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THE LIBRARY
The Ontario Institute
for Studies in Education
Toronto, Canada
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C. SS. R.
JUVENATUS
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DE
L'EDUCATION POPULAIRE
DANS L'ALLEMAGNE DU NORD
F^ T'"'' ^ r"^
FEB 4 1969
THE ONTARIO INSTiTUTE
FOR STUDIES m EDUCATION
PARIS. — IIVIPRIMERIE D'E. DUVERGER,
BVE DES GRES, 11.
DE
LlDtcniDN mmm
DANS L'ALLEMAGNE DU NORD
ET DE SES RAPPORTS
AVEG LES DOCTRINES PHILOSOPHIQUES ET RELIGIEUSES
PAR
EUGEINE RENDU
'( Dans le mondo moral la fixite et
I'elevation vx)nt ensemble. D^s que Ton
llotte, on descend. »
(M. GuizoT, tludes morales.)
LIBRAIRIE DE L. HAGHETTE ET G-
RUE PIERRE-SARRAZIN, 14
(Prfes de r^cole de Medecine)
1855
A M. RENDU,
Anrien Conseiller titulaire de runiversite, etc, etc..
MoN Pere,
Ce livre est la continuation d'etiides dont vous avez approiive
le dessein.
Line i)ublication precedente a fait coniiaitre I'organisation de
rinstruction publique en Angleterre. Je place aujoiuxriiui sous
vos auspices un travail qui a pour objet I'education populaire
dans TAllemagne du Nord.
Vous voudriez qu'apres avoir etudie les systenies d'enseigne-
ment cliez les deux grands peuples de I'Europe septentrionale
et protestante, je poursulvisse ces reclierches dans les pays me-
ridionaux et catholiques; vous pensez qu'il serait profitable
d'envisager le Midi et le Nord dans leurs contrasles et dans leurs
resseniblances, et de les juger en les comparant,
J'igiiofe s'il me sera donne de realiser ce projet. Cc que je
sais, c'est que les traditions qui ont preside , pendant de si lon-
gues annees, au gouvernement de I'education populaire en
France , et que je n'invoque pas sans orgueil , ne cesseront
d'etre, dans I'avenir, conune elles I'ont ete dans le passe, la loi
et I'inspiration de mes travaux.
9 aoCit 1855.
EUGENE RENDU.
PREFACE.
«llne philosophie est a I'humanite ce qu'un nuage
est a la terre. Le nuage plane dans les spheres siipe-
rieures ; on ne sait ce qu'il porte que lorsqu'il a eclate :
saliitaire on funeste, selon que, de ses flancs, il laisse
echapper sur les nioissons une pluie fecondante, ou
qu'il en fait jaillir les tempeles. »
C'est de la bouche de M. de Schelling, en 1852, a
Berlin, qu'il nous a ete donne derecueillirces paroles.
De lelles paroles, de la part d'un tel homme, ont une
portee qn'on ne pent meconnaitre. Les pages qu'on
va lire n'en sont, a bien des egards, que le commen-
laire et la demonstration.
Notre livre est ne des etudes qu'a provoquees la
mission dont nous avons ete charge dans les differents
pays de TAllemagne du Nord. Cette mission, temoi-
gnage precieux d'une double bienveillance % onvrait
devant nous de vastes horizons. A part les questions
techniques dont nous devious specialement nous
preoccuper, elle appelait nos investigations sur les
points les plus divers d'un domaine encore inexplore.
1. M. Charles Giraud nous fit I'honnenr de nous charger spontane-
ment de la mission dont il s'agit. Le ministre qui preside avec tant
d'eclat aux destinees de I'instruction publique, M. Fortoul, vouhU bien la
confirmer des les premiers jours de son avenement au pnuvoir.
VIII PllEFACE.
Les details purement scolaires liy devaient occuper
que le second plan. Ce n'etait pas une slntislique se-
che et morte que nous avions a dresser : nous nous
trouvions en contact avec les forces vives de la societe
allemande. Envisagees au point de vue qui nous etait
assigne, les recherches pedagogiques prenaient un ca-
ractere nouveau. Elles devenaient le inoyen de saisir
sur le fait et, pour ainsi parler. en flagrant delit quel-
ques-unes des theories developpees, trente annees
durant, dans les spheres superieures de I'enseigne-
ment, chez nos voisins; elles se confondaient avec
Texamen des idees religieuses et des systenies philo-
sophiques, avec la critique des logislalions scolaires,
en un mot, avec I'etude des problemes qui font de
Tinstruction primaire un interet social de premier
ordre.
Et d'abord, il fallait eOblir noire point de depart;
avant d'apprecier I'etat actuel de I'enseignement au
dela du Rbin, nous avions a nous demander quel prin-
cipe a preside a la direction de I'education populaire
depuis la periode ou les ecoles recurent une si vive
impulsion, depuis la Reforme, jusqu'a la fin du dix-
huitieme siecle. Venail ensuite I'analyse des faits con-
temporains. L'enseignement primaire en Allemagne
porte-t-il la trace des systemes qui ont violemment
rompu en visiere avec la tradition des siecles prece-
dents? avait-il subi, avant 1848, 1'atteinte des theories
insurrectionnellesqui ont prepare les bouleversements
des dernieres annees? existe-t-il sous ce rapport queb
que difference entre les pays protestants et les pays
PKKI'ACi;. I\
calholiques? Kl s'il i^llail reconnaitre que trop sou-
vent, clans la patrie de Hegel, Tenseignement populaire,
depuis un demi-siecle, est sorti des voies de la tradi-
tion religieuse et du bon sens, a quelles causes attri-
biier la deviation dont nous etions amene a signalerles
effets?
Ici, nous devions interroger les trois puissances
qui portent la responsabilite du gouvernement des
intelligences : nous avions a determiner le role de
I'Etat, le role de I'Eglise et le role de cette science
qui, au dela du Rhin, forme une branche speciale
de la philosophie, qui constitue une autorite inde-
pendanle, et avec laquelle il faut compter, la science
pedagogique.
Les revolutions qui sont le chaliment sont aussi la
lecon des peuples. Pendant qu'un examen altentif
nous revelait la profondeur de I'abime qu'avait creuse
sous les pas de la societe aliemande une propagande
redoutable, nous constations, dans les idees comme
dans les fails, les signes certains d'une reaction salu-
laire. A I'encontre des efforts persistants d'un ennemi
quines'endort pas, nous voyionslaCom[iiune,rEglise,
r£tat, s'unir dans une sorle de ligue du bien public
pour reconquerir le terrain perdu. Nous saisissions
les lemoignages de cette renaissance [Wiedergeburt)^
dans le langage des hommes d'etat, dans les actes de
la haute administration, dans les reformes poursui-
vies avec persistance. (les reformes, nous devions les
exposer, en indiquer le principe et le but ; apres quoi,
il nous restait a faire I'application de nos eludes, a
X PREFACE.
me!tre en relief les ameliorations que peuvent, selon
nous, provoquer, dans notre systeme d'enseignement
populaire, la critique des experiences accomplies et
I'observation consciencieuse des resultats.
Tel est renchainement des idees qui ont dirige nos
investigations pendant un voyage de quatre mois au
dela du Rhin; tel a ete aussi ie plan de notre livre.
Un ecrivain distingue* a eclaire d'une vive lu-
niiere les theories inalsaines qui avaient cours dans
les hautes spheres de I'Allemagne lettree avantl848.
Nous avons essaye de montrer ces theories non plus a
I'etat de reves dans Ie cabinet des penseurs, mais a
I'elat de forces destructives dans ledomaine des faits;
comme Ie voulaii M. de Schelling, nous avons verifio
ce que portait Ie nuage^ apres quit avait eclate.
Dans nos etudes surl'Angleterre, unepenseeprinci-
pale nous preoccupait : nous voulions indiquer les liens
qui rattachent I'enseignement populaire aux questions
du pauperisme. Nous envisageons aujourd'hui I'in-
slruclion primaire dans ses rapports avec I'etat moral
d'un peuple; nous cherchons dans I'ecole les faits
qui lemoignent de la vie reiigieuse et philosophique
de ce peuple. Ce que nous y etudions, ce n'est pas
seulement I'esprit de I'Allemagne, c'est son ame.
II sera peu question, dans les pages de ce livre, des
classes superieures de la societeallemande. Les details
dont on va suivre I'expose se rapportent a la situation
1. M. Saint-Rene Taillandior.
PKEFACi:. Xt
cles masses. Nous parlerons des doctrines religieuses
et des systemes philosophiques; mais nous en parle-
rons pour en apprecier I'influence sur le developpe-
menl moral des classes inferieures.
II est temps qu'on veuille enfin le comprendre : le
genie nieme n'a ni ie droit ni le pouvoir de releguer
son tione, pour y regner a sa fantaisie, dans une re-
gion solitaire. Si haut qu'il monie, la loi de la respon-
sabilite le rattache a la foule. Tout ce qui se dit en
haut se pratique en has. Dans le monde moral coinme
dans le monde physique lout se transforme, mais rien
ne se perd. Un paradoxe, debauche de I'espril, tombe
un jour sur la muliitudej il s'y infiltre et, lenlement,
la penetre; puis tout a coup 11 s'y traduit en actes ;
et une revolution se charge de relablir la soiidarite
qui, unissant les masses aux peiueurs, constitue, dans
leplan providentiel, I'unite morale du genre humain.
Une securite trompeuse avait eleve une sorle de
muraille de la Chine entre le boudoir des laiseurs
de systemes et la scene vivanle ou la passion sou-
leve la foule. Cette muraille, on le verra , depuis
longtemps est percee a jour; et toute parole, si bas
que vous la pronouciez, a son conlre-coup dans les
profondeurs de I'ordre social. « Ce nest pas pour le
peuple que j'ai pretendu ecrire, me disait, a Wei-
mar, I'auteur de la f^ie de Jesus j et je me serais
garde d'attaquer sa croyance ! » Vous pensez, 6 doc-
teur Strauss, n'avoir ecrit que pour quelques lettres;
pretez I'oreille : une voix vous repond de la I'oule,
el voire parole y reveille un echo !
Xll PREFACE.
On commence au surplus, au dela du Rhin, a se
douter du peril. La peur devient un frein, si la raison
n'est pas toujours une lumiere. Les beaux esprits qui
dissertaient a coeur joie, dans les petits soupers phi-
losophiques, se sontaper^us que le vulgaire ecoutait
indiscretement aux portes. On s'esl pris a parler a
voix basse ; quelques-iins, et ce ne sont pas les moins
hardis, sonl alles jusqu'a se frapper la poitrine et a
faire leur confession : « Quand je reconnus que le
populaire s'ingeniait a disculer les menies themes
dans des symposium crapulenx oii la chandelle et le
quinquet renipla^aient les bougies et les girandoles;
quand Talheisme commenga a sentir le suilj I'eau-de-
vie de schnaps et le tabac, alors mes yeux se dessil-
leient; je compris par les nausees du degout ce que
je n'avais pu comprendre par la raison, et je fis mes
adieux a I'alheisme*. »
Voila le med culpd de M. Henri Heine.
Ce nest pas la naissance de quelque grande idee
qui peut attirer aujourd'hui sur lAllemagne Talten-
live sollicitude de I'Europe. D'antiques illustralions
s'y eteignent, et nul astre nouveau ne s'y reveie a
I'horizon. Mais si le spectacle a moins de seductions,
il a des lemons plus saisissanles : en melaphysique,
la philosophic de I'absolu est venue aboutir aux
elranges theories de Stirner : cc La pensee allemande,
entendais-je dire a M. de Schelling, est aujourd'hui
dans un cul-de-sac; et je ne vois pas qui pourra Ten
tirer ! » — En reliction, I'eglise evangelique, engagee
1. Les aveux (run poele (1854).
PREFACE. XMl
dans une luUe sans avenir centre les developpements
de son propre principe, cherche vainement aun point
fixe qui soil en meme temps un point d'appui et un
point d'arret*»; et I'ordonnance ecclesiastique de
1850, qui devait constituer un terrain de resistance
n'est qu un jalon de plus sur la route des protesta-
lions2. — En pedagogic, la pensee de Pestalozzi lui-
uienie a cesse de gouverner la science; et les instruc-
tions lecemment enianees duminislere des cultes de
Berlin sont une restauration accomplie , en toute
humilite, des principes consacres dans un reglement
qui date de 4 763.
Ainsi, Ton assiste, a I'heure qu'il est, en Alleina-
gne, au resultat d'une vasle experience: toute doc-
trine y a parcouru le cycle qui mene de 1 idee au fait
et du principe aux resultats. C'est cette experience
dont j'essaie de rendre compte en me plagant au
point de vue des interels de I'edncation populaire ; ce
sont ces resullats que je voudrais constater : « Ah!
s'ecriail Faust, philosophic, medecine, pour mon mal-
heur, theologie aussi, j'ai lout approfondi avec pas-
sion; et maintenant me voici la, pauvre fou! aussi
sage qu'auparavant... J'ai accumule sur moi tons les
iresors de I'esprit humain, et, lorsqu'a la fin je nie
recueiile, nuUe force nouvelle ne jaillit de mon sein^.B
Des etudes qui vont suivre, nous aurons a tirer
des conclusions serieuses. Nousiormulerons ces con-
1. M. GuizoL
2. Voyez le chap. 11 do eel ouvrage, 2*^ partie,
3. Faust, r*^ partie.
XI \ I'lU^FACE.
elusions; et, les posant sans passion, nous les po-
serons sans crainte. Les temps ou Ton renionte le
cours du passe pour y relrouver ses fautes sent les
temps des resoluiioiis viriles. Les peuples comme les
individus se sauvent par I'inteiligence qui reconnait
le mal et par la volonte qui en triomphe. La liberie
moialeestdonneeaux premiers ainsi qu'aux seconds :
instrument de vie ou instrument de mort. On ne tue
pas les peuples, ils se suicident; et aux plaintes des
nations qui s'acheminent vers la decadence il faut
repondre par ces mots que jelait le poete a la Grece
esclave :
Or' se tu se' vil serva, e il tuo servaggio
(^uou ti laguar'j giuslizia, e uon ollraggiu. '
1. Tasso, canto 1.
PREMIERE PARTIE.
