuf, ni des autres objets (juil venait de voir pour la
première fois, il s'écria aussiiùt : « Mon père, je vous en
prip, faites-moi avoir une de ces oies. » — 0 bon Jésus!
répondit le [)ère étonné, ne songe point à cela, mon fils;
c'est une mauvaise chose. —Quoi I mon père, les mauvaises
choses sont-elles ainsi faites? —Oui, mon fils. — Je ne
sais, mon père, ce que vous voulez dire, ni pour(iuoi ces
clioses-IA sont mauvaises; mais il me semblo que je n'ai
encorp rien vu de si beau m de si agréable. Je doute que
les anges peints que vous m'avez, montrés soient aussi
gentils que ces oies. Mon père, ne pourrions-nous pas en
mener une dans notre ermitage? Ce sera moi qui aurai
soin de la faire iiaître. »
Le père ne consentit pas; mais il reconnut que la
nature avait plus de force, par son instinct, que tous
les préceptes de l'éducation, et se repentit d'avoir mené
son fils à Florence
Or, c'est ce charmant conte de Boccace, tiré de l'his-
toire de 7iar/aa»î e< Jo.sn/j/fni de saint Jean Damascène,
conte que La Fontaine a mis plus tard en vers, qui
a fait, grâce à son titre, appeler les femmes les oies du
frcre Philippe, expression oubliée par M. Littré.
X
Seconde Question.
Quelle est l'étymologie du mot arte'sien, dans l'ex-
pression PUITS AiiTÉsiEN ? Ne pourrait-on pas dériver ce
mot de AiiTiJUE [conduit dans lequel s'élance le sang) ?
Le changement de r e» s est très-fréquent dans les
noms de même signification, tels que aduéreii, adhésion ;
GÉRANCE, GESTION, CtC.
Je crois que la qualification d'artésiens, donnée à des
puits forés, vient du nom de la province d'Artois, dont
les habilants étaient ainsi appelés ; et, pour corroborer
cette opinion, j'ai le passage suivant, emprunté à l'in-
génieur Garnier [Traité sur les puits artésiens, p. 30):
Les premières recherches sur les fontaines jaillissantes
paraissent avoir été entreprises dans l'étendue de terrain
que comprend le département du Pas-de-Calais, composé
de l'ancienne province d'Artois, du Boulonnais, du Calaisis,.
de l'Ardrésis et d'une très-petite portion de la Picardie. Au
moins, cette opinion est générale; et ce qui tendrait à la
confirmer, c'est la dénomination de imits ciiicsiens donnée
aux fontaines du même genre établies dans d'autres pays.
Il est vrai que l'on connaît, depuis plus d'un siècle, les eaux
jaillissantes de la basse Autriche, et les puits forés des
environs de Modène et de Bologne, ainsi que la fontaine
que Cassini a fait percer dans le fort Urbain, dont l'eau
s'élevait au-dessus du sol à une hauteur de quinze pieds.
Cependant, les procédés pour établir des fontaines jaillis-
santes, ne paraissent encore bien connus [en ISÎG] que dans
les contrées du nord de la France; et ce n'est que depuis
peu d'années qu'on a commencé à rechercher dans les
différentes parties du Royaume et dans quelques comtés
méridionaux de l'Angleterre, des eaux souterraines à l'aide
de la sonde du mineur ou du fontenier. La découverte de
ces fontames, dans l'Artois, provient sans doute de l'appro-
fondissement peu dilTicilo de quelques puits creusés dans
les environs de Déthune, et dans lesquels l'eau se sera
élevée jusqu'à la surface du sol
Du reste, appliqué à un puits, le mot artésien ne
peut dater que delà fin du xviii' siècle; car il ne se
trouve ni dans le dictionnaire de Furetière (1727), ni
dans celui de Trévoux (1771). Or, à cette époque, la
prononciation du mot artrre (lequel a toujours eu
deux ;■ depuis les commencements de la langue, si le
dictionnaire de Littré m'a bien renseigné) était assuré-
ment trop bien fixée pour qu'il ait été possible d'en
tirer l'adjectif artésien: ce mot ne peut venir que de
Artois prononcé Artais.
X
Troisième Question.
r a-t-il une di/férencc de sens entre il se plaint que
LE COURRIER DE VAUGELAS.
153
et u. SE PLALM DE CK OIE? Je cfois (juc plus d'un (jram-
mairien en a'imet 2ine.
Dans la langue française du moyen-âge, toutes les
fois qu'une préposilion devait être suivie d'un verbe à
un mode personnel, on y ajoutait ce que, fait mis en
évidence jiar les exemples que voici :
Sonent mil grails pur ce que plus Ijel seit.
(fih.Jt Roland. UCXVII)
Droit après ce que Rerte fu de Paris partie:
(Berte LX.)
Dès ce que l'enfant est né, il se delette à goûter le laict
de sa nourrice.
(Oresme, Elh. 39.)
L'autre dit que depuis ce qu'ils estoient coucliiés, il avoit
fait relever sa femme.
(^Ména;lier, I, p.- 1^7.)
Et parlèrent eul.t deux ensemble grant pieche, sans ce
qu'il y eust nulz de leurs gens qui les peust ouïr.
(Fénin, 14:6.)
Le connestable de France avant ce que on assaillist Ler-
gerac ni qu<3 nuls fussent blessés ni travaillés, envoya par-
lementer à ceux de la ville.
(Froissart, II, II. 7 )
II suffit donc, à ce que quelqu'un soit nostre prochain,
qu'il soit homme.
(Lanoue, 73.)
Dans la langue moderne, cette construction s'est
maintenue intacte pour la préposition .s?//-, qui devient
toujours sur ce que devant une forme verbale autre que
l'infinitif:
N'oubliez pas d'écrire un petit mot à La Troche sur ce
que son fils s'est distingué dans ce passage de rivière.
(Sevigné. Lettres, 3 juillet 1673.)
Elle fonde la réunion des deux pouvoirs entre les mains
du pape sur ce qu'il n'y a qu'une Église catholique et
apostolique, sur ce que l'amant du Cantique des cantiques
n'a qu'une colombe, etc.
(J. Bastide, Guer, de relig,, p. 120, note.)
•Mais il n'en a pas été de même pour les autres pré-
positions qui, dans l'origine, prenaient aussi ce que
après elles.
De bonne heure, ce disparut comj)lèlement de poiir
ce que, après ce que, dès ce que, depuis ce que, qui ont
été réduits ainsi à pour que, après que, dès que, etc..
comme dans la langue actuelle.
A ce que est devenu que avec certains verbes, au
nombre desquels figurent s'attendre et consentir:
,Ils ne s'uitendaient pas, lorsqu'ils me virent naître,
0"'un jour Domiiius dut me parler en maître.
(Racine, Britann. 111, S. 1
Nous conseillons que vous soyez le juge entre nous et
l'incrédulité.
(Massillon, Cnr.)
Quant à de ce que, placé dans les mêmes circons-
tances que « ce que. il s'est généralement rédiiit à que,
excepté pour quelques verbes, tels que les suivants,
après lesquels on peut encore, à volonté, mettre que
ou de ce que :
(S'indigner)
Apollon, disait-il, indisiip de ce que Jupiter par ses foudres
troublait le ciel dans les plus beaux jours, voulut s'en
venger sur les Cyclopes.
{Fénelon, 62.)
Je l'admirais moi-même, et mon cœur combattu,
S'indignait qu'an chrétien m'égalât en venu.
(Voltaire, Zaïre, IV, 5.)
(S'étonner
Vous faut-il étonner de ce gue je l'ignore?
(Corneille, Hor. III, j.)
Ne faut-il pas s'ëlonner au contraire
Qu'il en ait si longtemps différé le salaire?
(Racine, Eak. III, i.)
Se vanter
Quel objet a-t-il en toutcela [unjoueur de billard]? Celui
de se vanter demain entre ses amis de ce qu'il a mieux
joué qu'un autre.
(Pascal, Pmséts, IV, 2« édit Hayct.)
Que dites-vous de mes canons... Je puis me iY/n(er du
moins {«'ils ont un grand quartier de plus que ceux qu'on
fait.
(Molière, Prèc. 10.)
Or, comme la plus parfaite équivalence de sens existe,
de l'aveu de tous, entre s'indigner de ce que et s'indi-
gner que: entre s'étonner de ce que et s'étonner que, etc. ;
il me semble que, par analogie, il doit eu être de même
entre se plaindre de ce que et se plaindre que : la seule
différence qu'il y ait entre ces expressions, c'est que la
première veut l'indicatif après elle, tandis que la se-
conde y veut le subjonctif.
X
Quatrième Question.
Comment faut-il écrire le mot soii\E.iv formant une
espèce d'adjectif coinposé arec un participe passé,
comme, par exemple, dans nouveau >é, nouveau maeié?
Les grammairiens ne sont pas entièrement d'accord
à ce sujet : Giraut-Duvivier prétend que nouveau ne
peut, en aucun cas, s'employer dans un sens adver-
bial avec un substanlif féminin; Lave'aux pense de
même, mais il fait une exception pour une fille nouveau
née; enfin, d'après M. Litlré, nouveau doit varier
devant les participes pris substantivement, excepté
devant né, car on doit dire les noureau nés, une fille
nouveau née.
Voici la règle que je propose pour mettre fin à ce
litige :
Lorsque nouveau se trouve placé- entre un substanlif
et un partici]ie passé, il doit nécessairement rester in-
variable, quels que soient le genre et le nombre du subs-
tantif, attendu que. dans cette position, il ne peut avoir
que le sens de nouvellement, qu'il a. du reste, dans
d'autres cas encore. Ainsi, il faut dire :
Des vins nouveau percés.
De la farine nouveau pétrie.
Des enfants nouveau nés.
Une fille nouveau née.
parce que cela signifie : des vins qui ont été nouvelle-
ment percés ; de la farine qui a été nouvellement pétrie ; *
des enfants qui sont nouvellement nés; une fille qui est
nouvellement née.
Mais lorsqu'il n'y a pas de substantif avant nouveau,
le participe qui le suit se trouve pris substantivement.
456
LE COURRIER DE VAUGELAS.
et nouveau lui sert naturellement de qualificatif; aussi
doit-on dire et écrire :
J'ai vu les nouveaux mariés.
La nouvelle mariée est fort belle.
Les nouveaux convertis sont à l'église.
Les nouveaux nés demandeiil mille soins.
Cette règle, contre la logique de laquelle il me semble
difficile de réclamer, a pour conséquence que, devant
le même participe, le mot nouveau peut être tantôt va-
riable et tantôt invariable, selon ce qui le précède.
On doit dire avec nouveau invariable :
J'ai vu ries jeunes gens nouveau mariés;
et avec nouveau variable :
J'ai visité les nouveaux mariés.
X
Cinquième Question. •
Est-ce que le mot MiJonAiiON est bien employé dans
la phrase suivante, trouvée dans la Liberté, du 9 dé-
cembre \ 875 : «... difficultés qui se résolvent par une
MiJonATiON des frais, et, en dernière analyse^ par vne
diminution sur le revenu des fabriques » ?
Le mot majoration, qui ne se trouve pas dans le Dic-
tionnaire de l'Académie, vient du latin major, plus
grand, et se dit d'une évaluation à un trop haut prix
d'un objet faisant partie d'un apport.
C'est un terme de jurisprudence qui s'emploie par
euphémisme pour désigner une action frauduleuse,
ainsi que le prouvent les extraits suivants du Moniteur
universel du 29 mai 1867, page 643, col. 6 :
Je passe à un autre point, les apports.
Ah ! c'est encore là un grand moyen de fraude, que les
habiles ont largement exploité •. la fraude sur les apports,
les apports grossis démesurément, des mines sans valeur
apportées sur le marché comme des mines contenant des
trésors
Mais à côté de ces fraudes caractérisées, il y a des
industriels possesseurs d'usines ou d'immeubles, qui exagè-
rent la valeur de leur propriété et font ce qu'on appelle
dans un langage modéré une majoration, ce qui permet de
tripler, de quadrupler la chose que l'on possède et qu'on
apporte à des tiers comme un cadeau
Lorsqu'il s'agit d'une majoration qui double la valeur de
la chose, la triple, la quadruple, la loi n'interviendrait pas 1
Or, comme dans la phrase que vous me signalez le
mot majoration ne peut signifier autre chose qu'une
. simple idée d'augmentation, puisqu'il y est opposé
à diminution, je crois pouvoir en conclure qu'il n'y
est pas à sa place.
ÉTRANGER
Première Question.
Permettez-moi de vous demander, par la même occa-
sion, l'HymoliKjir du mot DEîiTELLE, et d'espArer que je
jjourrai bicnlôt In lire dans votre journal.
La dentelle n'ajiparut en France qu'au milieu du
xvie siècle; le portrait de Henri II, à Versailles, est le
premier où elle se soit montrée : le col est bordé d'une
petite dentelle bien simple et bien modeste.
Cet élégant tissu nous est venu d'Italie, du moins à
en juger par la citation suivante, que j'emprunte à
l'ouvrage de M. Joseph Séguin [la Dentelle), où elle
est en note, page 26 :
On lit, en effet, page 3? d'un manuscrit de cette date ;i549|
où sont énumérées les dépenses de la maison de Madame
Marguerite, sœur du roi :
« Pour soi.xante aulnes de fine dantelle de Florence pour
mettre à des collets. »
Dans l'origine, le bord de la dentelle présentait des
dents, ainsi que le montre, dans l'ouvrage que je viens
de nommer, une figure de passement (nom primitif de
la dentelle, parce que les passementiers avaient seuls
le droit d'en fabriquer), d'après l'une des œuvres du
Vénitien Vinciolo, imprimée à Pans en 1587.
Or, comme les Italiens se servaient du mot dentello
pour désigner l'ornement en forme de dents qui se
trouve sous une corniche, il est probable que, vu l'ana-
logie d'aspect entre cet ornement et le bord de la
denlelle, ils auront appelé celui-ci dentello, qui veut
dire dentelure; que ce nom aura passé au tissu tout
entier, et que de dentello, dans ce second sens, nous
aurons fait dentelle (féminin à cause de la termi-
naison) comme de filuyello et de ritornello nous avons
fait plosclle et ritournelle.
Il ne me semble pas possible que dentelle vienne de
denticulus, diminutif du latin dens, comme le dit
M. Littré. En elTet, s'il en était ainsi, dentelle aurait
la signification de petite dent, ce qu'il n'a jamais
voulu dire ; tandis qu'en le dérivant de dentello,
terme d'architeclure en italien, il signifie une série de
dents, sens qui, dans le principe, a été, comme je l'ai
fait voir, parfaitement applicable à la dentelle.
X
Seconde Question.
Quelle est l'origine de l'expression uomme de sac et
DE corde, dont mon' dictionnaire ne donne que le sens,
celui de « mauvais garnement » ?
Sous le règne de Charles VI (1380- 1422), qui fut
marqué par plusieurs séditions populaires, les agents
de l'autorité s'emparaient secrètement des principaux
factieux, les enfermaient dans des sacs liés par le haut
avec vne corde, et les allaient précipiter dans la Seine,
pendant la nuit, sous le Pont-au-Change, ou bien hors
de la ville, au-dessus des Célestins, devant la tour de
Billy.
Telle serait, dit-on, l'origine de l'expression homme
de sac et de corde, pour désigner un scélérat".
Je ne puis partager entièrement cet avis.
Certainement, le supplice en question a existé, car
on trouve ce qui suit dans Sainte-Foix (^Essais sur Paris,
m» vol. p. 284, ri" édit.) :
Il [le connétable d'Armagnac] instruisit le Roi de ces
choses qu'on laisse ignorer à un mari. Louis de Bourbon,
LE COURRIER DE VAUGELAS.
157
homme aimable, téméraire et fort à la mode chez la Rpine,
fut arrêté, mis à la question, ensuite cousu dans un sac et
jette dans la Seine.
Mais, quoi qu'il en soit, attendu que la corde ne
jouait là qu'un rôle très-secondaire (souvent le sac était
cousu et non lié, comme le montre la citation précé-
dente), il me semble que la noyade en sac na pu donner
lieu qu'à hommede .sac, et que le reite de l'expression,
et de corde, vient d'une allusion à un autre supplice,
celui de la potence, où le rôle principal était joué par
la corde.
Dans son Nouveau divlionnuire espaf/iio/-fr(nirais
(1853), Blanc donne à l'expression proverbiale en
question la forme de Itonmie à sac et à corde. C'est une
faute, car ain.si construite, celte expression signifie,
non- pas homme digne du sac et de la corde, mais
homme ayant un sac et une corde, ce qui est bien
durèrent.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
1° ... fil en interrompant (voir Courrier de Vaiigehs, 5- année,
p. 51, 153 et 186); — 2» . . . qui ressemblait, paralt-il, on
ne peut plus à feu Tantale (voir Courrier de Vaugelas, l" année,
n» 3, p. 3); — 3° ... que nous avons vue flamboyer (l'épée
flamboyait) ; — 4° ... et je les avais bravement mises (on ne peut
endosser des guêtres); — 5° ... Les cinq premières livraisons de
l'Histoire de France illustrée de Michelel viennent de paraître
(Voir Courrier de Vaugelas, \" année, n» 1, p. 2) ; — 6"
s'étaient en effet imaginé que leur non-comparution devant ;
7" ... Une infinité de pierres précieuses brillent sur le corsage;
— 8° ... douloureusement affectée que (voir Courrier de Vau-
gelas, 6« année, p. 130); — 9° ... elles espéraient... et, à cet
effet, elles ne négligeaient rieir.
Phrases à, corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
!• Partout, en province, des réunions s'organisent dans
le but d'étudier la question des candidatures,; mais il reste
beaucoup à faire.
2° Cet omnibus, observe M. Prudhomme, devant qui on
racontait le fait, est l'image du pays. L'Assemblée n'est
plus là pour guider le char de l'Etat..., et le char de l'Etat
roule tout de même.
3° Donc Mme B..., marchande ambulante, demeurant rue
des Jardins-Saint-Paul, 27, avait très-froid. Sous préte.xte
de se réchauffer, elle passa la journée du dimanche à boire
petits verres sur petits verres.
i' Elle lui parlait avec une aisance si dégagée, si voisine
de l'indifférence, qu'elle ne laissait pas que de m'étonner.
5' Je ne ferai aucune difficulté pour reconnaître que, en
ce qui s'agissait des avantages extérieurs, lefilateur n'était
ni mieux ni plus mal partagé que les autres infortunés de
notre catégorie.
C" Ce qu'il avait de plus remarquable, c'étaient des lèvres
épaisses et lippues ; elles donnaient à l'ensemble de sa
physionomie un caractère de bonhomie qui n'était point
démenti par son regard extra-placide.
^° Qui ne s'est étonné parfois des gauches efforts que
font les hommes pour ôter leur gant avant de donner une
poignée de main à une femme, à seule fin, semb!e-t-il,
de substituer la chaleur de la main â la froideur du gant?
8' Un des géographes les plus dignes de foi qu'il y ait
eus, Strabon, dit que chez les Ibériens du nord de l'Espagne,
les femmes, après la naissance d'un enfant, soignent leurs
maris, les faisant mettre au lit au lieu de s'y mettre elles-
mêmes.
'Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU XVII" SIÈCLE.
Marguerite BUFFET.
[Suite.)
Il n'y a rien tel et // n'y a rien de tel sont bons tous
deux; mais le premier se dit dans la conversation et le
second en écrivant.
Comme quoy esl nouveau et bien reçu pour dire
comment, qui esl encore bon (IGOS^.
Bestail et bestial sont bons, mais bestial est le meil-
leur et le plus dou.x.
En parlant des auteurs qui ont écrit, plusieurs disent
che::, Aristoie, chez Coefeteau ; il faut dire dans Aris-
tote, dans Coefeteau.
Beaucoup foui usage de bailler, qui est très-rude ; il
n'est bon qu'en pratique; il faut dire donner.
Ne dites pas comme certains recei-ez mes obéissances,
mais bien mon obéissance.
On dit encore c'est mon coriral; ce mot esl si bar-
bare qu'il ne se, peut souffrir; il faut dire rival pour le
masculin, et rivale pour le féminin.
D'après l'usage, on doit dire peu s'en est fallu et non
peu s'en est fcdly.
On peut dire cupidité ou convoitise, l'un et l'autre
sont bons.
Au lieu de il est incliné à cela, de bons auteurs ont
écrit encline, el l'on doit les suivre.
11 ne faut pas dire les personnes dont Je viens, mais
bien d' oit je viens.
Parce que est d'un plus beau style que pour ce que.
\e dites pas tant plus il en a, tant plus il en retit
avoir; cette expression est fort barbare et très-éloignée
du beau style; il faut dire plus il en a, plus il en
souhaite.
Il veut ambitionner cet honneur est une manière de
parler qui n'est plus reçue ;i668^:; il h\x\.ù\T& il souhaite
ou il désire cet honneur.
Si par hasard ou par aventure sont des expressions
si anciennes qu'elles ne se disent plus que chez le petit
peuple.
Notamment ne vaut rien ; il faut dire principalement.
L'expression il se vante de ses proiiesses esl du vieux
style ; on ne se sert plus de ces mots dans le bel
tisage.
Esclavage et esclavitude sont tous deux bien reçus.
(oS
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Quand on fait un récit, il ne faut pas dire au surplus;
il faut employer cm reste.
Au demeurant est un mot ancien dont on ne se sert
plus que chez les mauvais praticiens.
Il y a des gens qui disent // a clé accueilli) de beau-
coup de mal ; mais c'est un très-mauvais emploi de
accueilli/; on n'en peut faire usage que dans une
phrase comme celle-ci : il a été accueillij de ses bons
amis: a
Ne pas confondre tempérament avec température ; le
premier se dit des personnes, et l'autre de l'air.
Songer est plus en usage qae, penser.
Recouvert pour participe de recouvrer est bon, parce
que l'usage l'a introduit.
Il y a une foule de provinciaux qui disent cet homme
eH riche comme tout ; cette manière de parler est très-
ridicule et très-barbare; il faut dire beaucoup ^ovl gran-
dement riche.
Dans plusieurs endroits, on emploie le singulier pour
le pluriel; par exemple, on dit la grandeur, la richesse
ne peut rien sur son esprit; mais c'est mal, il faut
dire ne peuvent rien.
Mainte fois est un mot ancien et hors du bel usage;
il faut dire à sa p]ace plusieurs fois.
D'un homme qui a du zèle, on dit mieux qu'il 'ou-
droit se sacrifier pour vostre service, que s'immoler.
A la Cour on dit je vas, et on dit au Palais je vais;
l'un et l'autre sont bons.
Longuement ne se dit plus-, il faut dire longtemps.
Orthographier est mieux reçu de tous les gens de
lettres qu'orthographer.
Devers quelqu'un pour vers quelqu'un ne vaut rien.
Ne pas dire j'ai une grande vénération pour cette
personne, expression dont on ne se sert plus guère ; il
faut dire un grand respect.
Trouver et treurer, prouver et preuver sonl fort
bons et tous doux en usage (1668).
Une souveraineté absolui' n'esl pas bien reçu, il faut
dire une souveraine puissance.
Beaucoup disent l'héros; il faut dire le her^s.
Il faut dire matineux, mntineuse, et non matinal,
matinale; ainsi le veut la pureté de la langue.
En suite de quoi/, en suite de ce, ainsi que tout en-
tièrement liassent jiour ridicules, et sentent le pro-
vincial.
Précipitamment csl mclWcur que precipitément, qui
cependant est bon ; mais le premier est plus doux.
On entend dire cet homme abonde en son sentiment,
ce qui ne vaut rien ; il faut dire en son sens.
Vomir injure, vomir des blasphèmes sont des expres-
sions bien reçues, quoiqu'elles ne semblent pas fort
agréables.
Au lieu de peu s'en faut que, il faut dire ;/ s'en faut
peu que.
Le subjonctif voise pour que j'aille est encore assez
ordinaire parmi la bourgeoisie, mais il est très-bar-
))are ; au lieu de il faut que je voise en tel endroit, il
faut dire que /cille.
Ne pas dire non plus il est si bien ajuste, il est si
bien fait, pour dire ('/ est fort ajusté, il est bien fait.
Les expressions je .«m/s tout de feu, ou tout remply
de z-ele pour sont très-bonnes et du bel usage.
// a fait un cadeau et // a régalé ces personnes sont
deux bonnes expressions.
Honorez moij de vos lettres, honorez- moij d'une vi-
site, façons de parler qui ne sont plus en usage parmi
les personnes de qualité.
Les provinciaux emploient cajoleur pour signifier un
homme fort galant; mais ce terme ne vaut rien, il faut
dire civile, galant, qui sont des termes plus doux et
mieux reçus (1668).
C'est un railleur vaut mieux que c'est nn moqueur.
On peut dire d'un lieu qu'il est fort étendu ou spa- ■
deux; lès depx sont bons.
Bien des gens disent on exaucera vostre prière, vostre
demande; cela ne vaut rien, il faut dire accordera;
pour Dieu seul on dit exaucer.
Ne pas dire cela vous sera nuisible; il faut dire vous
sera contraire; nuisible est ridicule.
En parlant d'un endroit où l'on veut aller, il ne faut
pas dire nous y allons tretous; ce mot est ridicule, il
faut dire tous.
Ceux qui disent des cocombres parlent mieux que
ceux qui disent des concombres.
Quand on demande à quelqu'un s'il ira dans un cer-
tain endroit, il répond souvent nanny; c'est un terme
vieux et barbare; il faut dire non.
Encore un fort « méchant « mot, qui est en usage
parmi les gens de province, c'est itou, pour aussi ; ne
dites pas et moy itou, mais bien et moy aussi.
Reaucoup disent une ormoire quand il faut dire
une armoire.
11 ne faut dire ni tomber es mains, ni tomber aux
mains de quelqu'un; il faut dire entre les mains.
Ne dites pas je veux luy complaire, qui est du « vieil »
style, il faut dire je veux luy plaire.
On ne se sert plus de faire pièce à quelqu'un, qui
est une vieille manière de parler (^668).
En parlant de quelqu'un qui est propre, il faut dire
sa pro/ireté est grande, et non sa propriété, qui n'est
bien qu'en pratique et chez les procureurs.
Je ne vois personne si heureux ou si heureuse que
vous n'est pas bon ; il faut Aire, point d'homme si heu-
reux, ou point de femme si heureuse, selon les per-
sonnes à qui l'on parle.
Beaucoup de gens disent, sans penser faire de faute,
je voy tout mon voisiné, pour tout mon voisinage.
Ceux qui veulent bien i)arler doivent éviter de com-
mencer un discours par de façon que, de manière que,
de sorte que, expressions très-ridicules entre ceux qui
parlent correctement.
Au lieu de dire il esloil bien en vouloir de faire cette,
affaire, il faut dire bien en volonté.
[La suite au prochain numéro.)
Le Rédactedu-Gkium : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
I5i)
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
La Trésorière. Jarny l'ermite. Les Conseils de
révision. Les Réfractaires ; par Amédée Achard. In-18
Jésus, 319 p. Paris, lib. Nouvelle. 3 fr. 50.
Pied- Léger, ou Aventures d'un jeune montagnard;
par Mme Gabriellé d'Arvor. In-18 jésus, 352 p. Paris,
lib. Tolra.
L'Admirable Don Quichotte de la Manche ; par
Michel Cervantes. Traduction nouvelle par M. Damas-
Hinard , traducteur du Romancero espagnol. 2 vol. in-18
Jésus, x.\.\i-10C/( p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 7 fr.
Lettres de mon moulin, impressions et souvenirs;
par Alphonse Baudet. S" édition. In-18 jésus. 306 p. Paris,
11b. Hetzel et Cie. 3 fr.
Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans
la seconde moitié du XIX" siècle; par Maxime Du
Camp. 3« édit., T. 5 et 6. In-8°, lOli p. Paris, lib. Hachette
et Cie. Chaque vol. 7 fr. 50.
Les Animaux articulés, les poissons et les reptiles ;
par Louis Figuier. Ouvrage accompagné de 222 gravures
dessinées par A. Mesnel.A. de Neuville et E. Riou. 3* édit.
Ili-8°, 482 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 10 fr.
L'Ane mort et la Femme guillotinée; par Jules
Janin. Edition conforme au texte original et précédée de
l'autobiographie de l'auteur. In-18 jésus, lviii-222 p. et
1 gr. à l'eau-forte. Paris, lib. des Bibliophiles. 3 fr. 50.
Contes et Nouvelles de La Fontaine. Nouvelle édi-
tion, revue avec soin et accouipagnée de notes explica-
tives. In-18 jésus, vui-il9 p. et grav. Paris, lib. Garnier
frères.
Histoire de Napoléon V ; par P. Lanfrey. 8» édition.
T. 2. In-18 jésus, 515 p^ Paris, lib. Charpentier et Cie.
3 fr. 50.
La Confession d'un enfant du siècle ; par Alfred de
Musset. Avec un portrait de l'auteur, dessiné à la sanguine
par Eugène Lami, fac-similé par M. Legenisel. ln-32,
i73 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. U fr.
Journal et Correspondance d'André-Marie Ampère
(de 1793 à, 1805) ; recueillis par Mme H. C. G" édition.
In-18 jésus, 372 p. Paris, lib. HeUel et Çie. 3 fr.
Alice, ou les Mystères; par Sir Edward Bulwer
Lytton. Roman traduit de l'anglais. In- 18 jésus. /t58 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 1 fr. 25.
Un mois en Italie. Gênes, Bologne, Florence, Pise,
Rome, Naples, Venise, Milan, Turin et le Mont-
Cenis; par F. Chou, ancien professeur d'histoire à la
faculté des sciences de Lille. In-18 jésus, 521 p. Lille,
lib. Danel.
Etude historique sur la nationalité française et
les causes de son état social, avec les principales
inventions et découvertes de l'esprit humain jusqu'en
1800; par Mlle Delpech. institutrice. Gr. in-16, 263 p.
Paris, lib. Bonhoure et Cie ; Sandoz et Fishbacher.
"Virginie Déjazet, 1797-1875 ; par Georges Duval. Avec
une eau forte de M. Gonzague Privât. Nouvelle édition.
In-18 jésus, 225 p. Paris, lib. Tresse. 3 fr. oO.
Cours complet de langue française (théorie et
exercices) ; par M. Guérard, directeur des études à Sainte-
Barbe. !■'<' partie. Grammaire élémentaire d'après Lho-
mond. Nouvelle édition. In-12, 129 p. Paris, lib. Delagrave.
Poésies d'A. Lacaussade. Les Epaves. Le Poète et la
■Vie. Les Anacréontiques. Etudes poétiques. Les Au-
tomnales. Poèmes nationaux. In-8", 269 p. lib. Lemerre.
3fr.
Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et
ses aventures, d'après ses papiers et sa correspondance;
par Henry de LaMadelène. Nouvelle édition, accompagnée
d'une préface et d'un appendice inédits. In-18 jésas, vii-
326 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
L'Auberge du monde. La marquise de la Lucilière;
par Hector Malot. In-18 jésus, 426 p. Paris, lib. Dentu.
3fr.
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ditions ET LES COUTUMES. — F'ar M\x MiiLLER, assoclé
étranger de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres,
professeur à l'Université d'Oxford. — Ouvrage traduit de
l'anglais avec l'autorisation de l'auteur par Georges Perrot
maître de conférences à l'Ecole normale. — Deuxième
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libraires-éditeurs, 35, quai des Augustins. — Prix : 4 fr.
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CATALOGUE DESCRIPTIF ET RAISONNE
Manuscrits de la Bibliothèque de Tours.
Par M. X. DORANGE, Conservateur.
Gros in-quarto à 2 colonnes de 583 pages.
Cet ouvrage, qui a coûté dix ans de travail à son auteur, a été apprécié comme il suit par M. Léopold Delisle,
administrateur de la Bibliothèque nationale {Journal officiel du 29 juin 1875) :
» La ville de Tours possède une des plus riches collections de manuscrits qui existent en France. La description
qu'en donne M. Dorange, dans son Catalogue de.scriptif et raisonné de la dibliothéque de Tours, rendra de réels
services à la science. C'est dans cette collection que M. Luzarche a découvert le drame d'Adam, et que M. Thurot a
trouvé un manuscrit qui a notablement amélioré le texte des lettres familières de CiC('-ron. Le travail de M. Dorange
permettra de faire encore plus d'une découverte intéressante. La municipalité de Tours, qui a fait les frais du
Catalogue, mérite aussi la reconnaissance des savants. »
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
Dans le quartier du nouvel Opéra. — Une dame
pleine de distinction et très-instruite reçoit de jeunes
étrangères pour compléter leurs études en langue fran-
çaise. — Excellentes, leçons de piano.
Avenue de la Grande Armée (prés de l'Arc de
triomphe de l'Etoile). — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très-bel appartement.
(Lès adresses sont données au Bureau du Journal.)
A Passy (près du Hanelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pensionùaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Au centre de Paris. — Un pasteur recevrait volon-
tiers comme pensionnaires trois ou quatre jeunes filles,
qui trouveraient dans sa maison la vie de famille et, au
besoin, des leçons.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Société d'émulation de Cambrai. Extrait du programme des questions mises au concours pour 1876. Poésie. Le sujet
et l'étendue de la pièce destinée à le traiter, sont laissés au choix des concurrents. — Une lyre d'argent ou une
médaille dont la nature et la valeur sont subordonnées au mérite de l'ouvrage, sont affectées également à ce con-
cours. — Les travaux et mémoires inédits et n'ayant jamais figuré dans aucun concours seront seuls admis. Ils porte-
ront une épigraphe répétée sur un pli cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur, et devront être adressés,
franco, avant le !•■•■ Juin I81(i au Président ou au Secrétaire général de la Société. — Les œuvres non couronnées ne
sont pas rendues, et les plis cachetés qui les accompagnent sont brûlés en séance.
Société florimo.ntane d'Annecy. — Concours de 1876. — Poésie : Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux
concurrents. — Le nombre minimum des vers est fixé à cent. — Les travaux seront composés en langue française.
— Les auteurs devront déclarer par écrit que ces travaux sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
— Les auteurs qui se feraient connaître seraient exclus. — Lhs envois porteront une épigraphe qui sera répétée à
l'intérieur d'un billet cacheté indiquant le nom et le domicile de l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux
archives de la Société, les auteurs pourront en prendre copie.
La Société académique de Saint-Quentin propose des médailles d'or pour les sujets suivants, rais au concours pour
l'année 1876 : Poésie. — Sujet laissé au choix des concurrents. Cantates. — Sujet également laissé au choix des
concurrents. Les pièces envoyées au concours devront remplir les conditions exigées par le Conservatoire national
de musique pour le prix de iiome, c'est-à-dire être à personnages (une voix de femme et deux voix d'homme), et
contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un trio final. — La Cantate de 1876 servira de texte pour le
concours de musique qui aura lieu en 1877. Littérature. — 1" question : « Etude sur la poésie contemporaine. » —
2" question : « Des moyens de développer le goût de l'étude dans toutes les conditions sociales. »
Le rédaclenr du Courrier de Vaugelas e.sl visible à son bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUPELEY à Nogent-le-Rotrou.
6" Année
N" 21.
1" Mars 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
^«
>^V \ \>-^ Jourîial Semi-3Iensuel ^O/
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Pavalaiant le 1** et le 15 de chaque moU
'%
(Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à celte publicalio n.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROPESSEDB SPÉCIAL POUR LES ETRANGERS
Officier <l'A(dJémie
2G, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
SO.M MAIRE.
Communications sur Prannel, Sautoir et Fou, signifiant quantité
considérable, — Jusiificalion de la construction // n'ij a pas
que; — Si le mol Admonestation est français. || Elymologie
de Quiproquo; — Explication de l'expression Comme quoi ; —
Si Majoration est un terme bien français. || Passe-temps
grammatical || Suite de la biographie de Marguerite Buffet. ||
Ouvrages d» grammaire et de littérature. || Familles pari-
siennes pour la conversation . Il Concours lilttéraires.
FRANCE
COM.MU.NIGATIONS. '
I.
A la dale du 17 janvier, un abonné d'.\Igérie m'a
adressé une lettre dont je m'empresse de mettre la der-
nière partie sous les yeux de mes lecteurs, comme
relative à la question du mot prannel, traitée dans
un numéro de cette sixième année :
Et) outre, au sujet du « prannel » dont vous avez parlé
au numéro 0 du journal de cette année, veuillez me per-
mettre, Monsieur le Rédacteur, de vous faire la remarque
suivante :
Dans le patoi.s de Monlliureux-sur-Saùne (Vosges), mon
pays natal, je me rappelle que prannel ou pranné {car dins
les mots terminés par cl, ces deux lettres se prononcent
c; exemples : cliépo = chapel = chapeau ; bé = bel =
beau, etc.), prannel, dis-je, désigne une espèce de grille en
bois s'élevant â la moitié de la hauteur de la porte, et
défendant à la volsilln l'entrée do la maison.
Conséquemment, le prannel dont voiis avez entretenu
vos lecteurs ne serait-il pas une sorte de grille s'étendant,
comme un garde-fou, du haut en bas de l'escalier qui con-
dtiisait à la chambre de Jeanne d'Arc?
Je vous livre, .Monsieur le Rédacteur, cette observation
pour ce quelle vaut, et vous prie de vouloir bien agréer
les respects de
G. RoLi.i.N,
Instituteur à Hennaya, prov. d'Oran, Algérie.
Pour répondre à celle question, il faudrait en quelque
sorte connaître l'histoire de l'escalier qui conduisait à
la chambre de Jeanne d'Arc. A-t-il jamais eu une espèce
de grille pour servir de garde-fou? Sa disposition eût-
elle permis d'en établir une? Cela fut-il jamais chose
nécessaire ? Tant que je n'aurai pas ces renseignements,
que je ne pourrais guère me procurer qu'en allant sur
les lieux, il me sera impossible de décider si le prannel
vosgien et ]e prannel rouennais sont termes synonymes.
II.
Le 5 février, j'ai reçu la lettre suivante à propos de
l'étymologiede sautoir que, dans mon dernier numéro,
je déclarais n'avoir pu trouver :
Monsieur,
Le sautoir, meuble héraldique, est, comme toutes les
pièces honorables du blason, un emprunt fait aux mœurs
chevaleresques; c'est une des pièces de charpente de la
barrière qui entourait la lice du tournoi : en effet, dans
la construction de cette enceinte, nous retrouvons une
série complète des meubles les plus simples et les plus
usités de l'écu : le pal, la bande, la barre, la fasce, les ju-
melles, les cotices, la devise, le chevron, la croix, le sau-
toir enfin, etc., etc., dénominations usitées encore de nos
jours dans le vocabulaire du charpentier.
Il est facile, dans le croquis d'une barrière, de retrouver
toutes ces dispositions, dont le pal est le générateur.
,Ici un dessin que, malheureusement, je ne puis repro-
duire.]
D'où les adjectifs (pour indiquer les partitions de l'écu
dérivées de ces. figiu"es) paie, bandé, barré, fascé, che-
vronné, etc.
Pardonnez-moi le gribouillage ci-dessus, qui, quelque
imparfait qu'il soit, suffira pour illustrer la théorie que j'ai
développée succinctement, et que j'ai lieu de croire bien
fondée : vous la trouverez d'ailleurs exposée dans les plus
anciens et les plus accrédités adeptes de l'art héraldique.
Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération dis-
tinguée.
Georges Garnieb.
■Bayeux, 4 février 1876.
Grâce au savant .M. Georges Garnier, à qui je m'em-
presse d'adresser mes bien sincères remerciements, on
connaîtra dorénavant l'objet dont l'image se retrouve
dans le sautoir héraldique ; c'était, et c'est encore, dans
l'art du charpentier, la croix formée par deux pièces
de bois posées diagonalement dans un rectangle repo-
saiit sur l'un de ses petits côtés.
462
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Mais si la question clc l'étymologie de Miutoir a fait
un pas, elle est bien loin encore d'être entièrement
résolue; car il reste à savoir maintenant d'où vient
sautoir, terme de charpenterie, ce qui ne me parait
nullement facile à découvrir.
III.
Voici eâfin une lettre ayant trait à mon explication
de l'adjectif /"oM, appliqué à une somme d'argent ou à
une grande quantité de personnes :
Roanne, le 6 février 1876.
Monsieur,
Veuillez me permettre d'élever quelque doute sur le
bien fondé de l'étymologie que, dans votre Courrier du
15 janvier, vous donnez au mot fou, employé dans le sens
de quantité considérable.
Je me suis un peu occupé d'étymologies autrefois, et
j'ai conservé de mes très-humbles recherches quelques
notes où je puise ce qui suit :
L'expression italienne a pressa folla, à foule pressée,
était très-usitée il y a deux ou trois siècles, aussi bien que
a folla ou in folla, qui a subsisté. On sait qu'au temps des
reines de France de la maison de Mêdicis, un grand
nombre de mots, de locutions, de proverbes italiens s'in-
troduisirent dans le langage des gens de -Cour. Il était
même de bon ton d'entre-mèler le parler français de
paroles italiennes; les moins courtisans se contentaient de
franciser tels mots italiens par la suppression des voyelles
finales. Quelques-uns de ces barbarismes courtisanesques
ont fini par prendre pied dans notre langue, non sans
éprouver d'étranges modifications. L'adjectif de quantité
fou (un monde fou, des sommes folles) vient de l'italien
folla. que les Français traduisirent par fol ou folle suivant
le genre. On aura commencé par dire une presse folle,
pour traduction libre de pressa folla; traduction que facili-
tait alors le sens du mot presse, plus usité dans ce temps-
là que foule et multitude; puis, on aura dit un monde fol,
des sommes folles, par extension.
Je livre mon étymologie à votre indulgence, Monsieur,
et je vous prie de vouloir bien agréer l'expression de ma
haute considération.
P.
En remerciant l'auteur de cette communication, je
puis lui donner l'assurance que si j'avais connu plus
tôt son étymologie, je n'aurais pas hésité un instant à
la proposer à la place de la mienne.
X
Première Question.
Je vous serais très-obliyé de me faire connaître rotre
opinion sur l'expression me... pas «ce..., qiialiliéc de
barbarisme pur M. Desclianel dans un article que repro-
duit le Dictionnaire de Litlrc à litre de saine doclritie
grammaticale [Hem. \, p. 1513).
Dans une Revue de quinzaine [Journal des Débats du
23 août 18G0), .M. Emile Desclianel termine ainsi l'ap-
préciation d'un ouvrage de M. Charles Nisard, intitulé
les Gladiateurs dr la liépublique des Lettres :
Enfin, j'ai dit et je ne m'en dédis pas, que ces deux vo-
lumes sont écrits avec soin et même avec recherche. On
y pourrait cependant noter çà et là quelques incorrections
DU inadvertances.
Tome 1" page 305 : € A Kome, il n'y aiail pas que des
esclaves (lui fissent le métier de gladiateurs. » — C'est là,
dans le sens où l'emploie M. Charles .Nisard, une construc-
tion horriblement harbare, quoi(|ue fort usitée aujourd'hui.
On n'en trouverait pas un seul exemple dans toute la litté-
rature française avant la fin du dix-huitième siècle. Le
plus ancien que j'aie rencontré est de Maurice Dupin,
petit-fils du maréchal de Saxe et père de Mme Sand. C'est
dans une lettre qu'il écrit à sa mère en 1798. Je ne con-
nais avant cette date aucun exemple de pareille faute
dans les écrivains français. Grammaticalement, en effet, et
logiquement, si cette construction signifiait quelque chose,
elle signifierait précisément le contraire de ce qu'on veut
lui faire dire quand on l'emploie aujourd'hui. Je n'en veux
pour preuve que ce vers du vieil Horace dans Corneille :
Ils ont vu Rome libre autant qu'ils ont vécu.
Et ne l'auront point vue obéir qu'k son prince.
C'est-à-dire: « Etne l'auront point vue obéir, s/ re «'es/ à son
prince, Ni d'un état voisin devenir la province. » Tel est le
sens français et correct de cette tournure, quoique aujour-
d'hui un grand nombre de personnes, et même d'écrivains
l'emploient fréquemment dans le sens opposé. Pour eux,
ce vers de Corneille voudrait dire : « Et ne l'auront point
vue obéir seulement à son prince. » C'est justement tout le
contraire.
Et voie.i d'où vient la confusion. Ils s'imaginent, faute
d'avoir retléchi, que cette tournure il n'y a pas que est
l'opposé de il n'y a que, tandis qu'au fond, soit grammati-
calement, soit logiquement, ces deux tournures n'en sont
qu'une, témoin le vers de Corneille. En effet, en ajoutant
simplement le mot pas à la tournure il n'y a que, on croit
ajouter une seconde négation à la première, ce qui serait
indispensable pour que l'un signifiât le contraire de l'autre;
mais en réalité, on n'y ajoute rien du tout, si ce n'est le
mot pas, purement explétif, qui, soit qu'on le mette ou
qu'on l'omette, fait partie virtuellement de la première
négation, et ne saurait à lui tout seul en constituer une
seconde. Je tout seul, ou ne pas à volonté, n'est qu'une
seule et même négation. Corneille a bien dit ce qu'il
voulait dire; mais les auteurs d'à présent se servant de la
même tournure pour dire le contraire, font un barbarisme
de phrase et au fond un non-sens. Ce qui n'empêche pas,
je le répète, que cette tournure ne soft! tout-à-fait usitée
aujourd'hui, mais bien à tort, et depuis 1798 seulement.
Je regrette d'avoir à le dire, mais cette doctrine, que
M. Litlré partage complètement et en vertu de laquelle
il déclare que il n'y a pas cjue lui cjui ait fait cela, est
une construction vicieuse, cette doctrine, dis-je, me
parait constituer une grave erreur, ainsi que je vais
essayer de vous le démontrer.
Au XVI" siècle, pour ne pas remonter plus haut, et
même jusqu'au delà de la première moitié du xvn% la
construction des négatives pas cl point était bien diffé-
rente de ce qu'elle est aujourd'hui. Ainsi
1" Dans le second membre d'une comparaison d'in-
fériorité et après un superlatif, on melluit pas ou point ,
comme le font voir ces exemples :
Piqué contre Alaric plus qu'il »'est pas croyable.
(D'frfé, A.ilrée, I, 2.)
S'il était autrement situé au respect de l'œil qu'il «'est
pas.
(Descartes, t'Ilomme.)
La négociation de la reine mère avec le roi de Navarre
dans la ville de iNérac OlMta plus longtemps qu'elle «avoit
pas cru.
(Xlezeray. Abr. dp riJist. de Fr. année 15^9.)
Je lui fis feste d'avoir la meilleure robe qu'il avoit point
vue.
(Marguerite, A'oHr. IV.)
Cela émeut une crierie et un tumulte le plus grand qui
euet encore point esté sur la place.
(Amyot, Com. 72,}
2" Les mots négatifs personne, aucun, rien, nul.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
^63
(jui-re. etc. se faisaient très-bien précéder de ne... [xm,
ne... point, ce dont les preuves abondent:
Tarquinus respondit fièrement qu'il ne vouloit point que
pccsojiiie fust son juge. . „ , „ .
'^ (Amyot, Pu'/. 34 )
Nous lie mettons point aucune vertu aux créatures.
(CalTin. Ijislit. io35.)
Ceulx- qui naissent roys ne sont pas communément gu&-es
meilleurs. ^, . . ,„ ,, ,
(Montaigne, IV, 367.)
Là, ne vous troublez point. Répondez à votre aise.
On ne veut pns rien faire ici qui vous déplaise.
(Racine, Plaideur';, J[, 5.)
3" Enfin ne... pas et ne... point se construisaient
généralement avec que après eux, dans le sens restrictif
de seulement : voici de quoi persuader à cet égard :
.Vous ne reprouvons point le vœu de s'abstenir de ma-
riase oue pour ces deux causes.
. (Calïin, Tiist. 888.)
Et que le mal qui en pourroit venir
ye pourroit pas tumber que sur la teste
. Du mal parlant, qui trop se montra beste.
(Marot, I, 356 !
Je ne trouve point d'argent qu'à la pointe de l'épée, de
petits créanciers dont je suis encore étranglée, etc.
(Sèvigné, Lettre du 2 août 16S9.)
Ils ont vu Rome libre autant qu'ils ont vécu,
Et ne l'auront poifi< vue obéir qu'k son prince.
(CorneUle, Horace, III. 6 )
A partir de la seconde moitié du xvii^ siècle, on sup-
prima/)fls et ^;ô(»< dans toutes les expressions analo-
gues aux précédentes. Vaugelas avait déclaré cette
suppression nécessaire, et l'on se rappelle ces vers des
Femmes savantes, qui veulent chasser .Martine parce
qu'elle avait employé pas en compagnie de rien :
De pas avec rien tu fais la récidive ;
Et c'est, comme on t'a dit, trop d'One négative.
Tous les grammairiens du xviir' siècle et du nôtre
ont adopté cette règle, qui, depuis, a toujours été rigou-
reusement appliquée par les bons écrivains.
Pas elpoint ayantainsi disparu à tout jamais dans la
troisième catégorie d'exemples que j'ai indiqués {que
mis après «e... /)«.<, 7ie... point comme aussi dans les
autres, il s'en est suivi que l'expression ne... que nous
est restée dans le sens de seulement.
Or, on intercale \.ves-hien pas cl point dans les expres-
sions abrégées tte... personne, ne... rieri, ne... r/uère, etc.
pour faire des répliques contradictoires :
Vous n'avez vu personne alors? — Je «ai pas \u per-
.•ionne, puisque j'ai rencontré M. un tel.
Ainsi, brave chasseur, vous n'avez rien tué'? — Je n'ai
pas rien tué, puisque je rapporte un perdreau.
Je crois qu'il n'a aucun talent?— Non, non, il »'a pas
aucun talent, tant s'en faut.
Pourquoi ne serait-il pas également permis de les
intercaler dans ne... que, expression de même espèce,
pour changer d'affirmatif en négatif le sens delà phrase
où ladite expression se rencontre?
D'ailleurs, attendu qu'on dit ne... que pour seule-
ment, et que devant ce dernier on peut mettre ne... pas,
il faut nécessairement que ne... pas que soit l'équiva-
lent de 7ie... pas seulement.
Quoi qu'en ait dit M. Emile Deschanel, la tour-
nure dont il s'agit, conséquence d'un changement con-
sidérable apporté à la svntaxe de pas et de point dans
la seconde moitié du xvn" siècle voilà pourquoi on
n'en trouve guère d'exemples que dans le xvin"! me
semble, à moi. être très-légitime, et, partant, ne
pas impliquer la moindre incorrection.
X
Seconde Question.
Le mot ADMO?iESTATiON est-il français ? J'ai cherché
ce mot dan.i Bescherelle, et je ne l'y ni point trouvé;
il est employé cependant dans un article du Corkespon-
Di>T, et vous-même, vous rous en êtes servi dans le
COCBEIERDE 'VaUGELAS ?
Le verbe admonester, venu du bas-lalin admonestare
latin classique admonere, avertir), a existé de bout
temps dans notre langue; en voici la preuve :
Li prélat du reaume l'en unt amonesté.
[Th. le Mnrlyr, »■_,.)
Messire Guy de Flandres qui admonestoii et prioit tous
les compagnons de bien faire.
(Froissart, I, I, 69.)
Mme de Dreux sortit hier de prison ; elle fut admonestée.
(Sêvigné, 432.)
A l'instar d'une foule d'autres de la première conju-
gaison, ce verbe a naturellement donné naissance à un
substantif en ation, qui a été admonestation, lequel
existait dès le xiu" siècle, comme le montre la phrase
suivante :
Uns clers empêtre letres dou roi à l'abé de St-Benoît-
sus-Loire, qu'il le porveïst t et en celés letres n'avoit nule
amonestation.
{Livre de Jostice, 34.)
Or, ce substantif s'emploie encore dans le sens de
remontrance, fait que rendent évident les citations
suivantes, trouvées dans le Grand dictionnaire du
\f\' siècle de Pierre Larousse :
Comment pouvcz-vous subir les admonestations pédan-
tesques de cette prude?
(G. Sand.)
C'était un continuel sujet d'admonestation.
(Balzac.)
L'étudiant, loin de s'irriter de cette admonestation, se tul
et parut devenir triste.
(Fred. Soulié.)
Par conséquent, il n'j a pas à douter un seul instant
qm admonestât ion (qu'on prononce et qu'on écrit aussi
admontlation) ne soit un terme parfaitement français.
Le verbe latin admonere avait un substantif d'action.
admunilio, qui a passé dans notre langue sous la forme
admonition :
Que ceux qui sont rebelles à son admonition soient notés
et marqués afin que chacun les fuie.
(CaWin, >98.;
Comme admonestation, son synonyme, ce substantif
s'est conservé dans la langue moderne :
Après avoir inutilement tenté près de moi les admoni-
tions charitables, Marcellin employa les menaces sévères.
(Chlteaubriand, Martyrs, i3s.)
464
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Mais, quand je considère'que admonitio7i vient d'un
verbe qui n'existe pas en français, ce qui ne fait d'un
tel substantif qu'un terme naturalisé dans notre langue,
et que admonestation vient, lui, d'un verbe français,
ce qui en fait un vocable indigène, je me sens disposé
à croire que celui-ci devrait, en bonne justice, être
préféré à l'autre.
ÉTRANGER
Première Question.
Vous serait-il possible de donner, dans un de vos
prochains numéros, l'étyuioloijie de quiproquo? Vous
obligeriez beaucoup un de vos aiiciens abonnés.
Cette expression s'écrivait autrefois en trois mots,
comme le montrent les citations suivantes :
Et leur fait défenses |ta Cour] d'user d'aucun qui pro quo
sinon de ceux qui leur seront ordonnez par lesdits six
Docteurs Médecins aux Dispensaires susdits.
[Traité de la Police, I, p. 594.)
S'il est licite de transfigurer ainsi toutes choses, il y
aura de terribles qui pro quod.
(Calvin, Init- 49»')
Atil mes fillettes, ne vous y flez pas; ils vous trompe-
ront; ils vous feront lire un quid pro quod.
(Des Périers, Contes, I.)
Voyons d'où vient chacun d'eux.
On trouve ceci dans le Dictionnaire étymologique de
Brachet (3= édition) :
Quiproquo, au seizième siècle qui pro quod, du latin qui
pro quod (littéralement prendre un quid pour un quod).
Au même mot, M. Littré donne le renseignement qui
suit :
Latin quid, pro, et quod : prendre un quid pour un quod.
Scheler dit sur le même sujet :
Quiproquo, du latin quis (ou quid] pro quo; c'est-à-dire
aliquis (ou aliquid) pro aliquo, l'un pour l'autre.
Mais toutes ces étjmologies pèchent plus ou moins
contre l'exactitude : la véritable origine de quiproquo
est quid pro quo, comme le dit Moisant De Brieux [Ori-
gines de quelques coutumes anciennes et de plusieurs
façons de parler iririales, p. l'jT, jéd. Georges Garnier),
et comme je vais vous le démontrer.
En effet, au xiii", au xiv" et au xv" siècle, les méde-
cins employaient l'expression quid pro quo dans l'inti-
tulé des chapitres où, à défaut de telle ou telle drogue,
ils indiquaient son succédané, c'est-à-dire celle d'égale
vertu, fait mis en évidence par ce titre des trois traites
qu'a laissés Nicolai, médecin de Salerne :
Incipit antidotariiim Nicolai ; Tractatulus juW pro quo;
Synonyma. Venet, per Xic. Jenson Gallicum, 1471.
Quid (et non q^lis), désignation de la chose en général ;
pro, pour; enfin quo (et non quod], ([ui n'est autre chose
que quid ii l'ablatif à cause de la préposition pro, qui
régit cette forme.
Le d de quid ne sonnait pas au moyen-Age ; la preuve
en est qu'au xvi' siècle, on a pu terminer ce mot par Iz,
lettres complètement muettes comme finales :
Les Apoticaires de bonne conscience ne baillantz po'nt
de quilz pro quo doibvent désirer la présence des Médecins.
(Benancio, Dect. des Alms, 1* I4, verso, année i553.)
L'expression latine a été corrompue par notre pronon-
ciation ; nous avons écrit qui pro quo, et enfin quiproquo,
en un seul mol, notre expression actuelle.
Dansles langues étrangères qui ontadopté l'expression
quiproquo avant que le français l'écrivit en un seul
mot, l'espagnol et l'anglais, par exemple, celte expres-
sion se présente sous la forme quid pro quo. Ce serait,
s'il en était besoin, un argument de plus en faveur de
l'étymologie que je viens de donner.
X -
Seconde Question.
M. Littré dit que comme quoi est de difficile explica-
tion. Le CouRRiEH DE Vaugelas ne pourrait-il pas ap-
prendre quelque chose de plus à ses lecteurs sur cette
singulière expression?
On lit ce qui suit dans Brachet [Gram. hist., p. 63) :
Malherbe avait à peine accompli son œuvre, qu'une nou-
velle manie vint troubler cette langue (la nôtre) qu'il avait
si soigneusement expurgée. Le seizième siècle avait débuté
par l'imitation de l'Italie, le dix-septième prit l'Espagne
pour modèle, et subit dans sa première moitié l'invasion
du goût espagnol. Les guerres de la Ligue et le long
séjour des armées espagnoles avaient répandu parmi nous
la connaissance de la langue de Philippe II. Avec la langue
s'étaient implantés les modes et tous les ridicules de
l'Espagne, La cour d'Henri IV s'était espaguolisée. « Les
» courtisans, nous dit le grave Sully, ne poussaient qu'ad-
i mirations et exclamations castillanes. Ils réitéraient des
tJc'sus-Sire! et criaient en vois dolente : Il en faut
B mourir, t La langue française ne put se soustraire à cette
contagion, et c'est vers ce temps qu'apparaissent pour la
première fois chez nos écrivains une foule de mots et de
locutions empruntés à l'Espagne.
Je soupçonne fortement comme quoi d'être une de
ces locutions, et voici quelques remarques à l'appui de
mon opinion :
{' M. Littré n'a trouvé aucun exemple de t'o/«Me ç«o/
dans le xvi» siècle; mais il a rencontré les suivants dans
le xvii" :
Voilà comme quoi il est fort dangereux d'avoir demi-
étudié.
(Balzac, liv. III, lett. g.)
Vous savez comme quoi je vous suis toute acquise.
(Corneille, Rodog. I, 7.)
Or, comme l'influence espagnole a persisté jusqu'à la
mort de Louis XIII (lO-îS), il n'est pas impossible que
nous lui devions l'expression dont il s'agit.
2° Dans ses Nouvelles observations sur la larigue
françoise, Marguerite Buffet dit (voir Courrier de Vau-
gelas, numéro 20) qae comme quoi est une expression
nouvelle et bien reçue (1668). Or, ce qui était alors
nouveau et bien reçu dans notre langue pouvait-il être
autre chose qu'un emprunt fait à celle de l'Espagne?
3" Les mots espagnols manera et tnodo, qui peuvent
chacun rendre uolre co/«we, au sens de comment, pren-
nent que après eux : en manera que, de modo que. Or,
LE COURRIER DE VAUGELAS.
^65
à l'époque où la Cour de France « s espagnolisait, » il
est probable qu'on y aura dit, d'abord comme i/ue,
et ensuite comme quoi, notre syntaxe voulant déjà,
depuis longtemps, quoi à la place de que dans le cas
où ce celui-ci venait après un verbe.
X
Troisième Question.
Je remarque que, contrairement aux antres substan-
tifs en ATio.N, le mot majoiiatio.\, dont vous parlez dans
votre dernier numéro, ne dérive pas d'un verbe. Est-ie
que vous le reconnaissez pour un terme bien français ?
En supposant que j'aie exactement compté, il y a
■173 substantifs en a<(o« dans notre vocabulaire.
Sur ce nombre, il s'en trouve \~\, qui dérivent d'un
verbe existant, soit en français, soit en latin ; 2 seu-
lement, consubstantiation et majoration font excep-
tion à cette règle générale.
Or, si consubstantiation, tout difficile à prononcer
qu'il est, a bien été admis comme terme français, en
théologie, je ne pense pas qu'on puisse refuser le même
titre à majoration, vocable plus doux, et répondant à
un besoin réel dans la langue des affaires.
PASSE-TE.MPS GRAM.MATIGAL
Corrections du numéro précédent.
i' . . . B'orgaaiseot à l'effet d'étudier; — 2° Cet omnibus, fait
observer M. Prud'homme; — 3° ... 27, avait bien froid (voir
Courrier de Vaugelns, i* année, p • 4) ; — i° ... ne laissait pas
de l'étonner (Voir Courrier de Vaugelas, i' année, p. 155);
— 5° . . . en ce qui concernait les avantages ; — 6° ... c'étaient
des lèvres épaisses (sans lippues, mot signifiant qui a des lèvres
épaisses) ; — 7' ... afin, semble-t-il (voir Courrier de Vaugelas,
»• année, p. 139); — 8° ... dignes de foi qu'il y ait eu (le
participe passé des verbes impersonnels est toujours invariable.)
Plirases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1» Il a la réputation d'être sévère aux examens; mais, en
somme, il est d'une bienveillance extrême, et, tout compte
fait, il a plus sauvé de candidats qu'il n'en a perdus.
2° Et qu'on ne dise pas qu'il soit obligé d'en agir ainsi
contre des vassaux dont la turbulence ne pouvait être
domptée par un autre traitement.
3° Ce bal sera le plus beau qui aura encore été donné
au palais de l'Elysée. Il est question d'ouvrir deux autres
portes latérales.
4' Ceux qui ne sont pas contents, par exemple, outre
le patient, ce sont les fonctionnaires, ceux qu'il dressait si
l)ien à pétrir la matière électorale. Ceux-là doivent cotn-
mencer à ne pas être absolument dans leurs petits souliers.
5° Il n'y a rien de moins observateurs que nos pêcheurs
ou nos campagnards des faits les plus simples qui se
passent constamment sous leurs yeux.
6' Dans ces associations, dont les conditions sont des
plus multiples et variées, les rôles ne sont pas toujours si
bien partagés; il y a des exemples nombreux d'animaux
vivant librement dans l'intérieur de poissons ou de mol-
lusques.
7- Quant à M. Onfroy, je ne saurais dire quelle émotion
profonde a causé sa mort dans tout Paris. Plus de cinq
cents personnes sont venues s'inscrire hier à la Xationale
sur le registre disposé à cet effet.
8- On dit qu'une réponse écrite sera demandée dans le
but de donner aux puissances un moyen d'action sur les
insurgés. Mais la Porte s'y rèsoudra-t-elle?
9' Il portait en sautoir une de ces trompes gigantesques
et à deux tours et demi, qui étaient en usage dans le
siècle dernier.
lu- A la porte de la cahute royale, madame la reine,
accroupie sur les talons, en vraie sorcière de Macbeth, aux
mains longues, aux lèvres lippues, aux yeux bordés de
rouge, se fait chercher des poux par une fille d'honneur.
11° Et les dispositions de l'impitoyable railleur que j'ap-
pelais mon oncle étant dûment établies, je ne laissais pas
que d'être travaillé par des inquiétudes assez poignantes.
Iî° Il y avait bien ça et là quelques inscriptions sur le
mur; mais c'était de pures sentences de science ou de
poésie extraites des bons auteurs.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XV11« SIÈCLE.
Marguerite BUFFET.
(Suite.)
Au lieu de cet /tomme a tant vesctt et mourut con-
tent, il vaut mieux dire lesquit et mourut, deux mots
qui n'ont pas la même terminaison ; c'est plus délicat
et mieux reçu.
Bien des gens ne pensent pas commettre une faute
en disant il peut huit personnes dans ce carosse; il faut
dire il peut tenir, car ce n'est pas un des cas où il soit
permis d' «accoursir» les termes.
En parlant du temps, il est mieux de dire les choses
qui regardent te futur que de dire gui regardent
l'avenir.
Il est également mieux de dire ce dessein Itcij a reiissi
que ce dessein luy est reiissi.
Il y en a qui, en parlant de leurs invités, disent tout
7non monde 7iest j^as arrivé; il faut dire tous mes gens,
ce qui est la manière correcte de s'exprimer.
La bourgeoisie vaut mieux que la bourgeoiserie.
Je fis rencontre d'un tel ne vaut rien ; il faut dire je
rencontray un tel.
Quand ils parlent d'une personne qu'ils ont vue de
loin, quelques-uns disent j»; l'ay avisé; c'est une faute,
il faut direye l'ay aperceu.
En parlant des nombres, on ne dit plus septante,
octante, nonante; il faut â\vç. soixante et dix, quatre-
ijngt, quatre-vingt-dix : il y a des marchands qui ne
peuvent s'en corriger (1668).
«60
LE nOURRIER DE VAUGELAS.
En commençant une lettre, beaucoup de personnes
disent 7'e vous écris celle-cij ; mauvaise expression, il
faut dire cette lettre.
Dites arocai en Parlement, et non mi Parlement.
Il faut dire // est allé à la Cour, et non il est allé en
Cour.
Au lieu de à mesme temps que cela arriva, il y en a
qui disent, mais à tort, à mesme que.
On dit de quelqu'un qui n'a rien de grave ni de
solide dans l'entretien, et qui <i récite » souvent des
histoires de roman comme il s'en trouve assez, qu'il a
l'entretien romanesque. C'est du beau style.
11 ne faut pas dire pardonnable en parlant d'une
personne ; c'est excusable qu'il faut employer.
Dire on ne sait à qui avoir confiance est une faute;
on doit dire en qui avoir confiance.
Je suis aimé de l'un et de l'autre est une bonne ex-
pression, mais non je suis aimé de l'un et l'autre.
Sans croire faire de faute, on dit souvent cela dit,
nous quitasmes la compagnie; il faut dire ayant dit
cela, nous quitasmes.
Encore une mauvaise expression, c'est se venger sur
l'un et l'autre; il faut dire .sur l'u)i et sur l'autre.
11 est également mauvais de dire par avarice et am-
bition ; il faut dire par avarice et par ambition.
'Voilà le contenu de la première partie. Marguerite
lîufl'etne l'a pas étendue davantage de peur de « n'estre
pas » ennujeuse. Elle a cru qu'il lui suffirait de s'être
attachée aux fautes les plus ordinaires qui se commet-
tent dans la langue française pour en faciliter la cor-
rection au moyen de ses préceptes.
SECOMDK PARTIE.
Elle est consacrée à l'examen du pléonasme et donne
les moyens de s'en corriger.
Quelque élégants et agréables que puissent être les
termes superflus, ils ne sonljamais bien reçus. Pour-
quoi dire cet homme est riche et opulent? Il faut seule-
ment l'un de ces deux adjectifs.
Au lieu de nous estions environ dix ou douze dans
cette compagnie, il faut dire simplement nous étions dix
ou douze.
Dans une foule de circonstances, on emploie tout
inutilement, comme dans j'ay disné tout seul aujour-
d'hui/, j'élois toute seule dans ma cltambre. 11 faut se
corriger de ce tout.
Combien de gens disent je l'ay veu de mes yeux,
comme si l'on pouvait voir par les yeux d'un autre!
C'est ridicule, il faut dire seulement Je l'ay veu.
Beaucoup disent il a dit cela de sa propre bouche, il
a écrit de sa propre main; ces manières de parler
superflues ne sont pas du bel usage; il faut dire tout
court // a dit cela, il a écrit celle chose.
Il ne faut pas dire cette personne est fort propre et
ajustée; ce dernier mot ne vaut rien, connue inutile.
Ne pas dire j'ay bien pensé, j'ai/ tant songé à vos
a/fuires; le mot *ow(/c/' est su péril u puisqu'il dit la même
chose que l'autre.
Ne dites pas cette personne vous ni me et vous chérit
lendrcmenl ; il ne faut que l'un de ces verbes.
« Un nombre » de personnes disent du depuis que
cela est arrivé, il faut simplement dire depuis.
Voici une faute qu'on fait souvent en parlant et en
écrivant : on dit je vous aime beaucoup, je vous aime
extrêmement; il ne faut dire que l'une ou l'autre de ces
deux choses.
11 faut se garder de dire ou soit qu'il 7i'eu.<t (ait telle
chose, ou soit que cela narrivast pas ; les ou sont inu-
tiles. C'est une faute qu'on fait ordinairement.
Plusieurs disent à demain au matin; il faut dire «
demain matin, car au ne vaut rien ici.
En parlant d'une personne malade, on dit elle com-
mence de .se mieux porter; c'est une faute : il faut dire
fi se mieux porter.
Bien des gens manquent dans cette « rencontre » :
ils disent la plus grande part, au lieu de la plxis-part.
On dit encore sans croire faire de faute, jusques à là,
jusques à icy; il faut àm jusqucs-là, jusqu'icy.
D'autres disent c'est mon plus proche voisin; il faut
dire c'est inon prochain voisin, en ôtant plus.
■ Ne pas dire il en sera de cette a/faire comme des
autres, mais bien il sera de cette affaire.
La répétition de pour est très-inutile; il ne faut
jamais que tantd'infmitifs se suivent; cela ôte la grâce
au discours, et ne fait que blesser l'oreille; ainsi ce
discours pour vous asseurer que j'ay fait telle chose,
pour vous témoigner cpie je voudrois vous servir, pour
vous dire la vérité, offre une répétition de pour ridicule
et éloignée de la belle façon de parler.
Beaucoup de personnes disent quand je ne serois pas
vostre amij comme je suis ; il ne faut pas mettre comme
je suis.
Ne dites pas cet homme a de la douceur et de la clé-
mence pour vous; le mot douceur suffit.
En parlant d'un habit ou d'une autre chose, bien des
gens de province disent il est tout fin neuf; cela ne
vaut rien, il faut dire cet hubit est neuf.
En faisant un récit, on dit encore // a fait tant de si
belles actions; c'est une faute, il faut dire // a fait de
belles ad ions.
Il vaut mieux dire la faveur qu'il vousaplù me faire,
que la faveur qu'il vous a plû de me faire.
11 y en a qui entendent fort bien leur langue et qui
ne laissent pas de faire cette faute : ils mettent un
adverbe là où il n'en faut pas; par exemple, ils disent
// a seulement fait cette affaire, pour // a fait cette affaire.
On dit souvent cette personne a tant de vanité et de
gloire; il ne faut employer (jue l'un de ces deux termes.
Au lieu de // vous a attendu quatre heures durant,
il faut dire // vous a attendu quatre heures.
Ne pas dire cette personne est humlile et Soumise, cela
fait un ujot de tro|).
Pour (lire oiii/ d'une chose, on dit souvent oiiy da,
(|ui ne vaut rien, bien que ce terme soit assez en usage.
[La suite au prochain mtméro.)
Le Rkoacteuu-Géiunt : Ejuin MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
167
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE,
Publications de la quinzaine :
Léa; par Alfred Assolant. In-18 Jésus, 357 p. Paris,
lib. Dentu, 3 fr.
Chefs-d'œuvre de P. Corneille, avec une histoire
abrégée du tliéùtre français, une biographie de l'auteur
et un choix de notes de divers commentateurs; par M. D.
Saucié, professeur de rhétorique au Ijcée de Tours. Nou-
velle édition. In-S", 383 p. 2 grav. Tours, lib. Marne et
fils.
Gavotte; par Paul Féyal. In- 18 Jésus, 3i7p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
Le Trésor du souterrain, suivi d'autres récils; par
Jean Grange. In-18 Jésus, 2/i5 p. Paris, lib. Blériot.'
Une poignée de vérités, mélanges philosophiques;
par Alphonse Karr. Nouvelle édition. In-18 Jésus, 323 p.
Paris, lib. Michel Lévy frères. 1 fr. 25.
"Voyages dans le nord de l'Europe. Un tour en
Norwége. Une promenade dans la mer Glaciale
(1871-1873); par Jules Leclercq. Gr. in-8'. .3i9 p. et i grav.
Tours, lib. Manie et fils.
Études littéraires sur les chefs-d'œuvre des clas-
siques français (xvu= et sviii' siècles) ; par Gustave
Merlet. ln-8% \ii-520 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 6 fr.
Œuvres d'Alfred de Musset. Poésies (1828-1833).
Contes d'Espagne et d'Italie. Poésies diverses. Spectacle
dans un fauteuil. Namouna. Petit in-12, i08 p. Paris, lib.
Lemerrc. 6 fr.
■Vie du frère Philippe, supérieur général de l'Insti-
tut des Frères des écoles chrétiennes; par M. Poujoulat.
3« édition. In-S", 376 p. et portr. Tours, lib. Marne et fils.
Les Soirées amusantes. 2'= série. Contes du prin-
temps, par Emile Richebourg. IV. Avril. 2<: édition, ln-12,
192 p. Paris, lib. Pion et Cie. 75 c.
Le Secret terrible, mémoires d'un caissier; par
Adolphe Belot et Jules Dautin. ln-18 Jésus. .'|57 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr.
Grammaire de la langue française; par le P. Henri
Delavenne, de la Compagnie de Jésus. 2' édition. In-12.
300 p. Paris, lib. .\lbanel et Baltenweck.
Bigarrette ; par Mlle Zénaide Fleuriot. Ouvrage illustré
de 55 vignettes sur bois ; par A. Marie. 2" édition. In-18
Jésus. '233 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr. 25.
Histoire contemporaine de 1789 à, 1848 : par Gus-
tave Hubault. professeur d'histoire au lycée Louis-le-
Grand. 2" édition. Iii-12. viii-256 p. Piiris. lib. Delagrave.
2 fr.
Œuvres d'Alph. de Lamartine Premières médita-
tions poétiques La mortde Socrate. .Nouvelle édition,
publiée par les soins de la Société propriétaire des œuvres
de M. de Lamartine. In-18 Jésus. 39i p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Histoire de Bertrand Du Guesclin et de son
époque; par Siraéon Luce. archiviste aux Archives na-
tionales. La Jeunesse de Bertrand (I320-I36i). In-8",
630 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 7 fr. 50.
La Bohémienne amoureuse; par Eugène de Mire-
court. In-18 Jésus, 337 p. Paris, lib. Michel Lévy frères.
l fr. 25.
Histoire de la littérature française sous le gou-
vernement de Juillet; par Alfred Nettement. 3' édition,
corrigée et augmentée. 2 vol. in-8", 11^9 p. Paris, lib.
Lecoffre fils et Cie.
Le Mont Saint-Michel; par Clémence Robert. In- 18
Jésus. 310 p. Paris, lib. Michel Lévy frères. 1 fr. 25.
Charles Varlet de La Grange et son registre ; par
Edouard Thierrj-. In-8 . l/i5p. Paris, impr. Claye.
Publications antérieures :
LA GRAMMAIRE FRANÇ.\ISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Em.4n Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexii:. premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LES VIBR.\TIONS POÉTIQUES. — Par Auguste Ba-
LUFFE. — Ln vol. in-18. — Paris, librairie académique
Didier et Cie, 35, quai des Augustins. — Prix : 3 fr. 50.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la k' et la 5= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La 1", la 1' et la 3" année doivent être pro-
chainement réimprimées.
LES PASSIONS. — Par le D-- F. Frèdault. — Paris,
librairie Victor Palmé, éditeur, 25, rue de Grenelle-
Saint-Germain.
LA CH.\SSE AUX SOUVENIRS. — les ders.'eus péchés du
CHEVALIER DE VAUCEI.AS. — LA BAI.LE ENCHANTÉE. — Paf
le marquis G. de Cherville. — Paris, librairie de fir/Bin
Didot et Cie, imprimeurs de l'Institut, 56, rue Jacob.
L'INTERMÉDLAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX.
— En vente à la librairie Sando: et I-'ishbacher. 33, rue
de Seine, à Paris. — Chacune des 7 années parues se vend
séparément. — Envoi franco pour la France.
ESSAIS SUR LA MITHOLOGIE COMPARÉE, les tra-
ditions et les coutu.mes. — Par Max Mui.ler, associé
étranger de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres,
professeur à l'Université d'Oxford. — Ouvrage traduit de
l'anglais avec l'autorisation de l'auteur par Georges Perrot,
maître de conférences à l'Ecole normale. — Deuxième
édition. — Paris, librairie académique Didier et Cie.
•libraires-éditeurs, 35. (juai des Augustins. — Prix : 4 fr.
<68
LE COURRIER DE VAUGELAS.
CATALOGUE DESCRIPTIF ET RAISONNE
Manuscrits de la Bibliothèque de Tours.
Par M. A. DORANGE, CoQservateur.
Gros in-quarto à 2 colonnes de 583 pages.
Cet ouvrage, qui a coûté dix ans de travail à son auteur, a été. apprécié comme il suit par M. Léopold Delisle,
administrateur de la Bibliothèque nationale (Journal officiel du 29 juin 1875) :
c La ville de Tours possède une des plus riches collections de manuscrits qui existent en France. La description
qu'en donne M. Oorange, dans son Catalogue descriptif et nAisoNNÉ de la bibliothéole de Tour<, rendra de réels
Services à la science. C'est dans cette collection que M. Luzarche a découvert le drame d'Adam, et que M. Thurot a
trouvé un manuscrit qui a notablement amélioré le texte des lettres familières Je Cicéron. Le travail de M. Dorange
permettra de faire encore plus d'une découverte intéressante. La municipalité de Tours, qui a fait les frais du
Catalogue, mérite aussi la reconnaissance des savants. »
FAMILLES PARISIENNES
Recevant des Étrangers pour les perfectionner dans la Conversation.
Dans le quartier du nouvel Opéra. — Une dame
pleine de distinction et très-instruite reçoit de jeunes
étrangères pour compléter leurs études en langue fran-
çaise. — Leçons de piano.
Avenue de la Grande Armée (prés de l'Arc de
triomphe de l'Etoile). — Dans une famille des plus
honorables et des plus distinguées, on reçoit quelques
pensionnaires étrangers. — Excellentes leçons de français
et de piano. — Très-bel appartement.
(Les adresses sont données au Bureau du Journal.
A Passy (près du Ranelagh). — Un chef d'institution
reçoit dans sa famille quelques pension aaires étrangers
pour les perfectionner dans la langue française et achever
leur éducation.
Au centre de Paris. — Un pasteur recevrait volon-
tiers comme pensionnaires trois ou quatre jeunes lilles,
qui trouveraient dans sa maison la vie de famille et, au
besoin, des leçons.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le seizième Concours poétique, ouvert à Bordeaux le 15 février, sera clos le 1" juin 1876. —Douze médailles, or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrance,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde) — Affranchir.
Société: d'émulation de Cambrai. Extrait du programme des questions mises au concours pour 1876. Poésie. Le sujet
et l'étendue de la pièce destinée à le traiter, sont laissés au choix des concurrents. — Une lyre d'argent ou une
médaille dont la nature et la valeur sont subordonnées au mérite de l'ouvrage, sont affectées également à ce- con-
cours. — Les travaux et mémoires inédits et n'ayant jamais figuré dans aucun concours seront seuls admis. Ils porte-
ront une épigraphe répétée sur un pli cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur, et devront être adressés,
franco, avant le 1" Juin 1876 au Président ou au Secrétaire général de la Société. — Les œuvres non couronnées ne
sont pas rendues, et les plis cachetés qui les accompagnent sont brilles en séance.
Société klobimo.ntank d'Annecy. — Concours de 1876. — Poésie : Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux
concurrents. — Le nombre minimum des vers est fixé à cent. — Les travaux seront composés en langue française.
— Les auteurs devront déclarer par écrit que ces travaux sont inédits et n'ont été présentés S aucun autre concours.
— Les auteurs qui se feraient connaître seraient e-iclus. — Lfs envois porteront une épigraphe- qui sera répétée à
l'intérieur d'un billet cacheté indi(|uant le nom et le domicile de l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux
archives de la Société, les auteurs pourront en prendre copie.
La Société académiuue de Saint-Quentin propose des médailles d'or pour les sujets suivants, mis au concours pour
l'année 1876 : Poésie. — Sujet laissé au choix des concurrents. Cantates. — Sujet également laissé au choix des
concurrents. Les pièces envoyées au concours devront remplir les conditions exigées par le Conservatoire national
de musique pour le prix de Home, c'est-à-dire être à personnages (une voix de femme et deux voix d'homme), et
contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un trio final. — La (Cantate de 1870 servira de texte pour le
concours de musique qui aura lieu en 1877. Littérature. — ("question : « Etude sur la poésie contemporaine. » —
2'' question : « Des moyens de développer le goût de l'étude dans toutes les conditions sociales. »
Le rédacteur du Courrier de Vauf/elas est vi.sjblc à foii bureau de midi à une heure et demie.
Imprimerie GOUVERNEUB, G. DAUl'ELEV à Nogenl-le-Rotrou.
&•■ Année
N" 23.
15 Mars 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
V V-^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>f |
Paraissant le I^^ et le IS de chaqne mois
{Dans sa séance du \2 janvier 1875, l Académie française a décerné le prix Lambert à celle publicalion.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Etranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROPESSEDR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'.\caJémie
26, Boulevard des Italiens, à, Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressani, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
S0.M.M.\1RE.
Communication sur Se mettre sur son Irente-el-un et Se mettre
sur son dix- huit ; — Origine de l'eïpression Venir la gueule
enfarinée; — S'il faut dire Voilà comme ou Voilà comment;
— Pourquoi on dit .\fon petit cfiat plutôt que Mon petit chien;
— Origine de l'expression Se donner une bosse dans le sens de
se régaler; — S'il faut dire Un bon Messire Jean ou Une bonne
MessireJean: — Si Anglanisé est un terme français || Signi-
licaliou de Etre piqué de la tarentule littéraire; — Si Breton
brelonnant peut s'oppliquer à un dialecte; || Passe-temps
grammatical || Suite de la biographie de Marguerite Buffet. ||
Ouvrages de grammaire et de littérature || Renseignements
aux professeurs français ii Concours littéraires
FRANCE
CO.M.MUMC.\TIOX.
Voici une lettre que j'ai feçue de Paris le !» février
relativement à une explication donnée dans mon nu-'
méro i 9.
Monsieur le Rédacteur,
Permettez à l'un de vos plus humbles lecteurs de vous
présenter quelques observations à propos de l'article que
vous consacrez dans votre dernier numéro à l'expression
populaire Se mettre sur son irente-el-un.
1* Van Tenac, que vous citez, s'abuse et abuse son public
en insinuant que le jeu du Trente-et-un fut inventé en
1789. ir est déjà mention de ce jeu en la vie. tres-horri-
fique du grand Garguan;,ua par M. .Alcofribas (156-2), au
chapitre XXII cju livre de ladite vie (Les Jeux de Garguan-
tua), et il est probable que ce jeu n'a pas été invente par
l'auteur.
2° Votre explication de la locution en question serait
plausible, si elle rendait compte de la locution sans doute
équivalente Se mellre sur son dix-huit, locution usitée
dans certaines parties de la France, en particulier en
Rasse-Normandie.
J'ai été élevé dans un village de la Rasse-N'ormandie, et
j'entends encore ma grand'mère dire â la fille de son
meunier : t Tu es belle aujourd'hui, .Marie-Jeanne, d ou
viens que tu t'es mise sur ton dix-huit'.' »
L'emploi des nombres 18 et 31 dans le cas de la parure
ne viendrait-il pas de l'usage où étaient les toiliers ou
tisserands de village de marquer par des chifïres les qua-
lités des fils dont ils se servaient pour tisser soit la toile,
soit le droguel, espèce d'étoffe composée de laine et de
fil, dont nos mères iirèparaient elles-mêmes les éléments?
Je soumets humblement cette hypothèse à votre docte
sagacité, et vous prie d'agréer, .Monsieur le Rédacteur,
mes respectueuses salutations.
f.e petit- fils d'une fileusc.
Je ne crois pas que se mettre sur son dix-huit puisse
s'expliquer par un nom de jeu de cartes ; car non-seu-
lement le dix-liuit ne figure pas dans la nomenclature
de Rabelais, mais encore, il ne se trouve point dans
Van Tenac : avec le trente-et-u», ce traité ne menlionne
en fait d'autres jeux désignés par un nom de nombre
que le treize, le vingt-et-un et le trente et quarante.
.Maintenant, faut-il chercher à rendre compte de
l'expression en question comme le propose l'auteur de
cette lettre, qui voit dans le chitTre 4 S une allusion
possible à une qualité de fil ainsi désignée par les
tisserands':"
Ce n'est point encore là mon avis, trouvant plu?
naturelle l'explication que je vais fournir.
On lit dans le Dictionnaire d'argot de .M. Francisque
Michel p. I3S):
DIX-HUIT. S. m. Soulier remonté ou ressemelé, ou plutôt
redevenu neuf; d'où son nom grotesque de dix-huit, ou
deux fois neuf.
Or, il a dû en être des habits comme des souliers.
.\iitrefois, comme encore aujourd'hui, les gens qui
n'avaient pas le moyen de se faire habiller de neuf se
procuraient chez le fripier des habits d'occasion. Ces
habits, retournés pour la plupart, étaient en quelque
sorte deux fois neufs: un habit acheté de cette façon
s'appela naturellement aussi un dir-lmit, et l'on a dit.
dans la langue populaire :
Se mettre sur son dii-huit,
pour signifier se vêtir du plus bel babil que l'on
possédât.
MO
LE COURRIER DE VAUGELAS.
En remerciant l'an leur de celte communication, je
lui ferai remarquer que, lors même que l'explication
que je viens de donner ne serait pas la bonne, il n'en
faudrait pas moins écrire mis, et non mise, dans la
phrase qu'il attribue à sa grand mère, attendu que, dans
cette phrase, qui signifie... (J'oii rient que tu as mis â
toi sur la personne ton dij-liiiif, le régime direct
est après le participe.
X
Première Queslion.
Dans votre grammaire, traitant de la signification et
de la construction, vous donnez bien la signification de
l'expression venir la gcecle enfarinée, mais vous n'en
faites pas connaître l'origine. L'auriez-vous fait daits
le CorRKiER ? Da)is le- cas de la négative, soyez assez
bon pour apprendre à vos lecteurs, dans un prochain
numéro, doit vient cette manière de parler.
Suivant Le Duchat, cett* façon de parler est une mé-
taphore empruntée aux boulangers qui, au moment
d'enfourner, sèment de la farine à la gueule ou bouche
de leur four, afin de juger, par la manière dont cette
farine s'allume, si le four a le degré de chaleur conve-
nable.
Mais celte origine ne me semble pas admissible; car,
avec elle, comment arriver à dire de quelqu'un qu'il
vient la gueule enfarinée, le four n'ajant pas la faculté
de la locomolion '!
Je préfère de beaucoup la suivante :
Pendant tout le moyen-âge jusqu'au xvi« siècle, on
s'était servi de gueule pour bouche, sans manquer
de respect aux personnes dont on parlait ; ainsi on
trouve :
Pinabel ont saisi, qui gist govle baée.
{Ronc. p. 196.)
Sire, djst II escuiers, pendez moi par la geule, se ce
n'est voirs.
(Chron. de Rarns, p. 1^2.)
Lierres, par la vierge lionourée,
Vo gueule sera estranglèe.
(Eust. Deschamps, m. f" a36.)
Dans un endroit de ses Essais, Montaigne appelle
l'art de la cuisine « la science de la gueule ».
Or, les bouffons qui jouaient leurs farces en public
avaient l'habitude de se saupoudrer la figure de farine,
comme nous l'apprend Marol là où il fait l'epiLaphe du
farceur Jehan Serre (Epigr. liv. 6, épig. 85i :
Or, bref, quand il entroil en salle
Avec sa chemise sale,
Le front, la joue et la narine
Toute courerte de farine,
Et d'un bc'guin d'enfant, etc.
On aura d'abord dit de ces personnages, qu'ils
avaient lu gueule enfarinée; et comme, ainsi blanchis,
ils semblaient inconsidérés, sollemenl confiants, niais,
on aura dit ensuite de quelqu'un qui se dirigeait vers
vous avec un a'ir analogue, quoique sans farine sur
le visage, qu'iï renail la gueule enfarinée, expression
qui passa bientôt à létal de proverbe, el qui, en celte
qualité, nous est resiée.
C'estoit un vrai diable gui s'en vint trouver proye, la
goule enfarinée.
(Le Moyen de parvenir, dans Jaubert.')
Dans sa lettre du 14 février 1680, M"' de Sévigné
s'exprime ainsi :
Mongobert m'a fait rire du respect qu'elle a eu pour
M. de Grignan ; elle avoit mis qu'il vint à ce bal la gueule
enfarinée: tout d un coup elle s'est reprise; elle a effacé
la gueule, et a mis la bouche, tellement que c'est la bouche
enfarinée.
Ce passage montre que si, en parlant d'une personne,
le mot gueule a cessé de s'employer dans la société
polie, il n'en est pas de même dans venir la gueule
enfarinée : cette expression proverbiale, comme toutes
celles de même nature, étanl en quelque sorte consa-
crée, il n'appartient à personne d'en modifier la forme
en y remplaçant un terme par son synonyme.
X
Seconde Queslion.
Faut-il dire : « Voila comme, ou voila comment la
méchanceté est récompensée t> ?
De l'expression latine quomodo (de quel mode, de
quelle manière^ se sont formés deux mots en français,
comme t\. comment, qui existent depuis l'origine de la
langue :
Deus seit assez cuinent la fins en ert.
(Ch.de Roland, CCLXXXU.)
De ceste amor qui tant me fait pener,
Ne voi-je pas com je puisse partir.
(Couci, X )
Jusque vers la moitié du xviii- siècle, on a pu, à
volonté, employer comme pour comment, ce que démon-
trent parfaitement les citations suivantes :
Cum faitement lui manderons novelles?
(Ch. de Roland. CXXVI- )
Lors sauront comme Charles nous a le jeu parti.
(Savons, XXIV.)
Il me faut regarder comme hastivement je me puisse
venger de ce despit qu'on m'a fait.
(Freissart. I, I, loo.)
La plus grosse beste qui soit, Monsieur, comme est-ce
qu'on l'appelle?
(Marol, III, i«.)
Penses tu qu'il cherche comme il se rendra plus bomme
de bien?
(Du Bellay, I, 278. 1
Je ne sais comme il me sera possible de m'accommoder au
temps.
(Vaugelas, Quinte-Cvree, 369. j
Qui sait comme en ses mains ce portrait est venu ?
(Molière. Scan. 6.)
Dans la France un Martel, en Espagne un Pelage
Le grand Léon dans Rome, armé d'un saint courage,
Nous ont assez appris comme on peut la dompter.
(Vollaire, Tancride, I, I.)
.Mais depuis celle époque, on subslilue généralement
comment à comme quand il s'agit d'une phrase inler-
rogalive.
Or, ceHe que vous me proposez n'élanl pas de celte
espèce, il en résulte qu'il est loisible d'y employer
aussi bien voilà comme que voilà comment.
X
LE COURRIER DE VAIÎGELAS.
171
Troisit^me Question.
Pourquoi dit-on comme terme dfi tendresse mo.n petit
r.HAT. et non mo^n petit chien ? // me semble cependant
que la seconde e.rpression vaudrait bien mieux que la
première.
Le mot catellus, dLminulif de cattus, chien, était un
terme de caresse en latin, en voici des preuves :
Porrigis irato puero (7uum poma, récusât.
Same, catelle.' Negat. Si non des, opteX.
(Horace, .S'oi, liv. U, 3.j
(Vous présentez des fruits à un enfant en colère, il
tes refuse; prends, mon petit chien; il proteste; reti-
rez-les, il les demande.!
Die igitur me anaticulam, columbam, vel eatellum,
HIrundinem, monedulatn. passerculum, putillum.
(Plante, L'Aniiiairi', acte Ifl, se. 3 }
(Eh bien 1 appelez-moi donc votre petit canard, votre
petit pigeon, votre petit chien., votre hirondelle, votre
corneille, votre moineau, votre mignon.)
L'eipression mon petit chien est certainement plus
logique que mon petit chat, qui s'emploie ordinaire-
ment dans notre langue ; car la vue d'un petit chien,
animal gracieux, bon et futur sjmbole de la fidélité,
touche bien autrement que celle du petit chat qui,
malgré sa gentillesse, ne présente le plus souvent en
espérance qu'une perfide et hypocrite douceur.
Amis des chiens autant que les Romains pouvaient
l'être, pourquoi avons-nous banni mon petit chien,
comme terme de tendresse? Vaudrait-il donc moins
qae mon petit canard, que beaucoup parmi nous em-
ploient si volontiers encore?
La raison qui a fait rejeter mon petit chien me paraît
avoir plus trait à la grammaire qu'au sentiment.
En effet, il y avait deui mots en latin, pour dire
chien : l'un cani.i, qui a donné le mot français dans
toutes ses acceptions ordinaires ; l'autre, catttis, em-
ployé comme terme de tendresse, le plus souvent sous
la forme catellus, jeune chien, qui se disait aussi quel-
quefois des petits des autres quadrupèdes, tels que le
pourceau, la panthère, le tigre, le chat, l'ours, etc.
Or, cattus s'est naturellement francisé en chat, et
catellus, en petit chat.
D'où il suit que, tout singulier que cela peut pa-
raître, nous disons très-probablement mon petit chien
quand, par tendresse, nous appelons quelqu'un mon
petit chat.
X
Qualrième Questioa.
Voudriez-vaus bien songer à m.'expliquer un jour
dans votre utile journal l'expression se domiSER hhf.
BOSSE, dans le sens de bien se régaler?
Le journal la Liberté disait ceci le 7 novembre \ 875,
dans un article où il était question du chameau :
Sa bosse n'est qu'un sac de voyage, un pâmer à provi-
sions, plein d'une graiise qu'il absorbe lorsqu'il n'a rien à
manger : c'est de là qu'est venue l'expression se donner
une bosse, qui signifie se rassasier ou se régabr.
Je ne pense pas que telle soit l'origine de cette
eipression ; car s'il en était ainsi, elle devrait plutôt
signifler faire des provisions pour un voyage que man-
ger et boire copieusement. Puis, l'explication donnée
reposerait sur un fait scientifique certainement in-
connu de celui qui a enrichi la langue de se donner ou
se faire une boase.
Cette phrase familière me semble tout simplement
une allusion aux conséquences d'un bon repas, la
réplétion de l'estomac faisant paraître le ventre plus
bombé :
Douze cents francs i allons-nous nous en faire des bosses!
(Vidal, dans Larousse.)
.M. Littré dit que se donner une bosse vient de
l'argot maritime, où cette expression s'emploie pour
signiDer faire une partie de plaisir, ou de débauche,
à moins qu'elle n'ait été suggérée par l'idée que, quand
on a bien mangé, le ventre s'arrondit. .Mais, comme il
n'y a pas de partie de plaisir sans qu'il soit donné
ample satisfaction à maître Gaster, la première de ces
origines revient évidemment à la seconde, qui est jus-
tement celle que je propose.
X
Cinquième Question.
Cm dit VSE POIRE DE MESSIRE JEAS, de DOïEiVîiÉ, etc. En
supprimant le mot poire, faut-il dire vu box messire
JEAN, C.N EXCEl.r.E.NT DOrEîdSK, OU UNE BOVXE MESSIRE JEAN,
UNE BOSNE DOïENVÉ?
11 arrive très-souvent que, pour abréger le discours,
on supprime un substantif ayant pour régime un autre
substantif qui le complète au moyen de la préposition
de; ainsi, on dit, par exemple :
Les Débats pour Le journal des Débats.
Le Tartuffe — La comédie de Tartuffe.
Les Oiseaux — Le couvent des Oiseaux.
Or, lorsqu'une telle abréviation a lieu, le mot com-
plément se substitue au mot complété dans toutes les
fonctions de ce dernier, et si, avant l'ellipse, il y avait
dans la phrase un mot s'accordant avec le premier subs-
tantif, après l'ellipse, il s'accorde avec le second, lequel
peut fort bien, comme on vient de le voir, n'être ni
du même genre ni du même nombre.
Par conséquent, attendu qu'en vertu de la règle pré-
cédente on dit :
Les Débats sont fort bien rédigés.
Le Tartuffe a été bien joué.
Les Oiseaux sont fort à la mode.
Il est évident qu'il faut dire aussi :
l'n bon messire Jean, un excellent doyenné.
Cette construction peut rapprocher certains mots qui
semblent peu faits pour aller ensemble. Ainsi, on en-
tend dire assez souvent : M. un tel est fermé; 3/°'" une
telle n est pas encore owerte; mon voisin va être dé-
moli, phrases signifiant la boutique ou l'établissement
de M. un tel est fermé; la boutique ou l'établissement
de M'"" une telle n'est pas encore ouvert; la maison de
mon voisin va être démolie.
l:
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Sixi.'ine QiiesUoii.
Je lis cette phrase dans un journal : « Vn sieur Mer-
ton, nom AXGLAMSÉ pour les besoins de la pi('ce ».
Est-ce que ce mot, pour dire rendu anglais, est une ex-
pression, selon vous, bien française ?
Pour exprimer par un seul mot la signiQcation de
rendre, suivi d'un adjeclif désignant une nationalité, le
français emploie des verljes formés de cet adjeclif
et dune finale qui est, tantôt iser (franciser, italiani-
ser, espagnoliser) , tantôt ifier (russifier).
Or, si le verbe que vous me signalez a l'une de ces ter-
minaisons, il n'a pas le radical convenable; car anglan
n'a jamais appartenu, que je sache, à aucun qualifi-
catif signifiant anglais : c'est tout simplement un gros
barbarisme.
Le véritable verbe à employer ici est angliciser,
formé de l'adjectif anglicus :
11 y a des variétés dans les bisons, ou, si l'on veut, dans
les buffaloes, mot espagnol am/licisc.
(Chiiteaubriand, Amtiigiie, l5.)
C'est angliciser que de dire rail-way au lieu de cUemin
de fer.
{Grand Dicl. du XJX' siècle.) -
ÉTRANGER
rremière Question.
Je désirerais bien savoir quelle est la véritable signi-
fication de cette phrase que j'ai déjà rencontrée plu-
sieurs fois dans les livres français : Etre piqué de l4
TAREMCLE LITTERAIRE. Voudricz-vous bien me l'expli-
quer ?
Pendant le xvi«, le xvii" et le wiii» siècle, il a régné
dans la Pouille et même dans une partie de l'Italie, une
maladie nerveuse qui depuis s'est éteinte.
On l'attribuait à la morsure de la tarentule, une cer-
Uine araignée qui se trouvait en abondance près deTa-
renle, et dont le venin passait pour causer des accidents
dont Valmont de Bomare {Dictionnaire raisonné uni-
rcrset d'histoire naturelle, Paris, 4 765) parle en ces
termes :
On dit que cette araignée est très-venimeuse, et que sa
morsure occasionne des symptômes qui paraissent aussi
singuliers que la guérison. Un ajoute que ceux qui en
sont mordus ont des symptômes différents; les uns
chantent, les autres rient, les autres pleurent; d'autres
ne cessent de crier, d'autres sont assoupis, d'autres ne
peuvent dormir. Enfin, on prétend que le remède qui les
soulage le plus, est de les l'aire danser à outrance. Pour
cet effet, on leur fait entendre des symphonies qui leur
plaisent le plus; on essaie divers instruments; on leur joue
des airs de dill'érentos modulations, jusqu'à ce qu'on en
trouve un qui llatte le nialadi> : alors, ilit-on, le tarentule
saute hrusr|uement hors du lit, et se met à danser au son
de la musique médicinale jusqu'à ce qu'il soit en nage et
hors d'haleine; ce (|ui le guérit.
La vérité est que le venin de celte bestiole, n'est dan-
gereux ijue pour les insectes qui lui servent de nour-
riture; que la maladie décrite plus haut peut aussi
être déterminée par la piqûre d'autres insectes, et qu'il
n'y avait que des gens de la lie du peuple et des vaga-
bonds qui, se disant piqués de la tarentule, paraissaient
guérir par la danse et la musique, et gagnaient leur vie
de celte façon charlatanesque.
Mais, malgré _la fausseté de cette croyance, le fait
retentit à toutes les oreilles, et l'on en prit occasion
pour faire l'expression figurée être mordu de la taren-
tule, qui signifie être animé de quelque vive passion :
Tous les premiers historiens des croisades semblent
mordus des mcmes' tarentules que les croisés.
(Voltaire. Met. hisl. Paiiég. de saint Louis.)
Plus tard, on a dit t'ire piqué de la tareiitule, expres-
sion meilleure que la précédente, parce que si l'on en.
croit d'Orbigny [Dict. d'hist. nat., vol. 2, p. 70, par. 2'
les araignées piquent, mais ne mordent pas.
Or, il résulte de ce qui précède qu'r/rc piqué de lu
tarentule littéraire veut nécessairement dire être épris
d'une vive passion pour la littérature.
X
Seconde Question.
Est-ce que l'expression RKEToy biietowant^ch/ s'em-
ployer pour signifier la langue des bas-Bretons? .
J'ai dit dans ma Syllexie « le breton bretonnant , la
langue des Bretons de France », et cela, d'après le ren-
seignement qui suit , trouvé dans le Dictionnaire
ctijmologique de Noël et Carpentier :
Buetoin-Bretonnant. s. m. redoublement imaginé, selon
Pasquier (liv. I, ch. XI) pour distinguer le lungarje des
Bretons, voisins de la France, des Bretons du pays de
Galles. « Il n'y a rien quelconque qui ne s'y puisse dire
» ou écrire, bien plus distinctement qu'en genevois, breton-
» brelonnanl, ou en basque (Claude Duret, Thre'sor de l'his-
» toire des lanijues ».
Mais depuis, ayant vu dans le Dictionnaire de Littré
que breton bretonnant « jie se dit que dans les
locutions « Breton bretonnant, pour désigner un bas-
Breton, et Bretagne brrtonnante, pour désigner le pays
occupé par les bas-Bretons, j'ai réfiédii de nouveau à
ce singulier adjectif, et je suis arrivé, par des considé-
rations que je vais vous faire connaître, à la conviction
qu'il est complètement impiopre à désigner la langue
dont vous parlez.
L'ancienne province appelée Bretagne se divise en
Ilaule et liasse Bretagne; cette dernière renferme une
population d'environ 1,100,000 habitants d'origine
gauloise pure, dont les ancêtres sont venus de l'Angle-
terre au \' et au vi'' siècle, fuyant devant leurs vain-
queurs, les Saxons et les Angles. Cette population ha-
bite le .Morbihan, le Finistère et les Cotes-dii-Nord
(Guingamp, Lannion et partie des arrondissements de
Loudèac el dcSaint-Brieucl. Les Bretons de ces endroits
parlenl une langue particulière ; on les appelle les
Bretons brelonnants, et la partie de la Bretagne qu'ils
habitent, la Bretagne bretonnante :
Je suis de la Itrelugne hrclnnnanlc, et par conséquent,
entêté comme un vrai Breton.
(Ale.Yondte Diiiiias.)
LE COURRIER DE VALGELAS.
On peut ranger M. Poussin parmi les lircfons Orcioiinants
les plus fidèles à la vieille Armorique.
tTliéophilc Gautier.)
\[i remarquèrent une femme assise sur un de ces quar-
tiers de roc, dans l'attitude de la plus sombre tristesse.
C'était la Bielonnc bretonnante dans toute l'acception du
mot.
(Paul Delluf, la Bretonne.')
Dans ces appellations, le mot bretonnant ne peut Atre
que le participe d'un verbe bretonnr.r^ signifiant parler
breton, comme le verbe putoiser signifie parler patois.
De sorte que Breton bretonnant veut dire littéralement
Breton qui parle breton (par opposition au Breton
(|ui parle français), et Bretar/ne bretonnante, partie de
la Bretagne où se parle l'idiome des anciens Bretons.
Or, si telle est bien la signification de bretonnant,
est-il possible de l'appliquer au langage bas-breton?
Evidemment non, car on ne peut pas plus dire de ce
langage qu'il bretonne qu'on ne peut dire du patois
qu'il patoise : employé dans la dénomination du |)arler
de la Basse-Brelagiie, le participe bretonnant ferait un
pléonasme des moins justifiables.'
PASSE-TE.MPS GRAM.MATIGAL
Corrections du numéro précèdent.
1° ... il a plus sauvé de cantlidals qu'il n'en a perdu; —
t" . . ■ qu'il soit obligé d'agir ainsi (pas de en]; — 3" . . le
plus beau qui ait encore élé donné ; — 4° ... doivent commen-
cer à êlre dans leurs petits souliers (c'est-à-dire à être gênés);
— 5» ...personne de moins observateur que nos pêcheurs; — 6° ...
des plus multiples et des plus variées (l'adverbe plus se répète
devant chaque adjectif); — 7° ... quelle émotion profonde a
causée sa mort; — S» ... sera demandée apn de donner aux
puissances (voir Courrier de Vaiigetas, i' année, p 82); —
9» ... Il portail en écharpe une de ces trompes; lO» ... aux
mains longues, aux lèvres épaisses {lippu veut dire qui a les
lèvres épaisses); 11° ... je ne laissais pas d'être (Voir Courrier
deVaugelas, i' année, p. 155); — 12' ... mais c'étaient lie
pures sentences.
Phrases à, corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
1° Je me suis associée aux instances faites auprès du
sultan pour le convaincre qu'il convient d'adopter des
mesures de réforme administrative qui peuvent écarter
toute cause raisonnable de mécontentement parmi ses
sujets chrétiens.
2° J'écrivais hier qu'il gelait. Il a suffi que je le dise
pour qu'aujourd'hui il dégèle. -Nous voilà maintenant dans
le marécage.
3' C'est la première application de la nouvelle loi sur la
presse. Malgré tout le respect qu'on doit au.\ décisions de
la justice, elle ne manquera pas d'être taxée de sévère.
4' M. M... comme si! revenait d'un voyage, se disposait
à monter dans son appartement lorsque le concierge
l'arrêta au passage, et, d'un ton acerbe, lui observa qu'il
etît à chercher un autre domicile.
5- Tous les jours le Fraimtis crie par dessus les toits que
son ministre bien-aimé combat les bonapartistes. Tous les
jours ceux-ci se plaignent d'être en butle à 1 hostilité de
l'administration pour mieux cacher leur jeu.
6' Je ne sais qui est-ce qui avait persuadé à Méry que
les bossus étaient d'excellents fétiches, et qu'il suffisait
de toucher leur bosse pour se trouver immédiatement en
relations avec la fortune.
7- C'est à M. Coquclin qu'est échu le rôle difficile du duc
des Septmons. Mais de quoi allé-je m'aviser de parler de
rôle difficile ? Est-ce que tous les rôles ne sont pas difficiles
dans l'Etrangère?
8° .Mais il est à prévoir que bien d'autres questions,
celles-ci inopportunées et prématurées seront soulevées,
sur lesquelles M. Debrousse a su conserver une indépen-
dance que d'autres n'ont pas.
'.)' Il faut cependant s'attendre peut-être à d'autre chose
de pire comme manœuvre de la dernière heure.
10" Oh! riez et vous gaussez de moi si le cœur vous en
dit, je n'en ai cure sur mon âme.
[Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU KVll' SIÈCLE.
Marguerite BUFFET.
{Suite.)
On dit encore souvent cela est arrivé, ce dit-on; cela
s'est fait, ce dit-il; il faut dire dit-on et dit-il, sans
mettre le pronom ce.
11 ne faut pas dire outre à ce que cela se passa de
celte manière ; il faut dire outre que cela.
Ne dites pas // y a-fil de meilleure marchandise
<litc celle-là que je vous donne; mais dites y a-t'il de
meilleure marchandise que celle que Je vous donne.
Je sçay qu'il fera plus qui ne vous promet pas est
une mauvaise expression; dites plus qu'il ne vous
promet.
D'autres disent ils iront oit je ne sçay pas encore; il
faut dire ils iront oit je ne sray encore.
Plusieurs disent 7"//'«(/ là sans point de faute, il faut
(lire sans faute (16681.
Maintes femmes disent quand c'est que je suis /tabu-
lée, je ne puis rien faire ; elles devraient dire quand je
suis habilli'e.
.\u lieu de quand est-ce qit'il arrivera, il faut dire
quand arrivera-t'il .'
Il ne faut pas mettre pour devant afin de; ainsi la
phrase suivante est mauvaise : j'uy fuit cela pour afin
de lui faire connaître la vérité.
Mauvaise aussi celle autre : Cet homme est fâcheux,
roirc mesine itisupportable; il faut supprimer voire
mesmc, et le remplacer par et.
Quelques-uns disent // seuil parfaitement et .•"•«-
raminenf joiier du clai-ecin; l'un des deux est superllu
et constitue une faute.
Beaucoup de gens disent par après et en après;
c'esl ridicule, il faut dire après.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
qu
Se bien garder de dire « moins que de faire cela ; le j
<e est de trop , il faut dire à moins de faire.
On dit encore bien loin de m' avoir recompemé; c'est
mal, il faut dire simplement loin de.
On dit aussi, ce qui est mal, jiisrju'à aitjourdhuy,
il faut (Ï\YQ jitsques aujourd'huy.
Il faut dire il commença d'avoiler et non // commença
à avolier.
11 y a des gens qui ne peuvent parler sans mettre des
« superflus « de mots ; ils disent cet homme est lâche
et paresseux, comme si ces deux mots n'avaient pas la
même signiQcalion.
// a sif/Jié ce conlract de sa main, dit-on quelquefois;
il faut dire simplement il a signé ce contract.
Il est si vrày, qu'il l'a confessé de sa propre bouche,
superfiuité; il suffit de dire il l'a confessé.
Il se trouve aussi plusieurs personnes qui font un
mélange de syllabes assez mal à propos ; par exemple,
elles diront jay receu des lettres du dix, du treize,
du. quatorziesme du courant, tandis qu'il faut dire j'ay
receu toutes nos lettres, une du treiziesme, une du qua-
torziesme du courant.
TROISIÈME PARTIE.
Il est question ici des mots corrompus et mal pro-
noncés.
Marguerite Buffet voit des personnes qui ne font pas
de fautes dans la langue française, mais qui la pro-
noncent si mal, qu'il semble que de chaque mol elles
dérobent quelques syllabes, ne faisant jamais entendre
les dernières, qui sont les plus nécessaires; par e?:emple,
quantité de .personnes disent je ne lairay pas de faire
telle chose. Il faut dire en prononçant les s, je ne lais-
se ray.
Répondant à quelque demande, on dit ordinairement
ce qui rous plaira, en mangeant une /; il faut la faire
un peu sonner, et dire ce qu'il.
Beaucoup de personnes se servent encore de cette
« méchante » prononciation ; elles disent vous irest en
tel endroit, vous ferrst telle chose. Il faut dire irez,
ferez .
Il s'en trouve encore qui ne savent s'il faut dire un
j)orlruit ou un pour Irait ; il faut prononcer portrait et
portraire.
Plur^ieurs prononcent setjrel, sc(jrettement ; il faut
faire entendre un c, et dire secret, secrètement.
On prononce aussi par erreur mcabons au lieu de
rar/abons.
Bien des gens disent, ne se doutant point qu'ils font
une faute, c'est mon filial, c'est ma fîolle ; la seule
bonne manière est filleul, filleule.
D'antres pensent raflluer en disant un faussé, quand
on doit dire un fossé.
Il y en a encore qui disent la chouse, arrouscr; on
n'cmiiioie plus ces vieilles prononciations, qui ne
servent qu'à corrompre la plus belle de toutes les
langues, qui est la française ; on doit dire la chose,
arroser:
Plusieurs prononcent des nantilles (iCOS); il faut
dire des lentilles.
Ne dites pas il n'a pas pour survenir à la nécessité;
dans tt ce » rencontre, il faut dire subvenir.
Quoy que l'on die et quoy que l'on dise sont fort en
usage tous deux ; mais le premier est le meilleur.
Beaucoup de personnes disent seijond, secondement ;
et il y a même des femmes qui en ont tellement l'habi-
tude qu'elles ne l'écrivent point autrement; il faut
dire second, secondement.
Voici un cas où bien peu de gens « s'exemptent » de
faire des fautes : ils disent en ce temps-cy il faut se
vêtir; il faut dire en ce temps icy, qui est la seule ex-
pression convenable, quoique en ce temps-cy semble
être en usage.
Faut-il-dire les jours caniculiers ou les jours canicu-
laires? La dernière expression est la plus en usage.
Il ne faut ni prononcer ni écrire anarjrame, la véri-
table expression est anagramme avec deux m.
C'est fort mal prononcer que de dire c'est un vieux
homme, c'est un vieux habit ; il faut dire vieil.
On demande lequel est le mieux de il est marry ou de
il est merry. Ils ne sont condamnés ni l'un ni l'autre;
mais ceux qui suivent le bel usage trouvent ces termes
un peu anciens.
Il faut laisser au préalable et préalablement pour
les gens de chicane.
En parlant d'un homme riche, plusieurs disent il a
valant, d'autres, il a vaillant ; ce dernier est le meil-
leur, bien qu'il soit contre la règle.
Marguerite Buffet voit bien des personnes qui disent
drés que je seray en estai au lieu de dés que.
Beaucoup se trompent dans la prononciation de
gangreine; quoiqu'écril ainsi, ce mot doit se prononcer
cangreine.
Il y en a qui disent canesson au lieu de calson.
Plier et ployer diffèrent; il faut dire ployer les ge-
noiiils et plier le linge.
Il ne faut pas confondre coiisumer et consommer; en
ce qui regarde un mariage, par exemple, il faut dire
consommer; autrement, il faut employer consumer, et
dire // a consumé tout S07i bien.
Plusieurs personnes prononcent j;o«r(r/e/«e; il faut
dire porceline.
Dans les mots ingrédient, inconvénient, expédient,
escient, la finale ient doit sonner ian.
Marguerite Bufl'et a entendu un grand nombre de
personnes dire compagnée pour compagnie, ce qui est
très-ridicule; il faut un peu faire sonner l';, le mot
ayant ainsi plus de grâce.
Plusieurs pensent bien dire en prononçant deux c
dans le mot océan; ils sont dans l'erreur.
On dit encore dans beaucoup d'occasions dites l'y
telle chose; il faut prononcer lui, autrement c'est ridicule.
Il y a des personnes qui prononcent neautmoins,
quand il faut prononcer neanlmoins (1668).
En terme de Palais, on prononce submission; il faut
dire .loûmission, qui est mieux.
[La suite au prochain numéro.)
Le RKDACTEUii-GÉuàNT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
(73
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Histoire de la Révolution de 1870-71; par Jules
Claretie. Édition illustrée par les plus célèbres artistes.
Livraisons 1 à à». (T. 1 et 1). In-8% x-755 p. Paris, lib.
illustrée. Chaque livraison, 25 cent.; chaque volume, 6fr.
L'Empereur Claude; par Lucien Double. In- 18
Jésus, "266 p. Paris, lib. Sandftî et Fishbacher.
L'Amour au XVIII« siècle; par Edmond et J. de
Concourt. In-8° carré, 176 p. avec encadrement et 3 grav.
à l'eau-forte. Paris, lib. Dentu.
Lettres d'un bibliographe. W série, ornée de 6 pi.
et de plusieurs fac-similé; par J. P. A. Madden. In-8°,
xix-287 p. Paris, lib. Leroux.
Œuvres de Rabelais, augmentées' de plusieurs frag-
ments et de deu.x chapitres du 5'' livre restitués d'après
un manuscrit de la Bibliothèque nationale, et précédées
d'une notice historique sur la vie et les ouvrages de
Rabelais. Nouvelle édition, revue sur les meilleurs textes
et particulièrement sur les travaux de J. Le Duchat, de
S. de r.\ulnay et de P. Lacroix (bibliophile), éclaircie
quant à l'orthographe et à la ponctuation, accompagnée
de notes succinctes et d'un glossaire, par Louis Barré,
ancien professeur de philosophie. In-18 Jésus, 616 p. et
portr. Paris, lib. Garnier frères.
Voyage au pays des milliards; par Victor Tissot.
21= et 22° éditions, ln-18 Jésus, 392 p. Paris, lib. Dentu.
3 fr. 50.
Notre-Dame de Paris; par Victor Hugo. Nouvelle
édition. 2 vol. in-18 jésus. vu-750 p. Paris, lib. Hachette
et Cie. 7 fr.
La Nouvelle Héloïse; par J. J. Rousseau. Editi'on
illustrée de vignettes sur bois. In-Zi° à 2 col., 160 p.
Paris, lib. Beuoist et Cie. 2 fr. 10 cent.
Œuvres complètes de Diderot revues sur les
éditions originales, comprenant ce qui a été publié à
diverses époques et les manuscrits inédits conservés à la
bibliothèque de l'Ermitage. Notices, notes, table analy-
tique. Etude sur Diderot et le mouvement philosophique
au XVIIP siècle, parj. .Assézat. T. 10. Beau.x-Arts. I. Arts
du dessin (salons;. In-8°, 529 p. Paris, lib. Garnier
frères. 6 fr.
L'Année scientifique et industrielle, ou Exposé
annuel des travaux scientifiques, des inventions et des
principales applications de la science à l'industrie et aux
arts, qui ont attiré l'attention en France et à l'étranger;
accompagné d'une nécrologie scientifique ; par Louis
Figuier. 19= année (187o). In-18 jésus, 516 p. et gr. Paris,
lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50 cent.
Histoire de France ; par J. Michelet. Illustrée par
D. Vierge. Livraisons 10 à 13 (fin du tome 1). In-8'^ xlvii-
289-370 p. Paris, lib. internationale. La livraison, 50 c.
Une femme sans cœur; par Mme Renly-Lebas.
ln-18 jésus. 256 p. Paris, lib. Sandoz et Fishbacher.
La Province en décembre 1851. Étude historique
sur le coup d'État ; par Eugène Ténot. Nouvelle édition.
In-8°, Yi-338 p. Paris, bureaux du Siècle. 6 fr.
Jack, mœurs contemporaines; par Alphonse Datl-
det. 2 vol. in-18 jésus. 770 p. Paris, lib. Dentu. 6 fr.
CEuvres complètes d'Alfred de Musset. Edition
ornée de 28 gravures d'après les d'^ssins de M. Bida. d'un
portrait gravé par Flameng d'après l'original de M. Lan-
delle et accompagnée d'une notice sur Alfred de Musset
par son frère. 10 vol. in-8<', Sdlth p. Lib. Charpentier et
Cie. 75 francs.
Publications antérieures :
LA GRAMMAIRE FRANÇ.MSE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par EM.iN M.vitTiN, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LES V1BR.\TI0NS POETIQUES. — Par Auguste Ba-
LUFFE. — Ln vol. in-18. — Paris, librairie acadérnique
Didier et Cie, 35, quai des Augustins. — Prix : 3 fr. 50.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — . 11 ne
reste plus que la li" et la 5« année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La !■■«, la 2« et la 3" annpe doivent être pro-
chainemenl réimprimées.
REVERS DE MÉDAILLES. — Par Ai.rnoNSE Baupouin.
- Poésies. — Chez l'auteur à Bar-sur-Aube (Aube).
DICTIONNAIRE ÉTYMOLOGIQUE des noms pnopREs
d'ho.m.mes, contenant la qualité, l'origine et la signification
des noms propres se rattachant à l'histoire, à la mytho-
logie, des noms de baptême, etc. — Par Paul Hecquet-
Boucn.iND — Paris. Victor Sarlit, libraire-éditeur, 19,
rue de Tournon.
L'HOMME ADULTÈRE — Par .Marr.-^ Rolx. — Paris,
E. Dentu, éditeur, libraire de la Société des gens de
lettres — Palais-Royal. 17 et 19, Galerie d'Orléans —
Prix : 3 fr.
BÉNÉDICTE. — Par S. Blaxdv. — Paris, librairie aca-
démique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35, quai des
Augustins.
L'UNTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX.
— En vente à la librairie Sandoz et Fishbacher, 33, rue
de Seine, à Paris. — Chacune des 7 années parues se vçnd
séparément. — Envoi franco pour la France.
,-,; LE COURRIER DE VAUGELAS.
CATALOGUE DESCRIPTIF ET RAISONNÉ
UES
Manuscrits de la Bibliothèque de Tours.
Par M. A. DORANGE, Conservateur.
Gros in-quarto à 2 colonnes de 583 pages.
Cet ouvrai'e, qui a coûté dix ans de travail à son auteur, a été apprécié comme il suit par M. Léopold Delisle.
administrateur de la Biljliothèque nationale (Journal officiel du 29 juin 1875) ;
(I La ville de Tours possède une des plus riches collections de manuscrits qui existent en France. La description
qu'en donne M. Oorange, dans son Catalogue descriptif et raisonné de la bibliothèque de Tours, rendra de réels
services à la science. C'est dans cette collection que M. Luzarche a découvert le drara» d'Adam, et que M. Thurot a
trouvé un manuscrit qui a notablement amélioré le texte des lettres familières de Cicéron. Le travail de M. Dorange
permettra de faire encore plus d'une découverte intéressante. La municipalité de Tours, qui a fait les frais du
Catalogue, mérite aussi la reconnaissance des savants. »
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
L
Les Professeurs de français désirant trouver des places en Angleterre peuvent s'adresser en toute conliince au
Secrétaire du Collér/e des Précepeurs, til, Queen Square à Londres, W. C, qui leur indiquera les formalités à remplir
pour se faire inscrire sur le registre des demandes d'emploi ouvert dans cet établissement.
IL
Une lettre reçue dernièrement de Litchfield (Etat de Connecticut) informe le Rédacteur du Courrier de Vaugelas
qu'il est très-facile de se procurer des places de professeur de français dans les Etats-Unis d'Amérique. — S'adresser
à M. J. W. Schermerhorn, /i30, Broome Street, à New-York. — Affranchir.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le seizième Concours poétique, ouvert à Bordeaux le 15 février, sera clos le !«■■ juin 1876. — Douze médailles, or.
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Garrange,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde) — Affranchir.
Société d'émulation de Cambrai. Extrait du programme des questions mises au concours pour 1876. Poésie. Le sujet
et l'étendue de la pièce destinée à le traiter, sont laissés au choix des concurrents. — Une lyre d'argent ou une
médaille dont la nature et la valeur sont subordonnées au mérite de l'ouvrage, sont affectées également à ce con-
cours. — Les travaux et mémoires inédits et n'ayant jamais figuré dans aucun concours seront seuls admis. Ils porte-
ront une épigraphe répétée sur un pli cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur, et devront être adressés,
franco, avant le 1" Juin 1871! au Président ou au Secrétaire général de la Société. — Les œuvres non couronnées ne
sont pas rendues, 'et les plis cachetés qui les accompaguent sont brûlés en séance.
Société florimontane u'An.necy. — Concours de 1876. — Poésie : Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux
concurrents. — Le nombre minimum des vers est ûxéh cent. — Les travaux seront composés en langue française.
— Les auteurs devront déclarer par écrit que ces travaux sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
— Les auteurs qui se feraient connaître seraient exclus. — Les envois porteront une épigraphe qui sera répétée à
l'intérieur d'un billet cacheté indi(|uant le nom et le domicile de l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux
archives de la Société, les auteurs pourront en prendre copie.
La Société académique de Saint-Qlentin propose des médailles d'or pour les sujets suivants, mis au concours pour
l'année 1870 : Poésie. — Sujet laissé au choix des concurrents. Cantates. — Sujet également laissé au choix des
concurrents. Les pièces envoyées au concours devront remplir les conditions exigées par le Conservatoire national
de musique pour le prix de Home, c'est-à-dire être à personnages (une voix de femme et deux voix d'homme), et
contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un trio final. — La Cantate de 1876 servira de texte pour le
concours de musique qui aura lieu en 1877. Littérature. — I" question : « Etude sur la poésie contemporaine. » —
2'- question : « Des moyens de développer le goût de l'étude dans toutes les conditions sociales. »
Le rédaclciir du Courrier de Vaugelas est visible à son bureau ilo midi à une heure et demie.
Imprimerie GOlVERNKlIli, G. DAL'l'KLEV A NogeiU-le Rotrou.
6» Année
N» 23.
1" Avril 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^«
A\W Journal SemUIensuel <!/ / À
-^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE '^A 1
ParaUgant le 1" et !• IS de ehaqne moU
{J>an% sa séance du \ï janvier 1S75, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Abonnement pour la France. 6 f .
Idem pour l'Étranger 10 f.
Annonces, la ligne. 50 c.
Rédacteur : Eman Martin
PROPESSEnH SPÉCIAL POUR LES ÉTRANOBHS
Officier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
nal, soit à un libraire quelconque.
Le Rédacteur du Courrier de Vaugelas vient d'être
officiellement informé que, sur le rapport de sa com-
mission des récompenses, le Conseil supérieur de la
Société libre pour le développement de l' Instruction et
de l'Education populaire!^ lui a décerné une médaille
DHONSErR dans sa réunion du 7 mars IS76.
SOMMAIRE.
Communication sur l'élymologie de Calembour; — Explication
de Avoir du foin dans ses bottes; — Origine de Macfiin servant
à désigner une personne ; — Pourquoi Après être parti et
Avant d'étreparli; — L'expression Je ne saelie pas. || Elymologie
de Loup-garou, — Ce que signifie Un roi in partibus ;
— Pourquoi i4i'oir HK (e loup signifie être enroué. || Passe-
temps grammatical || Suite de la biographie de Marguerite
Buffet II Ouvrages de grammaire et de Littérature. || Ren-
seignements aux professeurs français II Concours littéraires.
FRANCE
COMMUNIG.\TION.
Le 8 mars dernier, un ancien abonné m'a adressé,
au sujet de l'étymologie de calem/)oiir, dont j'ai parlé
dans le Courrier de Vautjelax (2= année, p. 477), la
communication suivante, qu'il a découpée 'exemple à
imiter; dans le journal le Temps du 2 février 1875 :
M. Victorien SarJou vient de publier dans le Figaro une
étude sur l'origine du mot cotemlmur. D'après M. Liltré, le
mot calembour vient du nom de l'abbé df> Caleraberg,
personnage plaisant des contes allemands. "D'après d'autres
commentateurs, il nous aurait été légué, soit par le comte
Caleraberg, de Westphalie, soit par un apothicaire qui
s'appelait Calembour. Mais JI. Victorien Sardou n'est pas
de cet avis; il estime que l'on peut renvoyer le comte
Calemberg en Westphalie et inviter l'apothicaire à l'y
suivre.
L'étymologie de M. Sardou est bien différente. Calembour
n'aurait pas d'autre origine que le mot français calambour,
bois O'Iorant de l'Inde.
De porter cette boîte en bois de calambour
A mon père, monsieur l'électeur de Neubourg.
(Ruy-BUis, acte II. se. V.)
Comment M. Sardou justifie-t-il cette interprétation'
C'est le hasard seul auquel il l'aurait due. M. Sardou est
un collectionneur : il lui est arrivé d'acheter, il y a quel-
ques années, à la mort du petit-fils de Favart, un lot de
vieux papiers provenant de son très spirituel grand-pére.
Or, dans cet achat, se trouvait un manuscrit écrit de la
main de Fuzelier, et contenant les Montgenetles, un recueil
de chansons composées à Montgent par de bons vivants
de la joyeuse société d'autrefois. L'abbè Chérier, censeur
royal, était seul à court au milieu de ces improvisateurs
intrépides. Un beau jour, le voilà qui arrive tout fier d'une
subite inspiration. Mais laissons parler Fuzelier :
0 Le gros abbé courant le matin, presque nu, malgré la
bise, dans les chambres de Montgent, s'écria qu'il venait
d'enfanter une jolé (sic) chanson, et pour le premier, il
chanta d'abord sur l'air, Plaignons le malheur de Lulli,
etc..
Pleurons tous en ce jour...
« Après ce beau vers, sa muse, fatiguée de cet effort spi-
rituel, fit une pause prudente et nécessaire.
« La compagnie, charmée d'un si heureu.x début, le
presse d'achever. Le poète léger recommença :
Pleurons tous en ce jour...
et s'arrêta là une seconde fois...
« On le conjura de continuer un ouvrage qui promettait
tant. Enfin, après avoir invoqué Apollon et remonté sa
lyre, il entonna pour la troisième fois avec une emphase
digne du sujet :
Pleurouj tous en ce jour...
Du bois de calambour...
« Son Pégase essoufflé ne peut faire un pas de plus, il
s'arrête court. — Ce poème ébauché risquait d'avoir le
sort de lEnéide et de n'être pas achevé, si Mareuil, osant
suivre ce nouveau Virgile, n'avait pas sur-le-champ ter-
miné celte importante affaire comme il suit :
Pleurons tous en ce jour
Du bois de Calanbour...
Crioit d'une voix emphatique
Un abbé qui n'est pas éthique.
Aussitôt en cbœur on lui dit,
Il a mal à l'esprit.
Et, après avoir reproduit ces vers de fermier-général,
Fuzelier ajoute :
« Ce mot de calaiilmur fut tant répété ce jour-là et
•depuis par la soci'té de Montgent, poursiguifier comique-
178
LE COURRIER DE VAUGELAS.
ment et allégoriquement fadaise, baliverne, pauvreté, qu'il
a fait fortune et est devenu proverbe. »
Mareuil d'ailleurs fit incontinent la chanson suivante :
Sur l'air : Tout cela m'est indi/férent.
Pour ne jamais demeurer court
Prenez gaule de Calanbour.
Touchez avec celte baguette
Le stupide ou l'homme d'esprit,
Vous verrez que d'une sornette
Ainsi que d'un bon mot il rit.
Quelle e.^t la conclusion de M. Sardou ?
Il .Ne conçoit-on pas très bien, dit-il, que, franchissant
les limites de Montgent, et propagée au dehors par les
gens de tout rang, auxquels Fuzelier fait allusion, la locu-
tion nouvelle se soit insensiblement transformée sur la
route; et que, s'ècartant de plus en plus de sa significa-
tion première, elle en soit venue tout doucement à ne
plus désigner seulement une sottise, mais aussi, et par la
ressemblance des deux mots, une calembredaine (mot, n'en
déplaise à M. Littré, bien antérieur à calembour), — puis
le coq-à-l'éiie, — l'équivoque, et enfin le jeu de mots tout
spécial qu'elle caractérise aujourd'hui, — et qui, depuis
longtemps, attendait une expression qui lui fût propre?
— De telle sorte qu'ayant enfin vers 1760 son droit de
bourgeoisie, — le calembour n'attendait plus que M. de
Biévre pour obtenir de lui ses litres de noblesse.
« Je crois donc, jusqu'à nouvel ordre, que l'étymologie
est bien là, et qu'il ne faut pas la chercher ailleurs. »
Tous mes remercimentsà la personne qui a bien voulu
prendre la peine de m'envoyer cebexcellent article. Quand
j'aurai eu le temps d'y réfléchir, je donnerai volontiers
mon apprécialion sur l'étymologie proposée par
M. Sardou, laquelle, tout d'abord, me semble avoir de
grandes chances pour être préférée à celle dont je me
suis montré partisan autrefois.
X
Première Question.
Comment expliquez-voux la loi ut ion populaire Mettre
iiD FOIN DANS SES BOTTES dyiiipant devenir riche ?
Il a été donné plusieurs explications de ce proverbe;
en voici les principales :
•l" Au temps des chaussures à la poulaine, dont la
grandeur était proportionnée au rang de ceux qui les
portaient, on garnissait ordinairement de foin les vides
que les pieds ne devaient pas remplir dans ces chaus-
sures: c'est, dit Quitard, ce qui a donné lieu à l'expres-
sion proverbiale // a mis du foin flans ses bottes, qu'on
emploie en parlant d'un homme devenu riche par des
moyens peu honnêtes. C'est comme si l'on disait voilà
un homme dont les bottes ne sont pas faites pour lui.
— Il n'y avait aucun déshonneur à mettre du foin
dans des souliers à la poulaine, puisque cette chaus-
sure était à la mode; comment ce fait pourrait-il expli-
([uer mettre du foin dans ses bottes, qui implique une
suite d'actions que la morale réprouve'?
2" A l'occasion du vers G'.O du chant P' de la C/ian-
son de Holand, vers ainsi conçu :
il les ad prises, en sa lioese les Imutc,
Génin fait remar(iuer ([u'autrefois l'usage était, à ce
([u'il i)arait, de déposer les petits objets précieux dans
sa hotte comme dans une poche. Ne se pourrail-il pas
bien que mettre du foin dans ses bottes ft'il uue allu-
sion à cette pratique'?
— Je ne nie pas l'existence d'un tel usage, car Naymes
ayant tué le gripon igriffon) qui avait attaqué son che-
val au passage du terrible Aspremont, lui coupe une
patte :
Naymes la prist, qui fut moult sages hom ;
Met l'en sa fioese, montrera l'a Karlon.
(Agolayttt 448.)
Mais ce qui me parait plus que douteux, c'est qu'on
ait jamais mis du foin dans la tige de sa botte, comme
on a pu y mettre un bijou.
3" Le mot foin s'est prononcé autrefois fain, comme
le montrent les exemples suivants, où il a justement
cette orthographe :
Le cheval corut attachier
A un arbre parmi le frain;
liée pest de l'erbe et dou fain.
(^Renard, 19366.)
Un asne esliroit plus tost fain que or.
fOreame, Etli. 3o9-)
C'est à entendre que ils fies serfs anglois] doivent par
servage les fainys faner et mettre à l'hostel.
(Froissart, II, II, 106. J
Or, la langue latine avait un mot, fœnus, qui signi-
fiait gain, intérêt, profit, et qui, grâce à son identité de
radical avec fœnum, foin, a dû sonner aussi fain. La
locution dont il s'agit ne serait-elle point une allusion à
fœnus.' Elle signifierait ainsi que la personne dont oh
parle a fait un grand bénéfice, un grand profit.
— Il est vrai que foin s'est prononcé autrefois fain,
mais pour que cette explication fîit admissible, il fau-
drait que l'on trouvât le mot fœnus sous la forme foi?i,
et on ne l'y trouve nulle part, ce mot n'ayant pas passé
du latin en français.
4° D'après M. Littré, mettre du foin dans ses bottes,
locution équivalente à mettre de la paille dans ses sa-
ints, provient de l'usage de garnir ses chaussures de
paille, de foin, pour qu'elles ne blessent pas le pied.
— Cette solution est certainement la meilleure de
celles qui ont été proposées jusqu'ici; mais il y manque
quelque chose, car elle ne rend pas compte de l'idée
d'improbité conlehue dans mettre du foin dans ses
bottes.
Voici, il me semble, la véritable explication de cette
phrase proverbiale :
Mettre de la paille dans ses .■souliers, qui signifie, au
propre, se meltre à l'aise pour marcher, a été employé,
au figuré, parmi les nombreux euphémismes usités il y
a quelques siècles pour signifier prendre le bien d'au-
trui, preuve le passage suivant des Avantuies de
M. d'Assoucii (liv. I, ch. 3, p. 64) :
Que diray-je plus, autant d'hommes, autant de larrons;
et autant de la/rons diflférens, autant de titres particu-
liers, comme :
Uançonner, faire venir l'eau au moulin, faire un trou à
la nuit, tirer d'un sac deux moutures, j-oiier de la harpe,
griveler, grapiller, plumer la poule sans crier, .sophisti-
quer, frelattcr, faire du bien d'autruy largo courroye.
donner A manger à la pie, mettre de la paille en ses sou-
Uers, plier la luilelte, alliage, corvée, monopole.
Or, lorsque, plus tard, on eut créé l'expression simi-
laire )we«/e du foin dans ses bottes, ipii , au propre, a un
LE COURRIER DE VAUGELAS,
)7!»
sens parfaitemenl idenlique à celui de son modèle se
mettre à l'aise dans sa chaussurei, cette expression
naturelfement prit, au figuré, la même signification
que mettre de la paille dans ses souliers, c'est-à-dire
celle de devenir riche par des moyens qui ne sont pas
honnêtes.
Si je ne me trompe, les deux expressions dont je
viens de parler ne doivent pas s.'emplojer inditTérem-
ment l'une pour l'autre. En effet, c'étaient les plus
pauvres gens qui, autrefois, mettaient de la paille dans
leurs souliers, comme le donne à entendre ce passage
de la Satyre Ménippée (ch. IX, par 345, éd. de 4 852) :
Au contraire des quemands et belitres qui, pour abuser
le monde, mettent de la paille en leurs souliers, se salpau-
drants les jambes pour mieux trembler le grelot.
En conséquence, je crois que mettre de la paille
dans ses souliers, doit se dire de personnes de la plus
basse condition, et que mettre du foin dans ses bottes
convient à des gens d'une condition plus relevée.
X
Seconde Question.
Je lis dans le Dictionnaire de Littré que machin, qui
s'emploie dans la langue très-familière, pour désigner
une personne ou un objet dont on ne se rappelle pas le
nom, est une corruption de machine. Est-ce votre avis,
et, dans le cas contraire, quelle étymologie proposeriez-
vous à la place de celle-ci ?
Attendu que l'on qualifie ordinairement de rnucliine
une personne qui fait quelque chose sans s'en rendre
compte, et qu'en désignant quelqu'un par machin on
n'a nullement l'intention de lui faire un mauvais com-
pliment, je crois que ce mol ne peut avoir l'étjmologie
qu'indique M. Littré, et voici celle que je propose :
De l'allemand m.vdchen, fille, est dérivé le vieux mot
français meschine qui, en conséquence de son origine,
signifiait jeune fille, fillette, servante, comme le mon-
trent les citations suivantes :
En la chambre ot une meschine,
Qui molt ert de gentill orine;
Li Preudom norrir la fesoit,
A mollier panre la voloit.
(Barbazan, M, 56.)
Celé a apelé sa mescitine,
Et li comande que grant erre
Alast léenz sa cuve querre.
(Idem., III, p. 93.)
Quant riens ne sai de son covine,
Se el est Dame ne tneschine
Por qui est mis en tel error,
Et por qui sueffre grant dolor.
(Idem., II, p. 55 )
Etcommeunnom à finale féminine désignant une
femme exige en quelque sorte le même nom à finale
masculine pour désigner un homme, de meschine on
fit meschin. qui signifia jeune homme, valet, serviteur,
ce dont voici la preuve évidente:
Un siens voisins molt le requist
Que il sa maison li vendist;
Mais li meschins vendre ne volt.
(Barbazan, II, p. 11 3.)
S'oïst de l'oisillon le chant,
Se li semblast-il maintenant
Qu'il fust meschins et Damoisiaus.
(Idem. m. p. il8.)
Ur, avec le temps, le nom de meschine prononcé
méchine] est devenu machine : si ma mémoire est
bonne, à Illiers, petite ville du département d'Eure-
et-Loir, j'ai entendu dire plusieurs fois la petite
machine pour désigner familièrement une jeune fille
dont on voulait parler sans la nommer. Ne peut-on
pas conclure de là qu'une altération analogue a fait
appeler machin, au lieu de meschin, d'abord un jeune
homme, puis un homme d'un âge quelconque, et, enfin,
tout objet dont on avait oublié le nom?
Le substantif meschin, comme ses synonymes callet
et sergent, est devenu nom propre; mais son origine
inconnue Ta fait généralement écrire Méchain, avec
un a. comme dans le nom du célèbre astronome qui
fut chargé de mesurer l'arc du méridien compris
entre Rhodez et Barcelone. C'est une faute; la véritable
orthographe est Mcchin.
X
Troisième Question.
Pourquoi dit-on apkès ètbe parti, quand on dit
AVANT d'ÊTBE parti?
Dans l'origine, la préposition avant s'est construite
comme après, c'est-à-dire sans qu'on mit la préposition
de entre elle et l'infinitif qui la pouvait suivre, ce dont
vpici la preuve :
Ce que j'ay à faire avant mourir, pour l'achever tout
loisir me semble court, feust ce 'œuvrej d'un' heure.
(Montaigne, I, 78.)
A la guerre, avant aller aux factions, chascun s'essaye
de son costé de gaigner la bonne grâce des Dieux.
(La Boè'Ue 148.)
L'empereur eust mieux tait de se asseurer par alliance
avecques vous aiani laisser joindre deux telles puissances.
(Marguerite. Lelt. Ij7.)
Mais souvent cette préposition admettait que ou que
de entre elle et l'infinitif, et celte construction finit par
l'emporter :
Le roi René l'institua en son lieu, avant que mourir.
(Commines, VII, i.)
Ils les advertissoient un mois avant que de mettre leur
exercite aux champs.
(Montaigne, I, aS.)
Il luy fault desloger avant qu'a\oir marié sa fille.
(Idem, I, 79.)
Avant que finir ce discours-ci, il faut aussi parler de la
fausse concorde.
(Lanoue, fji.)
Tu enquiers et escoutes avant que de condamner, et luy
condamne avant que ouïr les parties.
(Amyot, Rom. 9.)
Or, au xviii^ siècle, on proscrivit que comme barba-
risme entre ar««< et l'infinitif iVaugelas, Rem., t. II,
p. 240), puis que de, qui resta seul permis dans cet
endroit, se réduisit bientôt à de ; et voilà pourquoi la
construction de apr/s n'ayant subi, elle, aucun chan-
gement, nous disons avant d'être parti et après être
parti.
480
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Quatrième Question.
Je vous serais bien obligé de m'édairer sur le mérite
de cette locution : je ke sache pas, etc. A chaque ins-
tant et dans toutes les publications on la trouve, et
cependant, quoi de plus illogique qu'un subjonctif
servant de présent! C'est donc un barbarisme?
L'explication que vous me demandez a déjà été
donnée deux fois dans le Coî/me/- de Vamjelas [3« année,
p. no, et 5" année, p. 188) ; je regrette vivement que
la règle que j'ai dû m'imposer relativement aux ques-
tions déjà traitées dans ce journal ne me permette pas
de la donner une fois de plus.
ÉTRANGER
Première Question.
Je vous prierais de vouloir bien traiter, dans im de
vos prochains numéros, de la véritable signification du
mot Lorp-GARor; je ne comprends pas comment cette
expression peut désigner un homme.
La croyance à la lycanlhropie qui, pour l'honneur de
la raison humaine, n'a jamais été qu'une croyance
populaire^ est venue des Grecs, sinon des Égyptiens,
jusqu'à nous, chez qui elle a fleuri pendant tout le
moyen âge.
Nos pères appelaient loup-garou, ou simplement
garou, l'homme qu'ils croyaient transformé en loup :
Gotne garous jeté la main,
Si l'aêrt fia saisit] à la cote au sein,
Encontre val tout la descire.
(Amadns el Yiloine. cité par le dict. de Littré.)
11 suffit donc, pour répondre à votre question, de
dire ce que signifie le mot garou.
Dans les premiers temps de notre langue, ce mot avait
les formes uarouts, warous, vairnus, vairols, etc. :
Onques lions ne leus varous
Ne fist si grand essil de proie.
[Robert le Diable.)
Le IV initial semble indiquer ici une origine germa-
nique; voyons ce qu'il en est.
Loup-garou se dit comme il suit dans la langue alle-
mande et dans ses congénères :
En allemand : vahrunlf..
En anglais : wercuotf.
En hollandais : weenrolf.
En anglo-saxon : Vere volf.
En danois : Var-ulr.
En suédois : Var-ulf
Or, il est facile de voir que tous ces mots sont com-
posés des deux mêmes éléments sous des formes plus
ou moins différentes : u\Thr = ivere = veer = vere =
var, et volf = ulv = ulf; et comme le premier n'est
autre que vair = ver ([ui, en gothique et en celtique,
correspond au latin vir, j'en conclus avec certitude,
sachant que le second signifie loup:
K° Que garou, qui a le même sens que loup-garou,
comme je l'ai fait remarquer plus haut, veut dire
homme loup;
2° Que, par conséquent, loup-garou signifie littérale-
ment loup homme loup, ce qui en fait un des pléo-
nasmes les plus singuliers de notre langue.
Quoique loup-garou ait un analogue dans le bas-
breton blcizgarê (où le mot ô/ch signifie loup) et aussi
dans le wallon et dans le berrichon (qui disent, le pre-
mier leu warou, le second loup-berou), je crois que
garou, tout seul, c'est-à-dire comme l'ont employé
autrefois les Normands (sous la forme garwall), et
comme l'emploient encore de nos jours les pajsans du
pays chartrain ainsi que les peuples parlant les langues
germaniques que je viens de mentionner, vaut infini-
ment mieux que précédé de loup.
X
Seconde Question.
J'ai vu dernièrement cette expression dans un journal
français : « C'est un roi in partibds. » Qu'est-ce que
cela veut dire exactement , je vous prie?
Parmi ses diverses significations, le mot latin^ars [tis)
a celle de contrée, et in partibus, qu'on fait ordinai-
rement suivre de /re/7(Ze/(i«« (des infidèles), signifie mot
à mol dans les pays des infidèles.
Celte expression se joint ordinairement au moi évêque
ou archevêque ; de sorte que évêqxie in partibus infide-
lium, et, par abréviation, évêque in partibus, se dit d'un
évéque dont le diocèse est dans un pays occupé par des
gens qui ne sont point de sa religion, el qui, par con-
séquent, n'a point de siège effectif:
Paul de Gondi était archevêque in partibus de Corinthe;
on lui avait donné ce titre pour qu'il pût remplir les fonc-
tions épiscopales comme coadjuteur de l'archevêque de
Paris.
(Chéruel, Dict. hist. p. Sgi.)
Or, par analogie de position, on appelle roi in parti-
bus celui qui, victime d'une révolution, attend à
l'étranger que son peuple revienne à d'autres senti-
ments, car, pour un temps plus ou moins long, il a son
siège, lui aussi, au milieu des infidèles.
Dans le langage plaisant, in partibus est usité pour
signifier sans fondions, en disponibilité. Ainsi on dit
très-bien un professeur in partibus, un préfet in parti-
bus, pour désigner un professeur qui a été révoqué, un
préfel auquel l'administration crée des loisirs forcés.
X
Troisiiime Question.
Pourquoi dit-on d'une personne enrouée qu'EihE a vd
LE LOUP ■? Je vous serais bien reconnaissante si vous
pouviez me donner cette explication.
Les anciens élaicnl persuadés que les regards du
loup aussi bien que ceux du serpent avaient une puis-
sance fascinalrice et une influence visible. On croit,
dit Pline, que si un loup voil un homme avant d'en
avoir été aperçu, il lui fait inslantanement perdre la
voix. Dans un*e des églogucs de Virgile (trad. Nisard,
LE COURRIER DE VAUGELAS.
H\
p. il9, col. 1), Mœris, privé de la voix, altribue son ]
malheur à ce qu'un loup l'a vu le premier :
Le temps emporte tout, mùme l'esprit : je me souviens
qu'enfant je ne finissais de chanter qu'avec les soleils des
longs jours : comment ai-je oublié tant de chansons? ma
voix même s'en va : quelque loup le premier aura vu Méris.
Or, c'est celle croyance, passée chez nous avec tant
d'autres n'ayant jtas plus de fondement, qui a donné
lieu à l'expression // a nt le loup (à laquelle je préfére-
rais il a clé ru du loup] dont je puis, M. Liltré aidant,
vous offrir cet exemple, qui remonte au xvi" siècle :
Ce disant, fegardoit la princesse d'un œil si langoureux,
qu'il lui ôta la force de rien répondre, perdant la parole,
comme ceux qui ont vu le loup sans y penser.
(Vieux Conteurs, Printemps d'Yver, p. 586. col. t.)
PASSE-TEMPS GRA.M.VIATICAL
FEUILLETON.
Corrections du numéro précédent.
1° ... des mesures de réforme administratives qui puissent
écarter; — i" ... Ha suffi que je le disse pour; — 3° . . . elle
ne manquera pas d'être taxée de sévérité; — 4° . . . lui fit
observer qu'il eût à chercher; — 5° .. crie sur les toits ; —
6° ... Je ne sais qui avait persuadé à Méry; — 7» ... Mais de
quoi allais-je m'aviser ; — 8° . . • celles-ci inopportunes et
prématurées; — 9» ... à d'autre chose de pis; — lO» ... Oh !
riez et gaussei-vous de moi.
Phrases à corriger
trouvées dans la presse périodique et autres publications
contemporaines.
l* Dès que je parais dans une circonscription conserva-
trice, soupire le triste M. Buffet, crac!... je ne sais pas
comment cela se fait, mais les électeurs deviennent subi-
tement démagogues.
2° Le Journal officiel donne avis que MM. les membres
du Sénat et de la Chambre des députés sont priés de faire
connaître leur adresse au secrétariat général de la ques-
ture de l'Assemblée nationale dès après leur arrivée.
3° La conversation dura plusieurs heures, sans jamais
varier. A la fin, pourtant, l'heure du dîner ayant sonné, il
fallut conclure avant que de se séparer.
4° La soutane de l'abbé Pison paraissait bâtie pour l'éter-
nité. La vérité était que le bon abbé ne se vètissait que
de défroques de certains confrères.
5° Parfois, certaines gens, moins confiantes et désireuses
de trouver un bon marché, achetaient elles-mêmes la
cire, chez le fabricant.
G" La bouquetière pousse un cri, et, furieuse, porte les
mains sur sa tête. Mais soudain, elle s'arrête et ne se
défrise pas les cheveux, de peur d'abîmer son bonnet,
farci de roses mousseuses.
7' Personne ne lui disputait sa place; car elle était, au
demeurant, assez incommode, et M. Colombe ne s'était
jamais demandé pourquoi l'enfant ne se trouvait pas ail-
leurs placé.
8° Il venait juste au moment où tout le monde en géné-
ral et Mlle Bonhomme en particulier avaient fort affaire.
9' Et si, en prenant placu parmi les quarante, il a laissé
derrière lui bien d'autres plus dignes peut-être, le journa-
lisme peut se dispenser d'applaudir, mais il n'a pas le
droit de se plaindre.
10- 11 crut qu'elle résistait et la prit à bras de corps;
tnais le cadavre était lourd; il n'eut pas la force de le
relever.
{Les corrections à quinzaine.)
BIOGRAPHIE DES GRAiMMAlRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVIl- SIÈCLE.
Marguerite BUFFET.
{Suite.)
Il faut prononcer intrigue et non intri<tue.
Beaucoup de gens de province prononcent sigorée au
lieu de chicorée.
Un très-grand nombre de personnes prononcent mal
le mot Jésuite; elles disent les Jesuissetes, quand c'est
les Jésuites.
Pourmener n'est pas bon, il faut A\re. pormener.
Particullarité ou particularité ? C'est le second qui
est la bonne prononciation.
Totiiber et tumhcr sont tous les deux en usage.
On ditye ne croy pas que cette personne dise que je
l'ait mul-traitté; il faut dire latje mal-traitté.
Plusieurs disent c'est du relin, cela est velimeux; il
faut prononcer du venin, rcnimeu.r.
Voici un cas où plusieurs prononcent tous quand il
faut dire tout; ils disent ils sont tous civiles au lieu
de tout civiles. Cela n'est que pour le masculin : pour
le féminin, il faut dire elles sont toute habilles., elles
sont toute riches.
11 y en a qui disent je dais bien de l'argent, il dait
beaucoup; il faut prononcer_yr dois, il doit.
Avoine est une meilleure prononciation que avcine,
adoptée par plusieurs.
Il y en a qui disent perzecuter au lieu de persécuter.
D'autres retranchent à tort l'.* de satisfaire et de
satisfa tion, et prononcent ,sa/(/"a?Ve, satifaction.
On écrit les Patjens, mais il faut prononcer les
Peijens, qui est plus en usage.
Il faut aussi prononcer encore et non encor, la
voyelle finale étant nécessaire à la belle prononciation.
Marguerite Buffet a « oiiy >> une foule de personnes
qui prononcent et écrivent _y'ay ajeté, vous ajetrrcz, et
de même pour le reste du verbe ; c'est une faute ridicule.
Il faut prononcer acheter, achetons.
On doit prononcer et écrire deiny heure, demy dou-
zaine, et non demye.
Bien des gens de la province et de la ville disent
la Pentecoute, pour la PenteaUe (1668J.
On entend souvent dire je le considère par sus tous les
autres; il faut dire /;«;• de.i.sus.
Il faut écrire croyance et prononcer créance, qui vaut
mieux.
11 y en a qui disent di/inir et di/inition; ils se
trompent, il faut dire définir et définition.
Une personne dit mercrrthj. une autre mccredy; c'est
le premier qui est le meilleur.
Il y en a qui prononcent arcenac; il faut faire
entendre une / finale dans ce mot.
Un très-grand nombre de pcrsoimcs>nc s'aperçoivent
ISi
LE COURRIER DE VAUGELAS.
pas qu'elles fonl une faute en prononçant armoire;
elles devraient dire armoire.
Faut-il prononcer François, Anylois, Polonois? On
doit se souvenir que notre langue se sert toujours des
termes les plus dons, et que, par conséquent, il faut
dire Français, Anylais, Polonais dans la conversation ;
mais cela ne vaudrait rien en parlant en public et en
écrivant (1668).
Le d doit se faire entendre dans toute la conjugaison
du verbe admirer; mais qu'on se garde de le prononcer
dans adjourner. adjoufer.
Une foule de gens négligent de faire sonner 1'/- finale
dans les mots suivants : ordre, arbre, inarbre; ils
disent ordr, arbe, marbe, ce qui est une faute.
Les personnes qui parient correctement n'oublient
jamais de prononcer Vx; mais il y en a un grand
nombre d'autres qui j manquent, et qui disent à tort,
par exemple, cstrcmité, estremcjnent, estraordinairc.
Dans tous les infinitifs en er, ir, air, la lettre r a
beaucoup d'avantage à être prononcée; ainsi il faut la
faire sonner un peu dans ces phrases : pour vous aimer,
pour s'habiller à la mode, pour sortir, pour vouloir;
cela donne beaucoup de grâce à la parole.
Il y a une remarque très-importante à faire pour les
dames qui veulent se rendre agréables dans le dis-
cours et se placer au nombre des personnes qui parlent
notre langue avec pureté; c'est de faire sentir Vi dans
les mots où il y en a plusieurs, comme dans réconcilia-
tion, civilité, j'écrivis.
Dans les mois où i! y a deux ou plusieurs a, il ne
faut pas manquer d'allonger celui du milieu, comme
dans agréablement, admirable; cela rend la parole
plus libre, et lui donne un air extrêmement agréable.
Quand on s'est corrigé des termes mal prononcés et
corrompus, il est encore nécessaire de bien régler le
ton de sa voix. 11 y a des personnes qui l'ont si élevé
qu'il semble qu'elles parlent et qu'elles vivent avec des
sourds; il s'en trouve d'autres qui donnent dans l'excès
contraire: elles parlent si bas et si lentement qu'on les
croirait toujours malades.
Tous ceux qui parlent bien demeurent d'accord que
le ton de la voix est une des parties qui contribuent
le plus à la perfection de la parole. Cet avan-
tage lient le secret de faire toutes les plus belles
expressions des orateurs; il n'y en aurait aucun de
l»arfail, s'ils étaient dépouillés de cet ornement, et les
plus habiles des Grecs et des Romains, dans la conver-
sation aussi bien que dans les harangues, s'attachaient
fort à bien régler le ton de leur voix, comme étant le
premier et l'unique moyen de produire de fortes impres-
sions sur les auditeurs.
Si le ton de la voix doit avoir sa mesure et son « rè-
glement « pour rendre la parole agréable, il est Irèsr-
important que coun qui enseignent à lire à la jeunesse
sachent le Ion qu'il convient de donner à ce qu'on lit;
c'est une des parties les plus nécessaires de leurs con-
naissances.
H est bien facile de régler le ton de la voix quand on
est instruit; par exemple, la virgule arrête un instant.
Le point final est bien différent, il arrête en changeant
le ton de la voix, soit « de l'élever ou de l'abaisser «.
Marguerite Buffet ne veut pas s'étendre davantage
sur cette matière; elle dira seulement que notre oreille
doit être notre premier juge dans « ce » rencontre; il
ne faut que s'écouter, et faire, en lisant, de la même
manière que si l'on narrait quelque chose dans une
conversation avec ses amis.
Quant aux étrangers cherchant les moyens de se
rendre habiles dans la langue française, ils trouveront
ici une instruction fort intelligible qui contribuera à
leur donner de grandes « ouvertures » pour éviter les
fautes très-nombreuses qu'ils commettent contre cette
langue.
QUATRIÈME PARTIE.
Marguerite Ruffet va y parler des fautes qui se font
contre la convenance des termes.
11 faut bien se persuader qu'il n'y a rien de si mal
reçu en parlant et en écrivant que les termes impropres,
qui sont contraires à la signification des choses qu'on
veut expliquer; par exemple, on dit cet homme est
effroyablement riche, comme si les richesses, choses
d'elles-mêmes fort douces, avaient de l'effroi. C'est un
terme tout-à-fait mal employé dans ce cas; il faut dire
extraordinairement ou beaucoup riche.
D'autres disent souvent il est furieusement brave,
comme si la furie avait jamais été dans les beaux habits.
C'est ;Une mauvaise expression ; il faut dire extrême-
ment brave dans ses habits; car l'adjectif brave peut
avoir une autre signification qui s'appliquerait à la
valeur de l'épée.
Si une personne n'est pas meublée suivant la saison
ou la mode, on dit cela est horrible comme elle est
meublée, ce qui est fort mal compris; il faut dire elle
est meublée à l'antique, ou bien tres-mal.
Quelques-uns disent souvent il est beau à merveille,
danse, chante à merveille. Ce sont autant de vieilles
façons de parler ridiculement adaptées à leur sujet; il
faut dire il n'y a rien de si beau que cette personne,
elle danse, chante admirablement bien.
Il se trouve des personnes qui parlent avec si peu
de sens que, si les animaux pouvaient parler, ils s'ex--
primeraient avec plus de raison; ainsi elles disent cette
maison a foute mon inclination, et, dans un autre cas,
voila des arbres à (jui j'ay donné mon cœur. On ne
peut rien entendre de plus impropre; il faut Aire, j'aime
cette maison, j'estime ces arbres.
Rien des gens disent il est terriblement amoureux de
celle fille. Où prendre de la terreur dans une si belle
passion? Il faut dire beaucoup amoureux de cette fille,
c'est le terme qu'il convient d'employer.
Il a de l'esprit comme quatre, comme douze est
encore une mauvaise manière de s'exprimer; il vaut
mieux dire // a de l'esprit comme un ange, ou comme
un démon.
[La fin au prochain numéro.)
Le RBDACTEim-GÉK\>T : Emam MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS
IS3
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Le Père des malheureux, ou Vie de Claude Ber-
nard; par J. Aymard. (j- édition. In-12, l/i3 p. Paris,
lib. Lefort.
Le Monde des eaux ; par C. Fallet. Avec gravures
dans le texte. Gr. in-S», 378 p. Rouen, lib. Mégardet Cie.
Le Manuscrit de ma mère, avec commentaires, pro-
logue et épilogue; par A. de Lamartine. Nouvelle édition,
publiée par les soins de la société propriétaire des
œuvres de M. de Lamartine. In-18 Jésus, xi-3'22 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Œuvres d'Alfred de Musset. Poésies. 1833-1852.
Rolla. Les Nuits. Poésies nouvelles. Contes en vers. Petit
in-12, 339 p. et port. Paris, lib. Lemerre. 6 fr.
Ces monstres de femmes; par Pierre V'éron. 2" édi-
tion. ln-18 Jésus, 310 p. Pari.s, Lib. Nouvelle.
L'Ecole de Fleury-sur-Loire à. la fin du X'= siècle
et son influence; par M. Cuissard-Gauclieron, pro-
fesseur à Orléans. In-S", 168 p. Orléans, lib. Herluison.
Maître Gaspard Fix, Suivi de l'Education d'un
féodal; par Erckmann-Chatrian. In-18 Jésus, 331 p. Paris,
lib. Hetzel et Cie. 3 fr.
