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C,„„sk-
C,„„sk-
C,„„sk-
LA RECHERCHE
DE
LA VERITE',
ta N; MALEBRANCIÏÉ, Ma,
de l'Oratoire de Je s usv
TOME- ; ISOISIE'ME.
À PARI S,
Oo MICHEL DAVTD, Quay dé»
Auguftins, à la Providence;
M.DCCXIH
VfEcr tt.triLB.as. vv rot.
* ' ï&titd dû tfûifiéme Yùlmtèr
t-S Age îj. ligne <r. la quatrième
J; p. 4«: 1. 3 remm.
fi'79- 1- 8.car ces'.
p, 88. 1. if. & '«//* qui n*f nt-ift"
p. »q. 1. 17. par «j.
p. 14S. 1. 9:' ne nius fomm«.
p\ 170. 1. T. ce 2«'tfcft.
p, 178. 1. 1 1. m em-mêines.
p.iîo. L13. leprcrrfict & le ptuf- Ett*
marge , p-»r finie.
prtoo. L-i. ffi*ônwM*rr»^;
p, 140 1. 17. l**iw de.'
p. 144. 1. f. un triangle TeUttnxU', <«W t*'
b*Zl efi- dennr'e , OU.
p. 31*. 1, 10. i'mttacbtnt.
f. 314.I. 4. de la , ôt'ez , A.
pi 335. 1. il- de /* mouvoir.
p^ J4J.1. ti, en/fc
p. îïi.l. 4. mouvement cV.
pv3ï 8. 1. i*;en repos *» #» momimm', 1-
caufe. -
7" a
>43i.I.J4. JW-— .
4 ,
P* 43?- I- ï J. Jcm calculs. ■•
pi44' 1. 1. ces i^xx prnfwtwoj.Xtg.il. tl'
faut hauffir Icfigoe ris a vh de »v, ■
& de même à la Tig: 1*1 devant »«
fi +44- l-: "• mettez- le £gae— ayaaf -
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fet dans l'exemple' qiri fuit , il &ut fe ie^
^«■fmWK-fcwnik, OjuÉwuopl**
429177
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|tieli lïgne qninatqiie t» fiaûton^t le*
pjem.eres grandeurs « , r„ 4 , , font ^
ticres , k ne fonrporar, diviftw par w^—
ni par s.
g-44«. 1 j. m arrière , Si W. «.-« avaat*
p. 4M- ta fig«re efiKnVcrOe. *
p*4f7.1. i«. venir*,-
p. 4<"4- '••«• * ettU-éi qùe\ttr-
p. 470. 1. ic. qu'on regarrle.-
p. 47»-!. 7-lcsr^aww.
g..4?j- 1. ". elle «peut.-
p. *9S. 1.3. par «H».
5,107"; I.i<«tençrôî»»»«»fi(*-wi.rfpW
4* »# l'archétype. -
qi *p jji ijc çip <p v V 9 W
PREFACE,
0» P«i /**/ tw/r ce qu'tl faut
penferdes divers jugement qu'on
porte ordinairement des Livres
qui combattent les préjugez.
LO r s qjj"' u n Livre doit
paroitre au jour s on ne fçait
qui confulter pour en appren-
dre la deftinée. Les Aitres ne
préfident point à (a nativité,
leurs influeaces n'agiffent point
fur lui , & les Aftrologues les
plus hardis n!ofent rien pré-
dire fur les diverfes fortunes
qu'il doit courir. Comme la vé-
rité n'eft pas de ce monde , les
corps cefeftes n'ont furelle au-
cun pouvoir 3 & comnieelle eft
d'une nature toute fpirituelïe,
les divers arrangemens de la ma-
tière ne peuvent rienconrribuer
Tome IlL a
PREFACE.
à Ton établiflement ou à fa rui-
ne. D'ailleurs les jugemens des
hommes font: fî differens à l'é-
gard des mêmes chofes, qu'on
ne peut gueres deviner avec
plus de témérité & d'impru-
dence , que lorfqu'oii prophe-
tife l'heureux ou le malheureux
fuccésd'un Livre. De forte que
tout homme qui fe hazarde à
être Auteur , fe hazarde en
même tems à pafler , dans l'ef-
prit des autres hommes , pour
tout ce qu'il leur plaira. Ma;s
entre les Auteurs , ceux qui
combattent les préjugez , doi-
vent fe tenir attirez de leur con-
damnation: Leurs ouvrages font
trop de peine à la plupart des
hommes ; & s'ils échappent aux
paflions de leurs ennemis, ils
ne doivent leurfalut qu'à la Ve-
riiSé qui les protège.
C'eft un défaut commun a
tous les hommes d'être trop
promis à juger : car tous les
Goo8k
PREFACE:
hommes font fujets à l'erreur ,
& ce n'elt qu'à caufe de ce dé-
faut qu'ils y font fumets. Or tous
les jugemens précipitez font
toujours conformes aux préju-
gez .Ai nfi les Auteurs, qui com-
battent les préjugez, ne peu-
vent manquer d'être condam-
nez par tous ceux qui confut-
teuc leurs anciennes opinions»
comme les loïx félon lefquelles
ils doivent toujours prononcer.
.Car enfin la plupart des Lec-
teurs font en même tems juges
& parties de ces Auteurs. Ils
font leurs jugçs, on ne peut leur
conteiter cette qualité ; Se ils
font leurs parties, parce que ces
Auteurs les inquiètent dans la
pofleffion de leurs préjugez, fur
lefquels ils ont droit de pres-
cription, & avec lefquels ils fe
font fimiliarifez depuis plu-
fieurs années.
j'avoue qu'il y a bien de l'é-
quité, de là bonne foi, & du
a ij
PREFACE.
bon fens dans beaucoup de Lec-
teurs;& qu'il fe trouve quelque-
fois des Juges alTez raifonna-
bles, pour ne pas fuivrelesfen-
timens communs , comme les
règles infaillibles de la vérité.
Il y enaplufieurs.qui rentrant
.en eux-mêmes > confaltent la
vérité intérieure, félon laquelle
on doit juger de toutes chofes.
Mais il y en a très- peu qui la
confultent en tomes rencon-
tres: & il n'y en a point qui la
confultent avec toute l'atten-
tion & toute la fidélité nécefTai-
re, pour ne prononcer jamais
■que des jugeiflens véritables.
Ainfi quand on fuppoferoit qu'-
il n'y auroit rien à redire dans
un ouvrage qui attaque les pré-
jugez j ce que Ton ne peut fe
promettre fans une vanité ex-
ceflïve, je ne cr-oi pas que l'on
fût trouver un feul homme qui
.l'approuvât en toutes chofes,
principalement fi cet ouvrage
PREFACE.
combattoit fes préjugez : pui£~
qu'il n'eft pas naturellemenc
poflîble qu'un Juge, inceffam-
ment oflfenfé, irrite ,. outragé
par une partie, lui rende une en-
tière juftice} & qu'il veuille bien
fe donner la peine de s'appli-
quer de toutes fes forces pour
confîderer des raifons, qui lui
paroiffent d'abord comme des
paradoxes extrava-gans ou des
paralogifmes ridicules.
Mais quoiqu'on trouve dans
un ouvrage beaucoup de chofes
quîplaifeht , s'il arrive qu'on en
rencontre quelques - unes qui
choquent ril me femble' qu'on
ne manque guéres d'en dire du
mal , & qu'on oublie fouvent
d'en dire du bien* Il y a mille
motifs d'amour propre qui nous
portent à condamner ce qui
nous déplaît) & la raifon en cet-
te rencontre juftifie pleinement
ces motifsxar on s'imagine con-
damner l'erreur & défendre la.
GooSk
PREFACE.
vérité,! or (qu'on défend fes pré-
jugez, & que l'on condamne
ceux qui les attaquent. Ainfc
les Juges. les plus équitables des
livres qui combattent les préju-
fez , en portent ordinairement
esjugemens généraux, qui ne
font pas fort favorables à ceux
qui les ont compofez. Ils diront
peut-être qu'il y a quelque cho-
ie de bon dans un tel ouvrage»
& que l'Auteur y combat avec
raifon certains préjugez : mais-
Us ne manqueront pas de le con-
damner» 5c de décider en Juge
avec force Se gravité , qu'il
pouffe les chofes " trop loin ett
telles & telles rencontres. Car
lorfque l'Auteur combat des
préjugez dont le Lecteur n'eft
point prévenu , tout ce que dit
cet Auteur paroît aflezraiion-
nable : mais l'Auteur outre tou-
jours les chofes jlorfqu'il com-
bat des préjugez dans lefquels.
4e Le&eur eft trop fortement
engajév ."-
PREFJCf.
Or comme les préjugez cîe
différentes perfonnes ne font
pas toujours les mefmes» fi l'en
recûeilfoit avec foin tous les di-
vers jugemens que l'on porte fur
les meimes chofcs , on verroit
aflezfouvent, que félon ces ju-
femensjil n'y auroit rien de bon,
: en mefme tems rien de mé-
chant dans ces fortes d'ouvra-
ges. Il n'y auroit rien de bon »
car il n'y a point de préjegé que
quelques-uns n'approuvent: &
il n'y auroit aura rien de mé-
chant , car il n'y a point aaflî de
préjugé que quelques - uns ne
condamnent. Ainfi ces j"ge-
mens font fi équitables, que fî
l'on prétendoit s'en fervir pour
réformer fon ouvrage , il fau-
droit néceflai rement tout effa-
cer, de peur d'y rien laiflerqui
fut condamné i ou n'y point
toucher , de peur d'en rien ôter
qui fut approuvé.Deforte qu'une
pauvre Auteur, qui ne veut cho»
CoOgk
PREFACE.
quer perfonne, fe trouve ein- -
baratte par tous ces jugemens
divers , qu'on prononce de tou-
tes parts contre lui & en fa fa-
veur: & s'il ne fe réfout à de-
meurer ferme 8c à pafler pour
obftiné dans fes fencimens , il eft
abfolument néceflaire qu'il fe
contredifè à tous momens , &
qu'il prenne autant de formes
différentes qu'il y a de telles
dans tout un peuple.
Cependantle teins rend jufti-
ceàtout le monde, & la vérité
qui parok d'abord comme un
fantôme chimérique & ridicule,.
fe fait peu-à-peu fentir. On ou-
vre les yeux , on la confidere, on.
découvre fes charmes & L'on en
eft touché. Tel qui condamne
un Auteur fur un fentiment qui
le choque, fe rencontre parha-
zard avec une perfonne qui ap-
prouve ce mefme fentiment , &
qui condamne au contraire
quelques opinion» que l'autre.-
p&efj'cè:
reçoit comme inconteftables-;
Chacun parle félon fa penfée,
&chacuirfe contredit. Onexa---
mine de nouveau fes raïfons 0C
celles des autres : on difpute, on
s'applique, on heure, on ne juge
plus fi facilement de ce que l'on1
fl'apas examiné j & fi Ton vient
à changer de fentiment , & à re-
eonnoître queT Auteur eft plus
raifonnable qu'on nepenfoît , il
s'excite dans le cœur une fecret--
te inclination, qui porte quel-
quefois à en dire autant de bien
que l'on en a dit de mal. Ainft
celui qui fe tient ferme à la véri-
té* , quoiqu'il choque d'abord &
paffe pour ridicule, ne doit pas
defefpererde voir quelque jour'
la vérité qu'il defend,ttiompher '
dé la préoccupation des hom--
mes. Gar il ya cette différence
entre les bons & les méchans li-
vres , entre ceux- qui éclairent
Kefprit , & ceux qui Ôàttent les?
SémSc l'imagination j que ceuH*;
Goo8k
PREFACE.
ci paroiflent d'abord charmant
& agréables , & que le rems les
flétrit -, & que les autres au con-
traire ont je ne fçai quoi d'étran-
ge & de rebutant qui effarouche
& tait peine : mais on les goûte
avec le teras , & à proportion,
qu'on les lit & qu'on les médite,
carie tems.regle ordinairement
le prix des chofes. Leslivres qui
combattent les préjugez , me-
nant à la vérité par des routes
nouvelles y demandent encore
bien plus de tems que les autres,.
pour faire le fruit que leurs Au-
teurs en attendent. Car comme,
l'on, eft fouvent trompé dans<
l'efperance que donnent ceux
quicompofentees fortes d'ou-
vrages; il y a peu de perfonnes
qui les lifent * encore moins qui
les- approuvent , prefque tous
les condamnent, Toit qu'ils les.
lifenc ou ne les lifent: pas:, &
quoique l'on- foie certain que:
ks; chemins' les. oius battus. û*
tÈÊtACÊ'.
Cbnd'uifent point où l'on a def-
fein d'aller cependant la frayeur'
que l'on a des l'encrée d^p ceux
où l'on ne voit pointde veftigesi.-
fait qu'on n'oie s'y engager. Oiu
ne levé point la vue pour fe con-
duire:on fuit aveuglément ceux;
qui précèdent : la compagnie
divertit & confole : on ne penfe
point à ce qu'on fait : on ne fenc
point oùl'on va:on oublie même:
allez fouvent où l'on a defieini
d'aller.
Les hommes font fâitspour
vivre en focieté: mais pour i'en-
tretenir ce n'eft pointaflezdé
parler une même langue ,<il faut
tenirun mêmelangage: il faut"
penfer les uns comme les autres::
H. faut vivre d'opinion comme;
l'on agit par imitation. Ohpea^
fe commodément, agréablement
& sûrement pour le bien du-
corps & l'établiffement de fa*
fortune , lorfqu'on entre dans;
lesfcatimemdcs autres, Scqu'on;
Google
PREFACE.
le latfle perfuader par l'aïr'oai
l'impreffian fenfible de l'imagi*
nation de ceux qui nous parlent; .
Mais on fouffre beaucoup de
peine, & l'on expofe fa fortune
à de grands dangers-i lorsqu'on
ne veut écouter que la vérité in*
térieure, & qu'on rejette avec
mépris & avecfcorreur tous les
préjugez des fens , & toutes lés
opinions qui ont été reç ûêVfans
examen.
Ainfi tous ces faifëursde Lt*
vres qui attaquenc les préjugez
font bien. trompez-, s'ils prétérit
dent par- là ie rendre recom-
mandables. Peut-être que s'ils
réùfiîflenc, un petit nombre de
fçavans parlera de leur ouvrage
avec des rermes honorables ,
après qu'ils feront eux-mêmes
réduit s entendre: maïs pendant
leur vie, qu'ils s'attendent dxê>
tre- négligez; de la plupart des;
hommes, & méprifez , calom-
niez, perfecutez parles perfon-
PREFACE.
hes mêmes qu'on regarde com-
me tres-fages & très- modérées.
En effet il y a tant de raifons,>
& des raifons fi fortes& fi con*
vaincanr.es, qui nous obligent à
agir, comme ceux avec qui nous
vivons, qu?on a fouvent droit
de condamner , comme des ef=-
prits bizarres & capricieux ,>
ceux. qui ne font pas comme les
autres : fie parce qu'on ne diftin1-
Eue pas aflez entre agir & pea-
:r , on trouve d'ordinaire fore
mauvais, qu'il y ait des gens qui
combattent les préjugez. On
croit que pour garder les règles
de la focieté civile, il ne fuffit
pas de fe conformer extérieure-
ment aux opinions fie aux cou-
tumes du pays où l'on vit. Oir
prétend que c'eft témérité que
d'examiner les fcntJmens com-
muns , &. que c'eft rompre la.
charité que de eonfulter lavéri*
té : parce que ce n'eft pas tant:
la. v-érité qui unit les focietezei*-
Coo8k-
PUEFJCB.
viles , que l'opinion & la coû>
tume.
Ariftote eft reçu dans les Uni-*
verinez comme la règle de la^
vérité: on le cite comme infail-
lible : c'eft une héréfie phikuW
phique que de nier ce qu'il
avance: en un mot,. on le révère
comme le génie de la- nature: fie
avec tout cela ceux qui fçavenc
le mieux fe Phyfique, ne ren-
dent raifon & ne font peut-être:
convaincus de rien -, 6c les éco-
liers qui forcent de Philofopbie,.-
n'ofent même dire devant des-
perfonnes d'efprit ce qu'ils ont
appris de leurs maîtres. Cela,
fait peut- être aflêz comprendre:
à ceux. qui y font réflexion ,. ce
qu'on doit croire de ces fortes-
d'études: car unedoftrîne qu'il
faut oublier pour devenir rai*
fonnable , ne paroit pas fort fo-
lide. Cependant on pafleroit
Eour téméraire , fi l'on voploit
ite coDiioitre la faufteté des
PREFACE.
ïaifons qui autorifent une con-
duite fi extraordinaire: & l'on
ne manquerait pas de fe t'airedes.
affaires avec ceux qui y trouvent
leur compte, fi l'on étoit alfez
habile pour détromper le pu-
blic.
N'eft-il pas évidentqu'il faut
fe fervirdece qu'on fçait pour
apprendre ce qu'on ne fçait pas::
& que ce feroït fe mocquer
d'un François » que de lui don-
ner une Grammaire en vers Al-
lemands peur lui apprendre.
l'Allemand? Cependant on met
entre les mains des enfans, les
vers Latins de Defpautere pour
leur apprendre le Latin : des
vers obfcursen toutes manières*
£ des enfans r qui ont même de
la difficulté i comprendre les
ehofes les. plus faciles. La rai.
£6n,& même l'expérience font
yiûblement contre cette cou mi?
me, car les enfans font très*
long-tems à apprendre mal Je
GooSk
préface:
tatin : Néanmoins c'eft une ré--
mente que 'd'y trouver à- redire.
Un Chinois qui fçauroit cette
coutume ne pourroit s'empê-
eher d'en rire y Se dans cec en-
droit de la- terre que nous habi-
tons , les plus fagcs &c les plus
fçavansne peuvent s'empêcher1
de l'approuver:
Si des préjugez fi feux 8z fi
froflîers , &' des coutumes fi
éraifonnables' & de fi grande
eonfequence , ont un nombre
infini de protecteurs : commenc
pourroi^on fe rendre aux raie-
rons , qui combattent des pré-
juger de pure Spéculation? Il
ne faut que tres-peu'd'àttention
pour découvrir , que l'infttuc-^
cion que l'on donne auxenfansj'
n*eflr pas des meilleures, & on
ne le reconnoît pas : l'opinion
& la coutume l'emportent con-
tre la raifbn' Ôc l'expérience;
Comment dbnc pourrôit-on fe
gerfuader que de&Ouyrages-qui
GooSk
PREFACE,
renverfenc un grand nombre de
préjugez r ne feroient pas con-
damnez en bien des choies , par
ceux-mêmes qui pafTent pour
les plus fcavans &: pour les plus
iâges.
11 faut prendre garde que ceux
qui paflent dans le monde pouf
lés plus éclairez & les- plus ha-
biles, font ceux- qui ont le plus*
étudié dans les livres bons &
méchans :. ce font ceux'quiont
la mémoire plus heureufe, &
l'imagination- plus vive & plus-
étenduë que les autres. Or ces
fortes- de perfonnes jugent or-
dinairement de toutes choies
promptement & fans examen.
Ils consultent leur mémoire r
te ils y trouvent d'abord la loi
ou le préjugé félon lequel ils-
décident fans beaucoup de réflé-
xion.Commeilsfecroyent plus
habiles Que les autres,. ils ont
peu d'anlntion à ce qu'ils li-
sent. Âinfi il arrive Couvent que
PREFJCE.
des femmes & des enfans recorr-
noifïent bien la-fauffecé de cer-
tains préjugez que l'on a com-
battus i parce qu'ils n'ofent ju-
ger fans examiner , & qu'ils ap-
portent à ce qu'ils lifeot tome
l'attention dont ils font capa-
bles: & les fçavans au contraire
demeurent fortement attachez
à leurs opinions , parce qu'ils
ne fe donnent point la peine
d'examiner celles des autres»
lorfqu'elles font tout - à - fait
contraires à ce qu'ils penfenc
déjà.
Four ceux qui font dans le
grand monde , ils tiennent à
tant de chofes , qu'ils ne peu-
vent pas facilement rentrer dans
eux-mêmes ». ni apporter une
attention fumfante pour difcer-
ner le vrai du vrai-ièmblable»
Néanmoins ils ne font pas ex-
trêmement attachez A de cer-
tains préjugez : car ^ur tenir
fortement au monde» il ne faux
PtiEFAÇE.
tenir ni à la vérité ni à la vraï-
femblance. Comme l'humilité
apparente ou l'honnêteté & la
modération extérieure font des
qualitez aimables à tout le mon-
de , & abfolufflent néceflaires
pourentretenirîafocieté parmi
ceux qui ont beaucoup d'or-
gueil & d'ambition j les gens du
monde fe font une vertu 6c un
mérite de ne rien a durer , & de
ne rien croire comme incon-
teftable. C'a toûjoursété,Ôcce
fera toujours la mode de regar-
der toutes chofes comme pro-
blématiques , & de parler cava-
lièrement des véritez mêmes
les plus faimes, pour ne paraî-
tre entêté de rien. Car comme
ceux dont je parle ne s'appli-
quent à rien & n'ont d'atten-
tion qu'à leur fortune, il n'y a
point de difpofîtion qui leur
Foit plus commode , Se qui leur
paroifle plus raifonnable, que
celle que la mode juftifie. Ainû
Préfacé.
ceux qui attaquent les préju^
gez , flattant d'un côté l'orgueil
& la parefle des gens du monde,,
ils en font bien reçus : mats
s'ils prétendent a (Tarer quelque
choie comme inconteftable , 6c
faire connoître la vérité de 1»
Religion fit de la Morale Chré-
tienne , ils les regardent comme
des entêtez , fit comme des gens-
qui fe fauvent d'un précipice
pour fe perdre dans un autre.
Ce que je viens de dire fuffit,
cerne fcrnble,- pour faire juger
ce que je pourrois répondreaux;
difrerensjugemens , que diver-
fes pêrfonnes-ont prononcé con-
tre le livre de la Recherche de la
Vérité , fie je ne veux pas faire
une application que tout le
monde peut faire utilement &
fans peine. Je fçai que tout le
monde ne la- fera pas-: mais il
fembleroit peut-être que je me
ferois juftice à moi-même , fi
je me déiendois autant que je;
GooSk
PREFJCE.
le'pourrok faire, j'abandonne
-donc mon droit aux Lecteurs
attentifs s qui font les J uges na-
turels des Livres* & je les con*
jure.de fe fouvenir de la prière
que je leur ai déjà faite dans la
Préface de la Recherche de la
Vérité &: ailleurs : De ne juger de
mes fentimens que félon les réponr
fes claires & aijîin$es qu'ils rece-
vront de l'unique Maître de tous
ieshommes , après qu'ils l'auront
interrogé par une attention ferieu-
Je. Car s'ils confultent leurs
préjugez commeies loixdécifï-
ves de ce que l'on doit croire
du ;Livre de la Recherche de la
Vérité ; j'avouë^que c'eft iin fort
méchant Livre, puifqu'il eft fait
exprés pour faire cortnoître la
fauiTete j & J'injuftice de ces
.lotx.
APPROBATION.
J'At lûparordredeMonfeigneur
le Chancelier le Livre intitulé ,
de la Recherche de la Vérité , &c.
Rien n'ett plus connu que le mérite
de cet Ouvrage , & l'on en voit avec
plaiiïc l'utilité fe répandre de plus
en plus par les fréquentes éditions
qui s'en, font* Fait à Paris ïe 15.de
May 1 711.
SAURIN.
PRIVILEGE DU ROT..
LOUIS, FAR LA GKACE DE DlEtT ,
Roy de France et de Navarre :
A nos Aniez Se Fcaui Confeillers les Gens
tenans nos Cours de Parlement , Maîtres
des Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel ,
Grand-CWeil , Prévôts tic Paris, Bailliis,
Sénéchaux , leurs Licuienans Civils , & au-
tres nos Jufticiers qu'il appartiendra : Sa-
lut- Michel David Libraire à Paris, Nous
ayant fait remontrer qu'il dciîroit faire im-
primer un Livre intitulé , de la Recherche de
U Vérité, fur le Père Maltiranehe , s'il Nous
plaifoic hu accorder nos Lettres de Privilège
îiir ce néceflaires , Nous avons permis S:
permettons par . ces Prefentes audit David,
-3e aire imprimer ledit Livre en telle ferme*
marge , caractère , Si autant de Ibis que bon
lui fcinblera, & de le vendre , faire vendre Si
débiter p.ir toat nôtre Royaume, pendant le
-tenu de dix années confecutives , a compter
dniourdcladattedefd. Prefcntcs:Faifons dd-
fenfes à routes perfonnes de quelque qualité
& condition qa elles puiflent être, d'en intro-
duire (Timprcflion étrangère dans aucun lieu
de nôtre ooeafianec, Se à tous Imprimeurs,
Libraires., Si autres , d'imprimer , faire im-
primer, vendre, débiter, ni contrefaire ledit
Lîvre.fansla petrnùlion erpreflê,& par écrit,
dndir Eipofant, on de ceux qui auront droit
de lui, k peine de confifeation des Exemplai-
res contrefaits , de quinze cens livres d'a-
mende contre chaenndes contrevenons, donr
«ntiers i Nous, im tiers a V Hôtel-Dieu de
Paris , l'antre tiers audit Eipofant , & de
tons dépens , dommages Si intérêts i à la
.charge que ces Prefentes feront enregistrées
•tour au long fur le Regiftre de la Commu-
nauté des Imprimeurs & Libraires de Paris,
& ce dans trois mois de la datte d'iceiles,
que rimpreffion dudit Livre fera faite, dans
nôtre Royaume , Se non ailleurs, & ce en
.bon papier Se en beaox caractères , confor-
mément auxReglemens de la Librairie , 8c
qu'avant que de l'cxpofer en vente , il en
fera mis deux exemplaires dans nôtre Biblio-
thèque Publique , un dans celle de nôtre
Château du Louvre , & un dans celle de nô-
tre ires cher Si féal Chevalier Chancelier de
France , le Sieur Phelipeanx Comte de Pont-
ebartraîn , Commandeur de nos Ordres ; le
tout à peine de nullité des Prefèntes. Du
C,„„sk-
-contenu defquetles vous mandons te enjoi-
gnons de faire jouit l'Expofantou fes ayons
caufe, pleinement & partialement, Uns fouf-
ftir qu'il leur foit fait aucun trouble ou em-
Jiechemens. Voulons que la Copie des Pre-
nnes qui fera imprimée au commencement
on a la tin dudit Livre, foit tenue pour due1-
ment lignifiée, S: qu'aux copies collation-
nées par l'un de nos âmes & «aux Conftil-
lecs-Secrctaires , foy-foit ajoutée comme à
l'original. Commandons au premier nôtre
HuuTier ou Sergent, de .taire pour l'exécution
d'icellcs tous A&cs requis & néceffaires.&ns
autre permiflion , Se nonobitaut "clameur de
Haro , Charte Normande , & Lettres i ce
toiitraires:CAR tel eft nôtre plauïr.DowNi'
a Verfailles le huitième jour de Janvier l'a»
de Grâce mil fepteenshuit,& de nôtre Règne
' le foixante-cinquiéme. Par ic Roy en foa
Confeil. 1 E COMTE.
Jtiriftré fur îe Rigifirt N. x. de A* Cmmu*
naute des Libraire] & Imprimeurs d* Fsrit,
fttge l»?. N. î7*-. eonfermemant aux Retlo*
uni , tjr notamment k l'jtmft du Conflit du
13. Atufi 170}. A Paris et it. J*BV«T
170S. Louis Sevbitkx, Syndic.
DE LA RECHERCHE
DE
LA RECHERCHE
DE
LA VÉRITÉ.
TOME TROISIEME. ■
C«HHMMMI».«m»'MM«HH (M
LIVRE, SIXIÈME.
T>E LA METHODE.
P1EMIEHE PARTIE.
■CHAPITRE PREMIER.
VeJJcin de te Livre, & les deux moyens
généraux pour confiner l'évidence
dans la Recherche de la Vérité, atii
feront le Jitjet de ceZivre.
JNavûdans IesLivrespré-
cedens que: l'écrit de
rhomme:eft extrêmement
fujet à l'erreur} que les
illuiious de - fa lens, les niions ' de iS'i
Tome III. A
^ XTVftE WLlE'tAk.
fon imagination, A le» a&flraâîbïïr
de Ton > efptk, le trompent i chaque
moment ; me les iadjnawons "■ de (a
volonté, Scies pallions * de Ion cœur,
lui cachent prefque toujours la véri-
té, & ne la lui laiflent paroître, que
lorfqu'elle eft teinte de ces {auflès
couleurs qui flattent la concupiscen-
ce. En un œotron a reconnu en par-
tie les erreurs de I'efprh , & les cau-
fes de fes erreurs : I J eft teins prefen-
tement de montrer les chemins qui
ewduiftmàlaçojMioiftiricedela vé-
rité, ikdedonner à I'efprit toute Sa
force &toutel'acWréflè que l'on pour-
ra, pour marcher dans ces chemins
fana Te faûguer inutilement &, fans
s'égarer. - ■ - -
Mais, afin que l'on ne fe donne
point une peine inutile à la ledure
de ce dernier livre , je croi devoir
avertir qu'il n'eft fait que pour ceux
qui veulent chercher férieufement la
vérité par eux-mêmes , & fe fervîjc
pour cela des propres forces de leur
efprit. Je demande qu'ils méprirent
ipout un tems toutes les opinion»
Yrai-femMables : qu'ils ne s'arrêtent
poiotauxconjeflures lesplusibrtes:
qu'ils négligent l'autorité de tous les
Î5E LA METH. I. Paut. g
îhilofopiiies : qu'ils Ibicm autant
qu'iUeux fera porRble, fans préoccu-
pation, fans intérêt , fans paflion :
qu'ils Ce défient extrêmement de
leurs fensâc de leur imagination; en
m mot, qu'ils & Jbuviennent bien
de la plupart des chofes que l'on a
dites dans les Livres précedens.
LedeSein dece dernier Livre eft
(Pedayer de rendre à lefprk toute la
perfection dont ileft naturellement
capable, en laifourrriflant les feeours
nécellaires pour devenir plus atten-
tif & plus étendu 5 & en lui prefcri-
vaot les régies qu'il faut obferver
dans la recherche 4e la vérité pour ne
fe tromper jamais , & pour appren-
dre avec fe rems tout ce que l'on
peut fçavoir.,
Si-1'cmportoic cedeflèin jufqties à
& dernière perfection , ce que l'on
ne prétend pas,>car ceci n'eft qu'un
•Bai i on pourrait dire qu'on auroit
donné une feience universelle, & que
eeux quien {çauroient faireufage, fe-
roient véritablement feavans ; puis-
qu'ils au roient le fondement de tou-
tes les feiences particulières, & qu'il*
les acqnereroient à proportion de
l'ufagcqu ilafefoient de-cette feienea
Aij
4 LIVRE SIXIEME,
uncverfelle. Car on tâche par ce tra>
téde rendre lesefprits capables de
former des jugemens véritables &'
certains , fur toutes-ies queltions qui
îéur feront proportionnées,
: Comme ÎI ne fuffit pas pour être
bon .Géomètre, defçavoir par mé-p
moire, toutes les démon urations
d'Euclide^e Pappus, d'Archimede,
d'Appollonius , & de tous ceux qui
ont écrit de la Géométrie : Ainfi ce
n'eftpasaÛez pour être fçavant Phi-
lofopne d'avoir lu Platon , Ariftotey
Defcartes , & defçavoir par memoi-
retous leurs fentimens furlesquef-
tionsdePhilofophie. Laconnoiflàn-1
ce de toutes les opinions & de tous les
jugemens des autres hommes, Philo-'
fophes ou Géomètres, n'eft pas tant
une feience qu'uneHiftoire:car la vé-
ritable feience, qui feule peut rendre
à l'efprit de l'homme la perfeâion
dont il eil maintenant capable, con-
fille dans une certaine capacité de ju- ■
ger folidement de toutes les chofes
qui lui font proportionnées. Mais
pour ne point perdrede tems& ne.
préoccuper perfonne par des juge-
mens précipitez , commençons à
traiter d'une matière. fi importante.
~tr»3We.l3Wi>s...- <*sm
ÔELAMETH: tVÂnr. *
- Il faut fe reflbuvenir d'abord de
la régie que l'on a établie & prouvée
- dés le commencement du premier
Livre , parce qu'elle eft le fonde-
ment & Ie-premier principe de tout
ceque nous- dirons dans- la fuite. Je
la répète : On ne doit jamais donner
un confentement entier, qu'aux propor-
tions qui panifient fi évidemment vraies
■qu'onncpuiflè le leur refkfèr, fans fen-'
tir une peine intérieure & des repro-'
cbes fecrets de la Raifon ; c'ejî-à'dtre ,
fans que l'on comoiffe clairement, qu'on'
finit mauvais ufage de fa liberté , fi
fou ne voulait pas confentir. Toutes
les fois que l'on confent aux vrai-
femblances , on fe met certainement
en danger de le tromper , & l'on Ce
trompe en effet prefijue toujours , ou
enfin fi Ton ne fe trompe pas, ce
rf cil que par hazard & par bon-
heur. Ainfi la vue confufe d'un
erandnombredevraï-femblancesfur _
diffërens fujets, ne rend point nôtre'
raifon plus parfaite , & il n'y a que
la vùë claire de Iavérité,qui Iuipmfià '
donner quelque perfeciioncV quel-
que fatisfaâion folide.
II eil donc facile de conclure que"
ify, ayant que l'évidence qui , feIonj
A-iij.
GooSk
tf UVRB SIXIBME
nôtre première' régie, nous affin-eque-
nous ne nous trompons, point ; nous
devons fui tout pvendjscrgardeà con-
feryer qetw évidencedara. toutes nos
perceptions- , air» que nous puiffinus-
piger falidement cbttoutcslos choies
qui font fcùmife&à nôtre iaifon,& dé-
couvrir toutes les véritez dont nous-
fionames capables.
Les choies- qui peuvent produire-
& conferver cette évidence font de
.deux- fortes. H y en a qui font en
nous , ou qui dépendent en quelque
manière de nous; ; d'autres qui n'en.
dépendent point. Car de même que.
pour voir drittntteojentif&objets vi-
ables, il eltnécctfaire- devoir la vue
bonne, & de l'arrêter fixement fut
ces objets; deux choies qui font en
nous ou qoi dépendent de. nous en.
quelque manière : il faut suffi avoir
l'esprit bon, Se PappttquK fortement
pour pénétrer le fond des ventes in-
telligibles; deux choies qui font aufl
S en nous, ou qui dépendent de nous
en quelque manière.
Mais, comme les yeux ont befoirt
de lumière poar voir, &que cette
fauniete dépend de caufes étrangères:
t'efprii auux a befoin d'idées pou*
Goo8k
DELA MÉTÏÏ. I-Paât. 7
wocewoic ; fit ce* idéet comme l'Ori
apra*iTéaiUeurs,nedépefKieiM poin*
liemras., niais d'une eairfè étrangère
qai nous le» donne néanmoins en
scofepience de nôtre attention, S'il
atrivoit donc que les idées des chû-
fe* oefu&Dt pas pïéfemea- à nôtre
«iflkftOBKS £t9 ÉD*3 «jl*e FfOtïifGLl-
Witoos- de tes aToir , & ff cekii qui
éElairei* «KHidtt «o «& les- vowfon ca-
cher, H nous fesoh ianxjfTtbie d'y
KmediBr & ds asnaoîirr auctme
«Aofe : de -même tfctiiao new» eft p»
E»01Ue de' voir tes êïtjetS' yiiïrtres „
nque. la. linmiéM nous aienqiie-
Maia c'eft ce qu'on n?a pas fûjecdei
' waindet, cai toptéfaicedw. niées àt
■ôtre efprii étant nauirelia , & dé-
pendante de la. Volonté générale- d#
fc>ieit, qmdfc Kj'ijoTJrsconflante de
Mnrmeiàe , elfe ne. nous- manque ja^
bbb pn dacoiBcric lee cfeolo* qui
fcut na»relàemeqj fufettas àlï ra*-
(on. Car le Soleil qui édaiM1 les ef-
|nts, a'eÔ pas.comme le SoIïiJ1 qui
âcfeâa les eor-ps; iines'éctipfe ;3-
wiis-, & r$ pénétfs roue fans qus &
lumière: fok partagée;
Les idéa* de toutes- chofes noua
«tant dawtfsstamttlËBmens pcéfttHr-
A iiij.
Goo8k
8 LIVRE SIXIE'ME.
tes, dans le tems même que nous no-
ies confiderons pas avec attention , il.
ne reftè aiitrexhofeà faire pour coo—
ferverl'évidencedanstoatesnos per-
ceptions , qu'à chercher- les moyens-
de rendre nôtreefprit phisatteutif &.
Îlus étendu: de même que -pour bien,
îftinguer les objets vifibles qui nous-
fiant préXens, il n'eft uéceffaire de.
nôtre part, que-d'avoir bonne. vue &■
de lesconfiderer fixement..
Mais, parce que les- objets que nous.
confiderons, ont fouvem plus de rap-
ports, que nous: n'en pouvons dé-
couvrir tout d'uneviië parun-fimple
effort defprit; nous avons encore be-
foin de quelques règles qui nous donv
nent l'adrefle de développer fi bien
toutes les, difficnltez , qu'aidez des
fecours qui nous rendront -l'efprit'
plus attentif & pIusétendu,nous puii-
Hons découvrir avec une entière évi-
dence tous les rapports des choies
- que nous examinons,.
Nous dîviferons donc ce fixiéme:
Livre en deux parties. Nous traite-
tons dans la première des fecours
dont l'efprit fe peut fervir pour de—
venirplusattentif&plusétenduj &
dans la féconde nous donnerons lee-
' DELA METH.'i; Part: >
régies qu'il doit fui vre dans la re-
cherche des vérïtez, pour former des -
îugemens folides & fana-crainte de. fe -
tromper. -
CHAPITRE Ii;
Ég« l'attention eft nécejfairepour confer- •
ver l'évidente dans nos connoijfances. ■
Que les modifications fenfiéles de
famé la rendent attcntivcmaisqu'--
elle s partagent trop la capacité qtCel- •
le ad^-appercevoir.-
NO u s avons' montré dés le com- ■
mencementde cet ouvrage, que ■*
l'entendement ne fait qu'appercevoir: •
& qu'il n'y a point de différence de ■
la- part de l'entendement entre les ■
fîmples perceptions -, les jugemens,&: ■
les railbnnemens, fïcen'eft que le»'
jugemens, &Ies raifonnemens-font-
des perceptions beaucoup plus corn--
poféesque les Amples perceptions ;.
parce qu'ils ne repréfentent pas feu- -
lément plufieurs chofes , mais même-'
les rapports que plufieurs chofes ont-
entr'elïes. Car les (impies perceptions--
ne«préfentem à l'efprit que les cho*-
A-v *
Goo8k
» nrvKE stxtpme.
fes : mais les jngemens reprcfemenr
à l'eforit les rapports qnï font entrée
les ehofes : & les raïfonnemer» re—
préfentent les rapports qui font entre-
les rapports des ehofes , li ce font des
lailbnnemens (impies; mais iï ce font
des raifonnemenscompafea t ifs re-
préfentent les rapports des rapports,
ou tes rapports' tompofcz qui font
«ntrefes rapports des cfiofe, cVarnil
àrinfîni.. Carà mefurc quelles rap-
ports fe nrnltipfiem , les raifonne-
mensqur reprefeiKent à refprk ces-
rapports deviennent pïuscornpolêz..
Néanmoins, les jngemens, les rai—
fcmnemem fimpïes, & tes raifbnne*
mens compofer, nefont qoe-de pu-
res perception» delà part éte t"ert~
tendement, parceqtte I>urendement
ne fart lîmpfement qu'appercevoir ,.
arofiquei'on' a déjà <Jh de» Le con».-
mencement du premier Enre.
Les- jngemens 5c les raifotmemens;
nVtantdu cité éte-i'entendewientque.-
<k- ptttea, perceptions , if effi vifimer
me. l'entendement ne tombe jamais-
«m» Ferreux ; pui&nie l'erreur ne fe-
trouve-point dans-Ies perceptions , éSfc
qwTeïte n?eftpa* même nneltigibliei
CareiifeïFcrïrnLCoa bfeuflèté r/eft.
GooSk
DE LA METRC t.. .«wt. tt
jtfao rapport qui-n'eil point, & ce-
çrirfeÛpoi'nt.B-'elbnr vilfàfe ni in-
teUigiftfe: On- peap voir que* foi»
alànt^oicque ïfo&ïnefbntpaB^:'
catity. a réellement- ut* rapport d'é-
galité entre x fois 2 Se 4. & un d'iné-
galiiéwrtre 1 fois a & f : ainfr la véri-
■éefl intelligible. Mais on ne verra
pmas çie afois-2 forent;?, car H n'y
a point ïa de rapport i'égalké; & ce
■rûin'eft point ne pem être apperçii..
L'erreur cortHnenows- avons dé'p dis.
plufîeurs fois, neconfifledonc que-
«farisuniGowfentement précipité de la
Totarœé', qui fe laiflfe ébtû«ÏF à quet-
qae faune lueur , & qui au lieu de?
«mierver faliherté atwanB qu'elle te
peux, fe «poreavec négligence «tout-
J*apçsïcencedfe-la vérhé.
Néanmoins, parce qu'il- arrive d*br-
4maire que l'entendement n'a que-
des perceptions confofes-&imparfai-
«es deschofes, il eft vérhaHflmeatt
ttwe cairije elenos erreurs , que Ton'
peut appeffer occalîonneïle oa md4-i
secte; Carde même que la vûe-corpo-
selle nous jette fou vent dans ferreurj,
parce qji'eïle nous reprefente les oï>*-
jets de dehors confufément Se impar'-
fekeraent; coBfofement , foïîqtfils
Coo8k-
n UVRE SIXIEME.:
font trop éloignez de nous, ou faut*'
de lumière; & imparfaitement parce
qu'elle, ne nous repréfente que le»
cotez qui font tournez-vers nous: Ain-
fi l'entendement n'ayant fouvent
qu'une.perception confufe & impar-
faite des chofes, parce,qu'elles ne lui
font pas aflez prefentes, & qu'il n'en
découvre pas toutes les parties ; il e{l .
caufe que la volonté tombe dans uht
grand nombre d'erreurs,en fe rendant
trop facilement à ces: perceptions ob-
fcurcs& imparfaites*
. II eft donc neceflàire de -chercher
les moyens.d'empêcher que nos per-
septionsne fcient confiâtes & impar-
faites. Et parce .qu-ilnya. rien qui-
les rende pkisclaires 8t plus diflinc-
tes que l'attention* comme tout 1er
monde en eft convaincu ■; il faut fi-
cher de trouver des moyens don»
nous puifTions nous fervirpour de-
venir plus -attentifs que nousnefom*
mes. C'eft ainfî que nous pourrons
conferver l'évidence dans nos rai-
foaneinens, &-voir même .tout d'une :
vue une lîaifon neceflàire entre tou-
tes les parties de nos plus longues dér
ditâions.
Pour trouver ces moyens, iletthci
DE tA METH. T. Part; ij<
ceffàire de fe bien convaincre de ce.'
que nous avons déjà dit ailleurs ; que-
reprit n'apporte pas une égale at~<
teution à toutes les- chofes qu'il ap—
perçoit. Cas il s'applique infini-
ment plnsà celles quHetouchent,
qui le modifient, &qui lepénétrent,.
qu'à celles qui lut font prefemes f..
maisquinele touchent pas, & qui
ne lui appartiennent pas : .en un mot ■:
il s'occupe beaucoup plus de ces pro-i
près modifications , que des- ftmpl es-
idées des objets, lesquelles idées font
quelque, chofe de -différent- de lui-
même.
C'efl pour celaque nous ne confidé* -
ions qu'avec dégoût & fans beau-
coup d'application, les idées abftrai-
tes de l'entendement pu? : que nous,
nous appliquons beaucoup davanta-
ge aux choies que nous imaginons ,
principalement lorfque nous avons-
l'imagination forte-, &-uu'H fe trace»
de grands* veftiges dans nôtre cer-
veau.- Enfin c'elt à eau fe-de cela que
nous nous1 occupons entièrement des
qualitez fenfibles , fans pouvoir mê-
me nous appliquer aux idées pures de
l'efprït , dans le tems que nous ■ fen-
tûns.quelque .choie de fort agréable,;
Google
ï* LIVRE SntlEWE.
coickfcrtpéniWe. Car , la tfcaïewr,.
Iepiaifrr, &ie*;wîxe3feniàtionsn?&.
tant que, des manières' sfcêire de t'ef-
pm , ii n"eù. pas. paffibte que nous
fcyoros fans- les appewev-oiF, & ajtier
la capacité tie notre dp m n'en foir
occupée , puifque toutes nosiènfa—
nions tic fora que des perception» ôc
lien autre choie.
Mais i£ n'en eft pas «le même des
idées pures àt l'efpwn, non* pouvons
le» avoir- intimement' unies à nouer
efpric , fans- ies confidérer avec la.
nwind/e amencibt». Car encoieque;
Dieu foît très - intimement uni à»
nom-, Se que ce- foir dans moque fe
woiwent tas idées lit neur ceqœ noua-
voyons, Cependant! ces niées ,. quoi*
q«e préfentes Se aumifieïf de nous-
mêmes. , nous- font cachées ,. for fijue
les raouvemens- de» afptits n'en ré-
veillent point les traces , ou. rorique
nôtre volonté n'y applique pas lïâoter
efpvit, e'eft a direlorfqir'eiiene fox-
Bie point Tes a&m atrfqueU l&repte-
fentaiion de ces idées eftattaehéepa*-
PAuteorde ïa-natiue- Ces chofes font.
fe fondement de tout orque raows aï-
fewB c&re des fecours qu i pctfuem sen-
dre «toe e%F« ptutamnttf., Ain&
GooSk
DE XA MEIH.. î. Part. »r
er* fecours feront appuy & l'ai laea-
ttre mêiBede l'eXpwt j & il y a lieit
i'efpettar q\?ïbt ne f«ow pafccfetnw*
npics. &.inaiile*r e© raine -beaucoup
d'antre* , qui emfaaialïent beaucoup'
plosqu'ibneferver-t. JVfai» etiJm s'ris
»'«« pas tout i'ufagequftton foib-
kihe, ou. ne psedeapas toitt-à-fah.
fca tema à lin ce que l'on en dira' ;
ptiifcju'omfnceasiQ&caïiafltiEfl ta na-
ture de £em cfpnt.
las. mndificatiwa del'aïue oui trois.
■anfts, les fkns , l'imagination, & Le*
jwÉÎigiis. Toat le Hjondefçait pa» fa.
propre exptrwnceqne'leî plaifics, les-
douteux» , Se gêné raieraient toutes le*.
Jbrfaiions unpeu fones^ que les ima-
ginations- vives., & mie Ici grande»
palTions occupent ft farti'efprifcflJriL
n'eft pa*. capable d'attention , dan i-
Irtems que ces. ciiofes le loiick.eat.
«op.vivemcta i paweqn'aios». lacs^
pacitéoa&faœutoéijfappersCTOïr es
«R toute rempli*. Mais- qiiand même:'
<» modifications feraient modérées,
eiieineiafSèEorentpasdepaBtagerdit
moias en -quelque forte cette capaei-
Btde Pelprtt, & iL ne-pourrost enu*
ptoyer toutce-qu'il efl, pour confiidé*.
kx les. veritcz.ua peu abânÔBk.
C„o8k-
i«< 0VKE SÎXlffMË.
- II faut donc tirer cette conclufio» '
importante: Que tous ceux qui vetfcJ
lent s'appliquer férieufement à la
recherche de la vérité, doivent avoio
un grand foin d'éviter» autant que
cela fepeutytouteslesfenfations trop
fortes, comme le grand bruir, la lu-
mière trop vive , le plaifir , la dou-
leur , &c. Qu'ils doivent veiller fans -
eeflèà la pureté de leur imagination,'
& empêcher qu'il ne fe trace dans?-
leur cerveau decesveftigesprofonds
qui inquiètent & qui diffipent con-
tinuellement Pefprh. Enfin qu'ils-
doivent fur tout arrêter les mouve--
mens des pallions, qui font dans le.
corps & dans- I*aroe des impreflions-
fi puiflantes , qu'il eft d'ordinaire,
commeimpoflimequel'efprit peine
à' d'autres chofes qu'aux objets qui;
les excitent. .Car encoreque les idées
pures de la vérité nous foient tou-
jours préfentes, nous ne les pouvons-
confidérer , torique la capacité que.
nous avons depenfereft remplie de-
ces modifications quinous" pénétrent..
Cependant comme il n'eu pas po£-
fifclequerame foit Oins pallions, fans»
fent'rment , ou fans quelqu'aiuremo--
difcaàon particulière $ il faut faire»;
Goo8k
DE LA METH. Impart, vf
de neceffité vertu , & tirer, même de
ces moditicàtibns.des. fecours pour fis-
Tendre plus attentif. Mais il faut bien
de l'adreflê & de la circonfpeâion,
dans I'ufage de ces iècours pour en.
tirer quelque. avantage-Il faut bien
examiner îebefûînque l'on en a, Se-
ne s'enfervir qu'autant que la néceC-
ûté de fe rendre attentif nous y. con-
traint.
CHAPITRE III.
De Fufage que- l'on peut faire des paf-
fions & des fens pour conferver
f attention de Peffrit.
LE s painons dont il eft utile de fe -
fervir pour s'exciter à la recher-
che de la vérité } fontcelles qutdon-
nent la force. & le courage de lu r mon-
ter la peine que l'on trouve! fe ren-
dre attentif. II y en a. de bonnes &de.
mauvaifes : de bonnes comme le de-
Gr de trouver la vérité > d'acquérir.
allez de lumière , pour fe conduire „
de fe rendre utile au prochain , 5c-
quelques autres femblables ; de mau-
vaises chi dangereufes , comme le dé* -
GooSk
4 MVWi SIXIEME
fîr d'acquérir de h réputation , dere*
làîre quelque étabKnetneni, de-s'éte*
Ter audeffûs dcfes fernHaWes, $s
quefques autres encore-plus dérégi ées-
«ont il n>ft pas néceflàiredfe-parler.
Dans le malheureux énat cri nous
fommes , ii arrive (burent , que ïe*}
paffionsïes moi«s rahonnables nous
portent plus vivement à la rechercRe
de la vérité, & nous confiaient pins
agréablement dans les peines que*
nous y trouvons , que les paflîons-
les plus joftas Se lits p&is taifon-
nables. là vanité , par exemple fc.
nous agite Beaucoup plus que Vo~
mour dé la. vérité ; & Pon voit tous-
les- jou»q.uedeS'perfcirHW9 s'appUS'**
quenr continuellement à l'étude,
forfqu'rls trouvent des gens àqui ils;
paillent direce qu'ils ont apprî», de
qui l'abandonnent entièrement, ïor £•
qu'ils netrouvent plus perfonne quf
les écoute: La vôé confufede quèt-
que gïoirequHes environne , fort-
5 qu'ils débitent leur» opinions , fe«f
otttrent le courage dans fcs étude*
meme-les plus ftérries , St lés plus en- ■
nuyetrfes. Mais G par hazard1 , ou par
la néceflrté de leurs affaires, ilfs fer
courent éfoignez de ec petit, troa-
S
T3E IA METff. I. Fut. t«
peau qui leur applaudtffbn:, leur ar-
deur fe refroidit airift-EÔt : les études
mêmes les plus foïides n'ont plus d'à-
trait pou-reux : ledégoûr, l'ennui,
fe chagrin les. prend , ife. qaktent
tout. I.a vanrté triompboit de letu
pârefiê naturelle, mars ïa pareffiï
triomphe à ton eotirdel'amoHr de
fa vérité 1 car la vanité réfifte- quel-
quefois à la pareflè, mais la pareflè
«« preique toujours- viâorieufe dit
tattou r de la vérité.
Cependant la paflion pour la gloire
fe pouvant rapporter à une Sonne
fin , puiftpi'on peut fe fervir poai
la gloire même de Dien & pourru-
«iHédesatKres, dek réputation que
Pt» a ; il efl peut-être permis àquei-
ques peribnnes defefemr en cér-
ames rencontres de cette paflîort „
comme d'un ferours pour rendre
l'efprit plus attentif. Ma» i\ faut fcrên
prendre gfçde. de n'en fetre ufage ,
quelorfque les panTons raifomafelesv
dont nous venons déparier, nefuf-
fifentpas, Se que nous femmes obli-
ger par devoir à nous appliquer à-
des njjetsqui nous rebuttent. Pre-
mièrement, parce que cène pafïîort
eftoe&dangefeufepotir taeo«fcien*v
«> nVRi& sixiE'MÉ.
ce : Secondement , parce qu'elle en-*
gage infenfibleroent dans de mauvai-
ses étude» , &'quî ont plus declat que "
d'utilité & de vérité :- Enfin parce'
qu'il elt très difficile de la modérer,
qu'on en feroit Couvent la duppe , &
que prétendant s* éclairer I'efprit , ou
ne feroit peut-être que fortifier la
concupifcencede l'orgueil , qui non
feulement corrompt le cœur, mais'
répand aufli dans i'efprit des ténè-
bres , qu'il elt moralement impôt
fible de difîiper.
Car on doit confidérer que Cette '
paffion s?auememe, fe fortifie & s'é-
tablit infenfiblement dans lecceur de
l'homme: &queIorfqu,eIIe«ft trop-
violente, au lieu d'aider refpritdaiis.
la recherchedela vérité , elle l'aveu-
gle étrangement', & lui fait même-.
croire que les chofes font comme il>
fouhaite qu'elles foient. .
Il en uns doute qu'il ne fe trou-
veroit pas tam de faunes inventions-
& tant de découvertes imaginaires , ,
fi les hommes ne fe-IauToient point*
étourdir par des delïrs ardcris-de pa-
raître inventeurs. Car laperfualion,
ferme &obflinee où ont été plufïeur s.
gerfonncs ^qu'ils avoieut trouvé pas.
DE LA METH.T.Part. -m
^exemple le mouvement perpétuel, le
moyeu d'égaler le cercle auquarré ,
& celui de doubler le cube par la
Géométrie ordinaire, leur eft venue
apparemment du grand defir qu'ils
avoient de paraître avoir exécuté ce
que piufîeurs perfpnnesavoient tenté
inutilement.
ÏI eft donc bien plus à propos de
s'excitera des paillons qui font d'au-
tant plus utiles pour La recherche de
la vérité qu'elles font plus fortes, &
dans letquelles l'excès eft peu à crain-
dre: comme font les défies de faire
bon ufage de fon«fprk.: & de fe dé-
livrer de fes préjugez & de fes er-
reurs , d'acquérir aflez de lumière
pour fe conduire dans l'état dans le-
quel on eft ; & d'autres pallions fem-
blables qui ne nous engagent point
dans des études inutiles , ôc qui ne
.nous portent point à faire des.juge-
menstrop précipitez.
Quand on a-commencé àgoûter le
plaîlir qui fe trouve dans I'ufagede
ï'efpritfqu'on a reconnu l'utilité qui
en revient , & qu'on s'eft défait des
grandes paflions & dégoûté des plai-
firs fenfibles,qui font toujours, lorf-
^u'ons'y abandonne indiferétement.
« utvru snrreTVffi.
fe* maîtres ou -plutôt les tyrans de la
laifon ; l'on n'a pas befoin d'autres
paflïonsquedecellesdom on vientcfc
parler , four fe rendre attentif aux
Jujets qaef on veut méditer.
Mais k plupart des hommes ne font
point en cet état : Ils n'ont du goût,
4e l'intelligence , de la déKcateflè ,
sque pour cequiîooctteles fens. Leur
Imagination cfl corrompue d'un
nombre prelque infini de traces pro-
fondes, qui ne réveillent que de rauf-
ïès- idées : car ils tiennent à tout ce
.qui tombe fous les fcns Se fous l'i-
magination, & ils en jugent toujours
ielon rimpreflion qu'Us en reçoi-
vent ,ciefl-a-dire, par rapport àeux.
LTorgaeiI , ta débauche , les engage-
mens, les defirs inquiets de faire
quelque fortune, ficomiimns dans les
-gens du monde, obfcurcîflèm en eux
la vûë de la vérité, comme ilsétouf-
fent en eux les fentiroens de piété î
parce qu'ils les leparent de Dieu qui
îeul peut nous éclairer , comme il
peut feiu* nous régler. Car nous ne
pouvons augmenter nôtre, union
avec les choies fenfibles , fans dimi-
nuer celle que nous avons avec les
véritez intelligibles ; piûfcjue nous
CE LA MET». ï. Pmt. 15
me pouvons dans un même tems.être
unisétfostenient à dee chofes ù dif-
fcoemes.& fi oppofées.
Ceux donc qui ont l'imagina-
tion pure Se chafle , je veux dire
Amu Je cerveau n'eft point rempli
de tsacos profondes , qui attachent
aux cl*»fe. vilibles , peuvent fa-
cilement s'unir à Dieu & Te ren-
dre attentifs à la vérité qui leur par-
le : ib peuvent fê palier des fecours
qu'on tire des partions. Mais ceux
qui ibrtt dans le grand monde , qui
tiennent à. trop de-chefe, & dont l'i-
«agaiation eft toute falie par les idées
fautes & ofefcures que les objets fen-
fiblesont ewité en eux : ils ne peu-
vent s'appliquer à la vérité, s'ils ne
font foûtenus de quelque pafllon af-
fez forte, pour couEre-balanoer le
poids du corpsqui les entraîne, &
pour former dans leur cerveau des
traces capables de faire révulfion
dans les eiprits animaux. Mais com-
me tenue paflïon ne peut par elle-
même que confondre les idées , ils
ne doivent s'enfervirquamatuque
la neceiïïté le demande., & tous les
hommes doivent s'étudier eux-mê-
me», .alïnde.ptoportioaner leurs paf-
*4 EIVRE SIXIEME,
fions à leurs foibleûes.
II n'en pas difficile de trouver les
moïens d'exciter en foi même les
paflions que l'on fouhaite. La con-
noilCince que l'en a donnée de l'u-
nion del'ame & du corps, dans les
Livres piécédens, donne allez d'ou-
verture pour cela:* car en an mot il ■
fuffit de penfer avec ■ attention aux
objets , qui félon rinltitution de la
nature font capables d'exciter les paC-
fions. Ainfi -l'on peut prefaue tou-
jours faire naître dans Ion coeur
les pallions dont on a befoin. Mais
fi l'on peut prefque toujours ■ les
faire naître , on -ne peut pas tou-
jours les faire mourir, ni remédier
aux défordres qu'elles ont caufé
dans l'imagination. On doit donc
en ufer avec beaucoup de modéra-
tion.
II faut far tout prendre garde à
ne pas juger des choies par ■paflïon ,
mais feulement par la vue claire de
la vérité , ce quil eil prefqu'impoffi-
bled'obferver, Iorfqae les paflïon»
font un peu vives. La paflïon ne doit
fervir qu'à réveiller l'attention:
mais elle produit toujours fes pro-
pres idées , & elle pouflè vivement
k
DELAMETH. t. Part. ^
--ïavolonté à Juger des choies par ces
-îdées qui la touchent, plutôt que
par les idées pures & abflraites de
la vérité qui ne la touchent pas. De
■-forte que l'on ferme fouvent des ju-
-gemensqui ne durent qu'autant que
-.la paflion; parce que ce n'eflpoint la
vue claire de la vérité immuable,
.«nais la circulation du fangqui les
.fait former.
■ Il eft vrai que les hommes font
-étrangement obftinsz dans leurs er-
reurs , & qu'ils en foûtiennent la
-plupart toute leur vie. Mais c'eft que
-ces erreurs ont fouvent d'autres cau-
-fes que les paillons : ou bien elles dé-
Îendent de certaines paillons durâ-
tes, qui viennent de la conforma-
tion du corps, de l'intérêt , ou de
quelqueautrecaufequi fubliflc long*
-tems. L'intereft , par exemple , du-
rant toujours , il produit une palfioH
<mi ne meurt jamais, & Iesjugemens
<jue cette palîion fait former, font
allez durables : Mais tous les autres
Jênrimens des hommes qui dépen-
dentdee. payions particulières, font
■auflîinconfiansquele peut êtrela fer-
mentation de leurs humeurs. Ils di-
rent tantôt d'une façoatantôtd'une
Tome IlL B
*tf LIVRE SïXIE'ME.
autre ; & ce qu'ils difent eft aflèrfo*-
vent conforme à ce qu'ils penfeut.
Comme ils courent d'un fauxbienià
un autre taux bien par le mouve-
ment de Ieurpaffion , & quiils s'en
dégoûtent lorfquece mouvemencecf-
Je : ils coqrentausfi.de faux fylléme
en faux fyftéme. Us lembeaflènt avec
chaleur un faux ièntimeut , lortque
Ja pasfion te rend vrai-femblable:;
■mais, -cette paslïon éteinte , ils l'a-
iandoanent. Ils goûtent par les pat
rfions-de tous les tiens, fans rien trou-
ver (de ban: ils voyent j»ar les mô-
mes pasfions toutes les vérkez fer*
rien voir devrai ; quoi que dans fc
lemsque Iapasiioadure, ce qu'iis
coûtent leur paroûTe le ifouverflin
bien , & ce qu'ils voyent .foit pour
eux une vérité mconteftable. '
La féconde fource d'où.I'ônjpeut «-
ier quelque fecours pour rendre il'et
prit attentif font les feus. -Les folia-
tions font les propres modifications
de l'ame , les idées pures de I'efprit
font quelque «hofe de différent.; les
ferdâtions réveillent donc .nôtre at-
tention d'une manière beaucoup.pius
vive que les idées pures. Àinfî U*eû
vifible que l'on peut remédier audé-
DE LA IWETET. ï. Part, r*
faut duplication del'efprit aaxvé-
lirez qui ne Je touchent pas , >en les
exprimant par desdbafesienfiHes qtii
le touchent.
Oeft pour edaatreïles Géomètres
CKpnîmeitt perdes lignes ferlfîhles les
proportions qui font entre les gran-
deurs qu'ils veuJem.coniidérer. En
traçant ces lignes fur le papier , ils
tracent pour ainfi dire .dans leur ef-
prit les idées, qui y répondent ; ils
îê ies rendent plus familières , parce
-qu'ils les (entent enmême temsqu'ils
Les conçoivent .-C'eft de cette manière
que l'on peut apprendre 'plutieurs
chofes allez drrrriïesaurcnfàns, qui
ne font pas icapaWesdos yénirez abf-
traiees;à caufe deia:ereiicateae des fi-
bres defeur.cetmeau.JkncvDyent des
yeux que des couîctirs, des tableaux,
des images, maisilsranfidcrent par
léfprit les idéesqurrcpondent à ces
objets fenfihles.
Ilfaut far tout prendre garde à ne
point couvrir -les objets , que Ton'
veut confidetecatiqued'on veuttfaire
voir aux autres ,idetant fefbnfibihti,
rîl^efpritiertfoitipuis occupéque.
lavérké même^car.c'eit un dé-
faut des j&iusajiifidiïrables & de&plus
Bij
z8 LIVRE SIXIE'ME.
ordinaires. On voit tous les jouis
desperfonnesquine s'attachent qu'à
cequi touche ies fens , .& qui s'ex-
priment d'une manière ii fenfible,
que la vérité eft comme étouffée fous
le poids des vains ornemens de leur
faulle éloquence. De forte que ceux
qui les écoutent, étant beaucoup plus
touchez par Ja mefure de-leurs pé-
riodes , & par. les mouvemens de
leurs figures , que par les raiforts
qu'itsentenlem , ils fe laiffent per-
faaderfans fçavoirfeulementcequi
les perfuade , ni même de quoi ils
fontperfuadez.
11 faut donc bien prendre garde à
teànpererdetellemaniere la fenfibr-
litédefes expresfions, que l'on ne
ïafle que rendre l'efprit plus attentif.
XI n'y a rien de fi beau que la vérité,.
Hrte faut pas prétendre qu'on la puif-
fe rendre plus belle en la fardant de
quelques couleurs fenlibles, qui n'ont
rien de folide, & qui ne peuvent
charmer que fort peu de teins. On.
lui donnerait peut-être quelque déli-
catefte, mais on diminueroit fa for-
ce. On ne doit pasla revêtir de tant
d'éclat & de "brillant , que l'efprit
s'arrête davantage à fes ornemens
t>E LÀ METH. T. Part. 29
qu'à elle même : ce feroit la traiter
comme certaines perfonnes que l'on
charge de tant d'or & de pierreries,
qu'elles paroiflènt enfin la- partie la
moins confiderable du tout qu'elles
compofent avec Ieurs; habits. Il faut
revêtir la vérité comme les Magiftrats
deVenifo , qui font obligez de por-
ter une- robbe & une tocque toute
fimple, qui ne fait que les diflinguer
du commun des hommes , afin qu'on
les regarde au vifage avec attention
& avec refpecV, & qu'on ne s'arrête
pas à leur chautfure: Enfin il faut
prendre garde à nelurpas donner une -
trop grande fuite de chofes agréables
qui disfipent l'efprit , & qui l'empê-
chent de la reconnoître.de peur qu'on
ne rende à quelqu'autre les honneurs-
qÛr lui font dûs: Comme if arrive,
quelquefois aux Princes qu'on ne.
peut reconnoîtredans Iegrandnom-
bredesgensdecourqut les environ--
nent , &qui prennent trop de c« air,
grand &majettûeux qui n'efl propre
qu'aux Souverains. ■
Mais afin de dorinerun plusgrand;
exemple: Je dis qu'il faut. expofer
aux autres la vérité , comme la vé-
atémême s'eft expofée. Les hom-
B iij
GooSk
5» LIVRE SIXIEME.
»es depuis le poché de leur pete;
ayant la vue trop faible pour ca»li>
derer la vérité en elle-même-, cette
fouvcraine vérités'eÛ tendue fenfi-
He en fe couvrant de nôtre huma-
nité , afin d'attirer: nos regards , de
cous éclairer , & de fe rendre aimai-
bieà nosyeux. Âinfi oir peut à fou
exemple «ouvrir de quelque cttofede
ferrfible les-vérher quenorwvoulons
comprendre & enfeigner ans autres*
afin d'arrêter, ï'efprit qui aime la
fenfiBle , & qui ne-fe prend, aifemenz
que par quelque choie qur flatte- les.
fens. l.a Sageffb étemelle a'eft rendue
fenfrhle, mais non dans téelat : elle
s'eft rendue fenlîble, non pour news
arrêtée au fenfible, mai» pour nous,
élever à-PimeHigitie : «lie a'eft- ren-
due fenfibir pour condamner & (5-
crifier en faperfonne- r.yuœs.Ies, cho-
fesftmfibles. Noua devons.donc nous
fer vir dans la connoiÛannr delà vé-
rité • de: quelque chofe de ienfifefe
qu t D*ai d poi a t rroptd'élat , Ôt qui ne
nous arrête point trop au fenfible-:
rnais.qm pu iâè feulement faùtenir la
vue de nôtre elpnb dans, la coniem-
mrement intelli-
i* BOHs.fitjcvu de
DE.tAMEra tVjnT. p
eprelque cbofe de fenfible , que nous
puis Lion* dw.)iper, anéanti p, fûcii-
rierarespiaifir » la vue de foyéràs
vers laqueHeelle nous aura<eonduits,.
La Sageflb éternelle s-'eft ppefentéff
hore-de tk>im d'une manière fenfiblej
non pour noua arrêter hers de nou8>
nais afin-de nous- faire- rentrer- dans
nous-mêmes', Sfe-quefeion l'homme
intérieur noue la pukfions c&rAide-
rar, d'une- manière intelligible. Nous
devons ausfi dam la recherche de la
Mpité nouifervir de quelque cliofe de
fenfiHe, qui ne'noHS arrête point
hors de ikhis pap Ton éclat ; mais qui
nou*-fa(ièFeRprer dans nous-mêmes,,
qui nous rendeattemîfeSt nous uniife
à la vérité étemelle , laquelle feule,
préfideà-I'eforit , & le peut éclairer
fur quelque CRoieque ce purflèêtre;
CHAPITRE TV.
De £nfa<!e de Pimqgmatiaa pour COtt-
jkrpar l'attention de, Peffait r & de,
l'utilité de U Çènmètme.-
IL finit afeidtt'graudes oii£oafpec-
tions dans Sechoix & dans fufage
des ieoo«rs que l'on peuo tirer de les
fe-iïs-& defë»uasfiQUSfOUC fe. rendre
ftiiif
GooSk
3» LIVRE; SIXIEME.
attentif à la vérité; parce que n09':
pasfions 5c nos Cens nous touchent
trop vivement , & qu'ils rempliftent
de telle forte la. capacité de Pefprit,
qu'il ne voit fouveut que fes propres -
fenfations , torfquJilpenfedécouvrir
les choies en elles-mêmes. Mais il
n'en eft pas de même des- fecours que
Ton peut tirer de fon imagination^
Ils rendent Refprit attentif fans eri
partager inutilement Incapacité, &
Us aident ainfi merveilleufement à
appercevoir clairement & diAinâe*
ment les objets , de forte qu'il efl
prefque toujours avantageux de s'ert
Fervir. Mais rendonsceci fenfiblepat
quelques exemples.
On fçait qu'un corps eft mû par
deux ou par plufieurs caufes diffé-
rentes, vers deux ou piufieurs dîffëV
rens cotez : queces forces les pouffent
également on inégalement : qu'elles
augmentent ou qu'elfes diminuent
rnceffàmment , félon uneproportiort
connue telle qu'on voudra. Et l'on
demande qoelelt le chemin que doit
tenir ce corps-; l'end rortoù if fe doit
trouver dans un tel moment ; quel
doit être fa vîteflè Iôrfqu'il eft arriva
h un tel endroit, & autres choies
femblables.
a —
3
AI T
nit
V
\
B
3
i
3
X
X
\
..
fi-
A
j4 r.rvïŒ stxie*me;
Du point A, # que l'on fuppofëétre
celui tfoà ee^rps commence à fe
nwwok, on-doit tirer d'abord les:
Jrgnesindjftînies AB , AC , qui fonC
tandrSAC, fi ellesfe coupent: car
AB& AjC, font directes, ou ne- font
qu'une rfiênsefigne droite, & nefè
eoupenrpasj Iorfquefesmouvemens. ,
qu^rfles expriment (ont directement
oppofez.. L'on reprefente? ainfi di£-
' rinâementàl'imaginaooni, oufion
le veut auxfens , iechemin que -fui—
. vroït cecorps , s'il n'y avoirqti^me
de ces fbreesquile poufcât veis quel-
qu'un: des cotez A, ou B-
2.. Si la fore? qui meut ce-corps vers;
B.eft égale à celle qui fis meut versC,.
on dow coupe* dans lesf.HgnesAB, 8c.
AC, des parties i, 2, 3» 4, & i> n, m,
iv.. également éloignées de À. Si Fa
foreequi le meut vers B, efl double- •
decelle qui ïe meut versC,l'on coupe'
Ses parties dans AB, doubles de celles,
que l'on coupe dans AC. Siceitefor-
ceeft foudouMe.on les coupe- fou-
doubles.: S» trois foi) plus grandeotr
plus- petite-, on Tes coupe trois foi*'
plus grandes ou plus petites. Lesdi-
nifibni. de ces lignas expriment en-
«ore.-à-.Pimaginatwn la grandeur de»
t rm tx KfÉnr.. r. fart. 3Ç
cTïfferentes forces qui meuvent ce
corps, & en rnêmetemsl'efpace qu'el-
les fontcapablesdele faire parcourir..
5. L'on tire par ces dtvifions des-
parallèles à AB,& à AC, afin- d'avoir
les lignes iX> 2 X, jX , &c. égales à.
A i,A n)Ani,&c.& i.X.n.X; ni. X,
égales à A i, À 2, A3, qui expriment
ièsefpaces , queces forces fontcapa-
blesdefaireparcourrr à ce corps. Et;
par les interfedionsde ces parallèles,,
on tire la ligne AXYE , laquelle re-
prefenteà l'imagination :.' première-
ment. la véritable graodeur du mou-
.vement compoféde ce corps, que l'on;
conçoit poufïè en même tems vers R,.
& versC, par deux forces différentes^
iêlbn une telle proportion :. Secon-
dement Le chemin qu'il doit tenir 1
Enfin tous tes Keux où H doit être-
dans- un tems déterminé. De forte
eue cette figne fort, non feulement à-
roûtenïr ta vue de refpi.it, dans, lai
recherche de toutes les- véritez qu'on!
veut découvrir fur la quefiion pro-
pofée : elle en reprefente même- la:
iefohuion d'une manière fenfibleôe
convaincante..
Premièrement cette ligne- AXXEj,
exprime la véritable grandeur <Jui
•$ LIVRE SIXIEME,
mouvement compofé. Car l'on voit
fenfiblement que , fi les forces qui le
produisent peuvent chacune faire
avancer ce corps d'uh pied en une
minute , fon mouvement compofé
fera dedeux- pieds en une.minute , fi -
lés mouvemens. compofans. s'accor-
dent parfaitement : car dans ce cas il "
fuffit d'ajouter AB, à AC, parce que
les forces des mouvemens cornpofans -
font entièrement employées à former
le mouvement cbmpofé.Et fi ces mou-
vemens ne peuvent s'accorder entiè-
rement ., le compofé AE fera, plus
grand que Pur) des compofans AB ou
AC, de la ligne Y-E, Mais fiées mou- -
vemens fe font par deux lignes qui.
fanent l'angle CAB.de iio.degcez, le
compofé fera égal à cliacun descom-
ppfans égaux: Enfin fi ces mouve--
menïfont entièrement oppoféz , le-
compofé fera nul : parce que les for-
ces des mouvemens compolans étant*
égales, elles font équilibre.'.
Secondement, cette ligne AXYE,'.
rep refente à l'imagination le chemin
que doit fnivre ce corps : & l'on voit •
fenfiblement félon quelleproportiont
il avance plus d'un côté que de l'au--
tre;. Oh voiraufll que tous les roau-v-
DE LA METH; I. Part. 37- '
vemens compofez fontenlignedroi^-
te, lorfqve chacun des compofansefl-
toujours fe.méme , quoiqu'ils foient
inégaux eiïtr'eux^ ou bien Iorfque"
fes compofans font: toujours égaux
entr'eux quoiqu'ils ne foient pas tou-
jours; les mêmes,- Enfin ileftvifible"
queiesJignes quedécrivent ces mou-
vemens font courbes ,. Iorfque les ■
compofans font inégaux entr'eux, 8c-
ne foin pas toujours les mêmes.
Enfin cette figne reprefente à Pi--
magination tousïes lieux où ce corps, .
jwiiflëpardeuxforcesdinerentesvers'
deux difïerens endroits, doit fe trou-
ver : de forte que l'on peut marquer
précifémeiit le point où ce corps doit-
être dans ter irritant qu'on voudra.
Si l'on veut fçavoir , par exemple,.
oùildoit fe trouver au commence- ■
ment de la quatrième minute: ilnV
aqu'à divifer les lignes AB , ou AC, -
01 des parties qui expriment l'efpace, .
que ces forces connues feraient capa-
bles chacune en particulier de faire ■
parcourir à ce corps dans.une minu- •
tt; & prendre trois- dé ces- parties ■
dans quelqu'une de ces lignes , &
ùrer enfuite par le commencement .
kk quatrième, 3 X, paraHeleà AB,,
ra mrv
I
3
4
A I II III IV .
E\
a\
Google
DE LÀ HETH. I. F*rt. 39?
•a tn. X. parailefer à AC. Capiietë
ériJentmifflepBgBtt X , que l'une ou
fautre de ces parallèle» détermine
«bis iaiœgue-AXïF;, marque l'en?
■zoît oùcof OFps. fe tneravepa1 aircom-
Bviwesasiu de la iro-Bfiéitîe tnnHrte
<eibo mouvsmeut.. Âijïfe cette- ma-
nière d'examiner les questions ne
fbûtiewt pae fêolcniem la vmî del'ef-
pe'sc , e&e Iwp six montre même ïa.
fifahaAaa :&■ «Me lui donne aflfeadfe*
kinnR poop déee»v.rir les chofcs-
MLOnwugs- pjw fou peu de efeofes-
ttluffic pare)*enrpî«'apïéscequTon-
»dïc,q*c tors fçacfee feulement qur'tnv
•orpt^wiétowerj A dans un tel tems,
fei»Oîivcen Ednrwtro autre , &qiie-
les1 forces différentes lepooflènt par
des lignes qiiï' faflènt un angle don-
né tel que BAC ; pour découvrir fa-
figne de Ton mouvemenreompofé, &
les différens degrez des vhefles des.
mouvemens nmplesjpourvû.quel'on
fçacfie que ces mouvemens- foient
égaux eutiTeux ou uniformes. Car
rndonadeux points d'une -ligne
îte; on l'a route entière : & l'on»
peut comparer laligne droite, A E „
ou le mouvement compofé qui eiï-
C,„„sk-
4fi' LIVRE SIXIEME.
connu , avec les lignes A B & A CV
deft-à-d ire avec les mouvemens am-
ples qui- font inconnus. -
Si l'on-fuppole de nouveau qu'une
pierre, fort pouffée de A* vers B ; pat
un mouvement uniforme , marsqu'-
dle defcende vers C infiniment éloi-
gné du point A-, par un mouvement
inégal femblable à celui dont on croit
ordinairement que les corps- pefans
tendent au centre de la terre, c'efl-à-
dire que les efpaces qu'elle parcourt
foienfc emr'eux ,. comme les quarre^.
des tenis qu'elle emploie à les par*
courir: la ligne qu'elle décrira fera:
toûjoursune parabole; &I'on pourr*
déterminerdansla dernière exaâitu--
de le 'point où elle fera dans untefc-
moroeHt de Jon mouvement...
Coo8k-
C,„„sk-
4* LIVRE SIXIEME!
Car fi dans ce premier moment ce
corps tombe de deu* pieds de A vers
C, dans Iefecondde Iix, dans Ietroi-
Hérne de dix , dans le quatrième de'
quatorze, & qu'il foi t poulie par un-
mouvement uniforme Se A vers B,
qui eft de la longueur iJefeize pîedï,
ilefl vifîbïe que la îignequil décri-
ra fera une '-parabole , dont te paramé-
tre fera long, de huit pieds. Car le
quarré des appliquées ou ordonnées au
diamètre lesquelles marquent les
tems & le mouvement umfocrae de
A vers B, fera égal au reBangle du pa-
ramétre par les lignes qui marquent
les mouvemens-megaux & accélérez, :
& les quarm^des appliquées, c'eft-à-
direles qnarre^àsi tems feront «urV
eux comme les parties du diamètre
comprîtes entre le pale Se les ap-
pliquées.
16. 64: : î.8.
64. 144. : : 8. 18. &c.
II fuffit de confidcrRr ia [ixiéme fi-
gure pour feperfuaderdececi..Car
les demi cercles font connoître que
A 1. elt à A4, c'eft-à-dire à l'appli-
quée i X qui lui eft égale : comme i
X eft à A 8. Que A 18 eft à A ri, c'eft-
à-dire à l'appliquée 18 X } comme i£
DE LA METFF. ï. Part. «
X eft1 à A 8 , &c. Qu'ainG tes nffan-
glet A 2-parA8 , & A r8 autti par A
* jfont égaux aaxqmrr&çàez X , &
*er8. X, &c. Etparccrirequeiit que
tesjuarre^ font entr'eux comme ces
re&mglts.
Le» parallèles far A R & fur A C
yw fe coupent auxpcàms X. X..X.
iontencorefénfîbïemwK counoître le
cnemiir que doit tenir cecorps. Et-
I» marquent les endroits' où il doit
être en un tel tema. Elles repréferr-
tent enfin- aux- yeuxïa vérrtaBïe gtan-
deusdu mouvement compote, oc de
ferr aeceltratitn , en un teins déter-
miné.
Suppofàm denenveau qtfuncDrps
fe- meuve-de-A vers C inégalement ,
auflrBien que-de A vers ft": fr l'inéga-
ifté'eft parêiïïean commencement &
toujours- .-eTeffi-à^dîrcfl: Pfnégalhé.dfe
(bu- mouvement- vers C cfl femHkfcle
à- celai vers B , ou 9*ilaugmente avec
fe- même- proportion , la figne qu'il
décrâraièra d'rofte.
Mars fi l'on nippon; qu'iP y art
mégaHté dans l'augmentation-, ou
dans la diminution des. mouvement
Smpfes ; quoique- l'on fuppafe cette
inégalité telle qir'onvandia , Hier»
C,„„sk-
44. LIVRE- SIXIEME.
toujours facile de trouvée Ialignev
qui repréfente à l'imagination le
mouvement compofé des mouve-
mens (impies; en exprimant par des
lignes ces mouvemens , & en tirant
à ces lignes des parallèles qurs'entre-
coiipcnt. Car la ligue qui parlera pat
toutes les interfections de ces paral-
lèles , repréfentera le mouvement
compofé deces mouvemens inégaux ,
& inégalement accélère^ ,ou dimi-
nuez.
Par exemple fi Ton fuppofe qu'un
corps foit mû par deux forceségales-
ou inégales,- telles qu'on voudra:,
qu'un de ces mouvemens augmente
ou diminue toujours, félon une pro-
greflion Géométrique ou Arithméti-
que telle qu'on voudra j &<que l'au-
tre mouvement augmente ou dimi-
nue auffi félon une progteflion Arith-
métique ou. Géométrique telle que
l'on voudra : pour trouver les points
par Iefquels. doit, palïcr la ligne qut
tepréfente aux yeux & à l'imagina-
tion le mouvement compofé de ces ■
mouvemens, voici -ce qu'il y a k
faire.
II faut d'abord tirer comme l'on as
dit les. deux lignes A B & AQ ppue-
GooSk
"DE .LA METH. I. Part. 4^
exprimer les deux mouvemens fim-
plës , & divifer ces lignes félon la
îuppofition de l'accélération de ces
jmouvemens. Si l'onfuppofc que le
mouvement, exprimé paria ligne A
Ç augmente ou diminue félon cette
progreffien Arithmétique 1. 2. 3. 4.
Al Ir
^, ilfaut ladivifieraux points mar-
quez r. a. 3. 4. ^. & fi l'on fuppofe
que te mouvement exprimé par la li-
gne.AB augmente félon la progref-
îion double r. 2. 4. 8. 16. ou diminue
félon la progreffion foudouble 4. î.
*• * >4>4ï'*ï «ut Ia divHec aux pointa
marquez 1. 2.4. 8. \6. ou 4. a. X,
ï,J,j. Enïuite H faut tirer par ces
divifions des paraHes à A B & à A
C ; & la ligne A E, qui doit exprt-
GooSk
4« JjTVRE SrXTE'ME.
-merle mouvement compoie que font
cherche, panera nécellaiteraent-pat
nous ic5 points où ces parallèles s'en-
«recouperont. lEtainli -l'on voit ta
Chemin que ce corps mù doit tenir,
■Si l'on vent comioîtreéxacbement,
.■combien il y a detems que ee corps
.a commencé d:être remplie , loxfqu'iî
■eft atïiveà un tel point : les paralle- •
les tirées de se point fur A B on fur.
A C le marqueront , car les ddvilîon»
de A B & de A C, marquentie -teins.'
DemêmefiTonveutfçavorrle point"
où ce corps fera arrivé en un teltems,"
lesparalleles-tirées des divifions des*>-
iignes AU & ACqui repréfentent'
ce -tems , marqueront par leur inter-'
■feâien -«e po«tt -«j«e -Pen-cheeebe,* .
Pour l'éloignement du lieu d'où il'
a commencéà ie mouvoir , il fera
toujours facile deîeconnoître.en ti-
rant une ligne decepoiut vers A: car
la-longueur de cette ligneie-connoî-
tra par rapport à A Bou-à ACqui
font connues. Maisrpour Ialorgueur
du chemin que ce corpsaura' fait pour
arriver à. ce point, il fera difficile de
laxonnoître, à caufefjue latligne de
Ton mouvement, A E , étant courbe ,
on ne. peut la rapportera aucune à%
cesiignes drohes.
DE 1A WE3H. J. Part. 47
-Que fi Ton voulait déterminer les
points infinis par lesquels ce corps
xfoit paflër, c'efl-à-dire, décrire- exac-
tement &;par un mouvement continu
Ialigne À E , il Jèroit néceflàirede fe
iaiieun. compas dont Je. mouvement
desjaœhcs fïitreaié J félon les condi-
tions exprirnéesdansles i'uppoiïtrons
que l'on vient défaire. Ce gui eil fou-
lant très-difficile à inventer, impôt-
ïiblc à exécuter , & allez inutile pour
découvrir les xapports que les choies
ont entr'elles ; puifque l'on n'a pas
d'ordinaire befbin de tous les points
dont œoe Jigneeft jx>mpofée , mais
fedlemem de quelques-uns qui fer-
ment àcanduiïe ^imagination lorf-
fju'eiic -eonfidére de tels mouve-
ment.
Ces exemples fuffifent pour faire
connoître que l'on peut exprimer
par I^nes,& repréfènterainfî a l'ima-
gination la plupart de nos idées ; &
que la Géométrie qui apprend à faire
toutes les comparaifons neceîTaires
pour connoître les rapports des li-
gacs,, efl d'unuiàge beaucoup ulus
étendu gu'on ne le penfe ordinaire-
ment. Car enûn l'Auronomie, la
Muiique , les Mécaniques , & gêné*
48 LIVRE 'SIXIEME,
■lalemeia toutes les fciences qui trai-
tent des cbofes capables de recevoir
du plus ou du moins , & par confé-
«uentquel'on peut regarder comme
étendues, c'eft-à^dire toutes Iesfcîen-
ces exafles fe peuvent rapporter à la
Géométrie: parce que toutes Iesvérr-
tez fpéculatxves ne confluant que
dans les rapports des choies , & dans
,les rapports qui fe trouvent entre
leurs rapports , elles fe peuvent tou-
tes rapporter à des lignes. On en
peut tirer géométriquement plu-
îieurs confequences : & ces confe-
quences étant rendues fenfibles par
.les lignes qui les repréfentent , il
n'eft prefque pas posfiblede fe trom-
per , & l'on peut pouûer ces fcien-
ces .fort loin avec beaucoup de fa-
cilité.
La raîfon par exemple pour la-
quelle on reconnoît tres-dillinâe-
ment , & l'on marque précifement
dans la Mulique une oétave, une
quinte, une quarte, c'efl que l'on ex-
prime les fons avec des cordes exao
temeiitdivifées ;'■& que l'on feait que
la corde qui fonne l'oâave eft en
proportion doubleavec I'autreaveç
laquelle iè faitl'oâave j -que la quin-
"DE £A METH. I. Paht. 4*
te efi en proportion fefquîaltere ou
de trois à deux, & ainli des autres.
Or l'oreille feula ne peut juger des
lbnsavecIapréci(ion& la juileuene-
ceQàiie à une lcience. Les plus habi-
les Praticiens , ceux qui ont l'oreil-
le la plus délicate & la plus fine , ne
font pas encore allez fenfibles pour
reconnoxtre la différence qu'il y
a entre certains fons ; & ils Le per-
fuadent fauflement qu'il n'y en a
point , parce qu'ils ne jugent des
choies que par le lentiment qu'ils en
ont. Hyertaqui ne mettent point de
différence entre une octave & trois
dirons. Quelques-uns même s'imagi-
nent que le ton majeur n'eft point
différent du ton mineur; de forte que
lecomm^quienefl la différence, leur
cft infen(f>Ie , & à plus forte raifon
lefibijma qui n'ell que la moitié du
Il n'y a donc que la raifon qui nous
iatlè manifeftement voir que Tefpace
delacordequi lait la différence entre
certains.fons , étant divilîble en pïu-
£eurs parties , il peutyavoirencore
un très-grand nombre dedifferensfons
utiles & inutiles pour la Mufique,
lefquels .l'oreille ne peut difcemex.
Tome III C
GooSk
lo LIVRE SIXIPME.
D'où il eft clair que fans l'Arithmé-
tique & la Géométrie la Mufigue ré-
gulière & exacte nous ferait incon-
nue, &. que nous ne pourrions réiïf-
fîr en cette fcienoe que par hazard 8c
par imagination: c'eft-*direque la
Mufique ne ferait plus unefcience
fondée fur des demonftraâons incon-
teftables ; quoique les airs que l'on
compofe par la force de l'imagina-
tton, foient plus beaux & plus agréa-
bles au» fens.queceuxque Pou com-
pofe pat les régies.
De même dans les Mécaniques , la
pefanteur de quelque poids, & la dif-
tance du centre de pefanteur de ce
poids d'avec le foûtien , étant capa-
ble du plus &du moins, l'une & l'au-
tre fe peuvent exprimer par des ii-.
gnes. Ainiï l'on fe fert uti Vient de-
là Géométrie pourdécouvrir& pour
démontrer une infinité de nouvelles
inventions très-utiles à la vie, & mê-
mes t ces-agréables à lelprît à caufe
de I évidence qui les accompagne.
Si par exemple on a un poids don-
né comme de fix livres , que l'on
veiiille mettre en équilibre avec un
poids de trois livres feulement; &
que ce poids de fix livres foit attacb
DE LA MEÏH. I. Faut. <r
aafcras d'une balance éloigné du foû-
tien de deux pieds: fçaehant feule-
ment le principe général de toutes les
mécaniques: Que 'es poids pour demeu-
rer en hjmlibre, 'drivent être en'propor*-
tion réciproque avec Iturs difiances dm
J&âtien ,-- c'elt-à-direqu'un poids doit
être à l'autre poids.commeladiflance
«ftii efl entre le dernier & le Soutien,
eft à la diftance du premier d'avec le
même foûrren, il fera facile detouver
parla Géométrie qu'elledoit être la
cttftance du poidsde trois livres, afin
que tout demeure en équilibre j en
trouvant félon la douzième propofî-
tïon dufîxiéme Livre d*EucIide , une
quatrième ligneproportionneile qui
fera de quatre prèaVlDe forte que
fçaehant feulement leprincipe fonda-
mental des* Mécaniques , on petit dé-
couvrir avec évidence routes les vérr-
tez qui en dépendent , en appliquant
Ia-Géometrie à la Mécanique, c'eft-
à-direen exprimant fenfiblement par
des lignes toutes les chofes que l'on
confidere dans les Mécaniques.
Les lignes 8t les ligures de Géomé-
trie font donc très-propres pour re-
ptéfemer à l'imagination les rapports
qui font entre les grandeurs, ou entre
Cij
c,„„sk-
m Î.IVRE SIXIEME.
les chofes qui diffèrent du plus & Su.
moins , comme les efpaces , les temSj
les poids , &ç. Tant à caufe que ce
font des objetstres-iîmples, qu'àcau-
iè qu'on les imagine avec beaucoup
de facilité. Gn pourroit mêmedire à
l'avantage de ta Géométrie que les
lignes peuvent repréfenter à l'imagi-
nation plus de chofes que l'efprit n'en
peut connoître : puiique les lignes
peuvent exprimer les rapports des
grandeurs incommenfurables , c'efb-
a-dire desgrandeurs dont on ne peut
cpunokre ies rapports à caufe qu'el-
les n'ont aucune mefure par laquelle
on en puiflè faire la comparaifon.
Mais cet avantage n'efl pas fort con-
fiderabie pour la recherche de la vé-
rité, puis que ces exprefllons feniibles
des grandeurs incommenfurables ne
découvrent point diftinâement à VeG-
prit leur véritable grandeur.