REVUE HISTORIQUE
ET FAITS CONTEMPORAINS.
PREMIERE PARTIE.
REVUE HISTORIQUE ET FAITS CONTEMPORAINS.
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CHAPITRE PREMIER.
De la direction morale de I'Enseignement populaire dans rAllemayne du
nord, depuis la Reforme jusqu'a la fin du dix-huitieme siecle.
« La pedagogie moderne , celle qui, jnsqii'h ces derniers
jours, etait populaire; qui, seule, avait action sur les ecoles ,
n'a vu que la forme et les contours ; elle n'a rien compris
a I'essence meme de I'enseignement L'Etat, I'Eglise ,
les communes lui ont prodigue leurs tresors; a elle les eta-
blissements d'education; a elle la direction des raaitres; et,
avec tout ccla, elle n'a rien fait pour le developpement dc
la vie morale du peuple [liir die Lehenshildung desVolkes)...
II est grand temps que cette pedagogie renonce a un poste
qui n'est plus tenable pour elle. Car d'esperer que ses fas-
tueuses promesses trouveront la foi qui les accueillit, il y a
un demi-siecle, et que ses menaces auront le pouvoir d'exci-
ter les memes craintes, ce serait de la folic : elle est a bout
de ressources. » {Sie hat Hire Mittel verbraucht.)
C'est en ces termes bautains que la science dont une supre-
matie paisible, hier encore, semblait consacrer les droits, re-
coil aujourd'hui son conge ; c'est du centre dcl'Allemagne, c'est
de Berlin quest signifle cet ultimatum: et, pour qu'ou no s'y
4 PREMIERE P ARTIE.
trompe pas, line sanction officielle en a precise le sens, en en
centuplant la portee*.
« U n'est plus permis de le dissimuler desorraais, s' eerie la
merae voix : la notion abstraite de I'liomme, s'appuyat-elle siir
la psycliologie et Y Intuition {Ansc/iaimngslehre), n'offre rien
pour la culture morale du peuple ; elle ne peut en rien donner
rintclligence du role et dc I'essence de I'ecole populaire; il
ne lui appartient pas de poser les fondements de cette science
depuis longtemps invoquee, mais dont, jusqu'a cette heure, on
ne connait qu'un nom sterile et vide : Pedagogic. »
Dans ces plaintes, distinguons deux choses : premierement,
les aveux salutaires d'uric science, qui, sous le coup de redou-
tables lemons, reconnait franchement ses erreurs; en second
lieu, I'exageration que les circonslanccs expliqiient, mais ne
justifient pas.
Oui, la pedagogic allemande, depuis un demi-siecle, a devie
de la route ou la lumiere d'une tradition tutelaire devait
eclairer ses pas, pour les guider vers le but. INon, la pedagogic
elle-mcme ne doit pasetre arrachee, comme une plante para-
site, du champ de reducation populaire. La science ne peut
6tre sacrifice t> \art, ni le principe condamne par I'abus.
1. Einrichtung und Leiirplan fiir Dorfschulen, par Theod. Goltzsch
(Berlin, 1852). Le ministere de I'instruction publiqueasouscritacet ou-
vrage pour le repandre dans toute la Prusse. « La pedagogie , continue
I'auteur que nous citons, doit chercher desormaisla cause de son impuis-
sance et de ses revers, non liors de soi, mais en soi; il lui Taut avouer qii'elle
ne s'est jamais rendu un compte serieux de la culture morale qu'elle se
propose de developper au sein des masses populaires; qu'aujourd'hui
meme elle n'en sait pas davantage, et qu'elle est incapable d'organiser,
je ne dis pas VEcole en general, mais une simple ecole de village.
« Le temps est venu ou chacun peut reconnaltre que le fondement de
toute education est pose par I'Eglise, I'Etat, la Commune, la Famille, et
qu'il y a folie a vouloir remplacer cet organisme de la vie morale par
je lie sais quel elemcut noavoau crie au sein de I'Ecole. -
REVUE HiSTORiQUE. 5
La suite do nos etndes demontrera cotto double these.
Mais, on le voit, iramediatement, les plaintes dont nous vcnons
de rcproduire Texpression ne sont pas sans gravite : elles
accusent des fautes et revelent un malaise dont il iniporte de
reconnoitre le prineipe et de mesurer I'etendue. En fait d'e-
ducation populaire, corame en philosophie, rAllemagne qui,
depuis soixante annees, se lanc^ait avee ardeursurla grande
route des systemes , rAllemagne s'est tout a coup decon-
certee. Elie s'arrete cherchant sa voie, et se demande : Ou
suis-je?
Pour apprecier I'etat moral de Finstruction populaire dans
rAllemagne du nord, pour coraprendre les efforts par lesquels
I'esprit de conservation, au dela du Rhin, reagit, a I'lieure qu'il
est, contre de funestes entrainements, il importe, avant tout,
de conuaitre le point de depart.
Quel role, jusqu'a I'epoque oil la pedagogic pretendit s'era-
parer de I'ecole, fut assigne, en Allemagne, a I'autorite reli-
gieuse, a VEglise, drsns la direction de I'education populaire?
Premiere question dont I'etude doit preceder Texamen des
faits contemporains : dans le domaine des sciences morales,
cc n'est qu'a la lumiere de I'liistoire qii'on peut connaitre et
qu'il est permis de jugcr le present.
Le probleme de I'education du peuple se posait devant
Luther, au moment ou le raoine de Witteraberg jetait a Piome
le solennel defl qui devait briser l' unite religieuse de I'Eu-
rope : enlever la generation qui s'elevait a Tcnseigncment tra-
ditionnel ; ranimer dans les veines de rxVllemagne septentrio-
nale, contre les idees et les horames du midi, le feu de cct
antagonisme que la pensee catholiqiie avait assoupi sans I'e-
teindre*, etait pour les r^formateurs la premiere des neces-
1. Voyez le pamphlet de Lulher, adresse a la noblesse clirdtienne de la
7iation germanique, et les satires de Ulrich de llutfcn, passim.
6 PREMIERE PARTIE.
sites et le plus pressant dos interets. L'iuslriicUon qu'on desi-
gne aujourd'hui sous le nora d'instruction primaire torabait
comme une arme aux mains du proteslantisme : elle devenait
un moyen en demeurant iin but.
Elever des ecoles, pousser le peuple aux pieds des mai-
Ires, ameliorer le systerae seolaire, en tout cas, le changer;
donner, en un mot, is Tedueation des classes populaires
une importance qui naissait des circonstances m^mes, etait
dans la logique des fails ainsi que dans la tendance des
principes.
Non pas, comme on I'a trop repete en Allemagne^ que
I.iither trouvat table rase, et , qu'en- fait d'instruction pri-
maire , la reforme eiit tout a creer : tant s'en faut ! le catholi-
cisme avait peuple I'Allemagne d'ecoles populaires comme le
rcste de I'Europe- : 11 avait voulu que le clerge appelat dans
ces ecoles « les fils des serfs comme les fils des hommes
libres^; » que tout prelre ayant charge d'araes donnat I'in-
struction ou par lui-merae ou par un clerc^; que les eveques,
dans leurs tournees , prissent soin « de faire construirc des
ecoles la oil iln'en existait point ^; » que le cure de cbaquc
paroisse offrit aux pauvres Tenseignement gratuit*^ : « Nul ,
portait le reglemcnt de I'ecole de Worms (12C0), nul ne doit
1. Niemeyer, par excmple, declare qu'avant Luther on n'avait rien fait
{so gut als gar 7iichts) pour Feducalion du peuple. {GrundscUze der Erzie-
hung, t. Ill, p 542.)
2. Voyez cap. 1 De scholis per singula episcopia et monasteria insti-
tuejidis. {Ap. Baluze, p. 202).
3. Capit. de 789.
4. Concile de Nantes, Eiclihorn, Kirchenrecht, p. 628.
5. ...Providealur igitur quod sint scholae ubi non sunt (Tractatus de
visitatione Tprcslatorum ; Gerson. opera). «< ... Presbyter! per villas et vicos
scholas habeant... " (Theod. Aurelian., cap. 20.)
6. ... Eos suscipera ac docere non renuant Cum ergo eos docent ,
nihil ab eis pretii pro hac re exigant. {Ibid.)
REVEE HISTOIUQUE. 7
elre exclu de I'ecole pour cause d'indigence' ». Le catholi-
cisme avail fait plus : devan^ant la pcnsee de Jean-Bapliste
Lasalle, les disciples de Gerard van Groote enseignaient aux
enfants pauvres la lecture, I'ecriture, la religion et quelques
arts niecaniques; et, des Pays-Bas oil ils etaient nes, cesfreres
du quatorzieme siecle avaient porte les luraieres de leur clia-
rite sur les deux rives du Rhin, en Westphalie, en Saxe, en
Pomeranie, en Prusse et en Silesie. En merae temps, lesmo-
nasteres de femmes avaient donne aux jeunes fllles du peuple
des inslitulrices que la relorme devait leur enlever^. Aujour-
d'hui, par des efforts qui sont un aveu, le pays de Hros^vitlla
Veut reparer sa faute. Une imitation tardive rcleve a Kaisers-
werth^, a Berlin, a Dantzig, les mines que les passions avaient
faites, et redemande aux monuments du passe les inspira-
tions de I'avenir. — Ainsi, le catholicisme avait pos6 la
pierre angulaire de I'enseignement; pour le peuple comme
1. II est curieux de voir, au quatorzieme siecle, I'autorite ecclesiasti-
que reprimer Tabus des chatiments corporels dans les ecoles : « Michel
Tupin clericus... Nobis gagiavit emendam pro eo quod, quadam die do-
miriica, manus injecit violenter in ColinnmleDancheenr, eum percussit do
pugno et de palma tribus vicibus, ct de pedibus in monasterio Ccra-
siensi. » (Reg. des amendes de Cerisi, p. 39, cite par M. Delisle, dans les
Eludes sur la condition des classes agricoles.)
2. Des le douzieme siecle, un grand nombre d'institutrices dirigeaien I
les ecoles. — Schwarz parle d'une image qui se trouve sur plusieurs ma-
nuscritsdu treizii'me siecle. \] ue Schulmeisterin tientunlivre; dans sa main
droile est une verge ; a ses pieds est un loup qui s'efforce d'epeler les
les lettres. On lit au bas ces mots en vieil allcmand:
Wol der schulmeislerynne '
Die eren schule uff ballet.
Ir bcseme ist die minne,
Do mit sie schande von eren schaltet.
3. fitablissement des Diaconesses cree par le zele de M. le pastcur
Flieduer.
8 PUEMIERE I'ARTIE.
pour les lettres, il etait au fond de toute ia civilisation ger-
manique.
Cependant, on ne saurait le raeconnaltre, aiix approches du
seizieraesiecle,lenerf delasocieteecclesiastiqueenAUemagne,
a perdu quelqiie chose de sa vigiieur; et la commune y souffre
comrae I'eglise. Ici , I'ecole est renversee , et le pasteur, d'un
oeil indifferent, voit les enfants courir au milieu des ruines ;
la, le clerc est satisfait si ses eleves jouent les roles de figu-
rants dans le mystere qu'aux jours de fete, on represente a
la porte de Teglise; ailleurs, le maitre se refuse a enseigner
I'arl d'ecrire : il craindrait de diminuer le revenu que lui vaut
le monopole du talent * •, ailleurs encore, de mesquines rivali-
tes de patronage empeclicnt la creation des ecoles^.
On le voit trop : le catholicisme, pour un instant, semble
avoir suspendu son action feconde; un vide s'est fait dans
lame du peuple ; et c'est ce vide que la Reforme a la preten-
tion de remplir. II faut bien expliquer ainsi la rapidite de sa
propagande. «Deplorable estpartout, pent s'ecrier Luther, la
condition des eglises. Les paysans ne savent rien, n'appren-
nent rien; ilsne prient pas, iis ne se confessentpas, ils ne com-
munientpas; toute religion semble s'etre evanouie ; et s'ils
foulent aux picds les preceptes du pape, ils meprisent en raeme
temps les notres^. » — « Ilelas ! dit-il ailleurs, assez longtemps
1. Voyez entre autres documents, un article de M. le conseiller Bor-
mann (de Berlin), dans le Schulblall fiir die Provinz Brandenburg, 1S39,
4" livr.
2. Des faits analogues seretrouvent en France : En 1453, par exemple,
les habitants d'Appeville veulent clever una ecole. Mais i'ecol^tre de Cou-
tancesallegiiequeles enfants de cette paroisse sont tcnus desuivre I'ccoIe
de Coigne. L'echiqnier jugea qu'on ne pouvait, en effet, priver I'ocolaLre
du benefice qu'il reolamait. (Leop. Delisle, p. 179.)
3. Lettre a Spalatin ; Luthers Briefe von de Wette : « Sic enim sua
papistica neglexerunt, nostra contemiuint... »
Voyez aussi la preface du Petit catechiame de Luther -. "... L'homme du
REVUE H!SrO!\IOUE, 9
nous sommes demeures dans iin abaissemcnt bestial. Les na-
tions voisines nous appcUont brutes allemandes {deutsche Bes-
lien), etlenoin est merite On a laisse grandir lesjeunes
irenerations comme le bois sauvagc dans les forets. Ce n'est
que broussailles steriles, bonnes seuleraent a etre jetees au
fcHi ! » El Reuchlin confirmant la plainte de Luther n'hesitait
pas a ecrire a I'electeurde Saxe (1518) : « Les etrangers tien-
nent le peuple alleniand pour un peuple barbare et bestial
{barbarisch, viehisch); que leur repondre? »
Les docteurs de la reforme, il faut done I'avouer, eurent
line large part a saisir dans le gouverneraent moral du peuple ;
lis n'y manquerent pas.ij'oeuvre de Lullier, a ee point de vue,
pent se resumer en ceci :
En principe, 1° il posa I'education par la famille comme la
base de toute amelioration sociale, comme le fondementmeme
de I'ordre politique i.
