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Full text of "De la recherche de la verité, où l'on traite de la nature, de l'esprit de l'homme, et de l'usage qu'il en doit faire pour éviter l'erreur dans les sciences"

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C,„„sk- 


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C,„„sk- 


LA  RECHERCHE 

DE 

LA  VERITE', 

ta   N;    MALEBRANCIÏÉ,    Ma, 
de   l'Oratoire  de  Je  s  usv 

TOME-    ;  ISOISIE'ME. 


À      PARI  S, 

Oo   MICHEL    DAVTD,    Quay   dé» 
Auguftins,  à  la  Providence; 

M.DCCXIH 

VfEcr  tt.triLB.as.  vv  rot. 


*  '    ï&titd  dû  tfûifiéme  Yùlmtèr 

t-S  Age  îj.  ligne  <r.  la  quatrième 

J;   p.  4«:    1.  3   remm. 

fi'79- 1-  8.car  ces'. 

p,  88.  1.  if.  &  '«//*  qui  n*f  nt-ift" 

p.  »q.  1.  17.  par  «j. 

p.  14S.  1.  9:' ne  nius  fomm«. 

p\  170.  1.  T.  ce  2«'tfcft. 

p,  178. 1. 1 1.  m  em-mêines. 

p.iîo.  L13.    leprcrrfict  &  le  ptuf-   Ett* 
marge  ,  p-»r  finie. 

prtoo.  L-i.  ffi*ônwM*rr»^; 

p,  140  1. 17.  l**iw  de.' 

p.  144.  1.  f.  un  triangle  TeUttnxU',  <«W  t*' 
b*Zl  efi-  dennr'e  ,  OU. 

p.  31*.  1, 10.  i'mttacbtnt. 

f.  314.I.  4.  de  la ,  ôt'ez ,  A. 

pi  335. 1.  il-  de  /*  mouvoir. 

p^  J4J.1.  ti,  en/fc 

p.  îïi.l.  4.  mouvement  cV. 

pv3ï 8. 1.  i*;en  repos  *»  #»  momimm',  1- 
caufe.  - 

7"  a 

>43i.I.J4.  JW-— . 
4   , 

P*  43?-  I-  ï  J.  Jcm  calculs.  ■• 

pi44'   1. 1.  ces  i^xx  prnfwtwoj.Xtg.il.  tl' 

faut  hauffir  Icfigoe ris  a  vh  de  »v,  ■ 

&  de  même  à  la  Tig:  1*1  devant  »« 

fi  +44-   l-:  "•  mettez-  le  £gae—  ayaaf - 

■-v.Etlig.if .mettetôa  r-*i  m  «"   .      ■ 

1»-+    »*■' 
fet  dans  l'exemple'  qiri  fuit ,  il  &ut  fe  ie^ 

^«■fmWK-fcwnik,  OjuÉwuopl** 


429177 

■  ■ ,  .wGooglc 


|tieli  lïgne  qninatqiie  t» fiaûton^t le* 
pjem.eres  grandeurs  « ,  r„  4  ,  ,  font  ^ 
ticres  ,  k  ne  fonrporar,  diviftw  par  w^— 
ni  par  s. 

g-44«.  1  j.  m  arrière ,  Si  W.  «.-«  avaat* 

p.  4M-  ta  fig«re  efiKnVcrOe.  * 

p*4f7.1.  i«.  venir*,- 

p.  4<"4-  '••«•  *  ettU-éi qùe\ttr- 

p.  470. 1.  ic.  qu'on  regarrle.- 

p.  47»-!.  7-lcsr^aww. 

g..4?j- 1.  ".  elle  «peut.- 

p.  *9S.  1.3.  par  «H». 

5,107";  I.i<«tençrôî»»»«»fi(*-wi.rfpW 
4*  »#  l'archétype.  - 


qi  *p    jji  ijc  çip  <p  v  V  9  W 

PREFACE, 

0»  P«i  /**/  tw/r  ce  qu'tl  faut 
penferdes  divers  jugement  qu'on 
porte  ordinairement  des  Livres 
qui  combattent  les  préjugez. 

LO  r  s  qjj"'  u  n  Livre  doit 
paroitre  au  jour s  on  ne  fçait 
qui  confulter  pour  en  appren- 
dre la  deftinée.  Les  Aitres  ne 
préfident  point  à  (a  nativité, 
leurs  influeaces  n'agiffent  point 
fur  lui  ,  &  les  Aftrologues  les 
plus  hardis  n!ofent  rien  pré- 
dire fur  les  diverfes  fortunes 
qu'il  doit  courir.  Comme  la  vé- 
rité n'eft  pas  de  ce  monde  ,  les 
corps  cefeftes  n'ont  furelle  au- 
cun pouvoir  3  &  comnieelle  eft 
d'une  nature  toute  fpirituelïe, 
les  divers  arrangemens  de  la  ma- 
tière ne  peuvent  rienconrribuer 
Tome  IlL  a 


PREFACE. 
à  Ton  établiflement  ou  à  fa  rui- 
ne. D'ailleurs  les  jugemens  des 
hommes  font:  fî  differens  à  l'é- 
gard des  mêmes  chofes,  qu'on 
ne  peut  gueres  deviner  avec 
plus  de  témérité  &  d'impru- 
dence ,  que  lorfqu'oii  prophe- 
tife  l'heureux  ou  le  malheureux 
fuccésd'un  Livre.  De  forte  que 
tout  homme  qui  fe  hazarde  à 
être  Auteur  ,  fe  hazarde  en 
même  tems  à  pafler  ,  dans  l'ef- 
prit  des  autres  hommes  ,  pour 
tout  ce  qu'il  leur  plaira.  Ma;s 
entre  les  Auteurs  ,  ceux  qui 
combattent  les  préjugez  ,  doi- 
vent  fe  tenir  attirez  de  leur  con- 
damnation: Leurs  ouvrages  font 
trop  de  peine  à  la  plupart  des 
hommes  ;  &  s'ils  échappent  aux 
paflions  de  leurs  ennemis,  ils 
ne  doivent  leurfalut  qu'à  la  Ve- 
riiSé  qui  les  protège. 

C'eft  un  défaut  commun  a 
tous  les  hommes  d'être  trop 
promis  à  juger  :  car  tous  les 


Goo8k 


PREFACE: 

hommes  font  fujets  à  l'erreur , 
&  ce  n'elt  qu'à  caufe  de  ce  dé- 
faut qu'ils  y  font  fumets.  Or  tous 
les  jugemens  précipitez  font 
toujours  conformes  aux  préju- 
gez .Ai  nfi  les  Auteurs,  qui  com- 
battent les  préjugez,  ne  peu- 
vent manquer  d'être  condam- 
nez par  tous  ceux  qui  confut- 
teuc  leurs  anciennes  opinions» 
comme  les  loïx  félon  lefquelles 
ils  doivent  toujours  prononcer. 
.Car  enfin  la  plupart  des  Lec- 
teurs font  en  même  tems  juges 
&  parties  de  ces  Auteurs.  Ils 
font  leurs  jugçs,  on  ne  peut  leur 
conteiter  cette  qualité  ;  Se  ils 
font  leurs  parties,  parce  que  ces 
Auteurs  les  inquiètent  dans  la 
pofleffion  de  leurs  préjugez,  fur 
lefquels  ils  ont  droit  de  pres- 
cription, &  avec  lefquels  ils  fe 
font  fimiliarifez  depuis  plu- 
fieurs  années. 

j'avoue  qu'il  y  a  bien  de  l'é- 
quité, de  là  bonne  foi,  &  du 
a  ij 


PREFACE. 
bon  fens  dans  beaucoup  de  Lec- 
teurs;&  qu'il  fe  trouve  quelque- 
fois des  Juges  alTez  raifonna- 
bles,  pour  ne  pas  fuivrelesfen- 
timens  communs  ,  comme  les 
règles  infaillibles  de  la  vérité. 
Il  y  enaplufieurs.qui rentrant 
.en  eux-mêmes  >  confaltent  la 
vérité  intérieure,  félon  laquelle 
on  doit  juger  de  toutes  chofes. 
Mais  il  y  en  a  très- peu  qui  la 
confultent  en  tomes  rencon- 
tres: &  il  n'y  en  a  point  qui  la 
confultent  avec  toute  l'atten- 
tion &  toute  la  fidélité  nécefTai- 
re,  pour  ne  prononcer  jamais 
■que  des  jugeiflens  véritables. 
Ainfi  quand  on  fuppoferoit  qu'- 
il n'y  auroit  rien  à  redire  dans 
un  ouvrage  qui  attaque  les  pré- 
jugez j  ce  que  Ton  ne  peut  fe 
promettre  fans  une  vanité  ex- 
ceflïve,  je  ne  cr-oi  pas  que  l'on 
fût  trouver  un  feul  homme  qui 
.l'approuvât  en  toutes  chofes, 
principalement  fi  cet  ouvrage 


PREFACE. 

combattoit  fes  préjugez  :  pui£~ 
qu'il  n'eft  pas  naturellemenc 
poflîble  qu'un  Juge,  inceffam- 
ment  oflfenfé,  irrite ,.  outragé 
par  une  partie,  lui  rende  une  en- 
tière juftice}  &  qu'il  veuille  bien 
fe  donner  la  peine  de  s'appli- 
quer de  toutes  fes  forces  pour 
confîderer  des  raifons,  qui  lui 
paroiffent  d'abord  comme  des 
paradoxes  extrava-gans  ou  des 
paralogifmes  ridicules. 

Mais  quoiqu'on  trouve  dans 
un  ouvrage  beaucoup  de  chofes 
quîplaifeht ,  s'il  arrive  qu'on  en 
rencontre  quelques  -  unes  qui 
choquent  ril  me  femble' qu'on 
ne  manque  guéres  d'en  dire  du 
mal  ,  &  qu'on  oublie  fouvent 
d'en  dire  du  bien*  Il  y  a  mille 
motifs  d'amour  propre  qui  nous 
portent  à  condamner  ce  qui 
nous  déplaît)  &  la  raifon  en  cet- 
te rencontre  juftifie  pleinement 
ces  motifsxar  on  s'imagine  con- 
damner l'erreur  &  défendre  la. 


GooSk 


PREFACE. 

vérité,!  or  (qu'on  défend  fes  pré- 
jugez, &  que  l'on  condamne 
ceux  qui  les  attaquent.  Ainfc 
les  Juges. les  plus  équitables  des 
livres  qui  combattent  les  préju- 

fez  ,  en  portent  ordinairement 
esjugemens  généraux,  qui  ne 
font  pas  fort  favorables  à  ceux 
qui  les  ont  compofez.  Ils  diront 
peut-être  qu'il  y  a  quelque  cho- 
ie de  bon  dans  un  tel  ouvrage» 
&  que  l'Auteur  y  combat  avec 
raifon  certains  préjugez  :  mais- 
Us  ne  manqueront  pas  de  le  con- 
damner» 5c  de  décider  en  Juge 
avec  force  Se  gravité  ,  qu'il 
pouffe  les  chofes  "  trop  loin  ett 
telles  &  telles  rencontres.  Car 
lorfque  l'Auteur  combat  des 
préjugez  dont  le  Lecteur  n'eft 
point  prévenu ,  tout  ce  que  dit 
cet  Auteur  paroît  aflezraiion- 
nable  :  mais  l'Auteur  outre  tou- 
jours les  chofes  jlorfqu'il  com- 
bat des  préjugez  dans  lefquels. 
4e  Le&eur  eft  trop  fortement 
engajév  ."- 


PREFJCf. 
Or  comme  les  préjugez  cîe 
différentes  perfonnes  ne  font 
pas  toujours  les  mefmes»  fi  l'en 
recûeilfoit  avec  foin  tous  les  di- 
vers jugemens  que  l'on  porte  fur 
les  meimes  chofcs  ,  on  verroit 
aflezfouvent,  que  félon  ces  ju- 

femensjil  n'y  auroit  rien  de  bon, 
:  en  mefme  tems  rien  de  mé- 
chant dans  ces  fortes  d'ouvra- 
ges. Il  n'y  auroit  rien  de  bon  » 
car  il  n'y  a  point  de  préjegé  que 
quelques-uns  n'approuvent:  & 
il  n'y  auroit  aura  rien  de  mé- 
chant ,  car  il  n'y  a  point  aaflî  de 
préjugé  que  quelques  -  uns  ne 
condamnent.  Ainfi  ces  j"ge- 
mens  font  fi  équitables,  que  fî 
l'on  prétendoit  s'en  fervir  pour 
réformer  fon  ouvrage  ,  il  fau- 
droit  néceflai  rement  tout  effa- 
cer, de  peur  d'y  rien  laiflerqui 
fut  condamné  i  ou  n'y  point 
toucher ,  de  peur  d'en  rien  ôter 
qui  fut  approuvé.Deforte  qu'une 
pauvre  Auteur,  qui  ne  veut  cho» 

CoOgk 


PREFACE. 
quer  perfonne,  fe  trouve  ein-  - 
baratte  par  tous  ces  jugemens 
divers ,  qu'on  prononce  de  tou- 
tes parts  contre  lui  &  en  fa  fa- 
veur: &  s'il  ne  fe  réfout  à  de- 
meurer ferme  8c  à  pafler  pour 
obftiné  dans  fes  fencimens ,  il  eft 
abfolument  néceflaire  qu'il  fe 
contredifè  à  tous  momens ,  & 
qu'il  prenne  autant  de  formes 
différentes  qu'il  y  a  de  telles 
dans  tout  un  peuple. 

Cependantle  teins  rend  jufti- 
ceàtout  le  monde,  &  la  vérité 
qui  parok  d'abord  comme  un 
fantôme  chimérique  &  ridicule,. 
fe  fait  peu-à-peu  fentir.  On  ou- 
vre les  yeux ,  on  la  confidere,  on. 
découvre  fes  charmes  &  L'on  en 
eft  touché.  Tel  qui  condamne 
un  Auteur  fur  un  fentiment  qui 
le  choque, fe  rencontre  parha- 
zard  avec  une  perfonne  qui  ap- 
prouve ce  mefme  fentiment ,  & 
qui  condamne  au  contraire 
quelques  opinion»  que  l'autre.- 


p&efj'cè: 

reçoit  comme  inconteftables-; 
Chacun  parle  félon  fa  penfée, 
&chacuirfe  contredit.  Onexa--- 
mine  de  nouveau  fes  raïfons  0C 
celles  des  autres  :  on  difpute,  on 
s'applique,  on  heure,  on  ne  juge 
plus  fi  facilement  de  ce  que  l'on1 
fl'apas  examiné  j  &  fi  Ton  vient 
à  changer  de  fentiment ,  &  à  re- 
eonnoître  queT  Auteur  eft  plus 
raifonnable  qu'on  nepenfoît ,  il 
s'excite  dans  le  cœur  une  fecret-- 
te  inclination,  qui  porte  quel- 
quefois à  en  dire  autant  de  bien 
que  l'on  en  a  dit  de  mal.  Ainft 
celui  qui  fe  tient  ferme  à  la  véri- 
té* ,  quoiqu'il  choque  d'abord  & 
paffe  pour  ridicule,  ne  doit  pas 
defefpererde  voir  quelque  jour' 
la  vérité  qu'il  defend,ttiompher  ' 
dé  la  préoccupation  des  hom-- 
mes.  Gar  il  ya  cette  différence 
entre  les  bons  &  les  méchans  li- 
vres ,  entre  ceux-  qui  éclairent 
Kefprit ,  &  ceux  qui  Ôàttent  les? 
SémSc  l'imagination  j  que  ceuH*; 


Goo8k 


PREFACE. 
ci  paroiflent  d'abord  charmant 
&  agréables  ,  &  que  le  rems  les 
flétrit  -,  &  que  les  autres  au  con- 
traire ont  je  ne  fçai  quoi  d'étran- 
ge &  de  rebutant  qui  effarouche 
&  tait  peine  :  mais  on  les  goûte 
avec  le  teras ,  &  à  proportion, 
qu'on  les  lit  &  qu'on  les  médite, 
carie  tems.regle  ordinairement 
le  prix  des  chofes.  Leslivres  qui 
combattent  les  préjugez ,  me- 
nant à  la  vérité  par  des  routes 
nouvelles  y  demandent  encore 
bien  plus  de  tems  que  les  autres,. 
pour  faire  le  fruit  que  leurs  Au- 
teurs en  attendent.  Car  comme, 
l'on,  eft  fouvent  trompé  dans< 
l'efperance  que  donnent  ceux 
quicompofentees  fortes  d'ou- 
vrages; il  y  a  peu  de  perfonnes 
qui  les  lifent  *  encore  moins  qui 
les-  approuvent ,  prefque  tous 
les  condamnent, Toit  qu'ils  les. 
lifenc  ou  ne  les  lifent:  pas:,  & 
quoique  l'on-  foie  certain  que: 
ks;  chemins'  les.  oius battus. û* 


tÈÊtACÊ'. 

Cbnd'uifent  point  où  l'on  a  def- 
fein  d'aller  cependant  la  frayeur' 
que  l'on  a  des  l'encrée  d^p  ceux 
où  l'on  ne  voit  pointde  veftigesi.- 
fait  qu'on  n'oie  s'y  engager.  Oiu 
ne  levé  point  la  vue  pour  fe  con- 
duire:on  fuit  aveuglément  ceux; 
qui  précèdent  :  la  compagnie 
divertit  &  confole  :  on  ne  penfe 
point  à  ce  qu'on  fait  :  on  ne  fenc 
point  oùl'on va:on  oublie  même: 
allez  fouvent  où  l'on  a  defieini 
d'aller. 

Les  hommes  font  fâitspour 
vivre  en  focieté:  mais  pour  i'en- 
tretenir  ce  n'eft  pointaflezdé 
parler  une  même  langue  ,<il  faut 
tenirun  mêmelangage:  il  faut" 
penfer  les  uns  comme  les  autres:: 
H.  faut  vivre  d'opinion  comme; 
l'on  agit  par  imitation.  Ohpea^ 
fe  commodément,  agréablement 
&  sûrement  pour  le  bien  du- 
corps  &  l'établiffement  de  fa* 
fortune  ,  lorfqu'on  entre  dans; 
lesfcatimemdcs  autres,  Scqu'on; 


Google 


PREFACE. 
le  latfle  perfuader  par  l'aïr'oai 
l'impreffian  fenfible  de  l'imagi* 
nation  de  ceux  qui  nous  parlent; . 
Mais  on  fouffre  beaucoup  de 
peine,  &  l'on expofe  fa  fortune 
à  de  grands  dangers-i  lorsqu'on 
ne  veut  écouter  que  la  vérité  in* 
térieure,  &  qu'on  rejette  avec 
mépris  &  avecfcorreur  tous  les 
préjugez  des  fens ,  &  toutes  lés 
opinions  qui  ont  été  reç ûêVfans 
examen. 

Ainfi  tous  ces  faifëursde  Lt* 
vres  qui  attaquenc  les  préjugez 
font  bien. trompez-,  s'ils  prétérit 
dent  par- là  ie  rendre  recom- 
mandables.  Peut-être  que  s'ils 
réùfiîflenc,  un  petit  nombre  de 
fçavans  parlera  de  leur  ouvrage 
avec  des  rermes  honorables  , 
après  qu'ils  feront  eux-mêmes 
réduit  s  entendre:  maïs  pendant 
leur  vie,  qu'ils  s'attendent  dxê> 
tre-  négligez;  de  la  plupart  des; 
hommes,  &  méprifez ,  calom- 
niez, perfecutez  parles  perfon- 


PREFACE. 
hes  mêmes  qu'on  regarde  com- 
me tres-fages  &  très- modérées. 
En  effet  il  y  a  tant  de  raifons,> 
&  des  raifons  fi  fortes&  fi  con* 
vaincanr.es,  qui  nous  obligent  à 
agir,  comme  ceux  avec  qui  nous 
vivons,  qu?on  a  fouvent  droit 
de  condamner ,  comme  des  ef=- 
prits  bizarres  &  capricieux  ,> 
ceux. qui  ne  font  pas  comme  les 
autres  :  fie  parce  qu'on  ne  diftin1- 

Eue  pas  aflez  entre  agir  &  pea- 
:r  ,  on  trouve  d'ordinaire  fore 
mauvais,  qu'il  y  ait  des  gens  qui 
combattent  les  préjugez.  On 
croit  que  pour  garder  les  règles 
de  la  focieté civile,  il  ne  fuffit 
pas  de  fe  conformer  extérieure- 
ment aux  opinions  fie  aux  cou- 
tumes du  pays  où  l'on  vit.  Oir 
prétend  que  c'eft  témérité  que 
d'examiner  les  fcntJmens  com- 
muns ,  &.  que  c'eft  rompre  la. 
charité  que  de  eonfulter  lavéri* 
té  :  parce  que  ce  n'eft  pas  tant: 
la.  v-érité  qui  unit  les  focietezei*- 


Coo8k- 


PUEFJCB. 
viles  ,  que  l'opinion  &  la  coû> 
tume. 

Ariftote  eft  reçu  dans  les  Uni-* 
verinez  comme  la  règle  de  la^ 
vérité:  on  le  cite  comme  infail- 
lible :  c'eft  une  héréfie  phikuW 
phique  que  de  nier  ce  qu'il 
avance:  en  un  mot,. on  le  révère 
comme  le  génie  de  la-  nature:  fie 
avec  tout  cela  ceux  qui  fçavenc 
le  mieux  fe  Phyfique,  ne  ren- 
dent raifon  &  ne  font  peut-être: 
convaincus  de  rien  -,  6c  les  éco- 
liers qui  forcent  de  Philofopbie,.- 
n'ofent  même  dire  devant  des- 
perfonnes  d'efprit  ce  qu'ils  ont 
appris  de  leurs  maîtres.  Cela, 
fait  peut- être  aflêz  comprendre: 
à  ceux. qui  y  font  réflexion ,.  ce 
qu'on  doit  croire  de  ces  fortes- 
d'études:  car  unedoftrîne  qu'il 
faut  oublier  pour  devenir  rai* 
fonnable ,  ne  paroit  pas  fort  fo- 
lide.    Cependant   on  pafleroit 

Eour  téméraire ,  fi  l'on  voploit 
ite  coDiioitre  la  faufteté  des 


PREFACE. 

ïaifons  qui  autorifent  une  con- 
duite fi  extraordinaire:  &  l'on 
ne  manquerait  pas  de  fe  t'airedes. 
affaires  avec  ceux  qui  y  trouvent 
leur  compte,  fi  l'on  étoit  alfez 
habile  pour  détromper  le  pu- 
blic. 

N'eft-il  pas  évidentqu'il  faut 
fe  fervirdece  qu'on  fçait  pour 
apprendre  ce  qu'on  ne  fçait  pas:: 
&  que  ce  feroït  fe  mocquer 
d'un  François  »  que  de  lui  don- 
ner une  Grammaire  en  vers  Al- 
lemands peur  lui  apprendre. 
l'Allemand?  Cependant  on  met 
entre  les  mains  des  enfans,  les 
vers  Latins  de  Defpautere  pour 
leur  apprendre  le  Latin  :  des 
vers  obfcursen  toutes  manières* 
£  des  enfans  r  qui  ont  même  de 
la  difficulté  i  comprendre  les 
ehofes  les. plus  faciles.  La  rai. 
£6n,&  même  l'expérience  font 
yiûblement  contre  cette  cou  mi? 
me,  car  les  enfans  font  très* 
long-tems  à  apprendre  mal  Je 


GooSk 


préface: 

tatin  :  Néanmoins  c'eft  une  ré-- 
mente  que 'd'y  trouver  à- redire. 
Un  Chinois  qui  fçauroit  cette 
coutume  ne  pourroit  s'empê- 
eher  d'en  rire  y  Se  dans  cec  en- 
droit de  la- terre  que  nous  habi- 
tons ,  les  plus  fagcs  &c  les  plus 
fçavansne  peuvent  s'empêcher1 
de  l'approuver: 
Si  des  préjugez  fi  feux  8z  fi 

froflîers  ,  &'  des  coutumes  fi 
éraifonnables'  &  de  fi  grande 
eonfequence  ,  ont  un  nombre 
infini  de  protecteurs  :  commenc 
pourroi^on  fe  rendre  aux  raie- 
rons ,  qui  combattent  des  pré- 
juger de  pure  Spéculation?  Il 
ne  faut  que  tres-peu'd'àttention 
pour  découvrir ,  que  l'infttuc-^ 
cion  que  l'on  donne  auxenfansj' 
n*eflr  pas  des  meilleures,  &  on 
ne  le  reconnoît  pas  :  l'opinion 
&  la  coutume  l'emportent  con- 
tre la  raifbn'  Ôc  l'expérience; 
Comment  dbnc  pourrôit-on  fe 
gerfuader  que  de&Ouyrages-qui 


GooSk 


PREFACE, 
renverfenc  un  grand  nombre  de 
préjugez  r  ne  feroient  pas  con- 
damnez en  bien  des  choies  ,  par 
ceux-mêmes  qui  pafTent  pour 
les  plus  fcavans  &:  pour  les  plus 
iâges. 
11  faut  prendre  garde  que  ceux 
qui  paflent  dans  le  monde  pouf 
lés  plus  éclairez  &  les-  plus  ha- 
biles, font  ceux- qui  ont  le  plus* 
étudié  dans  les  livres  bons  & 
méchans  :.  ce  font  ceux'quiont 
la  mémoire  plus  heureufe,  & 
l'imagination- plus  vive  &  plus- 
étenduë  que  les  autres.  Or  ces 
fortes-  de  perfonnes  jugent  or- 
dinairement de  toutes  choies 
promptement  &  fans  examen. 
Ils  consultent  leur  mémoire  r 
te  ils  y  trouvent  d'abord  la  loi 
ou  le  préjugé  félon  lequel  ils- 
décident  fans  beaucoup  de  réflé- 
xion.Commeilsfecroyent  plus 
habiles  Que  les  autres,. ils  ont 
peu  d'anlntion  à  ce  qu'ils  li- 
sent. Âinfi  il  arrive  Couvent  que 


PREFJCE. 

des  femmes  &  des  enfans  recorr- 
noifïent  bien  la-fauffecé  de  cer- 
tains préjugez  que  l'on  a  com- 
battus i  parce  qu'ils  n'ofent  ju- 
ger fans  examiner ,  &  qu'ils  ap- 
portent à  ce  qu'ils  lifeot  tome 
l'attention  dont  ils  font  capa- 
bles: &  les  fçavans  au  contraire 
demeurent  fortement  attachez 
à  leurs  opinions  ,  parce  qu'ils 
ne  fe  donnent  point  la  peine 
d'examiner  celles  des  autres» 
lorfqu'elles  font  tout  -  à  -  fait 
contraires  à  ce  qu'ils  penfenc 
déjà. 

Four  ceux  qui  font  dans  le 
grand  monde  ,  ils  tiennent  à 
tant  de  chofes ,  qu'ils  ne  peu- 
vent pas  facilement  rentrer  dans 
eux-mêmes  ».  ni  apporter  une 
attention  fumfante  pour  difcer- 
ner  le  vrai  du  vrai-ièmblable» 
Néanmoins  ils  ne  font  pas  ex- 
trêmement attachez  A  de  cer- 
tains préjugez  :  car  ^ur  tenir 
fortement  au  monde»  il  ne  faux 


PtiEFAÇE. 
tenir  ni  à  la  vérité  ni  à  la  vraï- 
femblance.  Comme  l'humilité 
apparente  ou  l'honnêteté  &  la 
modération  extérieure  font  des 
qualitez  aimables  à  tout  le  mon- 
de ,  &  abfolufflent  néceflaires 
pourentretenirîafocieté  parmi 
ceux  qui  ont  beaucoup  d'or- 
gueil &  d'ambition  j  les  gens  du 
monde  fe  font  une  vertu  6c  un 
mérite  de  ne  rien  a  durer ,  &  de 
ne  rien  croire  comme  incon- 
teftable.  C'a  toûjoursété,Ôcce 
fera  toujours  la  mode  de  regar- 
der toutes  chofes  comme  pro- 
blématiques ,  &  de  parler  cava- 
lièrement des  véritez  mêmes 
les  plus  faimes,  pour  ne  paraî- 
tre entêté  de  rien.  Car  comme 
ceux  dont  je  parle  ne  s'appli- 
quent à  rien  &  n'ont  d'atten- 
tion qu'à  leur  fortune, il  n'y  a 
point  de  difpofîtion  qui  leur 
Foit  plus  commode ,  Se  qui  leur 
paroifle  plus  raifonnable,  que 
celle  que  la  mode  juftifie.  Ainû 


Préfacé. 

ceux  qui  attaquent  les  préju^ 
gez  ,  flattant  d'un  côté  l'orgueil 
&  la  parefle  des  gens  du  monde,, 
ils  en  font  bien  reçus  :  mats 
s'ils  prétendent  a  (Tarer  quelque 
choie  comme  inconteftable ,  6c 
faire  connoître  la  vérité  de  1» 
Religion  fit  de  la  Morale  Chré- 
tienne ,  ils  les  regardent  comme 
des  entêtez  ,  fit  comme  des  gens- 
qui  fe  fauvent  d'un  précipice 
pour  fe  perdre  dans  un  autre. 

Ce  que  je  viens  de  dire  fuffit, 
cerne  fcrnble,-  pour  faire  juger 
ce  que  je  pourrois  répondreaux; 
difrerensjugemens ,  que  diver- 
fes  pêrfonnes-ont  prononcé  con- 
tre le  livre  de  la  Recherche  de  la 
Vérité ,  fie  je  ne  veux  pas  faire 
une  application  que  tout  le 
monde  peut  faire  utilement  & 
fans  peine.  Je  fçai  que  tout  le 
monde  ne  la-  fera  pas-:  mais  il 
fembleroit  peut-être  que  je  me 
ferois  juftice  à  moi-même  ,  fi 
je  me  déiendois  autant  que  je; 


GooSk 


PREFJCE. 

le'pourrok  faire,  j'abandonne 
-donc  mon  droit  aux  Lecteurs 
attentifs  s  qui  font  les  J  uges  na- 
turels des  Livres*  &  je  les  con* 
jure.de  fe  fouvenir  de  la  prière 
que  je  leur  ai  déjà  faite  dans  la 
Préface  de  la  Recherche  de  la 
Vérité  &:  ailleurs  :  De  ne  juger  de 
mes  fentimens  que  félon  les  réponr 
fes  claires  &  aijîin$es  qu'ils  rece- 
vront  de  l'unique  Maître  de  tous 
ieshommes ,  après  qu'ils  l'auront 
interrogé par  une  attention ferieu- 
Je.  Car  s'ils  confultent  leurs 
préjugez  commeies  loixdécifï- 
ves  de  ce  que  l'on  doit  croire 
du  ;Livre  de  la  Recherche  de  la 
Vérité  ;  j'avouë^que  c'eft  iin  fort 
méchant  Livre,  puifqu'il  eft  fait 
exprés  pour  faire  cortnoître  la 
fauiTete  j  &  J'injuftice  de  ces 
.lotx. 


APPROBATION. 

J'At  lûparordredeMonfeigneur 
le  Chancelier  le  Livre  intitulé , 
de  la  Recherche  de  la  Vérité ,  &c. 
Rien  n'ett  plus  connu  que  le  mérite 
de  cet  Ouvrage ,  &  l'on  en  voit  avec 
plaiiïc  l'utilité  fe  répandre  de  plus 
en  plus  par  les  fréquentes  éditions 
qui  s'en,  font*  Fait  à  Paris  ïe  15.de 
May  1 711. 

SAURIN. 


PRIVILEGE  DU  ROT.. 

LOUIS,  FAR  LA  GKACE  DE  DlEtT  , 
Roy  de  France  et  de  Navarre  : 
A  nos  Aniez  Se  Fcaui  Confeillers  les  Gens 
tenans  nos  Cours  de  Parlement ,  Maîtres 
des  Requêtes  ordinaires  de  nôtre  Hôtel , 
Grand-CWeil  ,  Prévôts  tic  Paris,  Bailliis, 
Sénéchaux ,  leurs  Licuienans  Civils  ,  &  au- 
tres nos  Jufticiers  qu'il  appartiendra  :  Sa- 
lut- Michel  David  Libraire  à  Paris,  Nous 
ayant  fait  remontrer  qu'il  dciîroit  faire  im- 
primer un  Livre  intitulé  ,  de  la  Recherche  de 
U  Vérité,  fur  le  Père  Maltiranehe ,  s'il  Nous 
plaifoic  hu  accorder  nos  Lettres  de  Privilège 
îiir  ce  néceflaires ,  Nous  avons  permis  S: 
permettons  par  .  ces  Prefentes  audit  David, 


-3e  aire  imprimer  ledit  Livre  en  telle  ferme* 
marge  ,  caractère  ,  Si  autant  de  Ibis  que  bon 
lui  fcinblera,  &  de  le  vendre  ,  faire  vendre  Si 
débiter  p.ir  toat  nôtre  Royaume,  pendant  le 
-tenu  de  dix  années  confecutives ,  a  compter 
dniourdcladattedefd.  Prefcntcs:Faifons  dd- 
fenfes  à  routes  perfonnes  de  quelque  qualité 
&  condition  qa  elles  puiflent  être,  d'en  intro- 
duire (Timprcflion  étrangère  dans  aucun  lieu 
de  nôtre  ooeafianec,  Se  à  tous  Imprimeurs, 
Libraires.,  Si  autres  ,  d'imprimer  ,  faire  im- 
primer, vendre,  débiter,  ni  contrefaire  ledit 
Lîvre.fansla  petrnùlion  erpreflê,&  par  écrit, 
dndir  Eipofant,  on  de  ceux  qui  auront  droit 
de  lui,  k  peine  de  confifeation  des  Exemplai- 
res contrefaits  ,  de  quinze  cens  livres  d'a- 
mende contre  chaenndes  contrevenons,  donr 
«ntiers  i Nous, im  tiers  a V Hôtel-Dieu  de 
Paris  ,  l'antre  tiers  audit  Eipofant ,  &  de 
tons  dépens  ,  dommages  Si  intérêts  i  à  la 
.charge  que  ces  Prefentes  feront  enregistrées 
•tour  au  long  fur  le  Regiftre  de  la  Commu- 
nauté des  Imprimeurs  &  Libraires  de  Paris, 
&  ce  dans  trois  mois  de  la  datte  d'iceiles, 
que  rimpreffion  dudit  Livre  fera  faite, dans 
nôtre  Royaume  ,  Se  non  ailleurs,  &  ce  en 
.bon  papier  Se  en  beaox  caractères ,  confor- 
mément auxReglemens  de  la  Librairie ,  8c 
qu'avant  que  de  l'cxpofer  en  vente  ,  il  en 
fera  mis  deux  exemplaires  dans  nôtre  Biblio- 
thèque Publique  ,  un  dans  celle  de  nôtre 
Château  du  Louvre  ,  &  un  dans  celle  de  nô- 
tre ires  cher  Si  féal  Chevalier  Chancelier  de 
France  ,  le  Sieur  Phelipeanx  Comte  de  Pont- 
ebartraîn  ,  Commandeur  de  nos  Ordres  ;  le 
tout  à  peine  de  nullité  des  Prefèntes.   Du 


C,„„sk- 


-contenu  defquetles  vous  mandons  te  enjoi- 
gnons de  faire  jouit  l'Expofantou  fes  ayons 
caufe,  pleinement  &  partialement,  Uns  fouf- 
ftir  qu'il  leur  foit  fait  aucun  trouble  ou  em- 

Jiechemens.  Voulons  que  la  Copie  des  Pre- 
nnes qui  fera  imprimée  au  commencement 
on  a  la  tin  dudit  Livre,  foit  tenue  pour  due1- 
ment  lignifiée,  S:  qu'aux  copies  collation- 
nées  par  l'un  de  nos  âmes  &  «aux  Conftil- 
lecs-Secrctaires ,  foy-foit  ajoutée  comme  à 
l'original.  Commandons  au  premier  nôtre 
HuuTier  ou  Sergent,  de  .taire  pour  l'exécution 
d'icellcs  tous  A&cs  requis  &  néceffaires.&ns 
autre  permiflion  ,  Se  nonobitaut  "clameur  de 
Haro  ,  Charte  Normande  ,  &  Lettres  i  ce 
toiitraires:CAR  tel eft  nôtre plauïr.DowNi' 
a  Verfailles  le  huitième  jour  de  Janvier  l'a» 
de  Grâce  mil  fepteenshuit,&  de  nôtre  Règne 
'  le  foixante-cinquiéme.  Par  ic  Roy  en  foa 
Confeil.    1  E    COMTE. 

Jtiriftré  fur  îe  Rigifirt  N.  x.  de  A*  Cmmu* 
naute  des  Libraire]  &  Imprimeurs  d*  Fsrit, 
fttge  l»?.  N.  î7*-.  eonfermemant  aux  Retlo* 
uni ,  tjr  notamment  k  l'jtmft  du  Conflit  du 
13.  Atufi  170}.  A  Paris  et  it.  J*BV«T 
170S.    Louis    Sevbitkx,  Syndic. 


DE  LA  RECHERCHE 


DE 

LA  RECHERCHE 

DE 

LA  VÉRITÉ. 

TOME  TROISIEME.  ■ 

C«HHMMMI».«m»'MM«HH  (M 

LIVRE, SIXIÈME. 

T>E   LA  METHODE. 
P1EMIEHE    PARTIE. 

■CHAPITRE    PREMIER. 

VeJJcin  de  te  Livre,  &  les  deux  moyens 
généraux  pour  confiner  l'évidence 
dans  la  Recherche  de  la  Vérité,  atii 
feront  le Jitjet  de  ceZivre. 

JNavûdans  IesLivrespré- 
cedens  que:  l'écrit  de 
rhomme:eft  extrêmement 
fujet  à  l'erreur}  que  les 
illuiious  de  -  fa  lens,  les  niions  '  de  iS'i 
Tome  III.  A 


^  XTVftE  WLlE'tAk. 
fon  imagination,  A  le»  a&flraâîbïïr 
de  Ton  >  efptk,  le  trompent  i  chaque 
moment  ;  me  les  iadjnawons  "■  de  (a 
volonté,  Scies  pallions  *  de  Ion  cœur, 
lui  cachent  prefque  toujours  la  véri- 
té,  &  ne  la  lui  laiflent  paroître,  que 
lorfqu'elle  eft  teinte  de  ces  {auflès 
couleurs  qui  flattent  la  concupiscen- 
ce. En  un  œotron  a  reconnu  en  par- 
tie les  erreurs  de  I'efprh ,  &  les  cau- 
fes  de  fes  erreurs  :  I J  eft  teins  prefen- 
tement  de  montrer  les  chemins  qui 
ewduiftmàlaçojMioiftiricedela  vé- 
rité, ikdedonner  à  I'efprit  toute  Sa 
force  &toutel'acWréflè  que  l'on  pour- 
ra, pour  marcher  dans  ces  chemins 
fana  Te  faûguer  inutilement  &,  fans 
s'égarer.  -   ■  -     - 

Mais,  afin  que  l'on  ne  fe donne 
point  une  peine  inutile  à  la  ledure 
de  ce  dernier  livre ,  je  croi  devoir 
avertir  qu'il  n'eft  fait  que  pour  ceux 
qui  veulent  chercher  férieufement  la 
vérité  par  eux-mêmes ,  &  fe  fervîjc 
pour  cela  des  propres  forces  de  leur 
efprit.  Je  demande  qu'ils  méprirent 
ipout  un  tems  toutes  les  opinion» 
Yrai-femMables  :  qu'ils  ne  s'arrêtent 
poiotauxconjeflures  lesplusibrtes: 
qu'ils  négligent  l'autorité  de  tous  les 


Î5E  LA  METH.  I.  Paut.     g 

îhilofopiiies  :  qu'ils  Ibicm  autant 
qu'iUeux  fera  porRble,  fans  préoccu- 
pation, fans  intérêt ,  fans  paflion  : 
qu'ils  Ce  défient  extrêmement  de 
leurs  fensâc  de  leur  imagination;  en 
m  mot,  qu'ils  &  Jbuviennent  bien 
de  la  plupart  des  chofes  que  l'on  a 
dites  dans  les  Livres  précedens. 

LedeSein  dece  dernier  Livre  eft 
(Pedayer  de  rendre  à  lefprk  toute  la 
perfection  dont  ileft  naturellement 
capable,  en  laifourrriflant  les  feeours 
nécellaires  pour  devenir  plus  atten- 
tif  &  plus  étendu  5  &  en  lui  prefcri- 
vaot  les  régies  qu'il  faut  obferver 
dans  la  recherche  4e  la  vérité  pour  ne 
fe  tromper  jamais ,  &  pour  appren- 
dre avec  fe  rems  tout  ce  que  l'on 
peut  fçavoir., 

Si-1'cmportoic  cedeflèin  jufqties  à 
&  dernière  perfection  ,  ce  que  l'on 
ne  prétend  pas,>car  ceci  n'eft  qu'un 
•Bai  i  on  pourrait  dire  qu'on  auroit 
donné  une  feience  universelle,  &  que 
eeux  quien  {çauroient  faireufage,  fe- 
roient  véritablement  feavans  ;  puis- 
qu'ils au  roient  le  fondement  de  tou- 
tes les  feiences  particulières,  &  qu'il* 
les  acqnereroient  à  proportion  de 
l'ufagcqu  ilafefoient  de-cette  feienea 
Aij 


4  LIVRE  SIXIEME, 
uncverfelle.  Car  on  tâche  par  ce  tra> 
téde  rendre  lesefprits  capables  de 
former  des  jugemens  véritables  &' 
certains ,  fur  toutes-ies  queltions  qui 
îéur  feront  proportionnées, 
:  Comme  ÎI  ne  fuffit  pas  pour  être 
bon  .Géomètre,  defçavoir  par  mé-p 
moire,  toutes  les  démon  urations 
d'Euclide^e  Pappus,  d'Archimede, 
d'Appollonius ,  &  de  tous  ceux  qui 
ont  écrit  de  la  Géométrie  :  Ainfi  ce 
n'eftpasaÛez  pour  être  fçavant  Phi- 
lofopne  d'avoir  lu  Platon  ,  Ariftotey 
Defcartes ,  &  defçavoir  par  memoi- 
retous  leurs  fentimens  furlesquef- 
tionsdePhilofophie.  Laconnoiflàn-1 
ce  de  toutes  les  opinions  &  de  tous  les 
jugemens  des  autres  hommes,  Philo-' 
fophes ou  Géomètres,  n'eft  pas  tant 
une  feience  qu'uneHiftoire:car  la  vé- 
ritable feience,  qui  feule  peut  rendre 
à  l'efprit  de  l'homme  la  perfeâion 
dont  il  eil  maintenant  capable,  con- 
fille  dans  une  certaine  capacité  de  ju-  ■ 
ger  folidement  de  toutes  les  chofes 
qui  lui  font  proportionnées.  Mais 
pour  ne  point  perdrede  tems&  ne. 
préoccuper  perfonne  par  des  juge- 
mens précipitez ,  commençons  à 
traiter  d'une  matière. fi  importante. 


~tr»3We.l3Wi>s...-  <*sm 


ÔELAMETH:  tVÂnr.      * 

-  Il  faut  fe  reflbuvenir  d'abord  de 
la  régie  que  l'on  a  établie  &  prouvée 

-  dés  le  commencement  du  premier 
Livre ,  parce  qu'elle  eft  le  fonde- 
ment &  Ie-premier  principe  de  tout 
ceque  nous- dirons  dans- la  fuite.  Je 
la  répète  :  On  ne  doit  jamais  donner 
un  confentement entier,  qu'aux  propor- 
tions qui  panifient  fi  évidemment  vraies 
■qu'onncpuiflè  le  leur  refkfèr,  fans  fen-' 
tir  une  peine  intérieure  &  des  repro-' 
cbes  fecrets  de  la  Raifon  ;  c'ejî-à'dtre  , 
fans  que  l'on  comoiffe  clairement,  qu'on' 
finit  mauvais  ufage  de  fa  liberté ,  fi 
fou  ne  voulait  pas  confentir.  Toutes 
les  fois  que  l'on  confent  aux  vrai- 
femblances ,  on  fe  met  certainement 
en  danger  de  le  tromper ,  &  l'on  Ce 
trompe  en  effet  prefijue  toujours ,  ou 
enfin  fi  Ton  ne  fe  trompe  pas,  ce 
rf  cil  que  par  hazard  &  par  bon- 
heur. Ainfi  la  vue  confufe  d'un 
erandnombredevraï-femblancesfur  _ 
diffërens  fujets,  ne  rend  point  nôtre' 
raifon  plus  parfaite ,  &  il  n'y  a  que 
la  vùë  claire  de  Iavérité,qui  Iuipmfià  ' 
donner  quelque  perfeciioncV  quel- 
que fatisfaâion  folide. 

II  eil  donc  facile  de  conclure  que" 

ify,  ayant  que  l'évidence  qui ,  feIonj 
A-iij. 


GooSk 


tf  UVRB  SIXIBME 
nôtre  première'  régie,  nous  affin-eque- 
nous  ne  nous  trompons, point  ;  nous 
devons  fui  tout  pvendjscrgardeà  con- 
feryer  qetw  évidencedara.  toutes  nos 
perceptions- ,  air»  que  nous  puiffinus- 
piger  falidement  cbttoutcslos  choies 
qui  font  fcùmife&à  nôtre  iaifon,&  dé- 
couvrir toutes  les  véritez  dont  nous- 
fionames  capables. 

Les  choies-  qui  peuvent  produire- 
&  conferver  cette  évidence  font  de 
.deux-  fortes.  H  y  en  a  qui  font  en 
nous ,  ou  qui  dépendent  en  quelque 
manière  de  nous;  ;  d'autres  qui  n'en. 
dépendent  point.  Car  de  même  que. 
pour  voir drittntteojentif&objets  vi- 
ables, il  eltnécctfaire-  devoir  la  vue 
bonne,  &  de  l'arrêter  fixement  fut 
ces  objets;  deux  choies  qui  font  en 
nous  ou  qoi  dépendent  de.  nous  en. 
quelque  manière  :  il  faut  suffi  avoir 
l'esprit  bon,  Se  PappttquK  fortement 
pour  pénétrer  le  fond  des  ventes  in- 
telligibles; deux  choies  qui  font  aufl 
S  en  nous,  ou  qui  dépendent  de  nous 
en  quelque  manière. 

Mais,  comme  les  yeux  ont  befoirt 
de  lumière  poar  voir,  &que  cette 
fauniete  dépend  de caufes  étrangères: 
t'efprii  auux  a  befoin  d'idées  pou* 


Goo8k 


DELA  MÉTÏÏ.  I-Paât.      7 

wocewoic  ;  fit  ce*  idéet  comme  l'Ori 
apra*iTéaiUeurs,nedépefKieiM  poin* 
liemras.,  niais  d'une eairfè  étrangère 
qai  nous  le»  donne  néanmoins  en 
scofepience  de  nôtre  attention,  S'il 
atrivoit  donc  que  les  idées  des  chû- 
fe*  oefu&Dt  pas  pïéfemea-  à  nôtre 

«iflkftOBKS  £t9  ÉD*3  «jl*e    FfOtïifGLl- 

Witoos-  de  tes  aToir  ,  &  ff  cekii  qui 
éElairei*  «KHidtt  «o «& les- vowfon ca- 
cher, H  nous  fesoh  ianxjfTtbie  d'y 
KmediBr  &  ds  asnaoîirr  auctme 
«Aofe  :  de  -même  tfctiiao  new»  eft  p» 

E»01Ue  de'  voir  tes  êïtjetS'  yiiïrtres  „ 
nque.  la.  linmiéM  nous  aienqiie- 
Maia  c'eft  ce  qu'on  n?a  pas  fûjecdei 
'  waindet,  cai  toptéfaicedw.  niées  àt 
■ôtre  efprii  étant  nauirelia ,  &  dé- 
pendante de  la.  Volonté  générale-  d# 
fc>ieit,  qmdfc  Kj'ijoTJrsconflante  de 
Mnrmeiàe  ,  elfe  ne.  nous-  manque  ja^ 
bbb  pn  dacoiBcric  lee  cfeolo*  qui 
fcut  na»relàemeqj  fufettas  àlï  ra*- 
(on.  Car  le  Soleil  qui  édaiM1  les  ef- 
|nts,  a'eÔ  pas.comme  le  SoIïiJ1  qui 
âcfeâa  les  eor-ps;  iines'éctipfe  ;3- 
wiis-,  &  r$  pénétfs  roue  fans  qus  & 
lumière:  fok  partagée; 

Les  idéa*  de  toutes-  chofes  noua 
«tant  dawtfsstamttlËBmens  pcéfttHr- 
A  iiij. 


Goo8k 


8  LIVRE  SIXIE'ME. 

tes,  dans  le  tems  même  que  nous  no- 
ies confiderons  pas  avec  attention ,  il. 
ne  reftè  aiitrexhofeà  faire  pour  coo— 
ferverl'évidencedanstoatesnos  per- 
ceptions ,  qu'à  chercher- les  moyens- 
de  rendre nôtreefprit  phisatteutif  &. 

Îlus  étendu:  de  même  que -pour  bien, 
îftinguer  les  objets  vifibles  qui  nous- 
fiant  préXens,  il  n'eft  uéceffaire  de. 
nôtre  part,  que-d'avoir  bonne. vue  &■ 
de lesconfiderer  fixement.. 

Mais,  parce  que  les- objets  que  nous. 
confiderons,  ont  fouvem  plus  de  rap- 
ports, que  nous: n'en  pouvons  dé- 
couvrir tout  d'uneviië  parun-fimple 
effort  defprit;  nous  avons  encore  be- 
foin  de  quelques  règles  qui  nous  donv 
nent  l'adrefle  de  développer  fi  bien 
toutes  les,  difficnltez ,  qu'aidez  des 
fecours  qui  nous  rendront  -l'efprit' 
plus  attentif  &  pIusétendu,nous  puii- 
Hons  découvrir  avec  une  entière  évi- 
dence tous  les  rapports  des  choies 
-  que  nous  examinons,. 

Nous  dîviferons  donc  ce  fixiéme: 
Livre  en  deux  parties.  Nous  traite- 
tons  dans  la  première  des  fecours 
dont  l'efprit  fe  peut  fervir  pour  de— 
venirplusattentif&plusétenduj  & 
dans  la  féconde  nous  donnerons  lee- 


'     DELA  METH.'i;  Part:     > 

régies  qu'il  doit  fui vre  dans  la  re- 
cherche des  vérïtez,  pour  former  des  - 
îugemens  folides  &  fana-crainte  de.  fe  - 
tromper.  - 


CHAPITRE  Ii; 

Ég«  l'attention  eft  nécejfairepour  confer-  • 
ver  l'évidente  dans  nos  connoijfances.  ■ 
Que  les  modifications  fenfiéles  de 
famé  la  rendent attcntivcmaisqu'-- 
elle  s  partagent  trop  la  capacité  qtCel-  • 
le  ad^-appercevoir.- 

NO  u  s  avons'  montré  dés  le  com-  ■ 
mencementde  cet  ouvrage,  que ■* 
l'entendement  ne  fait  qu'appercevoir:  • 
&  qu'il  n'y  a  point  de  différence  de  ■ 
la-  part  de  l'entendement  entre  les  ■ 
fîmples  perceptions  -,  les  jugemens,&:  ■ 
les  railbnnemens,  fïcen'eft  que  le»' 
jugemens,  &Ies  raifonnemens-font- 
des  perceptions  beaucoup  plus  corn-- 
poféesque  les  Amples  perceptions  ;. 
parce  qu'ils  ne  repréfentent  pas  feu-  - 
lément  plufieurs  chofes ,  mais  même-' 
les  rapports  que  plufieurs  chofes  ont- 
entr'elïes.  Car  les  (impies perceptions-- 
ne«préfentem  à  l'efprit  que  les  cho*- 
A-v  * 


Goo8k 


»      nrvKE  stxtpme. 

fes  :  mais  les  jngemens  reprcfemenr 
à  l'eforit  les  rapports  qnï  font  entrée 
les  ehofes  :  &  les  raïfonnemer»  re— 
préfentent  les  rapports  qui  font  entre- 
les  rapports  des  ehofes ,  li  ce  font  des 
lailbnnemens  (impies;  mais  iï  ce  font 
des  raifonnemenscompafea  t  ifs  re- 
préfentent  les  rapports  des  rapports, 
ou  tes  rapports'  tompofcz  qui  font 
«ntrefes  rapports  des  cfiofe,  cVarnil 
àrinfîni..  Carà  mefurc  quelles  rap- 
ports fe  nrnltipfiem ,  les  raifonne- 
mensqur  reprefeiKent  à  refprk  ces- 
rapports  deviennent pïuscornpolêz.. 
Néanmoins,  les  jngemens,  les  rai— 
fcmnemem  fimpïes,  &  tes  raifbnne* 
mens  compofer,  nefont  qoe-de pu- 
res perception»  delà  part  éte  t"ert~ 
tendement,  parceqtte  I>urendement 
ne  fart  lîmpfement  qu'appercevoir  ,. 
arofiquei'on'  a  déjà  <Jh  de»  Le  con».- 
mencement  du  premier  Enre. 

Les- jngemens  5c  les  raifotmemens; 
nVtantdu  cité  éte-i'entendewientque.- 
<k-  ptttea,  perceptions ,  if  effi  vifimer 
me.  l'entendement  ne  tombe  jamais- 
«m»  Ferreux  ;  pui&nie  l'erreur  ne  fe- 
trouve-point  dans-Ies  perceptions ,  éSfc 
qwTeïte  n?eftpa*  même  nneltigibliei 
CareiifeïFcrïrnLCoa  bfeuflèté  r/eft. 


GooSk 


DE  LA  METRC  t.. .«wt.  tt 
jtfao  rapport qui-n'eil  point,  &  ce- 
çrirfeÛpoi'nt.B-'elbnr  vilfàfe  ni  in- 
teUigiftfe:  On-  peap  voir  que*  foi» 
alànt^oicque  ïfo&ïnefbntpaB^:' 
catity.  a  réellement- ut*  rapport  d'é- 
galité entre  x  fois  2  Se  4.  &  un  d'iné- 
galiiéwrtre  1  fois  a  &  f  :  ainfr  la  véri- 
■éefl  intelligible.  Mais  on  ne  verra 
pmas  çie  afois-2  forent;?,  car  H  n'y 
a  point  ïa  de  rapport  i'égalké;  &  ce 
■rûin'eft  point  ne pem  être  apperçii.. 
L'erreur  cortHnenows- avons  dé'p  dis. 
plufîeurs  fois,  neconfifledonc  que- 
«farisuniGowfentement  précipité  de  la 
Totarœé',  qui  fe  laiflfe  ébtû«ÏF  à  quet- 
qae  faune  lueur  ,  &  qui  au  lieu  de? 
«mierver  faliherté  atwanB  qu'elle  te 
peux,  fe  «poreavec  négligence  «tout- 
J*apçsïcencedfe-la  vérhé. 

Néanmoins,  parce  qu'il-  arrive  d*br- 
4maire  que  l'entendement  n'a  que- 
des  perceptions  confofes-&imparfai- 
«es  deschofes,  il  eft  vérhaHflmeatt 
ttwe  cairije  elenos  erreurs  ,  que  Ton' 
peut  appeffer  occalîonneïle  oa  md4-i 
secte;  Carde  même  que  la  vûe-corpo- 
selle  nous  jette  fou  vent  dans  ferreurj, 
parce  qji'eïle  nous  reprefente  les  oï>*- 
jets  de  dehors  confufément  Se  impar'- 
fekeraent;  coBfofement ,  foïîqtfils 


Coo8k- 


n        UVRE  SIXIEME.: 

font  trop  éloignez  de  nous,  ou  faut*' 
de  lumière;  &  imparfaitement  parce 
qu'elle,  ne  nous  repréfente  que  le» 
cotez  qui  font  tournez-vers  nous:  Ain- 
fi  l'entendement  n'ayant  fouvent 
qu'une.perception confufe  &  impar- 
faite des chofes,  parce,qu'elles  ne  lui 
font  pas  aflez  prefentes,  &  qu'il  n'en 
découvre  pas  toutes  les  parties  ;  il  e{l . 
caufe  que  la  volonté  tombe  dans  uht 
grand  nombre  d'erreurs,en  fe  rendant 
trop  facilement  à  ces:  perceptions  ob- 
fcurcs&  imparfaites* 
.  II  eft  donc  neceflàire  de  -chercher 
les  moyens.d'empêcher  que  nos  per- 
septionsne  fcient  confiâtes  &  impar- 
faites. Et  parce  .qu-ilnya.  rien  qui- 
les  rende  pkisclaires  8t  plus  diflinc- 
tes  que  l'attention*  comme  tout  1er 
monde  en  eft  convaincu  ■;  il  faut  fi- 
cher de  trouver  des  moyens  don» 
nous  puifTions  nous  fervirpour  de- 
venir plus -attentifs  que  nousnefom* 
mes.  C'eft  ainfî  que  nous  pourrons 
conferver  l'évidence  dans  nos  rai- 
foaneinens,  &-voir  même  .tout  d'une  : 
vue  une  lîaifon  neceflàire  entre  tou- 
tes les  parties  de  nos  plus  longues  dér 
ditâions. 
Pour  trouver  ces  moyens,  iletthci 


DE  tA  METH.  T.  Part;   ij< 

ceffàire  de  fe  bien  convaincre  de  ce.' 
que  nous  avons  déjà  dit  ailleurs  ;  que- 
reprit  n'apporte  pas  une  égale  at~< 
teution  à  toutes  les- chofes  qu'il  ap— 
perçoit.  Cas  il  s'applique  infini- 
ment plnsà  celles  quHetouchent, 
qui  le  modifient,  &qui  lepénétrent,. 
qu'à  celles  qui  lut  font  prefemes  f.. 
maisquinele  touchent  pas,  &  qui 
ne  lui  appartiennent  pas  :  .en  un  mot  ■: 
il  s'occupe  beaucoup  plus  de  ces  pro-i 
près  modifications ,  que  des-  ftmpl  es- 
idées  des  objets,  lesquelles  idées  font 
quelque,  chofe  de -différent-  de  lui- 
même. 

C'efl  pour  celaque  nous  ne  confidé*  - 
ions  qu'avec  dégoût  &  fans  beau- 
coup d'application,  les  idées  abftrai- 
tes  de  l'entendement  pu?  :  que  nous, 
nous  appliquons  beaucoup  davanta- 
ge aux  choies  que  nous  imaginons , 
principalement  lorfque  nous  avons- 
l'imagination  forte-,  &-uu'H  fe  trace» 
de  grands*  veftiges  dans  nôtre  cer- 
veau.- Enfin  c'elt  à  eau fe-de  cela  que 
nous  nous1  occupons  entièrement  des 
qualitez  fenfibles  ,  fans  pouvoir  mê- 
me  nous  appliquer  aux  idées  pures  de 
l'efprït ,  dans  le  tems  que  nous  ■  fen- 
tûns.quelque  .choie de  fort  agréable,; 


Google 


ï*        LIVRE  SntlEWE. 

coickfcrtpéniWe.  Car ,  la  tfcaïewr,. 
Iepiaifrr,  &ie*;wîxe3feniàtionsn?&. 
tant  que,  des  manières'  sfcêire  de  t'ef- 
pm  ,  ii  n"eù.  pas.  paffibte  que  nous 
fcyoros  fans- les  appewev-oiF,  &  ajtier 
la  capacité  tie  notre  dp  m  n'en  foir 
occupée ,  puifque  toutes  nosiènfa— 
nions  tic  fora  que  des  perception»  ôc 
lien  autre  choie. 

Mais  i£  n'en  eft  pas  «le  même  des 
idées  pures  àt  l'efpwn,  non*  pouvons 
le»  avoir-  intimement'  unies  à  nouer 
efpric ,  fans-  ies  confidérer  avec  la. 
nwind/e  amencibt».  Car  encoieque; 
Dieu  foît  très  -  intimement  uni  à» 
nom-,  Se  que  ce- foir  dans  moque  fe 
woiwent  tas  idées  lit  neur  ceqœ  noua- 
voyons,  Cependant!  ces  niées ,.  quoi* 
q«e  préfentes  Se  aumifieïf  de  nous- 
mêmes.  ,  nous-  font  cachées ,.  for  fijue 
les  raouvemens-  de»  afptits  n'en  ré- 
veillent point  les  traces  ,  ou.  rorique 
nôtre  volonté  n'y  applique  pas  lïâoter 
efpvit,  e'eft  a  direlorfqir'eiiene fox- 
Bie  point  Tes  a&m  atrfqueU  l&repte- 
fentaiion  de  ces  idées  eftattaehéepa*- 
PAuteorde  ïa-natiue-  Ces  chofes  font. 
fe  fondement  de  tout  orque  raows  aï- 
fewB  c&re  des  fecours  qu  i pctfuem  sen- 
dre  «toe  e%F«  ptutamnttf.,  Ain& 


GooSk 


DE  XA  MEIH..  î.  Part.  »r 
er* fecours  feront  appuy &  l'ai  laea- 
ttre  mêiBede  l'eXpwt  j  &  il  y  a  lieit 
i'efpettar  q\?ïbt  ne  f«ow  pafccfetnw* 
npics.  &.inaiile*r  e©  raine  -beaucoup 
d'antre* ,  qui  emfaaialïent  beaucoup' 
plosqu'ibneferver-t.  JVfai»  etiJm  s'ris 
»'««  pas  tout  i'ufagequftton  foib- 
kihe,  ou.  ne  psedeapas  toitt-à-fah. 
fca  tema  à  lin  ce  que  l'on  en  dira'  ; 
ptiifcju'omfnceasiQ&caïiafltiEfl  ta  na- 
ture de  £em  cfpnt. 
las.  mndificatiwa  del'aïue  oui  trois. 
■anfts,  les  fkns  ,  l'imagination,  &  Le* 
jwÉÎigiis.  Toat  le  Hjondefçait  pa»  fa. 
propre  exptrwnceqne'leî  plaifics,  les- 
douteux» ,  Se  gêné  raieraient  toutes  le*. 
Jbrfaiions  unpeu  fones^  que  les  ima- 
ginations- vives.,  &  mie  Ici  grande» 
palTions  occupent  ft  farti'efprifcflJriL 
n'eft  pa*.  capable  d'attention  ,  dan  i- 
Irtems  que  ces.  ciiofes  le  loiick.eat. 
«op.vivemcta  i  paweqn'aios».  lacs^ 
pacitéoa&faœutoéijfappersCTOïr  es 
«R  toute  rempli*.  Mais- qiiand  même:' 
<»  modifications  feraient  modérées, 
eiieineiafSèEorentpasdepaBtagerdit 
moias  en  -quelque  forte  cette  capaei- 
Btde  Pelprtt,  &  iL  ne-pourrost  enu* 
ptoyer  toutce-qu'il  efl,  pour  confiidé*. 
kx  les.  veritcz.ua  peu  abânÔBk. 


C„o8k- 


i«<      0VKE  SÎXlffMË. 

-  II  faut  donc  tirer  cette  conclufio»  ' 
importante:  Que  tous  ceux  qui  vetfcJ 
lent  s'appliquer  férieufement  à  la 
recherche  de  la  vérité,  doivent  avoio 
un  grand  foin  d'éviter»  autant  que 
cela  fepeutytouteslesfenfations  trop 
fortes,  comme  le  grand  bruir,  la  lu- 
mière trop  vive  ,  le  plaifir ,  la  dou- 
leur ,  &c.  Qu'ils  doivent  veiller  fans  - 
eeflèà  la  pureté  de  leur  imagination,' 
&  empêcher  qu'il  ne  fe  trace  dans?- 
leur  cerveau  decesveftigesprofonds 
qui  inquiètent  &  qui  diffipent  con- 
tinuellement Pefprh.  Enfin  qu'ils- 
doivent  fur  tout  arrêter  les  mouve-- 
mens  des  pallions,  qui  font  dans  le. 
corps  &  dans-  I*aroe  des  impreflions- 
fi  puiflantes ,  qu'il  eft  d'ordinaire, 
commeimpoflimequel'efprit  peine 
à'  d'autres  chofes  qu'aux  objets  qui; 
les  excitent.  .Car  encoreque  les  idées 
pures  de  la  vérité  nous  foient  tou- 
jours préfentes,  nous  ne  les  pouvons- 
confidérer ,  torique  la  capacité  que. 
nous  avons  depenfereft  remplie  de- 
ces  modifications  quinous"  pénétrent.. 
Cependant  comme  il  n'eu  pas  po£- 
fifclequerame  foit  Oins  pallions,  fans» 
fent'rment ,  ou  fans  quelqu'aiuremo-- 
difcaàon  particulière  $  il  faut  faire»; 


Goo8k 


DE  LA  METH.  Impart,     vf 

de  neceffité  vertu ,  &  tirer,  même  de 
ces moditicàtibns.des.  fecours  pour  fis- 
Tendre  plus  attentif.  Mais  il  faut  bien 
de  l'adreflê  &  de  la  circonfpeâion, 
dans  I'ufage  de  ces  iècours  pour  en. 
tirer  quelque. avantage-Il  faut  bien 
examiner  îebefûînque  l'on  en  a,  Se- 
ne  s'enfervir  qu'autant  que  la  néceC- 
ûté  de  fe  rendre  attentif  nous  y. con- 
traint. 


CHAPITRE    III. 

De  Fufage  que-  l'on  peut  faire  des  paf- 

fions  &  des  fens  pour  conferver 

f attention  de  Peffrit. 

LE  s  painons  dont  il  eft  utile  de  fe  - 
fervir  pour  s'exciter  à  la  recher- 
che de  la  vérité }  fontcelles  qutdon- 
nent  la  force. &  le  courage  de  lu  r  mon- 
ter la  peine  que  l'on  trouve!  fe  ren- 
dre attentif.  II  y  en  a.  de  bonnes  &de. 
mauvaifes  :  de  bonnes  comme  le  de- 
Gr  de  trouver  la  vérité  >  d'acquérir. 
allez  de  lumière ,  pour  fe  conduire  „ 
de  fe  rendre  utile  au  prochain  ,  5c- 
quelques  autres  femblables  ;  de  mau- 
vaises chi  dangereufes ,  comme  le  dé* - 


GooSk 


4       MVWi  SIXIEME 

fîr  d'acquérir  de  h  réputation  ,  dere* 
làîre  quelque  étabKnetneni,  de-s'éte* 
Ter  audeffûs  dcfes  fernHaWes,  $s 
quefques  autres  encore-plus  dérégi  ées- 
«ont  il  n>ft  pas  néceflàiredfe-parler. 
Dans  le  malheureux  énat  cri  nous 
fommes ,  ii  arrive  (burent ,  que  ïe*} 
paffionsïes  moi«s  rahonnables  nous 
portent  plus  vivement  à  la  rechercRe 
de  la  vérité,  &  nous  confiaient  pins 
agréablement  dans  les  peines  que* 
nous  y  trouvons ,  que  les  paflîons- 
les plus  joftas  Se  lits  p&is  taifon- 
nables.  là  vanité  ,  par  exemple  fc. 
nous  agite  Beaucoup  plus  que  Vo~ 
mour  dé  la.  vérité  ;  &  Pon  voit  tous- 
les-  jou»q.uedeS'perfcirHW9  s'appUS'** 
quenr  continuellement  à  l'étude, 
forfqu'rls trouvent  des  gens  àqui  ils; 
paillent  direce qu'ils  ont  apprî»,  de 
qui  l'abandonnent  entièrement,  ïor £• 
qu'ils  netrouvent  plus  perfonne  quf 
les  écoute:  La  vôé  confufede  quèt- 
que  gïoirequHes  environne  ,  fort- 

5 qu'ils  débitent  leur»  opinions ,  fe«f 
otttrent  le  courage  dans  fcs  étude* 
meme-les  plus  ftérries ,  St  lés  plus  en-  ■ 
nuyetrfes.  Mais  G  par  hazard1 ,  ou  par 
la  néceflrté  de  leurs  affaires,  ilfs  fer 
courent  éfoignez  de  ec  petit,  troa- 


S 


T3E  IA  METff.  I.  Fut.    t« 

peau  qui  leur  applaudtffbn:,  leur  ar- 
deur fe  refroidit  airift-EÔt  :  les  études 
mêmes  les  plus  foïides  n'ont  plus  d'à- 
trait  pou-reux  :  ledégoûr,  l'ennui, 
fe  chagrin   les.  prend ,  ife.  qaktent 
tout.  I.a  vanrté  triompboit  de  letu 
pârefiê  naturelle,  mars  ïa    pareffiï 
triomphe  à  ton  eotirdel'amoHr  de 
fa  vérité  1  car  la  vanité  réfifte-  quel- 
quefois à  la  pareflè,  mais  la  pareflè 
««  preique  toujours-  viâorieufe  dit 
tattou  r  de  la  vérité. 
Cependant  la  paflion  pour  la  gloire 
fe  pouvant  rapporter  à  une  Sonne 
fin  ,  puiftpi'on  peut  fe  fervir  poai 
la  gloire  même  de Dien  &  pourru- 
«iHédesatKres,  dek  réputation  que 
Pt»  a  ;  il  efl  peut-être  permis  àquei- 
ques  peribnnes  defefemr  en  cér- 
ames rencontres  de  cette  paflîort „ 
comme  d'un  ferours  pour  rendre 
l'efprit  plus  attentif.  Ma»  i\  faut  fcrên 
prendre  gfçde.  de  n'en  fetre  ufage , 
quelorfque  les  panTons  raifomafelesv 
dont  nous  venons  déparier,  nefuf- 
fifentpas,  Se  que  nous  femmes  obli- 
ger par  devoir  à  nous  appliquer  à- 
des  njjetsqui  nous  rebuttent.  Pre- 
mièrement, parce  que  cène  pafïîort 
eftoe&dangefeufepotir  taeo«fcien*v 


«>     nVRi&  sixiE'MÉ. 

ce  :  Secondement ,  parce  qu'elle  en-* 
gage  infenfibleroent  dans  de  mauvai- 
ses étude» ,  &'quî  ont  plus  declat  que  " 
d'utilité  &  de  vérité  :- Enfin  parce' 
qu'il  elt  très  difficile  de  la  modérer, 
qu'on  en  feroit  Couvent  la  duppe ,  & 
que  prétendant  s* éclairer  I'efprit ,  ou 
ne  feroit  peut-être  que  fortifier  la 
concupifcencede  l'orgueil ,  qui  non 
feulement  corrompt  le  cœur,  mais' 
répand  aufli  dans  i'efprit  des  ténè- 
bres ,  qu'il  elt  moralement  impôt 
fible  de  difîiper. 

Car  on  doit  confidérer  que  Cette  ' 
paffion  s?auememe,  fe  fortifie  &  s'é- 
tablit infenfiblement  dans  lecceur  de 
l'homme:  &queIorfqu,eIIe«ft  trop- 
violente,  au  lieu  d'aider  refpritdaiis. 
la  recherchedela  vérité ,  elle  l'aveu- 
gle étrangement',  &  lui  fait  même-. 
croire  que  les  chofes  font  comme  il> 
fouhaite  qu'elles  foient. . 

Il  en  uns  doute  qu'il  ne  fe  trou- 
veroit  pas  tam  de  faunes  inventions- 
&  tant  de  découvertes  imaginaires , , 
fi  les  hommes  ne  fe-IauToient  point* 
étourdir  par  des  delïrs  ardcris-de  pa- 
raître inventeurs.  Car  laperfualion, 
ferme  &obflinee  où  ont  été  plufïeur  s. 
gerfonncs  ^qu'ils  avoieut  trouvé  pas. 


DE  LA  METH.T.Part.  -m 
^exemple  le  mouvement  perpétuel,  le 
moyeu  d'égaler  le  cercle  auquarré  , 
&  celui  de  doubler  le  cube  par  la 
Géométrie  ordinaire, leur  eft  venue 
apparemment  du  grand  defir  qu'ils 
avoient  de  paraître  avoir  exécuté  ce 
que  piufîeurs  perfpnnesavoient  tenté 
inutilement. 

ÏI  eft  donc  bien  plus  à  propos  de 
s'excitera  des  paillons  qui font  d'au- 
tant plus  utiles  pour  La  recherche  de 
la  vérité  qu'elles  font  plus  fortes,  & 
dans  letquelles  l'excès  eft  peu  à  crain- 
dre: comme  font  les  défies  de  faire 
bon  ufage  de  fon«fprk.:  &  de  fe  dé- 
livrer de  fes  préjugez  &  de  fes  er- 
reurs ,  d'acquérir  aflez  de  lumière 
pour  fe  conduire  dans  l'état  dans  le- 
quel on  eft  ;  &  d'autres  pallions  fem- 
blables  qui  ne  nous  engagent  point 
dans  des  études  inutiles ,  ôc  qui  ne 
.nous  portent  point  à  faire  des.juge- 
menstrop  précipitez. 

Quand  on  a-commencé  àgoûter  le 
plaîlir  qui  fe  trouve  dans  I'ufagede 
ï'efpritfqu'on  a  reconnu  l'utilité  qui 
en  revient ,  &  qu'on  s'eft  défait  des 
grandes  paflions  &  dégoûté  des  plai- 
firs  fenfibles,qui  font  toujours,  lorf- 
^u'ons'y  abandonne  indiferétement. 


«     utvru  snrreTVffi. 

fe*  maîtres  ou  -plutôt  les  tyrans  de  la 
laifon  ;  l'on  n'a  pas  befoin  d'autres 
paflïonsquedecellesdom  on  vientcfc 
parler ,  four  fe  rendre  attentif  aux 
Jujets  qaef  on  veut  méditer. 

Mais  k  plupart  des  hommes  ne  font 
point  en  cet  état  :  Ils  n'ont  du  goût, 
4e  l'intelligence  ,  de  la  déKcateflè , 
sque  pour  cequiîooctteles  fens.  Leur 
Imagination  cfl  corrompue  d'un 
nombre  prelque  infini  de  traces  pro- 
fondes, qui  ne  réveillent  que  de  rauf- 
ïès-  idées  :  car  ils  tiennent  à  tout  ce 
.qui  tombe  fous  les  fcns  Se  fous  l'i- 
magination, &  ils  en  jugent  toujours 
ielon  rimpreflion  qu'Us  en  reçoi- 
vent ,ciefl-a-dire,  par  rapport àeux. 
LTorgaeiI ,  ta  débauche  ,  les  engage- 
mens,  les  defirs  inquiets  de  faire 
quelque  fortune,  ficomiimns  dans  les 
-gens  du  monde,  obfcurcîflèm  en  eux 
la  vûë  de  la  vérité,  comme  ilsétouf- 
fent  en  eux  les  fentiroens  de  piété  î 
parce  qu'ils  les  leparent  de  Dieu  qui 
îeul  peut  nous  éclairer ,  comme  il 
peut  feiu*  nous  régler.  Car  nous  ne 
pouvons  augmenter  nôtre,  union 
avec  les  choies  fenfibles ,  fans  dimi- 
nuer celle  que  nous  avons  avec  les 
véritez  intelligibles  ;  piûfcjue  nous 


CE  LA  MET».  ï.  Pmt.    15 

me  pouvons  dans  un  même  tems.être 
unisétfostenient  à  dee  chofes  ù  dif- 
fcoemes.&  fi  oppofées. 

Ceux  donc  qui  ont  l'imagina- 
tion pure  Se  chafle  ,  je  veux  dire 
Amu  Je  cerveau  n'eft  point  rempli 
de  tsacos  profondes  ,  qui  attachent 
aux  cl*»fe.  vilibles  ,  peuvent  fa- 
cilement s'unir  à  Dieu  &  Te  ren- 
dre attentifs  à  la  vérité  qui  leur  par- 
le :  ib  peuvent  fê  palier  des  fecours 
qu'on  tire  des  partions.  Mais  ceux 
qui  ibrtt  dans  le  grand  monde ,  qui 
tiennent  à. trop  de-chefe,  &  dont  l'i- 
«agaiation  eft  toute  falie  par  les  idées 
fautes  &  ofefcures  que  les  objets  fen- 
fiblesont  ewité  en  eux  :  ils  ne  peu- 
vent s'appliquer  à  la  vérité,  s'ils  ne 
font  foûtenus  de  quelque  pafllon  af- 
fez  forte,  pour  couEre-balanoer  le 
poids  du  corpsqui  les  entraîne,  & 
pour  former  dans  leur  cerveau  des 
traces  capables  de  faire  révulfion 
dans  les  eiprits  animaux.  Mais  com- 
me tenue  paflïon  ne  peut  par  elle- 
même  que  confondre  les  idées  ,  ils 
ne  doivent  s'enfervirquamatuque 
la  neceiïïté  le  demande.,  &  tous  les 
hommes  doivent  s'étudier  eux-mê- 
me»,  .alïnde.ptoportioaner  leurs  paf- 


*4       EIVRE  SIXIEME, 
fions  à  leurs  foibleûes. 

II  n'en  pas  difficile  de  trouver  les 
moïens  d'exciter  en  foi  même  les 
paflions  que  l'on  fouhaite.  La  con- 
noilCince  que  l'en  a  donnée  de  l'u- 
nion del'ame  &  du  corps,  dans  les 
Livres  piécédens,  donne  allez  d'ou- 
verture pour  cela:*  car  en  an  mot  il  ■ 
fuffit  de  penfer  avec  ■  attention  aux 
objets ,  qui  félon  rinltitution  de  la 
nature  font  capables  d'exciter  les  paC- 
fions.  Ainfi  -l'on  peut  prefaue  tou- 
jours faire  naître  dans  Ion  coeur 
les  pallions  dont  on  a  befoin.  Mais 
fi  l'on  peut  prefque  toujours  ■  les 
faire  naître  ,  on  -ne  peut  pas  tou- 
jours les  faire  mourir,  ni  remédier 
aux  défordres  qu'elles  ont  caufé 
dans  l'imagination.  On  doit  donc 
en  ufer  avec  beaucoup  de  modéra- 
tion. 

II  faut  far  tout  prendre  garde  à 
ne  pas  juger  des  choies  par  ■paflïon  , 
mais  feulement  par  la  vue  claire  de 
la  vérité ,  ce  quil  eil  prefqu'impoffi- 
bled'obferver,  Iorfqae  les  paflïon» 
font  un  peu  vives.  La  paflïon  ne  doit 
fervir  qu'à  réveiller  l'attention: 
mais  elle  produit  toujours  fes  pro- 
pres idées ,  &  elle  pouflè  vivement 
k 


DELAMETH.  t.  Part.     ^ 

--ïavolonté  à  Juger  des  choies  par  ces 
-îdées  qui  la  touchent,  plutôt  que 
par  les  idées  pures  &  abflraites  de 
la  vérité  qui  ne  la  touchent  pas.  De 
■-forte  que  l'on  ferme  fouvent  des  ju- 
-gemensqui  ne  durent  qu'autant  que 
-.la  paflion;  parce  que  ce  n'eflpoint  la 
vue  claire  de  la  vérité  immuable, 
.«nais  la  circulation  du  fangqui  les 
.fait  former. 

■  Il  eft  vrai  que  les  hommes  font 
-étrangement  obftinsz  dans  leurs  er- 
reurs ,  &  qu'ils  en  foûtiennent  la 
-plupart  toute  leur  vie.  Mais  c'eft  que 
-ces  erreurs  ont  fouvent  d'autres  cau- 
-fes  que  les  paillons  :  ou  bien  elles  dé- 

Îendent  de  certaines  paillons  durâ- 
tes, qui  viennent  de  la  conforma- 
tion du  corps,  de  l'intérêt ,  ou  de 
quelqueautrecaufequi  fubliflc  long* 
-tems.  L'intereft ,  par  exemple ,  du- 
rant toujours ,  il  produit  une  palfioH 
<mi  ne  meurt  jamais,  &  Iesjugemens 
<jue  cette  palîion  fait  former,  font 
allez  durables  :  Mais  tous  les  autres 
Jênrimens  des  hommes  qui  dépen- 
dentdee. payions  particulières,  font 
■auflîinconfiansquele  peut  êtrela  fer- 
mentation de  leurs  humeurs.  Ils  di- 
rent tantôt  d'une  façoatantôtd'une 
Tome  IlL  B 


*tf         LIVRE  SïXIE'ME. 

autre  ;  &  ce  qu'ils  difent  eft  aflèrfo*- 
vent  conforme  à  ce  qu'ils  penfeut. 
Comme  ils  courent  d'un  fauxbienià 
un  autre  taux  bien  par  le  mouve- 
ment de  Ieurpaffion ,  &  quiils  s'en 
dégoûtent  lorfquece  mouvemencecf- 
Je  :  ils  coqrentausfi.de  faux  fylléme 
en  faux  fyftéme.  Us  lembeaflènt  avec 
chaleur  un  faux  ièntimeut ,  lortque 
Ja  pasfion  te  rend  vrai-femblable:; 
■mais,  -cette  paslïon  éteinte  ,  ils  l'a- 
iandoanent.  Ils  goûtent  par  les  pat 
rfions-de  tous  les  tiens,  fans  rien  trou- 
ver (de  ban:  ils  voyent  j»ar  les  mô- 
mes pasfions  toutes  les  vérkez  fer* 
rien  voir  devrai  ;  quoi  que  dans  fc 
lemsque  Iapasiioadure,  ce  qu'iis 
coûtent  leur  paroûTe  le  ifouverflin 
bien  ,  &  ce  qu'ils  voyent  .foit  pour 
eux  une  vérité  mconteftable.  ' 

La  féconde  fource  d'où.I'ônjpeut  «- 
ier  quelque  fecours  pour  rendre  il'et 
prit  attentif  font  les  feus. -Les folia- 
tions font  les  propres  modifications 
de  l'ame ,  les  idées  pures  de  I'efprit 
font  quelque  «hofe  de  différent.;  les 
ferdâtions  réveillent  donc  .nôtre  at- 
tention d'une  manière beaucoup.pius 
vive  que  les  idées  pures.  Àinfî  U*eû 
vifible  que  l'on  peut  remédier  audé- 


DE  LA  IWETET.  ï.  Part,  r* 
faut  duplication  del'efprit  aaxvé- 
lirez  qui  ne  Je  touchent  pas ,  >en  les 
exprimant  par  desdbafesienfiHes  qtii 
le  touchent. 

Oeft  pour  edaatreïles  Géomètres 
CKpnîmeitt  perdes  lignes  ferlfîhles  les 
proportions  qui  font  entre  les  gran- 
deurs qu'ils  veuJem.coniidérer.  En 
traçant  ces  lignes  fur  le  papier ,  ils 
tracent  pour  ainfi  dire  .dans  leur  ef- 
prit  les  idées,  qui  y  répondent  ;  ils 
îê  ies  rendent  plus  familières ,  parce 
-qu'ils  les  (entent  enmême  temsqu'ils 
Les  conçoivent  .-C'eft  de  cette  manière 
que  l'on  peut  apprendre  'plutieurs 
chofes  allez  drrrriïesaurcnfàns,  qui 
ne  font  pas  icapaWesdos  yénirez  abf- 
traiees;à  caufe  deia:ereiicateae  des  fi- 
bres defeur.cetmeau.JkncvDyent  des 
yeux  que  des  couîctirs,  des  tableaux, 
des  images, maisilsranfidcrent  par 
léfprit  les  idéesqurrcpondent  à  ces 
objets  fenfihles. 

Ilfaut  far  tout  prendre  garde  à  ne 
point  couvrir -les  objets ,  que  Ton' 
veut  confidetecatiqued'on  veuttfaire 
voir  aux  autres  ,idetant  fefbnfibihti, 

rîl^efpritiertfoitipuis  occupéque. 
lavérké  même^car.c'eit  un  dé- 
faut des  j&iusajiifidiïrables  &  de&plus 
Bij 


z8  LIVRE  SIXIE'ME. 
ordinaires.  On  voit  tous  les  jouis 
desperfonnesquine  s'attachent  qu'à 
cequi  touche  ies  fens  ,  .&  qui  s'ex- 
priment d'une  manière  ii  fenfible, 
que  la  vérité  eft  comme  étouffée  fous 
le  poids  des  vains  ornemens  de  leur 
faulle  éloquence.  De  forte  que  ceux 
qui  les  écoutent,  étant  beaucoup  plus 
touchez  par  Ja  mefure  de-leurs  pé- 
riodes ,  &  par. les  mouvemens  de 
leurs  figures  ,  que  par  les  raiforts 
qu'itsentenlem ,  ils  fe  laiffent  per- 
faaderfans  fçavoirfeulementcequi 
les  perfuade ,  ni  même  de  quoi  ils 
fontperfuadez. 

11  faut  donc  bien  prendre  garde  à 
teànpererdetellemaniere  la  fenfibr- 
litédefes  expresfions,  que  l'on  ne 
ïafle  que  rendre  l'efprit  plus  attentif. 
XI  n'y  a  rien  de  fi  beau  que  la  vérité,. 
Hrte  faut  pas  prétendre  qu'on  la  puif- 
fe  rendre  plus  belle  en  la  fardant  de 
quelques  couleurs  fenlibles,  qui  n'ont 
rien  de  folide,  &  qui  ne  peuvent 
charmer  que  fort  peu  de  teins.  On. 
lui  donnerait  peut-être  quelque déli- 
catefte,  mais  on  diminueroit  fa  for- 
ce. On  ne  doit  pasla  revêtir  de  tant 
d'éclat  &  de  "brillant ,  que  l'efprit 
s'arrête  davantage  à  fes   ornemens 


t>E  LÀ  METH.  T.  Part.  29 
qu'à  elle  même  :  ce  feroit  la  traiter 
comme  certaines  perfonnes  que  l'on 
charge  de  tant  d'or  &  de  pierreries, 
qu'elles  paroiflènt  enfin  la-  partie  la 
moins  confiderable  du  tout  qu'elles 
compofent  avec Ieurs;  habits.  Il  faut 
revêtir  la  vérité  comme  les  Magiftrats 
deVenifo ,  qui  font  obligez  de  por- 
ter une-  robbe  &  une  tocque  toute 
fimple,  qui  ne  fait  que  les  diflinguer 
du  commun  des  hommes ,  afin  qu'on 
les  regarde  au  vifage  avec  attention 
&  avec  refpecV,  &  qu'on  ne  s'arrête 
pas  à  leur  chautfure:  Enfin  il  faut 
prendre  garde  à  nelurpas  donner  une  - 
trop  grande  fuite  de  chofes  agréables 
qui  disfipent  l'efprit ,  &  qui  l'empê- 
chent de  la  reconnoître.de  peur  qu'on 
ne  rende  à  quelqu'autre  les  honneurs- 
qÛr  lui  font  dûs:  Comme  if  arrive, 
quelquefois  aux  Princes  qu'on  ne. 
peut  reconnoîtredans  Iegrandnom- 
bredesgensdecourqut  les  environ-- 
nent ,  &qui  prennent  trop  de  c«  air, 
grand  &majettûeux  qui  n'efl  propre 
qu'aux  Souverains.  ■ 

Mais  afin  de  dorinerun  plusgrand; 

exemple:  Je  dis  qu'il  faut. expofer 

aux  autres  la  vérité  ,  comme  la  vé- 

atémême  s'eft  expofée.  Les  hom- 

B  iij 


GooSk 


5»        LIVRE  SIXIEME. 

»es  depuis  le  poché  de  leur  pete; 
ayant  la  vue  trop  faible  pour  ca»li> 
derer  la  vérité  en  elle-même-,  cette 
fouvcraine  vérités'eÛ  tendue  fenfi- 
He  en  fe  couvrant  de  nôtre  huma- 
nité ,  afin  d'attirer:  nos  regards ,  de 
cous  éclairer  ,  &  de  fe  rendre  aimai- 
bieà  nosyeux.  Âinfi  oir  peut  à  fou 
exemple  «ouvrir  de  quelque  cttofede 
ferrfible  les-vérher  quenorwvoulons 
comprendre  &  enfeigner  ans  autres* 
afin  d'arrêter,  ï'efprit  qui  aime  la 
fenfiBle ,  &  qui  ne-fe  prend,  aifemenz 
que  par  quelque  choie  qur  flatte- les. 
fens.  l.a  Sageffb étemelle  a'eft  rendue 
fenfrhle,  mais  non  dans  téelat  :  elle 
s'eft  rendue  fenlîble,  non  pour  news 
arrêtée  au  fenfible,  mai»  pour  nous, 
élever  à-PimeHigitie  :  «lie  a'eft-  ren- 
due fenfibir  pour  condamner  &  (5- 
crifier  en  faperfonne-  r.yuœs.Ies, cho- 
fesftmfibles.  Noua  devons.donc  nous 
fer  vir  dans  la  connoiÛannr  delà  vé- 
rité •  de:  quelque  chofe  de  ienfifefe 
qu  t  D*ai  d  poi  a t  rroptd'élat ,  Ôt  qui  ne 
nous  arrête  point  trop  au  fenfible-: 
rnais.qm  pu  iâè  feulement  faùtenir  la 
vue  de  nôtre  elpnb  dans,  la  coniem- 
mrement  intelli- 
i*  BOHs.fitjcvu  de 


DE.tAMEra  tVjnT.    p 

eprelque  cbofe  de  fenfible ,  que  nous 
puis  Lion*  dw.)iper,  anéanti  p,  fûcii- 
rierarespiaifir  »  la  vue  de  foyéràs 
vers  laqueHeelle  nous  aura<eonduits,. 
La  Sageflb  éternelle  s-'eft  ppefentéff 
hore-de  tk>im  d'une  manière  fenfiblej 
non pour  noua  arrêter hers de  nou8> 
nais  afin-de  nous- faire- rentrer- dans 
nous-mêmes',  Sfe-quefeion  l'homme 
intérieur  noue  la  pukfions  c&rAide- 
rar,  d'une-  manière  intelligible.  Nous 
devons  ausfi  dam  la  recherche  de  la 
Mpité  nouifervir  de  quelque  cliofe  de 
fenfiHe,  qui  ne'noHS  arrête  point 
hors  de  ikhis  pap  Ton  éclat  ;  mais  qui 
nou*-fa(ièFeRprer  dans  nous-mêmes,, 
qui  nous  rendeattemîfeSt  nous  uniife 
à  la  vérité  étemelle ,  laquelle  feule, 
préfideà-I'eforit ,  &  le  peut  éclairer 
fur  quelque  CRoieque  ce  purflèêtre; 

CHAPITRE    TV. 

De  £nfa<!e  de  Pimqgmatiaa  pour  COtt- 
jkrpar  l'attention  de,  Peffait  r  &  de, 
l'utilité  de  U  Çènmètme.- 

IL  finit  afeidtt'graudes  oii£oafpec- 
tions  dans  Sechoix  &  dans  fufage 
des  ieoo«rs  que  l'on  peuo  tirer  de  les 
fe-iïs-&  defë»uasfiQUSfOUC  fe.  rendre 
ftiiif 


GooSk 


3»        LIVRE;  SIXIEME. 

attentif  à  la  vérité;  parce  que  n09': 
pasfions  5c  nos  Cens  nous  touchent 
trop  vivement ,  &  qu'ils  rempliftent 
de  telle  forte  la.  capacité  de  Pefprit, 
qu'il  ne  voit  fouveut  que  fes  propres - 
fenfations ,  torfquJilpenfedécouvrir 
les  choies  en  elles-mêmes.  Mais  il 
n'en  eft  pas  de  même  des-  fecours  que 
Ton  peut  tirer  de  fon  imagination^ 
Ils  rendent  Refprit  attentif  fans  eri 
partager  inutilement  Incapacité,  & 
Us  aident  ainfi  merveilleufement  à 
appercevoir  clairement  &  diAinâe* 
ment  les  objets  ,  de  forte  qu'il  efl 
prefque  toujours  avantageux  de  s'ert 
Fervir.  Mais  rendonsceci  fenfiblepat 
quelques  exemples. 

On  fçait  qu'un  corps  eft  mû  par 
deux  ou  par  plufieurs  caufes  diffé- 
rentes, vers  deux  ou  piufieurs  dîffëV 
rens  cotez  :  queces  forces  les  pouffent 
également  on  inégalement  :  qu'elles 
augmentent  ou  qu'elfes  diminuent 
rnceffàmment ,  félon uneproportiort 
connue  telle  qu'on  voudra.  Et  l'on 
demande  qoelelt  le  chemin  que  doit 
tenir  ce  corps-;  l'end rortoù  if  fe  doit 
trouver  dans  un  tel  moment  ;  quel 
doit  être  fa  vîteflè  Iôrfqu'il  eft  arriva 
h  un  tel  endroit,  &  autres  choies 
femblables. 


a  — 

3 


AI  T 

nit 

V 

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3 

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X 

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A 

j4     r.rvïŒ  stxie*me; 

Du  point  A,  #  que  l'on  fuppofëétre 
celui  tfoà  ee^rps  commence  à  fe 
nwwok,  on-doit  tirer  d'abord  les: 
Jrgnesindjftînies  AB  ,  AC  ,  qui  fonC 
tandrSAC, fi ellesfe coupent:  car 
AB&  AjC,  font  directes,  ou  ne- font 
qu'une rfiênsefigne  droite,  &  nefè 
eoupenrpasj  Iorfquefesmouvemens. , 
qu^rfles  expriment  (ont  directement 
oppofez..  L'on  reprefente?  ainfi  di£- 

'  rinâementàl'imaginaooni,  oufion 
le  veut  auxfens ,  iechemin  que -fui— 

.  vroït  cecorps  ,  s'il  n'y  avoirqti^me 
de  ces  fbreesquile  poufcât  veis  quel- 
qu'un: des  cotez  A,  ou  B- 

2..  Si  la  fore?  qui  meut  ce-corps  vers; 
B.eft  égale  à  celle  qui  fis  meut versC,. 
on dow coupe* dans  lesf.HgnesAB,  8c. 
AC,  des  parties  i,  2,  3»  4,  &  i>  n,  m, 
iv..  également  éloignées  de  À.  Si  Fa 
foreequi  le  meut  vers  B,  efl  double-  • 
decelle  qui  ïe meut  versC,l'on coupe' 
Ses  parties  dans  AB,  doubles  de  celles, 
que  l'on  coupe  dans  AC.  Siceitefor- 
ceeft  foudouMe.on  les  coupe- fou- 
doubles.:  S»  trois  foi)  plus  grandeotr 
plus- petite-,  on  Tes  coupe  trois  foi*' 
plus  grandes  ou  plus  petites.  Lesdi- 
nifibni.  de  ces  lignas  expriment  en- 
«ore.-à-.Pimaginatwn  la  grandeur  de» 


t  rm  tx  KfÉnr..  r.  fart.  3Ç 

cTïfferentes  forces  qui  meuvent  ce 
corps,  &  en  rnêmetemsl'efpace  qu'el- 
les fontcapablesdele faire  parcourir.. 

5.  L'on  tire  par  ces  dtvifions  des- 
parallèles  à  AB,&  à  AC,  afin-  d'avoir 
les  lignes  iX>  2  X,  jX  ,  &c.  égales  à. 
A  i,A  n)Ani,&c.&  i.X.n.X;  ni.  X, 
égales  à  A  i, À 2,  A3,  qui  expriment 
ièsefpaces ,  queces  forces  fontcapa- 
blesdefaireparcourrr  à  ce  corps.  Et; 
par  les  interfedionsde  ces  parallèles,, 
on  tire  la  ligne  AXYE ,  laquelle  re- 
prefenteà  l'imagination  :.' première- 
ment. la  véritable  graodeur  du  mou- 
.vement  compoféde  ce  corps,  que  l'on; 
conçoit  poufïè  en  même  tems  vers  R,. 
&  versC,  par  deux  forces  différentes^ 
iêlbn  une  telle  proportion  :.  Secon- 
dement Le  chemin  qu'il  doit  tenir  1 
Enfin  tous  tes  Keux  où  H  doit  être- 
dans-  un  tems  déterminé.  De  forte 
eue  cette  figne  fort,  non  feulement  à- 
roûtenïr  ta  vue  de  refpi.it,  dans,  lai 
recherche  de  toutes  les-  véritez  qu'on! 
veut  découvrir  fur  la  quefiion  pro- 
pofée  :  elle  en  reprefente  même-  la: 
iefohuion  d'une  manière  fenfibleôe 
convaincante.. 

Premièrement  cette  ligne-  AXXEj, 
exprime  la  véritable  grandeur  <Jui 


•$  LIVRE  SIXIEME, 
mouvement  compofé.  Car  l'on  voit 
fenfiblement  que ,  fi  les  forces  qui  le 
produisent  peuvent  chacune  faire 
avancer  ce  corps  d'uh  pied  en  une 
minute  ,  fon  mouvement  compofé 
fera  dedeux- pieds  en  une.minute ,  fi  - 
lés  mouvemens.  compofans.  s'accor- 
dent parfaitement  :  car  dans  ce  cas  il  " 
fuffit  d'ajouter  AB,  à  AC,  parce  que 
les  forces  des  mouvemens  cornpofans  - 
font  entièrement  employées  à  former 
le  mouvement  cbmpofé.Et  fi  ces  mou- 
vemens ne  peuvent  s'accorder  entiè- 
rement .,  le  compofé  AE  fera,  plus 
grand  que  Pur)  des  compofans  AB  ou 
AC,  de  la  ligne  Y-E,  Mais  fiées  mou-  - 
vemens  fe  font  par  deux  lignes  qui. 
fanent  l'angle  CAB.de iio.degcez,  le 
compofé  fera  égal  à  cliacun  descom- 
ppfans  égaux:  Enfin  fi  ces  mouve-- 
menïfont  entièrement  oppoféz  ,  le- 
compofé  fera  nul  :  parce  que  les  for- 
ces des  mouvemens  compolans  étant* 
égales,  elles  font  équilibre.'. 

Secondement,  cette  ligne  AXYE,'. 
rep refente  à  l'imagination  le  chemin 
que  doit  fnivre  ce  corps  :  &  l'on  voit  • 
fenfiblement  félon  quelleproportiont 
il  avance  plus  d'un  côté  que  de  l'au-- 
tre;.  Oh  voiraufll  que  tous  les  roau-v- 


DE  LA  METH;  I.  Part.  37-  ' 
vemens  compofez  fontenlignedroi^- 
te,  lorfqve  chacun  des  compofansefl- 
toujours  fe.méme ,  quoiqu'ils  foient 
inégaux  eiïtr'eux^  ou  bien  Iorfque" 
fes  compofans  font:  toujours  égaux 
entr'eux  quoiqu'ils  ne  foient  pas  tou- 
jours; les  mêmes,-  Enfin  ileftvifible" 
queiesJignes  quedécrivent  ces  mou- 
vemens  font  courbes ,.  Iorfque  les  ■ 
compofans  font  inégaux  entr'eux,  8c- 
ne  foin  pas  toujours  les  mêmes. 

Enfin  cette  figne  reprefente  à  Pi-- 
magination  tousïes  lieux  où  ce  corps, . 
jwiiflëpardeuxforcesdinerentesvers' 
deux  difïerens  endroits,  doit  fe  trou- 
ver :  de  forte  que  l'on  peut  marquer 
précifémeiit  le  point  où  ce  corps  doit- 
être  dans  ter  irritant  qu'on  voudra. 
Si  l'on  veut  fçavoir ,  par  exemple,. 
oùildoit  fe  trouver  au  commence-     ■ 
ment  de  la  quatrième  minute:  ilnV 
aqu'à  divifer  les  lignes  AB ,  ou  AC,  - 
01  des  parties  qui  expriment  l'efpace, . 
que  ces  forces  connues  feraient  capa- 
bles chacune  en  particulier  de  faire  ■ 
parcourir  à  ce  corps  dans.une  minu-  • 
tt;  &  prendre  trois-  dé  ces-  parties  ■ 
dans  quelqu'une  de  ces  lignes ,  & 
ùrer  enfuite  par  le  commencement . 
kk  quatrième,  3  X,  paraHeleà  AB,, 


ra  mrv 


I 
3 

4 

A  I  II    III IV  . 


E\ 


a\ 


Google 


DE  LÀ  HETH.  I.  F*rt.  39? 
•a  tn.  X.  parailefer  à  AC.  Capiietë 
ériJentmifflepBgBtt  X ,  que  l'une  ou 
fautre  de  ces  parallèle»  détermine 
«bis  iaiœgue-AXïF;,  marque  l'en? 
■zoît  oùcof  OFps.  fe  tneravepa1  aircom- 
Bviwesasiu  de  la  iro-Bfiéitîe  tnnHrte 
<eibo  mouvsmeut..  Âijïfe  cette-  ma- 
nière d'examiner  les  questions  ne 
fbûtiewt  pae  fêolcniem  la  vmî  del'ef- 
pe'sc  ,  e&e  Iwp  six  montre  même  ïa. 
fifahaAaa  :&■  «Me  lui  donne  aflfeadfe* 
kinnR  poop  déee»v.rir  les  chofcs- 
MLOnwugs-  pjw  fou  peu  de  efeofes- 


ttluffic  pare)*enrpî«'apïéscequTon- 
»dïc,q*c  tors  fçacfee  feulement  qur'tnv 
•orpt^wiétowerj  A  dans  un  tel  tems, 
fei»Oîivcen  Ednrwtro  autre  ,  &qiie- 
les1  forces  différentes  lepooflènt  par 
des  lignes  qiiï' faflènt  un  angle  don- 
né tel  que  BAC  ;  pour  découvrir  fa- 
figne  de  Ton  mouvemenreompofé,  & 
les  différens  degrez  des  vhefles  des. 
mouvemens  nmplesjpourvû.quel'on 
fçacfie  que  ces  mouvemens-  foient 
égaux  eutiTeux  ou  uniformes.  Car 

rndonadeux  points  d'une  -ligne 
îte;  on  l'a  route  entière  :  &  l'on» 
peut  comparer  laligne  droite,  A  E  „ 
ou  le  mouvement  compofé  qui  eiï- 


C,„„sk- 


4fi'      LIVRE SIXIEME. 
connu ,  avec  les  lignes  A  B  &  A  CV 
deft-à-d  ire  avec  les  mouvemens  am- 
ples qui-  font  inconnus.  - 

Si  l'on-fuppole  de  nouveau  qu'une 
pierre,  fort  pouffée  de  A*  vers  B  ;  pat 
un  mouvement  uniforme ,  marsqu'- 
dle  defcende  vers  C  infiniment  éloi- 
gné du  point  A-,  par  un  mouvement 
inégal  femblable  à  celui  dont  on  croit 
ordinairement  que  les  corps-  pefans 
tendent  au  centre  de  la  terre,  c'efl-à- 
dire  que  les  efpaces  qu'elle  parcourt 
foienfc  emr'eux ,.  comme  les  quarre^. 
des  tenis  qu'elle  emploie  à  les  par* 
courir:  la  ligne  qu'elle  décrira  fera: 
toûjoursune  parabole;  &I'on  pourr* 
déterminerdansla  dernière  exaâitu-- 
de  le 'point  où  elle  fera  dans  untefc- 
moroeHt  de  Jon  mouvement... 


Coo8k- 


C,„„sk- 


4*        LIVRE  SIXIEME! 

Car  fi  dans  ce  premier  moment  ce 
corps  tombe  de  deu*  pieds  de  A  vers 
C, dans  Iefecondde Iix,  dans  Ietroi- 
Hérne  de  dix ,  dans  le  quatrième  de' 
quatorze,  &  qu'il  foi t  poulie  par  un- 
mouvement  uniforme  Se  A  vers  B, 
qui  eft  de  la  longueur  iJefeize  pîedï, 
ilefl  vifîbïe  que  la  îignequil  décri- 
ra fera  une '-parabole  ,  dont  te  paramé- 
tre fera  long,  de  huit  pieds.  Car  le 
quarré  des  appliquées  ou  ordonnées  au 
diamètre  lesquelles  marquent  les 
tems  &  le  mouvement  umfocrae  de 
A  vers  B,  fera  égal  au  reBangle  du  pa- 
ramétre par  les  lignes  qui  marquent 
les  mouvemens-megaux  &  accélérez,  : 
&  les  quarm^des  appliquées,  c'eft-à- 
direles  qnarre^àsi  tems  feront  «urV 
eux  comme  les  parties  du  diamètre 
comprîtes  entre  le  pale  Se  les  ap- 
pliquées. 

16.  64:  :  î.8. 

64. 144.  :  :  8. 18.  &c. 
II  fuffit  de  confidcrRr  ia  [ixiéme  fi- 
gure pour  feperfuaderdececi..Car 
les  demi  cercles  font  connoître  que 
A  1.  elt  à  A4,  c'eft-à-dire  à  l'appli- 
quée i  X  qui  lui  eft  égale  :  comme  i 
X  eft  à  A  8.  Que  A 18  eft  à  A  ri,  c'eft- 
à-dire  à  l'appliquée  18  X }  comme  i£ 


DE  LA  METFF.  ï.  Part.    « 

X  eft1  à  A  8 ,  &c.  Qu'ainG  tes  nffan- 
glet  A  2-parA8  ,  &  A  r8  autti  par  A 
*  jfont égaux  aaxqmrr&çàez X  ,  & 
*er8.  X,  &c.  Etparccrirequeiit  que 
tesjuarre^  font  entr'eux  comme  ces 
re&mglts. 

Le»  parallèles  far  A  R  &  fur  A  C 
yw  fe  coupent  auxpcàms  X.  X..X. 
iontencorefénfîbïemwK  counoître  le 
cnemiir que  doit  tenir  cecorps.  Et- 
I»  marquent  les  endroits' où  il  doit 
être  en  un  tel  tema.  Elles  repréferr- 
tent  enfin-  aux-  yeuxïa  vérrtaBïe  gtan- 
deusdu  mouvement  compote,  oc  de 
ferr  aeceltratitn ,  en  un  teins  déter- 
miné. 

Suppofàm  denenveau  qtfuncDrps 
fe-  meuve-de-A  vers  C  inégalement , 
auflrBien  que-de  A  vers  ft":  fr  l'inéga- 
ifté'eft  parêiïïean  commencement  & 
toujours-  .-eTeffi-à^dîrcfl:  Pfnégalhé.dfe 
(bu-  mouvement-  vers  C  cfl  femHkfcle 
à-  celai  vers  B ,  ou  9*ilaugmente  avec 
fe-  même-  proportion ,  la  figne  qu'il 
décrâraièra  d'rofte. 

Mars  fi  l'on  nippon;  qu'iP  y  art 
mégaHté  dans  l'augmentation-,  ou 
dans  la  diminution  des.  mouvement 
Smpfes  ;  quoique- l'on  fuppafe  cette 
inégalité telle qir'onvandia ,  Hier» 


C,„„sk- 


44.  LIVRE- SIXIEME. 
toujours  facile  de  trouvée  Ialignev 
qui  repréfente  à  l'imagination  le 
mouvement  compofé  des  mouve- 
mens  (impies;  en  exprimant  par  des 
lignes  ces  mouvemens  ,  &  en  tirant 
à  ces  lignes  des  parallèles  qurs'entre- 
coiipcnt.  Car  la  ligue  qui  parlera  pat 
toutes  les  interfections  de  ces  paral- 
lèles ,  repréfentera  le  mouvement 
compofé  deces  mouvemens  inégaux  , 
&  inégalement  accélère^  ,ou  dimi- 
nuez. 

Par  exemple  fi  Ton  fuppofe  qu'un 
corps  foit  mû  par  deux  forceségales- 
ou  inégales,- telles  qu'on  voudra:, 
qu'un  de  ces  mouvemens  augmente 
ou  diminue  toujours,  félon  une  pro- 
greflion  Géométrique  ou  Arithméti- 
que telle  qu'on  voudra  j  &<que  l'au- 
tre mouvement  augmente  ou  dimi- 
nue auffi  félon  une  progteflion Arith- 
métique ou. Géométrique  telle  que 
l'on  voudra  :  pour  trouver  les  points 
par  Iefquels.  doit,  palïcr  la  ligne  qut 
tepréfente  aux  yeux  &  à  l'imagina- 
tion le  mouvement  compofé  de  ces  ■ 
mouvemens,  voici -ce  qu'il  y  a  k 
faire. 

II  faut  d'abord  tirer  comme  l'on  as 
dit  les.  deux  lignes  A  B  &  AQ  ppue- 


GooSk 


"DE  .LA  METH.  I.  Part.  4^ 
exprimer  les  deux  mouvemens  fim- 
plës ,  &  divifer  ces  lignes  félon  la 
îuppofition  de  l'accélération  de  ces 
jmouvemens. Si  l'onfuppofc  que  le 
mouvement, exprimé  paria  ligne  A 
Ç  augmente  ou  diminue  félon  cette 
progreffien  Arithmétique  1.  2.  3. 4. 


Al     Ir 


^,  ilfaut  ladivifieraux  points  mar- 
quez r.  a.  3.  4.  ^.  &  fi  l'on  fuppofe 
que  te  mouvement  exprimé  par  la  li- 
gne.AB  augmente  félon  la  progref- 
îion  double  r.  2.  4.  8.  16.  ou  diminue 
félon  la  progreffion  foudouble  4.  î. 
*•  *  >4>4ï'*ï  «ut  Ia  divHec  aux  pointa 
marquez  1.  2.4.  8.  \6.  ou  4.  a.  X, 
ï,J,j.  Enïuite  H  faut  tirer  par  ces 
divifions  des  paraHes  à  A  B  &  à  A 
C  ;  &  la  ligne  A  E,  qui  doit  exprt- 


GooSk 


4«  JjTVRE  SrXTE'ME. 
-merle  mouvement  compoie  que  font 
cherche,  panera  nécellaiteraent-pat 
nous  ic5  points  où  ces  parallèles  s'en- 
«recouperont.  lEtainli  -l'on  voit  ta 
Chemin  que  ce  corps  mù  doit  tenir, 
■Si  l'on  vent  comioîtreéxacbement, 
.■combien  il  y  a  detems  que  ee  corps 
.a  commencé  d:être  remplie ,  loxfqu'iî 
■eft  atïiveà  un  tel  point  :  les  paralle-  • 
les  tirées  de  se  point  fur  A  B  on  fur. 
A  C  le  marqueront ,  car  les  ddvilîon» 
de  A  B  &  de  A  C,  marquentie  -teins.' 
DemêmefiTonveutfçavorrle  point" 
où  ce  corps  fera  arrivé  en  un  teltems," 
lesparalleles-tirées  des  divifions  des*>- 
iignes  AU  &  ACqui  repréfentent' 
ce  -tems ,  marqueront  par  leur  inter-' 
■feâien  -«e  po«tt  -«j«e  -Pen-cheeebe,* . 
Pour  l'éloignement  du  lieu  d'où  il' 
a  commencéà  ie  mouvoir  ,  il  fera 
toujours  facile  deîeconnoître.en  ti- 
rant une  ligne  decepoiut  vers  A:  car 
la-longueur  de  cette ligneie-connoî- 
tra  par  rapport  à  A  Bou-à  ACqui 
font  connues.  Maisrpour  Ialorgueur 
du  chemin  que  ce  corpsaura' fait  pour 
arriver  à. ce  point,  il  fera  difficile  de 
laxonnoître,  à  caufefjue  latligne  de 
Ton  mouvement,  A  E  ,  étant  courbe , 
on  ne.  peut  la  rapportera  aucune  à% 
cesiignes  drohes. 


DE  1A  WE3H.  J.  Part.  47 

-Que  fi  Ton  voulait  déterminer  les 
points  infinis  par  lesquels  ce  corps 
xfoit  paflër,  c'efl-à-dire,  décrire-  exac- 
tement &;par  un  mouvement  continu 
Ialigne  À  E ,  il  Jèroit  néceflàirede  fe 
iaiieun. compas  dont  Je. mouvement 
desjaœhcs  fïitreaié  J  félon  les  condi- 
tions exprirnéesdansles  i'uppoiïtrons 
que  l'on  vient  défaire.  Ce  gui  eil  fou- 
lant très-difficile  à  inventer,  impôt- 
ïiblc à  exécuter ,  &  allez  inutile  pour 
découvrir  les  xapports  que  les choies 
ont  entr'elles  ;  puifque  l'on  n'a  pas 
d'ordinaire  befbin  de  tous  les  points 
dont  œoe  Jigneeft  jx>mpofée ,  mais 
fedlemem  de  quelques-uns  qui  fer- 
ment àcanduiïe  ^imagination  lorf- 
fju'eiic  -eonfidére  de  tels  mouve- 
ment. 

Ces  exemples  fuffifent  pour  faire 
connoître  que  l'on  peut  exprimer 
par  I^nes,&  repréfènterainfî  a  l'ima- 
gination la  plupart  de  nos  idées  ;  & 
que  la  Géométrie  qui  apprend  à  faire 
toutes  les  comparaifons  neceîTaires 
pour  connoître  les  rapports  des  li- 
gacs,,  efl  d'unuiàge  beaucoup  ulus 
étendu  gu'on  ne  le  penfe  ordinaire- 
ment. Car  enûn  l'Auronomie,  la 
Muiique ,  les  Mécaniques ,  &  gêné* 


48  LIVRE  'SIXIEME, 
■lalemeia  toutes  les  fciences  qui  trai- 
tent des  cbofes  capables  de  recevoir 
du  plus  ou  du  moins  ,  &  par  confé- 
«uentquel'on  peut  regarder  comme 
étendues,  c'eft-à^dire  toutes  Iesfcîen- 
ces  exafles  fe  peuvent  rapporter  à  la 
Géométrie:  parce  que  toutes  Iesvérr- 
tez  fpéculatxves  ne  confluant  que 
dans  les  rapports  des  choies ,  &  dans 
,les  rapports  qui  fe  trouvent  entre 
leurs  rapports ,  elles  fe  peuvent  tou- 
tes rapporter  à  des  lignes.  On  en 
peut  tirer  géométriquement  plu- 
îieurs  confequences  :  &  ces  confe- 
quences  étant  rendues  fenfibles  par 
.les  lignes  qui  les  repréfentent ,  il 
n'eft  prefque  pas  posfiblede  fe  trom- 
per  ,  &  l'on  peut  pouûer  ces  fcien- 
ces  .fort  loin  avec  beaucoup  de  fa- 
cilité. 

La  raîfon  par  exemple  pour  la- 
quelle on  reconnoît  tres-dillinâe- 
ment ,  &  l'on  marque  précifement 
dans  la  Mulique  une  oétave,  une 
quinte,  une  quarte,  c'efl  que  l'on  ex- 
prime les  fons  avec  des  cordes  exao 
temeiitdivifées  ;'■&  que  l'on  feait  que 
la  corde  qui  fonne  l'oâave  eft  en 
proportion  doubleavec  I'autreaveç 
laquelle  iè  faitl'oâave  j  -que  la  quin- 


"DE  £A  METH.  I.  Paht.  4* 
te  efi  en  proportion  fefquîaltere  ou 
de  trois  à  deux,  &  ainli  des  autres. 
Or  l'oreille  feula  ne  peut  juger  des 
lbnsavecIapréci(ion&  la  juileuene- 
ceQàiie  à  une  lcience.  Les  plus  habi- 
les Praticiens ,  ceux  qui  ont  l'oreil- 
le la  plus  délicate  &  la  plus  fine ,  ne 
font  pas  encore  allez  fenfibles  pour 
reconnoxtre  la  différence  qu'il  y 
a  entre  certains  fons  ;  &  ils  Le  per- 
fuadent  fauflement  qu'il  n'y  en  a 
point  ,  parce  qu'ils  ne  jugent  des 
choies  que  par  le  lentiment  qu'ils  en 
ont.  Hyertaqui  ne  mettent  point  de 
différence  entre  une  octave  &  trois 
dirons.  Quelques-uns  même  s'imagi- 
nent que  le  ton  majeur  n'eft  point 
différent  du  ton  mineur;  de  forte  que 
lecomm^quienefl  la  différence,  leur 
cft  infen(f>Ie  ,  &  à  plus  forte  raifon 
lefibijma  qui  n'ell  que  la  moitié  du 


Il  n'y  a  donc  que  la  raifon  qui  nous 
iatlè  manifeftement  voir  que  Tefpace 
delacordequi  lait  la  différence  entre 
certains.fons  ,  étant  divilîble  en  pïu- 
£eurs  parties ,  il  peutyavoirencore 
un  très-grand  nombre  dedifferensfons 
utiles  &  inutiles  pour  la  Mufique, 
lefquels  .l'oreille  ne  peut  difcemex. 
Tome  III  C 


GooSk 


lo  LIVRE  SIXIPME. 
D'où  il  eft  clair  que  fans  l'Arithmé- 
tique &  la  Géométrie  la  Mufigue  ré- 
gulière &  exacte  nous  ferait  incon- 
nue, &.  que  nous  ne  pourrions  réiïf- 
fîr  en  cette  fcienoe  que  par  hazard  8c 
par  imagination:  c'eft-*direque  la 
Mufique  ne  ferait  plus  unefcience 
fondée  fur  des  demonftraâons  incon- 
teftables  ;  quoique  les  airs  que  l'on 
compofe  par  la  force  de  l'imagina- 
tton,  foient  plus  beaux  &  plus  agréa- 
bles au»  fens.queceuxque  Pou  com- 
pofe pat  les  régies. 

De  même  dans  les  Mécaniques ,  la 
pefanteur  de  quelque  poids,  &  la  dif- 
tance  du  centre  de  pefanteur  de  ce 
poids  d'avec  le  foûtien  ,  étant  capa- 
ble du  plus  &du  moins,  l'une  &  l'au- 
tre fe  peuvent  exprimer  par  des  ii-. 
gnes.  Ainiï  l'on  fe  fert  uti  Vient  de- 
là Géométrie  pourdécouvrir&  pour 
démontrer  une  infinité  de  nouvelles 
inventions  très-utiles  à  la  vie,  &  mê- 
mes t ces-agréables  à  lelprît  à  caufe 
de  I  évidence  qui  les  accompagne. 

Si  par  exemple  on  a  un  poids  don- 
né comme  de  fix  livres ,  que  l'on 
veiiille  mettre  en  équilibre  avec  un 
poids  de  trois  livres  feulement;  & 
que  ce  poids  de  fix  livres  foit  attacb 


DE  LA  MEÏH.  I.  Faut.    <r 
aafcras  d'une  balance  éloigné  du  foû- 
tien  de  deux  pieds:  fçaehant  feule- 
ment le  principe  général  de  toutes  les 
mécaniques:  Que 'es  poids  pour  demeu- 
rer en  hjmlibre,  'drivent  être  en'propor*- 
tion  réciproque  avec  Iturs  difiances  dm 
J&âtien ,--  c'elt-à-direqu'un  poids  doit 
être  à  l'autre  poids.commeladiflance 
«ftii  efl  entre  le  dernier  &  le  Soutien, 
eft  à  la  diftance  du  premier  d'avec  le 
même foûrren,  il  fera  facile  detouver 
parla  Géométrie  qu'elledoit  être  la 
cttftance  du  poidsde  trois  livres,  afin 
que  tout  demeure  en  équilibre  j  en 
trouvant  félon  la  douzième  propofî- 
tïon  dufîxiéme  Livre  d*EucIide ,  une 
quatrième  ligneproportionneile  qui 
fera  de  quatre  prèaVlDe  forte  que 
fçaehant  feulement  leprincipe  fonda- 
mental des*  Mécaniques ,  on  petit  dé- 
couvrir avec  évidence  routes  les  vérr- 
tez  qui  en  dépendent ,  en  appliquant 
Ia-Géometrie  à  la  Mécanique,  c'eft- 
à-direen  exprimant  fenfiblement  par 
des  lignes  toutes  les  chofes  que  l'on 
confidere  dans  les  Mécaniques. 

Les  lignes  8t  les  ligures  de  Géomé- 
trie font  donc  très-propres  pour  re- 
ptéfemer  à  l'imagination  les  rapports 
qui  font  entre  les  grandeurs,  ou  entre 
Cij 


c,„„sk- 


m        Î.IVRE  SIXIEME. 

les  chofes  qui  diffèrent  du  plus  &  Su. 
moins ,  comme  les  efpaces ,  les  temSj 
les  poids ,  &ç.  Tant  à  caufe  que  ce 
font  des  objetstres-iîmples,  qu'àcau- 
iè  qu'on  les  imagine  avec  beaucoup 
de  facilité.  Gn  pourroit  mêmedire  à 
l'avantage  de  ta  Géométrie  que  les 
lignes  peuvent  repréfenter  à  l'imagi- 
nation plus  de  chofes  que  l'efprit  n'en 
peut  connoître  :  puiique  les  lignes 
peuvent  exprimer  les  rapports  des 
grandeurs  incommenfurables ,  c'efb- 
a-dire  desgrandeurs  dont  on  ne  peut 
cpunokre  ies  rapports  à  caufe  qu'el- 
les n'ont  aucune  mefure  par  laquelle 
on  en  puiflè  faire  la  comparaifon. 
Mais  cet  avantage  n'efl  pas  fort  con- 
fiderabie  pour  la  recherche  de  la  vé- 
rité, puis  que  ces  exprefllons  feniibles 
des  grandeurs  incommenfurables  ne 
découvrent  point  diftinâement  à  VeG- 
prit  leur  véritable  grandeur. 

