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COURS
DE
LITTÉRATURE
GRECX3UE MODERNE.
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I ■ DIP&IHEBIE «■-
DE P. ▲. BONNAlfT.
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THE Nt\' '^^'^' l
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JACOTA.RT RIZO.
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COURS
DE
GRECQUE ]\|ODEKTVE,
DONNÉ A GENÈVE
ANCIEN PREMIER MINISTRE DES HOSPODARS GRECS DE YALACHIE
ET DE MOLDAVIE ; '
PUBLIÉ PAR JEAN HUMBERT.
SECONDE ÉDITION REVUE ET AUGMENTEE.
}. A-^^W^^^^-J^^
GENEVE,
ABRAHAM CHERBULIEZ, LIBRAIRE.
PARIS,
DONDEY-DUPBÉ, RUE RICHELIEU, N» 47 BIS.
MDCCCXXVIII.,
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PRÉFACE
DE L'ÉDITEUR.
è^i cet ouvrage paraissait à Vienne, à Ve-
nise , ou dans la Grèce , la préface que j'écris
serait superflue : M/ Rizo est assez connu en
Allemagne et dans les provinces de l'Orient,
Mais comme on ignore peut-^tre en France »
et ses ouvrages et son nom , je crois convenable
d'offrir en peu de mots sa biographie, et de
montrer comment ses travaux antérieurs et
la place qu'il occupait dans le monde, l'ont
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Vj PREFACE.
mis à même d'étudier les hommes et les cha-
ses, et de les juger sainement. Dans ce mo-
ment où la Grèce attire tous les regards , on
s'intéressera sans doute à Fhomme d'État, au
poète qui, jet^ p^ les coups du sort loin de
sa Patrie , n'a cherché d'autre plaisir que de
parler d'elle , et de lui concilier de plus en
plus le respect et l'admiration.
Jacovaky Rizo Néroulos, l'un des meilleurs
écrivains de la Grèce moderne, est né à Cons-
tantinople, en 1778, d'une famille connue
dans les lettreis et la diplomatie. Orphelin à
l'âge de quatre ans, sa première éducation fut
confiée à son oncle Saix^uel, archevêque d'É-.
phèse. Daniel Philippidès lui enseigna la phi-
losophie morale^ et l'abbé de la Fontaine les
mathématiques. A peine âgé de vingt ans,
il fut appelé par l'hospodar Ypsilanty, père
de ceux qui ont illustré ce nom, à l'hono-
rable emploi de grand-Écuyer , dans la prin-
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PRÉFACE. Vij
cipautë de Moldavie ; c'est là cpi'il consacra ses
loisirs à étudier la Uttëratuve firrançaise , et à
se perfectionner dans les langues orientales.
Ypsilanty fut déposé. Son successeur , Alexan*
dre Soutzo, nomma en 1801 le, jeune Rizo
son agent à Gonstantinople. Mais la Russie et
la Porte ayant commencé à cette époque une
guerre qui dura six ans , et pendant laquelle
les provinces de Moldavie et de Valachie , en-
vahies parles Russes, furent privées de leurs
gouverneurs, M.^ Rizo passa tout ce temps à
Gonstantinople , au sein de la retraite ^t de
l'étude. La paix fut conclue; les hospodars
rentrèrent dans leurs principautés. Le prince
Jean Garadza , * hospodar de Valachie , s'atta-
cha M/ Ris^o , et réleva successivement jusqu'à
la dignité de grand-postelnik ou premier mi-
* C'est le même prince qui a passé six mois à Genève ,
en 1819, accompagné de George Argyropoulo, son gen-
dre, et du célèbre Maurocordalo, son grandposteiniÂ,
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viij PRÉFACE.
nktre. Profitant de son crédit, M/ Rizo s efr
forç^ d'améliorer les diverses branches de Tin-r
struction publique , et surtout de faire fleurir
le lycée de Bucharest, en y attirant d'habiles
professeurs, tek que Néophyte Doukas et
Etienne Gomita. Son séjour en Yalachie fut
alors de quatre ans. En 1818, il fut nommé
secrétaire-traducteur de \ Interprétât au mi-
nistère des afiaires étrangères de la Porte ,
à Gonstantinople. En 181 9, le prince Michel
SoutsLO, hospodar de ftfoldavie, et qui, dès
longrtemps, connaissait le mérite de M.'^ Rizo,
rappela auprès de lui, et le revêtit une seconde
fois de l'importante charge de grand -postel-
nik. Le collège de Jassy devînt l'objet princi-
pal de ses soins , et il fonda dans cette capi-
tale plusieurs écoles d'enseignement mutuel.
Actif, persévérant, modeste, il avait gagné
l'approbation et l'estime universelles, lorsque
l'insurrection éclata au mois de février 1821 ,
et termina la carrière politique de M."^ Rizp.
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PRÉFACE. ÎX
Proche parent d' Ypsilanty , M/ Rizo n'avait
pas ignoré les mouvemens qui se préparaient ;
ce fiit même dans la principauté de Moldavie,
où il était premier ministre, que la révolte
commença. L'apparition des troupes d'Ypsi-
lanty jeta le désordre et l'épouvante; les
boïards et le clergé s'enfuirent; Fhospodar et
sa cour abandonnèrent Jassy, et se retirèrent
àKischnefF, près d'Odessa. M.'* Rizo y séjourna
deux ans , occupé du sort futur de son épouse
et de ses onze enfans; il ne partit pour la Grèce
qu'en 1823, emmenant avec lui ses fik aînés,
qu'il destinait à la carrière des armes. La route
par mer était fermée ; il fallut traverser la Po-
logne , la Saxe et la Suisse. Arrivé à Genève ,
il jugea convenable d'y laisser un an ses fils ,
pour qu'ils étudiassent, auprès du colonel Du-
four , les principes de l'artillerie ; il alla les
attendre à Pise. En tout autre temps , le séjour
de Pise eût été pour lui plein de charmes ; il
y fivait retrouvé ses anciens amis, le prince
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X PRÉFACE.
Garadza, le prince Michel Soutzo, Argyro-
poulo , et deux littérateurs de sa nation, Chres-
tary et Jatropoulo : mais de profondes blessu-
res déchiraient son cœur sensible. Sa nom-
breuse famille était toujours en Bessarabie ;
son frère et son beau -frère venaient d'être
massacrés à Constantinople. Pour comble de
malheurs , son fils aîné , à peine de retour en
Toscajie, tomba dans une maladie de lan-
gueur, et expira. Ce fils était l'espérance et
l'orgueil de son père ; c'était un modèle d'é-
nergie et de courage ; à quinze ans , il avait
combattu sous les drapeaux d'Ypsilanty, et
il allait s'embarquer pour la patrie des braves.
M.' Rizo fut inconsolable de celte perte. L'Ita-
lie et son beau ciel , Pise et les douceurs de
l'amitié , rien ne put le distraire : il. résolut de
se rapprocher de sa famille. Instruit de ce
projet, un philhellène genevois, M."^ Bétant,
intime ami des fils de M/ Rizo , lui écrivit
en termes pressans pour l'engager de venir à
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PRÉFACE. XJ
Genève, dans une ville dévouée à la cause des
Grecs , et qui a le bonheur de posséder h
comte Gapodistrias , ce loyal et généreux pa-
triote, qui résigna ses hautes fonctions en
Russie y dès qu'il vit la Russie indifférente au
sort de la Grèce.
M.^ Rizo se laissa persuader , et arriva à
Genève le i8 juin 1826, A peine y était-il
fixé, que plusieurs personnes (et l'auteur de
cette Notice en particulier) le sollicitèrent de
donner un cours de langue grecque moderne ,
dans lequel il exposerait ^ mieux que tout au-
tre , sans doute , le caractère , les nuances et
les délicatesses de ce dialecte si peu connu.
Sa complaisance céda à nos vœux. Il prit la
plume pour tracer Y Introduction y qui de-
vait occuper une ou deux séances ; mais ^ em-
porté par Tattrait du sujet , il prolongea in-
sensiblement cette Introduction jusqu'à la fin
du courSf
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xij PRÉFACE.
C'est ce travail que je publie aujourd'hui ,
travail rédigé tout d'une haleine, sans le se-
cours d'aucun livre , d'aucune note , d'aucun
manuscrit; travail plein d'érudition, et qui
donne à juger de quoi Tauteur était capable ,
s'il l'eût composé dans sa patrie , au milieu de sa
bibliothèque , et à tête reposée ; travail qui oiflBre
des vues nouvelles , et plus d'idées que de mots :
chose rare dans un siècle où Ton ne cherche
qu'à grossir les volumes , et où les littérateurs
spéculent comme des marchands. M."^ Rizo a
su dans quelques pages présenter l'histoire la
plus complète qu'on ait de la littérature de
sa nation. Je dois pourtant l'avouer : cette
brièveté a été peut-être , en certains endroits ,
poussée trop loin; soit que l'éloquent profes-
seur, entraîné par son imagination , ait omia>
sans le vouloir, quelques idées intermédiaires;
soit qu'à dessein il ait glissé sur certains faits,
et enveloppé sa pensée , pour ne blesser per-
sonne. M.*" Rizo n'a pas lu ce cours à ses aun
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PRÉFACE. Xiij
diteurs entièrement tel que je l'offre au pu-
blic ; il a prié son jeune ami M.' Bétant de
revoir le manuscrit , de réunir les leçons en
un seul tout, et de rejetar dans ks Notes ce
qui lui pai^aitrait moins en harmonie avec
Fensemble de l'ouvrage , en laissant au style
sa couleur, et même ses défauts. On recon*
naîtra donc , dans les premières pages sur-
tout, la plume d'un étranger, mais d'un étran-
ger habile, et dont le début laisse peu de chose
à désirer.
Aussi éprouvé-je un vrai plaisir à être l'édi-
teur d'un livre si estimable ; et je m'en félicite
d'autant plus que ce livre augmentera sans
doute l'inbérét qui environne déjà la nation
grecque, loir$qu'oii verra depuis quand se pré-
parait en silence la révolution actuelle, et par
quels nobles efforts on y tendait» histruire le
peuple, fonder des écoles, des coUégei^, des
académies; traduire et répandre avec profu-
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XIV PREFACE.
sion les meilleurs ouvrages de Tantiquîté et
des temps modernes ; faire voyager à grands
frais la jeunesse dans notre occident : voilà
par quels sacrifices les Grecs travaillaient à
s'affranchir. Rien ne leur coûtait pour mon-
trer à leurs fils la civilisation européenne, et
leur inspirer le goût et le besoin des institu-
tions libérales. Les séparations les plus dou-
loureuses, les absences les plus prolongées,
étaient adoucies par Tespérance d'un avenir
meilleur.
Tel était, il y a trente ans déjà, ce peuple
magnanime, tandis que l'Europe entière prêtait
une oreille facile aux récits mensongers des
voyageurs ; tel est encore aujourd'hui l'hé-
roïsme de ces négocians grecs tant calomniés^
et qu'on voit depuis six ans équiper, entre-
tenir à leurs frais des flottes nombreuses, et
prodiguer avec la même facilité leurs trésors et
leur sang ; tel est ce peuple qu'on nous repré-
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PRÉFACE, Xy
sentait comme façonne à rèsclavage , et in-
digne d'en sortir. Ces injustices commencent à
se dissiper; et l'ouvrage de M. Rizo hâtera le
moment où la véritë sera connue. On verra ce
que faisait cette nation opprimée , mais non
pas avilie , pendant qu'on la croyait unique-
ment occupée à caresser le pouvoir , et à tra-
fiquer astucieusement sur les mers. On verra
que h. révolution actuelle croissait dans Tom-
bre , et qu'elle avait pour instigateurs , non des
subalternes obscurs et d'ignorans enthousias-
tes , mais de riches négocians , et des hommes
de tettres prudens et respectables.
Dans ce tableau des littérateurs de la Grèce,
aurait figuré au premier rang M.' Jacovaky
Rizo , si tout autre que lui eût tracé cette hi-
stoire. Il y a donc ici une lacune que j'essaie-
rai de combler.
La poésie surtout a occupé la vie littéraire
de M.'' Hizo-, et c'est comme poète qu'il jouit
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XVJ PRÉFACE.
dans sa patrie d'une réputation aussi étendue
que méritée. Son début fut la tragédie d'-^^^-
pasicy en trois actes et en vers, avec des
chœurs, jouée en 1811 , imprimée à Vienne
en i8i3, réimprimée à Leipsick en iSaS.
C'est la première tragédie en grec moderne
où la règle des unités soit observée. Le but
de Fauteur était d'élever les âmes de ses con-
citoyens par le développement de sentimens
nobles et patriotiques; il voulait aussi faire
voir que la langue vulgaire , trop dépréciée
par certains critiques, était susc^tible d'é-
légance, de noblesse et de dignité. Gomme
ouvrage dramatique , on peut reprocher à
cette pièce de ne pas offrir assez d'action et
de péripéties; mais le style en est achevé*
La même année ( i8i3 ) parut Polyxène ,
tragédie en cinq actes et en vers , supérieure
à la précédente , sinon pour le style , du moins
pour l'intrigue , qui offre un intérêt soutenu
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PRÉFACE, Xrij
et des situations fortes et tragique. Àcbille
demande la main de Pdiyxéne y la jalousie de
Gassandre entrave r^écompiissement de cet
hymen ; Achifte périt ^sassiné dasns le temple
de Minerve-
Ces deux tragédies ont été plusieurs fois
représentées sur les théâtres grecs de Jassy,
de Bucharest , de Corfou et d'Odessa.
A Toccasion des exagérations ridicôie^ on
tombaient les partisans eflBrénés du système
grammatical de Coray , M/ Rizo publia une
comédie en trois actes et en prose , intitulée
le Nouçeau Patois des Swans (en grec mo-
derne), imprimée d'abord à Constantinoplle
en 1812, puis à Leipsick en 1816. L'intrigue
est peu de chose ; mais les détails sont pétiÏÏans
d'esprit et de gaîté.
L'EnUi^ement du Di(idon , Ko^xaç àpTroyïî
(Vienne, 181 5), est xm poème héroï-comi-
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Xviij PRÉFACE.
que , dont il n'a paru que trois chants , et dont
le but moral était d'inspirer aux Grecs le mé-
pris d'occupations et d'idée frivoles, de tour-
ner toutes leurs pensées vers des objets d un
ordre supérieur , et surtout de leur inspirer
Tgmour de la liberté. Le poème, dans son en-
tier, devait offrir une satire générale des dé-
fauts de la nation. La partie imprimée est
une allusion maligne aux mœurs des Grecs
• de Constantinople , à leurs vaines dissensions,
à leur luxe et leur légèreté-
Témoin du soulèvement d'Ypsilanty , M/
Rizo en a consigné quelques détails dans une
brochure grecque intitulée Fragmens histo-
riques sur les éçénemens militaires relatifs
à Vinçasion d'Ypsilanty en Moldavie, (Mos-
cou, 1822.)
Tels sont les ouvrages publiés jusqu'à ce
^ jour par M."^ Rizo; car je passe sous silence
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PRÉFACE. Xix
des poésies fugitives qui ont paru dans les
journaux grecs de TAllemagne. Ses œuvres
manuscrites se composent d'un poème héroï-
que 5 dont le sujet est la catastrophe de Scio ;
d'un petit poème sur les désastres de Psara ;
d'une comédie en trois actes et en prose, inti-
tulée les Pédcms,; d'un recueil d'odes, et de
quelques élégies pleines de sensibilité. Gomme
échantillon du genre de M.'' Rizo , je citerai
les Vers qu il s adressait à lui-même pendant
son séjour à Pise, et je joindrai à la fin du vo-
lume le texte du morceau, pour que les hellé-
nistes puissent juger par eux-mêmes combien
le style de M."^ Rizo est clair, pur, élégant et
harmonieux ;
« Qu'est devenu ce temps où , porté par un
vent favoraiïle , je traversais la mer calme de la
vie , et j'entrais dans le sein d'un port tranquille?
Ma maison était l'asile du bonheur; chaque jour ,
entouré de ma jeune famille , je me mêlais à se&
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XX PRÉFACE,
jeux enf^ntin^ ; je menais une vie douce et heu^
reuse ; je m'abreuvais de félicité.
c( Mais , 6 Patrie ! ô nom cher et sacre ! hélas !
je ne te profère aujourd'hui qu'en versant des
pleurs. Lorsque tu appelas tous tes enfans , tu
m'appelas aussi : quel cœur hellénique fAt de-
meuré sourd à ta voix?
« Je traversai le riche territoire de la Haute-
Allemagne , terre amie des arts et de la philoso-
phie. Je traversai la Suisse aux beaux lacs , la
Suisse généreuse bienfaitrice des Grecs. J'ad-
mirai , je chéris la sage Genève , et , ayant prié
pour elle, je continuai m^ route et franchis le§
« Arrivé dans les plaines délicieuses d'Italie ,
dans la Tosc^e riante él hospitalière, je vis ses
sites poétiques , ses bois d'orangers , ses jardins ,
oà l'hiver n'arrive quelentement et avete respect.
Mais, hélas! ces lieux de paix et de repos ne
m'ont causé que des gémîssemens et des tarmes.
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PRÉFACE, XXJ
tt Quelquefois , solitaire et triste , je descendais
sur le rivage de la mer ; et à l'aspect des vais-^
seaux qui fendaient les ondes : Heureux, m'é-
criais-je, ceux qui naviguent! Oiseaux marins,
portez-moi sur vos blanches ailes , jusque dans
les ports de ma patrie!
« Un jour , après un violent orage , je me pror-
menais lentement , avec un ami , sur les rives
d'un fleuve débordé. Au milieu des débris ar-
rachés par l'onde furieuse , flottait le tronc d'un
grand chêne. Vois, dis -je à mon ami, vois ce
chêne entraîné par le courant rapide : hier il
avait un épais feuillage ; son ombre rafraîchis-
sait la terre ; des oiseaux mélodieux se jouaient
sur ses branches; à ses pieds le berger enflait
son chalumeau; aujourd'hui, déraciné par la
tempête , il roule dans TArno , jouet des vagues
écumantes. >
« Cher ami , ^e suis semblable à ce chêne de-
puis que j'ai quitté ma famille , depuis que je
vis seul et délaissé. »
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XXÎj PRÉFACE.
Cest en Bessarabie et en Toscane (de 1821
à 1825) que M/ Rizo a composé la plupart
de ses poésies détachées, qui seront peut-être
publiées un jour. Arraché à la Grèce et à sa
famille, toutes ses pensées se tournaient vers
les objets de son affection ; et tantôt il exha-
lait en vers mélancoliques les regrets de l'ab-
sence ; tantôt , ému d'admiration et de pitié
pour les héroïques défenseurs de sa patrie, il
prenait sa lyre , et soutenait par des hymnes
guerriei^ leurs efforts et leur constance. Son
Ode aupc Grecs ^ imprimée à Leipsick en 1 823 ,
avec une traduction en vers allemands, respire
une véritable chaleur. Elle a été réimprimée
en 1824 à Missolonghi, dans le journal inti-
tulé Chroniques grecques*
Occupé de son Cours de littérature depuis
son arrivée dans notre ville. M/ Rizo a quitté
momentanément la poésie , à laquelle il de-
manda si souvent des consolations ou un sou-
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PRÉFACE, XXÎij
lagement à ses peines. Des relations d'amitié
avec plusieurs savans genevois; le spectacle
édifiant de l'enthousiasme des Suisses pour la
cause des Hellènes ; Fespoir bien fondé de la
délivrance prochaine de la Grèce ; des témoi-
gnages non équivoques de considération de
la part d'illustres voyageurs qui ont traversé
Genève ; * toutes ces circonstances ont réjoui
son cœur attristé , et semé de quelques fleurs
une vie désenchantée. Dans ce moment. M/
Rizo, encouragé par l'accueil flatteur fait à
son coui^ de littérature, prépare une Histoire
de la Réçolution actuelle de la Grèce; et l'on
peut être sûr que cet ou^Tage, entièrement
neuf et original , rédigé sur des documens ofli-
* Parmi ces voyageurs, il suffira de nommer M.' Cbam-
pollion le jeune, dont le nom peut se passer d'éloges , et
M.r le comte Mocenigo, de Corfou , ambassadeur de Rus-
sie à Turin , Tun des hommes qui ont le plus contribué
à la civilisation de la Grèce.
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Xxiv PRÉFACE.
ciels par un homme qui connaît à ftmd le
caractère des deux peuples, et qui a eu des
rapports intimes avec les principaux acteurs
de cette grande scène , sera ëcrit avec toute
la fidélité de Thistorien, l'éloquence du poète,
et le patriotisme du citoyen^
J. H.
Genève , ce 4o décembre ïSjéS.
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AVERTISSEMENT
CETTE SECONDE ÉDITION.
M« Rizo a revu soigneusement Un Ouvrage
qui se ressentait de la promptitude av6c la-
quelle il avait été composé. II a retranché quel-
ques passages de Tlntroduction, développé con-
sidérablement la première Période , mis plus
d'ordre et de clarté dans la disposition des cha-
pitres 9 enfin remplacé quelques notes peu im-
portantes par des éclaircissemens essentiels sur
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2 AVERTISSEMENT.
les privilèges des Secrétaires-Interprètes et des
Patriarches de Gonstantinople, sur Forganisa-
tion du clergé séculier, et sur les hospodars de
Valachie et de Moldavie. Ce sont là vraisem-
blablement les dernières modifications que su-
bira cet Ouvrage.
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DE LA
LITTÉRATURE
GRECQUE MODERNE.
INTRODUCTION
A L*HISTOinE DE LA LANGUE GRECQUEé
1?ouR i*emonter à rorigine de là littérature
ancienne , pour déchirer le voile qui couvre lé
berceau de la langue des Grecs , il faùdralit avoir
des notions positives sur ces temps plonges daiiâ
Tobscurité des fables , ou complètement ignorés ^
il faudrait savoir quels furent les premiers hom-
mes qui petrplèrent la Grèce, quelles colonies
étrangères s y établirent, quelles hâtions l'en-
vahirent successivement , queUeff relations elles
soutinrent avec les pays déjà civilisés v il faudrait
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4 • INTRODUCTION A l'hISTOIRE
en un mot posséder des lumières qui nous man--
quent, et que peut seule fournir une de ces
grandes découvertes qu'on souhaite , mais qu'on
n'ose espérer.
Ainsi , sans vouloir expliquer la formation et
les premiers progrès de la langue grecque , je-
tons un coup d'oeil sur ses variations principales ,
sur le plus haut point qu'elle atteignit , sur l'épo-
que de sa décadence , et sur celle de sa plus
grande corruption.
La plus ancienne période de la littérature
grecque paraît avoir été consacrée à la poésie
mystique ou religieuse. Les chefs des colonies
asiatiques , ayant apporté en Grèce leur mode
de gouvernement , c'est-à-dirè un régime ab-
solu appuyé sur le théocratisme , firent naître
cette poésie mystique en instituant des lieux où
l'on rendait les oracles par la bouche des prophé-
tesses. Phémonoé , prêtresse d'Apollon , fut , se-
lon les traditions antiques , la première qui in-
venta le vers hexamètre. C'est donc aux femmes
que la poésie grecque doit son origine ; et c'est
peut-être à cette circonstance qu'il faut attribuer
aussi son harmonie et sa beauté. Ensuite Eu-
molpe, Orphée, Linus , adoptèrent aussi l'hexa-
mètre j et s'en servirent pour chanter les dieux ,
la religion , ses mystères et ses cérémonies. La
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DE LA LANGUE GRECQUE. 5
poésie était alors renfermée dans le cercle étroit
que lui traçait le cultç religieux; la langue avait
une aboiîidance stérile , une richesse et un luxe
oriental.
La Grèce , divisée en petits états qui avaient
chacun leur roi , fut long-temps le théâtre de
guerres partielles , où brillaient l'adresse, la
force du corps et l'intrépidité. Les héros de cette
époque protégeaient les opprimés contre les op-
presseurs 5 faisaient la guerre aux animaux fé-
roces, desséchaient les marais , creusaient des
canaux pour empêcher les débordemens des ri-
vières. Tels furent Hercule , Persée , Jason ,
Thésée et Pirithoiis.
L'imagination poétique , alors dégagée des
bornes que la théocratie lui prescrivait , chan-
gea d objets , et , abandonnant le ciel au langage
sacré des oraclçs, s'occupa de la terre, et com-
mença à célébrer les grands exploits par de pe-
tites chansons, semblables à celles des ^(77z^<9^/m'
ou capitaines de la Grèce moderne. C'étaient ces
petits poèmes qu'Achille répétait sous sa tente ,
en s'accompagnant de la lyre , asiSe xXéa àvSpâv.
Le poète Démodocus chantait aussi la prise de
Troie , assis à la table du roi des Phéaciens :
Oorej' epÇav t' eVraQcfv re, xoà oncr^ efAoyyjaav AyoLtoC
Le nombre de ces poètes-chantres augmentait
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6 INTRODUCTION A L HISTOIRE
avec les exploits dés hëros ; mais , faute de
moyens durables pour transmettre ces compo-
sitions à la postérité , c'était la tradition qui con-
servait le souvenir des événemens; c'était la mé-
moire, divinisée par les anciens comme mère
des Muses, qui garantissait précairement de Fou--
bli cette foule de compositions poétiques.
Les devanciers d'Homère, appelés à traiter
diiférens sujets qui exigeaient une grande va-
riété de mots , enrichissaient la langue d'expres-
sions ingénieuses , de tours multipliés , et l'em-
bellissaient par des sentimensetdes idées. Jouis-
sant du titre dihommesfaçorisés du Cielj ils étaient
au-dessus des factions et des partis ; et , vrais ci-
toyens de la Grèce , ils l'exaltaient dans leurs
chants , ils en mélangeaient les dialectes , et in-
spiraient par là aux peuples divisés l'idée d'une
patrie unique et commune.
Homère , profitant des matériaux de ces petits
autels érigés aux Muses par ses prédécesseurs y
bâtit ce temple superbe que les âges ont res-
pecté. Le temps , destructeur impitoyable , n'ose
entamer l'Iliade ;. mais , cachant sa faux devant
elle , il s'incline avec admiration ^ et passe.
Les grands, gépies spnt à leurs siècles ce que
les jalons , dans les routes inconnues , sont au
voyageur égaré : ils abrègent le chemin de l'es--
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DE LA LANGUE GRECQUE. 7
prit de l'homme , et rendent plus rapides les pro-
grès de la civilisation.
Les deux poèmes d*Hoinère futent Técole d*où
sortirent les législateurs , les historiens , les géo-
graphes. C'est dans ces ouvrages immortels que
les Grecs apprirent à apprécier la vertu , Tamour
de la patrie , le mépris d'une vie ignominieuse ,
la noble passion pour la gloire. Ces poèmes , ré-
cités dans les fêtes religieuses , devant des audi-
teurs de tout âge et de tout sexe , opéraient plus
d'eflètsur les esprits que ne font aujourd'hui des
livres feuilletés dans le silence du cabinet , où le
lecteur isolé est aussi froid que le tombeau de
l'auteur qu'il médite.
Le sièrfe d'Homère , content de l'avoir pro-»
duit , ne s'est signalé par aucun autre événement;
remarquable , si ce n'est par les efforts des colo-
nies ionienffês vers le régime corifédératif. Ces
colonies , trop petites pour résister séparément
aux forces des rois de Lydie , mais trop arden-
tes pour ne pa« braver toutes ensemble l'indo-
lence de ces princes , se liguèrent peu à peu en*
tre elles au nombre de douze, et, formant un
faisceau d'assistance mutuelle , firent des pro-
grès rapides vers la prospérité. Elles furent tes
Suisses de cette époque reculée. Les citoyens de
cette confédération ionienne , habitant une con-
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15 INTRODUCTION A L HISTOIRE
trée aussi belle que fertile , jouissant d'une liberté
basée sur l'intérêt commun, deviiirent bientôt
un peuple industrieux et commerçant , qui cul-
tiva les sciences et les beaux-arts, et dont le dia-
lecte fut le plus riche et le plus poli. De grands
hommes s'ëlevèrent de son sein , et répandirent
des lumières sur la Grèce proprement dite , sur
la grande Grèce et sur la Sicile.* C'est de l'école
ionienne que sortirent Pythagore , Thaïes , Dé-
mocrite , Heraclite , Archiloque , Alcée , Ana*-
créon ; et , plus tard , Hippocrate , Hérodote et
Simonide.
La Liberté , qui aime tous ses enfans avec la
même tendresse, ne défend pas aux femmes
d'aspirer à la gloire et à l'immortalité ; partout
où elle règne , on voit les femmes recevoir
une éducation digne d'elles, égaler les hommes,
quelquefois même les surpasser en sentimens
sublimes , en actions héroïques , en grandes
conceptions. L'époque de la confédération io-
nienne vit fleurir, entre autres femmes célè-
bres , celle qu'on surnomma la Muse de Lesbos.
Sapbp fut admirée , et presque divinisée pour ses
productions poétiques. Tous ses vers portaient
l'empreinte de son beau génie ; son imagination
ardente et douce était seule capable d'exprimer
les inexprimables sensations de l'amour. Par
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DE LA LANCUE GRECQUE. 9
quelle fatalité le temps , au lieu de conserver ses
hymnes , ne nous a-t-il transmis que Thistoire
du saut de Leucade et de la farouche insensîbi-
UtédePhaon?
La splendeur et la prospérité des villes io-
niennes , en inspirant à la Grèce Tamoùr de la
liberté et la haine du pouvoir arbitraire j enga-
gèrent plusieurs villes du Péloponèse et de TAt-
tîque à se donner une constitution. Lycurgue
et Solon furent les législateurs de leur patrie ,
comme si le Ciel, attentif aux destinées de la
Grèce , se fut hâté d'élever comme boulevards
Athènes et Sparte , pour succéder aux villes con-
fédérées dlonie , tombées sous les coups réité-
rés des Mèdes et des Persans.
Pendant cet espace de temps, qu'on pourrait
appeler l'époque de la naissance du droit public ,
les sages de la Grèce , en s'occupant de la science
de gouverner , abandonnèrent le langage des
images et le rhythme de la poésie , pour embras-
ser le style simple et sévère de la prose, dans
lequel ils exposaient les devoirs réciproques de
l'homme en société. Les plus anciens prosateurs
écrivirent en dialecte ionique : tels furent Héca-
tée , Denys de Milet , Hérodote , et bien d'autres
dont nous avons perdu les ouvrages , peut-être
même les noms. Après eux vinrent les prosa-
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lO IUfTROBVCnOV A L HISTOIRE
leurs attiques , ^et à leur tête Périclès , dont
YOraison funèbre pour les Athéniens morts dans
la première année de la guerre du Péloponèse ,
est le plus ancien fragment de prose attique qui
nous soit parvenu.
Les victoires éclatantes remportées sur lés
Perses par les Athéniens et les Lacédémoniens ,
donnèrent à ces deux peuples la prééminence
sur tout le reste de la Grèce. Athènes l'emporta
bientôt sur Sparte , que sa constitution éloignait
de la littérature , des sciences et des beaux-arts.
Athènes, par sa prépondérance politique , et par
rinfluence morale de ses grands écrivains , fut
la régulatrice du bon goût , et le dialecte attique
devint le langage de la haute société.
Après avoir épuisé divers genres de poésie ,
le génie grec invoqua Melpomène : ce beau siè-
cle vit la tragédie perfectionnée déclamer , sur
les théâtres d'Athènes , les chefs-d'œuvre d'Es-
chyle , de Sophocle , d'Euripide et d'Agathon.
Combien la Grèce était savante et grande au
moment de la guerre désastreuse du Péloponèse !
Ses poètes lyriques entonnaient les louanges des
héros morts , non pour Sparte ou pour Athènes ,
mais pour le salut et l'indépendance de la patrie
commune. Les tragiques inspiraient contre là
tyrannie une haine implacable , en répétant sur
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D£ LÀ^ LANGUE GRECQUE. 1 1
le théâtre , que celui qui va habiter chez un
tyran , quand même il irait libre , devient son
esclave :
0<JT(ç -yàp trpàç rtîpawov ijiTropetiçTae
Suscitée par l'ambition et par le mépris du
juste et de l'honnête , la guerre du Péloponèse
produisit des effets funestes aux Grecs. Quand
le chef d un gouvernement veut faire servir ses
concitoyens d'organes à ses passions , il tâche
préalablement de les corrompre , pour les trou-
ver ensuite dociles à l'exécution de ses projets.
Périclès et Alcibiade dépravèrent les Athéniens:
le premier , par ses intrigues , suscita la guerre
du Péloponèse ; le second fut le moteur de l'ex-
pédition contre la Sicile.
Les guerres injustes sont le caractère des na- -
tions avilies. Les Athéniens , en se dégradant ,
applaudissaient aux railleries d'Aristophane con-
tre Socrate et contre les citoyens amis de la
liberté. Le peuple d'Athènes , abandonné sans
réserve au plaisir et à la licence, commençait à
perdre l'idée du beau , et méprisait une morale
éloquente pour prêter l'oreille aux puérilités des
sophistes et aux froides antithèses d'un Gorgias
et de ses écoliers. La véritable éloquence , la
diction épurée des chefs-d'œuvre classiques ,
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ï 2 INTRODUCTION A l'hISTOIRE
eurent souvent des imitateurs , jamais des égaux .
Alors finit la plus belle période de la littérature
grecque : alors disparut ce style noble sans en-
flure 5 simple sans sécheresse , harmonieux sans
redondance, orné sans affectation. La langue
grecque, répandue sur une surface immense
par Alexandre et ses successeurs 5 défigurée par
la masse d'étrangers qui durent l'apprendre , vit
peu à peu s'effacer son caractère et son origina-
lité. Telle une rivière qu'on affaiblit par une in-
finité de canaux , perd peu à peu sa force mo-
trice , et , coulant jusqu'à une certaine distance ,
s'arrête enfin, et se transfornfie en marais; tels
ifurent les derniers efforts de la littérature grec-
que , ruinée par la mort de ses grands hommes ,
et par l'absence de la liberté. La bataille de Ché-^
ronée , où l'indépendance de la Grèce fut le prix
du Mars macédonien ; la monarchie universelle
d'Alexandre , sa mort prématurée , les guerres
interminables de ses successeurs; Rome con-
quérante et tyran du monde , tous ces événe-
mens désastreux portèrent des coups réitérés et
mortels à la littérature grecque.
L'école d'Alexandrie , si l'on excepte Théo-
crite , Ménandre et Apollonius de Rhodes , ne
forma que des poètes plagiaires , des grammai-
riens insipides , de^ commentateurs stériles , des
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i)E LA LANGUE GRECQUE. l3
dialecticiens féconds en abstractions inintelligi-
bles.^ La domination de Rome ne fut pas moins
pernicieuse» Des sophistes mendians , des char-
latans ërudits , des philosophes sans connaissan-
ces réelles, inondaient Rome, Alexandrie, la
Syrie et la Grèce. De temps en temps parais-
saient quelques génies supérieurs à leur siècle ;
mais leurs ouvrages , classiques sous d'autres
rapports, étaient bien inférieurs pour le mérite
littéraire aux productions du siècle de Périclès:
leur style , qui sentait la servilité de l'imitation ,
n'avait point cette audace héroïque , sûre de ses
forces , cet à-propos de maître , cette discrète et
sage indépendance dans les expressions, qui n'est
inspirée à l'auteur que par l'intime conviction de
sa capacité créatrice. Tels furent Polybe , Denys
d'Halicarnasse , Arrien , Diodore de Sicile , Lu-
cien , Strabon , Plutarque , Pausanias. Ces hom-
mes étaient comme des jardiniers qui arrosent
un petit terrain au moyen de réservoirs , mais
non pas comme la pluie , qui abreuve et fertilise
des plaines immenses.