2° II proclama cette idee qu'un grand nombre de families
ne pouvant, ou ne voulant pas pourvoir par elles-memes a
I'education des enfanls, suppleer les families dans ceroleetait
le devoir et I'interet de I'Etat.* ... 11 est done absolument ne-
cessaire, lisons-nous dans le discours adresse aux magistrals
des villes d'AUemagne^, d' avoir des instituteurs publics {ge-
peuple ne sait rien de I'enseignement cliretien... Il ne connalt ni \q. pater,
jii le symbole, ni les dix commandements ; et Lulher saisit cette occasion
dejelei'cetle invective aux eveques allemands :« OilirBischcifelwas wollt
ihr doch Christo immermehr antworten , dass ihr das Volk so schandlich
habt lassen hingehen,und euer Amtnicht ein augenblick beweiset.... ach
iind weh liber curen Hals ewiglich! » {Vorrede docl. Martini Lutheri.)
1. "Da ist das ersle Regiment; davon einenUrsprung alle andren Rcgi-
mente und Heerschaften haben. » {Auslegung von 2, mos. 20, 21.) — « Si
le pere et la mere gouvernent mal, n'esperez pas gouverner heureusement
ni le village, ni la ville, ni TEmpire. {Ibid., et dans les Tischreden, et
2}assim.)
2. Sckrift an die Ratsherren aller Stadte Deutschlands dass sie christ-
liche Sclmlen aufrichlcn und Jialten solleii. (Ecrit adressu aux magislrats
^0 PREMIERE PAr.TlE.
meine Zuchtmeisier) pour les eufanls... Et il convient que les
magistrals consacrent lours soins les plus actifs {allergrdsseste
Sorge) a la jeune generation. La prosperite del'Etat ne depend
pas sculement de I'abondance des revenus, de la solidite des
remparls, de la beaute des edifices. Posseder des citoyens
polls, instruits , honorables , d'une raison eclairee, voila son
premier interet, son salut, et sa force. »
5° 11 formula le principe de I'obligation legale de I'instruc-
tion et mit aux mains de la puissance publique, pour Teduca-
tion desjeunes citoyens, un droit de contrainte sur ceux des
parents qui se refusent a I'accomplissement de leur premier
devoir. « J'alfirme, s'ecrie le moine de Wittemberg, que I'au-
torite a le devoir de forcer ceux qui lui sont soumis (... die
Obrigleit schvldig set die Unterthanen zii zwingen) a envoyer les
enfants al'ecole. Eh quoi! si Ton pent, en temps de guerre,
obliger les citoyens a porter I'epieu et I'arquebuse, eoinbicn
plus peut-on et doit-on les contraindre a instruire leurs en-
fants, quand il s'agit d'une guerre Men plus rude a soutenir,
la guerre avec ie mauvais esprit qui rode autour de nous,
cherchant a depeupler i'Etat d'ames vertueuses! C'est pour-
quoi je veille, autanl que j'y puis veiller, a ee que tout enfant
en age d'aller a I'ecole y soit envoye parte magistrat'. »
En fait : 1° la multiplication et Taraelioration des ecoles fut
de toutes les vil'es d'Allemagne pour demontrer qu'ils doivent elever et
enlrelenir des ecoles chretiennes.)
1. Discours da-s man Kinder soUe ziir Schule halten (1530).
Luther repond aux objections, et dit ailleurs [Schrift an die Raisher-
ren, etc.) : « On argumente : Comment nous passer du secours de nos
enfants? — Je fais cetlereponse : Ma pensee n^est pas que Ton cree des ecoles
oil, comme dans celles que nous avons eues, on passait vingt ans a etudier
Donat ou Alexandre, sans rien apprendre d'utile II faut qu'un jeunc
gargon passe a I'ecole une ou deux heures par jour, et que le reste du
temps, dans la maison de son pere, il se livre au travail manuel, et
apprenne un metier... De meme, les filies feront en sorte de donner a
Tocole une heure par jour. »
REVUE HISTOHiQLE.' \ I
le fruit de la visile generale dcs paroisses do la Suxe que, d'ac-
cord avee I'elecleur, Luther, Melanchthon et Mygdonius enlre-
prirent en 1527. G'est apres cette visite qu'est publie, sous le
titre de Visitaiionsbilchlein , le plan d'etudes qui a pose Ics
bases de I'organisation des ecoles alleniandes : le maitre doit
expliquer siraplement et clairement le Paier, le Symbole, les
dix commandements, et inculquep aux enfants les principes
necessaires pour Men vivre. II enseigne a lire, a ecrire, a
chanter. Les controverses sont bannies de I'ecole, et il est
recommande « de ne pas habituer les enfants a injurier les
. moines, ce que font beaucoup de maitres, loie viel Schul-
meister loflegen. »
Treize ans apres la visite des ecoles de Saxe, Joachim II de
Brandebourg publie unc Kirchenordnung ou on lit : « Nous
ordonnons que, dans tous les bourgs et villes, des ecoles soient
etablies, ou que les ecoles existantes soient reformees, amelio-
rees, pourvues de tout ce qui est neccssaire; et, dans ce but,
nous voulons que lesinspecteurs(F«.s2Vatore7z) etablis par nous
exercent une surveillance particuliere ' . »
2° La mission des hommes charges de distribuer i'enseigne-
ment aux enfants du peuple commenga, sous I'influence des
idees propagees par la Reforme, a se relever de I'abaissement
ou elle etait tombee. « Je vous le declare, repetait Luther aux
magistrals des villes, un maitre d'ecole zele et pieux ne sau-
rait etre trop estime, et Ton ne peut le payer avec de I'argent.
Etpourtant, honte pour nous! on meprise le maitre d'ecole,
comme s'il n'etait rien; et nous pretendons etre Chretiens!
Pour raoi, si je pouvais et devais cesser la predication, je ne
verrais pas de plus chere fonclion que celle de maitre d'ecole
ct d'instiluteur d'enfants^; » et il exprimait le vani que Ton
ne put etre eleve a la dignite de pasleur qu'apres avoir, comme
1. ^■^Wwiy Corpus Conslit. Mar chic.
2. Cite par Raumer, Geschichte der Pcidagogik, t. I, p. ICG.
■\2 rPiCMIKRE PARTiE.
ScJiulmeisler, donne dcs preuvcs de son devoucmcnt a la grande
oeiivre de reducalion du peuple ^
5° L'abus des cbatimeiUs corporels tendit a disparaitre,
pour laisser place, dans I'ecole, aux influences morales qui
doivent presider a I'educalion. Luther et Melanchthon firent
entendre, a ce suj5t, des plaintes repetees^; et ces plaintes
j)orterent leurs fruits. On lit dans le reglement consistorial
public, en 1573, par Joachim de Brandebourg : «Les maitres
ne se eomporteront pas, a I'egard des eleves, comme des ty-
rans; s'ils recourent a la verge, ce sera avec moderation et
prudence, sans pouvoir les blesser et nuire a leur sante^. »
Au reste, quelle qu'ait ete, dans son caractere pratique, I'in-
fluence de la Reforme sur le developpement de I'instruction
populaire, ce qu'il nous importe surtout de constater, e'est
ce fait : la Reforme n'attaqua, en quoi que ce fiit, le principe
fondamental sur lequel, de tout temps, avail repose I'ensei-
gnement du pcuple, a savoir I'union intime de I'Eglise et de
I'ecole, disons mieux, la suprematie absolue de la premiere
sur la seconde.
A vrai dire, Luther n'entendait pas plus affranchir I'ecole
de I'Eglise, que la conscience du dogmc. La question de \eman-
1. Tischreden.
2. V. Schwarz, t. I, p. 362.
3. " Ohno Beschlidigung des Leibes und Gesundheit... •
« Vous agirez mieux sur I'esprit des enfants par I'affection, dit Luther,
que par une crainte servile et par la force: Als durch knechiische Farcht.
(Auslegung, von 1, Joah. 2, 14). De telles maximes etaient bonnes a
repeter. Dans un plan d'etudes cite par Ruhkopf, on lit : « Si per crines
seu aurem deccnter irahendo disciplinaverit... » — Le Reglement de I'ecole
de Worms (1260) accorde genereusement le droit de quitter I'ecole, sans
payer, a I'eleve a qui le mattre aura fait des blessures ou brise les os.
Une des fetes d'ecole, en Allemagne, etait la fete des verges. — Qu'on se
reporte, du reste, aux moaurs gJnerales de la primitive etpure Allemagne.
v., entre autres, les dispositions du Code d'Altenhajlau, cite par Grimm,
dans les Antiquites germaniqiies.
REYl'E HISTORIQUE. 45
cipation de I'ecole, pour employer le langage de la pedagogie
moderne, ne fiit point posee par la Reforme; bien loin de la !
qu'on lise la preface du Caiechisme de Luther, ses discours, ses
traites relatifs a redueation^ etudiez les reglements scolaires
des eleeteurs de Saxe et des margraves de Brandcbourg au sei-
zierae siecle, tout y part de WEglise et tout y revient*. Apres
Luther, le pasteur, comme avant lui, le cure, a la haute main
sur I'ecole. La maison d'ecole, le plus souvent, est une annexe
materielle de I'Egiise, et le chef de la paroisso regne dans Tune
au merae litre que dans I'aulre^. Quand I'ecole a etc fondee
par le conseil de la commune {Stadtraih), le conseil exerce sur
I'exterieur du regime scolaire, si je puis ainsi dire, une juri-
diction qui ne limite en rien le gouvernement moral du pas-
teur; et si le droit de patronage {Patronatrechi) s'etend, pour
le conseil, jusqu'a la nomination du ScJmlmeisier, ce dernier
doit etre agree par le consistoire, comme ii devait I'etre au-
trefois par I'eveque.
Ainsi I'Egiise et I'ecole restaient, pour la Reforme, les deux
termes du probleme de I'education. Luther avail allere la va-
leur absolue de ces termes; il en avail conserve le rapport.
Sous quelles influences et dans quelle proportion fut renverse
ce rappoii, nous le verrons; mais, au dix-huitieme siecle, le
1. Par esemple, je lis dans une Consistorial-Ordmwg de Joachim :
« Comme pour satisfaire au voeu de la religion chrelienne (zur Furderung
der cliristlichen Religion), une ecole doit 6lre etablie et entretenue aupres
de chaque eglise, afin que les enfanls, reconcilies avec le Seigneur Christ
par le saint b;ipt6nie, soienl instruits dans les bonnes etudes et le cate-
chisme,.-' nous voulons.., etc. »
2. Du reste, des cette epoque, il est recommande aux maitrcs d'ecole
"do n'exciter contre le pasteur ni faction ni mauvaise volonte, ce qui
produit ramoindrissement du pasteur, le mepris de la predication et des
sacrcments, mais de se conduirc loujours vis-a-vis du chef de la paroisse
avQc rested. ^ {Visilations-und Consistorial-Ordnung \on hihre iri73.) —
Prescriptions imalogucs dans !cs Ariidcs gencraux de la SaNO (IjSO).
^4 rilEMIEUE PARTIE.
maitre de Francke, Spener, pouvait encore ecrire ces mots :
« Les ecoles sont la pepiniere de I'Eglise. Si Dieii voiis a choisi
pour eveque ou surveillant d'une ou plusieurs eglises, il vous
a confie, en merae temps, le gouvernement des ecoles*. »
Au moyen age, le Catholicisme avait mis I'Etat au service
de la religion; la Reforme mit la religion au service de I'Etat.
Je raontrerai, plus loin, comment une telle divergence de
principes se reflete pour I'Allemagne actuelle, en ce qui louche
au gouvernement de I'ecole, dans les details de la legislation.
En ce moment, je mets en relief un seul fait : la suprematie
de I'autorite religieuse sur I'enseignemenl du peuple, pendant
la periode qui m'occupe.
Les liens qui, dans les pays protestants, ra ttacliaientle second
a la premiere, se retrouvent, on le comprend d'avance, dans
les parlies de TAllemagne du nord que la Reforme n'avait
pas envaliis.
Prenons les pays Rhenans et la Silesie.
Dans les pays Rhenans , TEglise calholique, au seizieme sie-
cle, est enplcine possession des prerogatives qu'aujourd'hui en-
core, audela du Rhin,ellerevendiquecommeun droit ahsolu^ :
dans les duches de Clevcs et de Berg, en Westplialie, etc.,
I'autorite religieuse, au temps dont je parte, decrete les me-
sures scolaires^; expulse les maitres qui enseignent clandes-
1. « Schulen sind Pflanzgarten der Kirchen... so hat er dir audi die
Schulen zu bestellen mit anvertrauet. ' {Spenafs pia desideria^ p. 135.)
2. V. le memoire des archeveques et eveques de Cologne, d'Olmiilz,
de MUnster, de Treves , de Paderborn , de Breslau , sur la constitution
prussienne de 1848, Denkschrift der katholischen Bischofe Uber die Ver-
fassungs-Urkunde. p. 24 et suiv.
3. Ecclesiae reformatio a summis pariter et infimis, a capitibus simul
et a parvulis ordienda est... ut consequens sit ab ipsis (parvulis) prave ac
nequiter institutis reipublicae perniciem imminere, quam ob rem... {Concil.
prov. Colon., part. XII, c. 1, en 1536).
REYUK HISfOiUQUE. 45
tinement, iuterdit ceux qui, de village en village, colportent
iin enseignement suspect; nomme ou 6lo'i^ne ]qs Schulmeisfer ,
scion les besoins de I'ecole ou I'inter^t de I'Eglise ; jouit enfin
d'un droit de surveillance ou d'inspection *. Un siecle plus
tard, le traits de Westphalie regie les droits respectifs des
communions chretiennes dont il reconnait Texisteuce. A quel
titre figure I'ecole dans les articles generaux du traite? A titre
d'annexe de I'Eglise-. Et jusque vers la fin du dix-liuitieme,
des pieces authentiques constatent que, pour les pays catho-
liques du Rliin, I'autorile religieuse accomplit, dans les ('Colcs
populaires, tous les actes de la souverainete^.