La  Géométrie  eft  donc  très-utile 
pour  rendre  l'efprit  attentif  aux  cho- 
fesdont  on  veut  découvrir  les  rap- 
ports :  mais  il  faufavoiiçr  qu'elle 
nous  eftquelque  fois  occafion  d'er- 
reur ;  parceque  nous  nous  occupons 
fi  fort  des  demonilraiions  évidentes 
&  agrtables  que  cette  fcience  nous 


ÛE  LA  METH.  I,  Part,  flf 
fournit ,  qM nous  ne  conlîdérons  pas 
aflëz  la  nature.  C'eit  principalement 
pour  cette  raïfon  que  toutes  les  ma- 
chines qu'on  invente,  ne  réuiTilTent 
pasjquetoutes  les  compofuions  de 
Mufique'où  les  proportions  descon- 
fonanceslom  les  mieux  obfervées ,  ne 
font  pas  les  plus  agréables,  &  que 
les  fupputat  ions  les  plus -exactes 'dans 
tfAftromouie,  ne  prédifent  quelque- 
fois pas  mieux  la  grandeur  &  le  tems 
des  Eclypfes.  Lanature  n'eft  point 
àbftraite ,  les  leviers  &  les  roues  des 
Mécaniques- ne  font  pas  des  lignes  & 
des  cerclés  Mathématiques:  nos  goûts 
pour  les  airsdeMufique  ne  font  pas 
toujours  les  mêmes  dans  tous  les 
hommes  ,  ni  dans  les  mêmes  hommes 
en  dîfïèrens  tems  ;  ils  changent  félon 
les  différentes  émotions  des efprits, 
de  forte  qu'il  n'y  a  rien  de  ii  bizarre. 
Enfin  pour  ce  qui  regarde  l'Aftrono- 
mie ,  il  n'y  a  point  de  parfaite  régir-" 
larité  dans  le  cours  des  Planètes  :  na- 
geant dans  ces  grands  efpaces ,  elles 
font  emportées  irrégulièrement  par 
la  matière  fluide  qui  les  environne.' 
Ainfi  les  erreurs  où  l'on  tombe  dans 
l'AHronomie,  les  Mécaniques-,  la 
Mufique  &  dans  toutes  les.  feiences 
G  iij,* 


Goo8k- 


54       LIVRE  SIXIEME 

aufquelleson  applique  la  Géométrie; 
ne  viennent  point  Se  la  Géométrie 
qui  eft  une  fcience  inconteftable, 
mais  de  la  faune  application  qu'on  eo 
feit. 

Onfuppofe,  par  exemple,  que  les 
Planètes  décrivent  pat  leurs  mouve- 
mens des  cercles  &  des  éllipfes  par- 
faitement régulières,  ce  qui  n'eft 
point  vrai.  On  faitbiendelefuppo- 
ièr  afin  de  raifonner ,  &  auifi  parce 
qu'il  s'en  faut  peu  que  cela  ne  foit 
Vrai  :  mais  on  doit  toujours  fe  fouve- 
nir*juele  principeiur  lequel  on  rai- 
forme  eit  une  fuppofition.  De  même 
dans  les  Mécaniques,  on  fiippofeque 
le;  roues  &  les  leviers  font  parfaite- 
ment durs,  &  femblables  à  des  lianes. 
&  à  des  cercles  Mathématiques,  fans 
pefanteur ,  Se.  fans  frottement  :  ou 
plutôt  on  neconfidere  pas  aflëz  leur 
pelànteur,  leur  frottement,  leur  ma- 
tierej  ni  le  rapport  que  ces  chofesont 
entr'elles  :  que  la  dureté  ou  la  gran- 
deur augmente  la  pefanteur,  que  la 
pefanteur  augmente  le  frottement  j 
que  le  frottement  diminue  la  force, 

Î[u'eïle  rompt,  ou  ufe  en  peu  de  rems 
a  machine  j  &  qu'ainfî  ce  qui  réuf-  ■ 
fit  p tefque  toujours  en  petit,  ne  rétif* 


GooSk 


DE  LA  METH.  I.  Part.  55 
fit  prefq  ue  jamais  en  grand. 

II  ne  faut  donc  pas  s'étonner  fi  on 
fe  trompé ,  puîfque  l'on  veut  raifort- 
ner  fur  des  principes  qui  ne  font 
point  exactement  connus  :  &  il  ne 
faut  pas  s'imaginer  que  la  Géométrie 
ioit  inutile,  à  caufe  qu'elle  ne  nous 
délivre  pas  de  toutes  nos  erreurs.  Le» 
iuppofitions  établies  ,  elle  nous  fait 
xaifonner  confequemment.  Nous 
rendant  attentifs  à  ce  que  nous  confi- 
dérons  ,  elle  nous  le  fait  connoître 
évidemment.  Nous  reconnoiftons 
même  par  elle ,  fi  nos  fuppofitions 
font  faulïès  ;  car  étant  toujours  cer- 
tains que  nos  raîfonnemens  font 
vrais,  &  l'expérience  ne  s'accordent 
point  avec  eux,  nous  découvrons  que 
les  principes  fuppofez  font  faux. 
Mais  fans  la  Géométrie  &  l'Arithmé- 
tique on  ne  peut  rien  découvrir  dans 
les  fcienoes  exactes  qui  foit  un  peu 
difficile,  quoi  qu'on  ait  des  principes 
certains  &  inconteAables. 

On  doit  donc  regarder  la  Géométrie 
comme  uneefpece  de  fcience  univer- 
felle ,  qui  ouvre  1  efprit,  qui  le  rend 
attentif,  &  qui  lui  donne  l'adretle 
de  régler  fon  imagination,.  &  d'en 
tirer  tout  le  fecoura  qu'il  en  peut  re- 
C  iiij 


GooSk 


&  LIVRE  SIxrE'ME. 
cevoîr  :  car  par  le  fecoursdelaGéo*- 
métrie  l'efprit  règle  le  mouvement 
de  l'imagination;  &  l'imagination 
réglée  foûtient  la  vue  &  l'application, 
de  l'efprit. 

Mais  afin  que  l'on  fçacïie'  faire  un 
bon  ufage  de  la  Géométrie,  il  faut  re- 
marquer que  toutes  les  chofes  qui 
tombent  fous  l'imagination-,  ne  peu- 
vent pas  s'imaginer  avec  une  égale 
facilité;  car  toutes  les  images- ne  rem- 

?  Huent  pas  également  la  capacité  de 
efprit.  Il  ellplus  difficile  d'imagi- 
ner un  folide  qu'un  plan  ,  &  un  plan 
[ivune  fimple  ligne  :  car  il  y  a  plus 
le  penfce  dans  la  vue  claire  d'un  foli- 
de que  dans  la  vùë  claire  d'un' plan 
&  d'une  ligne.  II  en  ell  de  même  des 
différentes lignes,  il  fautplusdepen- 
féec'eil-à-direplusde  capacité  d'ef- 
prit,  pour  fe  repréfemer  une  ligne 
parabolique,  ou  elliptique;  ou  qnel- 

Ïues  autres  plus  compofees,  que  pour 
;  repréfenter  la  circonférence  d'un 
cercle;  &  plus  pour  la  circonférence 
d'un  cercleque  pourune  Iignedroite, 
parce  qu'il  eft  plus  difficile  d'imagi- 
ner des  lignes  qui  fe  décrivent  pat 
des  mouvemens  fort  compofez  &  qui 
ont  ploQeucs  rapports,  que  celles» 


l 


DE  LA  METFÏ.  I.  Part,  ff 
qui  fe décrivent  par  des  mouvemens' 
ires-lîmples ,  ou  qui  ont  moins  de- 
rapports.  Car  les  rapports  ne  pou- 
vant être  clairement  apperçûs  fans 
l'attention  de  Pefprit  a'  plnfieurS' 
ch-ofes ,  il  faut  d'autant  plus  de  péri" 
fée  pour  les  appercevoir,  qu'ils  font 
en  plus  grand  nombre.  Il  y  a  donc 
des  figures  fi  compofées  que  I'efpric 
n'a  point  aflèz  d'étendue  pour  les- 
imaginer  diftinâement ,  mais  il  y  en 
a  auflî  d'autres  que  l'efprit  imagine' 
avec  beaucoup  de  facilité.- 

Des  trois  efpeces  d'angles  reflili- 
gnes ,  l'aigu  ,  ledroit,  &ïobtus  ;  il- 
n'y  a  que  le  droit  qui  réveille  dans- 
l'efprit  une  idée  diftméte  &  bien  ter- 
minée. II  y  a  une  infinité  d'angles  ai- 
gus qui  diffèrent  tous  entr'eux  :  i  [  en  - 
eft  de  même  de  ceux  qui- font  obtus.- 
Aînfî lorfqu'on  imagine  un  angle 
aigu  ou  un  angle  obtus  ,  on  n'ima^  - 
gine  rien  d'exact  ni  rien  de  diftinct;  - 
Mais  lorfqu'on  imagine  un  angle  - 
droit ,  on  ne  peut  fe  tromper,  l'idée 
en  eft  bien  diftinfle  ,  &  l'image  mê- 
me que  l'on  s'en  forme  dans Je  cet-  - 
veau  eft  d'ordinaire  allez  jufte, 

II  eft  vrai  qu'on  peut  auflt-déter-- 
miner" l'idée  vague  d'angleaigu  à" 
Cv- 


^S         LIVRE  SIXIE'ME.' 

I*idée  particulière  d'un  angle  de  tren- 
te degrez ,  Se  que  l'idée  d'un  angle  de- 
trente  degrez  eft  aufllexade  que  cel  le  : 
d'un  angle  de  ço.  c'eft-à-dire  d'un, 
angledroit.  Mais  l'image  que  i'om 
tâcheron  de  s'en  former  dans  le  cer- 
veau ,  ne  feroit  point  à  beaucoup  prér 

'  fi  juflequeceHed'unangIedroit..On 
n'efl  point  accoutumé  à  ie  représen- 
ter cette,  image ,  &  on  ne  peut  la 
tracer  qu'en  penfant  à  un  cercle  ,  ou 

-  à  une  partie  déterminée  d'un  cercle 
divifé  en  parties  égales.  Mais  pour 
imaginer  un  angle  droit ,  il.  n'eu 
point,  néceflaire  de  penfer  à  celte  di- 
vifion  de  cercle  -,  la  feule  idée  de  per- 
pendiculaire l'unit  à  l'imagination 
pour  tracer  l'image  de  cet  angle  ;  & 
tonnefent  aucune  difficulté  à  fere- 
prefenter  des  perpendiculaires,  parce 
qu'on  eft  accoutumé  à  voir  toutes, 
choies  debout.. 

Ileft  doncfaciledejuger  quepour 
avoir  un  objet  fimple ,  difliiiâ ,  bien 
terminé,  proprepour  être  imaginé 
ayee. facilité,  &  par coufequent pour 
rendre  refprit  attentif  &  lui  confer- 
ver  l'évidence  dans  les  véritez  qu'il 
cherche-,  il  faut  rapporter  toutes  Ies> 
grandeurs  quenousconfideiQnSj  à  <fe 


GooSk 


DE  LA  METH.  I.  Part.  & 
fimples  furfaces  terminées  par  des 
lignes  &  par  des  angles  droits  ,  com- 
me font  les  quarrez  parfaits  &Ies  au- 
tres ligures  rectangles,  ou  bien  à  de 
fimples  lignes  droites  j  car  ces  figu- 
res font  celles  dont  on  connoït  plus 
facilement  la  nature. 

J'aurais  pu  attribuer  aux  fens  le 
fecours  que  l'on  tire  de  la  Géomé-  ' 
trie  pour  conferver  l'attention  de 
l'efprit  :  mais  j'ai  crû  que  la  Géomé- 
trie appartenoit  davantage  à  l'imagi- 
nation qu'aux  fens  ,  quoique  les  li- 
fnes  foient  quelque  chofe  de  fenfi* 
le.  II  ferait  afier  inutile  de  déduire 
ici  les  raifons  que  j'ai  eues  ,  puif* 
qu'elles  neferviroient  qu'à  juuirier 
l'ordre  que  j'ai  gardé  dans  ce  que  je- 
viens  de  dire  j  cequi  n'eft  point  etfen- 
tiel.  Je  n'ai  point  auffi  parlé  de  l'A- 
rithmétique ni  de  l'Algèbre ,  parce1 
que  les  chiffres  &  les  lettres  de  l'al- 
phabet,dont  on  fe  fert  dans  ces-fcien*- 
cesv  ne  font  pas  fi  utiles  pour  aug- 
menter I'atiention  de  l'efprit ,  qua' 
pour  en  augmenter  l'étendue  ,  ainfi: 
que  nous  expliquerons  dans  le  Cha- 
pitre fuivant. 

Voilà  quels  font  les  fecours  gcné- 
rauxquipeuventrendreï'efprit'  plu* 
C-  VI? 


6t>  LIVRE  SIXIE'ME. 
attentif.  On  n'en  fçait  point  d'autres; . 
fi  ce  n'eft  la  volonté  d'avoir  de  l'at- 
tention ,  de  quoi  on  ne  parle  pas  , 
parce  qu'on  fuppofe  que-  tous  ceux 
qui  étudient ,  veulent  être  attentifs  h- 
ce  qu'ils  étudient. 

II  y  en  a  néanmoins  encore  plu-' 
fieurs  qui  font  particuliers  à  certai- 
nes perforines  ,  comme  font  certai- 
nes boiilôns,  certaines  viandes,  cer- 
tains lieux,  certaines  difpofnions  du 
corps  ,  *&  quelques  autres  fecours 
dont  chacun  doit  s'inftruire. par  ta. 

gropreexperience.il  faut  obferver 
eut  de  Ton  imagination  après  le* 
repas,  & confîderer  quelles -font  les- 
chofesqui  entretiennent  ou  qui  dilïi- 
pent  l'attention  de  fbn  efprit.  Ce 
qu'on  peut  dire  de  plus  gênerai,  c'ell 
que  l'ufage  modéré  des  alimens  qui 
font  beaucoup  d'efprirs animaux,  ert 
très-propre  pour  augmenter  l'atten- 
tion de  l'efprit  &  la  force  de  l'ima- 
gination dans  ceux  qui  l'ont  foible.  &>  ■ 
knguiflànte. 


DE  LA  METH:  I.  Paht.     6v. 


CHAPITRE    V. 

B«  moyens  d'augmenter  Pètenduë  & 
la  capacité  de  l'eforit.  Que  F arith- 
métique &  l'algèbre  yjont  abfolu*- 
ment  nécefiaires. 

IL  ne  faut  pas  s'imaginer  d'abord' 
que  l'on  puîné  jamais  augmentée 
véritablement  la  capacité  &  reten- 
due de  fon  efprh.  L'ame  de  l'homme" 
eftpour  ainfi  dire  une  quantité  dé- 
terminée ou  une  portion  de  penféei . 
juîa  des  bornes  qu'elle  ne  peut  paf- 
.er;  l'amené  peut  devenirplusgran- 
de  ni  plus  étendue  qu'elle  efl  :  elle 
ncs'enfie  ni  ne  s'étend  pas  de  même 
qu'on  lecroit  des  liqueurs  &  des  mé- 
taux; enfin  Urne  parok qu'elle n'ap- 
perçoit  jamais  davantage  en  un  tems 
qu'en  un  autres  8c  je  n'ai  point  de  - 
preuve  convaincante  du  contraire. 

II  eil  vrai  que  cela  femble  contraire  ■ 
à  l'expérience.  Souvent  on  penfe  à 
beaucoup  d'objets  ;  ibuvent  on  ne. 
penfè qu'à  unfeul,  &  fouvent même 
on  dit  que  Ton  ne  penfe  à  rien.  Ce» 
gpndant  ii  I'oa  conUdere  que  la  pen*  - 


Goo8k 


fe 


*4       tIVRE  SIXIE'ME. 

eeption  toute  fimple  renferme  quel- 
quefois autantde  penfée,  c'eft-à-dire 
qu'elle  remplit  autant  de  la  capacité 
que  I'efprit  a  de  penfer  ,  qu'un  j  uge- 
ment,  &même  qu'un  raifonnemeni 
compofé:  puHque  l'expérience -ap- 
prend qu'une  perception  fimple , 
mais  jHve ,  claire  &  évidente  d'une 
fëule  chofe  ,  nous  applique  Se  nous 
occupe  autant ,  qu'un  raifoiinement 
compofé,  ou  que  fa  perception  oH>* 
faire  &  confulede  plufieurs  rapports1 
entre  plufieurs  chofes. 

Car  de  même  qu'il  y  a  autant  en' 
glus  de  fentiment  dans  la .  vûë  fenfr- 
bled'un  objet,  queje  tiens  tout  pro- 
che de  mes  yeux  &  que  j'examine 
avec  foin,  que  dans  la  vûë  d'une  cam- 
pagne entière  ,  que  je  regarde  avec 
négligence  &  fans  attention  ;  defor- 
tequela  netteté  du  fentiment  que  j'aï: 
de  l'objet  qui  eft  tout  proche  de  mes 
yeuKr  récompenfe  l'étendue  du  fen- 
timent confus  que  j'ai  de  plufieurs 
chofes ,  que  je  voi  fans  attention  dans 
une  campagne  :  ainfi  la  vue  que  I'ef- 
prit a  d'un  feul  objet  ,  eft  quelque-1 
îbîsfi  vive&  fi  diftinde,  qu'elle  ren- 
ferme autant  ou  même  plus  de  péri- - 
fée-,  quelavûë-dçs  rappoitsqui  forrt- 


DE  LA  METH.  I.  Patbt.    <?* 
entre  plufieiirs  chofes. 

II  efi  vrai  qu'en  certains  tems ,  il 
nous  femble  que  nous  ne  penfons 
qu'à  une  feule  choie,  ocqnecepen- 
dant  nous  avons  de  la  peine  à  la  bien 
comprendre:  &  que  dans  d'autres- 
tems  nous-comprenons cettechofe  &■ 

glulieurs  autres  avec  une  très-grande 
cilité.  Et  de-là  nous  nous  imagi- 
nons que-I'ame  a  plus  d'étendue ,  ou 
une  plus  grande  capacité  de  penfer 
en  un  tems  qu'en  un  autre.  Mais  H 
me  paroît  que  nous  nous  trompons. 
La  raifon  pour  laquelle  en  de  cer- 
tains tems,  nous  avons  de  la  peine  à1 
concevoir  les  chofes  les  plus  faciles  , 
n'efl  pas  que  la  penfée'de  l'âme 'OU  fa- 
capacité  pour  penfer  ,  foit  diminuée: 
mais  c'eft  quecettecapaché  eft  rem- 
plie par  quelque  Tentation  vive  de 
douleur  ou  de  plaifir,  ou  par  un 

frand  nombre  de  fênfations  foibîes 
;  obfcures  ,  qui  font  une  efpéce  d'é- 
tourdiflèment  :  car  l'étourdifïement 
n'eft  d'ordinaire  qu'un  fentiment 
confus  d'un  très-grand  nombre  de 
chofes. 

Un  morceau  de  cire  eft  capable- 
d'une  figure  bien  dtftînâe  :  il  n'en: 
£eut  recevoir  deux  que  l'une  nçcorr-- 


66        LIVRE  SlXIEWË. 

fonde  l'autre,  car  il  ne  peutêtreerï- 
tieremettt-rond  &  quarréduno  le  mê- 
me tems  ;  Eurm-s'il  en  reçoit  un  mil- 
lion, Hn'yen  auraaucunede  diftinc— 
te.  Or  fi  ce  morceau  de  cireétoitca- 
pable  de  connoîtrefes  propres  figu- 
res ,  il  ne  pourroit  toutefois  fçavoir' 
quelle  figure  le  terminerait,  fi  le 
nombre  en  étoit  trop  grand,  lien  eft. 
de  même  de  nôtre  ame,  l'orfqu'un 
très-grand  nombre  de  modifications 
rempliflènt  fa  capacité,  elle  ne  les 
peut  appercevoir  diftindement,  par- 
ce qu'elle  ne  les  lent  point  féparé— 
ment.  Ainiî  elle  penfè  qu'elle  ne  fenc 
rien.  Elle  ne  peut  dire  qu'elle  fente 
de  la  douleur",  du  plaifir.de  la  lumiè- 
re, du  fon,  des  faveurs  :  ce  n'eu,  rien 
de  tout  cela. ,  &  cependant  ce  n'ett 
que  cela  qu'elle  fent. 

Mais  quand  nous  (uppoferions  que 
l'ame  ne  ferait  point  foûmife  au 
mouvement  confus  &  déréglé  des  ef- 
prits  animaux;  ÔV  qu'elle  ieroit  tel- 
lement détachée  de  ion  corps,  que  fe« 
penfées  ne  dépendraient  point  de  ce 
qui  s'y  patTe  ;  il  pourrait  encore  ar- 
river que  nous  comprendrionsavec 
plus  de  facilité  certaines  cliote  en  un 
tems  qu'en  un  autre,  fans  que  la  ca- 


C,„„sk- 


DE  LA  METH.  I.Part.  67 
parité  de  nôtre  ame  diminuât  ni  qu'- 
elle augmentât  :  parce  qu'alors  nous 
penferionsà  d'autres  chofes  en  parti- 
culier ,  ou  à  l'être  indéterminé  &  en 
général.  Je  m'explique. 

L'idée  générale  de  l'infini  eft  info- 
parable  de  I'efprit ,  &  elle  en  occupe 
entièrement  ta  capacité ,  Iorfqu'il  ne 
penfe  point  à  quelque  chofe  de  parti- 
culier. Car  quand  nous  difons  que 
nous  ne  penfons  à  rien  ,  cela  ne  veut 
pas  dire  que  nous  ne  penfons  pas  à 
cette  idée  générale,  mais  Amplement 
que  nous  ne  penfons  pas  à  quelque 
chofe  en  particulier. 

Certainement  ?  fi  cette  idée  ne 
rempliiToit  pas  nôtre  efprit ,  nous  ne 
pourrions  pas  penfer  à  toute  forte  de 
chofes ,  comme  nous  le  pouvons  ;  car; 
enfin  on  ne  peut  penfer  aux  chofes 
dont  on  n'a  aucune  connoiuance.  Et . 
&  cette  idée  n'ctoit  pas  plus  prélente 
à  i'efprit ,  l'orfqtf  il  nous  femble  que 
nous  ne  penfons  à  rien  ,  quelorfque 
nous  penfons  à  quelque  chofe  en  par- 
ticulier ;  nous  aurions  autant  de  faci- 
lité à  penfer  à  ce  que  nous  voudrions, 
lorfque  nous  Tommes  forcement  ap- 
pliquez à  quelque  vérité  partictilie- 
ie ,  que  torique  nous  ne  fouîmes  ap- 


&        LIVRE  SIXIE'MÉ. 
pliqiiez  à  rien  :ce  qui  efl  contreI*éîr— -■ 
périence.  Car  par  exemple ,  lorfque" 
nousfommes  fortement  appliquez  à' 
quelque  propofition  de  Géométrie  , 
nous  n'avons  pas  tant  de  facilité  à 
penferà  toutes  chofes,  que  lorfque" 
nous  ne  fommes  occupez  d'aucune" 
penfée  particulière.  Ainfi  on  penfe 
davantage  à  l'être  gênerai  &  infini  , 
quand  on  penfe  moms  aux  êtres  par- 
ticuliers &  finis  :  &  l'on  penfe  toà-  - 
jours  autant  en  un  tems-qu'en  un  au- 
tre. Mais  quoiqu'il  en  foh.ilmepa- 
roit  certain  qu'on  ne  peut  augmentée 
l'étendue  &  la  capacité  de  l'efprit  en 
l'enflant ,  pour  ainfï  dire  ,  &  en  lui 
donnant  plus  de  réalhéqu'il  n'eua 
naturellement ,  mais  feulement  en  la 
ménageant  avec  adrellè.  Or  c'en  ce  ■ 
qui  fe  fait  parfaitement  par  l'Arith- 
métique &  par  l'Algèbre  :Car  ces  ■ 
iciences- apprennent  le  moyen  d'a- 
bréger de  telleforte  les  idées ,  &  de 
les  confidérer  dans  un   tel  ordre, 
qu'encore quel'efprit  ait  peu  d'éten- 
due ,  il  efl  capable  par  le  fecours  de  " 
ces  feiences ,  dedécoovrir  desvérhez 
ttes-compofées  &  qui  paroiflènt  d'à-- 
.bord  incompréhenfibles. 
Lavérité  n'eft  autre  çjiofe  qu'un- 


TJEIA  METH.  I.  Paut.  <?* 

apport  réel ,  foît  d'égalité ,  foit  d'i- 
négalité. La  fauflèté  n'eft  que  (a  néga- 
tion de  la  vérité  ,  ou  un  rapport  faux 
&imaginaire.  La  vérité  eu  ce  qui  eft: 
La  fauflèté  n'eft  point ,  ou  ii  on  le 
veut,  elle  efl  ce  qui  n'eft  point.  On  ne 
fe  trompe  jamais  lerfqu'on  voit  les 
rapports  qui  font  ,.&  Ton  fe  trompe 
toujours  quand  on  juge  ,  qu'on  voit 
certains  rapports,  &  que  ces  rapports 
ne  font  point  ;  car  alors  on  voit  la  . 
fauHeté ,  on  voit  ce  qui  n'eft  point , 
ou  plutôt  on  ne  voit  point,puifque  le 
néant  n'eft  pas  viïible ,  &  que  le  faux 
eft  un  rapport  qui  n'eft  point.  Qui- 
conque voit  le  rapport  d'égalité  entre 
deux  fois  deux  &  quatre  voit  une  vé- 
rité ;  parce  qu'il  voit  un  rapport  d'é- 
galité,qu'ileft  tel  qu'il  Ievoit.De  mê- 
me quiconque  vûitunrapportd'ine- 
galité  entre  deux  fois  i  &  5  ,  voitune 
vérité,  parce  qu'il  voit  un  rapport 
d'inégalité  qui  eft.  Mais  quiconque 
juge ,  qu'il  voit  un  rapport  d'égalité 
entre  deux  fois  i  &  s  :  fe  trompe , 
parce  quTîIvoit,  ou  plutôt  parcequ'il 
pente  voir  un  rapport  d'égalité  qui 
n'eftpoint.  Les  véritez  ne  font  donc 

Sue  des  rapports ,  &  la  connoiftance 
es  véritez  la  roiwoùTance  des  rap- 
ports. 


7o        LIVRE  SIXIE'ME. 

Ifya  des  rapportsou  des  véritez  Se 
trois  fortes.II  y  en  a  entre  lesidées.en- 
tre  les  chofes  &  leurs  idées,  &entre 
les  chofes  feulement.  II  eft  vrai  que  z 
fois  2  font  4 ,  voila  une  vérité  entre 
les  idées.  II  ell  vrai  qu'il  y  a  un  Soleil, 
c'efl  une  vérité  entre  la  chofe  &  fon 
idée.  II  eft  vrai  enfin  que  la  terre  eft 
plus  grande  que  la  Lune  j  voila  une 
vérité  quifift  feulement  entre  les  cho- 
ies. 

De  ces  trois  fortes  de  véritez  ,  cel- 
les qui  font  entres  les  idées  font  éter- 
nelles &  immuables  ;  &  à  cauie 
de  leur  immutabilité ,  elles  font  auf- 
£  les  régies  &  les  mefures  de  toutes 
les  autres  :  car  toute  règle  ou  toute 
médire  doit  être  invariable.  Et  c'eft 
pour  cela  que  l'on  ne  confideredans 
l'Arithmétique,  l'Algèbre,  &  la 
Géométrie  que  ces  fortesde  véritez  , 
parce  que  ces  feiences  générales  rè- 
glent &  renferment  toutes  les  feien- 
ces particulières.  Tous  les.  rapports 
ou  joutes  les  véritez  qui  font  entre 
les  chofes  créées ,  ou  entre  les  idées 
&  les  chofes  créées ,  fontfujettes  au 
changement  dont  toute  créature  eft 
capable,  II  n'y  a  que  lesfeules  véri- 
tez qui  font  entre  les  idées ,  qui  foient 


Goo8k 


DE  HA  METH.  I.  Part,  jt 
immuables.  Parce  que  Dieu  n'eft 
point  fujet  au  changement ,  ni  par 
confequent  les  idées  qu'il  renferme. 
Iln'yaaulfiqiielesvéritezquifont 
entre  les  idées,  que  l'on  tâche  de  dé- 
couvrir par  le  Jeul  exercice  de  i'ef- 
prit:  Car  on  fefertprefque  toujours 
de  fes  Fens  pour  découvrir  les  autres 
véritez.  On  fe  fert  de  les  yeux  &  de 
fes  mains,  pour  s'affiner  de  I'exiften- 
ce  deschofes,  cV  pour  reconnoître  les 
rapports  d'égalité  ou  d'inégalité  qui 
font  entr'elles.  Il  n'y  a  que  les  feules 
idées  dont  l'efprit  puifle  connoître 
infailliblement  les  rapports  par  lui- 
même  &  fans  I'ufage  des  fens.  Mais 
non  feulement  il  y  a  rapport  entre 
les  idées ,  maïs  encore  entre  les  rap- 
ports qui  font  entre  les  idées,  entre 
les  rapports  des  rapports  des  idées  , 
&  enun  entre  les  alïemblages  de  plu- 
Jieurs  rapports,  &  entre  les  rappons 
de  ces  alïemblages  de  rapports,  &  ain- 
fiàï'înônirc'ert-à-direqu'ily  ades 
vérhez  compofées  à  l'infini.  On  ap- 
pelle en  terme  de  Géométrie  la  ma- 
nière dont  une  grandeur  ou  une  idée 
contient  ou  eft  contenue  dans  une  au- 
tre ,  le  rapport  de  $  à  î.'ou  à  deux 
fois  z,  une  raijbn  Géométrique  ou  fim- 


Goo8k 


,7*  UVRE  SIXIEME, 
plement  une  raifort.  Car  l'excès  ou  le 
défaut  d'une  idée  fur  une  autre,  ou 
pour  me  fervirdes  termes  ordinaires, 
l'excès  ou  le  défaut  d'une  grandeur 
n'efl  pas  proprement  une  raifon  ,  ni 
les  excez  ou  les  défauts  égaux  des 
grandeurs,  des  raifons  égales. 

Or  il  faut  remarquer  que  tous  les 
rapports  ou  .toHtes  les  raifons  tant 
fimples  que  compofées  font  de  véri- 
tables grandeurs,  &  que  le  terme  mê- 
me de  grandeur  eft  un  terme  relatif 
qui  marque  nécefTairement  quelque 
rapport.  Car, il  n'y  a  rien  degrand 
par  foi-même  &  fans  rapport  à  autre 
chofe,  fînon  l'infini  ou  l'unité-  Tous 
les  nombres  entiers  font  même  des 
rapports  auffi  véritablement  que  les 
nombres  rompus ,  ou  que  les  nom- 
bres comparez  à  unautre,oudivifer 
par  quelqu'autre;  quoi  que  l'on  puif- 
fe  n'y  pas  faire  de  réflexion,  àcaufe 
que  ces  nombres  entiers  peuvent  s'ex- 
primer par  un  feul  chiffre.  4  pat 
exemple  ou  |  efl  un  rapport  aufll 
véritablement  que  J  ou  :;.  L'unité 
à  laquelle  4  a  rapport  n'eft  pas 
exprimée ,  mais  elle  efl  fous-enten- 
due ,  car  4  efl  un  rapport  au  fTi  bien 
que  |  ou  | ,  puifque  4  efl  égal  à 
5  ou. 


-DE-I.A7WETH.  I.Ïart.  7$ 
{ou  à  g.  Toute  grandeur  .étant  donc 
un  rapport ,  ou  tout  rapport  une 
grandeur,  il  eftrifible  qu'on  peut 
exprimer  tous  les  rapports  par  des 
chiffres  ,  &  les  repréfenterà  l'imagi- 
nation par  des  lignes. 

Ainfi  toutes  les  véritez  notant  que 
des  rapports  ,  pour  connoître  exac- 
tement toutes  les  véritez  tant  Gmples 
que  compofées ,  il  ftiftit  de  connoître 
exactement  tous  les  rapports  tant 
fimples  que  compofez.  II  y  en  a  de 
deux  fortes ,  comme  on  vient  de  dire, 
lapports  d'égalité ,  &  d'inégalité.  Il 
efl  vifible  que  tous  les  rapports  d'é- 
galité font  femblables  ;  &  que  dés 
qu'on  connoît  qu'une  chofe  .efl  égale 
à  une  autre  connue,  Ton  en  connoît 
exadement  le  rapport.  Mais  H  n'en 
eft  pas  de  même  de  l'inégalité  :  on 
fçait  qu'une  toureft  plus  grande  qu'- 
une toile ,  &  plus  petite  que  mille 
toifes;  &  cependant  on  ne  fçait  point 
au jufle  fa  grandeur,  &  le  rapport 
qu'elle  a  avec  une  toile. 

Pour  compareries  chofes  entr'el- 
Ies ,  ou  plutôt  pour  mefurer  exade- 
ment les  rapportsd'inégalité,  il  faut 
unemefureexade:  il  faut  une  idée 
Jimple  &  parfaitement  intelligible  , 
Totm  III.  D 


74  LIVRE  SIXIE'ME.  _ 
imemefureuniverfeile,  &qui  puïÊ. 
le  s'accommoder  à  toute  forte  de  fu> 
jets.  Cette  mefure  eft  l'unité,  Oa 
prend  donc  dans  chaque  efpéce  de 
grandeur  telle  partie  déterminée  que 
Ton  veut,  pour  l'unité  oulamefu- 
,  re  commune  :  par  exemple  une  toife 
dans  les  longueurs ,  une  heure  dans 
dans  les  tems ,  une  livre  dans  les 
poids  &q.  Et  toutes  ces  unitez  font 
divifibies  à  l'infini.  Voi«i  comment 
l'Arithmétique  apprend  a  exprimer 
toutes  fortes  de  grandeurs,  aies  com- 
parer entr'elles ,  &  en  découvrir  les 
rapports. 

Dans  l'Arithmétique  on  exprime 
d'une  manière  tres-fimple  avec  neuf 
chiffres  toutes  les  grandeurs,  fuivanc 
le  rapport  qu'elles  ont  avec  l'unité  , 
c'eft-à-dire  félon  qu'elles  contien-  ' 
nent  l'unité ,  ou  un  nombre  déter- 
miné de  parties  égales  de  l'unité.  Les 
grandeurs  qui  contiennent  exacte- 
ment l'unité  font  exprimées  par  les 
nombres  entiers  :  celles  qui  ne  con- 
tiennent qu'un  nombre  déterminé  de 
partie  de  l'unité,  font  exprimées  par 
les  'nombres  rompus  qu'on  nomme 
auiîi  fraSions.  Dans  l'Arithmétique 
on  donne  encore  des  expreiHons  parti- 


DE  LA  METH.  I.Pmlt.    7»; 

itulieres  aux  grandeurs  qu'on  appelle 
incommenfurâles,  parce  quelles  n'ont 
aucune  mefure  commune  avecl'uhi- 
té  :  c'eit  à  dire  qu'en  quelque  nom- 
bre de  parties  égales  qu'on  puilïè 
ooncevorr  l'unité  divîfée,  les  gran- 
deurs incommenfurables  ne  contiens 
rient  aucune  de  ces  parties  précife- 
ment  un  certain  nombre  de  fois;  mais 
il  y  a  toujours  un  petit  refle  moindre 
.qu'une  de  ces  parties.  Ainfî  l'Arith- 
métique donne  le  moyen  d'exprimer 
tous  les  rapports  (impies  &  compo- 
sez qui  peuvent  être  entre  les  gran- 
deurs. Elle  apprend,  enfuite  à  faire 
avec  adrefle,  avec  lumière,  &  avec 
un  ménagement  admirable  de  la  pe- 
tite capacité  de  i'.efprit,  les  calculs 
propres  à  déduire  ces  rapports  les 
uns  des  autres,  &  à  découvrir  les 
rapports  des  grandeurs  qui  peuvent 
être  utiles ,  par  le  moyen  de  ceux  qui 
font  connus. 

II  efl  évident  que  I'efprk  del'hom- 
me  elt  fi  petit ,  fa  mémoire  fi  peu 
ridelle,  Ton  imagination  fi  peu  éten- 
.duë  ,  quefansl'ufagedes chiffres  & 
de  l'écriture,  &  fans  Pad refis  dont  on 
iëfert  dans  l'Arithmétique* ,  il  feroit 
împoûible  défaire  les  opérations  né- 
Dij 


7<î   _    LIVRE  SIXIEME, 
ceffaires  pour  connoître  au  jurte  l'in- 
égalité des  grandeurs  &  de  leurs  rap- 
ports ,  &  pour  avancer  dans  la  con- 
noiffance  des  véritez  compofées. 

Cependant  l'Algèbre  &  l'Analyfe 
fontencoretouteautrechofequerA- 
Tlthmetique:  Elles  partagent  beau- 
coup moins  la  capacité  de  l'efpritrel- 
!es  abbregent  les  idées  de  la  maniéré 
la  plus  fimple&  la  plus  facilequi  fe 
puillê  concevoir.  Ce  qui  ne  peutïe 
Faire  qu'en  beaucoup  de  tems  par 
I'Arithmétique,fefaitenun  moment 
par  l'Algèbre  &  par  l'Analyfe,  fans 
querefprîtfe  brouille  par  le  chan- 
gement des  chiffres  ,  &  par  la  lon- 
gueur'des  opérations.  Une  opéra- 
tion particulière  d'Arithmétique  né 
découvre  qu'une  vérité  j  une  fembla- 
ble  opération  d'Algèbre  en  découvre 
une  infinité. 

L'Algèbre  exprime  les  grandeurs 
de  quelque  efpéce  qu'elles  puifïent 
être,  &  tous  tes  rapports  qu'elles  peu- 
vent avoir,  par  les  lettres  de  l'Alpha- 
bet ,  qui  font  les  caraâeres  les  plus 
lîmples  &  les  plus  familiers.  Elle  ap- 
prend à  faire  fur  ces  grandeurs  Ihte» 
rates,tous*[es  calculs  qui  fervent  à  dé- 
duire les  rapports les  plus  difficiles  & 


DE  LA  METH.  I.  Part.  77 
les  pluscompofez  qu'on  puiffe  déli- 
rer de  fçavoir,  des  rapports  des  mê- 
mes grandeurs  qui  font  déjà  connus. 
Ses  calculs  font  les  plus  lïmples  ,  les 
plus  faciles,  &  en  même  tems  les  plus 
généraux  qu'on  puiffe  concevoir.  El- 
ley  confèrve  la  même  exprefllon  des 
grandeurs  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de 
vue  pour  arrivera  une  parfaite  coit- 
noiffance  desgrandeursqui  en  font 
compofées.  Elle  réduit  à  des  expref- 
fions  fîmples  Se  générales-,  &  qui 
n'ont  qu'un  tres-peth  nombre  de  let- 
tres,les  rcfolutions  d'un  nombre  inli- 
ni  de  problêmes,  &  fouvent  même 
des  fciences  entières.  On  en  trouvera 
ici  deux  exemples  :  l'un  à  la  fin  des 
loix  du  mouvement ,  &  l'autre  à  la 
lin  de  cet  ouvrage. 

L'Analyfeeft  l'art  d'employer  les 
calculsde  l'Algèbre  &de  l'Arithmé- 
tique, à  découvrir  tout  ce  qu'on  veut 
fçavoir  furies  grandeurs  &  fur  leurs 
rapports.  Pour  réfoudre  toutes  les 
quelïions  fur  les  grandeurs  ,  elle  ap- 
prend d'abord  àrepréfenterpat  des 
cara&eres  particuliers  ,  ordinaire- 
ment c'eftpar  les  dernières  lettresde' 
l'Alphabet,  les  grandeurs  inconnues 
que  l'on  cherche  j  &  les  grandeur» 
D  iïj 


Goo8k 


78  LIVRE  SlXfE'MÉ. 
connues  par  d'autres  lettres ,  c'efl:  Te- 
plus  fouventpar  les  premiers  de  l'Al- 
phabet, mais  ces  expreiïions  (ont  ar- 
bitraires. Elle  enfeigne  enfuite  à  fê- 
fervir  des  rapports  connus ,  qui  font 
entre Iesgrandeurs connues  &  incon- 
nues ,  pour  réduire  chaque  queftion 
à  des  equatipns  qui  en  expriment 
toutes  les  conditions.  Enfin  en  fui- 
vant  pour  règle  cet  axiome,que  quand, 
des  grandeurs  font  égales  ,  leur  éga- 
iité Te  cônferve  toujours  en  les  aug- 
mentant ou  diminuant  également , 
elle  prefcrit  les  calculs  qu'il  faut 
faire  fur  lesdeux  membres  égaux  de 
chaque  équation ,  afin  dedégager  les. 
inconnues ,  pour  les  rendre  égales  à 
des  grandeurs  entièrement  connues  ;; 
ee  qui  donne  la  réfoïutionde  la  quef- 
tion :  &  quand  laqueflion  peut  avoir 
plufieursréfolutions  ,  elles  viennent 
coûtes  fe-prefenter..  * 

Pour  découvrir  les  véritez  de  la 
Géométrie  compofée  ,  PAnaïyfe  en- 
feigne à  réduire  les,  lignes  courbes 
que  confidere  cette,  faence,  à  des 
équations  qui  en  expriment  les  prin- 
cipales proprierez  ;  à  tirerenfuitede 
ces  équations ,  par  le  moyen  ducal- 
«ul  toutes  les  autres  proprietez  dt 


GooSk 


DE  tA  METfT.  I.  Part.  19, 
tes  figures;  la  manière  de  Iesdiftin- 
guer  en  différens  genres  &  de  les  dé- 
crire ;  elle  enfeigne  enfin  leurs  prin-- 
cipaux  ufages. 

L'invention  du  calcul  différentiel 
&  du  calcul  întegral.a  donné  à  FAna- 
lyfe  une  étendue  (ans  bornes  pour 
ainfi  dire.  Car  c'efl  nouveaux  calculs- 
lui  ont  fournis  une  infinité  de  figures' 
mécaniques  ,  &une  infinité  de  pro- 
blèmes de  Phyfique.  Ils  lui  ont  don- 
né le  moyen  d'exprimer  les  élemens; 
infiniment  peths^ont  on  peutconce- 
voirquefontcompofez  lecircuit  des 
lignes  courbes ,  l'aire  des  figures  ,  & 
la  folidité  des  corps  formez  par  les 
courbes  i  &  de  reloudre  d'une  ma- 
-  niere (impie  &  générale  ,  par  Iecal- 
cul  des  exprelfions  de  ces  élemens , 
des  problêmes utHes&  Iesplus  com- 
pofez  qu'on  puiflè  propoter  dans  ty 
Géométrie.. 


># 


E>  iiîj 


ià 

SECONDE  PARTIE. 

T>  £    LA    METHODE. 

CHAPITRE    PREMIER. 

"Des  rê^'es  qu'il  faut  obferver  dans  la 
Recherche  de  la.  Vérité. 

AP'ke'i  avoir  expliqué  les 
moyens  dont  il  faut  fe  fervir 
pour  rendre  l'efprit  plus  attentif  & 
plus  étendu ,  qui  font  les  fenis  qui 
peuvent  le  rendre  plus  parfait,  c'eit- 
a-dire  plus  éclairé  &  plus  pénétrant: 
îl  eff  tems  de  venir  aux  régies  qu'il 
bu  abfolument  nécefTaire  d'obferver 
dans  la  réfolmion  déroutes  les  ques- 
tions.. C'eft  à  quoi  je  m'arrêterai 
beaucoup,  &  que  je  tâcherai  de  bien 
expliquer  par  plufieurs  exemples 
afin  d'en  faire  mieux  connoître  la  né- 
cefTité ,  8c  d'accoutumer  l'efprit  à  les 
mettre  en  ufage,  parce  que  le  plus  né- 
ceflàiie  &  le  plus  difficile.  nneit  pas.dç. 


DELÀMETH.  H.  Part.  81 
Iesbienfçavoir,maisdeIes  bienpras 
tiquer, 

Il  ne  faut  pas  s'attendre  ici  d'avoir' 
quelque  chofe  de  fort  extraordinai- 
re ,  qui  furprenne  &  qui  applique* 
beaucoup  L'efprh  :  au  contraire ,  afin 
que  ces  régies  foient  bonnes ,  ii  faut 
qu'elles  foient  fimples  &  naturelles  ,. 
en  petit  nombre  ,  très  -  intelligibles  - 
&  dépendantes  les  unes  des  autres.' 
En' un  mot  elles  ne  doivent  quecon-" 
etuire  nôtre  efprit,  &  régler  nôtre' 
attention  fans  la  partager;  Car  I'ex- 
périencefaitaflèzconnoître,  que  la 
Logique  d' Ariitote  n'eft  pas  de  grand 
afage ,  à  caufequ'elle  occupe  trop 
l'efprit,&  qu'elle  le  détourne  del'at-- 
tent  ion  qu'il  devrait  apporter  aux  fu-- 
jets  qu'il  examine.  Que  ceux  donc 
qui  n'aiment  que  les  myftéres  &  les 
inventions  extraordinaires ,  quittent 
pour  quelque  tems  cette  humeur  bi- 
carré :  &  qu'ils  apportent  toute  I'a&- 
tentron  dont  ils  font  capables,  afirr 
d'examiner  ,  lî  les  régies  que  Ton- va: 
donner,  fnffifentpour  confervertoû- 
jmifs-l'évidencedans  les  perceptions 
del'-efprit,  &  pour,  découvrir  les  vé- 
làtezlerplus  cachées.  S'ils  ne  feprc- 
•tcugentgoint  injuHementcontrela 


GooSk 


&        LTVltE' SIXIEME 

fimplicité  &  la  focilitédeces  réglés-,, 

Î"'efpére  qu'ils  reconnoîtront  par  l'u*- 
âge  que  nous  montrerons  dans  la  fui- 
te qu'on  en  peut  faite,  que  les  princi- 
pes les  plus  clairs  &  les  plus  fimples. 
font  les  plus  féconds.;  &  que  les.  cho- 
ies extraordinaires  &  difficiles  ne 
font  pastoûjours  auffi  utiles,  que  nô- 
tre vaine curiofité  nous  le  fait  croire. 

Le  principe  de  toutes  ces  régies  eft, 
qu'il  faut  toujours  conferver  l'évidence 
dans  ces  raiformemens ,  pour  découvrir 
lit  vérité  fans  craintedefe  tromper.  De' 
ce-principe  dépend  cette  régie  géné- 
rale qui  regarde  le  fujet  de  nos  étu- 
des, fçavoir,  que  nous  ne  devons  rai" 
former  que  fur  des  cbofes  dont  nous 
avons  des  idées  claires  :  &.  par  une 
fuite  néceifaire  ;  que  nous  devons  tou- 
jours commencer  parles  choies  les  plus 
fimples  &  les  pins  faciles ,  &  nous  y 
arrêter  fort  long'temt  avant  que  d'en- 
treprendre larecbercbe  des  plus  compù— 
fiés  &  des  plus  difficiles. 

Lesrégles  qui  regardent  Iamanié- 
re.  dont  il  s'y  faut  prendre  jx>ur  re- 
fbudre  les  queutons,  dépendent  aufir 
dece  même  principe:  ôtlapremiére 
dè:cessrégles  eft  :  ■Qgjl  faut  concevoir  ■ 
trxs-diflmliement.  l'état  it  la  qwftim: 


*■'  DE  LA  METtf:  II;  Part.  8j 
qu'on  Je  propofe  de  refondre ,  &  avoir 
des  idées  de  ces  termes  afiez  diftinc- 
les  poux  les  pouvoir  comparer,,  &r 
pour  en  reconnôître  ainfîles  rap.- 
ports  que  l'on  cherche. 

Mais  loriqu'on  ne  peut  reconnoî-- 
neles  rapports  que  les  chofes  ont: 
entre  elles ,  en  les  comparant  immé- 
diatement, la  féconde  régie  eft  :  Qu'il 
faut  découvrir  par  quelque  effort  def 
prit  une  ou  pluficurs  idées  moyennes ,. 
qui  puiffènt  fervir  comme  de  mefure  com- 
tmme  pour  reconnôître  par  leur  moyen  les 
rapports  qui  font  entre  elles.  II  faut  ob- 
server inviolablement^ueces  idées, 
foient  claires  &  diftinâes,  à  propor- 
tion que  l'on  tâche  de  découvrir  des- 
rapports  plus  exacts,  &:  en  plus 
grand  nombre. 

Mais  lorfque  les  queflions  font 
difficiles  &  de  longue  difcution  la 
troifiéme  régleeft:  QuHl  faut  retran- 
cher avec  foin  du  fujet ,  que  l'on  doit 
cmfiderer,  toutes  les  chofes  qu'il  h'efi. 
point  néceffaire  d'examiner  pour  décou- 
vrir la  vérité  que  f  on  cherche.  Car-  ÏI> 
ne  faut  point  partager  inutilement  la, 
capacité  de  l'efprit,  &toutefa  force.; 
doit  être  employéeauxchofesieules,. 
qui  le  peuvent  éclairer.  Les  chofet 

D>vji 


GooSk 


84  LIVRE  SIXIEME, 
que  l'on  peut  ainfi  retrancher,  forrr 
toutes  celles  qui  ne  touchent  point  la 
quellion,  &  qui  étant  retranchées  , 
la  queftion  fublîfle  dans  fon  entier.  . 
Lorfque  la  quellion  eft  ainfi  réduite 
aux  moindres  termes,  la  quatrième- 
règle  eft  :  Qu'il  faut  divifer  le  fitjet  de 
fa  méditation  par  parties ,  &  les  con- 
fidérer  toutes  les  unes  après  les  autres 
félon  l'ordre  naturel,_tn  commençant 
par  les  plus  fimples ,  c^efi-à-dire  par 
celles  qui  renferment  moins  de  rapports: 
&  ne  paffer  jamais  aux  plus  compofêes 
avant  que  rf' avoir  reconnu  difiintlement 
les  plusfimphtsy&  je  les.  être  rendu 
familières. 

Lorfque  ces  chofes  font  devenues 
familières  par  la  méditation ,  la  cin* 
quiéme  régie  eft:  Qtfondoit  en  abré- 
ger les  idées ,  &  les  ranger  enfuite  dans 
fon  imagination ,  ou  les  écrire  fur  le  pa-> 
fier,  afin  qu'elles  ne  remplirent  plus 
la  capacité  de  Pefprit.  Quoique  cette 
icgle  fok  toujours  utile,  elle  n'eft. 
absolument  néceflàire  que  dans-ies 
qtieflîons  très  -  difficiles ,  &  qui  de- 
mandent unegrande  étendue  d'efprit,. 
àcaufe  qu'on  n'étend  l'efprit  qu'eu. 
ab'régtmit  fes  idées.  L'ufage  de-  cette* 
régie  &  de  celles  yuifuivent  ne.fcxe^ 


Coo8k- 


DE  LA  METH.II.Paut.   Sf' 
eonnoît  bien  que  dans  l'Algèbre. 

Les  idées  de  toutes  les  chofes,  qu'il- 
eft  abfolument  néceiTaire  de  conndé- 
rer,  étant  claires,  familières,  abré- 
gées ,  &  rangées  par  ordre  dans  l'i- 
magination ,  ou  exprimées  fur  le  pa— 
Jïier  ;  la  fixiéme  régie  eft  :  Qt£il  faut 
es  comparer  tontes  filon  les  régies  des 
çombinaifons ,  alternativement  les  unes 
avec  les  autres  a  ou  par  la  feule  vue  de 
Vefpnt  owpar  le  mouvement  de  V ima- 
gination accompagné  de  la  vM  de  Pef-  ■ 
prit,  ou  par  le  calcul  de  la  plume ,  joint 
à  F  attention  de  Pejprit  &  de  l'imagh 
nation. 

Si. de  tous  lès  rapports  qui  refuL 
tent  de  toutes  cescomparaifons ,  il 
n'y  en  a/aucun  qui  foit  celui  que  l'on 
cherche  :  lî  faut  de  nouveau  retrancher 
de  tous  ces  rapports  aux  qui  font  inuti- 
les à  la  réjolution  de  la  qutftion  :fe  ren- 
dre les  autres  familiers ,  les  abréger,  & 
les  ranger  par-ordre  dans  fon  imagina- 
tion, ou  les  exprimer  fur  le  papier:  les 
comparer  enfemble  filon  les  règle  s  des 
combinai fpm,&  voir  fi  le  rapport  com- 
ppfeque  l'oneberebe  ,  eji  quelqu'un  de 
tous  les  rapports  compofe\  qui  rèfultent  ' 
de  ces  nouvelles  comparai  fins. 
.  S'il-  n'y;  a  pas.ua  de.  ces  rapport» 


Google 


«S        LIVRE  SIXIEME 

que  l'on  a  découverts,  qui  renferme*: 
la  réfolution  de  la  queilion  :  //  faut 
de  tous  ces  rapports  retrancher  les  inu- 
tiles ,  fe  rendre  les  autres  familières, 

&c Et  eir  continuant  de  cette 

manière,  ondécouvrira  la  vérité  ou 
le  rapport  que  l'on  cherche  fi  com- 
pofé  qu'il  foit  :  pourvu  qu'on-  puiflê 
étendre  fuffifamment  la  capacité  de 
l'efprit,  en  abrégeant  fes  idées,  Se 
que  dans  toutes  ces  opérations  l'on 
ait  toujours  en  vue  leterme  où  l'on 
doit  tendre.  Car  c'eft  la  vùë  contî- 
nuelledelaqueftionqui  doit  régler- 
toutes  les  démarches  del'efprit,  puif-  ■ 
qu'il  fauttoûjoursfçavoiroùl'onva,. 
&  ce  que  l'on  dit  relie. 

Il  faut  furtout  prendre  garde  à  ne- 
pas  fe  contenter  dé  quelque  lueur  ou' 
de  quelque  vrai-femblance,  &  re- 
commencer, fi  fouvent  les  comparai-- 
fons  qui  fervent  à  découvrir  la  vérité 
que  l'on  cherche  ,  qu'on  ne  puilïè: 
s3einpêcher  de  la  croire,  fans  fentrr 
les  reproches  fecrets  du  Maître  qui 
répond  à  nôtre  demande  ,  je  veux 
direà  nôtre  travail,  à  l'application  : 
de  nôtre  efprit,  &aux  defîre  de  nô- 
tre cœur.  Et  alors  cette  vérité  pourrai 
nous  farvir  de.  principe,  iafaillible-' 


rst^sfi/JjrMX&y*'  *r/i 


DELA  METK.II.Paht.    îf 
pour  avancer  dans  les  fciences. 

Toutes  ces.  régies  que  nous  venons 
de  donner,. ne  font  pas  néceflàires. 
généralement  dans  toutes  fortes  de' 
queÛions  ;  car  lorfque  les  queftions- 
font  ires- faciles  la  première  reglefuf- 
£t  :  l'on  n'a  befoin  quede  la  première  ■ 
&  delà  féconde  dans  quelques  autres. 
queiiions.  En  un  mot  puifqu'il  faut 
faire  ufage  de  ces  régies  jufqu'à  ce. 
qu'on  ait  découvert  la  vérité  que  l'on 
cherche i  il  eft  néceffaire  d'en  prati- 
quer, d'autant  plus  queIesqueÎHons< 
font  plus  difficiles. . 

Ces  régies  ne  font  pas  en  grandi 
nombre.  Elles  dépendent  toutes  les. 
unes  des  autres.  Elles  font  naturelles,, 
&on  fêles- peut  rendre lî  familières,, 
qu'il  ne  fera  point  néceffaire  d'y^peii-. 
fer  beaucoup,  dans  le  terns  qu'on  s'en  ■ 
voudra  fervîr.  En  un  mot  elles  peu- 
vent régler  l'attention  del'efprit  fans.' 
ïe  partager ,  c'eft-à-dire  qu^êrles  ont 
une  partie  de  ce  qu'onfouhaite.  Mais  '. 
elles  paroiflènt  li  peu  confiderables 
par  elles-mêmes  -,  qu^I  eft .  nécelîàire  ■ 
pour  les  rendre  reconïmandables,que' 
je  rafle  voirqHe  les  Pfiilofophes  font 
tombez  dans  un  très-grand  nombre: 
fittreais  ci.d'eKMavaganceSj.à  caufc 


Google 


«S'     fcïVKE  SIXtffME 

qu'ils  n'ont  pas  feulement  obfervéle» 
deux  premières,  qui  font  les  plus  fa- 
ciles &  les  principales  :  &  que  c'eA 
aulïiparl'ufagequeM.  Defcartes  en 
a  fait,  qu'il  a. découvert  toutes  ces 
grandes  &  fécondes  verriez ,  dont  on 
peuts-'inltruiredans  fes  ouvrages. 


CHAPITRE    II. 

X>e  la  régie  générale  qui  regarde  le 
fujet  de  nos  études.  Que_  les  Pbilofo- 
phes  de  l'école  ne  VoBfkrvent  pointi 
ce  qui  eft  caufe  de  plufteurs  erreurs 
danslaPbyfique, 

LA  première  de  ces  régies ,  &  cel* 
les  qui  regardent  le  fujet  de  nos- 
études  ,  nous  apprend  que  nous  ne  de- 
vons raifonner  que  fur  des  idées  claires, 
De-Ià  on  doit  tirer  cette  conféquence 
que  pour  étudier  par  ordre,  ii  faut; 
commencer  par  les  chofes  les  plus 
fimples&  les  plus  faciles  à  compren- 
dre, &  s'y  arrêter  même  Iong-tems 
avant  que  d'entreprendre  la  recher- 
che des  plus  compofées  &  des  plus» 
difficiles. 
Tout  le  monde  tombera  facilement: 


Goo8k 


DE  LA  METH.  II.  PXrt.  S9- 

f  accord  de  la  nécelïîté  de  cette  régie 
générale  ■  caron  voit  aitez  ,  quec'efl: 
marcher  dans  les  ténèbres  que  de  rai- 
fbnner  fur  des  idées  obfcures  &  fut 
des  principes  incertains.  Mais  on  s'é* 
tonnera  peut-être  ,  fi  je  dis  qu'on  ne 
l'obferve  prefqne  jamais ,  &  que  la 
plupart  des  fciences  qui  font  encore 
a  prefentlefujetde  l'orgueil  de  quel- 
ques faux  fçavans  ,  ne  font  appyées 
que  fur  des  idées  ,  ou  trop  confufes 
ou  trop  générales ,  pour  être  utile» 
à  la  recherche  de  la  vérité. 

Ariftote  ,  qui  mérite  avec  juilice 
laqualité  de  Prime  de  ces  Phitofo- 
phes  doue  je  parle,  parce  qu'il  eflle 
père  de  cette  Philofophïe  qu'ils  cul- 
tivent avec  tant  de  foin,  ne  raifonne 
prelque  jamais  que  furies  idées con- 
fufes que  l'on,  reçoit  par  les  fens  ,  Se 
quefurd'autres  idées  vagues  ,  géné- 
rales ,  &  indéterminées ,  qui  ne  re* 
prefententrien  de  particulier  à  I'ef- 

Ïrit  :  Car  les  termes  ordinaires  à  ce 
hilofophe  ne  peuvent  fervir  qu'à 
exprimer  confufement  aux  fens  &  à 
l'imagination  les  fentimens  confus 
queronadeschofeslênfibles  :  ou  à 
aire  parler  d'une  manière  fi  vague  & 
&  indéterminée,  que  Pon  n'exprime; 


jto       LIVRE  'SIXIEME. 

lien  de  diftind.  Prefquetous  feïou1» 
vrages,  mais  principalement  feshuit 
Livres  de  Phyfîqiie,  dontil  y  a  au- 
tant de-  Commentateurs*  differens- 
qu'il  y  a  de  Regens  de  Philofophie, 
ne  font  qu'une  pure  Logique:  11  n'y 
enfèigne  que  des  termes  généraux,, 
dont  on  fe  peut  fervir  dans  la  Phyfi- 
que.  II  y  parle  beaucoup ,  &  il  n'y 
dit  rien.  Cen'eft  pas  qu'il  foit  diffus,, 
mais  c'eft  qu'il  a  le  fecretd'êtrecon- 
eis ,  &  de  ne-dire,  que  des  paroles- 
Dans  les  autres  ouvrages-,  il  ne  feit 
pas  un  fi  fréquent  ufàgede Tes  termes- 
généraux:  mais  ceux  dontil  leiert, 
ne  réveillent  que1  les  idées  confufes 
des  fens.  Oeil  par  fes  idées  qu'il  pré- 
tend dans  Tes  problèmes ,  &  ailleurs;, 
léfoudre  eu  deux  mots  une  infinité 
dequeflions,  dont  on  peut  donner 
démonflration  qu'elles  ne  fepeuvenr 
léfoudre. 

Mais  afin  que  l'on-  comprenne 
mieux  ceque  je  veux  dire,  on  doit  fe 
*  cit.  i.  Touvenir  dece  que  j'ai  prouvé  *  ail- 
leurs ,  que  tous  les  termesqui  ne  ré- 
veillent ,  que  des  idées  fisnfîbles,  font 
tous  équivoques  ;  mais  ,  ce  qui  ell  à 
confidérer ,  équivoques  par  erreur 
A  par  ignorance,  &pai  coiuequatt 


DE  LA  METH.  II.  Pàkt.  s>ï 
caufe  d'un  nombre  infini  d'er- 
reurs. 

Le  mot  de  bélier  efl  équivoque,  H 
lignifie  un  animal  qui  rumine,&  une 
confleilation  dans  laquelle  le  Soleil 
entre  auprintems:  mais  il  eft  rare 
(qu'on  s'y  trompe.  Car  il  faut  être  As- 
trologue dans  l'excès  ,  pour  s'imagi- 
nerquelque  rapport  entre  ces  deux 
■choies:  &  pour  croire,  par -exemple, 
qu'on  eft  fûjet  à  vomir  en  ce  rems-là 
les  médecines  que  l'on  prend,  à  cau- 
fe que  le  bélier  rumine.  Mais  pour 
les  termes  des  idées  feniibles  ,  il  n'y 
a  prefque-  perfonne  qui  recormoïiTe- 
qu'ils  font  équivoques.  Arrftote  &  les 
Anciens  Philofophes  n'y  ont  pas  feu- 
lement penfé.  L'on  en  tombera  d'ac- 
cord, fi  on  lit  quelque  cliofe  de  leurs 
■ouvrages ,  &  fi  l'on  fçait  diltincte- 
ment  la  caufe  pour  laquelle  ces  ter- 
mes font  équivoques.  Car  il  n'y  a 
rien  de  plus  évident  queies  Philofo- 
phes ont  crû  fui  cefujet  tout  le  con- 
traire decequ'il  faut  croire. 

Par  exemplelorfquelesPftilafo- 

fKes  difent ,  ,que  le  feu  eft  chaud ,. 
herbe  verte,  le  Jûcredoux,  &c,il*. 
entendent  comme  les  enfans,  &  le: 
commun  .des  hommes,   que  le  fei» 


f%       LIVRE  SmE'ME. 

contient  ce  qu'ils  Tentent  lorfqu'ils  & 
chauffent  :  que  l'herbe  a  fur  elle  les 
couleur*  qu'ils  y  croient  voir:  que  le 
fucre  renferme  la  douceur  qu'ifsfen- 
tent  en  le  mangeant  ;  &  ainlï  deto* 
tes  les  chofes  que  nous  voyons  ou  que' 
nous  fentons-  lleft  impoffible  d'en 
douter  en  lifant  leurs  écrits.  Ils  par- 
ient des  qualitez  fenfibfes  comme  des 
fentimens  ;  ils  prennent  du  mouve- 
ment pour  de  la  chaleur  ;  &  ils-  con» 
fondent  ainfi  à  caufe  de  l'équivoque 
des  termes  ,  les  manières  d'être  des 
corps  avec  celles  des  efprits. 

Ce  n'ell  que  depuis  Defcartes-, 
qu'à  ces  queilions  confufes  &  indé- 
terminées, li  le  feu  eil  chaud, lr  Phef- 
beeft  verte ,  fi  le  fucre  eu  doux ,  &c, 
on  répond  en.  dillinguant  l'équivo- 
que des  termes  fcnlibfcsqui  les  expri- 
ment. Si  par  chaleur,  couleur,  fa-- 
veur  ,  vous  entendez  un  tel  ou  un  tel 
mouvement  de  parties  infenfibles,  le 
feu  efl  chaud,  l'herbe  verte,  le  fucre 
doux.Mais  fi  par  chaleu  r  &  par  les  au- 
tres qualitez,  vous  entendez  ce  que  je 
fens  auprès  du  feu.cequejevdisiorf- 
que  je  vois  de  l'herbe,  etc.  le  feu  n'eft 
point  chaud,  ni  l'herbe  verte,-  etc.  car 
lachaleur  que  l'on  fœt,&Ieacouleur*- 


■DE  LA  METH.  II.  Part,    py  . 
■que  l'on  voit  ne  font  que  dans  l'âme, 
comme  j'ai  prouve  dans  le  premier 
Livre.  Orcomme  les  hommes  pen- 


fent  que  cequ'ils  Tentent  ,-efl  la  mê- 
me cnofè  que  ce  qui  ell  dans  l'objet 
Hs  croyent  avoir  droit  de  juger  des 


dt 


qualitez  des  objets  par  les  fentimens 

Iu'ils  en  ont.  Ainfi  ils  nedifent  pas 
eux  mots  fans  dire  quelque  choie  de 
faux  ;  &  ris  ne  difent  jamais  rien  fur 
cette  matière  qui  ne  foit  obfcur  Se 
confus.  En  voici  pïufiedrs  raîfons. 
La  première  parce  que  tous  les 
hommes  n'ont  point  les  mêmes  fen- 
timens  des  mêmes  objets ,  ni  un  mê- 
me homme  en  différens  tems,  ou  lorf- 
qu'il  lent  ces  mêmes  objets  par  diffé- 
rentes parties  du  corpE.  Ce  quifem- 
ble  doux  à  l'un  femble  amer  a  l'autre 
ce  qui  efl  chaud  à  l'un  ell  froid  à 
l'autre:  cequi  femble  chaud  à  une 
perforinequandelle  a  froid,  femble 
froid  à  cette  même  perfonne  quand 
ellea  chaud,  ou  lorsqu'elle  fent  par 
différentes  parties  de  fon  corps.  Si 
ï'eau  femble  chaude  par  une  main  , . 
elle  femble  fouvent  froide  par  l'au- 
tre ,  ou  lion  s'en  lave  quelque  partie 
prochedu  cœur.  Le  fel  femble  falé  à 
la  langue,  &  cuifant  ou  piquant  à 


C,„„sk- 


.  94  Ï-TVRE  SIXIE'ME. 
une  plaie.  Le  lucre  eft  doux  à  la  lan- 
gue ,  &  l'aloês  extrêmement  amer  ; 
mais  rien  n'eftdoux  ni  amer  parles 
autres  fens.  Ainfi  lorsqu'on  dit  qu'- 
■une  telle  choie  eft  froide,  douce, 
amere,  cela  nefigniiie  rien  de  cer- 
tain. 

■  La  féconde  ,  parce  que  différais, 
■objets  peuvent  faire  la  même  fenfa- 
tion.  Le  plâtre  ,  le  pain,  la  neige, 
le  fucre  ,  le  Tel ,  &c ,  font  même 
fentiment  de  couleur:  cependant  leur 
blancheur  efl  différente ,  fi  l'on  en 
juge  autrement  que  parles  fens.AinG 
îorfqu'on  dit  que  delà  farine  efl  blan- 
che ,  on  nedit  rien  de.diflind. 

La  troifiéme ,  parce  que  les  qua- 
Iitez  des  corps,  qui  nous  caufent  des 
lènfations  tout-à-fàit  différentes , 
font  prefque  les  mêmes  ;  &  au  con- 
traire celles  dont  nous  avons  prefque 
les  mêmes  fenfations ,  font  fou  vent 
très-différentes.  Les  qualitez  de  dou- 
ceur &  d'amertume  dans  iesobjets  ne 
font  prefque  point  différentes  ,  &  les 
fenùmens  de  douceur  &  d'amertume 
font  effentiellement  différens.  Les 
mouvemens  qui  caufent  de  la  dou- 
leur &  du  chatouillement ,  ne  diffé- 
xent  que  du  plus  ou  du  moins  :  8c 


DE  LA.  METFÏ.  H.  Part,  n 
néanmoins  les  lèntimens  de  chatouil- 
lement &  de  douleur  fou  eflentielle- 
fiient  diffërens.  Au  contrairé+apreté 
d'un  fruit  ne  femble  pas  au  goût  fî 
.différente  de  l'amertume  que  la  dou- 
ceur ,  &  cependant  cette  qualité  eftJa 
plus  éloignée  de  l'amertume  qu'il 
puiffèy  avoir:  puifqu'il  fout qu'un 
fruit  qui  efl  âpre  à  caufe  qu'il  eft  trop 
■verd ,  reçoive  un  très-grand  nombre 
de  changemens,  avant  qu'il  (bit  amer 
d'une  amertume, <jui  vienne  de  pour- 
riture ou  d'une  trop  grande  maturité. 
Lorlque  les  fruits  font  murs  ,  ils  fem- 
jilentdoux:  &  lorfqu'ilsle  font  un 
peut  trop,  ils  Semblent  amers.  L'a- 
mertume&ladouceurdansles  fruits 
ne  différent  donc  que  du  plus  &  du 
moins  r  &  c'eft  pour  cela  qu'il  y  a 
des  perfonnes  qui  les  trouvent  doux, 
iorfque  d'autres  les  trouvent  amers  j 
car  il  y  en  a  même  qui  trouvent  que 
I'aloës  eft  doux  comme  du  miel.  Heu 
eft  de  même  de  toutes  les  idées  feniî- 
bles.  Les  termes  de  doux,  d'amer, 
de  falé ,  d'aigre  d'acide  ,  &c.  de  rou- 
ge ,  de  verd,  de  jaune  &c,  de  telle  ou 
dételle  odeur,  faveur ,  couleur,  &c. 
font  donc  tous  équivoques ,  &  ne  ré- 
veillent point  dam  l'efprit  d'idée 


■96  LIVREE  SÏXIE'ME. 
claire  &  diftinfle.  Cependant  les 
Philofophes  de  l'Ecole  ,  &  le  com- 
mun des  hommes  ne  jugent  de  tou- 
tes les  qualitez  fenfibles  des  corps, 
que  par  les  fentimens  qu'ils  en  re- 
çoivent. 

Non  feulement  ces  Philofophes 
jugent  des  qualitez  fenfibles  par  les 
fentimens  qu'ils  en  reçoivent  :  ils  ju- 
gent des  chofes  mêmes  en  conféquen- 
ce  des  jugemens  qu'ils  ont  fait  tou- 
chant les  qualitez  fenfibles  Car  de  ce 
qu'ils  ont  des  fentimens  euentieHe- 
ment  différents  de  certaines  qualitez, 
ils  jugent  qu'il  y  a  génération  de 
fo rmes- nouvelles  ,  qui  produifent 
ces  différences  imaginaires  de  quali- 
tez. Du  bled  paroît  jaune,  dur,  ÔVc, 
la  farine  blanche ,  molle  ,  &£.  Et  de 
là  ils  concluent  fur  le  rapport  de 
leurs  yeux  &  de  leurs  mains  que  ce 
font  des  corps  elfentiellement  diffé- 
rens ,  fuppofé  qu'ils  ne  penfent  pas  à 
ia  manière  dont  le  bled  eft  changé  en 
Êirine.  Cependant  de  la  farine  n'eft 
quedu  blé  froide  &  moulu;  comme 
du  feu  n'eft  que  du  boisdîvîfé&agï- 
té  ;  comme  de  la  cendre  n'eft  que  le 
plus  greffier  du  bois  divifc  fans  être 
agité,  comme  du  verre  n'eft  que  de 
la 


Goo8k 


DE  LA  METH.  II.  Part.  &, 
3a  cendre,  dont  chaque partiea  été 
polie ,  &  quelque  peu  arrondie  par  - 
■le  froidement  caufé  par  le  feu  ;  & 
ainiï  des^utres  tran /"mutations  des 
«orps. 

Il  eft  -donc  évident,  que  les  ter- 
mes des  idées  fenfibles  font  entière- 
ment inutiles  pour  propofer  nette- 
ment ,  &  pour  réfoudre  clairement 
■les  que/lions,  c'eft-à-dire  pour  dé- 
couvrirla  vérité.  Cependant  il  n'y  a 
point dequeflionsfiembarafTées  qu'- 
elles puiflent  être  par  les  termes  équi- 
voques des  fêns.qu'Arifbte  &  la  plu- 
part des  Philofophes  ne  prétendent 
jéfoudrç  dans  leurs  Livres  fans  ces 
diftinâions  que  nous  venons  de  don. 
mer  ;  parce  que  ces  termes  font  équi- 
voques parerreur  &par  ignorance. 
^  Si  l'on  demande,  par  exemple, 
a  ceux  qui  ontpafle-touteleur  vie 
.dans  la  lecture  des  anciens  Philofo- 
phes, ou  Médecins  &qui  en  ont 
entièrement  pris  I'efprit  &  les  ferai. 
Jiiens  :  fi  l'eau  eft  humide ,  fi  le  feu 
eu  fec ,  fi  le  vin  eft  chaud ,  fi  le  fane 
des  poisons  eft  froid,  fi  l'eau  eft  plus 
«rue  que  Ievin.fi  l'or  eft  plus  par- 
fait queje  vifargem  ,  fi  les  plantes 
.ft  les  betes  ont  des  âmes ,  &  un  miL. 
Toms  ni.  E 


?t        LIVRE  SIXIEME. 

liond'autresqueflions  indéterminée»; 

.  ils  y  répondront  imprudemment  fan» 
confulter  autre  chofe.que  les  im- 
preffions  que  ces  objets  qpt  fait  fui 
leurs  fens  ,  ou  ce  que  leur  leâure  a 
laiflë  dans  leur  mémoire.  Ils  ne  ver- 
ront point  que  ces  termes  font  équi- 
voques, lis  trouveront  étrange  qu'on 
les  veuilledéfinir  :  &  ils  s'impatien- 
teront fi  l'on  tache  de  leur  faire  con- 
noître  qu'ils  vont  un  peu  trop  vite, 

,  &  que  leurs  fènsles  féduifent.  Ils  ne 
manquent  point  de  diminuions  pour 
■confondre  les  chofes  les  plus  éviden- 
tes ,  &  dans  ces  guettions  où  il  ell  né- 
ceflàire  d'ôter  l'équivoque  ,  ils  ne 
trouvent  rien  à  difunguer. 
Si  l'on  confîdere  que  la  plupart  des 

reliions  des  Philosophes  &  des  Mo- 
:îns  renferment  quelques  termes 
équivoques  fèmblables  a  ceux  dont 
nous  parlons,  on  ne  pourra  douter 
que  ces  fçavansqui  n'ont  pu  les  défi- 
nir, n'ont  pu  auflî  rien  directe  folrde 
dans  lesgros  volumesqu'ib  ont  com- 
pofez  :  &  ce  que  je  vîensde  dire  fuffit 
pour  renverfer  prefque  toutes  les 
opinions  des  Anciens.  II  n'en  eft  pas 
de  même  de  M,  Defcartes ,  il  a  fçû 
parfaitement  diftinguer  ces  chofei. 


DE  LA  METH.  I.  Part.  99 
ÏI  ne  refont  pas  les  guettions  par  les 
idées  fenfîbles  ;  &  fi  l'on  prend  la 
peine  de  le  lire,  on  verraqii'if  expli- 
que d'une  manière  claire ,  évidente, 
■&  fouvent  démonflrative  ,  par  les 
feules  idées  diflinâes  d'étendue  ,  de 
figure  &  de  mouvement,  les  princi- 
paux effets  de  la  nature. 

L'autre  genre  de  termes  équivo- 
ques, dont  les  Philofophes  le  fer- 
vent, comprend  tous  ces  termes  gé- 
néraux de  Logique ,  par  Iefquels  il 
cil  facile  d'expliquer  toutes  chofes 
fans  en  avoir  aucune  connoiflànce. 
Arifloteeft  celui  qui  enale  plus  fait 
ufage ,  tous  fes  Livres  en  font  pleins; 
&iïyenaquelques-unsqui  ne  font 
que  pure  Logique.  Il  propofe  &  re- 
font toutes  choies  par  ces  beaux  mots 
de  genre,  d'e/pece,  i'œfie,  de  jwiffance, 
dénature ,  de  firme  ,  de  faculté?  >  "de 
qualité1^,  de  caufe  par  foi,  de  caine  par 
accident.  Ses  feâateurs  ont  de  la  peine 
à  comprendre  que  ces  mots  ne  ligni- 
fient rien,  &  qu'on  n'eil  pas  plus 
fçavant  qu'on  étoit  auparavant , 
quand  on  leur  a  ouï  dire  que  te  feu 
diflbut  les  métaux ,  parce  qu'il  a  la 
faculté  dediflbudre  ;  &  qu'un  hom- 
me ue digère  pas,  à  caufe  qu'il  a 

EiI  :,.'iï! 


Goo8k 


ioo      LIVRE  SIXIETWE.    ■ 
l'eftornachfoible.ou  que  fa  faculté 
£onco6Irtcc  ne  fait  pas  bien  fes  fonc- 
tions. 

II  eft  vrai  que  ceux  qui  ne  fe  fer- 
vent que  de  ces  termes  &  de  ces  idées 
générales  pour  expliquer  toutes  cho- 
ies, ne  tombent  pasd'ordinaîre  dans 
un  fi  grand  nombre  d'-erreiirs  ,  que 
.ceux  qui  fe  fervent  feulement  des 
termes  qui  ne  réveillent  que  les  idées 
confufes  des  fens.  Les  Philofophes 
feholaftiques  ne  font  pas  fi  fujets  à 
l'erreur  que  certains  Médecins  déci- 
,-fife  qui  dogroatifent ,  &  font  des 
fyfiêmes  fur  quelques  expériences, 
dont  ils  ne  connohTent  point  les  rat- 
ions ;  parce  que  les  fcholaftiques  pat- 
lent  fî  généralement ,  qu'ils  ne  fe  ba- 
zardent pas  beaucoup. 

Le  feu  échauffe ,  féche ,  durcît ,  & 
amollit ,  parce  qu'il  a  la  faculté  de 
produire  ces  effets.  Le  fené  purge 
par  fa  qualité  purgative,  le  pain 
mt-me  nourrit ,  fî  on  le  veut ,  par  la 

Înialitc  nutritive ,  ces  propositions  ne 
ont  point  fujettes  à  Terreur.  Une 
.  qualité  >  eft  ce  qui  fait  qu'on  appelle 
une  chofed'untelnom,on  ne  peut 
Je  niera  Arillotei  car  enfin  cette  dé- 
finition eft  incontellaMe.  Telles  ou 


Goo8k 


DE  LA  METH.  II.  Part,  rot 
femblaMes  manieresde  parler  ne  font 
point  faillies  ,  mars  c'eft  qu'en  effet 
elles  ne  lignifient  rien.  Ces  idées  va-- 
gués  &  indéterminées  n'engagent 
point  dans  l'erreur,  mais  elles  iont 
entièrement  inutiles  à  la  découverte 
de  la  vérité. 

Car  encore  que  l'on  fçactie  qu'il  y 
a  dans  le  feu  une  forme  fubltantielle 
accompagnée  d'un  million  de  facili- 
tez femblables  à  celles  d'échauffer,  de 
dilater ,  de  fondre  l'or  ,  l'argent  & 
tous  les  métaux ,  d'éclairer  ,  de  brû- 
ler, de  cuire:  fi  l'onme  propofoit 
cette  difficulté  à  refoudre  j  fçavoir ,  fi- 
le feu  peut  durcir  de  la  bouc  &amol- 
lir  delà  cire:  les  idées  de  formes- 
fubftantielies  &  des  facilitez  de  pro- 
duire la  chaleur, la  raréfaction  ,  la 
fluidité,  &c.neme  ferviroitde  rien 
pour  découvrir,  G  le  feu  leroitcapa-' 
ble  de  durcir  de  Iabouë&d'amoîlir- 
de  la  cire  ;  n'y  ayant  aucune  Iiaîfon 
entre  les  idées  de  dureté  de  la  boue, 
&de  molleffèdelacire,  &  celles  de 
forme  fubltantielle  du  feu,  &  des 
qualïtez  de  produire  la  raréfaction,, 
la  fluidité ,  &c.  lien  eflde même  de- 
toutes  les  idées  générales  :  ainfi  elles- 
ibntentierement  inutiles  pour  réfou* 
E  iij, 


roi       LIVRE  SIXIEME, 
dre  aucune  queftion. 

Mais  fî  l'on  fçait  que  le  feu  n'eft 
autrechofe  que  du  bois  dont  toutes, 
les  parties  font  en  continuelle  agita- 
tion ;  &  que  c'eft  feulement  par  cette 
agitation ,  qu'il  exciteen  nouslefen- 
trment  de  chaleur  :  Si  l'on  fçait  en* 
même  tems  que  la  mollefiëde  la  boue 
ne  confîfle  que  dans  un  mélange  de 
terre  &  d'eau  ;  comme  ces  idées  ne- 
font  pointconrufes  &  générales,  mais 
diftrndes  &  particulières  ,  il  ne  fera 
pas  difficilede  voir  que  la  chaleur  du 
feu  doit  durcir  la  boue  :  parce  qu'il 
n'y  a  rien  de  plus  facile  a  concevoir; 
qu'un  corps  en  peut  remuer  un  au- 
tre, (î  étant  agité  il  le  rencontre.  Oit 
voit  fans  peine  -,  que  puifque  lâcha-  " 
leur  que  l'on  retient  auprès  du  feu, 
elt  caufée  par  le  mouvement  des  par- 
ties iuvHïbles  du  bois , .  qui  heurtent 
contre  les  mains  ,  fî  l'on  expofe  de- 
Iabouë  à  lachaleurdu  feu,  les  par- 
ties d'eau  qui  font  jointes  à  la  terre 
étant  plus  déliées  ,  &  parconféquent 
plutôt  agitées  par  le  choc  des  petits 
corpsquifortentdu  feu,  que  les  par- 
ties gromeres  de  la  terre ,  elles  doi- 
vent s'en  feparer  &  la  laitier  feche  ôc 
dure.  On  verra  de  même  évident- • 


GooSk 


DE  1A  METH.  IT.  Part,  fc; 
Ment  que  le  feu  ne  doit  point  durcir 
ta  cire,  fi  Ton  fçait  que  tes  parties 
qui  la  compofent ,  font  branchuës  & 
a  peu  prés  de  mêmegrofieur.  Ainfî 
les  idées  particulières  font  utiles  à  la 
recherche  de  la  vérité:  &  non  feule- 
ment les  idées  vagues  &  indétermi- 
nées n'y  peuvent  de  rien  fervîr  ,  mais' 
elles  engagent  au  contraire  infen- 
fiblement  dans  l'erreur. 

Car  lesPhilofophes  ne  fe  conten- 
tent pas  de  fe  fervîr  de  termes  géné- 
*aux  ,  &  d'idées  vagues  qui  y  repon- 
dent: ils  veulent1  outre  cela  que  ces- 
termes  lignifient  certains  êtres  parti- 
culiers. Ils  prétendent  qu'il  y  a  quel- 
que fubftancedifiinguéedeïa  matiè-- 
je ,  qui  en*  la  forme  de  la  matière, 
&  une  infinité  de  petits  êtres  dis- 
tinguez réellement  delà  matière  & 
de  la  forme  :  &  ils  en  fuppofemd'or- 
dinaire  autant  qu'ils ontde  différen» 
tes  fenfations,  des  corps  ,  &  qu'ils 
penfènt  que  ces  corps  produifent  d'ef- 
fets différens. 

Cependant  il  eftvifibleàtout  hom- 
me capable  de  quelque  attention,  que' 
tous  ces  petits  êtres  diftinguez  du  feu 
par  exemple,  &  que  l'on  fuppofe  y 
être  contenus  pour  produire  la  cha- 
E  iiij 


»4  LIVRE  SIXIEME, 
leur,  la  lumière,  la  dureté,  la  Auf- 
dite ,  &c..ne  font  que  des  fiâîons  de 
l'imagination  qui  fe  révolte  contre, 
la  ration  :  car  la  raifon  n'a  point 
d'idée  particulière  qui  reprefente  cei- 
petits  êtres.  Si  l'on  demande  aux  Phi- 
îofophes  quelle  forte  d'entité  ,  c'eft 
que  la  faculté  qu'a  le  feu  d'éclairer,, 
iis  ne  répondent  autre  chofe ,  lînon 
que  c'eft  un  être  qui  eft  la  caufe  que- 
fcfeu  eft capable  de  produire  la  lu- 
*  miere.  De  forteque  l'idée  qu'ils  ont 
de  cette  faculté  d'éclairer  ,  n'efl  pas 
différente  de  l'idée  généralede  la  can- 
fe  &  de  l'idée  confufe  de  l'eflet  qu'ils 
voyent.  Ils  n'ont  donc  point  d'idée 
claire  de  ce  qu'ils  difeni ,  lorfqu'ils. 
admettent  de  ces  êtres  particuliers- 
Ainfi  ils  difent  ce  qu'ils  ne  conçoi- 
vent pas  ,  &  ce  qu'il  eft  même  im- 
poflible  de  concevoir. 

CHAPITRE    III. 

J)e  f  erreur  la  plus  dangereufe  de  la 
Pbilofophie  des  anciens, . 

NOn  feulement  les  Phiïofopïies 
difent  ce  qu'ils,  ne  conçoivent 
point,  lorfqu'ils  expliquent  leseffe»; 


Goo8k 


DE  LA  METïT;  I.  Part,  iof 
efela  nature  parde  certains  êtres  dont 
ils  n'ont  aucune  idée  particulière,  ils 
fourniiïent  même  un  principe  dont 
on  peut  tirer  directement  des  confé- 
quences  tres-faufles&  tres-dangereu-*- 

Car  fi  on  fuppofe ,  félon  leur  ién-- 
tïment ,  qu'il  y  a  dans  les  corps  quel- 
ques entitez  diftinguées  de  la  ma- 
J'ere;  n'ayant  point  d'idée  diilinâe 
ILces  entitez,  on  peut  facilement 
rmaghier  qu'elles  font  les  véritables- 
ou  les  principales  caufes  des  effets  - 
que  l'on  voit  arriver.  C'en  même  le- 
fentiment  commun  des  PhitofopheS' 
ordinaires:  car c'eft principalement  - 
pour  expliquer  ces  effets ,  qu'ils  pen- 
fent  qu'il  y  a. des  formes  fubilantiel-- 
les  ,  des  qualitez  réelles  ,  &  d'autres  ■ 
femblables-entitez.  Que  fi  l'on  vient" 
enfuiteà  confiderer  attentivement 
I'idéeque  l'on  a  de  caufe  ou  de  puif-- 
fanced'agîr,  onnepeut  douter  que* 
cette  rdéenereprefente  quelquecno-- 
fe  de  divin.  Car  l'idée  d'unepuiflan- 
ce  fouveraine  efl  l'idée  de  la  fouve-- 
raine  divinité,  éVridéed'unepuïf.- 
lâncefubalterneeft  l'idée  d'une  divi- 
nité inférieure,  mais  d'une  véritable  ■ 
divinité,  au  moins,  félon  la  penfée- 
Ev. 


GooSk 


jc6-  LIVRE'  SIXIEME, 
des  Payens ,  fuppofé  que,  ce  (bit  l'î-- 
dée  d'une  puiftànce  ou  d'une  caufe' 
véritable.  On  adraer  donc-  quelque 
chofèdedmndanstous  les  corps  qui 
nous  environnent,  lorfqu'on  admet 
des  formes,  des  facultez  ;  des  quali- 
té? ,  des- vertus,  ou  des  êtres  réels- 
capables- de  produire- certains  effets. 
par  la  force  de  leur  nature  ;  6V.  ron 
entreaiiilï  infeniiblementdansîeft 
ciment  des  Payens  par  le-  refpeâ  c 
l'on  a  pour  leur  Pnilofophie.  Ii 
vrar  que  fa  foi  nous  redrefle,  mais 
peut-être  peut-on  dire-,  qu'en ceïa  Si 
le  cceur  ert  Chrétien ,  le  fond  de  l'ef- 
prit  ell  Payen.  On  dira  peut-êtreque- 
les  formes  iubfîantielles ,  ces  formes 
p/^^Kej,parexempIe,quiproduifent 
des  animaux  de  des  plantes  ne  fça- 
vent  point  ce  qu'elles  font,ét  qu'abrfi 
manquant  cP  intelligences,  elles  n'ont 
nul  rapportauxDiv  mitez  des  Payens.. 
Mais  qui  pourra  croire  que  ce  qui  fort 
des.auvrages ,  oùHparoîtunelagene.- 
quî  paSe  celle  de  tons  les  Philofo- 
phes ,  les  fafiè  ians  intelligence  ? 

Déplus ,  il  eft  difficile  de  feper- 
fuaderque  l'on  ne  doivent  craindre, 
ni:  aimer  devéritables  puhTanees  ;  des 
«tresquipeuventagirfur  nous, qui. 


DE  DV  METït  rt  ftar.  107' 
peaventnous  punir  par  quelque  dou- 
leur, ou  nous  récompenfer  parquet 
queplaiûr.  Et  comme  l'amour  Se  la 
trairne  font  la  véritable  adoration, 
Heft  encore  difficile  de  leperfuader 
qu'on  ne  doive  pas  les  adorer;  Tout 
ce  qui  peut  agir  fur  nous ,  comme 
caufe  véritable  Se  réelle ,  eft  néceÛai- 
rement  au-deffus  de  nous,  félon  S.. 
Anguflin  &  félon  la  raifon  :  &  félon, 
le  même  Saint  &  la  même  raifon, 
c'eftuneloi  immuable  que  les  chofes 
inférieures  fervent  aux  fupérieures.- 
C'efl  pour  ces  raifons  que-  ce  grand 
Saint  reconnoît ,  *  que  le  corps  ne'  *  es,  „,%. 
peut  agir  fur  l'ame,  *  &  que  rien  ne**  **"■"  J 

Bmt  être  au-deiTus  de  l'ame ,  ^.cr'^'m'â'^T 
ieu.  F*,o,*ifi;„. 

Dans  les  famtes  Ecritures,  forfque^Jt"^ 
Dieu  prouve  aux  Ifraelites  qu'ils  aoU'jf*  {■«»««■ 
vent  l^adorer ,  c'eft-à-dire  qu'ils  foi-\iZ?TffJdfïl 
vent  le  craindre  &  l'aimer ,  les  prin-*,r<  <*<  M"  &_ 
cipales  rarfons  qu'il  apporte  font  tii-)"^,^^! 
rées  de  fa  puiffancepour  les  récom— «»«*  bmij. 
penfer&  pour  les  punir..  II  leur  ré-  r«.*mûr.{.* 
prcfentelesbienrahsqu'iisont  reçus''"  vofCiis 
de  lui ,  lesmauxdontillesacriâtiezj.Au'^™.-' 
St  qu'il  a  encore  la  même  puiflance.  •»'<■»  *»■ 
H  leur  défend  d'adorer  les  Dieux  des/ 
Payens,.  parce  qjt'ils.  n'ont  aucune- 
E-vjj 


GooSk 


io*      LIVRE  SIXIEME 

puiflànce  fur  eux ,  Se  qu'ifs  ne  pen»- 
vent  leur  faire  ni  bien  ni  mal.  II  veut 
que  l'on  n'honore  quelui,  parce  qu'il- 
n'y  aque  lui  qui  foit  la  véritable  cau- 
fe  du  bien  &  du  mal,  &  qu'il  n'en 
arrive  point  dans  leur  ville  félon  un 
Prophète*,  qu'il  ne  faflè  lui-même  : 
parce  queles  caufes  naturelles  ne  font 
point  les.  véritables  caufes  du  mal 
qu'elles  femblem  nous  faire;  ÔYque 
comme  c'eft  Dieu  feul  qui  agit  en 
elles,  c'ell  lui  feul  qu'il  faut  craindre 
&  qu'il  faut  aimer  en  elles  j/ô/i  Deo. 
honor&gloria.. 

Enfin  ce-  feritiment  ,  qu'on  doit 
craindre  &  qu'on  doit  aimer  ce  qui 
peut  êtrevéritable  caufe  du  bîen& 
du  mal,  paraît  fi  naturel  &  fi  jufte, 
qu'il  n'eftpaspoflible  tfes'en  défaire. 
De  forte  que,  fi  l'on  fuppofe  cette 
faufîe  opinion  des  Philofophes  &; 
que  nous  tâchons  ici  de  détruire,  que- 
les corps  qui  nous  environnent  font, 
les  véritables  caufes  des  plaifirs  &  des 
mauxque  nous  fentons;Ia  raifon-fem- 
bleen  quelque  forte  jiiftitier  une  Re- 
ligion femblable  à  celles  des  Payens,. 
&  approuver  le-  dérèglement  unir- 
verfèldes  mœurs.. 

lleft  vrai  que.  la  raifon  n'enfeigne- 


fè 


-DE  £A  MÊTTT.  IL  Part;  ro* 
ias  qu'il  faille  adorer  les  oignons  8c 
îes  poireaux,  par  exemple,  comme  la- 
Jouveraine  divinité,  parce  qu'ilsne 

Eeuvent  nous  rendre  entièrement 
eureux  Iorique  nous  en  avons  , 
ou  entièrement  malheureux  Iorfque 
nous  n'en  avons  point.-  Aulîî  les 
Payensneleuront  jamais  rendu  tant 
d'honneur  qu'au  grand  Jupiter ,  du- 
quel toutes-  leurs  divinitez  dépen- 
doient:  ouqu'auSoIeilquenos  fens' 
nous  repréiement  comme  la  caufe- 
univerfelle  ,  qui  donne  la  vie  &  le 
mouvement  à  toutes  chofes  ;  .&  que' 
l?on  ne  peut  s'empêcher  de  regarder 
comme-une  divinité,  fi  I'onfuppoie. 
avec  les  Phiiofophes  Payens  ,  qu'iL 
renferme  dans  fon  être  les  caufes  véri- 
tables de  tout  ce  qu'il  femble  pro- 
duire ,  non  feulement  dans  nôtre. 
Gorps  &  fur  nôtre  efprit ,  maisencore, 
dans  tous  les  êtresqui  nousenviron- 
nent. 

Mais  fi  l'on  ne  doit  pas  rendre  un- 
honneur  fouveraîn  aux  porreaux  &. 
aux  oignons ,  on  peut  toujours  leur 
rendre  quelque  adoration  particu- 
lière :  je  veux  dire  qu'on  peut  ypen— 
fer ,  &  les  aimer  en  quelque  manière,. 
tf  iLeil  wai  qu'ils  puiflemen  quelque: 


Google 


no  LIVRE  SIXIE'ME". 
forte  nous  rendre  heureux.  On'  dort 
leur  rendre  honneur  à  proportion  du 
bien  qu'ils-  peuvent  taire:  Et  cer-- 
tainemeru  les: hommes, qui  écoutent 
les  rapports  de  leurs  feus ,  penfent 
que  ces  légumes  font  capables  Je  leur 
feiredubien.  Caries  Ifraëlites,  par 
exemple,  ne  lesauroient  pas  fi  fort: 
regrettez  dans  le  defert  ;  ils  ne  le  fe- 
Euient  point  confiderez  comme  mal- 
heureux pour  en  être  privez ,  s'ils  ner 
le  fuffènt  imaginez  en  quelque  fa- 
çon heureux  par  leur  joiihlànce.  l.es- 
yvrognes  n'aiineroient  peut-être  pas 
fi  fort  le  vin ,  sils  fçavoient  bien  ce 
quec'elt  j  &quele  piailirqulls  trou- 
vent à  en  boire  vient  duTout-puif- 
lant  qui  leur  commande-  la  tempé- 
rance ,  &  qu'Us  font  injullement  fer- 
vir  à  leur  intempérance.  Voilà  le*, 
déreglemens  où  nous  engage  la  rai- 
fon  même ,  lorsqu'elle  eu  jointe  aux 
principes  delà  Philofophie  Payenne; 
&  Iorlqu'ellefiih  les  impreflîons  des 
fens. 

Afin  qu'on  ne  puiflè  plus  douter 
delà  faullèté  de  cette miferable  Phi*. 
Iofophie ,  &  qu'on  reconuoiflè  avec 
évidence  la  foiidrtédes  principes  &. 
la  neueté  des  idées  dont  an  fe  fe*  t  :  il, 


m  LA  METÏT.  IT.  Part,  ut 
tffnécefEihed'étafalir  clairement  les- 
véritez  qui  font  oppofées  aux  erreurs- 
des  anciens  Phrlofophes,  ôtdeprou- 
■  ver  en  peu  de  motsqu'H  n'y  a  qu'une- 
vraie  caufe,  parce qu'il  n'ya  qu'un 
vrai  Dieu  :queia  natureou  la  force: 
de  chaque  chofe  n'elt  que  la  volon- 
té de  Dieti  :  que  toutes  les  caufes  na- 
turelles ne  font  point  de  véritables 
eaufes  mais  feulement  des  caufes  m- 
cafionjtelles ,  &  quelques  autres  vé-M 
ritez  qui  feront  des  fuites  de  cel- 
ks-cy.. 

II  eft  évident  que  tous  les  corps 
grands  &  petits  n'ont  point  la  force- 
de  le  remuer.  Une  montagne,  une 
maifon ,  une  pierre ,  ungrain  de  fa- 
ble ,  enfin  le  piuspetit  ou  le  plus, 
grand:  des  corps  que  l'on  purrTe  con- 
cevoir, n'a  point  la  force  de  fe  re- 
muer. Nous  n'avons  que  deux  fortes 
•d'idées,  idées  d'efpiits,  idées  de 
corps.:  &  nedevant  dire  que  ce  que- 
nous  concevons ,  nous  ne  devons  rai- 
fcmner  que  firivam  ces  deux  idées. 
Ainfi  puifque  l'idée  que  nous  avons- 
detous  les  corps,  nous  fait  cormoître; 
qu'ils  ne fe-peuvent  remuer,  il  faut, 
conclure  que  ce  font  lesefprits  qui' 
les  remuent..*  Mais  quand  on  exaou-] 


C,„„sk- 


m-     tTVRE  SIXIEME! 

ne  l'idée  que  l'on  a  de  tous  les  efprït«> 
finis,  on  ne  voit  point  de  liaifonne- 
eeflàire  entre  leur  volonté  &  le  mou- 
vement de  quelque  corps  que  ce  foit,  ' 
on  voit  an- contraire  qu'il  n'y  en  ar 
point,  &  qu'il  n'y  en  peut  avoir.  Oiv 
doit  auflï conclure,  fi  on  vent  raifon- 
ner  félon  fes  lumières  ,  qu'il  n'y  a  au- 
cun efprit  créé  qui  puiue  remuer; 
quelque  corps  que  ce  foit  comme  cau- 
ie  véritable  ou  principale,  de  mê- 
me que  l'on  a  dit  qu'aucun  corps  ne 
ie  pouvoit  remuer  foi-même. 

Mais  lors  qu'on  penfe  à  l'idée  de 
Dieu  ,  c'cfï-à-dire  d'un  être  infini- 
ment parfait  &  par  conféqnent  tout— 
puiftànt ,  on  connoît  qu'il  y  a  une 
telle  liaifon  entre- fa  volonté  &  le 
mouvement  de  tous  les  corps,  qu'il 
eft  impoflible  de  concevoir  qu'iL 
veuille  qu'un  corps  foit  mû  ,  &  que 
ce  corps  ne  le  foit  pas.  Nous  devons.» 
donc  dire  qu'il  n'y  a  que  fa  volonté 
qui  puiQe  remuer  les  corps,  fi  nous 
voulonsdice  les  chofe  comme  nous  ■ 
les  concevons ,  &  non  pas  comme.- 
nous  les  fentons.  La  force  mouvant 
te  des  corps  n'eft  donc  point  dans  les. 
corps  qui  feiemiient,  puifque  cette 
fercemouvante  n'efl  autre  chofeque-'^ 


GooSk 


DE  LÀ  MEm  II.  Part,    ny 

la  volonié  de  Dieu.  Aiiifi  les  corps 
n?ont  aucune  aâion  :  &  lors  qu'une 
boule  qui  fe  remue ,  en  rencontre  & 
enmeutune  autre ,  elle  neluicom-- 
munique  rien  qu'elle  ait  :  car  elle  n'a- 
pas  elle-même  la  force  qu'elle Iuy 
communique.  Cependant  une  boule 
eft  caufe  naturelle  du  mouvement 
qu'elle  communique.  Une  caufe 
naturelle  n'eft.  donc  point  une  cau- 
fe réelle  &  véritable,  mais  feulement, 
une  caufe  occafionnelle  ,  &  qui  dé- 
termine l'Auteur  delanaturèàagit 
de  telle  &  telle  manière ,  en  telle  6c 
telle  jencontre.. 

Heflconflantquec'efl  parle  mou- 
vement des  corps  vifibles  ou  învifi- 
fcles ,  que  toutes  cliofes  fe  produi- 
fent  ;  car  l'expérience  nous  apprend 
que  les  corps ,  dont  les  parties  ont 
pus  de  mouvement,  font  toujours 
ceux  qui  agiflènt  davantage ,  &  qui 
produifent  plus  de  changement  dans 
le  monde.  Toutes  les  foEcès  de  la  na- 
ture ne  font  donc  que  ïa  volonté  de 
Dieu  toujours  efficace^  Dieu  acrééle 
monde  parce  qu'il  la  voulu ,  dixit  & 
faSafwa:  &  il  remue  toutes  çhofes,. 
&  produit  ainfi  tous  les  effets  que. 
nous  voyons  arriver  j  parce  qu'il  ai 


C,„„sk- 


IT4     LIVRE  STXÏE'ME. 

voulu  auîfi  certaines  loix  félon  let- 
quelles  les  mouvemens  re  communia 
quent  à  la  rencontre  des  corps  :  & 
parce  que  ces  loix  font  efficaces ,  elle* 
agiûent,  &  les  corps  ne  peuvent  agir. 
Iln'y  a  donc  point  de  forces,  de  puiC 
fances,  de  caiifes  véritables  dans 
le  monde  matériel  &  fenfible  ;  &  il 
n'y  faut  point  admettre  de  formes , 
de  facultez,  &  de  qualitez  réelles 
pourproduiredes  effets  que  les  corps 
ne  produifent  point ,  Se  pour  parta- 
ger avec  Dieu  la  force  &  la  puiflanr 
cequi  lui  font  efïèntielles. 

Mais  non  feulement  les  corps  ne 
peuvent  étrecaufes  véritables  dequoi 

2ue  ce  foit ,  les  efprits  les  plus  no- 
ies font  dans  une  femblable-impuif- 
fance.  Ils  ne  peuvent  rien  connoître,, 
fiDieu  ne  les  éclaire.  Ilsne peuvent 
rien  fentir,  fi  Dieu  ne  les  modifie.  Ils. 
ne  font  capables  de  rien  vouloir,  lî 
Dieu  ne  les  meut  vers  Iebien  enge-. 
lierai ,  c'efi-à-dire  vers  lui;  Ils  peu- 
vent déterminer  l'impreffion  que 
Dieu  leur  donne  pour  lui,  vers  d'au- 
tresobjetsquelur,  je  l'avoue ,  mais. 
je  ne  fçai  fi  cela  fe  peut  appeller  pmÙ. 
lance.  Si  pouvoir  péchereft  une  puif- 
ûaxe,  ce  fera  unepuiflaneetme  le 


DE  LA  METH.  II.  Part.     ïr? 

Tour-puiffant  n'a  pas  ,  dît  quelque 
pan  S.  Auguftin.  Si  les  hommes  te- 
rraient d'eux-mêmes  la  puiflànce 
d'aimer  le  bien  ,  on  pourrait  dire 
qu^îls  auraient  quelque  puiflànce  : 
mais  les  hommes  ne  peuventaimer, 
que  parce  que  Dieu  veut  qu'ils  ai- 
ment, &  que  fa  volonté  eft  efficace. 
Les  hommes  ne  peuvent  aimer ,  que 
parce  que  Dieu  les  poufle  fans  celle 
vers  le  bien  en  général ,  c'eft-à-dire 
vers  lui  :  car  Dieu  ne  les  ayant  créez 
que  pour  lui,  il  ne  les conferve  ja- 
mais fans  les  tourner  &  fans  les  pouf- 
fer vers  lui.  Ce  ne  font  pas  eux  qui  fe 
meuvent  vers  le  bien  en  général  ,c'efl 
Dieu  qui  les  meut.  Ils  fuivent  feule- 
ment parmi  choix  entièrement  libre 
cette  impreflîon  félon  la  loi  de  Dieu, 
on  ils  la  déterminent  vers  de  faux 
biens  félon  la  loi  de  ta  chair  ;  mais 
2s  ne  peuvent  ta  déterminer  que  par 
la  vûë  du  bien  :  car  ne  pouvant  que 
ce  que  Dieu  leur  fart  faire,  ils  ne 
peuvent  aimer  que  le  bien. 

Mais  quand  on  fupporeroit,  ceque 
efl  vrai  en  un  fens,  que  les  esprits, 
ont  en  eux  -  mêmes  la  puifTance  de 
connoître  la  vérité  &  d'aimer  le  bien, 
£  leurs  pesées  &  leurs  volonté*  ne 


Goo8k 


•AS'  _  LIVRE  SIXÏE'MË. 
produifoient  rien  au  dehors.on  pour-* 
roit  toujours  dire  qu'ils  ne  peuvent 
lien.  Or  iï  me  paroît  tres^certain  que 
Ta  volonté  des  efpcits  n'eft  pascapable 
de  mouvoir  le  plus  petit  corps  qu'il 
y  ait  au  monde  :-car  il  eft  évident 
qu'il  n'y  a  point  de  Iiaifonnéceflàr- 
re  ,  entre  la  volonté  que  nous  avons , 
par  exemple,  deremiier  nôtre  bras, 
&  le  mouvement  de  nôtre  bras.  Il  eft 
vrai  qu'il  fe  remue  Iorfque  nous  le 
voulons:  &qu'ainfinous  fommes  la. 
caufe  naturelle  du  mouvement  de  nô- 
tre bras.  Mais  les  caufes  naturelles  ne. 
font  point  de  véritables  caufés  :  ce  ne 
font  que  des  cautesoccafiomielles,  qui 
n'agiuent  que  par  la  force  &  l'efficace 
delà  volonté  de  Dieu, comme  je 
viens  d'expliquer.  . 

Car  comment*  pourrions-nous  re-' 
muer  nôtre  bras  ?  Pour  le  remiief  iL 
faut  avoir  des^  efprits  animaux ,  les: 
envoyer  par  de  certains  nerfs ,  vers  de 
certains  mufclespour  les  enfler  &  les. 
racourcir  :  car  c'eft  ainlî  que  le  bras 
quiyeft  attaché  fe  remue,  ou  félon- 
ie fentiment  de  quelques  autres ,  on 
ne  fçait  encore  comment  cela  fe  fait. . 
Et  nous  voyons  que  les  hommes  qut 
nefçavent  pas  feulement  s'ils  ont  de* 


PELAMETH.II.Part.  117 
«rprîts,  des  nerfs ,  &  des  mufcles,  re- 
muent leurs  bras  ,  &  le  remuent  mê- 
me avec  plus  d'adrelTe  &  de  facilité, 
que  ceux  gui  fçavent  le  mieux l'àna- 
-tomie.  C'eft  donc  que  les  hommes 
veulent  remuer  leur  faras,&  qu'il  n'y 
'a  que  Dieu  qui  le  puiflè  &  qui  le  fça- 
■che  remuer.  Si  un  homme  ne  peut 

Î>as  renverfer  une  tour,  du  moins 
çait-ilbien  cequ'il  faut  faire  pont 
■la  renverfer  :  mais  il  n'y  a  point 
-d'homme  qui  fçache  feulement  ce 
Qu'il  faut  faire  ,  pour  remuer  un  de 
•fes  doigts  par  le  moyen  des  efprits 
-animaux.  Comment  donc  les  hom- 
mes pourroient-îls  remuer  leurs 
brasî  Ces  chofes  me  paroiflènt  évir 
«lentes ,  &  ce  me  femble  à  tous  ceux 
-qui'  veulent  penfer  ,  quoi  -  qu'ef  le* 
foiem  peut-être  incompréhenfibles  à 
tous  ceux  qui  ne  veulent  que  fen- 
tir. 

Mais  non  feulement  les  hommes 
•refont  point  les  véritables caufes  des 
mouvemens  qu'ils  produîfent  dans 
leur  corps,  il  lemble  même  qu'il  y  ait 
-contradiction  qu'ils  puiiïènt  l'être. 
-Caufe  véritable  eft  unecaufe  entre  la- 
quelle &  fon  effet  I'efprit  apperçoit 
une  liaifon  nécclTaire }  c'efl  ainfi  que 


Google 


«8      LIVRE  SIXIEME. 

je  I'entens.  Or  il  n'y  a  que  l'être  infi- 
niment parfait ,  entrela  volonté  du- 
quel &  les  effets  I'efptit  apperçoive 
une  iiaifon  néceflàire.  II  n'y  a  donc 
que  Dieu quifoit  véritable  caufe,  & 
qui  ait  véritablement  la  puîflance  de 
mouvoir  les  corps.  Je  dis  de  plus 
qu'il  n'eft  pas  concevable  ,  que  Dieu 
puîfle  communiquer  aux  hommes  ou 
aux  Anges  la  puîflance  qu'il  a  de 
remuer  les  corps  j  &  que  ceux  qui 
prétendent,  que  le  pouvoir  que  nous 
avons  de  remiier  nos  bras,  eft  une  vé- 
ritable puîflance,  doivent  avouer  que 
Dieu  peut  auflî  donner  aux  efprits  la 
puîflance  de  créer ,  d'anéantir ,  de 
faire  toutes  les  chofes  poffibles ,  en 
un  mot  qu'il  peut  les  rendre  tout- 
puiflàns,  comme  je  vas  le  faire 
Voir. 

Dieu  n'a  pas  befoin  cTinftTumens 
*  iiïft  «lait  pour  agir,  il  mntt  qu'il  veuille  *atin 
S^j^^.1' qu'une  chofe  foit,  parce  qu'il  y  a 
loniçz  praii-  contradiction  ,  qu'il  veuille ,  &  que 
voîônni  que  ^^'il v&lt  ne  fo"  P3^  Sa  puiflànce 
Dieu  *  ion-  crt  donc  fa  volonté,  &  communiquer 
^Upc£ccnd  fa  puîflance  c'eft  communiquer  l'ef- 
ficace de  fa  volonté.  Mais  communi- 
quer cette  efficace  à  un  homme  ou  à 
un  Ange,  nç  peut  lignifier  autre  cho- 


DELAMETH.  II.  Part,  vp 

ft,  que  vouloir  que  lors  qu'un  honu 
me  ou  qu'un  Ange  voudra  qu'un  tel 
«orps  par  exemple  foit  mû ,  ce  corps 
ibit  effeelivement  mû.  Or  en  ce  cas 
ievoi  deuxvolomez  qui  concourent 
lorsqu'un  Ange  remuera  un  corps., 
celle  de  Dieu  &  celle  de  l'Ange  :  & 
.afin  de  connoître  laquelle  des  deux 
-fera  la  véritable  caufe  du  mouvement 
de  cecorps.ilfautfçavoir  quelle  efl 
-celle  qui  eft  efficace.  II  y  a  une  liai- 
son néceilàire  entre  la  volonté  de 
Dieu  &  la  chofe  qu'il  veut.  Dieu 
veut  en  ce  cas ,  que  lors  qu'un  Ange 
■voudra  qu'un  tel  corps  foit  mù, 
■que  ce  corps  foit  mû.Donc  il  y  a  une 
îiaifon  néceilàire  entre  la  volonté  de 
Dieu  &  le  mouvement  de  ce  corps  : 
Et  par  confequent  c'eft  Dieu  qui  eft 
véritable  caufe  du  mouvement  de  ce 
-corps ,  &  la  volonté  de  l'Ange  n'eft 
que  caufe  occafîonnelle. 

Maïs  pour  le  faire  voir  encore  plus 
cIairement,fuppofons  que  Dieu  veuil- 
le faire  le  contraire  de  ce  que  vou- 
draient quelques  efprits ,  comme  on 
le  peut  perfer  des  démons  ,  ou  de 
quelques  antres  efprits  qui  méritent 
cette  punition  ;  on  ne  pourrait  pas 
dire  en  ce  cas  que  Dieu  leur  commu- 


Goo8k 


jno  LIVRE  SIXIE'ME. 
jiïqiieroit  fapuhTance ,  puifqu'iÏB  ne 
pourraient  rien  faire  de  ce  qu'il* 
loiihaheroient.  Cependant  les  vo- 
lontez de  ces  efprîts  feraient  des  cau- 
fes  naturelles  deseffets  qui  le  produi- 
loient.  Tels  corps  ne  feraient  mus  à 
tIroite,que  parce  que  ces  efprîts  vou- 
draient qu'ils  fuirent  mus  a  gauche: 
&Iesdeursde  cesefprhsdctermine- 
Toient  la  volonté  de  Dieu  à  agir, 
comme  nos  volontez  de  remuer  les 
parties  de  nôtre  corps  ,  déterminent 
la  première  caufe  à  les  remuer.  De 
•forte  que  toutes  les  volontez  des  et 
prits  ne  font  que  descaufes  occafion- 
nelles, 

P  Que  fi  après  toutes  ces  raifons,  l'on 
vouloit  encore  foûtenir  que  la  volon- 
té d'un  Ange  qui  remuerait  quelque 
corps ,  feraient  une  véritable  caulè  : 
&  non  pas  une  caufe  occafionnelle  , 
il  eft  évident  que  ce  même  Ange 
pourrait  être  véritable  caufe  delà 
création  &  de  Panéantiflèment  de 
Toutes  chofesj  car  Dieu  lui  pourrait 
communiquer  fa  puiÛànce  de  créer 
&  d'anéantir  les  corps  ,  comme  celle 
de  les  remuer ,  s'il  vouloit  que  les 
chofesfufiènt  créées  &  anéanties, en 
un  mot  s'il  vouloit  que  toutes  chofes 
arrivaient 


DE1AMETH.ÎI.  Part.    îm 
Jttrivaûent  comme  l'Ange  le  ibuhai- 
leroît,  de  mêmequ'il  a  voulu  que 
les  corps  fuftent  mus  comme  l'Ange 
Je  voudrait.  Si  l'on   prétend  donc 
pouvoir  dire  qu'un  Ange&  qu'un 
■homme  Soient  véritablement   mo- 
teurs, à  caufe  que  Dieu  remue  les 
corps  Iorfqu'ils  le  fouhahent  :  il  faut 
•dire  atiffi  qu'un  homme  &  qu'un  An- 
.gepeuvent  être  véritablement  créa- 
teurs ,  puifque  Dieu  peut  créer  des 
êtres  iorfqu'ils  le  voudraient.  Peut- 
être  même  qu'on  pourrait  dire  que 
les  plus  vils  des  animaux,  ou  quels 
.matière  toute  feule  feroit  effective- 
jnent  caufe  de  création  de  quelque 
ijibftance ,  fi  l'on  fuppofoit  comme 
les  Philofophes ,  qu'à  l'exigence  de 
ja  matière  Dieu  produific  les  formes  cUirciov 
JTubftantielles.  Enfin  parce  que  Dieu  "ien'rur''=f- 
à  réfolu  de  toute  éternité  de  créer  en  ejûr«  r«"a- 
jcaruins  tems   certaines  chofes,  ond^  ï"tre- 
pourroit  dire  auffi  que  ces  tems  fe-  m™  pM* 
roient  caufes  de  la  création  de  ces  vc  ?■  É«-. 
«tres:  de  même  qu'on  prétend  qu'une  """"* 
boulequien  rencontre  une  amreefi 
-la  véritable  caufe  du  mouvement  qu'- 
elle lui  communique  j  à  caufe  que 
.  Dieu  à  voulu  par  fâ  volonté  générale 
-qui  fait  l'ordre  de  la  nature,  que  Ioif- 
Tome  III,  F 


Goo8k 


mie  di 
te  Bit 


m       LIVRE  SIXTE'ME. 
[ue  deuxcorps  fe  rencontreraient,  H 
rifl  une  telle  communication  de 
mouvement, 

II  n'y  a  donc  qu'un  feul  vrai  Dieu 
&  qu'une  feule  caufe  qui  foh  vérita- 
blement caufe:  &  l'on  ne  doit  pas 
s'imaginer  que  ce  qui  précède  un  ef- 
fet en  foit  la  véritable  caufe.  Dieu 
•  ne  peut  même  communiqtier  fa  puif- 
fance  aux  créatures ,  fi  nous  fuirons 
les  lumières  de  la  raifon:  il  n'en  peut 
faire  de  véritables  caufes,  il  n'en  peut 
{aire  des  Dieux.  Mars  quand  ri  le 
pourrait*  nous  ne  pouvons  conce- 
voir pourquoi  il  le  voudrait.  Corps, 
efprits ,  pures  intelligences,  tout  cela 
ne  peut  rien.  C'eft  celui  qui  a  fait  les 
efprits  qui  les  éclaire  &  qui  les  agite. 
C'eft  celui  qui  a  créé  le  ciel  &  la  ter> 
re,  qui  en  règle  les  mouvement.  En- 
fin c'eft  l'Auteur  de  nôtre  être  qui 
exécute  nos  volontés,  Jbnel  jaffit , 
femper  foret.  II  remue  même  nôtre 
bras  lorfque  nous  nous  en  ferrons 
contre  fes ordres  ;  car  il  feplaintpar 
•  ikre  41-fon  Prophète  *  que  nous  le  faifon* 
'*  fervir  à  nos  délits  înjuues  &  cri- 

minels. 

Toutes  ces  petites  divinité?  des 
Païens ,  &  toutes  ces  caufes  particu- 


DE  LA  METH.  II.  Part,  stj 
fieres  des  Phiiofopbes  ne  font  que 
des  chimères,  que  le  malin  efprit  tâ- 
che d'étaUir  pour  ruiner  le  culte  du 
ïrai  Dieu ,  pou*  en  occuper  des  ef- 
prits  &  des  cœurs ,  que  le  Créateur 
n'a  faits  que  pour  lui.  Ce  n'eii  point 
la  Philosophie  que  l'on  a  reçue  d'A- 
dam qui  apprend  ces  chofes ,  c'efl 
celle  que  l'on  a  reçue  da  ferpent  ^ 
car  depuis  le  pechél'efpritde  Pnom-. 
meeft  tout  païen.  C'efl  cette  Philo- 
fophie  qui  jointe  aux  erreurs  des  fens, 
afait  adorer  le  Soleil,  &  qui  eft  en- 
core aujourd'hui  lacaufe  unïverfelle 
du  dérèglement  de  l'eforit  &  de  la 
corruption  du  cceur  des  hommes. 
Pourquoi,difent-iis  paT  leurs  actions, 
&  queiquesfois  même  par  leurs  pa- 
rafes ,  n'aimeron&nous  par  les  corps, 
puifque  les  corps  font  capables  de 
nous  combler  de  pkriGrs?  Et  pour- 
quoi fe  mocque-t-on  des  Ifraélites 
qui  regrettoient  les  choux  &  les  oi- 
gnons de  l'Egypte;  puirqu'ils  étoient 
effectivement  mal -heureux,  étant, 
privez  de  ce  qui  pouvoit  les  rendre 
en  quelque  manière  heureux  ?  Mais 
la  Philofophiequel'on  appelle  nou- 
velle, que  l'on  repréfente  comme  un 
fpectrepour  enrayer  les  efpriufbi-. 
Fij 


C,„„sk- 


B4      LIVRE  SIXIE'ME. 

Hes,  quei'on  méprife  &que  l'on 
condamne  fans  l'entendre  :  la  Philo- 
fopliie nouvelle,  dis-  je,  puis  qu'on  (è 
plaît  à  i'appelLerainti ,  ruine  toutes 
les  raifons  des  libertins  pat  l'établif- 
lement  du  plus  grand  de  fes  princi- 
pes,  qui  s'accorde  parfaitement  avec 
r^c'h'Â"      f  Prem'er  principe  de  la  Religion 
ni"fr*iri*  Chrétienne  ;  qu'il  ne  faut  aimer  6c 
y>>T"  tT*-  craindre  qu'un  Dieu ,  puifau'il  n'y  a 
»!jk'(7a»'    qu'un  Dieu  qui  nous  puifle  rendre 
•"**,''.'  Heureux. 

m:ni,&*U     Car,  fi  la  Religion  nous  apprend 
•vinifitiirjMir  qu*îl  n'y  aqu'urwvfaï  Dieu;  cène 
^Itnvtùat  Philosophie  nous  nmconnoître  qu'il  . 
ftwatik*!,  n'yaqu'ùnevérhableciufe.  SiiaRe* 
thtîptZ^ai  ligion  nous  apprend  que  toutes  les  di* 
roL^rvR   vinitez  du  Paganifme  ne  font  que  des 
VEvs  mon  P'cres  &  des  métaux  fans  vie  &  fans 
mvltid'I,  mouvement,  cette Philofophie nous 
ttcrr  a-N  découvre  auffi  que  toutes  les  caufes 
HmAM     fécondes,  ou  toutesIesDivinitezde 
jtisiwtvs  *a  Philofophie,  nefontquede  la  ma- 
dlvs.  Aug.  tiére  &  des  volontez  inefficaces.  En- 
j/;,'*'  '"     fin  fi  laReligion  nous  apprend  qu'il 
ne  faut  point  fléchir  le^genouil  de- 
vant des  Dieux  qui  ne  font  point 
Dieu  ;  cette    Philofophie  nous.ap* 
prend  aulfi  quenotte  imagination  & 
nôtre  efprit  ne  doivent  point  s'abat re 


DE  LÀ  METH.  II.  Part.    ï?f 

devant  la  grandeur  &  la  puiuance 
imaginaire  des  caufes  qui  ne  font 
point  caufes:  qu'il  ne  faut  ni  les  ai- 
mer ni  les  craindre  ;  qu'il  ne  faut 
point  s'en  occuper  :  qu'il  ne  faut  pen- 
Fer  qu'à  Dieu  fèul,  voir  Dieu  en  tou- 
tes chofes ,  craindre  &  aimer  Dieu 
en  toutes  chofes. 