Œuvres complètes de J. de La Bruyère. Nouvelle
édition, avec une notice sur la vie et les écrits de La
Bruyère, une bibliographie, des notes, une table analy-
tique des matières et un lexique, par A. Chassang, inspec-
teur général de l'instruction publique. 2 vol. in-8°, lx-
982 p. Paris, lib. Garnier frères. 15 fr.
Les Lys et les Roses; par Jean Loyseau. In-12, xvi-
287 p. Paris, lib. Dillet. 2 fr.
Les Soirées parisiennes de 1875; par un Monsieur
de l'orchestre (Arnold Mortier). Préface par Théodore
Barrière. In-18 jésus, xii-381 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Les Origines de la France contemporaine ; par
H. Taine. L'Ancien régime. 2» édition. In-8'', viii-557 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. 7 fr. 50.
Le Secret terrible. Mémoires d'un caissier; par
MM. Belot et Dautin. 2' édition. In-18 Jésus, /(57 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr.
Les Législateurs religieux. Manou. Moïse. Maho-
met; par Louis Jacolliot. ln-8°, iii-iSO p. Paris, lib.
Internationale. 6 fr.
Histoire de France ; par J. Michelet. Nouvelle édi-
tion, revue et augmentée. 17 vol. in-8°, lviii-6278 p. Paris,
Lib. Internationale. 6 fr. le volume.
Les Chevaliers de l'écritoire ; par Raoul de Navery.
In-18 Jésus. 315 p. Paris, lib. Blériot.
Les Immortelles, essais poétiques; par C. L. Ver-
zier. In-S", 27û p. Paris, lib. Pion et Cie. !i fr.
Les Colloques d'Erasme, nouvellement traduits par
Victor Develay, et ornés de vignettes gravées à l'eau-
forte par J. Chauvet. T. 2. In-8", 321 p. Paris, lib. de?
bibliophiles. Les 3 vol. 60 fr.
La Littérature contemporaine en province. Por-
traits biographiques et littéraires. Mouvement littéraire ;
par Théodomir Geslain. 2' édition, revue, corrigée et
augmentée. In-8<>, vii-3i5 p. -Mortagne. lib, Daupeley
frères. 5 fr.
Fables de La Fontaine, suivies de Philéraon et Baucis.
Nouvelle édition, avec des notes, des appréciations litté-
raires, etc., et un choix de morceaux des vieux poi'tes
français imités par le fabuliste, ln-18. 668 p. Paris, lib.
Delagrave.
Œuvres de Molière. Nouvelle édition, revue sur les
plus anciennes impressions et augmentée des variantes,
de notices, de notes, d'un lexiqu/e des mots et locutions
remarquables, d'un portrait, de fac-similé, etc., par Eu-
gène Despois. T. 3. In-8°, !ik1 p. Paris, lib. Hachette et
Cie. 7 fr. 50.
Les Cahiers de Sainte-Beuve; suivis de quelques
pages de littérature, antique. ln-18 jésus, 215 p. Paris,
lib. Lemerre. 3 fr.
Les Prussiens en Allemagne, suite du 'Voyage au
pays des milliards; par Victor Tissot. ln-18 jésus. 515 p.
Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Publications antérieures :
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Mmitin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Cour-
rier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — 11 ne
reste plus que la i" et la 5= année, en vente au bureau
du Courrier de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
— Prix : 6 fr. chaque année. — Envoi franco pour la
France. — La l", la 2» et la 3« année doivent être pro-
chainemenl réimprimées.
REVERS DE MÉDAILLES. — Par Alhionsb Baldouin.
- Poésies. — Chez l'auteur à Bar-sur-Aube (Aube).
DICTIONNAIRE ETVMOLOGIOUE dbs xoms rnopREs
d'hommes, contenant la qualité, l'origine et la signification
des noms propres se rattachant à l'histoire, à la mytho-
logie, des noms de baptême, etc. — Par Paul Hecquet-
BouoHAND — Paris, Victor Sarlit, libraire-éditeur, 19,
rue de Tournon.
L'HOMME ADULTÈRE — Par MAniis Roux. — Paris.
E. Dentu, éditeur, libraire de la Société des gens de
lettres — Palais-Royal, 17 et 19, Galerie d'Orléans —
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L'INTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET CLRIEUX.
— En vente à la librairie Sandoz et Tishbacher, 33, rue
de Seine, à Paris. — Chacune des 7 années parues se vend
séparément. — Envoi franco pour la Franco.
iS'i
LE COURRIER DE VAUGELAS.
BÉNÉDICTE. — Par S. Blandy. — Paris, librairie aca-
démique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35, quai des
Augustins.
LES VIBRATIONS POÉTIQUES. — Par Auouste Ba-
LUFFE. — Un vol. in-18. — Paris, librairie académique
Didier et Cie, 35, quai des Augustins. — Prix : '3 fr. 50.
CATALOGUE DESCRIPTIF ET RAISONNÉ
Manuscrits de la Bibliothèque de Tours.
Par M. A. DORANGE, Conservateur.
Gros in-quarto à 2 colonnes de 583 pages.
Cet ouvrage, qui a coûté dix ans de travail à son auteur, a été apprécié comme il suit par M. Léopold Delisle,
administrateur de la Bibliothèque nationale {Journal officiel du 29 juin 1875) :
<i La ville de Tours possède une des plus riches collections de manuscrits qui existent en France. La description
qu'en donne M. Oorange, dans son Catalogue descriptif et raisonné de la bibliothèque de Tours, rendra de réels
services à la science. C'est dans cette collection que M. Luzarche a découvert le drame d'Adam, et que M. Thurot a
trouvé un manuscrit qui a notablement amélioré le texte des lettres familières de Cicéron. Le travail de M. Dorange
permettra de faire encore plus d'une découverte intéressante. »
• ^
RENSEIGNEMENTS
Pour les Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
Dans r.^NNUAiRE coM.MEiic.iAL ET INDUSTRIEL de M. Alfred Hamonet, on trouve les noms et les adresses des principaux
agents de Londres par l'intermédiaire desquels les Professeurs français des deux sexes peuvent parvenir à se pro-
curer des places en Angleterre. — Ce volume, qui coûte 1 fr. 25. se vend à la librairie Hachette, à Paris.
II.
Une lettre reçue dernièrement de Litchfield (Etat de Connecticut) informe le Rédacteur du Courrier de Vaugelas
qu'il est très-facile de trouver des places Je professeur de français dans les Etats-Unis d'Amérique. — S'adresser
à M. J. W. Schermerhorn, /|30, Broome Street, à New-York. — Affranchir.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le seizième Concours poétique, ouvert à Borde:iux le 15 février, sera clos le l"juin 1876. — Douze médailles, or,
argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste C.vrranoe,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde) — Affranchir.
Société d'émulation de Camiirai. E.xtrait du programme des questions mises au concours pour 1876. Poésie. Le sujet
et l'étendue de la pièce destinée à le traiter, sont laissés au choix des concurrents. — Une lyre d'argent ou une
médaille dont la nature et la valeur sont subordonnées au mérite de l'ouvrage, sont affectées également à ce con-
cours. Les travaux et mémoires inédits et n'ayant jamais figuré dans aucun concours seront seuls admis. Ils porte-
ront une épigraphe répétée sur un pli cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur, et devront être adressés,
franco, avant k i"' Juin 1876 au Président ou au Secrétaire général de la Société. — Les œuvres non couronnées ne
sont pas rendues, et les plis cachetés qui les accompagnent sont brûlés en séance.
Société flori.montanë u'Annixy. —Concours deJ876. — Poésie : Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux
concurrents. — Le nombre minimum des vers est fixé à cent. — Les travaux seront composés en langue française.
— Les auteurs devront déchirer par écrit que ces travaux sont inédits et n'ont été présentés à aucun autre concours.
— Les auteurs qui se feraient connaître seraient exclus. — Les envois porteront une épigraphe qui sera répétée à
l'intérieur d'un billet cacheté indiquant le nom et le domicile de l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux
archives de la Société, les aliteurs pourront en prendre copie.
Avis aux Abonnés de la province.
A pai'iir du 20 avril prochain, le Rédacteur du Cour/ver de Vaugelas fera présenter sa quittance, avec une augmen-
tation de cinquante centimes pour frais de recouvrement, aux Souscripteurs de la province qui, à cette époque,
n'auront pas encore payé leur abonnement à la sixième année.
Le rédacteur du Courrier de Vaugelas est visible à t-on bureau de midi à unf heure et demie.
Irapiimeric (jOl'VER.NKUH, (i. UAUi'KLEV à iNogeni-le-Rotrou.
G« Année
N" 24.
15 Avril 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
FRANÇAI
Paraissant le 1« at le 15 de chaque mois
{Dans sa séance du M janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à celte publication.)
PRIX :
Rédacteur : Eman Martin
ABONNEMENTS:
Abonnement pour la France. 6 f.
Idem pour l'Étranger 10 f.
PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
On les prend en s'adressant, soit
directement au Rédacteur du jour-
Annonces, la ligne. 50 c.
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
nal, soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Pendant le mois de vacances qu'il ya prendre, comme
il le fait tous les ans après la publication de son
24^ numéro, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas
adressera à ses Abonnés les conditions d'une souscrip-
tion qu'il se propose d'ouvrir pour la réimpression des
CINQ PREMIÈRES anne'es de son joumal.
SOM.MAIRE.
Communications relatives à A'e pas laisser que de et à uu parti-
cipe passé ; — Origine du mol Haricot désignant un légume ; —
S'il est permis d'employer A'e-.. rien moins que dans le sens
affirmalif et dans le sens négatif; — Elymologie de Croque-mi-
taine: — Pourquoi on ne dit pas Exclus, excluse. || L'expres-
sion Maitres-mijrrhes ; — S'il faut dire Se donner garde ou Se
donner de garde; — Lequel vaut le mieux de Cahno ou de
Calinot. || Passe-temps grammatical || Fin de la biogra-
phie de Marguerite Buffet. || Table des matières contenues
dans la sixième année de ce journal.
FRANCE
COM.MUNICATIONS.
L
Au sujet des phrases que je donne à corriger, j'ai
reçu la lettre qui suit :
Paris, le 5 mars 1876.
Monsieur,
Vous continuez à condamner comme vicieuse cette locu-
tion ne pas laisser que de, et cependant ouvrez le fliction-
naire de l'Académie et la plupart des ouvrages les plus
estimés de la langue française, et vous y trouverez les
phrases suivantes :
Malgré leur brouillerie, il n'a pas laissé que de lui écrire.
Il »ie laisse pas que de gagner beaucoup en ce moment.
Cette proposition ne laisse pas que d'être vraie.
Cela ne laisse pas que d'être embarrassant.
Ne trouvez-vous pas aussi que le cas est embarrassant
pour vos lecteurs?
Un de vus abonnés.
Je laisse chacun parfaitement libre d'accueillir cette
construction ou de la rejeter; mais comme il me semble
avoir rigoureusement démontré qu'elle est mauvaise
(Courrier de Vaugelas., A" année, p. 155), je considère
toujours comme fautives les phrases où je la rencontre.
Du reste, je ne suis pas seul à la proscrire,, car
M. Littré ne la reconnaît pas non plus comme correcte.
II.
Voici une autre communication relative aussi à une
correction du Passe-temps grammatical :
Toulouse, 15 mars 1S76.
Monsieur,
Soyez assez bon pour vous reporter au numéro 13 du
Courrier de Vaugelas, 4" année, date du 1" septembre 1873,
p. 101; on y lit, sous la rubrique « phrases à corriger ».
art. 7, ce qui suit :
» 7° Nous touchions alors à la trentaine, vous et moi, et
<t depuis, que d'événements, que de phases diverses nous
« avons vu se dérouler à nos yeux! »
Au n° 14 suivant, p. 109, sous la rubrique « Corrections
du numéro précédent », je lis o 7° ... nous avons vues se
« dérouler à nos yeux ».
J'aurais redressé l'erreur commise, en mettant vus et
non pas vues dans la phrase qui a fait l'objet de votre
critique, il y a les mots éièiiements (mascuhn) et pliases
(féminin); et, puisque le mot vu, critiqué avec juste raison,
se rapporte, dans la construction de la phrase, aussi bien
à événements qu'à ;j/i«s(?s, il semble que le masculin, doit
l'emporter sur le féminin, et que, pour corriger d'une
façon régulière, il faut vus et non pas vues.
Je suis abonné depuis peu de temps à votre Courrier,
et, comme maître Jean Lapin, je commence à montrer le
bout de l'oreille, c'est-à-dire à chercher pâture.
Suis-je dans le vrai? Vous ètes-vous trompé? Prière de
répondre dans un de vos prochains Courriers; mais, pour
peu que cette rectification ne soit pas de votre goût,
considérez ma lettre comme non écrite.
Je vous prie. Monsieur le Rédacteur, d'agréer mes poli-
tesses les plus empressées.
Adéma
Inspecteur de l'Enregistrement.
L'observation qui m'est faite dans la lettre qu'on
vient de lire est parfaitement juste : le participe en
question doit être écrit vus et non rues, ainsi qu'il l'a
186
LE COURRIER DE VAUGELAS.
été, soit par l'imprimeur, soit par moi, qui suis loin
également d'être infaillible.
Je remercie .M. Adéma d'avoir pris la peine de relever
cette faute, et j'appelle de tous mes vœux le jour où,
s'armantdezèle et décourage, beaucoup de mes lecteurs
ne craindront pas, à son exemple, de me signaler jus-
qu'aux moindres erreurs que je puis commettre : plus
on sera sévère pour le Courrier de Vaugelas, plus il se
rendra digne de son titre.
X
Première Question.
Dans le n» 1 5 de cette année, vous avez donné l'ori-
gine du mot HARICOT, appliqué à un plat fait avec du
mouton coupé en morceaux. Voudriez-vous bien donner
maintenant celle du même mot signifiant légume?
A ma connaissance, on a expliqué cette origine de
trois manières, que je vais rappeler.
Ménage l'a fait en ces termes :
Haricot. Aspiré. De faba. Faha, fabarius, fabaricus, faba-
ricotus, faricotus, haricot ; par le changpment ordinaire
de Vf en h:- comme en hors, de forts; en habler, defabulari,
etc.
Selon Génin, haricot, dont la concurrence à fève ne
commence qu'au xvii' siècle, est le même nom, avec une
acception détournée, que haricot, ragoût de mouton :
L'aspect d'un plat de haricots rappelant à la vue un
plat de ces petits morceaux de mouton mis en ragoût,
quelqu'un se sera avisé de transporter au légume le nom du
plat de viande. Ces ironies ne sont pas inconnues dans le
vocabulaire gastronomique, où une croûte de pain frottée'
d'ail s'appelle un chapon.
M. Littré, pense aussi que haricot, légume, vient du
haricot de mouton, et il voit à cette nouvelle appella-
tion de la fève deux causes possibles :
On peut dire plutôt que cette fève a été nommée fève de
haricot, parce que le plat qu'elle fournissait fut comparé,
à cause de ses grosses qualités, à un haricot de mouton, ou
parce qu'elle s'unissait très-bien avec le mouton en hari-
cot ou autrement.
Or, aucune de ces explications n'est satisfaisante,
comme je vais vous le démontrer.
Celle de Ménage. — L'auteur a négligé de nous
fournir des exemples des diverses phases du mot entre
faba et haricot, de sorte que son explication, tout ingé-
nieuse qu'elle parait, ne peut inspirer que la plus mé-
diocre confiance.
Celle de Génin. — Il est très-vrni que haricot ne fait
concurrence à fève que depuis le xvii" siècle, puisque
ni le Thresor de Nicot (<606) ni" la Maison rustique de
Liébaut (15891 ne font mention de ce terme, et que
Ménage (1650) s'occupe de son ét^niologie. .Mais l'ori-
gine proposée par les Récréations philologiques n'en est
pas moins inadmissible. En etîet :
h" Il n'est pas probable que le nom de haricot, qui
désigne tout un plat dans haricot de mouton, ail été
donné à chacune des fèves composant un autre plat.
2° Si c'était l'aspect du haricot de mouton qui eût
suggéré l'idée d'appeler des fèves des haricots, est-il
à croire que,. le haricot de mouton ayant été connu
avanl la fin du xiv" siècle, comme l'atteste le Ménagier
de Paris, on eut mis ainsi plus de deux cents ans à
trouver la dénomination dont il s'agit?
3" X raison de leur grosseur, les fèves de marais
peuvent certainement, mieux que toutes les autres,
composer un plat qui ait l'aspect d'un haricot de
mouton. Pourquoi n'est-ce pas à leur espèce qu'on a
donné le nom de haricot.'
Celle de M. Littré. — Je viens de faire voir, en
réfutant Génin, que le mot haricot, légume, ne peut
être attribué à la première cause indiquée dans cette
explication. Voici maintenant pour quelle raison il ne
peut l'être davantage à la seconde :
La fève s'unissait si peu avec le mouton pour faire un
haricot de mouton, qu'elle ne figure dans aucune des
recettes connues avant la publication du Dictionnaire
de Cotgrave (1660), et que, dans les trois qui sont don-
nées par ce dictionnaire, il n'est nullement question
de bean, nom de la fève en anglais.
D'oîi vient donc haricot, au sens de légume, vocable
pour ainsi dire d'hier, et qui semble défier déjà les
investigations des étymologistes?
A mon avis, ce mot est tout simplement le nom de
la plante qui produit le haricot, ce que donnent parfai-
tement à entendre les citations suivantes, empruntées,
la première au dictionnaire de Furelière (1727) et la
seconde à celui de Trévoux (1771) :
Haricot, se dit aussi des semences de haricot, qu'on
appelle autrement fererolles ou fèves de haricot.
Mais les semences de haricot, ou fèves de haricot mûres
et sèches, sont venteuses, chargent l'estomac, et se digè-
rent difficilement.
En faisant ellipse de fève, dans la dénomination fève
de haricot (ellipse du mot complété, laquelle se pra-
tique fréquemment en français), on a eu haricot pour
désigner le fruit de la plante : c'était en quelque sorte le
nom de la cause pour signifier l'effet.
Je n'ai pas été assez heureux pour trouver l'étymo-
logie de haricot, nom de plante ; mais les recherches
auxquelles je me suis livré à ce sujet n'ont pas été
entièrement infructueuses, car elles me permettent de
vous indiquer une époque et des écrits où l'on peut
espérer de la découvrir, avec du temps et de la persé-
vérance.
WOrhigny {Dict. d'hisf. nal., \ol. 6, -p 485) signale
quelques espèces de haricots comme originaires des
Indes orientales, et d'autres, des parties chaudes de
l'Amérique.
Or, si l'on rapproche ce renseignement du fait que
haricot apparut chez nous entre < 589, date de la Maison
rustique de Liébaut, et 1630, date du Dictionnaire
clijmologique de Ménage, on peut naturellement en
inférer qu'il y a des chances pour que l'origine de
la plante qui produit le légume de ce nom, et partant
l'élymologie de ce nom lui-même, se rencontrent, soit
dans des relations do voyage, soit dans des traités
d'histoire naturelle publiés dans la première moitié du
xvii' siècle.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
^87
X
Seconde Question.
Je serais bien aise de fnniver dans votre excellent
CoDRnrER DE Vaugelas votre avis sur Ir (jallicisme n'ètue
EiEN MOINS QUE. Les auteurs remploient, à ce qu'il sem-
ble, dans deux sens absolument contradictoires. Est-il
permis d'y attacher indifféremment un sens affirmalif
ou négatif? Cela me paraît difficile à croire. Mais
quelle est la véritable acception ?
A la vérité, l'expression ne... rien moins que a été
employée par les auteurs, tantôt dans un sens né-
gatif, tantôt dans un sens afOrmatif, comme le mon-
trent les exemples que je mets sous vos yeux :
(Sens négatif = pas du tout)
L'art d'écrire n'est rien moins qu'une étude oiseuse quand
on l'emploie à faire écouter la vérité.
(J. J. Rousseau.)
Ma comédie n'est rien moins que ce qu'on veut qu'elle
soR.
(Molière, premier placet au Roi.)
Aujourd'hui des troupes de femmes, faisant profession
de piété et conduites par un directeur qui certainement
n'est rien moins que saint Augustin...
(Bourdaloue, Pens. U H, p. 35ï.)
Mes premiers rapports avec l'araignée ne furent rien moins
gu'agréables.
(Michelet, l'iiisecte, p. 2o3.)
Croyez-moi, Rousseau n'est rien moins qu'an méchant
homme.
(Marmontel, Mcm. VlII.)
(Sens afTirmatif = juste, ni plas ni moins que)
11 ne falloit rien moins quela. mam de Dieu, et un miracle
visible pour empêcher d'accabler la Judée.
(Bossuet. )
Ces riches vêtements dont le baptême les a revêtus,
vêtements qui ne sont rien moins que Jésus Christ même,
selon ce que dit l'apôtre.
(Idem, M(jrie-Thiiri-se.)
Quand Dieu choisit une personne d'un si grand état
pour être l'objet de son éternelle miséricorde, il ne se
propose rien moins que d'instruire tout l'univers.
(Idem, Anne de Gonzagus.)
Il ne s'agit, en effet, de rien moins que du fameux Nos-
tradamus, l'auteur des Centuries, à qui Dieu communique
ses grâces les plus extraordinaires.
(Ch. Niaard, Liv. pop. p. s8 )
Mais l'inconvénient de deux sens pour une même
expression, et surtout de deux sens loul-à-fait opposés,
a naturellement amené les écrivains à varier la forme
de ne... rien 7noins que; ils ont mis un de entre rioi
et moins pour exprimer (ce qui est très-logique) le sens
affirmatif, comme on le voit dans ces exemples ;
Le parti [des Protestants) n'eut pas plus tôt senti ses
forces qu'on «'y a médité rien de moins que de partager
l'autorité.
(Bossuet, 5" Avent.. 5 )
Il ne faut rien de moins dans les cours jît'une vaine et
naïve impudence pour réussir.
(La Bruyère, VIII.)
La Phèdre de Racine, qu'on dénigrait tant, n'était rien de
moins qu'an chef d'œuvre.
(Marmontel, Grnmm.)
Il ne s'agit de rien de moins, si je ne me trompe, que
d'être damné éternellement.
(J. Bastide, Guer. de reliç. p. lo.)
Or, attendu que la clarté est la première qualité du
stjle, je crois, comme Girault-Duvivier, Bescherelle,
Génin et .M. Littré, qui ont examiné cette question avant
moi, qu'il convient d'adopter définitivement ne... rien
de moins que pour exprimer un sens affirmalif, et
d'assigner à ne... rien moins que la représentation
exclusive du sens négatif.
L'Académie, reconnaissant l'inconvénient du double
sens attaché à ne... rien moins que., conseille, dans
son dictionnaire, d'éviter cette locution ; mais pourquoi
la rejeter quand on peut la conserver avec une légère
modification, déjà pratiquée par les auteurs et recom-
mandée par les grammairiens les plus autorisés?
X
Troisième Question.
Si, dans vos recherches, vous trouviez quelque chose
sur l'étymologie de caoQCE-MiTAipiE, je vous serais bien
obligé de traiter cette expression dans votre journal.
Deux mots entrent évidemment dans la composition
de ce substantif : le verbe croquer et mitaine.
Mais que veut dire ce dernier? Signifie-l-il, comme
quelques-uns l'ont prétendu, les mitaines et, par con-
séquent, les mains de l'enfant auquel on veut faire
peur? Ce n'est guère probable.
Voici comment j'explique l'origine de ce mot :
L'allemand mxdchen, fille, se trouve dans tous les
idiomes germaniques : en flamand, langue parlée par
des populations qui appartiennent en partie au nord de
la France, il se rencontre sous la forme maegdeken,
avec le sens de petite vierge, c'est-à-dire petite fille,
ainsi qu'on peut le voir dans le dictionnaire de Van de
Velde.
Maegdeken se corrompit, il sonna successivement
medkcn et meken; puis, prononcé de cette dernière
façon, il passa en picard, où il existe, au témoignage de
EUi Gange, sous la forme mequaine, avec le sens de
servante, lequel appartient aussi à mxdchen.
Or, sachant, d'un côté, que beaucoup de termes sont
communs au picard et au français; de l'autre, que la
voyelle e se change facilement en i, et que le t remplace
souvent le k du langage populaire [Etienne, pop.
Ekiennc; chartier, pop. charkier; métier, pop. mékier,
etc.), il me semble permis de croire que mitaine est
le mot mequaine, introduit dans notre langue après
avoir subi les changements de voyelle et de consonne
dont je viens de parler.
Ainsi mitaine serait la transformation du flamand
maegdeken, diminutif en quelque sorte de l'allemand
mxdchen, fille, ce qui donnerait pour Cryi^i/c-w^/aiMe la
signification littérale de croque petite fille.
Peut-être objectera-t-on à cette étymologie l'emploi
de Croque-mitaine, qui, avec une telle signification
dans sa seconde partie, ne devrait pas, ainsi qu'il le
fait, servir d'épouvantail pour les enfants des deux
sexes indifféremment. Mais cette objection n'est pas
sérieuse; car l'origine de mitaine ayant été sans doute
inconnue à nos pères comme à nous, on n'a jamais eu
u
LE COURRIER DE VAUGELAS.
aucune raison grammalicale qui empêchât de faire peur
de Croque-milaine tout aussi bien aux petits garçons
qu'aux petites filles.
Dans Mézeray (Hist. de France, vol. III, p. 25, édit.
de 4 685), on trouve le passage suivant :
Il y"a peu de Villes où l'on ne fasse des contes de cer-
tains Esprits pour faire peur aux fetnmeletes et aux petits
enfans, qu'on dit qui se promènent de nuit avec tinta-
marre, à qui ils ont donné divers noms; c'est à Paris le
Moyne Bourru; à Orléans le Mulet Odet; à Tboulouse le
Croquetaco, etc.
Voilà un mot qui commence comme notre Croque-
mitaine, et qui désigne, comme lui, un être fantastique
dont on menace ou dont on menaçait les petits enfants
non suffisamment sages. Ne pourrait-il pas confirmer
mon étymologie de mitaine? Le Courrier de Vaiiyelas
compte plusieurs abonnés à Toulouse; j'espère que
quelqu'un d'entre eux voudra bien m'adresser à ce
sujet une communication, dont je le remercie bien sin-
cèrement d'avance.
X
Quatrième Question.
Pourquoi ne dit-on pas exclus, exclcse, quand on dit
bien: « Je vous recommande la brochure ci-incluse?
Les verbes latins concludere, recludere, includere et
excludere ont donné en français conclure, reclure,
inclure et exclure.
Ces quatre verbes ont eu naturellement leur participe
passé en w.«, pour la raison qu'ils sont formés du latin
cludere, dont le participe actif était clusus :
Car riens qu'il voil, el ne refuse;
S'il opose, el se rend concluse.
{Rom. de la Rose, vers 31442.)
Le lieu estoit tellement rectos qu'on n'y pouvoitrien voir.
(CaWin, lasUt. 54.)
Jà soit ce que nuls ne fust exclus dudit suffrage ou as-
sentement
fBercheure, f» 2r.)
Quand dans la tombe un pauvre homme est inclus,
Qu'importe un bruit, un nom qu'on n'entend plus?
(Voltaire, dans Dochez.)
Mais cette uniformité de terminaison dans les parti-
cipes qui viennent d'être cités fut altérée au xvi" siècle,
car on trouve dans Amjot [A/jésil., 54) :
Les capitaines des Tliebains ayans desja conclud de se
retirer.
Dans le xvn% on commençai dire exclu, exclue., qui
fut pendant quelque temps en compétition avec exclus,
excluse, connue le montrent ces citations :
Pourquoi de ce conseil moi seule suis-je excluse ?
(Racine, Baja:. III, 3.)
Pourquoi, de celte gloire exclu jusqu'à ce jour,
M'avez- vous sans pitié reléguô dans ma cour'?
(Mcm, Britiinn. II, 3.)
Cn fut beaucoup de déplaisir à Psyché de se voir exclusc
d'un asile où elle aurait cru ôtre mieu.ï venue qu'en pas
un autre qui fût au monde.
(La Fontaine, Psyché, II, p. i5G.)
Exclu du consulat par l'hymen d'une reine.
(Corneille, Sirlor. IV, 3,)
Enfin, au xviii% exclu, exclue finit par l'emporter
sur son concurrent exclus, excluse, qui tomba tout-à-fait
en désuétude.
Or, comme on n'est pas revenu depuis sur ces deux
anomalies, que l'usage, le tyran des langues ainsi
qu'on l'aappeléàjuste titre, a complètement consacrées
avec tant d'autres, nous somtnes obligés d'écrire sans
.s, au singulier, les participes exclu el conclu, tandis
qu'au même nombre, nous en mettons encore une à
reclus et à inclus.
ÉTRANGER
Première Question.
On trouve cette phrase dans notre-dame de paris
[vol. /, p. 246, édition de 1850) .• « La médecine un
sonye ! Je doute que les pharmacopoles et les maîtees-
MïRRHES se tinssent de vous lapider, s'ils étaient là. »
Qu'est-ce qu'un maître-mïrrhe, je vous prie? Ce mot
n'est pas dans le dictionnaire de Littré.
Il a été commis ici une très-grosse faute, qui a
échappé à la correction du proie ; ce n'est pas maître-
myrrhe qu'il fallait mettre, mais bien maître mire.
En efi'et, le mot mire (d'où qu'il vienne, car on ne
sait rien, dil-on, de certain à cet égard) est un ancien
substantif, hors d'usage aujourd'hui, qui signifiait
médecin ou plutôt chirurgien, et dont voici des exem-
ples :
Et firent leur conseiller un Mire nommé Maistre Jean
de Troyes.
(Alain Chartier, Œuvres, p. a5, éd. de i6i7.)
Et sadits jambe si bien gouvernée par les Mires, que le
péril en fut hors.
(Idem, p. 334.)
Quar mon mari est, je vous di,
Bon mires, je le vous afl ;
Certes il scet plus de mecines,
Et de vrais jugemens d'orines.
Que onques ne sot Ypocras.
(Barbazan, IIÏ, p. 6.)
Et r,on appelait maistres mires les maîtres chirurgiens,
comme cela ressort delà citation suivante :
Ce qui se void aussi parles anciens tiltresde la confrairie
des maistres chirurgiens de Paris, establie en l'église par-
rocbialle de Saint-Cosme, ausquels ils sont communément
appeliez viaisires mires.
{Aiinol. sur les OEiw. d'Alain Charlicr, p. 847. P-i"'. '611.)
Je crois que mire a cessé d'être cn usage vers le
milieu du xvii" siècle ; car Molière ne l'a pas employé
dans sa comédie du Médecin malyrè lui (1666), quoi-
que, pour la composer, il se fût probablement inspiré
du fabliau ayant pour titre le Vilain mire.
X
Seconde Question.
Faut-il dire se donner garde ou se donner de carde de
FAIRE yiiKLQLE cuosii'^ Celle (fueslion, m'a bien souvent
embarrassée.
Ces expressions, qui signifient loules deux se défier.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
<S'.)
prendre ses précautions, ont été et sont encore emplo-
yées dans notre langue; ainsi j'ai trouvé :
(Pour la première)
Quant moins se donenl garde cil qui sont au crenel.
{ChanS' des S'azf'/i.v, I\,)
La gente demoiselle se donnait garde souvent se son ami
viendroit point.
(Louis XI, A'OTn. LXI.)
Donnez-vous garde de ce mauvais pas.
(Littré, Dict.)
(Pour la seconde)
Le sire de Montmorency, qui bien se donna de garde de
ce tour...
(Froissart, I, I. lia.)
Je venais l'avertir de se donner de garde.
(Molière, VÉlourdi, IV, I.)
Donnez-vous de garde des faux christs et des faux pro-
phètes.
(Bossuet, H'Sl. II, 9.)
Suétone, dans sa vie de Néron, dit que l'oracle de
Delphes l'avertit qu'il se donnât de garde des soixante-
treize ans.
(Fontenelle, Oracles, II, 3.)
Mais, comme on explique facilement la première
expression, dont le sens est donner à soi garde, atten-
tion de quelque chose ; et qu'au contraire, il est impos-
sible de rendre compte de la seconde, je ne puis m'em-
pêcher de croire que, quoiqu'il soit peut-être plus
souvent employé, se donner de garde est moins bon que
se donner garde, qui offre, lui, une construction parfai-
tement conforme à la loi syntaxique régissant le verbe
donner.
X
Troisième Question.
Les auteurs d'tHE voiture de masques, dont vous
parles dans votre numéro 20, écrivent cali>ot avec un
t; J/J/. Théodore Barrière et Fauchenj, ainsi que toute
la presse récrivent sansx : caliho. Laquelle de ces deux
manières vous paraît la meilleure ?
Attendu qu'il est démontré aujourd'hui que c'est un
chapitre du livre de MM. Edmond et Jules de Con-
court qui a inspiré la pièce de MM. Théodore Barrière
et Fauchery, il serait plus rationnel d'écrire le nom
en question comme dans une Voiture de masques,
puisque c'est In, pour ainsi dire, que se trouve l'acte
de naissance du nouveau Jocrisse.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL
Corrections du numéro précédent.
!• ... dil tn soupirant (Voir Courrier de Vaugelas, 5« année,
p. 51, 138, 153, 185 et 186); — î" ... aussilôl après leur
arrivée; — S" ... conclure avant de se séparer {avant que de ne
se dit plus); — 4' ... que le bon abbé ne se vêtait que des
défroques (le verbe se vêtir fait au part, présent vêlant, et à
l'imparf. de l'ind. vêlait); — 5° ... achetaient eua;-mêmes la
cire {gens veut au masculin les correspondants qui le suivent); —
6' ... son bonnet couvert de roses moussues (Voir Courrier de
Vaugelas, 3' année, p. 9l); — 7- ... l'enfant ne se trouvait
pas placé oi(/e«rs après le verbe) ; — 8° ... en particulier
avaient fort à faire; — 9o ... il en a laissé derrière lui bien
d'autre»; — lOo ... et la prit o iras'-/e-corps.
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOI-FIÉ DU XV11« SIÈCLE.
Marguerite BUFFET.
(Suite et fin.)
On ne manque pas de dire dans plusieurs circons-
tances ce/te étoffe est bien raisonnable potir son pri.v,
et autres choses analogues, comme si les marchandises
pouvaient parler et faire voir qu'elles ont de la raison;
il faut dire cette étoffe n'est pas chère pour son prix.
D'autres personnes, pensant raffiner, disent il parle
ou elle parle à miracle. Il faut dire cette personne parle
fort juste ou admirablement bien.
Lequel vaut le mieux de dire cette fille est belle comme
un Astre ou comme un Ange? Marguerite Buffet est
d'avis que l'un et l'autre peuvent parfaitement se dire.
Pendant l'hiver, on entend une foule de gens qui
disent il fait un froid effroyable. C'est parler contre sa
pensée, puisqu'il fait beau quand il fait froid. Il faut
dire, en termes plus significatifs, il fait grand froid.
Il faut se servir de l'expression allumez le feu, car
l'usage le veut; mais elle n'en est pas moins impropre :
il faudrait dire allumez le bois.
Bien des gens disent cette femme a un lein le plus
beau et le plus éclatant du monde; c'est encore une
faute, caria blancheur ne brille jamais, et l'éclat n'est
que pour les diamants ou les autres pierreries.
En voyant quelqu'un qui a une belle mémoire, il
arrive à plusieurs de dire cet homme a horriblement de
mémoire; c'est fort mal parler, il faut dire cef homme a
beaucoup de monoire.
On entend aussi des gens qui disent, en parlant
d'une femme bien meublée, elle a un lit et une tapis-
serie bien raisonnable; on ne peut pas parler plus
improprement; ne dirait-on pas que les termes pour
bien s'exprimer font défaut dans notre langue?
D'autres disent une infinité de monde estaient dans
cette assemblée: c'est mal, il faut dire beaucoup de
personnes, ou grand monde estoient.
En parlant d'une femme qu'on a vue, il ne faut pas
dire sa robe estoit toute pleine de galants ; il faut dire
sa robe estoit toute couverte deruhant, \e mQ[ galant
n'étant pas bon dans cette circonstance.
Voici une faute que les Parisiens commettent sou-
vent; ils disent arrivé qu'il fust, arrivé qu'il estoit,
pour dire comme il fut arrivé.
Sans se douter qu'on fait une faute, on dit aussi on
connoist ces gens-là de longue ?nain, il faut dire de
long-temps.
Plusieurs font encore un très-grand nombre de fautes
contre le genre. Il est vrai que c'est une matière assez
délicate, et Marguerite RaffeL va donner quelques
règles relativement aux mots dont le genre n'est géné-
ralement pas bien fixé.
Il y a beaucoup de noms qui peuvent s'employer
aussi bien au masculin qu'au féminin, tels sont les
100
LE COURRIER DE VAUGELAS.
suivants : horoscope, rencontre, epitaphe el maxime.
Ce dernier, cependant, est plutôt du féminin.
11 faut dire la préface et non le préface.
Exemple est masculin, el il en est de même du
substantif erreur.
Quant à œuvre, il est tantôt masculin, et tantôt
féminin. Mis pour action, il est féminin, comme lors-
qu'on dit, par exemple, // fait une bonne œuvre; mais
en parlant d'un grand édifice ou d'un beau livre, on
peut dire voila un r/rand œuvre, voila un bel œuvre.
Le pronom qui tient lieu du mol personne se met au
masculin comme dans une infinité de personnes m'ont
témoigné le desplaisir gtt'ils ont eu (\66^] ; on s'exprime
ainsi parce qu'on a égard à la chose signifiée, qui est
ici des bommes, et non à la parole qui signifie cette
chose : c'est un fait ordinaire dans toutes les langues.
Le masculin a toujours l'avanlage quand beaucoup
de personnes des deux sexes sont l'objet d'un discours
quelconque; il faut dire ils ont dit cela, ils sont allez
en tel endroit, el non pas elles ont dit, elles sont allées,
el cela, quand même il y aurait beaucoup plus de fem-
mes que d'hommes.
Ouvrage est toujours du masculin, de « quelque
coslé qu'il puisse se tourner » ; voilà pourquoi c'est
une faute que de dire inon ouvrage est achevée; il faut
dire achevé.
Espace el intervalle sont toujours du masculin.
Il faut dire du poison el non de ta poi.<on. comme
certaines personnes ont encore l'habitude de dire.
Aavire. qui élait autrefois du féminin, est aujourd'hui
du masculin; par conséquent, il faut dire nn beau
navire.
La question de savoir si comrte doit être masculin
ou ïéminin aélé posée il y a quelque temps dans une
académie; il a été décidé qu'il fallait dire une comète.
bien que le mot latin d'où celui-ci dérive soit masculin.
Sans penser que l'on fait une faute, on dit souvent
voila un beau couleur de feu; le mol couleur étant
féminin, il faut dire voila une belle couleur de feu.
Bien des gens disent c'est un bel cbenne, c'est un bel
ivoire; mais tous ceux qui parlent bien disent w/ie
belle cbenne cl une belle ivoire.
■Voici une phrase où généralement une femme dit
comme un homme je me fais fort de cela; c'est une
faute, elle doit dire je me fais forte de cela (I66gi.
Quelques femmes discnl encore, en parlant d'argent,
je suis demeurée court de tant; il faut dire je suis
demeurée courte.
Voici un cas où les per.sonnes de toutes les conditions
manquent souvent, il est relatif au féminin pluriel;
par exemple, parlant de « féminins », on dit Us sont
allées en tel endroit, y sont jol lies, y sont bien faites ; il
faut dire elles sont.
Une faute analogue : on dit gui sont belles, qui .■<ont
propres; il faut dire quelles sont belles, quelles sont
propres.
En parlant de femmes, on dil encore souvent il faut
qui prennent garde à eux; c'est une autre faute contre
le genre; il faut dire quelles prennent garde à elles.
Toutes ces. fautes sont souvent commises par des
personnes qui n'ont pas reçu d'instruction. Elles pour-
ront facilement s'en corriger en lisant des préceptes que
Marguerite Buffet a rendus aussi intelligibles qu'il lui a
été possible. N'ayant travaillé que pour les femmes,
elle s'est rendue familière, et n'a pas voulu les embar-
rasser de choses élevées qui leur auraient été inutiles.
C'est pourquoi, en s'appliquant un peu à la lecture de
ce petit ouvrage, celles-ci trouveront qu'il ne leur sera
pas ennuyeux, tant pour la correclion de la langue
que pour la diversité de quelques discours qui leur
permettront de ne pas passer pour ignorantes dans
ce qu'elles doivent savoir.
Ici se terminent les Nouvelles Observations sur la
langue française de Marguerite Buffet, et, par consé-
quent, cette biographie, les Eloys des Illustres sça-
vantes, dont l'auteur a fait suivre les pages que je viens
d'analyser, n'étant pas de ma compétence.
Toutefois, pour donner une idée aussi complète que
possible du talent el du mérite de Marguerite Buffet, je
crois devoir, en finissant, placer sous les yeux de mes
lecteurs les lignes suivantes, extraites d'une lettre où
un contemporain, Brusié, avocat « en » Parlement, a
fait l'appréciation de son ouvrage :
Mademoiselle,
Je ne suis pas moins jaloux du bien du public que je le
suis de vostre gloire, et ay assez de cQnnoissance des
belles choses pour refuser lavis que je vous donne de
faire imprimer vostre Manuscrit. Je l'ay examiné avec
plaisir : je l'ay leu avec admiration, comme l'ouvrage le
plus beau et le plus achevé que j'aye veu dt' ma vie, pour
la belle instruction de ceux qui sçauront se servir de vos
préceptes, qui sont si nécessaires et si intelligiblement
exprimés pour bien parler nostre langue, qu'ils merite-
roient d'estre loiiez de tous les .^utheurs q'ii ont le mieux
écrit touchant la politesse du langage; et il sembleroit
que vous seriez trop avare des productions de vostre
esprit, si vous refusiez de faire ce présent au public, en
le privant de la connoissance de tant de belles lumières
qui par leur lecture m'ont ébloûy et obligé à augmenter
la haute estime que j'ay toujours faite de vos ouvrages.
Croiez moy, Mademoiselle, soiez plus liberalle, soufrez que
cette pièce sorte de vostre cabinet pour la mettre sous la
presse. Je ne prelens pas que vous en soiez inspirée par
un dessein d'illustrer vostre réputation, qui est si estimée
entre les habiles qu'on ne peut l'élever davantage. J'avoue
que de bons Autheurs ont travaillé à la reformation de
nostre langue, maison n'a veu personne qui ait mis les
choses dans un si bel ordre que vous les faites, par la
division de quatre parties différentes qui l'ont voir les
fautes que l'on fait contre les règles de bien parler, avec
les moyens de s'en corriger. Vous donnez des préceptes si
raisonnables et si faciles, éloignant avec tant d'adresse les
termes obscurs et envelopez que le beau sexe ne peut
souffrir; vous luy faites voir avec tant de grâce et d'élo-
quence l'employ qu'on doit faire du temps, et de quelle
importance est l'usage des belles lettres à celles qui les
suivent. Les règles que vous leur donnés pour la conver-
sation et pour la facilité de bien faire les lettres, sont si
belles et si utiles, qu'il me sera tres-avantageu.\ de n'en
suivre point d'autre, ne trouvant rien de mieux exprimé.
FIN.
Le RÉDACTEOR-GÉnANT : Eman MARTIN.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LA SIXIÈME ANNÉE DE CE JOURNAL
QUESTIONS RÉSOLUES
Acabit. Elymologie du mot — , p. I iO.
Acte sous seing prire. Oithofîrnphe de — , p. II.
Admonestnlion. Si le subslaiilif — est français, p. 163.
Aéronef. Si — est françiis, p. 84.
A la queiii- leu Icu. Sens litléial de —, p. Î8.
A la frôle. Origine el signification de —, p. 19.
Anglnnise. Si — est un terme français, [>. 172.
Apprendre par cœur. Explication de — , p. 4.
Apres être parli et Ai'ont d'ilre parti. Pourquoi on dit — ,
p. 179.
Arc-en-ciels. Pourquoi le pluriel —, p. 36.
Artésien. Elyninlogle de — , appliqué à un puits, p. 154.
Assijriologiié el Assyriologie. Si — ne seraient pas français, p. 19.
Attendez-moi sous l'orme. Origine de l'expression proverbiale
-, p. 2.
Au. Si la rontrarlion — doit se mettre avec ou sans trait d union
devant les prépositions, p. 140.
Avocat, jiassons nu déluge! Origine de la locution — , p. 60.
Avoir la rcncltc. h:xplicalion de l'expression — , p. 122.
Avoir l'air bon. Si — peut se dire d une chose inanimée, p. 123.
Avoir mal au cœur. Pourquoi — signifie avoir mal à l'estomac,
p. 147.
Avoir vu le loup. Pourquoi — se dit d'une personne enrouée,
p. 180.
Avril. Prononciation de — , p. 4.
B.
Bachelier, Baccalauréat. Elymologie de — , p. 74.
Batignollcs. S'il faut dire : Aller, demeurer à ou aux — , p. 18.
Beauté du diable. Communicalion sur la — , p. 33.
Belluaire. Sens et elymologie Je — , p. 148.
Bi-mensuel et .Semi-mensuel. Si — sont également français,
p. 35.
Bock. Origine du mol — , p. 10.
Bock. Communicalion sur l'élymologie de — , p. 82.
Bock. Seconde communication relative à — , p. 105.
Bosse. Communicalion sur le sens de — , p. 57.
Bot. Elymologie de — dans Pied bot, p. 146.
Boui-boui. Elymologie et signifiralion du mot — p. 3.
Breton brcionnant. Si l'expression — peut signifier la langue
des B.is-Brelons, p. 172.
Bric-à-brac et De bric et de broc. D'où viennent les expressions
-, p. 50.
•Broncher. S il est vrai que — vient de l'ancien français Bronche,
branche, p. 106 et 107.
Burnous. Comment prononcer —, et si l'on peut dire Bournous,
p. 84.
c.
Cabotin. Elymologie du mot — , p. 42.
Cn/e»!èio«>'. Communicalion sur — , p. 177.
Calino. Origine de — signifiant niais, jocrisse, p. 124.
Calino. Commuuic:ition sur —, p. 153.
Calino ou Calinnt. S'il faut écrire — , p. 189.
C'est à vous à gui. Critique de l'expression — , ]>. 131.
Charabia. Communication sur l'élymologie de — , p. 81.
Charlatan. Origine du mot — , p. 82.
Chercher la pierre philosophale. Sens littéral de — , p. 132.
Choléra. Communication sur l'élymologie de — , p. 81.
Choléra. Autre communication sur — , p. 129.
Choli-ra. Communicalion relative à — , p. 105.
Col et Cou. Différence d'emploi entre — , p. 100.
Comme quoi. Explication de l'expression — , p. 164.
Compte d'apothicaire. Pourquoi appeler — une note enflée,
p. 108.
Conceptions byzantines. Signification de l'expression — p. 83.
Concert de musique. Pourquoi Molière a dit — , el non Concert
tout court, p. 1 15.
Conclu et Exclu. Pourquoi — quand on écrit Inclus el Reclus,
p. 188.
Conter des fagots. Explication de — , p. 34.
Cornichon. Pourquoi — se dit de quelqu'un qui fait une sottise,
p. 92.
Croque-mitaine, Etymolome de —, p. 187.
Croquignole. Explication du double sens de — , p. 60.
C.ar, Tsar el Tzar. Laquelle des formes — est la meilleure,
p. 131.
D.
Dans. Comment s'est formée la préposition — , p. 83.
Dans-le but de. L'expression — est-elle française, p. 75.
Davantage que. Communication sur — el réponse, p. 73.
Den'elle. Elymologie du mot —, p. 156.
Départ. Si — est français dans le sens de Partage, p. 84.
Dépister. Explicalion de la double signilication du verbe — ,
p. 114.
Derechef. Elymologie de l'expression — , p. 59.
Devant. Si — peut s'employer pour Avant, p. 20.
Donner une perruque à quelqu'un. Origine de l'expression — ,
p. 12.
Dont. Elymologie du relatif —, p. 12.
Dont. S'il est permis d'employer — pour régime commun de
mots ayant des fonctions dilférenles, p. 84.
E.
Eau. Pourquoi — n'est pas finale dans Crapaud el Levraut,
p. Ii7.
Eculer ses .souliers. Pourquoi on dit aujourd'hui —, au lieu de
Acculer, qui se disait autrefois, p. 3.
Emérile. Si — peut s'employer pour Pleiti de mentes, p. 83.
En. Singulier emploi du pronom — , p. 100.
En sautoir. Sens el elymologie de — , p. 148.
En termes de. Si Terme doit être mis au singulier ou au pluriel,
dans — , p. 132.
Entrechat. Explicalion du terme de danse — , p. 100.
Entre chien et loup. Explicalion de l'expression proverbiale —
p. 82.
Entrefaites. Elymologie du mol — , p. 99.
Entrer dans la peau du bonhomme. Signification de — , p. 44.
Epousscler. Comment le verbe — doit se prononcer au singulier
du présent de l'indicatif, p. 43.
Espérer. Communiialion relative au verbe — , p. 113.
Être piqué delà tarentule littéraire. Signification de —, p, 172.
Être plus prés de Sainte-Larme que de Vendôme. Communica-
tion sur l'expression — , p. 114.
Etre un cliifjre. Si — peut se dire comme en anglais, p. 44.
Eusiache. Pourquoi certain couteau s'appelle un —, p. 149.
F.
Faisanderie. Pourquoi — pour dérive de Faisan, p. 60-
Paire danser l'anse du panier. Explicalion de — , p. 98.
Faire danser l'anse du panier à quelqu'un. Si l'on peut dire
-, p. 108.
Faire le bon apôtre. Ongme de 1 expression — , p. 49.
Faire ripaille. Origine de l'expression — , p. 106.
Faveur. Origine de — désignant un petit ruban, p. 50..
Felibre. Communications relatives à — p. 1 et 2.
FéneloH. Quels accents il faut sur —, p. Si.
Fesser la messe. Explicalion de l'expression — , p. 68.
Feux. Communicalion sur — , terme de théâtre, p. 34.
Fou. Comment — en est venu à signifier quantité considérable,
p. 140.
Fou. Communication sur l'élymologie de — signifiant ([uantilê
considérable, p. 162.
Garde montante. Garde descendante. Origine des expressions
— , p. 91.
Gentilés. Communicalion relative à de nouveaux — , p. 49.
Gnangnan. Origine du terme — , p. 76.
Gnangnan. Communicalion relative à — , p. 98.
Gorge ehande. Comment l'idée de joie, de plaisanterie se lie à
celle de —, p lOS.
Guéridon. Elymologie de—, p. 100.
Guéridon. Communication sur — , p. 121.
H.
Haricot de mouton. Comment on a ]ui appeler — un pl.il où il
n'entre pas de haricots, p. 11 i.
Haricot. Elymologie de — désignant un légume, p. 1S6.
Homme de sac et de corde. Origine de l'expression — , p. 156.
L
// SX! plaint que et H .se plaint de ce que. S'il y a une dill'c-
rence de signification entre — , p. 154 el 155.
I'.I2
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Ils ont un chez-soi, ou un chez-eux. Faut-il dire —, p. 116.
Inerprcss'Me. Quel vèlenienl s'appelle un—, p. 139.
Interlope. Emploi de l'adjectif—, p. Ti.
J.
]ai l'honneur de vous informer que. Jusliliciilion de la cons-
truction —, p. 130. ,, ,
Jambelte. Elymologie de — désignant une espèce de couteau,
Jeter^son anneau dans une rivière. Commenl l'archilecle du
nouvel Opéra a pu dire — , p. 36.
Julienne. D'où vient — désignant un potage, p. 12j.
Jusque.^ et y compris. Si — esl une honne conslrucliou, p. .o3.
L.
LL mouillces. Comuiunicalion relative à la prononciation des —,
LL j/ouillees. Réponse à M. André Lefèvre, sur les —, p. 17.
LL mouillées. Réplique à M. Dufour-Vernes sur les —, p. Iti.
L'échapper belle et La manquer belle. Si les deux expressions
— soni svnonvmes, p. 52. ^ , .
Le sac et les quilles. A quoi fait allusion — de La Fontaine,
Lettres de naturalité ou de naturalisalinn. S'il faut dire —
Loup-f/arou. Signilication liltérale de —, p. 180.
M.
Machin. Et>mologie de — désignant une personne ou une chose
dont on ne se rappelle pas le nom, p. 1/9.
Mailrc-iaijrrhe. Véritable orthograi>lie de —, p. 18S.
Wo)V/(Y//(o/i. Emploi du mol — , p. l36.
Majoration. Si -, qui ne dérive pas d'un verbe, est bien fian-
MédiévàT. Si l'on peut employer — pour désigner le moyen-âge,
Mercuriale. Elymologie de - signifuinl Réprimande p. 20.
Mercuriale. Communication sur 1 origine de -, p. 57.
Mettre la charrue avant les bœufs ou devant les bœufs. SU
faut dire — , p. 36. „ . . :, u
Mettre la lumière sous le boisseau. Origine du proverbe -,
Mettre du'foin dans ses bottes. Exidicalion de la locution popu-
Mine renfrognée ou Mine refrognée. S'il faut dire —, P- 76.
Mon petit chat. Pourquoi on emploie comme expression de ten-
dresse — , plutôt que Monpetit chien, p. l''-
Monter une scie à quelqu'un. Explication de — p. a-.
N.
■Ve nas lai.iser que de. Communication sur —, p. 185.
ye... pas que. L'expression — qualifiée à tort de barbarisme,
\e ..^rien'moins que. Sil est permis d'attacher indifféremment
à — un sens afiirmatif ou négatif, p. 186; 187.
Nicodcme. Pourquoi — employé pour mais, simple, p. 91.
'youveau. Comment il faut écrire - devant un participe passe,
y'ij pas aller par quatre chemins. Explication de —, p. 59.
0.
Œuf de Colomb. Origine et sens de 1' -. P- ''•
Ognon. Si c'est une faute décrire — , p. 67 et 68.
0/ono/i. Communication relative a --, p. J».
Oies du frère Philippe. Pour.iuoi les femmes sont appelées les
Orll,o'^raphe^le mol - n'est pas une anomalie, p. 51.
Ouate. Si l'on doil aspirer 10 dans —, p. ,b.
Ouate. Communication sur la prononciation de -, p. Ob^
Ouate. Autre communi.ation sur la piononcialion de —, p. 89.
1».
Par contre. Expliciition du sens el de l'emploi de -, p. 27
Participe passl Orthographe du - suivi de a et d'un inlinitif,
Participa passé Comment on doil écrire le - précédé de en et
d'un adverbe de quantité, p. U.:> et 116.
Participe pa.t.sc. Communication sur un —, p._lo3-
l'au Communication sur le genlilé de —, p. '^0.
/'"()•( n. Ce qu'est le - dont il esl question dans l Huître et les
Perso'n'Z'confidenriel, etc. Commenl écrire - mis en annota-
lion sur l'enveloppe dune Icllic, p. .)J.
Pharmacnlogue. Pourquoi M. Littré n'a pas fait — , p. 11.
Poing fermé. L'expression — n'est pas un pléonasme, p. 26.
Point d'argent, point de Sui.'ise. Origine du proverbe —, p. 92,
Portes de l'enfer. Quel est le véritable sens de Porte dans les —,
p. 146.
Porter des cornes. Explication de l'expression — , p. 58.
Prannel. Elymologie du mol — , p. 67.
Prannel. Communication sur le mol — , p. 161.
Prendre ses jambes à son cou. Explication de l'expression — ,
p. 66.
Prendre un rat. Comment — a pu en venir à signifier ne pas
réussir, p. 44.
Prendre un rat. Communication relative à —, p. 97.
Q.
Quadrature du cercle. Pourquoi on dit d'une chose jugée impos-
sible que c'est la — . p. 141.
Quartier latin. Véritable sens de — , p. 52.
Querelte d'Allemand. Communication relative à — , p. 9.
Quiproquo. Elvmologie du mot —, p. 16i.
Qui... gui. Explication de l'emploi de — pour Les uns..., les
autres, p. 99.
R.
Rot. Explicalian de — dans le sens d'Avare, p. 4.
Rat de ponts. Rat de soupe. Explication de Rat dans les expres-
sions — , p. 116.
Rat de ponts, Rat de soupe. Communication sur l'origine de — ,
p. 137.
Roi in partibus. Signification littérale de — , p. 180.
Rubrique. Elymologie de — el emploi de Sous ta rubrique de,
- p, 147,
Russe. Communication au sujet du mol —, p. 41.
Russe. Autre communication au sujet du mol — , p. 106.
Saint-Andrc-des- Arts. A quels arts le nom de la rue — fait al-
I lusion, p. 130.
Saint-. \icolas-du-C/iardonnerel ou du Chardonnet. Sil faut
dire —, p. 107.
Sautoir. Communication sur le mot —, p. 161.
Scaferlati. Origine de —, nom officiel du tabac à fumer, p. 121.
Se donner garde ou Se donner de garde. S'il faut dire —
p. 188.
.Se donner une bosse- Origine de — pour signifier se régaler,
p. 171.
Se mettre sur son dix-huit. Explication de —, p. 169.
.Se mettre sur son trente-et-un. Explication de — , p. 145.
Se mettre sur son trente-et-un. Communication sur —, p. 169.
.Se moquer du tiers et du quart. Origine de la singulière expres-
sion — , p. 138.
.S'en moquer comme de Colin-Tampon. Origine de — , p. 41.
.Sot. Elymologie de ladjeclif —, p. 90.
Souventes fois. Si l'expression — est bien française, p. 92.
Sujet à caution. Signification de — p. 76.
Teste-lez- Bordeaux ou Teste-les- Bordeaux. S'il faut écrire —
p. 139,
Tohu-bohu. Elymologie et sens littéral de — , p. 138.
Tohu-tiohu . Communication sur l'expression —, p. 153.
Tout-à-coup. Véritable significalion de — , p. 36.
Tout brandi. Elymologie de Brandi dans l'expression — , p. 68.
Transmutation, Communication sur le mot — , p. 114.
Travail. Explication du double pluriel de — , p. 28.
Trévoux dit, Selon Trévoux. Justification des expressions —,
p. 44.
u.
In bon messire Jean ou Vne bonne messire Jean. Si en sous-
enlendant le mol Poire, il faut dire —, p. 171.
V.
Venir la gueule enfarinée. Origine de — , p. 170.
Virer le tmid ou Virer de bord. >'i\ faut dire —, i>, 92.
Vitri/-lc-h'ranfais ou Vilnj-le-Frani-ois. S'il faut dire, —p. 27,
Voilà comme ou Voilà comment. S'il faut dire —, p, 170.
Zéro en chiffre. Si l'expression — esl bonne, p. 18.
BIOGRAPHIES DONNÉES
L.<URENT CmiFLET, iMunéros 1 2 3, 4 5, G> ^. » «[ 9-
Ci.AUnii Lanxklot, numéros 10, 11, U. U, 14, l,~) 1.1 16.
Marouebite Buffet, numéros 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
el 24.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. UAUfELEV à Nogent-le-Rotrou.
7' Année
N" 1.
1 " Juin 1876
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^
r\\W Journal Semi-Mensuel Jji À
^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSZILE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( f
FRANÇAISE
Paraissant le 1" et le IS de chaque mois
{hans sa séance du 12 janvier 1875, l'Actidémie française a décerné le prix Lambert à celte publication.)
PRIX :
Par an, C fr. pour la Frinee,
le l'orl en sus pniir l'élraiifier. —
Annonoes : O'ivrtgi'S, un exem-
plaire; Concours liiléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
NCIEN PROFESSEUB SPÉCIAL POCR LES ÉTBAXOERS
Oflicier il'AtaJémle
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se pivnnent pour une année
enliêre et pirlenl tous de l.t même
époque. — S'.iilp'esser soil an Kédac-
(eur soit à un libraire qnclecnque.
AVIS.
Les Abonnés de. la 6= année qui s'étonnent de ne pas
recevoir le Courrier de Vauf/e.'ax depuis un mois sont
priés de vouloir bien lire les quelques lignes qui se
trouvent en léle du 21» numéro d? ladile année.
SO.M.M.\IRE.
Communicalions .sur Ercmpiniic avant les clous, sur Gue-
ridnn el sur le parliiipe de EUf^ s'est mise sur son dix-huH : —
Explicalion île .S'en Lattre l'œil: — Ponri|uol Comme a le double
sens de ior.iY/ue cl de De quelle manière; — Signifie dion lillér.ile
de Muriiige mirgnnaiique. || Conininniialion sur l'orl liographe
de Ouate en hollandiis el sur rello de Oignon en frinçais; —
Elyinoliigie du mot Noliot : — Prononoiali m de Tous, seul à h
fin dune phrAse. || Passc-lemps griminalical. || Biogriphie de
Gilles Ménage. \\ Ouvrages de gramnnirc et de litléralure. ||
Concours littéraires. || Renseignements oflerls aux élrangeis.
FRANCE
GOM.MUNIC.\TIONS.
I.
J'ai reçu la lettre suiranle, en date du 3 avril 1870,
concernant une origine dont j'ai entretenu mes lecteurs
dans la 4' année de ce journal, page \11 :
Monsieur,
Informations prises, il Tuit entendre par cr(>Hi/;to(/-e«mH(
les clous j.iT\ p.Kemplaire île la B l»le de MuriifT (Amst., I70:),
2 vol. iii-fol ), d'un lira^P anteripiir -à i'acridini qui ijrisa
ravant-ili'rniL^re plani-lu' dn l'Apoi-alyp.-^o; liqu'lle ijiaiirh-',
reclouèe avic s^oin, coniiniia de tr-r; mais les tr.ic-.^ de la
cassure se voient aii.\ épreuves, d'où l.i néerssité de di.-lin-
puer dans les cauilogues les e.\empldires e.\empls de cette
imppifeciion.
Lexplciilion proposi^'p par M. Gouverneur et apprnnvfi'e
par vous, dans U- Courrier de Vaugelas ilu 15 janvier I87'i, a
paru lout-.i-fait inailinirsilile au\ Ijibliuplnles (pie j'ai pu
constillei-, et j'ai punse qu'une petite reciili.ation ne vous
déplairiiii pas.
Apréez, Monsieur, l'assurance de ma considération la plus
distinguée.
A. S.
Voici en quels termes m'avait été posée la question
relative à l'origine de l'expression dont il s'agit :
Je trouve, à propos d'ouvrages enrichis de figures en
taille-douce, celte annotation : a Df| exemplaire fliQ/i( les
clous. « Vouilriez-vous bien avoir l'obliguance de me donner
la siynificaiinn de ces moi?, comme vous lavez fait pour
avant la lettre, à la page 26 de la troisième année?
Par les mots « à propos d'ouvrages enrichis de
figures, » il est hors de doute que , dans la pensée de
mon correspondant, l'expression trouvée par lui s'ap-
pliquait à plusieurs ouvrages.
D'après la communication qu'on vient de lire, exem-
plaire avant les clous ne pourrait se dire, au contraire,
que d'un certain ouvrage.
Or, de deux choses l'une : ou avant, les clous se dit
(le tout ouvrage à figures, auquel cas la lettre qui pré-
cède ne peut expliquer l'usage de cette expression ; ou
arant Ifs ilous ne s'est jamais dit que de la Uible de
.Mortier, auquel cas celui qui m'a adressé la question a
été induit en erreur.
Par conséquent , tant qu'on n'aura pas élabli qu'il
n'est pas d'usage d'emplover c.rewplnire avant les
clous en parlant d'un ouvrage illuslré quelconque , je
me croirai autorisé à m'en tenir à rcx])lication qui m'a
été fournie par .M. Gouverneur.
II.
Ce qui suit m'a été adressé de Ponloise le .ï avril
<S7(i ;
Jlonsieur le Directeur,
Vous promeniez .i vos lecteur-, dans un de vos dernifrs
niimi rns, de commer.oer quelque jour des reclierclies sur
l'ong ne du mot gucridon.
IVrmettPZ-moi de vous signal-'r, h litre de renseigne-
ment, une vaii.i"te orlliograpliifppe du moi, qui s» présente
à lêpoque mC'me de son intioduclioo dans nuire langue.
C''tie variante est indiquée par .\I. .M lumerpié dans une
noie sur ce passage de Tall 'manl ile> 15 -aux (historiette de
.Dois-Ilobert, tom. III, p. 140, éiil. Garniei) :
LE COURRIER DE VAUGELAS.
« Il dit qu'un homme de sa connaissance avait mis toute
la Bible en vaudevilles qu'on appela yucridons, et il en sait
quelques vers qu'il a bien la mine d'avoir faits. »
M. Monmerqué commente ainsi les lignes qui précèdent :
« Il existe des facéties du temps de la régence de Marie
de Médicis qui ont pu faire donner à ces vaudevdles le
nom de guéridons. L'éditeur en possède deux. La première
est intitulée : les folastres et joyeuses amours de Guéridon et
Robinelte. Paris, 1614, in-8°. La seconde a pour titre :
Ballet des Argonautes , où est représente Guelindon daiis une
caissu , comme venant de Proeence, et Robinette dans une
gaine, comme estant de GhastellerauU. Ce jeudi vingt-troisiesme
jour de janvier 1014 au Louvre. Paris, 1614, in-8°. Ce ballet
est indiqué dans l'ouvrage du duc de la Vallière, 1760, in-8°,
p. 49. »
Il semble bien que le nom propre de Gucridon, qui figure
dans ces facéties représentées devant Marie de Médicis, est
d'origine italienne , comme ceux de Scaramouche , .\rle-
quin, etc., et son rapprochemeht avec le nom très-pas-
toral de Robinette pourrait inciter à voir en lui une forme
corrompue de Corydon.
Je livre cette conjecture à l'examen de notre tribunal
philologique, et vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur,
l'assurance de ma considération la plus distinguée.
Joseph Depoin,
Président du Cercle sténographique de l'Ile-de-France.
Si Guéridon venait de Conjdon, celui-ci ne pourrait
guère s'appliquer qu'au berger dont parle Virgile dans
sa 2* églogue. Or, je ne crois pas que le nom de cet
amoureux-là ait jamais eu quelque chance d'être donné
à celui de Robinette.
Quant à Guelindon , c'était une seconde forme de
Guéridon obtenue par une permutation de lettres,
forme qu'on employait assez volontiers pour l'autre
(elle se trouve à tous les endroits du Ballet des
Argonautes^ où il s'agit de Gwen'</o«), mais qui ne peut
rien apprendre sur l'origine cherchée.
L'opuscule intitulé les folastres et joyeuses amours
de Guéridon et Hobinette relate ce qui suit :
Guéridon naquit à Marseille « en Provence. »
De santé trop délicate pour supporter le voisinage de
la mer, et d'ailleurs à l'âge où l'on commence à sentir
le besoin d'aimer, il vint en France pour s'instruire
de nos « humeurs, » voir Paris et apprendre les nou-
velles de la Cour.
Sur son chemin, à Roanne, il rencontre un person-
nage qui offre de lui faire connaître Madame Robinette,
« une fille aisnée de noble race, douce de toute sorte
de perfections, fille usante et jouissante de ses droicls ,
qui entend mieux à faire plojer une lame qu'à la rompre,
qui n'aspire en ce monde que son plaisir. »
Guéridon accepte; le mercure part, et quinze jours
après, il annonce qu'il a pressenti Robinette et qu'il
croit à un prochain succès pour ses démarches.
Mais Guéridon ne peut vivre plus longtemps loin de
celle qui occupe déjà toutes ses pensées; il prend la
poste pendant la nuit et arrive à Orléans dans un hôtel
où, par hasard, il retrouve Rcllc-Ileur, son messager.
.\ souper, on parle de Robinette, qui vient justement
d'envoyer a nolle-ilcur une lettre pour Guéridon. Celui-
ci, tout jojeux, écrit une réponse passionnée.
Belle-llcur, dont le zèle a été encouragé par un don de
cent pistoles, reiiconlre Robinette près de la porte de la
Pucclle; il lui olfre le bras et parvient sans elforts à
l'amener à Ihôtel où Guéridon l'attend avec la plus
grande impatience.
Guéridon était un esprit faible; Robinette s'en aperçoit
bientôt, mais elle ne s'en fâche point : elle n'en pour-
suivra que plus aisément ses premières « cavalcades. «
L'insensé Guéridon épouse Robinette, puis, quatre
jours après, il est contraint d'aller en Suède, voyage
qui ternit tellement sa réputation que « chacun sçait
comme on en parle. »
Enfin Guéridon meurt après avoir été aussi mal
récompensé que possible de son affection pour Robinette.
Histoire ou légende, ce récit me semble donner la
véritable origine de Guéridon, qui aurait été, non pas
l'auteur, comme l'a dit M. Francisque Michel, cité par
M. Rastner [Courrier de Vaucjelas, 6' année, p. \2{] ,
mais bien l'objet des vaudevilles qui coururent sous ce
nom, ce que tendent à prouver ces paroles de Guelindon
s'adressant au Roi, dans le Ballet des Arejonautes :
Grand Roy de qui la gloire avec l'aage s'accroist.
Il est vray que mon nom sur les autres paroist
Et que tous en leurs chants me font un sacrifice.
Du reste, cette origine explique parfaitement les signi-
fications diverses que nous trouvons à ce mot : les infor-
tunes de Guéridon furent chansonnées « par tout le
royaume, » et probablement sur un certain air; les
chansons analogues à celles où il s'agissait de lui s'ap-
pelèrent des guéridons; quand Marie de Médicis intro-
duisit les ballets en France , on appela aussi Guéridon
le personnage qui, portant un flambeau et placé au
milieu d'une ronde , était condamné à voir les autres
s'embrasser sans prendre part à leur divertissement ;
de là, ce nom passa aux candélabres qui se trouvent
dans les escaliers des palais; et enfin, on appela gué-
ridon une petite table à un pied destinée d'abord à
porter une lumière, et plus tard, des porcelaines, etc.
Si je ne m'abuse une seconde fois, l'étymologie du
mot guérido7i serait donc enfin trouvée, et ce serait
grâce à la communication que M. Joseph Depoin a bien
voulu m'adresser.
m.
Le 13 avril , j'ai reçu la lettre suivante, laquelle a
trait à l'orthographe d'un participe passé :
Monsieur,
Dans votre numéro du 15 mars dernier, en répondant à
celui de vos lecteurs qui s'était désigné comme « petit-flls
d'une fileuse, » vous avez terminé votre réponse par une
critique grammaticale au sujet de laquelle je vous demande
la permission de prendre la défense de ce correspondant.
Cette critique me parait, en eff^t, subordonner beaucoup
trop une règle certaine de grammaire à une question dou-
teuse d'étymologie. Il s'agit, je le rappelle, des expressions
se mettre sur son trenle-et-un ou se mettre sur son dix-huit ,
expressions dans lesquelles vous pensez que le trente-et-un
ou le dix-huil représente le vêtement qu'on met sur soi en
uujourde parure. Je ne prétends nuUemenlconteslercequ'il
peut y avoir de vraisemblable dans cette opinion ; mais ce
qui est certain, c'est que, dans l'état actuel de notr' langue,
la réunion des deux mots mettre sur n'a pas du tout con-
servé le sens, que vous lui attribuez, d'un verbe actif com-
portant après lui un régime direct dépendant de mettre, au
lieu d'un régime indirect dépendant de sur (il en serait
autrement si l'expression était mettre dessus). Je crois donc
LE COURRIER DE VAUGELAS.
que. pour l'application de la grammaire dans la pUrase qui
a fait l'objet de votre correction, il est légitime, au moins
jusqu'à ce que la vraisemblance de votre opinion étymolo-
gique ait acquis le caractère d'une vérité bien établie, de
se baser sur la forme apparente de cette phrase et que la
grand'maman fileuse, qui sans doute ne se préoccupait pas
d'étymologie. mais qui avait bien appris sa rogle des par-
ticipes, était parfaitement dans son droit quand elle de-
mandait à Marie-Jeanne en 1 honneur de quoi elle s'était
mise sur son dix-huit.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considé-
ration très-distinguée.
Un de ros lecteurs.
Dans mon numéro 22 de la C année, j'ai dit, p. 170,
que le participe de cette phrase:
Tu es belle aujourd'hui. Marie-Jeanne; d'où vient que lu
t'es mise sur ton dix-huit ?
devait être laissé invariable; et cela, parce que, d'après
l'explicalion que j'avais donnée précédemment, p. 143,
cette phrase signifiait : « D'où vient que tu as mis à toi
Sur (ta personnel ton dix-huit. >>
L'auteur de la communication qu'on vient de lire
estime que, « jusqu'à ce que la vraisemblance de mon
opinion étymologique ait acquis le caractère d'une vérité
bien établie «^ on doit continuer, pour écrire la phrase
en question, de se baser « sur la forme apparente »
de cette phrase.
Mais il n'est pas absolument nécessaire, pour conclure
à l'invariabilité de mis, de s'appuyer sur l'étymo-
logie de la phrase qui renferme ce participe ; car sachant
seulement que .se mettre sur son dix-huit signifie se
vêtir de son plus bel habit; que le verbe mettre est
actif, et que le se qui l'accompagne désigne une per-
sonne, il est impossible de voir le régime direct dans
nn autre mot que dix-lniit, et partant de faire varier le
participe : la phrase a lieau sembler dire que c'est la
personne qui se place sur le dix-huit, la raison combat
si fortement cette apparence qu'elle doit, à mon avis,
en annuler les conséquences orthographiques.
Pour ne ])oint trop offenser l'œil (car je conviens
qu'il est un peu choqué ici;, je crois qu'il serait bon que
se mettre sur son dix-huit et son homonyme se mettre
sur son trente-et-un reçussent une correction ou plutôt
une restauration. En effet, au lieu de sur. pourquoi n'y
écrirait-on pas sus, ainsi qu'on a prononcé autrefois et
que la plupart prononcent encore? De cette manière, la
construction de la phrase en question aurait de l'ana-
logie avec celle de courir sus à quelqu'uti, le sens amphi-
bologique disparaîtrait , et rinvariabilité du participe
irait pour ainsi dire d'elle-même.
X
Preniiùre Quesliou.
L'œil étant une partie du corps très-sensible , Je ne
comprends pas qu'on ait pu faire l'expression s'en
BATTUE l'oeil pour signifier s'en mo-jucr. Voud riez-vous
bien m' expliquer cette expression }
Voici l'opinion de Quitard à ce sujet :
Se huHie l'œil , c'est proprement se frapper l'œil avec la
paupière qu'on abaisse et qu'on relève alternativement, ce
qui se fait en tigne de dérision et de mépris : de là cette
expression employée figurément pour dire qu'on se moque
d'une chose.
Mais je ne puis admettre celte explication, la paupière
qui s'abaisse et se relève non-seulement ne frappant
pas l'œil, mais encore ne lui faisant pas la moindre
offense.
En voici une autre qui m'a été adressée de Beauvais
le 29 aoiit 1873 :
Je m'en bals l'œil signifie : je me moque de cela et des
conséquences, je n'en prendrai pas de souci.
11 est impossible de mettre cette phrase au pluriel d'une
manière supportable, et même d'en donner une explication
satisfaisante, tirée de la signification des mots qui la com-
posent; mais en faisant subir à la prononciation une légère
modification qui en amène une très-grande dans la forme
écrite et disant : je m'en baloie , on obtient une formule
sensée qui s'applique parfaitement à l'idée qu'on veut
exprimer, le vieux verbe se baloyer sigU'Hant se rejouir,
passer le temps en gaite et sans soucis. On dit encore vulgai-
rement, dans un sens analogue : je m'en baie. Se baloyer
est évidemment augmentatif de se baler.
Je ne goûte pas plus cette seconde explication que la
première, car si baloyer a jamais existé (je ne l'ai ren-
contré ni dans Roquefort, ni dans Du Cange, ni dans
Cotgrave , il ne pouvait faire entendre le même son que
bats l'ail , quelle qu'ait été d'ailleurs la prononciation
de la di])hthongueo/ à l'époque où il était en usage.
Nous avons une expression identique par le sens à
celle dont il est qtiestion ici, c'est s'en battr'' les fesses,
expression signalée comme telle dans le Dictionnaire
de Liltré, et contenue dans ce passage de Scarron :
Mais â ces discours d'ivrognesses.
Le roi dit : Je in'en bats les fesses.
i^Virg. Trav., VII, p. jjjj
Or, grâce à cette synonymie, due évidemment au
geste dont les gens mal élevés accompagnent quelque-
fois je m'en bats l'œil, il me semble que la véritable
signification du mot ceil dans cette dernière expression
se découvre sans la moindre difficulté.
D'après le Dictionnaire de la Langue rerte, l'expres-
sion s'en battre l'œil n'aurait qu'une centaine d'années.
C'est une grave erreur, car les vers suivants attestent
qu'elle existe au moins depuis deux siècles :
A-t-on vu renier de cette sorte?
Bourreau! — Je m'en bats l'œil.
(La Fontaine, Hagot. IV, 7.)
X
Seconde Question.
Comment explicjuez-i'ous que le mot comme puisse
signifier lorsque (Je l'ai vu comme // arrivait), et aus.'ii
DE QtJELLE ma:<(ière [voUà COM.ME // a agi envers moi] ? Je
ne vois pas du tout ce qui a pu amener deux sens si
différents.
Le latin quomodo, qui a passé en italien sous la forme
come, en espagnol sous celle de como, est devenu en
français comme (primitivement cuni et com), ce dont
voici la preuve :
LE COURRIER DE
Cum faitement li manrlprons niivpIleR?
{C/tanson de RoUnnd^ p. I-Ja.)
Si voirement com nous bien le crenns.
(Ponc, p. 48.)
Comme leur oserions nous osier l'héritage de vie?
(Calvin. Instil. m, 359.)
Car suyvre faut la reiple et la loy de Christ,
Comme il l'a baillée par escrit.
(Marot, I, a^ï )
Mais la langue laline avait aussi la conjonclion r/iaan
(écrile souvent cum], laquelle nous donna comme dans
le sens de /o/-.sY/2?e, el cela, juslement sous les mêmes
formes que comme dérivé de quomodo :
Cum il le vit, à ferir le desiret.
(Cànîis. de Roland, p. I»6.)
Cum il entrèrent en la cambre voltice,
Par bêle aniur soef salut i firent.
(Uein. p. 2a7.)
Cume D^virl eut un poi aled avant el munt, Siba, le
sêrjant Miphibosetb, vint encuntre lui.
(Rois, p. 177 )
Ledit dur, comme il veit les portes fermées, Ost saillir les
gens de sa chambre.
(Commines, II, 7 )
D'un emploi peut-élre moins fréquent d'abord, comme
(dérivé de cum) devint d'un usage plus général, et a
fini depuis par rester le synonyme de lorsque.
Voilà pourquoi, dans notre langue, (owweaen même
temps le sens de celle conjonclion el celui de de quelle
manicre : la corruption des deux mois quomodo et cum a
produit une forme unique à laquelle est restée attachée
la signification de chacun d'eux.
M. Littré donne à entendre (élymol. de comme] que
c'est seulement au xvi« siècle que ce mot a été assimilé
à la conjonction hUne quum. En présence des derniers
exemples que je viens de citer, je ne puis être du
même avis que le célèbre académicien.
X
Troisième Queslion.
J'ai cherché soureni, quelle pouvait être l'origine de
cette expression , harugë jiORGiNATiQDE , el à quelle
époque elle avait été emploi/ée pour la première fois. Il
m'a été impossible de trouver îi/ie solution. Vous me
feriez grand plaisir si vous pouviez m'éclairer à ce sujet.
Sans faire appel à la fée Morgane, comme Lcgoaranl;
sans invoquer le Morganijcba , don du matin, des
Français du v° siècle (Voir .Me/.eray, llist. de France,
vol. I, p. 69); sans recourir au verbe golh maurgj'in,
restreindre, comme le fait Aug. Scliclur, on peut assez
facilement, il me semble, expliquer morganatique.
En effet, de quoi se compose cet adjectif?
De morgan, qui est en haut-allemand la forme de
morgcn, malin, et de atique, tiTininaison venue de
aticus qui, d après De Clievallcl [Orig. sec. part. liv. 11,
p. 319), représente une idée « qui peut se rendre par
qui est, ou qui su lient à, ou dans, qui est propre à,
qui est destiné à. n
Uc sorte que mariage morganatique signilicrait lit-
léralement mariage du matin, expression qui me parait
VAUGELAS.
i ■
parfaitement s'adapter à un mariage dont, pour cause
de dérogation, la célébration a dû, dans l'origine, avoir
lieu plutôt à la faveur de l'ombre matinale qu'à la
grande lumière du jour.
Quant a l'autre partie de votre queslion, sans pouvoir
y répondre d'une manière précise, je puis cependant
vous dire que ce mot ne se trouve à ma connaissance
dans aucun dictionnaire français publié avant celui
de Napoléon Landais, qui date de 1836.
ÉTRANGER
COMMUNICATION.
Dans une lettre que j'ai reçue d'Amsterdam, le 3 avril
1870, se trouve le pas.sage suivant :
A. Dans lasixièmeannéeilu Conrrierde Vawjelas, numéro!),
vous tra luisez oitale par imd. C'penlant j'ai chez moi trois
fliclionnaires qui récrivent avec un l et un w (double v) :
wal.
Ouate ne reçoit pas d'autre orthographe dans la langue
liollanclaise ou néerlandaise; son pluri -l est ivaitcn.
B. M. Eman Martin dit dans le même numéro de son
estim^ible journal : « C'est donc une faute que d'écrire le
mot oignon sans i dans quelque circonstance que ce soit. »
Or-, je lis dans le Dictionnaire complet dp la langue fran-
ç.iise par P. Larousse (3° édition, Paris, 1870), p. 432 :
m Ognon ou oignon, n. m. Plante potagère à racine bul-
beuse , partie repliée de la racine de cerlaines plantes;
Ofjiions (le lis , dejacynthe, de tulipe, etc.; callosité aux
pied^. En rang d'ognons, loc. adv., sur une seule ligne. »
La première de ces remarques est parfaitement
juste; je viens de consulter le Dictionnaire de Marin à
la Bibliothèque nationale : il écrit aussi wat, icatten.
J ai été induit en erreur par M. Littré, qui met, lui, à
l'ét^mologie de ouate : « holl. vad. »
Ecrire ognon sans i parce que cette voyelle ne s'y
prononce jias, et écrire poignard, poignée, poignant,
empoigner, moignon, où elle ne se prononce pas davan-
tage, c'est commettre une inconséquence. Pour être
logique, il faut, ou ne mettre /dans aucun de ces mots,
ou le mettre dans tous.
X
Première Question.
Voudriez-vous bien m' apprendre, par la voie de votre
journal, d'oii vient le mot nabot ? Tous mes remercie-
ments d'avance.
D'après Ménage, nabot aurait été tiré du latin napus,
navet, par le changement de p en b. Diez le croit venu
du Scandinave iiabbi, grosseur, bosse, et Aug. Sclieler
dit qu'il pourrait aussi avoir été fourni par l'anglais
ku'ipp, bosse.
Vient-il vraiment An napus? Celui-ci a donné, à la
vérité, trois dérivés sur notre sol ; navet et naveau en
français, puis navot en normand ; mais je ne sache pas
qu'aucun d'eux se soit jamais appliqué, par assimila-
tion, à la taille des individus. Du reste, chez nous, les
noms de végétaiix qualiliant par dérision des personnes
[cornichon, tru/J'c) ne s'emploient qu'au figuré, et non
au propre.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Nabot \\cnli\ de /wM/.-' Cela me surprendrait encore;
car, indépendamment de la disparition d'uni, assez
peu explicable quand nous en avons bien conservé deux
dansa66{', venu du latin abbas, il faudrait rendre compte
du cliingement de \ i ea o , changement dont je ne
connais point d'exemple.
Je soupçonne l'anglais /tnapp d'être le même mol que
nabbi comme ayant ainsi que lui le sens de bosse et
ses deux b, sous la forme de deux p.
La véritable étimologie de nabol ne me semblant
pas avoir été trouvée, voici celle que je propose :
Dans le vieux français, ii'jbol s'est dit nambof .
comme le montre cet exemple du xvi' siècle :
Kous ne sommes que naml'ois et avortons eu esgard à la
grandeur de ceux du vieil temps.
(Bouchet, Seras, II, p. m dans Laearae.)
Le patois de Genève dit encore naimbol et naimbote.
Or, sachant que le terme bot existe en français,
et qu'il est répandu dans les idiomes des peuples qui
nous entourent je l'ai fait voir dans le Courrier de
Vaugclas, 6' année, p. 146}, j'incline fortement à voir
dans nabot un composé de nom et de bot, c'esl-à-dire
la signification de nain contrefait.
Cetle élymologie peut d'ailleurs facilement se justifler
par le sens :
Nain signifie seulement petit relativement à la taille
des objets semblables : on dit un peuple nain, un arbre
nain, un chernl nain; il est susceptible du qualificatif
joli : on dit un joli nain, une jolie naine ; il n'y a pour
ainsi dire point de dérision dans ce mot. .Mais il n'en
est pas de même de nabot, qui ne s'applique qu'à la
race humaine; c'est un terme de mépris, et cette idée là
ne peut s'y trouver que parce qu'il contient l'adjectif
bot (contrefait) joint avec na, abrégé de «a«, qui est
la forme provençale de nain.
X
Seconde Question.
Quel est votre avis sur la prononciation de tocs, seul
et dernier mol d'une phrase, comme, par exemple, dans ■
ILS VIE.NDKOMT TOCS?
D'après M. Litiré, c'est mal prononcer que de faire
sonner \'s de /o«.s dans ce cas; mais quand je consi-
dère que, dans nos théâtres, même à la Comédie-Fran-
çaise, lorsqu'on rappelle les acteurs qui ont bien joué
une pièce, on leur crie généralement /oi/.we.' tousse! il
me semble bien difficile d'admettre que cette pronon-
ciation soit réellement mauvaise.
PASSE-ÏE.MPS GRA.U.\L\T1G.\L
Phrases à, corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
l* Il faut aussi eX surtout que reuseigneinent dms ces écoles
soil autre qu'il est aujourd'hui.
2' Il n'est absurdité sigr.inJe qu'elle ne trouvera créance auprès
d'eux, il n'est hameçon si énorme qu'on ne leur fera avaler.
3' I.e ministre Iravaillait d.ins son apparlemeut , et non dans
le grand cabinet officiel du bas, où tant d'Excellences se sont
succédées.
4° Faut-il ajouter à présent que si l'abdicalion du roi est dans
les faits possibles et même prob.ibles d'ici quelr|jes années, non-
seulement elle n'est pas vraie, mais pas roémc vraisemblable dans
Il situilion actuelle.
h' L'.iulre jour, dans une commune qui ressortit du canton de
Do'jz) (Nièvre), un bra\e curé moulait en ch.iire pour faire son
l)rone.
G Plusieurs étudiants avant voulu pénélrer dans l'élablissemenl
quoique non porteurs de cartes d'entrée, se sont vus refuser la
porte.
7' Comment, vendul s'é ria don .\ugnslino, indigné et stupéfait.
Mais le corps de mon fr.Te n'a\ait de valeur que [jour moi! — Je
vais vous dire, gémit rembiiimeur lerrilié.
8 Celle latiluile laissje aux cléricaux de faire des réunions
publiques alors qu'elles sont inlerdites aux républicains sous un
ministère républicain, ne laissera pas que d'impressionner péni-
blement l'opinion publique à l'élr.uiger comme en France.
9' .^verkios repoussa ces insinualions et assura l'abhé qu'il
préférai! ne pas être nommé archcvéq le que de l'élre par vénalité.
10° Enliu M Ric.ird se lève, sajusle un linlinet, piSse sa large
m.iin sur son vaste front, et d'un pas délibéré, décidé, escalade
les degrés qui mènent à la tribune.
(Aes corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAniIE DES GRAMMAIRIENS
■ SECO.NUE MOITIÉ DU XVII" SIÈCLE.
Gilles MENAGE.
Il naquit à Angers le 15 août 1613. Ses études, sur-
veillées par son père, avocat du roi au bailliage, firent
autant d'honneur aux soins de l'un qu'à la capacité de
l'autre. Une mémoire remarquable Jointe à une grande
avidité de savoir et qui dominait toutes ses autres
facultés, semblait l'appeler de préférence aux succès de
l'érudition, vers laquelle se portait encore presque
exclusivement le génie littéraire; aussi crut-il, en se
livrant à l'élude du droit, satisfaire à la fois la volonté
paternelle et donner carrière à son goût. Ménage prit
la robe d'avocat et fil ses débuts dans sa ville natale.
Mais il avait d'auires vues : il s'engagea dans l'état
ecclésiastique. Alors il se fit connaître avantageusement
dans le monde par les ressources d'une instruction
étendue et par l'éclat de ses liaisons avec la plupart des
homme's qui avaient un nom dans la littérature. Cha-
pelain le présenta au cardinal de Retz. €e prélat, qui
s'était engoué sur parole du mérite de .Ménage , lui
donna une place d.tns sa maison et s'empressa de l'ad-
nicltre dans sa familiarité.
Ayant quitté le cardinal au bout de quelques années,
il ne put se déterminer à accepter le patronage du
prince de Conti, qui lui oiTrait une pension de quatre
mille francs ; il préféra tenir dans sa maison, au Cloître
Notre-Dame, des assemblées littéraires, appelées mer-
curiales, du jour où l'on se réunissait.
, Son patrimoine , converti en une rente viagère de
LE COURRIER DE VAUGELAS
3,000 francs et un revenu de 1,000 qui lui furent assi-
gnés sur deux abbayes, lui procurèrent l'aisance si
précieuse à l'homnie de lettres.
Le cardinal Mazarin voulut tenir de sa main la liste
des savants qui avaient droit aux récompenses du gou-
vernement; Ménage reçut une pension de 2,000 francs.
Quoiqu'il eût déj;i mis le sceau à sa réputation ,
.Ménage n'avait cependant encore publié que ses Oii-
(jines de la langue françoise, des Remarques sur cette
même langue, à Tinstar de Vaugelas , et des mélanges
assez raédioei'es de tout point , au nombre desquels
figurait sa Requête de^ Dictionnaires, satire légère-
ment mordante et écrite dans le style de Scarron, où
étaient tournées en plaisanterie les occupations gram-
maticales de l'Académie. Cette petite pièce fut trouvée
ingénieuse dans sa nouveauté ; elle fit grand bruit ,
indisposa contre l'auteur un grand nombre des qua-
rante et les empêcha plus d'une fois de faire tomber
sur lui leurs suffrages.
Si .Ménage n'obtenait pas pleine justice dans son
pays, la faveur des étrangers l'en consolait amplement :
l'Académie délia Crusca lui envoyait un diplôme d'as-
socié, les savants d'Angleterre, d'Allemagne et des
Pays-Bas répétaient ses louanges, et la fameuse reine
de Suède, Christine, l'invitait en termes flatteurs à
venir grossir sa petite cour littéraire. Quand cette
reine, qui avait sacrifié aux lettres l'éclat d'une cou-
ronne, vint à Paris, ce fut Ménage qu'elle chargea de
lui présenter les personnages distingués de la capitale.
Prôné par les auteurs subalternes. Ménage s'accrédita
dans l'esprit de ces précieuses qui , avant Molière ,
donnaient le ton à la société, et s'érigea en autorité
imposante.
Assez profondément versé dans les langues anciennes,
honoré de l'estime du docte Huet, environné d'une
véritable importance pai- ses relations avec les érudits
étrangers et par l'amitié des écrivains qui annoncèrent
le siècle de Louis XIV, disposant du fruit de lectures
prodigieuses, il possédait de plus la langue italienne et
la langue espagnole, et composait même dans la pre-
mière des vers élégants.
Ayant échoué dans une candidature à l'Académie,
Ménage se contenta, pour épancher les richesses de sa
mémoire, des réunions qu'il avait formées chez lui et
des sociétés d'élite où il était accueilli.
Ménage avait pensé oublier ses livres auprès de M'"«de
Sévigné. Il l'avait connue avant son mariage', avait
contribué à former l'esprit de cette femme célèbre, et
s'était passionné pour des grâces qui n'étaient pas son
ouvrage. Son élevé l'avait ramené à la raison et l'avait
désespéré souvent en le traitant comme un amant sans
conséquence.
Ménage était d'un caractère irritable. Son ressenti-
ment contre Gilles Roileau fut si violent, qu'après avoir
fait tous ses efforts pour l'écarter de l'Académie, il
rom|)it avoc Chapelain, qui avait refusé de servir sa
haine contre lui.
Dans les hostilités qu'il eut à soutenir, Ménage perdit
un peu de sa considération. Ses plagiats multipUés
furent mis au jour sans qu'il pût s'en défendre.
Ménage disait souvent qu'il voulait mourir la plume
à la main ; il se tint parole le 23 juillet 1092. Quand la
mort le surprit, il ajoutait aux matériaux qu'il avait
rassemblés pour des ouvrages presque égaux en nombre
à ceux qu'il avait déjà publiés. Parmi ses notes, il y avait
des recherches sur l'origine des locutions proverbiales
de notre langue.
Ses nombreux ennemis le poursuivirent jusque dans
la tombe.
Voici ce qu'il y a de plus important ou de plus curieux
dans les Observations sur la langue françvise de Ménage
H672^ observations qui consistent surtout en apostilles
sur les Remarques de Vaugelas, et en articles détachés
où sont déduits les motifs de préférence entre un grand
nombre de mots dont l'emploi était alors douteux.
S'il faut dire acatique nu aquatique. — Les Romains
prononçaient le q comme un k; ils disaient ki, ke, kod,
et non pas qui, que, quod. Nos vieux Français ont suivi
cette prononciation , comme on le voit par ces mots
cancan, casi, kidan, à kia : il faut prononcer acatique.
S'il faut dire extrêmement, ou extrêmement; certai-
nement, ou certainement; profondement, ou profondé-
ment. — Vaugelas, au chapitre des adverbes en ment, a
fort bien décidé qu'il fallait dire communément, expres-
sément, conformément; mais il s'est trompé en ce qui
concevnç extrêmement : il faut dire e.r;rme/nf«^ Il faut
dire aussi certainement, ei non pas certainement comme
disent les Angevins (1672) ; mais il faut dire au contraire
profondément, et non pro fondement.
S'il faut dire Droit canon, ou canonique; les Insti-
tuts, les Institutes, ou les Institutions de Juslinien. —
Quoique depuis dix ou douze ans, MM. de Port-Royal
disent droit canonique paLixe qu'en latin on dit jus cano-
nicum, il faut dire droit canon , comme on l'avait tou-
jours dit auparavant, et connue tout le peuple le dit
encore présentement.
Dans le discours familier, on ne doit jamais dire les
Institutions de Justinien, quoiqu'on dise en latin Insti-
tutiones Justiniani; mais on pourrait le dire dans une
traduction de l'ouvrage, eonime l'a fait M. Pcllisson, et
comme d'autres l'avaient fait avant lui. Le meilleur
pourtant et le plus sûr est de dire toujours Instituts ou
Institutes. C'est ainsi que nos anciens ont appelé ce
livre, du latin Instituta.
Mais entre les deux, Ménage préfère instituts, ([ui lui
semlilc ]ilus naturel, Stalxits étant venu de Statuta.
S'il faut dire plurier ou pluriel. — Il ne condamne
pas pluriel, mais il lui préfère plurier.
.S'il faut dire arondellc, hêrondcllc, ou hirondelle. —
Vaugelas s'était prononcé jiour hérondellc ; mais .Ménage
fait voir que c'est une grosse erreur, que c'est le petit
peuple de Paris qui parle ainsi, et ({u'avec les meilleurs
auteurs, il faut dire hirondelle.
[La suite au prochain numéro.)
Lk RhinACTEon-GiSitiNT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
L'Amour au commencement du monde. Les
Mystères de la création dévoilés ; par Mme Badère.
ln-18 Jésus, 32i p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Jack, Mœurs contemporaines ; par Alph. Daudet.
2" à 6= éditions. 2 vol. in-18 Jésus. 766 p. Paris, lib.
Dentu. 6 fr.
Histoire de la littérature française depuis ses
origines jusqu'à nos jours; par J. Deraogeot, ancien
professeur de rliétorique au lycée Saint-Louis. 15' éd.,
augmentée d'un appendice contenant l'indication des
principales œuvres littéraires publiées depuis 1830 jus-
qu'en 1876. ln-18 Jésus, xiv-702 p. Paris, lib. Hachette
et Cie. U fr.
Les Danseuses du Caucase ; par Emmanuel Gon-
zalès. Illustration d'Ed. Yon. ln-18 Jésus, X[i-il5 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr. 50.
Chronique du règne de Charles IX; par Prosper
Mérimée. Illustrée de 31 compositions dessinées et
gravées à l'eau-forte par Edmond Morin. 2 vol. in-8",
xv-430 p. Paris, imprimerie Çhamerot.
Nouveau choix de poésies, à l'usage des pensions,
des écoles, etc.; par Jules Ponsard, 8" édition. ln-18,
i\-176 p. Paris, lib. Delagrave.
Opulence et Misère; par Miss Ann. S. Stephens.
Roman américain traduit par Mme Henriette Loreau. ln-
18 Jésus, 320 p. Paris, lib. Hachette et Cie. I fr. 25.
Romans d'Edmond et Jules de Concourt. IV.
Manette Salomon. Nouvelle édition. ln-18 Jésus. M8 p.
Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Œuvres poétiques de Courval Sonnet ; publiées
par Prosper Blanchemain. Tome I. Les Sat}'res contre
les abus et désordres de la France. In-16; xvni-173 p.
Paris, lib. des Bibliophiles.
Etude sur Alain Chartier; par D D'îlaunay. profes-
seur au lycée de Rennes. In-8°. 268 p. Paris, lib. Thorin.
Le Dernier amour. La Chimère; par Etienne
Enault. Nouvelle édition. ln-18 jésus, 388 p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
Mademoiselle de Maupin; par Théophile Gautier.
Nouvelle édition, ln-18 jésus, 388 p. Paris, lib. Char-
pentier et Cie. 3 fr. 50.
Proverbes du pays de Béarn, énigmes et contes
populaires, recueillis par V. Lespy, membre de la
Société pour l'étude des langues romanes. In-8°. 113 p.
Paris, lib. Maisonneuve et^Cie. 5 fr.
Les Oubliés et les Dédaignés, figures du 'S.WLV'
siècle; par Charles Monselet. Nouvelle édition, ln-18
jésus, iv-387 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Madeleine; par Jules Bandeau, de l'.Académie fran-
çaise. Nouvelle édition. ln-18 jésus, 209 p. Paris, lib.
Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Aventures prodigieuses de Tartarin. de Tararin;
par Alphonse Daudet. W éd. Iu-18 j'^sus, 269 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr.
Souvenirs militaires du colonel de Gonneville;
publiés par la comtesse de Mirabeau, sa fille, et précédés
d'une étude par le général baron Ambert. 2'-' édition.
In-12, Lxx-397 p. Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr. 50.
Publications antérieures:
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — MARINS. —
Par Enou.iRn Goepp, chef de bureau au Ministère de l'ins-
truction publique, et He.nri Mau.noury d'Ectot, ancien
capitaine au long cours. — Orné de deux portraits. —
Dl Oues.ne, Tourville. — Paris, P. Ducroc, libraire-édi-
teur, 55. rue de Seine. — Format anglais, broché : 3 fr.
DE LA PRONONCIATION DE LA VOYELLE U AU XVI"
SIÈCLE. — Lettre â M. Arsène Darmesteter, répétiteur à
l'École des Hautes-études. — Par F. Taluert, docteur ès-
lettres, professeur au Prytanée militaire. — Paris, Ernest
Thorin^ éditeur, rue de Médicis, 7.
ALISE D'EVRAN. —
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Prix : 2 fr.
Par André Lemoyne. — Paris,
éditeurs, 33, rue de Seine. —
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spécial pour la préparation aux examens, répétiteur des
premières classes de latin et de grec. — Ouvrage adopté
à la maison de Saint-Denis, et auquel la Société libre
d'instruction et d'éducation populaires vient de décerner
une médaille d'honneur et la médaille d'or offerte par
M. de Larochefoucauld , président honoraire de cette
Société. — Paris, chez l'auteur, 1, place Wagram.
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joli volume format anglais de Z|50 pages, imprimé par
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Cartes et les Echecs, les Devinettes, la Barbe, les Danses,
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et donnant l'étymologie de plus de 900 mots. — Prix,
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Par Gabriel Azaïs. — i vol. inl2. — Paris, Honoré Cham-
pion, libraire, 15, quai Malaquais. — Prix : 3 fr. 50.
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grammaire en France jusqu'aux dernières œuvres connues.
— Par J. TiîLL. — Un beau volume grand in-18 jésus. —
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LES CAHIERS DE SAINTE-BRU VE, suivis de quelques
pages de littérature antique. — Paris, Alphonse Lemerre,
éditeur, 27-3], passage Choiseul. — Prix : 3 fr.
COL'IABlEri DE VAUGELAS (Collection du). - En vente
au bureau du Courrier de Va^if/elas , 26, boulevard des
Italiens. — On peut encore se procurer la h", la 5" et la 6"
année. — Réimpression des cinq premières awi^es aussitôt
que sera atteint le chiffre demandé par la souscription
que le Rédacteur vient d'ouvrir.
L'INTERMÉDIAIHE DES CHERCHEURS ET CURIEUX.
— En vente à la librairie Sandoz et Fishbachfr, 33, rue
de Seine, ù Paris. — Chacune des 8 années parues se vend
séparément. — Envoi franco pour la France.
LES
GRANDS ËCRIVAINS DE LA FRANCE
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Publiées sous la direction de M. Ad. REGNIER, membre de l'Institut, sur les manuscrits, les copies les plus
authentiques et les plus anciennes impressions avec variantes, notes, notices et portraits, etc.
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Trois volumes contenant ensemble 1430 pages; — Prix : 22 francs 50 cent.
Paris, librairie Uachelle et Cie, 79, boulevard St-Germain.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
La Société d'éduc.\tion de Lyon a mis au concours pour 1876 le sujet suivant : Préciser ce que peut et doit faire
l'inslitulenr primaire, en ce qui concerne l'cducaiion de ses élèves; indiquer par quels moyens il accomplira le mieujo
cette partie de sa lâche. — Le prix sera de 500 fr., décerné dans la séance publique de 1876, sous le nom de Prix de
la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le !■''■ Septembre prochain, à M. Palud,
libraire, /i, rue de la bourse, h Lyon.
L.^. SonifTK BEs sciences, belles-lei rnEs et .\hts de Tarn-nt-Garonne propose pour cette année 18'>6 une médaille
d'or de la valeur de 200 fr. à la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.) ; une médaille d'argent
de la valeur de 100 fr. à la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la
valeur de 50 fr. au meilleur groupe de trois sonnets. — Toutes demandes de renseignements devront être adressées
au Secrétaire de la Société, à Moulauban.
Académie des Poètfs. — Les écrivains encore étrangers à l'Académie des poètes, qui voudraient prendre part aii
concours ouvert pour la X= Olympiade, devront adresser franco cinq poésies inédites à M. Elle de Biran, archiviste
de la Société, rue des Missions, 22, à Paris. — Ces poésies ne doivent point toucher à la politique, elles ne doivent non
plus rien renfermer d'immoral, d'irréligieux ou de diffamatoire. — Un grand nombre de médailles de vermeil, d'argent,
de bronze, de divers modules, seront décernées à la suite de ce concours.
Le Tournoi toétique et littéraike , organe de la Société des Amis des lettres, journal rédigé par ses abonnés —
(U'- année, — mensuel, — 52 p. in-S", — eizévir). — Poésie, littérature, arts, sciences; morale, nouvelles, variétés,
fantaisies, chroniques. — Concours poétiques et littéiimres. ^- Prix : Médailles de bronze, livres, musique. —
Abonnement : 10 fr. par an. (Envoi gratuit d'un numéro spécimen.) — Bureaux : 12, boulevard Montmartre, ii Paris.
Académie des lettres de Rouen. — Prix k décerner en 1877 pour un conte en vers de 100 vers au moins.
S'adresser au secrétaire perpétuel, M. .lulien Loth.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTRANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de V'ai/i/ete indique aux Etrangers qui
lui font l'honneur de venir le consulter : 1" des professeurs de français; — 2» des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française; — 3" dos maisons d'é luc:ition prenant un soin
particulier de l'étude du français; — W des réunions publiquiis (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), oi'i se
parle un très-bon français; — 5" des agences qui se chargent do procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Eman MaiLiii, Hcdacteiir du C.oi kuieu di: VAuoi-Lis, e.st visible à ï-oii bureau di; trois à ciiKj heures.
Imprimt^rie GOUVEKiNEtJH, G.UAriliLKV A Kogeni-le-Rotrou,
7° Année
N» 2.
15 Juin 1876
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
^«
v\ \ y,^ -^ Journal Semi-Mensuel ^ ./Jy M
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paraissant le l" et le IS de ehaqne mole
(fiam sa séance du \2 janvier 1875, l'Académie française a décerné le pria; Lambert à celte publication.)
<y
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours liltéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ÉTRANOER3
Officier d'Académie
2G, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à uu libraire quelconque.
AVIS.
Les écrivains de la presse périodique qui publient
des articles ayant trait à la langue, sont instamment
priés de vouloir bien adresser au Courrier de Vauyelas
les numéros qui les contiennent.
SOMiMAIRE.
Communications sur Tuer le mandarin, sur Croguetaco, sur
Faire ripaille et sur le participe passé d'une phrase corrigée; —
Étymologie de Boire à tire-larigot ; — Comment Air a pu si-
gnifier apparence, extérieur, mine; — Justification de la cons-
tructiop De manière à ce que; — Prononciation deiogiiacc ||
Signification de Avoir barres sur quelqu'wi; — Comment
Quiproquo en est venu à signifier Méprise; — Étymologie de
Bissejctile; — Signification et emploi de Fauteur || Passe-temps
grammatical || Suite de la biographie de Gilles Ménage ||
Ouvrages de grammaire et de littérature. || Concours littéraires.
Il Renseignements à l'usage des professeurs de français.
FRANCE
COM.MUNICATIONS.
L
J'ai oublié d'insérer à sa date la lettre qui suit, rela-
tive à une question traitée dans la 3" année :
Le 4 juin 1875.
Monsieur,
Un de vos lecteurs vous a demandé — jp ne saurais dire
à quelle date — l'origine de la locution devenue prover-
biale : Tuer le mandarin.
Vous avez répondu (pages 3G et 37 du Courrier de Vau-
gelas, 3* année) :
< C'est J.-J. Rousseau qui est l'auteur de cette expres-
sion, ainsi que nous l'apprend Balzac dans le Père Goriot. »
Il faut croire que votre correspondant s'est trouvé satis-
fait, puisqu'il n'a pas répliqué. Je suis plus exigeant et je
viens vous prier de nous apprendre, â moi, ignorant, et à
nombre d'érudits que j'ai questionnés inutilement à ce
sujet, dans lequel de ses ouvrages Rousseau, se posant à
lui-inôme un cas de conscience, s'est demandé ce qu'il
ferait, s'il avait la possibilité de se faire des rentes avec la
vie d'un mandarin.
Recevez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments dis-
tingués.
Un de vos abonnés,
A. S.
J'ai dit et prouvé que l'expression dont il s'agit a été
attribuée à J.-J. Rousseau par Balzac \Père Goriot,
t. I, p. 380 ; de plus, j'ai cité la phrase qui la ren-
ferme, phrase servant d'épigraphe, avec le nom de
Rousseau, à une chanson de Louis PTotat, intitulée
Tuons le ma?idarin. Je suis donc fondé à croire que
Rousseau est bien l'auteur de cette expression ; mais
à quel endroit de ses œuvres se trouve-t-elle? C'est
une question à laquelle je ne puis répondre aujour-
d'hui, étant pris aussi complètement à l'improvisle que
le jour où j'ai reçu la communication qui me l'a
transmise.
Je ferai cette recherche aussitôt que je poiirrai m'en
occuper.
U.
Dans mon dernier numéro de la 6^ année, p. ^88,
j'exprimais l'espoir que quelque abonné de Toulouse
voudrait bien m'adresser des renseignements sur
Croguetaco, le Croquemitaine de cette ville à la fin du
XVII' siècle.
M. Firmin Boissin s'est empressé de répondre à
mon appel par une longue lettre.
Après avoir constaté que Crorjuetaco n'est pas connu
parmi les Croquemilaines actuels de Toulouse qui sont
le Babau, la Cambocru.io, la Patarraugno, le Barrabiii
el la Sarramauro], mais qu'il l'ait encore les frais des
veillées dans le département du Tarn, le rédacteur en
chef du Messager continue en ces termes :
Un jeune liomme de Buzet, commune de la Haute-Ga-
ronne, limitrophe du Tarn, se rappelle avoir entendu ra-
conter, dans le village de Layolle, du côté de Béziers, où
il travaillait en qualité de maçon, le conte de Crocofaco (ici
l'orthographe du mot est encore différente). Le conteur était
précisément de Gaillac (Tarn). Ce Crocotaco, à l'entendre,
était fils de Crocomar, lequel, ainsi que son nom l'indique,
faisaitses fredaines sur mer. Crocotaco j ugea plusconvenable
iO
LE COURRIER DE VAUGELAS.
et moins fatigant d'agir sur terre. 11 s'établit sur les bords
du Tarn et se mit à voler les petits enfants pour les man-
ger— absolument comme l'ogre du Petit-Poucet. Plus tard,
les enfants se méfiant et le gibier devenant rare, Croco-
taco employa la ruse pour satisfaire ses goûts. Il alla même
quelquefois jusqu'à s'introduire dans les maisons par la
cheminée.
Je tiens ces derniers détails d'un philologue de mes
amis, M. Paul Barbe, lequel habite précisément la com-
mune de Buzet. M. Barbe explique l'étymologie de Croque-
taco par deux mots de la vieille langue gasconne aujour-
d'hui tombés en désuétude : les mots croco (diable) et ta-
quan (traître). Autrement dit ; le diable traître {crocotaquan,
et par syncope croco(aq).
Si ces renseignements ne Tiennent pas corroborer
mon étjmologie de Croquemitaine^ ainsi que j'avais cru
pouvoir l'espérer, ils ont du moins cet avantage qu'ils
ne laissent pas subsister plus longtemps l'idée que ce
nom et Croquetaco pourraient être d'une composition
analogue, comme ayant leur première partie commune
et une signification identique.
III.
La lettre suivante propose une nouvelle étymologie de
Faire ripaille, expression dont j'ai déjà eu l'occasion
d'entretenir mes lecteurs :
Modane (Savoie), le 22 avril 1876.
Monsieur le rédacteur,
A propos de vos recherches sur l'origine de faire
ripaille, vous dites que le séjour d'.\médée VIII au château
de Ripaille n'a pas pu donner prétexte à cette locution, et
que Furetière la donnait, en 1727, comme étant inconnue
en Savoie.
Le célèbre académicien pourrait presque en dire autant
de nos jours, et il est constant qu'Amédée VIII illustra le
manoir de Ripaille par sa sagesse et non par des goûts
d'intempérance et de dépravation.
Mais ne pourrait-on pas trouver la source de l'expres-
sion dont il s'agit dans la Société des Francs-buveurs, qui
avait pour quartier-général une maison de campagne appe-
lée Ripailles, à Villeneuve-lez-Avignon, bien que cette So-
ciété n'ait été créée qu'en 1703 par M. de Posquière, célèbre
en son temps à titre de buveur et de gourmet? (V. Grand
Dictionnaire universel de Larousse, t. II, p. 888).
Je vous livre cette réflexion, dût-elle ne vous paraître
d'aucune valeur.
Veuillez agréer, Monsieur le rédacteur, l'expression de
mes sentiments bien respectueux.
Saint-Jours,
Lieutenant des Douanes.
J'ai dit, et, je crois, avec raison (Cozirrier de Vaugelas,
6<! année, p. 100), qu'avec le verbe faire et un nom de
lieu, notre langue n'avait jamais composé d'expressions
signifiant goûter des plaisirs .semblables à ceux qu'offre
ce lieu; qu'elle n'avait jamais dit, par exemple, faire
Capoue, faire Corint/ie, faire Paris, etc.
Par conséquent, la maison de campagne de Ripailles
à Villcneuve-lcz-.\vignon, quoiqu'étant le quartier
général des Fratics-bui-eurs, n'a pu, à mon avis, sug-
gérer faire ripaille.
D'un autre côté, le mot ripaille, dans cette expres-
sion, s'emploie au singulier, tandis qu'avec l'étymo-
logie de M. Sainl-.Iûurs, il devrait nécessairement se
mettre au pluriel ; c'est une autre preuve, il me semble,
que celte étymologie n'est pas la bonne.
IV.
La lettre qu'on va lire, reçue le 24 avril, concerne
une faute que j'aurais commise dans la correction
d'un participe :
Monsieur le rédacteur,
Vous aviez donné comme phrase à corriger : c Que
d'événements, que de phases diverses nous avons vu se
dérouler ».
Vous aviez corrigé en mettant vues au féminin pluriel,
s'accordant avec phases seul.
Mais voici que, par sa lettre insérée dans votre numéro
du 15 de ce mois, M. Adéma vous, demande si vous ne
vous êtes pas trompé, s'il ne faudrait pas écrire vus au
masculin pluriel, se rapportant à événements aussi bien
qu'à phases. Et vous vous empressez. Monsieur le rédac-
teur, de vous soumettre à cette correction que vous ne
méritez pas. Permettez-moi donc de vous venger.
Et d'abord M. Adéma, si sa rectification était admissible,
ne devrait pas la borner à l'accord du participe, mais aller
jusqu'à la construction de la phrase, et exiger que le nom
masculin événements, qui détermine l'accord, soit placé le
dernier.
Mais non; M. Adéma n'est fondé ni dans la correction
qu'il propose ni dans celle qui en serait la conséquence,
En voici la raison :
Les deux noms événements et phases ne désignent pas
deux choses distinctes, mais bien une seule et même
chose. L'auteur a d'abord l'idée des événements, puis con-
sidérant que ces mêmes événements se sont développés et
terminés par séries ayant divers aspects, il les nomme des
phases, et il substitue, comme rendant définitivement sa
pensée, ce dernier nom au premier, qui dès lors ne
compte plus.
C'est donc avec phases seul, avec le mot de la fin, que le
participe («es doit s'accorder. Vous ne deviez pas. Mon-
sieur le rédacteur, vous en dédire.
Veuillez agréer l'assurance des sentiments dévoués de
votre abonné.
A. Aubin,
Docteur ès-lettres.
Voici, au complet, la phrase contre le participe de
laquelle s'élève la communication précédente :
Nous touchions alors à la trentaine, vous et moi, et de-
puis, que d'événements, que de phases diverses nous
avons vtts se dérouler à nos yeux.
D'après M. A. Aubin, il resterait deux fautes dans cette
phrase, corrigée sur l'observation qui m'a été faite par
M. Adéma : une faute de construction et une d'or-
thographe.
La faute de construction — M. A. Aubin prétend
qu'avec la correction que j'ai indiquée en dernier lieu
(vus à la place de vues), on devrait mettre événements
après pAff.w.S et cela, probablement, afin qu'au détriment
de l'euiilioiiie, le masculin vus ne suivît pas un nom
féminin.
Mais cet ordre est tout simplement impossible, car
avant de songer aux phases des événements, il faut, il
me semble, que l'esprit songe d'aliord aux événe-
ments eux-mêmes, ce qui nécessite l'emploi de phases
non avant, mais après événements.
Du reste, vus sonnant comme vues, et se trouvant
séparé de phases par trois mots, je ne vois aucun incon-
vénient pour l'cupiionie à ce que le participe soit mis
au masculin; cette phrase, en clfet, n'olfcnsc pas plus
l'oreille que le père et la mire sont bons, oîi la place
.E COURRIER DE VAUGELAS.
H
relative de père et de 7ficre n'a jamais été, que je saclie,
contestée par personne.
La faute d'orthographe. — M. A. Aubin ne voit
qu' a une seule et même chose » dans événements et
dans phases, ou plutôt il ne voit que /)/ia5e5, avec lequel
il veut que le participe s'accorde. Mais M. Adéma (dont
je partage l'opinion) trouve, lui, une difTérence entre
un objet et l'aspect qu'il oiïre, c'est-à-dire qu'il voit
deux choses dans ces mêmes mots, et veut, en consé-
quence, le participe au masculin pluriel.
Lequel des deux adversaires a raison'?
La phrase étant susceptible d'une double entente, je
crois que c'est celui qui, tout en écrivant à sa façon,
voudra bien ne pas condamner celle de l'autre.
X
Première Question.
Auries-vous l'obligeance de me dire, dans un de vos
prochains numéros, d'où provient l'expression boiee a
TIttE-LABIGOT ?
A mon avis, la véritable source de larigot a été indi-
quée par le docte personnage que Bouchet fait intervenir
dans sa première serée. Ce mot vient du grec lanjngos,
génitif du mot larynx, qui signiGe gosier, gorge dans
cette langue; et voici, malgré ce qu'en a pu dire le
P. Labbe [Élymol. franc., p. 30), ce qui jusliflepleine-
ment celte opinion :
On lit dans Cotgrave (1660) que larigau a deux signi-
fications, celle de gorge, tuyau de la respiration, et celle
de flûte, employée par les « clowns » dans quelques
parties de la France. Et qu'on ne soit pas étonné de
cette double signification de larigot ; car, puisque, de
nos jours, les Anglais appellent encore le gosier icind-
pipe, c'esl-à-dire la pipe, le tuyau à l'air, et que nous
avons le diminutif pipeau pour signifier une flûte
champêtre, pourquoi laryngos, désignant le gosier eu
grec, n'aurait-il pas été introduit en français pour y
signifier une flûte, instrument, qui, sauf les trous,
n'est pas autre chose, en définitive, qu'un tube, un
tuyau? Du reste, le populaire, en vertu de cette analo-
gie el de cette dénomination identique du gosier et de
la flûte, ne dit-il pas encore ftàter dans le double sens
déjouer de la flûte et de boire ?
Or, la signification originelle de larigot étant donnée,
l'expression à tire-larigot s'explique aisément : c'est
boire à tire cou, c'est-à-dire en ayant le cou tendu,
allongé, comme il est lorsqu'on sable.
Pour plus de détails, voyez le Courrier de Vaugelas
(4' année, p. 3), où cette question a été bien plus lon-
guement traitée.
. X
Seconde Question.
Comment le m.ot k\^, qui vient du latin aek, a-t-ilpu
passer du sens de flcide à celui de apparence, exté-
BiECR, MiKE, qti'il a, par exemple, dans l'expression
AVOIR l'aie préoccupé?
Le mot latin area, qui signifiait surface, place publi-
que, cour de maison, endroit à battre le grain, et
quelquefois lieu de réunion, s'est employé chez nous
dans ces divers sens, et surtout en parlant des oiseaux
de proie pour désigner leur retraite, leur nid :
Salomons de Bretaigne fu en pié en mi l'aire.
(.Snxona XXXI.)
Le vaultour est chose bien rare, et mal aisée à veoir,
et ne treuve l'on facilement leurs aires.
(Amyot, Rom. 14)
Or, comme dans le langage de la vénerie, on disait
en parlant d'un faucon, qu'il était de bonne aire pour
dire de bon nid, de bonne origine, aire a d'abord été
appliqué aux personnes dans le sens de famille, extrac-
tion, naturel, manière d'être, disposition, caractère,
humeur, comme le font voir ces exemples :
Ahi! culvert! mal vais hom de pute aire.'
(Chanson de Roland^ p: 67.)
El gentilz hom, clievaler de bone aire,
Hoi le cumant al glorius céleste.
(Idem, p. 188.)
Ne nos seies plus de mal aire,
Kar bénignes e bumilianz
Sûmes à faire tes talanz.
(,Chr. des D. de Norm., t. I, p. 591, vers 14810.)
Plus tard, de même que le latin habitas, qui du sens
de: état du corps, complexion, nature, disposition, en
était venu à signifier extérieur, dehors, aspect, et
jusqu'à habillement, costume; de même le français aire
en vint à signifier les manières, l'apparence, l'exté-
rieur.
Mais alors, il avait pris la forme air (comme dans air
de vent, qui fut d'abord écrit aire de vent) ; il se confon-
dit par l'orthographe avec le dérivé du latin aer, et
depuis, nous avons eu, sous le même vocable air, deux
significations dont l'une, celle de fluide que nous
respirons, ne pouvant expliquer avoir l'air préoccupé et
autres expressions analogues, vous a suggéré la question
à laquelle je viens de répondre.
L'ancienne langue réunissait très-souvent aire avec
l'adjectif et la préposition de qui le précédaient; ainsi
on trouve dans Achille Jubinal \Nouv. recueils de
contes, t. I, p. 498) :
Fortune est bele et bone aux bons, el debonaire,
Mauvèse aus maus fesanz, et laide et deputaire.
Tout en expliquant la formation de notre adjectif
drùonnaire, ce fait montre que la langue moderne a
tort de mettre un accent sur le premier e de ce mot.
X
Troisième Question.
Je trouve dans les bons auteurs modernes cette locu-
tion • DE MAMÈRE A CE QUE. Je ne VOIS ricn qui puisse
expliquer ce laisser-aller, admissible tout au plu^ dan.i
le style de la conversation.
A cause de sa synonymie avec dg façon et de sorte, qui
veulent généralement que après eux quand ils doivent
être suivis d'un verbe à un mode personnel, on est
tenté de croire, avec M. Littré, que de manière à ce
42
LE COURRIER DE VAUGELAS.
que est « une locution vicieuse dont il faut se garder de
faire usage. "
Je vais vous démontrer que c'est là une erreur.
J'ai établi [Courrier de Vaugelas, e"" année, p. 155)
que, dans l'origine de notre langue, toutes les fois
qu'une préposition, quelle qu'elle fût, devait être suivie
d'un verbe à un mode personnel, on y ajoutait les mots
ce que. Or, en vertu de cette règle, de manière, de
façon et de sorte, qui se construisaient avec la prépo-
sition à devant l'infinitif, ont dû devenir de manière à
ce que, de façon à ce que, de sorte à ce que, devant un
verbe à un autre mode.
Mais, avec le temps, à ce disparut de ces expressions
comme il avait disparu de leurs analogues, c'est-à-dire
capricieusement : aujourd'hui, de aorte se construit
seulement avec que après lui, et il en est à peu près de
même pour de façon; tandis qu'avec de manière, il
n'est nullement rare de rencontrer les mots « ce dans
les écrivains qui passent pour être les plus corrects.
D'où il suit que de manière à ce que, bien loin de
constiluer une expression vicieuse et bonne tout au
plus pour la conversation, est, au contraire, une
expression parfaitement conforme à la règle, et qui,
pour cette raison, doit s'employer sans crainte.
X
Quatrième Question.
Seriez-vous assez bon pour m' indiquer, dans un de
vos prochains numéros, la véritable prononciation du
mot LOQUACE? Doit-on dire lococace ou locace"?
Il faut dire locouace.
Le premier dictionnaire venu indiquant la pronon-
ciation pouvait vous donner ce renseignement aussi
bien et plus promptemenl que moi. 11 ne faut avoir
recours au Courrier de Yaugelas que pour des ques-
tions qui présentent des difficultés réelles, et non pour
celles dont la solution est en quelque sorte à la portée
de tout le monde : sa tâche ainsi réduite sera encore
assez considérable.
ÉTRANGER
Première Question.
Je vous prierais de vouloir bien m'expliquer comment
il se fait que i expression avoir barres sdr quelqu'un
peut signifier qu'on a un avantage sur lui.
L'expression dont il s'agit est empruntée au jeu de
barres.
Ce jeu de nos écoliers consiste à se séparer en deux
camps égaux placés l'un en face de l'autre, à une dis-
tance plus ou moins grande, selon l'espace qu'offre le
terrain que l'on a choisi pour s'y livrer.
Dans cette position, et quand on est convenu de diffé-
rentes clauses pour la règle du jeu, on engage la partie.
Un joueur s'avance à la distance de plusieurs pas, et
tend la main à celui qui sort du camp opposé, pour en
être frappé. Aussitôt que le premier a reçu le coup, il
s'élance après celui qui l'a frappé et qui, de son côté,
s'est mis à courir; s'il l'atteint, il le fait prisonnier.
Au moment où le premier part pour toucher son
adversaire, un autre du camp opposé court sur lui,
puis un troisième court sur ce dernier, et successive-
ment les joueurs de chaque camp se mettent à courir
jusqu'à ce qu'on entende le mot pris! Alors tous ren-
trent dans leurs camps respectifs, et les vainqueurs
emmènent leurs prisonniers.
Ceux-ci se placent un peu en avant du parti victorieux,
se prennent par la main, forment une chaîne aussi
allongée que possible pour se rapprocher d'autant de
leurs camarades, et attendent leur délivrance, qui a
lieu quand un joueur de leur camp parvient à toucher
l'un d'eux, malgré les poursuites de ceux qui sortent
du camp vainqueur.
A ce moment la partie est finie, et l'on en recom-
mence une ou plusieurs autres.
Or, comme ce jeu emploie l'expression avoir barres
sur quelqu'un pour signifier qu'on est sorti du camp
après lui, ce qui donne le droit de le prendre si l'on
parvient à le toucher, la même expression a été natu-
rellement employée, au figuré, en parlant d'une per-
sonne.ayant quelque avantage sur une autre.
X
Seconde Question,
J'ai beau relire l'étymologie que vous avez donnée
du mot QUIPROQUO (6« armée, p. 164), je ne puis bien
me rendre compte comment de l'idée primitive de cette
expression [un intitulé de chapitre dans un livre de
médecine où, à défaut de telle drogue, on indiquait son
succédané], on a pu arriver au sens de méprise qu'elle
a aujourd'hui. Voudriez-vous bien me donner cette
explication?
Indépendamment du quiproquo des livres de méde-
cine, il y avait encore le quiproquo d'apothicaire, non
pas un intitulé de chapitre, celui-là, mais bien l'er-
reur qui, dans l'exécution d'une ordonnance de méde-
cin, consistait à substituer un médicament à un autre,
ce qui pouvait être parfois très-préjudiciable au malade.
Or, cette dernière expression s'est employée pour
méprise, bévue, en parlant d'une personne de pro-
fession quelconque, comme le donne à entendre cette
citation, empruntée à Lesage par M. Liltré :
Est-ce que l'on ne dit pas ordinairement un tel a fait un
quiproquo d'apothicaire, ce qui suppose qu'il nous arrive
souvent de nous tromper.
Puis, on en a retranché le second terme, et c'est
ainsi que quiproquo s'est trouvé pourvu de la signifi-
cation dont nous faisons actuellement usage.
X
Troisième Question.
D'où vient l'adjectif bissextile appliqué à l'année qui
a 366 jours? Je vous remercie d'avance pour la réponse
que vous voudrez bien me faire à ce sujet.
LE COURRIER DE VAUGELÂS.
<3
L'an 45 avant J. C, Jules César désirant réformer le
calendrier, en qualité de souverain pontife, consulta
soigneusement les astronomes.
Après s'être suffisamment renseigné auprès d'eux,
il adopta l'année de 365 jours et (5 heures, trouvée par
Calippe de Sjzique et par Afistarque de Samos.
Il fit les mois de 30 et de 3) jours tels que nous
les avons encore; mais comme en ne comptant pas les
6 heures, qui font le quart d'un jour, l'année civile
eût été en relard sur l'année astronomique, il décida
que, tous les quatre ans, on ajouterait, le 24 février,
un jour aux 363 de l'année ordinaire.
Or, attendu que, selon la manière de compter des Ro-
mains, le 24 février était le 6^ jour avant les calendes de
mars, on a dit, pour le jour intercalaire, bis sexto calen-
das, d'où l'année de 366 jours a pris le nom de bissexte
et la qualification de bissextile, laquelle signiQe litté-
ralement bis sixihne.
X
Quatrième Question.
Je rous serais bien reconnaissant si vous vouliez bien
me renseigner sttr la signification exacte ainsi que sur
l'emploi du mot facteor.
Ce mot vient du latin fautor, qui dérive de fautum,
supin du verbe favere, favoriser. De sorte que fauteur,
qui semble vouloir dire qui commet une faute, signifie
en réalité qui favorise :
On cherche un fauteur de ses goûts, un compagnon de
ses plaisirs et de ses peines.
(Vauvenargues, Espr, hum-)
Quant à son emploi, il offre ceci de remarquable
que, généralement, on lui donne un régime qui
le fait en quelque sorte prendre en mauvaise part,
comme le prouvent ces exemples :
Une vingtaine d'évèques excommuniaient Grégoire VII
comme fauteur de tyrans.
(Voltaire, Mœurf^ 46.)
Quand j'accorderais tout ce que j'ai refusé jusqu'ici, les
fauteurs du despotisme n'en seraient pas plus avancés.
(J. J. Rousseau.)
PASSE-TEMPS GRA.M.MAT1C.\L.
Corrections du numéro précédent.
f ... soit autre qu'il a'est aujourd'liui [après çue précédé de
autre on met la négative ne]; — 2° ... si grande qu'elle ne
puisse trouver..., si énorme qu'on ne puisse leur faire avaler [la
formule il n'est... si... que ou qui, requiert le subjonctif et non
le futur après elle); — 3* ... tant d'Excellences se sont succède'
[ce participe n'a pas de régime direct]; — 4"'... d'ici à quelques
années [comme on dit de Paris à Londres] ; — 5° ... qui ressortit
au canton de Douzy [quand ressortir signifie être du ressort, de
la dépendance de, il veut la préposition «] ; — 6* ... se sont vu
refuser [voir Courrier de Vaugelas, i* année, p. 25]; — 7° ... dit
en gémissant l'emlpaumeur terrifié [voir Courrier de Vaugelns,
5* année, p. 51, 153 et I8G]; — 8° ... ne laissera pas dim|ircs-
sionner [pas deque. voir Courrier de Vaugelas, 4* année, p. 155
et 5* année, p. 137] ; — 9° ... ne pas être nommé archevêque plutôt
que de l'être par vénalité [voir Courrier de Vaugelas, i* année,
p. 153] ; — 10' ... d'un pas délibéré, décidé, monte les degrés fie
verbe escalader, qui veut dire monter sur..., au moyen d'une
éclielle, ne peut s'emplojer icil.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° Je veux bien lui dédier un récit joyeux qui n'est pas
dans les mémoires de son grand oncle, à seule fin de lui
marquer en quelle humeur légèrement gauloise, son élo-
quence vient de plonger mes esprits.
2° Soyons simples, soyons hommes; n'en appelons pas
contre le sens commun et contre l'évidence.
3' Être mangé par ces gens-là. jamais! grogne l'hono-
rable victime. J'entends régaler de mes jambons des per-
sonnes pieuses et bien pensantes.
4' On vient d'établir à Bucbarest un dépôt central de
cercueils métalliques chez M. Edouard Bolland... Ces cer-
cueils de métal sont recommandés à cause de leur durée
et de leur parfaite imperméabilité.
5' Bien loin d'être en état de diriger le peuple qui les
environne, il serait pKis juste de dire que c'est elles [les
classes dirigeantes] qui se laissent diriger par l'émotion
populaire.
6- La prussification de la province polonaise de Posna-
nie continue. La Chambre des députés de Berlin a voté hier,
en troisième lecture, une loi déclarant l'allemand langue
officielle de toute cette province.
7- 11 n'y a pas d'autres observations à faire sur les che-
mins de fer français qu'à constater la persistance du cré-
dit dont ils jouissent auprès des capitalistes.
8' Ces fonctionnaires qui, pour la plupart, se sont faits
remarquer par leur zèle en faveur des candidatures bona-
partistes et monarchistes, viennent faire antichambre chez
.\I. le ministre de l'intérieur pour être maintenus en fonc-
tions.
9" Puis, quand on leur dit que cette majorité sur la loi
municipale ou sur d'autres lois va les mettre en échec,
alors ils se retournent vers le Sénat.
10° En attendant, fais bien ce qu'on te commandera,
montres-toi bien assidu, travaille, et sois toujours sage,
(/.es corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVH« SIÈCLE.
Gilles MÉNAGÉE.
Suite.)
.s"(/ faitt dire ie \a\. je vais, je va, ou je vas. —
Vaugelas s'est encore trompé ici : il veut qu'on dise_;'ei'a,
et il soutient (|uon parle ainsi à la Cour. C'est Je vais
que Ion dit a la Cour. Vais est la première personne,
vas la seconde, et va, qui est bref, la troisième.
.S'il faut dire missel ou messel, ouïr messe ou ou'ir la
messe. — Marot, dans son Temple de Cupidon, a dit
messel; mais il faut dire missel, car c'est ainsi que
Balzac et tous les écrivains modernes (1672) ont géné-
ralement parlé. — Quant à l'auti'e question, il semble à
.Ménage que oùir la messe vaut mieux que ou'ir messe,
sans que ce dernier soit à blâmer, puisqu'il estconforme
à' chanter messe.
u
LE COURRIER DE VAUGELAS
S'il faut dire létrin, lutrin, ou lieutrin ; benoistier, be-
naistier, oMbenistier; goupillon, oMgouspillon. — Letrin
est l'ancien mot français; actuellement on dit lutrin.
— Plusieurs à Paris disent bénitier parce qu'on dit de
l'eau bénite. Nos anciens disaient benoistier; depuis, on
a dit benaistier, et on le dit encore présentement dans
toutes les provinces de France, en prononçant doucement
la « segonde » sjllabe. Selon Ménage, c'est ainsi qu'on
devrait parler. — Il faut dire goupillon^ comme on
dit à Paris, et non (jouspillon, comme on dit en Nor-
mandie et dans quelques autres provinces.
Si l'on peut dire Philoméne, pour Philoméle. — ' Nos
anciens poètes l'ont dit, et parmi eux Marot; nous ne
disons plus que Philoméle. Cependant Ménage aimerait
mieux employer Philoméne (en vers probablement) ,
que de perdre une belle pensée.
S'il faut dire arsenal, ou arsenac. — Vaugelas dit
qvi arsenal est le plus usité, il se trompe; il vaut mieux
dire arse?iac que arsenal, surtout dans le discours
familier.
S'il faut dire trou de chou, ou tronc de chou. — Il
faut dire trou de chou; car, dans cette façon de parler,
trou ne vient pas de truncus, mais de fhursvs, qu'on a
dit pour thyrsus, comme lacruma pour lacryma.
Sens dessus dessous et sens devant derrière. —
M. de Vaugelas veut qu'on écrive sans dessus dessous;
d'autres écrivent c'en dessus dessous, croyant que cette
expression a été dite par corruption au lieu de ce qu'en
dessus est en dessous. Il faut écrire sens dessus dessous,
sens devant derrière, avec le mol setis, visage, situation,
biais, posture.
S'il faiit dire ils sont tout estonnez, ou ils sont tous
eslonnez. — D'après .M. de Vaugelas, c'est la première
manière qui est la bonne, et cette remarque a été mille
fois citée dans rx\cadémie et suivie par les meilleurs
auteurs. Cependant, elle est Irès-fausse; car si tout
doit signifier la totalité des gens dont on parle, il faut
tous, comme dans ces phrases ces lieux sont tous gais,
tous embellis.
Si l'on doit dire oiseleur, ou oiselier. — Tous deux
sont en usage, mais avec des significations différentes :
oiseleur est celui qui prend des oiseaux, et oiselier,
celui qui les vend.
S'il faut dire velous, ou velours. — Nos écrivains,
tant anciens que modernes, ont dit les deux indifférem-
ment; mais aujourd'hui (1672) l'usage est ^om velours.
C'est ainsi que disent les dames de la Cour et de la
Ville qui parlent le mieux.
S'il faut dire moriie, ou moliie. — L'usage du peuple
est pour moriie; c'est ainsi également que parlent les
écrivains modernes : c'est donc le mot à employer.
Calvitie et chauvelé. — Nos anciens disaient chau-
veté; ou trouve ce mot dans Nicod; mais présentement
on dit calvitie.
Des participes passifs dans tes prétérits. — Ménage
adopte la règle de Vaugelas qui veut invariable le par-
ticipe placé entre son régime et son sujet, comme dans
celte |)hrase, par exemple, les inquiétudes que m'a
donné cette affaire. De plus, il fait remarquer que le
participe est aussi invariable dans la phrase vous ne
sauriez croire lajoye que cela m'a donné : c'est une des
bizarreries de notre langue. Il en est de même pour un
participe conjugué avec être et se rapportant au mot
quelque chose, ainsi on dit : il y a quelque chose dans
ce livre qui mérite d'être censuré.
Vaugelas veut qu'on écrive les habitants nous ont
rendu maîtres de la ville; Ménage, lui, veut, avec
d'autres, que l'on fasse varier le participe. Cependant le
participe fait doit rester invariable quand il est suivi
d'un adjectif; il faut dire : elle s'est fait belle et non
elle s'est faite belle; ici l'usage l'emporte sur la règle
(1672).
Quand le participe se trouve suivi d'un infinitif.
Vaugelas veut qu'il soit invariable : ma saur est allé
visiter ma mère; mais plusieurs personnes fort versées
dans la langue veulent, avec Ménage, que le participe
varie dans ce cas.
S'il faut dire faisanneaux, ou faisandeaux. — Selon
l'analogie, il faudrait dire faisanneau; mais l'usage est
pour faisandeau, c'est donc ainsi qu'il faut parler.
S'il faut dire dévolu, ou dévolut. — Il faut dire
dévolu, sans t, quoique ce mot vienne de devolutum.
Le mot gens. — Ménage ajoute aux remarques de
Vaugelas sur ce mot, que, dans le sens de nation, il se
disait autrefois au singulier, et qu'il s'y disait même il
n'y a pas encore longtemps; mais aujourd'hui il n'est
plus guère en usage qu'en style burlesque; par exemple,
Scarron, en parlant des pages, les a appelés la gentà
grégue retroussée. On a probablement cessé de dire
la gent à cause de l'équivoque avec l'agent.
Autre remarque ajoutée à celle de Vaugelas : le mot
gens ne se dit point d'un nombre « préfls » ; on ne dit
point di.r geris, dix jeunes gens; il faut employer le mot
hommes et dire dix hommes, dix jeunes hommes.
Sur ployer et plier. — M. de Vaugelas a distingué
entre l'emploi déplier et celui de ployer. Sa remarque
est a nulle de toute nullité ». Il faut toujours d'irc plier
dans quelque signification que ce soit, et ne jamais
se servir de ployer.
S'il faut dire aveine, ou avoine. -^ Vaugelas veut
qu'on prononce avoine avec toute la Cour, et non pas
aveine avec toute la Ville. Il n'est pas vrai, que toute la
Cour prononce avoine, ni tout Paris aveine. On dit dans
ces deux endroits l'un et l'autre indifféremment.
S'il faut dire regître, ou registre. — Les Latins ont
appelé regesta les livres où l'on écrivait ce qui se faisait
dans les tribunaux. De regestum nous avons fait pre-
mièrement regeste et ensuite regestre. Au lieu de ce
dernier, on a dit depuis registre et enfin regître
dont on se sert encore aujourd'hui (1672).
Sur les verbes jouir, croistre, tarder, tomber. —
Employés comme actifs, ces verbes constituent des
façons de parler très-vicieuses.
{La suite au prochain numéro.)
Le RÉDACTEDii-GÉBiNT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
15
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Les Vies brisées; par A. -G. Boutelleau. Gr. in-18,
26/1 p. Paris, lib. Bonhoure et Cie.
Rome et la Judée au temps de la chute de Néron
(ans 66-72 après Jésus-Christj ; par le comte de Champa-
gny, de rAcadoiiiie française, li" édition, revue et cor-
rigée. T. 2. In-lS Jésus, ii9 p. Paris, lib. Bray et Retaux.
L'Art et les artistes français contemporains ; par
Jules Claretie. In-18 Jésus, ix-àôô p. Paris, lib. Cliarpen-
tier et Cie. 3 fr. 50.
Les Petits drames rustiques, scènes et croquis
d'après nature; par F. Fertiault. In-i2, 379 p. Paris,
lib. Didier et Cie.
Histoire de Bertrand Du Guesclin, comte de Lon-
gueville, connétable de France, d'après Guyard de
Berville. Nouvelle édition, revue avec soin. In-8°, 240 p.
et 2 gr. Tours, lib. Marne et fils.
Littérature et philosophie mêlées ; par Victor Hugo.
2 vol. in-18 ji^sus. 642 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
Les Affamés, études de mœurs contemporaines;
par Maurice Joly. ln-18 jésus, xvi-3/(0 p. Paris, lib. Dentu.
3 fr.
Grammaire de la langue française ramenée aux
principes les plus simples; par M. Lucien Leclair,
professeur agrégé de l'L'niversité. Grammaire complète.
'20' édition, revue et corrigée. In-12, x-2/i2 p. Paris, lib.
Eug. Belin.
Œuvres de Xavier de Maistre. Nouvelle édition.
Les Prisonniers du Caucase. La Jeune Sibérienne. Iq-18,
212 p. Paris, lib. Bernardin-Béchet.
Œuvres complètes. La Jacquerie; par Cle'mence
Robert. Nouvelle édition. Iq-18 Jésus, 276 p. Paris, lib.
Michel Lévy. 1 fr. 25.
. Eléments de littérature spécialement destinés
aux études françaises; par L.-L. Buron, professeur de
belles-lettres. 5= édition, revue et corrigée, ln-12, vm-
272 p. Paris, lib. Bourguet- Calas et Cie.
Les Martyrs, ou le triomphe de la religion chré-
tienne ; par Chateaubriand. Edition revue par M. G. de
Cadoudal. Gr. in-8', 334 p. et grav. Paris, lib. Lefort.
Histoire du second empire, 1848-1870: .par Taxile
Delord, membre de l'Assemblée nationale. T. 6. ln-8°,
644 p. Paris, lib. Germer-Baillière. 7 fr.
La Chanson de Rolland. Texte critique, traduction
et commentaires, par Léon Gautier, professeur à l'École
des Chartes. 6« édition. In-S", xl-342 p. et 4 grav. Tours,
lib. Marne et fils.
Heptaméron (1") des nouvelles de très-haute et
très-illustre princesse Marguerite d'Angoulême,
reine de Navarre. Nouvelle édition, collationnée sur
les manuscrits, avec préface, notes, variantes et glossaire-
index par Benjamin Pifteau. T. 2. In-16, 271 p. Paris,
lib. Lemerre. Papier glacé, 2 fr. 50; papier vélin, 5 fr.;
papier de Chine, 15 fr.
Œuvres complètes. L'Art d'être malheureux; par
Alphonse Karr. In-18 Jésus, 357 p. Paris, lib. Caïman
Lévy. 3 fr. 50.
Lettres de Mademoiselle de Lespinasse. Nouvelle
édition, augmentée de dix lettres inédites, accompagnée
d'une notice sur la vie de mademoiselle de Lespinasse et
sur sa société, de notes et d'un index analytique par
Gustave Isambert. T. I. In-16, ni-224 p. Paris, lib. Le-
merre.
Les Vacances d'un grand-père; par Mme Stolz.
Ouvrage illustré de 40 vignettes sur bois par Delafosse.
2e édition. In-18 Jésus, 291 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
2 fr. 25 cent.
Publications antérieures :
PAYS.\GES DE MER ET FLEURS DES PRÉS. — Lue
idylle normande. — Par André Lemoyxe — Paris, Satidoz
et Fischbacher, éditeurs, 33, rue de Seine. — Prix : 3 fr.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — MARINS. —
Par Edolard Goepp, chef de bureau au Ministère de l'ins-
truction publique, et Henri M-Uinolky d'Ectot, ancien
capitaine au long cours. — Orné de deux portraits. —
Du Qlesne, Tourvu.le. — Paris, P. Ducroc, libraire-édi-
teur, 55, rue de Seine. — Format anglais, broché : 3 fr.
PROVERBES DU PAYS BÈARN, énigmes et contes po-
l'UL.i^iBES. — Recueillis par V. Lespy, membre de la
Société pour l'étude des langues romanes. — Paris, Mai-
sonneuve et Cie, libraires-éditeurs, 25, quai Voltaire.
COURS DE LlTrÉR.\TUiiE SPÉCIAL pnÉPAR.vTOinE au
iiREVET supÉRiEiu. — Par .M"e Th. Brismontier, professeur
spécial pour la préparation aux examens, répétiteur des
premières classes de latin et de grec. — Ouvrage adopté
à la maison de Saint-Denis, et auquel la Société libre
d'instruction et d'éducation populaires vient de décerner
une médaille d'honneur et la médaille d'or oflerte par
M. de Larochefoucauld , président honoraire de cette
Société. — Paris, chez l'auteur, 1, place Wagram.
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Sandoz el Fischbacher, éditeurs, 33, rue de Seine. —
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el Cie, 79, boulevard St-Germain. — Bibliothèque des
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16
LE COURRIER DE VAUGELAS.
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année. — Réimpression des cinq premières owwe'es aussitôt
que sera atteint le chiffre demandé par la souscription
que le Rédacteur vient d'ouvrir.
LES OUBLIÉS ET LES DÉDAIGNÉS, figures de la fin
du xv!!!" siècle. — Par Charles Monselet. — Nouvelle édi-
tion définitive. — Paris, Charpentier el Cie, libraires-édi-
teurs, 13, rue de Grenelle-St-Germain — Prix : 3 fr. 50.
Publications
REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
— Recueil hebdomadaire publié sous la direction de MM.
C. de La Berge, M. Bréal, G. Monod, G. Paris. — Dixième
année. — Nouvelle série, 1« année (1876). — Prix d'abon-
nement : Un au, Paris, 20 fr.; — départements, 22 fr.;
— étranger, le port en sus ; — un numéro, 75 c. — Paris,
Ernest Leroux, éditeur, 28. rue Bonaparte.
périodiques :
par an pour la France et les pays faisant partie de l'Union
des postes. — Paris, bureau du Courhier littéraire, 33,
rue de Seine.
LE COURRIER LITTÉRAIRE, revue artistique, biblio-
graphique, scientifique et littéraire, paraissant le 10 et
le 25 de chaque mois. — Prix de l'abonnement : 20 fr.
REVUE SUISSE. — bibliographie, archéoloqie, littéra-
ture, DEAUx-ARTs. — Paraissant le l"' et le 15 de chaque
mois. — Prix par an, 10 fr., et le port en sus pour l'étran-
ger. — Cette revue, qui rend compte de tous les ouvrages
dont on lui envoie deux exemplaires, se trouve à Paris,
chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires-éditeurs, 33,
rue de Seine.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
La Société d'éducation de Lyon a mis au concours pour 1876 le sujet suivant : Préciser ce que peut et doit faire
l'instituteur primaire, en ce qui concerne l'éducation de ses élèves; indiquer par quels moyeyis il accomplira le mieux
celte partie de sa tâche. — Le prix sera de 500 fr., décerné dans la séance publique de 1876, sous le nom de Prix de
la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" Septembre prochain, à M. Palud,
libraire, U, rue de la Bourse, à Lyon.
La Société des scient.es, belles-lettres et .arts de Tarn-et-Garonne propose pour cette année 1876 une médaille
d'or de la valeur de 200 fr. à la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.) ; une médaille d'argent
de la valeur de 100 fr. à la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la
valeur de 50 fr. au meilleur groupe de trois sonnets. — Toutes demandes de renseignements devront être adressées
au Secrétaire de la Société, à Montauban.
Académie des Poètes. — Les écrivains encore étrangers à l'Académie des poètes, qui voudraient prendre part au
concours ouvert pour la X« Olympiade, devront adresser franco cinq poésies inédites à M. Élie de Biran, archiviste
de la Société, rue des Missions, 22, à Paris. — Ces poésies ne doivent point toucher à la politique, elles ne doivent non
plus rien renfermer d'immoral, d'irréligieux ou de diffamatoire. — Un grand nombre de médailles de vermeil, d'argenti
de bronze, de divers modules, seront décernées à la suite de ce concours.
Le Tournoi poétique et littéraire , organe de la Société des Amis des lettres , journal rédigé par ses abonnés. —
{W année, — mensuel, — 32 p. in-8°, — elzévir). — Poésie, littérature, arts, sciences, morale, nouvelles, variétés,
fantaisies, chroniques. — Concours poétiques et littéraires. — Prix : Médailles de bronze, livres, musique. —
Abonnement : 10 fr. par an. (Envoi gratuit d'un numéro spécimen.) — Bureaux: 12, boulevard Montmartre, à Paris.
Académie des lettres de Rouen. — Prix à décerner en 1877 pour
S'adresser au secrétaire-perpétuel de l'Académie, M. Julien Loth.
un conte en vers de 100 vers au moins.
RENSEIGNEMENTS
A l'usage des Français qui désirent aller professer leur langue à, l'étranger.
agences auxquelles on peut s adresser :
A Paris : M. Pelletier, 19, rue de l'Odéon; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin ; —
A Londres, M. Bisson, 70, Berners Street, W.; — Miss Gray, 35, Baker Street, Portman Square; — A Liverpool :
M. E. Husson, 66, lluskisson Street; — A New-York : M. Scherinerhorn, 630, Broom Street.
Journaux dans lesquels on peut faire des annonces :
V American Register, destiné aux Américains voyageant en Europe; — le Galignanïs Messenger, reçu par nombre
d'Anglais (|ui habitent en France; — le Wekker. connu par toute la Hollande; — le Journal de Saint-Pétersbourg, très-
répandu en Russie; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. Hartwlck, 390, rue St-Honoré, à Paris, se charge des insertions.)
M. Eman .Martin, Rédacteur du Courrieii de Vaugelas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUl'ELEY à Nogent-le-Rotrou.
7" AnDée
N" 3.
1" Jaillet 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^
A\\v Journal Semi-Mensuel ^ JJj i À
-^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE '^J J
NÇAISE
Paralasant le 1" et le 15 de ehaqne mola
{Dans sa séance dit \1 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à celle publication.)
PRIX :
Par an , 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours litléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
NCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ETRANGERS
Oflicier d'AcaJémie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et parlent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
SOMMAIRE.
Communication sur l'âge et l'étymologie de Haricot: — Origine
de Pays de Cocagne; — S'il y a une difl'érence entre Imposer
et En imposer; — L'expression Tirer à balle que reux-lu. ||
Étymologie de Prix dans Au prix de; — Cas dans lequel
Appeler doit élre précédé de En. \\ Passe-temps grammatical.
Il Suite de la biographie de Gilles Ménage. \\ Ouvrages de
grammaire et de lillérature. || Concours littéraires. || Renseigne-
ments olTerts aux Etrangers.
FRANCE
COMMUNIG.\TION.
A l'occasion du renouvellement de son abonnement,
M. Georges Gantier m'a adressé, en date du 29 avril,
une lettre relative à haricot, dont je détache les deux
parties suivantes, l'une, qui concerne l'époque où
apparut ce mot, l'autre, son étjmologie.
Constatons d'abord que l'emploi de ce terme est beau-
coup plus ancien, dans notre langue, qu'on ne le pense
généralement : ainsi Jeban Palsgrave, dans son Eclaircis-
sement de la Langue françoijse, Londres, 1.530, le place au
nombre des substantifs commençant par une h aspirée
(Voy. réimpression de Palsgrave par l'Imprimerie natio-
nale, 1852, in-4% p. 18), et dariS le Supplément au Diction-
naire de l'Académie, rédigé par M. Barré sous la direction
d'une commission de membres de l'Institut, je lis : « Il est
souvent question des haricots de Monlaigu dans les poésies
du xvr siècle, parce que les écoliers du Collège de Mon-
taigu étaient presque exclusivement nourris de haricots. »
Ce « collège de pouillerie », comme dit Rabelais (Liv. 1,
Cb. xxxvn), fondé en 1314, par Gilles Aiscelin, arcbevèque
de Rouen, avait été surnommé par les écoliers Collège des
haricots, et la diète sévère qui en faisait la règle pensa
être fatale à Erasme pendant un court séjour qu'il fit dans
cette « cour de la faim. »
Vous aviez raison de dire que haricot a d'abord désigné
la plante et ne s'est appliqué au fruit que postérieure-
ment : c'est ainsi qu'après avoir dit dos baies d'olirc, des
pommes de grenade, d'orange, on a dit, par métonymie, des
olives, des grenades, des oranges, etc., pour le fruit, et que
l'arbre est devenu l'olivier, le grenadier, l'oranger, etc.
« Le nom de haricot est commun à la plante et au fruit
qu'elle produit lorsque le grain est sec, on dit fève de
haricot L'espèce du haricot est originaire des Indes «(Val-
mont de Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle, tome VI).
Faudra-t-il remonter au berceau de notre race et chercher
dans les dialectes de l'Inde l'étymologie de cette légumi-
neuse?... C'est possible; mais le grec, qui a tant de racines
communes avec le sanscrit, nous fournira peut-être la so-
lution de ce problème philologique.
Les Dictionnaires d'Alexandre et de Chassang portent :
« AoXixô?, haricot », et le Thésaurus de Henri Estienne :
« Aoiixo;, longus, o SoXtxôç, legumen quoddam, Phaselus, Pi-
sum, secundum quoslam. » Je consulte le Lexicon latin de
Forcellini, et je lis : « Phaselus, genus legurainis quod qui-
dam in duo gênera dividunt, majus et minus. » Notez bien
cette distinction, et ouvrez le Dictionnaire de Trévoux :
« Haricot, en latin smilux hottensis, sive phaseolus major,
c'est-à-dire /ci's ou féverole majeure.
Or, l'adjectif grec dolichos, long, a dû être d'abord joint
au substantif y)/irtsp/os pour désigner la graine allongée du
haricot, par opposition au pois, qui est court et sphérique :
celui-ci était le pisum, celui-là Id phaselus longus, çàtTïiXo;
So^iyôç, traduit ensuite par fève dolichos, et, par corruption,
fève d'olichns. L'épithète est devenue le substantif, comme
cela est fréquent, et le d qui la précède aura disparu, ayant
été pris seulement pour une préposition confondue avec
l'article. Exemple : unicomis, licorne, a donné d'abord une
icorne, V'icorne, et enfin licorne; mon amie, m'amie, ma mie :
au contraire, andier, hierre, en soudant l'article au subs-
tantif, ont donné le landier, le lierre; alzernig, alkoran (c'est-
à-dire le zcrnig, le Koran), l'arsenic, l'alcoran, etc., etc.
D'olichos à haricot, l'analogie est frappante, et il n'y a à
faire qu'une transformation, très-usuelle, des liquides /
en r, et des voyelles o en a. C'est par une opération de
ce genre que le savant F. Gèuin tirait son haricot de mouton
de l'adjectif aliquote, mais si matériellement son système était
bien fondé, logiquement ses déductions étaient bien forcées.
Au contraire, rien de plus simple que notre raisonne-
ment, rien de plus naturel que l'enchaînement des
preuves :
«l'âTYiXôî SoXixo;, fève longue, fève dolichos.
•^a'7T|),oç 5'o>,i3(o;, fève d'olichos.
Olichos, pris substantivement : alichos, arichos, uricho,
haricot.
Evidemment, j'ai commis tinc erreur, une grave
erreur en disant 'Courrier de Vauyetas, 6" année,
^s
LE COURRIER DE VAUGELAS.
p. -186) que haricot ne remontait pas au-delà de 1589 :
Paisgrave l'ayant fait Dgarer parmi les mots où h ini-
tiale s'aspirait de son temps (commencement du
XTie siècle), on peut raisonnablement croire que ce mot
était connu chez nos pères au moins à la fin du xv^
Quant à l'étymologie proposée pour haricot, j'ai le
regret de ne pouvoir l'admettre, et cela, pour une rai-
son tellement simple que M. Georges Garnier s'étonnera
probablement de ne l'avoir pas aperçue avant moi.
En effet, de quoi s'agit-il ici ?
De trouver l'origine de haricot (plante), puisqu'il
a été surabondamment démontré que ce vocable est
antérieur à haricot (légume).
Or, toute largumenlation de M. Georges Garnier a
pour but de faire voir comment haricot serait venu
d'un certain adjectif grec s'appliquant à la dimension
du légume de ce nom.
Entachée ainsi d'anachronisme dès son principe, cette
argumentation,' toute savante qu'elle est, ne peut nulle-
ment fournir l'étymologie cherchée.
X
Première Question.
On dit souvent c'est on pays de Cocagihe, cn vrai
PATS DE Cocagne ; quelle est donc l'origine de cette sin-
guiicre expression ? car le mot Cocagine tie se trouve
dans aucune géographie à moi connue.
Cette expression est une allusion au pays de Cocagne,
pays imaginaire où Ion trouve en abondance tout ce
qu'on peut souhaiter.
L'idée de ce pays, qui est une réminiscence de l'âge
d'or chanté par les poètes de la Grèce, et aussi le nom
de Cocagne, sous lequel nous connaissons ledit pays,
existaient en France dès le xni" siècle, preuve le fabliau
recueilli par Rarbazan (t. IV, p. 176), et dont voici
les principaux passages :
Enter l'Apostole de Rome
Mai por penitance querre,
Si m'envoia en une terre
Là où je vi mainte merveille :
Li pais a à non Coquaigne,
Qui plus i dort, plus i gaaigne :
De barf, de saumons et d'aloses
Sont toutes les mesons encloses;
Li chevron i sont d'eslurgons,
Les couvertures de bacons,
Et les lates sont de saussices.
Par les chemins et par les voies ,
Trueve-l'en les tables assises ;
Si puet-1'en et boivre et mangier
Tuit cel qui vuclent sans dangier;
C'est tine vèritez provée
Qu'en la terre benéuréc
Cort une rivière de vin.
Celé rivière que je di
Est de vin vornuMl jusqu'emmi
Du meillor (|ue l'en puisl Irover
En Uiaunc, ne de là la mer;
Et d'autre part est de blanc vin
Le meillor et tout le plus fin
Qui onques créust à Auçuerre,
A Recelé, ne à Tonnerre,
Et quatre quaresmiaux-pienanz,
Et un quaresme a en vint anz,
Et cil est à juner si bons,
Que chascuns i a toz ses bons;
Dès le matin jusqu'après none
Mangue ce que Dex li done,
Char ou poisson ou autre chose
Que nus défendre ne lor ose.
Et tant est li pais pleniers
Que les borsèes de deniers
I gisent contreval les chanz;
Encore i a autre merveille,
Conques n'oïstes sa pareille,
Que la fontaine de Jovent
Qui fet rajovenir la gent.
Maintenant, reste à savoir d'où vient le mot Cocagne.
Suivant Lamonnoye, Cocatjne est un pays imaginé
par le fameux .Merlin Cocaye qui, tout au commence-
ment de sa première Macaronée, après avoir invoqué
certaines muses burlesques , décrit les montagnes
qu'elles habitent comme un séjour de sauces, de po-
tages, de brouels, de ragoûts, de restaurants, où l'on
voit couler des tleuves de vin et des ruisseaux de lait.
Ce pays, ajoute-t-il, a dû tirer son nom de son inven-
teur, et Cocagne n'est qu'une altération de Cocaye.
D'après quelques autres, il y a en Italie, sur la route
de Rome à Lorelte, une petite contrée appelée Cocagna,
dont la situation est très-agréable, le terroir très-fertile,
et où les denrées sont excellentes et à bon marché;
c'est là qu'ils trouvent le modèle du pays de Cocagne.
L'opinion de Furelièreest que, dans le haut Langue-
doc, on appelle Cocagne un petit pain de pastel, avant
qu'il soit réduit en poudre et vendu aux teinturiers, et
que, comme le pastel ne croit que dans des terres très-
fertiles, on a donné le nom de Cocagne à ce pays, où il
est d'un très-grand revenu, et, par extension, à tout
pays où régnent l'abondance et la bonne chère.