Meme situation dans la Silesie. Quand cette province ful
reunie a la Prusse, une stipulation expresse de la paix de Bres-
lau (1742), et plus tard, de la paix de Tesclien (1779), garan-
title statu quo en ce qui touche aux interets religieux. Or, d'a-
pres le statu quo, I'ev^que de Breslau nomme et revoque les
1. « Clancularii illi magistelli qui in conventiculis vicatim decent pro-
hibeantur... scbolae minores in quibus pueri primis rudimenlis imbuunlur
diligenter repurgentur, praeceplis illis didascalis seu praeceptoribus non
tam eruditis quam sanai doctrinae integra3qiie ac inculpataevitae viris...••
(/6td.) « Dein videndum quo pacto pueri instituunlur (in parochiis),.; qui
praeterea sint scholis prsefecti. > (Harzh. Condi, germ., t. V, p. S02 et 308.)
— V. aussi Synod, provinc. mognnt., cap. 65, en 1549. — « Prsecipimus
ut juxta patrum antiquorum decretii, sciiolas instaurare, vel erectas coti-
servare debeant, et prselati ecclesiarum ac alii quibus id muneris ex
officio incumbit, soleiter providere ut paedagogi et magistri idonei sint,
et probi atque vitae oranino inculpate... » {Synod, provinc. Treoir., mfime
annee.)
2. Instrumentum pac. 0., art. V, p. 31 : « Slatuum catholicorum Land-
sassii, vasalli et subditi cujuscumque generis sive privatum, sive publi-
cum augustanae confessionis exercitiuni... habueriint, rotineant id etiam
in posterum una cum annexis... Cujusmodi annexa habentur institutio
consistoriorum , miniilerlorum tam scholasticorum quam ecclesiastico-
rum. «
3. V. le memoire plus haut cite : Denkschrift dcr hvholischcn liis-
chofe, etc, p 28.
SG TKEMIEKE PARTIE.
maitres', designe lesinspecteurs^, inslitue les directeurs des
ecoles normalcs d'instituleiirs {ScInLUehrerseminarien)^&\QVQ.e,
par rinteriiiediaire des archipretres etdcs cures, line surveil
lance regiiliere sur I'organisation generale derenseigneracnt
du peiiple^.
Suprematie directe de I'aiitorite ecclesiastique sur I'ecolc,
tel est le fait universel qui ressort avec une incontestable evi-
dence de I'histoire de I'instruction populaire en Allemagnc,
jusqu'a la seconde moitie du dix-liuitieraesiecle.
Or, ce fait lui-meme est I'expression des principes fonda-
mentaux qui, pendant la meme periode, gouvernaienU'ensei-
gnement primaire en Allemagnc. Ilfaut degager ces principes
et les formuler en les resumant.
L'education doit etre envisagee sous deux rapports : 1" rela-
tivemental'enfant considere commeindividu ,2''relativeraent
a I'enfant considere comme membre nouveau d'une societe
coustituee.
Au premier point de vue, l'education est la rehabilitation
1. On lit dans un reglement d'un eveque de Breslau, a la date de 1099 :
« Ludidirectorum in pagis et in oppidis insLilutio et quae ab iisdem ulio
modo dependet ad vicarium nostrum generalem spectabunt. • (Art. 18.)
« Neque ullus Ludidireclorem sine vicarii generalis praescitu vel amo-
vere vel assumere proesumat. » (Art. 25.) — {Pastorale inslar pragmatkce
sanctionis ecdesiasticce pro norma et reguld futuru, Breslau, 1699.) — Un
reglement royal du commencement de ce siecle reconnait encore le droit
de nomination : « Die Aufstellung der Schulmeister selbst , so wie ancli
die Aufsicht auf ilire Lehre und Leben bleibt indessen e\v. liebden, una
derdazu beslimmten behorde iiberla^rsen, » {Kahinets-Ordre, du 12sep-
tembre 1800.)
2. Ce droit lui est conserve dans le Schul- Reglement de 1801 : " Viel-
mehr liberlassen wir dem Furst-biscliof von Breslau als ordinario, und in
den auswartigen Diocesen den decanis dies Kereis-Schulinspectores zu
ernennen und anzustellen. » Seulement, Tev^que doit faire part de la
nomination au comite gouvernemental. (V. Dcnkschrift betreffend die
Rechte der katholischen. Kirche Schlesiens, par M, Rintel.)
3. Dcnkschrift, etc., p. 33 et 38.
REVLE HISTOIXIQUE. i7
(I'une nature dechue. Elle a pourobjetd'eclairerrintelligence
obscurcie et de relever une volontc qui s'egare.
La rehabilitation a lieu par la grace de Dieu qui se sert du
travail de I'homme'. Consequemment, I'education est, avant
tout, I'initiation de I'ame a la foi chretienne ; les connaissances
profanes doiventelles-memesaboutir a ce but supreme comme
les rayons convergent vers le centre ; et le developperaent des
facultes, s'il a lieu en dehors dc I'inspiration qui en doit 6tre
la loi, devient nuisible au lieu d'etre utile 2.
Au second point de vue, I'education est la transmission de
I'ensemble des traditions politiques et morales qui constituent
la vie d'un peuple. L'enfant, de tres bonne heure, doit ^tre
forme pour le milieu dans lequel il est appele a vivre. Ce n'est
pas I'individu qui doit essayer de transformer la societe, pour
la faire a son image, c'est la societe qui prepare le moule dans
lequel I'individu doit ^tre jete'. A la hierarchic d'apres la-
quelle sont distribuees les differentes classes au sein de I'Etat
doiventcorrespondre, dans leur variete, les degres de I'educa-
tion chez un peuple.
Telles sont, dans leur expression la plus generate, les idees
qui, durant I'epoque 011 1'ecole fut I'annexe de XEglise, presi-
derent, dansl'Allemagneprotestante comme dans I'Allemagne
catholique, a la direction de I'lnstruction populaire. Ce n'est
pas lelieu de presenter la critique de ces idees; je ne discute
pas en ce moment, jc constate.
1. Spener, dont le pie^tsme, tres different de ce qu'on appelle aujour-
d'hui pietisme en AUemagne, insiste beaucoup plus que le dogmalisme de
Luther, on salt pourquoi, sur « le travail de rhomme» et « le merite des
oeuvres, » Spener aurait, a cet egard, relativement au lutlieranisme pri-
mitif, une ceriaine teinte d'heterodoxie : « AUes, dit-il, zur Praxis des
Glaubens und Lebens gerichtet werden muss. • {Pia desideria, p. 88 et
passim.)
2. «Wfr an Geschicklichkeil wachse, und nicht an guten Sitlen, der
lerne melir hinler .^icli , als vor sich. » (Spener, op. cit., p. 87.) — CI'.
Luther, paisim; Uambach, der wohlnnteriviesene Jnformalor, efr.
i
-iS PREMIERE FARTIE.
Une p^riode nouvelle s'ouvre pour I'histoire de TenseigiK'-
ment populaire au moment ou la pedagogie, s'erigeant en
science independante, s'isolant des traditions seculaires qui
avaient guide ses premiers pas, formule ses pretentions a la
souverainete.
Transportons-nous immediatcment au coeur m^me de cette
periode. En regard de I'expose qu'on vient de lire, pla^ons
le tableau des fails contemporains : le contraste en fera res-
sortir la physionomie et permettra d'en saisir le caractere dans
un vif et saillant relief.
TVousauronsa cherclierensnitc I'explication dece contraste.
CHAPITRE DEUXIEME.
Physionotnie morale des ecoles pritnaires dans I'AlIemagne du Nord.
Le2septerabre 4848 s'ouvrait, au scin de I'assemblee de
Francfort, une discussion solennelle sur la question de I'en-
seignement. Par I'organe de M. Paur (de Neisse), le Comite des
ecoles formula les doctrines qu'il proposait au parlement de
rediger en articles du projet de constitution, et devant les re-
presentants de I'Alleraagne tout entiere, le rapporteur fit en-
tendre ces paroles ^ :
« Si vous voulez assurer definitivement les droits fonda-
raentaux et les liberies du peuple alleraand, ne craignez pas
de vous expriraer francheraent sur I'organisation des ecoles...
Les uns veulent par I'instruction primaire soumettre les es-
prits a une loi morale qui regisse la vie, et pretendent former
la jeunesse pour XEglise; les autresn'entendent point enchai-
ner les jeunes gens par des formules dogmatiques, mais ils
veulent les former pour I'Etat. II fautrepousser egalement ces
pretentions; car les ecoles ne doivent point former I'liomme.
La taclie de Tecole est lout autre, c'est de developper I'esprit
au sein d'une independance absolue. Ce but n'est point de-
termine d'avance, et il ne faut point poser de limites; ce but
est infini; toutes les idees de notre epoque, quelles qu'elles
soient, sont bonnes pour I'atteindre. II faut seulement don-
ner un libre essor a cette source de vie que I'homme sent pal-
piter dans son etre... Non, Tecole ne doit point se proposer
1. Les discours prononces dans cette discussion ont ete recueillis par
M. Reynliens; 1819.
20 PREMIERE PARTIE.
de dresser la jenncsse pour I'Eglise; la jeunesse ne doit pas Hre
dressee du tout. »
Telle etait la doctrine qui, il y a six annees, etail offleielle-
ment presentee a la sanction du parlement national allemand ;
et cette doctrine n'etait point le reve isole d'un utopiste trans-
forme tout a coup en legislateur : elle etait la pensee m^nie
du coinite specialement institue par les representants de tous
les Etats de la confederation germanique.
Nous voici loin de la periode dont tout a I'heure nous es-
quissions I'liistoire; et cette pensee, on va lo voir, n'etait
elle-merae que 1' expression des fails.
Je visitais une petite ville de Hanovre : an sortir de I'eglise,
oil j'avais admire un bas-relief de la renaissance allemande,
j'apergus une ecole ; j'y entrai. Le maitre etait intelligent,
instruit et d'esprit alerte. A I'ardeur qui le poussait, par les
faux-fuyants de la conversation , sur le terrain de la religion
et de la politique, mon homme semblait heureux de pouvoir,
en toute liberie, desserrer le frein qui maitrisait sa langue.
Moi, d'exciter sa verve et de le piquer au jeu. De bien en
mieux, il rae fit la profession de foi qui suit : « Je respecte le
Christ, mais je le laisse a sa place; quant a Dieu, je dis h mes
eleves ce que nous a dit Goethe :
Wer darf ihn nennen,
Und wer bekennen :
Ich glaub an ihn?
Wer sich nnterwinden
Zu sagen : Ich glaub' ihn nicht'?
Voire orlhodoxie n'esl point farouche, lui dis-je. — Non
1. « Qui peut le nommer, et confesser : Je crois en hii? Mais qui est
assez audacieux pour dire : Je ne crois pas en hii? • — On sait que cette
singuhere profession de foi se trouve dans la bouche de Faust, 1''^ partie,
scene du jardin de Marthe.
FAITS CONTEMPOKAINS. 2\
etc'estroilbotloxie de nos ecoles; car cliez nous, protestanls,
I'instruction religieuse n'est pas, comroc chezles calholiques,
souniise l\ la direction quotidienne et tracassiere du pasteur :
nous la dounons en pleine liberie [ganz frei]. Du reste, je vais
a I'eglise, car je suis /uVsfe/- (sacristain); mais ces fonctions
me cliargent peu : deux heures le diraanche, une heure dans
la seraaine, et tout est dit. Bref, j'ai lu Strauss et quelque
chose de Feuerbach, et je suis de la religion du pasteur Uhlich* .
Quant aux autorites {die Obrigkeit), je suis vis-a-vis d'elles ce
qu'il faut etre en un moment ou Ton va prendre un picfiste
pour diriger I'Ecole normale [Schidlehrer-Seminar] de Ha-
novre. II y a des phases d'orthodoxie, mais patience ! mes con-
freres le savent comme moi, tout ceci n'est qu'une transition
[Durchgang] ! »
Oil retrouver les traits de ces maiires d ecole {Schulmeister)
sortis des mains deSpeuer, de Francke ou de Kindermann?
Je veux citer un autre fait : En Saxe prussienne^ j'entre
un matin dans une ecole. Le maitre faisait une lecture a haute
voix, et les coraraentaires, a en juger par le silence de la
classe, subjuguaient I'attention des enfants. A la vue d'un
etranger, la lecture est suspendue. Puis, comme je priais le
maitre de continuer I'exercice, 11 donne ordre aux eleves de
prendre lelivreouvert devanl eux : c'etait un catechisme.
La n'etait j)oint ce que je cberchais. Le morceau interrompu
soudain, quel etait-il? La lecjon finie, j'entre en pourparler
avec le maitre. Lui d'eluder, car il 6tait diplomate. Pourtant,
apres maintes paroles, ma qualite d'etranger aidant, la crainte
s'evanouit, et rinstituteur, de cet air de superiorite qui, chez
1. M. Uhlich est, depuis 1845, Tun des deux pasleurs de la Ubre com-
mune de Magdebourg, et le chef des amis protestants. (V. le ch. II de la
2« partie.)
2. On comprendra les motifs de reserve qui m'inlerdisenl de donner
ici une indication plus precise.
22 PREMIEUE PARTIE.
un pedagogue, s'appelle d'un autre nom, me preseiUe la bro-
chure desiree.
C'etait une revue periodique : Nouvelle Reforme pour la
conquete dela religion de I'humanite^. « Je leur lisais ce frag-
ment, me dit-il, en m'indiquant la page; je corrige avee cela
I'orthodoxie du catechisme; c'est de Wicislenus, pasteur a
Halle. » — Plus tard, a Magdebourg, je me procurai la livrai-
son dont il s'agit; et voici I'homelie religieuse et politique
administree par un maitre aux enfants de son ecole, comme
preservatif contre le pietisme, en maniere de contre-poison.
Par lui-raeme, on va le voir, ce morceau ne contient rien de
neuf ; mais, comme lecon d'ecole, a coup sur il a son prix.