Mais  ce  n'eft  pas  là  l'inclination  de 
quelques  Philoiophes ,  ils  ne  veulent 
point  voir  Dieu ,  ils  ne  veulent  point 
penferàDieuicardepuislepechéilya 
une  fecrette  oppofitïon  entre  l'hom- 
me &  Dieu.  Ils  prennent  plaifir  à  fe 
fabriquer  des  Dieux  à  leur  fantaifie', 
6V  ils  aiment  &  craignent  volontiers 
les  ridions  de  leur  imagination,  com 
me  les  Païens  les  ouvrages  de  leur 
mains.  Ils  font  femblables  aux  enfant 
qui  tremblent  devant  leurs  compa 
gnons  après  les  avoir  barbouillez 
Ou  fiPonveutûnecomparaifon  phi 
noble  ,  quoi  qu'elle  ne  foit  peut-êt^ 
pas  fi  juîle ,  ils-  reftemblent  à  ces  fa 
meux  Romains  qui  avoient  de  l 
crainte  &  du  refpeït  pour  les  fiétion 
de  leur  efprh  ,  &  qui  adoroient  fot 
tement  leurs  Empereurs  après  avoi 
iafchc  PÂigle  dans  leurs  Apothéofes 

F  iij 

Google 


ïwS       LIVRE  SÏXIE*  ME, 


CHAPITRE    IV, 

Explication  de  la  féconde  pâme  de  ta 
règle  générale.  Que  les  Pmlofopbes  ne 
fobfervent  prefque  jamais  ,  #*  que 
M.  Vefcartes  a  tâché  de  l'ob/èrver 
exa&ement  dans  fa  Pbyfime,ce  qne 
Von  ptotae  par  fahbrege  qu'on  en 
dorme, 

ON  vient  de  fairevoirdans  queTT 
les  errreurs  on  eft  capable  de 
tomber,  loriqu'on  raifonne-  fin  les. 
idées  faunes  &  confines  des  fens ,  Se 
fur  les  idées  vagues  &  indéterminées- 
dé  la  pure  Logique.  Par  là ,  l'on  re- 
connaît allez  que  pour  conlèrverl'é» 
vidence  dans  fes  perceptions,  il  elt  ab- 
fbïument  néceQàire  d'ehferver  exac- 
tement la  règle  que  nous  venons  de- 
preferire,  &  d'examiner  quelles-  font 
les  idées  claires  &  drainées  des  cho- 
fes ,  afin'  de  ne  ràfonner  quefuivant 
ces  idées. 
Dans  cette  même  règle  générale  qui 
regarde  le  fujet  de  nos  études,,  ii  y  a 
encore  cette  circonstance  à  bien  re- 
marquer :  fçavoir  que  nous  devons 
toujours  commencer  par  les  choies, 


DE  LA  MËTH.  Iï.  Part,  iîj 

ÏCS  plus  fimples  &  les  plus  faciles ,  & 
nous  y  arrêter  même  long--  tems 
avant  que  d'entreprendre  la  re- 
cherche des  plus  comparées  &  des 
plus  difficiles.  Car  fi  l'on  ne  doit 
raifonneï  que  fur  des  idées  dif- 
tindes ,  pour  conferver  toujours  l'é- 
vidence dans  ces  perceptions;  il  eft 
clair  qu'il  ne  faut  jamais  palier  à  la 
recherche  des  chofes  compofées ,  avant 
que  d'avoir  examiné  avec  beaucoup 
de  foin ,  &  s'être  rendu  fort  farailie- 


le 


res  les  fimples  dont  elles  dépendent  : 
puifque  les  idées  des  chofes  compo- 
sées ne  font  point  claires  &  ne  peu- 
Vent  l'être,  Iprfiju'an  ne  connaît  que 
confufément  &  qu'imparfaitement 
les  plus  fimples ,  qui  les  compofènt. 
Oh  connaît  les  chofes  imparfaite- 
ment, lorfqu'on  n"efi  point  aflùré  que 
l'on  en  a  conûderé  toutes  les  parties.  : 
&  on  les  connoît  confufément ,  lorf- 
quelies  ne  font  point  adcz  familières 
a  l'efprit,  quoique  l'an  foit  affiné 
que  l'on  en  a  confidéré  toutes  les  par- 
tie*. t.orfqu'onije  les  connoît  qu'im- 
parfaitement ,  on  ne  fait  que  des  ut- 
fonnemens.  vrai  -  femMables..  Lorf- 
qu'on  les  apperçoit  confinement ,  il 
n'y  a  point  d'ordre  ni  de  lumière  dan* 
F  iiij 


xi8       LIVRE  SÏXIE'ME. 

les  déductions:on  ne  fçait  Couvent  où: 
l'on  eA  &  où  l'on  va.  Mais  lorfqu'on 
lesconnoîi  imparfaitement  &  confufé- 
menr  totrtenfemhle,  cequi  efî  le  plus 
ordinaire,  on  ne fçait  jamais  claire- 
ment ni.  ce  qu'on  recherche,  ni  les. 
moyensde  le  renconlrer.Delbrte  qu'il 
efl  abfôltiment  néceflàirede  garder  cet 
ordre  inviolablemenr  dans  les  études.. 
De  commencer  toujours  par  les  chofes 
tes  plus  [impies-,  en  examiner  toutes  les 
f orties,  &  fe  lès  rendre  familières 
avant  que  de  paffiraux  plus  eotnpofèès 
dont  elles  dépendent. 

Mais  cette  règle  ne-  s'accorde  point 
avec  l'inclination  des  hommes  ,iIont. 
naturellement  du  mépris  pour  tout 
ce  qui  paraît  facile  ;  &  leur  efprît 
qui  n'eîl  pas  fait  pour  un  objet  bor- 
né &qu'il  foît  aile  de  comprendre, 
ne  peut  s'arrêter  fong-temsà  lacon- 
fideratîon  de  ces  idées  (Impies  ,  qui 
n'ont  point  le  cara&ére  de  l'infini 
pour  lequel  ils  font  faits.  Ils  ont  au 
contraire,  &  par  la  même  raîfon , 
'beaucoupderefpeet&d'empreflernem 
pour  les  chofes  grandes  &  qui  tien- 
nent de  l'infini ,  &  même  pour  cel- 
le.; qui  font  obfcures  &  myflérieufes.. 
Cen'efl  pas  dans  le  fond  gulUs  ai- 


0Ê*  LA  METff.  IL  Par*,  n? 

ment  les  ténèbres ,  mais  c'eit  qu'ils 
efperent  trouver-  dans  les  ténèbres 
le  bien  qn'ils-defîrent,  &  qu'au  grand 
jour  ils  reconnoiilbnt  qu'il  ne  fe 
trouve  point  ici  bas. 

La  vanité  donne  aufil  beaucbup  de' 
branle  aux  efpritspout  les  jetter  d'a- 
bord dans  le  grand  6r  l'extraordinai- 
re i  &  une- lotte  efperance  de  bien 
rencontrer  les  y  fait  courir.  L'expé- 
rience apprend'que  la-connoiflance  la 
plus  exacte  des  choies  ordinaires  ne 
donne  point  de  réputation  dans  le 
monde,  &  que  la  connoiflance  des* 
ebofes  peu  communes  ,  quelquecon- 
fufe  &  imparfaite  qu'elle-  puïlïè  être; 
attire  toujours-  I'eflime  &  4e  refpecV 
de  ceux  qui'  fe  fom. volontiers  une' 
haute  idée  de'  cequ'ils  n'entendent 
pas.  Ev  cette  expérience  détermine' 
-Cous  ceux  qui  font  plus  fenlibles  à  la: 
vanité  qu'à  la-  vérité ,  &  pat:  çonfé- 
quent  la  plupart  des- hommes ,  -à- une' 
-recherche  aveugle  de  ces  connoiûan- 
ces  fpécieules  &  imaginaires  de  tout 
ce  qui  eft  grand ,  rare  &  obfair. 

Combien  de  gens  rejettent  la  Phi- 
fofophie  de  M.  Defcartes  par  cette' 
plaifante  raifon  que-  les  principes 

en- font  trop  fimpjo  &  trog  faci- 


rço  LIVRE  SIXIEME, 
tes.  II  n'y  a  point  de  termes  obturai 
&  mystérieux  dans  cette  Phiiofo- 
phie  :  des  femmes  ôt  des  perfonnes- 
qui  nefçaventuigrec  ni  latin,  font: 
capables  de  l'apprendre:  il  Saut  donc 
quece  foit  peu  de  chofe,  &  il  nteft- 
pas  jufteque  de  grands  génies  s'y  ap- 
pliquent. Ils  s'imaginent  que  des- 
principes  fi. clairs  &  u  fimples  ne  font 
pas  aflez  féconds ,  pour  expliquer  les- 
effet»  de  la  nature  qu'rl*  ûippofent 
©bfcure ,  &  emÏKiraffée;Il8nevoyent- 
poinr  d'abord  l'ufage  de  ces  princi- 
pes- ,  qui  font  trop  (impies  &  trop 
faciles  pour  arrêter  leur  attention, 
autant  detemsqu'H  en  Sut  pour  en 
reconnoître  l'ufage  &,  l'étendue..  lis 
aiment  donc  mieux  expliquer  les. 
effets,  dont  ils  ne  comprennent  iiwnt 
lacaufe,  par  des  principes  qu'ils  ne- 
conçoivent  point ,  et  qu'il  eft  abfolu- 
ment  impoffible  de  concevoir- ,  que- 
par  des  principes  (impies  &  intelli- 
gibles tout  en  femBIe.  Cartes  Phito- 
loplies  expliquent  des  chofesokfcu- 
res-par  des  principes  quriie  ibnt  pas. 
feulement  obfcurs ,  mais  entièrement 
incompréftenfîbles.. 

Lorlque.- quelques  perfonnes  pwi- 
•*eRdent  expliquer  par  des  .principes 


l5EtAMETff.IT.PAaT.    rçr 
éïairs&connus  de  tout  le  monde  des 
chofes  extrêmement  embaraflces  ,  il 
eft  facile  de  voir  s'ils  y  réuflïflènt, 
parceque  fil'on  conçoit  bien  ce  qu'ils 
tUfent ,  Ton  peut  reconnoîtres  iisdi- 
fent  vrai.  Ainfî  les  faux  fçavans  ne 
trouvent  point  leurcompte ,  &  ne  fe 
font  point  admirer  comme  ils  le  fou- 
iiahent,  lorsqu'ils  fe  fervent  des  prin- 
cipes intelligibles:  parce  que  L'on  re- 
connoît  évidemment  qu'ils  ne  difent 
rien  de  vrai.  Mais  Iorfqu'ils  fe  fer- 
vent de  principes  inconnus,  &  qu'ils- 
parlent  des  chofes  fort  compofée- 
comme  s'ils  en  connoifloient  exaé 
aient  tous  les  rapports ,  on  les  adn 
te  :  parce  qu'on  ne  conçoit  point 
qu'ils  difent ,  &  que  nous  avons  na 
«Ilement  du  refped  pour  cequi  pa 
nôt  re  intelligence. 

Or  comme  les  chofes  obfcnres 
mcompréhenfibles  femblem  mie 
fe  lier  les  unes  avec -les  autres,  q 
lescliofesobfcuresaveccelleîqurfc 
claires  &  intelligibles ,  les  prmci[ 
incompréhenfit>fes  font  d'un1  pi 
grand'  tuage,  que  les  principes  i 
telligibles  dans  les  queftibns  tri 
compofées.  II  n'y  a  rien  de  fi  diffic: 
dont  les  Phiïofophes  &  IesMedéd 
Fvj 


GooSk 


.13*       LIVRE  SnttE'ME. 

-ne  prétendent  rendre  raifon  en  par 
de  mots  par  leurs  principes  :  carleu». 
principes  étant  encore  plusincom- 
préhenfibles  que  toutes  les  queflions 

Îjue  l'on  peut  leur  faire  ;  lorfqu'on 
uppofe  ces  principes  pour  certains, 
il  n'y  a  point  de  difficulté  qui  puilïè' 
les  embaraflèr.. 

Ils  répondent,  par  exemple  ,  har- 
diment &  fans  héfiter  à  ces  queflions 
©bleuies  ou  indéterminées  :  D'où' 
vient  que.  le  Soleil  attire-les  vapeurs- r 
Que  le.  Quinquina,  arrête  la  tîévre 
quarte  :.  Que  la  Rhubarbe  purge  la 
bile:,  &  le  fel  polyerefte  les  phleg- 
mes,  &  à  d'autres  .queftîona  iembla- 
bles..  Et  la  plupart  des  hommes  font 
aflèzfarisfaitsde  leurs  réponfes,parce 
que  L'obfcur  &  llîncompréhenfible 
s'accommodent  bien  l'un  avec  l'au- 
tre. Mais  les  principes  incompréhen- 
fibles  ne  s'accommodent  pas- facile-- 
ment  avec  les  queflions -que  I?on  ex- 
pofe-clairement ,  &  qu'il  eflfadlede: 
iéfcuidrej  parce  qu'on  .reconnoît  évi-r  - 
demment  qu'ils neJîgnifient  rien.  Le J- 
Ehilofophes.  ne  peuvent  par  leurs  - 

Srincipes  expliquer.,  comment  des. 
iewaiix  tirent  un  chariot:  comment: 
Jw-Douflieie  arrête  unenionucixoru-.' 


BEI'. A  METIT.  IL  Part,  rçy 
mentletripoli  nettoyeles  métaux,  8c' 
les- brodes. les.  habits;.  Car  ils  fe  ren* 
droient  ridicules  à  tout  le  monde; 
s'ils  fuppofoient  un  mouvement  d'at- 
waâioir  &  des>  facultez aUraEirices* 
pour  expliquer  d?où  vient  que  les 
chariots'  fuivent  les  chevaux  qui  y 
font  attelez ,  &  une  faculté  diterfive 
dans  des-  brofles  pour  nettoyer  des. 
habits,  &amfr  des  autres  questions. 
De  forte  que  leurs  grands  principes- 
ne  font  utiles  que  pour  les  queftions. 
ebfcures ,  parce  qu'ils  font,  incom- 
prëhenfîbles.. 

II  ne  faut  donc  point  s'arrêter  à 
aucun  de  tous  ces  principes, quel'on' 
neconnoît  point  clairement  &  évi- 
demment ,  &  que' l'on  peut-penlêr 
que  quelques- nations  ne~  reçoivent: 
pasj  II  fautconfiderer  avec  attention 
les  idées  que  l'on  a  d'étendue  ,  de' 
figure,  &  de  mouvement  local,  &.: 
les  rapports  queces-chofes  ont  en- 
tï'elles.  Si  -on.  conçoit  diftinflement 
ces  idées-,  &  fi- on.  les.  trouve  G  clai- 
ïes  qu'on  foit  pertiadé  que  toutes  Ies; 
nations.  Iesont  reçues  dans  tous  les 
tems ,  il  faut  s'y.  arrêter  &  en  examï  r 
nertousies  rapports:  mais  fi  on  les 
tiouve  obicures ,.  il  eu  -£uu  cheichtr 


GooSk 


«T4     tîms.  SIXIÈME, 

d'antres  ,  fi.  l'on  en  peut  trouw.. 
Car  fi-  pour  raifonnet  ians  crainte. de" 
fe  tromper  ,  il  eft  ïiéceflàire  decon*- 
ferver  toujours  Uévidence.  dans'  fe>' 
perceptions,  itnefautraifonnetque; 
fur  deVidées  claires  &  fur  leurs  rap- 
ports clairement  connus. 

Pour  confidcrerparordrele*  pro- 
priété* de  l'étendue ,  il  faut ,  comme' 
a  fait  M.  Defcarres  ,  commencer  par 
leurs  rapports  les  plus  (impies ,  Se 
paflèrde*  plus  (impies  aux  plus.com» 
pofez,  non  feulement  parce  que  cette- 
manière  eft.  naturelle,  Sequ'elle  aide 
tefprh  dans  ces  opérations  ;  mais  en- 
core parce  que  Dieu  agîûant  toujours- 
avec  ordre,  &  par  les  voyes  les  plus 
firnples  ,  cette:  manière  d'examiné* 
nos  idées  &  leurs  rapportsnous  fera' 
mieux connoîtrefes  ouvrages.  Et  fr 
Pon  conGdére  que'  les  rappore  les 
plus-fimples  font- toujours  ceux  qur 
te  préfentent  les  prenriersà  l'imagi- 
nation, lorfqu'elfe  n'eft  point  déter- 
minée à  penfer  plutôt  à  une- choie 
qu'à  une  autre;  on  reconnoîtra  qu'il 
fliffit  de  regarder  les  chofes  avec  atten- 
tion &  fans  préoccupation ,  pour  en- 
trer dans  cet  ordre  que  nous  preferi- 
iwns  &  pour  découvrir  de*  venter 


DE  LA  METH.  IL  Faht.    ijf 

Ues-compoféei-,  pourvu-  qu'on  ne 
veuille  point  courir  trop  vite  d'un: 
fujet  à  un  autre. 

Si  L'on  confideie  donc  avec  atten- 
tion l'étendue  ,  &  (ans-aucune  pré- 
vention ,  on  verra  d'abotd  qu'elle  eft: 
impénétrable  ;  car  il  y  a  concradic- 
lion  que  deux  pieds  d'étendue  n'en- 
fanent  qu'un.  Mais  commeoii  ne  voit 
aucune  force  dans  l'idée  qui  la  re- 
préfente,.  il  eft.  certain. qu'elle  n'eft 
point  dure  par  elle-même,  &  qu'amff 
chaque  partie  doit  fe  feparer  de  fa: 
Voifîne,  fi  elles  font pouffées  de  di- 
vers cotez.  Ainfi  on  conçoit  que  le* 
mouvement  eft  poiïible  ,  quoique 
-Mut  foh  plein  ,  &  que  les  corps- 
foient  impénétrables  :.  parce  que- 
L'étendué  n'étant  point  durejar  elle- 
même,  Iorfqu'une'  partie'  avancera,, 
fes  autres  ,  puifque  tour  eft  plein,. 
-  feront  repouftees  vers  Tendron  quelle 
quitte  en  avançar*r,&ainG«lIesy.glif- 
wront,  &  ainlï  il  fefcra  un  mouve- 
ment circulaire:  Que  fi  l'on  conçoit 
une  infinité  de  mouvemens  en  ligne* 
droite  dans  uneinfinité  de  femblables. 
partiesdececte  étendue  imrnenfêque* 
nous  confierons ,  il  eft  encore  né- 
■eflaireque  tous  ces  coios.  6,emp&- 


Cooglc 


ntf     Ï.IVKE  snaE*M£ 

chant  les  uns  les  autres  confpirenr 
vous  par  leur  mutuelle  aâion  & 
réaction,  je  veux  dire  par  la  mut uel+ 
le  commun  ication  de  tous  leurs  mou- 
vemens  particuliers ,  à  fe  mouvoir 
par  un  mouvement  circulaire: 

Cette  première  confidéraiion  des 
rapports  les  plus  (impies  de  nos  idées*, 
nous  fait  déjà  reconnoître  la  néceflité 
des  tourbillons  deM.  Defcartes:  que 
leur  nombre  fera  d'autant  phis-graml 
crue  les  mouvemens  en  ligne  droite 
de  toutes  les-  parties  -  de  retendue, 
ayant  été  plus  contraires  les  unsauK. 
autres,  ils-  auront  eu  plus- de  difii— 
eulté  à  s'accommoder  d'un  même 
mouvement  :  &  que  de  tous  ces  tour- 
billons ceux-là  feront  les plusgrands 
où-il  y  aura-pïusde  parties  qui  auront 
confpiré  au  même  mouvement ,  ou1 
■dont  les  parties  auront  eu  plus  de- 
force  pour  continuer  leur  mouve-- 
ment  en  ligne- droite:  ■  . 

Mais  il  faut  prendre  garde'  à  ne- 
pas  diflîper  rit  fatiguer  fon  efprit,  en 
s'appliquant  inutilement  au '  nombre : 
infini  &  à-  la  grandeur  immenfe  des- 
tourbillons.  Iifaut  d^bord- s'arrêter 
quelquetems  à  quelqu'undeces  tour- 
ÛUloiW,  rechercher  narordiect avec- 


GooSk 


DELAMETH.II.Past.  157 
attention  tous  les  mouvetnens  de  la 
matière  qu'il  renferme ,  &  toutes  les 
figures  dont  toutes  les.  paniesde  cet- 
te matierefe  doivent  revêtir. 

Comme  il  n'y  a  que  le  mouvement 
en  ligne  droite  qui  Toit  fimple,  il  faut 
d'abord  corrûdérer  ce  mouvement , 
comme  celui  félon  lequel  tous  les 
corps  tendentfans  ceffe  à  fe  mouvoir, 
puifque  Dieu  agit  toujours  félon  les 
voies  les  plus  {impies  ;  8t  qu'en  effet 
les  corps  ne  fe  meuvent  circulaire- 
ment ,  que  pareequ'ils  trouvenides 
eppofitions  continuelles  dans  leurs 
mouvemens  directs.  Ainfi  tous  les 
corps  n-'étant  pas  d'une-  égale  gran- 
deur, &  ceux  qui  font  les  plus  grands 
ayant  plus  de  force  à  continuer  leur 
mouvement  en  ligne  droite  que  les 
autres;  on  conçoit  facilement  que 
les  plus  petits  de  tous  les  corps 
doivent  être  vers  le  centre  du  tour* 
billon,  &  les  plus  grands  vers  la  cir- 
conférence :  puifque  les  lignes ,  que 
l'on  conçoit  être  décrites  par  les  mou- 
vemens. des  corps  qui.  font  à  la  cir- 
-conférence,  approchent  plus  de  la 
droite  que  celtes  que  décrivent  les 
corps  qui  font  proche  du  centre.. 

SLl'onpenTe  de  nouveau  que  cha- 


Goo8k 


n*      LIVRE  StXÏE'ME. 

que  partie  de  cette  matière  n'apfrfe1 
mouvoir  d'abord  &  trouver  fans  cef- 
fe  quelque  oppofrtbn  àfonmouve- 
ment,  fan  s'arrondir  &  fans  rompre' 
fes  angles;  on  reconnoîtra  facilement 
que  toute  cette  étendue  nefèra-  encore 
compofée  que   de  deux    fortes  de' 
corps  :  De*  boules  rondes  qui  tour- 
nent fans  ceffe  fur  leur  centre  en  plu- 
*  M,  Dr  fa-  Jieurs  façons  différentes  ,  &  qui  outre 
m  fttitVi'  kir  mouvement  particulier  font  en-- 
ttuUiftnt    cote  emportées  par  le  mouvement 
«fat  l'i'î,-,,  commun  du  tourbillon:  &  d'une  ma~ 
JJfi"""d"  t^re  'tés-fluide  &  tres-agitée ,  qui 
**tait/tT. ai1ra  été  engendrée  par  le  ftoiuement 
'*■■-*#*«  des  boules  dont  on  vient  de  parler.. 
Im) ^r/j^Oittreleniouvementcirailaiœcarii- 
tifimeaf»  mon  à  toutes  les  parties  dutourbil- 
h,  c™r/nrT  tort,  cette  matière  fubtileaura  encore' 
Mondtjf.in  un  mouvement  particulier  en  ligne 
JiM'Ju?    prefque  droite  du  centre  durwurbil- 
qHiiaiti  iji.  Ion  vers  la  circonférence  ,  par  les  rn- 
^^"'^'tervalles  des  boules  qui  leur  Iaiflent 
le  paflàge  libre  :  de  forte  que  leuc- 
mouvement  cornpofé  decesmouve- 
inens  fera  en  ligne  fpirale.  Cette  ma- 
tière fluide  que  M'.  Defcartes  appel- 
le le  premier  élément ,  étant  diviTée 
-  en  des  parties  beaucoup  plus  petites, 
ce  qui  ont  beaucoup  moins  de  foiar 


Coo8k- 


DE  LA  METFT.  II.  Part.  q9 

pour  continuer  leur  mouvement  en 
ligne  droite  que  les-  boules  ou  \efc- 
eond  élément  i  il  eïl  évident  que  ce 
premier  élément  doit  être  dans  le 
centre  du  tourbillon,  &  dans  les  in- 
tervalles qui  font  entre  les  parties  du 
fécond  ;  &  que  les  parties  du  fécond 
doivent  remplir  le  reftedtr  tourbil- 
lon, &  approcher  de  fa  circonférence 
à  proportion  de  Iagroflèurou  de  la 
ibrcequ'elles ont  pour  continuer  leur 
mouvement  en  ligne  droite.  Quant 
à  la  ligure  de  tout  le  tourbillon  ,  ott 
ne  peut  douter  par  les  choies  qu'on 
vient  de  dire,  que  I'éloig-nement 
d'un  Foie  à  l'autre  ne  Ibic  plus  petit 
quela  ligne  qui  traverfe  l'équateur*. 
£t  fî  l'on  conUdére  que  les  tourbillons 
s'environnent  les  uns  les  autres  &  fe 
preflênt  inégalement,  on  verra  en- 
core clairement  que  leur  éqttateur 
cil  une  ligne  courbe  irréguliére  & 
qui  peut  approcher  de  l'eflipfe. 

Voilà  les  chofes  qui  fe  prefentent 
naturellement  à  l'efprit,  lorfque  l'on 
confidere  avec  attention  ce  qui  doit 
arriver  aux  parties  de  l'étendue,  qui 
tendent  (ans  celle  à  lé  mouvoir  en  li- 
gne droite,  c'eft-à-dire  par  le  plus 
finiplederausles  mouvemens.  Si  L'on, 


C,„„sk- 


s 


140       LIVRE  SIXIEME. 

Veut  maintenant  fuppofer  unechofé* 

Iui  fembïetres-cfîgnede  la  fagefte  & 
e  la  puilïànce  de  Dieu ,  fçavoir, 
qu'il  a  formé  tout  d'un  coup  Puni- 
vers  dans  le  même  état  que  Tes  parties 
fe  feraient  arrangées  avec  le  temsfe- 
ion  les  voyes  les  plus  (impies,  &  qu'il 
les  conferve  aufla  par  les  mêmes lorX 
naturelles,  en  nn  mot  li  l'on  veut 
faire  application  de  nos  penféesavec 
les  objets quenous  voyons:  on  pour- 
ra juger  que  le  Soleil  eft  Iecentre  du- 
tourbillon  :quela  fumiérecorporer* 
le  qu'il  répand  de  tons  cotes ,  n'eft 
autre  chofeqnePeffort  continuel'  dés 
petites  boules ,  qui  tendent  à  s'élor- 
gner  du  centre  du  tourbillon  ;  &  que 
cette  lumière  doit  fe  communiquer 
en  un  inflantpwdesefpacesimrnen^ 
fes,  parceque  tout  étant  plein  deces- 
bouïes,  on  ne  peut  en  prefler  une 
qu'on  nepreflê  toutes  les  autres  qui 
lui  font  oppofées. 

On  pourra  encore  déduire ,  de  ce- 
que  je  viens  de  dire ,  plufieurs  autres 
confequences  :  car  les  principes  lés 
plus  fimples  font  les  plus  féconds- 
pour  expliquer  les  ouvrages  de  celur 
qui  agit  toujours  félon  les  voie»  les. 
plus  fimples.  Mais  on  a  befoin  de 


DELAMETM.II.Part.  i4z 
confîdérer  encore  certaines  choies 
qui .  doivent  arriver  à  la  matière. 
Nous  deyons  donc  penfer  qu'il  y  a 
piuiïeurs  tourillons  femblabies  à 
celui  que  nous  venons  de  décrire  ea 
peu  de  paroles  ;  que  les  centres  de  ces 
tourbillons  font  les  étoiles,  lefquelles 
font  autant  de  Soleils;  que  les  tour- 
billons .s'environnent  les  uns  les  au- 
tres,  &.  qu'ils  font  rangez  de  telle 
manière  qu'ils  fe  nuifent  le  moins 
qu'il  lie  peut  dans  leurs  mouvemens: 
xnaisque  les.  chofes  n'ont  pîïen  venir- 
là  ,  que  les  plus.foinles  des  tourbil- 
lons n'ayent  été  entraîne?  &  comme 
engloutis  par  les  plus  forts. 

.roux  comprendre  ceci ,  il  n'y  a 
qu'à  penfer  que  le  premier  élément, 
qui  eft  dans  le centred'un  tourbillon, 
peut-  s'échapper  &  s'échappe  fan» 
celle  par  les  intervalles  des  boules 
vers  la  circonférence  du  même  tour- 
billon ;  &  que  dans  le  tems  que  ce 
centreou  cette  étoille  fe  vuide  par  Ton 
cquateur ,  il  doit  y  rentrer  d'autre 
premier  élément  par  fes  pôles:  car 
cette  étoile  ne  fe  peut  vuider  d'un 
cptéqu'ellenç  ferempliflè  de  l'au- 
tre, puifqu'il  n'y  a  point  de  vuide 
dans  le  monde  comme  "je  le  fuppofe 


«4»  LÏVUE  SIXIPME. 
ici,  &  qu'il  eu  facile  de  le  prouver 
par  ies effets  naturels ,  paria  tranf- 
rtiiflïon  par  exemple  de  la  lumière. 
Mais  comme  il  peut  y  atoit  une  in- 
finité de  caufes ,  qui  peuvent  empê- 
cher qu'il  n'entre  beaucoup  du  pre- 
mier élément  dans  cette  étoile  dont 
nous  parlons  ;  il  eft  néceflàïre  que  les 
parties  du  premier  élément  qui  font 
obligées  de  s'y  arrêter ,  s'accommo- 
dent pour  fe  mouvoir  dans  un  même 
fens.  C'eftce  qui  fait  qu'elles  s'atta- 
chent &  fe  lient  les  unes  aux  autres, 
&  qu'elfes  forment  des  taches,  qui 
s'épaiffiflanren  croûïes.couvrent  peu 
à  peu  ce  centre,  &  font  du  plus  Iuf>- 
tïl  &  du  plus  agité  de  tous  fescorps, 
une  matière  folide  &  gïoffiére,  C'eft 
cette  matière  groûwre  que  M.  Def- 
cartesappelîe  le  treifiéme  élément  ;  Se 
îl  faut  remarquer  que  comme  elle  efl 
engendrée  du  premier  dont  les  figu- 
res font  infinies  ,  elle  doit  être  revê- 
tue d'une  infinité  de  formes  dîrFc- 
xentes. 

Cette  étoile  ainfi  couverte  de  ta-  * 
ches  &  de  croûtes ,  &  devenue  com- 
me les  autres  planètes ,  n'a  plus  la  ■ 
force  de  foûtenrr  &  de  défendre  fort 
tourbillon  comte  l'effort  continuel 


C,„„sk- 


DELAMETH.  ÏI.  Pabt.   141 

,de  ceux  qui  l'environnent.  Ce  tour- 
billon diminue  donc  peu  à  peu.  La 
matière  qui  le  compofe  le  répand  de 
foutes  parts  :  &  le  plus  fort  dés  tour- 
billons d'alentour  en  entraîne  la  plus 
frande  partie, &  envelope  enfin  la 
Ianéte  qui  en  eu  le  centre.  Cette 
Planète  «  trouvant  toute  entourée  de 
Ja  matière  de  ce  grand  tourbillon , 
■elley  nage  en  coraervant ,  avec  quel- 
que peu  de  la  matière  de  (on  tou  rbil- 
lon,  le  mouvement  circulaire  qu'elle 
avoit  auparavant:  &  elle  y  prend  en- 
fin une  fituation,  qui  la  met  en  équi- 
libre avec  un  égal  volume  delà  ma- 
tière dans  laquelle  elle  nage.  Si  elle 
a  peu  de  folidité  &  de  grandeur,  elle 
cfefceiid  fort  proche  du  centre  du 
tourbillon  qui  l'a  enveloppée  :  parce 

Ju'ayant  peu  de  force  pour  commuer 
>n  mouvement  en  ligne  droite,  elle 
doit  fe  placer  dans  l'endroit  de  ce 
tourbillon,  où  un  égal  volume  du 
fécond  élément  a  autant  de  force 
qu'elle  pour  s'éloigner  du  centre; 
Gar  eUe  ne  pew  êtreen  équilibrequ'- 
en  cet  endroit.SicettePIanéteeft  plus 
grande  &  plus  folide ,  elle  doit  fe 
mettre  en  équilibre  dans  un  lieu  plu» 
éloigné  du  centre  du  tourbillon.  Et 


»44  LIVRE  SIXIPME. 
enfin  s'il  n'y  a  dans  letourbiHonaii- 
cun  lieu ,  où  un  égal  volume  de  là 
matière  ah  autant  de  folidité  que  cette 
Planète,  &  par  oonféquent  autant  de 
force  pour  continuer  fon  mouve- 
ment en  ligne  droite,  à  caufe  que 
cette  Planète  fera  peut-être  fbrtgran- 
de  &  couverte  de  croûtes  fort  folidei 
£c  fortépanTes  ;  elle  ne  pourra  s'ar- 
rêter dans  ce  tourbillon ,  puifqu'elle 
ne  pourra  s'y  mettre  en  équilibre 
avec  la  matière  qui  Iecompofe.  Cette 
Planète  paÛera  donc  dans  les  autres 
-  tourbillons  ,  &  fi  elle  n'y  trouve 
point  fon  équilibre ,  elle  ne  s'y  arrê- 
tera point  aufli.  De  forte  qu'on  la 
verra  quelquefois  pafter  comme  les 
Comètes  ,  forfqu'eile  fera  dans  nô- 
tre tourbillon  &  aflèz  proche  de  nous 
Î)ourceIa  ;  &  l'on  ne  la  reverra  de 
ong-tems ,  lorfqu'eile  fera  dans  les 
autres  tourbillons,  ou  dans  l'extré- 
mité du  nôtre. 

Si  Ton  penfe  maintenant  qu'un 
feul  tourbillon  par  fa  grandeur ,  par 
fa  force,  &  par  fa  Gtuation  avama- 
geufe ,  peut  miner  peu  à  peu ,  en- 
velopper &entraînerenfinplufieurs 
tourbillons,  &  des  tourbillons  mê- 
me qui  en  auraient  fiumonté  quel- 
ques 


C,„„sk- 


DELÀMETH.  IL  Part.  14* 
mies  antres  j  il  fera  néœflaire  que  le» 
Planètes ,  qui  fe  feront  faites  dans 
les  centres  de  ces  tourbillons ,  étant 
entrées  dans  le  grand  tourbillon  qui 
les  aura  vaincues,  s'y  mettent  en  équi- 
libre avec  un  égal  volume  de  la  ma- 
tière dans  laquelle  elles  nagent.  De 
forte  que  fi  ces  Planètes  font  inégales 
en  folidité ,  «lies  feront  dans  une  dif- 
lance  inégale  du  centre  du  tourbil- 
lon dans  lequel  elles  nageront.  Et  s'il 
fe  trouve  que  deux  Planètes  ayent  4 
peo  prés  la  même  force  pour  conti- 
nuer leur  mouvement  en  ligne  droi- 
te ,  ou  qu'une  Planète  entraine  dans 
ibnpetittourbillon  une  ouplufieurs 
autres  plus  petites  Planètes  qu'elle 
aura  vaincues ,  félon  nôtre  manière 
de  concevoir  la  formation  des  chofesj 
alors  ces  petites  Planètes  tourneront 
autour  de  la  plus  grande ,  tandis  que 
la  pli»  grande  tournera  fur  fon  cen- 
tre ;  &  toutes  ces  Planètes  feront  em- 
portées par  le  mouvement  du  grand 
tourbillon  dans  une  diftance  prefque 
égale  de  foncentre. 

Nous  fommes  obligez  en  fuivant 

les  lumières  delà  raifon,  d'arranger 

ainii  les  parties  -qui  compofeut  le 

monde ,  que  nous  imaginons  fe  foi- 

Tme  III.  G     * 


Goo8k 


H*      LIVRE  SIXIE»ME. 

mer  par  les  voyes  les  plus  Amples: 
Car  tout  ce  qu'on  vient  de  dire  n'eft 
appuyé  que  fur  l'idée  qu'on  a  de  l'é- 
tendue ,  dont  on  a  fuppofé  que  les 
parties  tendent  à  Te  mouvoir  par  le 
mouvement  le  plus  fimple ,  qui  eft  le 
mouvement  enîignedcoite.  Et  ïorf- 
que  nous  examinons  par  les  effets ,  lï 
nous  ne  fommes  point  trompez  en 
voulant  expliquer  les  chofes  par  leur» 
caufes ,  nous  fommes  comme  fucpris 
de  voir  que  les  phénomènes  des  corps 
celeftes  s'accommodent  allez  bien  a- 
vec  cequ'on  vient  de  dire.  Car  nous 
voyons  que  toutes  les  Planètes  qui 
font  au  milieu  d'un  petit  tourbillon, 
tournent  fur  leur  propre  centre  com- 
me le  Soleil  :  qu'elles  nagent  toutes 
dans  le  tourbillon  du 'Soleil  Se  autour 
du  Soleil  ;  que  les  plus  petites  ou  les 
moins  folides  font  les  plus  proches  du 
Soleil  ;  &  les  plus  folides  les  plus 
éloignées  :  &  qu'il  y  en  a  auflt ,  com- 
me fes  Comètes,  qui  ne  peuvent  de- 
meurer dans  le  tourbillon  du  Soleil  :  , 
Enfin  qu'il  y  a  puifieurs  Planètes, 
qui  en  ont  encore  pluiïeurs  autres 
petites  qui  tournent  autour  d'elles, 
comme  la  Lune  autour  de  la.  terre. 
Jupiter  en  a  quatre,  Se  Saturne  cinq  s 


t 


DE  LA  METH.  II.  Part.   147 

anllî  eil  il  le  plus  grand  félon  quel- 
ques Autonomes  :  Mais  s'il  ne  l'eft 
pas ,  dn  moins  eft-il  nécefïàire  qu'  il 
foit  le  plus  folide.  Peut-être  même 
que  Saturne  en  a  un  fi  grand  nombre 
de  fi  petites ,  qu'elles  font  le  même 
effet  qù*un  cercle  continu ,  qui  lem- 
fcle  n'avoir  point  d'épaiflèur  à  caufo 
de  Ton  grand  éloïgnement.  Ces  Pla- 
nètes étant  les  plus  grandes  que  nous 
voyions,  on  peut  lesconfiderer  com- 
me ayant  été  engendrées  de  tour- 
billons allez  grands  ,  pour  en  avoir 
vaincu  d'autres  avant  que  d'avoir  été 
enveloppées  dans  le  tourbillon  où 
nous  Tommes,  M.  Huygens*dhque»c»f«*&«** 
le  diamètre  de  l'anneau  de  Saturne  '*'/■'*■ 
cfi  à  celui  du  Soleil  comme  n.  337. 
celui  de  fon  globe,  comme  f.  à  37. 
celui  de  Jupiter,  commet  an.  ce- 
lui de  Mars ,  commet,  à  166,  celui  de 
la  terre ,  comme  1.  à  ta.  celui  de  Ve- 
nus, comme  1.  à  84.  celui  de  Mer- 
cure, comme  1.  à  2j»o.  Pour  l'année 
de  Saturne ,  ou  fit  révolution  autour 
du  Soleil,  elle  eft  de  vingt-neuf  ans 
174.  jours  ?.  heures  :  celle  de  Jupi- 
ter dé  onze  ans  317.  jours  1$.  heu- 
res ;  celle  de  Mars  fort  prés  de  687. 
jours  :  celle  de  la  terre  de  trois 
Gij 


148     LIVRE  SIXIEME. 

cent  foixame-cinq  jours  un  quart  : 
celle  de  Venus  de  deux  cent  vingt- 

2uatre  jours  18.  heures  :  &  celle 
e  Mercure  de  quatre.-  vingt  -  huit 
jours. 

Toutes  ces  Planètes  tournent  fur 
leur  centre ,  la  Terre  en  ».+.  heures. 
Mars  en  15.  ouenviron,  Jupiter  en 
10.  heuresouenviron  j  maisIaLune 
ne  fait  fon  tour  fur  fon  centre  qu'en  ; 
un  mois  ,  puifqu'elle  ne  montre  que 
la  même  face.  Toute  la  matiè- 
re dans  laquelle  elles  nagent  ,  fait, 
fon  tour  plus  vite  lorsqu'elle  eft 
plus  proche  du  Soleil  ou  du  centre  " 
de  fon  tourbillon ,  parce  que  la  ligne 
de  fon  mouvement  eft  plus  petite- 
Les  Aflronomes  après  Kepler  préten. 
¥  CêÇmtht*  dent  *  aujourd'hui  que  les  cubes  de 
w-j.it>  ladiflance  qui  eft  entrechaque  Pla- 
nète, &  le  centre  de  fa  révolution, 
font  entr'eux  comme  les  quarrez  du 
temsde  leurs  révolutions,  ce  qui  fe 
remarque  auffi  dans  les  Satellites  de 
Jupiter  &  de  Saturne.  LorfqueMars' 
eft  oppofé  au  Soleîl,H  eft  aflèz  proche 
delà  terre;  &  il  en  eft  extrêmement 
éloigné  ïorfqu'il  lui  eft  joint,  Ileneft 
de  même  des  Planètes  fupérieuresJu- 
piter&  Saturne,  car  les  inférieure» 


DE-LA  METH.  IL  Part,  tp 

■comme  Mercure  &  Venu^pe  font  ja- 
mais oppofées  au  Soleil  à  propre- 
ment parler.  Les  Lignes  que  toutes 
les  Planètes  femblenc  décrire  autour 
-de  la  Terre ,  ne  font  point  des  cer- 
cles ,  mais  elles  approchent  fort  des 
ellipfes ,  &  toutes  ces  cllipfes  pa- 
:roiÔènt  fort  différentes  à  câitfs  des 
différentes  fituations  des  Plauetes  à 
nôtre  égard.  Enfin  ce  qu'on  remar- 
que dans  les  Cieux  avec  certitude 
touchant  le  mouvement  des  Planè- 
tes ,  s'accommode  allez  bien  avec  ce 
que  l'on  vient  de  dire  de  leur  for- 
mation faivant  ksvoyes  les  plus  Am- 
ples. 

II  y  a  bien  des  gens  qui  regardent 
les  tourbillons  deM,  Defcartes  com- 
me de  pures  chimères.  Cependant 
rien  n'eîl  plus  facile  à  démontrer ,  en 
fuppofant  :  i*.  Que  tout  corps  ma 
tend  à  fe  mouvoir  en  ligne  droite  ; 
a**.  Que  les  Planètes  ont  des'  mouve- 
xnens  circulaires ,  deux  véritez  cer- 
taines par  l'expérience»  "Car  il  efl 
clair  que  fi  Jupiter  ,  par  exemple, 
étoitmûdanslevuide,  il  iroit  tou- 
jours en  ligne  droite  :  Et  que  s'il 
étoît  mil  dans  une  matière  qui  ne  tk 
pas  un.  tourbillon }  ou  qui  ne  tournât 
G  Ëj 


Goo8k 


if»  LIVRE  SIXIE'ME. 
point  à  l'aptour  du  Soleil  ;  non  feu- 
lement ilcontinueroit  toujours  d'al- 
ler en  ligne  ou  droite',  ou  du  moins 
fpirale,maisdepiusil  perdroîtpeuà 
peu  fon  mouvement ,  eu  le  commu- 
niquant au  fluide  qu'il  déplacerait. 
II  faut  donc  que  la  matière  celefie 
fane  un  tourbillon ,  &  que  chaque 
Planetes'y  place  de  telle  maniere,que 
fon  effort  pour  s'éloigner  du  SoieH 
Jàflê  équilibre  arec  TeBort  d'un  égal 
Yolume  de  cette  matière. 

Pour  les  étoiles  fixes ,  l'expérience 
apprend  qu'il  y  en  a  qui  diminuent 
&  qui  difpapoif lent  entièrement ,  & 
qu'il  y  en  a  auflî  qui  paroiiTent  toutes 
nouvelles  ,  &  dont  l'éclat  &  la  gran- 
deur augmentent  beaucoup.  Biles 
augmentent  ou  diminuent  à  mefure 
que  les  tourbillons,,  dont  elles  font 
les  centres ,  reçoivent  plus  ou  moins 
du  premier  élément.  On  ceûe  de  les. 
voir ,  Iorfqu'il  s'y  forme  des  taches. 
&  des  croates  :  &  l'an  commence  à 
les  découvrir ,  lorfqueces  taches  qui 
en  empêchent  l'éclat,  le  dimpeno 
entferement.  Toutes  ces  étoiles  gar- 
dent toujours  encr'eUes  la  même  di£- 
tance;  puifqu'etles  font  les  centres 
des  tourbillons,  &  qu'elles  ne  foni* 


DEtAMETH.n.pAîtf,     ip 

pas  entraînées  tant  qu'elles  réfiftent 
aux  autres  tourbillons,  ou  qu'elles 
font  étoUes.  Elles  font  toutes  écla- 
tantes comme  de  petits  Soleils ,  parce 
qu'elles  font  comme  lut  lescentres 
de  quelques  tourbillons ,  qui  ne  font 
porntencoïe  vaincue».  Elles  font  tou- 
tes inégalement  cîiflames  de  la  Terre, 
quoi  qu'elles  paroiflènt  aux  yeux 
comme  attachées  à  une  voûte  :  car  fi 
l'on  n'a-  point  encore  remarqué  la 
parallaxe  des  plus  proches,  avec  les 
plus  éloignées,  par  la  différente  fîtua- 
tion  de  la  terre  de  fix  mois  en  fix 
mois ,  c'eft  que  cette  différence  de 
fituation  n'eu  pas  aflèz  grande ,  à 
caufe  de  l'élorènement  immeufe  où 
nous  fommes  des  étoiles ,  pour  ren- 

.  dre  cette  parallaxe  fenfible.  Peut-être 
que  par  le  moyen. des  telefcopes  on 
en  pourra  remarquer  quelque  peu. 
Enfin  tout  ce  qu'on  peut  obfervér 
dans  les  étoiles  par  l'ulage  des  fens  & 
par  l'expérience ,  ne  paroît  pas  fort 
différent  dece  qu'on  vient  de  décou- 
vrir par  l'efprit ,  en  examinant  les 
rapports  les  plus  fi  m  pies  &  les  plus 
naturels  qui  le  trouvent  entre  les  par- 
lies  &   les  mouvemens  de  l'étenr 

-due, 

Ç  iiij        , 


rçj       LIVRE  SIXIEME 

Si  l'on  veut  examiner  la  nature 
des  corps  qui  font  ici  bas ,  il  fane 
d'abord  fe  reprefenter ,  que  le  pre- 
mier élément  étant  compofé  d'un 
Nombre  infini  de  figures  différentes, 
les  corps-quî  auront  été  formez  par 
t'aflemblage  des-  parties  de  cet  élé- 
ment, feront  de  plufieim  forte».  II 
y  en  au  ra  dont  les  partiesfeFont  bran- 
chuës :  d'autres  dont  elles  feront  lon- 
gues :  d'autres  dont  elles  feront  com- 
me rondes,  mais  irrégulréres  en  tou- 
tes façons.  Si  leurs  parties branchuës 
font  allez  grottes ,  ils  feront  durs  , 
mais  flexibles  &  fans  refîbrt ,  comme- 
l'or  :  fi  leurs  parties  font  moins  gref- 
fes ,  ils  ferontmoûs  ou  fluides ,  com- 
me les  gommes,  les  grailles ,  les  hui- 
les :  mais  fi.  leurs  parties  branchuës. 
font  extrêmement  délicates  ,  ils  fe- 
ront femblables  à  l'air.  Si  les  parties 
longues  des  corps  font  groflès  &  in- 
flexibles, ils  feront  piquans ,  incor* 
ru ptibles,  faciles  à diffbudre,  com- 
me les  fels  :  fi  ces  mêmes  parties  lon- 
gues font  flexibles,  ils  feront  ïnfîpi-- 
des ,  comme  les  eaux  :  s'ils  ont  des 
parties  groffiéres  &  irréguliéres  en 
toutes  façons,  Hsieront  femblables  à 
la  terre,  &  aux  pierres.  Enfin  il  y 


aura  descorps  de  plufieiirs  différen- 
tes natures ,  &  il  n'y  en  aura  pas  deux 
qui.  Ibient  entièrement  fembfables, 
parce  que  le  premier  élément  eft  ca- 
pable d'une  infinité  de  figures ,  & 
quetoutesces  figures  ne  fe combine^ 
ront jamais  delà  même  manière  en- 
deux  différens  corps.  Quelques  ligu-- 
resqu'ayent  ces  corps,  s'ils  ont  des- 
pores  afïèz  grands  pour  laitier  paner' 
le  fécond  élément  en  tous  fens ,  ils> 
feront  tranfparens  ,  comme  l'air  ,• 
l'eau  ,  leverre,  &c.  Quelques  figu- 
res qu'ayent  ces  corps,  ir  Je  premier 
élément  en  environne  entièrement" 
quelques  parties ,  &  les  agite  afTea 
fort  &  afféz  promptement  pour  re- 
poufTer  le  fécond  élément  de  tous* 
cotez,  ils  feront  lumineux ,  comme' 
îa  flamme.  Si  ces  corps  repoulîent 
•tout  le  fécond  élément  qui  les  cho- 
que', Hs  feront  tres-blancs:  s'ils  le' 
reçoivent  fans- le  repouffer ,  ils>  fe- 
ronrtres-noirs:  enfînVils  Ierepouf-"- 
fcnt  par  diverfesfecoufles*  ou  vibrai  ''voyeai* 
«ions,  ils  paraîtront  de  différentes w^'.uf' 
couleurs^  «[«.droit 

Quant  à  leur  fîtuatîon  ,  Tes  puis  q^i^""** 
jjéfans  ou  les  moins  légers',  c'eft-à* 
dire  ceux  rniTauront  moins  de  force-' 
G-v" 


r?4       LIVRE  nXIrMWE- 

pour  continuer  leur  mouvement  eit 
ligne  droite,  feront  les  plus  pioche» 
du  centre ,  comme  les  métaux.  La 
terre ,  l'eau ,  l'air  en  feront  plus  éloi- 
gnez :  &  tous  les  corps  garderont  la 
iituatton  où  nous  les  voyons  t  parce 
qu'ils  doivent  s'être  placez  d'autant 
-plus  loin  du  centre  de  la  terre ,  qu'ils 
ont  plus  de  mouvement  pour  s'en, 
éloigner. 

Et  l'on  ne  doit  pas  être  furpris  fi 
Je  dis  prefentement ,  que  les  métaux 
-ont  moins  de  force  pour  continuer 
leur  mouvement  en  ligne  droite  que 
la  terre ,  l'eau ,  &  d'autres  corps  en- 
core moins  folides  ;  quoique  j'ayedit 
auparavant  queles- corps  les  plus  fo- 
lides ont  plus  de  force  à  continuer 
leur  mouvement  en  ligne  droite  que 
les  autres.  Car  la  raifon  pour  la- 
quelle les  métaux  ont  moins  de  force 
pour  continuer  de  fe'  mouvoir  que 
de  la  terre  ou  des  pierres  ,  c'ett  que 
les  métaux  ont  beaucoup  moins  de 
mouvement:  puifqu'rl  efl  toujours, 
marque  deux  corps  inégaux  en-folt- 
dité étant mûsd'uneégale  vkeilè,  le- 
plusfofidea  plus  de  foreepour  aller 
enlaïiqnedroire,  parce  qu'alors  te 
pIusfolideaplusdeoiûuyemBnc»  Se 


DE  LA  METH;  fi.  Faut,  r^ 
,qoe  c*elt  le  mouvement  qui  fait  la, 
force. 

;  Et  fï  l'on  veut  fçavoic  la  raifon* 
pourquoi  vers  lescentres  des  tour-"" 
billons,  les  corps  groffiers  (ont  pé- 
fants ,  &  qu'ils  fout  légers  quand  ils 
en  font  fort  éloignez ,  (car  fi  la  terre 
par  exemple  étoit  plus  proche  du 
Soleii ,  elleremonteroit  où  elle  eft  ) 
.on  doit  penfer  que  les  corps  grofliec* 
reçoivent  leur  mouvement  de  la  mar 
tîere  fubiile  qui  les  environne  &  dans, 
laquelle  ils  nagent.  Or  cette  matière 
fubtile  fe  meut  actuellement  en  ligne 
circulaire  autour  du  centre  du  tour- 
billon ;  &  c'eft  ce  mouvement  comt- 
mun  à  toutes  fespartiesqu'elle  conv 
-znunique  aux  corps  groffiers  qu'elle 
environne.  Mais  elfe  ne  peut  leur 
communiquer  les  mouvemensparti- 
culiersà'cnaquepaTtiequi  tend  vers- 
différens cotez,, en  s'éloignant  néan- 
moins-ducentuedutourbrilon^Caroni 
doit  prendregarér  que  les  parties,  de 
la  matière  firbrile ,  faifant  eftbrt  vers- 
différent  cotez,  ne  peuvent  quecon»' 
primer  le  corpsgrofïier  qu'elles  tranC 
portent  :  car  ce  corps-  ne  peut  pas  ent 
même  tems  aller  vers  differens  cotez- 
Mais  parce  que  la  matière  fubtiïe» 
G  v j 


1)6       LIVRE   SIXIEME. 

qui  eft  vers  le  centre  du  tourbillon1,, 
a  beaucoup  plus  de  mouvement  qu'- 
aile n'en  employé  à  circuler  :  qu'elle- 
*  ne-communique  aux  corps  groifieis 
qu'elle  entraîne  ,  que  Ion  mouve- 
ment circulaire  &  commun  à  tontes 
fes-. parties  :  &que  fi  les  corps  grot- 
fiers  avoientd'ailleurs  plus  demou- 
vement queceluhqui eflcommun  an 
tourbillon,  ilsJe  perdraient  bien-tôt. 
en  lecommuniquant  aux  petits  corps. 
qu'ils- rencontrent  :.De-là  il  eft.  évp- 
dentque  les  corps  grofliers  vers  le 
centre  du  tourbillon,  n'ont  point  tant" 
de- mouvement  que-la  matière  dans, 
laquelle  ils  nagent-,  dont  chaque  par- 
nefemeut  en  plusieurs façons  diffé- 
rentes outre  leur  mouvement  cirent- 
laire  ou  commun  y  &c'eflce  mou-- 
veinent  en  divers  fens.  différent  du 
oirculaireou commun,  quirend  la 
matière  fubtile  plus.ïegere-que  les, 
corps  grofliers  dont. les  parties  font 
comme  en  repos  les  unes  auprès  des 
autres,  Lorfque  de  la  poufliere  eft 
remuée ,  elle  devient  légère,  parce: 
qu'elle  a.  plus.,  de  liberté. pour  rem— 
'plir-  fan  mouvement  yersXe:  haut  que: 
vera-urbas;  où  la.rcfiftance  6V  la.  réac— 
■non  ell  plus  grande.  Ainfi  les  corps- 


TÏE  £A  METH.  H.  Part,    rjr 

greffiers  n'ayant  que  le  mouvement 
circulaire  &  commun  à  toute  la  ter- 
re, il*  font  obligez  de  céder  ,  &  par 
confequent  de  le  rapprocher  vers  le 
centre  du  tourbillon  ,  c'eftVà-dire 
qu'ils  font  d'autant  plus  péfans  qu'ils 
font  plus,  folides..  J'explique  plus> 
exactement  la  caufe  de  la  péfanteiir 
dans  le  pénultième  éclairciflèmenr 
vers  la  fini-  Mon  deflein  ici  n'eft  que- 
de  donner  l?abregéde  la  PliyGque  de- . 
M.Defcarte^- 

Mais  Iorfque  les  corps  greffiers  (ont 
for*  éloignez  du  centredu  tourbillon; 
comme  le  mouvement  circulaire  de 
JÉciatiere  fiibtile  eft  alors  fort  grand» 
■Rutfe  qu'elle  employé  prefque  tout 
£bn  mouvement  à  tourner  autour  du 
centredu  tourbillon  ;  les  corps  ont 
d'autant  plus-  de  mouvement  qu'ils 
font  plus  folides ,  puifqu'ils  vont  à 
peu  prés  delà,  même  vîtefTe  que  1» 
matière  fubt-He  dans  laquelle  ils  na- 
gent :  ainfi  ils  ont  plus  de  force  pour 
continuer  leur  mouvement  en  ligne- 
droite-  De  forte  que  les  corps  groJV 
fiers  dans  une  certaine  diïtance-  du 
«entre  du  tourbillon,  font  d'autant 
pin*  légers  qu'ils  font  plus,  folides. 

Cela.  fait,  donc  voir  que  la.  Terre; 


Goo8k 


I#      LIVRE  SlXtE'ME. 

eil  métallique  vers  le  centre  :  qu'élu? 
n'ell  pas  fort  folrde  vers  fa  circonfé- 
rence :  que  l'eau  &  l'air  doivent  de- 
meurer dans  la  Situation  où  nous  le» 
voyons  :  mais  quetous  ces  corps  font 
à-as-  péfans,*  l'air  aufli-bien  que  l'or  8t 
'y™"  le  vif-argent ,  paicequ'iis  font  plu* 
«de  folides  &  plus  greffiers  que  le  pre- 
:*  mier  &  le  fécond  élément.  Cela  foie 
voir  que  la  Lune  étant  un  peu  trop 
■  éloignée  du  centre  du  tourbillon  de 
la  Terre,  n'eft  point  pelante  quoi- 
qu'elle foit  folîde  :  que  Mercure, 
Venus,  la  Terre  ,  Mars, Jupiter,  & 
Saturne  ne  peuvent  tomber  dans  le 
Soleil ,  &  qu'ils  ne  font  point  afjHfc 
folides  pour  fortirde  leur  tourbillon 
comme  les  comètes  :  qu'ils  font  en 
équilibre  avec  la  matière  dans  la- 
quelle ils  nagent  :  &  que  fi  l'on  pou- 
voir jéttet  allez  haut  une  balle  de 
mouiquet,  ou  un  boulet  de  canon, 
c'eft-è-drre ,  fi  haut  que  le  mouve- 
ment circulaire  Si  commun  aux  par- 
ties dans  lerqueiles  ces  corps  fèroient 
placez  ,  qui  eft  le  feul  mouvement 
qu'ils  puïuënt  en  recevoir  ,  furpafsâi 
fuffifamment  le  mouvement  varié  de 
ces  mêmes  parties  ,  ces  deux  corps 
devieudroient  de  petites  Planètes» 


DELAMETH.II.Pakt.  if? 
ou  bien  ils  feraient  allez  folides  pour 
devenir  comme  de  petites  comètes 

Îui  ne  pourraient  plus  s'arrêter  dans 
s  tourbillons. 

Je  ne  prétens  pas  avoir  fuffifam- 
ment  expliqué  toutes  les  chofes  que 
je  viens  de  dire,  ou  avoir  déduit  des 
principes  (impies  d'étendue  ,  de  li- 
gure, &  de  mouvement ,  ce  que  l'on 
en  doit  infailliblement  déduire.  Je 
veux  feulement  faire  voir  la  manière 
dont  M.  Defcartes  s'eft  pris  pour  dé- 
couvrir les  chofes  naturelles  ,  aliii 
iucl'on  puîné  comparer  fes  idées  Ôt 
i  méthode  avec  celles  des  autres 
Philofophes,  Je  n'ai  point  eu  ici 
d'autre  deflein.  Mais  je  ne  crains 
point  d'afïùrer  queiî  l'on  veut  céder 
d'admirer  la  vertu  de  l'aiman.,  les 
mouvemens»  réglez  du  Eux  &  du  re- 
flux de  la  mer,  le  bruit  du  tonnerre, la 
génération  des  météores  :  enfin  iï 
ronveius'ijiflruireàfonddela  Phy- 
fique ,  comme  l'on  ne*  peut  mieux 
faire  que  de  lÊre&  de  méditer  fes 
ouvrages,  onnefçauroit  rien  faire, 
fr  l'on  nefaitfa  méthode-,  je  veux 
dire  tïPon  ne raifoime comme  lui  fur 
des  idées  claires,  en  commençant  tou- 
jours, par.  les  plus  limples. 


ï 


Hfe      LIVKE  SIXIEME 

Ce  n'eft  pas  que  cet  Auteur  foit 
infaillible,  &  jecroi  pouvoir  dé- 
montrer qu'il  s'eft  trompé  en  plu- 
fieurs  endroits  de  fes  ouvrages-  Mais 
Heft  plus  avantageux  à  ceux  qui  le? 
tifent  de  croire  qu'il  s'eft  trompé , 
que  s'ils  étoient  perfuade?  que  tout 
ce  qu'il  dh  fi.it  vrar.  Si  on  le  croyoit 
infaillible ,  on  le  lhoît  fans  l'exa- 
miner ,  on  crorroit  ce'  qu'il  dit  fans 
fefçavoir;  onapprendroit  fesfenti- 
mens  commeon  apprend  des  Hifloi- 
'  Te5,ce-quineformeroitpomtFefprk- 
ÏI  avertit  lui-même  qu'en  lifant  fes 
ouvrages ,  on  doit  prendre  garde  s'il 
ne  s'eft  point  trompé  ,.  &  qu'on  ne* 
doit  rien  croire  de  ce  qu'irait ,  que- 
ïorfqu'on  y  ell  forcé  par  l'évidence. 
Car  H  nereuemble  pas  à'  ces  faux  fça- 
vans'  qui  ufurpant  une  domination 
injufte  fur  les  efprits  .veulent  qu'on, 
les  croie  fur  leur  parole-:  &  qui  au- 
lieu  détendre  les  hommes  difei pies- 
de  la  vérité  intérieure ,  en  ne-  leur 
propofanc  quedes  idéesclaires ,  les 
Soumettent  à  l'auto  rhé  des  Païens,  Se 
par  des  raîfons  qu'ils  n'entendent, 
point,  leur  font  recevoir  desopinions* 
qu'ils  nepeuvent  comprendre. 

IL  faut  remarquer  qu'au  teins  de; 


CCH^I, 


DE  LA  METH.  II.  Part.    %6i 

M".  Defcartes  on  n'étoit  point  entré 
dansle  fecret  des  forces  centrifuges  s8t 
que  l'on  ne  fçavoit  point  encore  en 
mefur^fcles  rapports,  ce  qui  eH  néan- 
moins néceftaire  pour  perfectionner 
la  PJiyfique  celefte  ;  qu'outre  cela  il 
ignorait  ce  que  nous  ont  appris  les 
dernières  obfervations.S'H  avoit  feu-, 
lementété  bien  convaincu  de  ce  dont 
les  habiles  Aflronomes  conviennent 
aujourd'huy  ,  fçavoir  que  les  cubes 
des  diftances  des  corps  celefles  du 
centre  de  leur  circulation,  font  en- 
tre eux,  comme  les  quarrez  du  tenu 
de  leur  révolution;  &  qu'il  eûtfçû 
que  les  forces  centrifuges  font  entr'- 
elles ,  comme  les  quarrez  des  vîieiïès 
drvifez  par  lediametre  de  leur  crrctt- 
Iatîon,iI  lui  aurait  été  facile  de  corri- 
ger quelques  endroits  de  fa  Phyfique 
&  de  la.  rendre  plus  parfaite.  Car  en 
mettant  par  exemple  dans  la  propor- 
tion précedente,au  lieu  des  tems  leur 
valeur,  c'eft-à-  dire  ics  efpaces  par- 
courus ou  les  circulations  divifées  par 
lesvîteuesjH  aurait  découvert  une 
raifoii  naturelle  de  l'équilibre  de  la 
matière  celefte  &  les  rapportsdes  vi- 
telïes  &  des  diftances  des  planètes 
qu'elle  entraîfne  en  circulant..!!  au- 


t6t       LIVRE  SIXIEME. 

ïoit  encoretirédelaconnoiflànceà'es 
forces  centrijkgeshïçn  des  confequen- 
ces  qu'on  peut  voir  dans  les  ouvrages 
qui  ont  paru  depuis  qudqueAnnees. 
Defcartes  ne  nous  a  pas  été  donné  de 
Dieu  pour  nous  apprendre  tout  ce 
qu'il  eil  poflîble  de  fçavoir ,  comme 
Averroes  Ie;dit  cPArïftote.  II  s'eft  mê- 
me fourent trompé,  non  par  le  dé- 
faut de  fa  méthode ,  ou  la  feuflcté  de 
fes  principes ,  car  il  n'en  fuppofe 
point  d'autres  que  les  notions  com- 
munes ôc  les  idées  claires ,  mais  par 
la  difficulté  de  Iesfuivre  dansl'exa- 
mendes  fuîetstropcompofez. 

La  principale  cnofe  que  l'on  trou- 
ve à  redire  dans  la  manière  dont  M 
Defcartes  fait  naître  le  Soleil ,  les 
Etoiles,  la  Terre,  &  tous  les  corps 
qui  nous  environnent ,  c'efl  qu'elfe 

Îiarojt  contraire  à  ce  que  l'Ecriture 
àînte  nous  apprend  de  lacréationdu 
monde  :  &  que  fi  l'on  en  croit  cet 
Auteur ,  il  femble  que  l'univers  s'eft 
formé,  commedefui-même,  tel  que 
nous  le  voyons  aujourd'hui.  A  cela 
on  peut  donner  plufieurs  réponfes, 
La  première  que  ceux  qui  difent 


C,„„sk- 


DE  LA  METH.  II.  Part,  «fj 
î'Ecriture-fainte  &  Defcartes,  que 
ceux  qui  ont  écrrrpour  prouver  que 
'là  création  du  monde  s'accommode 
parfaitement  avec  les  fentimens  de  ce 
Philofophe. 

Mais  la  principale  refponfe  efl  que 
M.  Defcartes  n'a  pas  j  amais  prétendu 
que  Ieschofesfe  foient  faites  peu-à- 
peu  comme  il  les  décrit.  Car  dans  De 
premier  article  de  la  quatrième  par- 
tie de  fa  Phil'ofophie ,  qui  efl ,  Qu£ 
pour  trouver  les  -vraies  caufes  de  ce  qui 
efi  fur  la  terre ,il  faut retenir  l7hypothe~ 
fe  dèjaprife  nonobfiant  qu'elle  fait  fauf~ 
fe ,  il  dit  pofitivement  le  contraire  en 
ces  termes.  ' 

Bien  que  je  ne  "veuille  point  qu'on  fe 
ferjitade  que  les  corps  qui  compofent  ce 
'monde  viftble  ayent  jamais  été  produits 
en  la  façon  que  j'ai  décrite  ,  atnfi  que 
j'ai  ci-dejJUs  averti ,  je  fais  néanmoins 
obligé  de  retenir  ici  la  même  hypottejè 
pour  expliquer  ce  qui  ejtjkr  la  Terre, 
afinque  fi  je  montre  évidemment  ain/i 
que  j'efbere  faire  ,  qu'on  peut  par  ce 
tnoyen  donner  des  raifons  très  -  intelli- 
gibles &  certaines  de  toutes  les  ebofes 
qui  s'y  remarquent  {  &  qu'on  ne  puiflè 
faire  te  femblahle  par  aucune  autre  in- 
TKtttUmt  noar ayons fkjet  de  conclure  que 


Goo8k 


i*4      LIVRE  SIXIE'MË. 

bien  que  le  monde  n'ait  pas  été  fait  au 
commencement  en  cette  façon  ,&  qu'il 
ait  été  immédiatement  créé  de  Dieu  , 
toutes  les  ebofes  ta£il  contient  ne  laif- 
fent  pas  d'être  maintenant  rfe  même  na- 
ture que  fi  elles  evoïent  été  aïnfi  pro~ 
duites. 

Défaites  fçavort  que  pour  com- 
prendre bien  la  nature  des  chofes,  il 
les  falloir  confiderer  dans  Ieiir  origi- 
ne &  dans  leur  naifrance,qu'îi  falloir. 
toujours  commencer  par  celles  qui 
font  ies  plus  Amples,  &  aller  d'abord 
au  principe":  qu'il  ne  falloit  point  fe 
mettre  en  peine  fi  Dieu  avok  formé 
fes  ouvrages  peu-à-peu  par  les  voies 
ies  plus  (impies,  ou  s'il  les  avoït  pro<- 
duits  tout  d'un  coup  :  Mais  de  quel-  , 
«Jue  manière  que  Dieu  les  eût  formez^ 
quepourlesbienscomioîtreil  fâiloxe 
les  conlidérer  d'abord  dans  leurs 
principes  ,  &  prendre  garde  feuler 
ment  dans  la  fuite,  ii  ce  qu'on  avoït 
penfé  s'accordoh  avec  ce  que  Dieu 
avoit  fait.  II  fçavoit  que  les  Ioix 
de  la  nature  par  Iefquelles  Dieu  cori- 


C,„„sk- 


DE  LA  METH.  I.  Part,  iô** 
car  ilell  évident  à  tous  ceux  qui  con- 
fidérent  les  chofes  avec  attention,  que 

5  Dieu  n'avoir  pas  arrangé  tout  (rua 
coup  tout  fon  ouvrage  de  la  manière 
qu'il  fe  ferait  arrangé  avec  le  tems , 
tout  l'ordre  de  la  nature  fe  renverié- 
roitj  puiXquelesioix  delaconferva- 
tion?(eroîentcontrairesà  I'or'drede  la 

Sremier  création.  Si  tout  l'univers 
smeure  dans  l'ordre  où  nous  le 
voyons  ,  c'eft  que  les  Ioix  des  mouve- 
.roens  qui  le  confervent  dans  cet  or- 
dre, euflèntété  capables  de  l'y  met- 
tre. Et  fi  Dieu  les  avoit  mis  dans  un 
ordre  différent  de  celui  où  elles  fe 
fuirent  mifes  par  ces  Ioix  du  mouve- 
ment, toutes  chofes  fe  renverferoient 

6  fe  mettroient  par  la  force  de  ces 
Ioix  dans  ï'ordre  où  nous  les  voyons 
préfentement.  S'ilavoit  fait  le  Soleil 
par  exemple  de  figure  cubique ,  cer- 
tainement il  feroit  bien-tôt  devenu 
Spherique  en  confequence  des  Ioix 
des  mouvemens. 

Un  homme  veut  découvrir  la  na- 
ture d'un  poulet.  Pour  cela  il  ouvre 
tous  les  jours  des  ccufe  ,  qu'il  a  mis 
couyer.  Il  y  remarque  une  véiicule 
qui  renferme  l'embrion  du  poulet , 
&  dans  cette  veficule  un  point  fail- 


Goo8k 


ifitf  LIVRE  SIXIEME, 
lant  qu'il  découvre  en  être  le  cœur, 
quede  là  il  part  de  tout  cotez  des  ca- 
naux de  fang  qui  font  les  artéresi  que, 
cefang  retournevers  lecoeur parles 
veines  ;  que  le  cerveau  paroît  auflï 
d'abord ,  &  que  les  os  font  les  der- 
nières parties  qui  fe  forment,  II  fe 
délivre  par-là  de  beaucoup  d'erreurs, 
&  il  tire  même  de  ces  obfervations 
plufieurs  confequences  d'un  très- 
grand  ufage  pour  la  connoiilàncedes. 
animaux.  Que  peut-on  trouver  à  re-" 
dire  dans  la  conduite  de  cet  homme  ? 
.  peut-on  dire  qu'il  prétende  perfua- 
der  que  Dieu  a  formé  le  premier  pou- 
let en  créant  d'abord  un  œuf,  &en 
lui  donnant  un  certain  degré  de  cha- 
leur'pour  le  faire  éclorre  i  à  caufe 
qu'il  tâche  de  découvrir  la  nature  des 
poulets  dans  leur  formation  ? 

Pourquoi  donc  aceufer  M.  Det 

cartes  d'être  contraire  à  l'Ecriture,  à 

caufe  que  voulant  examiner  la  nature 

des  choies  vilibles ,  il  en  examine  la 

formation  par  les  Ioix  du  mouvement 

qui  s'obfervent  invioIaHement  en 

toutes  rencontres  ?  II  n'a  jamais  dou- 

■*<*•  y  ■  &  té  :  Que  le  monde  n'ait  été  créé  au  corn- 

%€,'",&%  mencement  avec  autant  de  perfiHion 

/«««>«.     qu'il  en  ai  enforte  que  le  Soleil,  la 


C,„„sk- 


DELAMETH.II.Pabt.  j€j 
Terre ,  la  Lune  ,  les  Etoiles  ont  été  des 
lors:&  que  la  Terre  n'a  pas  eu  feulement 
en  foi  les  femences  des  plantes ,  mais 
que  tes  plantesmême  en  ont  couvert  une 
partie  ,  <&  qu'Adam  &  Eve  n'ont  pas 
été  crée^  enfans,  mais  en  âge  d'hommes 
parfaits.  La  Religion  Chrétienne  ,  dit~ 
il,  veut  que  nous  le  croyons  ainfi ,  &  la 
raifon  naturelle  nous  perfuade  abfolw 
ment  cette  vérité,  parte  queconfidérant 
La  toute-puifiance  de  Dieu ,  nous  devons 
juger  que  tout  ce  qu'ila  fait  a  eu  toute 
la-perjeSton  qu'il  devoit  avoir.  Mais  , 
comme  on  connaîtrait  beaucoup  mieux 
quelle  a  été  la  nature  d'Adam  &  celle 
des  arbres  du  Paradis ,  fi  l'on  avoit 
examiné  comment  les  enfans  fe  forment 
pewk-peu  dans  le  ventre  de  leurs  mères, 
«£■  comment  les  plantes  fortent  de  leurs 
femences,  que  fi  l'on  avoit  feulement 
confideré  quels  ils  ont  été  quand  Dieu  les 
a  crée%j  tout  de  même  nous  ferons  mieux 
entendre  quelle  efi  généralement  la  na- 
ture de  tontes  les  chofes  qui  font  au  mon- 
de ,  fi  nous  pouvons  imaginer  quelques 
-principes  qm  foient  fort  intelligibles  & 
fenfimples ,  dejquels  nous  fajfions  voir 
clairement  que  les  Afirts,  la  Terre,  & 
enfin  tau  le  monde  vifible  awroit  pà 
être  produit  ainfi  quelle  quelques  femeti* 


i58      LIVRE  SIXIE'ME. 

ces,  hien  que  nous  [cachions  qu'il  »'«  pas 
été  produit  en  cette  façon  ;  que  fi  nous 
le  décrivions  feulement  comme  ilefl,ou 
biencomme  nous  croyons  qu 'il  a  été  créés 
Et  parce  que  je  penfe  avoir  trouvé  des 
principes  qui  font  tels-,  je  tâcherai  ici 
de  les  expliquer. 

Motifieur  Defcartes  a  penle  que 
Dieu  avoit  formé  le  monde  tout  d'un 
coup ,  mais  il  a  crû  auffique  Dieu 
i'avoit  formé  dans  le  même  état,  dans 
le  même  ordre,  Sedanslemêmear- 
rangement  de  parties  où  il  aurait  été, 
Vil  l'avait  formé  peu-à-peu  par  les 
voies  les  plusfimpies.  Et  cette  pen- 
fée  eft  digne  de  lapuillance&dela 
fageflè  de  Dieu  :  de  fa  puhTance, 
puifqu'îl  a  fait  eu  un  moment  tous 
Tes  Ouvrages  dans  leur  plus  grande 
perfeâion  :  de  fa  fageûe,-puifque 
par  là  il  a  fait  connoitre  qu'il  pré- 
voyoit  parfaitement  tout  ce  qui  de- 
voit  arriver  iiéceflàirement  dans  la 
matière ,  fî  elle  étoit  agitée  par  les 
voïes  les  plus  fimples;  &  encore  par- 
ce que  l'ordre  de  ïa  nature  n'eût  pu 
fubfiner,  fi  le  monde  eût  été  produit 
d'une  manière  contraire  aux  loix  de 
mouvement  par  lefquelles  il  efteon- 
ferve,  ainfi  que  je  viens  de  dire. 

Au 


GooSk 


.   DELAMETH;H.Pabt.    ifij» 

Au  refte,  H  y  a  bien  de  la  différen- 
te entre  la  formation  des  corps  vi- 
vans  &  organifez  &  celle  des  tour- 
billons dont  l'univers  e(i  compofé. 
Un  corps  orgaiûfé  contrent  une  infi- 
nité de  parties  qui  dépendent  mutuel- 
lement les  uns  des. autres  par  rap- 
port à  des  fins  particulières  ,  &  qui 
doivent  être  toutes  actuellement  for- 
mées pour  pouvoir  joiier  toutes  en- 
fembie.  Car  H  ne  faut  pas  s'imaginer 
comme  AriftQte  que  le  cœur  elt  le 
premier  vivant  &  le  dernier  mou- 
lant. Le  coeur  ne  peut  battre  fans 
l'influence  des  efprits  animaux,  ceux- 
ci  fe  répandre  dans  le  cœur  fans  les 
nerfs ,  &  les  nerfs  tirent  leur  origine 
•du  cerveau  dontils  reçoivent  les  ef- 
prits. De  plus  le  cœur  ne  peut  batre; 
&poufIêr  le.faag  dan»  les  artères  fi 
«lies  ne  "font  déjà  faites  ,.  auflï  bien 
«ue  les  veine»  -qui  le  lui  rapportent. 
En  un  mot  il  eu  évident  qu'ime  ma- 
chine ne  peut  joiier  qu'ellene  foit 
achevée!  &  qu'airilï  le  cœur  ne  peut 
vivre  feul.  De  forte  que  dans  le  tems 
qu'il  paroît  dans  nn  œuf  qu'on  a  mis 
couver  ce  point  (aillant  qui  eft  le 
cœur  du  poulet,  le  poulet  elt  vivant  : 
ât  par  Ja  même  raifon  dés  que  la 
Terne  III.  H 


fj6  XIVÏŒ  SIXIEME.  (  • 
femme  a  conçu  ;  ce  qui  eft  à  propos 
de  bien  remarquer ,  fon  enfant  eft 
vivant  ;  parce  que  la  vie  commence 
quand  les  efprits  forit  jouer  les  orga- 
nes ,-IefqueIs  nepeuvent  joiierqu'ils 
ne  foienr  aditeilerïierit  formez-  & 
liez  enfenible.  Ce  feroît  dohË  s'y 
prendre- fort  mal  que  de  prétendre 
tirer  des  loix  fimples  &  générales  des 
communications  des  mouvemens  là 
formation  des  animaux  &  des  plan- 
tes &  de  leurs  parties  les  unes  après 
les  autres:  car  elles  font  toutes  liées 
différement  les  unes  avec  les  autres 
par  rapport  à  diverfes  fins  &  difle- 
rens  ufages  dans  les  différentes  efpe- 
ces.  Mais  il  n'en  eft  pasdemêmede 
la  formation  des  tourbillons:  il* 
rtaiflèrrt  naturellement  des  loix  géné- 
rales ,  ainfî  que  je  Viens  en'  partiêde 
l'expliquer.  :  ' 

Il  eft  ridicule  de  direque  M.  DèC 
cartes  a  crû  que  le  monde  fefoit  pu 
former  de  lui-même  i  puisqu'il  a  re-f 
connu,  comme  tousceùx  qui  fuîvent 
ies  lumières  de  la  raifon ,  qu'aucun 
corps  ne- peut  même  fe  remuer  par* 
ies  propres  forces  ,  &  que  toutes  les 
loix  naturelles  de  la  communication 
des  mouvemens  ne  font  que  des  fui- 


C,„„sk- 


DE  IA  METH  II.  Part.  i7'f 
<es  des  volontez  immuables  de  Dieu  , 
qui  agit  fans  oeflè  d'une  -même  ma- 
nière. Ayant  prouvé  qu'il  n'y  a  que 
Dieu  qui  donne  le  mouvement  à  la 
matiére/&quelè  mouvement  produit 
dans  tons  les  corps  toutes  ïes  diffé- 
rentes Formes  dont  ils  font  revêtus, 
■c'en  étolt  aflëz  pour  Ôter  aux  libertins 
tout  prétexte  de  tirer  aucun  avanta- 
:ge  de  fon  fyftcme.  Au  contraire  li  les 
athées  faifoient  quelque  réflexion  fur 
les  principes  de  ce  Philofophe ,  ils 
le  trouveroient  bien-tôt  contramisde 
leconnoître  leurs  erreurs.  Car  s'ils 
peuvent  foûtenir  comme  les  Païens 
que  la  matière  fohincréée,iIs  ne  peu- 
vent pas  de  même  foûtenir  qu'elle  ait 
I'àmais  été  capable  de  fe  mouvoir  par 
es  propres  forces.  Ainfiles  athées  fe- 
roîenr  du  moinsohligez  de  reconnoî- 
tre  Ievéritable moteur,  s'ils  ne  vou- 
lurent pas  reconnoître  le  véritable 
Créateur.  Mais  la  PMIofophie  ordi- 
naire leur  fournit  aflèz  dequoi  s'a- 
veugler &  foûtenir  leurs  erreurs. 
Car  elle  leur  parle  de  certaines  ver- 
tus impretfès  ,  de  certaines  faculté* 
motrices,  en  un  mot ,  d'une  certaine 
nature  qui  efl  le  principe  du  mouve- 
ment dç<&aque  chofe:  &  quoi  qu'ils 
Hij 


fe 


i7i      LIVRE  SIXIEME. 

lï'enayent  aucune  idée  diftinâe,  ils 
font  bien-aifes,  à  caufe  de  la  corrup- 
tion de  leur  cceur  ,  de  la  mettre  à  la 
place  du  vrai  Dieu  ,  en  s'imaginant 
que  c'eft  elïequi  fait  toutes  les  mer- 
veilles que  nous  voyons. 


CHAPITRE    V. 

Explication  des  principes  delaPhilo- 
fophie  â?Ari$ote,  oà  Fm  fait  voir 
qu'il  rfa'f  ornais  obfervè  la  féconde 

?artie  delà  règle  générale  ,  &  où 
on  examine  fes  quatre*  élemens  ,  ^r 
fes  qualité^  élémentaires. 

AFin  que  l'on  puîné  faire  quel- 
que comparaifon  de  la  Philofo- 
phie  de  Detcartes  avec  celle  d'Arit 
tote,  il  eft  à  propos  que  je  repréfen- 
te  en  abrégé  ce  que  celui-ci  a  penfé 
des  élémens  &  des  corps  naturels  en 
général  :  ce  que  les  plus  fçavans 
croyem  qu'il  a  fait  dans  fes  quatre 
livres  du  C«/.  Car  les  huit  Livres  de 
Phyfique  appartiennent  plutôt  à  la 
Logique,  ou  fi  on  ie  veut  à  la  Méta- 
phylique  qu'à  la  Phyfique  ;  puifque 
ce  ne  font  que  des  mots  vagues  &  gé- 


C,„„sk- 


DE  LA  METH.  II.  Part.   17» 

fiérauxqui  ne  repréfentent  point  à 
l'efprit  d'idée  diflincte&  particuliè- 
re. Ces  quatre  livres  font  intitulez 
tluCirf,  parcequeleCieleft  le  prin- 
cipal descorps  fimplesdontil  traite. 

Ce  Philolbphe  commence  cet  ou- 
vrage par  prouver  que  le  monde  eft 
parfait,  8c  voici  fa  preuve.  Tous  les 
corps  ont  trois  dimenfions  ,  ris  n'en 
peuventpasavoirdavantage ,  car  le 
nombre  de  trois  comprendtout  félon 
les  Pythagoriciens  :  or  le  monde  eft 
I'aflemblage  de  tous  les  corps  :  donc 
le  monde  eft  parfait.  On  pourroît 
par  cette  plaifante  preuve  démontrer 
auffi,  que  le  monde  ne  peut  être  pins 
imparfait  qu'il  eft,  puifquil  ne  peut 
être  compofé  de  parties  qui  ayeut 
moins  de  trois  dimenfions. 

Dans  le  fécond  Chapitre  il  fuppo- 
fe  d'abord  certaines  vêritez  Péripaté- 
tiques.  1.  Que  tous  les  corps  natu- 
rels ont  d'eux-mêmes  la  force  de  fe 
remuer;  ce  qu'il  ne  prouve  point  ni 
ici,  niailleurs.  II  attitré  au  contraire 
dans  lepremier  Chapitre  du  fécond 
Livrede  Phyfique ,  qu'il  eft  ridicule 
de  s'efforcer  de  le  prouver:  pàrce 
que ,  dit-il ,  c'eft  une  chofe  évidente 
par  elle-même,  &  qu'il  n'y  a  que 
H  iij 


Goo8k 


ï74  LIVRE  SIXIEME. 
Feux  qui  ne  peuvent  difcernet  ce-  quï 
efl  connu  de  foi-même",  de  ce  qui  ne 
l'eit  pas ,  qui  s'arrêtent  à  prouver  ce 
qui  eu  évident  par  cequieftobfcur.- 
Mais  on  a  fait  voir  ailleurs  qu'il  efl 
abfoî uraeni  faux  ,  que  les  corps  na- 
turels ayent.  dans  eux-mêmes  la  force 
de  fe  remuer  ;  &  que  cela  ne  parole 
évident  qu'à  ceux  qui  comme  AriC- 
tote  fuirent  les  impreflîons  de  leurs 
feus,  &ne  font  aucun  ufàgedc  leur 
raifon..  * 

Ilditenfecond  lïeuquetoutmou- 
vemem  local  Ce  fait  en  ligne  droite  otir 
circulaire ,  ou  compofée  de  la  droiter 
&  de  la  circulaire;  mais  s'il  ne  vou- 
loit  paspenfer  à  ce  qu'il  avance  té- 
.mérarremem  ,  il  devoir  au  moins 
ouvrir  les  yeux ,  Se  il  auroir  vu  qu'il' 
y  a  des  mouvemens  d'une  infinité  de 
façons différentes  qui  ne  font  point. 
compofez  de  droit  &dn  circulaire.. 
Ou  plutôt  il  devoir  penfer ,  que  les 
mouvemens  compofez  des  mouve- 
mens en  ligne  droite,  peuvent  être- 
d'une  infinité  de  façons  circulaires 
mêmes ,  fi  l'on  fiippofèque  les  mou- 
vemens compofans  augmentent  ou 
diminuent  leur  vîteffe  en  une  infi- 
nité de.  laçoas  différente*  t  comme 


Google 


0E  LA  METH.  II.  Part.  17^ 
l'on  peut  voir  par  ce  qui  a  été  dit  au-  chap.  4 
paravant.  II  n'y  a,  dit-il ,  que  ces 
deux  mouvcmens  (impies ,  le  droit 
&  le  circulaire  :  donc  tous  les  mou- 
vemens  font  compofez  de  ceux-là. 
Mais  il  fe  trompe  :  le  mouvement 
circulaire  n'eil  point  iîmple:  on  ne 
peut  ie  concevoir  tans  penfer  à  un 
point ,  auquel  le  corps  mû  plutôt  que 
œ  mouvement  a  rapport ,  &  tout  ce 
qui  enferme  un  rapport ,  eft  relatif 
&  non  pas  ample.  Mais  fi  l'on  défi- 
nit le  mouvementfîmple,  commeon 
ledevroit,  celui  qui  tend  toujours 
vers  le  même  endroit,  le  mouve- 
ment circulaire  ferait  infiniment 
compofé ,  puifque  toutes'les  tangen- 
tes de  la  ligne  circulaire  tendent  en 
duTérens  endroits.  On  peut  définir 
le  cercle  par  rapport  au  centre  :  mais 
juger  de  la  fimplicité  du  mouvement 
circulaire  par  rapport  à  un  point ,  à 
l'égard  duquel  il  n'y  a  point  de  mou* 
peinent ,  ce  ferait  s'y  prendre'  fort 
mal.  IleA  évident  qu'un  corps  qui 
fe  meut  dans  la  circonférence  d'un 
cercle,  ne  fe  meut  pas  par  rapport 
au  point  mathématique  qui  en  ell  le 
centre. 

Jidit  en  tioruéme  lieu ,  que  tous 
H  iiij 


Goo8k 


i76  LIVRE  SIXIEME. 
les  mouvemens  [impies  font  de  trois 
fortes  :  l'un  du  centre  :  l'autre  vers. 
le  centre:  te  troificme^mour  du  cen- 
tre. Mais  il  efl  faux  que  le  dernier; 
fbit  iîrnple ,  comme  l'on  a  déjà  dît.. 
II  efl  encore  faux  qu'il  n'y  an  de 
mouvemens  fimples ,  que  ceux  qui 
vont  de  bas  en-haut  &  de-haut  en  bas; 
car  tous  les  mouvemens.  en  ligne 
droite  fontfimples,  foit qo'ils  s'ap- 
prochent ou  s?éIoignent  du-  centre, 
Ibit  qu'ils,  s'approchent  ou  s'éloi- 
gnent des  pôles ,  ou  de  quelqu- autre 
point.  Tout  corps  ,  dit-il ,  efl  com- 
pofé  de  trois  dimenfïons.  Donc  le 
mouvement  de  tous  les  corps- doit 
avoir  trois  mouvemens  fimples.  Quel 
rapport  de  l'un  à  l'autre ,  des  mou- 
vemens (impies  aveedes  dimenfionsfc 
I>e  plus  ,  tout  corps  a  trois  dimeo- 
fions ,  &  nul  corps  n'a  de  mouve- 
ment compofé  de  ces  trois  mouve- 
mens fimples. 

'  En  quatriémelieu ,  il  fijppofe  que 
les  corps  font  ou  fimples  ou  compo- 
fez,  &  il  dit  que  les  corps: fimples 
font  ceux  qui  ont  en  eux-mêmes 
quelque  force  qui  les  remue,  comme 
le  feu ,  la  terre ,  &c.  &  que  les  com- 
pofez  reçoivent  leur  mouvement  dfc 


Goo8k 


DE  LA  METH.  II.  Part.  177 
Ceux  qui  les  compofent.-  Mais  en  ce 
fais-,  il  n'y  a  point  de  corps  (impies, 
car  il  n'y  en  a  point  qui  ayem  en  eux- 
mêmes  quelque  principe  de  leur 
mouvement.  II  n'y  apoint  auffi  de 
corps  compolez,  puifque les  compo- 
sez fuppofent  les  (impies  qui  ne  font 
point.  Ainfi  il  n'y  auroit  point  de' 
corps.-  Quelle  imagination  de  ddlïnir 
ïa  fimplicité  des  corps-  par  une  puif- 
fcncede  fe  remuer:  Quelles  idées  dif-- 
iinfl«s  peut-on  attacher  à  ces  mots  de1 
corps  fimples&de corps compofez,. 
£  les  corps  limples  ne  font  définis  que' 
par  rapport  à  une  force  de  fe  mouvoir 
imaginaire  ?  Mais  voyons  les  confé-' 
quences  qu'il  tire  de  ces  principes.- 
X.e  mouvement  circulaire  efl  un  mou- 
vement fiuïple  :  le  Ciel  fe  meut  cir- 
culairement  :  donc  fon  mouvement; 
cftfiinple.-  Or  le  mouvement  fimple" 
ne  peut  être  qued'un  corps  fimple, 
e'eil-à-dire  d'un  corps  qui  fe  meut  par 
fis  propres  forces  v  donc  le  Ciel  eft  utr 
corps  fimple  djftrngué  de  quatre  éle- 
mens ,  qui  fe  meuvent  par  des  lignes- 
droites.  IleltafTez  évident  que  tour 
ce raifonnemenr  necontieniquedes'' 
propofitions  faullès  &  abfurdes.  Exa- 
jamons  Tes  autres  preuves ,  car  il  en; 


GooSk 


ijS       tIVRE  SIXIEME. 

apporte  beaucoup  deméchanws  pour-  ■ 
prouver  une  choie'  auffi.  inutile  que; 
feuflè. 

Sa  têconde  raifon ,  pour  prouver  ' 
que  le  Ciel  eftunœrpsfimpfediflin-- 
gué  des  quatre  élemens,  îuppbfequ'il. 
y  adeuxfortesde  mouvemens  ,  l'un-, 
naturel.,  &  loutre  contre  la  nature  ou 
w'o/ott.Maîs  il  eftaflez  évident  à  torts; 
ceux  qui  jugent  des  chofes  par  des. 
idées  claires,  que  les  corps  n'ayant 
point  eux-mêmes  de  nature.,  ou  de; 

frincipe  de  leur  mouvement  ,comme- 
entend  A  riftote  -,  il  n'y  a  point'de 
mouvement  violent,  ou  contre  la  na-- 
ture;  Il  eft.  indifférent  à  tous  les- 
corps  d'être  mus  ou  denel'être  pas  ; 
d'être,  mus  d'un  côté,  ou  de  l'être- 
d'un  autre.  Mais  Ariftote  qui  juge - 
deschofes  par  les  rmpreffionsdes  fens, 
s'imagine  que  lescorps  quife  met- 
tent toujours  par  les  lobe  delacom — 
munîcation  des.  mouvemens  en  mie 
telle  fituatron  à  l'égard  des  autres, 
Vy  mettent  par  eux-mêmes. ,  parce- 
qu'ils-  s'y  trouvent  mieux  ,  &  que 
tela  eft  plus  conforme  à  leur  nature.. 
Voici:  donc  le-  raifonnement  d'À.*- 
riftbte:. 
1    ÏLe^mouvemem  cîrcuiaireduCieli 


DE  LA\MÊHS;  if.'AkT;  #? 

eft  naturel,  ou  contre  la  nature.  S'il 
lui  eft  naturel  comme  on  vient  dp 
dire,  IeCieleft  untorpsfirnple  dif- 
tingué  desélemens,  puifqneles  éle- 
mens ne  fe  meuvent  point  cjrculair 
remeiu  par  leur  mouvement  naturel. 
Si  le  mouvement  circulaire  eli  con- 
trela  nature du  Ciel ,  ou  Ic-Cjeï  fera 
quelqu'un  des  élemens-,  comme  le 
feu ,  ou  quelqu'autre  choie.  LçCiel 
ne  peut  être  aucun  des  élemens  :  car 

Ïiar  exemple ,  fi  le  Qel  étojt  de  feu, 
e  mouvement  naturel  du  feu  étant 
de  bas  en  haut ,  le  Ciel  aurpït  deux 
mou vemens  contraires ,  le  circulaire 
&  celui  de  bas  en  haut  ;  ce  qui'  ne  fc 
peut,  pui(qu,un  corps  ne  peut  avoir 
«eujLmouyernens  contraires.-  Si  te' 
Ciereû  quelqu'autre  corps  qui  ne  fc 
meuyepascirculairement  par  fa  na- 
ture, il  aura  queiqu'autre  mouve- 
ment naturel ,  cequi  ne  peut  être:: 
car  s'ilfe  meut  par  fa  nature  «Je  bas- 
en  haut,  ce  feradu  feu  ou  de  Tair;  fr 
de  haut  en  bas;,  ceferadel'eauou  de- 
la  terre  :  Donc  ,  &c.  Je  ne  n^arrêxe- 
point  à  faire  remarquer  en  partiçu-- 
liet  les  abfurditez  de  ces  raifbnne^- 
.  mens  :  je  dis  feulement  en  général,, 
que  ce  (jue.  dit  ici  Ariftote^fe  lignifie; 
H1  vj; 


GooSk 


t8o       LIVRE  SIXIE'ME. 
rien  de  diftinct,  Se  qu'il  n'y  a  rfenr 
de  vrai  ni  même  de  concluant.  Sa 
rroifiémeraifoneftcelle-ci. 

Le  premier  &  le  plus  parfait  de 
tous  les   mouvemens  iimples ,  doit- 
être  le  mouvement  d'un  corps  fim- 
ple,  &  même  du  premier  &  du  plu» 
parfait  des  corps  fimpfes.    Mais  le 
mouvement  circulaire  eft  le  premier 
&  le  plus  parfait  des  mouvemens- 
fimples,  parce quetouteiigne circu- 
laire eft  parfaite  ,  &  qu'il  n'ya  au-- 
cune  ligne  droite  qui  le  foh.    Car 
fi  elle-eft  finie,  on  lui  peur  ajouter 
quelque  chofe  :  fi  infinie,  elle-  n'eft 
point  encore  parfaite;  puifqu'ellen'a: 
**lxn &  point  âe*fin,  Si  que  les  chofes  ne- 
«iXimc  ,      fonr  parfaites-  que  lorfqu'ellé^  font 
4"ï»"5u='neJ^'HfI  •'  Donc  le  mouvement  cïmt- 
oue-  pni  s:  Iaire  eft  le  premier  &  le-plus  pap- 
ftphceepE^c' fait  des  mouvemens.  Donc  le  Ciel 
ainfiq^une  qui  fè  meurcirculairemenïeftfîmpie,. 
a*tavl"îil1  ™  *e  premier  eft  le-  plus  divin  des- 
faiic  imuii  corps  iimples.  VoicKa-4'.  raifon 
j^eiienieft       TolIt  mouvement  eft  naturel  ott 
ne.I'eftpas ,  &  tout  mouvement  qur 
n'eft  point  naturel  à  quelques  corps,, 
eft.naturel  à  quelques  autres;    Nous™ 
voyons^me  les  mouvemens  de  haut: 
en^as.cAe-bas.enhaut,  qui  ne  font. 


DE  LA  METFT.  17.  Part.  i8r 

point  naturels  à  quelques  corps  ,  font 
naturels  à  d'autres  :  car  le  feu  ne 
defcendpointnatureliemeqE,  mais  la- 
terre  defeend-  naturellement.  Or  le 
-mouvement  ctrculairen'efl  point  na^- 
tureJauxquatreélemens:  il  faut  donc 
qu'il  y  ait  uacbrps  fimple  auquel  ce 
mouvement  foit  naturel..  Donc  le 
Ciel  qui  lemeutcirculairement ,  e£l 
un  corps  fimple  diftingué  des içmatre 
élemerjs.  -1K 

Enfin  le:  mouvement  circulaire  efl 
naturel  ou  viùUnt  à  quelques  corps*. 
S'il  eftnauirei,  il  ell  évident  que  ce 
corprdoitctredeslimples&  des  plus 
parfaits  :  S'il  n'ell  point  naturel ,  il 
eiï  bien  étrange  que  ce  mouvement 
dure  toujours  ;  puifque  nous  voyons; 
que  tous  les  mouvemens.  qui  ne  font- 
point  naturels  ne  dutent- que  fort  peu' 
de  tems.  IL  faut  donc  croire  après 
toutescesraifons,  qu'il  y  a-quelquç 
autrecotpsfeparé  de  tous  ceux  qui 
nous  environnent,  qui-efld'une  nar 
aire  d'autant  plus,  parfaite  qu'il  eil 
pluséloignédenouSi.  Voilà  commer 
raifonne  Arittote.  Mais  je- défie  le- 
plus  intelligent  de:  fes  interprètes- 
d'attacher  des  idées  diflinâes  aux  term- 
ines dont.  iLfefeit,  cYdc  faire  voit 


i8i      LIVRE  SÎXÏE'ME: 

que  ce  PhÙofopne  commence  pat  le* 

çhofe  les  plus  (impies,  avant  que  de 
parler  des  pluscompoices  ,  cequieïfc 
ahfoUmientnéceflaire  pour  raifon- 
ner  juile,  comme  je  viens  ife  le  prou- 
ver. 

Si  je  necraignorâ  point  d'érreen-- 
nujteux.  je  traduirois  encore  quel- 
ques Chapitres d'Arrftote.  Maison 
tre  qu'on  ne  prend  guércsdeplailir  à 
le  lirfcn  François ,  (  c'eft-à-dire  lors- 
qu'on l'entend,  )j'ai  fait  aflez  TOÎc 
parIepeuquei"enaFexporé,que  (a 
manière  de  phriofapîierelt  entière- 
ment inutile  pour  découvrir  la  vé- 
rité. Car  puifqu'ildit  lui-même  daiis- 
le  cinquième  Chapitre  de  ce  Livre, 
que  ceux  qui  Ce  trompent  d'abord  en 
quelquecliofe;  fe  trompent  dix  mille 
fois  davantage  s'ils  avancent  beau- 
coup ;  étant  vifible  qu'il  né  fçait  ce: 
qu'il  dit  dans  les  deux  premiers  Cha- 
pitres-de  (on  Livre,  on  doit  croire' 
qu'il  n'eft  pas  sûr  de  fe  rendre  à  fon- 
autorité  fans  examiner-  fes=raifon&. 
Mais  afin  qu'on  en  foît  encore  plus 
perfuadé ,  je  vas  faire  voir  ,  qu'il  n'y 
epne— 
eique 


DELA  METIT.  II.  Part.  i% 
Dans-le  troifiéme  Chapitre  il  dit 
que  les  Cieuxfofit  incorruptibles ,  Se 
incapables  d'aucune  altération  :  il 
«n  apporte  plu&urs  preuves  aflez 
badines ,  comme  quec'eft  la  demeure- 
des  Dieux  immortels ,  &  que  Ton 
n'y  a  jamais  remarqué  de  cliange- 
ment.  La  dernierede ces  preuves  Je—, 
roit  aflez  bonne ,  s'il  difoit  que  quel- 
qu'un enf jt  revenu ,  ou  qu'il  erit  été 
allez  proche  des  corps,  ceiefles  pour 
an  remarquer  les  changemens.  Mais. 
jene  fçar  même  ft  prefemement  on 
fe  rendroh  à  ton  autQrité  ,  à  caufe- 
quelesliinettesd'approchenoiis  ap- 
prennent Iêcoiitraire: 

H  prétend  prouver  dans  le  qua- 
trième t  Chapitre  ,  que  le  mouve- 
ment circulaire  n'a.  point  de  con- 
traire. Néanmoins  il  efl  manifefte, 
que  le  mouvement  d  Orient  enOcci- 
deni  ftd  contraire  à  celui  qui  fe  fait 
d'Occident  enOrient. 

Dans  le  cinquiémeChapitreil  prou- 
ve mal  que  les  corps  nefont.  point 
infinis ,  parce  qu'il  tire  fa  preuve  des . 
mouvemens  des  corps  {impies.  Car. 
quiempêchequ'au-deffus  de  fon  pre- 
mier mobile  ^.il  n'y  ait  encore  quel- 
que étendac  qui.  loir»  fane,  mouvez 
wentî. 


■  Google 


t&f      LIVRE  STXÎE'lvïE,  _ 

Dans  le  fixiéme  il  s'amufe  inutile1 
ment  à  prouver  que  lesélemens  ne 
font  pas  infinis, Car  qui  en  peut  doub- 
ler ,  lorfqu'oit-  fuppofe  comme  lui, 
qu'ils  font  renfermez  dans  le  Ciel 
qui  les  environne.  Mais  il  fe  rend 
ridicule  kwfqu'H  s'avifede  leprou-- 
ver  par  leur  pefanteur,  &  par  leur 
légèreté.  Si  les  élemens  étoient  inli> 
nis, dit-il,  ilyauroitunepefanteur 
&une  légèreté  infinie,  cela  ne  peut 
être.  Donc,  &c.  Ceux  qui  veulent 
fçavoir  plus  au  longfa  preuve,  peu- 
vent la  lire  dans  feslivres.  Je  croir- 
ais perdre  Ietemsquedela  rappor- 
Kr. 

II  continue  dans  le  feptiéme  der 
prouyer  que  les  corpsue  font  pas  in» 
finis,  &  fa  premrerepreuve fuppofe; 
qu'il  eil  neceflàrre  que  tout  corps- 
(oit  en  mouvement:  cequ'il  ne  prou* 
ve  point,  &  ce  qui  ne  îè  peut^rou- 
ver. 

II  foiitient  dans  lehuïtiéme;  qu'ifc 
n'yapomt  plusieurs  mondes  de  me*- 
me  efpéce,  par  cette  plaifante  raifonj 
que  s'il  y-  avoir  une  autre  terre,  qu«" 
celle  que  nous  habitons ,  la  terre- 
étant  pefante  par  fa  nature,  cette  ter- 
re devmktoriibei:  lui  la.  nôtre,  naictp 


DE  LA  METH.  H.  Part.  iS* 
que  la  nôtre  eft  le  centre  ou  doivent 
tomber  tous  les  co  rps  pefans,  D'où  a~ 
t -il  appris  cela  que  de  fesièns? 
■  Dans  le  neuvième  il  prouve  qu'il 
n*efl  pas  même  pofïïble  qu'il  y  ait 
plufieurs  mondes  :  parce,  s'il  y  avort 

Î|uelqtie  corps  audeflus  du  Ciel,  il 
eroit  lîmple  ou  eompofé  ,  dans  un 
état  naturel  ou  violent ,  ce  qui  ne. 

5 eut  être  par  des  raifons  qu'il  tire. 
es  trois  efpéces  de  mouvement,  dont 
il  a  déjà  été  parlé. 

Il  allure  dans  le  dixième  que  le 
monde  efl  éternel,  parce  qu'il  ne  fe 
peut  faire  qu'il  ait  commencéd'être, 
&  qu'il  dure  toujours  ;  puifque  nous 
voyons  que  tout  ce  qui  fe  fait,  fe-cor- 
rompt  avec  le  tems.  II  a  appris  ceci 
de  fesfens.  Mais  qui  lui  a  appris  que 
le  monde  durera  toujours. 

II  emploie  l'onzième  Chapitre  à 
expliquer  ce  que  l'on  entend  par  in- 
corruptible ,  comme  fi  l'équivoque 
étoit  fort  à  craindre ,  &  qu'il  dût 
faire  un  grand  ufage  defon  explica- 
tion.Cependantcetermej>icoiTHpt/6/e 
efl  fi  clair  par  lui-même ,  qu'Ariflo- 
te  ne  fe  met  point  en  peine  d'expli- 
quer ni  en  quel  feus  il  le  faut  pren- 
dre, ni  en  quel  fens  il  le  prend.  Ii 


Goo8k 


$6      LIVRE  SIXIE'ME. 

aurait  été  plus  à  propos  qu'il  eût  de-- 

fini  une  infinhéde  tenuesdont  il  fe 
fert ,  qui  ne  réveillent  qne'des  idées 
fenfîbîes  :  car  on  aurait  peut-être  ap- 
pris quelque  ctiofe  en  lifant  lès  ou- 
vrages. 

Enfin  dans  le  dernier  Chapitre  de 
ee  premier  Livre  du  Ciel ,  il  tâche 
défaire  voir  que  le  monde  elt  incor- 
ruptible, parce  qu'il  ne  fe  peut  faire 
qu'il  ait  commence, &  qu'il  dure  éter- 
nellement. Toutes  crtofes,  dit-il  t 
fubfîftent  durant  un  terris  fini  ou  in - 
fini.  Mais  ce  qui  n'efl.  infini  qu'en  un 
fens,n'eft  ni  fini,  ni  infini.  Donc  rien 
ne  peut  frtbfiller  en  certe  manière; 

Voilà  de  quelle  manière  raifonne 
le  Prince  des  Philofophes  &  le  génie 
dé  la  nature  :  lequel  au  lieu  de  faire 
connoître  par  des  idées  claires  &  dif- 
tinâesla  véritable  caufe des  effets  na- 
turels .établit  une  Philofophie  Païen» 
ne  fur  les  idées  faunes  &  confufes  des 
fens ,  ou  fur  des  idées  trop  générales 
pour  être  utiles  à  la  recherche  de  la 
vérité. 

Je  ne  reprends  pas  ici  Annote  de 
ce  qu'il  n'a  pas  fçû  que  Dieu  à  cirée  , 
le  monde  dans  le  tems ,  pour  faire 
connoître  fa  pui0ân«  &  la  dépéri. 


«V 


0E  LA  METH.  II.  Paht.  187 
dance  des  créatures  :  &  qu'il  ne  l'a- 
néantira jamais  ,  afin  que  l'on  fça- 
cheaufit  qu'il  eft  immuable  &  qu'il 
ne  le  repent  jamais  de  les  delïeins. 
Mais  je  croi  pouvoir  le  reprendre  de- 
ce  qu'il  prouve  par  des  raifons  qui 
n'ont  aucune  force ,  que  le 'monde  eft 
de  tome  éternité.  S'il  eft  quelquefois- 
excu  fable  dans  les  (èntimens  qu'il 
foûtient ,  il  n'eft  prefque  jamais  ex- 
cufabledans  lesraifonsqu'ilapporte; 
lorsqu'il  traite  des  fujets  qui  renfer- 
ment quelque  difficulté.  On  en  eft 
peut-être  déjà perfuadé  parles  chofes. 
que  je  viens  de  dire,  quoique  jen'aye 
pas  rapporté  toutes  les  erreurs  que 
l'aï  rencontrées  dans  le  livre,  dont 
je  les  ai  extraites  ,  &que  j'aye  tâché- 
ae  le  faire  parler  plus  clairement 
qu'on  ne  le  fait  ordinairement. 

Maisafiri  que  l'on  foit  pleinement- 
convaincu  que  lé  génie  de  la  nature 
'  n'en  découvrira  jamais  aux  hommes, 
ni  les  fecrets  ni  les  reûorts ,  il  eft  à 
propos  que  je  fafle  voir  que  les  prin- 
cipes fur  lefqtiels  ce  Philofopoe  rat- 
ionne pour  expliquer  les  eff*eis- natu- 
rels ,  n'ont  aucune  folidité. 

Ileft  évidentqu'on  ne  peut  rien  J^' 
découvrir  dans  la  Phy%ue,f(  l'aune,  men* 


i88        LIVRE  SIXIEME. 

t'ipxttitieu,  commence  par  les  corps  les  plus  lîm* 
mJ*.  '  '*  A'plcs ,  c'efl-à-dire  par  Tes  eiémen»; 
car  les  élémens  font  les  corps  dan»  ' 
lefquels  tous  les-  autres  fe  réfolvènt-, 
parce  qu'ils  (ont  contenus  en  eux  ou 
actuellement  ou  enpuilïànce,  c'ett 
ainfi  qu'Ariflote  lesaéfinit.  Mais  on 
ne  trouvera  point  dans  les  ouvrages 
d'Ariftote,  qu'il  ait  expliqué  par  une 
idée  diuinâe  ces  corps  (impies  dans 
lefquels  il  prétend  que  les  autres  fe 
réfofvent  :  &  par  conféquent  fes  élé- 
mens n'étant  point  clairement  con- 
nus.ileft  impoffiblede découvrir  la 
nature  des  corpsqui  en  font  compo- 
fez. 

Ce  FhHolôpîie  dît  Bien  qu'il  y  a 
quatre  élémens ,  lefeu,  l'air,  l'eau  ^ 
&  la  terre.  Mais  ri  n'en  feit  point 
clairement  connoître  la  nature  :  il 
n'en  donne  point  d'idée  diflinéte  :  il 
ne  veut  pas  même  que  (es  élémens 
fbient  le  feu ,  l'air ,  l'eau  &  la  terre 
que  nous  voyons ,  car  enfin  fi  cela 
etoitnous  en  aurions  du  moinsquel- 
que  connoifianceparnosfens.  II  efl 
vrai  qu'en  plulieurs  endroits  de  fes 
ouvrages  il  tàchede  les  expliquer  par 
les  qualitez  dechaieur  8c  de  froideur, 
d'humidité  8l  de  fécheidlè ,  de  pc* 


DE  LA  METH.  T.  Part.   18* 

ïànteur  &  de  légèreté.  Mais  cette  ma- 
nière de  les  expliquer  eftfî  imperti- 
nente Se  fi  ridicule ,  qu'on  ne  peut 
concevoir  comment  tant  de  fçavans 
s'en  font  contenter.  Oeflcequeje  vas 
feire  voir. 

Ariflote  prétend  dans  Ton  livre  du 
Ciel,  que  la  terre  eft  au  centre  du. 
monde ,  &  que  tous  les  corps  qu'il 
lui  plaît  d;appeller  Amples ,  à  caufe 
qu'il  fuppofe  qu'ils  fe  meuvent  par 
leur  nature  ,  doivent  fe  remuerpai 
des  mouvemens  fimples.  II  ailure 
qu'outre  le  mouvement  circulaire 
flu'ilfoûtientétrefimple,  &  par  qui 
il  prouve  que  le  Ciel  qu'il  fuppofe 
fe  mouvoir  circulairement ,  eft  un 
corps  fiinple  ,  il  n'y  en  a  qHfcleux 
qui  l'oient  fimples:runde  haut  en  bas, 
,ou  delà  circonférence  vers  le  centre  j 
l'autre  de  bas  en  haut  ou  du  centre 
vers  la  circonférence  :  qu*  ces  mou- 
vemens fimples  conviennent  à  des 
corps  fimples;  6V par  confequent  que 
Ia-terre  &  le  feu  font  des  corps  fim- 
ples, dont  l'un  eft  tout-à-iaitpefanr, 
&  l'autre  tout-à'-fait  légère.  Mais  par- 
ce que  ïapefanteur  &  Ialegereté  peu- 
vent convenir  à  un  corps,  ou  tout- à- 
lait  puenparue,  il  conclut  qu'il  y  a 


j9o     LIVRE  SIXIEME. 

-encore  deux  élément  ou  deux  corps 
iimples.,  dontl'unefl  léger  en  par- 
tie ,  &  l'antre  pefani  en  pâme ,  fça- 
voir  l'eau  &  Tait.  Voilà  comme  il 
prouve  qu'il  y  a  quatre  élèmens,  & 
-qu'il  n'y  en  a  pas  davantage. 

II  eu  évident  à  ceux  qui  exami- 
nent les  opinions  des  hommes  par 
leur  propre  raîfon ,  que  toutes  ces 
jjropofttions  font  fâuues,ou  du-  moins 
.qu'elles  ne  peuvent  paflèr  pour  des 
principes  clairs  &  inconteftables  , 
dont  en  ait  des  idées  tres-claîres  & 
tres-diiKnftes ,  &  qui  puiiïèntfervir 
de  fondement  à  la  Phyfique.  II  efl 
certain  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  ab- 
furde,  que  de  vouloir  établir  le 
uomBw  des  élemens  paries  qualhez 
imaginaires  de  pefanteur  Se  de  légè- 
reté :  endilant  fansaucune  preuve  , 
qu'il  y  a  descor.psquïfom  pefants, 
&  d'autres  qui  font  légers  par  leur 
nature.  Car,  s'il  n'y  a  qu'a  parler 
fans  preuve,  on  pourra  dire  que  tous 
les  corps  fontpefans  par  leur  nature, 
&  qu'ifc  font  tous  ènort  pour  s'ap- 
procher du  centre  du  monde,  com- 
me du  lieu  de  leur  repos  :  &  l'on 
pourra  foùtenïr  au  contraire  que 
les  corps  font  légers  par  leur  nature. 


C,„„sk- 


DETJVMEmn.pÀRT.  ï9m 
&  qu'ils  tendent  ious  à  s'élever'vers, 
Je  Ciel  comme  ■vers  le  lieu  de  leur 
plut  grande  perfection.  Car  fî  l'on 
;OËje<3£sà  celui  qui  dira  que  tous  les 
-corps  font  pefans,  que  Pair  &  le  feu 
.font  légers  :  il  n'aura  qu'à  répondre 
.-gué  le  feu  oVTairae  font  point  légers 
mais  qu'ils  fout  moins  pefans  que 
l'eau  &  ia  terre  ,  ■&  que  c'eA  à  caufe 
de  cela  qu'ils  femMent  légers  :  Qu'il 
en  eA  de  même  de  ces  élémens  que 
d'un  morceau  de  bois  qui  ferable  Ié- 

fer  dans  l'eau ,  non  qu'il  foit  léger 
e  lui-même  .puiiqu'rl  tombe  en  Bas 
Jorfqu'il  efl  dans  l'air,  mais  parce 
que  l'eau  qui  eft  plut  pelante  prend 
le  dénoua  &ïe  Eût  .monter. 

Si  au  contraire  l'on  objecte  à  celui 
qui  foûtiendra  quêtons  les  corps  font 
légers  par  leur  nature  ,  que  la  terre 
&  l'eau  font  pefantesj  il  répondra 
de  même ,  que  ces  corps  femblent 
pefans  à  caufe  qu'ils  ne  font  pas  fi 
légers  que  les  autres  qui  les  environ- 
nent; Que  du  bois  par  exemple  fem- 
ble  pefant ,  lorfqu'il  efl  dans  l'air  , 
non  qu'il  foit  pefant,  puîfqu'il  mon- 
te lorfqu'il  eft  dans  l'eau,  mais  parce 
qu'il  n'efl  pas  li  léger  que  l'air. 
Il  eft  donc  ridicule  de  fuppofec 


Goo8k 


tç%      LIVRE  SIXIEME. 

comme  des  principes  inconteflabïes, 
queles  corps  font  légers  ou  peianspat 
leur  nature.  Au  contraire  il  efl  évi- 
dent, que  tout  corps  n'a  point  en  foi- 
même  la  force  de  fe  remuer:  &  qu'il 
livieft  îiidift£.renid,êtremû  de  Haut 
en  bas ,  ou  de  bas  en  haut  ;  d'orient 
en  occident,ou  d'occident  en  orient; 
du  pôle  méridional  au  feptentrional, 
ou  de  quelque  autre  manière  qu'on  le 
voudra  concevoir. 

Mais  accordons  à  Ariftote  qu'il  y 
a  quatre  élémens  tels  qu'il  le  touhar- 
te,  dont  il  y  en  a  deux  pefans  &  deux 
autres  légers  par  leur  nature,  fça- 
voir  le  feu ,  l'air ,  l'eau ,  &  la  ter- 
re. Quelle  conféquence  enpourra-u 
on  tirer  pour  la  connoiflance  de  l'u- 
nivers? Ces  quatre  élémens  ne  font 
point  Iefeu  ,  l'air, l'eau, &Ja  terre» 
■que  nous  voyons  :  félon  lui  c'eft  au- 
tre chofe  ,  Nous  ne  les  connoiiïbns 
point  par  les  fens ,  &  encore  moins 
par  la  rarfon,  car  nous  n'en  avons  au- 
cune idée  diitincie.  Je  veux  que  nous 
içacliionsquetous  les  corps  naturels 
en  font  compofez ,  puis  qu'Ariflote 
l'a  dit.  Mais  la  nature  de  ces  corps 
compofez  nous  e(l  inconnue:  8c  nous 
ne  les  pouvons  connoître ,  qu'en 
connouTant 


DEIAMETH.II.Part.     t$j 

•connoiltàntles  quatre  élcmens  ou  les 
corps  fimpies  qui  les  compolent,  car 
on  ne  connaît  le  coaipofé  que  par  le 
ïimple. 

Lefeu ,  dit  Arïilote  ,  efl  léger  par 
fa  nature  :  le  mouvement  de  bas  en 
haut  ell  un  mouvement  fîmple  :  le 
feueft  donc  un  corps  fimple ,  puifque 
le  mouvement  doit  être  proportion- 
né au  mobile.  Les  corps  naturels  font 
compofez  des  corps  fimpies  :  donc  il 
y  a  du  feu  dans  tous  les  corps  natu- 
rels. Mais  un  feuquin*eft  pas  ièmbla- 
ble  à  celui  que  nous  voyons  :  car  le 
feu  n'eu  fouvent  qu'en  puiffance  dans 
les  corpsqui  en  font  compofez.  Qu'- 
.eft-eequecesdifeours  Péripatétïques 
nous  apprennent  ?  "Qu'il  y  a  du  feu 
dans  tousles  corps  fort  affitel ,  foit  p<h 
tentiel:  c'ell-à-dire  que  tous  les  corps 
.font  compofez  de  quelque  choie 
tju'on  ne  voitpoint ,  &  dont  on  ne 
connoît  point  la  nature.  Nous  voila 
donc  fort  avancez. 

Mais,  fi  Ariflote  ne  nous  fait  point 
-connoître  la  nature  du  feu  &  des  au- 
tres élemens,  dont  tous  les  corps  font 
.compofez  ,on- pourrait  peut-êtres'i- 
magjner  qu'il  nous  en  découvre  du 
moins  les  qualhez  &  les  principales 
Tome  111.  I 


iP4  ,  LIVRE  SÏXIE'MÉ. 
propriétez.  II  faut  encore  cxamîn 
ce  qu'il  en  dît, 
:  î-,  U  nous  déclare  qu'il  y  a  quatre 
"■^  qualitez  principales  qui  appartien- 
nent au  toucher ,  la  chaleur ,  là  froi- 
deur, l'humidité,  &  la'fechèréfle  , 
defbuelles  toutes  les  autres  font  corn- 
.potées  î  &  iî  diïtrlbuë  en  cette  forte 
ces  qualitez  premières  aux  quatre  élé- 
«nens.  II  donne  au  feu  la  chaleur  oc 
ïa  fécherefle,  à  l'air  la  chaleur  & 
l'humidité,  à  l'eau  la  froideur  & 
l'humidité,  &àlaterrela  froideur 
&  la  fécherefte.  Ilaftureque  lacha- 
Ieur&  la  froideur  font  des  quatitôz 
actives,  &  que  la  fécherefte  &  l'hu- 
midité font  des  qualitez  pafll  vcs.  ÏI 
définit  la  chaleur,  ce  qui  ajftmble  les 
cbofesde  même  genre  /  la  froideur,  ce 
qui  affcmble  toutes  cbofesfoîtde  même 
fait  de  divers  genre  :  l'humide ,  ce  qui 
nefe  contient  pas  facilement  dans  /es 
propres  bornes  ,  mais  dans  des  bornes 
étrangères  :  &  le  fec ,  ce  qui  fe  con- 
tient facilement  dans  Jes  propres 
bornes,  &  ne  s* accommode  pas  facile* 
ment  aux  bornes  des  corps  qui  l'environ' 
nent. 

Arnfi  félon  Ariftote  le  feu  efl  un 
élément  chaud  &fec:  c'efldoneuh 


DE  LA  METH.  II.  Part,    rpç 

élément  qui  aflernble  les  chofes  de 
même  nature ,  &  qui  fe  contient  faci- 
lement dans  les  propres  -bornes  ,  & 
difficilement  dans  les  bornes  étran- 

feres.  L'air  eft  un  élément  chaud  & 
umideic'efldonc  un  élément  qui 
aflemble  les  chofes  de  même  genre  , 
&  qui  ne  fe  contient  pas  facilement 
dans  les  propres  bornes ,  mais  dans 
des  bornes  étrangères.  L'eau  efl  un 
élément  froid  &  numide  :  c'efl  donc 
un  élément  qui  ralîemble  les  chofes 
de  même  &  de  différente  nature ,  & 
qui  ne  fe  contient  pas  facilement 
dans  fes  propres  bornes ,  mais  dans 
des  .bornes  étrangères.  Et  enfin  la 
terre  efl  froide  &  Téche  :  c'eft  donc 
un  élément-gui  rafleroile  Ieschofes 
de  même  &  <de  différente  nature , 
qui  fe  contient  facilement  dans  fes 
propres  bornes,,  ■&.  qui  ne  s'accom- 
mode pas  facilement  à  des  bornes 
étrangères. 