Mais toutes ces étymologies sont inadmissibles, fon-
dées qu'elles sont sur des faits postérieurs au xiir siècle,
époque à laquelle le mol Cocagne existait déjà depuis
longtemps, comme le fabliau que j'ai cité en commen-
çant le met en évidence.
Je crois avec M. Liltré que le mot Cocagne vient du
latin coquina, cuisine, et voici les raisons sur lesquelles
j'appuie cette opinion :
r Les formes anciennes de Cocagne étaient Cokagne,
Coquaigne et Coliaine. Or, comme il n'est nullement
rare de voir <{ii changé en c, ou en k ; i en ai (le picard
dit brouaine pour bruine), n en gn, j'en conclus que
coquina a pu donner Cocagne.
2" Dans la grammaire anglo-saxonne du savant
Hickes, on trouve (vol. I^"', p. 231) une note où il est
dit qu'autrefois les paysans d'Angleterre appelaient
cokaiiis [ccril ûepu\s cockneys], les habitants des villes
parce que ceux-ci avaient abandonné les travaux rus-
ticpies pour une vie sédentaire et presque oisive, et que,
chez les anciens Français, on appelait loquins ceux qui
LE COURRIER DE VAUGELAS.
i9
s'adonnaient à l'oisiveté, à la paresse. Or, comme ce
dernier terme a pu bignifier, dans l'origine, des gens
qui venaient mendier aux cuisines des grands (ce
qu'implique assez bien le sens donné par nos ancêtres à
coquin), il en résulterait que cokam venant de coquin,
il n'y aurait rien de surprenant à ce que Cocaiyne. au-
trement dit Cocagne, vint de roquina.
30 Enfin, pour peu qu'on lise attentivement le fabliau
de Barbazan, on s'aperçoit que, si la description du
pays de Cocagne parle de dormir, de richesses, d'amour,
d'abondance de vêtements, de jeunesse recouvrée, etc.,
elle n'en est pas moins presque entièrement consacrée
à l'énuméralion de toutes les choses propres à satisfaire
les besoins de l'estomac. Or, par l'idée de cuisine qui
en fait le fond, cette description me semble justifier
une fois de plus l'étymologie que j'ai adoptée.
X
Seconde Question.
Est-il frai, comme le disent plusieurs grammairiens,
qu'il y ait une différence de sens entre Imposer et En
IMPOSER ? Je vous prierais de vouloir bien me dire votre
avis à ce sujet.
Le verbe imposer (du latin in, sur, et de ponere, pla-
cer) veut pour régime direct le nom de la chose et pour
régime indirect 'avec àl le nom de la personne.
Quand ce verbe a pour régime respect, soumission ou
crainte, il est loisible de supprimer complètement ce
régime ou de le remplacer par le pronom en, ainsi
qu'on le voit dans les phrases suivantes :
[Imposer sans le pronom e?i)
Il irnposait par la taille et par le son de la voix.
(Bossuet, Vnrml., U\, 3.)
De fort près, c'est moins que rien ; de loin, ils imposent.
(La Bruyère, II.l
Je m'étais laissé imposer par le discours et la philosophie
de Caton
(Vauvenargyes, Dial. 9. Cts. Brut.)
Ce ton pouvait révolter, mais il imposait.
(Raynal, Hist. phil., X, 16.)
tj'amour qui l'environne impose à ma puissance.
(Cas Delavigne, Paria, II, ».)
{Imposer avec le pronom en]
A ceux qui n'ont ni rang ni richesse qui en imposent, il
leur reste une âme, et c'est beaucoup.
tMarivau.v. .Marianne, jj® partie.)
Ils n'auraient point cédé aux évèques ; mais le cardinal
légat leur en imposait.
(Voltaire, Sisl. pot., ch. 38.)
Au milieu de ces sons discordants d'oiseaux s'élève une
grande voix qui leur en impose à tous.
(Buflon, .l/orc. çAoji- , p 3io.)
Il est sur que de hautes montagnes, que d'antiqu-es fo-
rêts, que des ruines immenses en imposent.
(Diderot, Ess. sur la peint., 3.)
Par la pompe des mots, l'éloquence en impose.
(Gilbert, r.e xvni* sirclr )
L'ascendant de son génie lui donnait tous les esprits...
son nom seul en imposait aux factieux de la littérature.
(P.-L. Courier, Lettres, II, 3lo.)
Le latin employait imponere avec le sens de tromper
(on trouve dans Quicherat imposuit Catoni, il a
trompé Caton ; imposuit mihi caupo, le cabaretier m'a
dupé) ; le français a fait de même pour imposer, et, en
supprimant le régime direct que pouvait avoir ce verbe,
il a dit indifféremment imposer à quelqu'un, ou en
imposer à quelqu'un, ce dont voici des preuves
évidentes :
[Imposer, tromper, sans le pronom en)
Pour me faire croire ignorant, vous avez lâché A'imposer
aux simples.
(Corneille, Lett. apoU).
Leurs paroles, aussi peu solides qu'elles semblaient ma-
gnifiques, imposaient au monde.
(Bossuet. Hisl,, II, II.)
Qui ne s'y fût trompé? Jamais l'air du visage,
Si ce qu'il dit est vrai, n'imposa davantage.
(Molière, VEtour., III, j.)
Langage ordinaire de la calomnie, qui ne s'énonce jamais
plus hardiment que quand elle impose plus faussement.
(Boiirdaloue, .Ujrst. pass, dti J.-C, t. I, p. 36y.)
Pendant que la vérité est contredite, l'hérésie lève la
tête, impose et triomphe.
(Fénelon, Lett. au P. Le Tellier.]
Ce malheureux talent de tromper et de plaire,
D'imposer aux esprits et d'éblouir les yeux.
(Voltaire, Tancr., 11,4.)
{Imposer, tromper, avec le pronom en)
Le Qiscours affectueux de Néron n'en imposa point à Sé-
néque.
(Diderot, Cl. et A'e'r., I, 90.)
Est-ce peut-être que tous ceux qui errent sont de bonne
foi? L'homme ne peut-il pas, selon sa coutume, s'en im-
poser à lui-même?
(Bossuet, Anne de Goitr.)
Qu'elle ne pense pas que par de vaines plaintes,
Des soupirs affectés et quelques larmes feintes,
Aux yeux d'un conquérant on puisse en imposer.
(Voltaire, Orph., III, 1.)-
D'où il suit que, quoi qu'en aient dit les grammai-
riens, principalement .M. Lemaire [Qram, des Gram.,
p. M 76, le verbe imposer, qu'il ait le sens de com-
mander le respect, inspirer de la crainte, ou qu'il
signifie tromper, faire illusion, peut parfaitement se
construire, à la volonté de l'écrivain, soit seul, soit
accompagné du pronom en. Et cela est si vrai, dit
-M. Lillré, dont j'ai emprunté ici les exemples, que
-Massillon, dans une seule et même phrase, a employé
imposer et eii imposer ne consultant pour le choix que
son oreille.
X
Troisième Question.
Je trotire ta phrase suivante dans /'Evénement du
19 mars 187(> : « Autrefois 7iom avons accueilli et
nourri les Polonais, ce qui n'a pas empêché plusieurs
régiments de celte nation sympathique de bombarder
Paris avec les Allemands, et de tirer a balle que veux-
Tc .nir nos lignards et sur nos mobelots. -» Je n'ai
jamais entenéu dire : tirer a balle que vecx-td. Cette
expression est-elle bonne? Je vous serais reconnaissant
si vous vouliez bien ine dire votre avis à ce sujet.
L'auteur des lignes que vous citez avait connaissance
de l'expression traiter quelqu'un à bouche que veux-tu,
20
LE COURRIER DE VAUGELAS
que nous employons pour signifier faire faire à quel-
qu'un une excellente et copieuse chère; il a voulu lui
donner une variante, et il a écrit tirer à balle que
veux-tu, pensant exprimer d'une manière aussi per-
mise qu'élégante l'idée d'envoyer des balles à satiété.
Il s'est singulièrement trompé, comme je vais vous
le faire voir.
Dans l'expression traiter quelqu'un à bouche que
veux-tu, qui signifie littéralement lui offrir un repas
oii la profusion des mets est telle qu'on semble dire à
sa bouche : « bouche, que veux-tu? parle, et aussitôt
lu l'auras «, la question que veux-tu vient très-natu-
rellement après le substantif bouche, attendu que ce
mot désigne une partie du corps pouvant éprouver le
désir que ladite question est destinée à provoquer.
Mais il n'en est pas de même dans tirer à balle que
veux-Tu, tant s'en faut ; ici la question que veux-tu ?
vient après balle, un nom d'objet inerte, qui n'a point
de désirs que l'on puisse chercher à connaître pour les
satisfaire, et auquel, par conséquent, cette question ne
peut être adressée.
D'où cette conclusion (applicable à toutes les phrases
analogues où le substantif venant après la préposition
à ne désignerait pas un objet de nature à pouvoir
désirer quelque chose; que tirer à balle que veux-tu est
une construction impossible, vu qu'elle présente des
termes que la raison ne permet pas de réunir.
ÉTRANGER
Première Question.
Je vous prierais de me dire, s'il vous plaît, quelle est
l'étymologie du mot prix dans ces vers de La Fontaine :
■ La mort-aux-rats, les souricières N'étaient que jeux
AU PRIX DE lui. »
L'expression au prix de a deux significations bien
distinctes dans notre langue : l'une, qui est moyennant
le prix de, moyennant le sacrifice de, et l'autre, qui est
en comparaison de.
Dans la première, prix vient évidemment du latin
pretium ; mais il n'en est pas de même pour la seconde,
car jamais pretium, que je sache, n'a voulu dire com-
paraison.
D'où vient donc prix employé dans ce sens?
Nous avons en français une locution prépositive,
auprès de, qui a absolument la même signification et le
même emploi que au prix de, ainsi que le montrent ces
exemples, où, sans altérer le sens, on peut remplacer
au prix de par auprès de :
Ce peu d'annftes au prix de l'éternité ne sera considéré
que comme une goutte d>au de la mer, ou un grain de
sable.
(Saci, Bifile, Jiccl., .\vni,8 )
Que l'homme, revenu à soi, considère ce qu'il est au
prix de ce qui est.
. Cfascal, renu; I, I.)
Le bois le plus funeste et le moins fréquenté
Est au prix de Paris un lieu de sûrpté.
(Boileau, .So/., VI.)
Or, à mon avis, c'est cette locution qui a donné au
prix de, et j'explique le fait ainsi qu'il suit :
\" Le vocable /};ès a pu devenir pris, car le change-
ment en i d'un e final suivi d'une .s ou d'un x n'est pas
chose dépourvue d'exemples, puisque les mots latins
merces, tapes, vervex ont donné en français merci,
tapis, brebis.
2" Pendant longtemps le mot prix (de pretium] s'est
écnlpris, ce dont j'ai trouvé les preuves suivantes dans
le Dictionnaire de Cotgrave (1660) :
A pris d'argent.
A quelque pris qu'est le liled.
Toute ctiose se vend a.u pris de l'œil.
Quand on en vint à l'écrire définitivement par un x,
au lieu d'une s, on aura donné par erreur la même
orthographe à pris dans l'expression dont il s'agit, et
l'on aura eu ainsi au prix de avec la signification de en
comparaison de.
3° Du reste, voici un exemple de auprès de (sous la
forme de au pris que, comme se trouvant devant un
verbe à un mode personnel) dans le sens de à propor-
tion que, sens synonyme de en comparaison de, où Ve
seul de près est changé en i :
.Au pris gu'ilz approchoient, les Parthes s'enfuyoient.
(Amyot, Rom. 46-)
Ne serait-il pas bien étonnant, en effet, que au prix
de pût se remplacer aussi parfaitement par auprès de ;
que les règles de la permutation des lettres permissent
d'expliquer aussi facilement le changement de près en
pris ; qu'un auteur du xvie siècle nous offrit au pris que
avec le sens de « proportion, à mesure que, sens qui
dérive de celui de auprès de, et que ce dernier ne fût
pas la source d'où, à une époque plus ou moins reculée,
on a tiré le prix de la locution au prix de signifiant en
comparaison de ?
X
Seconde Question.
Je rencontre le verbe appeler tantôt accompagné du
pronom en, tantôt construit sans ce pronom. Voudriez-
vous bien me faire connaître dans quel cas il faut dire
EN APPELER, au Ueu de appeler, attendu que l'emploi de
ce verbe m'offre une vraie difficulté?
Quand une cause a été jugée par un tribunal, il est
loisible à la partie perdante, dans certains cas, de ne
pas accepter immédiatement la décision rendue contre
elle, et de porter la cause devant un tribunal supérieur.
Cette action se dit appeler de (le juge, ou le jugement
qui a condamné) à (suivi du nom de la personne ou de
la chose à laquelle on a recours), ce dont voici la
preuve :
La loi qui permit d'appeler au peuple des consuls.
(Bossuct, Hisl., I, 8.)
Et nous faire désirer au moins que Dieu existât, à gui
nous pvkifs\OD& appeler du jufjemeat des hommes.
(La Bruyère, i6.)
11 lui remontra qu'encore qu'il n'y avait point de juge à
qui l'on puisse appeler de lui, etc.
(Fléchier, Panca:, II, 91.)
LE COURRIER DE VAUGELAS.
24
Or, dans ces sortes de phrases, il arrive souvent
qu'un des compléments se supprime. Quand c'est celui
qui vient après à, on ne met aucun pronom pour en
tenir la place :
Jijpin, de ton arrtM j'appe//e,
Ta balance et tes poids sont faux.
(Béranger, Bîuets,)
Mais quand c'est celui qui suit de, il faut néces-
sairement mettre en (le principal usage de ce pronom
étant de remplacer les compléments annoncés par la
préposition de), comme dans ces exemples :
Celui qui n'a pas fait sa fortune à la cour est cens^ ne
l'avoir pas dû faire; on n'en appelle pas.
(La Bruyère. 8.)
Souffrez, mes frères, que j'en appelle à votre complai-
sance.
(Massillon, Ei'id.)
Charles 1" était brave, il pouvait en appeler à l'épée.
(Chateaubriand, Sluarts, 197 )
Il y a beaucoup de personnes qui, dans des phrases
analogues aux précédentes, emploient rappeler au lieu
d'appeler. Elles commettent là une grosse faute :
puisqu'on dit une cour d'appel, il faut dire appeler,
en appeler, en faire appeler.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
!• ... de son grand oncle, afin de lui marquer [voir Courrier
de Vaugelaa, 'i' année, p. 139]; — 2* ... n'appelons pas du
sens commun; — 3* ... jamais ! dit en grognant l'honorable vic-
time [voir Courrier de Vaugelas, 5* année, p. 51, 153 el IS61; —
4° ... Ces cercueils sont recommandés [pas de mclal, puisqu'il
y a métalliques au commencemonl[; — 5° ... que ce snnl elles
qui se laissent diriger ; — 6° ... La prussianisation de la pro-
vince [le mol prussification n'est pas français et ne peut l'élrej ;
— 7° ... chemins de fer français que de constater [voir Courrier
de Vaugelas, 3' année, p. 74]; — 8° ... se sont jait remarquer
[suivi d'un infinitif le parlicipe fait est toujours invariable] ; —
9° ... va les mcllre en échec, ils se retournent [pas alors puis-
qu'il y a quand en léte de la phrase]; — 10" ,.. H!on(re-toi bien
assidu [à moins qu'ils ne soient suivis de en ou de ij, et encore
dans certains cas, les verbes de la première conjugaison ne pren-
nent pasd's à la personne singulière de l'impératif].
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
!• Messieurs, comraence-t-il d'une voix forte, presque
tonnante, qui retentit tristement au fond de tous les
cœurs, j'ai le premier demandé à être poursuivi.
2° En tout cas, ni la séduisante somnambule ni moi ne
seront brûlés vifs, comme nous l'eussions été jadis, au
temps tieureux de la très-sainto Inquisition.
3° La Commission à laquelle avait été renvoyé l'examen
de l'idée de M. Proust ne s'est pas laissée arrêter par ce
flot d'ironie attique; elle a conclu avec audace à la prise
en considération.
4° Ce ne sera que par la cession prompte des hostilités,
des concessions libérales et des garanties non illusoires
que la pefte de la Bosnie et de l'Herzégovine pourra être
évitée.
5° J'ai éprouvé cela de la part de gens d'ailleurs regret-
tables, que j'ai vus depuis célébrer comme de grands pa-
trons et des amateurs de l'esprit.
6' Leur amour-propre était moins encore blessé d'une
exclusion humiliante que leur vigilance était préoccupée
des causes secrètes qui l'avaient déterminée.
7° Comment voudrait-on qu'ils s'entendent les uns et les
autres ?
8° Ce précédent établi, il est à craindre que les mêmes
menaces soient faites cet été à tous ceux qui refuseront
à leurs femmes de les conduire à la campagne ou aux
eaux.
9° Le pauvre homme faillit en être renversé; mais, au
bout de quelques mois, ayant recouvré ses esprits, il fit
arrêter la belle Lydia, retour de Perpignan.
10" La prime offerte aux dénonciateurs a, par contre,
excité une émulation considérable. Le Louvre n'a pas reçu
moins de lôO lettres indiquant la retraite des deux jeunes
gens en rupture de caisse.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SEGO.NUE MOITIÉ DU XVll- SIÈCLE.
Gilles MÉNAGE.
[Suite.)
Becquée ou bêchée. — Ménage croit qu'on peut dire
l'un et l'autre; mais il fait remarquer qu'à Paris on dit
plus communément becquée, et dans la province
bêchée.
S'il faut dire amelelte, ou omelette. — Le long de la
rivière de la Loire, on prononce amelelte; à Paris, on
dit amelelte et omelette; l'un el l'autre « est » bien
dit selon notre auteur.
Si les mots jusque, encore, mesme, guère, naguère,
oncque, ore,avecque, presque, cerle doivent s'écrire
avec une s finale ou sans celte lettre. — Vaugelas a dit
hardiment qu'on n'écrivait jamais jusque. C'est une
grave erreur ; dans jusque-là il est très-bien dit. —
Les Italiens disent ancora, d'où nous avons fait encore,
qui est le véritable el ancien mot. Les poètes onl intro-
duit encores; mais atijourd'hui if672) ce mot n'est
plus en usage, ni en prose ni en vers. — Quand mesme
est pronom , c'est-à-dire employé dans le sens de
l'italien medesimo, il fait mesme au singulier et mesmes
au pluriel; mais quand il est adverbe, c'esl-à-dire qu'il
a le sens du latin maxime, il devrait toujours s'écrire
sans s à la fin. — Guère et naguère, ainsi que cfuères
el nnguéres, soniexi usage. — Oncque et onques ont
vieilli comme ore et ores. — On disait autrefois indif-
féremmentat'ecyMe et avenues, et Vaugelas s'est Irompé
en soutenant que jamais aucun de nos bons auteurs ne
s'est permis d'employer ce dernier. — Anciennement,
on d'isail presque el presques. — Quant à certes, quoi-
qu'il vienne du latin certè, nous ne le disons jamais
sans s finale : c'est une bizarrerie de notre langue.
S'il faut prono7icer j'ay u,om j'ayeii; oust, ou aôust;
ailleurs, ou allicurs; aider, ou aider. — 11 n'y a que
les a badaux » de Paris qui |irononcent eu en deux
22
LE COURRIER DE VAUGELAS.
sjUabes ; tous les honnêtes gens, a la Cour el à la Ville,
disent « en une syllabe. — 11 faut prononcer ovst et
non aôust comme font les Parisiens. — Les mêmes
« badau\ » de Paris disent aussi aider et ailleurs en trois
syllabes; il faut prononcer aillevrs et aider en deux
syllabes.
Mors on mordu ; tors ou tordu ; ponds, ponnu, pondu.
— On disait autrefois je vous aij mors; mais mainte-
nant on d'il 7nordu (1672). On dit encore tors, comme
dans : je lui a;/ tors le cou ; cependant on commence à
dire tordu, et apparemment il gagnera bientôt du ter-
rain. En parlant de fd, on dit toujours du fil retors.
En Anjou, on dit la /mule a ponds. Rabelais a employé
ponnu, mais c'i:s\. pondu qu'il faut dire.
Faut-il dire S. Germain de l'Ausserrois, ou S. Ger-
main l'Ausserrois, ou de l'Auxerrois. — 11 faut dire
avec toute la Cour 5. Germain de l'Ausserrois, el non,
avec une partie de l'Université, .S. Germain l'Ausserrois,
ni .S. Germain l'Auxerrois.
Prier à disner el prier de disner. — U y a quelque
différence entre ces deux façons de parler. Prier à dis-
ner marque un dessein prémédité. Prier de disner est
un terme de rencontre et d'occasion : si quelqu'un est
chez nous et que nous l'invitions à partager notre
dîner, nous le prions de diner.
U ne fait que sortir et il ne fait que de sortir. — Le
premier est bon pour signifier // .■<ort sans cesse, il ne
fait autre cliose que de sortir; mais si l'on marque
l'endroit d'où l'on sort, on supprime alors élégamment
le de, car il ne fait que sortir de table est plus élégant
que il ne fait que de sortir de table. Si l'on met vient
dans la phrase, on n'y peut supprimer de, et il faut
nécessairement dire il ne vient que de sortir.
Formation des verbes qui commencent par dé comme
détromper. — Vaugelas dit que ces verbes sont com-
posés du simple et de la particule de, mais à laquelle
on ajoute une .s si le verbe commence par une voyelle,
armer, désarmer. H se trompe, ces mots sont composés
de la préposition dis : disfacere, défaire. On n'y ajoute
point d'.s' quand le verbe commence par une voyelle,
puisqu'elle y est déjà ; au contraire, on l'ôte de ceux
qui commencent par une consonne.
S'il faut dire salamandre ou salemandre. — îlénage
trouve que l'un el l'autre sont bous. Wd'ivail salemandre
dans le discours l'iuiiilier, et salamandre dans des
com|)ositions relevées (<C72).
S'il faut dire guitare ou guiterre. — Ils sont tous
deux très-usités, et ils se trouvent tous deux indiffé-
remment dans les bons auteurs. Ronsard a toujours
dil r/uiterre, mais les Italiens disent <7/((/«/rn, el Ménage
constate que (juitùre vaut mieux qac guiterre.
S'il faut écrire savoir ou si;avoir. — 11 faut écrire
savoir parce que ce mot vient de Saprre, que les au-
teurs de la basse latinité ont dit dans le même sens au
lieu de sdpere, et non de .sc/;r, diinl on aurait fait scir.
Certains noms dont la prononciation dr l'e est dou-
teuse. — On disait anciennement cérimonie, et on le
dit encore en Provence et dans le Datiphiné; mais il
faut dire ccrénionie. — On doit dire épidimie, ot non e^i-
démie, et cela quoiqu'on dise épidémique. — Les Ange-
vins et les Manceaux disent cémetiére ; d'autres disent
cimitière ; à Paris, on dit cimetière, et c'est ainsi qu'il
faut parler.
Atravers e< autravers. — Vaugelas a décidé qu'aw-
travers était beaucoup meilleur et plus usité ([n atra-
vers, et qu'ainsi il faut dire // lui donna de l'épée au-
tracers le corps. Mais cela n'est pas vrai pour tous les
cas. Il y a des endroits où autravers ne vaut rien du
tout ; on dit atravers avant l'article défini ou devant un
mot sans article : atravers champs, atravers les blez,
el autravers quand il est suivi de la préposition de :
j'ay pa.<:sé autravers de l'église.
Distinction entre pas et point. — Contrairement à la
remarque de Vaugelas, on met quelquefois ces néga-
tives devant (/we signifiant smo^içMe; c'est quand vient
un subjonctif après que ; ainsi il faut dire ; Je ne vous
verrai/ point que le caresme ne soit passé.
Sur certains verbes conjugués interrogativement à la
première personne de l'indicatif. — Les Parisiens
disent senté-je? monté-je? rompé-je ? donné-Je? et
comme le langage des provinces doit être réglé selon
l'usage de celui de Paris , Ménage , contrairement à
ce qu'il avait pensé d'abord, admet ces constructions,
qui le plus souvent préviennent les équivoques mange,
ronge, d'orge, auxquelles elles donneraient lieu si l'on
se contentait de mettre le sujet après le verbe.
Va croissant et va faisant. — Vaugelas dit que celle
façon de parler est vieille et n'est plus en usage aujour-
d'hui ; mais Ménage démontre par des exemples qu'il
s'est trompé et qu'elle est parfaitement de mise dans les
endroits où il y a un mouvement visible et local : la
rivière va serpentant, ces bergères vont cueillant des
/leurs.
liemari/ue curieuse touchant l'orthographe. — Les
accents dans notre langue se changent dans la variation
des mots. Par exemple, _;"em/)esc/(ese prononce avec l'ac-
cent aigu ou circonflexe sur la pénultième. Mais cet
accent de la pénultii^ne passe à la dernière dans le mot
empesché. Ainsi, quoiqu'il faille écrire rôlle, âge, grâce,
espace, il faut écrire enrollé, âgé, gracieux, spacieux.
Superbe. — Vaugelas ne peut souffrir que les prédi-
cateurs disent la s^tperbf pour dire Vorgueil. Mais il n'a
pas raison : tous nos anciens ont employé ce terme, et
de très-savants modernes font de même.
Je n'en puis 7nais. — Cette façon de parler est très-
naturelle et très-française; il est certain qu'elle n'est pas
du haut style ; mais il n'est pas vrai, comme le veut
Vaugelas, qu'elle ne soit plus que du style burlesque.
Je vous demande excuse. — Cette phrase ne vaut
rien du tout; il faut dire^'r; vous demande pardon, ou
je vous fais creuse.
S'il faut dire le point du jour, ou la pointe du jour.
— D'après .Ménage le premier vaut mieux que le
second; mais, dans le discours familier, on peut faire
usage de l'un comme de l'autre.
{La suite au prochain numéro.)
Le RiiiiACTEUK-GÉiUNT : Eman .MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Le Secret terrible, mémoires d'un Caissier; par
Adolphe Belot et Jules Dautin. W édition. In-18 Jésus.
657 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Le Divorce de Marguerite. Comment on se
sépare. Un enfer rose; par Hector de Callias. Ia-18
Jésus. 2i'2 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 3 fr. 50.
La Jambe noire; par Fortuné du Boisgobey. 2 vol.
In- 18 Jésus, 760 p. Paris, lib. Dentu. 6 fr.
Nouveaux mémoires d'un décavé; par Fervacques.
Iq-18 Jésus, 373 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
France (la) poétique, poésies par Henri Port, Cli. de
Rozières, L. Oppepin, L. Satre, E. Granier, G. Sauvage,
L. Serre, etc. ; publiées par Evariste Carrance. ln-8",
856 p. Bordeaux, imp. Faure, 7, rue Corme. 10 fr.
Œuvres diverses de Jules Janin. publiées sous la
direction de M. Albert de La Fiselière. III. Mélanges et
variétés. T. II. In-18. 322 p. et grav. Paris, lib. des
Bibliophiles. 3 fr. 50.
A Coups de fusil ; par Quatrelles. 2= éd. in- 18 Jésus,
297 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Scènes et mœurs arabes; par Ch. Richard, ancien
chef de bureau arabe dOrléansville. 3' édition, ln-18
Jésus, 231 p. Paris, lib. Challand aine.
Aventures de trois grandes dames de la cour de
Vienne. La comtesse de Thyrnau; par Louis Llbach. ln-
18 Jésus, 392 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 3 fr. 50.
Les Grappes. Poésies diverses; par .\. Hector Berge,
membre de l'Académie des Arcades de Rome. In-12,
215 p. Paris, lib. Vanier. 3 fr.
Chansons du XV'^ siècle, publiées d'après le manus-
crit de la Bibliothèque nationale de Paris, par Gaston
Paris, et accompagnées de la musique transcrite en
notation moderfle par Auguste Gevaert. In-8'', x.\-2Zi3 p.
et 2 fac-siraile. Paris, lib. Firmin Didot et Cie.
La Dame aux'perles, par Ale.xandre Dumas fils, de
1 Académie française. Nouvelle édition. ln-18 Jésus,
326 p. Paris, lib. Michel Lévy. 1 fr. 25.
Les Mystères de Londres; par Paul Féval. l" vol.
2<^ édition. In-l.S jésus, 407 p Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Le Capitaine Satan; par Louis Gallet. ln-18 jésus,
468 p Paris, lib. Illustrée. 3 fr.
Dictionnaire historique de l'ancien langage fran-
çois, ou Glossaire de la langue françoise depuis
son origine jusqu'au Siècle de Louis XIV; par La
Curne de Sainte-Palaye, membre de rAcadémie des
Inscriptions et de l'Académie française. Publié par les
soins de L. Favre, auteur du Glossaire du Poitou, de la
Saintonge et de l'Aunis. etc. etc. Fasc-icules H à 20, (t. 2).
In-/i° à 2 col., àSh p. Paris, lib. Champion.
Confidences d'un journaliste; -par Maxime Rude. In-
18 jésus. 332 p. Paris, lib. Saguier. 3 fr. 50.
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d'instruction et d'éducation populaires vient de décerner
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Société. — Paris, chez l'auteur, 1, place Wagram.
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Cartes et les Echecs, les Devinettes, la Barbe, les Danses,
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et donnant l'étymologie de plus de 900 mots. — Prix,
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24
LE COURRIER DE VAUGELAS.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — En vente
au bureau du Courrier de Vaugelas , 26 , boulevard des
Italiens. — On peut encore se procurer la 4", la 5" et la 6=
année. — Réimpression 'des cinq premières a«?iees aussitôt
que sera atteint le chiffre demandé par la souscription
que le Rédacteur vient d'ouvrir.
LES OUBLIÉS ET LES DÉDAIGNÉS, figures de la fin
du xvui' siècle. — Par Charles Monselet. —Nouvelle édi-
tion définitive. — Paris. Charpentier et Cie, libraires-édi-
teurs, 13, rue de Grenelle-St-Germain — Prix : 3 fr. 50.
ALISE D'EVRAN. — Par André Lemoyne. — Paris,
Sandoz et Fischbacher, éditeurs, 33, rue de Seine. —
Prix : 2 fr.
OPULENCE ET MISÈRE. — Roman américain, traduit
par Mme Henriettk LonnE.iu. — Paris, librairie Hachette
et Cie, 79, boulevard St-Germain. — Bibliothèque des
meilleurs romans étrangers. — Prix : i fr. 25 cent.
LES CAHIERS DE SAINTE-BEUVE, suivis de quelques
pages de littérature antique. — Paris, Alphonse Lemerre,
éditeur, 27-31, passage Choiseul. — Prix : 3 fr.
LES
GRANDS ÉCRIVAINS DE LA FRANCE
NOUVELLES ÉDITIONS
Publiées sous la direction de M. Ad. REGNIER, membre de l'Institut, sur les manuscrits, les copies les plus
authentiques et les plus anciennes impressions avec variantes, notes, notices et portraits, etc.
MOLIÈRE
Trois volumes contenant ensemble lZi30 pages;
Prix : 22 francs 50 cent.
Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard St-Germain.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
La SoorÈTÉ d'éducvtion de Lvox a mis au concours pour 1876 le sujet suivant : Préciser ce que peut et doit faire
Vinsliluleur primaire, en ce qui concerne l'éducation de ses élèves; indiquer par quels moyens il accomplira le mieux
cette partie de sa tâche. — Le prix sera de 500 fr., décerné dans la séance publique de 1876, sous le nom de Prix de
la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" Septembre prochain, à M. Palud,
libraire, Zi, rue de la Bourse, à Lyon.
La Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne propose pour cette année 1876 une médaille
d'or de la valeur de 200 fr. ii la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.) ; une médaille d'argent
de la valeur de 100 fr. à la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.); et une médaille d'argent de la
valeur de 50 fr. au meilleur groupe de trois sonnets. — Toutes demandes de renseignements devront être adressées
au Secrétaire de la Société, à Monlauban.
Académie des Poètes. — Les écrivains encore étrangers à l'Académie des poètes, qui voudraient prendre part au
concours ouvert pour la X» Olympiade, devront adresser franco cinq poésies inédites à M. Élie de Biran, archiviste
de la Société, rue des Missions, 22, à Paris. — Ces poésies ne doivent point toucher à la politique, elles ne doivent non
plus rien renfermer d'immoral, d'irréligieux ou de difTamatoire. — Un grand nombre de médailles de Vermeil, d'argent,
de bronze, de divers modules, seront décernées à la suite de ce concours.
Le Tournoi poétique et littéraire , organe de la Société des Amis des lettres , journal rédigé par ses abonnés. —
(4- année, — mensuel, — 32 p. in-S», — elzévir). — Poésie, littérature, arts, sciences, morale, nouvelles, variétés,
fantaisies, chroniques. — Concours poétiques et littéraires. — Prix : Médailles de bronze, livres, musique. —
Abonnement : 10 fr. par an. (Envoi gratuit d'un numéro spécimen.) — Bureaux : 12, boulevard Montmartre, à Paris.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTRANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Etrangers qui
lui font l'honneur de venir le consulter : l» des professeurs de français; — 2" des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française; — 3o des maisons d'élucation prenant un soin
particulier de l'étude du français; — W des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se
parle un très-bon français ; — 5" des agences qui se chargent de procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Email .Martin, RcilacLcur du CoriiiuKii m; Vaiullas, est visible à ■.on bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNELIII, G. D.^LU'L'LEV à Nogenl-leRotrou.
7» Année
N»4.
15 Juillet 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le 15 de chaque mots
(Dans sa séance du II janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le pori en sus pour l'étranger. —
Annonces ; Ouvr.iges, un exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ETRANGERS
Officier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
é|ioque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soil à un liliraire quelconque.
AVIS.
Le Rédacleur du Courrier de Vaugetas a l'honrieur
d'informer ses abonnés de Paris et de la banlieue qu'il
n'a donné qu'au jeune Lucien Delabranche l'autori-
sation de faire ses recouvrements et de s'occuper de la
souscription qu'il a ouverte pour la réimpression des
cinq premières années de son journal.
SOM.NLyRE.
Communication sur le rnot Prannel; — D'où vient Faire Char-
lemagne; — .Avis sur la phrase : Paul et Julien connaî-
traient la société qu'ils...; — Étjmologie du mot Choucroute ;
— Comment Penser a pu devenir impersonnel; — Pourquoi
Deux a un double adjectif ordinal || Explication de H n'y a
pas mèche; —Si l'on peut donner Artisane pour féminin à
Artisan; — Équivalence AiRien que et de Seulement. [I Passe-
temps grammatical. || Suite de la biographie de Gilles Ménage.
Il Ouvrages de grammaire et de littérature. || Concours litté-
raires. Il Renseignements à l'usage des professeurs de fran-
çais.
FRANCE
GOM.MUXICATION.
Dans ma li'' année, p. G", j'avais dit que praancl
n'était « probablement » qu'un terme propre à l'an-
cienne population de Rouen, terme formé de paniiei,
panneau, enrichi dune /• adventice.
Après avoir montré par de nombreuses citations em-
pruntées aux Actes normands de la chambrr des
Comptes sous Philippe de Valois (1328-1330) que la
Normandie disait généralement /jawnd quand il s'agis-
sait d'un panneau, et quCj si les Normands altéraient
ce mot, ils en faisaient pennel, l'auteur d'une longue
lettre qui m'a été adressée de Rouen le 10 mai dernier
continus en ces termes :
Mnis si Prannel n'est point mis pour Panne'., il a tout
l'air d'être, avec une légère altération, un autre mot usité
dans la langue des gens de métier, à cette époque. Ce mot
serait Prosncl, qui se disait, au xiv siècle, pour indiquer
un travail en bois, destiné également à un « degré »,
comme le Prannel de la chambre où Jeanne d'Arc était
renfermée.
Les mêmes Actes normands, dans un compte « d'oeuvres
de bois j, à l'occasion des travaux exécutés au château de
Breteui), à Pâques 133-2, contiennent cet article : » Item
pour faire deu.\ Prosneaux ou degré du celier sous la cha-
pelle, pour toutes painnes, xxs s. » (p. 40J. Le singulier
était prosneL que l'on trouve un peu plus loin, à propos
« des œuvres de fer » faites au même château : « Item
pour II crampons à tenir le Prosnel qui est sous la cha-
pelle, m s. ». Cest l'un des deux Proyneoua; mentionnés plus
haut.
Comme ce mot Prosnel ne se rencontrait pas plus que
Prannel dans tous les dictionnaires consultés, je désespé-
rais d'en connaître au juste le sens, quand le hasard, ce
dieu des chercheurs, m'a mis sous les yeux un mot auquel
j'attribus une étroite parenté avec lui : c'est le mot Pros-
nel, accompagné de sa définition. Il est dans le Diction-
naire de la Moyenne et de la Basse latinité de Du Cange,
édit. de Firmin Didot, 18i5. A la suite de l'article Prosne-
siuM, qui signifie « un câble pour amarrer les navires au
rivage », Du Cange lui donne comme synonymes Prosintum
rel Prosnicum, et il ajoute : « At vero Gallicum Prosnel,
lignum quoddam prominens vel repagulum videtur in litt.
rem. ann. 1416, ex Reg. 169, chartoph. reg. ch. 380 : le
suppliant voulant entrer audit hostel se hurla au Prosnel
d'icelui. lelemenl qu'il se bleca moult fort en la poitrine »
(Tome V, p. 486).
Le Prosnel i\s Du Cange, emprunté à la lettre de rémis-
sion de 1416, semble une forme altérée du Prosnel des
Actes normands de 1332, puisqu'il est très-facile de prendre
un t pour une « à la Un des mot?, et qu'ensuite le sens
« d'une pièce de bois en saillie ou de harnere, de barrage
en bois n peut très-bien s'applquer au Prannel que le
huchier Gautier d'Oissel faisait . ou degré de la chambre
ou soulloit estre logiée Jehanne la Pucelle ».
Tout cela se rapproche encore beaucoup, pour le mot et
pour le sens, du Prannel ou Pranné, que votre correspon-
dant d'Algérie a signalé comme étant en usage, aujour-
d hui, dans les Vosges, « où Ion désigne ainsi une espèce
de grille en bois s't levant à la moitié de la hauteur de la
porte et défendant l'entrée de la maison » [Courrier de
Vaugetas, \" mars 1876, p. 1G2).
Mais je ne sais jusqu'à quel point il faut y voir t une
sorte de grille s'étendant comme un garde-fou, du haut
•26
LE COURRIER DE VAUGELAS
en bas de l'escalier qui conduisait à la chambre de Jeanne
d'Arc » (Ibid.).
Pour décider la question, vous disiez, Monsieur le Rédac-
teur, « qu'il faudrait en quelque sorte connaître l'histoire
de l'escalier qui conduisait a à la chambre de Jeanne ».
A défaut de cette histoire, qu'il parait impossible de
retracer, et pour laquelle une visite à Rouen serait bien
superflue, puisque la Tour de la Pucelle est détruite
depuis 1809, voici, d'après un résumé des textes latins
contenus dans les deux Procès de condamnation et de réha-
bilitation, publiés par M. Quicherat, ce qu'on sait de plus
certain sur la prison de la. Pucelle. « Jeanne fut déposée
au château de Rouen dans une des deux tours entre les-
quelles était située la porte de derrière, donnant sur les
champs. Cette tour, appelée alors Tour vers les champs,
contenait une chambre nommée chambre du milieu, ou
étage intermédiaire (entre le soubassement et l'étage
supérieur de la tour). Dans cette chambre, sa prison, on
montait par un degré ou escalier qui comptait huit mar-
ches, s De là vient que plusieurs témoins ont déposé
< qu'ils la virent détenue et prisonnière dans une chambre
assez obscure située sous un degré vers les champs ».
Si à ce premier élément de décision, vous voulez bien
joindre celui que je crois avoir rencontré dans la synony-
mie, évidente à mes yeux, de Praanel, Prosnel et Prosnet,
peut-être parviendrez-vous, Monsieur, à l'aide d'autres
exemples, à dissiper l'obscurité, ou, toutau moins, l'espèce
d'incertitude qui peut régner encore sur le sens précis au
mot Prannel fourni par le texte dû à la découverte de
M. Lèopold Delisle.
Jusqu'à plus ample informé, j'émets donc la conjecture :
1° que Prannel, Prosnel et Prosnet sont synonymes; ï° que
le Prannel en question peut bien être un barrage en bois
placé au degré de huit marches qui conduisait à la chambre
du milieu, située dam la tour vers les champs, où Jeanne était
prisonnière au château de Rouen.
Avec ces quelques remarques, je vous prie d'agréer,
Monsieur le Rédacteur, l'assurance de ma considération
distinguée.
F. B.
Un 0 changé en a n'étant pas un fait rare [domina
adonné dame; locusta, langouste, etc.) et l'introduc-
tion de ;• après un p initial l'étant beaucoup plus, si
même elle existe, je crois avec l'auteur de cette commu-
nication que prosnel est plutôt l'origine de prannel que
pannel, auquel j'avais songé d'abord.
X
Première Question.
D'où vient cette expression employée au jeu : « faire
Gharlemagse n ? Je ne vois pas le rapport qu'il rj a entre
Gharlemagse et cette manière de jouer,, (jénérale)iient
jugée défavorablement .
La seule explication que je connaisse de cette expres-
sion a été donnée en ces termes par Génin [Récréât,
p/til., 1, p. 486) :
Faire Charlcmagnc est une expression du vocabulaire
particulier des joueurs. C'est se retirer du jeu avec tout
son gain, ne point donner de revanche.
Je ne puis trouver à cette faconde parler d'autre origine
qu'une allusion à la mort de Cliarlemagne, arrivée au
moment de la plus grande puissance do l'empire d'Occi-
dent. Cliarlemagne garda jus(|u'à la fin toutes ses con-
quêtes, et quitta le jeu de la vie sans avoir rien rendu du
fruit de ses victoires. Le joueur qui se retire les mains
pleines fait comme Charlemagne, il tait Charlemagne.
Le fil3 du grand empereur n'eut pas autant de bonheur
que son père. Louis-le-Picux ne /il pas Charlemagne, et ses
successeurs pas davantage. C'est justement ce contraste
qui doit avoir donné naissance à cette expression assez
poétique.
Et elle se présentait naturellement, puisque l'un des
quatre rois du jeu de cartes porte le nom de Charle-
magne.
Maintenant cette explication est-elle la vraie?
J'en doute fort, et je vais vous dire pourquoi :
1° ^^'auteur de cette expression, qui était Français, a
di^i, pour la créer, se laisser guider par l'analogie. Or,
je ne crois pas que, dans notre langue, le comme d'une
expression semblable à faire comme Charlemagne
puisse jamais s'ellipser, attendu que ce mot est tout-à-
fait essentiel dans la phrase, en sa qualité de terme de
comparaison. Par conséquent faire Charlemagne ne
signifierait point faire comme Charlemagne.
2" Lorsque nous exprimons par faire le sens du
verbe imiter suivi d'un nom propre, nous employons
toujours l'article défini devant ce nom ; ainsi nous
disons :
Il fait le Crésus.
11 fait le Rodomont.
11 fait le Fierabras.
Or, il n'y a point de tel article dans faire Charle-
magne; d'où il suit que cette expression ne peut guère
vouloir dire imiter Charlemagne : c'est faire le Char-
lemagne qui signifierait cela.
Toutefois, comme messieurs les joueurs ne se piquent
nullement de connaître à fond les lois de la syntaxe ni
de les respecter, et que, d'ailleurs, il peut se faire
qu'on ait dit d'abord faire le Charlemagne, je me
garderai bien, tant que je serai dépourvu de témoi-
gnages écrits, de m'inscrire en faux contre l'explica-
tion qui précède.
X
Seconde Question.
Je profite de l'occasion pour vous prier de me dire
ce que vous pensez de cette phrase : « Paul et Jdlien
COÎiNAiTRAIEM LA SOCIÉTÉ QC'lLS BOIRAIENT PLUS d'EAD QUE
DE VIN. » Malgré sa forme irrcguliére, je la crois cepen-
dant exacte.
Dans notre langue, toute phrase conditionnelle com-
mençant par quand mi'me, lors même que, ou même si
peut se tourner d'une manière remarquable en obser-
vant la règle suivante :
L'expression conjonctive se supprime, le verbe qui la
sait se met au conditionnel ou à l'imparfait du sub-
jonctif, avec la forme interrogative ou affirmative à
volonté, puis un que se place devant le verbe principal.
Ainsi ces phrases :
Quand même les avares auraient tout l'or du Pérou, ils
en désireraient encore.
A ce point de vue, la doctrine du progro.«, quand même
elle serait une illusion, nous devrions la bénir.
Quand même le christianisme périrait, Saint-Pierre reste-
rait encore le temple éternel, rationnel de la religion quel-
conque, etc.
Lors même que la pièce n'aurait pas été interdite comme
elle le fut, elle n'aurait pas réussi davantage.
ont été exprimées sous la l'orme qui suit par leurs au-
teurs respectifs :
LE COURRIER DE VAUGELAS.
27
Les avares auraient tout l'or du Pérou, îk'iIs en dési-
reraient encore.
(Cité par Girault-Duvivier.)
A ce point de vue, la doctrine du progrès fût-elle une
illusion, que nous devrions la bénir.
(Eug. Pelletan, le Monde marche, p. 18.)
Le christianisme p^nYa/Vjue Saint-Pierre resterait encore
le temple universel, éternel, rationnel delà religion quel-
conque qui succéderait au culte du Christ.
[Lamartine. Gr-a^iella, p. 18. J
La pièce n'eût pas été interdite comme elle le fut i?i(elle
n'eût pas réussi davantage.
(Jules Claretie.)
Or, la phrase que vous me proposez peut recevoiruii
tour identique à celui des premières que j'ai citées
plus haut, tour qui est celui-ci :
Quand même Paul et Julien connaîtraient la société, ils
boiraient plus d'eau que de vin.
J'en conclus naturellement que, loin d'être irrégu-
lière comme vous le dites, cette phrase celle que vous
me donnez à apprécier) est. au contraire, dune cons-
truction parfaitement conforme à la règle.
X
Troisième Question.
Je i-otts serais très-obligé de vouloir bien m'expliqunr
comment le verbe penseu a pu arriver à s'employer im-
personnellement comme dans cette phrase trouvée dans
GiL Blas : « Camille et don Raphaël lui donnèrent
une si forte envie de rire, quw. en pensa coûter la
vie au vieux goutteux. »
Au passé et suivi d'un infinitif, le verbe penser
s'emploie fréquemment avec le sens de courir le danger,
le risque dr ; ainsi on dit :
Il a pense mourir (il a été sur le point, il a couru le dan-
ger de mourir).
11 a pensé tomber (il a couru le risque de tomber).
Mais coitrir le risque, le danger de se dit aussi man-
quer de; pour cette raison penser s'est employé, dans
les mêmes circonstances, comme synonyme de ce der-
nier, et cela, en parlant des choses tout aussi bien que
des personnes :
(En parlant des personnes;
Je pris certain auteur autrefois pour mon maître ;
Il pensa me gâter; à la fin, grâce aux dieux, etc.
(La Fontaine, Notice.)
Ce chien, voyant sa proie en l'eau représentée,
La quitta pour l'image, et se pensa noyer.
(Idem, fnble VI. 7.)
(En parlant des choses)
Madame de Vins est encore ici, les autres à Pompone;
leur hôtel de Paris a pcyisé brûler.
(SévignéA Butty, Sjanv. 1689.)
C'était à elle à qui elle écrivait ces lettres si étranges que
le roi vit et qui la pensèrent perdre à la mort de Mon-
sieur.
(Saint..Simon, 357, 3i5.)
La fatigue et sa blessure lui causèrent une fièvre avec un
transport au cerveau qui pensa l'emporter.
(Lesage, Gil Blns, p. 137.)
Or, comme le verbe manquer suivi d'un infinitif
peut très-bien s'employer impersonnellement dans ce
cas, il en a été naturellement de même pour son syno-
nyme/;e??«e/-, comme en font foi ces citations, indépen-
damment de votre propre phrase :
M. Bianchini ne manqua pas de sentir toute la joie d'an
antiquaire et de se livrer à sa curiosité; il pensa lui en
coûter la vie; il allait tomber de quarante pieds de haut
dans ces ruines.
(Fontenelle, Binnchiiti,)
Il pensa bien y avoir en Orient à peu près la même révo-
lution qui arriva, il y a environ deux siècles, en Occi-
dent.
(Montesquieu, Rom., aa.)
X
Quatrième Question.
Comment se fait-il que notre langue ait deu.r noms
de tiombre ordinaux, second et deuxième, correspondant
à DEUX, tandis quelle n'en a qu'un pour chacun des
autres nombres cardinaux?
En latin, tous les noms de nombre ordinaux, depuis
et y compris dix, se terminaient par imus. Cette termi-
naison prit en français la forme ime, isyne, iesme [de-
venu ième), laquelle, jointe à nos noms de nombre car-
dinaux, donna les ordinaux :
El disme meis, el dlsme jur del meis, vint Nabugodo-
nosor, li reis de Babilonie à tute se ost à Jérusalem.
{Rois. p. 434.)
Mais cil dedenz tindrent la cited jesque al unzime an lu
rei Sedechie.
(Idem.)
Al quarantimein pois que David vint à Achimelech.
(Idem, p. i73.)
Quant aux numéraux ordinaux au-dessous de dix
excepté septimvs, qui avait la même finale que ceux
qui surpassaient ce nombre , c'est-à-dire primus, se-
cundus, tertius, quartus, quintus, sexlus, octavus et
nom/s, ils ont donné prime, second, tiers, quart, quint,
siste, octave, none, comme le montrent ces exemples:
Pramis out riches duns e la maistre cunestablie à celi
ki primes en la cited enterreit.
(Rois. p. |37.)
La seconde bataille fistQuesnesde Bethune... la tierce flst
Payens d'Orliens..., la quarte flst .\nseaus de Caïeu; et
Baudoins de Biauvoir la quinte; Hues de Biaumes fist la
siste.
(Villehardouin, éd. P. Paris, paragr. 161 )
Ces lestres furent faites à Namur le mercredy après la
feste sainct Barnabe l'apostre, an l'an del incarnacion
Nostre Signor m. ce. et xlvii, en l'oitaue an de nostre
empire.
(Du Chesne, Hist. gén. des D. de Bourç., Preuves, p. 139.)
Et dura le poingneis [combat] du soleil levant jusqu'à la
none [sous-ent. heure].
(Hayton, la Fleur des hist., cité par Roquefort, art. None.)
Or, le plus grand nombre des adjectifs ordinaux
étant terminés par ime, i.tme, on donna, par imitation,
cette môme finale à ceux qui ne l'avaient pas reçue
directement du latin; on fit unième (après un autre
nom de nombre!, deuxième, troisième, quatrième, cin-
quième, sixième, septième, huitième, neuvième, qui,
dès le XII" et xiii" siècle, s'employèrent concurremment
avec second, tiers, quart, quint, siste, octave et nône :
Si aucuns estoit rateiz faccuséj d'omicide, et tesmOigtie*
n'f'Stoit, lui vint-unismc se discolperolt.
(Hixt. dr M11I-!. p«r les Bénéd , t. III. Preo» p. i^-j.)
28
LE COURRIER DE VAUGELAS.
La cinquime plaie receut-i! quant ses espiriz en fut jai
aleiz.
iSerm* de Saint-Bernard, p. 54o.)
Lors se herbergierent au shiesme jor en un moût bieau
lieu, lès un ohastel qu'on apele le Franc.
(Villehardouin, éd. F. Paris, par.igr. l6ï.)
L'iulime, par iteil devise,
Quant par sa sainte Anoncion
Dou Saint-Esperit fus emprise;
La nuevime t'asompsions.
(Rutebeuf, t. II, p. |7.)
Puis la terminaison ième [ime, isme) flnit par l'em-
porler; neuviùme, huitième et sixième remplacèrent
complètement none, octave et siste; cinquième, qua-
trième et troisième remplacèrent quint; quart et tiers
(qui ne sont plus employés que comme adjectifs dans
certaines expressions consacrées : le tiers-état, la
fièvre tierce, la fièvre quarte, Charles-Quint, Sixte-
Quint], et, de ces mots d'origine latine, il ne nous est
plus resté que second, dont l'emploi a persisté jusqu'à
nos jours, malgré la forme régulière de deuxième, son
compétiteur.
Telle est la raison pour laquelle le nom de nombre
deux a un double correspondant ordinal en français.
Cinquième Question.
Quelle est l'éttjmologie du mot choucroute? Est-ce
que ce serait croûte pour croûton : croûton de chou?
Voilà un de ces cas où il faut bien se garder de
juger sur l'apparence.
Le mot choucroute est la corruption du mot allemand
sauerkraut, composé de sauer, adjectif signifiant sur
(aigre) et de kraut, substantif signifiant herbe, et se
prenant aussi pour chou. De sorte que, dans le terme
français en question, chou n'a rien de commun avec
le légume ainsi appelé, et croûte n'est point de la
famille de croûton.
ÉTRANGER
Première Question.
Voudriez-vous bien me dire ce que signifie littérale-
ment l'expression il n'i i. pas mèche? car je ne puis
comprendre, en m'aidant de tous les sens du mot
MÈCHE, comment cette expression peut signifier il n'ï a
PAS MOYEN.
Je crois que, dans cette expression, le mot mèche
n'est autre que l'italien mezzo, moyen, pourvu d'une
terminaison française.
En effet, la phrase il n'y a pas moyen de faire cela
se dit au-delà des Alpes :
Non c'è mezio di far la tal cosa.
Or, mezzo, qui se prononce tneizo en italien, a par-
faitement pu, à l'époque où il était de mode d'italia-
niser la langue française, sonner chez nous d'abord
messe et ensuite mèche, la consonne finale s ayant été
fréquemment prononcée comme ch (on a dit parroche
pour paroisse, semenche pouv semence, mercherie pour
mercerie, etc., et, au xvi'' siècle, on disait capuchin
pour capucin) .
D'ailleurs, je trouve dans le Glossaire du centre de
la France que le mot miche s'emploie pour mi (moitié),
médium (moyen). Le mot qui diffère si peu de mèche
et qui a la même signiQcation que mezzo, ne vient-il pas
démontrer que mèche a bienjnesso pour élymologie?
X
Seconde Question.
Peut-on employer le mot artisane comme féminin de
ARTISAN? Les dictionnaires que je possède n'indiquent
pas ce féminin; mais il me semble aussi naturel que
paysanne, qui est celui de paysan.
M. Littré fait la remarque suivante :
L'Académie ne donne pas le féminin artisanc. Cependant
les lexicogi-aplies réclament l'enregistrement de ce mot,
qui en effet se dit : une artisane, la femme d'uu artisan ;
la classe artisane, la classe des artisans. Dans les anciens
dictionnaires, on trouve noté que artisane ne se dit qu'au
figuré : la sagesse est l'artisane de toutes choses.
D'un autre côté, j'ai trouvéces exemples dans Larousse
{Grand Diction, du xix^ siècle) :
Dans la pastorale d'aujourd'hui, les ariisanes remplacent
les bergères.
(H. Rigault.)
Habituez-vous à l'idée de vous suffire, comme d'honnêtes
artisanes doivent et peuvent le faire.
(George Sand.)
Elle est née au Croisil, et se nomme Suzanne,
Or, un noble l'épou.se, elle, simple artisane.
(Brizeuv.)
Cela m'autorise à croire qu'aujourd'hui le mot arti-
sane peut s'employer dans le sens propre, et que s'il n'a
pas été enregistré dans l'édition de l'Académie parue
en 1835, il le sera très-certainement dans celle qui
se prépare depuis quelques années.
X
Troisième Question.
Est-il permis d'employer rien que pour seulement,
comme dans cette phrase : « Nous déclarons être fort
humiliés rien qu'a /« pensée que nous avons failli
obtenir quelque chose » ; et, dans l'affirmative, com-
ment expliquer l'équivalence de ces expressions ?
L'expression rien que s'emploie très-bien pour seule-
ment, à la seule condition d'être précédée de la négative
ne quand rien est régime direct :
[Rien remplit ce rôle)
Il s'aperçoit qu'il n'a. tiré
Du fond des eaux rien çit'une bète.
(La Fontaine, fable IV, 7.)
Et plusieurs qui tantôt ont appris mon martyre
Bien loin d'y prendre part, «'en ont rien fait jue rire.
(Molière, Kgan., 16.)
Ce qu'il avait vu arriver à tant de sages vieillards, qui
semblaient n'être plus rien que leur ombre propre, le ren-
dait continuellement attentif à lui-môme.
(DoMuet, It TtUier.)
LE COURRIER DE VAUGELAS.
29
I
{liirn n'est pas régime direct;
Rien que d'y penser, je gage
Qu'il meurt presque en ce moment.
(Déranger, Bill d'enlerr.)
Il les domine tous rien que par ses tombeaux.
(V. Hugu, Ùil,!, m, 5.)
Quanta lexplication de cette équivalence, elle n'est
pas difficile adonner. En effet, soit la phrase suivante :
J'ai seulement quelques livres.
On peut la tourner par cette autre :
Je n'ai rien autre que quelques livres,
laquelle peut se réduire à ces termes, par une ellipse
qui se pratique fréquemment :
Je n'ai rien que quelques livres.
D'où il résulte que, au point de vue de la construc-
tion, l'expression rien que équivaut à l'adverbe seule-
ment.
PASSE-TEMPS GRA.M.MATIGAL.
Corrections du numéro précédent.
!• ... Me.ssieurs, dit-it en commençant d'une "voix forte [voir
Courrier de Vaugelas, b' année, p. 51, 153 et 186;; — 2° ... ni
la séduisante somnambule ni moi ne serons [quand le sujet se
compose de mots de différenics personnes, le verbe se met au
pluriel et à la personne dont le chiffre d'ordre est le moins
élevé]; — 3" ... ne s'est p.HS laissé arrêter [la commission n'arrê-
tait pas; voir Courrier de Vaugelas, 'i' année, p. 25|; —
4* ... que la cessation prompte [cession est le substantif qui
correspond au verbe céder]; — 5° ... que j'ai lit depuis célébrer
comme [participe invariable, parce que les gens ne célébraient pas] ;
— 6° ... que leur vigilance /i était faprés le que qui suit un
comparatif d'Inégalité, on emploie la négative ne] ; — 7" ... qu'ils
s'entendissent les uns les autres l'imparfait du subjonctif à
cause de voudrait, et les uns les autres, parce qu'il s'agit d'une
action réciproque]; — 8- ... il est à craindre que les mêmes
menaces ne soient faites ; — O" ... la belle Lydia, revenue de Per-
pignan [voir Cown/c;- rfe Vaugelas, 5' année, p. 172]; — 10° ...
des deux jeunes caissiers in/idéles [l'expression en rupture de
caisse ne vaut pas mieux que en rupture de collège apprécié
dans le Courrier de Vaugelas, ï' année, p. 13].
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1* Ce voyage, dit la Presse, ne laisse pas que d'exercer
une influence considérable sur les relations intérieures de
l'empire.
2* Sur quatre-vingt-six préfets, deux ont protesté contre
l'affirmation de la République formulée, dans l'Allier et
l'Eure-et-Loir, par les présidents des conseils généraux.
3° La famine s'est tout-à-coup manifestée dans le Durb-
hanga et dans le nord du Thibet avant que le gouverne-
ment ait pu faire parvenir aux populations de ce pays le
grain qu'il leur destinait.
4° Ou quand ils ont essayé de se créer des candidats à
eux, ils n'ont jamais osé leur permettre d'arborer franche-
ment leur cocarde.
5* Mais ce qu'un gouvernement régulier ne saurait tolé-
rer, c'est que l'armée prit part à des manifestations poli-
tiques, eussent-elles un caractère à moitié religieux.
6* On nous observe que beaucoup de nos abonnés sont
en villégiature.
7° Malgré ses 78 ans, Mgr de la Hailandière a supporté
la route sans aucune faiblesse. Dans cette journée,
l'honorable prélat n'avait pas marché moins de 14 kilo-
mètres.
8* De même que sur les planches il fut d'une race autre
que ceux qui l'entouraient, il avait conservé jusqu'à la
fin la folie et l'insouciance de celte belle génération de
1830.
9° Un petit homme, ressemblant comme deux gouttes
4'eau à M. Thiers, arrive pour voter : — Bravo! monsieur
■Thiers, crie quelqu'un.
10* Et, quelques profondes que soient les convulsions de
l'anarchie urbaine, tant que les populations rurales auront
voix au chapitre, le dernier mot leur restera.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVIl- SIÈCLE.
Gilles MÉNAGE.
(Suite.)
.S'il faut (lire Don Jouan d'Autriche, oh Don Jean
d'Autriche. — .\ la Cour, on dit ordinairement Don
Jouan d'Autriche; mais on peut fort bien dire aussi
Don .lean d'Autriche. Cependant, quand on « n'ajuste »
point d'.iutrichr. il est mieux de dire Don Jouan que
Don Jean.
Oii queyjour en quelque lieu que. — Cette façon de
parler se trouve dans plusieurs auleurs tant anciens
que modernes; mais nonobstant toutes ces autorités,
.Ménage la regarde comme vicieuse, et conseille aux
autres de ne s'en point servir.
.S'(Y faut dire les vacances ou les vacations. — A
Paris, on dit t-acationx en parlant des juridictions, et
vacances en parlant des collèges.
Noms de genre douteux. — Dans toutes les langues
il y a des noms de genre « douleus ». Voici la liste de
ceux qui le sont dans la notre 167'2] :
Ahijsme. 11 est incontestablement du masculin.
Affaire. Jadis il était du masculin, inais actuellement
il est féminin.
Aide. Masculin quand il signifie aide à «masson»;
mais féminin quand il signifie secours.
Aigle. Au propre, il est « masle et femelle ». Au
figuré, il est masculin en terme de blason : un aigle
becqué et membre; mais on dit les aigles romaines pour
dire ['Empire romain, quoique quelques-uns le fassent
masculin dans cette signification.
Alcôve. M. .Miton, un des hommes de France qui
«sait» le mieux la langue française, le croit mascu-
lin; Ménage le croit féminin.
Amour. Il était autrefois féminin ; depuis il a été des
deux genres, et aujourd'hui, dans la prose, il
n'est plus que masculin, soit qu'on parle de l'amour
divin ou de l'amour profane. En poésie, il est toujours
« hermaphrodite » bien que le masculin soit le plus
souvent employé.
30
.E COURRIER DE VAUGELAS.
Apsinthe. Malherbe l'a fait masculin et féminin.
Armoire. Les Gascons le font toujours masculin ; il
est absolument féminin.
Àutonne. Anciennement masculin, conformément au
latin aulumnns. On l'a fait du féminin depuis, et Mé-
nage le croit des deux genres.
Comète. Le genre de ce mol fut fort agité à la Cour
durant l'apparition de la dernière comète. Ménage pense
qu'il est du féminin quoique en grec et en latin il soit
du masculin.
Couple. Autrefois, tout le monde disait îinr couple de
pigeons, une couple de tourterelles comme plusieurs le
disent encore (1672). Aujourd'hui, on dit plus commu-
nément u» couple de pigeons, un couple de tourterelles.
Les chasseurs disent aussi un couple de chiens non-
seulement de deux chiens attachés ensemble, mais
aussi du lien qui les attache. On dit toujours un couple
d'amants.
Dot. Vaugelas veut qu'on dise le dot, comme aussi
d'Ablancourt; l'avocat Patru dit toujours la dote avec
un e final, donnant pour raison qu'il n'y a aucun nom
en ol dans notre langue qui sonne ote; mais Ménage
est d'avis que l'on continue à dire la dot.
Doute. Ce mot a d'abord été féminin, car il vient du
latin barbare dubita; mais il n'est plus aujourd'hui
que masculin.
Ebéne. Il est fait du féminin par tous les ébénistes.
Enfant. En parlant à une jeune fille, on dit depuis
quelques années ma belle enfant, ma chère enfant.
Epigramme. Ce mot est des deux genres.
Foudre. Au figuré, il est toujours masculin; au
propre, on le fait le plus souvent féminin.
Fourmi. Tous les auteurs modernes le font du fémi-
nin, mais le peuple le fait toujours du masculin.
Garderobe. Pour désigner une petite chambre, fémi-
nin. Pour désigner une toile que les femmes et les
petits enfants portent pour conserver leurs habits,
masculin.
Gens. Masculin dans la signification de domestiques,
de soldats, d'officiers de justice; mais dans celle de per-
sonnes, il est féminin si l'adjectif le précède, et mascu-
lin s'il le suit. Toutefois, il y a une exception pour
tout : quand le mot gens le suit, ce mot est toujours
du masculin : tous les gens de bien, tous les honncstes
f/ens.
Horloge. Les Normands le font masculin : la rue du
gros horloge; et c'est aussi de ce genre que le font les
Gascons et les Provençaux; mais il est féminin.
Ihimne. Beaucoup d'auteurs l'ont fait, masculin.
D'après Ménage, il est des deux genres.
Idole. U est féminin, quoique plusieurs l'aient fait
masculin.
Afinuit. Il a été autrefois des deux genres; il n'est
plus que du masculin.
Navire. Vaugelas soutient que ce serait faire une
faute que de l'employer au féminin. Ménage dit que ce
n'en serait pas une en vers, car, attendu que la poésie
aime les locutions extraordinaires, il s'y emploie mieux
qu'au masculin.
Œuvre. Vaugelas dit qu'au pluriel et dans le sens
d'action, il est toujours féminin ; cependant on dit aussi
le grand œuvre pour signifier \3. pierre philosophale.
Opuscule. Amyot a dit : Fin de tous les opuscules de
Plutarque. Nous dirions présentement (1672) de toutes
les opuscules.
Oratoire. Vaugelas le veut masculin ; mais s'ap-
puyant sur les mots escritoire et armoire, de même
terminaison, qui sont féminins, beaucoup de personnes
le font du féminin.
Ordre. Vaugelas veut qu'on dise les saintes Ordres
et les Ordres sacrez. 11 se trompe ; ordre est actuelle-
ment toujours masculin.
Orgue. Masculin au singulier et féminin au pluriel.
Personne. Il est masculin, quand il signifie nul,
comme dans personne n'est icy venu, et il est aussi
masculin en quelques endroits dans la signification de
personne.
Reguelice. On dit du reguelice et de la reguelice; ce
dernier est le meilleur comme plus conforme à l'origine
gbjcyriza.
Reste. Il est masculin, excepté dans l'expression à
toute reste, comme l'a fort bien remarqué le P. Chiflet.
Sphinx. Les uns le font masculin, les autres fémi-
nin, d'où l'on peut conclure qu'il est des deux genres.
Constructionsbizarreset irrégulières. — Aux exemples
de locutions établies contre la règle que cite Vaugelas,
.Ménage en ajoute quelques autres; ainsi au lieu de
ayant fait la revue de ses troupes, il trouva une partie
de ses hommes morts et le reste se sauva par la connois-
sance qu'ils avoient du pays, il faudrait dire, pour
parler régulièrement : il trouva une partie de ses
hommes morte, et par la connoissance qu'il avoit du
pays : mais ce serait parler « alleman » en français que
de s'exprimer de la sorte.
La voicy qu'elle vient. — Mauvaise expression qu'a
employée Racan ; il faut dire la voicy qui vient.
Couvent et couvent. — La plupart des religieux
disent et écrivent convent, à cause du latin convcntus.
.Mais il faut dire , couvent , mot dont nous avons
changé \'n en u comme dans couster, de constare; dans
époux de sponsus; dans cousu, de consutus; dans mou-
ceau, de monticellus.
S'il faut dire Joiier à boule vue ou Joiier à bonne
vue. — Pasquier et Henri Estienne veulent qu'on dise
joiier à bonne vue; mais ils se sont mépris. Il est cer-
tain qu'il faut dire joiier à boule vue. C'est ainsi que
tout le monde a toujours parlé et parle encore mainte-
nant. Mais il y a une différence entre ^owe;- à boule vue
et faire quelque chose à boule vue : le premier signifie
sûrement, et le second, à la légère, inconsidérément,
sans y avoir pensé, ce qui est un sens contraire.
(£a suite au prochain numéro.)
Lf. RKUACTEOii-GiiBiNT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
31
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
La Vraie Marie-Antoinette, d'après la correspon-
dance secrète; par Georges Avenel. 2" édition In-32,
117 p. Paris, lib. Illustrée. '
Paris, sfs organes, ses fonctions et sa vie dans
la seconde moitié du XIX» siècle ; par Maxime Du
Camp. S" édition. T. ] , 2, 3 et U- In-18 Jésus, 16/i4 p.
Paris, lib. Hachette et Cie. Cliaque volume 3 fr. 50
Les Sabotiers de la Forêt-Noire; par Emmanuel
Gonzalès. \n-U° à 2 col., 70 p. Paris, bureau du Siècle.
1 fr. 20.
Le Vieux pilote; par Henri Guénot. Gr. in-8°, 325 p.
et grav. Limoges, lib. Barbou frères.
De la Loire aux Pyrénées; par la comtesse de La
Grandville. Gr. in-8°, 320 p. et grav. Paris, lib. Lefort.
U fr.
Histoire de la Bastille depuis sa fondation ()37i)
jusqu'à sa destruction (1789). Ses prisonniers, ses
gouverneurs, ses archives, détails des tortures et sup-
plices usités envers les prisonniers, etc. ; par Auguste
Maquet, A. Arnould et Alboize. 61= à 135« livraisons (fini.
In-Zi" à 2 col., /i81-781 p. Paris, lib. Bunel. 10 centimes
la livraison.
Le Roman d'une jeune fille (1770-1794); par
Ernest Daudet. 2= édition. In- 18 Jésus. 381 p. Paris, lib.
Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Histoire de l'Amérique du Sud depuis la conquête
jusqu'il nos jours; par Alfred Deberle. ln-18 Jésus.
vii-388 p. Paris, iib. Germer Baillière. 3 fr. 50.
Madame Des Grieux; par Léonce Dupont. In-18
Jésus, \\-^9l p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Comment on aime; par Etienne Enault. ln-û° à 2 col..
200 p. Paris, bureau.\ du Siècle. 2 fr. 50.
Le Dragon rouge; par Léon Gozlan. In-i" à 2 col..
81 p. Paris, bureaux du .Siècle. 1 fr. 2U.
Mémoires du comte de Grammont, histoire amou-
reuse de la cour d'.Angleterre sous Charles II; par
Antoine Hamilton. Réimpression conforme à l'édition
princeps (1713). Préface et notes par Benjamin Pifteau:
frontispice, 6 eaux-fortes par J. Chauvet, lettres, fleurons
et culs-de-lampe par Léon Lemaire. In-8". xxxii-307 p.
Paris, lib. Bonnassies. 20 fr.
En Karriole à travers la Suède et la Nor-wége ;
par Albert Vandal. Ouvrage enrichi de gravures sur bois
dessinées par L. Breton, d'après des photogr. et des
croquis. In-18 jésus, ZiOl p. Paris, lib. Pion et Cie. U fr.
L'Ami Fritz; par Erckmann-Chatrian. In-18 jésus.
35i p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr.
Publications antérieures ;
AVENTURES PRODIGIEUSES DE TARTARI.N DE TA-
RASCOiN. — Par Alpho.^se D.\udet. — Paris, E. DeiUu,
éditeur, libraire de la Société des Gens de lettres, Palais-
Royal, 17 et 19, galerie d'Orléans. — Prix : 3 fr.
LACRYM.E RERUM, MELODIES I.NTIMES. — Poésies,
par Lucien P.\té. — 2 vol. in-18 jésus. — Paris, librairie
des Bibliophiles, 338, rue St-Honoré. — 2 fr. le volume.
LES PETITS DRAMES RUSTIQUES, scènes et croquis
d'après nature. — Par F. Fertiault. — Paris, librairie
académique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35, quai
des Augustins. — Prix : 3 fr,
LES DANSEUSES DU CAUCASE. — Par Eni.maisuel
Gonzalès. — Illustrations de Ed. Yon.- — Paris, E. Dentu,
éditeur, libraire de la Société des Gens de lettres. —
Palais-Royal, 15-17-19, galerie d'Orléans. — Prix:
3 fr. 50.
MADELEINE. — Par Jlles Sandeau. — Ouvrage cou-
ronné par l'Académie française dans sa séance du
22 juillet 18Ù7. ■— Paris, Charpentier et Cie, libraires-
éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germaiu. — Prix :
3 fr. 50.
MADEMOISELLE DE MAUPIN. — Par Théophile Gau-
tier. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier et Cie,
libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
MANUEL ÉLÉMENTAIRE DE MORALE à l'usage d6S
écoles primaires et des cours d'adultes. — Par Ch. PomsON.
— Ouvrage couronné par la Société pour l'i:istruction
élémentaire. — Prix : 50 centimes. — Paris^ librairie de
l'Écho de la Sorbonne, h!i. rue des Ecoles.
L'ART ET LES ARTISTES FRANÇAIS CONTEMPORAINS.
— Par Jules Clahetie. — Paris, CharpeiUier et Cie,
libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-St-Germain. .
Prix : 3 fr. 50.
ETUDES SUR L'ANCIENNE FRANCE, histoir-;^^ mobubs.
INSTITUTIONS d'après les documents conser-^^g jj^^, jp^
dépôts des archives. — Par Félix Ro'-^q^.^^,^ _ p^^jg
librairie académique Didier et Cie ^ libraires-éditeurs'
35, quai des Augustins. — Prix : 3 fr. 50
MANETTE SALOMON. — Par Ed.n'^^„ g^ Jules de Gos-
couRT. -- Nouvelle édition. — P-^rJs^ Charpentier et Cie,
libraires-éditeurs, 13, rue de^ Grenelle-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
PAYSAGES DE r^^^ g^ FLEURS DES PRÉS. — Une
idylle norman'^e, _ par Anoré Lemoyne — Paris, Sando:
cl t^ischj:,acher , éditeurs, 33, rue de Seine. — Prix : 3 fr.
PROVEP.BES DU PAYS BÉARN, eniumes et contes po-
pulaires. — Recueillis par V. Lespy, membre de la
Société pour l'étude des langues romanes. — Paris, Mai-
sonneuve et Cie, libraires-éditeurs. 25, quai Voltaire.
32
LE œURRIER DE VAUGELAS.
COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — En vente
au bureau du Courrier de Vaugelas , 26 , boulevard des
Italiens. ~ On peut encore se procurer la W, la 5= et la 6°
année. — Réimpression des cinq premières mmëes anssitôt
que sera atteint le chift're demandé par la souscription
que le Rédacteur vient d'ouvrir.
LES OUBLIÉS ET LES DÉDAIGNÉS, figures de la fin
du xvui" siècle. — Par Chari.es Monselet. — Nouvelle édi-
tion définitive. — Paris, Charpenlier ci Cic, libraires-édi-
teurs, 13, rue de Grenelle-St-Germain — Prix : 3 fr. 50.
ALISE D'EVRAN. — Par André "Lemoyne. — Paris,
Sando: et Fischbacher, éditeurs, 33, rue de Seine. —
Prix : 2 fr.
OPULENCE ET MISÈRE. — Roman américain, traduit
par Mme Henriette LonnEAU. — Paris, librairie Hachelle
et Cie, 79. boulevard St-Germain. — Bibliothèque des
meilleurs romans étrangers. — Prix : 1 fr. 25 cent.
LES CAHIERS DE SAINTE-BEUVE, suivis de quelques
pages de littérature antique. — Paris, Alphonse Lemerre,
éditeur, 27-31, passage Choiseul. — Prix : 3 fr.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — MARINS. —
Par Eoou.iRD Gœpp, chef de bureau au Ministère de l'ins-
truction publique, et Henri Maunoury d'Ectot, ancien
capitaine au long cours. — Orné de deux portraits. —
Ou QuESNE, TouRviLLE. — Parls, p. Ducroc, libraire-édi-
teur, 55, rue de Seine. — Format anglais, broché : 3 fr.
COURS DE LITTÉRATURE SPÉCIAL prépahato[re au
BREVET supÉRiEDR. — Par M""! Th. Brismontier, professeur
spécial pour la préparation aux examens, répétiteur des
premières classes de latin et de grec. — Ouvrage adopté
à la maison de Saint-Denis, et auquel la Société libre
d'instruction et d'éducation populaires vient de décerner
une médaille d'honneur et la médaille d'or offerte par
M. de Larochefoucauld , président honoraire de cette
Société. — Paris, chez l'auteur, 1, place Wagrara. .
A TRAVERS LES MOTS. — Par Charles Rozan. — Un
joli volume format anglais de i50 pages, imprimé par
J. Claye. — Comprenant les Etofles, les Académies, les
Cartes et les Echecs, les Devinettes, la Barbe, les Danses,
le Calendrier, les Pierres précieuses, les Meubles, les
Petits meubles, les Titres de noblesse, les Petits poèmes,
et donnant l'étymologie de plus de 900 mots. — Prix
broché : 3 fr. 50.
CONCOURS LITTERAIRES.
La Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne', pour le concours de 1877, doit décerner une
médaille d'or de 200 francs à la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc) ; — une médaille d'or de
la valeur de 100 francs à la meilleure pièce de genre {conte, ballade, fable, etc.); — une médaille d'argent de la
valeur de 50 francs au meilleur groupe de trois sonnets. — Des médailles de bronze pourront être accordées aux
poètes qui auront obtenu des mentions très-honorables. — Les sujets de ces compositions sont laissés aux choix des
concurrents. — Les manuscrits devront être adressés, francs de port, au Secrétaire général de la Société, à Mon-
tauban, avant le I"' février 1877, terme de rigueur. — Chacun d'eux devra porter une épigraphe qui sera répétée sur
l'enveloppe d'un billet cacheté, contenant le nom et l'adresse de l'auteur. Ce billet ne sera ouvert qu'après le juge-
ment, et seulement pour les ouvrages admis ii concourir. — Les prix seront décernés dans la séance publique qui
suivra la remise des manuscrits.
La Société d'éducation de Lvon a mis au concours pour 1876 le sujet suivant : Préciser ce que peut et doit faire
l'insliluleur primaire, en ce qui concerne l'éducation de ses élèves; indiquer par quels moyens il accomplira le mieux
celte partie de sa tâche. — Le prix sera de 500 fr., décerné dans la séance publique de 1876, sous le nom de Prix de
la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le l^'' Septembre prochain, à M. Palud,
libraire, 4, rue de la Bourse, à Lyon.
Académie des Poètes. — Les écrivains encore étrangers à l'Académie des poètes, qui voudraient prendre part au
concours ouvert pour la X" Olympiade, devront adresser franco cinq poésies inédites à M. Élie de Biran, archiviste
de la Société, rue des Missions, 22. à Paris. — Ces poésies' ne doivent point toucher à la politique, elles ne doivent non
plus rien renfermer d'immoral, d'irréligieux ou de diffamatoire. — Un grand nombre de médailles de vermeil, d'argent
de bronze, de divers modules, seront décernées à la suite de ce concours.
RENSEIGNEMENTS
A l'usage des Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
ACENCES AUXQUELLES ON PEUT s'aDKESSER :
A Paris : M. Pelletier, 19, rue de l'Odécn; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin; —
A Londres, M. Bisson, 70, Berners Street, W.; — Miss Gray, 35, Baker Street, Portman Square; — A Livebpool :
M. le prof. Ilusson, Queen's Collège — A New-York : M. Schermerhorn, Zi30, Broom Street.
Journaux dans lesquels on peut faire des anno.nces :
{.'American Rfi/isler, destiné aux Américains voyageant en Europe; — le Caliqnanïs Afessenger, reçu par nombre
d'Anglais (jui habitent en France; — le Wekker, connu par toute la Hollande; — \e .lournal de Saint-Pétersbourg, très-
répandu en Russie; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. Hartwick, 390, rue Sl-Honoré, \ Paris, se charge des insertions.)
M. Kman .Martin, lludactenr du ('oiiuiueii de Vauceus, e.st visiMe à ^on bureau de Irais à cinq heures.
Imprimerie GOUVKRKKUK, 0. DAUl'ULBV A Nogent-le-Rotrou.
7" Année
N» 5.
1" Août 1876
QUESTIONS
GRAMMATICALES
I. E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le !•* et le 15 de chaque mola
(Dans sa séance du \2 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'AcaJémie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
La Commission chargée d'examiner les ouvrages pro-
posés pour élre donnés en prix dans les Ljcées et les
Collèges et introduits dans les Bibliothèques des quar-
tiers vient d'admettre la collection des six premières
années du Courrier de Vaur/elas.
SO.M.MAIRE.
Communications relatives à Air de vent et à la prononciation
de oi dans certains mots; — Elymologie de Vaudeville; —
Différence entre Demander à et Demander de: — Orthographe
de Sadducéen ; — D'où vient S'il lui arrivait quelque chose ||
Explication de .1 propos de bottes; — Pourquoi des noms de
métier en ier et d'autres en er; — Si Aidant est adjectif dans
Dieu aidant || Passe-temps grammatical. || Suite de la biogra-
phie de Gilles Ménage. || Ouvrages de grammaire et de
littérature. || Concours littéraires. || Renseignements ofTerls
aux étrangers.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
1.
J'ai reçu la lettre suivante, à propos de ce que j'ai
dit sur le mot air dans un numéro précèdent :
Paris, 20 Juin 1876.
Monsieur,
Dans votre numéro du 13 de ce mois, à la 2" colonne de
la page 11, je trouve cette parenthèse : (comme dans air
de vent, qui fut d'abord écrit aire de vent), et je remarque
que, par cette mention incidente et donnée à titre
d'exemple, vous semblez admettre que le changement
d'orthographe auquel elle fait allusion serait légitime, en
ce sens du moins qu'il serait aujourd'hui définitivement
consacré par l'usage.
Or il s'agit là dune question qui a étéi en 1873, directe-
ment et explicitement discutée dans votre très-intéressant
journal. Vous aviez d'abord, dans le numéro du 1" avril,
condamné l'une et l'autre des deux orthographes ci-dessus
rappelées. J'ai eu l'honneur, par une lettre du 23 du même
mois, de vous exposer les motifs pour lesquels cette con-
damnation me paraissait, en ce qui concerne l'orthographe
aire, n'être pas parfaitement justifiée. Vous avez bien
voulu insérer ma lettre dans le numéro du I" juin, puis,
dans celui du 15, examiner de nouveau la question, et
vous y êtes arrivé à cette conclusion, que l'on pouvait
continuer â écrire aire de vent, mais que l'emploi de l'or-
thographe air de vent constituait un bel et bon barba-
risme.
Tout en trouvant cette dernière qualification quelque
peu sévère, je n'ai pu cependant que m'associer, au
fond, à la condamnation que vous avez alors maintenue,
et, comme la nouvelle mention que vous faites incidem-
ment aujourd'hui serait propre â faire penser, contre
votre intention sans doute, que vous avez cessé de la
maintenir, je crois qu'il serait vraiment utile qu'un de vos
plus prochains numéros renfermât quelque explication à
ce sujet.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considéra-
tion très-distinguée.
Un de vos lecteurs.
Pour expliquer comment aire, arrivé à la signiflea-
tion de manière, apparence, extérieur, avait pu prendre
la forme air, j'ai rappelé que l'expression maritime
aire de vent était devenue air de vent; mais je n'ai
nullement entendu lever ainsi la condamnation que
j'avais prononcée précédemment sur l'orthographe de
cette dernière expression : je me suis seulement seVvi
de air de vent comme d'un exemple pour montrer la
possibilité d'un fait semblable, et non moins regret-
table à mon avis, qui se serait produit sur une autre
acception du mot aire.
Il'
A la date du 6 juin dernier, j'ai reçu de Bar-sur-
Aube la communication qu'on va lire :
Monsieur,
Je suis loin d'être un érudit, et c'est exclusivement pour
recevoir des leçons que j'ai pris un abonnement au Cour-
rier de Vaugelas.
Permettez-moi cependant, une fois en passant, de hasar-
der une simple réflexion.
Vous dites dans votre dernier numéro (page 4), à propos
du mol ognon. qu'on ne prononce pas l'i de poignet, de
poignard, de poignée .. Sur quoi appuyez-vous cette affir-
mation? J'ai toujours, au contraire, entendu prononcer
poignard, poi-gnet, etc. Je trouverais bien peu logique de
dire : le pognard au poing.
Cette prononciation sans i est-elle celle de l'Académie et
34
LE COURRIER DE VAUGELAS.
des grammairiens, ou simplement celle de Paris-mode?
Dans ce dernier cas, je vous avoue que je l'adopterais
avec peine... Il est regrettable qu'en cela comme en tant
d'autres choses Paris fasse la loi à la France... Je sais bien
qu'on ne peut pas prendre des leçons de prononciation à
Saint-Flour; mais je voudrais au moins que ce fût le Paris
intelligent, le Paris des académiciens et des auteurs qui
réglât ces questions, et non cplui des modistes, qui pronon-
cent/escii, d'sir, méxlcme. mdndcon, etc.
Pardonnez-moi, Monsieur, et croyez-moi votre tout
dévoué serviteur.
Alphonse Baudouin.
Le Dictionnaire de l'Académie n'indique pas la pro-
nonciation des mois; mais il y en a d'autres, faisant
également autorité, qui la donnent, tels sont ceux de
Bescherelle, de Poitevin et de Liltré, pour ne nom-
mer que les principau.x.
Or, ces derniers enseignent qu'il faut prononcer
poignard, po'ifjnct, empoigner, etc., sans faire entendre
\'i; d'où il résulte que la règle que j'ai donnée est bien
celle qu'il convient de suivre.
Du reste, la non-prononciation de Vi dans ces mots
n'est pas un fait aussi illogique que M. .Mph. Baudouin
peut le penser. En ePTet, Génin a fait voir [Variât, du
layig. franc., p. 147 et suiv.) qu'autrefois on se ser-
vait de \'i pour modifier le son des quatre voyelles a,
e, 0, u, dont, probablement, la valeur primitive était
longue et fermée. Ainsi :
^'' On écrivait paihe, menaice, saige, raige, langaige,
et l'on prononçait p«f/we. menace, sage, rage, langage;
' 1" On écrivait sanglier, destrier, mestier, concilier,
rochier, et l'on prononçait .<««y/e, détré, mété, couché,
roche ;
3" On écrivait Ijois, témoin, besoin, poing, et l'on
prononçait bos, temon, beson, pong, etc.
4" On écrivait cuire, htiis, les Jui (les Juifs), -et l'on
prononçait cure, hus, les lu, etc.
Il vint un temps où l'usage de cet i, qui tenait lieu
des accents à l'époque. où ils n'existaient pas encore,
tomba en désuétude; on prononça généralement cette
voyelle où elle se rencontra; mais il n'en fut pas de
même dans tous les cas : le mot oignon et les autres
que j'ai cités eurent le privilège d'une exception, et
c'est ce qui fait croire à ceux qui n'ont pas étudié la
vieille langue que la prononciation de ces mots est
anormale, tandis qu'au contraire, elle est en quelque
sorte plus régulière que celle des mots où se fait en-
tendre un i que l'étymologie n'a point amené,
X
Première Question.
Dans une note (pie M. Edouard Fournier a mise à
la page 7 des r,iiv.N!-0NS di; Gai'i.tif.r G\iifiuii,i.f:, on
trouve cette opinion de l'éditeur qu'il lui « semble bien »
que VAUDEVILLE est dérive de voix-i>e-ville, nom (/u'nn
avait donné aux chan-ons avant de les appeUr aiks de
cooii. lîles-vous du même avis?
Ainsi que je vais vous le démontrer, vaudeville ne
vient i)as de voix-de-vit/e.
Vers le commencement du xV siècle, il y avait h Vau-
de-Vire, endroit situé non loin de la ville de Vire, en
Normandie, un foulon nommé Olivier Basselin, qui
composait des chansons, comme le dit, dans son Art
poétique (II), Jean Vauquelin, sieur de La Fresnaye,
père de M. Des-Yveteaux, précepteur de Louis XIII :
Je ne puis sans horreur, ouïr qu'au Vau-de-Vire,
Où jadis on souloit les belles Chansons dire
D'Ohvier Basselin, etc.
Le produit manufacturier de Mossoul, de Tulle, de
Barége, etc., a pris son nom de ces villes; il en fut de
même du produit littéraire de Vau-de-Vire, fait que je
trouve attesté par Charles de Bourgueville, dans ses
Antiquités de Caen, lorsqu'il dit en parlant delà ville de
Vire :
C'est aussi le pays d'où sont procédées les Chansons
qu'on appelle Vaux-devire.
Dans la Normandie, le mot vau-de-vire , au sens de
chanson, se conserva au moins jusqu'au commence-
ment du XVII'' siècle, car on le trouve dans La Fresnaye,
déjà cité, dont l'ouvrage a été publié à Caen, en 4(505 :
Chantant en nos festins, ainsi les Vaxix de Vire
Qui sentent le bon temps, nous font encore rire.
Mais il n'en fut pas ainsi dans le reste de la France ;
par le changement de /' en /, pratiqué encore à cette
époque, on a dit vau-de-ville au lieu de vau-de-vire,
comme le font voir ces exemples, qui sont du
xvi° siècle :
Icy dessuz sont nommez les com.mencements de plu-
sieurs chansons, tant de musique que de vau de ville.
{Recueil de farces, p. 3i6.)
Je n'ay, lecteur, entremesié fort superstitieusement les
vers masculins avecques les féminins, comme on use en
ces vaudevilles et chansons qui se chantent d'un mesme
chant par tous les couplets.
(Du Bellay, p. 96, dans Lacurne.)
Et sous cette nouvelle forme, le mot vau-de-vire,
chanson, est venu jusqu'à nous après avoir traversé le
xvii« et le xviii^ siècle :
Il y a des gens qui ressemblent aux vaudevilles, que tout
le monde chante un certain temps, quelque fades et
dégoûtants qu'ils soient.
(La Rochefoucaiilt, Maximes, 311. J
Elle entendait de tous côtés ces chansons et ces vaude-
villes, monuments de plaisanterie et de malignité, qui
semblaient devoir éterniser le doute où l'on affectait d'être
sur sa vertu.
(Voltaire, Louis XIV, .',.)
Il n'y a pas le moindre doute concernant l'étymo-
logie de vaudeville; ce mot dérive de Vau-de-Vire.
Maintenant, comment M. Ed. Fournier a-t-il pu sup-
poser que le mot en question venait de voix-de-ville'i
Je vais vous l'expliquer.
Indépendamment de l'altération de sa finale, le mol
normand vau-de-vire en subit une autre vers le milieu
du xvi" siècle : Dapselin, qui avait fait des chansons
pour son seul plaisir et celui de ses voisins, n'avait
pris aucune peine pour les répandre au loin, ce que le
peu de communications exislanles eût rendu d'ailleurs
fort difficile; ne sachant rien ou presque rien de l'ori-
gine de vaudeville, les musiciens et les autetirs qui
eurent à parler de chansons de ce nom écrivirent voix-
de-ville, comine en voici la prouve :
4° En I5GI, Aleman Layolle public à Lyon des « chan-
sons et voix de ville. »
LE COURRIER DE VAUGELAS.
35
2" Dans la préface, en dale du 15 avril i'Mi, d'un
Lirrc d'dir.t de Cour mis sur le luth, Le Roy, après
avoir rappelé à Madame la comlesse de Relz qu'il lui
avait déjà présenté « l'instruction d'asseoir toute
musique, facilement en tablature de luth, qui esloit
fondée exemplairement sur les chansons d'Orlando de
Lassus » ajoute :
Je me suis avisé de lui mettre en queue pour le secon-
der ce petit opuscule de cliansons de la cour beaucoup
plus legieres (c]iie jadis on appelait voix de ville, aujour-
d'iiui airs de cour.
3° Jean Chardavoine, de Beaufort en Anjou, fit iïn-
primer à Paris, en ibia, un livre intitulé :
Recueil des plus belles et excellentes Chansons en forme
de Voix de ville, tirées ae divers Auteurs, tant anciennes
que modernes.
4° Pierre de Saint-Julien, à la page 263 de ses
Meslanrjcs historiques, publiés en 1589, s'exprime en
ces termes :
Jusques aux Chansons vulgaires et Voix de villes (les
autres disent Vaux de villes), si on fait mention des Rois
de France, ce n'est pas sans épithète de leur noblesse et
actes valeureux.
Pendant un certain nombre d'années après Fran-
çois l", roix-de-ville l'emporta sur rauderille : c'était
le terme du beau style, celui que préféraient les musi-
ciens tandisque ce dernierélait des plus vulgaires, comme
nous l'apprend le P. Garasse dans ses liecherches des
Recherches sur la France (p. 835, dans Lacurne) :
Vaudeville qui n'est en usage que parmi les crocbe-
tcurs.
Or, en présence de celle vogue de voi.r-derille, il
n'y a rien d'étonnant à ce que M. Ed. Fournier, qui
n'avait probablement pas remarqué que ce mot était
né d'une méprise sur l'orthographe de vaudeville, ait
commis l'erreur que je viens de relever, c'est-à-dire ait
cru que vaudeville venait de voix-de-ville.
X
Seconde Question.
D'après M. Littré, il n'y aurait pas de différence
entre demander a et demander de; le verbe demander
prendrait a ou de devant l'infinitif qui vient après lui
« suivant les exigences de l'oreillr ». Votre opinion à
ce sujet est-elle conforme à celle du célèbre académi-
cien ?
Elle est toute différente.
Selon moi, voici ce qu'on doit observer dans la
construction du verbe dont il s'agit :
Quand l'infinitif qui sert de régime à demander
exprime une action faite ou soufferte par le sujet de ce
dernier verbe, on met à devant lui, comme dans ces
exemples :
Phiioclès demanda au roi à se retirer auprès de' Salente.
(Fënelon, Tétém. XIV.)
Ses yeux baignés de pleurs demandent à vous voir.
(Racine, Bérén. V, 4.)
Cette femme <>perdue
A vos sacrés genoux demande à se jeter.
(Voltaire, Orph. III, 1.)
Partout le peuple ne demande qu'à ne pas mourir de
faim pour vivre en repos.
; (B. Conitant, dans P. L-irouase.)
Mais, quand l'infinitif doit exprimer une action faite
ou soufferte j)ar le régime de demander, il faut mettre
de devant cet infinitif, comme on le voit dans ces
autres exemples :
Je ne vous demande pas de vous récrier : c'est un chef-
d'œuvre.
(La Bruyére.J
Elle demande au ciel d'approcher sa fille du (rône.
(Fiéchier.)
Mme de Caylus me vint voir hier, plus Jolie qu'un ange ;
et me demanda en grâce de venir voir l'arrangement de sa
maison.
(Mme de Coulanges, dan3 Larousse. )
Il n'y a qu'un cas où de puisse remplacer à; c'est dans
les vers, lorsqu'il s'agit d'un second régime de de-
mander,el cela, afin d'éviter l'hiatus :
Je demande par grice à sortir de Byzance
El ri'aller exercer mon courzge et mon bras.
(Campistron, Andron. III, 1.)
Pour n'avoir été donnée jusqu'ici par aucun gram-
mairien à moi connu, la règle précédente n'en est pas
moins, il me semble, la véritable règle qu'il faut
suivre pour bien construire le verbe demander.
X
Troisième Question.
Le Jwo^^SADDncÉEN doit-il s'écrire avec deux d comme
l'écrivent toutes les traductions françaises des Évan-
giles que j'ai consultées, ou arec un seul d comme l'im-
prime M. Littré? Si vous pouviez me répondre par la
voie de votre excellent journal, je vous en serais bien
reconnaissant .
Le mot en question est, d'après .M. Littré, unealté^
ration araméenne de l'hébreu Zaduhim, les fils de
Zadok, ancêtre de la maison pontificale qui eut les
fonctions de grand-prélre après le retour de l'exil.
En conséquence de cette étymologie, je crois qu'il
faut écrire saducéen (avec un seul d], orthographe
adoptée déjà, du reste, par plusieurs auteurs, comme
ces exemples le montrent :
Les Saducéens donnaient tout au libre arbitre.
(Fleury, Mfeurs des U'aH. lit. a3J
Les Saducéens, uniquement attachés à rE;riture sainte,
rejetaient la loi orale.
(Diderot, Op. des anc. phil.)
Les Saducéens étaient fort peu nombreux, mais ils comp-
taient beaucoup d'importants personnages.
(Bouillet, Dict. Air(.)
X
Quatrième Question.
On €71 tend souvent dire dans la conversation : « S'il
LCi iRiiivAiT QUELQUE CHOSE » pouT signifier s'il mourait.
Quslle peut être ioriginn de cette expression ?
Comme nous l'apprend .Montaigne dans ses Essais
(I, p. 721, les Romains répugnaient à prononcer et
à entendre le nom de mort :
Parcpque cette syllabe frappoit trop rudement leurs
aurcilles, et que cette voix leur sembinit malencontreuse,
les Romains avoient apprins de l'amollir et de l'estendre
en périphrases: au lieu de dire, Il est mort : « 11 a cessé de
36
.E COURRIER DE VAUGELAS.
vivre, diseni-ils, Il a vescu » : pourveu que ce soit vie,
soit elle passée, ils se consolent.
Sous l'influence du même sentiment pusillanime, ils
disaient s'il marrirait quelque chose, s'il lui arrivait
quelqtie chose etc., comme le montrent les citations
suivantes, empruntées à trois de leurs auteurs :
Si quid ei humanitus contigerit (Scœvola).
Si quid mihi humanitus accidisset (Ulpien).
Si quid pupilio accidisset (Cicéron).
Or, il est évident, après cela, que l'expression sur
laquelle vous me consultez n'est autre chose que ce
dernier euphémisme de la langue latine, naturellement
introduit dans la nôtre.
ETRANGER
Première Question.
l oudriez-vous bien me donner l'origine et l'explica-
tion de l'expression A propos de bottes, sur laquelle je
n'ai jamais rien trouvé qui pût me satisfaire?
Quitard se souvient d'avoir rencontré cette expres-
sion dans un livre antérieur au règne de François I",
avec une annotation marginale qui en rapportait l'ori-
gine à l'époque où la France était occupée par les
Anglais, et la cause, à la manière capricieuse dont les
officiers de leur armée imposaient certaines villes et
certains villages que leur roi leur avait assignés comme
fiefs. Non contents d'en percevoir les revenus ordi-
naires, ils se faisaient payer encore assez fréquem-
ment de fortes sommes pour leurs souliers et pour leurs
bottes, ce qui introduisit l'expression proverbiale, par
allusion à une telle bizarrerie.
Je tiens volontiers pour certain que Quitard a lu cette
origine; mais quand je considère qu'elle devrait donner
à l'expression un sens vexatoire qu'elle n'a pas, et
que celte expression devrait s'employer surtout avec
un verbe signifiant obtenir ou céder, je doute que la
dite origine soit la vraie, et je lui préfère la suivante :
Au xvr et au xvii' siècle, il existait en français une
expression analogue à celle dont il s'agit; c'était à
propos de truelle (écrite aussi à propos truelle], dont
l'usage se trouve indiqué dans Cotgrave (^600) et dont
voici un exemple d'auteur :
Voilà parlé à vos révérences, Demonax A propos de
truelle, me voilà relevé de ma preuve.
(Après-disnce.^ de ChoUéres, fol. 1^2, verso, éd. de iSS-j.)
Cette expression était l'abrégé d'une phrase ayant
pour partie sous-entendue Dieu te garde, maçon :
0 le beau mot! Vous l'interprétez à batterie et à meur-
trissure. C'est bien à propos truelle. Dieu te guard de mal,
maison.
(Habelîiis, Pant. liv. 111, ch. i8.)
Or, il en est de même pour à propos de boites,
expression synonyme de la précédente, mais qui, plus
favorisée qu'elle, est venue jusqu'à nous. Les mots
ellipses après cette expression étaient comliien l'aulne
de fagots? ainsi que nous l'apprend Antoine Oudin
dans ses Curiositez françaises (1656). De sorte que dire
quelque chose à propos de bottes signifierait exacte-
ment dire cette chose aussi mal à propos que si, parlant
de bottes, on faisait tout à coup cette question burles-
que : combien l'aune de fagots ?
Il me serait impossible de préciser l'époque à laquelle
a pris naissance à propos de bottes, combien l'aulne de
fagots? Mais comme on trouve cette expression déjà
réduite à sa première partie dans la Comédie des Pro-
verbes (Acte 1" se. r'), pièce qui date de l'année \ 616,
je crois qu'il n'est nullement téméraire de penser
que ladite expression remonte, au moins, comme à
propos truelle, Dieu te garde, maçon, à la seconde
moitié du xvi^ siècle.
X
Seconde Question.
Je désirerais bien savoir pourquoi, en français, cer-
tains noms de métier sont terminés par ier [mercier,
cordonnier, chapelier, etc.) lorsque d'autres le sont
simplement par er [boulanger, boucher). Auriez-vous
l'obligeance de niexpliquer cette anomalie?
J'ai dit (page 34 de ce même numéro) que l'ancienne
langue française employait la voyelle / auprès des autres
voyelles pour en éclaircir le son.
Cet /, qui remplissait le rôle d'accent à l'intérieur, se
mettait dans presque toutes les finales des noms
de métier, de profession ; mais il ne s'y faisait pas
entendre, ce qui est démontré par les exemples sui-
vants, où chevalier, bachelier et drapier sont écrits
sans cette voyelle à leur finale.
De vasselage fut assez cheraler.
{Cil. de Roland, st. 3.)
En nule terre n'ot si beau backcler.
(Romancero, p. 5i.)
Li draper de Paris establirent entre eus qu'il ne creroient
à nul nules de leurs denrées.
(Livre de Jostice, II.}
Or, pour l'espèce de noms dont il est question ici, on a
généralement adopté la finale ier, probablement parce
qu'elle était plus souvent écrite que la finale er, et
celle-ci n'a été conservée que dans un nombre de cas
très-restreint.
Telle est , si je ne me trompe , la raison pour
laquelle nous avons mc/c/er, cordonnier, chapelier, etc.,
lorsque, dans la même catégorie de substantifs, se trou-
vent boulanger, boucher, etc.
X
Troisième Question.
Je //.v dans le Dictionnaire de Noël et Chapsal que
AIDANT est « adjectif » dans l'expression Dieu aioant.
Mais alors, il faudrait donc écrire mes amis aidants
avec une s « aidants? Cela me parait bien étrange.
Qu'en pensez-vous, je vous prie ?
Toutes les fois qu'une phrase conditionnelle com-
mence par si, comme, par exemple, la suivante :
LE COURRIER DE VAUGELAS
37
Si mon frère sort, vous fermerez la porte,
on peul, surtout, je crois, lorsque le sujet du premier
verbe n'est pas le même que celui du second, donner
à la première partie une tournure que je vais vous
faire connaître.
On supprime si, on met le sujet du verbe à la forme
régime dans le cas où c'est un pronom, puis on rem-
place le mode personnel du verbe par son participe
présent, ce qui donne, pour la phrase précédente :
Mon frère sortant, vous fermerez la porte.
Or, l'expression Dieu aidant est la même tournure
que cette dernière : elle signifie si Dieu aide, et le mot
aidant est un participe présent, et non un adjectif, ce
qui implique son invariabilité dans mes amis aidant,
phrase que vous m'avez proposée.
Le dictionnaire qui vous a inspiré la question à
laquelle je viens de répondre dit aussi que le mot
aidant ne peut bien se construire qu'avec le nom Dieu
avant lui. C'est une assertion complètement fausse; car
ce parlicii»e présent précédé ainsi d'un substantif cons-
tituant en réalité une projiosition conditionnelle, il peut
s'associer à tout nom qui désigne un être dont on peut
attendre faveur ou secours.
PASSE-TE.MPS GRAALVIATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1* ... ne laisse pas d'exercer [pas de que; voir Courrier de Vau-
gelas, 4' année, p. 155]; — 2° ... dans l'Allier et dans Eure-et-
Loir [les noms de déparlemeuls composés de deux noms propres
ne prennent pas l'article]; — 3" ... avant que le gouvernement
tût pu faire parvenir [le verbe qui précède ai:ant est au
passé] ; — 4° ... leur permettre de prendre leur cocarde [on ne
' dit pas arborer dans ce cas. Courrier de Vaugelas, 'i' année,
p. 5]; — 5° ... c'est que l'armée prenne part à des manifesta-
tions politiques [le comlilionnel saurait est mis ici pour le pré-
sent peuti; — 6° On nous fait observer que; — 7° ... n'avait
pas fait moins [on ne dit pas marclier des kilomètres; —
8" ... qui l'entouraient, de même il avait conservé [quand une
phrase commence par de même que, il faut mettre de même en
tête de la seconde partie] ; —9° ... Tcsiemb\enl parfaitement.
ou à s'y méprendre à .VI. Tbiers [voir Courrier de Vaugelas,
[•• année, numéro 1, p. 3]; — 10° ... Et quelque profondes que
soient Idevanl un adjectif seul, quelque est invariable].
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1' 11 y a eu là une crise aiguë que la liberté on ne peut
plus florissante de la presse en France ne permet pas de
révéler encore.
2° Le Journal de Bruxelles se dit autorisé de qualifier de
t pure invention » une prétendue conversation que le roi
des Belges aurait eue avec lord Derby.
3° Ceux qui passaient hier vers trois heures et quart sur
le quai Henri IV, ont pu voir un cheval dans une position
étrange et des plus défagréables.
4* Le plan stratégique de la Serbie est de tenir les Turcs
en échec â Nisch jusqu'à ce que le Monténégro, dont on ne
laisse pas que de se méfier un peu, se mette en mouve-
ment.
5- Le Parlement ne peut pas se dérober plus longtemps
aux revendications si légitimes de la France. S'il renvoie
aux calendes la loi municipale, le Sénat sera autorisé à
retarder, selon son bon plaisir, la loi sur l'enseignement.
6° Son pourpoint et son haut-de-chausses disparaissent
sous les aiguillettes et les nœuds de ruban. Son rabat est
de la bonne faiseuse; ses gants flairent mieux que benjoin
et civette.
7° L'utilité matérielle, ce sont d'abord les quelques mille
francs qui entrent dans la poche de l'auteur et le lestent
de façon que le diable ou le vent ne l'emporte.
. 8" Leurs amis les applaudissaient alors; aujourd'hui ils
ne veulent pas entendre parler de se reposer, fiit-ce une
heure.
g-, Si elle reste neutre d'abord, elle est résolue à mettre
toute l'Europe en feu plutôt que de souffrir à la Turquie
d'écraser les populations de la péninsule balkane.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Gilles MÉNAGE.
{Suite.)
Fond cl fonds. — Vaugelas a fait un long discours
pour montrer que ces deux mots désignent des choses
différentes. Cette observation, qu'on a tant vantée, est
absolument fausse : Ranconnet et Nicod ont remarqué
dans leur dictionnaire qu'on disait indifféremment
fond ou fonds pour le bas et l'intérieur d'une chose, et
Ménage a d'autres exemples en faveur de celte thèse.
Confiseur et confiturier. — Le premier se dit de celui
qui fait des confitures, et le second de celui qui les
vend.
Si le ver/m cueillir fait cueillera ou cueillira au futur.
— A^augelas a tranché net qu'il fallait dire cueillira, par
la raison que l'infinitif est cueillir et non cueiller. Une
foule d'auteurs sont du même avis. Malgré toutes ces
autorités, .Ménage soutient qu'il faut dire cueillera, et
il s'appuie sur ce qu'autrefois l'infinitif a élé cueiller.
Quelque part et en quelque part. — On devrait dire
en quelque part, puisqu'on dit en quelque lieu, en
quelque lieu que j'aille; mais ce n'est jias ainsi qu'on
parle à la Cour et à Paris : il faut dire quelque part.
Fuseliers et fusiliers. — Il faut dire fuseliers, et non
pas fusiliers, quand on parle de soldats qui portent le
« fusi '>. C'est ainsi que parlent nos gens de guerre :
le Réqiment des Fuseliers. .Mais quand on parle des
ouvriers qui font des « fusis à feu », .Ménage croit que,
conformément à l'étymologie fusil, on doit les appeler
fusiliers, afin de les distinguer des soldats « fuseliers».
Si l'impersonnel il semble veut V indicatif ou le sub-
jonctif après lui. — On dit l'un et l'autre; mais après
il me semble, le verbe qui suit doit toujours être k l'in-
dicatif : // me .semble que celte femme est belle.
Des noms qui se prononcent en o et de ceux qui se
prononcent en ou. — Il faut dire indubitablement e/<05e
et non chouse ; aujourd'Jtuyelnon aujord'huij ; portrait
38
LE COURRIER DE VAUGELAS.
et non pourtrait; porcelaine el non poiircelaine ; co-
lombe et non pas coulombe; mais on dit Saintc-Cou-
lombe. 11 faut dire également Rome et lionne, quoique
M. de Balzac ait écrit que toute la France prononce
Roume et lionne.
11 faut dire également aussi Thoulome^, Boulogne
et non pas Tholose, Boloyne; troupe, croupion et non
pas trope, cropion; poucte, et non poêle ; mouëlle et non
moelle; Louis. Louise, et non Lois, Lo'ise.
Voici des mots controversés : maltoslier, maltoûtier;
poteau.r, pouteaux; B)rdeaux, Bourdeaux ; Cologne,
Coulogne: Pologne, Poulogne ; concombre, concombre
(4672).
Les prédicateurs disent plus communément Moise;
mais tout le peuple dit Mouise, et c'est ainsi que
Ménage voudrait parler dans le style familier.
Nouel est ]ilus usité que Noël.
Quoyque, bienque, encore que avec l'indicatif. —
Nos anciens ont souvent fait régir l'indicatif à ces par-
ticules, et cela, à l'imitation des Latins; mais aujour-
d'hui, elles ne régissent plus que le subjonctif: quoyque
je sois ; bienque je twuille; encoreque je craigne.
Expressions irrcgulières qui valent mieux que des
régulières. — Nous avons des façons de parler qui
choquent la justesse et la raison tout ensemble, et qui
néanmoins sont meilleures que les régulières. Par
exemple, il ai'oit le bras retroussé jusqu'au coude vaut
mieux que il aroit la mancltc retroussée jusqu'au coude,
quoique ce soit la manche qu'on retrousse et non pas le
bras.
11 en est de même de cette phrase : rous n'oseriez
t'aroir regardé. Pour parler régulièrement, il faudrait
dire vous n'oseriez le regarder; et cependant, il s'en
faut bien que cette façon de parler soit aussi française
que l'autre.
Aa Vien àe il est demain f este, il faudrait dire, pour
parler exactement, // sera demain (este.
Nous abusons encore du mol phij.^ionomie, en disant
d'une personne qu'elle a une bonne ou une mauvaise
physionomie ; car ce mot désigne la science de juger de
la personne par le visage, el non le visage lui-même.
Différence entre aller et venir. — - Plusieurs et sur-
tout les étrangers, confondent ces deux verbes, qui
durèrent cependant beaucoup l'un de l'autre. Aller se
dit du lieu où l'on est à celui où l'on n'est pas; venir se.
dit, au contraire, du lieu où l'on n'est pas à celui où
l'on est. Par exemple, étant à Paris, on dit qu'un cour-
rier est allé de Paris à Rome en dix jours, et qu'il est
venu de Rome à- Paris dans le même temps.
Des vers dans la prose. — C'est un grand défaut aux
vers d'être prose, et ce n'en est pas un moins grand à
la jjrose d'être vers. 11 ne faut pas seulement éviter les
vers el les demi-vers dans la prose, mais il faut éviter
aussi les rimes et les consonnances, comme l'a fort bien
fait remarquer Vaugelas, tout en manquant lui-même à
sa règle.
S'il faut dire buse, buscpic ou buste; musc ou
musqué. — Il faut dire busqué, car c'est ainsi que
parlent aujourd'hui toutes les dames de la Cour et de
la Ville qui parlent le mieux. Quant à buste, il est très-
mauvais en cette signification quoique très-usité parmi
les « Bourgeoisies». On ne doit s'en servir que pour
signifier ce tronc du corps humain sur lequel on met
des têtes de statues, appelé par les Italiens busto, et
dont nous avons fait buste.
Marot a dit inusc, Ronsard et Nicod l'ont dit aussi ;
mais on dit présentement musqué, en deux syllabes.
Si l'on doit dire à l'étourdi, ou à l'étourdie. — Il
semble qu'il faudrait dire à l'étourdie, comme on dit
fl la légère. Cependant, on dil plus communément n
l'étourdi.
Des mots qui finissent en f. — Il y en a où l'/'doit
se faire sentir non-seulement devant les voyelles ou à
la fin des vers, mais aussi devant les consonnes. Voici
ceux où elle ne se fait sentir que devant les voyelles el
à la fin des vers : bœuf, aufti neuf, de novem. On dit
(1672) un au dur, un œu frais, du bœu salé, neu sol-
dats. En voici d'autres où elle ne se prononce point du
tout, en quelque endroit qu'elle soit : cerf, clef, apraniif,
baillif; c'est pourquoi plusieurs écrivent ces mots
sans f.
S'il faut dire bref ou brief; brévement ou brièvement;
breveté ou brièveté. — Quand le mot brief signifie le
denique des Latins, il faut le prononcer bref, car brief
en cette occasion serait fort mauvais. Mais il y faut
faire sentir \'i dans ces façons de parler : ajourner,
citer, crier, proclamer, à trois briefs jours. Quant à
brièveté et brièvement, ils se disent toujours, et c'est
comme parlent nos meilleurs écrivains, à la réserve de
MM. de Port-Royal, qui disent breveté et brévement. On
dit lon]OursgriefeX grièvement, quoiqu'on dise ^reycr;
mais depuis longtemps griéveté n'est plus du beau
style.
S'il faut dire lillau ou tilleu. — Les jardiniers disent
tillau, el c'est ainsi qu'il faut parler dans le discours
familier; mais dans un discours relevé. Ménage dirait
plutôt tilleu.
S'il faut dire b\i'\s ou bonis. — La province dil buis;
maison dit bouis^ Paris, et c'est ainsi qu'il faut parler.
S'il faut dire lilac ou lilas. — Les Flamands pronon-
cent lillach, ce qui fait croire à Ménagé que celte plante
a clé ainsi appelée de liiiacum, à cause de la ressem-
blance de son odeur à celle du lis. Mais nonobstant celte
èlymologie el cette prononciation, on doit dire lilas,
el cela, parce qu'on ledit par toute la France.
S'il faut dire hyacynlhe ou jacynthe. — Les jardi-
niers disent jacynthe, el c'est ainsi qu'il faut parler
dans le discours familier; mais, dans les compositions
relevées, il faul dire hyacynthe. Les prédicateurs
disent Saint Uyacyntlir, et le peuple .S(///i/ Jacynthe.
S'il faut dire chirurgien ou cirurgien. — Quoique
l'on dise en latin chirurgus, il faut dire en français
cirurgien et non chirurgien.
{La suite au prochain numéro.)
Lk Rkdacteur-Géiumt : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
39
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
La Lettre déchirée; par Philibert Audebrand. In-I8
Jésus, 332 p. Paris, lib. Calinan-Lévy. 3 fr. 50.
Romans préhistoriques. Le Monde inconnu ; par
Elie Berihet. Illustrations d'Ed. Von. Les Parisiens à l'ùge
de la pierre. La Cité lacustre. La Fondation de Paris.
In-18 Jésus, iii-/i38 p. Paris, lib. Dentu. U fr.
Le Secret d'un touriste; par i. Gondry du Jardinet.
In-12, 352 p. Paris, lib. Palmé. 3 fr.
Rivalité de François !■■■ ft de Charles-Quint; par
M. Mignet, de l'.Académie française. 2" édition. 2 vol. iu-12,
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Lettres écrites à un provincial; [uir Biaise Pascal.
Précédées des Lettres provinciales d'après l'édiiion de
175i, et d'observations littéraires par Françoi*- de Keuf-
chàteau. In-18 Jésus, xx-411 p. Paris, lib. Garnier frères.
Discours et mélanges littéraires; par M. Patio,
secrétaire perpétuel de l'Académie française, ln-18 Jésus,
xv-387 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Laure Aubry; par L. Bailleul. In-12. 30i p. Paris,
lib. Dillet. 2 fr.
Voltaire et la Société française au XVIII" siècle.
Voltaire, son retour et sa mort; par Gustave
Desnoiresterres. In- 8", 5i0 p. Paris, lib. Didier et Cie.
7 fr. 50.
Œuvres poétiques de Lamartine. Harmonies poé-
tiques et religieuses. In-8°, 302 p. Paris, lib. Furne,
Jouvet et Cie. 10 fr.
Les plus anciens monuments de la langue fran-
çaise !!>;'= et .x" siècles/: publiés avec un commentaire
philologique par Gaston Paris. Album in-f", 10 planches.
Paris, lib. Firmin Didot et Cie.
La Vie de Scaramouche; par Mezetin. Réimpression
de l'édition originale i'l()65), avec une introduction et des
notes, par Louis .Moland, et un portrait d'après Bonnart
par Eugène Gervais. In-8°, xxxn-127 p. Paris, lib. Bon-
nassies, 10 fr.
Pères et enfants; par Ivan Tourguénetl'. Précédé
d'une lettre à l'auteur par Prosper Mérimée, de l'Acadé-
mie française. 2« édition. In-18 Jésus, iv-328 p. Paris,
lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Publications antérieures :
LES SAULX-TAVA^ES — Etudes sur l'ancienne Société
française, lettres et documents inédits — Par L. Pi.ngaud,
professeur à la Faculté des lettres de Besançon — Paris,
librairie Firmin Didol el Cie, imprimeurs de l'Institut,
56, rue Jacob. — Prix : 6 fr.
A COUPS DE FUSIL. — Par Ql viublles. — 2= édition.
— Paris, Charpentier et Cie. libraires-éditeurs, 13, rue
de Grènelle-St-Germain. — Prix : 3 fr. 50.
LE C.\M.\nADE DE VOY.\GE. — Par Andersen. _ Tra-
duction de MU. Grégoire et .Moland. — Illustrations de
Yan Dargent. — Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs,
6, rue des Saints-Pères. — Prix : 3 fr.
LA VIERGE DES GLACIERS. — Par A.xderse.v. — Tra-
duction de \\\l. Grégoire et Moland. — lllubtratiODs de
Van Dargent. — Paris, lib. Garnier frères, libraires-
éditeurs, 6, rue des Saints-Pères et Palais-Royal. 215. —
Prix ; 3 fr.
POÉSIES D'UN MAITRE D'ÉCOLE. - Par Je.^.n B.^rrois.
— Paris, Léon Vanier, libraire-éditeur, 6, rue Haute-
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d'après nature. — Par F. Fertiault. — Paris, librairie
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éditeur, libraire de la Société des Gens de lettres. —
40
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tier. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier el Cie,
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couRT. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier et de,
libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
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pulaires. — Recueillis par V. Lespy, membre de la
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sonneuve et de, libraires-éditeurs, 25, quai Voltaire.
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COURRIER DE VAUGELAS (Collection du). — En vente
au bureau du Courrier de Vaugelas , 26 , boulevard des
Italiens. — On peut encore se procurer la 4», la 5= et la 6'
année. — Réimpression des cinq premières ow!^e« aussitôt
que sera atteint le chiffre demandé par la souscription
que le Rédacteur vient d'ouvrir.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le Tournoi roÉTinuE, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (4' année). —Médaille d'honneur delà Société nationale d'encoura-
gement au bien — Concours poétiques et littéraires (Prix : médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements :
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
Ls. Société des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-Garonne, doit décerner, pour le concours de 1877, une
médaille d'or de 200 francs à la meilleure œuvre de poésie lyrique (ode, poème, stances, etc.); — une médaille d'or de
la valeur de 100 francs à la meilleure pièce de genre (conte, ballade, fable, etc.) ; — une médaille d'argent de la
valeur de 50 francs au meilleur groupe de trois sonnets. — Des médailles de bronze pourront être accordées aux
poètes qui auront obtenu des mentions très-honorables. — Les sujets de ces compositions sont laissés aux choix des
concurrents. — Les manuscrits devront être adressés, francs de port, au Secrétaire-général de la Société, à Mon-
tauban, avant le l" février 1877, terme de rigueur.
La Société nationale d'éducation de Lyon destine pour 1876 un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur
ce sujet : Quels peuvent et doivent être, dans l'état naturel de la société, les rapports de l'Instituteur primaire avec
les parents de ses élèves? — Le prix sera décerné dans la séance publique de 1877, sous le nom de Prix de la ville
de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" Novembre prochain, à M. Palud, libraire,
4, rue de la Bourse, à Lyon.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTRANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Etrangers qui
lui font l'honneur de venir le consulter : 1» des professeurs de français; — 2" des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française ; — 3" des maisons d'éducation prenant un soin
particulier de l'étude du français; — 4" des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se
parle un très-bon français ; — 5° des agences qui se chargent de procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Eman Marlin, Uodacleiir du (loiiRiiiKii de Vaiiculas, est visible à s-oii bureau de trois à cinf) hrurcs.
Imprimerie GOUVKRNKUH, G. DAUl'KLEY ;\ Nogenl-leRotrou.
7* Année
N" 6.
15 Août 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le 15 de chaqae moli
{Dans sa séance du \2 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an , 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
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Rédacteur : Eman Martin
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Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
SOMMAIRE.
Origine du proverbe Croquer le marmot; — Si Faire un
Philippe est bien français ; — Lequel des trois noms Effeuil-
laisoH, E/feuillement et Effeuillage vaut le mieui ; — Si
D'aucuns est une bonne expression ; — Opinion sur A-t-il été
suicidé; — Origine et signification de Belluaire ; — Si on
peut employer Leriologie : — Etymologie de Péguin. \\ Dif-
férence entre Gymnasiarquc et Gymnaste ; — Explication de
Avoir son plumet. || Passe-temps grammatical. || Suite de la
biographie de Gilles Ménage. || Ouvrages de grammaire et de
littérature. || Concours littéraires. || Souscription pour la
réimpression des cinq premières années de ce journal.
FRANCE
Première Question.
Jp serais bien content de lire, dans un de vos pro-
chains numéros si c'est jmssiblc, l'origine de l'expres-
sion CnoQCEH LE MABMOT, qui s'emploie si soucent dans
la conversation .
H a élé proposé bien des explications pour cette
expression proverbiale ; voici celles que j'ai recueillies :
^o On a dit qu'elle venait d'une fable d'Esope dans
laquelle une fermière, pour faire cesser les pleurs de
son petit gan;on, le menace de le donner au loup qui,
ayant entendu cela, en passant, vint se placer sur la
porte de la maison, dans l'es()0ir de croquer le marmot,
et, après une vaine attente, finit par être assominé.
2° Si une personne qui en attend une autre s'impa-
tiente, dit Boniface, elle murmure entre ses dents et
imite, en quelque sorte, la grimace du marmot ou sin'je ;
elle croque comme le marmot ; elle croque le marmot.
3o D'après Ftiretière, cette expression serait due à
l'habitude qu'ont les « compagnons » peintres de croquer
le marmot 'tracer le croquis d'un marmot) sur un mur,
pour se désennuyer, lorsqu'ils sont obligés d'attendre
quelqu'un.
4° Il y en a pour qui ce proverbe est une allusion à
l'usage féodal en vertu duquel le vassal allant rendre
hommage à son seigneur et le trouvant absent, devait
réciter à sa porte les formules de l'hommage, et baiser
le verrou, la serrure et le heurtoir, appelé marmot à
cause de la forme grotesque qu'il avait ordinairement.
Comme en marmottant ces formules et en baisant le
heurtoir, il avait l'air de vouloir le croquer, le dévorer,
il fui très-naturel de à'wiè croquer le marmot pour expri-
mer la contrariété ou l'impatience que fait éprouver
une longue attente.
5° Selon l'auteur du Manuel des amateurs de la
langue française, cette expression doit son origine à
une espèce d'instrument qui servait autrefois de mar-
teau et de sonnette à la porte des anciens manoirs. Cet
instrument consistait en une poignée de fer crénelée
dans laquelle était passé un gros anneau pouvant s'a-
giter dans tous les sens. En cet endroit, la porte était
garnie d'un bouton en cuivre qui représentait une
dfr ces figures grotesques nommées marmots. Voulait-
on se faire ouvrir, on agitait l'anneau contre les créne-
lures de la poignée, ce qui produisait un craquement
assourdissant qui se faisait entendre dans l'intérieur de
la maison. Après avoir longtemps attendu à la porte,
une personne pouvait dire qu'elle avait longtemps
craqué (usant de l'onomatopée), et comme, pendant ce
craquement, le marmot attirait l'attention, ou peut-être
rendait un son, on l'aura associé à celte action en disant
qu'on avait longtemps craqué le marmot [craqué qui
fut dit [ilus tard croqué, par le changement de a en o .
6" Enfin, dans une note de ses Variations liistoriqucs
et littéraires (tome IV, p. 229), M. Edouard Fournier
dit que certains veulent voir dans croquer le marmot
une allusion aux amants rebutés qui, faisant te pied
de grue à la porte de leurs maîtresses, se consolaient
en baisant le marteau, sous forme de marmot gro-
tesque, qui était sur leur porte. Cette opinion peut se
justifier par la ininiature d'un roman du xvi'^ siècle,
reproduite dans le Bibliographical Decamcron de Dibdiii
(tome I, p. 216), oit l'on voit un jeune homme portant
à ses lèvres l'anneau de la porte où demeure sa dame,
et aussi par plusieurs passages des auteurs du xvi' el
42
LE COURRIER DE VAUGELAS
du xvii' siècle, nolamment par une phrase de la comé-
die des Petits maîtres d'été (1696), qui représente ces
Narcisses modernes passant l'hiver « à se morfondre
sous les fenêtres des dames et à baiser les marteaux de
leurs portes. »
Voyons maintenant ce que valent ces diverses expli-
cations.
La première. — Grâce à la voracité connue du loup,
cette explication donnerait plutôt pour croquer le mar-
mot le sens de se dé]iêclier, se hâter, que le sens d'at-
tendre longtemps, qui est celui du proverbe. Elle est
donc à rejeter.
La seconde. — Pour que cette explication fût admis-
sible, il faudrait que croquer comme le marmot pût se
réduire, par ellipse, à croquer le mannot ; mais la chose
est complètement impossible, le verbe croquer étant
neutre dans la première expression : courir comme un
dératé, par exemple, ne peut s'abréger en courir un
dératé, le sens n'est plus le même.
La troisième. — Quand on songe qu'en parlant de
quelqu'un qui crayonne plu'î ou moins bien une forme
humaine sur un mur, on ,1 qu'il fait «« bonhomme ou
des bonshommes, on ne s'explique pas comment on
aurait pu dire autrefois de ceux qui faisaient la même
chose, qu'ils croquaient le marmot ; car. cette expres-
sicHi avec son article défini, n'aurait pas été plus fran-
çaise que ne le serait aujourd'hui croquer le bonhomme
pour dire faire un bonhomme.
La quatrième. — L'usage féodal en question a effec-
tivement existé, comme cela se voit dans la coutume
d'Auxerre [Coutumier général, tome III, part. 1, p. 596,
art. 44). Mais cette manière de rendre hommage n'im-
pliquait nullement l'idée d'attendre : quand le vassal
ne trouvait pas son seigneur chez lui, il récitait les for-
mules de l'hommage, baisait le verrou et s'en allait.
Du reste, si c'était là l'origine de croquer le marmot,
cette expression aurait certainement dû se trouver dans
nos lexiques avant la fin du xv!!*" siècle, et je ne l'ai
rencontrée, pour la première fois, que dans la première
édition du Dictionnaire de l'Académie, qui a été publiée,
comme on sait, en 1694.
La cinquième. — Pour que cette explication pût être
accueillie, il faudrait que craquer se fût employé jadis
pour faire craquer. Or, je ne crois pas qu'il en ait
jamais été ainsi, attendu que je ne connais pas d'exemple,
en français, où un verbe neutre ait, à lui seul, le sens
qu'il aurait s'il était précédé de faire.
La sixième. — Celle-ci, qui remet en mémoire les
loyaux amants dont parle Lucrèce iliv. IV, p. S7, trad.
Nisard), est selon moi la véritable, et voici pour quelles
raisons :
r Elle rend parfaitement compte de l'idée d'attente
prolongée qui se trouve dans croquer te marmot.
2° Elle explique d'une manière satisfaisante les termes
de cette expression ; car baiser fréquemment s'ex|)rime
populairement p^iT manger (ne dit-on pas des personnes
qui sont sans cesse à embrasser les statues des saints
dans les églises qu'elles mangent les .saints?}; puis cro-
quer c'est manger, dans le sens vu Igaire ; d'où croquer le
marmot pour signifier baiser souvent le marteau d'une
porte, ce marteau ayant atTecté dans l'ancien temps la
forme d'un marmot.
3o Elle est corroborée en quelque sorte par cette cir-
constance que croquer le marmot ne se trouve ni dans
la première édition du Dictionnaire étymologique de
Ménage ()650), ni dans les Curiositez françoises d'An-
toine Oudin (1634), ni dans le Dictionnaire français et
anglais de Gotgrave (1660), ouvrages dans l'un desquels
ce proverbe aurait certainement été mentionné s'il se
fût rapporté à un usage moins moderne que celui au-
quel je l'attribue.
X
Seconde Question.
Je serais désireuse de savoir si l'expression Faire un
Philippe avec quelqu'cx, voulant dire partager avec
lui une amande double, est française, et, dans ce cas,
quelle est son origine.
Dans le n° 3 de la 1 '" année du Courrier de Vaugelas,
j'ai donné, en l'empruntant aux Petites Ignorances de
M. Charles Rozan, l'explication de l'expression Bon-
jour, Philippine (qui vient de l'allemand vielliebchen,
beaucoup aimé), et j'ai terminé mon article par cette ré-
flexion :
Sa terminaison fde Philippine] a fait croire à quelques
personnes que Bonjour, Pfiilippine ! ne pouvait être em-
ployé qu'en s'adressant à une dame, et que, dans le cas où
une dame s'adressait à un monsieur, elle devait dire Bon-
jour, Philippe .'
.\ mon avis, c'est là une profonde erreur : le mot alle-
mand rielliebchen étant un adjectif convenant aussi bien à
un homme qu'à une femme, la corruption de ce mot,
quelle qu'en soit la syllabe finale, doit indifféremment
s'appliquer aux deux genres.
Or, si une dame ne peut pas dire Bonjour, Philippe!
pour se faire donner par le monsieur avec lequel elle
a partagé une amande double à table, le petit cadeau
auquel l'usage lui donne droit, il me semble qu'elle ne
peut pas dire non plus qu'e//e a fait un Philippe avec
ce monsieur, et que l'expression logique jiour signifier
le partage en question est faire une Philippine.
X
Troisième Question.
Pourriez-raus me dire lequel de ces trois mots ef-
fecillage, effecillaison et effecillement, qui ont été
employés successivement par des écrivains traitant d'a-
griculture, pour désigner une même opération, doit
rendre le plus exactement l'idée ?
Théoriquement parlant, chacun de ces mots signifie
l'action d'etVeuiller; car, dans notre langue, «7e, aison et
ment, joints à un verbe, forment des substantifs qui
signifient l'action marquée parce verbe.
Mais, quand je considère que la plupart des substan-
tifs qui se rapportent aux travaux de l'agriculture et de
l'iiorticulture ont la première terminaison :
Abattage
Battage
Labourage
Drainage
Parcage
Repiquage
Cbaulage
Glanage
Emondage
.E COURRIER DE VAUGELAS.
43
Sciage Echenillage Roulage
Hersage Equarissage Jardinage
Marnage Dressage Arrosage
Bornage Elevage Sarclage
je crois pouvoir en conclure que, s'il s'agiL d'une opé-
ration générale, il est plus conforme à l'analogie d'em-
ployer effeuillage que l'un ou l'autre de ses synonymes.
X
Quatrième Question.
Je lis da?is le \<^' rolinne de la Nouvelle géograpuie
OJiiVERSELLE du savant M. Elisée Reclus, page 7, le
passage suivant : « Leur supériorité n'est pas dur,
comme d'accuns se l'imaginent, etc. » Ce mot d'auccns
est-il bien correct ? Un mot d'explication, je vous prie,
dans cotre excellente feuille.
Au xYii"^ siècle, d'aucuns et d'aucunes se sont emplo-
yés pour quelques-uns et quelques-unes ; ainsi Molière
a, dit dans le Malade imaginaire (acte II, se. I) :
Il y en a d'aucunes qui prennent des maris seulement
pour se tirer de la contrainte de leurs parents.
Mais, au milieu du xviii'', cet emploi au pluriel com-
mença à se restreindre ; et, à l'époque où fut publiée la
seconde édition du Dictionnaire de Trévoux (1771),
aucuns ne se disait plus qu'en style marotique et de
palais :
Je m'engageai, sous l'espoir d'un salaire,
A travailler à son hebdomadaire
Qa'aucuns nommaient alors patibulaire.
(Voltaire.)
Aujourd'hui, comme nous l'apprend M. Littré,
dans son dictionnaire, les expressions rf'a?/c««« et d'au-
cunes forment des archaïsmes qui ne sont plus guère
en usage.
■ Or, attendu que dans la phrase que vous me proposez,
il ne s'agit ni de style- marotique, ni de style de palais,
je suis persuadé que quelques-uns y ûgurerait mieux
que d'aucuns.
(Voir Courrier de Vaugelas, 3' année, p. 50, où cette
question a déjà été résolue.)
X
Cinquième Question.
Le jourtial des DÉBiis du 7 juin 1876 contient la
phrase suivante : « Le malheureu.r sultan dont on a fini
par déclarer la mort, s'est-il tué de sa propre main ou
bien a-t-il été scicidé? » Que pensez-vous de ce sens
nouveau du barlmrisme Se suicider?
Quel qu'ait été son mode de formation, le verbe
se suicider, aujourd'hui complètement consacré par
l'usage, est un verbe essentiellement pronominal ,
c'est-à-dire qu'il ne peut se conjuguer autrement qu'ac-
compagné de deux pronoms de la même personne :
Je me suicide
Tu te suicides
Il se suicide
Nous nous suicidons
Vous vous suicidez
Ils se suicident.
Or, les verbes de cette espèce ne s'cmpioyant, dans
notre langue, ni comme verbes actifs, ni. par consé-
quent, comme verbes passifs, il s'ensuit qu'on ne peut
pas plus dire de quelqu'un qu'il a été suicidé, qu'on ne
peut dire, par exemple, qu'il a été abstenu.
X
Sixième Question.
Pourriez-vous me dire par l'intermédiaire du CocE-
RiER DE ViCGELAS qucllr cst l'originc et la signification
du mot liELnniRE, que je trouve dans les Chatime.ms de
Victor Hugo [liv. Il et III] ? J'ai vainement cherché
Belhaike dans le Dictionnaire de Littré. Est-ce un
oubli, ou effectivement ce mot ne serait-il pas français,
malgré l'autorité de Victor Hugo ?
Le mot belluaire, qui me semble n'avoir été men-
tionné jusqu'ici que par le Grand Dictionnaire de
P. Larousse, a été fait du latin bellua, bête féroce, et
de la finale aire, traduction du suftixe arius, lequel
désigne dans cette même langue des professions exer-
cées par des hommes. Employé d'abord dans le sens
de bestiaire et d'esclave attaché au service des animaux
du Cirque, ce mot, par extension, a bientôt signifié
presque exclusivement celui qui dompte des lions, des
tigres, etc. pour les montrer en public.
Les exemples de belluaire que j'ai cités (Courrier de
Vaugelas. 6^ année, p. U8, où la question a déjà été
traitée), me font croire que Théophile Gautier pour-
rait bien être l'auteur de ce néologisme.
X
Septième Question.
Peut-on se servir du mot lexiologie, que j'ai trouvé,
je crois, dans L'IjisiRicTiojf pcbliqce, ote cette expression
ne serait-elle qu'une faute d'impression pour lexicot
logie ?
Ces deux termes sont également français ; mais ils
s'appliquent à des choses dilî'érentes.
Quand on s'occupe de ranger les mots par ordre
alphabétique, de rechercher ce qui a rapport à leur
si.uiiilicatiou, à la source d'où ils viennent, à la manière
dont l'usage les emjdoie, on fait de la lexicologie (de
XeH'./.iv, vocabulaire, et de a:ysç, discours), c'est-à-dire
de la science dij dictionnaire.
-Mais, lorsque prenant un système de langues, ou
étudie comparativement le vocabulaire de chacune pour
arriver à la connaissance et à la classification des mots
primitifs qui les com|)Osent; lorsque, ces mots élémen-
taires trouvés, on les compare entre eux au double
point de vue du sens et du son pour en découvrir les
analogies et les grouper en familles naturelles : et lors
qu'enfin, se transportant par la pensée au moment où
ils furent créés, on cherche la part qu'ont prise à leur
formation la voix, l'instinct, l'idée et la sensation, on
fait de la lexiologie {de Xî;-.;, mot, et 'hi'(iz, discours ,
branche toute nouvelle de la linguistique.
C'est .M. Ghavée qui a créé le nom de lexiologie pour
le donner à son ouvrage sur les langues indo-euro-
péennes, publié en isi;».
X
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Huilième Question.
D'où vient le mot de PÉQVis appliqué par les militaires
aux civils ?
Dans la 2' année de ce journal (p. 105), j'avais cher-
ché la solution de cette question ; et, après avoir suc-
cessivement rejeté toutes celles qui avaient été données
jusqu'alors, je m'étais prononcé pour respagnolpe^MË/îo,
petit.
Mais depuis, j'ai reçu à ce sujet une communication
de M. Philarète Chasles^ insérée dans le numéro 5 de la
3* année, laquelle disait que le mot^jeg'Mm avait désigné,
sous le premier Empire, une étoffe de soie (comme le
nankin en désignait une de coton), étoffe portée pen-
dant l'été par les civils ou bourgeois, ce qui avait fait
appeler ceux-ci péhins par les soldats, qui ne portaient,
eux, que de la toile ou du drap.
Or, comme ce sont les propres souvenirs de M. Phi-
larète Chasles qui lui ont fourni celte étjmologie
« qu'il a entendue mille fois dans son enfance », j'en ai
tiré aussitôt la double conclusion que je m'étais complè-
tement trompé en croyant voir dans pequeiio l'origine
cherchée de péquin, et que ce sobriquet doit nécessai-
rement s'écrire pékin, attendu qu'il n'est autre que le
nom de la capitale de la Chine.
ETRANGER
Première Question.
Je vous serais bien obligée si vous vouliez bien me
dire les cas dans lesquels on peut se servir du mot
GTMNASiARQCE, et aussi ceux dans lesquels on doit se ser-
vir du mot GÏMNASTE.
Il y a une différence sensible dans l'emploi de ces
deux termes, empruntés l'un et l'autre à la langue
grecque.
Le mot (jymnasiarque (de -pV-'^'^'-^^i gymnase, et de
ipy_eiv, commander), se dit :
4° D'un magistrat d'Athènes qui avait la direction et
la surveillance des gymnases publics, et qui exerçait
une sorte de juridiction sur tous ceux qui fréquentaient
ces établissements ;
2" De celui qui, dans les écoles publiques, dirige un
système d'exercices gyranastiques propre à développer
les facultés physiques de l'homme ;
3° Du directeur d'une école d'Allemagne, où l'on en-
seigne le latin.
Quant à (jijmnaste (de -piAvaÇsiv, exercer), nous l'em-
ployons dans les cas suivants :
{° Pour designer l'officier préposé dans les gymnases
grecs à l'éducation des-alhlètes et de ceux qui fréquen-
taient le gymnase, celui qui décidait quels exercices
devaient cire appliqués à la constitution de la personne
dont il dirigeait le régime ;
2" Pour désigner un professeur qui enseigne, par son
exemple, à exécuter les divers mouvements gymnas-
tiques ;
30 Enfin, par extension, pour désigner celui qui fait
des tours de force et d'agilité.
Seconde Question.
Voudriez-vous bien me dire ce que signifie et com-
ment on peut expliquer l'expression Avoir son rmiiET,
que je ne trouve pas dans mon Dictionnaire de Liltré ?
Je vous en serais très-reconnaissant.
Cette expression, qui ne s'emploie que dans la fami-
liarité de la conversation, veut dire être dans un état
d'ébriélé complète :
N'est-ce pas que j'dois vous faire l'effet
Q'avoir c'qui s'appelle un plumetl
Messieurs, c'est le piéton!
(Ch. Voizo, chans.)
M. Lorédan Larchey, à qui j'emprunte cet exemple,
prétend que c'est « une comparaison de la trogne à la
couleur rouge d'un plumet d'uniforme ». Selon moi,
c'est là une grave erreur ; car d'abord, il y a des plumets
qui ne sont pas rouges, et ensuite, si enluminé qu'ait
été un visage après un sacrifice à Bacchus, il n'a
jamais été comparé, que je sache, à un bouquet de
plumes.
Je vais vous donner une explication qui me semble
infiniment plus satisfaisante que celle des Excentricités
du langage.
Celui qui se trouve sous une forte influence alcoo-
lique a des mouvements de tête saccadés comme s'il
portait une trop lourde coiffure. Nos ancêtres, qui,
ainsi que nous, avaient remarqué le fait, disaient d'un
homme dans cet état qu'il s'était coiffé le cervegu, en
sous-entendant sans doute l'adverbe pesamment, car
on trouve dans Molière [Amphit., III, 2) :
Ati ! quelle vision I
Dis-nous un peu quel est le cabaret honnête
Où tu Ves coiffé le cerveau ?
On élimina le complément, et, au xviii" siècle,
l'expression se réduisit à coiffer, comme le montrent
ces citations prises dans Trévoux (1771) :
Cet homme n'est pas accoutumé à boire, il ne faut qu'un
verre de vin pour le coiffer.
Gardez- vous de ces vins d'Orléans ; ils sont fumeux et
sujets à coiffer.
Cet tiomrae est sujet à 5e coiffer.
Or, au milieu des soldats, qui portaient pour la plu-
part un casque, que dut-on dire quand on voulut don-
ner une variante à coiffer, se coiffer, être coiffé ? Tout
naturellement donner ou se donner un casque, avoir
son casque, comme dans ces exemples :
On a beau être homme, vingt chopines, ça ne s'avale
pas sans laisser un petit casque sur la tête...
(Larousse, Grand Dict.)
Il me demande si je veux m'humecter. Je lui dis que j'a<
mon casque.
(Monselet, cité par Lorédan.)
Puis, comme le casque n'était pour ainsi dire com-
plet que lorsque le plumet y était arboré, on a dit, non
moins naturellement encore, avoir son plumet, pour
signifier être lout-à-fait ivre.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
ih
Enfin, l'expression s'est répandue parmi les civils, où
elle s'emploie maintenant aussi souvent peut-être que
cbez les militaires eux-mêmes.
Sauf erreur, voilà comment avoir son plumet en serait
venu à signifier ce que vous savez.
PASSE-TEMPS GRAM.MATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1° ... que la liberté excessivement (loris.'iante (voir Courrier
de Vaugelas, 3' année, p. 84); — 'i° ... se dit autorisé à qua-
lifier ; — 3°... vers trois heures et un quart, ou vers trois
heures un quart (voir Courrier de Vaugelas, 1' année, p. 66) ;
4» ... dont on ne laisse pas de se méfier (pas de que, voir
Courrier de Vaugelas, i' année, p. 155); — 5° ... renvoie aux
calendes grecques (ce dernier mot est indispensable) ; — 6' ... ses
ganls fleurent mieux ([ue benjoin; — 7° ... les quelques milliers
,1e francs (voir Courrier de Vaugelas, ï' année, p. 69) ; — 8°... de
se reposer, ne fût-ce çHune heure ; — 9° .. plutôt que de
permettre à la Turquie d'écraser.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° Par une conséquence naturelle, les résistances, les
agitations qu'on avait déjà vu se produire à l'occasion des
impôts se multiplièrent avec une intensité croissante.
2° De même qur, sous le poids de la souffrance, on avait
jadis adhéré au traité de Brétigny, qui livrait à l'étranger
le tiers du royaume, on accueillit alors avec joie, à Paris
du moins et dans tout le nord de la France, le traité de
Troyes, qui livrait enfin le royaume tout entier.
3' Pour eux, la quiétude présente et la revanche pro-
chaine, voilà ce que clament par-dessus les toit3 tous les
folliculaires des vieux partis.
4* Inutile de.dire que la sigillographie fournit de précieux
renseignements sur l'armement, sur le costume, voire
même sur le mobilier du moyen 3ge.
5° La guerre qui éclata cette année même arrêta ces tra-
vaux. Ils ne furent jamais repris. Il n'en resta que le sou-
venir des sommes énormes qu'ils avaient inutilement
coûtées et des milliers d'existences qu'on y avait sacrifiées.
6° Dans une des localités privilégiées où les ruisseaux
coulent de l'eau bénite, un adroit commerçant a intitulé
son auberge : Hdtel du Commerce et de l'Immaculée Concep-
tion.
7" D'aucuns pensent que l'existence de la Roumanie,
comme nation autonome, est attachée à la conservation
de l'Empire ottoman.
8° Il ne sortira toujours pas de communards de nos écoles,
hurle M. de Gavardie, comme un écolier indiscipliné pris
tout-à-coup d'une démangeaison de faire tapage.
9- L'action du dernier roman de notre collaborateur
Jules Claretie pivote sur une balle que le héros a reçu et
qui n'a pas été extraite.
10° Je constaterai que cette petite fête de l'intelligence a,
comme toujours, attiré une grande affluence de spectateurs
désireux de passer pour des esprits délicats, et qui s'en-
nuyent à bouche que veux-tu pendant trois mortelles
heures.
{Lei corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XV11« SIÈCLE
Gilles MÉNAGE.
[Suite.)
De l'h française. — Les Italiens n'ont pas d'h
aspirée, et voilà pourquoi les populations de France
qui avoisinenl l'Italie, comme les iiourguignons, les
Dauphinois et les Provençaux n'aspirent \'h dans
presque aucun mot, ce qui est une faute. Pour prévenir
cette faute, .Ménage donne une liste des mots on cette
lettre est aspirée.
Suit la critique des règles qu'a données Vaugelas
concernant l'aspiration de l'A.
// mise sans raison dans plusieurs mots. — Ces mots
sont ; Anthoine, T/toinard, T/ienot, hermite, Mathurin.,
thesurcr, inthimé, posthume, Amaranthe : car les mots
latins qui les ont donnés n'ont pas d'A. Nous écrivons
aussi à tort Thoulouse il 672).
S'il faut dire exlrordinaire ou extraordinaire. — On
dit l'un et l'autre, mais dans des endroits dilTérents. On
dit \'E.rtrordinaire en parlant de la Gazette des nou-
velles étrangères, et l'Exlrordinaire des guerres, en
parlant d'une charge. .Mais on dit cet homme est d'une
vertu extraordinaire. Comme exirordinaire est plus
doux qii'e.rlraordinairc , et qu'il est d'ailleurs plus
usité parmi le peuple, il y a apparence qu'il demeurera
le seul en usage.
Emploi de poitrine et de face. — Ces deux mots
sont fort beaux et fort nobles, et les écrivains qui
hésitent à les employer parce que l'on dit une poitrine
de mouton et la face du grand Turc, sont ridicules.
•S'î'/ faut dire chardonnel. ou chardonneret. — En
Anjou, on dit chardonnel. A Paris et à la Cour on dit
chardonneret ; c'est donc de ce dernier qu'il faut se
servir. «
D'oii vient qu'on écrit par un A ceux, dieux, deux,
mieux, travaux, animaux et autres mots semblables. —
Ménage croit que celte façon d'orthographier nous est
venue de la prononciation de Vx comme une s; car if
est certain que l'x, qui parmi les anciens Latins tenait
lieu de es ou de gs, s'est prononcé dans la décadence de
l'Empire romain simplement comme une «. Les Italiens
prononcent encore aujourd'hui Vx comme une s; il en
est de même chez les Gascons et les Provençaux ; et
comme l'.r à la fin des mots fait un plus bel elTet à la
vue que l's, on l'y a employé souvent à la place de cette
dernière : c'est pour cette même raison d'agrément que
nos « aïeuls » ont rempli d'y non-seulement tous les
mots français, mais encore une partie des italiens,
quoique la langue italienne ne connaisse point cette
lettre : Gondy, Corbinelly, Manciny, etc.
Si l'on peut dire dépendre pour dépenser. — Nos
anciens le disaient, témoin cette façon de parler : // est
à moy à vendre et à dépendre. On ne le dit plus présen-
46
LE COURRIER DE VAUGELAS.
temenl [16721 ; on dit dépensé pour dépendu, quoique
dépendre ne soit pas tout ;! fait hors d'usage.
Formes du verbe asseoir et seoir. — Vaugelas dit ils
s'assient au présent; de l'indicatif. Il faut ils s'asséient,
nous 71011S (isséions; a l'imparfait, il faut noîis nous
nsséiions. Au futur de l'indicatif, Vaugelas veut qu'on
dise il séiera ; c'est une autre faute; il faut dire siéra.
Le même auteur s'est encore trompé en disant les
(jrands cheveux lui sient bien ; il faut lui siéent bien.
S'il faut dire un ])r\é-D\e\}, ou un prie-Dieu. — Il
faut dire un prié-Dieu, comme dans cet exemple : le
Roi c.^t à son prié-Dieu. C'est ainsi qu'on parle à la
Cour.
L'adcerbe précipitément. — Vaugelas dit qu'il est
bon, .Ménage le trouve abominable.
De la prononciation des infinitifs en er, en ir, et en
oir. — Vaugelas a établi pour maxime constante que
\'r finale ne se faisait point sentir dans les infinitifs
terminés en er et en ir, et qu'on prononrait, par
exemple, allé, mûri, et non aller, courir. Il devait dire
que cette r finale ne se prononçait point dans ces infi-
nitifs quand il s'agit de prose, car elle se prononce à la
fin des vers, et au milieu, devant une voyelle.
S'il faut dire hànte ou bampe de hallebarde. — 11
faut dire hnvipe ; le mot hante, qui était encore bon du
temps de Vaugelas, est devenu barbare, quoiqu'il fi^it
pourtant le véritable mot.
S'il faut écrire aultre ou autre. — L'«; des Latins
s'étant perpétuellement changé en au dans notre langue,
il faut pour celle raison écr'we autre et non aultre, ce
qui doit s'appliquer à. 4r«aM//, Gonibault, Perrault, etc.
Des prépositions locales en, dans, à, devant les noms
de villes, de provinces et de royaumes. — Dans l'origine,
on a mis en devant les noms de villes; plus lard, on a
mis à devant ceux de ces noms qui commençaient par
une consonne : en se mettait devant ceux qui commen-
çaient par une voyelle, pour éviter l'hiatus ; puis enfin,
à s'est généralisé, et actuellement (1672), on ne dit plus
que en Arles el en Avignon. Cependant depuis quelques
années, on commence à dire à Arles, à Avignon.
Depuis quarante ou cinquante ans, on dit Avocat au
parlement au lieu de Avocat en parlement, qui s'était
dit jusqu'alors.
Pour ce qui est des noms de provinces, il y en a
devant lesquels on met en et dans indifféremment : en
Poitou, en Saintotige, ou dans le Poitou, dans la Sain-
t.onge; il y en a d'autres où l'on ne met que dans; ainsi
on dit dans le Lyonnois, dans le Vendômois; enfin il
y en a d'autres où l'on met au cl dans indifieremment,
et où en ne, vaudrait rien ; on dit au Maine, au Perche,
nu Vexin, dans le Mainr, dans le Perche, dans le
Vexin. Ce sont des bizarreries dont il serait difficile de
donner la raison.
Du pronom démonstratif celiù avec la particule là. —
V'augclas a dit avec juste raison qu'il ne faut pas faire
suivre immédialemenl le pronon celui de l'adverbe là,
et que ceux-Ui (/ui honorent Dieu est une faute ; m.iis
il y a un cas où cet cniiiloi esl parfaitement iiossihie,
celui où le pronom esl précédé de c'est, ainsi il faut dire :
c'est celui-là qui m'a volé.
S'il faut dire apostume ou aposléme. — L'élymo-
logie voudrait que l'on dît apostéme, comme disent la
plupart des médecins ; mais l'usage est pour apostume,
et il y a même déjà longtemps que l'on parle de la
sorte.
S'il faut dire un lavement ou un clyslére. — Il faut
dire un lavement, comme on dit à Paris, et non pas un
cbjstère. comme on dit dans les provinces.
S'il faut dire je ne savois pas que c'estoit, ou que ce
fust vostre mère. — Les occasions d'employer cette
façon de parler sont fréquentes. Les personnes du monde
qui n'ont point d'étude disent d'ordinaire _/e ne savois
pas que c'estoit, et comme ces personnes ne savent le
français que par le simple usage, il semble que le génie
de noire langue nous porte à parler de la sorte. Mais
ceux qui ont ajouté l'étude à l'usage disent toujours je
no .savais pas que ce fust. C'est ainsi que Ménage vou-
drait parler, quoiqu'à son avis, il y ait des endroits où
l'autre manière vaut mieux. Pour bien choisir en ces
sortes de choses, il faut consulter l'oreille avec l'usage,
cai' il est impossible de donner une règle certaine là-
dessus.
Aveindre et atteindre. — Dans le sens de prendre en
haut, le verbe aveindre n'est plus en usage que dans
les provinces. A Paris, on dit atteindre dans ce sens :
cela est si haut que Jr n'y saurois atteindre.
L'expression cousin remué de germain. — Nos ancê-
tres se sont servis de celle expression, où remué vient
de remotatus, qui signifie éloigné. On s'en sert encore
dans les provinces; mais à Paris, on dit cousin issu de
germain.
L'expression oncle à la mode de Bretagne. — Elle est
très-bonne, et les Latins n'ont point de terme pour
exprimer ce qu'elle signifie.
Constanti noble et Constantinople. — Nos anciens
disaient Constantinoble, comme nous disons Grenoble;
mais aujourd'hui '1072), il serait ridicule de dire autre-
ment que Constantinople.
S'il faut dire prévost ou provost. — Autrefois on
disait l'un et l'autre; pré'-o.s^ du \d.\.m prepositus, et
l'autre de \''\\.n\'\en proposto ; mais ceux qui parlent bien
ne disent plus aujourd'hui que yj/eyo.s-;. Les Parisiens
ne meltent plus d'accent sur l'e, tandis que les provin-
ciaux en mettent un.
.S'(/ faut dire mairie ou maircrie. — On trouve mai-
rerie dans Nicod; mais il y a déjà longtemps qu'on
dil mairie, car ce mol se trouve dans les lettres de
Louis \l pour rétablissement de la maison de ville
d'Angers, lettres qui datent de 1474.
Cornclle et trompette du masculin. — Ces mots
s'emploient au masculin pour designer celui qui porte
la cornette et celui qui sonne de la Irompellc.
.S'il faut dire io boiray ou je buray. — Les Parisiens
disent 7> buray, tu buras, il bura; il faut dire je
boiray, tu boiras, il boira.
{La suite au prochain numéro.)
Lk HKDAcrEuii-GÉiUNr : Eman MARIHN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la qliinzaine
Œuvres de Philarète Chasles. Le Moyen-âge. In-18
Jésus, vn[-/iI8 p. Paris, lili. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Les Six premiers siècles littéraires de la ville de
Lyon; par L. de La Saussaye, membre de l'Institut.
ancien recteur de l'académie de Lyon. In-8°, x-"258 p.
. Paris, lib. Aubry.
La Science du langage, cours professé à l'Institution
royale de la Grande-Bretagne en l'année 1861; par Max
Millier, professeur à l'Université d'Oxford. Traduit de
l'anglais, avec autorisation de l'auteur, par George
Harris, professeur au lycée Fontanes, et George Perrot,
professeur à la faculté des lettres de Paris. 3= édition,
revue et augmentée sur la 8= édition anglaise. ln-8°,
xi,iv-Zi98 p. Paris, lib. Durand et Pedone Lauriel.
Grammaire des langues romanes ; par Frédéric
Diez. 3' édition, refondue et augmentée. T. 3. Traduit
par Alfred Morel-Fatio et Gaston Paris. 2° fascicule. In-
8°, 225-^56 p. Paris, lib'. Franck.
Histoires de trois maniaques. Les Dents d'un turco.
Histoire d'un diamant. Don Fa-Tutto; par Paul de Musset,
In-18 Jésus, 289 p. Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Œuvres complètes. Histoire de ma vie; par
George Sand. T. 1. Nouvelle édition. In-18 Jésus, Z|96 p.
Paris, lib. Calmann Lévy. 3 fr. 50.
Cours supérieur de grammaire française, ou syn-
taxe raisonnée. parM. A. Charles, proviseur du lycée de
Douai, et M. E. Richez, professeur au lycée de Douai.
Partie du maître. In-12. 288 p. Paris, lib. Gedalge jeune.
Lettres et pamphlets de Paul-Louis Courier. Por-
trait gravé à l'eau-forte par Dubouchet. In-16, 324 p.
Paris, lib. Vanier.
Œuvres complètes de Molière. Nouvelle édition,
accompagnée de notes tirées de tous les commentateurs,
avec des remarques nouvelles par M. Félix Lemaistre;
précédée de la Vie de Molière, par Voltaire. 3 vol. in-18
Jésus. xxxvi-15i7 p. Paris, lib. Garnier frères.
1. . --• Rongon-Macquart. La Conquête de Fias sans ;
pi,'- Emile Zola. 3" édition. In-18 Jésus. UOd p. Paris, lib.
Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Romans d'Edmond et Jules de Goncourt. VI. Sœur
Philomène. Nouvelle édition, ln-18 Jésus, 30Zi p. Paris,
lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Publications antérieures :
HISTOIRE DE LA BASTILLE depuis sa fondatio.n (137Zij
jusqu'à sa destruction (1789). — Ses prisonniers, ses
gouverneurs, ses archives; Détails des tortures et sup-
plices usités envers les prisonniers ; Révélations sur le
régime intérieur de la Bastille; Aventures dramatiques,
lugubres, scandaleuses; Evasions; Archives de la police.
— Par A. AnNOULD, Alboize et Auolste M.^quet. — Paris,
Victoi- Brttnel, éditeur,' 3, rue de l'Abbaye, ancien palais
Abbatial. — Prix : 10 francs.
LE RO.MAN D'UNE JEUN'E FILLE (1770179^). — Par
Ernest D.vudet. — Deuxième édition. — Paris, Charpen-
tier et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-
Germain. — Prix : 3 fr. 50.
LES VLNGT-HLIT JOURS D'UN RÉSERVISTE racontés
par lui-même et dessinés par un autre. — 5à croquis
à la plume par Raf. — Par Léon Vanier. — Paris, li-
brairie Léon Vanier, 6, rue Hautefeuille. — Prix : 2 fr.
JEAN ET PASCAL. — Par Juliette La.mber. — Biblio-
thèque comtemporaine. — Paris, Calmann Lévy, éditeur,
3, rue Auber, et 15, boulevard des Italiens .librairie
Nouvelle). — Prix : 3 fr. 50.
LESSAULX-TAVA.NES — Etudes sur l'ancienne Société
française, lettres et documents inédits — Par L. Pinoaud,
professeur à la Faculté des lettres de Besançon — Paris,
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56, rue Jacob. — Prix : 6 fr.
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— Paris, Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue
de Grenelle-St-Germain. — Prix : 3 fr. 50.
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duction de MM. Grégoire et Moland. - Illustrations de
Yan Dargent. — Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs,
6, rue des Saints-Pères. — Prix ; 3 fr.