La Géométrie eft donc très-utile
pour rendre l'efprit attentif aux cho-
fesdont on veut découvrir les rap-
ports : mais il faufavoiiçr qu'elle
nous eftquelque fois occafion d'er-
reur ; parceque nous nous occupons
fi fort des demonilraiions évidentes
& agrtables que cette fcience nous
ÛE LA METH. I, Part, flf
fournit , qM nous ne conlîdérons pas
aflëz la nature. C'eit principalement
pour cette raïfon que toutes les ma-
chines qu'on invente, ne réuiTilTent
pasjquetoutes les compofuions de
Mufique'où les proportions descon-
fonanceslom les mieux obfervées , ne
font pas les plus agréables, & que
les fupputat ions les plus -exactes 'dans
tfAftromouie, ne prédifent quelque-
fois pas mieux la grandeur & le tems
des Eclypfes. Lanature n'eft point
àbftraite , les leviers & les roues des
Mécaniques- ne font pas des lignes &
des cerclés Mathématiques: nos goûts
pour les airsdeMufique ne font pas
toujours les mêmes dans tous les
hommes , ni dans les mêmes hommes
en dîfïèrens tems ; ils changent félon
les différentes émotions des efprits,
de forte qu'il n'y a rien de ii bizarre.
Enfin pour ce qui regarde l'Aftrono-
mie , il n'y a point de parfaite régir-"
larité dans le cours des Planètes : na-
geant dans ces grands efpaces , elles
font emportées irrégulièrement par
la matière fluide qui les environne.'
Ainfi les erreurs où l'on tombe dans
l'AHronomie, les Mécaniques-, la
Mufique & dans toutes les. feiences
G iij,*
Goo8k-
54 LIVRE SIXIEME
aufquelleson applique la Géométrie;
ne viennent point Se la Géométrie
qui eft une fcience inconteftable,
mais de la faune application qu'on eo
feit.
Onfuppofe, par exemple, que les
Planètes décrivent pat leurs mouve-
mens des cercles & des éllipfes par-
faitement régulières, ce qui n'eft
point vrai. On faitbiendelefuppo-
ièr afin de raifonner , & auifi parce
qu'il s'en faut peu que cela ne foit
Vrai : mais on doit toujours fe fouve-
nir*juele principeiur lequel on rai-
forme eit une fuppofition. De même
dans les Mécaniques, on fiippofeque
le; roues & les leviers font parfaite-
ment durs, & femblables à des lianes.
& à des cercles Mathématiques, fans
pefanteur , Se. fans frottement : ou
plutôt on neconfidere pas aflëz leur
pelànteur, leur frottement, leur ma-
tierej ni le rapport que ces chofesont
entr'elles : que la dureté ou la gran-
deur augmente la pefanteur, que la
pefanteur augmente le frottement j
que le frottement diminue la force,
Î[u'eïle rompt, ou ufe en peu de rems
a machine j & qu'ainfî ce qui réuf- ■
fit p tefque toujours en petit, ne rétif*
GooSk
DE LA METH. I. Part. 55
fit prefq ue jamais en grand.
II ne faut donc pas s'étonner fi on
fe trompé , puîfque l'on veut raifort-
ner fur des principes qui ne font
point exactement connus : & il ne
faut pas s'imaginer que la Géométrie
ioit inutile, à caufe qu'elle ne nous
délivre pas de toutes nos erreurs. Le»
iuppofitions établies , elle nous fait
xaifonner confequemment. Nous
rendant attentifs à ce que nous confi-
dérons , elle nous le fait connoître
évidemment. Nous reconnoiftons
même par elle , fi nos fuppofitions
font faulïès ; car étant toujours cer-
tains que nos raîfonnemens font
vrais, & l'expérience ne s'accordent
point avec eux, nous découvrons que
les principes fuppofez font faux.
Mais fans la Géométrie & l'Arithmé-
tique on ne peut rien découvrir dans
les fcienoes exactes qui foit un peu
difficile, quoi qu'on ait des principes
certains & inconteAables.
On doit donc regarder la Géométrie
comme uneefpece de fcience univer-
felle , qui ouvre 1 efprit, qui le rend
attentif, & qui lui donne l'adretle
de régler fon imagination,. & d'en
tirer tout le fecoura qu'il en peut re-
C iiij
GooSk
& LIVRE SIxrE'ME.
cevoîr : car par le fecoursdelaGéo*-
métrie l'efprit règle le mouvement
de l'imagination; & l'imagination
réglée foûtient la vue & l'application,
de l'efprit.
Mais afin que l'on fçacïie' faire un
bon ufage de la Géométrie, il faut re-
marquer que toutes les chofes qui
tombent fous l'imagination-, ne peu-
vent pas s'imaginer avec une égale
facilité; car toutes les images- ne rem-
? Huent pas également la capacité de
efprit. Il ellplus difficile d'imagi-
ner un folide qu'un plan , & un plan
[ivune fimple ligne : car il y a plus
le penfce dans la vue claire d'un foli-
de que dans la vùë claire d'un' plan
& d'une ligne. II en ell de même des
différentes lignes, il fautplusdepen-
féec'eil-à-direplusde capacité d'ef-
prit, pour fe repréfemer une ligne
parabolique, ou elliptique; ou qnel-
Ïues autres plus compofees, que pour
; repréfenter la circonférence d'un
cercle; & plus pour la circonférence
d'un cercleque pourune Iignedroite,
parce qu'il eft plus difficile d'imagi-
ner des lignes qui fe décrivent pat
des mouvemens fort compofez & qui
ont ploQeucs rapports, que celles»
l
DE LA METFÏ. I. Part, ff
qui fe décrivent par des mouvemens'
ires-lîmples , ou qui ont moins de-
rapports. Car les rapports ne pou-
vant être clairement apperçûs fans
l'attention de Pefprit a' plnfieurS'
ch-ofes , il faut d'autant plus de péri"
fée pour les appercevoir, qu'ils font
en plus grand nombre. Il y a donc
des figures fi compofées que I'efpric
n'a point aflèz d'étendue pour les-
imaginer diftinâement , mais il y en
a auflî d'autres que l'efprit imagine'
avec beaucoup de facilité.-
Des trois efpeces d'angles reflili-
gnes , l'aigu , ledroit, &ïobtus ; il-
n'y a que le droit qui réveille dans-
l'efprit une idée diftméte & bien ter-
minée. II y a une infinité d'angles ai-
gus qui diffèrent tous entr'eux : i [ en -
eft de même de ceux qui- font obtus.-
Aînfî lorfqu'on imagine un angle
aigu ou un angle obtus , on n'ima^ -
gine rien d'exact ni rien de diftinct; -
Mais lorfqu'on imagine un angle -
droit , on ne peut fe tromper, l'idée
en eft bien diftinfle , & l'image mê-
me que l'on s'en forme dans Je cet- -
veau eft d'ordinaire allez jufte,
II eft vrai qu'on peut auflt-déter--
miner" l'idée vague d'angleaigu à"
Cv-
^S LIVRE SIXIE'ME.'
I*idée particulière d'un angle de tren-
te degrez , Se que l'idée d'un angle de-
trente degrez eft aufllexade que cel le :
d'un angle de ço. c'eft-à-dire d'un,
angledroit. Mais l'image que i'om
tâcheron de s'en former dans le cer-
veau , ne feroit point à beaucoup prér
' fi juflequeceHed'unangIedroit..On
n'efl point accoutumé à ie représen-
ter cette, image , & on ne peut la
tracer qu'en penfant à un cercle , ou
- à une partie déterminée d'un cercle
divifé en parties égales. Mais pour
imaginer un angle droit , il. n'eu
point, néceflaire de penfer à celte di-
vifion de cercle -, la feule idée de per-
pendiculaire l'unit à l'imagination
pour tracer l'image de cet angle ; &
tonnefent aucune difficulté à fere-
prefenter des perpendiculaires, parce
qu'on eft accoutumé à voir toutes,
choies debout..
Ileft doncfaciledejuger quepour
avoir un objet fimple , difliiiâ , bien
terminé, proprepour être imaginé
ayee. facilité, & par coufequent pour
rendre refprit attentif & lui confer-
ver l'évidence dans les véritez qu'il
cherche-, il faut rapporter toutes Ies>
grandeurs quenousconfideiQnSj à <fe
GooSk
DE LA METH. I. Part. &
fimples furfaces terminées par des
lignes & par des angles droits , com-
me font les quarrez parfaits &Ies au-
tres ligures rectangles, ou bien à de
fimples lignes droites j car ces figu-
res font celles dont on connoït plus
facilement la nature.
J'aurais pu attribuer aux fens le
fecours que l'on tire de la Géomé- '
trie pour conferver l'attention de
l'efprit : mais j'ai crû que la Géomé-
trie appartenoit davantage à l'imagi-
nation qu'aux fens , quoique les li-
fnes foient quelque chofe de fenfi*
le. II ferait afier inutile de déduire
ici les raifons que j'ai eues , puif*
qu'elles neferviroient qu'à juuirier
l'ordre que j'ai gardé dans ce que je-
viens de dire j cequi n'eft point etfen-
tiel. Je n'ai point auffi parlé de l'A-
rithmétique ni de l'Algèbre , parce1
que les chiffres & les lettres de l'al-
phabet,dont on fe fert dans ces-fcien*-
cesv ne font pas fi utiles pour aug-
menter I'atiention de l'efprit , qua'
pour en augmenter l'étendue , ainfi:
que nous expliquerons dans le Cha-
pitre fuivant.
Voilà quels font les fecours gcné-
rauxquipeuventrendreï'efprit' plu*
C- VI?
6t> LIVRE SIXIE'ME.
attentif. On n'en fçait point d'autres; .
fi ce n'eft la volonté d'avoir de l'at-
tention , de quoi on ne parle pas ,
parce qu'on fuppofe que- tous ceux
qui étudient , veulent être attentifs h-
ce qu'ils étudient.
II y en a néanmoins encore plu-'
fieurs qui font particuliers à certai-
nes perforines , comme font certai-
nes boiilôns, certaines viandes, cer-
tains lieux, certaines difpofnions du
corps , *& quelques autres fecours
dont chacun doit s'inftruire. par ta.
gropreexperience.il faut obferver
eut de Ton imagination après le*
repas, & confîderer quelles -font les-
chofesqui entretiennent ou qui dilïi-
pent l'attention de fbn efprit. Ce
qu'on peut dire de plus gênerai, c'ell
que l'ufage modéré des alimens qui
font beaucoup d'efprirs animaux, ert
très-propre pour augmenter l'atten-
tion de l'efprit & la force de l'ima-
gination dans ceux qui l'ont foible. &> ■
knguiflànte.
DE LA METH: I. Paht. 6v.
CHAPITRE V.
B« moyens d'augmenter Pètenduë &
la capacité de l'eforit. Que F arith-
métique & l'algèbre yjont abfolu*-
ment nécefiaires.
IL ne faut pas s'imaginer d'abord'
que l'on puîné jamais augmentée
véritablement la capacité & reten-
due de fon efprh. L'ame de l'homme"
eftpour ainfi dire une quantité dé-
terminée ou une portion de penféei .
juîa des bornes qu'elle ne peut paf-
.er; l'amené peut devenirplusgran-
de ni plus étendue qu'elle efl : elle
ncs'enfie ni ne s'étend pas de même
qu'on lecroit des liqueurs & des mé-
taux; enfin Urne parok qu'elle n'ap-
perçoit jamais davantage en un tems
qu'en un autres 8c je n'ai point de -
preuve convaincante du contraire.
II eil vrai que cela femble contraire ■
à l'expérience. Souvent on penfe à
beaucoup d'objets ; ibuvent on ne.
penfè qu'à unfeul, & fouvent même
on dit que Ton ne penfe à rien. Ce»
gpndant ii I'oa conUdere que la pen* -
Goo8k
fe
*4 tIVRE SIXIE'ME.
eeption toute fimple renferme quel-
quefois autantde penfée, c'eft-à-dire
qu'elle remplit autant de la capacité
que I'efprit a de penfer , qu'un j uge-
ment, &même qu'un raifonnemeni
compofé: puHque l'expérience -ap-
prend qu'une perception fimple ,
mais jHve , claire & évidente d'une
fëule chofe , nous applique Se nous
occupe autant , qu'un raifoiinement
compofé, ou que fa perception oH>*
faire & confulede plufieurs rapports1
entre plufieurs chofes.
Car de même qu'il y a autant en'
glus de fentiment dans la . vûë fenfr-
bled'un objet, queje tiens tout pro-
che de mes yeux & que j'examine
avec foin, que dans la vûë d'une cam-
pagne entière , que je regarde avec
négligence & fans attention ; defor-
tequela netteté du fentiment que j'aï:
de l'objet qui eft tout proche de mes
yeuKr récompenfe l'étendue du fen-
timent confus que j'ai de plufieurs
chofes , que je voi fans attention dans
une campagne : ainfi la vue que I'ef-
prit a d'un feul objet , eft quelque-1
îbîsfi vive& fi diftinde, qu'elle ren-
ferme autant ou même plus de péri- -
fée-, quelavûë-dçs rappoitsqui forrt-
DE LA METH. I. Patbt. <?*
entre plufieiirs chofes.
II efi vrai qu'en certains tems , il
nous femble que nous ne penfons
qu'à une feule choie, ocqnecepen-
dant nous avons de la peine à la bien
comprendre: & que dans d'autres-
tems nous-comprenons cettechofe &■
glulieurs autres avec une très-grande
cilité. Et de-là nous nous imagi-
nons que-I'ame a plus d'étendue , ou
une plus grande capacité de penfer
en un tems qu'en un autre. Mais H
me paroît que nous nous trompons.
La raifon pour laquelle en de cer-
tains tems, nous avons de la peine à1
concevoir les chofes les plus faciles ,
n'efl pas que la penfée'de l'âme 'OU fa-
capacité pour penfer , foit diminuée:
mais c'eft quecettecapaché eft rem-
plie par quelque Tentation vive de
douleur ou de plaifir, ou par un
frand nombre de fênfations foibîes
; obfcures , qui font une efpéce d'é-
tourdiflèment : car l'étourdifïement
n'eft d'ordinaire qu'un fentiment
confus d'un très-grand nombre de
chofes.
Un morceau de cire eft capable-
d'une figure bien dtftînâe : il n'en:
£eut recevoir deux que l'une nçcorr--
66 LIVRE SlXIEWË.
fonde l'autre, car il ne peutêtreerï-
tieremettt-rond & quarréduno le mê-
me tems ; Eurm-s'il en reçoit un mil-
lion, Hn'yen auraaucunede diftinc—
te. Or fi ce morceau de cireétoitca-
pable de connoîtrefes propres figu-
res , il ne pourroit toutefois fçavoir'
quelle figure le terminerait, fi le
nombre en étoit trop grand, lien eft.
de même de nôtre ame, l'orfqu'un
très-grand nombre de modifications
rempliflènt fa capacité, elle ne les
peut appercevoir diftindement, par-
ce qu'elle ne les lent point féparé—
ment. Ainiî elle penfè qu'elle ne fenc
rien. Elle ne peut dire qu'elle fente
de la douleur", du plaifir.de la lumiè-
re, du fon, des faveurs : ce n'eu, rien
de tout cela. , & cependant ce n'ett
que cela qu'elle fent.
Mais quand nous (uppoferions que
l'ame ne ferait point foûmife au
mouvement confus & déréglé des ef-
prits animaux; ÔV qu'elle ieroit tel-
lement détachée de ion corps, que fe«
penfées ne dépendraient point de ce
qui s'y patTe ; il pourrait encore ar-
river que nous comprendrionsavec
plus de facilité certaines cliote en un
tems qu'en un autre, fans que la ca-
C,„„sk-
DE LA METH. I.Part. 67
parité de nôtre ame diminuât ni qu'-
elle augmentât : parce qu'alors nous
penferionsà d'autres chofes en parti-
culier , ou à l'être indéterminé & en
général. Je m'explique.
L'idée générale de l'infini eft info-
parable de I'efprit , & elle en occupe
entièrement ta capacité , Iorfqu'il ne
penfe point à quelque chofe de parti-
culier. Car quand nous difons que
nous ne penfons à rien , cela ne veut
pas dire que nous ne penfons pas à
cette idée générale, mais Amplement
que nous ne penfons pas à quelque
chofe en particulier.
Certainement ? fi cette idée ne
rempliiToit pas nôtre efprit , nous ne
pourrions pas penfer à toute forte de
chofes , comme nous le pouvons ; car;
enfin on ne peut penfer aux chofes
dont on n'a aucune connoiuance. Et .
& cette idée n'ctoit pas plus prélente
à i'efprit , l'orfqtf il nous femble que
nous ne penfons à rien , quelorfque
nous penfons à quelque chofe en par-
ticulier ; nous aurions autant de faci-
lité à penfer à ce que nous voudrions,
lorfque nous Tommes forcement ap-
pliquez à quelque vérité partictilie-
ie , que torique nous ne fouîmes ap-
& LIVRE SIXIE'MÉ.
pliqiiez à rien :ce qui efl contreI*éîr— -■
périence. Car par exemple , lorfque"
nousfommes fortement appliquez à'
quelque propofition de Géométrie ,
nous n'avons pas tant de facilité à
penferà toutes chofes, que lorfque"
nous ne fommes occupez d'aucune"
penfée particulière. Ainfi on penfe
davantage à l'être gênerai & infini ,
quand on penfe moms aux êtres par-
ticuliers & finis : & l'on penfe toà- -
jours autant en un tems-qu'en un au-
tre. Mais quoiqu'il en foh.ilmepa-
roit certain qu'on ne peut augmentée
l'étendue & la capacité de l'efprit en
l'enflant , pour ainfï dire , & en lui
donnant plus de réalhéqu'il n'eua
naturellement , mais feulement en la
ménageant avec adrellè. Or c'en ce ■
qui fe fait parfaitement par l'Arith-
métique & par l'Algèbre :Car ces ■
iciences- apprennent le moyen d'a-
bréger de telleforte les idées , & de
les confidérer dans un tel ordre,
qu'encore quel'efprit ait peu d'éten-
due , il efl capable par le fecours de "
ces feiences , dedécoovrir desvérhez
ttes-compofées & qui paroiflènt d'à--
.bord incompréhenfibles.
Lavérité n'eft autre çjiofe qu'un-
TJEIA METH. I. Paut. <?*
apport réel , foît d'égalité , foit d'i-
négalité. La fauflèté n'eft que (a néga-
tion de la vérité , ou un rapport faux
&imaginaire. La vérité eu ce qui eft:
La fauflèté n'eft point , ou ii on le
veut, elle efl ce qui n'eft point. On ne
fe trompe jamais lerfqu'on voit les
rapports qui font ,.& Ton fe trompe
toujours quand on juge , qu'on voit
certains rapports, & que ces rapports
ne font point ; car alors on voit la .
fauHeté , on voit ce qui n'eft point ,
ou plutôt on ne voit point,puifque le
néant n'eft pas viïible , & que le faux
eft un rapport qui n'eft point. Qui-
conque voit le rapport d'égalité entre
deux fois deux & quatre voit une vé-
rité ; parce qu'il voit un rapport d'é-
galité,qu'ileft tel qu'il Ievoit.De mê-
me quiconque vûitunrapportd'ine-
galité entre deux fois i & 5 , voitune
vérité, parce qu'il voit un rapport
d'inégalité qui eft. Mais quiconque
juge , qu'il voit un rapport d'égalité
entre deux fois i & s : fe trompe ,
parce quTîIvoit, ou plutôt parcequ'il
pente voir un rapport d'égalité qui
n'eftpoint. Les véritez ne font donc
Sue des rapports , & la connoiftance
es véritez la roiwoùTance des rap-
ports.
7o LIVRE SIXIE'ME.
Ifya des rapportsou des véritez Se
trois fortes.II y en a entre lesidées.en-
tre les chofes & leurs idées, &entre
les chofes feulement. II eft vrai que z
fois 2 font 4 , voila une vérité entre
les idées. II ell vrai qu'il y a un Soleil,
c'efl une vérité entre la chofe & fon
idée. II eft vrai enfin que la terre eft
plus grande que la Lune j voila une
vérité quifift feulement entre les cho-
ies.
De ces trois fortes de véritez , cel-
les qui font entres les idées font éter-
nelles & immuables ; & à cauie
de leur immutabilité , elles font auf-
£ les régies & les mefures de toutes
les autres : car toute règle ou toute
médire doit être invariable. Et c'eft
pour cela que l'on ne confideredans
l'Arithmétique, l'Algèbre, & la
Géométrie que ces fortesde véritez ,
parce que ces feiences générales rè-
glent & renferment toutes les feien-
ces particulières. Tous les. rapports
ou joutes les véritez qui font entre
les chofes créées , ou entre les idées
& les chofes créées , fontfujettes au
changement dont toute créature eft
capable, II n'y a que lesfeules véri-
tez qui font entre les idées , qui foient
Goo8k
DE HA METH. I. Part, jt
immuables. Parce que Dieu n'eft
point fujet au changement , ni par
confequent les idées qu'il renferme.
Iln'yaaulfiqiielesvéritezquifont
entre les idées, que l'on tâche de dé-
couvrir par le Jeul exercice de i'ef-
prit: Car on fefertprefque toujours
de fes Fens pour découvrir les autres
véritez. On fe fert de les yeux & de
fes mains, pour s'affiner de I'exiften-
ce deschofes, cV pour reconnoître les
rapports d'égalité ou d'inégalité qui
font entr'elles. Il n'y a que les feules
idées dont l'efprit puifle connoître
infailliblement les rapports par lui-
même & fans I'ufage des fens. Mais
non feulement il y a rapport entre
les idées , maïs encore entre les rap-
ports qui font entre les idées, entre
les rapports des rapports des idées ,
& enun entre les alïemblages de plu-
Jieurs rapports, & entre les rappons
de ces alïemblages de rapports, & ain-
fiàï'înônirc'ert-à-direqu'ily ades
vérhez compofées à l'infini. On ap-
pelle en terme de Géométrie la ma-
nière dont une grandeur ou une idée
contient ou eft contenue dans une au-
tre , le rapport de $ à î.'ou à deux
fois z, une raijbn Géométrique ou fim-
Goo8k
,7* UVRE SIXIEME,
plement une raifort. Car l'excès ou le
défaut d'une idée fur une autre, ou
pour me fervirdes termes ordinaires,
l'excès ou le défaut d'une grandeur
n'efl pas proprement une raifon , ni
les excez ou les défauts égaux des
grandeurs, des raifons égales.
Or il faut remarquer que tous les
rapports ou .toHtes les raifons tant
fimples que compofées font de véri-
tables grandeurs, & que le terme mê-
me de grandeur eft un terme relatif
qui marque nécefTairement quelque
rapport. Car, il n'y a rien degrand
par foi-même & fans rapport à autre
chofe, fînon l'infini ou l'unité- Tous
les nombres entiers font même des
rapports auffi véritablement que les
nombres rompus , ou que les nom-
bres comparez à unautre,oudivifer
par quelqu'autre; quoi que l'on puif-
fe n'y pas faire de réflexion, àcaufe
que ces nombres entiers peuvent s'ex-
primer par un feul chiffre. 4 pat
exemple ou | efl un rapport aufll
véritablement que J ou :;. L'unité
à laquelle 4 a rapport n'eft pas
exprimée , mais elle efl fous-enten-
due , car 4 efl un rapport au fTi bien
que | ou | , puifque 4 efl égal à
5 ou.
-DE-I.A7WETH. I.Ïart. 7$
{ou à g. Toute grandeur .étant donc
un rapport , ou tout rapport une
grandeur, il eftrifible qu'on peut
exprimer tous les rapports par des
chiffres , & les repréfenterà l'imagi-
nation par des lignes.
Ainfi toutes les véritez notant que
des rapports , pour connoître exac-
tement toutes les véritez tant Gmples
que compofées , il ftiftit de connoître
exactement tous les rapports tant
fimples que compofez. II y en a de
deux fortes , comme on vient de dire,
lapports d'égalité , & d'inégalité. Il
efl vifible que tous les rapports d'é-
galité font femblables ; & que dés
qu'on connoît qu'une chofe .efl égale
à une autre connue, Ton en connoît
exadement le rapport. Mais H n'en
eft pas de même de l'inégalité : on
fçait qu'une toureft plus grande qu'-
une toile , & plus petite que mille
toifes; & cependant on ne fçait point
au jufle fa grandeur, & le rapport
qu'elle a avec une toile.
Pour compareries chofes entr'el-
Ies , ou plutôt pour mefurer exade-
ment les rapportsd'inégalité, il faut
unemefureexade: il faut une idée
Jimple & parfaitement intelligible ,
Totm III. D
74 LIVRE SIXIE'ME. _
imemefureuniverfeile, &qui puïÊ.
le s'accommoder à toute forte de fu>
jets. Cette mefure eft l'unité, Oa
prend donc dans chaque efpéce de
grandeur telle partie déterminée que
Ton veut, pour l'unité oulamefu-
, re commune : par exemple une toife
dans les longueurs , une heure dans
dans les tems , une livre dans les
poids &q. Et toutes ces unitez font
divifibies à l'infini. Voi«i comment
l'Arithmétique apprend a exprimer
toutes fortes de grandeurs, aies com-
parer entr'elles , & en découvrir les
rapports.
Dans l'Arithmétique on exprime
d'une manière tres-fimple avec neuf
chiffres toutes les grandeurs, fuivanc
le rapport qu'elles ont avec l'unité ,
c'eft-à-dire félon qu'elles contien- '
nent l'unité , ou un nombre déter-
miné de parties égales de l'unité. Les
grandeurs qui contiennent exacte-
ment l'unité font exprimées par les
nombres entiers : celles qui ne con-
tiennent qu'un nombre déterminé de
partie de l'unité, font exprimées par
les 'nombres rompus qu'on nomme
auiîi fraSions. Dans l'Arithmétique
on donne encore des expreiHons parti-
DE LA METH. I.Pmlt. 7»;
itulieres aux grandeurs qu'on appelle
incommenfurâles, parce quelles n'ont
aucune mefure commune avecl'uhi-
té : c'eit à dire qu'en quelque nom-
bre de parties égales qu'on puilïè
ooncevorr l'unité divîfée, les gran-
deurs incommenfurables ne contiens
rient aucune de ces parties précife-
ment un certain nombre de fois; mais
il y a toujours un petit refle moindre
.qu'une de ces parties. Ainfî l'Arith-
métique donne le moyen d'exprimer
tous les rapports (impies & compo-
sez qui peuvent être entre les gran-
deurs. Elle apprend, enfuite à faire
avec adrefle, avec lumière, & avec
un ménagement admirable de la pe-
tite capacité de i'.efprit, les calculs
propres à déduire ces rapports les
uns des autres, & à découvrir les
rapports des grandeurs qui peuvent
être utiles , par le moyen de ceux qui
font connus.
II efl évident que I'efprk del'hom-
me elt fi petit , fa mémoire fi peu
ridelle, Ton imagination fi peu éten-
.duë , quefansl'ufagedes chiffres &
de l'écriture, & fans Pad refis dont on
iëfert dans l'Arithmétique* , il feroit
împoûible défaire les opérations né-
Dij
7<î _ LIVRE SIXIEME,
ceffaires pour connoître au jurte l'in-
égalité des grandeurs & de leurs rap-
ports , & pour avancer dans la con-
noiffance des véritez compofées.
Cependant l'Algèbre & l'Analyfe
fontencoretouteautrechofequerA-
Tlthmetique: Elles partagent beau-
coup moins la capacité de l'efpritrel-
!es abbregent les idées de la maniéré
la plus fimple& la plus facilequi fe
puillê concevoir. Ce qui ne peutïe
Faire qu'en beaucoup de tems par
I'Arithmétique,fefaitenun moment
par l'Algèbre & par l'Analyfe, fans
querefprîtfe brouille par le chan-
gement des chiffres , & par la lon-
gueur'des opérations. Une opéra-
tion particulière d'Arithmétique né
découvre qu'une vérité j une fembla-
ble opération d'Algèbre en découvre
une infinité.
L'Algèbre exprime les grandeurs
de quelque efpéce qu'elles puifïent
être, & tous tes rapports qu'elles peu-
vent avoir, par les lettres de l'Alpha-
bet , qui font les caraâeres les plus
lîmples & les plus familiers. Elle ap-
prend à faire fur ces grandeurs Ihte»
rates,tous*[es calculs qui fervent à dé-
duire les rapports les plus difficiles &
DE LA METH. I. Part. 77
les pluscompofez qu'on puiffe déli-
rer de fçavoir, des rapports des mê-
mes grandeurs qui font déjà connus.
Ses calculs font les plus lïmples , les
plus faciles, & en même tems les plus
généraux qu'on puiffe concevoir. El-
ley confèrve la même exprefllon des
grandeurs qu'il ne faut pas perdre de
vue pour arrivera une parfaite coit-
noiffance desgrandeursqui en font
compofées. Elle réduit à des expref-
fions fîmples Se générales-, & qui
n'ont qu'un tres-peth nombre de let-
tres,les rcfolutions d'un nombre inli-
ni de problêmes, & fouvent même
des fciences entières. On en trouvera
ici deux exemples : l'un à la fin des
loix du mouvement , & l'autre à la
lin de cet ouvrage.
L'Analyfeeft l'art d'employer les
calculsde l'Algèbre &de l'Arithmé-
tique, à découvrir tout ce qu'on veut
fçavoir furies grandeurs & fur leurs
rapports. Pour réfoudre toutes les
quelïions fur les grandeurs , elle ap-
prend d'abord àrepréfenterpat des
cara&eres particuliers , ordinaire-
ment c'eftpar les dernières lettresde'
l'Alphabet, les grandeurs inconnues
que l'on cherche j & les grandeur»
D iïj
Goo8k
78 LIVRE SlXfE'MÉ.
connues par d'autres lettres , c'efl: Te-
plus fouventpar les premiers de l'Al-
phabet, mais ces expreiïions (ont ar-
bitraires. Elle enfeigne enfuite à fê-
fervir des rapports connus , qui font
entre Iesgrandeurs connues & incon-
nues , pour réduire chaque queftion
à des equatipns qui en expriment
toutes les conditions. Enfin en fui-
vant pour règle cet axiome,que quand,
des grandeurs font égales , leur éga-
iité Te cônferve toujours en les aug-
mentant ou diminuant également ,
elle prefcrit les calculs qu'il faut
faire fur lesdeux membres égaux de
chaque équation , afin dedégager les.
inconnues , pour les rendre égales à
des grandeurs entièrement connues ;;
ee qui donne la réfoïutionde la quef-
tion : & quand laqueflion peut avoir
plufieursréfolutions , elles viennent
coûtes fe-prefenter.. *
Pour découvrir les véritez de la
Géométrie compofée , PAnaïyfe en-
feigne à réduire les, lignes courbes
que confidere cette, faence, à des
équations qui en expriment les prin-
cipales proprierez ; à tirerenfuitede
ces équations , par le moyen ducal-
«ul toutes les autres proprietez dt
GooSk
DE tA METfT. I. Part. 19,
tes figures; la manière de Iesdiftin-
guer en différens genres & de les dé-
crire ; elle enfeigne enfin leurs prin--
cipaux ufages.
L'invention du calcul différentiel
& du calcul întegral.a donné à FAna-
lyfe une étendue (ans bornes pour
ainfi dire. Car c'efl nouveaux calculs-
lui ont fournis une infinité de figures'
mécaniques , &une infinité de pro-
blèmes de Phyfique. Ils lui ont don-
né le moyen d'exprimer les élemens;
infiniment peths^ont on peutconce-
voirquefontcompofez lecircuit des
lignes courbes , l'aire des figures , &
la folidité des corps formez par les
courbes i & de reloudre d'une ma-
- niere (impie & générale , par Iecal-
cul des exprelfions de ces élemens ,
des problêmes utHes& Iesplus com-
pofez qu'on puiflè propoter dans ty
Géométrie..
>#
E> iiîj
ià
SECONDE PARTIE.
T> £ LA METHODE.
CHAPITRE PREMIER.
"Des rê^'es qu'il faut obferver dans la
Recherche de la. Vérité.
AP'ke'i avoir expliqué les
moyens dont il faut fe fervir
pour rendre l'efprit plus attentif &
plus étendu , qui font les fenis qui
peuvent le rendre plus parfait, c'eit-
a-dire plus éclairé & plus pénétrant:
îl eff tems de venir aux régies qu'il
bu abfolument nécefTaire d'obferver
dans la réfolmion déroutes les ques-
tions.. C'eft à quoi je m'arrêterai
beaucoup, & que je tâcherai de bien
expliquer par plufieurs exemples
afin d'en faire mieux connoître la né-
cefTité , 8c d'accoutumer l'efprit à les
mettre en ufage, parce que le plus né-
ceflàiie & le plus difficile. nneit pas.dç.
DELÀMETH. H. Part. 81
Iesbienfçavoir,maisdeIes bienpras
tiquer,
Il ne faut pas s'attendre ici d'avoir'
quelque chofe de fort extraordinai-
re , qui furprenne & qui applique*
beaucoup L'efprh : au contraire , afin
que ces régies foient bonnes , ii faut
qu'elles foient fimples & naturelles ,.
en petit nombre , très - intelligibles -
& dépendantes les unes des autres.'
En' un mot elles ne doivent quecon-"
etuire nôtre efprit, & régler nôtre'
attention fans la partager; Car I'ex-
périencefaitaflèzconnoître, que la
Logique d' Ariitote n'eft pas de grand
afage , à caufequ'elle occupe trop
l'efprit,& qu'elle le détourne del'at--
tent ion qu'il devrait apporter aux fu--
jets qu'il examine. Que ceux donc
qui n'aiment que les myftéres & les
inventions extraordinaires , quittent
pour quelque tems cette humeur bi-
carré : & qu'ils apportent toute I'a&-
tentron dont ils font capables, afirr
d'examiner , lî les régies que Ton- va:
donner, fnffifentpour confervertoû-
jmifs-l'évidencedans les perceptions
del'-efprit, & pour, découvrir les vé-
làtezlerplus cachées. S'ils ne feprc-
•tcugentgoint injuHementcontrela
GooSk
& LTVltE' SIXIEME
fimplicité & la focilitédeces réglés-,,
Î"'efpére qu'ils reconnoîtront par l'u*-
âge que nous montrerons dans la fui-
te qu'on en peut faite, que les princi-
pes les plus clairs & les plus fimples.
font les plus féconds.; & que les. cho-
ies extraordinaires & difficiles ne
font pastoûjours auffi utiles, que nô-
tre vaine curiofité nous le fait croire.
Le principe de toutes ces régies eft,
qu'il faut toujours conferver l'évidence
dans ces raiformemens , pour découvrir
lit vérité fans craintedefe tromper. De'
ce-principe dépend cette régie géné-
rale qui regarde le fujet de nos étu-
des, fçavoir, que nous ne devons rai"
former que fur des cbofes dont nous
avons des idées claires : &. par une
fuite néceifaire ; que nous devons tou-
jours commencer parles choies les plus
fimples & les pins faciles , & nous y
arrêter fort long'temt avant que d'en-
treprendre larecbercbe des plus compù—
fiés & des plus difficiles.
Lesrégles qui regardent Iamanié-
re. dont il s'y faut prendre jx>ur re-
fbudre les queutons, dépendent aufir
dece même principe: ôtlapremiére
dè:cessrégles eft : ■Qgjl faut concevoir ■
trxs-diflmliement. l'état it la qwftim:
*■' DE LA METtf: II; Part. 8j
qu'on Je propofe de refondre , & avoir
des idées de ces termes afiez diftinc-
les poux les pouvoir comparer,, &r
pour en reconnôître ainfîles rap.-
ports que l'on cherche.
Mais loriqu'on ne peut reconnoî--
neles rapports que les chofes ont:
entre elles , en les comparant immé-
diatement, la féconde régie eft : Qu'il
faut découvrir par quelque effort def
prit une ou pluficurs idées moyennes ,.
qui puiffènt fervir comme de mefure com-
tmme pour reconnôître par leur moyen les
rapports qui font entre elles. II faut ob-
server inviolablement^ueces idées,
foient claires & diftinâes, à propor-
tion que l'on tâche de découvrir des-
rapports plus exacts, &: en plus
grand nombre.
Mais lorfque les queflions font
difficiles & de longue difcution la
troifiéme régleeft: QuHl faut retran-
cher avec foin du fujet , que l'on doit
cmfiderer, toutes les chofes qu'il h'efi.
point néceffaire d'examiner pour décou-
vrir la vérité que f on cherche. Car- ÏI>
ne faut point partager inutilement la,
capacité de l'efprit, &toutefa force.;
doit être employéeauxchofesieules,.
qui le peuvent éclairer. Les chofet
D>vji
GooSk
84 LIVRE SIXIEME,
que l'on peut ainfi retrancher, forrr
toutes celles qui ne touchent point la
quellion, & qui étant retranchées ,
la queftion fublîfle dans fon entier. .
Lorfque la quellion eft ainfi réduite
aux moindres termes, la quatrième-
règle eft : Qu'il faut divifer le fitjet de
fa méditation par parties , & les con-
fidérer toutes les unes après les autres
félon l'ordre naturel,_tn commençant
par les plus fimples , c^efi-à-dire par
celles qui renferment moins de rapports:
& ne paffer jamais aux plus compofêes
avant que rf' avoir reconnu difiintlement
les plusfimphtsy& je les. être rendu
familières.
Lorfque ces chofes font devenues
familières par la méditation , la cin*
quiéme régie eft: Qtfondoit en abré-
ger les idées , & les ranger enfuite dans
fon imagination , ou les écrire fur le pa->
fier, afin qu'elles ne remplirent plus
la capacité de Pefprit. Quoique cette
icgle fok toujours utile, elle n'eft.
absolument néceflàire que dans-ies
qtieflîons très - difficiles , & qui de-
mandent unegrande étendue d'efprit,.
àcaufe qu'on n'étend l'efprit qu'eu.
ab'régtmit fes idées. L'ufage de- cette*
régie & de celles yuifuivent ne.fcxe^
Coo8k-
DE LA METH.II.Paut. Sf'
eonnoît bien que dans l'Algèbre.
Les idées de toutes les chofes, qu'il-
eft abfolument néceiTaire de conndé-
rer, étant claires, familières, abré-
gées , & rangées par ordre dans l'i-
magination , ou exprimées fur le pa—
Jïier ; la fixiéme régie eft : Qt£il faut
es comparer tontes filon les régies des
çombinaifons , alternativement les unes
avec les autres a ou par la feule vue de
Vefpnt owpar le mouvement de V ima-
gination accompagné de la vM de Pef- ■
prit, ou par le calcul de la plume , joint
à F attention de Pejprit & de l'imagh
nation.
Si. de tous lès rapports qui refuL
tent de toutes cescomparaifons , il
n'y en a/aucun qui foit celui que l'on
cherche : lî faut de nouveau retrancher
de tous ces rapports aux qui font inuti-
les à la réjolution de la qutftion :fe ren-
dre les autres familiers , les abréger, &
les ranger par-ordre dans fon imagina-
tion, ou les exprimer fur le papier: les
comparer enfemble filon les règle s des
combinai fpm,& voir fi le rapport com-
ppfeque l'oneberebe , eji quelqu'un de
tous les rapports compofe\ qui rèfultent '
de ces nouvelles comparai fins.
. S'il- n'y; a pas.ua de. ces rapport»
Google
«S LIVRE SIXIEME
que l'on a découverts, qui renferme*:
la réfolution de la queilion : // faut
de tous ces rapports retrancher les inu-
tiles , fe rendre les autres familières,
&c Et eir continuant de cette
manière, ondécouvrira la vérité ou
le rapport que l'on cherche fi com-
pofé qu'il foit : pourvu qu'on- puiflê
étendre fuffifamment la capacité de
l'efprit, en abrégeant fes idées, Se
que dans toutes ces opérations l'on
ait toujours en vue leterme où l'on
doit tendre. Car c'eft la vùë contî-
nuelledelaqueftionqui doit régler-
toutes les démarches del'efprit, puif- ■
qu'il fauttoûjoursfçavoiroùl'onva,.
& ce que l'on dit relie.
Il faut furtout prendre garde à ne-
pas fe contenter dé quelque lueur ou'
de quelque vrai-femblance, & re-
commencer, fi fouvent les comparai--
fons qui fervent à découvrir la vérité
que l'on cherche , qu'on ne puilïè:
s3einpêcher de la croire, fans fentrr
les reproches fecrets du Maître qui
répond à nôtre demande , je veux
direà nôtre travail, à l'application :
de nôtre efprit, &aux defîre de nô-
tre cœur. Et alors cette vérité pourrai
nous farvir de. principe, iafaillible-'
rst^sfi/JjrMX&y*' *r/i
DELA METK.II.Paht. îf
pour avancer dans les fciences.
Toutes ces. régies que nous venons
de donner,. ne font pas néceflàires.
généralement dans toutes fortes de'
queÛions ; car lorfque les queftions-
font ires- faciles la première reglefuf-
£t : l'on n'a befoin quede la première ■
& delà féconde dans quelques autres.
queiiions. En un mot puifqu'il faut
faire ufage de ces régies jufqu'à ce.
qu'on ait découvert la vérité que l'on
cherche i il eft néceffaire d'en prati-
quer, d'autant plus queIesqueÎHons<
font plus difficiles. .
Ces régies ne font pas en grandi
nombre. Elles dépendent toutes les.
unes des autres. Elles font naturelles,,
&on fêles- peut rendre lî familières,,
qu'il ne fera point néceffaire d'y^peii-.
fer beaucoup, dans le terns qu'on s'en ■
voudra fervîr. En un mot elles peu-
vent régler l'attention del'efprit fans.'
ïe partager , c'eft-à-dire qu^êrles ont
une partie de ce qu'onfouhaite. Mais '.
elles paroiflènt li peu confiderables
par elles-mêmes -, qu^I eft . nécelîàire ■
pour les rendre reconïmandables,que'
je rafle voirqHe les Pfiilofophes font
tombez dans un très-grand nombre:
fittreais ci.d'eKMavaganceSj.à caufc
Google
«S' fcïVKE SIXtffME
qu'ils n'ont pas feulement obfervéle»
deux premières, qui font les plus fa-
ciles & les principales : & que c'eA
aulïiparl'ufagequeM. Defcartes en
a fait, qu'il a. découvert toutes ces
grandes & fécondes verriez , dont on
peuts-'inltruiredans fes ouvrages.
CHAPITRE II.
X>e la régie générale qui regarde le
fujet de nos études. Que_ les Pbilofo-
phes de l'école ne VoBfkrvent pointi
ce qui eft caufe de plufteurs erreurs
danslaPbyfique,
LA première de ces régies , & cel*
les qui regardent le fujet de nos-
études , nous apprend que nous ne de-
vons raifonner que fur des idées claires,
De-Ià on doit tirer cette conféquence
que pour étudier par ordre, ii faut;
commencer par les chofes les plus
fimples& les plus faciles à compren-
dre, & s'y arrêter même Iong-tems
avant que d'entreprendre la recher-
che des plus compofées & des plus»
difficiles.
Tout le monde tombera facilement:
Goo8k
DE LA METH. II. PXrt. S9-
f accord de la nécelïîté de cette régie
générale ■ caron voit aitez , quec'efl:
marcher dans les ténèbres que de rai-
fbnner fur des idées obfcures & fut
des principes incertains. Mais on s'é*
tonnera peut-être , fi je dis qu'on ne
l'obferve prefqne jamais , & que la
plupart des fciences qui font encore
a prefentlefujetde l'orgueil de quel-
ques faux fçavans , ne font appyées
que fur des idées , ou trop confufes
ou trop générales , pour être utile»
à la recherche de la vérité.
Ariftote , qui mérite avec juilice
laqualité de Prime de ces Phitofo-
phes doue je parle, parce qu'il eflle
père de cette Philofophïe qu'ils cul-
tivent avec tant de foin, ne raifonne
prelque jamais que furies idées con-
fufes que l'on, reçoit par les fens , Se
quefurd'autres idées vagues , géné-
rales , & indéterminées , qui ne re*
prefententrien de particulier à I'ef-
Ïrit : Car les termes ordinaires à ce
hilofophe ne peuvent fervir qu'à
exprimer confufement aux fens & à
l'imagination les fentimens confus
queronadeschofeslênfibles : ou à
aire parler d'une manière fi vague &
& indéterminée, que Pon n'exprime;
jto LIVRE 'SIXIEME.
lien de diftind. Prefquetous feïou1»
vrages, mais principalement feshuit
Livres de Phyfîqiie, dontil y a au-
tant de- Commentateurs* differens-
qu'il y a de Regens de Philofophie,
ne font qu'une pure Logique: 11 n'y
enfèigne que des termes généraux,,
dont on fe peut fervir dans la Phyfi-
que. II y parle beaucoup , & il n'y
dit rien. Cen'eft pas qu'il foit diffus,,
mais c'eft qu'il a le fecretd'êtrecon-
eis , & de ne-dire, que des paroles-
Dans les autres ouvrages-, il ne feit
pas un fi fréquent ufàgede Tes termes-
généraux: mais ceux dontil leiert,
ne réveillent que1 les idées confufes
des fens. Oeil par fes idées qu'il pré-
tend dans Tes problèmes , & ailleurs;,
léfoudre eu deux mots une infinité
dequeflions, dont on peut donner
démonflration qu'elles ne fepeuvenr
léfoudre.
Mais afin que l'on- comprenne
mieux ceque je veux dire, on doit fe
* cit. i. Touvenir dece que j'ai prouvé * ail-
leurs , que tous les termesqui ne ré-
veillent , que des idées fisnfîbles, font
tous équivoques ; mais , ce qui ell à
confidérer , équivoques par erreur
A par ignorance, &pai coiuequatt
DE LA METH. II. Pàkt. s>ï
caufe d'un nombre infini d'er-
reurs.
Le mot de bélier efl équivoque, H
lignifie un animal qui rumine,& une
confleilation dans laquelle le Soleil
entre auprintems: mais il eft rare
(qu'on s'y trompe. Car il faut être As-
trologue dans l'excès , pour s'imagi-
nerquelque rapport entre ces deux
■choies: & pour croire, par -exemple,
qu'on eft fûjet à vomir en ce rems-là
les médecines que l'on prend, à cau-
fe que le bélier rumine. Mais pour
les termes des idées feniibles , il n'y
a prefque- perfonne qui recormoïiTe-
qu'ils font équivoques. Arrftote & les
Anciens Philofophes n'y ont pas feu-
lement penfé. L'on en tombera d'ac-
cord, fi on lit quelque cliofe de leurs
■ouvrages , & fi l'on fçait diltincte-
ment la caufe pour laquelle ces ter-
mes font équivoques. Car il n'y a
rien de plus évident queies Philofo-
phes ont crû fui cefujet tout le con-
traire decequ'il faut croire.
Par exemplelorfquelesPftilafo-
fKes difent , ,que le feu eft chaud ,.
herbe verte, le Jûcredoux, &c,il*.
entendent comme les enfans, & le:
commun .des hommes, que le fei»
f% LIVRE SmE'ME.
contient ce qu'ils Tentent lorfqu'ils &
chauffent : que l'herbe a fur elle les
couleur* qu'ils y croient voir: que le
fucre renferme la douceur qu'ifsfen-
tent en le mangeant ; & ainlï deto*
tes les chofes que nous voyons ou que'
nous fentons- lleft impoffible d'en
douter en lifant leurs écrits. Ils par-
ient des qualitez fenfibfes comme des
fentimens ; ils prennent du mouve-
ment pour de la chaleur ; & ils- con»
fondent ainfi à caufe de l'équivoque
des termes , les manières d'être des
corps avec celles des efprits.
Ce n'ell que depuis Defcartes-,
qu'à ces queilions confufes & indé-
terminées, li le feu eil chaud, lr Phef-
beeft verte , fi le fucre eu doux , &c,
on répond en. dillinguant l'équivo-
que des termes fcnlibfcsqui les expri-
ment. Si par chaleur, couleur, fa--
veur , vous entendez un tel ou un tel
mouvement de parties infenfibles, le
feu efl chaud, l'herbe verte, le fucre
doux.Mais fi par chaleu r & par les au-
tres qualitez, vous entendez ce que je
fens auprès du feu.cequejevdisiorf-
que je vois de l'herbe, etc. le feu n'eft
point chaud, ni l'herbe verte,- etc. car
lachaleur que l'on fœt,&Ieacouleur*-
■DE LA METH. II. Part, py .
■que l'on voit ne font que dans l'âme,
comme j'ai prouve dans le premier
Livre. Orcomme les hommes pen-
fent que cequ'ils Tentent ,-efl la mê-
me cnofè que ce qui ell dans l'objet
Hs croyent avoir droit de juger des
dt
qualitez des objets par les fentimens
Iu'ils en ont. Ainfi ils nedifent pas
eux mots fans dire quelque choie de
faux ; & ris ne difent jamais rien fur
cette matière qui ne foit obfcur Se
confus. En voici pïufiedrs raîfons.
La première parce que tous les
hommes n'ont point les mêmes fen-
timens des mêmes objets , ni un mê-
me homme en différens tems, ou lorf-
qu'il lent ces mêmes objets par diffé-
rentes parties du corpE. Ce quifem-
ble doux à l'un femble amer a l'autre
ce qui efl chaud à l'un ell froid à
l'autre: cequi femble chaud à une
perforinequandelle a froid, femble
froid à cette même perfonne quand
ellea chaud, ou lorsqu'elle fent par
différentes parties de fon corps. Si
ï'eau femble chaude par une main , .
elle femble fouvent froide par l'au-
tre , ou lion s'en lave quelque partie
prochedu cœur. Le fel femble falé à
la langue, & cuifant ou piquant à
C,„„sk-
. 94 Ï-TVRE SIXIE'ME.
une plaie. Le lucre eft doux à la lan-
gue , & l'aloês extrêmement amer ;
mais rien n'eftdoux ni amer parles
autres fens. Ainfi lorsqu'on dit qu'-
■une telle choie eft froide, douce,
amere, cela nefigniiie rien de cer-
tain.
■ La féconde , parce que différais,
■objets peuvent faire la même fenfa-
tion. Le plâtre , le pain, la neige,
le fucre , le Tel , &c , font même
fentiment de couleur: cependant leur
blancheur efl différente , fi l'on en
juge autrement que parles fens.AinG
îorfqu'on dit que delà farine efl blan-
che , on nedit rien de.diflind.
La troifiéme , parce que les qua-
Iitez des corps, qui nous caufent des
lènfations tout-à-fàit différentes ,
font prefque les mêmes ; & au con-
traire celles dont nous avons prefque
les mêmes fenfations , font fou vent
très-différentes. Les qualitez de dou-
ceur & d'amertume dans iesobjets ne
font prefque point différentes , & les
fenùmens de douceur & d'amertume
font effentiellement différens. Les
mouvemens qui caufent de la dou-
leur & du chatouillement , ne diffé-
xent que du plus ou du moins : 8c
DE LA. METFÏ. H. Part, n
néanmoins les lèntimens de chatouil-
lement & de douleur fou eflentielle-
fiient diffërens. Au contrairé+apreté
d'un fruit ne femble pas au goût fî
.différente de l'amertume que la dou-
ceur , & cependant cette qualité eftJa
plus éloignée de l'amertume qu'il
puiffèy avoir: puifqu'il fout qu'un
fruit qui efl âpre à caufe qu'il eft trop
■verd , reçoive un très-grand nombre
de changemens, avant qu'il (bit amer
d'une amertume, <jui vienne de pour-
riture ou d'une trop grande maturité.
Lorlque les fruits font murs , ils fem-
jilentdoux: & lorfqu'ilsle font un
peut trop, ils Semblent amers. L'a-
mertume&ladouceurdansles fruits
ne différent donc que du plus & du
moins r & c'eft pour cela qu'il y a
des perfonnes qui les trouvent doux,
iorfque d'autres les trouvent amers j
car il y en a même qui trouvent que
I'aloës eft doux comme du miel. Heu
eft de même de toutes les idées feniî-
bles. Les termes de doux, d'amer,
de falé , d'aigre d'acide , &c. de rou-
ge , de verd, de jaune &c, de telle ou
dételle odeur, faveur , couleur, &c.
font donc tous équivoques , & ne ré-
veillent point dam l'efprit d'idée
■96 LIVREE SÏXIE'ME.
claire & diftinfle. Cependant les
Philofophes de l'Ecole , & le com-
mun des hommes ne jugent de tou-
tes les qualitez fenfibles des corps,
que par les fentimens qu'ils en re-
çoivent.
Non feulement ces Philofophes
jugent des qualitez fenfibles par les
fentimens qu'ils en reçoivent : ils ju-
gent des chofes mêmes en conféquen-
ce des jugemens qu'ils ont fait tou-
chant les qualitez fenfibles Car de ce
qu'ils ont des fentimens euentieHe-
ment différents de certaines qualitez,
ils jugent qu'il y a génération de
fo rmes- nouvelles , qui produifent
ces différences imaginaires de quali-
tez. Du bled paroît jaune, dur, ÔVc,
la farine blanche , molle , &£. Et de
là ils concluent fur le rapport de
leurs yeux & de leurs mains que ce
font des corps elfentiellement diffé-
rens , fuppofé qu'ils ne penfent pas à
ia manière dont le bled eft changé en
Êirine. Cependant de la farine n'eft
quedu blé froide & moulu; comme
du feu n'eft que du boisdîvîfé&agï-
té ; comme de la cendre n'eft que le
plus greffier du bois divifc fans être
agité, comme du verre n'eft que de
la
Goo8k
DE LA METH. II. Part. &,
3a cendre, dont chaque partiea été
polie , & quelque peu arrondie par -
■le froidement caufé par le feu ; &
ainiï des^utres tran /"mutations des
«orps.
Il eft -donc évident, que les ter-
mes des idées fenfibles font entière-
ment inutiles pour propofer nette-
ment , & pour réfoudre clairement
■les que/lions, c'eft-à-dire pour dé-
couvrirla vérité. Cependant il n'y a
point dequeflionsfiembarafTées qu'-
elles puiflent être par les termes équi-
voques des fêns.qu'Arifbte & la plu-
part des Philofophes ne prétendent
jéfoudrç dans leurs Livres fans ces
diftinâions que nous venons de don.
mer ; parce que ces termes font équi-
voques parerreur &par ignorance.
^ Si l'on demande, par exemple,
a ceux qui ontpafle-touteleur vie
.dans la lecture des anciens Philofo-
phes, ou Médecins &qui en ont
entièrement pris I'efprit & les ferai.
Jiiens : fi l'eau eft humide , fi le feu
eu fec , fi le vin eft chaud , fi le fane
des poisons eft froid, fi l'eau eft plus
«rue que Ievin.fi l'or eft plus par-
fait queje vifargem , fi les plantes
.ft les betes ont des âmes , & un miL.
Toms ni. E
?t LIVRE SIXIEME.
liond'autresqueflions indéterminée»;
. ils y répondront imprudemment fan»
confulter autre chofe.que les im-
preffions que ces objets qpt fait fui
leurs fens , ou ce que leur leâure a
laiflë dans leur mémoire. Ils ne ver-
ront point que ces termes font équi-
voques, lis trouveront étrange qu'on
les veuilledéfinir : & ils s'impatien-
teront fi l'on tache de leur faire con-
noître qu'ils vont un peu trop vite,
, & que leurs fènsles féduifent. Ils ne
manquent point de diminuions pour
■confondre les chofes les plus éviden-
tes , & dans ces guettions où il ell né-
ceflàire d'ôter l'équivoque , ils ne
trouvent rien à difunguer.
Si l'on confîdere que la plupart des
reliions des Philosophes & des Mo-
:îns renferment quelques termes
équivoques fèmblables a ceux dont
nous parlons, on ne pourra douter
que ces fçavansqui n'ont pu les défi-
nir, n'ont pu auflî rien directe folrde
dans lesgros volumesqu'ib ont com-
pofez : & ce que je vîensde dire fuffit
pour renverfer prefque toutes les
opinions des Anciens. II n'en eft pas
de même de M, Defcartes , il a fçû
parfaitement diftinguer ces chofei.
DE LA METH. I. Part. 99
ÏI ne refont pas les guettions par les
idées fenfîbles ; & fi l'on prend la
peine de le lire, on verraqii'if expli-
que d'une manière claire , évidente,
■& fouvent démonflrative , par les
feules idées diflinâes d'étendue , de
figure & de mouvement, les princi-
paux effets de la nature.
L'autre genre de termes équivo-
ques, dont les Philofophes le fer-
vent, comprend tous ces termes gé-
néraux de Logique , par Iefquels il
cil facile d'expliquer toutes chofes
fans en avoir aucune connoiflànce.
Arifloteeft celui qui enale plus fait
ufage , tous fes Livres en font pleins;
&iïyenaquelques-unsqui ne font
que pure Logique. Il propofe & re-
font toutes choies par ces beaux mots
de genre, d'e/pece, i'œfie, de jwiffance,
dénature , de firme , de faculté? > "de
qualité1^, de caufe par foi, de caine par
accident. Ses feâateurs ont de la peine
à comprendre que ces mots ne ligni-
fient rien, & qu'on n'eil pas plus
fçavant qu'on étoit auparavant ,
quand on leur a ouï dire que te feu
diflbut les métaux , parce qu'il a la
faculté dediflbudre ; & qu'un hom-
me ue digère pas, à caufe qu'il a
EiI :,.'iï!
Goo8k
ioo LIVRE SIXIETWE. ■
l'eftornachfoible.ou que fa faculté
£onco6Irtcc ne fait pas bien fes fonc-
tions.
II eft vrai que ceux qui ne fe fer-
vent que de ces termes & de ces idées
générales pour expliquer toutes cho-
ies, ne tombent pasd'ordinaîre dans
un fi grand nombre d'-erreiirs , que
.ceux qui fe fervent feulement des
termes qui ne réveillent que les idées
confufes des fens. Les Philofophes
feholaftiques ne font pas fi fujets à
l'erreur que certains Médecins déci-
,-fife qui dogroatifent , & font des
fyfiêmes fur quelques expériences,
dont ils ne connohTent point les rat-
ions ; parce que les fcholaftiques pat-
lent fî généralement , qu'ils ne fe ba-
zardent pas beaucoup.
Le feu échauffe , féche , durcît , &
amollit , parce qu'il a la faculté de
produire ces effets. Le fené purge
par fa qualité purgative, le pain
mt-me nourrit , fî on le veut , par la
Înialitc nutritive , ces propositions ne
ont point fujettes à Terreur. Une
. qualité > eft ce qui fait qu'on appelle
une chofed'untelnom,on ne peut
Je niera Arillotei car enfin cette dé-
finition eft incontellaMe. Telles ou
Goo8k
DE LA METH. II. Part, rot
femblaMes manieresde parler ne font
point faillies , mars c'eft qu'en effet
elles ne lignifient rien. Ces idées va--
gués & indéterminées n'engagent
point dans l'erreur, mais elles iont
entièrement inutiles à la découverte
de la vérité.
Car encore que l'on fçactie qu'il y
a dans le feu une forme fubltantielle
accompagnée d'un million de facili-
tez femblables à celles d'échauffer, de
dilater , de fondre l'or , l'argent &
tous les métaux , d'éclairer , de brû-
ler, de cuire: fi l'onme propofoit
cette difficulté à refoudre j fçavoir , fi-
le feu peut durcir de la bouc &amol-
lir delà cire: les idées de formes-
fubftantielies & des facilitez de pro-
duire la chaleur, la raréfaction , la
fluidité, &c.neme ferviroitde rien
pour découvrir, G le feu leroitcapa-'
ble de durcir de Iabouë&d'amoîlir-
de la cire ; n'y ayant aucune Iiaîfon
entre les idées de dureté de la boue,
&de molleffèdelacire, & celles de
forme fubltantielle du feu, & des
qualïtez de produire la raréfaction,,
la fluidité , &c. lien eflde même de-
toutes les idées générales : ainfi elles-
ibntentierement inutiles pour réfou*
E iij,
roi LIVRE SIXIEME,
dre aucune queftion.
Mais fî l'on fçait que le feu n'eft
autrechofe que du bois dont toutes,
les parties font en continuelle agita-
tion ; & que c'eft feulement par cette
agitation , qu'il exciteen nouslefen-
trment de chaleur : Si l'on fçait en*
même tems que la mollefiëde la boue
ne confîfle que dans un mélange de
terre & d'eau ; comme ces idées ne-
font pointconrufes & générales, mais
diftrndes & particulières , il ne fera
pas difficilede voir que la chaleur du
feu doit durcir la boue : parce qu'il
n'y a rien de plus facile a concevoir;
qu'un corps en peut remuer un au-
tre, (î étant agité il le rencontre. Oit
voit fans peine -, que puifque lâcha- "
leur que l'on retient auprès du feu,
elt caufée par le mouvement des par-
ties iuvHïbles du bois , . qui heurtent
contre les mains , fî l'on expofe de-
Iabouë à lachaleurdu feu, les par-
ties d'eau qui font jointes à la terre
étant plus déliées , & parconféquent
plutôt agitées par le choc des petits
corpsquifortentdu feu, que les par-
ties gromeres de la terre , elles doi-
vent s'en feparer & la laitier feche ôc
dure. On verra de même évident- •
GooSk
DE 1A METH. IT. Part, fc;
Ment que le feu ne doit point durcir
ta cire, fi Ton fçait que tes parties
qui la compofent , font branchuës &
a peu prés de mêmegrofieur. Ainfî
les idées particulières font utiles à la
recherche de la vérité: & non feule-
ment les idées vagues & indétermi-
nées n'y peuvent de rien fervîr , mais'
elles engagent au contraire infen-
fiblement dans l'erreur.
Car lesPhilofophes ne fe conten-
tent pas de fe fervîr de termes géné-
*aux , & d'idées vagues qui y repon-
dent: ils veulent1 outre cela que ces-
termes lignifient certains êtres parti-
culiers. Ils prétendent qu'il y a quel-
que fubftancedifiinguéedeïa matiè--
je , qui en* la forme de la matière,
& une infinité de petits êtres dis-
tinguez réellement delà matière &
de la forme : & ils en fuppofemd'or-
dinaire autant qu'ils ontde différen»
tes fenfations, des corps , & qu'ils
penfènt que ces corps produifent d'ef-
fets différens.
Cependant il eftvifibleàtout hom-
me capable de quelque attention, que'
tous ces petits êtres diftinguez du feu
par exemple, & que l'on fuppofe y
être contenus pour produire la cha-
E iiij
»4 LIVRE SIXIEME,
leur, la lumière, la dureté, la Auf-
dite , &c..ne font que des fiâîons de
l'imagination qui fe révolte contre,
la ration : car la raifon n'a point
d'idée particulière qui reprefente cei-
petits êtres. Si l'on demande aux Phi-
îofophes quelle forte d'entité , c'eft
que la faculté qu'a le feu d'éclairer,,
iis ne répondent autre chofe , lînon
que c'eft un être qui eft la caufe que-
fcfeu eft capable de produire la lu-
* miere. De forteque l'idée qu'ils ont
de cette faculté d'éclairer , n'efl pas
différente de l'idée généralede la can-
fe & de l'idée confufe de l'eflet qu'ils
voyent. Ils n'ont donc point d'idée
claire de ce qu'ils difeni , lorfqu'ils.
admettent de ces êtres particuliers-
Ainfi ils difent ce qu'ils ne conçoi-
vent pas , & ce qu'il eft même im-
poflible de concevoir.
CHAPITRE III.
J)e f erreur la plus dangereufe de la
Pbilofophie des anciens, .
NOn feulement les Phiïofopïies
difent ce qu'ils, ne conçoivent
point, lorfqu'ils expliquent leseffe»;
Goo8k
DE LA METïT; I. Part, iof
efela nature parde certains êtres dont
ils n'ont aucune idée particulière, ils
fourniiïent même un principe dont
on peut tirer directement des confé-
quences tres-faufles& tres-dangereu-*-
Car fi on fuppofe , félon leur ién--
tïment , qu'il y a dans les corps quel-
ques entitez diftinguées de la ma-
J'ere; n'ayant point d'idée diilinâe
ILces entitez, on peut facilement
rmaghier qu'elles font les véritables-
ou les principales caufes des effets -
que l'on voit arriver. C'en même le-
fentiment commun des PhitofopheS'
ordinaires: car c'eft principalement -
pour expliquer ces effets , qu'ils pen-
fent qu'il y a. des formes fubilantiel--
les , des qualitez réelles , & d'autres ■
femblables-entitez. Que fi l'on vient"
enfuiteà confiderer attentivement
I'idéeque l'on a de caufe ou de puif--
fanced'agîr, onnepeut douter que*
cette rdéenereprefente quelquecno--
fe de divin. Car l'idée d'unepuiflan-
ce fouveraine efl l'idée de la fouve--
raine divinité, éVridéed'unepuïf.-
lâncefubalterneeft l'idée d'une divi-
nité inférieure, mais d'une véritable ■
divinité, au moins, félon la penfée-
Ev.
GooSk
jc6- LIVRE' SIXIEME,
des Payens , fuppofé que, ce (bit l'î--
dée d'une puiftànce ou d'une caufe'
véritable. On adraer donc- quelque
chofèdedmndanstous les corps qui
nous environnent, lorfqu'on admet
des formes, des facultez ; des quali-
té? , des- vertus, ou des êtres réels-
capables- de produire- certains effets.
par la force de leur nature ; 6V. ron
entreaiiilï infeniiblementdansîeft
ciment des Payens par le- refpeâ c
l'on a pour leur Pnilofophie. Ii
vrar que fa foi nous redrefle, mais
peut-être peut-on dire-, qu'en ceïa Si
le cceur ert Chrétien , le fond de l'ef-
prit ell Payen. On dira peut-êtreque-
les formes iubfîantielles , ces formes
p/^^Kej,parexempIe,quiproduifent
des animaux de des plantes ne fça-
vent point ce qu'elles font,ét qu'abrfi
manquant cP intelligences, elles n'ont
nul rapportauxDiv mitez des Payens..
Mais qui pourra croire que ce qui fort
des.auvrages , oùHparoîtunelagene.-
quî paSe celle de tons les Philofo-
phes , les fafiè ians intelligence ?
Déplus , il eft difficile de feper-
fuaderque l'on ne doivent craindre,
ni: aimer devéritables puhTanees ; des
«tresquipeuventagirfur nous, qui.
DE DV METït rt ftar. 107'
peaventnous punir par quelque dou-
leur, ou nous récompenfer parquet
queplaiûr. Et comme l'amour Se la
trairne font la véritable adoration,
Heft encore difficile de leperfuader
qu'on ne doive pas les adorer; Tout
ce qui peut agir fur nous , comme
caufe véritable Se réelle , eft néceÛai-
rement au-deffus de nous, félon S..
Anguflin & félon la raifon : & félon,
le même Saint & la même raifon,
c'eftuneloi immuable que les chofes
inférieures fervent aux fupérieures.-
C'efl pour ces raifons que- ce grand
Saint reconnoît , * que le corps ne' * es, „,%.
peut agir fur l'ame, * & que rien ne** **"■" J
Bmt être au-deiTus de l'ame , ^.cr'^'m'â'^T
ieu. F*,o,*ifi;„.
Dans les famtes Ecritures, forfque^Jt"^
Dieu prouve aux Ifraelites qu'ils aoU'jf* {■«»««■
vent l^adorer , c'eft-à-dire qu'ils foi-\iZ?TffJdfïl
vent le craindre & l'aimer , les prin-*,r< <*< M" &_
cipales rarfons qu'il apporte font tii-)"^,^^!
rées de fa puiffancepour les récom— «»«* bmij.
penfer& pour les punir.. II leur ré- r«.*mûr.{.*
prcfentelesbienrahsqu'iisont reçus''" vofCiis
de lui , lesmauxdontillesacriâtiezj.Au'^™.-'
St qu'il a encore la même puiflance. •»'<■» *»■
H leur défend d'adorer les Dieux des/
Payens,. parce qjt'ils. n'ont aucune-
E-vjj
GooSk
io* LIVRE SIXIEME
puiflànce fur eux , Se qu'ifs ne pen»-
vent leur faire ni bien ni mal. II veut
que l'on n'honore quelui, parce qu'il-
n'y aque lui qui foit la véritable cau-
fe du bien & du mal, & qu'il n'en
arrive point dans leur ville félon un
Prophète*, qu'il ne faflè lui-même :
parce queles caufes naturelles ne font
point les. véritables caufes du mal
qu'elles femblem nous faire; ÔYque
comme c'eft Dieu feul qui agit en
elles, c'ell lui feul qu'il faut craindre
& qu'il faut aimer en elles j/ô/i Deo.
honor&gloria..
Enfin ce- feritiment , qu'on doit
craindre & qu'on doit aimer ce qui
peut êtrevéritable caufe du bîen&
du mal, paraît fi naturel & fi jufte,
qu'il n'eftpaspoflible tfes'en défaire.
De forte que, fi l'on fuppofe cette
faufîe opinion des Philofophes &;
que nous tâchons ici de détruire, que-
les corps qui nous environnent font,
les véritables caufes des plaifirs & des
mauxque nous fentons;Ia raifon-fem-
bleen quelque forte jiiftitier une Re-
ligion femblable à celles des Payens,.
& approuver le- dérèglement unir-
verfèldes mœurs..
lleft vrai que. la raifon n'enfeigne-
fè
-DE £A MÊTTT. IL Part; ro*
ias qu'il faille adorer les oignons 8c
îes poireaux, par exemple, comme la-
Jouveraine divinité, parce qu'ilsne
Eeuvent nous rendre entièrement
eureux Iorique nous en avons ,
ou entièrement malheureux Iorfque
nous n'en avons point.- Aulîî les
Payensneleuront jamais rendu tant
d'honneur qu'au grand Jupiter , du-
quel toutes- leurs divinitez dépen-
doient: ouqu'auSoIeilquenos fens'
nous repréiement comme la caufe-
univerfelle , qui donne la vie & le
mouvement à toutes chofes ; .& que'
l?on ne peut s'empêcher de regarder
comme-une divinité, fi I'onfuppoie.
avec les Phiiofophes Payens , qu'iL
renferme dans fon être les caufes véri-
tables de tout ce qu'il femble pro-
duire , non feulement dans nôtre.
Gorps & fur nôtre efprit , maisencore,
dans tous les êtresqui nousenviron-
nent.
Mais fi l'on ne doit pas rendre un-
honneur fouveraîn aux porreaux &.
aux oignons , on peut toujours leur
rendre quelque adoration particu-
lière : je veux dire qu'on peut ypen—
fer , & les aimer en quelque manière,.
tf iLeil wai qu'ils puiflemen quelque:
Google
no LIVRE SIXIE'ME".
forte nous rendre heureux. On' dort
leur rendre honneur à proportion du
bien qu'ils- peuvent taire: Et cer--
tainemeru les: hommes, qui écoutent
les rapports de leurs feus , penfent
que ces légumes font capables Je leur
feiredubien. Caries Ifraëlites, par
exemple, ne lesauroient pas fi fort:
regrettez dans le defert ; ils ne le fe-
Euient point confiderez comme mal-
heureux pour en être privez , s'ils ner
le fuffènt imaginez en quelque fa-
çon heureux par leur joiihlànce. l.es-
yvrognes n'aiineroient peut-être pas
fi fort le vin , sils fçavoient bien ce
quec'elt j &quele piailirqulls trou-
vent à en boire vient duTout-puif-
lant qui leur commande- la tempé-
rance , & qu'Us font injullement fer-
vir à leur intempérance. Voilà le*,
déreglemens où nous engage la rai-
fon même , lorsqu'elle eu jointe aux
principes delà Philofophie Payenne;
& Iorlqu'ellefiih les impreflîons des
fens.
Afin qu'on ne puiflè plus douter
delà faullèté de cette miferable Phi*.
Iofophie , & qu'on reconuoiflè avec
évidence la foiidrtédes principes &.
la neueté des idées dont an fe fe* t : il,
m LA METÏT. IT. Part, ut
tffnécefEihed'étafalir clairement les-
véritez qui font oppofées aux erreurs-
des anciens Phrlofophes, ôtdeprou-
■ ver en peu de motsqu'H n'y a qu'une-
vraie caufe, parce qu'il n'ya qu'un
vrai Dieu :queia natureou la force:
de chaque chofe n'elt que la volon-
té de Dieti : que toutes les caufes na-
turelles ne font point de véritables
eaufes mais feulement des caufes m-
cafionjtelles , & quelques autres vé-M
ritez qui feront des fuites de cel-
ks-cy..
II eft évident que tous les corps
grands & petits n'ont point la force-
de le remuer. Une montagne, une
maifon , une pierre , ungrain de fa-
ble , enfin le piuspetit ou le plus,
grand: des corps que l'on purrTe con-
cevoir, n'a point la force de fe re-
muer. Nous n'avons que deux fortes
•d'idées, idées d'efpiits, idées de
corps.: & nedevant dire que ce que-
nous concevons , nous ne devons rai-
fcmner que firivam ces deux idées.
Ainfi puifque l'idée que nous avons-
detous les corps, nous fait cormoître;
qu'ils ne fe-peuvent remuer, il faut,
conclure que ce font lesefprits qui'
les remuent..* Mais quand on exaou-]
C,„„sk-
m- tTVRE SIXIEME!
ne l'idée que l'on a de tous les efprït«>
finis, on ne voit point de liaifonne-
eeflàire entre leur volonté & le mou-
vement de quelque corps que ce foit, '
on voit an- contraire qu'il n'y en ar
point, & qu'il n'y en peut avoir. Oiv
doit auflï conclure, fi on vent raifon-
ner félon fes lumières , qu'il n'y a au-
cun efprit créé qui puiue remuer;
quelque corps que ce foit comme cau-
ie véritable ou principale, de mê-
me que l'on a dit qu'aucun corps ne
ie pouvoit remuer foi-même.
Mais lors qu'on penfe à l'idée de
Dieu , c'cfï-à-dire d'un être infini-
ment parfait & par conféqnent tout—
puiftànt , on connoît qu'il y a une
telle liaifon entre- fa volonté & le
mouvement de tous les corps, qu'il
eft impoflible de concevoir qu'iL
veuille qu'un corps foit mû , & que
ce corps ne le foit pas. Nous devons.»
donc dire qu'il n'y a que fa volonté
qui puiQe remuer les corps, fi nous
voulonsdice les chofe comme nous ■
les concevons , & non pas comme.-
nous les fentons. La force mouvant
te des corps n'eft donc point dans les.
corps qui feiemiient, puifque cette
fercemouvante n'efl autre chofeque-'^
GooSk
DE LÀ MEm II. Part, ny
la volonié de Dieu. Aiiifi les corps
n?ont aucune aâion : & lors qu'une
boule qui fe remue , en rencontre &
enmeutune autre , elle neluicom--
munique rien qu'elle ait : car elle n'a-
pas elle-même la force qu'elle Iuy
communique. Cependant une boule
eft caufe naturelle du mouvement
qu'elle communique. Une caufe
naturelle n'eft. donc point une cau-
fe réelle & véritable, mais feulement,
une caufe occafionnelle , & qui dé-
termine l'Auteur delanaturèàagit
de telle & telle manière , en telle 6c
telle jencontre..
Heflconflantquec'efl parle mou-
vement des corps vifibles ou învifi-
fcles , que toutes cliofes fe produi-
fent ; car l'expérience nous apprend
que les corps , dont les parties ont
pus de mouvement, font toujours
ceux qui agiflènt davantage , & qui
produifent plus de changement dans
le monde. Toutes les foEcès de la na-
ture ne font donc que ïa volonté de
Dieu toujours efficace^ Dieu acrééle
monde parce qu'il la voulu , dixit &
faSafwa: & il remue toutes çhofes,.
& produit ainfi tous les effets que.
nous voyons arriver j parce qu'il ai
C,„„sk-
IT4 LIVRE STXÏE'ME.
voulu auîfi certaines loix félon let-
quelles les mouvemens re communia
quent à la rencontre des corps : &
parce que ces loix font efficaces , elle*
agiûent, & les corps ne peuvent agir.
Iln'y a donc point de forces, de puiC
fances, de caiifes véritables dans
le monde matériel & fenfible ; & il
n'y faut point admettre de formes ,
de facultez, & de qualitez réelles
pourproduiredes effets que les corps
ne produifent point , Se pour parta-
ger avec Dieu la force & la puiflanr
cequi lui font efïèntielles.
Mais non feulement les corps ne
peuvent étrecaufes véritables dequoi
2ue ce foit , les efprits les plus no-
ies font dans une femblable-impuif-
fance. Ils ne peuvent rien connoître,,
fiDieu ne les éclaire. Ilsne peuvent
rien fentir, fi Dieu ne les modifie. Ils.
ne font capables de rien vouloir, lî
Dieu ne les meut vers Iebien enge-.
lierai , c'efi-à-dire vers lui; Ils peu-
vent déterminer l'impreffion que
Dieu leur donne pour lui, vers d'au-
tresobjetsquelur, je l'avoue , mais.
je ne fçai fi cela fe peut appeller pmÙ.
lance. Si pouvoir péchereft une puif-
ûaxe, ce fera unepuiflaneetme le
DE LA METH. II. Part. ïr?
Tour-puiffant n'a pas , dît quelque
pan S. Auguftin. Si les hommes te-
rraient d'eux-mêmes la puiflànce
d'aimer le bien , on pourrait dire
qu^îls auraient quelque puiflànce :
mais les hommes ne peuventaimer,
que parce que Dieu veut qu'ils ai-
ment, & que fa volonté eft efficace.
Les hommes ne peuvent aimer , que
parce que Dieu les poufle fans celle
vers le bien en général , c'eft-à-dire
vers lui : car Dieu ne les ayant créez
que pour lui, il ne les conferve ja-
mais fans les tourner & fans les pouf-
fer vers lui. Ce ne font pas eux qui fe
meuvent vers le bien en général ,c'efl
Dieu qui les meut. Ils fuivent feule-
ment parmi choix entièrement libre
cette impreflîon félon la loi de Dieu,
on ils la déterminent vers de faux
biens félon la loi de ta chair ; mais
2s ne peuvent ta déterminer que par
la vûë du bien : car ne pouvant que
ce que Dieu leur fart faire, ils ne
peuvent aimer que le bien.
Mais quand on fupporeroit, ceque
efl vrai en un fens, que les esprits,
ont en eux - mêmes la puifTance de
connoître la vérité & d'aimer le bien,
£ leurs pesées & leurs volonté* ne
Goo8k
•AS' _ LIVRE SIXÏE'MË.
produifoient rien au dehors.on pour-*
roit toujours dire qu'ils ne peuvent
lien. Or iï me paroît tres^certain que
Ta volonté des efpcits n'eft pascapable
de mouvoir le plus petit corps qu'il
y ait au monde :-car il eft évident
qu'il n'y a point de Iiaifonnéceflàr-
re , entre la volonté que nous avons ,
par exemple, deremiier nôtre bras,
& le mouvement de nôtre bras. Il eft
vrai qu'il fe remue Iorfque nous le
voulons: &qu'ainfinous fommes la.
caufe naturelle du mouvement de nô-
tre bras. Mais les caufes naturelles ne.
font point de véritables caufés : ce ne
font que des cautesoccafiomielles, qui
n'agiuent que par la force & l'efficace
delà volonté de Dieu, comme je
viens d'expliquer. .
Car comment* pourrions-nous re-'
muer nôtre bras ? Pour le remiief iL
faut avoir des^ efprits animaux , les:
envoyer par de certains nerfs , vers de
certains mufclespour les enfler & les.
racourcir : car c'eft ainlî que le bras
quiyeft attaché fe remue, ou félon-
ie fentiment de quelques autres , on
ne fçait encore comment cela fe fait. .
Et nous voyons que les hommes qut
nefçavent pas feulement s'ils ont de*
PELAMETH.II.Part. 117
«rprîts, des nerfs , & des mufcles, re-
muent leurs bras , & le remuent mê-
me avec plus d'adrelTe & de facilité,
que ceux gui fçavent le mieux l'àna-
-tomie. C'eft donc que les hommes
veulent remuer leur faras,& qu'il n'y
'a que Dieu qui le puiflè & qui le fça-
■che remuer. Si un homme ne peut
Î>as renverfer une tour, du moins
çait-ilbien cequ'il faut faire pont
■la renverfer : mais il n'y a point
-d'homme qui fçache feulement ce
Qu'il faut faire , pour remuer un de
•fes doigts par le moyen des efprits
-animaux. Comment donc les hom-
mes pourroient-îls remuer leurs
brasî Ces chofes me paroiflènt évir
«lentes , & ce me femble à tous ceux
-qui' veulent penfer , quoi - qu'ef le*
foiem peut-être incompréhenfibles à
tous ceux qui ne veulent que fen-
tir.
Mais non feulement les hommes
•refont point les véritables caufes des
mouvemens qu'ils produîfent dans
leur corps, il lemble même qu'il y ait
-contradiction qu'ils puiiïènt l'être.
-Caufe véritable eft unecaufe entre la-
quelle & fon effet I'efprit apperçoit
une liaifon nécclTaire } c'efl ainfi que
Google
«8 LIVRE SIXIEME.
je I'entens. Or il n'y a que l'être infi-
niment parfait , entrela volonté du-
quel & les effets I'efptit apperçoive
une iiaifon néceflàire. II n'y a donc
que Dieu quifoit véritable caufe, &
qui ait véritablement la puîflance de
mouvoir les corps. Je dis de plus
qu'il n'eft pas concevable , que Dieu
puîfle communiquer aux hommes ou
aux Anges la puîflance qu'il a de
remuer les corps j & que ceux qui
prétendent, que le pouvoir que nous
avons de remiier nos bras, eft une vé-
ritable puîflance, doivent avouer que
Dieu peut auflî donner aux efprits la
puîflance de créer , d'anéantir , de
faire toutes les chofes poffibles , en
un mot qu'il peut les rendre tout-
puiflàns, comme je vas le faire
Voir.
Dieu n'a pas befoin cTinftTumens
* iiïft «lait pour agir, il mntt qu'il veuille *atin
S^j^^.1' qu'une chofe foit, parce qu'il y a
loniçz praii- contradiction , qu'il veuille , & que
voîônni que ^^'il v< ne fo" P3^ Sa puiflànce
Dieu * ion- crt donc fa volonté, & communiquer
^Upc£ccnd fa puîflance c'eft communiquer l'ef-
ficace de fa volonté. Mais communi-
quer cette efficace à un homme ou à
un Ange, nç peut lignifier autre cho-
DELAMETH. II. Part, vp
ft, que vouloir que lors qu'un honu
me ou qu'un Ange voudra qu'un tel
«orps par exemple foit mû , ce corps
ibit effeelivement mû. Or en ce cas
ievoi deuxvolomez qui concourent
lorsqu'un Ange remuera un corps.,
celle de Dieu & celle de l'Ange : &
.afin de connoître laquelle des deux
-fera la véritable caufe du mouvement
de cecorps.ilfautfçavoir quelle efl
-celle qui eft efficace. II y a une liai-
son néceilàire entre la volonté de
Dieu & la chofe qu'il veut. Dieu
veut en ce cas , que lors qu'un Ange
■voudra qu'un tel corps foit mù,
■que ce corps foit mû.Donc il y a une
îiaifon néceilàire entre la volonté de
Dieu & le mouvement de ce corps :
Et par confequent c'eft Dieu qui eft
véritable caufe du mouvement de ce
-corps , & la volonté de l'Ange n'eft
que caufe occafîonnelle.
Maïs pour le faire voir encore plus
cIairement,fuppofons que Dieu veuil-
le faire le contraire de ce que vou-
draient quelques efprits , comme on
le peut perfer des démons , ou de
quelques antres efprits qui méritent
cette punition ; on ne pourrait pas
dire en ce cas que Dieu leur commu-
Goo8k
jno LIVRE SIXIE'ME.
jiïqiieroit fapuhTance , puifqu'iÏB ne
pourraient rien faire de ce qu'il*
loiihaheroient. Cependant les vo-
lontez de ces efprîts feraient des cau-
fes naturelles deseffets qui le produi-
loient. Tels corps ne feraient mus à
tIroite,que parce que ces efprîts vou-
draient qu'ils fuirent mus a gauche:
&Iesdeursde cesefprhsdctermine-
Toient la volonté de Dieu à agir,
comme nos volontez de remuer les
parties de nôtre corps , déterminent
la première caufe à les remuer. De
•forte que toutes les volontez des et
prits ne font que descaufes occafion-
nelles,
P Que fi après toutes ces raifons, l'on
vouloit encore foûtenir que la volon-
té d'un Ange qui remuerait quelque
corps , feraient une véritable caulè :
& non pas une caufe occafionnelle ,
il eft évident que ce même Ange
pourrait être véritable caufe delà
création & de Panéantiflèment de
Toutes chofesj car Dieu lui pourrait
communiquer fa puiÛànce de créer
& d'anéantir les corps , comme celle
de les remuer , s'il vouloit que les
chofesfufiènt créées & anéanties, en
un mot s'il vouloit que toutes chofes
arrivaient
DE1AMETH.ÎI. Part. îm
Jttrivaûent comme l'Ange le ibuhai-
leroît, de mêmequ'il a voulu que
les corps fuftent mus comme l'Ange
Je voudrait. Si l'on prétend donc
pouvoir dire qu'un Ange& qu'un
■homme Soient véritablement mo-
teurs, à caufe que Dieu remue les
corps Iorfqu'ils le fouhahent : il faut
•dire atiffi qu'un homme & qu'un An-
.gepeuvent être véritablement créa-
teurs , puifque Dieu peut créer des
êtres iorfqu'ils le voudraient. Peut-
être même qu'on pourrait dire que
les plus vils des animaux, ou quels
.matière toute feule feroit effective-
jnent caufe de création de quelque
ijibftance , fi l'on fuppofoit comme
les Philofophes , qu'à l'exigence de
ja matière Dieu produific les formes cUirciov
JTubftantielles. Enfin parce que Dieu "ien'rur''=f-
à réfolu de toute éternité de créer en ejûr« r«"a-
jcaruins tems certaines chofes, ond^ ï"tre-
pourroit dire auffi que ces tems fe- m™ pM*
roient caufes de la création de ces vc ?■ É«-.
«tres: de même qu'on prétend qu'une """"*
boulequien rencontre une amreefi
-la véritable caufe du mouvement qu'-
elle lui communique j à caufe que
. Dieu à voulu par fâ volonté générale
-qui fait l'ordre de la nature, que Ioif-
Tome III, F
Goo8k
mie di
te Bit
m LIVRE SIXTE'ME.
[ue deuxcorps fe rencontreraient, H
rifl une telle communication de
mouvement,
II n'y a donc qu'un feul vrai Dieu
& qu'une feule caufe qui foh vérita-
blement caufe: & l'on ne doit pas
s'imaginer que ce qui précède un ef-
fet en foit la véritable caufe. Dieu
• ne peut même communiqtier fa puif-
fance aux créatures , fi nous fuirons
les lumières de la raifon: il n'en peut
faire de véritables caufes, il n'en peut
{aire des Dieux. Mars quand ri le
pourrait* nous ne pouvons conce-
voir pourquoi il le voudrait. Corps,
efprits , pures intelligences, tout cela
ne peut rien. C'eft celui qui a fait les
efprits qui les éclaire & qui les agite.
C'eft celui qui a créé le ciel & la ter>
re, qui en règle les mouvement. En-
fin c'eft l'Auteur de nôtre être qui
exécute nos volontés, Jbnel jaffit ,
femper foret. II remue même nôtre
bras lorfque nous nous en ferrons
contre fes ordres ; car il feplaintpar
• ikre 41-fon Prophète * que nous le faifon*
'* fervir à nos délits înjuues & cri-
minels.
Toutes ces petites divinité? des
Païens , & toutes ces caufes particu-
DE LA METH. II. Part, stj
fieres des Phiiofopbes ne font que
des chimères, que le malin efprit tâ-
che d'étaUir pour ruiner le culte du
ïrai Dieu , pou* en occuper des ef-
prits & des cœurs , que le Créateur
n'a faits que pour lui. Ce n'eii point
la Philosophie que l'on a reçue d'A-
dam qui apprend ces chofes , c'efl
celle que l'on a reçue da ferpent ^
car depuis le pechél'efpritde Pnom-.
meeft tout païen. C'efl cette Philo-
fophie qui jointe aux erreurs des fens,
afait adorer le Soleil, & qui eft en-
core aujourd'hui lacaufe unïverfelle
du dérèglement de l'eforit & de la
corruption du cceur des hommes.
Pourquoi,difent-iis paT leurs actions,
& queiquesfois même par leurs pa-
rafes , n'aimeron&nous par les corps,
puifque les corps font capables de
nous combler de pkriGrs? Et pour-
quoi fe mocque-t-on des Ifraélites
qui regrettoient les choux & les oi-
gnons de l'Egypte; puirqu'ils étoient
effectivement mal -heureux, étant,
privez de ce qui pouvoit les rendre
en quelque manière heureux ? Mais
la Philofophiequel'on appelle nou-
velle, que l'on repréfente comme un
fpectrepour enrayer les efpriufbi-.
Fij
C,„„sk-
B4 LIVRE SIXIE'ME.
Hes, quei'on méprife &que l'on
condamne fans l'entendre : la Philo-
fopliie nouvelle, dis- je, puis qu'on (è
plaît à i'appelLerainti , ruine toutes
les raifons des libertins pat l'établif-
lement du plus grand de fes princi-
pes, qui s'accorde parfaitement avec
r^c'h'Â" f Prem'er principe de la Religion
ni"fr*iri* Chrétienne ; qu'il ne faut aimer 6c
y>>T" tT*- craindre qu'un Dieu , puifau'il n'y a
»!jk'(7a»' qu'un Dieu qui nous puifle rendre
•"**,''.' Heureux.
m:ni,&*U Car, fi la Religion nous apprend
•vinifitiirjMir qu*îl n'y aqu'urwvfaï Dieu; cène
^Itnvtùat Philosophie nous nmconnoître qu'il .
ftwatik*!, n'yaqu'ùnevérhableciufe. SiiaRe*
thtîptZ^ai ligion nous apprend que toutes les di*
roL^rvR vinitez du Paganifme ne font que des
VEvs mon P'cres & des métaux fans vie & fans
mvltid'I, mouvement, cette Philofophie nous
ttcrr a-N découvre auffi que toutes les caufes
HmAM fécondes, ou toutesIesDivinitezde
jtisiwtvs *a Philofophie, nefontquede la ma-
dlvs. Aug. tiére & des volontez inefficaces. En-
j/;,'*' '" fin fi laReligion nous apprend qu'il
ne faut point fléchir le^genouil de-
vant des Dieux qui ne font point
Dieu ; cette Philofophie nous.ap*
prend aulfi quenotte imagination &
nôtre efprit ne doivent point s'abat re
DE LÀ METH. II. Part. ï?f
devant la grandeur & la puiuance
imaginaire des caufes qui ne font
point caufes: qu'il ne faut ni les ai-
mer ni les craindre ; qu'il ne faut
point s'en occuper : qu'il ne faut pen-
Fer qu'à Dieu fèul, voir Dieu en tou-
tes chofes , craindre & aimer Dieu
en toutes chofes.