« On se pose cette question dans le peuple eclaire {beim auj-
geklarten Volke) : Comment la foi et I'Eglise peuvent-elles se
raaintenir au milieu des lumieres et du developpement de ce
siecle? Le terrain manque sous leurs pas. C'est un curieux
spectacle de voir un edifice rester debout en depit de la civi-
lisation et de I'effort des annees, alors que ses fondements
reposent sur un sol depuis longtemps mine. Quatre puis-
sances peuvent aujourd'hui le soutenir : partout en EuVope,
I'Etat tend la main a I'Eglise. L'ancienne autorite politique
s'appuie elle-meme sur I'autorite de la foi, et la premiere sail
quelle doit tomber avec la seconde. Ainsi s'explique la marche
sympathique de I'Etat vers I'Eglise. L'Eglise elle-meme est
devenue un etablissement de I'Etat, specialement I'Eglise pro-
testante. C'en serait fait d'elle en peu d'annees, si I'Etat
retirait sa main.
« Un second appui pour I'Eglise est la possession des mo-
numents, des fondalions, des capitaux. Que les paroisses soient
une fois reduites a pourvoir aux frais du culte, a elever les
1. Neue Reform, zur Foc.rdcrung clcr Religion der Menschlkhkeit , von
Wicislenus.
FAITS COiNTKMPOll.U!SS. 25
eglises, a solder les pasteurs an raoyen de subsides volon-
taii-es, et Ton verra !
« Un Iroisieme soulien , c'est la routine; des usages se
traiismettent depuis des siecles '• ainsi de la foi. Les peres et
les grands-peres I'ont eue ; nous-meraes nous la recevons dans
la jeunesse; on la garde par la m^me raison qu'il estennuyeux
de changer d'habit.
« Enfin le dograe a pour lui Timagination et le sentiment.
L'imagination se nourril a son gre de la Bible et des raysteres;
elie n'a pas a ehercher loin, et il lui en coute peu d'efforts.
Pour les esprits faibles, il est bon de compter sur un ^tre
qui prend soin de cette vie et d'une sceonde vie apres elle ,
qui gouverne tout pour le raieux, dispense le bien, detourne
le mal ; il est doux pour les intelligences bornees de s'appuyer
sur cet 6tre, de proleger son existence factice par I'illusion
de la foi conlre les demonstrations de la realite ; il est com-
mode enfin pour les esprits tiraides de faire resoudre par
un autre, par un Christ, par un Fits de Diea , le probleme
de la vie morale {die siiiliche Aufgabe durch einen Andern^
einen Christus , einen Goitessohn losen zu lassen), de jouir
des avantages de cette situation par la foi et les pratiques
d'un culle, et de confier tout cet echafaudage a la main d'un
pretre.»
Que dit'on de ce sermon d'un pasteur commente par un
maitre d'ecole? Qu'on ne perde pas de vue ce morceau : il
revele toute une situation.
« Beaucoup de vos confreres sont-ils dans ces idees, deman-
dai-je a I'inslituteur? — Monsieur, par le temps qui court,
on met ses idees dans sa poclie, et Ton n'en fait pas monlre ;
mais interieurement, maitres d'ecole et pasteurs, nous sommes
tons Lichtajreunden (amis dc la lumiere). » Tons est de trop, et
Tinstituteur se vantait; mais son cxageration, apies tout,
n'etnit pas loin de la verite. La verite , la voici :
24 PREMIERE PARTIE.
D'abord, il faiit, sous le rapport pedagogique comme au
point de vue religieux, partager rAllemagne en deux zones,
la zone ealholique et la zone protestante. Dans les pays catho-
liques, d'apres nos propres investigations comme d'apres le
temoignage des chefs politiques et religieux du protestantisrae,
temoignage dont j'ai constate la remarquable unanimite a
Hanovre, a Cassel, a Weymar, a I6na, a Halle, a Berlin, a
Breslau et a Dresde, comme a Munich et a Stuttgard, la porte
de I'ecole aussi bien que celle de I'^glise est fermee au scep-
ticisme ; ni dans les provinces rhenanes de Prusse, ni dans la
Westphalie, pas plus que dans la Silesie , la Baviere ou I'Au-
triche, les speculations raaladives de I'hegelianisme n'ont
p6n6tre dans Tenseignement populaire pour en vicier la
source et en briser le ressort. Un principe unique, par
consequent fort; nettement formule, par consequent efGcace,
y preside a la direction de I'ecole. Generalement I'instituteur
y travaille, je dirai plus loin dans quelles conditions*, sous les
yeux d'une autorite civile et d'une autorite religieuse etroi-
tement unies dans une pensee commune d' education : car si
I'instituteur y est I'homme del'eglise, le pretre de son cote,
chose capitale , y est I'homme de I'ecole. C'est dans I'ecole
meme que, deux fois par semaine, le cure vient donner
I'instruction religieuse; melant I'enseignement dogmatique
aux autres objets d'etude , il enracine a la fois et la croyance
dans le coeur des enfants et le respect de sa haute mission
dans I'esprit de I'instituteur. Une telle pratique maintient la
religion aux yeux des eleves comme le point central de I'en-
seignement; elle en fait ce qu'elle doit ^tre, Tame de I'ecole.
Gette pratique est la loi scolaire dans tous les pays catho-
liques de I'AUemagne ; et , frappee de I'imporlance de ses re-
sultats, I'administralion sup^rieure de I'instruction publique
1 . V. la 2^ parlie de cet ouvrage.
FAITS COMEMPOUAIISS. 25
a BeiliD, en ce moment m^me, s'occupe tie la transporter dans
les {'coles protestantes*. En France, si je ne me trompe,
une telle pratique n'est en vigueur que dans les villages de la
Franclie-Comte et de la Bretagne. Ne serait-il pas desirable de
resserrer les liens qui doivent, sous peine de decadence mo-
rale, rattacher I'Eglise a I'ecole? Pourquoi, dans ce but, ne
pas appeler a des intervalles reguliers le chef spirituel de la
commune sur le terrain scolaire? Ne serait-ce point ajouter a
la dignite du caractere ecclesiastique la notoriete de la science?
Et quel meilleur raoyen de conserver a I'enseignement reli-
gieux , dans I'esprit des populations corarae dans I'esprit de
I'instituteur lui-meme , I'autorite qui lui appartient^ ?
1. Je lis, dans un ouvrage recent qui porte le reflet des preoccupa-
tions actuelles du ministere de I'instruclion publique de Berlin : « Lo
mattre d'ecole doit 6tre charge du role d'auxiliaire : il doit diriger les
exercices relatifs a I'histoire biblique, la lecture de la Bible, faire apprendre
par coeur lo catechisme, les chants pieux; tout cela lui appartient. Mais
I'instruction religieuse elle-m6me , celle qui repond aux besoins de la
jeunesse actuelle , il ne saurait la dispenser. Ne rougissons pas d'aller
prendre le bien dans I'figlise catholique : celle-ci n'a jamais abdique se.s
droits a I'instruction religieuse de la jeunesse. Nos pasteurs feraient bien
de ne pas se borner a donner cette instruction une fois par semaine, pen-
dant quelques mois, aux enfants qui se preparent a la communion. » (Das
Schulivesen im protestantischen Staate, p. 39, par le D"" Giinther, 1852.)
2. V. a cet egard la remarquable instruction pastorale de Son fiminence
le cardinal Donnet : « ... Trop souvent le cure s'est eloigne de la classe, et
le maitre de I'eglise. II faut, a tout prix, mettre un terme a cette separa-
tion entre le presbytere et I'ecole. L'ecole n'est pas I'eglise, mais elle en
est le portique... A Pecole, vous avez longtemps les enfants sous la main ;
ils ne sauraient vous echapper. A I'eglise, au contraire, vous les tenez a
peine , a I'epoque de la premiere communion , deux ou trois fois par
semaine. Qu'est-ce qu'un temps si court pour former des ames a la vie
chretienne ? Que la classe soit done pour vous I'annexe de I'eglise. Tikhez
d'y faire chaque semaine une instruction religieuse. Entendez-vous pour
cela avec I'instituteur. Si I'ecole vous est, de droit, toujours ouvcrte, il
ne faudrait pas, neanmoins, deranger le cours des legons ordinaires; car
le maitre a un reglement a suivre, un compte a rendre, certaines branches
26 PREMliiKE PARTIE.
Le caractere positif de I'idee religieuse, au sein de I'ecole,
dans les pays catholiques d'Allemagne, ne ressort pas seu-
lement, pour parler conime au dela du Rhin , de I'organisme
intirae de I'enseigneraent; il se retlete, pour vous saisir
au premier abord, sur la constitution exterieure de I'ecole.
Entrez le matin, un jour quelconque de la semaine, une
demi-heure avant le commencement de I'etude, dans une
eglise des provinces rhenanes, de Westphalieou de Silesie. Les
enfants des ecoles y assistent a la messe , sous le regard des
maitres. Garcons et fllles, sur deux rangs paralleles, garnissent
la nef ouse repandentjusqu'aux limites extremes des bas cotes.
Agenouilles sur la pierre, et le Gesanghxich a la main, ils chan-
tent accompagnes par I'orgue, dont ils suivent, sans devier,
les harmonieuses inflexions; et leurs groupes divers, avec
une surete de mesure que donne seule une education musicale,
se repondent alternativement.
Ainsi en est-il a Miinster comme a Cologne, dans les bourgs
de la Silesie, comme en ces jolis villages qui se groupent dans
le rayon et comme a I'ombre de la cathedrale de Bonn. Non
que je propose d'introduire par un reglement cet usage de
I'assistance quotidienne a la messe pour les eleves des ecoles,
dans nos villes et dans nos villages de France. On pent louer
de tels usages, on ne les decrete pas ; ils ne valent que par la
liberte; I'ombre meme de la contrainte en altere le principe ,
comme elle en detruit les effets. Mais quand de tels usages se
perpetuent en dehors de toute action coercitive, c'est le signe
que la pensee chreticnne exerce une influence irrecusable
sur les actes de chaque jour. On pent affirmcrsans crainte
que chez le peuple qui les garde librement, la vie morale est
de connaissances humaines a enseigner. Choisissez, d'un commun accord,
pour vos inslruclions religieuses, les jours el les heures qui s'accorderoiU
le mieux avec les devoirs de voire minisLcre el les plans d'elude de
Tecole. »
FAITS COISTEMFORAINS. 27
serieuse; car ce lie sont pas les lois qui les out fondcs, ot cc
sont les moeurs qui les conservent.
Je ne saurais oublier la seiieuse emotion que me fiteprou-
ver le spectacle de cette vie religieuse de I'ecole, dans la petite
eglise de Kempen. Au moment ou j'arrivai a la grande ecole
normale dont Kempen est le siege, le directeur, jeune eccle-
siastique plein de ce feu sacre dont I'ardeur redouble en se
communiquant, M. Ostertag celebrait la raesse dans 1' eglise
annexee aux batiraents de I'ecole. Le choeur etait rempli d'une
centaine de jeunes hommes de dix-sept a vingt-cinq ans, lous
Aleves du seminaire, Les rangs presses des enfants des ecoles
sillonnaient la nef, etrefluaient jusque surles marches exte-
rieures de I'eglise. Autour d'eux, s'agenouillaient en grand
nombre, des peres, des meres, des soeurs ; en sorte que eleves,
maitres, directeurs, chefs de famille, tons au debut du travail
quotidien, etaient la, reunis dans une raeme pensee, cherchant
a un foyer commun et la lumiere qui revele le devoir, et la
force qui I'accomplit. Qu'une telle liarmonie des elements di-
vers appeles a agir sur la generation qui s'eleve se produise
sous la garantie de convictions sinceres, et les conditions
d'une veritable education morale sont trouvees ; car I'ecole est
alors ce qu'elle devrait etre toujours, la succursale de la fa-
mille; et la famille consacre par I'exemple les inspirations
de I'ecole. — En de telles conditions I'enfant, s'il s'egare,
ne peut accuser que lui-meme; la tache de la society est
remplie.
C'est au milieu de cette atmosphere essentielleraent reli-
gieuse que me sont apparues les ecoles dans les pays catho-
liques de I'Allemagne septentrionale. La, je le repele, I'ensei-
gnement primaire n'a rien a demeler avec I'esprit de negation ;
dans I'eglise et dans I'ecole, oil que vous posiez le pied, vous
marchez sur un terrain solide. Ici commo la, dans (oule la
force du termc, il y a un cnseignomcni .
28 PREMIERE PARTIE.
Or, les effets temoignent incontestablemenl de la valeur de
la cause. Certes , je ne m'attends nulle part a rencontrer
Fage d'or; et de la c\assi(\ue simplicite des moeurs germani-
ques je sais bien ce qu'on doit rabaltre. Mais toute illusion
a part, il faut le dire tres haut, et Ton est heureux de le con-
stater, un principe d'education , quand il est fort , se reflete
necessaireraent sur la societe qu'il aspire a maitriser. Dans
les pays dont je parle , grace au concours harmonique de
toutes les influences sur le terrain de I'education, les resultats
de Tenseignement sont ceux-ci : le sentiment et la pratique de
la religion y sontapeu pres universels. Dans lespetitesvilles et
dans les campagnes, les tres rares individus qui ne remplissent
pas avec la regularite traditionnelle, les devoirs religieux du
Chretien se placent, par la merae, non pas liors la loi, ce qui
supposeraitl'oppression dela conscience, mais hors les niceurs
et corame au ban de I'opinion. Sur une population rurale de
quatre cents araes vous rencontrerez trois ou quatre de ces
protestants. Dans les villes, etje parle de villes considerables,
a Cologne, par exemple, le clerge ne porte pas a plus de vingt
sur cent le nombre des refractaires au sein du peuple. «Tous
mes paysans savent bien lire, bien ecrire, et connaissent leur
religion, me disait le bourgmestre d'un village voisin de Bonn ;
nous n'avons qu'un mauvais sujet {einen Lotierhvben), un drole
qu'on n'a pas vu a Paques accomplir le devoir annuel, mais
on le raontre au doigt; c'est une creature meprisable ! {welch
verachiungswurdiges Gesc/idpf!)y> — Voila comment on apprecie
dans les villages des provinces rhenanes quiconque pretend
i-ompre en visiere avec la loi religicuse que consacrent les
moeurs. On pent trouver, en France, une telle appreciation
deplacee; quoi qu'on pense, elle depose, on en conviendra, de
la vitalite du sentiment qui I'inspire. Or ce sentiment se de-
veloppe, en grande partic, dans I'ecolc; et c'est ce fait preci-
sement que je voulais constater.