Vpila.lesélémens  expliquez  félon 
le  feflûment  d'Arifïote ,  ou  félon  les 
définitions  qu'il  .a  données  de  leurs 
qualité?  principales:  &parceque  fi 
nous  l'en  croyons ,  les  élémensfont 
les  corps  Amples  dont  tous  les  autres 
-font  compttu^1&,leursqiiaIitezdes 
I  ij 


GooSk 


i96       LTVRE  SIXIEME. 

qualitez  fimpïes  dont  toutes  Tes  an- 
tres font  compofées  :  la  connoilTance 
de  ces  élémens  &  de  leurs  qualitez 
doit  être  tres-claire  &tres-diiïinâe, 
puifque  toute  la  Phyfique,c'eft-à-dire 
la  connohTance  des  corps  fenfîbles , 
qui  en  font  compofez  ,  en  doit  être 
déduite. 

Voyons  donc  ce  qui  peut  manquer 
à  ces  principes.  Premièrement,  Arif- 
tote  n'attache  point  d'idée  diftinde 
au  mot  de  qualité.  On  ne  fçait  fi  par 
qualité  H  entend  un  être  réel  diflin- 
gué  de  la  matière ,  ou  feulement  la 
modification  de  la  matière  :  il  fernble 
quelquefois  qu'il  l'entende  en  un 
fcns,  &  quelquefois  en  un  autre.  II 
eft  vrai  que  dans  le  huitième  Chapi- 
tre des  Catégories,  il  définît  la  qua- 
lité :  ce  qui  fait  que  les  chofisfint  ap- 
pelles telles,maïs  ce n'efl  pas  tout-a- 
ïait  ce  qu'on  demande.  Secondement 
les  définitions  qu'il  donne  des  quatre 
premières  qualitez ,  la  chaleur  ,  la 
froideur  .l'humidité  &  la  fécherefle 
font  toutes -feuflès, -ou  inutiles. 

Voici  fa  définition  de  la  chaleur. 
La  chaleur,  c'eftee  qui  affembleles  eba* 
fis  de  même  nature. 

Premièrement,  on  ne  voit  pas  que 


ÛELAMETH.II.  Part.  1*7 
cette  définition  explique  parfaite* 
ment  la  nature  de  la  chaloir,  quand 
même  il  ferait  vrai  que  la  chaleur 
aflèmhleroit  toujours  les  chofes  de 
même  nature. 

Secondement,  il  eft  faux  que  la 
chaleur  aflemble  les  chofes  de  même 
nature.  La  chaleur  n'alïèmble  point 
les  parties-  de  l'eau ,  elle  les  diffipe 
plutôt  en  vapeur.-  Elle  n'afTemble 
point  les  parties  du  vin ,  ni  celle  de 
toute  autre  liqueur  ou  corps  fluide 
qu'il  vous  plaira  :  ni  même  celle  du 
vif  argent.  Elle  réfout  au  contraire , 
&  elle  fépare  tous  les  corps  fol  ides  & 
fluides  de  même  &  de  différente  na- 
ture. Et  s'il  y  en  a  quelques-unes  dont 
le  feu  ne  puifrè  diffiper  les  parties  , 
ce  n'eft  point  qu'elles  foîent  de  mê- 
me nature,  maïs  c'efl  qu'elles  font, 
trop  greffes  &  trop  folides  pour  être 
enlevées  par  le  mouvement  des  par-' 
lies  du  feu. 

En  troifiéme  lieu-,  ta  chaleur  fé- 
lon lavériténepeut  niaflembler  ni 
diffiper  les  parties  d'aucun  corps  de 
même  ou  de  différente  nature.  Car 
pouraflemblér ,  pour  féparer ,  pour- 
diffiper  les  parties  de  quelque  corps ,. 
il  faut  les  remuer.  Or  la  chaleur  ne- 

ni; 


C,„„sk- 


1S>8  -  LIV&E  SÏXÎÊ'foE. 
"peut  rien  remuer  ;  ou  du  moins  H 
n'eu  pas  évident- que  la  chaleur  puiife 
jemuër  les  corps:  Car,  quoique  l'on 
confidére  la  chaleur  avec  toute  l'at- 
tention poflîBIe,  on  nepeut  décou- 
vrir qu'elle  puiffè  communiquer  au 
corps  du  mouvement  qu'elle  n'a 
point.  On  voit  bien  que  le  feu  remue 
&  Tépare  les  parties  des  corps  qui  lui 
font  expofez:  il  eft  vrai,  mais  ce  n'eft 
peut-être  point  par  fe chaleur,  car 
il  n'eft  pas  même  évident  qu'il  en  an. 
C'eft  plutôt  par  ractiondefespamiM 
qurfont  vifiÈIement  dan»  un  mouvez 
ment  continuel  II  eft  évident  que  les 
parties  du  feu-venant  à  heurtercon- 
tre  quelque  corps ,  frii  doivent  com- 
muniquer une  partie  de  leur  mouve- 
ment :  fort  qu'il  y  art  de  la  chaleur 
dans  le  feu,  toit:  qu'A  n'y  en  ait  point.. 
Si  le»  parties  de  ce  eorps  font  peu,  fo- 
ndes ,  le  feu-  tes  doit  drflîper  :  fi  elles 
font  fort  folides  &  fort  grofïieres  ,  le 
fetr  ne  peut  que  les  remuer ,  &  les. 
faire  glifler  les  unes  fur  les  autres: 
Enfinfieiles  font  mêlées  de'ftibtiles 
ëc  degroffieres ,  le  feu  ne  doit  diflî- 
per  que  celles  qu'il  peut  pouffer  af- 
fez  fort,pourlesféparerentieremenr 
des  autres.  Ainfî  le  feu  ee  peut  que 


DE  tA  METH.  IL  Pàst.  gg 

leparer  ,  &  s'il  aflèmble,  ce  n'eft  que 
jpar  accident.  Mais.  Ariftore  prétend 
toutlecontraiçe. Séparer ,dit-ïl,  que  Dtpn.tr 
que'ques-uns  attribuent  au ■■feurfeft aueetrrl,it-1' 
rajfembler  les  cbofes  qui  font  de  mène 
genre  :  car  ce  rfeflque  par  accident  que 
le  fèu.  enlevé  les  cbofes  de  diffèrent 
genre. 

Si  Ariftote  avoit  d'abord  dtfKngué 
le  fentiment  de  chaleur  d'avec  le 
mouvement  des  petites  parties,  dont 
font  compofez  les  corps  qu'on  appet 
lechauds  ;  &  qu'il  eût  enTuïte  détrni 
la  chaleur  prile  pour  le  mouvement 
des  parties,  en  dïfantque  l'a  chaleur 
eft  ce  qui  agite  &  qui  fçpareles  par- 
ties invrlibies  dont  les  corps  vifibles 
font  compofoî ,  il'  auroît  donné  une 
définition  aflêzfiippoïtablede  lâcha- 
leur.  Néanmoins  on  n'en  feroit  pas 
encore  touu  à  -fait,  content  :  parce 
qu'elle  ne  feçort  point  eonnoît  re  pré- 
crfément  ta  nature  des.  niouvetnens 
des  corps,  chauds. 

Arrftotedéftnit  la  froideur  ;ce  tm 
affemble  les,  corps  de  mène  ou  de  diffé- 
rente, nature.  Cette  définition  ne  vaut 
encore  rien,  car  il  eft  faux  que  la 
froideur  affembleies  corps.  Pour  les 
aflèmbler ,  il  iaut  Us  remuer ,  mars 
I  irij; 


ma  LIVRE  SIXIEME 
fi  l'on  n'interroge  (a  raifon,iI  efl  évr- 
denr  que  le  froid  ne  peut  rien  re- 
muer. En  eflet  parla  froideur  on 
entend  ,  ou  ce  que  ion  lent  quand  on 
a  froid ,  ou  cequi  caufe  le  fentiment 
de  froideur.  Or  il  efl  clair  que  le  fen- 
timent de  froideur  ne  peut  rien  re- 
muer, puifqu'ilne  peut  riea  pouffer: 
Pourcequi  caufe  le  fentiment,  on 
ne  peut  douter ,  lorsqu'on  examine 
les  choies  par  la  raifon,  que  ce  n'eft 
que  le  repas  ou  la  cefiation  du  mou- 
vements Ainfi  la  froideur  dans  les 
corps  n'étant  que  la  ceflàtion  de  cet- 
te forte  de  mouvement  qui  accom- 
pagneia  chaleur ,  ileft  évident  que  fi 
la  chaleur  fépare ,  la  froideur  ne  fé- 
pare pas.  Ainlî Ta  froideur  n'aflemhlë 
ni  les  chofes  de  même  ni  de  différen- 
te nature,  car  ce  qui  ne  peut  rien 
pouffer ,  ne  peut  rien  affèmbler  :  en 
un  mot  comme  elle  ne  fait  rien  ,  elle 
n'aflemble  rien. 

Ariflote  jugeant  des  chofes  pat 
les  iens,  s'imagine  que  la  f  roideu  r  efl 
auffi  polîtrve  quela  chaleur  ,  parce 
que  les  fentimens  de  chaleur  &  de 
froideur  font  Pun  &  l'autre  réels  Se  ■ 
rofitifc  :  Et  il  penfe  auflï  que  ces 
deux  qualitez  font  actives.  Eaeffetfi. 


DELAMETH.  II.  Part.    »i 

l'on  fuit  les  impreflions  des  fens ,  on 
a  raifon  de  croire  que  le  froid  efè 
ùnequalitéfort  adive:  puifque  l'eau; 
froide  congèle ,  lauemble  &  durcît 
en  un  moment  l'or  &  le  plomb  fon- 
dus, après  qu'on  les  a  verfezd'un  ' 
Creufei  fur  quelque  peu  d'eau,  quoi- 
que la  chaleur  de  ces  métaux  foit  en- 
core aflèz  grande  pour  féparer  Ies^ 
parties  des  corpsqu'ils  touchent. 

II  efl  évident  par  les  chofes  que 
nous  avons  dites  des  erreurs  des  lens- 
dans  le  premier  livre ,  que  iï  l'on  ne' 
s'appuïe  que  fur  les  fens  pour  juger 
des  qualitez  des  corps  fenlibles,  il- 
eft  irnpoflîble  de  découvrir  quelque 
vérité  certaine-  &  inconteftablè,  quî- 
puiue  fervir  de  principe  pour  avan- 
cer dans  la  connoinance  de  la  nature. 
Gar  on  ne  peut  pas  feulement  décou-   y,°7«  '«  «. 
vrir  par  cett*  voie  quelles  font  les  cn.T'juc. 
chofes  qui  font  chaudes,  &  quelles q"«  *■»  if. 
font  celles  qui  font  froides.  Deplu- 
fieurs  pecfonnes  qui  .touchent  à  de- 
Peau  un  peu  tiède ,  les  uns  ta  trou- 
vent chaude,  &  les  autres  froide.' 
Ceux  qui  ont   chaud ,  la  trouvent  ■ 
froide,  &  ceux  qui  ont  froid  la  trou- 
vent chaude:  Et  fi  l'on  fuppofe  que-' 

Google 


2éî    trvRE"  'sixième/   - 

rneht,  il  y  a  toutes  les  apparences! 
qu'ils  U  trouvent  encore  chaude  +• 
ïorfque  tous  les  hommes  la  trouvent 
froide.  Ileneftdemême  de  l'air,  il 
femblechaud  ou  froid  félon  les  diffé-  . 
rentes  difpofrtions  du  corps  de  ceux 
qui  y  font  expofez.  Ariftote  préteod 
qu'il  ell  chaud  ,  mais  je  ne  penfe  pas. 
que  ceux  qui  habitent  vers  te  Nord, 
foient  de  fon  fentîmeiit,  puiique  mê- 
me plufieurs  habiles  gens-,,  dont  le- 
cfômat  n'eft  pas  moins  chaud  que  ce- 
lui de  la  Grèce  ont  foùtenuqu'ileifc 
froid..  Mais  cette  queftion  qui  a  po-i- 
iours  été  confîdérabbs  dans  l'école  , 
ne  fe  réfôudra  jamais  tant  que  l'on: 
n'attachera  point  d'idée  dîlunâe  au1 
mot  de  chaleur. 

'  Les  définitions  quïAriftote'donne, 
de  la  chaleur  &  Je  la  froidoui' ,  ne: 
peuvent  en  fixer  l'idée:  L'air  par  ex- 
emple &  teaumêmeqUelque-chau* 
de  8c  brûlante  qu'elle  foit,  raÛenv- 
ibfent  tes  parties  du  plbnd  fondu 
avec  crffe  de  quelqu'autre  métalqufr 
ce  foit.  L'ak  raflèrable  toutes  lies- 
graines  jointes  aux  réfines ,  &  à  tous. 
fes  autres  corps  folides  qu'on  vou- 
drai Et  îi  faudrait  être.' bien  Péripa-- 
npours'a^ybtd'expoferài'air; 


DE  LÀ  METrT.  iï.  Part.  3gj 
du  rnaftic  ppu^  féparer  la  cendre; 
d'avec  {a  pois ,  qu  quelque  autres 
corps  compofez  pour  les  décorçipo- 
fer,  L'ajr  n'en  donc  pas  chaud  feloi> 
ta  définition  que  donne  Atriftote  de 
la  chaleur.  L'air  fépare  les  Liqueurs- 
des  corps  qui  pu  font  imbibez  ,  it 
durcît  la  boue  ,  iLféche  des  linge§ 
étendus  x  q-ioiqu'Arillote  le  faite 
humide:  L'air  e(t  donc  chaud  félon1 
cette  même  définition.  On  ne  peut 
donc  déterminer*  par  cette  définition 
(rl'air  eft  chaud  ,  ou  s'il  n'eft  pas, 
chaud.  On  petit  bien  alfarer  que 
l'ai;  eft  chaud  à  l'égard  de  la  bquë  , 
nirfqu'il  fépare  L'eau  de  la- terre  qui 
.  ni  e£|  jointe.  Mais  faudra-Çrilépropr- 
ver  Iasdjvers  eiFets  de  l'air  fur  fous 
les  cqrps,  pour fçavoirs'il  y  a  de  la 
çhaleurdans  l'ait  que  nous  refpirons.- 
Sicelaefl onn'en  ïçaura  jamais-rien.. 
De  forte  que  le  plus  court  eu  de-  ne- 
point  phifofopher  fut  paic-<3ue-rioi}s> 
refpirons.  Mais  fur  un  certain:  ait 
pur  Sç  élémentaire-  qui  rie  Le  trouve1 
point  ici  bas ,  &  d!aiTurer  pofîtive* 
ment,  comme  Annote,  qu'il  eft 
chaud,  ians  endonnerdepreuve,  n.r 
même  fansfçavoir  diftinétement  c* 
çi'on  entend.,  &par  cet-  air  {fepaf 


GooSk 


c 


104     tîVRE  SIXIE'ME. 

facfialeur.Carc'eftainfi.qu'on  don-*- 
nera  des  principes- qu'il  ne -fera  pas 
facile  de  renverfèr:  nonpas-à  caufe 
de  leur  évidence  &  de  leur  foïidïté , 
mais  à  caufe  qu'ils  fontobfcurs,  8é 
fèmblables  aux  fantômes  que  l'on  ne 
peut  Méfier,  parce  qu'ils  n'ont  point 
de  corps. 

Je  ne  m'arrête  point  auxdéfinî- 
rions  que  donne  Ariftote  de  I'humi* 
dite  &  defà  féchereffè ,  parce  qu'iK 
eft  affez  évident  qu'elles  n'en  expli- 
quent point  la  nature.  Carfelbncea 
définitions  le  feu  n'eft  point  fec,  puis 
qu'il  ne-  fe  contient  pas  facilement 
dans  fes  propres  bornes  :  &  Iaelàce- 
n'eft  point  humide,  puisqu'elle  fe 
contient  dans  fespropres  bornes,  & 
qu'elle  ne  s'accommode  pas  facile- 
ment à  des  bornes  étrangères;  Iieft 
vrai  que  la  glace  n'eft  point  humide , 
fi'par  humide  l'on  entend  fluide  :  mais, 
fi  on  l'entend  aînfi,  il  faut  dire  que 
la-flamme eft  forthumide ,  auffi  bien 
que  I?or  &  le  plomb  fondus.  Ilelt. 
vrai  auflï  que  la  glace  n'eft  point  hu* 
mide  -,  fi  par  humide  l'on'  entend  ce- 
qui  s>'attacheaifément  anx-chofes  qui- 
en  font  touchées  ::  mais  en  ce  feus  lai 
£oix,Iagraiûe &  lîîiuile  font  beau- 


Cou^- 


DELAMETTÎ.  II.  Part,  sof 
coup  plus  humides  que  Peau ,  puis 
qu'elles  s'arrachent  plus  fortement 

Sue  l'eau.  Encefens  le  vif  argent  efl 
umide ,  car  il  s'attache  aux>  métaux; 
&  I'eair même- n'eft  porntparfaite^ 
ment  humide,  car  elle  ne  s'attache 
point  facilement  aux  métaux.  II  ne 
faut  donc  pas  recourir  autémoignage 
des  fens  pour  défendre  les  opinion*. 
d'Ariftote:- 

Mais  n'examinons  pas  davantage 
les  merveilleufes  définitions  que  ce 
Philofophe  nous  a  données  des  qua- 
tre quaïhez  élémentaires  ;  cVfuppo- 
fons  aufll  que  tout  ce  que  les  fens 
nous  apprennent  de  ces  qualitez  efl 
ïnconteltablé.  Excitons  encore  nôtre 
foi,  6c  croyons  que  toutes  ces.  défi- 
nitions font  tres-juftes-  Voyons  feu- 
Iements'ilefl  vrai  que  toutes  lesqua-- 
litez  des  corps  fenfibles  font  compo- 
fées  de  ces  qualitez  élémentaires.'. 
Ariftotele  prétend,  &  il  dois  le  pré- 
tendre,, puifqu'il  regardeces  quatre 
premières  qualitez,  comme  les  prin- 
cipes des  chofes  qu'ilveut  nous  expli- 
quer dans  fes  Livres  de  Phyfique. 

It'nous  apprend  donc  que  les  cou- 
leurs s'engendrent  du  mélange  des 
quatre  qualitez  élémentaires  :  Que 


Google 


to6      LIVKE  STXIE'ME. 

le  blanc  fe  fait ,  Iorfque  l'humidité 
fui-monte  la  chaleur  ,  comme  dans- 
fesveiUardsquiblarichilFent:  le  noir, 
Jorfqiie  l'humidité  f«  féche,.  comme- 
dans  les  murs  des  citernes  ;  St  toutes 
les  autres  couleurs  par  de  femMable». 
mélanges  :  que  les  odeurs  &  les  la- 
veurs ie  font  aulfi  par  le  différent 
mélange  du  fie  &  de  P humide  caufé 
par  lachaleur&  par  Ta  froideur:  que1 
îa  pefanteur  même  &  la  légèreté  en 
dépendent.  En  un  mot,  ileftnécef- 
faire  félon  Ariftote'  r  que  toutes  les 
qualitez  fenfihles  fuient  produites 
par  les  deux  qualitez  affoves  la  eha* 
leur  &  la  froideur,  &  foient  eomt 
pofëes  des  deux  paflives  ^humidité  & 
ïaféchereftë-,  afin- qu'il  y  ait  quel* 
que  connexion  vraMemhlable  entra 
lies  principes ,  &  les  conféqueuces 
qu'il  en  tire. 

Cependant  ileft  encore  plus  diffir 
eile  de  feperfuader  toutes  ces  chofes- 
que  de-  tontes  celles  qu'on  a  jufques 
icira,pporté«sd'Ariftote.  On  a  de  la 
peine- à  croireque  la  terre  &  les  au-? 
trestlemens  ne  feraient  point  cola-* 
rez  ,  ou  vifibles  ,  s'ils  étoïent  dans- 
leur  pureté  naturelle,  &  fans  aucun 
mélange  des  qualité/  élcmentaiios-,, 


DELAMETH.  ïÎ.Paht.  toy 

quoique  de  fçavans  Commentateur» 
de  ce  Philafophe  nous  en  ailurent. 
On  necomprendpascequeveutdire 
Arirtote ,  lorfqu'ilaiïuieque.  la  blan- 
cheur des  cheveux  eft  produite  "par 
l'humidité,  à  caufeque  L'humidité 
des  vieillards  eft  plus  farte  que  leur 
chaleur:  quoique  pour  tâcher  des'é- 
ckircir  de  fa  penfée ,  l'on  mette  la. 
définition  àlaplacedudérmj.  Car  il 
fêmUequece  foit  un  galimatias  in- 
eomprénenfiule  dédire ,  que  les  che- 
l*eux  blanchiilèm  aux  vieillards,  à 
eaufe  que  ce  qui  ne  je  contient  pas  fa- 
ç ilement  dans  fes  propres  bornes ,  mais 
dansée*  fornet -étrangères ,  furmomt 
.  te  qui  efimbk  les  cbefis  de  mènent*- 
pire.  On  n'a  rat  moins  de  peine  à 
çtoireque.  la  faveur  foit  &ien  expli- 
quée ,  lorsqu'il  dit  qu'elle  confifte 
Sans  le  mélange  de  la  féchereffe ,  de: 
ï? humidité  ,  &  de  la  chaleur  ;  prin- 
cipalement quand  on  met  en  la  place 
de  ces  œots  tes  définitions  que  ce  Phi* 
ïofophe  leur  donne-,  comme  iiletoîe 
ucifa  Je  te  faire  fi  elfe*  étoient  bon" 
ne*.  Et  peut-être  même-  qu'on  na 
gourroit  s'empêcher  de  lire ,  fi  air 
Seu- des  définit  tons  de  la  feini  8i  cb# 
ÏB-foif  que*donaeAttUote:, .fln.dj**B^/-î 


Goo8k 


Sfiff     UVHB  SÏXÏtfMIÎ. 

fant  que  la  faim  efl  le  défi  r  du  chaud 
&.dufèc,  &IâfotfIedefirdu  froid, 
êc  de  l'humide ,  on  fubftimoit  les  déf?- 
ahionsjfcces  mots  appelîant  la  faim; 
le  defir  de  ce  qui  ajfemble  les  chofet  de 
même  nature  ,-  &  de  ce  qui  Je  tient  fa* 
cilement  dans  fis  propres  hontes ,  & 
difficilement  dans  des  bornes  ètrangeresî 
Se  définiflant  la  foif ,  le  defir  de  ce 
qui  ajfemble  les  chojès  de  même  & 
différente  nature ,  &  de  ce  qui  ne  fi 
pouvant  contenir  facilement  dans  fis 
propres  bornes,  fi  contient  facilement 
dans  deséornes  étrangères. 

Certainement  c'eil  ime  règle  fort" 
utile  pour  reconnokrefi  l'on  a  bien 
défini  les  termes ,  ÔVpour  ne  fepoine 
tromper  dansfesraiionnemens ,  que 
de  mettre  fouvent  la  définition  à  Ut 
plaœ  rfu'definh  car  on  connoiï  par  làr 
fi  les  termes  font  équivoques ,  &  les 
mefuresdes  rapports  faunes*' &  im- 
parfaites :  ou  fi  l'on  raifonne  confé- 
quemment.  Cela  étant ,  que  peut-on- 
dire  des  raifonnemens  d'Ariftote, 
qui  deviennent  un  galimatias  imper- 
tinent  &  ridicule ,  lorfqu'on  fe  fer© 
de  cette  régie  ?  Et  que  doit-on  direr 
auiTi  de  tous  ceux  qui  ne  raifonnenr 
quefuc  les  idées  faillies  &  confine*: 


DE  I.A  METH.  II.  Part.  ro> 
ies  ferts,  puîfque  cette  régie  qui  con- 
ferve  la  lumière  &  Pévrdence  dan* 
tous  les  raifonnemens  juites  &  folï- 
des ,  n'apporte  que  k  confufîon -dans 
leurs  difcours. 

II  n'eft  pas  poffible  d'expofer  la' 
bizarrerie  &  l'extravagance  des  ex- 
plications-que  donne  AriftotefuT  tou- 
tes fortes  de  matières-.  Lorfque  les' 
fhjets  qu'iî  traite  font  (impies  oV 
faciles,  fes erreurs  font  fimples  ,  oe- 
il eft  aflèz  facile  de  les  découvrir. 
Mais  lorfqu'H  prétend  expliquer  des 
ehofes  eompofees ,  &  qui  dépendent 
de  plufieurs  caufes ,  fes  erreurs  font 
pour  le  moins  autant  compofees  que 
les  fu  jets  qu'il  traite,  &  il  eft  impoffi- 
Me  de  les  développer  toutes  pour  lès 
expoferaux  autres. 

Ce  grand  génie  que  l'on  prétend 
avoir  fi  bien  rciiffi  dans  les  régies1 
qu'iladonnéespourbiendéfinir ,  ne 
fçait  feulement  pas  quelles  font  les 
choies  qui  peuvent  être  définies  : 
parce  que-  ne  mettant  point  de  dif- 
tinûion  entre  une  connoiflànce  clai- 
re &  diftinâe ,  &  une  connoiflànce 
fenfible-,  il  s'imagine  pouvoir  con- 
noître  &  expliquer  aux  autres  des 
ehofes  dont  il  n'a  pas  feulement 


$sa       LIVRE  SIXIEME. 

d'idée  diflinâe.  Les  définitions  dot» 
vent  expliquer  la  nature  dqs  çhofesk 
&  le;  termes  qui  teicompoleiît ,  doi- 
vent/éveiller  daps  I  esprit  des  -idées 
diiîinctes  &  particulières.  Mais  ilelï 
impoiTiHe  de  définir  de  cette  farte 
les  quai  itez  fenlïblei  de  chaleur ,  de 
froideur,  de  couleur,  de faveuç, &c. 
lojjfque  l'on  confond  la  cauie  avec 
L'effet ,  le  mouvement  de;  corps  avec 
la  feiuation  qui  l'accompagne:  parée 
que  Le»  fenfauons  étant  des  modifica- 
tions dçl  ame  ,  lefqueljes  omiecon- 
noît  point  par  de;  idées  claires ,  roaisr 
(è-.ilement  par  feiuiment  iatérieur, 
ainlî  que  j'ai  expliqué  dans  Le  troi* 
•«.pircct.fîéme  Livre*,  il eft impoffible d'à** 
7-  »•  i-  tacher  à  des  mots  des  idées  que;  l'qn 
n'apoint. 

Comme  l'on  a  des  idées  diuin#es- 
4'iincercte ,  d'un  quarré,  d'uft  trian- 
gle ,  &  qu'aÉofi  l'on  en  connos  di  f- 
ynctemeru;  la,  nature  ,  on  en  peut 
donner  de  Lionnes  définitions.  :  on 
peut  même  déduire  des  idée* qpe.Ton 
a.  de  ces  figures  toutes  leurs  prQfNçi*, 
tez  ;  &  Les  expliquer,  aux  autres  par 
des  termes  auxquels  on  attache'  ces 
idées.  Mais  on  ne  peut,  déiioir  la 
chaleur  ni  la  froideur  «a  tau*  quç 


GooSk 


DE-LA  METH.  Iî.  Part.    »k 

.qualité?  feufiLIes  ;  car  on  nelesconr 
«oîr  poinidUlinctemem  &  par  idée, 
on  ne  les  counoît  que  par  conscience 
ou  par  iêntirneut  intérieur. 

On  ne  doit  point  aufïi-définir  la 
chaleur,,  qui  elt  hors  de  nous,  par 
quelques  effets  ■  car  fi.  l'on  fupftime 
à  fa  place  la  définition  qu'on  lui  dor>- 
nera,  l'on  verra  bien  q,ue  cette  défi- 
nition ne&ra  propre  qu'ànous  jetter 
dans  l'erreur.  Si  parex*mpïe  an  deV- 
fînit  la  chaleur  ce  qui  afâmèle  les 
cbofes  de  même  genre ,  fana  rien  dire 
davantage,  on  pourra  en  fuivant  cette 
définition  prendre,  pour  de  k  cha- 
leur ,  des  chofes  qui  n'y  ont  aucun 
^apport.  On  pourra  dire  que  l'ai- 
manaûemble  ta  lionne  de  k(  Se  la 
fepare  de  celle-de  l'argent ,  parce 
gu'il  efl ehaud:  qu'un pigeonmange 
k  chenevi  &.  laide  l'autre  grain; , 
parce  qu'un  pigeon  eft  chaud:  qu'u$t 
avare  léparefes  Ioiïis  d'or  d'avec  foa 
argent,  parce  qn'iïefl  chaud-.  Enfin 
il  n'y  apoint  d'extravagance  où  f$tt« 
définition  n'engageât ,  fi  l'on,  étoit 
afiea  ftupide  pour  la  Cuivre.  Cette 
définition  n'explique  done  point  la 
nature  de  la  chaleur,  &  l'on  ue  peut 
l'en  fervir  pour  en  déduire  toute* 


GooSk 


ira      LIVRE  [SIXÏE'ME. 

les  propriétez  :  pui  (que  fi  l'on  s'ar*  * 
rête  prédïement  à  les  termes  ,  on 
Concmd  des  impertinences  ,  &  que  0 
en  la  met  à  la  placedu  défini ,  on 
tombe  dans  le  galimatias. 

Cependant  fi  l'on  a  foin  de  diftin- 
guer  la  chaleur  de  ce  qui  la  caufe, 
quoique  l'on  nepuifle  pas-  la  défi- 
nir ,  pur/qu'elle  eit  unemodification 
de  l'ame  dont  on  n7a- point  d'idée 
claire ,  on  peut  en  définir  la  càufe, 
puifqu'on  a  une  idée'  diftinâe  du 
mouvement.  Mais  il"  faut  prendre 
garde  quela  chaleur  prife  pour  un 
tel  mouvement  nécaufe  pas  toujours 
le  fentimentdechaleur  en  nous.  Car 
i:eau,  par  exemple,  eft  chaude;  puif- 
que  Tes  parties  font  fluides  &  en  mou- 
vement ,  qu'apparemment  les  poif- 
fons  la  trouvent  chaude  s  &  qu'elle 
eft  au  moins  plus  chaude  que  là  glace 
dont  les  parties  font  plus  en  repos  : 
mais  elle  eft  froide'  par  rapport  à 
nous ,  parce  qu'elle  a  moins  defnou- 
vement  que  les  parties  de  nôtre 
corps  ;  cequi  a  moins  de  mouve- 
ment qu'un  autre,  étant  en  quelque- 
manière  en  repos  à  fon  égard.  Ainfir 
ee  n'eft  point  par  rapport  au  mouve* 
aient  des  fibres  denôtre.corps  ■,  qu'il; 


DE  LA  METH.  II.  Part,    mj 

faut  définir  la  caufe  de  la  chaleur,  ou 
le  mouvement  qui  J'excite:  il  faut, 
£  on  le  peut ,  définir  ce  mouvement 
abfolument  &enlui-même.  Et  alors 
les  définitions  qu'on  en  donnera , 
pourront  fervir  a  faire  connoître  la 
nature  &  les  propriété!  de  la  cha- 
leur. 

Je  ne  me  croi  pas  obligé  d'exami- 
ner davantage  la  Philolophie  d'A- 
rîftote ,  ni  de  démêler  les  erreurs 
extréniemeiuconnires&emba  raflées 
de  cet  Auteur.  J'ai,  cerne  femble, 
fait  voir  qu'il  ne  prouve  point  fes 
quatre  élemens,  &  qu'il  les  définit 
mal  :  Que  fes  qualitez  élémentaires 
ne  font  pas  telles  qu'il  le  prétend, 
qu'H  rienconnoît  point  la  nature,  & 
que  toutes  les  qualitez  fécondes  n'en 
font  point  compofées.Et  enfin  qu'en- 
core qu'en  lui  accordât  que  tousles 
corps  fuflent  compofez  de  quatre 
élemens ,  commeles.qualitez  fécon- 
des ,  des  premiers ,  tout  fbn  fyflême 
iêroit  inutile  à  la  recherche  de  la  vé- 
rité ,  puifque  fe>  idées  ne  font  pas 
aflèz  claires  pour  conferver  toujours 
l'évidence  dans  nos  raifonnemens. 
*  Sienne  croit  pasque  j'ayeexpofë 
les  véritables  opinions  d'Ar jftote,  on 


M4       C.WRE  SIXIFIRE.    ; 

peut  s'en  éelaircir  dans  les  livrés 
qu'il  a  faits  du  Ciel  &  ésia-génerataa 
&  corruption  :  car  c'efl  de-ïà  d'où  -j'ai 
pris  prefgue  ce  que  j 'en  ai  dit.  Je  n'ai 
rien  voulu  rapporter  de  fes  8-ltvresde 
.Fhyfique,  parce  qi»e ce  n'eft  propre- 
ment qu'une  cfpece  de  Logique ,  & 
que  Ton  n'y  trouve  que  des  mots 
vagues  &  indéterminé* ,  par  lefqaels 
il  apprend  comment  on  peut  parler 
de  te  Phyliqae  fans  y  rien  compren- 
dre. 

Comme  Ariftose  fè  contredit  fou- 
vent  ,  &  qo'on  peut  appuyer  prefque 
tontes  fortes  de  fentimens  par  quel- 
ques pafiages titéz'deJui.j  jene  doute 
poîntquei'onnepuiue  prouver  par 
Ariflote  même  quelques  feiirjmen» 
contraires  à  ceux  quej  je  lui  aï  attri- 
buez. Mais  je  n'en  fuis  pas  -garent.  II 
fuffit  que  j'aye les  Livres que^e  viens 
deciter  -pour  preuve  de  ce  que  i'at 
dit.  Et  même  <je  ne  me  mets  gneres 
en  peine  de difeuter  Gces  Livres  font 
ou  ne  (ont  pasd'A-Tiftote,  s'ils  font 
©une  font  pas  corrompus.  Je  prens 
Ariftote  tel  qu'il  éft,  &  que  l'on- le 
reçoit  ordinairement  :  car  on  ne  doit 
pas  fe  mettre  fort  enpeinede  fçavoir 
la  généalogie  véritable  des  choie» 


.   DELAMETH.II.Part.  >ç 

'c(ont  on  n'a  pas  gratllMefthne  :  outre 
que  cfeft  un  fait  qu^^ft  impofiïbïe 
de  bien  écïaircir , 'comme  on  fe  peut 
"voir  par  les  Difiuffiùtis  Péripatétiques 
dePatritius. 


CHAPITRE     VI. 

jfpu  généraux  qui  font  néceffaires  pour 
fe  conduire  par  ordre  dam  larecber- 
tbe  de  la  vérité  &  dam  le  choix  des 
fciences. 

A  Fit!  qu'on  ne  dife  pas  que  je 
ne  fais  que  détruire  fans  rien 
Établir  de  certain  &  d'mconteftabfe 
clans  cet  ouvrage  ;  3  eft  à  propos  que 
j'expbfe  ici  enpeude  mots ,  l'ordre 
queï'on  doit  garder  dans  fes  études 
pour  ne  fe  point  tromper  :  &  que  je 
marque  même  quelques  véritez  & 
quelques  fciences  tres-nécefiairesdans 
ïefquelles  il  fe  rencontre  une  évi- 
dence telle,  qu'on  ne  peut  s'empê- 
dierd'yconfemirjfansFouirnr  les  re- 
proches fecrets  de  fa  raifon.  Je  n'ex- 
pliquerai pas  ces  véritez  &  ces  fcien- 
ces fort  au  long ,  c'efl  une  chofe  déjà 
faite  :  je  ne  pr-etens  pas  faire  imprr- 


n$      LIVRE  S1XTPME. 

mer  de  noux|au  les  ouvrages  des 
.autres ,  je  n^Pontenterai  d'y  ren- 
voyer. Jemontrerai  feulement  l'or- 
dre qu'on  doit  tenir  dans  l'étude 
qu'on  en  voudra  faire ,  pour  confer- 
ver  toujours  l'évidence  dans  les  per- 
ceptions. 

De  toutes  nos  connoiflànces  la  pre- 
mière c'efl  rexiflence  de  nôtre  ame  : 
.toutes  nos  penfées  en  font  des  dé- 
moiiftrationsînconteftableSjCaril  n'y 
si  rien  de  plus  évident  quece  qui  pen- 
fe actuellement  efl  actuellement  quel- 
que chofe.  Mais  s'il  eli  facile  de  con- 
noître  Pexiflence  de  fon  ame,  il  n'eft 
pas  G  facile  d'en  connoître  l'eûence 
&  la  nature.  Si  l'on  veut  fçavoir  ce 
qu'elle  eu,  il  faut  fur  tout-bien  pren- 
'dre  garde  à  ne  la  pas  confondre  avec 
Jes  chofes  aufquelîes  elle  eft  unie.  Si 
l'on  doute ,  fi  l'on  veut ,  fi  l'on  rai- 
fonne,  il  faut  feulement  croire  que 
l'arae  efl  une  chofe  qui  doute ,  qui 
veut ,  qui  laifonne ,  &  rien  davan- 
tage, pourvu  qu'on  n'ait  point  éprou- 
ve en  elle  d'autres  proprietez  :  car  on 
neconnoîtfonamequepar  le  fenti- 
menî  intérieur  qu'on  en  a.  II  ne 
iaut  pas  prendre  fon  ame  pour  fon 
corps  t  ni  pour  du  fang  t  ni  pour  des 
erprjt* 


GooSk 


TiE  LA  METH.  n.  Part.  nj_ 
«cfpiits  animaux ,  ni  pour  du  feu ,  ni 
pour  une  infinité  d'autres  choies  pour 
lefquelles  les  Fhilofophes  l'ont  prife. 
II  -ne  faut  croire  de  l'ame  que  ce 
qu'on  ne  fçauioit  s'empêcher  d'en 
croire,  &  ce  dont  on  eft  pleinement 
convaincu  par  le  ïentiment  intérieur 
qu'on  ade  loi-même ,  car  autrement 
on  fe  tromperoit.  Ainfî  l'on  connoî- , 
ira  par  fimple  vûë'  ou  par  fentiment 
intérieur  tout  ce  que  l'on  peut  con- 
noître  de  l'ame ,  fans  être  obligé  à 
faire  des  raiformemens  dans  Iefquels 
Perreurfepourroûtrouver.  CarlorP-  . 
que  l'on  raifonne  la  mémoi  re  agit  :  & 
où  il  y  a  mémoire,  H  peut  y  avoir 
erreur ,  fuppofé  qu'il  y  ait  quelque 
mauvais  génie  de  qui  #ous  dépen- 
dions dans  nos  concoiuances ,  &  qui 
,fe  divertifle  à  nous  tromper. 

Si  je  fuppofois,  par  exemple,  un 
Dieu  qujîe  plût  à  me  fcduire,  je  fuis 
tres-perfuadé  qu'il  ne  pourroit  me 
.tromper  dans  mes  connoiflances  de 
fimple  vûë ,  comme  dans  celle  pat 
laquelle  je  connois  que  je  fuis,  de  ce 
que  je  penfe  ,  ou  que  z.  fois  i.  font 
4.  Carquand  même  je  fuppoferois 
effectivement  un  tel  Dieu ,  fi  puiflànt 
que  jepui0e  me  le  feindre,  je  fens 
Tme  JIJ.  J£ 


Coo8k- 


3ï8        LIVRE  SIXIEME, 

que  dans  cette  fuppolïtion  extrava- 
gante ,  je  ne  pourrais  douter  que  je 
fufle,ou  que  2.  fuis  2.  ne  fanent  égaux 
à  4.  parce  que  j'apperçois  ces  cho- 
fes  de  fimple  vue  (ans  l'ufage  de  1% 
mémoire. 

Mai.slorfqueje  raifbnne,  ne  voyant 
-point  évidemment  Tes  principes  de 
mes  raifonnemens ,  &  me  fonvenant 
feulement  que  je  les  ai  vus  avec  évi- 
dence :  fi  ce  Dieu  trompeur  joignoit 
ce  fouvenir  à  de  faux  principes,  com- 
me il  pourrait  le  faire,  s'il  le  vou- 
îoit,  je  ne  feiois  que  de  faux  raifon- 
nemens. Demêmequeceux  qui  font 
de  longues  fupputations,  s'imaginent 
fe  bien  fouvenir  qu'ils  ont  connu  que 
f.  fois  9.  foi#  72.  ou  que  21.  eft  ua 
nombre  premier ,  ou  quelque  fem- 
bïable  erreur  de  laquelle  ils  tirent  de 
faunes  conclufions. 

Ainfi  il  eft  nécefiâiredecbnnoître 
Dieu ,  &  de  fçavoir  qu'il  n'eft  point 
tïompeur  ,  li  l'on  veut  être  pleine- 
ment convaincu  ,  que  les  feiences  les 
plus  certaines ,  comme  l'Arithméti- 
que &  la  Géométrie,  font  de  vérita- 
bles feiences  :  car  fans  cela  l'évidence 
n'étant  point  entière,  onpeùt  retenir 
fan  contentement.  Et  il  cil  encore 


DE  "LA  METH.  H.  Part.  119 
méceflàire  de  fçavoirparfimplevûë, 
&  non  point  par  raifonnement ,  que 
Dieu  n'eft  point  trompeur .,  puifque 
le  raifonnement  peut  toujours  être 
faux  ,  fi  l'on  iïippofe  Dieu  trom- 
peur. 

Toutes  les  preuves  ordinaires  Je 
I'exiftence  &  des  perfections  de  Dieu, 
tirées  de  Texiftence  &  des  perfeâion» 
■de  fes  créatures ,  ont  ce  me  femble  ce 
défaut  ,  qu'elles  ne  convainquent 
point  l'efprit  par  fimple  vue.  Tou- 
■tes  ces  preuves  fora  des  raifonnemens 
qui  font  convainquans  en  eux-mê- 
mes: mais  étant  des  raifonnemens, 
ils  ne  font  point  convainquans  dans 
la  fuppofîtion  d'un  mauvais  génie 
qui  nous  trompe.  Ils  convainquent 
iuffifamment  qu'il  y  aunepuiiîànœ 
fupérieure  à  nous  ,  car  même  cette 
fuppofîtion  extravagante  l'établit: 
mais  ils  rie  convainquent  pas  pleine- 
ment ,  qu'il  y  a  un  Dieu  ou  un  être 
«nfïniment  parfait.  Ainlidansces  rai- 
fonnemens la  conclufîon  eftplus  évi- 
•dentequeJe  principe. 

H  eu  plus  évident  qu'il  y  a  une 

puiflance  fupérieure  à  nous ,   qu'il 

n'eft  évident  qu'ilyaun  monde:  pui£ 

qu'il  n'y  a  point  de  fuppofitîon  qui 

Kij 


C,„„sk- 


Mo      LIVRE  SIXIE'ME. 

puiflè  empêcher  qu'on  ne  démontre? 
cette  puïuance  fupérîeure,  au  lien 
quedansla  fuppoficiond'un  mauvais 
eenîe  qui  fç  plaîfe  à  nous  tromper , 
il  eft  impoflîble  de  prouver qu'il  yait 
un  monde.  Car  on  pourrpit  toujours 
concevoir ,  '  que  ce  mauvais  génie 
nous  donnerôit-Ies  fentimens  des  cho- 
fes  qui  n'exifteroient  point  :  comme 
iefommeH  6c  certaines  maladies  nous 
font  voir  des  cfiofes  qui  ne  furent  ja- 1 
mais:  &  nous  font  même  Ternir  effec- 
tivement de  la  douleur  dans  des 
membres  imaginaires  ,que  nous  n'a- 
vons plus  ,  ou  que  nous  n'avons  ja- 
mais eus. 

Mais  les  preuves  del'exiftence  & 
des  perfections  de  Dieu  tirées  de  l'i- 
dée que  nous  avons  de  l'infini ,  font 
preuves  de  fimple  vûë.  On  voit  qu'il 
y  a  un  Dieu  ,  dés  que  l'on  voit  l'infi- 
ni, parce  que  l'exittence  néceflaire  eft 
^enfermée  dans  l'idée  de  l'infini  ou 
*  voyei  Ut  pour  parler  plus  clairement ,  parce 
mT««P«wre- qu'on  ne  peut  voir  l'infini  qu'en  lui- 
tient  fur  la  même.  Car  le  premier  principe  de 
que;  Et  le  jios  connoillances  eu  que  le  néant 
nombre  en-  niefl  pas  vifible  :  d'où  il  fuit  "  que  fi 
ïî"duUiv.  a-  Ton  penfe  à  l'infini,  il  faut  qu'il  fait. 
vre  de  cet  Qn  voit  auffi  que  Dieu  tfeil  point 

Ouvra».  *    "  * 


DE  LA  METH.  II.  Part.  211 
■  trompeur  ,  parce  que  (cachant  qu'il 
ell  infiniment  parfait  &  que  ï'inlini 
ne  peut  rftanquer  d'aucune  perfec- 
tion, on  voit  clairement  qu'il  ne  veut 
pas  nous  féduire,  &  même  qu'il  ne  le 
peut  pas.puifqu'il  ne  peut  quece  qu'il 
veut,  ou  que  ce  qu'il  efl  capable  de 
vouloir.  Ainfi  il  y  a  unDieu&un 
Dieu  véritable  qui  ne  nous  trompe 
jamais  quoiqu'il  ne  nous  éclaire  pas 
toû  jours;  &  que  nous  nous  trompions 
fouventlorfqu'il  ne  nous  éclaire  pas. 
Toutes  ces  vernez  fe  voyem  de  Am- 
ple vue  par  des  efprits  attentifs,  quoi 
qu'il  femble  que  nous  faffions  ici  des 
railbnnemens  pour  les  expofer  aux 
autres.  Oh  peut  les  fuppofér'  comme' 
de?  principes  inconteltables  fur  lef- 
quelson  peut  raifonnec  :  car  ayant 
reconnu  queDieu  ne  feplah point  à1 
nous  tromper,  il  nous  eil  alors  per- 
mis de  raifonner. 

II  eft  évident  que  la  certitude  de  la- 
foi  dépend  auiïï  de  ce  principe,  qu'il 
y  a  un  Dieu  qui  n'efl  point  capable  de 
rious  tromper.  Car  l'exiftence  d'un 
Dieu  &  l'infaillibilité  de  l'autorité 
divine  font  plutôt  des  connoilTances 
naturelles,  &des  notions  communes 
à  des  efprits  capables  d'une  ferieufe 
K.  iij. 


GooSk 


u*       LIVRE  SÎXIE'ME. 

attention ,  que  des  articles  de  fort 
quoi  que  cefoitun  don  particulier 

■  de  Dieu,  que  d'avoir  I'efpritcapable- 
d'une  attention  fuffifànte  pour  com- 
prendre comme  il  faut  ces  véritez, 
&  pour  vouloirbien  s'appliquer  à  les; 
comprendre*. 

De  ce  principe-,  Que  Dieu  rPeft  point 
trompeur ,  on  pourroit  aiiflî  conclure 
que  nous  avons  eneâivement  un 
corps  auquel  nous  Tommes  unis  d'une- 
feçon  paniculiere,  &  que  nous  fom- 
mes  environnez  de  plufieurs  autres- 
Car  nous  fommes  intérieurement 
convaincus  de  Ieurexiftence,  par  des 
fèntimens  continuels  que  Dieu  pro- 
duit en  nous,  &  que  nous  ne  pou- 
vons corriger  par  la  raifon  fans  bief- 
fer  la  foi  ;  quoi  que  nous  puiflions. 
corriger  par  la  raifon  les  fèntimens. 
qui  nous  les  repréfentent  avec  certai- 
nes qualîtez  &  certaines  perfections 

■  qu'ils  n'ont  point.  De  forte  que  nous, 
ne  devons  pas  croire  qu'ils  font  tels, 
que  nous  les  voyons,  ou  que  nous  les 
imaginons ,  mais  feulement  qu'ils 
exiuent ,  &  qu'ils  font  tels  que  nous 
les  concevons  par  la  raifon. 

Mais  afin  de  raifonnerpar  ordre , 
nous  ne  devons  point  encore  examk 


DELAMETFT.II.Part.  313 
Ber  fi*  nous  avons  un  corps  ,  &  s^ily 
en  a  d'autres  autour  de  nous ,  ou  fi 
nous  en  avons  feulement  les  fenti- 
mens  quoique  ces  corps  n'exiftent 
point.  Cette  queftion  renferme  de 
trop  grandes  difficulté?  ,  &  il  n'eft 
peut-être  pas  fi  nécefTaire  de  la  ré- 
ibudre  pour  perfectionner  fescon- 
noiflànces,  qu'on  pourroitJe  l'ima- 
giner ,  ni  même  pour  avoirurte  con- 
noiflànce  exaâe  de  la  Phyfique ,  de 
la  Morale,  &  de  quelques  autres 
lciences. 

Nous  avons  en  nous  les  idées  des  • 
nombres  6V  de  l'étendue  ,  defquelies 
Pexiftence  efl  incomeftable  &  la  na- 
ture immuable ,  qui  nous  fourni- 
ïoient  éternellement  dequoi  penfer , 
fi  nous  en  voulions  connoître  tous 
les  rapports.  Et  il  efl  nécefTaire,  que 
nous  commencions  à  faire  ufage  de 
nôtre  efprit  fur  ces  idées ,  pour  des 
raîfons  qu'il  ne  fera  pas  inutile  d'ex- 
pofer.  Il  y  en  a  trois  principales. 

La  première  eft  que  ces  idées  font 
les  plus  claires  &  les  plus  évidentes 
de  toutes.  Carfipour  éviter  l'erreur, 
on  doit  toujours  conferver  l'évidence 
dans  fes  raifonnemens,  il  eft  claie 
que  l'on  doit  plutôt  raïfonner  fut  les 
K  iiij. 


Goo8k 


n*     LIVRE  sixième: 

idées  des  nombres  &  de  l'éienduë.qutf 
for  les  idées  confufes  ou  composées' 
de  Phyhque  ,  de  Morale  ,  de  Méca- 
nique, de  Chimie,  &  de  toutes  les 
autres  fciences. 

La  féconde  efl , queces idées  font 
les  plus  diflihâes  &  les  plus  exaâes 
de  toutes,  principalement  celle  des 
nombres.  De  Cotte,  que  l'habitude- 
qu'on  jJlend  dans  l'Arithmétique  6c 
dans  la  Géométrie,  de  ne  fe  point 
contenter  qu'on  neconnoifïèprécife- 
ment  les  rapports  des  chofes  ,  donne 
à  l'efprh  une  certaine  exactitude,  que- 
n'ont  point  ceux  qui  fe  contentent 
des  vraifemblances  ,  dont  les  autres 
fciences  font  remplies». 

Latroïflcmeoi  la  principale,  efl 
que  ces  idées  font  les  règles  immua- 
bles &  les  mefures  communes  débou- 
tes les  autres  chofes  que  nous  con- 
noiflôns  &  que  nous  pouvons  con- 
coure. Ceux  qui  connoiflem  par- 
faitement les  rapports  des  nombres 
&  des  figures,  ou  plutôt  Part  de  fai- 
re les  comparaifons  néceuairespouc 
en  connoîrre  les  rapports ,  ont  une 
efpéce  defcience  univerfelle,  &  un. 
moyen  très*-  afluré  pour  découvrir 
avec  évidence.  Se  certitude  tout  ce: 


,  DE  LA  METH.  II.  Part.  "m$ 
Çiii  ne  paflè  point  les  bornes  ordinai- 
res derefprîi.  Mars  ceux  qui  n'ont 
point  cet  art,  ne  peuvent  découvrir 
avec  certitudeles  véritez  un  peu  com- 
pôfées,  quoi  qu'ils  aient  des  idées 
tres-claïres  des  chofes.dom  ils  tâ- 
chent deconnokreles  rapports  com- 
pofez\ 

Ce  (ont  ces  raifons  ou  de  femMa- 
bles  qui  Ont  porté  quelques  anciens  à 
faire  étudier  l'Arithmétique,  P-A-I-- 
gébre ,  &  la-  Géométrie  aux  jeunes-- 
gens.  Apparemment  ils  fçavoieftt  - 
que  l'Arithmétique  &  l'Algèbre  don- 
nent de  l'étendue  à  Pefprit  &  une" 
certaine  pénétration  ,  qu'on  ne  peut 
acquérir  par  d'autres  études;  &quc 
la  Géométrie  règle  fi -bien  l'imasi-- 
nation  j  qu'elle  ne  fe brouille  pas  &-- 
cHement:car  cette  faculté  de  Pâme;, 
fi  néceffairepoor  les  fciences.acquiért  " 
par  l'ufage  de  '  la  Géométrie  une' 
certaine  étendiïë  de  iufteflêyqui  pouf- 
fe Se  qui  corrfêrve  la  vûë  claire  de~ 
Pefprit  p.ifques  dans  ies  diffieuhez  les  - 
plus  embarallees.> 

Si  l'on  veut  donc  conferver  toû-- 
jôursl'évidencedans  fes  perceptions,-. 
&  unecertitude  entière  dans:  fes  rai-- 
fannemensyon  doit  d'abords  étudfec." 


vt6      LIVRE  STXrE'ME. 

l'Arithmétique  l'Algèbre  rAnalyfê^, 
&  la  Géométrie  fimple  &  compofée- 
Entre  les  livres  qui  me  font  connus, 
les  meilleurs  pour  apprendre-  l'Ari- 
thmétique, l'Algèbre  &  l'Analyfe ,. 
qui  eft  proprement  l'art  de  découvrir 
la  vérité  dans  les  fciences  exactes,, 
font  la  fiience  du  calcul  des  grandeurs 
engeneral,  &  Iepremier  volumede- 
l'Anaïyfe  démontrée  parle  R..  Père- 
Reyneau  Prêtre  de'  l'Oratoire.. 
Pour  la  Géométrie  ordinaire  celle- 
de-  MonGeigneur  le  Duc  de  Bour- 
.  cogne.  On  doit  fe  fervir  de  l'Aha- 
îyie  pour  apprendre  la  Géométrie- 
compofée,  &  lire  les  ouvrages  où. 
cette  fcienceefl  traitée  par  Analyfe. 
Si  l'on  ne  veut  s'inftruire  que  des 
principales  proprietez  des  fedions 
coniques  &  de  leurs  ufages ,  on  peut 
fe  contenter  de  la  première  paniedu 
deuxième  volume  de  FAnalyfe  dé- 
montrée.  Mais  fi  l'on  .veut  apprendre 
la  plupart  des  proprietez  de  ces  fec- 
tions  avec  leurs ufages,  on  lira  l'ou- 
vrage PoflhumedeM.  le  Marquis, 
de  l'Hôpital,  quia  pour  titre ,  Trai- 
té Analytique  des  fi  liions  coniques.. 
Onpeut.ajoûterla.Géométrie  deM.. 
Beicanes.a  canle.de  la  rép_uiation  de? 


DE  LA  METH.  11".  Part.  227- 
ce  fçavant  homme  :  Mais  on  n'en 
aura  nul  befoin  après  la  leâure  des 
livres  précedens.  Enfin  on  s'applique- 
ra aux  nouveaux  calculs  différentiel 
&  intégral»  &  aux  méthodes  qu'on  en 
lire  pour  l'intelligence  des  lignes^ 
courbes  ,  qui  fervent  même  dans  la 
Phyfîque.  On  trouvera  le  calcul  dif- 
férentiel &  fes  ufages  traitté  à  fond, 
&  avec  beaucoupd'ordre  &  de  net- 
teté dans  l'excellent  ouvrage  de  M.-- 
Ie  Marquis  de  l'Hôpital,  intitulé,  Des 
infiniment  petits.  On  trouvera  auffi  le' 
calcul  différentiel  &  fesufages  dans 
la  deuxième  partie  du  deuxième  vo-- 
Iume  dçl'jfnalyfe  démontrée  ;  &  le: 
calcul  intégral,  avec  la  manière  de1 
l'appliquer  aux  lignes  courbes  &  aux 
problèmes  rnefle2  de  Phyfique  &■  de -■ 
Mathématique  dans  la  troifiéme  par-- 
rie.  Par  k  lecture  de  ces  ouvrages  on^ 
fe  mettra  en  état  de  faire  faire  foiî* 
même  des  découvertes  ,  &  d'enter^- 
dre  celtes  qui  fe  trouvent  dans  Ies^ 
mémoires  de  l'Académie  des  Scien-- 
ees  &  dans-  les  ouvrages,  des  Etran- 
gers- 

Lorfque  l'on  aura  étudiéavec  foin- 
dt  avec  application  ces  fciences  gène* 
raies,  oncormoîtra  avec  évidence  un> 


m8    livre  sixième: 

très-grand  nombre  de  véritez  fécon*- 
des  pour  toutes  Iesfciences  exades- 
&  particulières.  Mais  je  croi  devoir: 
dire  qu'iléft  dangereux  de  s'y  arrêter 
trop  Iong-tems.  On  doit  pour  ainfi . 
dire  les  méprifer  ou  les  négliger  : 
pour  étudier  la.  Phyfîque  &  la, -Mo-  ■ 
raie,  parce  que  ces  fciences  font 
beaucoup  plus  utiles,  quoi  qu'elles' 
nefoient  pas  fi  propres  pour  rendre*. 
I'efprît  jufte  &  pénétrant.  Et  fi  l'on 
veut  toujours  conlërver  l'évidence- 
dans  fes  perceptions ,  on  doit  bien, 
prendre  garde  à  ne  fe  pas  laiiTer  en-  • 
têterde  quelque  principe  qui  ne  foit  • 
pas  évident,  o'eft-à-dire de  quelque* 
principe,  dont  on  peut:  concevoir: 
que  lesCninois  ne  tocnberoient  point  : 
d'accord  après  qu'ils  l'auroiembien: 
confiderév. 

Ainfi  pour  là  Phyfique  il  nefam  ad-- 
mettre ,  que;les*iotions communes  à; 
tous. les  hommes,  c'eft-à-dire  les. 
axiomes:desGéométre9,  &  les  idées, 
claires  d'étendue,  de  figure,de  mou- 
vement , .  &  de  repos  ,  &  s'il  yen  a-, 
d'autres  aullî  claires  que  celles-là.  On. 
dira  ueuÈ-Érre  que.neUence.de;  la.  ina~ 
tiéren'eftpoint  L'étendue,  mais  qu'— 
ïinDortt?.  IlfuiEtqueie.monde.que; 


GooSk 


DE  HA  METH;  IL  Part.    up 

nous  concevrons  être  formé  d'éten- 
^duë,paroiue  femBIable  à  celui  que 
nous  voyons»,  quoiqu'il  ne  foit  point 
matériel  de  cette  matière  qui  n'eft. 
bonne  à  rien ,.  dont  on  neconnoît 
rien,  &  de  laquelle  cependant  on 
fait  tant  de  bruit. 

Ii  n'en  pas  abfblument  néceflàire1 
d'examiner  s'ilyaeftectivement  au- 
dehors  des  êtres  qui  répondent  à  ces- 
idées;  car  nous  ne. rationnons  pas  fur 
ces  êtres,  mais  fur. leurs  idées.  Nous- 
devons  feulememprendre  garde,  que* 
les  railbnnemens  que  nous  faifons 
fit r  les  propriétez  deschofes,  s'ac- 
cordent, avec  les  fentimensque  nous- 
en  avons,  tfeft-à-direque  ce  que  nous  ■ 
penfons  s'accorde  parfaitement  avec 
inexpérience  :  parce  que  nous  ta? 
thons  dans  la  Phyfique  de.  décou- 
vrir l'ordre  &  la  iiaifon  des  effets 
avec  leurs  caufes ,  ou  dans  les  corps; 
s'il  y.  en  a.,  ou  dans  les  fentimens- 
que nous  en  avons-,  s-'ils  n'exiflens 
goint. 

.  Ce  n'en  pas  quePon-purue  doutes-' 
qu'il  y  ait  .actuellement  des  corps* 
fcrfquel'onconfidéreque  Dfeu  n'eft  i 
point:  trompeur,  &  l'ordre  réglé  de- 
nos.  fenùmens.j ,  dans .  les  rencontres,- 


Goo8I, 


'*&      LIVRÉ  SIXIEME. 

naturelles,  &  dans  celles  qui  n'arrî* 
Vent  que  pour  nous  fairecroire  ce 
que  nous  ne  pouvons  naturellement 
comprendre:  mais  c'eft  qu'il  nrefl  pas 
nécelTaire  d*exami»erd?abordpar  de 
grandes  réflexions  une  choie  dont 
perfonne  ne  doute ,  &  qui  ne  iert  pas 
de  beaucoup  à  la connonTance  de  la 
Phyfïqueconfiderée  comme  une  vé- 
ritable fcience. 

Il  ne  faut  point  auflï Te  mettre  en 
peine  de  fçavoir  s'il  ya,  ou  s'il  n'y 
a  pas  dans  les  corps  qui  nous  envi- 
ronnent ,  quelques  autres  qualitez 
que  celles  dont  on  a  des  idées  claires, 
car  nous  ne  devons  raifonner  que  fé- 
lon nos  idées  :  &s'-îl  yaquelqueau- 
fcre  chofe  dont  note  n'ayons  point 
d'idée  claire,  drftinâe,&  particu* 
liére ,  jamais  nous  n'en  ponnoîtrons 
xi  en,&  jamais  nous  n'en  raifonnerons . 
jufle.  Peut-êtrequ'en  rarfonnant  fé- 
lon nosidées  ,  nous  raifonnerons  fé- 
lon la  nature ,  &  que  nous  recon- 
noîtrons  qu'elle  n'eft  peut  être  pas. 
âufli  cachée  qu'on  fe  l'imagine  ordi- 
nairemem. 

De  même  que  ceux  qui  n'ont  point" 
étudié  les  propriétez  des  nombres,, 
t'imaginent  fouvent  qu'il  n'eft  pa* 


DE  LA  METff.  IL  Part,  .ijr 

poflîble  de  réfoudre  certains  problè- 
mes ,  quoique  tres-iïmpl es  &  très- fa- 
ciles :  ainfi  ceux  qui  n'ont  point  mé- 
dité furies  propriétez  de  l'étendue,. 
des  figures,  &  des  mouvemens,. 
font  extrêmement  portez  à  croire  & 
à  foûtenir  que  toutes  les  queftions. 
que  Ton  forme  dans  la  Phyfique,, 
£om  inexplicables.  Il  ne  faut  point 
,  s'arêter  aux  ientimens  de  ceux  qui 
n'ont  rien  examiné,  ou  qui  n'ont 
rien  examiné  avec  l'application  né- 
ceflaire.  Car  encore  qu'il  y  ait  peu- 
de  véritez  touchant  les  choies  de- 
la  nature  qui  foient  pleinement. dé- 
montrées, il  eft  certain  qu'il  y  en  a^ 
quelques-unes  de  générales  dont  il 
n'eu  pas  pofïïble  .de  douter,  quoi, 
qu'il  foit  fort  poflîble  de  n'y  pas. 
penler,  de  les  ignorer  ,  &  de  les- 
nier.. 

Si  l'on  veut  méditer  avecordrei. 
&  avec  toutIetems&  toute  l'appli- 
cation nécellàire,  on  découvrira 
beaucoup  de  ces  véritez  certaines 
dont  je  parle.  Mais  afin  qu'on  puiue- 
les  découvrir  avec  plus  de  facilité ,  il 
eft  néceflàire  de-lire  avec  foin  les., 
principes  de  la  Philofophie  de  M.- 
Defcartes,  fans  lien  recevoir  de, oç. 


*p     tïVRE  StXIE*MÉ 
qu'il  dit ,  que  brique  la  force  &i  Pé% 
vidence  de  fes  raifons  ne  nous  per- 
mettront point  d'en  douter. 

Comme 'la  Moralceit  la  pins  né*- 
ceflàire  déroutes  Iesfciefices  ,  il  faut 
auflî  l'étudier  avec  plus  dé  foin  :  car 
c'eft  principalement  dans-cette  fcien- 
ce  qu'il  eft'  dangereux  de  fuivre  le* 
opinions  des  hommes.  Mais  afin  de 
ne  s'y  point  tromper  ,  &  deconfér>  ■ 
ver  l'évidence  dans  («'perceptions, 
il  ne  faut  méditer  que  fur  des  princi- 
pes incomeftaMes ,  pour  tous  ceux 
dont  le  coeur  n'efl  point  corrompu.- 
par  la  déÈauche ,  &  dont  I'efbrit  n'eft 
point  areuglé  par  l'orgueil  :  car  il 
n'y  a  point  de  principe  de  Morale 
ïnconteftable  pour  Tés  efprits  de 
chaire  de  fang,  6e  qui  afpirent  à  la 
qualité'  d'efprit  fort.  Ces  fortes  dé 
gens  ne  comprennent  pas  les  véri± 
téz  lespiusfrmplesi  ou s'ilsles com- 
prennent ,  ils  les  conteuent  toujours 
parefpritde-contradidion,  c«t  pout 
confeirer  leur  réputation'  d*efpritS' 
forts. 

"Queiques-uns  de  ces  principes  de 
morale  les  plus  généraux  font  ;  '  Que  - 
Dieu  ayant  fait  toutes chofes  pour  lui, . 
il  £.  fiûuiôtrexfpritpour  leconnoi*- 


C,„„sk- 


DE  LA  METH.  1T.  Part.  13^ 
sre  &  nôtre  cœur  pour  l'armer: Qu'é- 
tant auiïi  jufle  &  auiïï  puiuant  qu'il 
eft,  on  ne  peut  être  heureux  fi  l'on 
ne  fuit  les  ordres ,  ni  malheureux^  S 
on  les  fiait:  Que  nôtre  nature  eu  cor- 
rompue, quenôtre  efprit  dépend  de 
nôtrecoisps,  nôtre  railon  dé  nosfens, 
nôtre:  volonté  de  nos  pallions  :  Que 
nous  fommes  dans  I'impuiHànce  de 
faire  ce  quenous-  voyons  clairement 
être  de  nôtre  devoir  :  &  que  nous 
avons  Befoin  d'un  libérateur.  II  y  a 
encore  plufieurs  autres  principes  de 
morale  ,  comme  :  Que  la  retraite  & 
fepénitencefonrnéceiïâîres  pour  di- 
minuer nôtre  union  avec  les  objets- 
fenfibles ,  &  pour  augmenter  celle 
que  nous  avons  avec  les  biens  in- 
telligibles, les  vraisbiens-,  les  biens 
del'efprit:  Qu'on  ne  peut  goûter  de 
plaifir  violent  fans  en  devenir  efcla- 
ve  ;  Qu'il  ne  fautjamais  rien  entre» 
prendre  par  paffîon  :  Qu'il  ne  faut 
point  chercher  d'éiabl  iflement  en  cet- 
te vie,  &c.  Mais  parce  que  cesder- 
niers  principes  dépendent  des  préce 
dens  &  de  la  connoifïànce  de  l'hom- 
me ,  ils  ne  doivent  point  paner  d'a- 
bord pour  ïnconteflables.  Si  l'on  mé- 
dite fur  ces  principes  avec  ordre,  fit 


Goo8k 


ï?4      LIVRE  SIXIEME. 

avec  autant  de  foin  Se  d'application' 
que  la  grandeur  du  firjetiemérrte,  & 
ii  l'on  né  reçoit  pour  vrai  que  les 
€onclufionstiréesconféquemment  de' 
ces  principes  ,  on  aura  une  morale 
certaine,  &  qur s'accordera  parfai- 
tement avac  celle  de  lEvangile,. 
quoi  qu'elle  ne  foit  pas  fi  achevée  ni 
U  étendue.  J'ai  tâché  de  démontrer 
par  ordre  les  fondemens  de  la  Mo- 
rale dans  un  traité  particulier,  mais* 
je  fouhaite  &  pour  moi  &  pour  les- 
autres,  qu'on  donneun  ouvrage  6c 
j>Ius  exact  &  plus  achevé. 

Il  eft-vrai  que  dans  fes  raïfbnne- 
'  mens  de  morale,  il  n'eft  pas  (î  faci- 
le de  conferver  l'évidence  &  l'exac- 
titude ,  que  dans  qneiques  autres 
fbiences  ,  &  que  la  connoiilànce  de- 
l'homme  eftafalblument  néceflàire  à 
ceux  qui  veulent  poulïèr  un  peu' 
loin  cette  Jjcience:  Etc'eft  pour  cela 
que  la  plupart  deshommesn'y  réiïf- 
fiflênt  pas.  Us  ne  veulent  pasfecon- 
fulter  eux-mêmes  pour  recoiinoître 
Tes  foiblelîës  de  leur  nature.  Ils  fe 
lafTent  d'interroger  le  maître  qui 
nous  enfeigne  intérieurement  fes 
propres  volontez  ,  lefquelles  font  les 
toix  immuables  &  éternelles ,  &  les 


DE  LA  METH.  TI.  Part.    2^ 

Trais  principes  de  la -morale.  lis 
.n'écoutent  point  avec  plarfir  celui 
qui  ne  parle  point  à  leurs  fens  -,  qui 
ne  répond  point  feïon  leurs  defirs,, 
qui  nefiattepoint  leur  orgueil  fecret; 
Hsn'ontaucun  refpecfcpour  des  pa- 
roles qui  ne  frappent  point  l'imagi- 
nation par  leur  éclat ,  qui  fe  pro- 
noncent fans-bruit ,  ôc  que  l'on  n'en- 
tend jamais  clairement  que  dans 
le  fîlence  des.  créatures.  Mais  ils  con- 
fultent  avec  plaifîr  &  avec  refpeâ 
Ariflote,  Seneqae,  ou  quelques  nou- 
veaux Philofoplies,  qui  les  fédui- 
fent,  ou  par  l'obfcurité  de  leurs  pa- 
roles, ou  par  le  tour  de  leurs  expref- 
lions ,  ou  par  la  vrai-femblance  de 
leurs  raifons. 

Depuis  le  péché  du  premier  nom- 
me nous  n'eftimons  que  ce  qui  a  rap- 
port à  fa  confervation  du  corps- &  à 
la  commodité  de  la  vie:  &  parce 
que  nous  découvrons  ces  fortes  de 
biens  par  le  moyen  des  fens  7  nous- 
en  voulons  faire  ufage  entoures  ren*- 
contres.  La  Sageffe  Eternelle  qui  eft 
nôtre  véritable  vie  ,  &  la  feule  lu- 
mière qui  puiffe  nous  éclairer ,  ne 
luit  fouvent  qu'à  des  aveugles  &  ne 
parle  fouvent  qu'à  deafourds..,  lorf- 


C„o8[, 


!#  LÏVRE  SÏXIE*ME 
qu'elle  ne  parle  que  dans  le  feeret;' 
de  la  raifon  ;  car  nous  femmes  pres- 
que toujours'  répandus  au  dehors. 
Comme  nous- interrogeons  fansceûe 
toutes  les  créatures  pour  apprendre 
quelque  nouvelle  du'  bien  que 
nous  cherchons,  il  faHoh,commei'aî 
déjà  dit  ailleurs ,  que  cette  fagefle  fis 

Îiréfentât  devant  nous  fans  toutefois 
brtirhorsde  nous,  afinden*usap- 
prendre  par  des  parqles  fenfîbles ,  Se 
par  des  exemples  convaineans,Ie  che- 
min pour  arriver  à  la  vraie  félicité. 
Dieu  imprime  fans  celle  en  nous  un 
amour  naturel  pour  lui,  afin  que 
nous  l'aimions  fans  celle  ;  &  par  ce 
même,  mouvement-  d'amour,  nous> 
nous  éloignons  fans  celle  de  lui ,  en 
couranrdeiour.es  Iesforcesqu'il  nous* 
donne  vers  les  biens  fenfibles  qu'il, 
.nous  déflend.  Ainfr  voulant  être  ai* 
mé  de  nous  ,  il  falloit  qu'il  Te  rendît 
fenfible&  feprefentât  devant  nous, 
pour  arrêter  par  la  douceur  de  fa 
grâce  toutes  nos  vaines  agitations  & 
pour  commencer  nôtre  guérifon  pac 
des  fentimens  on  des  délectations 
femblables  aux  plaifîîrs  prévenans  qui; 
avoient  commencé  nôtre  maladie. 
x  Ainfi.  je  neprétends  pas  que  le»; 


■  .Goo^k 


DE  1A  METH.  n.  Part.  237 
ïiommes  puifTent  facilement  décou- 
^vrirparlaforcede  leur  efprit  toutes 
les  règles  de  la  morale  qui  font  né- 
ceflàires  au  falut,  &  encore  -moins 
qu'ils  puiffcnt  agir  félon  leurlumié- 
re  ;  car  leur  cœur  efl  encore  plus 
corrompu  que  lent  efprit.  Je  dis 
.feulement -que  s'ils  n'admettent  que 
des  principes  évidens,&  que  s'ils  rai- 
fonnent  conféquemment  fur  ces  prin- 
cipes, ils  découvriront  les  mêmes 
véritez  que  nous  apprenons  dans  l'E- 
vangile :  parce  que  c'eft  la  même  Sa- 
gefte  qui  parle  immédiatement  par 
elle-même  à  ceux  qui  découvrent  la 
vérité  dans  l'évidence  des  raifonne- 
mens  ,  &  qui  parle  par  les  faintes 
Ecritures  à  ceux  qui  en  prennent 
tien  le  fens. 

II  faut  donc  étudier  la  Morale 
-clans  l'Evangile,  pour  s'épargner  le 
travail  de  la  méditation,  &  pour  ap- 
prendre avec  certitude  les  loix  félon 
lefquelles  nous  devons  régler  nos 
jnocuES.  Pour  ceux  qui  ne  fe  conten- 
tent point  de  la  certitude ,  â  caufe 
qu'elle  ne  lait  que  convaincre  l'ef- 
prit  fans  l'éclairer ,  ils  doivent  mé- 
diter avec  foin  fur  ces  loix,  &  Iesdé- 
diiiie  de  leurs  principes  naturels  A 


^8  LIVRE  SIXIE'ME. 
alin  de  connoître  par  la  raifon  avec 
évidence  ce  qu'ils  îçavoient  déjà  par 
3a  for  avec  une  entière  ceritude.  C'efl 
^nli  qu'ils  le  convaincront ,  que  l'E- 
vangile elt  le  plus  folide  de  tous  les 
livres  :  que  Jeîus-Chrrft  conxioilToit 
parfaitement  la  maladie  fit  le  défor- 
dre  de  la  nature  ;  qu'il  y  a  remédié 
de  la  manière  la  plus  utile  pour  nous 
&  la  plus  digne  de  lui  qui  fe  puifle 
concevoir:  mais  que  les  lumières  des 
Philofophesne  font  que  tFépaiflès  té- 
nèbres; que  Ieu  rs  vertus  les  plus  écla- 
tantes ne  font  qu'uneorgiieil  infup- 
portable  i  en  un  mot  qu'Ariilote , 
Seneque,  &  les  autres  ne  fontque  des 
hommes  pour  ne  rien  dire  davan- 
tage. 


CHAPITRE     VII. 

VePufagede  la  première règle  qttirc* 
garde  les  quefiions  particulières. 

NO  u  s  nous  Tommes  fuffifam- 
meut  arrêtez  à  expliquer  la  rè- 
gle générale  de  la  Méthode,  Se  à  faire 
voirqueM.  Defcartes  I'afuivie  aflèz 
exactement  dans  fan  fyflêrne  du  mon- 


DE1AMETH.  II.  Part.  v& 
«te,  &  qu'Ariffote  &  Tes  feâateursne 
l'ont  point  du  tout  obfervée.  II  efl 
maintenant  à  propos  de  defcendre 
aux  régies  particulières,  qui  font 
néceffaires  pour  réfoudre  toutes  for- 
tes de  queftions. 

Les  queftions  que  l'on  peut  for* 
.mer  fur  toute  forte  de  fujets  font  de 
plufieursefpÊces,  dontiln'eft  pasfa- 
icile  de  faire  le  dénombrement '.-:  mais 
voici  les  principales.  Quelquefois  on 
cherche  Iescaufes  inconnues  dequel- 
.<jues  effets  connus  ;  quelquefois  on 
cherche  Iesefiêts  inconnus  par  leurs 
caufes  connues.  Le  feu  brûie&dif. 
fipe  le  bois,  on  en  cherche  la  caufe. 
Le  feu  confifte  dans  un  très-grand 
mouvement  des  parties  du  bois  :'on 
veut  fçavoir  quels  effets  ce  mouve- 
ment efl  capable  deproduire,s'iI  peut 
durcir  la  boue,  fondre  le  fer,  &c. 

Quelquefois  on  cherche  la  nature 
■«Punechofe  par  fes  propriétez:  quel- 
quefois on  cherche  les  propriétez 
d'une  chpfe  ,  dont  on  connoît  la  na- 
ture. On  fçaic  ou  l'on  fuppofe  ,  que 
la  lumière  fe  tranfmet  en  un  inlïam  , 
que  cependant  elle  fe  refléchit  &  le 
réunit  par  le  moyen  d'un  miroit  con- 
«ave,  enforte  qu'elle  diffipe  ouqu'- 


*4<>      LIVRE  SIXIE'ME. 

elle  fond  les  corps  les  plus  folfdes;  & 
l'on  veut  Te  fervifde  ces  propriétez 
pour  en  découvrir  Ja  nature.  On 
rçait  au  contraire  ,  ou  l'on  fuppofe, 
que  tous  les  efpaces ,  qui  font  depuis 
Ja  terre  jufques  au  Ciel ,  font  pleins 
.de  petits  tourbillons  fphériques  ex- 
trêmement agitez ,  &  qui  tendent 
fans  cède  à  s'éloigner  du  Soleil  :  oc 
Ton  veut  fçavoir  fi  l'effort  de  ces  pe- 
tits tourbillons  fe  pourratranfmettre 
<n  un  inûant ,  &  s'ils  doivent  en  fe 
refléchilTant  d'un  miroirconcave ,  fe 
réunir ,  &  difliper  ou  fondre  les 
corps  les  plus  fondes. 

Quelquefois  on  cherche  toutes  les 
parties  d'un  tout  :  quelquefois  on 
cherche  un  tout  par  Tes  parties.  Oa 
cherche  toutes  les  parties  inconnues 
d'un  tout  connu  ,  îorfqu'on  cherche 
toutes  les  parties  aliquotes  d'un  nom- 
bre ,  toutes  les  racines  d'une  équation, 
tous  les  angles  droits  que  contient 
une  figure ,  &c.  Et  l'on  cherche  un 
tout  inconnu  dont  toutes  les  parties 
font  connues ,  iorfqu'on  cherche  la 
fomme  depliifieurs  nombres,  l'air  de 
plufieurs  hgures ,  la  capacité  de  plu- 
fieurs  vafesrou  un  tout  dont  une  pai- 
Jie  elt  connuë,&  dont  les  autres  quoi 
qu'inconnue^, 


GooSk 


■BE  t'A  MEIH.IL  Part.  141 

•qu'inconnues ,  renferment  quelque 
«port  connu  avec  ce  qu  îeft  inconnu: 
commeioriqu?on:  cherche  quel  efi  le 
nombre  dont  on  a  une  partie  connue 
Ï5.  Se  dont  l'autrequi  le  compofej 
efi  la  moitié  ou  le  tiers  du  nombre  in* 
connu:ou  lorfqu'on  cherche  unnom- 
bre  inconnu  qui  foit  égal  à  15.  &  à 
deux  fois-la  racine  de  ce  nombre  in* 
connu. 

Enfin  on-cherche  quelquefois  fî 
certaines  chofes  font  égales  ou  fem- 
blables  à  d'autres  ,.ou  de  combien 
elles  lont  inégales  ou  différentes.  On 
veut  fçàvoiru  Saturne  eft  plus  grand 
que  Jupiter,  oui  peu-prés  de  com- 
bien :  fi  l'air  de  Rome  efi  plus 
chaud  que  celui  déMar'fèiïïc  ,  ou  de 
«ombien. 

'  Ce  qui  efi  général  dans  toutes  les 
queftions ,  c.'efl  qu'on  ne  les  'forme 
que  pour connoître quelque  vérité: 
&  parce  que  toutes  les  vérjtez  ne  font 
que  des  rapports ,  onpeucdiregéné- 
ralcrnem  que  dans  toutes  les  quef- 
tions,on  ne  recherche  que  la  connoif- 
fance  de  -quelques  rapports,  foit  de 
rapports  enrayes  chofes,  foitxle  rap- 
porte entre  lesàdées ,  foit  -de  rapport 
entre,  les  chofes  &ieurs  idées. 
Tme  UL  J- 


ut     jUVRE  STKÎE*ME.     / 

ïl  y  a  des  rapports  .de  pIuGeur» 
efpéces.ily  en  a  e*œ  te  nature  de* 
chofes,  entre  leur  gnodeux ,  en- 
tre feu»  parties,  «at«  lotus  at- 
fâbttts ,  'entre  leurs  rçualhez ,  *nt« 
leurs  effets  ,  entre  leur»  caufos,  &C» 
Makon  peut  tes  mÉdusie  tous  à  deus 
farcie  àdes  rapaortsde£ranrf«ff',& 
è  des  rapports  de  qualité  *  enappei- 
ïant  rapports  de  grandeur ,  tous  oews 
qui  font  entre  tesebofesconfiderees 
comrnecap^esidaplQS.6cda  moins, 
&  lappwiTC  dp  qvéSti  toits  fesasitgss. 
Ainfi.l'cai  peut  diœ^  tomes  Je» 
queliUcais  readent  à  découvrir  quel* 

rsrapports  fait  de  grandeur  >  &*t 
troaiité.      * 

ta  pœiBÎere&  là  principale  de 
toutes  tes  règles  efl,  qu'îï  &w:  con» 
noîtse  très  -  diuxeâemaM  l'état  de 
ta  iqeeûkm  qu'on  fepropofede  té* 
f©adœ3.&  avoir  des  idées  de  tes  ter-» 
-  mes  affez  diftim&es  ,  ptur  les  pou* 
voir  'CorapaJEr,  &  praur  en  recon- 
uoitre  ainfi  tes  rapports  -inconnus. 
-  fi  feut  donc  premièrement  ap-; 
perowoir  tces-clai cernent  ïerapport. 
îuoormu  que  J'oo  ycberrJie.;<car  il  efl 
«rident  que  fi  ï'.an  rtfa#oit  poim  de 
marque  cerlaàïejourieoocinoîtieoé 


DELAMETH.  If.PARt.  mi 

rapport  inconnu  lorfqu'on  l'auroit 
trouvé,  ce  ferait  ai  vain  qu'on  le. 
cherche  roit. 

Secondement ,  il  faut  autant  Qu'- 
on le  peut ,  fe  rendre  diftinâes  les 
idées  qui  répondent  aux  termes  de  la 
queftion ,  en  ôtam  l'équivoque  des 
termes;  ■&  claires,  en  les  confiderant 
avec  tonte  l'attention  poflîble.  Carfî 
■ces  idées  ibnt  fi  confulès  &  fi  oHcu- 
res,  qu'on  ne  puiiïè  faire  les  com pa- 
taifons  néçefiàires pour  découvrir  les 
apports  que  l'on  cherche,  l'on  n'eft 
point  encore  en  état  de  réfoudre  la 
queftion. 

En  troifitme  ïiea ,  il  faut  con- 
udéreravectoute  l'attention  poffifale 
les  conditions  exprimées  dam  une 
queftion  j  s'il  y  en  a  quelques-unes^ 
parce  que  fans  cela,  l'on  n'enjeodque 
confufement  l'état  decette  queftion  ; 
outre  que  les  conditions  marquent 
ordinairement  la  voie  pour  la  ré* 
foudre.  Defortequeioriqu'ona  une 
Ibis  bien  conçu  l'état  d'une  queftion 
&  fes  conditions,  oo  fcaitôV  eequ'on: 
cherche,  &  quelquefois  même  par 
«ù  îlVy  faut  prendre  pour  le  décou- 
vrir. 

II  pfl  vrai  mi'ij  « 'y  a  pas  *o  ajoura 
L  ij 


Goo8k 


-ufr     UVRE  SrXIE-ME. 

quelques  conditions  exprimées  dans" 
Iesqueftions:  maisc'eft  que  ces  ques- 
tions font  indéterminées,  ■&  que  Ton. 
peutdes  réfoudre  enplulieurs  maniè- 
res comme  fi  on  demandoit  un  .nom- 
brequarré,  un  triangleou  deuxnom- 
bres  dont  le  produit  fort  égal  à  leur 
fomme,&ç.  fans rienTpécifier davan- 
tage :  ou  Bien  c'eft  que  celui  qui  le» 
propofe  ne  fçait  point  les  moyens  de 
Jes  réfoudre,  ou  qu'il  les  cache  àdef- 
fein  d'embaraflèr .:  comme  fi  onde-' 
mandoit  que  l'on  trouvât  deuqr 
ihoyennes  proportionnelles  entre 
deux  lignes,  fans  ajouter  parl'înteri- 
feâiori  du  cercle  Se  de  la  Parabole ,, 
©u  du  cercle  &  de TEUipfe ,  &c. 

Ileft  doncabfolument  néceuaire 
que  la  marque  par  laquelle  oncon» 
noît  ce  qu'on  cherche,  fort  fonvdit 
tinéte ,  qu'elle  ne  foit  point  équivo- 
que, &  qu'elle  nepuifledéfignerque 
ce  que  l'on  cherche  :  autrement  oit 
ne  poiirïûit  s'affurer  d'avoir  réfolu 
la  queftion  propofée.  De  même  il 
faut  avoir  foin  de  retrancher  de  I? 

?ueftion  toutes  les  conditions  qui 
embarauent ,  &  fans  Iefquelïes  elle 
fubfîfle  dans  fon  entier;  car  elles  par- 
tagent inutilement  la  capacité  de 


Goo8k 


ÔE  -LA  METH;  H.  Vaut,  utf 

terprit  Et  mêmeon  neconnoît  point 
encore  diflinclemeht;  l'état  d'une' 
queftion ,  lorfque  les  conditions  qui 

.l'accompagnent  font  inutilea. 

Si  l'on  p  ropofoit  par  exemple  une  ' 

.  queftion  en  ces  ternies  :  faire  en  for- 
te qu'un  nomme  étant  arrofé  de  quel- 
ques liqueurs  &  couvert  d'une  cou- 

.  ronne  de  fleurs ,  ne  puifle  demeurer 
en  repos,  quoi  qu'il  ne  voie  rien  qui 
foit  capable  de  l'agiter.  H  faut  fça*. 
.voir  fi:  le  mot  d'homme  n'eft  point 
métaphorique':  fi  le  mot  de  repos  ■ 
n'eft  point  équivoque,  5*1!  n'eft  point . 
.pris  par  rapportau- mouvement  lo- 
.cal ,  ou  par  rapport  aux  paillions-, 
comme  ces  paroles  qwqtfil  ne  voit 
rien  qui  foit  capable  de  V agiter  j  fem-. 
blent  lernarquer.il  faut  Ravoir  (r 
les  conditions,  -étant  arrofe  de  quelque 
liqueur  ,&  couvert  d^mecoUrromede 
fleurs  ,font  eflèntielies*  ■  Enfuite  l'état 
de  Cette  queftion  ridicule  &  indéter-r  ■ 
rhihée  étant  clairement  connue ,  l'on L 
pourra  facilement  IaréfcjMdre,  en  dit 
îàntqu'iin'y.a qu'à  mettre- un  hom- 
me dans  un  vaiflèau  félon  les  condi-- 
ttonsexprimées-  dans  -la  queftion. 

ii'adrefle  de  ceux  qui  propofent 
cté  feinblabes  queilions  eft.d'  y  jo  indre  ' 
t-iij, 


*+«      LIVRE  SIXIEME.' 

entreprennent  de  réfoudre  ces  fortes- 
de  quefUonSj  doivent  faire:toutes  les 
demandes  neceuaires pont  s'écïaircir 
du  point  où.  confine  la.  difficulté. 
Ces  queilions  arbitraires  fenv 
Hem  être  badines,  &  elles  le  font 
en  effet  en  un  feus.,  car  on  n'apprend 
rien  lorfqu'on  les.  réfbut.  Cependant 
elles  ne  font  pas.  11.  différentes  des 
queilions-  naturelles ■,  qu'on  pouroit 
peut-être  fei'imaginer.  Il  faut  foire 
a  peu-prés  les  mêmes. chofes  pour 
■  réfoudre  les  unes  &  les  autres.  Car  fi 
l'adreflè. on' là- malice: des  hommes 
rend  les  queilions  arbitraires,  eraba- 
Taflàntes  &  difficiles  à  réfoudre ,  les 
effets. naturels  font  auffi  par  leur  na- 
ture: environnez,  dîobfcuritez  &  de 
ténèbres.  Et  il  faut  diifiper  ces  ténè- 
bres par  l'attention  de  l!efprit,&  par 
des  expériences*  qui  font  des  efpéces 
de  demandes  que  Ton  fait  à  l'Auteur 
delà  nature  :  de  même  qu'on  ôte  les 
équivoques  &  les  circonttances  inu- 
tiles des  guettions  arbitraires  par  l'at- 
tention de  I'efprit ,  &  par  les  de. 
mandes  adroites  que  l'on  fait  à  ceux 
qui  nous  les  proposent.  Expliquons 
oes  chofes  parordreô*  d'une  manie- 
.  xe  glus  f erieufe  &  plus  inltru&ive, . 


CEi:AMETM.rr;pARt.  i^ 

Il  y  a  un  trevgrand  nombre  de  ■ 
guettions  qui  fembleut  très -difficiles, 
parce  qu'on  ne  les  entend  pas,  Se 
quidevroient  plutôt  palier  pour  des  • 
axiomes-,  qui  auraient  pourtant  be- 
ibin  de  quelque  explication  ,  ■  que  ' 
pour  de  véritables  queftions  :  car  il 
me  femblequ'on  ne  doit  pas  mettre  ■ 
au  nombre  des  queftions ,  certaines 

Cpofitions  qui  font  incontellables,  ^ 
qu'on  en  conçoit  diftindemenr,  - 
les  termes. 

On  demande  par  exempïecomme  ' 
mie  queftion  difficile  :  à  refoudre ,  fi 
l'Orne  eft  immortelle  :  parce  que  ceux  ■' 
qui  font  cette  queftion ,  ■  ou  qui  pré- 
tendent la  réfoudre,' n'en  conçoivent  - 
pas  diltinâement  les  termes.  Comme  ' 
les  mots  d'amer  &  cL'ûnifwrttliïgni- 
fient  différentes  chofes-i  &  quilsne; 
fçavent  comment  ils  l'entendent  ■, 
ils  ne  peuvent  réfoudre  fi  l'a-- 
me  eft  immortelle  -  :  car  ils  ne  ' 
fçavent  précifément  ni  ■  ce  qu'ils  de>- 
mandent ,  ni  ce;  qu'ils  cherchent.  - 

Par  ce  mot  orne  or^  peut  -  entendre  -' 
Hûe  fabftance  qui  pente-;  qui  veut  r. 
qui  fent ,  &c.  On  peut  prendre  J'ame . 
pour  le  mouvement  ou  lacirculatioft' 
àakagi  &pourlaconriguraûoa,difc- 


.parties  du  corps  :  enfin  on  peut  pren- 
.die  l'amc  pour  le  fang  même  &  les- 
.efprhs  animaux^  De  même-  par  ce: 
mot  immortel,  on  entendre  qui  ne: 
k  peut  périr  parïesfbiresordinairesde- 
lai  nature,  ou  bien  ce.qui  ne  peut 
changer ,  ou  eniin  œ  qui  ne-  peut 
le-  corrompre,  nifediffuier  comme- 
une  vapeur  ou  de  la  fumée;  Aiofi 
a)  fuppofé  que  L'on  prenne  les  mots. 
d]axse  Sal'immoncl,  en  quelqu'une- 
dè  ces  lignifications,  la  rnoindrn  at- 
tention d'efprit  fera  juger  fi  elleeft 
immortelle  >  on  fi  elle  ne  l'efl  pas.. 
Car  premièrement .  il  eil.ckirq.ue  - 
&««f  p  rife  dans  le  premier  fera,  défi- 
a-dire pour  unefubûancequipenlè,, 
m-  efl  immortelle,  Cl  l'on  prend  aurfil 
imawrff/dans  le  premier  fens,&-paar 
ce  qui  ne  peut  périr  par  les.  forces. 
ordrnaires.de  la  nature:;  car  il.  n'eft 
pas  même  concevable  qu'ancune- 
HibflancepuiÛedevenir  rien  :  H  faut: 
recourir  à  une  purilànce  de  Dieu  tou- 
te extraordin  ai  re  pour.concesau  que 
selafoicpoiTibJe.. 

Secondement ,  -l'ame  ell  îrnrnor-- 
telte ,  fi  l'on  pxeiid.  immortel  dans  Ut: 
freondfens:,  &  pour  cequi  ne  peut: 
Jfc  corrompre ..,  ni  fe  réioudneeata* 


DEtÀMÊTfrir.lW  *v 
peur  ouen  fumée:  car  il ettévident 
que  ce  qui  ne  peut  fe  divifer  en  un« 
infinité  de  parties,  ne  peut  le  cor- 
rompre' au  iè  réfoudre  en  vapeur. 

j.<  L'amen'eit  point  immortelle, 
en  prenant  inmmel  dans  (e troîtié- 
me  fensj  &  pour  ce  qui  We  peut 
changer  :  car  nous  avons  afèz  de 
preuves  convaincantes  des  enange- 
mens  de  nôtre  ame:  que  tantôt  et*  - 
le  fent  de  la  douleur ,  &  tantôt  du 
plaifîr:  qu'elle  veut  quelquefois  cer-. 
taines  chofes  ,  &  qu'elle  eeiïè  de  les 
vouloir  :  qu'étant  unie  ajuoHps-eU* 
en  peut  être  (eparée,  &c. 

Sii'on  prend  le  root  d'ame  dans  quel 
qu'autre  fignirication-,  il  fera  de  mê- 
me tres-facile.de  voir  fîelle  eftim- 
mortelleven  prenant  ïe  mot  d'im* 
mortel  en  unfens  fixe  &  arrêté.  De' 
forte  que  ce  qui  rend  ce»  queflioœ 
difficiles,  c'eft  qu'on  Oe les  couloir 
pas  diflirttfemem ,  &qttetes  termes 
qui  fesejAimeat ,.  font:  équivoques  i 
Elles  ont  flùA&tfcefoin  d'explication 
que  de  preuve..         *    - 

ïleft  vraiqii^il  y  a.quekmes  pe» 

Ibnnes  aûez  thipldes ,  &  quetqu'aH- 

trea  a(fe  Imaginatives  pour  psendie 

ians  ceflè  Tame  pom  une  certaine 

I-vj, 


*p       LIVRE. SIXIEME. 

configuration  des  parties  du  cerveau;  - 
&  pour  le  mouvement  des  efprits  :  & 
H  eft  certainement    impoflïble    de^ 
prouver  à  ces  fortes  degensque  l'ame  r 
eft  immortelle"  &qu'elle  ne  peut-pé-  - 
rir  :  car  il-  eft  au  contraire  évident 
que  l'ame  prife  au  (ens  qu'ils  l'eu— - 
tendett',  eft  mortelle.  Ainfî -ce  ri'eft 
point  une-  queftion  qu^I  foit  dif- 
ficile de J  refoudre-,  mais  c'eft' une - 
propoffiionïju*iI  eft  difficile  de  faire  • 
entcndreà-desgens-,  qurn'ont  point 
les  mêmes  idées  que  nous,  &  qui: 
fonttous  leurs -efforts -pour  ne  les - 
point  avofr  &  pour  s'aveugler. 

Lors'doncqutoft  demande  fi  l'ame  r 
«ft  immortelle-,  ou  quelque  autre; 
queftion  que  ce  foit ,  il  faut  d'abord  ; 
oterl'équJvoque  <fes termes  jOefça-*  - 
voir-en  quel  (ension les  prend',  afin  ? 
de-concevoir  dîftinâement-I'état  de  - 
fa  queftion-: .  &  frceux'qui  lapropcn 
lent  ne  fçavent  comment  ils  l 'enten- 
dent!,- il  faut  les  mtenAêr  pour- 
k»  •   éclairer   &■*  -peur  Je»  déter-'  - 
miner.   Si   en  iea  interrogeant  oiv 
ïecormoît  '  qu*  leurs-idées-  ne-'s'ac-  ■ 
cOHunodent'ptûntavec  ie& -nôtres^  ÏE 
e&immile-de  leur  répondfe-Gar,', 
oftw  répondre  à  un  homme  qui  s'i- 


H 


DEEAMETH.lt. Faut:  sa: 

ttagine  qu'un  defirparexemplen'eft- 
autre- chofê  que*  ^'mouvement  de' 
q^dquesefprits ,  qu'une  penféeii'eft 
ju'une  trace  ou  qu'une  image  que* 

tes  objets  ou  les  efprhs  ont  formée  ' 
dans  le  cerveau  ;  St  quetôus  les  rah-  ■ 
lonnemtns-des  hommes  ne  coirfiïtent  ■ 
que-dans  la  différente  (kuatioo  de  ■ 
quelques  petits  corps  ,  qui' s'arran- 
gent  diverfément dans  la  tête?  Lui: 
répondre  que  Pâme  brife/dans  lefens  • 
qu*il  l'entend,  eft  înaraortelle-, 
o'eft  le  tromper  ou  le  rendre  ridicule- 
dans  Ion  efprit:  mais  lui  répondre 
qu'elle  eft  morteheOften  un  fens 
leconfirmer  dans  une  erreur  de  tres^ 
grande conféquence.  II  ne  faut  donc 
point  lui  répondre^  mafs  feulement 
tâcher  de  Iefaire  rentrer  en  lar-mê- 
nie,  afin  qu'il  reçoive  les  mêmes 
idées  que  nous ,  de  cemiquieftfeul 
capable  de  l'éclairer. 

G'eftencore  une  queftion  qui  paraît 
aflèz  difficile  à  rétoudre ,  fçavoir  G 
Its  bêtes- ont-  une  ame  :  cependant 
ferfqu'on  -ôte  l'équivoque ,  eHe  ne  * 
paroît  pins  fort  difficile;  ôc'îaplû- 
partdeteux  qui  penfent-  qu'elles  err 
ont ,  font ,  fans  le  fçavoir ,  du  iemV 
ment  de  ceux  :qui  peafent-  qu*elk*  * 
nfenontpas,. 


CCH^I, 


s 


*tt     LIVRE  SIXIEME 

L'on  peut  prendre  I'amc  pour 
quelque  chofe  de  corporel  répandu 
partout  le  ccurps ,  qui  lui  donne  le' 
mouvement  &  la  vie  „  ou  bien  pour 

fuelquecuofedefpirituel.  Ceux  qui 
ifeotque  les  animaux  n'ont  point 
d'âme,  l'entendent  dans  le  fécond  . 
fera;  cai  pâmais  homme  ne  nia  qu'il 
y  eut  dans  les  animaux  quelque 
cbofè  de  corporel,  quifîit^le  prin- 
eipe  de  leur  vie  ou  de  leur  mouve- 
ment ,  puifqu'on  ne  peut  même  le 
nier  dès  montres.  Ceux  au  «onirai- 
re ,  qui  auurent  que  les  animauxont 
des  âmes,  t'entendent  dans  le  pre- 
mier fer» jour  ily  en  a  peu  qui  croient 
que  les  animauxayentune  anaefpi- 
ritueLIe  &  hidivii^ble.  De  forte  que' 
les  Péripateticîeri*  &  les  Cartéfien*. 
croyent  que  les  bêtes  ont  une  amet 
c'eft-à-dire  un-principe  corporel  de- 
leur  mouvement  :  &  les  uns  &  les 
autres  croient  qu'elles  n'eaont  point, 
e'efUà-dire  qu'il  n'y  a  rien  en  elies 
de  fpirituel  &  d'iodivifible. 
-  Aiaû  p  la  différence  qu'il  yaetoro 
les  Péripatéticiens  &  ceux  que  l'on: 
appelle  Cartéfîens ,  n  "efl  pas  en  ce 
que  tes  premiers  croyent  que  les  bê- 
les ont  oe>  âmes ,  &  que  les  «uns a» 


DE  LA  MEUT.  JI.  PXbt.    ttf 

le  croyent  pas:  mais  feulement  en  ce 
çie  ïes-preiniers  croyent  que  les  ani- 
maux font  capables  de  fentirde  la. 
douleur  ,  du  plaifir  ,  de  voir  les  cou- 
leuKJ.d^ânfflidreIeafons,&  d'avoir 
généralement  toutes  les  fenfations  & 
toutes  les  pafiionsque  nous  avons  ; 
&  que  les  CaFtéfièns-croyBnt  lecon- 
traire.  LesCartéfiensdiftingne-nr  les 
mots.de  femiment  pour,  en  ôter.I'é- 

fiivoque.  Car  ,  par.  exemple  ils  di- 
ni ,  que  lorfqu'oa  eil  trop  proche: 
du  feu  ,  les  parties  du  bois,  viennent 
heurter  contre  la  main;  qu'elles  eut 
ébranlent  les  libres  ;  que  cet  ébranle* 
ment  (e  communique  julqu'au  cer- 
veau, qu'il  détermineleseipritsani- 
maux ,  qui  y  font  contenus ,  à  fe  ré» 
pandre dans  les  parties  extérieures-dui 
'  Corps  d'une  manière  propre  pour  le: 
Jàire  retirer.  Us  demeurent  d'accord, 
que  toutes  tes  chofes  ou  de  fembla- 
tles  fe  peuvent  rencontrer  dans-  les* 
animaux,  &qu*elless'y  rencontrent, 
cfieâivement, parce-qu'elles  ne  font: 

fit)  des  propriété!  dé  corps.  Et  les 
éripatétkieni  en  conviennent. 
Les  Cartéfiensdifent  de  plus»  que: 
dans  les  hommes  L'ébranlement  des,: 
libres  du  cerveau  eft. accompagné  du 


Goo8k 


«r   nvRB'sixt&ttÊ: 

fentiment  de  chaleur,  &  que  le  cour* 
des efprifs  animaux  vers  k  cœur  St 
vers  les  vifeeres ett  fuiride  la  pafTion 
de  haine  ou  d'averfion:  mais  m  nient 
que  ces  fentrmerts  &<eSpaffions  de 
i'ame  le  rencontrent  dans  les  bêtesl 
Lés  Péripatéticiens  auureiH  aucon 
traire  quelesbêtes  (ententauftî  bien 
que  nous  cette  chaleur  ;  qu'elles  ont 
comme  nous  dePaverGon  -pour  tout 
ce  qui  les  incommode  ;  &  gène  raie- 
ment  qu'enes-font  capables  de  tous 
les  femmiens  &' de-toutes lespaffions 
que  nous  relTentons.  Les  Caftéfiens 
ne  penfem  pas  que  les  bêtes  Tentent 
de  la  doutent  ou:  du  plaiGr ,  ni  qu'- 
elles arment  où  qu'elles'haifient  au- 
cune chofe  :  parce  qu'ils  n'admettent 
rien  qHe  de  matériel  dans  les  bêtes  , 
St  qu'ils  ne  croyenr  pas  qHe  les  fentîJ 
mens  ni  les  panions  foiem  des  pro- 
priétez  de  la-  matière  telle  qu'elle 
puiiïè  être;' Quelques  Pèripatéticien» 
ati  contraire  peraènt  que  la  matière 
eft  capable  de  femiment  &-depaC* 
fion,  lorfqu'clleeft  ,  difent-ils,  fub-' 
iHifée;  que  les  bête*  peuvent  fentie 
par  le  moyen1  des  efprits  animaux, 
<?èit-à-dire  par  le  moyen  d'une  ma-* 
«éreextrémeruent  Tout  île  &  délicate^. 


DE.1À  MEm  UIVâ&t.  *&■ 

:&quel'ame  même  n'eflcapable  de 
jèntiraent  &  de  paillon  qu'à  caulè 
qu'elleeft  UBÎeà  cette;  matière. 

Ainiî  pour  réfoudre  la  queftion  fi 
les  bêtes  ont.  une  ame,  il  faut  rentrer 
en  lôt-même,  &  oonfidéreravectouB 
te  l'attention  dont  on  efl  capable; 
l'idée  que  l'on  a  de  Lunariére.  Et  fi 
l'on  conçoit  que: la  matière  figurée' 
d'Une  telle  manicre,  comme  en  quart 
ré ,  en  rond ,  en  ovale ,  Toit  de  la  ■ 
douleur ,  du  phiifir ,  deïachaleur ,  - 
de  la  couleur,  de  l'odeur',  du  fou,. 
&C.  on  peut  affurer  que  l'amer  des 
bêtes,  quelque  matérielle  qu'elle' 
foit ,  efl  capable  de  fentir.  -  Si  on.  na  ■ 
le  conçoit  pas  ,  tl  ne  le  faut  pas  dire, 
car  il  ne  faut  aifiirerque  ce  que  l'on 
conçoit.  De-même  fi  ton  conçoit: 
que  de  la- matière- agitée  de- bas  en 
haut  ,.de  haut  enibas,  en  ligne  cir- 
culaire., fpirale.-,  parabolique ,  ellip- 
tique, &c.  foit  un  amour,  une  haine, 
on  joie,une  trifteflè  ,&c.  on  peut  dire  ' 
que  les  bêtes  ont  les  mêmes  pallions - 
jue  nous:  lion  ne  le  voit  pas,  il  ne- 
ie  faut  pas  dire.,  à  moins  qu'on  ne  ■ 
veuille  parler  fans  fçavoir  ce  qu'ont 
dit.  Mais  je  penfe  pouvoir  affiner 
qu!on   ne  croira  jamais    qn'aucuru 


C,oo3k 


2 


40    livre  sixième . 

mouvement  de  matière  puifTe  être" 
nn  amour  ou  une  j  oie ,  pouevîi  que 
l'on  y  penfe  férrenfiement,  De-  forte 
que  pour  réioodrecetteqiieftiait,  fi 
lés  faetes Tentent,  M  ne  fia»  ({n'avoir 
loin  d'en  ôter  l'équivoque  ,  comme' 
fom  ceux  ,  qu'on  fe  plair  d'appelfer 
Cartéfieu»  ;c»onui  réduiia  aiïiffi 
à  nw  queftioJi  fi  ample,  qu'unc 
medioCTe  aoention  d'esprit  ftiflàca 
pour  ta  rélbudre. 

li  eftvtarquefitntÀogiiilm,  fiipv 

potant  félon  le  préjugé  coamton  a 

tous  Les  hommes  que  tes  bé  tes  ont 

uneame:  an  moins  n*aii-ie point  lu 

qu'il  l'ait  jamais  examine  fcriea  fe- 

ment  dans  fes   ouvrages,  ni  qu'il 

l'ait  tevoqué  en  doute  j  âcs'appeite>- 

vant  bien  qu'il  y  acontiadiaion.de 

dire  qu'une  anoe  ou  hoc  fiife&mce 

qui  penfe ,  qui  fera ,  qui  délire ,  Sec 

*     mû  matérielle,  il  a  cm  que  I'amedes 

Bêtes  étorr  eôêâivcment  fpmtneHe 

JmffrC "&indrvï(2ue,UapïouTéparde»ni* 

•riji»cfc.1}Jlans  très-évidentes  que  toute  soie , 

£(*  **■"''- c'efi-àMËre  tout  ce  qui    fera,  qui 

aiiicuîr*    imagine,  qui  craint ,  qui  défire,  «c. 

eft  néceuâi rement  fpirituei  :  mais  je 

n'ai  poim   remarqué  qu'il  ait  et* 

quelque  raifoii  d'aÔuxer  que  le»  bê~ 


DE  LA  METH.  II.  Fart,  ity 
■  te&  ont  des  âmes*  II  ne  fe  met  pas 
même  en  peine  de  le  prouver,  par- 
ce qu'il  y  a  tien  del'apparence  que 
de  khi  tons,  Hrfy  avoir  perfbnne 
qui  en  doutât. 

Préfenrement  qu'il  y  2  des  gens 
qui  tâchent  de  fe  délivrer  entière- 
ment de  leurs,  préjugez,  &  qui  révo- 
quent en  doute  toutes  les  opinions 
qui  ne  font  point  appuyer»  fur  des 
raifonnemens  clairs  61  démonftrarï  fs, 
on  commence  à  douter  fi  les-  animaux 
ont  une  ame  capable  des  mêmes  feir- 
timens  &  des  mêmes  pariions  que  les 
nôtres:  Mais  il  te  trouve  toujours  plu- 
fieursdétenfeurs.despréiueez,qui  pré- 
tendent prouver  que  tes  beteslentent, 
veulent,  penfeiit,  &  raifonnem  mê- 
me comme  nous,  quoique  d'une  ma- 
nière beaucoup  plus  imparfaite. 

Les  chiens.,  difent-ils,  cormoif- 
fem  leurs  maîtres  ,  ils  tes  aiment,  ils. 
fouffrent  avec  patience  les  coups  qu'- 
ils en  reçoivent,  parce  qu'ils- jugent 
qu'il  leur  eft  avantageux  de  ne  les- 
point  abandonner  :  mais  pour  les. 
étrangers  ils  les  hainent  de  telle  for- 
te qu'ils  ne  peuvent  même  fouffrir 
d'en  être  carreliez.  Tous  les  animant 
ont  de  l'amour  pour  leurs,  petits:  & 


Goo8k 


iSo  -UVRE  SIXIEME. 
césoifeauxqui  font  leurs  nids  à  Pér- 

tremité  des  branches,  font  aflëz  con- 
noître  qu'ils  appréhendent  que  cet- ' 
tains  animaux  ne  les  dévorent  :  ils 
jugent  que  ces  branches  font  trop  foi- 
blés  pour  porter  leurs  ennemis,  <8c 
aflèz  fortes  pour  foûtenit  leurs'petits 
ocieurs  nids  tout  enfemble.  II  n'y  a 
pas  jufques  aux  araignées  &  int- 
ernes aux:  plus-  vils  nuedes-quine 
donnent  des'  marques  qu'il  y  aquel- 
que  intelligence  qui  les 'anime:  car 
onne-peut  s'empecherd'admirer  la 
conduite-  d'un  animal ,  qui  tout  fai- 
ble qu'ileil;  trouve  moyen  d'en  fur- 
prendre  dans  fes.filers^d'autresqui 
ont  des  yeux  Si  des  ailes,  &  qui  font 
allez  hardis  pour  attaquer  les  plus 
gros-animaux,  que  nous  voyions. 

II  eft  vrai  que-tontes  les  aâ  ions  que 
font  les  bêtes,  marquent  qu'il  y  a 
Une  intelligence  ;  car  tout  ce  qui  eft 
réglé  le  marque.  Une  montre  même 
le  marque  :  il  eit  impoflible  que  le 
bazard-enoompofe  les  roues.,  &  H 
faut  que  ce  foit  une  intelligence  qui" 
en  ait  réglé  les  mouvetnens*  On  plan- 
ts une  graine  à  contre  fens,  les  ra- 
cines qui  fortoient  hors  de  la  terre  -, 
s1/: enfoncent^  d'elles-mêmes  ;  &.It, 


DE  LA  METH.  II.  Part,  AÎi 
germe  qui  étoit  tourné  vers  la  terre , 
fc  détourne  auffî  pour-en  fortîr  :  ce- 
la marque  une  intelligence.  Ceçte 
plante  fe  noue  d'efpace  en  efpace 
pour  fe  fortifier;elïe  couvre  fa  graine 
'd'une  peau- qui  la eonfervej  elle l'en- 
vironne  de  piquarjspour  la  défendre-, 
cela  marque  une  intelligence.  Enfin 
tomcequenousvoyonsque.font  les 
plantes  auflî  bien  que  les  animaux , 
marque  certainement  une  intelligen- 
ce. Tous  les  -véritables  Cartéfiens 
^'accordent.  Mais  tousses  véritables 
Cartéfiens  diftirçuent  ,^tajc  'ils  ôtent 
.autant  qu'ils  Doivent  l'équivoque 
des  termes. 

'Les  -mouvemens  des  bêtes  &  des 
plantes  marquent  iyie  intelligence,: 
mais  cette  intelligence  n'eft  point  de 
la  matière  :  elle  eft  distinguée  des 
bêtes,  comme  celle  qui  arrange  les 
roues  d'une  montre,  eft  diftinguée 
.  de  la  montre.  Car  enfin  cette  intelli- 
gence paraît  infiniment  fage,  inff- 
1  nimem  jmiûante  ,  &  la  même  qt\i 
fious  a  formé  dans  Iefein  de  nos  mè- 
res ,  &  qui  nous  donne  l'accroifle- 
ment  auquel  nous  ne  pouvons  pat 
tpus  les  efforts  de  nôtre  efprit  &  de 
.nôtre  volonté  ajouter  une  coudée;. 


Coogk 


atfi     tIVRE  SÏXttfME. 

AtnG  dans  les  animaux  if  n'y  a  m 
intelligence  tù-ame ,  comme  on  l'en- 
tend ordinairement.  Ils  mangent 
fansplaiûr ,  ils  crient:  fans  douleur, 
ils  croiflènt  fans  le  fçavoir  :  ils  nede? 
fnent  rien,  ils  ne  craignent  rien ,' 
ils  ne  connoiflent  rien  ;  &  s'ils 
agiûent  d'une  manière  qui  marque 
intelligence  ,  c'efl  que  Dieu  les 
ayant  faits  pour  les  confèrrer  , 
iï  a  formé  leur  corps  de  telle  Eu 
çon,  quiis  évitent  machinalement- 
&  fans  cr  aime ,  tout  ce  qui  efl  capa- 
ble de  les  détruire.  Autrement  il 
£uidroit  dite  qu'il  y  a  plus  d'imeUr- 
gence  dans  le  plus  petit  de»  animaux, 
ou  même  dans  une  feule  graine  que 
dans  le  plus  fpi  rituel  de*  hommes  s 
car  il  efl  confiant  qu'il  y  a  piw  de 
différentes  parties,  ÔVqu'jIs'ypPÔ- 
duit  plus  de  mon  veniens  réglez ,  que 
nous  ne  femmes  capables  d'en  con* 
noître. 

Mais  comme  les  hommes  font  ao 
coû  tbmez  à  confondre  toutes  qUofes  t 
St  qu'ifs  s'imaginent  que  leur  atne 
rwoduiidans  leur  corps  prefquc  tou* 
tes  mouvemens  &  tous  te$  dhange- 
inens  qui  lui  arrivent;  ifs  attachent 
fauûeuieut  au  mot  d'awe.  i'jdge  de 


BEXA  METH.  II.  Part.    t€% 

pt»duflrice  &  de  confervaïrioe  du 
cqjps.  Ainfi  pendait  que  leur  ame 
produit  en  eux  tout  ce  qui  efta&fo- 
tiirneot  nécdlàiiE  à  la  confervation 
de  leur  vie ,  quoiqu'elle  ne  {cache 
pas  même  comment  le  corps  qu'ello 
anime  eil  epmpofé;  ils  jugent  qu'il 
fam  lulceflài rement  qu'il  y  ait  une 
ame  dam  les  bêtes  pour  y  produire 
tous  les  mouvemens&tousiesclianf 
gemeos  qui  leur  arrivent ,  à  eaufe 
.qu'ils  font  aflèx  femblables  à  ceux 
qui  Ce  font  dans  notre  corps.  Car  les 
bêtes  Gtengeudrent ,  fe  monrriflênt , 
Xè  fortifient  comme  notre  corps  :  el- 
les boiront,  mangent ,  dorment  corn- 
me  usons:  parce  que  nous  femmes  en- 
tièrement fembiafcïes  aux  bêtes  pac 
le  corps,  &  que  tome  la  différence 
qœ';l  y  a  entre  nous  &  elles,  c'eû  que 
aous  avons  une  ame  &  qu'elles  n'en 
ont  pas.  Mais  l'âme  que  nous  avons 
ne  forme  point  nôtre  corps,  elie  ne 
digère  point  nos  atïmeos,  elle  né  don- 
ne <point  le  iricuryernenr  &  la  chaleur 
à  notre  &ng.  Elle  fent ,  elle  veut  ; 
«lié  ranibnne  :  Elle  anime  le  corps  «tt 
ce  fensqu'elleades  (êntimens  dw 
paffieœ  qui  ont  rapport  à  lui.  Mais 
ecKtaft  point  qu'elle  te  répande  dans 


?S4  'LIVRE  SIXIETHE. 
nos  membres  pour  leur  commtfHfc 
«nierlefentimenr&la  vie,  carrière 
corps  ne  peut  rien  iccevoir  de  ce  qui 
ferencontEedans.nôtreefprit.  \II  eft 
donc  clair  queia  raifon  pour  laquelle 
on  ne  fçanroit  réfoudre  la  plupart 
des  queftions,  c'eft  qu'on  nediflingue 

Sas,  &  qu'on  nepenfe  pas  même  à 
iftinguer  différentes  choies  qu'ua 
même  mot  fignifie. 

Ce  n'eu  pas  que  l'on  ne  s'avifè 
quelquefois  de  diiïhiguer  ;  maïs  fou- 
vent  on  le  fait  fi  mal,  qu'au  lieu 
d'ôter  l'équivoque  des  termes  par  les 
diftinâions  que  l'on  donne  ,  on  ne 
fait  que  les  rendre  plus  obfcurs.  Fat 
exemple,  lorfqu'on  demande,  fî  le 
corps  vit,  comment  il  vit,  &  de 

Ïuelle  manière  l'âme  raifonnable. 
anime ,  fi  Iesefprits  .animaux,  le 
fang,  &  les  autres  humeurs  vivent-; 
£  les  dents,  les  cheveu»,  les  ongles 
font  animez ,  Sec.  on  diftingues  les 
mots  de  vivre&  d'être  animé ,  en  vi- 
vre ou  être  animé  d'une  ame  raifon- 
nable,oud'une  ame  femîtive,ou  d'une 
ame  végétative.  Mais  cette  diûindion 
ne  fait  que  confondre  l'état  de  1? 
queflion ,  car  ces  mots  ont  eux-mê- 
mes-befoin  d'explication,  &  peut- 
.êas 


DELA  METH.  IL  Part.  a*5 
Jkre  même  ,  que  les  deux  derniers , 
.ameï'e.f  étatn>e,ame  fenfitht  font  inex- 
jjliquables  &  incompréhenlïbles  de 
3a  manière  qu'on  l'entend  ordinai- 
rement. 

Mais,  li  î'on  veut  attacher  quel- 
que idée  claire  &  diftinde  au  mot  de 
vie,  on  peut  dire-quela  vie  de  I'arae 
•efl  la  connoiflance  de  la  vérité  &  l'a- 
mour du  bien ,  ou -plutôt  que  fa  pen- 
fee  eft  fa  vie  :  &  que  la  vie  du  corps 
confifle  dans  la  circulation  du  fang 
-&dans  le  jufie  temperaminent  des  hu- 
meurs ,  ou  plutôt  que  la  vie  du  corps 
<fl  le  mouvement  de  fés  parties  pro- 
pre pour  fa  confervation.  Et  alors  les 
idées  attachées  au  mot  de  vie  étant 
■claires ,  il  fera  aflez  évident.  I.  que 
l'âme  ne  peut  communiquer  fa  vie  au 
corps.car elle  ne  peut  le  faire  penfer, 
.qu'elle  ne  peut  lui  donner  la  vie  par 
laquelle  il  fe  nourrit ,  il  croit ,  &c 
puis  qu'elle  ne  fçait  pas  même  ce 
.-qu'il  faut  faire  pour  digérer  ce  que 
Ton  mange.  3.  qu'elle  ne  peurfe  faire 
femir,  puifque  la  matière  efl  incapa- 
ble de  fentiment,  &c.  On  peut  enfui 
refondre  fans  peine  toutes  les  autres 
■queflionsque  l'on  peut  faire  fur  ce 
iujet ,  pourvu  que  les  termes  qui  les 
Tome  III.  M 


Goo8k 


i0:     UVR5  SpCIE'ME- 

énoncent,  réveillent  des,  idées  clarrttir 
&ilefl  impeflible  de  les  réfoudre  4 
fi;  les  :idées  des  termes  qui  les  expri- 
ment,  font  confufes  &  obfcures. 

Cependant  il  n'eft  pas  toujours 
aJifolument  néœfTuire  d'avoir  des 
idées ,  qui  repréfentent  parfaitement 
les, choies  dont  on  veut  examiner  les 
rapports  :  il  fuffitfouventd'en  avoir 
une  coRnoiflànge  imparfaite  ou  com- 
rgençcÇ:,  parce  que  fou.  vent  l'on  ne 
cbetshe.pointid'enconnoîtire  esfaôe- 
mgnt-Ies  rapports.  J'explique  ceci. 

H  ya,des  vérité?  ou  des  rapports 
.de,4eiut  fortes:  H  yen  ad'éxaflemenj. 
oanpus,  ôs  d'autres  que  l'on  ne  cou- 
npjt.  qu'imparfaitement,  Oncorwoft 
e«sâçmsnt  le  rapport  en«p  un  tei 
qtmrré  6c  un  tel  triangle  ;  mais  on  ne  ; 
cq/wqîc  qu'imparfaitement  le  rap- 
port qui  efl  entre  Paris,  St  Orléans.: 
on  fçait  que  le  quarté  efr^égat-aù, 
t  rianglç  ,  ou  qu'il  en  efl;  dqq&le ,  tri*. 
!ple ,  &.c  mais  on  fçait  feulement  que 
Panse ft  plus  grand  qu'Orléans ,  .(ans 
fçavoirau  julîe  de  combien. 

De  piu&^eutre  Içs  cennoiflânce» 
imparfaites ,  il  y  eu  a  d'une,  înlïnité 
dp  degré?,  &  même  toutes  ces  coo- 

jiciJIiinçesnefontiniparfeitesquepar 


CELA  METH.  II.  Parti   iS7 

■rapport  aux  connoiffànces  plus  par- 
itaires. Par  exemple,  on  fçatr.  paclaice- 
;raent-que  Paris  eft  plus  gtandqtie  la 
Place  Royale  ;  &  cette  cormoiÏTance 
n-'efl  imparfaite  que  par  rapport  à 
une  connoiflauce  exa<te  >  félon  la- 
quelle on  fçauroitau  jufledecom- 
bien  Paris,  eft  plus  grand  que  cette 
place  qu'il  renferme. 