ÉLÉMENTS DE GRAMMAIRE FRANÇAISE, rédigés sur
un nouveau plan, avec des explications tirées de la gram-
maire historique et précédés d'une Introduction sur
l'origine de notre langue. — Par G. Bovier-Lapierre, an-
cien professeur à l'École normale de Cluny, officier de
l'Instruction publique. — Ouvrage couronné par la Société
pour l'instruction élémentaire. —A Paris, chez Delagravc
et Cie, rue des Ecoles. — 1 vol. in-12, cart. 1 fr.
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Gakfarel, ancien élève de l'Ecole normale supérieure,
professeur à la Faculté des lettres de Dijon. — Paris,
librairie de Firmin Didol et Cie, imprimeurs de l'Institut,
rue Jacob, 56. — Prix : 6 fr.
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duction de MM. Grégoire et Molaud. — Illustrations de
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éditeurs, 6, rue des Saints-Pères et Palais-Royal, 215. —
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teurs. — Par M.M. Edouard Goepp et Emile L. Cordier.
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TREc.vsTEAUx, DuMONT d'Urville. — Parls, p. DacrocQ
libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix, relié : U fr.
AS
LE COURRIER DE VAUGELAS.
AVENTURES PRODIGIEUSES DE TARTARIN DE TA-
RASCON. — Par Alphonse Daudet. — Paris, E. Denlu,
éditeur, librairs de la Société des Gens de lettres, Palais-
Royal, 17 et 19, galerie d'Orléans. — Prix : 3 fr.
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d'après nature. — Par F. Fertiault. — Paris, librairie
académique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35, quai
des Augustins. — Pri.x : 3 fr.
LES DANSEUSES DU CAUCASE. — Par Ejlmanuel
GoNZAi.Ès. — Illustrations de Ed. Yen. — Paris, E. Dentu,
éditeur, libraire de la Société des Gens de lettres. —
Palais-Royal, 15-17-19. galerie d'Orléans. — Prix:
3 fr. 50.
L'ART ET LES ARTISTES FRANÇAIS CONTEMPORAINS.
— Par Jn.Es Claretie. — Paris, Charpentier el Cie,
libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-St-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
ETUDES SUR L'ANCIENNE FRANCE, histoire, mœurs,
L\STiTUTio:<s d'après les documents conservés dans lés
dépôts des archives. — Par Félix Rocquai-n. — Paris,
librairie académique Didier el Cie, libraires-éditeurs,
35. quai des Augustins. — Prix : 3 fr. 50.
MADELEINE. — Par Jules Sandeau. — Ouvrage cou-
ronné par l'Académie française dans sa séance du
22 juillet 1847. — Paris, Charpentier el Cie, libraires-
éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. — Prix :
3 fr. 50.
MADEMOISELLE DE MAUPIN. — Par Théophile Gau-
tier. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier el Cie,
libraires-e'diteurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
MANETTE SALOMON. — Par Edmond et Jules dk Con-
court. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier el Cie,
libraires-éditeurs, 13, rue do Grenelle-Saint-Cei-main. —
Prix : 3 fr. 50.
.PAYSAGES DE MER ET FLEURS DES PRÉS. — Une
idylle normande. — Par André Lemoyne — Paris, Satido:
et Fischbacher, éditeurs, 33, rue de Seine. — Prix : 3 fr.
A TRAVERS LES .MOTS. — Par Charles Rozan. — Un
joli volume format anglais de Zi50 pages, imprimé par
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broché : 3 fr. 50.
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Le Tournoi poétioue. littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (W année). — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien — Concours poétiques et littéraires (Prix : médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements :
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
La Société nationale d'éducation de Lyon destine pour 1876 un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur
ce sujet : Quels peuvent et doivent être, dans l'étal naturel de la société, les rapports de l' Instituteur primaire avec
les parents de ses élèves? — Le prix sera décerné dans la séance publique de 1877, sous le nom de Prix de ta ville
de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" Novembre prochain, à M. Palud, libraire,
ù, rue de la Bourse, à Lyon.
SOUSCRIPTION
LA RÉIMPRESSION DES CINQ PRE.MIÈRES ANNÉES DE CE JOURNAL.
Les cinq premières années de la collection du Courrier de Vauoelas se trouvant presque complètement épuisées
(il ne reste plus que quelques exemplaires de la W et de la 5»), une souscription dont voici les conditions est ouverte
pour les faire réimprimer :
1° L'original sera reproduit intégralement dans ses parties essentielles, avec le même nombre de pages et sous un
format identique;
2" La réimpression se fera de manière à fournir une année tous les deux mois;
3» Le prix de chaque année (brochée) sera de 6 fr. comme celui de l'abonnement au journal;
W Les années seront expédiées franco aux souscripteurs à fur et mesure de leur réimpression;
5° Chaque année sera payable aussitôt après qu'elle aura été reçue;
6" Tout .souscripteur qui a drj.-i une partie de ces cinq années devra désigner celles auxquelles s'appliquera
sa souscription;
7* La réimpression commencera dès que 300 adhésions auront été envoyées au Rédacteur.
M. Einan .Marliii, Rédaclcur du CornRiEU ui; Vadgklas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. UAUl'ELEV A Nogent-le-Rotrou.
7» Année
N» 7.
1" Septembre 1876
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraisiant le l" et le 15 de ehaqae mois
{Dans sa séance du \1 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 0 fr. pour la France,
le pori en sns pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
NCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à. Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et parlent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un lihraire quelconque.
SOMMAIRE.
Cîommunications relatives à Quiproquo, à Imposer et à Arti-
sane; — Véritable signification de Mièvre et de Mièvrerie; —
D'où vient Chaud dans H est chaud signifiant rusé; — Si
Quani-à-moi vaut mieux que Quanl-à-soi ; — Étymologie de
• Nabot; — Si le mot Cartable est français. || Emploi de Grâce
à; — _Si l'on peut dire Demander après quelqu'un; — Le
temps du snlijonclif requis par Je ne saurais; — Si Tombal
peut remplacer Tainulaire l\ Passe-temps grammatical. ]| Suite
de la biographie de Gilles Ménage. || Ouvrages de grammaire
et de littérature. || Concours littéraires. || Souscription
pour la réimmession des cinq premières années de ce
journal.
FRANCE
GOM.MUNIGATIONS.
J'ai reçu plusieurs observations au sujet dos solutions
données dans mon numéro 4 ; elles concernent l'étymo-
logie de quiproquo signifiant méprise, bévue; l'emploi
de imposer, avec ou sans le pronom e7i; le féminin
artisane, et enfin l'explicalion de il n'y a pas mèche.
Voici, excepté pour le dernier, dont je ne pourrai
m'occuper que dans quinze jours, la partie essentielle de
ce qui m'est écrit sur cliacun de ces points.
L
Pourquoi le mot quiproquo n'aurait-il pas signifié d'abord :
faute, erreur, méprise? Au lieu de donner pour significa-
tion primitive à ce mot (intitulé de chapitre aans un livre
de médecine, où etc.), pourquoi ne pas prendre ce mot
dans le sens de méprise?
Il a été un bon vieux temps où nos jeunes avocats
comme les vieux plaidaient en latin. Si nous avons déjà
galimatias ut aliboron, qui viennent d'uii solécisme et d'un
barbarisme «ommis dans le feu de la discussion, pourquoi
quiproquo ne serait-il pas de la même famille?
Si, dans la chaleur d'un débat, un jeune avocat a bien pu
donner à alibi un génitif pluriel, s'écrier Inde galli Mat-
thias, pour Inde rjallus Mallliix, il n'est pas impossible qu'un
jeune Cicéron de cette époque, après avoir commencé une
période par qui, oublie qu'il a fait de ce pronom le sujet
et termine sa période comme si le relatif était à l'ablatif.
Pourque quiproquo vint de la méiirisc d'une personne
. s'exprimant on latin, il faudrail deux clioses :
)" Que cette expression, comme (jalli Matthias,
invoqué par l'auteur des lignes précédentes, constituât
par elle-même une faute contre la langue latine;
2° Que la même expression, traduite en français,
signifiât le mot gwi employé pour le mot quo.
Or, attendu que quid pro quo (car c'est ainsi qu'on a
écrit à l'origine, et non quiproquo, qui est une corrup-
tion) se trouve irréprochable au point de vue du rudi-
ment; et que, d'un autre côté, quiproquo, fiit-il, selon
l'apparence, composé de qui, de pio et de quo, signi-
fierait, non pas le mot qui pour le mot quo, mais bien
le mot qui pour le mot qui (la préposition pro voulant
l'ablatif, il faut employer le nominatif de quo après
pour, quand on met l'expression en français), je persiste
à croire que c'est bien comme je l'ai dit, et non autre-
ment, que quiproquo, au sens de bévue, s'est introduit
dans notre langue.
II.
J'ai lu vos exemples sur imposer (signifiant tromper);
mais je ne crois pas que, de nos jours, on puisse dire
indifféremment dans ce sens imposer et en imposer. Que
cela ait été vrai, je l'admets; mais ce qui sera aussi vrai,
c'est que les expressions, les tours do pl^ase peuvent
vieillir et le
Multa renascentur quai jam cecidere, cadentque
QûX iiunc sunt in honore vocabula, si volet usus.
est aussi vrai de nos jours que du temps d'Horace.
Peu dp personnes diront : Il a. clierclw à m'imposcr ou
à imposer à moi (ce qui devrait pouvoir se dire si l'on peut
employer l'expression imposer à quelqu'un sans le pronom
en), et presque tous diront: // a cherché à m'en imposer.
Quand le régime est un pronom au lieu d'un nom, ne
laut-il pas toujours se servir de l'expression en imposer?
Attendu que, dans les livres à l'usage des écoles, il se
ré[)cte depuis plus de vingt ans que : « Imposer ren-
ferme une idée de respect, de considération, d'ascen-
dant, et en imposer, une idée de mensonge, de décep-
tion », il y a naturellement ctiez la génération actuelle
une tendance à employer, dans le sens de tromper,
plutôt en imposer que imposer tout seul.
Mais, comme j'ai cru le reconnaître après avoir
recueilli un nombre suffisant d'exemples, le princiiJcde
50
LE COURRIER DE VAUGELAS.
celte tendance est faux (ce qui est aussi l'opinion de
M. Littré), et j'en ai inféré que le xix= siècle n'est nul-
lement autorisé par ses maîtres, je yeux dire les écri-
vains du xvn" et du xviii", à restreindre ainsi qu'il le
fait souvent le sens de l'expression en imposer à celui
de tromper, mentir, décevoir.
III.
Au propre, 1 emploi du féminin artisane reste contestable
malgré les citations. Cet emploi est loin au surplus d'être
dune pressante nécessité, et il aurait le grave inconvénient
d'introduire de fâcheuses confusions. Avant d'abuser ainsi
du mot artisan, il faudrait le définir et en bien comprendre
le sens. Or, comme il est à soupçonner que les écrivains
appelés en témoignage n'ont point pris de tels soins,
leur autorité s'en affaiblit d'autant. Mais une pareille
question entraînerait très loin, sans probablement être
digne de recherches trop approfondies.
Le féminin artisane est aussi régulièrement fait que
paysanne, sultane, mchométane;
Il tient lieu de femme d'artisan comme bouchère,
cafetière, cordonnirre, etc. tiennent lieu de femme de
boucher, femme de cafetier, femme de cordonnier, etc. ;
Il me semble tout aussi indispensable pour abréger
le discours que les féminins dont je viens de parler et
leurs analogues ;
Il a été employé par des écrivains dont cbacun (j'en
demande bien pardon à mon honorable contradicteur)
savait probablement aussi bien qu'homme de France ce
que signifie artisan;
Enfin, son enregistrement est demandé par les plus
autorisés d'entre nos lexicographes.
D'où je conclus que l'emploi de artisane, au sens
projire, est loin d'être aussi contestable que le prétend
l'observation à laquelle je réponds.
X
Premii're Question.
Quelle est la véritable signification des mots Mièvre
et Mièvrerie? Je trouve des auteurs modernes qui em-
ploient le premier dans le sens de MA>fiÉRE', affecte' ;
le second, dans celui de scRcrcLEs rcÉBiLs, et aussi de
PAROLES FLATTEUSES, GALA^iTERiES, emploi que je ne m'ex-
plique (juère. Je vous serais fort obligé si vous vouliez
bien me faire savoir par la voie de votre journal ce que
vous pensez de ces néologistnes.
L'adjectif mièvre est fort ancien dans notre langue,
car j'en ai trouvé cet exemple, qui estduxiH" siècle:
trop me grieve >.
(Jue ma meschine est si csmievre
De mon argent issi gaster.
(Barbazan, Fnh. t. IV. p. loo )
Mais il ne jiarvintque vers la fin du xvii'^^ à l'honneur
du dictionnaire, et, si je ne me (rompe, c'est dans la
première édition de l'Académie qu'il parut pour la
première fois.
Ce terme venait remplacer mouvant, adjectif alors
vieilli (il n'est ni dans l'Académie de IG!)1, ni dans le
Richelet do -I72S), qu'emploient encore les paysans de
la lieauce et du l'crche, et dont Furetière (1727) a
indiqué l'usage dans ces lignes :
On dit absolument, qu'un enfant est bien mouvant, lors-
qu'il est fort remuant, et qu'il ne se peut tenir en place.
La signification de mièvre fut naturellement la même
que celle de son prédécesseur : ce mot se dit des
enfants remuants, et qui, par cela même, sont instincti-
vement portés à faire des espiègleries et des malices,
fait dont voici deux preuves :
(Première édition de l'Académie)
Mièvre, adj. Se dit proprement d'un enfant vif, remuant
et un peu malicieux. Cet enfant est mièvre, bien mièvre.
(Le Furetière de 1727)
Mièvre. Adj. m. et fém. Terme populaire, qui se dit des
enfans éveillez, remuans et malins, qui font toujours
quelque friponnerie ou quelque malice aux autres. Un
garçon qui est mièvre à l'âge de 10 ou 12 ans n'en vaut
que mieux; c'est un signe d'esprit et de courage.
Or, avec une telle signification et un tel emploi, il
est évident que mièvre n'est nullement à sa place :
\° Dans cette phrase de Théophile Gautier, où il a
le sens de maniéré :
Cet artiste a peint une foule de petits tableaux char-
mants, un peu mièvres peut-être, mais ayant gardé du
style sous leur afïéterie.
2° Dans cette autre, que me fournit le Grand Dic-
tionnaire de P. Larousse, et où mièvre signifie grêle,
chétif :
Une jeune fllle pâle et mièvre.
Je passe maintenant à mièvrerie.
Ce substantif parait avoir signifié d'abord, non pas la
qualité d'être mièvre, comme on pourrait le croire, mais
bien un tour, une malice, une espièglerie faite par un
enfant qui a cette qualité, ce dont la preuve se trouve
encore dans les autorités citées plus haut :
(L'Académie, qui ne donne que le synonyme de
mièvrerie)
MiÈVRETÉ. s. f. Tour de malice que fait un enfant qui est
mièvre. Il fait toujours quelque mièvreté.
(Furetière)
Mièvrerie ou Mièvreté. s. f. Petite niche ou malice
qu'en enfant mièvre a accoutumé de faire. Il fait toujours
quelque mièvrerie, quelque mièvreté.
Plus tard, mièvrerie s'est dit aussi de la qualité des
enfants qui ont besoin de s'agiter continuellement; on
trouve, en effet, dans le Dictionnaire de Littré :
Un enfant d'une mièvrerie amusante.
D'où il suit que la véritable signification de mièvrerie,
celle qui découle naturellement de l'adjectif mièvre, est
double : 4° qualité d'un enfant mièvre; 2' malice,
espièglerie, niche, tour qu'un enfant de cette constitu-
tion fait ou est porté à faire.
Or, une fois ce point important établi, il est complè-
tement hors de doute, du moins pour moi, que mièvrerie
a été mal emidoyé :
\" Dans la phrase suivante, où il a le sens de doux
propos, galanterie, etc. :
Cette délicatesse va si loin que, dans Thibault de Cham-
pagne, dans Charles d'Orléans, elle tourne à la mignar-
dise, à la fadeur. Toutes les impressions s'atténuent, le
parfum est si faible que souvent on ne le sent plus : à
L'E COURRIER DE VAUGELAS.
5»
genoux devant leur dame, ils chuchotent des mièvreries et
des gentillesses, ils aiment avec esprit et politesse.
(H. Taine, La/ont. el ses /ah., ch. I.J
2° Dans celle-ci, où le mol en question signifie icrw-
pulexpxtéril)^, délicatesses hors de saison :
C'est-à-dire que je me serais emparé, malgré les mièvre-
ries de la dame, du cadavre lai?sé dans la voilure, et l'au-
rais jeté, avec cent livres de pierres dans les poches, du
haut du pont d'Iéna dans la. Seine.
fLéoii Gozian, Figaro du 6 février 1S76 )
3° Dans cette autre, enfin, où il signifie recherche
d'une (jrdce affectée :
La gorge, habilement présentée, mais couverte d' un
fichu clair, laissait apercevoir deux contours d'une ex-
quise mièircrie.
(Balzac, cité par Larousse. Gr. Dict.)
A mon avis, il n'existe qu'un moj'en d'étendre légi-
timement l'emploi de mièvre et de mièvrerie; c'est de
les appliquer à un être vivant, homme ou bêle, qui,
comme l'enfant mourant abandonné au xviii'" siècle, est
d'une nature remuante, à ne pouvoir tenir en place :
hors de là, sous quelques auspices qu'ils se présentent,
ces mots ne peuvent être que des barbarismes.
X
Seconde Question.
E71 Bretagne, on dit d'un rusé, d'un fin matois :
Esr-iL chacd! Doit vient cette expression? Sans doute
d'une sottise d'élève qui aura traduit callidus, rusé,
comme s'il n'y avai't qu'une l, par calidcs, chaud?
Vous vous trompez singulièrement.
Le terme dont il s'agit vient du latin cautus, formé
du supin cautwn, de cavere, prendre garde, se garder
de, prendre ses sûretés, etc.
Dans, l'origine, ce mot a eu la forme caut, féminin
caute, comme le montrent ces exemples :
Ce barbare, qui n'estoit point homme simple, aius mali-
cieux et caull de sa nature.
(Amyot, Aîc. 47.)
En ce le chirurgien doit être caut, c'est à dire ingénieux
â faire son pronostic.
(Paré, XXvn, 65i.)
L'ung est ung lin et cnult regnard, l'autre est des gens
de bien avmé.
(Rabelais, Panl. IV, Nom. prol. )
Lassez-vous d'abuser les jeunesses peu caules.
(Malherbe, VI, 10. 1
Après le vvii= siècle, il est tombé en désuétude, mais
il s'est conservé dans quelques patois avec la forme et la
prononciation chaut (c = ch\
Remarquez, pour l'orthographe, que l'élymologie
réclame un t, et non un d, dans ce mol.
X
Troisième Question.
A la page 1 1 (i de votre C= année, vous avez résolu la
question de .savoir s'il faut dire ils oht nN cdez-soi ou
ILS 0.11T D\ ciinz-EOX. Cette question me fait songer éi
vous. demander s'il vaut mieux dire il se tient sdh son
QUANT-A-soi quew. se tient scr son qcant-a-moi : il tj a
quelque analogie entre ces expressions.
Lorsque des objections sont faites à une personne par
quelqu'un qui l'a priée de lui donner un conseil, il
arrive généralemenlque, cette personne, pour exprimer
qu'elle n'en conserve pas moins sa manière de voir,
formule ainsi sa réplique : Faites, dites, écrivez ce
que vous voudrez: <iuant ci moi, je...
Comme cette expression revient souvent dans le dis-
cours, on en a fait le nom composé quant-à-moi, qui
signifie indépendance qu'on se réserve, fierté :
Je suis très-aise, madame, que vous approuviez mon
quant-à-moi sur le sujet de M. de Guitaut.
(Bussy, Lett. à Mme de .Sévigné.)
Ce nom s'emploie sans aucune considération de la
personne ni du nombre de ceux qui peuvent le précéder,
comme dans ces exemples :
Il ferait trop du quant-à-moi,
11 me ferait couper ma jupe.
(Scarroii, Virgile, IV.)
Celui qui le premier a mis les colonies dans le cas de
prendre leur quani-à-moi , est un fou.
(Diderot, îeltr. d'un ferm.)
Et quel était le personnage
Qui gardait tant son quani-à-moi.
(La Fontaine. Joç.)
Voyez comme en silence il tient son quant-à-moi
(Th. Corneille, D. Ces. d'Av., V, 4.)
A la vérité, on rencontre également 5f(<ff«^rt-.so/, ainsi
qu'on le voit dans l'exemple suivant, emprunté à
M"'^ de Genlis iTh. d'éduc. la Lingère. i, 7) :
Je ne vous dis pas qu'il faille être sévère, et garder
son quant-à-soi avec ses enfants.
Mais, attendu que si l'on admettait quant-à-soi, il n'y
aurait pas de raison pour ne pas admettre de même
quant-à-etix, quant-à- elles, etc., qui n'ont jamais été
employés, que je sache, en français, il me semble qu'il
vaut mieux s'en tenir à ciuant-à-moi, el rejeter indis-
tinctement toutes les variantes dont il est susceptible.
X
Quatrième Question
Dans le CoruRiEK de Vaigelas du \" Juin de cette
année, je trouve un article sur l'élymologie du mot
Nabot. Permettez-moi de vous demander si ce mot
n'aurait pas son origine dans le récit biblique que nous
trouvons dans le 3*' livre des Rois, au chap. 21'. Je vous
serais infiniment obligée si vous vouliez bien me dire
votre (opinion là-dessus.
Je viens de relire ce 24" chapitre du IIP livre des
Hois, relatant la manière dont s'y prit Jézabel pour
mettre Achab, son époux, en possession de la vigne de
Nabolh, cette vigne dont il voulait faire un « jardin
potager « parce qu'elle était proclie de sa maison royale.
Or, j'ai acquis la conviction |)rofonde que ce n'est
point le Nnboth dont il s'agit ici qui a donné notre
nabot, et cela, pour trois raisons :
La première, parce que la prononciation de Nabolh
et de /wftof n'a probablement jamais été la même dans
notre langue;
52
LE COURRIER DE VAUGELAS
La seconde, parce que si nabot venait du Nahoth de
l'Écriture, il aurait aussi bien conservé son h finale que
Miphiboseth et Goliath ont conservé la leur ;
La troisième, enfin, et la plus forte, c'est que, dans
les 29 versets qui composent le chapitre où se place
l'histoire de Naboth, il n'est fait aucune allusion à la
taille de cette malheureuse victime du despotisme.
X
Cinquième Queslioa.
Le mot Cartable pst-il français ? Tout le monde s'en
sert, et cependant je ne lai trouvé dans aucun des
dictionnaires que fui en ma possession.
Ce mot, dont vous avez oublié de me donner le sens,
û'est pas dans le Dictionnaire de Littré; il ne figure
pas non plus dans celui de P. Larousse [Grand Dict.
du XIX" siècle) ; je ne le trouve pas dans le Diction-
naire de la langue verte, et je n'ai pas souvenance de
l'avoir jamais entendu prononcer. Voilà bien des rai-
sons qui me portent à croire qu'il n'appartient pas
encore à la langue française.
ÉTRANGER
Première Question.
Est-il permis d'employer l'expression grâce a devant
un nom qui exprime une mauvaise chose, comme, par
exemple, dans cette phrase .■ « Il a été ruiné grâce l la
faillite de son correspondant » ?
■ L'expression f/râce à signifiant par le fait de, par
l'action de, par le secours de, elle s'emploie aussi bien
devant un substantif exprimant une mauvaise chose que
devant un substantif qui en exprime une bonne ou une
indifférente. Voici des exemples qui mettent ce fait en
évidence :
Grâce à l'impôt toute l'année est carême pour le travail-
leur.
(Proudhnn.)
Ce que madame Lecœuraurait expliqué en cinq minutes,
la mère Brichard, grâce à des phrases incidentes, mit uue
heure à nous le dire.
(Pr d'Anglemont, Paris anecdote, p, 25.)
Cet examen exige une instruction de deux années au
moins, grâce à l'intervention obligée de onze autorités
différentes.
(Alexandre Bonneau.)
Grâce à vos excentricités, me voilà déjà devenu la fable
de la ville.
(Paul d'Orciéres.)
X
Seconde Question.
Est-il permis de dire : Demander après quelqc'cn
pour signifier s'informer oit il est, désirer qu'il vienne?
On a condamné cette expression; mais c'est à tort,
car on l'emploie constamment dans la langue moderne,
et elle a existé dans celle du xv" siècle, comme le
montre la citation suivante fournie par M. Littré :
Lors dcmanda-l-i\ aprcs \c roi d'Allemagne son fils et dit :
Où est messire Charles mon fils?
(Froisiart, I, 1, >S8.)
Voici, du reste, l'explication de après venant à la
suite du verbe demander.
Celte préposition marquait, dans sa signification pri-
mitive, une idée de postériorité :
Marcher api-és quelqu'un.
Courir après quelqu'un.
S'élancer après quelqu'un.
Mais, comme en poursuivant une personne par des
cris, on marche, on court, on s'élance après elle, cette
préposition s'est employée entre les verbes exprimant
l'idée de crier et le nom de la personne qui servait de
complément; et, sans qu'il y eût de poursuite réelle
contre cette personne, on a dit :
Vociférer après quelqu'un.
Crier après le concierge.
Tempêter après sa femme.
S'emporter après son valet.
Or, quand on va demander où est quelqu'un que l'on
a envie de voir pour l'entretenir, on pousse en quel-
que sorte des cris derrière lui, et l'emploi de après avec
demander a lieu comme lorsqu'il s'agit des verbes que
je viens de citer.
Ce n'est pas seulement avec demander qu'on emploie
après avec une signification autre que celle de posté-
riorité. On l'y trouve aussi avec être et se mettre,
comme le font voir ces exemples :
Cei homme est toujours après ses domestiques.
(Académie.)
Pourquoi toujours se mettre après un homme inoffensif?
(Alexandre Dumas.)
X
Troisième Question.
Quel temps faut-il employer après sacrais s^iivi d'un
verbe à V infinitif requérant le subjonctif après lui?
Ainsi, par exemple, faut-il dire : « Je ne sabrais
exiger qu'il vienne ou qu'il vini »?
Lorsque je ne saurais est employé pour^e ne puis,
qui est la première personne du présent de l'indicatif
du \erhe pouvoir, et qu'il vient ensuite un que précédé
d'un verbe exigeant le subjonctif, nous mettons ce^verbe
au présent, comme si^'e ?ie puis était lui-même dans la
phrase; ainsi on dit :
Je ne saurais faire un pas sans qu'on me fasse une ob-
servation.
Je ne saurais commander qu'on aille à tel endroit.
Or, sachant cela, il est évident qu'il faut dire vie?ine
dans la phrase que vous me proposez.
X
Quatrième Question.
Est-il permis de remplacer iumclaire par tombal?
J'ai lu, je ne sais oii, ce dernier mot, que je ne trouve
point dans mes dictionnaires.
L'adjectif tombal est un terme d'archéologie qui ne
se trouve que dans les dictionnaires publiés postérieu-
rement à la dernière édition de l'Académie (1835);
Cet adjectif se dit spécialement de la dalle de pierre
ou de la table de marbre (autrefois nommée tombe) qui
recouvre une ancienne sépulture, et qui sert de pavé
LE COURRIER DE VAUGËLAS.
53
dans une église ou dans un cloilre; tandis que tumu-
laire (du latin tumulus, tertre) signifie, lui, qui a
rapport, qui appartient aux tombeaux.
On ne peut donc remplacer himulaire par tombal.
puisque ce dernier a une signification beaucoup moins
étendue que celle du premier.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
t* ... qu'on avait déjà rues se produire (lactioii étail faite
par les résislauces) ; — 'i° ... le tiers du royaume, de même on
accueillit alors (quand une phrase commence par de même que,
il faut mettre de même en télé de la seconde partie) ; —
3° ... voilà ce ciue crient sur les toits; — 4° ... sur le costume,
voire sur le mobilier (pas de même, voir Courrier de
Vaugelas, V année, p. 185); — 5" ... des sommes énormes
qu'ils avaient inuUlement coûté (appliqué à une somme d'argent,
ce participe est toujours invariable); — 6° ... où les ruisseaux
roulent de l'eau bénite (le verbe couler n'est pas actif dans ce
sens); — 7" Quelques-uns pensent (voir Courrier de Vauge-
las, présente année, p. 43); — 8°... dit en tiurlant M. de Gavar-
die (voir Courrier de Vaugelas, 5' année, p. 138, 185, 153 et
186); — 9° ... uneb.die que le héros a reçue; — 10° ... et qui
s'ennuient énormément (voir Courrier de Vaugelas, 7* année,
p. 19).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
!• Je serais riche, si j'avais autant de mille louis que j'ai
fait sauver de gens depuis le 10 août.
2" M. -Alphonse Daudet a soi.xante ans, qu'il porte avec
une rare vigueur. Sans la redingote à la propriétaire dont
il persiste à s'affubler, il n'en paraîtrait pas plus de cin-
quante.
3° 11 a été remis entre les mains de l'administrateur
général, la volumineuse correspondance de Napoléon 111
avec sa sœur de lait. Madame Cornu.
4° Ainsi donc, la lettre de la reine Isabelle, qui a paru
dans l'Officiel, aurait été considérablement corrigée avant
que d'être publiée.
5* Les membres du jury avaient, par ordre, renoncé à
la robe rouge à collet d'hermine des docteurs en Sor-
bonne. Ils avaient allègrement endossé le veston, la redin-
gote, voire même le pantalon gris.
6* Mais cela exige-t-il une paire de millions par an, soit,
en cinquante ans, à intérêts composés, plus de deux cent
cinquante millions?
7° N'ayant pas pu exprimer ses sentiments, il dictera sa
volonté, fort de cet arriéré de désirs et d'espérances qu'on
aura laissé s'accroître sans s'inquiéter de les connaître,
sans Chercher â les comprendre, sans vouloir les réaliser.
8° J'estime qu'avec tous les défauts que je puisse avoir,
ils en ont un autre qui est bien, à mes yeux, le plus
grand et le pire de tous : c'est l'hypocrisie que je veux
dire.
{les correetions à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Gilles MÉNAGE.
[Suite.)
Le mot gracieux. — Vaugelas a condamné ce mot
dans toutes ses significations, mais c'est une erreur, car
il est très-bon.
Le verbe avorter. — Il ne se dit plus que des ani-
maux; en parlant d'une femme, il faut dire qu>//e s'est
blessée, ou bien qu'elle a fait une fausse couche (<672).
L'adverbe jamais plus. — C'est une façon de parler
italienne, mai jnit. Vaugelas la trouve fort bonne, mais
Ménage n'est pas du même avis.
S'il faut dire jour ouvrier ou jour ouvrable. — Il
faut dire 7oî<''02UT/er; c'est comme on parle d'ordinaire,
et c'est également ainsi que parlaient nos ancêtres.
Différence entre autour et alentour. — L'usage des
écrivains modernes a établi une différence entre ces
deux mots qui, autrefois, s'employaient l'un pour l'autre :
autour est une préposition et alentour est un adverbe.
Potier e< potier d'élain. — Quoiqu'on dise potier d'é-
tain, il ne faut pas dire pour cclajmtier de terre; le mot
potier tout seul signifie celui qui fait des pots de terre.
Mouchoir et mouchoir à moucher. — Les dames, en
parlant de leur mouchoir de cou, l'appellent simplement
aussi un mouchoir; et, en parlant de leur mouchoir de
poche, elles l'appellent tm mouchoir à moucher. Mais
comme celte expression fait une vilaine image, il serait
à souhaiter qu'elles dissent mouchoir simplement en
parlant de leur mouchoir de poche, ou bien qu'elles
l'appelassent M« mouchoir de poche.
S'il faut dire balayer ou balier; néier ou noyer; net-
téier nettoyer, nettir ou netlier; sier ou séier du blé.
— Le verbe balayer est plus usité que balier, et aussi
plus conforme à l'étymologie, puisqu'on dit balay,
balayeur. — On a dit autrefois noyer, mais actuelle-
ment (1072) on dit néier, comme on dit neltéieraa lieu
de nettir, et de nettoyer, usité jadis. On a dit autrefois
sier du blé comme sier du bois; mais aujourd'hui, on
dit sier du bois, et séier du blé.
De quelques mots qu'on prononce par a, et de quel-
ques autres qu'on prononce par e — Il faut dire coup de
Jarnac, et non coup de Jernac; parfumer, marri, ?nar-
quer, gagner, et non perfumer, merri, merquer, gui-
gner, quoiqu'on dise^aw; pastorale, dartre, charriot,
et non pastorelle, dertre, cherriot; cavalle, camisole,
jargon, et non quevalle, q%iemisole, gerijon. Il faut dire
au contraire mairrain, guérir et guérison, cl non. marruin,
guarir, guarison; finesser, demoiselle, cremillère,
ételon, et non finasser, damoiselle (qui ne se dit qu'au
palais), crémaillère et étalon.
Quant àguiterre et guitarre, serge et sarge, herboliste
et arbolist'e, ils sont controversés.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
De la prononciation du d dans les mots gui commen-
tent par ad, et de celle du h dans ceux qui commencent
par ab. — Dans la liste qu'a dressée Vaugelas, il a omis
adgencer, qu'il faul prononcer agencer; puis adverse, où
le d ne se prononce pas non plus : on ûii partie averse,
quoiqu'on dise adversaire. Il a mis adjoint parmi les
mots où le d se fait sentir. Il s'est trompé; on dit un
ajoint, et non un adjoint (I672i.
Le b ne se prononce pas dans obstiné, obstination.
Nom.^ qui n'ont point de singulier. — Voici la liste
de ceux dont se souvient Ménage :
Ancestres. On ne dit point en latin major meus.
Délites. On disait autrefois mi délice, mais on ne
l'emploie plus guère qu'au pluriel et au féminin.
Egards. Ce mot ne se disait autrefois qu'au singulier;
mais, depuis quinze ou vingt ans, il se dit aussi au
pluriel, nombre auquel il est fort à la mode.
Grotesques. On dit voilà de beaux grotesques, en
sous-en tendant le mot ouvrages, ou ornements. Au sin-
gulier grotesque est un adjectif.
Gueules. En terme de blason, ce mot n'a point de
singulier; il faul dire il porte de gueules, et non de
gueule.
Pleurs. Nous disions anciennement un pleur, comme
nous disons une larme; mais aujourd'hui i)672), il n'j
a plus que le pluriel qui soit en usage.
Des noms qui nés emploient pas au pluriel. — Il yen
a un grand nombre.
D'abord les noms de métaux : on ne dit pas les ors,
Ifs argents, etc.
Les substantifs )niel, fiel, vinaigre, crasse, foi, tem-
péranceel c/iaud n'ont pas non plus de pluriel.
Ail. Tous nos anciens ont dit au.r, et même plusieurs
de nos modernes; mais ce mot n'est plus usité qu'au
singulier.
Air. Dans la signification d'aër. il n'a point de pluriel
en prose; mais en poésie, on peut dire les airs.
Alibi. On le trouve employé au pluriel, mais présen-
tement on emploie le singulier.
Apsinthe. A l'exemple de .Malherbe, qui a dit adoucir
toutes mes apsinthes, on peut s'en servir en vers; mais
il faut se garder de rem])lo\er en prose.
Arène. Jules César dans ses livres de l'Analogie,
voulait que le mol arena ne fût point usité au pluriel;
cependant, nous disons arènes cx\ verslrès-élégamment.
Beslail. On ne dit point les bestails; mais bien les
hestiau.r, du singulier bestial-, qui n'est plus du bel
usage.
Coral. On ne dit point coraux.
Couroux. En prose, il faut dire mon couroux; en
vers, on peut dire mes courou.r.
Faim. Ce mot a'cst usité qu'au singulier.
Fièvre. Nos ancêtres disaient fièvres tierces et fièvres
quartes au pluriel ; mais dans ces façons de parler fièvre
n'est plus usité qu'au singulier, excepté dans fièvres
quartaines.
Paix. Ce mot s'emploie généralement au singulier;
niais il 6c dit au pluriel quand on parle de ,1a paix que
l'on donne à baiser à l'église : A-t'on mis les deux paix
sur l'autel?
Santé. Il ne s'emploie qu'au singulier dans le sens
propre, mais il se met au pluriel dans cette façon de
parler : boire dessa7itez.
S'il faut dire indannité ou indamnité. — 11 n'y a pas
encore cent ans, on prononçait indannité, les vieux
Français ayant comme les Italiens changé?/»» en deux n;
mais actuellement, on prononce indemnité, en faisant
sentir l'm.
Tabakière ou tabatière. — Il faut dire une tabakière,
et non une tabatière f<672|.
Si l'on doit dire charte ou chartre. — Ce mot signifie
trois choses : une prison, une maladie de langueur et
un écrit. Dans les deux premières significations, il
vient de carcer, prison; il est évident qu'il faut dire
c/iarire. Mais dans la troisième, il vient de charta, et
selon cette élymologje, il faudrait dire charte. Cepen-
dant, on dit aussi chartre dans cette signification :
trésor des Chartres.
Des noms propres. — C'est une grande question
parmi nos grammairiens de savoir de quelle façon les
noms propres latins se doivent rendre dans notre
langue. Les uns soutiennent qu'il ne faut point les
changer; les autres prétendent qu'il faut les habiller à
la française. Il y en a qui partagent le différend en lais-
sant la terminaison latine à quelques-uns, et en
donnant la française à d'autres. Ménage, qui compte
parmi ces derniers, donne à ce sujet quelques règles gé-
nérales, puis des règles particulières relatives à chacune
des terminaisons que ces noms affectent en latin, en
grec et en hébreu.
S'il faut dire àalomaile ou aftomate; autographe ou
aftographe. — D'après la nouvelle prononciation du
grec (xj = afj, il faut dire aftomate, ce mot ayant été
introduit depuis ladite prononciation, et il en est de
même pour autographe, qui doit se prononcer afto-
graphe.
S'il faut dire après soupe, ou après souper; le disné
ou le disner; le demeslé ou le demesler. — Vaugelas
veut qu'on dise indifféremment après soupe et après
souper. Ce n'est qu'une question d'orthographe, car
pour la prononciation, tout le monde demeure d'accord
qu'il faut dire après soupe. Quant à Ménage, il écrit
toujours après soupe; mais il n'en écrit pas moins le
disner, le .loupcr, le manger.
11 fout écrire un procède, un demeslé, et non un pro-
céder, un demesler. Vaugelas écrit un demesler, mais il
se trompe manifestement.
Emploi de librairie. — Nos pères disaient toujours
librairie et jamais bibliothèque. C'est sous le règne de
Charles IX qu'on a commencé à employer cette der-
nière dénomination.
{La suite au prochain miméro.)
Lk Rkdacteou-Gbiunt : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
L'Enchanteresse, histoire parisienne; par Philibert
Audebrand. In-18 Jésus, 33i p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
L'Hôtellerie du Prêtre- Jean, 1530-1527; par
Charles Buet. In-12, 333 p. Paris, lib. Téqui.
Souvenirs du régne de Louis XIV ; par le comte de
Cosnac (Gabriel-Jules). T. 5. In-8». !i(i!i p. Paris, lib.
Loones. 7 fr. 50.
Les Habits noirs ; par Paul Féval. Edition illustrée.
la-W à 2 col., Z|55 p. Paris, lib. Coste.
Histoire étrange d'une fille du monde ; par Arsène
Houssaye. ln-8°. 388 p. et 5 grav. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Les Traditions indo-européennes et africaines ;
par Louis Jacolliot. ln-8', 328 p. Paris, lib. Internatio-
nale. 6 fr.
La Guerre noire, souvenirs de Saint-Domingue ;
par Berlioz d'Auriac 3^ édition. In-18 Jésus. i08 p. Paris,
lib. Allard.
Cinq ans après. L'Alsace et la Lorraine depuis
l'annexion; par Jules Claretie. Grand in-18, 376 p.
Paris, lib. Decaux.
Un évêque au XIII" siècle. Hildebrand et son
temps ; par le comte P. de Deservilliers. Avec une pré-
face de M. Amédée de Margerie. In-S', i.v-366 p. Paris,
lib. Bourguet-Calas et Cie.
Voyage en Italie; par Théophile Gautier. Nouvelle
édition, considérablement augmentée, ln-18 jésus. 370 p.
Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Souvenirs de la Restauration; par .M. Alfred .Net-
tement. 2= édition. In-12, 31/e p. Paris, lib. Lecoffre fils
et Cie. 2 fr.
Publications antérieures ;
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — uo.mmes
DE GUERRE. — Première série. — Par Euou.\rd Goepp,
chef de bureau au Ministère de l'instruction publique.
— 2* édition, ornée de quatre portraits et de trois cartes.
— Ki.ÉBEU, Desai.ï, Hoche, Marceau, Dad.mesnil. — Paris,
P. Ducroc, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix,
relié : U francs.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin , professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier de
Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
HISTOIRE DE LA BASTILLE depuis sa fondation (137ûi
jusqu'à sa destruction (1789). — Ses prisonniers, ses
gouverneurs, ses archives; Détails des tortures et sup-
plices usités envers les prisonniers; Révélations sur le
régime intérieur de la Bastille; Aventures dramatiques,
lugubres, scandaleuses; Evasions; Archives de la police.
— Par A. Arnûi'ld, Alboize et Auguste Maquet. — Paris,
Victor Brttnel, éditeur, 3, rue de l'Abbaye, ancien palais
Abbatial. — Prix : 10 francs.
LE RO.MAN D'UNE JEUNE FILLE (1770-179/i). — Par
Erxest Daudet. — Deuxième édition. — Paris, Charpen-
tier et Cie, libraires-éditeurs, 13. rue de Greuelle-Saint-
Germain. — Prix : 3 fr. 50.
JEAN ET P.\SC.\L. — Par Juliette Lamber. — Biblio-
thèque comtemporaine. — Paris, Calmann Lévy, éditeur.
3, rue Auber, et 15, boulevard des Italiens (librairie
Nouvelle). — Prix : 3 fr. 50.
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franijaise, lettres et documents inédits — Par L. Pingaud,
professeur à la Faculté des lettres de Besançon — Paris,
librairie Firmin Didol el Cie, imprimeurs de l'Institut,
56, rue Jacob. — Prix : 6 fr.
A COUPS DE FUSIL. — Par Quatrelles. - 2' édition.
— Paris, Charpentier el Cie, libraires-éditeurs, 13, rue
de Grenelle-St-Germain. — Prix ; 3 fr. 50.
LE CAMARADE DE VOV.\GE. - Par Andersen. - Tra-
duction de MM. Grégoire et Moland. — Illustrations de
Y'an Dargent. — Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs.
6, rue des Saints-Pères. — Prix : 3 fr.
LES VINGT-HUIT JOURS D'UN RÉSERVISTE racontés
par lui-même et dessinés par un autre. — bU croquis
à la plume par Raf. — Par Léon Vanier. — Paris, li-
brairie Léon Vanier. 6. rue Hautefeuille. — Prix : 2 fr.
ÉLÉ.MENTS DE GRAMMAIRE FRANÇAISE, rédigés sur
un nouveau plan, avec des explications tirées de la gram-
maire historique et précédés d'une Introduction sur
l'origine de notre langue. — Par G. Bovier-Lapierre, an-
cien professeur k l'École normale de Cluny. officier de
l'Instruction publique. — Ouvrage couronné par la Société
pour l'instruction élémentaire. — A Paris, chez Delagrave
el Cie. rue des Ecoles. — 1 vol. in-12, cart. 1 fr.
HISTOIRE DE LA FLORIDE FRANÇAISE. — Par Paul
Gaffarel, ancien élève de l'Ecole normale supérieure,
professeur h la Faculté des lettres de Dijon. — Paris,
librairie de Firmin Didol el Cie, imprimeurs de l'Institut,
rue Jacob, 56. — Prix : 6 fr.
LA VIERGE DES GLACIERS. — Par Andersen. — Tra-
duction de M.M. Grégoire et Moland. — Illustrations de
Yan Dargent. — Paris, lib. Garnier frères, libraires-
éditeurs, 6, rue des Saints-Pères et Palais-Royal, 215. —
Prix : 3 fr.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. - naviga-
teurs. — Par .M.M. Edouard G(bpp et Emile L. Cordier.
— Ouvrage accompagné de deux magnifiques cartes
imprimées en couleur. — Bouoainvilub, La Pérouse, Den-
.trecasteaux, Du.mont d'Urvillb. — Paris, P. Dacrocq.
libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix, relié : k fr.
S6
LE COURRIER DE VAUGELAS.
A TRAVERS LES MOTS. — Par Charles Rozan. — Un
joli volume format anglais de 650 pages, imprimé par
J. Claye. — Comprenant les Etoffes, les Académies, les
Cartes et les Echecs, les Devinettes, la Barbe, les Danses,
le Calendrier, les Pierres précieuses, les Meubles, les
Petits meubles, les Titres de noblesse, les Petits poèmes,
et donnant l'étymologie de plus de 900 mots. — Prix,
broché : 3 fr. 50.
LES DANSEUSES DU CAUCASE. — Par Emmandel
Go.szALÈs. — Illustrations de Ed. Yon. — Paris, E. Dentu,
éditeur, libraire de la Société des Gens de lettres. —
Palais-Royal, 15-17-19, galerie d'Orléans. — Prix:
3 fr. 50.
AVENTURES PRODIGIEUSES DE TARTARIN DE TA-
RASCON. — Par Alphonse Daudet. — Paris, E. Denlu,
éditeur, libraire de la Société des Gens de lettres, Palais-
Royal, 17 et 19, galerie d'Orléans. — Prix : 3 fr.
LES PETITS DRAMES RUSTIQUES, scènes et croquis
d'après nature. — Par F. Fertiault. — Paris, librairie
académique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35, quai
des Augustins. — Prix : 3 fr.
L'ART ET LES ARTISTES FRANÇAIS CONTEMPORAINS.
— Par Jules Claretie. — Paris, Charpentier et Cie,
libraires-éditeurs, ]3, rue de Grenelle-St-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le dix-septième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 1876. — Douze médailles,
or. argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrance,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — A/franchir.
La Société des études historiques a, pour l'année 1877, mis au concours pour le prix Raymond la question
suivante : Historique des institutions de prévoyance dans les divers pays, et spécialement e« France. — Elle vient
de décider qu'en 1878 un prix de 1,000 fr. sera accordé à l'auteur du meilleur mémoire sur l'histoire du, portrait
en France 'peinture et sculpture).
L'Académie de La Rochelle (section littéraire) vient d'ouvrir un concours de fables dont le prix — une médaille
d'argent — sera décerné en séance publique, dans le couraiït de décembre prochain. — Des médailles de bronze
pourront en outre être accordées, s'il y a lieu. Toute pièce non inédite ou dont l'auteur se sera fait connaître sera
exclue du Concours. — Chaque envoi portera une devise qui devra être reproduite à l'intérieur d'un billet cachetéi
renfermant le nom et l'adresse de l'auteur. — Le Concours sera clos le l" octobre 1876, dernier terme auquel les
poëmes devront être remis au secrétaire-général de l'Académie, rue Dupaty, 29, à La Rochelle.
Le Tournoi poétique, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (h' année). — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien — Concours poétiques et littéraires (Prix : Mé'dailles de bronze. Livres, Musique). - Abonnements :
un an, 10 fr.; 6 mois. 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spéciraoa. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
La Société nationale d'éducation de Lyon destine pour 1876 un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur
ce sujet : Quels peuvent et doivent être, dans l'état actuel de la société, les rapports de l'Instituteur primaire avec
les parents de ses élèves? — Le prix sera décerné dans la séance publique de 1877, sous le nom de P)-ix de la ville
de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" Novembre prochain, à M. Palud, libraire,
û, rue de la Bourse, à Lyon.
SOUSCRIPTION
LA RÉIMPRESSION DES CINQ PREMIÈRES ANNÉES DE CE JOURNAL.
Les cinq premières années de la collection du Courrier de Vauoelas se trouvant presque complètement épuisées
(11 ne reste plus que quelques e.xcmplaires de la ti" et de la 5»), une souscription dont voici les conditions est ouverte
pour les faire réimprimer :
1" L'original sera reproduit intégralement dans ses parties essentielles, avec le même nombre de pages et sous un
format identique;
2" La réimpression se fera de manière à fournir une année tous les deux mois;
3» Le prix de chaque année (brochée) sera de 6 fr. comme celui de l'abonnement au journal;
W Les années seront expédiées franco aux souscripteurs à fur et mesure de leur réimpression;
5» Chaque année sera payal)le aussitôt après qu'elle aura 'été reçue;
6- Tout souscripteur qui a déjà une partie de ces cinq années devra désigner celles auxquelles s'appliquera
sa souscription;
T La réimpression commencera dès que 300 adliésions auront été envoyées au Rédacteur.
M
Kmiin Marliii Ucd;icteiir du CounuiEU dk Yaugelis, est visilile à son bureau de trois a. cinq heures.
Impiimerie GOUVERNKllIi, G. DAUI'ELIÎV à Nogenlle-Rotiou.
7* Année
N° 8.
15 Septembre 1876
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^«
^\\W Journal Semi-Mensuel J J i À
^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE ^>( f
Paraissant le l» et le IS de chaqne mois
{Dans sa séance du \'î Janvier 1875, (Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an , 6 fr. pour la France,
le porl en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, «h exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis
Rédacteur : Eman Martin
NCIEN PROFESSEtm SPÉCIAL POU» LES ÉTRANOERS
Officier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tons de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un litiraire quelconque.
SOMMAIRE.
Communications sur // n'y a pas mèche, sur les noms de métier
à la finale fret sur Prannel — Appréciation de Se suicider; —
Régime qui convient à S'en battre l'œil; — Si .Sous le point
de me de et Sous le rap/iort de sont de bonnes expressions;
— Emploi du subjonctif dans Lui ojyril-nn une fortune \\
Lequel vaut le mieux de Satnte Mitourhe ou de Sainte
Nitouchc: — Axonge au lieu de graisse de porc ; — Les expres-
sions Swr la rue el Dans la rue || Passe-temps grammatical. ||
Suite de la biographie de Gilles Ménage. — Ouvrages de gram-
maire et de littérature. [I Concours littéraires. || Souscription
pour la réimpression des cinq premières années de ce journal.
FRANCE
communications.
l'
Mon explication de // n'y a pas mèche (n» 4 de la
présente année) m'a valu deux communications que je
vais reproduire, cliacune dans sa partie essentielle.
Voici la première en date :
Je me rappelle qu'au collège on nous faisait décliner un mot
en grec et en latin liaveipo;, coquus, le cuisinier, etc. Un jour
nous tombons sur le mot ^J.r;/Y,. moyen, et l'un de ces bons
diables commo on en trouve, toujours dans les classes, se
mit à crier à son voisin : As-tu »icf/!C.!> Ecrivez le mot grec en
français, et vous aurez mrchr. Rien d'extraordinaire à ce que
l'e final soit devenu muet.
Mais direz-vous, comment le mol est-il entré dans la
langue?
Comme beaucoup de ces expressions qui surprennent,
mais qui se trouvont implantées un beau jour soit dans
telle ou telle partie de la France, soit même dans la France
entière. Du temps de Ronsard, on parlait grec et latin en
français; pour faire comme ses partisans, ou pour s'en
moquer, quelqu'un n'aura-t-il pas trouvé ce mot mèche, mot
qui sera resté d'autant plus facilementqu'il existait déjà en
français avec un sens tout différent? 11 n'y avait pas plus
d'étrangeté à dire : Il n'y a pas mèche de faire cela qu à dire :
Quel est ce seigneur qui déambule dans les xystes de ce
jardin.
Voici maintenant la seconde :
Cette expression ou locution proverbiale ne saurait venu-
de l'italien. Elle appartient tout simplement à l'argot des
artisans, des mariniers, ou des gens de guerre du temps
jadis. En effet, l'on disait et l'on dit encore mèche de lampe,
de chandelle, de vilebrequin, de mât, de cabestan, de canon, de
tnine, etc. Mèche désignant la partie de l'ustensile, de l'outil
est tellement essentiel que de son absence doit résulter une
impuissance absolue. Si bien que, même dans certains cas,
âme est le synonyme très-admis et très-admissible.
Je réponds à ces objections : .
1° Le terme mèche, avec le sens de moyen, se trouve
dans ces vers de la Moralité de la vcndition de Joseph
(feuillet G. 1 . verso), pièce dont la composition remonte,
-comme on sait, au moyen-âge :
Soit mis dedans ceste caverne,
De nul honneur il n'y a maiche.
Par conséquent, ce ne peut être ni un partisan, ni
un adversaire de Ronsard, poète du xvi" siècle, né
en 132-'i et mort en I3S3, qui a été l'inventeur du terme
dont il s'agit.
2" S'il était vrai que mèche, partie d'un ustensile,
d'un outil, fôl tellement essentiel que de son absence
dût résulter une impuissance absolue, cette remarque
n'aurait pas été le privilège de notre nation; elle aurait
frappé aussi bien que nous les Allemands, les Anglais,
les Espagnols et les Italiens. Or, si j'en crois le résultat
de mes recherches, le mot qui traduit mèche dans la
langue de chacun de ces peuples ne se trouve employé
dans aucune expression où il signifie moyen.
3" L'italien dit tnezzo pour moitié et pour moyen;
pour moitié, l'ancien provençal dit meichelle provençal
moderne miech; le patois du centre de la France em-
ploie miche, et pour moitié et pour moyen. Or, attendu
que, dans l'expicssion dont il s'agit, le mol mèche a le
sens de moyen, il me semble impossible que mezzo ne
soit pas, comme je l'ai déjà dit, l'étymologie demandée.
Après avoir relu atlenlivemeiil mon article sur l'ori-
gine de mèche dans l'expression il n'y a pas mèche, je
n'y reconnais qu'une erreur : c'est d'avoir fait remonter
au xvr^ siècle linlroduction de ce mot en français,
quand il est certain qu'il s'y trouvait au moins dès le
siècle précédent.
58
LE COURRIER DE VAUGELAS.
II.
D'après la lettre suivante, il y aurait lieu de déter-
miner, au moyen d'une règle, le nombre des noms de
métier finissant en er.
Paris, le 5 juillet 1876.
Monsieur le Rf'dacteur,
Dans le numéro du 1" août dernier, de votre journal,
■vous donnez une réponse à une question surl'orthograplie
des terminaisons ifr et er dans les noms de métier. Vous
dites que la terminaison er « n'a été conservée que dans
un nombre de cas trci-restreint ». En cela, vous êtes dans
le vrai; seulement, je crois qu'on peut déterminer ces cas
et montrer qu'il n'y a pas d'anomalie ou jeu du hasard,
comme on pourrait le croire d'après votre explication.
M. Brachet remarque que les noms des arbres fruitiers
se terminent par ier, excepté quand cette terminaison est
précédée d'une gutturale. On écrit pommier, abricotier,
mais pêcher et oranger. On trouve Jans les noms de métier
la reproduction de ce phénomène. En effet, les mots
boucher, boulanger, cocher, horloger ont la gutturale forte ou
douce devant la termmaison. C'est donc à l'influence de
cette gutturale qu'il faut attribuer l'absence de Vi avant la
voyelle e.
Veuillez agréer, Monsieur, etc.
Un de vos abonnés,
Werkmann.
Il n'est pas exact de dire que les noms de métier qui
renferment une gutturale, forte ou [douce, devant la
terminaison, aient celle-ci en er au lieu de ier, et les
exemples suivants en sont la preuve :
Banquier, cagier, imagier, perruquier.
On ne s'expliquerait pas, en effet, l'influence que la
gutturale aurait pu exercer sur un ('qui, dans l'origine,
n'a pas dû être prononcé : la suppression de cette
Toyelle dans l'écriture a donc été bel et bien l'afTaire du
hasard, et non le résultat d'une règle, comme le prétend
M. Werkmann.
III.
Voici, enfin, le post-scriptum d'une lettre reçue le
r' août de M. George Roliin, instituteur à Hennaya,
province d'Oran (Algérie) :
Au sujet du prannel dont vous avez entretenu vos lec-
teurs, pour lequel je vous ai adressé une communication
et dont il vient encore d'être question dans votre excellent
Courrier, je tiens à vous faire savoir que, dans mon pays
natal (Monthureux-sur-Saône, Vosges), quelques personnes
prononcent aussi le /^ro.s/ieZ (prôné). Ce serait donc bien, je le
crois, comme le conjecture votre correspondant de Rouen,
t un barrage en bois placé au degré de la chambre do
. Jeanne ».
Si, après la savante communication qui m'est venue
de Rouen, quelque lecteur du Courrier de Vaugelas
hésitait encore à reconnaître ;j/-o.snc/ pour l'origine de
prannel, je pense que ces dernières lignes pourraient
achever de le convaincre.
X
Premii're Question.
On lit </a«« /'Événement du S juin I87H : « A propos
df. la tnnrl violente de ce triste souverain, noiis demnn-
derons pourquoi on dit se snrcrnER, ce qui est évidem-
ment un pléonasme .>. Jr votis transmets celte question
espérant que vous voudrez bien la résoudre dans un
de vos prochains numéros, si vous lui trouvez l'intérêt
dont elle me paraît digne.
Autrefois, l'action de se défaire, de se tuer volon-
tairement s'appelait chez nous homicide de soi-même,
et cette expression avait donné naissance au verbe
s'homicider, deux faits dont voici des exemples :
(Pour le substantif)
Il n'y a qu'un hérétique qui puisse être homicide de soi-
même.
(Maintenoii, Lclf. au cnnl. df Xo^iHes, 2 iiov. l'JO^.)
Il tenoit dans sa main une espèce de manifeste pour jus-
tifier Vhomicide de soi-même.
(Segiais. Prin. de PaphL t. U, p. lai.)
La religion païenne défendait \:homicide de soi-même ainsi
que la chrétienne.
(Voltaire. Dict. phil. Suicide.)
(Pour le verbe)
Vous savez ce qu'on fait à quiconque se tue.
Et que s'homicider est chose défendue. •
(Scarron, D Jnp. d'Arm. IV, 5.)
Quand l'abbé Desfontaines eut fait le mot suicide
(c'est le Diclionnaire de Trévou.r, édit. de 1771 , qui lui
en attribue la paternité), ce mot se substitua peu à peu
à homicide de soi-même et, quelque temps après, on
remplaça s'homicider par se suicider. ■
Or, ce dernier verbe est loin d'être goûté par tout le
monde; car non-seulement l'Académie ne l'a pas
accueilli dans sa dernière édition (ISS.'i), mais encore
M. Littré le recommande à l'attention des puristes
dans les termes peu flatteurs qu'on va lire :
Ce verbe est très-fréquemment employé présentement;
mais il est mal fait, puisqu'il contient deux fois le pronom
se. Suicide, meurtre de soi : il est difficile de former avec
cela régulièrement un verbe réfléchi. Suicide équivaut à
soi-meurtre; se suicider équivaut donc à se-so(-H!e«r<nr; cela
met en évidence le vice de formation.
Tout homme qui répugne aux barbarismes, même usités,
fera bien de s'abstenir de l'emploi de ce mot.
Réellement, le verbe se suicider mérite-t-il la répul-
sion qu'il inspire dans les hautes régions du monde
grammatical?
Je ne le crois pas, et voici les arguments dont je
compose sa défense :
4" Le verbe s'homicider, qui signifie littéralement
soi-mcme-tuer-homme, n'est pas mieux fait que se
.micider, car l'idée dWiomme y est pour le moins aussi
superilue que celle du pronom soi dans ce dernier
verbe. Pourquoi donc faire des difficultés pour admettre
se suicider quand on n'en a fait aucune pour admettre
s'ho7nicider?
2» Un barbarisme, selon la définition même de
M. Littré, est « toute expression, toute locution qui
viole la règle ». Mais '"en quoi se suicider, formé de
suicide, qui a été admis sans conteste par tout le
monde, viole-l-il la règle qui permet de faire un verbe
avec un substantif en donnant à ce dernier une ter-
minaison convenable? J'ai beau chercher, je ne le
trouve pas.
3" Certainement, en mettant en évidence les parties
composantes de .ie .luicider, on y trouve un pléonasme;
mais ce n'est pas un motif suffisant pour faire invalider
LE COURRIER DE VAUGELAS.
59
ce mot que lanl de suiïrai-'es déclareiil bon pour
le vocabulaire : il j a aussi un pléonasme dans
s'abstenir, s'ayrnouitler, se moquer, se rappeler, elc,
puisque ces verbes se traduisent en anglais sans
pronom réfléchi to abstain, to kneel down, to mock,
lo remember, etc.), et personne n'a jamais mis en
doute le droit qu'ont lesdits verbes d'être toujours
accomijagnés d'un .svqui n'est cependant pas pour eux
un indispensable cortège.
4° Si l'on devait n'accueillir comme verbes composés
que ceux dont les éléments feraient un sens raisonnable,
ce n'est pas seulement se suicider qui serait à bannir;
il y en aurait une foule d'autres, par exemple, se
mourir (mourir s,o\-mi^mt] , traduire (conduire a travers^ ,
s'en aller ,aller de là soi), s'arraïujer (ranger soi àj,
complaire (plaire avec), pour n'en citer que quelques-
uns.
5° On avait fait le verbe s'homicider de l'expression
substantive homicide de soi-même. Or, le mot suicide
venant à remplacer cette expression avec avantage (car
il est beaucoup plus court), comment ne pas faire se
suicider pour tenir lieu' de s'/iomicider. condamné à
bientôt disparaître? Il était impossible d'agir autrement:
il-fallait combler, un vide qui eût appauvri la langue.
X
Seconde Queslion.
Alfred Delvau (dictioxxaire m: i,i l.v>gce verte
définit s'E?i BATTUE l'ceil : « Se moquer d'une chose,
dans l'aryot des faubouriens -» ; Quitard (dictionnaire
DES PKOVKRBES) termine son explication par : « De là
cette expression employée fréquemment pour dire qu'on
sejnoque d'une chose ». Or, on pourrait croire d'après
cela que l'expression en question ne peut se dire des
personnes. En est-il réellement ainsi?
Cette expression se dit souvent des choses, soit en
prose, soit en vers. Mais elle peut aussi être suivie
d'un nom de personne, ce qui est prouvé :
{", Par cette définition que donne M. Littré :
Fig. et populairement, se lyalire l'œil de quelqu'un, de
quelque chose, ne pas s'en soucier, n'en tenir aucun compte.
2" l'ar celte citation, empruntée à Roursault [Merc.
gai. acte iv, se. 7; :
Meklin.
El tu crois au Mercure occuper une place,
Toi? Tu n'y seras point, je l'en donne ma foi.
La Rissole
Mordié! je me bats l'œil du Mercure, et de loi.
Du reste, comme se moquer de admet après lui aussi
bien les noms de personnes que. ceux de choses, il
est naturel qu'il en soit de même pour son synonyme
se battre l'œil de.
X
Troisième Queslion.
Vous avez très-Justement fait justice de i expression
Dans le bit de, est-ce que Sucs le point de vpe, Sois le
RAProiiT de, ne méritent pas la même condamnation?
Veuillez éclairer là-dessus vos lecteurs.
Depuis le xvii"' siècle, on emploie la préposition sous
devant l'expression le point de vue de, ce que montrent
ces exemples :
Ces connaissances et les actions vertueuses qui en étaient
la suite, peuvent être envisagées sous un double point de
vue.
(Hollin, His(. aiic. XXVI. Il, a, «.)
Il nous place sous un point de vue d'où il nous met sous
les yeux les royaumes du monde et toute leur gloire.
(Massitlon, Con/ér.)
Sous ce double point de vue nous trouvons entre eux tant
de rapports.
(Rcuiseau, Bmile, V.)
Ils voient le sujet ious un point de vue, et l'auteur l'a
envisagé sous un autre.
(Voltaire, Lelt. Chabanon |3 janvier i-J/G.)
.Alais, quoiqu'elle soit d'un emploi peut-être plus
gênerai encore aujourd'hui, je n'en crois pas moins
cette expression inexacte et vous allez facilement com-
prendre pourquoi.
En effet, l'expression sous le point de vue est destinée
à indiquer l'endroit où se place la personne qui exa-
mine, qui regarde, qui considère quelque chose.
Or, le nom d'un tel endroit exige la préposition à
devant lui, et non la préposition sous.
Quant à sous le rapport de, qui est également d'un
très-fréquent usage, il me semble avoir suffisamment
démontré Courrier de Vaugelas, V année, p. 91 que
toute personne tenant à bien parler français doit
rejeter cette expression et la remplacer par à l'égard de,
relativement à, ou par rapport à.
X
Quatrième Question.
Je ne puis comprendre l'emploi de l'imparfait du
subjonctif dans cette phrase : « // ne consent irait pas à
quitter son pays, lui offrît-on une fortune. »
Voudriez-vous bien m'en donner l'explication ?
Cet emploi est l'effet d'une tournure, c'est-à-dire le
résultat d'une transformation matérielle qui n'altère le
sens en aucune façon.
Toutes les fois que, dans une phrase française, se
trouve une proposition conditionnelle commençant par
quand même, lors même que, même si, on peut suppri-
mer ces conjonctions et mettre le verbe suivant à l'im-
parfait du subjonctif, avec le pronom sujet après lui.
Ainsi, au lieu de dire avec la phrase au complet :
Si je letrouvp, je le veux échiner quand mc'meje devrais'
êlrf roué tout vif;
Voili pourquoi l'a Iministration est déjà par plle-raême
si bienfaisante, quand même elle se tromperait dans son
clioix ;
on s'exprime d'une manière plus élégante (parce que la
construction en est plus difficile) en disant, avec les au-
teurs dont les noms suivent :
Si je le trouve, je le veux écUiner, dussé-je être roué tout
vif.
(Molière, Fourh, de Scnp. II. .se. 9,)
Voilà pourquoi l'artminisir.ition est déjà par elle-même si
bienfaisante, se trompa t-elle dans son clioix.
(V" Cousin.)
60
LE COURRIER DE VAUGELAS.
La phrase que vous me priez de vous expliquer est
tout simplemenlla tournure très-Iégitimede cette autre:
U ne consentirait pas à quitter son pays, quand même on
lui offrlrail une fortune.
ÉTRANGER
Première Question.
Faul-il dire une sainte Mitocche ou bien une sainte
NiTOccHE? J'ai entendu l'un et l'autre; mais je ne sais
pas lequel des deitx est le meilleur.
Parrili les mots dont Ménage a cherché l'élymologie
se trouve Texpression sainte Mitouché.
On lit dans le Dmatiana (t. II, p. 521 , éd. d'Amster-
dam) que sainte Mitouché se dit communément.
Voltaire s'est servi de sainte Mitouché dans ces vers :
Luu à son aide appelle saint Martin,
L'autre saint Roch, l'autre sainte Mitouché.
D'après le Dictionnaire ét)jmoln;/icjue de Noël et
Carpentier, le peuple pvononce sainte Mitouché.
Enfin, les patois wallon et bourguignon emploient
aussi sainte Mitouché.
■ Mais ceux qui pensent que sainte Nitouche est
préférable sont loin d'être rares, car je remarque figu-
rant dans le nombre :
i" Le poêle Régnier, qui a employé celle expression
dans la satire xiii :
La parole modeste et les yeux composez,
Entra par révérence, et resserrant la bouche.
Timide en son respect, semhlo'M saincte Nitouche.
2° Furclière, ainsi que les auteurs du Dictionnaire
de Trérou.r (17711.
3° L'Académie de 1835, M. Littré et tous les lexico-
graphes modernes.
Ces deux expressions sont-elles également bonnes,
comme le croyait Antoine Oudin [Curiosilez françaises),
ou bien l'une est-elle meilleure que l'autre?
Je crois que .sainte Nitouche est la seule qu'on doive
employer, et je vais vous dire les raisons que j'aide
penser de celte manière.
Les tenants de sninte Mitouché dérivent ce mot du
verbe toucher et de mie, qui a été une négative fort
usitée dans l'ancien lYaneais; de sorte que, pour eux,
, l'expression signifie lilléralemenl une personne qui 7nie
touche (ne touche pas).
Mais celle étymologie est tout-à-fait inadmissible,
car elle suppose que la négation 7nie se construisait
avant le verbe qu'elle accompagnait, tandis qu'au
contraire, elle se niellait généralement aj)rès (dans les
temps simples], comme les exemples suivants en
sont la preuve :
Le désire poign ad perdut, n'en ad mie.
[Ch de Roland, st. CXCI.)
Se ele ne sospi-et ne manjout mie...
(Livre de Joh, p. 470- )
OÙ la forest ert enliermie.
C'en ne l'éoU la clarté mie
De la Lune...
(Burbazaii, I, p. iiiS.)
Li roi et li soudant ne l'oublièrent mie.
(Ch; des Saxons, VIII.)
U lur respunt, n'en doutez mie.
(Marie de France, t. II, p, i86.}
Geste cy n'est mie la mieniie.
(Rabelais, Paul. IV, Nouv. proî.)
Dans Texpression en question, le mot Mitouché ne
peut être qu'une corruption de Nitouche, lequel a été
formé comme je vais maintenant vous l'expliquer.
En parlant d'une femme dissimulée, d'une prude,
d'une fille hypocrite, qui fait semblant de ne pas s'occu-
per de galanterie, on a dit qu'elle n'îj touchait pas,
le pronom y Lenant la place du complément sous-
enlendu :
De quel œil la traîtresse a soutenu ma vue!
De tout ce qu'elle a fait elle n'est point émue;
Et, bien qu'elle me mette à deu.\ doigts du trépas,
On dirait, à la voir, qu'elle n'y touclie pas.
(Molière, Ec. des fem. IV, i.)
Mon Dieu, sa sœur, vous faites la discrète,
. Et vous n'y touchez pas, tant vous semblez doucette !
(Idem, Tart., I. se. l)
Ceci a naturellement conduit à l'appellalion de sainte
n'y touche, comme on écrivait au xvi" siècle et comme
Moisant de Rrieux et Colgrave le faisaient encore au xvn".
Or, il esl facile de comprendre que, moyennant un
léger changement dans l'orthographe et dans la pro-
nonciation (car, rigoureusement, on devrait dire Ni-
touche avec un i long comme dans n'y], cette expression
substanlive soit devenue sainte Nitouche.
Le nom de sainte Nitouche ayant toujours désigné
une personne d'une apparence innocente el douce (c'est
du moins ce donnent à penser les derniers vers de
.Molière cités plus haut), il me semtle que beaucoup
auront cru, grâce à cette circonstance, que Nitouche
venait de l'adjectif latin mitis, doux, et qu'ils auront
subslitué en conséquence mit, radical de cet adjectif, à
nit, première syllabe de Nitouche.
A mon avis, voilà comment on peut rendre compte
d'un changement de n en m qui, s'ils'élait opéré autre-
ment, serait sans analogue dans notre langue.
X
Seconde Question.
Pou r(/uoi les pharmaciens donnent-ils le nomd'AxomE
à la graisse de porc fondue ?
SelonPIinc iliv. xxvii,p. 273, coll. Nisardi, les anciens
employaient principalement la graisse de porc à enduire
les essieux pour faire tourner plus aisément les roues,
el ils lui donuèrcnl pour celte raison le nom d'axungia,
formé de a.ris, essieu, et de ungere, oindre.
Or, les pharmaciens préférant les vocables lires du
latin à ceux qui viennent du français, comme plus
scientifi(iues, ils appellent axonge la graisse de porc
fondue et préparée que le vulgaire appelle généralement
saindoux.
X
LE COURRIER DE VAUGELAS.
64
Troisifme QiiesUon.
Quelle différence d'emploi y a-t-il entre les expres-
sions SCB LA KCE et DANS LA RCE?
En français, l'expression sîtr la rue a un double
emploi : on s'en sert pour signifier au sujet de la rue,
et on en fait le complément des verbes donner, regarder
et ouvrir, en parlant d'une fenêtre ou dune porte.
Mais hors dé là, on dit toujours dans la rue.
P.\SSE-TEMPS GRA.M.M.\T1C.U,.
Corrections du numéro précédent.
1°... autant de fois milte louis, ou : autant de mil'iers de louis
(voir Courrier de VaiigetasA' Aimée, p. 69);— 2°.. . il ne parait
pas en'avoir plus de cinquante; — 3° On a remis entre les
mains (voir Courrier de Vaugelas, 1" année, n° 1, p. Tj; —
4°... considérablement corrigée avant d'être (on ne dit plus avant
que de): — 5'... le veston, la redingote, i'0/;c le pantalon gris
(on ne met pas de même après voire); — 6' Mais cela e-\ige-t-il une
couple de millions (on ne dit paire que pour deux choses allant
ensemble); — 7°... qu'on aura laissés s'accroître sans s'inquiéter
de les connaître;— 8'... qu'avec tous les défauts que je puis avoir.
Phrases à. corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.'
!• Dès lors les boucliers n'eurent plus de crainte, et, bien
que plus de cinquante garçons 'bouchers aient été atteints
de boutonscbarbonneux, aucun ne succomba pendant toute
la durée du siégé sans même que j'eusse à les voir ni à les
Saigner.
2' A quoi songez-vous donc, mon ami, en invitant cette
veuve décriée, à la religion de laquelle personne ne croit,
et qui a pour fille un laideron assez dévergondé?
3' Tous les vendredis, Sainte-Beuve avait pour coutume
d'aller communiquer son article manu.scrit au directeur du
Constitutionnel, à qui cet acte de déférence littéraire était
on ne peut plus agréable.
4° La réunion de ces délégués formerait un syndicat des
bibliothèques populaires auquel il sera soumis lesquestions
d'intérêt général et qui s'occupera des voies et moyens du
développement à donner à ces institutions démocratiques.
5* Les toitures de plusieurs maisons ont été enlevées.
Les cabines des bains ont été renversées. Le rédacteur en
chef de la Vigie a manqué périr.
6° M. Bocher est ancien préfet du gouvernement de juillet
et régisseur des biens de la famille d'Orléans. Il paraît
vingt ans de moins que son âge ; jamais Normand ne
montra tant de vigueur.
7* C'est assurément, parmi nos jeunes diplomates, l'un
de ceux qui a le plus d'avenir. 11 a beaucoup voyagé,
beaucoup vu, beaucoup retenu, beaucoup comparé et très-
bien observé.
8' Il est bon de rappeler souvent les paroles, les faits et
les gestes des chefs bonapartistes ; c'est le meilleur moyen
de leur empêcher de faire de nouvelles dupes.
9* Puisqu'on a tant fait que de perfectionner la guillotine,
ne pourrait-on pas trouver un moyen mécanique qui rejette
la tôte dans le panier et évite cet affreux transvasement?
10' L'ex-dictateur passe sans doute aux yeu.x de son parti
pour avoir une haute compétence militaire, caril parle de
tout, tranche de tout, et fait voter ce qu'il veut par la
majorité républicaine.
(Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NUE .MOITIÉ DU XVII« SIÈCLE.
Gilles MENAGE.
[Suite.)
Noms indéclinaljtes. — Nous avons plusieurs noms
dans notre langue qui ont le « plurier » semblable au
singulier. Nous disons, par exemple, un opira, deux
opéra; un pater et un avé, cinq pater et cinq avé; un
le-Deum, deux te-Deum, quoiqu'on dise au pluriel des
factons, des dictons; un acacia, deux acacia.
.Ménage dit toujours des impromptu.
Les noms des lettres de l'alphabet ne se déclinent
point, et cela, à l'imitation de ceux des lettres grecques
et latines.
S'il faut dire sel armoniac, ou ammoniac. — D'après
l'étjmologie, il faudrait dire ammoniac, ce mot ayant
été fait A'ammoniacum; mais l'usage veut qu'on dise
armoniac, et les Italiens disent de même armoniaco.
.S'il faut dire arbaleste, ou arbalestre. — Les Latins
ont dit arcubalista et arcubalistra; du pre'mier nous
avons fait arbaleste, et du second arbalestre. Mais
aujourd'hui i^672), quoique nous disions arbalestrier,
nous disons arbaleste ; ainsi le veut l'usage.
S' il faut dire \)roioco\Q, 0!< prolecole; prolonotaire, ou
protenotaire. — Létymologie \o\iàv3M protocole, pro-
tonotaire; mais ces trois o de suite sont désagréables
à prononcer, et l'on dit protccole, protenotaire.
■S'il faut dire le chaignon, ou le chignon du cou. —
On devrait dire le cha'inon du cou, ce mot ayant été fait
de catena; mais, malgré cette raison, il faut dire le
chignon du cou, car l'usage le veut ainsi.
S'il faut dire Cypre, ou Chypre. — Vaugelas veut
qu'on dise liste de Chtjpre et de la poudre de Chypre.
Ménage n'est pas de son avis à l'égard de l'île; on
trouve partout l'isle de Cypre. Quant à la poudre, il
accepte C/iypre puisque c'est ainsi -que parlent les
dames : d'après lui, il convient de dire l'isle de Cypre
et de la poudre de Chijpre.
Le son eu changé en u dans les dcrirés. — Quoiqu'on
dise heur, bon-heur, malheur, râleur, il faut dire, en
se conformant à l'usage, AwreMJ', bien-hureux, malhu-
reu.r, ralureux.
Distinction entre fleuve et rivière. — Le mot rivière
se dit des grands et des petits cours d'eau ; fleure ne se
dit que des.grands.
S'il faut dire trouver, ou treuver. — Sans compa-
raison, comme l'a décidé Vaugelas, trouver est le
meilleur; mais vu l'emploi qui est fait de treuver, oa
ne peut pas dire que ce dernier ne se dise plus.
S'il faut dire pomme de cas-jiendu, du de court-
pendu. — On doit dire pomme de capendu, quoiqu'on
trouve dans Nicot, carpmdu, et que les auteurs de
V. Abrégé des- bons fruits aient dit courpcndu.
, S'il faut dire carmes deschaux, ou carmes des-
chaussez. — Nos anciens disaient carmes deschaux; mais
62
LE COURRIER DE VAUGELAS
aujourd'hui (< 672), pour bien s'exprimer, il faul dire
carmes desihaiisfez.
S'il faut dire il survécut, oti il survesquit. — L'usage
est partagé entre ces deux formes; mais d'Ablancourt
disant toujours <«;rMgMiY, il est bon de suivre ce grand
maître.
S'il fmtl fZ(>e bienfaiteur, oii bienfnicleur, bienfacleur.
— Vaugclas veut qu'on dise bienfaileur; mais bien-
faicteur est plus en usage aujourd'hui, et il y a long-
temps qu'on parle de la sorte. Quant à bienfacleur, il
n'est plus usité que par les curés, qui disent dans leurs
prônes : Priez Dieu pour les bienfacleurs de cette
Eglise (U)72i.
Différence entre caâeaiuel banquet. — Le mot cadeau,
dans la signification de grand repas, est plutôt de la
Ville que de la Cour. On dit à la Cour donner un grand
repas, donner une festc. C'est donc ainsi qu'il faut dire
pour bien parler. Le terme banque/ n'est plus du même
usage; on ne s'en sert plus que dans le langage reli-
gieux, le banquet des élus, ainsi que dans le banquet
des Sep! Sages, le banquet de Platon.
Emploi de coterie et de société. — Le premier est un
mot bourgeois; les honnêtes gens disent société.
Prononciation de ch. — Au temps de Ménage, ces
lettres se prononçaient ch dans -Achcron, CJiio, Ezc-
chiel; k dans alchimie, Archélaûs^ chélidoine, Eschyle,
Mdchisédec, trochée; et s dans le mol chirurgien. —
Les Chartreux prononçaient à la française le ch de tous
les mots latins.
S'il faut dire tuer, ou éteindre un flambeau. — Mal-
herbe a dit tuer un flambeau ; mais cette expression est
devenue si commune qu'elle a perdu sa nolilcsse. Il
faul dire, en prose comme en vers, éteindre un flam-
beau, manière dont on parle à Paris.
S'il faut dire Norvégue, o« Norvège. — 11 faut dire la
Norvrgue, comme disent nos gens de mer, quoi(|u'on
écrive la Norvège.
Si l'on doit dire bignet, o(/ beignet. — Les Parisiens
disent ordinairement beignet ; mais on dit bignet dans
les provinces.
Sur l'emploi de Monsieur e< de Madame dans les
lettres. — Vaugelas a dit que rien ne blesse davantage
l'œil et l'oreille que de voir une lettre qui, après Mon-
sieurow Madame, commccncore par l'un ou par l'autre.
Ménage n'est pas du même avis ; .selon lui, c'est être
dégoûté iflulût que délicat, de ne pouvoir souffrir ces
petites négligences: les lellres sont l'image de la conver-
sation, et, dans la conversation, on ne fait point de diffi-
culté d'employer ces mots à la suite l'un de l'autre.
S'il faul dire mons[reu\, om monstrueux. —Plusieurs
personnes non-seulement de la Ville, mais de la Cour,
disent monstrcu.r,c\. quoUpies-unsde nos grammairi(!ns
soutiennent que c'est ainsi ([u'il faut parLr, puisiju'on
dit nombreux, Cénébreux, malencontreux, elc. Ils se
trom|)cnl ; le grand usage est pour monstrueu.r, confor-
iiiément à l'ilalien monstruoso et au latin monslruosus,
qui se trouve dans certains auteurs.
S'il faut rf/rc jouer au pallema'iJ, ou jouerau mail. —
Quelques antiquaires disent encore [iai'l] Jouer aupal-
lemail. C'est très-mat parler ; il faut dire jower au mail.
De la prononciation de certains e. — Il faut dire etn-
jjereur et non empereur, défaut et non défaut; Breda
et non Bréda; acquérir, acquéreur et non acquérir,
acquéreur; de l'eau bénite, et non de Veau bénite.
L'usage est partagé entre premier et premier; première-
ment et premièrement; mais Ménage est de l'avis de
ceux qui d\senl premier, premièrement.
Prononciation de la finale esse. — Elle est longue
dans le mot abbesse, et le long de la Loire, on la pro-
nonce longue aussi dans messe, maîtresse, princesse,
duchesse, comtesse, ce qui est une prononciation
très-désagréable.
Dr certains noms propres qui s'emploient au singu-
lier et au pluriel. — Vaugelas a fort bien décidé qu'il
fallait dire la Flandre et non les Flandres; mais Ménage
n'est pas de son avis quand il ajoute qu'il faut dire en
Flandresei non pase?; Flandre. On doit dire, au contraire,
en Flandre et non pas en Flandres. Les écrivains latins
ont dit indilTéremmenl Hispania et Uispanue, Gallia
ou GallicC, et de là vient que nos vieux Gaulois ont dit
aussi indiiféremment l'Espagne et les Espagncs, la
Gaule et les Gaules, lis ont dit en Flandres avec d'au-
tant plus de raison qa'il y a trois Flandres : la flamin-
gante, l'impériale et la française. Mais comme Iç mot
de Flandre comprend aujourd'hui ces trois Flandres,
on ne dit pluse?* Flandres, mais en Flandre.
Nous écrivons ordinairement Athétfes, Thébes, '
Mycénes, et c'est ainsi qu'il faut toujours écrire en
prose; mais en vers, on peut fort bien supprimer Y.s.
Au sujet de l's finale de quelques noms d'hommes. —
D'ajirès Vaugelas, on peut écrire Philippe et Philippes
indiiféremment; mais il faut toujours écrire Charles,
Jacques et .Jules. Ménage n'est pas de son avis; il croit
qu'on peut aussi bien écrire Charte, Jaque que Phi-
lippe, et cela, particulièi'ement en vers.
Orthographe de l'adjectif dans la phrase : Avecque
toul,e l'estime et toute la passion possible. — Ceux qui
blâment cette expression, dit Ménage, et qui voudraient
qu'on y écrivit possibles parce que deux substantifs
singuliers régissent le pluriel, ne sa"vent pas ce que
c'est que la Grammaire. Tous les auteurs sont pleins
de semblables licences.
.S'/7 faut dire à nage, ou à la nage. — Les deux sont
usités, mais ci nage est le meilleur.
Prononciation de eu dans quelques mots. — Les mots
meure, mcarier, sainneur, seur, preude doivent se pro-
noncer nmre, mûrier, saumur, sûr, prude; et ceux qui
se piquent de bien orthographier les écrivent par u.
S il faut dire rcvenchor, ou revenger. — L'usage est
pour revencher, quoique l'analogie demande revenger.
Choix entre enfin êl ala-fin. — Quand il s'agit d'ex-
primer le sens après tout, enfin vaut certainement
mieux qu'ala-fin, et c'est ainsi qui .Ménage voudrait
toujours dire en prose. Maison poésie, il ne ferait pas
difficulté de dire ala-fin.
{La suite au prochain numéro.)
Lk RiioACTEUii-GKiuîiT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
63
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Les Ménages militaires {i" série). La femme du
capitaine Aubépin; par Claire de Cliandeneux. S» édi-
tion. In-I8 Jésus. U5 p. Paris, lib. Pion et Cie. 2 fr. 50.
Grammaire française; par un préfet d'études.
3'' édition. Iu-18 Jésus, vi-616 p. Poitiers, lib. Oudin frères.
Œuvres complètes d'Alfred de Musset. Comédies
et proverbes. Lorenzaccio. Le Chandelier. Il ne faut
jurer de rien. Petit in-12. ill p. Paris, lib. Lenierre.
6fr.
Les Anglais chez eux. suivi de Hogartb et ses
amis, ou Londres au siècle passé; par Francis Wey.
Nouvelle édition. In-18jésus, UOli p. Paris, lib. Hachette
et Cie. 3 fr. 50.
Nouvelle grammaire française; par A. Chassang.
inspecteur général de l'Instruction publique. Cours élé-
mentaire. In-18 Jésus, x-i/ii p. Paris, lib. Garnier frères.
i fr.
Les Vendéens, poëmes; par Emile Grimaud. 3"^ édi-
tion, avec 33 eaux-fortes par Octave de Rochebruue.
In-4'', xi-246 p. Paris, lib. Lemerre.
L'Amérique devant l'Europe, principes et in-
térêts; par le comte .Vgénor de Gasparin. Nouvelle
édition. In-18 Jésus, vui-556 p. Paris, lib. Caïman Lévy
1 fr. 25.
Contes et nouvelles; par Ju! is Janin. T. I. ln-18
Jésus, 3'23 p. et grav. Paris, lib. des Bibliophiles. 3 fr. 50.
De la seconde éducation des filles; par Alfred
.Nettement. 2'= édition, ln-12. xiii-Z|32 p. Paris, lib.
Lecoffre fils et Cie.
Les Prussiens en Allemagne, suite du "Voyage au
pays des milliards; par Victor Tissot. 2^'' édition.
lM-18 Jésus. 520 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Du Bon langage et des termes et locutions
vicieuses à éviter; par .Mme la comtesse Drobojouska.
née Symon de Latreiche. 5» édition. In-12. 288 p Paris
lib. Sarlit.
Etude sur Biaise Pascal ; par A. Vinet. 3<^ édition.
In-18 Jésus, vii-357 p. Paris, lib. Sandoz et Fischbacher
3 fr. 50.
Publications antérieures :
POÈMES ET FANTAISIES (1867-1873). — Claudine. —
Que sais-je? — L'Espoir en l'homme. — Prompthée. —
La Légende d'L'rfé. — Sonnets. — Par Gust.we Vingt. —
Paris, librairie des Bibliophiles^ 338, rue Saint-Honoré.
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Roz\N. — Paris, P. Ducroq. libraire-éditeur, 55, rue de
Seine. — Prix : 3 francs 50 c.
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Vingt. — Paris, librairie des Bibliophiles, 338, rue Saint-
Honoré. — Prix : U fr.
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chef de bureau au .Ministère de l'instruction publique.
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P. Ducroc, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix,
relié : à francs.
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— Par Eman Martin , professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
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Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
HISTOIRE DE LA BASTILLE depuis sa fontjatign (1374)
jusqu'à sa destruction (1789). — Ses prisonniers, ses
gouverneurs, ses archives; Détails des tortures et sup-
plices usités envers les prisonniers; Révélations sur le
régime intérieur de la Bastille; Aventures dramatiques,
lugubres, scandaleuses; Evasions; Archives de la police.
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Victor Brunel, éditeur, 3, rue de l'Abbaye, ancien palais
Abbatial. — Prix : 10 francs.
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Ernest Daudet. — Deuxième édition. — Paris, Charpen-
tier et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-
Germain. — Prix : 3 fr. 50.
JEAN ET PASCAL. — Par Juliette Lamber. — Biblio-
thèque comtemporaine. — Paris, Calmann Lévy. éditeur,
3, rue Auber, et 15, boulevard des Italiens (librairie
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française, lettres et documents inédits — Par L. Pingaud
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duction de M.M. Grégoire et -Voland. — Illustrations de
Yan Dargent. — Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs,
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un nouveau plan, avec des explications tirées de la gram-
maire historique et précédés d'une Introduction sur
l'origine de notre langue. — Par G. Bovier-Lâpierre, an-
6A
LE COURRIER DE VAUGELAS.
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rinstruction publique. — Ouvrage couronné par la Société
pour l'instruction élémentaire. — A Paris, chez Delagrave
et Cie. rue des Ecoles. — i vol. in-12, cart. 1 fr.
HISTOir.E DE LA FLO:nDE FRANÇAISE. — Par Paul
Gaff.\rel, ancien élève de l'Ecole normale supépieure,
professeur à la Faculté des lettres de Dijon. — Paris,
librairie de Firmin Didot et Cie, imprimeurs de l'Institut,
rue Jacob, 56. — Prix : 6 fr.
LA VIERGE DES GL.^CIERS. — Par Andersen. — Tra-
duction de MM. Grégoire et Moland. — Illustrations de
Yan Dargent. — Paris , Garnier frères , libraires-
éditeurs, 6, rue des Saints-Pères et Palais-Royal, 215. —
Prix : 3 fr.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. - n.wiua-
TEURs. — Par MM. Edou.^rd Gcepp et Emile L. ConoiER.
— Ouvrage accompagné de deux magnifiques cartes
imprimées en couleur. — Bocoainville, La Pérouse, Den-
TRECASTEAU.x, DraoNT d'Urville. — 'Paris, P. Dncrocq,
libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix, relié : à fr.
A TRAVERS LES MOTS. - Par Charles Rozan. - Un
joli volume format anglais de 650 pages, imprimé par
J. Cl.\ye. — Comprenant les Etoffes, les Académies, les
Cartes et les Echecs, les Devinettes, la Barbe, les Danses,
le Calendrier, les Pierres précieuses, les Meubles, les
Petits meubles, les Titres de noblesse, les Petits poèmes,
et donnant l'étymologie de plus de 900 mots. — Prix,
broché : 3 fr. 50.
CONCOURS LITTERAIRES.
Le dix-septième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le J" décembre 1876. — Douze médailles,
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste C.\brance,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
La SociÉTii DES ÉTUDKs HISTORIQUES a, pour l'aunée 1877, rais au concours pour le prix Raymond la question
suivante : Historique des instilulions de prévoyance dans les divers pays, et spécialetnent en France. — Elle vient
de décider qu'en 1878 un prix de 1,000 fr. sera accordé à l'auteur du meilleur mémoire sur Vhisloire du portrait
en France 'peinture et sculpture).
L'Académie de La Rochelle isection littéraire) vient d'ouvrir un concours de fables dont le prix — une médaille
d'argent — sera décerné en séance publique, dans le courant de décembre prochain, — Des médailles de bronze
pourront en outre être accordées, s'il y a lieu. Toute pièce non inédite ou dont l'auteur se sera fait connaître sera
exclue du Concours. — Chaque envoi portera une devise qui devra être reproduite à l'intérieur d'un billet cacheté,
renfermant le nom et l'adresse de l'auteur. — Le Concours sera clos le 1='' octobre 1876, dernier terme auquel les
poèmes devront être remis au secrétaire-général de l'Académie, rue Dupaty, 29, à La Rochelle.
Le Tournoi poétique, littèr.ure et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois {W année), — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements:
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
La Société n.^tionale d'éduc.vtion de Lyon destine pour 1876 un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur
ce sujet : Quels peuvent et doivent être, dans l'état actuel de la société, les rapports de l' Instituteur primaire avec
les parents de ses élèves? — Le prix sera décerné dans la séance publique de 1877, sous le nom de Prix de la ville
de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1>"' Novembre prochain, à M. Palud, libraire,
ù, rue de la Bourse, à Lyon.
SOUSCRIPTION
LA RÉIMPRESSION DES CINQ PREMIÈRES ANNÉES DE CE JOURNAL.
Les cinq premières années de la collection du Courrier de V.hugelas se trouvant presque complètement épuisées
(il ne reste plus que quelques exemplaires de la W et de la 5"), une souscription dont voici les conditions est ouverte
pour les faire réimprimer :
1" L'original sera reproduit intégralement dans ses parties essentielles, avec le même nombre de pages et sous un
format identique;
2" La réimpression se fera de manière à fournir une année tous les deux mois ;
3" Le prix de chaque année (brochée) sera de 6 fr. comme celui de l'abonnement au journal;
W Les années seront expédiées franco aux souscripteurs à fur et mesure de leur réimpression;
5" Chaque année sera payable aussitôt après qu'elle aura été reçue;
6- Tout souscripteur qui a déj,-i une partie de ces cinq années devra désigner celles auxquelles s'appliquera
sa souscriiition;
T La réimpression commencera dès que 300 adhésions auront été envoyées au Rédacteur.
.M. Euiaii Martin, Ruiiaclcur du (loiimiEii i>k VAiii;i:i.AS, est visible à ^o^ bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUl'ELEV A Nogenl-lp Rolrou.
7« Année
N" 9.
ïU" Octobre 1876
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
ParaitEant le I" et le 15 de chaqae mois
{Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publicalion.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonres : Ou\ rages, un exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Oflîcier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et parlent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
I.MPORTANT.
Le Rédacteur du Courrier de Vaugelas prie ceux
d'entre ses abonnés qui désirent se procurer la collec-
tion complète de ce journal de Touloir bien lire, au bas
de la dernière page, les conditions d'une souscription
qui lui permettrait de faire prompleraent réimprimer
les cinq premières années.
SOMMAIRE.
Communications sur la correclion d'une phrase, sur Cela fera
du. bruit dans Landernau, sur Tuer le mandarin et sur
l'orthographe de Saducéen; — Origine de A d'autres, déni-
cheur de merles! — Pourquoi dire Dévergondé quand on dit
Vergogne; — Pourquoi Crier sur les toits et non Crier par-
dessus les toits; — S'il faut préférer Lexiologie à Le'xilogie,
ou réciproquement. || Origine de l'expression Être né coiffé;
— Si Tant qu'à peut se dire pour Quant à. || Passe-temps
grammatical. [| Suite de la biographie de Gilles Ménage. —
Ouvrages de grammaire et de littérature. || Concours litté-
raires. Il Souscription pour la réimpression des cinq pre-
mières années de ce journal.
FRANCE
COMMUNICATIONS.
■• ■ I-
M. Louis Rlum, rabbin de Clermont-Ferrand, que
j'ai l'honneur de compter au nombre de mes abonnés,
m'adresse de Vichy, par carte postale, quelques mots
où se trouve ce qui suit :
Phrase à corriger trouvée dans le Courrier de Vaugelas,
nuraéro 7, page 51 :
« L'expression grâce à signifiant par le fait de.... elle
s'emploie... »
11 faut supprimer le pronom quand la phrase commence
par un participe.
Ce correspondant commet ici une double erreur;
l'une, relative au principe de construction qu'il énonce,
l'autre, relative à la faute qu'il a cru trouver dans ma
phrase.
Erreur concernant le principe énoncé. — Voici des
phrases commençant par un participe présent i,car c'est
évidemment de celui-là que M. Louis Blum a entendu
parler), et dans lesquelles personne assurément ne
s'aviserait de supprimer le pronom devant le verbe
principal :
Et Vappuijant au poêle de manière à le placer dans son
meilleur jour, il s'est remis à tremper ses croûtes.
(E. Souvestre, Vu phil.)
Ainsi, mettant largement en pratique l'oubli dos injures,
il augmentait le ciiififre des secours à mesure que l'accusée
s'en montrait plus digne.
{Opinion nationale.)
S'aidant du texte grec d'Hérodote et le complétant avec
la version phénicienne du périple d'Hannon. il est parvenu
à retrouver des lacs, etc.
(L. Reybaud, Jérôme Paturot )
Erreur concernant la correction indiquée. — Dans
notre langue, lorsqu'une proposition énonce la cause,
le motif d'une action, on peut employer deu.x formes
pour cette proposition : ou la faire commencer par
attendu que, parce que, vu que suivi d'un verbe à un
mode personnel, ou supprimer la conjonction et rein-
placer le mode personnel du verbe par le participe pré-
sent; ainsi au lieu de dire :
Attendu que je lis pour m'cclairer, je lis en philosophe.
De plus, attendu que les sotdat.t n'avaient point de paie,
on ne pouvait les retenir plus longtemps dans une place.
J'employai quinze jours à me rendre à Lirias, attendu
que rien ne m'obligeait d'y aller à grandes journées.
Attendu que Lucinius se doutait de l imposture, il fit mettre
à la torture le prophète de ce nouveau Jupiter.
les auteurs dont les noms suivent ont dit :
Lisant pour m'éclairer, je lis en philosophe.
(François de Neufcliâteau.)
De plus, les soldats n'ayant point de paie, on ne pouvait
les retenir plus longtemps dans une place.
(Montesquieu.) *
J'employai quinze jours à me rendre à Lirias, rien ne
m'obligeant d'y aller à grandes journée.%.
(Lesage, Gil Bla.^.)
Lucinius se doutant de l'imposture, il fit mettre à la torture
le prophète de ce nouveau Jupiter.
(Fontenclle.)
66
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Or, voulant dire que « allendu que l'expression grâce
à signifie /jar /e fait de, par l'action de, par le secours
de, elle s'emploie aussi bien devant un substantif
exprimant une mauvaise chose... », j'ai dû, usant
comme c'était mon droit de la tournure « l'expression
grâce à signifiant jja;- le fait dé... », ne rien changer à
l'autre partie de la phrase, c'est-à-dire y conserver le
pronom elle, que mon contradicteur pense devoir en
être supprimé.
Cette importante question syntaxique a déjà été trai-
tée, et d'une manière plus étendue, dans la 2= année
diMCourrier de Vaugelas, page 84.
II.
Dans une lettre que m'adresse M. Th. Malgrange,
juge de paix à Joigny (Yonne), se trouve l'observation
suivante concernant Cela fera du bruit dans Lander-
neau, dont j'ai donné l'origine dans ma 4^ année,
p. 92 :
Votre étymologie n'est pas d'accord avec la légende
populaire et la plus répandue en Bretagne. C'est, selon
cette légende, un charivari donné dans cette jolie ville
des tanneries (on n'y tanne pas que le cuir des bètes
mortes, parait-il) de la vieille Armorique, â toute veuve
qui convole.
Je viens de relire attentivement les Héritiers
d'Alexandre Duval; et, comme il n'y est fait nulle part
allusion à un mariage de veuve, je crois pouvoir en
conclure que c'est bien cette pièce, à laquelle, selon
l'auteur, le public a ri pendant « vingt-cinq ans » au
Théâtre-Français, qui a introduit dans notre langue
l'expression familière Cela fera du bruit dans Lander-
ncau, expression qui se trouve mot pour mot vers le
milieu de la dernière scène.
m.
Est-ce réellement J.-J. Rousseau qui est l'auteur de
l'expression tuer le mandarin? Voici une lettre qui
tend à faire croire le contraire :
Paris, le 5 août 1876.
Monsieur,
Votre numéro du 15 juin, que je trouve chez moi au
retour d'un voyage, revient sur la fameuse expression
Tuer le mandarin, que vous attribuez à J. J. Uousseau sur
la foi de Balzac.
Je n'ai pas sous les yeux le numéro de la troisième
année du Courrier de Vaugelas dans lequel vous citez la
phrase de J.-J. Rousseau; mais voici ce que je lis dans le
. Génie du christianisme, tome I", 1" partie, livre 6, cliap. 2 :
< Je m'interroge; je me fais cette question : « Si tu
« pouvais, par un seul désir, tuer un homme à la Chine
« et hériter de sa fortune en Europe, avec la conviction
« surnaturelle qu'on n'en saurait jamais rien, consentirais-
« tu à former ce désir » ?
Le simple Chinois do Chateaubriand n'est-il qu'une
réminiscence du mandarin de Jean-Jacques ou bien a-t-on
un peu à la légère attribué à Uousscau le Chinois de l'auteur
d'Atala, en lui donnant un grade pour rendre le mot plus
piquant? Je vous laisse le soin d'cclaircir la chose. Mon-
sieur le Rédacteur; mais l'cssentiol serait d'acquérir la
certitude que la phrase du mandarin se trouve ou ne se
trouve pas dans les écrits du philosophe de Genève. Je
suis presque convaincu qu'oa l'y chercherait en vain.
Agréez, Monsieur le Rédacteur, l'assurance de ma par-
faite considération.
Restoudle.
Aidé d'une table très-détaillée.des Œuvres complètes
du célèbre écrivain, j'ai passé vainement, à la vérité,
un certain nombre d'heures à chercher la phrase en
question aux endroits qui me semblaient les plus
propres à la contenir.
Mais voici celle que Louis Protat a mise, en l'attri-
buant à Rousseau, comme épigraphe à sa chanson inti-
tulée Tuons le mandarin :
c S'il suffisait, pour devenir le riche héritier d'un homme
qu'on n'aurait jamais vu, dont on n'aurait jamais entendu
parler, et qui habiterait le fin fond de la Chine, de pousser
un bouton pour le faire mourir, qui de nous ne pousserait
ce bouton et ne tuerait pas le mandarin'? ».
Or, les lignes citées de Chateaubriand me paraissant
être une sorte d'abrégé de celles-ci, d'où les expressions
familières auraient été retranchées {/in fond, par
exemple, que n'admet guère le style pompeux de l'au-
teur d'Atala), je reste toujours fort enclin à croire que
l'assertion de Balzac, dans le Père Goriot, est digne de
toute confiance.
IV.
Au sujet de l'orthographe de Saducéen, dont il est
question dans le n" 5 de la présente année, j'ai reçu
la communication suivante :
Bourges, le 9 août 1876.
Monsieur,
Je suis d'avis qu'on doit écrire Sadducéen, car on doit
écrire également Saddok, et non pas Sadok.
En effet, .Saddok, nom propre, existe en arabe et en
hébreu; dans les deux langues, il est le participe présent
du verbe saddeuk, croire, et signifie « croyant, sincère,
loyal ».
En français, le nom Sidi Saddok serait, par exemple, le
masculin de Sainte Foy.
Colonel DE l'Espée,
Sous-chef d'état-major général du 8' corps,
Abonné du Courrier de Vaugelas.
Il est évident qu'étant donnée l'étymologie ci-dessus,
on devrait, comme le veut le savant colonel De l'Espée,
écrire Suddok. Mais on ne le fait pas, parait-il, car je
trouve Sadok dans tous nos livres. Or, s'il en est ainsi,
pourquoi ne pas accepter Saducéen, avec un seul dl
Cette orthographe n'est pas plus fautive que celle qui
admet bonhomie, avec une seule m, lorsqu'il y en a
deux dans bon homme, son primitif.
X
Première Question.
Auriez-vous la complaisance de me dire dans quel
cas on peut employer l'expression A d'actkes, DÉNicaEUR
DE merles! et quelle est l'origine de cette expression,
qu'il n'est pas rare d'entendre dans la conversation ?
Cette expression a pour origine l'anecdote suivante,
qui se trouve dans les Lrtlrcs nouvelles de Boursault
(tome II, p. 133", 2° édition), et au texte de laquelle
je fais à peine quelques changements.
Un jeune manant de vingt-deux ou de vingt-trois
ans, natif d'Autricourt (diocèse de Langres), s'étant
accusé à confesse d'avoir rompu la haie de son voisin.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
67
pour aller reœnnaitre un nid de merles, le confesseur
lui demanda si les merles étaient pris. Non, lui répon-
dit-il ; je ne les trouve pas assez forts, et je les laisse
grossir jusqu'à samedi soir, où je les irai dénicher pour
les fricasser le lendemain. Le curé, plus habile que lui,
alla le samedi matin les dénicher lui-même. L'autre
ayant trouvé le soir la place vide, ne douta point de la
supercherie du curé, mais il ne lui en osa rien dire. Un
jubilé l'ajant obligé de retourner à confesse trois ou
quatre mois après, il s'accusa d'aimer une jeune
paysanne extrêmement jfllie, et d'en être assez aimé
pour obtenir ses faveurs. Quel âge a-t-elle? dit le curé.
Dix-sept ou dix-huit ans, lui répondit le pénitent. Belle?
ajouta l'autre. La plus jolie de tout le village, vous
dis-je. Et dans quelle rue demeure-t-elle? demanda
promptemcnt le confesseur. A d'autres, dénic/ieur de
merles ! lui répliqua le manant : je ne me laisse pas
attraper deux fois.
La fin de cette anecdote apprend l'usage qu'il faut
faire de A d'autres, dénicheur de merles! Cette expres-
sion proverbiale se dit à quelqu'un qui croit nous avoir
trompés à notre insu, pour lui donnera entendre qu'on
n'ignore pas ce qu'il a fait, et qu'on ne veut pas être
de nouveau sa dupe.
Avant de raconter l'historiette ci-dessus à « Monsei-
gneur l'evesque et duc de Langres, pair de France »,
BoursauU le prévient que le fait qu'elle relate arriva au
temps de « Monsieur Zamet », évêque de la môme ville.
Or, ce dernier prélat, qui était né en 1615, ne fut
certainement pas évêque avant 30 ans (âge prescrit par
les anciens canons', ce qui donne 4643 pour la date la
plus reculée à laquelle puissent remonter ladite
historiette et, partant, le proverbe que nous lui devons.
X
Seconde Question.
Pourquoi vergogne a-t-il pour correspondant l'ad-
jectif DÉVERCOKDÉ, et Hon DÉVERGOGNÉ, qui serait, il me
semble, bien plus naturellement formé?
Le substantif latin rerecundia, honte, a fourni à
notre langue des dérivés qui, presque tous, ont eu une
double forme; les uns ont été faits par le changement
de cund en gogn, et les autres, par celui de cund en
gond.
Le premier groupe renfermait les mots vergogne,
vergogneux, cergogner, dcscefgogné, dont voici des
exemples :
Quand A'icolas Cliffort se vit argué et pointé si avant, si
fut tout vergogneux et lionteu.\.
fFroissart, II, II, S/,.)
Ce beau poil d'or, et ce beau chef encore
De leurs beautés font vergoigner l'aurore,
Quand plus crineuse elle embellit le ciel.
[Amours de Ifonsard, HP sonnet.)
Aubigné fut si desvergongnè que, le roy luy faisant une
bonneste réception à Senlis, et luy ayant demandé fami-
lièrement ce qu'il disoit de ce coup de Cousteau que Jean
Cbastel luy avoit donné dans la lèvre, ce rustre respondit...
(D'Aubigné. Coit/ess., II, 7.)
Le second groupe se composait de vergondeux, que
donne M. Littré (étymologie de vergogneu.r) ; de vergon-
dément, qui se trouve dans Palsgrave; de vergonder,
desvergonder, se desvergonder, que l'on rencontre :
J" Dans le Roman de Garin le Loherain, où on lit
(I, p. 104, éd. Paris, 18331 :
Demain verront maint Turc debareté
Et maint tirant honnir et vergonder
Si Diex le vuet sofrir et endurer.
2" Dans Froissai't tlll, p. 131, éd. de La Haye, 13391,
où l'on trouveces lignes, relatives au combat à outrance
entre Jean de Carouges et Jacques Legris :
Mais, au département du Chevalier, la Dame luy dit,
tout en pleurant, en telle manière. Jacquet, Jacquet, vous
n'avez pas bien fait de m'avoir vergondce ; mais le blasme
n'en demourra jà sur moy fors que sus vous.
3i Dans Benserade, qui a dit (rondeau intitulé Her-
maphrodite] :
S'il est moins qu'homme au froid dont il abonde,
Plus qu'une femme elle se dévergonde.
Or, grâce aux caprices de l'usage, tous ces dérivés
ont disparu, excepté vergogne, qui appartient au pre-
mier groupe, dévergondage et se dévergonder, qui
appartiennent au second.
Et voilà pourquoi, tout en disant vergogne, nous
lui donnons pour dérivé dévergondé, et non dévergo-
gné, que réclame la logique.
Par le changement de v en b, très-commun dans les
pays qui avoisinenl l'Espagne, dans celui de Castres, par
exemple, la plupart des mots simples du premier des
groupes indiqués plus haut ont donné en quelque
sorte un troisième groupe, dont les termes sont restés
comme désignations de personnes. Ainsi, les noms
propres suivants, trouvés dans VAlmanach Bottin,
n'ont pas une autre origine :
Bergon
Bergognant
Bergougne
Bergounioux
Bergogne
Bergonier
Bergounious
Bergougnan.
X
Troisième Question.
Dans votre numéro 7, vous corrigez une phrase qui
renferme cette partie : « Voilà ce que clamem tau-
DESscs les toits t en changeant cette partie en « crient
90R les toits ». Vous uvez déjà indiqué la même cor-
rection; mais je ne ni' en suis jamais bien rendu compte.
Auriez-vous l'obligeance de niexpliquer pourquoi vous-
substituez sua les toits à par-dessus les toits?
Les grands édifices de la Judée étaient couverts d'une
plate-forme ou terrasse, sur laquelle on avait la liberté
de monter, et du haut de laquelle on haranguait quel-
quefois le peuple. De sorte que, pour dire annoncer une
chose hautement, publiquement, l'Ecriture dit souvent
la prêcher, la publier sur les toits, comme dans ce pas-
sage de saint Luc (ch. Xllj :
^!. Mais if n'y a rien de caché qui ne doive pas être
' découvert, ni rien do secret qui ne doive être connu.
3. Car ce que vous avez dit dans l'obscurité se publiera
68
LE COURRIER DE VAUGELAS
dans la lumière, et ce que vous avez dit à l'oreille dans
les chambres sera prêché sur les toits-
Or, d'après cette origine de l'expression, il est mani-
feste qu'il faut dire snr les toits, et non par-dessus les
toits, faute que j'ai, en effet, corrigée déjà plusieurs
fois, comme vous le dites.
Quant à clamer, je l'ai remplacé par crier, parce que
ce mot, qui se disait autrefois pour signifier appeler
en justice, a été complètement rejeté de la langue
quoique tous ses composés y aient été maintenus.
X
Quatrième Question.
Le Dictionnaire de Littré contient les deux termes
LEXiLOGiE et LESiOLOGiE pour désigner la partie de la
science des mots, considérés dans leurs éléments de for-
mation, et la préférence semble y être donnée à
LEXiOLOGiE. Quelle raison peut déterminer en faveur de
cette dernière expression plutôt qu'en faveur de rautre?
Il s'agissait ici de faire un compose signiQant
science des mots, avec deux vocal)les empruntés à la
langue grecque; ou, pour m'exprimer avec plus de
précision, de combiner Ai;îo)ç, génitif de asHiç, mot,
avec Xi-,':;, discours.
Or, attendu qu'en composition, nous traduisons géné-
ralement par io la syllabe que certains noms grecs ont
de plus au génitif qu'au nominatif, ;de i/O'j;, u;;;
G'j7'.;, îcoç; jxuç, [j-jî;, etc., nous avons fait ichtbyolo-
gie, physiologie, myologie, etc.), il est évidemment
plus rationnel d'admettre Icxiolocjie, pour le néologisme
formé de A£;:w; et de ac^s;, que d'admettre lexilorjie.
Telle est, je crois, la raison pour laquelle JI. Littré
semble préférer le premier de ces composés au second,
qui friserait au moins le barbarisme s'il n'en était pas
un tout-à-fait.
ÉTRANGER
Première Question.
Je lirais avec beaucoup de plaisir dans votre journal
pourquoi vous dites de quelqu'un qui a du bonheur
dans ses entreprises, qu'iL est né coiffé. Veuillez rece-
voir d'avance mes remercîments pour celle explication.
Outre les tuniques ordinaires qui entourent l'enfant
dans le sein de sa mère, il s'en trouve quelquefois une
qui lui courre la létc en forme de casque ou de capu-
chon, et cela, si étroitement et si fortement qu'il ne
peut la rompre en sortant, et qu'il vient au monde
coiffé.
Les Romains tirèrent desconséquencessuperstitieuses
de ce fait : puisque la nature s'occupe de cet enfant,
disaient-ils, cl qu'elle prend soin de lui tenir la tète
chaude, c'est que, certainement, elle a des vues parti-
culières sur lui, et qu'elle lui réserve un avenir heu-
reux.
Or, sans croire à la vertu de la coifle comme les Ro-
mains ^leurs avocats en achetaient chèrement des lam-
beaux qu'ils portaient sur eux afin que les juges ne
pussent résister à leurs plaidoiries! et comme les jire-
miers chrétiens (pour accroître l'efficacité de celte pré-
tendue amulette, ils la faisaient bénir par le prêtre sur
l'autel pendant qu'il célébrait la messel, nous n'en
disons pas moins encore, en parlant de quelqu'un que
le bonheur semble toujours accompagner, qui est
heureux dans tout ce qu'il entreprend, (\\iil est né
coiffé.
Dans une note de son Histoire philosophique des em-
pereurs romains, Toulotle s'exprime ainsi qu'il suit
en parlant de la naissance du fils de Macrin :
Les devins prédirent les plus hautes destinées pour le
fils de Macrin, qu'on disait né avec une coifife en forme de
diadème...
Comme l'empereur dont il s'agit régna de 217 à 21 8,
on peut présumer, non trop témérairement, je pense,
qae l'expression être né coiffé repose sur une croyance
bien antérieure au 3" siècle de notre ère.
X
Seconde Question.
Est-ce quelA^iT qu'a, suivi d'unpronom ou d'un subs-
tantif, comme, par exemple, dans cette phrase : « Tant
qu'a lui, je ne sais ce qu'il fera » est, une expression
bien française et pouvant se dire au lieu de Quant i ?
L'expression tant qu'à pour quant à s'est certaine-
ment employée autrefois, car en voici un exemple :
Or nous tairons nous de parler de lui tant qu'à présent
et des .\nglois, et retournerons aux Escots.
(Froissart. I, I, 46.)
Mais je ne la crois pas bonne, quoiqu'elle se dise
encore souvent, et je vais vous alléguer les raisons qui
me la font rejeter.
D'abord, je ne l'ai trouvée dans aucun dictionnaire
français, tant ancien que moderne.
Ensuite, cette expression me semble une corruption
populaire d^quant à, corruption que j'explique comme
il suit :
Parmi les personnes ignorantes, il y a une grande
tendance échanger la consonne t en k, et réciproque-
ment, dans la prononciation; elles disent volontiers,
par exemple, tabakère, makère, méker, au lieu de
tabatière, matière, métier, et toul le monde sait qu'il
n'est nullement rare, même à Paris, de leur entendre
dire le cintirme pour le cinquième.
Or, ce fait connu, rien d'impossible à ce que, dans
la bouche de telles gens :
Quant à lui, etc.,
se soit transformé en
rant f/K'à lui, etc.,
expression où l'initiale qu de quant a naturellement
fait un mot à elle seule à cause de l'habitude qu'a
l'oreille d'entendre souvent un que après tant.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
69
Une telle permutation de consonnes dans un même
mot n'est pas un fait unique en français ; d'après Génin
{Variai, p. 300), l'adverbe rudement, si^'niliant beau-
coup, très, fort, ne serait autre que durement, qui s'est
enipiojé dans ce sens pendant tout le moyen âge, et
qui aurait subi plus tard une transformation analogue
à celle dont je viens de parler.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
l"... eussent rte atteints de boulons charbonneux; — 2° .. poiir
(ille une laideron assez dcvcrrjondée (le nom laideron est fénii-
uiii quoi qu'ayant une terminaison masculine) ; — 3 était
excessivement agréable (voir Courrier de Vaugelas, 3' année,
p. 84); — 4°... auquel seraient soumises les ([uestions d'intérêt
général (voir Courrier de Vautjclas, {" année, n" 1, p. 2) ; —
5°... a manqué de périr (après faillir, synonyme de manquer,
on ne met pas de devant l'inlinilif, mais il le faut après tnan-
quer); — G" 11 parait avoir vinul ans de moins (le verbe paraître
veut un verbe pour régime, et non un substantif); — 7"... l'un
de ceux qui ont le plus d'avenir (il y en a plusieurs qui ont de
l'avenir, et il est l'un d'eux); — 8°... le meilleur moyen de les
empêcher de faire; — 9°... un moyen mécanique qui rejetât la
télé ... et évitât cet affreux transvasement; — 10"... il parle de
tout, tranche sur tout.
Phrases à corriger
. trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° C'est sur la table d'un excellent homme de ma con-
naissance que j'ai revu, cette année, la délicate et obère
crustacée [l'huître] qu'on a si justement nommée : la
truffe de la mer.
î» C'est admirablement raisonné, approuva Ricard, qui
paraissait enchanté de la tournure qu'avait prise la con-
versation.
3° Et les avocats plaideront publiquement cette affaire?
interrogea madame Peytel avec stupeur. — Certainement,
comme tous les procès ordinaires qui se jugent. Que vous
importe '?
4' C'était tentant, et bien que de modestes stalles se
vendissent dix louis, il y avait foule dans la salle et dans
la rue.
5° C'est la loge royale, là que le roi et la reine se pla-
çaient pour assister aux auto-da-fé, qui se faisaient tou-
jours en grande pompe.
6° Isolée telle qu'elle est en Europe, au cœur des nations
monarchiques, est-il permis d'espérer que la République
française ait jamais une autorité suffisante pour se faire
entendre et réclamer pour la France la place à laquelle a
droit notre nation?
7° n nous serait infiniment plus doux de voir la
Chambre haute braquer ses lunettes sur le firmament
plutôt que frapper avec des bâtons sur les marécages
politiques pour faire remonter la vase du fond vers la
surface.
8° Si l'autour de Jean de la Roche tenait, comme roman-
cier, le premier rang, comme auteur de lettres, elle était
incoinparable.
9' Dernièrement, tout au milieu d'une sombre nuit
d'automne, les cloches se mirent à sonner à haute volée
dans le vieux clocher de l'église mi-ruinée du petit village
de Sarramolin.
(Les corrections à quinzaine)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONUE .MOITIÉ DU S.VIP SIÈCLE.
Gilles MÉNAGE.
{Snite.)
S'il faut dire gisier, oic gésier. — En Gascogne et en
Bretagne, on dit gisier, ce qui est conforme à l.'étymo-
logie (jigeria; mais le plus grand nombre des Parisiens
et le bel usage sont pour gésier.
S'il faut dire marscpain, ou massepain. — II faut dire
massepain conformément à l'espagnol maçapan. C'est
ainsi que tout le monde parle à Paris et à la Cour.
De l'expression quant à suivie d'un pronom ou d'un
nom. — Plus sévère que Vaugelas, qui ne proscrivait
que quant àmoi, Ménage condamne g» Ma?i< «dans toutes
les circonstances, attendu que cette locution a vieilli et
n'est plus du bel usage il 072).
Singtdier participe du verbe recourir. — Quoiqu'on
dise recourir unprisonnier, ondi\\.\in prisonnier recous,
et non pas recouru.
De certains termes d'imprimerie. — On appelle gui-
mets et guillemets, ces virgules renversées qui se met-
tent quelquefois à la marge des livres. Le plus grand
usage est pour guillemets.
Celui qui porte les épreuves s'appelle épervier, par
corruption de épreuvier, ou par allusion au vol rapide
de l'oiseau nommé épervier.
On appelle copie l'écrit de l'auteur sur lequel on im-
prime, parce qu'on suppose que l'original est demeuré
« vers » lui, et qu'il n'a envoyé à l'imprimerie que
la copie.
Inventeurs de quelques mots français. — C'est
Lazare de Baif qui a introduit dans notre langue les
mots èpigramme, élégie, aigre-deux. Marot a introduit
coc-à-l'asne, espèce de poésie. Ronsard est le premier
qui se soit servi du mot ode, et il semble qu'il a inventé
aussi avidité et pindariser. Joachim du Bellay prétend
avoir fait pié-sonnant, porte-lois, porte-ciel, cerve.
Si l'on en croit Vaugelas, Desportes s'est servi le
premier du mot pudeur, de celui de recouvert pour
recouvré, et .Malherbe, a créé devouloir.
Le cardinal de Richelieu, selon le "témoignage de
Balzac, fit pour lui-même le mot de généralissivie lors-
qu'il commandait en Italie l'armée du roi Louis XIII,
en 1030.
Balzac a fait le mot urbanité, qui a été bien reçu, et
avec d'autant plus de raison que civilité, galanterie et
politesse ne l'expliquent qu'imparfaitement. Ouelques-
uns croient que félicité est aussi de sa façon. Il pré-
tend être le premier qui ait dit se calomnier soij-mesme.
Madame la marquise de Rambouillet a fait debrula-
liser, et D'Aubigné aurait fait plumeux, dans son
Baron de Féncsle.
•Sarrasin se vantait d'avoir, le premier, employé le
mot burlesque.
70
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Ménage a entendu dire à Berlaud, conseiller au Par-
lement de Paris , que c'était lui qui avait dit le
premier cannevas de chanson.
Segrais a fait impardonnable.
Mademoiselle de Scudéry a donné k pigeon le fémi-
nmpigeonne ; on disait auparavant colombe.
Ménage a fait prosateur à l'imitation de l'italien
prosatôre, pour dire un homme qui écrit en prose ; on
disait auparavant orateur, qui ne signifiait pas ce
qu'on voulait dire, car l'orateur est celui qui parle en
public, ou qui compose des oraisons.
Tomber et tumber. — Il faut dire tomber., et non pas
tumber, comme on dit en plusieurs provinces, et
comme dit aussi le peuple de Paris ilG72i.
S'il faut dire co\ont\, ou coronel; corporal, ou capo-
ral. — Nous disons colonel de la caralerie et colonel
de l'infanterie. Les Italiens disent de même colonelle.
Mais les Allemands disent coronel, ce qui fait que plu-
sieurs de nos Français, en parlant des colonels alle-
mands, les appellent des coronels. Le meilleur et le
plus sûr est de dire toujours colonel.
Corporal est l'ancien nom français^ qui est du reste
encore d'usage parmi les soldats : Corporal, hors de la
garde est le cri dont se sert une sentinelle pour appeler
celui qui commande le corps de garde; depuis, on a dit
caporal à l'italienne, et c'est ainsi que parlent aujour-
d'hui les « honnestes » gens.
Prononciation du wjo/ agneau. — Tous les Parisiens
généralement prononcent anneau au lieu de agneau.
C'est une prononciation très-vicieuse à cause de l'étj-
mologie d'anneau dans le sens d'annulus. Mais comme
ce sont les maîtres du langage, il faut parler comme
eux. Quelques-uns croient qu'il fai,it dire l'agneau pas-
cal, et Ménage est complètement de leur avis.
Mots oii se trouve un c ou un g dont la prononcia-
tion n'est pas encore bien fixée. — Vaugelas veut qu'on
écrive(/rtn(//-e/«e, conformément à rétymologieY^v-'patvz,
et qu'on prononce cangreine. Selon .Ménage, il faut
écrire et prononcer cangreine. 11 faut écrire de même
segond, segret et segretaire, et non secret, second,
secrétaire. On doit aussi écrire et prononcer gannif, et
non cannif.
Pluriel de quelques noms terminez e«al et en ail. —
Il n'y a que les Normands qui disent des baux en par-
lant de réunions où l'on danse.
Les opinions sont partagées entre piédestals et pié-
destaux; mais ce dernier est le plus usité (16721.
On ne dit ni des corals ni des coraux, car ce mot n'a
'point de pluriel.
Il faut éviter de dire aussi bien des combats iiaculs
que des combats navaux; il faut dire des combats de
mer, des combats maritimes.
Des terminaisons al et ail. — Il faut prononcer métal
et non métail; cristal et non cristail; coral et non
corail; poilral et non poitrail. Mais on dit le portail
dune église, et non \c portai.
S'il faut dire des nentiiles, ou des lentilles. — Les
Angevins disent des lentilles, et les Parisiens des nen-
tiiles : il faut dire comme les Parisiens.
Remarques curieuses touchant les mots de nombre.
— On disait anciennement mil et mille, indifférem-
ment, et plus souvent mil que mille. Il n'y a plus que
les notaires et les praticiens qui écrivent ce nom de
nombre de la sorte : dans tous les cas, excepté en par-
lant des années datées de la nativité de Notre Seigneur,
on écrit mille. Du reste, ce mot est toujours invariable.
Quant à cent, il se décline; on dit cents au pluriel.
Vingt se pluralise également, mais il perd le g au
pluriel; on écrit quatre-vints hommes, les Quinze-
Vints, etc. Toutefois, on ne le met pas au pluriel quand
rien ne vient après lui; on écrit quatre-vint, six-vint.
Dans un compte rond, on se sert indifféremment du
mot de livres et de celui de francs : cent livres et cent
francs. Mais dans un compte « rompu », on ne se sert
que du mot livre; il faut dire quatre livres dix sous.
Le mot de francs ne s'accommode pas non plus de
celui de rente; on dit il a dix mille livres de rente.
En parlant de livres, on dit onze cents, douze cents,
treize cents, etc. jusqu'à dix-neuf cents ; mais en par-
lant d'années, on dit Van mil cent, mil deux cents, mil
trois cents, etc.
Il est à remarquer qu'en parlant d'une chose passée
depuis plusieurs années, nous omettons le mot mil;
nous disons cela arriva l'an 600, au lieu de 1600.
Nous omettons aussi le mot cent quand la chose s'est
passée depuis peu ; nous disons cela est arrivé en trente-
six pour dire en 1636.
Quoique cent vint et six vint soient le même nombre,
il ne faut point dire cent vint en prose.
Dans le discours familier, il faut dire soixante-dix,
quatrevint, quatrevint-dix, et non septante, octante.
nouante; mais, en termes d'arithmétique et d'astrono-
mie, on dit fort bien septante, octante, nouante.
On dit vingt et un et non pas vingt-un; on dit aussi
trente et un, quarenteet un, cinquante et un, soissante
et un. Mais on dit cent un, quatrevint un, six vint un.
Mille-un est controversé.
L'Académie a décidé qu'il faut dire vingt et un che-
vaux, conformément à la remarque de Vaugelas.
Ménage n'est pas de cet avis, il croit qu'on peut dire
vingt et un cheval tout aussi bien qu'on dit trente et
un jour, vingt et un an, etc.
Quand Ménage vint à Paris pour la première fois
(c'était en i&3A), ceux qui se piquaient de « parler
correct « se moquaient de ceux qui disaient midi et
demi, pour dire demie heure après midi. C'est en effet
une façon de parler bizarre ; mais elle est aujourd'hui
11072) si universellement reçue à la Cour et à la Aille
qu'elle ne peut être contestée.
A la chambre des comptes de Paris, on dit à tort ils
sont di.r heures pour ;/ est dix heures. Il ne faut pas
dire non plus elles sont dix heures, comme font
quelques-uns; il faut // e.sV, qui est impersonnel dans
cet endroit.
{La suite au prochain numéro.)
Le RKDACTEOK-GiiiUNT : EMiiN MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
71
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Les Étrangères, poésies traduites de diverses litté-
ratures; par H. Frédéric Amiel. In-S", 286 p. Paris, lib.
Sandoz et Fischbaclier.
Le Fiancé de M"" Saint-Maur ; par Victor Clierbu-
liez. 2« édition. In-18 jésus, 306 p. Paris, lib. Hachette et
Cie. 3 fr. 50.
Les Mystères de Londres; par Paul Féval. Nouvelle
édition complètement revue par l'auteur. T. 2. In-18
Jésus, àhO p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Les Loups de Paris; par Jules Lermina (William
Cobb). 1. Le Club des morts. In-18 jésus, Zii6 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr.
Le Parc aux Cerfs; par Albert Blanquet. In-18 jésus,
420 p. Paris, lib. Degorce-Cadot. 3 fr. 50.
Les Fanfarons du roi; par Paul Féval. In-18 jésus,
iOO p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Œuvres d'Alfred de Musset. La Confession d'un
enfant du siècle. Petit in-12, 399 p. et portr. Paris, lib.
Leraerre. 6 fr.
La Famille Aubertin; par Amédée Achard. In-18
jésus, 260 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 1 fr. 25.
Le Roi des Gabiers; par Joseph Lubo. Edition
illustrée. In-4° à 2 col. 259 p. Paris, lib. Coste.
Lettres à un matérialiste sur la pluralité des
mondes habités et les questions qui s'y rattachent;
par Jules Boiteux. In-18 jésus, vin-516 p. Paris, lib. Pion
et Cie.
Œuvres complètes. La Sorcière flamande; par
Henri Conscience. Traduction Coveliers. Gr. in-18, 250 p.
Paris, lib. Calmann Lévy. 1 fr. 25.
Marie-Louise d'Orléans ; par Sophie Gay. Nouvelle
édition. In-18 jésus, 32Zi p. Paris, lib. Calmann Lévy.
1 fr. 25.
La Belle organiste ; par Emile Richebourg. In-18
jésus, 316 p. Paris, libT Decaux. 3 fr.
Les Femmes fatales. La Vierge de Mabille ; par
H. Escoffler. 2<= édition. In-18 jésus. xvi-326 p. Paris, lib.
Dentu. 3 fr.
Souvenirs d'un voyageur, nouvelles ; par Edouard
Laboulaye, de l'Institut. 5» édition, ln-18 jésus, 343 p.
Paris, lib. Charpentier et Cie. 3 fr. 50.
Le Secret du docteur; par Victor Perceval. Li-18
jésus, 428 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
L'Enfant du faubourg. Les Exploits de la mère
Langlois ; par Emile Richebourg. Ia-8° jésus, 436 p.
Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Chroniques lorraines du temps de Charles IV. Le
Besme. Frère Eustache. La Dame de Neuville; par
M. Antoine-Achille Henriot, juge de paix à 13ar-le-Duc.
2 vol. in-l2, 536 p. Bar-le-Duc, lib. Coutant-Laguerre.
Publications antérieures ;
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fleurons, lettres ornées de culs-de-larape. -r- Paris, P.
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50. — Sur papier de Hollande (broché) 5 fr.
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Que sais-je? — L'Espoir en l'homme. — Prométhée. —
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DE QUERRE. — Première série. — Par Edouard Gcepp,
chef de bureau au Ministère de l'instruction publique.
— 2« édition, ornée de quatre portraits et de trois cartes.
— Ki.ÉDER, Desaix, Hociii, Marceau, Daumesnil. — Paris,
P. Ducroc, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix,
relié : 4 francs.
LES NEVEUX DU PAPE. — Joannis. — Par Gustave
ViNOT. — Paris, librairie des Bibliophiles, 338, rue Saint-
Honoré. — Prix : 4 fr.
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plices usités envers les prisonniers; Révélations sur le
régime intérieur de la Bastille; Aventures dramatiques,
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Victor Bnmel, éditeur, 3, rue de l'Abbaye, ancien palais
Abbatial. — Prix : 10 francs.
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tier et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-
Germain. — Prix : 3 fr. 50.
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thèque comtemporaine. — Paris, Calmann Lévy, éditeur,
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duction- de MM. Grégoire et Moland. — Illustrations de
Yan Dargent. — Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs,
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un nouveau plan, avec des explications tirées de la gram-
maire historique et précédés d'une Introduction sur
l'origine de notre langue. — Par G. Bovieii-Lapierrb, an-
cien professeur à l'École normale de Cluny, officier de
l'Instruction publique. — Ouvrage couronné par la Société
pour l'instruction élémentaire. — A Paris, chez Delagrave
el Cie, rue des Ecoles. — 1 vol. in-12, cart. 1 fr.
Publications
REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
— Recueil hebdomadaire publié sous la direction de MM.
C. de La Berge, M. Bréal, G. xMonod, G. Paris. — Dixième
année. — Nouvelle série, 1'= année (1876). — - Prix d'abon-
nement : Un an, Paris, 20 fr.; — départements, 22 fr.;
— étranger, le port en sus ; — un numéro, 75 c. — Paris,
Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte.
LE COURRIER LITTÉRAIRE, revue artistique, biblio-
graphique, scientifique et littéraire, paraissant le 10 et
le 25 de chaque mois. — Prix de l'abonnement : 20 fr.
périodiques :
par an pour la France et les pays faisant partie de l'Union
des postes. — Paris, bureau du Courrier littéraire, 33,
rue de Seine.
REVUE SUISSE. — bibliographie, archéologie, littéra-
ture, beaux-arts. — Paraissant le l"' et le 15 de chaque
mois. — Prix par an, 10 fr., et le port en sus pour l'étran-
ger. — Cette revue, qui rend compte de tous les. ouvrages
dont on lui envoie deux exemplaires, se trouve à Paris,
chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires-éditeurs, 33,
rue de Seine.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le dix-septième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 aoiU sera clos le \" décembre 1876. — Douze médailles,
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrance,
Président du Comité. 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
La Société des études historiques a, pour l'année 1877, mis au concours pour le prix Raymond la question
suivante : Historique des institutions de prévoyance dans /t'ç divers pays, et spécialement en France. — Elle vient
de décider qu'en 1878 un prix de 1,000 fr. sera accordé à l'auteur du meilleur mémoire sur l'histoire du portrait |
en France (peinture et sculpture).
Le Tournoi poétique, littébaire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (à' année). — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien. — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements,
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
La Société nationale d'éducation de Lyon destine pour 1876 un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur
ce sujet : Quels peuvent et doivent être, dans l'état actuel de la société, les rapports de t'Inslituleur primaire avec
les parents de ses élèves? — Le prix sera décerné dans la séance publique de 1877, sous le nom de Prix de la ville
de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" Novembre prochain, à M. Palud, libraire,
ù, rue de la Bourse, à Lyon.
SOUSCRIPTION
POUR
LA RÉIMPRESSION DES CINQ PREMIÈRES ANNÉES DE CE JOURNAL.
Les cinq premières années de la collection du Courrier de Vaugelas se trouvant presque complètement épuisées
(il ne reste plus que quelques exemplaires de la li<= et de la 5«), une souscription dont voici les conditions est ouverte
pour les faire réimprimer :
1" L'original sera reproduit intégralement dans ses parties essentielles, avec le même nombre de pages et sous un
format identique;
2» La réimpression se fera de manière à fournir une année tous les deux mois;
3" Le prix de chaque année (brochée) sera de 6 fr. comme celui de l'abonnement au journal;
U" Les années seront expédiées franco aux souscripteurs à fur et mesure de leur réimpression;
5" Chaque année sera payable aussitôt après qu'elle aura été reçue;
6* Tout souscripteur qui a di'J.i une partie de ces cinq années devra désigner celles auxquelles s'appliquera
sa souscription;
7* La réimpression commencera dès que oUO adhésions auront été envoyées au Rinlacteur.
.M. Enian Martin, Rédacteur du Comiuiiai un Vaui.elas, est visible à son bureau de trois à ciwi heures.
Imprimerie GOIJVERNEUH, G. DAUl'liLEV A NogeiUlo Rotrou.
7» Année
N» 10.
15 Octobre 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
FRANÇAI
Paraiaiant le l* et le 15 de ehaqae mola
{Dans sa séance du \ï janvier 1S7.5, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an , 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un eisem-
plaire; Concours littéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
AN-CIEN PROFESSECR SPECIAL POUK LES ETRANGERS
Officier d'AcaJémie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se pn^nncnt pour une année
entière et partent tons de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un liliraire quelconque.
IMPORT.VNT.
Le Rédacteur du Courrier de Yaugelas prie ins-
tamment les personnes qui désirent se procurer la collec-
tion complète de son journal de vouloir bien lire, au bas
de la dernière page, les conditions dune souscription
qui lui permettrait d'en faire promptement réimprimer
les cinq premières années., presque entièrement épui-
sées aujourd'hui.
SO.M.MAIRE.
Communications sur une phrase qui aurait été mal corrigée; sur
les synonymes E/fcuillage, Elf'euillaison el EU'euillemenl ; sur
l'élymologie de l'équin; sur Mièvre et sur // a été suicidé; —
Les expressions Le temps jadis et Le temps de jadis; — Divers
sens de Vaudcntle; — Si Pour jusqu'à est correct; — Signi-
fication de 17)1 de deux oreilles; || Pourquoi on ne dit ni
Unième, ni Vingt et premir, Trente et premier, etc. — Étyrao-
logie et signilicaliondumot Chance. || Passe-temps grammatical.
Il Fin de la biogr.ipliie de Gilles Ménage. || Ouvrages de gram-
maire et de littérature. 1| Concours littéraires. || Souscrip-
tion pour la réimpression des cinq premières années de ce
journal.
FRANCE
COM.MUNIGATIONS.
I.
Le 24 août, j'ai reçu d'un abonné de Paris une lettre
qui se termine par ces mots ayant trait à une phrase
dont j'ai indiqué la correction :
Je profite de roccasion pour vous demander sila'plirase
suivante :
t La famine s'est tout à coup manifestée, etc., avant que
le gouvernemont ait pu faire parvenir... »
que vous avez donnée à corrig>^r dans le passe-temps gram-
matical de votre nijmèro du IJ juillet, est vraiment défec-
tueuse, car Besclierelle cite dans son Dictionnaire la
phrase suivante do La Bruyère, d'aptes laquelle cette cons-
truction serait parfaitement correcte :
€ Combien de siècles se sont écoulés avant que les hommes
aiei>< jjw revenir au goût des anciens. »
Il me serait bien agréable d'avoir un mot d'explication
à ce sujet dans votre prochain numéro.
La conjonction avant que, qui requiert le subjonctif
après elle, peut être suivie des quatre formes de ce
mode, comme le font voir les exemples suivants :
Lisez avant qu'un doigt ne déchire le livre.
(Lamartine.)
Les Chinois avaient des astrolabes avant que nous nous
sussions lire.
f\'oItaire.)
L'Écriture nous fait voir la terre revêtue d'herbes et -de
toutes sortes de plantes avant que le soleil ait été créé.
(Bossuet.)
Léonidas était mort aux TUermopyles avant que Socrate
eût fait un devoir d'aimer la patrie.
(J..J. Roasseau.)
-Mais quand doit-on employer chacune d'elles ?
Voici à ce sujet une règle que j'ai induite de la
réunion d'un très-grand nombre d'exemples recueillis
dans des auteurs différents, et que, pour cette raison,
il me semble pouvoir regarder comme étant d'une par-
faite exactitude :
.\ la place de ai-ant que mettez quand, puis faites
suivre cette conjonction du verbe qui vient après avarit
que en l'accompagnant de ne... pas encore; et, selon
qu'après avoir été ainsi tournée, cette partie de la
phrase aura son verbe au présent, à l'imparfait, au
passé défini ou au plus-que-parfait de l'indicatif, em-
ployez après avant que le présent, l'imparfait, le passé
ou le plus-que-parfait du subjonctif.
Or, dans le cas actuel, la règle précédente amène le
plus-que-parfait de l'indicatif après quand :
La famine s'est tout à coup manifestée dans le Durbhanga
et dans le nord du Thibet quand le gouvernement n'avait
pas encore pu faire parvenir aux populations de ce pays le
grain qu'il leur destinait.
D'où celte conclusion que, dans la phrase donnée à
corriger, il faut employer le plus-que-parfait du sub-
jonctif eût pu après la conjonction avant que, ou, en
'd'autres termes, que celte phrase était bien réellement
défectueuse.
74
LE COURRIER DE VAUGELAS.
II.
Sous la signature Oncle Tom, j'ai reçu de province,
le 25 août, une lettre qui, après avoir approuvé la solu-
tion donnée, dans mon numéro 6, à la question de
savoir si, en langage agricole, on doit dire effeuillage,
ejfeuillaison ou effeuillement, se termine ainsi qu'il
suit :
Ces synonymes expriment des idées difiërentes.
En effet, elfcu'dlage exprime l'action de couper les feuilles
sans ôter le pétiole, pour faire mûrir le fruit et laisser le
soleil lui donner !e coloris.
ElfeuiUuison se dit pour exprimer l'époque à laquelle il
faut se livrer à l'e/feuillnge des arbres. Exemple : Kous
voilà encore à l'en'euiilaison de la vigne.
Enfin, on doit se servir du mot c/feuillemcnt lorsqu'on
vent rendre Ve'tal des arbres dcpouillcs de leur feuHlarje, que
ces arbres en aient été dépouillés par l'c/l'eudlage, qu'ils en
aient été dépouillés par la défoliation.
Donc, pas de confusion possible entre les trois mots, et
c'est à tort que les écrivains les ont successivement em-
ployés pour désigner une même opération.
La différence d'emploi indiquée dans les lignes qu'on
vient de lire me paraissant en effet entièrement conforme
à l'usage, je m'empresse de la signaler en constatant à
regret qu'il n'en soit fait aucune mention dans le
Dictionnaire des Synonymes publié par La Faye.
m.
Le 28 du même mois, j'ai reçu, également de pro-
vince, une lettre dont l'auteur, M. Charles Maisonrouge,
non satisfait de « mes étymologies » de péquin, me
propose pîque, s. f. chiffon, lambeau, qui se trouve dans
un dictionnaire franco-normand; j'éqiie s. f. qui se
dit pour mauvais cheval, rosse, dans le complément du
Dictionnaire de Napoléon Landais, et aussi le terme
latin pecus.
.Mais comme, à mon avis, la question concernant
l'origine de péquin est complètement vidée, j'e.spère
que M. Charles Alaisonrouge voudra bien me permettre
de croire que je suis dispensé par cela même de m'en
occuper plus longtemps.
IV.
Dans une lettre du 5 septembre, qui m'est adressée
de Ferrières (Somme) par M. A. Dufresnoy, instituteur à
Doullens, se trouve la note suivante relative à un mot
dont mon numéro 7 a parlé :
On dit ici, en patois picard, en parlant d'un cheval qui
caracole, lance des ruades et fait eniendre des hennisse-
ments exprimant le plaisir, et cela, assez fréquemmtnt, il
est mièi're, il est mieuvre. Vous savez que lo patois s'or-
tliograpbio à la volonté de celui qui écrit.
J'insère avec plaisir cette note, qui vient condruicr,
jiar un usage déjà existant, l'opinion que j'ai émise sur
l'extension possible de l'emploi de l'adjectif mièwe.
V.
Enfin, voici une communication touchant il a clé
suicidé, phrase que j'ai appréciée à la page A3 de mon
numéro 6 :
Chartres, le 8 septembre 187G.
Monsieur,
Dans votre numéro du 15 août dernier, on vous demande
ce que vous pensez de cette phrase publiée dans le Jnurna
des Débats du 7 juin : « Le malheureux sultan s'est-il tué
de sa propre main, ou bien a-l-il été suicidé ? »
La question vous est posée sérieusement, et vous y ré-
pondez de même.
Cela prouve une chose, c'est que vous et votre corres-
pondant n'êtes pas condamnés à lire chaque jour ce qui se
publie dans les journaux grands et petits.
Lorsque la nouvelle de la mort du sultan déchu, Abdul-
Aziz, est arrivée à Paris, la première impression a été de
croire qu'il avait été étranglé ou qu'il s'était ouvert les
veines sur un ordre venu du sérail. Des démentis formels
sont arrivés de Constantinople. En attendant que la vérité
pijt se faire jour, un journal, je ne sais plus lequel (cette
gent maudite ne respecte non), a cherché à mettre tout
le monde d'accord en prétendant qu'Abdul-Aziz avait été
suicidé.
Le mot a fait le tour de la presse, et c'est ainsi qu'il a
été employé dans le Journal des Débats par M. John Le-
moine, qui sait parler français, et qui n'a jamais prétendu
en faire une locution française.
Lequien,
Rédacteur en chef du Journal de Chartres.
J'étais dans un grand embarras; car, d'un côté,
j'avais la conviction, comme je l'ai dit, que il a été
suicidé n'esl pas' une construction compatible avec le
génie de notre langue; et, de l'autre, je ne pouvais
admettre que M. John Lemoine, non-seulement rédac-
teur du Journal des Débats, mais encore membre de
l'Académie française, eût commis une pareille infrac-
tion à la syntaxe.
La lettre de M. Lequien est venue tout m'expliquer :
sur sa copie, M. John Lemoine avait écrit a-t-il été sui-
cidé en le faisant précéder et suivre de guillemets;
mais ces signes, indispensables ici pour faire com-
prendre que l'expression n'était point sienne, et qu'en
la reproduisant il n'entendait nullement s'en rendre
responsable, ces signes, dis-je, ont été oubliés dans
l'impression (rien d'étonnant à cela pour qui sait la
rapidité avec laquelle se font les journaux) ; d'où la mé-
prise bien naturelle du lecteur des Débats qui a cru
voir dans la phrase dont il s'agit un « sens nouveau
du barbarisme se suicider », et m'a fait l'honneur de
me demander ce que j'en pensais.
Première Question.
Est-il plus correct de dire le temps jadis que le
TEMPS DE JADIS? Car il me semble qu'on se sert de ces
deux constructions.
Cette expression, qui ne se dit guère qu'en vers, se
trouve très-souvent, le plus souvent même, je crois,
sous la forme le temps jadis, comme dans ces exemples :
La génisse, la chèvre, et leur sœur la brebis,
Avec un fi r lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis.
(La Fontaine, Fables, 1, 6.)
Au temps Jadis, il a guidé l'Amour.
(Voltaire.)
Mais elle se trouve aussi sous celle de le temps
de jadis; car, selon le Dictionnaire étymologique de
Noël et Carpentier, la préposition de, ordinairement
sous-entendue dans cette expression, s'y voit rétablie
LE COURRIER DE VAUGELAS.
75
dans plusieurs auteurs anciens, et l'abbé Régnier com-
mence ainsi une pclile pièce intitulée une Muiaon en
décadence :
Dune architecture
Du temps de jadis
La sage nature
M'a fait un logis.
Laquelle des deux est la meilleure?
Selon moi, c'est au temps de jadis, et j'ai une double
raison pour justilier celte manière de voir qui, de
prime abord, peut sembler erronée.
r Tout le monde sait que l'on emploie autrefois à
la place de jadis quand on écrit en prose. Or, autre-
fois se joint toujours par de au mot temps : en consé-
quence, celte préposition doit logiquement prendre
place aussi devant >«/(«.
2° Quand il s'agit d'un tout autre mot que temps,
on ne manque jamais de le joindre à jadis par la pré-
position de, ainsi qu'on le voit dans ces phrases :
As-tu veu ces tableaux hardis
Qui sur les autels de jadis
Ont porté le pinceau d'Apelle?
(Œuv. de Théophile, II' part., p. 95. Rouen 1661.)
Ne sont-ce pas de ces vierges de jadis ?
(Cyrano-Bergerac, t. I, p. 33. 1699.)
Pourquoi n'en serail-il pas de même pour le mol temps,
qui est un subslanlif comme autels, vierfjes. etc.
Le Dictionnaire cité plus haut explique la sup-
pression de la préposition de dans au temps jadis par
la règle de l'ancien français en vertu de laquelle on
disait la maison Dieu, la bible Gui/ot, pour la maison
de Dieu, la bible de Guyol. Mais ce n'est pas ici le cas
d'appliquer celte règle; car, venant de ja7n diu, déjà,
depuis longtemps, jadis est un adverbe, c'est-à-dire un
mot devant lequel il est impossible de supprimer le de
qui peut le précéder ivoir Courrier de Vaugelas,
r" année, numéro I, page 3, où a été traitée la
question de celle ellipse).
La suppression de ladite préposition dans le temps
de jadis, à l'exclusion des autres expressions analogues,
tient loul simplement, selon moi, à une cause de pro-
nonciation. En effet, c'est une règle dans notre langue,
où les e dits muets surabondent, qu'il faut en sup-
primer le plus possible, el celle suppression se fait en
mettant la consonne initiale de la syllabe où se trouve
Ve que l'on veut éliminer à la fin de celle qui la pré-
cède immédiatement; ainsi, par exemple :
Tu le vois sonne Inl vois.
Nous le croyons — Xou/' croyons.
Vous le voyez — VouT voyez.
Or, comme le temps de jadis se prononce le tend'
jadis [OÙ le de se dissimule quand il n'en peut être de
même avec un substantif autre que temps), on a été
naturellement porté à croire qu'il y avait là une ellipse
de celle préposition, et Ion a écrit, mais à lort le
temps jadis.
Quand on songera sérieusement à faire disparaître
de la langue les inconséquences qui s'y sont inl roduites,
j'espère bien que le temps jadis ne sera pas oublié.
X
Seconde Queslion.
Je ne viens 2)as révoquer en doute l'ctijmologie de
VAUDEVILLE que vous avez donnée dans votre numéro 5 ;
je vie?is seulement i-ous demander comment celte ctymo-
logie peut expliquer v.iioEviLLE défini par M. Littré :
« chanson de circonstance qui court par la ville et
facile à chanter ».
A l'époque où l'étymologie de vaudeville n'était pas
connue, au temps où ce mot avait aussi la forme voix-
de-ville pendant la seconde moitié du xvi^ siècle , on
lui donna des acceptions qu'il n'aurait pas dû prendre.
On crut- que la première syllabe vau signifiait « travers,
el que les chansons appelées vaudevilles avaient reçu
ce nom parce qu'elles couraient à travers la vflle. C'est
l'opinion exprimée par De Caillières à la page 198
de son livre intitulé les Mots à la mode ;éd. de IGOO^ :
... Que les Espagnols ont appelé de ce nom 'passe-
caille', qui senl ù'we- passe-rue, comme nous appelons en
France des Vaudevilles certaines chansons qui courent
dans le public.
On trouve encore ce mot, mais dépourvu de loule
idée de chant, avec le sens unique de bruit répandu
dans la ville, ce dont voici des exemples :
11 estiraoit ceste «pinion n'.eslre fondée que sur un simple
vaudeville.
(Pasquier, Rech., VI, p. 494, éd. de 1569.)
C'est un vaudeville se dit d'une pièce de théâtre, d'une
brochure qui a pour sujet un événement du moment.
(Dct. de Lillré.)
Enfin, vaudeville en est venu à s'employer dans le
sens de proverbe, puisqu'après avoir dit qu'on appelle
de ce nom un chant de paysan, le Dictionnaire de Cot-
grave (IG60) ajoute qu'on l'applique encore à un dicton
de campagne.
Or, en sa qualité de lexicographe, M. Littré a été
obligé de donner toutes les significations avec lesquelles
on rencontre les mots de la langue, el voilà pourquoi
il a mentionné celle que vous me signalez, loul incom-
patible qu'elle est avec la véritable origine de vaudeville.
X
Troisième Question.
Le Natioml du 14 août 1876, 2";;., 2' col., 5"- para-
graphe delà lettre de Versailles, contient celte phrase :
tt En voilà podr jdsqc'a la fin d'octobre ». Est-ce là
une phrase bien correcte?
Enoncée en d'autres termes, votre queslion est celle-
ci : la préposition pour peut-elle élrc immédiatement
suivie de jusqu'à?
Je réponds affirmativement, et je vais vous prouver
que celle construction est très-correcte.
En elTet, les deux verbes devoir rester peuvent,
quand ils sont suivis d'un nom de lieu et d'un nom de
temps, se rendre par être suivi du même nom de lieu
cl de pour suivi du même nom de temps; ainsi ces
[)hra3cs :
Il doit rester en Angleterre plusieurs mois.
Il doit rester ici quelques semaines.
76
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Il doit rester chez ses parents une quinzaine.
se tournent comme il suit :
Il est en Angleterre pour plusieurs mois.
Il est ici pour quelques semaines.
Il est chez ses parents pour une quinzaine.
Mais les phrases du premier de ces groupes admettent
très-bien pour régime de temps une expressioji com-
posée de jusqu'à suivi de mots signifiant une époque
déterminée :
Il doit rester en Angleterre ^hs^k» la fin du mois.
Il doit rester ici jusqu'à mardi prochain.
Il doit rester chez ses parenti' jusqu'à Noël.
Or, si l'on remplace dans ces dernières phrases doit
rester par est... pour, son équivalent, il vient :
Il est en Angleterre ;)o»;J«i(;!('à la fin du mois.
Il est ici 2)our jusqu'à mardi prochain.
Il est chez ses parenls pour jusqu'à Koël.
ce qui démontre, comme je l'ai avancé, que i^our peut
parfaitement se construire avec jMiçM'À mis immédiate-
ment après lui.
X
Quatrième Qucslion.
Comment l'expression de: vin de deux oreilles ^mw^-
elle signifier du vin mauvais, comme on le voit dans le
Virgile travesti de Scarron, liv. I, vers 61 1 ?
Dans ses Origines de cjuelrjues,co7itnmes anciennes et
de i)liisieurs façons de parler triviales (p. 98, éd.
Georges Garnier), Moisanl de Brieux définit ainsi le vin
d'une oreille :
On appehe ainsi le bon vin, parce que le bon vin fait
pencher la teste de celuy qui le goûte bien, d'un côté seule-
ment et luy fait du-e, il est bon : au lieu que sil est mau-
vais, Oii secoue toute la teste, et par conséquent les deu.x
oreilles, en signe de dégoust et de mépris.
Peut-être cette explication n'est-elle pas la véritable,
mais je n'en connais pas d'autre qui puisse la rem-
placer.
(Voir Courrier de Vaugelas, 4= année, p. 124, où
cette qtiestion a déjà été traitée. i
ÉTRANGER
Première Question.
Pourquoi dit-on premier et non vmhiEpour l'adjectif
ordinal de un, et pourquoi unième s'emploie-t-il après
un autre nom de nombre, et ne dit-on pas vingt et
PREMIER, T8ENTE ET PREMIER, etC.
Le premier adjectif ordinal en latin étant primus,
nous en avons fait prime, qui existe encore dans de
prime saut, de prime abord, etc.
Mais des le xii= et le xiii' siècle, on avait remplacé
prime pd.T primer, premier {do primarius, un dérivé de
primus) :
En la bataille el primer front.
(Rom. lie Hou, V, lîBgO.)
Je, qui n'ai pas non d'estrc main
Levez, jui la première nuit...
(Rutcbœuf, t, il, iC.l
Or, comme la langue latine, mère de la nôtre, n'em-
ployait jamais unus [>ouv primiis, nous avons de même
employé premier, et non unième pour notre premier
adjectif numéral ordinal.
Les Latins avaient deux manières de composer le
nom de nombre ordinal qui suit immédiatement celui
de chaque dixaine supérieure à dix; ils le formaient du
nom de celte dizaine, qu'ils accompagnaient de primus
ou de unus.
Primus occupait tantôt la première place, tantôt la
second* :
Primus et vicesimus ' ou Vicesimus primus.
Primus et tricesimus — Tricesimus primus.
Primus et quadragesimus — Quadragesimus primus.
Quant h unus, il n'allait qu'en tête de l'expression :
Vnus et vicesimus
Unus et tricesimus
Unus et quadragesimus.
Naturellement, on s'est servi aussi en français de
premier et de unième après les noms de dizaines,
ainsi qu'on le voit dans ces exemples :
... e du Règne nostre Seigneur le Rey Edward avantdit,
vyntysme premer, e du nostre premer.
(Rymer, Fœdera, I, pars IIP, p. Il5, éd. de La Haye.)
Si aucuns estpit rateis [accusé] d'omieide, et tcsmoignez
n'estoit, lui vinl-utiisme se discolperoit.
(Hisc. de MeU par les Bénèd., t. III, Preuves, p. ht)
Mais, comme le dit Burnouf [Méth. pour étud. la
huig. lut. p. 129, n" 2), le mot ^mus se joignait « très-
souvent » aux noms de dizaines, ce qui signifie que
pareil fait avait lieu moins souvent pour primus. D'où
il est résulté (car, au commencement, on ne put se
soustraire à l'influence du latin) que nous avons joint
plus volontiers unième aux noms de dizaines, ou, en
d'autres termes, que nous avons dit :
Vingt et unième
Trente et unième
Quarante et unième
et cela, quand, en vertu de la même influence,
nous avions adopté premier pour adjectif de nombre
ordinal correspondant à un.
Telle est la raison pour laquelle unième ne s'emploie
jamais feul, et ne figure qu'après un autre nom de
nombre exprimant au moins deux dizaines.
X
Seconde Question.
// // a des mots dont on fait un grand usage et dont
le sens littéral est peu connu, tel est, par exemple, le
mol cuANCE. Doit vient ce terme d'un emploi si fré-
quent ?
Jusqu'au xv siècle, on a généralement écrit le mol
chance avec un e après Vli. comme on le voit dans ces
exemples :
Tornée lor est la chcance
Du dé en perte et mesnheance.
[Ilist. de Franc» en vers, cité pur Littré.)
Fors que. Geniillesce sa fille,
Cousine a prochaine clwance,
Tant la lient fortune en balance.
(A'um. Uc lu Koie, vers 65|)».)
LE COURRIER DE VAUGELAS.
77
... Point do plus vaillant homme,
Ne qui plus (le victores, pour vigueur, pour cheance
Heûst : quar douze fois vainquit le roy de France.
(Gérard de RossUton, vers 3^8 )
Or, cheance est le subslanlif formé du participe
cheant, de cheoii\ verbe qui vient du latin cadere,
tomber, arriver, en parlant d'un événement.
Par conséquent, chance, qui ne se prend guère aujour-
d'bui que dans un sens favoi'able, signifia liltérale-
ment, dans l'origine, la manière dont une chose, un
événement tombe, arrive à quelqu'un.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
FEUILLETON.
Corrections du numéro précédent.
1*... le délicat et cher cruslacc (cet adjectif pris substantive-
ment se rapporte à animal) ; — î°... dit Ilicard en approuvant;
— 3°... plaideront publiquement cette aflaire, demanda HmeVey-
tel; — i'... modestes stalles se louassent dix louis; — 5° C'est
la loge royale, c'est là que le roi ; — 6" Isolée comme elle est en
Europe; — 7°... ses lunettes sur le (irmameut que de la voir
frapper avec des bAtons; — 8"... comme auteur de lettres, il
était incomparable (auteur est toujours masculin, même quand
il se rapporte à une femme); — 9'... le vieux clocher de
l'église à moitié ruinée (le mot nii ne se met pas devant un
adjectif. Voir Courrier de Vaucjelas, 1' année, p. 162).
Phrases à, corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° M°" Broussais est une femme remarquablement belle,
une brune piquante fortement marquée de créole.
2- La foudre est tombée en plusieurs endroits, notam-
ment sur la maicon de la rue de Lévis portant le n" 54.
Avec cela un vent à décorner des bœufs qui a renversé
toute la journée les cheminées par centames.
3° Et le visage si rayonnant et si rose qu'on ne savait ce
que l'on devait le plus admirer, des teintes vermeilles de
ses joues, ou de ses grands yeux céruléens dans lesquels
la voûte céleste semblait se mirer.
4* Dans la colonie espagnole, à Paris, il continue à cir-
culer les bruits les plus alarmants pour le repos intéri<»ur
de la Péninsule et pour le maintien de l'autorité d'Al-
phonse .\I1.
5° Ayant ouï parler à un de ses sujets, retour du Séné-
gal, des charmes de la musique militaire, un roi nègre de
la côte d'Afrique eut l'idée d'ajouter à ses nombreu.x plai-
sirs ce nouvel agrément.
6° L'armée de Dahomey est unique dans le monde, elle
est composée mi-partie d'hommes et de femmes; elle
représente un effectif total de 28,000 soldats.