Mais ce n'eft pas là l'inclination de
quelques Philoiophes , ils ne veulent
point voir Dieu , ils ne veulent point
penferàDieuicardepuislepechéilya
une fecrette oppofitïon entre l'hom-
me & Dieu. Ils prennent plaifir à fe
fabriquer des Dieux à leur fantaifie',
6V ils aiment & craignent volontiers
les ridions de leur imagination, com
me les Païens les ouvrages de leur
mains. Ils font femblables aux enfant
qui tremblent devant leurs compa
gnons après les avoir barbouillez
Ou fiPonveutûnecomparaifon phi
noble , quoi qu'elle ne foit peut-êt^
pas fi juîle , ils- reftemblent à ces fa
meux Romains qui avoient de l
crainte & du refpeït pour les fiétion
de leur efprh , & qui adoroient fot
tement leurs Empereurs après avoi
iafchc PÂigle dans leurs Apothéofes
F iij
Google
ïwS LIVRE SÏXIE* ME,
CHAPITRE IV,
Explication de la féconde pâme de ta
règle générale. Que les Pmlofopbes ne
fobfervent prefque jamais , #* que
M. Vefcartes a tâché de l'ob/èrver
exa&ement dans fa Pbyfime,ce qne
Von ptotae par fahbrege qu'on en
dorme,
ON vient de fairevoirdans queTT
les errreurs on eft capable de
tomber, loriqu'on raifonne- fin les.
idées faunes & confines des fens , Se
fur les idées vagues & indéterminées-
dé la pure Logique. Par là , l'on re-
connaît allez que pour conlèrverl'é»
vidence dans fes perceptions, il elt ab-
fbïument néceQàire d'ehferver exac-
tement la règle que nous venons de-
preferire, & d'examiner quelles- font
les idées claires & drainées des cho-
fes , afin' de ne ràfonner quefuivant
ces idées.
Dans cette même règle générale qui
regarde le fujet de nos études,, ii y a
encore cette circonstance à bien re-
marquer : fçavoir que nous devons
toujours commencer par les choies,
DE LA MËTH. Iï. Part, iîj
ÏCS plus fimples & les plus faciles , &
nous y arrêter même long-- tems
avant que d'entreprendre la re-
cherche des plus comparées & des
plus difficiles. Car fi l'on ne doit
raifonneï que fur des idées dif-
tindes , pour conferver toujours l'é-
vidence dans ces perceptions; il eft
clair qu'il ne faut jamais palier à la
recherche des chofes compofées , avant
que d'avoir examiné avec beaucoup
de foin , & s'être rendu fort farailie-
le
res les fimples dont elles dépendent :
puifque les idées des chofes compo-
sées ne font point claires & ne peu-
Vent l'être, Iprfiju'an ne connaît que
confufément & qu'imparfaitement
les plus fimples , qui les compofènt.
Oh connaît les chofes imparfaite-
ment, lorfqu'on n"efi point aflùré que
l'on en a conûderé toutes les parties. :
& on les connoît confufément , lorf-
quelies ne font point adcz familières
a l'efprit, quoique l'an foit affiné
que l'on en a confidéré toutes les par-
tie*. t.orfqu'onije les connoît qu'im-
parfaitement , on ne fait que des ut-
fonnemens. vrai - femMables.. Lorf-
qu'on les apperçoit confinement , il
n'y a point d'ordre ni de lumière dan*
F iiij
xi8 LIVRE SÏXIE'ME.
les déductions:on ne fçait Couvent où:
l'on eA & où l'on va. Mais lorfqu'on
lesconnoîi imparfaitement & confufé-
menr totrtenfemhle, cequi efî le plus
ordinaire, on ne fçait jamais claire-
ment ni. ce qu'on recherche, ni les.
moyensde le renconlrer.Delbrte qu'il
efl abfôltiment néceflàirede garder cet
ordre inviolablemenr dans les études..
De commencer toujours par les chofes
tes plus [impies-, en examiner toutes les
f orties, & fe lès rendre familières
avant que de paffiraux plus eotnpofèès
dont elles dépendent.
Mais cette règle ne- s'accorde point
avec l'inclination des hommes ,iIont.
naturellement du mépris pour tout
ce qui paraît facile ; & leur efprît
qui n'eîl pas fait pour un objet bor-
né &qu'il foît aile de comprendre,
ne peut s'arrêter fong-temsà lacon-
fideratîon de ces idées (Impies , qui
n'ont point le cara&ére de l'infini
pour lequel ils font faits. Ils ont au
contraire, & par la même raîfon ,
'beaucoupderefpeet&d'empreflernem
pour les chofes grandes & qui tien-
nent de l'infini , & même pour cel-
le.; qui font obfcures & myflérieufes..
Cen'efl pas dans le fond gulUs ai-
0Ê* LA METff. IL Par*, n?
ment les ténèbres , mais c'eit qu'ils
efperent trouver- dans les ténèbres
le bien qn'ils-defîrent, & qu'au grand
jour ils reconnoiilbnt qu'il ne fe
trouve point ici bas.
La vanité donne aufil beaucbup de'
branle aux efpritspout les jetter d'a-
bord dans le grand 6r l'extraordinai-
re i & une- lotte efperance de bien
rencontrer les y fait courir. L'expé-
rience apprend'que la-connoiflance la
plus exacte des choies ordinaires ne
donne point de réputation dans le
monde, & que la connoiflance des*
ebofes peu communes , quelquecon-
fufe & imparfaite qu'elle- puïlïè être;
attire toujours- I'eflime & 4e refpecV
de ceux qui' fe fom. volontiers une'
haute idée de' cequ'ils n'entendent
pas. Ev cette expérience détermine'
-Cous ceux qui font plus fenlibles à la:
vanité qu'à la- vérité , & pat: çonfé-
quent la plupart des- hommes , -à- une'
-recherche aveugle de ces connoiûan-
ces fpécieules & imaginaires de tout
ce qui eft grand , rare & obfair.
Combien de gens rejettent la Phi-
fofophie de M. Defcartes par cette'
plaifante raifon que- les principes
en- font trop fimpjo & trog faci-
rço LIVRE SIXIEME,
tes. II n'y a point de termes obturai
& mystérieux dans cette Phiiofo-
phie : des femmes ôt des perfonnes-
qui nefçaventuigrec ni latin, font:
capables de l'apprendre: il Saut donc
quece foit peu de chofe, & il nteft-
pas jufteque de grands génies s'y ap-
pliquent. Ils s'imaginent que des-
principes fi. clairs & u fimples ne font
pas aflez féconds , pour expliquer les-
effet» de la nature qu'rl* ûippofent
©bfcure , & emÏKiraffée;Il8nevoyent-
poinr d'abord l'ufage de ces princi-
pes- , qui font trop (impies & trop
faciles pour arrêter leur attention,
autant detemsqu'H en Sut pour en
reconnoître l'ufage &, l'étendue.. lis
aiment donc mieux expliquer les.
effets, dont ils ne comprennent iiwnt
lacaufe, par des principes qu'ils ne-
conçoivent point , et qu'il eft abfolu-
ment impoffible de concevoir- , que-
par des principes (impies & intelli-
gibles tout en femBIe. Cartes Phito-
loplies expliquent des chofesokfcu-
res-par des principes quriie ibnt pas.
feulement obfcurs , mais entièrement
incompréftenfîbles..
Lorlque.- quelques perfonnes pwi-
•*eRdent expliquer par des .principes
l5EtAMETff.IT.PAaT. rçr
éïairs&connus de tout le monde des
chofes extrêmement embaraflces , il
eft facile de voir s'ils y réuflïflènt,
parceque fil'on conçoit bien ce qu'ils
tUfent , Ton peut reconnoîtres iisdi-
fent vrai. Ainfî les faux fçavans ne
trouvent point leurcompte , & ne fe
font point admirer comme ils le fou-
iiahent, lorsqu'ils fe fervent des prin-
cipes intelligibles: parce que L'on re-
connoît évidemment qu'ils ne difent
rien de vrai. Mais Iorfqu'ils fe fer-
vent de principes inconnus, & qu'ils-
parlent des chofes fort compofée-
comme s'ils en connoifloient exaé
aient tous les rapports , on les adn
te : parce qu'on ne conçoit point
qu'ils difent , & que nous avons na
«Ilement du refped pour cequi pa
nôt re intelligence.
Or comme les chofes obfcnres
mcompréhenfibles femblem mie
fe lier les unes avec -les autres, q
lescliofesobfcuresaveccelleîqurfc
claires & intelligibles , les prmci[
incompréhenfit>fes font d'un1 pi
grand' tuage, que les principes i
telligibles dans les queftibns tri
compofées. II n'y a rien de fi diffic:
dont les Phiïofophes & IesMedéd
Fvj
GooSk
.13* LIVRE SnttE'ME.
-ne prétendent rendre raifon en par
de mots par leurs principes : carleu».
principes étant encore plusincom-
préhenfibles que toutes les queflions
Îjue l'on peut leur faire ; lorfqu'on
uppofe ces principes pour certains,
il n'y a point de difficulté qui puilïè'
les embaraflèr..
Ils répondent, par exemple , har-
diment & fans héfiter à ces queflions
©bleuies ou indéterminées : D'où'
vient que. le Soleil attire-les vapeurs- r
Que le. Quinquina, arrête la tîévre
quarte :. Que la Rhubarbe purge la
bile:, & le fel polyerefte les phleg-
mes, & à d'autres .queftîona iembla-
bles.. Et la plupart des hommes font
aflèzfarisfaitsde leurs réponfes,parce
que L'obfcur & llîncompréhenfible
s'accommodent bien l'un avec l'au-
tre. Mais les principes incompréhen-
fibles ne s'accommodent pas- facile--
ment avec les queflions -que I?on ex-
pofe-clairement , & qu'il eflfadlede:
iéfcuidrej parce qu'on .reconnoît évi-r -
demment qu'ils neJîgnifient rien. Le J-
Ehilofophes. ne peuvent par leurs -
Srincipes expliquer., comment des.
iewaiix tirent un chariot: comment:
Jw-Douflieie arrête unenionucixoru-.'
BEI'. A METIT. IL Part, rçy
mentletripoli nettoyeles métaux, 8c'
les- brodes. les. habits;. Car ils fe ren*
droient ridicules à tout le monde;
s'ils fuppofoient un mouvement d'at-
waâioir & des> facultez aUraEirices*
pour expliquer d?où vient que les
chariots' fuivent les chevaux qui y
font attelez , & une faculté diterfive
dans des- brofles pour nettoyer des.
habits, &amfr des autres questions.
De forte que leurs grands principes-
ne font utiles que pour les queftions.
ebfcures , parce qu'ils font, incom-
prëhenfîbles..
II ne faut donc point s'arrêter à
aucun de tous ces principes, quel'on'
neconnoît point clairement & évi-
demment , & que' l'on peut-penlêr
que quelques- nations ne~ reçoivent:
pasj II fautconfiderer avec attention
les idées que l'on a d'étendue , de'
figure, & de mouvement local, &.:
les rapports queces-chofes ont en-
tï'elles. Si -on. conçoit diftinflement
ces idées-, & fi- on. les. trouve G clai-
ïes qu'on foit pertiadé que toutes Ies;
nations. Iesont reçues dans tous les
tems , il faut s'y. arrêter & en examï r
nertousies rapports: mais fi on les
tiouve obicures ,. il eu -£uu cheichtr
GooSk
«T4 tîms. SIXIÈME,
d'antres , fi. l'on en peut trouw..
Car fi- pour raifonnet ians crainte. de"
fe tromper , il eft ïiéceflàire decon*-
ferver toujours Uévidence. dans' fe>'
perceptions, itnefautraifonnetque;
fur deVidées claires & fur leurs rap-
ports clairement connus.
Pour confidcrerparordrele* pro-
priété* de l'étendue , il faut , comme'
a fait M. Defcarres , commencer par
leurs rapports les plus (impies , Se
paflèrde* plus (impies aux plus.com»
pofez, non feulement parce que cette-
manière eft. naturelle, Sequ'elle aide
tefprh dans ces opérations ; mais en-
core parce que Dieu agîûant toujours-
avec ordre, & par les voyes les plus
firnples , cette: manière d'examiné*
nos idées & leurs rapportsnous fera'
mieux connoîtrefes ouvrages. Et fr
Pon conGdére que' les rappore les
plus-fimples font- toujours ceux qur
te préfentent les prenriersà l'imagi-
nation, lorfqu'elfe n'eft point déter-
minée à penfer plutôt à une- choie
qu'à une autre; on reconnoîtra qu'il
fliffit de regarder les chofes avec atten-
tion & fans préoccupation , pour en-
trer dans cet ordre que nous preferi-
iwns & pour découvrir de* venter
DE LA METH. IL Faht. ijf
Ues-compoféei-, pourvu- qu'on ne
veuille point courir trop vite d'un:
fujet à un autre.
Si L'on confideie donc avec atten-
tion l'étendue , & (ans-aucune pré-
vention , on verra d'abotd qu'elle eft:
impénétrable ; car il y a concradic-
lion que deux pieds d'étendue n'en-
fanent qu'un. Mais commeoii ne voit
aucune force dans l'idée qui la re-
préfente,. il eft. certain. qu'elle n'eft
point dure par elle-même, & qu'amff
chaque partie doit fe feparer de fa:
Voifîne, fi elles font pouffées de di-
vers cotez. Ainfi on conçoit que le*
mouvement eft poiïible , quoique
-Mut foh plein , & que les corps-
foient impénétrables :. parce que-
L'étendué n'étant point durejar elle-
même, Iorfqu'une' partie' avancera,,
fes autres , puifque tour eft plein,.
- feront repouftees vers Tendron quelle
quitte en avançar*r,&ainG«lIesy.glif-
wront, & ainlï il fefcra un mouve-
ment circulaire: Que fi l'on conçoit
une infinité de mouvemens en ligne*
droite dans uneinfinité de femblables.
partiesdececte étendue imrnenfêque*
nous confierons , il eft encore né-
■eflaireque tous ces coios. 6,emp&-
Cooglc
ntf Ï.IVKE snaE*M£
chant les uns les autres confpirenr
vous par leur mutuelle aâion &
réaction, je veux dire par la mut uel+
le commun ication de tous leurs mou-
vemens particuliers , à fe mouvoir
par un mouvement circulaire:
Cette première confidéraiion des
rapports les plus (impies de nos idées*,
nous fait déjà reconnoître la néceflité
des tourbillons deM. Defcartes: que
leur nombre fera d'autant phis-graml
crue les mouvemens en ligne droite
de toutes les- parties - de retendue,
ayant été plus contraires les unsauK.
autres, ils- auront eu plus- de difii—
eulté à s'accommoder d'un même
mouvement : & que de tous ces tour-
billons ceux-là feront les plusgrands
où-il y aura-pïusde parties qui auront
confpiré au même mouvement , ou1
■dont les parties auront eu plus de-
force pour continuer leur mouve--
ment en ligne- droite: ■ .
Mais il faut prendre garde' à ne-
pas diflîper rit fatiguer fon efprit, en
s'appliquant inutilement au ' nombre :
infini & à- la grandeur immenfe des-
tourbillons. Iifaut d^bord- s'arrêter
quelquetems à quelqu'undeces tour-
ÛUloiW, rechercher narordiect avec-
GooSk
DELAMETH.II.Past. 157
attention tous les mouvetnens de la
matière qu'il renferme , & toutes les
figures dont toutes les. paniesde cet-
te matierefe doivent revêtir.
Comme il n'y a que le mouvement
en ligne droite qui Toit fimple, il faut
d'abord corrûdérer ce mouvement ,
comme celui félon lequel tous les
corps tendentfans ceffe à fe mouvoir,
puifque Dieu agit toujours félon les
voies les plus {impies ; 8t qu'en effet
les corps ne fe meuvent circulaire-
ment , que pareequ'ils trouvenides
eppofitions continuelles dans leurs
mouvemens directs. Ainfi tous les
corps n-'étant pas d'une- égale gran-
deur, & ceux qui font les plus grands
ayant plus de force à continuer leur
mouvement en ligne droite que les
autres; on conçoit facilement que
les plus petits de tous les corps
doivent être vers le centre du tour*
billon, & les plus grands vers la cir-
conférence : puifque les lignes , que
l'on conçoit être décrites par les mou-
vemens. des corps qui. font à la cir-
-conférence, approchent plus de la
droite que celtes que décrivent les
corps qui font proche du centre..
SLl'onpenTe de nouveau que cha-
Goo8k
n* LIVRE StXÏE'ME.
que partie de cette matière n'apfrfe1
mouvoir d'abord & trouver fans cef-
fe quelque oppofrtbn àfonmouve-
ment, fan s'arrondir & fans rompre'
fes angles; on reconnoîtra facilement
que toute cette étendue nefèra- encore
compofée que de deux fortes de'
corps : De* boules rondes qui tour-
nent fans ceffe fur leur centre en plu-
* M, Dr fa- Jieurs façons différentes , & qui outre
m fttitVi' kir mouvement particulier font en--
ttuUiftnt cote emportées par le mouvement
«fat l'i'î,-,, commun du tourbillon: & d'une ma~
JJfi"""d" t^re 'tés-fluide & tres-agitée , qui
**tait/tT. ai1ra été engendrée par le ftoiuement
'*■■-*#*« des boules dont on vient de parler..
Im) ^r/j^Oittreleniouvementcirailaiœcarii-
tifimeaf» mon à toutes les parties dutourbil-
h, c™r/nrT tort, cette matière fubtileaura encore'
Mondtjf.in un mouvement particulier en ligne
JiM'Ju? prefque droite du centre durwurbil-
qHiiaiti iji. Ion vers la circonférence , par les rn-
^^"'^'tervalles des boules qui leur Iaiflent
le paflàge libre : de forte que leuc-
mouvement cornpofé decesmouve-
inens fera en ligne fpirale. Cette ma-
tière fluide que M'. Defcartes appel-
le le premier élément , étant diviTée
- en des parties beaucoup plus petites,
ce qui ont beaucoup moins de foiar
Coo8k-
DE LA METFT. II. Part. q9
pour continuer leur mouvement en
ligne droite que les- boules ou \efc-
eond élément i il eïl évident que ce
premier élément doit être dans le
centre du tourbillon, & dans les in-
tervalles qui font entre les parties du
fécond ; & que les parties du fécond
doivent remplir le reftedtr tourbil-
lon, & approcher de fa circonférence
à proportion de Iagroflèurou de la
ibrcequ'elles ont pour continuer leur
mouvement en ligne droite. Quant
à la ligure de tout le tourbillon , ott
ne peut douter par les choies qu'on
vient de dire, que I'éloig-nement
d'un Foie à l'autre ne Ibic plus petit
quela ligne qui traverfe l'équateur*.
£t fî l'on conUdére que les tourbillons
s'environnent les uns les autres & fe
preflênt inégalement, on verra en-
core clairement que leur éqttateur
cil une ligne courbe irréguliére &
qui peut approcher de l'eflipfe.
Voilà les chofes qui fe prefentent
naturellement à l'efprit, lorfque l'on
confidere avec attention ce qui doit
arriver aux parties de l'étendue, qui
tendent (ans celle à lé mouvoir en li-
gne droite, c'eft-à-dire par le plus
finiplederausles mouvemens. Si L'on,
C,„„sk-
s
140 LIVRE SIXIEME.
Veut maintenant fuppofer unechofé*
Iui fembïetres-cfîgnede la fagefte &
e la puilïànce de Dieu , fçavoir,
qu'il a formé tout d'un coup Puni-
vers dans le même état que Tes parties
fe feraient arrangées avec le temsfe-
ion les voyes les plus (impies, & qu'il
les conferve aufla par les mêmes lorX
naturelles, en nn mot li l'on veut
faire application de nos penféesavec
les objets quenous voyons: on pour-
ra juger que le Soleil eft Iecentre du-
tourbillon :quela fumiérecorporer*
le qu'il répand de tons cotes , n'eft
autre chofeqnePeffort continuel' dés
petites boules , qui tendent à s'élor-
gner du centre du tourbillon ; & que
cette lumière doit fe communiquer
en un inflantpwdesefpacesimrnen^
fes, parceque tout étant plein deces-
bouïes, on ne peut en prefler une
qu'on nepreflê toutes les autres qui
lui font oppofées.
On pourra encore déduire , de ce-
que je viens de dire , plufieurs autres
confequences : car les principes lés
plus fimples font les plus féconds-
pour expliquer les ouvrages de celur
qui agit toujours félon les voie» les.
plus fimples. Mais on a befoin de
DELAMETM.II.Part. i4z
confîdérer encore certaines choies
qui . doivent arriver à la matière.
Nous deyons donc penfer qu'il y a
piuiïeurs tourillons femblabies à
celui que nous venons de décrire ea
peu de paroles ; que les centres de ces
tourbillons font les étoiles, lefquelles
font autant de Soleils; que les tour-
billons .s'environnent les uns les au-
tres, &. qu'ils font rangez de telle
manière qu'ils fe nuifent le moins
qu'il lie peut dans leurs mouvemens:
xnaisque les. chofes n'ont pîïen venir-
là , que les plus.foinles des tourbil-
lons n'ayent été entraîne? & comme
engloutis par les plus forts.
.roux comprendre ceci , il n'y a
qu'à penfer que le premier élément,
qui eft dans le centred'un tourbillon,
peut- s'échapper & s'échappe fan»
celle par les intervalles des boules
vers la circonférence du même tour-
billon ; & que dans le tems que ce
centreou cette étoille fe vuide par Ton
cquateur , il doit y rentrer d'autre
premier élément par fes pôles: car
cette étoile ne fe peut vuider d'un
cptéqu'ellenç ferempliflè de l'au-
tre, puifqu'il n'y a point de vuide
dans le monde comme "je le fuppofe
«4» LÏVUE SIXIPME.
ici, & qu'il eu facile de le prouver
par ies effets naturels , paria tranf-
rtiiflïon par exemple de la lumière.
Mais comme il peut y atoit une in-
finité de caufes , qui peuvent empê-
cher qu'il n'entre beaucoup du pre-
mier élément dans cette étoile dont
nous parlons ; il eft néceflàïre que les
parties du premier élément qui font
obligées de s'y arrêter , s'accommo-
dent pour fe mouvoir dans un même
fens. C'eftce qui fait qu'elles s'atta-
chent & fe lient les unes aux autres,
& qu'elfes forment des taches, qui
s'épaiffiflanren croûïes.couvrent peu
à peu ce centre, & font du plus Iuf>-
tïl & du plus agité de tous fescorps,
une matière folide & gïoffiére, C'eft
cette matière groûwre que M. Def-
cartesappelîe le treifiéme élément ; Se
îl faut remarquer que comme elle efl
engendrée du premier dont les figu-
res font infinies , elle doit être revê-
tue d'une infinité de formes dîrFc-
xentes.
Cette étoile ainfi couverte de ta- *
ches & de croûtes , & devenue com-
me les autres planètes , n'a plus la ■
force de foûtenrr & de défendre fort
tourbillon comte l'effort continuel
C,„„sk-
DELAMETH. ÏI. Pabt. 141
,de ceux qui l'environnent. Ce tour-
billon diminue donc peu à peu. La
matière qui le compofe le répand de
foutes parts : & le plus fort dés tour-
billons d'alentour en entraîne la plus
frande partie, & envelope enfin la
Ianéte qui en eu le centre. Cette
Planète « trouvant toute entourée de
Ja matière de ce grand tourbillon ,
■elley nage en coraervant , avec quel-
que peu de la matière de (on tou rbil-
lon, le mouvement circulaire qu'elle
avoit auparavant: & elle y prend en-
fin une fituation, qui la met en équi-
libre avec un égal volume delà ma-
tière dans laquelle elle nage. Si elle
a peu de folidité & de grandeur, elle
cfefceiid fort proche du centre du
tourbillon qui l'a enveloppée : parce
Ju'ayant peu de force pour commuer
>n mouvement en ligne droite, elle
doit fe placer dans l'endroit de ce
tourbillon, où un égal volume du
fécond élément a autant de force
qu'elle pour s'éloigner du centre;
Gar eUe ne pew êtreen équilibrequ'-
en cet endroit.SicettePIanéteeft plus
grande & plus folide , elle doit fe
mettre en équilibre dans un lieu plu»
éloigné du centre du tourbillon. Et
»44 LIVRE SIXIPME.
enfin s'il n'y a dans letourbiHonaii-
cun lieu , où un égal volume de là
matière ah autant de folidité que cette
Planète, & par oonféquent autant de
force pour continuer fon mouve-
ment en ligne droite, à caufe que
cette Planète fera peut-être fbrtgran-
de & couverte de croûtes fort folidei
£c fortépanTes ; elle ne pourra s'ar-
rêter dans ce tourbillon , puifqu'elle
ne pourra s'y mettre en équilibre
avec la matière qui Iecompofe. Cette
Planète paÛera donc dans les autres
- tourbillons , & fi elle n'y trouve
point fon équilibre , elle ne s'y arrê-
tera point aufli. De forte qu'on la
verra quelquefois pafter comme les
Comètes , forfqu'eile fera dans nô-
tre tourbillon & aflèz proche de nous
Î)ourceIa ; & l'on ne la reverra de
ong-tems , lorfqu'eile fera dans les
autres tourbillons, ou dans l'extré-
mité du nôtre.
Si Ton penfe maintenant qu'un
feul tourbillon par fa grandeur , par
fa force, & par fa Gtuation avama-
geufe , peut miner peu à peu , en-
velopper &entraînerenfinplufieurs
tourbillons, & des tourbillons mê-
me qui en auraient fiumonté quel-
ques
C,„„sk-
DELÀMETH. IL Part. 14*
mies antres j il fera néœflaire que le»
Planètes , qui fe feront faites dans
les centres de ces tourbillons , étant
entrées dans le grand tourbillon qui
les aura vaincues, s'y mettent en équi-
libre avec un égal volume de la ma-
tière dans laquelle elles nagent. De
forte que fi ces Planètes font inégales
en folidité , «lies feront dans une dif-
lance inégale du centre du tourbil-
lon dans lequel elles nageront. Et s'il
fe trouve que deux Planètes ayent 4
peo prés la même force pour conti-
nuer leur mouvement en ligne droi-
te , ou qu'une Planète entraine dans
ibnpetittourbillon une ouplufieurs
autres plus petites Planètes qu'elle
aura vaincues , félon nôtre manière
de concevoir la formation des chofesj
alors ces petites Planètes tourneront
autour de la plus grande , tandis que
la pli» grande tournera fur fon cen-
tre ; & toutes ces Planètes feront em-
portées par le mouvement du grand
tourbillon dans une diftance prefque
égale de foncentre.
Nous fommes obligez en fuivant
les lumières delà raifon, d'arranger
ainii les parties -qui compofeut le
monde , que nous imaginons fe foi-
Tme III. G *
Goo8k
H* LIVRE SIXIE»ME.
mer par les voyes les plus Amples:
Car tout ce qu'on vient de dire n'eft
appuyé que fur l'idée qu'on a de l'é-
tendue , dont on a fuppofé que les
parties tendent à Te mouvoir par le
mouvement le plus fimple , qui eft le
mouvement enîignedcoite. Et ïorf-
que nous examinons par les effets , lï
nous ne fommes point trompez en
voulant expliquer les chofes par leur»
caufes , nous fommes comme fucpris
de voir que les phénomènes des corps
celeftes s'accommodent allez bien a-
vec cequ'on vient de dire. Car nous
voyons que toutes les Planètes qui
font au milieu d'un petit tourbillon,
tournent fur leur propre centre com-
me le Soleil : qu'elles nagent toutes
dans le tourbillon du 'Soleil Se autour
du Soleil ; que les plus petites ou les
moins folides font les plus proches du
Soleil ; & les plus folides les plus
éloignées : & qu'il y en a auflt , com-
me fes Comètes, qui ne peuvent de-
meurer dans le tourbillon du Soleil : ,
Enfin qu'il y a puifieurs Planètes,
qui en ont encore pluiïeurs autres
petites qui tournent autour d'elles,
comme la Lune autour de la. terre.
Jupiter en a quatre, Se Saturne cinq s
t
DE LA METH. II. Part. 147
anllî eil il le plus grand félon quel-
ques Autonomes : Mais s'il ne l'eft
pas , dn moins eft-il nécefïàire qu' il
foit le plus folide. Peut-être même
que Saturne en a un fi grand nombre
de fi petites , qu'elles font le même
effet qù*un cercle continu , qui lem-
fcle n'avoir point d'épaiflèur à caufo
de Ton grand éloïgnement. Ces Pla-
nètes étant les plus grandes que nous
voyions, on peut lesconfiderer com-
me ayant été engendrées de tour-
billons allez grands , pour en avoir
vaincu d'autres avant que d'avoir été
enveloppées dans le tourbillon où
nous Tommes, M. Huygens*dhque»c»f«*&«**
le diamètre de l'anneau de Saturne '*'/■'*■
cfi à celui du Soleil comme n. 337.
celui de fon globe, comme f. à 37.
celui de Jupiter, commet an. ce-
lui de Mars , commet, à 166, celui de
la terre , comme 1. à ta. celui de Ve-
nus, comme 1. à 84. celui de Mer-
cure, comme 1. à 2j»o. Pour l'année
de Saturne , ou fit révolution autour
du Soleil, elle eft de vingt-neuf ans
174. jours ?. heures : celle de Jupi-
ter dé onze ans 317. jours 1$. heu-
res ; celle de Mars fort prés de 687.
jours : celle de la terre de trois
Gij
148 LIVRE SIXIEME.
cent foixame-cinq jours un quart :
celle de Venus de deux cent vingt-
2uatre jours 18. heures : & celle
e Mercure de quatre.- vingt - huit
jours.
Toutes ces Planètes tournent fur
leur centre , la Terre en ».+. heures.
Mars en 15. ouenviron, Jupiter en
10. heuresouenviron j maisIaLune
ne fait fon tour fur fon centre qu'en ;
un mois , puifqu'elle ne montre que
la même face. Toute la matiè-
re dans laquelle elles nagent , fait,
fon tour plus vite lorsqu'elle eft
plus proche du Soleil ou du centre "
de fon tourbillon , parce que la ligne
de fon mouvement eft plus petite-
Les Aflronomes après Kepler préten.
¥ CêÇmtht* dent * aujourd'hui que les cubes de
w-j.it> ladiflance qui eft entrechaque Pla-
nète, & le centre de fa révolution,
font entr'eux comme les quarrez du
temsde leurs révolutions, ce qui fe
remarque auffi dans les Satellites de
Jupiter & de Saturne. LorfqueMars'
eft oppofé au Soleîl,H eft aflèz proche
delà terre; & il en eft extrêmement
éloigné ïorfqu'il lui eft joint, Ileneft
de même des Planètes fupérieuresJu-
piter& Saturne, car les inférieure»
DE-LA METH. IL Part, tp
■comme Mercure & Venu^pe font ja-
mais oppofées au Soleil à propre-
ment parler. Les Lignes que toutes
les Planètes femblenc décrire autour
-de la Terre , ne font point des cer-
cles , mais elles approchent fort des
ellipfes , & toutes ces cllipfes pa-
:roiÔènt fort différentes à câitfs des
différentes fituations des Plauetes à
nôtre égard. Enfin ce qu'on remar-
que dans les Cieux avec certitude
touchant le mouvement des Planè-
tes , s'accommode allez bien avec ce
que l'on vient de dire de leur for-
mation faivant ksvoyes les plus Am-
ples.
II y a bien des gens qui regardent
les tourbillons deM, Defcartes com-
me de pures chimères. Cependant
rien n'eîl plus facile à démontrer , en
fuppofant : i*. Que tout corps ma
tend à fe mouvoir en ligne droite ;
a**. Que les Planètes ont des' mouve-
xnens circulaires , deux véritez cer-
taines par l'expérience» "Car il efl
clair que fi Jupiter , par exemple,
étoitmûdanslevuide, il iroit tou-
jours en ligne droite : Et que s'il
étoît mil dans une matière qui ne tk
pas un. tourbillon } ou qui ne tournât
G Ëj
Goo8k
if» LIVRE SIXIE'ME.
point à l'aptour du Soleil ; non feu-
lement ilcontinueroit toujours d'al-
ler en ligne ou droite', ou du moins
fpirale,maisdepiusil perdroîtpeuà
peu fon mouvement , eu le commu-
niquant au fluide qu'il déplacerait.
II faut donc que la matière celefie
fane un tourbillon , & que chaque
Planetes'y place de telle maniere,que
fon effort pour s'éloigner du SoieH
Jàflê équilibre arec TeBort d'un égal
Yolume de cette matière.
Pour les étoiles fixes , l'expérience
apprend qu'il y en a qui diminuent
& qui difpapoif lent entièrement , &
qu'il y en a auflî qui paroiiTent toutes
nouvelles , & dont l'éclat & la gran-
deur augmentent beaucoup. Biles
augmentent ou diminuent à mefure
que les tourbillons,, dont elles font
les centres , reçoivent plus ou moins
du premier élément. On ceûe de les.
voir , Iorfqu'il s'y forme des taches.
& des croates : & l'an commence à
les découvrir , lorfqueces taches qui
en empêchent l'éclat, le dimpeno
entferement. Toutes ces étoiles gar-
dent toujours encr'eUes la même di£-
tance; puifqu'etles font les centres
des tourbillons, & qu'elles ne foni*
DEtAMETH.n.pAîtf, ip
pas entraînées tant qu'elles réfiftent
aux autres tourbillons, ou qu'elles
font étoUes. Elles font toutes écla-
tantes comme de petits Soleils , parce
qu'elles font comme lut lescentres
de quelques tourbillons , qui ne font
porntencoïe vaincue». Elles font tou-
tes inégalement cîiflames de la Terre,
quoi qu'elles paroiflènt aux yeux
comme attachées à une voûte : car fi
l'on n'a- point encore remarqué la
parallaxe des plus proches, avec les
plus éloignées, par la différente fîtua-
tion de la terre de fix mois en fix
mois , c'eft que cette différence de
fituation n'eu pas aflèz grande , à
caufe de l'élorènement immeufe où
nous fommes des étoiles , pour ren-
. dre cette parallaxe fenfible. Peut-être
que par le moyen. des telefcopes on
en pourra remarquer quelque peu.
Enfin tout ce qu'on peut obfervér
dans les étoiles par l'ulage des fens &
par l'expérience , ne paroît pas fort
différent dece qu'on vient de décou-
vrir par l'efprit , en examinant les
rapports les plus fi m pies & les plus
naturels qui le trouvent entre les par-
lies & les mouvemens de l'étenr
-due,
Ç iiij ,
rçj LIVRE SIXIEME
Si l'on veut examiner la nature
des corps qui font ici bas , il fane
d'abord fe reprefenter , que le pre-
mier élément étant compofé d'un
Nombre infini de figures différentes,
les corps-quî auront été formez par
t'aflemblage des- parties de cet élé-
ment, feront de plufieim forte». II
y en au ra dont les partiesfeFont bran-
chuës : d'autres dont elles feront lon-
gues : d'autres dont elles feront com-
me rondes, mais irrégulréres en tou-
tes façons. Si leurs parties branchuës
font allez grottes , ils feront durs ,
mais flexibles & fans refîbrt , comme-
l'or : fi leurs parties font moins gref-
fes , ils ferontmoûs ou fluides , com-
me les gommes, les grailles , les hui-
les : mais fi. leurs parties branchuës.
font extrêmement délicates , ils fe-
ront femblables à l'air. Si les parties
longues des corps font groflès & in-
flexibles, ils feront piquans , incor*
ru ptibles, faciles à diffbudre, com-
me les fels : fi ces mêmes parties lon-
gues font flexibles, ils feront ïnfîpi--
des , comme les eaux : s'ils ont des
parties groffiéres & irréguliéres en
toutes façons, Hsieront femblables à
la terre, & aux pierres. Enfin il y
aura descorps de plufieiirs différen-
tes natures , & il n'y en aura pas deux
qui. Ibient entièrement fembfables,
parce que le premier élément eft ca-
pable d'une infinité de figures , &
quetoutesces figures ne fe combine^
ront jamais delà même manière en-
deux différens corps. Quelques ligu--
resqu'ayent ces corps, s'ils ont des-
pores afïèz grands pour laitier paner'
le fécond élément en tous fens , ils>
feront tranfparens , comme l'air ,•
l'eau , leverre, &c. Quelques figu-
res qu'ayent ces corps, ir Je premier
élément en environne entièrement"
quelques parties , & les agite afTea
fort & afféz promptement pour re-
poufTer le fécond élément de tous*
cotez, ils feront lumineux , comme'
îa flamme. Si ces corps repoulîent
•tout le fécond élément qui les cho-
que', Hs feront tres-blancs: s'ils le'
reçoivent fans- le repouffer , ils> fe-
ronrtres-noirs: enfînVils Ierepouf-"-
fcnt par diverfesfecoufles* ou vibrai ''voyeai*
«ions, ils paraîtront de différentes w^'.uf'
couleurs^ «[«.droit
Quant à leur fîtuatîon , Tes puis q^i^""**
jjéfans ou les moins légers', c'eft-à*
dire ceux rniTauront moins de force-'
G-v"
r?4 LIVRE nXIrMWE-
pour continuer leur mouvement eit
ligne droite, feront les plus pioche»
du centre , comme les métaux. La
terre , l'eau , l'air en feront plus éloi-
gnez : & tous les corps garderont la
iituatton où nous les voyons t parce
qu'ils doivent s'être placez d'autant
-plus loin du centre de la terre , qu'ils
ont plus de mouvement pour s'en,
éloigner.
Et l'on ne doit pas être furpris fi
Je dis prefentement , que les métaux
-ont moins de force pour continuer
leur mouvement en ligne droite que
la terre , l'eau , & d'autres corps en-
core moins folides ; quoique j'ayedit
auparavant queles- corps les plus fo-
lides ont plus de force à continuer
leur mouvement en ligne droite que
les autres. Car la raifon pour la-
quelle les métaux ont moins de force
pour continuer de fe' mouvoir que
de la terre ou des pierres , c'ett que
les métaux ont beaucoup moins de
mouvement: puifqu'rl efl toujours,
marque deux corps inégaux en-folt-
dité étant mûsd'uneégale vkeilè, le-
plusfofidea plus de foreepour aller
enlaïiqnedroire, parce qu'alors te
pIusfolideaplusdeoiûuyemBnc» Se
DE LA METH; fi. Faut, r^
,qoe c*elt le mouvement qui fait la,
force.
; Et fï l'on veut fçavoic la raifon*
pourquoi vers lescentres des tour-""
billons, les corps groffiers (ont pé-
fants , & qu'ils fout légers quand ils
en font fort éloignez , (car fi la terre
par exemple étoit plus proche du
Soleii , elleremonteroit où elle eft )
.on doit penfer que les corps grofliec*
reçoivent leur mouvement de la mar
tîere fubiile qui les environne & dans,
laquelle ils nagent. Or cette matière
fubtile fe meut actuellement en ligne
circulaire autour du centre du tour-
billon ; & c'eft ce mouvement comt-
mun à toutes fespartiesqu'elle conv
-znunique aux corps groffiers qu'elle
environne. Mais elfe ne peut leur
communiquer les mouvemensparti-
culiersà'cnaquepaTtiequi tend vers-
différens cotez,, en s'éloignant néan-
moins-ducentuedutourbrilon^Caroni
doit prendregarér que les parties, de
la matière firbrile , faifant eftbrt vers-
différent cotez, ne peuvent quecon»'
primer le corpsgrofïier qu'elles tranC
portent : car ce corps- ne peut pas ent
même tems aller vers differens cotez-
Mais parce que la matière fubtiïe»
G v j
1)6 LIVRE SIXIEME.
qui eft vers le centre du tourbillon1,,
a beaucoup plus de mouvement qu'-
aile n'en employé à circuler : qu'elle-
* ne-communique aux corps groifieis
qu'elle entraîne , que Ion mouve-
ment circulaire & commun à tontes
fes-. parties : &que fi les corps grot-
fiers avoientd'ailleurs plus demou-
vement queceluhqui eflcommun an
tourbillon, ilsJe perdraient bien-tôt.
en lecommuniquant aux petits corps.
qu'ils- rencontrent :.De-là il eft. évp-
dentque les corps grofliers vers le
centre du tourbillon, n'ont point tant"
de- mouvement que-la matière dans,
laquelle ils nagent-, dont chaque par-
nefemeut en plusieurs façons diffé-
rentes outre leur mouvement cirent-
laire ou commun y &c'eflce mou--
veinent en divers fens. différent du
oirculaireou commun, quirend la
matière fubtile plus.ïegere-que les,
corps grofliers dont. les parties font
comme en repos les unes auprès des
autres, Lorfque de la poufliere eft
remuée , elle devient légère, parce:
qu'elle a. plus., de liberté. pour rem—
'plir- fan mouvement yersXe: haut que:
vera-urbas; où la.rcfiftance 6V la. réac—
■non ell plus grande. Ainfi les corps-
TÏE £A METH. H. Part, rjr
greffiers n'ayant que le mouvement
circulaire & commun à toute la ter-
re, il* font obligez de céder , & par
confequent de le rapprocher vers le
centre du tourbillon , c'eftVà-dire
qu'ils font d'autant plus péfans qu'ils
font plus, folides.. J'explique plus>
exactement la caufe de la péfanteiir
dans le pénultième éclairciflèmenr
vers la fini- Mon deflein ici n'eft que-
de donner l?abregéde la PliyGque de- .
M.Defcarte^-
Mais Iorfque les corps greffiers (ont
for* éloignez du centredu tourbillon;
comme le mouvement circulaire de
JÉciatiere fiibtile eft alors fort grand»
■Rutfe qu'elle employé prefque tout
£bn mouvement à tourner autour du
centredu tourbillon ; les corps ont
d'autant plus- de mouvement qu'ils
font plus folides , puifqu'ils vont à
peu prés delà, même vîtefTe que 1»
matière fubt-He dans laquelle ils na-
gent : ainfi ils ont plus de force pour
continuer leur mouvement en ligne-
droite- De forte que les corps groJV
fiers dans une certaine diïtance- du
«entre du tourbillon, font d'autant
pin* légers qu'ils font plus, folides.
Cela. fait, donc voir que la. Terre;
Goo8k
I# LIVRE SlXtE'ME.
eil métallique vers le centre : qu'élu?
n'ell pas fort folrde vers fa circonfé-
rence : que l'eau & l'air doivent de-
meurer dans la Situation où nous le»
voyons : mais quetous ces corps font
à-as- péfans,* l'air aufli-bien que l'or 8t
'y™" le vif-argent , paicequ'iis font plu*
«de folides & plus greffiers que le pre-
:* mier & le fécond élément. Cela foie
voir que la Lune étant un peu trop
■ éloignée du centre du tourbillon de
la Terre, n'eft point pelante quoi-
qu'elle foit folîde : que Mercure,
Venus, la Terre , Mars, Jupiter, &
Saturne ne peuvent tomber dans le
Soleil , & qu'ils ne font point afjHfc
folides pour fortirde leur tourbillon
comme les comètes : qu'ils font en
équilibre avec la matière dans la-
quelle ils nagent : & que fi l'on pou-
voir jéttet allez haut une balle de
mouiquet, ou un boulet de canon,
c'eft-è-drre , fi haut que le mouve-
ment circulaire Si commun aux par-
ties dans lerqueiles ces corps fèroient
placez , qui eft le feul mouvement
qu'ils puïuënt en recevoir , furpafsâi
fuffifamment le mouvement varié de
ces mêmes parties , ces deux corps
devieudroient de petites Planètes»
DELAMETH.II.Pakt. if?
ou bien ils feraient allez folides pour
devenir comme de petites comètes
Îui ne pourraient plus s'arrêter dans
s tourbillons.
Je ne prétens pas avoir fuffifam-
ment expliqué toutes les chofes que
je viens de dire, ou avoir déduit des
principes (impies d'étendue , de li-
gure, & de mouvement , ce que l'on
en doit infailliblement déduire. Je
veux feulement faire voir la manière
dont M. Defcartes s'eft pris pour dé-
couvrir les chofes naturelles , aliii
iucl'on puîné comparer fes idées Ôt
i méthode avec celles des autres
Philofophes, Je n'ai point eu ici
d'autre deflein. Mais je ne crains
point d'afïùrer queiî l'on veut céder
d'admirer la vertu de l'aiman., les
mouvemens» réglez du Eux & du re-
flux de la mer, le bruit du tonnerre, la
génération des météores : enfin iï
ronveius'ijiflruireàfonddela Phy-
fique , comme l'on ne* peut mieux
faire que de lÊre& de méditer fes
ouvrages, onnefçauroit rien faire,
fr l'on nefaitfa méthode-, je veux
dire tïPon ne raifoime comme lui fur
des idées claires, en commençant tou-
jours, par. les plus limples.
ï
Hfe LIVKE SIXIEME
Ce n'eft pas que cet Auteur foit
infaillible, & jecroi pouvoir dé-
montrer qu'il s'eft trompé en plu-
fieurs endroits de fes ouvrages- Mais
Heft plus avantageux à ceux qui le?
tifent de croire qu'il s'eft trompé ,
que s'ils étoient perfuade? que tout
ce qu'il dh fi.it vrar. Si on le croyoit
infaillible , on le lhoît fans l'exa-
miner , on crorroit ce' qu'il dit fans
fefçavoir; onapprendroit fesfenti-
mens commeon apprend des Hifloi-
' Te5,ce-quineformeroitpomtFefprk-
ÏI avertit lui-même qu'en lifant fes
ouvrages , on doit prendre garde s'il
ne s'eft point trompé ,. & qu'on ne*
doit rien croire de ce qu'irait , que-
ïorfqu'on y ell forcé par l'évidence.
Car H nereuemble pas à' ces faux fça-
vans' qui ufurpant une domination
injufte fur les efprits .veulent qu'on,
les croie fur leur parole-: & qui au-
lieu détendre les hommes difei pies-
de la vérité intérieure , en ne- leur
propofanc quedes idéesclaires , les
Soumettent à l'auto rhé des Païens, Se
par des raîfons qu'ils n'entendent,
point, leur font recevoir desopinions*
qu'ils nepeuvent comprendre.
IL faut remarquer qu'au teins de;
CCH^I,
DE LA METH. II. Part. %6i
M". Defcartes on n'étoit point entré
dansle fecret des forces centrifuges s8t
que l'on ne fçavoit point encore en
mefur^fcles rapports, ce qui eH néan-
moins néceftaire pour perfectionner
la PJiyfique celefte ; qu'outre cela il
ignorait ce que nous ont appris les
dernières obfervations.S'H avoit feu-,
lementété bien convaincu de ce dont
les habiles Aflronomes conviennent
aujourd'huy , fçavoir que les cubes
des diftances des corps celefles du
centre de leur circulation, font en-
tre eux, comme les quarrez du tenu
de leur révolution; & qu'il eûtfçû
que les forces centrifuges font entr'-
elles , comme les quarrez des vîieiïès
drvifez par lediametre de leur crrctt-
Iatîon,iI lui aurait été facile de corri-
ger quelques endroits de fa Phyfique
& de la. rendre plus parfaite. Car en
mettant par exemple dans la propor-
tion précedente,au lieu des tems leur
valeur, c'eft-à- dire ics efpaces par-
courus ou les circulations divifées par
lesvîteuesjH aurait découvert une
raifoii naturelle de l'équilibre de la
matière celefte & les rapportsdes vi-
telïes & des diftances des planètes
qu'elle entraîfne en circulant..!! au-
t6t LIVRE SIXIEME.
ïoit encoretirédelaconnoiflànceà'es
forces centrijkgeshïçn des confequen-
ces qu'on peut voir dans les ouvrages
qui ont paru depuis qudqueAnnees.
Defcartes ne nous a pas été donné de
Dieu pour nous apprendre tout ce
qu'il eil poflîble de fçavoir , comme
Averroes Ie;dit cPArïftote. II s'eft mê-
me fourent trompé, non par le dé-
faut de fa méthode , ou la feuflcté de
fes principes , car il n'en fuppofe
point d'autres que les notions com-
munes ôc les idées claires , mais par
la difficulté de Iesfuivre dansl'exa-
mendes fuîetstropcompofez.
La principale cnofe que l'on trou-
ve à redire dans la manière dont M
Defcartes fait naître le Soleil , les
Etoiles, la Terre, & tous les corps
qui nous environnent , c'efl qu'elfe
Îiarojt contraire à ce que l'Ecriture
àînte nous apprend de lacréationdu
monde : & que fi l'on en croit cet
Auteur , il femble que l'univers s'eft
formé, commedefui-même, tel que
nous le voyons aujourd'hui. A cela
on peut donner plufieurs réponfes,
La première que ceux qui difent
C,„„sk-
DE LA METH. II. Part, «fj
î'Ecriture-fainte & Defcartes, que
ceux qui ont écrrrpour prouver que
'là création du monde s'accommode
parfaitement avec les fentimens de ce
Philofophe.
Mais la principale refponfe efl que
M. Defcartes n'a pas j amais prétendu
que Ieschofesfe foient faites peu-à-
peu comme il les décrit. Car dans De
premier article de la quatrième par-
tie de fa Phil'ofophie , qui efl , Qu£
pour trouver les -vraies caufes de ce qui
efi fur la terre ,il faut retenir l7hypothe~
fe dèjaprife nonobfiant qu'elle fait fauf~
fe , il dit pofitivement le contraire en
ces termes. '
Bien que je ne "veuille point qu'on fe
ferjitade que les corps qui compofent ce
'monde viftble ayent jamais été produits
en la façon que j'ai décrite , atnfi que
j'ai ci-dejJUs averti , je fais néanmoins
obligé de retenir ici la même hypottejè
pour expliquer ce qui ejtjkr la Terre,
afinque fi je montre évidemment ain/i
que j'efbere faire , qu'on peut par ce
tnoyen donner des raifons très - intelli-
gibles & certaines de toutes les ebofes
qui s'y remarquent { & qu'on ne puiflè
faire te femblahle par aucune autre in-
TKtttUmt noar ayons fkjet de conclure que
Goo8k
i*4 LIVRE SIXIE'MË.
bien que le monde n'ait pas été fait au
commencement en cette façon ,& qu'il
ait été immédiatement créé de Dieu ,
toutes les ebofes ta£il contient ne laif-
fent pas d'être maintenant rfe même na-
ture que fi elles evoïent été aïnfi pro~
duites.
Défaites fçavort que pour com-
prendre bien la nature des chofes, il
les falloir confiderer dans Ieiir origi-
ne & dans leur naifrance,qu'îi falloir.
toujours commencer par celles qui
font ies plus Amples, & aller d'abord
au principe": qu'il ne falloit point fe
mettre en peine fi Dieu avok formé
fes ouvrages peu-à-peu par les voies
ies plus (impies, ou s'il les avoït pro<-
duits tout d'un coup : Mais de quel- ,
«Jue manière que Dieu les eût formez^
quepourlesbienscomioîtreil fâiloxe
les conlidérer d'abord dans leurs
principes , & prendre garde feuler
ment dans la fuite, ii ce qu'on avoït
penfé s'accordoh avec ce que Dieu
avoit fait. II fçavoit que les Ioix
de la nature par Iefquelles Dieu cori-
C,„„sk-
DE LA METH. I. Part, iô**
car ilell évident à tous ceux qui con-
fidérent les chofes avec attention, que
5 Dieu n'avoir pas arrangé tout (rua
coup tout fon ouvrage de la manière
qu'il fe ferait arrangé avec le tems ,
tout l'ordre de la nature fe renverié-
roitj puiXquelesioix delaconferva-
tion?(eroîentcontrairesà I'or'drede la
Sremier création. Si tout l'univers
smeure dans l'ordre où nous le
voyons , c'eft que les Ioix des mouve-
.roens qui le confervent dans cet or-
dre, euflèntété capables de l'y met-
tre. Et fi Dieu les avoit mis dans un
ordre différent de celui où elles fe
fuirent mifes par ces Ioix du mouve-
ment, toutes chofes fe renverferoient
6 fe mettroient par la force de ces
Ioix dans ï'ordre où nous les voyons
préfentement. S'ilavoit fait le Soleil
par exemple de figure cubique , cer-
tainement il feroit bien-tôt devenu
Spherique en confequence des Ioix
des mouvemens.
Un homme veut découvrir la na-
ture d'un poulet. Pour cela il ouvre
tous les jours des ccufe , qu'il a mis
couyer. Il y remarque une véiicule
qui renferme l'embrion du poulet ,
& dans cette veficule un point fail-
Goo8k
ifitf LIVRE SIXIEME,
lant qu'il découvre en être le cœur,
quede là il part de tout cotez des ca-
naux de fang qui font les artéresi que,
cefang retournevers lecoeur parles
veines ; que le cerveau paroît auflï
d'abord , & que les os font les der-
nières parties qui fe forment, II fe
délivre par-là de beaucoup d'erreurs,
& il tire même de ces obfervations
plufieurs confequences d'un très-
grand ufage pour la connoiilàncedes.
animaux. Que peut-on trouver à re-"
dire dans la conduite de cet homme ?
. peut-on dire qu'il prétende perfua-
der que Dieu a formé le premier pou-
let en créant d'abord un œuf, &en
lui donnant un certain degré de cha-
leur'pour le faire éclorre i à caufe
qu'il tâche de découvrir la nature des
poulets dans leur formation ?
Pourquoi donc aceufer M. Det
cartes d'être contraire à l'Ecriture, à
caufe que voulant examiner la nature
des choies vilibles , il en examine la
formation par les Ioix du mouvement
qui s'obfervent invioIaHement en
toutes rencontres ? II n'a jamais dou-
■*<*• y ■ & té : Que le monde n'ait été créé au corn-
%€,'",&% mencement avec autant de perfiHion
/«««>«. qu'il en ai enforte que le Soleil, la
C,„„sk-
DELAMETH.II.Pabt. j€j
Terre , la Lune , les Etoiles ont été des
lors:& que la Terre n'a pas eu feulement
en foi les femences des plantes , mais
que tes plantesmême en ont couvert une
partie , <& qu'Adam & Eve n'ont pas
été crée^ enfans, mais en âge d'hommes
parfaits. La Religion Chrétienne , dit~
il, veut que nous le croyons ainfi , & la
raifon naturelle nous perfuade abfolw
ment cette vérité, parte queconfidérant
La toute-puifiance de Dieu , nous devons
juger que tout ce qu'ila fait a eu toute
la-perjeSton qu'il devoit avoir. Mais ,
comme on connaîtrait beaucoup mieux
quelle a été la nature d'Adam & celle
des arbres du Paradis , fi l'on avoit
examiné comment les enfans fe forment
pewk-peu dans le ventre de leurs mères,
«£■ comment les plantes fortent de leurs
femences, que fi l'on avoit feulement
confideré quels ils ont été quand Dieu les
a crée%j tout de même nous ferons mieux
entendre quelle efi généralement la na-
ture de tontes les chofes qui font au mon-
de , fi nous pouvons imaginer quelques
-principes qm foient fort intelligibles &
fenfimples , dejquels nous fajfions voir
clairement que les Afirts, la Terre, &
enfin tau le monde vifible awroit pà
être produit ainfi quelle quelques femeti*
i58 LIVRE SIXIE'ME.
ces, hien que nous [cachions qu'il »'« pas
été produit en cette façon ; que fi nous
le décrivions feulement comme ilefl,ou
biencomme nous croyons qu 'il a été créés
Et parce que je penfe avoir trouvé des
principes qui font tels-, je tâcherai ici
de les expliquer.
Motifieur Defcartes a penle que
Dieu avoit formé le monde tout d'un
coup , mais il a crû auffique Dieu
i'avoit formé dans le même état, dans
le même ordre, Sedanslemêmear-
rangement de parties où il aurait été,
Vil l'avait formé peu-à-peu par les
voies les plusfimpies. Et cette pen-
fée eft digne de lapuillance&dela
fageflè de Dieu : de fa puhTance,
puifqu'îl a fait eu un moment tous
Tes Ouvrages dans leur plus grande
perfeâion : de fa fageûe,-puifque
par là il a fait connoitre qu'il pré-
voyoit parfaitement tout ce qui de-
voit arriver iiéceflàirement dans la
matière , fî elle étoit agitée par les
voïes les plus fimples; & encore par-
ce que l'ordre de ïa nature n'eût pu
fubfiner, fi le monde eût été produit
d'une manière contraire aux loix de
mouvement par lefquelles il efteon-
ferve, ainfi que je viens de dire.
Au
GooSk
. DELAMETH;H.Pabt. ifij»
Au refte, H y a bien de la différen-
te entre la formation des corps vi-
vans & organifez & celle des tour-
billons dont l'univers e(i compofé.
Un corps orgaiûfé contrent une infi-
nité de parties qui dépendent mutuel-
lement les uns des. autres par rap-
port à des fins particulières , & qui
doivent être toutes actuellement for-
mées pour pouvoir joiier toutes en-
fembie. Car H ne faut pas s'imaginer
comme AriftQte que le cœur elt le
premier vivant & le dernier mou-
lant. Le coeur ne peut battre fans
l'influence des efprits animaux, ceux-
ci fe répandre dans le cœur fans les
nerfs , & les nerfs tirent leur origine
•du cerveau dontils reçoivent les ef-
prits. De plus le cœur ne peut batre;
&poufIêr le.faag dan» les artères fi
«lies ne "font déjà faites ,. auflï bien
«ue les veine» -qui le lui rapportent.
En un mot il eu évident qu'ime ma-
chine ne peut joiier qu'ellene foit
achevée! & qu'airilï le cœur ne peut
vivre feul. De forte que dans le tems
qu'il paroît dans nn œuf qu'on a mis
couver ce point (aillant qui eft le
cœur du poulet, le poulet elt vivant :
ât par Ja même raifon dés que la
Terne III. H
fj6 XIVÏŒ SIXIEME. ( •
femme a conçu ; ce qui eft à propos
de bien remarquer , fon enfant eft
vivant ; parce que la vie commence
quand les efprits forit jouer les orga-
nes ,-IefqueIs nepeuvent joiierqu'ils
ne foienr aditeilerïierit formez- &
liez enfenible. Ce feroît dohË s'y
prendre- fort mal que de prétendre
tirer des loix fimples & générales des
communications des mouvemens là
formation des animaux & des plan-
tes & de leurs parties les unes après
les autres: car elles font toutes liées
différement les unes avec les autres
par rapport à diverfes fins & difle-
rens ufages dans les différentes efpe-
ces. Mais il n'en eft pasdemêmede
la formation des tourbillons: il*
rtaiflèrrt naturellement des loix géné-
rales , ainfî que je Viens en' partiêde
l'expliquer. : '
Il eft ridicule de direque M. DèC
cartes a crû que le monde fefoit pu
former de lui-même i puisqu'il a re-f
connu, comme tousceùx qui fuîvent
ies lumières de la raifon , qu'aucun
corps ne- peut même fe remuer par*
ies propres forces , & que toutes les
loix naturelles de la communication
des mouvemens ne font que des fui-
C,„„sk-
DE IA METH II. Part. i7'f
<es des volontez immuables de Dieu ,
qui agit fans oeflè d'une -même ma-
nière. Ayant prouvé qu'il n'y a que
Dieu qui donne le mouvement à la
matiére/&quelè mouvement produit
dans tons les corps toutes ïes diffé-
rentes Formes dont ils font revêtus,
■c'en étolt aflëz pour Ôter aux libertins
tout prétexte de tirer aucun avanta-
:ge de fon fyftcme. Au contraire li les
athées faifoient quelque réflexion fur
les principes de ce Philofophe , ils
le trouveroient bien-tôt contramisde
leconnoître leurs erreurs. Car s'ils
peuvent foûtenir comme les Païens
que la matière fohincréée,iIs ne peu-
vent pas de même foûtenir qu'elle ait
I'àmais été capable de fe mouvoir par
es propres forces. Ainfiles athées fe-
roîenr du moinsohligez de reconnoî-
tre Ievéritable moteur, s'ils ne vou-
lurent pas reconnoître le véritable
Créateur. Mais la PMIofophie ordi-
naire leur fournit aflèz dequoi s'a-
veugler & foûtenir leurs erreurs.
Car elle leur parle de certaines ver-
tus impretfès , de certaines faculté*
motrices, en un mot , d'une certaine
nature qui efl le principe du mouve-
ment dç<&aque chofe: & quoi qu'ils
Hij
fe
i7i LIVRE SIXIEME.
lï'enayent aucune idée diftinâe, ils
font bien-aifes, à caufe de la corrup-
tion de leur cceur , de la mettre à la
place du vrai Dieu , en s'imaginant
que c'eft elïequi fait toutes les mer-
veilles que nous voyons.
CHAPITRE V.
Explication des principes delaPhilo-
fophie â?Ari$ote, oà Fm fait voir
qu'il rfa'f ornais obfervè la féconde
?artie delà règle générale , & où
on examine fes quatre* élemens , ^r
fes qualité^ élémentaires.
AFin que l'on puîné faire quel-
que comparaifon de la Philofo-
phie de Detcartes avec celle d'Arit
tote, il eft à propos que je repréfen-
te en abrégé ce que celui-ci a penfé
des élémens & des corps naturels en
général : ce que les plus fçavans
croyem qu'il a fait dans fes quatre
livres du C«/. Car les huit Livres de
Phyfique appartiennent plutôt à la
Logique, ou fi on ie veut à la Méta-
phylique qu'à la Phyfique ; puifque
ce ne font que des mots vagues & gé-
C,„„sk-
DE LA METH. II. Part. 17»
fiérauxqui ne repréfentent point à
l'efprit d'idée diflincte& particuliè-
re. Ces quatre livres font intitulez
tluCirf, parcequeleCieleft le prin-
cipal descorps fimplesdontil traite.
Ce Philolbphe commence cet ou-
vrage par prouver que le monde eft
parfait, 8c voici fa preuve. Tous les
corps ont trois dimenfions , ris n'en
peuventpasavoirdavantage , car le
nombre de trois comprendtout félon
les Pythagoriciens : or le monde eft
I'aflemblage de tous les corps : donc
le monde eft parfait. On pourroît
par cette plaifante preuve démontrer
auffi, que le monde ne peut être pins
imparfait qu'il eft, puifquil ne peut
être compofé de parties qui ayeut
moins de trois dimenfions.
Dans le fécond Chapitre il fuppo-
fe d'abord certaines vêritez Péripaté-
tiques. 1. Que tous les corps natu-
rels ont d'eux-mêmes la force de fe
remuer; ce qu'il ne prouve point ni
ici, niailleurs. II attitré au contraire
dans lepremier Chapitre du fécond
Livrede Phyfique , qu'il eft ridicule
de s'efforcer de le prouver: pàrce
que , dit-il , c'eft une chofe évidente
par elle-même, & qu'il n'y a que
H iij
Goo8k
ï74 LIVRE SIXIEME.
Feux qui ne peuvent difcernet ce- quï
efl connu de foi-même", de ce qui ne
l'eit pas , qui s'arrêtent à prouver ce
qui eu évident par cequieftobfcur.-
Mais on a fait voir ailleurs qu'il efl
abfoî uraeni faux , que les corps na-
turels ayent. dans eux-mêmes la force
de fe remuer ; & que cela ne parole
évident qu'à ceux qui comme AriC-
tote fuirent les impreflîons de leurs
feus, &ne font aucun ufàgedc leur
raifon.. *
Ilditenfecond lïeuquetoutmou-
vemem local Ce fait en ligne droite otir
circulaire , ou compofée de la droiter
& de la circulaire; mais s'il ne vou-
loit paspenfer à ce qu'il avance té-
.mérarremem , il devoir au moins
ouvrir les yeux , Se il auroir vu qu'il'
y a des mouvemens d'une infinité de
façons différentes qui ne font point.
compofez de droit &dn circulaire..
Ou plutôt il devoir penfer , que les
mouvemens compofez des mouve-
mens en ligne droite, peuvent être-
d'une infinité de façons circulaires
mêmes , fi l'on fiippofèque les mou-
vemens compofans augmentent ou
diminuent leur vîteffe en une infi-
nité de. laçoas différente* t comme
Google
0E LA METH. II. Part. 17^
l'on peut voir par ce qui a été dit au- chap. 4
paravant. II n'y a, dit-il , que ces
deux mouvcmens (impies , le droit
& le circulaire : donc tous les mou-
vemens font compofez de ceux-là.
Mais il fe trompe : le mouvement
circulaire n'eil point iîmple: on ne
peut ie concevoir tans penfer à un
point , auquel le corps mû plutôt que
œ mouvement a rapport , & tout ce
qui enferme un rapport , eft relatif
& non pas ample. Mais fi l'on défi-
nit le mouvementfîmple, commeon
ledevroit, celui qui tend toujours
vers le même endroit, le mouve-
ment circulaire ferait infiniment
compofé , puifque toutes'les tangen-
tes de la ligne circulaire tendent en
duTérens endroits. On peut définir
le cercle par rapport au centre : mais
juger de la fimplicité du mouvement
circulaire par rapport à un point , à
l'égard duquel il n'y a point de mou*
peinent , ce ferait s'y prendre' fort
mal. IleA évident qu'un corps qui
fe meut dans la circonférence d'un
cercle, ne fe meut pas par rapport
au point mathématique qui en ell le
centre.
Jidit en tioruéme lieu , que tous
H iiij
Goo8k
i76 LIVRE SIXIEME.
les mouvemens [impies font de trois
fortes : l'un du centre : l'autre vers.
le centre: te troificme^mour du cen-
tre. Mais il efl faux que le dernier;
fbit iîrnple , comme l'on a déjà dît..
II efl encore faux qu'il n'y an de
mouvemens fimples , que ceux qui
vont de bas en-haut & de-haut en bas;
car tous les mouvemens. en ligne
droite fontfimples, foit qo'ils s'ap-
prochent ou s?éIoignent du- centre,
Ibit qu'ils, s'approchent ou s'éloi-
gnent des pôles , ou de quelqu- autre
point. Tout corps , dit-il , efl com-
pofé de trois dimenfïons. Donc le
mouvement de tous les corps- doit
avoir trois mouvemens fimples. Quel
rapport de l'un à l'autre , des mou-
vemens (impies aveedes dimenfionsfc
I>e plus , tout corps a trois dimeo-
fions , & nul corps n'a de mouve-
ment compofé de ces trois mouve-
mens fimples.
' En quatriémelieu , il fijppofe que
les corps font ou fimples ou compo-
fez, & il dit que les corps: fimples
font ceux qui ont en eux-mêmes
quelque force qui les remue, comme
le feu , la terre , &c. & que les com-
pofez reçoivent leur mouvement dfc
Goo8k
DE LA METH. II. Part. 177
Ceux qui les compofent.- Mais en ce
fais-, il n'y a point de corps (impies,
car il n'y en a point qui ayem en eux-
mêmes quelque principe de leur
mouvement. II n'y apoint auffi de
corps compolez, puifque les compo-
sez fuppofent les (impies qui ne font
point. Ainfi il n'y auroit point de'
corps.- Quelle imagination de ddlïnir
ïa fimplicité des corps- par une puif-
fcncede fe remuer: Quelles idées dif--
iinfl«s peut-on attacher à ces mots de1
corps fimples&de corps compofez,.
£ les corps limples ne font définis que'
par rapport à une force de fe mouvoir
imaginaire ? Mais voyons les confé-'
quences qu'il tire de ces principes.-
X.e mouvement circulaire efl un mou-
vement fiuïple : le Ciel fe meut cir-
culairement : donc fon mouvement;
cftfiinple.- Or le mouvement fimple"
ne peut être qued'un corps fimple,
e'eil-à-dire d'un corps qui fe meut par
fis propres forces v donc le Ciel eft utr
corps fimple djftrngué de quatre éle-
mens , qui fe meuvent par des lignes-
droites. IleltafTez évident que tour
ce raifonnemenr necontieniquedes''
propofitions faullès & abfurdes. Exa-
jamons Tes autres preuves , car il en;
GooSk
ijS tIVRE SIXIEME.
apporte beaucoup deméchanws pour- ■
prouver une choie' auffi. inutile que;
feuflè.
Sa têconde raifon , pour prouver '
que le Ciel eftunœrpsfimpfediflin--
gué des quatre élemens, îuppbfequ'il.
y adeuxfortesde mouvemens , l'un-,
naturel., & loutre contre la nature ou
w'o/ott.Maîs il eftaflez évident à torts;
ceux qui jugent des chofes par des.
idées claires, que les corps n'ayant
point eux-mêmes de nature., ou de;
frincipe de leur mouvement ,comme-
entend A riftote -, il n'y a point'de
mouvement violent, ou contre la na--
ture; Il eft. indifférent à tous les-
corps d'être mus ou denel'être pas ;
d'être, mus d'un côté, ou de l'être-
d'un autre. Mais Ariftote qui juge -
deschofes par les rmpreffionsdes fens,
s'imagine que lescorps quife met-
tent toujours par les lobe delacom —
munîcation des. mouvemens en mie
telle fituatron à l'égard des autres,
Vy mettent par eux-mêmes. , parce-
qu'ils- s'y trouvent mieux , & que
tela eft plus conforme à leur nature..
Voici: donc le- raifonnement d'À.*-
riftbte:.
1 ÏLe^mouvemem cîrcuiaireduCieli
DE LA\MÊHS; if.'AkT; #?
eft naturel, ou contre la nature. S'il
lui eft naturel comme on vient dp
dire, IeCieleft untorpsfirnple dif-
tingué desélemens, puifqneles éle-
mens ne fe meuvent point cjrculair
remeiu par leur mouvement naturel.
Si le mouvement circulaire eli con-
trela nature du Ciel , ou Ic-Cjeï fera
quelqu'un des élemens-, comme le
feu , ou quelqu'autre choie. LçCiel
ne peut être aucun des élemens : car
Ïiar exemple , fi le Qel étojt de feu,
e mouvement naturel du feu étant
de bas en haut , le Ciel aurpït deux
mou vemens contraires , le circulaire
& celui de bas en haut ; ce qui' ne fc
peut, pui(qu,un corps ne peut avoir
«eujLmouyernens contraires.- Si te'
Ciereû quelqu'autre corps qui ne fc
meuyepascirculairement par fa na-
ture, il aura queiqu'autre mouve-
ment naturel , cequi ne peut être::
car s'ilfe meut par fa nature «Je bas-
en haut, ce feradu feu ou de Tair; fr
de haut en bas;, ceferadel'eauou de-
la terre : Donc , &c. Je ne n^arrêxe-
point à faire remarquer en partiçu--
liet les abfurditez de ces raifbnne^-
. mens : je dis feulement en général,,
que ce (jue. dit ici Ariftote^fe lignifie;
H1 vj;
GooSk
t8o LIVRE SIXIE'ME.
rien de diftinct, Se qu'il n'y a rfenr
de vrai ni même de concluant. Sa
rroifiémeraifoneftcelle-ci.
Le premier & le plus parfait de
tous les mouvemens iimples , doit-
être le mouvement d'un corps fim-
ple, & même du premier & du plu»
parfait des corps fimpfes. Mais le
mouvement circulaire eft le premier
& le plus parfait des mouvemens-
fimples, parce quetouteiigne circu-
laire eft parfaite , & qu'il n'ya au--
cune ligne droite qui le foh. Car
fi elle-eft finie, on lui peur ajouter
quelque chofe : fi infinie, elle- n'eft
point encore parfaite; puifqu'ellen'a:
**lxn & point âe*fin, Si que les chofes ne-
«iXimc , fonr parfaites- que lorfqu'ellé^ font
4"ï»"5u='neJ^'HfI •' Donc le mouvement cïmt-
oue- pni s: Iaire eft le premier & le-plus pap-
ftphceepE^c' fait des mouvemens. Donc le Ciel
ainfiq^une qui fè meurcirculairemenïeftfîmpie,.
a*tavl"îil1 ™ *e premier eft le- plus divin des-
faiic imuii corps iimples. VoicKa-4'. raifon
j^eiienieft TolIt mouvement eft naturel ott
ne.I'eftpas , & tout mouvement qur
n'eft point naturel à quelques corps,,
eft.naturel à quelques autres; Nous™
voyons^me les mouvemens de haut:
en^as.cAe-bas.enhaut, qui ne font.
DE LA METFT. 17. Part. i8r
point naturels à quelques corps , font
naturels à d'autres : car le feu ne
defcendpointnatureliemeqE, mais la-
terre defeend- naturellement. Or le
-mouvement ctrculairen'efl point na^-
tureJauxquatreélemens: il faut donc
qu'il y ait uacbrps fimple auquel ce
mouvement foit naturel.. Donc le
Ciel qui lemeutcirculairement , e£l
un corps fimple diftingué des içmatre
élemerjs. -1K
Enfin le: mouvement circulaire efl
naturel ou viùUnt à quelques corps*.
S'il eftnauirei, il ell évident que ce
corprdoitctredeslimples& des plus
parfaits : S'il n'ell point naturel , il
eiï bien étrange que ce mouvement
dure toujours ; puifque nous voyons;
que tous les mouvemens. qui ne font-
point naturels ne dutent- que fort peu'
de tems. IL faut donc croire après
toutescesraifons, qu'il y a-quelquç
autrecotpsfeparé de tous ceux qui
nous environnent, qui-efld'une nar
aire d'autant plus, parfaite qu'il eil
pluséloignédenouSi. Voilà commer
raifonne Arittote. Mais je- défie le-
plus intelligent de: fes interprètes-
d'attacher des idées diflinâes aux term-
ines dont. iLfefeit, cYdc faire voit
i8i LIVRE SÎXÏE'ME:
que ce PhÙofopne commence pat le*
çhofe les plus (impies, avant que de
parler des pluscompoices , cequieïfc
ahfoUmientnéceflaire pour raifon-
ner juile, comme je viens ife le prou-
ver.
Si je necraignorâ point d'érreen--
nujteux. je traduirois encore quel-
ques Chapitres d'Arrftote. Maison
tre qu'on ne prend guércsdeplailir à
le lirfcn François , ( c'eft-à-dire lors-
qu'on l'entend, )j'ai fait aflez TOÎc
parIepeuquei"enaFexporé,que (a
manière de phriofapîierelt entière-
ment inutile pour découvrir la vé-
rité. Car puifqu'ildit lui-même daiis-
le cinquième Chapitre de ce Livre,
que ceux qui Ce trompent d'abord en
quelquecliofe; fe trompent dix mille
fois davantage s'ils avancent beau-
coup ; étant vifible qu'il né fçait ce:
qu'il dit dans les deux premiers Cha-
pitres-de (on Livre, on doit croire'
qu'il n'eft pas sûr de fe rendre à fon-
autorité fans examiner- fes=raifon&.
Mais afin qu'on en foît encore plus
perfuadé , je vas faire voir , qu'il n'y
epne—
eique
DELA METIT. II. Part. i%
Dans-le troifiéme Chapitre il dit
que les Cieuxfofit incorruptibles , Se
incapables d'aucune altération : il
«n apporte plu&urs preuves aflez
badines , comme quec'eft la demeure-
des Dieux immortels , & que Ton
n'y a jamais remarqué de cliange-
ment. La dernierede ces preuves Je—,
roit aflez bonne , s'il difoit que quel-
qu'un enf jt revenu , ou qu'il erit été
allez proche des corps, ceiefles pour
an remarquer les changemens. Mais.
jene fçar même ft prefemement on
fe rendroh à ton autQrité , à caufe-
quelesliinettesd'approchenoiis ap-
prennent Iêcoiitraire:
H prétend prouver dans le qua-
trième t Chapitre , que le mouve-
ment circulaire n'a. point de con-
traire. Néanmoins il efl manifefte,
que le mouvement d Orient enOcci-
deni ftd contraire à celui qui fe fait
d'Occident enOrient.
Dans le cinquiémeChapitreil prou-
ve mal que les corps nefont. point
infinis , parce qu'il tire fa preuve des .
mouvemens des corps {impies. Car.
quiempêchequ'au-deffus de fon pre-
mier mobile ^.il n'y ait encore quel-
que étendac qui. loir» fane, mouvez
wentî.
■ Google
t&f LIVRE STXÎE'lvïE, _
Dans le fixiéme il s'amufe inutile1
ment à prouver que lesélemens ne
font pas infinis, Car qui en peut doub-
ler , lorfqu'oit- fuppofe comme lui,
qu'ils font renfermez dans le Ciel
qui les environne. Mais il fe rend
ridicule kwfqu'H s'avifede leprou--
ver par leur pefanteur, & par leur
légèreté. Si les élemens étoient inli>
nis, dit-il, ilyauroitunepefanteur
&une légèreté infinie, cela ne peut
être. Donc, &c. Ceux qui veulent
fçavoir plus au longfa preuve, peu-
vent la lire dans feslivres. Je croir-
ais perdre Ietemsquedela rappor-
Kr.
II continue dans le feptiéme der
prouyer que les corpsue font pas in»
finis, & fa premrerepreuve fuppofe;
qu'il eil neceflàrre que tout corps-
(oit en mouvement: cequ'il ne prou*
ve point, & ce qui ne îè peut^rou-
ver.
II foiitient dans lehuïtiéme; qu'ifc
n'yapomt plusieurs mondes de me*-
me efpéce, par cette plaifante raifonj
que s'il y- avoir une autre terre, qu«"
celle que nous habitons , la terre-
étant pefante par fa nature, cette ter-
re devmktoriibei: lui la. nôtre, naictp
DE LA METH. H. Part. iS*
que la nôtre eft le centre ou doivent
tomber tous les co rps pefans, D'où a~
t -il appris cela que de fesièns?
■ Dans le neuvième il prouve qu'il
n*efl pas même pofïïble qu'il y ait
plufieurs mondes : parce, s'il y avort
Î|uelqtie corps audeflus du Ciel, il
eroit lîmple ou eompofé , dans un
état naturel ou violent , ce qui ne.
5 eut être par des raifons qu'il tire.
es trois efpéces de mouvement, dont
il a déjà été parlé.
Il allure dans le dixième que le
monde efl éternel, parce qu'il ne fe
peut faire qu'il ait commencéd'être,
& qu'il dure toujours ; puifque nous
voyons que tout ce qui fe fait, fe-cor-
rompt avec le tems. II a appris ceci
de fesfens. Mais qui lui a appris que
le monde durera toujours.
II emploie l'onzième Chapitre à
expliquer ce que l'on entend par in-
corruptible , comme fi l'équivoque
étoit fort à craindre , & qu'il dût
faire un grand ufage defon explica-
tion.Cependantcetermej>icoiTHpt/6/e
efl fi clair par lui-même , qu'Ariflo-
te ne fe met point en peine d'expli-
quer ni en quel feus il le faut pren-
dre, ni en quel fens il le prend. Ii
Goo8k
$6 LIVRE SIXIE'ME.
aurait été plus à propos qu'il eût de--
fini une infinhéde tenuesdont il fe
fert , qui ne réveillent qne'des idées
fenfîbîes : car on aurait peut-être ap-
pris quelque ctiofe en lifant lès ou-
vrages.
Enfin dans le dernier Chapitre de
ee premier Livre du Ciel , il tâche
défaire voir que le monde elt incor-
ruptible, parce qu'il ne fe peut faire
qu'il ait commence, & qu'il dure éter-
nellement. Toutes crtofes, dit-il t
fubfîftent durant un terris fini ou in -
fini. Mais ce qui n'efl. infini qu'en un
fens,n'eft ni fini, ni infini. Donc rien
ne peut frtbfiller en certe manière;
Voilà de quelle manière raifonne
le Prince des Philofophes & le génie
dé la nature : lequel au lieu de faire
connoître par des idées claires & dif-
tinâesla véritable caufe des effets na-
turels .établit une Philofophie Païen»
ne fur les idées faunes & confufes des
fens , ou fur des idées trop générales
pour être utiles à la recherche de la
vérité.
Je ne reprends pas ici Annote de
ce qu'il n'a pas fçû que Dieu à cirée ,
le monde dans le tems , pour faire
connoître fa pui0ân« & la dépéri.
«V
0E LA METH. II. Paht. 187
dance des créatures : & qu'il ne l'a-
néantira jamais , afin que l'on fça-
cheaufit qu'il eft immuable & qu'il
ne le repent jamais de les delïeins.
Mais je croi pouvoir le reprendre de-
ce qu'il prouve par des raifons qui
n'ont aucune force , que le 'monde eft
de tome éternité. S'il eft quelquefois-
excu fable dans les (èntimens qu'il
foûtient , il n'eft prefque jamais ex-
cufabledans lesraifonsqu'ilapporte;
lorsqu'il traite des fujets qui renfer-
ment quelque difficulté. On en eft
peut-être déjà perfuadé parles chofes.
que je viens de dire, quoique jen'aye
pas rapporté toutes les erreurs que
l'aï rencontrées dans le livre, dont
je les ai extraites , &que j'aye tâché-
ae le faire parler plus clairement
qu'on ne le fait ordinairement.
Maisafiri que l'on foit pleinement-
convaincu que lé génie de la nature
' n'en découvrira jamais aux hommes,
ni les fecrets ni les reûorts , il eft à
propos que je fafle voir que les prin-
cipes fur lefqtiels ce Philofopoe rat-
ionne pour expliquer les eff*eis- natu-
rels , n'ont aucune folidité.
Ileft évidentqu'on ne peut rien J^'
découvrir dans la Phy%ue,f( l'aune, men*
i88 LIVRE SIXIEME.
t'ipxttitieu, commence par les corps les plus lîm*
mJ*. ' '* A'plcs , c'efl-à-dire par Tes eiémen»;
car les élémens font les corps dan» '
lefquels tous les- autres fe réfolvènt-,
parce qu'ils (ont contenus en eux ou
actuellement ou enpuilïànce, c'ett
ainfi qu'Ariflote lesaéfinit. Mais on
ne trouvera point dans les ouvrages
d'Ariftote, qu'il ait expliqué par une
idée diuinâe ces corps (impies dans
lefquels il prétend que les autres fe
réfofvent : & par conféquent fes élé-
mens n'étant point clairement con-
nus.ileft impoffiblede découvrir la
nature des corpsqui en font compo-
fez.
Ce FhHolôpîie dît Bien qu'il y a
quatre élémens , lefeu, l'air, l'eau ^
& la terre. Mais ri n'en feit point
clairement connoître la nature : il
n'en donne point d'idée diflinéte : il
ne veut pas même que (es élémens
fbient le feu , l'air , l'eau & la terre
que nous voyons , car enfin fi cela
etoitnous en aurions du moinsquel-
que connoifianceparnosfens. II efl
vrai qu'en plulieurs endroits de fes
ouvrages il tàchede les expliquer par
les qualitez dechaieur 8c de froideur,
d'humidité 8l de fécheidlè , de pc*
DE LA METH. T. Part. 18*
ïànteur & de légèreté. Mais cette ma-
nière de les expliquer eftfî imperti-
nente Se fi ridicule , qu'on ne peut
concevoir comment tant de fçavans
s'en font contenter. Oeflcequeje vas
feire voir.
Ariflote prétend dans Ton livre du
Ciel, que la terre eft au centre du.
monde , & que tous les corps qu'il
lui plaît d;appeller Amples , à caufe
qu'il fuppofe qu'ils fe meuvent par
leur nature , doivent fe remuerpai
des mouvemens fimples. II ailure
qu'outre le mouvement circulaire
flu'ilfoûtientétrefimple, & par qui
il prouve que le Ciel qu'il fuppofe
fe mouvoir circulairement , eft un
corps fiinple , il n'y en a qHfcleux
qui l'oient fimples:runde haut en bas,
,ou delà circonférence vers le centre j
l'autre de bas en haut ou du centre
vers la circonférence : qu* ces mou-
vemens fimples conviennent à des
corps fimples; 6V par confequent que
Ia-terre & le feu font des corps fim-
ples, dont l'un eft tout-à-iaitpefanr,
& l'autre tout-à'-fait légère. Mais par-
ce que ïapefanteur & Ialegereté peu-
vent convenir à un corps, ou tout- à-
lait puenparue, il conclut qu'il y a
j9o LIVRE SIXIEME.
-encore deux élément ou deux corps
iimples., dontl'unefl léger en par-
tie , & l'antre pefani en pâme , fça-
voir l'eau & Tait. Voilà comme il
prouve qu'il y a quatre élèmens, &
-qu'il n'y en a pas davantage.
II eu évident à ceux qui exami-
nent les opinions des hommes par
leur propre raîfon , que toutes ces
jjropofttions font fâuues,ou du- moins
.qu'elles ne peuvent paflèr pour des
principes clairs & inconteftables ,
dont en ait des idées tres-claîres &
tres-diiKnftes , & qui puiiïèntfervir
de fondement à la Phyfique. II efl
certain qu'il n'y a rien de plus ab-
furde, que de vouloir établir le
uomBw des élemens paries qualhez
imaginaires de pefanteur Se de légè-
reté : endilant fansaucune preuve ,
qu'il y a descor.psquïfom pefants,
& d'autres qui font légers par leur
nature. Car, s'il n'y a qu'a parler
fans preuve, on pourra dire que tous
les corps fontpefans par leur nature,
& qu'ifc font tous ènort pour s'ap-
procher du centre du monde, com-
me du lieu de leur repos : & l'on
pourra foùtenïr au contraire que
les corps font légers par leur nature.
C,„„sk-
DETJVMEmn.pÀRT. ï9m
& qu'ils tendent ious à s'élever'vers,
Je Ciel comme ■vers le lieu de leur
plut grande perfection. Car fî l'on
;OËje<3£sà celui qui dira que tous les
-corps font pefans, que Pair & le feu
.font légers : il n'aura qu'à répondre
.-gué le feu oVTairae font point légers
mais qu'ils fout moins pefans que
l'eau & ia terre , ■& que c'eA à caufe
de cela qu'ils femMent légers : Qu'il
en eA de même de ces élémens que
d'un morceau de bois qui ferable Ié-
fer dans l'eau , non qu'il foit léger
e lui-même .puiiqu'rl tombe en Bas
Jorfqu'il efl dans l'air, mais parce
que l'eau qui eft plut pelante prend
le dénoua &ïe Eût .monter.
Si au contraire l'on objecte à celui
qui foûtiendra quêtons les corps font
légers par leur nature , que la terre
& l'eau font pefantesj il répondra
de même , que ces corps femblent
pefans à caufe qu'ils ne font pas fi
légers que les autres qui les environ-
nent; Que du bois par exemple fem-
ble pefant , lorfqu'il efl dans l'air ,
non qu'il foit pefant, puîfqu'il mon-
te lorfqu'il eft dans l'eau, mais parce
qu'il n'efl pas li léger que l'air.
Il eft donc ridicule de fuppofec
Goo8k
tç% LIVRE SIXIEME.
comme des principes inconteflabïes,
queles corps font légers ou peianspat
leur nature. Au contraire il efl évi-
dent, que tout corps n'a point en foi-
même la force de fe remuer: & qu'il
livieft îiidift£.renid,êtremû de Haut
en bas , ou de bas en haut ; d'orient
en occident,ou d'occident en orient;
du pôle méridional au feptentrional,
ou de quelque autre manière qu'on le
voudra concevoir.
Mais accordons à Ariftote qu'il y
a quatre élémens tels qu'il le touhar-
te, dont il y en a deux pefans & deux
autres légers par leur nature, fça-
voir le feu , l'air , l'eau , & la ter-
re. Quelle conféquence enpourra-u
on tirer pour la connoiflance de l'u-
nivers? Ces quatre élémens ne font
point Iefeu , l'air, l'eau, &Ja terre»
■que nous voyons : félon lui c'eft au-
tre chofe , Nous ne les connoiiïbns
point par les fens , & encore moins
par la rarfon, car nous n'en avons au-
cune idée diitincie. Je veux que nous
içacliionsquetous les corps naturels
en font compofez , puis qu'Ariflote
l'a dit. Mais la nature de ces corps
compofez nous e(l inconnue: 8c nous
ne les pouvons connoître , qu'en
connouTant
DEIAMETH.II.Part. t$j
•connoiltàntles quatre élcmens ou les
corps fimpies qui les compolent, car
on ne connaît le coaipofé que par le
ïimple.
Lefeu , dit Arïilote , efl léger par
fa nature : le mouvement de bas en
haut ell un mouvement fîmple : le
feueft donc un corps fimple , puifque
le mouvement doit être proportion-
né au mobile. Les corps naturels font
compofez des corps fimpies : donc il
y a du feu dans tous les corps natu-
rels. Mais un feuquin*eft pas ièmbla-
ble à celui que nous voyons : car le
feu n'eu fouvent qu'en puiffance dans
les corpsqui en font compofez. Qu'-
.eft-eequecesdifeours Péripatétïques
nous apprennent ? "Qu'il y a du feu
dans tousles corps fort affitel , foit p<h
tentiel: c'ell-à-dire que tous les corps
.font compofez de quelque choie
tju'on ne voitpoint , & dont on ne
connoît point la nature. Nous voila
donc fort avancez.
Mais, fi Ariflote ne nous fait point
-connoître la nature du feu & des au-
tres élemens, dont tous les corps font
.compofez ,on- pourrait peut-êtres'i-
magjner qu'il nous en découvre du
moins les qualhez & les principales
Tome 111. I
iP4 , LIVRE SÏXIE'MÉ.
propriétez. II faut encore cxamînÂ
ce qu'il en dît,
: î-, U nous déclare qu'il y a quatre
"■^ qualitez principales qui appartien-
nent au toucher , la chaleur , là froi-
deur, l'humidité, & la'fechèréfle ,
defbuelles toutes les autres font corn-
.potées î & iî diïtrlbuë en cette forte
ces qualitez premières aux quatre élé-
«nens. II donne au feu la chaleur oc
ïa fécherefle, à l'air la chaleur &
l'humidité, à l'eau la froideur &
l'humidité, &àlaterrela froideur
& la fécherefte. Ilaftureque lacha-
Ieur& la froideur font des quatitôz
actives, & que la fécherefte & l'hu-
midité font des qualitez pafll vcs. ÏI
définit la chaleur, ce qui ajftmble les
cbofesde même genre / la froideur, ce
qui affcmble toutes cbofesfoîtde même
fait de divers genre : l'humide , ce qui
nefe contient pas facilement dans /es
propres bornes , mais dans des bornes
étrangères : & le fec , ce qui fe con-
tient facilement dans Jes propres
bornes, & ne s* accommode pas facile*
ment aux bornes des corps qui l'environ'
nent.
Arnfi félon Ariftote le feu efl un
élément chaud &fec: c'efldoneuh
DE LA METH. II. Part, rpç
élément qui aflernble les chofes de
même nature , & qui fe contient faci-
lement dans les propres -bornes , &
difficilement dans les bornes étran-
feres. L'air eft un élément chaud &
umideic'efldonc un élément qui
aflemble les chofes de même genre ,
& qui ne fe contient pas facilement
dans les propres bornes , mais dans
des bornes étrangères. L'eau efl un
élément froid & numide : c'efl donc
un élément qui ralîemble les chofes
de même & de différente nature , &
qui ne fe contient pas facilement
dans fes propres bornes , mais dans
des .bornes étrangères. Et enfin la
terre efl froide & Téche : c'eft donc
un élément-gui rafleroile Ieschofes
de même & <de différente nature ,
qui fe contient facilement dans fes
propres bornes,, ■&. qui ne s'accom-
mode pas facilement à des bornes
étrangères.
Vpila.lesélémens expliquez félon
le feflûment d'Arifïote , ou félon les
définitions qu'il .a données de leurs
qualité? principales: &parceque fi
nous l'en croyons , les élémensfont
les corps Amples dont tous les autres
-font compttu^1&,leursqiiaIitezdes
I ij
GooSk
i96 LTVRE SIXIEME.
qualitez fimpïes dont toutes Tes an-
tres font compofées : la connoilTance
de ces élémens & de leurs qualitez
doit être tres-claire &tres-diiïinâe,
puifque toute la Phyfique,c'eft-à-dire
la connohTance des corps fenfîbles ,
qui en font compofez , en doit être
déduite.
Voyons donc ce qui peut manquer
à ces principes. Premièrement, Arif-
tote n'attache point d'idée diftinde
au mot de qualité. On ne fçait fi par
qualité H entend un être réel diflin-
gué de la matière , ou feulement la
modification de la matière : il fernble
quelquefois qu'il l'entende en un
fcns, & quelquefois en un autre. II
eft vrai que dans le huitième Chapi-
tre des Catégories, il définît la qua-
lité : ce qui fait que les chofisfint ap-
pelles telles,maïs ce n'efl pas tout-a-
ïait ce qu'on demande. Secondement
les définitions qu'il donne des quatre
premières qualitez , la chaleur , la
froideur .l'humidité & la fécherefle
font toutes -feuflès, -ou inutiles.