La Grèce n'avait plus cette mère du génie ,
l'égalité des droits ^u citoyen. Sous. Alexandre et
ses successeurs , la jeunesse grecque n'entendait
retentir à ses oreilles que les sons terribles de
pouvoir absolu , de force arbitraire , ces mots
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l4 ItîTRODUCTION A L^HISTOIRÈ
qui flëtrissent Fâme et rabaissent les sentiment.
Sous les Romains , le degré d'avilissement était
tel, que les descendans d'Épaminondas et de
Miltiade se prosternaient devant ilnsolent affran-
chi d'un orgueilleux proconsul.
Le siège de Tempire romain fut transporté à
Byzance , où il eut pour cortège le luxe et la fai-
néantise des patriciens dépravés , indignes de
leurs illustres noms. En donnant le titre de ca-
pitale à la ville de Byzance , anciennement une
des cités grecques du second rang , on l'avait
obligée d'oublier son origine , ses usages et ses
mœurs , pour devenir toute Constantinople ; à
l'exemple de ces riches seigneurs qui , en épou-
sant des bourgeoises, les instruisent à dédaigner
leur ancien état , et même à oublier leurs parens.
Dans cette nouvelle Rome , les titres de tous
les dignitaires , et les termes de jurisprudence ,
étaient latins. La cour, les militaires, la haute
société, affectaient de parler la langue des do-
minateurs; celle des Grecs allait achever de se
corrompre. Mais l'églisfe d*Orient, toujours li-
bre , toujours au-dessus des vicissitudes politi-
ques j conserva la langue originale des saints
Évangiles. Elle donna naissance aux Basile , aux
Grégoire, aux Cyrille et aux Chrysostome. Ces
modèles de l'éloquence chrétienne , en prêchant
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D£ Là Langue grecque. iB
la morale ëvangélique , maniaient la langue des
anciens auteurs grecs , et , du haut de la chaire ,
ne voyant dans tout leur auditoire que des frè-
res en Jésus, nivelaient les riches et les pau-
vres, les faibles et les puissans, les fils de»
princes entourés de satellites, et les orphelins
délaissés. La langue grecque allait reprendre
une partie de sa pureté et de sa force , quand
un essaim de sectaires s*éleva de toute part , et
couvrit rhorizon de l'Église. On cessa alors de
prêcher dans les temples la morale et les devoirs
de l'homme en société ; on discuta publiquement
sur les matières théologiques , on réfuta le^s no^
vateurs hérésiarques , qui , semblables à l'hydre,
se multipliaient sous les coups. Le peuple, qui
n'entendait rien aux termes obscurs de ces sub-
tilités continuelles, ne put retirer aucun profit
de la chaire , seule alors capable de régénérer |a
langue. Ainsi la décadence de la littérature s^ac-
crut chaque jour d'une manière sensible. Cons-
tantinople, capitale de l'empire d'Orient et d'Oc-
cident , placée dans une situation heureuse , at-
tirait une aiïlaence d'étrangers et de soldats de
toute nation. Dans cette ville immense , on par-
lait toutes sortes de dialectes barbares, qui trou-
blaient dans sa souf ce la pureté de la langue hel-
lénique.
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l6 INTRODUCTION A l'hISTOÏRE
Justinien, indigne du trône, abandonnait âù
hasard du lendemain les affaires les plus pres-
santes , et , au lieu d'apaiser les troubles de Tem-
pire 5 devenait juge et partie dans les disputes
sanglantes du cirque de Constantinople. Ce
prince rédigea son code fameux. Législateur de
ses peuples , il donnait le premier l'exemple de
l'infraction aux lois ; et , tandis que ses favoris et
lui-même commettaient ouvertement des atten-
tats aifreux , il croyait ses édits capables de répri-
mer les moindres fautes de ses sujets; il s'ima-
ginait qu'en s'intitulant empereur par là grâce
de Dieu , il pouvait être parjure , immoral , cruel ,
par la grâce de Dieu! Accablé sans relâche par
les irruptions des barbares du Nord et par les
agressions des Persans , qui le méprisaient , il
voulut défendre le territoire de l'empire , non en
leur opposant des troupes disciplinées et des gé-
néraux expérimentés, mais en faisatit construire
de nombreuses forteresses : ce qui occasiona de
si grandes dépenses , qu'il ne craignit pas , pour
y subvenir , de s'approprier les fonds de tous les
collèges de l'empire. Ce fut une atteinte mortelle
portée aux sciences et aux arts. Les écoles furent
fermées, les professeurs dispersés : les ténèbres
de l'ignorance , auxiliaires du despotisme , se ré-
pandirent partout. Des hommes aussi supersti-
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BE LA LANGUE GRECQUE, 17
. tieux que bornés croyaient faire une œuvre mé-
ritoire en brûlant, comme profanes, les parche-
mins dépositaires du génie des anciens , ou en
les raclant, pour y substituer des légendes et les
visions de quelques moines exaltés.
L'envahissement de la Grèce par les Croisés
port^ les derniers coups à la littérature. Poussés
par la furie du schisme et par une indigne avi-
dité , ces princes chrétiens , sous l'influence de
Venise , niorcelèrent en petites principautés le
continent et les îles de la Grèce, saccagèrent
des villes opulentes , incendièrent les bibliothè-
ques, brisèrent les statues, et rendirent plus
épaisse la nuit de la barbarie. Avec les Croisés,
tous les dialectes de l'Occident s'introduisirent
de forcé en Grèce ; une quantité de mots étran-
gers se' nationalisèrent; le langage du peuple
s'altéra toujours plus; les sciences et lès lettres,
déjà si affaiblies, allaient s'anéantir totalement
par le mépris que ces princes professaient pour
les connaissances humaines. C'en était fait de
la langue grecque, si ces maîtres étrangers
avaient su gagner l'affection de leurs sujets et
opérer un mélange des vainqueurs et des vain-
cus. Mais la superstition, qui leur faisait regar-
der leurs vassaux comme des schismatiques dé-
testables, éleva un mur de séparation entre ces
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l8 INTRODUCTION A L HISTOIRE , ETC.
usurpateurs chrëtiens et les Grecs, qui, leur,
rendant haine pour haine, se retranchèrent dans
leurs usages , dans, leur langue , surtout dans
leur religion, et rompirent toute communica-
tion morale avec leurs maîtres.
En parcourant cette longue série de catastro-
phes , on ne rencontre que des talens clair-se—
mes , et un petit nombre d'écrivains d'un mé-
rite réel : tout le reste ne consiste qu'en faiseurs
d'épigrammes , en versificateurs de mauvais
goût, en charlataxis littéraires. Les. chroniqueurs
de Byzance, incapables de remplir la tâche d'his-
toriens , ne composaient que des ouvrages aussi
dijfFormes que leur époque. C'est pourtant à ces
inhabiles cultivateurs des Muses que nous de-
vons la conservation des ouvrages anciens. Tel-
les que des voyageurs surpris par Torage au mi-
lieu des steppes de là Sibérie , et qui ne trouvent
d'abci que dans de misérables cabanes, les scien-
ces et les lettres , en traversant fe désert de ces
siècles barbares, auraient infailliblement péri, si
elles n'eussent rei^ontré de disiiance en distance
quelques hospices , pour y sauver- leur exietence
menacée.
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ORIGINE ET PROGRÈS
LITTERATURE GRECQUE MODERNE,
Prise de Constantinople et dispersion des savans. — Origine
de la Langue grecque moderne. — Influence des Patriarches»
— Ecoles grecijues. — Division de VOnvrage.
Avant la prise de ConstantmopJe, plusieurs
savans grecs^ attirés par 1 accueil favorable qulls
recevaient des princes chrétiens, abandonnèrent
leur patrie , et s'établirent en Eur<^e pour y en-
seigner le grec. Emmanuel et Jean ChrysoJoras,
Théodore Gaza, George de Trébizonde, Argj-
ropoulo, Bessarion , furent de ce nombre , et dé-
veloppèrent en Occident le goût qui venait de
renaître^ pour la littérature ancienne.
Gonstantinpple tomba au pouvoir des Turcs
et sa chute jeta dans le désespoir tonte la Grèce.
Alors devaient s'armer d'up gra^ courage et
d'un grand patriotisme^ pour rester dans leurs
foyers asservis, tous cm% qui avaient le moyen
d;aller vivre ailleurs. Ptusieurs hommes distin-
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20 OAIGINE ET PROGRES
gués se décidèrent à ne point quitter leur patrie,
à cause de la protection que Mahomet II accorda
au patriarche de Constantinople ; quelques autres
s'exilèrent, en particulier Lascaris que son nom
rendait suspect au conquérant. L'Europe n'était
pas alors pour les fugitifs ce qu'elle est aujour-
d'hui : les Grecs du quinzième siècle apportaient
leurs lumières en échange de l'hospitalité; au-
jourd'hui les Grecs n'ont rien à donner à l'Eu-
rope , ils ont tout à en recevoir.
n n'entre pas dans le cadre de notre sujet de
suivre en Occident la transplantation de la lan-
gue grecque. Là elle n'a jamais été étudiée que
comme une langue morte, tandis qu'en Grèce,
malgré sa plus grande corruption , elle n'a pas
cessé d'être vivante et nationale. Une langue
cultivée dans un pays étranger, n'est qu'un
corps inanimé , une momie artistement embau-
mée, intègre dans tous ses membres, et qui peut
se conserver bien des siècles, mais sans espoir
de donner jamais le moindre signe de vie ; tan-
dis qu'une langue , dans son pays natal , quelque
corrompue,quelque défigurée qu'elle puisse être,
ressemble à un homme malade que sa faiblesse
retient au lit, mais qui cependant peut repren-
dre ses forces et recouvrer la santé. Ainsi lais-
sons de côté cette momie magnifique, cette lit-
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BE LA LITTEAÀTUAB GAECQUB MODERNE. 21
lerature grecque cultivée chez des étrangers; et,
comme nous avons parlé de l'origine , des pro-
grès et de la décadence de la littérature ancienne
dans la Grèce, de même nous traiterons de l'o-
rigine , de l'état stationnaire , des progrès et de
la formation régulière de Tidiome grec moderne
dans son pays nataL
La langue grecque moderne a sa source dans
la corruption de Fancienne. Nous avons som-
mairement exposé les causes de cette corruption
successive, qui commence à être très-sensible
depuis le règne de Justinien. Dès lors s'intro-
duisirent des locutions erronées qu'il ne fut
plus possible d'expulser totalement, et sdnsi
se perdit peu à peu cette langue des gens insr-
truits , ce dialecte de la bonne société , qui , dans
tous les pays, est différent de celui du vulgaire;
il ne resta que le langage du peuple , idiome sans
élégance et sans correction. Cependant il ne faut
pas croire que le grec moderne diffère essentiel-
lement de l'ancien : ce n'est qu'une seule et
même langue, ^qui a graduellement subi toutes
les modifications que le temps a apportées dans
la manière de concevoir les idées et de les ex-
primer. Les altérations matérielles se bornent k
l'introduction de quelques mots tirés principale-
ment des langues turque et italienne , à certai-
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a 2 ORIGINE ET PROGRES
nés formes des noms et des verbes altérées par
un long usage , enfin à quelques acceptions par-
ticulières qu'ont revêtues des mots anciens. La
langue a pris le génie et la couleur des idiomes
modernes, sans rien perdre cependant de sa
souplesse , de son abondance et de sa variétér*
La prise de Constantinople semblait devoir
être pour les Grecs le terme de leur eîdstence
politique; la domination des Ottomans mena-
çait d'effacer la religion , la langue , les usages
et les mœurs. Mais la Providence fit trouver auis:
Grecs leur salut dans l'oppresseur même de leur
empire. Mahomet II qui craignait l'influence des
Occidentaux, maintint la religion grecque , pro-
tégea le patriarche , et préserva ainsi de sa ruine
le corps entier de la nation. Gennadius Schola-
rîus , premier patriarche élu par Mahomet après
la prise de Constantinople, était un ecclésiasti-
que distingué, ami des Muses, et qui sentait le
prix de l'instruction. Par son ordre , le clergé de
Constantinople ne cessa d'écrire en grec ancien
des ouvrages polémiques pour empêcher le pro-
sélytisme, et prémunir les fidèles contre les em-
piètemens de l'Église d'Occident.
Appuyé sur les privilèges de son trône , * Gen-
nadius établit une école près de l'église patriar-
cale , et la mit à l'abri du fanatisme musulman.
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DE LÀ LITTERATURE GRECQUE MODERNE. 2 3
Une foule de manuscrits qui avaient échappé au
désastre de la capitale , étaient conservés dans
des soùt^xains ou d'autres lieux cachés ; le pa-
triarche en recueillît un grand nombre , et or-
donna aux évêques et aux archevêques de faire
pour les découvrir de scrupuleuses recherches.
Par ce moyen , l'école patriarcale eut dès son
établissement une bibliothèque choisie; et quoi-
que ce collège ne fût pas reconnu par le Gou-
vernement, il acquit bientôt parmi les Grecs une
brillante renommée ; le grec ancien ou lifterai ,
la philosophie et les lettres y étaient Pobjet d'un
enseignement soigné; l'honneur d'y professer
était brigué par les hommes les plus savans.
Dans l'intervalle compris entre la prise dé
Constantinople et la fin du dix-septième siècle ,
il se forma successivement d'autres écoles grec-
ques au mont Âthos, à Jannina, à Smyme, à
Patmos , à Corfou , à Larisse en Thessalie. On
y enseignait le grec littéral, la Rhétorique d' Aph-
thonius, la Théologie de Jean Damascène, les
Élémens d'Euclide , la Logique et la Physique
de Blemmidès. De temps en temps paraissaient
quelques hommes distingués, tels que Cyrille
Lucar et Gallinique , patriarches de Constanti-
nople; Corydalée d'Athènes, Chrysanthe No-
tara , Zygomalas , Dosithée , patriarche de Jéru-
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a4 ORIGINE ET FROGRis
salem ; Gérasime de Candie , Caryophylle , Se-
bastos , Basile de Smyrne , Philarète d'Athènes ,
Farchevêque Métrophane , et Dëmétrius Cante-
wir. Cependant ce n'est guère que vers le com-
mencement du siècle passé que la langue grec-
que sembla sortir de l'état stationnaire ou elle
languissait depuis si long-temps; alors seulement
les hommes instruits se déterminèrent à écrire
en grec moderne. Auparavant la Grèce avait eu.
des savans et des écrivains estimables ; mais ils
avaient presque tous écrit en grec littéral , pos-
sédés du même préjugé qui en Europe faisait
mépriser aux savans l'usage des langues vulgai-
res , pour se servir uniquement de la barbarie
du latin. Le dix-huitième siècle vit tomber ce
préjugé scolas tique , et la langue grecque mo-
derne commença à se créer une littérature qui
put avoir un caractère et de l'originalité.
Afin de rendre plus sensibles les progrès que
faisait la nation grecque vers l'acquisition des
connaissances scientifiques et littéraires , je di-
viserai en trois périodes l'histoire de ces pro-
grès.
La première (1700 — 1750) comprend l'au-
rore de notre littérature. Le gouvernement turc
venait d'accorder aux Grecs d'importans privi-
lèges, en choisissant parmi eux les Interprè-
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B£ LA LITT£RATUA£ GRECQUE MODERNE. 3 5
tes et les. princes de Valachîe et de, Moldavie.
Le crédit de ces princes auprès du ministère:
ottoman améliora le sort de la nation ; sous
leurs auspices , les lettres commencèrent à re-
paraître , les écoles à s'élever , les lumières à se
répandre. Dans cette première période , on s'ap-
pliqua surtout à rétude du grec littéral.
La seconde ( 1760— 1800) est caractérisée par
rimportation en Grèce des connaissances scien-
tifiques de TEurope. On traduisit quantité d'ou-
vrages qui roulaient sur les sciences , Thistoire ,
la morale et la philosophie ; les écoles se multi-
plièrent; plusieurs d'entre elles se transformè-
rent en lycées et en universités. Une foule de
Grecs, après avoir étudié en Europe, revinrent
dans leur patrie , et s'imposèrent la tâche hono-
rable (Je l'enseignement public. Cette période est
éminemment scientifique.
La troisième , qui, est toute moderne , a dû ses
progrès à l'esprit d'analyse philosophique intro-
duit alors dans l'instruction publique , et surtout
dans l'étude de la langue grecque. Désireux de
relever leur patrie de son abaissement, des
hommes supérieurs s'appliquèrent à introduire
dans l'enseignement les méthodes modernes, à
inspirer à leurs compatriotes des idées grandes
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26 ORIGINE ET PAOGAES , ETC.
et élevées , à former régulièrement la langue ,
enfin à rendre le peuple grec digne de reprendre
un jour sa place parmi les nations de l'Europe
civilisée.
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PREMIERE PERIODE.
Paoaiotaky, interprète de la Porte.— -Alexandre Maurocordato.
— - IMicolas Maarocordato, hospodar de Valachie.
Les Turcs , qui avaient reçu des Arabes plu-
' sieurs connaissances scientifiques , s'attachèrent
principalement à Talchimie , à Tastrologie et à la
médecine; mais, stationnaires par constitution
et indolens par l'effet d'une religion qui soumet
tout à rinévitable destinée , ils négligèrent bien-
tôt ces études, abandonnèrent la médecine aux
Chrétiens , l'alchimie aux charlatans d'Afrique ,
et s'adonnèrent avec ardeur à l'astrologie judi-
ciaire. Quelques notions puisées dans l'ouvrage
de Ptolémée intitulé ATroTcAeo-fzaTa ou Influence
des astres^ composaient presque toute leur
science astronomique. Pour gagner l'estime et
la protection de leurs maîtres, les Grecs de
Constantinople cultivèrent eux-mêmes les scien-
ces qu'ils voyaient en faveur. Panajotaky , issu
des familles émigrées de Trébizonde, étudia
dans ce but les sciences naturelles et la méde-
cine en Italie ; de retour à Constantinople,
( i63o) il acquit bientôt, parmi les Turcs, une
réputation considérable, et s'insinua particuliè-
dby Google
IftS PREMliliAE PÉRIODE.
rement dans l'esprit du grand-vizir Kiuproulou
Mebmed Pacha. Fort de cette protection , il osa
même un jour, en présence de ce ministre et de
plusieurs ulémas ou membres du haut clergé,
disputer avec un musulman, docteur en théo-
logie , nommé Vanli-Effendy , sur la vérité de la
religion chrétienne. Et, chose incroyable! tan-
dis que'les bûchers se dressaient en Europe pour
ceux qui manifestaient les plus légères diver-
gences d'opinions , on tolérait dans la capitale du
mahométisme un esclave chrétien annonçant les
vérités de sa foi. Panajotakj était versé dans le
grec littéral, le latin, l'italien et les langues orien-
tales; il possédait des coimaissances étendues et
variées , à la faveur desquelles il obtint la charge
importante de grand-interprète de la Porte. C'é-
tait le premier Grec revêtu de cette dignité; cette
circonstance influa sur le sort de la nation grec-
que, qui commença dès cette époque à s'im-
miscer dans les affaires diplomatiques du gou-
vernement turc. Panajotaky accompagna son
protecteur, le grand-vizir Kiuproulou, dans son
expédition contre l'île de Candie, et ce fut l'in-
tercession de l'Interprète qui sauva les Candiotes
de la rage des Mahométans , enflammée par une
longue et sanglante résistance.
Panajotaky eut pour successeur dans la charge
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ALEX. MAUROCORDATO. 39
de grand-interprète son ami Alexandre Mauro-
cordato. Natif de Tîle de Scio, cet homme extra-
ordinaire quitta sa patrie , après y avoir achevé
ses humanités , et passa en Italie pour étudier la
médecine et les sciences exactes, dans les univer-
sités de Pavie et de Padoue. Il vint ensuite à
Constantinople exercer son art et occuper en
même temps la chaire de belles-lettres et de phi-
losophie dans récole patriarcale. Le système de
la circulation du sang était alors une découverte
récente en Europe : les Turcs, qui ne pouvaient
comprendre comment un simple tâtement de
pouls fait connaître les maladies les moins appa-
rentes 5 taxaient Maurocordato de magie et de
sortilège , lorsqu'il employait ce moyen. Ce pré-
jugé l'engagea à publier en grec et en turc un
Traité de la circulation du sang. D composa
aussi , vers la même époque , une Grammaire
très-estimée , une Rhétorique , plusieurs Com-
mentaires sur différens auteurs grecs , une Lo-
gique, une Métaphysique et une Histoire des
Juifs depuis Abraham jusqu'à la fin du dix-sep-
tième siècle. Le recueil de ses lettres a été der-
nièrement imprimé à Constantinople ; l'éditeur
en a supprimé plusieurs passages où Maurocor-
dato , s'adressant à ses amis intimes , et particu-
lièrement à Dosithée , patriarche de Jérusalem ,
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3o PREMIERE PERIODE.
dévoilait sa haine contre les oppresseurs de sa na-
tion, et les vœux qu'il formait pour la délivrance
de la Grèce. Le style de ces divers ouvrages ,
écrits en grec ancien , est si élégant et si correct,
qu*on peut le comparer à celui des auteurs an-
ciens du second ordre.
Une infinité d'hommes savans sortirent de
récole de Maurocordato. On compte parmi ses
élèves de fameux prédicateurs , des évéques et
des archevêques, des professeurs et des hommes
de lettres distingués, tels que Miniati, Cacavel-
las, MélétiuB, lacob d'Argos, Sugduri, Caté-'
phore, Critias, Hurmuzy et Panagiodore. Par-
venu à la dignité d'interprète , Alexandre Mau-
rocordato fut chargé de pleins pouvoirs dans les
négociations de Carlowitz , où il rendit à la Porte
de si grands services , qu'elle lui donna pour ré-
compense le titre de Confident des secrets de t em-
pire ^ titre qui s'est conservé jusqu'à l'insurrec-
tion dans le diplôme de tous les secrétaires-in-
terprètes.
Maurocordato, jouissant de la favevr et de
l'estime du ministère ottoman , protégeait sa na-
tion contre la rapacité et les calomnies des gou-
vemeurs de province, obtenait la pernûssion
d'établir des écoles» publique^ dans différentes
villes de bi Turqw^ européenne et de l'Asie mi-
neure , achetait les ouvrages des auteurs classi-
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ALEX. MAUROCORDATO. 3l
ques, en dotait Içs écoles, et facilitait ainsi la
propagation des lumières.
Par ses soinç^ dejs collèges fleurirent dans
plusieurs partie^ di^ la Girèce^etpartiçuliièreiïiiBnt
à Constantinople et à Jannii^a* Une foide de
jeunes Grecs qui y avaient acheva leurs études,
passaient en Europe, les uns pour se perfection-
ner dans les sciences et dans le» lai^gues euro-*
péennes, les autres pour étudier ]^ médecine
sous le célèbre Boërliaqivç. Tels furent 3anftuel,
patriarche de Constantim^ple; Dorothée de Mi-
tylène , Eugène Bulgaris , Thé^toky de Corfou,
Tyanite, Jaçov^ky Rizo , mon aïeul;: Atbanasaky
Ypsilanty, Eii^m^Q>ue] 4rgyropouJ.o., Scarlatto
Caradza, Michel IVJapo, Gassimî, George Cbent-
zery. Ils laissèrent tous difterens ouvrage»;, tant
en grec ancien qu'en grec moderne , la pkiqpart
imprimés à Buch^rest, à Venise ou à Leipsick.
Ce fut alors que la langue grecque moderne
comnaença à se polir et à a'^purer graduelle^
inen.t^, twt par les sermons, prêches, dans cet
idiome' 9 qu.e par les soins quon mit à k> pairler
avec élégance àànsi les coaseib du synode et
dans les sociétés^ choisies.
Eu. ïî7t6r,. le drogmaji de la Porte ^ fGcolas
Ma«u:QCocddito ^* profiiant de>la disgrâce dti Va-
* Fils de rinterprète Alexandre Maurocordato.
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32 PHEMièRK tÉRIOBË.
laque Brankovah , réussit à se faire nommer hos-
podar de Valachîe , et fut ainsi le premier Grec
qui obtint cette dignité. La Valachie et la Mol-
davie , depuis leur conversion au christianisme,
étaient toujours restées fidèles à l'Église d'O-
rient; elles n'avaient jamais cessé de reconnaître
la suprématie du patriarche de Constantinople ;
leurs métropolitains avaient toujours tenu un
des premiers rangs parmi les membres du sy-
node grec : elles accueillirent donc avec plaisir
le nouveau gouverneur, Nicolas Maurocordato ,
leur co-religionnaire; et les boïards du pays
n'ayant aucune jalousie contre un prince étran-
ger, le préférèrent aux hospodars indigènes, qui
étaient leurs égaux et par conséquent l'objet de
leur rivalité.
Depuis le quatorzième siècle , les hospodars et
les boïards avaient fondé plusieurs monastères
dans ces provinces j les avaient dotés de revenus
considérables , et les avaient annexés au Saint-
Sépulcre , au mont Athos ou au mont Sinaï. Les
hégoumènes^ ou abbés de ces monastères , étaient
presque toujours des ecclésiastiques grecs ins-
tallés par le patriarche de Jérusalem , par l'ar-
chevêque du mont Sinaï ou par les supérieurs
du mont Athos; mais ces abbés devaient être
confirmés par les hospodars, dont ils recevaient
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ALEX. MXUKOCORDATO. 33
un diplôme -appelé chrysobulle. Le culte se célé-
brait dans ces monastères moitié en grec et moi-
tié en slavon , deux langues également incon-
nues aux Valaques et aux Moldaves. Leur idiome
est bien d'origine slavonne , mais il a été telle-
ment défiguré par le mélange d*un latin cor- ^
rompu , qu'il est devenu un patois difforme ,
dans lequel il n'existait , à l'époque de Mauro-
cordato, ni grammaire, ni même aucun livre
écrit. Ces nations étaient plongées dans les té-
nèbres les plus épaisses; nulle éducation, nul
commerce , nulle industrie , une absence .totale
de civilisation : la neuvième partie des terres
était en friche; on ignorait jusqu'aux premiers
élémens de l'économie rurale. Les hospodars
grecs civilisèrent les deux principautés. Nicolas
Maurocordato fonda en Valachie une imprime-
rie , et une école publique où l'on enseignait le
slavon, le grec et le latin. Son frère Constantin
Maurocordato fut le bienfaiteur des paysans va-
laques : il les affranchit du servage le plus mons-
trueux qui ait jamais existé, et il introduisit
dans ces contrées la culture du maïs , qui est
devenu leur principale ou plutôt leur unique
nourriture. Les successeurs des Maurocordato
rendirent aussi de grands services aux nations
valâque et moldave : ils firent traduire dans le
3
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34 FREMlilRE PERIODE.
dialecte du pays la Bible, les cantiques et la
liturgie de l'Église d'Orient. Sous l'hospodar
Alexandre Ypsilanty, un boïard indigène , nom-
mé Jannaquitza Vakaresko , rédigea la première
grammaire valaque , et régularisa le patois de
sa patrie. Les hospodars qui gouvernèrent les
provinces jusqu'à l'époque de l'insurrection grec-
que , en furent les législateurs : on y suit encore
à présent les codes que ces princes firent ré-
diger d'après celui de Justinien.
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SECONDE PÉRIODE.
Samuel, patriarche de Constantinople. -— Eugène Bulgaris. —
INiccphore Théoioky, — Riga. — Ecoles grecques. — Lam-
î)ros Photiadès. «— Néophyte Doukas. — Chrestary de Jan-
niua. — « Daniel Philippide. — • Benjamin de Lesbos. .— • Psali-
das de Jannina. •— Vardalachos de Scio. — Dorothée Proïus.
— Etienne Dounkas. -« Fanariotes.
Tandis que les premières ëtincelles de civili-
sation brillaient dans différentes contrées de la
Grèce 5 les sciences faisaient en Europe les plus
remarquables progrès ; elles croissaient avec le
dix-huitième siècle , et propageaient au loin leur
salutaire influence, L*état moral de la nation
grecque s'améliorait considérablement ; le goût
de rinsfcructîon commençait à se répandre ; on
recherchait les livres , on les faisait venir à grands
frais de France, dltalie et d'Allemagne. Alors
s'établirent les premières librairies grecques;
alors se formèrent de grandes bibliothèques , soit
dans les écoles publiques , soit dans les maisons
des particuliers. Toutefois le moment n'était pas
encore venu où la Grèce devait se suffire à elle-
même : les jeunes gens étaient contraints de s*ex«
patrier pour trouver les lumières dont ils étaient
si avides, et d'entreprendre de longs voyages
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36 SECONDE PÉRIODE.
pour fréquenter les universités de l'Europe ci-
vilisée. Le retour de ces Grecs instruits opéra
dans leur pays une révolution d*autant plus sen-
sible, qu*elle fut secondée par deux hommes d'un
rare mérite, Samuel, patriarche de Constantin
nople, et Eugène Bulgaris; la Grèce entière re-
çut d'eux une forte impulsion vers l'acquisition
des connaissances scientifiques.
Samuel , natif de Constantinople , fit ses étu-
des dans l'école de cette viUe , et devint, par son
application naturelle et par ses travaux assidus ,
le premier littérateur de son temps ; il entra dans
le clergé de Constantinople , et fut nommé arche-
vêque de Derkos. Ses mœurs austères, sa vaste
érudition , l'éloquente clarté de ses sermons, et
plus encore son grand caractère et son habileté
à manier les affaires les plus épineuses, lui atti-
rèrent l'estime générale : il fut élevé par les suf-
frages du synode à la dignité de patriarche de
Constantinople.
L'époque de son patriarcat fut très-orageuse;
elle coïncide en partie avec la première guerre
de Catherine H. Malgré ces circonstances diffi-
ciles , Samuel vint à bout , par son zèle et son dé-
vouement, de rendre à la nation d'importans
services. Il suffira de citer sa conduite envers les
archevêchés d'Ipek et d'Ochride , districts de la
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LE FÀTKIAKCHË SAMUEL. ^J
Macëdoine iÛyirîenne. Ces deux sièges ecclésias-
tiques y qui depuis long-temps s*ëtaient soustraits
à la juridiction du trône patriarcal de Constanti-
nople, n'étaient occupés que par des hommes
ignorans et relâchés ; en sorte que la moitié des
chrétiens de ces districts populeux embrassa Fis-
lamisme. La contagion allait gagner de proche
en proche , lorsque Samuel l'arrêta par son éner-
gie et son habileté : mais ce fut au péril de sa
vie , car il fallut déclarer la guerre aux pachas
ottomans, intéressés à maintenir un état de cho-
ses dans lequel ils nommaient eux-mêmes aux
deux archevêchés. Samuel fut secondé dans cette
entreprise par plusieurs personnes marquantes
du Fanal, et notamment par Jacovaky Rizo,
alors premier agent des hospodars de Valachie et
de Moldavie. Dès que Samuel eut arraché ces
deux sièges à l'influence des gouverneurs turcs ,
il Y envoya des prédicateurs , y nomma des ar*-
cbevéques éclairés, fil construire des écoles, éta-
blit des professeurs, et raffermit ainsi dans la
religion de leurs pères les habitans de ces dis-
tricts et des provinces voisines.
Pendant tout son patriarcat , Samuel ne cessa
de poursuivre la foule des moines ambulans , qut
parcouraient les villes en dépouillant , par leurs
quêtes continuelles, les pauvres pères de fa^
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38 SECONDE PÉRIODE.
mille; il voulait , par le mépris quil leur témoi-
gnait publiquement, diminuer le nombre de ces
religieux. Un jour , en ayant vu deux qui pas-
saient dans la rue , il les fit appeler , et leur dit :
«Malheureux! je vous ai défendu de hanter les
maisons des laïques : pourquoi donc fréquentez-
vous celles d'Aristote et de Xénophon? -r- Mon-
seigneur , répondirent les moines étonnés , on
nous calomnie ; c'est la première fois que nous
entendons parler de ces rtiesisîeuris ; nous pott-
vons jurer sur Tlivangile que nous ignorons jus-
qu'à leurs noms. »
Ami et protecteur dés hommes de lettres , Sa-
muel inspirait aux jeunes gens le goût des scien-
ces et de la littérature. Quoiqu'il possédât à fond
le grec littéral , il écrivait presque toujours en
grec moderne , mais avec une rare pureté. Il est
auteur d'une excellente rhétorique; il a para-
phrasé plusieurs harangues de Démosthène , la
République et quelques dialogues de Platon. Ces
divers ouvrages , le recueil de ses sermons , sa
correspondance et des mémoires sur sa vie,
étaient conservés en manuscrits dans sa biblio-
thèque, qui passa par héritage à mon père , son
neveu; mais elle a été confisquée avec les autres
biens de mon malheureux frère , une des pre-
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LE FATRURCHB SAMUEL. Sg
mieres victimes de Hnsurrection.* Ce fut en-
core Samuel qui , le premier , insinua Tidée de
traduire les ouvrages classiques de l'Europe mo-
derne. Guidé par ses conseils, le prince Nicolas
Caradza publia en grec moderne V Essai sur les
Mœurs et t Esprit des Nations^ le Siècle de Louis
XIV^ et XHistoire de la Conjuration des Espa-
gnols contre Venise. A son exemple , Alexandre
Maurocordato , * hospodar de Moldavie , fit com-
poser un dictionnaire grec-français-italien sous
rinspection du fameux d'Hautc-Rive. Le prince
Constantin Mourouzy appela, pour précepteur
de ses fils , un des secrétaires de Voltaire , nommé
Tupet; et quand le savant D'Ansse de Villoison
visita Constantinople , il fut étonné de voir Mou-
rouzy entouré de Grecs instruits, au nombre
desquels était Thomas de Rhodes , dont il nous
reste une traduction en vers de Métastase et des
élégies d'Ovide. Le vieux prince Alexandre Yp-
silanty améliora l'état du lycée de Bucharest ; il
le dota de revenus considérables, et y nomma
professeur de littérature un grammairien distin-
gué , Néophyte , surnommé le Capsocalybite. Il
(}t aussi v«tfiir un disciple du célèbre Spallanzani ,
* Petit -fil» de l'iaierprète Alexandre Maurocordato.
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4o SECONDE ^PSRIODE.
pour rînslruetion de son fils Constantin , père dé
cet Alexandre qui a levé Tëtendard de l'aflEran-
chissement de la Grèce.