Ainfrjlyades  questions  de  plu- 
jieirrs  fortes,  t.  H  y  en  a  dans  lefqn el- 
les on  recherche  une-  connoiflance 
parfaite  de  tous  les  rapports  exads, 
quedeuxou  phifieurs  cîiofes  onten- 
tc'elles. 

a,  Iliyenadanslelqueiles  on  re- 
■cberche  la  connoiflance  parfaite  de 
-quelque  rapport  exati  qui  efl  entre 
.deux  ©n:  plunaurfi ebofess. 

j.  El  y  en  a  daiOB  IeJ%ueHesoni  re- 
cherche une  connoilTanca  parfaite  de 
quelque  rapport  afïcz  approchant  du 
rapport  exaâ,  qui  eu  entre  deux  ou 
plufieu®  choies. 

4..  Ilyenadans  Iefqueiïesan  re- 
cherche feulement  de  reconnaître  un 
rapport  aflez  vague  &  indéterminé. 

Iieft-évident,  1.  Que  pour  réfou- 
dre des  guettions  dit.  premier  genre, 
&■  pour  connoltœ  partaitrmcivt  tous 


•aSg  LTVRE  SIXIEME, 
les  rappons  exads  de  grandeur  &  Se 
qualité  qui  font  entre  deux  ou  plu- 
fieurs  chofes  ,  il  en  faut  avoir  des 
idées  diflindes  qui  ies  reprefentent 
parfaitement ,  &  comparer  ces  cho- 
ies félon  toutes  les  manières  poffi- 
bles.  On  peut ,  par  exemple ,  réfou- 
dre toutes  les  queftions  qui  tendent 
à  découvrir  les  rapports  exads  qui 
font  entre  2  &  8 ,  parce  que  2  &  8 
étant  exactement  connus,  on  peut 
-  les  comparer  enfamble  eu  toutes  les 
manières néceffatres,  pouren  recon- 
noître  les  rapports  exads  de  gran- 
deur ou  de  qualité.  Onpeutfçavoic 
que  3  eft  quadruple  de  2,  que  8  &  % 
font  des  nombres  pairs ,  que  8  &  2  ne 
font  point  des  nombres  quarrez. 

II  eftclair  en  fécond  lieu,  que  pour 
refondre  des  guettions  dufecond  gen- 
re ,  &  pour  connoître  exadement 
quelque  rapport  de  grandeur  ou  de 
qualité  qui  efl  entre  deux  ou  plu- 
sieurs cliofes,  il  eft  néceffaire  &  il 
fuffit  d'en  connoître  tres-diftinâe- 
ment  ies  faces ,  félon  lefquelles  on 
dwit  les  comparer  pouren  découvrir 
le  rapport  que  l'on  cherche.  Pat 
exemple,  pour  réfoudre  quelquesr 
unes  des  guettions  qui  tendent  à  dé> 


Goo8k 


ÛE  LA  METtf.  II.  Part.  ié9 
c#ivrir  quelques  rapports  exads  erï- 
tig4  &  16,  commeque'4  &  16  font  des 
nombres  pairs  &  des  nombres  quar- 
rez ,  il  fuffit  de  fçavoir  exactement 

?ue4&  16  fe  peuvent  divifer  farts 
raction  par  la  moitié ,  &que  l'un  & 
Pautre  eft  le  produit  d'un  nombre 
multiplié  par  lui-même,  Se  il  eft  inu- 
tile d'examiner  quelle  eft  leur  vérita- 
He  grandeur.  Car  il  eft  évident  que 
pour  reconnoître  les  rapports  exacts 
de  qualité  qui  font  entre  les-  chofes", 
il  fuffit  d'avoir  une  idée  tres-diftincte 
de  leur  qualité ,  fans  penfer  à  fait 
grandeur,  &  que  pour  reconnoître 
îeursrappôrts  exacts degrandenr,  iï 
fuffit  de  connoître  exactement  leur 
grandeurfans  rechercher  Ieurvérr1- 
t-abl'e  qualité. 

II  eff  clair  en'  troifîéme  lieu  ,  que 
pour  réfoudre  des  queftions  du  troi- 
sième genre,  &pourconnoîtrequef>- 
que  rapport  allez  approchant  du  rap- 
port exaâ  qui  eft  entre  deux  ou  plu- 
fieurs  chofes ,  il  fuffit  d'çn  connoître 
à  peu  prés  les  faces  ou  Ies_côtez, félon 
Iefquelles  on  doit  les  comparer ,pour 
découvrir  le  rapport  approchant  que 
Pon  cherche ,  foit  de  grandeur ,  fait 
de  qualité.  Par  exemple,  je  puisfça-- 
M  iij 


£ 


*7o      IJVRE  5IXIFME. 

voir  évidemment  que  Vg  eft  oins 

grand  quca,  parce  que  je  puis  Sa- 
voir à  peu  prés  la  vcruabïe grandeur 
de  ^8,  mais  jerne puis connoître de- 
combien  V8  efl  plus  grand. que  i, 
parce  que  je  ne  puis  connoîue  exac- 
tement la  véritable  grandeur  de  V8. 
Enfin  il  eft  évident  que  pour  refon- 
dre des  questions  du  quatrième  gen- 
re, &  pour  découvrir  des  rapports 
vagues  &  indeterrainez ,  il  fuffit  de 
connoîue  les  chofes  d'une  manière 
roportïonnée  au  befoin  que  Tona 
e  les  comparer  pour  découvrir  les 
rapports  que  l'on  cherche.  De  forte- 
qu'il  n'eil  pas  toujours,  uéceflàire 
pour  Eefoudre  toutes  .Cartes,  de  qnef- 
tïons,  d'avoir  des-  idées  txes-difiino 
tes  de  leurs  termes  ,  c'eft-à-dire  de- 
connoîcre  parfaitement  les  chofes 
que  leurs  termes  fignifiem.  Mais  il 
eft  néceflàire  de  les  conooître  d'au- 
tant plus,  exactement ,  que  les-  rap- 
ports qu'on  tâche  de  découvrir,  font 
plus  exacts  &en  plus  grand. nombre 
Carcomme  nous  venons.de  voir ,  il 
fufnt  dans  les  queftions.  imparfaites, 
d'avoir  des  idées  imparfaites  des  cho- 
fes que  l'on  confîdere ,  afin.de  refon- 
dre ces  queftions  parfaitement,  c'eftr 


C£lAM£nr.n.FAirr.  *7r 
3-dire  fefon  «qu'elles  comrênnent. 
Et  l'on  peut  même  refondre  fort  bien 
des-queflions ,  quoique  l'on  n'ait  au- 
«meidéedittirnSe'dés termes qui  les- 
expriment..  Cat  lorfqu'on  demandé, 
fi  le  feu  efl  capable  défendre*!  fel,. 
de  durcir  de  la  boue,  de  faire  éva- 
porer du  pïoftib,  &.  mille  suTrescner- 
m  fetsifeïaWes ,  cm  entend  parfaite1- 
iwent  tes  queftiom  ,  &  i'oft  peut 
fort  bien  tes  refondre  ,  quoiqu'on 
«'ait  aucune  idée  dhlmâe  du  feu ,  Âï 
fèï  ,  de -la  bout;,  Sec.  Parcequêceuîs 
^iii  font  ces  demandes  ventent  feule- 
ment fiçavoir  fi  l'on àquelque expè- 
tfetfce  feiifibïe  ,  que  le  feu  ait  pro- 
«tait  ces  effets  :  Oeft  pWrqtîoi ,  ïelon 
ieseonnoiftancesquèPon  a  tirées  de 
fes  féns,  on  leur  répond  d'une  rites- 
niere  capaMe  de  le*  teiXeBWï. 


CHAPITRE    Vit!. 

'Appîicttion  des  -Mtfti  iHgtifs  à   d& 

IL  y  a  des  guettions  de  deu-li  fi»- 
les ,  de  fimplefc  &  de  rampofeesv 
Sa  rcfôiuûûn  dft  premières  ne  dê> 
Aliiij 


■  .CoT^k 


vp.      ITVRE  SIXIPME 

pend  que  de  la  feule  attention  âc 
refprit  aux  idées  claires  des  termes 
qui  les  expriment-  Les-autres  nefe- 
peuvent  réfoudre  que  par  comparai- 
Ion  à  une  troilîéme  ou  à  plufieurs 
autras  idées.  On  ne  peut  découvrir 
-les  rapports. inconnus.,  qui  font  ex- 
primez par  les  termes 'de  la  quefUon, 
en  comparant,  immédiatement  les 
idées  de  ces  termes ,  car  elles  ne  peu? 
vent  fe:joiadreou  fe  comparer.  II 
faut  donc  une  ou  plufieurs  idées 
moyennes ,  afin  de  faire  Iescompa- 
-taifona  néceûaires  pour  découvrir  ces. 
Jappons  :&obferver  exactement  que- 
ces  idées  moyennes  forent  claires  & 
diftincles ,  àproportionquel'on  târ 
ehe  dedécouvrir  des  rapports  plus 
exacts  &  en  plusgrand  nombre. 

Cette-régie  n'eil  qu'une  fuite  de  la 
première ,  &  elle  eft  d'une  égale  im- 
portance. Car  s'il  eftnéceflàire  pour 
connoître  exaâement  les  rapports. 
des  choies  que  l'on  compare ,  d'en 
ayoitdes  idées  claires  &  dïftinâes.: 
ilefl  néeeflaire  par  Ia.même  raifort, 
de  bien  connoître.Ies  idées  moyennes 
çaï  IefqueHe»  on  prétend  faire,  ce», 
eomparaifons;  puifqu'il  faut  connoir 
cre  diiliiiflenieat  le  rapport  de  la 


DE  LAMETH,  II.  Paît,    btj 

mefure,  avec  chacune  des  chofesque 
l'on  mefure  ,  pour  en  découvrir  le* 
rapports.  Voici  des  exemples. 

Lôrfqu'on  laine  nager  librement  iiptScuiat- 
.  un  petit  vafe  fort  léger ,  dans  lequel  de.£  P'°'  j 
il  y  a  une  pierre  d'aiman  ,  fi  l'on  fairan,' 
vient  à  préfemer  au  Pôle  Septentrio- 
nal de  cet  aimanle  niêmePoIed'un 
autre  aiman  que  l'on  tient  entre  Tes' 
mains  :  auffi-tot  on  voit  que  le  pre- 
mier aiman  fe  retire  ,  comme  s'il 
étoit  poulie  par  quelque  vent  vio- 
lent. Et  l'ondenredefçavoir  Jacaufe 
de  cet  effet. 

11  effariez  vifible.que  pourren-- 
dre  raifon  du  mouvement  de  cet  ai- 
man ,  il  ne  iuffit  pas  de  connoît  re  les 
rapports  qu'il  a  avec  l'autre  :■  cas 

?uandmêmepn  les cOnnohrok  par-' 
iitement  tous,  on  ne  pourrait  pas 
comprendre  comment  ces  deux  corps' 
fepourroient  pouffer  fansfe  rencon-- 
trer. 

II  faut  donc  examiner  quelles  font' 
les  chofet  que- l'on  connoît  diflinâe-  ■ 
ment  être  capables-  félon  l'ordre-  de 
la  nature-  de  remuer  quelque :  corpSi 
car  il  eft  qiieltion  de  découvrir  la  : 
caufe  naturelle  du  mouvement  de' 
taiman  ,.  qui  eft  certainemeni;  un" 


GooSk 


*74     LIVRE  SIXIEME 

corps.  AinSil  ne  faut  poinc  recourir 
à  quelque  qualité,  à  quelque  former 
ou  à  quelque  entité  que  l'on  ne  con* 
nott  point  clairement  être  capable' 
de  remuer  les  corps,  ni  mêaie  à  quel* 
que  intelligente  :  car  on  ne  Içah 
point  avec  certitude  que  les  intelli- 
gences- foient  les  caufès  ordinaires- 
des  mouTemerrs  natUTels-des  corps,  fit 

même  il  elles  peuvent  produite  du 
mouvement. 

On  Ccai  t  évidemment  que.  c'eft  une 
loi- de  la  nature,  que  les  corps  fe  te- 
Baiient  les  uns  les  aunes ,  lotlqu'il* 
fit  rencontrent,  îl  faut  donc  tâchée 
d'expliquer  le  mouvement  de-  I'ai- 
man  par  le  moyen  de  quelque  corps 
qui  le  rencontra;  II'  eft  vrai  qu'il:  fe 
peut  Êùre  qu'il1  y  ait  quelque  autr* 
Âliofe  qu'un  corp».  qui  le  remue  i 
■«m  li  Ton  n'a  point  d'idée  drftrnâe 
de  cette  choie-,  ii  ne  fent  point  s'en, 
fervîr  commed*un  moyen  receva&l*' 
jiDu-f découvrit1  cequ'on  cherche ,  ni. 
jour  l'expliquer  aiix'Mtees.  Car  ce 
rfeftpas-  rendrerailbnâ'unefti,  que- 
*en  donner  pour  caufe-  une  ehoft- 
«îe-petfonne  ne  conçoit  clairement. 
»  me  feut  donc  point  fe  mettre  «*> 
ftifte  tf»f  *,  «iV)Ll^a<p»qu«^ 


BEiÀMEmrr.pART.  »# 

que  autre  caufe  naturelle  du  mouve- 
ment des  corps  ,  que  leur  mutuelle 
rencontre  :  il  faut  plutôt  fuppofet 
qu'il  n'y  en  a  point ,  Se  confidèreC 
avec  attention  quel  cof  ps  peut  ren- 
contrer Si  remuer  cet  aiman. 

On  voit  d'abord  que1  ce  n'eft  pas 
Paiman  qu'on  tient  en  main ,  puif- 
qu'il  ne  touche  pas  celui  qui  efl  re- 
.  mué.  Mais  parce  qu'il  n'eft  remué' 
qu'à  l'approche  dé  celui  qu'oti  tieni 
en  main  ,  fit  qu'il  ne  fl! remue  pas  dé' 
lui-même  :  oh  doit  conclure  ,  que 
bien  que  ce  ne  (bit pas  l'aiman  qu'on' 
rient  qui  le  retiiuëjce  doit  être  quel- 
ques petits  corps  qui  eh  foftéht;  & 
qui  font  pouffez  pat  lui  vers  l'autre 
aiman. 

Pour  découvrit  ces  petits  corps , 
H  ne  faut  pas  ouvrir  les  yeux ,  & 
s'approcher  de  cet  aiman  :  car  les 
iènsimpoferoîent  àia  raifbh  :  6c  I*or* 
jugeroit  pédt-être  qu'il  rië  fort  rien' 
de  l'armait ,  a  caille  qU'ori-  ri'eri  voit 
rien  foriir.  Otl  rie  fe  fouviéhdràit 
peat-êrrepas,  qu'on  né  voit  pas  lefi 
vents  mêmes  les  plus  impétueux ,  ni  ,0h 
la  matière  fubtile  qui  *  pffmïtfVe^  w>  parte  u 
rient  produit  tous  les  effets  nahireîs.  f/™"^ 
Jfcfiut  fe  tenir  ferme  àcémoyeri  tres-^ufiment.. 
Mvj 


•  GooSk 


vt6   .  livre  sixi&me. 

clair  &  tres-intelligible ,  &examÊ-- 
neravec  foin  tous  les  effets  de  l'ai-1* 
mari,  afin  de  découvrir  comment  il- 
peut  fans  ceflè  pouffer  hors  de  lui  ces. 
petits  corps ,  fans  qu'il  diminue.  Cat 
les  expériences  que  l'on  fera  ,  dé- 
couvriront que  ces  petits  corps  qui 
fortentpar  un  côté,  rentrent  incon- 
tinent par  l'autre  ;  &  elles  ferviront. 
à  expliquer  toutes  la  difficulté*. que. 
l'on  peut  former  contre  la- manière. 
de  refoudre  cette  queflion.  Mais  il. 
faut  bien  remarquer  qu'où  ne  de- 
vroit  pas  abandonner  ce  moyen,, 
quand  même  oit  ne. pourrait  répon- 
dre'à-quelques  difficultez  appuyées, 
fur  l'ignorance  pu.  l'on  eft.de  .beau- ■ 
coupdechofes. 

Si  l'on  ne  fouuartepas  cVexami-- 
ner ,  d'où  vient  que  les  aimans  fe  re-> 
pouûent^  lorfqu'on  leur  oppofe  les. 
mêmes  pôles  :  mais  -plutôt  d'où  vient . 
qu'ils- s'approchent  &  qu'ilsfejor- 
gîientïîun  à  l'autre,  Iorfquel'onpre-- 
fentete  pôle,  feptentrional  de.l'un  au  ; 
pofe  méridional  de  l'autre,  la  qiief-- 
.  non  fera  plus  difficile,  &  un  feul. 
moyen  ne.fnffira.pas  pour  la  réfou-- 
dre: Ce.neft'point  aflez  deconnoître: 
.asaâemeni  les  rampons  qui  font  en,. 


Goo8k 


BELAMETH.II.Pabt.  177- 
«reles  pôles dece»  deuxaimans,  ni' 
de- recourir  au  moyen  que  l'on  a 
pris  pour  la  queîUon.précécIeiite.caj: 
ce  moyen  fembleau  contraire  empê- 
cher l'effet  dont  on  chercherait  la 
caufe.  II  ne  faut  point  auffi  recourir 
à  aucune' dei  chofe.  que  nous  ne" 
connoilTons  point  clairement  être  les 
caiifes  naturelles  &  ordinaires  des 
mouvemens  corporels  ,  ni  nous  dé- 
livrer de  la  difficulté  de  la  queftion 
par  l'idée,  vague  &  indéterminée' 
d'une  qualité  occulte  dans  les  aimans, 
par  laquelle  ils  s'attirent  l'un  l'autre;; 
çarleiprit  ne  peut  concevoir  claire- 
ment qu'un  corps  en  puiiïè-  attirer 
un  autre. 

L'impénétrabilité  des  corps  (ait 
clairement  concevoir  que  le  moU' 
vement  fe  peut  communiquer  par 
impullion,  &  l'expérience  prouve 
fans  aucune  obfcufcité  qu'effective- 
ment il  fe  communique-  par  cette  • 
yoye.  Mais  il  n'y  a  aucune  railon* 
ni  aucune  expérience  qui .  démontre 
clairement  le  mouvement-  d'dttreçt-- 
tien:  car  dans  Iesexpériencesqui  Terni 
blentles plus: propres  à- prouver  cette' 
afpece  de  mouvement ,  on  reconnoît 
ïiiîblemeiniorfqu'on  en  découvre  .la1 


C,„„sk- 


VfS   XtVltE  SIXIEME. 

eaufe  véritable  &  certaine ,  guecC1 
qui  paroiiibit  fe  faire  par  attraction  » 
ne  fe  fait  que  par  impuiiten.  Ainfî  il 
ne  faut  point  s'arrêter  à  d'autreoom- 
tnunication  de  mouvement  qu'à  celle 
qui  fêtait  par  impulfion  :  puifque 
cette  manière  eft  certains  &  incontef- 
table,  &qu'ily  adu  moins  quelque 
bbfcurité  dans  les  autres  qu'on  pour- 
roit  imaginer.  Mais ,  quand  on  pour- 
rait même  démontrer ,  qu'il  y  a  dans 
les  chofes  purement  corporelles  d'au- 
tres principes  de  mouvement  que  la 
ieticdnrfê  des  corps  j  on,ne"pbùrroii! 
îaîfonnabierhent  rejetter  celui-ci. 
L'on  doitrriêmes'y  arrêter  préfêra- 
blement  à  tout  autre:  puifqii'il  elt  le 
plus  clair  &  le  plus  évident ,  fit  qu'il 
paraît  fi  ihcohteflâble  -,  qu'on  ne 
craint  point  d'àflùrer  qu'il  a  été  reetî 
de  tous  les  peuples  &  dam  torts  les 
Kms. 

L'expérience  fait  cohnôître,  qu'ut* 
aimait  qui  ridge  librement  fur  l'eau, 
j'approche  de  celui  qu'on  tient  eri  fe- 
fliain ,  Iorfgd'on  lui  prérente  un  efir- 
faincÔté:  ri  faut  donc  conclure  qù'it 
Cil  poùfte  vers  lui.  Mais  comme  ce 
ll'eft _pàs  i'arman  quel'on  tient  qui* 
Joùflè  celui  qui  nagé ,  puifque  celui' 


Goo8k 


DE  LA  MEtK  n.  Part.  vfy 
*rnï  nage  s'approche  de  celui  que  l'on 
tient ,  &  que  cependant  celui  qui  na- 
ge ne  fe  remuerait  point ,  fi  l'on  ne 
fui  préfentort  celui  que  l'on  tient  ;  it 
efl  évident  qu'il  faut  recourir  au 
moins  à  dénx  moyens  pour  expliquer 
cette  queftion ,  fi  l'on  veut  la  réfou- 
dre par  le  principe  reçu  de  la  com- 
munication des  mouvetuens. 


L'aiman  tf  s'approche  dé  l'aimarr 
C  :  donc  l'a  ir  ou  la  matiere-fluide  6c 
roviiîble  qui  l'environne-,  te  pouflfe , 
puifqail  n'y  a  point1  d'autre  corps 
qui  I«  ptrifïe  poufïèr  :  &  c'éft-Ià  le 
pwmter  moyen.  L/aifflan  d  m  s'ap- 
proéfte'  qu'à  ]&■  préfaice  de  l'aimai 
€  :  donc  il  efl  néMflSipe  que  t'aiman 
C  détermine  l'ait  à  goui&r  ViitàU/H 


GooSk 


ï8b     IIVRE  SIXÏE'ME. 

d  :  &  c'efl-Ià  le  fécond  moyen.  H  eff 
évident  que  ces  deux  moyens- font 
abfolumentnéceuaires.  De  forte  que 
la  difficulté  efl  préfentement  réduite 
à  joindre  enfemble  ces  deux  moyens, 
ce  que  Ton  peut  faire  en  deux  maniè- 
res :  ou  en  commençant  par  quelque 
chofe  de  connu  dans  l'air  qui  envi- 
ronne I'aimanrf,  ouencommençant 
par  quelque  chofe  dtconnu  dans  l'ai- 
man  Ç. 


Si  Ton  connoît  que  les  parties  de  ' 
ï-air-  &  de  tous  les  corps  fluides  font 
en  continuelle  agitation.  Von'-  ne* 
.pourra  douter  qu'elles,  ne  heurtçnt- 
fans  cefTe  contrel'aiman  d  qu'elle*  en-  - 
vironnent  :  &  parce  qu'elles  le  heur-- 
.teut  également  de.  tous  cotez ,,  ellœ- 


.   Google 


' DELA METH.  IL  Part.  i8r 
nelepouiïènt  pas  plusd'un  côté  que 
de  l'autre,  tant  gu il  y  a  autant  d'air 
ou  de  matière  fubtile  d-'un  côté  que 
de  l'autre.  Les  chofes  étant  ainfi',  il 
elt  facile  de  juger  que  i'aiman  C  em- 
pêche qu'iln'y  ait  autant  de  cet  aie 
dont  nous  parlons ,  vers  «  que  vers 
b.  Maiscelanefepeut  faire  qu'en  ré- 
pandant quelques  autres  corps  dans 
i'efpacequi  eA  entre  C  6W:.  il  doit 
donc  fortirdes  petits  corps  des  ai- 
manspouroccupercetefpace.  Etc'efl 
auïfi  ce  que  l'expérience  fait  voir, 
lorfqu'on-  répand  de  la  limaille  de 
fer*  autourd'un  aiman-,  car  cette  li-  •  Vçftfci 
maille  rend  vifible  le  cours  de  ces  pe-  f/phîwe''' 
tus  corps  inv-ifibles.  Ainfi  ces  petits  Deicami  4. 
corps  chaflànt  l'air  qui  ell  vers  «,'■"* 
I'aiman  d  en  eft  moins  pouffé  par  ce 
côté  que  par  l'autre  ;  &  par  confé- 
quent  ildoit  s'approcher  de  l'aimaa 
C  ,  puifque  tout  corps  doit  fe  mou- 
voir du  côté  d'où  il  eil  moins  poufle. 

Mais  Ix  I'aiman  d  n'avoit  vers  le 
pôle  a  pluiieurs  pores,  propres  à 
recevoir  les  petits  corps  qui  fortent 
du  pôle  B  de  l'autre  aiman  ,  &.  trop 
petits  pour.recevoir  ceux  de  l'air  tant 
,groflîer.que  fubtil  ;  il  efl  évident  que 
ces  petits  corps  étant  plus  agitez  que 


Google 


îfe  LIVRÉ  SIXIE'MÉ. 
tet  air.puifqu'ilsle  doivent  cnaflét 
d'entre  les  aimans-,  ils  poufferaient 
i'aimartd,  &  l'éloigneroient  de  C. 
Ainfi  puïfque  'Parman  rf  s*approche 
eu  s'éloigne  de  C  ,lorfqu,,onluîpre- 
fente  diflerens  pôles  ;  iï«tt  nécerfaire 
de  conclure  queles  petits  corps  ,  qui 
fortem  dePaimanC,  paffent  libre- 
ment &  fans  repoufler  î'aîman  d 
par  le  côté  a  ,  &  ïe  repouffent  par- 
le côté  b.  Ce  que  je  dis  d'un  de  ces  ai- 
mans Te  doit  auffi  entendre  de  l'au- 
tre. 

H  eft  tilible  mie  Poif  apprend 
toujours  quelquechofe  par  cette  m*. 
.  niére  de-raifonner  fur  des  idée*  -clai- 
res &  des  principes  mcoritefta! 
€at  Porra  découvert  quel'art jc»ïi  en- 
*irônhe[Dah»ântf ,  étoit  chaûe  d*ei*. 
trefcs  aimans  par  des  corpsiqui  ïbr-- 
Dent  fansceBède  leurs  pôles,  BttjMfr 
trouvent  leur  pàflàge  libre  par  un -cô- 
té, &  fermé  pat  l'autre.  Et  fi  ÏNMi 
vouloît  découvrir  quelle  eft  à  peu- 
Prés  la  grandeur  &  la  figufedes  poi- 
res de  rahtian  par  leTqiteïsces  peths- 
Kbrps  traverfèin  il  faudroirencorè- 
rairie  d'autres  expériences  ;  irrais  ce* 
îanousConduïroitoù  nous  ne  vou- 
lons pas  aller ,  &  où  nous  pourrions 


.  t  0E  LA  METtf.  If.  Pàbt.  2% 
friennous  égarer.  On  peut  confulter 
far  ces  queftibns  les  principes  de  la 
PhilofopTiie  de  'M-  Defcarres ,  non 
pour  fuïvre  aveuglement  les  fenti- 
mens  decefçavamPhflofophe,  triais 
pour  s'accoutumer  à  fa  méthode  de 
philofoprier.  Jedisfeuiement,  pour 
répondre,  à  uneobjeâion  qui  frappe 
d'abord-,  d?où  vient  que  ces  petits 
corps  ne  peuvent  rentrer  dans  les 
pores  d'où  ils  font  forti»,  qu'outre 
Hiie  grandeut  ou  une  figure  détermr- 
née  capable  de  produire  cet  effet , 
l'inflexion  des  petites  branches  qur 
compofent  ces  pores  peut  obéi  r  en  un 
ïêns ,  aux  petits  corps  qui  les  traver- 
sait ,  8c  fe héritier  &  leur  fermer  le 
paûageenunautia  fens.  Le  courant 
rominuel  de  ïa  matière  fubtiïe  d'un 
yoïe  à  l'autre  dans  le*  pores  de  l'al- 
soan;,  ftrffit  même  pour  empêcher 
qn'eiiene  rentre  par  les  potes  dont 
eue  eli  fortie  ,  car  une  partie  de 
cette  matière  ne  peut  pas  vaincre 
ce  courant  „  pour  fe  faire  paflàge 
dans  les  pores  dont  elle  eft  fonre, 
ni  dans  ceux  du  pôle  de  même- 
nom,  qui  ont  un  courant  contraire. 
De  forte  qu'il  ne  faut  point  être 
trop  furpris  de  la.  différence  des 


Goo8k 


«84      LIVRE  SIXIEME.-  - 
pôles  de  l'aiman ,  carcette  différente" 
peut  être  expliquée  en  bien  des  ma- 
nières, &  il  n'yadè  là  difficulté  qu'à 
reconnoître  Ta  véritable.' 

Si  l'on  avoir  tâché  de  rêfoudre  la 
queftion  que  l'on  vient' d'examinée  - 
en  commençant  par  les  petits  corps, 
qu'on  fuppofe  fortir  de  l'aiman  C, 
on  aurait  trouvé  fa  même  chofe:  Se 
l'on  aurait  autfi  découvert  rque  l'air 
tant  Iegroflïer  que  fefubtil  eff  com- 
pofé  dune  infinité  dé  "parties,  quî; 
font  dans  une  agitation  continuelle; 
car  fans  cela  il  ferait  impoffible  que' 
l'aiman  et  put  s'approch'er  de  l'ai- 
man C.  Je  ne  m'arrête  pas  à  expli- 
quer ceci,  parce  qu'h*  n'y  a  nulle 
difficulté.  .  ■ 

ie  Voici  unequeftion  plus  cornpofée' 
que  Tes  précédentes  ;  &  dans  laquelle 

o,  il  faut  faire  ufagedeplufieurs  régies- 
On  demande  quelle  peut  être  lacau- 
fe  naturelle  &  mécanique  du  mou- 
vement de  nos  membres. 

L'idée  de  caufe  naturelle  eft  claire' 
Scdiftinâè,  fi  on  l'entend,  comme' 
je  l'ai  expliqué  dans  la  queftion  pré- 
cédente: mais  le  terme  de  mouve- 
ment de  nos  membres  efl  équivoque' 
&confusJcar  il  a  y  plufieurs  fortes  dr 


GooSk 


*DE  LA  METH.  II.  Part.   38$ 

«s  mouvemens  :  H  y  en  a  de  volon- 
taires ,  de  naturels ,  &  deconvulfifs. 
II  y  aaufïi  diflférens  membres  dans 
le  corps  de  l'homme.  Ainiï  félon  la 
première  -régie  ,.  je  dois  demandée 
duquel  de  ces  mouvemens  ,  on  four 
Iiaitede  fçavoîr  Iacadfe.  Mais  fi  on 
Iaiflèiaqueflion  indéterminée,  afin 
que  j'en  ufe  à  mon  gIioîx,  j'examine 
laquefiion  decettg  forte. 

Je  confidere  avec  attention  les 
proprietez  de  ces  mouvemens.  Et 
parce  que  jedécouvre  d'abord queles 
jnouvemens  volontaires  fe  font  d'or- 
dinaire plus  promptement  que  les 
convulfifs  ;  j'en  conclus  que  îeurcau- 
fe  en  peut  être  différente.  Ainft  je 
puis ,  &  je  dois  par  confequent  exa- 
miner là  queflion  par  parties  j  car 
eiïe  paroît  être  de  longue  difeuf- 
fion. 

Je  me  reftrains  à  ne  confiderer 
d'aLord  que  le  mouvement  volon- 
taire. Et  parce  que  nous  avons  plu- 
fieurs  parties  qui  fervent  à  ces  mou- 
vemens, :je  ne  m'attache  qu'au  bras, 
Je  confidere  donc  que  le  bras  eft 
compofé  de  plufieurs  mufcles ,  qui 
.ont  prefque  tous  quelque  aâion , 
lorfqu'onieve  de  terre  ou  qu'on  re- 


GooSk 


*8*    tIVRE  STXIPME. 

mue  diverfemem.  quelque  coxps.: 
mais  je  ne  m'arrête  qu'à  un  feui, 
-voulant  bien  fuppofer  que  les  autres 
font  à  peu  prés  formez  d'une  même 
manière.  Jem'inAruisdefacompo- 
fition  par  quelque  livre  tl'Aflatomiei 
.ou  plutôt  par  la  vûë  feofîhle  de  lès 
fibres  &  defes  tendons,  que  je  oie 
fais  dlflèquer  par  quelque  babtle 
A  natomifte ,  à  qui  je  fais  toutes  les 
demandes ,  qui  pourront  dans  [a  faite 
me  faire  naître  dans*  l'elprit  quet- 
■que moyen  de  trouver cegue  jecjber- 

Confiderant  donc  toutes  chofcs 
.avec  attention  „  Je  ne  paas  douter  que 
le  principe  du  mouvement  de  mon 
bras  ne  dépende  de  l'accouiciflsmerit 
des  mufclesqui  le  compofent.  Et  fi 
Je.  veux  bien ,,pour  ne-pas  m'emba- 
xaflfer  de  trop  de  choies ,  fuppofec 
Xeïon  l'opinion  commune,  que  cet 
accourcirfènient  fe  fait  pan  le  moyen 
des  efprits  -animaux  qui  rempliuènt 
le  ventre  de  ces  mufcles,  &  qui  en 
approchent  ainfllesextrémitez,  tou- 
te la  queftion  qui  regarde  le  mouve- 
ment volontaire ,  fera  réduite  à  fça- 
voir  :  comment  le  peu  d1  efprics  ani- 
maux qui  font  contenus  dans  un  bras,  ' 


C,„„sk- 


DE  tA  METH.  II.  Part.  18m 

■peuvent  en   enfler  fubitement  les 
mufclesfelon  lesordres  delavolonté.,    i 
.avec  une  force  fuffifante  pour  lever 
.  hp  fardeau  de  cent  peTant  j&  davanr 
itage. 

Quand  on  médite  ceci  avec  quel, 
que  application  ,  le  premier  moyen 

3ui  fe  préfen«  à  l'imagination  eft 
^ordinaire  celui  de  quelque  efiec- 
vefcence  prompte  &  violente,  fem- 
blable  à  celle  de  Ja  poudre  à  canon* 
:Ou  de  certaines  Kqueurs  remplies  d* 
fels  Alxalis ,  îorfqu^n  les  mêle  avec 
celles  qui  font  çoides.ou  pleines  de 
fel  acide.  Certaine,  quantité  depou-> 
,dre  à  canon  eft  capable  lorfqu'elle 
s'allume,  d'enlever  non  feulement 
un  fasdeau.de  cent  livres,  mais  unes 
.tour  &  même  une  montagne.  Les 
jtreroblemensde  terre  qui  renverfent 
des  Villes ,  &  qui  fecoiient  des  Pro- 
vinces entières ,  se  font  suffi  par  des 
.esprits  qui  s'allument  fous.terre  à  peu 
prés  comme  la  poudre  à  canon.  Ainfî 
en  fuppofant  dans  le  bras  une  caufe 
de  la  fermentation&de la  dilatation 
desefpritsi  onpourradirequ'elle  efl 
ip  principe  de  cette  force  qu'ont  les 
hommes  pour  faire  des  mouvemen* 
ii promis  &  Ovrojens. 


C,„„sk- 


i88      LIVRE  SIXIEME. 

Cependant  comme  on  doit  le  dé- 
fier de  ces  moyens  qui  n'entrent  dans 
l'efprit  que  pat  les  fens ,  &  dont  on 
n'a  point  de  connoifTance  claire  & 
évidente;  on  ne  doit  pas  fi  facilement 
fe  fervirde  celui-ci  ;  car  enfin  il  ne 
fuffit  pas  de  rendre  raifon  de  la  force 
6c  delà  promptitude  de  nos  mouve- 
menspar  une compa ration. Cette  rai- 
fon eft  confufe ,  mais  de  phis  elle  eft 
imparfaite  :  car  on  doit  expliquer  ici 
un  mouvement  volontaire  ,  &  la  fer- 
mentation n'elt  pas  volontaire.  Le 
fang  fe  fermante  avec  excès  dans  les 
fièvres  ,  &  l'on  ne  peut  l'en  empê- 
cher. Les  efprits  s'enflamment  & 
s'agitent  dans  le  cerveau  ,  &  leur 
agitation  ne  diminue  pas  félon  nos 
oefirs.  Quand  un  homme  remue  le 
feras  en  diverfes  façons,  il  faudrait 
felon  cette  explication  qu'il  fe  fit  un 
million  de  fermentations  grandes  & 
petites  ,  promptes  ,&  lentes ,  qui 
commençaflènt ,  &  ce  qui  eft  encore 
plus  difficile  à  expliquer  félon  cette 
fiippofition,  qui  finiuentdans  le  mo- 
ment qu'il  le  veut.  Il  faudrait  que 
ces  fermentations  ne  diflipaûent 
point  toute  leur  matiére,&  que  cette 
matière  fût  toujours  prête  à  prendre' 
feu. 


DE  L'A  METH.  II.  Part.  289 
^èiî.Torlgu'un  hqinme  afait  rclieuës, 
combien  de  millefois  faut-il  que  les 
mufcles  qui  fervent  à  marcher  fe 
foient  emplis  &  vuidez  ?  &  combien 
faudroiïùl  d'efprits  fi  la  fermenta- 
tionlesdilTîpoit  &  les  armortiflbit  à 
chaque  pas?  Cette  raifon  eïl  donc 
imparfaite  pour  expliquer  les  mou- 
vements de  nôtre  corps  qui  dépendent 
entièrement  de  nôtre  volonté. 

;IIefl  évident  que  la  queflion  pré- 
fente confifte  dans  ce  problème 
des  Mécaniques.  Trouver -par  des  ma- 
chines pneumatiques  lemoyen  de  vain- 
cre telle  force  comme  de  cent  pefantspar 
une  autre  force  fi  petite  que  l'on  voudra, 
comme  celle  du  poids  d'un  once  ;  &  que 
l'application  de  cette  petite  force  pour 
produire  fon  effet  dépende  de  la  volonté. 
Or  ce  problême  efl  facile  à'réfou- 
dre  ,  oc  la  démontt ration  en  efl 
claire. . 

-On  peut  le  féfoudre  par  unvafe 

Îrai  ait  deux  ouvertures ,  dont  Tune 
o-it  un  peu  plus  de  1600.  fois  plus 
grande  que  l'autre,  &  dans  Iefquelles 
on  infère  les  canons  de  deux  foufflets 
égaux;&  que  l'on  applique  une  force 
i(5oo.  fois  feulement  plus  grande  que 
l'autre  au  foufflet  de  la  plus  grande 
Tome  III.  jvj 


GooSk 


îsw      LIVRE  SIXIEME. 

ouverture  :  car  alors  la  force  nSoeu 
fois  plus  petite  vaincra  la  plus  gran- 
de.  Et  !a  démon  fl  ration  en  eft  claire 
par  les  mécaniques  ,  puifque  les  for- 
ces ne  Font  point  jufïernent  eii  pro- 
portion .avec  les  ouvertures:  &  que 
le  rapport  de  la  petite  ibree  à  la 
petite  ouverture  e£l  plus  grand 
que  le  rapport  de  la  grande  force 
à   la  grande  ouverture^ 

Mais  pour  refoudre  ce  pr.ebiême 
par  une  machine,  qui  représente 
mieux  l'effet  des  mufdes  que  celle 
qu'on  vient  de  donner,  il  faut  fouf- 
fier  quelque  peu  dans  un  ballon  ,  & 
appuyer  en  fuite,  fur  ce  ballon  à 
demi  enflé  de  vent ,  une  pierre  de  ^. 
ou  6.  cent  pefent  :  oul'ayant  mis  fut 
une  table ,  le  couvrir  d'un  aïs  ,  &  cet 
aisd'une  fort groflè pierre;  ou  faire 
atfeoir  un  homme  des  plus  pefans 
fur  cet  ats,  en  .lui  donnant  même 
IaJibertédefe  retenir  à  quelque  cho- 
fe  afin  de  réfîflerà  l'endure  du  ballon. 
Car  fi  quelqu'un  Tourne  de  nouveau 
feulement  avec  ja  bouche  ions  ce  bal- 
lon, il  foûleveraja  pierre  qui  le  eom- 
pri  me  ,  ou  l'hoEame  qui  eu  ai'fis  def- 
fus  ;  pourvu  que  le  canal  par  lequel 
lèvent  entre  dans  le  ballon,  ait  une 


BETA  METH.  II.  Vajlv-    îp» 

Toupape  qui  l 'empêche  de  fortir  lors 
qu'il  faut  reprendre  haleine.  La  rai- 
fon  de  ceci  efl  que  l'ouv«rture  du  bat- 
Ion  eti'fî  petite,  ou  doit  être  iuppo- 
fee  fi  petite  par  rapporta  toute  laça- 
pacité  du  mi-sac  bïdloi*  qui  reflue 
par  le  poids  de  la  pierre ,  qu'une 
très- petite  force  eft  capable  d'en 
vaincre  une  tres-gtaode  par  cette 
manière. 

Si  l'on  confîdéreaufli  quelefouf- 
<fle  feu£  eft  capable  de  pouffer  une 
balle  de  plomb  avec  v-ialence  par  le 
moyen  des  ferbacaoes .,  àcaufequela 
force  du  fouille  ne  fe  diffipe  point  & 
le  renouvelle  fans  celle  :  ou  recon- 
noît  ta  v jfiblement  que  la  proportion 
.lï^fTaice (entre  l'ouverture  &  fa  ca- 
pacité «fci  ballop  1étattt  fu^efée,  le 
feuille  fp.ul  peut  vaÀacse  iàcileinent 
.de  t ces-grandes  fofees. 

5t. donc  Ton  conçoï,Lque  les  muf- 
•ck's  entiers,  ou  chacune  des  fibres 
.qui  les  comparent ,  w  ççjrnrije  ce 
ballon  une  capacité  propre  à  reeewi  t 
.les  efprits  animaux  :  que  le*  poses 
par  où  IeseÇpEtts^Y  infirmera  font 
peutêt«*«<;ftBe^Iusiietït6i;pcopor- 
■tion  que  le  coi  d'une  Melte  ou  le  trou, 
d'un  ballon  ;  «ue  les  elprirs  font  re- 


i9z  LIVRE  SIXIEME, 
tenus  &  pouffez  dans  les  nerfs  à  pea 
prés  comme  le  foufHedans  les  ferba- 
canes:  8c  que  les  efpriss  font  plus  agi- 
tez que  l'air  des  poumons  ,  &  pouf- 
fez avec  plus  de  force  dans  les  muf- 
cles  qu'il  ne  Peft  dans-Ies  ballons  :  on 
recohrioîtra  que  le  mouvement  des 
efprks  qui  fe  répandent  dans  les  muf- 
cles peut  vaincre  la. force  des  plus  pe- 
fans  fardeaux  que  l'on  porte  j  êc  que 
fton  ne peuten  porter  de  plus  pefans,, 
led'éfautdeforcene  vient  point  tant 
du  côté  desefprits,que  de  celui  des 
Fibres  &  des  peaux  qui  compofent  les 
mufcles ,  lefquels  crèveraient  fi  on 
.  faifoit  trop:  d'effort.  D'ailleurs ,  ft 
l'on  prend  garde  que  parles  lois  de 
l'union  dé  Pâme  &  du  corps ,  les 
mouvemens  deces  efprhs,  quant  à 
leur  détermination ,  dépendent  de  la 
volonté  des  hommes ,  on  verra  bien 
que  les  mouvemens  des  bras  doivent 
être  volontaires. 

Hefl  vrai  que  nous  remuons  nôtre 
bras  avec  une  telle  promptitude  , 
qu'il  femble  d'abord  incroyable,  que 
i'éparichement  des  efprks  dans  les 
mufcles  qui  le  compofent,  puilfe  être 
âflèz  prompt  pour 'cela.  Mais  nous  " 
devonsconfidérerquecee  elpritsfont 


DELAMETH.II.Part.  23.5 
extrêmement  agitez,  toujours  .prêts 
à  entrer  d'un  mulcle  dans  l'autre  ,  & 
qu'il  n'en  faut  pas  beaucoup  pout 
les  enfler  aufft  peu  qu'il  efi  ncceflàir*, 
afin  de  les  remuer  ieuIs.Tiu  lorfque 
nous  levons  de  terre  quelque  chofe 
de  fort  léger:  car  lorfque  nous  avors 
quelque  chofe  de  pefant  à  lever ,  nous 
ne  le  pouvons  pas  faire  avec  heaR-- 
coup  de  promptitude.  Les  fardeaux 
étant  pefans  ,  il  faut  beaucoup  enfler 
&  bander  les  mufcles.  Pour  les  en- 
fler en  cette  forte ,  il  faut  davantage 
d'efprhs  qu'il  n'y  enadans-Ies  muf- 
cles voilïns  ou  antagonittes.  11  faut 
donc  quelque 'peu  de-tçms  pour  faire 
venir  ces  elprits  de  loin  ,  &  pour  en 
poufler  une-  quantité  capable  de  rév 
fifler  à  la  pefanreur.  Ainfî  ceux  qui 
font  chargez  ne  peuvent  courir,  & 
ceux  qui  lèvent  de  terre  quelque' 
chofe  de  pefant,  ne  le  font-pas  avec 
autant  de  promptitude  que  ceux qui; 
lèvent  une  paille.- 

Si  l'on  fait  encore  réflexion  que' 
ceuxquiomplusdefeu,  ou  un  peu, 
de  vin  dans  la  tête-,  font-bien  plus 
promis  que  les  autres1:  qu'entre  les 
animaux  ceux  qui  ont  Iesefprits  plus 
agitez,. comme  les  oifeaux ,  fe  ie- 
N  iij 


GooSk 


ïT4  XtVftE  SIXIEME. 
miient  avec  plus  de  promptitude  que- 
ceux  qui -orlt  le  fang  froid,  comme 
lèsgrenQuilIes  :  &  qu'il  yen  amfiflw 
queiqïies-um  comme  le  caméléon, 
îa  tortue ,  &  quelques  mfefles ,  dont: 
ïes  efprks  font  fi',  peu-  agitez  ,  que 
leurs  mufcles  ne  fë  rempHHerrt  pas 
plus  promptemenr ,  qu'un  petit  bal- 
lon dans  lequel  on  fouffleroit.  Si  1*0(1 
confidere  bien  toutes  ces  chofes  »  on. 
pourra  peut-être  croire  que  l'expli- 
cation, que  nous  venons  de-donnef, 
cft  recevante.. 

Mais  encore  que  cette  partie  de  là; 
queftion  propoïet  qui  regarde  les 
mouvemens  volontaire*  ,  Fok  fuffi- 
famment.  refaluë  :  on  ne  doit  pas 
cependant  affilier  qu'elle  le  foit  en-  " 
tierement,  &  qù'rln'y  ah  rien  da- 
vantage dans  nôtre  corps  quicomri- 
îiuë  à  e6s  mouvenieTis  ,  quéai  qu'art 
a  dît  ::  car  apparemment  il  y  a  dans 
ïiosmufcies mille  reflbrtsqui  fecili- 
tent  ces  mouvemens  par  celui  qu'ils, 
reçoivent  de  là  matière  fubtile  &  du 
fang  des  artères ,  îefqueis  feront  éter- 
liellement  inconnus  à  ceilx  mêmes 
qui  devinent  te  mieux  furies  ouvra- 
ges de  Dieu. 

Là  féconde  partie  de  la  queftion. 


Goo8k 


qu'il  faut  examiner  ,  regarde  les 
mouvemens  naturels ,  ou  ces  fortes 
de  meuvemens  qui  n'ont  rien  d'ex- 
traordinaire, rien  de  ce  qu'ont  les' 
mottvemensçonvuififs:  maïs  qui  (ont 
■abfolamem  néeeSaires  à  la  eonfervà- 
tlon  de  ta  machine ,  &  qui  par  con- 
féquent  ne  dépendent  point  entiè- 
rement de  nos  volonté*. 

Je  confidere' donc  d'abord  avec 
toute  l'attention  dont- je  fuis  capable, 
«niels  font  le*  mouvemens  qui  ont  ces 
conditions ,  &  s'ils  font  entièrement 
ftmblables..  Mais  parce  que  je  re- 
Connois  d'abord  qu'ils  font  prefque' 
tous  differens  les  in»  des  autres,  pou  r 
»e  me  pas  embaraflèr  de  trop  de 
«hofes,  rené' m'arrête  qu'au  mou- 
«ment  du  eœur.  Cette  partie  efl  la 
pIus.connu« ,  ficiès  mouvemens  font 
les  plus  fenfîbles.  J'examine  donc 
la  (truchirej  &  je  remarque  deux 
choies  entre  piulreursarrtres.  La  pre- 
mière ,■  qu'il  eft  compofé  de  fibres 
comme  les  autres  mutcles.  La  fé- 
conde ,  qu'il  .a  deux  cavltez  tres-con.- 
fiderables.  Je  juge  donc  que  fon' 
mouvement  fe  peut  faire  par  le 
moyen  des  efprits  animaux ,  puif- 
^ue  c*eft  on  mufcle  :  &  que  le  fang , 
N  iiij, 


vg6  LIVRE  SIXIEME; 
sty  fermente  &  s'y  dilate ,  puifqu'iT 
y  a  des  cavitez.  Le  premier  de  ces 
jiigemens  eÛ  appuyé  fur  ce  que  je 
viens  de  dire  :  &  le  fecondiur  ce  que 
le  cœur  eil  Beaucoup  plus  chaud  que 
toutes  les- autres  parties  du  corps  : 
que  c'elt  lui  qui  répand  la  chaleur 
avec  le  fang  dans  tous  nos  membres  : 
que  ces  deux  cavitez  n'ont  pu  fe  for- 
mer ni  fe  conferver  que  par  la  dilata- 
tion du  fang  ;  &  qu'ainfi  elles  fer- 
vent à  la  caufe  qui  les  a  produites-  Je 
puis  donc  rendre  fuffifammem  raifon 
du  mouvement  du  cœur  ,  par  les 
elpritsqui l'agitent,  &  par  le  fang 
qui  le  dilate  Iorfqne  ce  fang  fe  fer- 
mente:: car  encore  que  la  caufe  que 
j'apporte  de  fon  mouvement,  ne  fort 
peut-être  pas  la  véritable ,  il  me  pa- 
TOÎtcertainqu,elIe:eftfunifante  pour, 
le  produire- 
Ile»;  vrai  que  leprincipe  de  la 
fermentation  ou  de  la  dilatation  des 
liqueurs  n'eft  peut-être  pas  alTez  con- 
nu à  tous  ceux  qui  liront  ceci,  pour 
Jirétendre  avoir  expliqué  un  effet, 
orfqu'on  a  fait  voir  en  général  que 
fa  caufe  eft  la  fermentation:  maison 
ne  doitpas  réfoudre  toutes  les  quefr 
tions  particulières  en  remontant  juf- 


fiELÀMETH.  II.  Part.  297 
ques  aux  premières  caufes.  Ce  n'eit 
pas  que  l'on  n'y  puiiïe -remonter ,  & 
découvrir  aînfi  le  véritable  fyltêine  ' 
dont  tous  les  effets  particuliers  dé- 
pendent, pourvu  que  Ton  ne  s'arrê- 
te qu'aux  idées  claires  :  mais  c'eft 
que  cette  manière  de  philofopher 
n'eil  pas  la  plus  jufte  ni  la  plus- 
courte. 

Pour  faire  comprendre  ce  que  je' 
veirxdire,  il  faut  fçavoir qu'il  y  a 
des  queflions  de  deux  fortes.  Dans  • 
les  premières ,  il  s'agit  dedécouvric 
Ianature&Ies  proprietez  de-quel* 

Ïuechofe:  Dans  iesautrqj,  on  fou- - 
aite  feulement  de  fçavoir  ,  fi  une  ' 
tellecholea-ou  n'a  pas  une  telie  pro- 
priété, oufi  l'on  fçaic  qu'elle  a  une  ' 
telle  propriété,  on  veut  feulement  '■ 
découvrirquelle  en*flla  caufe-: 

Pour  réfoudre  les  queflions  du  pre*  - 
mier  genre ,  il-  faut  confiderer  les  • 
chofes  dans  leur  naiflance  ,  &  les ■'■ 
concevoir  toujours  s'engendrer  pan 
lesvoyes  lesplusfimples  & -les  plus  ' 
naturelles.  Pour  réfoudre  lesautresï 
il  faut  s'y  prendre" d'une  manier*" 
bien  différente:  il  faut  les  *éfoudre  ' 
gai  des  fuppofitiôns ,  &  examine?  fi  * 
ses:  fuppoutioBS  fout  tombée  dan*> 


»j>8      JLIVRE  SBOBMfi. 

oueique  ata&iriiïté ,  cm  £  elles,  con* 
duifent  à  quelque  vérité  clairement 
connue. 

Sil'oo'veiu.parexempie.'déaxi* 
ttst  quelies  font  1rs  .propriété  de  U 
rauktte,  ou  de  quelqu'une  àes.fetti<ms 
comptes  ;  il  faut  confidérer  ces   li- 

Ci  dans-  leur  génération  ,.  &  le»; 
1er  félon  les  voyes  les  plus  fiiu- 
pies  &  les  moins  erabaralfces  ;  car 
c'eil-là.le meilleur  &  le  plus  court 
chemin  pour  en  découvrir  lanarure- 
Se  les  propnetez.  Oui  voktanspeine 
que  la  roâteadxnrede  la  rouiene  eft 
«gaie au  cercle  qui: Va  formée  :  tkti 
l'on  n'en  décourre  pas  facilameot 
èeeucoup  de  propriété!  pu  cette  - 
voye-,  c'efl  qreu  Iignexircularce 
qui  fect  à  ta  .former  n'oit  pas  affèï 
connue..  Mais  pont  les  lignes  pure- 
œeat  Mathématiques ,  ou  dont  on 
jerit  connoine-  plus  «Laireoiem  tes 
«pports ,  telles  que  ibnt  les  feâions  • 
coaiqitei  ,  il  iuffi*pouren  d  couvrir 
un  t  nés-  grand  nosnbf  e  de  proprietez, 
detcoofïdérer  ces  lignes  dans  leur  gé- 
nération. Ilfautifeulejnent  prettdre  ■ 
«^rdet,  qitr  pouvams"efigend«rpar, 
«ta  motmeniens  réglez  «i  plnfieu»  < 
«waicKB-i  wmteforie.de  géwrat*»* 


Google 


OfetAMEtîî.'ltPÀaT.  i99 

n^ft  pas  également  propre  à  éclairer 
l'efprit  ;  que  les  pli»  fimples  font  les 
meilleures;  &  qu'il  arrive  cepen- 
dant que  certaines  manières  particu- 
lières font  pi  tispropresque  les  autres 
à  démontrer  quelques  propriété?- 
particulières. 

Mais  s^il  n  eft  pas  queflion  de'  d  >  ■ 
Couvrir  en  général'  les  propriétés: 
d'une  chofe ,  mais  de  'fçavoir  fi  une  • 
chofe  aune  telle  propriété.  Alors  ili" 
î&ui  fuppofer  qu'elle  l'a  effective- 
ment, &-examirieravecattention  ce- 
qui  dort  fu  ivre  de  cette  fuppplîtion, 
fi  elle  conduit  àtineâbfnrdité  mani-- 
fefle,  ou  bien  à  quelque 'vérité  in-- 
«onteftable  ,  qui  puiflfe  fervir  de- 
moyen  poordécouvrirce  qu'on  cher- 
che. Etc'eft-là  la  manière  dont  les 
Géomètres  fe  fervent  pour  réfoudre- 
leurs  problêmes.  lis  fuppofent  ce  : 
qu'ils  cherchent ,  &  ils  examinent  - 
ce  qui  en  doit  arriver.  Ils  confiné* 
rent  attentivement  les  rapports  'qui- 
réfulterrtdeleurfiippofitioti.  Ils  ré- - 
prefentent  tous  ces  rapports  qui  ren-- 
Ferment  les  conditions  du  problême-' . 
pardes  équations ,  &  ils  réduifent en- 
finie  ces  équations  'félon  les  régies' 
qu'ibea  ont,  eu&iïte>q»eeejçi,ily-. 

N-VJ; 


GooSk 


300      LIVRE  SIXIE'ME. 

a  d'inconnu  (c  trouve  égal  à  une  on 
plufieurs  chofes  entièrement  coiv 
nues. 

S'il  eft  doncqueftkm  de  découvrît 
en  général  la  nature  du  feu  &  des 
différentes  fermentations  ,  qui  font 
tes  caufes  les  plus  univerfeUes  des 
effets  naturels  ;  Je  dis  que  la  voye  la 
plus  courte  &    la  plus  sûreeff  de- 
l'examiner  dans.fon  principe.  II  faut 
conftdérer  la  formation  des  corps  les 
plus  agitez ,  &  dont  le  mouvement 
le  répand  dans  ceux  qui  fe  fermen- 
tent. II  faut  par  des  idées  claires  & 
par  lea  voyes  les  plus  fimples  ;  exa- 
miner ce  que  le  mouvement  eft  car 
pable  de  produire  dans  la  matière,. 
Et  parce  que  le  feu  &  les  différentes 
fermentations  font  des  chofes  fort  gér  ■ 
nérales,  &  qui  dépendent  par  confé- 
quent  de  peu  de  caufes  j  il  ne  fera  - 
pas  néceflàire  deconfïdérer  long- teins 
ce  dont  la  matière  eft  capable  Iorf» 
qu'elle  eft  animéepar  le  mouvement* 
__^    ,  pour  reconnoître  lanaturedelafer» 
te.  t durcir-  mentationdans  Ion  pnncipe.--ht  *  l'on 
fcnuDbt  de-  apprendra  en  même  temsplufieurs 
je  <tis  de  la  autres  chofes  .abfolument  néceflàires 
S^taîîX-    .  'a  connoiflànce  de  k  Phyfique-.  Au- 
^«àuÂÛ.Ïica  qnefi  l'oo  voulait. raifonnei: 


GooSk 


£ 


IiEtAMETH.  II.Part.  301 
dans  cette  queftion  par  fuppofitions; 
afin  de  remonter  ainfi  jufques  aux 
premières  caiifes,  &  îufques  aux  Ioix 
delà  nature  feion  Iefquelles  toutes 
chofes  fe  forment ,  on  feroit  beau- 
coup de  faune*  fuppofitions  qui  ne: 
fèrvrroient  à  rien.. 

On  pourrait  bien  reconnoîtreque .' 
lacaule  de  la  fermentation  eft  le  mou- 
vement d'une  matiereinvifibie,quî 
fe-  communique  aux  parties  de  celle  ' 
ui  s'agrre  ;  car  on  fçait  aflèz  que  le* 
;u  &  les  différentes •  fermentations 
des  corps  confiftem  dans  leur  agita-' 
tion,  &-quepat  les  ioix  deia  nature,- 
les  corps  ne  reçoivent  immédiate- 
ment leur  mouvement  que-  par  la 
rencontre  de  quelque»  autres  plus 
agitez.  Ainfi  on  pourrait  découvrir 
qu'il  y  a  une  matière-  hmfîble ,  dont 
(agitation  fe  communique  par  la 
fermentation  aux  corps  vifîbf  es.  Mais 
il  feroit  moralement  împoffible  par 
la  voye  des  fuppofitions  ;  de  découj 
vrircommentcelafefart:  &  il  rfeft'. 
pas  de  beaucoup  fi-difrlcile-.de  Iedé- 
couvrir,  lorfqn'on  examine  la  for- 
mation dès  éiemens ,  on  des  corps 
dont  il  y  a  un  plus  grand  nombre  de  * 
même  nature,  comme  qn  le.  peut- 


y»      LIVRE  SIXIEME 

voit  en  partie  par  le  fyftêrae  de  Ml  - 

Defcanesi 

LatroHiémc  partie de  la qucftkm,' 
qui  eft  des 'mouverneris  conviilfrfs, 
»»fera  pasexnêmeot  difficile  à  ré- 
foudre ,  ponrvû  que  l'on  ftippofe: 
qu'ilyadans  ie  corps  des  efpritsarH- 
tnaux  capabiesdequelqne  fermenta- 
tion ,  &.:  des  humeurs  alfez  pénétran- 
tes pour  BHnfimier  dans  les  poresde? 
neris ,  par  où  les  efprite  Ce  répondent 
■dans  les  niufcies  ;  pourvu  auflï  que 
Von  «e-pxétende  point  déteenriner, 
queileelUa  ventante  difpofition  des 
parties  invifibles  qui  contribuent  à  ' 
«es  moBvemensconvuIfifs. 

Lorfgise  l'on  a  fepavé  un  «nufrîe  ' 
du  refte  du  corps,  &  que  l'on  Je  tient 
par  les  ■extrémitez ,  on  voit  fenti  bïe-r 
ment  qu'il  fait  effort  pour  fe  racour- 
cir  Iorfqubii  le  pique  par  le  ventre.' 
Il  y  a  de  l'apparence  que  ceci  dépend 
delà  conftmââon  des  partes  imper- 
ceptiblesqui  lecompofènt,  iefquet-  - 
les  comme  autant  de  tenons  font  dé- 
terminées à  de  -certains  mouvemens 
par  adnidelapiqâre.Maisquipour- 
*oks''airunîrd'aTertTtrouve  la  véri-- 
taBIediipoiition  des particsqni  fer- 
Vent  à  pwndiHK  ce-mouveoaeat  ,  &> 


GooSk 


DE  LA  METH:  II.  Part:  $* 

qurpourroit  en  donner  unedcmonf- 
tration  mconteflaMe  ?  Certainement 
Cda.paroîtimpolîïHe.'quoique  peut- 
être  à  force  <<%  penfcr ,  l'on  puiflè 
imaginer  une  -conftruâion  de  muf- 
élea  propres  à  foire  tous  les  mouve- 
ftiei»  dont  nous  tes  voyons  capables. . 
Ilnefent'doiic  point  penfer  adérer- 
sainer  quelle  efl  la  véritable  conf- 
frudion  des  mufcfes.  Mais  parce 
qu'on  ne  peut  rarforaiablement  dou- 
«er,  qu'il  n'y  aifdesefpTitsfufcepti- 
bfesde  quelque  fermentation  par  le  - 
«néfanoede -quelque  matière  fubtile, 
&  qaelêB  humeurs  acres  &  piquan- 
tes ne  puiflènt  s'infinuer  dans  lès 
nerfs ,  on  peut  le  firppofer. . 

Poar  «foudre  Ia<jueftron  propo» 
.  fie,  it;  faut  donc  -examiner  d'abord 
eemftien  ilîya  de  fortes  de  rnonve- 
tnens  <:oiwuifîfe  :  &  parce  tnie  te  : 
nombre  -en  paraît  indéfini  ,  iiifaqt 
sJarrêter  aux  principaux ,  dont  te» 
oairfes  fembfcrît  être- -différentes. .  Il •: 
&nt-c©Biidérer  tes  parties  dans  ief- 
quelies  ils  refont,  tes  maladies  qui 
Kspr-écedem  &  qui  tes  fuivent:  s». 
■  fcfont  avec  doutettr-oufans  -douleur, .. 
fie  fiir  toHtest&oks-giiéUereS  leur; 
peoflaptiïade&.leAitvioieflce.  GeiH. 


3&4     EIVBB  MXI&MR 

yen  a  qui  fe  font  avec  promptitude) 
&  violence,  d'autres  avec  prompti- 
tude fans  violence",  &-d'autresavec 
violence  fans  promptfcude  :  &  d'au- 
tres enfin  fans  vîolence&fans-promp- 
ùtude.  Il-yena  qui -'finiflènt  &  qui 
recommencent  fans  ccdè  :  il  y  en  a 
qui  tiennent  les  parties  roides  &  fans 
mouvement  pour  quelque  tems:  & 
il  y  en.  a  qui  en  ôtent  entièrement! 
P-ufage,  &qui  les  défigurent. 

Toutes  ces  chofes  conlidérées ,  il 
n'eft  pas  difficile  d'expliquer  en  gé* 
né  rai  ,  comment  ces  mouvemens 
convulfifs-  fepeuvent  faire  ,  après  ce 
qu'on  vient  dédire  de»  mouvemens 
naturels  &  des  mouvemens  volontaï* 
res.  Car  iî  f  on  conçoit  qu'il  fe  mêle 
avec  les  efprks,  qui  font  contenus 
dans  un  mufcle.,  quelque  matière  ca- 
pable de  les  fermenter ,  ce  mufcle 
s'enflera  &  produira  dans  cette  par- 
tie un  mouvement  convulfif. 

Si  Ton  peut  facilement  réfifler  à 
ce  mouvement ,  ce  fetra  une  marque  ' 
que  les  nerfs  ne  feront  point  bouchez 
pat  quelque  humeur,  puifque  I'ort- 
peut  vuider  le  mufcle  des  eïjprits  qui- 
y  font  entrez,  &  les  déterminer  à  - 
eoflgr  le  -  mufcle.  antagoniJle,  Mai*-' 


C,„„sk- 


DE  LA  METH.  II.  Pjrçr.'  joy 

fi' l'on  ne  le  peut ,  il  faudta  œnclure 
que  les  humeurs  piquantes  &  péné- 
trantes ont  au  moins  quelque  part  à 
ce  mouvement.  Il  petit  même  queL- 
quefois  arriver  que  ces  humeurs 
(oient  la  caufe  de  ces  mouvemens 
convulfîfs  :  car  elles  peuvent  déter-î- 
miner  le  cours  des  etprits  vert  cer- 
tains mufcles-,  en  ouvrant  les  paQà- 
ges  qui  les  y  portent ,  &  en  fermant 
les  autres  :  outre  qu'elles  peuvent  ett 
racourcir  les  tendons  &  les  fibres  en 
pénétrant  leurs  pores. 

Lorfqu'un  poids  fort  pefanr pend 
au  bout  d'une  corde,  on  Péleve  no<- 
tablememfi  I?on  mouille  feulement 
cette  corde  :  parce  que  les  parties  de 
l'eau  s>infinuant  comme  autant  de 
petits  coins  entre  les  iilets  dont  la 
corde  eft  compofée ,  elles  l'acour- 
cifïentenrélargilftnt.  De  même  les 
humeurs  pénétrantes  &  piquantes, 
s'infinuant  dans  les  pores.des  nerfs, 
les  racourciffent ,  tirent  les  partie* 
qui  y  font  attachées  ,  &  proouifent 
dans  lécorps  des  mouvemens  con- 
vulfifs ,  qui  font  extrêmement  lents 
violents  &  douIeureux^Se  laiflèn 
fouvent  la  partie  dans  une  contor 
fiôn extraordinaire  pendantun.  tem 
onfidérable. 


GooSk 


30*    .LIVRE  SIXIE'HE. 

Pour  les  mouvemens  convuï&fe 
oui  fe  font  avec  promptitude  ,  iîs 
font  caiifcï  par  les  efprits.  Mais  il 
n'efl  pas  nécetTaire  que'  les  efprte 
reçoivent  quelque  fermentation  :  if- 
fuffit  pour  cela,  que  ies  conduits  par 
oàife  panent,  f oient  plus  ouverts 
par  un  côté  que' par  un  autre: 

Quand  toutes  les  parties  <Ju  corps 
font  dans  leur  fmiation  naturelle. 
Ses  efprits  animaux  s'y  répandent 
également  &  promptement  par  rap- 
port au  befoin  delà  machine;  Se  ifs 
exécutent  fidèlement  les  ordresïde  la 
-volonté.  Mais  Iorfqueles  humeurs 
troublent  fa  difpolîtion  du  cerveau, 
&qu*elles  changent  ou  remuent  di- 
verfement  lès  ouvertures  de*  nerfs, 
eu  que  pénétrant- dam  les  mufefes,. 
elles  en  agitent  les  refiorts  ;  les  ef- 
prhs  fe  répandent  dans  les  parties 
â^une  manière  toute  nouvelle  ,  & 

Srodurfent  des  mouvetnens  extraor- 
inaires  fans  que  la  volonté  y  ait 
part. 

Cependant  on  •peut  quelquefois 
par  une  for»  réfiftance  empêcher 
quelques-uns  de  ces  mouvemens,  Se 
diminuer  même  peu  à  peu  les  traces 
qui  fervent  à  les  produire,  quoique 


Goo8k 


DELA  METH.  H.  Part.  307 
Phdbhude  foh  toute  formée.  Ceux 
«rai  prennent  garde  à  eux  s'empê- 
chent aflèz  facilement  de  faire  des 
grimaces ,  ou  de  prendre  un  air  ou 
■  une  poflure  indécente ,  quoique  le 
corps  y  foh  difpofé  :  ils  iurmontent 
mêmeeesthofc,  quoiqu'elles  foient 
fortifiées  par  i'habhude ,  mais  avec 
beaucoup  plus  de  peine:  car  il  faut 
-toujours  les  combattre  dans  ïeur 
naiffîince,  &  avant  que  le  cours  des< 
efprits  fe  foh  fah  un  chemin  trop 
difficile  à  fermer. 

La  caufe  de  ces  mouvemens  eft: 
quelquefois  dans  le  mufcle  qui  eft 
agité:  Celt  quelque  humeur  qui  le 
pique,  ou  quelques  efprits  qui  s'y 
■fermentent.  Maison  doit  juger  qu'- 
elleeft  dans  fecerveau ,  principale- 
ment Iorfque  les  convulfîons  n'agi- 
tent pas  feulement  une  ou  deux  par- 
ties du  corps  en  particulier  mais 
ptefque  toute*,  &  encore  dans  plu- 
ficurs  maladiesquichângentlaconf- 
-titution  naturelle  du  fang  &  des  ef- 
prits. 

H  eft  vfai  qu'un  feul  nerf  ayant 
quelquefois  différentes  branches,  qui 
le  répandent  dans  des  parties  du 
-corps aflèz  éloignées , comme  furie 


GooSk 


$b8  LIVRE  SIXIEME.  ; 
vifage  &  dans  tes  entrailles  ;  il  ar- 
rive allez  fou  vent  que  laconvulfion, 
ayant  fa  caufe  dans  une  partie  dans 
laqtielîe  quelqu'une  de  l'es-  branches 
s'infinuë.fe  peut  communiquer  à  cel- 
les où  les  autres  branches  repondent, 
fans  que  le  cerveau  en  fou  la  caufe 
St.  que  les  efprits  foient  corrom- 
pus. ■         ' 

Mais  lorfque  les  moiivemens  con- 
vulfifs  font  communs  à  prefque  tou- 
tes les  parties  du  corps,  UeftneceP 
làire  dédire  ,  ou  que  les  efprits  fe 
fermentent  d'une  manière  extraor- 
dinaire., ou  que • I1ordre  &  l'arrange- 
ment des  parties  dix  cerveau  eii  trou- 
blé, ou  que  toutes,  ces  deux  chofes 
arrivent.  Je  ne  m'arrête  pas  davair- 
tageà  cette  queflion,  car  el!e  devient 
fî  compofée  &  dépend  de  tant  de  cho- 
ies ,  Iorfqu'on  deSVend  dans  le  parti» 
eulier,  qu'elle-ne  peut  pas  faciler 
ment  fervir  à  expliquer  clairement 
les  règles  que  l'on  a  donntes. 

Iln'yapoint  defciencequifour- 
nifle  davantage  d'exemples ,  propres 
pour  faire  voir  inutilité  de  ces  rè- 
gles ,  que  la  Géométrie  ,  &  princi- 
palement l'Algèbre,  car  ces  deux 
teiencesenfont  unufage  continuelv- 


Goo8k 


DELAMETH.il.  P^rt.  309 

La  Géométrie  fait  clairement  con- 
noître  la  néceflité  qu'il  y  a  de  com- 
mencer toujours  par  les  chofes  les 
plus  (impies ,  &  qui  renferment  le 
moins  de  rapports.   Elle  examine 
toujours  ces  rapports  par  des  mesu- 
res clairement  connues.  Elle  retran- 
chetoUt  ce  qui  eft  inutile  pour  les 
découvrir  ?  EHedivifeen  parties  les 
..guettions  compofées.  Elle  range  ces 
parues  &  Iesexamineparordre.  En- 
hn  le  feul  défaut  qui  fe  rencontre 
dans  cette  fcience  c'eft ,  commej'ai 
déjà  dit  ailleurs,  qu'elle  n'a  point 
de  moyeu  fort  propre  pour  abréger 
les  idées  &ks  rapportsqu'on  a  dé- 
couverts.   Ainfi  quoi  qu'elle   règle 
l'imagination  &  qu'elle  rende  l'ef- 
prit  juite ,  elle  n'eu  augmente  pas  de 
beaucoup  l'étendue  ,  &  elle  ne  le 
rend  point  capable  de  découvrir  des 
véritez  fort  compofées. 

Maisi'AIgébreapprenant  à  abré- 
ger continueIIeme.it ,  &  de  la  ma- 
nière du   monde  la  plus  courte,  les 
idées  &  leurs  rapports,  elle  3no- 
meme  extrêmement  la  capac 
Tefprit  :  car  on  ne  peut  rien  1 
voir  de  fi  compote  dans  les  ra 
des  grandeurs ,  queiefprit  m 


C,„„sk- 


»o      UVHE  SBtIE»ME. 
le  avec  Ietems  le  découvrir  par  les 
moyens  qu'elle  fournit,  Jorfqu'oa 
Jçaitla  voie  dont  îl  s'y  faut  prendre. 

La  cinquième  régie  &  les  autres, 
où  il  eA  parlé  delà  manière  d'abré- 
ger les  idées,  ne  regardent  que  cette 
lcience:  car  Ton  n'apoiut  garnies 
autres  feiences  de  manière  commode 
deies  abréger:  ainG  je  ne  m'arrêterai 
pas  à  les  expliquer.  Ceux  qui  ont 
beaucoup  d'inclination  pour  les 
Mathématiques ,  &qui  veuïent  don- 
■ner  à  leur  efprk  toute  la  force  &  tou- 
te retendue  doin  il  eft  capable ,  .&  (c 
mettre  ainfi  en  état  de  découvrir  par 
«ûx-mêmes  une  infinité  de  nouvel- 
les vérîtez ,  s'étant  férieufement  ap- 
pliquez à  l'Algèbre ,  leconnoitront 
que  fi  cette  fcience  eft  utile  à  la  re- 
cherchede  la  vérité,  c'eft.parce  qu- 
elle oBferve  les  règles  que  nous  avons  ' 
preferites.  Mais  ^avertis  que  par 
l'Algèbre  j'entens  principalement 
celle  dont  M.  Defcartes  &^juelques 
autres  Te  font  fervis. 

Avant  que  de  finir  cet  ouvrage 
je  vais  donner  un  exemple  un  peu 
étendu  ,  pour  faire  mieux  connoître 
l'utilité  quel'onpeut  retirer.de  tout 
ce  Livfce.  Je  repréfente  dans  cetex- 


^™wGc>hglc 


13E  XA  METW.  II.  Part,  gn 

«mpleles  démarches  d'un  efprit ,  qui 
■.voulant  examiner  une  queftion  allez 
importance  ,  .fait  effort  pour  fe  déli- 
vrer de  fes  préjugez.  Je  Je  fais  mê- 
me tomber  d'abord  dassquêiquefau-  . 
te,  afisqHC cela  réveille  te  fouvenir 
de  ce  que  j'ai  dit  ailleurs.  Mais  foa 
.attention  ieconduifant  enfin  àlavé- 
jité  qu'il  cherche ,  je  le  fais  parler 
poÛDf veirient,  comme  un  homme 
^qui  prétend  avoir  réfolula^ueflioa 
qu'il  a  e 


CHAPITRE    IX. 

JJtrmer  exemple  pour  faire  cemokre 
■futilité  de  vet  ouvrage.  Von  recber- 
cht-duns  -cet  exemple  lacaufe  phyfi- 
^nedeUdureté  ou  de  l'union  des  par- 
ties .des  torps  les  mies  avec  les  au- 
tres. 

LE  s  corps  font  unis  enfemljïe  en, 
trois  maiûetes  par  la  continuité, 
par  la  contiguïté  y&.  par  une  troifié- 
Kie  manière  qui  n'a  point  de  nom 
particulier ,  &  que  j'appellerai  du 
terme  général  d'union. 

Par  la  continuité  ,  ou  par  lacaufe 


grs  "LIVRE  SIXIEME. 
Oe:Ia  continuité,  j'enters  ce  je  ne 
fçar  quoi  que  je  tâche  de  découvrir, 
qui  fait  que  les  parties  d'un  corps 
tiennent  fi  fort  les  unes  aux  autres, 
qu'il  faut  faire  erïbïtpour  les  fépa- 
Kr  ,  '&  qu'on  les  regarde  comme  ne 
fâifant  enfemble  qu'un  tout. 

Par  la  contuiguitè  ^j'entens  ce  je 
ne  fçai  quoi  qui  me  fait  juger  ordi- 
nairement que  deux  corps  fe  tou- 
chent immédiatement ,  &  qu'il  n'y 
ja  rienentr'eux*;maïsqfteje  ne  juge 
y$s  étroitement  unis ,  acaufeque  je 
,tes  pub  facilement  feparer. 

Par  ce  trolliéme  terme  ,  union  , 
Ventens  encore  un  je  ne  fçai  quoi  qui 
feit  que  deux  verres ,  ou  deux  mar- 
bres ,  dont  on  a  ufé  &  poli  les  furfa- 
cesen  les  frottant  l'un  fur  l'autre, 
«'attachant de  telle  forte,  qu'encore 
qu'on  les  puilTe  tres-facilcment  fepa- 
rer en  les  faîfant  gliilèr ,  on  a  pour- 
tant quelque  peine  à  le  faire  en  un 
autre  fens. 

Or  ceci  n'efî  pas  continuité ,  puif» 
que  ces  deux  verres ,  ou  ces  deux 
marbres  étant  unis  de  cette  manière, 
ne  font  point  conçus  comme  ne  faî- 
fant qu'un  tout ,  à  caiife  qu'on  les 
peut  feparer  en  un  fens  avec  beau- 
coup 


"DE  L'A  METH.  tt.  Part.  33 
-coup  de  facilité.  Ce  n'eft  pas  aufïi 
amplement  contiguïté,  quoique  cela 
en.  approche  fort  ;  parce  que  ces  deux 
parties  de  verre  ou  de  marbre  fout 
aflez  étroitement  unies ,  &  même 
beaucoup  plus  que  les  parties  de* 
corps  mous  &  liquides ,  comme  celle 
du  beurre  &  deTeau. 

Ces  termes  ainfî  expliqueZj  il  faut 
prefentement  chercher  la  caufe  qui 
unifies  corps,  &  les  différences  qui 
k  trouvent  entre  la  continuité  ,  la 
contiguïté,  8l  l'union  des  corps  félon 
le  fens  que  j'ai  déterminé.  Je  vais 
chercher  d'abord  la  caufe  de  la  conti- 
nuité ,■  ou  quel  elt  ce  je  ne  fçai  quoi 
qui  fait  que  les  parties  d'un  corps 
dur  fe  tiennent  fi  fort  des  unes  aux 
autres,  qu'il  fautfaireërïbrt  pour  les 
feparer,  &  qu'on  les  regarde  comme 
ne  faifantenfembleqii'untout.  J'ef- 
pere  que  cette  caufe  étant  trouvée, 
il  n'y  aura  -pas  grande  difficulté  à 
découvririe  refle. 

II  me  fembfe  prérentement  qu'il 
eft  néceflàire ,  que  ce  je  ne  fçai  quoi,, 
qui  lie  les  parties  mêmes  les  plus  pe- 
titesdece  morceau  de  fer  que  je  tiens 
entremes mains,  foit quelque chofe 
debien  puitfànt,  puifquil  faut,  que 
Terne  III.  O 


GooSk 


$4       LIVRE  SIXIEME. 

je  faflè  un  très-grand  effort ,  pour  en 
rompre  une  petite  partie.  Mais  ne 
me  trompé- je  point?  ne  fe  peut-il 
pas  faire  que  cette  difficulté  que  je 
trouve  à  rompre  le.  moindre  petit 
morceau  de  fer ,  vienne  de  ma  fbi- 
fcfeâ* ,  &  non  pas  de  la  réfiflance  da 
ce  fer?  car  je  me  fo»vieos,qiie  jai  fait 
amnefois  plus  d'effort  que  je  n'en 
fei»  maintenant ,  pour  rompre  un 
morceau  de  fer  pareil  à  celui  que  je 
tiens  :  &  fi  je  tomfcois  malade ,  i! 
pGHirron  aaiErer  que  même  avec  de 
eues-grands  efforts. je  n'en,  pourjob 
vejair.  à.bout.  Je  vois  bien  que  je  ma 
dois  pat  juger  abfomment  de  la  fer- 
meté dont  les.  parties  du  fer  font 
pintes  eufemMe,  pas  le*  efforts,  que 
je  fais  à  les  défunir.  Je  dois  lèule- 
mem  juger  qu'elles  tiennent  tres.- 
fbrtles.unes  aux  autres, .par  rapport 
à  mou  peu-  de  force  :  ou. qu'elles  te 
tiennent  pins,  fort  que  testâmes  de 
ma  chair  ,  puifque  Iesfi»ntimens  de 
douleur  que  j'ai  en  faifaot  trop  d'ef- 
fort, m'avertiflènt  que  je  délunirai 
joutât.  les  parties  de  mon  corp»  que 
«lies  du  fer. 

Jereconnois  donc  que  de  même 
que  je  ne  Cuis  point  fort,    ou  foible 


GooSk 


DE  LA  METH.  II.  Tut.  31* 
abfelmnenc  -,  le  fer  ou  les  autres 
corps  ne  font  point  durs,  ou  fféxi- 
fcles  abfoiument ,  raais  feulement  pat 
rapport  à  la  calife  qui  agit  contre 
eux:  &que  ies  effof es  que  je  fais  ne 
peuvent  mefervir  de  règle  pour  me- 
furer  k  grandeur  de  la  force ,  qu'il 
faut  employer  pour  vaincre  h.  réfif- 
tance  &  la  duretté  du  fer.  Car  les  ré- 
gies doivent  être  invariables,  &  ces 
efforts  varient  félon  les  tems,  félon 
l'abondance  des  efprks  animaux  & 
la  duveté  des  chairs  ;  puisque  je  ne 
puis  pas  toujours  produire  les-  mê- 
me* effet»  en  faifant  les  mcmes  ef- 
forts. 

Cette  réflexion*  nse  délivre  d?un 
psépigé  que  j'avois ,,  que  ne  ferfoiï 
imaginer  de  fort  liens-peur  unir  les 
parues- des  corps  ,  feiquels-  liens  ne 
font  peut-êw»  poil»  :  00  j'efpere 

r.eile  neme  fera  pas  inutile  dans 
fuite  ,  car  j'ai  une  pente  étrange 
à.  juger  de  tout  par  rapport  à  moi, 
Se  à  Cuivre  les  mpreluons  de  me» 
fetts  à  quoi  je  prenéttai  garde  avec 
pins  de  loin.  Maiticocwinuons-. 
-  Après  avoir  pente  quelque  tems, 
&  cherché  avec  quelque  application 
la caufe  de  cette  étroite  union  fais 
Oij 


3rf      LIVRE  SIXIE'ME. 

avoir  pu  rien  découvrir,  jemeferts 
porté  par  ma  négligence  Se  par  ma 
nature  à  jugercomme  planeurs  au- 
tres, quec'ell la  forme  des  corps  qui 
conferve  l'union-entre  leurs  parties,  ' 
ou  l'amitié  &  l'inclination  qu'elles 
ont  pour  leurs  femblables  :  car  il 
n'y  a  tien  de  plus  commode  que  de 
fe  laifler  quelquefois  feduire,  & de- 
venir ainiï  tout  d'un  coup  fç  avant  à 
peu  de  frais. 

Mais  puifque  je  ne  veux  rien  croi- 
re que  je  ne  feache ,  il  ne  faut  pas 
que  je  me  laide  ainli  abattre  par  ma 
propre  pareffè,  ni  que  je  me  rende 
a  de  finiples  lueurs.  Quittons  donc 
ces  formes  &  ces  inclinations  ,  dont 
nous  n'avons  point  d'idées  di  dindes 
&  particulières ,  mais  feulement  de 
confufes  &  de  générales,  -que  nous 
ne  formons  ce  me  femme  que  pat 
rapport  à  nôtre  nature  &  de  l'e-' 
xiflence  même  defquelies  plufieurs 
perfonnes ,  &  peut-^tre  des  nations 
entières  ne  conviennent  pas. 

lime  femble  que  je  voi  Iacatife 
de  cette  étroite  union  des  parties  qui 
compofent*  les  corps  durs ,  fans  y 
admettre  autre  chofe  que  tout  ce  que 
tout  le  monde  convient  d'y  être ,  ou 


C,„„sk- 


tSE  LA  METH:  IL  Pa-rt.  317 
K>«t  au  ihdrns-  tout  ce  que  tout'  le 
monde  conçoit  diftînflement  poa- 
voiryêtre:  Car  tout  lemonde  con- 
çoit diftinctemem  que  tous  les  corps 
font  compofez,  ou  peuvent  être  com- 
pofez  de  petites  parties;  Ainfi  il  fe 
pourra  feire qu'il  y  endura  qui  fe- 
ront crochues &■  branchues,  & com- 
medepetits  liens  capables  d'arrêté* 
fortement  les  autres ,  ou  bien  qu'el- 
les s'entrelaceront  toutes  dam  leurs 
tranches ,  de  forte  qu'on  ne  pourra 
pasfacrteinent  les  déïunir. 

J*ai  une  grande  pente  à  me  faiffer 
aller  à  cette-penfée ,  Sé-d'antant  plus  ■ 
grande  que  je  voî  que  les  parties  vî- 
trbles  des  corps  groflïers  s'arrêtent 
&  s'uniflènt  les  unes  avec  les  autres 
de  cette  manière.-  Mais  je  ne  fçau-' 
rois  trop  me  défier  des  préoccupa- 
tionss  &des  knpremons'demesfens.. 
II  fautdpnc  que  j'examine  encore  la. 
cïiofe:de  plus  prés,  cYqueje  cher- 
che même  la  raifon  pourquoi  le* 
Îdus  petites  $c-Ies  dernières  parties 
blides  des  corps  ,  en-  un  mot  les, 
parties- mêmes-qni  compofent  cha- 
cun de  ces  liens  fe  tiennent  enfem- 
ble:  car  elles  ne  peuvent  être  unies- 
par  d'autres  liens  encore  plus  petits,.. 
O  nj, 


Goo8k 


i 


«tS      LIVKE  SIXIEME. 

puifque  je  les  fuppofe  Iblides.  Oa- 
bien  fi  je  drsqu'eiies  font  unies  de 
cette  (brie,  on  me  demandera  avec 
KBÎfisn,  qui  unira  enfembieces  au* 
«es ,  &  ainfi  à  l'infini. 

De  forte  quepréfeiitement  le  noeud 
de  laqueAioncft  de  fçavoir  ,  com- 
ment les  panses  de  ces  petits  liens 
du  de  cet  parties  branebuës  peu- 
vent être  auffi  étroitement  unies  en- 
semble qu'eues  le  font ,  A  par  exem- 
ple *rec  B ,  que  je  CuppoTe  parue» 

A  ÏSXB 

d*un  petit  lien.  Ou  &îen  ce  qttî  efl 
la  même  choie ,  les  corps  étant  d'au- 
tant plus  durs  qu'ils  font  plus  foli- 
des ,  Se  qu'ils  ont  moins,  de  pares ,  la 
queftion  elt  à  préféra  de  fçavoir, 
comment  les  parties  d'une  colomne 
compofëe  d'une  matière  qui  n'ait  roi  t 
aucun  pore,  peuvent  être  fortement 
jointes  enfembïe  ,  ôc  composer  un 
corps  tres-dur  :  Car  on  ne  peut  pas 
dire  que  tes  part  ies  de  cette  colomne 
fe  tiennent  par  de  petits  liens,  puif- 
qu'étant  fuppofée  fans  pores  elles. 
n'ont  point  de  figures  particulier 


nELÀMETFÎ.  H.TW  & 
Je  me  Cens  encore  extrêmement 
porté  à  dite  que  cette  colomne  eu 
dure  par  fa  moura  ou  bien  que  les 
petits  liens,  dont  fbntcompofez  les 
corps  durs,  font  des  atomes,  dont 
les  parties  ne  fc  peuvent  divtfer , 
comme  étant  les  parues  effemieUes 
&  dernières  des  corps  ,  &  qui  font 
effamelkmertt  crochues  ou  branchués, 
eu  d"uue  ligure  embarafEmie. 

Mais  je  reconnais  franchement 
que  ce  n*ett  point  expliquer  U  diffi- 
culté, &  que  quittant  les  préoccupa- 
tions &  les  illufions  <fc  mes  féns , 
j'aurais tortde recowriràtme  forme 
abftrarte,  &  cTernbraffer  un  fantô- 
me de  Logique  pour  la  caufeque  je 
cherche:  je  veux  dire  que  j'auroifc 
ton  de  concevoir ,  comme  quelque 
chofe  de  réel  &  de  daftinâ ,  l'ike* 
vague  de  nature  ou  d'ejj&nttr  ,  qui 
n'exprime  que  ce  que  ÏÏM  fçan  :  & 
de  prendre  ainlî  une  forme  aMîraite 
&  univerfelle  ,  comme  une  cauftr 
phyiiqued'uneflèttres-réel.  Car  il  y 
a  deux  chofes  defqueite*  je  ne  me- 
£;auroistropdélier.  Lapremiereeft 
ï'hnpreflîon  de  mes  fens ,  &  l'autre 
efl  la  facilité  que  j'ai  de  prendre  le*- 
matures  abûiaioes ,  &  les  idées  gêne* 
Onif 


•  jto  ■  LIVRE  SIXIE'ME. 
raies  de  Logique  pou r  celles  qui  tant' 
réelles  &  particulières ,  &  je  me  Con- 
viens d'avoir  été  pluiîeurs  fois  fé- 
duic  par  ces:  deux  principes  d'er- 
reur. 

Car  pour  revenir  à  la*  difficulté, 
il  ne  m'eft  pas  poifible  de  concevoir, 
oommeiitees  petits  liens- feroient  in.- 
divifibles  par  leur  eflence  &  parlent 
nature,  ni  par  confequent  comment 
ils  feroient  inflexibles  ,  puifqu'au 
contraire  je  les  conçois  tres-divifi- 
.fcles-,  &  néceiïàirement  divifibles 
par  leur  nattànce  &  par  leur  nature. 
■Car  la  partie  A efl  très-certainement 
mne.  fubflance-auffi-bien  que  B  :  & 
par  conféquent  H  eft  olai  r  que  A  peut 
axifter  fans  B  ,  ou  feparee  de  B., 
puifque  les  fubflances  peuvent  exis- 
ter les  unesflfans  les  autres  ,  parce 
qu'autrement  elles  ne  feroient  pas 
des  fubflances. 

DedirequeAnefoitpas  une  fub- 
flance  -,  cela  ne  fe  peut  :  car  je  le  puis 
concevoir  fan»,  penfer  à  B ,  &  tout 
ce  qu'on  peut  concevoir  feul  il'eft 
point  un  mode  ;  puifqu'iln'y  a  que 
les  modes  ou  manières  d'êtrequi  ne 
fepuiflènt  concevoir  feuls,  ou  fans 
ies..ctresdoqt  ils  font  les  manieies. 


GooSk 


OE  LA  METH.  II.  Faut.  px 
tionc  A  n'étant  point  un  mode ,  c  e!t 
uhefubftance,  puifqiie  tout  être  efl 
néceifairement  ou  une  lùMance ,  ou 
bien  une  manière  d'être»  Car  eniin  ■ 
tout  ce  qui  eftfepeut  concevoir  leui,- 
ou  ne. le  peut  pas:  il  n'y  a  pas- de» 
milieu  dans  les  propofitions  contra- 
dictoires: &  l'on  appelle  être  ou- 
{ubflancece  qui  peut  être  conçu  &,-' 
par  conféquent  créé  feuL  La  partie-' 
A  peut  donc  exister  fans  la-  partie  B,.- 
&  a  plus  forte  raifon  elle  peut  exifter>' 
ieparémentdeB.  De  forte  que  ce  lien,  • 
efl  diyifible  eu  A  &  en  B,  - 

De  plus ,  fi  ce  lien  étoit  indivisi- 
ble ,  ou  crochu  par  fa  nature  &  par  ' 
ù>n  eflènce  -,  il  arriveroh  tout  leçon--- 
traire  de  ce  que  nous  -voyons-  pan 
l'expérience-:  ..car  on  ne  pourroic- 
rompre  aucun  corps .  S  uppo  fou  s  coin- 
me  auparavant  -,  qu'un  morceau  -de-" 
fer  eftcompofé  d'une  infinité  de  pe- 
tits liens  qui  s'entrelacent  les  uns 
dans  les  autres ,  dont  A  a  -,  &  B  b,.eO" 


^rtX— & 


Soient,  deux  Je  dis  qu'on  ne  pose-- 


Coo8k- 


pi    LÏVHE  stxtewe: 

soit  lesdécrocher,  5c  par  conséquent 
qu'on  ne  pourrait  rompre cefer.  Car 
pourlerompre,  il  iaudroit  plier  les- 
liensquï  Iecompofart,  Jefquelsce- 

E  ridant  font  fuppofez  inflexibles  par 
ir  eflence  &  par  leur  nature.. 
Que  ffon  ne  le»  fuppofe  pointïnffé. 
*ible*.  mais  feulement  indiviliblespar 
leur  nature,,  ta  fiippoCdortne  fervira> 
lie  rien  pour  refondre  la  queflion. 
Car  alors  la  difficulté  feradefçavoir, 
d'où  vient  que  ces  petits  liens  n'o— 
béaient  pas  a  l'effort  que  l'on  fait 
pour  ployer  une  barre  de  fer.  Ce- 
pendant fi  l'on  ne  les  fuppofe  point 
mfléxibfes.onnedortpohitlesfiippcK 
fer  indivisibles.  Car  li  les  parties  de 
ces.  liens  pouvoient  changer  de  fitua- 
tionlesunesà  l'égard  des  autres,  il 
eftvrfibïe  qu'elles  fe  pourroient  fô- 

r:  puisqu'il  n'y  a  point  de  rai- 
.  pourquoi  Jî  une  partie  pcit  un 
jku  s'éloigner  de  l'autre ,  elle  ne  ïe' 
pourra  pas  rout-à-fah.  Soit  donc  que- 
l'on  fuppofe  ces  petits  liens  inflexi- 
bles-, foit  qu'on  les  fuppofe  mdiviiï- 
bles  ,  on  ne  peut  par  ce  n*yen  re- 
fondre la  qpeftrorl..  "Car  foit  qu'on; 
Je»;  fuppofe  rndivifîbles ,  ou  qu'on- 
iet  ûippofe  infitxibie&j  il  ténias 


GooSk 


ŒtÂBÏÉtH.ILPART.    m 

poflible  de  le  rompre  ;  puifque  Ies; 
petits  liens  qui  compofeni  le  fer  étant 
em  barattez  les  uns  dans  les  autres  ,  i  I 
fera  irnpoffible  de  les  décrocher.  Tâ- 
chons donc  de  réfoudre  la  difficulté 
par  des  principes-clairs  &  incontefta- 
fcles,  &de  trouver  la  taifon  pour- 

5uoice  petit  lien  a  ces  deux  parties- 
i ,  B ,  fifottattachées  l'une  a  L'au- 
tre, 

Je  toi  bien  qu'il  eft  néceflàire  que- 
je  drvife  le  fu  jet  de  ma  Méditation 
par  parties ,  atin  que  je  l'examine 
plus  exactement,  &  avec  moins  de- 
contention  d'efprit,  puifque  te  n'af- 
pu  d"abopdd'une  fîmpfe  vue ,  «  avec 
toute-rattenrion-dont  je  fuis  capable,, 
découvrir  ce  que-  je  chercho».  Et 
tfe&  ce  que  jepouvois  faire  dé»  N? 
commencement  .-car  quand  les  fujets- 
çue  LVmi  confiderefont  un  peu  ca- 
chez ,  c'eït  tou^oure  le  meilleur  de 
neles- examiner  que  pac  parties,  & 
de  ne  fe  point  fatiguer  inutilement 
fat  de  faunes-  efperances  de  rencoï^- 
trer  heureufement.. 

Ce  que-  je-cherohe  eft  laicanîé'  t&* 
l'étroite  union  ,  qui  fe-  trouve  entré 
tes  petites  parties  qurcompofeïtt  1er 
petniien.A,  Br  Qt  il  n'y  a^aetroi* 


9*4  LIVRE  SIXIEME*, 
chofes  que  je  conçoive  diftin&ement" 
pouvoir  être  la  caufe  que  je  cherche» 
îçavoir  les  parties  mêmes  de  ce  petit  - 
lieu ,  ou  bien  de  la  volonté  de  l'Au- 
teur de  la  nature,. ou  enfin  les  corps 
învifibles  qui  environnent  ces  petits 
liens.  Je  pourrois  encore  apportée 
pour  caufe  deceschofes la  forme  des 
corps  ,.Ies  qualitez  de.  dureté,  ou 
quelque  qualité  occulte  ,  la  fympr — 
thie  qui  ferait  entre  les-  parties  de 
même  genre,  &c.  Mais  parce  que 
je  n'ai  point  d'idée  diflin&e  de  ces 
belles  choTes,  je  ne  dois  ni  je  ne  puis 
y  appuyer  mes.  raifounemens  :  do 
forte  que  fi  je  ne  trouve,  pas  la  caufe  ■ 
que.je. cherche  dans. les chofes  dont 
j'ai  des  idées  difUndes-,  je -.ne  me 
peinerai  pas  inutilement  a  la  con- 
templation de  ces  idées  vagues  & 
générales  de  Logique,  &  je.cetTerai 
de  vouloir  parler  de  ce  que-,  je  n'en-- 
tens  point. . Mais  examinons  la  pre 
miere  deceschofes  qui  peuvent  être» - 
caufe,-,  que  .-les  parties  de  ce- petit 
lien  font  fi  fort  attachées,  fçavoic 
les  petites  parties  dont  il  eu  corn-- 

Quand.jeneconfidereque  les  par-f 

«es. dont  les  corps  .durs  .font  cornpp-i 


.DEIvAMËTff.n.PART.    ji{ 

te,  je  me  fens  porte  à  croire,  qu'on  Prbeipeid* 
ne  peut  imaginer  aucun   ciment    qui  ^""d\  u 
tmijfè  tes  parties  de  ce  lien;  qu'eues-  r«™»fc  par- 
mêmes  &  leur  propre  repos:  car  de'££l£l 
quelle  nature  pourroit-il  être  ?  Il  ne 
fera  pas  une  ckofe  qui  Jkbftfie  de  foi- 
même,  car  toitifs  ces  petites  parties 
étant  des  fubjlanees  ,  peur  quelle  rai- 
Jbn  feroient-eUes  unies  par  d'autres  fub- 
Jfances  que  par  elles-mêmes  t  Il  ne  fera 
pas  aufji  une  qualité  différente  du  repos, 
parce  qu'il  n'y  a  aucune  qualité  plus 
contraire   air- mouvement  qui 'pourrait 
feparer  ces  parties  que  le  repos  qui  efi 
en  elles:  mûr  outre  les  fùbjiances  ér' 
leurs  qualité^,  nous  ne  comoifiûm  point 
qu'il  y  ait  d'autres  genres  de  chofbs. 

Ilefl  bien  vrai  que  les  parties  des 
corps"  durs  demeurent  unies  ,  tant 
qu'elles  font  en  repos  les  unesau-' 
prés  des  autres:  &  que  Iortqu'eïïes 
font  une  fois  en  repos  -,  elles  conti- 
nuent par  elïes-mèmes-d'y  demeurer 
autant  qu'il  fe  peut.  Mais  ce  rfeft  pas 
ce  que  je-cherche,  je  prens  le  charade.' 
Je  ne  cherche  pas  d'où  vient  que  le»" 
parties  des-  corps-durs  font  en  repo»1 
les  unes  auprès  des  autres  -;  je  tâche  ' 
ici  de  découvrir  d'où  vient  que  les- 
parties,  de.  ces-corps  qpt-foxee  pouE? 


Coo8k- 


ïié      LIVRE  SIXIE'ME. 

demeurer  en  repos  les  uns  auprès  de» 
autres ,'6c  qu'elles  réûilent  à  l'effort 
que  l'on  fait  pour  les  remuer  ou  le» 
feparer. 
ccfcirrei       Je  pourrais  pourtant  me  répondre 
5mé'pM.U  Sue  *naiîllc  «ï'P*  a  véritablement 
ut.  delà  force1  pour  coaunuer  de  de- 

meurer dans  l'état  ovileft,  &<jue 
cette  force  eft  égale  pour  le  m»u  ve- 
ment  &  pour  le  repos  :  Mais  que  ce 
qu  i  fait  que  les  parties  des  corps  dur» 
demeurent  en  repos  les  unes  auprès- 
*tt  <j,  desautres,  &  qu'on  a  de  la  peine  à. 
les  féparer  &  à  lesagiter,  c'ett  qu'où 
n'employé  pas*  aflèz  de  mouvement 
pour  vaincre  leur  repos.  Cela  eft 
vrai  fcinblabie ,  maïs  je  cherche  la 
certitude,  fi"  elle  fe  peut  trouver,  6c 
non  pas  là  feule  vrai-femblance:  Et 
comment  puis-jefeavoir  avec  certi- 
tude &  avec  évidence ,  que  chaque 
corps  a  cette  forcepour  demeurer  en 
l'état  qu'il  eft ,  &  que  cette  forceeft 
égale  pour  le  mouvement  &  pour  le 
repos  ;  puiique  la  matière  paraît  ait 
contraire  indifférenteau  mouvement , 
&  au  repos,  &abfolument  fans  au* 
cime  forcé.  Venons  donc  comme  a: 
fait  M.  Defcartes  à  la  volonté  du 
Créateur ,  laquelle  eft  peut-être.  lai 


GooSk 


DE  JA  METH.  H.  Pttr.  317 
brce  que  le  corps  feinbient  avoir 
dans  eux-mêmes.  Oefl  la  féconde 
choie  que  nous  avons  dit  auparavant 
pouvoir  comerver  Ie6  parties  de  ce 
petit  lien  dont  nous  parlions,  fi  fort 
attachées  les  unes  aux  autres. 

Certainement  il  fe  peut  faire  que 
Dieu  veuille  que  chaque  corps  de- 
meure dans  l'état  où  il  eft ,  &  que  fa. 
volonté  foit  la  force  qui  es  unit  les- 
parties  les  unes  aux  autres  tde  même- 
que  je  fçai  d'ailleurs  que  c'eft  fa  vo- 
ïonté  qui  eft  la  force  mouvante,  la. 
quellemet  les.  corps  dans  le  mouve* 
ment.  Car  puiique  la  matière  ne  fe- 
peut  pas  mouvoir  pat  elle-même  J  if 
mefeinhlequejedois  juger  que  c'eft 
nnefprir,  &  même  que  c'eft  1* Au- 
teur de  la  nature  qui  ia  confcrve ,  & 
\  qui  îa  met  en  mouvement ,  en  la 
eomervant  fucceffivement  en  pki- 
fiwr&endrofts  pat  fa  fimpfe  voïoi£- 
té,  puisqu'un  être  mnninaent  puif- 
fant  n'agit  point  avec  des  inftru- 
mens,  &  que  les  efïêts  fuirent  ne- 
leflàirement  de  fa  volonté. 

Je  reconnois  donc  qu'il  fe  peurir  ***** 
feire  que  Dieu  veuille,  que  chaque  *  ,lnit 
ehofc  demeure  en  l'état  où  elle  eft,  A*  w.  #* 
fch  qu'elle  foàen  repos ,  ou  qtf^^iÏÏi. 


Goo8k 


M8'    MVRE  SÎXÏE^Më: 

foit  eri  mouvement  ;  Si  que  cette" 
volonté  fou  la  puîftance1  naturelle; 
qu'ont  les  corps  pour  demeurer  dans 
l'état  où  ils  ont  une  fois  été  mis.  Si 
celaefb,  il  faudra  comme  a -feit  M; 
Defcartes  mefurer  cette  puiffance; 
conclure  quels  ert  doivent  être  les  - 
effets  ,  cV  donner  ainfi  des  régies  de 
la  force  &  de  la  communication  des 
mouvèmens  à  la  rencontre  des  diffé- 
rens  corps ,  par  la  propoftioffàe  la 
grandeur  qoï  fe'  ttouve-entre  ces 
corps  :  puîîque  nous  n'ayons  point 
d'autre  moyen  d'entrer  dans  la  con-4 
noinance  de- cette  volonté  générale 
&  immuablede  Dieu,  qui  fait  là 
différente  puiffance  que les  corps  ont 
pour  agir  &  pourfe  réftftet  les  un» 
auxauires,  que leurdifferente gran- 
deur &  leur  différente  vîteflè. 

Cependant  je  n'ai  point  de  preuve.' 
certaine  que  Dieu  veuille  par  une» 
volonté  pofitive  que  les  corps  de- 
meurent en  repos  :  &  il  femble  qu'il 
fuffitqiie  Dieu  veuille  qu'il  y  ait  de*' 
la  matière ,  afin  que  non  feulement 
elle  exifte,  mais  auffi  afin -qu'elle - 
eïcine  en  repos. 

H  n'en  ëft  pas  de  même  des  mou«" 
vemens ,  parce  que  l'idée  d'une  «**■ 


GooSk 


,  OEtAMETH.'n.pAUT.  329  ' 
rïere  mue  renferme  certainement 
deux  puiffances  ou  efficaces  ,  auf- 
*  quelles  elle  a  rapport.,  fçaveir  celle 
quil'acréé,  &  déplus  celle  qui  l'a 
agitée.  Mais  l'idée  d'une  matière  en 
repos  ne  renferme  çjue  l'idée  de  fa 
puillànre  qui  l'a  créée;  fans  qu'il;  foie 
nécelïaired'uns  autre  purifance  pouc 
la  mettre  en  repos  :  puifqne  fî  on 
conçoit  fimplenrent  de  la  matière 
fans  longer  à  aucune  puillance ,  on 
la  concevra  néceuaîrement  en  repos. 
C'efl  ainfi  que  je  conçois  les  chofes  : 
j'endois  juger  félon  mes  idées;  &  fé- 
lon mes  idées ,  le  repos  n'eft  que  la 
privation  du  mouvement  :  je  veux 
dire ,  que  la  force  prétendue  qui  fait 
le  repos ,  n'eit  que  la  privation  de 
celle  qui  fait  le  mouvement,  car  il 
furntee  mefemble  que  DieuceflTede 
vouloir  qu'un'  corps  foit  mit ,  afin 
qu'il  celïederêtre,  &  qu'il  foit  en 
repos. 

En  effet,  Iâraîfom 
expériences  m'appre. 
corps  égaux  en  mail 
avec  un  degré  de  vi 
avec  un  demi  degré  , 
mier  fera  double  de 
oorid.Silavheuedu 


I? 


!30  LIVRE  SIXIEME. 
,e  quart ,  la  centième,  Iamiiioméme 
decelledu  premier  ;  le  fécond  n'aura 
que  le  <juart ,  la  centième ,  la  milio- 
niéme  partie  delà  force  du  premier. 
D'où  il  eil  aifé  de  conclute  t  que  fi  la 
vkelïè  du  fécond  eft  initnitneut  pe- 
tite ,  ou  enfin  nulle  ,  comme  dam  le 
repos  ,  la  force  du  fécond  fera  infi- 
niment petite,  ou  enfin  nulle,  s'il 
efi  en  repos.  Ainfi  il  me  paroit  évi- 
dent que  le  repos  n'a  nulle  forcer 
pour  renfler  à  celle  du  mouve- 
ment. 

Mais  je  me  fouviens  d'avoir  oîîî 
dire  à  plufieurs  perfonnes  très  éclai- 
rées, qu'il  leur  paroiûok  que  le 
mouvement  étoit  auffi-bien  la  pri- 
vation du  reposa  que  le  repos  la  pri- 
vation du  mouvement.  Quelqu'un 
même  aflura  par  des  raifons  que  je 
ne  pus  comprendre ,  qu'il  étoit  plus 
probable  que  le  mouvement  fut  une 
privation  que  le  repos.  Je  ne  me  (bu- 
yiens  pas  diilinâement  des  raifons 
qu'ils  apportoiem:  mais  cela  me  doit 
faire  craindreque  mes  idées  ne  foieot 
fauflès.  Car  encore  que  la  plupart  des 
hommes  difent  tout  ce  qu'il  leur 
plaît ,  fur  des  matières  qui  paroifiènt 
peu  importantes  ;  néanmoins  j'ai 


Goo8k 


DE  LA  METH.  II.  Part,     jjt 

fujct  de  croire  que  les  perfonnes 
dont  je  parle  prenoieni  plaifir  à  dire 
ce  qu'ils  «oncevoieni.  II  faut  donc 
que  j'examW  encore  mes  idées  avec 
Jom. 

Oeil  unecKofe  qui  me  paroîi  in- 
dubitable, &  ces  Meilleurs  dont  je 
parle  en  tomboient  d'accord ,  fça- 
voirquec'efllavoIontédeDieu  qui 
meut  les  corps,  la  force  donc  qu'a 
cette  boule  que  je  vois  rouler,  c'eil 
la  volonté  de  Dieu  qui  la  fait  rouler  : 
Que  faut-il  prefentement  que  Dieu 
faflè  pour  l'arrêter  ?  faut-il  qu'il 
veuille  par  une  volonté  çofîtive  qu'- 
elle fou  en  repos ,  ou  bien  s'il  fuffit 
qu'il  cefle  de  vouloir  qu'elle  (bit  agi- 
tée ?  II  efl  évident  que  fi  Dieu  ceflè 
feulement  Je  vouloir  que  cette  Boule 
foitagitée,  la  ceflàlion  de  cette  vo- 
lonté de  Dieu  fera  la  ceflation  du 
mouvement  de  la  boule,  &  parcon- 
iequent  le  repos.  Car  la  volonté  de 
Dieu ,  qui  étoit  la  force  qui  remiiort 
la  boule,  n'étant  plus  :  cette  force, 
ne  fera  plus ,  la  boule  ne  fera  ■*~~* 
plus  mue.  Ainfilaceflâtiondeli 
ce  du  mouvement  ait  le  repos 
repos  n'a  donc  point  de  force  q 
caufe.  Ce  n'eft  donequ'unepurt 


3ji      OVRË  SIXIE'MË. 

Wtion  qui  ne  fnppofe  point  en  Dïeuf 
de  volonté  potitive.  Aiiïfi  ce  feroit 
admettreen  Dieu  une  volonté  pofï- 
tîve  {knsraifon  &  fans  néceJïité ,  que 
de  donner  aux  corps  quelque  force 
jfout  demeurer  dans  le  repos. 

Mais  renverfons  s'il  eft  pofiïhle 
cet  argument.  Supp6fon3  préfenté- 
ment  une  boule  en  repos',  au  lied 
que  nous  la  fuppofions  en  mouve- 
ment :  Que  fant-il  que  Dieu  fafle 
pour  l'agiter  ?  Suffit-il  qu'il  cène  de 
vouloir  qu'elle  foh  en  repos-?  Sicela 
eft  ,  je  n'ar  encore  rien-avancé:  cat 
le  mouvement  fera  atrflî-tôt  fa  pri- 
vation du  repos ,  que  le  repos  lapriî 
Vation"  du  mouvement.  Je  fùppofe' 
donc  que  Dieu  celle  de  vouloir  qu'- 
elle foit  en  repos.  Maisceta  fuppo- 
fé.ienevor  pas  que  Iaboulefe  re- 
mue :  &  s'il  y  err  a  qui  conçoive 
qu'elle  fir  remue,  je  les  prie  qu'ifs 
me  difentdequetcôté  ;  &  félon  que! 
degré  de  mouvement  elle' eft  muê^ 
Certainement  il  eft  imporTible  qu'el- 
le foit  mue,  &  qu'elle  n'ait  point: 
quelque  détermination  &  quelques 
degré  de  mouvement:  &  de  cela  feuF  ' 
qu'on  conçoit  que  Dieu  cefTe  de  vou-' 
toii-qu'elle  foh- en  repos,  iLeJl  ans*' 


■   GooSk 


-DE  LA  METH.  TL  Part.  m 
•pofTible  de  concevoir  qu'elle  aille 
avecquelgue  degré  de  mouvement: 
parce  qu'il  n'en  eit  pas  de  même  du 
mouvement  comme  du  repos.  Les 
raouvemens  font  d'une  infinité  de 
façons ,  Us  font  .capables  du  plus  & 
du  mQins::  Mais  le  repos  n'étant 
rien  ,  ils  ne  peuvent  diUrèrer  les  uns 
des  autres.  Une  même  boule,  qui  va 
(Jeux  fois  plus  vite  en  un  tems  qu'en, 
unautre,  a  deux  fois  plus  de  force 
ou  de  mouvement  en  untems  qu'en 
un  autre  :  mais  on  ne  peut  pas  dire 
qu'une  même  boule  ait  deux  fois  plus 
de  repos  en  un  tems  qu'en  un,au- 
tre. 

II  faut  donc  en  Dieu  une  volonté 
pofitive  pour  mettre  une  boule  en 
mouvement ,  ou.  pour  faire  qu'une 
boule  ait  une  telle  force  pourfe  mou- 
voir ;  &  il  fuffit  qu'il  ceûe  de  you- 
foit  qu'elle  fok  mue  ,  afin  qu'elle  ne 
remue  plus,  c'elt-à-dire,  afin  qu'elle 
ibît  enrepos.  Demême  qu'afin  que 
Dieu  crée  un  monde,  il  ne  fuffit  pas 
qu'il  celle  de  vouloir  qu'il  ne  loit 
pas:  maisileHnéceflàirequ'il veuil- 
le pafidvement  la  manière  dont  il 
dort  être.  Mais  pour  l'anéantir ,  il 
ne  faut  pas  que  Dieu  veuille  qu'il  ne 


f4     UtRS  sktet^e: 
it  pas,  parceqtrc  Dieu  ne  peut  pal 
KovâoirtenéaiwpaT  une  volonté  po- 
fhive:  it  foffit  feaîeoKrfit  que  Dieu 
■celle  de-vouloir  qu'A  foct. 

Je  ne  confidere  paft  ici  le  mouve- 
ment &  le  repoafelon  lest  être  (ela« 
«Sf  :  car  rleft  vifiMe  quedes-  corps  ère 
repos  on*  des  rapporta  aufïî  réels  à 
ceux  qui  le»  environnent  que  ceux 
qui  font  en  mouvement.  Je  conçois 
feulement  que  les  corps  qui  font  en 
mouvement ,  ont  une  force  mou» 
vante ,  &  que  ceunt  qui  font  en-  re- 
pos, itfortt  point  de  forée  pour  leuY 
repos  r  Parce  que  le  rapport  des  corr» 
mus ,  à  ceux  qui  les  environnent  , 
eFiflngeantt'oii^oHrs,  it  faut  une  force 
continuelle  peur  produire  ces  cfean- 
gemens  continuels  :  car  etv  effet  ce 
font  ces  cftangemens  qui  font  tout  ce 
qui  arrive  de  nouveau  dam  la:  natu- 
re. Mais,  if  ne  faut  point  de-  force 
pouf  ne  rien,  faire.  Lorfqoe  le  rap- 
port eTon-  ec*ps-  à  ceux  qui  S'envi- 
ronnent eft  toûjotus  le  même,  Une 
fe  fait  rien  ;  &  ÎS>  confervation» de  ce' 
rapport,  je  ma  dire  Faâion  de  la 
volonté"  de  Dieu1  qui  soaferveaie  rap- 
port, n'eft  point  différente  de  celle 
qui  eonièrve  le  corps  même. 


DE  LA  METH.  H.  Paît,  g? 

•  S'il  ell  vrai ,  comme  je  le  conçois, 
que  le  repos  ne  foi  t  que  la  privation 
du  mouvement,  le  moindre  mouve- 
ment ,  je  veux  dite  celui  du  pïus  pe- 
tit corps  agité  renfermer»  plus  de 
force  &  depaiflfance  que  le  repos  dia 
plus  grand  corps.  Arnfi  le  moindre 
effort  ou  le  plus  peut  eo*ps  que  l'on 
concevra  agité  dans-  le  'vaide  *  con-   •  p„  „„ 
creuncorps  très-grand  &  tïes-vafle,  utt>J***  '* 
feracapaUedemouveîrquelquepeuj  J",*',  'ùnct'ps 
puifijnece  grand  corps  étant  en  re-  *.&»«»»  /*- 
-pos  il  n'aura  aucune  pu  tffance  pour  JJ^Î  *£„ 
réfifles  à  ceHedecepetitcorps.qui?^/'?™*'. 
•viendra  frapper  contre  lui.  De  forte  thLjm*a 
qnie   la    réiiflanoe  qnae  les    parties  «m*  >  .*»*«»" 
des  corps,  durs  fiant pauï  empêcher*"^**  * 
leur  réparation  vient,  nécellâiremenr  «'< 
de  quekjie  autre  chofe  que  de  leur  ** 
ïepoft. 

Mais  il  faut  démontrer  par  des  ex- 
périences, fènfïbies.  ce  que  nous  ve- 
nons de  prouver  par  des  raifonne- 
mens  abflraits ,.  afin  de  voir  fi  nos 
idée*  s'accordent  avec  les  fenfations 
quenousteeevonsdesob^eK;  car  iï 
arrive  louyetat  que  de  tele  raifonne- 
mens  nous  trompent  ,  ou  pour  le 
moins  qu'ils  ne  peuvent  convaincre 
les  autres,  &  ceux-là  principalement 


#6  LIVRE  SIXIE'ME. 
qui  font  préoccupez  du  contraire. 
L 'autorité  de  M.  Defcartes  fait  un  fi 
grand  effort  fur  la  raifon  de  quel- 
ques perfonnes  ,  qu'il  faut  prouver 
en  toutes  manières  que  ce  grand  hom- 
me s'en  trompé,  ahn  de  pouvoir  les 
defabufer.  Ce  que  je  viens  de  dire 
entre  bien  dans  l'efprît  de  ceux  qui 
ne  l'ont  point  rempli  de  l'opinion 
■  contraire  :  &  même  je  vois  bien 
qu'ils  trouveront  à  redire  que  je 
m'arrête  trop  à  prouver  des  choies 
qui  leur  paroi  tient  inconteflables. 
Mais  les  Canéfiens  méritent  bien  que 
i'on  farte  effort  pour. les  fatisfaire. 
Les  autres  pourront  paflèr  ce  qui 
fera  capable  de  les  ennuyer. 

Voici  donc  quelques. expériences 
qui  prouvent  fenfiblementqiie  le  re- 
pos n'a  aucune  puiûance  pour  re- 
fluer au  mouvement  ,  •&.  qui  par 
conféquent  font  connoître  que  la  vo- 
lonté de  l'Auteur  delà  nature,  qui 
fait  lapuiflànce  &  la  foreeque  eba-  , 
que  corps  a  pour  continuer  dans  l'é- 
tat dans  lequel  il  eft  ,  ne  regarde  que 
le  mouvement  &  non  point  té  repos, 
puifquelescorpsn'ontaueune  força 
par  eux-mêmes. 

.  .L'expérience. apprend. qqe  de  fort 
grands 


GooSk 


DELAMETH.lt.  Part.   337 

frands  vaiûeaux  ,'  qui  nagent  dans 
eau  ,  peuvent  être  agitez  par  de 
très-petits  corps  qui  viennent  heur- 
ter contr'eux.  De-4àiepretensmal- 
gré  toutes  les  défaites  de  M.  Defcar- 
tes  &  des  Cartéfiens,  que  fi  ces  grands 
coips  étoient  dans  le  vuide  ,  ifs 
pourraient  encore  être  agitez  avec 

Ïilus  de  facilité.  Caria  raifon  pour 
aquelleilya  quelque -légère  diffi- 
cultéà  remuer  un  vaifleau  dans  l'eau, 
c'en  que  l'eau  réfifte  :à  la  force  du 
mouvement  que -l'on 'lui  imprime, 
ce  qui  n'armerort  pas  dans  le  vuide. 
Et  ce  qui  fan  mariîfeftement  voir  que 
l'eau  réfifte.  au  mouvement  que  l'on 
imprime  au  .vaifleau ,  c'eft  que  le 
vaifleau  cefle  drétre  agité  quelque 
tems  après  qu'il  a  été  mû  :  Car  ce- 
la n'arriverait  pas ,  fi  levaiflèau  ne 
perdoit  Ton  mouvement  en  le  com- 
muniquant à  l'eau,  ou  fi  l'eau  lui  ce- 
doit  fans  lui  réfifler,  ou  enfin  fi  elle 
■lui  donnoïtdefon mouvement.  Ain- 
fî  puifqu'un  vaifleau  agité  dans  Peau 
ceflèpeu-à-peudefe  mouvoir,  c'eft 
une  marque  indubitable  que  l'eau 
iefîfteà  Ton  -mouvement  au  lieu  de 
le  -faciliter ,  comme  le  prétend  M. 
■  Defcartesi&parconfequentilferoit 
Tem:  ///.  P 


3^8  LIVRE  -SIXIEME, 
encore  infiniment  plus  facile  d'agi- 
ter  un  grand  corps  dans  le  vuide  que 
jîans  l'eau,  puifqn'il  n'y  auroit  poinj 
4e  réfiftance  de  fa  paît  des  corps  d'a- 
lentour. II  efl  donc  évident  que  le 
repos  n'a  point  de  force  pour  réiifter 
^umouvenaerit,  &  que  le  moindre 
mouvement  contient  plus  de  puif- 
fanee  &  plus  de  /orce  que  Je  plus 
grand  corps  en  repos  :  &  "qu'ainG 
on  ne  doit  point  comparer  la  for? 
ce  du  mouvement  &  du  repos ,  pat; 
la  proportion  qui  Te  trouve  entre  la. 
g  candeur  des  corps  qui  font  en  mou- 
vement Se  en  repos  >  comme  a  fait 
,  M.  Pefcartes, 

U  efl  vrai  qu'il  y  a  quelque  laifpa 
de  croire,  qu'un  vaiflèaueft  agité 
dés  qu'il  eft  dans  l'eau ,  à  çaufe  du 
changement  continuel  qui  arrive  aux; 
parties  de  l'eau  qui  l'environnent , 
quoiqu'il  nous  femble  qu'il  ne  chan- 
ge point  de  place.  Et  c'efl  ce  qui  a 
fait  croire  à  M.  Befcartes  &  £  quel* 
quesautres,quecen'eiïpas  la  force, 
toute  feule  dé  celui  qui  If  pouffe,  la- 
quelle le  fait  avancer  dans  l'eau;  mais 
qu'ayant,  déjà  receu  beaucoup  de 
mouvement  des  petites  parties  du 
corps  liquide  qui  l'environnent»  & 


DE LSMETH. II.  Part .   39- 

■qui  le  pouflènt  également  de  tous 
«ôtez ,  ce  mouvement  efl  feulement 
.déterminé  par  un  nouveau  mouve- 
ment de  eeluiqui3e  poulie,  de  forte 
que  ce  qui  agite  un  corps  dans  l'eau 
■ne  le  pourroit  pas  faire  dam  le  vui- 
4e.  C'eft  ainfi  que  M.  Defcartes  & 
ceux  qui  font  de  Ion  feiitiment ,  dé- 
fendent les  règles  du  mouvement 
-qu'il  nous  a  données. 