Voici fa définition de la chaleur.
La chaleur, c'eftee qui affembleles eba*
fis de même nature.
Premièrement, on ne voit pas que
ÛELAMETH.II. Part. 1*7
cette définition explique parfaite*
ment la nature de la chaloir, quand
même il ferait vrai que la chaleur
aflèmhleroit toujours les chofes de
même nature.
Secondement, il eft faux que la
chaleur aflemble les chofes de même
nature. La chaleur n'alïèmble point
les parties- de l'eau , elle les diffipe
plutôt en vapeur.- Elle n'afTemble
point les parties du vin , ni celle de
toute autre liqueur ou corps fluide
qu'il vous plaira : ni même celle du
vif argent. Elle réfout au contraire ,
& elle fépare tous les corps fol ides &
fluides de même & de différente na-
ture. Et s'il y en a quelques-unes dont
le feu ne puifrè diffiper les parties ,
ce n'eft point qu'elles foîent de mê-
me nature, maïs c'efl qu'elles font,
trop greffes & trop folides pour être
enlevées par le mouvement des par-'
lies du feu.
En troifiéme lieu-, ta chaleur fé-
lon lavériténepeut niaflembler ni
diffiper les parties d'aucun corps de
même ou de différente nature. Car
pouraflemblér , pour féparer , pour-
diffiper les parties de quelque corps ,.
il faut les remuer. Or la chaleur ne-
ni;
C,„„sk-
1S>8 - LIV&E SÏXÎÊ'foE.
"peut rien remuer ; ou du moins H
n'eu pas évident- que la chaleur puiife
jemuër les corps: Car, quoique l'on
confidére la chaleur avec toute l'at-
tention poflîBIe, on nepeut décou-
vrir qu'elle puiffè communiquer au
corps du mouvement qu'elle n'a
point. On voit bien que le feu remue
& Tépare les parties des corps qui lui
font expofez: il eft vrai, mais ce n'eft
peut-être point par fe chaleur, car
il n'eft pas même évident qu'il en an.
C'eft plutôt par ractiondefespamiM
qurfont vifiÈIement dan» un mouvez
ment continuel II eft évident que les
parties du feu-venant à heurtercon-
tre quelque corps , frii doivent com-
muniquer une partie de leur mouve-
ment : fort qu'il y art de la chaleur
dans le feu, toit: qu'A n'y en ait point..
Si le» parties de ce eorps font peu, fo-
ndes , le feu- tes doit drflîper : fi elles
font fort folides & fort grofïieres , le
fetr ne peut que les remuer , & les.
faire glifler les unes fur les autres:
Enfinfieiles font mêlées de'ftibtiles
ëc degroffieres , le feu ne doit diflî-
per que celles qu'il peut pouffer af-
fez fort,pourlesféparerentieremenr
des autres. Ainfî le feu ee peut que
DE tA METH. IL Pàst. gg
leparer , & s'il aflèmble, ce n'eft que
jpar accident. Mais. Ariftore prétend
toutlecontraiçe. Séparer ,dit-ïl, que Dtpn.tr
que'ques-uns attribuent au ■■feurfeft aueetrrl,it-1'
rajfembler les cbofes qui font de mène
genre : car ce rfeflque par accident que
le fèu. enlevé les cbofes de diffèrent
genre.
Si Ariftote avoit d'abord dtfKngué
le fentiment de chaleur d'avec le
mouvement des petites parties, dont
font compofez les corps qu'on appet
lechauds ; & qu'il eût enTuïte détrni
la chaleur prile pour le mouvement
des parties, en dïfantque l'a chaleur
eft ce qui agite & qui fçpareles par-
ties invrlibies dont les corps vifibles
font compofoî , il' auroît donné une
définition aflêzfiippoïtablede lâcha-
leur. Néanmoins on n'en feroit pas
encore touu à -fait, content : parce
qu'elle ne feçort point eonnoît re pré-
crfément ta nature des. niouvetnens
des corps, chauds.
Arrftotedéftnit la froideur ;ce tm
affemble les, corps de mène ou de diffé-
rente, nature. Cette définition ne vaut
encore rien, car il eft faux que la
froideur affembleies corps. Pour les
aflèmbler , il iaut Us remuer , mars
I irij;
ma LIVRE SIXIEME
fi l'on n'interroge (a raifon,iI efl évr-
denr que le froid ne peut rien re-
muer. En eflet parla froideur on
entend , ou ce que ion lent quand on
a froid , ou cequi caufe le fentiment
de froideur. Or il efl clair que le fen-
timent de froideur ne peut rien re-
muer, puifqu'ilne peut riea pouffer:
Pourcequi caufe le fentiment, on
ne peut douter , lorsqu'on examine
les choies par la raifon, que ce n'eft
que le repas ou la cefiation du mou-
vements Ainfi la froideur dans les
corps n'étant que la ceflàtion de cet-
te forte de mouvement qui accom-
pagneia chaleur , ileft évident que fi
la chaleur fépare , la froideur ne fé-
pare pas. Ainlî Ta froideur n'aflemhlë
ni les chofes de même ni de différen-
te nature, car ce qui ne peut rien
pouffer , ne peut rien affèmbler : en
un mot comme elle ne fait rien , elle
n'aflemble rien.
Ariflote jugeant des chofes pat
les iens, s'imagine que la f roideu r efl
auffi polîtrve quela chaleur , parce
que les fentimens de chaleur & de
froideur font Pun & l'autre réels Se ■
rofitifc : Et il penfe auflï que ces
deux qualitez font actives. Eaeffetfi.
DELAMETH. II. Part. »i
l'on fuit les impreflions des fens , on
a raifon de croire que le froid efè
ùnequalitéfort adive: puifque l'eau;
froide congèle , lauemble & durcît
en un moment l'or & le plomb fon-
dus, après qu'on les a verfezd'un '
Creufei fur quelque peu d'eau, quoi-
que la chaleur de ces métaux foit en-
core aflèz grande pour féparer Ies^
parties des corpsqu'ils touchent.
II efl évident par les chofes que
nous avons dites des erreurs des lens-
dans le premier livre , que iï l'on ne'
s'appuïe que fur les fens pour juger
des qualitez des corps fenlibles, il-
eft irnpoflîble de découvrir quelque
vérité certaine- & inconteftablè, quî-
puiue fervir de principe pour avan-
cer dans la connoinance de la nature.
Gar on ne peut pas feulement décou- y,°7« '« «.
vrir par cett* voie quelles font les cn.T'juc.
chofes qui font chaudes, & quelles q"« *■» if.
font celles qui font froides. Deplu-
fieurs pecfonnes qui .touchent à de-
Peau un peu tiède , les uns ta trou-
vent chaude, & les autres froide.'
Ceux qui ont chaud , la trouvent ■
froide, & ceux qui ont froid la trou-
vent chaude: Et fi l'on fuppofe que-'
Google
2éî trvRE" 'sixième/ -
rneht, il y a toutes les apparences!
qu'ils U trouvent encore chaude +•
ïorfque tous les hommes la trouvent
froide. Ileneftdemême de l'air, il
femblechaud ou froid félon les diffé- .
rentes difpofrtions du corps de ceux
qui y font expofez. Ariftote préteod
qu'il ell chaud , mais je ne penfe pas.
que ceux qui habitent vers te Nord,
foient de fon fentîmeiit, puiique mê-
me plufieurs habiles gens-,, dont le-
cfômat n'eft pas moins chaud que ce-
lui de la Grèce ont foùtenuqu'ileifc
froid.. Mais cette queftion qui a po-i-
iours été confîdérabbs dans l'école ,
ne fe réfôudra jamais tant que l'on:
n'attachera point d'idée dîlunâe au1
mot de chaleur.
' Les définitions quïAriftote'donne,
de la chaleur & Je la froidoui' , ne:
peuvent en fixer l'idée: L'air par ex-
emple & teaumêmeqUelque-chau*
de 8c brûlante qu'elle foit, raÛenv-
ibfent tes parties du plbnd fondu
avec crffe de quelqu'autre métalqufr
ce foit. L'ak raflèrable toutes lies-
graines jointes aux réfines , & à tous.
fes autres corps folides qu'on vou-
drai Et îi faudrait être.' bien Péripa--
npours'a^ybtd'expoferài'air;
DE LÀ METrT. iï. Part. 3gj
du rnaftic ppu^ féparer la cendre;
d'avec {a pois , qu quelque autres
corps compofez pour les décorçipo-
fer, L'ajr n'en donc pas chaud feloi>
ta définition que donne Atriftote de
la chaleur. L'air fépare les Liqueurs-
des corps qui pu font imbibez , it
durcît la boue , iLféche des linge§
étendus x q-ioiqu'Arillote le faite
humide: L'air e(t donc chaud félon1
cette même définition. On ne peut
donc déterminer* par cette définition
(rl'air eft chaud , ou s'il n'eft pas,
chaud. On petit bien alfarer que
l'ai; eft chaud à l'égard de la bquë ,
nirfqu'il fépare L'eau de la- terre qui
. ni e£| jointe. Mais faudra-Çrilépropr-
ver Iasdjvers eiFets de l'air fur fous
les cqrps, pour fçavoirs'il y a de la
çhaleurdans l'ait que nous refpirons.-
Sicelaefl onn'en ïçaura jamais-rien..
De forte que le plus court eu de- ne-
point phifofopher fut paic-<3ue-rioi}s>
refpirons. Mais fur un certain: ait
pur Sç élémentaire- qui rie Le trouve1
point ici bas , & d!aiTurer pofîtive*
ment, comme Annote, qu'il eft
chaud, ians endonnerdepreuve, n.r
même fansfçavoir diftinétement c*
çi'on entend., &par cet- air {fepaf
GooSk
c
104 tîVRE SIXIE'ME.
facfialeur.Carc'eftainfi.qu'on don-*-
nera des principes- qu'il ne -fera pas
facile de renverfèr: nonpas-à caufe
de leur évidence & de leur foïidïté ,
mais à caufe qu'ils fontobfcurs, 8é
fèmblables aux fantômes que l'on ne
peut Méfier, parce qu'ils n'ont point
de corps.
Je ne m'arrête point auxdéfinî-
rions que donne Ariftote de I'humi*
dite & defà féchereffè , parce qu'iK
eft affez évident qu'elles n'en expli-
quent point la nature. Carfelbncea
définitions le feu n'eft point fec, puis
qu'il ne- fe contient pas facilement
dans fes propres bornes : & Iaelàce-
n'eft point humide, puisqu'elle fe
contient dans fespropres bornes, &
qu'elle ne s'accommode pas facile-
ment à des bornes étrangères; Iieft
vrai que la glace n'eft point humide ,
fi'par humide l'on entend fluide : mais,
fi on l'entend aînfi, il faut dire que
la-flamme eft forthumide , auffi bien
que I?or & le plomb fondus. Ilelt.
vrai auflï que la glace n'eft point hu*
mide -, fi par humide l'on' entend ce-
qui s>'attacheaifément anx-chofes qui-
en font touchées :: mais en ce feus lai
£oix,Iagraiûe & lîîiuile font beau-
Cou^-
DELAMETTÎ. II. Part, sof
coup plus humides que Peau , puis
qu'elles s'arrachent plus fortement
Sue l'eau. Encefens le vif argent efl
umide , car il s'attache aux> métaux;
& I'eair même- n'eft porntparfaite^
ment humide, car elle ne s'attache
point facilement aux métaux. II ne
faut donc pas recourir autémoignage
des fens pour défendre les opinion*.
d'Ariftote:-
Mais n'examinons pas davantage
les merveilleufes définitions que ce
Philofophe nous a données des qua-
tre quaïhez élémentaires ; cVfuppo-
fons aufll que tout ce que les fens
nous apprennent de ces qualitez efl
ïnconteltablé. Excitons encore nôtre
foi, 6c croyons que toutes ces. défi-
nitions font tres-juftes- Voyons feu-
Iements'ilefl vrai que toutes lesqua--
litez des corps fenfibles font compo-
fées de ces qualitez élémentaires.'.
Ariftotele prétend, & il dois le pré-
tendre,, puifqu'il regardeces quatre
premières qualitez, comme les prin-
cipes des chofes qu'ilveut nous expli-
quer dans fes Livres de Phyfique.
It'nous apprend donc que les cou-
leurs s'engendrent du mélange des
quatre qualitez élémentaires : Que
Google
to6 LIVKE STXIE'ME.
le blanc fe fait , Iorfque l'humidité
fui-monte la chaleur , comme dans-
fesveiUardsquiblarichilFent: le noir,
Jorfqiie l'humidité f« féche,. comme-
dans les murs des citernes ; St toutes
les autres couleurs par de femMable».
mélanges : que les odeurs & les la-
veurs ie font aulfi par le différent
mélange du fie & de P humide caufé
par lachaleur& par Ta froideur: que1
îa pefanteur même & la légèreté en
dépendent. En un mot, ileftnécef-
faire félon Ariftote' r que toutes les
qualitez fenfihles fuient produites
par les deux qualitez affoves la eha*
leur & la froideur, & foient eomt
pofëes des deux paflives ^humidité &
ïaféchereftë-, afin- qu'il y ait quel*
que connexion vraMemhlable entra
lies principes , & les conféqueuces
qu'il en tire.
Cependant ileft encore plus diffir
eile de feperfuader toutes ces chofes-
que de- tontes celles qu'on a jufques
icira,pporté«sd'Ariftote. On a de la
peine- à croireque la terre & les au-?
trestlemens ne feraient point cola-*
rez , ou vifibles , s'ils étoïent dans-
leur pureté naturelle, & fans aucun
mélange des qualité/ élcmentaiios-,,
DELAMETH. ïÎ.Paht. toy
quoique de fçavans Commentateur»
de ce Philafophe nous en ailurent.
On necomprendpascequeveutdire
Arirtote , lorfqu'ilaiïuieque. la blan-
cheur des cheveux eft produite "par
l'humidité, à caufeque L'humidité
des vieillards eft plus farte que leur
chaleur: quoique pour tâcher des'é-
ckircir de fa penfée , l'on mette la.
définition àlaplacedudérmj. Car il
fêmUequece foit un galimatias in-
eomprénenfiule dédire , que les che-
l*eux blanchiilèm aux vieillards, à
eaufe que ce qui ne je contient pas fa-
ç ilement dans fes propres bornes , mais
dansée* fornet -étrangères , furmomt
. te qui efimbk les cbefis de mènent*-
pire. On n'a rat moins de peine à
çtoireque. la faveur foit &ien expli-
quée , lorsqu'il dit qu'elle confifte
Sans le mélange de la féchereffe , de:
ï? humidité , & de la chaleur ; prin-
cipalement quand on met en la place
de ces œots tes définitions que ce Phi*
ïofophe leur donne-, comme iiletoîe
ucifa Je te faire fi elfe* étoient bon"
ne*. Et peut-être même- qu'on na
gourroit s'empêcher de lire , fi air
Seu- des définit tons de la feini 8i cb#
ÏB-foif que*donaeAttUote:, .fln.dj**B^/-î
Goo8k
Sfiff UVHB SÏXÏtfMIÎ.
fant que la faim efl le défi r du chaud
&.dufèc, &IâfotfIedefirdu froid,
êc de l'humide , on fubftimoit les déf?-
ahionsjfcces mots appelîant la faim;
le defir de ce qui ajfemble les chofet de
même nature ,- & de ce qui Je tient fa*
cilement dans fis propres hontes , &
difficilement dans des bornes ètrangeresî
Se définiflant la foif , le defir de ce
qui ajfemble les chojès de même &
différente nature , & de ce qui ne fi
pouvant contenir facilement dans fis
propres bornes, fi contient facilement
dans deséornes étrangères.
Certainement c'eil ime règle fort"
utile pour reconnokrefi l'on a bien
défini les termes , ÔVpour ne fepoine
tromper dansfesraiionnemens , que
de mettre fouvent la définition à Ut
plaœ rfu'definh car on connoiï par làr
fi les termes font équivoques , & les
mefuresdes rapports faunes*' & im-
parfaites : ou fi l'on raifonne confé-
quemment. Cela étant , que peut-on-
dire des raifonnemens d'Ariftote,
qui deviennent un galimatias imper-
tinent & ridicule , lorfqu'on fe fer©
de cette régie ? Et que doit-on direr
auiTi de tous ceux qui ne raifonnenr
quefuc les idées faillies & confine*:
DE I.A METH. II. Part. ro>
ies ferts, puîfque cette régie qui con-
ferve la lumière & Pévrdence dan*
tous les raifonnemens juites & folï-
des , n'apporte que k confufîon -dans
leurs difcours.
II n'eft pas poffible d'expofer la'
bizarrerie & l'extravagance des ex-
plications-que donne AriftotefuT tou-
tes fortes de matières-. Lorfque les'
fhjets qu'iî traite font (impies oV
faciles, fes erreurs font fimples , oe-
il eft aflèz facile de les découvrir.
Mais lorfqu'H prétend expliquer des
ehofes eompofees , & qui dépendent
de plufieurs caufes , fes erreurs font
pour le moins autant compofees que
les fu jets qu'il traite, & il eft impoffi-
Me de les développer toutes pour lès
expoferaux autres.
Ce grand génie que l'on prétend
avoir fi bien rciiffi dans les régies1
qu'iladonnéespourbiendéfinir , ne
fçait feulement pas quelles font les
choies qui peuvent être définies :
parce que- ne mettant point de dif-
tinûion entre une connoiflànce clai-
re & diftinâe , & une connoiflànce
fenfible-, il s'imagine pouvoir con-
noître & expliquer aux autres des
ehofes dont il n'a pas feulement
$sa LIVRE SIXIEME.
d'idée diflinâe. Les définitions dot»
vent expliquer la nature dqs çhofesk
& le; termes qui teicompoleiît , doi-
vent/éveiller daps I esprit des -idées
diiîinctes & particulières. Mais ilelï
impoiTiHe de définir de cette farte
les quai itez fenlïblei de chaleur , de
froideur, de couleur, de faveuç, &c.
lojjfque l'on confond la cauie avec
L'effet , le mouvement de; corps avec
la feiuation qui l'accompagne: parée
que Le» fenfauons étant des modifica-
tions dçl ame , lefqueljes omiecon-
noît point par de; idées claires , roaisr
(è-.ilement par feiuiment iatérieur,
ainlî que j'ai expliqué dans Le troi*
•«.pircct.fîéme Livre*, il eft impoffible d'à**
7- »• i- tacher à des mots des idées que; l'qn
n'apoint.
Comme l'on a des idées diuin#es-
4'iincercte , d'un quarré, d'uft trian-
gle , & qu'aÉofi l'on en connos di f-
ynctemeru; la, nature , on en peut
donner de Lionnes définitions. : on
peut même déduire des idée* qpe.Ton
a. de ces figures toutes leurs prQfNçi*,
tez ; & Les expliquer, aux autres par
des termes auxquels on attache' ces
idées. Mais on ne peut, déiioir la
chaleur ni la froideur «a tau* quç
GooSk
DE-LA METH. Iî. Part. »k
.qualité? feufiLIes ; car on nelesconr
«oîr poinidUlinctemem & par idée,
on ne les counoît que par conscience
ou par iêntirneut intérieur.
On ne doit point aufïi-définir la
chaleur,, qui elt hors de nous, par
quelques effets ■ car fi. l'on fupftime
à fa place la définition qu'on lui dor>-
nera, l'on verra bien q,ue cette défi-
nition ne&ra propre qu'ànous jetter
dans l'erreur. Si parex*mpïe an deV-
fînit la chaleur ce qui afâmèle les
cbofes de même genre , fana rien dire
davantage, on pourra en fuivant cette
définition prendre, pour de k cha-
leur , des chofes qui n'y ont aucun
^apport. On pourra dire que l'ai-
manaûemble ta lionne de k( Se la
fepare de celle-de l'argent , parce
gu'il efl ehaud: qu'un pigeonmange
k chenevi &. laide l'autre grain; ,
parce qu'un pigeon eft chaud: qu'u$t
avare léparefes Ioiïis d'or d'avec foa
argent, parce qn'iïefl chaud-. Enfin
il n'y apoint d'extravagance où f$tt«
définition n'engageât , fi l'on, étoit
afiea ftupide pour la Cuivre. Cette
définition n'explique done point la
nature de la chaleur, & l'on ue peut
l'en fervir pour en déduire toute*
GooSk
ira LIVRE [SIXÏE'ME.
les propriétez : pui (que fi l'on s'ar* *
rête prédïement à les termes , on
Concmd des impertinences , & que 0
en la met à la placedu défini , on
tombe dans le galimatias.
Cependant fi l'on a foin de diftin-
guer la chaleur de ce qui la caufe,
quoique l'on nepuifle pas- la défi-
nir , pur/qu'elle eit unemodification
de l'ame dont on n7a- point d'idée
claire , on peut en définir la càufe,
puifqu'on a une idée' diftinâe du
mouvement. Mais il" faut prendre
garde quela chaleur prife pour un
tel mouvement nécaufe pas toujours
le fentimentdechaleur en nous. Car
i:eau, par exemple, eft chaude; puif-
que Tes parties font fluides & en mou-
vement , qu'apparemment les poif-
fons la trouvent chaude s & qu'elle
eft au moins plus chaude que là glace
dont les parties font plus en repos :
mais elle eft froide' par rapport à
nous , parce qu'elle a moins defnou-
vement que les parties de nôtre
corps ; cequi a moins de mouve-
ment qu'un autre, étant en quelque-
manière en repos à fon égard. Ainfir
ee n'eft point par rapport au mouve*
aient des fibres denôtre.corps ■, qu'il;
DE LA METH. II. Part, mj
faut définir la caufe de la chaleur, ou
le mouvement qui J'excite: il faut,
£ on le peut , définir ce mouvement
abfolument &enlui-même. Et alors
les définitions qu'on en donnera ,
pourront fervir a faire connoître la
nature & les propriété! de la cha-
leur.
Je ne me croi pas obligé d'exami-
ner davantage la Philolophie d'A-
rîftote , ni de démêler les erreurs
extréniemeiuconnires&emba raflées
de cet Auteur. J'ai, cerne femble,
fait voir qu'il ne prouve point fes
quatre élemens, & qu'il les définit
mal : Que fes qualitez élémentaires
ne font pas telles qu'il le prétend,
qu'H rienconnoît point la nature, &
que toutes les qualitez fécondes n'en
font point compofées.Et enfin qu'en-
core qu'en lui accordât que tousles
corps fuflent compofez de quatre
élemens , commeles.qualitez fécon-
des , des premiers , tout fbn fyflême
iêroit inutile à la recherche de la vé-
rité , puifque fe> idées ne font pas
aflèz claires pour conferver toujours
l'évidence dans nos raifonnemens.
* Sienne croit pasque j'ayeexpofë
les véritables opinions d'Ar jftote, on
M4 C.WRE SIXIFIRE. ;
peut s'en éelaircir dans les livrés
qu'il a faits du Ciel & ésia-génerataa
& corruption : car c'efl de-ïà d'où -j'ai
pris prefgue ce que j 'en ai dit. Je n'ai
rien voulu rapporter de fes 8-ltvresde
.Fhyfique, parce qi»e ce n'eft propre-
ment qu'une cfpece de Logique , &
que Ton n'y trouve que des mots
vagues & indéterminé* , par lefqaels
il apprend comment on peut parler
de te Phyliqae fans y rien compren-
dre.
Comme Ariftose fè contredit fou-
vent , & qo'on peut appuyer prefque
tontes fortes de fentimens par quel-
ques pafiages titéz'deJui.j jene doute
poîntquei'onnepuiue prouver par
Ariflote même quelques feiirjmen»
contraires à ceux quej je lui aï attri-
buez. Mais je n'en fuis pas -garent. II
fuffit que j'aye les Livres que^e viens
deciter -pour preuve de ce que i'at
dit. Et même <je ne me mets gneres
en peine de difeuter Gces Livres font
ou ne (ont pasd'A-Tiftote, s'ils font
©une font pas corrompus. Je prens
Ariftote tel qu'il éft, & que l'on- le
reçoit ordinairement : car on ne doit
pas fe mettre fort enpeinede fçavoir
la généalogie véritable des choie»
. DELAMETH.II.Part. >ç
'c(ont on n'a pas gratllMefthne : outre
que cfeft un fait qu^^ft impofiïbïe
de bien écïaircir , 'comme on fe peut
"voir par les Difiuffiùtis Péripatétiques
dePatritius.
CHAPITRE VI.
jfpu généraux qui font néceffaires pour
fe conduire par ordre dam larecber-
tbe de la vérité & dam le choix des
fciences.
A Fit! qu'on ne dife pas que je
ne fais que détruire fans rien
Établir de certain & d'mconteftabfe
clans cet ouvrage ; 3 eft à propos que
j'expbfe ici enpeude mots , l'ordre
queï'on doit garder dans fes études
pour ne fe point tromper : & que je
marque même quelques véritez &
quelques fciences tres-nécefiairesdans
ïefquelles il fe rencontre une évi-
dence telle, qu'on ne peut s'empê-
dierd'yconfemirjfansFouirnr les re-
proches fecrets de fa raifon. Je n'ex-
pliquerai pas ces véritez & ces fcien-
ces fort au long , c'efl une chofe déjà
faite : je ne pr-etens pas faire imprr-
n$ LIVRE S1XTPME.
mer de noux|au les ouvrages des
.autres , je n^Pontenterai d'y ren-
voyer. Jemontrerai feulement l'or-
dre qu'on doit tenir dans l'étude
qu'on en voudra faire , pour confer-
ver toujours l'évidence dans les per-
ceptions.
De toutes nos connoiflànces la pre-
mière c'efl rexiflence de nôtre ame :
.toutes nos penfées en font des dé-
moiiftrationsînconteftableSjCaril n'y
si rien de plus évident quece qui pen-
fe actuellement efl actuellement quel-
que chofe. Mais s'il eli facile de con-
noître Pexiflence de fon ame, il n'eft
pas G facile d'en connoître l'eûence
& la nature. Si l'on veut fçavoir ce
qu'elle eu, il faut fur tout-bien pren-
'dre garde à ne la pas confondre avec
Jes chofes aufquelîes elle eft unie. Si
l'on doute , fi l'on veut , fi l'on rai-
fonne, il faut feulement croire que
l'arae efl une chofe qui doute , qui
veut , qui laifonne , & rien davan-
tage, pourvu qu'on n'ait point éprou-
ve en elle d'autres proprietez : car on
neconnoîtfonamequepar le fenti-
menî intérieur qu'on en a. II ne
iaut pas prendre fon ame pour fon
corps t ni pour du fang t ni pour des
erprjt*
GooSk
TiE LA METH. n. Part. nj_
«cfpiits animaux , ni pour du feu , ni
pour une infinité d'autres choies pour
lefquelles les Fhilofophes l'ont prife.
II -ne faut croire de l'ame que ce
qu'on ne fçauioit s'empêcher d'en
croire, & ce dont on eft pleinement
convaincu par le ïentiment intérieur
qu'on ade loi-même , car autrement
on fe tromperoit. Ainfî l'on connoî- ,
ira par fimple vûë' ou par fentiment
intérieur tout ce que l'on peut con-
noître de l'ame , fans être obligé à
faire des raiformemens dans Iefquels
Perreurfepourroûtrouver. CarlorP- .
que l'on raifonne la mémoi re agit : &
où il y a mémoire, H peut y avoir
erreur , fuppofé qu'il y ait quelque
mauvais génie de qui #ous dépen-
dions dans nos concoiuances , & qui
,fe divertifle à nous tromper.
Si je fuppofois, par exemple, un
Dieu qujîe plût à me fcduire, je fuis
tres-perfuadé qu'il ne pourroit me
.tromper dans mes connoiflances de
fimple vûë , comme dans celle pat
laquelle je connois que je fuis, de ce
que je penfe , ou que z. fois i. font
4. Carquand même je fuppoferois
effectivement un tel Dieu , fi puiflànt
que jepui0e me le feindre, je fens
Tme JIJ. J£
Coo8k-
3ï8 LIVRE SIXIEME,
que dans cette fuppolïtion extrava-
gante , je ne pourrais douter que je
fufle,ou que 2. fuis 2. ne fanent égaux
à 4. parce que j'apperçois ces cho-
fes de fimple vue (ans l'ufage de 1%
mémoire.
Mai.slorfqueje raifbnne, ne voyant
-point évidemment Tes principes de
mes raifonnemens , & me fonvenant
feulement que je les ai vus avec évi-
dence : fi ce Dieu trompeur joignoit
ce fouvenir à de faux principes, com-
me il pourrait le faire, s'il le vou-
îoit, je ne feiois que de faux raifon-
nemens. Demêmequeceux qui font
de longues fupputations, s'imaginent
fe bien fouvenir qu'ils ont connu que
f. fois 9. foi# 72. ou que 21. eft ua
nombre premier , ou quelque fem-
bïable erreur de laquelle ils tirent de
faunes conclufions.
Ainfi il eft nécefiâiredecbnnoître
Dieu , & de fçavoir qu'il n'eft point
tïompeur , li l'on veut être pleine-
ment convaincu , que les feiences les
plus certaines , comme l'Arithméti-
que & la Géométrie, font de vérita-
bles feiences : car fans cela l'évidence
n'étant point entière, onpeùt retenir
fan contentement. Et il cil encore
DE "LA METH. H. Part. 119
méceflàire de fçavoirparfimplevûë,
& non point par raifonnement , que
Dieu n'eft point trompeur ., puifque
le raifonnement peut toujours être
faux , fi l'on iïippofe Dieu trom-
peur.
Toutes les preuves ordinaires Je
I'exiftence & des perfections de Dieu,
tirées de Texiftence & des perfeâion»
■de fes créatures , ont ce me femble ce
défaut , qu'elles ne convainquent
point l'efprit par fimple vue. Tou-
■tes ces preuves fora des raifonnemens
qui font convainquans en eux-mê-
mes: mais étant des raifonnemens,
ils ne font point convainquans dans
la fuppofîtion d'un mauvais génie
qui nous trompe. Ils convainquent
iuffifamment qu'il y aunepuiiîànœ
fupérieure à nous , car même cette
fuppofîtion extravagante l'établit:
mais ils rie convainquent pas pleine-
ment , qu'il y a un Dieu ou un être
«nfïniment parfait. Ainlidansces rai-
fonnemens la conclufîon eftplus évi-
•dentequeJe principe.
H eu plus évident qu'il y a une
puiflance fupérieure à nous , qu'il
n'eft évident qu'ilyaun monde: pui£
qu'il n'y a point de fuppofitîon qui
Kij
C,„„sk-
Mo LIVRE SIXIE'ME.
puiflè empêcher qu'on ne démontre?
cette puïuance fupérîeure, au lien
quedansla fuppoficiond'un mauvais
eenîe qui fç plaîfe à nous tromper ,
il eft impoflîble de prouver qu'il yait
un monde. Car on pourrpit toujours
concevoir , ' que ce mauvais génie
nous donnerôit-Ies fentimens des cho-
fes qui n'exifteroient point : comme
iefommeH 6c certaines maladies nous
font voir des cfiofes qui ne furent ja- 1
mais: & nous font même Ternir effec-
tivement de la douleur dans des
membres imaginaires ,que nous n'a-
vons plus , ou que nous n'avons ja-
mais eus.
Mais les preuves del'exiftence &
des perfections de Dieu tirées de l'i-
dée que nous avons de l'infini , font
preuves de fimple vûë. On voit qu'il
y a un Dieu , dés que l'on voit l'infi-
ni, parce que l'exittence néceflaire eft
^enfermée dans l'idée de l'infini ou
* voyei Ut pour parler plus clairement , parce
mT««P«wre- qu'on ne peut voir l'infini qu'en lui-
tient fur la même. Car le premier principe de
que; Et le jios connoillances eu que le néant
nombre en- niefl pas vifible : d'où il fuit " que fi
ïî"duUiv. a- Ton penfe à l'infini, il faut qu'il fait.
vre de cet Qn voit auffi que Dieu tfeil point
Ouvra». * " *
DE LA METH. II. Part. 211
■ trompeur , parce que (cachant qu'il
ell infiniment parfait & que ï'inlini
ne peut rftanquer d'aucune perfec-
tion, on voit clairement qu'il ne veut
pas nous féduire, & même qu'il ne le
peut pas.puifqu'il ne peut quece qu'il
veut, ou que ce qu'il efl capable de
vouloir. Ainfi il y a unDieu&un
Dieu véritable qui ne nous trompe
jamais quoiqu'il ne nous éclaire pas
toû jours; & que nous nous trompions
fouventlorfqu'il ne nous éclaire pas.
Toutes ces vernez fe voyem de Am-
ple vue par des efprits attentifs, quoi
qu'il femble que nous faffions ici des
railbnnemens pour les expofer aux
autres. Oh peut les fuppofér' comme'
de? principes inconteltables fur lef-
quelson peut raifonnec : car ayant
reconnu queDieu ne feplah point à1
nous tromper, il nous eil alors per-
mis de raifonner.
II eft évident que la certitude de la-
foi dépend auiïï de ce principe, qu'il
y a un Dieu qui n'efl point capable de
rious tromper. Car l'exiftence d'un
Dieu & l'infaillibilité de l'autorité
divine font plutôt des connoilTances
naturelles, &des notions communes
à des efprits capables d'une ferieufe
K. iij.
GooSk
u* LIVRE SÎXIE'ME.
attention , que des articles de fort
quoi que cefoitun don particulier
■ de Dieu, que d'avoir I'efpritcapable-
d'une attention fuffifànte pour com-
prendre comme il faut ces véritez,
& pour vouloirbien s'appliquer à les;
comprendre*.
De ce principe-, Que Dieu rPeft point
trompeur , on pourroit aiiflî conclure
que nous avons eneâivement un
corps auquel nous Tommes unis d'une-
feçon paniculiere, & que nous fom-
mes environnez de plufieurs autres-
Car nous fommes intérieurement
convaincus de Ieurexiftence, par des
fèntimens continuels que Dieu pro-
duit en nous, & que nous ne pou-
vons corriger par la raifon fans bief-
fer la foi ; quoi que nous puiflions.
corriger par la raifon les fèntimens.
qui nous les repréfentent avec certai-
nes qualîtez & certaines perfections
■ qu'ils n'ont point. De forte que nous,
ne devons pas croire qu'ils font tels,
que nous les voyons, ou que nous les
imaginons , mais feulement qu'ils
exiuent , & qu'ils font tels que nous
les concevons par la raifon.
Mais afin de raifonnerpar ordre ,
nous ne devons point encore examk
DELAMETFT.II.Part. 313
Ber fi* nous avons un corps , & s^ily
en a d'autres autour de nous , ou fi
nous en avons feulement les fenti-
mens quoique ces corps n'exiftent
point. Cette queftion renferme de
trop grandes difficulté? , & il n'eft
peut-être pas fi nécefTaire de la ré-
ibudre pour perfectionner fescon-
noiflànces, qu'on pourroitJe l'ima-
giner , ni même pour avoirurte con-
noiflànce exaâe de la Phyfique , de
la Morale, & de quelques autres
lciences.
Nous avons en nous les idées des •
nombres 6V de l'étendue , defquelies
Pexiftence efl incomeftable & la na-
ture immuable , qui nous fourni-
ïoient éternellement dequoi penfer ,
fi nous en voulions connoître tous
les rapports. Et il efl nécefTaire, que
nous commencions à faire ufage de
nôtre efprit fur ces idées , pour des
raîfons qu'il ne fera pas inutile d'ex-
pofer. Il y en a trois principales.
La première eft que ces idées font
les plus claires & les plus évidentes
de toutes. Carfipour éviter l'erreur,
on doit toujours conferver l'évidence
dans fes raifonnemens, il eft claie
que l'on doit plutôt raïfonner fut les
K iiij.
Goo8k
n* LIVRE sixième:
idées des nombres & de l'éienduë.qutf
for les idées confufes ou composées'
de Phyhque , de Morale , de Méca-
nique, de Chimie, & de toutes les
autres fciences.
La féconde efl , queces idées font
les plus diflihâes & les plus exaâes
de toutes, principalement celle des
nombres. De Cotte, que l'habitude-
qu'on jJlend dans l'Arithmétique 6c
dans la Géométrie, de ne fe point
contenter qu'on neconnoifïèprécife-
ment les rapports des chofes , donne
à l'efprh une certaine exactitude, que-
n'ont point ceux qui fe contentent
des vraifemblances , dont les autres
fciences font remplies».
Latroïflcmeoi la principale, efl
que ces idées font les règles immua-
bles & les mefures communes débou-
tes les autres chofes que nous con-
noiflôns & que nous pouvons con-
coure. Ceux qui connoiflem par-
faitement les rapports des nombres
& des figures, ou plutôt Part de fai-
re les comparaifons néceuairespouc
en connoîrre les rapports , ont une
efpéce defcience univerfelle, & un.
moyen très*- afluré pour découvrir
avec évidence. Se certitude tout ce:
, DE LA METH. II. Part. "m$
Çiii ne paflè point les bornes ordinai-
res derefprîi. Mars ceux qui n'ont
point cet art, ne peuvent découvrir
avec certitudeles véritez un peu com-
pôfées, quoi qu'ils aient des idées
tres-claïres des chofes.dom ils tâ-
chent deconnokreles rapports com-
pofez\
Ce (ont ces raifons ou de femMa-
bles qui Ont porté quelques anciens à
faire étudier l'Arithmétique, P-A-I--
gébre , & la- Géométrie aux jeunes--
gens. Apparemment ils fçavoieftt -
que l'Arithmétique & l'Algèbre don-
nent de l'étendue à Pefprit & une"
certaine pénétration , qu'on ne peut
acquérir par d'autres études; &quc
la Géométrie règle fi -bien l'imasi--
nation j qu'elle ne fe brouille pas &--
cHement:car cette faculté de Pâme;,
fi néceffairepoor les fciences.acquiért "
par l'ufage de ' la Géométrie une'
certaine étendiïë de iufteflêyqui pouf-
fe Se qui corrfêrve la vûë claire de~
Pefprit p.ifques dans ies diffieuhez les -
plus embarallees.>
Si l'on veut donc conferver toû--
jôursl'évidencedans fes perceptions,-.
& unecertitude entière dans: fes rai--
fannemensyon doit d'abords étudfec."
vt6 LIVRE STXrE'ME.
l'Arithmétique l'Algèbre rAnalyfê^,
& la Géométrie fimple & compofée-
Entre les livres qui me font connus,
les meilleurs pour apprendre- l'Ari-
thmétique, l'Algèbre & l'Analyfe ,.
qui eft proprement l'art de découvrir
la vérité dans les fciences exactes,,
font la fiience du calcul des grandeurs
engeneral, & Iepremier volumede-
l'Anaïyfe démontrée parle R.. Père-
Reyneau Prêtre de' l'Oratoire..
Pour la Géométrie ordinaire celle-
de- MonGeigneur le Duc de Bour-
. cogne. On doit fe fervir de l'Aha-
îyie pour apprendre la Géométrie-
compofée, & lire les ouvrages où.
cette fcienceefl traitée par Analyfe.
Si l'on ne veut s'inftruire que des
principales proprietez des fedions
coniques & de leurs ufages , on peut
fe contenter de la première paniedu
deuxième volume de FAnalyfe dé-
montrée. Mais fi l'on .veut apprendre
la plupart des proprietez de ces fec-
tions avec leurs ufages, on lira l'ou-
vrage PoflhumedeM. le Marquis,
de l'Hôpital, quia pour titre , Trai-
té Analytique des fi liions coniques..
Onpeut.ajoûterla.Géométrie deM..
Beicanes.a canle.de la rép_uiation de?
DE LA METH. 11". Part. 227-
ce fçavant homme : Mais on n'en
aura nul befoin après la leâure des
livres précedens. Enfin on s'applique-
ra aux nouveaux calculs différentiel
& intégral» & aux méthodes qu'on en
lire pour l'intelligence des lignes^
courbes , qui fervent même dans la
Phyfîque. On trouvera le calcul dif-
férentiel & fes ufages traitté à fond,
& avec beaucoupd'ordre & de net-
teté dans l'excellent ouvrage de M.--
Ie Marquis de l'Hôpital, intitulé, Des
infiniment petits. On trouvera auffi le'
calcul différentiel & fesufages dans
la deuxième partie du deuxième vo--
Iume dçl'jfnalyfe démontrée ; & le:
calcul intégral, avec la manière de1
l'appliquer aux lignes courbes & aux
problèmes rnefle2 de Phyfique &■ de -■
Mathématique dans la troifiéme par--
rie. Par k lecture de ces ouvrages on^
fe mettra en état de faire faire foiî*
même des découvertes , & d'enter^-
dre celtes qui fe trouvent dans Ies^
mémoires de l'Académie des Scien--
ees & dans- les ouvrages, des Etran-
gers-
Lorfque l'on aura étudiéavec foin-
dt avec application ces fciences gène*
raies, oncormoîtra avec évidence un>
m8 livre sixième:
très-grand nombre de véritez fécon*-
des pour toutes Iesfciences exades-
& particulières. Mais je croi devoir:
dire qu'iléft dangereux de s'y arrêter
trop Iong-tems. On doit pour ainfi .
dire les méprifer ou les négliger :
pour étudier la. Phyfîque & la, -Mo- ■
raie, parce que ces fciences font
beaucoup plus utiles, quoi qu'elles'
nefoient pas fi propres pour rendre*.
I'efprît jufte & pénétrant. Et fi l'on
veut toujours conlërver l'évidence-
dans fes perceptions , on doit bien,
prendre garde à ne fe pas laiiTer en- •
têterde quelque principe qui ne foit •
pas évident, o'eft-à-dire de quelque*
principe, dont on peut: concevoir:
que lesCninois ne tocnberoient point :
d'accord après qu'ils l'auroiembien:
confiderév.
Ainfi pour là Phyfique il nefam ad--
mettre , que;les*iotions communes à;
tous. les hommes, c'eft-à-dire les.
axiomes:desGéométre9, & les idées,
claires d'étendue, de figure,de mou-
vement , . & de repos , & s'il yen a-,
d'autres aullî claires que celles-là. On.
dira ueuÈ-Érre que.neUence.de; la. ina~
tiéren'eftpoint L'étendue, mais qu'—
ïinDortt?. IlfuiEtqueie.monde.que;
GooSk
DE HA METH; IL Part. up
nous concevrons être formé d'éten-
^duë,paroiue femBIable à celui que
nous voyons», quoiqu'il ne foit point
matériel de cette matière qui n'eft.
bonne à rien ,. dont on neconnoît
rien, & de laquelle cependant on
fait tant de bruit.
Ii n'en pas abfblument néceflàire1
d'examiner s'ilyaeftectivement au-
dehors des êtres qui répondent à ces-
idées; car nous ne. rationnons pas fur
ces êtres, mais fur. leurs idées. Nous-
devons feulememprendre garde, que*
les railbnnemens que nous faifons
fit r les propriétez deschofes, s'ac-
cordent, avec les fentimensque nous-
en avons, tfeft-à-direque ce que nous ■
penfons s'accorde parfaitement avec
inexpérience : parce que nous ta?
thons dans la Phyfique de. décou-
vrir l'ordre & la iiaifon des effets
avec leurs caufes , ou dans les corps;
s'il y. en a., ou dans les fentimens-
que nous en avons-, s-'ils n'exiflens
goint.
. Ce n'en pas quePon-purue doutes-'
qu'il y ait .actuellement des corps*
fcrfquel'onconfidéreque Dfeu n'eft i
point: trompeur, & l'ordre réglé de-
nos. fenùmens.j , dans . les rencontres,-
Goo8I,
'*& LIVRÉ SIXIEME.
naturelles, & dans celles qui n'arrî*
Vent que pour nous fairecroire ce
que nous ne pouvons naturellement
comprendre: mais c'eft qu'il nrefl pas
nécelTaire d*exami»erd?abordpar de
grandes réflexions une choie dont
perfonne ne doute , & qui ne iert pas
de beaucoup à la connonTance de la
Phyfïqueconfiderée comme une vé-
ritable fcience.
Il ne faut point auflï Te mettre en
peine de fçavoir s'il ya, ou s'il n'y
a pas dans les corps qui nous envi-
ronnent , quelques autres qualitez
que celles dont on a des idées claires,
car nous ne devons raifonner que fé-
lon nos idées : &s'-îl yaquelqueau-
fcre chofe dont note n'ayons point
d'idée claire, drftinâe,& particu*
liére , jamais nous n'en ponnoîtrons
xi en,& jamais nous n'en raifonnerons .
jufle. Peut-êtrequ'en rarfonnant fé-
lon nosidées , nous raifonnerons fé-
lon la nature , & que nous recon-
noîtrons qu'elle n'eft peut être pas.
âufli cachée qu'on fe l'imagine ordi-
nairemem.
De même que ceux qui n'ont point"
étudié les propriétez des nombres,,
t'imaginent fouvent qu'il n'eft pa*
DE LA METff. IL Part, .ijr
poflîble de réfoudre certains problè-
mes , quoique tres-iïmpl es & très- fa-
ciles : ainfi ceux qui n'ont point mé-
dité furies propriétez de l'étendue,.
des figures, & des mouvemens,.
font extrêmement portez à croire &
à foûtenir que toutes les queftions.
que Ton forme dans la Phyfique,,
£om inexplicables. Il ne faut point
, s'arêter aux ientimens de ceux qui
n'ont rien examiné, ou qui n'ont
rien examiné avec l'application né-
ceflaire. Car encore qu'il y ait peu-
de véritez touchant les choies de-
la nature qui foient pleinement. dé-
montrées, il eft certain qu'il y en a^
quelques-unes de générales dont il
n'eu pas pofïïble .de douter, quoi,
qu'il foit fort poflîble de n'y pas.
penler, de les ignorer , & de les-
nier..
Si l'on veut méditer avecordrei.
& avec toutIetems& toute l'appli-
cation nécellàire, on découvrira
beaucoup de ces véritez certaines
dont je parle. Mais afin qu'on puiue-
les découvrir avec plus de facilité , il
eft néceflàire de-lire avec foin les.,
principes de la Philofophie de M.-
Defcartes, fans lien recevoir de, oç.
*p tïVRE StXIE*MÉ
qu'il dit , que brique la force &i Pé%
vidence de fes raifons ne nous per-
mettront point d'en douter.
Comme 'la Moralceit la pins né*-
ceflàire déroutes Iesfciefices , il faut
auflî l'étudier avec plus dé foin : car
c'eft principalement dans-cette fcien-
ce qu'il eft' dangereux de fuivre le*
opinions des hommes. Mais afin de
ne s'y point tromper , & deconfér> ■
ver l'évidence dans («'perceptions,
il ne faut méditer que fur des princi-
pes incomeftaMes , pour tous ceux
dont le coeur n'efl point corrompu.-
par la déÈauche , & dont I'efbrit n'eft
point areuglé par l'orgueil : car il
n'y a point de principe de Morale
ïnconteftable pour Tés efprits de
chaire de fang, 6e qui afpirent à la
qualité' d'efprit fort. Ces fortes dé
gens ne comprennent pas les véri±
téz lespiusfrmplesi ou s'ilsles com-
prennent , ils les conteuent toujours
parefpritde-contradidion, c«t pout
confeirer leur réputation' d*efpritS'
forts.
"Queiques-uns de ces principes de
morale les plus généraux font ; ' Que -
Dieu ayant fait toutes chofes pour lui, .
il £. fiûuiôtrexfpritpour leconnoi*-
C,„„sk-
DE LA METH. 1T. Part. 13^
sre & nôtre cœur pour l'armer: Qu'é-
tant auiïi jufle & auiïï puiuant qu'il
eft, on ne peut être heureux fi l'on
ne fuit les ordres , ni malheureux^ S
on les fiait: Que nôtre nature eu cor-
rompue, quenôtre efprit dépend de
nôtrecoisps, nôtre railon dé nosfens,
nôtre: volonté de nos pallions : Que
nous fommes dans I'impuiHànce de
faire ce quenous- voyons clairement
être de nôtre devoir : & que nous
avons Befoin d'un libérateur. II y a
encore plufieurs autres principes de
morale , comme : Que la retraite &
fepénitencefonrnéceiïâîres pour di-
minuer nôtre union avec les objets-
fenfibles , & pour augmenter celle
que nous avons avec les biens in-
telligibles, les vraisbiens-, les biens
del'efprit: Qu'on ne peut goûter de
plaifir violent fans en devenir efcla-
ve ; Qu'il ne fautjamais rien entre»
prendre par paffîon : Qu'il ne faut
point chercher d'éiabl iflement en cet-
te vie, &c. Mais parce que cesder-
niers principes dépendent des préce
dens & de la connoifïànce de l'hom-
me , ils ne doivent point paner d'a-
bord pour ïnconteflables. Si l'on mé-
dite fur ces principes avec ordre, fit
Goo8k
ï?4 LIVRE SIXIEME.
avec autant de foin Se d'application'
que la grandeur du firjetiemérrte, &
ii l'on né reçoit pour vrai que les
€onclufionstiréesconféquemment de'
ces principes , on aura une morale
certaine, & qur s'accordera parfai-
tement avac celle de lEvangile,.
quoi qu'elle ne foit pas fi achevée ni
U étendue. J'ai tâché de démontrer
par ordre les fondemens de la Mo-
rale dans un traité particulier, mais*
je fouhaite & pour moi & pour les-
autres, qu'on donneun ouvrage 6c
j>Ius exact & plus achevé.
Il eft-vrai que dans fes raïfbnne-
' mens de morale, il n'eft pas (î faci-
le de conferver l'évidence & l'exac-
titude , que dans qneiques autres
fbiences , & que la connoiilànce de-
l'homme eftafalblument néceflàire à
ceux qui veulent poulïèr un peu'
loin cette Jjcience: Etc'eft pour cela
que la plupart deshommesn'y réiïf-
fiflênt pas. Us ne veulent pasfecon-
fulter eux-mêmes pour recoiinoître
Tes foiblelîës de leur nature. Ils fe
lafTent d'interroger le maître qui
nous enfeigne intérieurement fes
propres volontez , lefquelles font les
toix immuables & éternelles , & les
DE LA METH. TI. Part. 2^
Trais principes de la -morale. lis
.n'écoutent point avec plarfir celui
qui ne parle point à leurs fens -, qui
ne répond point feïon leurs defirs,,
qui nefiattepoint leur orgueil fecret;
Hsn'ontaucun refpecfcpour des pa-
roles qui ne frappent point l'imagi-
nation par leur éclat , qui fe pro-
noncent fans-bruit , ôc que l'on n'en-
tend jamais clairement que dans
le fîlence des. créatures. Mais ils con-
fultent avec plaifîr & avec refpeâ
Ariflote, Seneqae, ou quelques nou-
veaux Philofoplies, qui les fédui-
fent, ou par l'obfcurité de leurs pa-
roles, ou par le tour de leurs expref-
lions , ou par la vrai-femblance de
leurs raifons.
Depuis le péché du premier nom-
me nous n'eftimons que ce qui a rap-
port à fa confervation du corps- & à
la commodité de la vie: & parce
que nous découvrons ces fortes de
biens par le moyen des fens 7 nous-
en voulons faire ufage entoures ren*-
contres. La Sageffe Eternelle qui eft
nôtre véritable vie , & la feule lu-
mière qui puiffe nous éclairer , ne
luit fouvent qu'à des aveugles & ne
parle fouvent qu'à deafourds.., lorf-
C„o8[,
!# LÏVRE SÏXIE*ME
qu'elle ne parle que dans le feeret;'
de la raifon ; car nous femmes pres-
que toujours' répandus au dehors.
Comme nous- interrogeons fansceûe
toutes les créatures pour apprendre
quelque nouvelle du' bien que
nous cherchons, il faHoh,commei'aî
déjà dit ailleurs , que cette fagefle fis
Îiréfentât devant nous fans toutefois
brtirhorsde nous, afinden*usap-
prendre par des parqles fenfîbles , Se
par des exemples convaineans,Ie che-
min pour arriver à la vraie félicité.
Dieu imprime fans celle en nous un
amour naturel pour lui, afin que
nous l'aimions fans celle ; & par ce
même, mouvement- d'amour, nous>
nous éloignons fans celle de lui , en
couranrdeiour.es Iesforcesqu'il nous*
donne vers les biens fenfibles qu'il,
.nous déflend. Ainfr voulant être ai*
mé de nous , il falloit qu'il Te rendît
fenfible& feprefentât devant nous,
pour arrêter par la douceur de fa
grâce toutes nos vaines agitations &
pour commencer nôtre guérifon pac
des fentimens on des délectations
femblables aux plaifîîrs prévenans qui;
avoient commencé nôtre maladie.
x Ainfi. je neprétends pas que le»;
■ .Goo^k
DE 1A METH. n. Part. 237
ïiommes puifTent facilement décou-
^vrirparlaforcede leur efprit toutes
les règles de la morale qui font né-
ceflàires au falut, & encore -moins
qu'ils puiffcnt agir félon leurlumié-
re ; car leur cœur efl encore plus
corrompu que lent efprit. Je dis
.feulement -que s'ils n'admettent que
des principes évidens,& que s'ils rai-
fonnent conféquemment fur ces prin-
cipes, ils découvriront les mêmes
véritez que nous apprenons dans l'E-
vangile : parce que c'eft la même Sa-
gefte qui parle immédiatement par
elle-même à ceux qui découvrent la
vérité dans l'évidence des raifonne-
mens , & qui parle par les faintes
Ecritures à ceux qui en prennent
tien le fens.
II faut donc étudier la Morale
-clans l'Evangile, pour s'épargner le
travail de la méditation, & pour ap-
prendre avec certitude les loix félon
lefquelles nous devons régler nos
jnocuES. Pour ceux qui ne fe conten-
tent point de la certitude , â caufe
qu'elle ne lait que convaincre l'ef-
prit fans l'éclairer , ils doivent mé-
diter avec foin fur ces loix, & Iesdé-
diiiie de leurs principes naturels A
^8 LIVRE SIXIE'ME.
alin de connoître par la raifon avec
évidence ce qu'ils îçavoient déjà par
3a for avec une entière ceritude. C'efl
^nli qu'ils le convaincront , que l'E-
vangile elt le plus folide de tous les
livres : que Jeîus-Chrrft conxioilToit
parfaitement la maladie fit le défor-
dre de la nature ; qu'il y a remédié
de la manière la plus utile pour nous
& la plus digne de lui qui fe puifle
concevoir: mais que les lumières des
Philofophesne font que tFépaiflès té-
nèbres; que Ieu rs vertus les plus écla-
tantes ne font qu'uneorgiieil infup-
portable i en un mot qu'Ariilote ,
Seneque, & les autres ne fontque des
hommes pour ne rien dire davan-
tage.
CHAPITRE VII.
VePufagede la première règle qttirc*
garde les quefiions particulières.
NO u s nous Tommes fuffifam-
meut arrêtez à expliquer la rè-
gle générale de la Méthode, Se à faire
voirqueM. Defcartes I'afuivie aflèz
exactement dans fan fyflêrne du mon-
DE1AMETH. II. Part. v&
«te, & qu'Ariffote & Tes feâateursne
l'ont point du tout obfervée. II efl
maintenant à propos de defcendre
aux régies particulières, qui font
néceffaires pour réfoudre toutes for-
tes de queftions.
Les queftions que l'on peut for*
.mer fur toute forte de fujets font de
plufieursefpÊces, dontiln'eft pasfa-
icile de faire le dénombrement '.-: mais
voici les principales. Quelquefois on
cherche Iescaufes inconnues dequel-
.<jues effets connus ; quelquefois on
cherche Iesefiêts inconnus par leurs
caufes connues. Le feu brûie&dif.
fipe le bois, on en cherche la caufe.
Le feu confifte dans un très-grand
mouvement des parties du bois :'on
veut fçavoir quels effets ce mouve-
ment efl capable deproduire,s'iI peut
durcir la boue, fondre le fer, &c.
Quelquefois on cherche la nature
■«Punechofe par fes propriétez: quel-
quefois on cherche les propriétez
d'une chpfe , dont on connoît la na-
ture. On fçaic ou l'on fuppofe , que
la lumière fe tranfmet en un inlïam ,
que cependant elle fe refléchit & le
réunit par le moyen d'un miroit con-
«ave, enforte qu'elle diffipe ouqu'-
*4<> LIVRE SIXIE'ME.
elle fond les corps les plus folfdes; &
l'on veut Te fervifde ces propriétez
pour en découvrir Ja nature. On
rçait au contraire , ou l'on fuppofe,
que tous les efpaces , qui font depuis
Ja terre jufques au Ciel , font pleins
.de petits tourbillons fphériques ex-
trêmement agitez , & qui tendent
fans cède à s'éloigner du Soleil : oc
Ton veut fçavoir fi l'effort de ces pe-
tits tourbillons fe pourratranfmettre
<n un inûant , & s'ils doivent en fe
refléchilTant d'un miroirconcave , fe
réunir , & difliper ou fondre les
corps les plus fondes.
Quelquefois on cherche toutes les
parties d'un tout : quelquefois on
cherche un tout par Tes parties. Oa
cherche toutes les parties inconnues
d'un tout connu , îorfqu'on cherche
toutes les parties aliquotes d'un nom-
bre , toutes les racines d'une équation,
tous les angles droits que contient
une figure , &c. Et l'on cherche un
tout inconnu dont toutes les parties
font connues , iorfqu'on cherche la
fomme depliifieurs nombres, l'air de
plufieurs hgures , la capacité de plu-
fieurs vafesrou un tout dont une pai-
Jie elt connuë,& dont les autres quoi
qu'inconnue^,
GooSk
■BE t'A MEIH.IL Part. 141
•qu'inconnues , renferment quelque
«port connu avec ce qu îeft inconnu:
commeioriqu?on: cherche quel efi le
nombre dont on a une partie connue
Ï5. Se dont l'autrequi le compofej
efi la moitié ou le tiers du nombre in*
connu:ou lorfqu'on cherche unnom-
bre inconnu qui foit égal à 15. & à
deux fois-la racine de ce nombre in*
connu.
Enfin on-cherche quelquefois fî
certaines chofes font égales ou fem-
blables à d'autres ,.ou de combien
elles lont inégales ou différentes. On
veut fçàvoiru Saturne eft plus grand
que Jupiter, oui peu-prés de com-
bien : fi l'air de Rome efi plus
chaud que celui déMar'fèiïïc , ou de
«ombien.
' Ce qui efi général dans toutes les
queftions , c.'efl qu'on ne les 'forme
que pour connoître quelque vérité:
& parce que toutes les vérjtez ne font
que des rapports , onpeucdiregéné-
ralcrnem que dans toutes les quef-
tions,on ne recherche que la connoif-
fance de -quelques rapports, foit de
rapports enrayes chofes, foitxle rap-
porte entre lesàdées , foit -de rapport
entre, les chofes &ieurs idées.
Tme UL J-
ut jUVRE STKÎE*ME. /
ïl y a des rapports .de pIuGeur»
efpéces.ily en a e*œ te nature de*
chofes, entre leur gnodeux , en-
tre feu» parties, «at« lotus at-
fâbttts , 'entre leurs rçualhez , *nt«
leurs effets , entre leur» caufos, &C»
Makon peut tes mÉdusie tous à deus
farcie àdes rapaortsde£ranrf«ff',&
è des rapports de qualité * enappei-
ïant rapports de grandeur , tous oews
qui font entre tesebofesconfiderees
comrnecap^esidaplQS.6cda moins,
& lappwiTC dp qvéSti toits fesasitgss.
Ainfi.l'cai peut diœ^ tomes Je»
queliUcais readent à découvrir quel*
rsrapports fait de grandeur > &*t
troaiité. *
ta pœiBÎere& là principale de
toutes tes règles efl, qu'îï &w: con»
noîtse très - diuxeâemaM l'état de
ta iqeeûkm qu'on fepropofede té*
f©adœ3.& avoir des idées de tes ter-»
- mes affez diftim&es , ptur les pou*
voir 'CorapaJEr, & praur en recon-
uoitre ainfi tes rapports -inconnus.
- fi feut donc premièrement ap-;
perowoir tces-clai cernent ïerapport.
îuoormu que J'oo ycberrJie.;<car il efl
«rident que fi ï'.an rtfa#oit poim de
marque cerlaàïejourieoocinoîtieoé
DELAMETH. If.PARt. mi
rapport inconnu lorfqu'on l'auroit
trouvé, ce ferait ai vain qu'on le.
cherche roit.
Secondement , il faut autant Qu'-
on le peut , fe rendre diftinâes les
idées qui répondent aux termes de la
queftion , en ôtam l'équivoque des
termes; ■& claires, en les confiderant
avec tonte l'attention poflîble. Carfî
■ces idées ibnt fi confulès & fi oHcu-
res, qu'on ne puiiïè faire les com pa-
taifons néçefiàires pour découvrir les
apports que l'on cherche, l'on n'eft
point encore en état de réfoudre la
queftion.
En troifitme ïiea , il faut con-
udéreravectoute l'attention poffifale
les conditions exprimées dam une
queftion j s'il y en a quelques-unes^
parce que fans cela, l'on n'enjeodque
confufement l'état decette queftion ;
outre que les conditions marquent
ordinairement la voie pour la ré*
foudre. Defortequeioriqu'ona une
Ibis bien conçu l'état d'une queftion
& fes conditions, oo fcaitôV eequ'on:
cherche, & quelquefois même par
«ù îlVy faut prendre pour le décou-
vrir.
II pfl vrai mi'ij « 'y a pas *o ajoura
L ij
Goo8k
-ufr UVRE SrXIE-ME.
quelques conditions exprimées dans"
Iesqueftions: maisc'eft que ces ques-
tions font indéterminées, ■& que Ton.
peutdes réfoudre enplulieurs maniè-
res comme fi on demandoit un .nom-
brequarré, un triangleou deuxnom-
bres dont le produit fort égal à leur
fomme,&ç. fans rienTpécifier davan-
tage : ou Bien c'eft que celui qui le»
propofe ne fçait point les moyens de
Jes réfoudre, ou qu'il les cache àdef-
fein d'embaraflèr .: comme fi onde-'
mandoit que l'on trouvât deuqr
ihoyennes proportionnelles entre
deux lignes, fans ajouter parl'înteri-
feâiori du cercle Se de la Parabole ,,
©u du cercle & de TEUipfe , &c.
Ileft doncabfolument néceuaire
que la marque par laquelle oncon»
noît ce qu'on cherche, fort fonvdit
tinéte , qu'elle ne foit point équivo-
que, & qu'elle nepuifledéfignerque
ce que l'on cherche : autrement oit
ne poiirïûit s'affurer d'avoir réfolu
la queftion propofée. De même il
faut avoir foin de retrancher de I?
?ueftion toutes les conditions qui
embarauent , & fans Iefquelïes elle
fubfîfle dans fon entier; car elles par-
tagent inutilement la capacité de
Goo8k
ÔE -LA METH; H. Vaut, utf
terprit Et mêmeon neconnoît point
encore diflinclemeht; l'état d'une'
queftion , lorfque les conditions qui
.l'accompagnent font inutilea.
Si l'on p ropofoit par exemple une '
. queftion en ces ternies : faire en for-
te qu'un nomme étant arrofé de quel-
ques liqueurs & couvert d'une cou-
. ronne de fleurs , ne puifle demeurer
en repos, quoi qu'il ne voie rien qui
foit capable de l'agiter. H faut fça*.
.voir fi: le mot d'homme n'eft point
métaphorique': fi le mot de repos ■
n'eft point équivoque, 5*1! n'eft point .
.pris par rapportau- mouvement lo-
.cal , ou par rapport aux paillions-,
comme ces paroles qwqtfil ne voit
rien qui foit capable de V agiter j fem-.
blent lernarquer.il faut Ravoir (r
les conditions, -étant arrofe de quelque
liqueur ,& couvert d^mecoUrromede
fleurs ,font eflèntielies* ■ Enfuite l'état
de Cette queftion ridicule & indéter-r ■
rhihée étant clairement connue , l'on L
pourra facilement IaréfcjMdre, en dit
îàntqu'iin'y.a qu'à mettre- un hom-
me dans un vaiflèau félon les condi--
ttonsexprimées- dans -la queftion.
ii'adrefle de ceux qui propofent
cté feinblabes queilions eft.d' y jo indre '
t-iij,
*+« LIVRE SIXIEME.'
entreprennent de réfoudre ces fortes-
de quefUonSj doivent faire:toutes les
demandes neceuaires pont s'écïaircir
du point où. confine la. difficulté.
Ces queilions arbitraires fenv
Hem être badines, & elles le font
en effet en un feus., car on n'apprend
rien lorfqu'on les. réfbut. Cependant
elles ne font pas. 11. différentes des
queilions- naturelles ■, qu'on pouroit
peut-être fei'imaginer. Il faut foire
a peu-prés les mêmes. chofes pour
■ réfoudre les unes & les autres. Car fi
l'adreflè. on' là- malice: des hommes
rend les queilions arbitraires, eraba-
Taflàntes & difficiles à réfoudre , les
effets. naturels font auffi par leur na-
ture: environnez, dîobfcuritez & de
ténèbres. Et il faut diifiper ces ténè-
bres par l'attention de l!efprit,& par
des expériences* qui font des efpéces
de demandes que Ton fait à l'Auteur
delà nature : de même qu'on ôte les
équivoques & les circonttances inu-
tiles des guettions arbitraires par l'at-
tention de I'efprit , & par les de.
mandes adroites que l'on fait à ceux
qui nous les proposent. Expliquons
oes chofes parordreô* d'une manie-
. xe glus f erieufe & plus inltru&ive, .
CEi:AMETM.rr;pARt. i^
Il y a un trevgrand nombre de ■
guettions qui fembleut très -difficiles,
parce qu'on ne les entend pas, Se
quidevroient plutôt palier pour des •
axiomes-, qui auraient pourtant be-
ibin de quelque explication , ■ que '
pour de véritables queftions : car il
me femblequ'on ne doit pas mettre ■
au nombre des queftions , certaines
Cpofitions qui font incontellables, ^
qu'on en conçoit diftindemenr, -
les termes.
On demande par exempïecomme '
mie queftion difficile : à refoudre , fi
l'Orne eft immortelle : parce que ceux ■'
qui font cette queftion , ■ ou qui pré-
tendent la réfoudre,' n'en conçoivent -
pas diltinâement les termes. Comme '
les mots d'amer & cL'ûnifwrttliïgni-
fient différentes chofes-i & quilsne;
fçavent comment ils l'entendent ■,
ils ne peuvent réfoudre fi l'a--
me eft immortelle - : car ils ne '
fçavent précifément ni ■ ce qu'ils de>-
mandent , ni ce; qu'ils cherchent. -
Par ce mot orne or^ peut - entendre -'
Hûe fabftance qui pente-; qui veut r.
qui fent , &c. On peut prendre J'ame .
pour le mouvement ou lacirculatioft'
àakagi &pourlaconriguraûoa,difc-
.parties du corps : enfin on peut pren-
.die l'amc pour le fang même & les-
.efprhs animaux^ De même- par ce:
mot immortel, on entendre qui ne:
k peut périr parïesfbiresordinairesde-
lai nature, ou bien ce.qui ne peut
changer , ou eniin œ qui ne- peut
le- corrompre, nifediffuier comme-
une vapeur ou de la fumée; Aiofi
a) fuppofé que L'on prenne les mots.
d]axse Sal'immoncl, en quelqu'une-
dè ces lignifications, la rnoindrn at-
tention d'efprit fera juger fi elleeft
immortelle > on fi elle ne l'efl pas..
Car premièrement . il eil.ckirq.ue -
&««f p rife dans le premier fera, défi-
a-dire pour unefubûancequipenlè,,
m- efl immortelle, Cl l'on prend aurfil
imawrff/dans le premier fens,&-paar
ce qui ne peut périr par les. forces.
ordrnaires.de la nature:; car il. n'eft
pas même concevable qu'ancune-
HibflancepuiÛedevenir rien : H faut:
recourir à une purilànce de Dieu tou-
te extraordin ai re pour.concesau que
selafoicpoiTibJe..
Secondement , -l'ame ell îrnrnor--
telte , fi l'on pxeiid. immortel dans Ut:
freondfens:, & pour cequi ne peut:
Jfc corrompre .., ni fe réioudneeata*
DEtÀMÊTfrir.lW *v
peur ouen fumée: car il ettévident
que ce qui ne peut fe divifer en un«
infinité de parties, ne peut le cor-
rompre' au iè réfoudre en vapeur.
j.< L'amen'eit point immortelle,
en prenant inmmel dans (e troîtié-
me fensj & pour ce qui We peut
changer : car nous avons afèz de
preuves convaincantes des enange-
mens de nôtre ame: que tantôt et* -
le fent de la douleur , & tantôt du
plaifîr: qu'elle veut quelquefois cer-.
taines chofes , & qu'elle eeiïè de les
vouloir : qu'étant unie ajuoHps-eU*
en peut être (eparée, &c.
Sii'on prend le root d'ame dans quel
qu'autre fignirication-, il fera de mê-
me tres-facile.de voir fîelle eftim-
mortelleven prenant ïe mot d'im*
mortel en unfens fixe & arrêté. De'
forte que ce qui rend ce» queflioœ
difficiles, c'eft qu'on Oe les couloir
pas diflirttfemem , &qttetes termes
qui fesejAimeat ,. font: équivoques i
Elles ont flùA&tfcefoin d'explication
que de preuve.. * -
ïleft vraiqii^il y a.quekmes pe»
Ibnnes aûez thipldes , & quetqu'aH-
trea a(fe Imaginatives pour psendie
ians ceflè Tame pom une certaine
I-vj,
*p LIVRE. SIXIEME.
configuration des parties du cerveau; -
& pour le mouvement des efprits : &
H eft certainement impoflïble de^
prouver à ces fortes degensque l'ame r
eft immortelle" &qu'elle ne peut-pé- -
rir : car il- eft au contraire évident
que l'ame prife au (ens qu'ils l'eu— -
tendett', eft mortelle. Ainfî -ce ri'eft
point une- queftion qu^I foit dif-
ficile de J refoudre-, mais c'eft' une -
propoffiionïju*iI eft difficile de faire •
entcndreà-desgens-, qurn'ont point
les mêmes idées que nous, & qui:
fonttous leurs -efforts -pour ne les -
point avofr & pour s'aveugler.
Lors'doncqutoft demande fi l'ame r
«ft immortelle-, ou quelque autre;
queftion que ce foit , il faut d'abord ;
oterl'équJvoque <fes termes jOefça-* -
voir-en quel (ension les prend', afin ?
de-concevoir dîftinâement-I'état de -
fa queftion-: . & frceux'qui lapropcn
lent ne fçavent comment ils l 'enten-
dent!,- il faut les mtenAêr pour-
k» • éclairer &■* -peur Je» déter-' -
miner. Si en iea interrogeant oiv
ïecormoît ' qu* leurs-idées- ne-'s'ac- ■
cOHunodent'ptûntavec ie& -nôtres^ ÏE
e&immile-de leur répondfe-Gar,',
oftw répondre à un homme qui s'i-
H
DEEAMETH.lt. Faut: sa:
ttagine qu'un defirparexemplen'eft-
autre- chofê que* ^'mouvement de'
q^dquesefprits , qu'une penféeii'eft
ju'une trace ou qu'une image que*
tes objets ou les efprhs ont formée '
dans le cerveau ; St quetôus les rah- ■
lonnemtns-des hommes ne coirfiïtent ■
que-dans la différente (kuatioo de ■
quelques petits corps , qui' s'arran-
gent diverfément dans la tête? Lui:
répondre que Pâme brife/dans lefens •
qu*il l'entend, eft înaraortelle-,
o'eft le tromper ou le rendre ridicule-
dans Ion efprit: mais lui répondre
qu'elle eft morteheOften un fens
leconfirmer dans une erreur de tres^
grande conféquence. II ne faut donc
point lui répondre^ mafs feulement
tâcher de Iefaire rentrer en lar-mê-
nie, afin qu'il reçoive les mêmes
idées que nous , de cemiquieftfeul
capable de l'éclairer.
G'eftencore une queftion qui paraît
aflèz difficile à rétoudre , fçavoir G
Its bêtes- ont- une ame : cependant
ferfqu'on -ôte l'équivoque , eHe ne *
paroît pins fort difficile; ôc'îaplû-
partdeteux qui penfent- qu'elles err
ont , font , fans le fçavoir , du iemV
ment de ceux :qui peafent- qu*elk* *
nfenontpas,.
CCH^I,
s
*tt LIVRE SIXIEME
L'on peut prendre I'amc pour
quelque chofe de corporel répandu
partout le ccurps , qui lui donne le'
mouvement & la vie „ ou bien pour
fuelquecuofedefpirituel. Ceux qui
ifeotque les animaux n'ont point
d'âme, l'entendent dans le fécond .
fera; cai pâmais homme ne nia qu'il
y eut dans les animaux quelque
cbofè de corporel, quifîit^le prin-
eipe de leur vie ou de leur mouve-
ment , puifqu'on ne peut même le
nier dès montres. Ceux au «onirai-
re , qui auurent que les animauxont
des âmes, t'entendent dans le pre-
mier fer» jour ily en a peu qui croient
que les animauxayentune anaefpi-
ritueLIe & hidivii^ble. De forte que'
les Péripateticîeri* & les Cartéfien*.
croyent que les bêtes ont une amet
c'eft-à-dire un-principe corporel de-
leur mouvement : & les uns & les
autres croient qu'elles n'eaont point,
e'efUà-dire qu'il n'y a rien en elies
de fpirituel & d'iodivifible.
- Aiaû p la différence qu'il yaetoro
les Péripatéticiens & ceux que l'on:
appelle Cartéfîens , n "efl pas en ce
que tes premiers croyent que les bê-
les ont oe> âmes , & que les «uns a»
DE LA MEUT. JI. PXbt. ttf
le croyent pas: mais feulement en ce
çie ïes-preiniers croyent que les ani-
maux font capables de fentirde la.
douleur , du plaifir , de voir les cou-
leuKJ.d^ânfflidreIeafons,& d'avoir
généralement toutes les fenfations &
toutes les pafiionsque nous avons ;
& que les CaFtéfièns-croyBnt lecon-
traire. LesCartéfiensdiftingne-nr les
mots.de femiment pour, en ôter.I'é-
fiivoque. Car , par. exemple ils di-
ni , que lorfqu'oa eil trop proche:
du feu , les parties du bois, viennent
heurter contre la main; qu'elles eut
ébranlent les libres ; que cet ébranle*
ment (e communique julqu'au cer-
veau, qu'il détermineleseipritsani-
maux , qui y font contenus , à fe ré»
pandre dans les parties extérieures-dui
' Corps d'une manière propre pour le:
Jàire retirer. Us demeurent d'accord,
que toutes tes chofes ou de fembla-
tles fe peuvent rencontrer dans- les*
animaux, &qu*elless'y rencontrent,
cfieâivement, parce-qu'elles ne font:
fit) des propriété! dé corps. Et les
éripatétkieni en conviennent.
Les Cartéfiensdifent de plus» que:
dans les hommes L'ébranlement des,:
libres du cerveau eft. accompagné du
Goo8k
«r nvRB'sixt&ttÊ:
fentiment de chaleur, & que le cour*
des efprifs animaux vers k cœur St
vers les vifeeres ett fuiride la pafTion
de haine ou d'averfion: mais m nient
que ces fentrmerts &<eSpaffions de
i'ame le rencontrent dans les bêtesl
Lés Péripatéticiens auureiH aucon
traire quelesbêtes (ententauftî bien
que nous cette chaleur ; qu'elles ont
comme nous dePaverGon -pour tout
ce qui les incommode ; & gène raie-
ment qu'enes-font capables de tous
les femmiens &' de-toutes lespaffions
que nous relTentons. Les Caftéfiens
ne penfem pas que les bêtes Tentent
de la doutent ou: du plaiGr , ni qu'-
elles arment où qu'elles'haifient au-
cune chofe : parce qu'ils n'admettent
rien qHe de matériel dans les bêtes ,
St qu'ils ne croyenr pas qHe les fentîJ
mens ni les panions foiem des pro-
priétez de la- matière telle qu'elle
puiiïè être;' Quelques Pèripatéticien»
ati contraire peraènt que la matière
eft capable de femiment &-depaC*
fion, lorfqu'clleeft , difent-ils, fub-'
iHifée; que les bête* peuvent fentie
par le moyen1 des efprits animaux,
<?èit-à-dire par le moyen d'une ma-*
«éreextrémeruent Tout île & délicate^.
DE.1À MEm UIVâ&t. *&■
:&quel'ame même n'eflcapable de
jèntiraent & de paillon qu'à caulè
qu'elleeft UBÎeà cette; matière.
Ainiî pour réfoudre la queftion fi
les bêtes ont. une ame, il faut rentrer
en lôt-même, & oonfidéreravectouB
te l'attention dont on efl capable;
l'idée que l'on a de Lunariére. Et fi
l'on conçoit que: la matière figurée'
d'Une telle manicre, comme en quart
ré , en rond , en ovale , Toit de la ■
douleur , du phiifir , deïachaleur , -
de la couleur, de l'odeur', du fou,.
&C. on peut affurer que l'amer des
bêtes, quelque matérielle qu'elle'
foit , efl capable de fentir. - Si on. na ■
le conçoit pas , tl ne le faut pas dire,
car il ne faut aifiirerque ce que l'on
conçoit. De-même fi ton conçoit:
que de la- matière- agitée de- bas en
haut ,.de haut enibas, en ligne cir-
culaire., fpirale.-, parabolique , ellip-
tique, &c. foit un amour, une haine,
on joie,une trifteflè ,&c. on peut dire '
que les bêtes ont les mêmes pallions -
jue nous: lion ne le voit pas, il ne-
ie faut pas dire., à moins qu'on ne ■
veuille parler fans fçavoir ce qu'ont
dit. Mais je penfe pouvoir affiner
qu!on ne croira jamais qn'aucuru
C,oo3k
2
40 livre sixième .
mouvement de matière puifTe être"
nn amour ou une j oie , pouevîi que
l'on y penfe férrenfiement, De- forte
que pour réioodrecetteqiieftiait, fi
lés faetes Tentent, M ne fia» ({n'avoir
loin d'en ôter l'équivoque , comme'
fom ceux , qu'on fe plair d'appelfer
Cartéfieu» ;c»onui réduiia aiïiffi
à nw queftioJi fi ample, qu'unc
medioCTe aoention d'esprit ftiflàca
pour ta rélbudre.
li eftvtarquefitntÀogiiilm, fiipv
potant félon le préjugé coamton a
tous Les hommes que tes bé tes ont
uneame: an moins n*aii-ie point lu
qu'il l'ait jamais examine fcriea fe-
ment dans fes ouvrages, ni qu'il
l'ait tevoqué en doute j âcs'appeite>-
vant bien qu'il y acontiadiaion.de
dire qu'une anoe ou hoc fiife&mce
qui penfe , qui fera , qui délire , Sec
* mû matérielle, il a cm que I'amedes
Bêtes étorr eôêâivcment fpmtneHe
JmffrC "&indrvï(2ue,UapïouTéparde»ni*
•riji»cfc.1}Jlans très-évidentes que toute soie ,
£(* **■"''- c'efi-àMËre tout ce qui fera, qui
aiiicuîr* imagine, qui craint , qui défire, «c.
eft néceuâi rement fpirituei : mais je
n'ai poim remarqué qu'il ait et*
quelque raifoii d'aÔuxer que le» bê~
DE LA METH. II. Fart, ity
■ te& ont des âmes* II ne fe met pas
même en peine de le prouver, par-
ce qu'il y a tien del'apparence que
de khi tons, Hrfy avoir perfbnne
qui en doutât.
Préfenrement qu'il y 2 des gens
qui tâchent de fe délivrer entière-
ment de leurs, préjugez, & qui révo-
quent en doute toutes les opinions
qui ne font point appuyer» fur des
raifonnemens clairs 61 démonftrarï fs,
on commence à douter fi les- animaux
ont une ame capable des mêmes feir-
timens & des mêmes pariions que les
nôtres: Mais il te trouve toujours plu-
fieursdétenfeurs.despréiueez,qui pré-
tendent prouver que tes beteslentent,
veulent, penfeiit, & raifonnem mê-
me comme nous, quoique d'une ma-
nière beaucoup plus imparfaite.
Les chiens., difent-ils, cormoif-
fem leurs maîtres , ils tes aiment, ils.
fouffrent avec patience les coups qu'-
ils en reçoivent, parce qu'ils- jugent
qu'il leur eft avantageux de ne les-
point abandonner : mais pour les.
étrangers ils les hainent de telle for-
te qu'ils ne peuvent même fouffrir
d'en être carreliez. Tous les animant
ont de l'amour pour leurs, petits: &
Goo8k
iSo -UVRE SIXIEME.
césoifeauxqui font leurs nids à Pér-
tremité des branches, font aflëz con-
noître qu'ils appréhendent que cet- '
tains animaux ne les dévorent : ils
jugent que ces branches font trop foi-
blés pour porter leurs ennemis, <8c
aflèz fortes pour foûtenit leurs'petits
ocieurs nids tout enfemble. II n'y a
pas jufques aux araignées & int-
ernes aux: plus- vils nuedes-quine
donnent des' marques qu'il y aquel-
que intelligence qui les 'anime: car
onne-peut s'empecherd'admirer la
conduite- d'un animal , qui tout fai-
ble qu'ileil; trouve moyen d'en fur-
prendre dans fes.filers^d'autresqui
ont des yeux Si des ailes, & qui font
allez hardis pour attaquer les plus
gros-animaux, que nous voyions.
II eft vrai que-tontes les aâ ions que
font les bêtes, marquent qu'il y a
Une intelligence ; car tout ce qui eft
réglé le marque. Une montre même
le marque : il eit impoflible que le
bazard-enoompofe les roues., & H
faut que ce foit une intelligence qui"
en ait réglé les mouvetnens* On plan-
ts une graine à contre fens, les ra-
cines qui fortoient hors de la terre -,
s1/: enfoncent^ d'elles-mêmes ; &.It,
DE LA METH. II. Part, AÎi
germe qui étoit tourné vers la terre ,
fc détourne auffî pour-en fortîr : ce-
la marque une intelligence. Ceçte
plante fe noue d'efpace en efpace
pour fe fortifier;elïe couvre fa graine
'd'une peau- qui la eonfervej elle l'en-
vironne de piquarjspour la défendre-,
cela marque une intelligence. Enfin
tomcequenousvoyonsque.font les
plantes auflî bien que les animaux ,
marque certainement une intelligen-
ce. Tous les -véritables Cartéfiens
^'accordent. Mais tousses véritables
Cartéfiens diftirçuent ,^tajc 'ils ôtent
.autant qu'ils Doivent l'équivoque
des termes.
'Les -mouvemens des bêtes & des
plantes marquent iyie intelligence,:
mais cette intelligence n'eft point de
la matière : elle eft distinguée des
bêtes, comme celle qui arrange les
roues d'une montre, eft diftinguée
. de la montre. Car enfin cette intelli-
gence paraît infiniment fage, inff-
1 nimem jmiûante , & la même qt\i
fious a formé dans Iefein de nos mè-
res , & qui nous donne l'accroifle-
ment auquel nous ne pouvons pat
tpus les efforts de nôtre efprit & de
.nôtre volonté ajouter une coudée;.
Coogk
atfi tIVRE SÏXttfME.
AtnG dans les animaux if n'y a m
intelligence tù-ame , comme on l'en-
tend ordinairement. Ils mangent
fansplaiûr , ils crient: fans douleur,
ils croiflènt fans le fçavoir : ils nede?
fnent rien, ils ne craignent rien ,'
ils ne connoiflent rien ; & s'ils
agiûent d'une manière qui marque
intelligence , c'efl que Dieu les
ayant faits pour les confèrrer ,
iï a formé leur corps de telle Eu
çon, quiis évitent machinalement-
& fans cr aime , tout ce qui efl capa-
ble de les détruire. Autrement il
£uidroit dite qu'il y a plus d'imeUr-
gence dans le plus petit de» animaux,
ou même dans une feule graine que
dans le plus fpi rituel de* hommes s
car il efl confiant qu'il y a piw de
différentes parties, ÔVqu'jIs'ypPÔ-
duit plus de mon veniens réglez , que
nous ne femmes capables d'en con*
noître.
Mais comme les hommes font ao
coû tbmez à confondre toutes qUofes t
St qu'ifs s'imaginent que leur atne
rwoduiidans leur corps prefquc tou*
tes mouvemens & tous te$ dhange-
inens qui lui arrivent; ifs attachent
fauûeuieut au mot d'awe. i'jdge de
BEXA METH. II. Part. t€%
pt»duflrice & de confervaïrioe du
cqjps. Ainfi pendait que leur ame
produit en eux tout ce qui efta&fo-
tiirneot nécdlàiiE à la confervation
de leur vie , quoiqu'elle ne {cache
pas même comment le corps qu'ello
anime eil epmpofé; ils jugent qu'il
fam lulceflài rement qu'il y ait une
ame dam les bêtes pour y produire
tous les mouvemens&tousiesclianf
gemeos qui leur arrivent , à eaufe
.qu'ils font aflèx femblables à ceux
qui Ce font dans notre corps. Car les
bêtes Gtengeudrent , fe monrriflênt ,
Xè fortifient comme notre corps : el-
les boiront, mangent , dorment corn-
me usons: parce que nous femmes en-
tièrement fembiafcïes aux bêtes pac
le corps, & que tome la différence
qœ';l y a entre nous & elles, c'eû que
aous avons une ame & qu'elles n'en
ont pas. Mais l'âme que nous avons
ne forme point nôtre corps, elie ne
digère point nos atïmeos, elle né don-
ne <point le iricuryernenr & la chaleur
à notre &ng. Elle fent , elle veut ;
«lié ranibnne : Elle anime le corps «tt
ce fensqu'elleades (êntimens dw
paffieœ qui ont rapport à lui. Mais
ecKtaft point qu'elle te répande dans
?S4 'LIVRE SIXIETHE.
nos membres pour leur commtfHfc
«nierlefentimenr&la vie, carrière
corps ne peut rien iccevoir de ce qui
ferencontEedans.nôtreefprit. \II eft
donc clair queia raifon pour laquelle
on ne fçanroit réfoudre la plupart
des queftions, c'eft qu'on nediflingue
Sas, & qu'on nepenfe pas même à
iftinguer différentes choies qu'ua
même mot fignifie.
Ce n'eu pas que l'on ne s'avifè
quelquefois de diiïhiguer ; maïs fou-
vent on le fait fi mal, qu'au lieu
d'ôter l'équivoque des termes par les
diftinâions que l'on donne , on ne
fait que les rendre plus obfcurs. Fat
exemple, lorfqu'on demande, fî le
corps vit, comment il vit, & de
Ïuelle manière l'âme raifonnable.
anime , fi Iesefprits .animaux, le
fang, & les autres humeurs vivent-;
£ les dents, les cheveu», les ongles
font animez , Sec. on diftingues les
mots de vivre& d'être animé , en vi-
vre ou être animé d'une ame raifon-
nable,oud'une ame femîtive,ou d'une
ame végétative. Mais cette diûindion
ne fait que confondre l'état de 1?
queflion , car ces mots ont eux-mê-
mes-befoin d'explication, & peut-
.êas
DELA METH. IL Part. a*5
Jkre même , que les deux derniers ,
.ameï'e.f étatn>e,ame fenfitht font inex-
jjliquables & incompréhenlïbles de
3a manière qu'on l'entend ordinai-
rement.
Mais, li î'on veut attacher quel-
que idée claire & diftinde au mot de
vie, on peut dire-quela vie de I'arae
•efl la connoiflance de la vérité & l'a-
mour du bien , ou -plutôt que fa pen-
fee eft fa vie : & que la vie du corps
confifle dans la circulation du fang
-&dans le jufie temperaminent des hu-
meurs , ou plutôt que la vie du corps
<fl le mouvement de fés parties pro-
pre pour fa confervation. Et alors les
idées attachées au mot de vie étant
■claires , il fera aflez évident. I. que
l'âme ne peut communiquer fa vie au
corps.car elle ne peut le faire penfer,
.qu'elle ne peut lui donner la vie par
laquelle il fe nourrit , il croit , &c
puis qu'elle ne fçait pas même ce
.-qu'il faut faire pour digérer ce que
Ton mange. 3. qu'elle ne peurfe faire
femir, puifque la matière efl incapa-
ble de fentiment, &c. On peut enfui
refondre fans peine toutes les autres
■queflionsque l'on peut faire fur ce
iujet , pourvu que les termes qui les
Tome III. M
Goo8k
i0: UVR5 SpCIE'ME-
énoncent, réveillent des, idées clarrttir
&ilefl impeflible de les réfoudre 4
fi; les :idées des termes qui les expri-
ment, font confufes & obfcures.
Cependant il n'eft pas toujours
aJifolument néœfTuire d'avoir des
idées , qui repréfentent parfaitement
les, choies dont on veut examiner les
rapports : il fuffitfouventd'en avoir
une coRnoiflànge imparfaite ou com-
rgençcÇ:, parce que fou. vent l'on ne
cbetshe.pointid'enconnoîtire esfaôe-
mgnt-Ies rapports. J'explique ceci.
H ya,des vérité? ou des rapports
.de,4eiut fortes: H yen ad'éxaflemenj.
oanpus, ôs d'autres que l'on ne cou-
npjt. qu'imparfaitement, Oncorwoft
e«sâçmsnt le rapport en«p un tei
qtmrré 6c un tel triangle ; mais on ne ;
cq/wqîc qu'imparfaitement le rap-
port qui efl entre Paris, St Orléans.:
on fçait que le quarté efr^égat-aù,
t rianglç , ou qu'il en efl; dqq&le , tri*.
!ple , &.c mais on fçait feulement que
Panse ft plus grand qu'Orléans , .(ans
fçavoirau julîe de combien.
De piu&^eutre Içs cennoiflânce»
imparfaites , il y eu a d'une, înlïnité
dp degré?, & même toutes ces coo-
jiciJIiinçesnefontiniparfeitesquepar
CELA METH. II. Parti iS7
■rapport aux connoiffànces plus par-
itaires. Par exemple, on fçatr. paclaice-
;raent-que Paris eft plus gtandqtie la
Place Royale ; & cette cormoiÏTance
n-'efl imparfaite que par rapport à
une connoiflauce exa<te > félon la-
quelle on fçauroitau jufledecom-
bien Paris, eft plus grand que cette
place qu'il renferme.
Ainfrjlyades questions de plu-
jieirrs fortes, t. H y en a dans lefqn el-
les on recherche une- connoiflance
parfaite de tous les rapports exads,
quedeuxou phifieurs cîiofes onten-
tc'elles.
a, Iliyenadanslelqueiles on re-
■cberche la connoiflance parfaite de
-quelque rapport exati qui efl entre
.deux ©n: plunaurfi ebofess.
j. El y en a daiOB IeJ%ueHesoni re-
cherche une connoilTanca parfaite de
quelque rapport afïcz approchant du
rapport exaâ, qui eu entre deux ou
plufieu® choies.
4.. Ilyenadans Iefqueiïesan re-
cherche feulement de reconnaître un
rapport aflez vague & indéterminé.