Vers le même temps parut Eugène de Corfou ,
surnommé Bulgaris. Ayant achevé ses études
dans les principales écoles de la Grèce , et parti-
culièrement à Jannina, il passa en ItaUe , pour se
perfectionner dans les sciences, et parcourut
ensuite la France et FAUemaghe. Enrichi de
toutes les connaissances philosophiques de cette
époque , il retourna en Grèce , et séjourna quel-
que temps à Constantinople , où son éloquence
et ses lumières lui acquirent une brillante répu-
tation. Professeur de belles-lettres et de philoso-
phie dans Técole du mont Athos , il vit bientdt
accourir, de toutes les parties de la Grèce , une
prodigieuse quantité d'étudians. S enseigna pen-
dant huit ans la littérature grecque , la théolo-
gie , les mathématiques , les sciences natnrefles ,
et composa dans cet intervalle une Logique et
une Physique , qui furent imprimées en Alle-
magne. Son école fut une pépinière d'hommes
instruits, dont la plupart, devenant k leur tour
professeurs dans plusieurs villes de la Grèce,
répandirent les lumières , et inspirèrent à la jeu-
nesse Tardent désir de voyager dans FEurope ,
foyer de ces lumières, Eugène avait un esprit
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SUCilïE BULGARIS, 4l
universel : il était de ces hommes rares , nës avec
une heureuse aptitude pour tous les sujets ; ses
traités scientifiques écrits en grec littéral, ses
traductions et ses nombreux ouvrages grecs mo-
dernes , le mettent au premier rang de nos litté-
rateurs. Quoique son style soit quelquefois enta-
ché de prolixité et d'affectation , il servit de mo-
dèle à tous ceux qui écrivirent dans Tidiome
moderne, jusqu'à Tépoque de Coray.
Séduit par l'accueil favorable que l'impératrice
Catherine faisait aux Grecs réfugiés dans ses
états , Eugène , ingrat envers sa patrie , quitta
le beau ciel de la Grèce , pour aller contempler
l'aurore boréale des climats du nord. Il préféra ,
à l'amour et à l'admiration de ses compatriotes ,
une gloire infructueuse, un sourire passager
d*une princesse étrangère. Pendant son séjour
en Russie , il conçut le projet de tr^^duire le sys-
tème de Linné : il en fut détourné par Cathe-
rine, qui le chargea de mettre en vers grecs
l'Enéide de Virgile. Cette traduction , qu'il vou-
lut faire vers pour vers , dans le style homéri-
que, l'occupa long-temps; mais elle fut trouvée
au-dessous de la réputation de l'auteur. Cepen-
dant l'impératrice l'en récompensa honorable-
ment : il fut promu au siège archiépiscopal de
Tauride et de Kerson ( iJjS ).
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4 2 SECONDE FEHIOBE.
Attaché dans le fond du cœur à sa terre na-
tale , Eugène gémissait dans les steppes sablon-
neuses du nord , et regrettait d'avoir abandonné
la Grèce. Désirant expier en quelque sorte son
ingratitude , il composa un mémoire , dans le-
quel il exhortait Catherine , la terreur des Turcs ,
à achever Toeuvre de ses victoires , et à délivrer
la Grèce. La mort subite de Potemkin fit éva-
nouir ses belles espérances; d'un autre côté, la
vieillesse , ordinairement accompagnée de la tris-
tesse et de la douleur, surtout dans ces climats
septentrionaux où, pendant la plus grande par-
tie de Tannée , la neige couvre la nature d'une
blancheur de deuil , la vieillesse le détacha des
choses d'ici-bas , lui fit envisager le monde comme
une vaste Sibérie , et désirer l'éternité de la vie à
venir. Il employa le reste de ses jours à compo-
ser des ouvrages ecclésiastiques et à traduire les
Confessions de S'-Augustin. La mort l'atteignit
dans un âge très-avancé , vers le commencement
de ce siècle.
Vers la même époque environ , florissait Nice-
phore Théotoky de Corfou. Élevé dans les éco-
les grecques , il se rendit en Italie , pour s'y per-
fectionner dans les sciences; il revint ensuite à
Constantinople, qui était alors le champ ouvert
aux talens , et le rendez-vous commun de ceux
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NICÉPHOnE THÉOTOKY. 4^
qui aspiraient à la gloire littéraire. Nicéphore
était ecclésiastique : immédiatement après son
arrivée à Constantinople , il obtint Thonneur de
prêcher dans Téglîse patriarcale , où il prononça
Foraison funèbre de la mère de Grégoire Ghika ,
hospodar de Valachîe : le patriarche Samuel et
tous les membres du synode étaient présens.
Nicéphore , entraîné par son amitié pour la fa-
mille de la princesse , fit un panégyrique si plein
d eitagération, que Samuel en fut offensé; et
quand Théotoky , descendu de la chaire, sap-»
proeha du patriarche pour lui baiser la main et
le saluer, selon Tusage, a L'Église , lui dit Sa-
muel , veut des prédicateurs , et non des flagor-
nmrs^*^> Théotoky , blessé de cet affront public,
donna immédiatement sa démission , et quitta
Constantinople. Retiré dans une province éloi-
gnée , U composa une Géographie, un Traité de
Physique et un Cours complet de Mathémati-
ques. A l'imitation d'Eugène, il passa en Russie,
ou ia bienveillance de Catherine l'élevé bientôt
à Tarchiépiscopat d'Astracan. Là, jusqu'à la fin
de sa vie, remplissant avec zèle les devoirs du
ministre de l'Évangile, il prêcha la religion chré-
tienne aux Tartares, et en convertit plusieurs
milliers. Ses sermons ont été imprimés à Mbs-
cou , sous le titre de Kyriacodrome ou Domini-
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44 SECONDE FEIUODE.
cale; le style en est clair, mais sans agrément,
simple jusqu'à la sécheresse. Sa Physique et son
Cours de Mathématiques furent adoptés dans
toutes les écoles grecques. *
L'exemple d'Eugène et de Nicéphore qui s'é-
taient retirés en Russie , ne fut point suivi par
les autres savans de la Grèce. Cette contrée belle
et malheureuse inspirait, malgré ses chaînes,
des sentimens d'amour filial à ses enfans. Leur
attachement pour elle était si durable qu'ils pré-
féraient aux délices de l'Europe civilisée les dan-
gers et les souflrances au sein de leur pairie.
Témoins du bonheur que goûtait l'Europe, ils
souhaitaient en faire jouir leur pays natal, aux
dépens de leur bien-être individuel et même de
leur vie. La peste, les incendies, la misère, le
glaive suspendu sur leur tète, ne les effrayaient
pas ; ils accouraient en Grèce partager eux-mê-
mes ces privations et ces tourmens , afin de les
rendre moins sensibles à leur malheureuse patrie .
La révolution française, en ébranlant les ba-
ses morales et politiques de l'Europe , déchira
le traité de Westphalie, et rompit l'équilibre
qu'une routine diplomatique ne maintenait que
faiblement Elle attaqua les trônes, moins par
sa force matérielle que par l'irrésistible impé-
tuosité des nouvelles idées. L'Europe changeait
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AI6À. 45
de face sous la baguette magique d'une innova-
tion qui promettait tout. Les hommes , éblouis
plutôt qu'ëclairés , erraient au hasard , poussés
avec violence de côté et d'autre , et non guidés
vers le but qu'ils se flattaient d'atteindre. Ce fut
alors que le fameux Riga, natif de Vélestin en
Tbessalie , conçut le projet gigantesque de soule-
ver et d'affranchir la Grrèce.
Riga, attaché au service du prince Michel Sou-
tzo, hospodar de Valachie, quitta touf>-à-coup
cette principauté (1796), pour aller à Vienne,
où il s'associa quelques Grecs, les uns négocians,
les autres littérateurs , tous hommes de talens ,
tous enflammés du désir de délivrer la Grèce.
Ce plan si vaste et si périlleux , ils le formèrent
sans connaître à fond la force , les dispositions
et les ressources du peuple qu'ils voulaient af-
franchir, non plus que les côtés faibles ou forts
de la nation ennemie. Leur enthousiasme les
empêchait de réfléchir que quelques individus
ne sont point capables de mouvoir à leur gré
une nation tout entière , et de lui faire changer
sa position politique , avant que la marche lente
et mystérieuse des circonstances ait disposé gra-
duellement les voies , et préparé une réussite
durable. Â Dieu ne plaise que je noircisse leur
héroïque projet qu'ils scellèrent de leur sang!
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46 SECOITDE PÉAIOOE.
Tpus ceux qui sentent battre dans leur poitrine
un cœur hellénique, ne sauraient que verser
des larmes de reconnaissance sur les tombeaux
de ces premiers martyrs de notre liberté; mais
quand on pense dans quel abîme Riga allait pré-
cipiter la Grèce , on ne peut s'empêcher de fré-
mir, et de blâmer, non Fentreprise en elle-
même , mais son exécution intempestive et mal
concertée.
Riga , qu'emportait une imagination ardente ,
éveilla par ses démarches brusques et par ses pa-
roles indiscrètes la police autrichienne, qui le sur-
prit à Trieste , au moment qu il ét^tprêt à s'em-
barquer pour le Péloponèse. Le gouvernement
impérial avertit sur-le-champ l'ambassadeur
turc à Vienne ; celui-ci en informa la Porte , qui
recevait en même temps une note détaillée de
l'internonce d'Autriche. Riga, se voyant ainsi ar-
rêté au milieu de ses grands desseins , se frappa
d'un poignard, pour ne pas trahir le plan des
conspirateurs; mais sa blessure ne fut pas mor-
telle, et, avec huit des principaux conjurés, il
fut emprisonné à Semlin : l'Autriche n'attendait
que la réponse de la Porte pour lui livrer ces
victimes. Leurs amis de Constantinople, ins-
truits de cette arrestation , firent leurs efforts
pour les sauver; ils eurent recours au crédit de
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RIGA. 47
mon beau-père Alexandre Mano , gendre et pre-
mier agent du vieux prince Alexandre Ypsilaniy,
alors hospodar de Valachie. Mon beau-père, (de
qui je tiens ces détails) , accourut auprès du mi-
nistre de l'intérieur, Ibrahim Nessim-Effendy,
et lui persuada que c'était une calomnie absurde
contre de malheureux innocens. Le ministre
turc se laissa convaincre et promit de les sauver,
moyennant cent cinquante mille francs. Cette
somme ayant paru exorbitante ne fut pas payée
sur-le-champ , et pendant Kntervalle les détenus .
furent suppliciés à Belgrade. Riga, livré aux
Turcs par une puissance voisine, fut mené au
lieu d'exécution les mains liées. S^ grande force
«corporelle, augmentée par la furie du déses-
poir, lui fit rompre ses fers et frapper deux de
ses bourreaux , qu'il renversa roides morts ; mais ,
accablé par le nombre , il fut garrotté de nou-
veau et décapité. JRiga mourut pour sa patrie :
chaque goutte de son sang foulée aux pieds des
Barbares , devait un jour leur en coûter des tor-
rens. Quels prodiges ne produit pas le martyr
d'une cause sacrée!, Les Grecs, en apprenant la
mort de ce héros , mordirent leurs lèvres et se-
couèrent leur tête en méditant des projets de
vengeance.
Pendant son séjour en Valachie, Riga avait
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48 SECONDE FÏSAIODE.
composé en grec moderne une Physique popu-
laire , qui fut imprimée à Vienne/ et une carte
géographique de la Grèce. Ce furent ses seuls ou-
vrages scientifiques; son grand dessein exigeait
d'autres occupations. Laissant donc Euler et
Newton , il prit Tyrtée pour modèle , et composa
des hymnes patriotiques qu il espérait chanter un
jour à la tête des bataillons grecs. Écrites correc-
tement en grec moderne, et embellies par le
charme de la poésie héroïque , ces chansons ga*
gnaient encore par la musique sur laquelle on les
entonnait. On n'entendait dans toute la Grèce
que les hymnes de Riga: tous les jeunes gens les
répétaient daps leurs sociétés, dans leurs festins ;
rhiver au coin de leur feu , Tété sous Tombre des
oliviers et des platanes. Ces chansons bravaient
les oreilles des Barbares jusque dans la capitale
du Sultan. Moi-même , me trouvant quelquefois
aux parties de plaisir des ministres turcs , je les
entendais ordonner aux musiciens grecs de chan-
ter Tair : a Allons , enfans de la Grèce. >> Cet
hymne était si répandu , et lair eu plaisait telle-
ment aux Turcs, qu ils en savaient par cœur les
premiers mots , sans avoir la curiosité d'en con-
naître le sens. C'est uiie imitation de la Marseil-
laise; voici la traduction des premiers couplets :
« Allons, enfans des Grecs , enfans des hom-
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RIGA. 49
mes célèbres! lé jour de gloire est arrivé. lUas^
très et antiques ossemens , venez , reprenez la
vie ; sortez de vos tombeaux; voyez la patrie qui
gémit el qui verse des pleurs. Àulc àrmeà, Grées f
prenez vos armes; qu'un fleuve de sang ennemi
coule devant nos pieds;
« Braves Hellènes ! fils des Spartiates , et tous
ceux que la foi réunit à nous ! venez , amis , ém^
brassons-nous en frères , et faisons tous , sur
notre épée j ce serment solennel : C'est au nom
de la foi y au nom de la patrie , ati nom de l'es^
pérance en Dieu , que je tire lé glaive ; je né le
remettrai dans le fourreau que lorsque là racé
tyrannique des cruels Musulmans sera complè-
tement anéantie. Aux armes , Grecs! prenez vbs
armes ; brisons les têtes des infidèles Turcs. » *
La catastrophe de Riga et de ses adhérens , au
lieu d'attiédir l'ardeur des Grecs , ne fit quç l'en-
flammer. En leur inspirant l'idée de pouvoir un
jour s'affranchir par leurs seules forces, elle
augmenta leur amour pour les sciences et leurs
efforts ^our répandre dans leur patrie les bien-
faits de l'instruction. A la vérité , ceux qui habi-
* Le recueil dés Vhansoni de Riga a été imprimé clan-
destinement à Jassy en i8 14. On y a ihàéré d'autres piè-
ces du même genre , mais très-inférieures au modèle.
4
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5o SECONDE PERIODE.
taiient la capitale de TAutriche , frappes de stu-
peur et plongés dans une morne épouvante , se
velâcbèrent pendant quelque temps de leur zèle ;
plusieurs même quittèrent Vienne et se fixèrent
à Leipsick , où ils furent utiles à ceux de leurs
jeunes compatriotes qui venaient compléter leurs
études dans les universités de la Haute-Alle-
magne/ Cependant une foule de savans grecs
abandonnaient FEurope, et accouraient vers
teur patrie pour y enseigner les sciences , les
uns comme instituteurs particuliers , les autres
comme professem's dans les lycées de la Grèce.
I^urs disciples réfléchirent à leur tour les rayons
de lumière qu'ils avaient reçus, et contribuèrent
aux progrès de leur patrie, tant par leurs tra-
ductions et leurs ouvrages que par leur ensei-
gnement oral.
On me demandera peut-être comment un gou-
vernement tel que celui de la Porte ottomane, per-
mettait rétablissement de tant d'écoles et de col-
lèges en Grèce? Je vais expliquer cette énigme.
Le fanatisme religieux et la politique ombra-
geuse des Turcs , surtout pendant les premières
années de leur conquête, entravaient puissam-
ment la religion et la littérature chrétiennes, sans
toutefois les persécuter ouvertement. Beaucoup
plus superstitieux , lieancoup plus soupçonneux
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ENSEIGNKMlEKT tUBLlC. 5l
que les Sarrasins, les Turcs prohibaient, sous
peine capitale , la fondation de nouvelles églises ;
la réparation même de nos petites chapelles qui
tombaient de vétusté, rencontrait une infinité
d'obstacles» Forcer les chrétiens soumis au joug
et payant la capitation à «tnfarasser le mahomé-
tisme, était contraire aux préceptes de ÏAlcoran ;
mais ils tâchaient de les amener, par des moyens
indirects , à lab^mation de leur culte. Us défen-
daient rigoureusement rétablissement d'écoles
publiques , de peur que les chrétiens instruits
ne devinssent des esclaves dangereux et diffi-
ciles à gouverner. Le plan de ces Barbares était
bien calculé; car une oppression si longue et si
violente devait prodture l'effet qu'ils désiraient.
Les chrétiens de l'Asie mineure en furent les
premières victimes ; cette suite d'entraves dans
tout ce qui ppuvait eniaretenir leurs forces inteU
lectuelles, finit par les dégrader tellement , que
presque tous iuuraient embrassé le mabomé-
tisnie, si le trame patriureal de Caastanijnople ,
qui conservait soa influence siur tous les sièges
de l'ÉgËse d'Orient, neot veillé, autant que
possible , mu maintien jdeiia odUgion.
Quoique les Turcs aieiit -cimstamment suivi
dans leurs conquêtes d'Europe, le même plan
que dans celles d'Asie , cependant leurs sourdes
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Si SECONDE r£nioD£.
attaques ne pouvaient avoir le même résultat*
Les Grecs d'Europe étaient supérieurs en nom*
bre à leurs conquérans ; ils n'étaient pas isolés
comhie les chrétiens d'Asie : ils étaient liés par la
religion , la langue ,465 mœurs et le commerce ,
tant entre eux qu'avec ceux de leurs frères qui
se trouvaient sous la domination des Francs. A
la vérité, l'établissement des écoles publiques n'é-
tait pas autorisé par le gouvernement turc; mais
les vestibules de toutes les églisi^es se transfor-^
maient en écoles primaires , ou les enfans appre^
naient à lire et à écrire» C'étaient ces enfans qui
récitaient à l'église les saints apôtres , et qui fai-
saient chorus avec les chanires. Quant aux éco-
les supérieures pour les sciences et les belles«-let<^
très , on ne pouvait les ouvrir que sous le titre
de Maisons de correction. De cette manière , l'in-
terprète Panajotakj et son successeur Alexandre
Maurocordato , parvinrent à établir des écoles
dans plusieurs villes de la Turquie européenne
et de l'Asie mineure. Par leur crédit, ces minis-
tres obtenaient du Sultan la permission de fon-
der ces maisons de correction , et ils fermaient
la bouche aux gouverneurs des provinces, tan-
tôt par des présens, tantôt par la puissante. in-
fluence de leurs patrons.
Les Turcs ont tihe sorte de vénération pour
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MONASTERES GflECS. 5i
lés fous et pour les prêtres , de quelque nation y
de quelque religion qu'ils soient. Ils respectent
les fous parce qu ils les croient aimés de Dieu ;
ils révèreBt les religieux à cause de leur abnë*^
gation, de leur attachement aux choses célestes,
et de leur vie contemplative; ils leur accordent
des privilèges et même èes. aumônes. Les cou-
vens sont considérés comme des lieux sacrés où
se retirent les hommes détachés du monde et
dévoués à Tadoration du Créateur. A cet égard ,
les Turcs suivent l'exemple des Sarrasins. Mol-
lahrHunkiar, un des plus grands saints de l'isla-
misme , était l'intime ami d'un moine chrétien ;
et, d'après ses oirdres testamentaires, letonxbeau
de ce moine fut placé à côté du sien , dans un
tékieh ou monastère musulman de la ville d'Ico-.
oium. Ces. deux tombeaux existent encore au--
|ourd'bui dans ce tékieh , doiit le cheik ou abbé
ceint l'épée a,ux sultans lors de leui; avènement
au trône.
Las Mahométans on:t aussi leurs moines, qu'ils
appelleat derviches ^ et qui se divisent en plu-^
sieurs classes : les derviches méoléçis sont maté-*
rialistesdans leur croyance ; les bektacbU respec-
tent Jésus^Christ et les apôtres.; les zerrins^ la
sainte Vierge ; enfin chacun de ces ordres a sa
constitution particulière, secrète et ccmtraire aux
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54 SECONDE PÉRIODE.
dogmes de Vislamisme. Et pourtant les Musul^
mans ont pour eux une vénération extrême. Il
est vrai que ces religieux ne s'immiseent point
dans les affaires du Gouvernement, et demeu-^
rent étrangers aux intrigues des ulémas, aux
cabales du sérail et aux séditions des janissaires.
Lés derviches jouent en général le rôle d'astro-*
logues; ils exercent la musique , art très-consî-
déré parmi les Orientaux , et récitent des exor-
cismes contre les maléfices , les sortilèges et lin-
fluence du maui^ais œil.
Quelque barbare que soit envers les femmes ,
même dans l'autre monde, la religion mahomé-
tane , qui ne leur promet dans le paradis pas
même un petit tttisseau de miel , tandis qu'elle
destine aux hommes des fleuves d'une saveur
délicieuse; quoique cette religion regarde les
femmes comme indignes de remplir les fonc-
tions de derviches , et de contempler la divinité ,
néanmoins les Turcs ne refusent pas leur res-
pe(ît aux religieuses des ordres monastiques
chrétiens. En 1818, quand j'étais au service du
ministère ottoman , je fus chargé de traduire en
turc deux requêtes, adressées Tune au Sultan
actuel, l'autre à son ministre favori Halet-Ef-
fendi , de la part des religieuses d'un couvent si^
tué dans le duché de Gênes : elles y exposaient
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lVIONAST£R£S GRECS. 55
la spoliation de leur monastère par les républi-
cains français , et ^suppliaient sa Hautesse très-
pieuâe de leur envoyer en cadeau trois tapis de
Turquie, pour embellir le pavé de leur temple;
elles promettaient en reconnaissance de prier
Dieu pour la prospérité , la gloire et la santé du
Grand Seigneur. Celui-ci ordonna sur-le^hamp
l'envoi des trois tapis à ces religieuses , compa-
triotes de Roxelane.
Cest encore à cause de ce respect des Musul-
mans pour les monastères, que dans le groupe
des petites iles des Princes, à deux lieues de
Constantinople, il existe encore aujourd'hui plu-
sieurs Gouvens qui jouissent du privilège de son-
ner les cbches. Les Ottomans , qui no souftrent
point ce signe éclatant d'une religion ennemie ,
visitent souvent ces fies , dans des parties de
plaisir , et entendent le bruit des cloches sans en
être offensés.
Wbis ce qui doit surprendre encore davantage,
c'est que la Porte ottomane ait autorisé l'exis-
tence des nombreux monastères du mont Afiios.
Sur cette montagne qui est surnommée sainte y
il 7 a une multitude de couvens , la plupart ri-
ches et bâtis par les empereurs grecs de Cons-
tantinople. Leurs murailles ne différent point de
celles des places fortes; leurs églises, leurs cIo*
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56 SBCONBE PERIODE.
chers et leursi cellules , sont d'une magnifique
Construction^ Tout le mont Alhos est habite par
des religieux; les cloîtres en possèdent tout le
territoire; aucun Turc ne peut y mettre le pied ,
parce que tous ces établissemens sont sous Kn-
spection tutélaire du Bosiandji-kachy ou chef de
la garde impériale , auquel ils paient chaque an-
née un £(ssez fort tribut. L'un de ces monastères
appartient aux Géorgiens , un autre aux Russes ^
un troisième aux Serviens, et un quatrième
au^ Bulgares,
C'était dfins ccjs pieuses retraites que les Grecs,
après la chute de leur empire, trouvaient quel-
que consolation , et concevaient de bonnes es-t
pérances en, se rappelant que leur patrie était co*
religlonnaire de tant de nations puissantes; c*ié-r
tait là que se formaient les jeunes théologiens;
c'était dans les bibliothèques de ces édifices que
les moines s'exerçaient au grec littéral , obligés
4e réciter et d'expliquer aux novices les auteurs
ecclésiastiques; enfin ces monastères, et plu-
sieurs autres situés dans le reste de la Grèce, se
transformaient en écoles, et, à la faveur de la
pIptectio^ qui leur était accordée, devenaient
pour les lettres un asdle sacré ; en sorte que, par^
yn bizarre contraste , on étudiait les écrivains
de l'antiquité dans les anciens foyers de l'ignoi
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ENSEIGNEMENT PUBLIC. 6j
rance , et dans les mêmes lieux où ils étaient pré-
cédemment lobjet du mépris et de la persécution
des moines.
Malgré cela , ce fut seulement sous le règne
du sultan Sélîm m , que les écoles et les lycées
de la Grèce- furent autorisés par le gouverne-
ment turc. Sélim , moins par esprit de tolérance
que par faiblesse de caractère et par crainte de
la Russie, fut docile aux inçiuuations du prince
Démétraky Mourouzy, qui, enflammé de l'ar
mour de la patrie , zélé protecteur des lettres , et
enrichi lui-^méme de connaissances variées , fut
nommé , par un ordre autographe du Sultan ,
inspecteur général des écoles et des hôpitaux
grecs, Dèslorslesan^éliorationsse multiplièrent,
et Tenseigneipent public, officiellement autorisé,
acquit en Grèce des développemens considéra-r
blés. Telles sont les principales causes de la mulr
tiplicité des écoles grecques ; nous aurons ailleurs
loccasion d en parler avec plus de détails;^ reve-r
nons maintenant au sujet qui nous occupe.
Jusqu*à répoque de Riga, la plus grande partie
des Grecs ne s'appliquaient à l'étude que pour
parvenir au professorat , ou pour acquérir une
réputation de science. Ils n'étudiaient la littérar
ture ancienne que pour devenir littérateurs. Ils
.gdmirf^ient e^ Xénopbon l'historiei;! pleiu de
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58 SECONDE PERIODE.
grâces attiques , et non le gënëral effectuant la
merveilleuse retraite des dix mille. Us lisaient
Hérodote pour son dialecte ionien et pour Tini-
mitable simplicité de son style, mais non pour
y étudier ces temps féconds en héros citoyens.
La précision, la vigueur, la gravité de Thucy-
dide, étaient leur unique objet de recherches;
mais ils ne se souciaient guère d*approfondir les
causes des jalousies , des discordes et des haines
qui divisèrent les Grecs, suscitèrent cette hon-
teuse guerre du Péloponèse, et occasionèrent
plus tard l'asservissement de la Grèce, Ils lisaient
Démosthène seulement pour son éloquence et
sa force oratoire : ils ne réfléchissaient pas sur
ses vertus civiques, sur son inébranlable persé-
vérance à combattre eh même temps les puîs-
sans traîtres de sa patrie, et Philippe, le des-
tructeur de la liberté des Grecs.
Après la mort de Riga , la lecture des auteuirs
classiques prit une autre direction. Les profes-
seurs de belles-lettt^es expliquaient à la jeunesse
grecque , moins la beauté du style et les charmes
de la diction , que les mœurs et les caractères , les
principes civils et politiques , consignés dans ces
ouvrages immortels. Ces professeurs faisaient re-
connaître à leurs élèves, dans ces grands auteurs,
comme dans un miroir fidèle, les causes de la
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liAMI^&OS ?HOTIAD£S, §9
prospérité et du dépérissement de la Grèce. Ce
système d'enseignement fut adopté et suivi par
Lambros Photiadès , Daniel Philippide , George
Constandas, Benjamin, Psalidas de Jannina,
Vardalachos, Dorothée Proïus, Etienne Duncas,
et surtout par Coray. Nous parlerons séparément
de Coray , comme d'un homme qui signala son
époque , et par lequel commença une nouvelle
phase de la littérature grecque.
Lambros Photiadès , natif de Jannina , avait
reçu de la nature des talens supérieurs , une mé-
moire heureuse , une grande perspicacité et un
goût exquis, propre à saisir toutes les nuances
des auteurs classiques. Son cœur n'avait pas été
jeté dans un moule commun; il était plein de
sensibilité , de candeur , de bienveillance et de
patriotisme. Appelé par le prince de Valachie
Alexandre Mourouzy, à la chaire de belIesJettres
dans le lycée de Bucharest , Lambros y fut ins-
tallé en 1795. Il n'accepta pas cette charge pour
sa réputation et son intérêt particulier ; il dési-
jrait avant tout d'être utile à la jeunesse grecque.
Aussi les progrès rapides de ses élèves, et l'esprit
méthodique qu'il mettait dans l'explication des
auteurs , attirèrent bientôt, de plusieurs parties
de la Grèce, une foule d'étudians. '11 gravait dans,
leurs cœurs les idées du beau et du sublime,
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6o SECONDE PERIODE,
ainsi que les grands caractères des citoyens ver^
tueux et des héros bienfaiteurs de la patrie. Il
n'était pas comme ces professeurs mercenaires
qui mesurent leurs leçons une montre à la main ;
entraîné par son enthousiasme, il terminait cha-
que séance avec regret. Descendu de la chaire ,
il prenait le râle de père tendre et commun de
tous ses élèves; quelle que fût leur condition , il
approuvait ceux qui se distinguaient, et par-là
excitait une émuUtion sans jalousie; il allait
même jusqu ^ partager le fruit de ses travaux
avec ceux de ses disciples qui manquaient de
fortune. Un tel professeur ne tarda pas à former
des littérateurs profonds , en même temps que
des citoyens vertueux.
Néophyte Doukas d'Épire , un des principaux
élèves de Lambros , remplit à son tour la prin-
cipale chaire du lycée de Bucharest. Il a traduit
en grec moderne l'Histoire de Thucydide , avec
des notes et une carte géographique des contrées
qui furent le théâtre de la guerre du Pélopo-
nèse. Cette paraphrase a été imprimée à Vienne,^
le texte littéral en regard. Il a aussi donné une
édition des Orateurs athéniens, des Histoires
d' Arrien , d'Hérodien , et de quelques autres écri-
vains du second ordre; il a composé quelques,
dialogues sur diâférens sujets de morale et de
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NEOPHYTE B0UKA5. 6ï
littérature. Excellent patriote , il distribuait gra-
tis ses éditions aux écoles de la Grèce et aux
étudians nécessiteux* Aujourd'hui les infirmités
de l'âge Tempêchent d'aller en Grèce, et de
servir sa patrie au milieu des dangers terribles
dont elle est entourée : il gémit en Transyl->
vanie, et peut-être travaille-fc-il encore à quel**
ques ouvrages qui seront un jour utiles à la
nation. ^
Au nombre des élèves de Lambros, forent
aussi Emmanuel de Ténédos ^ Chrestary de Jan-
nina , et plusieurs autres , qui , sortis de l'école
de ce professeur^ étudièrent en Italie diverses
branches des sciences, et surtout la médecine «
De retour en Grèce , tout en exerçant rartd'Hip*
pocrate, ils s'occupèrent à composer plusieurs
Traités de chimie , de physique et d^bistoire na-
turelle, ainsi que divers ouvrages philosophi-^
ques et littéraires. L'art de la médecine n'avait
pas chez eux un but unique , la guérison des ma^
lades; c'était aussi lé tnoyen de propager des
idées nobles et des sentimens élevés. A la faveur
de leur art , qu'ils exerçaient souvent par pute
humanité , ces médecins s'introduisaient fami-
lièrement parmi toutes les classes des habitans
delà Grèce; et, parleur conduite honnête, et
par les charmes d'une éloquence instructive , ils
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6l SCCOIfOK FJBB.IODE.
s'insinuaient dans ks esprits, et devenaient ,
pour ainsi dire, des prédicateurs de Tamour
de la patrie et de l'instruction, ayant chaque
maison pour chaire, chaque famille pour au-
ditoire.
Un de ces médecins philanthropes, est Michel
Chrestarjr de Jannina. Littérateur habile, il a dé-
buté par la traduction d'un Traité de mathéma-
tiques composé par Metzbourg ; il a aussi tra-
duit du français un ouvrage anonyme, intitulé
Traité élémentaire de morale et de bonheur , et
plus tard l'Économie politique de Say« Ghrestary
était un des principaux soutiens du théâtre grec
à Bucharest; il protégeait et encourageait les ac--
teurs; il fournissait des traductions de plusieurs
tragédies françaises ou italiennes , et il inspirait
ainsi à la jeunesse grecque de grands et de beaux
«entimens. Paiariote plein de ^le , de lumières
et de clairvoyance, il était homme à mesurer la
grandeur et les périls cTune insurrection telle
que celle des Grecs , et il s'efforçait d'en différer
l'époque; mais, entraîné comme tant d'autres
par le torrent impétueux des événemens, et
trompé par un plan en apparence bien organisé ,
il s'élança dans l'arène, et fut un des premiers
défenseurs de notre liberté. II sacrifia sa fortune
pour cette cause sainte. Particulièrement cher au
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MICHEL CHRBSTÀRY. 63
bataillon sacré dTpsUanty , il partagea les fati-
gues et les périls de cette élite de la jeunesse
hellénique , digne d*un meilleur sort ; et il ne lâ-
cha prise qu'après la destruction de cette pha-
lange et la dispersion de l'armée d*Ypsilanty.
Dans ce moment, Chrestary, manquant du né-
c/essaire, supporte ses malheurs avec un cou-
rage stoïque , et travaille encpre pour sa patrie ,
en composant , sur un plah entièrement neuf,
un ouvrage intitulé Catéchisme politique.
En terminant la liste des hommes estimables
qui sortirent de Técole du professeur Lambros ,
il serait injuste de passer sous silence les Vala-
ques qui s'y formèrent. Nestor , un des princi-
pauiL, devint en Valachie un habile juriscon-
sulte. Grégoire Brancovan, issu de la famille
des princes de ce nom , traduisit en grec littéral
la Logique et la Métaphysique d'Heineccius. .
Quelques autres Valaques ont travaillé à éclairer
et à civiliser leur nation : tels sont Nicolas Va-
karesko, Constantin Kampignan, Philippesko,
Constantin et George Golesko.
Passons maintenant aux autres savans dont
nous atvons fait maition plus haut. L'époque oà
ils vintaent étudier en Europe n était pas un na»-
ment de «lagnation morale. Tous les esprits y
étaient alors en effervescence. A l'appui de»
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64 SECOÎTDE FéHtODE«
abstractions philosophiques, se présentait un fait
tout récent, tout merveilleux, tout digne d'ad-
miration; un événement plus important que la
découverte du Nouveau-Monde; je veux dire la
confédération de l'Amérique septentrionale , ou-
vrage de f^ranklin et de Washington. Cet événe-
ment extraordinaire fut un calorique moral qui ^
répandu dans toute Tétendue de VEurope civi«
lisée , pénétra partout avec plus ou moins de fa-^
cilité. Les Grecs qui étudiaient alors en Europe ^
y apprirent que les lettres ne se bornent pas à
ce froid pédantisme qu on appelle ornement d'es-:
prit ^ et que là philosophie n est pas destinée à
n*étre que le triste meuble du cabinet d'un sa-
v£uut; mais qu'au contraii'e le vrai but de la
science est l'intérêt commun de l'espèce hu-
maine et le bonheur de la société. le vais parler
des Grecs qui revinrent à cette époque : ces sa-^
vans estimables utilisèrent leurs connaissances
en les consacrant à l'instruction de lears conci-^
toyens.
A leur tête je placerai Daniel Philippidef, na-
tif de Mêlée , bourgade au pied du mont Péliôn.
Possédant à fond le grec littéral, qu'il avait étudié
dans les collèges de la Grèce ^ il passa en France
pour s'y perfectionner dans les sciences exactes.
Après avoir atteint ce but^ il voulut retourner.
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DANIEL PHILIPPIDE. 65
en Grèce. La guerre était alors allumée entre
la Russie et la Porte ; lés armes ti:i|)mphantes de
Catherine faisaient espérer aux Grecs leur déli-
vrance du joug ottoman'; ils avaient oublié la ca-
tastrophe encore fumante dif Péleponèse, qui,
dans la guerre précédente , était devenu la vic-
time d'une diversion purement militaire. C'était
le feld-maréchal de Russie, le célèbre Potemkin,
qui inspirait aux Grecs ces espérances illusoires.
Daniel Philippide et sou compatriote Grégoire
Constandas , qui revenaient lun de France , l'au-
tre dltalie, passèrent en Valachie; et, croyant
voir dans Potemkin Thomme le plus propre à dé-
livrer la Grèce , ils recherchèrent sa protection ,
et lui dédièrent dans ce but, une excellente Géo-
graphie de la Grèce, écrite en grec moderne.