Supposons  par  exempte  un  mor- 
ceau de  bois  de  la  grandeur  d'un 
pied  en  quarté  dans  un  corps  liqui- 
de: toutes  les  petites  parties  du  corps 
liquide  agitlènt  &  le  remuent  con- 
tre lui,  &  parce  qu'ils  le  pouflènt 
«également  de  tous  cotez  autant  vers 
,A  que  vers  B  ;  il  ne  peut  avancer 
vers  aucun  côté.  Que  li  je  pouffe 
■  .donc  un  autre  morceau  de  bois  de 
.demi-pied  contre  ie  premier  du  cô- 
ne A  :  je  vois  qu'il  avance,  &  de-ià 
je  conclus  qu'on  le  pourrott  remuer 
dans  le  vuide  avec  moins  de  force 
;<quc  celle  dont  Le  morceau  de  bois  le 
pouflè,  pcmrlesraifonsque  jevien* 
dédire.  Mais  les  perforâtes  dont  je 
parle  le  nient,  et  ils  répondent  que 
ce  qui  fait  que  ïe  grand  morceau  de 
Éois  avance  dés  qu'il  efl  poufTi  par. 
Pij 


Goo8k 


3^>  LIVRE  SIXIEME, 
le  petit ,  c'efl  que  le  petit  qur  ne 
.pourrait  le  remuer  s'il  étoit  feuï,, 
étant  joint  avec  les  partiesdu  corps 
liquide  qui  font  agitées,  les  détermi- 
ne  à  Iepouffer,&  àlùicommuniquer: 
unepartiede  Ieurmouvement.Mais 
ïteft  vifible  quefuivantcette  réponfe, 
le  morceau  de  bois  étant  une  fois 
agité  ne  devrait  point  diminuer  fon 
mouvement,  &  qu'a"  devrait  au  con- 
traire l'augmenter  .fans  cefle.  Car  fé- 
lon cette  reponfe  le  morceau  de  bois 
eu  plus  poulie  par  Peau  du  côté  A 
que  du  côté  B:  donc  il  doit  toujours 
s'avancer.  Et  parce  que  cette  impul. 
fion  efl  continuelle,  fon  mouvement 
doit  toujours  croître-  Mais,  comme 
j'ai  déjà  dit ,  tant  s'en  faut  que  Peau. 
facilite  fon  mouvement  qu'elle  lui 
rélifte  fans  celle ,  &  que  fa  réfiftance 
le  diminuant  toujours  le  rend  enfin 
tout-à-fait  infenûble. 

II  faut  prouver  à  prêtent  que  le 
morceau  de  bois,  .qui  efl  également 
poufle  paries  petites  parties  dei'eau 
qui  l'environne  ,  n'a  poiat  du  tout 
de  mouvement  ou  de  force  qui  fqît 
capable  de  le  mouvoir ,  quoiqu'il 
change  continuellement  de  lieu  im- 
médiat, ou  que  la  furfacede  l'eau  qui: 


DELA  METH.  II.  Part.  ?4ï 

ï>environnene  foit  jamaîsla  même 
en  ditfèrens  tems.  Car  s'il  ert  ainlt 
qu'un  corps  également  poulie  detous 
cotez ,  comme  ce  morceau  de'bois, 
n'ait  ppint  de  mouvement;  H  fera 
.indubitable  qne c'eft  feulement- la 
force  étraiigerequi  heurte  contre  lui 
qui  lui  en  donne,  puïfque  dans  le 
tems  que  cette  fcrce:  étrangère  le 
pouffe,  Péaii  luiréfifle,  Si-  diffipe 
même  peu-à-peu  Ië  mouvement  qui 
lui  eft  imprimé ,  car  il  ceffe  peu-à- 
peu  de  fe  mouvoir.  Or  cela'  paraît 
évident  :■  car-un  corps  également 
pouffe  de  tous  cotez  peut  être  com- 
primé: mais  certainement  il  ne  peut 
être  tranfporté  ;  puifque  plus  une 
force  &  moins  Une  égaie  force  eft 
égala  zéro. 

Ceux  àqui  jeparfe  foùtiennent',- 
qu'il  n'y  a  jamais  dans  la-  nature' 
plus  de  mouvement  en  untemsqu'ea 
un  autre ,  &  que  les  corps  en  re- 
pos ne  font  mus ,  que  pat  la  rencon- 
tre de  quelques  corps  agitez  ,  qui 
leur  communiquent  de  leur  mou-- 
Vement.  De -la  je  conclus  qu'un 
corps,  que  je  fuppofe  créé  parfaite* 
ment  en  repos  au  milieu  de  l'eau,  na- 
recevra  jamais  aucun  degré  de  mou* 


y4*      UVKE  STXIE'ME. 

veroem  ni  aucun  dégradé  forcepotir  ' 
fe  mouvoir,  des  petites  parties  de 
l'eau  qui;  l'entonnent,  &  qui  viennent 
çootinueilemeut  heurter  contre  lui,, 
.pourvu:  qu'elles  te  pouffent  égale- 
ment de.  tons  cotez:  Parce  que  tou- 
tes ces  petites  parties ,  qui  viennent 
keurter  contre  lui  également  de  tous 
cotez,  réjailliflant  avec  tout  leur 
-  mouvement ,  elfes  ne  Iuren  commu- 
niquent point  :  &pai  confeqnentce 
corps  doit:  toujours  être  confideré 
comme  en  repos  &  fans  aucune  force 
mouvante,  quoiqu'il  change  conti- 
nuellement de  furface. 

Or  la  prenveqtie  jai ,  que  ces  peti- 
tes parties  réjaiilifTent  ainfi  avec  tout 
leur,  mouvement, c'eft  qu'outre  qu'on* 
ne  peut  pasconcevoirïachofeautre- 
ment,  Peau  qui  tooche  ce-  corps  de- 
vrait fe  refroidir  beauconp  ou  mèV 
me  fe  glacer,  9c  devenir  ;'i  peu  prés, 
auflî dure  qu'eft  le  bois  en  fa  furface, 
puifqueie  mouvement  des  parties  de 
l'eau,  devroît  fe:  répandre-  également 
dans.Ies  petites  parties  du  coepsqu^ei» 
les  environnent. 

MaispoiiT  m'accommode  r  à  ceux  qui' 
défendent  le  rentraient  de  M.  Defcar- 
«» ,  je,  veux  bien  accorder  que  lion- 


s 


oe  LAMÊffr  rr.  pARt.  $# 

fie  doit  point  confîderer  un  batteau 
dans  l'eau  comme  en  repos.  Je  veux 
aulîiqne  tontes  les  parties  de  I'eati 
qui  l'environnent  s'accordent  toutes' 
au  mouvement  nouveau  que  le  bat-' 
telier  lui  imprime Vqùoiqu'H  ne  fdït 
le  trop  vifible,  par  la  diminution 
l  mouvement  du  batteâu  ,  qu'el- 
les lui  refînent  davantage  du  côté 
ou  il  va ,  que  de  celui  d'où  il  a 
été  pouftê.  Ceîa  toutefbfs  fùppofé,. 
je  dis  que  de'tôutes  les  parties  d'eau 
qui  font  dans  la  rivière ,  il  iPy  a  fé- 
lon M'.  Defcartes  que  celles  qui  tou- 
chent immédiatement  le  batteau  du 
côté  d'où  il  a  été  pouffé  quipuîflérïf 
aider,  à  fon  mouvement.'  Car  félon 
ce  Philofophe  Peak  étant  fluide ,  toit-  Al(-  ^ 
tes  les  parties  dont  elle  ejî  eotttpûjee  «V-- 
gijfentpas  enfembie  tontre  le  cûrfi  que 
îtoiti  Vuulojis  fnouvoir.  Il  rPy  àquëcel- 
lefqûten  lit  touchant  s^appuïénï  con- 
jointmetu  Jjif  lui.  0ï  celles  qui  api 
puïetïtcoriiôihtemenf  fut  le  batteau, 

&  lebattelier'enfemble,  fbnï  cent 
Ibis  plus  petites  que  tout  le  batteau. 
R  eft  donc  vifible,  par  l'explication  vojjmi'w*: 
q.ue  M.  Defcartes  doniie  dans  cet  ar-cônd/p«.ii 
ticle  fur  la  dtflïcjiïfé  qùenous  avons  (l=  r«  ptî»j 
defompïtfun"doûd:€htrenûsmàîns>,:,pe*' 
F  iiij. 


GooSk 


Ï44  LIVRE  SIXIEME, 
qu'un  petit  corps  eft  capable  J'en  agi-- 
tet  un  beaucoup  plus  grand  que  lui. 
Car  enfin-  nos  mains  ne  font  pas  lx 
fluides  que  de  l'eau  :  &  Iorfqneiious 
voulons  rompre  un  cloud,  il  y  a  plus 
départies  jointes  enfembléquiagiC 
fent  conjointement  dans  nos  mains 
que  dans.  Peau  qjii  pouffe,  un  bat- 
teau, 

Mais  voici  une  expérience  plus 
fenfible.  Si  l'on  prend  un  ais  bien, 
uni,  ou  quelque  autre  plan  extrême- 
ment dur,,  que  l'on  y  enfonce  un 
cloud  à  moitié,  &  que  l'ondonne  à 
ce  plan  quelque  peu  d'inclination:  Je 
disque,  li  l'on  met  une  barre  de  fer, 
cent  mille  fois  plus  groffè  que  ce 
eloud,  un  pouce  au  deux. au  deffus 
dé  lui,  &  qu'on  la  laiflè  glifler,  ce- 
cloud  ne-  fe  rompra-,  point.  Et  il  faut 
cependant  remarquer  que  félon  M, 
Defcartes,  toutes  ies  parties  de  la  bar- 
re appuient  &  agiflënt  conjointement 
fur  ce  cloud ,  car  cette  barre  efl  dure 
&  folide.  Si  donc  il  n'y  avoit  point 
d'autrre  ciment  que  le  repos  pour  unir 
tes  parties  qui  compofeiir  Je  cloud  : 
la  barre  de  fer  étant  cent  mille  fois- 
plus  groffè  que  le  cloud  devrait  fe- 

n  la  cinquième  règle  de  M..  Dei- 


îonl* 


belameth:it.part.  ^ 

cartes,  &  félon  la  raifon,  communi-' 
quer  quelque  peu  defon  mouvement  ■ 
à  la  partie  du  doud  qu'elle  choque-- 
xoh,  c'eil'à-dire  le  rompre  &  paflèr 
outre ,  quand  même  cette  barre  glif- 
feroit  par  un  mouvement  tres-ïenr. 
Aînfi  il  faut  chercher  un  autre  caufe- 
que  le  repos  des  parties  pour  rendre 
les  corps  durs,  oucapables-de  refluer 
à  l'effort  que  l'on  fait ,  lorfqu'on  les' 
veut  rompre,  puifque  le  repos  n'a; 
point  de  force  pour  réfifter  au  mou- 
vement: &  je  croi  que  ces  expérien- 
ces fuffifent  pour  faire  connoître  que' 
les  preuves  abftraites  que  nous  avons 
apportées  ne  font  point  faunes. 

Il  faut  donc  examiner  la  troifiéme- 
chofe  que  nous  avons  dit  auparavant' 
pouvoir  être  la  caufedel'unîonétror-  - 
te  qui  fe-  trouve  entre  les  parties  de** 
corps  durs.  Sçavoir  une  matière  in-- 
vifible  qui  les- environne ,  laquelle' 
étant  extrément  agitée ,  pouffe  avec-' 
beaucoup  de  violence  les  parties  exte-> 
tieures  &  intérieures  de mmtnR.  &■: 
les  comprime  ainfîdeM 
pou  ries  f  épater,  il  faut 
force  que  n'en  a  cette  n 
Me  laquelle  eft  extrém 
U  iemble  que  je.  puis 


GooSk 


34*  EIVBE  STXW7AK  ' 
l'union  des  parties ,  dont  les  coïp*' 
durs  font  compofez,  dépend  de  ia 
matière  futtile  qui  le»-  emrironne  &■' 
gui  les  comprime;  potfque  lesdeinr 
autres  enofes  qoe  l'on  pegt  penfèr- 
êîm les  tauiès  de  cette  union ,  ne  le' 
font.  -verhaHennem  point  connue- 
nous.  venons  de  voir.  Car  puifque:  je* 
trouvede  La  réfiflance  a  nemipre-im. 
morceau  de  £èr,  cfcqnexette  réfittan— 
cène  vient  point  du  fer  r  ni  de  la  vo- 
lonté deDka,œmrae  jecroi  I'a-voir- 
pïcaivé;  H  Tant  nécEf&ûiement  qu'el- 
le vienne-de  (pnrlqûe  mat  rené  îrrvifi-  ■ 
hie,  qui  ne  peut  ênjeautreque-ceile- 
qui  ^environne itnmédîateinent  èfc 
qui  le  cornprimt- J'explique-,  &  je 
prouve.ee  fentimenr. 
Ttytx  Ui  LoxIqu'OTiprenduBeboaledecriialr-- 
montrait  que  métal,  cteafe  an  dedans.  &  cou'-- 
hmtii-ciîin  pée-en  deux  hémifpheres ,.  que  Pom 
d,  G.tr„,  jointcesdeuxhémifplieBes encollant: 
"  une  petite  bande  de  cke  à',  l'endroit  - 
de  leur  union  ,  &  que  Ton  en.  tire 
l'ait  ;  l'expérience  apprend  que  ces 
deux  hrârifpheres  fe  joignent  Uune  à» 
lîautre  de  telle'  fonte  que  pluueura^ 
chenarx  ,  que'  l'on-  y  attelle-  pas  1er 
moyen1  de  quelques-  boucles  les  uns* 
d'tuecwtsé,  les  auriesde;  l'acunt,  n*.: 


C,„„sk- 


DE  LA  METïT,  IT.  Part.  347 

Ptuvcnt  leï  fepartr ,  fiippofé  que  les 
flémifpheres  loîentgrandesà  propor- 
tion du-  nombre  des  chevaux.  Ce-- 
pendant-,  ii'I?on  ylaiflè  rentrer  l'air,. 
une  feule  perfonne  les  repare'  fans> 
aucune  difficulté.  H  efl  facile  de  cor.' 
élure  de  cette  expérience,  que  ce- 
qui  iiniflbit  fi  fortement  ces  deux- 
fiémifiilieres  Tune  avec  Pautre,  ve- 
ftoif'  de  ce'  qu'étant  comprimées  à: 
fear  fûrface  extérieure  fit  convexe- 
par  l'arr  qui  les  envrronnoît ,  elles ■ 
fie  l'étoient  point  en  même  tem$' 
dans  finir  furïace'  concave  &  inté- 
rieure. De  forteque  l'action  des  che- 
vaux qui-  tiirofent  les  deux  hémit- 
pheres  de;  deux  coter,  ne  pouvoir 
pas  vaincre  l'éfibn  dSiné  infinité  dé- 
pérîtes parties  d'ait  qui  leur  réfifr 
toient,  en  prenant  ces  deux  fiémif- 
piieres.  Mais  fa  moindre  fofceeft  ca- 
pable de  les  feparer,  lorsque-'  l'ait.' 
etanr  rentré  dans  la fphéïede- cuivre; 
poune  lesfurfaces  concaves  &  inïe?- 
rieures,  autant' que  l'air  de  dehors-* 
prefïè  îesfurfaces  extérieures  &  co— 
vexes. 

Que  fi'aucontraire  onprend'urte.' 
veifie  de  carpe,  &  qu'on  la  mette  dan> 
liiivafedcinfonùrel'aïr,  cette-Veïï*; 
Evj; 


348      tIVRE  SIXIEME 

étant  pleine  d'air  crève  &  fe  rompr*. 
parce  qu'alors  il  n'y  a  point  d'air  au> 
dehors  de  Iavefliequi  renfle à  celui 
qui  efi  dedans,  C'eft  encore  pour  ce- 
la que  deux  plans  de  verre  ou  de 
marbre  ayant  été  ufez  les  uns  fur  les 
autres  fe  joignent ,  en  forte  qu'on 
fent  de  la  réfiflance  à  les  feparer  en. 
un  fens  :  parce  que  ces  deux  parties 
'  de  marbre  font  preflees  &  compri- 
mées par  Tarir  dé  dehors  qui  les  en- 
vironne, &  ne  font  point  G  fort  pouf- 
fées  par  le  dedans.  Je  ponrrois  ap- 
porter une  infinité  d'autres  experien-r 
ces  pour  prouver  que"  l'air  grofliec" 
qui  appuie  fur  les  corps  qu'il  en- 
vironne unit  fortement  leurs  parties j 
mais  ceque-j'ai dit,  fuffit  pour  ex- 
pliquer nettement  ma.penfée  fur  la, 
queftion  prefente: 

Je  dis  donc  que  ce  qui  fait  que  Tes 
parties  dès  corp  durs ,  &  de  ces  pe- 
tits liens  dont  |'ai  parlé  auparavant;. 
font  fi  fort  unies  Jesunes  avec  les  au- 
tres, c'eft  qu'il  y  a  d'autres  petits; 
cerps  au  dehors  infiniment  plus  agi- 
tez que  l'air  groftier  que  nous  res- 
pirons ,  qui  les  pouffent  &■  qui  les-' 
compriment  :  &  que  ce  qui  tait  que? 
nous  avons  de.  la  peine  à  les  fepa»- 


C,„„sk- 


DELAMETH.II.Part.  34? 

rer  n'efl  pas  leur  repos ,  mais  l'agi-  yt}lx  te 
fâtion  de  ces  petits  corps  qui  les  en-  j*.  EtUinif- 
vironnent,  &  qui  les  comprhnent.-fc"jt*t,j"i 
De  forte  que  cequi  réfifle  au  mou-/«?p«<  '* 
Vement  n'efl  pas  le  repos,  qui  n'en^""^, 
eft  que  la  privation,  Si  qui  n'a  de  «wm*«i* 
foi  aucune  foice^  mais  quelque  mou-j-i^""" 
vement  contraire  qu'il  faut  vaincre. 

Cette-  fimple  expoiîtion  de  mon 
fentiment  paroît  peut-être  raifonna- 
ble  :  Néanmoins  je  prévois  Bien  que 
plufieuTs  perfonnes  auront  Beau- 
coup de  peine  à  y  entrer.  Les  corps 
durs  font  une  fi  grande  impreflion 
.  fur  nos  fens  Iorfqu'il  nous  frappent , 
ou  que  nous  faifons  effort  pour  les 
rompre  :  que  nous  fournies  portez  à 
croire  que  leurs  parties  font  unies 
bien  plus  étroitement ,  qu'elles  ne  le 
font  en  effet.  Et  au  contraire  les  pe- 
tits corps  que  pai  ditles  environner , 
aufqueis  j'ai  donné  la  force  de  pou- 
voir caufer  cette  union  ne  faifant  au- 
cune impreflion  fur  nos  fens ,  fenv 
blent  être  trou  foibles  pour  produire 
un  eflèt-fi  fenfiBIe. 

Maîspourdétruirecepréjugé  qui 
n'efl  fondé quefur  lès  impreflionsde 
nos  fens ,  &  fur  la  difficulté  que  nous 
avons  d'imaginer  des  corps  pnis  pe- 


#0  tTVRE  SÎXÏE'ME. 
é'ts  &pïns  agitez  que  ceifit  que  non* 
voïbns  tous  les  jours-,  iï  fiim  confidfei 
rerquela  dureté  des  ccîrpsnelèdoic 
pas  mefûrer  par  rapport  à  nos;  matnsi 
ou  aux  efforts  que"  nous  fommes  ca- 
pables dfe  faire,  qui  font  cïrfterenseiv 
divers  tems.  Car  enfin  fi  la  plus  gran- 
de forcedes  hommes  n*éroit  prefque 
rien  en  compararlbn  de  celle  de  Ia= 
matîenrfiiktïe-,  nous  aurions  granct 
tort  decrofre  que  les  diamans  &  les 
pierres  les  plus  dures  ne'  peuvent 
avoir  pour  caufè'de  leur  dureté ,  la 
compreffiondeSpetfts  corps  tres-agi- 
tez  qui  les  environnent.  Of  on  re- 
connoîtra  vhlblernent  que  h  forcer 
des  hommes  eft  tres-peu dechofe,  fr 
I?on  confiderequelapuilTance qu'ils- 
ont  de  mouvoir  leur  corps  en  taux  de 
manière,  ne-vient  que  d'une  tres-pei 
rite  fermentation  de-  leut  fang ,  la- 
quelle en  agite  quelque  poules  peti- 
tes parties,  &  produit  ainfi  les  et- 
Srhs  animaux.  Car  c*eft  l'agitation; 
ï  ces  efprits  qui  fait  (a  force  de  nô* 
trecorps ,  &  qui  nous  donne-  le  pour- 
voir de  faireces  efforts,  que  nous  re* 
gardons  fans  raifôn  comme  -  quel- 
que'-choie  de  fort  grand  &.  de  fort. 
"puifGmt.- 


Goo3k 


USE  D*  METO  H.  Part.     yp. 

Mais  ii  faut  bien-  remarquer  que 
.  «eue  fermentation -de  nôtre  fang  n  ell 
qu'imefort  petite  communication  du- 
mouvent  de*  cette  matière  fubtile - 
dont  nous  venons  de  parler  :  eau. 
toutes  les  fermentations  des  corps  vi- 
sibles ne-  font  que  des.  communica- 
tions dur  mouvement  des  corps invi- 
fîbles ,  pu  ifque  tout  corps  reçoit  fen^ 

3 citation de quelqu'autce.  Une  faut 
oiitc  pas  s'étonner  fi nôtre  forcen'elt 
pas  ii  grande  que  celle  de  cette  mê- 
me matière  fubtile  dont  nous  la  re- 
•evons.  Maii-lî  nôtre  fang  feférnien- 
to«  auffi.  fort'  dans  nôtre  cœur,  que" 
la  poudre-à  canon  fe -fermente  &  s'a- 

Site-lorfqu'orty  met  le  fèn:  c'efl-à-- 
ire,  fi  nôtre  fang'  recevoitune.com* 
munication  du  mouvement  de  la  ma- 
tière fubtile  auffi  grande  que  eeller 
quela  poudre  à-canon  reçpit^  nous- 
pourrions  faire  des  chofès- extraor- 
dinaires avec  allez  de  facilité,  com- 
me* rompre.-du  fer,,  xenverfer  uner 
maifon,  &c  pourvu,  que  Iton  fup- 
pofe,.  qu'il  y  eût  ufie  proportion., 
eonvenabl*.  entre  nos  membres  &  du-' 
feng.aghé  de  cette  forte.  Nous  de. 
vom  donc  nous  défaire  de  nôtrepré- 
jftgé^&.nc.nous-poiia  imaginer  felqw 


«v      OVftE  smtfME 

PimprelTion  denos  fens ,  que  IeSpar^ 
tirades  corps  durs  foient  fi  fort  unies 
les  unes  avec  les  autres: ,  à  caufe  que 
nous  avons  bien  de  la  peine  à  les 
rompre. 

Que  fi  nous  coAÏiderons  d'ailleurs 
les  effets  du  feu  dans  les-  mines,  dans 
la pefanteurdes' corps,  &■  dans  pla- 
ceurs autres  effets delà  nature,  qui 
n'ont  point  d'autre  caufe-que-i'agita- 
tïon  de  ces  corps  invifitles ,  comme 
M.  Defcartes  l'a-prouvé  en  phifieurs 
endroits ,  nous  reconfioîtrons  mani- 
fefïemenr  qu'il  rfeft  point  au  deffiis- 
de  leur  forceti'uuir  8i  décomprimer 
enfemhle  les  parties  des  corps  durs 
auflî  fortement  qu'elles  le  font.  Cas 
enfin  je  ne  crains  point  de  dire  qu'un 
boulet  de  canon,  dont  le  mouvement 
paroît  lî  extraordinaire,  ne  reçoit  pat  ■ 
même  la- centième  &  peut-être'  la 
millième  partie 'du  mouvement  de 
ia  matière  fubtile-qui  l'environne; 

On  ne  doutera  pas  de  ce  que  j'a» 
vance  fi  l'on  contiderepremierementj 
que  la  poudre  à  canon  ne  s'enflamme 
pas  toute ,  ni  dans  le  même  inflant  : 
Secondement  que  quand  elle  pren- 
drait feu  toute  &  dans  le  même  iiu 
fiant ,  ellejiage  ion  peu  de-tems  dans- 


tm  LA  METH.  I!.  Part.  3*5 
îâr  matière  fubtile.  Or  les  corps  qui 
nagent  treVpeù  de  téms  dans  tes  au- 
tres, n'en  peuvent  pas  recevoir  beau- 
coup de  mouvement;  comme  on  le 
peut'  voir  dans-  les  bâtteaux  qu'on 
abandonne  au  cours  de  Peau  ,  les- 
quels ne  reçoivent  que  pen-à-peu  leur 
mouvement.  En  troiîiéme  lieu  & 
principalement',  parce  que  chaque 
partie  de  la  poudrene  peut  recevoir 
que  le  mouvement  auquef  la  matiez 
re  fubtile  s'accorde^  car  Peaune  com- 
munique au  batteau  que  ie  mouve- 
ment direâ  qui  efl  commun  à  toutes 
les  parties ,  &  ce  mouvement  là  eft 
d'ordinairetre&-petitpar  rapport  aux 
autres; 
Je  pourrais  encore  prouver  la  gran» 
deur  du  mouvement  de  la  matière 
fobiileàceuxqui  reçoivent  les  prin- 
cipesde  M.  Defcartes,  pat  le  mou- 
vement de  la  terre  &  la  pefanteur 
des  corps,  &  je  tirerais  même  de- 
là- des  preuves  allez  certaines  &  allez 
exaâes,  mais  cela  n'eft  pas  necefiaire 
à  mon  fujet.  II  fuffit ,  afin  que  fans 
avoir  vu  les'  ouvrages  de  M.  Defcar- 
tes ,  on  ait  une  preuve  fuffifante  dr 
l'agitation  de  la  matière  fubtile,  que 
ïe-doime.pour.caufede  la  dureté  de: 


^4      LIVRE  SIXIEME: 

corps  ,il  fuffit.dis-je.de  lire  avec  quel- 
que application  ce  que  j'en  ai  déjà- 
dit  dan»  le  IV.  livre  efc,  »•  nombre 
f.  ou  plutôt  ce  que  j'en  dirai  dans 
kXVI.Ecïarrciflèment  nomfeieXI. 
jusqu'à  la  tin. 

Etant  donc  prefenïettièiK  délivrez 
ctes  préjugez ,  qui  nous  ponoiènt  Et 
croire  que  nos  efforts  font  bien  puif- 
fens  ;  &  que  celui  de  ïa-matsere  fub- 
tile  qui  environne  le4  corps-durs  & 

£i  les  comprime,  eft  fort  foible; 
ne  d'ailleurs  persuadez  de  l'agita- 
tion violente  de  cette  matiese  pat 
fes  chofevque  j'ai  dites  dela'poudrr 
à  canon  :  il  ne  fera  pas-  difficile  de 
voir  qu'il  eft.  abfolument  neceflaire, 
que  cette  matière  doit  être  caufe  de 
«dureté  dès  corps  otr  de  eette'r&- 
fiftance  que  nous  fentons  Iorfquc' 
nous  nous  efforçons  de  les  rompre- 
Or  comme  il  y  a-  toujours  beau- 
coup de  parties  de  cette-  matière  irt- 
vifiblequi  entre  &  qui  circule  dans- 
les  pores  des-  corps  durs ,  elles  rie  les 
rendent  pas  feulement  -dur»;  comme: 
nous  venons  cPexpIiquef  ;  mais  de 
plus  elles  font  caufes  qu'il  y  en  a 
quelques-uns  qui  font  rcflbrt  &  fc 
sedreuent,  d'autres  qui  demeurent- 


tSEtk  MEUT.  If.  Parit.  jvî 
Voyiez  ,  d'ancres  qui  font:  fluides  &  nntatea- 
liquides  r  &  enfin  elles  font  cauïè '•»«  <**  li" 
Hon-feulemehrde" la  force,  que  les"e^V/tuc" 
parties  des  corps  durs  ont pour  de-sc  taefin 
meurer  les  unes' auprès  des  autres  ,  fat*™"™ 
mais  aufli  de  celle  que  les:  parties  i«  #yi.  e- 
des  corps  fluides,  ont  de  s'en  fepareiri  ^"'  j£m. 
c'eÛ-à-dire  que  c  efl  elle  qui  rendbrexiv.  u 
quelques  corps  durs  &  quelques  aut  ^'""'.Srîf 
très  fluides:  darss  torique  leurs  par-  iiftnfenifc 
lie»  le  touchent    immédiatement  ;  JL„Jaî  j£e 
fluides,  torque  leurs  parties  ne  fe ' 
touchent  point;  &  que  la  matière  fub- 
«Ie  gfîueentre-eïlesr 

Je  ne  m'arrêterai  point  auûr  à 
réfoudre  un  très-grand  nombre  de 
difficulté;; ,  que  je  prévois  pouvoir 
être  faites  contre:  ce  que  je  viens  (ré- 
tablir :  parecque  ,  fi  ceux  qui  lès-, 
font  n'ont  point  de  connoifJànce  de 
la  vémable  Pbyfique,  je  ne  ferais 
que  lesennuièr&  les  fâcner ,  au  lieu? 
èe  les  fatrisfarre  :  mais  fi  ce  font  des 
perfonnes éclairées ,  leimobjettiojis 
étant  tres-fortes,  je  «ne  pounoisy 
répondre- qu'avec  un  grand  nombre 
de  figures  &  de- longs  difeonrs.  De 
ibrteque-  je  cror  devoir-prier  ceux 
qui  trouveronrquelquedîrnailtédads- 
kis.  chofes  que  je.  viens  de  dirai  de  ; 


yfi  LIVRE  SIXIEME: 
relire  avec  plus  de.  foin  ce  Chapitre1, - 
&leïtf.  Eclairciflémenrj  car  j'efpere' 
que  s'ils  le  lifent  &  s'ils  le  méditent 
comme  il  faut ,  toutes  leurs  obiedions- 
s'évanouïrant.  Mais  enfin  s'ils  trou- 
vent que  ma  prière  foit  incommode, 
qu'ils  ferepofent ,  car  il  n'y  a  pas' 
grand  danger  d'ignorer  lacaufe  de  la 
aurereté  des  corps.' 

Je  ne  parle  point  ici  de  fa  conti-- 
guité:  car  il  eft  vifiblequeleschofes 
comignës  fe  touchent  fi- peu,  qu'il 
y  a  'toujours  beaucoup  de  mauére 
fubiile  qui  paûe  entr'eiles,  &  qui 
faîfanteffortpourcontinuerfonmou-' 
vement  en  ligne  droite- les  empêche' 
de  s'unir.- 

Pour  l'wu'o»  qui  fe  trouve' entre'' 
deux  marbres  qui  ont  été  polis  l'un 
fur  l'autre,  je  l'ai  expliquée,  &  il- 
eft  facile  dé  voir  ,  que  quoique  la 
matière  fubtile  pafle  toujours  entre 
ces  deux  parties  fi  unies  qu'elles  (oient : 
l'air  n'y  peut  paflèr ,  &  qu'ainfi  c'eft 
fon  poids  qui  comprime,  &  qui 
prefte  ces  deux  parties  de  marbre' 
l'une  fur  l'autre,  &qut  faitqu'on.-a 
quelque  peine  à  les  défunir  ,  fi  l'on 
ne  les  fait  gliflèrde  travers. 

XL  eft  yjfiblc- de  tout  ceci  que  I*j 


PELAMETH.II.Pàrt.  pi 
rcontinuité ,  la  contiguïté,  &  l'union 
.des  deux  marbres  ne  feraient  que  la 
même  chofe  dans  le  vuifle  :  car  nous 
n'en  avons  point  aufil  d'idées  diffé- 
rentes ,  de  forte  cjue-c'elt  dire  ce 
.qu'on  n'entend  point,  que  de  les 
faire  différer  amolument,  &  non  par 
rapport  aux  ,cprps  qui  les.environ- 
nent. 

Voici  prérentement  quelques  réfle- 
xions fur  Iefentiment  de  M.  Defcar^ 
tes,  Se  fur  l'origine  de.fon  erreur,. 
J'appelle  (on  fentiment  uneerftur, 
parce  que  je  ne  trouve  aucun  moyen 
de  défendre  ce  qu'il  dit  des  règles  du 
mouvement ,  &  de  la  caufe  de  la 
-dureté  des  corps  vers  la  fin  de  la  fé- 
conde Partie  de  fes  principes  en  plu- 
sieurs endroits,  Se  qu'il  me  femble 
avoir  aflêz  prouvé  la  vérité  du  fea- 
timent  qui  lui  eft  contraire.  Je  vais 
donner  les  régies  du  mouvement  que  ■ 
l'expérience  confirme ,  &  les  raifon* 
de  ces  règles. 

Ce  grand  homme  concevant  très- 
drftinctement  qus  la  matière  ne  peut 
pas  fe  mouvoir  par  elle-même,  &  que 
la. force  mouvante  naturelle  detpus 
les  corps  n'eft  autre  chqfeque  la  vo- 
lonté générale  de  l'Auteur  de  la 


^8      WVRE  SIXÏE^ÏE. 

ture,  &  qa'ainfî  la  communication , 
des mouvemens  des  corps  àleurren- 
■contue  mutuelle  ne  peut  venir*que 
de  cette  même  volonté  ,  ïl  s'eft  lauTé 
aller  à  cette  penfée  ,  qu'on  ne  pou- 
vort  donner  les  régies  de  la  différen- 
te communication  des  mouvemens , 
que  par  la  proportion  qui  fe  trouve 
•entre  les  différentes  grandeurs  des 
corps  qui  le  choquent,  DuiitnTil  n'efl 
'  pas  poffible  de  pénétrer  les  deffeins 
&  la  volontéde  Dieu.  Et  parce  qu'il 
a  iu^  que  chaque  chofe  avait  de  la 
force  pour  demeurer  dam  l'état  où 
elle  étoît ,  foit  qu'elle  fut  en  repos, 
à  caufeque  Dieu  dont  la  refonte  fait 
cette  force,  agir  toujours  de  [a  même 
manière,  il  a  conclu  que  le  repos 
«voit  autant  de  force  que  le  mouve- 
ment. Ainfi  il  a  mefurç  les  effets  de  ' 
ia  force  du  repos  par  la  grandeur  du 
corps  en  repos ,  comme  ceux  de  la 
force  du  mouvement  :  ce  qui  lut  à 
fait  donner  les  règles  de  la  commu- 
nication du  mouvement  qui  font  dans 
les  principes,  &  la caufe delà  dureté 
des  corps ,  que  j'ai  tâché  de  réfuter. 
II  elt  allez  difficile  de  ne  fe  point 
«ndre  à  l'opinion  deM.  Defcartes  . 
quand  on  i'eiwilàge  du  même  côté  ' 


GooSk 


DE  LÀ  MËIH.  II.  Paut.  tfp 
<jue  lui,  j&  qu'on  ne  fait  pas  atten- 
tion :  que  quand  même  il  faudrait 
£n  Dieu^une  volonté  pofitive  or  effi- 
cace pour  le  repos  auffi-bien  que 
.pour  ,ïe  mouvement ,  il  ne  s'enfuit 
point  que  celle  qui  ferait  le  repos 
fût  égale  à  celle  qui  produirait  Le 
mouvement,.  Dieu-ayant  pu  fubor- 
donnèr  l'une  à  5'autre  &  voulojï 
que  la  première  cédât  toujours  à 
te  féconde. 

Je  ne  nVétonnçdoncpasdecequç 
M.  Defeartes  a,eu  cette  rjenfée ,  car  il 
.eil  difficile  de  penlër  a  tout  i  maïs 
je  m'étonne  feulement  de  ce  qu'il 
'île  l'a  pas  corrigée ,  Xoifqu'ayant 
pouffé  plus  avant  Tes  connoiflânees, 
,ll  a  reconnu  l'éxiflence  &  quelques 
effets  de  la  matière  fubtile  qui  envi- 
ronne les  corps  j  je  fuis  furpris  de 
xe  que  dans  l'article  132.  de  la  qua- 
trième partie  U  attribue  la  force 
qu'ont  certains  corps  pour  fe  redref- 
ler  à  cette  matière  fubtile  ,  &  que 
dans  les  articles  <,<,.  &  43.  de  la  %,  par- 
tie &  ailleurs  ,  il  ne  lui  attribue  pas 
leur  dureté,  ou  la  réfiftance  qu'ils 
font  lorfqu'on  tâche  de  les  ployer  & 
de  les  rompre ,  mais  feulement  au 
repos  de  leurs   parties.  Il  me  pa- 


tfSo  fLÏVRE  SIXIEME. 
Toît  évident  que  la  caufe  qui  redreC- 
Te  &  qui  rend  roides  certains  corps, 
efl  la  même  que  celle  qui  leur  donne, 
.la  force  de  réfifter  lortqa'on  les  veut 
rompre  :  car  enfin  la  force  qu'on  em- 
ploie pour  rompre  de  l'acier  ne  dif- 
'fcre  qu'rrrfenfifaïement  de  celle  par 
iaquéîle  on  le  ploie  jufqu'à  ce  qu*il 
Toit  prés  de  fe  rompre. 

Je  ne  veux  point  apporter  ici 
Beaucoup  de  raiions  que  l'on  peut 
.  dire  -pour  prouver  ces  ctiofes  :  ni 
répondre  à  quelques  difficultez  qu'on 
pourroît  former  fur  ce  qu'il  y  a  des 
corps  dursqui  ne  font  point  fenfible- 
iïient  reflort ,  &  que  l'on  a  cepen- 
dant quelque  difficulté  à  ployer. 
Car  il  fuffit  pour  faire  évanoiiirces 
difficultez ,  de  confiderer  que  la  ma*, 
•tiere  fubtile  ne  peut  pas  facilement: 
fe  faire  des  chemins  nouveaux  dans 
lescorps  qui  fe  rompent  lorfqu'on 
les  ploie ,  comme  dans  le  verre  & 
dans  l'acier  Kempé:  &  qu'elle  le 
peut  plus  facilement  dans  les  corps 
qui  font  compofez  de  parties  bran- 
ceuës  &  qui  ne  font  point  caftants 
comme  dans  l'or  &  dans  le  plomb: 
&  qu'enfin  il  n'y  a  aucun  corps  duc 
gui  ne  fatfè  quelquepeu  de  reflort, 
A» 


'DE.LA.-METH.iI.PXKT.  jer 
,  -II  efl  aiïèz  difficile  de  fe  perfuader 
<<jue  M.  Defcartes  ait  crû  pofitive- 
jnent  .que  la  caufe  de  la  dureté. 'fut 
jdiffereute  de  celle  qui  fait  le  reflort, 
&  ce  qui  paroit  plus  vrai-femblable: 
p'eft -qu'il  Ji'a  pas  fait  .aflèz  de.réflé- 
odon-iUI  cette  matière.  Quand  ona 
.médité  Iong-tems  fur  quelque  fujet, 
&  que  Ton  s'eft  fatisfàît  fur  les  cho- 
!  (es  que  l'on  vouloit  fçavoir ,  (buveiu 
on  n'ypenfe  plus.  On  croit  que  Jes 
penjfées  que  l'on  en  a  eues  font  des 
.veniez  inconteÛables  qu'il  eft  inutile 
d'examiner  davantage.  Maïs  il  y  a 
dans  l'homme  tant  de  chofesqui.Ie 
dégoûtent  de  rappIication,qui  lé  por- 
tent à  des  confentemens  trop  préci- 
pitez ,&  qui  le  rendent  fujet  a  l'er- 
leur ,  ^qu'encore  que  Fefprrt  demeu- 
re apparemment  fatisfait ,  il  n'eil 
pas  toujours  bien  informé  de  la  véri- 
té. M.  Defcartes  .étoitiomme  com- 
me nous  :  on  ne  vit  jamais  plus  de 
iblidité ,  plus  de  jufteflè,  plus  d'éten- 
due, St  plus  de  pénétration  .d'efprit, 
que  celle  qui  paraît  dans  fes-Oùvra- 
ges;  Je  l'avoue,  mais  ilfl'étpit  pas 
infaillible.  Ainfi  il  y  a  apparence 
qu'il  eu  demeutéfifortperfiiadéde 
ionfentiment,  qu'iln'apas  fait  réflé- 
Tomc  JU.  Q 


%<&  tîVRl  SIXIE'ME- 
xion  qu'il  affuroi  t  quelque  chofe  dans 
la  fuite  de  lès  principes  qui  y  étoit 
contraire.  II  I'avoit  appuyé  fiir  des 
raifons  tres-fpécieufes  £c  tres-vrai- 
femblables  ;  mars  telles  cependant , 
qu'il  n'étoit  point  comme  forcé  par 
elles  de  s'y  rendre,  II  pouvoit  encore 
ftfpendre  fon  jugement,  &  parcon- 
fequent  j!  le  devoir.  Il  ne  fuffifok 
pas  d'examiner  dan?  un  corps  dut 
ce  qui  peut  y  être  qui  le  rende  tel ,  il 
devoit  auffi  penfer  aux  corps  invifi- 
Hes  qui  peuvent  le  rendre  dur ,  com- 
me, il  y  a  penfé  à  la  fin  defes  princi- 
pes de  Phiïofophie ,  lorfqu'il  lent 
attribue  la  came  du  refïbrt  :  il  de- 
voit  feire  une  divifion  exacte ,  &  qui 
comprît  tout  ce  qui  pouvoit  contre- 
ïmer  à  la  dureté  des  corps.  IlncfufB- 
foit  pas  encore  d'en  chercher  la  caufg 
en  général  dans  la  volonté  de  Dieu  , 
fes  volontez  qui  font  tout  le  repos  fie 
le  mouvement  pouvant  être  Subor- 
données, celle  qui  fait  le  repos  à  celle 
qui  produit  le  mouvement  des  corps* 
II  devoit  de  plus  penfer  à  la  matière 
fubtile  qui  les  environne.  Cac  quoi* 
que  I'exiftence  de  cette  matière  ex- 
trêmement agitée  ne  fût  pas  encore 
prouvée  dans  l'endroit  de  fes  princi. 


Goo8k 


DELA  METH.  IL  Part,  #j 
pes ,  où  il  parle  de  la  dureté  ;  eHé 
n'était  pas  auffi  re'fettée.  Iî  devoit 
donc  fûfpendre  fon  jugement ,  &  fe 
Sien  reSbuveoir  que  ce  qu'il  écrivoit 
de  la  caufe  de  la  dureté  &  des  règles 
du  mouvement,  devoit  être  revu  tout 
de  nouveau  ,  ceque  je  croï  qu'il  n*a 
fpas  lahavec  afiez  de  foin.  Ou  bien  il 
n'a  pas  a0ez  confîderé  la  vérkable- 
bïeraifon  d'une  chofequ'ilefttres- 
fccile  de  reconnoître ,  &  qui  cepen- 
dant eÛ  de  la  dernière  confequence 
dans  la  Fhyfique  ;  je  l'explique. 

M.  Defcartes  fçavoh  bienque  pour 
ibûtenir  fon  fyftéme ,  de  ïa  vérité 
duquel  il  ne  pouvait,  peut-être  pas 
douter,  il  étoit  abfolurneritnéceffaire 
que  les  grands  corpsoomrmînica.ftent 
toujours -de  leur  mouvement  aux  pe- 
tits qu'ils  rencontreraient ,  &  que  les 
petits  refallrftent  à  la  rencontre  dei 
plus  grands ,  fans  une  perte  pareille 
du  leur.  Car  fans  cela  fon  premier 
élément  n'auroit  pas  tout  le  mouve- 
ment qùil  ell  néceflâire  qu'il  ah  par- 
deffus  le  fecond,ni  te  fécond  pardeflùs 
ïetroifiéme;  &  tout  fon  fyftémefe- 
roitabfoïumentfaux,  comme  le  fça- 
ventanez  ceux  qui  l'ont  un  peu  mé- 
dité. Mais  enîuppofamquelerepoi 


C,„„sk- 


3ff      "Vite  SIXIEME. 

ah  force  pour  réfifler  au  mouve- 
ment, 8c  qu'un  graud  eprps  en  r&* 
pos  ne  puîue  être  remué,  par  un  autre 
plus  petit  que  Lui,  quoiqu'il  le  heurte 
avec  une  agitation  furieuiè] il  efl  vi- 
able que  .les  grands  -corps  doivent 
avoir  beaucoup  moins  de  mouve- 
ment qu'un  pareil  volume. de  plus 
petits,  puifqu'iis  peuvent  toujours 
félon  cette  fuppofi  tion  communiques 
celui  qu'iU  ont ,  &  qu'ils  n'en  peu- 
vent pas  toujours  recevoir  des  plus 
petits.  Ainft  cette  fuppofition  n'étant 
point  contraire  atout  ceque  M.  Def- 
cartes  avoir  dit  dans  fes  principes  de- 
puis le  commencement  jufqu'à  L'éta- 
bliflèment  de  fes  règles  du  mouve- 
ment :  &  s'accommodant  fort  bien 
.  avec  la  fuûe  de  fes  mêmes  'principes, 
ilcroyoitque  les  règles  du  mouve- 
ment qu'il  penfoit  avoir  démontré 
dans  leur  caulè ,  étoient  encore  fut- 
liiàmment  coniirméespar  leurs  effets. 
Je  tombe  d'accord  avecM.Def- 
canesdu  fond  de  la  chqfe  ;  que  les 
grands  corps  communiquent-  beau- 
coup plus  facilement  leur  mouvez 
ment  queUes  petits  :  &  qu'ainfi  fon 
premier  élément  eft  plus  agité  que  le 
fécond,  &  le  fécond  que  letiroiûcme. 


ÔÉfcAMETH.  II.  PAhT.  fy 

Mais  la  caulè  en  eft  claire  fans  avoir 
égard  à  fa  fuppofition.  I,es  petits 
corps  &  Iescorps  fluides,  l'eau,  l'air, 
&c.  ne  peuvent  communiquer  à  de 
grands  corps,  que  leur  mouvement 
uniforme  &  commun -à  toutes  leurs 
parties  :  l'eau  d'une  rivière  ne  peut 
communiquer  à  un  batteau  que-  le 
mouvement  de  la-  defceme'  qui  eft 
commun  à  toutes  les  petites  parties 
dont  l'eau  eft  compofee  ;  &  chacune 
de  ces  petites  parties  outre  ce  mou- 
vement commun,  en  a  encore  une' 
infinité  d'autres'paitienliers.  Ainfi  il 
eft  vifible  par'  cette  "raifoiï,  qu'un 
batteau  par  exemple  ne  peut  jamais 
avoir  autant  de  mouvement  qu'un  é- 
galvolumed'eau ,  puifqueïe  batteau. 
ne  peut  recevoir  de  l'eau  que  le  mou- 
vement direâ  &  commun  a  toutes  les  ■ 
parties  qui  la  compofent.  ■  Si  vingt 
parties  d'un-corps  fluide-  pouffent 
quelque  corps  d'un  côté ,  il  y  en  a  au- 
tant qui  le  pouflènt  de  l'autre:  il  de- 
meure donc  immobile-,  &  toutes  les 
petites  parties  ducorpsfluidedansle- 
quel  il  nage ,  rejailliffent  fans  rien 
perdre  de  leur  mouvement.  Ain»  les  - 
corps  greffiers  ,  &  dont  les  parties 
font  unies  les  unes  avec  les  autres  ne- 


GooSk 


$66      LIVRE  StXlE'ME. 
peuvent  recevoirque  le-  mouvement 
circulaire  &  uniforme  du  tourfeirioîi 
de  la  matière  fobtile  qui  les  envi- 
ronne. 

II  me  fembleque  cette  raifon  fbï- 
fit  pour  faite  comprendre  que  ïcs. 
corps  greffiers  ne  font  point  fi  agitez 
que  ks  petits  ,  &  qu'il  n'eft  point 
neceflàirepour  expliquer  ces  chofes 
de  fuppofer ,  que  le  repos  ah  quel- 
que force  pour  réfîfrer  au  mouve- 
ment. La  certitude  des  principes-dé 
la  Phtlofophïe-de  M.  Defcarces  ne 
peut  donc  fervir  de  preuve  pour  dé- 
fendre fes  règles  du  mouvement  :  & 
il  y  a  lieu  decroire  que  fî  M.  Defcar- 
tes  lui-même  avoit  examiné  de  nou- 
veaufes  principes  fans  préoccupation, 
-&enpefantdes  raifons  femHables  à 
celles  que  J'ai  tfites ,  il  n'auroit  pas. 
cru  que  les  effets  de  la  nature  enflent 
confirmé  (es  ïegîés ,  -5e  fie  feroit  pas 
tombé  dans  la  contradiction,  en  attri- 
•fcuarKÎa  dureté  des  corps  durs  feule- 
ment au  repos  de  leurs  parties,  8e  leur 
ïeftort  à  l'effort  de  la  matière  fubtiïe. 

Au  refleje  croi  devoir  avertirque 
cequigâteleplusIaPnyfiquede  M. 
Deicartes  eltce'faux  principe  que  le 
repos  a  de  la  force  j  Carde  là  il  a  tiré 


.  DE  LA  METtf .  II.  Paht.  3<?7 
4es  règles  du  mouvement  qui  font 
fautes  :  de  là  il  a  conclùque  les  bou- 
les de  fon  fécond  élément  étoiem  du- 
jes  par  elles-mêmes  ;  d'où  il  a  tiré 
de  faunes  raifons  de  la  tranfmiffion 
de  la  lumière  &  de  la  variété  desoou- 
leuts ,  de  la  génération  du  feu ,  & 
.donné  des  raifons  fort  imparfaites 
de  la  pefanteur.  En  un  mat  ce  feux 
principe  que  le  uepos  a  de  la  force 
influé  prefque  par  tout  dans  fon  fy- 
iléme  qui  marque  d'ailleurs  un  génie 
fopérieur  aux  Philofophes  quiTont 
précédé  :  j'efpere  que  l'on  «jnvien- 
■d  ra  de  tout  ceci ,  quand'  on  aura  ïù 
•&  bien  conçu  tout  entier  le  feiziériiè 
éclairciflèment ,  j'avoue  cependant 
-que  je  dois  à  M.  Defcartes  ou  à  fa 
Jnamere  de  pnilofopher  les  fentimer» 
[ite  j'pppofeaux  iiens>  &  lahaidieflê 
le  le  reprendre. 


1 


Conclufion  des  trois  derniers  Livres, 

J'Ay  ce  me  femble  aflèz  lait  voir 
dans  le  quatrième  &  cinquième 
livre ,  queles  inclinations  naturelles, 
,&  les  panions  des  hommes  les  font 
Jbu veut  tombée  dans  l'erreur  ;  parc* 
-Qiiij 


GooSk 


3*8     LIVRE  StXlË'MË. 
qu'elles  ne  les  portent  pas  tant  à  exay  - 
miner  les  choies  avec  foin  ,  qu'à  en  ■ 
juger  avec  préciphationï 

Danslequatrrémelivrei'aimon-  - 
tré  que  l'inclination  pour  Iebienen 
général ,  eft  caufe  de  l'inquiétude  de 
w  volonté  ;  que  l'inquiétude  de  la 
volonté  met  refpritdanS'  uneagp- 
tation  continuelle:  &  qu'un  efprit 
inceflàmmenfaghé  eft  entièrement 
incapable  de  découvrir  les  veritez  un 
peu  cachées-:  Que'  l'amour  des  cho- 
ies nouvelles  6Y  extraordinaires  nous 
préocupe-fouventen  leur  faveur,  & 

?ue  tout  cequrportrle  caraftére  de 
infini  eft  capable  d'éblouir  notre 
imagination  &  de  nous  féduire.  J'ai 
expliqué  comment  l'inclination  que 
nous  avons  pour  la  grandeur  ,  l'élé- 
vation cVI'indépendance  nous  engage 
xnfenlîblement  dans  la  faillie  érudk 
non.,  ou  dans-Petude.de  toutes  ces. 
fcrences  vaines  &  inutiles  qui  flattent 
notre  orgaeil  fecret,  parce  qu'ell» 
nous  font  admirer  du  commun  des 
hor»mes.J'ai  montréquel'indination 
pour  lesplaifirs  détourne  fans  cette 
la  vue  de  l'efprit  de  la  contemplation 
des  veritez  abfttaites,  qui  font  les  plus 
£mple$  &  les  plus  fécondes,  &qu'ek 


GooSk 


DE  LA  METH.  H.  Part.  tf9 

le  ne  lui  permetpas  de  confidérer  au- 
cune chofe  avec  allez  d'attention  Se 
dedéfincereflèment  pour  eh  bien'  ju- 
ger :  Que  les  plaiGrs  étant  des  maniè- 
res d'être  de  notre  ame,  ils-partagenc 
néceSaïrement  la  capacité  de  Pefprity 
&  qu'un-  efprit  partagé  ne  peut  plei- 
nement comprendre  cequi a quelque  ' 
étendue.  Enfin  j'ai  fait  voir  que  le 
raport  &  l'union  naturelle,  que  nous  • 
avons  avec  tous  ceux  avec  qui  nous  - 
vivons,  'cil  Toccafion  de  beaucoup  ■ 
d'erreurs  dans  Iefquelles  nous  tom- 
bons, &que  nous  communiquons 
aux.  autres ,  comme  tes  autres  nous  ■ 
communiquent  celles  dans  Iefquelles  * 
ils  font  tombez. 

■   Dansle  cinquième,  en tâcïiant  de  r 
donner  quelque  idée  de  nos  pa£- - 
fions  ;  J'ai-  ce-  me  femHe  afïez  fait 
voit,  qu'elles    font   établies  pour 
nous  -unir  à  toutes  les  choies-  fenfî-  - 
Mes  j  &  pour  nous  faire  prendre  par-  ■ 
mi  elles  la  dîfpofition  que  nous  de- 
vons- avoir  pour  leur  confervaticur  ' 
&  pour  la  nôtre  :  Que  de  mêmé-quéi" 
nos  .fens  nous  unifient  à  nôtrecorps,' 
&  répandent  pour  ainfi  dire  nôtre*' 
-  aine  dans  toutes  les  partie*  -qui  -ïev 
cftmpofent  j  qu'ainû  nos  émotions-1' 


GooSk 


47»  .*  UVHE  SIXIEME 

jaoïiSjfbDt  comme  farcir  hors  de  nous- 
mêmes,  pour  nous,  répandre  dans, 
toùt'ce  qui  naas«nviïonne  iQu'enlnt 
elles  «cm  repliement  fans  celle  les- 
chofes:  non  félon  ce  qu'elles  font<ea 
«Iles-mêmes  ,  pour  former  des juge- 
raensde  vérité,  mais  félon  le  «apport 
qu'elles  ont  avec  nous,  pour  former 
«es'iugemensiwilesà  la  eonfervation 
denotre  être,  &  Je  ceux  avec  les- 
quels nous  fouîmes  unis-,  ou  par  la. 
-   nature-,  ou  parnôtre volonté.. 

Apres  awoit.iofïàyé  de  dètimàt 
fes  erreurs  dans  hzxun  canfes ,  -êc-âe 
délivrer  Vefptibàcs  pïéjttger-aufquelfr- 
il'efifujet,.j,ai  crû  qu'enfin  il  était 
temsde  le  préparer  à  la  recherche  de- 
là veriré,  Arafi  j'arexpliqué  daas  ie- 
fi  xiéme  \iv  re  4  es  moyens  qai  me>fem- 
hlenr  les  plus  naturels  pour  «ugBiea* 
cer  l'attention.  &!l'etenduë,'de  fret-' 
prit, 'en  montrant  l'ufage'  que  i?on 
Hem  faire- de  les  ieœ ,  de  fes partions- 
Se  de  fon  imagination,  poux  kri  don- 
ner toiîte-la  force&  toute  ia  senetva- 
liondontileft  'capable.  Enfuite  j'aii 
établi  certaines  Begles  qa'H  faut  tare- 
ceHàiEenieHtùfefervevpourdcoouvric 
quelque  raritéiquece  foit  :  -je  les-ai; 
expliquées  par  çlufieurs  exemples- 


DÉLAMETHir.  Part.  371 

pour  les  rendreplusfenfibtes,  &  j'ai 
choifî  ceux  qui  m'ont  paru  les  plus 
utiles,  ou  qui  renfermoient  des  veri- 
lezplus  fécondes  &  plus  générales , 
afin  qu'on  les  lût  avec  plus  d'appli- 
cation, &  qu'on  fe  les  rendît  plus' 
fenfifales  &  plus  familières. 

Peut-être  qu'on  reconnoîtraparcet 
efiai  de  Méthode  la  neceflité  qu'il  y 
a  de  ne  raifonner  que  fur  des  idces- 
claires  &  évidentes ,  &  dont  on  eft 
intérieurement  convaincu  que  toutes- 
les  nations  en  conviennent  :  &dene 
paflèr  jamais  aux  chofes  composées  ,- 
avant  que  d'avoir  fuffifamment  exa- 
miné les  fîmples  dont  elles  dépéri" 
dent. 

Que  fi  l'on  conJïdere  qu'ATÎftote" 
&  les  Sectateurs  n'ont  point  obfervé 
les  règles  que  j'ai  expliquées ,  corn-- 
me  l'on  en  doit  être  convaincu ,  tant 
par  les  preuves  que  j'en  ai-apportées,- 
que  par  IaconiïoifTancedeS©pïnions 
des  plus  2elez  défenfeurs  de  ce  Phi- 
lofophe  :  peut-être  qu'on  méprifera 
(a  doStineimalgré  tontes  Iesimpref- 
fions  avantageufes  que  nous  en  don- 
nent ceux  qui  fe  laiuent  étourdir  pai 
des  mots  qu'ils  n'entende 

.    Mais  fi  l'on--  prend  gai 


GooSk 


»r  LIVRE  SIXIE*ME 
niéredephilofopher  de  M.  Défiai* 
tes  j  oh  ne  pourradouter  de  fafolidï- 
té  :  car  j'ai  funifammentmontré  qu'il 
ne  raifonne  que  fur  des  idées  clai  es 
&  évidentes  ,  &  qu'il  commence  par 
les  chofes  les  plus  fimples  avant  que 
de  palier  aux  plus  compofées  qui;  en 
dépendent.  Ceux  qui  liront  les  ou- 
vrages de  ce  fçavaut- homme,  fe  con^ 
vaincront  pleinement  de  ce  que  je  dis 
de  hiy,  pourvu  qu'ils  les- lifent  avec 
toute  l'application  néceflaire-pour 
les  comprendre  :  &  ils  féntironrune 
fecrette  .joie  d'être  nez  dans  un  fiecle 
&  dans  un  pais  aflez  heureux;  pous 
nous  délivrerde  lapetne  d'aller  cher* 
cher  dans  les  fiecles  paflez  parmi  les 
Païens  ,  &  dans  les  extrémité/  de  la 
terre  ;  parmi  les  barbarres  ou  les  é* 
trangers ,  un  Doâeur  pour  nous  in- 
ftruire  de  la  vérité ,  ou  plutôt  un 
moniteur  allez  fidèle  pour  nous  di£* 
ppfer  à  en-être- inilruits.-. 

Néanmoins,  comme  on  nedoit  pas 
le"  mettre  fort  en  peine  de  fçavoir  les 
opiruoïis  des  hommes ;■  quand  inêrne 
on  ferait  convaincu  d'ailleurs,  qu'ils 
auraient  -découvert  la  verhé -,  je  fe- 
rais bien  fâché  que- l'euime /que ja 
pjuois  avoitici.pyuriM,  Deicaites, 


DELAMEÏU  ÏÏ.Fart.  373' 
ptéocupât  perfonne  en  fa  faveur ,  8t 
que  Ton  fe contentât  de  lire  &  de  re- 
tenir fes 'opinions,  fans  fe  foncier  d'éi 
tfe  éclairé  de  Ia-Iumfere  de  la  veiroL 
Ce  feroit  alors  préférer  l'homme  à 
Dieu,  leconfulter  à  la  place  de 'Dieu; 
&  fe  contenter  de»' réponfes  obfcures 
d'un  Philôfophequi  ncnous  éclaire' 
point,  pour  évité*  la  peine  qu'H  y  a  > 
d'interroger  parla  méditation;  celui 
qui  nous  répond  A:  qui  nous  éclaire 
tout  enferhble: 

Oefl  une  chbfe  indigne  que  de  fë 
rendre  partifant  de  quelque  feâe  que  ' 
ce  foit;  &  que  d'en  regarder  les  Au-* 
teurs  comme  s'ils"  étoîent  infaillibles: 
Aûflî  M.  Defcartes 'voulant  plutôt 
rendre  les'homtnes  difciples  de  la  ve-i 
rhé  que  (éclateurs  entêtez defes  fen- 
tfrnens ,  avertit  expreûcmerit  :'  Q1C0H 
n'ajoute  point' du  tout  de  fi/y  h  ce  qu'il 
a-  écrit ,  &  qu'on  rten-retoive  que  ce 
que  la- force  &  l'évidence  de'  la  raifort 
fourra  contraindre  d^èn  croire:  II  ne    auSb  j« 
veut  pas  comme  quelques  Philofo- r«  mnci- 
phes  qu'on  lé  croie  fur  fa  pasolë:"^'" 
il  fe  fouyient  toujours  qu'il-eft  hom-'- 
me,"&que nérépandant  la  'lumière 
que  par  réflexion ,  il  doit  tourner  les" 
efpritsde  ceuxqui-  veulenrétre  éclai-' 


Coo8k- 


774      LIVRE  SIXIE'ME. 
rez  comme  lui,  vers  la  raifonfouve- 
raine  qui  Jèu-le-peut  les  tendre  plu* 
parfaits  par  le  don  dePhitelligencç. 

La  principale  utilité  que  l'on  peut 
tirée  de  l'application  à  l'étude  ofl  de 
fe  rendrel'efprkplusjufte,pluséclai- 
ré,  plus  pénétrant,  oc  plus  propre  à 
découvrir  toutes  les  veritez  que  Ton 
fouhaite  de  fçavqir.  Mais  ceux^ut 
Iifent  les  Philofopnes  pour  en  rete- 
nir les  opinions  &  pour  les  débiter 
aux  autres,  ne  s'approchent  point  de 
celui  quielî  Iavie  &  la  nourriture  de 
Pâme:  leur  efprit  s?aflôihlit  &  s'aveu- 
gle par  le  commerce  qu'ils  ont  avec 
ceux  qui  ne  peuvent  ni  les  éclairer 
ni  les  fortifier.  Ils  fe  remplirent 
d'une  faune  érudition  dont  le. poids 
les  accable,  &  dont  l'éclat  les  éblouit} 
Se  s' imaginant  devenir  fort  fçavans, 
lorlqu'ils  fe  rempliûent  la  tête  des 
Opinions  des  anciens  Pnîlofophes,  ils 
ne  font  pas  réflexion  qu'ils  ferendent 
difciples  de  ceux  que  faint  Paul  dit 
être  devenus  fous  en  x' attribuant  le  nota 
de  fages : dicxnt.es  jeeffe  fapimet 
fiulti  faBi  fimt. 

La  Méthode  que  j?ai  donnée  .peut 
ce  me femble beaucoup  fervir  à  ceu* 
qui  veulent  faire  ufage  de  leur  rai' 


GooSk 


DELA.METH.  II.'Part.   37? 

-iôn,  ou  Tecevoir  de-Dieu  lesrêpon- 
fcs  qn'ildonneàtous  ceux  qui  fça- 
vent  bien  ^interroger  -■  car  je  croi 
avoir  dît  les  principales  choies  qui 
peuvent  fortifier  &  conduire  ftatten- 
tion  de  IMprit ,.  laquelleeft  la  prière 
naturelle  que  l'on  fait  au  véritable- 
Maître  de  tous  les  hommes,  pour  en: 
recevoir  quelqueinftrnction. 

Mais  comme'cette  voie  naturelle- 
de  rechercher  la  vérité  eft  fort  peni- 
-ble-,  ■&  qu'elle  n'en  ordinairement 
-utile  quepoui 'réfoudre  des  queftions 
-de  peu  d'y  fage ,  &dont  la  connoif- 
fance  fert  plus  fouvent  à  flatter  nô- 
tre orgueil,  qu'à  perfectionner  nôtre- 
efprit:  je  croi  pour  finir  utilement 
cet  ouvrage,  devoir  dire  ,  que  la  mé- 
thodela  plus  courte  &  la  plus  aflii- 
rée  pour  découvrir  la  vérité,  &  pour 
s'unir  à  Dieu  de  la  manière  la  plus- 
pure&  la  plus  parfaite  qui  fe  puifle,. 
c'eft  de  vivre-  eaverhableChrétien. 
C'eft  de  fuivre  exactement  les  pre^ 
ceptes  de  la  Vérité  éternelle ,  qui  ne- 
s'eft  unie  avec  nous  que  pour  nous 

*"  réunir  avec  elle;  C'eft  d'écouter  plu- 
tôt nôtre  foi  que  nôtre- raifon  ,  & 
tendreà  Dieu;  non  tant  par  nos  for- 
eesnaturellcs  qui  depuis  Iepeché  font- 


#r  Eivre'sixie'Mé. 

toutes  Ianguiflantes ,  que  par  le  fe-° 
cours  de  la  foi ,  par  laquelle  feule 
Dieu  veut  nous  conduite  -dans  cette 
lumière  îmmenfè  de  la  vérité  qui  dif- 
fi'per*  toutes  nos  ténèbres.  Car  enfin 
il  vaut  beaucoup  mieux  comme  les 
gens  de  bien,  palïer  quelques  années 
dans  l'ignorance  de  certaines  chofes 
&  fe  trouver  en  un>  moment  éclairez 
pour  toujours  ,  que  d'acquérir  par 
les  voies  naturelles  avec  beaucoup 
d'application  &  de  peineunefcience" 
fort  imparfaite,  &qui  nous  Iaiifiî 
dans  les  ténèbres  pendant  toute  Té- 
ïêirùté. 


* 


*w  *****¥¥¥* 

LOFX  GENERALES- 

DE  LA  COMMUNICATION 
DES  MO-UV  EMENS. 

AVERTISSEMENT.- 

CO  m  m  e  les  loix  du  mou- 
vement doivent  être  dif- 
férentes félon  les  diverfes  fup- 
pofîtions  qu'en  peut  faire  tant 
fur  la  nature  des  corps  qui  fê 
choquent,  &  de  la  matière  flui- 
de qui  les  environne  ,  que  fur 
les  principes  dont  on  tire  ces 
loix;  je  divi/è  ce  petit  Traité  en 
deux  parties.  Dans  la  première} 
je  fùppofe  que  les  corps  qui  fe 
choquent  (ont  par  eux-mêmes 
infiniment  durs,  &  mus  dans  le 
vuide  :  &  je  prouve  quelles  doit 
vent  être  ces  loix  ;  non-feulé* 
ment  dans  la  fupppJition  de  Mi  - 


2 


ArEKTISSÊMENt, 
J>efcartes,  que=  le  mouvement' 
dc  fe  perde  point ,  fuppofition 
néanmoins  que  je  croi  ratifié  do 
moins  à  l'égard  des  corps  qui 
ne  font  durs  que  par'  lc'neflbrti 
mais  encore  dans  la  foppofîtion 
que  les  mouvemens  eontfaires 
.e  détruifént,  ee  que  l'on  fçait 
par  piufieurs  expériences  être 
conforme  à  la  vérité. 

Dans  la  féconde  partie  de  -ce 
Traité,  je  ne  fais  aucune  fuppo- 
fitioû  arbitraire  t  je  prens  les 
corps  tels  qu'ils  font  natarelle- 
ment.  J'examine  quelle  eft  la 
eaufê  de  leur  dureté  &  de  leur 
reflbrt  :■  je  tâche  par  ce  moyen 
de  rendre  la  raifon  Phyfiquedes 
ioix  du  mouvement  que  l'expé- 
rience nous  a  apprîtes  ■  &  mon 
principal  deflèin  eft  de  prouver 
clairement  que  Içs  opérations 
prescrites,. pour  découvrir  le  ré- 
sultat des  mouvemens  des  corps 
après  leur  choc,  reprefcntent 


Goo8k 


JrEKTlSSEMENT. 

nettement  i  refprit  tes  cfïèts  na- 
turels du  choc  j  ce  qu'on  n'a 
■point  &it,  ce  me  femble,  dans 
Tes  livres  que  j'ai  lus  ïùr  cette 
matière ,  quoique  cela  (bit  ne- 
ceûaire  pour  donner  à  I'efprit 
quelque  fatisfe&ion. 

Ce  Traité  eft  fi  concis  qu'on 
le  trouvera  peut-être  obfcur. 
Mais  je  n'ai  pas  crû  devoir  ex- 
pliquer plus  au  long  des  veri- 
tezquejene  trouve  pas  fort  uti- 
les }  &  que  la  plupart  des  gens 
feront  fort  bien  de  négliger» 
pour  s'appliquer  â  quelque  cho- 
ie de  meilleur»  11  n'y  a  que  la 
feconde  partie  qui  ait  quelque 
utilité  pour  la  Phifique  :  l'exa- 
men de  la  première  n'eft  bon 
que  pour  s'exercer  l'eiprït.  Mais    t   _ 
■comme  dans  U  *  Recherche  de  je  u  Aâhv'. 
U  Vérité \  j'avois  autrefois  parle  tie/aiitre". 
des  loix  du  mouvement  par  rap-  "}"'"  <dL- 
port  à  celles  que  M,  Defcar- 
tes  nous  en  a  données >  l'occa- 


Cooglc 


Jp-EKtïSSEMENZ 
non  qui  s'eft  prefèntée  de  cette" 
nouvelle  édition  m'a  porté  à 
examiner  ce  fujetde  plus  prés. 
Ce  fçavant  PhiloiÔphe,  a  qui 
je  dois  plus  qu'à  tous  les  autres 
ensemble  ,~  Je  peu.  d'ouverture 
que  j'ai  pour-  les- Sciences ,  a 
fondé  les  loi»  dû-  mouvement , 
principal  ement  fur  deux  priw. 
cipes  :  Le  premier,  que  le  repos 
eft  une  force;  véritable  i  Le  fé- 
cond, qye  Dieu  conferve  -  tou- 
jours dans  l'Univers  une  égale 
quantité,  de  mouvement.  J'a- 
vois  bien-' combattu  le  premier 
de  ces  principes  ;  mais  je-  ne  re- 
connoilïbis  pas  encore  la  fauflè- 
té  '  ou  :  l'équivoque  du  fécond* 
Voilà  pourquoi  ce  que  j'ai  écrit 
fcr  ces  loix  dans  le  dernier  Char 
pitre  de  U  Recherche  de  U  Vérité, 
il  y  aenviron  trente  ans,  &  long, 
tems  après  dans  un  petit  Trai- 
té, ne  me  iêmble  pas,  aujour- 
«fcuui  conforme  à-Ia  vérité*  Ce*- 


vainement  on  ne  peut,  en  ce  cas 
découvrir  la  vérité  que  par  l'ex- 
périence. Car  comme  on  ne 
peut  embraflèr  les  deûeins  du 
Créateur,  ni  comprendre  tous 
les  rapports  qu'ils  ont  à  fes  at- 
tributs, coniërver  ou  ne  con- 
iërver pas  dans  l'Univers  une 
.égale  quantité abfoluë  de  mou- 
vement ,  cela  paroîÉ  dépendre 
..d'uqe  volonté  de  Dieu  pure-; 
ment  arbitraire,  dont  pat  confe- 
.  quent  on  ne  peut  s'auùrer  que 
par  une  eipece  de  révélation ,  - 
nielle  qu'eft  celle  que  donne  l'ex- 
périence. Or  je  n'avois  pas  en- 
core donné  aflez  d'attention  aux 
.  cliver  fes  expériences  que  des 
personnes  (gavantes  &fort  exac- 
tes avoient  faites  fur  le  choc 
des  corps:  parce  que  je  m'en  dé- 
fois  comme  étant  fouvcnt  bien 
trompeufês,  &que  j'étois  prér- 
venu  en.  faveur  dc-M.  Deicar- 
tes,  trompé  par  unrajfonnemçat 


GooSk 


ATEKTISSEMENT. 
fort  vrai-ièmblabJei  dont  je  par- 
leray  dans  ce  Traité,  Voici  donc 
maintenant  ce  que  je  penfe  fur 
les  loix  du  mouvement.  Ceft 
aux  Lecteurs  attentifs  i  juger 
de  mes  fentimens  ;  je  dis  atten- 
tifs ,  car  la  matière  eft  plus 
difficile  qu'on  ne  croit  d'abord. 


J» 


DES 

%Ol%  GENERALES 

DE  LA  COMMUNICATION 
jD  E  S    MOUVKMENS. 

PREMIERE  PARTIE. 

X>ms  laquelle  j'examine  quelles 
devraient  être  ces  faix  fi  les 
terps  fe  choquaient  dans  le  vui- 
def  &  s'ils  étaient  durs  par  eux- 
■  mêmes;  t.  Selon  la  jttppojition 
que  la  quantité  abfalu'é  de  mou- 
vement demeure  toujours  la 
même.  2.  Selon  la  fûppofitio» 
qu'elle  change  fans  cejfe. 

f,  T  E  fuppofe  que  les  mouveraens 
J  fe  communiquent  &  que  les 
corps  en  perdent  autant  qu'ils  en  don- 
nent à  ceux  qu'ils  choquent  :  ou  que 
Dieu  conferve  toujours  une  égale 


Goo8k 


'3H  Des  Loix  Générales 

fiiantïté  abfôluë  de  mouvement  {^e 
is.abfoluë,pour  marquer  que  les 
mouvemens  'contraires  ne  fe  détrui- 

.fent  point  les  uns  les  autres.  Com- 
me  ce  fentiment  eft  reçu  de  M.  DeC 
cartes  Si  deceux  qui.le  fuivent ,  '& 
qu'il  paraît  même  conforme  à  la 
raifbn ,'  je  le  puis  fuppofer  pour  éta- 
blir les-  Loix  telles  que  ce  Philofb- 
phe  les  devoit ,  ce  me  femble ,  avoït 
données:  car  ces  premières  Loix  font 
indépendantes  des  expériences.    Ce 

.que  je  vais  donc  dire  d'abord  n'eft 

■  que  pour  ceux  qui  reçoivent  le  prin- 
cipe de~-M-  Befcartes.  Cependant  il 
me  paraît  certain  àJ'égard  du  choc 
des  corps  durs  à  jsîlbrt ,,  tiue  Dieu 

;  ne  conferve  pas  toujours  une  égale 
quantité  .abfqluë  4e  .mouvement,, 
mais  qu'il  en  conferve  toujours  une 
égale  quantité  de  même  part  :  &  que 
le  centre  de  pefanteur  des  corps  après 
le  chocdemeure,  ou  fe  meut  toujours; 

.  avec  la  mêm&vîteflèqu'avani  Ieéhocj 
c'cft-à  dire  que  les  mouvemens  con- 
traires fedétruifent;  de  forte  que  plus 
tel  mouvement  en- avant,,  moins  le 
même  mouvement  en  arrière,  n'eft 
point  un  mouvement  .ou  une  force 

.double ,  mais  unmouvement  ou  une 
force 


GooSk 


de  la  Communie,  des  Mates.  38^ 
Ibreë  prccifemeiit  nulle.  Mais  cela 
s'expliquera ,  &  fe  prouvera  dans  la 
féconde  partie  de  ce.petît  Traité. 

H.  Jefuppofê  auûi  que  les  corps 
font  impénétrables  ,  parfaitement 
durs  ;  &  par  confequent  fans  aucun 
refTort ,  &  mus  dans  le  vuide  j  c'efl- 
à-dire,  fans  que  l'air  groïfier  ou  fub- 
til  réfiile  ou  contribue  à. leur  mou- 
vement. 

III.  Je  fuppofe  enfin  que  les  corps 
qui  fe  choquent  fe  meuvent  fur  une 
ligne  droite,  qui  palîe  par  leur  cen- 
trede  pefanteur,  &  les  points  de  leur 
rencontre. 

IV.  Xe  repos  n'a  point  de  force 
pour  réûfter  au  mouvement,  comme 
jecroUl'avoirfuffifaminentprouvé.*    **«*■  * 

V.  Le  mouvement  eft  le  tranfport  *  7b!\'r'. 
d'un  corps  d'un  lieu  en  un  autre:  &"'«'• 

ce  tranfport  peut-être  plus  ou  moins 
promt,  comparé  à  unautre  tranfport. 

VI.  La  quantité  delà  vîteue  eft  le 
rapport  del'efpace  au- terris  ;  c'eft-à- 
dire ,  l'expotànt  ou  le  quotient  de 
i'efpace  parcouru  dîvifé  par  le  tems 
employé  à  le  parcourir. 

VII.  Ainfiia  quantité  du  mouve- 
ment eft  le  produit  de  la  vîteflè  d'un 
corps  par  lamaflè.  Ce  produit  ex-. 

Tome  Jf&  R 


Coo8k- 


jSrf  J>es  iohc  Générales 

prime  auffi  la  quantité  de  fa  foies 
mouvante  aflueuement  appliquée  à: 
produire  le  mouvement,  puifque  Ie> 
effets  font  en-proportion  aveciefifoi- 
«s  qui' Ifes  pPodunènt 

VIII'.  LacaulVnatureHeeu  occa- 
lionnelie  de  Ja  diffribution1,  &  pat 
confequent  de  ïa  communication  des 
niouvemetis,  eft  le  choc.  Gar  afin 
qu'un  corps  en  remue  un  autre ,  il 
faut  qu'il  le  pouffe  ouïe  choque:  & 
s'il  le  meut,  ce  doit  être  à  propor- 
tion de  ïa  grandeur  duthoc, 

I X.  La  quantité  du-  choc ,  <fe  deux 
corps  égaux,  ou  dont  le  plus  fort  eft 
le  plus  grana*,  fedoit  régler  pat  la 
femme  ou  par  la  différence  des  vî- 
teflès  :  par  fa  fournie  dans  le»  vîtef- 
fes  en  fens  contraire,  &parladif- 
feienœ  dans  les  vîtefles  en  mémo 
fens.  Aînfi  dans  le  cas  que  les  oorpa 
foient  égaux,  ou  que  le  plus  fort  foft 
le  plus  grand,  la  quantité  du-  cfioc 
eft  égale  à  la  femme,  on  à  la  diffé- 
rence dès  vîteftes,  multipliée  pat 
ïa  matlè  d'un  des  corps  s'ils  font 
égaux, ou  <ïu  plus  petit,  s'ils  fbn* 
inégaux.  Car  les  corps  nefe  pouffent 
que  parce  qu'ils  font  impénétrables. 
Ils  n'agiflènt  dont  que  félon  là  vîtet- 


GooSk 


de  U'Commumc.  Ses  Moti».  387- 
ïfe  aVec  laquelle  ils  fe  rencontrent; 
dans  ['mitant  du  choc.  Àinii  iorfque 
le  plus  fort  eft  le  plus  grand,  il  n'a- 
git pas  félon  toute  fa  tforoe  fur  le- 
petitqui  vient  à  fa  rencontre,  mais 
félon  la  fîfene-  fefpediveoii  iafom- 
me  des  vîteflès  multipliée  feulement 
par  la  mafïedn  peiit,  qu 'il châtie  de- 
vant lui ,  parce  qu'il  a  plus  de  force. 

X.  La  quantité  dtv  choc  de  deux1 
-corps  i'rjégânjc  ,'dôftt  le  plus  fort  eft 
le  plus  petit,  eft  égale  a  la  fomme 
de  leurs  forces ,  ou  de  leurs  iriouve- 
mens ,  s'ils  -vôflt  l'un  contre  l'autre. 
X&ar  îes-  corps  étant  impénétrables , 
ïè  plus  grand  poufle-dans  ce casfelon' 
tonte  fa  force  contre  leplûs  petit  qui 
le  pouffe  de  toute  la  fîer>ne~.  Mais  lî 
l'un  ctei  cbftft  attrape  l'autre,  la' 
•quamftédu  cfiot  èftégaïe  feulement 
à  la  dffferericé'defviïelîês  rtruItipHée 
parla  maflëdapliispelit,  parce qne 
lé  plus  grand  n'ipoirit  de  force  con- 
traire. 

XI.  Puifijue  les  corps  font  mus  à 
proportion  qu'ils  font  pbuflëe.ilcG 
clair  que  la  qiKnEké  du  choff  doit 
régler  la  qu*it«é:  dû  mouvement 
q\iedoit  aVoir  le'  plûsfoibfc  après 
le  choc.  Aiflfî  il  fetit  confideret  le 
Rij 


c„„sk- 


388  VesLorx  Générales 

plus  foible  comme  en  repos,  fî  Tp 
mouvement  qu'il  avoit  avant  le  choc 
étoit  contraire  à  celui  du  plus  fort; 
&  comme  ayant  déjà  quelque  mou- 
vement s'il  étoit  mû  dans  le  même 
fens  que  celui  qui  l'attrape ,  &  qui  le 
choque.  De  forte  que  le  plus  foible 
doit  réjaillir  avec  un  mouvement 
égala  la  quantité  du  choc;  ou  conr 
trnuer  fon  mouvement  avec  une  aug- 
mentation égale  auflî  à  la  quantité  du 
choc.  Tout  cela  doitêtrçainfi,  parce 
quejefuppofe  ici  que  le  mouvement 
ne  le  perd  point  ;  que  les  corps  font 
impénétrables  &  durs  infiniment; 
que  Je  mouvement  fe  communique 
par  le  choc  immédiatement  &  dans 
un  mitant;  &  principalement  qu'on 
y  prenne  garde,  parce  qu'un  même 
corps ,  ne  pouvant  en  «lêrne-terns 
recevoir  deux  forces  ou  deux  mou.->, 
vemens  contraires,  le  plus  fort  ne 
peut  jamais  rien  recevoir  du  plus 
foible,  &  qu'ainfija  force  du  plus 
foible,  doit  retomber  fur  Jui-même, 
aveceequeluien  dorme  le' plus  fort. 
Car.IeS  corps  étant  fuppofe*  parfai- 
tement durs,  foutes  leurs  panies 
avancent  ou  reculent  également.  Au, 
ïieu.que  la  partie  çhoquçe  des  eprps 


GooSk 


de  la  Communie.  cieiMoie».    38? 
éurs  à  reffort  recule,  dans  le  tems 

?ue  la  partie  du  même  corps  la  plus 
loïgnce  de  celle  qui  efl.  choquée, 
continue  d'avancer.  De  forte-que  ces 
corps  ont  toujours  dans  l'inflant  du 
choedeux  mouvemens  contraires.  Le 
plus  fort  reçoit  toujours  dans  fa  par- 
tie choquée  le  mouvement  du  plus 
fbible ,  qui  fe  tranfmet  enfuite  dans 
une  matière  infenuble,  laquelle  lé 
rend  aufli-tôt  après  Te  choc.  Et  c'eft- 
là  l'origine  de  la  grande  différence 
qu'il  y%  entre  les  ïoix  du  mouve- 
ment des  corps  durs  à  reîTort,  &  cel- 
les qui  dépendent  des  fuppofîtions 
que  je  viens  de  faire,  ainii  que  je 
le  prouverai  dans  la  fuite. 

II  y  a  quelques  perfonnes  qui  pré- 
tendent que  u  un  corps  parfaitement 
dur  en  choquoit  un  autre  de  même 
nature  &  inébranlable,  le  premier 
demeiirerort  eft  repçs  fans  réjaillir; 
à  caufe ,  difent-îls ,  qu'il  n'y  aurore 
aucune  caufe  nouvelle  de  mouve- 
ment en  arrière ,  &  qu'il  n'y  a  que 
le  refïbrt  qui  fane  que  les  corps  ré- 
îaillinent  après  Iechoc.  Mais  faifant 
ici  abftraâion  des  volontez  du  Créa- 
teur, (  puifqu'on  fnppofeuncorpa 
inébranlable,  ce  qui  ne  peut  êtrc: 
R  iij 


GooSk 


390  tfes  toïx  Générales 
naturellement  )  on  peut  -répordre 
dans  la  fuppolïrïon  de  M.  Delcartes , 
qu'il  y  a  une  caufe  nouvelle  du 
mouvement  en  arrière ,  Se  que  cette 
caufe  eit  le  choc  même,  qui  fait  que 
fe  choquant  &  le  choqueront  égale- 
ment poufiez,  parce  qu'ils  font  éga- 
lement impénétrables,  &  que  le  ebo- 
qué  eft  fuppofé  inébranlable. 

Par  exemple  fi  deux  boules  égales 
A  &  B.font  parfaitement  dures,  & 
que  A  choque  B  qui  ell  en  lepos ,  A 
perdra  tout  fon  mouvement ,  &  B 
le  prendra.  Cela  doit  être  ainfij 
car  quoique  B  foit  impénétrable, 
il  n'a  point  de  force  qui  le  rende 
inébranlable.  II  eft  pouffe  fans  re- 
-  pouffer,  puifquele  repos  n'a  point 
de  force  pour  réfi'fler  au  mouvement. 
A  n'étant  donc  point  repoufl?,  il  ne 
doit  point  rejaillir;  &  comme  il 
pouffe  B  de  toute  fa  force ,  B  doit 
prendre  tout  fon  mouvement.  Çap 
lors  que  les  corps  fpnt  mus ,  ils  le 
font  à  proportion  qu'ils  ont  été  pouf" 
fez.C'eft-Ia-ce  me  femble  un  principe 
incomeftable. 

Mais  fuppofons  maintenant  que  la 
boule  foit  rendue  inébranlable  par 
quelque  force  que  ce  foit,  il  parole 


Goo8k 


de  UComatmk.des.MAKV.  391 
«Tair  que  fi  A  la  choque  ,  il.fera.au- 
tanrreponlTé  qu'if  aura  poufsé,  puif- 
quel'un&  l'autre  font  impenetraHes. 
Donc  parle  principe ,  que  les  corps 
(but  mûscommeils  font  pouffez ,  il 
rejaillira  avecautant  de  vîteflè  qu'il 
étoit  venu.  Puifque  lesicirconflances 
Refont  plus  les  mêmes  que  dans  la 
fuppofition  précédente,  il  doit  aflu- 
rémentyavoir  quelque  diverfité  dans 
leieflêts.  AirtfiiIn'eftpBsconcevable 
quel;  corpsA  demeure  en  repos  après 
ù  choc  contre  un  corps  inébrarilable. 
Mais ,  dira-t-on  ,  il  n'y  a  point  de 
xeflbit  i  &  c'eft  le  refsort  qui, 
donne  le  mouvement  en  arriére.  Je 
ï'avouë.  Dans  les  corps  à  reflbrt , 
c'eft  le  refîôrt  qui  donne  le  mou- 
vement en  arrière.  Mais  c'ell  que 
les  corps  «  reûbrt  employent  tou- 
te la  force  de  leur  mouvement  à 
bander  pour  ainfi  dire  leur  Teflort. 
C'eft  qu'ils  donnent  tout  leur  mou- 
vement à  une  matière  invifibie  qui 
le  leur  rend  anflï-tôt  ,.& -qui  les  re- 
poufiè  autant  qu'elle  e  ri  a  eflé  pouf- 
fée,  ainfi  que  je  le  fêtai  voir*  dans,  y°*^Id,1£* 
la  fuite.  lh  itirent  leur  mouvement  ciaireifl*- 
en  arrière  de  la  forcené  celui  qu'ils ""■' •  J'™- 
avoient  en  avant.:  car  la  force  de  pi'ôïe  uwû- 
R  iiij 


Goo8k 


|j>i        pet  Imx  Générales' 
ik-éi  [■  au- leur  reiïbrt  qui  les  !  reponfle  vient- 
"ff0*  /e"  uniquement  de  la-  fo  rce  de  leur  choc;, 
«orpt.         aufli-bîen  que  dans  les-  corps  parfai- 
tement durs  &  fans  reflbrt;  Mais  dan* 
le  fonds  cela  dépend  des  volontez 
arbitraires  du  Créateur  qui  pouroit 
vouloir  que  les  corps  durs  &  fan* 
reflort  perdiflent  par  le  choc  leurs 
mouvemens;  ^ 

■DEFINITIONS- 

Rappelle  m  la  marte  d'un  corps, 
nne  boule  par  exemple- d'un  pouce 
de  diamètre ,  &  i*b,  yn,  4m,  &c .  les- 
corps  dont  la  maflë  eft  double  ou* 
triple,  &c- 

J'tfppeHc  mo,  un  corps  en  repos", 
mioum,mi,  m$,  &c,  les  corps  dont' 
la  vîteflè  eft  d'un  ou  de-  deux  ou  dé- 
crois degrez  :  &  mf,  m},  &c,  fi  leur 
vîteflè  eu  d'un  demi-degré ,  ou  deux- 
tiers  ,  &c. 

Ainfî  2W3  fignifie  un  corps  dont- 
la  maflë  eft  double,  &  la  vîteflè  tri- 
ple d'un  autre.  Le  premier  nombre- 
marque  la  mafse,  &  le  fécond  la  vî- 
tefse.  Et  Iorqu'iï  n'y  a  point  dénom- 
bre avant  m  ou  après,  l'unité  eft  fous- 
entendue.  Ainfi  m  fignifie  mi,  mx^ 
vaut  in»,  &  sot  vaut  zmi.  Ce  figne-t- 


de  la  Communie.  des  Mouv.  393 
fenifie  plus  ,  &  celui  -  ci — moins , 
ainû-  +  j — 2  fignifie  plus  3  moins  ». 

P  R  EMI  ES  £  S     LOIX 
de  la  Communication  des  Mouvement. 

XII.  Pwt  dtttx  corps  dont  Tua  efi  n  rtfes' 

Exe  hp  les. 


levant  le  choc. 
1.    r   ma.     mo. 

m»,      mx 

2i     <     m.        3JBO. 

3.    C    2m.      mo. 

4-.  c    31112.     «0, 
5,-  t    3012.  4JB0. 

mo.     im\. 
2ia\.      m.  ■ 
3m*.     I»2.  • 
3m».  4«î.  ■ 

Ces   Communications   de    mouvement 
font  fondée*.  - 

.1.  Sur  ce  que  le  repos  n'a  point : 
cteforcepour  refluer  au  mouvement.  • 
.  2.  Sut  ce  que  les  corps  étant  fup» 
pbfez  infiniment  durs,  la  force  du  ■ 
troquant  agit  immédiatement  &  erï 
uti  inftant  iur  le 
fequent  il  le-pot 
téfse.. 

3.  Stircequë 
fois  reçue,  ellec 
téme  la  mafse , 


Coo8k- 


3$»f        DtsLotx'Gewrafes- 
fuppofée.  Ainfî  cette  force  étant  dï- 
TÎfée  par  la  mnfse ,  oa  a  -pora  expo* 
fant  la  vîtefse  du  choqué. 

4.  Sut  ce  que  le  choquant  garde 
pour  lui  le  mouvement  qu'il  ne  don- 
ne point..  De  forte  que  divifant  ce 
refte  qu'il  retient ,  par  fa  mafse ,  on 
apourexpofantlavitefsequiluirefte.. 

X£tî..  Pour  deux  corps  quife  choquent 
quoique  mfa  du  mime  cêti. 


Exemple  s. 

Avant  le  thoc. 

■Après  le  choc: 

6-  *»?..        ni.. 

m,             nu.. 

7..  wsz..       m.. 

vn\..         ma. 

8..  mz.        2m. 

m.           zm\. 

p..  im\.    jnii. 

owi.     yn'i"- 

Ces  Communications  font  fondée» 
fiirles  mêmes  principesque  les  trois, 
premières;  car  il  eft;  évident  qu'un: 
corps  qui  eft  mu  dans  le-  même  fens- 
qn'im  autre ,  n'a  point  de  force  con- 
traire pour  lui  refifter,  8t  qu'il  n'cft; 
choqué  par  celui  qui  l'attrape  que  fe- 
fonla  différence  ofes vhefses. 

If  (ne  fernnïe  qu'il  n'y  a  point  de- 
difficidré  far,  ces  preriueïes  régies.. 


de  la  Commue,  des  ffibuv:  ^ 
Voici  celles  qui  regardent  les  corps 
qui  fe  choquent  par  fies  ffloBvèmens 
contraires;  en  fuppofant  que  le  mou- 
Tement  ne  fe  pende  point. 

XîV.  Pour  dtttx  corps  qui fexhoquent 
avec  des  mouvement  contraires. 


Exemple 

rJtvmt  te  xboc.              uiprtste-çhoc. 

ro.  m.     m. 

m.        m* 

n.  mi.    m.. 

En  fins 

no-     ftsg. 

tz.  tm.  ma. 

contraire. 

et».-     nis. 

13.  w».    m. 

t«t--    m». 

t^.im\.  ta. 

***■     m;.. 

1?.  3».    m. 

3**     imi. 

1*.  31».  mt. 

jwf..   mj.. 

Ces  communications  de  mouvez 
ment  fuivent  neceflàtrement  des  ar- 
ticles 8, 9,  BSjïi,  Quoiqn'elles  pav 
roraentétrangtt,  rfles  fe  rédaMèriti! 
Cette  régie*  générale. 


** 


C,„„sk- 


396       "Des  Loix  Gewratei 

REGLE      GEN  ERALEè- 

lorsque  deux  corps  fe  choquent  ,foit- 
que  l'un  fe  meuve  ,  &  foutre  demeu- 
re en  repos ,  foit  que  tous  les  deux  fb 
meuvent  de  même  part ,  ou  en  fen» 
contraire, 

i.  Cherchez  la  quantité  de  mouve-  - 
ment  ou  le  produit  de  la  viteftè  pac 
!â  marte  de  chacun  des  corps  mi'is  en 
fens  contraire.  Celui  qui  aura  un 
plus  grand  poduit,  étant  le  plus  fort 
(.par  7.  )  vaincra  I'autre,&  le  fera  re- 
jaillir; &  fi  le  plus  fort  eft  le  plus  pe- 
tit ,  il  demeurera  en  repos,  ^énfi  il 
n'y  aura  qu'à  .ajouter;  (on  mouve'. 
ment  à  celui  du  plus  foiblej  puiC 
que  (  par  10  )  îa  Grandeur  du  choc 
efldans  ce.  cas  égalé  à  ia  Commode - 
leurs  mouvemens. .  Mais  lorfque  les 
corps  fe  meuvent  en  même  fens  ,  ou 
qu'on  des  deux  eft  en  repos ,  celui 
qui  va  le  plus  vice,  fera  toujours  le 
plus  fort ,  parce  que  l'autre ,  quoy 
que  plus  grand  de  malTe ,  n'a  point 
de  force  contraire  ppur  lui  refîfler  ■ 

s.  Prenez  (  parp.  ou  10.  )  Iaquan— 
tué  dttchoc ,  vous  aurez  '(  par  H.),Iew 


àê  U  Communie  desMmto.  597. 
mouvement  en  arrière  du  plus  for- 
ble  ,'fi  les  corps  fe  font  choquez  avec 
des  forces  contraires  ;  ou  l'augmen- 
tation' de  fon  mouvement ,  s'ils  aï- 
Ioîent  de  même  côté. . 
.  3.  Divifez  ce  mouvement  ou  cette 
augmentation  par  la  maue  du  plus 
foible ,  &  vous  aurez  fa  vîtelTe  (  pat 

La  démonflration  de  cettte  regle- 
dépend  des  articles  7. 8.  9.  10.11.  & 
jtrincipalement  de  l'onzième; 

BXBMPLB. 
■mil  allant  contre  31112.  en  fens  conK 
traire.  ■ 

1.  La  force  de  mu  efl  12.  Etcello 
de  ycaz  eft  6, 

2.  La  quantité  du  rJioc  eft  18.  fom- 
medes  forces. 

3.  Quhdivifée  par  3.  nombre  des- 
maffes  du  plusibible  donne  6.  vitef- 
fe.de  3012  qui  devient  31116  en  fens 
contraire,,  après  le  choc  ;  &  ma. 
dévient  œo.- 

Maîs  fi  4»»3  choque  3012',  le  plus 
fort  en  ce  cas  étant  le  plus  grand,  la 
quantité  du-choc  eil  yn^  produit  de 
làfomme  des  viteflës  2  6V3  par  le. 
corps  le  plus  foible  31p.  Donc  3ml  - 


ai 


fe$'  Des  Loix  Générales 
deviendra  par  le  choc  ^my  en  fer» 
contraire,  &  am\  fera  réduit  à  4m*. 
-  En  voila  allez  pour  les  preaiieres 
loix  dans  k  fappûfition  que  la  quan- 
titéabfolue  de  mouvement  demeaie 
toujours  la  même:  principe  file  le- 
quel M.  Defcartes  a  fondé  en  partie 
fe  loix  du  mouvement.  Elles  font 
néanmoins  bien  différentes  de  celie- 
eï ,  parce  qu'il  a  crû  que  le  repos 
étoit  une  forceverhabîe ,  8e  capable 
de  rcTifterau  mouvement. 

REMARQUE. 

M.  Défîmes  a  cru  que  Dieu  con* 
JbvoitnujoursdansPVntventme  égaie 
quantité  de  mouvement.  Il  afpttymjwt 
opinion  fur  ce  principe  tncontefisèie,  que 
PaBion  du  Créateur devoit  porter  ktw 
raSere  de  fin  mmntaMtité;  tir  qu'omit 
fa  volonté  étant  la  force  mouvante  des 
corps  crèezjo* emfirve^cnmouvemtnti 
H  fallait  fie  cette  force  demeurât  tou- 
jours la  même.  Ce  principe,  que  ta  con- 
duite de  Dieu  doit  porter  le  caraérere 
défis  attributs  i  m  fi  peut  nmejter  ; 
farce <  tp/itéfl  évident  fa  tavoïonti  de 
"Dien  n'êfi  qne  Pumout  fHt  fi  portes 
tni-mimt  &  à  fis  divine  t  perfiBntns,& 


de  id  Communie. des  Mouv.  -yptjr 
yi'ainfi  puifinfU  n'agit  que  par  fa  vo- 
lonté ,  il  n'efi  pas  pojfthle  qu'il  démente 
par  fon  aSicn  les  attributs  dans  lef~ 
meis  U  fe  complaît  neceffaïrement ,  ou 
dans  lefquels  U  tronvefa  loi ,  la  ngfe 
inviolable  de  fa  conduite.  Car  comme  la 
volonté  deDkurtefi  point  tme  imprefion 
qui  lui  vienne  {TaiHènrs  &  qui  le  porte 
ailleurs:  il  efi  à  lui-même  &  fôm  & 
fa  loi.  Cependant  l'expérience  mus  a 
convaincu  fie  M.  De/cartes  s"  efi  trom- 
pé: non  que  le  principe  Metaphyftque 
de  fon  opinion  fok  faux;  mais  parce  que 
la  cmdufim  ffil  en  tire  n'efi  pas 
véritable  ,  quoÛHfeBè  paroijfe  d'abord 
extrêmement  vraifembtaHe  ,  teUement 
vraisemblable  que  je  n?*i  peint  de  hon- 
te d' avouer  qtC autrefois 'f y  ai  èUtromft 
■Cefl  ce  ffil  fiait  tâcher  d'expliquer. 

Dans  cette  pnpofmon  ,  Dieu  oon- 
ferve  toujours  dans  I?Univers  «ne 
égale  quantité  de  mouvement ,  il  y 
a  me  équivoque  qui  fait  qtfeile  ejl 
vrayeenunfent  &  fauffè  en  montre-, 
confirme  ou  contraire  à  Pexperiente. 
Elle  efl  vroye  en  tefens  ,que  iecentrt 
deptfanteur  de  deux  ou  plufteurs  corps 
qui  Ce  choquent  de  quelque  manière  m 
ce  puiffe  itre,fe  meut  toujours  de  la 
même  vitejfè  avant  &  après  le  chee,. 


Goo8k 


iféô"       Vei  toh  Générales 

I)e  forte  qu'il  efi  vrai  que Dieu  con fer* 
ve  toujours  une  égale  quantité  de  mou* 
ventent  de  même  part,  ou-  un  égal  tranf 
port  de  matière.  Par  exemple ,  lorfqm 
mô  cl/oque  <,mo  Inexpérience  apprend* 
•  Té  tithe.  *  ^aprés  Icchoc  iA6~réjaillit  «14  -,  & 
\x\  Wen-tûi  ■q^e  Smo  wancc  ^tnz.  Or  5«i ,oum  10 
U    mcon    en  avant  moins  014»  ou  ce  qui  efl  la 
**'      mêmc0bofe ,  plus  m^  en  arrière ,  efl 
égal  àm6ï  qui  efi  la  quantittde  mou- 
vement de  même  part  ,-ou  la  même  for- 
ce qui  était  avant  le  choc.  Ainft  cette 
propofition ,  Que  Dieu  confetve  tou- 
jours une- égale  quantité  de  mouve- 
ment, efl  vrayeencejèns. 

Mais  cette  ptopoftùon  efl  fauffh  eJ* 
contraire  à  ^expérience  prife  en  ce 
fens ,  que  la  fbmme  du  mouvement  de 
chacun  des  corps  de  quelque  manière  qu1-  - 
ils  fi  choquent,  fait  après  le  choc  égale 
àcelle  qtf  U s  avaient  avant  le  choc  ,  ou 
que  la  quantité  abfoluf  de  mouvement 
cemeure  toujours  la  même.  Car  dont 
^exemple  ou  l'expérience  précédente , 
avant  le  chot,  la  quantité  de  mauve*; 
menttfètoit  quemèyeelledi  <,mo  étant 
mile:  mais  après  le  choc  elle  devient 
m\Af  puifque  yni-,  oitmio-,  plus  W14 
efi  égal  à  miq.  Ainfi  par  le  choc  la' 
quantité  de  mouvement  prife  abfolument  ■' 


Goo8k 


dé  la  Communie,  des  Mouv.  qvr 
€?efi*ù-dire  fans  avoir  égard  aux  fins 
contraires  dont  les  corps  font  mus,  aug- 
mente ou  diminué  fans  ceffe. 

Cependant ,  il  me  paroîï  que  cette 
proportion:  Dieu  conferve  toujours 
dans  l'Univers  une  égale  quantité 
de  mouvement,  prife  dans  le -fins 
vtai.&  conforme  à  l'expérience  ,■  M  me 
paroît,  dis-je,  qu'elle  porte  beaucoup  • 
plus  le  caractère  des  attributs  divins,, 
nonobftant  la  variété  infinie  des  mouve- 
ment des  corps  particuliers.  Car  félon 
cette  proposition  prife  dans  fou-  vrai 
fins,  le  mouvement  de  tous  les  corps 
en  gênerai  ejî  toujours  le  même  ;  tout 
demeure  ,  pour  ainfi  dire,  dans  m  par- 
fait &  immuable  équilibre.  Il  efi  clair 
que  Dieu  agit  toujours  de  la  même  ma- 
nière ;  avec  uniformité.,  une  parfaite 
/implicite  quifqu'il  obferve  fans  ceffi 
cette  loi  dans  les  chocs  infinis  des 
corps,  que  leur  centre  de  pefanteitr  de~ 
meure  en  repos  ,  ou  fe  meuve  toujours 
nonob fiant  le  choc  avec  la  même  viteffe  ; 
&  par  confequent  qu'il  y  ait  toujours 
dans  toutes  les  parties  de.  l'Univers 
vrifes  enfemble  le  même  mouvement  ou 
la  mime  force ,  nonobfiant  les  mouve- 
mens  variables  des  corps  particuliers, 
niceffaires  pour  fer fe&ionner  l'Univers^ 


Goo8k 


f a»       Des  Loix  GeneràJer 

&  pour  exprimer  lafagefâ  &  fa  aie* 

très  attributs  du  Créateur. 


Des  Loix  de-la-  Communication  du  Mmt- 
ventent  félon  cette  fuppofttion  confor- 
me à  ^'expérience ,  que  la  quantité 
de  mouvement  change  par  te  choc  det 
corps. 

XV.  Je  viens  Je  étonner  les  lobe 
du  choc  des  corps-telles  que  M.  De£- 
cartes  les  devoir,  ce  me  fèmble, 
avoir  déterminées  félon  fa  fuppofî- 
tion ,  qoe  Dieu  conferve  toujours- 
une  égale  quantité  de  mouvement', 
s'il  eût  crû  de  plus  que  Ierepos  n'a 
point  de  force  pour  réfifter  au  mou- 
vement, &  qu'il  n'en  eft  qu'une  po- 
se privation.  Mais  (i  l'on  veut  main- 
tenant  fuppofer,  quelaquantitéab. 
foluë  de  mouvement  change  fans  cef. 
fe,  &  que  les  mouvemens  con- 
traires fe  détrùîfent  abfoiument 
par  le  choc  ,  non  feulement  dans  les 
corps  durs  à  refforts ,  comme  l'ap- 
prend l'expérience-;  mais  encore 
dans  les  corps  fuppofez  par  eux-mé- 
mm  infiniment  durs,  fur  lefqtiels 
l'expérience  neprat  rien  déterminer; 


GooSk 


de  la  Communie,  des  Mou»,  axa 
M  efl  facile  de  concluredes  principes 
-que  j'ai  pofez  d'abord ,  qu'elles  doi- 
vent être  les  lobe  du  mouvement 
dans  tous  les  cas  differens.  Carileft 
clair  que  la  fuppoutionque  lesmou- 
vemens  contraires  têdétruifent,  ne 
change  rien  dans  les  Ioixqueje  viens 
.d'établir ,  lorfque  les  corps  font  mus 
en  même  fene,  ou  lorfque  lechoqué 
«fl  en  repos  ,  puifqu'en  ces  deux  cas 
il  n'y  a  point  de  forces  ou  de  mou- 
vemens contraires  j  &  qu'ainfî  la 
quantité  abfbluë  de  mouvement  doit 
alors  demeurer  la  même. 

Mais  Ioïfque-Ies  corps  fe  chtt~ 
quent  par  des  mouvemens  eontrai- 
jtes.  Voici  Ja  règle-générale. 

Ségle  Gitttrale. 

r  .  Retrancîiezde  chacun  des  corps 
choquants  la  quantité  de  mouve- 
ment du  plus  foiHe;  puifque  ce» 
mouvemens  étant  contraires  font 
détruits  par  la  fnppolttion.  A-infï 
après  ce  retranchement  regardez  le 
plus  fbiHe  comme  en  repos, 

2-.  Cherchez  quelle  doit  être  la 
vfreflëdu  plus  fort,endivifant  par 
&  maflè  le  mouvement  qui  lui  relie, 


Goo8k 


4&4'      &es  LoixGcn&ate? 
&  concevez  qu'il  choque  l'autre  nl!*- 
.  en    repos  par    la  première  opéra- 
tion. 

3  .  Ou  le  plus  fort  eft  le  plus  pe- 
tit, ou  il  eft  le  plus  grand.  S'il  eft  le 
plus  petit,  il-doit communiquer  au 
plus  foible  tout  le  mouvement  qui 
lui  refte  &  demeurer  en  repos  ;  &  le 
plus  foible  pair  confequent  fe  morr- 
voir  avec  la  vitefte  marquée  par  la 
(èconde  opération,  -divïTée  par  fa 
malle.  Maîs-ii  le  plus  fort  eft  aufli  le 
plus  grand -,  le  pins  petit  fera  mû 
avec  la  vî telle  qui  reftoitauplus  fort 
par  la  féconde  opération  ;  &  le  plus 
grand  continuera  fon  chemin  avec  te 
mouvement  qui  lui  refte.  Je  dis  ici 
que  le  plus  petit'feramù  avec  la  vi- 
teile  qui  refloit  atrplus  fort  après  la- 
feconde  opération ,  &  non  pas  avec 
lafomme  desvitefles  avant  îe'choc; 
parce  que  je  fuppofe  ici  que  les  mou- 
vemens  contraires  font  détruits  ,  & 
par  confequent  les  viteflès  de  ces 
mouvemens.-L'on  voit  aftez*  que  le 
centre  de  pefanteur  des  corps  qui  fe 
choquent,  ira  toujours  de  la  même 
viteûè- avant  &  ap^és  le  choc- 


A  UCmmvic.  des  Mm»,  /pf 

EXEMPLES. 

rjtv<mt  le  choc.  jlpis  le  choc. 

I.  m.     m.  I    ^,_„  _.      m.     ma. 

3.».  n,.r«  fc./«« 


mf. 

2W^.  —  m|. 

II  en  efl  ainfi  des  autres. 

REMARQUE. 

■Quoique  je  donne  ces  dernière* 
:  loix  dans  la  fuppofi  tion  que  les  mou- 
L-vemens  contraires  fe  détruifent,  je 
m'aflùre  pas  qu'elles  Ibient  vérita- 
bles dans  lafuppofitîon  que  les  corps 
foîent  par  eux-mêmes  infiniment 
durs.  "L'expérience  apprend  Lieu 
que  les  mouvemens  contraires  fe  dé- 
iniifcnt  d'abord  avant  la  icadion  du 
relïbrt,  comme  je  le  dirai  dans  la 
fuite  ;  mais  c'elt  que  les  corps  durs  à 
reflbrt  avec  Içfquels  on  fait  des  ex- 
périences ,  fe  peuvent  confiderer 
commemous.commeje  Ieferaivoit 
plus  bas  ;  de  forte  qu'on  n'en  peut 
rien  conclure  touchant  les  corps  in- 


& 


*oS  Ves  Zxîx  Générales 
Animent  durs.  Ce  principe  que  le» 
corps  font  mus  comme  ils  font  pouf- 
fer, nie  paroît  inconteftabfe.  De  for- 
te que  deux  corps  égaux  par  exem- 
plequi  fe'  choquent  avec  des  vhe£- 
fcs  égales ,  dbiverit  rejaillir  ,  8c  ne 
pas  dênWUfer'ert  repos ,  comme  je; 
l'ai  conclu  en  conréqnencedeIa"fup* 
pofition  que  j'aifaite.  Hrï'eftpasà 
propos  de  s'arrêter  plus  long-tems  à 
ces  premières-  Ioixdu  mouvement ,  à 
came  de  leur  inutilité  pour  iaPhy- 
fique.  Venons  à  celles  qui  font  plus 
utiles  ,  &  dont  il  eft  aufli  plus 
difficile  d'en   découvrir  les  railons. 


Google 


4°7 
DES 

XOIX  GENERALES 

DE  LA  COMMUNICATION 
DES    MOU  VE.MENS. 


SECONDE  PARTIE. 

Vans  laqutlle  f  explique-  les  primipeî 
neccflaires  pourrettdrè  la  ratfin  Phi*- 
fique  desloix  du  mouvement  confir* 
mets- par  f.  expérience  ;  je  dôme  ces 
lak9,&  je  prouve  que  les  opérations 
que lesregles prefèYrvent  pour  mu* 

:  -y»er  le  rêfultat  des  mouvement  det 
corps-  après  le  choc  ,  représentent  k 
t'efprit\lcs  effets  naturels  que  le  choc 
protiiàt  réellement  dans  les  Corps. 
Cette  II.  Partie  mérite  pins  Vatten* 
tiondu  LeBeur  que  la  première, 

XVI.  f  k  y  a  cette  différence  eflèn- 

I.  tieïïe    entre  l'aâion    de» 

<!WÇ&qur  fe  choquent ,  lorfqu'onle* 

fopf«ie  parfaitement  dure  par  .eux* 


,4.08  "Des  toix  Générales 
tnêmes  ou  fans  reflbrt ,  &  celle  des 
corps  qui  ne  font  durs  que  par  leur 
reflort,  que  l'action  des  corps  qu'on 
Xuppofe  infiniment  durs,  fe  commu- 
nique de  l'un  à  l'autre  immédiate- 
ment ,  &  dans  un  inflant  ;  &  que 
celle  dei  corps  durs  à  reflbrt ,  tels 
que  font  les  corps  durs  ordinaires", 
ne  fe  communique  de  l'un  à  l'autre 
que  lucceflivernent ,  à  caufe  de  la 
matière  fubtile  qui  en.  pénètre  les 
pores,  &  qui  reçoit  &  redonne  l'im- 
preftîon  des  corps  qui  fe  choquent. 
Comme  cette  dïfferenceetl  le  princi. 
pal  fondement  de  celle  qui  fetrouve 
entre-les  lois  des  mouvemens  ,  def- 
queL'eije  viensde  parler,  &  les  Ioix 
qu'on  tire  des  expériences,  entant 
qu'elles  frappent  nos  fens  ;  c'eflune 
néceffité  de  l'expliquer  plus  au 
long ,  &  de  la  bien  démontrer. 

H  faut  certainement  de  la  force 
pour  agirou  pour  refiiler  à  quelque 
adion.  Les  corps  durs  qui  font  ref- 
fort  fe  redreflent ,  lorfqu'on  les  a 
courbez ,  ils  refluent  à  l'effort  qu'on 
fei'tpour  les  rompre:  ils  ont.danc 
quelque  force.  Or  cette  force  ne 
vient  point  du  repos  de- leurs  par- 
tie», ni  du  repos.de  celles  .qui  les 
^environnent 


Google 


de  -la  Commode,  des  Moi».'  409 
-.environnent  &  qui   les  pénètrent. 
iCarli  celaétort ,  un   corps  dur  une 
fois    courbé  demeureroit  toujours 
courbé.  Donc  il  faut  que  les  corps  à 
rellbrt  fe  iedreflênt  par  l'effort  de 
.quelque    mouvement.    En    effet  fi 
l'on  ne  veut  raifonner  des  corps  & 
de  leurs  proprietez  que  furies  idées 
claires  que  l'on  en  peut  avoir,  on 
n'attribuera  jamais  à  la  matière  d'au- 
tre force  ou  d'autre  aâion  que  celle 
.qu'elle  tire  de  fon  .mouvement.  II 
iam  donc  reconnoître  que  la  force 
dureflôït  vient  de  quelque  mouve- 
,ment.  Or.ce  mouvement  n'efl  point 
dans  les  parties  qui  compofent  les 
corps  à  reflbrt , -puifque  toutes  ces 
parties  demeurent  en  repoUesunes 
auprès  des  autres  ,  lorfque  le  ref- 
ibrt  derqeure  bandé.  .C'en  donc  une    *  11  ftroie 
jieceflité  de  dire  quele  mouvement,  {^n j*r*'jjj° 
qui  fait;  la  force  des  corps  à  reflbrt,  *  eh.   du   <-. 
eft  celui  de  la  matière  fubtileon  in-  pjLfJ  "". 
yïfihle  qui  les  environne,  &  qui  en  rets  dn 
pénètre  les  pores.  On  peut  d'abord  fi  eoJJ'  F"  j° 
Ton  veut  regarder  ceci  comme  une  ^mpreson* 
fuppofition.  Mais  il  feue le  méditer  * }\m\'ie- 
férieufementpourle  bien  compren-piata"iee°" 
dre  ,  &  les  autres  fuppofitions  que  ".JL1-  ««Utoi 
je  vas  faire  icar  je  conlens  volontiers  ^C™.X^ 

Tome  III.  S 


Goo8k 


5(to  "Dts  toix-Generales 

qu'on  regarde  ■comme  des  ftippo&* 
lions  ce  que  je  vas 'dite.  On  jugera 
plus  fûrement  dans  lafuïtefi  cesfup- 
pofitions  font  des  véritez  ou  des  puâ- 
tes imaginations. 

XVII.  .Soit  A  un  corps  ordinaire 
foûtenu  &  arrêté  fur  un  plan  im- 
mobile Se  infiniment  dur.  Si  on  le 
frappe  avec  un  marteau  auifi  duc 
que  :Ie  plan,  il  eft  cïaïr  ce  me  fènible 
que  la  partie  que  le  marteau  choque 
immédiatement,  avancera ,-&  pouf- 
fera la  matière  fubtile  qui  pénétre 
les  pores  du  corps  A  les  plus  proches 
de  la  partie  choquée  ;  que  cette  mai. 
tiére  fùbtiïe  preffera  la  partie  qui  l'a 
pouffe,  auflî-bien  que  celles  du  corps 
A  qui  font  plus  avancées,  ou  plus 
proches  du  plan;  &  que  ces  parties 
lus  avancées  en  poufferont  encore 
'autres  de  même  qu'on  vient  de  dite 
qu'afeit  la  partie  choquée.  Orfî  cet- 
te matière  fubtile,  qui  feule  indé* 
pendamment  de  ce  choc  a  de  faction, 
comme  je  viens  de  le  prouver,  trou- 
ve peu  de  réfîftance  dans  lecorps  A 
pour  continuer  fon  mouvement  par*- 
ticulier,  &  celui  qu'elle  reçoit  du 
coup  de  marteau  ;  le  corps  A  s'apv 
platira  .-parce  que  les  petites  partie* 


S 


Jrlà'Carmumc.des Mom>.  41* 
<mî  le  compofem ,  n'étant  point 
exaâement  unies  ïesunes  avoolcs  au- 
tres, à caufe que  chacune  d'elles, eft 
on  entièrement  ou  preïqu'entiere- 
mént féparée  de  fa voifine  parla  ma- 
tière fubtile  qui  l'environne ,  Je 
moindre  effort  peut  changer  leur  lï- 
tuation.  Je  ne. dois  pas  in  expliquer 
ici  plus  au  long. 

XVTÏI.  Mais  fî  la  matière  fubtile 
trouvedansie  corps  A  beaucoup  de 
réfiilance  à  continuer  fon  mouve- 
ment parrioflier,  _&  oeluy  qu'elle 
leeoit  du  coup,  oh  bien  elle  le  fera 
quelque  .autre  voye  où  elle  puiffe  fa- 
cilement continuer  à  fe  mouvoir 
«omme  auparavant.  Et  alo  ra  le  corps 
A  demeurera  quelque  ,peu  applatî 
après  le  coapj.&'cela.à  proportion 
de  la;  force  du  coup. 
|  XïX-Oubienoatemêmematiere 
ne  pourra  changer  la  tïflure&rar- 
rahgemem  des  parties,  du  corps  A  , 
ni  en  leipilànt  fe  &ire  une  autre 
voye,  ou  eUepuifle  continuer  à  fe 
mouvoir  Avec  la  même  facilité  qu'- 
auparavant ;  de  forte  quTclie  fera 
forcée  de  retourner  toute  entière 
dans  les  poresqu'elleavoit  en  partie 
abandonnez,  pour  J remplir  comme 
Sij 


C,„„sk- 


'qn  Des  lotit  Générales 
elle  faîfoit  tout  fon  mouvement 
avec  plus  de  facilité.  Et  alors  ce 
corps  A  paraîtra  tel  qu'il  étoit  avant 
■le  choc  On  appelle  mou  le  corps  A , 
s'il  s'applatit  facilement  ;  dur  s'il  ne 
peut  s'apphuir,  &  h  refort,  G  par 
lechocMs'appIatitun  peu,&fëré- 
tablit  promtement  après  le  choc  dans 
,fon  premier  état. 

XX.  Iïfuitde  cececii.que  Iorf- 
qu'uncorpsen  choque  unautrequr 
efl  en  arrêt ,  ou  qui  fui  refîfte ,  le 
mouvement  qu'imprime  le  choc  ne 
fe  communique  pas  toutentierenun 
inflaiit.  Car  puifque  les  parties  du 
corps  choqué,  &  delà  matière  fui* 
tilequi  eiîdans  leurs  pores  cède  du 
moins  quelque  peu  à  I'effo  rt  du  choc, 
ïleft  évident  que  le  corps  choquant 
continue  fon  impreffion  :  car  ce 
corpscontînue  d'avancer  tant  que  lej 
choqué  lui  cède. 

.  a.  Que  dans  le  choquant  il  arrive 
,1a  rnême  chofe ,  fçavoir  que  la  réac- 
tion du  corps  choque ,  &delama- 
tierefubtile  contre  le  choquant,  ne 
fe  fait  pas  toute  entière  en  un  inftant; 
mais  Tucceffivement,  &  d'une  partie 
à  fa  voiiïne ,  de  fortejjue  cette  réat> 
tioB  n'ell  complète  que  torique  la 


delà  Communie.  desMouv.  413 
partie  du  choquant  Iapluséloignée 
dû-point  de  rencontre  n'avanceplus 
vers  le  corps  choqué. 

3.-  Que  lorfque l'effort  delà  ma- 
tière fubtile,  trop  comprimée  ett 
égal  à  la  force  des  corps  qui  fe  cho-* 
quenc,  il  fe  fait  une  efpéog'd'équiii- 
tre  ,  après  lequel  commence  le  ré- 
jailliflement ,  qui  augmente  fuccefr 
fivement,  mars  fort  prormement  :  & 
d'autant  plus  promtemenr  que  la 
force  du  reftort  eu  plus  grande  j  ou 
eçquielHamêmecriofe,  quelama- 
tiere  fubtile  a  été  plus  comprimée 
parla  réfiftance 'que  le  corps  choqué 
a  lait  au  choquant.' 

XXI.  DansIa'fuppofitiondeÔef* 
cartes,  que  le  mouvement  rie  fe  peref 
point ,  on'aprouvé  cy-devànt  ,  que- 
fi  deux  corps  infiniment  durs- ,  mus 
par  dés  mouvemens  contraires  ^fe 
choquent ,  le  plus  fort  ne  reçoit"  au- 
cune force  ou  aucun  effet  du  choc  du 
plus  foibïe,  parce 'que  le  plus  fort 
ne  peut  recevoir  du  mouvement  du 
plus  foible  fans  avoir  en  même 
tems  deux  mouvemens  contraires, 
cequin'eft  paspolTible,  &  laforce 
des  corps ,  ou  reflet  de  leur  choc  ne 
fisut  eue  que.  du  mouvement ,  ou- 
S  iij. 