7° Us ont si soif, ces pauvres, qu'on oublie qu'ils ont
faim, et l'on est moins triste de leur détresse, quand on
voit ce qu'ils font des sous qui tombent dans leurs mains
noires ou devant leurs pieds sales.
8' Comment se métier d'une maison qui fait si bien hon-
neur à ses engagements? Bref, beaucoup de négociants
se sont laissés tenter.
9* Le vieux M. Crémieux, que lesévénementsontlaissé bien
en arrière, et auquel personne ne songeait guère plus,
s'est accroché à cette occasion de regagner un peu de popu-
larité et de faire un peu de bruit.
10" M. Chevandier (de la Drôme) était d'autant plus auto-
risé à porter ce toast qu'il représente un département qui
affine à la Provence.
(^Les correcUont à quimaino.)
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SEGO.N'UE MOITIÉ DU XVll- SIÈCLE.
Gilles MÉNAGE.
[Suite et fin.)
Le deux mars, livre trois, chapitre quatre. — Ce n'est
pas parler élégamment que de parler de la sorte; il
faut dire le deuxième mars, livre troisième, chapitre
quatrième. Mais quand deux de ces nombres ordi-
naux se suivent, on met le premier « au substantif »;
on dit le dix ou douzième, le sept ou huitième, etc.
Néanmoins on dit au denier dix, au denier vingt, etc.
On ne dit ni Henri deux, ni Henri deuxième : on ne
dit que Henri seyond (1672).
Il faut dire l'onzième et non pas le onzième.
S'il faut dire cassonnade, ou caslonnade. — Le
grand usage est pour caslonnade, quoique cassonnade
soit le véritable mot, comme venant de casser. Ménage
dit donc caslonnade, mais sans blâmer ceux, qui disent
cassonnade.
Des prépositions de e< du devant les noms de famille.
— La plupart de nos gentilshommes s'imaginent que
les prépositions de et du devant les noms de famille
sont une marque de noblesse; ils se trompent singuliè-
rement. Nos ancêtres ne les ont jamais mises que
devant les noms de famille qui viennent de seigneuries :
du Moret, de la Vallée, du Belloy, etc., et il ne faut
les mettre que devant ces noms-là. En conséquence, on
doit dire M. Paul, M. Charles, M. Ferdinand, etc.,
et non pas, comme les Gascons, M. de Paul, M. de
Charles, M. de Ferdinand, etc. Malherbe, qui se van-
tait d'avoir dégasconné la Cour, ne l'avait pas corrigée
de ces façons de parler.
S'il faut dire la Mexique ou le Mexique. — Balzac a
dit la Mexique, et c'est ainsi qu'on parle ordinairement;
mais le Mexique n'est pas mal dit; car, outre que ce
mot est conforme à l'espagnol el Mexico, il est employé
par tous les voyageurs.
Façons de parler qu'il ne faut point changer. — Il
y a certaines façons de parler reçues qu'on ne doit point
changer;-par exemple, au lieu de ny plus ny moins on
ne peut dire ny moins ny plus; on ne peut pas dire
non plus le manger et le boire, les morts et les vivans,
le mal et le bien, le coucher et le lever du soleil, etc. 11
faut mettre les termes dans l'ordre inverse, comme cela
se fait ordinairement.
11 n'est pas permis non plus de changer les termes
des proverbes, ni ceux des façons de parler prover-
biales, comme le fait Racan, qui a dit : Je ne say ce qui
vous met la puce dans l'oreille, car on dit // a la
puce à l'oreille.
Des articles devant les noms propres. — Les articles
ne doivent pas se mettre devant les noms propres;
mais comme il n'y a point de règle qui ne souffre des
exceptions, celle-ci en a plusieurs. Nous disons la
78
LE COURRIER DE VAUGELAS
Magdeleineei le Lazare, la Sunamite, la Sa7naritainc.
On les met aussi devant les noms propres italiens:
le Tasse, le Bembe, l'Arioste, le Bocace, le Marin. Pour
ce qui est de Pétrarque, on dit également Pétrarque
ou le Pétrarque. A l'égard de Dante, il faut toujours
dire Dante; c'est très-mal parler que de dire le Dante,
comme font plusieurs de nos Académiciens.
Il faut excepter des noms italiens recevant l'ar-
ticle ceux qui désignent des auteurs connus parti-
culièrement par des ouvrages latins; ainsi on doit dire
Manuce, Sadolet, Baronius, etc.
Des noms de fleuves. — Quand un nom de fleuve est
masculin, on met, lorsqu'il est employé en régime, du
ou de le devant lui : les rives du Pô, les bords de l'Eu-
phrate; mais si ce nom de fleuve est féminin, il prend
dans la même fonction de ou de la indifféremment ; on
dit les rives delà Seine, ou les rives de Seine; les bords
de la Marne, ou les bords de Marne. Cependant il y a
quelques exceptions; on ne peut dire que les bords de
la Meuse, de la Moselle, et cela, probablement, parce
que ces noms nous sont moins familiers que les précé-
dents, car dans le voisinage de la Moselle, on dit du
vin de Moselle.
L'e.rpression on a prononcée onz a. — C'est une pro-
nonciation très-vicieuse, quoique employée par des
personnes de grande qualité et de grande érudition;
.c'est en faveur de ces personnes que Ménage fait sa
remarque.
De la conjugaison du verbe haïr. — Au milieu du
xvie siècle, on disait à Paris^e hdi, et ceux qui disaient
je hay, conjuguaient ainsi ce verbe: je hmj, tu hais, tt
hait, nous haijons, vous hayez, ils liayent, ce qui était
la manière des provinces. Ceux qui disaient _;e /m/le
conjuguaient ainsi : je hdi, tu haïs, il haït, nous haïs-
sons, vous haïs.iez, ils haïssent. Yaugelas veut que l'on
conjugue ce verbe avec le singulier des Provinciaux et
le pluriel des Parisiens. C'est aussi l'avis de Ménage, à
la réserve de je hay, qui se dit à Paris, à la Cour et
dans les provinces.
.S'/7 faut dire les Souisses, ou les Suisses. — Il faut
dire les Suisses et la Suisse; l'autre prononciation est
provinciale et ancienne (4 672).
L'expression je ne saurois. — Cette expression, qui
est « l'imparfait du subjonctif » du verbe savoir, se
met ordinairement pour je ne puis. Mais cela ne peut
avoir lieu quand cette expression est précédée de si et
d'un imparfait; par exemple, on ne peut dire : si je
mangeais de cela, je ne saurois dormir la nuit; il faut :
je ne pourrois, chose bizarre, qui témoigne mieux
qu'aucune autre de l'extravagance de l'usage.
S'il faut écrire de sang froid, ou de sens froid; de
sang rassis, ou de sens rassis. — Il faut écrire de
sang froid, car les Italiens disent de même a sangue
freddo. Mais il faut écrire de sens rassis, les Latins
ayant dit de même sedata mente.
Emploi de feu pour delTunct. — Deux questions se
présentent ici : de qui peut se dire /"^î/, cl.-,'il se décline
au féminin, c'est-à-dire si l'on peut dire fruë.
Il est à remarquer que feu et deffunct ne se disent
que des personnes mortes que nous avons vues ou pu
voir; ainsi on dit feu mon père, feu mon frère, et
jamais feu Platon, feu Cicéron, si ce n'est en style
burlesque. Quand on parle de personnes ayant eu la
même dignité, ces mots ne s'entendent que de celle qui
est morte la dernière.
A l'égard de la seconde question, plusieurs mettent
feu en parlant d'une femme, étant persuadés que ce
mot vient de fuit ; mais ils se trompent; feu se décline,
et l'on dit la feue Reine Mère et non pas la feu Heine
Mère. En grammaire la feu est un monstre.
.S'(7 faut dire Fort-l'Evesque, For-l'Evesque, ou
Four-l'Evesque. — Ceux-là se trompent qui mettent
ici an t k Fort. L'expression est en latin Forum Epis-
copi, c'est-à-dire le lieu où s'exerçait la juridiction tem-
porelle de l'évêque de Paris. Celte expression est ana-
logue à for intérieur.
Quant à la prononciation. For l'Evesque vaut le
mieux; c'est ainsi que parlent les honnêtes gens.
L'expression demeurer au Faubourg. — A Paris,
quand on dit je demeure au Faubourg, sans rien ajou-
ter, cela veut dire je demeure au Faubourg Saint
Gerinain (1672).
Zes verbes amasser et ramasser. — Une dame de la
Ville ayant laissé tomber sa coiffe ou son masque ne
manquera jamais de dire à son laquais : Ramassez ma
coëffe, ramas.'iez mon masque, au lieu qu'une dame de
la Cour dira : Ama.^sez ma coëffe, amassez mon masque.
Prononciation de la diphthongue oi. — Quand il
s'agit d'un discours familier, on prononce fraid, sait,
je crai dans il fait grand froid, quoyqu'il en soit,
je le croi; mais en prêchant, en plaidant^ en haran-
guant, en déclamant, il faut prononcer oi dans ces
mots par un son éclatant. Toujours dans le styli fami-
lier, on dit un grand homme drait pour droit; un
homme adrait pour un homme adroit; à drait et à
gauche pour à droite et à gauche. Dans le sens du
latin jus, le mot droit se prononce toujours avec le
son éclatant de oi.
La terminaison oir a deux prononciations : l'une
fort ouverte et faisant sonner \'r; l'autre, moins ou-
verte et ne la faisant pas entendre; les mots mouchoir,
dortoir, refectoir, frotoir, tiroir, appartiennent à
cette dernière.
Dans le discours familier, le mot monnoie se pro-
nonce monnaie.
On ^mnonca saint Benoist ; mais on dit un grand
benaist et un henestier (1672).
On dit courtuis, courtaisie; raide, raidir, raideur;
et l'on préfère étrait à étroit.
On dit également les Suédois et les .Suédois; les Polo-
7iois et les Polonais.
Plusieurs personnes prononcent encore les François,
V Académie Françoise, cela n'est pas françois; mais
l'Académie a décidé que, dans tous ces cas, il faut dire
français, française.
FIN.
Le RÉDAcrEDR-GÉRiNT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
T9
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Les Martyrs et le Dernier des Abencerages ; par
Chateaubriand. In-18 Jésus, i7-2 p. Paris, lib. Hachette et
Cie. 3 fr. 50.
L'instruction publique dans les États du Nord,
Suéde, Nor-wége, Danemarck ; par C. Hippeau, pro-
fesseur honoraire de faculté, la-1'2, x.\xv-32/i p. Paris,
lib. Didier et Cie. 3 fr. 50.
Théâtre de Marivaux ; publié'avec notices et notes,
par George d'HejUi. Petit in-12, ssiu-i65 p. et porir.
Paris, Librairie générale. 6 fr.
Les Armées de la civilisation. Les Japonais à For-
mose. Les Français au Toukiu. Les .anglais à la Côte-d'Or.
Les Hollandais à Sumatra. Suivi delà traite des Coolies à
Macao ; par Edmond Plauchut. 2« édition, ln-18 Jésus,
vui-3i9 p. Paris, lib. Calmana Lévy. 3 fr. 50.
Histoire de Léonard de "Vinci ; par Arsène Houssaye.
2» édition, lû-12, 494 p. et portr. Paris, lib. Didier et Cie.
UÎT.
I Sacha, étude parisienne; par Fervaques. 2« édition.
In-18 Jésus, 284 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Œuvres de P. L. Courrier. Publiées en 3 vol. et pré-
cédées d'une préface par F. Sarcey. T. I. Ia-16, xxxi-278 p.
Paris, lib. des Bibliophiles. 3 fr.
Petit Dictionnaire universel, ou abrégé du diction-
naire d'E. Littré, de TAcadémie française. Augmenté
d'uue partie mythologique, historique, biographique et
géographique par A. Bcaujean. professeur au lycée Louis-
le-Grand. ln-12 à 2 col. 912 p. Paris, lib. Hachette et Cie.
3fr.
La Femme ; par J. Michelet. S" édition. In-18 Jésus,
468 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 3 fr. 50
Histoire du roi Jean Sobieski et du royaume de
Pologne; par N. A. de Salvandy, de l'Académie française.
Nouvelle édition. 2 vol in-8', .\xxvi-968 p. Paris, lib.
Didier et Cie.
L'Institutrice à Berlin ; par Mlle Marie Maréchal.
2» édition, ln-18 Jésus, 290 p. Paris, lib. Blériot.
Publications antérieures ;
HISTOIRES DE TROIS MANIAQUES. — Par Paul de
Musset. — Édition complète en un volume. — Paris,
Charpentier et Cie, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Pri.ic : 3 fr. 50.
MARIE DE COMPIÈGNE, d'après I'Ev.axgile .\us fem-
mes. — Publié pour la première fois d'après les quatre
manuscrits connus, avec des notes philologiques et histo-
riques, et une dissertation sur l'origine de ce fabliau. —
Par M. CoxsT.KXs, professeur agrégé au lycée de Sens. —
Paris, librairie Franck, rue Richelieu. — Prix : 2 fr. 50.
SœUR PHILOMÈNE. — Par Edmo.nd et Jules de Con-
court. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier et Cie,
libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Pri.\ : 3 fr. 50.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — m.^rins. —
Deuxième série. — Par Edou-\rd Gœpp, chef de bureau
au Ministère de l'Instruction publique, et Henri de M.\n-
NouRY d'Ectot, ancien capitaine au long cours. — Orné
de deux portraits. — Je.\.n B.\kv, Duguay-Troui.s, Scffres.
— Paris, P. Dticrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
— Prix (broché) : 4 fr.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — hommes
de guerre. — Première série. — Par Edou.a.rd Gcepp,
chef de bureau au .Ministère de l'instruction publique.
— 2« édition, ornée de quatre portraits et de trois cartes.
— Ki.èber, Des.ux, Hocbe, Marce.\c, D.ic.mesnil. — Paris,
P. Ducron, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix,
relié : 4 francs.
LA JEL'NE FILLE ; lettres d'un .vmi. — Ln volume
format anglais, imprimé avec luxe par J. Claye, avec
fleurons, lettres ornées de culs-de-lampe. — Paris, P.
Ducroq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — PrLx : 3 fr.
50. — Sur papier de Hollande (broché) 5 fr.
POÈMES ET FANTAISIES (1867-1873). — Claudine. —
Que sais-je? — L'Espoir en rhomme. — Prométhée. —
La Légende d'Lrfé. — Sonnets. — Par Gust.vve Vlnot. —
Paris, librairie des Bibliophilex, 338, rue Saint-Honoré.
— Prix : 3 francs.
LA CONQUÊTE DE PLASSANS. — Par EiiiLE Zol.v. —
Troisième édition. — Paris, Charpentier et Cie, libraires-
éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. — Prix ;.
3 fr. 50.
ŒUVRES DE PHILARÉTE CHASLES. — le moyen-age.
— Edition complète en un volume. — Paris, Charpentier
et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Salnt-Ger-
main. — Prix : 3 fr. 50.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par E.MAN Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugeias, 26, boulevard des Italiens.
LES NEVEUX DU PAPE. — Joannis. — Par Gustave
Vixot. — Paris, librairie des Bibliophiles, 338, rue Saint-
Honoré. — Prix : 4 fr.
•LES SAULX-TAVANES — Etudes sur l'ancienne Société
française, lettres et documents inédits — Par L. Pinqaud,
80
LE COURRIER DE VAUGELAS.
professeur à la Faculté des lettres de Besançon — Paris,
librairie Firmin Didol et Cie, imprimeurs de l'Institut,
56, rue Jacob. — Prix : 6 fr.
LE CAMARADE DE VOYAGE. - Par Andersen. - Tra-
duction de MM. Grégoire et Moland. — Illustrations de
Yan Dargent. — Paris, Garnier frères, libraires-éditeurs,
6, rue des Saints-Pères. — Prix : 3 fr.
ÉLÉMENTS DE GRAMMAIRE FRANÇAISE, rédigés sur
un nouveau plan, avec des explications tirées de la gram-
maire historique et précédés d'une Introduction sur
l'origine de notre langue. — Par G. BoviER-LAPiEnnE, an-
cien professeur à l'École normale de Cluny, officier de
l'Instruction publique. — Ouvragecouronné par la Société
pour l'instruction élémentaire. — A Paris, chez Delagrave
et Cie, rue des Ecoles. — 1 vol. in-12, cart. 1 fr.
REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
— Recueil hebdomadaire publié sous la direction de MM.
C. de La Berge, M. Bréal, G. Monod, G. Paris. — Dixième
année. — Nouvelle série, i" année (1876). — Prix d'abon-
nement : Un au, Paris, 20 fr.; — départements, 22 fr.;
— étranger, le port en sus ; — un numéro, 75 c. — Paris,
Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte.
Publications périodiques :
par an pour la France et les pays faisant partie de l'Union
des postes. — Paris, bureau du Couriuer LrTTÉR.\iRB, 33,
rue de Seine.
LE COURRIER LITTÉRAIRE, revue artistique, biblio-
graphique, scientifique et littéraire, paraissant le 10 et
le 25 de chaque mois. — Prix de l'abonnement : 20 fr.
REVUE SUISSE. — bibliographie, archéologie, littéra-
ture, BE.\ux-ABTS. — Paraissant le !«■■ et le 15 de chaque
mois. — Prix par an, 10 fr., et le port en sus pour l'étran-
ger. — Cette revue, qui rend compte de tous les ouvrages
dont on lui envoie deux exemplaires, se trouve à Paris,
chez MM. Sandoz et Fischbaclier, libraires-éditeurs, 33,
rue de Seine.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le dix-septième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 aoilt sera clos le 1" décembre 1876. — Douze médailles,
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrahce,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
La Société des études historiques a, pour l'année 1877, mis au concours pour le prix Raymond la question
suivante : Historique des institutions de prévoyance dans les divers pays, et spécialement en France. — Elle vient
de décider qu'en 1878 un prix de 1,000 fr. sera accordé à l'auteur du meilleur mémoire sur l'histoire du portrait
en Frayice (peinture et sculpture).
Le Tournoi poétique, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois ik' année). — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien. — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements,
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
La Société nationale d'éducation de Lyon destine pour 1876 un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur
ce sujet : Quels peuvent et doivent être, dans l'étal actuel de la société, les rapports de l'Insliluleur primaire avec
les parents de ses élèves? — Le prix sera décerné dans la séance publique de 1877, sous le nom de Prix de la ville
de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1"'' Novembre prochain, à M. Palud, libraire,
k, rue de la Bourse, à Lyon.
SOUSCRIPTION
POUR
LA RÉIMPRESSION DES CINQ PREMIÈRES ANNÉES DE CE JOURNAL.
Les cinq premières années de la collection du Courrier de Vaugelas se trouvant presque entièrement épuisées
(il ne reste plus que quinze exemplaires de la A«), une souscription dont voici les conditions est ouverte pour les faire
réimprimer :
!■> L'original sera reproduit intégralement dans ses parties essentielles, avec le même nombre de pages et sous un
format identique;
2" La réimpression se fera de manière ii fournir une année tous les deux mois;
3° Le prix de chaque année (brochée) sera de 6 fr. comme celui de l'abonnement au journal ;
W Les années seront expédiées franco aux souscripteurs à fur et mesure de leur réimpression ;
5" Chaque année sera payable aussitôt après qu'elle aura été reçue;
6" Tout souscripteur qui a déjà une partie de ces cinq années devra désigner celles auxquelles s'appliquera
sa souscription;
7" La réimpression commencera dès que 300 adhésions auront été envoyées au Rédacteur.
M. Eman Marlin, Rédaclcur du Cohurier dk Vaugelas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUl'ELEY à Nogent-le-Rotrou.
7' Année
N" 11.
1" Novembre 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
FRANÇAI
ParaUiant 1« !•' et le 15 de ebaqne moia
{Dans sa séance du [ï janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvniges, un exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis.
Rédacteur : Emàn Martin
AN'CIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTBANOERS
OflK ier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et parl(?nt tous de la même
époque. — S'adresser soil au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
IMPORTANT.
Le Rédacteur du Courrier de Vaugelas prie ins-
tamment les personnes qui désirent se procurer la collec-
tion complète Je son journal de vouloir bien lire, au bas
de la dernière page, les conditions d'une souscription
qui lui permettrait d'en faire promptement réimprimer
les cinq premières années, presque entièrement épui-
sées aujourd'hui.
SO.MMAIRE.
Communications sur Arlisane, sur Saducéen et sur la construc-
tion d'une phrase; — ÉtyraologFe de l'adjectif Mièvre; — Si
l'on peut employer Embrouillamini; — Comment on doit
former les dérivés de Silo; — Justitication de Informer que.
Il Emploi et origine de l'expression Après grâces Dieu but; —
Si Sainte Sitouche peut s'appliquer à un homme, et si on peut
y supprimer Sainte; — S'il faut dire Partisane ou Partisantc.
Il Passe- temps grammatical, jj Biographie de Dominique
Bouhours. jj Ouvrages de grammaire et de littérature. || Cou-
cours littéraires, jj Souscription pour la réimpression des cinq
premières années de ce journal.
FRANCE
COM.MUNIGATIONS.
I.
Dans mon numéro 7, page 50, j'ai donné les raisons
qui me semblaient propres à justifier le féminin arli-
sane, dont une lettre était venue me contester la légiti-
mité et l'opportunité. L'auteur de cette lettre m'en a
écrit une autre sur le même sujet, que voici entière, à
l'exception de quelques lignes :
Honfleur, 7 septembre 1876.
Monsieur le Rédacteur,
Quoique désespérant un peu de jamais tomber d'accord
avec vous au sujet du léminin artisane, je vous demande
la permission d'insipter encore dans mon sens.
Je reconnais volontiers que le féminin artisane est aussi
régulièrement fait que le féminin courtisane, par ctemple.
Or, puisque courtisane ne tient point lieu de femme de
courtisan, j'ai bien le droit do douter qu'artisane tienne
lieu de femme d'artiMn, en l'absence de preuves directes.
Au surplus, pour éviter tout rapprochement blessant, je
me bâte d'ajouter que parmi les femmes pouvant à la
rigueur se qualifier artisanes beaucoup sont très-respec-
tables et même la grande majorité à l'abri de la médi-
sance.
11 est certes louable de chercher à abréger le discours.
En gardant une juste mesure toutefois et en évitant l'em-
ploi des composés féminins hors leur exacte signification.
Ainsi, il ne faut pas dire actrice pour femme d'acteur, mu-
sicienne pour femme de musicien, institutrice pour femme
d'instituteur. Est-il bien certain que toute femme d'insti-
tuteur sache lire? 11 serait du dernier fàcheu.x d'intro-
duire une telle confusion.
En somme, arlisane est une sorte de néologisme assez
peu nécessaire dans la langue des métiers, où déjà l'usage
du masculin artisan est passablement rare, à tort ou à
raison. Enfin, si Ion tient absolument à ce féminin, on
devrait le définir approchant comme il suit :
<L Artisane, femme dont le travail est assimilable au tra-
vail de l'artisan homme. »
Alors les très-remarquables ouvrières auxquelles l'indus-
trie parisienne confie la façon des modèles seront de
vraies artisanes sans le secours des liens du mariage. De
même la tailleuse, sans être forcément la femme d'un
tailleur, alliance très-rare, par parenthèse, n'en sera pas
moins une artisane, tout comme son analogue masculin.
artisan taillant et montant des vêtements lui aussi. Il faut
donc se garder d'attribuer, sans plus ample informé, une
seule et unique profession à des conjoints, sous peine de
chopper comme les braves gens qui veulent absolument
que la femme d'un ouvrier soit toujours une ouvrière.
A ce compte seraient des ouvrières les épouses très-légi-
times des ouvriers Marchais peuplant les chantiers de
Paris, ou autres grands centres de travaux, tandis qu'elles
sont, bel et bien, des paysannes cultivant de leurs mains
rustiqups, en l'absence du mari, le petit domaine du mé-
nage. Je doute fort qn'ouirier et paysanne soient syno-
nymes.
Il me reste à me disculper du défaut de respect pour
l'autorité linguistique des romanciers et autres fantai-
sistes contemporains. J'avoue mon crime et je ne suis
point prêt à m'en repentir; car l'écrivain de l'une et de
l'autre de ces catégories se goure trop souvent à propos
des choses les plus vulgaires de ce bas inonde, dont il est
ignorant d'ordinaire autant qu'homme de France. Ce n'est
pas à dire qu'à l'occasion les lexicographes en titre soient
82
LE COURRIER DE VAUGELAS.
mieux renseigné?, puisque l'on trouve dans un gros dic-
tionnaire très-prôné la jolie phrase que voici :
« Arche avalante, arche d'un pont où le courant de l'eau
est très-rapide. »
J'ai l'honneur d'être, Monsieur le Rédacteur, votre très-
humble serviteur,
Charles Maisonrouge.
Je remercie M. Maisonrouge de n'avoir pas craint
d'insister sur la question soulevée au sujet du fémi-
nin artisans; car sa communication renferme des
réflexions de la plus grande justesse qui plairont cer-
tainerncnt à mes lecteurs, et dont je ne serai pas le der-
nier à tirer profit.
II.
La lettre suivante exprime une opinion toute con-
traire à celle qu'a émise dernièrement M. le colonel de
l'Espée, et un doute sur la présence indispensable d'un
pronom devant le verbe principal d'une phrase dont j'ai
déjà donné la correction :
Clermont-Ferrand, 8 octobre 1S7C.
Monsieur,
Permettez-moi de vous dire que M. Littré a raison, et
pour lèlymologie et pour l'orthographe du mot Saducccn.
Quant à l'explication donnée par M. le colonel de l'Es-
pée, c'est, pour ce qui concerne l'hébreu, de la haute fan-
taisie.
La racine Zadock signifie en hébreu : juste, Juiii/icr,
acquitter. Il n'y a pas, dans toute la langue hébraïque, un
seul mot qui ait le sens de croire ou de croi/ance. Un
Hébreu serait très-embarrassé s'il voulait traduire les
mots : croyant, loijal.
Le nom propre Zadoc, d'où Sadoc, le premier Saducéen,
s'écrit sans darjuesch dans la lettre D. Or, le dayuescti est
un petit point que l'on met dans cette lettre et qui indique
qu'il faut la prononcer fortement. Le daguesch n'existant
pas dans Sadoc, il faut écrire Saducéen.
Recevez l'expression de ma haute considération,
Ch. Bn;.M, rabbin.
P. -S. Merci de votre dernière correction ; mais je n'en
persiste pas moins à soutenir que la phrase en question
serait bien plus euphonique, si l'on y supprimait le pro-
nom elle. Dans les exemples cités, il n'y en a qu'un seul
de concluant : Lucinius se doutant de l'imposture, il fit
mettre, etc. Les trois autres sont réguliers et il n'y a pas
de pronom faisant double emploi avec le sujet de la
phrase. Car c'est sur ce point que portait mon observa-
tion.
La question relative à l'ortliographe de Saducéen me
paraissant assez élucidée pour que je sois dispensé d'y
revenir (à l'instant môme où j'écris ces lignes, je rerois
de M. Louis Priou, interprète judiciaire près le tribu-
nal de .Moiitaganem et ancien professeur au collège'
arabe-franrais d'Alger, une lettre qui confirme égale-
ment l'opinion de M. Littré à cet égard), il me reste
seulement à répondre au post-scriptuni de la lettre |)ré-
cédente, c'est-à-dire à insister sur la nécessité de mettre
elle devant s'emploie dans celte phrase du Courrier de
VaiKjelas {V année, p. 32) :
« L'exprefBion yràcc à signifiant par le fail de, par le
secours de, elle s emploie aussi bien devant un substantif
exprimant... »
Parmi les exemples cités par moi dans ma première
justification, M. Blum trouve qu'il n'y a de concluant
que le dernier, qui est de Fontenellc :
Lucinius se doutant de l'imposture, il fit mettre à la tor-
ture le prophète de ce nouveau Jupiter.
Je regrette d'avoir à le dire, mais mon honorable
contradicteur se trompe encore une fois.
En ell'el, la tournure dont j'ai parlé n'affectant au-
cunement la proposition principale, ce que j'ai cherché
à mettre en évidence en faisant imiirimer tous les
termes de la causale en italique, il s'ensuit que le verbe
de cette proposition doit toujours être précédé d'un
pronom s'accordant avec le sujet du participe présent,
si ce sujet est un substantif et si les deux verbes
expriment une action faite par la même personne.
Ainsi, les exemples cités dans le numéro !) deviennent,
lorsqu'ils remplissent cette double condition :
Cet homme lisant pour s'éclairer, il lit en philosophe.
Les soldats n'ayant point de paie, ils ne pouvaient être
retenus.
Gil Btas n'étant pas obligé d'aller à grandes journées, il
employa quinze jours à se rendre à Lirias.
La raison d'euphonie est secondaire ici ; il faut avant
■tout que la règle syntaxique soit observée, sans quoi la
phrase renferme une faute intolérable.
Première Question.
Quelle est l'étymologie du mot mièvre, dont vous
avez donné ou plutôt rectifié l'emploi dans votre nu-
méro 7?
Parce qu'eu Normandie on dit nirvre au lieu de
mièvre, Ménage en conclut que ce dernier vient du
latin nebulo, qui signifie un vaurien, un polisson.
Cette étymologie conviendrait sans doute assez bien
pour la forme au normand nièvre; mais, sans parler
de la disparition du sens, m initiale, comme le fait très-
bien observer M. Littré, se change quelquefois en n, et
non pas n en »?, ce qui empêche d'admettre l'assertion
de Ménage.
Selon vous, la syllabe mi de mièvre pourrait jouer
dans ce mot le même rôle que dans migraine, mi-ca-
rcme, mi-aoùt, etc., et le surplus cvre serait un radical
venant du latin ebrius comme le vieux provençal ebriac
et comme l'italien ebrio ou ebro, attendu qu'assez ordi-
nairement un homme à moitié ivre est vif, remuant,
plaisant et malicieux.
Pour moi, cette étymologie est aussi impossible que la
précédente; car si w^'ccre venait de mi cl dacbriiis, il
ne s'appliquerait pas aux jeunes enfants qui, parmi
leurs défauts, ne comptent pas du moins celui de l'ivro-
gnerie; et, d'un autre côté, remarque non moins im-
portante, la jiarticule mi ne se met que devant les subs-
tantifs, et jamais devant les adjectifs.
Voici, je crois, la véritable origine de mièvre.
Ce mot a d'abord élé prononcé mieurre (une com-
munication insérée dans le n» 10 est toute favorable à
cette opinion). Or, mieuvre s'est formé selon toute ap-
parence comme pieuvre, qui vient, lui, d'un type
polyus {'polypus] transformé en poplus, qui a donné
peuvle, peuvre, et par diphthongaison pieuvre. D'où il
suit qu'il est parfaitement admissible que mièvre, qui
LE COURRIER DE VAUGELAS.
83
signifie comme je l'ai dit mouvant, vienne de nwhilis,
mobile, agile, vif, transformé successivement dans notre
langue en meuble, meurle, meuvre et mieicvre.
Si vous me demandiez maintenant comment le nor-
mand nièvre peut s'accorder avec cette étjmologie, je
répondrais tout simplement ceci :
Au lieu que le terme normand ait été formé du terme
français, c'est le contraire qui a eu lieu : notre wiièfre,
en vertu de la permutation possible de m en n, est
devenu tiirne. Comme je l'ai déjà fait voir, inièfre
est fort ancien dans notre langue; qu'y a-t-il d'éton-
nant à ce qu'il ait donné nicrre à la Normandie, mi'uie
dans l'hypothèse où celui-ci existerait depuis plusieurs
siècles dans le patois -de cette ancienne province?
X
Seconde Question.
Apri'S avoir mis en relief certaines irrégularités exis-
tant dans la comptabilité financière de l'empire turc,
le journal la Phesse termine ainsi sa phrase : « C'est
un EMBRODiLLAMiNi dout il u'cst pas possible de déter-
miner exactement la cause, etc. » J'estime qu'il faut
dire « C'-est un bhouillamini ». Vous apprécierez, et si
vous le jugez utile, vous ferez connaître cette apprécia-
tion à vos lecteurs.
Le substantif 6roMi//a?n(ft(', au sens de confusion, est
sorti de l'officine des apothicaires, comme le prouve la
définition suivante donnée à ce-mot par la première
édition de l'Académie (1694) :
Brouillamini, s. tn. Drogue où il entre plusieurs sortes
de choses en composition. C'est un brouillamini, c'est du
brouillamini que cela.
On dit fig. que c'est un brouillamini, c'est du brouillamini
que cette rt/J'aire, pour dire que c'est une chose, que c'est
une affaire à laquelle on n'entend rien.
Quant à embrouillamini, c'est un terme qui a été fait
à l'imitation debronillamini, quand celui-ci en fut venu
à s'employer au figuré (il n'existe ni dans la première
édition de .Ménage, qui parut en 1650, ni dans la pre-
mière édition de l'Académie) : on pouvait croire que
brouillamini dérivait du verbe brouiller, qui existait
en français depuis le xiii'' siècle au moins; on fit nalu-
rellement embrouillamini de embrouiller quand celui-ci
fut entré à son tour dans la langue, ce qui, d'après
l'historique de M. Littré, semble ne pas avoir eu lieu
avant le règne de François I".
Or, de même que embrouillement , substantif de em-
brouiller, est le synonyme de brouillement , substantif
de brouiller, de même le nouveau vocable embrouilla-
mini est devenu le synonyme de brouillamini, et s'est
employé en cette qualité jusqu'à notre temps, preuve
ces exemples :
Voilà un embrouillamini où je ne comprends rien.
(Dancourt, Chcv. à In mode. H, 8.)
Il y a au troisième acte un embrouillamini qui me dé-
plaît, et au cinquième, il y a deux poignards qui me font
de la peine,
(Voltaire, Litlrcs d' Argeiital, aG nov. 17G0.)
Sapristi, quel embrouillamini, quel pataqucs.
(Eoii'c Augier, dans Larousse.)
Par conséquent, malgré les auteurs du Dictionnaire
de Noël et Chapsal, qui prétendent que « ce mot n'est
pas français », je suis parfaitement convaincu que le
journal la Presse n'est point à reprendre pour en
avoir fait usage dans la phrase que vous avez sou-
mise à mon appréciation.
X
Troisième Question.
A propos de mettre en tas dans la terre des betteraves
pour les conserver et les préserver du froid, plusieurs
hommes du métier disent : les uns, ensiloter, ensilo-
tage; les autres, ensiler, E^S1LAGE. Laquelle de ces
deux sortes d'expressions est préférable, selon vous?
Tous les mots de la langue française finissant par o
forment les dérivés qu'ils peuvent avoir au moyen d'un
t et de la finale qui convient à leur espèce, fait dont
voici la preuve :
Agio donne Agioter, agio^offc.
Domino — Uominotier.
Echo — Echof/er (nouv.).
Ergo — Ergoïf;-, ergo/c!/;-, etc.
Folio — Foliotée. loYioiagc.
Indigo — Indigo/zer.
■ Piano — Pianoto-.
Numéro — i\"uméro/«'.
Or, attendu que les mots de votre question sont des
dérivés de silo, terme espagnol qui désigne une exca-
vation, une fosse creusée dans le sol où l'on dépose des
grains, etc., pour les conserver, il s'ensuit naturelle-
ment que c'est ensiloter et ensilotage qu'il faut dire, et
non ensiler, ensilage.
X
Qualrioinc Question.
Cette phrase si souvent employée, même par_ les
plumes les plus autorisées : « J'ai l'honneur de vous
informer qce... » est-elle française? Dans toutes les
grammaires que j'ai fouillées, j'ai acquis la preuve
(le la négative, en ce sens que, dans aucune, je n'ai
trouvé un seul exemple qui autorisât l'emploi de cette
phrase. Et, pourtant, il y a peu de jours encore, un
général bien connu s'en servait dans une lettre'publique.
Je serais heureux de lire votre réponse dans un de vos
prochains numéros.
J'ai démontré dans la 6" année du Courrier de Vau-
gclas, p. 130, que l'expression Informer que est tout
aussi française que se douter que, enrager que, avertir
que, se ■■ioucier que et une foule d'autres composées
également d'un verbe voulant de après lui quand suit
un substantif ou un infinitif, et que, lorsque c'est un
verbe à un mode personnel.
ETRANGER
Première Question.
Quels sont, s'il vous plaît, l'origine et les cas d'em-
])loi de l'expression AruÈs ckaces Diei' but? Je n'ai
S4
LE COURRIER DE VAUGELAS
jamais pu trouver un renseignement qui me donnât
pleine satisfaction là-dessus.
Le cas d'emploi de cette expression est facile à indi-
quer : on prononce les paroles après grâces Dieu but
pour inviter quelqu'un à boire lorsque le repas qui se
terminait autrefois par une prière appelée les grâces)
est complètement fini.
Quant à son origine, il a été émis deux opinions
que je vais vous faire connaître :
On lit dans Peignol [Amusem. p/tilolog., p. 399) :
On sait que la petite prière qui se récite après le repas
sous le nom de grâces, est fort ancienne, et qu'elle a été
répandue par toute la chrétienté comme elle l'est encore
dans les maisons où la piété s'est conservée. Cependant, il
arriva dans le moyen âge que les .\llemands fort relâchés,
négligèrent ce pieux usage, et se mirent peu en peine de
le reprendre. On eut beau y exhorter les chanoines et les
moines dans un concile tenu à Jlaytnce en 847, ces exhor-
tations furent inutiles, .\lors, que fit le pape Honorius
pour réprimer ces abus? 11 connaissait les Allemands; il
usa vers l'"6 d'un expédient très-conforme à leur goût;
ce fut d'accorder des indulgences à tous ceux de cette na-
tion qui boiraient un coup après avoir dit grâces. Le
succès fut complet; dés lors personne n'a manqué à rem-
plir ce devoir religieux avec une exactitude ponctuelle et
vraiment édifiante. Le fait est raconté par un auteur très-
grave nommé Beotius Epo. De là est venu le proverbe :
« Après grâces Dieu but ».
Mais quelle que soit la gravité de Beotius Epo, comme
le fait qu'il relate n'expliquerait à mon avis le proverbe
en question que si, autrefois, le peuple allemand s'était
appelé i>(e«, ce que personne n'ajamais vu, que je sache,
mentionné dans l'histoire, je rejette cette explication
comme entièrement insuffisante.
D'après M. VioUet-le-Duc commentant le vers sui-
vant du vieux Régnier [Satyre, II) :
Après grâces Dieu but, ils demandent à boire.
là façon de parler dont il s'agit viendrait plutôt de ce
passage de l'Évangile (Saint Marc, ch. XIV, vers. 23) :
Et accepto calice, gracias agens dédit eis et biberunt rx
illo omnes — {Et ayant pris le calice, après avoir rendu
grâces, il le leur donna, et ils en burent tous).
Quand je songe que nos pères disaient Dieu en par-
lant de Jésus-Christ , ce qui est mis hors de doute par
certains de leurs jurons, tels que corbleu (corps de
Dieu), morbleu (mort de Dieul, palsambleu (par le sang
de Dieu), par exemple, lesquels ne pouvaient être que des
allusions a Dieu ayant forme humaine, il me semble
que cette seconde explication, qui donne pour sens au
proverbe : après grâces Jésus-Christ Imt, on peut bien
faire de même, est non-seulement meilleure que la pre-
mière, mais de plus, qu'elle est la véritable.
X
Seconde QuesUon.
Au sujet de Sainte Nitouciie, expliqué dans votre
W 8, permettez que je vous adresse ces deux autres
questions : cette expression peut-elle s'appliquer aussi à
un homme, e( peut-on employer Nitoucue sans le faire
précéder de Sainte?
Il n'est pas rare, il me semble, de rencontrer sainte
Nitouche appliqué à un homme, comme dans cet
exemple :
Est-ce que par hasard vous seriez un finaud avec votre
air de sainte nitouche!'
(Ch. de Bernard, le Gendre, § IX.)
Mais, selon moi, c'est un abus, et je vais vous faire
connaître les motifs qui m'inclinent à penser de cette
manière.
On trouve dans le Dictionnaire de Littré que le verbe
y toucher s'emploie pour « avoir de la malice », ce qui
est démontré par ces exemples :
Voyez un peu, dirait-on qu'il y touche?
( La Fontaine, Gag.)
C'était une vieille pleine de traits et de sel, qui coulaient
de source, sans faire semblant rf'y touc/ier et sans aucune
affectation.
(Saint-SimoD, 104,110.)
On dit aussi d'un hypocrite malicieux qui fait le niais,
qu'il ne semble pas qu'il y touche.
(Furetiere, Dicl.)
Or, comme c'est y toucher, employé négativement
dans ce sens, qui a donné Nitouche, et que ce même
verbe se dit indifféremment des deux sexes, je crois
que si l'on einploie Nitouche précédé de sainte en par-
lant d'une femme, on doit logiquement employer ce
mot précédé de saint lorsqu'on parle d'un homme.
Voici, du reste, en faveur de saint Nitouche, ce qui
se lit dans Moisant de Brieux [Orig. de quelq. coût, de
parler, p. 174, éd. Georges Garnier) :
Il faut écrire snint-ny-louche. Un hypocrite, un homme
qui fait tellement du saint, et du scrupuleux, qu'il fait cons-
cience de toucher, quand ce ne seroit que du bout du
doigt, à rien qui soit souillé, ou estimé profane.
Je passe maintenant à la partie de votre question
concernant la sujipression de .mainte ou .■iaint.
Notre peuple a l'habitude d'employer ces termes par
dérision devant certains noms exprimant des défauts
relatifs au moral ou au physique des individus. Ainsi,
chez lui, un homme lent dans son allure est un saint
Lambin; un paresseux, un saint Lâche; une femme qui
n'est douce qu'en apparence, une sainte Sucrée, etc.
Or, dans toutes ces canonisations populaires, les
mots saint et sainte sont évidemment superflus au pre-
mier chef, car on peut dire tout simplement un lambin,
un ^«(7(6, un licheur, une sucrée, etc.
Il doit donc en être de même pour sainte Nitouche,
ce que M. Littré exprime tacitement quand il dit
« Sainte Mitouche, ou simplement Mitouche, » et que
corrobore l'exemple qui suit :
Tu fais la Mitouche [Nitouche] hors de saison.
(Favart, Cherch. d'esprit, te. n.)
X
Troisième Question.
Laquelle des deux formes rAUiiSAVE et partisante
pensez-vous la meilleure pour le féminin de partisan'?
A la vérité, je viens de trouver partisante dans une
LE COURRIER DE VAUGELAS,
85
phrase de Ninon de Lenclos, citée par M. Littré, et dans
la suivante, que me fournit le journal la France du
■17 octobre 1816 :
L'Union, partisantt d'un armistice de six mois, trouve
dérisoire l'armistice de six semaines proposé par la Russie.
Mais dans notre langue, les noms terminés par an
au masculin forment généralement leur féminin en une
ou anne ; et, depuis le xv^ siècle, partisane y est en
usage, ainsi que le montrent ces exemples :
La marquise de Monlferrat.,. grande partisane des Fran-
çois...
(Commines, VIII, 9 )
Telle estoit alors l'afTection partisane [l'attachement à
son parti].
(D'Aubigné, Hist., 111. 455 )
Elle vous rendait bien justice; vous n'aviez point de par-
tisane plus sincère.
(Voltaire, Lettr. Mme du Bocage, 13 octobre 1749.)
Cratès, vieux, laid et bossu, trouve une partisane jeune
et jolie, aux yeux de qui le zèle de la science changea ses
défauts en agréments.
(Llnguet, cité par Noël et Carpent.)
D'où je conclus avec assurance que, des deux formes
féminines données, partisane est la seule qui soit vrai-
ment française.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1'... dont l'origine crcole est fort apparente (on ne peut dire
marqué de créole comme on dit marqué de petite vérole) ; —
1°... avec cel:i, un vent à écorner des bœufs; — 3°... ou de ses
grands yeux Wt'K» (le besoin du néologisme céruléen ne se fait
nullemcnl sentir); — 4°... à Paris, les bruits les plus alarmants
continuent à circuler (Voir pour l'emploi de la forme imperson-
nelle Courrier de Vaugelas, 1" année, n° I, p. i); — à'... de
ses sujets , revenu du Sénégal (Voir Courrier de Vaugelas,
5" année, p. 17Î); — 6°... elle est composée moitié d'hommes
et de femmes (Voir Courrier de Vaugelas, 3' année, p. 83; —
7' Ils ont tellement soif (Voir Courrier de Vaugelas, 5' an-
née, p. 116); — S'... se sont laissé loucher (le verbe à l'infinilif
a le sens passif relativement au régime direct); — 9°... ne son-
geait plus guère; — 10°... un département qui coii/tne à la Pro-
vence [affiner a ut» sens tout différent).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° Tanger, comme ses sœurs africaines, est une agglo-
mération de maisons en délabre plus ou moins bien blan-
chies à la cliaux, plaquées au-v flancs d'une colline et
commandées par un château crénelé.
2' Plus que jamais le sol tremble sous les pas des Chré-
tiens; plus que jamais l'orage gronde sur leurs tètes, plus
que jamais leur sang est prêt à couler.
3' On a assez souvent reproché aux Français le goût des
vaines parades pour que nous voyons avec plaisir des
allures plus sérieuses et plus simples prévaloir chez
nous.
4* Avant de mourir, M. Sainte-Glaire Deville a exprimé le
désir que son enterrement se fasse sans pompe ni accom-
pagnement de troupes.
5° C'est dimanche qu'auront lieu, dans toutes les com-
munes rurales de France, l'élection des maires et adjoints
qui doivent être choisis dans le sein des conseils muni-
cipaux, par les membres de ces assemblées.
6' Si nous nous sommes laissés devancer par un Italien
dans la publication des pièces d'un procès si fameux, nous
devons nous en prendre à la négligence ou à la prudence
du gouvernement français.
7° Malgré sa puissance illimitée sur ses sujets et sujettes,
le roi de Dahomey, tout noir qu'il soit comme un charbon-
nier, n'est cependant pas absolument maître chez lui.
8° Le Ningar [ministre] se couche à plat ventre, reçoit
des lèvres lippues du souverain l'arrêt d'exécution et fait
aussitôt porter les victimes sur une plate-forme haute de
vingt pieds au-dessus du sol.
9° Chose digne d'observation, c'est que ce sont les plaines,
jadis si fertiles et si productives, où le rendement s'abaisse
le plus.
10* Indépendamment de ménages comple's que nous
chargeons à destination de Nemours, on nous donne des
passagers dont la physionomie ne laisse pas que de nous
inquiéter beaucoup : ce sont des barillets de cartouches de
guerre.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVIP SIÈCLE.
Dominique BOUHOURS.
Né à Paris en 1628, jésuite en K)4.1, à l'âge de 16
ans, Bouhours professa d'abord les humanités à Paris,
et la rhétorique à Tours.
Après celle épreuve, qu'il subit avec honneur, il fui.
chargé de l'éducation des jeunes princes de Longue-
ville, et ensuite de celle du marquis de Seigneley, fils
de Colberl.
Tourmenté toute sa vie par de violents maux de tête,
il mourut à Paris le 27 mai 1702, à l'âge de 75 ans.
D'après l'abbé de Longuerue, Bouhours était un
homme poli, ne condamnant personne, et cherchant à
excuser tout le monde. La nalure, ajoute le P. Nicéron,
lui avait donné un air agréable et une physionomie
spirituelle.
La critique, qui l'occupa longtemps, lui fit des amis
el des ennemis ; les premiers le louèrenl d'avoir con-
tracté dans l'usage du monde des manières polies, un
caractère indulgent, affable, officieux, une Humeur
toujours égale, en santé comme en maladie ; d'avoir su
garder les bienséances de son état au dehors, comme il
en remplissait les devoirs au dedans, sans affectation
comme sans contrainte ; enfin, d'avoir mis les procédés
de son côté dans ses querelles littéraires avec .Ménage
el .Maimbourg. Les derniers l'accusaient d'être aussi
recherché dans ses manières que dans ses écrits, et
.Ménage disait qu'il s'était érigé en précieux ridicule
par la lecture trop assidue de Sarrasin cl de Voilure. Ils
lui reprochaient de fréquenter les dames el les pelits-
maitres, el relevèrent avec malignité certains bruits
fâcheux qui coururenl sur son compte en IGiil.
$6
LE COURRIER DE VAUGELAS.
On ne peut cependanl lui contester le mérite d'avoir
servi utilement la langue et le goût. Mme de Sévigné
disait de lui : « L'esprit lui sort de tous les côtés. »
C'était un écrivain exact, poli, correct, connaissant
à fond la littérature ; mais trop minutieux, ce qui l'a
fait comparer, en matière de langage, à ces directeurs
régides qui troublent les consciences en voulant trop
les épurer. L'abbé de la Chambre l'appelait « l'empeseur
des Muses » à cause du peu de naturel de son style et de
ses pensées. Voltaire, dans le Temple du goût, le place
derrière Pascal et Bourdaloue, qui s'entretiennent du
grand art de joindre l'éloquence au raisonnement, et
marquant sur des tablettes les fautes de langage, les
négligences qui leur échappent.
Bouhours a composé une dizaine d'ouvrages; mais
ma compétence ne s'étendant qu'à ceux qui concernent
exclusivement la langue, je n'aurai à m'occuper ici
que des Doutes sur la langue française proposez à
Messieurs de l'Académie française, par un gentil/tomme
de province. Paris, 1674.
Pour donner aux Académiciens moins de difficultés
dans l'examen des doutes qu'il leur propose, lien a fait
cinq classes : ce qui regarde le choix des mots, la
pureté des phrases, la régularité de la construction,
la netteté du langage et l'exactitude du style.
l.
DOUTES snu LES MOTS.
Le premier mot sur lequel Bouhours demande des
éclaircissements est urbanité, fait par M. de Balzac, qui
l'a introduit pour la première fois dans le discours de
la Conversation des Romains.
Ménage trouve que vénusté, contraction pour vemis-
teté, est très-beau, et il s'en sert volontiers. .Mais
Bouhours ne l'a jamais entendu dire à personne ; est-ce
donc un mot mystérieux qu'il n'est pas permis à tout
le monde de prononcer?
Fatuité est-il français? Un auteur célèbre s'en sert
dans l'Education d'un prince.
Depuis quand dit-on, dans un style noble, tracasser,
tracasserie, comme fait le même auteur?
Jusqu'à présent, Bouhours avait cru qu'on ne disait
appel qu'en matière de duel et de chicane. Cependant
il est pris dans un excellent livre pour une inspiration
sainte et pour une vocation divine. '
Il a vu dans des ouvrages fort estimés hautesse, avec
une certaine signification qui le met en peine. .Mais
hors .S'a llautcsse, quand il s'agit du Gçand Seigneur,
ce mot lui déplaît et le choque étrangement. C'est peut-
être une bizarrerie et un caprice.
L'auteur des Entretiens d'Aristc et d'Eugène se sert
du moi fermeté pour marquer le caractère de Tacite. Ce
mol ne regarde-t-il pas plutôt l'humeur que le style?
Ne signific-t-il pas plutôt résolution et constance que
force d'expression et de pensée? On dit bien un style
ferme, mais Bouhours doute que fermeté de style soit
français.
Il a trouvé quelque part le rabaissement des inon-
noyes, mais il n'a jamais entendu dire que le rabais des
monnoyes, qui est conforme à l'opinion de .Ménage.
Pour exprimer que l'Ecriture suffit toute seule, l'au-
teur des Préjugez légitimes contre les Calvinistes dit la
suffisance âeVEcrilare. Peut-on employer ce mot dans
ce sens? Bouhours pensait que le mot en question
n'avait que deux significations : l'une, oîi il se prenait
en mauvaise part et signifiait présomption ; l'autre, où
il se prenait en bonne part et signifiait capacité.
Quant ;i suffisant, Bouhours croit qu'il n'a point
d'autre signification que celle de son verbe, et que
lorsqu'il est adjectif, il signifie toujours orgueilleux, à
moins qu'il ne soit joint au verbe faire, auquel cas il
signifie capable, habile.
Ménage a îaM prosateur ; d'autres écrivains illustres
ont fait mitrmurateur , roranateur et, ne se contentant
pas d'asscusiti, ils ont fait assassinat eur. Bouhours sait
le meilleur gré du monde à ces grands hommes du
dessein qu'ils ont d'enrichir la langue ; mais ces mots
entreront-ils dans le dictionnaire de l'Académie?
En voici d'autres qui lui paraissent ou fort vieux ou
fort nouveaux : élevemcnt, effacement, parlement, bri-
sement, en parlant du cœur ; abrègement, reserrement,
enyvrement. Il n'y a rien de plus commode que tous,
ces mots en ment, mais d'où vient que Messieurs de
l'Académie ne s'en servent pas ?
Bouhours aurait de la répugnance à approuver impé-
cunieux et impecuniasité ; à se servir d'imjjrabation,
et il admire Ménage, qui a la force de digérer l'intem-
perature, Vinfarçable, ['inscrufable, Vinguerdonné, Vin-
terininé, Vinternel de Nicod, sans parler de V incor-
rompu de Pascal, ni de Y inconvertible des sieurs de
Royaumonl et de Marsilly.
L'adjectif indisposé signifie-t-il autre chose dans
notre langue que malade? Bouhours l'a vu employé
pour mal disposé, dans un exemple qu'il cite.
Quant au Iverbe indisposer, formé de cet adjectif, il
ose dire qu'il lui parait quelque chose de monstrueux.
Que faut-il penser de mal-sage, qui a été employé
par Balzac dans son Aristippe, ouvrage qu'il estimait
son chef d'œuvre? Bouhours croit que cette expression
ne se dit pas.
Défaveur et desservir, qui se trouvent dans le même
ouvrage, sont sans doute français ; mais ne sont-ils pas
un peu vieux ?
Doit-on dire une ieroglyphe, ou un ierogkjphique ?
Bouhours cite des exemples de l'un et de l'autre.
En parlant de justice, de vice, de langue faut-il dire
original ou originel ?
Vaugelas a mis de la différence entre florissant et
fleurissant; cependant des auteurs renommés disent
d'ordinaire /leurissant au lieu de florissant, el fleurissoit
pour florissoit, ce que Bouhours prouve par des exem-
ples. Qui faut-il suivre de ces auteurs ou de Vaugelas?
Délecter est-il un mot du bel usage, et qu'on puisse
dire sérieusement ? N'a-t-il pas vieilli depuis que Balzac
l'a employé? Bouhours ne peut souffrir délecter ni
délectation, à moins qu'on ne les dise en riant (1674).
{La suite au prochain numéro.)
Lk RÉDACTEuii-GÉuiNT : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
87
BIBLIOGRAPHIE.
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par Gustave Aimard. In-18 Jésus, 351 p. Paris, lib. Dentu.
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magne et l'Autriche-Hongrie ; par Victor Fournel. In-18
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religieuses, \ouvelle édition, publiée par les soins de la
société propriétaire des œuvres de M. de Lamartine.
In-18 Jésus, 460 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50 cent.
Les Œuvres de Clément Marot, de Cahors en
Quercy, valet de chambre du roy. Augmentées d'un
grand nombre de compositions nouvelles par ci-devant
non imprimées ; le tout mieu.x ordonné comme l'on
voirra ci-après et soigneusement reveu par Georges Guif-
frey. T. II. In-S». 57i p. Paris, imp. Quentin. 50 fr.
Théâtre de Collin d'Harleville, suivi de pièces fugi-
tives, avec une introduction par M. Louis Moland. ln-18
Jésus, ixiv-/i77 p. Paris, lib. Garnier frères.
Le Serment de Madeleine; par Charles Deslys. 4« édi-
tion. In-18 Jésus, 31Ù p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Une rivale de Marguerite ; par le baron E. de Fau-
connet. In-18 Jésus, 295 p. Pau, lib. Ribaut.
Nouvelles ; par Théophile Gauthier. 12« édition, revue
et corrigée. Ia-18 jésus, 420 p. Paris, lib. Carpentier.
3 fr. 50.
Abailard et Héloïse, essai historique ; par M. et
Mme Guizot. Suivi des lettres d'Abailard et d'Héloïse,
traduites sur les manuscrits de la Bibliothèque nationale;
par M. Oddoul. Nouvelle édition. In-12, lxxix-/i08 p.
Paris, lib. Didier et Cie. 3 fr. 50 cent.
Considérations sur les causes de la grandeur des
Romains et de leur décadence ; par .Montesquieu. Avec
commentaires et notes de Frédéric le Grand. Edition
collationnée sur le texte de 173/i. Grand in-8», xxx-295
p. et 2 portr. Paris, lib. Lemerre.
L'Agence Aubert ; par Paul Saumière. In-18 jésus,
355 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Publications antérieures ;
GEORGE WASHINGTON d'.\.près ses mémoires et sa cor-
nEspo.ND.ixcE. — Histoire de la Nouvelle-France et des Etats-
Unis d'Amérique au xviii" siècle. — Par Alpho.nse Jouault.
— Paris, librairie Ilachelte et Cie, 79, boulevard Saint-
Germain. — Prix : 1 fr. 25.
LES HOMMES DE DEMAIN. — Livre pour la jeunesse.
— Par Mme Nelly Lientier. — Chez Botihoure, éditeur,
Û8, rue de Lille. — Prix : 3 fr.
HISTOIRES DE TROIS MANIAQUES. — Par P.^UL de
Musset. — Édition complète en un volume. — Paris,
Charpentier et Cie, 13, rue de Grenellé-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr, 50.
MARIE DE COMPIÈGNE, d'après I'Ev.angile .\ux fem-
mes. — Publié pour la première fois d'après les quatre
manuscrits connus, avec des notes philologiques et histo-
riques, et une dissertation sur rorigine de ce fabliau. —
Par M. CoxsTANS, professeur agrégé au lycée de Sens. —
Paris, librairie Franck, rue Richelieu. — Prix : 2 fr. 50.
SOEUR PHILOMENE. — Par Edmond et Jules de Con-
court. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier et Cie,
libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — marins. —
Deuxième série. — Par Edou.\.rd Gûepp, chef de bureau
au Ministère de l'Instruction publique, et Henri de Man-
Nounv d'Ectot, ancien capitaine au long cours. — Orné
de deux portraits. — Jean Bart, Duouay-Trouin. Suffren.
— Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
— Prix (broché) : h fr.
LA CONQUÊTE DE PLASSANS. — Par Emile Zola. —
Troisième édition. — Paris, Charpentier et Cie, libraires-
éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. — Prix :
3 fr. 50.
OEUVRES DE PHILARÊTE CHASLES. — le moyen-age.
— Edition complète en un volume. — Paris, Charpentier
et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Ger-
main. — Prix : 3 fr. 50.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — hommes
DE guerre. — Première série. — Par Edouard Gœpp,
chef de bureau au Ministère de l'instruction publique.
— 2" édition, ornée de quatre portraits et de trois cartes.
— Ki.ÉBER, Desaix, Hocue, Marcf.au, Daumesnil. — Paris,
P. Ducroc, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix,
relié : U francs.
LA JEUNE FILLE; lettres d'un ami. — Un volume
format anglais, imprimé avec luxe par J. Claye, avec
fleurons, lettres ornées de culs-de-lampe. — Paris, P.
bucroq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix : 3 fr.
50. — Sur papier de Hollande (broche) 5 fr.
LE COURRIER DE VAUGSLAS.
POÈMES ET FANTAISIES (1867-1873). — Claudine. —
Que sais-je? — L'Espoir en l'homme. — Prométhée. —
La Légende d'L'rfé. — Sonnets. — Par Gustave Vingt. —
Paris, librairie des Bibliophiles, 338, rue Saint-Honoré.
— Prix : 3 francs.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Em.\n Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LES- NEVEUX DU PAPE. — Jo.a.nnis. — Par Gdstavb
Vingt. — Paris, librairie des Bibliophiles, 338, rueSaint-
Honoré. — Prix : 4 fr.
Publications périodiques :
REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
— Recueil hebdomadaire publié sous la direction de MM.
C. de La Berge, M. Bréal, G. Monod, G. Paris. — Dixième
année. — Nouvelle série, 1"= année (1876). — Prix d'abon-
nement : Un au, Paris, 20 fr.; — départements, 22 fr.;
— étranger, le port en sus ; — un numéro, 75 c. — Paris,
Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte.
LE COURRLEB LITTÉRAIRE, revue artistique, biblio-
graphique, scientifique et littéraire, paraissant le 10 et
le 25 de chaque mois. — Prix de l'abonnement : 20 fr.
par an pour la France et les pays faisant partie de l'Union
des postes. — Paris, bureau du Courrier littér.\ire, 33,
rue de Seine.
REVUE SUISSE. — bibliographie, archéologie, littéra-
ture, beaux-arts. — Paraissant le l" et le 15 de chaque
mois. — Prix par an, 10 fr., et le port en sus pour l'étran-
ger. — Cette revue, qui rend compte de tous les ouvrages
dont on lui envoie deux exemplaires, se trouve à Paris,
chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires-éditeurs, 33,
rue de Seine.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L'AcADÉMiE FRANÇAISE propose pour sujet du prix de poésie à décerner en 1877 : André Chènier. — Les manuscrits
devront être déposés ou adressés francs de port, au secrétariat de l'Institut avant le 31 décembre 1876, terme de
rigueur. Ils devront porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce
billet contiendra le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au
Concours ne seront pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Le dix-septième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 août sera clos le 1" décembre 1876. — Douze médailles,
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrancb,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
La Société des études historiques a, pour l'année 1877, mis au concours pour le prix Raymond la question
suivante : Historique des institutions de prévoyance dans les divers pays, et spécialement en France. — Elle vient
de décider qu'en 1878 un prix de 1,000 fr. sera accordé à l'auteur du meilleur mémoire sur l'histoire du portrait
en France (peinture et sculpture).
Le Tournoi poétique, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (û« année). — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien. — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements,
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
SOUSCRIPTION
POUR
LA RÉIMPRESSION DES CINQ PREMIÈRES ANNÉES DE CE JOURNAL.
Les cinq premières années de la collection du Courrier de Vaugelas se trouvant presque entièrement épuisées
(il ne reste plus qu'un très-petit nombre d'exemplaires de la k" et de la 5'), une souscription dont voici les conditions
est ouverte pour les faire réimprimer :
1° L'original sera reproduit intégralement dans ses parties essentielles, avec le même nombre de pages et sous un
format identique;
2° La réimpression se fera de manière à fournir une année tous les deux mois;
3° Le prix de chaque année (brochée) sera de 6 fr. comme celui de l'abonnement au journal ;
W Les années seront expédiées franco aux souscripteurs à fur et mesure de leur réimpression;
5" Chaque année sera payable aussitôt après qu'elle aura été reçue;
G* Tout souscripteur qui a d('jù une partie de ces cinq aimées devra désigner celles auxquelles s'appliquera
sa souscription;
T La réimpression commencera dès que 300 adhésions auront été envoyées au Rédacteur.
M. Eman Martin, Rédacleur du (Iouriueu de Vaccelas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, 0. DAUPELEV à Nogent-le-Rotrou.
7« Année.
N» 12.
15 Novembre 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^'
'^t^ DE VAUffpT
A \ YV>- Journal Semi-3Iensuel ^C// //
^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( J
Paraitiant la 1" at la IS da ehaqac mola
{Dans sa séance du SI janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication).
PRIX :
Par an, G fr. pour la France,
le port en sus pour lelranfpr. —
Annonces : Om rages, un exem-
plaire; Concours liuéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
AN'CIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANOERS
Officier d'AcaJémie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prî^nnont pour une année
entière et partent tous de la mi^me
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un liliraire quelconque.
AVIS.
A partir du \" janvier prochain, le Rédacteur du
CocBRiER DE VAroELAS fera présenter sa quittance, avec
une augmentation de 73 centimes pour frais de recou-
vrement, à ceux d'entre ses abonnés de province qui,
à cette époque, ne lui auront pas encore envoyé le mon-
tant de leur souscription à la 7= année.
SO.M.MAIRE.
Communication au sujet de De suite et de Tout de suite; —
Autre communication sut Endosser ei sur un participe passé;
— Etymologie de Mignardise; — Origine de A la lionne
heure, expression aiiprob:itive; — Si Rien autre chose que
peut se dire. || Origine de l'expression C'est l'histoire du
merle et de la merlette ; — Comment Guitare est devenu
synonyme de Affaire: — Epoque à laquelle Suiciile a été
introduit dans la langue; — Explication de l'expression Je ne
sache pas. || Passe-temps grammatical. || Suite de la biographie
de Dominique Bouhours. || Ouvrages de grammaire et de litté-
rature. Il Concours littéraires, jj Renseignements offerts aux
Etrangers.
FRANCE
COM.MUXIGATIONS.
L
J'ai oublié d'insérer à sa date la communication sui-
vante :
Toulouse, le 1" avril 1876.
Monsieur,
Au numéro 1, 6' année de votre Courrier de Vaugelns, on
lit la ptirase suivante, sous la rubrique « Phrases à corri-
ger 3, art. 4 :
Son début, en cette matière, nous indiquera de suite la
nature rie ses impressions : « dans tout ménage du grand
monde français, dit-elle, l'homme et la femme se convien-
nent à peu près comme un coup de poing sur le nez ».
Au numéro 2 de la même année, et sous la rubrique
« Corrections du numéro précédent » vous avez redressé
une seule erreur, celle « du coup de poing et du nez sur
lequel on l'applique ». Il y a cependant deux erreurs dans
la phrase signalée A l'attention de vos lecteurs, et celle
que vous avi^z omise est très-fréquemment remarquée,
soit en écrivant, soit en pariant. La voici : s nous indi-
quera de suite ». 11 faut dire : u tout de suite ou immédiate-
ment, etc. ». C'est là une faute lourde. On peut dire « de
suite », l'un après l'autre, sans interruption : il ne sait pas
dire deu.\ mots de suite, etc.
« Tout de suite » veut dire immédiatement, promptement,
sur-le-champ, sans délai, aussitôt.
Recevez, Monsieur, mes civilités les plus empressées.
Adéma,
Inspecteur de l'Enregistrement.
Quoi qu'en disent les grammaires, grosses ou petites,
qui se sont inspirées de celle de Girault-Duvivier, tout
de suite et de suite ne diCferent enlre eux que du plus
au moins, ce qui peut se démontrer de deux manières.
Par l'analogie. — Nous avons dans notre langue beau-
coup d'expressions commençant par tout; telles sont,
par exemple, tout d'abord, tout à coup, tout de tra-
vers, tout de bon. Or, comme ces expressions ne sont
en quelque sorte que le superlatif de d'abord, de à
coup (jadis employé seul comme je l'ai montré Courrier
de Vaugelas, C* année, p. 361, de de travers, de de
bon, n'est-il pas évident que tout de suite doit être
dans le même rapport avec de suite ?
Par des textes. — Selon l'Académie de 1694, tout de
suite, dans la phrase suivante, signiGe de suite, l'un
après l'autre, sans interruption :
Il a fait trois courses de bague tout de suite.
Le Furetière de 4727 attribue aussi le sens de de suite
à tout de suite dans cette autre phrase :
Il a bonne mémoire, il répète deux cents mots qu'on lui
dira tout de >,uite.
La même opinion est professée dans le Richelet de
4 728, qui donne tout de suite comme équivalent de
tout d'un coup, sans discontinuation, et ajoute cet
exemple :
Il s'en va au palais, et tout d'une suite il s'en va aux
autres lieux oi'i il a des affaires.
Enfin l'Académie de 4833 constate à son tour l'em-
90
LE COURRIER DE VAUGELAS
ploi de totit de suite dans le sens de de suite, sans
inlerruplion, et en fournit ces deux exemples :
Il but trois rasades tout de suite.
Il a couru vingt postes tout de suite.
Or, lorsqu'il est établi par des autorités comme celles
dont je viens d'invoquer le témoignage que tout de suite
s'emploie pour ainsi dire comme superlatif de de suite
signifiant l'un après l'autre, sans interruption, sans
discontinuité, n'est-il pas manifeste que la même
expression, employée dans le sens de sur-le-champ,
immédiatement, aussitôt, promplement, sans délai
^acceplion que je crois moderne, parce que, de tous les
ouvrages cités plus haut, il n'y a que l'Académie de
■1835 qui la mentionne) a en quelque sorte pour positif
de suite pris dans une signification analogue?
Quand M. Adéma aura lu celte réponse, j'ose espérer
que, répudiant la règle illogique de Girault-Duvivier, il
cessera de voir une « lourde faute » dans le de suite
que j'ai maintenu dans cette phrase :
Son début en celte niatière nous indiquera de Sicile la
nature de ses impressions.
II.
Je -viens de recevoir de M. le directeur de l'École
normale de Nimes les observations suivantes concer-
nant aussi les corrections faites dans un numéro précé-
dent :
Mmes, le 5 octobre 1S7G.
Monsieur,
Les élèves de l'Ecole, que j'e.xerce quelquefois à l'étude
des petites phrases que vous donnez à corriger, avaient
trouvé {Courrier de Vmiç/elas, n° 7, 5= pbrase) qu'on peut
bien endosser un veston, une redingote, mais qu'on met,
qu'on passe un pantalon. Ne trouvez- vous pas comme eux,
qu'endosser un pantalon est plus fautif que l'emploi, avec
Liltré, de même après voirel
Ils n'admettent pas non plus l'orthographe que vous
adoptez un peu plus bas (même n°, 7" phrase) : « N'ayant
pas pu... fort de cet arriéré de désirs et d'espérances qu'on
aura io/ssei s'accroître etc., » parce que, disent-il?, l'adjectif
indicatif ou démonstratif cet, qui précède arriéré, annonce
un complément déterminatif (qu'on aura laissé s'accroître)
qui appartient à arriéré et non à désirs et â espérances, qui
sont deux noms indéterminés. L'auteur semble bien, en
effet, avoir dans l'esprit un arriéré qu'on a laissé s'ac-
croitre, lequel arriéré est formé de désirs et d'espérances.
Nous admettons que l'ensemble de la phrase biisse à
désirer. Mais n'est-cp-pas plutôt l'emploi sylleptique du
pronom les, les connaître, les comprendre, les réaliser, qui
en rend la signification louche, que la non-variabilité du
participe laissé ?
El n'est-ce pas aussi maintenant votre avis?
Agréez, Monsieur le Rédacteur, l'expression de ma par-
faite considération.
Le Directeur,
BûYER.
Lorsqu'après avoir attentivement lu bien des pages à
la recherche de phrases fautives, il m'arrive d'en ren-
contrer une, je la copie le plus souvent sans me deman-
der si elle ne contiendrait pas une autre faute que celle
qui m'a frappé.
C'est ce qui m'est arrivé pour la première dont il est
question dans la lellrc précédente; il est évident qu'en-
dosser ne peut s'y dire d'un pantalon.
Quant à l'expression de voire même, je la regarde
toujours comme une faute depuis qu'il me semble avoir
démontré [Courrier de Vaugelas, 2" année, p. i 85) que
c'en est réellement une.
Les réilexions suivantes au sujet de la seconde
phrase sont -parfaitement justes. Elle n'est pas d'une
exactitude irréprochable; mais, en la prenant telle qu'elle
est, je crois qu'il est impossible de n'y pas mettre lais-
sés (au masculin pluriel), ce participe pouvant aussi
s'entendre des désirs et des espérances.
Je remercie sincèrement M. Boyer de vouloir bien
discuter les solutions du Courrier de Vaugelas avec ses
élèves, et ensuite me transmettre leurs objections. C'est
un exemple qui pourra ne pas être perdu pour les con-
frères ayant daigné, comme lui, accueillir ma modeste
feuille dans leurs établissements.
X
Première Question.
Quelle est l'origine du mot MicNiRoisE ? Ce mot est-il
antérieur au xvi" siècle? Un auteur le met dans la
bouche d'un de ses personnages, qui vivait vers •1480.
Le substantif mignardise vient de \'a.û\ecW{mignard;
et celui-ci, qui n'apparait dans la langue écrite qu'au
XVI' siècle, est le même mot, à la terminaison près, que
mignon, qui s'y trouvait, lui, dès le xv% et qui y fut
précédé par mignot, usité dès le xiif, comme l'attestent
ces exemples :
Et sur un destrier delés lui
Avoit cascune son ami'
Cointe et mignot et bien séant.
{Lai du Trol.)
Famé est plus cointe et plus mignote
En sorquanie que en cote.
(Rom. de la Pose, vers iaj5.)
Or, comme j'incline fortement à croire que mignot,
terme de tendresse et diminutif comme bellot et vieil-
lot, a été formé de l'allemand minne, amour (qui se
rencontre dans le bas-breton miHonez, amie; dans l'ir-
landais 7ninn, mion, amour, ainsi que dans minnesin-
ger, nom des anciens poètes erotiques de la Souabe),
j'en conclus naturellement que mignardise vient aussi
de la même source.
Quant à l'époque où l'on a commencé à employer
mignardise en français, il n'y aurait point lieu d'être
surpris qu'elle coïncidât avec la fin du xv" siècle; car,
au xvi% ce mot était déjà d'un usage général, ce que
montrent ces citations :
Propoz bien filez, et miynardises de discours.
(D'Aubign^. Hisl. III, 198-)
Certainement Scipion et Laelius n'eussent pas résigné
riionni'ur' de leurs comédies et toutes les mignardises et
délices du langage latin, à un serf africain.
(Montaigne, I, p. a88.)
Venus et ses' enfants volent tout à l'entour,
La douce mignardise et les douces blandices.
(Ronsard, Elégie du Prinl.)
X
LE COURRIER DE VAUGELAS.
9i
Seconde Question.
Pourquoi, lorsqu'on a reçu de quelqu'un une réponse
s>iffi<anle, et qu'on veut approuver ce qxi'il a fait, lui
dit-on : A la boîïne heure 1
L'expression à la bonne heure, qui avait en quelque
sorte pour pendant â la maie heure, a été autrefois en
usage dans le sens de par bonheur, heureusement, comme
le font voir les exemples ci-après :
Lequel partit e» la bonne heure en poste, conduit par son
ange qui ne vouloit pas qu'il y demeurast davantage pour
n'y mourir avec les autres.
(Carloix, I, ch. i5, p. 4î3.)
Et là dessus j'advance de cinq ou six pas en rue ; mais
à la bonne heure pour moy. au lieu de me suivre, les plus
apparens reculans quelques pas en arriére, se retirèrent.
(Régnier de la Planclie, le Liv. des march.^ p. 426.)
Mais puis qu'il plaist au ciel par vos yeux que je meure.
Vous direz que, mourant, je meurs à la bonne heure.
(^Régnier, Satyre XVII.)
Puis, par extension, à la bonne heurea.Cin\ par s'em-
ployer comme terme d'assentiment, de félicitation ; ce
que mettent en évidence ces autres exemples :
A la bonne heure, contentez s'il se peut l'honneur et la
dignité de la couronne.
• (Balzac, 6^ dise, sur la Cour.)
S'ils se sentent pleins de sentiments pour l'aimer et
l'adorer, et qu'ils y trouvent leur joie principale, qu'ils
s'estiment bons, à la bonne heure.
(Pascal, Grand, et mis.}
Si Baal est votre dieu, adorez-le tout seul, à la bonne
heure.
(Mas&illon, Carême.)
Enfin, attendu que, généralement, on approuve
quelqu'un qui répond bien à une question qu'on lui
adresse, et que, dans le cas où il le fait du premier
coup, on lui dit : c'est bien, ou c'est très-bien, on a
réservé à la bonne heure pour celui où une réponse
satisfaisante ne vient qu'après une ou plusieurs qui
ne l'ont pas été.
Du reste, l'emploi de cette expression doit sembler
assez logique quand on considère qu'on dit aussi : ah '
c'est heureux. Ah! ce n'est pas malheureux impliquant
l'idée de bonne heure] , h quelqu'un dont la réponse s'est
fait longtemps attendre.
Dans son ouvrage intitulé le Langarje des marins.
M. de la Landelle dit, page 290, au sujet de l'expression
dont il s'agit, expression également employée en mer
pour clore le discours du navire qui en « fait raisonner »
un autre :
A la bonne heure! à la bonne chance; populairement, au
petit bonheur, â vos souhaits, comme il vous plaira, ainsi
soit-il.
Je crois qu'il y a là une légère erreur, et que la for-
mule après 1e prononcé de laquelle chaque navire pour-
suit sa route, a tout simplement le sens àe c'est bien,
comme dans les exemples qui précèdent.
X
Troisième Question.
Je vous serais très-reconnaissant si vous vouliez bien
traiter un jour dans votre Journal la question de savoir
si on peut se servir de l'expression kieh autre chose qoe.
N'est- ce pas un pléonasme ?
11 n'est pas rare d'entendre dire à des personnes qui
sorteiit d'un tribunal :
Le juge lui a demandé alors s'il n'avait rien autre chose à
dire.
Et celle expression s'emploie non-seulement en par-
lant, mais encore en écrivant, car en voici un exemple
trouvé dans un livre moderne :
On m'a dit qu'il existait des gens qui, devant la fresque
du Jugement dern'er de Michel-.\nge, n'y avaient rien vu
autre chose que l'épisode des prélats libertins.
(Th. Gautier, Mlle de .Vaupin, Préf. 2.)
Néanmoins, je la crois mauvaise, et cela, pour la rai-
son que je vais vous expliquer.
Le mot rien, qui dérive du latin rem, chose làl'accu-
satifi, s'est employé et s'emploie fort bien encore con-
curremment avec chose lui-même, dans les phrases où
ces deux termes ne jouent pas le même rôle, comme
dans celles-ci, par exemple :
Celuy qui peult, s'il luy plest, faire estre de riens quelque
chose, et de glace feu ardent.
[Marguerite, Lettres, 10.)
Nous avons à penser que rien de ces choses n'advient,
sinon par le vouloir et proviJence du Seigneur.
( Calvin, Inst. 557. )
Voulez-vous que moi, chien, qui n'ai rien à la chose.
Sans aucun intérêt je perde le repos?
(Lafontaine, liv. XI, 3.)
Vous avf z bien raifon de dire que, dans ce siècle, il y a
des choses qui ne ressemblent à rien.
(Voltaire, Lettr. 33 octobre 1758.)
Mais, dans le cas actuel, où rien est suivi de l'adjec-
[\(autre, il n'est pas possible d'employer c/(ose immédia-
tement aiirès; car alors rien et chose auraient la même
foncUon et formeraient une expression composée en quel-
que sorte d'un même substantif précédant et suivant un
adjectif .jms chose autre chosc\ ce qui constitue une
espèce de pléonasme que n'admet point la syntaxe de
notre langue.
Selon moi, il faut dire ici, ou rien autre que, ou pas
autre chose que.
ETRANGER
Première Question,
J^ourquoi, je vous prie, dit-on d'une querelle sans
importance qui s'élève en quelque sorte périodiquement
)i toujours sur le même sujet, que c'est l'histoire on
.MEULE ET DE LA MEULETTE? A qucl mcrlc et à quclle mer-
leltf cela fait-il allustbn ?
Voici, littéralement reproduite, l'explication de ce
proverbe d'après le Grand Dictionnaire du \i\° siècle,
par Pierre Larousse :
L'origine vraie ou supposée do cette. façon de parler
parjit remonter à un de nos vieu.x fabliaux
92
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Dn vilain voulant fêter dignement !e saint patronal, prit
quelques merles aux lacets et les remit à sa femme en lui
disant : « Tenez, Catherine, voilà des merles qu'il faut nous
accommoder de votre mieux pour le diner.
I _ Ça des merles, fit la femme après un coup d'œil
jeté sur les volatiles; eh! mon pauvre homme, vjdus n'y
connaissez rien : ce sont des merlettes.
« — Et moi, je soutiens que ce sont des merles.
« — Des merlettes, François, des merlettes.
(i — Des merles, encore une fois.
, _ Ah! Catherine, le dos vous démange, ma bonne; je
vous répète que ce sont des merles.
« — Et moi, François, je me moque de vos menaces et
de vos gros yeux, et je vous soutiendrai sans en démordre
que ce sont des merlettes.
« — Ah! c'est comme cela », fit François bleu de colère;
et s'armant d un bâton, il commença à en caresser le dos
de son opiniâtre moitié. Mais celle-ci n'en criait que plus
fort : « Des merlettes, François, des merlettes; » tant que
François dut s'arrêter sous peine de mettre sa femme en
cannelle.
La querelle finit par s'apaiser, et toute l'année on laissa
en paix merles et merlettes. Mais la fête patronale revint,
et, pendant le diner, Catherine fut frappée du souvenir
évoqué par la circonstance. « Il y a un an, François, que
vous m'avez rouée de coups parce que je vous soutenais
que les oiseaux que vous aviez rapportés étaient des mer-
lettes, et j'avais cependant raison.
« — Je vous dis, Catherine, que c'étaient des merles.
» — Des merlettes.
I — Des merles, mordieu I
„ _ Des merlettes, par Notre-Dame. »
Et Martin-bâton de recommencer son jeu.
L'année suivante, même comédie, et puis encore l'autre
année. Bref, cela dura ainsi dix-sept ans, au bout desquels
le pauvre François rendit son âme à Dieu. Catherine put
alors jurer en toute sécurité que c'étaient bien des merlettes.
X
Seconde Question.
J'ai trouvé cette phrase dans nn journal : « Pour les
filles, c'est r.vE actue guitare. On les fourre au cou-
vent.... » Pourriez-vous me dire la raison qui a rendu
ainsi gditaue synonyme de affaire ?
Le mot guitare, qui désigne un instrument de mu-
sique fort à la mode en France au temps de Louis XIV,
a plusieurs autres significations dans notre langue.
Au figuré, il représente les chansons, la poésie ba-
dine, comme la Ijre représente la poésie noble :
Choisis quelque excellente main
Pour une si belle aventure,
Prends la lyre de Chapelain
Ou la guitare de Voilure.
(Sarrasin, cité par Littré.)
On l'a également appliqué à certaines petites compo-
sitions poétiques empreintes de la couleur espagnole et
dans le goiit des sérénades, qui se chantent avec accom-
pagnement de guitare. Telles sont, par exemple, les deux
pièces qui se trouvent dans les Rayons et les Ombres âc
Victor Hugo, et dont la iiremiere commence comme il suit :
Gaslibelza, l'homme à la Carabine,
Chantait ainsi :
Quelqu'un a-t-il connu dona Sabine,
Quelqu'un d'ici?
Dansez, chantez, villageois! la nuit gagne
Le mont Falù.
— Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.
Enfin, au témoignage de M. Lorédan Larchey, les
romantiques s'en seraient servis dans le sens de ren-
gaine, répétition, au temps de leur querelle avec les
classiques.
Or, attendu que, dans cette dernière signification, le
mol (jïiitare est synonyme de f/m/!.s'Ort, et qu'avec a!<</"e,
celui-ci s'emploie dans le sens de afj'uire, il est facile de
comprendre qu'on ait été amené à dire, dans le dis-
cours familier : c'est une autre guitare, pour signifier
c'est une autre affaire
Il faut que l'emploi populaire de guitare dans le sens
de phrase répétée plus qu'il ne convient soit de date
toute récente; car, il y a juste dix ans, Kastner impri-
mait dans sa Parémiologie.musicale que ce iTiot n'était
encore « qu'un terme de comédien, d'artiste, de lettré,
dont la presse de 1856 s'était emparée pour caractériser
les vieilles rocamboles des partis. »
X
Troisième Question.
Vous parlez, dans votre numéro 8, de l'introduction
du mot Suicide en français, introduction qui serait due
à l'abbé Desfontaines. Vous serait-il possible de dési-
gner l'époque précise à laquelle remojite ce mot, relati-
vement moderne ?
Le premier diclionuaire français qui, à ma connais-
sance, ait enregistré suicide, est celui de Trévoux, édi-
tion de (7.'52, où .ce mot est donné comme création de
l'abbé Desfontaines, dans la phrase suivante :
Lorsqu'on veut favoriser un coupable dans le Japoo, on
lui permet de se faire tuer par un de ses parents : mais
le suicide est plus beau.
Or, attendu que, d'après la Biographie Michaud,
ledit abbé a commencé sa carrière de critique en \1\^,
et qu'il est mort en 1745, je crois pouvoir en conclure,
avec assez de certitude, que c'est entre ces deux dates
que le néologisme suicide a pris naissance.
X
Quatrième Question.
Le subjonctif exprimant une action dépendante .toit
d'une conjonction, soit d'un verbe, soit d'un pronom
relatif, je ne puis comprendre comment vous pouvez
dire dans votre langue : Je ne sache pas que... Auriez-
vous la complaisance de m'expliquer cet emploi dans
un de vos prochains numéros ?
Celte forme subjonctive, qui parait en'ectivement bien
singulière, surtout quand elle est placée en léle d'une
phrase, n'est autre chose que la traduction de quod
scium, qui s'emploie en latin tantôt dans les phrases
adirmalivcs, tantôt dans les phrases négatives, avec le
sens de û ma connaissance.
Vojez pour plus amples explications le Courrier de
Vaugelas, Z' année, p. 170, où celle question a été trai-
tée avec tous les développements ([u'cllc comporte.
X
LE COURRIER DE VAUGELAS.
93
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
[•... de maisons en délabrement on délabrées (le mot délabre
n'est pas français); — 1°... leur sang est près de couler (on dit
prêt à pour signifier disposé ù); — 3"... pour que nous voijions
(après pour que on met le subjonctif); — 4°... a exprimé le
désir que son enterrement se fit; — b°... qu'oitra lieu l'élection
des maires et adjoints; — 6°... nous nous sommes laisse devan-
cer (l'iiilinitif qui suit le participe est p.issif relativement au
régime); — 7* Le roi de Dahomey, quoiqu'il soit noir comme
un charbonnier, ou tout noir qu'il est; — 8"... reçoit des lèvres
épaisses du souverain (l'adjectif lippu voulant dire qiii a de
grosses lèvres, il ne peut se rapporter à /cidres); — 9°... c'est
dans les plaines que le rendement s'abaisse; — 10"... dont la
physionomie ne laisse pas de nous inq liéler (Voir Courrier de
Vaugelas, 4' année, p. 15.5, où il est démontré qu'il ne faut pas
de que après ne pas laisser, suivi d'un inlinilif).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart clans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° Dans le quartier, jamais on n'avait pu voir le mari
sans être ivre et la femme sans grommeler entre ses dents
et sans bousculer sa fille maigre comme un squelette.
'i.' L'indignation de la population a été très-violente, et
le caractère de la cérémonie seul a empêché que des
scènes de désordre eussent lieu.
3° Elles marquent leur époque d'un signe particulier,
celui d'une demi-corrupiion aimable, d'une soif de jouis-
sances infinie, d'une poésie mièvre et rechercliée, mais
parfois heureuse en ses rencontres.
4° Vous saurez parfait'^ment que ce rideau d'autonomie
cache une prus.-iflcation réelle, et que nos populations
n'entendent pas de cette oreille.
5° La seule chose certaine, c'est que par chaque demi-
bataillon, c'est-à-dire par chaque quatre compagnies, il
faut trouver un officier possédant bien l'art de la lecture,
de l'écriture et du calcul.
6° Sa Majesté noire, malheureusement, ne s'est pas
laissée intimider pour si peu. Au blocus des Anglais, elle
a répondu en faisant saisir et incarcérer tous les blancs.
7° Si la Kus.'ie maintient son projet d'occupation mili-
taire, l'Autriche, non-seulement s'emparera de la Bosnie,
mais elle marchera contre les Serbes afin d'empêcher le
démembrement de la Turquie.
8° Ces tabacs seraient plus combustibles et brûleraient
d'une façon plus régulière que ceux qu'il m'avait été
donné de déguster à Alger.
9* Quant à la vigne, dont la cueillette est commencée
depuis près d'un mois, elle semble, d'après les renseigne-
ments particuliers qui nous sont parvenus, donner quan-
tité et qualité.
10' Le comité d'initiative du Congrès ouvrier, vu le
nombre considérable de demandes de paroles qui lui ont
été adressées, informe les orateurs qu'ils ne pourront
parler dans le Congrès que sur une seule question.
Il* Il diminue à vue d'œil comme un jiassant qui s'en va
à l'horizon. Il faut mieu.v dire, en terminant, que ce révo-
lutionnaire n'a rien des nôtres.
(Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII» SIÈCLE.
Dominique BOUHOURS.
{Suite.)
Balzac s'emporle avec beaucoup d'animosilé contre
le mot religionaire, et il en dit tout le mal qu'il peut.
Mais ce mot est-il réellement aussi barbare et aussi
monstrueux qu'il le dit '? Bouhours reconnaît que /ni-
(juenot ou calviniste est plus usité; qu'il s'en faut ser-
vir d'ordinaire, surtout dans le discours familier; mais
ne pourrait-on pas, dans un discours élevé, après avoir
dit souvent Intguenot, dire une fois ou deux religio-
naire? Il serait bien trompé si Messieurs de l'Académie
ne le préféraient pas à parpaillaux.
Le sieur de Mombrigny emploie le mot évaporation
dans un sens moral. Si ce mol est français, n'est-ce
pas un terme de physique et de chimie? On dit bien
peut-être quand il s'agit d'un alambic Vévaporation des
esprits; mais peut-on dire, en matière de morale, Véva-
poration de l'esprit comme on dit un esprit évaporé?
M. de la Chambre a employé atrabile dans son Art
de connoistre les hommes. Bouhours connaît atrabilaire,
mais il a été surpris de rencontrer Vatrabile au lieu de
la bile noire.
Le même auteur dit ^mr après et en après quand,
selon Vaugelas, il faut dire après tout seul. Qui des
deux doit l'emporter?
D'Ablancourt emploie l'adverbe titrbulemment dans
les Annales de Tacite; mais, avant de s'en servir, Bou-
hours désirerait connaître le sentiment de Messieurs de
l'Académie.
On dit sans doute très-bien le vraij, le fin, le sérieux ;
mais Bouhours voudrait bien savoir s'il est permis de
faire de ces mois à sa fantaisie, et de dire, par exemple,
l'inutile, le simple, le provincial d'un écrit, le poli, le
pur. Il ne pense pas qu'un particulier ait le droit d'éta-
blir des mots nouveaux.
IL
DOCTES SCR LES PHRASES.
Beaucoup de phrases ont arrêté Bouhours dans la lec-
ture des bons auteurs.
Balzac a des façons de parler qu'il ne goûte nulle-
mcnl. Il dit dans une de ses leilres acquérir des fluxions
et des catharres. Peut-on dire cela plutôt que gagner
une fluxion et des catharres ? Il semble à Bouhours
que acquérir ne se joint qu'à des choses qui sont avan-
tageuses, qu'on se propose comme une fin.
Voilure a dit sortir de l'honneur de son souvenir.
Est-ce là parler un bon français ? Ne valait-il pas mieux
dire simplement sortir de son souvenir ?
L'expression s'en prendre à quelqu'un ou à quelque
chose, ne semble à Bouhours devoir s'employer qu'en
94
LE COURRIER DE VAUGELAS.
mauvaise part, comme dans s'en prendre à la mauvaise
fortune.
Bouhours a trouvé quelque part la charité que ?iOî/s
devons avoir pour le salvt de tous les rois. 11 doute que ce
soit parler proprement, car on n'a de la charité que
pour les personnes.
Le verbe rendre peut-il se joindre aux participes
passés, dans notre langue ? Par exemple, peut-on dire
rendre chéri, rendre destitué, rendre préparé, rendre
disposé, rendre connu? Bouhours croit qu'on ne joint le
verbe rendre qu'aux adjectifs personnels comme bon,
aimable, illustre, etc.
Retenir de s'engager est-il bien dit? Bouhours ne le
pense pas.
En général, les phrases connues et usitées valent tou-
jours mieux que les phrases nouvelles qui ne sont pas
encore établies.
Un de nos meilleurs écrivains a dit élever les yeux
vers le ciel; cette phrase n'est point française, il faut
dire lever les yeux.
11 y a des mots qui ne sont bons qu'employés au
propre, comme fraischeur. On dit bien, au figuré, de
fraische date, mais on ne dit pas là fraischeur d'une date.
On pourrait presque dire la même chose de jeunesse
et de vieillesse : leur signification s'étend moins loin
que celle de jeune et de vieux. On ne dit pas la jeu-
nesse d'%tn arbre, quoiqu'on dise un jeune arbre ; on dit
bien une vieille peinture, mais on ne dit pas la vieil-
lesse d'une peinture.
Tout le secret pour faire de bonnes phrases est de
bien associer les mots ; mais il faut de l'usage pour cela.
Une phrase qui a constamment choqué Bouhours, et
dont plusieurs écrivains se servent, c'est le prince des
orateurs, le prince drs poètes. Cette phrase est tirée sans
doute du latin, mais apparemment du latin mal entendu.
Princeps oratorum, poëtarum ne signifie pas dans la
langue latine le prince, mais le premier des orateurs des
poêles. Il est mal de confondre ces deux significations.
Chose qui démontre encore l'impropriété de cette ex-
pression, c'est qu'on ne dirait pas de l'Académie fran-
çaise qu'elle est la princesse des académies, pour dire
qu'elle tient le premier rang parmi les académies de
l'Europe.
Autre surprise de Bouhours, c'est qu'on donne de la
royauté à tout le monde, et qu'on dise c'est le ray
'des hommes, vous êtes le roy des hommes, la lumière
est la reine des couleurs. Parce que l'usage permet de
dire que le lyon est le roy des animaux, et que la rose
est la reine des fleurs, il ne s'ensuit pas que tout ce qui
excelle en son genre doive s'appeler roy ou reine.
Dans l'avant-propos du Socrate chrétien, Balzac dit
imjiatient du joug; le mol impatient n'est-il pas de
ceux qui n'ont point de suite, et qui vont tout seuls'!*
Un auteur a dit les cordes humaines pour signifier
les liens de la société. Bouhours estime que c'est une
très-mauvaise expression; car, selon le cardinal du Per-
ron, les métaphores ne doivent jamais descendre du
genre ii l'espèce. On peut bien dire la flilmc d'amour,
mais non le ti.wn, le fallût, la mèche d'amour.
Ce ne sont pas là les seules phrases qui aient arrêté
Bouhours; mais il a bien d'autres difficultés à propo-
ser sur la syntaxe. Comme la liaison du discours est ce
qu'il y a de plus essentiel dans la langue, les doutes
qui regardent cette liaison sont plus importants et plus
dignes en quelque sorte du jugement de l'Académie.
III.
DOCTES SDR LA COXSTRDCTioN.
Puisque la syntaxe, que nous appelons construction
dans notre langue, embrasse les genres et les cas des
noms, le régime et les inflexions des verbes, les usages
différents des articles, de la préposition et des adverbes,
Bouhours va constater ses doutes sur tous ces points.
11 commence par les genres, et il demande si insulte
est masculin ou féminin, car il y a des exemples de
l'un et de l'autre genre.
11 y a des écrivains qui mettent après personne un
pronom relatif féminin comme lui; d'autres, qui en
mettent un masculin. Certes, le masculin est plus élé-
gant, mais le féminin est plus régulier.
M. Coslar a donné à consentir une signification pas-
sive, ainsi il a dit une vérité consentie. Avait-il raison?
Plusieurs auteurs mettent le verbe au singulier
quand le sujet se compose de deux substantifs unis par
et, puis font accorder l'adjectif avec le dernier comme
dans cette phrase : C'est ïin sentiment et une veuë qui
n'est pas moins forte. Vaugelas veut que, dans ce cas,
on mette le verbe et l'adjectif qui le suit au pluriel.
Quelle est la meilleure manière d'écrire ?
Voici des phrases mal construites trouvées dans les
meilleurs écrivains du temps (1674) :
Us étaient contraints de demander leur vie, quelque
peine et quelque honte qu'ils en eussent. Il faut qu'ils y
eussent ; en ne se peut joindre avec peine, parce qu'on
ne dit pas avoir peine de demander, mais bien avoir
poine à demander.
Ils ne sçaiir oient le faire, s'ils ne se connaissent eux-
viêmes et les autres. Le verbe connaissent régit bien
eux-mêmes, mais non 'pdi& les autres . Il eût fallu, d'après
Bouhours, répéter connaissent , et dire s'ils ne se con-
naissent eux-mêmes et ne connaissent les autres.
Il ne pensa plus qu'à reconnaître la volonté deDieu,
et ce qui luy serait plus agréable et plus parfait. Ici
serait ne se rapporte pas à plus parfait comme à plus
agréable; c'est une mauvaise construction.
Annoncez- partout que vostre roy vous vient l'oir, et
vous témoigner sa douceur. La régularité exigerait que
vous fût placé après voir, et qu'on dît vient vous voir et
vous témoigner .m douceur.
Ils n'ont plus ni affection ni créance pour elles. Cepour
elles se rapporte bien à affection, car on dit avoir de
l'affection pour quelqu'un; mais il ne se rapporte pas
bien à créance j)arce qu'on dit avoir créance en une
personne.
[La suite au prochain numéro.)
Le Rédàcteor-Gékant : Ema« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
95
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Cours supérieur de grammaire française, ou Syn-
taxe raisonnée rédigée conformément au programme
Officiel du cours supérieur des écoles de la ville de
Paris; par M. A. Charles, agrégé, et M. E. Ridiez, pro-
fesseur. Partie du maitre. ln-1-2, 291 p. Paris, lib. Gedalge
jeune.
Précis de la guerre franco-allemande ; par le
colonel Henri Fabre-Massias. Ouvrage renfermant 13 cartes
stratégiques. 2/ édition. In-18 Jésus, 372 p. Paris, lib.
Pion et Cie.
Le Rhin. Lettres à un ami; par Victor Hugo. 3 vol.
ln-18 Jésus, 976 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 10 fr. 50.
Mémoires-journaux de Pierre de L'Estoile. Edi-
tion pour la première fois complète, et entièrement
conforme aux originaux , publiée avec de nombreux
documents inédits et un commentaire historique, biogra-
phique et bibliographique, par MM, G. Drunet, A. Cham-
pollion, E. Halphen, Paul Lacroix, Charles Read, Tamizey
de Larroque, et Ed. Tricotel. T. 3. Journal de Henri III,
1587-1589. In-8", 392 p. Paris, lib. des Bibliophiles.
Chaque vol. 15 fr.; sur papier de Hollande, 20 fr.
Les Cinq livres de F. Rabelais, publiés avec des
variantes et un glossaire par P. Chéron et ornés de onze
eaux-fortes par E. Boilvin. Livre II, Pantagruel. In-16,
212 p. et 2 grav. Paris, lib. des Bibliophiles. 10 fr.
La Littérature française au XVIII' siècle; par
Paul Albert, maitre de conférences à l'École normale
supérieure. 2= édition, In-18 Jésus, A82 p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 3 fr. 50.
L'Empereur Titus; par Lucien Double. In-18 Jésus,
266 p. Paris, lib. Sandoz et Fischbacher.
Œuvres d'Edmond et Jules de Goncourt. Germinie
Lacerteux. Petit in-12, 3G3 p. Paris, lib. Lemerre. 6 fr.
Œuvres complètes de La Fontaine. Nouvelle édi-
tion, très-soigneusement revue sur les textes originaux,
avec un travail de critique et d'érudition, aperçus d'his-
toire littéraire, vie de l'auteur, notes et commentaires,
bibliographie, etc., par M. Louis Moland. T. 6. In-S",
xL-48/i p. Paris, lib. Garnier frères, 7 fr. 50 ; sur papier
de Hollande, 15 fr.
Œuvres complètes de Montesquieu, avec les va-
riantes des premières éditions, un choix des meilleurs
commentaires et des notes nouvelles, par Edouard Labou-
layé, de l'Institut, T. 3. De l'esprit des lois. Livres i-x.
In-S", Lxix-395 p. Paris, lib. Garnier frères. 7 fr. 50.
Un mariage sous la Terreur; par Charles Yrtal.
In-18 Jésus, 28! p. Paris, lib. des Bibliophiles. 3 fr.
Œuvres complètes d'H. de Balzac. Edition défini-
tive. XXIV. Correspondance, 1819-1850. Avec portrait et
fac-siraile. In-8'', lxxix-677 p. Paris, lib. Nouvelle. 7 fr. 50.
Les Mystères du nouveau Paris ; par Fortuné Du
Boisgobey. 2 vol. In-18 jésus, 793 p. Paris, lib. Dentu, 6 fr.
Publications antérieures :
LES CONFESSIONS DE FRÉRON (1719-1776), s.\ vie.
SOUVENIRS INTIMES ET .\XECDOTIQUES, SES PE.NSÉES. —
Recueillis et annotés par Ch. Barthélémy. — Paris,
G. Charpentier, libraire-éditeur, 13, rue de Grenelle-
Saint-Germain. — Prix : 3 fr. 50 cent.
LE ROMAN DE LA POUPÉE — Par Louis Dépret —
Paris, G. Decaux, éditeur, 16, rue du Croissant ; — Bru-
xelles, E. Sardou, librairie, ii, galerie du Roi — Prix:
1 franc.
GEORGE WASHINGTON D'.ipnès ses mémoires et s.>l cor-
BEspoND.\NCE. — Histoire de la Nouvelle-France et des Etats-
Unis d'Amérique au xviii' siècle. — Par Alphonse Jou.\ult.
— Paris, librairie flachelle et Cie, 79, boulevard Saint-
Germain. — Prix : 1 fr. 25.
LES HOMMES DE DEMAIN. — Livre pour la jeunesse.
— Par Mme Nelly Lientier. — Chez Bonhoure, éditeur,
AS, rue de Lille. — Prix : 3 fr.
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Musset. — Édition complète en un volume. — Paris,
Charpentier et Cie, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
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au Ministère de rinstruction publique, et Henri de Man-
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de deux portraits. — Jean Bart, Duquay-Trouin, Suffren.
— Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
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et Cie, libraires éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Ger-
main. — Prix : 3 fr. 50.
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DE GUERRE. — Première série. — Par Edouard Goepp,
chef de bureau au Ministère de l'instruction publique.
— 2= édition, ornée de quatre portraits et de trois cartes.
— Klèber, Desaix, Hoche, Marceau, Dau.mesnil. — Paris,
P. Ducroc, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix,
relié : U francs.
MARIE DE COMPIÈGNE, d'après I'Evangile aux fem-
mes. — Publié pour la première fois d'après les quatre
manuscrits connus, avec des notes philologiques et histo-
riques, et une dissertation sur l'origine de ce fabliau. —
Par M. CoNSTANS, professeur agrégé au lycée de Sens. —
Paris, librairie Franck, rue Richelieu. — Prix : 2 fr. 50.
SŒUR PHILOMÈNÉ. — Par Edmond et Jules de Con-
court. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier et Cie,
libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
96
LE COURRIER DE VAUGSLAS.
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Que sais-je? — L'Espoir en l'homme. — Prométhée. —
La Légende d'Urfé. — Sonnets. — Par Gustave Vinot. —
Paria, librairie des Bibliophiles, 338, rue Saint-Honoré.
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— Par Eman Marti.n , professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LA CONQUÊTE DE PLASSANS. — Par Emile Zola. —
Troisième pdition. — Paris, Charpentier et Cie, libraires-
éditeurs, 43, rue de Grenelle-Saint-Germain. — Prix :
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LA JEUNE FILLE; lettres d'un ami. — Un volume
format anglais, imprimé avec luxe par J. Claye, avec
fleurons, lettres ornées de culs-de-lampe. — Paris, P.
Ducroq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix : 3 fr.
50. — Sur papier de Hollande (broché) 5 fr.
LES GRANDS ÉCRIVAINS DE LA FRANCE
LETTRES INÉDITES
DE
MADAME DE SÉVIGNË A MADAME DE GRIGNAN, SA FILLE
Extraites d'un ancien manuscrit, publiées pour la première fois, annotées et précédées d'une Introduction, par
Charles Gapmas, professeur à la Faculté de droit de Dijon.
Deux volumes contenant ensemble 983 pages ; — Prix : 15 francs.
Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L'Académie française propose pour sujet du prix de poésie à décerner en 1877 : André Chénier. — Les manuscrits
devront être déposés ou adressés francs de port, au secrétariat de l'Institut avant le 31 décembre 1876, terme de
rigueur. Ils devront porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce
billet contiendra le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au
Concours ne seront pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Le dix-septième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 aoiU sera clos le i" décembre 1876. — Douze médailles,
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carran.ce,
Président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — A/franchir.
La Société des études historiques a, pour l'année 1877, mis au concours pour le prix Raymond la question
suivante : Historique des institutions de prévoyance dans les divers pays, et spécialement en France. — Elle vieijt
de décider qu'en 1878 un prix de 1,000 fr. sera accordé à l'auteur du meilleur mémoire sur l'histoire du portrait
en France (peinture et sculpture).
Le Tournoi poétique, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (4"= année). — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien. — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements ,
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Montauban — Sujets proposés : « Poésies diverses. » — Prix
médailles d'or et d'argent de 200 fr. à 50 fr. — Clôture du Concours le 1" février 1877.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTIiANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Etrangers
qui lui font l'honneur de venir le consulter r—l" des professeurs de français; — 2» des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française ; — 3° des maisons d'éducation prenant un soin
particulier de l'étude du français ; — ti" des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se
parle un très-bon français ; — 5» des agences qui se chargent de procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Eman .Martin, Rêilaclcur du GorniiiEii ue Vaugklas, est visible à son bureau de trois à cim/ heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, Q. DAUPELEY à Nogent-le-Rotrou.
7« Année
N» 13.
1" Décembre 1876.
QU'ESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^'
A\W Journal Semi-Uemuel <!/ / À
-^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "<> 1
Paraliiant la l* at la IS da ehaqna mois
(Vam sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. — 1
Annonces : Ouvrages, lot exem-
plaire; Concours liltéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
AN'CIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'AcavIémie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la mi'nie
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
AVIS.
A partir du {" janvier prochain, le Rédacteur du
Courrier de Vacgelas fera présenter sa quittance, avec
une augmentation de 73 centimes pour frais de recou-
vrement, à ceux d'entre ses abonnés de province qui,
à cette époque, ne lui auront pas encore envoyé le mon-
tant de leur souscription à la V année.
SO.MMAIRE.
Communications sur Amulette et sur Cartable; — Origine de
Vteux comme Uérodt: — Lequel vaut le mieux de Mièvrerie
ou de Mierretë; — Explication de Battre à plates coutures. ]|
Origine de l'expression négative Par-dessus l'épaule; —
Signification littérale de Cheval fondu ; — L'expression Se
donner le baiser Lamourette. || Passe-temps grammatical. ||
Suite de la biographie de Dominique Bouhours. || Ouvrages
de grammaire et de littérature. Il Concours littéraires. || Rensei-
gnements à l'usage des professeurs français.
FRANCE
COM.MUNICATIONS.
I.
Voici une lettre relative au genre d'amulelte, subs-
tantif que j'ai employé au féminin dans le numéro
9 de ce journal :
Paris, le lî octobre 1876.
Monsieur le Rétlactei:r,
Dans le dernier numéro du Courrier de Vaugelas, p. 68,
je lis : t Cette pr(''tendue amulette ». Est-ce avec intention
et d'après une raison que j'ignore que vous écrivez ce mot
au féminin quand tous les dictionnaires l'indiquent au
masculin? Il est, jusqu'à présent, dans la langue française
le seul mot purement latin qui s'écrive au masculin avec
une terminaison féminine, car le mot squelette est grec
(ox£).ETci;, desséché). Aussi serait-il plus logique d'écrire ce
mot avec un seul ( ; amulète, forme qui se coi. formerait
directement au latin amulelum, et qui prendrait place dans
les noms à terminaison masculine, comme les suivants
athlète, anachorète, prophète, interprèle, ascète.
Veuillez agréer. Monsieur le Rédacteur, l'assurance de
ma considération la plus distinguée.
P. Hecqcet-Boucrand,
52, rue NoUet, aux Datignolles.
A mon avis, faire amulette du féminin, c'est non-
seulement ne pas commettre une faute, mais encore
lui donner le seul genre qu'il puisse avoir en français.
Ce n'est pas comynettre une faute. — Tous les diction-
naires ne font pas amulette du masculin ; celui de Bes-
cherelle, celui de Napoléon Landais, celui de Xoël et
Carpentier, celui de Pierre Larousse et celui de Noël et
Ghapsal le d.onnent comme étant du féminin.
L'Encyclopédie du XIX^ siècle lui attribue le même
genre, preuve celte phrase que j'y ai rencontrée :
La Mishna défend aux Juifs les amulettes, à moins qu'e//es
ne viennent d'un homme qui ait déjà guéri trois personnes
par leur moyen.
On le trouve aussi employé au féminin dans YEncy-
clopédie des Gens du monde :
Une amulette irès-reclierckée fut entre autres la pierre
alectorienne, qui se formait, dit-on, dans l'estomac des
poules.
Plus dun écrivain autorisé a également rangé ce nom
dans le genre féminin, ce que montrent ces exemples :
Comme ils ont de ces amulettes en papier. Ils en ont
aussi de gravées sur des pierres.
(Chardin.)
La mu5e ne se réveilla plus qu'un moment, animée d'une
vie d'emprunt, se jouant avec des amulettes enchantées.
(Ch. Xodier.)
Cependant le geste du capitaine avait mis à découvert
l'amulette mystérieuse qu'elle portait au cou.
(Victor Hugo.l
Au moyen âge, on lui attribuait [au diamant! les vertus
préservatrices d'une amulette de premier ordre.
(Ch. Rozan, A travers les mots, p. 24i-)
Si l'on en croit une piquante anecdote publiée par le
Correspondant au mois d'avril dernier, il n'est pas
jusqu'à des membres de l'Académie française « travail-
lant au Dictionnaire » qui n'aient incliné ou n'inclinent
encore fortement à voir un nom féminin dans amulette.
Or, en présence de tels faits, je suis persuadé
qu'écrire « cette prétendue amulette » n'est pas com-
mettre une faute.
98
LE COURRIER DE VAUGELAS
C'est lui donner le seul genre qu'il puisse avoir en
français. — En effet, est-il de règle que tout nom
masculin ou neutre désignant en latin une chose qui
n'a pas de sexe, comme teinplum, par exemple, ne
puisse passer en français qu'à la condition d'y prendre
le genre masculin?
Nullement; car les noms latins qui suivent, tant
neutres que masculins, sont du genre féminin dans
notre langue, fait qui lient uniquement à ce qu'ils y
ont reçu une terminaison féminine :
Alnetum (n) a donné Aunaie
Sagum (0) — Saie
Sancialium (n) — Sandale
Salinum (n) — Salière
Alveus(m) — Auge <
Uter (m) — Outre
Horologium (n) — Horloge
Cornu (n) — Corne
Stabulum (n) — Etable
Cymbalum (n) — Cymbale
Insubulum (n) — Ensouple
Armarium (n) — Armoire.
Par conséquent, quoique amuletum soit neutre en
latin, son dérivé amulette n'en doit pas moins appar-
tenir au genre féminin en français, attendu qu'à une
seule exception près (celle de squelette]., tous les noms
à la finale ette y sont rangés sous ce genre.
J'espère que cette réponse donnera satisfaction à
M. Hecquet-Boucrand ainsi qu'à M. Lejosne, un autre
abonné qui a pensé que c'était par mégarde que j'avais
mis le mot en question au féminin.
II.
La communication suivante concerne le mot cartable
que, dans mon numéro du \" septembre dernier, je dé-
clarais ne pas connaître :
Marseille, le 24 octobre 1876.
Monsieur,
Je vous remercie de l'empressement que vous avez mis
à m'adresser les deux numéros qui me manquaient de
votre intéressant journal.
Dans l'un de ces numéros (1" septembre 1876, que je
n'avais pas reçu), vous répondez que le mot cartable n'ap-
partient pas encore à la langue française.
En effet, ce mot est provençal; mais on peut dire que,
dans notre midi, il s'est francisé, et, dans mon enfance,
je l'ai entendu prononcer par bien des instituteurs et ins-
titutrices. Aujourd'hui, il tend un peu à disparaître parce
que l'objet lui-même s'est modifié.
Le cartable (qui n'est autre que le carton-portefeuille
renfermant une collection de gravures) sert, ou plutôt
servait â renfermer les livres et cahiers de l'élève externe
des petits pensionnats et surtout des Frères de l'Ecole
chrétienne. Aujourd'hui, le cartable a été remplacé par une
espèce de g'beciôre.
Voici quelques indications que j'ai trouvées sur ce mot :
• Carlablo. s. m. Portefeuille. C'est celui dont se servent
les dessinateurs pour y mettre leurs dessins, et les écoliers
pour y tenir leurs cahiers d'écriture. »
( Dicl. prov.-franç. par Avril.)
( Cartable. Grand portefeuille propre à renfermer des
gravures, des dessins.
i Etym. De Charta, papier, et de la terminaison abte;
propre ù renfermer des papiers. >
{DlcU prov. pu Honnortt.)
t Cartable. Un portefeuille de poche ou de cabinet. •
(Dict. du Vieux langage ^SlT Lacombe, t. II.)
« Cartable, s. m. (v. lang.). Registre.
{Compl. du Dict. de l'Acad. ^t^r Barré.)
Recevez, Monsieur, avec mes remerciements, mes très-
respectueuses salutations.
J. Arnaud.
Quoique le mot dont il s'agit ait perdu ou soit en
train de perdre une de ses acceptions, je crois qu'il n'en
sera pas moins mentionné dans le Supplément du
dictionnaire de Littré qui se trouve, me dit-on, actuel-
lement sous presse.
X
Première Question.
Pourriez-vous me donner l'origine et l'explication de
cette locution Vieux co.mme Hérode?
Cette comparaison, qui se dit des personnes et des
choses comme superlatif de l'adjectif vieux, a été
expliquée ainsi qu'il suit par La Mésangère :
Vieux comme Hérode. Peut-être, par corruption, pour
Hérodote, et par allusion à radote pour Hérodote; cet histo-
rien, trop ami du merveilleux, ayant été fort décrié.
Rien n'empêche d'admettre vieux comme Hérode dans le
sens naturel. On dit connu comme Barrabas, traître comme
Judas, rcntoijer de Calphe à Pilate, etc.
La première explication n'est pas admissible ; car
Hérodote étant beaucoup plus propre qn Hérode à faire
allusion à radote, pourquoi en aurait-on retranché la
partie ote, celle justemenlqui pourrait le mieux marquer
celte allusion?
Quant à la seconde, si elle semble plus naturelle,
parce qu'on peut croire, en effet, qu'il s'agit ici d'Hérode
le Grand qui, par rapport à ses descendants, était
appelé le vieil Hérode, je ne puis pas plus l'accueillir
que la première, et cela, pour les raisons que voici ;
{" Quand, au moyen d'une comparaison biblique, on
veut signifier que quelqu'un est très-àgé, on se sert
du nom de Malhusalem comme le populaire de nos
jours (qui prononce Mathieu salé) . Ce personnage, qui a
vécu 963 ans , est bien autrement propre à donner
l'idée d'un grand âge que le vieil Hérode, qui n'en
a pas vécu plus de 75.
2» Pour exprimer le sens de très-vieux, les Italiens
empruntent aux livres saints des termes d'une propriété
incontestable : ils disent vecchio come l'alleluia (vieux
comme l'alleluia) , antico come Adamo (vieux comme
Adam). Pourquoi, puisant à la même source, n'aurions-
nous pas fait un choix aussi irréprochable que le leur?
3" En Espagne, on dit proverbialement Andar de Hero-
des a Pilatos (aller de mal en pis), ce qui est un bon
emploi du mot Hérode. Pour quelle raison en eût-on
fait en France un usage bien moins rationnel?
4° Enfin, notre langue ayant pris naissance au
milieu de populations qui étaient chrétiennes depuis
longtemps, toutes les comparaisons qu'elle a empruntées
à l'Ancien et au Nouveau Testament ont dii exister
avant le xvk siècle. Or, si vieux comme Hérode vient
de l'Évangile, comment se fait-il qu'il ne se trouve
LE COURRIER DE VAUGELAS.
99
ni dans Moisant de Brieux, qui mourut en 1C74, ni
dans le Cotgrave de 1632, ni dans les Curiositez
d'Antoine Oudin, publiées en 1656, et qu'il apparaisse
seulement pour la première fois "dans le Furetière
de 1690?
Je ne vois jusqu'ici qu'une manière de rendre compte
de l'expression dont il s'agit; c'est la suivante :
Tous les dictionnaires qui ne mentionnent point
vieux comme Bérode, aussi bien que ceux qui le men-
tionnent, donnent les expressions « vieux comme les
rues, vieux comme les chemins , lesquelles sont, pour
le sens, équivalentes à ce proverbe. Or, chemin se dit
road (pron. rôde) dans l'idiome de nos voisins d'oulre-
Manche, dont les ancêtres ont jadis guerroyé pendant
cent ans sur le soi de la France. Ne serait-il donc pas
possible que road fût resté comme synonyme de chemin
dans une de nos provinces les plus longtemps occupées
par les Anglais; que « vieux comme /m rodes » s'y fût
dit pour vieux comme les chemins, et que cette expres-
sion, non comprise plus lard, eut été traduite par vieux
comme Hérode? Dans notre langue, on rencontre sou vent
des corruptions beaucoup plus surprenantes que ne
serait celle-là.
Je suis bien loin, certes, d'être en mesure de pouvoir
démontrer par des textes que celte explication est la
bonne; mais, quoi qu'il en soit, vous m'accorderez au
moins qu'on ne peut lui refuser la vraisemblance, et
qu'elle est à l'abri des reproches fondés que j'adresse
plus haut à celles de La Mésangère.
X
Seconde Question.
Dans votre article sur mièvre (numéro 7), vous ne
parlez pas, pour une raison facile à comprendre, du
mot MiÈvHETÉ. Cependant ce mot existe comme mièvbebie.
Voudriez-vous bien me dire si ce dernier est plus
français que mièvbeté?
Des deux dérivés de mièvre, c'est mièvreté f\\x\ semble
avoir été fait le premier; du moins, je le trouve seul
dans la première édition de l'Académie (16951.
Tout le xviii' siècle s'est servi de mièvreté, comme le
montrent ces exemples :
Oui, mièvreté d'un fils lassé d'être en tutelle.
{D&ncourt, Mad. Artus, \, 4.)
11 faut que je vous dise qu'un de ces infortunés jeunes
gen?, qui méritait d'être six mois à Saint-Lazare, et qui
a été condamné au plus norntjle supplice pour une
mièvreté, etc.
(Voltaire. Lillre du 3 5 mai 1767.1
Si c'est une mièvreté des ministres [anglais] pour mettre
la nation en joie, c'est une bien pauvre ressource.
(Llnguet, dans Noël et Carpcntier.)
Mais, peu à peu, il s'est remplacé par mièvrerie, qui
se dit presque exclusivement aujourd'hui; et il s'agit
de savoir si l'on peut justifier cette préférence de
l'usage.
Je dis qu'elle peut parfaitement l'être, et voici de
quelle manière :
Ceux de nos substantifs abstraits iformés d'adjectifs)
qui ont la terminaison té viennent de substantifs latins
en itas fvérité, veritas; sonorité, sonoritas; pureté,
puritos; dureté, durilas, etc.), et ceux qui ont la termi-
naison erie viennent d'adjectifs français bégueulerie,
bégueule; bizarrerie, bizarre ; niaiserie, niais, etc.).
Or, mièvreté n'étant pas tiré d'un substantif latin à
la finale itas, il s'ensuit naturellement qu'il est moins
bon que mièvrerie, formé, lui, d'un adjectif français :
celui-ci est dans l'analogie, celui-là n'y est pas.
X
Troisième QuesUon.
Auriez-vous l'obligeance de me donner dans le
prochain numéro de votre estimable journal l'expli-
cation de BATTEE i PLATES CODTDBES ?
Cette expression signifie littéralement battre au point
d'aplatir les coutures des vêtements portés par celui
qu'on frappe, et, au figuré, défaire complètement, en
parlant d'une armée.
Dans celte expression , on écrit généralement co?//Mre
au singulier; mais il me semble qu'il est plus logique
de l'y mettre au pluriel, comme vous le faites.
ÉTRANGER
Première Question.
Je vous serais bien oblige de me dire doit vient
l'expression par-desscs l'épacle, qui, ajoutée à un
verbe ou à un adjectif, lui donne un sens tout contraire
à celui qu'il a quand il est seul, comme par exemple,
lorsqu'on dit : « A-t-il été à Londres? — Ah.' oui,
PAB-DEsscs l'épacle il n'y a pas été;. »
A ma connaissance, il a été donné jusqu'ici deux
explications de celle singulière expression négative.
D'après Pasquier, elle viendrait du jeu de cartes
appelé le flux. Une fois, raconte l'auteur des Recherches
sur la France, il arriva qu'un certain joueur dit
par plaisanterie qu'il avait deux atouts dans son jeu
au flux, l'as est la carte la plus forte ; et, quand il les
eut abattus, on s'aperçut que c'étaient des valets,
personnages qui portent, comme on sait, une unité sur
l'épaule. La compagnie se mit alors à rire, et notre
homme répondit qu'il avait bien, en effet, deux as,
ma'\sq[jec'é[aki]ldes3iS par-dessus: l'épaule : d'où l'em-
ploi de ces termes pour faire signifier à une phrase le
contraire de ce qu'elle exprime sans eux.
Selon Sébastian Roulliard [Gijmnopodes, p. 130,
Paris, 1623), cette expression nous serait venue comme
on va le voir :
Nous apprenons de la loy Salique, selon la rédaction qui
en futfaicte sur le. modellede l'ancienne, par le Roy Char-
lemagne : quec'estoit une ob^ervance usitée entre les vieux
François, Saliens, ou Sicambriens : que quand quelqu'un
d'entre eux vouloit faire faillite, c'est à dire abandonne-
ment ou cession de biens : il avo:t accoustumé de se
mettre tout nud en chemise : puis alloit ramasser de sa
main la poulsiere qui estoit es quatre coings de sa maison :
s'en venoit ainsi en chemise sur le sueil de sa porte,
jectoil ceste poulsiere pardessus son espaule : cela faict ;
prenoit un baston blanc en son poing, préparé à cetefTect
400
LE COURRIER DE VAUGELAS.
prés sa porte ; à lors faisoit une grande esjambèe ou tres-
sault pardessus une liaye proche de là : puis tiroit che-
min sans regarder derrière : et sans plus revenir.
De là, sans doute, est venu le proverbe ironique d'un
homme riche pardessus l'espaule : et qui sort d'une maison
1471 bastoH blanc au poing. Secret Je l'antiquité Françoise,
qui n'ha esté sçeu par l'Autheur des Recherches : ny des-
couvert par la Recherche des Recherches.
Je trouve que ce dernier a raison de rejeter l'explica-
tion de Pasquier ; car il est bien diFficile d'admettre
qu'un fait unique s'éLant passé dans une société privée
ait pu donner lieu à un p'roverbe, surtout à une époque
où il n'exisFait aucun papier public qui pût le répandre.
Mais RouUiard lui-même est-il dans le vrai'? J'en doule
fort, car il me semble que, d'après celle antique loi des
faillis, l'expression jyar-dessus l'épaule n'aurait dû
s'employer qu'avec riche (le failli était un riche par-
dessus l'épaule), tandis que cette locution accompagne
principalement un verbe : je l'ai fait par-dessus
l'épaule ; il t'a écrit par- dessus l'épaule., etc.
A mon sens, voici quelle serait la véritable origine
du proverbe dont il s'agit :
Sous Louis XI, en 1460, les Suisses, armés de halle-
bardes, prirent du service dans l'armée française.
Ces troupes mercenaires ne portaient généralement
pasla hallebarde sur l'épaule [par dessus l'espaule., comme
on disait en ce temps-là\ ce qui est démontré par le
passage suivant de May de Romainmolier {llist. milit.
de la Suisse, tome IV, p. 40) :
Quant au soldat, il portait la hallebarbe en parade ou
en marchant à l'ennemi, perpendiculairement dans le bras
droit; et, en marche, il portait la hallebarde sur l'épaule
droite comme la pique, mais plus haut.
Or^ ce fut l'objet d'une remarque, et l'on dit naturelle-
ment de quebju'un qui n'avait pas fait une chose qu'il
devait faire, qui ne possédait pas une chose qu'il aurait
dû posséder, qu'il l'avait faite, qu'il l'avait aussi réelle-
ment que les Suisses portaient la hallebarde par-dessus
l'épaule, ce dont voici une double preuve :
Vous en avez fait tout plein; mais c'est cowme les Suisses
portent la hallebarde, par dessus l'cpaule.
(Coméd. des Prov., acte I, se. 6.)
On dit proverbialement d'une chose fausse, qu'elle est
vraye comme les suisses portent la halebarde par dessus
l'épaule.
(Furetière, Die!. 1^27)
Puis, faisant ellipse de la première partie de celle
comparaison trop longue pour se maintenir entière, on
n'en conserva que par-dessus l'épaule, qui a continué
à s'employer seul dans un sens négatif :
Tel pouvons-nous estimer ce commun propos, quand
nous disons un homme estre rîche ou vertueux par
dessus l'espaule, nous mocquans de luy, \oulans signifier
n'y avoir pas grands traicts de vertu ou richesse en luy.
(Pasquier, lieckf^jchcs, iiv, \\\l, ch. 47.)
Cléandbe.
Ton aveu me console.
Tu dis que j'ai bien fait?
PlIU.Il'I'IÏ».
Oui, par-dessus l'épaule.
((Juinault, l'Am. indite., acte IV, «c. 4.;
Il y a des personnes (j'en ai entendu) qui croient
devoir ajouter le mot r/avche à l'expression proverbiale
en question. Je vous ferai remarquer que c'est une faute,
l'expression étant basée, non sur ce que les Suisses
portaient la hallebarde sur l'épaule droite, mais
bien sur ce qu'ils ne la portaient ordinairement sur
aucune épaule. _
X
Seconde Question.
Je vous prierais de vouloir bien me d'ire 1° Quel est
le sens du mot roym dans cee\âl ToyDvJeud'enfants, et
2° quelle est exactement l'espèce de jeu que ces mots
désignent ?
Mathurin Cordier, célèbre professeur du xvi" siècle^
à qui l'on doit un grand nombre d'ouvrages destinés en
majeure partie à l'instruction des jeunes gens, en a
composé un entre autres sous le titre de De corrupti
sennonis emendatione libellus, où l'on trouve ce qui
suit (chap. XXXYIIl, noie 24) :
Ludamus equo depresso — (Jouons au cheval fondu).
Or, depresso est le participe passé du verbe latin
deprimcre, qui signifie, au propre, abaisser, et au
figuré, abattre.
D'où il suit que fondu weul dire littéralement a6a«5e,
abattu, affaissé, ce qui est bien, en effet, le sens
qu'avait autrefois ce mot, appliqué au cheval, comme le
montrent ces exemples du dictionnaire de Lillré :
Et ils estoient si foibles et si fondus et si affamés [leurs
chevaux] qu'à peine pouvoient ils aller avant.
(Froissart, 1, I. p. 44 )
Quant il sentit son cheval fondre, il se tourna si appoint
qu'il demoura en estant sur ses pieds.
(Percelorest^tome 1, fol. Qi.)
Relativement à la signiflcation de cheval fondu, les
lexicographes et les commenlaleurs que j'ai consultés
ne sont pas d'accord; il règne parmi eux trois opinions
différentes :
Pour Esmangart et Eloi Johanneau [Œuvres de
Babelais, liv. I, p. 430), celle expression désigne un
jeu où un enfant se baisse et reçoit sur son dos un
camarade qui se fait ainsi porter.
D'après Dominguez (dont le sentiment me semble par-
tagé par M. Littré), la même expression s'applique à un
jeu où un enfant se tient courbé, les mains posées
sur les genoux, tandis qu'un autre lui saule par-dessus
le dos.
Enfin, la troisième définition est celle d'un jeu où
plusieurs enfants courbés sont placés à la suite l'un de
l'autre, le premier appuyé sur un mur ou sur un banc,
pendant que leurs camarades, en nombre égal, pren-
nent leur élan et sautent, aussi loin que possible, sur
cette espèce de cheval à longue échine.
-Mais, comme nos écoliers ne donnent le nom de
chrval fondu qu'à ce dernier jeu, j'lmi lire la conclusion
que c'est à celui-l;i seul que doit s'a|>pli(iuer l'expression
qui l'ait l'objet do cet article.
X
LE COURRIER DE VAUGELAS.
I0<
Troisième QueslioQ.
Quelle est, je mus prie, la Mgnificalion de la phrase
SE DONNER LE BAISEIl LiMOlRETTE?
Cette expression, qui se dit généralement des hom-
mes politiques, signifie se réconcilier dans an moment
où ir y a les plus grandes chances pour que l'accord
survenu ne soit pas de longue durée. _
Pour l'origine de baiser Lamottrette, voyez le Cour-
rier de Vawjelas \V' année, n" ^ , p. 3).
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
r... voir le mari sans qu'il fût ivre et la femme sans qu'elle
grommelât; — 2°... a empêché que . des scènes de désordre
n'enssent lieu; — 3*... d'une poésie a/fc'lée et recherchée (Voir
Courrier de Vmigelas d,e celle année, p. 50, sur l'emploi de
mièere); — 4'... cache xyne prussianisationréeWt (le \nolprusii-
ficalion ne peut pas (Hre français); — 5°... c'est-à-dire par
chaque groupe de quaire com|iagnies; — 6°... ne s'est pas
laissé inlimider (la maji'sié ninliiniJail pas); — 7°... non-
seulement l'Autriche s'emparera ; — 8'... qu'il m'avait été donné
àe fumer à. K\%eT (oït déguste seulement les liqieurs); — 9'..,
dont la vendange (on ne dit pas là cueillette de la vigne); —
10'... de demandes de parole; — U°... 11 vaut mieux dire.
Phrases à, corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1* La jeune fille, qui a dix-liuit ans, mais qui n'en paraît
qu e douze, s'est levte en criant : je suis guérie.
2' Il est aussi une autre espèce de bohémiens non moins
charmants, non moins poétique.'^; c'est une jeunesse folle
qui vit de son intelligence, un peu au hasard et au jour
le jour.
3° Ici, la description de ces êtres étranges, fiers, fauves,
bâillonnés, pittoresques, tels que Gautier les a reDContrés
en Espagne et ailleurs.
4° Avez-vous jamais vu les véritables bohémiens? —
Nous en avons vu par douzaine, et nous pouvons vous
assurer qu'ils ne ressemblent guère aux vôtres.
5° La longueur totale de ces deux promenades, qui n'en
forment en réalité qu'une seule, n'est pas moindre de
quinze cents métrés.
6" En raison même de l'opposition systématique faite
par un parti hostile à toute entente cordiale, peu s'en
fallut qu'un avoriement regrettable vînt couronner d'aussi
louables efforts.
7* Madame Dangeville échangea un regard plein de
malice avec Berold, et s'adressant à son mari, elle lui
demanda : — Je voudrais bien savoir d'où vous venez,
monsieur?
S' C'est merveilleux, approuve-t-il, et je suis sincère-
ment étonné de la façon intelligente dont vous m'avez
répondu.
9" Étant donné, ècrit-il, vingt candidats qui réunissaient
au premier tour de scrutin 149,805 voix, et vingt candidats
qui n'en avaient obtenu que 65,077, devinez lesquels ont
été nommés.
tO- S'ils y avaient songé, sans doute ils auraient adouci
leur langage et montré plus de respect pour les institu-
tions qui nous régissent. S'ils ne l'ont pas fait c'est ([u'ils
sont aveugles; et, en effet, ils sont aveugles, et leur cécité
est incurable.
(/.es corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Dominique BOUHOURS.
(Sîtite.)
.Mais d'où vient que les Remarques sur la langue
française sont négligées de la sorte? Serait-il bien
possible que Dupleix l'eût emporté peu à peu sur
Vaugelas? .\ la vérité, quelques mois et quelques
phrases des Remarques ont changé avec le temps; mais
Bouhours ne savait pas que les règles qui regardent la
construction pussent jamais être altérées ; il les croyait
invariables, éternelles. Quand donc la Liberté de la
lonr/ue française (l'ouvrage critique de Dupleix) est-
elle devenue la règle du langage des courtisans et
du style des bons auteurs?
Il ne faut pas confondre les adverbes qui n'ont point
de régime avec ceux qui en ont ; par exemple, il ne
faut pas mettre un nom ou un verbe après awparrtya»*;
car le véritable usage de ce mot, dit Vaugelas, c'est de
s'employer comme adverbe et non comme préposition.
Auparavant que pour devant que, ou avant que n'est
pas « aussi » du bel usage ; les bons écrivains ne
disent jamais auparavant que vous soyez venu.
Il en est de même de cependant; car, pour bien
parler, on ne doit jamais dire cependant que.
Alentour est essentiellement un adverbe, et autour
est une préposition. Il faut dire la Reine avait ses
fillfs autour d'elle, et non alentour d'elle. Cependant, il
y a une foule d'auleurs fort modernes qui ne tiennent
pas compte de cette règle de .Ménage.
Peut-on joindre la particule si avec l'adverbe extrê-
mement, et dire, par exemple, il en fut si extrêmement
touché que, etc.? Il semble à Bouhours qu'extrêmement
tient lieu de très et marque le superlatif; mais comme
on ne dit pas si très, il doute qu'on puisse dire si
extrêmement.
11 n'appartient qu'à la langue italienne de relever
ses superlatifs par des adverbes, des prépositions et des
particules; on n'y voit rien de plus commun que »«o//»
richissima, molto bellissima, etc.
Nous sommes en cela beaucoup plus modestes que
les Italiens et que les Latins. Comme notre langue n'a
point pris ses superlatifs du latin, qu'elle n'en a'
point d'autre que (jeneralissime, qui est tout français,
et que le cardinal de Richelieu a fait de son autorité
absolue, allant commander les armées de France en
Italie (si nous en croyons M de Balzac), elle ne peut
soulfrir parfaitement ou infiniment avec ires-humble,
comme l'écrivent beaucoup de gens quand ils finissent
une lettre : ce parfaitement, équivalant à très, est ici
inutile.
Un traducteur donne un régime à lors, et dit lors de
ce tumulte; Vaugelas dit que celle expression n'est
guère bonne, ou du moins peu élégante. Qu'en est-il?
\Q2
LE COURRIER DE VAtlGELAS.
On dit toujours le onzième (1674), quoique Vaugelas
tienne pour l'onzième.
Le verbe commencer veut après lui la préposition à,
dit Vaugelas, et il faut dire 11 commence à se Mieux
porter, et non il commence de se mieux porter. Cepen-
dant, beaucoup d'écrivains emploient de après com-
mencer. Est-ce que l'usage a changé depuis quelque
temps, ou n'est-ce point une entreprise sur l'usage?
Le même Vaugelas dit que ce serait mal parler que
de dire // a esté blessé d'un coup de flfche qui estoit
empoisonnée; l'auteur de YHistoire du Vieux et du
Nouveau Testament et d'autres avec lui n'ont point
égard à celle règle. Qui a raison? -
. L'auteur de la Perpétuité de la foi ûM.lls ne demeu-
rèrent jamais courts, malgré la Remarque qui veut que
court et fort restent invariables dans ces phrases où
parle une femme : je me fais fort de cela, je suis
demeurée court.
L'auteur des Remarques veut que quelque devant un
adjectif seul reste invariable : quelque riches qu'ils
soient, tandis qu'on trouve dans d'autres auteurs
quelques infâmes, ou quelques atroces quils soient,
quelques imprudents qu'ils fussent, pour combattre la
remarque qui ne leur plaît pas.
Vaugelas recommande de mettre de devant un adjectif
et f/es devant un substantif: il y a d'excellens hommes,
ce. pays porte des hommes excellens, et il ajoute que
c'est une règle essentielle dans notre langue.
Plusieurs niellent toujours des devant un adjectif, et
l'on voit bien que c'est « de gajeté de cœur ».
D'après Vaugelas, il faut dire sasseiant, et non s'as-
séant, parce que ce temps est formé de la première
personne plurielle de l'indicatif, qui est asseions, et non
asséons. Le traducteur de saint Chrysoslome en juge
autrement, et dit s'asséant sur un asne.
Vaugelas veut encore qu'on dise aoant que de mou-
rir, et non avant que mourir, ou avant de mourir. Le
même traducteur de saint Chrysostome ne juge nulle-
ment à propos de parler de celle façon.
Cette phrase vjstre cellule vous sera ennuyeuse, si vous
aimez, d'en sortir ne devrait-elle pas être corrigée
ainsi : si vous aimez à en sortir? Bouhours pense qu'on
dit aimer à sortir, à partir, etc.
* Dans la phrase suivante, n'a-t-on pas employé de
d'une manière superflue? Qui navoient ni de cupidité
pour les accroislre, ni d'avarice pour en faire des tré-
sors. Douhours serait d'avis qu'on supprimai ce de.
Il fatiguerait Messieurs de l'Académie s'il leur énu-
mérait toutes les constructions qui lui paraissent
suspectes; cependant, il faut encore qu'il leur demande
si c'est parler selon les règles que de dire :
Le renversement de la morale de Jesus-Christ par les
erreurs des Calvinistes. Tous les substantifs n'ont pas
le régime des verbes et des participes; on dit renverser
une chose par une autre, et on dirait Irès-bicn la morale
de Jesus-C.hrist renversée par les erreurs des Calvinistes.
Mais la première i>hrase ne lui parait pas plus régu-
liiïre que la défaite de Coliat par Dwid, construction
qu'il a Irouvce dans un autre écrivain.
Jesus-Christ trouva lors qu'il fut arrivé en Judée,
toute Jérusalem en trouble. Dans celte phrase, le toute
est-il employé selon l'usage? On dit tout Rome dit cela;
tout Venise s'en étonne, en sous-entendant le mot
peuple.
Mais ce qui précède ne suffît pas pour bien parler;
il faut encore chercher avec soin tout ce qui contribue
à la netteté du langage, ce que Bouhours va examiner
maintenant.
IV.
DOUTES SUE LA NETTETÉ DU LAXGAGE.
Les écrivains célèbres n'ont pas beaucoup d'aversion
pour tout ce qui obscurcit le discours, soit que pour se
distinguer, ils négligent les règles communes, soit qu'ils
affectenl un langage mystérieux, tel qu'était celui des
oracles, pour se faire admirer davantage; soit enfin
que les expressions obscures régnent présentement
dans le beau style.
A ce propos, Bouhours cite les phrases suivantes
dont il indique les fautes :
Ayant appris en mesme temps la défaite de ses géné-
raux par les Juifs, il résolut de marcher contre eux.
L'expression porte à croire qu'il apprit par les Juifs
la défaite de ses généraux.
Scipion doit estre en cela leur modelle comme en tout
le reste. Tite-Live a remarqué que quand il alla assiéger
Carthayene etc. Ce il est équivoque, il faudrait répéter
ici le mot Scipion.
Il estoit importa7it que le Concile marquast en parti-
culier combien il condamnoit la profanation que font
ces personnes de leur caractère, qui retombe sur tout le
corps des évesques. Celte période serait certainementplus
clan'e si l'on mettait laquelle retombe sur tout le corps
des évesques au lieu de qui; car alors il serait évident
que laquelle se rapporterait à profanation, et non à
caractère.
Telle fut la fin de cette malheuretise princesse, qui fut
un grand instrument de la justice de Dieu, pour puri-
fier ses serviteurs par ses violences. Ces pronoms pos-
sessifs font obscurité à cause des divers rapports qu'ils
ont dans la même phrase; car, par exemple, ses servi-
teurs se rapporte à Dieu, et ses violences, à cette
malheureu.se princesse.
Il tacha d'inspirer à tous ses soldats la mesme
confiance en Dieu, dont il estoit plein luy-mesme, leur
reprrsentant qu'il estoit lut/ seul le Dieu des armées.
Croit-on que ces ;'/ et ces luy fassent une grande beauté
dans le discours? Si Bouhours se mêlait d'écrire, il
tâcherait de les éviter.
Vaugelas a beau dire qu'il y a des équivoques dont
on ne saurait presque se défendre, Bouhours pense
qu'on a toujours tort d'en faire quand on peut s'en
dispenser; car c'est une mauvaise manière d'excuser
les équivoques que de dire que le sens seul supplée au
défaut des périodes : c'est aux |)aroles à l'aire entendre
le sens, et non au sens à faire entendre les paroles.
[La fin au prochain numéro.)
Le Rkdagtecu-Gbhant : Ema« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
103
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Jacques Dumont; par Médéric Charot. Préface de
George Sand. In-lS jésus, iii-306 p. Paris, lib. Caïman
Lévy. 3 fr. 50 cent.
Contes et nouvelles; par Jules Janin. T. 2. ln-18
Jésus, 323 p. et 1 gr. Paris, lib. des Bibliophiles. 3 fr.
50 cent.
Œuvres d'Alfred de Musset. Contes et nouvelles.
Croisilles. Le Merle blanc. Pierre et Camille. Le Secret
de Javotte. Mimi Pinson. La Mouche. Petit in-12, 359 p.
Paris, lib. Lemerre. 6 fr.
Œuvres de P. J. de Béranger. Nouvelle édition,
contenant les dix chansons publiées en 18/i7, avec le
portrait de l'auteur d'après Charlet. 2 vol. in-18 jésus,
758 p. Paris, lib. Garnier frères. 7 fr.
Œuvres complètes. Le Démon de l'argent; par
Henry Conscience. Nouvelle édition. In-18 jésus, 328 p.
Paris, lib. .Michel Lévy. 1 fr. 25 c.
Les Aventures véridlques de Jean Barchalou;
par Paul Saunière. In-18, 231 p. et 2i grav. Paris, lib.
Th. Lefebvre.
Henriette, fragments du Journal du marquis de
Boisguerny, député, recueillis et publiés par Ernest
Daudet. Ln-18 jésus, 357 p. Paris, lib. Dentu.
Les Cours et les Chancelleries. Impressions et sou-
venirs; par L. Léouzon le Duc. ln-18 jésus, 329 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr. 50.
Le Diable médecin. La Grande dame. Henriette
Dumesnil; par Eugène Sue. Nouvelle édition. ln-18 jésus,
267 p. Paris, lib. Caïman et Lévy. 1 fr. 25.
Esquisses et croquis parisiens, petite chronique
du temps présent ; par Bernadille. ln-18 jésus, /|0/| p.
Paris, lib. Pion et Cie. 3 fr.
La Marquise de Parabère; par la comtesse Dash.
Nouvelle édition. ln-18 jésus, 307 p. Paris, lib. Michel
Lévy frères. 1 fr. 25.
Les Confessions de J. J. Rousseau. Nouvelle
édition, ln-18 jésus, 655 p. Paris, lib. Charpentier et Cie.
3 fr. 50. .
Publications antérieures :
LES FEMMES D'ARTISTES. — Par Alphonse D\LrET.
— Avec une eau-forie de A. Gill. — Paris, Alphonse
Lemerre J éditeur, 27-31, passage Choiseul. — Pri.t : 3 fr.
50 cent.
ŒUVRES CHOISIES DE LUCIEN. — Traduction Belin
DE Ballu. — Nouvelle édition, revue et corrigée par
Emile Pesson.neaux. — Paris, G. Charpentier, libraire-
éditeur, 13, rue de Grenelle-St-Germain. — Prix ; 3 fr.
50 cent.
LES CONFESSIONS DE FRÉRON (1719-1776), sa vie,
SOUVENIRS INTIMES ET ANECDOTIQUES, SES PENSÉES. —
Recueillis et annotés par Ch. (Barthélémy. — Paris,
G. Charpentier, libraire-éditeur, 13, rue de Grenelle-
Saint-Germain. — Prix : 3 fr. 50 cent.
NOUVELLES ANCIENNES. — Par Louis Dépret — -
Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-
Germain. — /i83 pages — Prix : 3 fr. 50 cent.
GEORGE WASHINGTON d'après ses mémoires et sa cor-
bespondance. — Histoire de la Nouvelle-France et des Etats-
Unis d' .Amérique au xviii" siècle. — Par Alphonse Jouault.
— Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-
Germain. — Prix : 1 fr. 25.
LES HOMMES DE DE.MAIN. -
— Par Mme Nelly Lientier. —
Zi8, rue de Lille. — Prix : 3 fr.
- Livre pour la jeunesse.
Chez Bunhoure, éditeur.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — marins. —
Deuxième série. — Par Edouard Gcepp, chef de bureau
au Ministère de l'Instruction publique, et Henri de Man-
NOURY d'Ectot, ancien capitaine au long cours. — Orné
de deux portraits. — Jean Bart, Duocay-Trouin, Suffren.
— Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
— Prix (broché) : !i fr.
HISTOIRES DE TROIS MANIAQUES. — Par P.^ul de
Musset. — Edition complète en un volume. — Paris,
Charpentier et Cie, 13, rue de Grenelle-Saint-Germaln. —
Prix : 3 fr. 50.
OEUVRES DE PHILARÉTE CHASLES. — le moyex-aoe.
— Edition complète en un volume. — Paris, Charpentier
et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Ger-
main. — Prix : 3 fr. 50.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — hommes
de guerre. — Première série. — Par Edouard Gcepp,
chef de bureau au Ministère de l'instruction publique.
— 2= édition, ornée de quatre portraits et de trois cartes.
— • Klédeiî, Desais, Hoche, Makceau, Daumesnil. — Paris,
P. Ducron, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix,
relié : h francs.
MARIE DE COMPIÈGNE, d'après I'Evangile aux fem-
mes. — Publié pour la première fois d'après les quatre
manuscrits connus, avec des notes philologiques et histo-
riques, et une dissertation sur Torigine de ce fabliau. —
Par M. CoNSTANs, professeur agrégé au lycée de Sens. —
Paris, librairie Franck, rue Richelieu. — Prix : 1 fr. 50.
SOEUR PHILOMÈNE. — Par Ed.mond et Jules de Con-
court. — Nouvelle édition. — Paris, Charpentier et Cie,
liJjraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
<04
LE COURRIER DE VAUGSLAS.
POÈMES ET FANTAISIES (1807-1873). — Claudine. —
Que sais-je? — L'Espoir en riiomme. — ■ Prompthée. —
La Légen.Je d'Urfé. — Sonnets. — Par Gustave Vingt. —
Paris, librairie des Bibliophile/!, 338, rue Saint-Honoré.
— Prix : 3 francs.
LA GRAMMAIRE FRANÇVISE APRÈS L'ORTHOGR.\PHE.
— Par Eman Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LA CONQUETE DE PLASSANS. — Par Emile Zola. —
Troisième édition. — Paris, Charpentier et Cie, libraires-
éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. — Prix :
3 fr. ôO.
LA JEUNE FILLE; lettres d'un ami. — Un volume
format anglais, imprimé avec luxe par J. Claye, avec
fleurons, lettres ornées de culs-de-lampe. — Paris, P.
Diicroq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine. — Prix : 3 fr.
50. — Sur papier de Hollande (broché) 5 fr.
LES GRANDS ÉCRIVAINS DE LA FRANGE
LETTRES INÉDITES
DE
MADAME DE SEVIGNÊ A MADAME DE GRIGNAN, SA FILLE
Extraites d'un ancien manuscrit, publiées pour la première fois, annotées et précédées d'une Introduction,
Par Charles Capmas, professeur à la Faculté de droit de Dijon.
Deux volumes contenant ensemble 9S3 pages ;
Prix : 15 francs.
Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L' Académie fr.akçaise propose pour sujet du prix de poésie à décerner en 1877 : André Chènier. — Les manuscrits
devront être déposés ou adressés francs de port, au secrétariat de l'Institut avant le 31 décembre 1876, terme de
rigueur. Ils devront porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce
billet contiendra le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au
Concours ne seront pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
L'Académie française propose 1' « Eloge de Bcffox » pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Quant aux
autres conditions, elles sont les mêmes que celles du concours de poésie, annoncé plus haut.
La Société des études historiques a, pour l'année 1877, mis au concours pour le prix Raymond la question
suivante : Historique des institutions de prévoyance dans les divers pays, et spécialement en France. — Elle vient
de décider qu'en 1878 un prix de 1,000 fr. sera accordé à l'auteur du meilleur mémoire sur l'histoire du portrait
en France (peinture et sculpture).
Le Tournoi poétique, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (4« année). — MàlaiUe d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien. — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements,
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Montauban — Sujets proposés : « Poésies diverses. » — Prix
médailles d'or et d'argent de 200 fr. à 50 fr. — La clôture du Concours aura lieu le 1'' février 1877.
RENSEIGNEMENTS
A l'usage des Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
AGENCES AUXQUELLES ON PEUT s'aDRESSER :
A Paris: M. Pelletier, 19, rue. de l'Odécn; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin; —
A Londres ; M. Bisson, 70, Bernera Street, W.; — MM. Griffltlis et Smith, 22, Henrietta street, Covent- Garden,
W. C. ; — Le Collège of preceptors, Queen's Square; — A Liverpool : M. le prof. Husson, Queen's Collège; — A New-
York : M. Schermerhorn, /i30, Brooni Street.
JOUR.NAUX D\NS LESQUELS ON PRUT FAIRE DES ANNONCES :
L' American Ri-gister, destiné aux Américains voyageant en Europe; — le Galiijnams .Vessenger, reçu par nombre
d'Anglais qui habitent en France; — le M'ekker, connu par toute la Hollande; — le Journal do Saint-Pétersbourg, très
répandu en Russie; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. llarlwick, 390, i un St-Ilonoré, i Paris, se charge des insertions.)
M. Eman Martin, Rédacteur du Codruieu ue Vaugelas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. UAUl'lîLEV à iNogeul-le-Rotrou.
7« Année.
N» 14.
15 Décembre 1876.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^«
'^^^ DE YAU(}j,7
A \ yV-^ Journal Semi-Mensuel "C// //
-^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSEiLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^yf J
CONSACRÉ
ParaUiant !• !•* «t !• 15 d* ehaqo« mots
{Dans sa séance du \1 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à celle publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours liiléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRAX0ER5
Officier d'AcaJémie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMEN,TS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la mffiie
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un liliraire quelconque.
AVIS.
A partir du \" janvier prochain, le Rédacteur du
Courrier de Vadgelas fera présenter sa quittance, avec
une augmentation de 73 centimes pour frais de recou-
Trement, à ceux d'entre ses abonnés de province qui,
à cette époque, ne lui auront pas encore envoyé le mon-
tant de leur souscription à la 7' année.
SOMMAIRE.
Communication sur Grâce à , — Origine de Avoir ses lettres de
Cracovie ; — Explication de l'expression Téle-béche ; — S'il
faut dire C'est mes amis qui, ou Ce sont mes amis qui. ||
Explication du proverbe Avoir la tête près du bonnet ; —
Lequel vaut le mieux de Vivre au jour le jour, ou de Vivre
au jour la journée ; — A quoi se rapporte En dans En vouloir
à quelqu'un. Il Passe-temps grammatical. || Fin de la biographie
de Dominique Bouhours. || Ouvrages de grammaire et de
littérature. || Concours littéraires. |{ Renseignements offerts aux
Etrangers.
FRANCE
COMMUNICATION.
L'auteur de la lettre suivante exprime sur l'emploi
de grâce « une opinion différente de celle que j'ai émise
dans mon numéro 7 :
Paris, 19 octobre 1876.
Monsieur,
Un de vos correspondants vous ayant demandé s'il était
permis d'employer l'exprespion grâce à devant un subs-
tantif exprimant une mauvaise chose, vous lui avez
répondu affirmativement dans votre numéro du 1" sep-
tembre dernier, posant en fait que cette expression signifie
simplement par le fait de, par l'action de, et citant quatre
exemples qui, selon vou.s, mettent ce fait en évidence.
J'ai, je vous l'avoue, quelque peire à me ranger à votre
opinion, et il m'est difficile de ne pas continuer à croire
que l'expression dont il s'agit, dans son sens primitif et
propre, doit se restreindre à la signification par le secours
de (que vous lui donnez en troisième ligne et qui n'est pas
synonyme des deux autres) et ne trouve dés lors légitime-
ment sa place, à moins qu'elle ne soit ironiquement détour-
née de ce sens, que devant un substantif exprimant une
ctiose bonne et dont il y ait à rendre grâce.
Les exemples que vous invoquez, outre qu'ils sont bien
modernes et n'émanent pas de maîtres de notre langue,
ne me semblent pas contredire ma croyance. D'abord le
second serait plutôt propre à la confirmer : car il est bien
probable qu'aux yeux de la mère Brichard, que je n'ai pas
l'avantage de connaître, c'était une chose bonne que celle
qui l'aidait à conserver la parole le plus longtemps pos-
sible. Quant aux trois autres, les phrases qui les fournis-
sent impliquent manifestement des idées de critique ou
de reproche, qu'on est fondé à considérer comme impri-
mant à l'expression grâce à une tendance plus ou moins
ironique.
J'ajoute, pour préciser davantage ma pensée et revenir
à la phrase même qui vous avait été soumise, que je
conçois très-bien quelqu'un disant, avec reproche et amer-
tume : « c'est grâce à vous que je suis ruiné n, mais que
je regarde comme une locution défectueuse de dire, à titre
de simple narration : t il a été ruiné grâce à la faillite de
son correspondant, j
Si je me trompe, ce qui est fort possible, je crois qu'il
serait utile que cela fût prouvé, à moi et à vos autres
lecteurs, par des exemples plus concluants que ceux que
vous avez d'abord produits.
Veuillez agréer. Monsieur, l'assurance de ma considé-
ration très-distinguée.
Un de vos lecteurs.
Je saisis avec empressement l'occasion qui se présente
de revenir sur une question qui, à mon point de vue
également, n'a pas rem une solution assez complète
dans mon numéro 7.
Grd< e à vient de la phrase latine gracias agere alicui,
laquelle a été traduite en français par rendre grdces à
quelqu'un.
Celte dernière s'abrégea bientôt en grâces à, grâce à,
qui se mit devant le nom de toute personne que l'on
voulait remercier d'avoir procuré un avantage quel-
conque :
Grâces ait ciel, mes mains ne sont pas criminelles.
(Racine, Phèdre, I, 3.>
11 se porte mieux, grdce à Dieu.
(Littré, Dict.)
Mais, comme on n'adresse des remcrciomcnls qu'aux
pe'Tsonnes qui ont été cause de ce qui nous est arrivé
d'iieureui, grâce à prit la signification depar le secourt
^06
LE COURRIER DE VAUGELAS
de, puis celle de par le moyen de, par le fait de, ce
qui en a amené l'usage devant Its noms de choses :
Comme le nombre dœuf?, grâce à la renommée
De bouche en bouche allait toujours croissant.
(La Fontaine, FaMes, VIII, 6.)
Grâce aux préventions de votre esprit jaloux,
Nos plus grands ennemis ont combattu pour vous.
(Racine, Brit., V, i.)
Une fois ce degré d'extension atteint, l'expression ç/râce
à s'est employée aussi bien avec un nom exprimant une
mauvaise chose qu'avec un nom qui en exprimait une
bonne, preuve les exemples que j'ai déjà cités dans
mon premier article, et cet autre, que j'ai trouvé
récemment dans le journal le A7A= siVr/e;
En France, grâce aux nombreuses i-évolutions qui ont fait
passer successivement le pouvoir dans tant de mains, les
psoscriptions ont été fréquentPs.
Or, il résulte de ce qui précède :
V Que le « sens primitif et propre » de l'expression
dont il s'agit est celui de remerciements à, fait mis en
évidence par le thanks to et le da7ik (suivi d'un datif)
qui traduisent cette expression en anglais et en alle-
mand, ainsi que par le merci à qui a servi quelquefois
à la traduire en français :
Il se treuve, à celte heure en sa vieillesse, riche pour
un homme de sa condition, mercy à cette trafique, de
laquelle il se confesse ouvertement.
(Montaigne, Essais, III, 266.)
2° Que, par conséquent, je me suis gravement
trompé en attribuant d'abord à /jràce à le sens originel
de par le fait de, })ar l'action de, par le secours de;
mais que l'auteur de la lettre à laquelle je réponds se
trompe à son tour quand il croit que l'expression
grâce à a pour sens principal par le secours de, et
qu'elle ne peut se placer que devant des substantifs
désignant des choses « dont il y ait à .rendre grâce «.
X
Première Question.
Pourquoi dit- on de quelqu'un qui est généralement
connu comme menteur, comme débiteur de bourdes,
qu'il A SES LETTRES DE Cracovie? Je VOUS serais bien
obligé de me donner cette explication, dont je vous fais
mes remerciements d'avance.
Dans le jardin du Palais-Royal tel qu'il existait avant
la construction des arcades en 4783, se trouvait un
arbre antique sous l'ombrage duquel se réunissaient les
nouvellistes du temps. C'était là que l'on vous traçait
sur le sable, avec sa canne, la marche des armées
russes, et qu'on s'emparait de Constantinople; que les
partisans respectifs de l'Angleterre et de l'Amérique, en
guerre à cette époque, se livraient des combats non
sanglants.
La' quantité considérable de fausses nouvelles (en
langage populaire craques, du verbe craquer, mentir)
qui se débitaient sous cet arbre lui fit donner le nom
à'nrbre de Cracovie, expression qui, sous un nom de
ville polonaise, signifiait arbre du mensoityc.
Lo nom de Cracovie, dans ce sens, ne disparut pas
avec l'arbre auquel il avait été donné.
D'après M. Francisque Michel [Dictionnaire d'argot.
p. 423), il existait, il y a 20 ans, à Monerabeau ,
département de Lot-et-Garonne, canton de Francescas,
une maison nommée l'Hôtel de Cracovie, dont le maître,
qui était cafetier, délivrait moyennant quelques sous
des brevets de hâbleur que les mauvais plaisants
envoyaient, par la voie de la poste, aux menteurs de
leur connaissance, et voici le texte des « lettres-pa-
tentes de la très-véridique cour de Monerabeau, en
forme de privilège » :
NOUS, GRAND ARCHICHANCELIER DE LA DIÈTE OéNÉRALE DE
MoNCRABEAU, Pt en cetie qualité Spigneur Haut-Jusiicier de
la ville et faubourgs de Cracovie. Contrôleur-Général de
toutes les vérités qui se dispnt en ce bas-moniip. Chef-
fondé de tous lesH^blPurs, Menteurs, Nouvellistes, Bourgeois
sans occupation, et autres personnes désoeuvrées qui s'exer-
cent dans le bpl Art de mpntir finement, sans porter
préjudice à autre qu'à la vérité, dont nous faisons profes-
sion d ètrp ennemis-jurés : A tous ceux qui cps préspntes
Lettres verront, Salut el Joie, surtout Haine pour la vérité!
Avons reçu les très-humbles supplications de plusieurs
de nos Clipvaliprs Pt Officiers de la Diètp, qui nous ont
souvent exposé que le sipur ..., habitant de ..., désirant
d'être agrégé dans la Diète, s'exerçait depuis longtemps
dans la noble profession de Mentpur, et qu'il avait fait de
si rapidps progrès, que dans peu il mériterait la réputation
de modèle parfait en ce genre.