Mais , peu de temps après , ce général descendit
subitement au cercueil , et la paix entre la Rus-
sie et la Porte ottomane , fut pour les Grecs une
nouvelle leçon de la faiblesse des Turcs et de Té-
goïsme des cabinets. Nos deux savans ecclésias-
tiques quittèrent alors la province de Valachie ,
et se retirèrent dans leur pays natal, où ils en-
seignèrent pendant quelque temps toutes les
connaissances qu ils possédaient. Ce fut là qu ils
traduisirent en grec moderne , Pun la Logique
de" Condillac , et l'autre les Institutions de logi-
5
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66 SECONDE PÉRIODE.
que, de métaphysique et de morale de Tabbé
Soave. Constandas, aidé du médecin Cavras, tra-
duisit encore l'Histoire générale defabbéMillot. H
ne parut de cette traduction que deux volumes ,
sortis des presses de Venise. Quoique avancé en
âge quand l'insurrection éclata en Grèce , Cons-
tandas descendit dans la lice avec une grande
fermeté, et il se trouve encore au milieu des
Grecs , auxquels il n'a jamais cessé de prêcher la
concorde , la fraternité et les vrais principes du
patriotisme. \
Daniel retourna en France, et visita ensuite
l'Allemagne , passant sa vie à traduire et à com-
poser. Outre la Logique de Condillac , il publia
en grec moderne l'Histoire de Justin, la Physique
de Brisson , la Chimie de Fourcroy , et l'Astrono-
mie de Lalande. Le plus récent des ouvrages de
Philippide est une savante Histoire des nations
valaque, moldave et bessarabienne , dédiée à
l'empereur Alexandre, qui le gratifia d'une bague
garnie de brillans. Accablé d'infirmités, suite de
son âge et de sa vie laborieuse , Daniel n'a pas
été en état d'aller en Grèce après l'insurrection.
Quoique ses travaux scientifiques et littéraires
suffisent pour sa renommée , je m'estime heu-
reux de tracer ici ce peu de lignes à sa mémoire,
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BENJAMIN DE LESBOS. 67
et de lui payer, comme disciple , la dette sacrée
de la recomiaissance.
Une grande partie de l'Asie mineure, jouissant
d'un peu d'aisance sous le gouvernement modéré
des Cara-Osman-Oglou, commençait à sentir le
besoin d'une instruction moins bornée que celle
dont elle avait dû se contenter jusqu'aloris. Ce
développement intellectuel devait être opéré par
un pauvre ecclésiastique. Benjamin , natif de Mi-
tylène, ayant terminé ses études en Grèce, passa
en Italie , où il séjourna long-temps pour se per-
fectionner dans les universités de cette belle con-
trée. Né de parens pauvres , à peine pouvait-il
subvenir au plus strict nécessaire ; mais , nou-
veau Cléanthe, il menait une vie sobre et fru-
gale, et se soutenait par l'idée qu'un jour il se-
rait utile à ses concitoyens. Il revint en Grèce ,
très-avancé dans les sciences physiques. Ses
mœurs austères , qui ne démentaient pas le ca-
ractère ecclésiastique qu'il portait, son affabilité,
son extrême modestie , faisaient d'autant mieux
apprécier ses connaissances solides et variées. * **
Presque en face de la charmante île de Mity-
lène, sur la oôte de l'Asie mineure , était située
la ville de Cydonie , jadis florissante , aujourd'hui
un effroyable monceau de ruines. Cette ville,
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68 SECONDE FÉEIOOE,
toute peuplée de Grecs, après avoir joui d'une
administration modérée sous le gouvernement
des Cark-Osman-Oglou, devint une place de
commerce , et prospéra considérablement. Les
Cydoniens devaient surtout leur bien-être à
leurs plantations d oliviers et au débit de Thuile
quils fabriquaient; ils en formaient des cargai-
sons entières pour les ports d'Odessa et de Taï-
ganrock , et vendaient le reste à Constantinpple ,
suivant un taux réglé par la police arbitraire de
cette capitale. La ville de Cydonie était gouver-
née par une assemblée de syndics appelés pri--
mats. Elle s'embellissait de jour en jour par
des maisons régulièrement bâties, par des rues
bien pavées , et par un grand nombre de jardins.
Sa situation était à la fois agréable et salubre.
Une centaine de petites tles inhabitées,* mais
ornées d'une végétation vigoureuse et toujours
verdoyante , faisaient glisser la vue à travers la
sinuosité de leurs petits détroits , sur la surface
de la haute mer , et formaient à Cydonie , non-
seulement un port assuré , mais aussi un réser-
voir abondant de mollusques et de poissons de
toute espèce. Cydonie était Tapanage de la fa-
'^ Moschonisia ou ïks parfumées ^ à cause de leurs
plantes aromatiques.
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BENJAMIN DE LESBOS. 69
mille puissante des Durri-Zadès , à Goustantino^
pie, famille d*où sortirent plusieurs muftis. Ce
fut cette prptection qui garantit constamment
Cydonie des vexations des pachas , et qui en fit
bientôt , pour les Grecs d'Asie , un séjour assuré.
D'abord les Cydoniens n'avaient qu une petite
école, ou Ton enseignait la grammaire ; mais Ben-
jamin , à son retour d'Italie ^ n'ayant pas réussi à
établir une école systématique à Mitylènè , sa pa-
trie, qui était trop, pauvre pour en fournir les
fonds , choisit la ville de Cydonie comme la plus
propre à l'eicéGution de son projet. Le zèle d'Œ-
conomos , démagéronte de Cydonie , aplanit tous
les obstacles. Sur un emplacement peu écarté de
la ville, on bâtit un vaste collège; Benjamin y
occupa la chaire des sciences , et appela pour l'ai-
der un professeur de belles-lettres et lui sous-pro-
fesseur. De toutes les parties de la Grèce on ac-
courut bientôt à cette école. Elle fleurit sous
Benjamin pendant une quinzaine d'années; il en
sortit une foule d'hommes instruits , dont plu-
sieurs exercent aujourd'hui des fonctions pu-
bliques dans le gouvernement provisoire de la
Grèce.* * Mais le professeur de littérature, jaloux
du mérite de Benjamin , sema la mésintelligence
parmi les primats de Cydonie , et en souleva une
partie contre son rival. Benjamin était même sur
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70 SECONDE PÉRIODE.
le point de quitter la vîDe et le lycëe en 1 8o5, lors-
que le prince grec Dëmétraky Mourouzy le prît
souô sa protection , et le rafFenhît avec beaucoup
d'honneur dans la chaire qu'il avait si glorieuse-
ment occupée. Cependant, dëgoûté des sourdes
manœuvres de l'intrigue, Benjamin résigna sa
place et se rendit à Constantixiople. Il fut bien-
tôt appelé par le prince Jean Caradza , pour oc-
cuper la chaire de philosophie au lycée de Bu-
charest. Mais quand cet hoSpodar se fut réfugié
en Europe pour sauver sa vie menacée, Ben-
jamin, privé de son appui et de celui d'Alexan-
dre Maurocordato (alors grand postelnik de Va-
lachie), incapable d'ailleurs de ramper sous les
évêques et le métropolitain, fut bientôt déposé,
et expulsé par eux, avec une cruauté qui est
quelquefois le caractère distinctif des ecclésias-
tiques à privilèges, lorsqu'ils donnent essor à
leur ressentiment.
Benjamin , qui connaissait les démarches de
Xhétérîe^ * ^ et qui savait que la grande scène de
l'insurrection n'était pas loin de s'ouvrir , voulut
y jouer un rôle actif, et partager tous les périls
de ses concitoyens. Dès le commencement de
cette lutte sanglante, il se trouva sur le théâtre
des événemens. Simple comme un pasteur de
l'Église primitive , imperturbable à l'aspect des
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PSALIDAS DE JANNINA, 7ï
plus grands dangers , il parcourait les iies d'Hy-
dra, de Spezzia et d'Ipsara; il traversait en tout
sens le Péloponèse et la Grèce orientale, en prê-
chant, au nom de la religion et de la patrie, le
courage et le mépris de la mort. Ses exhortations
avaient Téloquence du cœur; son exemple entraî-
nait tout le monde ; il était de ces hommes rares
qui parlent peu, et laissent à leur caractère et à
leur conduite le soin de convaincre et de persua-
der. Supportant les fatigues tes plus grandes , les
privations les plus pénibles; exigeant tout pour
sa patrie , et rien pour lui , il était comme une
lampe , qui se consume en éclairant. Enfin il a
terminé dernièrement sa belle carrière , mois-
sonné par la terrible épidémie du typhus , qui a
fait tant de ravages à Napoli de Romanie.
Psalidas de Jannina, disciple du célèbre Kant,
occupa long-temp^ la chaire de philosophie au
cdilége de Jannina. Ali-Pacha, de Tépélen, ré-
pandait alors VeiFroi dans toute Tétendue de son
gouvernement, et même dans les provinces voi-
sines. Employant envers ises ennemis, tantôt
la violence, et tantôt la ruse, il égorgeait ceux
dont il craignait la résistance ou dont il pré-
voyait révasion; il caressait les autres et se les
réservait comme une proie assurée. Loin de per-
sécuter la religion chrétienne, il était extrême*
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72 SECONDE PERIODE.
ment tolérant, afin que les Grecs souffnssenf
patiemment ses actes de tyrannie; il protégeait
les archevêques dont les sièges étaient dans son
gouvernement, afin de les employer comme or-
ganes de son insatiable rapacité. Le collège de
Jannina et les autres écoles secondaires , étaient
ouverts avec sa pleine permission; car il ne s'in-
quiétait point qu'on enseignât dans son gouver-
nement les mathématiques et la philosophie,
pourvu qu'on ne s'immisçât pas aux afFreux cal-
culs de son égoïsme sanguinaire. Il ne croyait
pas les Muses capables de Tentraver dans sa car-
rière , dont le but était la sécurité de ses jours ,
la jouissance de voluptés brutales, et la contem-
plation de ses trésors accumulés. H voulait et
faisait tout pour lui ; il détestait tout ce qui pou-
vait lui survivre; semblable à ces avares qui
s'efforcent de soustraire leurs richesses , même
à l'hérédité de leurs fils. Ali n'étendait pas ses
vues au delà de son tombeau : sa vie était son
éternité ; il regardait le terme de son existence
physique comme devant être cehii de tous ses
désirs, de toutes ses pensées. Le professeur
Psalidas , n'ayant pas pénétré le caractère du sa-
trape , crut qu'il ambitionnait de s'ériger en sou-
verain , et de transmettre à ses descendans un
trône indépendant de la Porte ottomane; et,
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VARDALACHOS Ï)E SCIO. 7^
comme Ali n attachait pas grande importance à
sa religion , le professeur lui proposa d'embras-
ser le christianisme , et de se faire baptiser so-
lennellement, afin de gagner l'affection de toute la
nation grecque, et de pouvoir ensuite se procla-
mer roi des Hellènes. Le rusé tyran , pour se for-
tifier du côté des Grecs par une si grande espé-
rance , feignit de goûter ce conseil; en sorte que
Psalidas, devenu son favori, put protéger puis-
samment, non-seulement le lycée dont il était
professeur , mais encore tous les établissemens
d'instruction publique dans le gouvernement
d'Àlî-Pacha. A la catastrophe de ce tyran , Psa-
lidas s'enfuit de Jannina , et se réfugia à Corfou,
où il réside actuellement.
Après la mort de Lambros, la principale chaire
du lycée de Bucharest fut occupée par un pro-
fesseur digne de le remplacer : c'était Vardala-
chos, de l'île de Scio. H fut appelé en 1807 à
la chaire de philosophie par le métropolitain
Ignace de Mitylène , protecteur des lettres , qui
avait acheté la riche bibliothèque de Sonnini, et
en avait doté le lycée de Bucharest. Vardala-
chos exerça les fonctions de professeur jusqu'en
181 4. Pendant cet intervalle, il a composé en
grec moderne une Physique expérimentale , et
une excellente Rhétorique , qu'il a dédiées à ses
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74 SECONDE PÉRIOBE.
ëlèves, les (ils du prince Caradza. Quoique jouis-
sant de Festime de ce prince ami des Muses et
juste appréciateur des talens, Vardalachos quitta
le lycée de Buçharest pour obéir à la voix de son
tle natale , qui Tinvitait à venir se fixer dans son
sein. En y arrivant il fut installé dans la chaire
de professeur de belles-lettres, et il remplit pen-
dant trois ans cette tâche , avec une grande répu-
tation. Mais comme sa faible santé souffrait de
la brûlante température de Scio , il f lit contraint
de partir, et alla professer les sciences au lycée
grec d'Odessa.
Depuis long-temps le collège de Constantino-
pie ne suffisait plus à la foule des étudians de la
capitale , et sa situation dans l'intérieur de la ville
mécontentait également les professeurs et les
élèves. Le prince Démétraky Mourouzy con-
çut le projet de fonder une seconde école , plus
complète et mieux située. (C'était Fépoque où
ce prince venait, par son influence , d'accréditer
et d'introduire en Grèce la vaccine , récemment
apportée à Constantinople par le docteur Hesse. )
Pour l'établissement du nouveau lycée , il choisit
le village de Couroutzesmé , sur le Bosphore de
Thrace. Le premier maître qui y occupa la chaire
de philosophie (en 1799) fut Dorothée Proïus,
natif de l'île de Scio. Pendant trois ans ,|^il y'en-
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ETIENNE DOUNKAS. jS
seignâ les mathématiques et la physique avec
un succès dont il fut récompensé par le synode,
qui réleva à Tarchevêché de Philadelphie , dans
l'Asie mineure. Devenu plus tard archevêque
d'Andrinople, il périt, comme tant d'autres ec-
clésiastiques, victime de la rage des Barbares,
dans les premiers jours de l'insurrection.
Ouvrage du patriotisme de Mourouzy , le lycée
de Couroutzesmé fut constamment surveillé par
ce prince et par son frère l'hospodar Alexandre
Mourouzy. Proïus fut remplacé dans ce collège
par son compatriote Platon, et ensuite par Etienne
Dounkas, de Toumovo en Thessalie. Etienne^
qui avait fait ses études dans les universités de
Halle et de Gottingue , possédait les connaissan-
ces philosophiques de la savante et laborieuse
Allemagne. Imbu de cette morale pure qui réside
au fond des cœurs , il retourna dans la Grèce et
la remplit bientôt (fe sa renommée. Il composa
un Cours complet de mathématiques, une Physi-
que et un Traité d'esthétique et de morale. A la sol-
licitation du savant hospodar Alexandre Mourou-
zy , il accepta la chaire de philosophie au lycée de
Couroutzesmé. Remplacé par Coumas, il se rendit
en Moldavie , où , par la protection de l'hospodar
Charles Callimachy , il obtint la dignité d'archi-
mandrite de l'église patriarcale , et l'abbaye de
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76 SECONDE PÉRIODE.
Roehitossa eh Moldavie, monastère annexé au
mont Aihos. Etienne avait une fortune considé-
rable; il en employa une partie à acheter des
instrumens de physique, de chimie et d'astro-
nomie , qu'il fit transporter à Ambélakia , ville
au pied dumontPélion, dans laquelle, d'accord
avec le poète Christopoulo, avec Constandas et
les frères Capétanaky, il avait conçu le projet
d'établir une université. Ces instrumens ont été
dispersés par les Turcs, quand ils ont détruit
la plupart des villes et des villages de The$salie.
Tel est le tableau des savans qui forment la
seconde période de notre littérature. Si j avais
voulu nommer tous ceux qui contribuèrent à la
propagation des lumières et au perfectionnement
de la langue grecque moderne , j'aurais été en-
traîné hors du cadre que je me suis prescrit :
je n'ai fait mention que des hommes les plus
connus. Us ne furent passions professeurs de
belles-lettres, mais, par leur manière de penser
sur la littérature , et par leur méthode philoso-
phique, ils formèrent bientôt, non des gram-
mairiens arides, mais des littérateurs éclairés.
Jusqu'ici j'ai parlé des savans grecs qui revin-
rent d'Europe vers la fin du siècle dernier, et
qui changèrent l'état intellectuel de la nation
grecque , en ouvrant une route nouvelle à l'en-
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rANAniOTES. 77
seignement public. J'ai fait remarquer quelques-
unes des causes de cet heureux changement,
et plusieurs fois j'ai cité des hospodars, des
interprètes de la Porte, et des princes grecs,
comme ayant plus ou moins contribué à l'exé-
cution d'un plan aussi vaste que celui de la
régénération de la Grèce. Ces divers princes
grecs étaient connus sous la dénomination gé-
nérale de Fanarioies^ et je ne crois pas hors de
propos de terminer l'histoire de la seconde pé-
riode par un coup d'oeil rapide sur cette partie
intéressante du corps de la Nation.
Quelques relations erronées avaient de temps
à autre répandu à leur égard , en Europe , une
opinion défavorable. Des voyageurs prévenus
adoptaient sans examen ces notions presqi^ ac-
créditées, et répétaient, d'après quelques jaloux,
les mêmes calomnies sur les familles du Fanal.
Cependant c'étaient ces Fanariotes qui veillaient
sans cesse aux intérêts de la nation ; c'étaient eux
qui s'occupaient des affaires ministérielles du
gouvernement turc, qui traitaient presque toutes
les communications diplomatiques des puissan-
ces chrétiennes, et qui jouissaient exclusivement
des principautés de Valachie et de Moldavie : om-
bre d'un pouvoir éphémère , mais cependant re-
fuge d'une foule de Grecs accablés par la présencç
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78 SECOKDB PÉRIODE.
immédiate de leurs tyrans. Qui étaient donc ces
Fanariotes ? Quelle futleur origine ? Quels furent
et leur état , et leurs rapports avec la nation grec-
' que et le gouvernement turc? Quelle influence
eurent-ils sur le progrès de la civilisation et des
lumières? Ces points sont essentiels au sujet qui
nous occupe. Moi aussi j'ai été un de ces Grecs
jadis appelés Fanariotes; mais je nie crois assez
supérieur aux préjugés de la naissance, pour
parler avec impartialité d'hommes auxquels j'ai
été attaché partant de rapports. D'ailleurs l'insur-
rection a jeté dans une heureuse fusion tous les
enfans de la Grèce ; elles n'existent plus actuelle-
ment ces distinctions de castes , de conditions
et de privilèges. Avant l'insurrection, quoique
j'eusse besoin de l'appui des Fanariotes , et que je
dusse ménager leur amitié , je fus toujours supé*
rieur à ces basses considérations. Et aujourd'hui
que la hache meurtrière a fait tomber les têtes de
presque tous ces infortunés , et qu'il ne reste plus
des Fanariotes que quelques débris , qui servent
encore leur pays aux dépens de leur vie , je dirai
la vérité , sans qu'on puisse m'accuser ni d'inté-
rêt ni de crainte.
L'origine des Fanariotes remonte à la prise de
Constantinople. Après la chute de cette ville , un
petit nombre de familles notables, qui ne purent
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FANARIOTES. 79
s'ëchapper , formèrent un noyau autour et à Ta-
bri du trône patriarcal.* ' Dès les premières an-
nées de la conquête, le patriarche Gennadius
avait obtenu de Mahomet II, à titre d'église pa-
triarcale , un temple situé dans le centre de la
ville , et dédié à la sainte Vierge , avec la déno-
mination de PoSov rh àjjtdcpavrov, « la rose qui ne
peut se flétrir. » Mais comme cette église était
dominée de tout côté par des maisons musulma-
nes, le fanatisme muhométan, exalté par les
conquêtes , ne pouvait voir et entendre de si près
les cérémonies d'une religion abhorrée. On ôta
donc cette église au patriarche, et on la trans-
forma immédiatement en une mosquée, qui
conserve encore aujourd'hui son ancien nom en
langue turque : Guioul Dzamisi^ a Mosquée de la
Rose. » On donna au patriarche une autre église,
de construction mesquine, et sans voûtes, située
dans le quartier du Fanal^ près d'une porte de
Constantinople , appelée du temps même des
empereurs d'Orient : tl^Aio roîî ^avotptou, « Porte
du Fanal. » C'est dans ce quartier que le patriar-
che fit bâtir une maison pour sa demeure; c'est
là qu'habitèrent constamment les membres du
synode, pour gérer les affaires temporelles et
spirituelles de l'Église et de la Nation ; c'est là
que se groupèrent les débris de ces familles no-
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8o SECOMDB PERIODE.
tables de la capitale, composant le corps du clergé
laïque^ constitution particulière de Téglise d'O-
rient. * * Enfin c'est dans ce quartier qu'on bâtît ,
à peu près à la même époque , l'école de Cons-
tantinople , sous le nom à' école patriarcale.
Ce clergé laïque , qui , du temps de l'empire
d'Orient, composait le cortège et la cour du pa-
triarche , devint presque titulaire après la prise
de Constantinople , et fut réduit à la pauvreté.
Mais depuis que le Constantînopôlitain Panajo-
taky eut obtenu la charge A' interprète de la Porte
ottomane; depuis qu'Alexandre Maurocordato
lui eut succédé dans cette importante dignité;
surtout depuis que le fils d'Alexandre , Nicolas
Maurocordato , eut été nommé hospodar de Va-
lachie , et que les principautés de Valachie et de
Moldavie furent exclusivement accordées aux
Grecs des familles marquantes de Constantino-
ple ; dès lors ce groupe de familles établies au
Fanal s'augmenta et s'enrichit progressivement.
S'insinuant de plus en plus dans les affaires mi-
nistérielles de la Porte , ces Grecs formèrent une
caste particulière, officiellement reconnue par
le gouvernement turc. Quoique esclaves , aussi
bien que le reste de leurs concitoyens , les Fana-
riotes occupaient des emplois respectés par les
Turcs eux-mêmes, et considérés auprès du
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FANAniOTES. 8l
Gouvernement. Presque entièrement chargés
des affaires extérieures , que l'ignorance et Tin-
capacité des Turcs les forçaient de leur confier ,
ils étaient obligés d'acquérir les nombreuses con-
naissances requises pour ce genre d'administra-
tion. Aussi donnaient-ils à leurs enfans une édu-
cation soignée. L'étude approfondie de lajangue
grecque , du latin , de l'italien , du français , et ,
des trois principales langues orientales , le turc ,
l'arabe et le persan, étaient des préliminaires et
des instrumens indispensables pour réussir dans
la carrière restreinte et ambitionnée des char-
ges auxquelles les Grecs de Constantinople pou-
vaient aspirer. Les Fanariotes, qui voyaient
dans l'instruction la source de leur avancement,
de leur crédit et de leurs privilèges, faisaient cas
des hommes instruits, et protégeaient de tout
leur pouvoir ceux de leurs concitoyens qui mon-
traient du mérite et des connaissances. Aussi les
savans grecs affluaient-ils de toute part à Cons-^
tantinople, comme dans un lieu où l'on savait
apprécier et récompenser les talens et les vertus.
Les jeunes Fanariotes destinés au maniement
des aftaires publiques, se formaient par les soins
éclairés de leurs parens , se pénétraient de bonne
heure de sentimens élevés, et apprenaient à user
d'un langage supérieur à celui du vulgaire; les
6
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82 SECONDE PÉRIODE.
femmes mêmes du Fanal parlaient avec pureté ,
et écrivaient avec élégance leur langue mater-
nelle. Quand nous traiterons plus spécialement
des divers ouvrages de la littérature grecque mo-
derne , nous aurons à citer les noms de dames
constantinopolitaines, auteurs d'ouvrages qui
méritrtit de n'être pas oubliés. Si je voulais m'a-
baisser au rôle de déclamateur, riche seulement
en phrases, je pourrais m'étendre encore beau-
coup sur les services rendus par les Fanariotes à
toute ma nation, et développer avec pompe une
vérité que j'ai d^à plusieurs fois énoncée. Maïs
en commençant ce sujet , j'ai cru devoir me pres-
crire ici, plus encore que partoiit ailleurs, de
ne rien avancer que je ne pusse prouver sur
l'heure , et de ne rapporter que des faits , seuls
documens toujours capables de montrer la véra-
cité de rhistorien.
Si, dans .toutes les monarchies absolues, le
code des lois se forme uniquement d'après la
volonté du souverain, qui le jette ensuite sur
tm rayon de sa bibliothèque, parmi les romans,
faut-il s'étonner que le Sultan , dont les ordres
sont nommés arrêts inéçitables comme ceux du
destin^ foule aux pieds les lois^ les statuts, les
privilèges une fois octroyés, les faveurs dès long-
temps accordées; surtout à l'égard de nations
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FANARIOTES. 83
qu'il croit nées pour être ses esclaves , et qu'il
traite comme des créatures immondes , objet de
rhorreur et de rexécratipn de sa féroce divi-
nité? Les^ Turcs conquérans avaient accordé
aux patriarches de Constantinople, d'Alexandrie,
d'Antioche et de Jérusalem , ainsi qu'aux arche-
vêques et aux évêques grecs , des diplômes con-
tenant d'importantes prérogatives. Mais ces pré-
rogatives, données par des tyrans à des esclaves
méprisés, comment auraient-elles pu être main-
tenues sans altération, si une cause efficace n'eût
constamment veillé à leur intégrité? Si l'on veut
nier l'existence de cette cause , il faut alors né-
cessairement reconnaître dans la Porte otto-
mane le gouvernement le plus juste, le plus
scrupuleux , le plus loyal , le plus paternel qui
puisse être sous une domination purement arbi-
traire; il faut supposer que ce gouvernement a
réuni les deux extrêmes , l'absolu et le consti-
tutionnel. On doit donc absolument admettre
qu'une espèce de providence humaine veillait
d'une manière permanente au maintien de ces
privilèges , seul refuge de la Nation : c'est que
les Grecs qui avaient quelque influence auprès
de la sublime Porte, consolaient, adoucissaient,
par leur continuelle entremise, l'esclavage de
leurs concitoyens ; prenaient à cœur leurs inté^-
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84 SECONDE FÉHIODE.
rets, mitigeaient les abus, et dëtournaient au«-
tant que possible les sentences tyranniques des
gouverneurs de province.
Ces privilèges , maintenus par les Fanariotes ,
regardaient surtout le clergé , et par là même
étaient très-essentiels à la conservation de la na-
tion grecque. Le patriarche et les archevêques
ne pouvaient être élus qu'avec les suffrages du
synode et des chefs de la Nation, qui résidaient
à Constantinople. Les archevêques étaient ina-
movibles. Le patriarche , avec l'approbation du
Sultan , avait le droit d'exiler ceux des Grecs qui
se déshonoraient par des vices. Ainsi que les
hospodars de Valachie et de Moldavie, le patriar-
che avait un agent officiel par lequel il présentait
ses communications à la Porte ottomane. Les
gouverneurs et les pachas ne pouvaient, sous au-
cun prétexte , s'immiscer dans les affaires ecclé-
siastiques , ni évoquer les différends de cette es-
pèce aux tribunaux de leur résidence; les juges
compétens étaient toujours le patriarche et le sy-
node, formant une espèce de jury. Les biens des
ecclésiastiques n'étaient pas , après leur mort ,
saisis et versés dans la caisse publique ; eux seuls
n étaient pas soumis à la loi qui déclare le Sultan
héritier de quiconque meurt sans enfans. Tels
étaient quelques-uns des principaux articles de
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fanauiotes. 85
ces diplômes ou privilèges; mais ils étaient trop
manifestement en opposition avec les intérêts et
les préjugés des Turcs, pour qulls pussent être
observés sans le secours d une force conserva-
trice; cette force c'était le crédit des Fanariotes.
Ceux-ci , connaissant parfaitement la langue de
leurs maîtres, leurs préjugés, leurs usages et
leurs mœurs; usant d'ailleurs de la supériorité
que donnent siir l'ignorance la variété des con-
naissances et la bonne éducation , s'insinuaient
facilement dans les esprits des grands de TEm-
pîre, les captivaient avec adresse, et les maniaient
à leur volonté. Le Grec secrétaire-interprète de
la Porte dirigeait presque toutes les affaires di-
plomatiques; les agens des hospodars de Mol-
davie et de Valachie , la bourse et les présens à
la main ,' faisaient sans cesse la ronde chez tous
les ministres, chez tous les ulémas avides; et,
parle charme magique des ducats de Hollande ,
fascinaient leurs yeux , fléchissaient la dureté
de leurs cœurs, et favorisaient l'exécution des
affaires les plus difficiles, les plus importantes
à la nation grecque. Appuyés sur ces grands de
l'Empire, qui devenaient , pour ainsi dire , leurs
patrons, les Fanariotes étendaient leur influence
dans l'intérieur du sérail, dans le ministère et
dans le clergé turcs, et empêchaient , autant que
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86 SECONDE PÉRIODE.
possible, les gouverneurs des provinces d'en-
freindre ouvertement les prérogatives du clergé
grec , et de ruiner les sujets.
Si les Fanarîotes eussent été toujours d'accord
entre eux , s'ils ne se fussent pas entre-déchirés,
en briguant chacun pour soi l'honneur d'être
nommés à la dignité d'hospodar ou à la charge
de grand interprète ; si leur but unique eût été
constamment l'intérêt comniun de la patrie com-
mune , et non pas l'intérêt individuel et la soif
des honneurs , ils eussent été capables de rendre
à la Nation des services encore plus signalés.
Malheureusement les rivalités, l'ambition, la va-
nité et le cortège bruyant des passions humaines,
qui font tant de mal parmi les nations libres et
éclairées, pénètrent aussi, quoique ridiculement,
mais avec une égale impétuosité , chez les na-
tions courbées sous le faix de l'esclavage le plus
avilissant. Ainsi les Grecs du Fanal ,' toujours en
butte à ces basses passions, ne faisaient pas,
pour l'avantage de leur patrie , tout ce qu'il eût
été en leur pouvoir de faire. Toutefois en se li-
vrant des combats mutuels, et en se frappant les
uns les autres avec des chsdnes qu'ils pouvaient
à peine traîner , les Fanariotes ne négligeaient
pas les intérêts de la Grèce; ils protégeaient les
écoles existantes; ils en fondaient de nouvelles;
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FANARIOTES* 87
ils respectaient et faisaient respecter les sciences
et les arts. Dans plusieurs circonstances péril-
leuses , où il y allait presque de l'existence de la
Nation , ils montrèrent une étonnante habileté et
un zèle à toute épreuve. J'en citerai quelques
exemples pris au hasard.
Dans la première guerre de l'impératrice Ca-
therine n avec la Turquie , dans cette guerre où
la puissance ottomane fut si complètement bat-
tue par les armées russes , le sultan Mustapha ,
homme hautain et imbu de la barbarie des Turcs,
qui regardent les femmes comme des demi-éiresy
ne pouvait supporter la honte d'être vaincu , lui
homme et mahométan , par une femme chré-
tienne; il vomissait feu et flammes contre tout
ce qui n'était pas musulman. Les Turcs apprirent
alors pour la première fois, que les Russes, leurs
ennemis et leurs vainqueurs, étaient les co-
religionnaires des Grecs, leurs esclaves. Dans
une position si critique, le moindre soupçon, la
moindre calomnie, pouvait nous devenir funeste»
Et cependant une révolte des plus terribles, celle
du Péloponèse et de l'Archipel, éclata a l'appa-
rition de la flotte russe. Une quantité d'armateurs
grecs, parmi lesquels était le fameux Varvaky de
Psara, parcouraient, sous pavillon russe , toutes
les mers de Tempire ottoman ; une nation belli-
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88 SECONDE PERIODE.
queuse, celle des Monténégrins, était sur le point
de se soulever contre les Turcs : on n'entendait
dans les rues de Constantinople et dans toute
rétendiie de l'Empire, que des vieillards, des
femmes et des enfans -pleins de rage , qui voci-
féraient contre les Grecs cette insulte menaçante :
' « Moscovites infidèles ! » Le Sultan méditait des
projets d'extermination; et les pauvres Grecs, qui
ne pouvaient ni fuir, ni résister, recommandaient
à Dieu leur âme , lorsque le patriarche Samuel ,
de concert avec les Ypsilanty , les Mourouzy, les
Garadza et les Soutzo , rédigea un mémoire en
forme de supplique, et osa le présenter de sa
propre main au Sultan. Dans ce mémoire, il fai-
sait l'apologie de la nation grecque, proposait des
moyens de douceur, et faisait entrevoir avec
adresse à Mustapha qu'une démarche violente
pousserait tous les Grecs au désespoir , et allu-
merait une conflagration générale. Les Fana-
riotes que je viens de citer, ayant chacun à
Constantinople leurs patrons particuliers , leur
insinuèrent les mêmes idées, et parvinrent à
disposer les esprits du ministèi^e turc de manière
que le Sultan changea son plan de vengeance ,
et commença de traiter avec douceur ses sujets.
De même , $i le projet de l'infortuné Riga , dé-
voilé à la Porte ottomane avec les couleurs les
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FANÀRIOTES. 89
plus noires, n*eut cependant d'autre suite fâ-
cheuse que la mort de ce généreux citoyen,
c'est que les Fanariotes s'empressèrent de dé-
mentir les assertions officielles d'une puissance
voisine , et parvinrent à effacer totalement les
funestes soupçons qui planaient sur toute la na-^
tîon grecque.
Dans la guerre de la Russie contre Napoléon,
lorsque ce dissipateur du précieux sang de ses
soldats se mit en marche contre le roi de Prusse,
le ministère français eut la basse cruauté d'accu-
ser auprès du sultan Sélim la malheureuse na-
tion grecque , comme entièrement attachée à la
Russie et prête à se révolter au moindre signal
de cette puissance. Cette calomnie artificieuse-
nnent tissue , aurait fait l'impression la plus fâ-
cheuse sur l'esprit du sultan Sélim , enthousiaste
de l'amitié de Napoléon, si Thospodar Caradza et
rhospodar Charles Callimachy, alors. secrétaire-
interprète de la Porte ottomane , n'avaient mis
en usage tout leur zèle et toute leur influence
pour désabuser le Sultan , et prouver à ses mi-
nistres la fausseté d'un pareil avis.
Et plus tard, lorsque voyant l'incursion de Na-
poléon sur le territoire russe, Mahmoud , au mé-
pris des traités avec la Russie , fit entrer ses ar-
mées en Servie, et expédia à son grand visir
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90 SECONOB PERIODE.
1 ordre autographe d'enchainer les femmes et les
enfans , et de passer au fil de Fépée tous les Ser-
viens en état de porter les armes ; ce fut encore
l'hospodar Garadza qui s'adressa directement au
Sultan pour lui représenter qu'il faudrait at-
tendre l'issue de la guerre que se faisaient alors
* la France et la Russie , afin de ne pas s'attirer le
ressentiment d'Alexandre, dans le cas où ce
monarque serait vainqueur. Cette insinuation
heureuse intimida Mahmoud; il suspendit l'exé-
cution de ses ordres; les massacres cessèrent, et
la nation servienne fut sauvée de Tanéantisse-
ment qui la menaçait.