Iieft-évident, 1. Que pour réfou-
dre des guettions dit. premier genre,
&■ pour connoltœ partaitrmcivt tous
•aSg LTVRE SIXIEME,
les rappons exads de grandeur & Se
qualité qui font entre deux ou plu-
fieurs chofes , il en faut avoir des
idées diflindes qui ies reprefentent
parfaitement , & comparer ces cho-
ies félon toutes les manières poffi-
bles. On peut , par exemple , réfou-
dre toutes les queftions qui tendent
à découvrir les rapports exads qui
font entre 2 & 8 , parce que 2 & 8
étant exactement connus, on peut
- les comparer enfamble eu toutes les
manières néceffatres, pouren recon-
noître les rapports exads de gran-
deur ou de qualité. Onpeutfçavoic
que 3 eft quadruple de 2, que 8 & %
font des nombres pairs , que 8 & 2 ne
font point des nombres quarrez.
II eftclair en fécond lieu, que pour
refondre des guettions dufecond gen-
re , & pour connoître exadement
quelque rapport de grandeur ou de
qualité qui efl entre deux ou plu-
sieurs cliofes, il eft néceffaire & il
fuffit d'en connoître tres-diftinâe-
ment ies faces , félon lefquelles on
dwit les comparer pouren découvrir
le rapport que l'on cherche. Pat
exemple, pour réfoudre quelquesr
unes des guettions qui tendent à dé>
Goo8k
ÛE LA METtf. II. Part. ié9
c#ivrir quelques rapports exads erï-
tig4 & 16, commeque'4 & 16 font des
nombres pairs & des nombres quar-
rez , il fuffit de fçavoir exactement
?ue4& 16 fe peuvent divifer farts
raction par la moitié , &que l'un &
Pautre eft le produit d'un nombre
multiplié par lui-même, Se il eft inu-
tile d'examiner quelle eft leur vérita-
He grandeur. Car il eft évident que
pour reconnoître les rapports exacts
de qualité qui font entre les- chofes",
il fuffit d'avoir une idée tres-diftincte
de leur qualité , fans penfer à fait
grandeur, & que pour reconnoître
îeursrappôrts exacts degrandenr, iï
fuffit de connoître exactement leur
grandeurfans rechercher Ieurvérr1-
t-abl'e qualité.
II eff clair en' troifîéme lieu , que
pour réfoudre des queftions du troi-
sième genre, &pourconnoîtrequef>-
que rapport allez approchant du rap-
port exaâ qui eft entre deux ou plu-
fieurs chofes , il fuffit d'çn connoître
à peu prés les faces ou Ies_côtez, félon
Iefquelles on doit les comparer ,pour
découvrir le rapport approchant que
Pon cherche , foit de grandeur , fait
de qualité. Par exemple, je puisfça--
M iij
£
*7o IJVRE 5IXIFME.
voir évidemment que Vg eft oins
grand quca, parce que je puis Sa-
voir à peu prés la vcruabïe grandeur
de ^8, mais jerne puis connoître de-
combien V8 efl plus grand. que i,
parce que je ne puis connoîue exac-
tement la véritable grandeur de V8.
Enfin il eft évident que pour refon-
dre des questions du quatrième gen-
re, & pour découvrir des rapports
vagues & indeterrainez , il fuffit de
connoîue les chofes d'une manière
roportïonnée au befoin que Tona
e les comparer pour découvrir les
rapports que l'on cherche. De forte-
qu'il n'eil pas toujours, uéceflàire
pour Eefoudre toutes .Cartes, de qnef-
tïons, d'avoir des- idées txes-difiino
tes de leurs termes , c'eft-à-dire de-
connoîcre parfaitement les chofes
que leurs termes fignifiem. Mais il
eft néceflàire de les conooître d'au-
tant plus, exactement , que les- rap-
ports qu'on tâche de découvrir, font
plus exacts &en plus grand. nombre
Carcomme nous venons.de voir , il
fufnt dans les queftions. imparfaites,
d'avoir des idées imparfaites des cho-
fes que l'on confîdere , afin.de refon-
dre ces queftions parfaitement, c'eftr
C£lAM£nr.n.FAirr. *7r
3-dire fefon «qu'elles comrênnent.
Et l'on peut même refondre fort bien
des-queflions , quoique l'on n'ait au-
«meidéedittirnSe'dés termes qui les-
expriment.. Cat lorfqu'on demandé,
fi le feu efl capable défendre*! fel,.
de durcir de la boue, de faire éva-
porer du pïoftib, &. mille suTrescner-
m fetsifeïaWes , cm entend parfaite1-
iwent tes queftiom , & i'oft peut
fort bien tes refondre , quoiqu'on
«'ait aucune idée dhlmâe du feu , Âï
fèï , de -la bout;, Sec. Parcequêceuîs
^iii font ces demandes ventent feule-
ment fiçavoir fi l'on àquelque expè-
tfetfce feiifibïe , que le feu ait pro-
«tait ces effets : Oeft pWrqtîoi , ïelon
ieseonnoiftancesquèPon a tirées de
fes féns, on leur répond d'une rites-
niere capaMe de le* teiXeBWï.
CHAPITRE Vit!.
'Appîicttion des -Mtfti iHgtifs à d&
IL y a des guettions de deu-li fi»-
les , de fimplefc & de rampofeesv
Sa rcfôiuûûn dft premières ne dê>
Aliiij
■ .CoT^k
vp. ITVRE SIXIPME
pend que de la feule attention âc
refprit aux idées claires des termes
qui les expriment- Les-autres nefe-
peuvent réfoudre que par comparai-
Ion à une troilîéme ou à plufieurs
autras idées. On ne peut découvrir
-les rapports. inconnus., qui font ex-
primez par les termes 'de la quefUon,
en comparant, immédiatement les
idées de ces termes , car elles ne peu?
vent fe:joiadreou fe comparer. II
faut donc une ou plufieurs idées
moyennes , afin de faire Iescompa-
-taifona néceûaires pour découvrir ces.
Jappons :&obferver exactement que-
ces idées moyennes forent claires &
diftincles , àproportionquel'on târ
ehe dedécouvrir des rapports plus
exacts & en plusgrand nombre.
Cette-régie n'eil qu'une fuite de la
première , & elle eft d'une égale im-
portance. Car s'il eftnéceflàire pour
connoître exaâement les rapports.
des choies que l'on compare , d'en
ayoitdes idées claires & dïftinâes.:
ilefl néeeflaire par Ia.même raifort,
de bien connoître.Ies idées moyennes
çaï IefqueHe» on prétend faire, ce»,
eomparaifons; puifqu'il faut connoir
cre diiliiiflenieat le rapport de la
DE LAMETH, II. Paît, btj
mefure, avec chacune des chofesque
l'on mefure , pour en découvrir le*
rapports. Voici des exemples.
Lôrfqu'on laine nager librement iiptScuiat-
. un petit vafe fort léger , dans lequel de.£ P'°' j
il y a une pierre d'aiman , fi l'on fairan,'
vient à préfemer au Pôle Septentrio-
nal de cet aimanle niêmePoIed'un
autre aiman que l'on tient entre Tes'
mains : auffi-tot on voit que le pre-
mier aiman fe retire , comme s'il
étoit poulie par quelque vent vio-
lent. Et l'ondenredefçavoir Jacaufe
de cet effet.
11 effariez vifible.que pourren--
dre raifon du mouvement de cet ai-
man , il ne iuffit pas de connoît re les
rapports qu'il a avec l'autre :■ cas
?uandmêmepn les cOnnohrok par-'
iitement tous, on ne pourrait pas
comprendre comment ces deux corps'
fepourroient pouffer fansfe rencon--
trer.
II faut donc examiner quelles font'
les chofet que- l'on connoît diflinâe- ■
ment être capables- félon l'ordre- de
la nature- de remuer quelque : corpSi
car il eft qiieltion de découvrir la :
caufe naturelle du mouvement de'
taiman ,. qui eft certainemeni; un"
GooSk
*74 LIVRE SIXIEME
corps. AinSil ne faut poinc recourir
à quelque qualité, à quelque former
ou à quelque entité que l'on ne con*
nott point clairement être capable'
de remuer les corps, ni mêaie à quel*
que intelligente : car on ne Içah
point avec certitude que les intelli-
gences- foient les caufès ordinaires-
des mouTemerrs natUTels-des corps, fit
même il elles peuvent produite du
mouvement.
On Ccai t évidemment que. c'eft une
loi- de la nature, que les corps fe te-
Baiient les uns les aunes , lotlqu'il*
fit rencontrent, îl faut donc tâchée
d'expliquer le mouvement de- I'ai-
man par le moyen de quelque corps
qui le rencontra; II' eft vrai qu'il: fe
peut Êùre qu'il1 y ait quelque autr*
Âliofe qu'un corp». qui le remue i
■«m li Ton n'a point d'idée drftrnâe
de cette choie-, ii ne fent point s'en,
fervîr commed*un moyen receva&l*'
jiDu-f découvrit1 cequ'on cherche , ni.
jour l'expliquer aiix'Mtees. Car ce
rfeftpas- rendrerailbnâ'unefti, que-
*en donner pour caufe- une ehoft-
«îe-petfonne ne conçoit clairement.
» me feut donc point fe mettre «*>
ftifte tf»f *, «iV)Ll^a<p»qu«^
BEiÀMEmrr.pART. »#
que autre caufe naturelle du mouve-
ment des corps , que leur mutuelle
rencontre : il faut plutôt fuppofet
qu'il n'y en a point , Se confidèreC
avec attention quel cof ps peut ren-
contrer Si remuer cet aiman.
On voit d'abord que1 ce n'eft pas
Paiman qu'on tient en main , puif-
qu'il ne touche pas celui qui efl re-
. mué. Mais parce qu'il n'eft remué'
qu'à l'approche dé celui qu'oti tieni
en main , fit qu'il ne fl! remue pas dé'
lui-même : oh doit conclure , que
bien que ce ne (bit pas l'aiman qu'on'
rient qui le retiiuëjce doit être quel-
ques petits corps qui eh foftéht; &
qui font pouffez pat lui vers l'autre
aiman.
Pour découvrit ces petits corps ,
H ne faut pas ouvrir les yeux , &
s'approcher de cet aiman : car les
iènsimpoferoîent àia raifbh : 6c I*or*
jugeroit pédt-être qu'il rië fort rien'
de l'armait , a caille qU'ori- ri'eri voit
rien foriir. Otl rie fe fouviéhdràit
peat-êrrepas, qu'on né voit pas lefi
vents mêmes les plus impétueux , ni ,0h
la matière fubtile qui * pffmïtfVe^ w> parte u
rient produit tous les effets nahireîs. f/™"^
Jfcfiut fe tenir ferme àcémoyeri tres-^ufiment..
Mvj
• GooSk
vt6 . livre sixi&me.
clair & tres-intelligible , &examÊ--
neravec foin tous les effets de l'ai-1*
mari, afin de découvrir comment il-
peut fans ceflè pouffer hors de lui ces.
petits corps , fans qu'il diminue. Cat
les expériences que l'on fera , dé-
couvriront que ces petits corps qui
fortentpar un côté, rentrent incon-
tinent par l'autre ; & elles ferviront.
à expliquer toutes la difficulté*. que.
l'on peut former contre la- manière.
de refoudre cette queflion. Mais il.
faut bien remarquer qu'où ne de-
vroit pas abandonner ce moyen,,
quand même oit ne. pourrait répon-
dre'à-quelques difficultez appuyées,
fur l'ignorance pu. l'on eft.de .beau- ■
coupdechofes.
Si l'on ne fouuartepas cVexami--
ner , d'où vient que les aimans fe re->
pouûent^ lorfqu'on leur oppofe les.
mêmes pôles : mais -plutôt d'où vient .
qu'ils- s'approchent & qu'ilsfejor-
gîientïîun à l'autre, Iorfquel'onpre--
fentete pôle, feptentrional de.l'un au ;
pofe méridional de l'autre, la qiief--
. non fera plus difficile, & un feul.
moyen ne.fnffira.pas pour la réfou--
dre: Ce.neft'point aflez deconnoître:
.asaâemeni les rampons qui font en,.
Goo8k
BELAMETH.II.Pabt. 177-
«reles pôles dece» deuxaimans, ni'
de- recourir au moyen que l'on a
pris pour la queîUon.précécIeiite.caj:
ce moyen fembleau contraire empê-
cher l'effet dont on chercherait la
caufe. II ne faut point auffi recourir
à aucune' dei chofe. que nous ne"
connoilTons point clairement être les
caiifes naturelles & ordinaires des
mouvemens corporels , ni nous dé-
livrer de la difficulté de la queftion
par l'idée, vague & indéterminée'
d'une qualité occulte dans les aimans,
par laquelle ils s'attirent l'un l'autre;;
çarleiprit ne peut concevoir claire-
ment qu'un corps en puiiïè- attirer
un autre.
L'impénétrabilité des corps (ait
clairement concevoir que le moU'
vement fe peut communiquer par
impullion, & l'expérience prouve
fans aucune obfcufcité qu'effective-
ment il fe communique- par cette •
yoye. Mais il n'y a aucune railon*
ni aucune expérience qui . démontre
clairement le mouvement- d'dttreçt--
tien: car dans Iesexpériencesqui Terni
blentles plus: propres à- prouver cette'
afpece de mouvement , on reconnoît
ïiiîblemeiniorfqu'on en découvre .la1
C,„„sk-
VfS XtVltE SIXIEME.
eaufe véritable & certaine , guecC1
qui paroiiibit fe faire par attraction »
ne fe fait que par impuiiten. Ainfî il
ne faut point s'arrêter à d'autreoom-
tnunication de mouvement qu'à celle
qui fêtait par impulfion : puifque
cette manière eft certains & incontef-
table, &qu'ily adu moins quelque
bbfcurité dans les autres qu'on pour-
roit imaginer. Mais , quand on pour-
rait même démontrer , qu'il y a dans
les chofes purement corporelles d'au-
tres principes de mouvement que la
ieticdnrfê des corps j on,ne"pbùrroii!
îaîfonnabierhent rejetter celui-ci.
L'on doitrriêmes'y arrêter préfêra-
blement à tout autre: puifqii'il elt le
plus clair & le plus évident , fit qu'il
paraît fi ihcohteflâble -, qu'on ne
craint point d'àflùrer qu'il a été reetî
de tous les peuples & dam torts les
Kms.
L'expérience fait cohnôître, qu'ut*
aimait qui ridge librement fur l'eau,
j'approche de celui qu'on tient eri fe-
fliain , Iorfgd'on lui prérente un efir-
faincÔté: ri faut donc conclure qù'it
Cil poùfte vers lui. Mais comme ce
ll'eft _pàs i'arman quel'on tient qui*
Joùflè celui qui nagé , puifque celui'
Goo8k
DE LA MEtK n. Part. vfy
*rnï nage s'approche de celui que l'on
tient , & que cependant celui qui na-
ge ne fe remuerait point , fi l'on ne
fui préfentort celui que l'on tient ; it
efl évident qu'il faut recourir au
moins à dénx moyens pour expliquer
cette queftion , fi l'on veut la réfou-
dre par le principe reçu de la com-
munication des mouvetuens.
L'aiman tf s'approche dé l'aimarr
C : donc l'a ir ou la matiere-fluide 6c
roviiîble qui l'environne-, te pouflfe ,
puifqail n'y a point1 d'autre corps
qui I« ptrifïe poufïèr : & c'éft-Ià le
pwmter moyen. L/aifflan d m s'ap-
proéfte' qu'à ]&■ préfaice de l'aimai
€ : donc il efl néMflSipe que t'aiman
C détermine l'ait à goui&r ViitàU/H
GooSk
ï8b IIVRE SIXÏE'ME.
d : & c'efl-Ià le fécond moyen. H eff
évident que ces deux moyens- font
abfolumentnéceuaires. De forte que
la difficulté efl préfentement réduite
à joindre enfemble ces deux moyens,
ce que Ton peut faire en deux maniè-
res : ou en commençant par quelque
chofe de connu dans l'air qui envi-
ronne I'aimanrf, ouencommençant
par quelque chofe dtconnu dans l'ai-
man Ç.
Si Ton connoît que les parties de '
ï-air- & de tous les corps fluides font
en continuelle agitation. Von'- ne*
.pourra douter qu'elles, ne heurtçnt-
fans cefTe contrel'aiman d qu'elle* en- -
vironnent : & parce qu'elles le heur--
.teut également de. tous cotez ,, ellœ-
. Google
' DELA METH. IL Part. i8r
nelepouiïènt pas plusd'un côté que
de l'autre, tant gu il y a autant d'air
ou de matière fubtile d-'un côté que
de l'autre. Les chofes étant ainfi', il
elt facile de juger que i'aiman C em-
pêche qu'iln'y ait autant de cet aie
dont nous parlons , vers « que vers
b. Maiscelanefepeut faire qu'en ré-
pandant quelques autres corps dans
i'efpacequi eA entre C 6W:. il doit
donc fortirdes petits corps des ai-
manspouroccupercetefpace. Etc'efl
auïfi ce que l'expérience fait voir,
lorfqu'on- répand de la limaille de
fer* autourd'un aiman-, car cette li- • Vçftfci
maille rend vifible le cours de ces pe- f/phîwe'''
tus corps inv-ifibles. Ainfi ces petits Deicami 4.
corps chaflànt l'air qui ell vers «,'■"*
I'aiman d en eft moins pouffé par ce
côté que par l'autre ; & par confé-
quent ildoit s'approcher de l'aimaa
C , puifque tout corps doit fe mou-
voir du côté d'où il eil moins poufle.
Mais Ix I'aiman d n'avoit vers le
pôle a pluiieurs pores, propres à
recevoir les petits corps qui fortent
du pôle B de l'autre aiman , &. trop
petits pour.recevoir ceux de l'air tant
,groflîer.que fubtil ; il efl évident que
ces petits corps étant plus agitez que
Google
îfe LIVRÉ SIXIE'MÉ.
tet air.puifqu'ilsle doivent cnaflét
d'entre les aimans-, ils poufferaient
i'aimartd, & l'éloigneroient de C.
Ainfi puïfque 'Parman rf s*approche
eu s'éloigne de C ,lorfqu,,onluîpre-
fente diflerens pôles ; iï«tt nécerfaire
de conclure queles petits corps , qui
fortem dePaimanC, paffent libre-
ment & fans repoufler î'aîman d
par le côté a , & ïe repouffent par-
le côté b. Ce que je dis d'un de ces ai-
mans Te doit auffi entendre de l'au-
tre.
H eft tilible mie Poif apprend
toujours quelquechofe par cette m*.
. niére de-raifonner fur des idée* -clai-
res & des principes mcoritefta!
€at Porra découvert quel'art jc»ïi en-
*irônhe[Dah»ântf , étoit chaûe d*ei*.
trefcs aimans par des corpsiqui ïbr--
Dent fansceBède leurs pôles, BttjMfr
trouvent leur pàflàge libre par un -cô-
té, & fermé pat l'autre. Et fi ÏNMi
vouloît découvrir quelle eft à peu-
Prés la grandeur & la figufedes poi-
res de rahtian par leTqiteïsces peths-
Kbrps traverfèin il faudroirencorè-
rairie d'autres expériences ; irrais ce*
îanousConduïroitoù nous ne vou-
lons pas aller , & où nous pourrions
. t 0E LA METtf. If. Pàbt. 2%
friennous égarer. On peut confulter
far ces queftibns les principes de la
PhilofopTiie de 'M- Defcarres , non
pour fuïvre aveuglement les fenti-
mens decefçavamPhflofophe, triais
pour s'accoutumer à fa méthode de
philofoprier. Jedisfeuiement, pour
répondre, à uneobjeâion qui frappe
d'abord-, d?où vient que ces petits
corps ne peuvent rentrer dans les
pores d'où ils font forti», qu'outre
Hiie grandeut ou une figure détermr-
née capable de produire cet effet ,
l'inflexion des petites branches qur
compofent ces pores peut obéi r en un
ïêns , aux petits corps qui les traver-
sait , 8c fe héritier & leur fermer le
paûageenunautia fens. Le courant
rominuel de ïa matière fubtiïe d'un
yoïe à l'autre dans le* pores de l'al-
soan;, ftrffit même pour empêcher
qn'eiiene rentre par les potes dont
eue eli fortie , car une partie de
cette matière ne peut pas vaincre
ce courant „ pour fe faire paflàge
dans les pores dont elle eft fonre,
ni dans ceux du pôle de même-
nom, qui ont un courant contraire.
De forte qu'il ne faut point être
trop furpris de la. différence des
Goo8k
«84 LIVRE SIXIEME.- -
pôles de l'aiman , carcette différente"
peut être expliquée en bien des ma-
nières, & il n'yadè là difficulté qu'à
reconnoître Ta véritable.'
Si l'on avoir tâché de rêfoudre la
queftion que l'on vient' d'examinée -
en commençant par les petits corps,
qu'on fuppofe fortir de l'aiman C,
on aurait trouvé fa même chofe: Se
l'on aurait autfi découvert rque l'air
tant Iegroflïer que fefubtil eff com-
pofé dune infinité dé "parties, quî;
font dans une agitation continuelle;
car fans cela il ferait impoffible que'
l'aiman et put s'approch'er de l'ai-
man C. Je ne m'arrête pas à expli-
quer ceci, parce qu'h* n'y a nulle
difficulté. . ■
ie Voici unequeftion plus cornpofée'
que Tes précédentes ; & dans laquelle
o, il faut faire ufagedeplufieurs régies-
On demande quelle peut être lacau-
fe naturelle & mécanique du mou-
vement de nos membres.
L'idée de caufe naturelle eft claire'
Scdiftinâè, fi on l'entend, comme'
je l'ai expliqué dans la queftion pré-
cédente: mais le terme de mouve-
ment de nos membres efl équivoque'
&confusJcar il a y plufieurs fortes dr
GooSk
*DE LA METH. II. Part. 38$
«s mouvemens : H y en a de volon-
taires , de naturels , & deconvulfifs.
II y aaufïi diflférens membres dans
le corps de l'homme. Ainiï félon la
première -régie ,. je dois demandée
duquel de ces mouvemens , on four
Iiaitede fçavoîr Iacadfe. Mais fi on
Iaiflèiaqueflion indéterminée, afin
que j'en ufe à mon gIioîx, j'examine
laquefiion decettg forte.
Je confidere avec attention les
proprietez de ces mouvemens. Et
parce que jedécouvre d'abord queles
jnouvemens volontaires fe font d'or-
dinaire plus promptement que les
convulfifs ; j'en conclus que îeurcau-
fe en peut être différente. Ainft je
puis , & je dois par confequent exa-
miner là queflion par parties j car
eiïe paroît être de longue difeuf-
fion.
Je me reftrains à ne confiderer
d'aLord que le mouvement volon-
taire. Et parce que nous avons plu-
fieurs parties qui fervent à ces mou-
vemens, :je ne m'attache qu'au bras,
Je confidere donc que le bras eft
compofé de plufieurs mufcles , qui
.ont prefque tous quelque aâion ,
lorfqu'onieve de terre ou qu'on re-
GooSk
*8* tIVRE STXIPME.
mue diverfemem. quelque coxps.:
mais je ne m'arrête qu'à un feui,
-voulant bien fuppofer que les autres
font à peu prés formez d'une même
manière. Jem'inAruisdefacompo-
fition par quelque livre tl'Aflatomiei
.ou plutôt par la vûë feofîhle de lès
fibres & defes tendons, que je oie
fais dlflèquer par quelque babtle
A natomifte , à qui je fais toutes les
demandes , qui pourront dans [a faite
me faire naître dans* l'elprit quet-
■que moyen de trouver cegue jecjber-
Confiderant donc toutes chofcs
.avec attention „ Je ne paas douter que
le principe du mouvement de mon
bras ne dépende de l'accouiciflsmerit
des mufclesqui le compofent. Et fi
Je. veux bien ,,pour ne-pas m'emba-
xaflfer de trop de choies , fuppofec
Xeïon l'opinion commune, que cet
accourcirfènient fe fait pan le moyen
des efprits -animaux qui rempliuènt
le ventre de ces mufcles, & qui en
approchent ainfllesextrémitez, tou-
te la queftion qui regarde le mouve-
ment volontaire , fera réduite à fça-
voir : comment le peu d1 efprics ani-
maux qui font contenus dans un bras, '
C,„„sk-
DE tA METH. II. Part. 18m
■peuvent en enfler fubitement les
mufclesfelon lesordres delavolonté., i
.avec une force fuffifante pour lever
. hp fardeau de cent peTant j& davanr
itage.
Quand on médite ceci avec quel,
que application , le premier moyen
3ui fe préfen« à l'imagination eft
^ordinaire celui de quelque efiec-
vefcence prompte & violente, fem-
blable à celle de Ja poudre à canon*
:Ou de certaines Kqueurs remplies d*
fels Alxalis , îorfqu^n les mêle avec
celles qui font çoides.ou pleines de
fel acide. Certaine, quantité depou->
,dre à canon eft capable lorfqu'elle
s'allume, d'enlever non feulement
un fasdeau.de cent livres, mais unes
.tour & même une montagne. Les
jtreroblemensde terre qui renverfent
des Villes , & qui fecoiient des Pro-
vinces entières , se font suffi par des
.esprits qui s'allument fous.terre à peu
prés comme la poudre à canon. Ainfî
en fuppofant dans le bras une caufe
de la fermentation&de la dilatation
desefpritsi onpourradirequ'elle efl
ip principe de cette force qu'ont les
hommes pour faire des mouvemen*
ii promis & Ovrojens.
C,„„sk-
i88 LIVRE SIXIEME.
Cependant comme on doit le dé-
fier de ces moyens qui n'entrent dans
l'efprit que pat les fens , & dont on
n'a point de connoifTance claire &
évidente; on ne doit pas fi facilement
fe fervirde celui-ci ; car enfin il ne
fuffit pas de rendre raifon de la force
6c delà promptitude de nos mouve-
menspar une compa ration. Cette rai-
fon eft confufe , mais de phis elle eft
imparfaite : car on doit expliquer ici
un mouvement volontaire , & la fer-
mentation n'elt pas volontaire. Le
fang fe fermante avec excès dans les
fièvres , & l'on ne peut l'en empê-
cher. Les efprits s'enflamment &
s'agitent dans le cerveau , & leur
agitation ne diminue pas félon nos
oefirs. Quand un homme remue le
feras en diverfes façons, il faudrait
felon cette explication qu'il fe fit un
million de fermentations grandes &
petites , promptes ,& lentes , qui
commençaflènt , & ce qui eft encore
plus difficile à expliquer félon cette
fiippofition, qui finiuentdans le mo-
ment qu'il le veut. Il faudrait que
ces fermentations ne diflipaûent
point toute leur matiére,& que cette
matière fût toujours prête à prendre'
feu.
DE L'A METH. II. Part. 289
^èiî.Torlgu'un hqinme afait rclieuës,
combien de millefois faut-il que les
mufcles qui fervent à marcher fe
foient emplis & vuidez ? & combien
faudroiïùl d'efprits fi la fermenta-
tionlesdilTîpoit & les armortiflbit à
chaque pas? Cette raifon eïl donc
imparfaite pour expliquer les mou-
vements de nôtre corps qui dépendent
entièrement de nôtre volonté.
;IIefl évident que la queflion pré-
fente confifte dans ce problème
des Mécaniques. Trouver -par des ma-
chines pneumatiques lemoyen de vain-
cre telle force comme de cent pefantspar
une autre force fi petite que l'on voudra,
comme celle du poids d'un once ; & que
l'application de cette petite force pour
produire fon effet dépende de la volonté.
Or ce problême efl facile à'réfou-
dre , oc la démontt ration en efl
claire. .
-On peut le féfoudre par unvafe
Îrai ait deux ouvertures , dont Tune
o-it un peu plus de 1600. fois plus
grande que l'autre, & dans Iefquelles
on infère les canons de deux foufflets
égaux;& que l'on applique une force
i(5oo. fois feulement plus grande que
l'autre au foufflet de la plus grande
Tome III. jvj
GooSk
îsw LIVRE SIXIEME.
ouverture : car alors la force nSoeu
fois plus petite vaincra la plus gran-
de. Et !a démon fl ration en eft claire
par les mécaniques , puifque les for-
ces ne Font point jufïernent eii pro-
portion .avec les ouvertures: & que
le rapport de la petite ibree à la
petite ouverture e£l plus grand
que le rapport de la grande force
à la grande ouverture^
Mais pour refoudre ce pr.ebiême
par une machine, qui représente
mieux l'effet des mufdes que celle
qu'on vient de donner, il faut fouf-
fier quelque peu dans un ballon , &
appuyer en fuite, fur ce ballon à
demi enflé de vent , une pierre de ^.
ou 6. cent pefent : oul'ayant mis fut
une table , le couvrir d'un aïs , & cet
aisd'une fort groflè pierre; ou faire
atfeoir un homme des plus pefans
fur cet ats, en .lui donnant même
IaJibertédefe retenir à quelque cho-
fe afin de réfîflerà l'endure du ballon.
Car fi quelqu'un Tourne de nouveau
feulement avec ja bouche ions ce bal-
lon, il foûleveraja pierre qui le eom-
pri me , ou l'hoEame qui eu ai'fis def-
fus ; pourvu que le canal par lequel
lèvent entre dans le ballon, ait une
BETA METH. II. Vajlv- îp»
Toupape qui l 'empêche de fortir lors
qu'il faut reprendre haleine. La rai-
fon de ceci efl que l'ouv«rture du bat-
Ion eti'fî petite, ou doit être iuppo-
fee fi petite par rapporta toute laça-
pacité du mi-sac bïdloi* qui reflue
par le poids de la pierre , qu'une
très- petite force eft capable d'en
vaincre une tres-gtaode par cette
manière.
Si l'on confîdéreaufli quelefouf-
<fle feu£ eft capable de pouffer une
balle de plomb avec v-ialence par le
moyen des ferbacaoes ., àcaufequela
force du fouille ne fe diffipe point &
le renouvelle fans celle : ou recon-
noît ta v jfiblement que la proportion
.lï^fTaice (entre l'ouverture & fa ca-
pacité «fci ballop 1étattt fu^efée, le
feuille fp.ul peut vaÀacse iàcileinent
.de t ces-grandes fofees.
5t. donc Ton conçoï,Lque les muf-
•ck's entiers, ou chacune des fibres
.qui les comparent , w ççjrnrije ce
ballon une capacité propre à reeewi t
.les efprits animaux : que le* poses
par où IeseÇpEtts^Y infirmera font
peutêt«*«<;ftBe^Iusiietït6i;pcopor-
■tion que le coi d'une Melte ou le trou,
d'un ballon ; «ue les elprirs font re-
i9z LIVRE SIXIEME,
tenus & pouffez dans les nerfs à pea
prés comme le foufHedans les ferba-
canes: 8c que les efpriss font plus agi-
tez que l'air des poumons , & pouf-
fez avec plus de force dans les muf-
cles qu'il ne Peft dans-Ies ballons : on
recohrioîtra que le mouvement des
efprks qui fe répandent dans les muf-
cles peut vaincre la. force des plus pe-
fans fardeaux que l'on porte j êc que
fton ne peuten porter de plus pefans,,
led'éfautdeforcene vient point tant
du côté desefprits,que de celui des
Fibres & des peaux qui compofent les
mufcles , lefquels crèveraient fi on
. faifoit trop: d'effort. D'ailleurs , ft
l'on prend garde que parles lois de
l'union dé Pâme & du corps , les
mouvemens deces efprhs, quant à
leur détermination , dépendent de la
volonté des hommes , on verra bien
que les mouvemens des bras doivent
être volontaires.
Hefl vrai que nous remuons nôtre
bras avec une telle promptitude ,
qu'il femble d'abord incroyable, que
i'éparichement des efprks dans les
mufcles qui le compofent, puilfe être
âflèz prompt pour 'cela. Mais nous "
devonsconfidérerquecee elpritsfont
DELAMETH.II.Part. 23.5
extrêmement agitez, toujours .prêts
à entrer d'un mulcle dans l'autre , &
qu'il n'en faut pas beaucoup pout
les enfler aufft peu qu'il efi ncceflàir*,
afin de les remuer ieuIs.Tiu lorfque
nous levons de terre quelque chofe
de fort léger: car lorfque nous avors
quelque chofe de pefant à lever , nous
ne le pouvons pas faire avec heaR--
coup de promptitude. Les fardeaux
étant pefans , il faut beaucoup enfler
& bander les mufcles. Pour les en-
fler en cette forte , il faut davantage
d'efprhs qu'il n'y enadans-Ies muf-
cles voilïns ou antagonittes. 11 faut
donc quelque 'peu de-tçms pour faire
venir ces elprits de loin , & pour en
poufler une- quantité capable de rév
fifler à la pefanreur. Ainfî ceux qui
font chargez ne peuvent courir, &
ceux qui lèvent de terre quelque'
chofe de pefant, ne le font-pas avec
autant de promptitude que ceux qui;
lèvent une paille.-
Si l'on fait encore réflexion que'
ceuxquiomplusdefeu, ou un peu,
de vin dans la tête-, font-bien plus
promis que les autres1: qu'entre les
animaux ceux qui ont Iesefprits plus
agitez,. comme les oifeaux , fe ie-
N iij
GooSk
ïT4 XtVftE SIXIEME.
miient avec plus de promptitude que-
ceux qui -orlt le fang froid, comme
lèsgrenQuilIes : & qu'il yen amfiflw
queiqïies-um comme le caméléon,
îa tortue , & quelques mfefles , dont:
ïes efprks font fi', peu- agitez , que
leurs mufcles ne fë rempHHerrt pas
plus promptemenr , qu'un petit bal-
lon dans lequel on fouffleroit. Si 1*0(1
confidere bien toutes ces chofes » on.
pourra peut-être croire que l'expli-
cation, que nous venons de-donnef,
cft recevante..
Mais encore que cette partie de là;
queftion propoïet qui regarde les
mouvemens volontaire* , Fok fuffi-
famment. refaluë : on ne doit pas
cependant affilier qu'elle le foit en- "
tierement, & qù'rln'y ah rien da-
vantage dans nôtre corps quicomri-
îiuë à e6s mouvenieTis , quéai qu'art
a dît :: car apparemment il y a dans
ïiosmufcies mille reflbrtsqui fecili-
tent ces mouvemens par celui qu'ils,
reçoivent de là matière fubtile & du
fang des artères , îefqueis feront éter-
liellement inconnus à ceilx mêmes
qui devinent te mieux furies ouvra-
ges de Dieu.
Là féconde partie de la queftion.
Goo8k
qu'il faut examiner , regarde les
mouvemens naturels , ou ces fortes
de meuvemens qui n'ont rien d'ex-
traordinaire, rien de ce qu'ont les'
mottvemensçonvuififs: maïs qui (ont
■abfolamem néeeSaires à la eonfervà-
tlon de ta machine , & qui par con-
féquent ne dépendent point entiè-
rement de nos volonté*.
Je confidere' donc d'abord avec
toute l'attention dont- je fuis capable,
«niels font le* mouvemens qui ont ces
conditions , & s'ils font entièrement
ftmblables.. Mais parce que je re-
Connois d'abord qu'ils font prefque'
tous differens les in» des autres, pou r
»e me pas embaraflèr de trop de
«hofes, rené' m'arrête qu'au mou-
«ment du eœur. Cette partie efl la
pIus.connu« , ficiès mouvemens font
les plus fenfîbles. J'examine donc
la (truchirej & je remarque deux
choies entre piulreursarrtres. La pre-
mière ,■ qu'il eft compofé de fibres
comme les autres mutcles. La fé-
conde , qu'il .a deux cavltez tres-con.-
fiderables. Je juge donc que fon'
mouvement fe peut faire par le
moyen des efprits animaux , puif-
^ue c*eft on mufcle : & que le fang ,
N iiij,
vg6 LIVRE SIXIEME;
sty fermente & s'y dilate , puifqu'iT
y a des cavitez. Le premier de ces
jiigemens eÛ appuyé fur ce que je
viens de dire : & le fecondiur ce que
le cœur eil Beaucoup plus chaud que
toutes les- autres parties du corps :
que c'elt lui qui répand la chaleur
avec le fang dans tous nos membres :
que ces deux cavitez n'ont pu fe for-
mer ni fe conferver que par la dilata-
tion du fang ; & qu'ainfi elles fer-
vent à la caufe qui les a produites- Je
puis donc rendre fuffifammem raifon
du mouvement du cœur , par les
elpritsqui l'agitent, & par le fang
qui le dilate Iorfqne ce fang fe fer-
mente:: car encore que la caufe que
j'apporte de fon mouvement, ne fort
peut-être pas la véritable , il me pa-
TOÎtcertainqu,elIe:eftfunifante pour,
le produire-
Ile»; vrai que leprincipe de la
fermentation ou de la dilatation des
liqueurs n'eft peut-être pas alTez con-
nu à tous ceux qui liront ceci, pour
Jirétendre avoir expliqué un effet,
orfqu'on a fait voir en général que
fa caufe eft la fermentation: maison
ne doitpas réfoudre toutes les quefr
tions particulières en remontant juf-
fiELÀMETH. II. Part. 297
ques aux premières caufes. Ce n'eit
pas que l'on n'y puiiïe -remonter , &
découvrir aînfi le véritable fyltêine '
dont tous les effets particuliers dé-
pendent, pourvu que Ton ne s'arrê-
te qu'aux idées claires : mais c'eft
que cette manière de philofopher
n'eil pas la plus jufte ni la plus-
courte.
Pour faire comprendre ce que je'
veirxdire, il faut fçavoir qu'il y a
des queflions de deux fortes. Dans •
les premières , il s'agit dedécouvric
Ianature&Ies proprietez de-quel*
Ïuechofe: Dans iesautrqj, on fou- -
aite feulement de fçavoir , fi une '
tellecholea-ou n'a pas une telie pro-
priété, oufi l'on fçaic qu'elle a une '
telle propriété, on veut feulement '■
découvrirquelle en*flla caufe-:
Pour réfoudre les queflions du pre* -
mier genre , il- faut confiderer les •
chofes dans leur naiflance , & les ■'■
concevoir toujours s'engendrer pan
lesvoyes lesplusfimples & -les plus '
naturelles. Pour réfoudre lesautresï
il faut s'y prendre" d'une manier*"
bien différente: il faut les *éfoudre '
gai des fuppofitiôns , & examine? fi *
ses: fuppoutioBS fout tombée dan*>
»j>8 JLIVRE SBOBMfi.
oueique ata&iriiïté , cm £ elles, con*
duifent à quelque vérité clairement
connue.
Sil'oo'veiu.parexempie.'déaxi*
ttst quelies font 1rs .propriété de U
rauktte, ou de quelqu'une àes.fetti<ms
comptes ; il faut confidérer ces li-
Ci dans- leur génération ,. & le»;
1er félon les voyes les plus fiiu-
pies & les moins erabaralfces ; car
c'eil-là.le meilleur & le plus court
chemin pour en découvrir lanarure-
Se les propnetez. Oui voktanspeine
que la roâteadxnrede la rouiene eft
«gaie au cercle qui: Va formée : tkti
l'on n'en décourre pas facilameot
èeeucoup de propriété! pu cette -
voye-, c'efl qreu Iignexircularce
qui fect à ta .former n'oit pas affèï
connue.. Mais pont les lignes pure-
œeat Mathématiques , ou dont on
jerit connoine- plus «Laireoiem tes
«pports , telles que ibnt les feâions •
coaiqitei , il iuffi*pouren d couvrir
un t nés- grand nosnbf e de proprietez,
detcoofïdérer ces lignes dans leur gé-
nération. Ilfautifeulejnent prettdre ■
«^rdet, qitr pouvams"efigend«rpar,
«ta motmeniens réglez «i plnfieu» <
«waicKB-i wmteforie.de géwrat*»*
Google
OfetAMEtîî.'ltPÀaT. i99
n^ft pas également propre à éclairer
l'efprit ; que les pli» fimples font les
meilleures; & qu'il arrive cepen-
dant que certaines manières particu-
lières font pi tispropresque les autres
à démontrer quelques propriété?-
particulières.
Mais s^il n eft pas queflion de' d > ■
Couvrir en général' les propriétés:
d'une chofe , mais de 'fçavoir fi une •
chofe aune telle propriété. Alors ili"
î&ui fuppofer qu'elle l'a effective-
ment, &-examirieravecattention ce-
qui dort fu ivre de cette fuppplîtion,
fi elle conduit àtineâbfnrdité mani--
fefle, ou bien à quelque 'vérité in--
«onteftable , qui puiflfe fervir de-
moyen poordécouvrirce qu'on cher-
che. Etc'eft-là la manière dont les
Géomètres fe fervent pour réfoudre-
leurs problêmes. lis fuppofent ce :
qu'ils cherchent , & ils examinent -
ce qui en doit arriver. Ils confiné*
rent attentivement les rapports 'qui-
réfulterrtdeleurfiippofitioti. Ils ré- -
prefentent tous ces rapports qui ren--
Ferment les conditions du problême-' .
pardes équations , & ils réduifent en-
finie ces équations 'félon les régies'
qu'ibea ont, eu&iïte>q»eeejçi,ily-.
N-VJ;
GooSk
300 LIVRE SIXIE'ME.
a d'inconnu (c trouve égal à une on
plufieurs chofes entièrement coiv
nues.
S'il eft doncqueftkm de découvrît
en général la nature du feu & des
différentes fermentations , qui font
tes caufes les plus univerfeUes des
effets naturels ; Je dis que la voye la
plus courte & la plus sûreeff de-
l'examiner dans.fon principe. II faut
conftdérer la formation des corps les
plus agitez , & dont le mouvement
le répand dans ceux qui fe fermen-
tent. II faut par des idées claires &
par lea voyes les plus fimples ; exa-
miner ce que le mouvement eft car
pable de produire dans la matière,.
Et parce que le feu & les différentes
fermentations font des chofes fort gér ■
nérales, & qui dépendent par confé-
quent de peu de caufes j il ne fera -
pas néceflàire deconfïdérer long- teins
ce dont la matière eft capable Iorf»
qu'elle eft animéepar le mouvement*
__^ , pour reconnoître lanaturedelafer»
te. t durcir- mentationdans Ion pnncipe.--ht * l'on
fcnuDbt de- apprendra en même temsplufieurs
je <tis de la autres chofes .abfolument néceflàires
S^taîîX- . 'a connoiflànce de k Phyfique-. Au-
^«àuÂÛ.Ïica qnefi l'oo voulait. raifonnei:
GooSk
£
IiEtAMETH. II.Part. 301
dans cette queftion par fuppofitions;
afin de remonter ainfi jufques aux
premières caiifes, & îufques aux Ioix
delà nature feion Iefquelles toutes
chofes fe forment , on feroit beau-
coup de faune* fuppofitions qui ne:
fèrvrroient à rien..
On pourrait bien reconnoîtreque .'
lacaule de la fermentation eft le mou-
vement d'une matiereinvifibie,quî
fe- communique aux parties de celle '
ui s'agrre ; car on fçait aflèz que le*
;u & les différentes • fermentations
des corps confiftem dans leur agita-'
tion, &-quepat les ioix deia nature,-
les corps ne reçoivent immédiate-
ment leur mouvement que- par la
rencontre de quelque» autres plus
agitez. Ainfi on pourrait découvrir
qu'il y a une matière- hmfîble , dont
(agitation fe communique par la
fermentation aux corps vifîbf es. Mais
il feroit moralement împoffible par
la voye des fuppofitions ; de découj
vrircommentcelafefart: & il rfeft'.
pas de beaucoup fi-difrlcile-.de Iedé-
couvrir, lorfqn'on examine la for-
mation dès éiemens , on des corps
dont il y a un plus grand nombre de *
même nature, comme qn le. peut-
y» LIVRE SIXIEME
voit en partie par le fyftêrae de Ml -
Defcanesi
LatroHiémc partie de la qucftkm,'
qui eft des 'mouverneris conviilfrfs,
»»fera pasexnêmeot difficile à ré-
foudre , ponrvû que l'on ftippofe:
qu'ilyadans ie corps des efpritsarH-
tnaux capabiesdequelqne fermenta-
tion , &.: des humeurs alfez pénétran-
tes pour BHnfimier dans les poresde?
neris , par où les efprite Ce répondent
■dans les niufcies ; pourvu auflï que
Von «e-pxétende point déteenriner,
queileelUa ventante difpofition des
parties invifibles qui contribuent à '
«es moBvemensconvuIfifs.
Lorfgise l'on a fepavé un «nufrîe '
du refte du corps, & que l'on Je tient
par les ■extrémitez , on voit fenti bïe-r
ment qu'il fait effort pour fe racour-
cir Iorfqubii le pique par le ventre.'
Il y a de l'apparence que ceci dépend
delà conftmââon des partes imper-
ceptiblesqui lecompofènt, iefquet- -
les comme autant de tenons font dé-
terminées à de -certains mouvemens
par adnidelapiqâre.Maisquipour-
*oks''airunîrd'aTertTtrouve la véri--
taBIediipoiition des particsqni fer-
Vent à pwndiHK ce-mouveoaeat , &>
GooSk
DE LA METH: II. Part: $*
qurpourroit en donner unedcmonf-
tration mconteflaMe ? Certainement
Cda.paroîtimpolîïHe.'quoique peut-
être à force <<% penfcr , l'on puiflè
imaginer une -conftruâion de muf-
élea propres à foire tous les mouve-
ftiei» dont nous tes voyons capables. .
Ilnefent'doiic point penfer adérer-
sainer quelle efl la véritable conf-
frudion des mufcfes. Mais parce
qu'on ne peut rarforaiablement dou-
«er, qu'il n'y aifdesefpTitsfufcepti-
bfesde quelque fermentation par le -
«néfanoede -quelque matière fubtile,
& qaelêB humeurs acres & piquan-
tes ne puiflènt s'infinuer dans lès
nerfs , on peut le firppofer. .
Poar «foudre Ia<jueftron propo»
. fie, it; faut donc -examiner d'abord
eemftien ilîya de fortes de rnonve-
tnens <:oiwuifîfe : & parce tnie te :
nombre -en paraît indéfini , iiifaqt
sJarrêter aux principaux , dont te»
oairfes fembfcrît être- -différentes. . Il •:
&nt-c©Biidérer tes parties dans ief-
quelies ils refont, tes maladies qui
Kspr-écedem & qui tes fuivent: s».
■ fcfont avec doutettr-oufans -douleur, ..
fie fiir toHtest&oks-giiéUereS leur;
peoflaptiïade&.leAitvioieflce. GeiH.
3&4 EIVBB MXI&MR
yen a qui fe font avec promptitude)
& violence, d'autres avec prompti-
tude fans violence", &-d'autresavec
violence fans promptfcude : & d'au-
tres enfin fans vîolence&fans-promp-
ùtude. Il-yena qui -'finiflènt & qui
recommencent fans ccdè : il y en a
qui tiennent les parties roides & fans
mouvement pour quelque tems: &
il y en. a qui en ôtent entièrement!
P-ufage, &qui les défigurent.
Toutes ces chofes conlidérées , il
n'eft pas difficile d'expliquer en gé*
né rai , comment ces mouvemens
convulfifs- fepeuvent faire , après ce
qu'on vient dédire de» mouvemens
naturels & des mouvemens volontaï*
res. Car iî f on conçoit qu'il fe mêle
avec les efprks, qui font contenus
dans un mufcle., quelque matière ca-
pable de les fermenter , ce mufcle
s'enflera & produira dans cette par-
tie un mouvement convulfif.
Si Ton peut facilement réfifler à
ce mouvement , ce fetra une marque '
que les nerfs ne feront point bouchez
pat quelque humeur, puifque I'ort-
peut vuider le mufcle des eïjprits qui-
y font entrez, & les déterminer à -
eoflgr le - mufcle. antagoniJle, Mai*-'
C,„„sk-
DE LA METH. II. Pjrçr.' joy
fi' l'on ne le peut , il faudta œnclure
que les humeurs piquantes & péné-
trantes ont au moins quelque part à
ce mouvement. Il petit même queL-
quefois arriver que ces humeurs
(oient la caufe de ces mouvemens
convulfîfs : car elles peuvent déter-î-
miner le cours des etprits vert cer-
tains mufcles-, en ouvrant les paQà-
ges qui les y portent , & en fermant
les autres : outre qu'elles peuvent ett
racourcir les tendons & les fibres en
pénétrant leurs pores.
Lorfqu'un poids fort pefanr pend
au bout d'une corde, on Péleve no<-
tablememfi I?on mouille feulement
cette corde : parce que les parties de
l'eau s>infinuant comme autant de
petits coins entre les iilets dont la
corde eft compofée , elles l'acour-
cifïentenrélargilftnt. De même les
humeurs pénétrantes & piquantes,
s'infinuant dans les pores.des nerfs,
les racourciffent , tirent les partie*
qui y font attachées , & proouifent
dans lécorps des mouvemens con-
vulfifs , qui font extrêmement lents
violents & douIeureux^Se laiflèn
fouvent la partie dans une contor
fiôn extraordinaire pendantun. tem
onfidérable.
GooSk
30* .LIVRE SIXIE'HE.
Pour les mouvemens convuï&fe
oui fe font avec promptitude , iîs
font caiifcï par les efprits. Mais il
n'efl pas nécetTaire que' les efprte
reçoivent quelque fermentation : if-
fuffit pour cela, que ies conduits par
oàife panent, f oient plus ouverts
par un côté que' par un autre:
Quand toutes les parties <Ju corps
font dans leur fmiation naturelle.
Ses efprits animaux s'y répandent
également & promptement par rap-
port au befoin delà machine; Se ifs
exécutent fidèlement les ordresïde la
-volonté. Mais Iorfqueles humeurs
troublent fa difpolîtion du cerveau,
&qu*elles changent ou remuent di-
verfement lès ouvertures de* nerfs,
eu que pénétrant- dam les mufefes,.
elles en agitent les refiorts ; les ef-
prhs fe répandent dans les parties
â^une manière toute nouvelle , &
Srodurfent des mouvetnens extraor-
inaires fans que la volonté y ait
part.
Cependant on •peut quelquefois
par une for» réfiftance empêcher
quelques-uns de ces mouvemens, Se
diminuer même peu à peu les traces
qui fervent à les produire, quoique
Goo8k
DELA METH. H. Part. 307
Phdbhude foh toute formée. Ceux
«rai prennent garde à eux s'empê-
chent aflèz facilement de faire des
grimaces , ou de prendre un air ou
■ une poflure indécente , quoique le
corps y foh difpofé : ils iurmontent
mêmeeesthofc, quoiqu'elles foient
fortifiées par i'habhude , mais avec
beaucoup plus de peine: car il faut
-toujours les combattre dans ïeur
naiffîince, & avant que le cours des<
efprits fe foh fah un chemin trop
difficile à fermer.
La caufe de ces mouvemens eft:
quelquefois dans le mufcle qui eft
agité: Celt quelque humeur qui le
pique, ou quelques efprits qui s'y
■fermentent. Maison doit juger qu'-
elleeft dans fecerveau , principale-
ment Iorfque les convulfîons n'agi-
tent pas feulement une ou deux par-
ties du corps en particulier mais
ptefque toute*, & encore dans plu-
ficurs maladiesquichângentlaconf-
-titution naturelle du fang & des ef-
prits.
H eft vfai qu'un feul nerf ayant
quelquefois différentes branches, qui
le répandent dans des parties du
-corps aflèz éloignées , comme furie
GooSk
$b8 LIVRE SIXIEME. ;
vifage & dans tes entrailles ; il ar-
rive allez fou vent que laconvulfion,
ayant fa caufe dans une partie dans
laqtielîe quelqu'une de l'es- branches
s'infinuë.fe peut communiquer à cel-
les où les autres branches repondent,
fans que le cerveau en fou la caufe
St. que les efprits foient corrom-
pus. ■ '
Mais lorfque les moiivemens con-
vulfifs font communs à prefque tou-
tes les parties du corps, UeftneceP
làire dédire , ou que les efprits fe
fermentent d'une manière extraor-
dinaire., ou que • I1ordre & l'arrange-
ment des parties dix cerveau eii trou-
blé, ou que toutes, ces deux chofes
arrivent. Je ne m'arrête pas davair-
tageà cette queflion, car el!e devient
fî compofée & dépend de tant de cho-
ies , Iorfqu'on deSVend dans le parti»
eulier, qu'elle-ne peut pas faciler
ment fervir à expliquer clairement
les règles que l'on a donntes.
Iln'yapoint defciencequifour-
nifle davantage d'exemples , propres
pour faire voir inutilité de ces rè-
gles , que la Géométrie , & princi-
palement l'Algèbre, car ces deux
teiencesenfont unufage continuelv-
Goo8k
DELAMETH.il. P^rt. 309
La Géométrie fait clairement con-
noître la néceflité qu'il y a de com-
mencer toujours par les chofes les
plus (impies , & qui renferment le
moins de rapports. Elle examine
toujours ces rapports par des mesu-
res clairement connues. Elle retran-
chetoUt ce qui eft inutile pour les
découvrir ? EHedivifeen parties les
..guettions compofées. Elle range ces
parues & Iesexamineparordre. En-
hn le feul défaut qui fe rencontre
dans cette fcience c'eft , commej'ai
déjà dit ailleurs, qu'elle n'a point
de moyeu fort propre pour abréger
les idées &ks rapportsqu'on a dé-
couverts. Ainfi quoi qu'elle règle
l'imagination & qu'elle rende l'ef-
prit juite , elle n'eu augmente pas de
beaucoup l'étendue , & elle ne le
rend point capable de découvrir des
véritez fort compofées.
Maisi'AIgébreapprenant à abré-
ger continueIIeme.it , & de la ma-
nière du monde la plus courte, les
idées & leurs rapports, elle 3no-
meme extrêmement la capac
Tefprit : car on ne peut rien 1
voir de fi compote dans les ra
des grandeurs , queiefprit m
C,„„sk-
»o UVHE SBtIE»ME.
le avec Ietems le découvrir par les
moyens qu'elle fournit, Jorfqu'oa
Jçaitla voie dont îl s'y faut prendre.
La cinquième régie & les autres,
où il eA parlé delà manière d'abré-
ger les idées, ne regardent que cette
lcience: car Ton n'apoiut garnies
autres feiences de manière commode
deies abréger: ainG je ne m'arrêterai
pas à les expliquer. Ceux qui ont
beaucoup d'inclination pour les
Mathématiques , &qui veuïent don-
■ner à leur efprk toute la force & tou-
te retendue doin il eft capable , .& (c
mettre ainfi en état de découvrir par
«ûx-mêmes une infinité de nouvel-
les vérîtez , s'étant férieufement ap-
pliquez à l'Algèbre , leconnoitront
que fi cette fcience eft utile à la re-
cherchede la vérité, c'eft.parce qu-
elle oBferve les règles que nous avons '
preferites. Mais ^avertis que par
l'Algèbre j'entens principalement
celle dont M. Defcartes &^juelques
autres Te font fervis.
Avant que de finir cet ouvrage
je vais donner un exemple un peu
étendu , pour faire mieux connoître
l'utilité quel'onpeut retirer.de tout
ce Livfce. Je repréfente dans cetex-
^™wGc>hglc
13E XA METW. II. Part, gn
«mpleles démarches d'un efprit , qui
■.voulant examiner une queftion allez
importance , .fait effort pour fe déli-
vrer de fes préjugez. Je Je fais mê-
me tomber d'abord dassquêiquefau- .
te, afisqHC cela réveille te fouvenir
de ce que j'ai dit ailleurs. Mais foa
.attention ieconduifant enfin àlavé-
jité qu'il cherche , je le fais parler
poÛDf veirient, comme un homme
^qui prétend avoir réfolula^ueflioa
qu'il a e
CHAPITRE IX.
JJtrmer exemple pour faire cemokre
■futilité de vet ouvrage. Von recber-
cht-duns -cet exemple lacaufe phyfi-
^nedeUdureté ou de l'union des par-
ties .des torps les mies avec les au-
tres.
LE s corps font unis enfemljïe en,
trois maiûetes par la continuité,
par la contiguïté y&. par une troifié-
Kie manière qui n'a point de nom
particulier , & que j'appellerai du
terme général d'union.
Par la continuité , ou par lacaufe
grs "LIVRE SIXIEME.
Oe:Ia continuité, j'enters ce je ne
fçar quoi que je tâche de découvrir,
qui fait que les parties d'un corps
tiennent fi fort les unes aux autres,
qu'il faut faire erïbïtpour les fépa-
Kr , '& qu'on les regarde comme ne
fâifant enfemble qu'un tout.
Par la contuiguitè ^j'entens ce je
ne fçai quoi qui me fait juger ordi-
nairement que deux corps fe tou-
chent immédiatement , & qu'il n'y
ja rienentr'eux*;maïsqfteje ne juge
y$s étroitement unis , acaufeque je
,tes pub facilement feparer.
Par ce trolliéme terme , union ,
Ventens encore un je ne fçai quoi qui
feit que deux verres , ou deux mar-
bres , dont on a ufé & poli les furfa-
cesen les frottant l'un fur l'autre,
«'attachant de telle forte, qu'encore
qu'on les puilTe tres-facilcment fepa-
rer en les faîfant gliilèr , on a pour-
tant quelque peine à le faire en un
autre fens.
Or ceci n'efî pas continuité , puif»
que ces deux verres , ou ces deux
marbres étant unis de cette manière,
ne font point conçus comme ne faî-
fant qu'un tout , à caiife qu'on les
peut feparer en un fens avec beau-
coup
"DE L'A METH. tt. Part. 33
-coup de facilité. Ce n'eft pas aufïi
amplement contiguïté, quoique cela
en. approche fort ; parce que ces deux
parties de verre ou de marbre fout
aflez étroitement unies , & même
beaucoup plus que les parties de*
corps mous & liquides , comme celle
du beurre & deTeau.
Ces termes ainfî expliqueZj il faut
prefentement chercher la caufe qui
unifies corps, & les différences qui
k trouvent entre la continuité , la
contiguïté, 8l l'union des corps félon
le fens que j'ai déterminé. Je vais
chercher d'abord la caufe de la conti-
nuité ,■ ou quel elt ce je ne fçai quoi
qui fait que les parties d'un corps
dur fe tiennent fi fort des unes aux
autres, qu'il fautfaireërïbrt pour les
feparer, & qu'on les regarde comme
ne faifantenfembleqii'untout. J'ef-
pere que cette caufe étant trouvée,
il n'y aura -pas grande difficulté à
découvririe refle.
II me fembfe prérentement qu'il
eft néceflàire , que ce je ne fçai quoi,,
qui lie les parties mêmes les plus pe-
titesdece morceau de fer que je tiens
entremes mains, foit quelque chofe
debien puitfànt, puifquil faut, que
Terne III. O
GooSk
$4 LIVRE SIXIEME.
je faflè un très-grand effort , pour en
rompre une petite partie. Mais ne
me trompé- je point? ne fe peut-il
pas faire que cette difficulté que je
trouve à rompre le. moindre petit
morceau de fer , vienne de ma fbi-
fcfeâ* , & non pas de la réfiflance da
ce fer? car je me fo»vieos,qiie jai fait
amnefois plus d'effort que je n'en
fei» maintenant , pour rompre un
morceau de fer pareil à celui que je
tiens : & fi je tomfcois malade , i!
pGHirron aaiErer que même avec de
eues-grands efforts. je n'en, pourjob
vejair. à.bout. Je vois bien que je ma
dois pat juger abfomment de la fer-
meté dont les. parties du fer font
pintes eufemMe, pas le* efforts, que
je fais à les défunir. Je dois lèule-
mem juger qu'elles tiennent tres.-
fbrtles.unes aux autres, .par rapport
à mou peu- de force : ou. qu'elles te
tiennent pins, fort que testâmes de
ma chair , puifque Iesfi»ntimens de
douleur que j'ai en faifaot trop d'ef-
fort, m'avertiflènt que je délunirai
joutât. les parties de mon corp» que
«lies du fer.
Jereconnois donc que de même
que je ne Cuis point fort, ou foible
GooSk
DE LA METH. II. Tut. 31*
abfelmnenc -, le fer ou les autres
corps ne font point durs, ou fféxi-
fcles abfoiument , raais feulement pat
rapport à la calife qui agit contre
eux: &que ies effof es que je fais ne
peuvent mefervir de règle pour me-
furer k grandeur de la force , qu'il
faut employer pour vaincre h. réfif-
tance & la duretté du fer. Car les ré-
gies doivent être invariables, & ces
efforts varient félon les tems, félon
l'abondance des efprks animaux &
la duveté des chairs ; puisque je ne
puis pas toujours produire les- mê-
me* effet» en faifant les mcmes ef-
forts.
Cette réflexion* nse délivre d?un
psépigé que j'avois ,, que ne ferfoiï
imaginer de fort liens-peur unir les
parues- des corps , feiquels- liens ne
font peut-êw» poil» : 00 j'efpere
r.eile neme fera pas inutile dans
fuite , car j'ai une pente étrange
à. juger de tout par rapport à moi,
Se à Cuivre les mpreluons de me»
fetts à quoi je prenéttai garde avec
pins de loin. Maiticocwinuons-.
- Après avoir pente quelque tems,
& cherché avec quelque application
la caufe de cette étroite union fais
Oij
3rf LIVRE SIXIE'ME.
avoir pu rien découvrir, jemeferts
porté par ma négligence Se par ma
nature à jugercomme planeurs au-
tres, quec'ell la forme des corps qui
conferve l'union-entre leurs parties, '
ou l'amitié & l'inclination qu'elles
ont pour leurs femblables : car il
n'y a tien de plus commode que de
fe laifler quelquefois feduire, & de-
venir ainiï tout d'un coup fç avant à
peu de frais.
Mais puifque je ne veux rien croi-
re que je ne feache , il ne faut pas
que je me laide ainli abattre par ma
propre pareffè, ni que je me rende
a de finiples lueurs. Quittons donc
ces formes & ces inclinations , dont
nous n'avons point d'idées di dindes
& particulières , mais feulement de
confufes & de générales, -que nous
ne formons ce me femme que pat
rapport à nôtre nature & de l'e-'
xiflence même defquelies plufieurs
perfonnes , & peut-^tre des nations
entières ne conviennent pas.
lime femble que je voi Iacatife
de cette étroite union des parties qui
compofent* les corps durs , fans y
admettre autre chofe que tout ce que
tout le monde convient d'y être , ou
C,„„sk-
tSE LA METH: IL Pa-rt. 317
K>«t au ihdrns- tout ce que tout' le
monde conçoit diftînflement poa-
voiryêtre: Car tout lemonde con-
çoit diftinctemem que tous les corps
font compofez, ou peuvent être com-
pofez de petites parties; Ainfi il fe
pourra feire qu'il y endura qui fe-
ront crochues &■ branchues, & com-
medepetits liens capables d'arrêté*
fortement les autres , ou bien qu'el-
les s'entrelaceront toutes dam leurs
tranches , de forte qu'on ne pourra
pasfacrteinent les déïunir.
J*ai une grande pente à me faiffer
aller à cette-penfée , Sé-d'antant plus ■
grande que je voî que les parties vî-
trbles des corps groflïers s'arrêtent
& s'uniflènt les unes avec les autres
de cette manière.- Mais je ne fçau-'
rois trop me défier des préoccupa-
tionss &des knpremons'demesfens..
II fautdpnc que j'examine encore la.
cïiofe:de plus prés, cYqueje cher-
che même la raifon pourquoi le*
Îdus petites $c-Ies dernières parties
blides des corps , en- un mot les,
parties- mêmes-qni compofent cha-
cun de ces liens fe tiennent enfem-
ble: car elles ne peuvent être unies-
par d'autres liens encore plus petits,..
O nj,
Goo8k
i
«tS LIVKE SIXIEME.
puifque je les fuppofe Iblides. Oa-
bien fi je drsqu'eiies font unies de
cette (brie, on me demandera avec
KBÎfisn, qui unira enfembieces au*
«es , & ainfi à l'infini.
De forte quepréfeiitement le noeud
de laqueAioncft de fçavoir , com-
ment les panses de ces petits liens
du de cet parties branebuës peu-
vent être auffi étroitement unies en-
semble qu'eues le font , A par exem-
ple *rec B , que je CuppoTe parue»
A ÏSXB
d*un petit lien. Ou &îen ce qttî efl
la même choie , les corps étant d'au-
tant plus durs qu'ils font plus foli-
des , Se qu'ils ont moins, de pares , la
queftion elt à préféra de fçavoir,
comment les parties d'une colomne
compofëe d'une matière qui n'ait roi t
aucun pore, peuvent être fortement
jointes enfembïe , ôc composer un
corps tres-dur : Car on ne peut pas
dire que tes part ies de cette colomne
fe tiennent par de petits liens, puif-
qu'étant fuppofée fans pores elles.
n'ont point de figures particulier
nELÀMETFÎ. H.TW &
Je me Cens encore extrêmement
porté à dite que cette colomne eu
dure par fa moura ou bien que les
petits liens, dont fbntcompofez les
corps durs, font des atomes, dont
les parties ne fc peuvent divtfer ,
comme étant les parues effemieUes
& dernières des corps , & qui font
effamelkmertt crochues ou branchués,
eu d"uue ligure embarafEmie.
Mais je reconnais franchement
que ce n*ett point expliquer U diffi-
culté, & que quittant les préoccupa-
tions & les illufions <fc mes féns ,
j'aurais tortde recowriràtme forme
abftrarte, & cTernbraffer un fantô-
me de Logique pour la caufeque je
cherche: je veux dire que j'auroifc
ton de concevoir , comme quelque
chofe de réel & de daftinâ , l'ike*
vague de nature ou d'ejj&nttr , qui
n'exprime que ce que ÏÏM fçan : &
de prendre ainlî une forme aMîraite
& univerfelle , comme une cauftr
phyiiqued'uneflèttres-réel. Car il y
a deux chofes defqueite* je ne me-
£;auroistropdélier. Lapremiereeft
ï'hnpreflîon de mes fens , & l'autre
efl la facilité que j'ai de prendre le*-
matures abûiaioes , & les idées gêne*
Onif
• jto ■ LIVRE SIXIE'ME.
raies de Logique pou r celles qui tant'
réelles & particulières , & je me Con-
viens d'avoir été pluiîeurs fois fé-
duic par ces: deux principes d'er-
reur.
Car pour revenir à la* difficulté,
il ne m'eft pas poifible de concevoir,
oommeiitees petits liens- feroient in.-
divifibles par leur eflence & parlent
nature, ni par confequent comment
ils feroient inflexibles , puifqu'au
contraire je les conçois tres-divifi-
.fcles-, & néceiïàirement divifibles
par leur nattànce & par leur nature.
■Car la partie A efl très-certainement
mne. fubflance-auffi-bien que B : &
par conféquent H eft olai r que A peut
axifter fans B , ou feparee de B.,
puifque les fubflances peuvent exis-
ter les unesflfans les autres , parce
qu'autrement elles ne feroient pas
des fubflances.
DedirequeAnefoitpas une fub-
flance -, cela ne fe peut : car je le puis
concevoir fan», penfer à B , & tout
ce qu'on peut concevoir feul il'eft
point un mode ; puifqu'iln'y a que
les modes ou manières d'êtrequi ne
fepuiflènt concevoir feuls, ou fans
ies..ctresdoqt ils font les manieies.
GooSk
OE LA METH. II. Faut. px
tionc A n'étant point un mode , c e!t
uhefubftance, puifqiie tout être efl
néceifairement ou une lùMance , ou
bien une manière d'être» Car eniin ■
tout ce qui eftfepeut concevoir leui,-
ou ne. le peut pas: il n'y a pas- de»
milieu dans les propofitions contra-
dictoires: & l'on appelle être ou-
{ubflancece qui peut être conçu &,-'
par conféquent créé feuL La partie-'
A peut donc exister fans la- partie B,.-
& a plus forte raifon elle peut exifter>'
ieparémentdeB. De forte que ce lien, •
efl diyifible eu A & en B, -
De plus , fi ce lien étoit indivisi-
ble , ou crochu par fa nature & par '
ù>n eflènce -, il arriveroh tout leçon---
traire de ce que nous -voyons- pan
l'expérience-: ..car on ne pourroic-
rompre aucun corps . S uppo fou s coin-
me auparavant -, qu'un morceau -de-"
fer eftcompofé d'une infinité de pe-
tits liens qui s'entrelacent les uns
dans les autres , dont A a -, & B b,.eO"
^rtX— &
Soient, deux Je dis qu'on ne pose--
Coo8k-
pi LÏVHE stxtewe:
soit lesdécrocher, 5c par conséquent
qu'on ne pourrait rompre cefer. Car
pourlerompre, il iaudroit plier les-
liensquï Iecompofart, Jefquelsce-
E ridant font fuppofez inflexibles par
ir eflence & par leur nature..
Que ffon ne le» fuppofe pointïnffé.
*ible*. mais feulement indiviliblespar
leur nature,, ta fiippoCdortne fervira>
lie rien pour refondre la queflion.
Car alors la difficulté feradefçavoir,
d'où vient que ces petits liens n'o—
béaient pas a l'effort que l'on fait
pour ployer une barre de fer. Ce-
pendant fi l'on ne les fuppofe point
mfléxibfes.onnedortpohitlesfiippcK
fer indivisibles. Car li les parties de
ces. liens pouvoient changer de fitua-
tionlesunesà l'égard des autres, il
eftvrfibïe qu'elles fe pourroient fô-
r: puisqu'il n'y a point de rai-
. pourquoi Jî une partie pcit un
jku s'éloigner de l'autre , elle ne ïe'
pourra pas rout-à-fah. Soit donc que-
l'on fuppofe ces petits liens inflexi-
bles-, foit qu'on les fuppofe mdiviiï-
bles , on ne peut par ce n*yen re-
fondre la qpeftrorl.. "Car foit qu'on;
Je»; fuppofe rndivifîbles , ou qu'on-
iet ûippofe infitxibie&j il ténias
GooSk
ŒtÂBÏÉtH.ILPART. m
poflible de le rompre ; puifque Ies;
petits liens qui compofeni le fer étant
em barattez les uns dans les autres , i I
fera irnpoffible de les décrocher. Tâ-
chons donc de réfoudre la difficulté
par des principes-clairs & incontefta-
fcles, &de trouver la taifon pour-
5uoice petit lien a ces deux parties-
i , B , fifottattachées l'une a L'au-
tre,
Je toi bien qu'il eft néceflàire que-
je drvife le fu jet de ma Méditation
par parties , atin que je l'examine
plus exactement, & avec moins de-
contention d'efprit, puifque te n'af-
pu d"abopdd'une fîmpfe vue , « avec
toute-rattenrion-dont je fuis capable,,
découvrir ce que- je chercho». Et
tfe& ce que jepouvois faire dé» N?
commencement .-car quand les fujets-
çue LVmi confiderefont un peu ca-
chez , c'eït tou^oure le meilleur de
neles- examiner que pac parties, &
de ne fe point fatiguer inutilement
fat de faunes- efperances de rencoï^-
trer heureufement..
Ce que- je-cherohe eft laicanîé' t&*
l'étroite union , qui fe- trouve entré
tes petites parties qurcompofeïtt 1er
petniien.A, Br Qt il n'y a^aetroi*
9*4 LIVRE SIXIEME*,
chofes que je conçoive diftin&ement"
pouvoir être la caufe que je cherche»
îçavoir les parties mêmes de ce petit -
lieu , ou bien de la volonté de l'Au-
teur de la nature,. ou enfin les corps
învifibles qui environnent ces petits
liens. Je pourrois encore apportée
pour caufe deceschofes la forme des
corps ,.Ies qualitez de. dureté, ou
quelque qualité occulte , la fympr —
thie qui ferait entre les- parties de
même genre, &c. Mais parce que
je n'ai point d'idée diflin&e de ces
belles choTes, je ne dois ni je ne puis
y appuyer mes. raifounemens : do
forte que fi je ne trouve, pas la caufe ■
que.je. cherche dans. les chofes dont
j'ai des idées difUndes-, je -.ne me
peinerai pas inutilement a la con-
templation de ces idées vagues &
générales de Logique, & je.cetTerai
de vouloir parler de ce que-, je n'en--
tens point. . Mais examinons la pre
miere deceschofes qui peuvent être» -
caufe,-, que .-les parties de ce- petit
lien font fi fort attachées, fçavoic
les petites parties dont il eu corn--
Quand.jeneconfidereque les par-f
«es. dont les corps .durs .font cornpp-i
.DEIvAMËTff.n.PART. ji{
te, je me fens porte à croire, qu'on Prbeipeid*
ne peut imaginer aucun ciment qui ^""d\ u
tmijfè tes parties de ce lien; qu'eues- r«™»fc par-
mêmes & leur propre repos: car de'££l£l
quelle nature pourroit-il être ? Il ne
fera pas une ckofe qui Jkbftfie de foi-
même, car toitifs ces petites parties
étant des fubjlanees , peur quelle rai-
Jbn feroient-eUes unies par d'autres fub-
Jfances que par elles-mêmes t Il ne fera
pas aufji une qualité différente du repos,
parce qu'il n'y a aucune qualité plus
contraire air- mouvement qui 'pourrait
feparer ces parties que le repos qui efi
en elles: mûr outre les fùbjiances ér'
leurs qualité^, nous ne comoifiûm point
qu'il y ait d'autres genres de chofbs.
Ilefl bien vrai que les parties des
corps" durs demeurent unies , tant
qu'elles font en repos les unesau-'
prés des autres: & que Iortqu'eïïes
font une fois en repos -, elles conti-
nuent par elïes-mèmes-d'y demeurer
autant qu'il fe peut. Mais ce rfeft pas
ce que je-cherche, je prens le charade.'
Je ne cherche pas d'où vient que le»"
parties des- corps-durs font en repo»1
les unes auprès des autres -; je tâche '
ici de découvrir d'où vient que les-
parties, de. ces-corps qpt-foxee pouE?
Coo8k-
ïié LIVRE SIXIE'ME.
demeurer en repos les uns auprès de»
autres ,'6c qu'elles réûilent à l'effort
que l'on fait pour les remuer ou le»
feparer.
ccfcirrei Je pourrais pourtant me répondre
5mé'pM.U Sue *naiîllc «ï'P* a véritablement
ut. delà force1 pour coaunuer de de-
meurer dans l'état ovileft, &<jue
cette force eft égale pour le m»u ve-
ment & pour le repos : Mais que ce
qu i fait que les parties des corps dur»
demeurent en repos les unes auprès-
*tt <j, desautres, & qu'on a de la peine à.
les féparer & à lesagiter, c'ett qu'où
n'employé pas* aflèz de mouvement
pour vaincre leur repos. Cela eft
vrai fcinblabie , maïs je cherche la
certitude, fi" elle fe peut trouver, 6c
non pas là feule vrai-femblance: Et
comment puis-jefeavoir avec certi-
tude & avec évidence , que chaque
corps a cette forcepour demeurer en
l'état qu'il eft , & que cette forceeft
égale pour le mouvement & pour le
repos ; puiique la matière paraît ait
contraire indifférenteau mouvement ,
& au repos, &abfolument fans au*
cime forcé. Venons donc comme a:
fait M. Defcartes à la volonté du
Créateur , laquelle eft peut-être. lai
GooSk
DE JA METH. H. Pttr. 317
brce que le corps feinbient avoir
dans eux-mêmes. Oefl la féconde
choie que nous avons dit auparavant
pouvoir comerver Ie6 parties de ce
petit lien dont nous parlions, fi fort
attachées les unes aux autres.
Certainement il fe peut faire que
Dieu veuille que chaque corps de-
meure dans l'état où il eft , & que fa.
volonté foit la force qui es unit les-
parties les unes aux autres tde même-
que je fçai d'ailleurs que c'eft fa vo-
ïonté qui eft la force mouvante, la.
quellemet les. corps dans le mouve*
ment. Car puiique la matière ne fe-
peut pas mouvoir pat elle-même J if
mefeinhlequejedois juger que c'eft
nnefprir, & même que c'eft 1* Au-
teur de la nature qui ia confcrve , &
\ qui îa met en mouvement , en la
eomervant fucceffivement en pki-
fiwr&endrofts pat fa fimpfe voïoi£-
té, puisqu'un être mnninaent puif-
fant n'agit point avec des inftru-
mens, & que les efïêts fuirent ne-
leflàirement de fa volonté.
Je reconnois donc qu'il fe peurir *****
feire que Dieu veuille, que chaque * ,lnit
ehofc demeure en l'état où elle eft, A* w. #*
fch qu'elle foàen repos , ou qtf^^iÏÏi.
Goo8k
M8' MVRE SÎXÏE^Më:
foit eri mouvement ; Si que cette"
volonté fou la puîftance1 naturelle;
qu'ont les corps pour demeurer dans
l'état où ils ont une fois été mis. Si
celaefb, il faudra comme a -feit M;
Defcartes mefurer cette puiffance;
conclure quels ert doivent être les -
effets , cV donner ainfi des régies de
la force & de la communication des
mouvèmens à la rencontre des diffé-
rens corps , par la propoftioffàe la
grandeur qoï fe' ttouve-entre ces
corps : puîîque nous n'ayons point
d'autre moyen d'entrer dans la con-4
noinance de- cette volonté générale
& immuablede Dieu, qui fait là
différente puiffance que les corps ont
pour agir & pourfe réftftet les un»
auxauires, que leurdifferente gran-
deur & leur différente vîteflè.
Cependant je n'ai point de preuve.'
certaine que Dieu veuille par une»
volonté pofitive que les corps de-
meurent en repos : & il femble qu'il
fuffitqiie Dieu veuille qu'il y ait de*'
la matière , afin que non feulement
elle exifte, mais auffi afin -qu'elle -
eïcine en repos.
H n'en ëft pas de même des mou«"
vemens , parce que l'idée d'une «**■
GooSk
, OEtAMETH.'n.pAUT. 329 '
rïere mue renferme certainement
deux puiffances ou efficaces , auf-
* quelles elle a rapport., fçaveir celle
quil'acréé, & déplus celle qui l'a
agitée. Mais l'idée d'une matière en
repos ne renferme çjue l'idée de fa
puillànre qui l'a créée; fans qu'il; foie
nécelïaired'uns autre purifance pouc
la mettre en repos : puifqne fî on
conçoit fimplenrent de la matière
fans longer à aucune puillance , on
la concevra néceuaîrement en repos.
C'efl ainfi que je conçois les chofes :
j'endois juger félon mes idées; & fé-
lon mes idées , le repos n'eft que la
privation du mouvement : je veux
dire , que la force prétendue qui fait
le repos , n'eit que la privation de
celle qui fait le mouvement, car il
furntee mefemble que DieuceflTede
vouloir qu'un' corps foit mit , afin
qu'il celïederêtre, & qu'il foit en
repos.
En effet, Iâraîfom
expériences m'appre.
corps égaux en mail
avec un degré de vi
avec un demi degré ,
mier fera double de
oorid.Silavheuedu
I?
!30 LIVRE SIXIEME.
,e quart , la centième, Iamiiioméme
decelledu premier ; le fécond n'aura
que le <juart , la centième , la milio-
niéme partie delà force du premier.
D'où il eil aifé de conclute t que fi la
vkelïè du fécond eft initnitneut pe-
tite , ou enfin nulle , comme dam le
repos , la force du fécond fera infi-
niment petite, ou enfin nulle, s'il
efi en repos. Ainfi il me paroit évi-
dent que le repos n'a nulle forcer
pour renfler à celle du mouve-
ment.
Mais je me fouviens d'avoir oîîî
dire à plufieurs perfonnes très éclai-
rées, qu'il leur paroiûok que le
mouvement étoit auffi-bien la pri-
vation du reposa que le repos la pri-
vation du mouvement. Quelqu'un
même aflura par des raifons que je
ne pus comprendre , qu'il étoit plus
probable que le mouvement fut une
privation que le repos. Je ne me (bu-
yiens pas diilinâement des raifons
qu'ils apportoiem: mais cela me doit
faire craindreque mes idées ne foieot
fauflès. Car encore que la plupart des
hommes difent tout ce qu'il leur
plaît , fur des matières qui paroifiènt
peu importantes ; néanmoins j'ai
Goo8k
DE LA METH. II. Part, jjt
fujct de croire que les perfonnes
dont je parle prenoieni plaifir à dire
ce qu'ils «oncevoieni. II faut donc
que j'examW encore mes idées avec
Jom.
Oeil unecKofe qui me paroîi in-
dubitable, & ces Meilleurs dont je
parle en tomboient d'accord , fça-
voirquec'efllavoIontédeDieu qui
meut les corps, la force donc qu'a
cette boule que je vois rouler, c'eil
la volonté de Dieu qui la fait rouler :
Que faut-il prefentement que Dieu
faflè pour l'arrêter ? faut-il qu'il
veuille par une volonté çofîtive qu'-
elle fou en repos , ou bien s'il fuffit
qu'il cefle de vouloir qu'elle (bit agi-
tée ? II efl évident que fi Dieu ceflè
feulement Je vouloir que cette Boule
foitagitée, la ceflàlion de cette vo-
lonté de Dieu fera la ceflation du
mouvement de la boule, & parcon-
iequent le repos. Car la volonté de
Dieu , qui étoit la force qui remiiort
la boule, n'étant plus : cette force,
ne fera plus , la boule ne fera ■*~~*
plus mue. Ainfilaceflâtiondeli
ce du mouvement ait le repos
repos n'a donc point de force q
caufe. Ce n'eft donequ'unepurt
3ji OVRË SIXIE'MË.
Wtion qui ne fnppofe point en Dïeuf
de volonté potitive. Aiiïfi ce feroit
admettreen Dieu une volonté pofï-
tîve {knsraifon & fans néceJïité , que
de donner aux corps quelque force
jfout demeurer dans le repos.
Mais renverfons s'il eft pofiïhle
cet argument. Supp6fon3 préfenté-
ment une boule en repos', au lied
que nous la fuppofions en mouve-
ment : Que fant-il que Dieu fafle
pour l'agiter ? Suffit-il qu'il cène de
vouloir qu'elle foh en repos-? Sicela
eft , je n'ar encore rien-avancé: cat
le mouvement fera atrflî-tôt fa pri-
vation du repos , que le repos lapriî
Vation" du mouvement. Je fùppofe'
donc que Dieu celle de vouloir qu'-
elle foit en repos. Maisceta fuppo-
fé.ienevor pas que Iaboulefe re-
mue : & s'il y err a qui conçoive
qu'elle fir remue, je les prie qu'ifs
me difentdequetcôté ; & félon que!
degré de mouvement elle' eft muê^
Certainement il eft imporTible qu'el-
le foit mue, & qu'elle n'ait point:
quelque détermination & quelques
degré de mouvement: & de cela feuF '
qu'on conçoit que Dieu cefTe de vou-'
toii-qu'elle foh- en repos, iLeJl ans*'
■ GooSk
-DE LA METH. TL Part. m
•pofTible de concevoir qu'elle aille
avecquelgue degré de mouvement:
parce qu'il n'en eit pas de même du
mouvement comme du repos. Les
raouvemens font d'une infinité de
façons , Us font .capables du plus &
du mQins:: Mais le repos n'étant
rien , ils ne peuvent diUrèrer les uns
des autres. Une même boule, qui va
(Jeux fois plus vite en un tems qu'en,
unautre, a deux fois plus de force
ou de mouvement en untems qu'en
un autre : mais on ne peut pas dire
qu'une même boule ait deux fois plus
de repos en un tems qu'en un,au-
tre.
II faut donc en Dieu une volonté
pofitive pour mettre une boule en
mouvement , ou. pour faire qu'une
boule ait une telle force pourfe mou-
voir ; & il fuffit qu'il ceûe de you-
foit qu'elle fok mue , afin qu'elle ne
remue plus, c'elt-à-dire, afin qu'elle
ibît enrepos. Demême qu'afin que
Dieu crée un monde, il ne fuffit pas
qu'il celle de vouloir qu'il ne loit
pas: maisileHnéceflàirequ'il veuil-
le pafidvement la manière dont il
dort être. Mais pour l'anéantir , il
ne faut pas que Dieu veuille qu'il ne
f4 UtRS sktet^e:
it pas, parceqtrc Dieu ne peut pal
KovâoirtenéaiwpaT une volonté po-
fhive: it foffit feaîeoKrfit que Dieu
■celle de-vouloir qu'A foct.
Je ne confidere paft ici le mouve-
ment & le repoafelon lest être (ela«
«Sf : car rleft vifiMe quedes- corps ère
repos on* des rapporta aufïî réels à
ceux qui le» environnent que ceux
qui font en mouvement. Je conçois
feulement que les corps qui font en
mouvement , ont une force mou»
vante , & que ceunt qui font en- re-
pos, itfortt point de forée pour leuY
repos r Parce que le rapport des corr»
mus , à ceux qui les environnent ,
eFiflngeantt'oii^oHrs, it faut une force
continuelle peur produire ces cfean-
gemens continuels : car etv effet ce
font ces cftangemens qui font tout ce
qui arrive de nouveau dam la: natu-
re. Mais, if ne faut point de- force
pouf ne rien, faire. Lorfqoe le rap-
port eTon- ec*ps- à ceux qui S'envi-
ronnent eft toûjotus le même, Une
fe fait rien ; & ÎS> confervation» de ce'
rapport, je ma dire Faâion de la
volonté" de Dieu1 qui soaferveaie rap-
port, n'eft point différente de celle
qui eonièrve le corps même.
DE LA METH. H. Paît, g?
• S'il ell vrai , comme je le conçois,
que le repos ne foi t que la privation
du mouvement, le moindre mouve-
ment , je veux dite celui du pïus pe-
tit corps agité renfermer» plus de
force & depaiflfance que le repos dia
plus grand corps. Arnfi le moindre
effort ou le plus peut eo*ps que l'on
concevra agité dans- le 'vaide * con- • p„ „„
creuncorps très-grand & tïes-vafle, utt>J*** '*
feracapaUedemouveîrquelquepeuj J",*', 'ùnct'ps
puifijnece grand corps étant en re- *.&»«»» /*-
-pos il n'aura aucune pu tffance pour JJ^Î *£„
réfifles à ceHedecepetitcorps.qui?^/'?™*'.
•viendra frapper contre lui. De forte thLjm*a
qnie la réiiflanoe qnae les parties «m* > .*»*«»"
des corps, durs fiant pauï empêcher*"^** *
leur réparation vient, nécellâiremenr «'<
de quekjie autre chofe que de leur **
ïepoft.
Mais il faut démontrer par des ex-
périences, fènfïbies. ce que nous ve-
nons de prouver par des raifonne-
mens abflraits ,. afin de voir fi nos
idée* s'accordent avec les fenfations
quenousteeevonsdesob^eK; car iï
arrive louyetat que de tele raifonne-
mens nous trompent , ou pour le
moins qu'ils ne peuvent convaincre
les autres, & ceux-là principalement
#6 LIVRE SIXIE'ME.
qui font préoccupez du contraire.
L 'autorité de M. Defcartes fait un fi
grand effort fur la raifon de quel-
ques perfonnes , qu'il faut prouver
en toutes manières que ce grand hom-
me s'en trompé, ahn de pouvoir les
defabufer. Ce que je viens de dire
entre bien dans l'efprît de ceux qui
ne l'ont point rempli de l'opinion
■ contraire : & même je vois bien
qu'ils trouveront à redire que je
m'arrête trop à prouver des choies
qui leur paroi tient inconteflables.
Mais les Canéfiens méritent bien que
i'on farte effort pour. les fatisfaire.
Les autres pourront paflèr ce qui
fera capable de les ennuyer.
Voici donc quelques. expériences
qui prouvent fenfiblementqiie le re-
pos n'a aucune puiûance pour re-
fluer au mouvement , •&. qui par
conféquent font connoître que la vo-
lonté de l'Auteur delà nature, qui
fait lapuiflànce & la foreeque eba- ,
que corps a pour continuer dans l'é-
tat dans lequel il eft , ne regarde que
le mouvement & non point té repos,
puifquelescorpsn'ontaueune força
par eux-mêmes.
. .L'expérience. apprend. qqe de fort
grands
GooSk
DELAMETH.lt. Part. 337
frands vaiûeaux ,' qui nagent dans
eau , peuvent être agitez par de
très-petits corps qui viennent heur-
ter contr'eux. De-4àiepretensmal-
gré toutes les défaites de M. Defcar-
tes & des Cartéfiens, que fi ces grands
coips étoient dans le vuide , ifs
pourraient encore être agitez avec
Ïilus de facilité. Caria raifon pour
aquelleilya quelque -légère diffi-
cultéà remuer un vaifleau dans l'eau,
c'en que l'eau réfifte :à la force du
mouvement que -l'on 'lui imprime,
ce qui n'armerort pas dans le vuide.
Et ce qui fan mariîfeftement voir que
l'eau réfifte. au mouvement que l'on
imprime au .vaifleau , c'eft que le
vaifleau cefle drétre agité quelque
tems après qu'il a été mû : Car ce-
la n'arriverait pas , fi levaiflèau ne
perdoit Ton mouvement en le com-
muniquant à l'eau, ou fi l'eau lui ce-
doit fans lui réfifler, ou enfin fi elle
■lui donnoïtdefon mouvement. Ain-
fî puifqu'un vaifleau agité dans Peau
ceflèpeu-à-peudefe mouvoir, c'eft
une marque indubitable que l'eau
iefîfteà Ton -mouvement au lieu de
le -faciliter , comme le prétend M.
■ Defcartesi&parconfequentilferoit
Tem: ///. P
3^8 LIVRE -SIXIEME,
encore infiniment plus facile d'agi-
ter un grand corps dans le vuide que
jîans l'eau, puifqn'il n'y auroit poinj
4e réfiftance de fa paît des corps d'a-
lentour. II efl donc évident que le
repos n'a point de force pour réiifter
^umouvenaerit, & que le moindre
mouvement contient plus de puif-
fanee & plus de /orce que Je plus
grand corps en repos : & "qu'ainG
on ne doit point comparer la for?
ce du mouvement & du repos , pat;
la proportion qui Te trouve entre la.
g candeur des corps qui font en mou-
vement Se en repos > comme a fait
, M. Pefcartes,
U efl vrai qu'il y a quelque laifpa
de croire, qu'un vaiflèaueft agité
dés qu'il eft dans l'eau , à çaufe du
changement continuel qui arrive aux;
parties de l'eau qui l'environnent ,
quoiqu'il nous femble qu'il ne chan-
ge point de place. Et c'efl ce qui a
fait croire à M. Befcartes & £ quel*
quesautres,quecen'eiïpas la force,
toute feule dé celui qui If pouffe, la-
quelle le fait avancer dans l'eau; mais
qu'ayant, déjà receu beaucoup de
mouvement des petites parties du
corps liquide qui l'environnent» &
DE LSMETH. II. Part . 39-
■qui le pouflènt également de tous
«ôtez , ce mouvement efl feulement
.déterminé par un nouveau mouve-
ment de eeluiqui3e poulie, de forte
que ce qui agite un corps dans l'eau
■ne le pourroit pas faire dam le vui-
4e. C'eft ainfi que M. Defcartes &
ceux qui font de Ion feiitiment , dé-
fendent les règles du mouvement
-qu'il nous a données.
Supposons par exempte un mor-
ceau de bois de la grandeur d'un
pied en quarté dans un corps liqui-
de: toutes les petites parties du corps
liquide agitlènt & le remuent con-
tre lui, & parce qu'ils le pouflènt
«également de tous cotez autant vers
,A que vers B ; il ne peut avancer
vers aucun côté. Que li je pouffe
■ .donc un autre morceau de bois de
.demi-pied contre ie premier du cô-
ne A : je vois qu'il avance, & de-ià
je conclus qu'on le pourrott remuer
dans le vuide avec moins de force
;<quc celle dont Le morceau de bois le
pouflè, pcmrlesraifonsque jevien*
dédire. Mais les perforâtes dont je
parle le nient, et ils répondent que
ce qui fait que ïe grand morceau de
Éois avance dés qu'il efl poufTi par.