A CES CAUSES, enquête scrupuleusement faite des dispo-
sitions heureuses, des rarps talents, des brillants succès
dudit sieur ..., voulant fonder le pieux désir qu'il a de
pouvoir mentir avec autorité, lui avons accordé et octroyé,
et par ces Présputes lui accordons et ootroj'ons, dès à
présent la chargp de Grand-Correcteur de toutes les Vérités
qui se diront dans touie l'étendue de notre Empire ; le
recpvons en Frère et Chpvalier de l'Ordre des Vérités
altérées ; lui donnons, dp plus, plein pouvoir d'y agréger,
après un examen suffi-ant, toute personne qui se présen-
tera à lui, t't par intérim lui fera expédier des lettres
signéps dP sa main et set liées du pptit sceau, à la charge
par lui d'en envoyer un état à notre bureau, et de se servir
pour son greffier du sieur ..., dont la capacité nous est
connue, pour qu'après un filèle rapport, nos Lettres du
Grand-Sceau lui soient expédiées. Ce faisant, lui avons
donné et lui donnons plein pouvoir de mentir impunément
dans ... et sa juridiction ; dans les provinces de Languedoc,
Guypnne, Bigorre; dans le Périgord, Limousin, Angoumois;
dans Ips comtés d'Armagnac, Marsan, Astarae, Loùmagne,
Coudomois, Agenais, B;izadais, pays dps Landes, et géné-
ralpment dans tous autres lieux dpçà et delà les mers, où
il se trouvera dépendant de notre Empire. Et pour l'effet
de l'exécution de nos ordrps, nous enjoignons à tous nos
sujets de le publier et le reconnaître pour tpl, afin qu'on
n'en prétende cause d'ignorance, à peine contre les contre-
venants d'être punis sévèrement, suivant les lois de la
Diète : Car tel est notre tlaisib.
Donné à Monerabeau, en pleine Diète, sous lecontre-scel
de notre Archichancelier, le ... jour du mois de ... mil huit
cent ...
Signé : Le Marquis des Hadleurs.
Par mondit seigneur Archichancelier -.
Secrétaire.
Ainsi les lettres de Cracovie ont été, et sont peut-
être encore [quelque lecteur voudra bien, je pense, me
renseigner sur ce poinl), des brevets réels qui s'expé-
diaient, par plaisanterie, de la ville de Monerabeau; et 1
comme ceux qui avaient reçu de ces lettres étaient ■
LE COURRIER DE VAUGELAS.
407
par le fait déclarés ou proclamés menteurs, on a dit
de quelqu'un qu'il amit ses lettres de Cracoi-ie pour
faire entendre qu'il était bien coanu par ses hâbleries,
ses bourdes, sa pratique continuelle du mensonge.
X
Seconde Question.
Quelle est, je vous prie, iétymologie du mot téte-
BÈcnE, qu'on emploie en parlant de deux objets placés
dans un sens tout-à-fait opposé, de manière que le
haut de l'un soit avec le bas de l'autre?
Dans l'origine, pour signifier assembler deux objets
en sens inverse, placer deux personnes de manière que
la tête de l'une soit aux pieds de l'autre, on a fait le
verbe béchevelter, de bé, venant du latin bis, et de chef,
venant de caput, terme de la même langue, lequel verbe
existe encore, avec la prononciation bcjuetter, parmi
les paysans de la Heauce ^Voir Desgranges, Mots de lu
canipagne du canton de Bonneval, 2" vol. de la Société
des Antiquaires de France), avec celle de béchuetter,
en Basse-Bourgogne, et sous la forme du participe
béquevéché, employé en qualité d'adverbe, dans l'arron-
dissement de Caen.
En parlant de deux objets bécheretfés, on a dit qu'ils
étaient à béchevet, ou bécàeret pour signifier placés de
manière à former comme un double chef, à présenter
un ensemble qui avait comme une double télé :
Les escuiers, avec chascun poignard au poin?, faisoient
parler le gallaiit par-dessus leurs jambes appuiées à la
muraille de l'autre costé, et aux deux à béchevet.
(D'Aubigné, HisL, II, 420.)
Là dessus furent envoies les cardinaux du Perron et
Ossat, lesquels, s'estant traisnez de genoux, se couchèrent
de leur long la face en bas, et, comme l'on dit, à béchevet.
(Idem, m, 43l.)
Getle expression, usitée encore au xvi' siècle, comme
le montrent les exemples précédents, finit par n'être
plus bien comprise, et alors on la fit précéder des mots
teste à teste, ce qui constitua un pléonasme que l'on
trouve déjà dans Rabelais {Garg. I, ch. 22!, sous la
forme de teste à teste bechevd.
Ensuite, on a dit tète béchevet; puis, par abréviation,
tête-bêche qui se trouve dans le patois du Berry et
aussi en français, comme le montrent ces citations :
Dans les chaleurs de l'été, les chevaux qui sont au pâtu-
rage ont l'instinct de se placer deux à deux béchevet, ou
iéle-béche.
(Jaubert, Gloss. rfu centre de la France,)
Il y a un jeu d'enfants dans lequel les deux joueurs se
tiennent tétc-béche ou à téte-béche.
(Liitré, Dict. de la lang. franc.)
Ils étaient dans le même lit, mais couchés têle-bèche.
(Idem.)
Telle est, si je ne me trompe, la curieuse origine
de tête-bêche, néologisme qui me parait être d'assez
fraîche date, vu qu'il ne figure pas dans la dernière
édition de l'Académie (1835).
Dans ses Châtiments, Victor Hugo a dit :
Pour attirer les sot* qui donnent tcte-béche
Dans tous les vils panneaux du mensonge immortel,
Vous avez adossé le tréteau de Bobèche
Aux saintes pierres de l'autel.
Je regrette d'avoir à constater que le premier de ces
vers contient une licence inadmissible, car tête-bêche y
a la signification de tête baissée, ce qui n'a jamais été
ni ne sera probablement jamais la sienne.
X
Troisième Question.
// ij a des personnes qui disent, par exemple, c'est
MES AMIS QUI ONT FAIT CELA, tandis que d'autres disent
CE soxT MES AMIS oc[ ovT FAIT CELA. Estimez-vous que la
première expression vaille mieux que la seconde, ou
est-ce le contraire ?
Quand un substantif pluriel se trouve entre c'est et
qui, ou entre c'est et que, il y a une double règle à
observer relativement au nombre du verbe être._
Si ce substantif n'est ni sujet ni régime direct du
verbe principal (ce qui se reconnaît facilement en
retranchant c'est, gui, ou que de la phrase), on laisse
toujours être au singulier :
Cruel! c'est à ces dieux que vous sacriflezl
(Racine, Iphig , acte IV, hc. 4')
C'est des contraires que résulte l'harmonie du monde.
(Bem. de St-Pierre.)
Mais dans le cas où il est sujet ou régime direct du
verbe principal, on emploie à volonté être au singulier
ou au pluriel, ccmme le montrent ces exemples, dont
je pourrais facilement décupler le nombre :
(Le substantif qui suit être est sujet)
C'est eux qui ont bâti ce temple.
(Bossuet.)
Ce sont les mœurs gui font la bonne compagnie.
(La Chausiée.)
C'est elles [les femmes] qui ont accompli votre vœu.
(Fénelon, Dial. dts morts, 33.)
Ce sont les poètes de La Mecque qui commencèrent l'at-
taque contre les nouvelles doctrines.
(Sédillot, Hisl. des Arabes.)
iLe substantif qui suit être est régime direct)
Les dieux décident de tout; c'at donc les dieux et non
pas la mer qu'W faut craindre.
(Fénelon, Télim., VI.)
Ce ne sont pas les médecins git'il joue, c'est la médecine.
(Molière )
Ce xx'est pas les vaines distinctions que l'usage y attache.
(Massillon, Pet. Car )
Ce sont moins leurs ennemis que les animaux fuient que
la présence de Ihomme.
(Bulfon.)
Or, comme dans la phrase que vous me proposez,
nos amis est le sujet de ont fait, il en résulte que l'on
est autorisé par l'usage à écrire :
C'est mes amis qui ont fait cela,
tout aussi bien que :
. Ce sont mes amis qui ont fait cela.
Toutefois, cette conclusion ne signifie pas que
40S
LE COURRIER DE VAUGELAS.
je trouve les deux manières également bonnes; car,
pour des raisons que je vais vous faire connaître, j'ai-
merais mieux qu'on écrivit toujours c'est au singulier
dans ces sortes de phrases :
i" Attendu qu'on dit, par exemple, c'est nous qui
avons fait cela, c'est vous qui avez fait cela, il serait
plus logique de dire seulement c'est eux qui ont fait
cela, que d'admettre encore ce sont eux.
2° L'expression c'est ... que, ou c'est ... qui, em-
ployée de celle manière, constitue une tournure au
moyen de laquelle on met en tête de la phrase un mot
qui était à la fin ou au milieu ; ainsi quand on dit :
C'est là que j'ai été ; — C'est votre père que j'ai vu ; —
C'esl de vous qu'û s'agit ; — C'est à vous que je parle, etc.
ces phrases équivalent pour le sens à celles-ci :
J'ai été Id; — J'ai vu votre frère ; — Il s'agit de fous, etc.
' Or, comme les termes de cette espèce de formule
n'ont aucun rapport avec ceux de la phrase où elle
est employée, il serait certainement plus rationnel d'y
laisser e7re invariable pour le nombre, quand on l'y
laisse toujours pour la personne, et le plus souvent
pour le temps.
ETRANGER
Première Question.
Voici une expressioti bien singulière, avoir la tète
PRÈS DU BO'NET ; pourriez-vous m'en donner procliainc-
ment l'explication dans votre intéressant journal?
Cette locution, familière et figurée, veut dire être
prompt à se mettre en colère, avoir le défaut de se
fâcher sérieusement pour peu de chose :
Un Picard a la tête prés du bonnet.
(Des Périers, Contes, IV.)
Il \eut bien que l'on sçache qa'it a la leste si prés du
bonnet, qu'il ne pourroit jamais endurer qu'on lui fîst la
part, etc.
(Brantôme, Œuv. comp., Panth. lltt., t. Il, p. 492.)
Je rognois le seigneur Rodolphe il y a longtemps; il a
la teste assez près du bonnet.
(Après disnées de Ckoliercs, Paris, l588. f" 32 Terso. )
C'est là un fait connu de tout le monde; mais com-
ment un tel sens a-t-il pu se loger sous les termes de
cette phrase contenant^ au propre, une vérité à la
Palisse? .le vais vous l'expliquer grâce à M. Francisque
Michel [Dict. d'argot, p. 62).
Sans avoir encore le nom de calembour, nos pères
n'en pratiquaient pas moins volontiers la chose; jouant
sur l'adjectif to« suivi de et, ils appelaient une |)ièce
d'or bonnet jaune (bon et jaune), et, du temps d'Oudiii,
comme l'apprennent les Curiositez françaises, ils
disaient bonnet gras (bon et gras) pour fort gras.
Or, engagés dans celte voie, ils ont tout naturelle-
ment fait bonnet synonyme de bonté, et ils onl dit
avoir la tête près du bonnet pour signifier avoir la
tête "près d'être bonne, expression qui, prise ironique-
ment, voulait dire avoir une mauvaise tête.
X
Seconde Question.
Faut-il dire vivbe au jour le jour, ou vivre au jour
LA JOURNÉE? Et si tous les deux se disent, laquelle des
deux phrases vous parait la meilleure ?
Depuis le xvi' siècle au moins, notre langue emploie
l'expression vivre au jour la journée, comme en font
foi ces exemples, que j'emprunte au Dictionnaire de
M. Littré :
Gens qui vivent ordinairement au jour la journée.
(Amyot, Galh., JO.)
Je vis au jour la journée, et je n'ai pas le courage de rien
décider; un jour je pars, le lendemain je n'ose.
(Sévigné, 127.)
C'est beaucoup pour eux ; ils chercheront ensuite quelque
nouveau moyen de subsister; ils vivent au jour la journée.
(Pascal, Provinc, III.)
Il faut vivre au jour la journée quand on a affaire à des
voisins ; on peut suivre un plan chez soi.
(Voltaire, leUre du i3 juillet !t6i.)
Et, il y a plus, car tandis que vivre au jour le jour ne
me semble, au propre, susceptible d'aucune explication
grammaticale, vivre au jour la journée en peut rece-
voir une parfaitement satisfaisante; c'est une phrase
elliptique qui équivaut à ce qui suit :
Vivre [de manière quel au jour (suffise le salaire, le gain
de] la journée.
Or, pour cette raison et aussi pour celle d'un em-
ploi plus fréquent, je suis persuadé que vivre au jour
la journée est une locution plus française que vivre au
jour le jour, quoii|ue celle-ci soit également mentionnée
dans plus d'un dictionnaire faisant aulorité.
Troisième Question.
Comment expliquez-vous la présence du pronom en
dans la phrase : il M'E^^ veut parce que j'ai ar de lui?
On a d'abord dit vouloir du mal, vouloir mal à
quelqu'un, comme on dit encore lui vouloir du bien,
ce que ces citations mellent en évidence :
Mais il ne laisse à continuer de m'en vouloir du mal
et de m'en faire la mine.
(Quimti joj/es de mariage, p. 160.)
Peuple, qui me veux mal, et m'imputes à vice
D'avoir été payé d'un fidèle service.
(Malherbe, VIII, j5.)
Que l'éclat de la plus belle victoire paraît sombre I
qu'on en méprise la gloire, et qu'on veut du mal à ces
faibles yeux qui s'y sont laissé éblouirl
(lîossuet. Louis de Bourb.)
Et tout ce que sur moi pfut le raisonnement,
C'est de me vouloir mal d'un tel aveuglement.
(MoiitTc, Ffm. sav., acte V, se. i.)
Puis, avec le temps, on a supprimé mal, substantif
employé ici dans un sens parlilif, cl on l'a remplacé
par le pronom en, qui s'est bienlùt construit avec le
verbe vouloir (comme dans d'autres cas analogues) sans
qu'auparavant on eùl fait figurer dans la phrase le
substantif dont il tenait la place.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
4 09
Notez qu'en vertu de cette origine, en ne doit pas se
mettre dans la même proposition que vouloir du mal,
et que, par conséquent, le second des vers suivants,
qui sont de Molière (Dép. amour. 1, se. 2), renferme
une faute de construction :
Ne me déguise point un mystère fatal :
Je ne t'en voudrai point pour cela plus de mal. '
11 fallait tout simplement : je ne te voudrai point etc.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1*... qui ne paraît en avoir que douze; — 1'... un peu au
hasard et au jour la journée ; 3°... couverts de haillons,
pittoresques (haillonné n'est dans aucun lexique français); —
4*... TU par douzaines (au iiluriel) ; — 5'... n'est pas moindre
que quinze cents mètres ; — 6°... qu'un avortement regrettable
ne vînt ; — 7°... elle lui dit : Je voudrais bien savoir d'oii
vous venei ; ou bien : elle lui demanda d'oii il venait ; —
&'... C'est merveilleux, dit-il en approuvant (voir Courrier de
Vaugelas, 5" année, p. 138, où se trouvent les conditions pour
qu'un verbe puisse s'employer comme intercalaire); — 9=...
Etant donnés, écrit-il, vingt candidats; — 10'... et leur
aveuglement est incurable (d'après M. Littré, le mot cécité ne
s'emploie que dans le sens propre).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1* Deux mècties grises couraient sous le madras autour
de tempes desséchées; ses yeux sans couleur s'éveillaient
parfois comme les yeux d'un fiévreux ; ses sourcils étaient
mitan blancs, mitan noirs.
2° Heureusement, la France n'en est pas tombée là qu'un
parti qui affecte de pareilles allures puisse se flatter de la
ramener jamais à lui.
3* Je le trouvai avec sa femme, son enfant et ses chiens
dans un lugubre petit appartement de Batignolles.
V Or, nous ne sachons pas que depuis la suppression
des brevets, les libraires qui font également la location
de livres, soient soumis à aucune autorisation adminis-
trative.
5' Lord Derby a brusquement quitté la salle, et quelques
membres du Conseil ont dû intervenir pour que les délibé-
rations puissent être reprises.
6* Sur la place Solférino, les marchands de vaches, tau-
reaux et porcs. Au quinconce de la Fourche, sur deux
lignes parallèles, les chevaux de labour.
7* Est-il pos.sible qu'un homme, si bien doué qu'il soit, pt
par les forces physiques et par la volonté, rame chaque
jour de pareilles galères.
8* On trouve à Cadix, indépendamment des confiterias,
dont nous avons parlé plus haut, des petits établii-sements
spécialement affectés à la vente des boi^sons gazeuses.
9* La première fois qu'on mit devant moi l'un de ces
volatiles fantastiqui,s, cette nuance insolite ne laissa pas
que de m intrig,uer.
10* Les renseignements fournis sur le compte de la jeune
fille et de sa mère, qui habitent rue de Valence, 5, sont
00 ne peut plus favorables.
(Lei eorreetions à qvintaim.)
FEUILLETON.
BIOGRÂrHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII* SIÈCLE.
Dominique BOUHOURS.
(Suite et fin.)
Selon le précepte de Quintilien, il faut éviter toutes
sortes d'équivoques, non-seulement celles qui embar-
rassent le sens, mais encore celles qui ne consistent
que dans les mots.
Bouhours prie qu'on le tire de l'embarras où le met-
tent les bons écrivains qui ne suivent ni les préceptes
de Quintilien ni les conseils de Vaugelas.
Les constructions qu'on appelle louches ne sont-elles
pas contraires à la clarté du discours? Et Vaugelas
n'a-t-il pas raison de les condamner quand, après avoir
produit cet exemple, Germanicus a égalé sa vertu, et
son bonheur n'a jamais eu de pareil, il dit : « Ce n'est
pas écrire nettement que d'écrire comme cela ; a égalé
sa vertu, et son bonheur, parce que sa rer^« est accusatif
régi par le verbe a égalé, et son bonheur est nominatif
et le commencement dune autre construction ».
En lisant depuis peu l'Imitation de Jesus-Christ et
YHistoire du Vieux et du Nouveau Testament, Bou-
hours est tombé sur des endroits qui ressemblaient
fort à ces constructions louches, et il ea cite des
exemples.
L'abbé qui demeure dans son voisinage, et qu'il visite
assez souvent, dit qu'il raffine un peu trop, et que
l'on ne pourrait plus ni parler ni écrire, si l'on voulait
y regarder de si près. 11 ajoute qu'une construction
louche est une vraie vision et qu'on s'exprime assez
clairement pourvu qu'on se fasse entendre. Mais Bou-
hours croit qu'il se méprend, tout éclairé et tout habile
qu'il est, et ce qui le lui fait croire, c'est l'avis qu'émet
Vaugelas sur le même sujet.
Bouhours ne sait s'il se trompe ; mais il lui semble
que les phrases que voici n'ont pas le bon sens :
Judas aida beaucoup à arracher ce consentement de
Jacob, et il tuy promit, avec toute la certitude possible,
de luy repondre de Benjamin et de le luij rammer. Que
signifie il lui promit de luy repondre de Bcnjaminl Le
sens ne serait-il pas plus net avec luy repondit de
Benjamin, et il luy promit de le ramener, sans ajouter
avec toute la certitude possible, qui étant joint à pro-
mit est un peu galimatias.
Eve se laissa séduire par ces paroles artificieuses, et
commençant de tomber dans le cœur, elle acheva tout-à-
fait de se perdre, en s'arrestant à considérer ce fruit.
Qui donc comprend d'abord ce que veut dire ici tomber
dans le cœur?
Comme Messieurs de l'Académie sont les ennemis
déclarés du phébus, du galimatias et de tout ce qui
choque le bon sens, Bouhours doute que ces belles
phrases leur plaisent.
1+0
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Il lui reste mainlenant à les consulter sur les diffi-
cultés touchant l'exactitude du style, et il va le faire
avec toute la brièveté possible, pour les délivrer de
l'importunité d'un provincial qui n'a déjà que trop
abusé de leur loisir.
V.
DoriEs scB l'exactitode du sttle.
Bouhours parlera ici de ce qui regarde la politesse et
la perfection du style (c'est le sens qu'il donne au mot
eiactitude), ou plutôt des doutes qui lui restent rela-
tivement aux négligences que Vaugelas distingue des
fautes commises contre la pureté et la netteté.
Le savant auteur des Remarques dit que la principale
de ces négligences consiste à répéter dans la même
page une même phrase, sans que cela soit nécessaire,
et il ajoute que si la phrase est plus noble, la faute est
encore plus grande, parce qu'étant plus éclatante, elle
se fait mieux remarquer.
Que penser alors de l'écrivain qui a mis dans un tel
espace : tombe dans la mesme condamnation, tomba
dans le mesme précipice, tomba dans la mesme impiété,
et de celui qui, dans trois pages consécutives, a em-
ployé : le plus grand prince qui soit dans le monde, des
plus puissantes monarchies qui ayent esté dans le monde,
et un des plus grands ouvrages qui soit aujourd' huy
dans le monde ?
La seconde sorte de négligence, au sentiment de
Vaugelas, c'est de répéter deux fois un même mot
» spécieux » dans une même page, sans que cela soit
nécessaire, et Bouhours cite un passage du Vieux et au
Nouveau Testament où se trouve un soin prodigieux,
et, huit lignes plus bas, une foule prodigieuse.
Mais la répétition fréquente des mots simples et
communs n'est-elle pas également contraire à l'exactitude
du style? Bouhours cite un auteur qui emploie trois ou
quatre fois marquer dans une page.
En relisant les lettres de Voiture, il a été surpris de
rencontrer dans une page cinq fois le mot honneur,
sans parler d'extrême et d' extrêmement, qui paraissent
jusqu'à sept fois dans une lettre n'ayant qu'une page
et demie. D'abord, Bouhours avait cru que l'auteur
voulait réjouir les autres par une répétition plaisante;
mais, après y avoir regardé de près, il n'y a pas trouvé
le mot pour rire; il lui est venu à l'esprit que ce pour-
rait bien être une négligence, et il en fait juges Mes-
sieurs de l'Académie.
Ne pourrait-on pas compter les synonymes inutiles
entre les fautes qui se commettent contre la justesse?
Bouhours entend par synonymes inutiles ceux qui ne
contribuent ni à la clarté de lexpression ni à l'orne-
ment du discours, comme sont les suivants, par
exemple:
Le contentement et la satisfaction, les bornes et les
limites, ce flambeau et cette lumière, quels pleurs et
quelles larmes, en cendre et en poussière, une manière
plus sublime v[ plus élevée.
Bouhours sait bien que lesauleurs grecs ainsi que les
latins sont remplis de ces sortes de mots; mais notre
langue n'est-elle pas à cet égard plus exacte que les
langues anciennes?
Vaugelas est partisan de ces synonymes; quant à lui,
il ne les peut souffrir, attendu qu'ils n'ajoutent rien
au sens, et qu'ils ne servent qu'à remplir ou à étendre
les périodes.
Mais Bouhours a bien d'autres scrupules encore sur
la répétition des mots, ou pour mieux dire sur la ren-
contre des mêmes termes dans une même période.
Dans cette phrase : Comme ce chastiment effroyable
n'empesche pas, comme dit saint Bernard, qu'il ne vole
encore de toutes parts des cendres de ces villes abomi-
nables , les deux comme, si près l'un de l'autre, ne bles-
sent-ils pas l'exactitude et l'oreille?
Dans cette autre : Le reste des peuples du inonde
estait brûlé par les ardeurs du péché, puis par un miracle
contraire l'Eglise ensuite répandue par toute la terre
a receu etc., ctspar mis de suite sont-ils bien agréables
et bien nécessaires?
Comment la Cour s'accommode-t-elle de deux en avec
deux participes, dans cette phrase : Si David luy
mesme ne l'eust persuadé de le laisser faire, en luy
disant qu'il estait accoutumé, en gardant les trou-
peaux, etc.?
Deux après, trois ou quatre de qui se suivent font-
ils bien dans une même période?
Ceux qui n'ont pas le goût de notre langue, et qui ne
savent pas ce que c'est qu'un style exact, se moqueront
sans doute de ces minuties. Mais Bouhours pense que
Messieurs de l'Académie, qui ont le vrai goiît et la par-
faite idée du langage, ne trouveront pas mauvais, sans
doute, qu'il descende dans les petits détails pour s'éclai-
rer et pour s'instruire. Ils savent que dans la Gram-
maire, comme dans la .Alorale, la perfection dépend de
petites choses, et que ce qui n'est presque rien en
apparence fait quelquefois toute la difformité d'une
phrase, aussi bien que d'une action.
C'est bien peu de chose que le mauvais emploi d'un
et et d'un que dans le discours; et cependant, il ne
faut que cela pour défigurer la plus belle période du
monde; du moins Bouhours se l'imagine, et il croit
même qu'un des secrets du style est de savoir ménager
convenablement ces particules.
Il a presque les mêmes scrupules sur les si et sur les
mnis; les phrases où ces mots sont mal dispensés ne
lui plaisent guère.
Voilà les principaux doutes que Dominique Bouhours
avait sur « l'éloquence » des paroles. 11 en a bien d'autres
sur celle des choses, qui est plus essentielle et plus im-
portante. Mais c'est trop abuser du loisir de Messieurs
de l'Académie, et il est temps de finir un discours dont
il est fatigué lui-même. Après tout, il espère qu'ils lui
pardonneront la liberté qu'il a prise, quand ils consi-
déreront qu''!! n'en aurait pas usé de la sorte s'il n'avait
une extrême passion pour notre langue, ainsi qu'une
très-haute idée de leur illustre Compagnie.
FIW.
Lk RîDiciEDs-GiiiiHT : ËHAM MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
m
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Les Amateurs d'autrefois ; par L. Clément de Ris,
conservateur du musée de Versailles. Avec 8 portraits
gravés à l'eau-forte. In-S", xxxi-i77 p. Paris, lib. Pion
et Cie.
Cours complet de langue française (théorie et exer-
cices) ; par M. Guérard, directeur des études à Sainte-
Barbe. 2« partie : Grammaire et compléments. Partie du
maître. Nouvelle édition. In-12, vi-2S6 p. Paris, lib Delà-
grave.
Les Soirées de Saint-Pétersbourg, ou Entretiens sur
le gouvernement temporel delà Providence; suivies
d'un traité sur les sacrilices ; par le comte J. de .Maistre.
iW édition, 2 vol. In-12, xxiii-767 p. Paris, lib. Pélagand.
Voyages autour du monde ; par M"" Ida Pfeiffer.
Abrégés par J. Belin de Launay sur la traduction de
M. W. de Suckau, et accompagnés d'une carte. In-18
Jésus, viii-332 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 1 fr. 25 cent.
La Satyre Mënippëe, ou la Vertu du Catholicon,
selon l'édition princeps de 159Zi. Edition nouvelle avec
introduction et éclaircissements par M. Ch. Read. In-16,
xxiii-326 p. Paris, lib. des Bibliophiles. 3 fr.
. Les Voyages extraordinaires. Michel Strogoff.
Moscou. Irkoutsk; par Jules Verne. Suivi de : Un drame
au Mexique. Dessins de J. Férat, gravés par Ch. Barbant.
Gr. in-8^ 37i p. Paris, lib. Heuel et Cie. 7 fr.
Voltaire et la société au XVIII» siècle ; par Gus-
tave Desnoiresterres. VII. Voltaire et Genève. VIII. Retour
et mort de Voltaire. 2» édition, 2 vol. In-12, 1055 p. Paris,
lib. Didier et Cie. Chaque vol. à fr.
La Pécheresse ; par Arsène Houssaye. Nouvelle édi-
tion. In-i8 Jésus, 289 p. Paris, lib. Calmaun-Lévy. 3 fr.
50 cent.
Les Loups de Paris ; par Jules Lermina (William
Cobb). II. Les Assises rouges. In-18 Jésus, Zi07 p. Paris,
lib. Dentu. 3 fr.
Voyages et découvertes outre-mer au XIX' siècle ;
par Arthur Mangin. Illustrations par Durand-Brager.
3= édition. \n-à°- Tours, lib. Mame et fîls.
Le Château de Montsabrey. Karl Henri, Le Con-
cert pour les pauvres. Vingt-quatre heures à Rome;
par Jules Sandeau, de l'Académie française. In-i8 Jésus,
263 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 1 fr. 25 cent.
Corinne, ou l'Italie; par M"" de Staël. Nouvelle édition,
précédée dune notice par M"'" de .Saussure. In-18 Jésus,
319 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50 cent.
A travers l'Amérique. Nouvelles et récits; par
Lucien Biart. 28 dessins hors texte, par F. Lix, grav. de
Gérard, Hotelin, Langeval, A. Leray, F. Méaulle et Rave-
nel. Gr. in-8", 388 p. Paris, Bibliothèque du Magasin des
demoiselles, li fr.
Publications antérieures ;
RÉCITS ESPAGNOLS. — Par Ch.*.hles Glecllette. —
2" édition. — Paris, E. Dentu, éditeur, libraire de la
Société des Gens de lettres. — Palais-Royal, 15-19, galerie
d'Orléans. — Prix : 3 fr. 50 cent.
L'HEPTAiMRON DES NOUVELLES de tbès haute et très
ILLUSTRE PRINCESSE MARGUERITE d'AnGOULÉME, ROINE DE
Navarre. — Nouvelle édition collationnée sur les manus-
crits, avec préface, notes, variantes et glossaire-index. —
Par BENj.iMi.N PiFTEAU. — Paris, Alphonse Lemerre, édi-
teur, 27-29, passage Choiseul. — Prix : 2 fr. 50 cent.
PETIT DICTIONNAIRE UNIVERSEL, ou Abrégé du
DICTIONNAIRE FRANÇAIS DE E. LiTTRÉ, de l'Académie fran-
çaise, augmenté d'une partie mythologique, historique,
biographique et géographique. — Par A. Beaujean, pro-
fesseur au lycée Louis-Ie-Grand. — Paris, librairie
Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain. — Prix ;
3 francs.
ŒUVRES CHOISIES DE LUCIEN. — Traduction Belin
DE Ballu. — Nouvelle édition, revue et corrigée par
Emile Pessonneaux. — Paris, G. Charpentier, libraire-
éditeur, 13, rue de Grenelle-St-Germain. — Prix : 3 fr.
50 cent.
NOUVELLES ANCIENNES. — Par Louis Dépret —
Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-
Germain. — 483 pages — Prix : 3 fr. 50 cent.
LETTRES DE MADEMOISELLE DE LESPINASSE. —
Nouvelle édition augmentée de dix lettres inédites, ac-
compagnée d'une Notice sur la vie de M"' de Lespinasse
et sur sa société, de Note? et d'un Index analytique. —
Par Gustave Isambert. — 2 volumes. — Paris, Alphonse
Lemerre, éditeur, 27-31, passage Choiseul. — Prix : 5 fr.
LES FEMMES D'ARTISTES. — Par Alphonse Daudet.
— Avec une eau-forte de A. Gill. — Paris, Alphonse
Lemerre, éditeur, 27-31, passage Choiseul. — Prix : 3 fr.
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respondance. — Histoire de la Nouvelle-France et des Etats-
Unis d'Amérique au xviii'' siècle. — Par Alphonse Jouault.
— Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-
Germain. — Prix : 1 fr. 25.
LES HOMMES DE DE.MAIN. — Livre pour la jeunesse.
— Par Mme Nbllv Lientier. — Chez Bunhoure, éditeur,
ù8, rue de Lille. — Prix : 3 fr.
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souvenirs intimes ET ANECDOTIQUES, SES PENSÉES. —
Recueillis et annotés par Ch. Barthélémy. — Paris,
• G. Charpentier, libraire-éditeur, 13, rue de Grenell«-
Saint-Germaln. — Prix : 3 fr. 50 cent.
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— Par Eman Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
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Musset. — Edition complète en un volume. — Paris,
Charpentier et Cie, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
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Deuxième série. — Par Edouard Gcepp, chef de bureau
au .Ministère de l'Instruction publique, et Henri de Man-
NouRY d'Ectot, ancien capitaine au long cours. — Orné
de deux portraits. — Jean Bart, Duouay-Trouin, Suffren.
— Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
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— Edition complète en un volume. — Paris, Charpentier
et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Ger-
main. — Prix : 3 fr. 50.
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mes. — Publié pour la première fois d'après les quatre
manuscrits connus, avec des notes philologiques et histo-
riques, et une dissertation sur l'origine de ce fabliau. —
Par M. Constans, professeur agrégé au lycée de Sens. —
Paris, librairie Franck, rue Richelieu. — Prix : 2 fr. 60
LES CxRANDS ÉCRIVAINS DE LA FRANCE
LETTRES INÉDITES
DE
MADAME DE SÉVIGNÊ A MADAME DE GRIGNAN, SA FILLE
Extraites d'un ancien manuscrit, publiées pour la première fois, annotées et précédées d'une Introduction,
Par Charles Gapmas, professeur à la Faculté de droit de Dijon.
Deux volumes contenant ensemble 983 pages ; — Prix : 15 francs.
Paris, librairie Hacheite et Cie, 79, boulevard Saint-Germain.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L'AcADÈMlE FRANÇAISE propose pour sujet du prix de poésie à décerner en 1877 : André Chénier. — Les manuscrit»
devront être déposés ou adressés francs de port, au secrétariat de l'Institut avant le 31 décembre 1876, terme de
rigueur. Ils devront porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce
billet contiendra le nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au
Concours ne seront pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
L'Académie française propose T « Eloge de Buffon » pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Quant aux
autres conditions, elles sont les mêmes que celles du concours de poésie, annoncé plus haut.
Le Tournoi poétique, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (W année). — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien. — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements,
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
La Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne décernera, en 1877, une
médaille d'or de la valeur de 100 francs à l'auteur de la meilleure pièce de vers sur un événement de notre histoire
nationale. — La Société, à mérite égal, donnera la préférence aux sujets relatifs à la Champagne. — Les ouvrages
envoyés au concours devront être adressés, francs de port, au secrétaire de la Société, avant le 1" juillet 1877,
terme de rigueur.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTRANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Etrangers
qui lui font l'honneur de venir le consulter i—l" des professeurs de français; — 2» des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perf îctionner dans la conversation française ; — 3' des maisons d'éducation prenant un soin
particulier de l'étude du français ; — W des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se
parle un très-bon français ; — 5" des agences qui se chargent de procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Eman iMailin, Rédacteur du Courkieii de Vaugelas, est visible à bOn bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVEHNEUB, G. DAUPELEY à Nogent-le-Rotrou.
7» Année.
N» 15.
1" Janvier 1877
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le l" et le IS de chaque moi*
(Dans sa séance du M janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le pnrl en sus pour I elran{;er. —
Annonces : Ouvrages, «n exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
NCIEN PROFKSSEUR SPÉCTAL PODH LES ÉTRANGERS
Officier d'Académie
# 26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se pn^nnent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un liliraire quelconque.
AVIS.
Si les cinquante adhésions qui lui manquent encore
ne se font pas Iropatlendre, le Rédacteur du Gocrbier
DE YiCGELAS pouppa faipc commencer, au 1" févpier
prochain, la réimpression des cinq premières années de
son journal.
SO.M.MAIRE.
Communication sur Cela fera du bruit dans Landerneau, et
sur l'emploi de L'être à la place d'un verbe passif; — Origine
de l'expression ^1/i.' le bon biltc.t qu'a la Chaire'. — Éljmolo-
gie de Brouillamini: — Emploi de Sdanmoins: — S. quelle
époque remonte l'Iiisloirc de Guéridon. \\ Communication
sur l'étymôlogie de .Mièvre; — S il faut dire A brasse-
corps, ou A bras-le-corps: — Origine du proverbe Être tiré à
quatre épingles; — Différence entre Le point du jour et La
pointe du jour \\ Passe-temps grammatical. || Biographie de
yicolas Andry |{ Ouvrages de grammaire et de littérature.
Il Concours littéraires. || Renseignements à l'usage des profes-
seurs français.
FRANCE
CO.M.MUNICATIONS.
I.
Voici une nouvelle communication qui m'a été
adressée le 5 décembre dernier par M. .Malgrange, juge
de paix à Joigny (Yonne), au sujet de la phrase pro-
verbiale Cela fera du bruit daiis Landerneau, dont j'ai
déjà parlé deux fois dans le Courrier de Vaugelas :
Vous! citez, dans votre numéro du 15 Octobre dernier, un
souvenir qui m'est resté ilans la mémoirp, de mes excur-
sions ^n Bretagne, relatif à l'e-xpression proverbiale Cela
fera du bruit dans Landerneau; ot vous ajoutez que c'est la
pièce d'Alexandre Uuval, li>s Héritiers, â laquelle le public
a ri pendant 25 ans, qui a introduit ce proverbe dans notre
langue.
Que cette pièce l'ait vulgarisé, je ne le nie pas. Mais je
ne pense pas qu'il soit une heureuse inspiration éclose
au cerveau d'un spirituel vaudevilliste dans le feu de la
composition.
C'est assurément une réminiscence d'un dicton popu-
laire du pays natal, qui s'est trouvé sous sa plume, et a
fait fortune.
Plusieurs motifs me confirment dans mon opinion et la
corroborent.
Jacques Cambry, savant breton et l'un des fondateurs de
l'Académie celtique, mort en 1807, a cherché quelle pou-
vait être l'origine de ce proverbe. Ses recherches sont
assurément antérieures à la vogue de la comédie d'A-
lexandre Duval.
Pendant la période où cette pièce fut jouée, on ne voya-
geait guère; quelques privilégiés de la fortune d'une pro-
vince aussi éloignée de la capitale pouvaient seuls assister
aux représentations du Théâtre-Français.
A l'égard de l'usage de donner un charivari à la veuve
qui se remarie, origine de notre dicton, selon la convic-
tion des habitants de Landerneau et de la plus grande
partie du reste de la Bretagne, voici ce qu'on lit dans le
Journal illustré du 8 septembre 1867, numéro 187 :
a II y aura du bruit dans Landerneau. C'est de Lander-
neau que vient l'usage, encore en vigueur en France, dans
beaucoup de localités, de donner un charivari à la veuve
qui se remarie. Quand un de ces mariages était sur le
point de se faire, le bruit s'en répandait bien vue dans la
contrée, et alors on disait : Il y aura ce soir du bruit dans
Landerneau. >
Dans ta préface de sa pièce, Alexandre Duval nous
apprend qu'avant de se livrer à la littérature, il avait
été marin et qu'il avait fait ses études à l'école de
Brest. Or, comme cette ville est seulement à quatre
lieues et demie de Landerneau, il est bien probable
que notre auteur aura fréquemment entendu le pro-
verbe en question, et qu'en effet, il l'aura mis par
Il réminiscence » ainsi que ledit .M. Malgrange, dans
celte comédie des Héritiers, qu'il écrivit en un jour.
Je remercie M. le juge de paix de Joigny d'avoir bien
voulu insister sur une question pour la solution de
laquelle il avait de si bons renseignements à donner.
II.
La lettre qui suit m'invite à dire pour quelle raison
j'ai mis l'être à la place de V\nî'inW être justifiée dans
un de mes derniers numéros :
Paris, le 9 décembre 1876.
Monsieur,
.€ Il s'agit de savoir si l'on peut justifier cette préférence
de l'usage. Je dis qu'elle peut parfaitement l'être. »
4U
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Voilà ce que je trouve au bas de la première colonne de
la page 99, dans votre numéro du Courrier de. Vaiigelas du
1" de ce mois. C'est évidemment là une phrase à corriger,
et, non moins évidemment, c'est par suite d'une simple
distraction qu'elle a pu se trouver sous votre plume. Tou-
tefois, comme il peut y avoir certains de vos lecteurs, à
l'étranger, par exemple, qu'elle serait de nature à induire
en erreur, je crois qu'il est essentiel qu'un de vos plus
prochains numéros en contienne la correction.
Veuillez agréer. Monsieur, l'assurance de ma considéra-
tion très-distinguée.
Un de vos lecteurs.
Dans la cinquième année de ce journal, page 1^8,
j'ai consacré presque deux colonnes à cette question
controversée de l'emploi de l'être à la place d'un infi-
nitif passif dont l'actif est énoncé plus haut dans la
phrase. Or, comme j'y conclus, et avec raison, je
crois, en faveur de cette construction quand il y a
« identité de son » entre l'infinitif du verbe et son
participe, il me semble que j'ai pu, sans commettre de
faute, écrire l'être dans la phrase incriminée par les
lignes qi^'on vient de lire.
X
Première Question.
Je trouve cette phrase dans le Figaro : « Cette mal-
heureuse diplomatie, dont les décisions et les verdicts
auront la valeur du bon billet qu'a La Châtre. » Je
vous serais obligé de me faire connaître par la voie de
votre journal la signification de cette phrase, et, en
même temps, l'origine de l'expression que j'y souligne ?
Depuis quelque temps, le marquis de La Châtre était
l'amant favorisé de la célèbre Ninon de Lenclos, quand
il reçut l'ordre de se rendre à l'armée.
La séparation en pareil cas lui était bien cruelle, car
il pressentait le torique l'absence devait lui faire auprès
d'une personne accoutumée à voir dans l'amour autre
chose qu'un sentiment.
Pour se rassurer l'esprit, il chercha une garantie
contre l'inconstance bien connue de sa maîtresse : il
voulut qu'elle s'engageât par écrit à lui rester fidèle.
Ce fut en vain que Ninon lui représenta l'extrava-
gance, la folie d'un pareil acte ; obligée de céder pour
se soustraire a des importunités incessantes, elle lui
signa un billet où elle faisait de tous les serments celui
qu'elle était le moins capable de tenir, le serment de ne
jamais aimer que lui seul.
Muni de ce précieux titre, La Châtre courut où l'ap-
pelait son service.
A quelques jours de là, Ninon se donnait à un autre,
et laissait échapper l'exclamation qui suit au moment
où elle manquait le plus manifestement à sa promesse :
Ah!... Ah /...le bon billet gu'a La Châtre!
Instruit de l'allusion contenue dans ces paroles, le
nouvel amant trouva la précaution du marquis si ori-
ginale qu'il ne put en faire un mystère, et le bille/ de
•La Châtre, comme le dit Bret [Mém. sur la vie de
Ninon, p. .'iSj, devint bientôt dans la bouche de tout
le monde un proverbe qu'on appliquait et qu'on ap-
plique encore à toutes les choses sur lesquelles il n'est
guère sage de compter.
Or, il résulte évidemment de l'explication précédente
que la phrase du Figaro que vous avez bien voulu
m'adresser signifie tout simplement ceci :
Cette malheureuse diplomatie, dont les décisions et les
verdicts n'auront aucune valeur.
X
Seconde Question.
Vous dites dans i-otre numéro du \" novembre,
page 83 ; « On pouvait croire que Brouillamini venait
du verbe Brouiller, qui existait en français depuis
le XIII'' siècle au moins. » Mais n'est-ce donc pas de là
que vient Brouillamini? Dans le cas contraire, je vous
plierais de me donner son étymologie.
Auguste Scheler voit dans brouillamini un « terme*
burlesque » formé de la terminaison latine du 2" plu-
riel de l'indicatif présent du passif et du verbe brouiller
« comme pour dire : vous êtes brouillés »; M. Littré
tient pour l'opinion de Ménage, qui pensait, comme
Jean Bourdelot, auTeur d'un Traité de l'étymologie des
mots françois, que brouillamini élaW. la corruption de bol
d'Arménie, du grec Pojao;, glèbe, motte de terre.
Mais, comme je vais vous le démontrer, la première
de ces étymologies est complètement fausse , et la
seconde n'est pas tout-à-fait vraie,
La première. — Si brouillamini venait du verbe
brouiller, il désignerait, ou plutôt il aurait désigné à
l'origine un certain mélange, ce qui n'est point, comme
le prouvent ces définitions :
(Le Furetièrede 1690)
Brouillamini. — C'est une terre rouge et visqueuse natu-
rellement sèche avec un peu d'odeur et de saveur.
(Le Dictionnaire de l'Encyclopédie, 1751)
Brouillamini. — Subst. m. (Pharmacie). — Nom que l'on
donne à des masses de bol qui sont de la grosseur du
doigt : on les appelle aussi bol en bille.
La seconde. — Dans bol d'Arménie, il y a un d,
qu'aucune corruption, je pense, ne peut faire disparaî-
tre, parce qu'il va parfaitement bien après 1'^ de bol.
Comment alors une telle expression aurait-elle pu
donner brouillamini ?
Ce mot, qui ne peut être tiré non plus, ni de bol
armenicque ni de bol urmene, usités tous deux au
XYi"" siècle, ne peut venir que de boli armeni, génitif de
bolus armenus, bol d'Arménie, que les médecins d'au-
trefois employaient dans leurs ordonnances, écrites
comme on sait en latin :
Recipc (prenez) boli armeni (de bol d'Arménie)
En effet, grâce à la voyelle o sonnant ou dans une
foule de cas, à la tendance à prononcer mouillées les /
qui se trouvaient entre deux voyelles, au changement
fréquent de e en /, et à un caprice de l'usage qui
transportait quelquefois les r du milieu des mots au
commencement, et réciproquement (les paysans de la
Beauce disent encore cocodvillc pour crocodile), on ex-
plique très-bien comment brouillamini a pu être formé:
llili armeni
Iloîdi arm/ni
Bcouli amini
Broui// amini.
Il peut se faire que cette étymologie vous surprenne;
LE COURRIER DE VAUGELAS
415
mais si vous voulez bien y réfléchir, je suis persuadé
que vous reconnaîtrez bientôt avec moi que c'est la
seule vraie.
X
Troisième Question.
Quels sont, s'il vous plaît, les cas d'emploi du mot
Néanmoins? Lex ç/rammaires et les dictionnaires ne ren-
seignent pas suffisamment à ce sujet.
L'adverbe en question est composé de néant et de
moins, car on écrivait autrefois ncant moins.
Dans l'origine, néant s'employa seul dans le sens de
non, comme le montrent ces exemples :
Quant aucuns eslisent néant digne à lor esciant, il per-
dent le pouer d'eslire.
{LivTt de Justice, p. 45. J
Turpins y Sert, ki nient ne s'ésparignet.
(CA. de Roland, st. CXIII.)
Joint à moins, le mot néant eut divers emplois que
je vais vous faire connaître :
•("Il serait pour ne... pas moins, devant un verbe
aCfirmatif, comme dans cet exemple :
Et niantmoins il fait tousjours Son devoir.
(Oresme, Elh. j5.)
2° Attendu que ne... pas moins s'emploie dans une
proposition pour exprimer une cho.'se faite en quelque
sorte en dépit de celle qui est exprimée précédemment,
neVmmùi?w a naturellement pris la signification de quoi-
que, dans les phrases négatives aussi bien;que dans
les affirmatives, ce que prouvent les citations suivantes :
Et néanmoins qu'il menast la vie que je vous dis, si estoit
il prince craignant et aimant Dieu.
(Marguerite, A'oiâ'. XXV.)
Beau sire Dieu, qui à si hault lieu comme à l'ordre do
chevalerie me laissastes monter et m'eleutes à vostre ser-
viteur, neanlmoins que je n'en fusse pas digne.
{Lancelot du Lac, t. III, fol. 83, dans Lacunie. )
3° Le pronom ce s'employant souvent pour rappeler
une proposition déjà énoncée , on l'a fait suivre de
néanmoins, avec lequel il a formé le sens de malgré
cela, qu'il a dans cette phrase :
D'autres la divisent [l'âme] en une partie mortelle, et
l'autre immortelle; autres la font corporelle, et ce néan-
moins immortelle.
(Montaigne, EssaU, liv. II, ch. IS, p. 4c6.)
Mais, pour des motifs que je n'ai pu découvrir, la
langue moderne ayant abandonné ce néanmoins ainsi
que néanmoins que, il s'en suit que cet adverbe com-
posé n'est plus employé aujourd'hui que dans le sens de
ne... pas moins, malgré cela.
X
Quatrième Question.
Je serais curieux de .-iavoir l'époque à laquelle se
place l'histoire de Gcéhidon, ce personnage dont le nom,
comme vous l'avez montre dans votre premier numéro
de la présente année, est dcrenu, dans notre langue.,
synonyme de porte-flambeau ?.
L'opuscule contenant les Fola.Hres et joyeuses amours
de Guéridon et Robinette a été publié à Paris en 1 6 M ;
et, quand se passaient les faits qui s'y trouvent relatés,
la « Place de la Pucelle « existait déjà a Orléans, puis-
que c'est non loin de cette place que fut rencontrée
Robinette par le messager de Guéridon.
Or, la dénomination de ladite place était néce.ssaire-
ment postérieure à la délivrance d'Orléans par Jeanne
d'Arc, délivrance qui eut lieu le 8 mai 1429. D'oii
découle la certitude que l'époque à laquelle remonte
l'histoire du personnage en question se trouve comprise
entre les années 1429 et 1611.
Je regrette de ne pouvoir vous donner une indication
plus précise; mais le résultat des recherches au.xquelles
je me suis livré à ce sujet ne me le permet pas.
ETRANGER
COM.MUNICATION.
L'auteur de la lettre suivante, dont l'exemple sera
bientôt suivi, du moins je l'espère, par d'autres lec-
teurs du Courrier de Vaugelas à l'étranger, propose
pour mièvre une étymologie différente de celle que j'ai
donnée dans mon numéro W de la présente année :
Copenliague, 6 décembre 1876.
Monsieur le Rédaf teur,
Lecteur assidu du Courrier de Vaugelas, je trouve dans
votre numéro 11, l'étymologie du mot mièvre.
Permettez-moi d'appeler votre attention sur une origine
de c&mot qui me paraît plus simple et plus naturelle que
celle que vous avez trouvée.
Selon moi, Mi'èircvientdel'adjpctifdanoisra'i'eï- (prononcez
rèrr'), qui, d'après iMolbecli, lexicographe danois, veut dire
mobile, vif, agi!e, alerte, et dérive de l'anglais uave.
Dans la partie occidentale du Jutland, on dit nœver
(pron. Hcir') au lieu de vœver.
N'y aurait-il pas une proche parenté entre le terme nor-
mand nîèvre et le terme jutlandais nœver?
Je serais heureux de lire votre appréciation dans un des
prochains numéros du Courrier de Vaugelas.
Agréez, Monsieur, l'expression de mes sentiments distin-
gués.
p. ViLSOËT.
A partir de la fin du règne de Charlemagne (8J4),
nos côtes de la .Manche fui'ent en proie aux ravages
continuels des pirates Scandinaves et danois ; et ces
derniers finirent par s'y établir en 912, c'est-à-dire
SOUS le règne de Charles-le-Simple.
Il se peut donc fort bien que vœver, corrompu en
nœver, ait été apporté en Normandie par des envahis-
seurs venant du Jutland occidental, et y soit devenu
tiièvre, ce qui implique naturellement que j'aurais
commis une erreur en donnant niévre comme dérivé
de mièvre.
.Mais est-ce le normand nièrre qui a fourni mièvre 'a
la langue française'!"
Je ne le crois pas; car il faudrait pour qu'il en fut
ainsi un changement de l'initiale n en ?n, changement
dont jusqu'ici il n'a pas été trouvé d'exemple, apparlc-
hant à l'un des idiomes qui se sont parlés ou se par-
lent encore 6ur le sol de la France.
1(6
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Or, si le français mièvre ne peut se tirer du normand
nièvre^ c'est-à-dire du Jutlandais nœver, venu du
danois vaver, quelle est son origine?
Pour le moment, je n'en aperçois pas d'autre que
mobilis, celle que j'ai déjà indiquée.
X
Première Question.
Faut-il dire pre.ndre qdelqd'on a brasse-corps, ou
PREJiDRE QCELQd'CN A BRAS-LE-CORPS? VoUà XITIC qUCStiOll
dont la solution intéressera probablement plus d'un de
vos lecteurs.
A mon avis, ni l'un ni l'autre ne sont bons; la seule
forme vraiment française de celte expression doit être
prendre quelqu'un à bras de corps, ce que j'espère
pouvoir vous démontrer.
En effet, que signifie l'expression dont il s'agit?
Elle veut dire prendre quelqu'un au mo^en de ses
bras (à soi) appliqués sur son corps (à lui).
Or, dans l'ancienne langue française :
1° Le nom de l'instrument avec lequel se faisait l'ac-
tion de prendre se construisait avec la préposition «
devant lui :
Pernez m'as bras, si m' drecez en séant.
{Moland, ch. IV, p. 237.)
On le blasma d'avoit fait cest accord pour recouvrer des
gens qui par laschelé s'estoient laissez prendre aux enne-
mis.
(Amyot, Fab. 19.)
Dn manant au miroir prenoil des oisillons.
(La Fontaine, FnW. VI, i5,)
2° Le nom de la partie du corps saisie admettait,
comme maintenant, par devant lui, et celte préposi-
tion pouvait, dans plus d'un cas, se remplacer par de,
preuve les exemples ci-après :
Bon sont à vaincre, de verte le sachez.
(Roncevaux, p. 70.)
Et se voulut agenouiller de la grand joie qu'elle avoit.
(Froissart, I, I, 14.)
Fut prins ung varlet des Angloys, et fut incontinent
amené devant le roy d'Angleterre.
(Idem, IV, 7.)
Par conséquent, il a été loisible de dire prendre
quelqu'un à bras de corps; et, comme on l'a dit
réellement, ce que montre la phrase suivante, em-
pruntée aux Ce7it nouvelles nouvelles de Louis XI (éd.
du bibl. Jacob, p. 9A) :
Si se tourna [l'épouste] tôt devers lui et le prini à bnns
bras de corps, et lui commença à dire : Venez çà, mon
mari, etc.
j'en conclus que c'est bien ainsi, et non autrement, que
doit se formuler l'expression que vous m'avez soumise.
X
Seconde Queslion.
En parlant d'une femme bien mise, vous dites : Elle
EST TIRÉE A QtUTRE ÉPINGLES. D'oit rient donc Cette ex-
pression ? Je vous remercie d'avance de la réponse que
vous voudrez bien, je l'espère, me faire à ce sujet.
Le fichu, cette pointe légère que les femmes se mettent
parfois autour du cou, fut jadis une partie essentielle
de leur vêlement, comme il en est encore une chez les
paysannes de la Beauce et du Perche.
Or, pour que la personne qui le portait fût bien
habillée, il fallait que le fichu fit le moins de plis pos-
sible, condition que l'on réalisait au moyen de quatre
épingles ; une pour l'arrêter dans le dos, deux pour
l'assujélir sur les épaules, et une, enfin, pour le tenir
croisé sur la poitrine.
D'où la locution proverbiale être tirée à quatre épingles
(lilléralement, avoir son fichu tendu par quatre épin-
gles) pour signifier, en parlant d'une femme, qu'elle
est extrêmement soignée dans sa mise.
Si l'on en croit La Mésangère, celte expression ne
s'appliquerait pas aux hommes. Mais c'est une erreur,
car voici une citation que Quitard dit empruntée à un
Règlement de la paroisse de Saint-Jacques de l'Hôpital
de Paris, rédigé il y a près de 300 ans, laquelle prouve
de la manière la plus évidente que, vers le xvi" siècle,
les quatre épingles ont joué un rôle aussi important
dans la toilette des hommes que dans celle des
femmes :
Le crieur est tenu avant la fête de monseigneur saint
Jacques, d'aller par la ville, avec sa cloctiette et vestu de
son corset, crier la confrérie. Item, doit à chasque pèlerin
et pèlerine quatre épingles pour attacher les quatre cor-
nets des manielets des hommes et les chapeaux de fleurs
des femmes, etc.
X
* Troisième Question.
Selon vous, laquelle de ces expressions, la pointe do
JOCH, ou LE point DU JOCR, doit être préférée à l'autre?
M. Litlré voit une différence de sens entre ces deux
expressions, qui renferment toutes deux le participe
passé du verbe poindre, l'une au féminin, l'autre au
masculin.
D'après le célèbre lexicographe, \e point du jour
serait le moment précis o'ù le jour commence à paraître,
et la pointe du jour serait formée par les premières
lueurs qui se montrent le matin.
En est-il réellement ainsi ?
Je ne le pense pas ; il me semble que les expressions
dont il s'agit signifient absolument la même chose, à en
juger par les exemples suivants, où le point du jour
pourrait parfaitement se remplacer par la pointe du
jour :
Et ne l'ai pu savoir jusqiies au point du jour.
(Corneille. CiJ, IV, 3.)
11 surprit an point du jour les cent vaisseaux.
(Fénelon, TMm , XVI.)
Mais si elles ne diffèrent pas de sens, ces expressions
diffèrent de construction ; car, bien que Bernardin de
Saint-Pierre ait dit dans Paul et Virginie :
Noua re^lAines 14 jusqu'au pciil point du jour.
il est certain qu'avec un qualificatif, l'usage s'accom-
mode généralement mieux de pointe que de point.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
U7
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1' ... ses sourcils olaieiit moitié blancs, moitié noirs; — 2° ...
pas tombée à ce point qu'un parti; — 3° ... petit appartement
des Balignolies (voir Courrier de Vaugelas, 6' année, p. 18); —
■i* Or, nous ne sachions pas (voir Courrier de Vaugelas, 5" an-
née, p. 188); — 5° ... pour que les délibérations pussent être
reprises; — 6' Sur la place de Suiférino (Voir Courrier de Vau-
gelas, l" année, n* 1, p. 3, où se trouve l'explication de ce de);
— 7° ... rame chaque jour sur de pareilles galères (le verbe
ramer, mouvoir une rame, n'a jamais été actif); — 8° ... plus
haut, de petits étalilissements; — 9° ... ne laissa pas de m'in-
Iriguer (voir Courrier de Vaugelas, 4° année, p. 155, où il est
démontré qu'il ne faut pas dire ne pa.s laisser que de)\ — 10° ...
sont des plis favor.ibles (voir Courrier de Vaugelas, i' année,
p. 84, sur l'emploi de on ne peut plus suivi d'un adjectif).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° A cette politique, je ne sache qu'une seule objection,
c'est que triomphant sans péril, elle triompherait sans
gloire.
1' Le Reichstag a commencé aujourd'hui la discussion,
en seconde lecture, du projet de budget pour l'Alsace-Lor-
raine. Ce projet a été adopté jusques et y compris le cha-
pitre relatif à l'administration judiciaire.
3* Il s'en prit à ma propre personne, qu'il mit grotesque-
ment en scène, sans que j'aie honoré ces pantalonnades
d'autre chose que de mon mépris.
4° Ne les froissez pas ces braves gens, dans leur religion,
la religion de celui dont les prodiges les faisaient fiers
d'appartenir â la première nation du monde.
5* Je poursuivis, me disant que je garderais, malgré tout,
mon indépendance; je trouvai original une œuvre impé-
riale faite par un démocrate.
6* Tel rapproché que soit le sujet, Aapoléon et ses chefs
ont été absolument pour nous comme Agamemnon et les
chefs grecs ei troyens.
7* Comme j'escaladais le perron, la porte principale s'ou-
vrit, et je fus reçu dans les termes suivants par un homme
âgé de cinquante ans environ.
8' Ce sera, sans doute, notre première et dernière entre-
vue, car je puis à peu près vous promettre, términa-t-il
avec un ac'-ent très-significatif pour moi seul, que nous ne
nous verrons plus à Paris.
9° L'arrivée de M. Jules Simon, c'est l'entrée définitive
et on ne peut plus juridique du personnel du 4 septembre
aux afiairef, mais dans sa partie la moins ardente, pour
ne pas dire la moins novatrice.
10° Tous les rapporteurs qui se sont succédés depuis
cinq ans à l'Assemblée nationale ont usé et abusé de cet
argument.
11" M. Valette est à cette heure très-bien et ne songe
rien moins qu'à quitter ce bas monde malgré ses soixante-
douze ans.
12° Comme je liens à maintenir la paix, l'interpellation
qui m'est adressée m'est on ne peut plus désagréable. Je
ne crois pas que le proopinant ait l'intention de rendre
ma lâche plus difficile.
13° 0 puissance inconnue I souffle de vie, électricité posi-
tive, qui a su rassembler ces pierres inanimées, sois
bénie : deux grands hommes te devront lu bonheur de
leur vie.
{/.et corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII» SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
Né à Lyon en 1658, Nicolas Andry, surnommé Bois-
Regard, vint à Paris étudier en philosophie au collège
de Grassins, où il se fit répélileur pour subvenir aux
frais de ses éludes en théologie. H devint professeur au
même collège, et, en 1687, il commença à se faire con-
naître dans les lettres par sa traduction du Panégyri-
que de Théodose-le-Grund, de Pacatus, et par un
ouvrage intitulé : Des sentiments de Cléarquc sur le
Dialoque d'Eudoxe et Pilante, où il attaquait les opi-
nions philosophiques du P. Bouhours.
Dégoûté de la théologie, il étudia la médecine, fut
reçu docteur à Reims, et, en 1697, à la Faculté de
Paris.
Un peu de mérite et un grand talent d'intrigue le
firent connaître, et il fut nommé successivement profes-
seur au Collège royal, censeur et collaborateur au Jour-
nal drs Savants.
Malgré les justes préventions qu'avait inspirées la
manière adroite dont Andry avait préparé ses succès, et
malgré son caractère satirique et emporté, qui ne lui
faisait épargner ni rivaux ni amis, il fut élu doyen de
Faculté, en 1724.
Les premiers temps de son décanat furent marqués
par les vues les plus sages ; frappé de la supériorité de
talent qu'exige l'exercice de la médecine, Andry voulut
lui assurer la prééminence sur la chirurgie, et fit con-
server à la Faculté le droit d'inspection qu'elle avait
toujours eu sur les chirurgiens ; il fit aussi décréter que
nul chirurgien ne pourrait pratiquer l'opération de la
tiiille qu'en présence d'un médecin.
Bientôt, il voulut dominer la Faculté elle-même, et
aspira dès lors à faire nommer Helvétius, son ami,
premier médecin du roi protecteur de la Faculté;
mais il fut deviné par cette compagnie, qui reconnut
dans cette apparence de zèle l'ambition particulière du
doyen, et il ne lui pardonna pas de lui avoir fait éprou-
ver un refus.
Des ce moment, Andry s'efi'orça de perdre ceux des
membres de la Faculté qui s'étaient opposés à son
projet. Dans celte vue, il ne rougit pas d'altérer l'opi-
nion que cette Faculté avait émise sur la bulle i'nirjc-
nilus, alin de lui nuire dans l'esprit du ministre. L'af-
faire se termina à sa honte, et, pour prévenir un sem-
blable abus, il fut décidé que les décrets de la Faculté
seraient dorénavant signés par plusieurs docteurs.
Un devine la haine que, dès lors, la Faculté porta à
.Vndry, haine qui s'augmenta encore par les querelles
jiarticulieres qu'il eut avec plusieurs de ses membres,
et par les écrits polémiques et injurieux auxquels ces
querelles donnèrent lieu. Andry ne fut pas réélu doyen.
La composition de quelques libelles contre Geoffroy,
us
LE COURRIER DE VAUGELAS.
son successeur, et contre la Faculté, parut d'abord le
venger; elle lui valut même la censure, au prix de
laiiuelle on crut acheter la paix. Mais son triomphe fut
de courte durée ; le cardinal de Fleury connut enfin les
excès dans lesquels le dépit et l'orgueil précipitaient un
homme qui devait sa réputation plus à l'intrigue qu'au
talent ; il cessa de l'écouter, et devint le protecteur et le
vengeur de la médecine et de l'Université.
Andry mourut le \3 mai 1742, à l'âge de 84 ans,
doyen d'âge des professeurs du Collège royal.
11 a laissé de nombreux écrits en tête desquels figure,
avec la date de 4689, un ouvrage ayant pour titre :
Réflexions ou Remarques critiques sur l'usaqe présent
de la langue française, ouvrage dont les matières sont
rangées par ordre alphabétique, et d'oii je vais extraire
ce qui me semblera devoir intéresser mes lecteurs.
A employé pour De. — On entend dire quelquefois :
c'est le frère à ce monsieur ; c'est l'ancienne manière
de parler ; il faut dire de ce monsieur.
A plus élégant que Par. — x\près se laisser suivi d'un
infinitif, il est plus élégant de mettre à que par ; ainsi
se laisser prendre à l'éclat vaut mieux que se laisser
prendre par l'éclat.
A l'aveugle et Aveuglément . — L'un et l'autre « se
dit, » mais différemment : aveuglement marque le
mouvement déréglé de la volonté vers un objet, et à
l'aveugle., le mouvement de l'esprit et le défaut d'intel-
ligence.
A l'envy, A qui mieux mieux. — Ce dernier est du
style simple et familier ; à l'envy est plus noble. Vau-
gelas condamne à qui mieux mieux ; mais, ou il s'est
trompé, ou l'usage s'en est introduit depuis peu.
A merveille. — Ne se dit plus qu'en bonne part ;
autrefois, il se disait aussi bien en mauvaise qu'en
bonne.
A nage, A la nage. — Tous les deux sont bons;
l'emploi dépend de la cadence de la phrase.
A la persanne, A lapersienne. — On dit ordinaire-
ment â la persienne mieux qu'à la persanne. Mais il
faut remarquer qu'on dit plutôt le langage persan que
le langage persien, quoiqu'il y en ait beaucoup qui
préfèrent ce dernier.
Président à mortier, Président au mortier. — Plu-
, sieurs personnes, très- versées dans la langue, vou-
draient qu'on dit président à mortier, comme on dit
couteau à ressort; mais l'usage combat cette façon de
parler, et veut qu'on d'iso président au mortier.
Ahbé à court manteau, en court manteau. — Il y a
une dilTéretice entre ces deux expressions ; la première
signifie un abbé qui a l'habitude d'aller en manteau
court ; la secomle, un abbé qui, accidentellement, porte
un manteau court.
Accélérer. — Ce mol n'est |)as assez établi (1(189) ;
on le dit néanmoins en « philosophie » : V accélération
du mouvement.
Accoust rement. — Ce terme, comme le verbe nccous-
trer, ne [leut guère trouver place que dans le burlosiiue
ou le style bas.
Acquérir. — Le futur de ce verbe n'est pas encore
bien fixé; les uns disent ']acquerray, et les autres j'ac-
querreray.
Additions élégantes. — Il est bon, quelquefois, d'a-
jouter certains mots qui, ne servant point au sens, ne
laissent pas néanmoins de donner de la force et de l'or-
nement au discours. Ainsi quand le sublime vient à
paroistre, il renverse tout comme un foudre vaut mieux
que si l'on disait seulement quand le sublime parois.
Adjectifs pour substantifs — Ce n'est pas la même
chose de s'exprimer par les substantifs ou par les adjec-
tifs ; d'accuser, par exemple, un homme d'ignorance,
ou de dire qu'il est un ignorant, de lui reprocher une
sottise, ou de lui dire qu'il est un sot.
Adulateur. — Ce mot est un peu hardi ; il est meil-
leur en poésie qu'en prose.
Affectionné serviteur. — On ne signe jamais ces mots
qu'en écrivant à une personne inférieure ; ce serait ne
pas savoir vivre que d'en user autrement.
Agneau, Anneau. — Quand on parle de la chair de
cet animal, on prononce anneau; mais si on parle de
l'animal même, il faut dire agneau (1689).
Aheurté. — Ce mol est fort bon pour marquer l'at-
tache opiniâtre à un sentiment : il est tellement aheurté
à cela, qu'il n'y a pas lieu de l'en desabuser.
Aider quelqu'un. Aider à quelqu'un. — Pour signi-
fier proprement partager avec lui les mêmes peines, on
dit aider à quelqu'un ; mais, dans les autres cas, on dit
aider quelqu'un.
Pluriel de Ail. — Puisque le pluriel aux n'est plus
en usage, pourquoi ne pas dire des ails?
Aise. — Avec le verbe atmir et autres semblables, on
met ce mot au pluriel : avoir ses aizes, chercher ses
aizes.
Alambiquer. — Ce mot n'est d'usage qu'au figuré
burlesque, alambiquer son esprit ; mais on ne dit pas,
au propre, alambiquer des herbes au lieu de distiller.
Il est allé, Il a esté. — Ces deux termes diffèrent de
signification : il est allé à la me.sse suppose qu'on y est
encore ; il a esté à la messe suppose qu'on en est revenu.
Aménité. — Ce mol commence à s'établir.
Amelette, Omelette. — L'un et l'autre sont bons.
Ascendant. — Il y a des gens qui se servent trop de ce
mot, et qui mettent V ascendant à tout. C'est un terme
fort en usage aujourd'hui (1689), mais il ne faut pas
l'affecter.
Assez suffisant. — Les bonnes gens disent cela quel-
quefois; mais c'est très-mal parler, puisque dire qu'une
chose est suffisante, c'est dire qu'il y a assez d'elle.
Assouvir. — Ne se dit bien que des passions déréglées
de l'âme : assouvir sa rangeance, sa haine.
Attendu que. — Il a un peu vieilli, veu que vaut
mieux.
Attrocilé. — C'est un très-bon mot pour exprimer la
noirceur et la grandeur d'un crime; mais l'adverbe
utlrovcmcnt ne se dit pas.
{La suite au prochain numéro.)
Lr RÉDiCTEOR-GÉHAnT 1 Emak MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
449
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE,
Publications de la quinzaine
Erreurs et mensonges historiques; par M. Ch. Bar-
thélémy, membre de l'Académie de la religion catholique
de Rome, 6" série. In-18 jésus, 285 p. Paris, librairie
Blériot. 2 fr.
Origine des cultes, histoire complète de toutes
les religions chez les peuples anciens et modernes.
Ouvrage entièrement nouveau, publié à la suite de nom-
breuses recherches sur les documents les plus authen-
tiques; par Dupuy. In-18, 1/ii p. Paris, lib. Le Bailly.
Nouveau Dictionnaire français, orthographique,
géographique, historique et mythologique, par
J. George. Nouvelle édition, entièrement refondue, avec
addition des étymologies et de plus de 3,000 mots; par
Armand Lacombe, ancien directeur d'école normale.
In-18 Jésus, viii-11112 p. Pariz, lib. Fourault et fils.
Les Filles du Professeur; par Mlle Julie Gouraud.
Ouvrage illustré de 36 vignettes par Bertall. In-18 jésus,
363 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 2 fr. 25 cent.
Histoire du mobilier, recherches et notes sur les
objets d'art qui peuvent composer l'ameublement
et les collections de l'homme du monde et du cu-
rieux; par Albert Jacquemart. Avec une notice sur l'au-
teur par M. H. Barbet de Jouy, conservateur des collec-
tions du moyen âge et de la renaissance au musée du
Louvre. Ouvrage orné de plus de 200 eaux-fortes typo-
graphiques, procédé Gillot, par Jules Jacquemart. Grand
in-S», iv-671 p. Paris, Mb. Hachette et Cie. 30 fr.
Lettres sur les États-Unis et le Canada adressées
au Journal des Débats à l'occasion de l'exposition uni-
verselle de Philadelphie; par M. G. de Molinari, membre
correspondant de l'Institut, ln-18 jésus. 371 p. Paris,
lib. Hachette et Gie. 3 fr. 50.
Histoire de la Révolution de 1870-71 ; par Jules
Claretie. Edition illustrée par les plus célèbres artistes.
Livraisons 21 à 120. T. 5 (lin). In-S», 380 p. Paris,
lib. Illustrée. Chaque livraison, 25 cent.; chaque vol. 6 fr.
L'Enfant trouvé ; par Etienne Enault. Edition illus-
trée. ln-ti°, àbO p. Paris, lib. Roy.
Les Amoureux du livre. Sonnets d'un bibliophile.
Fantaisies d'un bibliomane Commandements du
bibliophile. Bibliophiliana. Notes et anecdotes. Tables
et index analytiques; par F. Fertiault. Préface du biblio-
phile Jacob (Paul Lacroix). 16 eaux-fortes par Jules Che-
vrier. In-8°, XL-iOO p. Paris, lib. Claudin. 30 fr.
La Famille Luzy, ou Désintéressement et Cupi-
dité; par A. Gardon. 7<= édition. In-12, 226 p. et gr'av.
Paris, lib. Lefort.
Voyage au pays de la Liberté. La "Vie commu-
nale aux États-Unis; par Louis Jacolliot. In-18 jésus,
235 p. Paris, lib. Decaux.
Du rôle auxiliaire de la littérature dans le mou-
vement social. La Mort de Louis d'Orléans. Le
Monde dramatique; par Julien Le Rousseau. In-18
jésus; 575 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Dans les herbages. Les Échos suisses. Le curé
de Saint-Gérabold. Les Amours de Jacqueline; par
Gustave Le Vavasseur. In-18 jésus, 3i7 p., Paris, lib.
Pion et Cie.
Le Moulin rouge ; par Xavier de .Montépin. Edition
illustrée de vignettes sur bois. In-i» à 2 col., 207 p. Paris,
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ILLUSTRE PRINCESSE M.\.RGUER1TE d'AxG0ULÉ.ME, ROINE DE
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teur, 27-29, passage Choiseul. — Prix : 2 fr. 50 cent.
PETIT D1i:TI0.\NAIRE UNIVERSEL, ou Abrégé du
dictionnaire français de e. Littré, de l'Académie fran-
çaise, augmenté d'une partie mythologique, historique,
biographique et géographique. — Par A. Beaujean, pro-
fesseur au lycée Louis-Ie-Grand. — Paris, librairie
Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain. — Prix :
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ŒUVRES CHOISIES DE LUCIEN. — Traduction Belw
DE Ballu. — Nouvelle édition, revue et corrigée par
E.MILE Pessonneaux. — Parls, G. Charpentier, libraire-
éditeur, 13, rue de Grenelle-St-Germain. — Prix : 3 fr.
50 cent.
NOUVELLES ANCIENNES. — Par Louis Dépret —
Paris, librairie Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-
Germain. — i!i83 pages — Prix : 3 fr. 50 cent.
LETTRES DE MADEMOISELLE DE LESPINASSE. —
Nouvelle édition augmentée de dix lettres inédites, ac-
compagnée d'une Notice sur la vie de M"« de Lespinasse
et sur sa société, de Notes et d'un Index analytique. —
Par Gustave Isamdert. — 2 volumes. — Paris, Alphonse
Lemerre, éditeur, 27-31, passage Choiseul. — PrLx : 5 fr.
420 LE COURRIER DE VAUGSLAS.
Publications périodiques :
L'INTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX.—
Questions et réponses, communications diverses à l'usage
de tous les littérateurs, artistes, bibliophiles, etc. —
Dixième année. — Abonnement : 12 fr. pour la France,
et 15 fr. pour l'étranger. — S'adresser à la librairie
Sandoi et Fischbacher, 33, rue de Seine, à Paris.
REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE UITTÉRATURE.
— Recueil hebdomadaire publié sous la direction de MM.
G. de La Berge, M. Bréal, G. Monod, G. Paris. — Di.^ième
année. — Nouvelle série, 2= anuée (1877). — Prix d'abon-
nement : Un an, Paris, 20 fr.; — départements, 22 fr.;
— étranger, le port en sus ; — un numéro, 75 c. — Paris,
Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte.
REVUE SUISSE. — bibliographie, archéologie, ltttèra-
TURE, BEAUX-ARTS. — Paraissant le l"'' et le 15 de chaque
mois. — Prix par an, 10 fr., et le port en sus pour l'étran-
ger. — Cette revue, qui rend compte de tous les ouvrages
dont on lui envoie deux exemplaires, se trouve à Paris,
chez MM. Sandoz et Fischbacher, libraires-éditeurs, 33,
rue de Seine.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Société .académique de Saixt-Quentix. — Concours de l'année 1877 — Poéde : le sujet est laissé au choix des
concurrents. — Cantates: le sujet est laissé au choix des concurrents. Les pièces envoyées au Concours devront
remplir les conditions exigées par le Conservatoire national de musique pour le prix de Rome, c'est-à-dire être à
personnages (une voix de femme et deux voix d'hommes), et contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un
trio final. La Cantate couronnée en 1877 servira de texte pour le concours de musique qui aura lieu en 1878. — Ces
Concours seront clos le 1='' mars 1877.
L'Académie fr.^noaise propose 1' « Eloge de Buffon » pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Ils devront
porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce billet contiendra le
nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envjoyés au Concours ne seront
pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Société littérmre, scientifique et artistique d'Apt. — Concours de poésie française pour l'année 1876-1877. —
Le sujet et le genre sont laissés au choix des concurrents. Prix : une médaille d'or. — Il est ouvert en outre un
Concours spécial : Pièce de vers français en l'honneur de Sainte-Anne. Prix : une médaille d'or. — Les pièces devront
être adressées franco au Secrétariat de la Société avant le 15 mars. — Il pourra être décerné des médailles d'argent
ou de bronze à titre de 2"^ prix ou de mention honorable.
La Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne décernera, en 1877, une
médaille d'or de la valeur de 100 francs à l'auteur de la meilleure pièce de vers sur un événement de notre histoire
nationale. — La Société, à mérite égal, donnera la préférence aux sujets relatifs à la Champagne. — Les ouvrages
envoyés au concours devront être adressés, francs de port, au secrétaire de la Société, avant le 1" juillet 1877,
terme de rigueur.
Le Tournoi poétique, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Parai.ssant trois fois par mois (4« année). - Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien. — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze, Livres, Musique). - Abonnements,
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Euvoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
RENSEIGNEMENTS
A l'usage des Français qui désirent aller professer leur langue à, l'étranger.
agences auxquelles on peut s'adresser :
A P.tnis : M. Pelletier, 19, rue de l'Odécn; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin; —
A Londres ; M. Bisson, 70, Berncrs Street, W.; — MM. Grifflths et Smith, 22, Henrietta street, Covent-Garden,
W. C. ; — Le Collège of preceptors, Queen's Square ; — A Liverpool : M. le prof. Husson, Queen's Collège ; — A New-
York : M. Schermerhorn, 630, Broom Street.
Journaux dans lesquels on peut faire des annonces :
V American lH-gister, destiné aux Américains voyageant en Europe; — le Galignani's )fessenger, reçu par nombre
d'Anglais qui habitent en France; — le Wekker. connu par toute la Hollande; — le Journal de Saint-Pétersbourg, très,
répandu en Russie; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. Harlwick, 390, rue St-Honoré, à Paris, se charge des insertions.)
M. Eman Martin, Rédacteur du CocRniER de Vaugelas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUPELEV à Nogent-le-Rotrou.
7" Année.
N" 16.
15; Janvier 1877
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraiasant le 1« et le 15 de chaque mois
{Dans sa séance du M janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le porl en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours lidéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ETBANOERS
Officier d'Académie
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un lil)raire quelconque.
AVIS.
Les personnes qui désirenl se procurer la colleclion
complète du Cocrrier de Vaugel.4s apprendront avec
plaisir que la réimpression des cinq premières années
de ce journal va probablement pouvoir commencer
dans la première quinzaine du mois prochain.
SO.M MAIRE.
Communication sur Péqnin; — ■Signification de T'/e«.,r Carcan,
expression employée par les charretiers; — Explication de
J'irais quand il tomberait des hallebardes: — Etymologie de
iXonobstant ; — Justification de la construction Devrait- elle
disparaître ... que; — Pourquoi Prussificalion ne peut être
français; — Si l'on doit dire On dirait un homme, ou On
dirait d'un liommeW Origine et emploi de Prenez mon ours;
— Pourquoi les enseignes commencent par A; — Etymologie
de l'expression Blacit-boulé || Piisse-iemps grammatical. 1|
Suite de la biographie de Mcolas Aadry \\ Ouvrages de
grammaire et de littérature. || Concours littéraires. || Rensei-
gnements offerts aux Étrangers.
FRANCE
COM.MUNICATION.
Le correspondant qui m'écrit la lettre suivante n'est
pas convaincu de la bonté de 1 etymologie de péqttin
qui m'a été transmise par .M. Philarète Chasles, et
que j'ai publiée dans leCourrier de Vaugelas (3e année,
p. 33) :
Honfleur, le 29 novembre 1876.
Monsieur le Rédacteur,
Mon seul mérite étant de persévérer à suivre une piste
lorsque je la juge bonne, vous ne devez point trop vous
étonner que j'insiste sur nouveaux frais à propos du mot
Péquin.
Je vous avais dit que, dans mon opinion, l'usage de ce
mot, surtout dans l'armée, devait être antérieur au pre-
mipr Empire, Pt mêmp do beaucoup. Or, en fpuilletant le
Dictionnaire liistorique de la France par Ludovic Lalannr,
voici ce que j ai trouvé :
« Pcquin,nomque l'on donnait quelquefois aux piquiers ».
Les compagnies régulières d'infanterie, au moins en
France, furent composées jadis de piquiers formant le
gros, auxquels on adjoignait, suivant les époques, des
archers, des arbalétriers, des arquebusiers ou des mous-
quetaires. Evidemment, les piquiers ne durent point être
en général les hommes d'élite, et les quolibets ne durent
point leur être épargnés. Ce n'était; point à coup sûr
pour les honorer qu'on leur donnait le nom de péquins.
D'où l'étymologie de ce mot tirée du latin peciis, ma
semble prendre d'autant plus d'autorité que les autres
étymologies, en raison des faits que je viens de citer, sont
de moins en moins soutenables.
La pique cessa, il est vrai, d'être en usage dans l'armée
proprement dite dès les premières années du dix-huitième
siècle. Mais en 1792, on donna des piques aux gardes
nationaux sédentaires. Cela suffit pour porter à croire que
les militaires, les soudards, qui ne furent jamais très-
aimables à rencontre des gardes nationaux, leur attri-
buèrent les sobriquets appartenant d'origine aux militaires,
et qui n'avaient point été oubliés. Les appeler piquiers
n'eût guère été plus injurieux que d'appeler fusiliers des
gens armés de fusils. Péquin était bien plus drôle, et le
laps de temps écoulé entre 179î et l'Empire n'était point
tel que l'on puisse en argupr. D'ailleurs l'usage de la
pique se continua pendant plusieurs années et il allait si
bien aux gens incapables d'en mésuser que beaucoup de
massiers la portent encore aujourd'hui.
J'ai l'honneur d'être, monsieur le Rédacteur,
Votre très- humble serviteur.
Charles Maisonrouqe.
Voici ma réponse à cette communication :
1" Il est parfaitement exact que Ludovic Lalanne dit
que le nom de péquin fut donné « quelquefois » aux
piquiers. Mais puis-je avoir confiance dans celte asser-
tion sans texte à l'appui, quand je ne trouve le mot
dont il s'agit mentionné nulle part dans le Diction-
naire des armées de terre qu'a publié le général Bardin?
2" Si jamais on a donné le nom de péquins à des sol-
dats-armés d'une pique, il me semble que ce nom a
dû être une corruption de piquiers, et non, comme
le prétend .M. .Maisonrouge, un dérivé de pecvs, vocable
latin dont le sens collectif s'oppose complètement à
ce qu'il puisse passer avec le sens individuel dans
liolre langue.
122
LE COURRIER DE VAUGELAS.
3'> Monlécuculli appelait la pique « la reine des
armes » ; Folard et Maurice de Saxe s'en montraient
chauds partisans, et Gugy en portait l'engouement
jusqu'à proposer de la rendre au premier rang de l'in-
fajiterie légère. Or, il m'est impossible de croire qu'une
arme tenue en si haute estime pendant le xvni" siècle
ait pu, en 1792, rendre ridicules aux yeux des mili-
taires les citoyens qui la reçurent pour contribuer à
défendre la patrie mise en danger.
La véritable origine de péquin, terme par lequel tous
ceux qui portent l'uniforme désignent aujourd'hui ceux
qui ne le portent pas, n'est autre que celle qui m'a
été envoyée par M. Philarète Chasles, et qu'indique
M. Liltré.
X
Première Question.
// n'est pas rare d'entendre un charretier en colère
traiter son cheval rfeviEcx carca:v. D'oii vient donc celte
locution ? Je vous serais bien reconnaissant si vous pou-
vies me le faire savoir par la voie de votre journal.
En vertu d'une certaine figure qui autorise l'emploi
du nom de la cause pour désigner l'elTet, du nom de
l'instrument pour signifier celui qui en joue etc., on dit
uneépée pour un combattant, un violon pour un musi-
cien qui joue du violon, une plume pour un écrivain,
une fourchette pour un dîneur, etc., comme le montrent
les exemples qui suivent :
C'était la plus rude épée de France.
(Hamilton, Gramm. 4.)
Qu'on fasse venir les violons du village, et que la journée
finisse par des danses.
(Marivaux, l'Epreuve, se. ai.l
C'est une de nos meilleures plumes, c'est-à-dire un de
nos meilleurs auteurs.
(Dumarsais, Tropes, II, 2.)
C'est une bonne fourchelte, c'est un liomme qui dîne bien,
qui sait bien dîner.
(Littré, Diciionn.)
La même figure a permis de dire un collier pour un
cheval de trait, ce dont voici la preuve :
Il y a tant de colliers pour le service de cette ferme.
(Littré, Diciionn,)
Le Normand fermier général fournit de bons chevaux à
Crery, son ami, et ne donna que des colliers et des char-
rettes à l'autre.
(Saint-Simon, 47, 41.)
Or, autrefois, collier avait pour synonyme carcan
(dérivé de l'ancien haut-allemand (luerca, ancien Scan-
dinave qverk, signifiant gorge, cou), mot écrit dans
nos vieux auteurs chanhant, cherchant, carcjuant,
carquan, comme le montrent ces exemples :
Un granl cherchtnit li ont au col lanciet
Li enfes pleure, ne se set consilier.
(Raoul de Cambrai, 3c7.)
Un grand charchanl li fait el col lacier.
{Au/ieyy, dan» Du Cange, Cnrcanmtm)
Vx durant la vie dudit duc de Brabant, y eut un nommé
Jean Chevalier qui voulut mettre à icelui duc un cnrquant
au cou.
(Monstrelet, II, 4i.)
Les capporauLv sont tenus de l'attacher eux-mesmes au
carquan ou collier.
(Carloix, IV, i3.)
D'où cette conclusion que l'apostrophe Injurieuse de
vieux carcan, dont les charretiers se servent si sou-
vent pour stimuler leurs chevaux, est tout simplement,
comme vous l'avez déjà deviné sans doute, l'équivalent
de vieux collier, vieux cheval de collier, vieux cheval
de trait.
On trouve dans le Dictionnaire du sport français,
par M. Ned Pearson :
Carcan, expression vulgaire et d'un assez mauvais goût
pour dé.-igner un cheval dépourvu de qualités. Il est
impossible de se rendre compte de l'origine de cette
locution.
J'espère qu'à sa prochaine édition, l'auteur, à qui je
me propose d'envoyer ce numéro, pourra peut-être pen-
ser qu'il y a lieu de faire quelques changements aux
lignes que je viens de citer.
X
Seconde Question.
Quand on veut exprimer qu'on a la ferme résolution
d'aller quelc/ue part, on dit assez souvent : if J'irais,
quand même il To.viBEitiiT des hallebakdes. » Quelle
est l'origine de cette expression ?
D'invention danoise, dit-on, la h«llebarde qui, au
temps de Philippe-Auguste, s'était appelée, sous des
foi'mes plus ou moins bizarres, bec-de- faucon, fauchon,
fauchai'd, guisarme et pertuisanne, fut introduite en
France par les troupes suisses que Louis XI prit à sa
solde.
Elle se composait d'une hampe ou manche de deux
mètres au plus de long et d'un fer de forme particu-
lière adapté à une douille placée au bout de la hampe.
Ce fer formait au-dessus de la douille, d'un côté, tantôt
une hache, tantôt un croissant tranchant à pointes
aiguës, et, de l'autre, un dard droit ou crochu; il se
continuait dans le prolongement de la hampe en une
lame à deux tranchants, large à la base, et se terminant
en pointe aiguë.
Arme d'estoc et de taille, la hallebarde faisait de si
graves blessures, qu'il était expressément défendu de
s'en servir dans les duels.
Or, ayant à manifester la ferme résolution de se
rendre d'un lieu dans un autre malgré les objections
que la personne à qui l'on parle peut tirer des menaces
du temps, on a trouvé tout naturel de dire :
J'irais quand même (/ pleuvruit, ou tomberait des halle-
bardes.
phrase qui est restée proverbiale et d'un usage fréquent
dans la langue familière.
X
Troisième Question.
Quelle est l'ctijmoloyie de isoinodstant, et dans quels
cas peut-on employer ce mot ?
LE COURRIER DE VAUGELAS
^23
La préposilion dont il est question ici est composée
de la négative non el de obstant (vieux verbe obster,
empêcher, faire obstacle' participe qui est encore fort
en usage dans quelques provinces, après avoir été long-
temps usité dans la langue française . comme ces
exemples en font foi :
Depuis, ohslant le bel et grant apport des pèlerins, etc.
(G. Dubois, dit Crétin, 1337 )
Elle ne les rapporte en telle sincérité comme elle les
avoit vues, obstant l'imperfection et fragilité des sens cor-
porels.
(Rabelais, t. III, p. 81, éd. de 173: )
Enfin, obstant ce qu'il vit que la place n'estoit pas
tenable, il prinl argent et abandonna cette place.
(àlain Chartier, Hist. de C arles VU, p. 90.)
Au participe présent obstant, on a joint la négative
non, ce qui donna la signification de malgré, puisque
le sens littéral est ne faisant pas obstacle telle chose :
Celui qui est vertueux et beneuré est touzjours droit et
bien, non obstant les fortunes.
(Oresme, les Ethiques. 34)
11 n'y mena pas tant de gens qu'il eust peu, nonobstant
qu'il alla iiien accompagné-
{Hist. d'Artus m, Connestahle.)
Vrai est que ces os lui croquoient parfois sous les dents;
mais ils passoient non obstant.
(Des Perriers, Contes, LXXV-)
Puis nonobstant s'est joint à ce pour former une ex-
pression signifiant malgré cela fceia ne faisant pas
obstacle) :
Ce nonobstant estoient jà les besognes si menées...
(Froissart, II. II, 200.)
lie duc de Toscane garda l'incognito; mais ce nonobstant
le roi voulut le distinguer.
(Saint-Simon, 54, iSa.)
Recevez-moy, vostre humble chrestienne,
Que comprinse soye entre vos esleuz.
Ce non obstant qu'oncques rien ne valuz.
(Villon, OEuv, p. 168, Paris, l832.;
Mais aujourd'hui, cette dernière construction a com-
plètement dispara, et il en a été de même de obstant
iqui avait donné obstance, terme de droit canonique,
difficulté qui empêche le pape de faire droit à une de-
mande- ; de sorte qu'il ne nous reste plus que nonobs-
tant, que nous écrivons en un seul mot, el que nous
employons comme synonyme de malgré devant les
substantifs et les pronoms.
X
Quatrième Question.
On trouve cette phrase relative à la France, dans la
GÉOGB.APniE l'îiiVEESELLE de M. Reclus : « Du reste,
uEviiAir-ELLE mcmc disparaître de la scène du monde,
QUE son action ne s'en continuerait pas moins, grâce à
.sa langue, etc. » Ce qde, après devrait-elle, n'est-il
pas une faute ?
Dans toute phrase commençant par une proposition
conditionnelle qui s'annonce par quand même, lors
même, si même, on peut supprimer la conjonction avec
même ; mettre le verbe au conditionnel ou a l'imparfail
du subjonctif; le faire précéder ou suivre de son sujet
s'il est au conditionnel, et l'en faire suivre s'il est à
l'imparfait, et cela, pourvu qu'on introduise un que
entre la proposition conditionnelle et la proposition
principale. Ainsi celles que voici :
Quand mime les avares auraient tout 1 or du monde, ils
en demanderaient encore.
Lors même que les dames auraient pelotonné leurs
enfants dans leurs caisses à chapeau.x, elles ne manifeste-
raient pas une plus tendre sollicitude.
A ce point de vue, si même la doctrine du progrès était
une illusion, nous devrions la bénir.
ont été tournées comme il suit, en vertu de la règle que
je viens d'énoncer :
Les avares auraient-ils tout l'or du monde, qu'ils, en
désireraient encore.
(Cité par Girault-Duv.)
Les dames auraient pelotonné leurs enfants dans leurs .
caisses â chapeaux, qu'elles ne manifesteraient pas une
plus tendre sollicitude.
(Wey, Us Anglais chez eux, p. 21.)
A ce point de vue, la doctrine du progrès fut-elle une •
illusion, que nous la devrions la bénir.
(Eug. Pelîetaji, le Monde marche, p. a8 1
Or, la phrase que vous avez envoyée à mon examen
est évidemment la tournure de cette autre, faite sur
le modèle des trois premières que j'ai citées :
Du reste, quand même elle devrait disparaître de la
scène du monde, son action n'en continuerait pas moins,
grâce à sa langue, etc.
D'où je conclus que la conjonction que mise par
.M. Reclus après monde est absolument nécessaire, et
que sans même, qui se supprime généralement avec
quand, lorsque et si, sa phrase serait complètement
irréprochable.
X
Ciuquiême Question
Dans votre numéro du V juillet vous dites, corri-
geant la phrase t> du numéro précédent, que « le mot
rnrssiFicATiON n'est et ne peut être français. » Dans
votre numéro du i" décembre, vous redites la même
chose à l'occasion d'une autre phrase. Voudriez-vous
bien m' expliquer pour quelles raisons le /not en question
ne petit entrer dans notre vocabulaire ?
En français, lorsqu'on veut exprimer par un seul
mot le sens de rendre, suivi d'un adjectif désignant
une nationalité ou un idiome, on emploie des verbes
formés de cet adjectif et d'une finale qui est tantôt iser
'franciser, germaniser, etc.), et tantôt //(>/■ (russiOer),
verbes d'où se tirent naturellement des substantifs en
a lion .
Or, le mot Prusse n'étant pas un adjectif, on n'en
peut faire le verbe prussi/ier, et, partant, le substantif
prussification ne peut pas exister davantage.
Voilà pour quels motifs j'ai remplacé prussification,
un vrai barbarisme, par prussianisation, terme parfai-
tement conforme à la règle.
X
124
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Sixième Question.
Doit-on dire on niniii ti\ homme qui, ou o\ dirait
d'un homme qui ? Le de est peu usité dans cette tournure
de phrase ; il me paraît une monstruosité.
Depuis le xviie siècle jusqu'à notre temps, les meil-
leurs auteurs ont employé, les uns, on dirait d'un, et
les autres, on dirait un.
Mais, de ces contructions toutes deux en usage, il
y en a une meilleure que l'autre; c'est, je crois, la
seconde, qui est mise pour :
On dirait [que c'est] un...
et qui devient devant un nom pluriel :
On dirait [que ce sont] des...
Dans la i" année du Courrier de Vaucjelas (numéro 2,
page 21, j'ai déniontré qu'en effet, c'est bien ainsi que
l'on doit s'exprimer, et j'ai expliqué d'où vient, selon
moi, l'erreur qui a fait construire de là où il n'a aucune
raison d'être.
ÉTRANGER
Première Question.
D'où vient, je vous prie, l'expression de prenez mon
ocus, que j'ai entendue maintes fois, pendant mon séjour
en France, pour engager quelqu'un à prendre une chose
que l'on vend, et quel est le cas oit l'on peut employer
ce singulier proverbe?
Celte expression nous est venue de la folie-vaudeville
de Scribe et Xavier, intitulée l'Ours et le Pacha, repré-
sentée pour la première fois à Paris sur le théâtre des
Variétés, le 10 février 1820.
L'ours favori de Schahabaham vient de mourir. Com-
ment distraire le pacha et l'empêcher de penser à cette
perte? On veut à celte fin lui donner une petite fête.
Des marchands européens se présentent au palais, et,
par bonheur, ils ont un ours dont ils cherchent à se
défaire.
Lagingeole.
11 joue, il danse comme une personne naturelle de
l'Opéra.... Je n'ai pas encore pu lui apprendre à chantPr,
cela viendrai... mais, en revanche, il pince de la harpe
divinement, et il a manqué de tlgurer dans une représen-
tation à bénéfice.
Mabécot.
Ah! mon ami! mon cher ami! nous sommes sauvés... Je
prédis à vous et à votre ours le sort le plus brillant!...
Par exemple, si celui-là ne devient pas le favori du
Pacha!... Mais ce n'est pas tout: le Pacha aime aussi les
poissons, et à cause du carnaval, il nous faudrait ... mais
il fiudrait quelque poisson ... extraordinaire ... vous
devez avoir celaï
Lagingeole.
Parbleu! j'ai votre affaire I... l'rencz mon nurs.
Ces trois mots, dits par Odry dans une pièce qui cul
au moins "iOO représciilalions, obtinrent une telle
vogue qu'ils s'employèrent ligurémcnl dans le sens de
croyez-m'en, prenez ce que je vous offre, comme le
montre une chanson composée en 1829 par Randon du
Thil, et dont voici quelques couplets :
Le monde est comme un grand bazar '
Où chacun étale à sa guise,
Et sait farder sa marchandise.
Qui se débite par hasard.
Plus d'un intrigant vous cajole,
Plus d'un fripon hausse le cours,
Répétant comme la Gingeole ;
Prenez mon ours.
Voyez cette bonne maman
Qui se trémousse, qui babille.
Et qui veut vous passer sa fille
Comme un cadeau de nouvel an.
Cette veuve qui vous attire
Et se montre dans ses atours;
Par un souris semble vous dire :
Prenez mon ours.
Ouvre-t-on l'urne du scrutin ,
Quand chaque parti se démèqe?
Un opposant énerguméne
Se fait loracle du destin;
Avec quelle emphase il s'écrie,
Vous rabâchant ses longs discours ;
Voulez-vous sauver la patrie?
Prenez mon ours!
Voilà d'où vient et comment s'emploie prenez mon
ours, expression qui n'existe que depuis un demi-siècle
dans notre langue, mais qui me paraît devoir y rester
longtemps.
-X
Seconde Question.
Voudriez-vous bien me dire pourquoi les enseignes
des marchands commencent toutes par la préposition A:
A la belle jardinière, a saint-adgustiin, aux trois quar-
tiers, etc. C'est vraiment curieux.
Cela tient, je crois, au rôle qu'a joué jadis l'enseigne
matérielle. En, effet, pour désigner une maison de com-
merce, il fallait, au temps où le numérotage n'existait
pas encore lil n'a commencé à Paris qu'en 1728) y
ajouter celui de l'enseigne, addition qui se faisait au
moyen de la préposition A; de sorte que l'on devait
dire, par exemple :
La maison à [ayant! l'enseigne du Grand Cerf.
Mais, quand il s'agissait de la partie écrite de l'en-
seigne, consistant en quelques mots qui accompagnaient
le plus souvent une image placée sur le devant de la
maison, il devenait inutile de mettre le moimaison sur
l'objet même qu'il servait à nommer :
A l'enseigne du Grand Cerf,
ce qui devenait, après l'ellipse du mot enseigne, qui se
faisait aussi naturellement que celle de maison :
Au Grand Cerf.
Or, cette formule s'étant conservée, quiconque ouvre
une boutique, un restaurant, un magasin de nou-
veautés, etc., ne manque pas, s'il y met une enseigne
écrite, de faire précéder de A le nom de l'objet maté-
riel (pii, dans l'origine, eût distingué su maison de
celle d'un autre.
Cette explication a déjà été donnée, et avec plus de
LE COURRIER DE VAUGELAS.
125
développements qu'ici, dans le numéro 19, page 3, de
la V année de ce journal.
X
Troisième Question.
D'où vient l'expression de black-boclk, que je trouve
employée assez fréquemment dans vos Journaux en par-
lant d'un candidat qui a échoué ? Je ne la trouve dans
aucun dictionnaire, pas même dans celui de Littré ?
En anglais, où noir se dit black, et où boute se dit
bail, on qualifie, si je ne me trompe, de black-balled
un candidat qui, dans un examen, obtient plus de
boules noires que de blanches.
Or, cette expression a passé assez récemment en
français, sans changer de sens; et, de même que les
Anglais défigurent le plus souvent les termes qu'ils
nous empruntent, de même nous avons défiguré leur
black-balled : nous en avons fait black-boulé, composé
hybride qui s'est appliqué familièrement, d'abord à
queliiu'un qui avait échoué dans un examen, et ensuite,
par extension, à tout candidat qui n'avait point réussi
dans une élection, soit politique, soit autre.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrqptions du numéro précédent.
1°., A cette politique, ,/e ne ia/s([u'iine seule objeclion; ^ Î-... Ce
projet a élé ado|)lé jusqu'au chapitre relatif à l'administration
judiciaire inclusivement (voir Courrier de Vaur/clas, 6'" année,
p. 53) ; — 3" ... ces pantalonnades d'aulre chose que mon mé-
pris; — 4° ... les prodiges les rendaient fiers; — 5° ... je
trouvai originale une œuvre; — 6° .Si rapproché que soil le
sujet; — 7° ... Comme je montais le perron (on escalade ce que
l'on franchit au moyen d'une échelle, scala); — 8° ... dit-il en
terminant avec un accent; — 3° ... c'est l'entrée délinitive et
com;)MeH!CH/ juridique; — 10° ... qui se sont succède' (parti-
cipe toujours invariable); — 11" ... ne songe à rien moins qu'à
quitter; — 12° ... m'est excessi'ycmeni désagréiible; — 13° ...élec-
tricité positive, qui as su rassembler ces pierres.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
!• Sa plus grande hauteur du pavé au sommet de la
coupole est de ai mètres. D'énormes piloris contre lesquels
sont appliquées 118 colonnes corinthiennes à cannelures,
la partagent en trois nefs.
2° Le tnalhpur est que ceux qui tiennent ce langage nous
font tout l'air de s l'tre assurés, à l'avance, de l'agrément
du pouvoir.
3" On voit alors que c'en est fait de lui : acculé à la
barrière, haletant, la tète basse, la langue injectée et
pendante, il fond par un suprême elfort sur le fer qui va
la transpercer.
4° Ces étrennes forcées, beaucoup moins innocentes que
la question, romaine, ne lais.senl pas ([ue de venir fort mal
à propos, elle eonllit n'aura pas le succès que ses auteurs
en attendent.
5" La nouvelle constitution turque n'est rien autre chose
qu'une machine de guerre inventée pour faire avorter les
décisions de la Conférence.
6° La Commission du budget s'est donnée trop de peine
dans l'éplucliage du budget de la guerre pour se laisser
corriger comme des écoliers pris en faute.
7° En un mot, et à peu d'exception près, on a autorisé,
partout où elle était demandée, l'installation de ces petites
boutiques de circonstance.
8' Et puis, il y a une chose que le paysan préfère à son
opinion, c'est son intérêt. Or, le préfet est loin, mais le
juge de paix, le percepteur, le garde-champêtre sont
tout prêts.
(Aes corrections à qtiinzaine.)
FEUlLLETOiN.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII- SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
[Suite. )
D'avanture. — Ainsi que^jar avantxire, il ne se dit
plus que dans le style badin et burlesque.
Avènement, Exaltation. — En parlant du souverain,
on dit avènement; mais, en parlant du pape, on dit
exaltation.
Auteur. — Quand on dit tout court c'est un auteur.
cela signifie c'est un homme qui n'a pas le sens com-
mun, qui se mêle d'écrire et qui n'y entend rien, qui ne
raisonne pas comme les autres hommes, qui ne parle
jamais naturellement, qui fait consister son souverain
bonheur à mettre un livre au jour.
Bailler, Donner. — Le premier est du style familier,
tandis que l'autre s'emploie dans tous les styles.
Bigeare, Bizarre. — L'auteur des Mœurs des
Israélislesditô/yeare; maisôiôan-eest meilleur et beau-
coup plus usité.
Bonjne, borgnesse. — Il faut â'n'eborgne au féminin,
car, par exemple, on ne dit pas une aveuglesse.
Bon-homme. — Ce mot se dit rarement en bonne
part; quand on dit un Imn-homme, c'est comme si l'on
disait un homme qui n'a pas beaucoup d'esprit.
Brin. — Le peuple met ce mot partout : un brin de
feu, un brin de bois, un brin de sel, etc., ce qui est très-
mal parler; mais on dit bien un brin d'Iierbe.
Brisement. — Ce mot est nouveau (1(589), et s'est
introduit dans l'usage ; quoiqu'il déplaise au P. Bou-
hours, toutes les personnes polies s'en servent.
Cercle, Assemblée. — Ne pas confondre ces deux
mots; cercle ne se dit parmi nous que des assemblées
des dames.
C'est eu.r. Ce sont eux. — Le second parait meilleur;
néanmoins ,, de bons auteurs ont quelquefois parlé
autrement: c'est eux gui ont bâti ce superbe laby-
rinthe.
Cet, Cette. — Le premier se prononce ouvert ; cette
se prononce muet; on dit à cette heure comxnQ s'il y
<26
LE COURRIER DE VAUGELAS.
avait à ce l'heure. C'est ainsi que tout le monde parle,
excepté ceux qui sont nouvellement venus de pro-
vince.
Chandelle de cire. — Mauvaise expression ; il faut
dire bougie ; les provinciaux y manquent souvent.
Chenu. — Ne se dit plus guère aujourd'hui ; mais il
peut avoir sa place dans la poésie et dans le burlesque.
Chifonner. — Dans quelques provinces, dans le
Lyonnais surtout, on dit froisser un rabat pour chifon-
ner un rabat. C'est mal parler.
Cocq d'Inde, Dinde. — 11 n'y a que le vulgaire qui
diseun dinde pour dire un tocg d'Inde. Les provinciaux
et aussi le petit peuple de Paris sont sujets à cette
faute.
Consommer et Consumer. — Le premier marque la
perfection, et l'autre la destruction. Un homme con-
sommé dans les sciences; le feu consume tout.
Conteste, Contestation. — A Lyon et dans les pro-
vinces, on dit conte.ite pour contestation ; c'est peu
français. Les Lyonnais disent aussi consulte pouv con-
sultation, impresse pour impression, ce qui est grossiè-
rement parler.
Sauf correction. — Celte manière de parler n'est que
du menu peuple, aussi bien que sauf votre respect.
Cotterie. — Il est plus propre que société pour ex-
primer ces cabales qui ne regardent que de petites
choses, et qui n'ont pour motif et pour fin que des
bagatelles.
Courtisan, Courtisane. — Le premier signifie un
homme de cour; mais le second signifie une femme qui
mène à la cour une mauvaise vie.
Cris des animaux. — L'abeille bourdonne, l'âne
brait, le bœuf meugle ou mugit, la brebis bêle, le chat
« miole », le cheval hennit; le chien jappe ou abboie;
le corbeau et la grenouille croassent; le lapin clapit, le
lion rugit, l'ours hurle, le serpent « sille ».
De après les noms de nombre. — U y a des occa-
sions où il faut ajouter de après les noms de nombre ;
par exemple, il y en eust cent tuez- n'est pas correct ; il
faut dir« cent de tuez.
Déchirement. — Se dit seulement au figuré.
Déconfire. — Dans le sens de mettre en déroute, ce
verbe est tout-à-fait hors d'usage.
Déferrer. —.Ce verbe s'emploie quelquefois au sens
de démonter, déconcerter; d'.Vblancourt s'en est servi
dans cette signification : Alors il se fit une huée qui
déferra le témoin.
Ni raison, ni demi. — Cette fai;on de parler est
d'usage dans le discours familier, et on dit tous les jours
11089; il nij a ni raison ni demi dans tout ce qu'il dit.
Dépiquer. — Ce verbe se met quelquefois au lieu de
vons'iler; Voiture s'en est servi dans ce sens en écrivant
à M. fie Lyonne.
Déprendre. — (Juelqu'un a prétendu que ce verbe
avait vieilli dans notre langue; mais il s'est tromjjé;
ceux qui savent ce que c'est que de bien [larlcr ne se
font nullement scrupule de l'employer.
Désasseurer. — C'est un vieux mot qu'on devrait bien
faire revivre; car nous n'avons point de terme ilfiS!»
qui signifie rendre un homme incertain d'assuré qu'il
était; le mettre dans le doute touchant une chose dont
il ne se doute pas.
Désireux. — Cet adjectif n'est pas du bel usage, quoi-
que quelques personnes s'en servent dans les livres de
dévotion : désireux de son salut.
Diriger, Directeur. . — Ne se disent d'ordinaire qu'en
termes de direction spirituelle; quant à direction, il
n'est pas uniquement attaché au spirituel.
Dissoudrç. — Ce verbe présente des difficultés dans
sa conjugaison. Faut-il dire les vapeurs se dissoucient,
ou se dirolvent? Andry croit qu'il faut dire dissoudent,
forme employée par nos bons auteurs.
Dont, D'oii. — Il faut dire la maison dont il est sorti,
s'il s'agit de l'extraction, et d'oii il est sorti, si l'on
parle de quelqu'un sorti d'une maison après y être entré.
Droiture. — Ce mot ne se dit point au sens naturel ; on
ne dit pas la droiture d'un bâton; c'est seulement au
moral qu'il s'emploie.
Efficace, Efficacité. — Quelques-uns sontpoure/'/îcace,
et d'autres pour efficacité ; mais l'usage le plus général
est pour efficace.
En nulle part. Nulle part. — Plusieurs disent nulle
part tout court; d'autres disent en nulle part ; la pre-
mière expression parait la meilleure.
Une enfant, Un enfant. — S'il s'agit d'une fille, on
dit une enfant et non un enfant. C'est ainsi que l'on
parle dans le monde.
Entretenement, Entretient. — Le premier n'est plus
bien employé que sur les troncs des églises. A la vérité,
d'.Vblancourt a dit Y entretenement des soldats; mais s'il
écrivait aujourd'hui (IC89), il dirait certainement l'en-
tretient.
Appeler et Eppeler. — Le premier se dit d'un enfant
qui ne sait pas encore bien lire ; eppeler ne se dit que
par les maîtresses d'école, et parmi le vulgaire.
Esprit malin. Malin esprit — Par esprit malin on
désigne un homme malicieux; quant à malin esprit, il
signifie le démon.
Ecitabh. — Quoiqu'on dise inévitable, on ne dit
point évitable ; il est à souhaiter, toutefois, que ce mot
s'établisse, car il faut toujours chercher à enrichir la
langue.
Excepté eux. Exceptez eux. — Il faut dire excepté
ew.i",parcequ'ea;ce/)<eestindéclinable devant unsubslan-
tif ; mais, après le substantif, excepté se décline : eux
exceptez.
Explorateur. — Le terme ordinaire est expion; mais
il y a des mots inusités qui ont quelque chose de noble
et de hardi qui plaît d'abord -. il semble que l'usage ait
tort de ne pas les recevoir. Explorateur parait avoir
ce caractère.
Extirpation. — Dans le sens propre, on ne se sert
, guère de n; mot; mais, au figuré, il est très en usage.
Fadeur. — Ce mol est toul-à-fait bon ; il y en a qui
disent insipidité, mais fadeur est i)lus beau.
(La suite au prochain numéro.)
Le Rkuacteur-Gébant : Emaii MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
127
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Théâtre complet d'Emile Augier, de l'Académie
française. II. Diane. Philiberte. Le Gendre de M. Poi-
rier. Ceinture dorée. In-18 jésus, 459 p. Paris, librairie
Calmann Lévy. 3 fr. 50.
Lettres royaux et lettres missives inédites, no-
tamment de Louis XI, Louis XII, François I'^'', Charles-
Quint, Marie Stuart, Catlierine de Médicis, Henri IV,
BiancaCapelio, Sixte-Quint, etc., relativement aux affaires
de France et d'Italie, tirées des archives de Gênes,
Florence et Venise; par C. Charles Casati, juge au tri-
bunal civil de Lille, archiviste-paléographe. Gr. in-8°,
113 p. Paris, lib. Didier et Cie.
Poésies d'André Chénier; précédées d'une notice
par H. de Latouche. Nouvelle édition. OEuvres posthumes.
In-18 Jésus, '283 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50 cent.
L'Education d'Aline; par Georges Fath. 65 dessins
gravés sur bois. Gr. in-8°, 3il p. Paris, lib. Ducrocq.
Pasquino et Marforio. Les Bouches de marbre
de Rome. Traduits et publiés pour la première fois par
Mary-Lafon. 2" édition. In-18 j^sus, 350 p. Paris, Lib.
internationale. 3 fr. 50.
Les Prussiens en Allemagne, suite du Voyage au
pays des milliards; par Victor Ti.^sot. 28° et 29'= édi-
tions. In-18 Jésus, 516 p. Paris, lib. Dentu, 3 fr. 50.
Discours sur l'histoire universelle ; par Dossuet.
Nouvelle édition, d'après les meilleurs textes, avec une
préface et des notes philologiques, littéraires, historiques,
par P. Jacquinet, inspecteur général de l'Instruction
publique. In-12, 57i p. Paris, lib. Eugène Belin.
Les Scrupules de Christine; par Ernest Billaudel.
In-18 Jésus, 366 p. Paris, lib. Charpentier. 3 fr. 50.
Souvenirs d'un médecin. Le Médecin des pauvres
d'après Samuel Warren, kingsby, Mayhew, précédé d'un
coup d'œil sur le paupérisme, la charité et les institutions
charitables en Angleterre; par Philarète Chasies. pro-
fesseur au Collège de France. In-18 Jésus, vi-266 p. Paris,
lib. Calmann Lévy. 3 fr 50.
Essais de critique et de littérature ; par E. Gar-
sonnet, inspecteur général de l'Instruction publique.
In-18 Jésus, vi-339 p. Paris, lib. Thorin.
Eléonore de Roye, princesse de Condé. 1535-1564:
par le comte Jules Delaborde. Gr. inS». 3ii p. et port.
Paris, lib. Sandoz et Fischbacher.
La Première aventure de Corentin Quimper; par
Paul Féval. In-18 jésus, 385 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
La Fille maudite; par Emile Richebourg. II. La
Belle Blanche, ln-18 jésus, '4OU p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Publications antérieures :
CHANSONS ET SÉRÉNADES — Par Louis Déprf.t —
Tiré à 100 exemplaires — Paris, E. Denlu , éditeur,
Palais-Royal, 15-19, galerie d'Orléans.
LA JEUNE FILLE ; lettres d'un .\mi. — Par Charles Roz.\n
— Un vol. format anglais, imprimé avec luxe par J. Claye^
avec fleurons, lettres ornées de culs-de- lampe — Paris,
P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine — Prix :
3 fr. 50 cent. — Sur papier de Hollande (broché) : 5 fr.
I A GRAMMAIRE FRANÇMSE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin , professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — .marins. —
Deuxième série. — Par Edouard Gœpp, chef de bureau
au .Ministère de l'Instruction publique, et Henri de Man-
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de deux portraits. — Jean Bart, Duquay-Trouin, Suffrex.
— Paris, f. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
— Prix (broché) : i fr.
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Paris, A. Deremie, éditeur, 52, boulevard Saint-Michel.
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NAPOLEO EPICUS. — Deux volumes,
libraire-éditeur, 6, rue Hautefeuille. -
les deux volumes.
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plume et au crayon. — Par Stop. — Paris, E. Pion et Cie,
imprimeurs-éditeurs. 10, rue Garancière. — Prix : 7 fr.
RÉCITS ESPAGNOLS. — Par Charles Gueullette. —
2" édition. — Paris, E. Denlu, éditeur, libraire de la
Société des Gens de lettres. — Palais-Royal, 15-19, galerie
d'Orléans. — Prix : 3 fr. 50 cent.
L'HEPTAMERON des NOUVELLES de très haute et très
illustre princesse M.\bguerite d'Angoulème, RoiiNE DE
Navarre. — Nouvelle édition collationnée sur les manus-
crits, avec préface, notes, variantes et glossaire-index. —
Par Benjamin Pifteau. — Paris, Alphonse Lemerre. édi-
teur, 27-29, passage Choiseul. — Prix : 2 fr. 50 cent.
PETIT DICTIO.NNAIRE UNIVERSEL, ou Abrégé du
DICTIONNAIRE FRANÇAIS DE E. LiTTRÈ, de l'Académie fran-
çaise, augmenté d'une partie mythologique, historique,
biographique et géographique. — Par A. Beaujean, pro-
fesseur au lycée Louis-le-Grand. — Paris, librairie
Hachette et Cie, 79, boulevard Saint-Germain. — Prix :
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LETTRES DE MADEMOISELLE DE LESPINASSE. —
Nouvelle édition augmentée de dix lettres inédites, ac-
compagnée d'une Notice sur la vie de M"' de Lespinasse
et sur sa société, de Notes et d'un Index analytique. —
Par Gustave Isamhert. — 2 volumes. — Paris, Alphonse
Lemerre, éditeur, 27-31, passage Choiseul. — Prix : 5 fr.
<28 LE COURRIER DE VAUGELAS.
LES CONFESSIONS DE FRÉRON (1719-1776), sa vie,
SOUVENIRS INTIMES ET ANECDOTIQUES, SES PENSÉES. —
Recueillis et annotés par Ch. Barthélémy. — Paris,
G. Charpentier, libraire-éditeur, 13, rue de Grenelle-
Saint-Germain. — Prix : 3 fr. 50 cent.
OEUVRES DE PHILARÉTE CHASLES. — le moyen âge.
— Edition complète en un volume. — Paris, Charpentier
et Cie, libraires-éditeurs, 13, rue de Grenelle-Saint-Ger-
main. — Prix : 3 fr. 50.
Publications périodiques :
REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
— Recueil hebdomadaire publié sous la direction de MM.
C. de La Berge, M. Bréal, G. Monod, G. Paris. — Dixième
année. — Nouvelle série, 2« anaée (1877). — Prix d'abon-
nement : Un au, Paris, 20 fr.; — départements, 22 fr.;
— étranger, le port en sus ; — un numéro, 75 c. — Paris,
Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte.
L'INTERMEDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX. —
Questions et réponses, communications diverses à l'usage
de tous les littérateurs, artistes, bibliophiles, etc. —
Dixième année. — Abonnement ; 12 fr. pour la France,
et 15 fr, pour l'étranger. — S'adresser à la librairie
Sando: et Fischbacher, 33, rue de Seine, à Paris.
REVUE SUISSE. — BrBLiooRAPHiE, archéologie, littéra-
ture, beaux-arts. — Paraissant le 1" et le 15 de chaque
mois. — Prix par an, 10 fr., et le port en sus pour l'étran-
ger. — Cette revue, qui rend compte de tous les ouvrages
dont on lui envoie deu.x exemplaires, se trouve à Paris,
chez M.M. Sandoz et Fischbacher, libraires-éditeurs, 33,
rue de Seine.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Société académique de Saint-Quentin. — Concours de l'année 1877 — Poésie : le sujet est laissé au choix des
concurrents. — Cantates : le sujet est laissé au choix des concurrents. Les pièces envoyées au Concours devront
remplir les conditions exigées par le Conservatoire national de musique pour le prix de Rome, c'est-à-dire être à
personnages (une voix de femme et deux voix d'hommes), et contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un
trio final. La Cantate couronnée en 1877 servira de texte pour.le concours de musique qui aura lieu en 1878. — Ces
Concours seront clos le 1" mars 1877.
L'Académie française propose I' « Eloge de Buffon » pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Ils devront
porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce billet contiendra le
nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au Concours ne seront
pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt. — Concours de poésie française pour l'année 1876-1877. —
Le sujet et le genre sont laissés au choix des concurrents. Prix : une médaille d'or. — Il est ouvert en outre un
Concours spécial ; Pièce de vers français en l'honneur de Sainte-Anne. Prix : une médaille d'or. — Les pièces devront
être adressées franco au Secrétariat de la Société avant le 15 mars. — 11 pourra être décerné des médailles d'argent
ou de bronze à titre de 2" prix ou de mention honorable.
La SrfciÉTÉ d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne décernera, en 1877, une
médaille d'or de la valeur de 100 fj-aucs à l'auteur de la meilleure pièce de vers sur un événement de notre histoire
nationale. — La Société, à mérite égal, donnera la préférence aux sujets relatifs à la Champagne. — Les ouvrages
envoyés au concours devront être' adressés, francs de port, au secrétaire de la Société, avant le 1°"' juillet 1877,
terme de rigueur.
Le Tournoi poétique, littéraire et scientifique, organe de la Société des Amis des Lettres. — Journal rédigé
par ses Abonnés. — Paraissant trois fois par mois (W année). — Médaille d'honneur de la Société nationale d'encoura-
gement au bien. — Concours poétiques et littéraires (Prix : Médailles de bronze. Livres, Musique). — Abonnements,
un an, 10 fr.; 6 mois, 6 fr. — Envoi gratuit d'un numéro spécimen. — Bureaux, 12, Boulevard Montmartre, à Paris.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTRANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Etrangers
qui lui font l'honneur de venir le consulter:— 1° des professeurs de français; — 2° des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française; — 3° des maisons d'éducation prenant un soin
particulier de l'étude du français ; — /i» des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se
parle un très-bon français ; — 5° des agences qui se chargent de procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Eman Martin, Rédacteur du Courrieu de Vacgelas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUPELEY à Nogent-le-Rotrou.
7* Année
N» 17.
l'i'jFévrier 1877
QUESTIONS
GRAMMATICALES
LE
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
^^^
-.^t^ DE YAVa.-
AWV-^ Journal Smi-Uensuel <!/ / À
^ CONSACRÉ * LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "<> J
ParaUiant la 1" at la 15 da ohaqaa mois
{Dans sa séance du \1 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour rélran<;er. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours littéraires, gratis
Rédacteur : Emàn Martin
NCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier d'AcaJéniie
26, Boulevard des Italiens, à, Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un liliraire quelconque.
Par un arrêté en date du 17 janvier. Son Excellence
M. Waddington, ministre de l'Instruction publique et
des Beaux-Arts, a daigné conférer le titre d'Oy^ci'e/- de
l'Instruction publique au Rédacteur du Cocrbier de
VircEi.AS.
SOMMAIRE.
Communication sur De suite; — Origine de Boire comme nn
templier; — L'expression A furet mesure. — Explication de
Passer par toutes les étamines ; — Si l'on peut dire Une
pluie de traits; — Origine de l'expression Je m'en lave les
maiits, — D'où vient le mot Truisme. || Communication sur
un mot signalé comme faute; — Explication de l'ne vérité à
la Palisse : — Véritable sens de .Ve pas être dans son assiette :
Il Passe-temps grammatical. || Suite de la biographie de
Nicolas Andry. || Ouvrages de grammaire et de littérature.
Il Concours littéraires. || Renseignements à l'usage des pro-
fesseurs français.
FRANCE
COMMUiNIGATION.
Dans mon numéro )2 (p. 90i, j'ai dit, répondant à
M. Adéma, qui critiquait l'expression de suite au sens
de immédiatement, que j'avais laissée dans une phrase
où j'avais fait une correction :
Quand M. Adéma aura lu cette réponse, j'ose espérer que,
répudiant la règle illogique de Girault-Duvivier, il cessera
de considérer comme une a lourde faute » le de suite que
j'ai maintenu dans cette phrase :
f Son début en cette matière nous indiquera de suite la
nature de ses impressions. »
Mais le résultat que j'attendais n'a pas été obtenu, et
mon correspondant toulousain m'adresse une longue
réplique qui peut se résumer ainsi :
De suite n'a jamais voulu dire aussitôt, tout de suite, à
l'instant (latin slalim ou illico). Il n'a pris celte acception
que dans un mauvais jargon. Il signifie sine interccssu,
cesl-à-û'ire consécutivement, l'un après l'autre, d'une manière
non interrompue. On peut citer jusqu'à 2.3 bons auteurs, tant
du xvir que du xviii' siècle, qui nont jamais employé de
suite dans le sens de immédiatement, aussitôt, soudain.
Donc j'ai raison de le répéter et de croire que M. le Ré-
dacteur du Courrier de Yaugelas est à son sujet dans une
profonde erreur.
.K cela, je réplique à mon tour :
Attendti qu'en français, les expressions adverbiales
qui renferment tout ne sont autre chose que des super-
latifs tout à la fois, tout de travers, tout à plat, etc.,
ne diffèrent que du plus au moins de à la fois, de
travers, à plat etc.), et que l'Académie de 1835 admet
tout de suite dans le sens moderne de sur-le-champ,
sans délai, il me semble impossible que de suite ne soit
pas, au degré de signification près, le parfait équivalent
de tojtt de suite, employé dans ce dernier sens.
Quand tout de suite a bien deux significations admi-
ses par M. Adéma, lune ancienne et l'autre moderne,
pourquoi n'en serait-il pas de même pour de suite, le
positif en quelque sorte de ladite expression 't
X
Première Question.
Je lirais avec plaisir dans votre journal V eocplication
du véritable sens de boike comme c.n templier, expres-
sion que le populaire emploie si fréquemment .
lia été donné trois explications de cette comparaison
proverbiale; je vais d'abord les reproduire, et ensuite
les discuter.
1" Le mot templier serait mis ici, suivant certains,
pour temprier, lequel, inusité maintenant, avait autre-
fois plusieurs significations, et désignait aussi l'artisan
que nous nommons verrier. En elfet, les ouvriers em-
ployés à la fonte du verre sont obligés, à cause de la
grande chaleur à hquelle ils sont exposés, de boire
souvent, par suite de leur transpiration continuelle.
2" QuitanI explique ce proverbe en donnant au verbe
boire le sens de bien vivre; il dit (|ue les Templiers
élaient très-opulents, qu'ils vivaient dans une grande
aisance, et que c'est la vraie signification de boire
comme un templier.
430
LE COURRIER DE VAUGELAS.
3° Enfin, selon d'autres, le rerbe b;)ire, dans celle
phrase, atout simplement son sens naturel, et templier
y signifie un des chevaliers de l'ordre du Temple, ordre
fondé en Palestine au temps des croisades.
Maintenant, voyons laquelle de ces explications con-
vient le mieux à notre proverbe.
La première. — Cette explicaiion, qui a été trans-
mise à l'Académie française dès -ISO", si l'on en croit
Legoarant, est loin d'être invraisemblable. Nous avons
des comparaisons analogues avec un nom d'homme qui
fait un exercice à l'échaufter beaucoup, telles sont :
Boire comme un sonneur,
Boire comme un musicien;
puis, le changement de r en /n'est point du tout un fait
rare dans notre langue. Seulement, pour la justifier,
il faudrait au moins un exemple, et je ne crois pas
qu'on ait jamais rencontré lemprier au lieu de tem-
plier dans l'énoncé du proverbe en question.
La seconde. — Celle-ci semble trouver une justifica-
tion dans ce passage de Guillaume Paradin [Cronique
de Savoye, p. 249; Lyon -1552) :
Plusieurs autres grandes impietez et méchancetez per-
pelroient, car avec toutes ces choses, ilz faisoient estai
de gourmanuises, banquets et yvrongneries, et estoient
ceux qui mi>^u.v remplissoient la pance en plus grande
réputation entre eux, dont l'on dit encore jusques aujour-
d'hui, boire comme un Templier, qui est adage de Taverne
Mais, pour lui donner entière créance, il serait abso-
lument nécessaire d'établir qu'autrefois boire a signifié
goûter tous les plaisirs d'une vie sensuelle, et aucun
des anciens dictionnaires que j'ai consultés ne men-
tionne cette signification.
Du reste, voici une citation donnée par Quitard
comme venant d'un ancien manuscrit qui traite du
Mode de réception des chevalier.'^ du Temple, laquelle
montre bien que boire n'avait point autrefois la signi-
fication que lui attribue ce parémiographe :
Denostre religion vos ne véès que l'escorche qui est par
defors, car l'escorche si est que vos nos véés avoir biaux
chevaus et biaus iiarnois, et bien boivre et bien mangier, et
bêles robes.
En efi'et, si boire avait jamais signifié à lui seul bien
vivre, l'auteur de ces lignes n'eût certainement pas mis
dans sa phrase bien mangier après bien boiire, puisque
le sens de celte dernière expression eût impliqué celui
de l'autre.
La troisième. — C'est celle que je tiens pour la bonne,
parce que :
{» Dans les autres comparaisons avec le verbe boire
qui sont formées d'un nom d'homme ne désignant pas
une profession iboire comme un Suisse, boire comme
un Polonais) ce verbe a le sens naturel, et que, d'après
un passage de Rabelais [Garfj. liv. I, ch. v), il avait le
même sens au xvi" siècle, dans le proverbe qui nous
occupe.
2o F^a citation de Guillaume Paradin que j'ai l'aile
plus haut, qu'elle relaie une accusation fondée ou non
fondée, n'en démontre pas moins avec la dernière évi-
dence que, dans boire comme un templier, le terme de
comparaison est bien une allusion à un chevalier de
l'ordre du Temple.
X
Seconde Que.stion.
Peut-on justifier la locution a fdr et a mesure au lieu
de AC FCR ET MEsniiE, et ne vaut-il pias mieux dire tout
simplement a mesohe ? 'Q^'es^-ce (/«e ce fur çwe l'on ne
trouve que là?
Le mot fur, qui s'est écrit aussi feur (du latin
forum, marché, d'où le sens de taux, de mesure), s'est
employé seul jusqu'au xvie siècle, ce dont voici la
preuve :
Et priseront tout ledit mur, au fur de la toise.
{Ordonn., 1485.^
Car au feur qu'il croissoit, grâce et beauté croissoient et
multiplioient en luy.
(Boucicaut, I, j).
l,ors les dettes se paient au fur de ce que chascun en
amande.
(Loisel, 3>9 )
A partir de cette époque, sa signification ayant pro-
bablement commencé à s'obscurcir, on y a joint
mesure, avec lequel il a fait une expression de compo-
sition semblable à celle des suivantes :
Je connais ses laits et gestes.
Je le jure sur mon âme et conscience.
Voilà son seigneur et maître.
Procès fait en due et bonne forme.
Condamné aux frais et dépens.
Or, cette locution adverbiale a reçu trois formes diffé-
rentes : au fur et à mesure, à fur et mesure, et à fur
et à mesure. Laquelle est la meilleure?
Pour moi, c'est à fur et mesure (Voir Courrier de
Vauyelas, '2'^ année, p. 136, où j'ai déjà examiné cette
question) qui peut, à la volonté de l'écrivain, devenir à
mesure, comme les expressions analogues que je viens
d'énumérer peuvent se réduire à un seul des substantifs
qui les composent.
X
Troisième Question.
Quel est le véritable sens ainsi que l'origine de l'ex-
pression TASSER PAR TODTES LES ÉTAMINES ?
On donne le nom d'étamine à un tissu très-peu
serré de laine, de soie ou de crin employé pour faire
des tamis, des bluteaux, des filtres à liqueurs, etc.
De là l'expression passer par l'ctaminc pour signifier,
au propre, clarifier ou être clarifié, nettoyer ou être
nettoyé, et, au figuré, examiner ou être examiné d'une
manière très-sévère :
Qu'il lui fa.<se tout passer par ietamine, et ne loge rien
en sa teste, par simple autorité et à crédit.
(Montaigne, Essais, I, p; |6|.)
Et, sitùt qu'une fois la viTve me domine,
Tout ce qui s'otîi-e à moi puisc par l'étamine.
(Boileau, Stil. VII.)
Dans celle dernière acception , elle s'applique aussi
aux personnes, et signifie alors être soumis à une
épreuve, à quelque adversité :
LE COURRIER DE VAUGELAS
431
Ce traitant a été taxé à la CUambre de Justice, il a passé
par l'étamine.
(Furetière, Dictionn.)
Il y avait loin d'une reine de 41 ans [Anne d'Autriche],
flUed'Espasînf, q'ji avait elle-même /JOisedf'jà par plus d'une
étamine aux affaires d'Etat, et M. le duc d'Orléans qui n'avait
que sa naissance.
(Saint-Simon, 4co, aai.j
Or, cela dit, il est clair que passer par toutes les
étamines, allusion aux diverses sortes de tissus plus ou
moins serrés que l'on emploie pour les instruments
servant à filtrer, à tamiser, veut dire passer par toutes
les épreuves, par toutes les adversités imaginables.
X
Quatrième Question.
Peut-on dire qu'une plcie de ifiiiTS tombe sur la tête
de quelqu'un ? Est-ce réellement bien français?
C'est mon intime conviction ; car le mol plvie, qui
signifie eau tombant par gouttes de l'almosphere, se dit
par extension, de tout ce qui tombe de l'air dune
manière analogue, comme feu, pierres, grenouilles,
sauterelles, cendres, etc. :
Alors le Seigneur fit descendre du ciel sur Sodome et
sur Gomorrlie une pluie de soufre et de feu.
(Genèse, ch. Aix, vers. 34.)
Nous sortîmes de ces forges avec une pluie de pièces de
quatre sous, dont nous eûmes soin de rafraîchir ces mes-
sieurs.
(Mme d« Sévigné, dans le Dicl. etym, de Noël et Carp.)
On dit qu'Hercule combattant contre Albion et Bergion
en faveur de Neptune, et manquant de traits, fut secouru
de Jupiter par une pluie de pierres qu'on y voit encore
[dans la Cran].
(Fuxetière, Dictionn,)
D'ailleurs, il n'y a rien d'étonnant dans celte exprès-
" sion pour quiconque réfléchit que trait> pouvant servir
de sujet au verbe pleuvoir, il doit naturellement pou-
voir servir de régime au substantif /)/«ee.
X
Cinquième Question
L'n de vos nouveaux lecteurs, qui s'intéresse vive-
ment à votre excellent Courrieb de YiccELis, vous prie
de vouloir bien, dans l'un de vos prochains numéros,,
expliquer l'oriyine de cette expression : Je ii'e.\ lave
LES MAINS.
Au chapitre .xivii de l'ivvangile selon saint Matthieu,
on lit ce qui suit :
21. Le gouverneur leur ayant donc dit : Lequel des deux
voulez-vous que je vous délivre? Ils lui répondirent:
Barabbas.
22. Pilale leur dit : Que ferai-je donc de Jésus, qui est
appelé Christ ?
23. Ils répondirent tous ; Qu'il soit crucifié. Le gouver-
neur leur dit : Mai.s (luel mal n-t-il fait? Et ils se mirent 4
crier encore plus fort, en disant : Qu'il soit crucifie.
24. Pilate voyant cju il n'y gagnait rien, mais que le tu-
multe s'excitait toujours de plus en plus, se fit apporter
dp l'eau et, se lavant les mains devant le peuple, il leur dit:
Je suis innocent du sang de ce juste; ce sera à vous à en
répondre.
Or. à n'en pas douter, c'est de là qu'est venue l'ex-
pression se laver les mains d'une chose, qui s'emploie
pour déclarer que l'on se considère comme parfaitement
irresponsable d'une mesure à l'exécution de laquelle on
peut prendre part, mais dont on n'est point l'auteur.
X
Siiième Question.
J'ai lu dans la Revce littékaire et roLiiiQUE du
4 novembre courant {art. de M. Faucher de Careil :
l'Algérie et le .Sahara] : — « C'est de l'habile et pré-
voyante Angleterre qu'il est question, et c'est en com-
parant notre politique commerciale à celle de l'Angle-
terre que je me permets d' énoncer ce tbcisme...» J'avoue
que TiiciSME m'a compl'tement dérouté. J'ai cherché ce
mot dans les dictionnaires de Littré-Beaujean, de Th.
Soulice H869i, de Bescherelle, et je n'ai rien trouvé de
pareil. Je vous serais obligé d'élucider cette question
dans votre estimable CocuRrEa; elle pourra être, je
crois, de quelque intérêt pour vos lecteurs.
Le mot truisme, un terme que je ne connaissais pas,
n'est autre chose que la francisation de l'anglais truism,
substantif formé du suffixe ism, signifiant qualité, et de
l'adjectif true. vrai. Au-delà de la Manche, un truisme
est une'vérité tellement évidente par elle-même, qu'elle
n'a pas besoin de démonstration : c'est ce qu'en langage
scientifique nous appelons un axiome.
Mais que l'introduction de truisme en français puisse
être revendiquée par M. Foucher de Careil, ou qu'elle
soit le fait d'un autre écrivain de talent, elle n'en doit
pas moins, a mon avis, être énergiiiuemenl repoussée;
car elle est contraire au sage principe d'après lequel les
emprunts à une langue étrangère ne sont permis que
lorsqu'il s'agit de mots auxquels on ne peut réellement
trouver d'équivalents dans la sienne.
ÉTRANGER
COMMU.NICATIOX.
M. le docteur Anselme Ricard, professeur à l'Uni-
versité de Prague, a bien voulu m'adresser la lettre
suivante au sujet d'une faute que j'aurais signalée à
tort dans un des derniers numéros du Courrier de Vau-
gelas :
Prague, ce 4 janvier 1377.
Cher Monsieur,
Dans votre numéro 14, 15 décembre 187G, p. 109, à pro-
pos de (/ m'en veut, vous critiquez ce vers de Molière :
Je ne t'en voudiai point pour cela plus damai,
et vous ajoutez : « U fallait tout simplement : Je ne te
voudrai point, etc. »
Permettez-moi de ne pas être de votre avis.
Le en est ici explétif, augmentatif, et s'emploie comme
gallicisme; avec un comparatif, on emploie en dans lo sens
de pour cela, à cause de cela, exemple :
Je vous abandonne â votre sort; soyez dorénavant bon
eu mauvais, je ne vous en mépriserai pas moins, ou, jo
ne vous en voudrai ni plus de bien ni plus de mal.
432
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Il est vrai que Molière a dit :
Je ne l'en voudrai point pour cela p\us de mal.
Il y a simplement redondance, mais i! n'y a pas de faute
dans le sens que vous expliquez. Il aurait mieux valu dire
que Molière aurait dû écrire sans mettre foui cela :
Je ne te voudrai point plus de mal.
La critique eut été plus juste.
Voilà ma manière de voir sur cette question.
11 est bien entendu que je puis faire erreur; mais je suis
fortement d'avis que votre critique tombe à faux, quand
vous dites que Molière n'avait pas le droit de mettre en
(avec vouloir plus de mal), tandis que vousdite.=, avec vou-
loir du mal, ce que Molière n'a pas du tout employé.
Je vous prie de revenir sur cette explication, pour voir
si vous avez à persister dans votre dire.
Votre réponse dans un procbain numéro me fera plaisir.
Bien à vous,
A. Ricard.
Après avoir établi que, dans une phrase renfermant
l'expression en vouloir, le pronom en tenait lien du
substantif mal, j'en ai conclu que ce vers de Molière
était fautif quant à la construction :
Je ne t'en voudrai point pour cela plus de mal.
Mais tel n'est pas l'avis de M. le docteur A. Ricard.
D'après lui, en serait employé ici par redondance pour
l'expression pour cela, qu'il peut remplacer également ;
de sorte que, selon moi, ce pronom est une redondance
non permise du substantif mal, tandis que, selon mon
honorable contradicteur, c'est une redondance permise
de pour cela. En d'autrea termes, M. le docteur A. Hi-
card maintient le pronom en dans le vers en question,
et moi, je l'en supprime.
Qui de nous deux a raison '?
Dans toute proposition renfermant un adverbe de
comparaison, il est certainement loisible de remplacer
re.\pression pour cela par en; mais je n'ai jamais
vu d'exemple où ces deux équivalents fussent employés
en même temps.
Or, si l'emploi de en dans le vers de Molière n'est
pas permis à cause de mal qui se trouve après vouloir
lil l'est seulement, je crois, lorsqu'il s'agit de phrases
exclamalives sous forme d'interrogalioni, et s'il ne l'est
pas non plus à cause de pour cela, il ne l'est d'aucune
manière, et je n'ai point commis d'erreur en le signa-
lant comme une vraie faute, puisqu'il offense en quel-
que sorte doublement la syntaxe.
Du reste, même en supposant que je me trompe et
que la redondance de en puisse avoir lieu avec vouloir
mal ou du mal etavecpo*»- cela, il est facile de prouver
que, dans le cas actuel, cette redondance serait encore
une construction blâmable.
En effet, une dos qualités essentielles du style, c'est
la clarté, et toute eipiivoquc est une faute contre celte
qualité première. Or, si en redonde dans le vers de
Molière, à quoi se rapportc-t-il? Est-ce à pour cela, ou
est-ce à mal, qui sert de régime à rouloir? Personne no
le saurait dire, le pronom en ayant la propriété de se
mettre aussi bien pour l'un que pour l'autre. L'emploi
de ce mot constilue donc ici une équivoque, et, parlant,
justilic ma critii|ue une fuis de plus.
,Ic remercie bien sincèrement M. le docteur Anselme
Ricard de m'avoir adressé la communication à laquelle
je viens de répondre, et de m'avoir fourni ainsi l'oc-
casion d'expliquer plus amplement les raisons qui me
font considérer la présence du pronom en dans le vers
de Molière comme tout-à-fait inadmissible.
X
Première Question.
Dans votre numéro 14, p. 108, vous diten que l'ex-
pression AVOIR LA TÈTE PRÈS DU BONNET contient « Une
vérité à la Palisse >. . Qu'est-ce que cela veut dire, je
vous prie, car cette expression n'est point dans les
dictionnaires français, même les phts récemment pu-
bliés?
Parmi nos chansons populaires, il s'en trouve une de
51 couplets intitulée Monsieur de la Palisse. Cette
chanson, qui a été composée par Bernard de la Monnoye,
poète et littérateur, né à Dijon en 1041, et mort en
1728, a ceci de remarquable que chaque couplet est
formé d'un quatrain se terminant par deux vers dont
l'un, comme vous l'allez voir par quelques citations, est
une espèce de périssologie :
Monsieur, vous plaît-il d'ouïr
L'air ilu fameux La Palisse ?
Il pourra cous rrjouir
Pourvu qu'il vous divertisse.
La Palisse eut peu de bien
Pour soutenir sa naissance ;
.Vais il ne rnanqua de rien
Dés qu'il fui dans l'abondance.
Bien instruit dès le berceau,
Jamais, tant il fut honnête,
// ne ineltait son chapeau
QuUl ne se couvrit la tête.
Or, comme avoir la tête près du bonnet constitue,
au propre, une vérité qu'il est complètement superflu
d'exprimer, puisqu'elle résulte du sens même du mot
bonitet, j'ai cru pouvoir dire que ce proverbe ren-
fermait une vérité à la manière de celles qui se ren-
contrent d'un bout à l'autre de Monsieur de la Palisse,
et, par abréviation, « une vérité à la Palisse «.
X
Seconde Question.
Pourquoi une personne quelque peu souffrante dit-
elle qu'ELLf. n'est pas dans SON ASSIETTE'? Cette expres-
sion m'a frappe étant dite par quelqu'un qui venait de
s'asseoir à table à côté de moi.
Il ne s'agit nullement ici, comme vous le pensez
bien, de l'assiette, vaisselle plaie et large sur laquelle
on mange. Cette expression fait allusion à l'assiette,
manière, snit de se poser ou d'être posé, soit de se
tenir à cheval, comme dans ces exemples :
Ce malade est inquiet, et nr [leut dciiieurer longtemps
dans la mrmo assielle.
(Furctiire, Dictionti.)
tin bon cavalier ne perd jamais l'assiette.
[LMré, iXei ion II.)
LE COURRIER DE VAUGELAS.
433
Les hommes errants dans les bois ayant pris une assiette
plus fixe, etc.
(J.-.I Rousseau, Orig, t.)
On dit qu'on n'eut pas dans son assiette pour signifier
qu'on n'est pas dans son état accoutumé^ dans sa dis-
posilion habituelle de corps ou d'esprit.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
!• ... Dénormes piliers (le mot p«or» ne s'emploie que dans
le sens de poteau pour al tacher un criminel); — 2*... ce langage
nous ont tout l'air; — 3° ... Alors que c'est fait de lui (le en
tiendrait ici la place de de lui : il est inutile) ; — 4' ... Ne lais-
sent pas de (sans que, conformément à ce qui a été dit dans le
Courrier de Vaugelas, i' année, p. 155: — 5» ... N'est rien autre
qu'une machine, ou, n'est pas autre chose (Voir Courrier de
■ Vaugelas, V année, p. 91); — f ... s'est donne trop d« peine;
— 7° En un mot, et à peu ^'exceptions près; — S' ... le garde-
champêtre sont tout prés.
Phrases à corriger
irouvées pour la plupart dans la presse périodique el
autres publications contemporaines.
1* Le même M..., qui porte un grand nom sans que ce
soit de sa faute le moins du monde, est extrêmement va-
niteux.
2* M. Martel, ministre de la justice, doit soumettre à la
signature ûu président de la République des nouveaux
décrets accordant des grâces à près de quatre cents con-
damnés pour faits politiques.
3° Puissent les prévisions de ces hommes placés assez
hauts pour bien voir et ne rien dire, n'être pas .de vaines
et vides déclamations officielles.
4' Il refuse de parler de Marie Le Manach â toute autre
personne qu'aux magistrats de linstruction. L'une de ses
distractions est de lire le Mémorial de Sainle-Helène.
5* Livre merveilleux, qui s'empare du lecteur et le tient
fasciné, les Mémoires d'un chasseur, frappèreut un grand
coup, et, comme on l'a bien dit, jamais renommée ne fut
mieux méritée. Livre vécu, dans le sens le plus large de ce
mot, etc.
6* On vient de placer dans les galeries du Muséum d'his-
toire naturelle de Paris, le moulage en plâtre d'un hydro-
céphale le plus extraordinaire que l'on ait jamais vu.
7- S'il en est ainsi, le Français a mieux à faire qu'à se
leurrer lui-même à complimenter d'une manière paterne
M. Dufaure.
»• Oui, mes amis, terminait-il, quand on n'empale pas un
fonctionnaire en disgrâce, on le pond. On appelle cela le
suspendre de ses fonctions.
9' La sonnette du président s'agite vivement. Le tumulte
continue et ne s'apaise que par degré. On dirait un entre-
croisement de fusées à la Congreve entre républicains et
bonapartistes.
10' Aux quatre coins étaient fixés des panaches de plu-
mes d'autruches, mi-parlie noires et mi-partie blanches.
Cotait d une nouveauté rare.
(/-«s corrections à quimaing.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NUE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLB.
Nicolas ANDRY.
(Suite.)
Femme poète, Femme philosophe. — Il faut dire
celte femme est poète, philosophe, médecin, auteur,
peintre, et non poétesse, philosophesse, médecine, au-
trice, pcintresse. On doil en cela déférer à l'usage qui
donne la terminaison féminine à certains mots pour le
genre féminin, et qui ne la donne pas à d'autres.
Feu, Feiie. — On dit feu au masculin, et feiie au
féminin : la feiie Heijne. C'est confirmé par l'usage de
tous les honnêtes gens.
Fondement, Fondation. — Il y a des gens qui
disent les fondations d'un bâtiment pour dire les fon-
demens; mais c'est mal parler. Fondation a un sens
bien différent : c'est proprement le jet des fondements;
et non les fondements mêmes.
Fortuitement . — Quelques personnes préfèrent par
hazard; mais c'est par un vain scrupule ; fortuitement
est aussi bon, et quelquefois même beaucoup meil-
leur.
Foudre. — Le P. Bouhours prétend qu'on ne dit
un foudre qu'au sens figuré, un foudre de guerre;
mais .\ndry ne voit pas ce qu'il y aurait de ridicule à
dire : Quand le sublime vient à paroistre, il renverse
tout comme un foudre.
Fourbe, Fourberie. — Quelques personnes se servent
de ces deux mots indifféremment; néanmoins, écrivant
à M. Costar à leur sujet, Voiture signale entre eui
quelque diversité de signification : fourberie ne se
dit-il point de la mauvaise foi en général, et fourbe de
l'action de mauvaise foi en particulier'?
Fronde, Fonde. — On prononce fronde, mais il n'y
a pas cent ans qu'on écrivait et qu'on prononçait
fonde. Ce changement de prononciation pourrait bien
être venu du bruit qu'on fait en tournant la fronde.
Frugal, Frugaux. — Frugal n'a point de pluriel au
masculin; on ne dit ni frugals ni frugaux; il faut
tourner la phrase par le féminin.
Fumée. — S'emploie ordinairement au singulier
dans le sens propre; on ne dit point les (innées des
cheminées ; mais dans le figuré, on le met au pluriel :
les fumées qui montent au cerveau.
Futile. — Ce terme n'est pas d'usage, et Andry est
surpris qu'un habile écrivain ail dit : toute la littéra-
ture Grecque estoif futile et impertinente en comparai-
son de celle des Egyptiens (1689i.
Galant. — On dit c'est un galant homme en parlant
d'un homme d'esprit, enjoué, agréable ; mais homme
galant marque un homme qui a de certaines passions
qu'il ne devrait point avoir.
Genre douteux. — Il ne faut pas dire que ton corps
et ta teste sont beaux, mais bien sont belles : c'esl
f34
LE COURRIER DE VAUGELAS.
comme parle le traducteur de Phèdre dans la fable du
Corbeau. On dit de même les pieds et la teste nue, et
non pas nmls, quoique ce soit contre la Grammaire.
Gens. — Ce mot ne se met jamais avec un nombre
déterminé; on ne dit point dix gens, douze gens.
Mais on dit bien vous ij trouverez mille gens, parce que
mille a ici le sens indéterminé.
Grand homme. Héros. — Ce dernier ne se dit que
d'un homme de guerre, et grand homme s'applique
aussi bien à un homme de robe qu'à un homme d'épée,
de cabinet ou de Cour.
Grand' messe. Grande messe. — On dit la grand'
messe, c'est grand' pitié, la grand' Chartreuse, co/iseil-
ler en la grand' Chambre, grand' chère, et non la
grande messe, c'est grande pitié, etc. Mais, pour mar-
quer que grand' est mis là pour grande, et qu'on
retranche \'e, il faut mettre une petite apostrophe au-
dessus du d.
Grandissime. — D'Ablancourt s'est servi de grandis-
sime pour très-grand; mais si ce terme peut entrer
dans un discours tout simple, ce serait une faute
que de le mettre dans un discours un peu relevé.
Gratis, Gratuitement. — Gratis est un mot latin que
l'usage a francisé et qui ne s'emploie que dans le dis-
cours familier. Gratuitement est plus noble.
Grillet, Grelot. — Dans quelques provinces, on dit
un grillet, des grillets; mais il faut dire un grelot, des
grelots.
Hyper critique. — Ce mol se dit quelquefois dans le
style familier. .Ménage s'en est servi; néanmoins, quel-
ques-uns trouvent ce terme un peu pédantesque.
Jardin des Olives, Jardin des Oliviers. — Plusieurs
préfèrent jardin des Oliviers comme plus français ;
mais d'autres di&enl jardin des Olives. Andry croit que
jardin des Oliviers est plus du bel usage.
' // est demain [este. — Cette manière de parler est
assez bizarre et fait bien voir ce que peut l'usage :
selon les règles, il faudrait dire il sera demain (este.
Impie. — Comme on dit un homme impie, il semble
qu'on devrait dire aussi un homme pie; mais l'usage
s'y oppose.
Improbation. — C'est un fort bon mot, et l'usage l'a
reçu depuis quelques années, malgré l'opposition de
certains critiques (1689).
Inaccoutumé. — Ce terme, qu'on attribue à Ronsard,
avait vieilli ; mais on l'a fait revivre il n'y a pas long-
temps, et Pascal l'a employé.
Inaction. — Terme nouveau, mais qui est fort bon et
fort en usage.
hwontinent. — Bien des gens ont fait le procès à ce
mot; mais il faut n'avoir aucun usage du monde, ni
aucune connaissance de nos auteurs français pour le
condamner. .\os meilleurs écrivains s'en servent.
Indélébile. — Ce mot n'est pas bon ; autrefois on
disait indrleblr; mais aujourd'hui (UiS'.i), on ne dit
ni l'un m l'autre; Il faut dire inéfaçable.
Inscription, Suscription. — En [jarlanl du dessus
des lettres, on dit suscription, et inscription se dit ordi-
nairement de ces litres qui s'écrivent au-dessus des
portes des bâtiments, et au-dessus des arcs de triomphe.
Insolvabilité. — Ce terme n'est pas fort en usage
(<6S9) ; mais il serait à souhaiter qu'il y fut.
Interdisit. — Ménage se trompe quand il dit que
l'usage est pour cette forme du verbe interdire; nos
meilleurs écrivains ne l'emploient jamais.
Intérieur, Interne. — Le premier regarde l'esprit, et
interne, le corps; on dit, par exemple, une joye inté-
rieure, et un remède interne.
Termes inutiles. — Dans cette phrase : cette lettre
est remplie de beaucoup de civilité, le mot beaucoup
est inutile : quand une lettre est remplie de civilité, il
y en a évidemment beaucoup.
Juste, Justement. — Ces deux mots sont fort diffé-
rents : justement signifie avec justice, et juste avec
justesse. 11 faut dire d'un homme qu'il raisonne _;'!«<«,
et non pas justeme?it.
Isolé. — Pour séparé comme une isle, il n'est pas en
usage au figuré, quoique dans le sens propre il soit
fort usité : une maison isolée, une figure isolée^ autour
desquelles on peut tourner. Ce mot vient de l'italien
isola, qui signifie une isle.
Labeur. — Ce mot ne se dit point; c'est un terme
qui a vieilli et qui ne se trouve plus que dans les livres
« gaulois >i.
Le, Luy. — On demande s'il faut dire la fièvre luy
prit, ou la fièvre le prit. Plusieurs personnes pensent
que l'un et l'autre « est bon ». Néanmoins Andry croit
que le premier est le meilleur. Le P. Bouhours dit tou-
jours lutj prit.
L'est-ce, Est-ce Ivy. — En parlant d'une chose, on
dit/'w^-ce; en parlant d'une personne, on diii est-ce
luy. Si l'on parle au pluriel, il faut dire sont-ce là mes
Livres? ouy, ce les sont, et non ce sont eux ; sont-ce là
ces Messieurs? ouy, ce sont eux, (t non, ce les sont.
Logis, Maison. — Ceux qui parlent bien disent : il
est retm au logis, il a dîné au logis; il n'y a que le
petit peuple qui dise à la maison (l()89).
Magister. — ■ Quoique latin, ce mot peut s'employer
quelquefois agréablement dans le style railleur.
Maniment. — Ne se dit point dans le sens propre et
naturel ; il faudrait ne pas savoir le français pour dire,
par exemple, qu'il y a des aveugles qui connaissent les
pièces fausses au maniment ; il faut dire : à les manier.
Matter sa chair. — Celte expression est d'usage. A la
vérité, il y a des personnes à qui elle ne plait pas, mais
c'est être trop délicat que de ne pas l'admettre.
Marmaille. — Ce mot n'a place que dans le discours
familier; venant du grec iji,upp.àx£i;, fourmi, il ne s'em-
ploie que par raillerie : qu'on chasse d'icy, toute celle
inurmuille équivaut à q\('on chasse d'icy toute celte
armée de fourmis.
Menées. — Quelques personnes aiment mieux qu'on
dise pratiques, intrigues; néanmoins, menées est fort
bon, et plusieurs auteurs s'en servent : Durant ces
menées, Arlabaze arrive.
{La suite au prochain numéro.)
Le RKDicfECR-GKBANT : Euà« MARTIN. '
LE COURRIER DE VAUGKLAS.
4 3S
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
Œuvres de Lamartine. Les Confidences. Nouvelle
édition, publiée par les soins de la Société propriétaire
des œuvres de Lamartine, ln-18 Jésus, a9i p. Paris, lib.
Hachette et Cie. 3 fr.
Poëtes et Amoureuses, portraits littéraires du
XVI' siècle; par Prosper Hlanchemaiii, de la Société des
Bibliophiles français. T. I. In-18, 223 p. et 3 portraits.
Paris, lib. Willem. L'ouvrage complet (2 tomesj, 10 fr.;
avec port, doubles, 15 fr.
Le Meneur de loups; récit de village; par Alfred
des Essarts. ln-12, 223 p. Paris, lib. Lecoffre fils et Cie.
i fr. 25 cent.
Etude sur la philosophie en France auXIX'^ siècle.
Le socialisme, le naturalisme et le positivisme; par M. Fer-
raz, professeur de philosophie à la Faculté des LeHres de
Lyon. In-S", ww-USI p. Paris, lib. Didier ot Cie. 7 fr. 50.
Le Lien des peuples, poésies par Anlonin Martin,
Gaetano Belluzzi, L. de Préville, L. Oppepin, Ch Manso,
le capitaine Bonnefoy, V. Froment. J. A. Fauché, Garau,
etc.; publiées par Evariste Carrance. In-8°. 716 p. Bor-
deaux, 7, rue Cornu. 10 fr.
Nouvelles et Contes; par Alfred de .\Iu5set. Avec un
port, de l'auteur gravé par .M. .\lph. Leroy et une eau-
forte de M. Lalauze, d'après Bida. T. 3. ln-32, 475 p.
Paris, lib. (;har|)entier et fie. !i fr.
Mémoires d'un assassin. Cyrille; par Louis Ulbach.
In-18 Jésus. à'2!i p. Paris, lib. Calmann-Lévy.
Le Baiser fatal; par Charles Valois. In-18 Jésus,
û28p. Paris, lib. Dentu, 3 fr.
Marcelle, ou les Préludes de la Révolution fran-
çaise. Traduit librement de l'anglais par Mme Arbousse-
Hastide. In-12. 370 p. Paris, lil). Bouhoure et Cie.
Journal de Cléry. Relation des événements de la
tour du Temple pendant la captivité de Louis XVi. In-12,
120 p. Limoges, lib. E. Ardant et Cie.
Une pointe en Espagne, en Portugal et au Maroc,
et retour par l'Algérie, 1868 ; par le comte Robert
des Maisons. Eau.x-fortes de Jules Adeline. 10-8", 303 p.
Rouen, lib.' Deshays.
Le Roman d'un prince russe; par P. N. Fortuoio;
Gr. in-18, 350 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Auguste Comte et la Philosophie positive; par
E. Littré. 3' édition. In-8°, xi-679 p. Paris, bureaux de
la Philosophie positive, 16, rue de Seine, 8 fr.
Considérations sur les causes de la grandeur des
Romains et leur décadence; suivies de la Dissertation
sur la politique des Romains dans la religion, du Dialogue
de Syllaet d'Eucrate, et de Lysimaque; par Montesquieu.
Nouvelle édition, précédée d'une notice sur l'auteur,
accompagnée de notes etc., par L. Grégoire, professeur.
ln-12, xx[-2i0 p. Paris, lib. Belin.
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lomb jusqu'à nos jours, par les plus célèbres naviga-
teurs; rais en ordre par William Smith. Illustrés de pi.
sur acier. 12 vol. in-8°, Lxxvi-/i805 p. Paris, lib. de
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d'Orléans. — Prix : 3 fr. 50 cent.
PETIT DICTIO.NNAIRE UNIVERSEL, ou Adrégé du
uiCTioNNAiRE FRANÇAIS DE E. LiTTRÉ, de l'Acadéniic fran-
çaise, augmenté d'une partie mythologique, historique,
biographique et géographique. — Par A. Beaujean, pro-
fesseur au lycée Louis-le-Grand. — Paris, librairie
•Uachelle el Cie, 79, boulevard Saint-Germain. — Prix :
3 francs.
436
LE COURRIER DE VAUGSLAS.
Publications périodiques :
REVUE DE LA POÉSIE, organe de l'Académie des
Poètes. — Publication mensuelle, sous la direction du
Comité. — Par an, 6 fr. — 50 cent, l'exemplaire. —
L'abonnement part du 1" janvier de chaque année. —
Le prix des collections des aimées antérieures est égale-
ment de 6 fr. chacune.
REVUE CBITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
— Recueil hebdomadaire publié sous la direction de M.\l.
C. de La Berge, M. Bréal, G. Monod, G. Paris. — Dixième
année. — Nouvelle série, 2= année (1877). — Prix d'abon-
nement : Un au, Paris, 20 fr.; — 'départements, 22 fr.;
— étranger, le port en sus ; — un numéro, 75 c. — Paris,
Ernest Leroux, éditeur, 28, rue Bonaparte.