D'après ce que j'ai déjà pu dire , on comprend
que les Fanariotes n'étaient pas hommes à igno-
rer ce qui se passait dans l'étendue de l'empire
ottoman ; et Xhétérie était une aftaire trop natio-
nale, trop importante, pour échapper à leurs re-
gards vigilans, malgré le secret dont elle était
enveloppée. Malheureusement on leur en avait
caché le plan , les ressorts et le temps fixé pour
l'explosion. Peut-être , s'ils eussent été consultés
et entendus à temps , auraient-ils combiné cette
grande et difficile entreprise avec plus d'ordre ,
d'ensemble et d'efficacité. L'hospodar de Molda-
vie, Michel Soutzo aurait pu, d'un seul mot de
sa part au ministère ottoman , prévenir et rcn-
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FANAHIOTES, 9I
verser tout le plan d'Ypsilanty; mais la nation
grecque était déjà si compromise^ les disposi-*
tiens à la révolte étaient si prononcées , qu'une
telle démarche aurait précipité la Grèce dans un
abîme de malheurs. D'ailleurs^ plein de modes-
tie et de patriotisme, Soutzo regarda cette grande
tentative comme l'on considère une vérité dog-
matique et supérieure à l'examen; il aima croire
ces apparences mystérieuses au-dessus de sa
censure et de son investigation; il se résigna
avec une vertu admirable , et sacrifia ses riches-
ses, sa place, son existence et celle de sa famille,
à un avenir de bien public auquel il était loin
d'ajouter foi.
Après la mort de l'archevêque d'Éphèse et de
mon frère, archichancelier de l'église patriarcale,
le patriarche Grégoire (celui qui fut, peu de
temps après, pendu à la porte de son palais), tint
dans ses appartemens un conseil privé , auquel
assistèrent le patriarche de Jérusalem, quatre
archevêques, l'hospodar de Valachie Charles
Callimachy, le prince Constantin Mourouzy,
secrétaire-interprète de la Porte ottomane, et Sté-
phanaky Mavrojény, qui avait remplacé mon
frère dans la charge d'archichancelier. Alors Gré-
goire leur ayant exposé l'imminence du danger ,
tâchait de les déterminer à prendre la fuite; et
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92 SECONDE PEHIODE.
ses exhortations pressantes s'adressaient surtout
à l*hospodar, à l'interprète et à Tarchichancelier,
comme pères de famille et personnages utiles à
la Nation. « Quant à moi, disait-il, je vois déjà
que mon supplice s approche ; mais mon devoir
m'oblige de mourir à mon poste , et j y resterai ,
afin que ma fuite ne fournisse pas aux Tuixs
un prétexte plausible de massacrer les chrétiens
de la capitale. » Tous , d'une voix unanime , l'in-
terrompirent en disant : « Le motif qui engage
votre Sainteté à rester et à mourir, nous oblige
également de préférer à Tévasign la mort, même
cruelle. » Aucun d'eux ne viola cette parole, quoi-
qu'ils eussent alors tous les moyens de se sauver.
Tous, d'un commun accord, se sacrifièrent avec
connaissance de cause pour le salut de leurs
compatriotes; et tous , victimes de leur résolu-
tion généreuse, trouvèrent cette mort qu'ils sou-
haitaient.
Enfin il était réservé aux restes des Fanariotes
de s'ensevelir d'une manière héroïque : le batail-
lon sacré d'Ypsilanty compta dans ses rangs plu-
sieurs jeunes hommes des premières familles
du Fanal. Tous les cœurs généreux ont déploré
le sort de cette élite de la nation grecque , et mes
éloges ne peuvent rien ajouter à la gloire dont
ces héros se sont couverts. Je veux seulement
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FANA.R10TES. 9^
m'arrêter sur leur tombeau , et dire à ceux qui
osent encore calomnier les Fanariotes :
Ils ne sont plus : laissez en paix leur cendre.
Par d'indignes clameurs ces braves outragés
A se justifier n'ont pas voulu descendre;
Mais un seul jour les a vengés :
Ils sont tous morts pour vous défendre.
DSLA VIGNE.
Je me suis acquitté de ma tâche. J'ai voulu
rendre à mes infortunés concitoyens la justice
due à leurs vertus, à leurs qualités aimables, à
leurs services et à leurs malheurs. Si j'ai plaidé
trop faiblement leur cause , c'est à moi seul que
le tort doit en être imputé. Je n'ai cité en leur fa-
veur que des faits détachés et en petit nombre ;
j'ai avoué la vérité de plusieurs reproches qu'on
pouvait leur faire , et , tout en repoussant les ca-
lomnies , j*ai évité les récriminations. Quoi qu'il
en soit , j*ai dû signaler , parmi les nombreuses
causes de la régénération morale de la Grèce ,
rimpulsion puissante que donnèrent à la propa-
gation des lumières ces hommes éclairés eux-
mêmes, et qui sentaient tout le prix de l'instruc-
tion. Parmi ces malheureux, victimes de leur
zèle , il y avait des hommes du plus grand mé-
rite , tels que les frères Callimachy , * * les deux
princes Mourouzy, Michel Mano, Constantin
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94 SECOIiBE PÉRIODE.
Negry, le prince Michel Cbantzery, George
Maurocordato , et une foule d'autres hommes il-
lustres et nécessaires à la Nation.
Leurs épouses aussi avaient reçu une éducation
digne de leur sexe. La plupart avaient étudié et
parlaient le français; la plupart étaient habiles
dans la musique européenne , dans la danse , le
dessin , et d'autres arts estimables. Leurs maniè-
res étaient élégantes sans affectation, douces
sans niaiserie ; en mélangeant les moeurs grec-
ques, orientales et européennes, elles for-
maient un iris agréable de talens , de grâces et
de vertus. Aujourd'hui la douleur, la misère, une
vie errante, une existence éphémère, ont déjà
détruit ou détruiront bientôt cet agrément de
mœurs chez les femmes fanariotes qui existent
encore, dispersées çà et là. Presque toutes traî-
nent dans l'abandon et dans la tristesse une exis-
tence d'autant plus déplorable , que la première
partie de leur vie s'est écoulée au sein de l'opu-
lence , des plaisirs et de la paix. Respectables par
leprs souflrances , et plus encore par le courage
avec lequel el|es savent les supporter, elles at-
tendent avec une résignation religieuse des jours
moins sombres et un sort moins désastreux. Ce
temps viendra, je l'espère; et les vœux ardens
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FANARIOTES. gS
de tant de personnes vertueuses ne resteront pas
sans accomplissement.
L'histoire, souvent trompée par les apparences,
et toujours trop prompte dans ses décisions, con-
firmera peut-être les préjugés élevés depuis long-
temps contre les Fanariotes ; et, plus cruelle que
leurs bourreaux, répétera leur nom avec une
qualification flétrissante.... Cependant presque
tous ces infortunés ont péri pour leur patrie , et
leur mort a été d'autant plus douloureuse, qu elle
a été inutile et sans gloire ; les uns pendus de-
vant la porte de leurs maisons , sous les yeux de
leurs enfans et de leurs épouses; les autres égor-
gés ou taillés en pièces : aucun ne reçut après sa
mort la dernière consolation des humains mou-
rans, la sépulture. Tous leurs biens furent con-
fisqués, leurs veuves et leurs orphelins, errans
et sans nourriture , ont été réduits à mendier un
morceau de pain. Quelques familles seulement
de ces malheureux , ont trouvé le moyen de se
réfugier à Odessa ou ailleurs , et de prolonger
une existence due à la générosité des souverains
et des peuples de TEurope.
Je m'arrête , le cœur serré de tristesse; je ter-
mine ce récit lamentable ; j'ai tracé, quoique bien
rapidement, l'histoire du Fanal. Non, ce n'est
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96 SECOIïDE PÉniOBE.
pas le douloureux souvenir des lieux où j*ai vu
le jour, des mœurs et des usages dans lesquels
j'ai été élevé , qui m'a dicté ces tristes pages. Ab-
jurant les préjugés , les distinctions et les castes ,
je ne me suis jamais considéré comme Fana-
riote; j*ai toujours été Grec, et je le serai jus-
qu'au tombeau. Mais je pleure du fond de mon
âme sur ces familles malheureuses, sur ces
hommes de mérite, perdus sans aucun fruit.
Après leur ruine , je m'estime heureux encore
de pouvoir leur consacrer quelque honorable
souvenir. Hélas! ce nest pas leur éloge que je
viens d'écrire , c'est leur oraison funèbre !
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TROISIÈME PÉRIODE.
Situation politique delà Grèce. — Commerce grec.—Coray.-^
Système de Doukas. — Système de Christopoulp. Système de
Coray . — Ecoles grecques. — Iles ioniennes. — Conclusion.
Des progrès rapides dans l'étude des sciences
et de la philosophie , avaient signalé la seconde
période; la langue grecque appelée impropre-^
ment vulgaire^ s'était enrichie d'un grand nom-
bre de traductions et d'ouvrages originaux; mais
ce ne fut (}ue dans là troisième période que cette
langue reçut dés lois constantes et un système
de perfectionnement régulier. Avant que d'abor-
der cette dernière partie de notre histoire litté-
raire 5 je crois utile de faire connaître certaines
causes extérieures qui ont hâté le développement
intellectuel et moral de la Nation. L'Europe , et
surtout la Turquie , se trouvaient dans un con-
cours de circonstances favorables aux Grecs;
les grandes questions politiques agitées à cette
époque , reniuaient aussi la Grèce , qui se portait
avec force vers toute espèce d'amélioration , et
préparait en silence des armes pour son prochain
affranchissements ^
1
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98 TROISIÈME PÉRIODE.
Tel , au milieu d'un ouragan terrible , un petit
coin de terre, heureusement situé et ne donnant
à la tempête d'autre prise que son humble ver-
dure , n'en reçoit que la pluie , et trouve sa fer-
tilité dans ce fléau destructeur: telle la Grèce,
pendant près d'un quart de siècle, tira son avan-
tage des troubles mêmes dont l'Europe était bou-
leversée. La ^évolution française menaçait de
renverser tout l'édifice social ; les trônes étaient
ébranlés jusque dans leurs fondemens; on re-
doutait partout cette massue d'Hercule , soit ma-
térielle soit morale. Le seul gouvernement turc,
voyant les chrétiens s'entr'égorger , criait au
prodige, et pensait que son prophète exauçait
enfin lès vœux des croyans, en faisant attaquer le
sanglier par le chien , et le chien par le sanglier*
Mais sa joie ne fut pas de longue durée : quoique
éloigné des lieux ou la France dirigeait ses atta-
ques , Tempire ottoman fut tout à coup frappé
par les républicains dans ses endroits les plus
sensibles. La conquête de la terre sacrée d'Egypte
menaçait à la fois l'islamisme et le trône des sul-
tans. Des émissaires français étaient chargés
d'insurrectionner la Grèce. Alors la Russie et
* Proverbe arabe.
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SITUATION POLITIQUE. Qg
TAngleterre, pour prévenir ïe bouleversement
que la France ^projetait , se liguèrent avec la
Porte, et l'engagèrent à ménager les Grecs dans
ces circonstances épineuses.
Rassuré par cette double alliance, Sélim III
laissa prendre aux Russes et aux Anglais une
influence extraordinaire dans les affaires de
l'empire ottoman. Mais Napoléon , qui venait de
triompher à Austerlitz , fit envisager au Sultan
cette victoire comme un acheminement vers la
réintégration de sa Hautesse dans la Crimée. Sé-
lim fut la dupe de ces promesses fallacieuses , e<t
médita dès lors de trahir ses alliés^ Pour mieux
tromper la Russie, il feignit de céder encore
plus de latitude à sa prépondérance , et permit
aux bâtimens grecs de naviguer sous pavillon
russe dans toutes les mers de l'empire turc.
Cependant l'ascendant de Napoléon sur l'esprit de
Sélim produisait chaque jour de nouveaux griefs
contre la Porte ottomane : la Russie lui déclara
la guerre , et envahit simultanément les vastes
provinces de Bessarabie , de Moldavie et de Vala-
chie. La Porte n'eut pas le temps de sévir contre
les Grecs, qui, pendant la paix, s'étaient montrés
fiers de la protection de la Russie ; car au même
instant l'Angleterre déclara la guerre au Sultan ,
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100 TROISIEME PERIODE.
et força les Dardanelles avec une flotte formi-
dable, qui vint jeter l'ancre sous les murs de
Constantinople.
Sur ces entrefaites la paix entre la France et
la Russie fut conclue ( 1807.) Mustapha, succes-
seur de Sélim , resta seul à lutter contre Tempe-
reur Alexandre. Alors le commerce grec acquit
une extension très-considérable; une route nou-
velle s'ouvrit par Belgrade et Semlin : les Grecs
transportèrent par là en Autriche une immense
quantité de coton. D*un autre côté la guerre d'Es-
pagne était une source de richesses pour les na-
vigateurs d'Hydra , de Spezzia et dlpsara , qui
apportaient des provisions de bouche aux ports
de la Péninsule. Plus d'une fois ces intrépides
marins bravèrent le blocus des puissances bel-
ligérantes, et pénétrèrent dans les ports les
plus étroitement cernés. Ainsi , tandis que Na-
poléon bouleversait l'Europe , tandis que la Tur-
quie souiftait non-seulement d'une lutte iné-
gale contre la Russie, maïs encore plus des
. révoltes réitérées des janissaires, qui détrônèrent
Sélim et massacrèrent le grand vizir Mustapha
Baïrak-dar; les Grecs, favorisés par ce concours
de circonstances, avançaient sans bruit vers
le but que déjà ils ne désespéraient plus d'at-
teindre.
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SITUATION POLITIQUE. loi
Quelque atroce , quelque tyrannique que fut
le gouvernement d' Ali-Pacha, néanmoins ses
irelations avec les puissances européennes con-
tribuaient à éclairer de plus en plus les Grecs;
et la jalousie qull inspirait au Sultan , les en-
gageait à persister dans leur résolution de s'af-^
franchir. Quelques faits iscAés pouvaient déjà
être regardés comme les symptômes de la révo-
lution qui a éclaté plus tard. Par exemple, tan-*
dis que le sultan actuel, après l'assassinat de son
frère Mustapha m , luttait contre la malveillance
des janissaires, il se formait, en Tfaessalie et
dans la Grèce occidentale, un plan d'insurrec-
tion partielle, dont le prétexte était la tyrannie
intolérable d'Ali-Pacha, Les conjurés grecs su-
rent attirer dans leur parti les Turcs habitans.
de la Thessalie, exaspérés eux-mêmes par lea
actes de spoliation et de violence que ce satrape
exerçait sur les Mahométans aussi bien que sur
les Grecs ; mais le projet secret des chefe de cette
conjuration, était la délivrance de leur patrie.
Un prêtre audacieux, nommé Pappas Euthy-
mius , se mit à la tête de l'entreprise , et s'avança
avec une petite armée contre le pacha de Jan-
nina, qui les prévint habilement, les attaqua à
lïmproviste et les tailla en pièces , malgré une
résistance opiniâtre. Le Sultan , loin d'êti:e iaité^
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I02 TROISIEME PERIODE.
de ce soulèvement des Grecs, n'en fut que mieux
disposé à leur égard; il jouissait de voir ses es-
claves , d'accord avec les Musulmans , poursui-
vre ceux des pachas qui désobéissaient à sa
volonté. Aussi , après qu il eut enfin décidé de
punir et d'exterminer la race d'Ali-Pacha, or-
donna-t-il aux chefs de son armée d'attirer dans
leur parti tous les capitaines des guérillas de la
Tbessalie et de la Grèce occidentale.
Cependant la Turquie, abandonnée de Na-r
poléon qui venait de reconnaître officielle-
ment les acquisitions de la Russie jusqu'au Da^
nube, n'avait d'autre appui que l'Au^triche ; et c'est
de ce moment que date l'intimité de ces deux
puissances . Dès lors aussi tout ce qui provenait des
états autrichiens fut exempt de soupçon : deux
journaux, le Télégraphe hellénique et l Hermès
Logios , rédigés en grec moderne , et imprimés à
iVienne, se répandirent librement en Grèce, où ils
éclairèrent la Nation , sans rencontrer de la part
du gouvernement turc ni obstacle ni censure. * ^
La guerre entre la Porte et la Russie continuait
toujours; mais les derniers revers de la grande
armée ottomane , dont une partie fut complète^
ment défaite , et l'autre coupée par une manœu-r
vre habile de l'audacieux Koutousoflf, forcèrent
le Sultan à demander la paix. Parmi les plénit
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SITUATION POLITIQUE. Io3
potentiaires de la Turquie , fut le Grec Démé-
traky Mourouzy , que le Sultan récompensa avec
sa bienveillance ordinaire : la mort fut le prix
de ses services.
Bientôt après commença la guerre entre la
France et la Russie, Cette lutte terrible tenait en
suspens Tunivers. Mahmoud , attentif à Tissue
de ces grands débats , et occupé de Fextermina-*
tion des pachas rebelles , n^avait pas le temps de
penser aux Grecs. Les traités de Vienne et de
Paris ne rassurèrent point ce sultan ; il craignait
qu ils ne continssent quelque article secret à soa
préjudice. Il nosait pas cependant les rejeter
ouvertement; mais, pendant quelques mois, il
évita de reconnaître officiellement Texistence du
royaume des Pays-Bas , et la protection des Des
ioniennes par les Anglais. Le nom mystique de
Sainte Alliance, la Société biblique , Tabolition
de Tesclavage, le bombardement d*Alger, les
retards qu'éprouvait la conclusion de la paix en-*
tre la Porte et la Russie; toutes ces circons-
tances faisaient craindre au Sultan quelque pro-
jet hostile de la part des puissances alliées. En
vain sacrifiaitH3n les Parganiotes; en vain les
cabinets de Vienne et de Versailles faisaient-ils
parvenir à la sublime Porte , par des courriers
hors d'haleine , les nouvelles les plus rassurantes
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Io4 TROISIÈME PÉRIODE.
sur l'intégrité de ses états; le Sultan soupçon-
neux 5 et qui s'en tenait à l'acception naturelle du
mot, regardait la Sainte Alliance comme une
conjuration secrètement tramée pour l'expul-
ser de l'Europe. Cette idée, que rien ne pou-
vait effacer de son esprit, s'adaptait si bien à sa
manière de raisonner, que son gouvernement
redoublait d'efforts pour contenter la Russie,
rampait devant elle , et évitait scrupuleusement
de donner prise aux moindres griefs; en sorte
que le cabinet de Saint-Pétersbourg avait alors ,
plus que jamais, une extrême influence sur le
ministère ottoman. Ces circonstances ambiguës
tournaient au profit des Grecs , qui continuaient
leurs progrès, grâce à l'interprétation littérale
que Mahmoud donnait aux termes de la di-
plomatie chrétienne. Cependant, après la con-
duite sanguinaire du Grand Seigneur envers les
Musulmans les plus distingués , après la guerre
d'Ali-Pacha, après l'extermination des gouver-
neurs de ses provinces, si Mahmoud avait pu
croire que la politique européenne fut aussi indif-
férente au sort des Grecs qu'elle s'est montrée de-
puis 1821, nul doute qu aprèsavoîr détruit la puis-
sance de Méhémed-Ali d'Egypte , il n'eût tourné
ses regards vers la nation grecque , et n'eût mis
ç[\ usage toutes ses ressources pour anéantir notre
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COMMERCE GREC. Io5
marine, ruiner notre commerce, confisquer tou-
tes nos possessions , et démolir tous nos collèges.
Je n'ai pas dessein d'examiner ici les causes
de notre insurrection; le coup d'oeil que je viens
de jeter sur une partie de notre histoire, n'a
d'autre but que de faire connaître comment s*a-r
mëliora progressivement l'état intellectuel et
moral de la nation grecque. À la faveur de ces
événemens propices, on vit s'étendre le com-
merce, la richesse nationale, les relations avec
les peuples étrangers. Dans l'espace de trente an-
nées , les Grecs eurent une marine marchande ,
des manufactures , des maisons de commerce ,
établies ou dans la Grèce, ou dans le reste de
TEurope; et ils s'aperçurent de rheùreuse in-
fluence que l'industrie et les richesses exercent
sur la civilisation. Le commerce doit donc être
aussi compté parmi les principales causes de la
restauration de la Grèce.
Un peuple sans commerce est un peuple er-
mite ; il s'exclut de la société des nations , comme
un solitaire abjure la vocation que la nature lui
a prescrite, celle de la sociabilité. Ce sont les
relations commerciales qui éveillent l'industrie,
forment la marine, découvrent ou perfection-
nent les sciences et les arts , divisent le travail
pour multiplier les ouvrages, augmentent les
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I06 TROISIÈME PÉRIODE.
productions, et apportent les richesses. Les
Turcs, étonnés de posséder librement des pays si
fertiles et si rians, y sont, comme des eunuques
gardiens de la belle nature : ils la contemplent
sans la toucher. Conservant toujours les goûts
des peuples nomades, ils aiment mieux faire ca-
racoler leurs chevaux sur des plaines arides,
que de traverser à pied des terres cultivées; ils
méprisent Tagriculture , et détruisent ainsi Tori-
gine (îes productions , du commerce , des con-
sommations, de rindustrie et de Targent. Au lieu
de remonter à ces sources de Topulence des na-
tions , ils n'ont jamais cessé d'agir à rebours ^ et
de rechercher uniquement l'argent , dernier an-
neau de la chaîne des richesses. Un tel état de
choses ne pouvait que nuire à l'empire ottoman ;
et , en effet , des provinces fertiles finissaient par
se transformer en déserts. Tous les pays qui
furent subjugués par les armes turques, sans
capitulation, furent sujets au fléau du droit féo-
dal : les deux tiers des terres appartenaient à la
caste militaire ou aux mosquées de l'Empire , et
aux villes de la Mecque et de Médine; l'autre par-
tie était toujours la moins fertile et la plus mal-
traitée par les vexations des gouverneurs. Aussi
la population des provinces d'Asie et d'Europe
diminuait-elle d'une manière sensible, * ^
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COSCaSRCK GREC. I07
Les négocians européens établis dans les
Échelles du Levant , et protégés par leurs con-
suls , s'étaient emparés de tout le commerce de
la Turquie , et s'efforçaient d'étouffer chez les
Grecs jusqu'à l'idée d'une tentative commer-
ciale. A Cypre, il n'y avait pas un seul bâtiment
du pays; à Candie, il n'existait que cinq ou six
navires turcs, qui trafiquaient avec l'Egypte,
Smyrne, Salonique et Constantinople. Le Pélo-
ponèse, Négrepont, Athènes, Smyrne, n'en
avaient aucun. Seulement les îles de l'Archîpel,
et quelques villes maritimes qui n'étaient pas ha-
bitées par les Turcs , faisaient un petit cabotage ,
insignifiant par lui-même , mais qui dressait une
certaine quantité de marins. Les villes grecques
sur le littoral de la mer Noire , de l'Hellespont
et de la Propontide, apportaient à Constanti-
nople des provisions de bouche et des bois de con-^
struction; mais ce commerce se réduisait pres-
que à rien, entravé par la taxe arbitraire de la
police ottomane, et par la rapacité des janissai-
res. * " Le commerce des provinces intérieures
était également nul. La Macédoine produisait
d'excellent tabac; mais il se transportait tout à
Constantinople , ou il fallait payer à la douane un
droit exorbitant. Près de Salonique, plusieurs
villages avaient des mines d'argent; mais les ha-
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I08 TROISIÈME PÉRIODE.
bitans infortunés étaient obligés de fouiller nuit
et jour les entrailles de leur terre natale , pour
le profit du Sultan, et d'un essaim de subalternes
mille fois plus cruels encore que le tyran suprê-
me. Le gouvernement turc nolisait chaque an-
née des bâtimens , pour transporter à Constan-
tinople le blé des plaines fertiles de Thessalie ;
ce commerce était interdit aux particuliers. Il y
avait à Andrinople de riches plantations de mû-
riers , dont le profit était également pour les mo-*
nopoleurs turcs , qui vendaient la soie à d'autres
Turcs à chapeau , établis comme négocians dans
cette ville. Les denrées de la Bulgarie étaient
transportées dans les villes maritimes de la mer
Noire , et de là dans la capitale , où leur prix était
fixé par le caprice du Gouvernement. Les pro-
vinces mêmes de Valachie et de Moldavie étaient
bien loin d'avoir la liberté de vendre leurs pro-
ductions abondantes; elles portaient le titre de
garde-manger du Sulian ; et ce vaste garde-man-
ger était exploité par deux compagnies de négo-
cians turcs, qui s'emparaient à vil prix de toutes
les denrées , sous l'obligation de nourrir le sérail
et d'approvisionner Constantînople. *®
Tel était , il y a trente ans , l'état du commerce
grec, sous la domination ottomane. Examinons
maintenant quelles causes contribuèrent à la
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COMMERCE GREC. I09
formation de notre marine marchande, et aux
progrès rapides que firent le commerce , les lu-
mières et la civilisation , pendant le court inter-
valle de trente années.
Dans le traité de Kaïnardji (petite ville dans
les gorges du mont Hémus), traité glorieux pour
la Russie, et dicté par ses armes triomphantes,
le cabinet de Saint-Pétersbourg avait exigé que
ses consuls et vice-consuls fussent accrédités dans
les Échelles du Levant , de manière à protéger
efficacement le commerce , le pavillon et les su-
jets russes. Quand on stipule avec les Barbares,
si l'on est faible , le texte du traité n*est qu'un
morceau de papier qui ne sert à rien ; si Ton est
fort, on obtient infiniment plus qu'il n'est sti-
pulé dans les clauses. La Porte accorda à la Rus-
sie une libre navigation sur la xner Noire et sur
toutes les mers de l'empire ottoman. Le port de
Taïganrock , sur la mer d'Azof , fut l'objet de la
première tentative commerciale des Grecs insu-
laires, qui , sous pavillon russe , se hasardèrent à
le visiter. Les Grecs devenaient sujets russes ,
au mojen de simples lettres-patentes que les
ambassadeurs ou les consuls russes leur prodi-
guaient.
Le traité de paix qui termina la seconde
guerre ( 1792 ), confirma les conventions de Kaï-
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IIO TROISIEME FEAIODE.
nardjî; la Porte reconnut Tacquisition de la Cri-
mée et de tous les pays que venait de conquérîir
la Russie, jusqu'à la rive gauche du Dniésteir.
Catherine II , par une habileté digne de Pierre—
le-Grand , savait profiter de ses victoires , tandis
que le faible Sélim III succombait à ses revers et
s'avilissait. Odessa devint alors une espèce de
colonie grecque. Dès les premières années de sa
fondation, plusieurs maisons de commerce s y
établirent, et les vaisseaux marchands des Ile&
ioniennes et de TArchipel fréquentèrent les ports
d'Odessa , de la Crimée et de Taïganrpck. Ce fut
à cette époque que trois petites îles qui n'étaient
connues des navigateurs que par leurs rochers y
Hjdra, Spezzia et Ipsara, entreprirent la navi-
gation de la mer Noire; et cette navigation fut
le prélude de celle de la Méditerranée et de voya-
ges lointains. La France , qui , pendant sa révo-
lution, luttait contre l'Europe entière, excepté
contre la Porte ottomane , souiîrit quelque temps
d'une assez forte disette de vivres. Les marins
de ces trois îles profitèrent de cette circonstance ;
ils achetaient des grains à Odessa ou à Taïgan-
rock, passaient les Dardanelles sous pavillon
russe; puis, à peine entrés dans la Méditerra-
née, arboraient, comme sujets de la Porte, le pa-
villon turc , et apportaient des provisions dans les^
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COMM£RCa GREC* III
ports de France, où on les payait à un prix élevé.
Enrichis promptement par un commerce si
lucratif, ils ne tardèrent pas à construire de
grands vaisseaux de transport , et à les armer en
course; de sorte qu'avec les autres insulaires de
la mer Egée , ils s'emparèrent du commerce que
la France faisait au Levant avant la révolution.
Les ambassadeurs russes près la Porte otto-
mane étaient les représentans d'une puissance
terrible par ses victoires , plus terrible par les
menaces que son cabinet avait Fart d'employer à
propos. L'ambassadeur russe à Constantinople
était la seule personne que les«Sultans craignis-
sent; les gouverneurs et les pachas tremblaient
devant les consuls et les vice-consuls de la Rus-
sie. Profitant donc de cette terreur panique , les
agens de cette puissance accordaient aux Grecs,
non plus de simples patentes, mais des déraison
diplômes contenant d'importantes prérogatives.
Les bâtimens grecs, munis de ces diplômes en
vertu desquels leurs cargaisons passaient pour
. propriétés russes , ne rencontraient pas le moin-
dre obstacle de la part dji gouvernement otto-
man. On ne voyait partout que des négocians
grecs devenus sujets russes; de manière que les
autres légations à Constantinople commencè-
rent à imiter cette politique de la Russie , et à
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112 TROISIEME PERIODE.
donner aux Grecs des bérats , par lesquels ils
étaient reconnus comme interprètes de ces léga-
tions. On fit même un tel abus de ces diplômes ,
que Sélim III, pour y remédier, octroya à ses
sujets des privilèges nouveaux, et forma un
corps de négocians grecs et arméniens, sous le
titre de négocians barataires ou privilégiés. Le
Sultan actuel voulut aussi, il y a peu d'années, en
accordant des prérogatives aux navigateurs grecs,
les empêcher d'avoir recours â la chancellerie
russe , et de se munir de documens frauduleux,
que le gouvernement turc était cependant forcé
d'admettre; mais Thospodar Michel Soutzo, alors
secrétaire-interprète de la Porte, prévoyant que
cet ordre de choses ne saurait être permanent ,
et qu'il finirait par nuire à la marine grecque ,
réussit, en employant des insinuations adroi-
tes , à détourner de ce projet le ministère ot-
toman.
Dès la fin du siècle passé un grand nombre
de maisons de commerce , établies dans les gran-
des villes d'Europe et dans les Échelles du Levant,
étendaient les relations et les communications du
peuple grec , utilisaient l'industrie , et augmen-
taient les richesses. Par leur entremise , de nom-
breux jeunes gens quittaient la Grèce , et allaient
achever leurs études dans les universités de l'Eu-
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COMMKnCfi CR£C. Il3
rope. Les entreprises littéraires se multipliaient
chaque jour : pendant les vingt premières années
du siècle actuel, plus de trois mille ouvrages ou
traductions en grec moderne , ont été imprimés
à Paris , à Vienne , à Venise , à Leipsick , à Mos*
cou , à Jassy et à Çonstantinople. A peine le pro*
spectus de quelque nouveau livre grec parais^
sait-il, qu'aussitôt une multitude de souscripteurs
en facilitaient Fimpressioi}. Quatre journaux
politiques et littéraires circulaient dans la Grèce.
Les négocians rivalisaient d'eiïbrts pour contri-
buer à Tutilité publique; et plusieurs d'entre eux,
tels que les frères Zosimas, faisaient imprimer
à leurs frais, et distribuer aux écoles des ouvra-
ges grecs anciens et modernes. Enfin Ton avait
fondé à Odessa, à Bucharest, à Jassy et à Cor-
fou , des théâtres sur lesquels des acteurs grecs
représentaient des tragédies composées on tra-
duites dans ridiome moderne. Des hommes judi-
cieux conçurent l'espérance d'éclairer leur patrie
en facilitant l'acquisition des con&aissances , et
en abrégeant le temps des études, que les routines
antérieures prolongeaient considérablement. Us
virent avec joie que la Nation, favorisée par les
événemens politiques, enrichie par le commerce,
protégée contre le fanatisme des gouverneurs ,
était enfin susceptible de recevoir un développe-
8
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Il4 T]\0l5lkME piniODC.
ment moral. La destinée de ces hommes était
brillante ; le Ciel leur confiait , en quelque sorte ,
l'avenir de leur patrie : ils se dévouèrent k cette
belle vocation , et leurs efforts réunis produisi-
rent des effets salutaires. Dans Tinter valle que
comprend notre troisième période, la Grèce com-
mence à reprendre , parmi les nations civilisées
de FEurope, le rang qu'elle n'aurait jamais dû
quitter. «
L'histoire de la troisième période pourrait toute
être comprise dans la vie de Coray. Cet homme
extraordinaire, né à Smyrne (1748), mais ori-
ginaire de l'île de Scio , ayant achevé ses huma-
nités dans l'école de Smyrne , passa en Europe ,
et se fixa plus tard en France. Il serait superflu
de m'étendre sur les détails de sa vie et de plu-
sieurs de ses travaux scientifiques, puisqu'on
peut consulter à ce sujet la Biographie des con-
temporains. Au commencement de ce siècle , à
peine savait-on en Grèce que la France possédât
un Grec appelé Coray. Peu importait à ses com-
patriotes qu'il eût pris ses degrés à l'université
de Montpellier, publié quelques ouvrages de mé-
decine , et offert à l'Europe savante la traduction
française de Théophraste et d'Hippocrate. La
Grèce ne connut Coray que lorsqu'il publia en
grec moderne le Traité des délits et des peines de
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CORAY. Il5
Beccaria, en raccompagnant de notes et de pro-
légomènes. Cet ouvrage remarquable fit une vive
impression sur l'esprit des Grecs, soit à cause de
l'époque où il parut , soit parle but auquel il était
destiné. 0)ray le dédia à la république des Sept-
îles ioniennes. Cette république venait d*être
Créée (1800); c^était la première fois que les
puissances chrétiennes paraissaient s'occuper de
la Grèce asservie, ^ accordaient à une petite
partie d^ son territoire une ombre d'existence
politique. Là république ionienne donnait d'heu-
reuses espérances au reste des Grecs , qui , du
sein de l'obscurité , contemplaient cette pléiade ,
présage d'un joiir iMÎllant pour la Nation tout
entière; ils croyaient voir dans la nouvelle cons-
titution des Sept-IIes une disposition bienveil^
iante des gouvemeihens européens pour la Grèce.
Dans de telles circonstances, la traduction de
Beccaria, dédiée à la république ionienne, se
répandit bientôt, et Coraj fiit célébré par tous
les Grecs comme savant et comme patriote^
Cependant l'Europe, malgré la foule de ses
voyageurs, ignorait encore la situation morale
de la Grèce. Coray , dans un mémoire intitulé :
De l'État actuel de la civilisation en Grèce, signala
le premier ce réveil de la nation grecque, et
ces progrès vers un état intellectuel infiniment
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Il6 THOISliME PJSAIODE.
meilleur que celui où on la croyait encore
plongée. Ce mémoire ^ compose en français et
traduit en grec moderne, circulait dans toute
la Grèce et stimulait les Grecs, qui doutaient ,
comme les convalescens , de leurs forces nais->
santes«
Après rëdition des Éthiopiques d*Héliodore ,
Coray , en homme digne de son siècle et supé-
rieur à la vanité d'auteur , conunença la belle
édition de sa bibliothèque hellénique , ou collec-
tion d'ouvrages grecs anciens, imprimée aux
frais des frères Zosimas. Les premiers volumes
contiennent les œuvres de deux auteurs cé-
lèbres : l'un est Isocrate , orateur classique et ci-
toyen vertueux; l'autre est le bon Plutarque,
écrivain du second rang pour le mérite litté-
raire, mais digne, par ses sentimens patrioti-
ques, du siècle de Phocion et d'Épaminondas.