Pij
Goo8k
3^> LIVRE SIXIEME,
le petit , c'efl que le petit qur ne
.pourrait le remuer s'il étoit feuï,,
étant joint avec les partiesdu corps
liquide qui font agitées, les détermi-
ne à Iepouffer,& àlùicommuniquer:
unepartiede Ieurmouvement.Mais
ïteft vifible quefuivantcette réponfe,
le morceau de bois étant une fois
agité ne devrait point diminuer fon
mouvement, & qu'a" devrait au con-
traire l'augmenter .fans cefle. Car fé-
lon cette reponfe le morceau de bois
eu plus poulie par Peau du côté A
que du côté B: donc il doit toujours
s'avancer. Et parce que cette impul.
fion efl continuelle, fon mouvement
doit toujours croître- Mais, comme
j'ai déjà dit , tant s'en faut que Peau.
facilite fon mouvement qu'elle lui
rélifte fans celle , & que fa réfiftance
le diminuant toujours le rend enfin
tout-à-fait infenûble.
II faut prouver à prêtent que le
morceau de bois, .qui efl également
poufle paries petites parties dei'eau
qui l'environne , n'a poiat du tout
de mouvement ou de force qui fqît
capable de le mouvoir , quoiqu'il
change continuellement de lieu im-
médiat, ou que la furfacede l'eau qui:
DELA METH. II. Part. ?4ï
ï>environnene foit jamaîsla même
en ditfèrens tems. Car s'il ert ainlt
qu'un corps également poulie detous
cotez , comme ce morceau de'bois,
n'ait ppint de mouvement; H fera
.indubitable qne c'eft feulement- la
force étraiigerequi heurte contre lui
qui lui en donne, puïfque dans le
tems que cette fcrce: étrangère le
pouffe, Péaii luiréfifle, Si- diffipe
même peu-à-peu Ië mouvement qui
lui eft imprimé , car il ceffe peu-à-
peu de fe mouvoir. Or cela' paraît
évident :■ car-un corps également
pouffe de tous cotez peut être com-
primé: mais certainement il ne peut
être tranfporté ; puifque plus une
force & moins Une égaie force eft
égala zéro.
Ceux àqui jeparfe foùtiennent',-
qu'il n'y a jamais dans la- nature'
plus de mouvement en untemsqu'ea
un autre , & que les corps en re-
pos ne font mus , que pat la rencon-
tre de quelques corps agitez , qui
leur communiquent de leur mou--
Vement. De -la je conclus qu'un
corps, que je fuppofe créé parfaite*
ment en repos au milieu de l'eau, na-
recevra jamais aucun degré de mou*
y4* UVKE STXIE'ME.
veroem ni aucun dégradé forcepotir '
fe mouvoir, des petites parties de
l'eau qui; l'entonnent, & qui viennent
çootinueilemeut heurter contre lui,,
.pourvu: qu'elles te pouffent égale-
ment de. tons cotez: Parce que tou-
tes ces petites parties , qui viennent
keurter contre lui également de tous
cotez, réjailliflant avec tout leur
- mouvement , elfes ne Iuren commu-
niquent point : &pai confeqnentce
corps doit: toujours être confideré
comme en repos & fans aucune force
mouvante, quoiqu'il change conti-
nuellement de furface.
Or la prenveqtie jai , que ces peti-
tes parties réjaiilifTent ainfi avec tout
leur, mouvement, c'eft qu'outre qu'on*
ne peut pasconcevoirïachofeautre-
ment, Peau qui tooche ce- corps de-
vrait fe refroidir beauconp ou mèV
me fe glacer, 9c devenir ;'i peu prés,
auflî dure qu'eft le bois en fa furface,
puifqueie mouvement des parties de
l'eau, devroît fe: répandre- également
dans.Ies petites parties du coepsqu^ei»
les environnent.
MaispoiiT m'accommode r à ceux qui'
défendent le rentraient de M. Defcar-
«» , je, veux bien accorder que lion-
s
oe LAMÊffr rr. pARt. $#
fie doit point confîderer un batteau
dans l'eau comme en repos. Je veux
aulîiqne tontes les parties de I'eati
qui l'environnent s'accordent toutes'
au mouvement nouveau que le bat-'
telier lui imprime Vqùoiqu'H ne fdït
le trop vifible, par la diminution
l mouvement du batteâu , qu'el-
les lui refînent davantage du côté
ou il va , que de celui d'où il a
été pouftê. Ceîa toutefbfs fùppofé,.
je dis que de'tôutes les parties d'eau
qui font dans la rivière , il iPy a fé-
lon M'. Defcartes que celles qui tou-
chent immédiatement le batteau du
côté d'où il a été pouffé quipuîflérïf
aider, à fon mouvement.' Car félon
ce Philofophe Peak étant fluide , toit- Al(- ^
tes les parties dont elle ejî eotttpûjee «V--
gijfentpas enfembie tontre le cûrfi que
îtoiti Vuulojis fnouvoir. Il rPy àquëcel-
lefqûten lit touchant s^appuïénï con-
jointmetu Jjif lui. 0ï celles qui api
puïetïtcoriiôihtemenf fut le batteau,
& lebattelier'enfemble, fbnï cent
Ibis plus petites que tout le batteau.
R eft donc vifible, par l'explication vojjmi'w*:
q.ue M. Defcartes doniie dans cet ar-cônd/p«.ii
ticle fur la dtflïcjiïfé qùenous avons (l= r« ptî»j
defompïtfun"doûd:€htrenûsmàîns>,:,pe*'
F iiij.
GooSk
Ï44 LIVRE SIXIEME,
qu'un petit corps eft capable J'en agi--
tet un beaucoup plus grand que lui.
Car enfin- nos mains ne font pas lx
fluides que de l'eau : & Iorfqneiious
voulons rompre un cloud, il y a plus
départies jointes enfembléquiagiC
fent conjointement dans nos mains
que dans. Peau qjii pouffe, un bat-
teau,
Mais voici une expérience plus
fenfible. Si l'on prend un ais bien,
uni, ou quelque autre plan extrême-
ment dur,, que l'on y enfonce un
cloud à moitié, & que l'ondonne à
ce plan quelque peu d'inclination: Je
disque, li l'on met une barre de fer,
cent mille fois plus groffè que ce
eloud, un pouce au deux. au deffus
dé lui, & qu'on la laiflè glifler, ce-
cloud ne- fe rompra-, point. Et il faut
cependant remarquer que félon M,
Defcartes, toutes ies parties de la bar-
re appuient & agiflënt conjointement
fur ce cloud , car cette barre efl dure
& folide. Si donc il n'y avoit point
d'autrre ciment que le repos pour unir
tes parties qui compofeiir Je cloud :
la barre de fer étant cent mille fois-
plus groffè que le cloud devrait fe-
n la cinquième règle de M.. Dei-
îonl*
belameth:it.part. ^
cartes, & félon la raifon, communi-'
quer quelque peu defon mouvement ■
à la partie du doud qu'elle choque--
xoh, c'eil'à-dire le rompre & paflèr
outre , quand même cette barre glif-
feroit par un mouvement tres-ïenr.
Aînfi il faut chercher un autre caufe-
que le repos des parties pour rendre
les corps durs, oucapables-de refluer
à l'effort que l'on fait , lorfqu'on les'
veut rompre, puifque le repos n'a;
point de force pour réfifter au mou-
vement: & je croi que ces expérien-
ces fuffifent pour faire connoître que'
les preuves abftraites que nous avons
apportées ne font point faunes.
Il faut donc examiner la troifiéme-
chofe que nous avons dit auparavant'
pouvoir être la caufedel'unîonétror- -
te qui fe- trouve entre les parties de**
corps durs. Sçavoir une matière in--
vifible qui les- environne , laquelle'
étant extrément agitée , pouffe avec-'
beaucoup de violence les parties exte->
tieures & intérieures de mmtnR. &■:
les comprime ainfîdeM
pou ries f épater, il faut
force que n'en a cette n
Me laquelle eft extrém
U iemble que je. puis
GooSk
34* EIVBE STXW7AK '
l'union des parties , dont les coïp*'
durs font compofez, dépend de ia
matière futtile qui le»- emrironne &■'
gui les comprime; potfque lesdeinr
autres enofes qoe l'on pegt penfèr-
êîm les tauiès de cette union , ne le'
font. -verhaHennem point connue-
nous. venons de voir. Car puifque: je*
trouvede La réfiflance a nemipre-im.
morceau de £èr, cfcqnexette réfittan—
cène vient point du fer r ni de la vo-
lonté deDka,œmrae jecroi I'a-voir-
pïcaivé; H Tant nécEf&ûiement qu'el-
le vienne-de (pnrlqûe mat rené îrrvifi- ■
hie, qui ne peut ênjeautreque-ceile-
qui ^environne itnmédîateinent èfc
qui le cornprimt- J'explique-, & je
prouve.ee fentimenr.
Ttytx Ui LoxIqu'OTiprenduBeboaledecriialr--
montrait que métal, cteafe an dedans. & cou'--
hmtii-ciîin pée-en deux hémifpheres ,. que Pom
d, G.tr„, jointcesdeuxhémifplieBes encollant:
" une petite bande de cke à', l'endroit -
de leur union , & que Ton en. tire
l'ait ; l'expérience apprend que ces
deux hrârifpheres fe joignent Uune à»
lîautre de telle' fonte que pluueura^
chenarx , que' l'on- y attelle- pas 1er
moyen1 de quelques- boucles les uns*
d'tuecwtsé, les auriesde; l'acunt, n*.:
C,„„sk-
DE LA METïT, IT. Part. 347
Ptuvcnt leï fepartr , fiippofé que les
flémifpheres loîentgrandesà propor-
tion du- nombre des chevaux. Ce--
pendant-, ii'I?on ylaiflè rentrer l'air,.
une feule perfonne les repare' fans>
aucune difficulté. H efl facile de cor.'
élure de cette expérience, que ce-
qui iiniflbit fi fortement ces deux-
fiémifiilieres Tune avec Pautre, ve-
ftoif' de ce' qu'étant comprimées à:
fear fûrface extérieure fit convexe-
par l'arr qui les envrronnoît , elles ■
fie l'étoient point en même tem$'
dans finir furïace' concave & inté-
rieure. De forteque l'action des che-
vaux qui- tiirofent les deux hémit-
pheres de; deux coter, ne pouvoir
pas vaincre l'éfibn dSiné infinité dé-
pérîtes parties d'ait qui leur réfifr
toient, en prenant ces deux fiémif-
piieres. Mais fa moindre fofceeft ca-
pable de les feparer, lorsque-' l'ait.'
etanr rentré dans la fphéïede- cuivre;
poune lesfurfaces concaves & inïe?-
rieures, autant' que l'air de dehors-*
prefïè îesfurfaces extérieures & co—
vexes.
Que fi'aucontraire onprend'urte.'
veifie de carpe, & qu'on la mette dan>
liiivafedcinfonùrel'aïr, cette-Veïï*;
Evj;
348 tIVRE SIXIEME
étant pleine d'air crève & fe rompr*.
parce qu'alors il n'y a point d'air au>
dehors de Iavefliequi renfle à celui
qui efi dedans, C'eft encore pour ce-
la que deux plans de verre ou de
marbre ayant été ufez les uns fur les
autres fe joignent , en forte qu'on
fent de la réfiflance à les feparer en.
un fens : parce que ces deux parties
' de marbre font preflees & compri-
mées par Tarir dé dehors qui les en-
vironne, & ne font point G fort pouf-
fées par le dedans. Je ponrrois ap-
porter une infinité d'autres experien-r
ces pour prouver que" l'air grofliec"
qui appuie fur les corps qu'il en-
vironne unit fortement leurs parties j
mais ceque-j'ai dit, fuffit pour ex-
pliquer nettement ma.penfée fur la,
queftion prefente:
Je dis donc que ce qui fait que Tes
parties dès corp durs , & de ces pe-
tits liens dont |'ai parlé auparavant;.
font fi fort unies Jesunes avec les au-
tres, c'eft qu'il y a d'autres petits;
cerps au dehors infiniment plus agi-
tez que l'air groftier que nous res-
pirons , qui les pouffent &■ qui les-'
compriment : & que ce qui tait que?
nous avons de. la peine à les fepa»-
C,„„sk-
DELAMETH.II.Part. 34?
rer n'efl pas leur repos , mais l'agi- yt}lx te
fâtion de ces petits corps qui les en- j*. EtUinif-
vironnent, & qui les comprhnent.-fc"jt*t,j"i
De forte que cequi réfifle au mou-/«?p«< '*
Vement n'efl pas le repos, qui n'en^""^,
eft que la privation, Si qui n'a de «wm*«i*
foi aucune foice^ mais quelque mou-j-i^"""
vement contraire qu'il faut vaincre.
Cette- fimple expoiîtion de mon
fentiment paroît peut-être raifonna-
ble : Néanmoins je prévois Bien que
plufieuTs perfonnes auront Beau-
coup de peine à y entrer. Les corps
durs font une fi grande impreflion
. fur nos fens Iorfqu'il nous frappent ,
ou que nous faifons effort pour les
rompre : que nous fournies portez à
croire que leurs parties font unies
bien plus étroitement , qu'elles ne le
font en effet. Et au contraire les pe-
tits corps que pai ditles environner ,
aufqueis j'ai donné la force de pou-
voir caufer cette union ne faifant au-
cune impreflion fur nos fens , fenv
blent être trou foibles pour produire
un eflèt-fi fenfiBIe.
Maîspourdétruirecepréjugé qui
n'efl fondé quefur lès impreflionsde
nos fens , & fur la difficulté que nous
avons d'imaginer des corps pnis pe-
#0 tTVRE SÎXÏE'ME.
é'ts &pïns agitez que ceifit que non*
voïbns tous les jours-, iï fiim confidfei
rerquela dureté des ccîrpsnelèdoic
pas mefûrer par rapport à nos; matnsi
ou aux efforts que" nous fommes ca-
pables dfe faire, qui font cïrfterenseiv
divers tems. Car enfin fi la plus gran-
de forcedes hommes n*éroit prefque
rien en compararlbn de celle de Ia=
matîenrfiiktïe-, nous aurions granct
tort decrofre que les diamans & les
pierres les plus dures ne' peuvent
avoir pour caufè'de leur dureté , la
compreffiondeSpetfts corps tres-agi-
tez qui les environnent. Of on re-
connoîtra vhlblernent que h forcer
des hommes eft tres-peu dechofe, fr
I?on confiderequelapuilTance qu'ils-
ont de mouvoir leur corps en taux de
manière, ne-vient que d'une tres-pei
rite fermentation de- leut fang , la-
quelle en agite quelque poules peti-
tes parties, & produit ainfi les et-
Srhs animaux. Car c*eft l'agitation;
ï ces efprits qui fait (a force de nô*
trecorps , & qui nous donne- le pour-
voir de faireces efforts, que nous re*
gardons fans raifôn comme - quel-
que'-choie de fort grand &. de fort.
"puifGmt.-
Goo3k
USE D* METO H. Part. yp.
Mais ii faut bien- remarquer que
. «eue fermentation -de nôtre fang n ell
qu'imefort petite communication du-
mouvent de* cette matière fubtile -
dont nous venons de parler : eau.
toutes les fermentations des corps vi-
sibles ne- font que des. communica-
tions dur mouvement des corps invi-
fîbles , pu ifque tout corps reçoit fen^
3 citation de quelqu'autce. Une faut
oiitc pas s'étonner fi nôtre forcen'elt
pas ii grande que celle de cette mê-
me matière fubtile dont nous la re-
•evons. Maii-lî nôtre fang feférnien-
to« auffi. fort' dans nôtre cœur, que"
la poudre-à canon fe -fermente & s'a-
Site-lorfqu'orty met le fèn: c'efl-à--
ire, fi nôtre fang' recevoitune.com*
munication du mouvement de la ma-
tière fubtile auffi grande que eeller
quela poudre à-canon reçpit^ nous-
pourrions faire des chofès- extraor-
dinaires avec allez de facilité, com-
me* rompre.-du fer,, xenverfer uner
maifon, &c pourvu, que Iton fup-
pofe,. qu'il y eût ufie proportion.,
eonvenabl*. entre nos membres & du-'
feng.aghé de cette forte. Nous de.
vom donc nous défaire de nôtrepré-
jftgé^&.nc.nous-poiia imaginer felqw
«v OVftE smtfME
PimprelTion denos fens , que IeSpar^
tirades corps durs foient fi fort unies
les unes avec les autres: , à caufe que
nous avons bien de la peine à les
rompre.
Que fi nous coAÏiderons d'ailleurs
les effets du feu dans les- mines, dans
la pefanteurdes' corps, &■ dans pla-
ceurs autres effets delà nature, qui
n'ont point d'autre caufe-que-i'agita-
tïon de ces corps invifitles , comme
M. Defcartes l'a-prouvé en phifieurs
endroits , nous reconfioîtrons mani-
fefïemenr qu'il rfeft point au deffiis-
de leur forceti'uuir 8i décomprimer
enfemhle les parties des corps durs
auflî fortement qu'elles le font. Cas
enfin je ne crains point de dire qu'un
boulet de canon, dont le mouvement
paroît lî extraordinaire, ne reçoit pat ■
même la- centième & peut-être' la
millième partie 'du mouvement de
ia matière fubtile-qui l'environne;
On ne doutera pas de ce que j'a»
vance fi l'on contiderepremierementj
que la poudre à canon ne s'enflamme
pas toute , ni dans le même inflant :
Secondement que quand elle pren-
drait feu toute & dans le même iiu
fiant , ellejiage ion peu de-tems dans-
tm LA METH. I!. Part. 3*5
îâr matière fubtile. Or les corps qui
nagent treVpeù de téms dans tes au-
tres, n'en peuvent pas recevoir beau-
coup de mouvement; comme on le
peut' voir dans- les bâtteaux qu'on
abandonne au cours de Peau , les-
quels ne reçoivent que pen-à-peu leur
mouvement. En troiîiéme lieu &
principalement', parce que chaque
partie de la poudrene peut recevoir
que le mouvement auquef la matiez
re fubtile s'accorde^ car Peaune com-
munique au batteau que ie mouve-
ment direâ qui efl commun à toutes
les parties , & ce mouvement là eft
d'ordinairetre&-petitpar rapport aux
autres;
Je pourrais encore prouver la gran»
deur du mouvement de la matière
fobiileàceuxqui reçoivent les prin-
cipesde M. Defcartes, pat le mou-
vement de la terre & la pefanteur
des corps, & je tirerais même de-
là- des preuves allez certaines & allez
exaâes, mais cela n'eft pas necefiaire
à mon fujet. II fuffit , afin que fans
avoir vu les' ouvrages de M. Defcar-
tes , on ait une preuve fuffifante dr
l'agitation de la matière fubtile, que
ïe-doime.pour.caufede la dureté de:
^4 LIVRE SIXIEME:
corps ,il fuffit.dis-je.de lire avec quel-
que application ce que j'en ai déjà-
dit dan» le IV. livre efc, »• nombre
f. ou plutôt ce que j'en dirai dans
kXVI.Ecïarrciflèment nomfeieXI.
jusqu'à la tin.
Etant donc prefenïettièiK délivrez
ctes préjugez , qui nous ponoiènt Et
croire que nos efforts font bien puif-
fens ; & que celui de ïa-matsere fub-
tile qui environne le4 corps-durs &
£i les comprime, eft fort foible;
ne d'ailleurs persuadez de l'agita-
tion violente de cette matiese pat
fes chofevque j'ai dites dela'poudrr
à canon : il ne fera pas- difficile de
voir qu'il eft. abfolument neceflaire,
que cette matière doit être caufe de
«dureté dès corps otr de eette'r&-
fiftance que nous fentons Iorfquc'
nous nous efforçons de les rompre-
Or comme il y a- toujours beau-
coup de parties de cette- matière irt-
vifiblequi entre & qui circule dans-
les pores des- corps durs , elles rie les
rendent pas feulement -dur»; comme:
nous venons cPexpIiquef ; mais de
plus elles font caufes qu'il y en a
quelques-uns qui font rcflbrt & fc
sedreuent, d'autres qui demeurent-
tSEtk MEUT. If. Parit. jvî
Voyiez , d'ancres qui font: fluides & nntatea-
liquides r & enfin elles font cauïè '•»« <** li"
Hon-feulemehrde" la force, que les"e^V/tuc"
parties des corps durs ont pour de-sc taefin
meurer les unes' auprès des autres , fat*™"™
mais aufli de celle que les: parties i« #yi. e-
des corps fluides, ont de s'en fepareiri ^"' j£m.
c'eÛ-à-dire que c efl elle qui rendbrexiv. u
quelques corps durs & quelques aut ^'""'.Srîf
très fluides: darss torique leurs par- iiftnfenifc
lie» le touchent immédiatement ; JL„Jaî j£e
fluides, torque leurs parties ne fe '
touchent point; & que la matière fub-
«Ie gfîueentre-eïlesr
Je ne m'arrêterai point auûr à
réfoudre un très-grand nombre de
difficulté;; , que je prévois pouvoir
être faites contre: ce que je viens (ré-
tablir : parecque , fi ceux qui lès-,
font n'ont point de connoifJànce de
la vémable Pbyfique, je ne ferais
que lesennuièr& les fâcner , au lieu?
èe les fatrisfarre : mais fi ce font des
perfonnes éclairées , leimobjettiojis
étant tres-fortes, je «ne pounoisy
répondre- qu'avec un grand nombre
de figures & de- longs difeonrs. De
ibrteque- je cror devoir-prier ceux
qui trouveronrquelquedîrnailtédads-
kis. chofes que je. viens de dirai de ;
yfi LIVRE SIXIEME:
relire avec plus de. foin ce Chapitre1, -
&leïtf. Eclairciflémenrj car j'efpere'
que s'ils le lifent & s'ils le méditent
comme il faut , toutes leurs obiedions-
s'évanouïrant. Mais enfin s'ils trou-
vent que ma prière foit incommode,
qu'ils ferepofent , car il n'y a pas'
grand danger d'ignorer lacaufe de la
aurereté des corps.'
Je ne parle point ici de fa conti--
guité: car il eft vifiblequeleschofes
comignës fe touchent fi- peu, qu'il
y a 'toujours beaucoup de mauére
fubiile qui paûe entr'eiles, & qui
faîfanteffortpourcontinuerfonmou-'
vement en ligne droite- les empêche'
de s'unir.-
Pour l'wu'o» qui fe trouve' entre''
deux marbres qui ont été polis l'un
fur l'autre, je l'ai expliquée, & il-
eft facile dé voir , que quoique la
matière fubtile pafle toujours entre
ces deux parties fi unies qu'elles (oient :
l'air n'y peut paflèr , & qu'ainfi c'eft
fon poids qui comprime, & qui
prefte ces deux parties de marbre'
l'une fur l'autre, &qut faitqu'on.-a
quelque peine à les défunir , fi l'on
ne les fait gliflèrde travers.
XL eft yjfiblc- de tout ceci que I*j
PELAMETH.II.Pàrt. pi
rcontinuité , la contiguïté, & l'union
.des deux marbres ne feraient que la
même chofe dans le vuifle : car nous
n'en avons point aufil d'idées diffé-
rentes , de forte cjue-c'elt dire ce
.qu'on n'entend point, que de les
faire différer amolument, & non par
rapport aux ,cprps qui les.environ-
nent.
Voici prérentement quelques réfle-
xions fur Iefentiment de M. Defcar^
tes, Se fur l'origine de.fon erreur,.
J'appelle (on fentiment uneerftur,
parce que je ne trouve aucun moyen
de défendre ce qu'il dit des règles du
mouvement , & de la caufe de la
-dureté des corps vers la fin de la fé-
conde Partie de fes principes en plu-
sieurs endroits, Se qu'il me femble
avoir aflêz prouvé la vérité du fea-
timent qui lui eft contraire. Je vais
donner les régies du mouvement que ■
l'expérience confirme , & les raifon*
de ces règles.
Ce grand homme concevant très-
drftinctement qus la matière ne peut
pas fe mouvoir par elle-même, & que
la. force mouvante naturelle detpus
les corps n'eft autre chqfeque la vo-
lonté générale de l'Auteur de la
^8 WVRE SIXÏE^ÏE.
ture, & qa'ainfî la communication ,
des mouvemens des corps àleurren-
■contue mutuelle ne peut venir*que
de cette même volonté , ïl s'eft lauTé
aller à cette penfée , qu'on ne pou-
vort donner les régies de la différen-
te communication des mouvemens ,
que par la proportion qui fe trouve
•entre les différentes grandeurs des
corps qui le choquent, DuiitnTil n'efl
' pas poffible de pénétrer les deffeins
& la volontéde Dieu. Et parce qu'il
a iu^ que chaque chofe avait de la
force pour demeurer dam l'état où
elle étoît , foit qu'elle fut en repos,
à caufeque Dieu dont la refonte fait
cette force, agir toujours de [a même
manière, il a conclu que le repos
«voit autant de force que le mouve-
ment. Ainfi il a mefurç les effets de '
ia force du repos par la grandeur du
corps en repos , comme ceux de la
force du mouvement : ce qui lut à
fait donner les règles de la commu-
nication du mouvement qui font dans
les principes, & la caufe delà dureté
des corps , que j'ai tâché de réfuter.
II elt allez difficile de ne fe point
«ndre à l'opinion deM. Defcartes .
quand on i'eiwilàge du même côté '
GooSk
DE LÀ MËIH. II. Paut. tfp
<jue lui, j& qu'on ne fait pas atten-
tion : que quand même il faudrait
£n Dieu^une volonté pofitive or effi-
cace pour le repos auffi-bien que
.pour ,ïe mouvement , il ne s'enfuit
point que celle qui ferait le repos
fût égale à celle qui produirait Le
mouvement,. Dieu-ayant pu fubor-
donnèr l'une à 5'autre & voulojï
que la première cédât toujours à
te féconde.
Je ne nVétonnçdoncpasdecequç
M. Defeartes a,eu cette rjenfée , car il
.eil difficile de penlër a tout i maïs
je m'étonne feulement de ce qu'il
'île l'a pas corrigée , Xoifqu'ayant
pouffé plus avant Tes connoiflânees,
,ll a reconnu l'éxiflence & quelques
effets de la matière fubtile qui envi-
ronne les corps j je fuis furpris de
xe que dans l'article 132. de la qua-
trième partie U attribue la force
qu'ont certains corps pour fe redref-
ler à cette matière fubtile , & que
dans les articles <,<,. & 43. de la %, par-
tie & ailleurs , il ne lui attribue pas
leur dureté, ou la réfiftance qu'ils
font lorfqu'on tâche de les ployer &
de les rompre , mais feulement au
repos de leurs parties. Il me pa-
tfSo fLÏVRE SIXIEME.
Toît évident que la caufe qui redreC-
Te & qui rend roides certains corps,
efl la même que celle qui leur donne,
.la force de réfifter lortqa'on les veut
rompre : car enfin la force qu'on em-
ploie pour rompre de l'acier ne dif-
'fcre qu'rrrfenfifaïement de celle par
iaquéîle on le ploie jufqu'à ce qu*il
Toit prés de fe rompre.
Je ne veux point apporter ici
Beaucoup de raiions que l'on peut
. dire -pour prouver ces ctiofes : ni
répondre à quelques difficultez qu'on
pourroît former fur ce qu'il y a des
corps dursqui ne font point fenfible-
iïient reflort , & que l'on a cepen-
dant quelque difficulté à ployer.
Car il fuffit pour faire évanoiiirces
difficultez , de confiderer que la ma*,
•tiere fubtile ne peut pas facilement:
fe faire des chemins nouveaux dans
lescorps qui fe rompent lorfqu'on
les ploie , comme dans le verre &
dans l'acier Kempé: & qu'elle le
peut plus facilement dans les corps
qui font compofez de parties bran-
ceuës & qui ne font point caftants
comme dans l'or & dans le plomb:
& qu'enfin il n'y a aucun corps duc
gui ne fatfè quelquepeu de reflort,
A»
'DE.LA.-METH.iI.PXKT. jer
, -II efl aiïèz difficile de fe perfuader
<<jue M. Defcartes ait crû pofitive-
jnent .que la caufe de la dureté. 'fut
jdiffereute de celle qui fait le reflort,
& ce qui paroit plus vrai-femblable:
p'eft -qu'il Ji'a pas fait .aflèz de.réflé-
odon-iUI cette matière. Quand ona
.médité Iong-tems fur quelque fujet,
& que Ton s'eft fatisfàît fur les cho-
! (es que l'on vouloit fçavoir , (buveiu
on n'ypenfe plus. On croit que Jes
penjfées que l'on en a eues font des
.veniez inconteÛables qu'il eft inutile
d'examiner davantage. Maïs il y a
dans l'homme tant de chofesqui.Ie
dégoûtent de rappIication,qui lé por-
tent à des confentemens trop préci-
pitez ,& qui le rendent fujet a l'er-
leur , ^qu'encore que Fefprrt demeu-
re apparemment fatisfait , il n'eil
pas toujours bien informé de la véri-
té. M. Defcartes .étoitiomme com-
me nous : on ne vit jamais plus de
iblidité , plus de jufteflè, plus d'éten-
due, St plus de pénétration .d'efprit,
que celle qui paraît dans fes-Oùvra-
ges; Je l'avoue, mais ilfl'étpit pas
infaillible. Ainfi il y a apparence
qu'il eu demeutéfifortperfiiadéde
ionfentiment, qu'iln'apas fait réflé-
Tomc JU. Q
%<& tîVRl SIXIE'ME-
xion qu'il affuroi t quelque chofe dans
la fuite de lès principes qui y étoit
contraire. II I'avoit appuyé fiir des
raifons tres-fpécieufes £c tres-vrai-
femblables ; mars telles cependant ,
qu'il n'étoit point comme forcé par
elles de s'y rendre, II pouvoit encore
ftfpendre fon jugement, & parcon-
fequent j! le devoir. Il ne fuffifok
pas d'examiner dan? un corps dut
ce qui peut y être qui le rende tel , il
devoit auffi penfer aux corps invifi-
Hes qui peuvent le rendre dur , com-
me, il y a penfé à la fin defes princi-
pes de Phiïofophie , lorfqu'il lent
attribue la came du refïbrt : il de-
voit feire une divifion exacte , & qui
comprît tout ce qui pouvoit contre-
ïmer à la dureté des corps. IlncfufB-
foit pas encore d'en chercher la caufg
en général dans la volonté de Dieu ,
fes volontez qui font tout le repos fie
le mouvement pouvant être Subor-
données, celle qui fait le repos à celle
qui produit le mouvement des corps*
II devoit de plus penfer à la matière
fubtile qui les environne. Cac quoi*
que I'exiftence de cette matière ex-
trêmement agitée ne fût pas encore
prouvée dans l'endroit de fes princi.
Goo8k
DELA METH. IL Part, #j
pes , où il parle de la dureté ; eHé
n'était pas auffi re'fettée. Iî devoit
donc fûfpendre fon jugement , & fe
Sien reSbuveoir que ce qu'il écrivoit
de la caufe de la dureté & des règles
du mouvement, devoit être revu tout
de nouveau , ceque je croï qu'il n*a
fpas lahavec afiez de foin. Ou bien il
n'a pas a0ez confîderé la vérkable-
bïeraifon d'une chofequ'ilefttres-
fccile de reconnoître , & qui cepen-
dant eÛ de la dernière confequence
dans la Fhyfique ; je l'explique.
M. Defcartes fçavoh bienque pour
ibûtenir fon fyftéme , de ïa vérité
duquel il ne pouvait, peut-être pas
douter, il étoit abfolurneritnéceffaire
que les grands corpsoomrmînica.ftent
toujours -de leur mouvement aux pe-
tits qu'ils rencontreraient , & que les
petits refallrftent à la rencontre dei
plus grands , fans une perte pareille
du leur. Car fans cela fon premier
élément n'auroit pas tout le mouve-
ment qùil ell néceflâire qu'il ah par-
deffus le fecond,ni te fécond pardeflùs
ïetroifiéme; & tout fon fyftémefe-
roitabfoïumentfaux, comme le fça-
ventanez ceux qui l'ont un peu mé-
dité. Mais enîuppofamquelerepoi
C,„„sk-
3ff "Vite SIXIEME.
ah force pour réfifler au mouve-
ment, 8c qu'un graud eprps en r&*
pos ne puîue être remué, par un autre
plus petit que Lui, quoiqu'il le heurte
avec une agitation furieuiè] il efl vi-
able que .les grands -corps doivent
avoir beaucoup moins de mouve-
ment qu'un pareil volume. de plus
petits, puifqu'iis peuvent toujours
félon cette fuppofi tion communiques
celui qu'iU ont , & qu'ils n'en peu-
vent pas toujours recevoir des plus
petits. Ainft cette fuppofition n'étant
point contraire atout ceque M. Def-
cartes avoir dit dans fes principes de-
puis le commencement jufqu'à L'éta-
bliflèment de fes règles du mouve-
ment : & s'accommodant fort bien
. avec la fuûe de fes mêmes 'principes,
ilcroyoitque les règles du mouve-
ment qu'il penfoit avoir démontré
dans leur caulè , étoient encore fut-
liiàmment coniirméespar leurs effets.
Je tombe d'accord avecM.Def-
canesdu fond de la chqfe ; que les
grands corps communiquent- beau-
coup plus facilement leur mouvez
ment queUes petits : & qu'ainfi fon
premier élément eft plus agité que le
fécond, & le fécond que letiroiûcme.
ÔÉfcAMETH. II. PAhT. fy
Mais la caulè en eft claire fans avoir
égard à fa fuppofition. I,es petits
corps & Iescorps fluides, l'eau, l'air,
&c. ne peuvent communiquer à de
grands corps, que leur mouvement
uniforme & commun -à toutes leurs
parties : l'eau d'une rivière ne peut
communiquer à un batteau que- le
mouvement de la- defceme' qui eft
commun à toutes les petites parties
dont l'eau eft compofee ; & chacune
de ces petites parties outre ce mou-
vement commun, en a encore une'
infinité d'autres'paitienliers. Ainfi il
eft vifible par' cette "raifoiï, qu'un
batteau par exemple ne peut jamais
avoir autant de mouvement qu'un é-
galvolumed'eau , puifqueïe batteau.
ne peut recevoir de l'eau que le mou-
vement direâ & commun a toutes les ■
parties qui la compofent. ■ Si vingt
parties d'un-corps fluide- pouffent
quelque corps d'un côté , il y en a au-
tant qui le pouflènt de l'autre: il de-
meure donc immobile-, & toutes les
petites parties ducorpsfluidedansle-
quel il nage , rejailliffent fans rien
perdre de leur mouvement. Ain» les -
corps greffiers , & dont les parties
font unies les unes avec les autres ne-
GooSk
$66 LIVRE StXlE'ME.
peuvent recevoirque le- mouvement
circulaire & uniforme du tourfeirioîi
de la matière fobtile qui les envi-
ronne.
II me fembleque cette raifon fbï-
fit pour faite comprendre que ïcs.
corps greffiers ne font point fi agitez
que ks petits , & qu'il n'eft point
neceflàirepour expliquer ces chofes
de fuppofer , que le repos ah quel-
que force pour réfîfrer au mouve-
ment. La certitude des principes-dé
la Phtlofophïe-de M. Defcarces ne
peut donc fervir de preuve pour dé-
fendre fes règles du mouvement : &
il y a lieu decroire que fî M. Defcar-
tes lui-même avoit examiné de nou-
veaufes principes fans préoccupation,
-&enpefantdes raifons femHables à
celles que J'ai tfites , il n'auroit pas.
cru que les effets de la nature enflent
confirmé (es ïegîés , -5e fie feroit pas
tombé dans la contradiction, en attri-
•fcuarKÎa dureté des corps durs feule-
ment au repos de leurs parties, 8e leur
ïeftort à l'effort de la matière fubtiïe.
Au refleje croi devoir avertirque
cequigâteleplusIaPnyfiquede M.
Deicartes eltce'faux principe que le
repos a de la force j Carde là il a tiré
. DE LA METtf . II. Paht. 3<?7
4es règles du mouvement qui font
fautes : de là il a conclùque les bou-
les de fon fécond élément étoiem du-
jes par elles-mêmes ; d'où il a tiré
de faunes raifons de la tranfmiffion
de la lumière & de la variété desoou-
leuts , de la génération du feu , &
.donné des raifons fort imparfaites
de la pefanteur. En un mat ce feux
principe que le uepos a de la force
influé prefque par tout dans fon fy-
iléme qui marque d'ailleurs un génie
fopérieur aux Philofophes quiTont
précédé : j'efpere que l'on «jnvien-
■d ra de tout ceci , quand' on aura ïù
•& bien conçu tout entier le feiziériiè
éclairciflèment , j'avoue cependant
-que je dois à M. Defcartes ou à fa
Jnamere de pnilofopher les fentimer»
[ite j'pppofeaux iiens> & lahaidieflê
le le reprendre.
1
Conclufion des trois derniers Livres,
J'Ay ce me femble aflèz lait voir
dans le quatrième & cinquième
livre , queles inclinations naturelles,
,& les panions des hommes les font
Jbu veut tombée dans l'erreur ; parc*
-Qiiij
GooSk
3*8 LIVRE StXlË'MË.
qu'elles ne les portent pas tant à exay -
miner les choies avec foin , qu'à en ■
juger avec préciphationï
Danslequatrrémelivrei'aimon- -
tré que l'inclination pour Iebienen
général , eft caufe de l'inquiétude de
w volonté ; que l'inquiétude de la
volonté met refpritdanS' uneagp-
tation continuelle: & qu'un efprit
inceflàmmenfaghé eft entièrement
incapable de découvrir les veritez un
peu cachées-: Que' l'amour des cho-
ies nouvelles 6Y extraordinaires nous
préocupe-fouventen leur faveur, &
?ue tout cequrportrle caraftére de
infini eft capable d'éblouir notre
imagination & de nous féduire. J'ai
expliqué comment l'inclination que
nous avons pour la grandeur , l'élé-
vation cVI'indépendance nous engage
xnfenlîblement dans la faillie érudk
non., ou dans-Petude.de toutes ces.
fcrences vaines & inutiles qui flattent
notre orgaeil fecret, parce qu'ell»
nous font admirer du commun des
hor»mes.J'ai montréquel'indination
pour lesplaifirs détourne fans cette
la vue de l'efprit de la contemplation
des veritez abfttaites, qui font les plus
£mple$ & les plus fécondes, &qu'ek
GooSk
DE LA METH. H. Part. tf9
le ne lui permetpas de confidérer au-
cune chofe avec allez d'attention Se
dedéfincereflèment pour eh bien' ju-
ger : Que les plaiGrs étant des maniè-
res d'être de notre ame, ils-partagenc
néceSaïrement la capacité de Pefprity
& qu'un- efprit partagé ne peut plei-
nement comprendre cequi a quelque '
étendue. Enfin j'ai fait voir que le
raport & l'union naturelle, que nous •
avons avec tous ceux avec qui nous -
vivons, 'cil Toccafion de beaucoup ■
d'erreurs dans Iefquelles nous tom-
bons, &que nous communiquons
aux. autres , comme tes autres nous ■
communiquent celles dans Iefquelles *
ils font tombez.
■ Dansle cinquième, en tâcïiant de r
donner quelque idée de nos pa£- -
fions ; J'ai- ce- me femHe afïez fait
voit, qu'elles font établies pour
nous -unir à toutes les choies- fenfî- -
Mes j & pour nous faire prendre par- ■
mi elles la dîfpofition que nous de-
vons- avoir pour leur confervaticur '
& pour la nôtre : Que de mêmé-quéi"
nos .fens nous unifient à nôtrecorps,'
& répandent pour ainfi dire nôtre*'
- aine dans toutes les partie* -qui -ïev
cftmpofent j qu'ainû nos émotions-1'
GooSk
47» .* UVHE SIXIEME
jaoïiSjfbDt comme farcir hors de nous-
mêmes, pour nous, répandre dans,
toùt'ce qui naas«nviïonne iQu'enlnt
elles «cm repliement fans celle les-
chofes: non félon ce qu'elles font<ea
«Iles-mêmes , pour former des juge-
raensde vérité, mais félon le «apport
qu'elles ont avec nous, pour former
«es'iugemensiwilesà la eonfervation
denotre être, & Je ceux avec les-
quels nous fouîmes unis-, ou par la.
- nature-, ou parnôtre volonté..
Apres awoit.iofïàyé de dètimàt
fes erreurs dans hzxun canfes , -êc-âe
délivrer Vefptibàcs pïéjttger-aufquelfr-
il'efifujet,.j,ai crû qu'enfin il était
temsde le préparer à la recherche de-
là veriré, Arafi j'arexpliqué daas ie-
fi xiéme \iv re 4 es moyens qai me>fem-
hlenr les plus naturels pour «ugBiea*
cer l'attention. &!l'etenduë,'de fret-'
prit, 'en montrant l'ufage' que i?on
Hem faire- de les ieœ , de fes partions-
Se de fon imagination, poux kri don-
ner toiîte-la force& toute ia senetva-
liondontileft 'capable. Enfuite j'aii
établi certaines Begles qa'H faut tare-
ceHàiEenieHtùfefervevpourdcoouvric
quelque raritéiquece foit : -je les-ai;
expliquées par çlufieurs exemples-
DÉLAMETHir. Part. 371
pour les rendreplusfenfibtes, & j'ai
choifî ceux qui m'ont paru les plus
utiles, ou qui renfermoient des veri-
lezplus fécondes & plus générales ,
afin qu'on les lût avec plus d'appli-
cation, & qu'on fe les rendît plus'
fenfifales & plus familières.
Peut-être qu'on reconnoîtraparcet
efiai de Méthode la neceflité qu'il y
a de ne raifonner que fur des idces-
claires & évidentes , & dont on eft
intérieurement convaincu que toutes-
les nations en conviennent : &dene
paflèr jamais aux chofes composées ,-
avant que d'avoir fuffifamment exa-
miné les fîmples dont elles dépéri"
dent.
Que fi l'on conJïdere qu'ATÎftote"
& les Sectateurs n'ont point obfervé
les règles que j'ai expliquées , corn--
me l'on en doit être convaincu , tant
par les preuves que j'en ai-apportées,-
que par IaconiïoifTancedeS©pïnions
des plus 2elez défenfeurs de ce Phi-
lofophe : peut-être qu'on méprifera
(a doStineimalgré tontes Iesimpref-
fions avantageufes que nous en don-
nent ceux qui fe laiuent étourdir pai
des mots qu'ils n'entende
. Mais fi l'on-- prend gai
GooSk
»r LIVRE SIXIE*ME
niéredephilofopher de M. Défiai*
tes j oh ne pourradouter de fafolidï-
té : car j'ai funifammentmontré qu'il
ne raifonne que fur des idées clai es
& évidentes , & qu'il commence par
les chofes les plus fimples avant que
de palier aux plus compofées qui; en
dépendent. Ceux qui liront les ou-
vrages de ce fçavaut- homme, fe con^
vaincront pleinement de ce que je dis
de hiy, pourvu qu'ils les- lifent avec
toute l'application néceflaire-pour
les comprendre : & ils féntironrune
fecrette .joie d'être nez dans un fiecle
& dans un pais aflez heureux; pous
nous délivrerde lapetne d'aller cher*
cher dans les fiecles paflez parmi les
Païens , & dans les extrémité/ de la
terre ; parmi les barbarres ou les é*
trangers , un Doâeur pour nous in-
ftruire de la vérité , ou plutôt un
moniteur allez fidèle pour nous di£*
ppfer à en-être- inilruits.-.
Néanmoins, comme on nedoit pas
le" mettre fort en peine de fçavoir les
opiruoïis des hommes ;■ quand inêrne
on ferait convaincu d'ailleurs, qu'ils
auraient -découvert la verhé -, je fe-
rais bien fâché que- l'euime /que ja
pjuois avoitici.pyuriM, Deicaites,
DELAMEÏU ÏÏ.Fart. 373'
ptéocupât perfonne en fa faveur , 8t
que Ton fe contentât de lire & de re-
tenir fes 'opinions, fans fe foncier d'éi
tfe éclairé de Ia-Iumfere de la veiroL
Ce feroit alors préférer l'homme à
Dieu, leconfulter à la place de 'Dieu;
& fe contenter de»' réponfes obfcures
d'un Philôfophequi ncnous éclaire'
point, pour évité* la peine qu'H y a >
d'interroger parla méditation; celui
qui nous répond A: qui nous éclaire
tout enferhble:
Oefl une chbfe indigne que de fë
rendre partifant de quelque feâe que '
ce foit; & que d'en regarder les Au-*
teurs comme s'ils" étoîent infaillibles:
Aûflî M. Defcartes 'voulant plutôt
rendre les'homtnes difciples de la ve-i
rhé que (éclateurs entêtez defes fen-
tfrnens , avertit expreûcmerit :' Q1C0H
n'ajoute point' du tout de fi/y h ce qu'il
a- écrit , & qu'on rten-retoive que ce
que la- force & l'évidence de' la raifort
fourra contraindre d^èn croire: II ne auSb j«
veut pas comme quelques Philofo- r« mnci-
phes qu'on lé croie fur fa pasolë:"^'"
il fe fouyient toujours qu'il-eft hom-'-
me,"&que nérépandant la 'lumière
que par réflexion , il doit tourner les"
efpritsde ceuxqui- veulenrétre éclai-'
Coo8k-
774 LIVRE SIXIE'ME.
rez comme lui, vers la raifonfouve-
raine qui Jèu-le-peut les tendre plu*
parfaits par le don dePhitelligencç.
La principale utilité que l'on peut
tirée de l'application à l'étude ofl de
fe rendrel'efprkplusjufte,pluséclai-
ré, plus pénétrant, oc plus propre à
découvrir toutes les veritez que Ton
fouhaite de fçavqir. Mais ceux^ut
Iifent les Philofopnes pour en rete-
nir les opinions & pour les débiter
aux autres, ne s'approchent point de
celui quielî Iavie & la nourriture de
Pâme: leur efprit s?aflôihlit & s'aveu-
gle par le commerce qu'ils ont avec
ceux qui ne peuvent ni les éclairer
ni les fortifier. Ils fe remplirent
d'une faune érudition dont le. poids
les accable, & dont l'éclat les éblouit}
Se s' imaginant devenir fort fçavans,
lorlqu'ils fe rempliûent la tête des
Opinions des anciens Pnîlofophes, ils
ne font pas réflexion qu'ils ferendent
difciples de ceux que faint Paul dit
être devenus fous en x' attribuant le nota
de fages : dicxnt.es jeeffe fapimet
fiulti faBi fimt.
La Méthode que j?ai donnée .peut
ce me femble beaucoup fervir à ceu*
qui veulent faire ufage de leur rai'
GooSk
DELA.METH. II.'Part. 37?
-iôn, ou Tecevoir de-Dieu lesrêpon-
fcs qn'ildonneàtous ceux qui fça-
vent bien ^interroger -■ car je croi
avoir dît les principales choies qui
peuvent fortifier & conduire ftatten-
tion de IMprit ,. laquelleeft la prière
naturelle que l'on fait au véritable-
Maître de tous les hommes, pour en:
recevoir quelqueinftrnction.
Mais comme'cette voie naturelle-
de rechercher la vérité eft fort peni-
-ble-, ■& qu'elle n'en ordinairement
-utile quepoui 'réfoudre des queftions
-de peu d'y fage , &dont la connoif-
fance fert plus fouvent à flatter nô-
tre orgueil, qu'à perfectionner nôtre-
efprit: je croi pour finir utilement
cet ouvrage, devoir dire , que la mé-
thodela plus courte & la plus aflii-
rée pour découvrir la vérité, & pour
s'unir à Dieu de la manière la plus-
pure& la plus parfaite qui fe puifle,.
c'eft de vivre- eaverhableChrétien.
C'eft de fuivre exactement les pre^
ceptes de la Vérité éternelle , qui ne-
s'eft unie avec nous que pour nous
*" réunir avec elle; C'eft d'écouter plu-
tôt nôtre foi que nôtre- raifon , &
tendreà Dieu; non tant par nos for-
eesnaturellcs qui depuis Iepeché font-
#r Eivre'sixie'Mé.
toutes Ianguiflantes , que par le fe-°
cours de la foi , par laquelle feule
Dieu veut nous conduite -dans cette
lumière îmmenfè de la vérité qui dif-
fi'per* toutes nos ténèbres. Car enfin
il vaut beaucoup mieux comme les
gens de bien, palïer quelques années
dans l'ignorance de certaines chofes
& fe trouver en un> moment éclairez
pour toujours , que d'acquérir par
les voies naturelles avec beaucoup
d'application & de peineunefcience"
fort imparfaite, &qui nous Iaiifiî
dans les ténèbres pendant toute Té-
ïêirùté.
*
*w *****¥¥¥*
LOFX GENERALES-
DE LA COMMUNICATION
DES MO-UV EMENS.
AVERTISSEMENT.-
CO m m e les loix du mou-
vement doivent être dif-
férentes félon les diverfes fup-
pofîtions qu'en peut faire tant
fur la nature des corps qui fê
choquent, & de la matière flui-
de qui les environne , que fur
les principes dont on tire ces
loix; je divi/è ce petit Traité en
deux parties. Dans la première}
je fùppofe que les corps qui fe
choquent (ont par eux-mêmes
infiniment durs, & mus dans le
vuide : & je prouve quelles doit
vent être ces loix ; non-feulé*
ment dans la fupppJition de Mi -
2
ArEKTISSÊMENt,
J>efcartes, que= le mouvement'
dc fe perde point , fuppofition
néanmoins que je croi ratifié do
moins à l'égard des corps qui
ne font durs que par' lc'neflbrti
mais encore dans la foppofîtion
que les mouvemens eontfaires
.e détruifént, ee que l'on fçait
par piufieurs expériences être
conforme à la vérité.
Dans la féconde partie de -ce
Traité, je ne fais aucune fuppo-
fitioû arbitraire t je prens les
corps tels qu'ils font natarelle-
ment. J'examine quelle eft la
eaufê de leur dureté & de leur
reflbrt :■ je tâche par ce moyen
de rendre la raifon Phyfiquedes
ioix du mouvement que l'expé-
rience nous a apprîtes ■ & mon
principal deflèin eft de prouver
clairement que Içs opérations
prescrites,. pour découvrir le ré-
sultat des mouvemens des corps
après leur choc, reprefcntent
Goo8k
JrEKTlSSEMENT.
nettement i refprit tes cfïèts na-
turels du choc j ce qu'on n'a
■point &it, ce me femble, dans
Tes livres que j'ai lus ïùr cette
matière , quoique cela (bit ne-
ceûaire pour donner à I'efprit
quelque fatisfe&ion.
Ce Traité eft fi concis qu'on
le trouvera peut-être obfcur.
Mais je n'ai pas crû devoir ex-
pliquer plus au long des veri-
tezquejene trouve pas fort uti-
les } & que la plupart des gens
feront fort bien de négliger»
pour s'appliquer â quelque cho-
ie de meilleur» 11 n'y a que la
feconde partie qui ait quelque
utilité pour la Phifique : l'exa-
men de la première n'eft bon
que pour s'exercer l'eiprït. Mais t _
■comme dans U * Recherche de je u Aâhv'.
U Vérité \ j'avois autrefois parle tie/aiitre".
des loix du mouvement par rap- "}"'" <dL-
port à celles que M, Defcar-
tes nous en a données > l'occa-
Cooglc
Jp-EKtïSSEMENZ
non qui s'eft prefèntée de cette"
nouvelle édition m'a porté à
examiner ce fujetde plus prés.
Ce fçavant PhiloiÔphe, a qui
je dois plus qu'à tous les autres
ensemble ,~ Je peu. d'ouverture
que j'ai pour- les- Sciences , a
fondé les loi» dû- mouvement ,
principal ement fur deux priw.
cipes : Le premier, que le repos
eft une force; véritable i Le fé-
cond, qye Dieu conferve - tou-
jours dans l'Univers une égale
quantité, de mouvement. J'a-
vois bien-' combattu le premier
de ces principes ; mais je- ne re-
connoilïbis pas encore la fauflè-
té ' ou : l'équivoque du fécond*
Voilà pourquoi ce que j'ai écrit
fcr ces loix dans le dernier Char
pitre de U Recherche de U Vérité,
il y aenviron trente ans, & long,
tems après dans un petit Trai-
té, ne me iêmble pas, aujour-
«fcuui conforme à-Ia vérité* Ce*-
vainement on ne peut, en ce cas
découvrir la vérité que par l'ex-
périence. Car comme on ne
peut embraflèr les deûeins du
Créateur, ni comprendre tous
les rapports qu'ils ont à fes at-
tributs, coniërver ou ne con-
iërver pas dans l'Univers une
.égale quantité abfoluë de mou-
vement , cela paroîÉ dépendre
..d'uqe volonté de Dieu pure-;
ment arbitraire, dont pat confe-
. quent on ne peut s'auùrer que
par une eipece de révélation , -
nielle qu'eft celle que donne l'ex-
périence. Or je n'avois pas en-
core donné aflez d'attention aux
. cliver fes expériences que des
personnes (gavantes &fort exac-
tes avoient faites fur le choc
des corps: parce que je m'en dé-
fois comme étant fouvcnt bien
trompeufês, &que j'étois prér-
venu en. faveur dc-M. Deicar-
tes, trompé par unrajfonnemçat
GooSk
ATEKTISSEMENT.
fort vrai-ièmblabJei dont je par-
leray dans ce Traité, Voici donc
maintenant ce que je penfe fur
les loix du mouvement. Ceft
aux Lecteurs attentifs i juger
de mes fentimens ; je dis atten-
tifs , car la matière eft plus
difficile qu'on ne croit d'abord.
J»
DES
%Ol% GENERALES
DE LA COMMUNICATION
jD E S MOUVKMENS.
PREMIERE PARTIE.
X>ms laquelle j'examine quelles
devraient être ces faix fi les
terps fe choquaient dans le vui-
def & s'ils étaient durs par eux-
■ mêmes; t. Selon la jttppojition
que la quantité abfalu'é de mou-
vement demeure toujours la
même. 2. Selon la fûppofitio»
qu'elle change fans cejfe.
f, T E fuppofe que les mouveraens
J fe communiquent & que les
corps en perdent autant qu'ils en don-
nent à ceux qu'ils choquent : ou que
Dieu conferve toujours une égale
Goo8k
'3H Des Loix Générales
fiiantïté abfôluë de mouvement {^e
is.abfoluë,pour marquer que les
mouvemens 'contraires ne fe détrui-
.fent point les uns les autres. Com-
me ce fentiment eft reçu de M. DeC
cartes Si deceux qui.le fuivent , '&
qu'il paraît même conforme à la
raifbn ,' je le puis fuppofer pour éta-
blir les- Loix telles que ce Philofb-
phe les devoit , ce me femble , avoït
données: car ces premières Loix font
indépendantes des expériences. Ce
.que je vais donc dire d'abord n'eft
■ que pour ceux qui reçoivent le prin-
cipe de~-M- Befcartes. Cependant il
me paraît certain àJ'égard du choc
des corps durs à jsîlbrt ,, tiue Dieu
; ne conferve pas toujours une égale
quantité .abfqluë 4e .mouvement,,
mais qu'il en conferve toujours une
égale quantité de même part : & que
le centre de pefanteur des corps après
le chocdemeure, ou fe meut toujours;
. avec la mêm&vîteflèqu'avani Ieéhocj
c'cft-à dire que les mouvemens con-
traires fedétruifent; de forte que plus
tel mouvement en- avant,, moins le
même mouvement en arrière, n'eft
point un mouvement .ou une force
.double , mais unmouvement ou une
force
GooSk
de la Communie, des Mates. 38^
Ibreë prccifemeiit nulle. Mais cela
s'expliquera , & fe prouvera dans la
féconde partie de ce.petît Traité.
H. Jefuppofê auûi que les corps
font impénétrables , parfaitement
durs ; & par confequent fans aucun
refTort , & mus dans le vuide j c'efl-
à-dire, fans que l'air groïfier ou fub-
til réfiile ou contribue à. leur mou-
vement.
III. Je fuppofe enfin que les corps
qui fe choquent fe meuvent fur une
ligne droite, qui palîe par leur cen-
trede pefanteur, & les points de leur
rencontre.
IV. Xe repos n'a point de force
pour réûfter au mouvement, comme
jecroUl'avoirfuffifaminentprouvé.* **«*■ *
V. Le mouvement eft le tranfport * 7b!\'r'.
d'un corps d'un lieu en un autre: &"'«'•
ce tranfport peut-être plus ou moins
promt, comparé à unautre tranfport.
VI. La quantité delà vîteue eft le
rapport del'efpace au- terris ; c'eft-à-
dire , l'expotànt ou le quotient de
i'efpace parcouru dîvifé par le tems
employé à le parcourir.
VII. Ainfiia quantité du mouve-
ment eft le produit de la vîteflè d'un
corps par lamaflè. Ce produit ex-.
Tome Jf& R
Coo8k-
jSrf J>es iohc Générales
prime auffi la quantité de fa foies
mouvante aflueuement appliquée à:
produire le mouvement, puifque Ie>
effets font en-proportion aveciefifoi-
«s qui' Ifes pPodunènt
VIII'. LacaulVnatureHeeu occa-
lionnelie de Ja diffribution1, & pat
confequent de ïa communication des
niouvemetis, eft le choc. Gar afin
qu'un corps en remue un autre , il
faut qu'il le pouffe ouïe choque: &
s'il le meut, ce doit être à propor-
tion de ïa grandeur duthoc,
I X. La quantité du- choc , <fe deux
corps égaux, ou dont le plus fort eft
le plus grana*, fedoit régler pat la
femme ou par la différence des vî-
teflès : par fa fournie dans le» vîtef-
fes en fens contraire, &parladif-
feienœ dans les vîtefles en mémo
fens. Aînfi dans le cas que les oorpa
foient égaux, ou que le plus fort foft
le plus grand, la quantité du- cfioc
eft égale à la femme, on à la diffé-
rence dès vîteftes, multipliée pat
ïa matlè d'un des corps s'ils font
égaux, ou <ïu plus petit, s'ils fbn*
inégaux. Car les corps nefe pouffent
que parce qu'ils font impénétrables.
Ils n'agiflènt dont que félon là vîtet-
GooSk
de U'Commumc. Ses Moti». 387-
ïfe aVec laquelle ils fe rencontrent;
dans ['mitant du choc. Àinii iorfque
le plus fort eft le plus grand, il n'a-
git pas félon toute fa tforoe fur le-
petitqui vient à fa rencontre, mais
félon la fîfene- fefpediveoii iafom-
me des vîteflès multipliée feulement
par la mafïedn peiit, qu 'il châtie de-
vant lui , parce qu'il a plus de force.
X. La quantité dtv choc de deux1
-corps i'rjégânjc ,'dôftt le plus fort eft
le plus petit, eft égale a la fomme
de leurs forces , ou de leurs iriouve-
mens , s'ils -vôflt l'un contre l'autre.
X&ar îes- corps étant impénétrables ,
ïè plus grand poufle-dans ce casfelon'
tonte fa force contre leplûs petit qui
le pouffe de toute la fîer>ne~. Mais lî
l'un ctei cbftft attrape l'autre, la'
•quamftédu cfiot èftégaïe feulement
à la dffferericé'defviïelîês rtruItipHée
parla maflëdapliispelit, parce qne
lé plus grand n'ipoirit de force con-
traire.
XI. Puifijue les corps font mus à
proportion qu'ils font pbuflëe.ilcG
clair que la qiKnEké du choff doit
régler la qu*it«é: dû mouvement
q\iedoit aVoir le' plûsfoibfc après
le choc. Aiflfî il fetit confideret le
Rij
c„„sk-
388 VesLorx Générales
plus foible comme en repos, fî Tp
mouvement qu'il avoit avant le choc
étoit contraire à celui du plus fort;
& comme ayant déjà quelque mou-
vement s'il étoit mû dans le même
fens que celui qui l'attrape , & qui le
choque. De forte que le plus foible
doit réjaillir avec un mouvement
égala la quantité du choc; ou conr
trnuer fon mouvement avec une aug-
mentation égale auflî à la quantité du
choc. Tout cela doitêtrçainfi, parce
quejefuppofe ici que le mouvement
ne le perd point ; que les corps font
impénétrables & durs infiniment;
que Je mouvement fe communique
par le choc immédiatement & dans
un mitant; & principalement qu'on
y prenne garde, parce qu'un même
corps , ne pouvant en «lêrne-terns
recevoir deux forces ou deux mou.->,
vemens contraires, le plus fort ne
peut jamais rien recevoir du plus
foible, & qu'ainfija force du plus
foible, doit retomber fur Jui-même,
aveceequeluien dorme le' plus fort.
Car.IeS corps étant fuppofe* parfai-
tement durs, foutes leurs panies
avancent ou reculent également. Au,
ïieu.que la partie çhoquçe des eprps
GooSk
de la Communie. cieiMoie». 38?
éurs à reffort recule, dans le tems
?ue la partie du même corps la plus
loïgnce de celle qui efl. choquée,
continue d'avancer. De forte-que ces
corps ont toujours dans l'inflant du
choedeux mouvemens contraires. Le
plus fort reçoit toujours dans fa par-
tie choquée le mouvement du plus
fbible , qui fe tranfmet enfuite dans
une matière infenuble, laquelle lé
rend aufli-tôt après Te choc. Et c'eft-
là l'origine de la grande différence
qu'il y% entre les ïoix du mouve-
ment des corps durs à reîTort, & cel-
les qui dépendent des fuppofîtions
que je viens de faire, ainii que je
le prouverai dans la fuite.
II y a quelques perfonnes qui pré-
tendent que u un corps parfaitement
dur en choquoit un autre de même
nature & inébranlable, le premier
demeiirerort eft repçs fans réjaillir;
à caufe , difent-îls , qu'il n'y aurore
aucune caufe nouvelle de mouve-
ment en arrière , & qu'il n'y a que
le refïbrt qui fane que les corps ré-
îaillinent après Iechoc. Mais faifant
ici abftraâion des volontez du Créa-
teur, ( puifqu'on fnppofeuncorpa
inébranlable, ce qui ne peut êtrc:
R iij
GooSk
390 tfes toïx Générales
naturellement ) on peut -répordre
dans la fuppolïrïon de M. Delcartes ,
qu'il y a une caufe nouvelle du
mouvement en arrière , Se que cette
caufe eit le choc même, qui fait que
fe choquant & le choqueront égale-
ment poufiez, parce qu'ils font éga-
lement impénétrables, & que le ebo-
qué eft fuppofé inébranlable.
Par exemple fi deux boules égales
A & B.font parfaitement dures, &
que A choque B qui ell en lepos , A
perdra tout fon mouvement , & B
le prendra. Cela doit être ainfij
car quoique B foit impénétrable,
il n'a point de force qui le rende
inébranlable. II eft pouffe fans re-
- pouffer, puifquele repos n'a point
de force pour réfi'fler au mouvement.
A n'étant donc point repoufl?, il ne
doit point rejaillir; & comme il
pouffe B de toute fa force , B doit
prendre tout fon mouvement. Çap
lors que les corps fpnt mus , ils le
font à proportion qu'ils ont été pouf"
fez.C'eft-Ia-ce me femble un principe
incomeftable.
Mais fuppofons maintenant que la
boule foit rendue inébranlable par
quelque force que ce foit, il parole
Goo8k
de UComatmk.des.MAKV. 391
«Tair que fi A la choque , il.fera.au-
tanrreponlTé qu'if aura poufsé, puif-
quel'un& l'autre font impenetraHes.
Donc parle principe , que les corps
(but mûscommeils font pouffez , il
rejaillira avecautant de vîteflè qu'il
étoit venu. Puifque lesicirconflances
Refont plus les mêmes que dans la
fuppofition précédente, il doit aflu-
rémentyavoir quelque diverfité dans
leieflêts. AirtfiiIn'eftpBsconcevable
quel; corpsA demeure en repos après
ù choc contre un corps inébrarilable.
Mais , dira-t-on , il n'y a point de
xeflbit i & c'eft le refsort qui,
donne le mouvement en arriére. Je
ï'avouë. Dans les corps à reflbrt ,
c'eft le refîôrt qui donne le mou-
vement en arrière. Mais c'ell que
les corps « reûbrt employent tou-
te la force de leur mouvement à
bander pour ainfi dire leur Teflort.
C'eft qu'ils donnent tout leur mou-
vement à une matière invifibie qui
le leur rend anflï-tôt ,.& -qui les re-
poufiè autant qu'elle e ri a eflé pouf-
fée, ainfi que je le fêtai voir* dans, y°*^Id,1£*
la fuite. lh itirent leur mouvement ciaireifl*-
en arrière de la forcené celui qu'ils ""■' • J'™-
avoient en avant.: car la force de pi'ôïe uwû-
R iiij
Goo8k
|j>i pet Imx Générales'
ik-éi [■ au- leur reiïbrt qui les ! reponfle vient-
"ff0* /e" uniquement de la- fo rce de leur choc;,
«orpt. aufli-bîen que dans les- corps parfai-
tement durs & fans reflbrt; Mais dan*
le fonds cela dépend des volontez
arbitraires du Créateur qui pouroit
vouloir que les corps durs & fan*
reflort perdiflent par le choc leurs
mouvemens; ^
■DEFINITIONS-
Rappelle m la marte d'un corps,
nne boule par exemple- d'un pouce
de diamètre , & i*b, yn, 4m, &c . les-
corps dont la maflë eft double ou*
triple, &c-
J'tfppeHc mo, un corps en repos",
mioum,mi, m$, &c, les corps dont'
la vîteflè eft d'un ou de- deux ou dé-
crois degrez : & mf, m}, &c, fi leur
vîteflè eu d'un demi-degré , ou deux-
tiers , &c.
Ainfî 2W3 fignifie un corps dont-
la maflë eft double, & la vîteflè tri-
ple d'un autre. Le premier nombre-
marque la mafse, & le fécond la vî-
tefse. Et Iorqu'iï n'y a point dénom-
bre avant m ou après, l'unité eft fous-
entendue. Ainfi m fignifie mi, mx^
vaut in», & sot vaut zmi. Ce figne-t-
de la Communie. des Mouv. 393
fenifie plus , & celui - ci — moins ,
ainû- + j — 2 fignifie plus 3 moins ».
P R EMI ES £ S LOIX
de la Communication des Mouvement.
XII. Pwt dtttx corps dont Tua efi n rtfes'
Exe hp les.
levant le choc.
1. r ma. mo.
m», mx
2i < m. 3JBO.
3. C 2m. mo.
4-. c 31112. «0,
5,- t 3012. 4JB0.
mo. im\.
2ia\. m. ■
3m*. I»2. •
3m». 4«î. ■
Ces Communications de mouvement
font fondée*. -
.1. Sur ce que le repos n'a point :
cteforcepour refluer au mouvement. •
. 2. Sut ce que les corps étant fup»
pbfez infiniment durs, la force du ■
troquant agit immédiatement & erï
uti inftant iur le
fequent il le-pot
téfse..
3. Stircequë
fois reçue, ellec
téme la mafse ,
Coo8k-
3$»f DtsLotx'Gewrafes-
fuppofée. Ainfî cette force étant dï-
TÎfée par la mnfse , oa a -pora expo*
fant la vîtefse du choqué.
4. Sut ce que le choquant garde
pour lui le mouvement qu'il ne don-
ne point.. De forte que divifant ce
refte qu'il retient , par fa mafse , on
apourexpofantlavitefsequiluirefte..
X£tî.. Pour deux corps quife choquent
quoique mfa du mime cêti.
Exemple s.
Avant le thoc.
■Après le choc:
6- *»?.. ni..
m, nu..
7.. wsz.. m..
vn\.. ma.
8.. mz. 2m.
m. zm\.
p.. im\. jnii.
owi. yn'i"-
Ces Communications font fondée»
fiirles mêmes principesque les trois,
premières; car il eft; évident qu'un:
corps qui eft mu dans le- même fens-
qn'im autre , n'a point de force con-
traire pour lui refifter, 8t qu'il n'cft;
choqué par celui qui l'attrape que fe-
fonla différence ofes vhefses.
If (ne fernnïe qu'il n'y a point de-
difficidré far, ces preriueïes régies..
de la Commue, des ffibuv: ^
Voici celles qui regardent les corps
qui fe choquent par fies ffloBvèmens
contraires; en fuppofant que le mou-
Tement ne fe pende point.
XîV. Pour dtttx corps qui fexhoquent
avec des mouvement contraires.
Exemple
rJtvmt te xboc. uiprtste-çhoc.
ro. m. m.
m. m*
n. mi. m..
En fins
no- ftsg.
tz. tm. ma.
contraire.
et».- nis.
13. w». m.
t«t-- m».
t^.im\. ta.
***■ m;..
1?. 3». m.
3** imi.
1*. 31». mt.
jwf.. mj..
Ces communications de mouvez
ment fuivent neceflàtrement des ar-
ticles 8, 9, BSjïi, Quoiqn'elles pav
roraentétrangtt, rfles fe rédaMèriti!
Cette régie* générale.
**
C,„„sk-
396 "Des Loix Gewratei
REGLE GEN ERALEè-
lorsque deux corps fe choquent ,foit-
que l'un fe meuve , & foutre demeu-
re en repos , foit que tous les deux fb
meuvent de même part , ou en fen»
contraire,
i. Cherchez la quantité de mouve- -
ment ou le produit de la viteftè pac
!â marte de chacun des corps mi'is en
fens contraire. Celui qui aura un
plus grand poduit, étant le plus fort
(.par 7. ) vaincra I'autre,& le fera re-
jaillir; & fi le plus fort eft le plus pe-
tit , il demeurera en repos, ^énfi il
n'y aura qu'à .ajouter; (on mouve'.
ment à celui du plus foiblej puiC
que ( par 10 ) îa Grandeur du choc
efldans ce. cas égalé à ia Commode -
leurs mouvemens. . Mais lorfque les
corps fe meuvent en même fens , ou
qu'on des deux eft en repos , celui
qui va le plus vice, fera toujours le
plus fort , parce que l'autre , quoy
que plus grand de malTe , n'a point
de force contraire ppur lui refîfler ■
s. Prenez ( parp. ou 10. ) Iaquan—
tué dttchoc , vous aurez '( par H.),Iew
àê U Communie desMmto. 597.
mouvement en arrière du plus for-
ble ,'fi les corps fe font choquez avec
des forces contraires ; ou l'augmen-
tation' de fon mouvement , s'ils aï-
Ioîent de même côté. .
. 3. Divifez ce mouvement ou cette
augmentation par la maue du plus
foible , & vous aurez fa vîtelTe ( pat
La démonflration de cettte regle-
dépend des articles 7. 8. 9. 10.11. &
jtrincipalement de l'onzième;
BXBMPLB.
■mil allant contre 31112. en fens conK
traire. ■
1. La force de mu efl 12. Etcello
de ycaz eft 6,
2. La quantité du rJioc eft 18. fom-
medes forces.
3. Quhdivifée par 3. nombre des-
maffes du plusibible donne 6. vitef-
fe.de 3012 qui devient 31116 en fens
contraire,, après le choc ; & ma.
dévient œo.-
Maîs fi 4»»3 choque 3012', le plus
fort en ce cas étant le plus grand, la
quantité du-choc eil yn^ produit de
làfomme des viteflës 2 6V3 par le.
corps le plus foible 31p. Donc 3ml -
ai
fe$' Des Loix Générales
deviendra par le choc ^my en fer»
contraire, & am\ fera réduit à 4m*.
- En voila allez pour les preaiieres
loix dans k fappûfition que la quan-
titéabfolue de mouvement demeaie
toujours la même: principe file le-
quel M. Defcartes a fondé en partie
fe loix du mouvement. Elles font
néanmoins bien différentes de celie-
eï , parce qu'il a crû que le repos
étoit une forceverhabîe , 8e capable
de rcTifterau mouvement.
REMARQUE.
M. Défîmes a cru que Dieu con*
JbvoitnujoursdansPVntventme égaie
quantité de mouvement. Il afpttymjwt
opinion fur ce principe tncontefisèie, que
PaBion du Créateur devoit porter ktw
raSere de fin mmntaMtité; tir qu'omit
fa volonté étant la force mouvante des
corps crèezjo* emfirve^cnmouvemtnti
H fallait fie cette force demeurât tou-
jours la même. Ce principe, que ta con-
duite de Dieu doit porter le caraérere
défis attributs i m fi peut nmejter ;
farce < tp/itéfl évident fa tavoïonti de
"Dien n'êfi qne Pumout fHt fi portes
tni-mimt & à fis divine t perfiBntns,&
de id Communie. des Mouv. -yptjr
yi'ainfi puifinfU n'agit que par fa vo-
lonté , il n'efi pas pojfthle qu'il démente
par fon aSicn les attributs dans lef~
meis U fe complaît neceffaïrement , ou
dans lefquels U tronvefa loi , la ngfe
inviolable de fa conduite. Car comme la
volonté deDkurtefi point tme imprefion
qui lui vienne {TaiHènrs & qui le porte
ailleurs: il efi à lui-même & fôm &
fa loi. Cependant l'expérience mus a
convaincu fie M. De/cartes s" efi trom-
pé: non que le principe Metaphyftque
de fon opinion fok faux; mais parce que
la cmdufim ffil en tire n'efi pas
véritable , quoÛHfeBè paroijfe d'abord
extrêmement vraifembtaHe , teUement
vraisemblable que je n?*i peint de hon-
te d' avouer qtC autrefois 'f y ai èUtromft
■Cefl ce ffil fiait tâcher d'expliquer.
Dans cette pnpofmon , Dieu oon-
ferve toujours dans I?Univers «ne
égale quantité de mouvement , il y
a me équivoque qui fait qtfeile ejl
vrayeenunfent & fauffè en montre-,
confirme ou contraire à Pexperiente.
Elle efl vroye en tefens ,que iecentrt
deptfanteur de deux ou plufteurs corps
qui Ce choquent de quelque manière m
ce puiffe itre,fe meut toujours de la
même vitejfè avant & après le chee,.
Goo8k
iféô" Vei toh Générales
I)e forte qu'il efi vrai que Dieu con fer*
ve toujours une égale quantité de mou*
ventent de même part, ou- un égal tranf
port de matière. Par exemple , lorfqm
mô cl/oque <,mo Inexpérience apprend*
• Té tithe. * ^aprés Icchoc iA6~réjaillit «14 -, &
\x\ Wen-tûi ■q^e Smo wancc ^tnz. Or 5«i ,oum 10
U mcon en avant moins 014» ou ce qui efl la
**' mêmc0bofe , plus m^ en arrière , efl
égal àm6ï qui efi la quantittde mou-
vement de même part ,-ou la même for-
ce qui était avant le choc. Ainft cette
propofition , Que Dieu confetve tou-
jours une- égale quantité de mouve-
ment, efl vrayeencejèns.
Mais cette ptopoftùon efl fauffh eJ*
contraire à ^expérience prife en ce
fens , que la fbmme du mouvement de
chacun des corps de quelque manière qu1- -
ils fi choquent, fait après le choc égale
àcelle qtf U s avaient avant le choc , ou
que la quantité abfoluf de mouvement
cemeure toujours la même. Car dont
^exemple ou l'expérience précédente ,
avant le chot, la quantité de mauve*;
menttfètoit quemèyeelledi <,mo étant
mile: mais après le choc elle devient
m\Af puifque yni-, oitmio-, plus W14
efi égal à miq. Ainfi par le choc la'
quantité de mouvement prife abfolument ■'
Goo8k
dé la Communie, des Mouv. qvr
€?efi*ù-dire fans avoir égard aux fins
contraires dont les corps font mus, aug-
mente ou diminué fans ceffe.
Cependant , il me paroîï que cette
proportion: Dieu conferve toujours
dans l'Univers une égale quantité
de mouvement, prife dans le -fins
vtai.& conforme à l'expérience ,■ M me
paroît, dis-je, qu'elle porte beaucoup •
plus le caractère des attributs divins,,
nonobftant la variété infinie des mouve-
ment des corps particuliers. Car félon
cette proposition prife dans fou- vrai
fins, le mouvement de tous les corps
en gênerai ejî toujours le même ; tout
demeure , pour ainfi dire, dans m par-
fait & immuable équilibre. Il efi clair
que Dieu agit toujours de la même ma-
nière ; avec uniformité., une parfaite
/implicite quifqu'il obferve fans ceffi
cette loi dans les chocs infinis des
corps, que leur centre de pefanteitr de~
meure en repos , ou fe meuve toujours
nonob fiant le choc avec la même viteffe ;
& par confequent qu'il y ait toujours
dans toutes les parties de. l'Univers
vrifes enfemble le même mouvement ou
la mime force , nonobfiant les mouve-
mens variables des corps particuliers,
niceffaires pour fer fe&ionner l'Univers^
Goo8k
f a» Des Loix GeneràJer
& pour exprimer lafagefâ & fa aie*
très attributs du Créateur.
Des Loix de-la- Communication du Mmt-
ventent félon cette fuppofttion confor-
me à ^'expérience , que la quantité
de mouvement change par te choc det
corps.
XV. Je viens Je étonner les lobe
du choc des corps-telles que M. De£-
cartes les devoir, ce me fèmble,
avoir déterminées félon fa fuppofî-
tion , qoe Dieu conferve toujours-
une égale quantité de mouvement',
s'il eût crû de plus que Ierepos n'a
point de force pour réfifter au mou-
vement, & qu'il n'en eft qu'une po-
se privation. Mais (i l'on veut main-
tenant fuppofer, quelaquantitéab.
foluë de mouvement change fans cef.
fe, & que les mouvemens con-
traires fe détrùîfent abfoiument
par le choc , non feulement dans les
corps durs à refforts , comme l'ap-
prend l'expérience-; mais encore
dans les corps fuppofez par eux-mé-
mm infiniment durs, fur lefqtiels
l'expérience neprat rien déterminer;
GooSk
de la Communie, des Mou», axa
M efl facile de concluredes principes
-que j'ai pofez d'abord , qu'elles doi-
vent être les lobe du mouvement
dans tous les cas differens. Carileft
clair que la fuppoutionque lesmou-
vemens contraires têdétruifent, ne
change rien dans les Ioixqueje viens
.d'établir , lorfque les corps font mus
en même fene, ou lorfque lechoqué
«fl en repos , puifqu'en ces deux cas
il n'y a point de forces ou de mou-
vemens contraires j & qu'ainfî la
quantité abfbluë de mouvement doit
alors demeurer la même.
Mais Ioïfque-Ies corps fe chtt~
quent par des mouvemens eontrai-
jtes. Voici Ja règle-générale.
Ségle Gitttrale.
r . Retrancîiezde chacun des corps
choquants la quantité de mouve-
ment du plus foiHe; puifque ce»
mouvemens étant contraires font
détruits par la fnppolttion. A-infï
après ce retranchement regardez le
plus fbiHe comme en repos,
2-. Cherchez quelle doit être la
vfreflëdu plus fort,endivifant par
& maflè le mouvement qui lui relie,
Goo8k
4&4' &es LoixGcn&ate?
& concevez qu'il choque l'autre nl!*-
. en repos par la première opéra-
tion.
3 . Ou le plus fort eft le plus pe-
tit, ou il eft le plus grand. S'il eft le
plus petit, il-doit communiquer au
plus foible tout le mouvement qui
lui refte & demeurer en repos ; & le
plus foible pair confequent fe morr-
voir avec la vitefte marquée par la
(èconde opération, -divïTée par fa
malle. Maîs-ii le plus fort eft aufli le
plus grand -, le pins petit fera mû
avec la vî telle qui reftoitauplus fort
par la féconde opération ; & le plus
grand continuera fon chemin avec te
mouvement qui lui refte. Je dis ici
que le plus petit'feramù avec la vi-
teile qui refloit atrplus fort après la-
feconde opération , & non pas avec
lafomme desvitefles avant îe'choc;
parce que je fuppofe ici que les mou-
vemens contraires font détruits , &
par confequent les viteflès de ces
mouvemens.-L'on voit aftez* que le
centre de pefanteur des corps qui fe
choquent, ira toujours de la même
viteûè- avant & ap^és le choc-
A UCmmvic. des Mm», /pf
EXEMPLES.
rjtv<mt le choc. jlpis le choc.
I. m. m. I ^,_„ _. m. ma.
3.». n,.r« fc./««
mf.
2W^. — m|.
II en efl ainfi des autres.
REMARQUE.
■Quoique je donne ces dernière*
: loix dans la fuppofi tion que les mou-
L-vemens contraires fe détruifent, je
m'aflùre pas qu'elles Ibient vérita-
bles dans lafuppofitîon que les corps
foîent par eux-mêmes infiniment
durs. "L'expérience apprend Lieu
que les mouvemens contraires fe dé-
iniifcnt d'abord avant la icadion du
relïbrt, comme je le dirai dans la
fuite ; mais c'elt que les corps durs à
reflbrt avec Içfquels on fait des ex-
périences , fe peuvent confiderer
commemous.commeje Ieferaivoit
plus bas ; de forte qu'on n'en peut
rien conclure touchant les corps in-
&
*oS Ves Zxîx Générales
Animent durs. Ce principe que le»
corps font mus comme ils font pouf-
fer, nie paroît inconteftabfe. De for-
te que deux corps égaux par exem-
plequi fe' choquent avec des vhe£-
fcs égales , dbiverit rejaillir , 8c ne
pas dênWUfer'ert repos , comme je;
l'ai conclu en conréqnencedeIa"fup*
pofition que j'aifaite. Hrï'eftpasà
propos de s'arrêter plus long-tems à
ces premières- Ioixdu mouvement , à
came de leur inutilité pour iaPhy-
fique. Venons à celles qui font plus
utiles , & dont il eft aufli plus
difficile d'en découvrir les railons.
Google
4°7
DES
XOIX GENERALES
DE LA COMMUNICATION
DES MOU VE.MENS.
SECONDE PARTIE.
Vans laqutlle f explique- les primipeî
neccflaires pourrettdrè la ratfin Phi*-
fique desloix du mouvement confir*
mets- par f. expérience ; je dôme ces
lak9,& je prouve que les opérations
que lesregles prefèYrvent pour mu*
: -y»er le rêfultat des mouvement det
corps- après le choc , représentent k
t'efprit\lcs effets naturels que le choc
protiiàt réellement dans les Corps.
Cette II. Partie mérite pins Vatten*
tiondu LeBeur que la première,
XVI. f k y a cette différence eflèn-
I. tieïïe entre l'aâion de»
<!WÇ&qur fe choquent , lorfqu'onle*
fopf«ie parfaitement dure par .eux*
,4.08 "Des toix Générales
tnêmes ou fans reflbrt , & celle des
corps qui ne font durs que par leur
reflort, que l'action des corps qu'on
Xuppofe infiniment durs, fe commu-
nique de l'un à l'autre immédiate-
ment , & dans un inflant ; & que
celle dei corps durs à reflbrt , tels
que font les corps durs ordinaires",
ne fe communique de l'un à l'autre
que lucceflivernent , à caufe de la
matière fubtile qui en. pénètre les
pores, & qui reçoit & redonne l'im-
preftîon des corps qui fe choquent.
Comme cette dïfferenceetl le princi.
pal fondement de celle qui fetrouve
entre-les lois des mouvemens , def-
queL'eije viensde parler, & les Ioix
qu'on tire des expériences, entant
qu'elles frappent nos fens ; c'eflune
néceffité de l'expliquer plus au
long , & de la bien démontrer.
H faut certainement de la force
pour agirou pour refiiler à quelque
adion. Les corps durs qui font ref-
fort fe redreflent , lorfqu'on les a
courbez , ils refluent à l'effort qu'on
fei'tpour les rompre: ils ont.danc
quelque force. Or cette force ne
vient point du repos de- leurs par-
tie», ni du repos.de celles .qui les
^environnent
Google
de -la Commode, des Moi».' 409
-.environnent & qui les pénètrent.
iCarli celaétort , un corps dur une
fois courbé demeureroit toujours
courbé. Donc il faut que les corps à
rellbrt fe iedreflênt par l'effort de
.quelque mouvement. En effet fi
l'on ne veut raifonner des corps &
de leurs proprietez que furies idées
claires que l'on en peut avoir, on
n'attribuera jamais à la matière d'au-
tre force ou d'autre aâion que celle
.qu'elle tire de fon .mouvement. II
iam donc reconnoître que la force
dureflôït vient de quelque mouve-
,ment. Or.ce mouvement n'efl point
dans les parties qui compofent les
corps à reflbrt , -puifque toutes ces
parties demeurent en repoUesunes
auprès des autres , lorfque le ref-
ibrt derqeure bandé. .C'en donc une * 11 ftroie
jieceflité de dire quele mouvement, {^n j*r*'jjj°
qui fait; la force des corps à reflbrt, * eh. du <-.
eft celui de la matière fubtileon in- pjLfJ "".
yïfihle qui les environne, & qui en rets dn
pénètre les pores. On peut d'abord fi eoJJ' F" j°
Ton veut regarder ceci comme une ^mpreson*
fuppofition. Mais il feue le méditer * }\m\'ie-
férieufementpourle bien compren-piata"iee°"
dre , & les autres fuppofitions que ".JL1- ««Utoi
je vas faire icar je conlens volontiers ^C™.X^
Tome III. S
Goo8k
5(to "Dts toix-Generales
qu'on regarde ■comme des ftippo&*
lions ce que je vas 'dite. On jugera
plus fûrement dans lafuïtefi cesfup-
pofitions font des véritez ou des puâ-
tes imaginations.
XVII. .Soit A un corps ordinaire
foûtenu & arrêté fur un plan im-
mobile Se infiniment dur. Si on le
frappe avec un marteau auifi duc
que :Ie plan, il eft cïaïr ce me fènible
que la partie que le marteau choque
immédiatement, avancera ,-& pouf-
fera la matière fubtile qui pénétre
les pores du corps A les plus proches
de la partie choquée ; que cette mai.
tiére fùbtiïe preffera la partie qui l'a
pouffe, auflî-bien que celles du corps
A qui font plus avancées, ou plus
proches du plan; & que ces parties
lus avancées en poufferont encore
'autres de même qu'on vient de dite
qu'afeit la partie choquée. Orfî cet-
te matière fubtile, qui feule indé*
pendamment de ce choc a de faction,
comme je viens de le prouver, trou-
ve peu de réfîftance dans lecorps A
pour continuer fon mouvement par*-
ticulier, & celui qu'elle reçoit du
coup de marteau ; le corps A s'apv
platira .-parce que les petites partie*
S
Jrlà'Carmumc.des Mom>. 41*
<mî le compofem , n'étant point
exaâement unies ïesunes avoolcs au-
tres, à caufe que chacune d'elles, eft
on entièrement ou preïqu'entiere-
mént féparée de fa voifine parla ma-
tière fubtile qui l'environne , Je
moindre effort peut changer leur lï-
tuation. Je ne. dois pas in expliquer
ici plus au long.
XVTÏI. Mais fî la matière fubtile
trouvedansie corps A beaucoup de
réfiilance à continuer fon mouve-
ment parrioflier, _& oeluy qu'elle
leeoit du coup, oh bien elle le fera
quelque .autre voye où elle puiffe fa-
cilement continuer à fe mouvoir
«omme auparavant. Et alo ra le corps
A demeurera quelque ,peu applatî
après le coapj.&'cela.à proportion
de la; force du coup.
| XïX-Oubienoatemêmematiere
ne pourra changer la tïflure&rar-
rahgemem des parties, du corps A ,
ni en leipilànt fe &ire une autre
voye, ou eUepuifle continuer à fe
mouvoir Avec la même facilité qu'-
auparavant ; de forte quTclie fera
forcée de retourner toute entière
dans les poresqu'elleavoit en partie
abandonnez, pour J remplir comme
Sij
C,„„sk-
'qn Des lotit Générales
elle faîfoit tout fon mouvement
avec plus de facilité. Et alors ce
corps A paraîtra tel qu'il étoit avant
■le choc On appelle mou le corps A ,
s'il s'applatit facilement ; dur s'il ne
peut s'apphuir, & h refort, G par
lechocMs'appIatitun peu,&fëré-
tablit promtement après le choc dans
,fon premier état.
XX. Iïfuitde cececii.que Iorf-
qu'uncorpsen choque unautrequr
efl en arrêt , ou qui fui refîfte , le
mouvement qu'imprime le choc ne
fe communique pas toutentierenun
inflaiit. Car puifque les parties du
corps choqué, & delà matière fui*
tilequi eiîdans leurs pores cède du
moins quelque peu à I'effo rt du choc,
ïleft évident que le corps choquant
continue fon impreffion : car ce
corpscontînue d'avancer tant que lej
choqué lui cède.
. a. Que dans le choquant il arrive
,1a rnême chofe , fçavoir que la réac-
tion du corps choque , &delama-
tierefubtile contre le choquant, ne
fe fait pas toute entière en un inftant;
mais Tucceffivement, & d'une partie
à fa voiiïne , de fortejjue cette réat>
tioB n'ell complète que torique la
delà Communie. desMouv. 413
partie du choquant Iapluséloignée
dû-point de rencontre n'avanceplus
vers le corps choqué.
3.- Que lorfque l'effort delà ma-
tière fubtile, trop comprimée ett
égal à la force des corps qui fe cho-*
quenc, il fe fait une efpéog'd'équiii-
tre , après lequel commence le ré-
jailliflement , qui augmente fuccefr
fivement, mars fort prormement : &
d'autant plus promtemenr que la
force du reftort eu plus grande j ou
eçquielHamêmecriofe, quelama-
tiere fubtile a été plus comprimée
parla réfiftance 'que le corps choqué
a lait au choquant.'
XXI. DansIa'fuppofitiondeÔef*
cartes, que le mouvement rie fe peref
point , on'aprouvé cy-devànt , que-
fi deux corps infiniment durs- , mus
par dés mouvemens contraires ^fe
choquent , le plus fort ne reçoit" au-
cune force ou aucun effet du choc du
plus foibïe, parce 'que le plus fort
ne peut recevoir du mouvement du
plus foible fans avoir en même
tems deux mouvemens contraires,
cequin'eft paspolTible, & laforce
des corps , ou reflet de leur choc ne
fisut eue que. du mouvement , ou-
S iij.
Goo8k
414 Tks Zotx Gcnetittes
du rra-nfpon aâuel. Mais H n'en efl
pas de même des corps à refibrt quel-
que durs qu'on- les- fuppofe. Dont la
raiforfreft que ces ferles de ooips- ne
communiquent leur mouvement! que
facceflîvement; Ai-rifî, quoique le
plus foible ne puiïfe vaincre le plus
fort, il paît vaincre une certaine
quantité de petites parties qu'il cho-
que dans feplus fort, IeGjueîleS ne
font point? fufHlamâietW îbûtenuê's
parceHesquîfbnt éfoignées de l'en-
droit où fefoikle cRoc: parce quecC
corps n'isfi poiht dur par lui-même,
mais par lamattere fw&til<qui prête,
rjurainfidire, & qui eé<fe toujours
ï'ètrbrï ducnoe..
XXII. Pour expliquer ceci, &
feire mieux comprendre- ce que \C
viens de dire des corps qui: font ret-
fort , forent les deux corps mz & m ,
c'efl à dite deux corps égaux , mais
dont îa vitefle de l'un foit double de1
la viteffe de l'autre , & qutfemeu-
yentpar des mouvefnens contraires.