FACTS COTKMFOKAliNS. 29
Autre est la situation, disons-lo sans detour, dansles pays
protestants.
Je mets a part I'extremite de cette zone rhenane oil une
rivalite qui ne s'endort pas, contraint le protestantisme ,
pour soutenir la lutte, a raviver le nerf des croyances posi-
tives. A Neiiwied, sous I'inspiration des moraves, a Dussel-
dorf et a Kaiserswerth , ces foyers de proselytisrae oil s'al-
lume I'ardente charite du pasteur Fliedner, a Erbefeld qui
garde derriere ses usines, corarae en autant de citadelles, le
symbole populaire, dans toutes ces villes et sous leurs raurs
I'Evangelisme est pour la vie religieuse des masses un puissant
principe de conservation. Exceptons aussi la region septen-
trionale du Hanovre, de larges fractions des deux Hesses, la
Pomeranie, cette Basse-Bretagne du protestantisme, et les
villages des pays thuringiens.
Cette sorte de decompte opere , commencez votre voyage
pedagogique a Kehl, dans le duche de Bade; sondez les par-
ties de la Hesse-Darmstadt et du duche de Nassau, qui tressail-
lent au contre-coup des mouvements de Manheim, d'Of fen-
bach et de Francfort ; longez les frontieres septentrionales de la
Baviere que vient frapper directement I'esprit de Weimar et
d'lena; puis, cotoyant les limites orientales de la Hesse elec-
torate et du Hanovre, interrogez le duche de Saxe, le royaume
de Saxe et les grandes provinces prussiennes, sur lesquelles
Halberstadt, Magdebourg et Halle font rayonner, sous la pa-
role de Uhlich, de Wicislenus et de Sachse, les lumieres des
amis protestants; etudiez enfin, dans le Brandebourg, et jus-
que dans la Prusse orientale, les resultats de la lutte engagee,
a tons les degres de la hierarchie sociale, entre I'orthodoxie
offlcielle et le developperaent naturel du principe protestant;
et, je puis le dire sans m'avancer teraerairement, si vous avez
touche du doigt les couches diverses de la societe allemande ;
si vous avez joint aux temoignages officiels des chefs religieux
30 PREMIERL PARTIi:.
et politiques du pays, les renseignements officieux qui jaillis-
sent, par d'heureux hasards, d'lme rencontre fortuite et d'une
conversation iniprovisee; si, surtout, voiis avez recu dans leur
naive hardiesse les confidences desinteressees de certains in-
stituteiirs priraaires et dc certains pasteurs; si vous avez fait
cela, de ['ensemble de vos observations ressortiront les con-
clusions qu'on va lire :
En these generale^ le protestantisme de I'Allemagne septen-
trionale, tresactif corarae instruraentde critique religieuse, tres
ardent comme machine de guerre contre le dogme, tres vivant
corame foyer d'opposition contre le catholicisme, perd chaque
jour ce qui hii reste de valeur originelle en tant que doctrine
positive. En lui, la critique adetruitraffirmation.Devenu,pour
le plus grand nombre des esprits, la simple preface du scepti-
cisrae philosophique, il n'existe plus, ou peu s'enfaut, a I'etat
de formule religieuse. « Le protestantisme , disent tres haut
ceux qui furent dans les vingt dernieres annees les maitres de
I'enseignement populairo, le protestantisme veutl'affranchisse-
ment de I'esprit, le developpement de la vie religieuse en raison
du point de vue special de chaque individu {dem Siandpunkte
des Individuums entsprechende Eniioickelung) et de la culture
da peuple; il veut I'aneantissement de I'autorite. Quiconque
pretend relever I'autorite dans le doraaine des choses reli-
gieuses, celui-la peut s'appeler protestant; mais, a coup siir, 11
ne Test pas^n . Que telle soit, en effet, la logique des principes,
nouslecroyons ; etle reproche d'inconsequence n'estpas celui
que nous adressons a M. Diesterweg. Reste a savoir ce que
peut etre, en de telles conditions, la vie religieuse chez un
peuple. Yoila ce dont s'alarment les dignitaires de I'Eglise
evangelique, en Allemagne, aussi bien que les chefs politiques
1. Rheinische Blatter, p. 161; 1854. — « ... Heisst zwar vielleichl noch
Protestant, aber er ist kriiipr. »
FAirS COMEMPOKAINS. 54
(111 pays; tous ceux, en iin mot, siir qui pese la responsabi-
lite de Tavenir moral des masses. Qui s'etonnerait de voir
les hommes d'Etat s'effrayer de ne plus trouver, dans les tra-
ditions religieuses, le point d'appui d'une doctrine definie, et
cherclier a ressaisir, au milieu des ruines, le prineipe long-
temps meconnu d'un enseignement positif ?
En controlant par les fails, dans le domaine de I'enscigne-
ment, ces observations generales, il faut partager les ecoles
populaires des pays que je viensde nommer en categories dis-
tinctes, et preciser, sous trois noms, le earactere et la direc-
tion morale qui leur est impimee.
line premiere categoric comprendra les ecoles que, dans le
langage meme d'outre-Rhin , on pent appeler avec verite
ecoles evangeliques orthodoxes. Dans ces ecoles, une idee reli-
gieuse dogmatique sert de pivot a I'enseignement : les maitres
s'y rattachent a un symbole; ils expliquent ce symbole sous
I'inspiration d'un coramentaire consacre. Le christianisrae y
flgure a litre de revelation divine, et la vie morale de I'indi-
vidu y a pour fondement la foi. C'est dans les provinces rhe-
nanes, dans le Hanovre, malgre d'assez nombreuses excep-
tions, dans la Hesse-Darmstadt et la Hesse electorate, dans la
Pomeranie, dans la parlie montagneuse des ducbes de Saxe,
puis, Qa et la, dans les villages et les villes de Prusse, notam-
ment a Berlin meme, au foyer du protestanlisme gouverne-
mental, que subsistent en plus grand nombre les ecoles oWAo-
doxes. De ces ecoles, 11 faut s'empresser de le dire, est sorti,
jusqu'en ces derniers temps, ce peuple bonnete, religieux,
ami de la paix, aux allures un pen lourdes peut-etre, et dont
Heine a pu railler la quiete bonhomie, mais dont les moeurs
traditionnelles furent apres tout I'honneur comme la securite
do I'AUemagne.
Plus Ton se rapproche de la Saxe et des provinces oi'ien-
tales do la Prusse, plus il faut constater quau seiu memo des
52 PREMIERE PARTIE.
communes rurales, le septicisme religieux a multiplie ses
conqu^tes.
Norainalement, en Prusse et en Saxe, aussi bien qu'en Ha-
novre, toutes les ecoles se parent, comme d'lm voile oblige, dc
I'evangelisme offlciel. Levez le voile, el vous jugerez. « Mon-
sieur, me disait un instituteur de village, vous etes Fran^ais et
etranger ; je puis parler librement. Eh bien ! siir cent de mes
confreres, quatre-vingts croient a I'Evangile a la fa^on de Wi-
cislenus, et leurs eleves le savent. — Mais, repliquai-je, et la
surveillance des pasteurs? — Les pasteurs ! ils nous fraient
la route, et nous n'avons qu'a les suivre. »
Je sais la part qu'il convient de faire a Texageration de la
vanite qui se cherche des complices ; raais la proportion, si
reduite qu'elle puisse etre , doit rester large encore ; et spe-
cialement dans la Saxe prussienne et dans le royaume de
Saxe, un nombre notable d'ecoles viennent se repartir, qu'on
le sache ou qu'on I'ignore au sein des regions officielies ,
entre ccs deux categories que les fails etablissent : les ecoles
dites hegeliennes^ et, pour me servir d'un mot partout en usage
au dela du Rhin, les ecoles simplement raiionalistes. Des
ecoles oil le maitre invoque, in 'peilo, Feuerbach ou Strauss ,
prend pour evangile secret la neue Reform de Yicislenus ou le
sonntags-blaU du pasteur Uhlich , et corrige , a I'occasion , par
de telles lectures, Torthodoxie administrative; voila , pour
lesraarquer d'un trait saillant, celles que j'ai le droit d'ap-
peler ecoles hegeliennes. Quel en estle nombre? Assurement,
la statistique de ces ecoles n'est point deposee dans les bu-
reaux du ministere de I'instruction publique, a Berlin ; les
pasteurs des libres communes, M. Sacbse, a Magdebourg,
M. Yicislenus , a Halle , seraient sans doute en ^tat de la
dresser.
Dans les ecoles que j'ai nommees raiionalistes , — et ce sont
les plus nombreuses, — on n'a pas la pretention d'invoquer,
FAITS COMEMPORAirSS. 5o
comme point d'appui ni un systeme ni iin nom. J'ai bien eii-
lendu un inslituteiir qui revendiquait ce titre, se declaiei-
disciple de Schleiermacher : « L'instruclion religieuse, Mon-
sieur,— c' est Schleiermacher quile dit, — nepeut 6tre autre
chose que la recherche generate de la verite {darfnichisande-
res sein , als ein gemeines Aufsuchen cler Wahrheit). » Mais,
generalement , I'instituteur rationaliste ne se preoccunc pas
de questions d'origine ; il ne cherche point, pour sa vie philo-
sophique, a se creer d'ancetres. II se suffit a lui-meme; il dil
fierement : Cogito, ergo sum. Ce qui le caracterise, c'est sou
dedain pour I'instruction dogmatique, pour cet enseignement
que Ton appelle, en Allemagne, I'enscignement religieux con-
fessionnel [der confessionnelle Religions-Unierricht) ; cela lui
semble etroit, mesquin, bon pour les faiseurs de sophistiquo
chretienne ; mais pour lui qui reclame Y emancipation de I'e-
cole, pour lui qui a etudie la science de la nature {die A^aturwis-
senschaft), pour lui qui veut entrer en possession de la verite
generate {zu der allgemeinen Wahrheit gelangen)^ un enseigne-
ment religieux confessionnel, fi done !
Cela m'etait dit dans un village du duclie de Bade.
Quand j'avauce que les instituteurs classes sous le titre do
rationalistes ne voilent les lumieres de leur esprit sous I'au-
torite d'aucun nom, je me trompe : il y a une publication
ecrite avec une verve singuliere, publication tres repandue
dans le monde pedagogique en Allemagne, et qui a pour but
de diriger ces maitres, en leur dictant un syrabole : c'est le
Rheinische BUtter de IM. Diesterweg. M. Diesterweg est un
disciple de Pestalozzi ; mais il est a Pestalozzi ce que Feuer-
bach est a Hegel. Pendant tongues aunees , il a conduit I'e-
cole norraale primaire de Berlin ; la generation actuelle des
instituteurs du centre de la Prusse est presque entieremcnt
sortie de ses mains. Le gouvernement prussien s'est eflraye,
— un pen tard, — des elTets d'une incessante propagando. II
3
54 PREMIERE PAUTIE.
a remplace M. Diesterweg dans la direction dii seminaire de
Berlin. Qu'a fait M. Diesterweg?
II avait un public prepare, des disciples jetes ca et la dans
maintes parties de la Prusse. II s'est mis a dire tout haut
ce que, pendant longtemps, il avait professe tout has. L'en-
seignement oral du seminaire de Berlin se rctrouve aujour-
d'hui sous la plume du maitre, dans sa revue periodique. La
forme en pent etre plus vive, moins temperee par la prudence;
mais, en definitive, le fond est le meme. Ouvrons done les
Rheinische hllUler, a la page que me recommandait un eleve
de M. Diesterweg ; nous y trouverons la pensee que la foule
des inslituteurs issus de ce maitre a puisee si longtemps au
seminaire de Berlin; nous y trouverons consequemment
Fesprit de I'enseignement religieux dans la categoric d'ecoles
que je signale en ce moment :
« Nous tenons les dogmes de I'Eglise pour decrepits, I'en-
seignement de I'Eglise pour petrifie {erstarrt); ils ne repondent
plus en rien a la vie du siecle La vraie religion consiste
en ceci : reconnaitre I'existence d'une force spirituelle, d'une
intelligence, d'une raison dans I'univers, comma le fonde-
ment de toutes les existences et de tous les phenomenes;
croire que cet esprit est I'element durable de tout ce qui
perit, I'element imrauable de tout ce qui change.... Et quant
au nom que Ton donne a un tel esprit, pen importe.... »
«Quandhienmeme onnepourrait se persuader I'existence de
Dieu, continues!. Diesterweg, si Ton se represente I'univers
cornme enchaine dans les liens d'un immense organisme, cela
devrait encore etre admis (aztc/i das miisste gesiaitet sein). Les
conceptions religieuses sur I'essence et I'activite de Dieu, sur
la maniere dont le monde a ete appele a I'existence, sont aussi
diverses qu'il y a de tetes d'hommes. II n'y a rien la pour
la psychologie, ni consequemment pour la pedagogic*. »
i.^Rlidnisdie BWtier, p. 294 et suiv., 1852.
FAITS CONTEMPORAINS. 5S
Yoilii pour la direction religieuse , ou du moins pour la
conduite pliilosopbique de I'ecole.
Maintenant, comme selon M. Diesterweg, tous les efforts
de rhuraanite doivent tendre a briser I'esclavage du dogme
revele; comme I'ecole est le sanctuaire oil raffranchissement
doit etre opere , et 1' initiation philosophique accoraplic ;
comme I'instituteur, dans sa lutte avec les representants du
dogme , est I'apotre infailiible ct Tinstrument de cette
delivrance:
« Allons , s'ecrie M. Diesterweg, pour I'cntrainer aux
aventures, le resultat de la guerre est sous ¥os yeux. Les
enseignements de TEglise n'ont pas soutecu I'epreuve; les
croyances inderaontrables s'evanouissent a la lumiere de la
raison (y compris la croyance en Dieu, comme on I'a vu)....
Et nous , bommes de notre siecle , nous proteslants , qui pro-
testons contre tout ce qui n'est pas demontre, elangons-nous ,
voiles deployees, sur la pleine mer ; advienne que pourra!