Isocrate , pour la musique de son langage , pour
son talent oratoire , et pour ses expressions plei-
nes .de grâce et de sentiment, mérita l'admira-
tionde son siècle ; et quoiqu'onlui ait quelquefois
reproché l'abus de la rhétorique , ses écrits n'en
demeurent pas moins un modèle de goût et d'é-
légance , une source précieuse pour les législa-
teurs, les orateurs et les citoyens de tous les siè-
cles et de tous les pays. C'est pourquoi Xloray ,
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COAAY. 117
commençant un ouvrage spécialement destine
à la haute éducation des jeunes Grecs, et dé-
sirant leur inspirer à la fois des sentimens éle-
vés et le goût de la littérature ancienne , choi-
sit de préférence les Discours d'Isoerate. Les
Vies parallèles suivirent de près. Plutarque, qui
eut pour patrie Cbéronée , tombeau de la liberté
des Grecs, fut, de son temps, le seul fils qui
pensât à la Grèce sa mère; il voulut, en écri-
vant ses Vies parallèles , montrer aux Grecs , qui
rampaient devant leurs vainqueurs, que les an-
ciens Romains pouvaient à peine soutenir la
comparaison avec les héros de la Grèce ; combien
moins ceux qu*on décorait alors des absurdes dé-
nominations de diçin et à' auguste /
Coray joignit à ses éditions dlsocrate et de
Plutarque , des notes explicatives et des prolégo-
mènes, où il se montre à la fois philosophe, litté-
rateur et citoyen. Ces discours préliminaires rou-
lent sur la culture et sur la perfection dont est sus-
ceptible notre langue moderne; sur la meilleure
méthode de composer des grammaires et d'in-
struire là jeunesse; sur la manière de lire avec
fruit les auteurs; sur les lumières que donne
la philosophie expérimentale et positive; sur les
devoirs que doivent remplir envers leur patrie
les Grecs de tout âge et de toute condition. Ces
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Il8 TaOISliME FÉRIODE.
conseils de Coray , exprimes avec une éloquente
implicite, appuyés d'argumens solides, et ac^
crédités par la réputation européenne de leur
auteur , produisaient sur tous les Grecs en état
de les lire des effets prodigieux. En vain le pé-
dantisme s'élevait contre ces puissantes véri-
tés; en vain les vieilles routines de quelques
écoles leur opposaient une résistance opiniâtre ,
ces innovations trouvaient ptrtout un favo-
rable accueil : tant la Nation était déjà avan-^
cée; tant les esprits étaient libres de préjugés!
Ce fut alors que , d'après l'avis de Coray , on
entreprit de composer pn Dictionnaire complet
de la langue grecque ancienne. Le prince Dé-,
métraky Mourouzy se chargea de l'exécution
de ce grand travail , auquel coopérèrent Charr-
ies Ghika, Vlastos, Vamvas, Psomaky, Loga-
dès, Païsius, Platon et Spyridqn Valetas. Ce
dictionnaire porte le titre d'Arche de la langue
grecque.*^ L'impression en a été interrompue
par les catastrophes de l'insurrection. Quelques
années auparavant avait déjà paru le beau dic-
tionnaire de Tarchimandrite Anthimos Gazis.
Coray , voyant la révolution intellectuelle que
ses conseils opéraient dans la Grèce, redou-.
blait d'efforts, et continuait sans relâche ses édir
tipus des classiques grecs avec des prolégomènes
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COKAY. iig
et des notes. A la suite des Vies de Plutarque pa-
rurent , sous le titre de Prodromus , les Histoires
diverses d'Élien , et les fragmens d*Héraclide et
de Nicolas Damascène. Infatigable dans ses tra--*
vaux, il publia les Fables d*Ésope, la Géogra-
phie de Strabon , les quatre premiers livres de
rniade, et l'édition des froides facéties du scolas-
tique Hiéroclès. Les jeunes Grecs , formés dans
les collèges de Cydonie , de Scio , de Smyrne ,
de Bucharest et de Couroutzesmé, passaient en
Europe, et surtout en France, ou ils étaient
attirés par la réputation de Coray, Plusieurs
d'entre eux devinrent des hommes de mérite,
tels que Goumas, Vamvas, Typaldos, latro-
poulo, Œconomos, Piccolo, Gonaris, Nicolo-
poulo, Photilas, Démétrius et Michel Schinas,
Polychroniadès, Vogoride, Libérius, Cokkinaky,
Àsopius, etc. Les uns, de retour dans leur pa-
trie , partagent aujourd'hui les périls et la mi*
sère de leurs concitoyens; d'autres sont morts
sur le champ d'honneur, ou ont succombé aux
excès de la fatigue et aux ravages des épidémies
en Grèce; quelques-uns séjournent encore au
milieu de l'Europe savante , retenus par des cir-
constances impérieuses , ou dans le désir de s'y
instruire encore.
Jusqu'à Coray , on n'avait pas songé à former
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I20 TROISIEME PERIODE.
un système régulier pour l'épuratioii de la lan^
gue grecque moderne. Chaque auteur avait écrit
sans principe assuré , d'après ses opinions parti-
culières, et d'après sa plus ou moins grande con-
naissance du grec ancien. Mais, au commence-
ment du siècle actuel, les Grecs, éclairés par
une civilisation toujours croissante , sentirent le
besoin de cultiver philosophiquement leur lan-
gue maternelle, et ils Y appliquèrent toute leur
attention. Bientôt les opinions divergèrent; et ,
presque simultanément, parurent sur ce sujet
trois principaux systèmes, attaqués avec aigreur^
et défendus avec acharnement.
Le premier n avait d'autre fondement que
ridée vague d'enrichir l'idiome moderne, en y
introduisant des mots et des formes grammati-
cales qui s'étaient graduellement altérées ou
totalement perdues dans la longue décadence de
la langue grecque. Ainsi, d'après ce principe , le
style grec devenait un mélange de termes tout
à fait anciens , et d'expressions corrompues ou
triviales. Les partisans de ce système , à la tête
desquels se mit Néophyte Doukas , s'appuyaient
du crédit de quelques auteurs célèbres , tels que
Mélétius, Théotoky, et surtout Eugène, qui
avaient suivi cette méthode dans leurs compo-
sitions. Coray l'attaqua dans les formes, et lai
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SYSTÈME DE CHftI&TOPOULO. 121
combattit corps à corps , tant par des raisonne-*
mens solides que par Farme du ridicule, en
appliquant à cette espèce de style le nom de
macaronique.
Le second système consistait à écrire la lan-
gue grecque moderne telle quon la parle, sans
y apporter le moindre changement , ni dans Tac-
ception des mots , ni dans leurs variations , ni
dans leurs formes. Le fondateur de ce système
fut le jurisconsulte Catardzy. Très»éclairé lui-
même , il voulait rendre populaires les moyens
d'instruction , en les mettant a la portée de toute
la nation grecque; et, pour appuyer son opi-
nion, il composa deux Traités et une Grammaire.*
Après Catardzy , un des {principaux défenseurs
de ce système fut Daniel Philippide , qui tradui-
sit d'après ce principe la Logique de Condillac et
TAstronomiede Lalande. Mais Thomme qui réus--
sit le mieux à 4e mettre en vogue fut le poète ly-
riqueAdianase Christopoulo ; il adopta toutes les
idées de Catardzy , et leur donna des bases plus
fermes. Non content d*av<Mr plaidé pour l'em-
ploi du grec vulgaire , il voulut encore montrer
que cet idiome était un des nombreux dialectes
* Je possède les manuscrits autographes de ces outra-
ges , qui n'ont pas été imprimés.
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la? TROISIEMB FEAIODB.
de la langue ancienne , et il composa une Gram-
maire ëolico-dorienne, dans laquelle, par un
ingénieux choix d'exemples , il s'efforça de prou-*
ver que les altérations apparentes du grec mo-
derne n'étaient que des formes dérivées des an-
tiques dialectes dorien et éolien* Poète aimable
et doué d'une riante imagination, Cliristopoulo,
par le charme de ses vers, entraînait tout le
monde. La poésie légère , qui aime à s'exprimer
naturellement, et qui rejette toute locution pré-
cieuse ou recherchée, secondait les vues de Chris-*
topoulo; ses odes anacréonti(j[ues , du style le
plus familier , étaient pour tous les Grecs un ob-
jet d'admiration et de délices. Les dames elles-
mêmes appuyaient son système, non par des
dissertations littéraires , mais par le plaisir qu'el*
les éprouvaient à lire les pièces fugitives de ce
poète. Cependant ceux qui voulurent imiter le
genre simple et populaire de Christopoulo ,
n'ayant ni son esprit ni son érudition, tombèrent
dans un style trivial et vulgaire , contre lequel
s'élevèrent tous les hommes éclairés qui dési-
raient améliorer la langue , et la tirer de l'état de
corruption où elle était tombée.
Telle était l'incertitude qui existait alors dans
la grammaire : point de fixité dans les règles,
point d'ensemble , point de principe universel et
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SYSTÈME BE CORÀY. Il3
natiooal. Coray aperçut le danger que courait la
langue, et les graves iaconvéniens qui résul-
taient de ces disputes achamëes entre les litté-
rateurs ; il trouva un milieu qui remédiait aux
principaux abus : il conseilla d'écrire notre lan-
gue, d'une manière i la fois correcte et intelligi-
ble, et de satisfaire ainsi les sayans et le peuple.
H avait pour principe d'épurer successivement
ridlome populaire , sans pour cela y introduire
certaines formes anciennes qui s'en éloignaient
trop; de bannir les mots étrangers, et de les
remplacer, autant que possible, par des mots
grecs, en puisant avec réserve dans le trésor delà
langue littérale ; enfin d'éviter les gallicismes, les
italicismes et les germanismes introduits dans la
langue moderne par les nombreuses traduc-*
tions.
Ce système , dont Coray donnait le premier
Texemple , ne tarda pas à attirer l'attention de la
nation grecque; mais il eut, comme toute inno-
vation importante, ses sectateurs fanatiques et ses
détracteurs eifrénés , et il souffrit également des
uns et des autres. Les partisans de Coray déna-
turaient ses principes en les exagérant : ces pré-
tendus Coraïstes inondaient la Grèce d'ouvrages
écrits dans un style inintelligible , dont les tours
bizarrCvS et les expressions insolites ne se trou-
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134 TROISlixS PÉHIOBE.
raient dans aucun aateur, ni ancien ni moderne.
Le mal empirait tous les jours, et la contagion
devenait si rapide, que les auteurs mêmes avaient
de la peine à se comprendre nratuellemrat , et et
déchiffrer leurs propres écrits. Ce fut alors (1812)
que je composai ccmtre eux une comédie inti-
tulée le Nouveau Patois des savans : mon but
était tion d*attac[uer le système de Coray, mais de
combattre les extravagances de ceux qui lavaient
défiguré. Mon travail ne fut pas inutile : Tarme
du ridicule arrêta les progrès de celte épidémie.
Le temps a consolidé le système de Coray ; les
hommes raisonnables font approuvé, sauf quel-
ques points de peu d'importance. Dès lors la lan-
gue a déployé dans les écrits une beauté vraiment
hellénique, et dans la conversation même beau-
coup d'élégance et de pureté. Ce n'est pas Coray
seul qui a favorisé ces progrès : il serait injuste
d'oublier les frères Œconomos , Vamvas , Gazis ,
Argyropoulo, Chrestary , latropoulo, Tricoupy,
Polychroniadès , Piccolo et Asopius. Tous ces
savans ont contribué , par leurs travaux , à ame-
ner la langue grecque au point de correction qui
la distingue aujourd'hui. ^ ^
Coray vivait dans une terre étrangère et loin-
taine ; il sut néanmoins prévoir que le jour appro-
chait où l'appel aux armes , sonné du sein des ly-
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ECOLES GHECQUBS. XsS
cécs de la Grèce , ferait retentir les échos du cri
de vengeance et de liberté. Malgré son grand
âge , ce vieillard patriote écrivait nuit et jour
pour son pays, prêchait la multiplication des éco-
les , et en dirigeait la formation de la manière la
plus pro{nre à répandre les lumières. Les collèges,
de premier rang étaient alors ceux de Gjdonie,
de Smjrrne , de Scio, de Couroutzesmé , de Bu-
charest, de Jassy, de Jannina et d* Athènes.
Toutes ces écoles, organisées convenable-
ment, étaient dirigées par d*habiles professeurs;
mais le lycée de Seio surpassait tous les autres,
et pouvait rivaliser avec les universités de TEu*
rope : il avait quatorze professeurs , dont les plus
connus étaient Vardalachos, Vamvas, Célépy,
Nicolas Piccolo , et Jules David , fils du peintre
de ce nom. Déjà la libéralité publique , sur les re*
gistres Ae laquelle était toujours le nom du géné^
reuxVarvaky , avait doté l'université de Scio d une
riche biUiothéque et d'une imprimerie ; déjà plu-
sieurs ouvrages y avaient vu le jour ; déjà Ton pen-
sait à y établir des journaux littéraires; déjà se
réalisaient les espérances des Sciotes et de leur
concitoyen Coray, quand tout à coiq> l'insurrec-
tion éclata.... Scio disparut dans une épouvanta-
ble catastrophe : les Barbares dévastèrent la plus
riche^ la plus peuplée , la plus civilisée et la plus
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]a6 TROISliMB FSRIOBE.
belle des île» de TArchipel. Assise sur ses dé-
combres , rhumanité en deuil a poussé des gé-
tnissemens, interrompus par des cris de ven-
geance.
Outre les collèges de la Grèce , il y avait en-
^core plusieurs ëtablissemens d'instructicm pour
les Grecs, dans quelques pays étrangers. Les
villes de Venise, de Trieste, de Livourne, de
Vienne, d'Odessa, de Jassy, de Bucharest, avaient
des écoles grecques plus ou moins considé^
raUes^ /
La ville de Venise, jadis rivale de la Grèce ^
mais utile aux débris de TEmpire après la prise
de Constantinople , Venise a conservé jusqu'à ce
jour réglise , Timprimerie et le collège que les
Gi^cs y possédaient anciennement. L'un des pro-
fesseurs, Spyridon Blandis, s'est fait connaître
par la composition de quelques dictionnaires.
Vers la fin du siècle passé , il s'établit à Trieste
une colonie grecque , par les soins de Tabbé Ho-^
mérus de -Smyrne; et bientôt fut fondée une
église grecque , puis un collège , qui compta par-
mi ses professusurs Asopius , un de nos plu» ha-
biles écrivains.
Les ttégocians grecs de la ville de Livourne y
avaient aussi institué une école , grâce à la géné-
rosité et au zèle de MM. Patrino , Panajoti Pally,
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£COL£S GAECQUES. I27
Mauspinioti, Rodocanaky etSpaniolaky. M. Pally
est encore honorablement connu des Grecs et
des Italiens par le génie poétique et le talent
d'improvisation que possède sa fille Ângélica
Pally.
Vienne contenait deux églises grecques; Tune
pour les Grecs domiciliés dans cette ville , Tautre
pour les Grecs étrangers et de passage* De tout
temps cette capitale a eu des imprimeries grec-
ques, et une école dirigée par des hommes in-
struits, tels que les frères Capétanaky, Alexan-
drides, Gobdella, Athanase de Stagire, Anthimos
Gazis , Théoclète et Cokkinalty .
Odessa est presque une colonie grecque ; cette
ville fut très-florissante sous le génie tutélaire
du gouverneur Richelieu; son collège était bien
organisé; elle avait un théâtre où l'on représen-
tait des tragédies grecques modernes. L'un des
acteurs, Dracouly d'Ithaque, qui fut depuis un
des héros du bataillon sacré , avait mérité par ses
talens Testime du comte de Langeron , succes-
seur de Richelieu.
Les collèges de Jassy et de Bucharest ont for-
mé lesPiccolo, les Athanase Vogoride, les Michel •
Schinas, les frères Méitany, et beaucoup d'autres.
Le dernier hospodar grec de Moldavie , Michel
Soutzo , fonda à Jassy une école d'enseignement
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128 TAOISliME FJBEIOBS.
mutuel , dont il tonfia la direction à Gëobule de
Philippopoli. Soutzo payait de sa liste civile la
moitié des dépenses annuelles de cet établisse-
ment.
Tel était avant Finsurrection Tétat des écoles
grecques établies dans les pays étrangers. Il noas
reste maintenant à jeter un coup d'œil sur l'uni-
versité de Corfou, la seule de quelque importance
qui subsiste maintenant en Grèce.
La situation topographique des Iles ioniennes
les rendit partie intégrante de la Grèce , dès Fé-
poque la plus reculée. Dans la fameuse expédi-
tion contre Troie, Ulysse, roi dlthaque, de Zante
et de Céphalonie , brille à la tête des héros grecs ;
le roi de Corfou, ou plutôt de l'ancienne Phéa-
cie, écoutait avec dâices le poète Démodocus
célébrer les vainqueurs d'Ilion ; File de Leucade
fut illustrée par la passion de la divine Sapho;
Cytbère avait vu naître Vénus. La mythologie et
l'ancienne histoire de la Grèce attestent donc la
consanguinité des Septinsulaires avec la Grèce
proprement dite. Plus tard ils partagèrent les
dissensions qui déchirèrent le sein de la patrie
commune, et ce fut de Corcyre que partit la
première étincelle de la guerre du Péloponèse.
Comme le reste de la Grèce, les Sept-Iies subirent
le }oug tyrannique des Romains. Pendant la du-
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iL£$ IONIENNES. I29
rée du Bas*Empire , elles tombèrent dans l'obs-
curité qui enveloppait la Grèce continentale^
dont la capitale seule , Constantinople ^ conser^
vait encore de Tëclat. Elles ne jouèrent un rôle
qu'à rëpoque oh Venise , méprisant la nullité
des empereurs grecs , fit sortir de ses étroites la-
gunes dés flottes innombrables , et envahit plu-
sieurs provinces de la Grèce. Les Sept-Iles sou-
haitèrent elles-mêmes d'appartenir aux Véni-
tiens; ils acquiescèrent à leur demande, et leur
firent des concessions importantes.
Les Sept-Iles ioniennes soumises à la répur
blique de Venise ne furent pas dévastées comme
les iles de Chypre , de Candie et de Rhodes, ni
comme TEubée et le Péloponèse, qui tombèrent
au pouvoir des sultans. Le gouvernement véni-
tien, comme tous les gouvernemens despotiques,
tendait bien à corrompre ses sujets; mais il con-
servait au moins les apparences d'une dominar
tîon protectrice; et tandis que les provéditeurs
usaient de mille moyens pour amollir les mœurs
des insulaires, la République établissait à Ve-
nise même une école grecque et une imprime-
rie, d'où sortaient de nombreux ouvrages de
littérature et de morale. Malheureusement la
langue des dominateurs est toujours en prédit-
lection auprès des sujets: les Septinsulaires cul-
9
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l3o TROlSliniE PERIODE.
itvèrent de bonne heure la langue italienne , qui
était celle du Gouvernement ; et la langue grec-
que fut réduite au rôle secondaire de patois mé-
prisé.
Telle qu'un chêne dont le tronc a été creusé
par le laps du temps , la république de Venise
fut abattue par Forage de la révolution française.
Les Iles ioniennes , conquises par le Directoire ,
n*eurent sous cette domination rien de réglé , ni
de stable. Bientôt l'Angleterre et la Russie , se-
condées des habitans , forcèrent les Français à
quitter ces iles , auxquelles une politique mo-
mentanée imposa le régime confédératif (1800);
mais presque aussitôt les grandes combinaisons
politiques dirigées contre Bonaparte, ramenèrent
les troupes russes dans les Sept-Iles ( i8o3); la
Aussie déclara la guerre à la sublime Porte , et
enleva au Sultan le titre de suzerain de la répu-
blique ionienne.
Au milieu de ces variations politiques, les Sept-
Iles avaient produit un citoyen immortel, le
comte Jean Capodistrias, dont l'Europe a fait
connaître le prix à la Grèce. La carrière de ce
vertueux diplomate a commencé par la charge
de secrétaire d'état des Sept-Iles; sous son mi-
nistère furent organisés à Corfou les premiers
établi^semens d'éducation publique ; et il s'atta-
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ÎLES IONIENNES. l3l
cha principalement à réveiller chez ses compa-
triotes le goût de la langue et de la littérature
grecques. Les Iles ioniennes s'honorent aussi de
plusieurs hommes de lettres distingués : le che-
valier Mustoxidi et Foscolo , qui ont préféré les
Muses italiennes; Zambélios, Salomos, Calbo,
connus par leurs poésies grecques; le docteur
George Typaldos , qui promet des travaux im-
portans sur la philosophie et la littérature. Ainsi,
malgré les vicissitudes politiques, malgré les
changemens de gouvernement et de constitua
tîon , on a vu , et l'on voit encore des hommes
pleins de mérite s'élever sous le beau climat des
Iles ioniennes.
Cependant les Russes, qui sentaient l'instabi-
lité de leur domination dans les Sept-Des, ne
s'occupaient que de la guerre contre Napoléon ;
elle aboutit au traité de Tilsit, en vertu duquel
la France prit de nouveau possession des Iles
ioniennes. Pleins des meilleures intentions, les
administrateurs français s'appliquèrent à déve-
lopper dans la nouvelle république le goût des
sciences, des lettres et des arts. Pour atteindre
ce but, ils organisèrent une réunion d'hommes
instruits, sous le nom è^ Académie ionienne (i 807),
et ouvrirent des cours publics. Plusieurs officiers
du génie militaire , entre autres les capitaines
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l32 TROISIEME PÉRIODE*
Augoyat et Charles Dupin, professèrent à Cor-
fou les sciences physiques et mathématiques.
Quelques Grecs se joignirent à eux pour com-
pléter renseignement : Delviniotti professa la ju-
risprudence , Mavromati la littérature grecque y
Gangadi la médecine.
Mais toutes ces vicissitudes n étaient pour les
Sept-Hes que le prélude de l'inconcevable des-
tinée qui les attendait: environnées des flots,
elles devaient avoir pour maitre le peuple qui
tient le trident de Neptune. Le congrès de Paris
les livra à la protection de l'Angleterre ; et Mait-
land, devenu lord haut-commissaire, les traita
d'une manière ironiquement opposée au sens du
mot de protection. Malgré les promesses du gou-
vernement anglais, malgré les eftbrts du comte
Capodistrias, malgré le zèle de lord Guilford, la
fondation de l'université ionienne fiit retardée
parla malveillance de Maitland, jusqu'en 1823 ,
où elle eut enfin lieu, dans l'île de Corfou, d'a-
près une décision expresse de M. Canning. Lord
Guilford a été nommé chancelier de cette aca-
démie : ce sincère anri des Grecs , ayant trouvé
un appui dans la bienveillance du lord haut-
commissaire sir Frédéric Adam , a organise cet
établissement d'une manière distinguée. Lord
Guilford recherche, choisit, invite les plus ha-
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ÎLES IONIENNES, l33
biles professeurs , et s'occupe tous les jours d'a-
méliorer cette université nouvelle , déjà fré-
quentée par un grand nombre d'étudians. Un
collège préparatoire est destiné aux adolescens ,
qui de là peuvent passer dans les diverses fa-
cultés de l'académie. Corfou n'a pas seule attiré
Fattèntion du Gouvernement et des philhellènes;
Céphalonie , dit-on , va obtenir aussi un collège
semblable; et, dans lés autres iles, notamment
à Sainte-Maure , on vient d'établir plusieurs éco-
les d'enseignement mutuel.
Mais laissons cette partie de la Grèce qui est
à labri des débarquemens , des invasions, de
l'esclavage, des incendies et de la rage exter-
minatrice des Turcs et des Africains : reportons
nos regarda sur l'ensemble de cette terre clas-
sique , et jetons un dernier coup d'oeil sur le
degré de civilisation ou elle était parvenue à Té-
poque de son insurrection*
Dans les années qui ont précédé notre affran-
chissement, les progrès de la Nation étaient si
rapides, re&jwrit public avait pris un tel essor,
que robservatei».qui aurait examiné la Grèce
une année , l'eut à peine reconnue l'année sui-
vante , et que ceux des Grecs qui restaient sta-
tionnaires , semblaient à leurs concitoyens au-
tant d'Épiménides plongés dans un profond
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l34 TROISlàME PÉRIODE.
sommeil. Le clergé , premier et fidèle dépositaire
de la langue, contribuait beaucoup à la diffusion
des lumières et à ce mouvement des esprits. Les
évêques et les archevêques , excités par la force
des choses, et obéissant à l'impulsion donnée
par le trône patriarcal, travaillaient efficacement
à la propagation des connaissances en Grèce.
Partout les mœurs s'adoucissaient et prenaient
une tournure européenne ; le caractère national,
dégradé par un long esclavage , se relevait avec
fierté; les jeunes gens sentaient la nécessité de
l'instruction, et la recherchaient avec zèle; déjà
reparaissaient les sciences et les arts ; la langue
s'épurait de jour en jour, grâce à la multiplicité
des écoles et à la circulation des journaux ; la na-
tion grecque marchait à grands pas vers sa res-
tauration ... .
Quel est maintenant l'asile des Muses grec-
ques? tous les lieux qu'elles habitaient sont dé-
vastés, toutes les écoles anéanties. Que sont
devenus les collèges de Smyrne, de- Cydonie,
de Scio, de Jannina, de Missolonghi, de Cons-
tantinople? Quel a été le sort des professeurs?
hélas! presque tous ont péri victimes de la mi-
•sère , des épidémies , ou de la fureur des Bar-
bares. ^^
Aujourd'hui comment songer aux études lit-
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ÎLES tONIENNES. l35
tëraires? Comment les Grecs, en butte depuis
six ans a:ux plus affreux dangers, voyant le^r
patrie* cruellement mutilée , pourraient-ils con-
server encore tout ce qui n*est que le luxe de la
vie et Tornement de la société? Le langage d'un
homme en péril et en souffrance ne consiste
qu'en cris et en gémissemens ; celui qui manque
de pain et de vêtemens n*a besoin que des mots
qui expriment sa détresse et son désespoir; peut-
on exiger des manières douces et polies de celui
dont l'existence est à chaque heure menacée?
Et cependant , malgré toutes ces causes de dé-
moralisation , on trouve encore chez les Grecs
cet accueil affable , ces procédés humains, cette
bienveillance hospitalière, qui ne sont point dic-
tés par une basse condescendance ou par une
vile pusillanimité , que tant de maux rendraient
excusable.
Je le souhaite , et j'ose Fespérer : le Père com-
mun des peuples jettera enfin sur la Grèce un
regard de compassion , et son bras puissant re*
lèvera d'une sanglante poussière cette nation qui
prodigue sa vie pour conquérir des droits im-
prescriptibles et sacrés , des droits que la nature
attribue à tous les hommes. Alors on verra de
nouveau fleurir la civilisation et les arts qui rac-
compagnent; alors le voyageur ira chercher en
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l36 TROISIEME PERIODE.
Grèce autre chose que de vieux monumens et
des ruines antiques ; il saluera la Grèce vivante
et régénérée, la Grèce habitée par des hommes
dignes d elle, dignes de leurs aïeux.
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APPENDICE.
REVUE
CRITIQUE
DES PRINCIPAUX OUVRAGES
DK LA
LITTERATURE GRECQUE MODERIfE.
PROSE.
THEOLOGIE.
Pendant long-temps les ouvrages ecclësiasti-
qtt€s composèrent seuls la littérature grecque
moderne. Après la chute du trône impérial,
après la perte de l'indépendance et des droits ci-
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l38 KEVUB CRITIQUE, ETC.
vils , il ne resta plus aux Grecs d'autre refuge
que leur religion ; elle seule constitua leur exis-*
tence politique et littéraire.
Pour s'opposer au prosélytisme de l'égUse ro-
maine, d'autant plus redoutable qu'une partie de
la Grèce était sous la domination des Latins, le
patriarche de Constantinople se servit de l'arme
de la prédication comme moyen efficace de. re-
tenir les Grecs dans la communion de leurs pè-
res. Cette circonstance fit naître une foule de
sermons; mais différentes causes contribuèrent
à la perte du plus grand nombre; la principale
est la censure de l'imprimerie vénitienne , au-
près de laquelle ne trouvaient aucun accès des
discours entremêlés de dissertations dogmati-
ques dictées par le schisme grec. C'est ainsi que
furent plongés dans l'oubli les sermons de pli^
sieurs prédicateurs célèbres, tels que Damodus,
Cory datée, Chrysanthe Notara, Mélétius , le pa-
triarche Samuel , etc.
Parmi les sermons qui ont vu le jour, on peut
citer ceux de Miniati , de Macarius , de Basile ^
de Cornélius et de Théotoky.
La plupart de ces prédicateurs , nés et élevés
dans les contrées de la Grèce soumises aux
Francs , apportèrent dans leur diction grecque .
une couleur étrangère. Ainsi le style de Miniati
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THEOLOGIE. iSg
(orateur à d'autres égards très-habile), moulé
sur celui du fameux prédicateur italien Segneri,
avait Texpression des missionnaires dltalie. Da-
modus et Scouphos de Candie poussaient encore
plus loin le même défaut; plus ils employaient
d'italicismes , plus ils croyaient donner à leur
diction de noblesse et de charme. Des ampUBca-
tions ampoulées ) des déclamations hors de pro-
pos, un continuel abus de métaphores, un
emploi aftecté d'adjectifs composés de trois ou
quatre mets; teb sont les traits distinctifs de
quelques-uns de ce»prédicateurs, trop imbus de
la littérature italienne. Cependant Miniati , dont
on a un recueil de sermons imprimés à Venise
(1700), passait en Grèce pour un modèle d'élo-
quence évangélique ; à tel point qu'Âthanase de
Paros , professeur de belles-lettres au collège de
Scio , prédicateur lui-même , et auteur de com-
mentaires sur la rhétorique d'Hermogène , ana-
lysait régulièrement les sermons de Miniati,
dans ses leçons de rhétorique.
Eugène Bulgaris , avant d'être professeur au
collège du mont Athos, avait prêché dans l'église
patriarcale de Gonstantinople. Doué d'une riche
imagination , mais peu versé dans la lecture des
livres saints et des Pères de l'Église, il réussissait
mieux dans le genre démonstratif; ses Éloges
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l4o RETUE CRITIQUE, ETC.
des Saints et ses Oraisons funèbres sont dignes
de la réputation qu'ils ont obtenue. Les ser-
mons de Théotoky sont d*un tout autre genre ;
privé d'imagination , mais possédant à fond les
livres ecclésiastiques , il tirait ses motifs plutôt
de Chrysostôme , de Basile et de Grégoire y que
de son propre cœur; point d*ornemens dans son
style, point dinvention, point de figures; tou-
tefois ses sermons nourrissent la piété malgré
leur sécheresse. Us ont été imprimés à Moscou
en 1796, sous le titre de Dominicale.
L'ordre des temps m'appellerait à parler ici du
patriarche Samuel , de Mélétius , de Corydalée ^
de Dorothée , de Cacavellas ; mais leurs sermons
sont inédits ou perdus.
Le savant professeur et curé Constantin Œco-
nomos se distingue dans sa prédication par des
connaissances positives , par une étude appro-
fondie des livres saints et des écrits des Pères ,
surtout par la justesse et la vivacité de son es-
prit, par la fécondité de son imagination, et par
ce goût exquis , sans lequel il n'y a ni grands
orateurs, ni grands poètes. Cest Œcoiiomos
qui a prononcé à Odessa l'oraison funèbre du pa-
triarche Grégoire, martyrisé au commencement
de l'insurrection; cette oraison funèbre a été im-
primée à Moscou , avec la traduction en langue
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THEOLOGIE. l^î
russe y et Tempereur Alexandre, pour récompen-
ser les talens de l'orateur grec , lui conféra la
charge de prédicateur dans toutes les églises
grecques situées en Russie.
Je crois avoir nommé les principaux auteurs
de sermons; ils forment une partie considérable
de notre littérature. La nature du rit grec , qui
diffère de celui des autres communions , donne
une heureuse originalité aux écrivains ecclésias-
tiques , en les forçant d'étudier avant tout les
doctrines, les traditions et les coutumes natio-
nales. Outre des sermons , le clergé grec n'a ja-
mais cessé de composer des ouvrages théologi-
ques, soit d'édification, soit de controverse; niais
comme la nomenclature complète de ces livres
n'intéresse que le théologien , je me contenterai
d'indiquer les suivans : Entretiens théologiques
sur le Pentateuque , par Eugène Bulgaris ; Mos-
cou, 1802. Défense du Nouveau Testament con-
tre Voltaire , par Théotoky ; Vienne , 1794. Com-
mentaires sur le Pentateuque , le livre des Rois
et le livre de Job , par le même Théotoky ; Com-
mentaires sur les Épitres de saint Paul, par
Nicodème de Naxos; Venise, 1806.
Digitized by VjOOQIC .
l4a AEVUE CKITIQUE, ETC.
HISTOIRE.
La nation grecque, depuis son asservissement,
devait lire avec avidité l'histoire ancienne , qui
lui traçait le tableau de sa première splendeur;
elle devait au contraire repousser l'histoire mo-
derne, qui n avait à lui exposer que sa misère ac-
tuelle et rëgoïsme des puissances chrétiennes.
Cette observation explique jusqu*i un certain
point pourquoi les Grecs se sont peu occupés de
l'histoire moderne, et surtout de celle de leur
pays. Il y a eu cependant parmi eux quelques
historiens; mais le nombre n*en est pas consi-
dérable.
Alexandré^Maurocordalo a composé une EBs-
toire des Juifs depuis Abraham jusqu'au milieu
du dix -septième siècle. Elle est écrite en grec
littéral et imprimée à Bucharest; cet ouvrage eût
suffi pour illustrer un homme moins célèbre que
n'était déjà Maurocordato. L'Histoire ecclésias-
tique de Mélétius, rédigée en grec moderne,
contient des recherches savantes et des docu-
mens précieux. •
Vatazzi de Constantinople , homme très -in-
struit, et qui accompagna, en qualité d'interprète,
le fameux Nadir-Chah dans son expédition au
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HidToinE. 143
Mogol , a écrit en grec moderne Thistoire de ce
conquérant, ses exploits, et les circonstances po*-
Utiques et militaires qui signalèrent cette con-
quête. L'ouvrage de Vatazzi n*a pas été imprimé ;
le manuscrit est conservé en Moldavie par le
prince Charles Ghika. Écrite par un témoin ocu-
laire et à portée de bien apprécier les événemens,
cette histoire contient des choses extrêmement
remarquables. Jen dis autant de THistoire de la
Grèce et de la Turquie, depuis la prise de Gons-
tantinople par les Turcs, jusqu'au milieu du
dix-huitième siècle , par Athanasaky Ypsilantj.
Jouissant de la protection du grand vizir Ragib-
Pacha, dont il était premier médecin, Ypsilantjr
obtint d'examiner les archives de l'empire ot^
toman ; il put aussi consulter tous les mémoires
conservés dans l'église patriarcale de Constanti-
nople. Ce grand ouvrage mériterait de voir le
jour , et serait un trésor pour quiconque désire-
rait écrire l'histoire moderne de la Gvrèce. Le
prince Jean Garadza voulait le publier , mais il
fit en vain les offres les plus avantageuses aux
héritiers possesseurs du manuscrit. On a en-
core d'Ypsilanty une Histoire du Bas -Empire
écrite en grec moderne et imprimée à Venise ;
elle n'est pas sans mérite , au moins pour la briè-
veté de sa rédaction.
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l44 REVUE CRITIQUE, ETC.