GAZETTE DES LETTRES, des sciences et des arts,
paraissant le 1", le 10 et le 20 de chaque mois. — Direc-
teur : D. de Liversay. — Prix par an : 8 fr. pour Paris
et les départements; 10 fr. pour l'Étranger (Europe); un
numéro 25 centimes. — Paris, direction et administra-
tion, 12, boulevard Montmartre.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Société archéologique, scientifique et littèr.^ire de Béziers. — Concours pour l'année 1877. — Dans la séance
solennelle qu'elle tiendra le Jeudi de l'Ascension, 10 mai 1877, cette Société décernera un rameau de chêne en
argent à la meilleure pièce de vers français. — Les sujets politiques sont exclus du Concours. — Les pièces destinées
au Concours ne seront pas signées. Elles devront être lisiblement écrites, et adressées en double copie et franches
de port, avant le 1" avril prochain, terme de rigueur, à M. le Secrétaire de la Société. Chacune portera une épi-
graphe qui sera répétée sur un billet cacheté, renfermant, avec le nom, la profession et le domicile de l'auteur, la
déclaration qu'elle est inédite et qu'elle n'a pas été présentée à d'autres Sociétés. —Les pièces envoyées au Concours
ne seront pas rendues. -'
Société académique de Saint-Quentin. — Concours de l'année 1877 — Poésie : le sujet est laissé au choix des
concurrents. — Canlales : le sujet est laissé au choix des concurrents. Les pièces envoyées au Concours devront
remplir les conditions exigées par le Conservatoire national de musique pour le prix de Rome, c'est-à-dire être à
personnages (une voix de femme et deux voix d'hommes), et contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un
trio final. La Cantate couronnée en 1877 servira de texte pour le concours de musique qui aura lieu en 1878. — Ces
Concours seront clos le 1" mars 1877.
L'Académie française propose 1' » Eloge de Bufpon » pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Ils devront
porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce billet contiendra le
nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au Concours ne seront
pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt. — Concours de poésie française pour l'année 1876-1877. —
Le sujet et le genre sont laissés au choix des concurrents. Prix : une médaille d'or. — Il est ouvert en outre un
Concours spécial : Pièce de vers français en l'honneur de Sainte-Anne. Prix : une médaille d'or. — Les pièces devront
être adressées franco au Secrétariat de la Société avant le 15 mars. — Il pourra être décerné des médailles d'argent
ou de bronze à titre de 2' prix ou de mention honorable.
La Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne décernera, en 1877, une
médaille d'or de la valeur de 100 francs à l'auteur de la meilleure pièce de vers sur un événement de notre histoire
nationale. — La Société, à mérite égal, donnera la préférence aux sujets relatifs à la Champagne. — Les ouvrages
envoyés au concours devront être adressés, francs de port, au secrétaire de la Société, avant le 1" juillet 1877,
terme de rigueur.
RENSEIGNEMENTS
A l'usage des Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
agences auxquelles on peut s'adresser :
A Paris : M. Pelletier, 19, rue de l'Odéon; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin; —
A Lo.ndres ; M. Bisson, 70, Berners Street, W.; —MM. Griffiths et Smith, 22, Uenrietta street, Covent-Garden,
W. C. ; — Le Collège of preceptors, Queen's Square; — A Liverpool : M. le prof. Husson, Queen's Collège; — A ISew-
YoHK : M. Schermerhorn, ù30, Broom Street.
Journaux dans lesquels on peut faire des annonces :
W American Register, destiné aux Américains voyageant en Europe; — le Galignani's Hfessenger, reçu par nombre
d'Anglais qui habitent en France; — le Wekker, connu par toute la Hollande; — le Journal de Saint-Pétersbourg, très-
répandu en Russie; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. Hartwick, 390, rue St-Honoré, à Paris, se charge des insertions.)
M. Eman Martin, Rédacteur du Couriiieii de Vaugelas, est visible à poii bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. UAUPELEY à Nogent-le-Rotrou.
7' Année.
N° 18.
15 Février 1877
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le I" ot le IB de ehaqne mola
{Dans sa séance du 12 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à celle publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTBANOERS
Officier de l'Instruction publique
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et parlent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Jusqu'au \0 mars prochain, les souscripteurs de la
province el de l'étranger qui n'ont pas encore payé leur
septième aranee pourront en envoyer directement le prix
au Rédacteur; mais, passé cette époque, ils devront
attendre qu'il leur soit présenté une quittance, laquelle
portera, comme frais de recouvrement, 75 centimes
pour la France, et I franc ou \ franc 30 centimes pour
les autres pays.
SOMMAIRE.
Communication sur l'étymologie de Péguin, et sur celle de Carcan;
— Signification et origine de Acheter chat en poche; — Une
question d'accord du verbe avec son sujet; — E.\plication de
i\e rien prendre au pied de la lettre; — Emploi de En
imposer el de Imposer || Origine de Tirer son épingle du jeu;
— Emploi de .Ve après Sans que || Passe-temps grammatical.
Il Suite do la biographie de .Mcolas Andry. \\ Ouvrages
de grammaire et de littérature. || Concours littéraires. ||
Renseignements offerts aux étrangers.
FRANCE
COMMUNICATION.
Un savant abonné du Courrier de Vaxtgelas m'a
adressé les observations suivantes sur mon avant-
dernier numéro :
Eonfleur, le II janvier 1877.
Monsieur le Rédacteur,
Dans le n* 16, 7' année du Courrier de Vaugelas, vous
m'objectez, à propos du mot péguin, qu'il ne saurait être un
dérivé de « pecus, vocable latin dont le sens collectif s'op-
pose complètement à ce qu'il puisse passer avec le sens
individuel dans notre langue p.
Si je me suis trompé, Littré aurait commis une errpur
de même nature pour les mots pécore et' pecque, dont le
sens individuel n'est pas douteux et qu'il fait cependant
dériver du latin pecus.
Mais c'est qu'en réalité le latin pecus se prend dans le
sens individuel tout comme dans le sens collectif suivant
les cas qui se présentent. Il suffit pour s'en convaincre de
consulter le dictionnaire de Freund, traduction N. Theil.
Le sens individuel ou particulier de pecus y étant justifié
par des citations de Cicéron et d'Ovide, il n'y a rien à
demander de plus.
La pique, arme tenue d'abord en haute estime, je le
veux bien, s'est ensuite singulièrement démodée, malgré
les phrases creuses adressées aux » citoyens qui la reçu-
rent pour contribuer à la défense de la patrie mise en
danger ». Par le fait, depuis i79î, la pique n'a servi sur
aucun champ de bataille, tandis qu'elle a figuré dans pas
mal de scènes hideuses ou ridicules.
Au demeurant, je ne puis me rendre à accepter pour
lionne l'étymologie de péquin, telle que l'adonnée M. Phi-
laréte Chasles en s'appuyant simplement sur de vagues
souvenirs d'enfance. Cela n'est en vérité point sérieux.
Je passe à d'autres observations sur le contenu du
même numéro. Voyons ce qui concerne le terme carcan.
Il est très-exact que collier se dit très-souvent pour
cheval de trait; mais point sûrement en mauvaise part.
Carcan, au contraire, lorsqu'il s'applique à un cheval est
toujours pris en très-mauvaise part, surtout par les ma-
quignons, qui en usent plus encore que les charretiers,
et même sans y adjoindre le moindre adjectif. Carcan
signifie une rosse, tout aussi bien de selle que de trait.
On désigne ainsi volontiers un locatis. Mais on fait l'éloge
d'un bon cheval de trait en disant qu'il est franc du col-
lier. D'ailleurs, la synonymie n'est rien moins qu'absolue,
collier ne s'entendant que d'un animal de service ou en
service. On utilise beaucoup ce mot maintenant dans la
statistique, où Ion évalue la fréquentation des rues,
routes ou chemins en nombre de colliers pour véhicules
roulants. Et il est bien recommandé aux compteurs de ne
porter dans la colonne destinée aux colliers que les seuls
chevaux réellement attelés. Les chevaux de selle, de bât,
de somme ou libres devant figurer dans d'autres colonnes.
Lorsqu'on fait l'état du service d'une ferme, on laisse en
dehors des colliers, toutes les bêtes au repos pour une
raison quelconque. Ainsi dans les pays, le Boulonnais,
par exemple, où les fermes sont montées en juments, les
seules juments susceptibles d'être attelées sur l'heure
constituent le groupe des colliers à l'exclusion de toutes
les juments à terme, en gésine ou en repos.
De ce qui précède j'infère donc que dans l'argot des
hommes de chevaux, carcan ne vient point de collier, et je
puis parler de ces choses parce qu'elles me furent jadis
assez familières. Quant à la phrase de Saint-Simon, il y a
iine méprise évidente. Saint-Simon n'avait en vue que des
colliers de harnachement. Par conséquent, il faut»chercher
une autre origine à carcan.
4 38
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Carcasse correspondrait beaucoup mieux que collier, et
même correspondrait parfaitement, au carcan des maqui-
gnons. Or, je trouve juste à point dans le dictionnaire de
Littré une étymologie du mot carcasse. — Berry, carca,
carcas, carcan, carcou, charcois, charcou. Il me semble
qu'il est inutile de chercher plus loin, et j'hésite d'autant
moins à m'arrêter que messieurs les charretiers sont aussi
disposés à appeler une rosse carcasse que carcan.
Je finis sur un point de tfés-peu d'importance. Seule-
ment il s'agit de rendre à César ce qui appartient à César.
OJry n'a jamais dit au tliéâtre les trois mots Prenez mon
ours. 11 jouait dans VOurs et le Pacha ; mais il y remplissait
le rôle de Marécot et non celui de Lagingeole; par consé-
quent, ce n'est point à lui qu'il appartenait.de prononcer la
fameuse phrase.
J'ai l'honneiir d'être, Monsieur le Rédacteur,
Votre très-humble serviteur,
Charles Maisonrouge.
Réponse aux critiques qu'on vient de lire :
I» En revoyant ma dernière épreuve, je m'étais bien
aperçu qu'en effel, il n'était pas vrai que le sens col-
lectif de pecug s'opposât, comme je le disais, à ce que
ce mot latin pi!it donner en français un dérivé ayant le
sens individuel, et je m'étais promis de corriger le pas-
sage erroné; mais mon attention fut attirée et retenue
sur un autre point, et, pressé par l'heure, j'ai oublié
la correction dont M. Maisonrouge s'est si parfaitement
acquitté.
2' Je veux bien que la pique n'ait servi sur aucun
champ de bataille en 1792; mais il me semble que si
ceux qui la portèrent à travers les émeutes avaient dû
être ridiculisés à cause d'elle, on les aurait appelés
piquiers et non péquins, attendu que ce dernier terme
qui, au dire de Ludovic Lalanne, s'était « quelquefois »
employé pour désigner des soldats armés d'une pique,
devait depuis longtemps être complètement tombé en
désuétude.
Dans son Dictionnaire du bas-langage, publié en
4808, D'Hautel donne la définition suivante :
PÉQLTN. — Terme mjurieux qui équivaut à ignorant, sot,
imbécile; homme intéressé, avare au dernier degré.
C'est aussi un sobriquet que les soldats se donnent entre
eux.
A la vérité, la première partie de cette définition
peut suggérer l'idée que péqiiin vient de pecus, puisque
ce mot latin nous a déjà donné pécore, personne stu-
pide, et pecque, femme sotte et impertinente qui fait
l'entendue; mais on sait de bonne source que les sol-
dats de Napoléon 1" appelaient péquin, tout ce qui
n'était pas militaire (réponse du maréchal Augereau à
Talleyrand) , et cette assertion est en contradiction
manifeste avec celle de l'auteur cité.
Pour expliquer péquin, il me semble qu'il n'y a qu'un
moyen; c'est de voir en lui deux mots réunis sous une
même orthographe : l'un, venu de peius, donnerait le
sens de ignorant, sot, imbécile (qui ne se dit jtlus mémo
parmi les soldats), cl l'autre, venu ô^pékin, étoffe, don-
nerait celui qui, depuis l'Empire, s'est entièrement
substitué au premier.
J'ai déjà montré dans ce journal (6= année, p. 00) un
mot offrant une semblable particularité.
3" J'incline fortement à croire que l'étymologie de
carcan indiquée par M. Maisonrouge est la vraie, et que
ce mot signifie, non pas collier comme je l'avais pensé
d'abord, mais bien carcasse, étant données les formes
berrichonnes carca, carcas, carcan pour équivalents de
ce dernier terme.
4" Peut-être bien, n'était-ce pas l'acteur Odry qui
remplissait le rôle de Lagingeole dans l'Ours et le
Pacha ; mais alors, c'est Alfred Delvau qui est respon-
sable de mon inexactitude, car citant Joachim Duflot
dans son Dictionnaire de la langue Verte, où je me
suis renseigné, il dit littéralement ceci :
Le père Brunet représentait le pacha blisé qui veut qu'on
l'amuse; OJry jouait le montreur de bêtes, répétant à tout
propos : Prenez mon ours!
J'adresse mes bien sincères remerciements à M. Mai-
sonrouge qui, non content de lire attentivement ma
petite feuille, veut bien encore prendre la peine de me
signaler les erreurs qu'il y rencontre, ou croit y ren-
contrer.
X
Première Question.
Je lis dans Stlvaxdibe, roman d'Alexandre Dumas
père, la p/ira.se suivante : vous me forcez a acbeter chat
EN POCUE. Quelle est la signification exacte ainsi que
l'origine de cette expression ?
Le mot poche [que les paysans du Perche et de la
Beauce ont encore, et qu'ils prononcent pouche], s'est
employé autrefois pour sac, et l'on a dit chat en sac au
lieu de chat en poche, comme le montrent ces exemples :
Folie est d'accepter chai en sac.
(Adages /tançais du xvi* siècle.)
Veuls-tu espouser chat en sac,
Et que nuls tes nopces ne vois?
lEust. Deschamps, cité par Littré. )
De sorte que acheter chat en poche veut dire, dans
le sens propre, acheter un chat dans un sac, ce qui
équivaut à dire l'acheter sans le voir :
Vous n'achetez pas un ctiat en poche; si vous marchandez
un cheval, vous luy ostez ses bardes, vous le voyez nud et
à descouvert.
(Montaigne, Essais, I, p. 3a4.)
Au figuré, cette expression signifie faire une impru-
dence analogue à celle que l'on commettrait en achetant
un chat dans une poche, c'est-à-dire s'exposer au risque
d'être dupé :
Mais, Monsieur le Charlatan, afin que je n'acheté point
chat en poche, dites-moy ce que vous entendez par la va-
leur?
(Ghérardi, les Souhaits, p. ai.)
Vous ètes-vous mis en tête que Léonard de Pourceaugnac
soit un homme à acheter chat en poche?
(Molière, Pourc., acte II, se. 7.)
Quant à l'origine de ladite expression, je la vois dans
le prudent usage qui a dû être généralement adopté
par tous les pays de renfermer dans un sac le chat que
Ion voulait allor vendre au marché; car, excepté en
anglais, où le proverbe a été pris du jeune porc [to buy
a piy in a pvke'\, les langues des peuples nos voisins y
ont fait entrer comme nous le nom du félin domes-
tique :
Die Kat.e im Sacke kaufun (allemand).
LE COURRIER DE VAUGELAS
ia9
Comprar gato en saco (pspagnol).
Comprare il gallo nel sacco (Ualien).
X
Seconde Question.
Lecteur assidu de voire excellent journal., je me per-
mets d'avoir recours à votre bienveillance pvur me fixer
sur le cas suivant : Est-il français d'écrire celte
phrase : « Sur 200 sociétaires dont le quart à peine se
CONNAISSENT " OU « Sur 200 sociétaires dont le quart à
peine se conmaîi » ?
Lorsqu'un yerbe a pour sujet l'expression moitié
accompagnée d'un subslanlif pluriel, je remarque que
les auteurs emploient ce verbe, Tes uns au singulier,
les autres au pluriel. Ainsi j'ai trouvé :
(Verbe au singulier)
Des enfants de Japel toujours une moitié
Fournira des armes â l'autre.
(La Fontaine, Fobles II, 6.)
La moitié des passagers, affaiblis, expirants de ces
angoisses inconcevables, n'avait pas même la force de
s'inquiéter du danger.
(Voltaire.)
Des enfants qui naissent, la moitié au plus parvient à
l'adolescence.
(J.-J. Rousseau.)
(Verbe au pluriel)
On dit aui-si plus de la moitié de mes dépens sont payés;
pour (tire qu'on est avancé en âge, et qu'on n'a plus si
longtemps â vivre qu'on a déjà vécu.
(Furetière, Dicllonn.)
La moitié de nos concitoyens, épars dans le reste de l'Eu-
rope et du monde, vivent et meurent loin de la patrie.
(J.-J. Rousseau )
La moitié des arbres que j'ai fait planter sont morts.
(L*abbé Picard, cité par N. Landais.)
Ce n'ei^t pas trop de dire que la moitié de nos larmes sont
répandues en vain.
(Jules Simon, dans Larousse.)
D'où j'infère qu'en général, il est facultatif de mettre
au singulier ou au pluriel tout verbe ayant pour sujet
un nom fractionnaire désignant une quantité déterminée
{quart, par exemple) quand ce nom a un complément
au pluriel.
Mais cette règle a au moins une exception; car
lorsque le verbe est pronominal et a le sens réciproque,
il ne peut se mettre qu'au pluriel. Ur, comme c'est
précisément le cas dans la phrase que vous m'avez sou-
mise, j'en conclus qu'il y faut écrire :
Sur 200 sociétaires dont le quirt à peine se connaissent.
En mettant 46 cowreoiV, on n'exprimerait qu'une action
réfléchie : la moitié à peine des sociétaires connaît elle-
même, ce qui ne rend pas la pensée; tandis qu'eii riict-
lanl se connaissent, on exprime une action de plusieurs
individus agissant l'un sur l'autre, ce qui la rend
parfaitement.
X
Troisii^me Question.
Quelle est l'origine de l'expression ne rie.\ I'UENdue
AU l'IED l'E LA LEITKE'?
Je termine ainsi qu'il suit [Courrier de Vaugelas,
y année, p. 169) l'explication de prendre quelque
chose au pied de la lettre, phrase qui est juste, pour
le sens, le contraire de la vôtre :
Quand je considère que, dans ces derniers temps, la
langue familière a bien reçu des musiciens la locution
vide de sens à la clef (\-o'n Courrier de Vaugelas, 4' année,
p. 29), je crois pouvoir en cont-lure que les impiimeur.-=,
qui ont pouvent à parler du pied de la lettre, auront, au
figuré, substitué tout naturellement cette expression à
l'autre, et cela, en lui attribuant une idée de rigueur que
à la lettre n'avait pas.
S'il n'y a pas d'erreur dans ces lignes, elles vous
fourniront facilement l'origine de l'expression ne rien
prendre au pied de la lettre. .
X
Quatrième Question.
Peut-on dire : il est probable que je lui es impose,
puisqu'il ne dit rien devant moi? Cette phrase est-elle
française, ou doit-on dire : il est probable que je lui
IMPOSE'?
Ici, le verbe imposer a évidemment pour régime
sous-entendu l'un des substantifs respect, soumission
ou crainte.
Or, j'ai fait voir par de nombreux exemples ip. 49
de la présente année) que, dans ce cas, il est permis,
ou d'employer le verbe imposer tout seul, ou de le faire
précéder du mol en.
Par conséquent, quoique les grammairiens aient
essayé d'établir une différence entre en imposer et m-
po.fer, je demeure persuadé qu'on s'exprime tout aussi
bien en disant :
Il est probable que je lui en impose, puisqu'd ne dit rien
devant mo',
que si l'on dit sans le pronom en :
Il est probable que je lui impose, puisqu'il ne dit rien etc.
ETRANGER
Première Question.
Pourquoi dit-on de quelqu'un qui, engagé dans une
mauvaise affaire, a pu s'en tirer avec honneur et sans
compromettre ses intérêts, qu'il a su tirer son épingle
DU JEU '?
Voici, au sujet de cette expression proverbiale, ce
que je trouve dam V Intermédiaire [{"^ année, p. 3631;
Dans [ilusieurs villages du Roussillon, on voit des
petites filles s'amuser à un jeu qu'elles appellent Joch
de las agullas [jeu des aiguilles, ou des épingles). Trois
ou quatre petites filles se réunis.sent; elles font un tas
de quelques poignées de terre ou de sable, dans lequel
elles cachent chacune une épingle; au moyen d'une
pierre qu'elles jettent successivement dessus, elles dé-
molissent le las, et les épingles qui apparaissent
jleviennent la propriété de celle qui a jeté la pierre. 11
arrive souvent que le sable ne laisse qu'une seule
440
LE COURRIER DE VAUGELAS.
épingle à découvert ; la pelile fille qui l'a gagnée s'écrie
alors :
Bé! jo hé trait la méouna agulla del joch — (Bon ! moi
j'ai tiré mon épingle du jeu).
ce qui signifie qu'elle ne peut perdre cette fois-ci,
qu'elle a retiré l'enjeu qu'elle exposait. La partie finit
lorsqu'il n'y a plus d'épingles dans le tas de sable.
N'est-ce pas cet amusement d'enfants qui a donné
naissance à l'expression figurée qui constitue notre
proverbe ?
Quoique M. Littré le pense, car il explique aussi cette
expression par un jeu de petites filles qui ne diffère pas
sensiblement de celui qui vient d'être décrit, je suis
dlun autre avis, pouvant faire à cette origine les objec-
tions suivantes :
1° Le jeu dont il s'agit ici doit, ce me semble, être
presque moderne, et ne dater que de l'époque où les
épingles étaient devenues d'un prix qui permettait aux
petites filles de s'en servir comme d'enjeux. Or, ainsi
que le fait voir cet exemple :
Mais ne pouvant rien contre vent et marée, il tira son
épingle du jeu.
(D'Aubigné, Hisl., p. 334.)
notre proverbe remonte au moins au xvi^ siècle ; et
comme je doute fort qu'en ce temps les épingles coû-
tassent assez peu pour être mises à la portée de la
bourse des petites filles, j'incline naturellement à en
conclure que l'explication de ï Intermédiaire a bien
des chances pour n'être pas la vraie.
2° Du reste, si l'origine qui vient d'être donnée était
réelle, on aurait di^i, je crois, appliquer tirer son épingle
du jeu plutôt aux femmes qu'aux hommes, tandis
qu'au contraire, je ne l'ai jamais entendu appliquer
qu'à ces derniers.
Voici, à mon tour, comment j'explique le proverbe
qui nous occupe :
Au xvi= siècle, les épingles, qui étaient encore un
objet de luxe au xv', comme le font entendre ces vers
d'Eustache Deschamps, empruntés au Dictionnaire de
Littré :
Humbles furent, coies et simples,
Ne sçurent que ce fust d'espingles,
Ne d'orgueil, car humilité
Estoit en leur simplicité.
les épingles, dis-je, devinrent d'un usage plus géné-
ral, et leur prix en diminua sensiblement. Alors, les
jeunes gens s'en servirent en les mettant au jeu au lieu
d'argent, fait dont je crois trouver la preuve :
\° Au chapitre 38, note 74, de l'ouvrage de Mathurin
Cordiev [De corrupli sermonis], chapitre consacré aux
jeux des écoliers :
Ego amisi quatuor ligas in isto ludo. — J'ay perdu
quatre esguilleles à ce jeu icy.
2" Dans le passage suivant uc .Montaigne [Essais, 1,
p. 108), où l'auteur parle de la force de l'habitude
contractée dès l'enfance :
La laideur de la piperie ne despend pas de la dilIVrenco
des pscusaux a/iiKglrs; file despend de soy. Je Ireuve bien
jilus juste de conclure ainsi : « Pourquoy ne Iromperoit
il [l'enfant] aux escus puisqu'il trompe aux cspingles ■>?
que comme ils font ; « Ce n'est qu'aux espingles, il n'au-
roit garde de le faire aux escus ».
Or, s'il en a été ainsi, un joueur pouvait parfaite-
ment dire, lorsqu'il avait été assez heureux pour finir
la partie sans rien perdre, qu'il avait tiré (mis évidem-
ment pour retire'] son épingle du jeu, origine en
vertu de laquelle ce proverbe a dû s'appliquer de préfé-
rence aux hommes.
X
Seconde Question.
J'ai rencontré cette phrase dans un de vos journaux:
« Un collégien ne se voit pas gronder par un jésuite,
sans que M. Sarceij xe jette l'anatlième et ne crie à
r abomination de la désolation ». Etes-vous d'avis que
ce .\E ava7it jette et crie soit bien nécessaire ?
L'emploi de ne après sans suivi de que se rencontre
quelquefois, même dans les meilleurs auteurs; ainsi
Mme de Sévigné a écrit ce qui suit (Lettre du 26 août
1675):
Ces cris de toute un armée [lors de la mort de TurenneJ
ne se peuvent pas représenter, sans que l'on «'en soit
ému.
.Mais, généralement, cette négation ne se met pas
en pareille circonstance, ce que prouvent ces exemples :
(La proposition principale'est iiffirmalive ou négative)
Il se laissa gronder sans qu'û en fût autre chose.
(Hamilton, Gramm., 4.)
Je prends pour principe que jamais un corps ne se meut
par son poids sans que !e centre de gravité descende.
(Pascal, KquU. des liq., II.)
(Le verbe craindre et le substantif crainte, qui veu-
lent ne après eux, se trouvent placés entre sans etçwe)
Vous pouvez traiter avec lui sans crainte ou sans craindre
qu'il vous trompe.
(Liltré, Dictionn.)
(La phrase renferme tii, aucun, personne, rien,
jamais qui veulent également ne)
Je reçois et je vois le jour que je respire
Sans que père ni mère ait daigné me sourire.
(Racine, Ip'^ig,, H, 1.)
Je la voyais souvent triste sans qu'elle m'expWquàl jamais
le sujet de sa tristesse autrement que par une cause
physique.
(Alex. Dumas, la Dame aux Camélias, p. 2li.)
Les puissances établies par le commerce s'élèvent peu à
peu et sans qw personne s'en aperçoive.
^Montesquieu)
Or, en présence d'un tel fait, il est évident pour
moi que la négative ne figure à tort dans la phrase de
journal que vous me signalez.
La règle dont il vient d'être question s'observait déjà
dans notre langue du moyen âge :
La porte fut ouverte, et y entrèrent les Gantois, sans que
nul mal y fissent.
(Froissarl, II, II, 57.)
Et parleront eulx deux ensemble grant pièche sans qu'\\
y eust nulz, de leurs gens qui les peust ouir.
(réiiin, i4l6.)
Je crois que c'est une raison de plus pour la mainte-
nir dans le français niodernc.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
141
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1"... sans que ce soil sa faute (on ne met pas de avant sa); —
2°... de nouveaux décrets accordant; — 3°... placés assez haict
(c'est ici un adverbe et non un adjectif); — 4°... à toute autre
personne que les magistrats (après le que qui suit autre, on ne
met pas la préposition qui peut précéder autre); — 5°... livre
qui est le résultat de l'expérience, ou quelque chose de syno-
nyme (le participe vécu ne peut s'employer au passif) ; — 6'... de
Thydrocéphale le plus extraordinaire, ou d'un hydrocéphale qui
est le plus extraordinaire; — 7'... a mieux à faire que de se
leurrer (c'est mis pour a à faire mieux que d'^); — 8°... disait-
il en terminant, quand on l'empale (voir Courrier de Vau-
gelas, 5' année, p. 51); — 9°. .. ne s'apaise que par degrés (au
pluriel); — 10°... moitié noires et moitié blanches (voir Cour-
rier de Vaugetas, i' année, p. 83, sur l'emploi de mi-partie
devant un adjectif).
Phrases à corriger
lrouvÊe8 pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
!• C'est une faute de goût de porter une chaîne, telle
précieuse fût-elle, dès qu'on se met en habit noii;; car il
est de la plus élémentaire convenance que paraître s'in-
quiéter de l'heure dans un salon est une impolitesse.
2' A deux heures du matin, Julie partait à l'étranger;
elle avait conservé quelques mille francs avec lesquels elle
vécut, l'uis quand elle se crut oubliée, elle revint à Pans
et travailla.
3* Ce simple devoir de politesse ne laisse pas que de
m'embarrasser, car je suis forcé de jouer tout seul une
manière de lever de rideau â plusieurs personnages.
4" Depuis hier, M. Donato fait une expérience nouvelle
on ne peut plus intéressante ; elle consiste dans l'influence
que la musique exerce sur une personne somnambulisée :
c'est ravissant et prodigieux.
6' On voudrait qu'un conflit nouveau vînt surgir, â
propos de cette loi sur l'administration militaire, entre la
Chambre et le Sénat. Que nos députés se tiennent sur
leurs gardes !
6" Il a suffi que le comte de Chaudordy sourit un peu
trop au général Ignatieff et prononçât quelques paroles
sympathiques à la Russie, pour que l'Allemagne, hantée
par le cauchemar de l'alliance franco-russe, en prenne de
suite ombrage.
7* Non pas que l'état sanitaire ne fût excellent, quoi
qu'en ait dit nombre de journaux, mais parce qu'ils sont
habitués à cette rude température.
8° Est-ce que M. Jules Simon s'opposerait à ce que les
députés donnassent à la France ces trois instruments de
progrès politique? — Non! — Alors si nos députés ne les
obtiennent pas, ce sera de leur faute.
9° Ils aiment beaucoup mieux marcher solidement sur
la terre plutôt que s'enfoncer jusqu'à mi-jambes dans la
boue des roules non empierrées.
10* Cela n'empêche pas qu'il ne se passe pas une se-
maine sans que l'on ne voie deux des membres du parti
de la concorde se prendre de langue et se disputer comme
des harengéres.
11° D'aucuns prétendent que le prince de Bismark, pour
n'être pas obligé de céder devant cette redoutable oppo-
sition, verrait avec déplaisir de nouvelles complications
s'élever en Orient.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XV1I« SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
(Suite.)
Métaphore. — Il y a une espèce de métaphore qui
doit être condamnée en quelque langue que ce soit,
mais surtout dans la nôtre, qui est plus sévère et plus
religieuse que jamais. C'est d'appliquer aux vérités de
notre religion ces noms « prophanes » que l'antiquité
païenne a donnés à ses fausses divinités. Il n'est besoin
que d'un peu de bon sens pour reconnaître qu'il ne
faut pas ainsi, par des noms fabuleux, donner l'appa-
rence du mensonge à des vérités constantes.
Meurtrir, Tuer. — Le mol meurtrir dans ce sens a
vieilli. Dans sa traduction de Quinte-Curce, Vaugelas
s'en sert; mais il est plus digne de remarque que
d'imitation.
De la modestie de nostre langue. — La langue fran-
çaise est, à proprement parler, la plus modeste de
toutes les langues; elle rejette non-seulement toutes
les expressions qui blessent la pudeur, mais encore
celles qui peuvent recevoir un mauvais sens. Nos écri-
vains les plus polis vont en cela jusqu'au scrupule.
On doit aussi éviter les comparaisons licencieuses,
que certains prédicateurs indiscrets osent faire des
mystères les plus sacrés de la religion chrétienne avec
les fictions les plus infâmes de l'antiquité fabuleuse,
approfondissant parfois des matières dont ils ne de-
vraient pas même paraître instruits.
Monsieur. — Certaines gens s'imaginent qu'il est de
la bienséance d'appeler monsieur la plupart des auteurs
qu'ils citent; mais ils se trompent fort; et, à moins
que l'auteur ne soit vivant, ou qu'il ne soit mort que
depuis peu, on ne lui donne point tant du monsieur.
S. peine aujourd'hui (1681)1, dit-on momieur Paschal;
on commence à dire Paschal tout court.
Naguéres. — 11 serait à souhaiter qu'il fût encore
employé, car il exprime seul ce qu'on ne peut dire
autrement qu'avec le secours de plusieurs mots; mais
l'usage l'a banni à ce point qu'il n'existe plus (1689).
Natal. — Cet adjectif n'a jamais de féminin. On dit
bien son lieu natal; mais il n'est pas permis de dire
sa ville natale.
Négatives. — On remarque qu'une proposition a
quelquefois plus de force quand elle est négative que
lorsqu'elle est affirmative. Quand on dit, par exemple,
ce n'est pas une petite chose que de sçavoir se taire, on
s'exprime beaucoup mieux que si l'on disait c'est une
grande chose que de sçavoir se taire.
N'en déplaise. — Selon le P. Bouhours, cette expres-
sion est agréable dans le discours faïuilier, quoique
.M. .Ménage ne soit pas de cet avis.
Nominatif sans verbe. — C'est un vice ordinaire à
ceux qui savent plus de latin que de français, de mettre
U2
LE COURRIER DE VAUGELAS.
quelquefois un nominatif sans verbe, comme dans
cette phrase : Je souhaitais de voir vivre ces armées
de bons citoyens, lesquels s'ils vivaient encore du moins
la République subsisterait, où le pronom lesquels
ne se rapporte à rien.
Nombre changé. — On met quelquefois de la grâce
dans le discours en y changeant les singuliers en « plu-
riers », comme lorsqu'on dit les Alexandrcs, les Césars,
les Pompées. Cette manière déplaît à quelques per-
sonnes, mais Andry la voit si universellement reçue
qu'il croirait téméraire de la condamner.
On change aussi les pluriels en singuliers; ainsi on
dit : le soldat ne cessa de tuer, que la nuit ne luy eust
dérobé l'ennemy.
Noms propres. — Bien des gens disent Ammian
Marcellin, Appian Alexandrin. D'autres aiment mieux
Ammien Marcellin, Appien Alexandrin, qui cependant
ne sont pas si bons.
Nous disons au singulier, Gracchus, Lucullus, Hor-
tensius, et au pluriel, les Gracques, les Luculles et les
Hortenses.
Nonce, Ambassadeur. — On dit nonce pour le pape,
et ambassadeur pour un autre souverain.
Obscène. — Ce mot n'est pas encore bien établi
(^689); mais Andry croit qu'il s'établira parce qu'il
signifie quelque chose que n'expriment ni impur, ni
impudique.
Œuvre. — Dans le sens d'action de piété ou de
quelque entreprise considérable, il est masculin après
son adjectif, et féminin devant. Patru a dit : Toutes les
Communautez ecclésiastiques et séculières coopéraient
d'une mesme ardeur à ce saint œuvre; et ailleurs, la
gloire d'une œuvre si sainte.
L'onze, Le onze. — On dit le onze et non l'onze; du
onze, et non de l'onze: Mais on dit jusqu'à l'onzième,
et non Jusques au onzième.
C'est un original. — Ce mot a un « grand penchant »
à être pris en mauvaise part; il se dit en parlant de
quelque personne dont les manières sont très-ridicules.
Ouvrage. — Ce nom est toujours masculin au sin-
gulier, en quelque sens qu'il se prenne; mais quand il
est employé au pluriel, et qu'il signifie des ouvrages de
femmes, il est du féminin; on dit Voilà de belles ou-
vrages, et non de de beaux ouvrages (\(i)i9).
Parce séparé de que. — C'est quelquefois une élé-
gance de séparer parce de que, comme dans cette
phrase : // fut receu à Rome comme victorieux, parce
seulement qu'il n'a voit pas désespéré des affaires de la
République.
Des participes. — II y a des personnes très-éclairées
qui prétendent que lorsqu'un participe est suivi d'un
infinitif, il doit rester « indéclinable », et qu'on doit
écrire elle m'est venu voir; cependant, il y a de bons
auteurs qui n'observent point cette règle et (|ui disent,
par exemple, le château oit, la Marquis-; cstoil allée
passer l'automne.
Quoique précédés de leur accusatif, les participes de
plaindre et de craindre sont indéclinables; on dit : la
maladie que j'ai craint, et je vous ai toujours plaint,
madame.
Le participe ne doit point non plus se décliner
quand le nominatif est après lui; il faut écrire : la
peine que m'a donné cette affaire, et non donnée (1689).
Personnes changées. — Il est élégant quelquefois de
changer les personnes. Ce changement se fait souvent
en mettant à la seconde ce qu'on a coutume d'expri-
mer par la troisième; rien n'est plus commun dans
le style familier : vous diriez à le voir que etc.
Le mot vous n'est pas des plus respectueux lorsqu'on
parle à quelque personne que l'on doit ou que l'on veut
traiter avec respect. Si, par exemple, on est avec un
grand seigneur, et qu'on ait occasion de lui demander
sa volonté sur quelque chose, il faut bien se garder, si
l'on n'est pas son égal, de lui dire vous plaist-il Mon-
seigneur etc., ou, ce qui serait bien pis, voulez-vous,
Monseigneur. Il faut parler indirectement et dire :
Monseigneur agréroit-il que, etc.
C'est un excès de grossièreté que de dire comment
vous portez-vous? en abordant des personnes de la
première qualité.
Estre peuple pour. — On dit quelquefois il faut esire
bien peuple pour croire cela, c'est-à-dire avoir l'âme
bien basse, et être plein des sentiments du peuple.
Cette expression plaît à quelques précieuses, mais
beaucoup d'autres personnes hésitent encore à s'en ser-
vir (1689).
Avous dîné pour Avez-vous dîné. — Ce n'est rigou-
reusement pas correct; mais le désir qu'on a d'expliquer
promptement ce qu'on veut dire, fait souvent passer
là-dessus, et des personnes très-habiles ne croient
point que ce soit une faute de s'exprimer ainsi.
Plwrier, Pluriel. — Tous les deux sont bons; c'est
un défaut ordinaire chez nos Grammairiens de s'ima-
giner que, dès qu'une chose se dit de deux façons, il
faut condamner l'une pour autoriser l'autre.
Plurier joint avec un verbe singulier. — Nous avons
plusieurs expressions où un nominatif pluriel se trouve
joint avec un verbe singulier, comme dans il est passé
par là dix mille hommes, et ne disons-nous pas il est
dix heures, comme nous disons il est une heure .' 11 y a
de ces manières de parier dans toutes les langues, le
grec et le latin en sont remplis.
Plus bien. — 11 peut se dire, et se dit tous les jours,
dans les phrases analogues à celles-ci : Autrefois il
écrivait bien, mais à présent il n'écrit plus bien.
Plus bon. — Il y a un cas où l'on doit employer
celle expression comme comparatif de bon; c'est
lorsque bon se prend en mauvaise pari, et qu'il signifie
niais, simple, « à la bonne foy », comme dans cet
exemple : Vous vous eslonnez, dites-vous, qu'il ait esté
as.tez bonp'jur croire toutes ces choses; et moy je vous
trouve encore bien plus bon de vous imaginer qu'il les
ait crues. Il est visible que meilleur ne vaudrait rien
dans cette phrase (1689).
{La suite au prochain numéro.)
Le RÉPACTEDR-GÉBiNT : Ema« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
m
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Correspondances et souvenirs (de 1793 à 1805) ; par
André-Marie Ampère. Recueillis par M. H. C. 7' édition.
in-18 Jésus, 372 p. Paris, lib. Hetzel et Cie. 3 fr.
La Belle madame Chavard, scènes de la vie
réelle; par William Boerne. 3' et h' éditions. In-18
Jésus, vi-279 p. Paris, lib. Ladreich et Cie. 3 fr.
Mémoires du comte de Grammont; par Antoine
Hamilton. Avec notice, variantes et index, par Henri
Motheau. Petit in-12, xui-àih p. et port. Paris, lib.
Lemerre. 5 fr.
Histoire générale des Arabes, leur empire, leur
civilisation, leurs écoles philosophiques, scienti-
fiques et littéraires; par L. A. Sédillot, ancien profes-
seur d'histoire au lycée Saint-Louis. 2' édition. 2 vol.
in-8", viii-910 p. Paris, lib. Maisonneuve et Cie.
Morceaux choisis des grands écrivains du
XVI' siècle, à l'usage de la classe de rhétorique ; re-
cueillis et annotés par E. Talbot, professeur de rhétorique
au lycée Fontanes. 3* édition. In-12, xvi-416 p. Paris, lib.
Jules Dilalain et fils. 3 fr.
Mémoires de Pierre Thomas, sieur du Fossé;
publiés en entier pour la première fois d'après le manus-
crit original, avec une introduction et des notes par
F. Bouquet. T. I. In-8°, vi-3i4 p. Bouen, lib. Métérie.
12 fr.
Anthologie des prosateurs français depuis le
XII= siècle jusqu'à nos jours, précédée d'une intro-
duction historique sur la langue française. Petit in-12,
1x67 p. Paris, lib. Lemerre. 6 francs.
Eloge de la folie, d'Erasme, traduit par de La Veaux.
Dessins de Hans Holbein. In-S", xn-318 p. Paris, lib.
Delarue. 5 fr.
De la nature ; par Lucrèce. Traduction nouvelle par
M. Patin, doyen de la faculté des lettres de Paris, secré-
taire perpétuel de l'Académie française. In-18 Jésus,
iv-3i0 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Œuvres complètes. L'Abbesse de Castro. Les
Cenci. Vittoria Accoramboni. Vanina Vanini. La
Duchesse de Palliano ; par de Stendhal (Henry Beyle).
Nouvelle édition, ln-18 Jésus, 309 p. Paris, lib. Michel
Lévy frères. 1 fr. 25.
Les Histoires de mon parrain; par P.-J. Stahi. Des.
sins de Frœlich, gravure par Matthis. Gr. in-S», 317 p.
Paris, lib. Hetzel et Cie 7 fr.
L'Afrique mystérieuse ; par Louis JacoUiot. Edition
illustrée. Livraisons 1 à 23. In-4", 184 p. Paris, lib.
Decaux. 10 cent, la livraison.
Publications antérieures :
CORNEILLE INCOiNNU — Par Jules Levallois — Paris,
librairie académique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35,
quai des Augustins — Prix : 7 fr.
LETTRES SUR LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
adressées au Journal des Débals à l'occasion de l'exposi-
tion universelle de Philadelphie. — Par M. G. de Molin.a.ri,
membre correspondant de l'Institut — Prix : 3 fr. 50.
CHEFS-D'ŒUVRE DE PIERRE CORNEILLE, éditi.on
accompagnée d'une Vie de Corneille et de Notices histo-
riques sur ses tragédies — Par M. Emile Ch.^sles, profes-
seur de faculté — Paris, chez Ch. Delagrave et Cie,
libraires-éditeurs, 78, rue des Ecoles — Prix : 3 fr. 50.
LITTÉRATURE ET HISTOIRE — Par E. Litthé, de
l'Institut (Académie française et Académie des Inscrip-
tions) — Deuxième édition — Paris, librairie académique
Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35, quai des Augustins
— Prix : 4 fr.
LA RÉFORME EN EUROPE ET LE SALUT EN FRANCE
— le proor.vmme des unions de la paix socule, avec une
Introduction de M. H. -A. Munro Butler Johnston, membre
de la Chambre des communes d'Angleterre. — Par M. F.
Le Play, ancien conseiller d'Etat, ancien sénateur —
Paris, Dentu, libraire, Palais-Royal, 19. galerie d'Orléans.
COMME NOUS SOMMES — .Notes et opinions — Paris,
librairie des Bibliophiles, 338, rue Saint-Honoré — Par
Louis Dèpbet — Prix : 3 fr. 50.
LA JEUNE FILLE; lettîies d'un ami. — Par Ch.vrlesRozan.
— Un vol. format anglais, imprimé avec luxe par J. Clave,
avec fleurons, lettres ornées et culs- de- lampe — Paris,
P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine — Prix :
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LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par E-MAN Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru — Prix ; 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANGE. — marins. —
Deuxième série. — Par Edouard Goepp, chef de bureau
au Ministère de l'Instruction publique, et Henri de Man-
NOURY d'Ectot, ancien capitaine au long cours. — Orné
de deux portraits. — Jean Bart, Duguay-Trouin, Suffren.
— Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
— Prix (broché) : h fr.
NAPOLEO EPICUS. — Deux volumes. — Paris, Vanier,
libraire-éditeur, 6, rue Hautefeuille. — Prix : 7 fr. 50
les deux volumes.
RÉCITS ESPAGNOLS. — Par Charles Guecllette. —
1' édition. — - Paris, E. Dentu, éditeur, libraire de la
SociétédesGensdelettres. — Palais-Royal, 15-i9, galerie
d'Orléans. — Prix : 3 fr. 50 cent.
m LE COURRIER DE VAUGELAS.
HISTOIRE
DE LA
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Par DÉSIRÉ NISARD, membre de l'Académie française.
Cette nouvelle édition, complètement revue par l'auteur, forme une véritable bibliothèque historique et littéraire,
où sont conservés les plus précieux trésors de notre langue.
Le tome I" est une introduction à l'histoire de la littérature française; — le tome II contient l'histoire de cette
littérature depuis l'époque de la Renaissance jusqu'au.^ premières années du seizième siècle ; — le tome III traite
des premiers modèles de l'art d'écrire en prose et en vers et de l'influence, soit de certaines institutions, soit du
gouvernement et de la royauté sur la littérature du dix-septième siècle; — le tome IV embrasse le dix-huitième tout
entier, et se termine par une appréciation générale des principales richesses littéraires de notre époque.
SIXIÈ.ME ÉDITION, QUI VIENT DE PARAITRE.
Quatre volumes : format in- 18 jésus, Iti fr.; — format in-8°, 30 fr.
A Paris, librairie de Firmin Didol frères, fils et Cie, 56, rue Jacob.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Le dix-huitième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le 1" juin 1877. — Dix-sept médailles
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste C.^rrance,
président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
La société Nationale d'éducation de Lyon destine, pour 1877, un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur ce
sujet : Jusqu'à quel point l'étude des théories et des définitions grammaticales est-elle nécessaire dans l'enseignement
primaire pour apprendre la langue et l'orthographe? Le prix sera décerné dans la séance publique de 1878 sous le
nom de Prix de ta ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" novembre prochain, à
M. Palud, libraire, Zi, rue de la Bourse. — Pour plus amples renseignements s'adresser à M. J.-B. Mathey, secrétaire
général de la Société.
Société archèolooique, scientifique et littèb.vire de Béziers. — Concours pour l'année 1877. — Dans la séance
solennelle qu'elle tiendra le Jeudi de l'Ascension, 10 mai 1877, cette Société décernera un rameau de chêne en
argent à la meilleure pièce de vers français. — Les sujets politiques sont exclus du Concours. — Les pièces destinées
au Concours ne seront pas signées. Elles devront être lisiblement écrites, et adressées en double copie et franches
de port, avant le 1" avril prochain, terme de rigueur, à M. le Secrétaire de la Société. Chacune portera une épi-
graphe qui sera répétée sur un billet cacheté, renferniant, avec le nom, la profession et le domicile de l'auteur, la
déclaration qu'elle est inédite et qu'elle nJa pas été présentée à d'autres Sociétés. —Les pièces envoyées au Concours
ne seront pas rendues.
Société académique de Saint-Quentin. — Concours de l'année 1877 — Poésie : le sujet est laissé au choix des
concurrents. — Cantates : le sujet est laissé au choix des concurrents. Les pièces envoyées au Concours devront
remplir les conditions exigées par le Conservatoire national de musique pour le prix de Rome, c'est-à-dire être à
personnages (une voix de femme et deux voix d'hommes), et contenir des récitatifs, un ou deux soli, un duo et un
trio final. La Cantate couronnée en 1877 servira de texte pour le concours de musique qui aura lieu en 1878. — Ces
Concours seront clos le 1" mars 18'77.
L'Académie française propose 1' « Eloge de Buffon » pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Ils devront
porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce billet contiendra le
nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au Concours ne seront
pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTRANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Etrangers
qui lui font l'honneur de venir le consulter :— 1° des professeurs de français ; — 2° des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française; — 3° des maisons d'éducation prenant un soin
particulier de l'étude du français ; — 4» des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se
parle un très-bon français ; — 5" des agences qui se chargent de procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Eman Martin, Rédacteur du ConREiER de Vaugelas, est visible à son bureau de (rois à cinq heures.
Imprimerie QOUVEa^EUB, Q. DâUPEUV à iNogent-le-Rotrou.
7" Année.
N" 19.
1" Mars 1877
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PyiLOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le IS de chaane mois
{Dans sa séance du iï janvier \S75,J'Académie française a décerné le prix Lambert à celle publicalion.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'élranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours liltéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
NCIEN PROFESSEUR SpÉCIAI. POUR LES ÉTRANQBRS
Officier de llnslruclion publique
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
AVIS.
La réimpression des cinq premières années du Cour-
rier DE ViUGELiS commence décidément aujourd'iiui
i" mars. Elle fournira au moins une année tous les
deux mois, et sera, en conséquence, complètement
achevée le \" janvier prochain.
SOMMAIRE.
Explication du proverbe Faire gille : — Si la phrase Cela sera
plus ou moins bien fait est réellement française; — Fausse
orthographe de Sens dessus dessous ; — Pourquoi un homme
appelle sa femme .Sa moitié; — Véritable prononciation du
mol Fils. Il Explication de Se mettre en quatre pour quel-
qu'un; — Comment doit se prononcer la linale des adverbes
en Ment ; — Origine de .Se donner les gants d'une chose: —
Si Coloration est passé dans l'usage. || Passe-temps gramma-
tical. Il Suite de la biographie de Xicolas Andrtj. \\ Ouvrages
de grammaire et de littérature. || Concours littéraires. ||
Renseignements pour les professeurs français.
FRANCE
Première Question.
On trouve ces vers dans le voyaçje de Chapelle et
Bachaumont en Lawjuedoc : « Et craignant pour mon
compaijnon. Qui pour moi Ji était pas tranquille. Nous
crions au postillon Au plus vite de faire gille. >> Pour-
riez-vous m'éclairer sur l'étymologic de la locution
FAIRE GILLE, qui iicst pas expliquée dans les années
précédentes de votre journal ?
J'ai compté jusqu'à quatre explications de celle
expression proverbiale. Je vais d'abord les exposer, et
ensuite chercher à déterminer, sinon celle qui est la
vraie, du moins celle qui offre le plus de chances pour
l'être.
I» On donne comme origine de ce proverbe la con-
duite de saint Egidius, dont on a transformé le nom en
celui de saint Gilles, prince languedocien, qui s'enfuit
secrètement de peur d'être élu roi.
2» D'après .Ménage, le mot gille représenterait ici
l'ancien français gile ou guile, tromperie , et faire
gille aurait naturellement la signification de tromper,
s'esquirer, et même faire banqueroute.
3° Celte expression, dit V Intermédiaire (2e année,
col. CitO), vient comme beaucoup d'autres des Théâtres
en plein vent, si communs autrefois. 11 y avait sur le
Pont-Neuf, vers l'an 1640, un bouffon idolâtré des
laquais et des chambrières, que l'on nommait Gilles, et
que l'on surnommait, selon les farces auxquelles il prê^
tait l'appui de son talent, tantôt Gilles le niais, tantôt
Gilles dr.iloge. On commença par dire d'une façon pro-
verbiale : faire Gilles déloge, pour déloger, décamper;
puis le déloge finit par se supprimer, et l'expression
se réduisit à faire f/ille.
4° Enfin, selon Aug. Scheler, \emol gille, ancienne-
ment gile, est dans cette expression, le substantif du
verbe giler, qui se rencontre dans les patois (nouveau
provençal gilha), avec le sens de s'enfuir, et que Diez
dérive de l'ancien haut-allemand gtlan, gîljan, se
mettre à courir.
Examinons maintenant ces explications une à une.
La première. — C'est probablement le Moyen de
parvenir, par Béroalde de Verville, qui lui a donné
créance, car voici ce qu'on trouve dans le Chapitre gé-
néral de cet ouvrage :
Mais ayant que passer outre, dit le bon homme Scaliger,
pourquoy est-ce que quand quelqu'un s'en est fui, on dit :
il fait Gilles? — (Protagoras). C'est pource que S. Gilles
s'enfuit de son pays, et se cacha de peur d'être fait Roi.
Mais cette explication, la seule que donne Quitard,
n'a aucun fondement réel.
L'expression faire gille se rencontre surtout dans
le voyage de Chapelle, dans Scarron, dans Tallement
des Réaux et dans la plupart des auteurs légers du
second tiers du xviie siècle, ce qui permet de penser
qu'elle était alors assez nouvelle, cl qu'elle ne devait
guère remonter au-delà de 1000. Or, csl-il possible que
celte expression ait été introduite dans la langue par
une allusion à l'acte d'humilité ou de prudence de saint
146
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Gilles, qui mourut en 721 , sur les domaines de Wamba,
roi des Visigoths? Je ne puis pas plus ajouter foi à
celte élymologie qu'à celle de donner la venette expli-
quée par le peuple de la Vénétie fuyant jusqu'à l'Adria-
tique devant les hordes d'Attila.
La seconde. — Il est parfaitement vrai qu'en vieux
français, le mot guille, qui compte dans sa famille le
verbe (/MiY/e;- et le substantif ^'u/Z/ere, signifie trompe-
rie, duperie; en voici un exemple :
Là fut li quens de Tancarville,
En lui n'ot ni barat, ni guille.
{Rojnan de la Chasse.)
Mais cette explication a le grave défaut de ne point
s'accorder avec le sens de faire gille. En effet, dans
tous les dictionnaires, ce proverbe a la signification,
non de tromper, mais bien de se retirer, de s'enfuir,
de prendre de la poudre d'escampette, ce que montrent
les exemples suivants :
Or, comme à coups de pieds l'buis s'estoit presque ouvert,
Tout de bon le gait vint. La quenaille fit gille.
(Régnier, Satyre XI,)
Rien ne semblait plus sûr qu'un si proche hyménée;
Et, parmi ces apprêts, la nuit d'auparavant
Vous sûtes faire gille, et fendîtes le vent.
(Corneille, SuUe du Menttnir, I, i.)
Deux raisons qui feront le partage de ce discours, après
que nous aurons imploré le secours de celle qui fit taire
gille au diable lorsque, l'ange lui dit : Ave Maria.
(Le petit père André, Exorde.)
Par conséquent, ce n'est point encore là une origine
qu'il soit possible d'accueillir.
La Troisième. — D'après ce que dit l'Intermédiaire,
l'introduction de faire gille devrait être postérieure
à 1640, époque à laquelle le bouffon Gilles aurait
donné lieu à cette expression. Or, faire gille existait
avant 1613, date de la mort de .Mathurin Régnier, qui
s'en est servi dans un des vers que je viens de citer, et
cette expression était antérieure même à 1612, puisque
Béroalde de Verville, qui mourut cette même année,
l'avait employée dans le Moyen de parvenir, comme
je l'ai également fait voir.
D'où je conclus, naturellement, que cette troisième
explication est aussi à rejeter.
Du reste, si cette expression avait été créée après
l'apparition du bouffon Gilles sur le Pont-Neuf, en
16i0, elit-elle été assez autorisée parmi les honnêtes
gens pour que Corneille l'employât, comme il l'a fait
dans la Suite du Menteur, comédie qui date de 1643?
J'en doute fort.
La Quatrième. — Le verbe (jiller, selon le Trévoux
de 1771, est un terme bas et populaire qui signifie se
retirer promplement, sortir, quitter une place. On
peut donc très-bien croire que le substantif gille a été
formé de ce verbe : laissant giller à l'usage du peuple
comme il y est encore aujourd'hui, d'après M. Liltrc,
les gens instruits auront um[jloyé à sa place faire gille
qui pouvait avoir à leurs yeux le double avantage
d'être plus moderne cl moins encanaillé.
A mon avis, cette dernière explication doit être pré-
férée à toutes les autres.
Pour finir, une considération tirée de l'orthographe :
Si le mot gille venait ici de saint Gilles ou de Gilles,
le bouffon du Pont-Neuf, il devrait commencer par une
majuscule (on écrit Charlemagne par une telle lettre
dans/rt/re Charlemagne], et se terminer par une s. Mais
il ne prend généralement pas d'^ finale, et s'écrit tou-
jours par un petit g : c'est une preuve de plus en
faveur de l'étymologie que je préconise.
X
Seconde Question.
Je vous serais reconnaissant de me faire savoir, par
la voie de votre journal, si cette expression, qui a
passé dans l'usage, est française : Cela sera plus ou
510IXS BIES FAIT.
Il est très-facile de la justifier, comme je vais tous
le faire voir.
Dans notre langue, toutes les fois que deux compa-
ratifs, qu'ils soient formés d'adjectifs ou d'adverbes,
sont séparés par ou, on met celui de supériorité le pre-
mier, et l'on ellipse après lui l'adjectif ou l'adverbe;
ainsi cette phase :
Vous serez plus respecté ou moint respecté, selon que
vous serez plus respectable ou moins respectable.
devient, après la suppression de l'adjectif placé après
l'adverbe plus :
Vous serez plus ou moins respecté, selon que vous serez
plus ou moins respectable.
Quand il s'agit de l'adjectif meilleur ou de l'adverbe
mieux (qui sont des comparatifs par eux-mêmes), on
peut sans doute les faire entrer dans la phrase, et dire,
par exemple :
Cela sera meilleur ou moins bon, peu importe.
Cela sera mieux ou moins bien fait.
Mais comme une telle construction fait disparaître un
plus que, dans cette sorte de phrase, on est accoutumé
à voir figurer avant moins, on suppose, à la place
du comparatif irrégulier, un comparatif régulier dont
on supprime l'adjectif ou l'adverbe, ce qui donne pour
les dernières phrases citées :
Gela sera plus ou moins bon.
Cela sera plus ou moins bien fait.
Cette expression étant fréquemment employée par
les personnes qui parlent bien et se trouvant dans les
bons auteurs, vous pouvez la tenir pour très-fran-
çaise.
X
Troisième Question.
J'ai des doutes sur une autre locution qui me parait
obscure. On dit sens dessus dessous ; SE?iS signifie sans
doute direction : est-ce bien là l'orthographe? Cette
ellipse me semble un peu forte; je vous serais bien
obligé, si vous le jugiez intéressant, de vouloir bien
nous l'expliquer, car je n'ai trouvé cette explication
nulle part.
Jusqu'au xv° siècle inclusivement, le pronom dé-
monstratif ce, ainsi que le montrent les exemples que
je vais citer, pouvait se construire sans être suivi im-
médiatement des relatifs qui ou que :
LE COURRIER DE VAUGELAS
^47
Ce me donnez que je désire tant.
(Jioncivaux, i53)
Je jetai hors ce d'argent que j'y trouvai.
(JoinvîUe, aSo )
Les archers anglois avoient laissé en leur logis ce de
harnois ju'ils avoient.
(Froissart, II, II, 193.)
En vertu de celle règle, on a dit mettre quelque chose
ce dessus [qui esl] dessous, ce qui a donné, par retran-
chement de qui est, mots qui de loul temps fui-enl
sujets à rellipse : mettre quelque chose ce dessus des-
sous, dont voici des exemples :
Retournez la lamproie ce dessus dessoubz ou [auj pot.
(Ménngier de Paris, I, 5.)
On lui tourna ses armes ce dessus dessous, comme si il
fust traistre.
(Froissart, II, II, 117.)
Plus tard, on ne sut plus d'où venait le ce de celte
expression, et on le changea, les uns en s'en, les autres
en cen comme le prouve ce qui suit :
Renverser s'en dessus dessoubz,
Est-ce bien fait, je vous en prie?
(Ch. d'Orléans, Rondeau, p. 296.)
Cela estoit pour renverser entièrement nostre chasteau
s'en dessus dessous.
(Paré, t. Ili, p. 7ii.)
Geste mayson est transposée cen dessus desoubz.
(Paisgrave, Esdair., p. 4*1.)
Puis, une fois égaré dans celle voie, on alla jusqu'au
bout, c'est-à-dire que le ce devint successivement sans
(sous la plume d'Amyot, de Vaugelas et de .M'"" de Sé-
vigné) et sens (sous celle de'Pasquier, de Ghapelain, de
Ménage), forme à laquelle esl définitivement condamnée
l'expression sens dessus dessous, puisqu'elle a été enre-
gistrée par l'Académie française.
Or, d'après ce que je viens de dire sur ladite expres-
sion, il est de la plus grande évidence que l'ortho-
graphe de sens y est entièrement fausse.
Dans rexplication qu'il consacre à la locution adver-
biale dont il s'agit, M. Littré a écrit cette phrase, qui
contient un fait erroné dans la partie que je mets en
italique :
Au xv° siècle on a dit c'en dessus dessous : ce qui est en
dessus mis en dessoics.
En effetj j'ai dit, et cela avec vérité, je pense, que
sens dessus dessous, à l'origine, a été construit d'après le
principe que le pronom ce el le relatif que ou qui pou-
vaient être séparés l'un de l'autre, ce dont voici un
nouvel exemple :
Si se mit dans un vaisseau â tout ce de gens qu'il avoit
eschappës.
IFroîssart, I, I, 18a.)
Or, ce principe a donné la construction ce dessus
[qui est] dessous, laquelle signifie réellement :
Ce [qui esl] dessous [mis] dessus,
quand c'esl juste le contraire que dit M. Littré dans la
phrase que je viens de citer plus haut.
X
Quatrième Question.
Pourquoi, en parlant familièrement, un homme dit-il
de sa femme ma moitié ? D'oii cette expression peut-elle
venir, et pourquoi, réciproquement, la femme ne s'en
sert-elle pas à icgard de son mari?
Dans plusieurs endroits, pour signifier l'indissolubi-
lité de l'union légitime entre l'homme et la femme, les
Ecritures expriment l'idée que les époux ne font qu'un
en deux corps :
Î2. Et le Seigneur forma la femme de la côte qu'il avait
tirée d'Adam, et l'amena à Adam.
23. Alors Adam dit ; Voilà maintenant l'os de mes os, la
chair de ma chair. Celle-ci s'appellera d'un nom qui
marque l'homme, parce qu'elle a été prise de l'homme.
24. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère,
et s'attachera à sa femme, et Us seront deux en une seule
chair.
(Genèse, chap. II.)
.Ainsi ils ne seront plus deux mais une seule chair. Que
l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint.
(Saint-Matthieu, ch. XIX. v. 5.)
6. Mais dès le commencement du monde, Dieu ne forma
qu'un homme et une femme.
7. C'est pourquoi il est dit : l'homme quittera son père
et sa mère, et il s'attachera à sa femme.
8. Et ils ne seront plus tous deux qu'une seule chair.
(Saint-Marc, chap. X.)
Cette idée a naturellement conduit l'homme et la
femme mariés à se considérer comme étant une moitié
l'un de l'autre; mais si l'homme a pu dire ma moitié,
au lieu de ma femme, grâce à l'identilé de genre qu'il
y a entre les deux expressions, la femme n'a pu dire
ma moitié pour mon mari, la différence de genre y
faisant obstacle.
Ainsi que les exemples suivants l'attestent, le mot
moitié ne s'emploie pas pour femme que dans le style
familier, comme vous paraissez le croire :
Rends-toi digne du nom de ma chaste moitié.
(Corneille, Horace, IV.)
Votre digne moitié, couchée entre des fleurs,
Tout près d'ici m'est apparue.
(La Fontaine, rablcs, VIII, 14,)
Laissez à Ménélas racheter d'un tel prix
La coupable moitié dont il est trop épris.
(Racine, Iphig., IV, 14.)
C'est qu'en elfet, prise dans un livre aussi grave et
aussi respectable que la Bible, cette expression devait
appartenir avant loul au style noble et poétique.
. X
Cinquième Question.
Permettez-moi de vous consulter sur la prononciation
du mot FILS. M. Littré dit à ce sujet: « Fi; l'sse lie: le
fi-z aîné. Beaucoup de personnes ont pris depuis quelque
temps l'habitude de faire entendre l's quand le mot est
isolé ou devant une consonne, ux fiss"; c'est une très-
mauiaise prononciation. » Votre opinion à cet égard
est-elle aussi absolue que celle de M. Littré ?
J'ai déjà eu occasion de traiter cette question dans le
'Courrier de Yauyelas (3<^ année, p. 208s et j'y ai expri-
mé l'opinion qui suit :
14S
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Je partage entièrement cette manière de voir [celle de
M. Littré], et pour les deux raisons que je vais vous dire :
!• Si l'on faisait sonner ï's finale dans le mot en ques-
tion, pourquoi ne pas prononcer également, par analogie,
un puiss' pour un puils; des fusiss' pour des fusils; les
gentiss' pour les gentils ?
2' Adopter la prononciation un fiss, c'est rendre faux et
impossibles à dire les nombreux vers, tant anciens que
modernes, onjils rime avec un mol en is, comme dans les
suivants :
J'ai vu, seigneur, j'ai vu votre malheureux fils,
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
(Racine, Phèdre.)
Mais, soit justice ou crime, il est certain, mes /ils,
Que mon amour pour vous fit tout ce que je fis.
( Corneille, Hodogune.)
Je puis les regarder comme nos ennemis,
Et donne sans regrets mes souhaits à mes fils.
(Idem, Horace.)
Or, comme les nouvelles réflexions que j'ai dû faire
avant de vous répondre n'ont aucunement modifié ma
première manière de voir à ce sujet, je persiste à pro-
tester contre une prononciation qui, pour être adoptée
par le Théâtre-Français et par une foule de gens qui
se croient obligés de le suivre, n'en est pas moins
pour moi une véritable faute.
ETRANGER
Première Question.
Je vous prie, si vous croyez que cela doive intéresser
vos lecteurs, de vouloir bien expliquer dans un de vos
prochains numéros l'origine de l'expression se meiihe
EN QUATBE PODK QDELQC'UN.
Autrefois, au bon vieux temps, on écartelait les cou-
pables pour certains crimes, et cela s'appelait les mettre
eu quatre quartiers ou simplement en quartiers, comme
le montrent les citations suivantes :
Son corps a été mis en quartiers, en quatre quartiers, se
dit d'un supplicié dont on expose les membres en diffé-
rents endroits.
(Littré, Diciionn, )
frère Oldecorn et frère Granet furent mis en quartiers
pour la fameuse conspiration des poudres.
(Voltaire, Facettes.)
On l'estrangla, puis on le meit à quartiers.
(Montaigne, Essais, II, i3o.}
Grombac fut mis vif à quatre quartiers.
(D'Aubigné, Iltst., I, 335.1
Ecarteler. Mettre en quatre quartiers, faire tirer par
quatre chevaux un condamné.
(Littré, Diciionn.)
Au figuré, on a dit se mettre en quartiers ou se mettre
en quatre quartiers pour qurlqu'un, dans le sens de
faire tous ses efforts pour le servir (des ellbrls à s'écar-
leler, à se rompre le corps en quartiers) ; et, par suite
d'une eHij)SC qui a porté sur le mol quartier précédé
de quatre, on est arrivé à dire se mettre en quatre,
qui s'emploie aussi bien devant les verbes à l'infinitif
que devant les noms :
La lecture nous fait passer le temps avec des gens qui
se sont mis en quatre pour nous plaire.
(Boiste, Dictionn.)
Va religieux qui prêchait chez des religieuses dit, en
faisant le panégyrique de leur patron, que la Trinité s'était
mise en quatre pour en faire un grand saint.
CEnef/ctopédiana, p. loi .)
Telle est l'explication de la phrase proverbiale que
vous avez bien voulu m'adresser pour inaugurer votre
correspondance avec le Courrier de Vaugelas.
X
Seconde Question.
En ma qualité d'étranger ayant fait une étude assez
approfondie de la lamjue française. Je viens vous prier
de me dire si vous croyez que M. Littré indique bien
réellement la prononciation de vos adverbes en .me.m
quand il figure, par exemple, celle de coinstajiment par
co.N-sTA-MA.N. Je vous seruis bien reconnaissant d'exami-
ner cette question , qui me paraît avoir son impor-
tance.
Voici ce que je crois la vérité sur le point que vous
venez me prier d'éclaircir :
Lorsqu'une voyelle nasale termine un mot, et n'est
suivie d'aucune consonne, elle est toujours brève, sans
aucune exception, comme dans
Autan
Adam
Matm
Sereiii
SaxoH
Jourdaire
Aucioj
Plongeoft
Mais, toutes les fois qu'une vojellede cette espèce est
à la fin d'un mot, et qu'elle se trouve suivie d'une
consonne ou d'un plus grand nombre, cette voyelle
est longue ; ainsi :
Les mouli/M se pron. Les moulin...
Longtemps — Longtewi...
So»3 . — Si/îi...
Marchand — Marcha»...
Cru»i( (il) — Grain...
Or, attendu que les adverbes en ment ont une termi-
naison qui se range dans ce dernier cas, il est évident
que man, syllabe brève, n'indique pas exactement la
prononciation de la finale desdits adverbes.
X
Troisième Question.
Quel est le véritable sens ainsi que l'origine de l'ex^
pression se donner les gants d'dne cbose, comme dans
cette phrase que je trouve dans un journal français :
« Les yens qui se bonnaie.iit les gants de réclamer plu-
toniquement des réformes. »
Il était d'usage autrefois de donner une paire de
gants à ceux qui apportaient les premiers une nouvelle.
Dans le lioman de la llose (qui date du xm" siècle), la
Vieille parlant à l'Amant tient ce langage :
Viens-ge, dist-ele, à point as gans.
Se ge vous dis bones hoveles
Toutes frescUes, toutes noveles'?
(Ed. l"r. Michel, t. Il, p. 117.)
LE COURRIER DE VAUGELAS.
U9
Et dans le Roman de Perceforest, le roi dit au valet
qui lui amène un cheval de la pari de sa maîtresse :
Passavant, je vous doits vos gants.
Or, de cet usage de donner des gants pour présent et
pour marque de reconnaissance d'un service rendu est
venue l'expression figurée se donner les yanls de qurl-
que chose, pour dire s'attribuer la gloire de cette chose,
s'en donner le mérite, et pour ainsi dire la récompense.
X
Quatrième Question.
On se sert quelquefois du mot coloration. // ne se
trouve pas dans le DictioJinaire de l'Académie. Est-il
désormais passé dans l'usage? Ainsi cette phrase espa-
gnole : EL coLOREAR DE LAS NUBES psut-clle ainsi se
traduire: la coloiiatio.\ des ruages? Salutations et
remerciements.
La coloration est l'action par laquelle un corps
devient coloré; c'est le résultat de cette action et aussi
l'apparence qu'elle lui donne.
Or, de même qu'on peut dire, comme vous savez et
comme tout le monde sait :
La coloration des fruits par la chaleur du soleil,
de même on doit pouvoir dire également :
La coloration des nuages.
Voici, du reste, un exemple d'auteur pour justifier
mieux encore l'emploi de ce mot :
C'est toujours dans sa patrie originelle que chaque in-
secte déploie sa plus vive coloration.
(Maury, cité pai P. Larousse.;
PASSE-TEMPS GRAJLMATIGAL.
Corrections du numéro précédent.
!•... si précieuse qu'elle soit (après c'est, qui est au présent, on
ne peut mettre un imparfait du subjonctif, et tel ne se met
pas pour quelque devant un adjectif); — 2°... partait pour
l'étranger; ... quelques milliers de francs (voir Courrier de
Vaugelas, i' année, p. 69); — 3°... ne laisse pas de (il a été
démontré dans le Courrier de Vaugelas, i' année, p. 155, qu'il
ne faut pas de que ici); — i'... une expérience nouvelle des plus
intéressantes (voir Courrier de Vaugelas, S' année, p. 8i, où est
expliqué dans quel cas il n'est pas permis d'employer on ne^eut
plus devant un adjectif); — 5°... condit nouveau vint à surgir
(ce qui exprime un sens bien différent) ; — 6°... le cauchemar de
l'alliance franco-russe en /irit de suite ombrage; — 7°... quoi
qu'en aient dit nombre de journaux (on met au pluriel le verbe
qui a pour sujet nombre de); — 8°... ne les obtiennent pas, ce
sera leur faute (il tant supprimer de); — 9°. .. sur la terre que
de {pluldt ne doit pas ligurer ici puisqu'il y a déjà le comparatif
beaucoup mieux); — 10"... sans que l'on voie (p:is de ne); —
ir Quelques-uns prétendent (le Courrier de Vaugelas, 3'' année,
p. 50 explique pourquoi d'aucuns ne doit pas être employé).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
utres publications contemporaines.
aut
!• Moins heureux sur nos boulevard», deux voleurs « au
raton » se sont vus arrêter en plein midi, c'est-à-dire au
moment le plus fructueux de la journée.
2" 11 courut à la tente d'un général, ami de sa famille,
lui demanda de quitter ses galons et de s'engager comme
simple .soldat, à seule fin de se battre tout de suite.
3° Mais que la disette d'argent continue au palais, et
alors c'en sera fait bientôt du père de la Constitution.
4° Et enfin un homme sympathique, le comte de Xoé
pour VOf/iciel, Cham pour le reste du monde, Cham l'un
des hommes qui ait dépensé le plus d'esprit depuis un
quart de siècle.
5° Les Ouarouas, qui possèdent des esclaves, préfèrent
mourir que de se laisser amener en captivité,
6= 11 tomba un jour sous la main de M. Jules Simon la
demande d'un malheureux qui était au bagne depuis 1815.
C'était un meurtrier, et, disait son dossier, un incorrigible
révolté.
7" Pendant trente-cinq ans, il avait été noté comme insu-
bordonné, comme forçat dangereux, parce qu'il en appelait
de la justice de Blùcher à la justice des Français.
8' Le général a protesté, notamment contre le reproche
que font les républicains au gouvernement du tzar d'être
despotique et antilibéral : si les Polonais, par exemple,
sont persécutés, c'est de leur faute.
9* Au Théâtre-Français, reprise de Chatterton, un con-
temporain, voire même un cousin-germain d'Antony.
10° L'Événement, qui crie par des.s'us les toits, au voleur !
au moindre » béquet » qu'on lui dérobe, continue à déva-
liser sans pudeur jusqu'aux almanachs les plus frustes.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII» SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
[Suite.)
De la ponctuation. — La ponctuation a été inventée
pour distinguer les diverses parties du discours, et
pour marquer les « poses » qu'on doit faire en lisant,
afin de ne rien confondre.
11 y a quatre distinctions qui servent à la netteté du
discours, la virgule., les deux-points, le point, Ig point
et la virgule, dont Andry indique l'usage.
Des nccens. — On met un accent aigu (I6S91 sur
tous les e qui se prononcent comme dans les mots
bonté, clarté, fierté, pourvu qu'ils ne soient pas au
pluriel ; car alors on met « au bout » un ; qui tient lieu
d'accent, comme dans les hontez, vous sçavez. On
marque encore l'accent aigu dans ces mots succès ,
procès, excès, etc.
Ce qui fait que l'on met un accent grave sur voilà,
c'est que ce mot est un composé du verbe voir et de
l'article /«.
L'accent circonflexe est le moins usité ; il y en a qui
s'en servent pour suppléer au retranchement des s,
écrivant, par exemple, vôtre au lieu de vosire, Evêque
au lieu ù'Evesque; mais cette manière d'écrire n'est pas
la meilleure.
De quelques autres remarques parliculicrcs. —
Quand on retranche une voyelle à la fin d'un mot, on
marque au-dessus une petite virgule, qui s'appelle
4 no
LE COURRIER DE VAUGELAS.
apostrophe, comme dans ces mots grand'messe, grand'
mère.
Cette même apostrophe se met au commencement
des mots, lorsque l'on retranche la voyelle, comme dans
rentrer, r'awpner, s'oublier, l'/iomiiie, parce que c'est
comme si l'on disait reentrer, reamener, etc.
h'i se supprime dans«i devant le pronom //,• on dit
s'il vient, pour si il vient. Autrefois, la même ellipse
avait lieu derant toutes les voyelles; on disait i'ow pour
si on, s'un pour si un; s'en pour si en; s'elle pour si
elle.
Des mots qui doivent commencer' par une grande
lettre. — On écrit les noms propres avec une capitale
au commencement, et Jésus-Christ, lenom du Sauveur,
tout en petites capitales : c'est un signe de respect.
Les noms qui tiennent lieu de noms propres doivent
aussi commencer par une capitale : VAjmstre pour
saint Paul; le Psalmiste pour David.
Les noms des arts et des dignités requièrent égale-
ment une majuscule : Roy, Astronomie, etc.
Des pointes ou jeux de mots. — Quoiqu'à cette époque
(1689) la langue soit devenue très-sérieuse, il y a encore
des prédicateurs qui font des jeux de mots en chaire;
mais à qui plaisent-ils? Il n'y a personne, pour peu
qu'il ait du bon sens, qui ne regarde comme une pau-
vreté cette ridicule pointe du P. Caussin : « les hommes
ont bâty la Tour de Babel, et les femmes la Tour de
Babil ».
Prés du Palais, Prés le Palais. — Si le substantif
qui suit près est précédé de l'article, on peut mettre prés
ou proche sans ajouter la particule de ; exemple :
prés le Palais, proche la maison; mais quand il n'y a
pas d'article, et que le substantif n'a qu'une syllabe
ou deux , il faut toujours mettre cette préposition :
prés de luy, proche de moy.
Bemarrjues sur la prononciation de quelques mots. —
Les Picards et les Gascons prononcent brèves la plupart
des syllables qu'on doit faire longues ; par exemple, ils
disent nn patlé, de la patte, battir, pour un pastc, de
]a paste, l)aslir. Ils sont encore sujets à mal prononcer
les finales ; ils disent, par exemple, succez pour succès,
inèr pour mer, fier pour fier, cher pour cher.
Les monosyllabes mes, tes, ses et quelques autres
semblables se prononcent autrement devant les voyelles
que devant les consonnes. Devant les consonnes, ils
gardent l'e masculin, et l'on prononce }nés, tés, ses;
mais lorsqu'ils sont devant des voyelles, ils perdent le
masculin pour prendre le féminin, et Vs qui esl à la fin
prend le son de s, et se lie au mot suivant, de sorte
qu'il faut prononcer le zhommes, me zamis, se zamis
(1089).
Il est bon de faire sonner un peu les r, cela donne
de la grâce au langage; mais il faut se garder d'imiter
le peuple de i'aris, qui prononce mo» prrre, ma merre,
mon frerre. On doit un peu faire entendre Vr, mais il
faut que ce soit d'une manière douce cl qui n'ait rien
de « badaut ».
La prononciation des syllabes brèves et des sylla-
bes longues est l'écueil non-seulement des étrangers.
mais encore de la plupart des provinciaux, et particu-
lièrement des Normands, des Picards, des Lyonnais,
des Gascons et des Provençaux. Andry a examiné ces
syllabes en leur faveur, et voici, pour nous, ce qu'il a
remarqué de plus curieux :
La syllabe a devant v est longue si le v est suivi d'un
e féminin ; ainsi l'on prononce yrdre, cave, hâve,
concave, brave, entrave; mais s'il est suivi d'un e mas-
culin, il est bref : gravier, 'l'avoir, graver.
Devant un c, la voyelle i est longue dans service,
escrevice, bénéfice et office {(689).
Lorsqu'un ( est devant la finale vre, il est long;
ainsi on dit vivre, survivre, livre, cuivre, ivre, suivre.
Il faut prononcer nous fesions, je fesois, les formes du
verbe faire écrites nous faisio7is, je faisois.
Le mot payen et autres mots de la sorte ne doivent
pas se prononcer peyen, reyon, eyons ; il faut y faire
entendre r« et dire payen, rayon, ayons. On doit cepen-
dant prononcer \'eye, tu eyes, peyer, peyons.
Les Gascons disent aboir pour avoir, et voire pour
tmire ; cette prononciation est vicieuse, mais elle a son
fondement dans l'antiquité : sur les vieux marbres, on
trouve encore cibica pour civica, base pour vase, vene-
ficium pour beneficium, sibe pour sive, et dans les pan-
dectés de Florence, aveo pour habeo, vohem pour bovem,
vestias pour bestias ; et même, en France, on disait
autrefois aveille pour abeille.
En prose, passion et action sont de deux syllabes,
mais en poésie, ils en ont trois; fuir n'a qu'une syllabe
en poésie; les mois jouir, réjouir, ouïr, fouir, éblouir
ontégalement une syllabe de plus en poésie qu'en prose.
« Au regard de » jV> hais, lu liais, il hait, il faut les
prononcer en une syllable, bien qu'ils viennent de
hciir, qui en a deux.
Tous les c qui sont devant la syllable ge se pronon-
cent fermés : manège, cortège, collège, etc., et non
ouverts comme chez les Lyonnais, qui disent collaige,
privilaige, etc.
Prophète royal, Roy prophète. Prophète Roy. — La
première expression n'est plus du bel usage-, prophète
roy est plus usité, mais roy prophète paraît le meilleur
des trois.
Quasi. — Il y a des gens qui en veulent à ce mot;
mais il ne laisse pas d'être bon, car nos meilleurs
auteurs s'en servent.
Quel quantième. — Ménage n'est pas à imiter quand
il recommande dans ses Observations de ne pas dire
quel quantième, mais quantième tout seul ; car il est
certain qu'on dit aujourd'hui quel quantième avons-
nous? quel est le quantième.
Qui, Ce qui. — Dans cette phrase : Pour aimer Dieu
il faut se mépriser soy-mes)ne, qui esl une chose fort
(ll/firile II l'homme, Andry aimerait mieux ce qui est ;
mais il a remarqué que, généralement, nos bons au-
tours parlent ainsi.
[La suite au prochain numéro.)
Le Rkdacteou-Géuant : Ema« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
^5^
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTERATURE.
Publications de la quinzaine :
Les Mariages de Paris; par Edmond About. Nou-
velle édition. In-18 Jésus, hhô p. Paris, lib. Hachette et
Cie. 2 francs.
Pendant la guerre, poésies ; par Eugène Manuel.
3'= édition, ln-18 jésus, 195 p., Paris, lib. Calmann Lévy.
3 fr. 50.
Gerbe de l'âge d'or, poésies ; par M. P. D. de Saint-
Sylvestre. In-S», 128 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr. 50.
Grammaire pratique d'idées et nouveau cours
lexicologique de langue française. Quatre cents
devoirs écrits et oraux, comprenant des exercices de
langage et d'Intelligence, d'invention et de raisonnement,
d'orthographe et de permutation, etc.; par J. \Virth,
inspecteur de l'enseignement primaire. I. Cours élémen-
taire pour des élèves de sept à neuf ans. Partie du
maître. In-12, 185 p. Paris, lib. Delagrave.
Œuvres complètes. Histoire de Sibylle; par Oc-
tave Feuillet, de l'Académie française. Nouvelle édition.
In-18 Jésus, 392 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 3 fr. 50.
Histoire nationale des naufrages et aventures de
mer; par Ch. d'Héricault. Période contemporaine (1800-
1830). 3- édition. Iu-12, xvm-388 p. Paris, lib. Gaume
et Cie.
Les Causes finales; par Paul Janet, membre de
l'Institut, professeur à la faculté des lettres de Paris.
In-S", 752 p. Paris, lib. Germer-Baillière et Cie, 10 fr.
Le Secret du chevalier de Médrane; par A. Granier
de Cassagnac. ln-18 jésus, 3/il p. Paris, lib. Dentu.
Histoire buissonniére; par Nadar. ln-18 jésus, 202 p.
Paris, lib. Decaux. 3 fr.
Œuvres complètes. Le Gant perdu; par Henri
Conscience. Nouvelle édition. ln-18 jésus, 269 p. Paris,
lib. Calmann Lévy. 1 fr. 25 cent.
Voyages prodigieux. TJn drame au fond de la
mer, suivi de l'Histoire de trois capsules; par Richard
Cortambert. Gr. in-18, 312 p. Paris, lib. Decaux. 3 fr.
'Extraits des grands philosophes; par Alfred Fouil-
lée, maître de conférences à l'école normale supérieure.
ln-8'', 60i p. Paris, lib. Delagrave,
Les Filles d'Eve; par .\rsène Houssaye. Nouvelle édi-
tion. ln-18 jésus, 280 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 3 fr.
50 cent.
Notes sur Paris. Vie et opinions de M. Frédéric-
Thomas Graindorge, etc.; recueillies et publiées par
H. Taine, son exécuteur testamentaire. 1" édition. ln-18
jésus, xi-347 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50 cent.
Publications antérieures :
A TRAVERS PARIS INCONNU. — Par P.-L. Lmbert. —
Paris, Georges Decaux, éditeur, 7, rue du Croissant. —
3 fr. 50 cent.
RAYMONDE. — Par André Theukiet. — Paris, G. Char-
pentier, éditeur, 13, rue de Grenelle-Saint-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
CENT DICTÉES GRADUÉES sur les premières règles de
la Grammaire. — Par M"« Trecourt. — Paris, librairie
Truchy, 26, boulevard des Italiens. — Prix : 1 franc.
CORNEILLE INCONNU — Par Jules Levallois — Paris,
librairie académique Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35,
quai des Augustius — Prix : 7 fr.
LETTRES SUR LES ÉTATS-UNIS ET LE CANADA
adressées au Journal des Débats à l'occasion de l'exposi-
tion universelle de Philadelphie. — Par M. G. deMolin.vri,
membre correspondant de l'Institut — Prix : 3 fr. 50.
CHEFS -D'OEUVRE DE PIERRE CORNEILLE, édition
accompagnée d'une Vie de Corneille et de Notices histo-
riques sur ses tragédies — Par .M. Emile Chasles, profes-
seur de faculté — Paris, chez Cli. Delagrave et Cie,
libraires-éditeurs, 78, rue des Ecoles — Prix : 3 fr. 50.
LITTERATURE ET HISTOIRE. — Par E. Littré, de
l'Institut (Académie française et Académie des Inscrip-
tions). — Deuxième édition. — Paris, librairie académique
Didier et Cie, libraires-éditeurs, 35, quai des Augustins
— Prix : U fr.
LA REFORME EN EUROPE ET LE SALUT EN FRANCE
— LE PROGRAMME DES UNIONS DE LA PAIX SOCIALE, aVCC Une
Introduction de M. H. -A. Munro Butler Johnston, membre
de la Chambre des communes d'Angleterre. — Par M. F.
Le Play, ancien conseiller d'Etat, ancien sénateur -—
Paris, Dentu, libraire, Palais-Royal, 19, galerie d'Orléans.
COM.ME NOUS SOMMES — Notes et opinions — Paris,
librairie des Bibliophiles, 338, rue Saint-Honoré — Par
Louis Dépret — Prix : 3 fr. 50.
LA JEUNE FILLE ; lettres d'un ami. — Par Charles Rozan.
— Un vol. format anglais, imprimé avec luxe par J. Cl.^ye,
avec fleurons, lettres ornées et culs-de-lampe— Paris,
P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine — Prix :
3 fr. 50 cent. — Sur papier de Hollande (broché) : 5 fr.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin , professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LES GRANDS HOM.MES DE LA FRANCE. — marins. —
Deuxième série. — Par Edouard Goepp, chef de bureau
au .Ministère de l'Instruction publique, et Henri de Man-
NOURY d'Ectot, ancien capitaine au long cours. — Orné
de deux portraits. — Jean Bart, Duguay-Trouin, Suffren.
— Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
— Prix (broché) : A fr.
^32 LE COURRIER DE VAUGELAS.
HI STOIRE
DE LA
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Par DÉSIRÉ NISARD, membre de l'Académie française.
Cette nouvelle édition, complètement revue par l'auteur, forme une véritable bibliothèque historique et littéraire,
où sont conservés les plus précieux trésors de notre langue.
Le tome P"' est une introduction à l'histoire de la littérature française; — le tome II contient l'histoire de cette
littérature depuis l'époque de la Renaissance jusqu'aux premières années du seizième siècle; — le tome III traite
des premiers modèles de l'art d'écrire en prose et en vers et de l'influence, soit de certaines institutions, soit du
.gouvernement et de la royauté sur la littérature du dix-septième siècle; — le tome IV embrasse le dix-huitième tout
entier, et se termine par une appréciation générale des principales richesses littéraires de notre époque.
SIXIÈME ÉDITION, QUI VIENT DE PARAITRE.
Quatre volumes : format in-IS jésus, \H fr.; — format in-8°, 30 fr.
A Paris, librairie de Firmin Didol frères, fils el Cie, 56, rue Jacob.
CONCOURS LITTERAIRES.
Société florimontane d'annecy. — Concours de Poésie. — Le prix de 600 fr. fondé par le docteur Andrevetan sera
décerné en 1877. — Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux concurrents. Le nombre minimum des vers pré-
sentés par le même auteur est fixé à cent. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs travaux sont inédits
et n'ont été présentés à aucun autre concours. — Les concurrents qui se feraient connaître seraient exclus : les
envoi* porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un billet cacheté indiquant le nom et le domicile de
l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux archives de la Société ; les auteurs pourront en prendre copie. -^
Les Français et les Etrangers membres de la Société Florimontane sont seuls admis à concourir. — Les travaux
devront parvenir franco à M. Louis Revon, secrétaire de la Société, avant le \<"- juillet 1877.
Le dix-huitième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le \" juin 1877. — Dix-sept médailles
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carrance,
président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
L\ SOCIÉTÉ NATIONALE d'éducation DE LvON dcstinc, pour 1877, un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit siar ce
sujet : Jusqu'à quel point l'étude des théories et des définitions grammaticales est-elle nécessaire dans l'enseignement
primaire pour apprendre la langue et l'orthographe'^ Le prix sera décerné dans la séance publique de 1878 sous le
nom de Prix de la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le l^-- novembre prochain, à
M. Palud, libraire, Zi, rue de la Bourse. — Pour plus amples renseignements s'adresser à M. J.-B. Mathey, secrétaire
général de la Société. ^
Société archéùlogique, scientifique et littéraire de Béziers. — Concours pour l'année 1877. — Dans la séance
solennelle qu'elle tiendra le Jeudi de l'Ascension, 10 mai 1877, cette Société décernera un rameau de chêne en
argent à la meilleure pièce de vers français. — Les sujets politiques sont exclus du Concours. —Les pièces destinées
au Concours ne seront pas signées. Elles devront être lisiblement écrites, et adressées en double copie et franches
de port, avant le 1" avril prochain, terme de rigueur, à M. le Secrétaire de la Société. Chacune portera une épi-
graphe qui sera répétée sur un billet cacheté, renfermant, avec le nom, la profession et le domicile de l'auteur, la
déclaration qu'elle est inédite et qu'elle n'a pas été présentée k d'autres Sociétés. —Les pièces envoyées au Concours
ne seront pas rendues.
RENSEIGNEMENTS
A l'usage des Français qui désirent aller professer leur langue à, l'étranger.
AGENCES auxquelles ON PEUT s'aDRESSER :
A Paris : M. Pelletier, 19, rue de l'Odéon; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin; —
A Londres ; M. Bisson, 70, Berners Street, W.; — MM. Griffiths et Smith, 22, Henrietta street, Covent-Garden,
W. C. ; — Le Collège of preceptors, Queen's Square; — A Liverpool : M. le prof. Ilusson, Queen's Collège; — A ISew-
VoRK : M. Schermerhorn, 630, Broom Street.
Journaux dans lesquels on peut faire des annonces :
V American Remisier, destiné aux Américains voyageant en Europe; — le GalignaAi's Messenger, reçu par nombre
d'Anglais qui habitent en France; — le Wekkcr. connu par toute la Hollande; — le Journal de Saint-Pétersbourg, très-
répandu en Russie; — le Times, lu dansje monde entier.
(M. Hartvvick, 390, rue St-Honoré, à Paris, se charge des insertions.)
M. Eman Martin, Ilodaclciir du CoiiiiiUKii ue Vaugelas, est visible à son bureau de trois à cim/ heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUl'ELEV à Nogent-le-Rotrou.
7° Année.
N" 20.
15 Mars 1877
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le I" et le IS de ehaane mota
(Dans sa séance du \i janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publicalion.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUK SPÉCIAI. POUR LES ÉTRANGERS
Officier de l'inslriiclion publique
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
SOMMAIRE.
Communication sur Acheter chat en poche; — Etymologie de
Cauchemar: — S il faut dire Pain enchanté, ou Paiti à
chanter : — . S'il est français de dire Fréquenter où; — Lequel
vaut le mieux <le Cuir de Roussi, ou de Cuir de Russie; —
Prononciation de Cyclone. || Origine de Comme le chien du
jardinier; — Emploi et orthograpbe de l'adjectif Feu; — Ce
que veut dire et d'où vient l'expressinn Montrer patte blanche.
Il Passe-temps grammatical. || Suite de la biographie de
Nicolas Andry. || Ouvrages de grammaire et de littérature.
Il Concours littéraires. || Renseignements offerts aux Étran-
gers.
FRANCE
COMMUNICATION.
Je viens de recevoir la lettre suivante au sujet de
l'origine de Acheter chat en poche, que j'ai donnée
dans mon numéro 18 :
frontignan, le 25 février 1877.
Monsieur le Bédacteur,
Permettez-moi de vous faire remarquer que, dans le
proverbe latin emere in sacco catulum, que nous traduisons
par acheter chat en poche, il n'est nullement question de
chat. Un proverbe de ce genre ne dérive guère que d'un
usage; et le chat n'a jamais été nulle part une denrée
offerte au marché.
Le mot latin catulus signifie avant tout petit chien. Il
signifie aussi petit de toutes sortes d'animaux, mais plus
particulièrement petit pourceau. Voilà une denrée qui abon-
dait sur les marchés des Romains, comme elle abonde
encore sur les nôtres. C'est elle que désigne plus particu-
lièrement le proverbe latin, dans son sens primitif.
C'est donc avec raison que les Anglais traduismt a pig
in a pake, un pourceau en sac. C'est donc leur traduction
qui est la vraie.
Veuillez agréer, Monsieur le Rédacteur, l'assurance de
tout mon dévouement.
Votre abonné,
A. A.
Je crois que cette lettre contient la véritable explication
du proverbe. Le chai n'étant pas une denrée qui se soit
jamais vendue au marché (je n'avais pas pu m'assurer
de ce fait quand j'ai donné ma solution), il faut que le
mot chai y désigne autre chose qu'un individu de la
race féline: emere in sacco catulum prouve que ce mot
vient de catulus, qui se disait, en effet, pour le petit
d'un animal en général, souvent pour un petit chien,
et plus souvent pour un pelit porc, ce que mellenl en
évidence plusieurs citations du Dictionnaire de Freund
(trad. N. Theil), que je viens de consulter.
Dans la 6'= année du Courrier de Vaugelns, p. ^7^,
j'ai fait voir que nous avions tiré de ce vocable le chat
qui se trouve dans mon petit chat, terme de tendresse
signifiant mou petit chien; grâce à mon savant
abonné de Frontignan, que je m'empresse de remercier
de son excellente communication, il est dorénavant
acquis à la science de la langue française que, dans le
proverbe acheter chat en poche, nous avons aussi pour
chat l'acception de pig en anglais.
X
Première Question.
S'il rous était possible de donner dans votre journal
l'éti/wologie du substantif Caccuemar, je crois que
vos lecteurs ne la liraient pas sans plaisir.
La sensation pénible à laquelle nous donnons le nom
de f«Mf/ie»i«r étant désignée en anglais par night-mare,
il me parait évident que le mot cauchemar est composé
de cauche et de mar.
Voyons d'abord d'où vient ce dernier.
Dans la mythologie des anciens Scandinaves, Mâra
était le nom d'une divinité subalterne, d'un esprit mal-
faisant, d'un lutin qui se plaisait à tourmenter les
humains pendant leur sommeil.
D'après Wachter, nacht-mahr est le nom que donne
le vulgaire allemand à un spectre de nuit.
Johnson, auteur d'un grand dictionnaire anglais qui
porte son nom, fait venir aussi night-mare de Mara,
nom d'un mauvais génie.
Celte déesse Mara a servi à nommer en suédois une
maladie dans laquelle les cheveux sont mêlés et comme
154
LE COURRIER DE VAUGELAS.
feutrés ; c'est le marlock, en basse Allemagne tna/ir-
klatte, en flamand marenvlhht, ce qui veut dire cheve-
lure tressée, bouclée par la Mara.
En Hollande, le gui s'appelle la marentakken, parce
que cette plante parasite, dont la croissance est si
singulière, a toujours été en possession de passer pour
douée de propriétés surnaturelles.
Or, on trouve mare^ avec le double sens d'oppression
nocturne et de mauvais génie qui cause cette oppres-
sion, dans les dictionnaires islandais, suio-gothique,
anglo-saxon, danois, hollandais, et les dictionnaires
allemands le donnent comme particulier à l'Allemagne
septentrionale; mais, dans le nord-ouest et dans l'ouest
de l'Europe, où se parlent les langues nommées cel-
tiques, on ne trouve aucun terme qui ressemble à
cauchemar.
D'où je conclus, avec M. le baron Cocquebert-Monlbret,
auteur de l'article où je puise mes renseignements
[Coll. de la Soc. des Antiq. de France, vol. i, p. 293),
que mar a dû être apporté dans le nord de la France
par les Normands, comme il l'a été en Angleterre par
les Anglo-Saxons.
Quant à candie, beaucoup d'auteurs ont prétendu
que ce n'était rien autre que le latin calcans. Voyant
dans 7)iar le nom tnare, que la jument porte en anglais,
ils ont traduit cauchemar par ec/ua calcans, jument
foulante; mais, outre qu'il n'est pas très-naturel de se
représenter une jumentayantlespieds sur la poitrined'un
homme, on se demande pourquoi ce terme hybride
composé de parties aussi hétérogènes que le latin et
l'allemand.
Voici, je crois, la véritable origine du mot en question:
Quelschen. qu'on prononce à peu près couetche, est
un verbe allemand dont le sens zs'ipresser cxtrêmeynent,
écraser; rien n'empêche qu'on n'ait dit en allemand
couelche-mare, pour signifier l'oppression causée par
la Mara, et il est facile de concevoir que, dans la bouche
des Français, le mot se soit changé en couche-mare,
puis en cauche-mare, et enfin en cauchemar.
Peut-être objectera-t-on à cette étymologie que la
langue allemande n'était pas celle des anciens Nor-
mands. Mais on peut substituer le verbe anglais quasch et
jilusieurs autres semblables appartenant aux langues de
la Scandinavie, ce qui ôte à l'objeclion toute sa valeur.
Ainsi cauchemar serait formé de cauche, corruption
d'un verbe des langues du Nord, ayant le sens de
presser, fouler, et de mara, qui désigne le malin génie
auquel les ancêtres des peuples parlant ces langues
attribuaient l'oppression que l'on ressent quelquefois
pendant le sommeil.
X
Seconde Question.
J'aurais (jrand plaisir à lire dans un de vos pro-
chains numéros si l'on doit employer l'expression P.ii\
A ciiANTEK ou l'AiN ENCiiAiSTE, cn parlant du pain qui sert
d hostie dans le sacrifice de la messe.
Voltaire a employé pain enchanté dans ce passage
des Lettres en vers et en prose, p. 137 :
Madame d'Argental, qui est l'adresse même, coupera le
papier avec ses petits ciseaux, et le collera bien propre-
ment à sa place, avec quatre petits pains qu'on nomme
enchantés; vous savez, par parenthèse, pourquoi on leur
a donné ce drôle de nom?
Beaucoup de personnes de nos jours disent encore de
la même manière; mais-ici Voltaire et ceux qui l'imitent
sont dans la plus complète erreur ; on doit dire à
chanter, qui s'appliquait autrefois au pain, à l'eau et
au vin employés pour dire la messe , comme le dé-
montrent sans réplique les citations suivantes :
1422. ij burett's d'or, à mettre le vin et Veaue à chanter
à la chapelle du roy nostre sire.
(Delaborde, Not. des Emaux, II» part. p. iTgJ
1328. Une boueste d'yvoire à mettre pain à chanter, gar-
nie d'argent. (Inv. de la royne).
(Idem, p. 4a6.)
Pour faire un baignet, il faut deux grands pains à
chanter.
(Soupers de la Cour, IV, p. jo, l^SS.)
Quant à l'explication de cette locution, elle est facile
à donner ; c'est le résultat de l'ellipse des mots messe
ou en citer; car on a dit d'abord pain à chanter inesse,
à chanter en cuer, comme le font voir ces autres cita-
tions :
1422. Une boiste d'or à six quarrés, à mettre pain à chan-
ter messe, où est la Passion entaillée, etc. (Comptes royaux).
(Delaborde, Not. des Emaux, II* part., p. 426-I
1379. Pour pain à chanter en cuer (Comptes de l'église de
Troyes).
(Idem.)
Les quarante sous de parisis que me dame Béatrice me
taie [ma tante] donna pour Diu en aumosne à l'église
Clermaresch pour vin et oistes [hosties] à chanter messe.
(Tailliar, Recueil d'acles, p. 3o8. ) ,
Tout récemment, il a été question dans le journal le
Times de l'étymologie de singing cake, expression par
laquelle on désignait autrefois en anglais le pain d'au-
tel, appelé actuellement dans cette langue ivafer,
gaufre. Si la personne qui a émis l'opinion que singing
est ici une corruption du latin siynum lit la solution
que je viens de donner, j'ai lieu d'espérer qu'elle y
trouvera la preuve que singing n'est nullement ce
qu'elle pense, mais bien tout simplement le participe
présent du verbe to sing.
X
Troisième Question.
Boileau a dit dans son Art poétique [oh. Il,
rcrs 174) : « Heureux si ses discours, craints du chaste
lecteur, Ne se .'tentaient deslieuxOM frécjuentait l auteur .y
Oc est adverbe de lieu; cependant il me choque ici
l'oreille. QiE serait, me semble-t-il, plus approprié à
notre manière d'écrire actuelle. Ai-je tort ?
Cette construction est bonne.
En effet, quand le verbe fréquenter a pour régime
un nom de lieu, il peut se construire avec à (qui signi-
fie alors dans], et avec chez (qui signifie à la maison
de), ce que prouvent ces exemples :
Il fréquentoit au logis de l'intimé.
(Patru, Plaidoyer 11,, dans Eichelet.)
LE COURRIER DE VAUGELAS
153
Sans doute, et je le vois qui fréquente chez nous.
(Molière, Fenu s<^v., II, i J
Si tout ce qu'on dit est vrai, vous me feriez plaisir de
ne plus fréquenter chez nous.
(Voltaire, Ecoss., IV, i.)
Or, l'adverbe où s'est emplové el s'emploie encore
dans notre langue pour signifier auquel, â laqnelle,
dans lequel, dans laquelle, etc., ainsi qu'on le voit par
ce qui suit :
Et l'herbe du rivage où ses larmes touchèrent,
Perdit toutes ses fleurs.
(Malherbe, V, ai.)
Ayez, je vous prie, agréable
De venir honorer la table
Où vous a Sosie invités.
(Molière, Amphitr. III, 5.)
Ma foi, me trouvant las, pour ne pouvoir fournir
Aux différents emplois où Jupiter m'engage...
(Idem, Prol, d'Ampft.)
Par conséquent, tout en reconnaissant avec vous que
fréquenter, dans le sens d'aller souvent quelque part,
s'emploie piulût aujourd'hui comme verbe aclif que
comme verbe neutre, je n'en conclus pas moins que
Boileau a parfaitement pu dire :
Ne se sentoieni des lieux où fréquentoil l'auteur,
ainsi que, du reste, Buffon a dit plus tard dans son
Histoire naturelle, à l'article Cochon :
Il est assez facile de surprendre le sanglier dans les blés
et dans les avoines où il fre'quente toutes les nuits.
X
Quatrième Question.
J'ai entendu des personnes qui disaient du Cuir de
Hocssi, d'autres, du CiiR de Rlssie. Laquelle de ces
deux expressions est la bonne ? Vous m'obligeriez beau-
coup en résolvant celte difficulté dans votre journal.
Au xTii' siècle, on disait cuir de roussi, et par abré-
viation roussi ; en voici la preuve : ■
Je verrois le roturier Adonis à la faveur de son teint de
lait et de son carrosse en cuir de Roussy se faux-filer parmi
' les pelits-maitres.
[Ghérardi, vol. 111, p. 414.)
Ses souliers estoient si couverts de rubans qu'il ne m'est
pas possible de vous dire s'ils estoient de roussi, de vache
d'Angleterre ou de maroquin.
{Récita en prose et en vers de la Jnrce des Prêcintses )
Les Phrygiens vinrent aussi
En grosses bottes de roussi
[Scarron, Virg., IV.)
Or, comme le cuir en question, qui est teint en rouge
ou en brun, se lire de Russie, il faut en conclure que
cuir de Russie est la seule correcte des deux expressions,
et qu'en conséquence, elle doit être préférée à l'autre.
X
Cinquicnie Question.
Je vois bien par la lettre que M. LillrJ a écrite au
journal /'Evénement, au mois de mai dernier, que le
mot CïCLONE est généralement fait du genre masculin;
mais comment faut-il le prononcer ? Est-c cïci.ô.ne, ou
cïclôîie'? Je vous prierais de vouloir bien me l'apprendre.
Plusieurs personnes prononcent le mot en question
en y faisant entendre l'o bref et aigu. 3Iaisje crois
que si l'on veut bien considérer que zone et cône, par
exemple, qui viennent de ^wvy] el de xtovo;, se pronon-
cent avec un o grave el long, on sera facilement amené
à la conviction que cyclone, qui vient de ■/.•j-/.A(o;j.a, mot
ayant aussi un oméga pour lettre antépénultième, doit
faire entendre o comme s'il portait un accent circonflexe.
ÉTRANGER
Première Question.
Dans la Princesse d'Ei.ide [acte IV, se. 6), Molière
fait dire à Moron : « C'est faire justement oo.mme le
cuiFX DC jardinier. » Que faut-il entendre par là, et
quelle est l'origine de cette locution proverbiale ?
Il y a là des mots de supprimés ; celle phrase s'énonce
ordinairement comme il suit, lorsqu'on la donne au
complet :
C'est faire comme le chien du jardinier, qui ne mange
point de choux, et ne veut pas que les autres en mangent.
L'explication du sens se trouve, comme vous voyez,
dans la seconde partie, que l'on sous-enlend presque
toujours à cause de sa longueur.
On emploie celte phrase au figuré pour reprocher à
une personne de ne vouloir pas permettre aux autres
de faire usage d'une chose parce qu'elle ne veut pas, ou
ne peut pas en faire usage elle-même.
Voilà pour la signification et l'emploi du proverbe;
voyons maintenant d'où il peut venir.
Le Dictionnaire anglais et français de Fleming et
Tibbins dil que celle comparaison est une allusion « au
chien de la fable », el, comme ladite comparaison se
trouve dans les Curiositez françaises d'.\ntoine Oudin,
il est certtiin que son origine, qu'elle suit française ou
étrangère, doit remonter au-delà de 1653, époque où
mourut l'auteur dudil ouvrage.
Celle origine est-elle française ?
Je ne le crois pas ; car jusqu'à la date que je viens
d'indiquer, c'est-à-dire dans Marie de Francevxiii'' siècle),
dans Gilles Gorrozet, qui a donné, en <378, une tra-
duction des fables d'Esope, dans le Théâtre des /l/;;-
Mflwx (iOie), j'ai toujours vu la fable du chien qui ne
veut pas souffrir un plaisir qu'il ne peut goîiler lui-
même intitulée d'une autre manière.
A ma connaissance, il y a trois langues parlées au-
tour de nous qui ont le proverbe dont il s'agit, lequel,
très-probablement, leur a été inspiré par le Chien
envieux d'Esope :
L'anglais, qui dil : To platj the dog in t/ie manger
(faire comme le chien qui est dans la mangeoire! ;
L'italien, qui l'énonce ainsi : Far corne il can dell
ortolano, che non mangia la lattuga, e non lu lascia
mangiar agli ait ri (faire comme le chien du jardinier
qui ne mange pas de laitue, el qui ne permet pas aux
autres d'en manger) ;
<56
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Enfin l'espagnol, qui dit, lui : Hacer como el peiro
del hortelano, qve ni corne la brrza ni la déjà corner
(faire comme le chien du jardinier qui ne mange pas
de clioux, et n'en laisse pas manger).
Or, comme, en anglais, ce proverbe ne parle pas de
jardinier; que s'il en parle en italien, il dit, dans la
seconde partie, laitue quand nous disons choux; et
que c'est seulement en espagnol que sa teneur est exac-
tement la même qu'en français, J'en conclus que, n'é-
tant pas né chez nous, il a dû nous venir d'au-delà des
Pyrénées.
Du reste, attendu que la langue castillane possédait,
au moins depuis Lope de Véga, la comparaison qui nous
occupe, puisque, parmi les nombreuses comédies de
ce célèbre poëte, il s'en trouve une intitulée El perro
del hortelano , il n'y a rien d'étonnant à ce que cette
comparaison ait passé en français à l'époque où, grâce
au mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche (1015),
la France subit l'influence du goût et de la littérature de
l'Espagne.
X
Seconde Question.
Je vous serais très-obligé de m'expliquer tout ce quil
faut savoir pour bien se servir de l'adjectif te\3\ j'é-
prouve toujours quelque embarras quand je dois em-
ployer ce mot-là.
L'adjectif feu diffère de construction avec son syno-
nyme défunt : ce dernier se met toujours après le
substantif ou le verbe, tandis que feu se place, tou-
jours avant le substantif, commun ou propre.
Quant à son orthographe, en voici les règles bizarres :
Cet adjectif varie lorsqu'il se trouve placé entre le
substantif et l'article défini, ou l'adjectif possessif,
comme on le voit dans ces exemples :
Une devise qui est peinte au Louvre dans l'antichambre
de la feue reine mère Anne d'Autriche.
(Bouhoufs, Enlr. des devises^ p. 287. 1
Votre feue mère était beaucoup moins indulgente que
votre tante.
(Poiterin, Cours théo, delang. franc.)
11 est correct de dire : les feus mis de Prusse et d'Angle-
terre.
(Littré, Dictwnn.)
Mais, quand il précède l'article défini ou l'adjectif
possessif, et aussi quand le substantif n'est accompagné
d'aucun de ces déterminatifs, il reste invariable :
J'ai ouï dire à feu ma sœur que sa fille et moi naquîmes
la même année.
(Montesquieu, Lell. pers. 5i.)
Et l'on dit qu'autrefois feu Bi'tise, sa mère,
Dont tout Tempe croyoit que Mopse étoit le père..,
(Molière, .Vclifcrtc, acte II, se. 7.)
Vous (Miez, Madame, aussi bien que feu madame la prin-
cesse de Conti, à la tète de ceux qui se flattaient de cette
espérance.
(Vû)lairc, Ep'ttre à la duch, du Maine.)
Enfin, relativement à son emploi, il importe de
savoir les deux choses suivantes :
1° Qu'il n'est pas indifférent de le placer avant ou
après l'article quand le substantif est accompagné de
cette espèce de mot; en efi'et, lorsqu'on parle d'un fonc-
tionnaire qui vient de mourir, on met feu avant l'article
[feu le...] tant que ce fonctionnaire n'a pas été remplacé
par un autre; mais_ lorsqu'il lui a été donné un succes-
seur, on le désigne en mettant feu après l'article
(le feu...), de sorte que le feu pape, par exemple, signifie
le pape qui a précédé immédiatement le pape actuel.
2" Que l'adjectif feu se dit seulement des personnes
que nous avons vues ou que nous aurions pu voir ; ainsi
on ne dit pas feu Platon, feu Boileau, si ce n'est en
plaisantant ou en style burlesque.
Ce n'est guère qu'après le xvi» siècle qu'il a été établi
des cas d'invariabilité pour l'adjectif /'e;* ; auparavant,
il s'accordait toujours :
Les biens de feuwe Maroie de l\ansart, laqueUe trespassa
ou dit hospital.
(Compte de l36o, cité par Roquefort. 1
Eu esgard mesmement à son contracl de mariage et tes-
tament de feue sa femme.
(Pasquier, Cech. VI, 11 )
Feue de très recommandable mémoire madame l'arctii-
duchesse d'Autriche.
(CéTémonial de France, p. 336, éd. in-^".)
Pourquoi les grammairiens n'ont-ils pas eu la sa-
gesse de conserver ce principe qui s'appliquait à la plu-
part des autres adjectifs? Ils eussent épargné plus
d'un ennui à ceux qui éluJient notre langue.
X
Troisième Question.
Je rencontre cette phrase dans un journal français :
« On ne pénètre que très-difficilement près d'eux, et
après AVOIR montré patte blaxche. » Que signifie cette
expression, que je ne trouve pas dans mon dictionnaire,
et d'oit vient-elle ?
L'expression montrer patte blanche est tirée d'une
fable de La Fontaine, intitulée : Le loup, la chèvre el
le chevreau (la 15<î du liv. IV). Avant de s'en aller aux
champs, la bique ferme bien sa porté, et fait ses recom-
mandations à son biquet :
Gardez-vous, sur votre vie.
D'ouvrir, que l'on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet,
Foin du loup et de sa race!
Gomme elle disait ces mots, le loup passe par hasard,
les recueille, et dès qu'il voit la chèvre partie, il va
crier à la porte du biquet : Foin du loup ! croyant que
la porlc lui sera tout de suite ouverte ; mais il s'eUiit
réjoui trop lot :
l.ii l)i(iupt soupçonneux par la fente regarde :
Montrez-moi imite blanche, OU je n'ouvrirai point,
S'écria-t-il d'abord
Quant au sens figuré qu'a cette expression dans
la phrase où vous l'avez trouvée, il est évident.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
<57
altendu que l'ennemi mortel du chevreau, selon ce
qu'ajoute le labulisle, ne pouvait montrer qu'une patte
noire :
Patte blanche est un point
Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.
il est évident, dis-je, qu'il n'est autre que donner, pour
se faire admettre auprès des gens, une preuve manifeste
qu'on est bien de leurs amis.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
FEUILLETON.
Corrections du numéro précédent.
1°... se sont vu arrêter (ils n'arrêtaient pas); — î°... comme
simple soldat afin de se battre (voir Courrier de Vaugelas,
i' année, p. 139); — 3°... alors ce sera fait bienlùl (pas de en
puisque le substantif père, qu'il remplace, est dans la pbrase) ;
— 4°... Cbani l'un des hommes qui ont dépensé; — 5°... préfé-
rèrent mourir plutôt que de (Voir Courrier de Vaugelas,
4* année, p. 153); — 6"... une demande d'un malheureux qui
était au bagne (voir Courrier de Vaugelas, [" année, p. 2, où
sont indiquées les conditions pour qu'on puisse employer un
verbe à l'impersonnel); — 7°... parce qu'il appelait de la justice
de Bliicher à la jusiice (voir Courrier de Vaugelas, 7° année,
p. '20, où est expliqué pourquoi il ne faut pas ici de en); —
8°... sont persécutés, c'est leur faute (sans de); — 9°.,. un con-
temporain, voire un cousin germain i'Antony; — 10°. .. qui crie
sur les toits (voir Courrier de Vaugelas, 1' année, p. 67).
Phrases à. corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° La passion ne raisonne pas : librettistes, compositeurs
l'affirment à l'envie en vers d'un lyrisme capiteux, en
mélodies suaves, énervantes, qui montent au cerveau, etc.
2" Fait singulier : l'enfant avait un bandeau en sautoir
sur l'œil droit. On a cru d'abord à la maladie de cet œil;
mais rien n'a été constaté par les médecins.
3* Les poursuites ou plutôt les persécutions dont les
Droits de l'homme ont été la victime jusqu'à ce que mort
s'en soit ensuivie, avaient produit sur le public une fort
mauvaise impression.
4° Aujourd'hui, nous nous trouvons toujours dominés
par les lois de l'Empire, du gouvernement de Juillet,
voire même de la Restauration, qui régissent ces matières.
5" Malgré les 189 millions affectés au département de la
marine dans le projet de budget de 1S7S, d'aucuns pensent
que tout n'est pas pour le mieux dans la meilleure des
marines possibles.
6° Je borne ici le sens du mot critique au sens de cri-
tique littéraire jugeant les œuvres nouvelles au fur et à
mesure qu'elles sont pubhées.
7* Et nous ne sachions pas que les affaires de l'Angle-
terre en soient pour cela plus mal administrées.
8° Il pourrait que quelque intrigue anti-russe vienne à
la détruire, mais cette éventualité n'est envisagée que
dans un temps encore bien éloigné, et si la Russie passe
le Prutb, ce ne sera pas, en tous cas, avant trois mois.
9" Si l'on commettait la fajte de se diviser sur un point
aussi grave de la politique générale, c'en serait fait de
toutes nos espérances.
{Les corrections à quinzaine.)
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII" SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
(Suite.)
Qui, pour Les uns. — Cet emploi est légitime lors-
que qui est le sujet du verbe, comme dans : les hommes
se conduisent qui d'une façon, qui de l'autre.
Quoyque au lieu de Pour. — C'est le sentiment de
plusieurs personnes qu'il est souvent à propos de mettra
pour au lieu de quoyque; Nicolas Andr.y eu connaît qui
n'approuveraient pas celte phrase : vous sçavez que
quoyque l'on soit riche, on n'en est pas plus heureux,
et qui aimeraient mieux que pour être riche, etc.
Rancune. — Ce mol n'est presque plus en usage que
parmi le petit peuple (1689).
Rccitateur. — 11 parait être un terme nécessaire, car
nous n'en avons point d'autre pour exprimer ce qu'il
signifie. Balzac ne s'en sert point mal à propos.
Recouvrer. — Faut-il dire : // recouvrit la santé, ou
il recouvra la santé? 11 est visible qu'il faut dire recou-
vra, puisque l'infinitif €Sl recouvrer.
Réfectiiir, Réfectoire. — L'un et l'autre sont bons;
mais réfectoir est meilleur.
Fautes contre le régime. — On commet une faute
de cette nature quand on fait « gouverner » à un verbe
un cas qui ne saurait être mis régulièrement après lui.
Les exemples de cette faute ne sont pas rares, ainsi
Voiture a dit, au sujet du mot car, qu'on voulait bannir
de la langue : quand je voids qu'on est prest de chasser,
et de faire le procès à un mot qui a si utilement servi
cette Monarchie, ce qui est une faute : chmser veut un
régime direct^ et foire le procès un régime au datif.
Relique. — On se sert élégamment de ce mot en
parlant des tristes restes de quelque incendie, de quel-
que naufrage, ou de quelque autre accident de cette
sorte.
Rencontre. — Ce nom -est toujours du féminin,
excepté lorsqu'on parle d'une chose achetée à bon mar-
ché : c'est un rencontre, et non, c'est une rencontre.
Répétitions nécessaires. — C'est peut-être une des
choses auxquelles on manque le plus, et l'on y peut
faire des fautes en tant de manières qu'il est bien dif-
ficile de s'en empêcher. Aussi Andry va-t-il rapporter
des exemples de toutes sortes afin de faire connaître les
différents cas où elles sont nécessaires.
I" Quand il y a un que au commencement de la
phrase, il faut le répéter dans tous les autres membres.
.Vinsi au lieu de dire : Ils croijent qu'Apollon chasse les
nintiidirs. Minerve préside aux ouvrages, et Mars est
l'arbitre de la guerre, il faut mettre (/«':■ avant Minerve
et avant Mars.
2» L'adjectif tout doit toujours se répéter. C'est une
faute de dire : César tourne toutes ses forces et ses
4S8
LE COURRIER DE VAUGELAS.
pensées contre Ambiorix. Il fallait toutes ses forces et
toutes ses pensées.
3' La répétition des verbes est quelquefois aussi très-
nécessaire comme dans cet exemple : Si c'est comme
Boy, répondit le maistre, vous arez droit de le faire ;
si comme Musicien, vous faites mal. Il fallait dire : Si
c'est comme musicien.
4° Cette phrase : // faut attendre tout de Dieu, et
rien de soy-mesme, est défectueuse; il faut répéter
attendre et dire, en ajoutant la négation : et ne rien
attendre de soy-mesme.
5° Il est bon quelquefois, en répétant le verbe, d'ajou-
ter dis-je lorsque la phrase est de trop longue haleine ;
mais il faut éviter de se servir trop souvent de ces
dis-je, comme fait, par exemple, le P. Bouhours, qui
en met presque partout.
6o II faut répéter le pronom l'Oi/idans cette phrase :
// est écrit, vous aimerez vostre prochain et haïrez
vostre ennemy, et dire : et vous hdirez.
7° La répétition des particules n'est pas moins néces-
saire quelquefois que celle des pronoms. Ainsi cette
phrase : Nostre loy ne juge personne sans l'avoir en-
tendu et examiné ses actions, veut être corrigée ainsi :
et sans avoir examiné ses actions.
S" Quand les noms sont synonymes, on ne répète
point les particules. On dit très-bien : le fils de Dieu
est venu pour racheter les hommes et les délivrer de la
servitude; mais on ferait une faule en disant et pour
les délivrer.
Cependant cette règle n'est pas sans exceptions; la
particule avec ne laisse pas de se répéter souvent
quoique devant des termes synonymes : il a acjy dans
cette affaire avec prudence et avec sagesse.
Répétitions vicieuses. — L'auteur met au nombre de
ces répétitions celle des génitifs comme dans lu phrase
suivante : la délicatesse des pensées de l'Auteur du
discours que je m'en vais prononcer.
Voici encore une phrase vicieuse de la même ma-
nière : le discours est imparfait lorsqu'on n'y lit pas
tous les traits de la fortne des pensées de celuy qui
parle. Ces de et ces des sont insupportables pour peu
qu'on ait de bon goût.
Répit. — Ce mot n'est qu€ du discours familier : je
vous donne répit de six mois pour ce que vous me devez.
Retranchemens vicieux. — Il faut prendre garde que
le désir d'être court ne fasse rien retrancher de néces-
saire. Ainsi dans celte phrase : Nous sçavons que 1rs
hommes, avant d'entrer dans cette vie, n'en ont point eu
d'autre oii ils ayrni fait ni bien ni mal, il y a deux
fautes; la première, le retranchement de que, car il
faut dire avant que d'entrer (4689); la seconde, le
retranchement de la négation, car il faut dire oii ils
n'ayent fuit ni liien ni mal.
Revanche. — Dans certaines provinces, on fait ce
nom du masculin ; mais c'est une faute.
lUiétorication. — C'est un mot de nouvelle « estampe »
dont il est facile d'abuser; il peut déplaire aisément, et
il vaut peut-être mieux mettre un autre mot à sa place.
Ridiculiser. — Ménage alfecte de se servir de ce mot i
cependant Andry doute qu'il soit aussi bon que le pense
l'auteur des Observations.
Rime. — Elle est vicieuse en prose, comme dans
cette phrase, par exemple : le divertissement de la Co-
médie est un obstacle à la bonne vie; il faut changer
le mot ine, qui rime avec comédie.
Risque. — Ce mot est du féminin : Il a couru de
grandes risques. A la vérité. Ménage le fait du masculin,
mais il n'est pas suivi en cela de beaucoup de monde
(1689).
Des sages-femmes, Des sage-femmes. — Il faut écrire
sans « à sage, parce que sage-femme est considéré
ici comme étant un seul mot.
De sang froid, De sens froid. — D'après l'opinion
la plus généralement répandue, il faut dire de sang
froid a l'imitation des Italiens, qui disent di sangue
freddo. D'autres cependant, Fontenelle, par exemple,
disent de sens froid.
Santé. — Ménage se trompe quand il dit que ce mot
n'a de pluriel que lorsqu'il signifie les santés qu'on
boit. On dit fort bien, et en bon français, toutes les sau-
tez ne sont pas si fortes que la vostre.
Satisfaire à son envie. Satisfaire son envie. — Le verbe
satisfaire va beaucoup mieux ici avec la préposition
à que sans elle ; cependant, on dit satisfaire quelqu'un
et non, à quelqu'un. Voici la règle : devant le nom
d'une personne, pas de préposition ; devant le nom d'nne
des passions de cette personne, la préposition.
Sçavoir, Savoir. — Laquelle des deux orthographes
est la meilleure? Le plus grand usage est pour sçavoir
avec un ç.
Scélérat. — Ne se dit qu'au masculin, c'est un scé-
lérat ; mais on ne dit pas en parlant d'une femme qui
n'a ni pitié ni religion que c'est une scélérate.
Se au lieu de Son. — Il y a des occasions où le pro-
nom réciproque se vaut mieux que son, par exemple,
dans cette phrase : il prit son épée et ouvrit son sein
soy-mesme; il faut et s'ouvrit le sein soy-mesme.
Jeux séculaires. Jeux séculiers. — On ne dit jeux
.sefM//e;-.s- qu'en parlant de§ jeux ordinaires qui sont en
usage parmi les personnes laïques et qui sont « indignes
des ecclésiastiques. » Les jeux séculaires ne se dit que
des jeux de l'antiquité païenne qui se célébraient de
siècle en siècle.
'Seriosité. — C'est un mot dont, à la vérité, Balzac se
sert souvent; mais Andry ne croit pas qu'il fût bien
reeu aujourd'hui (1689).
Soudain. — Ce terme était en usage il y a quelques
années et Sarrazin l'emploie en plusieurs endroits.
.Vndry s'étonne qu'on s'en serve encore.
Sous re.y)rrance, Sur l'espcrance. — Avec un article,
on met sur, mais sans article, on met sous; il faut
dire sur l'espérance de, et sous espérance de.
Souvenance. — Ce mol no peut avoir sa place que
dans le style plaisant.
(La suite au prochain numéro.)
Le HÉDAGTEUu-GiîuAiM : Ema« MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
<59
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE,
Publications de la quinzaine
Les Premiers habitants de l'Europe, d'après les
auteurs de l'antiquité et les reciierches les plus récentes
de la linguistique; par H. d'Arbois de Jubainville, corres-
pondant de l'Institut. In-8», x-350 p. Paris, lib. Dumou-
lin. 7 fr.
Les Aventures de Télémaque, flls d'Ulysse ; par
F. de Salignac de Lamothe-Fénelon. Ia-12, 380 p. Paris,
lib. Bouret.
Un Été dans le Sahara; par Eugène Fromentin.
Zt« édition, ln-18 Jésus, xxin-286 p. Paris, lib. Pion et Cie.
3 fr. 50.
Sully et son temps, d'après les mémoires et docu-
ments du xvi"' siècle ; par Jules Gourdault. 3' édition.
Gr. in-8'', 3i8 p. et k gr. Tours, lib. Marne et fils.
Le Mari de Lucile. Le Soulier de Rosine; par
Mme Manoel de Grandfort. In-18 Jésus, 3û7 p. Paris, lib.
Calmann Lévy. 3 fr. 50.
Les Rois de l'Océan. L'Olonnais ; par Gustave Ai-
mard. In-18 Jésus, 350 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Aimé de son concierge; par Eugène Chavette. ln-18
Jésus, 387 p. Paris, lib. Dentu. 3 fr.
Essais de littérature et de miorale ; par M. Saint-
Marc Girardin, de l'Académie française. Nouvelle édition.
2 vol. in-18 Jésus, 86i p. Paris, lib. Ciiarpentier. 7 fr.
Première série de Comédiens et Comédiennes. La
Comédie française. Notices bibliographiques; par
Francisque Sarce)'. Portraits gravés à l'eau-forte par
Léon Gaucherel. lO» livraison. Febvre. Paris, lib. des
bibliophiles. La livraison, 2 fr. 50 cent.
Cours de philosophie positive ; par Auguste Comte.
W édition, augmentée de là préface d'un disciple et d'une
étude sur les progrès du positivisme, par E. Littré, et
d'une table alphabéthique des matières. 6 voL in-S»,
cin-3464 p. Paris, lib. J.-B. Baillière et fils. i8 fr.
Salambô; par Gustave Flaubert. Edition définitive,
avec des documents nouveaux. ln-18 jésus, 579 p. Paris,
lib. Charpentier. 3 fr. 50.
Le Tailleur de pierres de Saint-Point, écrit villa-
geois; par A. de Lamartine. Nouvelle édition, publiée
par la Société propriétaire des œuvres de Lamartine.
ln-18 Jésus, 2(5 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 1 fr. 25.
Les Cinq livres de F. Rabelais; publiés avec des
variantes et un glossaire par P. Chéron et ornés de onze
eaux-fortes par E. Boilvin. Livre IV. Pantagruel. In-16,
316 p. et 2 gr. Paris, Lib. des bibliophiles. 10 fr.
Œuvres complètes. Le Sortilège, récit du moyen
âge; par Henri Conscience. Traduction Coveliers. ln-18
Jésus, 294 p. Paris, lib. Calmann Lévy ; Lib. nouvelle.
1 fr. 25 cent.
Œuvres complètes. La Guerre du Nizam; par
J. Méry. Nouvelle édition. ln-18 Jésus, 367 p. Paris, lib.
Calmann Lévy. 3 fr. 50.
Les Anglais chez eux ; suivi de Hogarth et ses
amis, ou Londres au siècle passé ; par Francis Wey.
7« édition. ln-18 jésus, 404 '^3. Paris, lib. Hachette et Cie,
3 fr. 50 cent.
Publications antérieures ;
LA JEUNE FILLE ; lettres d'un .on. — Par Chables Rozan.
— Un vol. format anglais, imprimé avec luxe par J. Claye,
avec fleurons, lettres ornées et culs-de-lampe — Paris,
P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine — Prix :
3 fr. 50 cent. — Sur papier de Hollande (broché) : 5 fr.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syllexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugetas, 26, boulevard des Italiens.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — marins. —
Deuxième série. — Par Edouard Gcepp, chef de bureau
au Ministère de l'Instruction publique, et Henri de Man-
NOUBY d'Egtot, ancien capitaine au long cours. — Orné
de deux portraits. — Jean Bart, Duouay-Trouin, Suffren.
— Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
— Prix (broché) : 4 fr.
RABELAIS, LA Renaiss.\nce et la Réforme, par Emile
Gedhart, professeur de littérature étrangère à la Fa-
culté des lettres de Nancy. — Ouvrage couronné par
l'Académie française. — Un volume in-18, broché. 3 fr.
50 cent. — Paris, librairie Hachetle et Cie, 79, boule-
vard Saint-Germain.
BIOGRAPHIE D'ALFRED DE MUSSET. — Par Paul
de Musset. — Un grand volume in-18 jésus. — Prix : 3 fr.
50 cent. — Paris, G. Charpentier, 13, rue de Grenelle-
Saint-Germain.
LE CHEMIN DES BOIS. — Poésies couronnées par
l'Académie française. — Par André Theuriet. — Deu-
xième édition. — Paris, Alphonse Lemerre, éditeur,
27-31, Passage Cholseul.
A TRAVERS PARIS INCONNU. — Par P.-L. Imdert. —
Paris, deorges Decaux, éditeur, 7, rue du Croissant. —
3 fr. 50 cent.
RAYMONDE. — Par André Theubiet. — Paris, G. Char-
pentier, éditeur, 13, rue de Grenelle-Salnt-Germain. —
Prix : 3 fr. 50.
CENT DICTÉES GRADUÉES sur les premières règles de
la' Grammaire. — Par M"" Trécourt. — Paris, librairie
Truchy, 26, boulevard des Italiens. — Pfix : l franc.
160 LE COURRIER DE VAUGELAS.
HISTOIRE
DE LA
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Par DÉSIRÉ NISARD, membre de l'Académie française.
Cette nouvelle édition, complètement revue par l'auteur, forme une véritable bibliothèque historique et littéraire,
où sont conservés les plus précieux trésors de notre langue.
Le tome l" est une introduction à l'histoire de la littérature française; — le tome II contient l'histoire de cette
littérature depuis l'époque de la Renaissance jusqu'aux premières années du seizième siècle ; — le tome III traite
des premiers modèles de l'art d'écrire en prose et en vers et de l'influence, soit de certaines institutions, soit du
gouvernement et de la royauté sur la littérature du dix-septième siècle; — le tome IV embrasse le dix-huitième tout
entier, et se termine par une appréciation générale des principales richesses littéraires de notre époque.
SIXIÈ.ME ÉDITION, QUI VIENT DE PARAITRE.
Quatre volcmes : format in-18 jésus, ^6 fr.; — format in-8", 30 fr.
A Paris, librairie de Firmin Didol frères, fils el Cie, 56, rue Jacob.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
Société florimont.\xe d'annecy. — Concours de Poésie. — Le prix de 600 fr. fondé par le docteur Andrevetan sera
décerné en 1877. — Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux concurrents. Le nombre minimum des vers pré-
sentés par le même auteur est fixé à cent. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs travaux sont inédits
et n'ont été présentés à aucun autre concours. — Les concurrents qui se feraient connaître seraient exclus : les
envois porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un biilet cacheté indiquant le nom et le domicile de
l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux archives de la Société; les auteurs pourront en prendre copie. —
Les Français et les Etrangers membres de la Société Florimontane sont seuls admis à concourir. — Les travaux
devront parvenir franco à M. Louis Revon, secrétaire de la Société, avant le I" juillet 1877.
Le dix-huitième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le \" juin 1877. — Oix-sept médailles
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste C.uirance,
président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
La société nationale d'èdlxatio.n de Lyon destine, pour 1877, un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur ce
sujet : Jusqu'à quel point l'étude des théories et des définitions grammaticales est-elle nécessaire dans l'enseignement
primaire pour apprendre la langue et l'orthographe'? Le prix sera décerné dans la séance publique de 1878 sous le
nom de Prix de la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" novembre prochain, à
M. Palud, libraire, û, rue de la Bourse. — Pour plus amples renseignements s'adresser à M, J.-B. Mathey, secrétaire
général de la Société.
Société archéoloqique, scientifique et littéraire de Béziers. — Concours pour l'année 1877. — Dans la séance
solennelle qu'elle tiendra le Jeudi de l'Ascension, 10 mai 1877, cette Société décernera un rameau de chêne en
argent à la meilleure pièce de vers français. — Les sujets politiques sont exclus du Concours. — Les pièces destinées
au Concours ne seront pas signées. Elles devront être lisiblement écrites, et adressées en double copie et franches
de port, avant le l""- avril prochain, terme de rigueur, à M. le Secrétaire de la Société. Chacune portera une épi-
graphe qui sera répétée sur un billet cacheté, renfermant, avec le nom, la profession et le domicile de l'auteur, la
déclaration qu'elle est inédite et qu'elle n'a pas été présentée à d'autres Sociétés. —Les pièces envoyées au Concours
ne seront pas rendues.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTRANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Etrangers
qui lui font l'honneur de venir le consulter i-l" des professeurs de français;— 2» des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française; — 3' des maisons d'éducation prenant un soin
particulier de l'étude du français ; — W des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se
parle un très-bon français ; — 5" des agences qui se chargent de procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Eman Martin, Rédacteur du Courrier de Vadgelas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, Q. DAUPELEY â Nogent-le-Rotrou.
7« Année.
N° 21.
1" Avril 1877.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
(QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
/"^V \ yv-^ Journal Semi-Mensuel ^w/ //
^ V-^ CONSACRÉ A LA PROPAGATION UNIVERSELLE DE LA LANGUE FRANÇAISE "^>( J
Parsiasant la 1" «t le 15 de ebaaae mole
(Dans sa séance du il janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lamberl à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrajjes, «)( exem-
plaire; Concours lilléraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POOR LES ÉTRANGERS
Oflicier de l'Instruclion publique
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prcnnonl pour une année
entière et jiartent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
I
AVIS
Les abonnés du Courrier de Vaugelas excuseront
l'enToi tardif de ce numéro quand ils sauront que la
fermeture annuelle de la Bibliothèque nationale pen-
dant la quinzaine qui précède la fête de Pâques n'a pas
permis au Rédacteur de vérifier ses citations avant le
mardi 3 avril.
SOMMAIRE.
Origine de Coiffer sainte Catherine; — Sens réel de l'expres-
sion Bas percé: — Pourquoi Ours désigne une pièce qui n'a
pas été représentée; — Si après C'est suivi d'un inlinilif il
faut De ou Que de; — Origine de Être en nage || Ce qu'on
entend par Le volcan de M. Sali-andy ; — Eljiuologie du mol
Assiette, plal; — Si l'on peut dire Avoir des émotions sur la
planche; || Passe-temps grammatical. || Suite de la biogra-
phie de Nicolas Andry. || Ouvrages de grammaire et de
littérature. || Concours littéraires. || Renseignements à l'usage
des Français.
FRANCE
Première Question.
Quel âge doit avoir une demoiselle pour qu'on jouisse
dire d'elle (/m'elle coiffe sainte GiiHERi.NE, et quelle
est l'origine de cette expression ?
M. Littré dit que c'est de 23 à 33 ans qu'une fille
peut coiffer sainte Catherine; mais, à en croire les
dames que j'ai consultées, ce ne serait que de 23 à 30 :
on met la première épingle à 20 ans, la seconde à 27,
la troisième a 28, la quatrième à 29, la cinquième à 30 ;
puis, la coiffure étant complète, on passe au rang de
vieille fille, c'est-à-dire que l'on cesse, en quelque
sorte, de compter sur la place.
Voyons pour l'origine de l'expression.
D'après la Vie des Saints du P. Gir\ , sainte CaLlierine,
qui naquit à Alexandrie (Egypte), d'une famille noble
et éclatante, que Siniéon .Mélaphraste appelle royale,
fut décapitée dans cette même ville le 23 novembre 307,
par ordre de l'empereur Maximinll, qui, charmé de sa
beauté et de sa science, l'avait longtemps mais inuti-
lement sollicitée de consentir à l'épouser.
Sa mémoire a toujours été fort célèbre parmi les Grecs
(qui l'appelaient .Echaterinei , et elle l'est devenue en
Orient par les secours miraculeux que les princes et
seigneurs de l'Europe, passés en Asie pour délivrer la
Terre-Sainte, ont reçus de sa puissante protection. C'est
en reconnaissance de ses bienfaits que saint Louis,
revenu d'outre-mer, fit construire à Paris la célèbre
église de Sainte-Catherine-du-Val.
Tous les martyrologes parlent honorablement de
sainte Catherine, celle illustre vierge dont Eusèbe de
Césarée loue si hautement la constance et la chasteté,
et pour laquelle Jeanne d'Arc avait une dévotion toute
particulière; aussi sainte Catherine a-t-elle été et est-
elle encore la patronne des demoiselles.
Dans beaucoup d'églises, ai-je entendu dire, on
coiffait autrefois la mère du Sauveur, le jour de sa fête.
Il en fut probablement de même pour sainte Catherine;
et comme on n'aura choisi que des vierges pour lui atta-
cher sa coiffure, à la question : Pourquoi (elle demoi-
selle ne se marie-t-elle pas'? il était naturellement
répondu par ces mots : elle reste pour coi/fer sainte
Catherine, lesquels, quand l'usage se perdit de mettre
une coiffure à la sainte, signifièrent le plus souvent,
c'est parce qu'elle ne trouve pas, et quelquefois, c'est
parce qu'elle ne veut pas.
Mais, attendu qu'à raison de l'âge où sainte Cathe-
rine subit le martyre, on feint que les vierges ne sont
admises qu'ji 23 ans à l'honneur de la coifTer, et que,
grâce à une autre fiction, ce privilège cesse à 30, on
dit familièrement, en parlant d'une personne du sexe
qui se trouve entre ces deux limites d'Age, sans avoir
été mariée, quelle coiffe sainte Catherine.
Je crois que cette phrase proverbiale ne remonte pas
au-delà de la seconde moitié du xvii'' siècle, parce
qu'elle iie se trouve pas dans les Ciiriosilez fraiiçoises
d'ÎVntoine Oudin (1636), ouvrage renfermant entre
^62
LE COURRIER DE VAUGELAS.
autres locutions vulsiaires ceUeàc coiffer Hobine, (s'eni-
vrer), qui aurait dii, il me semble, rappeler coiffrr
sainte Catherine à l'auteur si celte expression eût existé
quand il a composé son livre.
X
Seconde Question.
Je lirais avec plaisir dans un de ros prochains nu-
méros l'explication de l'expression bas teucé do7it on
qualifie quelquefois une personne qui se trouve à peu
près ruinée, soit par suite d'inconduilc, soit par des
spéculations malheureuses.
Après en avoir cité ces deux exemples :
D'ung homme mince et bas percé.
(Guill. Coquillart, éd. Tarbé, t. I, p. 98.)
Je "n'avays rien qui ne fust mier,
E.\cepté sans plus la cornette
De velours, non pas trop honneste,
Car elle sentoit son bas percé.
(Idem, p. 196.)
M. Francisque Mége, dans ses Souvenirs de la lanyue
d' Auvergne, donne de bas percé l'explication suivante :
Cette e.\pression fait proljablement aliufion à une habi-
tude autrefois assez générale. Dans chaque ménage, on
mettait les économies dans un pied de bas : un bas percé
désignait donc celui qui ne faisait pas d'économies ou qui
les mettait dans un bas sans fond qui ne pouvait les
retenir.
Mais, àmonavis, cette explication n'est pas la bonne;
car elle implique pour bas ia qualité de substantif, et
cette qualité ne peut réellement lui être attribuée, ainsi
que je vais en donner une double preuve :
1" Il est évident que si, dans bas percé, le mot6«.<est
un substantif, l'expression qu'il sert à former est iden-
tique à celle de panier percé, et doit se construire abso-
lument de la même façon que cette dernière. Or, en
parlant d'un dissipateur, on dit bien que c'est un panier
percé, mais on ne dit pas d'un homme presque ruiné
que c'est un bas percé. D'où je conclus qu'il ne faut
point voir ici un substantif dans le mot bas.
2° Une paysanne de la Beauce qui menace son enfant
d'une correction lui dit quelquefois qu'// sent son vieux
battu, c'est-à-dire qu'il agit comme s'il était fùché de
n'avoir point été battu depuis quelque temps ; c'est
une expression tout-à-fait analogue à elle sentoit son
bas percé, qui se trouve dans la seconde citation de
M. Francisque Mége. Or, comme dans rieux battu, le
mot vieux est un adjectif pris adverbialement (au sens
de il y a loncjtemps], il faut que, dans bas percé, le
terme bas soit un mot de mémo espèce.
Si je ne me trompe, voici la véritable explication de
la locution que vous m'avez proposée : .
C'est tout simplement une allusion ;i un tonneau où
il ne reste plus que très-peu de liquide. Eu cil'el, la
situation d'un homme qui a perdu à peu près toute sa
fortune présente une certaine ressemblance avec celle
d'un tonneau presque ville: bientôt ses créanciers n'en
pourront plus rien tirer. Or, comme le tonneau, dans
cet étit, est dit bas percé parce qu'on a dû y pratiquer
pour la cannelle un trou placé à quelque distance au-
dessous de l'ancien, la même expression s'est naturelle-
ment dite aussi d'un homme qui n'avait presque plus
rien de ce qu'il avait possédé autrefois.
X
Troisième Question.
Je voudrais bien savoir pour quelle raison on appelle
OURS, en terme de théâtre, une pièce qui n'a pas été re-
présentée. Le Dictionnaire de Lifiré donne bien celte
acception, mais il ne l'explique pas.
Dans mes recherches, j'ai trouvé deux explications
du ipot ours désignant une pièce de théâtre qui reste
dans les cartons du directeur faute d'avoir pu être jouée;
l'une d'Alfred Delvau, l'autre de Joachim Duflot.
L'auteur du Dictionnaire de lu langue verte le fait
venir d'une comparaison. Comme autrefois, dit-il, aux
cirques de Rome, on ne faisait combattre les ours que
lorsqu'il n'y avait plus ni lions, ni tigres, ni éléphants,
on appelle ours un drame, un vaudeville ou une comé-
die qui, grâce à l'absence d'intérêt, de style, d'esprit et
d'imagmation, est restée comme dernière ressource à un
directeur.
L'auteur des Coulisses des th'âtres de Paris le tire,
lui, du mot ours qui se trouve dans l'expression Prenez
moti ours, dont j'ai donné précédemment l'origine, et
il s'exprime ainsi à ce sujet :
Ces trois mots obtinrent une telle vogue au théâtre, que
les directeurs, à l'aspect d'un auteur qui tenait un manus-
crit, lui disaient de loin :
— Vous voulez m'amuser; vous m'apportez votre ours.
— C'est une pièce, charmante, faite pour votre théâtre,
répondait l'auteur.
— C'est bien ce que je pensais, prenez mon ours!
Depuis ce temps, l'ours est un vaudeville ou un mélo-
drame qui a vieilli dans les cartons d'un auteur, et qu'on
cherche à caser quelque part.
■ Maintenant, laquelle de ces explications, toutes deux
vraisemblables, est la bonne?
11 est certain que, depuis l'apparition de VOurs et le i
Pacha, on a employé le mot ours au sens de pièce dra- 1
malique qui n'a pu être jouée ; car en voici un .exemple
de Th. Gauthier, emprunté au Prologue d'ouverture du
théâtre de l'Odéo/i, récité le 15 novembre 1845 :
Les ours du pôle arctique et les ovrs des carions M
Dans cet autre Spilzberg avaient pris leurs cantons. ■
Or, comme je n'ai point trouvé ours, avec son nou-
veau sens, dans les dictionnaires parus avant la repré-
sentation de la folie- vaudeville de Scribe et Xavier
(\0 février -1820), et cela, quoiqu'à l'époque de leur
publication on sût aussi bie.n qu'aujourd'hui quand
les- Romains faisaient combattre les ours, j'incline
très-fortement à voir dans l'explication de Joachim
Duflot celle qui doit être préférée.
X
QuiiUiùme Question.
Certains auteurs, devant un infinitif précédé rf<? c'est,
mettent simplement de (c'est mal de parler ainsi); i
d'autres mettent qi'e de (c'est mal que de parler ainsi].
Ces deux constructions sont-elles également françaises?
LE COURRIER DE VAUGELAS
463
Je lirais avec bien du plaisir votre avis à ce sujet dans
undrs prorhdins nuwrros dr cotre intéressant journal.
La phrase que vous me proposez renferme une inver-
sion : le verbe [ôtre] se trouve au comniencement, et
son sujet (parler) est placé après lui.
Or, dans toutes les phrases analogues, on met, comme
le montrent d'ailleurs les exemples suivants, le pronom
ce devant cire, et de, que ou que de devant le sujet ainsi
transposé :
(L'infinitif accompagné de la préposition de)
C'est un avis général, et qui est d'une grande importance
pour les maîtres, d'avoir présent tout ce qu'ils doivent
montrer aux enfants.
tNicoIe, Pcns':e$, p. 107.)
C'est m'tionorer beaucoup de vouloir que je sois témoin
d'une entrevue si agréable.
(Molière, Mat. imag. Il, 5.)
Ce serait bien mal connaître le cœur humain de soupçon-
ner qu'il soit possible...
(Voltaire, Mœurs, Inlrod. J
C'est tantôt le tour de l'imagination, tantôt celui de la
sensibilité, de faire prédominer l'individu sur l'homme.
(D. Nisard, Hist. de la LitUr^ Iranç. \, p. 17.)
C'est le privilège et le danger des études sémitiques de
toucher au.K problèmes les plus importants de l'histoire et
de l'humanité.
(E. Renan, Ouv. d'un Cours.)
(L'infinitif accompagné de la conjonction que]
C'est se taxer hautement d'un défaut, que se scandaliser
qu'on le reprenne.
(Molière, Cntiqitc, 7.)
C'est l'acheter trop cher, que l'acheter d'un bien
Sans qui les autres ne sont rien.
(La Fontaine, Fab. IV, i3.i
C'est mériter la mort que l'attendre d'autrui.
(Decaux, cité par GirtiuLt-Duvivier.)
Le mérite a toujours droit de charmer nos yeux.
Et c'est presque eu avoir que savoir le connaître.
(Lanoue, cité par le même.)
(L'infinitif accompagné de que de]
Figurez-vous quelle joie ce peut être que de relever la
fortune d'une personne que l'on aime.
(Molière, rAvare, I, al
C'eût été une chose fâcheuse pour moi que d'exposer
cette enfant.
(Sévigiié, loô.i
Ce n'est point un forfait; c'est imiter les dieux
Que de remplir son cœur du soin des malheureux.
(Crébillon, Atrée et Thyeste, IV, se. i.)
C'est un assez grand mal que de connaîtr^^ les défauts de
son esprit, de les sentir, et de ne pouvoir les corriger.
(Nicole, l'cnsées, p. Ga.)
Hélas! monsieur, cest un triste don g«e de changer en or
tout ce que l'on touche!
'.L. Reybaud, Jer. Palurot:)
Par conséquent, non-seulement les constructions au
sujet desquelles vous me consultez, c'est mal dr parler
ainsi et c'est mal que de parler ainsi, sont également
françaises, mais encore il en existe une troisième, c'est
mal que parler ainsi, qui ne l'est pas moins que cha-
cune d'elles.
D'après la Grammaire des r/rammaircs 'page 382i, la
conjonction que ne peut, dans le cas actuel, être mise
sans de devant l'infinitif. Les exemples cités plus haut
prouvent manifestement que cette assertion est fausse :
la seule chose vraie qui puisse être dite contre cet em-
ploi, c'est qu'il se rencontre plus rarement que celui
de la préposition de et celui de la locution que de.
X
Cinquième Question.
Quand je considère que être en promenade, être en
cuAssE, etc., signifient être en train de se promener, de
chasser, etc. ,je ne puis comprendre que être en nage ne
signifie pas être en train de nager. Voudriez- vous
bien m'expliquer cette difficulté, pour moi insurmon-
table jusqu'ici.
Dans la langue actuelle, être en nagp a un synonyme,
être en eau, dont voici des exemples :
Je suis en eau, prenons un peu d'haleine.
(Molière, Fcm. snv.. Il, 2.)
Le dos chargé de bois et le corps tout en eau.
(Boileau, Pièces divers., a8.)
Sous ce tombeau ■gît un pauvre écuyer
Qui tout en eau sortit du jeu de paume.
;J.-B. Rousseau, III, aJ.)
Or, autrefois, euu s'est dit âge iqui s'écrivait aussi
aiqe comme le montrent ces autres exemples :
.■^tant s'en part sans delaier,
L'âge passe sans atargier.
A l'âge vient et au passage
Cil qui le cuer n'avoit pas sage.
(Gautier de Coinci, dans Roquef., art. Eau.)
En cel vasciel, l'arcideclin
Fist Dieux servir, à'aige fait vin.
(Ph. Mouskes, m>\ p. 283, dans Lacurne.)
Par conséquent, on est fondé à croire que, dans l'ex-
pression dont il s'agit, nage n'est autre chose que âge,
forme ancienne de eau, que l'on a fait précéder par
erreur d'une n, son de la liaison entre en et âge. lorsque
ce dernier mot cessa d'être compris.
Du reste, cette solution s'accorde très-bien avec la
manière dont les langues parlées autour de nous ex-
priment être rnnage; car dans toutes, nage est traduit
par le terme qui signifie sueur en français ; siveel en
anglais, .'iudor en espagnol, Sckiceiss en allemand,
sudore en italien, c'/iouéz- en breton, etc.
Cependant .M. Litlré ne partage pas cet avis. .Ayant
remarqué que être en nage se dit être en nangc, en
wallon, où nanger signifie nager, notre célèbre lexico-
graphe en conclut que, dans l'expression à expliquer,
nage est le seul terme qui convienne.
Mais une hirondelle ne fait pas le printemps ; et parce
qu'un patois du nord a mis nange (nage) dans une ex-
pression qu'il a pu imiler du français, il me semble,
en présence de la manière dont se traduit cette ex-
pression, et dans notre |>ropre langue et d:ins celles de
nos voisins, que ce n'est pas une raison qui permette
d'en inférer que le mot nage, dans être en nage, vient
réellement du verbe nager.
464
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Quelques-uns voudraienl que l'Académie écrivit rtre
en (uje au lieu de être en noge. Mais après avoir consi-
déré :
1° Que celte seconde forme de l'expression était
adoptée par les bons auteurs avant que l'Académie
publiât la première édition de son Dictionnaire (169'!),
comme le prouve cet exemple du Florentin de La Fon-
taine, pièce qui date de itinS :
Arpagène revint essouflé, tout en nage;
2" Qu'au XVIII'' siècle, on ne connaissait probablement
pas l'origine de être en nage, et que, maintenant qu'on
la connaît, tout le monde n'en écrit pas moins /lac/c,
comme le substantif du verbe nager;
Je suis persuadé que, quelque gré qu'elle en pût
avoir, il ne serait guère possible à l'Académie, « gref-
fière de l'usage », de donner aujourd'hui satisfaction
au désir exprimé.
ÉTRANGER
Première Question.
J'ai trouvé ceci dans une gazette imprimée en fran-
çais : « Nous AVONS pendant deux mois dansé sur le
VOLCAN DE M. Salvaisdï ». Quel est le sens de celle
jthrase, je vous prie, car dans la géographie il n'y a
point de volcan qui porte ce nom ?
Dans le \" volume de Paris, ou le Livre des vent et
lin, M. de Salvandy a fait un récit de 'la fête du Palais
Royal donnée par le duc d'Orléans, en juin 1830, au roi
et à la reine de Naples, récit où le futur ministre de
Louis-Philippe parle en ces termes (p. 398) :
Je venais de m'entretenir avec un des membres du
cabinet des dangers de la lutte engagée par l'autorité
royale, a Nous ne reculerons pas d'une semelle, » m'avait-il
dit; grave parole que peu après j'ai entendu prononcer
plus haut. « Eb liien! lui répondis-je, le roi et vous recu-
lerez d'une frontière ». Ce msnistre qui, du reste, ne
voyait pas la situation des affaires sans alarmes, est
aujouni'bui en Angleterre, condamné à la morl civile, et
retiré près de son roi proscrit.
Ce fût peu après que, passant près de M. le duc d'Or-
léans, qui recevait de nombreu.Y compliments sur la ma-
gnilicence de cette fête, je lui adressai ce mot que les
feuilles répétèrent le lendemain : « C'est une fête toute
napolitaine, Monseigneur; nous dansoiis sur un volcan ».
Or, ces paroles n'étant pas oubliées parmi nos journa-
listes, l'un d'eux a parfaitement pu dire, à mon avis,
danser sur le volcan de M. Salvandy pour signifler être
dans'uncsituation politiquofaisantcourirles plus grands
dangers au gouvernement de la France.
X
' Seconde Question.
D'oii vient le nom assiette pour désigner les plats peu
profonds dans lesquels on mange ? Je vous remercie d'a-
vance de la solution que vous voudrez bien, Je n'en
doute 2>as, me donner de celte question.
.Autrefois, je veux dire au moyen âge, on se servait
Ires-fréquemmenl du verbe asseoir en parlant d'un objet
que l'on plaçait quelque part, ce que montrent ces
exemples :
Ses blans dois Ions et traitis,
Son gent cors et son clair vis,
Et sa bouche bien assise.
(^Chans. du chût, de Couci, p. 120.)
Prist la curune del chef le rei... si \'asist sur son chef.
{Liv. des Rois, p. 162.)
Et vinrent l'un contre l'autre asseoir leurs glaives.
(Froissart, II, II, 81.)
Les aultresremparoyent murailles, asseoyeal sentinelles.
(Rabelais, Panl , III, Prol.)
Nous asservons nostre logis des champs en lieu sain.
(Oliv. de Serres, i7,)
Naturellement, le même verbe s'employa en parlant
des objets divers qu'on plaçait sur une table à manger :
Quand le premier mets fut as^is, l'hôte, qui avoit secrète-
ment fait faire une robe, pour sa femme, de gros bureau
de gris, etc.
(Louis XI, Nouv., XLIX,)
Etant à table, un maistre d'hôtel, en asse/jant les plats,
lui répandit un potage sus un saye de velours qu'il portoit.
(Des Periers, Contes, XLIX.)
1460. Vint Lizane sa damoiselle, qui apportoit l'escuelle
du premier metz, et Lyriope en prit en la main ladamoy-
selle et lassist par devant le roi Alexandre.
(Perce/orest, dans Delaborde. Gloss. MeU.)
De ce verbe, on fil le substantif as4-«e«e, qui s'employa
dans le sens de service, ce qu'on met tout ensemble
sur la table, dans un repas :
Première assiette. Garnache et tostées... Seconde assiette.
Civé de lièvre... Tierce assiette. Rost, connins.
iMénagier de Paris, II, p. 91.)
Le môme substantif s'employa aussi pour signifier
place d'une personne à table, comme le montre cet
autre exemple :
Deux maistres d'ostel pour faire lever [laver] et ordener
ïassielle des personnes.
(Ménagier de Parts, U, p. ir7.)
Enfin, quand le pain tranchoir, dont on se servit au
moins jusqu'à la moitié du XV'' siècle pour» asseoir» les
viandes devant chaque convive, fut remplacé par
un petit plat, le mol assielle s'appliqua au nouvel usten-
sile, qu'il n'a pas cessé de désigner depuis lors, tandis
que ses autres acceptions relatives à la table sont com-
plètement tombées en désuétude.
X
Troisième Question.
Je vous serais bien oblige de me faire savoir par la
voie de voire (Iocriueii si vous pensez qu'on puisse dire
en français Avom des émotions sur la tlancue, phrase
que j'ai trouvée dans un journal publié à Paris ?
Il me semble que, toute familière qu'elle esl, cette
phrase peut parfailcmenl s'cm|ilover.
En clVel, les paysans qui demeureiiL loin des villes ont
l'habitude de faire cuire d'avance une assez grande
quantité de pain, et de le placer sur une planche, fixée
aux solives du plafond au moyn tle nioulaiils en bois.
Tant qu'ils ont ainsi du pain de cuit, ils disent qu'//.v
onl du pain sur la planche, expression qui a dé prise
LE COURRIER DE VAUGELAS.
165
au figuré, el s'esl appliqué à toute personne ayant de
quoi vivre, du bien tout acquis, sans qu'elle ait besoin
de travailler pour en acquérir.
Or, attendu que dans cette locution proverbiale, les
mots sur la planche signifient rn réserve, on a pu non-
seulement les appliquer à d'autres choses matérielles,
comme dans la phrase suivante :
On estime qu'il peut y avoir, de ce clief, de 40 à 50 mil-
lions de travaux sur la planche.
(Petit Journal du 5 décembre 1871.)
mais encore les dire des choses morales, comme dans
celle que vous soumettez à mon appréciation.
PASSE-TE.MPS GRAM.MATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1"... l'affirment à ienvi: — i'... un bandeau en écharpe sus
l'œil droit {en sautoir se dit de deux choses croisées); —
3°... jusqiià ce que mort s'en soit suivie (pas ensuivie, parce que
le en se trouve après se] ; — A°... voire de la Restauration
(pas de même; voir Courrier de Vaugelas, 2' année, p. 185); —
5°... quelques-uns pensent (voir Courrier de Vaugelas, 3' année,
p. 50); — 6*... les œuvres nouvelles à fur et mesure (voir Cour-
rier de Vaugelas, 1' année, p. 155); — 7°... en soient plus mal
administrées (pas de pour cela, qui est incompatible avec en ; voir
Courrier de Vaugelas, présente année, p. 132); — 8°... 11 se
pourrait que quelque intrigue antirusse vint à la détruire; —
9°... ce serait fait de toutes nos espérances (en est inutile,
puisque le régime dont il lient la place est dans la phrase).
Phrases à. corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications conlemporaines.
!• On a vendu les tableaux inactievés et les études de
Troyon, provenant de la collection conservée par feue
Mme Troyon.
2» Aux obsèques d'un franc-maçon, qui ont eu lieu hier
soir, M. de Cadilhan, maire réactionnaire, assisté de ses
agents et de la force publique, a empêché que les em-
blèmes maçonniques soient placés sur le cercueil.
3° Depuis une demi-heure, je n'avais pas ouvert la
bouche pour autre chose que pour manger.
4'' Ce prêtre en rupture de robe ne nous parait pas plus
intéressant que ces propriétaires de journaux républicains
condamnés à d'innombrables amendes.
5' Les journaux de Paris qui nous arrivent nous mon-
trent que la presse française s'est laissée tromper, comme
il est arrivé tant de fois déjà, par les agences télégra-
phiques. "
6" Je ne puis .que constater la fixité de la mode des
robes tant de ville que de soirée, c'est-à-dire les longues
tailles obtenues au moyen de corsets-cuirasse, et les jupes
à traîne de plus en plus exagérées comme longueur.
7° Pendant qu'elle mettait sa mantille et son chapeau.
Angélique s'excusa de sa résistance, la motivant sur les
précautions qu'une mère, dans sa situation, devait prendre,
de peur qu'un trop grand désir de dissipation ne se déve-
loppe dans une jeune tète.
8* Que deviendraient les Plaideurs et le Bourgeois Gentil-
homme si tous les Peiit-Jean et si tous les Jourdain qui
figurent sur le Boitin se pourvoyaient devant les tribu-
naux, à seule fin d'interdire au Théâtre-Français de traîner
leurs noms sur les planches.