{Komme wass da konnel) Si nous ne decouvrons pas ce que
nous chercbons, eh bien! nous trouverons peut-etre quelquc
autre chose de plus digne encore de nos desirs. Et si cet
espoir vient a faillir, reste Ic plaisir d'un voyage en pleine
mer*. »
Yoila pour la direction sociale. Un tram de plaisir en pleine
mer, sans pilote ni boussole, quoi de mieux? Les passagers
toucheront peut-6tre a un port quelconqne : il y a pour cela
une chance sur mille. Que la societe dormc done eu paix; et
vive la pleine mer ^ 1
1. "... Und weiin audi dieses nicht, vvir haben Freude an der Falirl
auf holiem Meere. » {Rhcinische Blotter, p. 289;— 1852.)
2. Voir sur le m6me sujet, le chapitrc III de la 2° partie.
Ce chapitre avait ete public, en partie, dans le Journal general de I' in-
struction pablique. M. Diesterweg, dans deux articles de sa revue, a cru
devoir jcter feu et damme. Nous avions, il faut le croire, mis tro[> net-
56 rUEMll-RE PARTIE.
Telle est, au vrai, certains voiles ecartes, la physionomie
generale des ecoles dans les pays que j'ai nommes. A coup siir,
les traits de cette physionomie ne sont point tires des pro-
grammes; ils sontle reflet de la realite. Or, une telle situation
etant donnee, quiconque cherche les effets dans les causes est
amene a s'adresser cette question : une societe (je ne parle pas
des individus) une societe peut-elie conserver la vie morale, et
combien de temps, quand elle n'a plus, pour la ranimer, le
tement le doigt sur la plaie. Nous renvoyons quiconque voudra s'edifier
sur la pensee religieu.se de I'ancien direcieur du seminaire de Berlin, au
morceau dont nous citons des extrails.
M. Dieslerweg nous livre, au reste, le secret de sa colere : « J'ai du,
nous apprend-il , m'entendre declarer, par un haut foncLionnaire, que
j'avais ete apprecie par M. E. Rendu comme il convenait. » {Aus dem
Munde eines dirigirenden Marines das Urtheil koren musste, dass Hr. E.
Rendu mich zutreffend charaktcrisirt habe.) Nous regretlons, pour M. Dies-
lerweg, que ses opinions et son influence ne soient pas jugees, par les
liommes qui Tout vu a I'oeuvre, plus favorablement qu'elles ne le sont par
nous-m6me.
M. Diesterweg, pour des raisons qu'il connalt.sans doute, s'est plu a
represenler le fragment sur lequel il s'est acharne, comme formant la to-
talite de nos etudes sur I'instruction populaire au-dela du Rhin. Juger
enquatre colonnes de journal un ensemble aussi complique que le systeme
pedagogique de I'Allemagne! II n'y a qu'un Frangais pour cela ! Et, a ce
propos, milie gracieuses epilhetes a I'adresse des ecrivains de notre pays
qui osent jeler un regard critique sur les grandeurs mysterieuses de la
patrie allemande. Nous ne rcleverons pas ces epithetes : i! faut sourire de
ces pueriles coleres; le teutonisme du directeur des Rheinische Blatter
s'en prend, en meme temps qu'a nous, a MM. Cousin et Saint-Marc Girar-
din. Nous sommes, pour nous plaindre, insultes en trop illustre compagnie.
M. Diesterweg ecrit en termes grossiers, que les convictions religieuses
qui inspirent nos jugements sont une flatterie aux passions regnantes, et,
pour parler crument, un calcul d'inter^t. 11 est des noms, I'auteur devrait
le savoir, qu'une incontestable notoriety met a I'abri de certaines accusa-
tions. — Nous n'insisterons pas du reste. Nous n'avons voulu que signaler
quelques-unes des amenites de M. Diesterweg. Nous ne discutons pas;
on ne discute pas avec un ecrivain qui, dans la polemiquo, ignore le
langage des honn^tes gens.
FA ITS COMEMl'ORAINS. 57
foyer d'une croyance positive? Voila le probleme; il sc for-
miile aujourd'hui dans toute sa gravite. Qu'il se pose ailleurs
encore qu'au dela du Rhin, on le voit assez ; niais il se rattaclie
partieulierement a I'etat general des doctrines religieuses et
des idees philosophiques en Allemagne. Or, s'il louche, dans
ses developpements complexes , aux speculations les plus
liautes, c'est dans I'ecole qu'il prcnd naissance; et c'est pour-
quoi cette question de I'ecole, dans sa raodestie apparente,
est le premier des interets sociaux.
Je sais que les gouvernements d' Allemagne se preoccupent
fortement du peril. Depuis que les commotions revokition-
naires ont mis a nu le travail souterrain de cette propagande
redoutable qui, alimentee, trente annees durant, aux plus
liautes sources de I'enseignement, se poursuit aujourd'iiui,
partout presente et partout insaisissable, dans les dernieres
couches de I'ordre social, la politique a indique, parfois peut-
etre en I'exagerant, la tache que le sentiment des interets mo-
raux et religieux du peuple ne suffisait pas a reveler. A I'ex-
ception du duche de Saxe-Weymar, qui, sous I'influence de
I'Universite d'lena, resiste au mouvement ou sont entralnes
les Etats voisins, partout ailleurs, en Prusse et en Saxe, comme
en Hanovre et en Hesse, j'ai pu me convaincre que, pour les
hommes d'Etat, la question de I'instruction priraaire en Alle-
magne est devenue une question de haute politique. Partout
les meraes apprehensions revelent les memes dangers et inspi-
rent des mesures analogues : revocations d'instituteurs, rem-
placement de directeurs de seminaires suspects de propagande
anti-chretienne par des directeurs orthodoxes, direction nou-
velle imprim^e a I'enseignement, severite plus vigilante dans
la repression, tons ces moyens sont mis en oeuvre.
«Ilfaut hitter sous le drapeau dela croyance, mo disait
un personnage illustre, car j'ai a combaltrc I'anarchie dans
le ciel comme I'anarchie sur la terre; et la seconde est fille
53 rilEMlERE PARTIE.
legitime de la premiere. G'est pourquoi, moi protestant, je
tends la main a tout croyant sincere. » Or, precisement, le
remede est I'aveu du mal. En indiqiiant le caractere, il permet
d'en mesnrer I'etendue. Qu'on lise la loi du o raai 1851, pro-
mulguee en Saxe par M. le baron de Beust : en meme temps
qu'elle ameliore, par une elevation de traitement, la condi-
tion materielle des instituteurs, cette loi multiplie les peines
en multipliant les cas de repression*. Et quels sont les cas par-
ticulierement prevus? Les insultes a Dieu [Gottes-lasterung),
les outrages pu])lics envers la religion [djfentliche Herahset-
zung der Religion], les atteintes portees aux bonnes moeurs par
I'inconduite, le commerce et la diffusion d'ecrils immoraux;
la negligence des devoirs religieux « dont la pratique a ete la
condition de I'admission a I'emploi, » I'indiscipline vis-a-vis
des fonctionnaires de I'Etat et des ministres ecclesiastiques
(art. o et 4), etc.
Je sais tout ce qu'il est permis d'esperer, pour la formation
des maitres nouveaux, pour le retour de I'education popu-
laire dans la voie de la tradition religieuse et du bon sens,
des efforts concerles d'hommes tels que MM. Stolzenburg, a
Buntzlau; Furbringer, a Berlin; Zabn, a Meurs, Robbelen,
a Hanovre, etc., sous la baute impulsion des cbefs actuels
de I'instruction publique, dans les differents pays de I'Alle-
magne; je sais, pour les avoir vus a Toeuvre, pour avoir ete
a mdme de recueillir I'expression de leur pensee, tout ce
qu'on pent attendre de leurs lumieres et de leur devouement;
raais je connais aussi, pour I'avoir sonde, la profondeur de
i'abtme qu'ils ont entrepris de combler.
Un document administralif doit ici trouver place. En don-
iiant une confirmation indirecte aux fails et aux appreciations
1. Voyez la loi de Saxe de 1835 et les modifications qu'y a apportees la
!■ i du 3 mai 1851.
FAITS CONTEMPOHAINS. 59
qui precedeni;, cc document temoigne tout a la fois et de la
nature du mal et des efforts sinon toujours heureux, du moins
sinceres qu'on fait cliaque jour pour le combattre.
II s'agit d'une circulaire adressee de Koenigsberg, parle
president {Oberprasident) de la province de Prusse, aux Be-
gences [Regierungen] placees sous sa juridiction. Telle etait
I'universalite des plaintes auxquelles il etait urgent de faire
droit, que le ministre de I'instruction puMique, en Prusse,
M. de Raumer, n'a rien cru pouvoir niieux faire que d'adresser
cettc circulaire a chacune des regences et a chaque Protivcial-
Schul' Collegium du royaume entier. Je traduis cette circulaire
dans son ensemble.
« II est venu a ma connaissance qu'en beaucoup d'endroits
(an vielen Orten), notammeni dans les villes, les instituteurs
primaires, aux jours de dimanche et de fetes, frequentent tres
irregulierement on ne frequentent pas du tout {gar nicht) le
service rellgieux. Gorame ces instituteurs sont charges d'in-
struire leurs eleves dans la connaissance du cbristianisme ,
objet capital de I'enseignement elementaire, et qu'ils ne doi-
vent pas seulement les instruire, raais les elever chretienne-
ment; comrae, en consequence, ils doivent donner le bou
exempie aux enfants ainsi qu'aux parents, vous penserez avec
inoi que beaucoup de maitres ayant provoque des plaintes a
cet egard, il importe de prendre des mesures efficaces.
« Pour le moment il est permis d'hesiter sur le point de
savoir si tons les instituteurs peuvent etre contraints par des
voies disciplinaires a I'accomplissement du devoir d'assister
au service religieux; mais ceux qui sont organisies, chanires,
sacristains, sont tenus, en raison de leurs fonctions, de fre-
quenter regulierement I'eglise, et il va de soi qu'ils doivent
rester dans le temple non-sculement pendant I'exercice du
chant, raais encore pendant le preclie. Or, plusieurs de ces
employes de TEglisc ont I'liabitude de quitter le temple an
40 PREMIERE PARTIE.
moment oii le pasteiir monte en chaire et de n'y revenir qu'au
moment ou il en descend. J' engage done la regence a prendre
des mesures generales d'apres lesquelles les employes eccle-
siastiques ci-designes soient tenus d'assister au service divin
sans interruption, et d'exercer leiir surveillance sur les en-
fants de I'ecole qui se trouvent a I'eglise.
0 A part les chantres, organistes, sacristains, dans les en-
droitsou I'usage s'est conserve jusqu'a present pour lemaitre
de conduire les eleves a I'eglise les dimanclies et jours de
fetes, et de donner m^me dans I'ecole quelque instruction
pieuse, I'instituteur, sans aucun doute, est tenu de se confor-
mer a cet usage, alors meme que I'acte de la nomination ne
contient a cet egard aucune stipulation expresse, et il pent y
etre contraint par des moyens disciplinaircs.
« Pour les autres instituteurs, il est possible de pourvoir,
au moins par voie indirecte, a ce qu'ils frequentent reguliere-
ment I'eglise. Le reglement general de 17G5i present que les
maitres, dans la le^on du lundi, s'assureront si les eleves ont
retenu quelque chose de la predication du diraanche. En
vertu du m^me principe, une decision de la regence de Gura-
Linnen, en 1829, ordonne que, chaque lundi, la premiere
le^on de I'ecole ait pour objet de revenir sur i'instruction
religieuse de la veilie. Ces prescriptions n'ont pas seulement
une importance intrinseque, elles ont aussi pour but de
rendre necessaire I'assistance de I'instituteur au service re-
ligieux, conjointement avec les eleves et la population de la
commune. II importe que partout elles soient comprises et
maintenues.
« Je recommande que, dans I'appreciation des litres aux
recompenses et gratifications, ne soit jamais neglige le point
de savoir si lemaitre, par la frequentatlon du service reli-
1. Voyez^ce remarquable document au chapitre 1 de !a 2^ parlie.
FAITS CONTEMPORAINS. 44
gieiix, (ionne le bon exeniple anx enfants de la commune, II
en doit etre de memo pour les nominations aux places d'in-
stituteurs.
« Les inspecteurs des cercles auront a s'informer dans leurs
toiirnees si les maitres freqiientent regulieremcnt le temple,
et s'ils ont fait preuve de sentiments religieux en harmonic
avee Tesprit de I'Eglise [Ob religiosen kirchlic/ien Sinn bewiesen
liahen). »
Les necessites qui, en Saxe et en Prusse, provoquaient ces
rigueurs de legislation et dictaient de telles circulaires, ont
inspire en Hanovre et dans la Hesse des mesures analogues.
iVinsi partout dans TAllemagne du nord, les memes effets te-
moignent d'une meme cause.
On I'a vu, les doctrines ou les tendances dont je viens de
signaler la nature, dont j'ai saisi I'application dans I'ensei-
gnement du peuple, et, qu'on me passe I'expression, constate
le flagrant delit, ces^doctrines ne sont pas restees enseve-
lies dans I'obscurite de I'ecole. N'avaient-elles pas conscience
de la force que leur donnait une popularite de longue date?
Pourquoi n'eussent-elles pas aspire au grand jour, envoyedes
representants aux parlements nationaux, et tente d'emporter
la tribune de haute lutte? Et, en effet, le drapeau de Vemanci'
jMtion de Vecole a ete arbore dans les assemblees deliberantes,
avec quelle hardiesse ! on s'en souvient.