5i cejs corps font iniminren t durs fc &
Goo8k
de la Catifflimk.des Mouv. 41Ç
qu'ils agiftent immédiatement, &,
en annulant l'un fur l'autre, wi de-
viendra mo après iechoc, &m de-
viendra m-3, parce que le plus foibîe
m ne peux vaincre le plus fort m^ ,
& que fon propre effort retombe fiiE
lui avec l'effort de mi , dans la fup-
poiîtîon que le mouvement ne fe
perde point. Mais fi l'on confidere
que ces deux corps font compofer
d'une infinitéde petites partiesou dç
petits corps , Comme 1, 2, 3. 4. &c. a*
%, c. d, &c, qui font en repos Ie&una
aupr.'s desautres, & de la matière,
fubtiie qui eflentr'eux , & qui les
foiltient, & les comprime, on verra
Bien ; Premièrement que les deux
parties a & b ont autant de force que;
la partie 1 , quoique de viteflè dou-
ble. Secondement que les trois a. b,
ç, la doivent vaincre , & l'obliger à.
reculer jufqu'à ce que la partie 2. la
foûtienne. Troifïcmerjaent que les
parties 1. i.doivent faire reculera. b~
c. & qu'ainfi les petits, corps font re-
fouliez en arrieredans wa. auflî-bien
que dans m, par cette raifon encore
un coup que mi n'agit point en un
infiant, & félon toute fa force fur
», à caufe que la matière fubtile qui
Siiij,
CcH>8k-
jpô Des Diix Générales;
eft entre les petits corps a. b. c. r. 27.
3. cède jufqu'à un certain point , ;où-
l'effort du choc eft en équilibre avec
îa refiftance de la matière fabule ;
équilibre qui ne peut durer qu'ui*
inftant.
XXIII. Orapréscet équilibre , la-
matière fubtile trop' comprimée,
c'en: à dire trop contrainte dansfon
mouvement circulaire dans les pore»
des corps, que le choc avoit changé'
les rétabli fiant dans la même figure"
* La pceu- (fi le reflbrt eft parfait, ) * repotiftff
T« de «ci également de part & d'autre les'
eft dant le ° , , i . T ,.
xvi. Eclair- corps qui s'etorem choquez. Je dis
citerne"" où également . parcequefuppofant ces
ic prouve eue ° , \r ^ Sic
li force cen- corps de même nature , le plus fort-
iriruge £« n'a pu comprimer la matière fubtile
îon/ 'de" Vé- dan s les po res du pi us foibIe,que pa r-
ther eft lace que lephis foible ', lui réfiltôit par
Ju"e% tef. un mouvement contraire, & qu'il ne
ton, pefan. poirvoii lui rélïfter qu'il ne fit dans
««pi!"' d" une partie du plus fort égale à fa-
mafle propre, la compreifion qu'il
fouffroit lui-même; ou une compref-
fion d'autant plus grande que la par-
tie de la malle comprimée étoit plus
petite , csiî il ne peut y avoir équili-
bre fans égalité de forces contraires.
Mais quoique les corps choquez-
C,„„sk-
lie la Communie, des Mou». 417
foient repouflez également pat la
matière fubtile, ii&ne doivent pas
, rejaiïliravec une égale viteiïè , fi ce
ri'eft qu'étant égaux, ils fe fanent
.choquez avec des vhefles égales : il
eftcIairqu'Hsdoiventrejaillir avec
des viteUesquifoienten raifon réci-
proque de leurs maffes: Venons main-
tenant aux Loix des mouvemens'
fondées fur l'expérience.
.*"*
4i8> TSkP&îx- Générales-
LOIX GÊNE RALES
DÉ LA COMMUNICATION
BÉS MCHJVEMBNS.
FONDÊ'IS
SUR L'EXPERIENCE.
Plusieurs Sçavans Mathémati-
ciens, ap&moiï foârun grand
noiillaé * &&epèiiéBêéi for! «rades,
furie ek»de% corps, bous ertt.dorfc-
né les règles. qui fuivent..
REGIE d&ÏCEILALE POUR LE.
choc des corftmous.
XXIV. Lorfque deux corps mous,
fe rencontrent , lesmouvemens oon-
craires-, s'ils en ont , fe détruifent ,.
& ils vont de compagnie avec le:
mou vementqui leur refle. Ainfi lèuc
viteneapréslechoceftégaleà ladit-
ierencede leurs mouvemensavantlc
ehocdivifée par la fommedeleurs-
mafles. Mais s'ils n'ont, point de:
mohvftnent contraire., ils vont de-
Coo8k-
de la ComUanîc. des Mou». 41$
compagnie après le choc', avec la
fomme de leurs mortvemem. Ainli-
leur vitefle eft égale à là fomme de
leurs mouvemensdiviféepar la fom-
me de leurs maffès.
REGLE GENERALE POUR LE
choc des corps à rejfort.-
XXV. r. Regardez-les d'aBorrT-
eomme des corps mous. Ainfi divi-
fez la fomme ou la différence de-
leurs mouvemens par la fommé>
de' leurs malles; la fomme' fi Ieurs^
mouvemens ne font point con-
traires ;& là différence , s'ils: le font.-
L'expofant de cette divi'fiort mai-
queroh Ieurviteiïê côrnrnune,& d«-
même part , s'ils étoiefit mous: _
4. Mais a caufe du reftort diftti-
Êuez à contre fens c^efl à dire_récT7-
proquement aux maues leut vîteffè-
refpeâive avant IéchocCeftadire ;
fa* fomme de leurs, vheuœ fi- leurs-
mouvemens font contraires:;. lent'
différence , s'ils fontfemblables.-
3. Ajoutez les.moUvemens.iemBIat-
bïes , & retranchez les contraires--
Les exemples éclat rciront ta règle:.
ÏLefigne — moins marque'Ie mou--
vementen fenscontraire,&:==23iiar>
gue l'égalité;. Sv>ji
4» Des Loix Getteraler
Prfm-i-er Exemple.
. A:rr:m4.ttncontrant,B — 3mo*
i.A=:m£. &=zyn6. \.
i. — mi8. I $m6.
Ï.m6— toi8=>— wiî.1 3m(î4-3m<ï:
= 30111..
Donc A anrami2 de mouvement en
arrière, &B en aura-jmrien avant.
Second Exemple.
Soit maintenant A m wn ren>
contrant Bz=3mi»,par des mo*
vemens contraires.
r. A= — m6. |B^m£,
t. — mrS. — 3m6, -
a.— -hhS— wi8 —«24. 'Et 3m6 —
gmiîzir jmo. -
Dont A rejaillira «24. & B demeu-
rera en repos.
Troisième Exemtie.
Soit Arzrwiz qui attrape Brrr $014. -
t. ArzraMÎ. j Brrzjnnî.
Coo8k-
'de la Communie, des Mou». qw
m6—mfc=3m. 31116+- 3012=3018.
Donc A demeurera en repos, & B
fera 31118.
H feroît inutile de donner d'autres
exemplesj ca* la- regleefl afsez claire.
Mais la raifon phyfique de la règle
ne paraît pas d'abord; parce que les
operationsqu'elleprefcrit ne repre-
fentent point afsez à I'efprit les ef-
fets naturels du choc dans les corps
qui fe choquent.- Je m'explique.
Cette règle preferit deux choies.
Car fuppofé que A =1014 choque
B en 3 iHOjelle-prefcrit* -
1. .De regarder ces deux corps com-
me mous , & de les faire aller après
iechoc d'égale viteffe. Ainfi /»m de-
vient m6 , &- 31110 , 3016.
2. Elleprefcrit de diftriBuer réci-
proquement aux rnaûes ïa Comme ou '
Indifférence des viteflès, parce que
les deux corps font également re-
pouffez. De forte que m6 doit êtte
repoufféen arrière aveclaviteflèrS,
& $m6 en avant avec la vïteûe 6.
Donc ajoutant les viteffes fembla-
bles, & retranchant les contraires ,
ï». corps A -deyiçnt..— ww, ct-te
4fi ISeï toix Çfaarxtef
corps B. 3m ii C'eft àdire que ïéy
corps B.- a jran demouvement en
avant, &.A rnirde moavement err
arrière.
XXVI. Dans les reglesqui regar--
dent la Phyfïque, il faut quelesope--
ratrons"' qu'elles prefcrivent répon-
dent aux effets naturels, & Iesrepre*
ièntent à l'efprh. Car fi lecalcul ne
s'accorde point avec les opération*
de la nature, il eft clair que la règle
qur ïe preferit n'efl point fondée en
raifon , quoiqu'elle puiues'accorder
quelquefois avec l'expérience. Une
raie régie au Iieudenousconduire à
quelque intelligence de -la vérité r
nonseftordinairementune oécafion-
■ d'erreur.
l La-premîere opération paraît
fort étrange, puifqtfeile' ordonne'
d'appliquer à des corps durs la règle-
des corps mous. AinfHe premier cal"-
eul ne paraît pas d'abord répondre à
l'effet natureLqu'il doit représenter-
àl'efprit.
2. La recondeoperatFon paraîten--
core contraire" à la raifon : car ew
fiippofant que- le corps A choquant
B en repos , comprime la matière
fabtitedc-'ioutefaibrce qu> efl mt^,.
GooSk
de taCûmmmïc.desMoiev. ^zy
ïa réaction de cette matière fukik,
ouIaforcedureflbttneferaqueȕ24.
Or en diflribuant félon la règle la
vitelTe 24 réciproquement aux maf-
fes , on repoutte A avec la force miS,
& BavecMwS, c'efl à dire que la foc-
ce du reflbrc doit être myS: plus
Erande d'un tiers que «24: & cette-
trceauroit encore été plus grande,
£ le corps Bavok euplus de maflê ;
car en augmentant à l'infini la mufle
du cdrps B , qui eft en repos , la for-
ce de la réaâion devient enfin doti*
ble félon la féconde opération de la
règle. Or encore un coup la force du*
reflbrt, ou la réaâion de la matière
liibtile ne peut pas.ee femblefurpaf-
fer Iaforcequî fa comprimée.. Cela
ne paroît pa* conibrmea la rajfon.nï
même à Fexperiènce j car lion Iaifle
librement tomber une boule à nefïbtt
fur un plan inébranlable de rneme
nature, jamais la boule neremonte— .
râ plus baut que le lieu dont elle eft:
tombée. Ces raifons fort vraifémb a-
bles m'ont autrefois fait douter deia^
j'ufteue des expériences , & prévenu-
d'abord contre la régie générale, par
laquelle la quantité abfoluë demou>
yement change fans celle..
dT
8(44 D" i*»* Getteratét
Cependant puifquela regleefl corï^-
firmée par un grand nombre d'expe- -
xiences exactement faites , comme on
ïé doit fuupofex , & qu'il eft împof-
fible , en établiitânt d'autres opéra-
lions, qui d'abord paroîtroiént peut-
être plus vrai-femblables , de neriên
dire qui ne cEoque ces expériences ,
comme on le vera bien-tôt j il faut
non feulement s'en tenir à la règle,
rnais tâcher de découvrir les raifons-
phyfiques des opérations qu'elle-
prefcnt. -
de UCommunk. des Motfv. 42$'
XXVII. L'expérience apprend que
fî: deux corps durs, comme deux
boules d'ivoire ou de verre A & B ,.
fufpendus à un fil , fe choquent, &
rejaillifiem chacun avec une certaine
quantité de mouvement fort diffé-
rente de celle qu'ils avoient avant le
choc: elle apprend, dis-je, qu'ils
confervent toujours la même quan-
tité de< mouvement de même paît*
Parexemple. Si avant Iechoc A ren-
contre-avecla force mn , B , dont la
force contraire foit am^. A- rejaillira
avec la force m8, &B avec 21117. Ot
mn — 2mj^=m6zzzzmj— mS. Donc
il y aura avant & après le chcc la
même quantité de mouvement de
mêmepart,ou la même force.Si mz<\
choque nmo, «24 rejaillit mio ; &
nmo devient 111H4. Or- wi24=r 11014
— wî2o. Il en eft ainfi des^ autres.
D'où l'on voit que les mouvemens
particuliers peuvent varier, mais que
la force en gênerai de même part de-
meure toujours la même; ou que le'
centre de pefanteur des corps qui fe
choquent , a la même vîtelse avant
& après le choc.
XXVIII. II fuit de-Iàce que l'ex-
gerience confirme encore , fçavoit
Coo8k-
4 t6 Des faix Cfenerates"
que fi les corps , A & B , »tom&ettt
& fe choquent pour la- féconde foisy
ils fe rétabliront dans1 le même état
où ils étoient avant le premier €hocs
c'eft-à-dïre quefi Bavecla force 2017
choque A , m8', B deviendra zmj,
& A deviendra irai ; & les deux bou-
ies remonteront par le fécond choc,
où elles étoient avant Iepsemîer. Il
en efl de même des corps imo , &
11JB4: après le fécond ils fe rétabli-
ront iï)ï4 , 5c nwio. II en eff ainft
des autres , lorfque les mouvemens
font contraires ou qu'un corps efl
en repos.
En effet , il efl impoflSble que ce-
la arrive autrement , fuppofé que la
même quantité de mouvement de
même part demeure toujours , &
que la grandeur du fécond choc foit
egaleà celle du premier; parcetm'ou
ne peut partager la fommei<; desvi*
telles m8' &: 2W17, laquelle marque ht
grandeur du chœ 5 on nepeut , dis-
je, partager cettefommedeteUe ma-
nière qu'il y ait toujours. la même
quantité de mouvement de même
part , fi l'on n'en donne 12 à m, 6c
3 à 2w. On ne peut auffi partager 24.
&mme des vitelïès rmo & 117*4 avec
C,„„sk-
rfé la Communie, des Mouv. 417
& même' condition , mie les deux
ctorps ne deviennent, run 11124, &
l'autre nitto. Tout ceci pofécomme'
certain par' une infinité d'expérien-
ces qui" fe confirment, tâchons-dedé-
eouvrir les raiforts phyûques des-
opérations quepreferit la règle;
XXIX. Iîmepa~roît clair querour
corps par lui même eît infiniment'
mou puÉfque le repos n'a point de ■
force pour refïfier au mouvement ,
& qu'ainfïune partied'un corps plus
pouflëe que fa voiftne doit s'en fe-
parer. De forte que les corps durs ne* f. h ttr-
fbnt tels que par la compreflion de "/'Jjjîîj', £"
la matière invifï&Ie qui le* environ- chs Je uve-
ne,c* qui en pénètre tes pores , arn-n,£"
fi que je J'ai prouvé ailleurs. On
doit donc , félon la première opé-
ration de la règle , conffderer les-
corps qu'on appelle durs, comme
slfs étoïent mous ; du moins jufqu'à
finfîant de la parfaite compreflion
ou réaction de la matière fubtiîe qui
fait le reflbrt : car jufques-Ia' les pe-
tites parties, dont les corps cnoquàus
font compofez, obéilTent réciproque-
ment à l'effort du cfiocles unes après
les autres ainfi que j'ay expliqué * n tmt
dans. les articles * 20, ai&iî.Juf- ^,ece,ir"
Coo8k-
4'a8 Dm Loix Générales-
ques-Ià la force des môuveméns con>
t raïres comprime la matière fubrile ,
& lui communique fon mouvement. -
Après quoi le mouvement qui relie'
au corps le plus fort dans fa partie la
plus éloignee'du point de rencontre^
fe diftribue également dans le relie
de fa malle, & dans celle du plus foi-
faïe, comme dans les corps mous,
Ainlï Ton voit bien que la première"
opération de la règle, qui ordonne
de divifer la différence des mouve-
mens contraires par la femme des1
malles , repréfente à l'efprit reflet
naturel du choc des corps mus eu
fens contraire , faifantabffractiorï de-
là force du relfort dont la féconde
opération exprime l'effet , comme ou-
ïe va voir.
XXX. Cette lecondeopération con--
fille à diflribuer réciproquement aux:
maffes des corps leur vitefse refpec-^
tive* Or cela eu conforme à la raifon;
car les corps qui fe font choquez doi-
vent après l*inflant qu'exprime la
première opération, c'eft-à-dire dans'
rinltant de l'équilibre expliqué dans
Particle 22 & 25 , être repouflez à'
proportion de la comprelfion de Ii'
matière fubtile qui fait Iaforce da>
Me la Communie, àesMouV. 429
-jeflort , & cette compreflion dépend
de la viteile relpeâîve avec laquelle
tes corps fe choquent. Or à l'inflanc
de l'équilibre } qui eft celui de la
parfaite compreflion de cette matie-
Te fubtile, l'effort de cettecompref-
dion , doit necefsairement être égale
_de part & d'autre dans chacun des
-corps choquez; car H ne peut yavoir
d'équilibre fans égalité de forcescon-
traires.1 Donc ii faut que les mou-
vemens- des corps rejaHInTans
foient égaux. II faut donc que par
l'effort du reflbrt , leurs viteflès
foient réciproquement comme leurs
rnafîès.
Mais afin de comprendre encore
-mieux la règle & les raifons phyfi-
ques des deux opérations qu'elle
prefcrit, il eft bç>n d'en faire quel-
ques exemples.
Jj>rfque deux corps A & B fe meuvent
par des moirptmens contraires , on
que l'un des deux eft en repos.
I. Exemple.
A. n«4 choque B.y»o.
1, 1114 V"4*
-3,—jnxo, V*if
(go lies ï.ohc Générales
Sooune— «no 5m8*
Donc A , reiaillit_mi6 ;&B, avan-
cées. Or s?«Is fccboquent de nou-
veau, ilsferétablirontainlifclonla
legle.
Rétablilfement.
mi6 contre B. $m8
-m4. ^i«4
— mao. — 51B4
Somme— 0114. 5*0.
Doncen fuîvamla règle, A & B
fe rétabiiffent j ce qtt'aprend auflî
l'expérience.
ILExemple.
A 3102 contre B.
1. — 3013.
a. — 3015 —
5»&
-5m3.
Somme — 3ms. ■ 5»o.
«' Donc A. devient 3ms «narrïerc j
âclaVommmc.des Mouv. -43c
&B demeure en repos, &ilsferé-
•tabliftent ainfi. ,
Rhabliffanent.
A. imZ. cWque B. 5M0*
j. 31113. 5^5.
2. — 31115. v»J-
Somme— 51m. 5«<?„
1 1 L Exemple.
Des corpsqui fe choquent, quoi-
que mus de môme part.
A "124. attrape B. yn<\.
1. tnp, jrap.
3— mi^ 3«5.
Somme — m5. 31M4.
Rétabliflement par la règle des
mouvernens contraires : car A. ■
rc\6 va d'unfens, & B, 30114 d'un
autre.
Rétablîjjement.
A. m<S. contre B 31M4.
1.,— mp, 31»?.
a — 11115 30^.
GooSk
4J* Vet toix Générales
Somme— DW4. 3*134
4V. Exemple.
■•Pat des mouvemens femblable».
A jm2. atttape B m.
.1. jffij. ml.
2,— jrn^. tn\.
-Somme 3 m| jb|.
Pont le rétafclifsement il faut ïuï-
vre la règle des mouvemens fembla-
feles ; cat A & B vont encore ça mê-
me feus.
Rètabliffement.
A. 3m1-. eft attrapé par B. tn\.
1. jrnT. tnZ.
Somme jmi, m.
V. Exemple.
A. mS. attrape B. .«4.
-r. m5, m6.
a,— mz. i»2.
Somme
Coo8k-
He la Cwnmmic.desMotfr. 43^
Somme -h- 1114. m&.
Iljie ferait dans ce cas, comme
3ansIesmouvemens contraires, qu'u-
nepermutation réciproque des mou-
vemens, à caufe de l'égalité des maf-
fes. Car ta première opération des
îuonvemens Temblables répond en ce
cas ' à la féconde des mouvemens con-
traires;& la féconde à la première.,
Cn changeant les lignes de plus & de
moins , Comme on le voie dans cet
exemple. .
A. ; mS. contre B. W4,
.1. ma. -— — mx,
a — m6'. — — m6.
Somme— — m4. — n!8.
- KXXT. On voit dans le premier
-ejcemple que 11124. c001!* S"*0- de-
vient:— miS après le choc , & que
yno devient ^«8. 'Mais dans le fé-
cond exemple •qmiï, t quoique de
fcreèegaleàiru^, choquant le mê-
ttte-^MKï.^nedevientque— ym; &
jwe-que^wtf. On voit encore lamé*
Tome m. T
jg4 •' Ttes-Zùx Gmtftd&s
me chûie eu comparant cnlèoiHe. le
troifiéme & le quatrième exemple
Oc Hfemble d'abord que cela cho-
que la raifon. Car la force d'un
■corps eft le produit delà viteflepar
la maue:ainii 11124 n'a. pas pîus dé
force que-auiS. Donc la comprelïîon
:de fa matière fubtilCgui Jfeh le, ref-
fbrt:;.'devroitqtre ég$$ clans le pre^
TTifér & 'dansJe fécond exe.mple ; c§
qui eft contraire à la regTe,
Je répons que la compreflion delà
matière fubtiïe, ou que la grandeur;
fln retftrt'n'ëft point égale dans ces.
deux exemples , quoique les forces
11124. & 3ni§- '°'Çnt égaies. Car
dans Iepremierèxempleïiro.rce' $e
cette compreflion' eft égale à-mio, &
dans "le" fécond elle n'eft égale qu'à
gtirç , commg-H eft marqué dans fcs
fécondes opérations d&çe^exepFtpfes*.
"Dont la raifon eft que mi4. ne con-
ferve que 11x4- de' &n STpiuyBment
,dans J'inflar* de la^iis fortfi.cctnjn
preflicm , & <jue.jm8 m eonfervt en-
core 3rç$çoror«e':Oti k.vpit d#ps Je*
piemijcces .ppérfltions.Cftr il fa-m-
tjien prepdre^çde^ie le se^ojrtde^
cprp^.ne jfi bande , ou ç*.quieft Ia(
WtPp cbofe^fliK :fci mawe*e fubfcite
' 3cj4 Çcmmwùc.ies Motn>. ^43V
flie le comprime que fufgw'À I'inÇ- ..
riant dç l'équilibre, qui n'arrive que
lorfqwc les corps qui fc font choquez
peuvent aller 4e conipagnie. Car
■alors le plus fort n'agiltant plus fur
ieplus fpible, leurs pores ne font
plus; ide nouveau reciproquemeiit
^comprime?. Ainfi le rêlTarr com-
•jnence alors à fe débander par ïac-
-rion de la matière fubtiïequî les pé-
nètre. D'où il fuit que ,1e corps A ,
3ii»4i ne pouvant avancer que B ,
■SmorfaiH acquis autant de viteÛe que
-lui , il ne peut lui relier que «14 de
-waouvemeiitdans i'iiiflant deitjquî-
Jiïwe qui efl celui où ies «telles font
«gales, & oà #&t cpnfeqnent B ,
-■p»o efl levenu^t. Majs pair la
■mèmeTaifon, jinjSftpws avoir cho-
que le. même $mô,ii'cejj&rive eu*
■core 31M3 de mouvement,, torque
1<no eft devenu -£113. .Awtfi dans le
■ -premier ;eKeiinpIe.(BS4 a comprimé
*;rno avec la force rruo, eh devenant
lui , m^ ; &^mo , 5014. Mars jm8
.^upiquMgal3eoil»cea.ma4i ^'a
.comprimé ie même 5mo , qH'avecla
feco&^aaç , en devenant Ivà ,$m$.ï8c
1mo, 5m3- La compreflîori de lama-
liere fubtile n'efl donc point égale à
Tij
GooSk
jfifi ■Bestoîx Générées
-la foroe primitive des corps avantl*
choc : mais elle eft & doit être égale
à celle qu'ils employant à fe com~
primer juiques à ce qu'ils puiflënt al.
;îer de compagnie jC'efl-à-dire qu'el-
le eft égaie a celle qu'on retranche
par la première opération qui les a
Tuppolez mous. £t c'efî ce qui prouve
encore que ces opérations luivent Se
expriment exactement les effet* nata»
-Tels du choc des corps.
De même quoique mi<$ (bit une
ibrce égale à 41114 , cependant miS
réduit par le choc ^w8 au repos j
mais ^ni4 lui Iaiflè encore %nti\ de
fon mouvement , ainfi 3 mi , quoi'
que égal à 2053, il réduit par le choc
•jtnâ au repos : Et smj lui Iaiflè en-
core ^mf de mouvement de même
part. Dont la raifon Te voit parles
opérations, en faifant attention à œ
que je viens de dire pour en rendre
3a raifon phyfîque. Voici ces opéra*
lions.
A. 41114. contre S. 5*8.
GooSk
de la Communie, des Mouv. 457
Somme— 4mpf — ^«4
Le choc de mSxôntre ^mS efi dans
le rétablijfemem du premier exemple
ci-dejfus,-
A ïWJ confte B: QUE,
1. — imy yn%
1. — imy — 5»'#
Somme— imp| fMf:
3«i confre ^m<S ejï dans le fécond
exemple ei-deflus.
Je croi quelon petit voir mainte-
nant les raiforts tîe la règle & des opé-
rations qu'elle preferit, & qu'il
n'eftpas rieceflàîre d'entrer dans un
plus grand détail , & de rapporter
ici un plus grand nombre d'exem-
ples ou d'expériences. Onentrouve-
xa plnfieurs dans l'excellent ouvrag
de M. -Mariotte De la pereuffion ou d
choc des corps.
Comme l'objection que j'ai faite ci
ièflus dansi'article XXVI. contre I
Xiîj.
Coo8k-
43* Ves Loix Gamakr
reconde" opération de la règle , m**
autrefois faînîoûtëf de" Pexïditucfc-
des expériences, jecrpi devoir tâchée-
de l'écfaircir.. Pour cela il faut faire
attention à ce principe certain, que
fore»âk>o:êflégaïeàia-.wfiâariceq^ie-
trouve Paflion, ou qu'un cqtps qui
en choque un autre, foutrre dans Tes
■pàareJes la jnôifjt* cojnpKitïlon qu'il
produit dans l'autre, comme je.l'ai
expliqué -dans les articles m. ce 13.-
2i il faut remarquer que la compref-
■ Jîpn ne fe faifant qu'à proportion;
que ïè corps le plus fort trouve de 1*
tefiilance dapsje plus foible, cette
coirfpreilibrr ne s'augmente que juf-
qu'àce que le plus fbibfeait acquîst
une vifeiîeégaleà celledu plus fort",
parce qn'afors le pîus fôiole ne lui
iefifte plits , ott. n'empêche plus fort
iHdUVement; D'où .liftât que fi urt'
corps eri chdqueun autreen repos ïn~
fïfiimeht grand-, la compreflion eft.
égale à la force primitive du cho-
quant. Mais ff A, 11124, choque B-,
■fyio la compreffîorr ne peut être que
mi$ ; parce qu'alors A, étant devenu
m6 ; Se B jîmd.^égalitédesvitef-
fes arrête l'augmentation de fa com-
freiïlan.. J&ir. la-même raifcnij atnfce
GooSk
'de U Cornnmic.ées-Mim. fâf
éUe je I*aî. 4e|S dKt , ft 4-1116, «puai*
çH'éfflfiï à. 11124 choqua awb j-Iacoiin--'
pretuon ne peut étie q«e m8 ^iorf- :
que 41116 eit deverftt ,41114 £&2irï&,
21114. ^r puifque la compreffion efl
égaie dans- .forsidçux corps" 6ï. qâ'îis -
appuyent insmediateaiiënt l'un fut
l'autre , le débandement du relïbrt
de leurs parties par l'action de la
matière Subtile, les doit reporrflièï à
contrefens avec une «gâte force, ce
qui riefe peut fair« qu'en SvHam là
yiteffë réciproquement airarriàflèi ,
ainfi que pr-efcrit-fc' fircomde ' opérau- '
tiondeïa règle;
PROBLEME; '
"ttmrver généralement k refusât de*'0
' mtttivvïnîOiS des deux corps après . VJ,
Peur choc. '. ..'. ""■ .
. II rt'y.aqu'à faire lift- dett* drfcltfc"''
que la règle générale piefcrUi, -flè' '
dont j'aiiâcftéïk ibïftiet'er-dHsm ïa^1
raifon phiiiqrtCjïiDnfurdes corjJS fis -
des vltefsea déterminées ;mais furdes
corps dont les mafses .& ksvuelîès
foîent exprimées généralement. Pour
cela;, Faient w & » les deux corps :'■
>foir.IaLvîteJIèâe*; &rcefle.de"n: -
T iiij
GooSk
t4©- VësLUxGèneralet
Je fuppofe quo< ffltv foit plus .fort qtfe?
«r c'eft-à-dire que le- produit de ïar.
malTe du ■ corps m par fa vîrefTe », foie
plus grand que celui de n par r.
POUR LES M OUVE M EN S'-
en fent- contraire.
Pat la première™ opération cFe la*
Régie générale qui confîdere les corps"
comme mous, on aura mr—tirt pour"
la' force, ou: le 'mouvement quiieuï"
refte. Or les mouvemens des corps di-
vi&z par Icurs^mafles , donnent leurs'
viteffes. Donc — — exprime la vi- ■
telle de m-Orlïvheflç deTt,eft lai
même que celle de m, puifqu'ils.vont
on plutôt tendent comme mous à al-
ler de compagnie. La même, dis-je,.
mais en fens. contraire , à celui dont
iLalloitavant le choc ; car on a fùp-
poféque nr, étoit plus faible que mv.
Donc eu changeant les fignes de la
vheûêdewi qui eft ■— — ,.on aura:
r.*rr",-) pour celle dé-».
La féconde partie delà regle.ge-»
nerale prefcrjtde diftribuer.Ia.fom*-
Coo8k-
de là Communié. dttMouv. 441
.me [des viteflès v-t-r, réciproquement
aux maires. On fera donc ces propo-
rtions/
I". m+n.v+r: : n. ^- pour'
lavheflè dew.
IIe. »-*■«. ?-*.)■ •„•■»'" ■
pour la vrteflë de ».
Mais il faut changer les fîgneft des :
numérateurs, des exprefîions de ces ;
vnefles, à-caufe que le reflort , bandé
par la mutuelle compreffion de ces ■
corps, doit en fe débandant, lesre-! '
poufler en feris contraire, à leur pre-
mier mouvement.
, Aïnlï en ajoutant les- deux vheP. ■
fes, trouvées paria première opéra»
lion, à ces deux dernières: fçavoir, ■
la- première ; avec-— '■ — "
qu'onarenduënégative, en Ghan- '
géant les fignes , on aura la formule -*
rZ.TB.T~',''.F,ou v— s ». *. 21*_ 'porïÈ :
n-fit ■—!-»*
la viteffè de m , réfiiltante âpres le :
choc.'
Dé même en ajoutant la vitefle '
de » , tifée de la première opération^ •
fytvoiï, "£=~ avec -* ~=~r, oâ «
4$x ■ tfes^t'n'xGêmfAÏei'
aura. - , . T^S ou r— i w if
■■*-+*' ■■' .
1""*^? pourla vitefîe de », après le^
choc.
Ces deux formules exprimemge-
rteraJement les yitefles qui refiïlteiit
àiix-cQrp&dursàfefloFt'parfeh après,
qu'ils Ce font choqué picldes moti-
vemens direétement :c<mtraires,qu,el-
îes-que foient leuis matfes, & qti'-
ayeap été leurs vitefiès: avant leur
chog.. DeiortcquepouTiTÉfoudreJes
cas parûctiUer* , il riîy;a? qu'à? mettre -
dans ces-fominlesau lieu dos- lettres
m n v r , les nornhiwtpit: expriment
ia grandeur des- maflès' &:(fesi Vitef—
&s des corps ayant, ïechoc.
.JL.X ..E\M*. FL E-
Deux corps- m & n-fôcfibqtiêftC
par des monvemenstcomrarres. ma:
fix de maueeV trois ;de viiéfuVn.a:
deuxde maiïb.&.quaire deykefièî
c'efl adiré, 6m%\ contré ïtnq\ car
fes.UQmfcres qj.» îom-.avqnt m & » ex-
priment tQilJQUis.Ié rapport des mat
Tes de ces deux corps, 6V ceux qui:
Tés Auvent te rappQn.de Itsrs vii
ttflte.Onveut fçavoir ce qui leurar<-
& U-.fmmniteMMttt»: *2f
l««ira-pn,lc<£tx..-Tonr<ui3it ftuf
mettre daiis les formules ait lieu de'
m.n.v.r, les nombres 6, »ri 4 &
I dit aura pour IiMTiefle de m . après
ttAxjy—,- s; w^éèiï à;dirë,;
"*Tr Ainfi le corps, w, àrcaufe <£u fîr*
goe moins— *rec«lera,avcelavttef--
ft i. Dfemênw fa'VltelTe'de w-, qui tf|
fêter "formule >ÏL#m\ .^^graV
■ 4 _' ti V ££? , égal' à 4— 10V, égal-
B-^tfi AtoIi reculera atffec* fa vî-;
téflè <S J, à taule dh'fîgnei tfïôïiis; -flV
eWefl'aWiaésâàffreâ;- * '""."..:.
yoùà' £Es~'Mouvè:M'Étf~s''
femblables , os de même part'; lorf--
* qtfttri corpj attrape- Pamir & le-',
cloque, r. ....._
ta première opération de la réglé*
générale, «ferarW-dàns^ce^câS pourra-
cortde pairtede Ia-Regle-ordonne de^
âj^ribuejc non la fpmmt^nais h dif- -
ferencé v -*»r de* vueflès1; féciprbv
444 ■ T>tt LàirGeneralis-' '•
quement auxrnafib. On aura dortcî ■".
en faifànt une proportion femSIabte'
à-Ia précédente' ^1^^ pour la vî-:
ie(Te .de ^. . Et ^2^CP pQujr celle^* l
«. Mais il faut ; changer les fignçsde,
la: vîteûe de'» , ' parce qu*attra!pânt "
I'auwe,H-en eft repouffe àcontfer
fens de ion premier mouvement, par t
le. xcSbtt .des.coti>s,<»mpfflrnjz; -A-*
joutant enfin les deux yitefles*d,e,iw;-.
fçavoir.-ïg^avec B^J' , ou Htm*
a cfraogéjes fignes ; on aura IaJbr-:
mule pour la" vUeffe de m. Sçavoïr, .;.
" SrSS1 mi " i-ifi-r-' J ' • J?e<
même en ajoutant Ies_deuxvite(Ièsde_-
ffi ifwoit, ^fJTavfec ~f^~ , on «
anraw -ÏL — — i ôut~4**""[t'TV-
jpur la viteûe de n après ïechoe. -
E-X-.E.Ï P-L E~-
5« 4 , attrape 6 » a ,- la vheflè de-»>»
traKeft.-- étant -réduite-;, »
fifo^^+mtfa-.^ 'égal a f. Et ceHe.!
de to'-CmaûuiA iesMotn. W
iflpg-qni eftl * ■*,'"'' ~,r deviendra-
»-+** -4— * co ? J ot ces deux vite£-
les feront ppfiuyes & vers lé même.
• Mais Ii l'on fuppofoir que îWToar-
trapâi io. » 2 , on auroit pour ,1a vi-
tefle de «après le choc— -g devi-
lejlèi qui faroit contraire à fon pre-
mier mouvement à caiife de la gran-
deur négative moins 1?. Amfi m rei
caleroit après le-choc, & «.auroit ij,
de viteiTé en -avant. .
fiaUA LE \ CAS OU UN
des corps ejien repos.
, Le corps en repos étant nommé w. •
îf n'y qu'à effacer dans -les. formules
lé terme otr fa viteûe r fe trouve ,
j^rce que r étant ^ero, ce terma fe
detrutt.AiHfîonauta -^% pourlt
vkeuede«& <^TS pour «Uc de » -
après le choc. - .
Coo8k-
C,„„sk-
C,„„sk-
m.6 ayant choqué çwo. la' v.iteffêr
3è wqirieft *Z \=Zljf&- *f=^^=
** :rr— ^'4 ,' aïnir w5' deviendra—
«4 on rejaillira cyarrfefe avec ^ &
tfitelïè. ËW aura pour fa. vrte&e cy--
avant 2* igal-à-^xàa; 5»o'd*i'
yenam ,$_#«.;
ëefc deux formules. ,
- £ D»---F.'u^>"poar la v-ïteËé^ctè'
m après le cnoc. t
• ïl.B1^— B'r+?' ■"•" pifrlrceîfe ag«-
Ces deux formules , dis-je-, expm
nient généralement : le ' reftttet- -des
communications des mouvenjens ;
f. Des'mpuverMéns-conrraires.fi'I'ort
met le ligne — avant' mr fit MWt
a?v Des monveinerts femblabies ou
de même part , fi l'on y met le figue
-fj . Des mouvemens gui réfultent-
de la Communie, des tâotiv.
4W
!$a chocIorfqu'undes-corg&efteii.reÀ
jfos-it paï exemple ; fi- Fon négliger
jeotnmemriIetej;me2iw où fa vitef-
fer & trouve-Ainfi ces deux formu-
lesgenerales fuffifent pour fçavoh- le
xéfuitat des inouvemens' , après les
trois- différentes- efpeces de choc dé
deux corps , & petlvent encore férvi e
à réfoudre ofulieurs queflions qu'on
peut faire (Wcette matière ; comme
on le peut voirdansles memoiies de-
l'Academie Royale des Sciences de
Cannée .1706;.
Tejie eft la fécondité des réfoln--
tions & des exprefïions Algébriques,^
Si l'on fait même attention à quel-
qu'un dé ces principes , qu'on peut
déduire de ces deux formules : Que
les corps après & avant le choc ont la
même vitefse refpedive:ou qu'il y
a fa mêmequantité de mouvement
de même part ; ou que le centre de
gravité commun aux corps qui fe
choquent , demeure ou fè meut delà
même vitefse avant &■ après le choc ;
on verra bien qu'unefeule formule,
celle par exemple qui donne la vitef-
fé de m après le choc , pourrait fiiffî-
re pou r trouver celle du corps n. Car
fçacham dans le premier exemple.
'44^ ïfei toîx Générales
que la vitefse refpecrîve efi gavant Te
oioc,&que m doit par fa formula
reculer' avec? f Je vitefse, fans confufc
ter la féconde formule- pour w, on
Voit bien qu'il doit reculer avec la
vitefse 6 {. afin qu'if y art la même
vitefse refpeâive après comme avant
lêchoc.-
GooSk
REPON SE
A-
■MON-STEU-R REGIS'^
AV BÊjjfl'S SEMENT.-
AYant remarqué dans»
le Syjîème. de F.hiIo/$fbie
de Mon.fieur R.e g is, qu'il me
Éiifbit l'honneur de critiquer
mes fentimensj&qu'il en con-
damnoic quelques-uns (ans doiv
ner cerne femble aucune preu*
yefblidedefes.dëein'onsje crus
d'abord lui devoir, répondre.
Mais certaines coniïderations
m'ayaat fait différer un travail
Û contraire à mon inclination T
& que je ne jugeois pas fort né--
ceflaire , j'appris peu de temps
après qu'une autre perfonne à
mon infçû avoic entrepris dé'
réfuter lçs opinions particulier
Atf de M PhilôfopneY'furlar
AJéntpbyfiqae r-pri**jpâtemenc
& fur la Aforale , & mff nie que
dans fôn Ouvrage il défendoit-
rr«s foirimeosï^avec berucoop
de vigueurjene fçai point bien
»«. doit ci. ce qui en eit,* car jflttai point ,
J,re"c 3" ici v û cet té refu tation'Hr je pac
*w impri-ie & je ne la veux point woir
qu elle ne foit imprimée. Jeluis
bien aiièque M Régis le'/çiche,
afin qu'il ne m'attribue que ce
qui dépend abiblumentdemoi.
Car -je ne prétens pas avoir'
droit- fur lès Ouvrages des an-
tres,™ les obligeràëcrire com-
me je le ferais moi-rïrême. Je-
tte venx .pas me rendre juge
^ dansnta' propre Jcairfe, ni ôter
aux antres fa liberté de-dite ce
qu'ils penfenr dç mes Livres Se
des fîens}&jene fçai point rp
h perfonn» dont je pasle ap-
prouve anfll' genéralemenr
i$£<m meJV dit ^touc ce que
Google
JjrWriSSEMENr.
JSÏ. Kegiyc.onea.iims dans mé9
Ouvrage».
Ayant donc appris qu'on- a-*
▼oïc exécuté le defléin que je
pouvois prendre, 8£ peut - être?
plus heareufement que je^ n'a»*
roisïàit moi-même} je- ne-pen-
ibrsphrs à répondre à M. Régis..
Riais voyant que l'Ouvrage ne v
paroiflbit point,*& ne fçachant *'Cet °uv"-
goints'il paroînroit jamais , j'ai tt*.
pris enfin là résolution de faire-
moi mêmeune courte réponfe.
Pour cela j'ai cirercbedans le*
Syjfhne de fhHofùfthic ,, tous les
endroits ou TAuteirrmeciEe-en;
marge, & combat mes fênrr-
mens avec une application, par**
riculiére , & j'ai négligé les au-
tres. J'ai crû que fi je ne ré'pon-
dois pas à M. Régis lors qu'if
m'interroge, & que *par ces ci-
tations en marge, tout le mon-
de peut, voir que c'eft à moi £
qui il parlé,, j'ai crû, dis-je,ane-
Coo8k-
'APBCnssEMEm;
- lui 6c (es Difciples pourroient
regarder mon iilcnce i ou com-
me une efpéce demépris.ce qui
ne me conviendrait guéres j ou
comme ua-avcti de mon impuif-
fance, ce qui feroit tort à-la.'
vérité de- mes fentimens. Et- au'
contraire fi je fais voir mcon-
teftablement , que M* Régis n'a
pas raifon dans ces endrois qu'il-
réfute avec le plus d'applica-
tion & enme citant^on auraun
fondement raifonnable de &
défier de ce qu'il avance gêné,
ralement.non. feulement contrô-
le Livre de la Recherche delà Yt-
rite, mais contre des fentimens.
bien plus dignes de rcfpeci Car
enfin , puifquepour le combat-
tre je ne fais point choix de ce-
qui me paroît de plus faible dans
ion Syftème , & que je m'oblige-
à renverier tout ce qu'il y trou-
ve lui-même de plus fort con-
tre moi » Si onreconaoîc clai*-
: JPWTISSEMENT. -
jremene, comme je l'efpere, que
Ja Vérité eft de mon côté , oo
.aura un préjugé fort légitime
xontre tout Ton Ouvrage, je
veux dire contre tes opinions
particulières. Car je ne prétens
pas qu'il n'y ait rien de folide
dans la i hiiofôphie.Je condam-
nerais d'excellensj Auteurs, fie
que je regarde comme mes
Âlaîtres.Je prétens feulement ,
jpour ne point parier de ce qui
»ne me regarde pas, qu'il n'a ja-
mais raifon dans les endroits^où
ilmtcombar. Voilaje l'avoue ,
une étrange prétention. Mais
jçcroi la pouvoir déclarer^non
feulement parce que je la juge
' bienfondcc; mais encore afin
que ceux qui lifent Ces Ouvra,
•ges , auili-bien que. les miens, ■*
Soient extrêmement fur leur*
gardes.
Coo8k-
,454 ÏFMSSI' -
ÇHAPITlï L
RAISON PHYSIQUE.
pet divtrftf afterenctt de gr**-
. deur du Stleil & de U £**«
dans niorïfon & dans {eMcri-
dieo, combattue farM. &egit. \
'I
<V « -, A.
PO us expolêr clairement le fait
dont il elt qucftion , iuppofons
que ia ligne F G reprèiente le plan
d'une plâtre campagne , fie B D D Je
C,„„sk-
AM.REGIrS. 4«?
<!îelàpeu prés tel qu'il paraît, fc 1
joignant avec la Terre aux extrémi- •• J
jkz dé llîbriron F , G. L'expérience. .
a'pptjeiidqne'IaLuneparoît d'autant ' ]
plus grande qu'elle efl plus proche ■
de l'Horifou. Et la queflion eQ de
fçâvoir la véritable raiibn de cette
apparence.
Je crôyois avoir fuffifamment de*.-*'
montré * dans le r. Livre de la Me- * cn*î- ».
■cherche de la Vêrîtéixnne la Ltine nous ton' de un
paroilïbit plus grande à Jj'Horifon en « chap. s.
B , que dans le Méridien en D, parce
que yoyàrit entr'elle & nous plu-
iioacs terres , nous la jugions d'au-
tant -plus éloignée, qu'elle étoitplus-
proche del'Horifon. Et je penfe ea«
■core à prefeotque tous ceux qui exa-
mineront lâns-prévention mes preu-
ves les trouveront' convaincante^
Mais îf.eft.)ufte de-donnerici quel*
«nie cliefc à-Ia réputation de M. Be-
fis , & de cefijavant Géomètre le R,
'. Taquet , qui ne conviennent pas
#&h laifcai^ue j'ai donnée^
Goo8k
BE'PONSE
•rw
édiiion
-i.'lleft certain que l'objet PQ,
-âouble par exemple de l'objet M N;
&deux fois pi us éloigné que lui de
Pceû* A , y tracefur ie nerf optique
une image fenfîbîement égale à celle
que. MN y produit, ou qu'iLeftvà
fous un même angle. Car les rayons
PA & MA, QA & NA fomdans les-
mêmes lignes droites. Et ces rayons
partant des extrémitez de ces objets
déterminent par confequent leur
hauteur. C*efl une vérité dont M.
'^if; Régis* convient.
2. Or la hauteur de l'objet P Q pa-
ioît environ double de l'objet M N.,
Jorfque l'on jeu iemarque,I*difliice:
je.
GooSk
À M/REGI*. 4W
je dis emiron double , parce qu'on
ne peut à la vue juger exactement
delà diftance des objets. Un Nain à
deux pas de nous , paraît certaine-
ment beaucoup plus petit qu'un
Géant trois fois plus grand qui fe~
roit éloigné de fix pas., quoique l'un
& l'autre puifsent être vus. fous des
angles égaux ; ou ce qulefl la même
chofe, quoique les images qui s'en
traceraient au fond del'ceiE puifsent
être égales.
3. Doncla raifonde cetteîinégàlitë
dans les apparences, ne venant point
de l'inégalité des angles vifuels ou
des images, .-qui certainement font
égales dans le fond de nos yeux , el-
le doit v_enir dans l'inégalité de la
diftance.
4. Mais afin:que l'inégalité dfr la
, diilance produjfe de l'inégalité dans
«fes apparences , que nous avons de
^deux objets , qui tracent des images
égales } â faut que cette inégalité de
diftance foit actuellement apperçûc
par lesfens. Car les connoUsances ,
aue nous en aurions d'ailleurs , ne
[langeant rien aâuellement dans
les.organes de nos fer», elles ne chan-
gcïoient rien non plus dans nonfen-
Tomejn. V
GooSk
45» HE'PONSE
fations : Parce que Dieu , en confè-»
quence des Loix de l'union de l'amer
& du corps , n'agit dans nôtre ame 60
ne nous fait voir les objets , qu'à
l'occafion des images qui s'en tracent
dans nos yeux , & de» changemens
qui arrivent à nôtre corps. Ceft pout
cela que. le* Aflronomes ne voyem
pas le Soleil plus grand que les au-
tres hommes , quoiqu'ils le 'jugent
infiniment plus éloigné , qu'on ne la
croit ordinairement, Caiencore un
coup une diftance , qui n'eft point
actuellement apperçûe par ks fens ,
doit être contée pour nulle , ou ne
peut fervir de fondement au juge-
ment naturel qui le formée» nous de
la grandeur des objets. Reprenons
maintenant la figure précédente.
S. Lorfqu'on regarde le Ciel du
milieu d'une campagne , fa voûte ne1
paroît point parfaitement fphérique"
comme h d rf, mais Elle paroît com-
me un demi fphéroïde applati B D
D : de forte que la ligne Horifonta-
Ie A B , paroît double ou- triple de la
perpendiculaire A D. Ainfi Iorfque
la Lune eft en d , elle paroît être en
D : & lorsqu'elle eft en b, elle paroît
être en B. Or A B eft plus grand que
Goo8k
A M. REGIS.1 4<*
A D, il en eft double par exemple.
Donc , Iorfque la Lune efl dans
IHorifbn, fa difiance apparente eft
double de celle du Méridien. Donc,
quoique L'inégalité des images que la
Lune , dans cesdeux fcituations dif-
férentes , trace dans nos yeux, foit
Gomme inferifible, fon diamètre doit
paroître dans I'Horifbn deux fois
aufli grand que dans le Méridien :
jmifque les images de deux corps ,
étant égales dans le fond de nos yeux,
ieur grandeur paroît & doit toujours
paroître proportionnelle, non à leur
difiance réelle, mais à leur diflance
aparenteainfiquejevierisde le dire.
6. Cette raitoneftdémonftrative
. apurement. Mais pour en convaincre
i'efprit dtine manière fenfible , on
peut faire cette expérience, entre
Slnfieure autres. Prenez un morceau
e verre pjat comme d'une vître caf-
iee. Chauffez-le peu àpeu,&égale-
ment par tout , en le partant fur la
flamme d'une chandelle, d'abord à 3
.ou 4 doitgs, de peur qu'il ne fecaflè:
-& lorfqiril fera chaud abaiflez-lefur
la naoïmemême ; & l'y paûez afin
qu'illè couvre de fuime, jufqu'àce
que regardant au travers vous voyiez
Vij
Goo8k
#9 REPONSE
dïftin&emem la flamme de la chan-
celle , fans voir les autres objets
moins éclatans. II faut quece verre
foit plus ou moins.oblcurci, félon
J'ufage qu'on en veut faire , pour re-
garder le Soleil ou la Lune- Ou le
yoi t allez..
Je dis donc qu'avec un tel verre
plus ou moins enfumé , on verra le
Soleil & la Lune fenfiblement de la
même grandeur dans l'Horifon &
dans le Méridien, pourveu que ce
verre foit tout proche des yeux , &
qu'il éclipfe entièrement le Ciel &
les Terres: Je dis entièrement. Car
Çjur peuqu'on*entrevîtIe Ciel & les
. erres, ceverre ne changeroit point
les apparences de grandeur du So- ,
ieil, parce qu'on le pourroit juger
plus éloigné que ces Terres qu'on
verroitconfufément : car il n'eftpas
rjéceftaire de voir difUnâement les
objets pour juger de leur étendue. Si
le Soleil cft dans l'Horifon , l'imer-
pofitionduverreleferaparoître en-
viron deux fois plus proche. Se
quatre fois plus petit ou environ;
car ici la préçifîon n'eu pas nécef*
iaire.Maiss'ileflfortélevefurrHori-
fonde verre ne produira aucun chan-
Google
AM.REGfS. 4?i
gement confiderable ni dans fadîf-
iance,ni dans fa grandeur apparente-.
7. Cela étant , il eft clair que Tin*.
terpoiïtion du verre ne change pas
fenfiblement l'image , que la Lune
trace dans le fond de l'œil- ; puifqu'-
elle ne perd rien de fa grandeur ap-
parente, lors qu'étantîur nôtre tê-
te, on la regarde avec ce verre. Oi
lorfqu'elle eft à 1 Horifon,fa diilance
&'fa grandeur apparentes diroinuent
notablement par l'interpofition du
verre, laqueliene change point foa
image, &nefaitcju>éclipler les au-
tres objets. Donc, if eft évident que la
Luneparoît plus grande dans l'Ho-
ïifonquedans le Méridien, par cet-
te ration que la viiefenfible des Ter-
res nousla faifoh juger plus éloignée^
Et la proportion que-M. Régis pré-
tend-prouver dans IeChap. 30. du 5-
Tôme defa PhHofophie , & paria-
quel le il le finit n'efl pas foîitenable,
Ainfi ,- conclut'il ,neus pouvons affil-
ier en général que la grandeur apparen*
te des objets dépend uniquement de la
grandeur des images qu'ils tracent fur
la rétine.
8. Pourle R. P. Taquet fon fentr-
ment n'eilpai tout-à-fait le même-
V iij.
GooSk
êfi% REPONSE
que celui de M. Régis. SeloncePere;
îagmndeur apparente des objets dé-
pend non uniquement , mais pre/que
toujours de la grandeur de leurs ima-
Ses ; ce quïle fait néanmoins tomber
ans quelques erreurs. Mais voici ce
qu'il dit par rapport air femiment
queieviens d'établir. Immemô igîtur
nonnulli recentiares , nefeio quibus dtte-
fi f>r£Jndiciis » angulos prœdttlos utfa!~
laces , & ineptos ad apparentes rerum
magnitudines determinandas rejïciunt.
Dîcent credo , objeEIa non apparere
teauaiia tquampiseodemvel&qttalian-
gulo conJpiciantnr , quando vïfus inx-
qitalcs dijtantias percipit. Qutro tgitur,
tn fol propè borifôntem poftms major
appareat rcum terra- fuperficies iUum
interatqueoculuminterjeBa cerniturr
qita dum manu vel pileoterru confpeSu
mpedtto fpetJam folus ? Qmfqttis vo-
luerit experiri , œqualem utroqtte cajk
deprehendet, &c. II eft vifîble que le
P. Taquet fe trompe par fon expé-
rience imparfaite. Car pour détruire
ladiftance apparente du Soleil cou-
chant , il ne îuffit pas deîécacher ta
campagne par le bord de fon chapeau ,
il faut auffi fe faire éclïpfer le Ciel..
Mais apparenuuejit.jce. fçavanthom>
A 11*. RÉGIS. 461
tûeneforfon pas attention à la voûte
apparente du Ciel , qui comnre je
viens dédire, paroiflànt prefquepla--
ïe, doit cauTe* à peu prés la même
apparence de diilance que les terres
interpofces. lïefl donc certain que
I apparence de I inégalitédes diflan-
ces doit être aduellement comparée"
avec I égalité des images,que produi-
duifem les objets au fond de l'œil,
alinque le jugement naturel Te for-
me en nous touchant la grandeur de
ces objets. Mais voici comme".it tout
cela fe doit entendre Je prie qu'on
y donne attention : Car on peut ti-
rer bien des conféquences. du princi-
pe q<ie je mécontenterai d'expofer;
p. Comme Dieu ne nous a pas fàâs
pour connoître les rapports que les
corps ont entr'eux , & avec celui que
nous animons , & qrTîlert néceûaire
pour la confervanonde la vie que
nous en fçachions heaucoupde crio-
fes , il nous en'înflruii fafnîamment
par lavoiecourtedu fentbnent, fans
aucune application de nôtre part.
Pans l'inftant que nous ouvrons les
yeux au milieu d'une campagne ,
Dieu nous donne donc tout d'un
toup tous les fenùmens , & forme e*
V iiij.
tfq irE'FONSE'
bous tous les jugemens que nous fbra-
merîons nous-mêmes , li ayant l'ef-
prit d'une pénétration comme infi-
nie , nous fçavioro outre cela POp»
tique divinement ; & non feule-
ment la grandeur & le rapport de
toutes les images qui fe tracent dans
nos yeux, mais généralement tous
lés changemens qui arrivent à nôtre
corps, lorfqu'ils peuvent ou doivent
ordinairement fervir à régler ces ju-
gemens. Ainfi nous voyons la Lune;
: Soleil., & les Etoiles , & même
les nues , dans la même difiance:
Parce^ue comme je Pai prouvé dans-
lê ç. Ghapîtrede- cet Ouvrage, il
n'y a point de différence fenfibla
dans requrarrive à-nôtre corps, par
laquelle nous puifïions juger que les
Etoiles foient infiniment plus élor*
r'es que la Lune, & que celle-ci
nues , & l'Horifon nous paroît
plus éloigné que le 2enith,parce que
îeCielôc les Terres qui font entre
l'Horifon & nous , traçant dans nos
yeux leurs images ,PefprnteIque je
l'ai fuppoféj en doit conclurequ'il
«il beaucoup plus éloigné que le Ze-
nit , entrerlequel & nous il ne paroît
aucun objet.. De. forte. que tous. les.
A M. REGI S. ,; tfÇ
devrez du Ciel apparent diminuent
d'autant plus qu'ils approchent da-
vantage du Zenith. Et comme la Lu-
ne en quelque endroit du Ciel qu'el-
le foit , eft toujours vùë fous un an-
S le d'environ un demi degré,I'efprit,
îlon les régies de l'Optique , la doiç;
voir beaucoup plus grande à I Hori*
Ion que dam le Méridien.:
10. Si je- panche la tête, ou fi je>"
nie promené en regardant un objet
par ie même principe, cet objet ne*
iahTera pas de paroître droit & im-
mobile. Car mon efprit étant averti''
de la feituation oa du mouvement
de mon corps , je ne dois pas con-
clure que m objet change de place , ■
àcaule que' fon image en change ■
dans le fond de mes yeux.: Mais li:
j*étois tranfporté dans un Vaineauv*
par un mouvement qui ne changeât
rien dans moricorps , comme les ju-
gemens naturels qui fe forment en
Hioi ne font appuyez que fur les
changemens qui s'y paflèrit , jecroî-
rois être immobile],& que les objets ■
ferotent mus. Il faut dire- la même; '
diofe"de- toutes les autres appareil- -
ces des corps qui nous environnent, •
làieu e»confequence desloix gene^-
4<re ■ RE'PONS'E'
raies de l'union de l'âme & du corps},
nous apprend en un clin d'ceil , I&
Êrandeur, la fchuation , la figure,
mouvement & le repos de tous les.
objets quï frappent nos yeux en con-
fequence des Loix du mouvement:.
Et cela fort exactement , pourvu que-
les objets ne foient pas excemvement"
éloignez, & que l'angle que forment
les rayons fetermineà l'objet qu'on»
regarde; Ain 11 Dieu forme en nous-
pour aïnfi dire, les jugemens natu-
relsque nous ferions nous-mêmes, tî-
nous étions tels que' je l'ai fuppofé :.
c'eft-à-dire d'une pénétration d'e£~
prît comme infini', parfaitement hi-
ilrnits de rOptique& de tous les-
changemens qui fe pàflènt aâuelle-
ment dans lesïibresdenôtrecerveaii..
Mais comme nous ne- fournies pas
faits pour nous occuper des objets,
fenfibles , & pour ne travailler qu'à:
îaconfervationdenôtrevie-, il nous-
épargne-tout, ce travail, & nous ap-
prend par une- voie abregée&fort a-
gréablecn un moment un détailcom^
meinfini devérîtez & de merveilles. .
Mais examinons maintenant l'opi-
nion de M.Regis, & voyons s'il'n'y.
•uuoitpoint quelque chofcàreforme*.
î x m. fi ë c rs. 457
5ans fort Optique: Voici fes paroles.
11, Il yen a d'autres qui prétendent r«*. j."
que cette grandeur apparente de la Lune*"1" *4Î*'
fur l'Horifon, ne dépend point de fè'-ar--
gisement de la ptunelle , ni de fap^
piaulement du criftallin , mats du
jugement - que nous faifons que la
inné efi plus éloignée de nous, l&rfqtieU
le efi fur l'Horifon que lorsqu'elle eji
dans le Méridien , affùrant que ce ju-
gement a la propriété de faire qu'un ob-
jet paroijfe plus grand, quoique fin
image fur la rétine foit plus petite. -
On voit bien par ce que je viens de'
dire ,& par ce que j'ai dit dans le 9.
Ch. delà Recherche de la Vérité, com-
ment il faut entendre cetteexpofition-
de mon feiitiment. '
L'Auïeurcontinuë: Nous répondons
qu'iln'yarien qui pÂt plus contraire
auxLoix de l'Optique que cette expli-
cation; & que tant s'en faut que le ju-
gement ç«? nous faifons me les objets
font éloigne%contrïbue' à les faire pa--
roître plus grands,ilfert au contraire à
les faire paraître plus petits.
Re'ponse.. Voilà unedécific-L: — '
étrange-; // n'y a rien qui foit pi
praire aux Loix de l'Optique
■ quoi 'Ettceque G M. Régis
C,„„sk-
RE'PONSE
lieu de fa chambre regardon lacanr*
pagne.toutcequ'ilydécouvriroit lui;
paraîtrait plus petit que fa fenêtre,
par cette loi fondamentale de fon
Optique -, Que la grandeur apparente
des oljets dépend uniquement de la
grandeur des images qu'ils tracent fur U
rétine , 8c que l'image d'une monta*
gne ; par exemple , étant pins petite-
au fond de fes yeux , que -celle de fa
fenêtre -, puifque ceiïe-ci contient
l'autre, il faut bien que la monta-
gne lui paroWepIus petite.Car s'il
) ugeoitque la montagne ell fort élo-
gnée,pouren conclure qu'elle eft
iortgrandéice/a.fCTWBt la lui feroit
farottre plus petite,fàonfàn principe
d'Optique. Et il prouve amfi ce prin*-
cipe. Donclaraifonefi, dit-il, que ce
jugement dépend d' unmouvement de ta
prunelle qui e$ tel-, pour voir les objets
diflintJetnent, qu'à mefare qu'ils font
pluséloignex_ellss élargit davantage; &
kmefure qu'élit > s* élargit,?; 'ail &te cri-
flaUins'apptmfJent.Orileft évident que
quand l'ail ejt applati , les réfractions
font moindres, &~vkk cokseqcent '
QUF LES' IMAGES DES OBJETS
qu'elles CÀUSEMT sur xa reti-
ME SONT: PLUS JEHTE5. POUE mot,.
Goo8k
A" M. RE GTS. 4<fr
dè ce que le crifiallin s'applatît , je
conclurois au, contraire: Et par con-
féquent les images des objets que les
réfractions caufent fur la rétine font
pins grandes. Car Iecriflallin fait le'
même effet qiie les verres convexes
des lunettes; cVI 'expérience apprend -
que plus ces verres font plats & leurs
réfractions pet/wj , pins au contraire '
les images qu'ils raflemblent à lèilE
•foyer deviennent grandes. II ferok
inutile que j'expliquafie ici d*bù dé>>
pend le jugement que nous formons
delà diflance des objets aprésce que '
j'en ai dit dans Ie^.Chîtp. de là Re-
cherche de la Vérité. Comment les
rayons fe raflèmbleront-ifc fur la re-
Xint,ftfœU& lecrifiaUins'applatif'
fent en même temsîfi le criflalîin s'a>
platit , c'eft une nécefiité que l'œil
s'allonge: & au contraire fi lTœiI
s-'applaiir, il irurque le criflallin
devienne plus convexe ; afin que fa
vilîon fe puiflè faire, & que les
rayons fe rétinillent fur la rétine, car
je parle ici des" objets fort 'éloignez.
M. Régis me permettra de lui dire
ici, que quand on veut rendre ra'ifcm
d'une chofe faufle", on fe trouve'
{auvent tien embarraffé: Mais peau -
Goo8k
4*r ftE'PÔNSE
ètrey a-t-il dans fon raifbnnement
quelque faute d'imptetïïon qui y
caufe cet embaras que je ne puis dé-
mêler. Il continue.
12. Pour donner donc une explication-
plus fimfle & plus naturelle que 1er
précédentes y nous dirons que lagran--
deitr apparente de la Lune a fHorifon,-
■dépend principalement des vapeurs qui
s'élèvent continuellement en Pair , &
quifedifppfentenforte autour de la ter-
re , que leur fnrface convexe eft concen-
trique avec elle ifPoùil s' 'enfuit que -ces
vapeurs caufent aux rayons de la Lune
its refi allions qui les font approcher de
la perpendiculaire , & qui font propres-
par conft'quent à augmenter IHntage de
la Lune fur la rétine > par la même rai-
fon que les vems convexes font propres
a augmenter ceUes de tous les objets qu'il
regarde au travers de ces verres.
TÏE'ponse. V explication eflftmple.
Mais elle eft fauiîe pour bien des
jaifons.
i vEIIe eft fauÏÏe parla démonftra*
non que j'ai donnée de mon fenti-
ment , & par I'exrjériencfdu verre
• enfumé, dont on a parléd'abord.
2°. Elle efl fauflè encore , par une
«•awwcuraifon donnée dans l'endroit * qu'il
A M. REGIS 47T
réfute. Car quand les Àftronomes ver.dup. ».
mefurent le diamètre de la. Lune , ils-11*8, **"
le trouvent plus grand lorfqu'elle eft
dans le Méridien, que lorfqu'elle eft
à l'Horifon , à caufequ'alors elle eft
plus proche d'un demi diamètre de-
là terre. O'r , fi les fractions augmcn-
toient l'image de U Lunedans les
yeux, il eft évident, du moins à ceux
qui fçavent quelque peu d'Optique ,
qu'elles l'augmenteraient dans la
Ëinette. On fera bien-tôt *furpri* de'* a i»iïnd«
voîriétranue refponfe queM.-Re* ","c ***■*'
gis donne a cette expérience dont il
convient. Mais iLapîi voir ces deux-
memieres réponfesdans mes Livres,.
■ ri. lui en faut donner d'autres.
3°. Elle eft donc fauùe parcequ'el-
fcfuppofeun principe faux. Qui eft
«ue les rayons de la. Lune fouffrent
la réfraction en queftion àlafurface-'
de l'atmofpnere de l'air ou des va-
peurs. Or ce principe n'efl pas vrai.
Car à cette furface la différence de la
denfîté des milieux eft comme in-
fènfibïe-, & ^expérience apprend^
qu'un même objet, à une diflance
raifonnablé comme d'une lieue , vu-
lé matin de niveau avec une Iunette;.
«esîy txouyeplus à midi, Eac Iîef*
GooSk
1
-.fï KE'PCfNÏÉ"
.•i des réfraârons qui élèvent IesoS*
jets. Or la furface des vapeurs qui le
dîfpofent en rotïd autour de la terre
eftbien loin delà : car du'moira
montent-elles iufqvr'aux nues.1
Jecroirois perdre montems , & le
faire perdre auxautres , iî te m'arrë-
tbis davantage à faire voit la fauflèté
du principe de M. Régis , qui expli-
que les refraShns que les vapïurscair
jènt dans les rayoni delà Ùate par la
même raifort me les verres convexes
jpnt propres a augmenter les objets
Îk'o» regatfe autrâvers. Jecroiquele
lecteur, & M. Régis lui-même en
demeurera d'accord. Mais peut-être
voudra-t-ilque j'explique donc moi*-
même l'effet des refraaions dont il'
efl queftion. Je veuxbienlefatisfaz^
re. Non , quejecfoye' que cela fort
néceffaîre à la juftifîcation de mes
fèntimens, mais parce que le Ledeui
fera peiit-être auflî bien-aife de le
fçavoir,s'iï ne le fçaif déjatnieux
que ttioi , caF je ne me pique pas d'ê*
tte fort gavant dans ces matières.
13. JecrordôncqueIes^éfractionl•
^^!'allgmentent point la grandeur ap*
parente de la Lune; qu'au contraire
efles la diminuent ; parce que IorC -
- A M. K E G 15. 47/
qu'elle eft à l'Horifon elles dimi*.
nuënt fa hauteur , je veux dire fon
diamètre perpendiculaire, fans faire
aucun changement fenfifcle dans fa
largeur ou Ion diamètre horifbntal ;
ce qui la fait paroître elliptique: Voi-
ci ma raifon, C'eft que les réfractions
que caufent les vapeurs dans les
rayons de la Lune & de tous les au-
tres objetSjfe font principalemnt dans
les vapeurs mêmes , qui font répan-
dues dans tout l'air ,& non comme
M. Régis le prétend fur leur furface
concentrique à la terre. Car à cette
furface la différence dela,denlîtédes
milieux eft infeiùîble. II n'en eft pas
decette furfece comme dételle des
nues que les vents compriment, &
fur Ieîquelles ils peuvent former une '
efpéce de glacis. L'expérience du nfc-
veau, delaquellejeviensdeparler,
le confirme j & je ne croi pas que
perfonne en puifte douter. Or vor-
ci comment je penfexjae fe font ces
réfractions.
Lesrayons auïfi-bien que tous les
corps mus vont , ou tendent toùjou rs
à eïler en ligne droite ; & ils ne fr
détournent de cette ligne que fort
qu'ils trouvent plus de rélïiîancç.:
GooSk
f^4 'REPONSE
an côté que de l'autre. Les rayoriss
«arexemple.quide l'air entreorde
feiaîsdansl'eaujouqui fontobïiques-
à la furface de l'eau , fe détournent
vers la perpendiculaire: parce qu'à
la furface commune de ces deux
corps, ils trouvent moins de réfiftan-
ce dans les pores de l'eau que dan»
l'air , dont les petites parties leur ré-
fiftent parmi ébranlement continuel»
Les rayonsde la Lunefe détournent
donc peu à peu & infenfiblemenr
vers la furface de la terre- parce qu'-
ils trouvent moins de réfirtance, où H
y a plus de vapeurs ou de petites
parties d'eau ; & qu'ordinairement
il y enaphisenbasqu'enbaut.Ainfi
ces rayons décrivent une ligne comv
bc , dont on laiOè aux Géomètres à
expliquer la nature : & la tangente»
qui touche cette courbe au point
qui entre dans l'oeil, eft le rayon du
lieu apparent delà Lune, parce que
nous voyons, toujours les objets e»
ligne droite.
On voit bien parce que je viens de
dire,que non feulement les réfraâions
doivent élever la Lune, mais encore
qu'elles doivent l'élever d'autant
plus, qu'elkeftpIusprochedel'Bb»'
A M. REGIS. -m
ïî/ôn : patceqne fes rayons rencon-*
Irënt d'autant plus devapeurs qu'ils -
font plus proches de la terre, & qu'ils
traverfent un efpace plus long où el-
les font répandiiës.Onen peut-même
conclure que l'effet des réfradions ne
doitceflèr , que lorique la Lune eft
diredement fur nôtre tête , quoiqu'-
elle nefoît prefque plus fenfible de-
puis le 4^. ou ^o. degré d'élévation
jufques au Zenith. Tout le monde
fçait que l'on a dreflë des Tables de
réfradions pour les obfervations Af-
tronomiques/lefquel les Tables don-
nent pour les différens degrez de hau-
teur des planètes , dhTé rentes éléva-
tions apparentes , fondées fur ceque
ye viens dédire. Enfin le fait ne le
peut contefter. Laiflant donc là les
preuves que j'en viens dedonner3 je
raifonneainfiûrr le fait.
14, II eft certain que les rayons
qui partent du bordlupérîeur delà
Lune , font plus élevez fur THorifon
d'environ un demi degré , que ceux
qui partent .du bord inférieur. Or
Pexperienceapprendot les tablesdes
réfradions , que plus les objets ap-
prochent delHorifon, plus les ré-
fradions font grandes , & plus l'clo
47? RFPOTMSE t
vation apparente de ces objets aug-
mente. Doncle bord inférieurdeia
Lune doit recevoir pat les réfrac-
tions, plus d'élévation que lefcord
fupérieur. Donc les réfra&ions ap-
prochent les deux extrémitez du dia-
mètre perpendiculaire de la Lune,
& par conséquent elles diminuent fa
Iiauteur.. Mais comme les extrémité!
du diamètre horifontal fon égale-
ment élevées fur l'Horîfon, ileilvi-
fible que les réfractions ne changent
point fon apparence, puilque l'effet
ordinaire des réfractions, n'eft que ce-»
lui d'élever les objets.
Selon la Table des réfraâions , le"
bord fupérieur de la Lune, Iorfqu'-
elle eft dans L'Horifon, paraît moins
élevé par les vapeurs que le bord in-
férieur de plus de deux minutes. ■
Aïnfî le diamètre de la Lune étant
environ de 30. minutes, les réfrac-
tions diminuent fa hauteur environ-
de la douzième partie. Srdonc les va-
peurs augmentaient notablement fon<
diamètre horifontal, au lieu de nous-
paroître prefque circulaire, nous la-
verrions fort elliptique. Mais , fî on»
iùppole que les réfractions n'aug-
mentent point* ou bien ûon le veut^,
A M.REGIS. 477
orceia ne fait rien à la question,
■qu'elles n'augmentent, que d'une
iiartie infenfible, fon diamètre hori-
bntal, fafigure devra paroîtrepréci-
enlent telle qu'elle paroît.
. II efl donc certain que les réfrac-
■tions diminuent davantage la hau-
teur de la Lune, qu'elles n'en'aug-
mentent la largeur : & qu'ainfi bien
loin qu'elles augmentent fon appa-
rence dans l'Horifon.elles doivent la
faire paroître plus petite que Iorfqu'-
elleeft dans le Méridien. II n'eft pas.
néçeflàrre que je m'étende davantage
fur cette matière. Mais afin que le
I.ecteurpui(Te comparer mes raifons
avec celles de l'Auteur , je vas ache-
ver de lui tranfcrire ce Chapitre de
iâ Philofophie. Ceux qui fçavent
l'Optique le trouveront ton extraor-
dinaire.
15. M. Régi s.Il efl encore évident par
le 43 axiome , que ta Lune étant dans
VHorifmfes rayons doivent fouffirir de
plus grandes rèfratïions qu'ils rfenfouf-
firent lorfqn'elle eft dans le Méridien ,
à mefure qu'ils font plus incliner. Or
eft-il que la grandeur des images dépend:
de lagrandeur des réjraEiions. Jevieni
d'.expliquer le véritable-effet des rc-
GooSk
*?8 RE'PONSE
lirions ; &Iaconféqnencequï fuît
eft faufle. ) Il s'enfuit donc que l'ima-
ge de la Lune fur la rétine eft plus
grande» lorfqu'eUe eft fur PHorifon,
que lorsqu'elle eft dans le Méridien.
Sans qu 'il ferre de riendedire quelorf-
que la Lune eft dam PHorifon , elle eft
flus éloignée de nous que lorfqu'eUe eft
dans le Méridien : car rien ne nous em-
pêche de concevoir que la grandeur des
rifiaSions augmente plus l'image delà
Lune que fon éloignement ne la peut di-
minuer ; ce qui fait que la Lime doit
paroître plus grande dans PHorifon
que dans le Méridien, ainfique l'expé-
rience le fait voir.
L'Auteur de la Recherche de la
Vérité reconnaît fans peine qu'un très-
grand nombre de Pbilojbfbet attribuent
ce que nous venons de dire, aux va-
peurs qui j1 élèvent de la terre ; & U
tombe d'accord avec eux que les va-
peurs rompant les rayons des objets les
font paroître plus grands , & qu'Hya
plus de vapeurs entre nous & la Lune ,
lorfqu'eUe fe levé que lorfqu'eUe eft fort
haute ; & que-par confiqutnt eue de*
Tnoit paroître quelque pat plut grande
qu'eue ne farcit , fi etlt était toujours
«gaiement xtiftante dt nous. Maiscepcn-
Goo8k
AM.REGIS. 47*
dont il ne veut pas qu'on dife que cet-
te réfraction des rayons de la Lune fait
la caufi de cesxhangemens apparent de
ff grandeur ; car cette refra&ion , dit-
il a n'empêche pas que l'image qui fe
trouve au fond de nos yeux, lorfque nous.
voyons la Lune qui fe levé tfoit plus pe-
tite que celle qui s'y forme lorj qu'il y a
long-tems qu'eue efi levée.
II me femble -encore aujouid'huy
que cette raifoneft convaincante.
Pour répendre à cela , voici comment
nous raifonnons , ensuivant les t> princi-
fes de cet Auteur, les vapeurs rompent
les rayons de telle forte qu'elles font pa-
raître les objets plus grands. Il y a plus
de vapeurs entre nous & la Lune , lorf'
qu'elle Jijeve que lorfqWeUe efi fort
haute: donc la Lune doit paraître plus
grande fur VHorifon que dans le Méri-
dien , * pourvu que les réfractions qui +
fefbntfwr VHorifon augmente plus fin qusi «tte
image fur la rétine, que fin êloignement ^Jit!0Q !
de nous ne la diminue. Cette confequen- au* '
ce fe déduit fi naturellement des princi-
pes de cet Auteur , qu'on a peine à con-
cevoir comment il en a pu tirer une toute ' -"
' Pourquoi (bac-ce 11 ihsj priitcif » . puisque je Ici attribut I
• autres Philosophes , Ce font lei principes c™imu«i que Je n>i
tu ttùfuiyic. M.Kc£ti<litccau'illiiiflIsit.
contraire , en aflitrant que le diamètre
de l'image que nous avons de la lime
dans le fond de nos yeux f on a oublié?
hrfqu'eUé eji au Méridien ) eft plus
grand. Ce qui renverfe tous tesfmte-
mais de l'Optique.
C'eft que la condition, pourvu que,
&c. manque, &que les réfractions
n'augmentent pas , ou fi on le veut ,
n'.augtnentent pas tant l'image de la
Lune que fon élofgnement la di-
minue , comme je le conclus de la
mefure exacte de fon diamètre prife
entouttems.
■ Quant à ce qu'il ajoâce que les Agro-
nomes qui mefùrent les diamètres des
f lavettes, remarquent que celui de la
Lune s1 agrandit à proportion qu'elle s'é-
lève , nous en demeurons d'accord ;
mais c'eft ce qu'il n'explique pas, &
dont nous allons tâcher de rendre rai-
fon.
J'en ai rendu laraifonau même
., endroit de la Recherche de la Vérité *
qu'il à cité. Et cène raifon eft , que
lorfque la Lufle fe levé elle eft plus
éloignée de nous, que Iorfqu'elle eft
dans le Méridien , d'environ un de-
mi diamètre de la terre. Arnfi les As-
tronomes doivent trouver (en dia-
mètre.
Goo8k
A M. REGIS. 481
mètre plus grand dans le Méridien
que dans l'Horizon. II n'y a pas en
cela grand myftere. Mais voici la
raifon de M. Régis. Il iaut tâcher de
la bien comprendre pour ei juger.
Une fimple iedune neluffira peut-
être pas.
Pour cet effet il faut fe fouvenir de ce
qui "vient d'être dit de la grandeur de
l'image que les -objets tracent fur lare-
ù te , & fuppofer ce qui fera prouvé en-
fuite; Sfavoirque les verres des lunettes
caufent aux rayons des rtfraQions d? au-
tant plus grandes qu'ils font plus htcli-
V£%, Car cela étant pofé nous pouvons
ajfurer que la Lune étant mefuréc parait
plus petite lorfqifettefe levé que lorf-
qu'etie efi fort haute, parce que la lu-,
nette dont on fe Jert pour la mejùrer^
augmente moins à proportion fan image
lerjqu'eUe efi fur i'Horifon , qu'elle ne
l'augmente lorfqii elle efivers le Meri- •
dien ; dont la raifon efi que les refi-ac-
tUms-que la lunette caufe font plus pe-
tites à mefureque les rayons font moins .» Cej4
j,nelin<'ft$&ile$cenain*que les rayons paierai, u,
font moins inclme\fur la lunette , lorf- L'/™' d°'-
que la Ixne eft dans I'Horifon que Rerpcndicu-
torfqu'elle efi au Méridien, à ProPor~&"eu\lt
tion que les refraSions qu'ils fe*fjre»f cedrâ quëï."
Tome III. X
Goo8k
A, RE'PONSÉ
v. Km, m entrant dans l'air fini plus fortei
L'."ÏÏ. £ Mfhmt. Ce fti fatt an'tl n'y 1 1»'.
•"AffiT kdiérenté'.oignement delà Lime qm
"J^Z™ pàlTe caufirderinégatitèdanstagran-
T"'»*»* fmareopeUetrate fnrlare-
JKV t». Or <ff-H ?«* P" ^rt 3. * ?*•
jUpjnroi.il, le relie étant égal, plus les objets
r,...T"v>t ««««, p<w «"»» t*#? fr
pI0j». il „•„„ jo,c /«£»»* <MW pf»f é.«£»te
ïï£T * «»' letfoteileetdansVHeriîm
jrtcqnandellcclldantleMmJtemce
tfefpas merveille fl elle paMtfom m
moindre diamètre.
Cefdme-x* cbefe confiante , <fie U
tme, bien qtfelledit patotereplus pe~
tittetantfnrfHmlbn.acanleifielle
efi pins éloignée , cela n'empêche pat
an'ellenepnijje parettteplns grande, &•
an'elle ne paroife en eget telle mttei
les fois quêtes refraHitm défis mens
augmentent plut {en image matérielle
fur la rétine , ifte fmttcignernentie U
terre ne la dminmë ; ce antefi confirmé
pnrPestpirience oui fait voir nfmob-
iet,qmqne pbH éloigné, pentparcUre
plus grand , étant regardé par m verre
convexe ,épèilne paroitnit étant plut
proche, s'tt ètoit regardéfans cevrrre.
J'ai tnmferit Vous arp lu, Om*
ASLKEGI'l A
êer. donc équitable Loueur, lequel
de nousdeu:t, de M. Kegissou demoi,
nnvetfe tous les fendemeits de Popti-
CHAPITRE IL
î>£ IA NATVR£T)ÏÏ.SII>E>ESt
& en fanhuUer , de la manient
■dont ntos vtrytns Us ohjets-tpti nous
environnent.
VOïci an ftfjet qui mérite Bien *■«;„ «f.
pin» r»tt«Brt&n du Leâettr, P^ju Cl-
ique celui que je viens d*éelaîrcir. HSTti j&Si!
s'agit fei de fa Nature des MWqui
lîons TeptéfeiWetK-Iesofetetfc H s'agit
defijavoir , s^î y *-ufi» KaMbff uni*
■verfeHe quiéeUiiê toutes les imrtii.
gences- iraraèdiaKinent éV par elle-
rrtèrae, ou fi cfeaqatfefpïit partico-
Jier peut âèéewnit, dan&Ies diyer-
fts msdalneadK fa propre fobftaftce,
Ja na wf e de iom iefr êïMB A-eréez &
yaffrWes-,& l'infîftrm&He. llify a
joint ce me fèmble-dt qaeôion qeî
nom regarde de pliw-pïés , quoique
lien des gens ne s'ew emaaraflènl
jguéres-: Orenfoiis'agittf'aReehO'..
Xij
4*4 RE'PONSE
fe qui entre dans la définition mêmç
de l'homme , qu'on définît ordinai-
rement, animal Ratïonis particeps : H
s'agit de fcavoir ce que c'efl que la
Raifon. Je prie donc le Le&eur de fe
rendre attentif , & de ne point s'ef-
frayer de la fubjimité de' la matière.
Je tâcherai de la rendre fenlible,du
moins à ceux qui fçavent déjaou qu|
Voudront bien fuppofer, que les cou-
leurs ne font point répandues fur les
objets , vérité qui en maintenant af-
fez communément reçue , & que je
croi avoir fuffifamment démontrée
dans le premier I„i vre de la Recher*
.che de la Vérité,. ,
La queftion particulière que je vas
d'abord tâcher d'éclaircir, & qui
donnera lieu de parler en gênerai de
Ja Nature des Idées , eft de fçavoir ,
comment nous voyons les objets qui
nous environnent. J'ai fur cela un
fentimentquiparojtétrange, &dont
l'imagination ne s'accommode pas
volontiers j car jeerft que c'efl uni-
quement en Dieu que nous les
Voyons. J'ai prouvé ce fentiment
fort au long dans la Recherche de la
uïla'ffJ?! Vé-hét& ailleurs.* Car comme je
& cuidn î- parois dans cet Ouvrage pour tout
A M. REGIS. 4S5
ie monde , je devois donner dé ton- ^ £""'"
tes fortes de preuves. Mais comme je Metaph.i.t
parle ici principalement à M: Régis, '■ En,i *'■
& à quelque» Carcéfiens, je lerai
plus court & plus" précis ; parce que
je ne m'arrêterai qu'à une' efpéce de
Î>reuve. Ainfi il fera aifé de décider
equcl denousdeux a raifon.
1. Je fuppofe comme une vérité
înconieftablà , que les' couleurs ne!
font point répandues fur Iesobjets,
mais qu'elles font uniquement dans
Vame. M. Régis en convient, èVc'eft
pour cela que je le fuppofe. Par le
mot de couleur , on n'entend pas- la
conligu ration des petites parties-,
dont ce papier , par exemple , eft
compofé, laquelle eft infenlible. On.
entend par la couleur ce qu'on voit
en regardantee papier, c'en àdire fa.
blancheur apparente;
2. II eft certain qu'on ne voit les-
corps que par la cou!eur,& qu'on ne
peut en les regardant diftinguer leur
différente nature , que par la diffé-
rence des couleurs* II ne faut point
ici de preuves, mais- un peu de refle-
xion fur les effets des couleurs dans-
la peinture.
jrSidoneje vois, préfentement
X iij.
4M REPONSE
ce livre , ce Bureau , ce Plancfier;
&fi je îum de leur différence, &de
«elfe de l'air d'alentour, c'eft que
l'idée de retendue , felon lesdiverfe
parties , modifie mon aine , là d'une
coûtait, & ici d'une autre. Et com-
me l'air efl invùiisle , cette idée ue-
modiHe point mon arae de quelque
couleur , ou de quelque perception
fcnfible, pour le- lui repréfenter ,
mais d'une perception pure. .Oefiaf-
finement ainlr qu'on voit les objets,
Ca r, prenez- y garde, voici le principe..
4. lleft-certain que tous les hom-
mes ont l'idée de l'étendue pïéfeme-
à l'efprit , dans ïe ams même qu'ils
ont les yeux fermez. M. Régis*»
fait mi -Chapitre exprés pour prou-
ver que cecte idée «il elïèmielie à
Pâme , c'efi à-dne a l'efprit entant
qu'uni au corps. Quand on a lut-
yeux fermer, comme les. objets ne
font alors aucune imprefllon lur les-
organes de la vue : ostte idée ne mo-
difie point l'ame de diveriès cou-
leurs, 'C'efi-a-dire de diverfês per-
ceprioMferifibles: EUenelamodi-
fie-qued'tme perception plus légère ,
ou purement intellectuelle quila re-
préfenteiimuente , maisfafts aueune-
GooSk
AM.&ÊGIS. 48 f
àivifètè dans fes parties , parce que"
cette niïe ne modifie point l'âme dij.
verfement. Car je fuppofeque L'ima-
gination n'agifife point , ou ne foi"
me point des images particulières de
cette idée générale Concevons main-
tenant qu'un homme qui avoit les
yewc fermez vienne à lescwvrir au
milieu d'une campagne ; & voyons
ce qui lui arrivera dé nouveau. Cet
Jiomme avoît en lui l'idée de l'éxen*-
due , quand il avoit les yeux fermez.
Cette idée eftefîéntielle à l'àmé , dit
M. Régis, II aura donc encore cette,
idée. Maisil ne verrapoim cette unî-
formité iqa'il concevoir entre fes par-
ties: Parce que cette idée au lien de
ne modifier fbn-efprit que d'une
perception imeUoétuelIe,BlIeleanoT
cïifieraadhaeliememd'ongtaiid nota-
ire de perceptions fen'irMes , ou d&
couleurs toutes différentes. Caries
couleurs ne lantquedBirai'ame. Ce
ne font que des perceptions vires &■'
fertfibles ..qui te rapportent directe-
ment à l'idée de l'ébenânë qui les
produit , & indi rectemênt aux objets
qui en font ordinairement l'orraGon.-
Je dis ordinairement , parce' qu'où
xoit quelquefois da objets qui ne
font point. X-iiij,
488 RE'PONSE
^. Cela étant ainfi , ce qu'on ap-
pelle voir les corps , n'eft autre chofe
qu'avoîraâuellementprérenteàl'ef-
-prit Pidéede l'étendue qui le touche
ouïe modifie de diverfes couleurs :
Garonne les voit point dire&emeut
ou immédiatement en eux-mêmea
Heft donc certain qu'on ne voit les
eorps que dans l'étendue intelligible
& générale, rendue fenfible & par-
ticulière par la couleur ; & que les
couleurs ne-font quedes perceptions
fenfibleique Pâme a de- l'étendue;,
lorfque l'étendue agit en elle , & la
modifie Quand jedis f étendue, j'en1-
tens l'intelligible , j'entens l'idée ou
ïarclietypeae la matière. Car il eil
clair que l'étendue matérielle ne
peut agrr efficacement & directement
dans nôtre efprit- Elle eft abfolu-
•ment inrifible par elle-même. II n'y
a que les idées intelligibles qui pui&
fent afièder les. intelligences. Quoi
qu'il en foit M. Régis demeure d'ac-
cord qu'on voit les corps dans l'idée
de l'étendue , & cela mefuffit ici.
6. J'aurai donc démontré qu'on
voit les corps en Dieu , iî je puis
prouver que l'idée de l'étendue ne fe
trouve qu'en lui, 6V qu'elle ne peut
Goo8k
À&RECî-S. 4Sj»'
étreune modification de nôtre ame;
Car, comme tons les corps particu-
liers fontcompofez d'une éteniuë ou»
matière commune & générale , &■
d'une formeparticuîiere: de même,
les idées particulières des corps, ne
font fartes que de ridée générale de'
l'étendue , vue fous des formes ou
par des perceptions intellectuelles ou
fènlibles toutes différentes, Jecroî
que M. Régis en demeurera d'accord
lui-même , puifqtf'il convient * Que . ,.
tous les corps particuliers- font prefens i s*
à Pâme cmtjûjiment& en gênerai, far-
ce que leurprefknce n'eft que P idée mê-
me de l'étendue. Àiniî il en clair que
toute la queflion fe-réduk à fçavoir ,
fi Tidée de l'étendue n'eft qu'une
modification de l'ame , comme M.
Régis le prétend-: ou fi cette idéeefl-
préalable à la- perception qu'on en a,
& fi elle ne fê'trouve qu'en Dieu. Je :
larfonnedonc ainfi,
7. Toutes les modifications d'un
être fini font neeeuairement finies.
6ar la modification d'une fubflance '
n'étant que fa façon d'être, il eft évi-
dent que la modification ne peut pis
tfvoir'plus d'étendue que la fubftan-
eûnême. Or nôtre efprn eft fini, &*
Coo8k-
■
*9a KffiFaNS'K m
f idée de l'étendue eft infinie, Dïnrê-
celte idée ne peut pas être nnemodi-
fication.de nôtre efprit..
Que-nôtre efprît fokfinï, cela <eft;
certain. -Car , plus, nos perceptions;
embraflènt de.chofes, plas elles font
conflues;. Si nôtre efprit ctoit infini,
il pourroit comprendre aâuetlerneiit
ï'infîm.MaBapparetnrneraanneme-
contéflecapas. cette vérité, il refle;
donc à prouver quel'idee de reten-
due eft infinie..
8. Ce que nous fçavonr-ceitaînfr
ment n1avoir;poidt de'borrtesefticer-
ïeinement infini. Or l'idée de l'étcru
^ue 'eft telle que-noas femmes cer-
itaiBsquenousne'i'épûlferansnamars-
ou que nous n'en tïouverons janaae.
ïe bout, quelque mouvement <pe-
nous donnions pourcelaà HÔtrccf.
prit. Nous fommes dune certains que-
■cette idée eft infinie, tl eft vrai q^ie-
la perception que nous avons de cet-
teidéeefl. finie-, parce que.nôrreef-
pTÏt 'étant ■fini , fes modifications le:
fomitufli. Voilà pourquoi -nônre ef-
prit nepeut embraiîer ou compren-
ttrel'inftrri.Mais pour l'idéedel'ef-
pace on de l'immenfité , •je 'fuis .of—
ïûré yii'eik paife infiniment l'idoe.
A te. E É G tf.- ?pr
fie j'ai dumon3e&deîout.nombre
ni.de monades quelque grands qu'ils.
fpient. Et j'artefle fut cela la con-
fcience des Lecteurs; Carcfefl-là une
décès veritez qui ne fe peut atitre-
me.lt démontrer narce-qu;on ne peut
rien -démontrer .qu'on ne convienne
desmêmes idées.