Daniel Philippide a publié (en 1816) une
Histoire de la Roumounie ou des nations vala-
que, moldave etbessarabienne. C'est un ouvrage
précieux , qui contient de savantes recherches
sur des nations dont Torigine a été obscurcie par
un mélange successif de peuples , de langues et
de bouleversemens politiques. Dans ce livre, qui
fut dédié à l'empereur Alexandre, on trouve un
extrait de l'histoire de Vatazzi , dont j'ai parlé
plus haut.
On peut encore citer avec éloge le^ ouvrages
survans : Histoire de la Valachie, par Dionysaky;
Histoire de Souli et de Parga , contenant la chro-
nologie et les guerres héroïques des Soulîotes
contre Ali-Pacha de Jannina; cet ouvrage , com-
posé par Perrévos j a été imprimé à Venise en
181 5. Histoire de la guerre entre les Russes et
les Turcs, par Spyridon Papadopoulo de Corfou;
Venise, 1770. Histoire de Cypre, par l'archi-
mandrite Cyprien; Venise, 1778. Histoire de
l'ancienne Grèce, par Grégoire Paliouris; Ve-
nisej, 1806.
pmLosopmE.
Les traités scientifiques n'entrent pas dans le
plan de cet examen; je les passe donc souis si-
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PHILOLOGIE. 1^5
ce , et je me borne à citer les ouvrages suivans:
Pensées des Philosophes, ou Origine de la Phi-
losophie naturelle, par Eugène Bulgaris; Vienne,
i8o5. Élémens de Philosophie naturelle, ou Phy-
sique expérimentale, par Théotoky; Leipsîck,
1766. Philosophie morale, par Mésiodàx; Venise,
1761. La parfaite Félicité, ou fondemens de la
Religion et de la Morale ( d*après le système de
Kant) , par Âthanase Psalidas. Introduction à la
connaissance de l'Homme, par Darvaris; Vienne,
1795. C'est une paraphrase des Caractères de
Théophraste , avec des notes et des additions ti-
rées des autres moralistes. Traité de Logique et
de Morale , par Chrysoveloni; Vienne , 1800.
PHILOLOGIE.
Je rie reviendrai pas sur ce que j'ai dit des
grammairiens et des littérateurs. 3'a jouterai seu-
lement aux ouvrages déjà cités sur cette ma-
tière , la Grammaire du grec ancien , intitulée
Terpsithée , dont l'auteur est Néophyte Doukas ;
la Grammaire du grec vulgaire , par Darvaris ;
Manuel de syntaxe du grec ancien , par l'archi-
mandrite Ignace. Quelques auteurs ont écrit sur
notre histoire littéraire : tels sont , pour la litté-
rature ancienne , Anthimos Gazis et Démétrius
10
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jiQ REVUE CRITIQUE , ETC.
AkxMidrides; pour la Uttërature moderne, Gré-
goire Zavira. Malheureusement Touvrage de ce
dernier n'a pas été imprimé , non plus que l'His-
toire des Patriarches de Constantinople , et plu-
sieurs auhres écrits du même auteur, qui jette-
raient du jour sur les points obscurs de notre
histoire politique et Uttéraire. Enfin l'on doit à
Zénobios Pop, un Traité sur la Métrique des an-
ciens; Vienne, i8o3; à George SakeUarius, un
Précis d'Antiquités grecques; Vienne, 1796; et
à Kodrikas d'Athènes, l'Étude de la Langue grec-
que; Paris, 1808.
TRADUCTIONS.
Le principal but de nos écrivains étant d'éclai-
rer la Nation , Us ne peuvent mieux y parvenir
qu'en transportant dans notre langue les chefs-
d'œuvre scientifiques et littéraires dont l'Europe
s'honore; on ne doit dcmc pas s'étonner de trou-
ver en grec moderne beaucoup plus de traduc-
tions que d'ouvrages originaux. Je ne prétends
pas donner un catalogue com,pkt des traduc-
tions, même des plus répandues ; j'çft^ déjà cité
plusieurs; je nommerai encore les suivantes:
l'Histoire ancienne de RoUin, traduite par George
CanceUarius;la Grandeur et la Décadence des
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THADUCTIONS. lAj
Romains, par George Emmanuel; l'Histoire
grecque de Goldsmith , par Démétrius Alexan-
drides; l'Histoire d'Amérique de Robertson, par
Bendoti; Télémaque, par GobdellajlesÉlémens
d'Euler, par Cavras; l'Histoire de la Philosophie,
de Tennemann , par Koumas ; les Métamorpho-
ses d'Ovide , et les Vies de CornéUus Népos, par
Blandi , etc.
Le prince Démétraky Mourouzy avait traduit
en vers la Phèdre de Racine; mon cousin Jaco-
vaky Rizo avait pareillement mis en vers grecs
les plus belles tragédies de Voltaire. Cokkinaky
a publié une trad^uction du Tartufe de Molière.
Les chefs-d'œuvre de SchiUer, de Goethe, de
Kotzebue, de Gessner, de Wieland, du Tasse
d'Alfiéri, de Monti, de Métastase, ainsi qu'un
grand nombre d'ouvrages philosophiques, soit
français , soit allemands , ont passé dans notre
langue. Le Voyage du jeune Anacharsis a été
traduit deux fois. Spyridon Valetas a fait con-
naître aux Grecs les meilleurs ouvrages de
I. J. Rousseau. Le Fanariote Jacovaky Argypo-
poulo , qui fut secrétaire-interprète de la Porte
homïne de grands talens et d'une vaste érudi-
tion, a traduit l'Esprit des Lois. Son frère,
George Argyropoulo , un des savans les plus dis-
tingués de la Grèce, littérateur habile et diplo-
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l48 BEVUE CRITIQUE, ETC.
mate digne d*être remarqué même en Europe ,
encourageait à l'étude les jeunes Grecs de Cons-
tantinople, et dirigeait habilement ceux qui
montraient des dispositions. Depuis deux ans ,
George Argyropoulo s'occupe à recueillir les mots
grecs. anciens qui jusqu'à présent ont échappé
aux recherches des lexicographes.
Les dames grecques elles-^mêmes ont enrichi
de traductions la littérature nationale. Catherine
Soutzo a traduit avec une rare fidélité les 'Entre-
tiens de Phocion, par Fabbë Mably. La princesse
Ralou Argyropoulo, fille de Thospodar Caradza, a
fait une excellente traduction de l'Histoire de la
Grèce , par Gillies. Hélène et Catherine , filles de
Démétrius Schinas; la princesse Euphrosine,
fille de rhospodar Callimachy, ainsi que plusieurs
femmes de Constantinople , de Jannina et des
Sles de l'Archipel , ont fait passer dans l'idiome
moderne divers ouvrages de prose ou de poésie;
quelques-unes de ces traductions ont été impri-
mées ; quelques autres mériteraient de l'être pour
leur pureté , leur précision et leur élégance.
VOYAGES ET ROMANS.
Un fait qui pourra sembler étrange , c'est que
dans notre littérature moderne il ne se trouve
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VOYAGES ET ROMANS. l49
ni voyages , ni romans. Les Grecs instruits voya-
gent beaucoup cependant; et il n*est pas néces-
saire d'ailleurs de faire le tour du monde pour
recueillir des observations instructives sur les
climats et sur les mœurs. Quel intérêt , quelles
lumières une relation bien faite nejette-t-ellepas
sur un pays quelconque? Nos voyageurs crai-
gnaient-ils en publiant leurs itinéraires , d'affli-
ger leiu:s concitoyens par des tableaux qui au-
raient contrasté d'une manière pénible avec la
situation de la Grèce? je ne le pense pas; et il est
difficile d'attribuer cette délicatesse à la foule de
ceux qui aspirent au titre d'auteurs. Cela vient
plutôt de ce que les Grecs savans et distingués,
ceux qui étaient capables d'écrire un voyage, né-
gligeaient ce genre comme frivole, et préféraient
utiliser leurs veilles par des travaux qui pussent
directement instruire la Nation. Ce raisonne-
ment était-il Juste? on peut en douter; mais assu-
rément rien n'était plus louable que le motif pour
lequel, dédaignant une route dans laquelle tant
d'Européens obtenaient sans peine de brillans
succès , ils se consacraient tout entiers à des tra-
vaux plus difficiles et plus essentiels^
Ne peut-on pas dire la même chose des ro-
mans , qui occupent une si grande place dans les
littératures modernes. Ce genre ne semblait point
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l5o REVUE CRITIQUE, ETC.
devoir être étranger aux Grecs ; les anciens s'y
étaient exercés avec quelque succès : le roman:
d'Héliodore , intitulé les Éthiopiques, a surtout
mérité la réputation qu'il a obtenue. La disposi-
tion en est dramatique; les aventures y sont
liées avec beaucoup d'art; le dénouement est ad-
mirable; le style calqué sur celui de la belle lit-
térature grecque. Mais ce qui frappe davantage
c'est le nom et la vocation de Fauteur : il était
évêque.
A limitation de ce roman d'Hélîodore et de
ceux d*Achille Tatius , de Chariton , de Jambli-
que , de Xénophon d'Éphèse , furent composés ,
dans le moyen âge, une assez grande quantité
de contes erotiques et chevaleresques , dont quel-
ques-uns ont été imprimés ; d'autres se trouvent
encore manuscrits dans les bibliothèques publi-
ques. La plupart sont écrits en vers , entre au-
tres le fameux roman de galanterie chevaleres-
que intitulé Érotocritos, et qui remonte au
seizième siècle. Quoique les Grecs modernes
eussent ces modèles sous les yeux , ils ne les ont
point imités. Ils auraient dû cependant aimer
une occupation si agréable , si facile , si confor-
me à la variété de leurs goûts et à la vivacité de
leur imagination. Les dames grecques seraient-
elles les seules qui ne goûtassent pas ces fictions
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VOYAGES ET ROMANS. l5l
à demi vraisemblables, ces lectures fantastiques,
si propres à répandre du charme sur une vie
aussi retirée qu'est ordinairement la leur? non ,
sans doute. Mais dans un pays où Turbanité n'a
pas encore autorisé l'empire du beau sexe; où
les sociétés ne sont ni assez fréquentes, ni assez
variées , pour fournir une ample matière à celui
qui veut observer les mœurs et le jeu des pas-
sions ; dans un tel pays il ne faut pas s*étonner
qu'il n'ait point paru d*auteurs de romans et de
contes moraux. En revanche un grand nombre
de romans français , italiens et allemands , ont
été traduits, et ont trouvé lé plus favorable ac-
cueil dans toutes les contrées de la Grèce et dans
toutes les classes de la société.
POESIE.
Lorsque la source de la poésie antique se fut
tarie en Grèce, et qu'un long intervalle d'igno-
rance en eut effacé jusqu'au souvenir, les Grecs,
incapables d'invoquer les Muses classiques , se
formèrent insensiblement deux genres de poésie
également étrangers à la littérature ancienne ;
l'un soumis à la rime , l'autre uniquement réglé
par l'accent rhythmique du vers. Je ne regarde
pas comme poésie quelques ïambes ou quelques
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l52 REVUE CRITIQUE, ETC.
hexamètres récemmeni: composés en grec litté-
ral, à Taide des lexiques et des grammaires.
La rime ne fut mise en usage par aucun des
poètes grecs anciens. Leur langue naturellement
mélodieuse le devenait encore plus dans les vers,
par la variété des mètres et par la cadence de la
prosodie. Ils n'avaient dotic nul besoin de la rime,
et ils auraient trouvé à s'en servir d'insurmonta-
bles difficultés dans les entraves dont leur versi-
fication était embarrassée. Cependant l'effet de
la rime ne leur était pas inconnu ; et la prose, plus
libre que la poésie , reçut quelquefois ce genre
d'ornement. Gorgîas de Léontium fut le premier
qui l'employa d'une manière étudiée; on croit
même qu*il dut à cet artifice une grande partie
de sa réputation. Isocrate lui-même chercha
quelquefois à charmer les oreilles par la régula-
rité de ses consonnances ; on en remarque des
traces dans la plupart de ses Discours.
Beaucoup plus tard s'introduisit en Grèce une
nouvelle manière de mesurer les vers ; Jean Tzet-
zès et Constantin Manassé , dans le grec littéral;
Ptochoprodrome et quelques autres, dans le grec
moderne , firent usage de vers blancs composés
d'un certain nombre de syllabes , mais non assu-
jettis aux mètres et aux pieds des anciens. Enfin
la rime constante et régulière passa de la poésie
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POÉSIE. l53
arabe dans les littératures de l'Europe, et fut
transportée en Grèce, sous la domination des
Francs ; c'est donc de la première moitié du quin-
zième siècle que date chez nous la poésie rimée.
Le roman poétique d'Érotocritos , Tidylle in-
titulée la Bergère , le poème du Sacrifice d'Abra-
ham , la tragédie d'Ériphile , une traduction d'Ho-
mère, et quelques autres poèmes rimes de la
même époque , pèchent par la trivialité de leur
style , par une servile imitation de la littérature
italienne, et par leur fastidieuse prolixité. Ces
premiers essais d'une poésie nouvelle manquent
totalement de physionomie, de nationalité, de
couleur locale; on ny trouve aucune trace de
l'étude des anciens, aucune notion des règles.
Quelques étincelles de verve poétique font tout
le mérite de ces compositions informes, tombées
dans un juste oubli. C'est là tout ce que nous
possédions de poésies rimées en grec moderne ,
jusqu'au milieu du siècle passé.
Notre poésie rimée était une imitation des Oc-
cidentaux; notre poésie non rimée prit naissance
dans les cavernes de l'Olympe, sur les rochers du
Pinde, dans les vallées de la Dorjde, de l'Étolie et
del'Acarnanie. Créée par de libres montagnards,
elle fut comme eux simple et rustique, mais pleine
d'énergie et d'originalité : je veux parler de la poé-
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l54 REVUE CRITIQUE, ETC.
sic klephiique^ et des chansons populaires de la
Grèce moderne, recueillies, traduites et commen-
tëes par le philhellène Fauriel. Cette poésie sim-
ple et sans art se distingue par des beautés mâles
et naïves , que Téditeur, quoique étranger, a très-
bien saisies , et dont il a fait habilement ressortir
les principaux traits. Le genre klephtique date de
très-loin, et remonte peut-être aux premiers
temps de la conquête. Il existe une quantité de
ces chansons nationales , conservées dans la mé-
moire des Grecs; celles que M. Fauriel a rassem-
blées, quoique toutes d*une épocpie assez récente,
suffisent pour donner une idée précise du genre
et de son mérite. Les dépositaires de chants plus
anciens , doivent être quelques-uns de ces vieux
guerriers, chefs des braves qui combattent en ce
moment pour la liberté, tels que les Colocotroni,
les Nothy Botzaris, les Diamandy, les Tzoungas,
les Makry et les Panourga.
POEMES EXT VERS EIMES.
Dès la première moitié du dix-huitième siècle,
la poésie grecque moderne avait commencé d'ê-
tre cultivée par la partie éclairée de la Nation.
Jannacalcy Tyanite de Constantinople, est auteur
d'un poème intitulé Bo<7tropofxa)(ca, Contestation
entre les deux rives du Bosphore. Cet ouvrage est
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POEMES EN VEJIS RIMES. l55
rempli de beautés poétiques; le style en est cou-
lant, noble et régulier; le sujet ingénieux et
agréable : les deux rives du détroit de Constan-
tinople sont personnifiées, et font valoir à Fenvi
leurs beautés. Cette description commence , pour
l'Asie, de la ville de Chalcédoine jusqu'aux
bords de la mer Noire; et pour l'Europe, de
Péra et Galata jusqu'au village de Fanaraky, situé
sur une éminence au pied de laquelle viennent se
briser les énormes vagues de cette mer , l'effroi
des anciens navigateurs. L'Asie , dans ce brillant
parallèle, semble d'abord remporter la victoire;
mais l'Europe termine en disant : « Avoue com-
bien je te suis supérieure.... D'ailleurs si tu étais
plus belle que moi , eh bien ! ce serait moi qui
profiterais de tes charmes en les regardant. »
Coivstantin Daponti de Scopélo a composé en
vers rimes un recueil d'anecdotes sur le mérite
des femmes ; ce recueil, imprimé sous le titre de
Miroir des femmes, (Léipsick 1766), offre un
style assez correct , mais dépourvu de poésie.
AJexanOTe Maurocordato , hospodar de Molda-
vie qui se réfugia sur le territoire russe en 1780 ,
a écrit en vers grecs modernes des apologues ,
des épîtrcs, des odes et des chants patriotiques^
imprimés à Moscou. Ces poésies , froides et étu-
diées, offrent peu d'idées frappantes, et rare-
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l56 REVUE CRITIQUE, ETC.
ment quelque chose de piquant; l'invention en
est peu naturelle , et le séjour de Fauteur aux
bords glaces du Borysthène , n'était pas propre à
exalter son imagination.
Zambélios de Sainte-Maure est auteur de quel-
ques tragédies , dont il n'a imprimé que celle qui
a pour titre Titnoléon, (Vienne 1818.) Cette
pièce est conduite avec art; les caractères sont
fortement tracés , les péripéties bien combinées ;
on y admire des traits ingénieux et brillans;
mais le style n'a pas toute la nationalité désirable,
parce que l'auteur , enthousiaste de la littérature
italienne , a trop habituellement imité la manière
dlécrire d'Âlfiéri.
Nicolas Piccolo a publié une tragédie , dont le
sujet est Démosthène arraché à l'autel de Neptune
par les satellites de la tyrannie macédonienne.
Cette tragédie , représentée pour la première fois
en 18 18, au théâtre grec d'Odessa, y a été cou-
verte d'applaudissemens. Le même poète a para-
phrasé en grec moderne le Philoctète de Sopho-
cle. Enfin il vient de paraître , sous l^om d'une
dame grecque , un drame en trois actes et en
prose intitulé NtxvîpaTOç, dont le sujet est la chute
de Missolonghi, et où l'on remarque un style
animé , de grands sentimens et de belles scènes.
( Napoli de Romanie , 1826. ) ^
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POÉSIE LYBIQUK. iSj
Zacharie Mavroudi a publié un poème intitulé
le Songe, ou la Mort de Marie Ghika; (Vienne ,
1808.) Enfin George Servîus a traduit en vers
plusieurs tragédies françaises , telles que la Mort
de César , Mérope , etc.
POisIE LYRIQUE.
Le genre lyrique a de tout temps occupé dans
notre poésie une place importante; les anciens
Grecs le cultivèrent avec succès; et de nos jours,
c'est à ce genre qu'appartiennent la plupart de
nos compositions poétiques. A leur tête il faut
placer les Chants guerriers et patriotiques de Riga,
de ce premier martyr de notre liberté. Ces hym-
nes étincellent de beautés énergiques , qui sont
puisées dans le caractère national et dans les
circonstances où se trouvait alors la Grèce. A leur
apparition ils furent accueillis avec transport, et
ils jouissent encore d'une estime bien méritée.
Avant d'être imprimés ils avaient long-temps
passé de bouche en bouche , ou avaient été tran-
scrits clandestinement, et défigurés par des hom-
mes qui n'avaient que de l'enthousiasme; ils
avaient donc perdu beaucoup de leur valeur pri-
mitive lorsqu'on les a imprimés. Jai essayé
de traduire le plus célèbre de ces hymnes guer-
riers :
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l58 REVUE CRITIQUE, ETC.
c( Jusques à quand, Pallieares, nous faudra-t-il,
comme des^ lions, vivre seuls, dans les défilés,
sur les rochers, dans les montagnes? Jusques
à quand devrons-nous habiter les cavernes , n'a-
voir devant les yeux que les rameaux des forêts,
fuir le monde pour éviter la dure servitude,
quitter nos frères , nos parens , nos amis , notre
patrie?
a Une heure seule de vie libre vaut mieux que
quarante années de fers et de captivité-
« A quoi te sert de vivre et d'être esclave? A
chaque instant tu souffres le martyre. En vain
serais-tu prince , drogman , vîzir ; en vain t'as-
servirais-tu chaque jour aux ordres les plus bar-
bares , ta vie n'en est pas moins dans la main du
tyran ; il n'en épie pas moins l'occasion dé boire
ton sang
« Venez , ô Grecs! venez avec un même zèle ,
faire tous sur la croix ce serment solennel. Les
mains levées au ciel, disons à notre Dieu, du
fond de nos âmes :
ce O Roi de l'univers ! je te jure de ne jamais
me soumettre à la volonté des tyrans , de ne ja-
mais les servir, de ne jamais me laisser séduire
par leurs promesses. Aussi long -temps que je
vivrai dans ce monde , mon unique but sera de
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POÉSIB LYRIQUE. l5g
les anéantir. Fidèle à la patrie, je combattrai pour
briser le joug qui lopprime , et je serai insépa-
rable de mon général.
(( Si je viole mon serment, que le Ciel me fou-
droie , qull me consume , et que je sois réduit
en poudre! »
Le recueil des chansons de Riga a été imprimé
clandestinement à Jassy , en i8i4; on y a inséré
d autres pièces du même genre, mais très-infé-
rieures au modèle.
Athanase Christopoulo, né avec le même genre
d'esprit, les mêmes grâces et la même finesse
qu'Anacréon, Ta pris pour modèle^ sans le copier
servUement. Le style badin et léger, le mètre
facile et mélodieux , le coloris enchanteur des
vers d' Anacréon ; ses sentimens , où respire la
volupté la plus douce et la plus naïve ; toutes les
qualités poétiques du chantre de Téos , se trou-
vent réunies dans les chansons de Christopoulo.
Ces poésies, (imprimées à Vienne en 1811) , ne
cesseront pas d'être lues avec délices tant qu'il y
aura des hommes qui parleront grec; elles ont
eu un succès national et complet; elles font l/e
charme de tous les habitans de la Grèce.
Il a paru tout récemment un choix de ces odes
accompagnées d'une traduction française ; mais
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l6o KEVUE CRITIQUE, ETC.
Chrîstopoulo est intraduisible , comme son mo-
dèle; sa poésie est toute grecque; son principal
mérite est la grâce du style et la délicatesse des
détails ; cependant , pour donner au moins une
idée de son talent, je citerai quelques odes , d'a-
près cette traduction française :
L'AURORE.
c( Brillante aurore, à la chevelure blonde, d où
viens-tu , ô mon petit amour ? Pourquoi viens-tu
de si bonne heure briller à l'horizon? Le monde
est encore dans les bras du repos , et les coqs
joyeux ont à peine fait entendre leur voix ma-
tinale. Que t'est-il donc arrivé aujourd'hui pour
paraître si tôt? Qu'as-tu donc pour t'éveiller et
pour venir ainsi de si bonne heure? Ah! oui, ton
époux est affaibli par la vieillesse , et tu l'aban-
donnes pour d'autres conquêtes ; cependant moi
et ma bien-aimée , nous sommes jeunes encore,
et nous jouissons avec délices des tendres vo-
luptés. »
LE ROSSIGNOL.
« Voltige, mon petit rossignol, voltige le long
du rivage de la mer; voltige , et va en paix trou-
ver ma bien-aimée que tu connais.
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IPOESIE LYRIQUE. l6l
t< Quand tu Tauras trouvée et contemplée ,
commence à chanter doucement , doucement et
avec grâce, afin qu'elle se penche pour te prendre.
« Si elle te demande qui tu es , et qui t'envoie
de file des Oliviers, dis-lui: Je suis un petit pré-
sent, un oiseau messager qui porte des soupirs, m
EXHORTATION.
« Pallicares, pourquoi dormez-vous? Bacchus
vous appelle. N'avez -vous pas pitié de votre
verre, qui vous regarde et soupire? Malheu^
reux ! sa malédiction tombera sur vos têtes ,
parce que vous le délaissez. Lorsque vous irez
aux enfers, lui aussi Sescendra tout en larmes
dans les champs de l'Elysée , poftr vous accuser.
Alors vous serez tous condamnés par Minos à
recevoir le châtiment sévère que subit ce fameux
Tantale ; vous aurez soif éternellement , et vous
ne pourrez jamais vous rafraîchir de la douce
liqueur , pas même d'une seule goutte ! »
L'ode suivante est adressée au mathématicien
Etienne Dounkas :
« Ami Etienne, je t'en prie ; toi qui enseignes
que la nature a le vide en horreur; par notre
unique amitié , la vérité est une , j'en conviens
II
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l62 BEVUE CRITIQUE, ETC. .
avec toi : je souhaite que le vide ne puisse se
trouver dans la nature, qu'il ne puisse être admiâ
dans la création , et qu'il ne soit nulle part; que
les tonneaux soient toujours pleins , quils rem-
plissent les verres , les coupes , les bouteilles et
les amphores, les fontaines, les vallons, les cam-
pagnes , et le monde entier tout ensemble. »
Je n'ajouterai plus rien sur le mérite des odes
de Christopoulo. Ce poète , natif de Castorie en
Macédoine , a passé la plus grande partie de sa
vie à Constantînople ; le dialecte dont il se sert
est celui qu'on parlait au Fanal. Retiré depuis
quelques années à HermanStadt, en Transylva-
nie, Christopoulo s'occupe à traduire l'Iliade en
vers grecs modernes. Quglque talent qu'il puisse
déployer dans gette nouvelle production, je ne
crois pas qu'elle augmente sa gloire littéraire :
à cet égard , du moins , il n'a plus rien à sou-
haiter.
Les odes de Calbo sont tissues d'images bril-
lantes; elles offrent même quelquefois de la pro-
fondeur et de l'originalité ; mais la diction en est
souvent obscure. Calbo , d'ailleurs , s'est créé un
mètre arbitraire , différent de celui qui est gé-
néralement employé ; et , tant que l'usagé n'aura
pas consacré cette innovation littéraire, ses vers
auront quelque chose d'insolite et d'étrange , et
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POÉSIE LYRIQUE. l63
ne paraîtront qu une prose poétique à celui qui
n'aura pas étudié le système de Fauteur , d'après
les règles que propose Fauteur lui-même. Le pre-
mier recueil des odes de Calbo a paru à Genève
en 1824 ; le second vient d'être imprimé à Paris,
avec la traduction française.
Les poésies de Salomos de Zante sont parse-
mées d'expressions et de tournures dont l'em-
ploi devrait uniquement appartenir à la con-
versation familière ; elles ont cependant le rare
mérite d'une verve énergique et entraînante,
d'une imagination pleine de hardiesse et de fé-
condité. Plusieurs strophes du Dithyrambe à la
Liberté (imprimé dans le recueil de Fauriel),
contiennent des beautés admirables. Je citerai
quelques fragmens de ce poème , d'après la tra-
duction de M. Stanislas Julien , auquel on doit
aussi la traduction française des premières odes
d e Calbo:
A L4 LIBERTÉ.
a Je te reconnais au tranchant de ton glaive
redoutable ; je te reconnais à ce regard rapide
dont tu mesures la terre.
« Sortie des ossemens sacrés des Hellènes, et
forte de ton antique énergie , je te salue , je te
salue , ô Liberté !
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l64 REVUE CRITIQUE, ETC.
« Depuis long-temps tu gisais dans la poudre ,
couverte de honte , abreuvée d'amertume ,'et tu
attendais qu'une voix généreuse te dît: Sors de
la tombe.,
« Combien il tardait y ce jour tant désiré! Par-
tout régnait un morne silence ; les cœurs étaient
glacés de crainte , et comprimés par l'esclavage.
« Malheureuse ! il ne te restait que la triste
consolation de redire tes grandeurs passées , de
les redire d'une voix entrecoupée de sanglots.
« De jour en jour tu attendais le cri de l'indé-
pendance 9 et tu te meurtrissais le sein dans ton
désespoir.
« Sous un vêtement ensanglanté , tu sortis , je
le sais , d'uii pas furtif et silencieux , pour aller
mendier l'assistance des nations étrangères.
« Seule tu as entrepris ce voyage pénible. Seule
tu es revenue : qu'il est difficile d'ouvrir les por-
tes ou frappe la main de la misère !
V
« Tu inclines languissamment ta tête chargée
de douleurs /comme le malheureux qui heurte
à la porte de l'opulence , et pour qui la vie n'est
qu'un pénible fardeau.
(( Oui; mais maintenant, pleins d'une noble
ardeur , tous tes enfans combattent en héros , et
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POESIE LYRIQUE. l65
cherchent avec un infatigable courage , la vic-
toire ou la mort.
« Sortie des ossemens sacrés des Hellènes , et
forte de ton antique énergie, je te salue, je te
salue, A Liberté!
« Malheur, malheur à celui qui, tombé sous
ton glaive , voudra t'opposer une opiniâtre résis-
tance !
« Dès que la lionne s aperçoit de Tabsence de
ses nourrissons, elle rôde, elle s*élance, elle a
soîf de sang humain.
(c Elle court , elle vole à travers les bocages ,
les vallons , les collines , et promène en tout lieu
l'horreur , la solitude et la mort.
a La mort, la solitude et l'horreur signalent
aussi ton passage , et le cimeterre hors du four-
reau ne fait qu'enflammer ta valeur.
« Sortie des ossemens sacrés des Hellènes , et
forte de ton antique énergie, je te salue , je te
salue , ô Liberté ! »
Voici comment le poète décrit la première at-
taque de Tripolitza par les Grecs :
« Ah ! qu'elle était terrible , cette nuit dont le
souvenir porte le frisson dans l'âme! Elle me-
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l66 REVUE CRITIQUE, ETC.
naît à sa suite le sommeil ; mais c'dtait le cruel
sommeil de la mort.
« L'heure , le lieu de la scène , les cris , le tu-
multe , la rage impitoyable des combattans , les
torrens de fumëe, le fracas du bronze, et les té-
nèbres épaisses que sillonnaient d'affreux éclairs,
représentaient l'enfer entrouvrant ses abîmes
pour dévorer la race musulmane.
ce C'était Tenfer même .... On vit paraître des
milliers d'ombres hideusement dépouillées , des
filles, des vieillards , des jeunes gens , des enfans
encore à la mamelle.
« On vit fourmiller, comme de noirs essaims^
tout le cortège des morts, semblable au voile lu-
gubre qui suit l'homme à sa dernière demeure.
« La terre vomissait à flots pressés les mânes
de tous ceux qui avaient été les victimes inno-^
centes de la furtur des Turcs.
ce A la lueur d'un astre incertain et lugubre ,
ces mânes se confondent, et montent à la cita-
delle , entourés du silence et d^ la mort.
(c D'un œil livide ils cherchent les lieux où le
sang s'est figé, et dansent, avec des cris rauques
et plaintifs , sur la plaine abreuvée de carnage.
(( Au milieu de ces funestes ébats , ils s'élan-
cent dans les rangs des Grecs , et appuient sur
leur sein une main sèche et glacée.
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POÉSIE LYRIQUE. 167
c( Ce toucher magique pénètre leurs entrailles,
et en arrache la douce compassion , pour y faire
siéger une dureté impitoyable.
« C'est alors que le combat s'allume avec une
nouvelle fureur , etc. etc. w
Je regrette de ne pouvoir ici transcrire tout
ce dithyrambe : il faudrait le citer en entier , si
Ton voulait faire remarquer tous les morceaux
pleins de chaleur, d'énergie et d'entraînement.
J'ai voulu, dans cet ouvrage, esquisser rapi-
dement le tableau de la littérature de mon pays.
Cette littérature paraîtra bien pauvre comparée
à celle du reste de l'Europe ; mais si la Grèce ,
depuis un petit nombre d'années , depuis qu*elle
songe à s'affranchir , a produit tant d'hommes
de mérite, de quoi ne sera-t-elle pas capable lors-
que son indépendance sera assurée , et son exis-
tence à l'abri des dangers !
FIN.
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NOTES.
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NOTES.
Note i , page 8.
La célébrité de cette république fut si étendue, que
les Orientaux appelaient tous les Grecs du nom de Yon-
nojiy Ioniens. Cette dénomination s'est conservée jusqu'à
nos jours. Quand ils parlent des anciens Grecs, ils leur
donnent le nom de Yonnan, Quant à nous, Grecs mo-
dernes , ils nous appellent Roum , Romains , parce que
les Grecs furent appelés PeàfjLouoi depuis Justinien jusqu'à
là chute du Bas-Empire. Aussi , lorsqu'à Forigine de no-
tre insurrection , les patriotes affectèrent , dans les pro-
clamations et autres actes publics, -de rendre à la Nation
son ancien nom d'Hellènes, les Turcs, qui entendaient
cette dénomination pour la première fois, ne compre-
naient pas d'abord de quel peuple il s'agissait. « Mais
qu'est-ce donc que ces Hellènes, demandaient ces Barba-
res; et quelle contrée habitent-ils? Il faut qu'ils viennent
de bien loin, puisque jamais nous n'avons entendu pro-
noncer leur nom. »
Note 2, page i3.
Essai historique sur l'école d'Alexandrie, et coup d'œil
comparatif sur la littérature grecque, depuis le temps
d'Alcxandre-Ie*Grand jusqu^à celui d'Alexandre-Sévère;
par Jacques Matter. Paris 1820, a vol. in-8.
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17 2 NOTES.
Note 3, page 2.2.
A répoque de la renaissance des lettres en Europe , on
sentit rimportance des ouvrages classiques dé la Grèce,
et Ton se résolut à étudier la langue dans laquelle ils
étaient écrits : la première chaire de littérature grecque
fut fondée à Florence , vers le milieu du quatorzième
siècle^ et confiée originairement à des Grecs natifs; par
conséquent leur propre prononciation dut élre la seule
qu'ils enseignèrent. Elle fut suivie jusqu'au commence-
ment du seizième siècle, époque à laquelle le savant
Érasme, trompé (à ce que rapporte son disciple Yossius)
par de fausses ' relations sur la véritable prononciation
grecque , se hâta de publier un dialogue sur ce sujet. Il
y exposait le système de prononciation dont on se sert
encore généralement en Europe, et qu'il réussit à faire
adopter.
On a beaucoup écrit pour et contre ce système ; la
question paraît décidée aujourd'hui : les hommes instruits
et sans préjugés de collège, ont reconnu l'ancienneté de
notre prononciation ; en effet cette méthode nous a été
transmise de père en fils , par une suite non interrompue
d'instituteurs et de maîtres d'école, par l'usage liturgi-
que des livres saints dans nos églises, qui n'ont jamais
été fermées, même au plus fort de la tyrannie des Musul-
mansi Malgré cela on conserve le système d'Érasme par
prévention, par habitude, et parce qu'il simplifie un peu
les élémens d'une étude difficile. Cette opiniâtreté avec
laquelle l'Europe, quaique à moitié convaincue, tient en-
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NOTES. 173
core à la prononciation d*ane langue qui lui est indiffé-
rente, prouve seule avec quelle force, avec quelle té-
nacité , la Grèce a dû être de tout temps attachée à cette
partie intégrante de son caractère national. Puisque lés
préjugés de jeunesse ont tant d'énergie en Europe, ils
doivent avoir eu la même action en Grèce, et avoir pré-
venu des modifications tendant à altérer une chose aussi
chère à chaque nation , que sa langue. Que de légères
nuances aient disparu par ta longueur des siècles; que
les aspirations des esprits , le son redoublé des lettres gé-
minées, et l'emploi musical des brèves et des longues,
se soient perdus peu à peu, comme étant des nuances
qu'une grande délicatesse d'organes peut seule aperce-
voir, cela n'est point extraordinaire , puisque le matériel
de la langue a été notablement altéré; mab que des sons
supposés originairement tout différens se soient confon-
dus dans un seul et même son , voila ce qu'il me semble
difficile de comprendre et impossible de prouver.