Goo8k 


414  Tks  Zotx  Gcnetittes 
du  rra-nfpon  aâuel.  Mais  H  n'en  efl 
pas  de  même  des  corps  à  refibrt  quel- 
que durs  qu'on-  les-  fuppofe.  Dont  la 
raiforfreft  que  ces  ferles  de  ooips-  ne 
communiquent  leur mouvement!  que 
facceflîvement;  Ai-rifî,  quoique  le 
plus  foible  ne  puiïfe  vaincre  le  plus 
fort,  il  paît  vaincre  une  certaine 
quantité  de  petites  parties  qu'il  cho- 
que dans  feplus  fort,  IeGjueîleS  ne 
font  point?  fufHlamâietW  îbûtenuê's 
parceHesquîfbnt  éfoignées  de  l'en- 
droit où  fefoikle  cRoc:  parce  quecC 
corps  n'isfi  poiht  dur  par  lui-même, 
mais  par  lamattere  fw&til<qui  prête, 

rjurainfidire,  &  qui  eé<fe  toujours 
ï'ètrbrï  ducnoe.. 


XXII.  Pour  expliquer  ceci,  & 
feire  mieux  comprendre-  ce  que  \C 
viens  de  dire  des  corps  qui:  font  ret- 
fort ,  forent  les  deux  corps  mz  &  m , 
c'efl  à  dite  deux  corps  égaux  ,  mais 
dont  îa  vitefle  de  l'un  foit  double  de1 
la  viteffe  de  l'autre ,  &  qutfemeu- 
yentpar  des  mouvefnens  contraires. 
5i  cejs  corps  font  iniminren t  durs  fc  & 


Goo8k 


de  la  Catifflimk.des  Mouv.  41Ç 
qu'ils  agiftent  immédiatement,  &, 
en  annulant  l'un  fur  l'autre,  wi  de- 
viendra mo  après  iechoc,  &m  de- 
viendra m-3,  parce  que  le  plus  foibîe 
m  ne  peux  vaincre  le  plus  fort  m^  , 
&  que  fon  propre  effort  retombe  fiiE 
lui  avec  l'effort  de  mi ,  dans  la  fup- 
poiîtîon  que  le  mouvement  ne  fe 
perde  point.  Mais  fi  l'on  confidere 
que  ces  deux  corps  font  compofer 
d'une  infinitéde  petites  partiesou  dç 
petits  corps ,  Comme  1, 2, 3. 4.  &c.  a* 
%,  c.  d,  &c,  qui  font  en  repos  Ie&una 
aupr.'s  desautres,  &  de  la  matière, 
fubtiie  qui  eflentr'eux  ,  &  qui  les 
foiltient,  &  les  comprime,  on  verra 
Bien  ;  Premièrement  que  les  deux 
parties  a  &  b  ont  autant  de  force  que; 
la  partie  1 ,  quoique  de  viteflè  dou- 
ble. Secondement  que  les  trois  a.  b, 
ç,  la  doivent  vaincre ,  &  l'obliger  à. 
reculer  jufqu'à  ce  que  la  partie  2.  la 
foûtienne.  Troifïcmerjaent  que  les 
parties  1.  i.doivent  faire  reculera.  b~ 
c.  &  qu'ainfi  les  petits,  corps  font  re- 
fouliez en  arrieredans wa.  auflî-bien 
que  dans  m,  par  cette  raifon  encore 
un  coup  que  mi  n'agit  point  en  un 
infiant,  &  félon  toute  fa  force  fur 
»,  à  caufe  que  la  matière  fubtile  qui 
Siiij, 


CcH>8k- 


jpô        Des  Diix  Générales; 

eft  entre  les  petits  corps  a.  b.  c.  r.  27. 

3.  cède  jufqu'à  un  certain  point ,  ;où- 

l'effort  du  choc  eft  en  équilibre  avec 

îa  refiftance  de  la  matière  fabule  ; 

équilibre  qui  ne  peut  durer  qu'ui* 

inftant. 

XXIII.  Orapréscet  équilibre  ,  la- 
matière  fubtile  trop'  comprimée, 
c'en:  à  dire  trop  contrainte  dansfon 
mouvement  circulaire  dans  les  pore» 
des  corps,  que  le  choc  avoit  changé' 
les  rétabli  fiant  dans  la  même  figure" 
*  La  pceu-  (fi  le  reflbrt  eft  parfait,  )  *  repotiftff 
T«  de  «ci  également  de  part  &   d'autre  les' 

eft  dant     le    °  , ,      i  .  T       ,. 

xvi.  Eclair- corps  qui  s'etorem choquez.  Je  dis 

citerne"" où  également .  parcequefuppofant  ces 

ic  prouve  eue    °  ,  \r  ^  Sic 

li  force  cen-  corps  de  même  nature ,  le  plus  fort- 
iriruge  £«  n'a  pu  comprimer  la  matière  fubtile 
îon/  'de"  Vé-  dan  s  les  po  res  du  pi  us  foibIe,que  pa  r- 
ther  eft  lace  que  lephis  foible  ',  lui  réfiltôit  par 
Ju"e%  tef.  un  mouvement  contraire,  &  qu'il  ne 
ton,  pefan.  poirvoii  lui  rélïfter  qu'il  ne  fit  dans 
««pi!"' d"  une  partie  du  plus  fort  égale  à  fa- 
mafle  propre,  la  compreifion  qu'il 
fouffroit  lui-même;  ou  une  compref- 
fion  d'autant  plus  grande  que  la  par- 
tie de  la  malle  comprimée  étoit  plus 
petite ,  csiî  il  ne  peut  y  avoir  équili- 
bre fans  égalité  de  forces  contraires. 
Mais  quoique  les  corps  choquez- 


C,„„sk- 


lie  la  Communie,  des  Mou».  417 
foient  repouflez  également  pat  la 
matière  fubtile,  ii&ne  doivent  pas 

,  rejaiïliravec  une  égale  viteiïè ,  fi  ce 
ri'eft  qu'étant  égaux,  ils  fe  fanent 

.choquez  avec  des  vhefles  égales  :  il 
eftcIairqu'Hsdoiventrejaillir  avec 
des  viteUesquifoienten  raifon  réci- 
proque de  leurs  maffes:  Venons  main- 
tenant aux  Loix  des  mouvemens' 
fondées  fur  l'expérience. 


.*"* 


4i8>         TSkP&îx- Générales- 


LOIX  GÊNE  RALES 

DÉ  LA  COMMUNICATION 
BÉS  MCHJVEMBNS. 

FONDÊ'IS 

SUR  L'EXPERIENCE. 

Plusieurs  Sçavans  Mathémati- 
ciens, ap&moiï  foârun  grand 
noiillaé  *  &&epèiiéBêéi  for! «rades, 
furie  ek»de%  corps,  bous  ertt.dorfc- 

né  les  règles. qui  fuivent.. 

REGIE  d&ÏCEILALE  POUR  LE. 
choc  des  corftmous. 

XXIV.  Lorfque  deux  corps  mous, 
fe  rencontrent ,  lesmouvemens  oon- 
craires-,  s'ils  en  ont ,  fe  détruifent ,. 
&  ils  vont  de  compagnie  avec  le: 
mou  vementqui  leur  refle.  Ainfi  lèuc 
viteneapréslechoceftégaleà  ladit- 
ierencede  leurs  mouvemensavantlc 
ehocdivifée  par  la  fommedeleurs- 
mafles.  Mais  s'ils  n'ont,  point  de: 
mohvftnent  contraire.,  ils  vont  de- 


Coo8k- 


de  la  ComUanîc.  des  Mou».  41$ 
compagnie  après  le  choc',  avec  la 
fomme  de  leurs  mortvemem.  Ainli- 
leur  vitefle  eft  égale  à  là  fomme  de 
leurs mouvemensdiviféepar  la  fom- 
me de  leurs  maffès. 

REGLE  GENERALE  POUR  LE 
choc  des  corps  à  rejfort.- 

XXV.  r.  Regardez-les  d'aBorrT- 
eomme  des  corps  mous.  Ainfi  divi- 
fez  la  fomme  ou  la  différence  de- 
leurs  mouvemens  par  la  fommé> 
de'  leurs  malles;  la  fomme'  fi  Ieurs^ 
mouvemens  ne  font  point  con- 
traires ;&  là  différence ,  s'ils:  le  font.- 
L'expofant  de  cette  divi'fiort  mai- 
queroh  Ieurviteiïê  côrnrnune,&  d«- 
même  part ,  s'ils  étoiefit  mous:      _ 

4.  Mais  a  caufe  du  reftort  diftti- 
Êuez  à  contre  fens  c^efl  à  dire_récT7- 
proquement  aux  maues  leut  vîteffè- 
refpeâive  avant  IéchocCeftadire  ; 
fa*  fomme  de  leurs,  vheuœ  fi-  leurs- 
mouvemens  font  contraires:;.  lent' 
différence ,  s'ils  fontfemblables.- 

3.  Ajoutez  les.moUvemens.iemBIat- 
bïes ,  &  retranchez  les  contraires-- 
Les  exemples  éclat  rciront  ta  règle:. 
ÏLefigne  —  moins  marque'Ie  mou-- 
vementen  fenscontraire,&:==23iiar> 
gue  l'égalité;.  Sv>ji 


4»       Des  Loix  Getteraler 

Prfm-i-er  Exemple. 

.  A:rr:m4.ttncontrant,B  —  3mo* 
i.A=:m£.  &=zyn6.  \. 

i. — mi8.  I         $m6. 

Ï.m6— toi8=>— wiî.1  3m(î4-3m<ï: 
=  30111.. 

Donc  A  anrami2  de  mouvement  en 
arrière,  &B  en  aura-jmrien  avant. 

Second  Exemple. 

Soit  maintenant  A  m  wn  ren> 
contrant  Bz=3mi»,par  des  mo* 

vemens  contraires. 

r.  A= — m6.  |B^m£, 

t. — mrS.  — 3m6, - 

a.— -hhS— wi8    —«24. 'Et  3m6  — 
gmiîzir jmo.  - 

Dont  A  rejaillira  «24.  &  B  demeu- 
rera en  repos. 

Troisième  Exemtie. 

Soit  Arzrwiz  qui  attrape  Brrr $014.  - 
t.  ArzraMÎ.  j  Brrzjnnî. 


Coo8k- 


'de  la  Communie,  des  Mou».  qw 

m6—mfc=3m.  31116+-  3012=3018. 
Donc  A  demeurera  en  repos,  &  B 
fera  31118. 

H  feroît  inutile  de  donner  d'autres 
exemplesj  ca*  la-  regleefl  afsez  claire. 
Mais  la  raifon  phyfique  de  la  règle 
ne  paraît  pas  d'abord;  parce  que  les 
operationsqu'elleprefcrit  ne  repre- 
fentent  point  afsez  à  I'efprit  les  ef- 
fets naturels  du  choc  dans  les  corps 
qui  fe  choquent.-  Je  m'explique. 

Cette  règle  preferit  deux  choies. 
Car  fuppofé  que  A  =1014  choque 
B  en  3  iHOjelle-prefcrit*  - 

1.  .De  regarder  ces  deux  corps  com- 
me mous ,  &  de  les  faire  aller  après 
iechoc  d'égale  viteffe.  Ainfi  /»m de- 
vient m6  ,  &-  31110  ,  3016. 

2.  Elleprefcrit de diftriBuer réci- 
proquement aux  rnaûes  ïa  Comme  ou  ' 
Indifférence  des  viteflès,  parce  que 
les  deux  corps  font  également  re- 
pouffez.  De  forte  que  m6  doit  êtte 
repoufféen  arrière  aveclaviteflèrS, 
&  $m6  en  avant  avec  la  vïteûe  6. 
Donc  ajoutant  les  viteffes  fembla- 
bles,  &  retranchant  les  contraires  , 
ï».  corps  A  -deyiçnt..—  ww,  ct-te 


4fi        ISeï  toix  Çfaarxtef 
corps  B.  3m  ii  C'eft  àdire  que  ïéy 
corps  B.-  a  jran  demouvement  en 
avant,  &.A  rnirde  moavement  err 
arrière. 

XXVI.  Dans  les  reglesqui  regar-- 
dent  la  Phyfïque,  il  faut  quelesope-- 
ratrons"' qu'elles  prefcrivent  répon- 
dent aux  effets  naturels,  & Iesrepre* 
ièntent  à  l'efprh.  Car  fi  lecalcul  ne 
s'accorde  point  avec  les  opération* 
de  la  nature,  il  eft  clair  que  la  règle 
qur  ïe  preferit  n'efl  point  fondée  en 
raifon ,  quoiqu'elle  puiues'accorder 
quelquefois  avec  l'expérience.  Une 
raie  régie  au  Iieudenousconduire  à 
quelque  intelligence  de  -la  vérité  r 
nonseftordinairementune  oécafion- 
■   d'erreur. 

l  La-premîere  opération  paraît 
fort  étrange,  puifqtfeile'  ordonne' 
d'appliquer  à  des  corps  durs  la  règle- 
des  corps  mous.  AinfHe  premier  cal"- 
eul  ne  paraît  pas  d'abord  répondre  à 
l'effet  natureLqu'il  doit  représenter- 
àl'efprit. 

2. La  recondeoperatFon  paraîten-- 
core  contraire"  à  la  raifon  :  car  ew 
fiippofant  que-  le  corps  A  choquant 
B  en  repos ,  comprime  la  matière 
fabtitedc-'ioutefaibrce  qu>  efl  mt^,. 


GooSk 


de  taCûmmmïc.desMoiev.  ^zy 
ïa  réaction  de  cette  matière  fukik, 
ouIaforcedureflbttneferaqueȕ24. 
Or  en  diflribuant  félon  la  règle  la 
vitelTe  24  réciproquement  aux  maf- 
fes ,  on  repoutte  A  avec  la  force  miS, 
&  BavecMwS,  c'efl  à  dire  que  la  foc- 
ce  du  reflbrc  doit  être  myS:  plus 
Erande  d'un  tiers  que  «24:  &  cette- 
trceauroit  encore  été  plus  grande, 
£  le  corps  Bavok  euplus  de  maflê  ; 
car  en  augmentant  à  l'infini  la  mufle 
du  cdrps  B ,  qui  eft  en  repos ,  la  for- 
ce de  la  réaâion  devient  enfin  doti* 
ble  félon  la  féconde  opération  de  la 
règle.  Or  encore  un  coup  la  force  du* 
reflbrt,  ou  la  réaâion  de  la  matière 
liibtile  ne  peut  pas.ee  femblefurpaf- 
fer  Iaforcequî  fa  comprimée.. Cela 
ne  paroît  pa*  conibrmea  la  rajfon.nï 
même  à  Fexperiènce  j  car  lion  Iaifle 
librement  tomber  une  boule  à  nefïbtt 
fur  un  plan  inébranlable  de  rneme 
nature,  jamais  la  boule neremonte—  . 
râ  plus  baut  que  le  lieu  dont  elle  eft: 
tombée.  Ces  raifons  fort  vraifémb  a- 
bles  m'ont  autrefois  fait  douter  deia^ 
j'ufteue  des  expériences ,  &  prévenu- 
d'abord  contre  la  régie  générale,  par 
laquelle  la  quantité  abfoluë  demou> 
yement  change  fans  celle.. 


dT 


8(44        D"  i*»*  Getteratét 

Cependant  puifquela  regleefl  corï^- 
firmée  par  un  grand  nombre  d'expe-  - 
xiences  exactement  faites ,  comme  on 
ïé  doit  fuupofex ,  &  qu'il  eft  împof- 
fible ,  en  établiitânt  d'autres  opéra- 
lions,  qui  d'abord paroîtroiént  peut- 
être  plus  vrai-femblables ,  de  neriên 
dire  qui  ne  cEoque  ces  expériences , 
comme  on  le  vera  bien-tôt  j  il  faut 
non  feulement  s'en  tenir  à  la  règle, 
rnais  tâcher  de  découvrir  les  raifons- 
phyfiques  des  opérations  qu'elle- 
prefcnt.  - 


de  UCommunk.  des  Motfv.  42$' 
XXVII.  L'expérience  apprend  que 
fî:  deux  corps  durs,  comme  deux 
boules  d'ivoire  ou  de  verre  A  &  B  ,. 
fufpendus  à  un  fil ,  fe  choquent,  & 
rejaillifiem  chacun  avec  une  certaine 
quantité  de  mouvement  fort  diffé- 
rente de  celle  qu'ils  avoient  avant  le 
choc:  elle  apprend,  dis-je,  qu'ils 
confervent  toujours  la  même  quan- 
tité de<  mouvement  de  même  paît* 
Parexemple.  Si  avant  Iechoc  A  ren- 
contre-avecla  force  mn ,  B  ,  dont  la 
force  contraire  foit  am^.  A- rejaillira 
avec  la  force  m8,  &B  avec  21117.  Ot 
mn — 2mj^=m6zzzzmj—  mS.  Donc 
il  y  aura  avant  &  après  le  chcc  la 
même  quantité  de  mouvement  de 
mêmepart,ou  la  même  force.Si  mz<\ 
choque nmo,  «24  rejaillit  mio  ;  & 
nmo  devient  111H4.  Or- wi24=r  11014 
—  wî2o.  Il  en  eft  ainfi  des^  autres. 
D'où  l'on  voit  que  les  mouvemens 
particuliers  peuvent  varier,  mais  que 
la  force  en  gênerai  de  même  part  de- 
meure toujours  la  même;  ou  que  le' 
centre  de  pefanteur  des  corps  qui  fe 
choquent ,  a  la  même  vîtelse  avant 
&  après  le  choc. 

XXVIII.  II  fuit  de-Iàce  que  l'ex- 
gerience  confirme  encore ,  fçavoit 


Coo8k- 


4 t6  Des  faix  Cfenerates" 
que  fi  les  corps ,  A  &  B ,  »tom&ettt 
&  fe  choquent  pour  la-  féconde  foisy 
ils  fe  rétabliront  dans1  le  même  état 
où  ils  étoient  avant  le  premier  €hocs 
c'eft-à-dïre  quefi  Bavecla  force  2017 
choque  A ,  m8',  B  deviendra  zmj, 
&  A  deviendra  irai  ;  &  les  deux  bou- 
ies  remonteront  par  le  fécond  choc, 
où elles  étoient  avant  Iepsemîer.  Il 
en  efl  de  même  des  corps  imo ,  & 
11JB4:  après  le  fécond  ils  fe  rétabli- 
ront iï)ï4  ,  5c  nwio.  II  en  eff  ainft 
des  autres ,  lorfque  les  mouvemens 
font  contraires  ou  qu'un  corps  efl 
en  repos. 

En  effet ,  il  efl  impoflSble  que  ce- 
la arrive  autrement ,  fuppofé  que  la 
même  quantité  de  mouvement  de 
même  part  demeure  toujours ,  & 
que  la  grandeur  du  fécond  choc  foit 
egaleà  celle  du  premier;  parcetm'ou 
ne  peut  partager  la  fommei<;  desvi* 
telles  m8'  &:  2W17,  laquelle  marque  ht 
grandeur  du  chœ  5  on  nepeut ,  dis- 
je,  partager cettefommedeteUe ma- 
nière qu'il  y  ait  toujours.  la  même 
quantité  de  mouvement  de  même 
part ,  fi  l'on  n'en  donne  12  à  m,  6c 
3  à  2w.  On  ne  peut  auffi  partager  24. 
&mme des vitelïès  rmo &  117*4  avec 


C,„„sk- 


rfé  la  Communie,  des  Mouv.  417 
&  même'  condition  ,  mie  les  deux 
ctorps  ne  deviennent,  run  11124,  & 
l'autre  nitto.  Tout  ceci  pofécomme' 
certain  par'  une  infinité  d'expérien- 
ces qui" fe  confirment,  tâchons-dedé- 
eouvrir  les  raiforts  phyûques  des- 
opérations  quepreferit  la  règle; 

XXIX.  Iîmepa~roît  clair  querour 
corps  par  lui  même  eît  infiniment' 
mou  puÉfque  le  repos  n'a  point  de  ■ 
force  pour  refïfier  au  mouvement , 
&  qu'ainfïune  partied'un  corps  plus 
pouflëe  que  fa  voiftne  doit  s'en  fe- 
parer.  De  forte  que  les  corps  durs  ne*  f.  h  ttr- 
fbnt  tels  que  par  la  compreflion  de  "/'Jjjîîj',  £" 
la  matière  invifï&Ie  qui  le* environ-  chs  Je  uve- 
ne,c*  qui  en  pénètre  tes  pores ,  arn-n,£" 
fi  que  je  J'ai  prouvé  ailleurs.  On 
doit  donc ,  félon  la  première  opé- 
ration de  la  règle ,  conffderer  les- 
corps  qu'on  appelle  durs,    comme 
slfs  étoïent  mous  ;  du  moins  jufqu'à 
finfîant  de  la  parfaite  compreflion 
ou  réaction  de  la  matière  fubtiîe  qui 
fait  le  reflbrt  :  car  jufques-Ia' les  pe- 
tites parties,  dont  les  corps  cnoquàus 
font  compofez,  obéilTent  réciproque- 
ment à  l'effort  du  cfiocles  unes  après 
les  autres  ainfi  que    j'ay  expliqué     *  n  tmt 
dans.  les  articles  *  20,  ai&iî.Juf-  ^,ece,ir" 


Coo8k- 


4'a8  Dm  Loix  Générales- 
ques-Ià  la  force  des  môuveméns  con> 
t  raïres  comprime  la  matière  fubrile , 
&  lui  communique  fon  mouvement.  - 
Après  quoi  le  mouvement  qui  relie' 
au  corps  le  plus  fort  dans  fa  partie  la 
plus  éloignee'du  point  de  rencontre^ 
fe  diftribue  également  dans  le  relie 
de  fa  malle,  &  dans  celle  du  plus  foi- 
faïe,  comme  dans  les  corps  mous, 
Ainlï  Ton  voit  bien  que  la  première" 
opération  de  la  règle,  qui  ordonne 
de  divifer  la  différence  des  mouve- 
mens  contraires  par  la  femme  des1 
malles  ,  repréfente  à  l'efprit  reflet 
naturel  du  choc  des  corps  mus  eu 
fens  contraire ,  faifantabffractiorï  de- 
là force  du  relfort  dont  la  féconde 
opération  exprime  l'effet ,  comme  ou- 
ïe va  voir. 

XXX.  Cette  lecondeopération  con-- 
fille  à  diflribuer  réciproquement  aux: 
maffes  des  corps  leur  vitefse  refpec-^ 
tive*  Or  cela  eu  conforme  à  la  raifon; 
car  les  corps  qui  fe  font  choquez  doi- 
vent après  l*inflant  qu'exprime  la 
première  opération,  c'eft-à-dire  dans' 
rinltant  de  l'équilibre  expliqué  dans 
Particle  22  &  25 ,  être  repouflez  à' 
proportion  de  la  comprelfion  de  Ii' 
matière  fubtile  qui  fait  Iaforce  da> 


Me  la  Communie,  àesMouV.  429 
-jeflort ,  &  cette  compreflion  dépend 
de  la  viteile  relpeâîve  avec  laquelle 
tes  corps  fe  choquent.  Or  à  l'inflanc 
de  l'équilibre }  qui  eft  celui  de  la 
parfaite  compreflion  de  cette  matie- 
Te  fubtile,  l'effort  de  cettecompref- 
dion  ,  doit  necefsairement  être  égale 
_de  part  &  d'autre  dans  chacun  des 
-corps  choquez;  car  H  ne  peut  yavoir 
d'équilibre  fans  égalité  de  forcescon- 
traires.1  Donc  ii  faut  que  les  mou- 
vemens-  des  corps  rejaHInTans 
foient  égaux.  II  faut  donc  que  par 
l'effort  du  reflbrt ,  leurs  viteflès 
foient  réciproquement  comme  leurs 
rnafîès. 

Mais  afin  de  comprendre  encore 
-mieux  la  règle  &  les  raifons  phyfi- 
ques  des  deux  opérations  qu'elle 
prefcrit,  il  eft  bç>n  d'en  faire  quel- 
ques exemples. 


Jj>rfque  deux corps  A  &  B  fe  meuvent 
par  des  moirptmens  contraires ,  on 
que  l'un  des  deux  eft  en  repos. 

I.  Exemple. 
A.  n«4        choque        B.y»o. 
1,    1114  V"4* 

-3,—jnxo,  V*if 


(go        lies  ï.ohc  Générales 

Sooune— «no  5m8* 

Donc  A  , reiaillit_mi6 ;&B, avan- 
cées. Or  s?«Is  fccboquent  de  nou- 
veau, ilsferétablirontainlifclonla 
legle. 

Rétablilfement. 


mi6     contre         B.    $m8 
-m4.  ^i«4 

— mao.  —  51B4 


Somme— 0114.                        5*0. 
Doncen  fuîvamla  règle,  A  &  B 
fe  rétabiiffent  j  ce  qtt'aprend  auflî 
l'expérience. 

ILExemple. 

A     3102       contre        B. 

1. — 3013. 

a. — 3015                        — 

5»& 
-5m3. 

Somme — 3ms.  ■  5»o. 

«'  Donc  A.  devient  3ms  «narrïerc  j 


âclaVommmc.des  Mouv.  -43c 
&B  demeure  en  repos,  &ilsferé- 

•tabliftent  ainfi.  , 
Rhabliffanent. 

A.      imZ.       cWque    B.  5M0* 

j.      31113.  5^5. 

2. — 31115.  v»J- 

Somme— 51m.  5«<?„ 

1 1 L  Exemple. 

Des  corpsqui  fe  choquent,  quoi- 
que mus  de  môme  part. 

A    "124.         attrape  B.  yn<\. 

1.    tnp,  jrap. 

3— mi^  3«5. 


Somme — m5.  31M4. 

Rétabliflement  par  la    règle  des 

mouvernens  contraires  :  car  A. ■ 

rc\6  va  d'unfens,  &  B,  30114  d'un 
autre. 

Rétablîjjement. 

A.     m<S.  contre    B     31M4. 

1.,— mp,  31»?. 

a — 11115  30^. 


GooSk 


4J*         Vet  toix  Générales 

Somme— DW4.  3*134 

4V.     Exemple. 
■•Pat  des  mouvemens  femblable». 

A      jm2.       atttape      B      m. 
.1.      jffij.  ml. 

2,— jrn^.  tn\. 

-Somme  3  m|  jb|. 

Pont  le  rétafclifsement  il  faut  ïuï- 
vre  la  règle  des  mouvemens  fembla- 
feles  ;  cat  A  &  B  vont  encore  ça  mê- 
me feus. 

Rètabliffement. 

A.      3m1-.  eft  attrapé  par  B.  tn\. 
1.      jrnT.  tnZ. 

Somme  jmi,  m. 

V.    Exemple. 

A.      mS.        attrape      B.    .«4. 

-r.      m5,  m6. 

a,— mz.  i»2. 

Somme 


Coo8k- 


He  la  Cwnmmic.desMotfr.  43^ 

Somme  -h-  1114.  m&. 

Iljie  ferait  dans  ce  cas,  comme 
3ansIesmouvemens  contraires,  qu'u- 
nepermutation  réciproque  des  mou- 
vemens,  à  caufe  de  l'égalité  des  maf- 
fes.  Car  ta  première  opération  des 
îuonvemens  Temblables  répond  en  ce 
cas  '  à  la  féconde  des  mouvemens  con- 
traires;&  la  féconde  à  la  première., 
Cn  changeant  les  lignes  de  plus  &  de 
moins  ,  Comme  on  le  voie  dans  cet 
exemple.   . 

A.   ;  mS.      contre      B.     W4, 
.1.      ma.  -— —    mx, 

a — m6'.  — —  m6. 


Somme— — m4.  —  n!8. 

-  KXXT.  On  voit  dans  le  premier 
-ejcemple  que  11124.  c001!*  S"*0-  de- 
vient:— miS  après  le  choc ,  &  que 
yno  devient  ^«8.  'Mais  dans  le  fé- 
cond exemple  •qmiï,  t  quoique  de 
fcreèegaleàiru^,  choquant  le  mê- 
ttte-^MKï.^nedevientque—  ym;  & 
jwe-que^wtf.  On  voit  encore  lamé* 
Tome  m.  T 


jg4  •'       Ttes-Zùx  Gmtftd&s 

me  chûie  eu  comparant  cnlèoiHe. le 
troifiéme  &  le  quatrième  exemple 
Oc  Hfemble  d'abord  que  cela  cho- 
que la  raifon.  Car  la  force  d'un 
■corps  eft  le  produit  delà  viteflepar 
la  maue:ainii  11124  n'a.  pas  pîus  dé 
force  que-auiS.  Donc  la  comprelïîon 
:de  fa  matière  fubtilCgui  Jfeh  le,  ref- 
fbrt:;.'devroitqtre  ég$$  clans  le  pre^ 
TTifér & 'dansJe  fécond  exe.mple  ;  c§ 
qui  eft  contraire  à  la  regTe, 
Je  répons  que  la  compreflion  delà 
matière  fubtiïe, ou  que  la  grandeur; 
fln  retftrt'n'ëft  point  égale  dans  ces. 
deux  exemples ,  quoique  les  forces 
11124.  &  3ni§-  '°'Çnt  égaies.  Car 
dans  Iepremierèxempleïiro.rce'  $e 
cette  compreflion'  eft  égale  à-mio,  & 
dans  "le"  fécond  elle  n'eft  égale  qu'à 
gtirç ,  commg-H  eft  marqué  dans  fcs 
fécondes  opérations  d&çe^exepFtpfes*. 
"Dont  la  raifon  eft  que  mi4.  ne  con- 
ferve  que  11x4-  de'  &n  STpiuyBment 
,dans  J'inflar*  de  la^iis  fortfi.cctnjn 
preflicm ,  &  <jue.jm8  m  eonfervt  en- 
core 3rç$çoror«e':Oti  k.vpit  d#ps  Je* 
piemijcces  .ppérfltions.Cftr  il  fa-m- 
tjien  prepdre^çde^ie  le  se^ojrtde^ 
cprp^.ne  jfi  bande  ,  ou  ç*.quieft  Ia( 
WtPp  cbofe^fliK :fci  mawe*e  fubfcite 


'  3cj4 Çcmmwùc.ies Motn>.  ^43V 
flie  le  comprime  que  fufgw'À  I'inÇ-  .. 
riant  dç l'équilibre, qui  n'arrive  que 
lorfqwc  les  corps  qui  fc  font  choquez 
peuvent  aller  4e  conipagnie.  Car 
■alors  le  plus  fort  n'agiltant  plus  fur 
ieplus  fpible,  leurs  pores  ne  font 
plus;  ide  nouveau  reciproquemeiit 
^comprime?.  Ainfi  le  rêlTarr  com- 
•jnence  alors  à  fe  débander  par  ïac- 
-rion  de  la  matière  fubtiïequî  les  pé- 
nètre. D'où  il  fuit  que  ,1e  corps  A , 
3ii»4i  ne  pouvant  avancer  que  B , 
■SmorfaiH  acquis  autant  de  viteÛe  que 
-lui ,  il  ne  peut  lui  relier  que  «14  de 
-waouvemeiitdans  i'iiiflant  deitjquî- 
Jiïwe  qui  efl  celui  où  ies  «telles  font 
«gales,  &  oà  #&t  cpnfeqnent  B  , 
-■p»o  efl  levenu^t.  Majs  pair  la 
■mèmeTaifon,  jinjSftpws  avoir  cho- 
que le.  même  $mô,ii'cejj&rive  eu* 
■core  31M3  de  mouvement,,  torque 
1<no  eft  devenu  -£113.  .Awtfi  dans  le 
■ -premier  ;eKeiinpIe.(BS4  a  comprimé 
*;rno  avec  la  force  rruo,  eh  devenant 
lui ,  m^ ;  &^mo ,  5014.  Mars  jm8 
.^upiquMgal3eoil»cea.ma4i  ^'a 
.comprimé  ie  même  5mo  ,  qH'avecla 
feco&^aaç ,  en  devenant  Ivà  ,$m$.ï8c 
1mo,  5m3-  La  compreflîori  de  lama- 
liere  fubtile  n'efl  donc  point  égale  à 
Tij 


GooSk 


jfifi  ■Bestoîx  Générées 
-la  foroe  primitive  des  corps  avantl* 
choc  :  mais  elle  eft  &  doit  être  égale 
à  celle  qu'ils  employant  à  fe  com~ 
primer  juiques  à  ce  qu'ils  puiflënt  al. 
;îer  de  compagnie  jC'efl-à-dire  qu'el- 
le eft  égaie  a  celle  qu'on  retranche 
par  la  première  opération  qui  les  a 
Tuppolez  mous.  £t  c'efî  ce  qui  prouve 
encore  que  ces  opérations  luivent  Se 
expriment  exactement  les  effet*  nata» 
-Tels  du  choc  des  corps. 

De  même  quoique  mi<$  (bit  une 
ibrce  égale  à  41114 ,  cependant  miS 
réduit  par  le  choc  ^w8  au  repos  j 
mais  ^ni4  lui  Iaiflè  encore  %nti\  de 
fon  mouvement ,  ainfi  3  mi  ,  quoi' 
que  égal  à  2053,  il  réduit  par  le  choc 
•jtnâ  au  repos  :  Et  smj  lui  Iaiflè  en- 
core ^mf  de  mouvement  de  même 
part.  Dont  la  raifon  Te  voit  parles 
opérations,  en  faifant  attention  à  œ 
que  je  viens  de  dire  pour  en  rendre 
3a  raifon  phyfîque.  Voici  ces  opéra* 
lions. 

A.     41114.     contre     S.     5*8. 


GooSk 


de  la  Communie,  des  Mouv.  457 

Somme— 4mpf  —  ^«4 

Le  choc  de  mSxôntre  ^mS  efi  dans 
le  rétablijfemem  du  premier  exemple 
ci-dejfus,- 

A       ïWJ     confte     B:       QUE, 
1. — imy  yn% 

1. — imy  —  5»'# 

Somme— imp|  fMf: 

3«i  confre  ^m<S  ejï  dans  le  fécond 
exemple  ei-deflus. 

Je  croi  quelon  petit  voir  mainte- 
nant les  raiforts  tîe  la  règle  &  des  opé- 
rations qu'elle  preferit,  &  qu'il 
n'eftpas  rieceflàîre  d'entrer  dans  un 
plus  grand  détail  ,  &  de  rapporter 
ici  un  plus  grand  nombre  d'exem- 
ples ou  d'expériences.  Onentrouve- 
xa  plnfieurs  dans  l'excellent  ouvrag 
de  M.  -Mariotte  De  la  pereuffion  ou  d 
choc  des  corps. 

Comme  l'objection  que  j'ai  faite  ci 
ièflus  dansi'article  XXVI.  contre  I 
Xiîj. 


Coo8k- 


43*  Ves  Loix  Gamakr 
reconde"  opération  de  la  règle ,  m** 
autrefois  faînîoûtëf  de"  Pexïditucfc- 
des  expériences,  jecrpi  devoir  tâchée- 
de  l'écfaircir..  Pour  cela  il  faut  faire 
attention  à  ce  principe  certain,  que 
fore»âk>o:êflégaïeàia-.wfiâariceq^ie- 
trouve  Paflion,  ou  qu'un  cqtps  qui 
en  choque  un  autre,  foutrre  dans  Tes 
■pàareJes  la  jnôifjt*  cojnpKitïlon  qu'il 
produit  dans  l'autre,  comme  je.l'ai 
expliqué -dans  les  articles  m.  ce  13.- 
2i  il  faut  remarquer  que  la  compref- 
■  Jîpn  ne  fe  faifant  qu'à  proportion; 
que  ïè  corps  le  plus  fort  trouve  de  1* 
tefiilance  dapsje  plus  foible,  cette 
coirfpreilibrr  ne  s'augmente  que  juf- 
qu'àce  que  le  plus  fbibfeait  acquîst 
une  vifeiîeégaleà  celledu  plus  fort", 
parce  qn'afors  le  pîus  fôiole  ne  lui 
iefifte  plits ,  ott.  n'empêche  plus  fort 
iHdUVement;  D'où  .liftât  que  fi  urt' 
corps  eri  chdqueun  autreen  repos  ïn~ 
fïfiimeht  grand-,  la  compreflion  eft. 
égale  à  la  force  primitive  du  cho- 
quant. Mais  ff  A, 11124,  choque  B-, 
■fyio  la  compreffîorr  ne  peut  être  que 
mi$  ;  parce  qu'alors  A,  étant  devenu 
m6 ;  Se  B  jîmd.^égalitédesvitef- 
fes  arrête  l'augmentation  de  fa  com- 
freiïlan..  J&ir.  la-même  raifcnij  atnfce 


GooSk 


'de  U  Cornnmic.ées-Mim.  fâf 
éUe je  I*aî. 4e|S  dKt  ,  ft  4-1116,  «puai* 
çH'éfflfiï  à.  11124  choqua  awb  j-Iacoiin--' 
pretuon  ne  peut  étie  q«e  m8  ^iorf- : 
que  41116  eit  deverftt  ,41114  £&2irï&, 
21114.  ^r  puifque  la  compreffion  efl 
égaie  dans-  .forsidçux corps"  6ï.  qâ'îis - 
appuyent  insmediateaiiënt  l'un  fut 
l'autre ,  le  débandement  du  relïbrt 
de  leurs  parties  par  l'action  de  la 
matière  Subtile,  les  doit  reporrflièï  à 
contrefens  avec  une  «gâte  force,  ce 
qui  riefe  peut  fair«  qu'en  SvHam  là 
yiteffë  réciproquement  airarriàflèi , 
ainfi  que  pr-efcrit-fc'  fircomde  '  opérau-  ' 
tiondeïa  règle; 

PROBLEME;      ' 

"ttmrver  généralement   k  refusât  de*'0 
'  mtttivvïnîOiS  des  deux  corps  après .  VJ, 
Peur  choc.  '.  ..'.  ""■   . 

.    II  rt'y.aqu'à  faire  lift- dett*  drfcltfc"'' 
que  la  règle  générale  piefcrUi, -flè' ' 
dont  j'aiiâcftéïk  ibïftiet'er-dHsm  ïa^1 
raifon  phiiiqrtCjïiDnfurdes  corjJS  fis  - 
des  vltefsea  déterminées  ;mais  furdes 
corps  dont  les  mafses  .&  ksvuelîès 
foîent  exprimées  généralement.  Pour 
cela;,  Faient  w  &  »  les  deux  corps  :'■ 
>foir.IaLvîteJIèâe*;  &rcefle.de"n:  - 
T  iiij 


GooSk 


t4©-       VësLUxGèneralet 
Je  fuppofe  quo<  ffltv  foit  plus  .fort  qtfe? 
«r  c'eft-à-dire  que  le-  produit  de  ïar. 
malTe  du  ■  corps  m  par  fa  vîrefTe  »,  foie 
plus  grand  que  celui  de  n  par  r. 

POUR  LES  M  OUVE  M  EN  S'- 
en fent- contraire. 

Pat  la  première™  opération  cFe  la* 
Régie  générale  qui  confîdere  les  corps" 
comme  mous,  on  aura  mr—tirt  pour" 
la' force,  ou:  le 'mouvement  quiieuï" 
refte.  Or  les  mouvemens  des  corps  di- 
vi&z  par  Icurs^mafles ,  donnent  leurs' 

viteffes.  Donc  — —  exprime  la  vi-  ■ 

telle  de  m-Orlïvheflç  deTt,eft  lai 
même  que  celle  de  m,  puifqu'ils.vont 
on  plutôt  tendent  comme  mous  à  al- 
ler de  compagnie.  La  même,  dis-je,. 
mais  en  fens. contraire  ,  à  celui  dont 
iLalloitavant  le  choc  ;  car  on  a  fùp- 
poféque  nr,  étoit  plus  faible  que  mv. 
Donc  eu  changeant  les  fignes  de  la 

vheûêdewi  qui  eft  ■—  —  ,.on  aura: 

r.*rr",-)  pour  celle  dé-». 

La  féconde  partie  delà  regle.ge-» 
nerale  prefcrjtde  diftribuer.Ia.fom*- 


Coo8k- 


de  là  Communié.  dttMouv.  441 
.me  [des  viteflès  v-t-r,  réciproquement 
aux  maires.  On  fera  donc  ces  propo- 
rtions/ 

I".  m+n.v+r:  :  n.  ^- pour' 
lavheflè  dew. 

IIe.  »-*■«.  ?-*.)■  •„•■»'"  ■ 
pour  la  vrteflë  de  ». 

Mais  il  faut  changer  les  fîgneft  des : 
numérateurs,  des  exprefîions  de  ces ; 
vnefles,  à-caufe  que  le  reflort ,  bandé 
par  la  mutuelle compreffion  de  ces  ■ 
corps,  doit  en  fe  débandant,  lesre-!  ' 
poufler  en  feris  contraire,  à  leur  pre- 
mier mouvement. 

,  Aïnlï  en  ajoutant  les- deux  vheP.  ■ 
fes,  trouvées  paria  première  opéra» 
lion,  à  ces  deux  dernières:  fçavoir,  ■ 


la- première  ; avec-— '■ — " 

qu'onarenduënégative,  en  Ghan-  ' 
géant  les  fignes ,  on  aura  la  formule  -* 
rZ.TB.T~',''.F,ou  v—  s  ».  *.  21*_ 'porïÈ : 

n-fit  ■—!-»* 

la  viteffè  de  m  ,  réfiiltante  âpres  le : 
choc.' 

Dé  même  en  ajoutant  la  vitefle  ' 
de  » ,  tifée  de  la  première  opération^  • 
fytvoiï,  "£=~  avec  -*  ~=~r,  oâ  « 


4$x  ■      tfes^t'n'xGêmfAÏei' 

aura.    - ,    .  T^S  ou  r—  i  w  if 
■■*-+*'  ■■'  . 

1""*^?  pourla  vitefîe  de  »,  après  le^ 

choc. 

Ces  deux  formules exprimemge- 

rteraJement  les  yitefles  qui  refiïlteiit 
àiix-cQrp&dursàfefloFt'parfeh  après, 
qu'ils  Ce  font  choqué  picldes  moti- 
vemens  direétement  :c<mtraires,qu,el- 
îes-que  foient  leuis  matfes,  &  qti'- 
ayeap  été  leurs  vitefiès:  avant  leur 
chog..  DeiortcquepouTiTÉfoudreJes 
cas  parûctiUer* ,  il  riîy;a?  qu'à?  mettre  - 
dans  ces-fominlesau  lieu  dos-  lettres 
m  n  v  r ,  les  nornhiwtpit:  expriment 
ia  grandeur  des-  maflès'  &:(fesi  Vitef— 
&s  des  corps  ayant,  ïechoc. 

.JL.X  ..E\M*.  FL  E- 

Deux  corps-  m  &  n-fôcfibqtiêftC 
par  des  monvemenstcomrarres.  ma: 
fix  de  maueeV  trois ;de  viiéfuVn.a: 
deuxde  maiïb.&.quaire  deykefièî 
c'efl  adiré,  6m%\  contré  ïtnq\  car 
fes.UQmfcres  qj.»  îom-.avqnt  m  &  »  ex- 
priment tQilJQUis.Ié  rapport  des  mat 
Tes  de  ces  deux  corps,  6V  ceux  qui: 
Tés  Auvent  te  rappQn.de  Itsrs  vii 
ttflte.Onveut  fçavoir  ce  qui  leurar<- 


&  U-.fmmniteMMttt»:  *2f 
l««ira-pn,lc<£tx..-Tonr<ui3it  ftuf 
mettre  daiis  les  formules  ait  lieu  de' 
m.n.v.r,  les nombres  6,  »ri  4  & 
I  dit  aura  pour  IiMTiefle  de  m .  après 
ttAxjy—,-  s;  w^éèiï  à;dirë,; 

"*Tr  Ainfi  le  corps,  w,  àrcaufe  <£u  fîr* 
goe  moins— *rec«lera,avcelavttef-- 
ft  i.  Dfemênw  fa'VltelTe'de  w-,  qui  tf| 
fêter "formule  >ÏL#m\  .^^graV 
■  4  _'  ti  V  ££? ,  égal' à  4— 10V,  égal- 
B-^tfi  AtoIi  reculera  atffec*  fa  vî-; 
téflè  <S  J,  à  taule  dh'fîgnei  tfïôïiis; -flV 
eWefl'aWiaésâàffreâ;-  *  '""."..:. 

yoùà'  £Es~'Mouvè:M'Étf~s'' 

femblables ,  os  de  même  part';  lorf-- 
*       qtfttri  corpj    attrape-  Pamir  &  le-', 
cloque,  r.  ....._ 

ta  première  opération  de  la  réglé* 
générale, «ferarW-dàns^ce^câS  pourra- 

cortde  pairtede  Ia-Regle-ordonne  de^ 
âj^ribuejc  non  la  fpmmt^nais  h  dif- - 
ferencé  v  -*»r  de*  vueflès1;  féciprbv 


444    ■  T>tt  LàirGeneralis-'    '• 

quement  auxrnafib.  On  aura  dortcî ■". 
en  faifànt  une  proportion  femSIabte' 
à-Ia  précédente' ^1^^  pour  la  vî-: 

ie(Te  .de  ^. .  Et  ^2^CP  pQujr  celle^*  l 

«.  Mais  il  faut ;  changer les  fignçsde, 
la:  vîteûe  de'» ,  '  parce  qu*attra!pânt  " 
I'auwe,H-en  eft  repouffe  àcontfer 
fens  de  ion  premier  mouvement,  par  t 
le.  xcSbtt  .des.coti>s,<»mpfflrnjz;  -A-* 
joutant  enfin  les  deux  yitefles*d,e,iw;-. 
fçavoir.-ïg^avec B^J' , ou  Htm* 

a  cfraogéjes  fignes  ;  on  aura  IaJbr-: 
mule  pour  la"  vUeffe  de  m.  Sçavoïr,  .;. 
"     SrSS1  mi  "  i-ifi-r-'  J  '  •    J?e< 

même  en  ajoutant Ies_deuxvite(Ièsde_- 
ffi  ifwoit,  ^fJTavfec  ~f^~  ,  on  « 
anraw  -ÏL — —  i  ôut~4**""[t'TV- 
jpur  la  viteûe  de  n  après  ïechoe.  - 

E-X-.E.Ï    P-L  E~- 

5«  4 ,  attrape  6  »  a ,-  la  vheflè  de-»>» 
traKeft.--  étant -réduite-;,  » 

fifo^^+mtfa-.^ 'égal a  f.  Et  ceHe.! 


de  to'-CmaûuiA  iesMotn.  W 
iflpg-qni  eftl  *  ■*,'"'' ~,r  deviendra- 
»-+** -4— *  co  ?  J  ot  ces  deux  vite£- 
les  feront  ppfiuyes  &  vers  lé  même. 

•  Mais  Ii  l'on  fuppofoir  que  îWToar- 
trapâi  io. »  2 ,  on  auroit  pour  ,1a  vi- 
tefle  de  «après  le  choc— -g  devi- 
lejlèi  qui  faroit  contraire  à  fon  pre- 
mier mouvement  à  caiife  de  la  gran- 
deur négative  moins  1?.  Amfi  m  rei 
caleroit  après  le-choc,  &  «.auroit  ij, 
de  viteiTé  en  -avant.  . 

fiaUA    LE \    CAS    OU     UN 

des  corps  ejien  repos. 

,  Le  corps  en  repos  étant  nommé  w.  • 
îf  n'y  qu'à  effacer  dans  -les.  formules 
lé  terme  otr  fa  viteûe  r  fe  trouve  , 
j^rce  que  r  étant  ^ero,  ce  terma  fe 
detrutt.AiHfîonauta  -^%  pourlt 

vkeuede«&  <^TS  pour  «Uc  de  »  - 
après  le  choc.  -  . 


Coo8k- 


C,„„sk- 


C,„„sk- 


m.6  ayant  choqué  çwo.  la'  v.iteffêr 
3è wqirieft  *Z \=Zljf&- *f=^^= 
**  :rr— ^'4  ,'  aïnir  w5'  deviendra— 
«4  on  rejaillira  cyarrfefe  avec  ^  & 
tfitelïè.  ËW aura  pour  fa.  vrte&e  cy-- 
avant  2*  igal-à-^xàa;    5»o'd*i' 

yenam  ,$_#«.; 

ëefc  deux  formules.  , 

-  £  D»---F.'u^>"poar  la  v-ïteËé^ctè' 

m  après  le  cnoc.  t 

•  ïl.B1^— B'r+?'  ■"•"  pifrlrceîfe  ag«- 


Ces  deux  formules ,  dis-je-,  expm 
nient  généralement  :  le  '  reftttet-  -des 
communications  des  mouvenjens  ; 
f.  Des'mpuverMéns-conrraires.fi'I'ort 
met  le  ligne  —  avant'  mr  fit  MWt 
a?v  Des  monveinerts  femblabies  ou 
de  même  part ,  fi  l'on  y  met  le  figue 
-fj  .  Des  mouvemens  gui  réfultent- 


de  la  Communie,  des  tâotiv. 


4W 


!$a  chocIorfqu'undes-corg&efteii.reÀ 
jfos-it  paï  exemple  ;  fi-  Fon  négliger 
jeotnmemriIetej;me2iw  où  fa  vitef- 
fer  &  trouve-Ainfi  ces  deux  formu- 
lesgenerales  fuffifent  pour  fçavoh-  le 
xéfuitat  des  inouvemens' ,  après  les 
trois-  différentes-  efpeces  de  choc  dé 
deux  corps ,  &  petlvent  encore  férvi  e 
à  réfoudre  ofulieurs  queflions  qu'on 
peut  faire  (Wcette  matière  ;  comme 
on  le  peut  voirdansles  memoiies  de- 
l'Academie  Royale  des  Sciences  de 
Cannée  .1706;. 

Tejie  eft  la  fécondité  des  réfoln-- 
tions  &  des  exprefïions  Algébriques,^ 

Si  l'on  fait  même  attention  à  quel- 
qu'un dé  ces  principes ,  qu'on  peut 
déduire  de  ces  deux  formules  :  Que 
les  corps  après  &  avant  le  choc  ont  la 
même  vitefse  refpedive:ou  qu'il  y 
a  fa  mêmequantité  de  mouvement 
de  même  part  ;  ou  que  le  centre  de 
gravité  commun  aux  corps  qui  fe 
choquent ,  demeure  ou  fè  meut  delà 
même  vitefse  avant  &■  après  le  choc  ; 
on  verra  bien qu'unefeule  formule, 
celle  par  exemple  qui  donne  la  vitef- 
fé  de  m  après  le  choc  ,  pourrait  fiiffî- 
re  pou  r  trouver  celle  du  corps  n.  Car 
fçacham  dans  le  premier  exemple. 


'44^  ïfei  toîx  Générales 
que  la  vitefse  refpecrîve  efi  gavant Te 
oioc,&que  m  doit  par  fa  formula 
reculer'  avec?  f  Je  vitefse,  fans  confufc 
ter  la  féconde  formule-  pour  w,  on 
Voit  bien  qu'il  doit  reculer  avec  la 
vitefse  6  {.  afin  qu'if  y  art  la  même 
vitefse  refpeâive  après  comme  avant 
lêchoc.- 


GooSk 


REPON  SE 

A- 

■MON-STEU-R    REGIS'^ 

AV BÊjjfl'S  SEMENT.- 

AYant  remarqué  dans» 
le  Syjîème.  de  F.hiIo/$fbie 
de  Mon.fieur  R.e  g  is, qu'il  me 
Éiifbit  l'honneur  de  critiquer 
mes  fentimensj&qu'il  en  con- 
damnoic  quelques-uns  (ans doiv 
ner  cerne  femble  aucune  preu* 
yefblidedefes.dëein'onsje  crus 
d'abord  lui  devoir,  répondre. 
Mais  certaines  coniïderations 
m'ayaat  fait  différer  un  travail 
Û  contraire  à  mon  inclination  T 
&  que  je  ne  jugeois  pas  fort  né-- 
ceflaire ,  j'appris  peu  de  temps 
après  qu'une  autre  perfonne  à 
mon  infçû  avoic  entrepris  dé' 
réfuter  lçs  opinions  particulier 


Atf  de  M  PhilôfopneY'furlar 
AJéntpbyfiqae  r-pri**jpâtemenc 
&  fur  la  Aforale ,  &  mff nie  que 
dans  fôn  Ouvrage  il  défendoit- 
rr«s  foirimeosï^avec  berucoop 
de  vigueurjene  fçai  point  bien 
»«.  doit  ci.  ce  qui  en  eit,*  car  jflttai  point , 
J,re"c  3"  ici  v  û  cet  té  refu  tation'Hr  je  pac 
*w  impri-ie  &  je  ne  la  veux  point  woir 
qu  elle  ne  foit  imprimée.  Jeluis 
bien  aiièque  M  Régis  le'/çiche, 
afin  qu'il  ne  m'attribue  que  ce 
qui  dépend  abiblumentdemoi. 
Car -je  ne  prétens  pas  avoir' 
droit-  fur  lès  Ouvrages  des  an- 
tres,™ les  obligeràëcrire  com- 
me je  le  ferais  moi-rïrême.  Je- 
tte venx  .pas  me  rendre  juge 
^  dansnta'  propre  Jcairfe,  ni  ôter 
aux  antres  fa  liberté  de-dite  ce 
qu'ils  penfenr  dç  mes  Livres  Se 
des  fîens}&jene  fçai  point  rp 
h  perfonn»  dont  je  pasle  ap- 
prouve  anfll'  genéralemenr 
i$£<m  meJV  dit  ^touc  ce  que 


Google 


JjrWriSSEMENr. 

JSÏ.  Kegiyc.onea.iims  dans  mé9 
Ouvrage». 

Ayant  donc  appris  qu'on-  a-* 
▼oïc  exécuté  le  defléin  que  je 
pouvois  prendre,  8£  peut  -  être? 
plus  heareufement  que  je^  n'a»* 
roisïàit  moi-même}  je- ne-pen- 
ibrsphrs  à  répondre  à  M.  Régis.. 
Riais  voyant  que  l'Ouvrage  ne  v 
paroiflbit  point,*&  ne  fçachant  *'Cet  °uv"- 
goints'il  paroînroit  jamais ,  j'ai  tt*. 
pris  enfin  là  résolution  de  faire- 
moi  mêmeune  courte  réponfe. 
Pour  cela  j'ai  cirercbedans  le* 
Syjfhne  de  fhHofùfthic ,,  tous  les 
endroits  ou TAuteirrmeciEe-en; 
marge,  &  combat  mes  fênrr- 
mens  avec  une  application,  par** 
riculiére  ,  &  j'ai  négligé  les  au- 
tres. J'ai  crû  que  fi  je  ne  ré'pon- 
dois  pas  à  M.  Régis  lors  qu'if 
m'interroge, &  que *par ces  ci- 
tations en  marge,  tout  le  mon- 
de peut,  voir  que  c'eft  à  moi  £ 
qui  il  parlé,,  j'ai  crû,  dis-je,ane- 


Coo8k- 


'APBCnssEMEm; 

-  lui  6c  (es  Difciples  pourroient 
regarder  mon  iilcnce  i  ou  com- 
me une  efpéce  demépris.ce  qui 
ne  me  conviendrait  guéres  j  ou 
comme  ua-avcti  de  mon  impuif- 
fance,  ce  qui  feroit  tort  à-la.' 
vérité  de- mes  fentimens.  Et- au' 
contraire  fi  je  fais  voir  mcon- 
teftablement ,  que  M*  Régis  n'a 
pas  raifon  dans  ces  endrois  qu'il- 
réfute  avec  le  plus  d'applica- 
tion &  enme  citant^on  auraun 
fondement  raifonnable  de  & 
défier  de  ce  qu'il  avance  gêné, 
ralement.non.  feulement  contrô- 
le Livre  de  la  Recherche  delà Yt- 
rite,  mais  contre  des  fentimens. 
bien  plus  dignes  de  rcfpeci  Car 
enfin  ,  puifquepour  le  combat- 
tre je  ne  fais  point  choix  de  ce- 
qui  me  paroît  de  plus  faible  dans 
ion  Syftème ,  &  que  je  m'oblige- 
à  renverier  tout  ce  qu'il  y  trou- 
ve lui-même  de  plus  fort  con- 
tre moi  »  Si  onreconaoîc  clai*- 


:  JPWTISSEMENT.  - 
jremene,  comme  je  l'efpere,  que 
Ja  Vérité  eft  de  mon  côté ,  oo 
.aura  un  préjugé  fort  légitime 
xontre  tout  Ton  Ouvrage,  je 
veux  dire  contre  tes  opinions 
particulières.  Car  je  ne  prétens 
pas  qu'il  n'y  ait  rien  de  folide 
dans  la  i  hiiofôphie.Je  condam- 
nerais d'excellensj  Auteurs,  fie 
que  je  regarde  comme  mes 
Âlaîtres.Je  prétens  feulement , 
jpour  ne  point  parier  de  ce  qui 
»ne  me  regarde  pas,  qu'il  n'a  ja- 
mais raifon  dans  les  endroits^où 
ilmtcombar.  Voilaje  l'avoue , 
une  étrange  prétention.  Mais 
jçcroi  la  pouvoir  déclarer^non 
feulement  parce  que  je  la  juge 
'  bienfondcc;  mais  encore  afin 
que  ceux  qui  lifent  Ces  Ouvra, 
•ges ,  auili-bien  que.  les  miens,  ■* 
Soient  extrêmement  fur  leur* 
gardes. 


Coo8k- 


,454       ÏFMSSI'  - 

ÇHAPITlï    L 

RAISON  PHYSIQUE. 

pet  divtrftf  afterenctt  de  gr**- 

.    deur  du  Stleil  &  de  U  £**« 

dans  niorïfon  &  dans  {eMcri- 

dieo,  combattue  farM.  &egit.  \ 


'I 


<V     «  -,      A. 


PO  us  expolêr  clairement  le  fait 
dont  il  elt  qucftion ,  iuppofons 
que  ia  ligne  F  G  reprèiente  le  plan 
d'une  plâtre  campagne ,  fie  B  D  D  Je 


C,„„sk- 


AM.REGIrS.        4«? 

<!îelàpeu  prés  tel  qu'il  paraît,  fc  1 

joignant  avec  la  Terre  aux  extrémi-  ••    J 

jkz  dé  llîbriron  F ,  G.  L'expérience. . 
a'pptjeiidqne'IaLuneparoît  d'autant  '    ] 

plus  grande  qu'elle  efl  plus  proche    ■ 
de  l'Horifou.  Et  la  queflion  eQ  de 
fçâvoir  la  véritable  raiibn  de  cette 
apparence. 

Je  crôyois  avoir  fuffifamment  de*.-*' 
montré  *  dans  le  r.  Livre  de  la  Me-   *  cn*î-  ». 
■cherche  de  la  Vêrîtéixnne  la  Ltine  nous  ton'  de  un 
paroilïbit  plus  grande  à  Jj'Horifon  en  «  chap.  s. 
B ,  que  dans  le  Méridien  en  D,  parce 
que  yoyàrit   entr'elle  &  nous  plu- 
iioacs  terres ,  nous  la  jugions  d'au- 
tant -plus  éloignée, qu'elle  étoitplus- 
proche  del'Horifon.  Et  je  penfe  ea« 
■core  à  prefeotque  tous  ceux  qui  exa- 
mineront lâns-prévention  mes  preu- 
ves les   trouveront'  convaincante^ 
Mais  îf.eft.)ufte  de-donnerici  quel* 
«nie  cliefc  à-Ia  réputation  de  M.  Be- 

fis ,  &  de  cefijavant  Géomètre  le  R, 
'.  Taquet ,  qui  ne  conviennent  pas 
#&h  laifcai^ue  j'ai  donnée^ 


Goo8k 


BE'PONSE 


•rw 

édiiion 


-i.'lleft  certain  que  l'objet  PQ, 
-âouble  par  exemple  de  l'objet  M  N; 
&deux  fois  pi  us  éloigné  que  lui  de 
Pceû*  A  ,  y  tracefur  ie  nerf  optique 
une  image  fenfîbîement  égale  à  celle 
que.  MN  y  produit,  ou  qu'iLeftvà 
fous  un  même  angle.  Car  les  rayons 
PA  &  MA,  QA  &  NA  fomdans  les- 
mêmes  lignes  droites.  Et  ces  rayons 
partant  des  extrémitez  de  ces  objets 
déterminent  par  confequent  leur 
hauteur.  C*efl  une  vérité  dont  M. 
'^if;  Régis*  convient. 

2.  Or  la  hauteur  de  l'objet  P  Q  pa- 
ioît  environ  double  de  l'objet  M  N., 
Jorfque  l'on  jeu  iemarque,I*difliice: 
je. 


GooSk 


À  M/REGI*.        4W 

je  dis  emiron  double ,  parce  qu'on 
ne  peut  à  la  vue  juger  exactement 
delà  diftance  des  objets.  Un  Nain  à 
deux  pas  de  nous ,  paraît  certaine- 
ment beaucoup  plus  petit  qu'un 
Géant  trois  fois  plus  grand  qui  fe~ 
roit  éloigné  de  fix  pas.,  quoique  l'un 
&  l'autre  puifsent  être  vus.  fous  des 
angles  égaux  ;  ou  ce  qulefl  la  même 
chofe,  quoique  les  images  qui  s'en 
traceraient  au  fond  del'ceiE  puifsent 
être  égales. 

3.  Doncla  raifonde  cetteîinégàlitë 
dans  les  apparences,  ne  venant  point 
de  l'inégalité  des  angles  vifuels  ou 
des  images, .-qui  certainement  font 
égales  dans  le  fond  de  nos  yeux ,  el- 
le doit  v_enir  dans  l'inégalité  de  la 
diftance. 

4.  Mais  afin:que  l'inégalité  dfr  la 
,  diilance  produjfe  de  l'inégalité  dans 
«fes  apparences ,  que  nous  avons  de 
^deux  objets ,  qui  tracent  des  images 
égales }  â  faut  que  cette  inégalité  de 
diftance  foit  actuellement  apperçûc 
par  lesfens.  Car  les  connoUsances , 

aue  nous  en  aurions  d'ailleurs ,  ne 
[langeant  rien  aâuellement  dans 
les.organes  de  nos  fer»,  elles  ne  chan- 
gcïoient  rien  non  plus  dans  nonfen- 
Tomejn.  V 


GooSk 


45»  HE'PONSE 

fations  :  Parce  que  Dieu ,  en  confè-» 
quence  des  Loix  de  l'union  de  l'amer 
&  du  corps  ,  n'agit  dans  nôtre  ame  60 
ne  nous  fait  voir  les  objets ,  qu'à 
l'occafion  des  images  qui  s'en  tracent 
dans  nos  yeux ,  &  de»  changemens 
qui  arrivent  à  nôtre  corps.  Ceft  pout 
cela  que. le*  Aflronomes  ne  voyem 
pas  le  Soleil  plus  grand  que  les  au- 
tres hommes  ,  quoiqu'ils  le  'jugent 
infiniment  plus  éloigné  ,  qu'on  ne  la 
croit  ordinairement,  Caiencore  un 
coup  une  diftance ,  qui  n'eft  point 
actuellement  apperçûe  par  ks  fens , 
doit  être  contée  pour  nulle ,  ou  ne 
peut  fervir  de  fondement  au  juge- 
ment naturel  qui  le  formée»  nous  de 
la  grandeur  des  objets.  Reprenons 
maintenant  la  figure  précédente. 

S.  Lorfqu'on  regarde  le  Ciel  du 
milieu  d'une  campagne ,  fa  voûte  ne1 
paroît point  parfaitement  fphérique" 
comme  h  d  rf,  mais  Elle  paroît  com- 
me un  demi  fphéroïde  applati  B  D 
D  :  de  forte  que  la  ligne  Horifonta- 
Ie  A  B ,  paroît  double  ou-  triple  de  la 
perpendiculaire  A  D.  Ainfi  Iorfque 
la  Lune  eft  en  d ,  elle  paroît  être  en 
D  :  &  lorsqu'elle eft en  b,  elle  paroît 
être  en  B.  Or  A  B  eft  plus  grand  que 


Goo8k 


A  M.  REGIS.1  4<* 
A  D,  il  en  eft  double  par  exemple. 
Donc ,  Iorfque  la  Lune  efl  dans 
IHorifbn,  fa  difiance  apparente  eft 
double  de  celle  du  Méridien.  Donc, 
quoique  L'inégalité  des  images  que  la 
Lune ,  dans  cesdeux  fcituations  dif- 
férentes ,  trace  dans  nos  yeux,  foit 
Gomme  inferifible,  fon  diamètre  doit 
paroître  dans  I'Horifbn  deux  fois 
aufli  grand  que  dans  le  Méridien  : 
jmifque  les  images  de  deux  corps , 
étant  égales  dans  le  fond  de  nos  yeux, 
ieur  grandeur  paroît  &  doit  toujours 
paroître  proportionnelle,  non  à  leur 
difiance  réelle,  mais  à  leur  diflance 
aparenteainfiquejevierisde  le  dire. 
6.  Cette  raitoneftdémonftrative 
.  apurement.  Mais  pour  en  convaincre 
i'efprit  dtine  manière  fenfible ,  on 
peut  faire  cette  expérience,  entre 

Slnfieure  autres.  Prenez  un  morceau 
e  verre  pjat  comme  d'une  vître  caf- 
iee.  Chauffez-le  peu  àpeu,&égale- 
ment  par  tout ,  en  le  partant  fur  la 
flamme  d'une  chandelle,  d'abord  à  3 
.ou  4  doitgs,  de  peur  qu'il  ne  fecaflè: 
-&  lorfqiril  fera  chaud  abaiflez-lefur 
la naoïmemême  ;  &  l'y paûez  afin 
qu'illè  couvre  de  fuime,  jufqu'àce 
que  regardant  au  travers  vous  voyiez 
Vij 


Goo8k 


#9        REPONSE 

dïftin&emem  la  flamme  de  la  chan- 
celle ,  fans  voir  les  autres  objets 
moins  éclatans.  II  faut  quece  verre 
foit  plus  ou  moins.oblcurci,  félon 
J'ufage  qu'on  en  veut  faire ,  pour  re- 
garder le  Soleil  ou  la  Lune-  Ou  le 
yoi  t  allez.. 

Je  dis  donc  qu'avec  un  tel  verre 
plus  ou  moins  enfumé ,  on  verra  le 
Soleil  &  la  Lune  fenfiblement  de  la 
même  grandeur  dans  l'Horifon  & 
dans  le  Méridien,  pourveu  que  ce 
verre  foit  tout  proche  des  yeux ,  & 
qu'il  éclipfe  entièrement  le  Ciel  & 
les  Terres:  Je  dis  entièrement.  Car 

Çjur  peuqu'on*entrevîtIe  Ciel  &  les 
.  erres,  ceverre  ne  changeroit  point 
les  apparences  de  grandeur  du  So-  , 
ieil,  parce  qu'on  le  pourroit  juger 
plus  éloigné  que  ces  Terres  qu'on 
verroitconfufément  :  car  il  n'eftpas 
rjéceftaire  de  voir  difUnâement  les 
objets  pour  juger  de  leur  étendue.  Si 
le  Soleil  cft  dans  l'Horifon ,  l'imer- 
pofitionduverreleferaparoître  en- 
viron deux  fois  plus  proche.  Se 
quatre  fois  plus  petit  ou  environ; 
car  ici  la  préçifîon  n'eu  pas  nécef* 
iaire.Maiss'ileflfortélevefurrHori- 
fonde  verre  ne  produira  aucun  chan- 


Google 


AM.REGfS.  4?i 
gement  confiderable  ni  dans  fadîf- 
iance,ni  dans  fa  grandeur  apparente-. 

7.  Cela  étant ,  il  eft  clair  que  Tin*. 
terpoiïtion  du  verre  ne  change  pas 
fenfiblement  l'image ,  que  la  Lune 
trace  dans  le  fond  de  l'œil-  ;  puifqu'- 
elle  ne  perd  rien  de  fa  grandeur  ap- 
parente, lors  qu'étantîur  nôtre  tê- 
te, on  la  regarde  avec  ce  verre.  Oi 
lorfqu'elle  eft  à  1  Horifon,fa  diilance 
&'fa  grandeur  apparentes  diroinuent 
notablement  par  l'interpofition  du 
verre,  laqueliene  change point foa 
image,  &nefaitcju>éclipler  les  au- 
tres objets.  Donc,  if  eft  évident  que  la 
Luneparoît  plus  grande  dans  l'Ho- 
ïifonquedans  le  Méridien,  par  cet- 
te ration  que  la  viiefenfible  des  Ter- 
res nousla  faifoh  juger  plus  éloignée^ 
Et  la  proportion  que-M.  Régis  pré- 
tend-prouver  dans  IeChap.  30.  du  5- 
Tôme  defa  PhHofophie ,  &  paria- 
quel  le  il  le  finit  n'efl  pas  foîitenable, 
Ainfi ,-  conclut'il  ,neus  pouvons  affil- 
ier en  général  que  la  grandeur  apparen* 
te  des  objets  dépend  uniquement  de  la 
grandeur  des  images  qu'ils  tracent  fur 
la  rétine. 

8.  Pourle  R.  P.  Taquet fon  fentr- 
ment  n'eilpai  tout-à-fait  le  même- 

V  iij. 


GooSk 


êfi%  REPONSE 

que  celui  de  M.  Régis.  SeloncePere; 
îagmndeur  apparente  des  objets  dé- 
pend non  uniquement ,  mais  pre/que 
toujours  de  la  grandeur  de  leurs  ima- 

Ses  ;  ce  quïle  fait  néanmoins  tomber 
ans  quelques  erreurs.  Mais  voici  ce 
qu'il  dit  par  rapport  air  femiment 
queieviens  d'établir.  Immemô  igîtur 
nonnulli  recentiares ,  nefeio  quibus  dtte- 
fi  f>r£Jndiciis  »  angulos  prœdttlos  utfa!~ 
laces ,  &  ineptos  ad  apparentes  rerum 
magnitudines  determinandas  rejïciunt. 
Dîcent  credo  ,  objeEIa  non  apparere 
teauaiia  tquampiseodemvel&qttalian- 
gulo  conJpiciantnr ,  quando  vïfus  inx- 
qitalcs  dijtantias  percipit.  Qutro  tgitur, 
tn  fol  propè  borifôntem  poftms  major 
appareat  rcum  terra-  fuperficies  iUum 
interatqueoculuminterjeBa  cerniturr 
qita  dum  manu  vel  pileoterru  confpeSu 
mpedtto  fpetJam  folus  ?  Qmfqttis  vo- 
luerit  experiri ,  œqualem  utroqtte  cajk 
deprehendet,  &c.  II  eft  vifîble  que  le 
P.  Taquet  fe  trompe  par  fon  expé- 
rience imparfaite.  Car  pour  détruire 
ladiftance  apparente  du  Soleil  cou- 
chant ,  il  ne  îuffit  pas  deîécacher  ta 
campagne  par  le  bord  de  fon  chapeau , 
il  faut  auffi  fe  faire  éclïpfer  le  Ciel.. 
Mais  apparenuuejit.jce.  fçavanthom> 


A  11*.  RÉGIS.  461 
tûeneforfon  pas  attention  à  la  voûte 
apparente  du  Ciel ,  qui  comnre  je 
viens  dédire,  paroiflànt  prefquepla-- 
ïe,  doit  cauTe*  à  peu  prés  la  même 
apparence  de  diilance  que  les  terres 
interpofces.  lïefl  donc  certain  que 
I  apparence  de  I  inégalitédes  diflan- 
ces  doit  être  aduellement  comparée" 
avec  I  égalité  des  images,que  produi- 
duifem les  objets  au  fond  de  l'œil, 
alinque  le  jugement  naturel  Te  for- 
me en  nous  touchant  la  grandeur  de 
ces  objets.  Mais  voici  comme".it  tout 
cela  fe  doit  entendre  Je  prie  qu'on 
y  donne  attention  :  Car  on  peut  ti- 
rer bien  des  conféquences.  du  princi- 
pe q<ie  je  mécontenterai  d'expofer; 
p.  Comme  Dieu  ne  nous  a  pas  fàâs 
pour  connoître  les  rapports  que  les 
corps  ont  entr'eux ,  &  avec  celui  que 
nous  animons ,  &  qrTîlert  néceûaire 
pour  la  confervanonde  la  vie  que 
nous  en  fçachions  heaucoupde  crio- 
fes ,  il  nous  en'înflruii  fafnîamment 
par  lavoiecourtedu  fentbnent,  fans 
aucune  application  de  nôtre  part. 
Pans  l'inftant  que  nous  ouvrons  les 
yeux  au  milieu  d'une  campagne  , 
Dieu  nous  donne  donc  tout  d'un 
toup  tous  les  fenùmens ,  &  forme  e* 
V  iiij. 


tfq  irE'FONSE' 
bous  tous  les  jugemens  que  nous  fbra- 
merîons  nous-mêmes ,  li  ayant  l'ef- 
prit  d'une  pénétration  comme  infi- 
nie ,  nous  fçavioro  outre  cela  POp» 
tique  divinement  ;  &  non  feule- 
ment  la  grandeur  &  le  rapport  de 
toutes  les  images  qui  fe  tracent  dans 
nos  yeux,  mais  généralement  tous 
lés  changemens  qui  arrivent  à  nôtre 
corps,  lorfqu'ils  peuvent  ou  doivent 
ordinairement  fervir  à  régler  ces  ju- 

gemens.  Ainfi  nous  voyons  la  Lune; 
:  Soleil.,  &  les  Etoiles ,  &  même 
les  nues  ,  dans  la  même  difiance: 
Parce^ue  comme  je  Pai  prouvé  dans- 
lê  ç.  Ghapîtrede- cet  Ouvrage,  il 
n'y  a  point  de  différence  fenfibla 
dans  requrarrive  à-nôtre  corps,  par 
laquelle  nous  puifïions  juger  que  les 
Etoiles  foient  infiniment  plus  élor* 

r'es  que  la  Lune,  &  que  celle-ci 
nues ,  &  l'Horifon  nous  paroît 
plus  éloigné  que  le  2enith,parce  que 
îeCielôc  les  Terres  qui  font  entre 
l'Horifon  &  nous ,  traçant  dans  nos 
yeux  leurs  images  ,PefprnteIque  je 
l'ai  fuppoféj  en  doit  conclurequ'il 
«il  beaucoup  plus  éloigné  que  le  Ze- 
nit ,  entrerlequel  &  nous  il  ne  paroît 
aucun  objet.. De. forte. que    tous.  les. 


A  M.  REGI  S. ,;       tfÇ 

devrez  du  Ciel  apparent  diminuent 
d'autant  plus  qu'ils  approchent  da- 
vantage du  Zenith.  Et  comme  la  Lu- 
ne en  quelque  endroit  du  Ciel  qu'el- 
le foit ,  eft  toujours  vùë  fous  un  an- 
S le  d'environ  un  demi  degré,I'efprit, 
îlon  les  régies  de  l'Optique ,  la  doiç; 
voir  beaucoup  plus  grande  à  I  Hori* 
Ion  que  dam  le  Méridien.: 

10.  Si  je-  panche  la  tête,  ou  fi  je>" 
nie  promené  en  regardant  un  objet 
par  ie  même  principe,  cet  objet  ne* 
iahTera  pas  de  paroître  droit  &  im- 
mobile. Car  mon  efprit  étant  averti'' 
de  la  feituation  oa  du  mouvement 
de  mon  corps  ,  je  ne  dois  pas  con- 
clure que  m  objet  change  de  place  ,  ■ 
àcaule  que'  fon  image  en  change  ■ 
dans  le  fond  de  mes  yeux.:  Mais  li: 
j*étois  tranfporté  dans  un  Vaineauv* 
par  un  mouvement  qui  ne  changeât 
rien  dans  moricorps ,  comme  les  ju- 
gemens  naturels  qui  fe  forment  en 
Hioi  ne  font  appuyez  que  fur  les 
changemens  qui  s'y  paflèrit ,  jecroî- 
rois  être  immobile],&  que  les  objets  ■ 
ferotent  mus.  Il  faut  dire- la  même;  ' 
diofe"de- toutes  les  autres  appareil- - 
ces  des  corps  qui  nous  environnent,  • 
làieu  e»confequence  desloix  gene^- 


4<re  ■      RE'PONS'E' 

raies  de  l'union  de  l'âme  &  du  corps}, 

nous  apprend  en  un  clin  d'ceil ,  I& 

Êrandeur,  la  fchuation  ,  la  figure, 
mouvement  &  le  repos  de  tous  les. 
objets  quï  frappent  nos  yeux  en  con- 
fequence  des  Loix du  mouvement:. 
Et  cela  fort  exactement ,  pourvu  que- 
les  objets  ne  foient  pas  excemvement" 
éloignez,  &  que  l'angle  que  forment 
les  rayons  fetermineà  l'objet  qu'on» 
regarde;  Ain  11  Dieu  forme  en  nous- 
pour  aïnfi  dire,  les  jugemens  natu- 
relsque  nous  ferions  nous-mêmes,  tî- 
nous  étions  tels  que' je  l'ai  fuppofé  :. 
c'eft-à-dire  d'une  pénétration  d'e£~ 
prît  comme  infini',  parfaitement  hi- 
ilrnits  de  rOptique&  de  tous  les- 
changemens  qui  fe  pàflènt  aâuelle- 
ment  dans  lesïibresdenôtrecerveaii.. 
Mais  comme  nous  ne-  fournies  pas 
faits  pour  nous  occuper  des  objets, 
fenfibles  ,  &  pour  ne  travailler  qu'à: 
îaconfervationdenôtrevie-,  il  nous- 
épargne-tout,  ce  travail,  &  nous  ap- 
prend par  une- voie  abregée&fort  a- 
gréablecn  un  moment  un  détailcom^ 
meinfini  devérîtez  &  de  merveilles. . 
Mais  examinons  maintenant  l'opi- 
nion de  M.Regis,  &  voyons  s'il'n'y. 
•uuoitpoint  quelque  chofcàreforme*. 


î  x  m.  fi  ë  c  rs.     457 

5ans  fort  Optique:  Voici  fes  paroles. 

11,  Il  yen  a  d'autres  qui  prétendent  r«*.  j." 
que  cette  grandeur  apparente  de  la  Lune*"1"  *4Î*' 
fur  l'Horifon,  ne  dépend  point  de  fè'-ar-- 
gisement  de  la  ptunelle ,  ni  de  fap^ 
piaulement  du  criftallin  ,  mats  du 
jugement  -  que  nous  faifons  que  la 
inné  efi  plus  éloignée  de  nous,  l&rfqtieU 
le  efi  fur  l'Horifon  que  lorsqu'elle  eji 
dans  le  Méridien  ,  affùrant  que  ce  ju- 
gement a  la  propriété  de  faire  qu'un  ob- 
jet paroijfe  plus  grand,  quoique  fin 
image  fur  la  rétine  foit  plus  petite. - 

On  voit  bien  par  ce  que  je  viens  de' 
dire  ,&  par  ce  que  j'ai  dit  dans  le  9. 
Ch.  delà  Recherche  de  la  Vérité,  com- 
ment il  faut  entendre  cetteexpofition- 
de  mon  feiitiment.  ' 

L'Auïeurcontinuë: Nous  répondons 
qu'iln'yarien  qui  pÂt  plus  contraire 
auxLoix  de  l'Optique  que  cette  expli- 
cation; &  que  tant  s'en  faut  que  le  ju- 
gement ç«?  nous  faifons  me  les  objets 
font  éloigne%contrïbue' à  les  faire  pa-- 
roître  plus  grands,ilfert  au  contraire  à 
les  faire  paraître  plus  petits. 

Re'ponse..  Voilà  unedécific-L: — ' 
étrange-;  //  n'y  a  rien  qui  foit  pi 
praire  aux  Loix  de  l'Optique 
■   quoi  'Ettceque  G  M.  Régis 


C,„„sk- 


RE'PONSE 


lieu  de  fa  chambre  regardon lacanr* 
pagne.toutcequ'ilydécouvriroit  lui; 
paraîtrait  plus  petit  que  fa  fenêtre, 
par  cette  loi  fondamentale  de  fon 
Optique  -,  Que  la  grandeur  apparente 
des  oljets  dépend  uniquement  de  la 
grandeur  des  images  qu'ils  tracent  fur  U 
rétine ,  8c  que  l'image  d'une  monta* 
gne  ;  par  exemple ,  étant  pins  petite- 
au  fond  de  fes  yeux ,  que -celle  de  fa 
fenêtre  -,  puifque  ceiïe-ci  contient 
l'autre,  il  faut  bien  que  la  monta- 
gne lui paroWepIus  petite.Car s'il 
)  ugeoitque  la  montagne  ell  fort  élo- 
gnée,pouren  conclure  qu'elle  eft 
iortgrandéice/a.fCTWBt  la  lui  feroit 
farottre  plus  petite,fàonfàn principe 
d'Optique.  Et  il  prouve  amfi  ce  prin*- 
cipe.  Donclaraifonefi,  dit-il,  que  ce 
jugement  dépend  d' unmouvement  de  ta 
prunelle  qui  e$  tel-,  pour  voir  les  objets 
diflintJetnent,  qu'à  mefare  qu'ils  font 
pluséloignex_ellss élargit davantage;  & 
kmefure  qu'élit > s* élargit,?; 'ail &te  cri- 
flaUins'apptmfJent.Orileft  évident  que 
quand  l'ail  ejt  applati ,  les  réfractions 
font  moindres,  &~vkk  cokseqcent  ' 

QUF     LES'  IMAGES     DES     OBJETS 

qu'elles  CÀUSEMT  sur xa  reti- 
ME  SONT:  PLUS  JEHTE5.  POUE mot,. 


Goo8k 


A"  M.  RE  GTS.  4<fr 
dè  ce  que  le  crifiallin  s'applatît ,  je 
conclurois  au,  contraire:  Et  par  con- 
féquent  les  images  des  objets  que  les 
réfractions caufent  fur  la  rétine  font 
pins  grandes.  Car  Iecriflallin  fait  le' 
même  effet  qiie  les  verres  convexes 
des  lunettes;  cVI 'expérience  apprend  - 
que  plus  ces  verres  font  plats  &  leurs 
réfractions  pet/wj ,  pins  au  contraire  ' 
les  images  qu'ils  raflemblent  à  lèilE 
•foyer  deviennent  grandes.  II  ferok 
inutile  que  j'expliquafie  ici  d*bù  dé>> 
pend  le  jugement  que  nous  formons 
delà  diflance  des  objets  aprésce  que  ' 
j'en  ai  dit  dans  Ie^.Chîtp.  de  là  Re- 
cherche de  la  Vérité.  Comment  les 
rayons  fe  raflèmbleront-ifc  fur  la  re- 
Xint,ftfœU&  lecrifiaUins'applatif' 
fent  en  même  temsîfi  le  criflalîin  s'a> 
platit ,  c'eft  une  nécefiité  que  l'œil 
s'allonge:  &  au  contraire  fi  lTœiI 
s-'applaiir,  il  irurque  le  criflallin 
devienne  plus  convexe  ;  afin  que  fa 
vilîon  fe  puiflè  faire,  &  que  les 
rayons  fe  rétinillent  fur  la  rétine,  car 
je  parle  ici  des"  objets  fort  'éloignez. 
M.  Régis  me  permettra  de  lui  dire 
ici, que  quand  on  veut  rendre  ra'ifcm 
d'une  chofe  faufle",  on  fe  trouve' 
{auvent  tien  embarraffé:  Mais  peau  - 


Goo8k 


4*r        ftE'PÔNSE 

ètrey  a-t-il  dans  fon  raifbnnement 
quelque  faute  d'imptetïïon  qui  y 
caufe  cet  embaras  que  je  ne  puis  dé- 
mêler. Il  continue. 

12.  Pour  donner  donc  une  explication- 
plus  fimfle  &  plus  naturelle  que  1er 
précédentes  y  nous  dirons  que  lagran-- 
deitr  apparente  de  la  Lune  a  fHorifon,- 
■dépend  principalement  des  vapeurs  qui 
s'élèvent  continuellement  en  Pair ,  & 
quifedifppfentenforte  autour  de  la  ter- 
re ,  que  leur  fnrface  convexe  eft  concen- 
trique avec  elle  ifPoùil  s' 'enfuit  que  -ces 
vapeurs  caufent  aux  rayons  de  la  Lune 
its  refi allions  qui  les  font  approcher  de 
la  perpendiculaire ,  &  qui  font  propres- 
par  conft'quent  à  augmenter  IHntage  de 
la  Lune  fur  la  rétine  >  par  la  même  rai- 
fon  que  les  vems  convexes  font  propres 
a  augmenter  ceUes de  tous  les  objets  qu'il 
regarde  au  travers  de  ces  verres. 

TÏE'ponse.  V explication  eflftmple. 
Mais  elle  eft  fauiîe  pour  bien  des 
jaifons. 

i  vEIIe eft fauÏÏe  parla  démonftra* 
non  que  j'ai  donnée  de  mon  fenti- 
ment ,  &  par  I'exrjériencfdu  verre 

•  enfumé,  dont  on  a  parléd'abord. 

2°.  Elle  efl  fauflè  encore ,  par  une 

«•awwcuraifon  donnée  dans  l'endroit  *  qu'il 


A  M.  REGIS       47T 

réfute.   Car  quand  les  Àftronomes  ver.dup.  ». 
mefurent  le  diamètre  de  la. Lune ,  ils-11*8,  **" 
le  trouvent  plus  grand  lorfqu'elle  eft 
dans  le  Méridien,  que  lorfqu'elle  eft 
à  l'Horifon  ,  à  caufequ'alors  elle  eft 
plus  proche  d'un  demi  diamètre  de- 
là terre.  O'r ,  fi  les  fractions  augmcn- 
toient  l'image  de  U  Lunedans  les 
yeux,  il  eft  évident,  du  moins  à  ceux 
qui  fçavent  quelque  peu  d'Optique , 
qu'elles   l'augmenteraient  dans    la 
Ëinette.  On  fera  bien-tôt  *furpri* de'*  a  i»iïnd« 
voîriétranue  refponfe  queM.-Re*  ","c  ***■*' 
gis  donne  a  cette  expérience  dont  il 
convient.  Mais  iLapîi  voir  ces  deux- 
memieres  réponfesdans  mes  Livres,. 
■  ri.  lui  en  faut  donner  d'autres. 

3°.  Elle  eft  donc  fauùe  parcequ'el- 
fcfuppofeun  principe  faux.  Qui  eft 
«ue  les  rayons  de  la.  Lune  fouffrent 
la  réfraction  en  queftion  àlafurface-' 
de  l'atmofpnere  de  l'air  ou  des  va- 
peurs. Or  ce  principe  n'efl  pas  vrai. 
Car  à  cette  furface  la  différence  de  la 
denfîté  des  milieux  eft  comme  in- 
fènfibïe-,  &  ^expérience  apprend^ 
qu'un  même  objet,  à  une  diflance 
raifonnablé  comme  d'une  lieue ,  vu- 
lé  matin  de  niveau  avec  une  Iunette;. 
«esîy  txouyeplus  à  midi,  Eac  Iîef* 


GooSk 


1 


-.fï  KE'PCfNÏÉ" 
.•i  des  réfraârons  qui  élèvent  IesoS* 
jets.  Or  la  furface  des  vapeurs  qui  le 
dîfpofent  en  rotïd  autour  de  la  terre 
eftbien  loin  delà  :  car  du'moira 
montent-elles  iufqvr'aux  nues.1 

Jecroirois  perdre  montems ,  &  le 
faire  perdre  auxautres ,  iî  te  m'arrë- 
tbis  davantage  à  faire  voit  la  fauflèté 
du  principe  de  M.  Régis ,  qui  expli- 
que les  refraShns  que  les  vapïurscair 
jènt  dans  les  rayoni  delà  Ùate  par  la 
même  raifort  me  les  verres  convexes 
jpnt  propres  a  augmenter  les   objets 

Îk'o»  regatfe  autrâvers.  Jecroiquele 
lecteur,  &  M.  Régis  lui-même  en 
demeurera  d'accord.  Mais  peut-être 
voudra-t-ilque  j'explique  donc  moi*- 
même  l'effet  des  refraaions  dont  il' 
efl  queftion.  Je  veuxbienlefatisfaz^ 
re.  Non ,  quejecfoye'  que  cela  fort 
néceffaîre  à  la  juftifîcation  de  mes 
fèntimens,  mais  parce  que  le  Ledeui 
fera  peiit-être  auflî  bien-aife  de  le 
fçavoir,s'iï  ne  le  fçaif  déjatnieux 
que  ttioi ,  caF  je  ne  me  pique  pas  d'ê* 
tte  fort  gavant  dans  ces  matières. 

13.  JecrordôncqueIes^éfractionl• 
^^!'allgmentent  point  la  grandeur  ap* 
parente  de  la  Lune;  qu'au  contraire 
efles  la  diminuent  ;  parce  que  IorC  - 


-  A  M.  K  E  G 15.       47/ 

qu'elle  eft  à  l'Horifon  elles  dimi*. 
nuënt  fa  hauteur ,  je  veux  dire  fon 
diamètre  perpendiculaire,  fans  faire 
aucun  changement  fenfifcle  dans  fa 
largeur  ou  Ion  diamètre  horifbntal  ; 
ce  qui  la  fait  paroître  elliptique:  Voi- 
ci ma  raifon,  C'eft  que  les  réfractions 
que  caufent  les  vapeurs  dans  les 
rayons  de  la  Lune  &  de  tous  les  au- 
tres objetSjfe  font  principalemnt  dans 
les  vapeurs  mêmes ,  qui  font  répan- 
dues dans  tout  l'air  ,&  non  comme 
M.  Régis  le  prétend  fur  leur  furface 
concentrique  à  la  terre.  Car  à  cette 
furface  la  différence  dela,denlîtédes 
milieux  eft  infeiùîble.  II  n'en  eft  pas 
decette  furfece  comme  dételle  des 
nues  que  les  vents  compriment,  & 
fur  Ieîquelles  ils  peuvent  former  une  ' 
efpéce  de  glacis.  L'expérience  du  nfc- 
veau,  delaquellejeviensdeparler, 
le  confirme  j  &  je  ne  croi  pas  que 
perfonne  en  puifte  douter.  Or  vor- 
ci  comment  je  penfexjae  fe  font  ces 
réfractions. 

Lesrayons  auïfi-bien  que  tous  les 
corps  mus  vont ,  ou  tendent  toùjou  rs 
à  eïler  en  ligne  droite  ;  &  ils  ne  fr 
détournent  de  cette  ligne  que  fort 
qu'ils  trouvent  plus  de  rélïiîancç.: 


GooSk 


f^4  'REPONSE 
an  côté  que  de  l'autre.  Les  rayoriss 
«arexemple.quide  l'air  entreorde 
feiaîsdansl'eaujouqui  fontobïiques- 
à  la  furface  de  l'eau ,  fe  détournent 
vers  la  perpendiculaire:  parce  qu'à 
la  furface  commune  de  ces  deux 
corps,  ils  trouvent  moins  de  réfiftan- 
ce  dans  les  pores  de  l'eau  que  dan» 
l'air ,  dont  les  petites  parties  leur  ré- 
fiftent  parmi  ébranlement  continuel» 
Les  rayonsde  la  Lunefe détournent 
donc  peu  à  peu  &  infenfiblemenr 
vers  la  furface  de  la  terre-  parce  qu'- 
ils trouvent  moins  de  réfirtance,  où  H 
y  a  plus  de  vapeurs  ou  de  petites 
parties  d'eau  ;  &  qu'ordinairement 
il  y  enaphisenbasqu'enbaut.Ainfi 
ces  rayons  décrivent  une  ligne  comv 
bc ,  dont  on  laiOè  aux  Géomètres  à 
expliquer  la  nature  :  &  la  tangente» 
qui  touche  cette  courbe  au  point 
qui  entre  dans  l'oeil,  eft  le  rayon  du 
lieu  apparent  delà  Lune,  parce  que 
nous  voyons,  toujours  les  objets  e» 
ligne  droite. 

On  voit  bien  parce  que  je  viens  de 
dire,que  non  feulement  les  réfraâions 
doivent  élever  la  Lune,  mais  encore 
qu'elles  doivent  l'élever  d'autant 
plus,  qu'elkeftpIusprochedel'Bb»' 


A  M.  REGIS.        -m 

ïî/ôn  :  patceqne  fes  rayons  rencon-* 
Irënt  d'autant  plus  devapeurs  qu'ils  - 
font  plus  proches  de  la  terre,  &  qu'ils 
traverfent  un  efpace  plus  long  où  el- 
les font  répandiiës.Onen  peut-même 
conclure  que  l'effet  des  réfradions  ne 
doitceflèr ,  que  lorique  la  Lune  eft 
diredement  fur  nôtre  tête ,  quoiqu'- 
elle nefoît  prefque  plus  fenfible  de- 
puis le  4^.  ou  ^o.  degré  d'élévation 
jufques  au  Zenith.  Tout  le  monde 
fçait  que  l'on  a  dreflë  des  Tables  de 
réfradions  pour  les  obfervations  Af- 
tronomiques/lefquel les  Tables  don- 
nent pour  les  différens  degrez  de  hau- 
teur des  planètes ,  dhTé  rentes  éléva- 
tions apparentes ,  fondées  fur  ceque 
ye  viens  dédire.  Enfin  le  fait  ne  le 
peut  contefter.  Laiflant  donc  là  les 
preuves  que  j'en  viens  dedonner3  je 
raifonneainfiûrr  le  fait. 

14,  II  eft  certain  que  les  rayons 
qui  partent  du  bordlupérîeur  delà 
Lune ,  font  plus  élevez  fur  THorifon 
d'environ  un  demi  degré  ,  que  ceux 
qui  partent  .du  bord  inférieur.  Or 
Pexperienceapprendot  les  tablesdes 
réfradions  ,  que  plus  les  objets  ap- 
prochent delHorifon,  plus  les  ré- 
fradions font  grandes ,  &  plus  l'clo 


47?  RFPOTMSE  t 
vation  apparente  de  ces  objets  aug- 
mente. Doncle  bord  inférieurdeia 
Lune  doit  recevoir  pat  les  réfrac- 
tions, plus  d'élévation  que  lefcord 
fupérieur.  Donc  les  réfra&ions  ap- 
prochent les  deux  extrémitez  du  dia- 
mètre perpendiculaire  de  la  Lune, 
&  par  conséquent  elles  diminuent  fa 
Iiauteur..  Mais  comme  les  extrémité! 
du  diamètre  horifontal  fon  égale- 
ment élevées  fur  l'Horîfon,  ileilvi- 
fible  que  les  réfractions  ne  changent 
point  fon  apparence,  puilque  l'effet 
ordinaire  des  réfractions,  n'eft  que  ce-» 
lui  d'élever  les  objets. 

Selon  la  Table  des  réfraâions ,  le" 
bord  fupérieur  de  la  Lune,  Iorfqu'- 
elle  eft  dans  L'Horifon,  paraît  moins 
élevé  par  les  vapeurs  que  le  bord  in- 
férieur de  plus  de  deux  minutes.  ■ 
Aïnfî  le  diamètre  de  la  Lune  étant 
environ  de  30.  minutes,  les  réfrac- 
tions diminuent  fa  hauteur  environ- 
de  la  douzième  partie.  Srdonc  les  va- 
peurs augmentaient  notablement  fon< 
diamètre  horifontal,  au  lieu  de  nous- 
paroître  prefque circulaire,  nous  la- 
verrions  fort  elliptique.  Mais ,  fî  on» 
iùppole  que  les  réfractions  n'aug- 
mentent point*  ou  bien  ûon  le  veut^, 


A  M.REGIS.        477 

orceia  ne  fait  rien  à  la  question, 
■qu'elles  n'augmentent,  que  d'une 

iiartie  infenfible,  fon  diamètre  hori- 
bntal,  fafigure  devra  paroîtrepréci- 
enlent  telle  qu'elle  paroît. 
.  II  efl  donc  certain  que  les  réfrac- 
■tions  diminuent  davantage  la  hau- 
teur de  la  Lune,  qu'elles  n'en'aug- 
mentent  la  largeur  :  &  qu'ainfi  bien 
loin  qu'elles  augmentent  fon  appa- 
rence dans  l'Horifon.elles  doivent  la 
faire  paroître  plus  petite  que  Iorfqu'- 
elleeft  dans  le  Méridien.  II  n'eft  pas. 
néçeflàrre  que  je  m'étende  davantage 
fur  cette  matière.  Mais  afin  que  le 
I.ecteurpui(Te  comparer  mes  raifons 
avec  celles  de  l'Auteur ,  je  vas  ache- 
ver de  lui  tranfcrire  ce  Chapitre  de 
iâ  Philofophie.  Ceux  qui  fçavent 
l'Optique  le  trouveront  ton  extraor- 
dinaire. 

15. M. Régi  s.Il  efl  encore  évident  par 
le  43  axiome ,  que  ta  Lune  étant  dans 
VHorifmfes  rayons  doivent  fouffirir  de 
plus  grandes  rèfratïions  qu'ils  rfenfouf- 
firent  lorfqn'elle  eft  dans  le  Méridien  , 
à  mefure  qu'ils  font  plus  incliner.  Or 
eft-il  que  la  grandeur  des  images  dépend: 
de  lagrandeur  des  réjraEiions.  Jevieni 
d'.expliquer  le  véritable-effet  des  rc- 


GooSk 


*?8        RE'PONSE 

lirions  ;  &Iaconféqnencequï  fuît 
eft  faufle.  )  Il  s'enfuit  donc  que  l'ima- 
ge de  la  Lune  fur  la  rétine  eft  plus 
grande»  lorfqu'eUe  eft  fur  PHorifon, 
que  lorsqu'elle  eft  dans  le  Méridien. 
Sans qu 'il  ferre de  riendedire  quelorf- 
que  la  Lune  eft  dam  PHorifon  ,  elle  eft 
flus  éloignée  de  nous  que  lorfqu'eUe  eft 
dans  le  Méridien  :  car  rien  ne  nous  em- 
pêche de  concevoir  que  la  grandeur  des 
rifiaSions  augmente  plus  l'image  delà 
Lune  que  fon  éloignement  ne  la  peut  di- 
minuer ;  ce  qui  fait  que  la  Lime  doit 
paroître  plus  grande  dans  PHorifon 
que  dans  le  Méridien,  ainfique  l'expé- 
rience le  fait  voir. 

L'Auteur  de  la  Recherche  de  la 
Vérité  reconnaît  fans  peine  qu'un  très- 
grand  nombre  de  Pbilojbfbet  attribuent 
ce  que  nous  venons  de  dire,  aux  va- 
peurs qui  j1 élèvent  de  la  terre  ;  &  U 
tombe  d'accord  avec  eux  que  les  va- 
peurs rompant  les  rayons  des  objets  les 
font  paroître  plus  grands ,  &  qu'Hya 
plus  de  vapeurs  entre  nous  &  la  Lune  , 
lorfqu'eUe  fe  levé  que  lorfqu'eUe  eft  fort 
haute  ;  &  que-par  confiqutnt  eue  de* 
Tnoit  paroître quelque  pat  plut  grande 
qu'eue  ne  farcit ,  fi  etlt  était  toujours 
«gaiement  xtiftante dt nous.  Maiscepcn- 


Goo8k 


AM.REGIS.        47* 

dont  il  ne  veut  pas  qu'on  dife  que  cet- 
te réfraction  des  rayons  de  la  Lune  fait 
la  caufi  de  cesxhangemens  apparent  de 
ff  grandeur  ;  car  cette  refra&ion  ,  dit- 
il  a  n'empêche  pas  que  l'image  qui  fe 
trouve  au  fond  de  nos  yeux,  lorfque  nous. 
voyons  la  Lune  qui  fe  levé  tfoit  plus  pe- 
tite que  celle  qui  s'y  forme  lorj qu'il  y  a 
long-tems  qu'eue  efi  levée. 

II  me  femble -encore  aujouid'huy 
que  cette  raifoneft  convaincante. 

Pour  répendre  à  cela  ,  voici  comment 
nous  raifonnons  ,  ensuivant  les  t>  princi- 
fes  de  cet  Auteur,  les  vapeurs  rompent 
les  rayons  de  telle  forte  qu'elles  font  pa- 
raître les  objets  plus  grands.  Il  y  a  plus 
de  vapeurs  entre  nous  &  la  Lune ,  lorf' 
qu'elle  Jijeve  que  lorfqWeUe  efi  fort 
haute:  donc  la  Lune  doit  paraître  plus 
grande  fur  VHorifon  que  dans  le  Méri- 
dien ,  *  pourvu  que  les  réfractions  qui    + 
fefbntfwr  VHorifon  augmente  plus  fin  qusi  «tte 
image  fur  la  rétine,  que  fin  êloignement  ^Jit!0Q  ! 
de  nous  ne  la  diminue.  Cette  confequen-  au*  ' 

ce  fe  déduit  fi  naturellement  des  princi- 
pes de  cet  Auteur ,  qu'on  a  peine  à  con- 
cevoir comment  il  en  a  pu  tirer  une  toute      '    -" 

'  Pourquoi  (bac-ce  11  ihsj  priitcif  »  .  puisque  je  Ici  attribut  I 
•  autres Philosophes  ,  Ce  font  lei  principes  c™imu«i  que  Je  n>i 
tu   ttùfuiyic.  M.Kc£ti<litccau'illiiiflIsit. 


contraire ,  en  aflitrant  que  le  diamètre 
de  l'image  que  nous  avons  de  la  lime 
dans  le  fond  de  nos  yeux  f  on  a  oublié? 
hrfqu'eUé  eji  au  Méridien  )  eft  plus 
grand.  Ce  qui  renverfe  tous  tesfmte- 
mais  de  l'Optique. 

C'eft  que  la  condition,  pourvu  que, 
&c.  manque,  &que  les  réfractions 
n'augmentent  pas ,  ou  fi  on  le  veut , 
n'.augtnentent  pas  tant  l'image  de  la 
Lune  que  fon  élofgnement  la  di- 
minue ,  comme  je  le  conclus  de  la 
mefure  exacte  de  fon  diamètre  prife 
entouttems. 

■  Quant  à  ce  qu'il  ajoâce  que  les  Agro- 
nomes qui  mefùrent  les  diamètres  des 
f  lavettes,  remarquent  que  celui  de  la 
Lune  s1  agrandit  à  proportion  qu'elle  s'é- 
lève ,  nous  en  demeurons  d'accord  ; 
mais  c'eft  ce  qu'il  n'explique  pas,  & 
dont  nous  allons  tâcher  de  rendre  rai- 
fon. 

J'en  ai  rendu  laraifonau  même 
.,  endroit  de  la  Recherche  de  la  Vérité  * 
qu'il  à  cité.  Et  cène  raifon  eft  ,  que 
lorfque  la  Lufle  fe  levé  elle  eft  plus 
éloignée  de  nous,  que  Iorfqu'elle  eft 
dans  le  Méridien ,  d'environ  un  de- 
mi diamètre  de  la  terre.  Arnfi  les  As- 
tronomes doivent  trouver  (en  dia- 
mètre. 


Goo8k 


A  M.  REGIS.        481 

mètre  plus  grand  dans  le  Méridien 
que  dans  l'Horizon.  II  n'y  a  pas  en 
cela  grand  myftere.  Mais  voici  la 
raifon  de  M.  Régis.  Il  iaut  tâcher  de 
la  bien  comprendre  pour  ei  juger. 
Une  fimple  iedune  neluffira  peut- 
être  pas. 

Pour  cet  effet  il  faut  fe  fouvenir  de  ce 
qui  "vient  d'être  dit  de  la  grandeur  de 
l'image  que  les -objets  tracent  fur  lare- 
ù  te ,  &  fuppofer  ce  qui  fera  prouvé  en- 
fuite;  Sfavoirque  les  verres  des  lunettes 
caufent  aux  rayons  des  rtfraQions  d? au- 
tant plus  grandes  qu'ils  font  plus  htcli- 
V£%,  Car  cela  étant  pofé  nous  pouvons 
ajfurer  que  la  Lune  étant  mefuréc  parait 
plus  petite  lorfqifettefe  levé  que  lorf- 
qu'etie  efi  fort  haute,  parce  que  la  lu-, 
nette  dont  on  fe  Jert  pour  la  mejùrer^ 
augmente  moins  à  proportion  fan  image 
lerjqu'eUe  efi  fur  i'Horifon ,  qu'elle  ne 
l'augmente  lorfqii elle  efivers le  Meri-  • 
dien  ;  dont  la  raifon  efi  que  les  refi-ac- 
tUms-que  la  lunette  caufe  font  plus  pe- 
tites à  mefureque  les  rayons  font  moins  .»  Cej4 
j,nelin<'ft$&ile$cenain*que  les rayons  paierai,  u, 
font  moins  inclme\fur  la  lunette  ,  lorf-  L'/™'  d°'- 
que  la  Ixne  eft  dans  I'Horifon  que  Rerpcndicu- 
torfqu'elle  efi  au  Méridien,  à  ProPor~&"eu\lt 
tion  que  les  refraSions  qu'ils  fe*fjre»f  cedrâ  quëï." 
Tome  III.  X 


Goo8k 


A,         RE'PONSÉ 

v.   Km, m  entrant  dans  l'air  fini  plus  fortei 

L'."ÏÏ.  £  Mfhmt.  Ce  fti  fatt  an'tl  n'y  1 1»'. 
•"AffiT kdiérenté'.oignement  delà  Lime  qm 
"J^Z™  pàlTe  caufirderinégatitèdanstagran- 
T"'»*»*  fmareopeUetrate fnrlare- 
JKV  t».  Or  <ff-H  ?«*  P"  ^rt  3.  *  ?*• 
jUpjnroi.il,     le  relie  étant  égal,  plus  les  objets 

r,...T"v>t  ««««,  p<w  «"»»  t*#?  fr 

pI0j».  il    „•„„  jo,c  /«£»»*  <MW  pf»f  é.«£»te 

ïï£T     *  «»'  letfoteileetdansVHeriîm 

jrtcqnandellcclldantleMmJtemce 

tfefpas  merveille  fl  elle  paMtfom  m 

moindre  diamètre. 

Cefdme-x*  cbefe  confiante  ,  <fie  U 
tme,  bien  qtfelledit  patotereplus  pe~ 
tittetantfnrfHmlbn.acanleifielle 
efi  pins  éloignée ,  cela  n'empêche  pat 
an'ellenepnijje  parettteplns  grande,  &• 
an'elle  ne  paroife  en  eget  telle  mttei 
les  fois  quêtes  refraHitm  défis  mens 
augmentent  plut  {en  image  matérielle 
fur  la  rétine  ,  ifte  fmttcignernentie  U 
terre  ne  la  dminmë  ;  ce  antefi  confirmé 
pnrPestpirience  oui  fait  voir  nfmob- 
iet,qmqne pbH  éloigné, pentparcUre 
plus  grand ,  étant  regardé  par  m  verre 
convexe  ,épèilne  paroitnit étant  plut 
proche, s'tt  ètoit  regardéfans cevrrre. 
J'ai  tnmferit  Vous  arp  lu,  Om* 


ASLKEGI'l        A 

êer.  donc  équitable  Loueur,  lequel 
de  nousdeu:t,  de  M.  Kegissou  demoi, 
nnvetfe  tous  les  fendemeits  de  Popti- 

CHAPITRE    IL 

î>£  IA  NATVR£T)ÏÏ.SII>E>ESt 
&  en  fanhuUer ,  de  la  manient 
■dont  ntos  vtrytns  Us  ohjets-tpti  nous 
environnent. 

VOïci  an  ftfjet  qui  mérite  Bien  *■«;„  «f. 
pin»  r»tt«Brt&n  du  Leâettr,  P^ju Cl- 
ique celui  que  je  viens  d*éelaîrcir.  HSTti  j&Si! 
s'agit  fei  de  fa  Nature  des  MWqui 
lîons  TeptéfeiWetK-Iesofetetfc  H  s'agit 
defijavoir ,  s^î  y  *-ufi»  KaMbff  uni* 
■verfeHe  quiéeUiiê  toutes  les  imrtii. 
gences-  iraraèdiaKinent  éV  par  elle- 
rrtèrae,  ou  fi  cfeaqatfefpïit  partico- 
Jier  peut  âèéewnit,  dan&Ies  diyer- 
fts  msdalneadK  fa  propre  fobftaftce, 
Ja  na wf e de iom  iefr êïMB  A-eréez  & 
yaffrWes-,&  l'infîftrm&He.  llify  a 
joint  ce  me  fèmble-dt  qaeôion  qeî 
nom  regarde  de  pliw-pïés ,  quoique 
lien  des  gens  ne  s'ew  emaaraflènl 
jguéres-:  Orenfoiis'agittf'aReehO'.. 
Xij 


4*4        RE'PONSE 

fe  qui  entre  dans  la  définition  mêmç 
de  l'homme  ,  qu'on  définît  ordinai- 
rement, animal  Ratïonis  particeps  :  H 
s'agit  de  fcavoir  ce  que  c'efl  que  la 
Raifon.  Je  prie  donc  le  Le&eur  de  fe 
rendre  attentif ,  &  de  ne  point  s'ef- 
frayer de  la  fubjimité  de' la  matière. 
Je  tâcherai  de  la  rendre  fenlible,du 
moins  à  ceux  qui  fçavent  déjaou  qu| 
Voudront  bien  fuppofer,  que  les  cou- 
leurs ne  font  point  répandues  fur  les 
objets  ,  vérité  qui  en  maintenant  af- 
fez  communément  reçue ,  &  que  je 
croi  avoir  fuffifamment  démontrée 
dans  le  premier  I„i vre  de  la  Recher* 
.che  de  la  Vérité,.  , 

La  queftion  particulière  que  je  vas 
d'abord  tâcher  d'éclaircir,  &  qui 
donnera  lieu  de  parler  en  gênerai  de 
Ja  Nature  des  Idées  ,  eft  de  fçavoir  , 
comment  nous  voyons  les  objets  qui 
nous  environnent.  J'ai  fur  cela  un 
fentimentquiparojtétrange,  &dont 
l'imagination  ne  s'accommode  pas 
volontiers  j  car  jeerft  que  c'efl  uni- 
quement en  Dieu  que  nous  les 
Voyons.  J'ai  prouvé  ce  fentiment 
fort  au  long  dans  la  Recherche  de  la 
uïla'ffJ?!  Vé-hét&  ailleurs.*  Car  comme  je 
&  cuidn  î-  parois  dans  cet  Ouvrage  pour  tout 


A  M.  REGIS.         4S5 

ie  monde ,  je  devois  donner  dé  ton-  ^  £""'" 
tes  fortes  de  preuves.  Mais  comme  je  Metaph.i.t 
parle  ici  principalement  à  M:  Régis,  '■  En,i  *'■ 
&  à  quelque»  Carcéfiens,  je  lerai 
plus  court  &  plus"  précis  ;  parce  que 
je  ne  m'arrêterai  qu'à  une'  efpéce  de 

Î>reuve.  Ainfi  il  fera  aifé  de  décider 
equcl  denousdeux  a  raifon. 

1.  Je  fuppofe  comme  une  vérité 
înconieftablà  ,  que  les'  couleurs  ne! 
font  point  répandues  fur  Iesobjets, 
mais  qu'elles  font  uniquement  dans 
Vame.  M.  Régis  en  convient,  èVc'eft 
pour  cela  que  je  le  fuppofe.  Par  le 
mot  de  couleur ,  on  n'entend  pas-  la 
conligu  ration  des  petites  parties-, 
dont  ce  papier ,  par  exemple ,  eft 
compofé,  laquelle  eft  infenlible.  On. 
entend  par  la  couleur  ce  qu'on  voit 
en  regardantee  papier,  c'en  àdire  fa. 
blancheur  apparente; 

2.  II  eft  certain  qu'on  ne  voit  les- 
corps  que  par  la  cou!eur,&  qu'on  ne 
peut  en  les  regardant  diftinguer  leur 
différente  nature  ,  que  par  la  diffé- 
rence des  couleurs*  II  ne  faut  point 
ici  de  preuves,  mais- un  peu  de  refle- 
xion fur  les  effets  des  couleurs  dans- 
la  peinture. 

jrSidoneje  vois,  préfentement 
X  iij. 


4M  REPONSE 
ce  livre ,  ce  Bureau ,  ce  Plancfier; 
&fi  je  îum  de  leur  différence,  &de 
«elfe  de  l'air  d'alentour,  c'eft  que 
l'idée  de  retendue ,  felon  lesdiverfe 
parties ,  modifie  mon  aine ,  là  d'une 
coûtait,  &  ici  d'une  autre.  Et  com- 
me l'air  efl  invùiisle  ,  cette  idée  ue- 
modiHe  point  mon  arae  de  quelque 
couleur ,  ou  de  quelque  perception 
fcnfible,  pour  le-  lui  repréfenter  , 
mais  d'une  perception  pure. .Oefiaf- 
finement  ainlr  qu'on  voit  les  objets, 
Ca  r,  prenez- y  garde,  voici  le  principe.. 
4.  lleft-certain  que  tous  les  hom- 
mes ont  l'idée  de  l'étendue  pïéfeme- 
à  l'efprit ,  dans  ïe  ams  même  qu'ils 
ont  les  yeux  fermez.  M.  Régis*» 
fait  mi  -Chapitre  exprés  pour  prou- 
ver que  cecte  idée  «il  elïèmielie  à 
Pâme ,  c'efi  à-dne  a  l'efprit  entant 
qu'uni  au  corps.  Quand  on  a  lut- 
yeux  fermer,  comme  les. objets  ne 
font  alors  aucune  imprefllon lur  les- 
organes  de  la  vue  :  ostte  idée  ne  mo- 
difie point  l'ame  de  diveriès  cou- 
leurs, 'C'efi-a-dire  de  diverfês  per- 
ceprioMferifibles:  EUenelamodi- 
fie-qued'tme  perception  plus  légère , 
ou  purement  intellectuelle  quila  re- 
préfenteiimuente ,  maisfafts  aueune- 


GooSk 


AM.&ÊGIS.       48  f 

àivifètè  dans  fes  parties ,  parce  que" 
cette  niïe  ne  modifie  point  l'âme  dij. 
verfement.  Car  je  fuppofeque L'ima- 
gination n'agifife  point ,  ou  ne  foi" 
me  point  des  images  particulières  de 
cette  idée  générale  Concevons  main- 
tenant qu'un  homme  qui  avoit  les 
yewc  fermez  vienne  à  lescwvrir  au 
milieu  d'une  campagne  ;  &  voyons 
ce  qui  lui  arrivera  dé  nouveau.  Cet 
Jiomme  avoît  en  lui  l'idée  de  l'éxen*- 
due ,  quand  il  avoit  les  yeux  fermez. 
Cette  idée  eftefîéntielle  à  l'àmé ,  dit 
M.  Régis,  II  aura  donc  encore  cette, 
idée.  Maisil  ne  verrapoim  cette  unî- 
formité  iqa'il  concevoir  entre  fes  par- 
ties: Parce  que  cette  idée  au  lien  de 
ne  modifier  fbn-efprit  que  d'une 
perception  imeUoétuelIe,BlIeleanoT 
cïifieraadhaeliememd'ongtaiid  nota- 
ire de  perceptions  fen'irMes ,  ou  d& 
couleurs  toutes  différentes.  Caries 
couleurs  ne  lantquedBirai'ame.  Ce 
ne  font  que  des  perceptions  vires  &■' 
fertfibles  ..qui  te  rapportent  directe- 
ment à  l'idée  de  l'ébenânë  qui  les 
produit , &  indi rectemênt  aux  objets 
qui  en  font  ordinairement  l'orraGon.- 
Je  dis  ordinairement ,  parce' qu'où 
xoit  quelquefois  da  objets  qui  ne 
font  point.  X-iiij, 


488  RE'PONSE 

^.  Cela  étant  ainfi ,  ce  qu'on  ap- 
pelle voir  les  corps ,  n'eft  autre  chofe 
qu'avoîraâuellementprérenteàl'ef- 
-prit  Pidéede  l'étendue  qui  le  touche 
ouïe  modifie  de  diverfes  couleurs  : 
Garonne  les  voit  point dire&emeut 
ou  immédiatement  en  eux-mêmea 
Heft  donc  certain  qu'on  ne  voit  les 
eorps  que  dans  l'étendue  intelligible 
&  générale,  rendue  fenfible  &  par- 
ticulière par  la  couleur  ;  &  que  les 
couleurs  ne-font  quedes  perceptions 
fenfibleique  Pâme  a  de-  l'étendue;, 
lorfque  l'étendue  agit  en  elle ,  &  la 
modifie  Quand  jedis  f  étendue,  j'en1- 
tens  l'intelligible ,  j'entens  l'idée  ou 
ïarclietypeae  la  matière.  Car  il  eil 
clair  que  l'étendue  matérielle  ne 
peut  agrr  efficacement  &  directement 
dans  nôtre  efprit-  Elle  eft  abfolu- 
•ment  inrifible  par  elle-même.  II  n'y 
a  que  les  idées  intelligibles  qui  pui& 
fent  afièder  les. intelligences.  Quoi 
qu'il  en  foit  M.  Régis  demeure  d'ac- 
cord qu'on  voit  les  corps  dans  l'idée 
de  l'étendue ,  &  cela  mefuffit  ici. 

6.  J'aurai  donc  démontré  qu'on 
voit  les  corps  en  Dieu ,  iî  je  puis 
prouver  que  l'idée  de  l'étendue  ne  fe 
trouve  qu'en  lui,  6V  qu'elle  ne  peut 


Goo8k 


À&RECî-S.  4Sj»' 
étreune  modification  de  nôtre  ame; 
Car,  comme  tons  les  corps  particu- 
liers fontcompofez  d'une  éteniuë  ou» 
matière  commune  &  générale ,  &■ 
d'une  formeparticuîiere:  de  même, 
les  idées  particulières  des  corps,  ne 
font  fartes  que  de  ridée  générale  de' 
l'étendue  ,  vue  fous  des  formes  ou 
par  des  perceptions  intellectuelles  ou 
fènlibles  toutes  différentes,  Jecroî 
que  M.  Régis  en  demeurera  d'accord 
lui-même ,  puifqtf'il  convient  *  Que  . ,. 
tous  les  corps  particuliers-  font  prefens  i  s* 
à  Pâme  cmtjûjiment&  en  gênerai,  far- 
ce que  leurprefknce  n'eft  que  P idée  mê- 
me de  l'étendue.  Àiniî  il  en  clair  que 
toute  la  queflion  fe-réduk  à  fçavoir , 
fi  Tidée  de  l'étendue  n'eft  qu'une 
modification  de  l'ame ,  comme  M. 
Régis  le  prétend-:  ou  fi  cette  idéeefl- 
préalable  à  la- perception  qu'on  en  a, 
&  fi  elle  ne  fê'trouve  qu'en  Dieu.  Je : 
larfonnedonc  ainfi, 

7.  Toutes  les  modifications  d'un 
être  fini  font  neeeuairement  finies. 
6ar  la  modification  d'une  fubflance  ' 
n'étant  que  fa  façon  d'être,  il  eft  évi- 
dent que  la  modification  ne  peut  pis 
tfvoir'plus  d'étendue  que  la  fubftan- 
eûnême.  Or  nôtre  efprn  eft  fini,  &* 


Coo8k- 


■ 


*9a         KffiFaNS'K  m 
f  idée  de  l'étendue  eft  infinie,  Dïnrê- 
celte  idée  ne  peut  pas  être  nnemodi- 
fication.de  nôtre  efprit.. 

Que-nôtre  efprît  fokfinï,  cela  <eft; 
certain. -Car ,  plus,  nos  perceptions; 
embraflènt  de.chofes,  plas  elles  font 
conflues;.  Si  nôtre  efprit  ctoit  infini, 
il  pourroit  comprendre  aâuetlerneiit 
ï'infîm.MaBapparetnrneraanneme- 
contéflecapas.  cette  vérité,  il  refle; 
donc  à  prouver  quel'idee  de  reten- 
due eft  infinie.. 

8.  Ce  que  nous  fçavonr-ceitaînfr 
ment  n1avoir;poidt  de'borrtesefticer- 
ïeinement  infini.  Or  l'idée  de  l'étcru 
^ue  'eft  telle  que-noas  femmes  cer- 
itaiBsquenousne'i'épûlferansnamars- 
ou  que  nous  n'en  tïouverons  janaae. 
ïe  bout,  quelque  mouvement  <pe- 
nous  donnions  pourcelaà  HÔtrccf. 
prit.  Nous  fommes  dune  certains  que- 
■cette  idée  eft  infinie,  tl  eft  vrai  q^ie- 
la  perception  que  nous  avons  de  cet- 
teidéeefl.  finie-,  parce  que.nôrreef- 
pTÏt 'étant ■fini ,  fes  modifications  le: 
fomitufli.  Voilà  pourquoi  -nônre  ef- 
prit nepeut  embraiîer  ou  compren- 
ttrel'inftrri.Mais  pour  l'idéedel'ef- 
pace  on  de  l'immenfité ,  •je  'fuis  .of— 
ïûré  yii'eik  paife  infiniment  l'idoe. 


A  te.  E  É  G  tf.-        ?pr 

fie  j'ai  dumon3e&deîout.nombre 
ni.de  monades  quelque  grands  qu'ils. 
fpient.  Et  j'artefle  fut  cela  la  con- 
fcience  des  Lecteurs;  Carcfefl-là  une 
décès  veritez  qui  ne  fe peut  atitre- 
me.lt  démontrer  narce-qu;on  ne  peut 
rien  -démontrer  .qu'on  ne  convienne 
desmêmes  idées. 