9* Nous avons aussi remarqué que les dames et les ou-
vrières, toutes chaussées d'élégantes bottines et de bas
bien étirés et bien blancs, avaient ces derniers jarretés au-
dessus du genou.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECO.NDE MOITIÉ DU XVI1« SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
(Suite.)
Sphi7ix. — Dans sa défense de la langue française,
Charpentier fait ce nom du féminin ; mais il est plus
conforme à l'usage présent de le faire du masculin.
Tendresse, Tendreur, Tendreté. — En parlant d'une
viande qui est tendre, on ne sait le plus souvent lequel
des trois on doit choisir; mais, autant qu'il a pu s'en
instruire par les personnes qu'il a consultées, Andry croit
qu'il vaut mieux dire : roilà une viande qui est d'une
grande tendreur, ou bien, qui est d'un grand tendre;
car pour tendreté, c'est un mot hors du bel usage. Ten-
dresse ne se dit guère que dune affection tendre.
Termes favoris. — C'est quelque chose de bien désa-
gréable que ces termes mignons et favoris auxquels on
donne toujours la préférence. Il y a des gens qui vont
en cela jusqu'au ridicule ; on en voit, par exemple, qui
placent partout le mot consonnné. Ces sortes d'affecta-
tions ne sont dignes que d'un petit esprit, et ne peuvent
que déplaire.
Termes généraux. — Nicolas Andry appelle ainsi cer-
taines expressions qui conviennent presque à toutes
choses, et qui s'appliquent à tout ce qu'on veut. 11 faut
en user le moins possible, parce qu'elles rendent le
discours désagréable.
Tondaille. — Ce mot est en usage dans le style
familier en parlant des moutons.
Tout estonnez. Tous estonnez. — Tout se prend là-
non comme adjectif, mais comme adverbe; c'est la
même chose que <oM<-«-/'a/<, entièrement. Il en est de
même devant un nom féminin commençant par une
voyelle : ces étoffes sont devenues tout autres. Quand
l'adjectif est féminin, et commence paruneconsonne, on
met tout au féminin, comme dans elles estaient taules
surprises (IC89).
Perdre la tramontane. — Cette expression n'est que
du style familier. C'est une manière de parler figurée.
Proprement, c'est le vent de bise, .\insi quand on dit
perdre In tramontane, c'est comme « qui diroit » perdre
le vent qui doit guider le vaisseau ; et comme ceux qui
perdent le vent s'égarent, de là est venue cette locution
pour marquer quelque égarement d'esprit et de raison.
Trancher du grand. — Celte façon de parler est dans
la bouche de tout le monde, et nos meilleurs écrivains
s'en servent.
Tranquilliser. — Ce terme est aujourd'hui en usage,
H6
LE COURRIER DE VAUGELAS.
mais ce n'esl pas sans peine qu'il a été reçu ; il parut
ridicule des sa naissance, et la Cour en fit mille raille-
ries : à force de le dire pour rire, on a commencé par
le dire sérieusement ; les personnes les plus graves s'en
sont servies, les prédicateurs l'ont employé, et il a pris
enfin place parmi les mots de la langue.
Triomphateur. — Bien des gens font difficulté d'em-
ployer ce mot; il se peut dire néanmoins en plusieurs
occasions.
Avoir l'etmemià ses trousses. — Il y a des personnes
qui n'approuvent pas cette manière de parler la considé-
rant comme peu noble ; mais c'est sans fondement.
Trouver à dire, Trouver à redire. — Ces deux ex-
pressions ont des sens fort différents ; trouver à redire
signifie reprendre, reprocher, désapprouver, tandis que
trouver à dire signifie désirer avec empressement, sou-
haiter, s'apercevoir de quelque perte.
Tumttituaire, Tumultueux. — Le premier est plus
usité au pluriel qu'au singulier ; tumultueux se dit à
l'un et à l'autre nombre.
Vaincre. — Ce verbe n'est pas d'usage au singulier
du présent de l'indicatif; on ne dit pas, par exemple,
l'accoutumance au bien se vainct par l' accoutumance au
mal (^689).
Je vais, Je vas — On dit l'un ou l'autre, selon sa
fantaisie. Le P. Bouhours écrit toujours Jet-os.
Vers le soir, Sur le soir. — On dit assez indifférem.
ment l'un et l'autre. Cependant Nicolas .\ndry trouve
vers le soir plus usité dans tous les auteurs.
Vesquit, Vescut. — Tous deux sont bons, mais ves-
quit parait plus du beau style.
Un chacun. Chacun. — On doit dire chacun tout
simplement, quoique l'abbé de la Chambre et quelques
autres disent un chacun.
Voir au lieu A' Entendre. — Voir se dit quelquefois
au lieu du verbe entendre, comme dans je l'aij vu chan-
ter. Je Taij vu haranguer. L'usage a autorisé ces façons
de parler qui ne choquent point la grammaire, car voir
se rapporte à la personne que l'on regarde et non à la
voix que ion entend.
Il y a pour II est. — C'est une sotte affectation de
vouloir toujours mettre il est pour il ij a. Plusieurs au-
teurs se rendent ridicules en écrivant il est des hommes
qui pour il [i a dès hommes '(68!)).
Zélateur. — Ce mot se dit quelquefois avec grâce, et
d'excellents écrivains s'en servent.
SCITE DES RÉFLEXIOiNS CRITIorES.
Voici ce que j'ai trouvéde curieux ou de remarquable
dans ce second volume de Nicolas Andry :
Tomber à terre. Tomber par terre. — Ces deux e.x.
pressions présentent une diflérence : tomber par terre
se dit de ce qui étant déjà à terre tombe de sa hauteur,
cl tomber à terre, de ce qui étant élevé au-dessus de
terre tombe de haut.
A qu'iij, Aii.rquels. — On emploie f'url bien à quoi/
jjour uu.rquels, aussi on dit : ce sont des choses à quotj
il faut songer.
Avec ce que pour Outre que. — Celte expression est
a la fois élégante et Ires-énergique ; on dij très-bien :
de sorte que le'vaisseau, avec ce qu'il était déjà vieux,
ne put résister longtemps.
Avoir la crainte de Dieu devant les yeux. — Ce qu'on
peut dire de mieux en faveur de cette expression, c'est
qu'elle est de l'Ecriture.
Autrement pour Beaucoup, Extraordinairement . —
Andry remarque que autrement se dit souvent pour
beaucoup, fort, extraordinairement, comme dans ces
phrases habituelles : il ne fait pas autrement froid au-
jnurd'huy ; quand il me dit cela, je n'y fais pas autre-
ment de réjlexion [K 693j .
Avoir faute, Avoir besoin. — Grande différence entre
ces deux expressions. Avoir besoin ne signifie pas tou-
jours manquer, mais il fait entendre que la chose est
absolument nécessaire ou utile ; tandis que avoir faute
signifie toujours manquer, et emporte l'idée de priva-
tion.
Ce vint. Quand ce vint. — C'est une manière de
parler fort ordinaire dans le discours familier : quand
ce vint au fait et au prendre, quand ce vint à compter,
etc. Cette expression n'est que du style médiocre.
Composition. — Ondirabienlà composition d'une eau,
d'un remède, d'un parfum, etc. ; mais on ne peut dire
de même la composition d'un savant homme, d'un grand
homme, quoiqu'on dise ce qui compose un savant
homme, un grand homme.
Concept. — Une personne qui se pique d'habileté ne
peut ignorer que ce mot est un terme particulier aux
philosophes, et fort en usage parmi eux.
Dans la confiance de la victoire. — Le P. Bouhours
trouve vicieuse cette phrase employée souvent par Vau-
gelas. Nicolas Andry s'étonne à son tour que le P. Bou-
hours ait critiqué cette phrase, dans laquelle il n'y a ^
rien à reprendre. ■
Con.<pirer une chose. Conspirer à une chose. — On
emploie cette dernière phrase en parlant de choses où la
volonté n'a point de part : tout conspire à son bonheur;
la première se dit quand il y a de la volonté et du des-
sein : ils se liguèrent ensemble pour conspirer la mort
de l'usurpateur.
Couvrir de gloire. — On dit couvrir de confusion,
couvrir de honte; mais pour couvrir de gloire, c'est une
phrase barbare, ,quoi qu'en aient dit quelques auteurs.
La dame du logis. — Cela ne se doit point dire d'une
dame de qualité; on trouve, à la vérité, l'expression
dans un auteur nouveau, mais cet auteur n'est pas à
imiter en cela.
Je me suis donné une telle chose. — Cette manièrede
parler, pour signifier /'' me stiis achet/é une telle chose,
est fort à la mode aujourd'huy ilf.93, ; mais il faut re-
marquer qu 'elle s'emploie plutôt au sujet du superflu
que du nécessaire.
// s'en e.s< fui, Il .':'rst enfui. — V proprement parler,
il s'en est fui marque une fuite de précaution, et il s'est
enfui marque une fuite qui suppose qu'on est pour-
suivi.
[La suite au prochain numéro.)
Le Rki)Acteiik-Géb.4NT : Euan MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
167
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine :
Principes d'éducation positive; par le docteur Eug.
Bourdet. Nouvelle édition, entièrement refondue, avec
préface du professeur Ch. Robin, ln-18 Jésus, xxxvi-
277 p. Paris, lib. Germer Baillière et Cie. 3 fr. 50 cent.
La France biographique iUustrée. Marins ; par
Edouard Gœpp et Henri de Mannoury d'Ectot. T. I. In-S",
360 p. Paris, lib. Furne. Jouvet et Cie.
Biographie d'Alfred de Musset, sa vie et ses
œuvres; par Paul de Musset. In-18 jésus, 376 p. Paris,
lib. Charpentier. 3 fr. 50.
Vie et voyages de Christophe Colomb, d'après des
documents authentiques tirés d'Espagne et d'Italie; par
Roselly de Lorgues. Illustrations de M. Rouargue. In-S».
111-492 p. Paris, lib. Laplace, Sanchez et Cie.
Les Ancêtres de la Commune. L'Attentat Fieschi ;
par Maxime Ducamp. Iu-18 jésus, 312 p. Paris, lib. Char-
pentier. 3 fr. 50.
La Chanson du Chevalier au cygne et de Gode-
froy de Bouillou; publiée par G. Hippeau. 2' partie :
Godefroy de'Rouillon. In-S", mii-289 p. Paris, lib. Aubry.
8 fr.
Les Neiges d'antan, légendes et chroniques ; par
Mme Julie 0. Lavergne. In-12, ix-ZiOl p. Paris, librairie
Palmé. 2 fr.
Œuvres complètes. V. Romans et poésies diverses;
par F.-A. de Chàteaubriant. In-8°, 670 p. Paris, lib.
Furne, Jouvet et Cie.
Les Moines d'Occident, depuis saint Benoît jusqu'à
saint Bernard ; par le comte de Montalembert, l'un des
quarante de l'Académie française. T. 6 et 7. In-S", 1366 p.
Paris, lib. Lecoffre fils et Cie.
Jarousseau, le pasteur du désert; par Eugène
Pelletan. In. 18 jésus, xii-268 p. Paris, lib. Germer Bail-
lière et Cie. 3 fr. 50.
L'Eau qui court; par Gustave Aimard. In-lS jésus,
UUli p. Paris, lib. Amyot. 3 fr. 50.
Autour du monde. Inde, Chine, Japon, Californie,
Amérique du Sud; par A. U. Carlisle. Ouvrage traduit
et extrait de l'anglais, par Gabriel Marcel, de la Biblio-
thèque nationale. In-18 jésus, 420 p. et une carte. Paris,
lib. Decaux. 3 fr.
L'Esprit d'Alphonse Karr. Pensées extraites de ses
œuvres complètes, ln-18 jésus, iv-356 p. Paris, lib. Cal-
mann-Lévy. 3 fr. 50.
Lettres provinciales; par Biaise Pascal. 2 vol. in-32,
.'ixv[i-651 p. Paris, lib. Pion et Cie. 8 fr.
Publications antérieures :
SOUVENIRS DE LA LANGUE D'AU^TÎRGNE ,
essai sur les idiotismes du département du Puy-de-Dôme.
— Par Ffl.vNcisyL-E Mège. — F'aris, Auguste Aubry,
libraire-éditeur, 16, rue Dauphine. — Prix ; 3 fr. 50.
COURONNE POÉTIQUE DU PREMIER AGE, choix
de poésies modernes, recueillies et mises en ordre par
M. P. Poitevin, auteur du Cours théorique et pratique de
langue française. — Deuxième édition.' — Paris, librairie
Firmin D-iclol, frères, fils et Cie, 56, rue Jacob.
LAGRYM^ RERUM — Poésies — Par Lucien P.^.té.
— 2» édition. — Paris, librairie des Bibliophiles, rue
Saint-Honoré, 338. — Prix : 2 fr.
ILLUSTRATIONS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.
— Poètes et Pros.\teurs. — xix<: siècle. — Extraits des
œuvres les plus remarquables des écrivains modernes.
Par M. P. PoiTEvi.N, auteur du Cours théorique et pra-
tique de langue française. — Deuxième édition, enrichie
d'un très-grand nombre de nouveaux articles et de mor-
ceaux inédits. — Paris, librairie de Firmin Didol et Cie,
imprimeurs de l'Institut, 56, rue Jacob. — Prix : 3 fr.
EUGÉNIE LAMOUR. mémoires d'une femme. — Par
Marius Roux. — Paris, E. Denlu, éditeur, libraire de la
Société des Gens de lettres^ Palais-Royal, 15-19, galerie
d'Orléans. — Prix : 3 fr.
MANUEL D'EXAMEN GRAMMATICAL à l'usage
des aspirants et des aspirantes au brevet de capacité,
composé de lectures et dictées littéraires empruntées
aux meilleurs écrivains, avec questions d'examen et ré-
ponses raisonnées. — Par Adrien Guerrier de Haupt. —
Ouvrage approuvé et recommandé par le Conseil supé-
rieur de perfectionnement de l'Instruction publique. —
Paris, librairie Firmin Didol, frères, fils et Cie, 56, rue
JjW20b. — Prix : 2 fr. 25.
LA JEUNE FILLE ; lettres d'un .\mi. — Par Ch.\bles Roz.\n.
— Un vol. format anglais, imprimé avec luxe par J. Claye,
avec fleurons, lettres ornées et culs-de-lampe— Paris,
P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine — Prix :
3 fr. 50 cent. — Sur papier de Hollande (broché) : 5 fr.
LA GRAMMAIRE FRANÇAISE APRÈS L'ORTHOGRAPHE.
— Par Eman Martin, professeur spécial pour les Etran-
gers. — Ouvrage pour les Français. — Syi.lexie, premier
volume paru. — Prix : 3 fr. 50. — Au bureau du Courrier
de Vaugelas, 26, boulevard des Italiens.
LES GRANDS HOMMES DE LA FRANCE. — m.miins. —
Deuxième série. — Par Edouard Goepp, chef de bureau
au Ministère de l'Instruction publique, et Henri de Man-
noury d'Ectot, ancien capitaine au long cours. — Orné
de deux portraits. — Jean Bart, Dcquay-Trouin, Suffren.
_ Paris, P. Ducrocq, libraire-éditeur, 55, rue de Seine.
— Prix (broché) : i fr.
468 LE COURRIER DE VAUGELAS.
HI STOIRE
DE LA
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Par DÉsmÉ NISARD, membre de l'Académie française.
Cette nouvelle édition, complètement revue par l'auteur, forme une véritable bibliotlièque historique et littéraire,
où sont conservés les plus précieux trésors de notre langue.
Le tome I'"' est une introduction à l'iiistoire de la littérature française; — le tome 11 contient l'histoire de cette
littérature depuis l'époque de la Renaissance jusqu'aux premières années du seizième siècle; — le tome III traite
des premiers modèles de l'art d'écrire en prose et en vers et de l'influence, soit de certaines institutions, soit du
gouvernement et de la royauté sur la littérature du dix-septième siècle ; — le tome IV embrasse le dix-huitième tout
entier, et se termine par une appréciation générale des principales richesses littéraires de notre époque.
SIXIÈME ÉDITION, QUI VIENT DE PARAITRE.
QuiTEE VOLUMES : format in-18 jésus, 4 6 fr.; — format in-8°, 30 fr.
A Paris, librairie de Firniin Didol frères, fils et Cie, 56, rue Jacob.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L'Ac.iDÉMiE FRANÇAISE proposB 1' « Eloge DE BoFFON » pour sujct du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Ils devront
porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce billet contiendra le
nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au Concours ne seront
pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Société florimontane d'annecy. — Concours de Poésie. — Le prix de 600 fr. fondé par le docteur Andrevetan sera
décerné en 1877. — Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux concurrents. Le nombre minimum des vers pré-
sentés par le même auteur est fixé à cent. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs travaux sont inédits
et n'ont été présentés à aucun autre concours. — Les concurrents qui se feraient connaître seraient exclus : les
envois porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un billet cacheté indiquant le nom et le domicile de
l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux archives de la Société ; les auteurs pourront en prendre copie. —
Les Français et les Etrangers membres de la Société Florimontane sont seuls admis à concourir. — Les travaux
devront parvenir franco à M. Louis Revon, secrétaire de la Société, avant le 1" juillet 1877.
Le dix-huitième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le 1" juin 1877. — Dix-sept médailles
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evarjste C.\branxe,
président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
La société nationale n'ÉDuc.iTio.N' DE Lyon destine, pour 1877, un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur ce
sujet : Jusqu'à quel point l'étude des théories et des définitions grammaticales est-elle nécessaire dans l'enseignement
primaire pour apprendre la langue et l'orthographe? Le prix sera décerné dans la séance publique de 1878 sous le
nom de Prix de la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le l" novembre prochain, à
M. Palud, libraire, h, rue de la Bourse. — Pour plus amples renseignements s'adresser à M, J.-B. Mathey, secrétaire
général de la Société.
RENSEIGNEMENTS
A l'usage des Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
AGENCES AUXQUELLES ON PEUT s'aDRESSEK :
A Paris: M. Pelletier, 19, rue de l'Odéon; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin ; —
A Londres ; M. Bisson, 70, Berners Street, W.; — M.M. Griffiths et Smith, n, llenrietta street, Covent-Garden,
W. C. ; — Le Collège of preceptors, Queen's Square; — A Livbrpool : M. le prof. Husson, Queen's Collège; — A New-
York : M. Scherinerhorn, /|30, Broom Street.
Journaux dans lesquels on peut faire des annonces : .
L' American Regisler, destiné aux Américains voyageant en Europe; — le Galignani's .Messenger, reçu par nombre
d'Anglais qui habitent en France; — le U'ekker. connu par toute la Hollande; — le Journal de Saint- Pélersboury, très-
répandu en Russie; — le Times, lu dans le monde entier.
(M. Hartvvlck, 390, rue St-llonoré, à Paris, se charge des insertions.)
M. Eman Martin, Rédacteur du Cocrrieii de Vaugelas, est visible à son bureau de trois à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. UAUPELEV à Nogent-le-Rotrou.
7° Année.
N" 22.
15'AvrU 1877.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant la l* et le 15 de ehaaae moi*
(Dans sa séance du n janvier 1875, V Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours littéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPÉCIAL POUR LES ETRANOERS
Officier de l'Instruction publique .
26, Boulevard des Italiens, à. Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la même
époque. — S'adressersoit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
IMPORTANT.
Les personnes qui n'ont, pas l'intention de renouveler
leur abonnement au Courrier de V.iccEL.vs à la fin de
celte septième année, sont instamment priées de vou-
loir bien en informer le Rédacteur aussitôt qu'elles
auront pris connaissance du présent avis.
SOMMAIRE.
Communication relative au.\ noms de métier en er el en ier : —
Origine de Mess, table des ofliciers d'un régiment; — S'il faut
écrire la Palisse ou la Palice; — Orthograpbe de Yétyver; —
Différence entre A raison de et En raison de; — K quelle
époque remonte l'expression Ah .' le bon billet qu'a la Châtre ;
— S'il faut un accent circonflexe sur Le Havre. || Etymologie
de Dorénavant ; — Quand on peut dire à quelqu'un Celui-ci
est aussi Alexandre; Il Passe-temps grammatical. || Suite de
la biographie de IVicolas Andry. \\ Ouvrages de grammaire
et de littérature. || Concours littéraires. || Renseignements
olTertâ aux étrangers.
FRANCE
COMMUNICATION.
Voici une seconde letlre relative à la suppression de
i'i dans certains noms de métier :
Nîmes, le 23 octobre 1876.
Monsieur le Kédacteur,
Permettez-moi quelques observations à propos de la
discussion soulevée dans le numéro du 1" août de votre
estimable journal, et reprise dans le numéro du 15 sep-
tembre, sur les noms de métiers en er et en ier.
M. Werkmann, s'appuyant sur l'autorité de M. Bracbet
attribue l'absence de l'i avant l'e dans quelques-uns de ces
noms à l'iulluence de la gutturale qui précède, et il cite
cocher, horloger, boucher et boulanger. Vous répondez en
citant à votre tour banquier, perruquier, cagier et imagier,
ajoutant qu'on ne s'expliquerait pas l'influence que la
gutturale aurait pu exercer sur un i qui, dans l'origine, n'a
pas dû être prononcé.
De ces quatre exemples, les deux premiers seuls sont
valables. Car imagier, que M. Littré écrit avec raison imager,
ne saurait constituer une e.xception; c'est la vieille
orthographe du mot imagier qu'il faut mettre à côté de
vachier = vacher, porchier = porcher, clergiè = clergé. Quant
à cagier, el à tout autre semblable, c'est un mot moderne
formé d'après une fausse analogie sur les noms de métier
si nombreux terminés en ier.
11 est vrai d'ailleurs que la gutturale, en tant que gutturale
pure, n'aurait pu amener un i parasite; mais en devenant
douce ou chuintante, elle a développé au moyen âge pré-
cisément cet i parasite non pas dans les noms de métier
{où il était justifié par l'étymologie et antérieur à la modi-
fication de la gutturale), mais dans les infinitifs et par-
ticipes passés de la première conjugaison. Au xui- siècle,
on disait régulièrement: renoncier, marchier, congié, chassier,
où l'i parasite a disparu complètement aujourd'hui ; et
cet i se mettait en particulier dans les terminaisons chier,
gier, chié, ^ie, même contrairement à létymologie. Il dépen-
dait au contraire de l'étymologie dans la terminaison siier.
Il est facile maintenant de rendre raison de l'anomalie
apparente existant dans l'orthographe des noms de métier
(ou autres comme rocher, verger, anciennement verdier)
terminés en iir, er.
Ces noms ont tous été formés des mots latins ou bas-
latins en arius, arium, ou directement des substantifs, par
analogie. La forme ier est donc la forme réguliéfe, Cf.
primarius — premier, salinarius = saunier. Mais comme l'i
parasite développé par la chuintante douce ou forte (et
non par la gutturale) n'avait d'autre effet que û'aiguiser la
prononciation de la chuintante elle-même, il a disparu
dans l'orthographe des infinitifs et participes de la pre-
mière conjugaison en chier, gier, chié, gié, ce qui a amené
par analogie la disparition de l'i da.ns les mots terminés
de même, et en particulier dans les noms de métier en
cher, ger, où l'étymologie et l'analogie semblaient exiger
son maintien.
Lps mois perruquier, banquier, etc., montrent bien d'ail-
leurs que la gutturale n'a pu amener la suppression do l'i,
qu'elle a au contraire développé au xni' siècle, par sa trans-
formation en chuintante.
Veuillez excuser, Monsieur le Rédacteur, la longueur de
ces explications, et agréer l'assurance de ma considération
distinguée.
L. CONSTANS,
Professeur agrégé de l'Université.
Dans mon numéro du 15 août dernier, ayant eu à
résoudre la question de savoir [muiquoi certains noms
de métier sont terminés par er tandis que d'autres le
no
LE COURRIER DE VAUGELAS.
sont par icr, j'avais attribué la suppression de 1'/ dans
quelques-uns au caprice de l'usage.
Un abonné, M. Werkmann, ne fut pas de mon upi-
uion; et s'appuyant sur une règle donnée par M. lîra-
chel relativement aux noms d'arbres fruitiers, il m'écrivit
qu'il lui semblait que cette suppression de 1'/ était due
à l'influence de la gutturale, douce ou forte, qui le pré-
cédait.
Je répliquai en citant des noms de métier où 1'/ était
resté malgré la présence d'une gutturale. Mais mon
argument ne satisfit pas un autre abonné, M. Gons-
tans, qui a rouvert alors le débat en m'adressantla
lettre qu'on vient de lire, lettre à laquelle je réponds ce
qui suit :
Est-il vrai que imagier et cagier ne puissent être in-
voqués contre M. Werkmann ?,
D'après le dictionnaire de Poitevin, imagiT est le
terme dont on se sert pour désigner celui qui fait ou
vend des images; et, comme tout en donnant imager,
M. Littré applique à ce dernier l'épithète de « mot qui
vieillit », il s'en suit, puisque la profession existe tou-
jours, que c'est réellement imagier qui est le liom actuel .
de celui qui exerce cette profession.
Pour ce qui est de cagier désignant un homme qui
fait des cages, ce n'est pas, à mon avis, un nom mo-
derne; c'est, avec une différence de signification, le
cagier qui, en terme de fauconnerie, désignait autrefois
celui qui portait des faucons et autres oiseaux de
chasse.
D'où il suit que les deux noms en question peuvent
parfaitement, avec banquier, perruquier ti piquier (que
j'ai oublié), être opposés à M. Werkmann, puisque,
comme ces derniers, ils appartiennent à la langue ac-
tuelle^ et qu'ils renferment ier devant une gutturale.
La suppression de Vi dans les noms de métier en ier
a-t-elle eu la cause que lui assigne .M. Gonstans?
Gomme on vient de le voir, toute l'explication du
savant professeur de Nîmes repose sur l'admission de
ce fait que \'i était prononcé au moyen âge dans les
finales ier, appartenant aux substantifs, aux infinitifs
des verbes, etc. Mais il n'en était réellement pas ainsi ;
car l'examen des textes de ces temps reculés fait voir :
\° Que les mots en /er, substantifs, verbes, adverbes,
etc., avaient leur finale écrite également par er, ce qui,
selon moi, n'aurait pas eu lieu si l'on eût prononcé 1'/
dans ces finales :
1391. Que nulle imager ne peintre ne commence à peindre
aucune ymage de quelque liois qu'elle soit, etc.
(Delaborde, Not. des Emaux, II, p. 435.)
Que eve seul [a coutume de] percer la piere bise.
(Rom* du chast. de Couci, XI.)
Qui souloit faire messages volenlers.
{Ch. de Roland, CLXXXIX.)
2° Que le futur des verbes en ier, qui a été formé au
moyen de l'infinitif, absolument comme celui des autres
verbes (voir Courrier de Vuugelns, I'" année, n° lt>),
ne renferme pas d'i avant \'r, et qu'il en serait tout
autrement, si cet i se fût fait entendre à l'infinitif.
Par conséquent, je me crois autorisé à ne pas voir
non plus dans la gutturale douce ou chuintante qui
précède ier, finale ancienne de verbes aujourd'hui en er,
la cause qui a produit la suppression de l'i dans un cer- j
tain nombre de noms de métier. '
Cependant, je l'avoue, le nouvel examen auquel je
viens de me livrer a notablement modifié mon opinion
première sur la suppression dont il s'agit; et voici de
quelle façon, informé plus complètement, j'estime que
les choses se sont passées :
Dans les verbes ayant la finale ier, c'était probable-
ment la gutturale douce et la chuintante qui dominaient;
quand on voulut mettre l'écriture d'accord avec la pro-
nonciation, ce fut naturellement après ces consonnes
que s'opérèrent le plus grand nombre de suppressions de
l'i muet; et, par analogie, cette voyelle, sauf quelques
exceptions, disparut des noms de métier présentant à
leur radical une gutturale de même espèce. <
Ainsi, ce n'a pas été par l'effet du hasard que ier
s'est changé en er dans quelques noms de métier; le
fait s'est produit par l'application d'une réforme ortho-
graphique qui, générale dans les verbes, ne le fut pas
dans les substantifs.
Je remercie de tout cœur M. Gonstans de m'avoir
ramené sur une question que j'étais loin d'avoir assez
approfondie, même après ma réponse à M. Werkmann.
Première Question.
Pourquoi appelle-t-on depuis quelque temps du nom
de MESS la fable des officiers de notre armée ? Quelle est
l'origine de ce mol, qui n'a point du tout la physiono-
mie française?
Après la guerre de Crimée, les officiers des Guides
ayant commencé à prendre leur pension à la caserne
même où étaient logés leurs hommes, ceux des régi-
ments de la Garde les imitèrent, et il en fut bientôt de
même dans plusieurs autres régiments de l'armée, où,
paralt-il, cette institution existe encore.
Vous désirez savoir d'où vient le singulier nom' de
mess, qui a été donné à cette pension militaire? Je vais
vous le dire.
On a prétendu qu'il était tiré du latin mensu, table,
comme l'espagnol mesa; mais c'est une grave erreur. Si
telle était l'origine de mess, il n'aurait pas deux .<, le
mot mensa n'en ayant qu'une, et l'habitude du français
n'étant pas de terminer par une double consonne les
vocables qu'il dérive du latin. Mess est un emprunt
fait à la langue anglaise, comme ce qu'il sert à dési-
gner en est un fait à la manière de vivre des officiers
anglais.
Toutefois, je vous ferai remarquer que, bien qu'ap-
partenant à la langue de nos voisins d'outre-.Manche, le
mot en question n'est pas vraiment anglais; car on
disait autrefois chez nous prendre melz (qui se trouve
dans Roquefort) pour signifier « s'associer pour manger
ensemble », fait mis en parfaite évidence par l'exemple
suivant :
I
LE COURRIER DE VAUGELAS.
m
Lesquelz eompaignons se associèrent et prindrenl metz
pour soier [scier] et labourer ensemble en la présente
mosson [moissonj.
(Du Gange, mot Missoriiim.)
En adoptant le mess des officiers anglais, tant pour
le nom que pour la chose, les noires n'ont fait, en
quelque sorte, que reprendre leur propre bien.
X
Seconde Quesllon.
A propos de l'expression vse vérité a l\ palisse, je
vous prie de me tirer du doute oii Je suis sur l'orlho-
grrip/ie du mot palisse. L'académicien Lamonnoije écrit
la palisse, le Dictionnaire de Larousse orthographie
la PALICE. Puis-je espérer trouver quelques renseigne-
ments à ce sujet dans un de vos prochains numéros?
J'ai consulté deux ouvrages contenant la chanson de
La Monnoye, ce modèle d'un style qu'on pourrait appeler
le style niais : les Poésies de la Monnaye, publiées à La
Haye, en 1716, par Sallenge, et les Œuvres de la Mon-
noije, publiées à Dijon en 1769, par Rigobey.
Dans le premier de ces ouvrages, le héros de la chan-
son porte partout le nom de la Gatisse ; dans le second,
celui de la Palisse.
Evidemment la Galisse est une erreur; Sallenge, lit-
térateur français réfugié a La Haye, qui a édité les
Poésies de la Monnoye à l'insu de l'auteur, a lu un g
pour un p sur la copie qui lui aura été remise ; mais,
à cela près, dans la Chanson du fameux la Palisse (car
le titre primitif ne porte point monsieur comme le titre
d'aujourd'hui), on doit écrire, si les sources que je cite
font autorité, comme je le crois, on doit écrire, dis-je,
la Palisse, et non la Palice.
Plusieurs personnes croient que la chanson en ques-
tion a été dirigée contre l'intrépide maréchal de la Pa-
lisse qui prit le commandement de l'armée d'Italie après
la mort de Gaston de Foix. Telle n'est pas mon opinion ;
car Sallenge, qui publia cette chanson à l'étranger,
c'est-à-dire là où il avait toute liberté de s'expliquer sur
les intentions que le public du temps prêtait à son au-
teur, voit tout simplement dans le fameux la Galisse un
« homme imaginaire dont .M. de la Monnoye a pris
plaisir de faire en cinquante quatrains » la description
que l'onconnait.
X
Troisième Question.
J'ouvre un dictionnaire français , et mes yeux se
portent sur le mot vétyvi:r, qui est défini : plante dont
les racines très-odorantes servent à préserver des insec-
tes le linge et les vêtements de drap. Pourquoi cet ï?
Le mol n'est probablement pas bien orthographié : je
cherche dans le (lictionnaire de Littré et Beaujean :
même orthographe. Est-ce que J'aurais cru à tort Jus-
qu'ici que vÉTïVEii vietit de veto el de vek?
Je suis iïiché d'avoir à vous le dire; mais, en effet,
vous vous êtes complètement trompé jusqu'à ce jour sur
le sens réel du mpt en question.
Certainement, ce mot concorde en apparence avec
l'usage auquel est propre la racine qu'il sert à désigner ;
mais en réalité (j'appuie mon dire sur le témoignage de
deux hommes de science, Lemaout et Decaisne), il vient
de v/tivaijr, nom que ladite racine porte dans l'Inde,
d'où elle est originaire.
Quanta l'orthographe de '•e7i/ir;-,jenepuisrapprouver;
car voyant, d'un côté, que ce mot est tiré de l'indien
vitivayr, et de l'autre, que le vètyver porte en latin le
nom de vetiveria odorata, je crois impossible de justi-
fier l'y que nos lexicographes y ont mis après le t.
X
Quatrième Question.
Voudriez-vous bien me dire, par la voie de votre
journal, laquelle de ces deux locutions doit être pré-
férée : A RAISON DE ou EX ilAlSOX DE'?
Le substantif raison sert à former deux locutions pré-
positives, à raison de et en raison de, lesquelles ne sont
nullement synonymes.
A raison de a une double signification :
\^ Il se met pour « cause de, comme le montrent les
exemples suivants :
Il y a des gens capables d'adopter cette critique, à raison
de sa commodité.
(J.-J. Rousseau, cité par Lafaye.)
Cet employi^, à raison de ses bons services, vient de
recevoir une gratification.
(Littré, Diction.)
2" 11 s'emploie dans la langue des affaires pour au
taux de, au prix de :
11 doit le change de dis mille francs, à raison de tant
pour cent.
(Académie.)
Sur ce vaisseau, la disette de l'eau oblige de ne la dis-
tribuer qu'à raison d'un demi-litre par tète.
(Littré, Diction.)
Quant à en raison de, il signifie en proportion de :
L'imposition doit être faite en raison des biens des con-
tribuables.
(J.-J. Rousseau, cité par Lafaye. }
On paya cet ouvrier en raison du temps qu'il avait mis à
cet ouvrage.
(Académie.)
X
cinquième Question.
Dans votre numéro 45, vous avez donné l'origine de
Aul LE Rox BILLET qi'a LA CHATRE. Mais VOUS u'avcz }}as
dit ce que vous dites assez souvent en parlant des ques-
tions proverbiales, la date à laquelle cette expression a
pris naissance. Si vojts ne le jugez pas indigne de vos
recherches, je vous prierais de la donner dans un de
vos prochains numéros.
C'est à l'âge de quinze ans que Ninon de Lenclos,
qui était née à Paris en I(>I6, devint, par la mort de
son père, maîtresse absolue de ses actions, et put donner
un libre cours à son penchant pour le plaisir ; d'où il
suit que l'expression proverbiale en question ne peut
rigoureusement remonter au-delà de 1(13).
• D'après Brel, les amours du marquis delà Châtre et
472
LE COURRIER DE VAUGELAS.
de Xinon précédèrent celles de la même personne et du
marquis de Sévigné. Or, comme celui-ci ne commença à
aimer Ninon qu'après son retour du siège de Candie, où
il avait été combattre contre les Turcs, en qualité de
volontaire, il en résulte que cette expression est cer-
tainement antérieure à 1669.
A n'en pas douter, c'est donc entre 4631 et 1669 que
ah! le bon billet qu'a la Châtre a pris naissance.
J'aurais bien désiré vous donner deux dates moins
éloignées l'une de l'autre pour le gisement bistorique
de celte expression ; mais les biographies ne disant
rien ou presque rien du marquis de la Châtre, et les
autres ouvrages que j'ai consultés ne m'ayantpas suffi-
samment renseigné, il m'a élé impossible de vous
répondre d'une manière plus précise.
X
Siiième Question.
Voxis m'obligeriez si, dans voire prochain Courrier,
vous vouliez bien faire connaître ce que vous pensez de
cette orthographe : le havde, ou simplement HAvnE,f»'e['
ou sans accent cucon/lexe, que Je vois très-souvent va-
rier en tête des lettres.
Le nom commun havre vient du terme germanique
hafen, port, lequel n'a jamais élé écrit par aa, ni par
un a suivi d'une h, double manière d'indiquer l'a long
en allemand.
Dans l'ancien français, on ne trouve jamais l'a de ce
mol suivi d'une s, signe qui marquait généralement une
voyelle longue dans cette première période de notre
langage :
Souz Alexandre [Alexandrie], à un havre moût lé.
[Concisvals, p. ii8.)
Quant [les Anglais] se départirent des havres d'Angle-
terre, etc.
(Froissart II, II, 37.)
Tu quiers chemin à toy perdre, à l'exemple de moy, et
veulx saillir du havre do seureté pour toy noyer dedans
la mer.
(A. Chartier, le Curial.)
Depuis que nous avons introduit les accents (au xvi"
sièclei jusqu'à l'époque actuelle, les auteurs n'ont
jamais mis de circonflexe sur Va de havre :
Et, comme un marinier échappé de l'orage,
Uu havre sûremeni contempler le naufrage.
(Régnier, Epit., II.)
La tempête se lève, la flotte va périr, elle essaye de
gagner le havre prochain.
(Chateaubriand, Génit du christ., I, V. 9.)
Or, comme il n'y a pas de raison pour que Havre,
nom de ville (autrefois Havre dr Gnù-cu dilTèrc d'orllio-
graphe avec havre, nom commun, jeu tire celte con-
clusion que l'accent circonflcxo ne jicut nullcmcnl s'y
jubtilicr, allcndu qu'il serait contraire et a l'etymologic
et à un usage qui n'a jamais varié depuis le commcncc-
menl de la langue française.
ETRANGER
Première Question.
Je n'ai jamais bien compris la signification du mof
dore'xavant. Pourriez-vous m'en donner l'explication
dans votre journal ? Vous me feriez là un sensible
plaisir.
Ce mot est un composé de quatre autres : de, or, en
et avant, fait que mettent en évidence ces exemples, tirés
de l'ancienne langue, où les éléments de dorénavant
sont encore à l'état libre :
Ne doit estre souffert dore en avent que bourgeoise,
combien que ele soit riche famé, face char pour soi.
{Ordonn, Toy. de 1279.)
H'or en avant el grant fer de ma lance
Est vostre mort escrite sans faillance.
{Rom. de Raoul de Cambrai, p. 71, éd. Le Glay.J
Dore en avant serons nous compeignon. J
(Concisvals, p. 140.) ^M
Par conséquent, cet adverbe veut dire, dans le sens
littéral, sens que, du reste, il a conservé, de ce Jour en
avant, car le terme latin fiora, qui a donné or, avait
entre autres sens celui de jowr.
La réunion des quatre termes composant doréna-
vant a fait commettre une faute dans l'orthographe de ce
mot, qui se prononçait naturellement doran-navant,
quand ces termes étaient séparés : d'abord le en se
changeaen e, on dit dore-navant; puis cet e prit l'accent,
ce qui était contraire à l'élymologie. Mais aujourd'hui,
cette faute est irréparable.
X
Seconde Question.
,4 quel propos peut-on dire à quelqu'un celdi-ci est
AUSSI ALEXANDRE, cxprcssion que je trouve dans le char-
mant livre un Philosophe sous les toits, dans lequel
vous me donniez mes leçons de lecture?
L'origine de cette expression se trouve dans le pas- ■
sage suivant de Rollin (Hist. anc. l. II, p. 215) : |
Après qu'Alexandre se fut acquitté de tous ces devoirs
il envoya avertir les reines qu'il allait les visiter; et, ayant
fait retirer toute sa suite, il entra seul dans la tente avec
Ephestion : c'était son favori ; et comme ils avaient été
élevés ensemble, le roi lui faisait part de tous ses secrets,
et personne n'osait lui parler si librement que lui ; mais il
usait de cette liberté avec tant de discrétion el de réserve
qu'il paraissait le faire moins par inclination et par goût
que pour obéir au roi, qui le voulait ainsi. Us étaient do
même âge : mais Ephestion avait sur lui l'avantage de ii
taille; de sorte que les reines le prirent pour le roi, et lui
rendirent leurs respects. Quelques eimuques d'entre les
captifs leur montrant qui était Alexandre, Sysigambis se
jeta à ses pieds, et lui demanda pardon, s'excusant'sur ce
qu'elles ne l'avaient jamais vu. Le roi, la relevant, lui dit:
« Non, ma mère, vous no vous êtes pas trompée, car cc/wi-
c'( rit aussi Ahxandrt. »
Quant à la manière de l'emiiloyer, clic est dictée par
le récit même que je viens de rapporter. En effet, à qui
LE COUBRIER DE VAUGELAS
473
celle phrase fut-elle adressée? A Sysigambis, qui avait
pris Epheslion pour Alexandre. Elle peut donc être em-
ployée par toute personne qui aura été l'objet d'une
méprise analogue à celle que commit la mère du roi des
Perses, et auprès de qui l'auleur de cette méprise
viendra se confondre plus ou moins en excuses.
PASSE-TEMPS GRAMAIATICAL.
Corrections du numéro précédent.
1°,.. collection conservée par feu M"' Troyon; — 2'... a em-
pêché que les emblèmes maçonniques île fussent placés ; —
3"... pour autre chose que manger(le your est inutile); — 4°... ce
prêtre défroqué ne nous parait (on ne peut pas dire en rupture
de robe; voir Courrier de Vaugelas. 2° année, p. 13); —
S'... s'est laissé tromper (elle ne trompait pas); — 6'... au
moyen de corsets-cuirassei ; — 7°... doit prendre de peur qu'un
trop grand désir; — 8°... devant les tribunaux afin d'interdire
(voir Courrier de Vaugelas, 2" année, p. 139) ; — 9»... bottines
et de bas bien tirés et bien blancs.
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
t* Son visage est gras, coupé par une large bouche aux
lèvres lippues; son nez petit et rond, bourgeonné comme
une framboise.
2' Au cercle de la rue de Ctiarenton, c'est toute autre
chose : on y pratique un culte dont les esprits sont les
révélateurs, et les médecins les grands prêtres.
3' L'entrée du square, en raison des travaux, a dû être
interdite à deux ou trois personnes qui se présentaient
déjà pour déposer des couronnes d'immortelles sur lesocle
du monument.
4° Gaudry, qui affecte les manières et la tenue d'un
officier aisé, a quarante-deux ans, bien qu'il n'en paraisse
qu'environ trente-cinq.
5° Il regarde la nature les yeux mi-fermés, laissant les
détails aux faux artistes qui peignent la bataille de Marengo
sur un chaton de bague.
6° Le remplacement était irrévocablement condamné par
l'opinion publique. C'est là une puissance avec laquelle,
quoi qu'on en ait, il faut bien bon gré, mal gré compter.
7° Le directeur de l'octroi à l'honneur d'informer MM. les
chasseurs qu'à l'exemple des années précédentes, des cartes
spéciales devant servir à la prompte introduction du
gibier dans Paris, seront mises à leur disposition.
8' Ce brave artiste, dont je tairai le nom, quoiqu'il soit
bien connu dans tout le quartier Montparnasse, aimait le
jus de la treille autant et plus que la musique.
9' Monsieur, commence alors papa Saint-Clair en cares-
sant les breloques de sa chaîne de montre, je ne vous
interrogerai ni sur votre personne, ni sur votre situation
de fortune.
10" Il est venu tardivement [l'hiver], un mois au moins
après qu'on ne l'atiendait, mais il est venu, et cela, au
grand contentement des officiers supérieurs de l'armée de
Bessarabie.
11" L'auteur mùlé aux faits, depuis l'exposition jusqu'au
dénouement, a communiqué à son récit l'impression atta-
chante d'une histoire vécue.
(Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
(Suite.)
En la mai», Entre les maim. — Le P. Bouhours ne
trouve pas que la phrase il a le van en la main soit
bien dite, parce qu'on ne tient pas un van comme un
éventail ; on la entre ses mains, et non en la main.
Mais ce grammairien na pas pris garde que le sens de
saint Jean-Baptiste, de qui sont ces paroles, n'est pas
que Dieu vanne déjà son blé, mais seuleinent qu'il est
prêta le vanner. Or, quand on tient le van seulement
pour s'en servir, il est bien plus naturel de le tenir
d "une main que des deux.
Entendu. — Que l'on dise un dessein bien entendu,
une maison bien entendue, cela parait régulier; mais
qu'on dise un homme entendu, une femme entendue,
pour dire qui entendent bien ce qu'ils font, c'est une
bizarrerie où l'usage fait bien voir son autorité, car
c'est une expression élégante, et d'autant plus élégante
qu'elle est plus irrégulière.
Estre de mise. — C'est une façon de parler qui est
plus à la mode que jamais ; on s'en sert dans la con-
versation et même dans le haut style (•1693).
Expressions qui ne se doivent pas prendre à la lettre.
— Il y a des expressions qui seraient ridicules étant
examinées à la rigueur, lesquelles ne laissent pas d'être
très-bonnes étant considérées par rapport à l'usage.
Eternel, Eternellement. — Nicolas Andry constate
que ces mots sont fort a la mode.
Il a failli. Il a pensé. — Le dernier est le meilleur.
Vaugelas, à la vérité, dit dans son Quinte-Curce Meni-
das et Benus faillirent à être blessez. Il s'est réglé en
cela sur Goelïeteau, qui dit toujours failli au lieu de
pensé. Mais si failli était bon autrefois en ce sens, il
ne l'est plus guère aujourd'hui.
Fasse le ciel. — Expression usée dont se parent
encore certains prédicateurs, qui ne croiraient pas
avoir fait un discours, s'ils n'avaient dit vingt fois
fasse le ciel. Ils feraient bien mieux, les bonnes gens,
d'implorer le secours du ciel, pour parler plus raison-
nablement et de meilleur sens.
Faire à deu.v fois. — Cette expression est ordinaire
dans le discours familier ; elle s'écrit, et même l'au-
teur des Remarques nouvelles n'a pas fait difficulté de
s'en servir dans son dernier livre.
.S'e fier en. Se fier à. — Le premier a un sens plus
fort que se fier à; ce dernier signifie seulement ce
que nous entendons par le mot croire, comme dansée
me fie à i-ous, ne me trompez pas.
Gros seigneur. — Il y a des persouiies qui croient
u]ue cela signifie grand seigneur. Elles se trompent ; lo
grand seigneur est fait par la naissance, ël le gros sci-
ai
L,E COURRIER DE VAUGELAS.
giieur est fait par le bien qu'il possède. On dit d'un
homme de rien qui a fait forLune que c'est un gros sei-
gneur, et d'un homme de haute naissance, que c'est un
grand seigneur, quoiqu'il ne soit pas riche.
Quelles expressions de notre langue on doit appeller
gallicismes. — Nous avons plusieurs façons de, parler
qui sont tellement propres à notre langue qu'on ne les
trouve en aucune autre. Les unes consistent à mettre
être pour avoir, comme dans : // s'est voulu tuer, il
s'est piqué le doigt ; les autres consistent à mettre le
pronom réciproque se avec un texte qui ne le saurait
gouverner, comme dans il s'en r«, il s'en fuit, il se
meurt, car on ne dit pas aller quelqu'un, enfuir quel-
qu'un ; d'autres consistent dans l'irrégularité du
nombre, comme dans // est neuf heures, il est dix
heures, rais pour : ils sont neuf heures, ils so7it dix
heures, ce qui se disait autrefois. 11 y en a d'autres qui
ont de la régularité dans la construction, mais qui n'en
ont pas dans le sens, à prendre les mots à la lettre.
Telles sont les expressions se louer de quelqu'un, se
battre contre quelqu'un, etc.; car se donner des louanges
à soi-même, se vanter, n'est point ce que se loiier si-
gnifie en cette occasion : se donner des coups à soi-
même, n'est point ce que signifie ici se battre.
11 y a des gallicismes de mille sortes, et l'on n'aurait
pas fini si l'on voulait les rapporter tous. Cependant
en voici encore quelques-uns : faire brun, faire sombre,
faire chaud, faire du soleil, être sur sa bouche pour
dire être sujet à sa bouche ; faire bon pour dire faire
caution de quelqu'un ; se prendre à pleurer pour com-
mencer à pleurer.
Grief considérable. — Le mot grief est encore de bon
goût, quoi qu'en disent certains précieux et certaines
précieuses ; on le trouve dans les livres les plus nou-
veaux et les mieux écrits. Le P. Cheminais s'en sert en
mille endroits de ses sermons.
i/aVV à mort. Haïr à la mort. — Il faut employer la
première expression, c'est incontestable, et l'usage n'est
point pour le second, qui d'ailleurs renfermerait une
équivoque.
Uonncstes gens. — Ce terme n'est pas toujours
opposé à mal honnestes gens. Par les honnêtes gens on
entend souvent les gens polis, les gens qui ont du
monde et qui savent vivre; comme, par exemple, en
parlant d'un mot que l'on désapprouve : ce mot, dira-
t-on, n'est que du petit peuple, il n'est pas en usage
parmi les honnêtes gens.
Homme d'/ionneur, Ilonneste homme. — D'après
.\ndry, c'est absolimient la même chose, car il ne peut
com|)rendre qu'on puisse être homme d'honneur sans
être honnête homme; cl réciproquement.
Hors cela, Hors de là. — Un des censeurs d'Andry
prétend qu'au lieu de hors cela, il aurait du dire liors
de là ; mais il n'a pas |>ris garde que lorsque hors si-
gnifie excepté, sens où il se prend ici, on ne met point la
particule après ce mot.
Iin/iio/idr, Impur. — Ce dernier ne doit point se dire
quand il est question des impuretés légales des Juifs.
Hors cela, on peut dire impur au licii d'immonde ; el
c'est critiquer à plaisir que de prétendre que Vesprit
impur n'est pas une expression correcte.
Mots composez de in. — Nous disons fort bien impec-
cable, intarissable, innombrable, inépuisable, etc. , et
cependant, l'on ne dit point ^ecc«We, nombrable, épui-
sable, etc.
Il y a des mots composés en in qui sont inusités au
simple, quand la proposition est affirmative, et usités
quand elle est négative, tels que incompatible, incon-
solable, inconcevable, inexplicable ; on dit bien, par
exemple, cela n'est pas concevable, et l'on ne dira pas
(7 est consolable.
Avoir de la jalousie. — On dit avoir de la jalousie
d'une chose, mais on ne dit point, comme font certains
auteurs, amir de la jalousie de quelqu'un; il faut dire
contre quelqu'un.
Il se dit que. — D'après Andry, cette expression est
une phrase barbare.
// n'y a si. — Cette façon de parler n'est que du
style médiocre et du discours familier ; mais elle y est
très-élégante : // ii'tj eut si petit espace qui ne fut rempli
de ses troupes, dit Vaugelas. Dans le discours sublime,
Andry aimerait mieux un autre tour, quand même
il serait plus long.
Imiter. — Ne se dit que du moindre au plus grand
ou d'égal à égal, et une personne qui parle bien ne dit
point, par exemple. Dieu imite les homines, à moins
qu'il ne veuille dire que Dieu prend quelquefois plaisir
à s'abaisser jusque-là.
Immisericordieux, Impieusement , Incharitable. —
On ne voit aujourd'hui (1693) que précieux et que pré-
cieuses affecter ces sortes de termes. Est-il utile de dire
que ces mots ne se disent pas plus que intheologien et
imphilosophe ?
Idole. — Certain auteur dont Andry a déjà signalé
bien des fautes, prétend qvi'idolr ne convient qu'à des
figures fabriquées pour être l'objet d'un culte religieux ;
il a voulu dire d'un culte superstitieux, ou bien d'un
culte divin ; car nos images, par exemple, ne sont pas
des idoles. En français, nous appelons idole les spectres,
les « phantômes » et tout ce qui n'ayant qu'une appa-
rence de vérité peut imposer aux yeux : Orphée croyait
ramener Euridice, et il ne trouva qu'une vainc idole.
Il n'y a pas d'apparence. — C'est une expression fort
irrégulière, mais fort en usage : voila un grand orage,
il n'y a pas d'apparence de partir par ce tems là,
c'est-à-dire il n'y a pas moyen de partir. Il y a là ellipse
de qu';7 soit raisonnable. Il y a peu d'expressions irré-
gulières dans notre langue dont on ne pût rendre raison
si l'on voulait un peu les examiner.
Inventer le premier. — Il semble à quelques per-
sonnes qu'il suffit de dire inventer sans ajouter leiive-
mier; mais Vaugelas ainsi que d'autres auteurs ne
faisant pas de difliculté pour empkner cette expression,
on peut parfaitement s'en servir : les raffinements gâtent
tout en matière de langage.
{La suite au prochain numéro.)
Le Réuacteuh-Géuant : Eman MARTIN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
175
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
La Traite des blondes, par Amédée Achard. Nou-
velle édition. In-18 jésus, 288 p. Paris, lib. Calraann
Lévy. 1 fr. 25.
Pailles et Poutres, critique des mœurs d'aujourd'hui;
par Alfred Bougeart. In-18 jésus, .\ii-20i p. Paris, lib.
Lenierre.
La France sous Louis XVI; par M. Alphonse Jobez,
ancien représentant. T. I. Turgot. Réformes accordées
(mars 1876). Réformes retirées (août 1876). In-8», vii-
556 p. Paris, lib. Didier et Gie. 6 fr.
Les Cinq livres de Rabelais, publiés avec des
variantes et un glossaire par P. Chéron, et ornés de ouze
eaux-fortes par L. Boilvin. Livre V : Pantagruel. In-16,
xvn-307 p. et 2 gr. Paris, lib. des Bibliophiles. 10 fr.
Trois poètes condomois du XVI= siècle. Etudes
biographiques et littéraires sur Jean Duchemin, Jean-
Paul de Labeyrie, Gérard-Marie Irabert; par Léonce
Couture, rédacteur en chef de la Revue de Gascogne,
In-S", 111 p. Paris, lib. Claudin.
Le Livre des psaumes. Ancienne traduction fran-
çaise publiée pour la première fois d'après les manuscrits
de Cambridge et de Paris, par Francisque Michel,
correspondant de l'Institut de France. In-li" à 2 col.,
xi-3/i3 p. Paris, Impr. nationale.
Voyage au pays des éléphants; par Louis Jacol-
liot. Illustrations d'E. Yon. 3° édition, ln-18 jésus,
355 p. Paris, lib. Dentu. à fr.
Œuvres poétiques de Malherbe, réimprimées sur
l'édition de 1630, avec une notice et des notes par Pros-
per Blanchemain. In-16, xi-325 p. Paris, lib. des Biblio-
philes. 3 fr.
La Princesse de Clèves; par Mme de La Fayette.
In-16, vHi-239 p. Paris, lib. Lemerre. 2 fr. 50 cent.; sur
papier vélin, 5 fr.; sur papier de Chine, 15 fr.
Œuvres complètes de Beaumarchais. Nouvelle
édition, ornée de quatre dessins coloriés, dessinés par
M. Emile Bayard. In-12, vni-505 p. Paris, lib. Laplace,
Sanchez et Gie. 3 fr. 50.
Alice, roman d'hier; par Arsène iïoussaye. In-18
jésus, vu-28o p. et grav. Paris, lib. Dentu, 3 fr. 50.
Œuvres de J. de La Fontaine, d'après les textes
originaux ; suivis d'une notice sur sa vie et ses ouvrages,
d'une étude bibliographiqne, de notes, de variantes et
d'un glossaire, par Alphonse Pauly, de la Bibliothèque
nationale. Contes. T. L In-S", û23 p. Paris, lib. Lemerre.
10 fr.
Œuvres poétiques de Boileau-Desprèaux. Nou-
velle édition, collationnée sur les meilleurs textes et
renfermant une annotation générale d'après tous les
commentateurs , des sommaires historiques et analy-
tiques, etc., par M. Ch. Aubertin. Iu-12, xix-292 p. Paris,
lib. Belin.
Les Aventures de Télémaque, suivies des aven-
tures d'Aristonoûs ; par Fénelon. Contenant des notes,
les passages des auteurs anciens' traduits ou imités, et
des observations générales sur chaque livre, par M. Ma-
zure. Nouvelle édition, à l'usage des collèges, etc. In-12,
625 p Paris, lib. Belin.
Grammaire française; par Alain Gouzien, professeur
au collège de Brest, /i" édition, augmentée d'un traité
élémentaire de la versification française; par Louis Gou-
zien. ln-8°, 228 p. Paris, lib. de l'Écho de la Sorbonne.
Louis xm et Richelieu, étude historique accompa-
gnée des lettres inédites du roi au cardinal de Richelieu;
par -Marius Topin. 3« édition. In-12, x-i/i9 p. Paris, lib.
Didier et Cie. 3 fr. 50.
Le Livre d'un père; par Victor de Laprade, de
l'Académie française. In-18 jésus, 251 p. Paris, lib.
Hetzel et Cie. 3 fr.
Publications antérieures:
LE LIVRE DES MANIÈRES. — Par Etie.nm; de
FouQÈRES, évêque de Rennes (1168 1178). — Auloriraphié.
— Publié pour la première fois d'après le manuscrit de
la bibliothèque d'Angers. — Par F. T.\lbert, docteur ès-
lettres, professeur au Prytanée militaire de La Flèche et
à l'Université libre d'Angers. — Paris, E. Tliorin, librairie
du Collège de France, 7, rue de Médicis.
SOUVENIRS DE LA LANGUE D'AUVERGNE ,
essai sur les idiotismes du département du Puy-de-Dôme.
— Par Francisque Mège. — Paris, Auguste Aubry ,
libraire-éditeur, 16, rue Dauphine. — Prix : 3 fr. 50.
COURONNE POÉTIQUE DU PRE.MIER AGE, choix
de poésies modernes, recueillies et mises en ordre par
M. P. Poitevin, auteur du Cours théorique et pratique de
langue française. — Deuxième édition. — Paris, librairie
Firmin Didol, frères, fils et Cie, 56, rue Jacob.
LACRYM.E RERU.M — Poésies - Par Llciex P.vté.
— 2" édition. — Paris, librairie des Bibliophiles, rue
Saint-Honoré, 338. — Prix : 2 fr.
ILLUSTRATIONS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.
— Poètes et Prosateurs. — xix« siècle. — Extraits des
œuvres les plus remarquables des écrivains modernes.
Par M. P. Poitevin, auteur du Cours théorique et pra-
tique de langue française. — Deuxième édition, enrichie
d'un très-grand nombre de nouveaux articles et de mor-
ceaux inédits. — Paris, librairie de Firmin Didol et Cie,
imprimeurs de l'Institut, 56, rue Jacob. — Prix : 3 fr.
EUGENIE LAMOUR, mémoires d'une femme. — Par
Marius Roux. — Paris. E. Dentu, éditeur, libraire de la
Société des Gens de lettres^ Palais-Hoyal, 15-19, galerie
d'Orléans. — Prix : 3 fr.
^76 LE COURRIER DE VAUGELAS.
HISTOIRE
DE LA
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Par De'siué NISARD, membre de l'Académie française.
Cette nouvelle édition, complètement revue par l'auteur, forme une véritable bibliothèque historique et littéraire,
où sont conservés les plus précieux trésors de notre langue.
Le tome I"' est une introduction à l'histoire de la littérature française; — le tome II contient l'histoire de cette
littérature depuis l'époque de la Renaissance jusqu'aux premières années du seizième siècle ; — le tome III traite
des premiers modèles de l'art d'écrire en prose et en vers et de l'influence, soit de certaines institutions, soit du
gouvernement et de là royauté sur la littérature du dix-septième siècle ; — le tome lY embrasse le dix-huitième tout
entier, et se termine par une appréciation générale des principales richesses littéraires de notre époque.
SIXIÈME ÉDITION, RÉCE.MMENT PARUE.
Quatre VOLUMES : format in-18 jésus, 16 fr.; — format in-8°, 30 fr.
A Paris, librairie de Firmin Didol frères, fils et Cie, 56, rue Jacob.
CONCOURS LITTÉRAIRES.
L'Académie française propose 1' « Eloge de Butfon » pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Ils devront
porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce billet contiendra le
nom et l'adresse de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au Concours ne seront
pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Société florimontaxe d'annecy. — Concours de Poésie. — Le prix de 600 fr. fondé par le docteur Andrevetan sera
décerné en 1877. — Le choix du sujet ou des sujets est laissé aux concurrents. Le nombre minimum des vers pré-
sentés par le même auteur est fixé à cent. — Les auteurs devront déclarer par écrit que leurs travaux sont inédits
et n'ont été présentés à aucun autre concours. — Les concurrents qui se feraient connaître seraient exclus : les
envois porteront une épigraphe qui sera répétée à l'extérieur d'un billet cacheté indiquant le nom et le domicile de
l'auteur. — Les manuscrits resteront acquis aux archives de la Société; les auteurs pourront en prendre copie. —
Les Français et les Etrangers membres de la Société Florimontane sont seuls admis à concourir. — Les travaux
devront parvenir franco à M. Louis Revon, secrétaire de la Société, avant le 1" juillet 1877.
Le dix-huitième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le 1" juin 1877. — Dix-sept médailles
or ar''ent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste C.vrrancb,
président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
La société nationale d'éducation de Lyon destine, pour 1877, un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur ce
sujet • Jusqu'à quel point V étude des théories et des définitions grammaticales est-elle nécessaire dans l'enseignement
primaire pour apprendre la langue et l'orthographe^ Le prix sera décerné dans la séance publique de 1878 sous le
nom de Prix de la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" novembre prochain, à
M. Palud, libraire, û, rue de la Bourse. — Pour plus amples renseignements s'adresser à M. J.-B. Mathey, secrétaire
général de la Société.
RENSEIGNEMENTS OFFERTS AUX ÉTRANGERS.
Tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés, le Rédacteur du Courrier de Vaugelas indique aux Etrangers
qui lui font l'honneur de venir le consulter :— 1° des professeurs de français;— 2° des familles parisiennes qui reçoivent
des pensionnaires pour les perfectionner dans la conversation française; — 3° des maisons d'éducation prenant un soin
particulier de l'étude du français ; — W des réunions publiques (cours, conférences, matinées littéraires, etc.), où se
parle un très-bon français ; — 5- des agences qui se chargent du procurer des précepteurs, des institutrices et des
gouvernantes de nationalité française.
(Ces renseignements sont donnés gratis.)
M. Eman Martin, Rédacteur du Cocrbier de Vacgelas, est visible à son bureau de trois à cinr/ heures.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUPELEY A Nogent-le-Rotrou.
7<î Année.
N» 23.
l" Mai 1877.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le 15 de ehaane mol*
{Dans sa séance du \2 janvier 187.i, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'étranger. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours littéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ETRANGERS
Olïicier de l'inslniclion publique
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et partent tous de la nit^nie
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
IMPORTANT.
Les personnes qui n'ont pas l'intention de renouveler
leur abonnement au Courrier de VircELAS à la fln de
la présente année, sont instamwcn/ priées de vouloir
bien ne pas attendre plus longtemps pour en informer
le Rédacteur.
SOM.MAIRE.
Communicalion sur Pcquin et sur Tirer ion épingle du jeu ; —
Origine de Se faire blanc de son épée ; — Analyse de Que
après Ce; — Origine de Se retirer sous sa tente; — Emploi
du mot Idenliié; — D'où vient Jurer comme un sacre; — Le
tréma sur Poème et Poète. \\ Emploi et origine de Sonate,
que me veux-tu ? — Signification de Paraguante ; — Origine
de l'expression Ils ne sont pas cousins; || Passe-temps gram-
matical. Il Suite de la biographie de Nicolas Andry. \\ Ouvrages
de grammaire et de littérature. || Concours littéraires. ||
Renseignements à l'usage des Français.
FRANCE
COM.MUiMCATlON.
J'ai reçu la lettre suivante au sujet de questions
traitées dans mon numéro 1S :
.Nancy, le 26 février 1877.
Monsieur le Rédacteur,
J'ai riionneur de vous soumettre ci-après quelques
observations au sujet des étymologies contenues dans votre
numéro du 15 de ce mois.
1° Péquin. — Les militaires du premier empire, qui
avaient fait la guerre d'Espagne, parlaient souvent de la
profusion avec laquelle les liabitants employaient le mot
pequeho (petit).
L'alcade du village où l'on venait loger accourait au-
devant des troupes, et pour atténuer les réquisitions qu'il
craignait, décrivait ses concitoyens comme de bien pauvres
gens — pequena gente — lui-même hombre mu'j pequeiio
« un bien pauvre diable » et les siens, pequeîios. pobreiitos
« pauvres petits ». J'ai entendu dire par les narrateurs que
de pequcno l'on avait fait pcquin, dans le sens d habitant de
la classe civile.
Remarquez l'analogie de cet ordre d'idées avec la cou-
tume de beaucoup de militaires ayant servi en .^f^ique
qui appellent, en France, les bourgeois des colons. L'une
et l'autre expression entraînent d'ailleurs une idée légère-
ment railleuse et péjorative.
'2' Tirer son épingle du jeu. — Epingle signifie aussi
bénéfice personnel — le pot de vin — les épingles dans
un marché, profit supplémentaire. Tirer son épingle du
jeu reviendrait à ce qui a lieu souvent dans un marché
désavantageux pour les contractants, où l'agent d'affaires,
désintéressé dans le fond, n'en retire pas moins le béné-
fice particulier de son intervention, les épingles, ou son
épingle, par corruption du dicton primitif.
Agréez, monsieur le Rédacteur, les salutations empres-
sées de
Votre abonné
Gustave Leblanc.
Le mot pérjuiii existait eu français comme terme de
mépris avant la guerre d'Espagne (il se trouve dans le
Diclionnaire du bas-tanijagc publié par D'Haulel en
^S08); mais il n'avait pas alors l'acception de &oî</'yco/.s-,
qu il a prise et conservée exclusivement depuis.
Or, il s'agit de savoir d'où vient cette acception.
Les uns, comme .\1. Gustave Leblanc, pensent qu'elle
vient Ae, pcqiieno; les autres, comme .M. Lillré, croient
qu'elle vient de pékin, étoffe. Qui a raison ?
A coup sûr, il est bien difficile de le dire; seulement
quand je considère :
1° Que dans la plupart des mots espagnols qui ont
passé en français, nous avons traduit par (jn toute n
avec une tilde qui pouvait s'y rencontrer [musaraiia, ma-
&a.ra\gne\ pano, pagne; cliioria, duègne, etc.), et que, par
conséquent, nos soldats n'ont pas dû rendre par /^rçî//»
ce qu'ils entendaient souvent et distinctement prononcer
péquégiio ;
•T Que le pékin, étoffe, qui pcrmcUail si facilement
de distinguer à première vue un civil d'un militaire,
fut à la mode bien avant 1813, époque à laquelle nos
premières troupes revinrent d'Espagne sous la conduite
du maréchal Soult;
• Je ne puis m'cmpêcher de croire, quoique je manque
de texte établissant que pcquin s'employait par nos
ns
LE COURRIER DE VAUGELAS.
soldats pour désigner les bourgeois avant ^8^3, que
c'est plutôt le nom du tissu chinois que pequeho qui a
donné péquin^ dans le sens moderne.
Quant à ce qui concerne tirer son épingle du jeu, je
regrette de ne pas encore me trouver de l'avis de M. Gus-
tave Leblanc, et voici pourquoi :
Attendu que le mol éphujie désignant une légère aug-
mentation du prix principal d'un marché a toujours dû,
à mon avis, être mis au pluriel (car très-probablement
cette augmentation a été réclamée, dans l'origuie, pour
que la femme du vendeur s'en achetai non une épingle,
mais des épingles) ; et que, dans le proverbe tirer son
épingle du jeu, on n"a jamais vu, que je sache, ni en-
tendu épingle employé au pluriel, il s'en suit naturelle-
ment que ce proverbe ne peut en aucune sorte faire
allusion à épingle signifiant profit supplémentaire.
X
Première Question.
Quelle est l'origine de la locution se faire blamc de
SON e'pée; ef à quelle époque remonte-t-elle?. Je ne la
trouve pas dans le Courrier de Vacgelas dcjmis la
4^ année, et je ne sais si vous l'arez traitée dans les
trois premières.
L'origine de cette expression a été donnée en ces
termes dans la 2"' année, p. 83 de ce journal :
Le blanc est le symbole de l'innocence ; vous savez
qu'on dit familièrement de quelqu'un qui a commis une
faute : il n'est pas blanc.
Se faire blanc, c'est donc trouver le moyen de se discul-
per, de s'innocenter; et, si l'on ajoute de son e'pc'e, l'expres-
sion fait allusion à ce qui se passait autrefois dans les
combats judiciaires, où celui-là était réputé innocent qui
avait tué sa partie adverse.
Quant à la naissance de ladite expression, il parait
bien évident, d'après l'explication précédente, quelle
remonte aux combats judiciaires, qui durèrent depuis
les temps de l'invasion des barbares ila loi Gombelte ou
des Bourguignons en fait déjà mention) jusqu'à l'époque
où saint Louis substitua la preuve par témoins au
seul « jugement de Dieu » ; mais il m'est impossible
pour le moment de lui assigner une date plus précise.
Si quelque lecteur du Courrier de law^re/ai.- allait être
plus heureux que moi, je lui serais reconnaissant de me
faire connaître le plus tût possible la solution que je
regrette de ne pouvoir vous donner moi-même.
X
Seconde Question.
Comment analysez-vous le qce de la phrase suivante,
qui, je crois, est de madame de Sévigné : « C'est une
sorte de vie étrange que eellc de prorince; on- fait des
affaires de tout ». Je serais content de lire votre réponse
dans un prochain numéro.
Quand une phrase a pour sujet un substantif, pour
verbe <'irc et pour nttrihul un autre substantif, on peut
en construire les |iarlios dans l'ordre suivant : d'abord
le verbe, ensuite l'attribut, et enfin le sujet; mais cela,
a la condition expresse do faire précéder le verbe de ce,
et le sujet de que. C'est en vertu de celle règle qu'au
lieu de :
La vie de province est une vie étrange,
l'auteur de la phrase que vous m'avez adressée a pu
dire :
C'est une vie étrange que celle de province.
Or, dans cette tournure, quel rôle joue que?
Il, est tout simplement mis là pour avertir, concur-
remment avec ce, qu'il y a une inversion.
En conséquence, je crois qu'on l'analyserait bien
en disant : « que, concomitant de ce qui annonce la
transposition du sujet à la fin de la phrase, laquelle,
sans inversion, aurait la forme suivante: la vie de
province est une vie étrange ».
A propos d'analyse, permettez-moi de vous dire quel-
ques mots relativement à la manière dont j'aimerais
qu'on la fit dans les écoles.
Selon moi, l'analyse doit être un exercice oral divisé
en deux parties : la première, oii le maître s'assure si
les élèves savent bien reconnaître, sur un texte donné
d'avance, les espèces de mots, leurs fonctions dans la
phrase, les diverses propositions, etc. ; la seconde, où
prenant un à un les mots qui composent ledit texte, il
demande les dérivés de ces mots, leurs synonymes,
leurs sens dill'érents, ce qu'ils peuvent offrir de remar-
quable dans leur emploi, leur prononciation et leur
orthographe, les proverbes dans lesquels ils entrent.
Je sais par expérience qu'ainsi pratiquée, l'analyse
produit les meilleurs résultats.
X
Troisième Question.
J'ai lu ceci dans un journal : « Après la conférence,
cette belle entente a été détruite : l'Angleterre, la
France, l'Italie, l'Allemagne SE sont retire'es sous
LEURS textes, et ont manifesté l'intention d'attendre les
événements ». Voudriez-vous bien me dire d'oii vient
l'expression se retirer sous sa tente '?
Chrysès, prêtre d'Apollon, s'est rendu au camp des
Grecs pour racheter sa fille, qui a été adjugée comme
captive à Agamemnon. Celui-ci a repoussé Chrysès avec
dureté; mais Chrysès a supplié Apollon de venir à son
aide, et ce dieu a envoyé une contagion qui décime
l'armée. Achille a convoqué une assemblée, dans laquelle
le devin Calchas a annoncé que la colère d'Apollon venait
de l'outrage fait à son prêtre, et qu'il ne serait apaisé
que lorsque Chryséis aurait été rendue à son père.
Irrité de la réponse du devin, Agamemnon a consenti
à rendre sa captive, pourvu qu'on lui donnât une autre
récompense : cette prétention a fait naître entre Achille
et lui une très-vive altercation, où Achille menace
d'abandonner l'armée :
Homme revêtu d'impudence et passionné pour le gain,
lui dit-il, comment se peut-il qu'un seul des Grecs se
soumette volontairement à tes ordres; soit qu'il faille
aller en embuscade, ou attaquer vigoureusement l'en-
nemi? Je ne suis pas venu combattre sur ces bords par
haine des Troyens, armés de la lance I car ils ne sont point
LE COURRIER DE VAUGELAS.
179
coupables envers moi, jamais ils n'ont enlevé mes génisses
ni mes chevaux; jamais dans la Phthie, féconde nourrice
(les guerriers, ils n'ont ravagé nos moissons : car entre
eux et nous, il y a bien des montagnes ombragées et bien
des flots retentissants. C'est toi que nous avons suivi,
liomme sans pudeur, pour réjouir ton âme, pour venger
l'affront que les Troyens vous ont fait, à Ménélas et à toi,
œil de chien! Mais tu n'as de ces bienfaits ni souci, ni
souvenir, et voilà que tu menaces de m'enlever de ta
propre main la récompense que j'ai méritée par mes
fatigues et que m'ont donnée les fils des Grecs. Jamais
d'ailleurs je n'ai eu une part égale à la tienne lorsque les
Grecs ont ravagé quelque ville populeuse des Troyens. Ce
sont pourtant mes mains qui soutiennent le plus grand
poids de celte rude guerre ; mais quand vient le partage,
ton lot est de beaucoup supérieur au mien; et moi, il
faut que je me contente de porter dans mes vaisseaux une
part médiocre après que je me suis fatigué dans le combat.
Or, je m'en retourne à Phthie; car il m'est beaucoup plus
avantageux de me retirer chez moi avec mes navires à la
poupe recourbée, et je ne pense pas qu'après m'avoir ainsi
outragé, tu doives te gorger de richesses et.de biens.
C'est de ce passage de Vlliade (Irad. Pessonneaux,
3' édition), qu'a été tirée l'expression proverbiale se
retirer sous sa fente, pour signifler cesser, par contra-
riété, de prendre part à une action commune.
Toutefois, il est à remarquer que le mot tente n'est
point prononcé par le flls de Pelée, et qu'il se trouve
seulement quelques lignes plus loin, dans la réponse
d'Agamemnon :
Et voici la menace que je t'adresse : puisque Phébus-
Apollon m'enlève Chryséis, je la renverrai sur un de mes
navires avec mes compagnons; mais j'irai moi-même à ta
tente, et je te ravirai Briséis, aux belles joues, celle qui
fut ta récompense.
X
Quatrième Queslion.
Tous les jours, on voit des journaux annoncer des
suicides dont 1rs victimes n'ont rien laissé qui pût les
faire reconnaître: alors ils disent yénérnlement rjne
a /'iDEXTiTÉ de Vindividu n'a jm être reconnue ». Pen-
sez-vous que ce terme soit réellement celui qu'il con-
vient d'employer dans celte circonstance ?
J'en suis persuadé : identité, qui vient du latin
idem, le même, est bien le mot qu'il faut employer
ici, et il me sera facile de vous le démontrer au moyen
de quelques exemples :
r Une personne, prise pour un voleur, est arrêtée
par les sergents de ville et conduite au poste. Comment
se fera-t-elle relaxer'? En prouvant qu'elle est la même
que telle autre qui n'a |ias maille à partir avec la ])0-
lice ; ou, en d'autres termes, en prouvant son identité
(avec cette autre personne).
2 " Un individu, absent depuis beaucoup d'années, vient
réclamer ses biens de famille; mais pour se les faire
rendre, il faut qu'il prouve qu'il est bien le nuhne que
l'individu qui doit posséder ces biens, ou, pour autre-
ment dire, qu'il prouve son identité (avec ledit indi-
vidu).
3" Quelqu'un est assassiné ou se suicide, cl rien
n'est trouvé sur lui qui jiuissc servir à le faire recon-
naître. La justice cbercbc la preuve que le corps
inanimé est bien le même que celui d'une certaine per-
sonne connue; elle cherche à établir it/« /f/e«^//e (avec
celui de cette personne).
Certainement les journaux ne respectent pas toujours
la langue; mais il faut reconnaître que lorsqu'ils em-
ploient identité en parlant d'un cadavre, ils sont là
parfaitement dans leur droit.
X
Cinquième Question.
J'ai entendu dire assez souvent de quelqu'un qui fait
de (jros jurements qu'iL jure comme r\ sacke. Qu'est-ce
que cela veut dire au juste ?
Au propre, le sacre est un grand oiseau de proie du
genre faucon.
Au figuré, c'est un homme capable de toutes sortes
de rapacités et môme de crimes, comme le monlrenl ces
exemples :
Car nous disons : c'est un sacre, de celuy qui en quelque
lieu qu'il puisse mettre les mains, happe tout, racle tout,
et en somme auquel rien n'échappe.
(H. Estie.ine, Proj. de la Précell.')
Ce maréchal de Joyeuse était une manière do sacre et
de brigand, ([ui pilloit tant qu'il pouvait.
(Saint-Simon, 37S, 6.)
L'abbé Dubois... était en plein ce qu'un mauvais français
appelle un sacre, mais qui ne se peut guère exprimer
autrement.
(Idem, 3ijo, i3.)
Or, un bomme d'un tel caractère ne doit rien respec-
ter; il jure sans la moindre retenue comme il prend le
bien d'autrui sans le moindre scrupule. Voilà pourquoi
on dirait ,/(//"er comme un sacre.
Mais Génin a donné une aulre élymologie [Récr.pltil.,
vol. I, p. 55) ; sacre_ serait ici Vhomo sarer des Latins, ou
simplement le sacer, un maudit, un homme frappé
d'analhème, un sacrilège, un infâme, mot qui, d'après
Freund, ne se trouverait que dans les poètes et dans les
prosateurs postérieurs à Auguste :
.... Ego sum malus,
Ego sum saccr, scelestus.
(Plante, les Bacchis, acte IV. se. 6, v. 8a5.)
« Oui, je suis un méchant, un sacre, un scélérat ».
Laquelle de ces deux solutions faut-il adopter? Quand
on dît d'un homme qu'il jure comme un sacre, faît-on
allusion à un homme qui ressemble par le moral à l'oi-
seau appelé sacre, ou au sacre, le maudît, que le latin
appelle sncer .'
Je croîs ([ue c'esl la seconde, et voici des raisons qui
paraissent militer en sa faveur :
r Etant arabe, le mot sacre, oiseau, a dû être admis
en français bien plus tard que sacre, quî se trouve sous
la forme .s-rtcc/' en lalîu; c'est donc, probablement, ce
dernier qui entre dans le proverbe en question.
2" Je ne doule pas que celui qui pille, vole, et fait
main basse sur tout ne puisse être un grand jureur;
mais il me semble que le maudît, le damné, celui qui
n'a plus à compter sur aucune miséricorde, a la répu-
tation de jurer bien plus encore, et que, par consétpient,
c'est son nom qui est cnlré dans l'expression (|uîl
s'agissait de vous expliquer.
ISO
LE COURRIER DE VAUGELAS.
X
Sixième Question.
Selon VOUS, vaut-il mieux met Ire iin tréma qu'un
accent aigu sur les mots i'Oëme, poëte, etc. ?
Tous les autres membres de la famille à laquelle ap-
parliennenl/Jo/->np el^joc'7e, reçoivent sur IV qui suit o
un accent aigu, lequel se change en accent grave quand
la finale suivante devient muette :
Enivrons-nous de poésie^
Kos cœurs n'en aimeront que mieux.
(Béranger, les Sciences,)
Je sus, prenant l'essor par des routes nouvelles,
Elever assez haut mes poétiques ailes.
(Boileau, Epitrc, X. )
Maître Clément, ce grand forgeur de mètres,
Si doucement n'eût su poétiser.
(J.-B. Rousseau, Ep-, III, 4.)
Par conséquent, il me semble logique, quoique plus
d'un lexicographe ne l'admette pas, entre autres M. Liltré,
que l'on surmonte aussi des mêmes accents les mots
poème &\, poète.
On peut, du reste, donner encore d'autres motifs
pour justifier celte manière d'écrire :
^'> L'accent (aigu ou grave) indique tout aussi bien
que les deux points qu'il faut prononcer séparément l'o
et l'e; et, de plus, il a sur eux un avantage qui n'est
pas à dédaigner, celui de marquer avec précision la
prononciation de l'e.
2» Dans notre langue, le tréma ne se met géné-
ralement que sur une voyelle qui peut faire diphthongue
avec la vo^elle précédente.
ÉTRANGER
Première Question.
Il ne suffit pas de connaître une expression, il faut
encore en savoir faire un usage convenable. Aussi
viens-je vous demander dans quel cas on emploie
SONATE, QDE ME VErx-TD ? cl, par la même occasion,
d'oii lient cette drôle d'expression ?
Le mol sonate vient de l'italien sonata, participe de
sonare, et désigne une pièce de musique jouée, dans
l'origine, seulement sur des instruments à cordes et à
vent, et aujourd'hui, sur des instruments quelconques.
C'est à Fontenelle qu'est due la plaisante apostrophe
qui a logé sonate dans ^expression dont il s'agit;
d'Alemberl nous en fournil la preuve dans le passage
suivant [(ouvres, l. II, p. /.03i :
Toutf musique instrumentale, sans dessein et sans
objet, ne parle ni à l'esprit ni à l'àme, et mérite qu'on lui
demande nrec Fontenelle: Sonate, que me veux-tu?
L'auteur de la J'iura/ilè des Mondes était sans doute
un philosophe spirituel et un causeur aussi aimable ([ue
piquant ; mais cet esprit fin élail indillérenl et froid ;
inaccessible à aucune émotion, il se vantail de n'avoir
jamais fait ha I ha! cl raérilail de M'"'' de Tcncin le
reproche de n'avoir pour cœur que de la cervelle
« comme dans la léte ».
Rien d'étonnant à ce qu'une organisation pareille
n'aimât pas la musique, dit Kastner, et qu'elle ait fait
pa\er la sonate pour le reste.
Du temps de Fontenelle, la sonate était un des mor-
ceaux les plus en vogue, et son exécution ne durait pas
moins de vingt minutes. C'est très-probablement dans
un salon où l'on se préparait à écouter quelque virtuose
que notre philosophe, arraché à une conversation qui
lui plaisait, et forcé de changer son rôle de causeur
brillant et écouté pour celui d'auditeur muet et attentif,
aura laissé échapper la boutade devenue proverbiale :
Sonate, que me veux-tu ?
Quant à l'emploi de celle expression, il découle natu-
rellement de la circonstance présumableoù elle est née.
Elle peut se dire, par conséquent, par toute personne
(danseur, parleur, politique ou autre) qui, dans un
salon, éprouve quelque contrariété à voir poser sur le
piano les flambeaux devant éclairer le personnage qui
se dispose à chanter.
Mais cet emploi ne se borne pas là, car le Diction-
naire de Bescherelle donne à entendre que Sonate, ijue
me veux-tuf peut se dire, et se dit en effet de toute
chose fatigante pour Tesprit.
X
Seconde Question.
Que signifie rARACCAivTE que votre Molière a employé
dans sa pièce de /'Étourdi, acte IV, scène 9, et peut-
on encore aujourd'hui se servir de ce mot ?
Le mol paraguan le signifie présent fait à quelqu'un
pour reconnaître un service qu'il nous a rendu ; on dit :
Voilà une bonne paraguanle.
On l'accuse d'avoir reçu des paraguanies.
C'est un terme espagnol composé de para, pour, et
de f/uanle, gant (pour les gants), lequel, selon toute
probabilité, a été introduit en France à l'époque où la
langue et les usages de l'Espagne eurent à notre cour
une si grande influence.
Ce mot s'employait encore très-bien au xviii'^ siècle,
car on le trouve dans cette phrase de Gil Blas (liv. viii,
ch. 2), roman dont la première partie parut, comme on
sait, en 1715 : ' ■
On diroit qu'il partage avec lui l'autorité de premier mi-
nistre, puisqu'il fait donner des charges et des gouverne-
ments à qui bon lui semble. Le public en murmure sou-
vent; mais c'est de quoi il ne se met guère en peine,
pourvu qu'il tire des paraguantes d'une alîaire, il se soucie
fort peu des èpilogueurs.
.Mais aujourd'hui, puraguante a (juclque peu vieilli,
et on le remplace le plus généralement par pot-dc-vin,
en parlant des hommes, et par épingles, en parlant des
femmes. Du reste, l'expression épingles est celle qui
lavait précédé, comme le montre cette citation prise
dans Henri Eslienne :
De là 1.1 coul\inie en Italin d'appeler manica ces petits
présents qu'en France on nomme épingles, et que les Kspa-
gnols appellent des paraguanies.
{Apolo'jie pour Hérodote, vol. 1, p. io)
LE COURRIER DE VAUGELAS
481
• X
Troisième Question.
Pourquoi dil-onde deux hotnmes qui ne sont pas bien
ensemble qu'its ne sont pas cousins? Je serais curieux
de coiinai/re l'ejpliralion de ce dicton qu'on a souvent
l'occasion d'entendre, dans la conversation française.
An xui" siècle, le mot cousin (latin consobrinvs, de
cum, avec, et de sobrinus, cousin), en était venu à
s'employer pour désigner tous les parents d'une même
famille; en voici la preuve évidente :
Nos apelons coisiiis toz cez que la loi apèle parenz de par
père ou de par mère.
[Livres de Josticc, p. 25l.)
Au xvi% il s'employait dans le sens A'ami, ce que
montre également cet autre exemple :
L'apotliicaire le mène disner en son logis. Après disner,
ayant toujours continué ses premiers propos, ils furent
incontinent cousins.
[Des Periers, Contes, LXI.)
Or, depuis ce temps, où le roi qualifiait de cousins\es
ducs, les maréchaux et les grands officiers de la cou-
ronne, ce mot s'est conservé dans la même acception, et
voilà pourquoi on peut dire de deux hommes fâchés
l'un contre l'autre qu'ils ne sont pas cousins.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
5° Il semble que nous n'ayions pas fait un seul pas,
depuis la chute de l'ordre moral, puisque, derrière le mi-
nistère nominatif, toute l'action gouvernementale est restée
aux mains des hommes de ce temps-là.
6° Ce sentier, je suis forcé de vous en donner une des-
cription détaillée, en raison des événements dont il était
destiné à devenir le théâtre.
7° C'est lui qui a créé dans l'Eure-el-Loir, à Sorel et au
Ménil, près de Dreu.x, ces deux colonies ouvrières, qui
sont, comme on l'a répété bien souvent, un progrès autant
qu'une bonne œuvre.
8° Qu'on n'oppose pas à cette supposition l'élection de
M. iNadaud, conseiller actuel, dans la Creuse, et celle de
M. Lockroy, ancien conseiller municipal, à Paris : tous
deux ont été élus à de tout autres titres qu'à celui de
conseillers municipaux de Paris.
0° Mes esquisses auraient le tort de nous écarter de
l'histoire â laquelle vous avez des droits, et que vous
n'avez pas encore vu poindre dans mes préambules.
{Les corrections à quinzaine.)
FEUILLETON.
Corrections du numéro précédent.
l°... une large bouche aux lèvres épaisses (l'adjeclif lippu
signifie gui a de grosses lèvres); — 2°... c'est tout autre chose
(cela signilie c'est une chose tout autre); — 3° L'entrée du
square, à raison des travaux (n cause des travaux) ; — 4°... bien
qu'il ne paraisse en avoir qu'environ trente-cinq {paraître ne
s'emploie pas avec un nom de temps immédiatement après lui) ;
— 5°... les yeux à moitié fermés (la particule mi ne se met pas
devant un adjectif); — 6'... avec laquelle, malgré qu'on en ait;
— 7°... les chasseurs que, de même que les années précédentes;
— 8"... (tans tout le (piarlier de Monlparn;issc (il faudrait que
Montparnasse fût un nom d'homme pour i[»'on put supprimer
de); — 9"... commence alors à dire papa Saint-Clair; —
10°... un mois au moins plus tard qu'on ne l'attendait; —
11°... l'impression attachante d'une histoire personnelle (ou un
autre mot, mais pas vécue).
Phrases à corriger
trouvées pour la plupart dans la presse périodique et
autres publications contemporaines.
1° Les Seigneuret avaient-ils du monde dans leur jardin,
vite ma mère se vèlissait d'une robe de travail, la plus
sale, la plus décousue.
2* J'ignorais que mon cousin jardinait pour son plaisir,
et ne prenais pas garde que mon père travaillait pour
vivre et faire vivre sa famille.
3° Les puissances reculent devant l'exercice de leur droit
par amour de la paix; la Russie n'a pas les mêmes scru-
pules et pousse jusiiu aux conséquences ultimes la poli-
tique d'intervention admise par l'Europe à la conférence.
4' D'aucuns penseront ([u'il aurait peut-être mieux valu
ne pas se mettre dans l'alternative désagréable de se déju-
ger ou de faire la guerre.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
(Suite.)
Latiniser, Franciser, Cathoiiser. — Ces mots sont
fort bons, quoiqu'un certain auteur n'en demeure pas
d'accord. Et pourquoi ne le seraient-ils pas quand
erangclisfr est reconnu bon par tout le monde?
Les puissances ecclésiastiques et séculières. — Un
auteur qui a fait des remarques sur la langue française
voudrait qu'on dit en répétant le mot puissance : les
puissances ecclésiastiques et les puissances séculières, ou
bien sans le répéter, les puissances ecclésiastiques et les
srculicres, parce qu'autrement, dit-il, il y aurait équi-
voque. Mais les meilleurs auteurs permettent de ne
point accepter sa règle.
Mal parler, Parler mal. — Ne pas confondre ces
deux expressions : parler mal, c'est se servir d'une
expression hors d'usage; mal parler, c'est dire des
paroles offensantes, surtout à ceux à qui l'on doit du
respect.
Marescageux. — 11 ne doit se dire que du lieu, du
pays où se trouve un marécage; d'une plante ou d'un
oiseau qui se plait dans un tel pays, il faut dire île
iiKiresrage.
Mesaises. — On dit bien les aises de la vie; mais
Aiidry doute qu'on puisse dire mesaises, quoi qu'un
auteur nouveau s'en soit servi.
Urner du bruit. — Celle expression n'agrée pas à
tout le monde; néaninoiiis Andry pense qu'elle est
bonne en parlant d'une armée, d'un train, d'un équi-
page cl de quelque allirail.
Mon, Ma. — Uuand un mol se doit prendre dans un
sens général, il ne faut point se servir de mon ni de
ma, mais de le cl de la ; par CAcmplc, il tic faut pas
482
LE COURRIER DE VAUGELAS.
dire ma lumière nufurel/r m'a fait connoitre telle
chose, mais bien /« lumière, etc.
Mot. — Andry ne comprend pas quelle faute ce peut
être de dire que gros-seigneur est un vieux mot qu'on
a fait revivre. Qui ne sait qu'on n'appelle pas seule-
ment du nom de mot les expressions qui consistent en
un seul terme, mais encore toutes celles dont les termes
sont liés ensemble par l'usage, pour porter tout d'un
coup à l'esprit l'idée de ce qu'on veut dire ?
Noms de la semaine. — Dans quelques provinces, on
fait l'inversion de di, c'esl-à-dire qu'on le met au com-
mencement du nom du jour : diliin, dimar, dimercre,
etc.; ce n'est pas ainsi qu'il faut parler.
Mots lafim. — Le génie de notre langue ne peut s'ac-
commoder de ces mots latins dont certaines gens ont
coutume d'entrelacer leurs discours, pour s'épargner la
peine de chercher des mots français qui puissent expri-
mer ce qu'ils veulent dire.
Mille pardons. — C'est une façon de parler assez or-
dinaire, je vous demande mille pardons. On ne demande
ni deux ni trois pardons, mais on demande bien deux
fois et trois fois pardon, il en est de même de mille, il
faut dire demander mille fois pardon.
\oms propres mal assortis. — Il ne faut pas dire
Paris, Lyon et Vaugelas se servent tous trois de ce mot.
Mis de la sorte, ces noms sont ridicules; il faudrait
pour qu'il n'y eût point de faute, que ces noms fussent
ou trois noms d'hommes, ou trois noms de pays.
On pour Je. — Il y a des occasions, dans une pré-
face, par exemple, où il est plus poli et plus modeste de
se servir de on, en parlant de soi-même que de se ser-
vir de je.
On. — Ce pronom ne se dit que des hommes et ja-
mais de Dieu; c'est une remarque dont plusieurs per-
sonnes ont besoin.
Originel, D'origine. — Il y a des personnes qui
aiment mieux [e péché d'origine que le pcchc originel;
c'est une délicatesse un peu « poussée ». Cependant
Andry assure que, dans un discours d'éloquence, le
péché d'origine serait peut-être meilleur que le péché
originel.
Vn livre qui parle. — C'est une faute que font mille
gens que de dire c'est un livre qui parle bien, ce livre
parle mal; il faut dire bien écrit, en beau langage.
Participer à, Participer de. — Lorsque participer
signifie entrer en partage, on dit participer à ; mais
quand il signilie tenir de la nature ou de la qualité
d'une chose, il faut \X\vt participer de.
Peinturer. — Ce mot, qui déplait tant à certains au-
teurs, peut néanmoins trouver sa place dans le discours;
il signihe ap[iliquer des couleurs sans art, tandis que
peindre, c'est représenter avec le pinceau la figure de
quelque objet, comme un oi.<eaii. un arbre, un homme,
etc. Andrj s'etonno (jue Richelet et Furcliere se soient
trompés là-dessus.
Phrases rudes. — Il faut éviter les phrases difficiles
a prononcer comme celles-ci, par exemple : Ir pain
dont nous nous nourrissons, c'est une inhumanité, etc.
l'fTsnnnc. — Un écrivain prétend qu'il vaut mieux
dire, en parlant d'un homme : atte personne que vous
m'avez fait si petite, qu'avec Voiture : cette personne
que vous m'avez fait si petit. C'est un tort, car le mot
de petit au masculin fait d'abord connaître qu'il s'agit
d'un homme et non d'une femme, au lieu qu'au fémi-
nin il ne détermine « à rien », et qu'on ne sait si ce
féminin est mis à cause du mot personne, ou s'il s'agit
d'une femme.
Perspicacité.^ — Andry ne croit pas qu'il soit sitôt
reçu ; car autrement, il faudrait approuver procacité de
pocox, fallacilé de fallcur, mendacité de menda.r, etc.
Pour lors. — Il y a des personnes polies et éclairées
qui condamnent ce mot, et qui prétendent qu'il faut
dire alors ; mais il y a en cela plus de dégoût que de
délicatesse, et selon Andry, cette expression est bonne.
Prest à mourir, Prest de mourir. — Ils signifient
tous deux qui est disposé à mourir, et s'il y a quelque
différence, elle n'est que pour le temps.
Heureux. — Dire que c'est une faute de prononcer
liureux au lieu de heureux, quoiqu'on l'écrive de cette
dernière façon, c'est condamner la prononciation de
toute la Cour et*faire voir une grande attache pour
la province.
Mo'ise. — Ce n'est pas comme on l'écrit qu'il faut
prononcer ce mot, mais bien Mouise.
Les finales en Ation. — C'est avoir bien de la défé-
rence pour le théâtre que de s'imaigner que, parce que
les comédiens \)rononcen[ passi-on , acti-on, etc., il faille
prononcer de même dans la prose; il n'y a que les Gas-
cons,, les Provençaux, et quelques autres provinciaux
qui prononcent de la sorte. Dans les vers, cette pronon-
ciation est bonne, mais non dans la prose.
Froideur. — Ce mot se prononce dans le figuré autre-
ment que dans le propre, comme le remarque fort bien
Richelet; on dit, par exemple, il lui a parlé arec
liraucoup de fraideur, et dans le propre on prononce
froideur.
Comment on prononce Faite. — La première syllabe
de ce mot se prononce diversement selon les occasions;
elle est longue à la seconde personne plurielle du
verbe foire, et elle est brève quand elle est au parti-
cipe; on dit, par exemple, la grâce que rous me faites,
en traînant sur la première syllabe, et au .participe, la
grâce que rous m'avez faite, en passant rapidement
sur cette syllabe.
Puis, Ensuite. — Le mot puis, pour ensuite ou après,
est un terme que certains précieux et certaines pré-
cieuses condamnent, mais que ceux qui savent la
langue emploient sans scrupule quand l'occasion s'en
présente; ce mot est même très-souvent nécessaire et
d'un grand secours dans les récits, pour ne pas tou-
jours répéter ses synonymes.
Quelque chose qui arrive, ou qu'il arrive. — Le bon
usage est pour ipi'il arrive. Car Quelque chose est là
pour le mol quoi/; et comme on ne dit pas quoy qui
arrive, il faut quctijur chose iju'il arrirr.
(La suite au prochain numéro.)
Li; Kkuacteuh-Gkhant : Ema« .MARTliN.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
(S3
BIBLIOGRAPHIE.
OUVRAGES DE GRAMMAIRE ET DE LITTÉRATURE.
Publications de la quinzaine
La Vie d'une comédienne ; par Th. de Banville. In-18
Jésus, 281 p. Paris, lib. Nouvelle. 1 fr. 25 cent.
Les Commentaires d'un soldat ; par Paul de Molènes.
Avec une préface de Paul de Saint-Victor. 3' édition
In-18 Jésus, xv-367 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 3 fr. 50.
Petits Romans. Le Bouquet de cerises. Une pasto-
rale dans rOberland. Gildas. L'Été de la Saint-Martin.
Trop heureux; par Francis Wey. Nouvelle édition. ln-J8
Jésus, /|93 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. ,iO c.
Dictionnaire classique de la langue française, le
plus exact et le plus complet de tous les ouvrages de ce
genre, et le seul où l'on trouve la solution de toutes les
difficultés grammaticales et généralement de toutes les
difficultés inhérentes à la langue française ; par Besche-
relle, membre de plusieurs Sociétés savantes. 3' à 1' liv.
In-8" à 2 col., 65-22Û p. Paris, l'auteur, rue des Grands-
Augustins, 9. L'ouvrage complet, 7 fr. 50.
Les Drames de l'honneur. L'Enfant trouvé ; par
Etienne Enault. In-â» à 2 col., VSl p. Paris, bureaux du
Siècle. 2 fr. 50 cent.
Renaissance et Réforme. Erasme, Thomas Morus,
Mélanchton ; par Désiré Nisard, de l'Académie française.
2 vol. gr. in-18, viii-872 p. Paris, lib. Calmann Lévy. 7 fr.
Nouvelles et romans choisis. Le lieutenant Hobert;
par A. de Lavergne. In-W à 2 col., 133 p. Paris, bureaux
du Siècle. 2 fr. 50 cent.
La Conscience; par le comte Agénor de Gasparin.
5« édition. In-18 Jésus, 350 p. Paris, lib. Calmann Lévy.
1 fr. 25 cent.
Registre criminel de la justice de Saint-Martin-
des-Champs. à Paris, au XIV siècle; publié pour la
première fois, d'après le manuscrit des Archives natio-
nales, et précédé d'une étude sur la juridiction des reli-
gieux de Saint-Martin (1060-1(576); par Louis Tanon,
substitut au tribunal de la Seine. In-S", cxxxii-239 p. et
1 pi. Paris, lib. Willem. 10 fr.
Histoire d'Allemagne. L'Empire germanique et
l'Église au moyen âge. Les Henri. Querelle des investi-
tures; par Jules Zeller, membre de l'Institut. In-S»,
519 p. et carte. 7 fr. 50 cent.
Le Plaisir et la Douleur; par Francisque Bouillier,
membre de l'Institut. 2'^^ édition, revue et augmentée.
In-18 Jésus, xn-365 p. Paris, lib. Hachette et Cie. 3 fr. 50.
Les Muscadins; par Jules Claretie. In-û" à 2 col.,
ihU p. Paris, bureaux du Siècle. 2 fr. 50 c.
Cours complet de langue française (théorie et
exercices); par M. Guérard, préfet des études à Sainte-
Barbe. Exercices sur chacune des parties de la gram-
maire et compléments. Nouvelle édition. In-12, 256 p.
Paris, lib. Delagrave.
Lettres, instructions diplomatiques et papiers
d'État du cardinal de Richelieu, recueillis et publiés par
M. Avenel. T. 8. Additions, corrections, errata généraux
et tables générales des matières. In-Zi», vni-517 p. Paris,
Imp. nationale.
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M. P. Poitevin, auteur du Cours théorique et pratique de
langue française. — Deuxième édition. — Paris, librairie
Firmin Didol, frères., /ils et Cie, 56, rue Jacob.
LACRYM-E RERUM — Poésies — Par Lucien Pâté.
— 2" édition. — Paris, librairie des Bibliophiles, rue
Saiat-Honoré, 338. — Prix : 2 fr.
LE LIVRE DES MANIERES. — Par Etienne de
FounÈREs, évêque de Rennes (1168 1178). — Autographié.
— Publié pour la première fois d'après le manuscrit de
la bibliothèque d'Angers. — Par F. Talbert, docteur ès-
lettres, professeur au Prytanée militaire de La Flèche et
à l'Université libre d'Angers. — Paris, E. Thorin, librairie
du Collège de France, 7, rue de Médicis.
ILLUSTRATIONS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.
— Poètes et Pros-^teurs. — xix= siècle. — Extraits des
œuvres les plus remarquables des écrivains modernes.
Par .M. P. Poitevin, auteur du Cours théorique et pra-
tique de langue française. — Deuxième édition, enrichie
d'un très-grand nombre de nouveaux articles et de mor-
ceaux inédits. — Paris, librairie de Firmin Didol et Cie,
imprimeurs de l'Institut, 56, rue Jacob. — Prix : 3 fr.
EUGÉNIE LAMOUR, mémoires d'une femme. — Par
Marius Roux. — Paris. E. Dentu, éditeur, libraire de la
Société des Gens de lettres, Palais-Royal, 15-19, galerie
d'Orléans. — Prix : 3 fr.
LE COURRIER DE VAUGELAS.
HISTOIRE
DE LA
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Par DÉsiaÉ NISARD, membre de l'Académie française.
Cette nouvelle édition, complètement revue par l'auteur, forme une véritable bibliothèque historique et littéraire,
où sont conservés les plus précieux trésors de notre langue.
Le tome l" est une introduction à l'histoire de la littérature française; — le tome II contient l'histoire de cette
littérature depuis l'époque de la Renaissance jusqu'au.^ premières années du seizième siècle ; — le tome III traite
des premiers modèles de l'art décrire en prose et en vers et de l'influence, soit de certaines institutions, soit du
gouvernement et de la royauté sur la littérature du dix-septième siècle ; — le tome IV embrasse le dix-huitième tout
entier, et se termine par une appréciation générale des principales richesses littéraires de notre époque.
SIXIÈME ÉDITION, RÉCEM.MENT PARUE.
Quatre VOLUMES : format in-18 jésus, 16 fr.; — format in-8°, 30 fr.
A Paris, librairie de Firmin Didol frères, fils et Oie, 56, rue Jacob.
CONCOURS LITTERAIRES.
L'Académie française propose 1' « Elooe de Boffon » pour sujet du prix d'éloquence à décerner en 1878. — Les
ouvrages envoyés à ce concours ne seront reçus que jusqu'au 31 décembre 1877, terme de rigueur. — Us devront
porter une épigraphe ou devise qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage. Ce billet contiendra le
nom et l'adressé de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. — Les ouvrages envoyés au Concours ne seront
pas rendus, mais les auteurs pourront en faire prendre copie.
Société des sciences, des arts et des lettres de Hainaut. — Concours de 1877. — Littérature : 1° Une pièce de
vers sur un sujet puisé dans l'histoire de Belgique; 2» Une pièce de vers dont le sujet est au choix de l'auteur;
3» Une nouvelle en prose. — Le prix pour chacun de ces sujets est une médaille d'or. — Les Mémoires doivent
être remis franco, avant le 31 décembre 1877, chez M. le Président de la Société, rue des Compagnons, n» 21, à .Mons.
Les concurrents ne signent pas leurs ouvrages : ils y mettent une devise qu'ils répètent sur un billet cacheté ren-
fermant leur nom et leur adresse. — La Société devient propriétaire des manuscrits qui lui sont adressés ; mais les
auteurs peuvent en prendre des copies à leurs frais.
Le dix-huitième Concours poétique ouvert à Bordeaux le 15 février sera clos le 1" juin 1877. — Dix-sept médailles
or, argent, bronze, seront décernées. — Demander le programme, qui est envoyé franco, à M. Evariste Carr.^nce,
président du Comité, 7, rue Cornu, à Bordeaux (Gironde). — Affranchir.
L.V SOCIÉTÉ NATIONALE D'ÉDuc.mo.v DE Lyon destluc, pour 1877, un prix de 500 fr. au meilleur mémoire inédit sur ce
sujet : Jusqu'à quel point Vélude des théories et des définitions grammaticales est-elle nécessaire datis l'enseignement
primaire pour apprendre la langue et l'orthographe? Le prix sera décerné dans la séance publique de 1878 sous le
nom de Prix de la ville de Lyon. — Les mémoires devront être adressés franco, avant le 1" novembre prochain, à
M. Falud, libraire, Zi, rue de la Bourse. — Pour plus amples renseignements s'adresser à M. J.-B. Mathey, secrétaire
général de la Société.
RENSEIGNEMENTS
A l'usage des Français qui désirent aller professer leur langue à l'étranger.
AGENCES A.L'XQUELLES ON PEUT s'aDRESSER ;
A Paris: M. Pelletier, 19, rue de l'Odéon; — Mme veuve Simonnot, 33, rue de la Chaussée-d'Antin; —
A Londres ; M. Bisson, 70, Berners Street, W.; — MM. Griffiths et Smith, 22, Henrietta street, Covent-Garden^
VV. C. ; — Le Collège of preceptors, Queen's Square; — A Liverpool : M. le prof. Husson, Queen's Collège; — A New-
York : M. Schermerhorn, iSO, Broom Street.
Journaux dans lesquels on peut faire des annonces :
L' American Register, destiné aux Américains voyageant en Europe; — le dalignanis .Vessenger, reçu par nombre
d'Anglais qui habitent en France; — le W'ekker. connu par toute la Hollande ; — le Journal de Sainl-Pétersboury, très,
répandu en Kussie; — le Tirnes, lu dans le monde entier.
(M. Hartwlck, 390, rue St-Honoré, à Paris, se charge des insertions.)
M. Eman Marlin, Rédacleur du Coukuier de Vadgelas, est visible à son bureau de troi.'i à cinq heures.
Imprimerie GOUVERNEUB, G. DAUPELEV à Nogent-le-Rotrou.
7' Année.
N° 24.
15 Mai 1877.
QUESTIONS
GRAMMATICALES
L E
QUESTIONS
PHILOLOGIQUES
Paraissant le 1" et le 15 de eba«a« moia
(Dans sa séance du \1 janvier 1875, l'Académie française a décerné le prix Lambert à cette publication.)
PRIX :
Par an, 6 fr. pour la France,
le port en sus pour l'élranper. —
Annonces : Ouvrages, un exem-
plaire; Concours liuéraires, gratis.
Rédacteur : Eman Martin
ANCIEN PROFESSEUR SPECIAL POUR LES ÉTRANGERS
Officier de l'Inslruclion publique
26, Boulevard des Italiens, à Paris.
ABONNEMENTS:
Se prennent pour une année
entière et parlent tous de la même
époque. — S'adresser soit au Rédac-
teur soit à un libraire quelconque.
AVIS.
Après la publication de son 2\^ numéro, le rédacteur
du Courrier de Vaugelas ayant l'habitude de prendre
un mois de vacances, la huitirmc année de ce journal
commencera à paraître le 1°'' juillet.
SOMMAIRE.
Communication au sujet de Truisme; — Esplicalion de 0 gué,
qui se trouve dans un refrain; — Origine de Brûler ses vais-
seaux;— Elymologie du mot Canapé ; — Valeurde 1 etymologic
de Calembour donnée par M. S.irdou ; — Pourquoi des vers de
douze syllabes s'appellent Alexandrins; — Origine et signifi-
cation de C'est une bague au doigt. || Emploi et origine, de
Adore ce que ta as brûlé, et brûle ce que tu as adoré; — S'il
faut écrire Hors de page avec une s à Page? || Passe-temps
grammatical. || Fin de la biographie de i\icolas Andrij. \\
Table des matières contenues dans la septième année de ce
journal.
FRANCE
COMMUNICATION.
Voici une lettre relative à un néologisme que j'ai
combattu dans un numéro précédent :
Moscou, 28 février (12 mars) 1877.
Monsieur le Rédacteur,
Dans votre numéro 17, 1" février 1877, à propos du mot
truisme, vous dites que ce mot doit être repoussé, car,
selon vous, il a son équivalent en français : vous le rem-
placez par le mot axiome. Votre correspondant a vaiue-
ment cherché ce mot dans les dictionnaires de Littré-Reau-
jean, de Th. Soulice et dans celui de Heschereile. —J'ai
ouvert le dictionnaire de Littré, et j'y ai trouvé le mol
truisme, que Littré explique de la manière suivante : « S. m.
vérité banale et qui ne mérite pas d'être répétée. J'éprou-
vais l'embarras de quelqu'un qui entreprend la démons-
tration d'un axiome, et qui énonce un véritable truisme
financier. Buffet, au Corps Législatif, Monit. univers.,
7 juillet 18G8, p. 988, 5" col. ». Le mot axiome est défini par
Littré: 0 S. m. Vérité évidente de soi et non démontrable,
par ex. : le tout est plus grand que sa partie. » Ces deux
définitions nous prouvent que les mots truisme et axiome
ne sont pas équivalents et qu'on ne peut remplacer truisme
par axiome. — Comme je ne connais pas de mot en fran-
çais qui ait la signification de truisme, je trouve que c'est
un néologisme utile qui doit être adopté en français. —
Voici du rpste les paroles de Foucher de Careil :
« Je parle d'infériorité; vous devez savoir vis-à-vis de
quelle nation. C'est de l'habile et prévoyante Angleterre
qu'il est question, et c'est en comparant notre politique
commerciale à celle de l'Angleterre que je me permets
d'énoncer ce truisme. »
Il me semble qu'on ne peut mettre axiome ici, et que,
par con.séquent, le mot truisme doit être gardé.
Voilà, Monsieur, ce que j'avais à vous dire, et je vous
serais bien reconnaissant, si vous vouliez me répondre
dans un de vos prochains numéros.
Agréez, Monsieur, l'assurance de mon profond respect.
Un de vos abonnés.
Dans ma réponse à la personne qui me demandait
d'où vient truisi/ie i7'' année, p. (311, j'avais dit que,
selon moi, l'introduction de ce mot dans notre langue
devait être « énergiquement repoussée «, comme con-
traire au principe en vertu duquel « les emprunts à
une langue étrangère ne sont permisque lorsqu'il s'agit
de mots auxquels on ne peut réellement trouver d'équi-
valents dans la sienne ».
Mais il semble au correspondant dont je viens de
transcrire la lettre que truisme manque à la langue
française, et, naturellement, qu'il faut l'adopter.
Cette opinion est-elle fondée?
J'ai trouvé le mol truisme défini comme il suit dans
deux dictionnaires anglais :
'Dans celui de Fleming et Tibbins)
Truism. [An identical proposition, a self-evident but
unimportant truthl, vérité évidente, proposition qui ne
demande pas de preuve.
(Dans celui de Webster)
Truisji. [from True]. An undoubted or self-evident truth.
Et, condensées pour ainsi dire en une seule, ces défini-
lions apprennent que le mot truisme signifie : une
vérité évidente, une proposition qui ne demande pas de
preuve, une vérité évidente par elle-même.
iS6
LE COURRIER DE VAUGELAS.
Or, une telle vérité porte depuis longtemps le nom
d'ojriome en français, comme on peut s'en convaincre
en consultant les diverses éditions de l'Académie.
Par conséquent, nous n'avons nullement besoin de
truisme, qui ne serait chez nous qu'une superfétation.
Du reste, j"ai encore une autre raison à faire valoir
contre l'adoption de ce mot.
Dans la phrase donnée par M. Littré comme point
de départ de truisme, il y a évidemment confusion entre
axiome et théorème (elle contient l'expression « dé-
monstration d'un axiome » quand on sait qu'un axiome
est une vérité qui ne se démontre pas); et cette con-
fusion a été cause que, pour ne pas répéter axiome,
employé à tort, l'auteur y a substitué un synonyme
emprunté à l'anglais, langue qui lui est probablement
très-familière.
Est-il donc admissible qu'un terme étranger intro-
duit dans une phrase française à la faveur d'une telle
méprise doive nécessairement, après avoir été repro-
duit seulement une ou deux fois, prendre place dans
notre vocabulaire?
Ce n'est point du tout mon avis.
X
Première Question.
Puisque, non-seulement vous permettez, mais encore
que vous provoquez les questions sur In langue, je
m'adresse à vous pour un éclaircissement qui me fait
défaut depuis longtemps. Vous connaissez le refrain :
J'aime mieux ma mie, o gue', j'aime miedx ma mie, qui se
trouve dans le MiSAXinnoPE de Molière. Auriez-vous la
complaisance de me dire ce que signifie ici o gué?
On trouve ce qui suit aux pages 7 et 8 de la Biogra-
phie d'Alfred de .V«.<.se/, récemment publiée par son
frère, M. Paul de Musset :
i... Selon l'armorial de France, les armes de la famille
de Musset sont d'azur à l'épervier d'or, chaperonné,
longé, perché de gueules, avec cette devise : Courtoisie,
Bonne- Aventure aux preux. La Courtoisie et la Bonne-
Aventure étaient deu.\ terres patrimoniales. La première
appartenait encore à la famille au milieu du siècle
dernier; la seconde, quj a fait partie du patrimoine
d'Alfred de Musset, fut occupée par Antoine de Bourbon,
père de Henri IV, pendant le séjour de la cour de
France au.Y cbùleaux d'Amboise et de Blois. Elle est
située à deux lieues de Vendôme, au conlluent du Loir et
d'une petite rivière, dans un lieu qu'on appelle le Gué-du-
Loir. Antoine de Bourbon, comme on sait, ne menait pas
une vie fort édifiante. Pour se distraire des ennuis de la
représentation, il quittait souvent la cour, et se rendait à
]a lionne-Aventure, où il donnait asile à des donzelles
encore moins vertueuses que les filles d'honneur de la
reine Catherine. Le secret de ces parties de plaisir fut
mal gardé; le bruit en vint aux oreilles du poète Ronsard,
qui se trouvait à la Poissonnière, non loin de Vendôme,
Ilonsard lit sur les fredaines du roi de Navarre une chan-
son dont le refrain était : La Bonne- Aventure au gué, la
bonne aventure! Cette chanson satirique parcourut toute la
France, et l'air en a été conservé par les nourrices. »
Or, attendu que le refrain des couplets cités par
AIccstc dans le premier acte du Misanthrope dérive
évidemment de celui de la chanson de Ronsard, j'en
tire cette triple conclusion :
V Que gué, dans le refrain en question, est une
abréviation de Gué-du-Loir;
2° Que l'auteur a mal orthographié en mettant devant
gué un o, signe du vocatif, et que c'est l'article com-
posé au qu'il faut dans cet endroit;
3» Que ledit refrain est un non-sens des plus com-
plets, le moUjué ne pouvanttiaturellement aller qu'avec
la Bonne-Arriifurr, nom de la propriété possédée jadis
au Gué-du-Loir par Antoine de Bourbon.
C'est grâce à la connaissance du passage cité plus
haut que j'ai pu enfin répondre à cette question, dont je
cherchais la solution depuis fort longtemps. Aussi
j'adresse mes bien sincères remerciements à j\L Loi-
seau, professeur au lycée de Vanves, qui, non content
de me l'avoir signalé de vive voix, a bien voulu m'en
envoyer une copie quelques jours après.
X
Seconde Question.
En même temps que je vous envoie le jjrix de mon
abonnement , je vous demanderai d'oii vient le proverbe
Brcler ses VAISSEAUX, ainsi que le sens qu'il faut y
attacher.
Pour forcer leurs soldats à vaincre, un certain nombre
de grands capitaines ont fait incendier les vaisseaux
qui les avaient portés, eux et leurs troupes, sur les
bords ennemis. Agathocle, tyran de Syracuse, donna,
sur la cote d'Afrique, le premier exemple de cette réso-
lution hardie, Asclépiotade, envoyé par Dioctétien contre
l'usurpateur de la Grande-Bretagne, agit comme Aga-
tocle et fut victorieux comme lui. L'empereur Julien
mit le feu à ses magasins et à ses onze cents navires
qui mouillaient dans le Tigre, lorsqu'il fit son expédition
contre Sapor, roi de Perse. Guillaume le Conquérant,
abordant en Angleterre, eut recours au- même moyen,
qui fut suivi de la victoire de Hastings. Robert Guis-
card, dans le péril pressant oii il se trouvait avec sa
petite armée, devant les troupes nombreuses d'Alexis
Comnène, brîila aussi sa flotte et ses bagages, et gagna
la bataille de Durazzo, Enfin, c'est ainsi que Fernand
Gorlez, débarqué sur la côte du Mexique, préluda à la
conquête de celte contrée.
Or, le proverbe brûler ses vaisseaux n'est autre
chose qu'une allusion à cette manière résolue de dis-
puter la victoire à un ennemi chez qui l'on s'est trans-
porté par mer.
Quant à sa signification, elle découle naturellement
de ce qui précède : ce proverbe signifie s'interdire,
s'ôter les moyens de revenir sur une résolution, de
renoncer à une entreprise, se mettre, en un mol, dans
l'impossibilité de reculer.
X
Troisième Question.
Pourriez-vous me dire dans un de nos prochains
numéros quelle est l'élymologic de cx^wi't
Ce mot vient du grec -/tovwtj^, qui signifie cousin, cet
LE COURRIER DE VAUGELAS.
487
insecte qui a la bouciie armée d'une trompe conique
avec laquelle il suce le sang; et voici comment de cette
signification d'être sans pitié pour les dormeurs, il en
est venu à désigner un meuble où ils sont fort à l'aise.
Les Grecs ont appelé -/.wvw-î'.ov une espèce de filet,
d'un tissu très-fin, dont se servaient originairement les
Égyptiens pour se garantir des mouches, filet qui se
mettait principalement au-dessus d'un lit.
De ce mot les Latins ont fait conopeum, qu'ils ont
employé dans le sens de moustiquaire, rideau, tenture,
pavillon, comme on en trouve la preuve dans Juvénal,
Horace, Properce, etc.
Au xvf siècle, il s'était franciséen canopée, ainsi que
nous le montre cet exemple, trouvé dans Rabelais édit.
d'Amst., 171 il :
Entre les précieux canopées, entre les courtines dorées.
[Pantagruel, III, I8.)
Enûn, après avoir désigné le rideau qui enveloppait
un lit, canapé (car la forme canapeum du bas latin a
fini par prévaloir), a désigné un siège long pouvant
servir de lit de repos : le nom du tissu a passé à l'ana-
logue du meuble qu'il couvrit d'abord, et cela, absolu-
ment comme le mot bureau, désignant une étofiequi se
mettait autrefois sur une table à écrire, en est venu à
signifier une table de cette espèce avec ses accessoires.
Le mot canapé, au sens moderne, ne se trouve ni
dans le dictionnaire de .Monet '1033), ni dans celui de
Colgrave (4661), et il se trouve dans la première édition
de l'Acadértiie (4694), qui en donne cette simple défini-
tion :
Sorte de lit de repos. Canapé en maroquin.
Tout porte donc à croire que ce mot ne date guère que
de la seconde moitié du xvii" siècle. Du reste, à l'appui
de cette opinion, je puis citer Furetière (1727:, qui dit
que « ce mot est fort nouveau dans la langue ».
X
Qualrième Question.
En donnant, à la page 4 77 de votre 6* année, Vétytno-
locjie du mot calembocr, d'après M. Sardou, mus urcz
promis d'examiner la valeur de cette élijmoloijie. Je dé-
sirerais bien que vous pussiez- bientôt vous livrer à cet
examen, auquel je m'intéresse particulièrement.
A ma coiinaissance, il a été projiosé trois étymologies
de calembour : 'l'une, qui tire ce nom du curé de
Calembert/ ; l'autre, du comte de Kahlemburcj, ambas-
sadeur de l'empire d'Allemagne près la cour de France;
et la troisième, celle de M. Sardou, qui le fait venir du
bois de calcmlwur.
J'ai dit {Courrier dr VtnKjrlas, 2' année, p. 478) les
raisons pour lesquelles je rejetais Calemberr/ et lui pré-
férais Kaltlemburrj ; ici, je vais comparer ce dernier
avec calembour, bois des Indes.
L'ambassadeur qui aurait donné lieu au nouveau
terme ralemliour parut à Versailles sous Louis XV, c'est-
à-dire entre 4713 et 4774, ce qui concorde assez bien
avec la première apparition de ce mot dans VAlmanach
des calembours, publié en 4774 par le^narquis de Bièvre. '
— L'époque où florissait la joyeuse société dont faisait
partie l'abbé Claude Cherier, mort en 4 738, n'est pas
non plus incompatible, tant s'en faut, avec la première
apparition de ce terme.
Tous les noms allemands en burg qui se sont fran-
cisés ayant conservé leur <i final [Strasbourg, Ham-
bourg, Au(/sbourh, brandebourg, ornement pour les
habits), il est fort douteux que calembour, terminé à
l'origine comme aujourd'hui par une r, soit venu de
Ka/ilniiburg. — Gomme, aussitôt qu'il parut dans la
langue, le mol calembour ijeu de mots s'est écnicalam-
bour, orthographe identique à celle qu'avait alors
calembour 'bois des Indes), il s'ensuit que, relativement
k la dérivation, l'étymologie qui fait venir ce mot de
calembour (espèce de bois) est complètement irrépro-
chable.
Quand on sait la manière dont le comte de Kahletn-
burg parlait la langue française, on comprend sans
peine que le nom de cet ambassadeur ait pu désigner
d'abord des liaisons intempestives, des rencontres de
mois très-singulières, puis qu'il ait fini par se donner
à un ensemble de syllabes formant un double sens. —
11 est tout aussi admissible qu'après avoir été répété
mainte et mainte fois par la société de Monlgent, dans
le sens de fredaine, baliverne, pointe, etc., le nom de
calembour (espèce de bois) ait été propagé au dehors,
qu'il se soit insensiblement modifié sur la route, et que,
s'écartant de plus en plus de son point de départ, il en
soit venu à signifier non-seulement une sottise, mais
encore une calembredaine, puis un coq-à-l'àne, et
enfin ce qui s'appelait au xvr' siècle une équivoque.
Or, comme l'étymologie de M. Sardou l'emporte sur
Kahiemburg (selon moi préférable à Calemberg], j'en
conclus que, si elle n'est pas la vraie, elle est du moins
la meilleure de celles que j'ai vu proposer jusqu'ici.
Ciaquiëme Question.
, Aiirie:-vous la complaisance de m' eûcpUquer pourquoi
les vers de douze syllabes s'appellent alexandri.ns?
Selon .Ménage, quelques-uns ont cru que c'est parce
qu'.Vlexandre Paris, vieux poète français, s'était servi
particulièrement de ce genre de vers. Mais voici un
passage de Geofroy Tory [Champ /leuri/. feuil. III,
verso), qui me semble donner une meilleure origine
de l'expression dont il s'agit :
Qui se vouldroit en ce bien fonder, a mon advis porroit
user des œuvres de Pierre de Sainct Cloct pt des œuvres
de Jelian Linevelois qui ont descript la vie Datexandre te
grant, en longue ligne, que Lautheur qui a compose en
prose le jeu des Eschecz, dit estre de douze syllabes, et
appelloe Rilhmc Alexandrine, pource que comme dict est, la
vie Dalexandre en est descripte.
Il y a bien plus de probabilité, en'cfTet, pour que
alexandrin se soit dit d'un nouveau vers employé à
chanter le héros macédonien qu'il n'y en a pour que
ce qualificatif (qu'on ne trouve qu'au xvr siècle, si
488
LE COURRIER DE VAUGELAS.
M. Lillré l'a bien noté à sa première apparition! fasse
allusion à un de nos vieux poètes ayant pour nom
de baptême Alexandre.
X
Sixième Question.
Je trouve dans le ALvncel générai, de l'Instruction
PRiJUiRE, numéro du 24 février dernier, la plirase sui-
vante : « Le Nord trouvé, c'est une bague au doigt de
trouver les autres points cardinaiix. « Quelles sont, s'il
vous plaît, la signification et l'origine de l'expression.
que je souligne dans cette phrase? léserais tri's-curieux
de voir quelques mots d'explication dans l'un de vos
prochains numéros.
Au moyen âge, pour investir quelqu'un d'un béné-
fice, on lui remettait un objet matériel qui variait selon
les personnes et les choses : Charlemagne, en conférant
à Tassillon le duché de Bavière, lui remit, en présence
de sa cour ou plutôt de son armée, un bâton dont le
haut représentait une figure humaine; dans le roman
de Gérard de Roussillon, l'investiture des fiefs se donne
tantôt par une branche verte, tantôt par une pièce
de monnaie appelée besant, tantôt par un gant.
Parmi ces différents symboles de l'investiture, l'un
des plus anciens et des plus fréquents était l'anneau,
symbole sur lequel les parties contractantes juraient, et
qui était remis au nouveau propriétaire. Quitard en
cite un exemple de 497, qui se rapporte à l'acte de fon-
dation du monastère de Myssy, depuis Saint-Maximin,
et aujourd'hui Sainl-Mesmin-sur-Loiret :
Per annulum tradidimus. — (Nous avons livré par l'anneau).
Or, à mon avis, c'est de cet usage, nommé l'investi-
ture de l'anneau, que nous est venu Avoir une
bague au doigt, ou une belle bague au doigt, selon
l'importance de la propriété concédée.
• Quant à l'expression c'est une bague au doigt, qui
est l'abrégé de la comparaison c'est comme une bague
au doigt, elle se dit de toute chose dont on peut tirer
facilement un avantage, la bague ou l'anneau passé
au doigt ayant été, dans l'origine, le signe d'une acqui-
sition qui n'avait rien ou presque rien coûté.
Je suis très-étonné de trouver c'est une bague au
doigt dans la phrase que vous me proposez ; car cette
expression y a évidemment le sens de il est facile de :
Le Nord trouvé, il est facile de trouver les autres points
cardinau.x,
et elle n'a point et n'a jamais eu, que je sache, cette
signification dans notre langue.
Ne vous scriez-vous point trompé en copiant'?
ETRANGER
Première Question.
Jr voudrais bien lire dans un 'le vus prarliains nu-
viéros, l'iirigine dr l'expression adouk ce yrii tu as
BKULÉ, ET BRULE CE QUE TU AS ADORÉ, ainsi que les cas oii
l'on peut employer cette expression, car il ne su/fit pas
de connaiirc les proverbes, il faut encore savoir s'en
servir à propos.
Cette expression a été empruntée au récit que Gré-
goire de Tours a fait de la conversion de Clovis, roi des
Francs, récit traduit, comme on le voit plus bas, par
Henri Martin {Hist. de France, vol. I, p. 424, 4" édit.).
Sur le point d'être vaincu à Tolbiac, Clovis, qui était
païen, avait imploré le Dieu de Clotilde, sa femme, et
fait vœu de se convertir s'il le rendait viclorieux. Clovis
remporta sur les Allemands une victoire complète, qui
le laissa seul maître de la Gaule. Alors il songea à
remplir sa promesse :
Chlotilde aussitôt manda secrètement saint Rémi [évèque
de Reims] en le priant d'insinuer au roi la parole du
salut.... « Je t'écouterai volontiers, très-saint père », ré-,
pondit Clilodowig.
L'évêque, cependant, transporté d'allégresse, ordonne
qu'on prépare la piscine sacrée. On tend, d'un bout à
l'autre, dans les rues et sur le parvis de l'église des voiles
aux brillantes couleurs; on orne les murailles de blanches
draperies; on dispose le baptistère; l'encens fume, les
cierges brillent, et le baptistère et le temple tout entier
sont remplis d'un parfum divin. Le cortège se met en
marche, précédé par les crucifix et les saints Evangiles,
au chant des hymnes, des cantiques et des litanies, et aux
acclamations poussées en l'honneur des saints... Le saint
pontife menait le roi par la main du logis royal au baptis-
tère... « Patron, s'écriait Ghlodowig émerveillé de tant de
splendeur, n'est-ce pas là le royaume de Dieu que tu m'as ';
promis? — Non, répliqua l'évèque, ce n'est pas le royaume
de Dieu, mais la route qui y conduit. »
Le nouveau Constantin descend il dans la cuve, où les caté-
chumènes, à cette époque, se plongeaient encore presque
nus; ce fut alors que saint Rémi prononça ces paroles
célèbres : « Adoucis-toi, Sicambre, et courbe la tète; adore
ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré. »
Gomme vous l'avez déjà deviné, sans doute, l'expres-
sion dont il s'agit sert à inviter quelqu'un à renoncer à
ses opinions, religieuses ou autres, pour eft adopter de
lout-à-fait opposées.
X .
Seconde Question.
Faut-il écrire r expression ^0Vi% de page, avec ou sans
s à page? fl me semble que le pluriel serait bien pré-
férable ici au singulier. N'est-ce pas votre opinion ?
Dans son Dictionnaire historique des Institu/ions de
la France, M. Chéruel met toujours page au pluriel
quand il écrit cette expression :
A l'ùge de quatorze ans, on était mis liors de pages.
Le gentilhomme mis hors de liages était présenté à l'autel
par son père et sa mère.
Mais, dans la plupart des cas, on trouve le singulier,
comme dans ces exemples, empruntés tant à la langue
ancienne qu';\ la langue moderne :
...Pantagruel, lequel j'ay servy à guaiges des ce que je
feus hors de paige jusques a présent.
(lîiihi'lais, Prol. du U' liv.)
11 estoit assez grant pour cstro /tors de page.
[Pclil Jcltnn de Hainlrc, p. i3c tlana Lacurne.) ..^
LE COURRIER DE VAUGELAS.
1S9
Je 70US ferai bien voir que je suis hors de page.
(Th. Corneile, D. Bcrl. de Cigarr., acte V, ii.)
Il faut se relever de ce honteux partage,
Et mettre liautement votre esprit hors de page.
(Molière, Ffm. sav., acte III, se. 2.)
Laquelle de ces deux orthographes est la meilleure?
Je crois que c'est la seconde; et je vais vous dire
pourquoi, à mon avis, elle doit avoir la préférence.
Le mot^jac/e, qui vient de l'italien ^^ajri/io, est dérivé,
par contraction, du latin puclar/or/iiit/i, qui désignait
chez les Romains trois choses dillérentes, savoir :
\o Une troupe de jeunes gens richement habillés qui
étaient entretenus chez les riches pour le service domes-
tique :
Pœdagogia sunt puerorum cœtus, id est, servitia puerilis
œtatis.
(Turnèbe, Adversarta. liv, VIII, eh. y.J
2° Le lieu où logeaient ces jeunes enfants :
Puer in pœdagogio mistus pluribus dormiebat.
(Pline, Epil- Ut. III.)
3° Ces enfants eux-mêmes (appelés aussi pœdago-
giani jiueri] comme cela ressort de cet exemple :
Quare pœdagogium veste preciosa suecingitur.
(Sénèque, De Vùa Beata, ch. 17.)
Or, comme de ces trois significations de pœdago-
gium, le mot jJCffe relient naturellement l'une des deux
premières quand il suit /(o« de (expression qui précède
toujours un nom signifiant une idée de lieui, il me
semble, et je dirai mieux, je suis parfaitement con-
vaincu que, dans hors de page, ce mot ne peut s'écrire
qu'au singulier.
X
Troisième Question.
Pourriez-vous me dire d'où vient sacreblec, ce juron
si commun parmi /c.< Français ? Ce mot ne se trouve pas
dans le dictionnaire de Littré.
Dans tous les jurons terminés par bleu, cette finale
est une espèce d'euphémisme mis pour /)/««, ainsi que je
l'ai déjà fait voir dans le Courrier de Vaugelas [V^ an-
née, numéro .5;. Par conséquent, sacrebleu n'est autre
chose que sacré Dieu imaudit Dieu), présenté sous
une forme moms blasphématoire.
PASSE-TEMPS GRAMMATICAL.
Corrections du numéro précédent.
l"... vile ma mère se vêtait; — 2*... el je ne prenais pas
garde; — 3°... jusiiu'aux dernières conséquences (pourquoi
ultimes (lUAiid nous avons juste l'éiiuivaicnl?); — 4°... Quel-
gues-uiis penseront (Voir Courrier de Vaugelas, 3' année, p. .50);
— 5"... que nous a ayons (pas à'i, même au subjonctif); —
6'... détaillée, à raison des èvéneraenls; — 7°... qui a créé dans
Eure-et-Loir; — 8°... à de tout autres titres que celui (Voir
Courrier de Vaugelas, 3' année, p. 74); — 9°... ef que vous
n'avez pas encore vue poindre.
X
FEUILLETON.
BIOGRAPHIE DES GRAMMAIRIENS
SECONDE MOITIÉ DU XVII' SIÈCLE.
Nicolas ANDRY.
[Suite et fin.)
Begretter ses péchez. — Cette phrase est-elle bonne?
car enfin regretter marque du désir pour la chose qu'on
regrette, comme regretter le temps perdu, son ami, le
passé. Il semble que ce soit un contre-sens de dire re-
gretter ses pec/iez ; cependant on entend bien ce que cela
veut dire, et un fameux prédicateur n'a pas fait diffi-
culté de s'en servir.
riessusciter d'entre les morts. Ressusciter des morts.
— L'un et l'autre « est bon », c'est une expression con-
sacrée, en pariant de la résurrection de Jésus-Christ.
lietranchemens élégants. — On supprime le verbe
avoir dans une phrase comme celle-ci : le chevalier
éloil jeune, bien fait, les manières honnestes, l'air un
peu fier, etc. Ces sortes de retranchements donnent au
style un air aisé et naturel.
Reiranchemens nécessaires. — Devant un infinitif
régime d'un verbe, personnel ou impersonnel, il faut
retrancher de, comme dans ces exemples : l'avis cha-
ritable qu'il vous a plu nous donner, beaucoup de
choses que vous souhaitez voir écrites.
Rompre. — Au figuré, il se dit dans mille occasions;
cependant, parce qu'on dit rompre un dessein, il ne
s'ensuit pas qu'on puisse dire rompre une volonté;
c'est une phrase qu'on ne doit passer dans aucun ou-
vrage, quelque poli qu'il puisse être d'ailleurs.
Sans que, N'estoit que. — La seconde de ces expres-
sions peut très-bien s'employer pour la première; on
dit élégamment n'étoil que j'ai/ un peu affaire, j'irois
avec vous. Vaugelas s'en sert quelquefois.
Sçavoir. — Cette expression a été employée par de
grands prédicateurs ; ainsi le P. Cheminais a dit : Si le
mondain étoit vivement persuadé d'un principe qu'il
ne peut nier, sçavoir, que le genre et l'heure de la mort
sont incertains. Il y a des personnes qui voudraient la
bannir du haut style ; mais Andry pense que ce serait
être trop délicat.
Si tant est. — 11 y a des personnes très-versées
dans la langue qui trouvent que celle façon de parler
est un peu passée ; mais plusieurs auteurs nouveaux
s'en servant, Andry pense qu'on peut l'employer quel-
quefois.
Stile de phrase. — 11 consiste à s'exprimer par ses
termes éloignés et qui ne sont point naturels, à se ser-
vir sans cesse de termes figurés, et à dire cent paroles
où souvent il n'en faudrait qu'une. Que de prédicateurs
auraient besoin d'avis sur ce chapitre!
.Suppléer à une chose. Suppléer une chose. — Le
verbe suppléer ne veut point d'à après « soy » lorsqu'il
signifie donner, mellre, accorder, comme, par exemple,
oo
LE COURRIER DE VAUGELAS
lorsqu'on dit suppléer ce qui manque, car c'est juste
comme si l'on disait donner ce qui manque ; mais quand
on ne peut pas faire un sens raisonnable en changeant
suppléer en riotmer ou en quelque autre synonyme, on
met à après ce verbe : suppléer au défaut, au besoin.
Superbe. — Ce mot s'emploie très-bien pour orgueil
en style de dévotion (1693), ainsi on dit : le christia-
nisme est l'ennemi de l'esprit de superbe.
Sur peine, Sous peine. — Cette remarque est destinée
à faire observer que sur peine se dit à l'égard d'un
bien, et sous peine à l'égard d'un mal : on dit sur peine
de la vie, mais on ne dit pas de même sur peine de la
mort, il faut sous peine.
Il suit delà, Il s'ensuit delà. — L'expression il s'en-
suit est la meilleure ; il faut dire il s'ensuit de ce prin-
cipe que etc., d'oit il s'ensuit, et non il suit de la, il
suit de ce principe : le verbe s'ensuivre est un vieux
mot employé pour suivre; il ne faut point considérer le
eti comme faisant mot à part.
Tant que terre. — Dans le discours familier et bur-
lesque, on emploie souvent cette expression : il court
tant que terre, il va tant que terre; c'est une expres-
sion tronquée dans laquelle un verbe, se présenter ou
peut porter, est sous-entendu : tant que terre se pré-
sente, tant que terre peut porter (1693). Mais on n'en
est pas demeuré là, on a ensuite fait servir cette ma-
nière de parler à toutes les exagérations, de sorte qu'il
y a des cas où, examinée à la rigueur, elle ne parait pas
avoir de sens, comme dans manger tant que terre, par
exemple.
Termes trop forts ou trop faibles. — D'après Quin-
tilien, rien ne rend l'élocution plus basse et plus plate
que les termes ou qui disent trop, ou qui disent trop
peu; en conséquence, il ne faut pas appeler mal-
honneste homme un homme coupable de parricide,
ni traiter de scélérat un homme qui aurait seulement
quelques petites intrigues de galanterie.
Termes plats. — Dans un discours un peu poli, on
ne fera point entrer ci-dessus, ci-derant, ci-aprés,
non plus que et autres, ce que dessus, et plusieurs mots
de la même sorte.
Termes retranchez en certaines expressions. — Nous
avons plusieurs expressions où l'usage a supprimé des
termes qu'il faut nécessairement sous-enlendre pour le
sens, tels sont : retourner d'oit l'on rient, donner à
qui nous demande, où les mots da7ts l'endroit et celui
sont sous-entendus.
Termes qui se contredisent. — On entend dire quel-
quefois ce sont de grandes bagatelles, c'est-à-dire de
grandes petites choses. Ce mot grand paraît bizarre-
ment placé dans ce cas à notre grammairien.
Torfu, Tortueux. — Le premier se dit seulement de
ce qui n'est pas droit : un bdton lortu, un arbre
tortu, etc.-, tortueux dit plus, il signifie une chose qui
va eu tournant et qui fait plusieurs plis et replis.
Tortu marque un défaut, tortueux n'en marque point.
Tronquer. — Ce verbe ne se dit pas seulement au
figuré, comme le ci'oient quelques personnes; il so dit
aus.-îi dans le sens (iroiirc; ou dit très-bien en parlant
de soldats privés d'un membre que, quoique tous tron-
qués, ils viennent encore au combat.
Qui voudroit. — Andry trouve cette expression par-
faitement bien employée dans la phrase suivante, quoi-
que elle y paraisse hors d'œuvre, n'étant suivie d'au-
cun verbe qui s'y rapporte : sérieusement qui voudroit
me renvoyer au monde, à condition que je serois une
personne accomplie, je ne crois pas que j'acceptasse le
parti. Ce tour est noble, aisé et naturel, et le tour de
la phrase régulière est rampant, gêné et pédanlesque;
ce n'est pas dans les expressions les plus naturelles,
que la construction doit être la plus régulière.
Vouloir, Volonté. — Employé pour volonté, le mot
vouloir est plus d'usage en poésie qu'en prose; la poésie
fait passer bien des choses dont la prose ne s'accom-
moderait pas.
Voir. — Il faut avouer que ce mot sert à un
usage bien bizarre dans les expressions voyons voir,
écoutons voir , goûtez- voir. Employé de celte façon,
voir renferme d'ordinaire une idée de doute et
d'incertitude; souvent aussi il fait entendre que ce
qu'on en fait n'est que par manière d'acquit; il revient
à un peu, dont on se sert en mille occasions : dites-
moi un peu, voyez un peu si etc.
Ne voir goutte. — Cette manière de parler est bonne,
quoique condamnée par quelques personnes; elle n'est
pas du style sublime, mais elle a sa place dans le dis-
cours familier, où elle est même assez élégante quel-
quefois.
Stile usé. — Il y a des personnes qui ne sauraientcom-
mencer un discours que par si, par quoique, ou par
comme; ce style est usé aujourd'hui (1693), il faut
entrer tout de suite en matière sans ces préludes qui
ne servent à rien .• J'ay reçu la chère vôtre, je vous
écris celle-ci, style usé dans les lettres. Il en est de
même des prédicateurs qui croiraient ne pas s'être bien
tirés de leurs discours s'ils n'avaient envoyé leurs audi-
teurs à la gloire, et n'avaient fini par l'antithèse de
Terre et ciel, qui est toujours précédée de ces mots :
afin qu'ayant, ou bien afin qu'après avoir.
Ce n'est pas la peine. — Cette expression qui signifie
il est inutile, il n'est pas nécessaire, est extrêmement
naturelle et élégante, quoiqu'il soit difficile d'en rendre
compte.
Emploi de )'. — Avant le verbe appeler, c'est une
faute de mettre ;/ pour tenir la place du nom que l'on
donne au sujet; ainsi dans cette phrase: // y a des
gens qui sont au desespoir quand on les appelle Mar-
quis ou Comtes, et d'autres quand on ne les y appelle
pas, il fallait dire : et d'autres quand on ne leur donne
pas celte qualité.
Après des « additions de quelques remarques, »
Nicolas Andry, connu encore sous le surnom de Bois-
regard, termine ses Réflexions rritiqurs sur l'usage
présent de la langue fruneoise.
FIN.
Le RÉuACTEcii-GÉBANT : Ema« MARTIN.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LA SEPTIÈME ANNÉE DE CE JOURNAL
QUESTIONS RÉSOLUES
A. Poiiii(tioi les enseignes commencent rur —, p. 124.
A brasse-corps ou .1 bras-le-corps. S'il faiil dire —, p. IIG.
A d'autres, dénicheur de merles! Origine de l'cxpiession —,
p. G(j.
A fur et à mesure. Examen de l'expression — , pi 130.
A la bonne heure. D'oi'i vient — , expression approbalive, p. 91.
A raison de el b'n raison de. Diflérence de — , p. 171.
A-f-il été suicidé. Opinion snr — , p. 43.
A propos de boites. Kxplicalion de —, p. 36.
Aciieler chat en poche. Sigjiilicalion el origine de — , p. 138.
Aciieler chat en poche. Comniunicaiion snr — , p. 1.53.
Adore ce que lu as briité, et brûle ce que tu as adoré. Origine
de rexpres.sion — , p. ISS.
Ah! le bon billet qu'a la Châtre. Origine de l'expression — ,
p. 114.
Ah! te bon billet qu'a la Cliâtre. .\ quelle époque remonte
l'expression —, p. 171.
Aidant. Si — est adjectif dans Dieu aidant, p. 36.
Air. Comment — a pu signifier apparence, extérieur, mine, p, 1 1.
Air de vent. Communication relative à — , p. 33.
Alexandrin. Pourquoi le nom d' — a été donné aux vers de
douze syllabes, p. 187.
Amulette. Communication sur le genre de —, p. 97.
Appeler. Cas dans lequel — doit être précédé de En, p. 10.
Après grâces Dieu but. Emploi et origine de l'expression de —,
p. S3.
Artisane. Si l'on peut donner — pour féminin à Artisan, p. 28.
Arlisane. Communication relative à — , p. 50.
Artisane. Seconde communication sur —, p. 82.
Assiette. Étymologie du mot — signifiant plat, p. 164.
Aujottr le jour. Lequel préférer de — ou de Au jour la jour-
née, p. 108.
Avant que. Communication sur le temps du subjonctif qu'exige
—, p. 73.
Avoir barres sur quelqu un. Signification de — -, p. 12-
Avoir son plumet. Exiitication de — , p. 44.
Avoir ses lettres de Cracorie. Origine de l'expression — , p. 106.
Avoir la télé prés dit bonnet. Explication du proverbe — , p. 108.
Avoir des émotions sur la planche. Si l'expression — peut être
considérée comme française, p. 161.
Axonge. Pourquoi le nom — ^ donné à la graisse de porc, p. 60.
B.
B,as percé. Sens réel de l'expression — , p. 102.
Battre à plates coutures. Explication de l'expression — , p. 90.
Belluaire. Origine et signification de — , qui n'est pas dans le dic-
tionnaire de Lillré, p. 43.
Bissextile. Élymologie de —, p. 12.
Black-boulé. Élymologie de l'expression — , p. 125.
Boire à tire-larigot. Élymologie de — , p. 11.
Boire comme un templier. D'où vient le proverbe — , p. 129.
Brouillamini. Élymologie de —, p. 114.
Brûler ses vaisseaux. Origine du proverbe —, p. 186.
C.
Calembour. Appréciation de l'étymologie de — donnée par
M. Sardou, p. 187.
Canapé. Élymologie de —, p. 186.
Carcan. Élymologie de — , employé par les cbarretiers, p. 122.
Carcan. Communication sur l'élyniologie de —, p. 137.
Cartable, ^i le mot — est français, p. 52.
Cartable. Communication sur -, p. 98.
Cauchemar. Elymologie de — , p. 153.
Cela fera du bruit dans Landerneau. Communication sur —,
p. 06.
Cela fera du bruit dans Landerneau. Seconde communication
sur — , p. 113.
Cela sera plus ou moins bien /ait. Si la phrase — est réelle-
ment lrancai.se, p. 146.
Celui-ci e.s( aussi Alexandre. Quand on peut dire à quelqu'un
-, p. 172.
C'est l histoire du merle el de la merlette. Origine de l'expres-
sion —, p. 91.
C'est mes amis qui ou Ce sont mes amis qui. S'il faul dire — ,'
p. 107.
C'est. Si après — suivi d'un infinitif, il faut De ou De qui,
p. 162.
C'est une tiague au doigt. SIgnilicalion et origine de — , p. 188.
Chance. Elymologie el signification de —, ]>. 70.
Chaud. D'où \ient — dans // es/ chaud, signifiant ru.sé, p. 51.
Cheval fondu. Signification liltéralc de —, p. 100.
Choucroute. Élymologie du mot —, p. 28.
Coi/ler sainte Catherine. Origine du proverbe —, p. 161.
Coloration,. Si le mot — est passé dans l'usage, p. 149.
Comme. Pourquoi — a le double sens de Lorsque et de De
quelle manière, p. 3.
Comme le chien du jardinier. Origine de la comparaison —,
p. 155.
Crier sur les toits. Pourquoi — et non Crier par-dessus les toits,
p. 67.
Croquer le marmot. Origine du proverbe —, p. 41.
Croquetaco. Communication sur — , p. 9.
Cuir de roussi ou Cuir de Russie. S'il convient de dire — ,
p. 155.
Cyclone. Prononciation du mol — , p. 155.
D.
D'aucuns. Si — est une bonne expression, p. 43.
Demander à el Demander de. Différence entre — , p. 35.
Demander après quelqu'un. Si l'on peut dire —, p. 52.
De manière à ce que. Justification de la construction —, p. 11.
De suite et Tout de suite. Communication au sujet des expres-
sions — , p. 89.
De suite. Communication sur —, p. 129.
Deux. Pourquoi — a un double adjectif ordinal, p. 27.
Dévergondé. Pouniuoi dire — quand on dit Vergogne, p. 67.
Derrait-elledisparaître... que. Justification, de la construction —
p. 123.
Dorénavant. Élymologie de l'adverbe —, p. 172.
E.
EffeuiUaison, Effeuillement, E/feuillage. Lequel des trois noms
— vaut le mieux, p. 42.
E(feuillaison, E/leuillement, Effeuillage. Communication sur les
synonymes — , p. 74.
Embrouillamini. Si l'on peut employer — , p. 83.
En. A quoi se rapporte — dans En voulntr à quelqu'un, p. 108.
En. Communication au sujet de — , employé dans un vers de Mo-
lière, p. 131.
Endosser. Communication sur — , p. 90.
En imposer el Imposer. S il y a une différence enire —, p. 139.
Etre en nage. Origine du mot Nage dans —, p. 103.
Etre né coiffé. Origine de l'expression —, p. 68.
Etre tiré à quatre épingles. Origine du proverbe —, p. 116.
Exemplaire avant les clous. Communication sur l'expression
déjà traitée — , p. 1.
F.
Faire Charlcmagne. D'où vient —, p. 26.
Faire gille. Explication de l'expression — , p. 146.
Faire ripaille. Communication sur — , p. 10.
Faire un Philippe. S'il esl bien français de dire —, p. 42.
Fauteur. Signification el emploi de —, p. 13.
Feu. Emploi el ortliogranhe de l'adjectif — , p. 156.
Fils. Quelle est la véritable prononciation du mot — , p. 147.
Fréquenter où. S'il est bien français dédire —, p. 154.
G.
Grâce à. Emploi de l'expression — , p. .52.
Grâce à. Communication sur l'expression — , p. 105.
Guéridon. Communicalion sur — , p. 1.
Guéridon. A quelle époque remonte l'histoire du personnage
appelé —, 11. 115.
Guitare. Comment le mot — est devenu synonyme de Affaire,
p. 92.
Gymnasiarque et Gymnaste. Diflérence entre —, p. 44.
H.
Haricot. Communication sur l'Age et l'étymologie de — , p. 17.
Hors de page. Si dans l'expression — , il faul écrire Page avec
ou sans s, p. 188.
l.
Identité. Emploi du mot —, p. 179.
1er. Pourquoi des noms de métier en — el d'autres en er, p. 36.
1er. Communication sur les noms de métier en — , p. 58 cl p. 169.
Il n'y a pas mèche. Explication de — , p. 28.
Il n'y a pas mèche, l'ommunication sur — , p. 57.
H a été suicidé. Communication sur —, p. 74.
Ils ne .mut pas cousins. Origine de lexpression — , p. 181.
Imposer el En imposer. S'il y a une diflérence entre —, p. 19.
Imposer. Communication relative à —, p. 49.
Informer que. Justification de la couslruction —, p. 83.
492
LE COURRIER DE VAUGELAS
Je m'en lare Im mains. Origine Je l'expression —, p. 131.
Je ne sache pas. Explication de l'expression — , p. 92.
Je ne saurais. Tem|)S dn siibjonclit' requis par — , p. 52.
J'irais quand il tomberait des hallebardes. Explication de — , p. 122.
Jurer comme un sacre. D'où vient le proverbe — , p. 179.
L.
La Police ou La Palisse. S'il faut écrire —, p. 171.
Le temps jadis et le temps de jadis. Laquelle des expressions —
est la plus correcte, p. 74.
L'être. Communication sur l'emploi de — à la place d'un verbe
passif, p. 1 13.
Le point du jour el La pointe du jour. S'il y a une différence
entre — , p. 116.
Le volcan de M. de Salvandy. Ce qu'il faut entendre par — ,
p. 164.
Le Havre. S'il faut un accent circonflexe sur — , p. 172.
Lexiologie. Si l'on peut employer — , p. 43.
Lejciologie. S'il faut préférer — à Lexilogie, p. 68.
Loquace. Prononciation de — , p. 12.
Lui ojfrît-on une fortune. Explication du subjonctif dans la
phrase — , p. 59.
M.
Mariage morganatique. Signification littérale de — , p. 4.
Ment. Comment doit se prononcer la finale des ad verbes en — ,p. 148.
Mess. Origine de — , table des officiers d'un régiment, p. 170.
Mièvre et Mièvrerie. Véritable signification de — , p. 50.
Mièvre. Communication sur — , p. 74.
.^lièvre. Élymologie de — , [). 82.
Mièvre. Seconde communication snr l'élymologie de — , p. 115.
Mièvrerie. Lequel vaut le mieux de — ou de Mièvrete', p. 99.
Mignardise. Étymologie de — , p. 90.
Moitié. Pourquoi un homme appelle sa femme sa — , p. 147.
Montrer patte blanche. Que veut dire et d'où vient l'expression
—, p. 156.
N.
i\abot. Élymologie du terme —, p. 4 et 51.
Ne. Si l'on doit employer — après Sans que, p. 140.
Néanmoins. Emploi de — , p. IJ5.
Ne pas être dans son assiette- Véritable sens de — . p. 132.
Ne rien prendre au pied de la lettre. Explication de la phrase
-, p. 139.
Nonobstant. Élymologie de la préposition — , )). 122.
0.
0 gué. Explication de — , qui se trouve dans la chanson que
Molière a insérée dans Misatitlirope, p. 186.
Oi. Communication relative à —, dans certains mots, p. 33.
Oignon. Communication sur l'orthographe de — , p. 4.
On dirait un homme ou On dirait d'un homme. Si l'on doit
dire —, p. 124.
Ouate. Communication sur l'orthographe de —, p. 4.
Ours. Pourquoi on appelle — une pièce qui n'a pas été repré-
sentée, p. 162.
P.
l^ain à chanter ou Pain enchanté. S'il faut dire —, p. 154.
Paraguante. Signification de —, p. 180.
Par-dessus l'épaule. Origine de l'expression négative — , p. 99.
Participe passé. Orthographe du — d'une phrase corrigée au
Passe-temps, p. 10.
Participe passé, (iommunicalion sur l'orthographe d'un — dans
une phrase cxirrigée, p. 90.
Partisane ou Partisante. S'il faut dire — , p. 84.
Passer par toutes les étamines. Explication de la phrase — ,
p. 130.
Paul et Julien connaîtraient la société que. Examen de la
phrase —, p. 26.
Pays deOocagne. Origine de —, p. 18.
Penser. Comment — a pu devenir impersonnel, p. 27.
Péquin. Élymologie de —, p. 44.
J'équin. Communication sur l'élymologie de — , p. 74.
Péquin. Seconde communication sur l'élymologie de —, p. 121.
/'e(^i(/n. Troisième communii aliou sur l'étjmologie de — , p. 137.
Péquin. Quatrième communication sur l'élymologie de —., p. 177.
Poème, Poète. Si le tréma sur — vaut mieux i|ue l'accent, p. 180.
Pour jusqu'à. Si l'expression — est correcte, ji. 75.
Prannel. Communication sur le mot —, p. 25.
Prannel. Seconde communication sur le mot —, p. 58.
Prenez- mon ours. Origine et emploi de — , p. 12i.
Prix. Etymologie de — dans l'expression .iu prix de, p. 20.
Pronom personnel. Emploi du — dans une certaine phrase, p. 65.
Pronom personnel. Communication sur l'emploi du — dans une
phrase où se trouve un participe présent, p. 82.
P russification. Pourquoi le néologisme — ne peut entrer dans
notre vocabulaire, p. 123.
Q.
Quant-à-moi. Si — vaut mieux que Quant-à-soi, p. 51.
Que. Analyse de — venant après Ce, p. 178.
Quiproquo. Comment le mot — en est venu à signifier Méprise,
p. 12.
Quiproquo. Communication relative à — , p. 49.
R.
Rien autre chose que. Si — peut se dire, p. 91.
Bien que. Equivalence de — et de Seulement, p. 28.
Sacrebleu. Etymologie du juron —, p. 189.
Sadduccen. Orthographe de —, p. 35.
Sadducéen. Comunication sur l'orthographe de— , p. 66 et p. 82.
Sa in te- Mi touche et Sa'inte-Nitouche. Laquelle des expressions —
vaut le mieux, p. 60.
Sa'tnte-Nitouche. Si l'expression — peut s'appliquer à un homme,
p. 84.
•S'e donner le baiser Lamourette. Origine de l'expression —,
p. 101.
Se donner les gants d'une chose. Origine de l'expression prover-
biale —, p. 148.
Se faire blanc de son épée. Origine de — , p. 178.
.Se mettre en quatre pour quelqu'un. Explication de l'expres-
sion — , p. 148.
Se mettre sur son dix-huit. Communication sur —, p. 2.
S'en battre l'œil. Explication de — , p. 3.
S'en battre l'œil. Si — peut se dire des personnes, p. 59.
Sens dessus dessous. Fausse orthographe de l'expression — , p. 149.
Se retirer sous sa tente. Origine de — , p. 178.
Se .w/e;rfe;\ Ap])réciation de — , p. 5S.
S'il lui arrivait quelque chose. D'où vient l'euphémisme — , p. 35.
Silo. De quelle manière ou doit former les dérivés du substantif
-, p. 83.
Sonate, que me veux-tu ? Emploi et origme de — , p. 180.
Sous le point de vue de et Sous le rapport de. Si — sont de
bonnes expressions, p. 59.
Suicide. .\ quelle époque — a été introduit dans la langue fran-
çaise, p. 92.
Sur la rue et Dans la rue, Différence d'emploi entre — . p. 01.
T.
Tant .;«'f>. Si l'expression — peut se dire à la place de Quant à,
p. 68.
Téte-bèche. Explication de l'expression — , p. 107.
Tirer à balle que veux-tu? Si la phrase — est bonne, p. 19.
Tirer son épingle du jeu. Origine de — , p. 139.
Tirer son épingle du jeu. Communication sur — , p. 177.
Tombal. Si l'adjectif — peut remplacer Tumu'aire, p. 52.
Tous. Prononciation de — , p. 5.
Truisme. D'où vient le mol —, p. 131.
Truisme. Communication sur —, p. 185.
Tuer le mandarin. Communication sur — , p. 9.
Tuer le mandarin. Autre communication sur — , p. 66.
u.
Une pluie de traits. Si l'on peut dire — , p. 131.
Une férité à la Palisse. Explication de l'expression —, ■[>. 132.
Unième, Vingt et premier, Trente et premier. Pourquoi on ne
dit pas — , p. 76.
V.
'Vaudeville. Etymologie de —, p. 34.
Vaudeville. Divers sens de l'expression —, p. 75.
Verbe. Lue question d'accord du — avec son sujet, p. 139.
Vétyver. Ortliogr.iphe injustifiable do — , p. 171.
Vieux comme Ilérode. Origine de la comparaison —, i;^_98.
Vin de deux oreilles. Ce qu'il faut entendre par —, p. 70.
BIOGRAPHIES DONNÉES
(■iLLES ïliÎNAOE, numéi^ÉBâ^^
Dominique liounouRS, amÊ^^^
i, 5, 6, 7, 8, 9 el 10.
, 12, 13 et 14.
Nicolas Andry (dit Iîoisreoakb), numéros 15, 10, 17, 18, 19,
20, 21, 22, 23 et 24.
Imprimerie GOUVERNEUR, G. DAUPELEV à Nogent-Io-Rotrou.
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