Note 4? page 22.
La caisse du patriarchat (qu'on appelle caisse com^
mune) paie chaque année au fisc impérial a5,ooo piastres
de Turquie, pour le patriarche et tout le corps des arche-
vêques qui ont leur siège dans l'empire ottoman : le fisc
donne le titre de présent à ce tribut annuel. Moyennant
cette redevance générale, le haut clergé est exempt du
droit de capitation qu'est tenu de payer à la Porte tout
raïas ou serf mâle, de quelque religion qu'il soit (non-
mahométan ). Cependant les évéques n'en sont exemptés
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1^4 NOTES.
que lorsqu'ils résident dans leurs diocèses; ils la paient
tant qu'ils séjournent à Constantînople. Dans cette caisse
commune du patriarchat on peut placer des somme»
d'argent à intérêt; le Gouvernement y fait quelquefois
des emprunts, et les^ Turcs eux-mêmes y placent leurs
fonds pour qu'ils soient en sûreté.
Une certaine classe d'affaires civiles sont du ressort
du patriarche; par exemple, les contrats de mariage et
«
les divorces^ les legs et les testamens, les petits vols et
les délits de peu d'importance. En général on recourait
à la médiation du patriarclie, pour éviter les procès sou-
mis aux tribunaux , et les sentences arbitraires des vizirs.
Le patriarche connaissait ainsi des différends des Grecs
entre eux, de ceux entre Grecs et Arméniens, et même
entre Grecs et Turcs.
Le patriarche tient dans sa maison une cour de justice
composée de son clergé séculier; la sentence prononcée
est reconnue valable , même quand le procès a Ueu entre
un Turc et un Grec.
Quand le patriarche veut bannir des chrétiens, il
adresse par son agent une pétition à la Porte, pour de-
mander le firman ou ordre d'exii. La Porte y acquiesce
immédiatement ; aucune des requêtes du patriarche ne
demeure sans effet: si le contraire arrive, c'est le signe
de sa prochaine déposition.
Le patriarche a une prison à laquelle il condamne les
chrétiens coupables , soit ecclésiastiques, soit laïques. II
a le droit d'envoyer aux galères sans même en informer
la Porte, qui jamais n'élargit de son chef le détenu que
le patriarche a condamné.
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NOTES. 175
Lorsqu'un chrétien coupable d'un léger délit, était con-
duit à ia prison publique par des officiers de police, s'il
déclarait publiquement vouloir embrasser l'islamisme , il
élait aussitôt délivré et amené devant quelque tribunal,
ou à la Porte même, pour y recevoir le turban. Mais les
chrétiens que les janissaires du patriarche conduisaient à
l'exil ou aux galères, avaient beau manifester chemin
faisant leur vœu pour l'apostasie, personne n'osait les
arracher des mains des janissaires.
Enfin le patriarche a le droit de se promener à cheval
dans Constantiuople, précédé de deux janissaires et en-
touré de douze curés , du porte-bâton et des diacres.
Note 5 , page 89.
Les ouvrages de Samuel n'ont pas été imprimés. Nous
avions, mon frère et moi, dans notre maison paternelle,
à Constantinople , le portrait de Samuel , notre grand-
oncle. Jérémie, patriarche de Constantinople^ l'aperçut
un jour, et nous le demanda, parce qu'ayant été l'archi-
diacre et le protégé de Samuel, il désirait placer son
portrait dans le palais patriarcal. Mon frère le lui re«
fusa, comme un héritage inaliénable. Peu après, j'allai
chez le patriarche, pour le féliciter sur son jour de fête.
Sa chambre était remplie de monde. Le patriarche alors
me fit la même demande, en l'appuyant sur son attache-
ment et sa reconnaissance pour Samuel, n Monseigneur,
luirépondis-je, votre Sainteté doit non-seulement conser-
ver un grand attachement pour Samuel, mais aussi s'ac-
quitter envers lui de tout ce qu'exige une reconnaissance
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Ij6 NOTES.
réelle. Qu'elle fasse donc une chose digne du beau senti-
ment dont elle est }>énétrée : elle nous demande le portrait
de Samuel; mais un portrait^ une statue, sont aussi pré-
caires qtt*insignifians ; de tels monumens ne sont pas di-
gnes de Samuel. Au contraire, ses ouvrages seraient les
garans étemels de ses talens, de ses vertus et de ses tra-
vaux pour rÉglise et pour la Nation; c'est à votre Sainteté
de préserver ces ouvrages de Toubli. Au lieu du portrait,
nous offrons ses Oeuvres manuscrites et les Mémoires sur
sa vie, écrits de sa main. » Jérémie accepta ma proposi-
tion , et nous lui donnâmes une copie de notre manuscrit.
Mais ce patriarche ayant été déposé deux mois après,
l'entreprise fut abandonnée.
Note 6, page 44»
Ce fut Théotoky qui suggéra à Grégoire Ghika , se-
crétaire-interprète de la Porte ottomane, l'idée de visiter
les débris de la bibliothèque des derniers empereurs grecs,
conservée dans l'intérieur du sérail. Cet interprète ayant
de» relations d'amitié avec l'eunuque gardien des trésors
de l'empire ottoman, obtint la permbsion d'entrer dans
l'appartement de la bibliothèque; et, faute d'autres manu-
scrits précieux , il emporta la série des commentateurs de
l'Ancien Testament; après en avoir pris une copie, il
restitua le manuscrit.
Malgré le témoignage de Ghika , Ton croyait toujours
qu'il existait , dans la bibliothèque du sérail , des ouvra-
ges perdus des classiques grecs et latins. Mais le général
Sébastiani confirma la déposition du prince Ghika, sur
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NOTES. 177
r«tat de la bibliothèque. Ambassadeur de France à Cons-
tantinople, aimé du sultan Sélim , et jouissant d'une in-
flaence extraordinaire sur le ministère ottoman , cet insi-
nuant diplomate demanda , comme une faveur des plus
insignes, la permission de visiter la bibliothèque du sé-
rail. Non-seulement Sélim lui accorda sa demande , mais
il ordonna au gardien du trésor impérial de faire montrer
à Tambassadenr toute la bibliothèque » de lui laisser le
temps de Fexaminer , et de lui offrir, comme un présent
de la part de Sélim , les livres qu'il y aurait choisis. Sébas-
tiani examina scrupuleusement tous les livres que conte-
nait la bibliothèque impériale; mais il n*y trouva que des
parchemins sur des matières ecclésiastiques , et il choisit
un magnifique manuscrit du Nouveau Testament.
Note 7, page 48»
Cette Physique parut en même temps que la belle tra-
duction de la Pluralité des Mondes, de Fontenelle, tra-
duction que la littérature grecque moderne doit au talent
de Panajotaky Kodrikas d'Athènes, premier secrétaire de
Michel Soutzo , hospodar de Valachie.
Note 8, page 5o.
Un de ceux qui partirent de Vienne, et préférèrent
le séjour de Leîpsick, fut le négociant Théochary. Il de-
vînt un point d'appui pour les jeunes étudians grecs ,
lorsque Vienne, qui, sous le règne tolérant de Joseph II,
servait aux Grecs^ de rendez-vous facile, cessa d'être
12
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Ij8 NOTES.
fréquentée par eux , tant à cause de la mort de Rîga , que
de Toccupation de Trieste par les Français. Cependant ,
quand la guerre fut déclarée en 1806 entre la Porte et la
Russie, une nouvelle route de commerce s'ouvrit par Bel-
grade et Semliu. Par cette route on importait dans les
états d'Autriche une quantité immense de coton. Ce com-
merce devint si lucratif 1 que plusieurs maisons grecques
y firent des bénéfices considérables; de manière que les
négocians grecs affluèrent derechef à Vienne y et attirèrent
ceux de leurs compatriotes qui désiraient étudier les
' sciences et la médecine.
Note 9, page 61 •
Néophyte Doukas et son ami Comita , jadis professeur
de philosophie au lycée de Bucharest , habitent actuelle-
ment à Cronstadt en Transylvanie. On assure que Doukas
s'occupe à traduire Homère en vers grecs modernes. Co-
mita est auteur d'un ouvrage intitulé Encyclopédie faellé*
nique; c'est une collection systématique de morceaux
choisis dans les classiques grecs; elle forme ja vol. in-8r<'
Il doit bientôt en donner une seconde édition.
Note 10, page 67.
C'est Benjamin qui inventa, ou tout au moins dé-
veloppa le premier, l'hypothèse d'une substance étbérée
qui pénètre tous les corps, remplit tons les vides ^ se
meut perpétnellemeiut en tous sens et dans toutes les di-
rections; qui est la cause unique des principaux phéoo-
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KOTES. lyq
mènes de la nature, comme de la lumière ^ du feu, de
l'électricité y du magnétisme , du galvanisme , des sensa-
tions, de la végétation, et de la rotation des corps du sys-^
terne planétaire. Cette substance éthérée est appelée par
Benjamin d'un nom qu'il a créé lui-même, ?rfltt'Tflt;^ftxiVif>
TOVf ou se mourant partout.
Note ii, page 69.
On peut consulter sur Tétat du collège de Cydonie, une
intéressante notice, publiée en grec par le docteur George
Typaldos, qui lui-même y a fait ses premières études.
Note la, page 70.
Le mot grec hétérie signifie société. Riga en fut le pre*
mier fondateur. C'était une association secrète , dont la
base était la religion, et dont le but était Taffrancbisse-
ment de la Grèce. Un des articles principaux de l'Hétérie
était son isolation de toutes les autres sociétés secrètes de
l'Europe. Les adeptes étaient indispensablement obligés
de jurer qu'ils n'avalent pas la moindre relation avec au-
cune société étrangère. L'Hétérie, fondée par Riga, reçut
dans la suite plusieurs modifications. Elle avait ses grades,
auxquels les hommes de mérite pouvaient seuls parvenir;
les hommes du peuple n'étaient initiés qu'au premier de-
gré ; on leur recommandait l'amour de la religion et de
la patrie> la haine implacable contre les Turcs, et k dé-
sir de s'affranchir de leur joug. La majeure partie des
hommes éclairés de la Nation étaient membres de l'Hété-
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'l8o NOTES.
rie. Elle fut agrandie , et plus régulièrement combinée en
1814 y quand les souverains alliés eurent abattu le colosse
de la puissance française. Depuis cette époque , THétérie
allait toujours croissant, par l'encouragement tacite que
lui donnaient la Société de la Bible » l'abolition de la traite
des nègres, et les principes philanthropiques propagés
dans toute l'étendue de l'Europe , prêches par tous les
sages f et même par les cabinets.
Note i3, page 79.
Aux familles constantinopolitaines , il faut joindre
quelques familles marquantes de Trébisonde , qui se réfu-
mèrent à Constantinople après la destruction de l'empire
de Trébisonde. Parmi elles, étaient les familles des Ypsi-
lanty et celle des Monrouzy. La première de ces deux
familles est assez connue ; la seconde a donné à la Grèce
d'excellens citoyens , entre autres Alexandre Stourdza ,
dont le moindre mérite est un talent distingué dans l'art
d'écrire.
Note i4, page 80.
Le clergé laïque ou séculier, ce cortège du trône pa-
triarcal de Constantinople , fut formé dès l'époque où les
successeurs de Constantin-le-Grand , empruntant des
Orientaux une foule d'étiquettes somptueuses, multipliè-
rent les titres et les charges dont ils remplirent leurs pa-
lais. A l'exemple de la cour impériale, le haut clergé s'en-
toura peu à peu d'un nombre considérable de dignitaires.
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NOTES. l8l
auxquels il donna des titres analogues à ceux des fonc"
tionnaîres civils. Ces officiers ecclésiastiques recevaient
une espèce de consécration par une légère tonsure et par
rimposition des mains. Ils se divisaient en deux classes,
sous le nom de première et de seconde pentas. La pre-
mière était composée du Grand-Logothète ou archichan-
celier du trône patriarcal, du Scévophyîax ou garde-
meubles^ du Chartophyhix on archiviste, du Grand- Ec-
clésiarque et du Grand- Orateur, Dans la seconde étaient
rangés le Grand- Économe, le Protonotaire, le Référen-
daire, le Primicier, V Jrchichantre et le premier Secré-
taire, Cette classe comprenait encore une foule d'officiers
subalternes qui portaient aussi le nom de clercs. Depuis
la chute de Tempire, les revenus du clergé laïque consis-
taient en une pension modique, assignée sur la caisse
commune de l'église patriarcale ^ et en rétributions dé-
terminées que quelques iles, quelques villes^ et quelques
Gouvens, annexés au siège patriarcal, payaient annuelle-
ment au clergé séculier, sous le titre de droit d'exarchat
ou de préfecture. Les membres du clergé laïque géraient
les affaires civiles et ecclésiastiques des chrétiens de la ca-
pitale. Ils s'occupaient des monastères, de la disposition
.des biens ecclésiastiques, des donations faites au clergé.
Ils composaient le conseil du patriarche, quand il jugeait
les procès civils et religieux. Chacun de ces dignitaires
avait pour apanage quelques îles de l'Archipel, ou quel-
ques monastères^ dont il était pour ainsi ^.ire l'agent au-
près du trône patriarcal. Les provinces et les iles grecques
sous la domination des Francs n'en étaient pas exclues.
Ainsi les fonctions du clergé laïque étaient bornées aux
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l82 NOTES»
affoires civiles qui appartenaient à la juridiction du trône
patriarcal de Constantinople.
Note i5, page g3.
Lliospodar de Valacbie, Charles Caliimachy, avait été
chargé par le gouvernement turc , six mois avant l'insur-
rection grecque, de traiter » en qualité de négociateur
plénipotentiaire , avec le baron de Strogonoff , ambassa-
deur de Russie, des différends qui existaient à cette épo-
que entre la Porte et le cabinet de Saint-Pétersbourg.
Note i6, page ioa.
De ces deux journaux, l'un, le Télégraphe ^ était po-
litique et littéraire; l'autre purement littéraire et scien-
tifique. Les rédacteurs demeuraient à Vienne : c'étaient
d'excellens patriotes et de profonds littérateurs. Le style
de ces journaux était clair, élégant et correct. On y trou-
vait les événemens politiques , des analyses de différens
ouvrages grecs , des mémoires sur la littérature grecque
ancienne et moderne, les annonces des découvertes scien-
tifiques faites en Europe, des poésies fugitives, et des
dissertations polémit^ues sur le meilleur système à adop-
ter pour donner des règles fixes à la langue grecque mo-
derne, etc.
Note 17, page io6.
Par exemple File de Chypre ne contenait, peu avant
rinsurreclion, que quatre-vingt mille âmes; tandis qu'à
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NOTES. l83
répoque de sa conquête par les Turcs, elle était peuplée
d'un million d'habitans. D'après les archives dans les-
quelles était enregistrée la capltation annuelle de cette
lie, le nombre de ses contribuables montait, immédiate-
ment après son asservissement, à plus de cent vingt mille
hommes» entre vingt et quarante ans. La population des
autres provinces avait diminué dans la même proportion.
Note i8, page 107.
Chaque orta^ ou régiment de janissaires, pouvait im>
punément attacher son emblème sur ces bàliiAens grecs,
et s'approprier ainsi la moitié des bénéfices. Les Turcs ,
qui n'ont pas l'usage du duel, se battaient pour ces bâti-
mens, objets de leur avidité. Un janissaire incrustait
l'emblème de son or ta sur la proue d'un navire grec , et,
par cette seule opération , il en devenait un formidable
actionnaire. Un autre janissaire , d'un régiment différent,
survenait, et supplantait l'emblème. Alors on se défiait, et
les deux champions allaient vider leur querelle dans un
lieu appelé handak ou fossé , à quelque distance des murs
de Galata, vis-à*vis de Gonstantinople; en sorte que le
bénéfice des navigateurs grecs devenait la proie du plus,
fort, et le partage du lion de la fable. .
Note 19, page io8.
L'une de ces compagnies portait le nom de marchands
lie farine , l'autre celui de marchands de beurre* La pre-
mière faisait le commerce des céréales , des grains et des
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l84 NOTES.
légumes secs ; elle avait un intendant qui résidait à Cons^
tantinople , où il passait pour un des premiers fonction-
naires publics. La seconde compagnie exerçait le com-
merce du beurre y du fromage , du suif , des viandes salées ,
etc. Ces compagnies avaient leurs vaisseaux, dont Téqui-
page était composé de matelots musulmans, la plupart
tirés du littoral asiatique de la mer Noire; c'était presque
la seule marine marchande du Gouvernement. Les com-
pagnies avaient leurs correspondans turcs, établis dans
les places fortes le long du Danube. Ceux-ci entraient,
pendant l'hiver, dans les deux provinces, en parcou-
raient tous les districts, et distribuaient des arrhes aux
paysans. Dès les premiers jours du printemps, les vais-
seaux des deux compagnies arrivaient à Galalz et à
Ibraîl, échelles de Moldavie et de Yalachie sur le Danube,
et se chargeaient pendant six mois de toutes les produc-
tions que les compagnies exploitaient. Ces accapareurs
exerçaient sur les paysans des vexations inouïes, sans que
les hospodars eussent la force de s'y opposer; car ces
compagnies, presque toutes composées de janissaires,
avaient un crédit immense auprès du Gouvernement.
Le Cassab-Bachy ou chef des bouchers de Cons tanti-
nople, disposait du nombre de moutons nécessaires à la
capitale, d'après un mémoire qu'il présentait chaque an-
née au Gouvernement. Le nombre de ceux que devaient
annuellement fournir la Yalachie et la Moldavie , exèé-
dait trois cent mille. L'amirauté ottomane tirait aussi de
ces provinces tous les mâts et les futailles de la marine
militaire, tous les bois de charpente pour les affûts et les
caissons de rartilleric. Le sel fossile de Yalachie, article
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NOTES. ' l85
essentiel du commerce.de cette principauté, se vendait ex-
clusivement aux négocians turcs. Tel était l'état du com-
merce dans ces riches provinces; et malheur à l'hospodar
qui aurait permis ou négligé la plus légère contrebande :
il la payait de ses biens et de sa tète. Les ordres du Sultan,
à cet égard, étaient si précis, qu'en 1814, lorsque laHon-
gi*ie souffrait d'une famine extrême, l'Autriche ne put ob-
tenir la sortie des grains que par le moyen de l'hospodar
Caradza, qui jouissait alors d'un crédit immense auprès
du sultan actuel. — Je ne sais par quelle fatalité la Russie,
dans ses traités avec la Porte ottomane, n'a jamais stipulé
la liberté de commerce pour la Valachie et la Moldavie, ce
qui serait le plus grand bienfait qu'on pût leur accorder.
Je fus chargé en 1820, par l'hospodar de Moldavie, Mi-
chel Soutzo , de rédiger un mémoire sur l'appauvrisse-
ment des deux provinces , causé par le monopole qu'exer-
çait le gouvernement turCé L'hospodar expédia confiden-
tiellement ce mémoire au baron de Strogonoff , alors en-
-Toyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près la
Porte ottomane. Le baron , aussi humain qu'éclairé , était
sur le point d'entamer cette négociation , quand tout à coup
l'insurrection éclata, et rompit toute communication di-
plomatique entre les deux puissances.
Note 20, page 118.
Le médecin Ylastos travaillait depuis bien des années
à la composition d'un dictionnaire grec; Charles Ghika
s'occupait aussi de traduire le grand dictionnaire d'Henri
Etienne, et d'ajouter un grand nombre de mots quiman-
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l86 NOTES.
quent à ce chef-d'œuvre de Téradition du seizième siècle»
MouroQzy ayant acquis les travaux de ces deux philo^
logues , Ghika et Ylastos , forma une société d*hommes
instruits, leur procura tons les dictionnaires grecs déjà
publiés , et fournit à tous les frais de ce grand travail.
Dans 6e dictionnaire on expliquait en grec moderne tous
les mots de la langue littérale; on citait des exemples
tirés des auteurs classiques ; on marquait Tâge de chaque
mot y et Ton faisait un continuel parallèle des variations
de sens que chaque terme avait éprouvées dans les diffé-
rentes périodes de la littérature grecque. L'impression de
ce dictionnaire (intitulé KijSâiToçy Arche de la langue grec-
que) fut commencée en 1817 dans l'imprimerie patriar-
cale de Constantinople; il n'en parut que le premier vo-
lume, allant jusqu'à la lettre A% grand in-folio et en beau
caractère. Outre le dictionnaire de Gazis, les Grecs
possèdent aujourd'hui un dictionnaire de la langue an-
cienne^ composé d'après les travaux philologiques des
Allemands : c'est celui de Constantin Blichel Coumas.
Vienne i8a5.
Note 21, page 124.
Malgré ces progrès, malgré les rapports intimes qui
existent entre le grec ancien et le grec moderne, j'estimtî
fausse l'opinion de ceux qui prétendent ramener en
Grèce l'usage de la langue ancienne, en abandonnant tout
à fait le grec moderne, comme incapable de perfectionne-
ment; par là ils attaquaient également les deux langues :
ils profanaient l'une, et frappaient l'autre d'une complète
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NOTES. 187
nullité. C'est ane grande erreur que de croire possible
la réintégration d'une langue morte quelconque. Puis-
que le langage est l'expression de tout l'homme, il fau-
drait nous rendre toutes les mœurs, tous les préjugés,
tous les usages du peuple qui l'a parlée; nous remettre
clans la même situation politique, intellectuelle et morale;
faire retourner les connaissances à la place où elles se
trouvaient; modifier notre manière de penser; changer la
religion, la législation, le gouvernement , tout enfin, et
cela pour n'avoir que de plats imitateurs d'inimitables
modèles.
Note 22, page i34.
On ne saurait trop regretter le collège de Missolonghi,
l'école d'enseignement mutuel^ le journal qui paraissiait
dans cette ville sous le titre de Chroniques grecques, et
l'imprimerie , d'où sortirent quelques ouvrages, entre
antres la Constitution du gouvernement provisoire de la
Grèce, l'Essai sur l'organisation des différentes provinces,
les traductions faites par Polyzoïdès de la Constitution
d'Angleterre et de celle des États-Unis. Le collège d'A-
thènes commençait à fleurir malgré les ravages de la
guerre. Une imprimerie et un journal y étaient aussi éta-
blis. Une société dite des Amis des Muses y avait été fon-
dée à Athènes pour l'investigation des antiquités, et re-
nouvelée par le comte Capodistrias à Vienne , lors du
congrès, pour venir au secours des jeunes Grecs qui cher-
chaient l'instruction dans les académies d'Europe. Même
depuis l'invasion d'Ibrahim, il y a encore dans le Pélo-
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l88 NOTES.
ponèse quelques écoles d'enseignement mutuel; une im-
primerie et un journal politique à Napoli de Romanie,
ainsi que dans Tlle d*Hydra.
FIN DES irOTES.
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lAKQBÂKH PIZOY TOY NEPOYAOY
ElX MAYTO'N.
Iloy £ev CX6CV0Ç xaepoç, orav x eyco eyoatfxcov,
Ait' ai{paç PoyjôoiîjJievoç Ttov gufxsvaiv àvefxcov,
Ax'jfxaVTOv ^j/iriea rb ireAayoç toî> ^^ou,
Ko! e?ç Toi>ç xoA'nrouç IjiSxcva Ae/x/voç yaXyjv^ou !
Ajjiyyv wov o oTxoç fAOu * \ éx€?vov xa9 Y^pav,
2u|X'ïra/Ça)V (xe rà T€xva fxou, 'ïTEpcTratÇa tyîv orcpa^av
SufXTTdcpc^pov 'ç T^ rpdcTreÇav XajjiSxvcov rîiv uye&v,
Tr/v ocTraArjv rcov erpccpa x ' à9(oav yjAexcav.
; ^ . . . .
AXA w ^«Tp^ç ! 5 ïi^opa TTOCjjKpilTocTov xal â'erov !
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Ù yXoxordrin fxou "KOLZff^ ! rà Teicvot orou x(xQvin
Ottc^tocv cri> irpooxotAeo-eç, <n> fx' &pocÇeç x' epAa.
T^c t/xvov (jo'J c?A«xpev£ç, fA ' lAAvTVtxV xap5tav,
Ilpiç ryiv <pcov/v <too cfjifAAe va fxev' e«ç Ay]9apy/av;
Aj^Stv y^v tV £?>av5pov rîîç ovco rcpjuuxv^eç,
T)îV yr/v Ttjv (pûrr^ tcov re^vaiv xa? rrtç y«A(WO<p&ç*
AcfiAda r)îv xoAA^r/xvov yewa^av ÈASerfav,
ÉAAyf^cov g'iepy/rpjav p^ ixjsyaXo^jyfanf.
ÉôopîfJtaTa X r^ATzrflOL t^<v oroxppova FeveSov,
Koj, eujjyjôeiç virep airîîç, ràç AA^ïtscç iirep^STV. . •
Kar^nv ç rà iW'iica êroAtxoc 'îtzèCa^
^i\o\u^iè^y tfi\6^t'^ \k èSéyO ' rj Typpyjv^ot.
Tàç Srheiq ràç iro(yîT(xàç, toc «Aotî ttqç, touç xtîWo'jç,
O-TTOU 'efxSxAej ô x^'f*^ f*^ ore&eç xa( /Îpoc5uiroiiç,
Ta î3a' TrArjV, àAAo^ovov! Traixjc'Auiira irpàç aAAouç,
'2 CfxAa }6iv(xç y/wTjo-otv xàt arcvoryjiobç fxeyoAouç.
Evi'ore TrAavcS/xEVoç ç rrîv TrapaQoAaorgtav,
Mhf «X^*" «AAoV <Jt5vTpO<pOV TTOpà TYîV adujji^v ^
OTTorav TrAora iSAc^îra r^iv S'dtAa^yaav va <7x^ouv,
Maxdtptoc, IcpoSvaÇa, ôWdOj àpfX€v/Çouv!
IIoTE, TTTyjva 3'otAdcar(7(a, va y /père x £|i/va
M^ rà Acuxaç <yaç frr/pDvaç \ tt^ Y ^paç rov AcpiAa •'
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ripo yjfjispaiv ir^-^ôo; vscpcov, octto àr/xaiv TrAyîôcopaç
E^oyxcofxeva, fÇpej^ay (jj^eâov éÇ^vra wpaç. • • •
Merà TrîV ^aîîo-tv t^ç (Spo^f/Ç, èyoo x ' svaç (xou cpt'Aoç,
Apya Trepf^aro'ijafjiev ç ro3 iroTafxoiî to xet^oç.
Exe? TrocpeTT^prîrajiev, fAgrà cppi>ydtvcov ccAAcov,
K €va irapaerjpofjtsvov xopfx^v 5pubç fxeydcAov.
Hrpacpelç rore ç ràv cpc^ov (xo'J* eSe, t^v €rrra, 'xfieW
Tîiv 5puv, 'TTcoç TTopacpgpsToec ç tyjv iroTafxiotv SiVfjy.
Hrov X JTJTrJ'înjxvoipuAAoç, fxe xAcavaç TroAAoïiç Trpcoyjv,
Mg T^ (TX(av Tyjç ^pcfercÇs ttïv iiroxaTCo xArfyjv,
2 TO^yç xAdt^ouç ttîç Aty^cpQoyya Trryîvà IxeAaâoÎKJav,
AAAoc tÎîv £^6ppt'Ço><T6 TYîç xaraf^^oç |36c,
'2 Tov Apvov T^iV lxprffxv((Te, xal <ji5pcT' -îî àQAta.
Ms TOÎ>Tov, (pAe, rbv xopfxbv x £yoi> ^opofxofoSôyjv,
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TABLE
DES MATIÈRES.
Pbkface de l'éditeur Page v
Avertissement i
Introductioiv à l'histoiive de la langue
GRECQUE 3
Origine et FRooRi^ de la littérature
GRECQUE moderne IQ
Prise d^Constantinople, et dispecsion des saT9QS«
— Origine de la langue grecque moderne. — In-
fluence des patriarches. •— Écoles grecques. —
Division de l'ouvrage Id,
Première période , 27
Panajotaky^ interprète de la Porte. — Alexandre
Maurocordato. — Nicolas Maurocordato , hos-
podar de Yalachie 2d,
i3
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Î94 T^BLE DES MATIÈRES.
Seconde période P^g^ 35
Samuel , patriarche de Constantînople. -* Eugène
Bnigarîs. — Nicëphore Théotoky. — Riga. —
Écoles grecques. — Lambros Photiadès. — Néo-
phyte Dottkas. — Chrestary de Jannina. — Da-
niel PhilippLde. — Benjamin de Lesbos. — Psa-
lidas de Jannina. — Vardalacbos de Scio. —
Dorothée Proïus. — Etienne Dounkas. — Fana-
riotes JW.
Troisième période * 97
Situation politique de la Grèce. — Commerce grec.
— Coray. — Système de Doukas. — Système de
' Christoponlo. — Système de Coray. — - Écoles
grecques. «— Iles ioniennes. -— Conclusion .... Id.
Appendice. — Revue critique des principaux
ouvrages de la littérature grecque mo-
derne i37
Notes 169
Fragment d'une élégie de M. Rîzo 189
FIN DB LA TABLE DES MATIÈRES.
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TABLE ALPHABÉTIQUE
DBS
ÉCRIVAINS GRECS MODERNES.
A.
AleTLandrldes, pages lay, 146, 147.
Argyropouïo, 3i, 124, i475 i48.
Asopius, 119, 124.
Athanase, 127, iSg.
B.
Basile, 24, i38.
Bendoti, 147.
Benjamin, 69,67, 178-
Bessarion, 19. « .
Blandis, 126, 147.
Brancovan, 32, 63. \
Bulgaris (Eugène), 3 1 , 36, 4o, i39, i4i, i45.
c,
Cacavellas, 3o, i4o.
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igS TABLE ALPHABÉTIQUE
Calbo, i3i, i6a.
Callimachy, 75, 89, 91 , 148, 182.
Calliiiiqae, a3.
Cancellarius, i46.
Cantemir, 2^.
Capodistrias (le comte), i3o, i32, 187.
Caradza (Jean), 70, 89, 90, i43i i85.
— (Nicolas), 39.
— (Scarlatto), 3i.
Caryophylle, 24.
Cassimi, 3i.
Catardzy, 121.
Caléphore, 3o.
Cavras, 66, 147.
Célépy, 125.
Chantzéry, 3 1,94.
Chrestary , 61 , 62 , 124.
Christopoulo , 76, 121 , 159.
Chrysoloras, 19.
Chrysovéloni , i45. ' •
Cléobule, 128.
Clonaris, 119I
(V^kkkiaky, Ï19, 127, 147.
Comita, 178.
Constandas , 69 , 65 , 76.
Coray, 69, ii4, i23.
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DES SCHIVAINS. IQQ
Cornélius, i38.
Corydalëe, 23, i38, l4o.
Coumas,75, 119, 147^ 186.
Critias, 3o.
Cyprien, i44-
D. '
Damodus, 1 38, 139.
Daponti, i55.
Darvarîs, i45.
David (Jules), laS.
Delvîniotti, i3a.
Dîonysiaky, i44'
Dorothée, 3i, i4o.
I Dosithée , 23 , 29.
! Doukas,6o, 120, i45, 178.
! Dracouly, 127.
i Dunkas, 59, 75.
E.
Emmanuel, 61, i47*
Eugène, 3i , 36, 40? ?39, i4i ? i45.
Euthymius, loi.
P.
Foscolo, i3i.
G.
Gangadi, i32.
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20O TABLE ALPHABETIQUE
Gaza, 19.
Gazis, 118, 124, 1279 145.
Gennadius Scholarius, 22, 7g.
George, 19.
Gérasime , 24 •
Ghika (Charles), 118, i85.
— (Grëgoîre), 176.
Gobdella, 127, 147.
Golesko, 63.
Grégoire, 91.
H.
Homérus, 126.
Hurmuzy, 3o.
I, J.
latropoulo, 119, 124.
Ignace, 73,. i45.
Jacob, 3o.
R.
Kampignan , 63.
Kodrikas, i46, 177.
L.
Lambros (PhoUadès), Sg, 61, 63, 73.
Lascaris, 20.
Libërius, 119.
Logadcs, 118. •' • •
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DES icRIVAINS. 201
Lucar, 23.
M.
Macarius, i38.
Manassé, i52.
Mano (Alexandre), 47-
— (Michel), 3 1,93.
Maurocordato (Alexandre), 29, 3o, 39, Sa, 70,
80, 142, i55.
— (Constantin), 33.
— (George), 94-
_ (Nicolas), 3i, 32, 33,80.
Mauspinioti, 127.
Mavro)ény, 91.
Mavroniati, i32.
Mavroudi, 157.
Méitany, 127.
Mélétius, 3o, 120, i38, 142.
Mésiodax, i45.
Métrophane , 24.
Miniati, 3o, i38.
Mourouzy (Alexandre) ,59,75.
— (Constantin) ,39,91.
— (Démétraky) , 57 , 70 , 74 , io3 , 1 18 ,
147.
Mustoxidi, i3i.
N.
Nëgry,94.
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302 TABLE ÂLFRABéxiQUE
Néophyte, Sg.
Nestor, 63.
Nicodème, i4i-
Nicolopoulo, 119.
Notara, 23, i38.
o.
Œconomos, 69, 119, 124, i4o.
p.
Païsius, ii8.
Paliouris, i44-
Pally, 126^ 127.
Fanagiodore, 3o.
Panajotaky , 27 , 62 , 80.
Papadopoulo, i44-
Patrino, 126.
Perrévos, i44-
Philarète, 24.
Philippesko, 63.
Phîlippide, 69,64, 121, i44-
Photiadès (Lambros) , Sg,
Photilâs, 119.
Piccolo, 119, 124, 125, 127, i56.
Platon, 75, 118.
Polychroniadès, 119, 124.
Polyzoïdès, 187.
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Pop , 145,
Proïus, 59, 74.
Psalidas, 69, 71 , i45.
Psomaky, 1x8.
Ptochoprodrome , i5a.
R.
Riga, 45, 157, 179.
Rizo, 3i, 37, 147.
Rodocanaky, 127.
S.
Sakellarius, i46.
Salomos, i3i, i63.
Samuel, 3i, 36,43,88, i38, 175.
Schinas (Démétrîus) , 119, 137.
— (Hélène), 148.
Scouphos, 139.
Sébastos, 24.
Servius, 167. *
Soutzo (Catherine), 148.
— (Michel), 90, 112, 127, i85.
Spaniolaky^ 127.
Stourdza, 181.
Sugduri, 3o.
Théochary, 177.
Théoclète, 127.
T.
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204 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ECRIVAINS.
Thëotoky, 3i , 4^5 i4i > i45-
Thomas, Bg.
Tricoupy, 124.
Tyanite, 3i, i54.
Typaldos, 119, i3i, 179-
■V.
Vakaresko (Jannaquitza) , 34-
— (Nicolas), 63.
Valetas, 118, 147.
Vamvas, 118, 119, 124, i^S.
Vardalachos , 59 , 73 , i aS.
Varvaky, 87, laS.
Vatazzy, i4a.
Vlastos, 118, i85.
Vogoride, 119, 127.
Y.
Ypsilanty (Alexandre), 34, 39.
— (Athanàsaky), 3i , i43.
z.
Zambëlios, i3i, i56.
Zavira, i46.
Zosimas, 11 3, 116.
Zygomalas, 23.
FIN.
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