9. S'il efldonc certain tnieï'idée'
de' l'étendue «ft infinie, elle ne ft*'
peut trouver q;.i?en Dieu. Or j'ai
■prouvé qu'on ne voyoit les corps .que-'
■dans Wdée de l'étendue, pnifque voir
diffèrens corps n^eft autre cliofe quV
ctr&modifié dediverfes coulenra ,fe-
ïon diverfes parties de l'étendue in- -
telligible.- Donc il eft coÈtatn qtiton
ne voit ies corps qu'en Dieu. Auffii
n'ya-t-il qne lui qui puiSe modifier'
nosefprits , & qui renferme dans ■£»'
fubftance d'une manière intelligible'
les perfections dertousles êtres créer,
jeveitx dire ies idées ou Jes arohety-
peà fur feftp.Teis tl ies.a formez. ■ Or r ■
]0' ne compiens pas coromeni an-
peut foûterùr que la création du
mande eft préalables JaconnoiBan-
ceque'Dieaena.fansHefleï fàfa--
gelê& fa preLcience dans la forma*
ùonde-fes décrets. Je.ippurJob«fi-
Xvj;
C,„„sk-
49* K ET ON SE'
Dore prouver après S. Auguffin, que'
c'eft en Dieu que l'on voit l'idée de
détendue, par la raifon que cette
idée eft éternelle, immuable , nécef-
raire.communeàtous lesefprits Se
ï Dieu même: Se qu'ainfî elle eft
bien différente des modalitez chan-
geantes & particulières de-nôtre ef-
ptit. Car je fuis certain que Dieu qui
connort mes fenfations ne les feiw
pas, & n'en eft pas modifié, ni géné-
ralement tcas lesefprits. Mais ilfuf-
fit de s'arrêter à l'infinité qu'on dé-
couvre dans l'idée de l'étendué,pour-
vù qu'on ne veuilledire que ce qn'oR
conçoit clairement.
10. M.. Régis demeure d'accord *
que l'idée de l'immenfité repréfente
une étendue (ans bornes. Mais il
foùtient que des idées finies peuvent
teprefenter l'infini , parcequ'il cor*-
fond l'idée* de l'immenfité avec ïa-
perception que l'efprit en a, & qu'il
prétend généralement "que toutes les
idées dont l'amefefirt pour apperce-
voirles corps nefantr que de fimplesmo'
déifications de l'efprh, 8c * que des
- idées quoiqucfinies- doivent pafTer
pour intimes en ce fens qu'elles re-
p/entent l'infini. . . .
A' M. REGIS. . 45J
Iî efl ce me femble évident que ee"
qui eft fini n'a point aiïez de réalité
pour reprefenter immédiatement
^infini. Si mon idée, Q l'objet im*
médiat demorrefprh ("carc'eft là
ce que j'appelle mon idée^eft -fini,
& que je ne voye direflement ' que
cet objet immédiat, dequoi on ne
peut douter , puifqifil n'y a que cet
objet qui m'affecte, il efl certain que
je ne verray direflement rien d'infi-
ni. Si donc" ttidée de Timmenfité
étoit finie, commele veut M, Régis,
quoiqu'elle" agît en moy félon tout
ce qu'elle efl, eHenepourroït jamais
■me taire voir l'infini. Il faat donc
■ que cette idée foit infinie , pnifque
je vois qu'elle enferme une immenfî-
• té qui n'a point de bornes', & que je
fuis très-certain qu'elle n'en a point.
II efl vrai que cette idée infinie agiC-
■ fant dans mon efprit qui efl fini, elle
peut le modifie! que d'une percep-
; tion finie. Mais pour appercevoir
lUnfini , pour fçavoif certainement
que cequ'on appeïçoit eft 'infini , H
n'eftpasnecefîài roque la perception
foit infinie. -II n*y aque la compre-
henfion deI'iiifini,queIa.perception
qui-mefuae -l'infini , qui doive eue -
C,„„sk-
4(>4 ïtE'PONSE'
infinie comme fonobjet. Pour fça;_
voir quece qu'on voit eftînfîni , ï\
fuffit qnel'inh ni affecte lîame , quel-
çie légère que foit l'irnpBeÈBonqivi I
lait ea elle. Car Ses perceptions ne'
répondent jamais à la réalité^Ie leurs
id.eà. Quand je me pïq';ie pat eitenvi.
ple, Ou que je me brûle, j'ai une
perception tres-vive & ttes grande
d'une idée pour ainfi dire fort pe-
tite: Se quand je m'i magine lesGieu*.;
ou queiepenfê à l'immenfité des ef-
paces, i'ai .une perception très-peti-
te & trei-foibte d'une tres-valle idée.-
Xlyaptefque toujours plus de per-
ception î Ou ce qui eft la mèineichc«
fe-, la capacité quei'aine a depen-
Xer-efl plus partagée par Les petites-
idées que .par les grandes. Preu-
ve certaine .que nos idées font
Bien différentes des perceptions que'
nous en avons, & qu'il ne faut point
juger de la grandeur des idées par les ■
mjdilÏGations quelles produisent en
nous , mais par la réalité qu'on dé-
couvre en «Ile. Et comme on déaaa--
vre dans l'idéede l'immeuble une"
étendue (âne bornes, il fauterotrevee-
qu'on voit, c'en à-dire que cette éten-
due intelligible eit infinie, quoi^c-1
■ - a m. R-Ecrs;. a 4P?
ï?împrefiîoJi qu'aile fait fur nôtre es-
prit , foie non feulement finie , niais.
^beaucoup plus légère que-cette que-
l'idée de la pointe d'une éguilie y.
pourroh faire.
n.Jecroi devoir dire ici, Jfla'onr.^.T.deM;
neid^ît pas. juger ■quelle monde n'a "-'g'^f- w.
point de bomes , a caufe que Hd.'e-
de l'étendue n'en a point. Car. on ne
peut pas tnêmeien conclure que Dieu'
ancrée un fèuï ipied d'étendue. On-
peut bien' de l'idée de- l'étendue ti-
rer les propwetez-qui appartiennent*
mis corps ; pwifqne cette idée re-
prefente leur nature, comme étant
paichétype fur lequel Dieu les a:
créez , & qu'on dort juger des chofes •
félon leurs idées. -Mais -la création de'
la roatieroétant arbitraire & depen-
dantede la -volonté du Créateur}
pnifque l'idée qui la iteptféfente elt
infinie , -néceflaiîe:, létemeHe , il eft:
évident qu'on pourioit abfolument
avoir la .perception de «cette idée ,
"fens qu'il yctlft. de monde orée. -Cer-
tainement :Diou a vu iernoiide avant
la/création ., comme il le .voitmajn-
ttnant. M eft vrai qtrtl nç Viyâ que-
comme ?ofïrfcIe;avant Tes décrets ou
ihdépendamiBeat de- fcs déciets.
4s>* REPONSE t.
Mais fes décrets fuppofez,iI Ta Va
Comme actuellement éxiftant. Je dis
ceci, parce que 'M. Régis prétend
quel'etenduë créée eft/« caujè exem-
plaire des idées qui la repréientent ;
au lieu quec'eft ridée qui eft l'arche-
type ou l'exemplaire fur lequel la
matière a -eue faite. Je vas encore
donner quelques preuves que nos
idées foïït bien différentes de nos mo-
difications, ou des perceptions q«e
nous en avons, car cette queftion eft
le fondement de la difpute.
ri. Maintenant qucje regarde ma
main , j'en ay l'idée prefente à l'ef-
tirit par la modrficaîionde couIeuS ,
dont cette idée affecte mon ame.
Car la couleur queje vois n'eft pas
dans cette main qufr'je remue, elle'
n'eft que dans mon ame. M^Regis
en convient. Et c'eft par elle que je'
diftingue'ma main d'avec l'air qui
l'environne , au ftdée de ma main:
de celle de l'air ; car les objets ne
font viliblesquepar là couleur. Sup-
posons aufli qw cetteiWain fort-dans
de l'eau chaude; Cette :même idée
demain fera de nouveau prefente à
mon eFprit par la modification de-
diaktir.- Car la - chaleur n'eft auffi-
GooSk
A M. R Ë G I'S. &y
cfiie dans l'âme', comme M. Régis
en convient encore. II faut remar-
quer que l'expérience apprend, que
Suand même on m'auroit coupé le
ras, jepourroïs fentfr la douleur
dans ma main ; & par la même rai-
fon , fi le nerf optique étoit ébranle
comme il le doit être pour la voir,
je la verrois en même tems. Cela
fiippofé je raifonne ainli.
Lachalear n*efï pas Ta couleur. Ce
font deux différentes modifications
de mon ame. Or je nevoi ou je ne
fens pas deux mains. C'eft la même
idée d'étendue qui modifie mon
ame de couleur & de chaleur. Jedois
donc diftinguer l'idée' de' ma main
de la perception que' j'en ay. Les
idées des objets font donc préalables
aux perceptions que nous en avons;
Ce ne font donc point defimpleî mo-
difications de- Pefprit ; mais les cau-
fes véritables de ces modifications.
C'eft à dire querces idées ne le troa-
vent qu'en Dieu , qui feul peut agir
dans nôtre ame , &' la modifier de
diverfes perceptions par fa propre
fubflance: non telle qu'elle eft en el-
le-même, mais entant qu'elleeftla
lumière ou Iaiaifon uniyerfelle des-
4$t SE'PONSE
jefj>râs : entant qu'elle eft rejne&n-
tative des créatures & partkipable
par elle Allant en uu mot^uelle
«ontieni' Rendue irudligible , l-a*-
chetype 4e la madère. On ne doit
pas exiger de aiûifjue j'e-cp ligue plus
clairement la manière dont Dieu
agit fans ceUè dans les efprits : J'a-
voue que je n'en fçai pas -davantage.
19. Mais fàifons encore quelques
réflexions fur la différence qu'il y
a entre nos idées & ne* perceptions ,
entre 1 idée 4e i'étenduë , ou d'un
quatre par exemple, & la percep-
tion que nous en avons. Certaine-
ment nous ©oanoiuons -clairement
l'idéeduquarré, & pareil; les quar-
rez matériels, s'il y en a de crée?.
Mais pour la perception que nous
en avons , fort intelleduelle, loit
fenfible , nous ne la -counoiffon» que
confu Cément & par featime.it inté-
rieur. Je vois clairement que fi du
Ibmraet d'un angle d'un quarrc , je
tire une ligue droite qui coupe pu
le milieu un-descôie? oppalez, le
triangle qu'elle retranchera du quar-
té , en feca le quart : Que fi cette li-
gne en.caupe deux angle* , qu'elle 1er
pai-iagCia également : Quelequaicé
A M.REOIS. 4s#
Se cette diagonale fera double du
quarré , & ainfî des autres proprié-
té! que je puis découvrir dans cette
idée. Mais je connois fi peu la mo-
dification de mon efprit , ou la per-
ception qucj'ai de l'idée du quarré,
que je n'y puis rîei découvrir. Je
iensbîenquec'eilaioiqiû apperçoîs
cette idée : mais mon fentiment. in-
térieur ne m'appiend point, com-
ment il faut que mon ame tbît mo-
difiée, afin que j'ayela perception
întelleâuelle ou la perception feufi-
ble de blancheur,, pour connaître ou
voir une telle figure. Dieu connaît
clairement la nauire.de mes percep-
tions fansiesayoir: parée qu'ayant
en lui-même l'idée du l'arcJ»eiype
de mon ame, il voit dans cette idée
rorelligible -& uimineufe .commenr
l'ame doit-être modifiée pouf . avoir
une telle ou telle perception, .blan-
cheur, douleur, ou tout autre qu'if
as fènt pasi Mais pour moi c'eil tout
le contraire. Jefens mes perceptions-
fans les connoître: patee que n'ayant
pas une idée claixc démon ame , je
ne (mis découvrii que pat le Fenli-
ment intérieur, les modifications
àa&t je fuis capable.
Goo8k
?e
^oo kE'PO'NSE
14. Enfin la différence qu'il y a?
■entre nos perceptions & les idée?
hie paraît auffi claire que celle quï
eft entre nous qui connoiflbns , & ce
que nous connoïûons. Car nos per-
ceptions ne fonr que des modifica-
tions de nôtre efpnt , ou que nôtre1
efpritmême modifié de telle ou tel-
le manière: & ce que nous connoiP
fons , ou que nous voyons rïeft pro-
prement que' notre" idée. Car fi nos
idées font repréfentatrves , ce n'eft
que parce qu'il a plu à Dieu de créer
des êtres qui leur répondifient. Quoi-
que Dieu n'eût point créé de corps ,
es efprits feraient capables cï*ea
avoir les idées. Quand ouvrant les
yeux je regarde une maïfon , certai-
nement la maïfon que je voy ou ce
qui eft l'objet immédiat de mon ef-
jïtit n'eft nullement là' maifori' que
jeregardie. Car je pourrais voir ce
que je voï, quand même la mailôn
ne ferait plus : puifque pour voir
une maifon , il fuffit que l'idée de
ï'étenduë modifie Pâme par des cou-
leurs diftribuées de la même maniè-
re , que fi je regardoisaâuellement
une maifon. Il n'efl pas neceflâire
que je m'étende davantage furcette
Goo8k
A M. REGI S". tôt
•matière, apréstout ce que j'ai faic
dans mes autres ouvrages pour tâchée
del'éclaircir. Mats on doit conclure
de tout ceci que les efprits créez fe-
roient peut-être plus exactement dé-
finis , jhbfiaaees qui apperçoivent ce
qui les touche oh les modifie , que de
dire Amplement que ce font des fub~
fiances qui penfent. Car je fuis perfua-
dé par les raifons .que j'ai données
da is cet ouvrage & dans quelques au-
tres, que non feulement il n'y a que
Dieu qui en fe canfidérant le con-
noiflè parfaitement , & en for même
tous les êtres poflibles : mais encore
que lui féal peut agir immédiate-
ment dans nos efprits ; 6c en nous
touchant par fa fubfiance en tant que
relative aux êtres créez & polïibles ,
c'eft à dire entant qu'elle en eft di-
yerfemen.t & imparfaitement parti*
capable , nous découvrir les elTences
ou les idées éternelles & néceflàires
de ces mêmes êtres. A l'égard de
l'éxiflence des créatures , comme on
ne les voit point directement & en
«ile-même, H eft clair qu'on ne peut
ja découvrir que par une efpéce de
révélation naturelle; c'eft àdireque
parles fenfations que Dieu nous en
$n RETONS E
donne en confequencedes lotit géné-
rales de ï' union de l'ame&dti corps-.
Riais examinons la critique de M.
ïïegts. Je vas rapporter tout fon tex-
te afin qu'on en putflê juger plus
finement. II commence ainfî le Ch.
14. du Livre 2. de fa Metaphyfique.
* L'Auteur 15- Il y a im Philosophe moderne *
* 't \z'-q}â enfilais qne nous royms ks corpt
iVfaité. ''en Dieu, non entant que Dieu produit
en nous leurs idées , mais entant qifii
êfl lui-même comme l'idée dans laquel-
le , ou par laquelle nous voyons les
corps,
Din. ie i. Ce Philo fophe pow établir fon oph
-t.p»n.(h. nion , prétend * quêtantes les manière*^
*"' *" dont t'antepenrconnétTt tes- corps* fini
emprijes dans te dénomèremem . qtftl
„ en fait en ces termes : Nous- affarofi*
„ ddnc qu'rf eft abfoftimem néteflâjnS
„ que ïes ïâécs que nous avons- "des
„ corps , & de tous les autres objet*
„ que nous ifàppetcevotrc point paï
„ eux-mêmes , viennent de ces mêmes
„ corps ou de ces pbjets , ou bien que
„ noire ame ait ra puiffànce de fes-pro-
,tâuite, otrqne Dieu les ait produite*
J(avecfelle errla créant, otr qtfiï les
^prodarfe routes f es fotsquvon perrfe
^jaquelqu'objetjoaqucï'ame ah Cii
_ A M. REGIS. ,o?
«Ie-mçme tomes les perfections qu'- "
• «Ile voit dans ces corps , ou enfin "
qu'elle foh unie à un être tout par-'1
«lit , Se qui enferme généralement "
«oares tes perfections désêrres créez. "
Enfuite de ce dénombrement il exa-
mine quelle de toutes cet Manières de
'muiisre les cerfs cft la plus vray-fent-
tlable s &fùppefant avoir prouvé que
us idées des cerf s, ne viennent pas des
corps, ni de famé , ni de ce que
Vie» produit ces idies tontes les
pu que l'orne en * befoin , il conclut
enfin que les idées des corps viennent de
txqne Die», qui renferme generule-
nutK toutes les ferfeBims des corps ,
^uniiPome. Peur découvrir le défont
detmreontluftm, nous allons répondre
MZnifmfM kfqnetles elk efl appuyée,
& Jour le faire mec plus d'ordre mus
refluerons chacune de fis raiforts kme fu-
té qu'elles feront frofofées.
Re'po»si. J'aifait «dénombre-
ment de tout» les manières poiubles
■de voir les corps. J'ai donné mes
preuves qu'on ne les voit point pac
aucune des manières dénombrées à
l'exception de la dernière. Enfin j'ai
conclu en faveur de cette dernière
V(Mlà«que M, Régis convient ici
c,„„sk-
•y>4 - . R^'PO NSE
-que j'ai fait. Quedevoït-il donc faire
lui-même , pour découvrir le défaut de ■
cette conclu/ion ,- II devoit , ce me
fenible , ou faire voir que. le dénom-
brement n'eft pas exact , ou que les
preuves que j'ai données , pourfaire
exclufion des manières , font fauflès.
Cependant ce n'eft pas là ce qu'il
fait. Une tâche qu'à réfuter quelques,
raifonsque je pourrais bien n'avoir
données que par fur abondance de
droit. Car enfin le dénombrement
étant fuppofé exact, &IesexcIuiîons
bien prouvées ; il ne peut y avoir de
défaut à découvrir dans la conclufion. ■
II aurait donc été plus à propos que
M. Régis eût pris un autre tour que
celui de rapporter mon dénombre-,
ment , ou qu'il eût combattu les ex-,
clufions que j'ai faites , & prouvé
qnel'ame peut voir en elle-même ,
dans fes propres perfections ou mo-
difications , tout cequ'elle peutcon-
îwître. Et comme j'ai refuté ce fen--
timentdans un Chapitre exprés qui.
eft celui qui précède immédiatement
l'endroit qu'il examine, il devoit
répondre a mes raifbns. II eft vray
qu'écrivant alors pour tout le mon—
,tfe, je ne me fuis pas arrêté beaucoup
darçs
GooSk
A M. REGIS. t 50J
3arw ce Chapitre à la réfutation de
fon fentiment. Mais c'eft àcaufeque
ce fentiment n'étant pas fî commu-
.nément reçu que les autres, je n'ai
pas crû devoir employer Beaucoup
3e tems & de raifons pour en faire
voir la fauûeté.
Au refle ,fi je n'avois eu en v«ë
que M. Régis , je n'aurais point fait
le dénombrement des diverfès opi-
nions qui s'en Teigne i\t communé-
ment ,.& je ne les auroispoint refu-
tées pour établir lamienue. Ou fi j'a-
yois pu deviner ce qui n'elî arrivé
gué 15. ou 20. ansaprés , car fon I.i-
, vren'a paru qu'environ ce tems après
Je mjejn ^j'aurais mis dans la Rtcher-
;Cke<fela Vérité ce que j'aiécrit.dans
•Dlufieurs autres * Ouvrages ppur-re- » Eciaîrc.^
;îuter.phis aulon Je fentiment qu'il riment fur
, foûtient, Mais puifque M^Regis vou- ?j*Ru v«irf.
j loit m'attaquer , il,a pu & dùles exa- Ripao& au
.miner ces Ouvrages. Peut être mê- ^ de "",
ïnel'a-t-il fait-.D'oùvient donequ'- vrai» &
ÏI ne combat point les preuves que,^.^"-
-j'y ai données de la taullete de foiuur 1im«^
fentiment? Mais d'où vient qu'il ne''h',G*K'
dît rien du Chapitre 5. qui précède
immédiatement celui dont il tire les
jçiiions qu'il combat ici ; lequel Ch.
TomJJI. ï
ïotf RE'PONSÉ
eft directement contre fon opinion î
Enfin d'où vient que dans le Chapi-
tre même qu'il critique , & dont il
vient de dire, qu'il réfutera les rai'
fins à mefure qu'elles font propofées ,
d'où vient, dis-je, qu'il paffe ce
qu'il y a déplus fort & déplus direc-
?■ tement * oppofé à fon femiment , &
ce qu'il s'arrête à répondre à ce qui ne
le regarde pas ! Ôefl apparemment
par inadvertance ou par négligence:
Car jen'ofe pas prendre cette omif-
fion pour un aveu de fon imputftan-
ce. Mars il voudra Bien que je lui
dife que c'eft un peu meprifer ua
Auteur, que de critiquer fon Ouvra-
ge auftî négligemment qu'ila faitlç
mien. Il continue.
xâ'.La première raiftm de cet Auteur
eft qne Dieu agit toujours par les voyet
les plusfimples & les plus faciles; rf'oâ
il infère que Dieu doit faire voir à
Pâme tous les corps jm voulant fimple-
ment qu'elle voye ce qui eft au milieu
xà^elle , fçavoir la propre effence de
J>ieu qui reprefente tous les Corps.
Re'ponse. II faut remarquer , i\
Que cette raifon., comme M. Régis
J'expofe, conclut ce que je neveux
point conclure. Car je ne conclus pas
A M. HE GTS. ^07
qu'on voye la propre effence de Dieu
qui représente tous les corps. Je dis au
contraire immédiatement après cet-
■te raifon : Qu'on ne peut pas conclure
que les efprits voyent l'effènce de Dieu,
de ce qu'Us voyent tontes chofes en
Dieu. Car en effet il eft faux que l'ef-
Jè-ce de Die» reprefente les corps, C'efl
J-iiéedel'étenduëqui les reprefente.
Certainement cette idée eft en Dieu:
Mais elle n'eft pas fon eflèncei Qui
dit effence , dit Fêtre abfûhiqui ne
reprefente rien de fini. Or c'efi la
lubflancedeDieuprife relativement
.eux créatures , ou entantque partici-
pableparelles qui les représentent ,
ou qui en font les idées ou les arché-
types.
z<>. Que je ne prétens point par cet-
te première raifon combattre le fen-
-:timent de M. Régis , mais l'opinion
commune. Cela eft dair^aïcequ'a-
iyant que de la donner, jeais : Or voi-
ci les raiforts qui fembtent prouver que
Dieu veut ptâtofl nous faire voir fis ou-
vrages en nous découvrant ce qu'il y a
en lui qui les reprefente , qu'en crétnt
un nombre infini d'idées dans chaque efi
-frit. Et après l'avoir donnée je con-
clus : Qu'il b't a donc pas d'apparence
C,„„sk-
SP? RE'ÏVQNSE
■que Dieu pourrions faire voir fes On,,
vrages produife atttmt d'infinité^ de
nombres infinis d'iJées , qu'il y a'tPep
frits cr'eex. Cette raifpn pourrait-
donc être atTez bonne contre ceux
avec qui je parle quand elle ne vau-
drait riçn contre l'opinion de M.
Régis. Voyons cependant comment
il y répond.
II me paue que Dieu agit toujours
par les voyes les plus amples. II ne
me conteJJe point que , foire voir les
corps par l'idée de,I'étenduë qui ejl
enDieu , ne foit plus ûmpleque de
créer pour cela dans chaque efprit
un noinbreinfini d'-idées. (Ces deux
cliofe accordées cependant , ta preu-
ve efl démonftrative. ) Mais il fak
un difcours , qui en foi pourrait
âtre bon, & s'iLétoh bon, mon fenti-
,ment ferait faux. Mais qu'il foit boa
ou mauvaises difcours, il ne répond
pas plus à ma première ration qu'A
aucune autre.Ainfi il femble que M.
.Régis ne devoit pas rapporter cette
jaiïon , puifqu'U ne vouloit-y report-
dreque parledifcoursqucvoici.
M. Régis, ttau répondons à cs-
Ja,que fi Pâme voit les corps en Dieu, ce
■ne peut être que parce que Dieu efi unj
C,„„sk-
SAM. REGfff. jo?
tf-Pame, Or nous demandons ce que c'efi
que cette union de Dieu avec Vame; car
il fiait de necefjité-qu'elle reffemble ou à
l'union de deux corps , oukfunion de
deux ejprits, ou à l'union d'un corps &
d'un efpritjfètant pas poffible de conce-
voir quelqu 'autre genre d'union entre
deux fubfiances unies.Or l'union deDieu
avec Partie ne peut reffèmbler à celle de
deux corps,parce que deux corps font u-
nis par leur mutuel contacl,& tout con-
nu fe fait à la fuperficie,'.aquelle ne con-
vient ni à sJieu nia Pâme. Elle ne ref-
fèmblepas non plus à l'union de deux ef-
fnrits,parce que cette union confifie dans
la mutuelle dépendance des penfêes ou
des volonté^ de ces efprits; & il eft cer-
tain que les penfkes et les volonté^ de
Dieu ne peuvent dépendre des penfees ni
des volontei^de l'ame. Elle ne reffemble
fas enfin à l'union <f un corps&d' un ef-
pritipar une femblable raifim. Jlrefic
donc que Dieun'efi point uni à l'ame," ou • njmlioh
s'il y ejî uni , que cette union reffemble »i0l3'« «»
a celle qui je trouve entre la eaujc €T- ic, muum
Jbn effet, qui eft telle que l'effet àèpend^^ ">-'
de la caufe, mais lacaufe ne dépend pas
de l'effet. C'efi pour quoy fi Dieu ejî uni
à l'ame, ce n'eft qu'entant qu'il l'a créée
qu'il la conferve, & qu'il produit en
t iij
fto HE'PONSE
elle toutes fes idées & toutes fes fenfa-
tions en qualité Je caufe première ,-
comme il a eftè ditt attentant qu'il efi U
caufe exemplaire de l'idée que famé 4
4e Pitre parfait.
Dans ce difcours de M. Régis on
ne voit rien contre- les prapoinion»
qui compofent la raifonqu'il a rap-
portée. Ainfi ilfaudroit ôter de fon
Livrecettepremiereraifon, & par
conleqtient auflî ces paroles: Nous
répondons à cela que , par lefquels it
commence fon difcours. H ajoute. Si
famé voit les corps en Vie», ce ne peut
être que parce que Dieu efi uni à l'ami.
Or nous demandons ce que c'efi que cette
union de Dieu avec Pâme? Il aurait
raifon de demander cequefignifiece ■
mot union , fi on neï'avoit pas expli-
qué; carc'efl un des plus équivoques-
ju'ily ait. Mais à Pégarddes diver-
es efpeces d'union qu'il rapporte-
pour faire voir, que Dieu n'en pas
uni à l'ame comme Ie3 corps le font
entr'eux , ni comme les efpritsavec
ies efprits, ni enfin comme les efprits
avec les corps : C'elt un détail qui
me paroît fort inutile , 6c qui pour-
voit encore être retranché de fon Li-
vre., Car je-ne penTepas que perfon-.
fe
A M. REGfs; jrr
iWpuiûe m'attribue: deeroire que
Dieu (bit uni à nos efprits , comme'
les créatures le font entr'eUes. Mais-
ce qu'il conclut de fon détail eil apu-
rement très-faux. Car Dieu eft uni
aux efprits bien plus étroitement
qu'ilne Tell avecles corps. Iin'eft
pas feulement uni aux efprits en ce
fèna , qu'il les créé & qu'il les eonfervt
avec toutes leurs modifications com-
me les créatures corporelles; mais''
encore en ce fens qu'ils peuvent a-
roir avec lui une fccieté particuliè-
re, communion de penfres & de
fentimens, connoitre ce qu'il con-
îioît, aimer ce qu'il aime. Tous les
êtres créez dépendent de la pitiflkrue
du Créateur , efprits & corps. Mars.
il n'y a queles efprns-qui puiflènt ê-
tre éclairez de fa fagefie & animez
de fon amour.- Je fbtî tiens donc que
cette Raifonuniverfelle, qui éclaire
intérieurement tous les hommes, &
qui a plis une chair iènfible pour
s'accommoder à leur foibIeflè,& leur
parler par leur fens , eu la SagefTe de'
Dieu même, en qui fe trouvent tou-
tes les idéeï & toutes Jes veritez:Que
par elle nous voyons une partie de'
cequeDieu voit très- clairement ;-
ïiiij
0* RPPCWSE.
Qu'ainfi par elle nous avons' âveBf
Dieu & entre nous une efpecedefo-'
cieté , & que fans elle il efl impoffi-
fale que les efprits- .puiûent avoir
même entr'eux le moindre rapport,:
former quelque, liaifon, convenir de
quelque vérité que ce puiflè être.;
Mais il n'efi pas neceflàire que je re-'
pete icy ce quêtai dit ailleurs, pour
prouver qu'il n'ya que-la réalite in-
' telligible de la fouveraine Raifort-
qui puiflè agir dans Iesefprits& leur,
communiquer quelqu' intell igence-
de la Vérité j'ay fait voir que ledif-
Gours.de M. Régis ne répond point
à la première raifon qu'il avoit pro-
pose pour la réuuer.Cela me fufEt.
Voyons la féconde.
18. M. Reg i s. La féconde raifim
de cet Auteur e$ que cette manière Me
voir les corps, met une véritable dépen*
donc e entre Came & 'Dieu , parce que
de cette forte Pâme ne peut rien voir
que Dieu ne veuille bien qu'elle le voye.
Remarque. Jedis dans l'endroit
dont cette raifon efl ii rée,que ma ma-
nière d'expliquer commeDt on voit
les objets , met les ejprits dans une en'
tiere dépendance de Dieu , & la- plus
grande qui puiffe être ; çe-que ne fait .
- A" M. tfEdfl'S. w
pSs |Popinion que je réfute: qui efp
qw fejprit a en lui-même toutes les ■
idées necejfaires pour penfer à ce qu'il
t'eut. Aïnfi je ne comBats point l'o- '
piniondeM. Régis, quicroit aufli-
ïrien que mbi,que c'eft Dieu qui for-
me en nous toutes' nos penfées. Ce-"
pendant il eft clair que' félon mon :
îèntiment, la dépendance où l'efpfit''
eft de Dieu, eft plus grande que cel-'
le qui fuit de l'opinion même de M. -
Régis. Garfeïon-Iuil'efprit dépend ■
uniquement de ia- puijfance de Dieu , •
St félon le mien, il dépend non feu-
lement de fa-puiflance , mais encore -'
cte fa fagejfe ; puifque félon mon fen- "
liment "ce ne font point nos modiii- ■
cations, que nous connoittons &qur '
nous éclairent, mais tes idées intelli-
giblesquinefe trouvent quedans la '
îouverâine Raifon. -II eft donc clair ;
que j'ay eu raifon dédire, que mon '
ftmtïmtnt mettait les efprit s dans une •
entière dépendance de t>'teu , & la plus •
grande qui puijjè itrc.Ce font mes ter-
mes. Cependant il a plû à M- Régis '
de le nier. Voici- fa réponfe:
ijj. -M. Régis.' A quoy nous répon- '
dons, que bien loin que cette manière de '•
>«f letCQrfs en Vieu faffe dipendnJ
GooSk
«4<. REPONSE'
home de Dieu^lle fait au contraire que
Dieu défend de Vante par V union qu'il
a arec elle : Car il a été prouvé que ton- ■
te union yéelle & véritable , telle que
cet Auteur V 'admet pour cela entreDieu-
& Vame,fitppofe une dépendance réel-
le & mutuelle entre les parties unies,
Re'ponsî. Je d.emandeà M. Ré-
gis , où il a été prouvé que l'union que
f admets entre tous les efprits rai/ju—
nobles & la Souveraine Raifon > sup-
pose UNE DEPENDANCE RE'eLLB
ET MUTUELLE ENTRE LES rA*TIES-
unies!. Hn'yarien dans mes écrits ■
qui puîné faire , je -ne dis pas juger ,
niais feulement foupçonner a une:
perfonne équitable, que j'aye jamais ■
eu un fentiment fi extravagant & fi,
impie. Du moins fuis-je bienaffuré ■
que cette penfée nenVefl jamais ve--
nuë dans I'efprit. Mais , dira-t-il , ,
eft-ce que jene viens pas de prouver -
qu'il n'y a que trois efpeçes d'union, .
qui toute» mettent une dépendance :
réciproque entre les parties unies è ■
Mais quoy ! répondrai-je. Dé ceque-
vous «ippofez que l'union qu'il ai
pïâ à Dïea de mettre entre fes créa-
tures les. rend réciproquement dé-.
pendantes., ayea-vous droit déco».'
A" M,' RK'GI'S. ?rç
«Sure que le P. Malbranche 6e tout
ce qu'il y a de Philofophes & de-
Théologiens, ne peuvent plus foû-
tenrr que les efprits font unis avec
Dieu , qu'ils ne rendent le Créateur "
dépendant de fes créatures ? Cela ne ■
fecomprend pas : Car enfin il y a;
différence entre le Créateur & les*
créatures. Voyons donc la fuite.
1/ faut ajouter, continue- UÏ[,qitefi
famé voyoit les corps en Dieu,àcaufe'
quelle dépend de lui , elle y devroit
-voir par la même raifon les autres a-
mes , & syvoir elle-même .- car autre-
ment il faudroit dire qu'elle ferait fa
propre lumière ; fïnon à l'égard des
corps , an moins à F égard des efprits,*
ce qui repagne aux propres principes de;
cet auteur.
Re'pon sï. Je penfe que le Lecteur'
aura de là peine à comprendre le-
fins dece raifoniiement de M. Régis,
Mais comme jecroi fçavoir bien ce ■
qu'il veut dire; je vas expliquer ia'
penfee: II eft necefsaire pour cela de
ïçavoir, i\ Que je diflingue entre'
connoîtrepar idée claire, cV connoî- -
ire par jènùntent intérieur. 2". Que-'
je - prétens qu'on connoît l'étendue/
par une idéeclaire;-cï qu?ônne coh-t
ïivj,
?6 RE'PONSfî
naît fon ame que par fentïment mte-*-
rieur. j\ Que ce qu'on conooîtpac
idée claire, on le voit en Dieu qui-
ienferme ces -idées ; & qu'ainfi c'eft
en Dieu qu'on voit l'idée de l'éten-
due, ou l'archétype de la matière ;
mais qu'on ne voit point en Dieu
l'idée de fon àme ou l'archétype des
efprits. Sur ces principes , jedis que
Dieu eft notre lumière en ce fens ,
que les idées que nous-voyons en lui
font Iuimneufes. L'idée, par exem-
ple , de l'étendue eft fi claire , ii in-
telligible -, fi féconde en veritez, que.
les Géomètres. & les -Phyficiens ti-
rent d'elle toute la -connoifsance
qu'ils' ont de la Géométrie & de la-
Phyfîque. Je dis que l'ame n'eft.
point a elle-même fa lumière ; parce,
qu'elle ne feconnoîtquepar l'expe- -
rience du fentïment interiedr-jqu'el-
lene peut en fe confidérant> decou--
vrir les modifications, dont elle eiL
capable;&que bien loin dexenfec—
mer en elle les idées d&toutescho—
les t qu'elle ne- contient pas même-
l'idée de fon être propre: -Voilà mes-i
principes, il n'eftpasqueftion main-
tenant, de les' prouver, maisd'y rap--
H>rter.Ie jrail9nnemen(<fe M.Reg_«. .
. / A' M.R'EGÏS: ,17-
lï faut ajouter , dit-iï , que fi Pâme'
Voyoitles corps en Dieu, à caufe qt?el~
fe dépend de lui , elle y devroit voir par
ht même raifim les autres ornes, ou J'y
Voir eUe-méme:
Je réponds qu'elle devrait s*y voir «
& les autres âmes , fi effectivement"
elle fe voyoit. Mais elle ne fe vois'
pas ; ellenefèconnoît pas. Elle fent
feulement qu'elle eft, & il eft évi-
dent qu'elle nepeut fe fentir qu'en'
elle-même: Elle fevoit & fe connoîf
fî on lèvent , mais uniquement par -
fentiment imeriear ; fentiment ten-
nis , qui neiui découvre ni ce qu'el-
le eft , ni quelle eft la nature d'au->'
cune de fes modalitez. Ce fentîmentf-
ne lui découvre- point qu'elle n'eft'
point étendue , encore moins que I*
conIeur,que la-blancheur, par exern--
pie , qu'elle'voit fur ce papier , n'eft'
réellement qu'une modification de'
fe propre fubflance? Ce fentiment^
n'-eft doncqueténébres: à foti égard.
Quelque attention 'qu'elle y donne,'
il ne produit en elle aucune lumiè-
re , aucune intelligente de ■ la vérité.'
6'efl-donc que'I'ame ne fe voit pas j
ppree qu'effeâiveirient I'idéi
tkerype de l'ameine lui eft
$8 REPONSE
rifefté. Dieu, qui nefent ni doulenr
ni couleur , connoît clairement la-
nature de ces fentimens. Il connoît
parfaitement comment l'ame , pour
les fentîr doit être modifiée. Appa-
remment nous le verrai s auffi quel-
que jour.. Mais nous ne le verrons'
clairement , que lorfqu'il plaira à
Dieu de nous manifeOer dans fa fub-
flance l'archétype des efprits , l'idée
fur laquelle l'ame a été formée. Idée
lumineufe & parfaitement intelligi-
ble, parce qu'iln'y aqueles idées di-
vines qui puifsent éclairer les intel-
ligences. Jufques à ce temps heu-
reux, l'ame fera toujours inintelli-
gible à elle-même. Elle ne Ternira en.
elle que des modalitez ténébreufes ;
& quelque vives & fenfibles que
foient ces modalitez , elles ne la con-
duiront jamais à la connoîfsance
claire delà vérité fans le iecoursdes
idées intelligibles. L'ame ne fe voit
donc pas. Mais elle voit retendue.
Elle en connoît la nature & les pro-
prietez. Enconfultant l'idée de dé-
tendue, elle découvre fans cefsede
nouvelles veritez j parce que cette*
idée étant en Dieu , elle eft tres-clai-
Te~,tres*intelligibl4tre»-latDineu£ej.
GooSk
A M. REGIS. v?
Bien différente des modifications^
confufes & tenebreufesde l'ame.
S uppofant donc que nous ayïons
une idée claire du corps , Se. que-
nous n'en ayïons point de l'ame i ou
bien fuppofant feulement qu'on me
veuille combattre par mes propres-
principes , comme M. Régis le. pré-
tend icy. Sa propofition paroît tout"
à fait femblableacelle-cy. S')/ était
vrai que Homme dépendît de Dieu
pour remuer les hras , par la même rai-
fort il devroit en dépendre pour remuer
tes ailes. Oui , fans doute .s'il en a.
voit , répondrois-je. Mais comme il
n'en a point , il ne dépend point de
Dieu à cet égard. De même fi l'ame
feyoyoitou fi elle connoifsoit clai-
rement fa nature par ïa contempla-
tion de i' idée, ou de r-archetype fut
lequel Dieu l'a formc'e ; en cela elle ■
dépendtoit dé Dieu , elle fe verrait
en Dieu.Mais comme elle ne fe con-
noîtque par fermaient intérieur , &
qu'elle ne peut fe fentir qu'en elle-
même, elle dépend bien de la puif-
fàncedeDJeu qui agit en ellérmais -
à cet égard elle ne dépend point de fa -
fîtgeffe. Je veux dire "qu'elle n'eft;
point -éclairée par laicaUté iiaeiLU-
GooSk
fte"1 tfE'POftSÏ'
gible des idées divines. Je ne voy*-
jren en cela qui répugne à mes propre*
principes , & je croï ^ue ceux qui ■
ont dugoût&deîa pénétration pour
les veritez MétaphyGques , n'y trouJ
veront riefr que de conformé à I*
raîfon , pourvu qu'ils- méditent (e-
rieufemerit mes preuves , ce que M^
Régis n'a peut-être pas fait jufques-
ïcy. Le temps nous apprendra , fi je-
me fuis égaré. Mars je croi devoir
dire qu'il eiî faut beaucoup avant
qu'une opinion aufli extraordinaire/
aufTi contraire aux préjugez de l'i-
magination & des fens, auflï abft fai-
te & auflï difficile que la mienne ,
puiffe-etre généralement reçue- je*
rie dis pas de tous les* hommes , cela
n'arrivera jamais, jedisdesSçavans,
& de cette efbece de Sçavans qui"
s'appliquent férieufement à la Mé-
tâphyfique , & à ra connoiflànce de ■
" l'homme."
x". M. Régis. Latroifiùne raifim*
efi la manière dont famé apperfo'tt tous'
les corps: Car il prétend que- tout le'
monde [tait par expérience, que lorfque'
nous voulons' penfer à quelque corps,-
nous envifageons d'abord tous les corps, -
&■ nius nbus- appliquons ertfùite à -la -
A" M: "REAGIS. pr
ermfidération de celui que nous foubai-
tons de voir. Or il efl- indubitable que •
nous ne {(aurions foubaiter de voir uW
corps particulier que nous ne le voyions:
déjà , quoique confusément & engenc
rai. De forte que pouvant défirer de-
voir tous les corpsytant&t l'un & tantôt
l'autre; il efi certain que tous les corpF
font prefenscinhtreamc;&tous les corps
ne peuvent être prefèns à notre ame,me-
farce que Dieuy efi'prefent, c'efi à dire
celui qui efi tout être ou Vhreunïver-
fclyqui cimprend toutes lercreatkres-
dans fa fimplicitè.
Remarque. M. Régis auroït
mieux fait de rapporter mespropres
termes. Car ilrfa point abrégé ledif-
cours. Mon raifonneraent efl gene-:
rai, & n'a- rien ce me femble de cho-
quant , & il le rend particulier , Se-
affurément un peu difforme. On le
peut pourtant rétablir en ôtant le
mot de corps qu'il a répété fept fois ,
& que je- n'a vois, pas mis une feule
fois,&eny fubflituantlemot&rej..
Si on ne fait pas cette fubftitution ,
on aura peut-être railbn d'être fur-
pris de ce langage ; par exemple :
Tous les corps ne peuvent être prejvns
à- notre atae que parce que-Dieu y efl ■
pi ftE'PONSË
frefent, e'eft à dire , celui qui rfi tduF
être ou Vitre univerjcl. J'avors dit : II
ftmble que tous les êtres se puiffent être
prefens à notre efprittaue parce qur
Dieu lui efi prefent , e'eft à dire , celui
qui renferme toutes chofes dam lafim--
plicité de fon être. 'Cette expreflîon
n'a lien de choquant, 8t ne pêne
foire naître cette folie idéequeM.
Régis lui- même va bien-tôt com-
battre pour me faire honneur, que
Dieu n'efi point Ntremherfel ou com-
posé des autres êtres, comme defes par-
ties, parce que toutes les parties font ou
intégrantes ou fub je fttves , & le relie
qu'on verra plus bas.
M. Régis. Nous répondons à cette
troisième raifon , en difant que les corps
particuliers font toujours prefens à l'â-
me en général & confusément-Mais que
leur prefence n'efi autre chofe que Vidée
même de thenduë , que Dieu a mifi
dans l'ame en Vmiffànt au corpst& que
, les corps particuliers modifient enjuitê
diverjemem , fuiront la d'rverfttè de
leurs actions fur les organes desjhis;
De telle forte que fi les corps particu-
liers font toujours prefens à l'ame en
général & confusément ,* celç ne vient
pas de ce qu'ils font compris enVitu,
 M. REGIS. pg
tDmme dans l'être univerfel, mais de ce
qu'ils font renfèrme%jdans t étendue »
dont l'idée efi toujours prefente à Pâme
comme il a été prouvé.
Re'ponse. Pournem'arrêterqu'à
ce qui eft eflèntielà Indcciiïondela
queftion ; je paÛè bien des réflexions
que ceux-là qui ont un. peu de dis-
cernement peuvent faire fur la ma-
nière dont M. Régis expofe & com-
bat mon fend ment , & je viens au
fond. J'avoue que tous les corps
font préfensàl'ame, confufément &
en gênerai , parce qu'ils font renfer-
mez dans Tidce del'étenduë.C'eft là
mon fentiment,& ce l'a to.Vjours été.
C'eft ainli que je l'ai expliqué dans
la Recherche de U Vérité, & dans
mes autres Ouvrages. Mais il n'y 3
pas là grand myflcrei car il n'eu pas
ce me femble poflîble de concevoir
la chofe autrement. Ai nfi la queftion
le réduit à fçavoir fi cette idée de
l'étendue eft une modalité de I'ame.
Je prétens que non , parce que cette
idée eft trop vafte , qu'elle eft infi-
nie , comme je viens de le prouver,
& que toutes les modalitez d'une
fubftance finie font neceffai renient
finies, C'eft donc une. néceflîté que
C,„„sk-
£$'. . ÎAE'PONSE
cette idée ne fe trouve qu'en Dieu r-
jSuifqu'il n'y a que lui d'infini. Je"
prétens que l'idée det'étre en gêne-
rai , ou de l'être infini , dans laquel-
le nous voyons en générale confu- -
fément tous les êtres, comme rfcms'
Voyons tous les -corps dans I'idçede*
l'étendue j je prétens , dis-je , que
cette idée de l'être infini ne fe peut
trouver qu'en Dieu. C'efl en cela
queconfifte toute la force tie~ mon
râifonneinent contre l'opinion: de
M, Régis. II ne le devoir pas djlfi-
mnler , s'il s'en eit apperçû: II de-
voir le rapporter dans mes termes ,
&y répondre. Enfin il riedevoit pas:
oublier la ■ feule chbfe du Chapitre'
qu'il critique qui foit directement1
contraire à fon opinion, & qui fuir
immédiatement cette troifrërfce Tai-"
fôn qu'il réfute , après laquelle je'
continue ainfî,
zi.Ilfemblemême que Nfprit ne fe-'
rottpas capable de je reprefimer dts
idées universelles de genre , d'efpece ,
&c. s^il ne voyait tousîès êtres rtnfèr~
mex. en un. Car toute créature étant
un être particulier ; on ne peut pas dire'
qu'on foye quelque choj'e de créé lors-
qu'on voit, far exemple , m -triangle-
C,„„sk-
'A M.;REG,IS. m
.-« gênerai. Enfin je ne cm pas qu'on
puiffe bien rendre raifon de la manière
dont Vefprit connaît plufteurs veritei^
abfiraites & générales ,que far la pre-
ftnce de celui qui peut éclairer Vefprit
en me infinité de façons différentes.
Enfin la * preuve de Vexifitnce de » voyez ett-
Vieu la plus belle , la plus relevée l la « p««« çi-
plusfilidt & la première, ou celle qui \l*f.fivd™
fuppofe le moins de cbofes, ç'efl Vidée "•
que nous avons de Vinfini. Car il efi
confiant que Pefprit apperçoit V infini ^
quoiqu'il ne le comprenne pas ; & qu'il
a une idée tres-diftwfte de Dieu, qu'il
ne peut avoir. que par l'union qu'il a
avec lui ; put/qu'on ne peut pas conce-
voir que l'idée d'unêtre infiniment par-
fait , qui efi celle que nous avons de
Dieu Jbit quelque chofe de créé. Mais
non feulement Pefprit. a Vidée de Vinfi-
ni , il Va même avant celle du fini ,
&c. II ri'eft pas neceffàire de tranf-
crire Ierefte.
II me femble que M. Régis ne de-
.voit pas laitfer cecy fans réponfe ,
jour combattre des preuves qui
n'attaquent point directement les
Jentimens : Car encore un coup,
,dans tout le Chapitre , il n'y a que
.cet endroit qui regarde particulière*
Goo8k
Ti6 RWPXXSSE
«îent l'opinion qu'il foàtient. Et je
croi qu'il fuffit pour en faire voir la
fauiîèté. Car enfin il me paraît évi-
dent que des idées générales ne peu-
vent être des modifications par-
ticulières. Mais développons cette
raifon , & voyons ce que M. Régis y
pourrait répondre.
Tomes les modaiitezd'un être par-
ticulier.tel qu'eft notre ame,Hjnt ne-
celTairement partîculîeres.Or quand
on penfeà un cercle en gênerai, l'i-
dée ou l'objet immédiat de l'ame,
ifeà rien de particulier. Donc l'idée
du cercle en gênerai n'eft point une
modalité del'ame.
Cet argument en forme n*emba-
raflèroit point un jeune homme qui
lbîîtient Thefe , & qui fçait fe tirer
d'affaire par un diflinguo. II répon-
droit hardiment: l'idée du cercleen
generaln'efl rien de particulier: Difi
tmgtio. In repr&fentando : Concéda. In
ejfendo -■ Nego. Cela terminerait la
difpute & tout le monde fortirok
content. Mais fiM.Regismejrépon-
doit férieufement , qu'une modalité,
quoique partïculieredel'ame, peut
reprefenter une figureen general,de
f- 1- même qu'à foûttent * qu'une idée
AM.HEGIS. _ py
finie peut représenter l'infini, ou,
■une étendue qui n'a point de bornes »
}""ehu répondrais que je ne fuis pas
atisfait. Car par ces mots , l'idée de
cercle en gênerai, ou l'idée de l'in-
fini, je nentens que ce quejevoi,
quand je penfe au cercle on à l'infi-
ni. Or ce quejevoi actuellement eit
•gênerai ou infini. Certainement l'i-
dée du Gercle en gênerai ne me re-
prefente rien qu'elle-même. Car H
eft évident qu'il n'y a .point au mon-
de de cercle en gênerai, & que Diett
même n'en peut créer, quand mê-
me il pourrait créerune étendue in- » v fc f
finie. Je raifonnedoncainfi. * L'i- Tome de cm
déedu cercle en gênerai nemere-™"^p*
prefente que cequ'elle renferme. Or
cette idée ne renferme rien de gêne-
rai, puifquecen'eftqu'unemodali-
té particulière de l'ame félon M. Ré-
gis. Donc l'idée de cercle en gênerai
ne me reprefqpte rien de gênerai.
Contradiction vîlîble, & qui jufti-
.fie ce me femble que j'aurois raifon
jde n'être pas content de la réponfe
■précédente. Mais apparemment M.
'Régis en a de meilleures à me faire.
xi. Pourmoi je diftingue mes idées
de la perception que j'en ai , de la
Goo8k
-5*8 RE'PONSE
imodîiication qu'elles produifent en
.moi , lors qu'elles me touchent. Je
«roi que les modalitez de mon arae
\ou mes perceptions ne me reprefen-
tent qu'elles-mêmes ; & cela par un
fentiment intérieur, parce que l'ex-
périence m'apprend que l'ame fent
intérieurement, tout ce qui fe palïè
acUieHementen.elle.AI'égarddemes
idées,jecroi qu'elles ne me repréfen-
)ient qu'elles .direâemcntj que je ne
voi directement & immédiatement
,que ce qu'elles renferment ; car voit
rien,c'eft ne point vorn mais fi Dieu
a créé quelqu'être qui réponde à
jnon-idée comme à fon archétype, je
.puis direque mon idée repréfente cet
■être, & qu'enta voyant direétement
je le voi indirectement. Pour con-
noîtreles propriétez decetêtre/j'en
confulte l'idée , & non mes modali-
jez,puiique c'eft elle & non cna mo-
dalitéqui eftl'archejype fur lequel
J3ieu l'a formé. Mais je ne conclui
lien fur l'éxiftence a$uelle de ce;
.être ; parce que Dieu ne tait pas né:
ceiïàirement ce que fes idées repre
fentent , ou .des êtres qui réponden
à fes idées; leur création eft arbi
.traire. Voilà des fectimeusjjien cor
Goo8k
A M. REGIS. . 5*9
'«aires à ceux de M. Régis. Car je
l'avoue , il elt rare que \e fois d'ac-
cordavec lui , principalement fur la
Métaph'yfique & fur la Morale. Mais
je le prie que cet aven, ^■apparem-
ment me fera grand to^pns fon ef-
prit , ne me gâte pas dans fon cœur.
tëj Oeft l'amour de la Vérité qui m'o-
* blige à le faire cet aveu. Je ferais
[ïi pourtant fâché d'en venir à la preu-
t«l ve. Quoi qu'il en foit , je diflingue
«m M. Régis de fes opinions. ■Ilmedoit
ttft rendre la même juitice. Et puifqu'il
>ieu a combattu fouvent mes opinions
i( v dans fon ouvrage, & quelquefois en
pe,js me citant , il ne doit pas trouver
tetfl mauvais que je confirme le monde
îitïii dans ce qu'il a bien voulu lui ap-
pçertdre.
23. M. Régis continue ainfî. Qril
ift bien plus aisé de concevoir que les
corps particuliers font renfèrtnez^cen-
finement dans f étendue , qu'il n'eft ai-
sé de concevoir- qu'ils font renfermexjn
Dieu qui n'a nul rapport avec eux. •
tiil (on a vu * que ce n'eft pas de cela » Rfp0Bft ^ ■
epiidont il eft queftion. ) En effet ft Dieu r«t. w.
icwtoû tout être ou l'être univerfel , corn-
Mme cet auteur fenfeigne , il faudroit
■ "-0 j»w tous ies ^ms fcft*1 *eS taHi" '"*■
[aitCf Tome IJl. Z
fj» REPONSE
tegrantes ou des parties fubje&ives ■ de
T>kw, pmfiptil efi impoffîble de trou*
ver an autre genre de parties. Or les
(ires néfbntmpas des parties integran-
tes deDieuJ&trce me s'ils Pitoient ,
Dieu feroitçfupose des- êtres, coma»
une montre efl composée de roufs &de
refont; ce qui répugne à la fimplieitè
de ta nature divine. Le s êtres ne font pas.
nom plus dis parties fubjethves deDieu,
farce me- sHls P étaient rD'teu ferait un*
nztnre univerfeUe , qui n'exilerait- que
dans V entendement de celui qui lacent
$e>roit;ce qui répugne à l'idée de Dieu,
taqmttr le reprepnte comme la ebofe
d» monde la plus fitiguliere & la pua
déterminée. Il refle dam que Dieun'efi
tout être m F être univerfel , qu'en ce
qu'il eft ta eaufi efficiente , médiate ou
immédiate de tous les êtres.
Plainte. Je ne répons- point à ce
éifconrs de M.Regja, je m'en plains,.
tit je voudrais bien ne m'en- plain-
dre qu'à lui-même. Maïs cela eft
trop pu Hic. De bonne foy, Mon.
fieur, avez-voos' prétendu coÉnbaura
mon femiment, Iorfquç vous ayez.
prouvé queDieu n'eft pas l'être uni-
verféï, parce que tous les êtres ne
font pas des parties intégrantes oufitb-
A M. REGTSi #t
jeffîves de la Divinité. Prenez gar-
■dcje vous prie. le mondeen conclu- ■
roît que vous n'entendez pas ce que
tous lifez. Car je défie * le plus ha- • C'tft don
ïule& le plus mal intentionné crîti- ■?'>»■ (■<•»»*
que.de me faire foupçonner pair ceux que^eû eft
qui ont Iû mes Livres , d'avoir inlh- *'*« uni-
nûe.cette-impieté, que-Dieu eft Pêtre™™^ £'c_
tmiverfel en ce (craque- tous les êtres™" k ta
trèeçfmtfes parties intégrâmes. Aflii- OTnful1"'
rément vous n'en croyez rien vous-
même,fi vous avez formé fur la ïec-
turede mon Traité des Idées t le ju-
gement que vousavez de mon fen-
timent. Comment donc cela s'eft-il
pu glitfer dans votre Ouvrage ? Eft-
ce par la faute du Libraire ou de
quelque Correcteur négligent ,g«
yarîa malignité de queJqa'eanemi
«acbé , ou qu'enfin vous avez corn-
pofé vous-même voue réponfe fur
quelques Mémoires- eir'ropiez de la
Jtecberche dt la Vérité. Encore dans
cette fuppoStion l'équité , fï necef-
faire aux critiques, vouioit-elle que
vous confultaffiez l'ouvrage même.
Je me plains donc Monfîeùr , de cet
endroit de votre Livre ; mais je n'y
répons point par cette unique raifort
que je ne «orpas qu'il y aie de Léo
Zij
Goo8k
55* RE'PONSE
teuraflèz iïupide pour m'attrïïraw
l'impiété que voua. combattez fous
jçion nom.
M. Rçgis. La quatrième & der-
nière raifoneftqu'il ne fi. peut faire que
Dieu ait d'autre fin principale défis
adions que lui-même : d'où il s'enfuit
.que Dieu ne peut faire une ame pour
connaître fes Ouvrages ,.que cette ame
Ve voye en quelque façon Dieu ; de for-
te qu'on peut dire que fi nous ne voyions
t>ieu en quelque facon,nons ne verrions
aucune cbofi; parce que toutes les idées
des créatures, ne font que des limita-
.iions de Vidée du Créateur.
Remarque. II ne faut pas s'ima*
giner, que cette rarfon foitexpofée
icy comme elle l'eu dans la Recher-
che de la Vérité, non plus que le?
précédentes. Elle contient environ
deux pages de mon Livre , & M.Re-
gis la réduit- icy à fept ou nuit li-
gnes. Voicy comme on pourrait l'a»
Breger pour lui laiflèr quelque fot-
' ce.
Puifque Dieu n'a fait tes efprïts
que pour lui , & qu'ils rie peuvent
^voir de focieté avec lui, qu'ils ne
peiifent comme lui , il doit leur fai-
re quelque paît de fespropres idées.
Goo8k
s
A M. REGIS. h;
iïesaicrietypesqu'il renferme de (es
créatures , & fur lefquels il les a for-
mées. II doit éclairer les efprits de
fa fageflè ou de cette fouveraine Rat-
ion,quifeulepeut nous rendre ra-
ges , raifonnables , femblables à lui.
Si Dieu éclaire nos efprits & nous
découvre les créatures par les mêmes
idée, qu'il en a; il efl évident que
nous fomtnes infiniment plus unis à
lui qu'à (es créatures,- que nous forn^
mes unis à Iur directement & aux
créatures indireâement & par lut:
Ainfi il fera vrai en toute rigueur
que nos efprits n'auront été créez
Ïiue pour lui , quoique nous voyions
es créatures-; pareeque nous ne les
voyons qu'en lui, que par lui, que
comme lui, je veux dire que dans les
mêmes idées- que lui. De forte que
nous penferons comme lui. Nous
aurons par les mêmes -idées quelque
focieté avec lui. Nous aurons été
trée^àfon image tiMàfareffemblance,
parcette union particulière avec la
îageTe & la Raifon divine. C'eft ain-
fi que S.Auguflin explique ce paiïa-
gede la Genefe, comme on le peut
voir dans la première page de la
^léfacedemon Livre. Mais, fi noua
Z iij,
Goo8k
34 «ElFOWSE
soyons les- ■créatures dans nos prfli.
près modalitez , en cela nous dépen-
dions bien delà puiflànot de -Dieu
tomme les corps, comme le fcu,par
exemple., en dépend -pour brûler.
Mais nous ne ferons point unis .àia.
facedè. On pourtoitdire que IDieu
a fart les efprits pour s'unk immé-
diatement aux créatures. On ne ver-
rok plus fi précifement comment
tous les efprits .peuvent avoir >en-
tr'eux& avec Dieu une (beieté veri-
tabIetcammunioiide penfées par une
Raifon & une Vérité commune &
fouveraine. Je neponirois plus être
allure que tous les efprits'voyerït'la
même vérité ;que ije'vol, epatand je.
découvre, par exemple ,:fes propTiç-
lez du cercle.j.car îfàns <Ie fecours
d'une révélation 'particulière , je ne
puis décotuviàrqaeltesîfoiit'ies tho-
dalitez des autres 'efprits. Airifitou-
tes les Sciences, toutes ïes'Véritez de
Morale n'auraient pins de fonde-
ment certain. On ne pourrait plus
rien. démontrer jcar-il eft impdlTi-
ble de démontrer que les efprits ont
ou n'ont pas certaines môdalieez ;
puirqu'elles feraient arbitraires ces
«nodalitez ,* & dépendantes de la va*
Goo8k
A M. REGIS. - . ^
iànté de Dieu , & que toutedémon-
ftration dépend d'un principe nécef-
iàîre. Cela fuffit , car j'étendrais im
xaifon & je veux ïcy l'abréger. E- *
coûtons M. Régis.
Nous ripons que pour mtc&itu a- H faut li™
gifji principalement pour lui-même , il % £$£&
tf eJ2 p<w neceffaire que nous voyions les pour revoit
corps en X)ieu,& qu'il fugit que nous™ Pcnlïe-
'/m wyïww dans nos idées , ou par nos trou"'™ pu
idées , pourvu qu'en les voyant ainfi dan! c,e ^it
ttousfoyws. difpofex à loiier Bieu , qui iu/Ù. ***
le^tftroduits & qui ks xonfèrve. Et
yuiïitàeè qW il ajoute que toutes les
vtêes des ouvrages dej>kufbnt insé-
parable s.dc fonidée^nous «w demeurons
iTaceard;inais.itousne croyons pas four
cela que les idèe-sdes corps particuliers
foient^des limitations de l'idée de Dieu;
nous concevons au-eontraire que cela ne
peut être ,à-caufe queles-eorps parti--
tuliers>n' ont aucun rapport -ni matériel
ni formel avecfidéedt 'Bieu, mais ils
« ont feulement avec Vidée de déten-
due; car onfeut-bien direque le trian-
gle & le -quarrè font des:limitatiom de
P 'étendue , mais on ne -peut fiw direde
même.que P étendue fait -ms Imitation
de Pêtre qui penfe parfaitement ■ ^«i
il s'enfuit que fi nous voyons 'b
Z iii
Goo8k
fttf RE'PONSE
en Dieu , ce n'efi pas parce que teurf'
idées font des limitations de l'idée de
Dieu; maïs parce que Dieu a produit
dans famé l'idée de V étendue , laquelle
efi enfuite diversement modifiée par les
corps particuliers , qui agirent diver-
sement fur les organes, comme il a été
dit.
Il refie donc que nous ne voyons point
les corps en Dieittcomme le prétend cet
auteur, mais que nous les voyons par
des idées qui font en nous , & qui dé-
pendent des corps qu'elles reprejenmiï,
mplairWde
e de leurs caufes exempt
' Pâme qui les reçoit , comme de leur cau-
fe matérielle ; de Dieu qui les produit
tomme de leur caufe efficiente; & de
PaBUn dus corps particuliers , comme
de leur caufe efficiente féconde, ainfi
qu'il a été dit.
Re'ponse. Voilâmes raiïbnsaut
fi folidement réfutées , qu'elles on*
éié nettement expofées. En vérité je
trouve une fi grande conf Ufion dans
tout ce difeours , que je ne puis me
riibudre à en faire le commentaire.
Jepriefeulement les Ledeurs qu'ils
ne fe rendent qu'à l'évidence. S'ils
m'accordent cette juftice j je les défie
de comprendre mes raifons dans co
A' M. REGIS. ty
Châphre de M. Regis,& je ne crains
point par conféquent qu'ils ies y
trouvent folidement réfutées.
Ainfî nonobftant la réfutation que"
je viens de tranfcrire,îe croi que des
quatre chofes que M, Régis en con-
clut,les trois premières font fauffès ;
& qu'il n'y a que la quatrième qui :
foit véritable en l'interprétant équi^1
tablement comme on le doit. Je crot
donc ;
i ■'. Qucnou s voyons les ouvrages
de Dieu dans leurs idées ou leurs
archétypes , qui ne fe trouvent qu'en
Dieu j Se qu'ainfi ces idées ne dépen-
dent point; des êtres- crée^ comme de
leur caufe exemplaire , puifqu'elles
font au contraire les exemplaires dei
êtres créez. Car pour le direenpaf-
fant , afin que le deffein que Dieu a J
pïis librement de faire le monde foit
rage & éclairé , il faut que Dieu ait
connu cequ'il a voulu»* & qu'ainfi 'Tor« ' j«
le modèle du monde & d'une infini- d^s%£w
té de mondes polTibles foit préala- <k m. Rsgii.
ble à la volonté ou an décret de la
création. Je '-ne puis encore me dé-
faire d'un préjugé fi greffier.
2". Je croi que/« idées ne dépendent
point de famé comme de leur caufe mar:
Z v
Goo8k
£g ÀOTONSE
tenelkiOUpcmT parler plus clan»-
meiu.qu'elles ne font point des mo-
dalitez de Pâme. Je croi l'avoir dé-
montré.
3". Je ne puis oaeperGiader que les.
idées dépendent de D'iea-camme de
ItMf ctutj'e efficiente. Car étant étemel-
les., immuables ■& 'néceflâites , elles-
n'ont pas hefoin de cauiè- efficience;
quoique j'avoue que la .perception
que j'ai de ces idées dépendede Dieu
comraede fa cautêefEciente: Je- fuis
encore dans cette erreur decroireqoe
iesiverhez-Géométiiques & Namc-
xiques , comraequei fois a.,, font 4.
ibnt éternelles, indépendantes préa-
lables aux décrets libre*de Bieu. lEt
je ne. puis m'-accommodct de ia défr-
-Dition des vemez .éternelles tfue
?t*g-*7>. donne M. ftegis, ïoifquUIidït:'*
- Quelles confifient dans les Jkbjhmces
que pieu a créées, entant que Famexou-
fidere ces fuhjîanees tp.une certaxnenu-
niere-r& afyB&fas compote j&iMttilei
différent rapports qu'elles ont lestâtes
avec Jcs autres. J'en Gjai une un peu?
.j>Ius.courtev& qui tne-.parok plus-
jufte i je Jes définis ,,let rapports qui
ïfvnt entre les idées. 11 .y a 4Jn Tappoit
-d3égatitéanire3fois.a&4j,foit.g_uei'¥
A M. ftÉGYS: <£>'
penreouquejeri'y penfè pas. Car
il n'efl pas néceflàiïeqiie ce rapport
d'égalité foitapperçû.afîn qu'il foiv
Me voilà encore bien éloigné des
:fentirhens de M. Régis, Mais (i ou
■veut fçavoir toutes les raifons que
■j'en ai, on les trouvera dans la Re-
cherche de la Vtritè & des éclaircijjè-
■ntens. Dans la réponfi au Livre de'
M. A. des vrares'& des faunes idées.-
-Peut-être' font-«Hes encore mieuic-
déduites dans les deux premiers entre--
tiens fur la Métaphy figue & fur la Re-
ligion; & dans nia ïtéponfe à une*
iroifiéme Lettre de M. Arn.quïeft-
'dansIe^'tomedemes'Réporifes.Cat'
"naturellement on doit croire que"
ïes derniers ouvrages d'un Auteur
'font moins mauvais que les pre-
miers. AinfiM.Regis aurait" peut--
être mieux fait de combattre lès rat-
ions qu'il auroif trouvées dans mes1
derniers livres, direflement-contrai-
xesà fonfentîment.que j'yairefuté>
■fort au long , que d'attaquer un Lr-
Trefaitity a-vingt ans^dans ïei
quelje n'oppofe prrr '
raifons qu'il pourra
foûtenfr ton opinion.
'fait naître dans I-'efp
GooSk
54o RE'PONSB
quinelaîfonrpasavarnageiires.Pour '
^ moi je ne les ai pas ces penfées. Et je
'veux croire que ces derniers livres
dont je parle ne lui font pas tombez
dans les mains , ou qu'il n'a pas eu la
curiolité de les lire, de quoi j'auroîs
peut-être grand tort de le blâmer.
Au relie il ne faut pas toujours con-
tre-dire' les fentimens des- autres.
Ainfi jefuis.prét defoufcrire à-cette ■
propofiiion, ç«e les idées dépendent de
Ca&ion des corps particuliers fur Us
organes desfens , comme de leur caufe
efficiente féconde , pourvu que par les
idées on entende leur prejènce aBuel~
le à l'efprit ou la perception que nous
en avons.Si M.Regts l'entend autre-
ment , je lui déclare que je fuis bien
fâché de ne trouver rien dans lès féru
timens qui foit de mon goût. .
CHAPITRE III..
Jufiification dé quelques prétendus» :
contradictions. _
*»»»* f*w T, E penfoïs" avoir" fini cette petite ■
ï,1'rf.'îâ r^ J' réponfe aux objections de M.R&-
tkasht de. gis. Mais j'ai encore rencontré, dans .,
GooSk
A M. REGfS. w
ion livre l'endroit qui fuit, où il uveritf. il
nfaccufe^être tombé dans des contra' £jr°èïit°.n
disions manifèftes;ïl cite en marge •
la Recherche de la Veritê.Cet endroit
eft donc encore un de ceux qui de-
mandent réponfe, félon Ia-rcfolution
que j'ai crû devoir prendre de ne ré-
pondre à cet Auteur que lorfqu'il
m'interroge. Car de répondre à tout
ce qu'il avance oSntremes fentimens,
jen'enaipas brioifir, & je necroi
pas qu'il le (buliaitte. Mais fi je me
taifois , lorsqu'il m'addrefle la paro-
le, il auroit fujet de fe plaindre de
cette efpece de mépris , ou plutôt iï
pourrait croire , & quelques autres
auffi-bienque lui, que' je ne pour-
xoispas lui donner fatisfaction, &
que |e conviens de m'être trompé.
Ce ne ferait pas, il eft vrai, un grand
malheur pour moi, qu'on Ie-crût-:
roaïsj'aimeencoremieuxqu'onn'en ■
croie rien , fur tout lî mes fentimens
font véritables. Quefi néanmoins je
reconnoiflbis qu'ils font faux , il me
femble que j'aimerais mieux alors
avoUermafaute Je n'ofe pourtant
l'aflurer dans l'appréhenfion où ie
fuis , que Dieu pour p
fiance , ne m'abanden
nj4i REPONSE
rations fëcretœs , ék aux mouvemens
de ma vanité. Maïs venons au fait.
■ Voicy le texte de M. "Régis.
To*. r.-f*j. Ilyadonc cette différence entre les
w* plaifirs des fins & la JatisfaClion inte*
Heure ; qtte eeUe-ti efl un Bien abjbtu ,
étant impofjible de trouver un feui cas
où ilnefoit pas avantageux de la pop-
fider , ait lieu que leiplaiftrs des feiis
ne font des biens qu^ entant -qu'ils fe rap~
•portent à la fatisfk&hn intérieure de
Vante tcars^its ite s'y rapportent pas,
•tu s'ils y font contraires ttant s'en faut
mue les plaifirs des fewsfoientdesbitns,
■ils font au contraire desvrais maux; et
•qu'il fàut'bien remarquer pvur's'emptt
■cher de tomber dans Perreur oà jbrtt
■Ceux QUI CONTONDANT L'A SATTS-
•FACTION INTERIEURE DE L'AME ,
*£'Adteur*V*C XES *LAIS"ÏRS DES SENS.*
i» u Rt- .Car c'éfi cette cmfufton qui les fait
**■ vltÛtJiv tomf>cr iàans de manifestes con-
4,<i.io.' traductions , lorfqu'Usdifent'Que
■le pïaîfireiltoûjouTs un bien, mais
■qu'il. n'eft pastoujours avantageux
•d'en jouir : Que le plaifirnous rend1
toujours actuellement heureuxrmais-
-qu'il y a prefque toujours des t&
mords fâcheux qui l'accompagnent ,
lcc;Cor ilefi vifibk qttefar Icplaifir
C,„„sk-
ATM. RTCTS. T4?
^nousrendto&'joursaSuehetnent heu-
teux y ils ne penvent entendre que la
fatisfailion intérieure de famé ,1» p or
te plaifirqui eft.frefijue toujours accom-
fagné de remordsifw le -plaifir des fens.
Or U efi certain que les plaifirsdes fimt
ne diffèrent faa moins de la Satisfac-
tion intérieure de Pâme que lesmoyens
différent de la fin.
Exposition tju Jva.it. M.Re-
•gis m'aceufe dans ce difeours :
i>. D'être tombé dans cette erreur de-
vmpmdre .la fatisfaïiion intérieure de
i Pâme avec les pluïfirs 'des feas.
a v II foùtient que cette canfufion
'■m'a fait tomberions de manifèfles con-
4radi3ions; parcequeidaos le Chapi-
Jtrequ'il-cite, j*atdh:Que Je plaifir
■efl un fcaen ,<mais quil^eu .pas tou-
jours avantageux d'en jouir : qu'il
asous rend 'toujours aâaiellensent.
-Heureux; mais-.quiil y a preTquetoù-
-^ours -des .remords *jui IWxompa-
ignent.
■g1. -Et-lapreusca^uliLdonne.que-
^e confonds le plaifir avec ia iàtis-
ifa&ion intérieure de l'ame xC'cft'-,.
dit-il», qu'il 'eftt>ffible,qxe:par le plai-
fir qui nom >rmd toujours ÔBiuUtment
■heureux rils-œytuvtntMtmire que kr
fatisfaiJton. intérieure..
GooSk
W R'ET» OTM S'E'
Réponse. Si je croïoîs que le
ïéâeur voulût bien prendre la peine
de chercher lé Chapitre de fa Re-
ebercbedela Kémé.queciteM.'Re-
gis, & de l'examiner i mon unique
réponfe feroit de le prier de lira
tout ce Cfiapitce , & de prononcer
far ces ctmtradi&ions mmififtcs. Cas
quelque mtfMi/r/ïrjqu'ellesparoifïènt
ir-M.Regisijene-croJs pas qu'il pût
les découvrir. Mais comme le Léo
• teur n'en voudra peut-être rien fai-
re, &oue le Chapitre- eft un peu
long, ilfautque je donne icy une
réponfe plus précrfe.
Mon delTein dans ïe Chapitre cité
eft de réfuter l'opiniondesStoïciens
qui prétendent que la douleur n'eft
point un mal , nr le pkifîr un bien.
Je prétens donc que la douleur nous
rend actuellement malheureux, &
que le plaifir nous rend heureux. Je
ne dis pas folidement heureux ; je ne
dis pas heureux & content; je ne dis
pas heureux entant que le bonheur
renferme la perfeâion, Je diftingufc
ces deux chofes , parce qu'elles (ont
réellement diftincles. Car I'efprit
n?efl parfait que par la connoiiïince
& l'amour du vrai bien j & il n'eft
■Goo8k
A' M. RËGl'S. ffî
Keureux d'un bonheur folideque par
la joLÎiflànce de ce bien,IaqueIIecon-
fiJle dans les modifications agréables
des plaifirs qu'il produit dans l 'ame,
& par Iefquelles il fe fait goûter à
elle. Je prétens feulement contre les
Stoïciens ; que les plaifirs iesfens font
capables de nous rendre * en quel1-* tn- I(?*
que manière heureux. Cet en quel- f p'%,T°m'
que manière , marque nettement ce
quejepenfe. Mais quand même je
n'aurais pas mis cette refirîflion
dans ce Chapitre, il eft vifible qu'il
faudrait toujours la fous-entendre.
Car j'y prouve-en plufiènrs maniè-
res qu'il faut fuir les plaifirs ; & je
ne cror pas qu'on puiflè m'attribuer.
ïe delïêin de prouver qu'il faut fuir
ce qui nous peut rendre folidement
heureux. Ceîafuppofé:
Je répons, i '.que je n'ai point con'- ■ p*g. a,.
fondu la fatisfaBion intérieure avec les & *v if- fc
plaifirs des Jèns. Je l'en ai toujours
diflinguée, lorfqu'il a été nécefTaire;
& je fais même- cette diflindion fi
difficile à découvrir vers la fin du
Chapitre quecite M. Régis. II eft
vrai que j'y appelle joie ce ' qu'il
nomme fatisfàctïon. Maisje ne crois
pas qu'il prétende que je fois obligé
Goo8k
<tf REPONSE
a parlercomme lui. Le mot de joie
aie paraît meilleur>àcaiue.decelnï
detrifteffequi IuiettoppDfé. Néan-
moins je changerai joie en farisfac-
tion , & trïfleûe en chagrin E on Je
■fouhaite.
Je répons en fécond lieu que je ne
trouve point de contradiSion <mani-
fejie dans cette propofîtion,./f,/>Z<«/fr
efi un bien; mxis il mtjl pas toujours
avantageux d'en jouir. Si j'avoisidit-Ie
Îlaifir cft lefouyerain bien, ou le vrai
ien ; ou roêmeiî j'avois dit , leplai-
fir el\ le bien-, mais il n'eft pas tou-
jours avantageux d'en jouir; j'avoue
qu'il y auroit une comradiBion mi~
wifefte.. Mais elle feroit fi manifeftcr
*ettecontradidion,gue tout Leôeur
jageroit d'abord que ce feroit une
îaute de l'IniprimeurquiaiuoitmiB-
iàns réflexion le bien , pour-an bkn.
Affurément il ne lui -viendrait Ja-
mais dans l'efprit que j'aurois voulut
dire, qu'il ti'eft pas toujours avanta-
feux de jouir du bien,,ou.du feuvevaœ
ien. Où eii donc l&contradi&Umtta-
mfefie? fi un bien tel qu'on voudra
n'eft pas le fouvetain bien , il eft vi-
fibie qu'il ne fera pas avantageux
d?en joiiir , fi on ne ^eut en jouir
A M. HE GIS. 54/
wns perdre le- fouverain Bien , ou
même.fâns fe priver .de guelqu'au-
«re bien plus confïdérable. Un pou-
let eft un peth bien ; le.plaifîr de le
manger quand on a faim , nous rend
en quelque manière heureux. Ce-
pendant en'Carêmeiln'éfl.paBavan-
tagenxde jouir-dece. poulet , ou du
pïaifîr que frai (trouve .en le man-
geamvEitae qn'alQrsoeipouIet'chan-
ge de nature ,.& qu'en Carémeiln'a
plus ïe même goût?, Non, fans doute^
Ce poulet, ou le plaifirque l'ontrou-
veen le mangeant , eft donc un bien
dont il n'eu pas avantageux de .jotiicj
parce qu'il ne fut -jamais avantageux
de perare un grand .bien .pour un
moins conGdérabIe..M.Hegis a donc
mal prou véqtre. je fois tombé dansde;
manifîftes watmàiSfomJU 'faut déjà
s'il lui pïaîr, -qu'il '-change Je pluriel
en fingulier , ueitmmijfèftes çontradic
tiens t- en unc-amtradiàion mamfefie.
Voyons pourtant s'-Mne1 feroèt point
mieux de tout' effacer.
■Voici la propofiiion^ui*Eafte: le
plaifirnous -rendto^utrs aSuellâmsut
heuremc; mais il-y a prefijite toujours
Ses retnortls ftkbeux qui l'accompa-
gnent. Si j'ayois «tirit, lûplaifir nout
C„o8k-
?48' ff£»FO*NSE'
rend toujours folidement heureu* 'r
ou Amplement bien-heureux,au lieu
d'aftuellement heureux , on aurait
laifon d'y trouver une contradiBiott
manifefte; parce qu'on ne peut être
folïdefnem heureux oirparfahemenB
heureux , & fouffrir quelque rnife-
re ou quelque remords fâcheux. Mais
je fuis dans ce préjugé que les hom-
mes font inégalement heureux, &
queperfonne n'eu" tellement heu-
reux, qu'il n'ait quelque endroit <jui
l'afflige &qui le rende malheureux..
Je regarde ce Sage des Stoïcîens,dont-
Ia goûte & les douleurs les plus ai-
guës ne troublent point la félicité y
comme un homme rare, & d'une «f-
pece particulière, pour lequel affo-
lement je n'ai jamais compofé de li-
vres : Car je fçaî qu'ily eût trouvé
mille contradiUiom manîfefies. J'ai
écrit pour des hommes qui me ref-
femhlent. Et comme le pEaifir me
rend heureux, & la- douleur mal-
heureux ; j'ai crû , fur ce principe ,
qu'il vaut mieux être malheureux
en ce monde que de l'être éternel-
lement en l'autre ; j'ai crû , dis-je r
pouvoir fo'ttenir, que quoique les
glailïrs de3 fens nous rendent ac~-
^ C,„„sk-
A M. RE GTS. 54*
•taellement heureux, il -les falloir,
fuir à caufe des remords fâcheux qui
les accompagnent , qu'ils font iniuf-
tes , qu'ils nous attachent aux objets
fenfîbles , qu'ils nous féparent de
Pieu, Se pour plHfieurs autres rat-
ions qu'on trouvera dans mes livres
& dans le Chapitre même contre les
Stoïciens, où l'on prétend avoir ren-
contré des contradiSionsmanifefles.
Comice les contradictions préten-
dues où.je fuis tombé, dépendent fé-
lon M. Régis , de ce que^'aiconfon-
du les plarSrs des fens avec la fatis-
fadion intérieure ; il faut examiner
Ja preuve qu'il en donne. Car il a,
bien vu qu'on ne croiroit pas fur fa
parole , que \ç rafle capable de con-
fondre deux chofes que je ne croi pas
que jamais perforine.aitcon fondues.
-Voici donc fa preuve.
L'Auteur de la Recherche de la
Vérité , a dit .■ Q«e le plaiftr nous rend
toujours atluelkment heureux , mais
■qu'il y a prefque toujours des remords
fâcheux qui l'accompagnent. Donc il
confond les plaifîrs des fens avec la
iàtisfaâion intérieure. La preuve en
^ft claire. Carilefivifible que par le
flaifir qui nous fend toujours aÈîftelk~
Coogk
-tto RE'PONSE
ment heureux; cet auteur ne peut en-
tendre que la fatisfaétim intérieure , ni
farte plai/îr qui efi toujours accom~
fagni de remords , que le pUifir des
fins. Vont :
Re'ponse. lime fcmble que tout
autre que M.Regis raifonneroitain-
fi. L'Auteur de la Recherche de la
Vérités dit : Que le plaifir nous rend
toujours acJueUement heureux , mais
MÛil y a prejque toujours des remords
fâcheux oui raccompagnent. Or les
remords fâcheux n'accompagnent
point la fatisfaâion interieure.Donc
cet Auteur distingue IespIaifirs,dont
il parle.de la fatisfaâion intérieure.
Conclu/ion direâement oppofée à
fa fienne. Comment donc eft-il pof-
fible que par le plaifirqui nous rend
toujours aâueliemenr heureux , on
n'a pâ entendre que la fatisfacîion in-
térieure i On l'a entendu autrement.
Cela efl vifible. D'accord.dira peut-
être maintenant M. Regis.OnI'a?^
maison ne Ta pas du. Car le plaifir
& la douleur ne rendent ni heureux
ni malheureux. Hé bien je le veux.
Je me fuis trompé en cela j j'étais
dans le préjugé commun -, les Stoï-
ciens ont raifon. Mais dans le Cha-
Goo8k
AÏ&fiB'GTS w
lettre que' vous avez cité, je combâ»
isâuelfemenc l'opinion de cesPhî-
îofophes. Vous n'aviez donc pas fi>
jet de croiieqiie je fuflè de' leur fen-
itiment. Comment donc me ï'attxi-
Imez-vous , en difant : Que far. les
piaifirs qui rendent heureux ,jene puis
entendre que lafatisfaSion intérieure ,.
pour conclure de-Iàque je confon»
jdois ce qu'aflurément perfonne nç
confondit jamais , & que cette c«i-
/âj/Son étoit l'origine des contradic-
tionsmanifefies ou j'etois tombé. Ap-
paremment vous n'avez pas bien ex»,
pliqué votre penfée. Car jenecroi
pas qu'on puiftè rien comprendre
ddânsî'expofitionquevousen faites.
Cependant , Monfieur, jecioi que
vous avez raifbn de penfer , quec'eft
lafatisfa&im intérieure qui nous rend
véritablement heureux , autant que
nous le pouvons être en cette vie,
pourvu que par là vous entendiez ,
comme je Je croi, le plaifir intérieur
dont Dieu nous récompenfe quand
nous faifons notre devoir , &qui eft
comme Je gage ou Pavant-goût des
Biens que nous efperons par Jefus-
■Chrift ; pourvu que vous entendiez
par I&cette joje intérieure, que pro-
Cooglc
-«* RE'PO NSE
ouït en nous l'efpérance Ch retienne;
& non cette fatisfacUon intérieure
des Stoïciens , qui n'eft qu'une fuite
de la vaine complaifance que notre
orgueil nous fait trouver dans nos
perfections imaginaires , & qui loin
de flous unir au vrai bien , nous ar-
rête à la créature & nous fait jouir
de nous-mêmes.
Si un homme de bien fè trouvoit
fans cette douceur intérieure, qui
accompagne ordinairement la bon-
ne confidence , comme apurement
cela arrive quelquefois, puiïque de
grands Saints fe font plaints tbuvenr,
de fournir des féchereflës effroya-
bles ; iî , dis-je , un homme étoit
privé de cette douceur ou de cefen-
tiraent intérieur pour quelque terris,
où Dieu l'éprouve & le purifie ;aIors
je croirais parler le langage ordi-
naire, en dilant que cet hommen'eÛ
plus heureux , mais qu'il efl encore
jufte , vertueux , parfait. C'eft qu'or-
dinairement on appelle heureux
ceux qui joiïiffènt de quelque bien , ■
& qu'on ne jouit du bien, ou qu'ori
ne le goûte que par les fenthncns
agréables. Sijedemandoisàcethorn-
,me de bien dont je viens de parler^,
s'il
Goo8k
A M. REGIS. ^
'tfir efkarïueUement heureux , il me
rlépondroil, apparemment. Hécom-
-nient poutrois-je être aduellement
heureux, ne Tentant plus en moi
cette douceur que je fentois autre-
ibis? Quoi, lui dirois-j éventez -vous
-quelque reproche intérieur. Elt-œle
jepentir.qui vous afHige.?Hélas^nen-
ni, me répbndroit-H.MaKJenegoii-
le plus combien IeSeigneur efl douxi
je n'ai plus cet avant goût que pro-
duit l'efperance,ou cette foi vive que
Ï""avois aux .promeûes ju Seigneur
efus.
Geft donc le fenïiment agréable
ou le goût du bien qui rend formel-
lement heureux. Qr tout plaifir eft
agréable ; donc tout plaifir afluel
jend aduellement heureux félon Je
langage ordinaire. Mais comme il y
a de grands & de petits plaiJirs, com-
me il y ertade juîteS'cYd'în jufles.de
paiïagers & de^durables ^ &. qu'il ar-
rive fouwent qu'un petit plaifir
ïious prive d'un,grandj-quoique tout
plaifir nous rende heureux a fa ma-
Xiîere , il .eil évident qu'il n'efl pas
tpûjours, avantageux d'en joiiir.Tels
lotit les plaifïrs des fens. II faut les
éviter avec horreur & avec .yigilan-
Tome III, A a
Goo8k
A4 REPONSE
ce particulière , pour les raifons qulj
j'ai dites dans le Chapitre qui eft le
fu jet decedilcours, & Couvent ail-
leurs.
Vous m'avez interrogé,Monfieur,
& je vous ay répondu le mieux que
j'ai pu. Je ne fçai pas fi vous êtes fa-
tisfait. II eft vrai que je vous ai fait
attendre long-temps pour bien peu
dechofe ; mais je n'ai pas crû en ce-
la vous défobliger. Si vous me fai-
tes encore l'honneur de m'interro-
ger , je fuis prefentement dans le
deflein de tout quitter pour vous
contenter promptement; & en ce cas
•je vous demanderai, avec tout le ref-
peâ qui vous eft dù,l'éclairciuernent
de plulieurs difficultez qui m'emba-
xauent dans votre Metaphyfitpte &
dans votre Morale. Ce n'eft pas que
je me plaife à parler devant tant de
monde qui nous écoute, & qui peut-
être fe divertit à nos dépens- Mais;
c'eft que quand on m'y force, je tâ-
che de me tirer d'affaire le plus
promptement que je puis , & de ne
pas défrayer feul la Compagnie.
Croyez-mor , Monfîeur , vivons en
paix. Employons notre temps à cri-
tiquer en toute rigueur nos propre»
A M. REGIS. w
Opinions. Ne nous y rendons* que
Iorfque l'évidence nous y oblige. Ne
nommons jamais dans nos Ouvrages
ceux dont nous condamnons les fen- .
timens. On s'attire par là prefque
toujours des réponfes unpeufâcheu-
fes. J'airjehé qu'il n'y e.lt riendans
Ja mienne qui vous -pût fâcher, &
j'efpere d'y avoir bien téLiffi. Car. U
me femblequeje n'ai point eu d'au-
tre vue que de deftèndre fortement
mes fentimens, à caufe que je les
croî véritables. Mais fi dans la cha-
leur de la difpute , il s'y efi gliilë
quelque expreffion un peu trop du-
re, ce que vous pouvez fentir mieux
que moi ; voyez fi vous n'y auriez
point donné vous-même un fujet
raifonnable. Mais en tout cas, je vous
prie de mêla pardonner d'aufll bon
cceur^quej'oublie.commejeledois,
certaines manières qui mebleJTent
dans votre Ouvrage.
Fin du trot/iime volume.
AaiJ
Google
AVERTISSEMENT.
Iltft i f refis dé Brt tu fuite
m* Réponfc- i ut»' treijse'me
Lettre pofthuntt de Monfiiur Ar-
nattld , dans Uqueile il df prose,
vt U Çetttisxtnt dm. Régis , pet
les idées &fir les fUifirs.
UjlllALMjl
T A B L E
DES CHAPITRES
;■ Contenus dans le troîfiéme
volume. ■
PR i f A ce. Oà Pan fait voir ce
qu'il faut penfer des divers juge-
ment qu'on porte ordinairement des
livres tpfi-combattentles-préjugeÇ.
LIVRE SIXIE'ME.
îreiaieic Partie , de ia Méthode.
X Jr**s deux moyens géné-
raux pour conferver f évidence dans
la recherche dé la Vérité '.» qm fe-
ront lefujet dé ce livre. i
&a^.\V. Que V attention e^nèccjfaîr»:
pour eonferver V évidence dans not.
funhoifîattçes. Que tes modifications-
■Goo8k
TÂBtE
' fenftbles de famé U rendent ar*
tentive, mais qu'elles partagent trop
la capacité qu'elle a d'ap percevoir. ^
Chap. III. De Vnfage que Hn peut
faire des payons & des fens pour
confervef l'attention de Pefprit. 17
Chap. IV. De Hfage de f imagination,
pour çonferver l'attention de Pef*
prit j&de futilité de la Géométrie.
Chap. V. Des moyens d'augmenter
l'étendue" & la capacité de fefprit.
Que: l'Arithmétique & V Algèbre J
font abfolument necejfaires. 6%
Seconde paitîe , de la Méthode.
Chap. I. T"\£* règles quHlfaut oh-
\\ Jferverdansla recherche
de la vérité, *"
Chap. 11. De la règle générale qui re-
garde lefujtt de nos études. Que les
Philofofhes de tEcole ne tubfer-
vent point ; c* qui efi caufe de pfc.
fieurs erreurs dans la Pbyfique. SI
Chap. III. De Verreurla plus dange-
rtufe de la Philofopbie des -Anciens.
104
.Chap. IV. Explication de la féconde
' partie de U règle générale. Que Ut
Goo8k
DES CHAPITRES.
Pbilofopbes ne Vobfervent prefque
jamais & que Monfieur De/c#v
tes Pa fort exactement obfervèe. lit
Chap. V. Explication des principes
de la Philafophie tPArifiote , oà~
tenfaitvovr qu il n'a jamais obfervi
la féconde partie de la règle géné-
rale, & ou P on examine )es quatre
ilemens t & fis qualité^ élémentai-
re*- I71
Çh'p. VI. Avis généraux qui font ne-
ceffaires pour Je conduire par ordre
dans la recherche de la vérité &
dxnsle choix desfciences. 215
Chap. VII. De fufage de la première
règle qui regarde les queftions parti*
culieres. 13 j
Çbap. VIII. Application des autres
règles à des queftions particulières,
Chap. IX. Dernier exemple pour faire
cennoiftre Futilité de cet ouvrage.
Von recherche dans cet exemple la
caufe phyjîque de la dureté ou /'«*
nion des parties des corps les unes
avec les autres. jii
Ccnclufion des trois derniers livres.
. . , **7
X01X générales de la communication des
mofvemens , première partie. 383
T-ABLE p£s - CHAT.
•faconde-partie. " ' .^07
,totx gèa&àletit la communie attendu
mouvement, fondées fur Pexperiem,
Jteptnfe à Monfiear Reps. j^$
■,Tio ie la Table du troifiéqie
C,„„sk-