9.  S'il  efldonc  certain  tnieï'idée' 
de' l'étendue  «ft  infinie,  elle  ne  ft*' 
peut  trouver  q;.i?en  Dieu.  Or  j'ai 
■prouvé  qu'on  ne  voyoit  les  corps  .que-' 
■dans  Wdée  de  l'étendue,  pnifque  voir 
diffèrens  corps  n^eft  autre  cliofe  quV 
ctr&modifié  dediverfes  coulenra  ,fe- 
ïon  diverfes  parties  de  l'étendue  in- - 
telligible.-  Donc  il  eft  coÈtatn  qtiton 
ne  voit  ies  corps  qu'en  Dieu.  Auffii 
n'ya-t-il  qne  lui  qui  puiSe  modifier' 
nosefprits ,  &  qui  renferme  dans  ■£»' 
fubftance  d'une  manière  intelligible' 
les  perfections  dertousles  êtres  créer, 
jeveitx  dire  ies  idées  ou  Jes  arohety- 
peà  fur  feftp.Teis  tl  ies.a  formez.  ■  Or  r  ■ 
]0'  ne  compiens  pas  coromeni  an- 
peut  foûterùr  que  la  création  du 
mande  eft  préalables  JaconnoiBan- 
ceque'Dieaena.fansHefleï  fàfa-- 
gelê&  fa  preLcience  dans  la  forma* 
ùonde-fes  décrets.  Je.ippurJob«fi- 
Xvj; 


C,„„sk- 


49*         K  ET  ON  SE' 

Dore  prouver  après  S.  Auguffin,  que' 
c'eft  en  Dieu  que  l'on  voit  l'idée  de 
détendue,  par  la  raifon  que  cette 
idée  eft  éternelle,  immuable ,  nécef- 
raire.communeàtous  lesefprits  Se 
ï  Dieu  même:  Se  qu'ainfî  elle  eft 
bien  différente  des  modalitez  chan- 
geantes &  particulières  de-nôtre  ef- 
ptit.  Car  je  fuis  certain  que  Dieu  qui 
connort  mes  fenfations  ne  les  feiw 
pas,  &  n'en  eft  pas  modifié,  ni  géné- 
ralement tcas lesefprits. Mais  ilfuf- 
fit  de  s'arrêter  à  l'infinité  qu'on  dé- 
couvre dans  l'idée  de  l'étendué,pour- 
vù  qu'on  ne  veuilledire  que  ce  qn'oR 
conçoit  clairement. 

10.  M.. Régis  demeure  d'accord  * 
que  l'idée  de  l'immenfité  repréfente 
une  étendue  (ans  bornes.  Mais  il 
foùtient  que  des  idées  finies  peuvent 
teprefenter  l'infini ,  parcequ'il  cor*- 
fond  l'idée*  de  l'immenfité  avec  ïa- 
perception  que  l'efprit  en  a,  &  qu'il 
prétend  généralement  "que  toutes  les 
idées  dont  l'amefefirt  pour  apperce- 
voirles  corps  nefantr que  de  fimplesmo' 
déifications  de  l'efprh,  8c  *  que  des 
-  idées  quoiqucfinies-  doivent  pafTer 
pour  intimes  en  ce  fens  qu'elles  re- 
p/entent  l'infini. .  . . 


A'  M.  REGIS.    .   45J 

Iî  efl  ce  me  femble  évident  que  ee" 
qui  eft  fini  n'a  point  aiïez  de  réalité 
pour  reprefenter  immédiatement 
^infini.  Si  mon  idée,  Q  l'objet  im* 
médiat  demorrefprh  ("carc'eft  là 
ce  que  j'appelle  mon  idée^eft -fini, 
&  que  je  ne  voye  direflement  '  que 
cet  objet  immédiat,  dequoi  on  ne 
peut  douter  ,  puifqifil  n'y  a  que  cet 
objet  qui  m'affecte,  il  efl  certain  que 
je  ne  verray  direflement  rien  d'infi- 
ni. Si  donc"  ttidée  de  Timmenfité 
étoit  finie,  commele  veut  M,  Régis, 
quoiqu'elle"  agît  en  moy  félon  tout 
ce  qu'elle  efl,  eHenepourroït  jamais 
■me  taire  voir  l'infini.  Il  faat  donc 

■  que  cette  idée  foit  infinie ,  pnifque 
je  vois  qu'elle  enferme  une  immenfî- 
•  té  qui  n'a  point  de  bornes',  &  que  je 

fuis  très-certain  qu'elle  n'en  a  point. 
II  efl  vrai  que  cette  idée  infinie  agiC- 

■  fant  dans  mon  efprit  qui  efl  fini,  elle 
peut  le  modifie!  que  d'une  percep- 

;  tion  finie.  Mais  pour  appercevoir 
lUnfini ,  pour  fçavoif  certainement 
que  cequ'on  appeïçoit  eft  'infini ,  H 
n'eftpasnecefîài  roque  la  perception 
foit  infinie. -II  n*y  aque  la  compre- 
henfion  deI'iiifini,queIa.perception 
qui-mefuae  -l'infini ,  qui  doive  eue  - 


C,„„sk- 


4(>4  ïtE'PONSE' 
infinie  comme  fonobjet.  Pour  fça;_ 
voir  quece  qu'on  voit  eftînfîni  ,  ï\ 
fuffit  qnel'inh  ni  affecte  lîame ,  quel- 
çie  légère  que  foit  l'irnpBeÈBonqivi  I 
lait  ea  elle.  Car  Ses  perceptions  ne' 
répondent  jamais  à  la  réalité^Ie  leurs 
id.eà.  Quand je  me  pïq';ie  pat  eitenvi. 
ple,  Ou  que  je  me  brûle,  j'ai  une 
perception  tres-vive  &  ttes  grande 
d'une  idée  pour  ainfi  dire  fort  pe- 
tite: Se  quand  je  m'i magine  lesGieu*.; 
ou  queiepenfê  à  l'immenfité  des  ef- 
paces,  i'ai  .une  perception très-peti- 
te &  trei-foibte  d'une  tres-valle  idée.- 
Xlyaptefque toujours  plus  de  per- 
ception î  Ou  ce  qui  eft  la  mèineichc« 
fe-,  la  capacité  quei'aine  a  depen- 
Xer-efl  plus  partagée  par  Les  petites- 
idées  que  .par  les  grandes.  Preu- 
ve certaine  .que  nos  idées  font 
Bien  différentes  des  perceptions  que' 
nous  en  avons,  &  qu'il  ne  faut  point 
juger  de  la  grandeur  des  idées  par  les  ■ 
mjdilÏGations  quelles  produisent  en 
nous ,  mais  par  la  réalité  qu'on  dé- 
couvre en  «Ile.  Et  comme  on  déaaa-- 
vre  dans  l'idéede  l'immeuble  une" 
étendue  (âne bornes,  il  fauterotrevee- 
qu'on  voit,  c'en  à-dire  que  cette  éten- 
due intelligible  eit  infinie,  quoi^c-1 


■  -    a  m.  R-Ecrs;.  a  4P? 

ï?împrefiîoJi  qu'aile  fait  fur  nôtre  es- 
prit ,  foie  non  feulement  finie ,  niais. 
^beaucoup  plus  légère  que-cette  que- 
l'idée  de  la  pointe  d'une  éguilie  y. 
pourroh  faire. 

n.Jecroi  devoir  dire  ici,  Jfla'onr.^.T.deM; 
neid^ît  pas.  juger  ■quelle  monde  n'a  "-'g'^f-  w. 
point  de  bomes ,  a  caufe  que  Hd.'e- 
de  l'étendue  n'en  a  point.  Car.  on  ne 
peut  pas  tnêmeien  conclure  que  Dieu' 
ancrée  un  fèuï  ipied  d'étendue.  On- 
peut  bien' de  l'idée  de-  l'étendue  ti- 
rer les  propwetez-qui  appartiennent* 
mis  corps  ;  pwifqne  cette  idée  re- 
prefente  leur  nature,  comme  étant 
paichétype  fur  lequel  Dieu  les  a: 
créez ,  &  qu'on  dort  juger  des  chofes  • 
félon leurs  idées. -Mais -la  création de' 
la  roatieroétant  arbitraire  &  depen- 
dantede  la -volonté  du  Créateur} 
pnifque  l'idée  qui  la  iteptféfente  elt 
infinie  , -néceflaiîe:,  létemeHe ,  il  eft: 
évident  qu'on  pourioit  abfolument 
avoir  la  .perception  de  «cette  idée , 
"fens  qu'il  yctlft.  de  monde  orée.  -Cer- 
tainement :Diou  a  vu  iernoiide avant 
la/création  .,  comme  il  le  .voitmajn- 
ttnant.  M  eft  vrai  qtrtl  nç  Viyâ  que- 
comme  ?ofïrfcIe;avant  Tes  décrets  ou 
ihdépendamiBeat  de-  fcs    déciets. 


4s>*  REPONSE  t. 
Mais  fes  décrets  fuppofez,iI  Ta  Va 
Comme  actuellement  éxiftant.  Je  dis 
ceci,  parce  que 'M.  Régis  prétend 
quel'etenduë  créée  eft/«  caujè  exem- 
plaire des  idées  qui  la  repréientent  ; 
au  lieu quec'eft  ridée  qui eft l'arche- 
type  ou  l'exemplaire  fur  lequel  la 
matière  a -eue  faite.  Je  vas  encore 
donner  quelques  preuves  que  nos 
idées  foïït  bien  différentes  de  nos  mo- 
difications, ou  des  perceptions  q«e 
nous  en  avons,  car  cette  queftion  eft 
le  fondement  de  la  difpute. 

ri.  Maintenant  qucje  regarde  ma 
main ,  j'en  ay  l'idée  prefente  à  l'ef- 
tirit  par  la  modrficaîionde  couIeuS , 
dont  cette  idée  affecte  mon  ame. 
Car  la  couleur  queje  vois  n'eft pas 
dans  cette  main  qufr'je  remue,  elle' 
n'eft  que  dans  mon  ame.  M^Regis 
en  convient.  Et  c'eft  par  elle  que  je' 
diftingue'ma  main  d'avec  l'air  qui 
l'environne ,  au  ftdée  de  ma  main: 
de  celle  de  l'air  ;  car  les  objets  ne 
font  viliblesquepar  là  couleur.  Sup- 
posons aufli  qw  cetteiWain  fort-dans 
de  l'eau  chaude;  Cette  :même  idée 
demain  fera  de  nouveau  prefente  à 
mon  eFprit  par  la  modification  de- 
diaktir.-  Car  la  -  chaleur  n'eft  auffi- 


GooSk 


A  M.  R  Ë  G  I'S.  &y 
cfiie  dans  l'âme',  comme  M.  Régis 
en  convient  encore.  II  faut  remar- 
quer que  l'expérience  apprend,  que 
Suand  même  on  m'auroit  coupé  le 
ras,  jepourroïs  fentfr  la  douleur 
dans  ma  main  ;  &  par  la  même  rai- 
fon  ,  fi  le  nerf  optique  étoit  ébranle 
comme  il  le  doit  être  pour  la  voir, 
je  la  verrois  en  même  tems.  Cela 
fiippofé  je  raifonne  ainli. 

Lachalear  n*efï  pas  Ta  couleur.  Ce 
font  deux  différentes  modifications 
de  mon  ame.  Or  je  nevoi  ou  je  ne 
fens  pas  deux  mains.  C'eft  la  même 
idée  d'étendue  qui  modifie  mon 
ame  de  couleur  &  de  chaleur.  Jedois 
donc  diftinguer  l'idée'  de'  ma  main 
de  la  perception  que' j'en  ay.  Les 
idées  des  objets  font  donc  préalables 
aux  perceptions  que  nous  en  avons; 
Ce  ne  font  donc  point  defimpleî  mo- 
difications de-  Pefprit  ;  mais  les  cau- 
fes  véritables  de  ces  modifications. 
C'eft  à  dire  querces  idées  ne  le  troa- 
vent  qu'en  Dieu ,  qui  feul  peut  agir 
dans  nôtre  ame ,  &'  la  modifier  de 
diverfes  perceptions  par  fa  propre 
fubflance:  non  telle  qu'elle  eft  en  el- 
le-même, mais  entant  qu'elleeftla 
lumière  ou  Iaiaifon  uniyerfelle  des- 


4$t         SE'PONSE 

jefj>râs  :  entant  qu'elle  eft  rejne&n- 
tative  des  créatures  &  partkipable 
par  elle  Allant  en  uu  mot^uelle 
«ontieni' Rendue  irudligible ,  l-a*- 
chetype  4e  la  madère.  On  ne  doit 
pas  exiger  de  aiûifjue  j'e-cp ligue  plus 
clairement  la  manière  dont  Dieu 
agit  fans  ceUè  dans  les efprits  :  J'a- 
voue que  je  n'en  fçai  pas  -davantage. 
19.  Mais  fàifons  encore  quelques 
réflexions  fur  la  différence  qu'il  y 
a  entre  nos  idées  &  ne*  perceptions  , 
entre  1  idée  4e  i'étenduë  ,  ou  d'un 
quatre  par  exemple,  &  la  percep- 
tion que  nous  en  avons.  Certaine- 
ment nous  ©oanoiuons  -clairement 
l'idéeduquarré,  &  pareil;  les  quar- 
rez  matériels,  s'il  y  en  a  de  crée?. 
Mais  pour  la  perception  que  nous 
en  avons ,  fort  intelleduelle,  loit 
fenfible ,  nous  ne  la  -counoiffon»  que 
confu  Cément  &  par  featime.it  inté- 
rieur. Je  vois  clairement  que  fi  du 
Ibmraet  d'un  angle  d'un  quarrc  ,  je 
tire  une  ligue  droite  qui  coupe  pu 
le  milieu  un-descôie?  oppalez,  le 
triangle  qu'elle  retranchera  du  quar- 
té ,  en  feca  le  quart  :  Que  fi  cette  li- 
gne en.caupe  deux  angle* ,  qu'elle  1er 
pai-iagCia  également  :  Quelequaicé 


A  M.REOIS.        4s# 

Se  cette  diagonale  fera  double  du 
quarré  ,  &  ainfî  des  autres  proprié- 
té! que  je  puis  découvrir  dans  cette 
idée.  Mais  je  connois  fi  peu  la  mo- 
dification de  mon  efprit ,  ou  la  per- 
ception qucj'ai  de  l'idée  du  quarré, 
que  je  n'y  puis  rîei  découvrir.  Je 
iensbîenquec'eilaioiqiû  apperçoîs 
cette  idée  :  mais  mon  fentiment. in- 
térieur ne  m'appiend  point,  com- 
ment il  faut  que  mon  ame  tbît  mo- 
difiée, afin  que  j'ayela  perception 
întelleâuelle  ou  la  perception  feufi- 
ble  de  blancheur,,  pour  connaître  ou 
voir  une  telle  figure.  Dieu  connaît 
clairement  la  nauire.de  mes  percep- 
tions fansiesayoir:  parée  qu'ayant 
en  lui-même  l'idée  du  l'arcJ»eiype 
de  mon  ame,  il  voit  dans  cette  idée 
rorelligible  -&  uimineufe  .commenr 
l'ame  doit-être  modifiée  pouf . avoir 
une  telle  ou  telle  perception,  .blan- 
cheur, douleur,  ou  tout  autre  qu'if 
as  fènt  pasi  Mais  pour moi  c'eil  tout 
le  contraire.  Jefens  mes  perceptions- 
fans  les  connoître:  patee  que  n'ayant 
pas  une  idée  claixc  démon  ame ,  je 
ne  (mis  découvrii  que  pat  le  Fenli- 
ment  intérieur,  les   modifications 

àa&t  je  fuis  capable. 


Goo8k 


?e 


^oo  kE'PO'NSE 

14.  Enfin  la  différence  qu'il  y  a? 
■entre  nos  perceptions  &  les  idée? 
hie  paraît  auffi  claire  que  celle  quï 
eft  entre  nous  qui  connoiflbns  ,  &  ce 
que  nous  connoïûons.  Car  nos  per- 
ceptions ne  fonr  que  des  modifica- 
tions de  nôtre  efpnt ,  ou  que  nôtre1 
efpritmême  modifié  de  telle  ou  tel- 
le manière:  &  ce  que  nous  connoiP 
fons  ,  ou  que  nous  voyons  rïeft  pro- 
prement que' notre"  idée.  Car  fi  nos 
idées  font  repréfentatrves  ,  ce  n'eft 
que  parce  qu'il  a  plu  à  Dieu  de  créer 
des  êtres  qui  leur  répondifient.  Quoi- 
que Dieu  n'eût  point  créé  de  corps , 
es  efprits    feraient  capables  cï*ea 
avoir  les  idées.  Quand  ouvrant  les 
yeux  je  regarde  une  maïfon  ,  certai- 
nement la  maïfon  que  je  voy  ou  ce 
qui  eft  l'objet  immédiat  de  mon  ef- 
jïtit  n'eft  nullement  là'  maifori'  que 
jeregardie.  Car  je  pourrais  voir  ce 
que  je  voï,  quand  même  la  mailôn 
ne  ferait  plus  :  puifque  pour  voir 
une  maifon ,  il  fuffit  que  l'idée  de 
ï'étenduë  modifie  Pâme  par  des  cou- 
leurs diftribuées  de  la  même  maniè- 
re ,  que  fi  je  regardoisaâuellement 
une  maifon.  Il  n'efl  pas  neceflâire 
que  je  m'étende  davantage  furcette 


Goo8k 


A  M.  REGI  S".  tôt 
•matière,  apréstout  ce  que  j'ai  faic 
dans  mes  autres  ouvrages  pour  tâchée 
del'éclaircir.  Mats  on  doit  conclure 
de  tout  ceci  que  les  efprits  créez  fe- 
roient  peut-être  plus  exactement  dé- 
finis ,  jhbfiaaees  qui  apperçoivent  ce 
qui  les  touche  oh  les  modifie ,  que  de 
dire  Amplement  que  ce  font  des  fub~ 
fiances  qui  penfent.  Car  je  fuis  perfua- 
dé  par  les  raifons  .que  j'ai  données 
da  is  cet  ouvrage  &  dans  quelques  au- 
tres,  que  non  feulement  il  n'y  a  que 
Dieu  qui  en  fe  canfidérant  le  con- 
noiflè  parfaitement ,  &  en  for  même 
tous  les  êtres  poflibles  :  mais  encore 
que  lui  féal  peut  agir  immédiate- 
ment dans  nos  efprits  ;  6c  en  nous 
touchant  par  fa  fubfiance  en  tant  que 
relative  aux  êtres  créez  &  polïibles , 
c'eft  à  dire  entant  qu'elle  en  eft  di- 
yerfemen.t  &  imparfaitement  parti* 
capable ,  nous  découvrir  les  elTences 
ou  les  idées  éternelles  &  néceflàires 
de  ces  mêmes  êtres.  A  l'égard  de 
l'éxiflence  des  créatures  ,  comme  on 
ne  les  voit  point  directement  &  en 
«ile-même,  H  eft  clair  qu'on  ne  peut 
ja  découvrir  que  par  une  efpéce  de 
révélation  naturelle;  c'eft  àdireque 
parles  fenfations  que  Dieu  nous  en 


$n         RETONS  E 

donne  en  confequencedes  lotit  géné- 
rales de  ï' union  de  l'ame&dti  corps-. 
Riais  examinons  la  critique  de  M. 
ïïegts.  Je  vas  rapporter  tout  fon  tex- 
te afin  qu'on  en  putflê  juger  plus 
finement.  II  commence  ainfî  le  Ch. 
14.  du  Livre  2.  de  fa  Metaphyfique. 

*  L'Auteur     15-  Il  y  a  im  Philosophe  moderne  * 

*  't    \z'-q}â  enfilais  qne  nous  royms  ks  corpt 
iVfaité.  ''en  Dieu,  non  entant  que  Dieu  produit 

en  nous  leurs  idées  ,  mais  entant  qifii 
êfl  lui-même  comme  l'idée  dans  laquel- 
le ,  ou  par  laquelle  nous  voyons  les 
corps, 
Din.  ie  i.      Ce  Philo fophe  pow  établir  fon  oph 
-t.p»n.(h.  nion ,  prétend  *  quêtantes  les  manière*^ 
*"'  *"     dont  t'antepenrconnétTt  tes-  corps* fini 
emprijes  dans  te  dénomèremem .  qtftl 
„  en  fait  en  ces  termes  :  Nous-  affarofi* 
„  ddnc  qu'rf  eft  abfoftimem  néteflâjnS 
„  que  ïes    ïâécs  que  nous  avons-  "des 
„  corps ,  &  de  tous  les  autres  objet* 
„  que  nous  ifàppetcevotrc  point  paï 
„  eux-mêmes  ,  viennent  de  ces  mêmes 
„  corps  ou  de  ces  pbjets ,  ou  bien  que 
„  noire  ame  ait  ra  puiffànce  de  fes-pro- 
,tâuite,  otrqne  Dieu  les  ait  produite* 
J(avecfelle  errla  créant,  otr  qtfiï  les 
^prodarfe  routes  f  es  fotsquvon  perrfe 
^jaquelqu'objetjoaqucï'ame  ah  Cii 


_  A  M.  REGIS.  ,o? 
«Ie-mçme  tomes  les  perfections  qu'-  " 
•  «Ile  voit  dans  ces  corps ,  ou  enfin  " 
qu'elle  foh  unie  à  un  être  tout  par-'1 
«lit ,  Se  qui  enferme  généralement  " 
«oares  tes  perfections  désêrres  créez.  " 

Enfuite  de  ce  dénombrement  il  exa- 
mine quelle  de  toutes  cet  Manières  de 
'muiisre  les  cerfs  cft  la  plus  vray-fent- 
tlable  s  &fùppefant  avoir  prouvé  que 
us  idées  des  cerf  s, ne  viennent  pas  des 
corps,  ni  de  famé  ,  ni  de  ce  que 
Vie»  produit  ces  idies  tontes  les 
pu  que  l'orne  en  *  befoin ,  il  conclut 
enfin  que  les  idées  des  corps  viennent  de 
txqne  Die»,  qui  renferme  generule- 
nutK  toutes  les  ferfeBims  des  corps  , 
^uniiPome.  Peur  découvrir  le  défont 
detmreontluftm,  nous  allons  répondre 
MZnifmfM  kfqnetles  elk  efl  appuyée, 
&  Jour  le  faire  mec  plus  d'ordre  mus 
refluerons  chacune  de  fis  raiforts  kme fu- 
té qu'elles  feront  frofofées. 

Re'po»si.  J'aifait  «dénombre- 
ment de  tout»  les  manières  poiubles 
■de  voir  les  corps.  J'ai  donné  mes 
preuves  qu'on  ne  les  voit  point  pac 
aucune  des  manières  dénombrées  à 
l'exception  de  la  dernière.  Enfin  j'ai 
conclu  en  faveur  de  cette  dernière 
V(Mlà«que  M,  Régis  convient  ici 


c,„„sk- 


•y>4  -  .  R^'PO  NSE 
-que  j'ai  fait.  Quedevoït-il  donc  faire 
lui-même ,  pour  découvrir  le  défaut  de  ■ 
cette  conclu/ion  ,-  II  devoit ,  ce  me 
fenible  ,  ou  faire  voir  que.  le  dénom- 
brement n'eft  pas  exact ,  ou  que  les 
preuves  que  j'ai  données ,  pourfaire 
exclufion  des  manières ,  font  fauflès. 
Cependant  ce  n'eft  pas  là  ce  qu'il 
fait.  Une  tâche  qu'à  réfuter  quelques, 
raifonsque  je  pourrais  bien  n'avoir 
données  que  par  fur  abondance  de 
droit.  Car  enfin  le  dénombrement 
étant  fuppofé  exact,  &IesexcIuiîons 
bien  prouvées  ;  il  ne  peut  y  avoir  de 
défaut  à  découvrir  dans  la  conclufion.  ■ 
II  aurait  donc  été  plus  à  propos  que 
M.  Régis  eût  pris  un  autre  tour  que 
celui  de  rapporter  mon  dénombre-, 
ment ,  ou  qu'il  eût  combattu  les  ex-, 
clufions  que  j'ai  faites ,  &  prouvé 
qnel'ame  peut  voir  en  elle-même  , 
dans  fes  propres  perfections  ou  mo- 
difications ,  tout  cequ'elle  peutcon- 
îwître.  Et  comme  j'ai  refuté  ce  fen-- 
timentdans  un  Chapitre  exprés  qui. 
eft  celui  qui  précède  immédiatement 
l'endroit  qu'il  examine,  il  devoit 
répondre  a  mes  raifbns.  II  eft  vray 
qu'écrivant  alors  pour  tout  le  mon— 
,tfe,  je  ne  me  fuis  pas  arrêté  beaucoup 
darçs 


GooSk 


A  M.  REGIS.  t  50J 
3arw  ce  Chapitre  à  la  réfutation  de 
fon  fentiment.  Mais  c'eft  àcaufeque 
ce  fentiment  n'étant  pas  fî  commu- 
.nément  reçu  que  les  autres,  je  n'ai 
pas  crû  devoir  employer  Beaucoup 
3e  tems  &  de  raifons  pour  en  faire 
voir  la  fauûeté. 

Au  refle ,fi  je n'avois  eu  en  v«ë 
que  M.  Régis ,  je  n'aurais  point  fait 
le  dénombrement  des  diverfès  opi- 
nions   qui  s'en  Teigne  i\t  communé- 
ment ,.&  je  ne  les  auroispoint  refu- 
tées pour  établir  lamienue.  Ou  fi  j'a- 
yois  pu  deviner  ce  qui  n'elî  arrivé 
gué  15.  ou  20.  ansaprés ,  car  fon  I.i- 
,  vren'a  paru  qu'environ  ce  tems  après 
Je  mjejn  ^j'aurais  mis  dans  la  Rtcher- 
;Cke<fela  Vérité  ce  que  j'aiécrit.dans 
•Dlufieurs autres  *  Ouvrages  ppur-re-  »  Eciaîrc.^ 
;îuter.phis  aulon  Je  fentiment  qu'il  riment  fur 
,  foûtient,  Mais  puifque  M^Regis  vou-  ?j*Ru  v«irf. 
j  loit  m'attaquer ,  il,a  pu  &  dùles  exa-  Ripao&  au 
.miner  ces  Ouvrages.  Peut  être  mê-  ^  de  "", 
ïnel'a-t-il  fait-.D'oùvient  donequ'-  vrai»  & 
ÏI  ne  combat  point  les  preuves  que,^.^"- 
-j'y  ai  données  de  la  taullete  de  foiuur  1im«^ 
fentiment?  Mais  d'où  vient  qu'il  ne''h',G*K' 
dît  rien  du  Chapitre  5.  qui  précède 
immédiatement  celui  dont  il  tire  les 
jçiiions  qu'il  combat  ici  ;  lequel  Ch. 
TomJJI.  ï 


ïotf  RE'PONSÉ 

eft  directement  contre  fon  opinion  î 
Enfin  d'où  vient  que  dans  le  Chapi- 
tre même  qu'il  critique  ,  &  dont  il 
vient  de  dire,  qu'il  réfutera  les  rai' 
fins  à  mefure  qu'elles  font  propofées , 
d'où  vient,  dis-je,  qu'il  paffe  ce 
qu'il  y  a  déplus  fort  &  déplus  direc- 
?■  tement  *  oppofé  à  fon  femiment ,  & 
ce  qu'il  s'arrête  à  répondre  à  ce  qui  ne 
le  regarde  pas  !  Ôefl  apparemment 
par  inadvertance  ou  par  négligence: 
Car  jen'ofe  pas  prendre  cette  omif- 
fion  pour  un  aveu  de  fon  imputftan- 
ce.  Mars  il  voudra  Bien  que  je  lui 
dife  que  c'eft  un  peu  meprifer  ua 
Auteur,  que  de  critiquer  fon  Ouvra- 
ge auftî  négligemment  qu'ila  faitlç 
mien.  Il  continue. 

xâ'.La  première  raiftm  de  cet  Auteur 
eft  qne  Dieu  agit  toujours  par  les  voyet 
les  plusfimples  &  les  plus  faciles;  rf'oâ 
il  infère  que  Dieu  doit  faire  voir  à 
Pâme  tous  les  corps  jm  voulant  fimple- 
ment qu'elle  voye  ce  qui  eft  au  milieu 
xà^elle ,  fçavoir  la  propre  effence  de 
J>ieu  qui  reprefente  tous  les  Corps. 

Re'ponse.  II faut  remarquer  ,  i\ 
Que  cette  raifon.,  comme  M.  Régis 
J'expofe,  conclut  ce  que  je  neveux 
point  conclure.  Car  je  ne  conclus  pas 


A  M.  HE  GTS.      ^07 

qu'on  voye  la  propre  effence  de  Dieu 
qui  représente  tous  les  corps.  Je  dis  au 
contraire  immédiatement  après  cet- 
■te  raifon  :  Qu'on  ne  peut  pas  conclure 
que  les  efprits  voyent  l'effènce  de  Dieu, 
de  ce  qu'Us  voyent  tontes  chofes  en 
Dieu.  Car  en  effet  il  eft  faux  que  l'ef- 
Jè-ce  de  Die»  reprefente  les  corps,  C'efl 
J-iiéedel'étenduëqui  les  reprefente. 
Certainement  cette  idée  eft  en  Dieu: 
Mais  elle  n'eft  pas  fon  eflèncei  Qui 
dit  effence  ,  dit  Fêtre  abfûhiqui  ne 
reprefente  rien  de  fini.  Or  c'efi  la 
lubflancedeDieuprife  relativement 
.eux  créatures  ,  ou  entantque  partici- 
pableparelles  qui  les  représentent , 
ou  qui  en  font  les  idées  ou  les  arché- 
types. 

z<>.  Que  je  ne  prétens  point  par  cet- 
te première  raifon  combattre  le  fen- 
-:timent  de  M.  Régis  ,  mais  l'opinion 
commune.  Cela  eft  dair^aïcequ'a- 
iyant  que  de  la  donner,  jeais  :  Or  voi- 
ci les  raiforts  qui  fembtent  prouver  que 
Dieu  veut  ptâtofl  nous  faire  voir  fis  ou- 
vrages en  nous  découvrant  ce  qu'il  y  a 
en  lui  qui  les  reprefente ,  qu'en  crétnt 
un  nombre  infini  d'idées  dans  chaque  efi 
-frit.  Et  après  l'avoir  donnée  je  con- 
clus :  Qu'il  b't  a  donc  pas  d'apparence 


C,„„sk- 


SP?  RE'ÏVQNSE 

■que  Dieu  pourrions  faire  voir  fes  On,, 
vrages  produife  atttmt  d'infinité^  de 
nombres  infinis  d'iJées  ,  qu'il  y  a'tPep 
frits  cr'eex.  Cette  raifpn  pourrait- 
donc  être  atTez  bonne  contre  ceux 
avec  qui  je  parle  quand  elle  ne  vau- 
drait riçn  contre  l'opinion  de  M. 
Régis.  Voyons  cependant  comment 
il  y  répond. 

II  me  paue  que  Dieu  agit  toujours 
par  les  voyes  les  plus  amples.  II  ne 
me  conteJJe  point  que  ,  foire  voir  les 
corps  par  l'idée  de,I'étenduë  qui  ejl 
enDieu  ,  ne  foit  plus  ûmpleque  de 
créer  pour  cela  dans  chaque  efprit 
un  noinbreinfini  d'-idées.  (Ces  deux 
cliofe  accordées  cependant ,  ta  preu- 
ve efl  démonftrative.  )  Mais  il  fak 
un  difcours ,  qui  en  foi  pourrait 
âtre  bon,  &  s'iLétoh  bon,  mon  fenti- 
,ment  ferait  faux.  Mais  qu'il  foit  boa 
ou  mauvaises  difcours,  il  ne  répond 
pas  plus  à  ma  première  ration  qu'A 
aucune  autre.Ainfi  il  femble  que  M. 
.Régis  ne  devoit  pas  rapporter  cette 
jaiïon ,  puifqu'U  ne  vouloit-y  report- 
dreque  parledifcoursqucvoici. 

M.  Régis,  ttau  répondons  à  cs- 
Ja,que  fi  Pâme  voit  les  corps  en  Dieu,  ce 
■ne  peut  être  que  parce  que  Dieu  efi  unj 


C,„„sk- 


SAM.  REGfff.  jo? 
tf-Pame,  Or  nous  demandons  ce  que  c'efi 
que  cette  union  de  Dieu  avec  Vame;  car 
il  fiait  de  necefjité-qu'elle  reffemble  ou  à 
l'union  de  deux  corps ,  oukfunion  de 
deux  ejprits,  ou  à  l'union  d'un  corps  & 
d'un  efpritjfètant  pas  poffible  de  conce- 
voir quelqu 'autre  genre  d'union  entre 
deux fubfiances  unies.Or  l'union  deDieu 
avec  Partie  ne  peut  reffèmbler  à  celle  de 
deux corps,parce  que  deux  corps  font  u- 
nis  par  leur  mutuel  contacl,&  tout  con- 
nu fe  fait  à  la  fuperficie,'.aquelle  ne  con- 
vient ni  à  sJieu  nia  Pâme.  Elle  ne  ref- 
fèmblepas  non  plus  à  l'union  de  deux  ef- 
fnrits,parce  que  cette  union  confifie  dans 
la  mutuelle  dépendance  des  penfêes  ou 
des  volonté^  de  ces  efprits;  &  il  eft  cer- 
tain que  les  penfkes  et  les  volonté^  de 
Dieu  ne  peuvent  dépendre  des  penfees  ni 
des  volontei^de  l'ame.  Elle  ne  reffemble 
fas  enfin  à  l'union  <f  un  corps&d' un  ef- 
pritipar  une  femblable  raifim.  Jlrefic 
donc  que  Dieun'efi  point  uni  à  l'ame,"  ou  •  njmlioh 
s'il  y  ejî  uni ,  que  cette  union  reffemble  »i0l3'«  «» 
a  celle  qui  je  trouve  entre  la  eaujc  €T-  ic,  muum 
Jbn  effet,  qui  eft  telle  que  l'effet  àèpend^^  ">-' 
de  la  caufe,  mais  lacaufe ne  dépend  pas 
de  l'effet.  C'efi  pour quoy  fi  Dieu  ejî  uni 
à l'ame, ce  n'eft  qu'entant  qu'il  l'a  créée 
qu'il  la  conferve,  &  qu'il  produit  en 
t  iij 


fto  HE'PONSE 

elle  toutes  fes  idées  &  toutes  fes  fenfa- 
tions  en  qualité  Je  caufe  première  ,- 
comme  il  a  eftè  ditt  attentant  qu'il  efi  U 
caufe  exemplaire  de  l'idée  que  famé  4 
4e  Pitre  parfait. 

Dans  ce  difcours  de  M.  Régis  on 
ne  voit  rien  contre-  les  prapoinion» 
qui  compofent  la  raifonqu'il  a  rap- 
portée. Ainfi  ilfaudroit  ôter  de  fon 
Livrecettepremiereraifon,  &  par 
conleqtient  auflî  ces  paroles:  Nous 
répondons  à  cela  que ,  par  lefquels  it 
commence  fon  difcours.  H  ajoute.  Si 
famé  voit  les  corps  en  Vie»,  ce  ne  peut 
être  que  parce  que  Dieu  efi  uni  à  l'ami. 
Or  nous  demandons  ce  que  c'efi  que  cette 
union  de  Dieu  avec  Pâme?  Il  aurait 
raifon  de  demander  cequefignifiece  ■ 
mot  union  ,  fi  on  neï'avoit  pas  expli- 
qué; carc'efl  un  des  plus  équivoques- 
ju'ily  ait.  Mais  à  Pégarddes  diver- 
es  efpeces  d'union  qu'il  rapporte- 
pour  faire  voir,  que  Dieu  n'en  pas 
uni  à  l'ame  comme  Ie3  corps  le  font 
entr'eux  ,  ni  comme  les  efpritsavec 
ies  efprits,  ni  enfin  comme  les  efprits 
avec  les  corps  :  C'elt  un  détail  qui 
me  paroît  fort  inutile  ,  6c  qui  pour- 
voit encore  être  retranché  de  fon  Li- 
vre., Car  je-ne  penTepas  que  perfon-. 


fe 


A  M.  REGfs;         jrr 

iWpuiûe  m'attribue:  deeroire  que 
Dieu  (bit  uni  à  nos  efprits ,  comme' 
les  créatures  le  font  entr'eUes.  Mais- 
ce  qu'il  conclut  de  fon  détail  eil  apu- 
rement très-faux.  Car  Dieu  eft  uni 
aux  efprits  bien  plus  étroitement 
qu'ilne  Tell  avecles  corps.  Iin'eft 
pas  feulement  uni  aux  efprits  en  ce 
fèna ,  qu'il  les  créé  &  qu'il  les  eonfervt 
avec  toutes  leurs  modifications  com- 
me les  créatures  corporelles; mais'' 
encore  en  ce  fens  qu'ils  peuvent  a- 
roir  avec  lui  une  fccieté  particuliè- 
re, communion  de  penfres  &  de 
fentimens,  connoitre  ce  qu'il  con- 
îioît,  aimer  ce  qu'il  aime.  Tous  les 
êtres  créez  dépendent  de  la  pitiflkrue 
du  Créateur  ,  efprits  &  corps.  Mars. 
il  n'y  a  queles  efprns-qui  puiflènt  ê- 
tre  éclairez  de fa  fagefie  &  animez 
de  fon  amour.- Je  fbtî  tiens  donc  que 
cette  Raifonuniverfelle,  qui  éclaire 
intérieurement  tous  les  hommes,  & 
qui  a  plis  une  chair  iènfible  pour 
s'accommoder  à  leur  foibIeflè,&  leur 
parler  par  leur  fens ,  eu  la  SagefTe  de' 
Dieu  même,  en  qui  fe  trouvent  tou- 
tes les  idéeï  &  toutes  Jes  veritez:Que 
par  elle  nous  voyons  une  partie  de' 
cequeDieu  voit  très- clairement  ;- 
ïiiij 


0*  RPPCWSE. 

Qu'ainfi  par  elle  nous  avons'  âveBf 
Dieu  &  entre  nous  une  efpecedefo-' 
cieté  ,  &  que  fans  elle  il  efl  impoffi- 
fale  que  les  efprits-  .puiûent  avoir 
même  entr'eux  le  moindre  rapport,: 
former  quelque,  liaifon,  convenir  de 
quelque  vérité  que  ce  puiflè  être.; 
Mais  il  n'efi  pas  neceflàire  que  je  re-' 
pete  icy  ce  quêtai  dit  ailleurs,  pour 
prouver  qu'il  n'ya  que-la  réalite  in- 
'  telligible  de  la  fouveraine  Raifort- 
qui  puiflè  agir  dans  Iesefprits&  leur, 
communiquer  quelqu'  intell  igence- 
de  la  Vérité  j'ay  fait  voir  que  ledif- 
Gours.de  M.  Régis  ne  répond  point 
à  la  première  raifon  qu'il  avoit  pro- 
pose pour  la  réuuer.Cela  me fufEt. 
Voyons  la  féconde. 

18.  M.  Reg  i  s.  La  féconde  raifim 
de  cet  Auteur  e$  que  cette  manière  Me 
voir  les  corps,  met  une  véritable  dépen* 
donc e  entre  Came  & 'Dieu  ,  parce  que 
de  cette  forte  Pâme  ne  peut  rien  voir 
que  Dieu  ne  veuille  bien  qu'elle  le  voye. 
Remarque.  Jedis  dans  l'endroit 
dont  cette  raifon  efl  ii  rée,que  ma  ma- 
nière d'expliquer  commeDt  on  voit 
les  objets ,  met  les  ejprits  dans  une  en' 
tiere  dépendance  de  Dieu  ,  &  la-  plus 
grande  qui  puiffe  être  ;  çe-que  ne  fait . 


-       A" M.  tfEdfl'S.         w 

pSs |Popinion  que  je  réfute:  qui  efp 
qw  fejprit  a  en  lui-même  toutes  les  ■ 
idées  necejfaires  pour  penfer  à  ce  qu'il 
t'eut.  Aïnfi  je  ne  comBats  point  l'o-  ' 
piniondeM.  Régis,  quicroit  aufli- 
ïrien  que  mbi,que  c'eft  Dieu  qui  for- 
me en  nous  toutes'  nos  penfées.  Ce-" 
pendant  il  eft  clair  que'  félon  mon  : 
îèntiment,  la  dépendance  où  l'efpfit'' 
eft  de  Dieu,  eft  plus  grande  que  cel-' 
le  qui  fuit  de  l'opinion  même  de  M.  - 
Régis.  Garfeïon-Iuil'efprit  dépend  ■ 
uniquement  de  ia-  puijfance  de  Dieu ,  • 
St  félon  le  mien,  il  dépend  non  feu- 
lement de  fa-puiflance ,  mais  encore  -' 
cte  fa  fagejfe  ;  puifque  félon  mon  fen-  " 
liment  "ce  ne  font  point  nos  modiii-  ■ 
cations, que  nous  connoittons  &qur  ' 
nous  éclairent,  mais  tes  idées  intelli- 
giblesquinefe  trouvent  quedans  la  ' 
îouverâine  Raifon.  -II  eft  donc  clair  ; 
que  j'ay  eu  raifon  dédire,  que  mon  ' 
ftmtïmtnt  mettait  les  efprit s  dans  une  • 
entière  dépendance  de  t>'teu ,  &  la  plus  • 
grande  qui  puijjè  itrc.Ce  font  mes  ter- 
mes. Cependant  il  a  plû  à  M-  Régis  ' 
de  le  nier.  Voici-  fa  réponfe: 

ijj.  -M.  Régis.'  A  quoy  nous  répon-  ' 
dons,  que  bien  loin  que  cette  manière  de  '• 
>«f  letCQrfs  en  Vieu  faffe  dipendnJ 


GooSk 


«4<.  REPONSE' 

home  de  Dieu^lle  fait  au  contraire  que 
Dieu  défend  de  Vante  par  V union  qu'il 
a  arec  elle  :  Car  il  a  été  prouvé  que  ton-  ■ 
te  union  yéelle  &  véritable ,  telle  que 
cet  Auteur  V 'admet  pour  cela  entreDieu- 
&  Vame,fitppofe  une  dépendance  réel- 
le &  mutuelle  entre  les  parties  unies, 

Re'ponsî.  Je  d.emandeà  M.  Ré- 
gis ,  où  il  a  été  prouvé  que  l'union  que 
f  admets  entre  tous  les  efprits  rai/ju— 
nobles  &  la  Souveraine  Raifon  >  sup- 
pose UNE  DEPENDANCE  RE'eLLB 
ET  MUTUELLE  ENTRE  LES  rA*TIES- 

unies!.  Hn'yarien  dans  mes  écrits  ■ 
qui  puîné  faire ,  je  -ne  dis  pas  juger  , 
niais  feulement  foupçonner  a  une: 
perfonne  équitable,  que  j'aye  jamais  ■ 
eu  un  fentiment  fi  extravagant  &  fi, 
impie.  Du  moins  fuis-je  bienaffuré  ■ 
que  cette  penfée  nenVefl  jamais  ve-- 
nuë  dans  I'efprit.  Mais ,  dira-t-il , , 
eft-ce  que  jene  viens  pas  de  prouver  - 
qu'il  n'y  a  que  trois  efpeçes  d'union, . 
qui  toute»  mettent  une  dépendance  : 
réciproque  entre  les  parties  unies  è  ■ 
Mais  quoy  !  répondrai-je.  Dé  ceque- 
vous  «ippofez  que  l'union  qu'il  ai 
pïâ  à  Dïea  de  mettre  entre  fes  créa- 
tures les.  rend  réciproquement  dé-. 
pendantes.,  ayea-vous  droit  déco».' 


A"  M,'  RK'GI'S.  ?rç 
«Sure  que  le  P.  Malbranche  6e  tout 
ce  qu'il  y  a  de  Philofophes  &  de- 
Théologiens,  ne  peuvent  plus  foû- 
tenrr  que  les  efprits  font  unis  avec 
Dieu  ,  qu'ils  ne  rendent  le  Créateur  " 
dépendant  de  fes  créatures  ?  Cela  ne  ■ 
fecomprend  pas  :  Car  enfin  il  y  a; 
différence  entre  le  Créateur  &  les* 
créatures.  Voyons  donc  la  fuite. 

1/  faut  ajouter,  continue- UÏ[,qitefi 
famé  voyoit  les  corps  en  Dieu,àcaufe' 
quelle  dépend  de  lui ,  elle  y  devroit 
-voir  par  la  même  raifon  les  autres  a- 
mes ,  &  syvoir  elle-même  .-  car  autre- 
ment il  faudroit  dire  qu'elle  ferait  fa 
propre  lumière  ;  fïnon  à  l'égard  des 
corps ,  an  moins  à  F  égard  des  efprits,* 
ce  qui  repagne  aux  propres  principes  de; 
cet  auteur. 

Re'pon  sï.  Je  penfe  que  le  Lecteur' 
aura  de  là  peine  à  comprendre  le- 
fins  dece  raifoniiement  de  M.  Régis, 
Mais  comme  jecroi  fçavoir  bien  ce ■ 
qu'il  veut  dire;  je  vas  expliquer  ia' 
penfee:  II  eft  necefsaire  pour  cela  de 
ïçavoir,  i\  Que  je  diflingue entre' 
connoîtrepar  idée  claire,  cV  connoî-  - 
ire  par  jènùntent  intérieur.  2".  Que-' 
je  -  prétens  qu'on  connoît  l'étendue/ 
par  une  idéeclaire;-cï  qu?ônne  coh-t 
ïivj, 


?6  RE'PONSfî 

naît  fon  ame  que  par  fentïment  mte-*- 
rieur.  j\  Que  ce  qu'on  conooîtpac 
idée  claire,  on  le  voit  en  Dieu  qui- 
ienferme  ces  -idées  ;  &  qu'ainfi  c'eft 
en  Dieu  qu'on  voit  l'idée  de  l'éten- 
due, ou  l'archétype  de  la  matière  ; 
mais  qu'on  ne  voit  point  en  Dieu 
l'idée  de  fon  àme  ou  l'archétype  des 
efprits.  Sur  ces  principes ,  jedis  que 
Dieu  eft  notre  lumière  en  ce  fens , 
que  les  idées  que  nous-voyons  en  lui 
font  Iuimneufes.  L'idée,  par  exem- 
ple ,  de  l'étendue  eft  fi  claire ,  ii  in- 
telligible -,  fi  féconde  en  veritez,  que. 
les  Géomètres.  &  les  -Phyficiens  ti- 
rent d'elle  toute  la -connoifsance 
qu'ils' ont  de  la  Géométrie  &  de  la- 
Phyfîque.  Je  dis  que  l'ame  n'eft. 
point  a  elle-même  fa  lumière  ;  parce, 
qu'elle  ne  feconnoîtquepar  l'expe-  - 
rience  du  fentïment  interiedr-jqu'el- 
lene  peut  en  fe  confidérant>  decou-- 
vrir  les  modifications,  dont  elle  eiL 
capable;&que  bien  loin  dexenfec— 
mer  en  elle  les  idées  d&toutescho— 
les  t  qu'elle  ne-  contient  pas  même- 
l'idée  de  fon  être  propre:  -Voilà  mes-i 
principes, il  n'eftpasqueftion  main- 
tenant, de  les'  prouver,  maisd'y  rap-- 
H>rter.Ie  jrail9nnemen(<fe  M.Reg_«. . 


.  /  A'  M.R'EGÏS:  ,17- 
lï  faut  ajouter ,  dit-iï ,  que  fi  Pâme' 
Voyoitles  corps  en  Dieu,  à  caufe  qt?el~ 
fe  dépend  de  lui ,  elle  y  devroit  voir  par 
ht  même  raifim  les  autres  ornes,  ou  J'y 
Voir  eUe-méme: 

Je  réponds  qu'elle  devrait  s*y  voir  « 
&  les  autres  âmes ,  fi  effectivement" 
elle  fe  voyoit.  Mais  elle  ne  fe  vois' 
pas  ;  ellenefèconnoît  pas.  Elle  fent 
feulement  qu'elle  eft,  &  il  eft  évi- 
dent qu'elle  nepeut  fe  fentir  qu'en' 
elle-même:  Elle  fevoit  &  fe  connoîf 
fî  on  lèvent ,  mais  uniquement  par  - 
fentiment  imeriear  ;  fentiment  ten- 
nis ,  qui  neiui  découvre  ni  ce  qu'el- 
le eft ,  ni  quelle  eft  la  nature  d'au->' 
cune  de  fes  modalitez.  Ce  fentîmentf- 
ne  lui  découvre- point  qu'elle  n'eft' 
point  étendue ,  encore  moins  que  I* 
conIeur,que  la-blancheur,  par  exern-- 
pie ,  qu'elle'voit  fur  ce  papier ,  n'eft' 
réellement  qu'une  modification  de' 
fe  propre  fubflance?  Ce  fentiment^ 
n'-eft  doncqueténébres:  à  foti  égard. 
Quelque  attention  'qu'elle  y  donne,' 
il  ne  produit  en  elle  aucune  lumiè- 
re ,  aucune  intelligente  de  ■  la  vérité.' 
6'efl-donc  que'I'ame  ne  fe  voit  pas  j 
ppree  qu'effeâiveirient  I'idéi 
tkerype  de  l'ameine  lui  eft 


$8  REPONSE 

rifefté.  Dieu,  qui  nefent  ni  doulenr 
ni  couleur  ,  connoît  clairement  la- 
nature  de  ces  fentimens.  Il  connoît 
parfaitement  comment  l'ame ,  pour 
les  fentîr  doit  être  modifiée.  Appa- 
remment nous  le  verrai  s  auffi  quel- 
que jour..  Mais  nous  ne  le  verrons' 
clairement ,  que  lorfqu'il  plaira  à 
Dieu  de  nous  manifeOer  dans  fa  fub- 
flance  l'archétype  des  efprits  ,  l'idée 
fur  laquelle  l'ame  a  été  formée.  Idée 
lumineufe  &  parfaitement  intelligi- 
ble, parce  qu'iln'y  aqueles  idées  di- 


vines qui  puifsent  éclairer  les  intel- 
ligences. Jufques  à  ce  temps  heu- 
reux, l'ame  fera  toujours  inintelli- 


gible à  elle-même.  Elle  ne  Ternira  en. 
elle  que  des  modalitez  ténébreufes  ; 
&  quelque  vives  &  fenfibles  que 
foient  ces  modalitez ,  elles  ne  la  con- 
duiront jamais  à  la  connoîfsance 
claire  delà  vérité  fans  le  iecoursdes 
idées  intelligibles.  L'ame  ne  fe  voit 
donc  pas.  Mais  elle  voit  retendue. 
Elle  en  connoît  la  nature  &  les  pro- 
prietez.  Enconfultant  l'idée  de  dé- 
tendue, elle  découvre  fans  cefsede 
nouvelles  veritez  j  parce  que  cette* 
idée  étant  en  Dieu ,  elle  eft  tres-clai- 
Te~,tres*intelligibl4tre»-latDineu£ej. 


GooSk 


A  M.  REGIS.  v? 

Bien    différente  des   modifications^ 
confufes  &  tenebreufesde  l'ame. 

S uppofant  donc  que  nous  ayïons 
une  idée  claire  du  corps  ,  Se.  que- 
nous  n'en  ayïons  point  de  l'ame  i  ou 
bien  fuppofant  feulement  qu'on  me 
veuille  combattre  par  mes  propres- 
principes  ,  comme  M.  Régis  le.  pré- 
tend icy.  Sa  propofition  paroît  tout" 
à  fait  femblableacelle-cy.  S')/  était 
vrai  que  Homme  dépendît  de  Dieu 
pour  remuer  les  hras ,  par  la  même  rai- 
fort il  devroit  en  dépendre  pour  remuer 
tes  ailes.  Oui ,  fans  doute  .s'il  en  a. 
voit ,  répondrois-je.  Mais  comme  il 
n'en  a  point ,  il  ne  dépend  point  de 
Dieu  à  cet  égard.  De  même  fi  l'ame 
feyoyoitou  fi  elle  connoifsoit  clai- 
rement fa  nature  par  ïa  contempla- 
tion de  i' idée,  ou  de  r-archetype  fut 
lequel  Dieu  l'a  formc'e  ;  en  cela  elle  ■ 
dépendtoit  dé  Dieu  ,  elle  fe  verrait 
en  Dieu.Mais  comme  elle  ne  fe  con- 
noîtque  par  fermaient  intérieur ,  & 
qu'elle  ne  peut  fe  fentir  qu'en  elle- 
même,  elle  dépend  bien  de  la  puif- 
fàncedeDJeu  qui  agit  en  ellérmais  - 
à  cet  égard  elle  ne  dépend  point  de  fa  - 
fîtgeffe.  Je  veux  dire  "qu'elle  n'eft; 
point -éclairée  par  laicaUté  iiaeiLU- 


GooSk 


fte"1       tfE'POftSÏ' 

gible  des  idées  divines.  Je  ne  voy*- 
jren  en  cela  qui  répugne  à  mes  propre* 
principes ,  &  je  croï  ^ue  ceux  qui  ■ 
ont  dugoût&deîa  pénétration  pour 
les  veritez  MétaphyGques ,  n'y  trouJ 
veront  riefr  que  de  conformé  à  I* 
raîfon  ,  pourvu  qu'ils-  méditent  (e- 
rieufemerit  mes  preuves  ,  ce  que  M^ 
Régis  n'a  peut-être  pas  fait  jufques- 
ïcy.  Le  temps  nous  apprendra  ,  fi  je- 
me  fuis  égaré.  Mars  je  croi  devoir 
dire  qu'il  eiî  faut  beaucoup  avant 
qu'une  opinion  aufli  extraordinaire/ 
aufTi  contraire  aux  préjugez  de  l'i- 
magination &  des  fens,  auflï  abft  fai- 
te &  auflï  difficile  que  la  mienne , 
puiffe-etre  généralement  reçue-  je* 
rie  dis  pas  de  tous  les*  hommes ,  cela 
n'arrivera  jamais,  jedisdesSçavans, 
&  de  cette  efbece  de  Sçavans  qui" 
s'appliquent  férieufement  à  la  Mé- 
tâphyfique ,  &  à  ra  connoiflànce  de  ■ 
"  l'homme." 

x".  M.  Régis.  Latroifiùne  raifim* 
efi  la  manière  dont  famé  apperfo'tt  tous' 
les  corps:  Car  il  prétend  que-  tout  le' 
monde  [tait  par  expérience,  que  lorfque' 
nous  voulons'  penfer  à  quelque  corps,- 
nous  envifageons  d'abord  tous  les  corps,  - 
&■  nius  nbus-  appliquons  ertfùite  à  -la  - 


A"  M:  "REAGIS.         pr 

ermfidération  de  celui  que  nous  foubai- 
tons  de  voir.  Or  il  efl-  indubitable  que  • 
nous  ne  {(aurions  foubaiter  de  voir  uW 
corps  particulier  que  nous  ne  le  voyions: 
déjà ,  quoique  confusément  &  engenc 
rai.  De  forte  que  pouvant  défirer  de- 
voir tous  les  corpsytant&t  l'un  &  tantôt 
l'autre;  il  efi  certain  que  tous  les  corpF 
font  prefenscinhtreamc;&tous  les  corps 
ne  peuvent  être  prefèns  à  notre  ame,me- 
farce  que  Dieuy  efi'prefent,  c'efi  à  dire 
celui  qui  efi  tout  être  ou  Vhreunïver- 
fclyqui  cimprend  toutes  lercreatkres- 
dans  fa  fimplicitè. 

Remarque.  M.  Régis  auroït 
mieux  fait  de  rapporter  mespropres 
termes.  Car  ilrfa  point  abrégé  ledif- 
cours.  Mon  raifonneraent  efl  gene-: 
rai,  &  n'a- rien  ce  me  femble  de  cho- 
quant ,  &  il  le  rend  particulier ,  Se- 
affurément  un  peu  difforme.  On  le 
peut  pourtant  rétablir  en  ôtant  le 
mot  de  corps  qu'il  a  répété  fept  fois  , 
&  que  je-  n'a  vois,  pas  mis  une  feule 
fois,&eny  fubflituantlemot&rej.. 
Si  on  ne  fait  pas  cette  fubftitution , 
on  aura  peut-être  railbn  d'être  fur- 
pris  de  ce  langage  ;  par  exemple  : 
Tous  les  corps  ne  peuvent  être  prejvns 
à-  notre  atae  que  parce  que-Dieu  y  efl  ■ 


pi         ftE'PONSË 

frefent,  e'eft  à  dire  ,  celui  qui  rfi  tduF 
être  ou  Vitre  univerjcl.  J'avors  dit  :  II 
ftmble  que  tous  les  êtres  se  puiffent  être 
prefens  à  notre  efprittaue  parce  qur 
Dieu  lui  efi prefent ,  e'eft  à  dire ,  celui 
qui  renferme  toutes  chofes  dam  lafim-- 
plicité  de  fon  être.  'Cette  expreflîon 
n'a  lien  de  choquant,  8t  ne  pêne 
foire  naître  cette  folie  idéequeM. 
Régis  lui- même  va  bien-tôt  com- 
battre pour  me  faire  honneur,  que 
Dieu  n'efi  point  Ntremherfel  ou  com- 
posé des  autres  êtres,  comme  defes  par- 
ties,  parce  que  toutes  les  parties  font  ou 
intégrantes  ou  fub  je  fttves  ,  &  le  relie 
qu'on  verra  plus  bas. 

M.  Régis.  Nous  répondons  à  cette 
troisième  raifon ,  en  difant  que  les  corps 
particuliers  font  toujours  prefens  à  l'â- 
me en  général  &  confusément-Mais  que 
leur  prefence  n'efi  autre  chofe  que  Vidée 
même  de  thenduë ,  que  Dieu  a  mifi 
dans  l'ame  en  Vmiffànt  au  corpst&  que 
,  les  corps  particuliers  modifient  enjuitê 
diverjemem  ,  fuiront  la  d'rverfttè  de 
leurs  actions  fur  les  organes  desjhis; 
De  telle  forte  que  fi  les  corps  particu- 
liers font  toujours  prefens  à  l'ame  en 
général  &  confusément  ,*  celç  ne  vient 
pas  de  ce  qu'ils  font  compris  enVitu, 


  M.  REGIS.         pg 

tDmme  dans  l'être  univerfel,  mais  de  ce 
qu'ils  font  renfèrme%jdans  t étendue  » 
dont  l'idée  efi  toujours  prefente  à  Pâme 
comme  il  a  été  prouvé. 

Re'ponse.  Pournem'arrêterqu'à 
ce  qui  eft  eflèntielà  Indcciiïondela 
queftion  ;  je  paÛè  bien  des  réflexions 
que  ceux-là  qui  ont  un.  peu  de  dis- 
cernement peuvent  faire  fur  la  ma- 
nière dont  M.  Régis  expofe  &  com- 
bat mon  fend  ment ,  &  je  viens  au 
fond.  J'avoue  que  tous  les  corps 
font  préfensàl'ame,  confufément  & 
en  gênerai ,  parce  qu'ils  font  renfer- 
mez dans  Tidce  del'étenduë.C'eft  là 
mon  fentiment,&  ce  l'a  to.Vjours  été. 
C'eft  ainli  que  je  l'ai  expliqué  dans 
la  Recherche  de  U  Vérité,  &  dans 
mes  autres  Ouvrages.  Mais  il  n'y  3 
pas  là  grand  myflcrei  car  il  n'eu  pas 
ce  me  femble  poflîble  de  concevoir 
la  chofe  autrement. Ai nfi  la  queftion 
le  réduit  à  fçavoir  fi  cette  idée  de 
l'étendue  eft  une  modalité  de  I'ame. 
Je  prétens  que  non ,  parce  que  cette 
idée  eft  trop  vafte ,  qu'elle  eft  infi- 
nie ,  comme  je  viens  de  le  prouver, 
&  que  toutes  les  modalitez  d'une 
fubftance  finie  font  neceffai  renient 
finies,  C'eft  donc  une.  néceflîté  que 


C,„„sk- 


£$'.  .  ÎAE'PONSE 
cette  idée  ne  fe  trouve  qu'en  Dieu  r- 
jSuifqu'il  n'y  a  que  lui  d'infini.  Je" 
prétens  que  l'idée  det'étre  en  gêne- 
rai ,  ou  de  l'être  infini ,  dans  laquel- 
le nous  voyons  en  générale  confu-  - 
fément  tous  les  êtres, comme  rfcms' 
Voyons  tous  les -corps  dans  I'idçede* 
l'étendue  j  je  prétens ,  dis-je  ,  que 
cette  idée  de  l'être  infini  ne  fe  peut 
trouver  qu'en  Dieu.  C'efl  en  cela 
queconfifte  toute  la  force  tie~  mon 
râifonneinent  contre  l'opinion:  de 
M,  Régis.  II  ne  le  devoir  pas  djlfi- 
mnler ,  s'il  s'en  eit  apperçû:  II  de- 
voir le  rapporter  dans  mes  termes , 
&y  répondre.  Enfin  il  riedevoit  pas: 
oublier  la  ■  feule  chbfe  du  Chapitre' 
qu'il  critique  qui  foit  directement1 
contraire  à  fon  opinion, &  qui  fuir 
immédiatement  cette  troifrërfce  Tai-" 
fôn  qu'il  réfute  ,  après  laquelle  je' 
continue  ainfî, 

zi.Ilfemblemême  que  Nfprit  ne  fe-' 
rottpas  capable  de  je  reprefimer  dts 
idées  universelles  de  genre ,  d'efpece , 
&c.  s^il  ne  voyait  tousîès êtres  rtnfèr~ 
mex.  en  un.  Car  toute  créature  étant 
un  être  particulier  ;  on  ne  peut  pas  dire' 
qu'on  foye  quelque  choj'e  de  créé  lors- 
qu'on voit, far  exemple ,  m  -triangle- 


C,„„sk- 


'A  M.;REG,IS.  m 
.-«  gênerai.  Enfin  je  ne  cm  pas  qu'on 
puiffe  bien  rendre  raifon  de  la  manière 
dont  Vefprit  connaît  plufteurs  veritei^ 
abfiraites  &  générales  ,que  far  la  pre- 
ftnce  de  celui  qui  peut  éclairer  Vefprit 
en  me  infinité  de  façons  différentes. 

Enfin  la  *  preuve  de  Vexifitnce  de  »  voyez  ett- 
Vieu  la  plus  belle ,  la  plus  relevée  l  la  «  p«««  çi- 
plusfilidt  &  la  première,  ou  celle  qui  \l*f.fivd™ 
fuppofe  le  moins  de  cbofes,  ç'efl  Vidée  "• 
que  nous  avons  de  Vinfini.  Car  il  efi 
confiant  que  Pefprit  apperçoit  V  infini  ^ 
quoiqu'il  ne  le  comprenne  pas  ;  &  qu'il 
a  une  idée  tres-diftwfte  de  Dieu,  qu'il 
ne  peut  avoir. que  par  l'union  qu'il  a 
avec  lui  ;  put/qu'on  ne  peut  pas  conce- 
voir que  l'idée  d'unêtre  infiniment  par- 
fait ,  qui  efi  celle  que  nous  avons  de 
Dieu  Jbit  quelque  chofe  de  créé.  Mais 
non  feulement  Pefprit. a  Vidée  de  Vinfi- 
ni ,  il  Va  même  avant  celle  du  fini , 
&c.  II  ri'eft  pas  neceffàire  de  tranf- 
crire  Ierefte. 

II  me  femble  que  M.  Régis  ne de- 
.voit  pas  laitfer  cecy  fans  réponfe , 
jour  combattre  des  preuves  qui 
n'attaquent  point  directement  les 
Jentimens  :  Car  encore  un  coup, 
,dans  tout  le  Chapitre ,  il  n'y  a  que 
.cet  endroit  qui  regarde  particulière* 


Goo8k 


Ti6  RWPXXSSE 

«îent  l'opinion  qu'il  foàtient.  Et  je 
croi  qu'il  fuffit  pour  en  faire  voir  la 
fauiîèté.  Car  enfin  il  me  paraît  évi- 
dent que  des  idées  générales  ne  peu- 
vent être  des  modifications  par- 
ticulières. Mais  développons  cette 
raifon ,  &  voyons  ce  que  M.  Régis  y 
pourrait  répondre. 

Tomes  les  modaiitezd'un  être  par- 
ticulier.tel  qu'eft  notre  ame,Hjnt  ne- 
celTairement  partîculîeres.Or  quand 
on  penfeà  un  cercle  en  gênerai,  l'i- 
dée ou  l'objet  immédiat  de  l'ame, 
ifeà  rien  de  particulier.  Donc  l'idée 
du  cercle  en  gênerai  n'eft  point  une 
modalité  del'ame. 

Cet  argument  en  forme  n*emba- 
raflèroit  point  un  jeune  homme  qui 
lbîîtient  Thefe ,  &  qui  fçait  fe  tirer 
d'affaire  par  un  diflinguo.  II  répon- 
droit  hardiment:  l'idée  du  cercleen 
generaln'efl  rien  de  particulier:  Difi 
tmgtio.  In  repr&fentando  :  Concéda.  In 
ejfendo  -■  Nego.  Cela  terminerait  la 
difpute  &  tout  le  monde  fortirok 
content.  Mais  fiM.Regismejrépon- 
doit  férieufement ,  qu'une  modalité, 
quoique partïculieredel'ame,  peut 
reprefenter  une  figureen  general,de 
f- 1-  même  qu'à  foûttent  *  qu'une  idée 


AM.HEGIS.  _  py 
finie  peut  représenter  l'infini,  ou, 
■une  étendue  qui  n'a  point  de  bornes  » 

}""ehu  répondrais  que  je  ne  fuis  pas 
atisfait.  Car  par  ces  mots  ,  l'idée  de 
cercle  en  gênerai,  ou  l'idée  de  l'in- 
fini, je  nentens  que  ce  quejevoi, 
quand  je  penfe  au  cercle  on  à  l'infi- 
ni. Or  ce  quejevoi  actuellement  eit 
•gênerai  ou  infini.  Certainement  l'i- 
dée du  Gercle  en  gênerai  ne  me  re- 
prefente  rien  qu'elle-même.  Car  H 
eft  évident  qu'il  n'y  a  .point  au  mon- 
de de  cercle  en  gênerai,  &  que  Diett 
même  n'en  peut  créer,  quand  mê- 
me il  pourrait  créerune  étendue  in-  »  v      fc  f 
finie.  Je  raifonnedoncainfi.  *  L'i-  Tome  de  cm 
déedu  cercle  en  gênerai  nemere-™"^p* 
prefente  que  cequ'elle  renferme.  Or 
cette  idée  ne  renferme  rien  de  gêne- 
rai, puifquecen'eftqu'unemodali- 
té  particulière  de  l'ame  félon  M.  Ré- 
gis. Donc  l'idée  de  cercle  en  gênerai 
ne  me  reprefqpte  rien  de  gênerai. 
Contradiction  vîlîble,  &  qui  jufti- 
.fie  ce  me  femble  que  j'aurois  raifon 
jde  n'être  pas  content  de  la  réponfe 
■précédente.  Mais  apparemment  M. 
'Régis  en  a  de  meilleures  à  me  faire. 
xi.  Pourmoi  je  diftingue  mes  idées 
de  la  perception  que  j'en  ai ,  de  la 


Goo8k 


-5*8         RE'PONSE 
imodîiication  qu'elles  produifent  en 
.moi ,  lors  qu'elles  me  touchent.  Je 
«roi  que  les  modalitez  de  mon  arae 
\ou  mes  perceptions  ne  me  reprefen- 
tent  qu'elles-mêmes  ;  &  cela  par  un 
fentiment  intérieur,  parce  que  l'ex- 
périence m'apprend  que  l'ame  fent 
intérieurement,  tout  ce  qui  fe  palïè 
acUieHementen.elle.AI'égarddemes 
idées,jecroi  qu'elles  ne  me  repréfen- 
)ient  qu'elles  .direâemcntj  que  je  ne 
voi  directement  &  immédiatement 
,que  ce  qu'elles  renferment  ;  car  voit 
rien,c'eft  ne  point  vorn  mais  fi  Dieu 
a  créé  quelqu'être  qui  réponde  à 
jnon-idée  comme  à  fon  archétype, je 
.puis  direque mon  idée  repréfente  cet 
■être,  &  qu'enta  voyant  direétement 
je  le  voi  indirectement.  Pour  con- 
noîtreles  propriétez  decetêtre/j'en 
confulte  l'idée ,  &  non  mes  modali- 
jez,puiique  c'eft  elle  &  non  cna  mo- 
dalitéqui  eftl'archejype  fur  lequel 
J3ieu  l'a  formé.  Mais  je  ne  conclui 
lien  fur  l'éxiftence  a$uelle  de  ce; 
.être  ;  parce  que  Dieu  ne  tait  pas  né: 
ceiïàirement  ce  que  fes  idées  repre 
fentent ,  ou  .des  êtres  qui  réponden 
à  fes  idées;  leur  création  eft  arbi 
.traire.  Voilà  des  fectimeusjjien  cor 


Goo8k 


A  M.  REGIS.    .    5*9 
'«aires  à  ceux  de  M.  Régis.   Car  je 
l'avoue ,  il  elt  rare  que  \e  fois  d'ac- 
cordavec  lui ,  principalement  fur  la 
Métaph'yfique  &  fur  la  Morale.  Mais 
je  le  prie  que  cet  aven,  ^■apparem- 
ment me  fera  grand  to^pns  fon  ef- 
prit ,  ne  me  gâte  pas  dans  fon  cœur. 
tëj      Oeft  l'amour  de  la  Vérité  qui  m'o- 
*      blige  à  le  faire  cet  aveu.  Je  ferais 
[ïi     pourtant  fâché  d'en  venir  à  la  preu- 
t«l    ve.  Quoi  qu'il  en  foit ,  je  diflingue 
«m     M.  Régis  de  fes  opinions.  ■Ilmedoit 
ttft     rendre  la  même  juitice.  Et  puifqu'il 
>ieu     a  combattu  fouvent  mes  opinions 
i(  v    dans  fon  ouvrage,  &  quelquefois  en 
pe,js    me  citant ,  il  ne  doit  pas  trouver 
tetfl   mauvais  que  je  confirme  le  monde 
îitïii   dans  ce  qu'il  a  bien  voulu  lui  ap- 
pçertdre. 

23.  M.  Régis  continue  ainfî.  Qril 
ift  bien  plus  aisé  de  concevoir  que  les 
corps  particuliers  font  renfèrtnez^cen- 
finement  dans  f  étendue ,  qu'il  n'eft  ai- 
sé de  concevoir- qu'ils  font  renfermexjn 
Dieu  qui  n'a  nul  rapport  avec  eux.    • 
tiil (on  a  vu  *  que  ce  n'eft  pas  de  cela  »  Rfp0Bft  ^  ■ 
epiidont  il  eft  queftion.  )  En  effet ft  Dieu  r«t.  w. 
icwtoû  tout  être  ou  l'être  univerfel ,  corn- 
Mme  cet  auteur  fenfeigne ,  il  faudroit 

■  "-0  j»w  tous  ies  ^ms  fcft*1  *eS  taHi"  '"*■ 
[aitCf        Tome  IJl.  Z 


fj»  REPONSE 

tegrantes  ou  des  parties  fubje&ives ■  de 
T>kw,  pmfiptil  efi  impoffîble  de  trou* 
ver  an  autre  genre  de  parties.  Or  les 
(ires  néfbntmpas  des  parties  integran- 
tes  deDieuJ&trce  me  s'ils  Pitoient , 
Dieu  feroitçfupose  des- êtres,  coma» 
une  montre  efl  composée  de  roufs  &de 
refont;  ce  qui  répugne  à  la  fimplieitè 
de  ta  nature  divine.  Le  s  êtres  ne  font  pas. 
nom  plus  dis  parties  fubjethves  deDieu, 
farce  me-  sHls  P  étaient rD'teu  ferait  un* 
nztnre  univerfeUe ,  qui  n'exilerait- que 
dans  V entendement  de  celui  qui  lacent 
$e>roit;ce  qui  répugne  à  l'idée  de  Dieu, 
taqmttr  le  reprepnte  comme  la  ebofe 
d»  monde  la  plus  fitiguliere  &  la  pua 
déterminée.  Il  refle  dam  que  Dieun'efi 
tout  être  m  F  être  univerfel ,  qu'en  ce 
qu'il  eft  ta  eaufi  efficiente ,  médiate  ou 
immédiate  de  tous  les  êtres. 

Plainte.  Je  ne  répons- point  à  ce 
éifconrs  de  M.Regja,  je  m'en  plains,. 
tit  je  voudrais  bien  ne  m'en-  plain- 
dre qu'à  lui-même.  Maïs  cela  eft 
trop  pu  Hic.  De  bonne  foy,  Mon. 
fieur,  avez-voos' prétendu  coÉnbaura 
mon  femiment,  Iorfquç  vous  ayez. 
prouvé  queDieu  n'eft  pas  l'être  uni- 
verféï,  parce  que  tous  les  êtres  ne 
font  pas  des  parties  intégrantes  oufitb- 


A  M.  REGTSi         #t 

jeffîves  de  la  Divinité.  Prenez  gar- 
■dcje  vous  prie.  le  mondeen  conclu-      ■ 
roît  que  vous  n'entendez  pas  ce  que 
tous  lifez.  Car  je  défie  *  le  plus  ha-  •  C'tft  don 
ïule&  le  plus  mal  intentionné  crîti-  ■?'>»■  (■<•»»* 
que.de  me  faire  foupçonner  pair  ceux  que^eû  eft 
qui  ont  Iû  mes  Livres ,  d'avoir  inlh-  *'*«  uni- 
nûe.cette-impieté,  que-Dieu  eft  Pêtre™™^  £'c_ 
tmiverfel  en  ce  (craque- tous  les  êtres™"  k   ta 
trèeçfmtfes  parties  intégrâmes.  Aflii-  OTnful1"' 
rément  vous  n'en  croyez  rien  vous- 
même,fi  vous  avez  formé  fur  la  ïec- 
turede  mon  Traité  des  Idées  t  le  ju- 
gement que  vousavez  de  mon  fen- 
timent.  Comment  donc  cela  s'eft-il 
pu  glitfer  dans  votre  Ouvrage  ?  Eft- 
ce  par  la  faute  du  Libraire  ou  de 
quelque  Correcteur  négligent  ,g« 
yarîa  malignité  de  queJqa'eanemi 
«acbé ,  ou  qu'enfin  vous  avez  corn- 
pofé  vous-même  voue  réponfe  fur 
quelques  Mémoires-  eir'ropiez  de  la 
Jtecberche  dt  la  Vérité.  Encore  dans 
cette  fuppoStion  l'équité ,  fï  necef- 
faire  aux  critiques,  vouioit-elle  que 
vous  confultaffiez  l'ouvrage  même. 
Je  me  plains  donc  Monfîeùr ,  de  cet 
endroit  de  votre  Livre  ;  mais  je  n'y 
répons  point  par  cette  unique  raifort 
que  je  ne  «orpas  qu'il  y  aie  de  Léo 
Zij 


Goo8k 


55*  RE'PONSE 

teuraflèz  iïupide  pour  m'attrïïraw 
l'impiété  que  voua. combattez  fous 
jçion  nom. 

M.  Rçgis.  La  quatrième  &  der- 
nière raifoneftqu'il  ne  fi. peut  faire  que 
Dieu  ait  d'autre  fin  principale  défis 
adions  que  lui-même  :  d'où  il  s'enfuit 
.que  Dieu  ne  peut  faire  une  ame  pour 
connaître  fes  Ouvrages ,.que  cette  ame 
Ve  voye  en  quelque  façon  Dieu  ;  de  for- 
te qu'on  peut  dire  que  fi  nous  ne  voyions 
t>ieu  en  quelque  facon,nons  ne  verrions 
aucune  cbofi;  parce  que  toutes  les  idées 
des  créatures,  ne  font  que  des  limita- 
.iions  de  Vidée  du  Créateur. 

Remarque.  II  ne  faut  pas  s'ima* 
giner,  que  cette  rarfon  foitexpofée 
icy  comme  elle  l'eu  dans  la  Recher- 
che de  la  Vérité,  non  plus  que  le? 
précédentes.  Elle  contient  environ 
deux  pages  de  mon  Livre ,  &  M.Re- 
gis  la  réduit-  icy  à  fept  ou  nuit  li- 
gnes. Voicy  comme  on  pourrait  l'a» 
Breger  pour  lui  laiflèr  quelque  fot- 
'   ce. 

Puifque  Dieu  n'a  fait  tes  efprïts 
que  pour  lui ,  &  qu'ils  rie  peuvent 
^voir  de  focieté  avec  lui,  qu'ils  ne 
peiifent  comme  lui ,  il  doit  leur  fai- 
re quelque  paît  de  fespropres  idées. 


Goo8k 


s 


A  M.  REGIS.  h; 

iïesaicrietypesqu'il  renferme  de  (es 
créatures ,  &  fur  lefquels  il  les  a  for- 
mées. II  doit  éclairer  les  efprits  de 
fa  fageflè  ou  de  cette  fouveraine  Rat- 
ion,quifeulepeut  nous  rendre  ra- 
ges ,  raifonnables ,  femblables  à  lui. 
Si  Dieu  éclaire  nos  efprits  &  nous 
découvre  les  créatures  par  les  mêmes 
idée,  qu'il  en  a;  il  efl  évident  que 
nous  fomtnes  infiniment  plus  unis  à 
lui  qu'à  (es  créatures,-  que  nous  forn^ 
mes  unis  à  Iur  directement  &  aux 
créatures  indireâement  &  par  lut: 
Ainfi  il  fera  vrai  en  toute  rigueur 
que  nos  efprits  n'auront  été  créez 

Ïiue  pour  lui ,  quoique  nous  voyions 
es  créatures-;  pareeque  nous  ne  les 
voyons  qu'en  lui,  que  par  lui,  que 
comme  lui,  je  veux  dire  que  dans  les 
mêmes  idées- que  lui.  De  forte  que 
nous  penferons  comme  lui.  Nous 
aurons  par  les  mêmes  -idées  quelque 
focieté  avec  lui.  Nous  aurons  été 
trée^àfon  image  tiMàfareffemblance, 
parcette  union  particulière  avec  la 
îageTe  &  la  Raifon  divine.  C'eft  ain- 
fi que  S.Auguflin  explique  ce  paiïa- 
gede  la Genefe,  comme  on  le  peut 
voir  dans  la  première  page  de  la 
^léfacedemon  Livre.  Mais,  fi  noua 
Z  iij, 


Goo8k 


34  «ElFOWSE 

soyons  les- ■créatures  dans  nos prfli. 
près  modalitez ,  en  cela  nous  dépen- 
dions bien  delà  puiflànot  de -Dieu 
tomme  les  corps,  comme  le  fcu,par 
exemple.,  en  dépend  -pour  brûler. 
Mais  nous  ne  ferons  point  unis  .àia. 
facedè.  On  pourtoitdire  que  IDieu 
a  fart  les  efprits  pour  s'unk  immé- 
diatement aux  créatures.  On  ne  ver- 
rok  plus  fi  précifement  comment 
tous  les  efprits  .peuvent  avoir  >en- 
tr'eux&  avec  Dieu  une  (beieté  veri- 
tabIetcammunioiide  penfées  par  une 
Raifon  &  une  Vérité  commune  & 
fouveraine.  Je  neponirois  plus  être 
allure  que  tous  les  efprits'voyerït'la 
même  vérité  ;que  ije'vol,  epatand  je. 
découvre,  par  exemple  ,:fes  propTiç- 
lez  du  cercle.j.car  îfàns  <Ie  fecours 
d'une  révélation  'particulière ,  je  ne 
puis  décotuviàrqaeltesîfoiit'ies  tho- 
dalitez  des  autres  'efprits.  Airifitou- 
tes  les  Sciences,  toutes  ïes'Véritez  de 
Morale  n'auraient  pins  de  fonde- 
ment certain.  On  ne  pourrait  plus 
rien. démontrer  jcar-il  eft  impdlTi- 
ble  de  démontrer  que  les  efprits  ont 
ou  n'ont  pas  certaines  môdalieez  ; 
puirqu'elles  feraient  arbitraires  ces 
«nodalitez  ,*  &  dépendantes  de  la  va* 


Goo8k 


A  M.  REGIS. -  .  ^ 
iànté  de  Dieu ,  &  que  toutedémon- 
ftration  dépend  d'un  principe  nécef- 
iàîre.  Cela  fuffit ,  car  j'étendrais  im 
xaifon  &  je  veux  ïcy  l'abréger.  E-  * 

coûtons  M.  Régis. 

Nous  ripons  que  pour  mtc&itu  a-    H  faut  li™ 
gifji  principalement  pour  lui-même  ,  il  %  £$£& 
tf  eJ2  p<w  neceffaire  que  nous  voyions  les  pour  revoit 
corps  en  X)ieu,&  qu'il  fugit  que  nous™   Pcnlïe- 
'/m  wyïww  dans  nos  idées ,  ou  par  nos  trou"'™ pu 
idées  ,  pourvu  qu'en  les  voyant  ainfi  dan!  c,e  ^it 
ttousfoyws.  difpofex  à  loiier  Bieu ,  qui  iu/Ù.    *** 
le^tftroduits  &  qui  ks  xonfèrve.  Et 
yuiïitàeè  qW  il  ajoute  que  toutes  les 
vtêes  des  ouvrages  dej>kufbnt  insé- 
parable s.dc  fonidée^nous «w  demeurons 
iTaceard;inais.itousne  croyons  pas  four 
cela  que  les  idèe-sdes  corps  particuliers 
foient^des  limitations  de  l'idée  de  Dieu; 
nous  concevons  au-eontraire  que  cela  ne 
peut  être  ,à-caufe  queles-eorps  parti-- 
tuliers>n' ont  aucun  rapport -ni  matériel 
ni  formel  avecfidéedt  'Bieu,  mais  ils 
«  ont  feulement  avec  Vidée  de  déten- 
due; car  onfeut-bien  direque  le  trian- 
gle &  le -quarrè  font  des:limitatiom  de 
P 'étendue ,  mais  on  ne  -peut  fiw  direde 
même.que  P  étendue  fait -ms  Imitation 
de  Pêtre  qui  penfe  parfaitement  ■  ^«i 
il  s'enfuit  que  fi  nous  voyons  'b 
Z  iii 


Goo8k 


fttf  RE'PONSE 

en  Dieu  ,  ce  n'efi  pas  parce  que  teurf' 
idées  font  des  limitations  de  l'idée  de 
Dieu;  maïs  parce  que  Dieu  a  produit 
dans  famé  l'idée  de  V étendue ,  laquelle 
efi  enfuite  diversement  modifiée  par  les 
corps  particuliers ,  qui  agirent  diver- 
sement fur  les  organes,  comme  il  a  été 
dit. 
Il  refie  donc  que  nous  ne  voyons  point 
les  corps  en  Dieittcomme  le  prétend  cet 
auteur,  mais  que  nous  les  voyons  par 
des  idées  qui  font  en  nous  ,  &  qui  dé- 
pendent des  corps  qu'elles  reprejenmiï, 
mplairWde 


e  de  leurs  caufes  exempt 
'  Pâme  qui  les  reçoit ,  comme  de  leur  cau- 
fe matérielle  ;  de  Dieu  qui  les  produit 
tomme  de  leur  caufe  efficiente;  &  de 
PaBUn  dus  corps  particuliers ,  comme 
de  leur  caufe  efficiente  féconde,  ainfi 
qu'il  a  été  dit. 

Re'ponse.  Voilâmes raiïbnsaut 
fi  folidement  réfutées ,  qu'elles  on* 
éié  nettement  expofées.  En  vérité  je 
trouve  une  fi  grande  conf Ufion  dans 
tout  ce  difeours  ,  que  je  ne  puis  me 
riibudre  à  en  faire  le  commentaire. 
Jepriefeulement  les Ledeurs qu'ils 
ne  fe  rendent  qu'à  l'évidence.  S'ils 
m'accordent  cette  juftice  j  je  les  défie 
de  comprendre  mes  raifons  dans  co 


A' M. REGIS.         ty 

Châphre  de  M.  Regis,&  je  ne  crains 
point  par  conféquent  qu'ils  ies  y 
trouvent  folidement  réfutées. 

Ainfî  nonobftant  la  réfutation  que" 
je  viens  de  tranfcrire,îe  croi  que  des 
quatre  chofes  que  M,  Régis  en  con- 
clut,les  trois  premières  font  fauffès  ; 
&  qu'il  n'y  a  que  la  quatrième  qui : 
foit  véritable  en  l'interprétant  équi^1 
tablement  comme  on  le  doit.  Je  crot 
donc  ; 

i ■'.  Qucnou  s  voyons  les  ouvrages 
de  Dieu  dans  leurs  idées  ou  leurs 
archétypes ,  qui  ne  fe  trouvent  qu'en 
Dieu  j  Se  qu'ainfi  ces  idées  ne  dépen- 
dent point;  des  êtres-  crée^  comme  de 
leur  caufe  exemplaire  ,  puifqu'elles 
font  au  contraire  les  exemplaires  dei 
êtres  créez.  Car  pour  le  direenpaf- 
fant ,  afin  que  le  deffein  que  Dieu  a  J 
pïis  librement  de  faire  le  monde  foit 
rage  &  éclairé ,  il  faut  que  Dieu  ait 
connu  cequ'il  a  voulu»*  &  qu'ainfi  'Tor«  '  j« 
le  modèle  du  monde  &  d'une  infini-  d^s%£w 
té  de  mondes  polTibles  foit  préala-  <k  m.  Rsgii. 
ble  à  la  volonté  ou  an  décret  de  la 
création.  Je '-ne  puis  encore  me  dé- 
faire d'un  préjugé  fi  greffier. 

2".  Je  croi  que/«  idées  ne  dépendent 
point  de  famé  comme  de  leur  caufe  mar: 
Z  v 


Goo8k 


£g  ÀOTONSE 

tenelkiOUpcmT  parler  plus  clan»- 
meiu.qu'elles  ne  font  point  des  mo- 
dalitez  de  Pâme.  Je  croi  l'avoir  dé- 
montré. 
3".  Je  ne  puis  oaeperGiader  que  les. 
idées  dépendent  de  D'iea-camme  de 
ItMf  ctutj'e  efficiente.  Car  étant  étemel- 
les., immuables  ■& 'néceflâites ,  elles- 
n'ont  pas  hefoin  de  cauiè- efficience; 
quoique  j'avoue  que  la  .perception 
que  j'ai  de  ces  idées  dépendede  Dieu 
comraede  fa  cautêefEciente:  Je- fuis 
encore  dans  cette  erreur  decroireqoe 
iesiverhez-Géométiiques  &  Namc- 
xiques ,  comraequei  fois  a.,,  font  4. 
ibnt  éternelles,  indépendantes  préa- 
lables aux  décrets  libre*de  Bieu.  lEt 
je  ne.  puis  m'-accommodct  de  ia  défr- 
-Dition  des  vemez  .éternelles  tfue 
?t*g-*7>.  donne  M.  ftegis,  ïoifquUIidït:'* 
-  Quelles  confifient  dans  les  Jkbjhmces 
que  pieu  a  créées,  entant  que  Famexou- 
fidere  ces fuhjîanees  tp.une  certaxnenu- 
niere-r&  afyB&fas compote  j&iMttilei 
différent  rapports  qu'elles  ont  lestâtes 
avec  Jcs  autres.  J'en  Gjai  une  un  peu? 
.j>Ius.courtev&  qui  tne-.parok  plus- 
jufte  i  je  Jes  définis  ,,let  rapports  qui 
ïfvnt  entre  les  idées.  11  .y  a  4Jn  Tappoit 
-d3égatitéanire3fois.a&4j,foit.g_uei'¥ 


A  M.  ftÉGYS:        <£>' 

penreouquejeri'y  penfè  pas.  Car 
il  n'efl  pas  néceflàiïeqiie  ce  rapport 
d'égalité  foitapperçû.afîn  qu'il  foiv 
Me  voilà  encore  bien  éloigné  des 
:fentirhens  de  M.  Régis,  Mais  (i  ou 
■veut  fçavoir  toutes  les  raifons  que 
■j'en  ai, on  les  trouvera  dans  la  Re- 
cherche de  la  Vtritè  &  des  éclaircijjè- 
■ntens.  Dans  la  réponfi  au  Livre  de' 
M.  A.  des  vrares'&  des  faunes  idées.- 
-Peut-être'  font-«Hes  encore  mieuic- 
déduites  dans  les  deux  premiers  entre-- 
tiens  fur  la  Métaphy figue  &  fur  la  Re- 
ligion; &  dans  nia  ïtéponfe  à  une* 
iroifiéme  Lettre  de  M.  Arn.quïeft- 
'dansIe^'tomedemes'Réporifes.Cat' 
"naturellement  on  doit  croire  que" 
ïes  derniers  ouvrages  d'un  Auteur 
'font  moins  mauvais  que  les  pre- 
miers. AinfiM.Regis  aurait"  peut-- 
être  mieux  fait  de  combattre  lès  rat- 
ions qu'il  auroif  trouvées  dans  mes1 
derniers  livres,  direflement-contrai- 
xesà  fonfentîment.que  j'yairefuté> 
■fort  au  long ,  que  d'attaquer  un  Lr- 
Trefaitity  a-vingt  ans^dans  ïei 
quelje  n'oppofe  prrr  ' 
raifons  qu'il  pourra 
foûtenfr  ton  opinion. 
'fait  naître  dans  I-'efp 


GooSk 


54o  RE'PONSB 

quinelaîfonrpasavarnageiires.Pour  ' 
^  moi  je  ne  les  ai  pas  ces  penfées.  Et  je 
'veux  croire  que  ces  derniers  livres 
dont  je  parle  ne  lui  font  pas  tombez 
dans  les  mains ,  ou  qu'il  n'a  pas  eu  la 
curiolité  de  les  lire,  de  quoi  j'auroîs 
peut-être  grand  tort  de  le  blâmer. 
Au  relie  il  ne  faut  pas  toujours  con- 
tre-dire' les  fentimens  des-  autres. 
Ainfi  jefuis.prét  defoufcrire  à-cette  ■ 
propofiiion,  ç«e  les  idées  dépendent  de 
Ca&ion  des  corps  particuliers  fur  Us 
organes  desfens ,  comme  de  leur  caufe 
efficiente  féconde  ,  pourvu  que  par  les 
idées  on  entende  leur  prejènce  aBuel~ 
le  à  l'efprit  ou  la  perception  que  nous 
en  avons.Si  M.Regts  l'entend  autre- 
ment ,  je  lui  déclare  que  je  fuis  bien 
fâché  de  ne  trouver  rien  dans  lès  féru 
timens  qui  foit  de  mon  goût. . 


CHAPITRE     III.. 

Jufiification  dé  quelques  prétendus»  : 
contradictions.  _ 

*»»»*  f*w  T, E  penfoïs"  avoir"  fini  cette  petite  ■ 
ï,1'rf.'îâ  r^  J'  réponfe  aux  objections  de  M.R&- 
tkasht  de.  gis.  Mais  j'ai  encore  rencontré,  dans ., 


GooSk 


A   M.  REGfS.       w 

ion  livre  l'endroit  qui  fuit,  où  il  uveritf.  il 
nfaccufe^être  tombé  dans  des  contra'  £jr°èïit°.n 
disions  manifèftes;ïl  cite  en  marge  • 
la  Recherche  de  la  Veritê.Cet  endroit 
eft  donc  encore  un  de  ceux  qui  de- 
mandent réponfe,  félon  Ia-rcfolution 
que  j'ai  crû  devoir  prendre  de  ne  ré- 
pondre à  cet  Auteur  que  lorfqu'il 
m'interroge.  Car  de  répondre  à  tout 
ce  qu'il  avance  oSntremes  fentimens, 
jen'enaipas  brioifir,  &  je  necroi 
pas  qu'il  le  (buliaitte.  Mais  fi  je  me 
taifois ,  lorsqu'il  m'addrefle  la  paro- 
le,  il  auroit  fujet  de  fe  plaindre  de 
cette  efpece  de  mépris ,  ou  plutôt  iï 
pourrait  croire ,  &  quelques  autres 
auffi-bienque  lui,  que'  je  ne  pour- 
xoispas  lui  donner  fatisfaction,  & 
que  |e  conviens  de  m'être  trompé. 
Ce  ne  ferait  pas,  il  eft  vrai,  un  grand 
malheur  pour  moi,  qu'on  Ie-crût-: 
roaïsj'aimeencoremieuxqu'onn'en  ■ 
croie  rien ,  fur  tout  lî  mes  fentimens 
font  véritables.  Quefi  néanmoins  je 
reconnoiflbis  qu'ils  font  faux ,  il  me 
femble  que  j'aimerais  mieux  alors 
avoUermafaute  Je  n'ofe  pourtant 
l'aflurer  dans  l'appréhenfion  où  ie 
fuis ,  que  Dieu  pour  p 
fiance ,  ne  m'abanden 


nj4i         REPONSE 

rations  fëcretœs ,  ék  aux  mouvemens 
de  ma  vanité.   Maïs  venons  au  fait. 
■     Voicy  le  texte  de  M.  "Régis. 

To*.  r.-f*j.     Ilyadonc  cette  différence  entre  les 
w*  plaifirs  des  fins  &  la  JatisfaClion  inte* 

Heure  ;  qtte  eeUe-ti  efl  un  Bien  abjbtu  , 
étant  impofjible  de  trouver  un  feui  cas 
où  ilnefoit  pas  avantageux  de  la  pop- 
fider ,  ait  lieu  que  leiplaiftrs  des  feiis 
ne  font  des  biens  qu^  entant -qu'ils  fe  rap~ 
•portent  à  la  fatisfk&hn  intérieure  de 
Vante  tcars^its  ite  s'y  rapportent  pas, 
•tu  s'ils y font contraires  ttant  s'en  faut 
mue  les  plaifirs  des  fewsfoientdesbitns, 
■ils  font  au  contraire  desvrais  maux;  et 
•qu'il  fàut'bien  remarquer  pvur's'emptt 
■cher  de  tomber  dans  Perreur  oà  jbrtt 

■Ceux  QUI  CONTONDANT   L'A  SATTS- 

•FACTION    INTERIEURE   DE  L'AME  , 

*£'Adteur*V*C  XES  *LAIS"ÏRS    DES    SENS.* 

i»  u  Rt-  .Car  c'éfi  cette  cmfufton  qui  les  fait 
**■ vltÛtJiv  tomf>cr  iàans  de  manifestes  con- 
4,<i.io.'  traductions  ,  lorfqu'Usdifent'Que 
■le pïaîfireiltoûjouTs  un  bien, mais 
■qu'il. n'eft  pastoujours  avantageux 
•d'en  jouir  :  Que  le  plaifirnous  rend1 
toujours  actuellement  heureuxrmais- 
-qu'il  y  a  prefque  toujours  des  t& 
mords  fâcheux  qui  l'accompagnent , 
lcc;Cor  ilefi  vifibk  qttefar  Icplaifir 


C,„„sk- 


ATM.  RTCTS.  T4? 
^nousrendto&'joursaSuehetnent  heu- 
teux  y  ils  ne  penvent  entendre  que  la 
fatisfailion  intérieure  de  famé  ,1»  p  or 
te  plaifirqui  eft.frefijue  toujours  accom- 
fagné  de  remordsifw  le  -plaifir  des  fens. 
Or  U  efi  certain  que  les  plaifirsdes  fimt 
ne  diffèrent  faa  moins  de  la  Satisfac- 
tion intérieure  de  Pâme  que  lesmoyens 
différent  de  la  fin. 

Exposition  tju  Jva.it.  M.Re- 
•gis  m'aceufe  dans  ce  difeours  : 

i>.  D'être  tombé  dans  cette  erreur  de- 
vmpmdre  .la  fatisfaïiion  intérieure  de 
i  Pâme  avec  les  pluïfirs 'des  feas. 

a  v  II  foùtient  que  cette  canfufion 
'■m'a  fait  tomberions  de  manifèfles  con- 
4radi3ions;  parcequeidaos  le  Chapi- 
Jtrequ'il-cite,  j*atdh:Que  Je  plaifir 
■efl  un  fcaen  ,<mais  quil^eu  .pas  tou- 
jours avantageux  d'en  jouir  :  qu'il 
asous  rend  'toujours  aâaiellensent. 
-Heureux;  mais-.quiil  y  a  preTquetoù- 
-^ours  -des  .remords  *jui  IWxompa- 
ignent. 

■g1.  -Et-lapreusca^uliLdonne.que- 
^e  confonds  le  plaifir  avec  ia  iàtis- 
ifa&ion  intérieure  de  l'ame  xC'cft'-,. 
dit-il»,  qu'il 'eftt>ffible,qxe:par  le  plai- 
fir qui  nom  >rmd  toujours  ÔBiuUtment 
■heureux  rils-œytuvtntMtmire  que  kr 
fatisfaiJton.  intérieure.. 


GooSk 


W       R'ET»  OTM  S'E' 

Réponse.  Si  je  croïoîs  que  le 
ïéâeur  voulût  bien  prendre  la  peine 
de  chercher  lé  Chapitre  de  fa  Re- 
ebercbedela  Kémé.queciteM.'Re- 
gis,  &  de  l'examiner  i  mon  unique 
réponfe  feroit  de  le  prier  de  lira 
tout  ce  Cfiapitce ,  &  de  prononcer 
far  ces  ctmtradi&ions  mmififtcs.  Cas 
quelque  mtfMi/r/ïrjqu'ellesparoifïènt 
ir-M.Regisijene-croJs  pas  qu'il  pût 
les  découvrir.  Mais  comme  le  Léo 
•  teur  n'en  voudra  peut-être  rien  fai- 
re, &oue  le  Chapitre- eft  un  peu 
long,  ilfautque  je  donne  icy  une 
réponfe  plus  précrfe. 

Mon  delTein  dans  ïe  Chapitre  cité 
eft  de  réfuter  l'opiniondesStoïciens 
qui  prétendent  que  la  douleur  n'eft 
point  un  mal ,  nr  le  pkifîr  un  bien. 
Je  prétens  donc  que  la  douleur  nous 
rend  actuellement  malheureux,  & 
que  le  plaifir  nous  rend  heureux.  Je 
ne  dis  pas  folidement  heureux  ;  je  ne 
dis  pas  heureux  &  content;  je  ne  dis 
pas  heureux  entant  que  le  bonheur 
renferme  la  perfeâion,  Je  diftingufc 
ces  deux  chofes ,  parce  qu'elles  (ont 
réellement  diftincles.  Car  I'efprit 
n?efl  parfait  que  par  la  connoiiïince 
&  l'amour  du  vrai  bien  j  &  il  n'eft 


■Goo8k 


A'  M.  RËGl'S.  ffî 
Keureux  d'un  bonheur  folideque par 
la  joLÎiflànce  de  ce  bien,IaqueIIecon- 
fiJle  dans  les  modifications  agréables 
des  plaifirs  qu'il  produit  dans  l 'ame, 
&  par  Iefquelles  il  fe  fait  goûter  à 
elle.  Je  prétens  feulement  contre  les 
Stoïciens  ;  que  les  plaifirs  iesfens  font 
capables  de  nous  rendre  *  en  quel1-*  tn-  I(?* 
que  manière  heureux.  Cet  en  quel-  f  p'%,T°m' 
que  manière ,  marque  nettement  ce 
quejepenfe.  Mais  quand  même  je 
n'aurais  pas  mis  cette  refirîflion 
dans  ce  Chapitre,  il  eft  vifible  qu'il 
faudrait  toujours  la  fous-entendre. 
Car  j'y  prouve-en  plufiènrs  maniè- 
res qu'il  faut  fuir  les  plaifirs  ;  &  je 
ne  cror  pas  qu'on  puiflè  m'attribuer. 
ïe  delïêin  de  prouver  qu'il  faut  fuir 
ce  qui  nous  peut  rendre  folidement 
heureux.  Ceîafuppofé: 

Je  répons,  i  '.que  je  n'ai  point  con'-  ■  p*g.  a,. 
fondu  la  fatisfaBion  intérieure  avec  les  &  *v  if- fc 
plaifirs  des  Jèns.  Je  l'en  ai  toujours 
diflinguée,  lorfqu'il  a  été  nécefTaire; 
&  je  fais  même- cette  diflindion  fi 
difficile  à  découvrir  vers  la  fin  du 
Chapitre  quecite  M.  Régis.  II  eft 
vrai  que  j'y  appelle  joie  ce  '  qu'il 
nomme  fatisfàctïon.  Maisje  ne  crois 
pas  qu'il  prétende  que  je  fois  obligé 


Goo8k 


<tf         REPONSE 

a  parlercomme  lui.  Le  mot  de  joie 
aie  paraît  meilleur>àcaiue.decelnï 
detrifteffequi  IuiettoppDfé.  Néan- 
moins je  changerai  joie  en  farisfac- 
tion ,  &  trïfleûe  en  chagrin  E  on  Je 
■fouhaite. 

Je  répons  en  fécond  lieu  que  je  ne 
trouve  point  de  contradiSion  <mani- 
fejie  dans  cette  propofîtion,./f,/>Z<«/fr 
efi  un  bien;  mxis  il  mtjl  pas  toujours 
avantageux  d'en  jouir.  Si  j'avoisidit-Ie 

Îlaifir  cft  lefouyerain  bien,  ou  le  vrai 
ien  ;  ou  roêmeiî  j'avois  dit ,  leplai- 
fir  el\  le  bien-,  mais  il  n'eft  pas  tou- 
jours avantageux  d'en  jouir;  j'avoue 
qu'il  y  auroit  une  comradiBion  mi~ 
wifefte..  Mais  elle  feroit  fi  manifeftcr 
*ettecontradidion,gue tout  Leôeur 
jageroit  d'abord  que  ce  feroit  une 
îaute  de  l'IniprimeurquiaiuoitmiB- 
iàns  réflexion  le  bien ,  pour-an  bkn. 
Affurément  il  ne  lui  -viendrait  Ja- 
mais dans  l'efprit  que  j'aurois  voulut 
dire,  qu'il  ti'eft  pas  toujours  avanta- 

feux  de  jouir  du  bien,,ou.du  feuvevaœ 
ien.  Où  eii  donc  l&contradi&Umtta- 
mfefie? fi  un  bien  tel  qu'on  voudra 
n'eft  pas  le  fouvetain  bien ,  il  eft  vi- 
fibie  qu'il  ne  fera  pas  avantageux 
d?en  joiiir ,  fi  on  ne  ^eut  en  jouir 


A  M. HE  GIS.        54/ 

wns  perdre  le-  fouverain  Bien ,  ou 
même.fâns  fe  priver  .de  guelqu'au- 
«re  bien  plus  confïdérable.  Un  pou- 
let eft  un  peth  bien  ;  le.plaifîr  de  le 
manger  quand  on  a  faim ,  nous  rend 
en  quelque  manière  heureux.  Ce- 
pendant en'Carêmeiln'éfl.paBavan- 
tagenxde  jouir-dece. poulet ,  ou  du 
pïaifîr  que  frai  (trouve  .en  le  man- 
geamvEitae  qn'alQrsoeipouIet'chan- 
ge  de  nature  ,.&  qu'en  Carémeiln'a 
plus  ïe  même  goût?, Non,  fans  doute^ 
Ce  poulet, ou  le  plaifirque  l'ontrou- 
veen  le  mangeant ,  eft  donc  un  bien 
dont  il  n'eu  pas  avantageux  de .jotiicj 
parce  qu'il  ne  fut -jamais  avantageux 
de  perare  un  grand  .bien  .pour  un 
moins  conGdérabIe..M.Hegis  a  donc 
mal  prou  véqtre.  je  fois  tombé  dansde; 
manifîftes  watmàiSfomJU  'faut  déjà 
s'il  lui  pïaîr, -qu'il '-change  Je  pluriel 
en  fingulier ,  ueitmmijfèftes  çontradic 
tiens  t- en  unc-amtradiàion  mamfefie. 
Voyons  pourtant  s'-Mne1  feroèt  point 
mieux  de  tout' effacer. 

■Voici  la  propofiiion^ui*Eafte:  le 
plaifirnous -rendto^utrs  aSuellâmsut 
heuremc;  mais  il-y  a  prefijite  toujours 
Ses  retnortls  ftkbeux  qui  l'accompa- 
gnent. Si  j'ayois  «tirit,  lûplaifir  nout 


C„o8k- 


?48'       ff£»FO*NSE' 

rend  toujours  folidement  heureu*  'r 
ou  Amplement  bien-heureux,au  lieu 
d'aftuellement  heureux  ,  on  aurait 
laifon  d'y  trouver  une  contradiBiott 
manifefte;  parce  qu'on  ne  peut  être 
folïdefnem  heureux oirparfahemenB 
heureux  ,  &  fouffrir  quelque  rnife- 
re  ou  quelque  remords  fâcheux.  Mais 
je  fuis  dans  ce  préjugé  que  les  hom- 
mes font  inégalement  heureux,  & 
queperfonne  n'eu"  tellement  heu- 
reux, qu'il  n'ait  quelque  endroit <jui 
l'afflige  &qui  le  rende  malheureux.. 
Je  regarde  ce  Sage  des  Stoïcîens,dont- 
Ia  goûte  &  les  douleurs  les  plus  ai- 
guës ne  troublent  point  la  félicité  y 
comme  un  homme  rare,  &  d'une  «f- 
pece  particulière,  pour  lequel  affo- 
lement je  n'ai  jamais  compofé  de  li- 
vres :  Car  je  fçaî  qu'ily  eût  trouvé 
mille  contradiUiom  manîfefies.  J'ai 
écrit  pour  des  hommes  qui  me  ref- 
femhlent.  Et  comme  le  pEaifir  me 
rend  heureux, &  la- douleur  mal- 
heureux ;  j'ai  crû ,  fur  ce  principe  , 
qu'il  vaut  mieux  être  malheureux 
en  ce  monde  que  de  l'être  éternel- 
lement en  l'autre  ;  j'ai  crû  ,  dis-je  r 
pouvoir  fo'ttenir,  que  quoique  les 
glailïrs  de3  fens  nous  rendent  ac~- 


^  C,„„sk- 


A  M.  RE  GTS.        54* 

•taellement  heureux,  il -les  falloir, 
fuir  à  caufe  des  remords  fâcheux  qui 
les  accompagnent ,  qu'ils  font  iniuf- 
tes ,  qu'ils  nous  attachent  aux  objets 
fenfîbles ,  qu'ils  nous  féparent  de 
Pieu,  Se  pour  plHfieurs  autres  rat- 
ions qu'on  trouvera  dans  mes  livres 
&  dans  le  Chapitre  même  contre  les 
Stoïciens,  où  l'on  prétend  avoir  ren- 
contré des  contradiSionsmanifefles. 

Comice  les  contradictions  préten- 
dues où.je  fuis  tombé, dépendent  fé- 
lon M.  Régis  ,  de  ce  que^'aiconfon- 
du  les  plarSrs  des  fens  avec  la  fatis- 
fadion  intérieure  ;  il  faut  examiner 
Ja  preuve  qu'il  en  donne.  Car  il  a, 
bien  vu  qu'on  ne  croiroit  pas  fur  fa 
parole ,  que  \ç  rafle  capable  de  con- 
fondre deux  chofes  que  je  ne  croi  pas 
que  jamais  perforine.aitcon fondues. 
-Voici  donc  fa  preuve. 

L'Auteur  de  la  Recherche  de  la 
Vérité ,  a  dit  .■  Q«e  le  plaiftr  nous  rend 
toujours  atluelkment  heureux  ,  mais 
■qu'il  y  a  prefque  toujours  des  remords 
fâcheux  qui  l'accompagnent.  Donc  il 
confond  les  plaifîrs  des  fens  avec  la 
iàtisfaâion  intérieure.  La  preuve  en 
^ft  claire.  Carilefivifible  que  par  le 
flaifir  qui  nous  fend  toujours  aÈîftelk~ 


Coogk 


-tto         RE'PONSE 

ment  heureux;  cet  auteur  ne  peut  en- 
tendre que  la  fatisfaétim  intérieure  , ni 
farte  plai/îr  qui  efi  toujours  accom~ 
fagni  de  remords ,  que  le  pUifir  des 
fins.  Vont  : 

Re'ponse.  lime  fcmble  que  tout 
autre  que  M.Regis  raifonneroitain- 
fi.  L'Auteur  de  la  Recherche  de  la 
Vérités  dit  :  Que  le  plaifir  nous  rend 
toujours  acJueUement  heureux ,  mais 
MÛil  y  a  prejque  toujours  des  remords 
fâcheux  oui  raccompagnent.  Or  les 
remords  fâcheux  n'accompagnent 
point  la  fatisfaâion  interieure.Donc 
cet  Auteur  distingue  IespIaifirs,dont 
il  parle.de  la  fatisfaâion  intérieure. 
Conclu/ion  direâement  oppofée  à 
fa  fienne.  Comment  donc  eft-il  pof- 
fible  que  par  le  plaifirqui  nous  rend 
toujours  aâueliemenr  heureux ,  on 
n'a  pâ  entendre  que  la  fatisfacîion  in- 
térieure i  On  l'a  entendu  autrement. 
Cela  efl  vifible.  D'accord.dira  peut- 
être  maintenant  M.  Regis.OnI'a?^ 
maison  ne  Ta  pas  du.  Car  le  plaifir 
&  la  douleur  ne  rendent  ni  heureux 
ni  malheureux.  Hé  bien  je  le  veux. 
Je  me  fuis  trompé  en  cela  j  j'étais 
dans  le  préjugé  commun  -,  les  Stoï- 
ciens ont  raifon.  Mais  dans  le  Cha- 


Goo8k 


AÏ&fiB'GTS       w 

lettre  que' vous  avez  cité,  je  combâ» 
isâuelfemenc  l'opinion  de  cesPhî- 
îofophes.  Vous  n'aviez  donc  pas  fi> 
jet  de  croiieqiie  je  fuflè  de' leur  fen- 
itiment.  Comment  donc  me  ï'attxi- 
Imez-vous ,  en  difant  :  Que  far.  les 
piaifirs  qui  rendent  heureux  ,jene  puis 
entendre  que  lafatisfaSion  intérieure  ,. 
pour  conclure  de-Iàque  je  confon» 
jdois  ce  qu'aflurément  perfonne  nç 
confondit  jamais  ,  &  que  cette  c«i- 
/âj/Son  étoit  l'origine  des  contradic- 
tionsmanifefies  ou  j'etois  tombé.  Ap- 
paremment vous  n'avez  pas  bien  ex», 
pliqué  votre  penfée.  Car  jenecroi 
pas  qu'on  puiftè  rien  comprendre 
ddânsî'expofitionquevousen  faites. 
Cependant ,  Monfieur,  jecioi  que 
vous  avez  raifbn  de  penfer ,  quec'eft 
lafatisfa&im  intérieure  qui  nous  rend 
véritablement  heureux  ,  autant  que 
nous  le  pouvons  être  en  cette  vie, 
pourvu  que  par  là  vous  entendiez , 
comme  je  Je  croi,  le  plaifir  intérieur 
dont  Dieu  nous  récompenfe  quand 
nous  faifons  notre  devoir ,  &qui  eft 
comme  Je  gage  ou  Pavant-goût  des 
Biens  que  nous  efperons  par  Jefus- 
■Chrift  ;  pourvu  que  vous  entendiez 
par  I&cette  joje  intérieure,  que  pro- 


Cooglc 


-«*         RE'PO  NSE 

ouït  en  nous  l'efpérance  Ch  retienne; 
&  non  cette  fatisfacUon  intérieure 
des  Stoïciens ,  qui  n'eft  qu'une  fuite 
de  la  vaine  complaifance  que  notre 
orgueil  nous  fait  trouver  dans  nos 
perfections  imaginaires ,  &  qui  loin 
de  flous  unir  au  vrai  bien ,  nous  ar- 
rête à  la  créature  &  nous  fait  jouir 
de  nous-mêmes. 

Si  un  homme  de  bien  fè  trouvoit 
fans  cette  douceur  intérieure,  qui 
accompagne  ordinairement  la  bon- 
ne confidence ,  comme  apurement 
cela  arrive  quelquefois,  puiïque  de 
grands  Saints  fe  font  plaints  tbuvenr, 
de  fournir  des  féchereflës  effroya- 
bles ;  iî ,  dis-je  ,  un  homme  étoit 
privé  de  cette  douceur  ou  de  cefen- 
tiraent  intérieur  pour  quelque  terris, 
où  Dieu  l'éprouve  &  le  purifie ;aIors 
je  croirais  parler  le  langage  ordi- 
naire, en  dilant  que  cet  hommen'eÛ 
plus  heureux ,  mais  qu'il efl  encore 
jufte ,  vertueux ,  parfait.  C'eft  qu'or- 
dinairement on  appelle  heureux 
ceux  qui  joiïiffènt  de  quelque  bien  ,  ■ 
&  qu'on  ne  jouit  du  bien,  ou  qu'ori 
ne  le  goûte  que  par  les  fenthncns 
agréables.  Sijedemandoisàcethorn- 
,me  de  bien  dont  je  viens  de  parler^, 
s'il 


Goo8k 


A  M.  REGIS.  ^ 
'tfir  efkarïueUement  heureux ,  il  me 
rlépondroil,  apparemment.  Hécom- 
-nient  poutrois-je  être  aduellement 
heureux,  ne  Tentant  plus  en  moi 
cette  douceur  que  je  fentois  autre- 
ibis?  Quoi,  lui  dirois-j  éventez  -vous 
-quelque  reproche  intérieur.  Elt-œle 
jepentir.qui  vous  afHige.?Hélas^nen- 
ni,  me  répbndroit-H.MaKJenegoii- 
le  plus  combien  IeSeigneur  efl  douxi 
je  n'ai  plus  cet  avant  goût  que  pro- 
duit l'efperance,ou  cette  foi  vive  que 
Ï""avois  aux  .promeûes  ju  Seigneur 
efus. 

Geft  donc  le  fenïiment  agréable 
ou  le  goût  du  bien  qui  rend  formel- 
lement heureux.  Qr  tout  plaifir  eft 
agréable  ;  donc  tout  plaifir  afluel 
jend  aduellement  heureux  félon  Je 
langage  ordinaire.  Mais  comme  il  y 
a  de  grands  &  de  petits  plaiJirs, com- 
me il  y  ertade  juîteS'cYd'în  jufles.de 
paiïagers  &  de^durables  ^  &.  qu'il  ar- 
rive fouwent  qu'un  petit  plaifir 
ïious  prive  d'un,grandj-quoique  tout 
plaifir  nous  rende  heureux  a  fa  ma- 
Xiîere  ,  il  .eil  évident  qu'il  n'efl  pas 
tpûjours, avantageux  d'en  joiiir.Tels 
lotit  les  plaifïrs  des  fens.  II  faut  les 
éviter  avec  horreur  &  avec  .yigilan- 
Tome  III,  A  a 


Goo8k 


A4         REPONSE 

ce  particulière ,  pour  les  raifons  qulj 
j'ai  dites  dans  le  Chapitre  qui  eft  le 
fu jet  decedilcours,  &  Couvent  ail- 
leurs. 

Vous  m'avez  interrogé,Monfieur, 
&  je  vous  ay  répondu  le  mieux  que 
j'ai  pu.  Je  ne  fçai  pas  fi  vous  êtes  fa- 
tisfait.  II  eft  vrai  que  je  vous  ai  fait 
attendre  long-temps  pour  bien  peu 
dechofe  ;  mais  je  n'ai  pas  crû  en  ce- 
la vous  défobliger.  Si  vous  me  fai- 
tes encore  l'honneur  de  m'interro- 
ger ,  je  fuis  prefentement  dans  le 
deflein  de  tout  quitter  pour  vous 
contenter promptement;  &  en  ce  cas 
•je  vous  demanderai,  avec  tout  le  ref- 
peâ  qui  vous  eft  dù,l'éclairciuernent 
de  plulieurs  difficultez  qui  m'emba- 
xauent  dans  votre  Metaphyfitpte  & 
dans  votre  Morale.  Ce  n'eft  pas  que 
je  me  plaife  à  parler  devant  tant  de 
monde  qui  nous  écoute,  &  qui  peut- 
être  fe  divertit  à  nos  dépens-  Mais; 
c'eft  que  quand  on  m'y  force,  je  tâ- 
che de  me  tirer  d'affaire  le  plus 
promptement  que  je  puis ,  &  de  ne 
pas  défrayer  feul  la  Compagnie. 
Croyez-mor ,  Monfîeur ,  vivons  en 
paix.  Employons  notre  temps  à  cri- 
tiquer en  toute  rigueur  nos  propre» 


A    M.  REGIS.        w 

Opinions.  Ne  nous  y  rendons*  que 
Iorfque  l'évidence  nous  y  oblige.  Ne 
nommons  jamais  dans  nos  Ouvrages 
ceux  dont  nous  condamnons  les  fen- . 
timens.  On  s'attire  par  là  prefque 
toujours  des  réponfes  unpeufâcheu- 
fes.  J'airjehé  qu'il  n'y  e.lt  riendans 
Ja  mienne  qui  vous  -pût  fâcher,  & 
j'efpere  d'y  avoir  bien  téLiffi.  Car.  U 
me  femblequeje  n'ai  point  eu  d'au- 
tre vue  que  de  deftèndre  fortement 
mes  fentimens,  à  caufe  que  je  les 
croî  véritables.  Mais  fi  dans  la  cha- 
leur de  la  difpute ,  il  s'y  efi  gliilë 
quelque  expreffion  un  peu  trop  du- 
re, ce  que  vous  pouvez  fentir  mieux 
que  moi  ;  voyez  fi  vous  n'y  auriez 
point  donné  vous-même  un  fujet 
raifonnable.  Mais  en  tout  cas,  je  vous 
prie  de  mêla  pardonner  d'aufll  bon 
cceur^quej'oublie.commejeledois, 
certaines  manières  qui  mebleJTent 
dans  votre  Ouvrage. 

Fin  du  trot/iime  volume. 


AaiJ 

Google 


AVERTISSEMENT. 

Iltft  i  f refis  dé  Brt  tu  fuite 
m*  Réponfc-  i  ut»'  treijse'me 
Lettre  pofthuntt  de  Monfiiur  Ar- 
nattld ,  dans  Uqueile  il  df prose, 
vt  U  Çetttisxtnt  dm.  Régis ,  pet 
les  idées  &fir  les  fUifirs. 


UjlllALMjl 


T  A  B  L  E 

DES  CHAPITRES 

;■  Contenus  dans  le  troîfiéme 
volume.  ■ 

PR  i  f  A  ce.  Oà  Pan  fait  voir  ce 
qu'il  faut  penfer  des  divers  juge- 
ment qu'on  porte  ordinairement  des 
livres  tpfi-combattentles-préjugeÇ. 

LIVRE    SIXIE'ME. 

îreiaieic  Partie ,  de  ia  Méthode. 

X  Jr**s  deux  moyens  géné- 
raux pour  conferver  f  évidence  dans 
la  recherche  dé  la  Vérité '.»  qm  fe- 
ront lefujet  dé  ce  livre.  i 
&a^.\V.  Que  V attention  e^nèccjfaîr»: 
pour  eonferver  V  évidence  dans  not. 
funhoifîattçes.  Que  tes  modifications- 


■Goo8k 


TÂBtE 

'  fenftbles  de  famé  U  rendent  ar* 
tentive,  mais  qu'elles  partagent  trop 
la  capacité  qu'elle  a  d'ap percevoir.  ^ 

Chap.  III.  De  Vnfage  que  Hn  peut 
faire  des  payons  &  des  fens  pour 
confervef  l'attention  de  Pefprit.  17 

Chap.  IV.  De Hfage  de  f  imagination, 
pour  çonferver  l'attention  de  Pef* 
prit  j&de  futilité  de  la  Géométrie. 

Chap.  V.  Des  moyens  d'augmenter 
l'étendue"  &  la  capacité  de  fefprit. 
Que:  l'Arithmétique  &  V Algèbre J 
font  abfolument  necejfaires.  6% 

Seconde  paitîe ,  de  la  Méthode. 

Chap.  I.  T"\£*  règles  quHlfaut  oh- 
\\  Jferverdansla  recherche 
de  la  vérité,  *" 

Chap.  11.  De  la  règle  générale  qui  re- 
garde lefujtt  de  nos  études.  Que  les 
Philofofhes  de  tEcole  ne  tubfer- 
vent  point  ;  c*  qui  efi  caufe  de  pfc. 
fieurs  erreurs  dans  la  Pbyfique.  SI 
Chap.  III.  De  Verreurla  plus  dange- 
rtufe  de  la  Philofopbie  des  -Anciens. 
104 
.Chap.  IV.  Explication  de  la  féconde 
'  partie  de  U  règle  générale.  Que  Ut 


Goo8k 


DES  CHAPITRES. 

Pbilofopbes  ne  Vobfervent  prefque 
jamais  &  que  Monfieur  De/c#v 
tes  Pa  fort  exactement  obfervèe. lit 
Chap.  V.  Explication  des  principes 
de  la  Philafophie  tPArifiote ,  oà~ 
tenfaitvovr  qu  il  n'a  jamais  obfervi 
la  féconde  partie  de  la  règle  géné- 
rale,  &  ou  P on  examine  )es  quatre 
ilemens  t  &  fis  qualité^  élémentai- 
re*- I71 
Çh'p.  VI.  Avis  généraux  qui  font  ne- 
ceffaires  pour  Je  conduire  par  ordre 
dans  la  recherche  de  la  vérité  & 
dxnsle  choix  desfciences.         215 
Chap.  VII.  De  fufage  de  la  première 
règle  qui  regarde  les  queftions  parti* 
culieres.                                  13  j 
Çbap.  VIII.  Application  des  autres 
règles  à  des  queftions  particulières, 

Chap.  IX.  Dernier  exemple  pour  faire 
cennoiftre  Futilité  de  cet  ouvrage. 
Von  recherche  dans  cet  exemple  la 
caufe  phyjîque  de  la  dureté  ou  /'«* 
nion  des  parties  des  corps  les  unes 
avec  les  autres.  jii 

Ccnclufion  des  trois  derniers  livres. 

.     .  ,  **7 

X01X générales  de  la  communication  des 

mofvemens ,  première  partie.   383 


T-ABLE  p£s  -  CHAT. 

•faconde-partie.  "     '       .^07 

,totx  gèa&àletit  la  communie  attendu 

mouvement,  fondées  fur  Pexperiem, 

Jteptnfe  à  Monfiear  Reps.  j^$ 


■,Tio  ie la  Table du  troifiéqie 


C,„„sk-