Les ecoles dont je viens d'esquisser la physionomie morale,
Vecole hegelienne, Vecole rationaliste, ont eu leurs deputes au
parlement de Francfort. M. Vogt (de Giessen), M. Rosmaesler
de Tharand (royaume de Saxe), M. Vischer, de Tubingen,
M. Reinhard, de Boitzcnburg, etc., ainsi que le rapporteur
du comite des ecoles, M. Paur, n'avaient pas d'autre carac-
tere. Suppression de I'enseigncment confessionnel , c'etait le
cri de ralliement que le politique jetait au pedagogue et que
42 PREMIERE r ARTIE.
le pedagogue renvoyait au politique : « Eh quoi! repetait-on
a la tribune, on enseigne, dans nos eeoles du peuple, que le
pauvre est fait pour le del, non pour la terre; on lui preche
Je ne sais quelle religion, afin de lui rendre supportable cette
vallee de larmes. On inculque aux enfants un christianisme
special pour qu'ils se resignent a leur pauvrete ^ ! » — Apprendre
a se resigner, voila le crime! « Le mal fondamental, le mal
intime des eeoles primaires, c'est que la jeunesse y soit ele-
vee en vue d'un salut eterneP. » Comment! I'ecole primaire
« dressera la generation nouvelle pourl'eglise et pour le ciel! »
quand les universites professent que « le but de la question
sociale est de nous donner sur la terre les joies qu'on nous
represente dans le ciel ; qu'alors seulement nous serons deli-
vres de ce monde imaginaire que creaient nos desirs inas-
souvis^l » Ilaro! done sur I'enseignement dogmatique; que
I'ecole du peuple soit soustraite a toute influence tradition-
nelle; qu'elle echappe a ce « triumvirat tyrannique, I'Etat,
I'Eglise, la commune ; » et « que la jeunesse en sorte avec un
butindellni, entrainee dans une sphere d'aclivite sanslimite'*. »
En vain quelques orateurs essayaient de rappeler le comiie des
eeoles au sens moral etau senscommun^. «sKon, s'ecriaient
1. Dlscours de M. Goltz sur la redaction de I'article 4 de la Consti-
tution. Voyez, a ce m6me point de vue, le discours de M. Rosmaesler.
2. Discours de M. Reinhard.
3. M. INIichelel de Berlin {Losung der gesellschaftlichen Frage).
4. M. Paur, rapporteur du comite des Eeoles.
' 5. Voyez notamment le remarquable discours de M. Von Ketteler,
aujourd'hni eveqne de Mayence , et ceux de MM. Hoffmann et Knoodt.
« Les Eeoles, dit-on, doivent ne se proposer qu'un but indefini, J'avoue
lie pas bien comprendre ce qu'on veut dire. Ne pas avoir de but deter-
mine, cela est bon pour I'ecolier, jamais pour le maitre. Nos eeoles pri-
maires ne sont pas de celles ou Ton cherche le progres objectif de la
science, mais bien de celles oii Ton fait participer les eleves aux resultjts
acquis. Une ecole qui n'a point de systeme fixe n'est autre chose qu\i!i
enseignement mutuel oil la jeunesse estlivree a elle-mdme... On pretend
FAITS CONTEMPOaAIKS.
45
les thc'oriciens de Y emancipation^ il nous faiit la separation
de rfiglise et de I'Etat, de telle sorte que tout ce qui porte
le nom d*eglise soit aneanti, que ce qu'on nomme eglise dis-
paraisse de la terre sanslaisser de trace, et retourne au ciel ,
qui est sa patrie ; au ciel que nous connaitrons apres notre
mort, mais dont nous ne voulons rien savoir aussi longteiups
que nous sommes sur la terre.... Abolissez done tout ce sys-
teme qui inculque a I'liomrae, des son enfance, des croyances
futures!... II faut pouvoir etre athee'. »
Nous voila Men «enpleinemer;)) « elangons-nous, advienne
que pourra! » M. Diesterweg doit etre satisfait.
Ajoutons ce simple fait. L'article propose par le comite des
ecoles et soutenu devant I'Assemblee nationale de Francfort,
on vient de voir dans quel esprit , fut adopte , sur I'appel
nominal, par 516 voix centre 74.
que VEglise doiine une certaine direction a I'ecole, direction exclusive
et qui n'esD jugee bonne que par un parti religieux. Sans doute ! la direc-
tion des ccoles protestantes n'est point approuvee par I'eglise catholique,
et la direction des ecoles catholiques n'est point approuvee par I'eglise
protestante. Quoi de plus naturel! et que voulez-vous done faire de la
liberte de conscience? Que cliaquo eglise soit satisfaite de ses ecoles,
voila ce qui est juste. Changez cela, et tout le monde, au contraire, sera
mecontent, hormis les indifferents et les athees. » (Discours de M. Hoff-
mann.)
« La mission de I'EcoIe est de s'appuyer sur les croyances et sur les
mceurs traditionnelles, de les repandre, de les eclairer, de developper
tout ce qui a droit de survivre aux accidents passagers. Ceux qui veulent
briser tout lien entre I'Eglise et I'ecole , qu'ils le sachent ou qu'ils I'igno-
rent, ne tendentarienraoins qu'aderaciner les moeurs nationales. lis veu-
lent former une generation qui soit entre leurs mains le docile instrument
de plans premedites. N'organisez point les ecoles de maniere a ce qu'il
soit porte atleinte a la foi populaire, aux fondements de la vie de famille et
de la vie communale; car la vit tonjours un sentiment Chretien, et c'est
e seul sur lequel nous puissions fonder la liberte et I'unile de I'Alle-
magne. » (Disc, de M. Knoodt.)
1. Disc. deM. Vogt.
44
PREMIERE PARTIE.
II est inutile d'insister. On pent apprecier maintenant ,
avec quelqiie nettete, les tendances generales de I'enseigne-
ment populaire dans I'Allemagne septentrionale ; on pent me-
surer la taclie reparatrice qu'iinles dans une sorte de ligue du
Men public, I'Eglise, la commune, I'Etat, toutes les forces du
pays doivent entreprendre et accorapUr, sous peine de disso-
lution sociale.
UEglise, dans les contrees protestantes d'AlIemagne, con-
serve-t-elle la vertu interieure, la vigueur morale suffisantes
pour servir puissamment, dans une lutte de ce genre, et la
commune etrEtat?Problerae delicatet que je n'examine pas
en ce moment. J'indique seulement ici deux conclusions qui
ressorient, pour le resumer, de 1' expose qui precede. Premie-
rement, I'ecole est le point ou converge, en modifiant plus ou
moins ses formes, toute idee mise en circulation dans les
spheres superieures de I'intelligence; elle est le petit mondc
ou se resume le grand. Pas une doctrine, ou qu'elle naisse,
pas un sophisme, d'ou qu'il tombe, qui ne s'y refletent comme
en un miroir. Tout ne part pas de I'ecole, mais tout y aboutit.
En second lieu, un abime separe, pour certaines parties
de rAlIemngne, la periode pedagogique actuelle de la periode
dont j'ai, plus haut, trace rapidement I'histoire.
La profondeur de cet abime a terrifie d'excellents esprits.
Au dela du Rhin, on a pousse des cris d'alarme qui sont pres-
que des cris de desespoir : « Helas! repetent des voix alle-
mandes, les secousses revolutionnaires out dechire le voile
qui abrilait la suprematie revee {den Schleier con der getr'dum-
ien Herrliehkeit) du systeme scolaire allemand, et la statue
devoilee n'a plus montre qu'une face deshonoree et flelrie. II
faut bien le confesser : I'ecole allemande n'a pas soutenu I'e-
preuve^ » — « Avouons le mal, repond une autre voix, et que
1. Die Reform der Volksschule, par J. G. Curtman, directeur du semi-
naire de Friedberg, p. 5 (i 851).
FAITS CONTrMPOIlAINS. 45
cliaciincn soil cnGn convaincii : la substance de toiite education
est donnee par I'Eglise, I'Etat, la commune, la famille; il est
insense de vouloir remplacer par quelque autre influence ces
elements de la vie morale '. »
Ainsi, la sincerite des aveux egale I'etendue de la faute.
Et maintenant, comment la transformation que je signa-
lais s'est-elle operee? Quel est le coupable et quels sont les
complices?
II faut, pour resoudre le problerae, connaitre le role des
trois puissances qui, en Allemagne, comrae ailleurs, president
a la direction de I'education populaire. II faut etudier I'in-
fluence de I'Etat, de I'Eglise, de la science pedagogique. La
seconde par tie de notre livre va etre consacree a oette etude.
G'est a I'Etat qu'en droit comrae en fait, est aujourd'hui
attribuee la plus large part dans le gouvernement intellectuel
de I'Allemagne. L'action exercee par I'Etat sera done le pre-
mier objet de nos recherches.
Le role de cette puissance est officiellcment inaugure, au
point de vue de I'enseignement, dans les dilferents pays de
i'AlIemagne du nord, vers I'epoque oii fut public YAlhjemeines
Landrecht, et oil la Prusse inscrivit ces mots dans son Code :
« Les ecoles sont des etablissements de rEtat2» .
1. EinrichtungS'Und Lehrplan fiir Dorfschulm, par Th. Goltzsh.
2. Allgemeims Landrecht, p. il, t. XII, § 1.
INTERVENTION DE L'ETAT, DE L'EGLISE
ET DE LA SCIENCE PEDAGOGIQUE
DANS LE GOUVERNEMENT DE L'EDUCATION POPULAIRE
DEPUIS LA FIN DU XVIII" SIECLE
JUSQU'A NOS JOURS
SECONDE PARTIE.
INTERVENTION
DE l'^TAT, DE l'eGLISE ET DE LA SCIENCE PEDAGOGIQUE
DANS LE GOUVERNEMENT DE l'eDUCATION POPULAIRE
DEPUIS LA FIN DU DIX-HUITIEME SIECLE JUSQU'a NOS JOURS.
CHAPITRE PREMIER.
ROLE DE L'ETAT.
Section I. — Caracleres g6neraux des legislations scolaires
dans les differents pays de rAllemagne du Nord.
Le droit d'enseigner peut etre exerce dans rune on I'aiUre
de ces trois conditions.
Oil il est absolu, corameen AngleteiTe,et, appartenant sans
distinction a tons, n'estlimite que par les lois generales du
pays;
Ou il estsoumis a certaines restrictions, comme en France,
et estconlrole, dans son application, par le droit de surveil-
lance de r^tat;
Ou il n'existe que par la volonte rneme de I'fitat, et ne peut
6tre exerce qu'en vertu d'une autorisation speciale des repre-
sentants du pouvoir public; tel est le regime auquel ce droit
est soumis en AUemagne et notamment en Prusse.
On le voit des I'abord : dans la question de I'enseigneraent,
rifctat, au dela du Rhin, plus que partout ailleurs, est en pos-
session de I'influence preponderante.
4
50 SECOiNDE I' ARTIE.
Or, nous nous batons de le dire, ce n'est pas I'fitat, dans
son action directe, qu'il faut accuser de i'alteration morale
dont nous venons d'indiquer le caraclere. Dans les payspro-
testants de I'Allemagne, si une puissance veille avec solli-
citude a la defense des interets tradilionnels, ce n'est pas
la puissance a laquelle une pareille tache semblerait devoir
incomber, ce n'est pas FEglise. Une Eglise qui ne s'appar-
tlent pas, qui a concede au pouvoir seculier le jus refor-
mandi, qui a laisse inscrire sur les tables du droit public cet
axiome : Ejus est religio cujus est regio, une telle Eglise, comme
un individu babitue a compter sur la tutelle d'une main etran-
gere, doit manquer et manque en effet de coup d'oeil, de sens
gouvernemenlal et, pour tout dire, d'esprit de conduite. Joi-
gnez a cela Taction du principe depose dans son sein, prin-
cipe dont, sous peine d'abdication , elle doit accepter les
developpements, et vous vous convaincrez que, pour trou-
ver I'element moderateur de la societe allemande , ce n'est
pas dans I'Eglise qu'il convient de le chercher. La seule puis-
sance vraiment conservatrice, c'est celle sur qui pese le poids
de toutes les responsabilites , et a qui la necessite fait une
loi de rattacber toujours demain a aujourd'hui, d'etre a la
societe qu'elle dispute aux revolutions ce quele lest est au
navire, c'est I'Etat.
Dans le domaine de I'education populaire, comme dans le
gouvernement des autres interets sociaux, il faut done s'at-
tendre a voir I'esprit traditionnel inspirer les actes emanes
de Tiniliative de I'Etat. II va m'etre facile de confirmer la
Ibeorie par les fails. Ces faits sont d'une baute valeur ; car ils
nous condiiiront a Tanalyse de tout le systeme de I'enseigne-
ment primaire au dela du Rhin.
Sous Terapirc de quelles tendances I'Elat, dans I'Allema-
gne du Nord, est-il, jusqu'a I'epoque actuelle, intervenu dans
le gouvernement de I'education populaire? Telle est la ques-
ROLE DE LKTAT. 54
tion. II y laiit repondre, pour les differeiUs pays, par les do-
curaenls et les textes.
I. — Prusse.
Je dois faire connaitre un document, dont il n'a pas el^
parleen France, et qui pourtant est la base de toute I'orga-
nisation de I'instruction primaire dans rAlleraagne septen-
trionale, le Reghment general proraulgue par le roi de Prusse
le i2aoiit 1763. Ge monument est d'une importance capitale,
a double litre : 1° comme premier acte de I'intervention de I'E-
tat,en Prusse, dans la direction del'enseignement du pcuple, il
indique netlement le sens moral de cette intervention ; depuis
la promulgation de ce reglement, nulle loi generate, en fait
d'instruction primaire, a part les prescriptions {\eValIgemei?ies
Landrechi{ll94), n'a jamais, a aucune epoque, pas plus en
48i9qu'en 1849% etabli pour les diflerenles provinces de
Prusse, I'unilormite d'administration. Qu'on se garde d'ap-
pliquer a la Prusse le niveau que la revolution, apres la mo-
narchic, apassesur les institutions provinciales en France:
En droit civil, en administration, en matiere d'instruction
populaire, on s'abuserait etrangement. Ce qu'il y a de prin-
cipes coramuns, entre les diverses provinces de Prusse, dans
i'organisation intime de i'instruction primaire, c'est unique-
mentle reglement de 1765 qui lecontient. — 2" Ce reglement
entre dans des details et, contrairement a nos habitudes legis-
latives, dans (les considerations morales qui lui donnent une
valeur intrinseque, et ne seront pas meditees sans profit.
1. Le projetde loi g6nerale sur rinstriiction publique prepare en 1849
est all6 rejoindre, dans les cartons du ministere de Berlin, \eprojct de
1819. L'impossibilite de concilier les usages des differentes provinces et
les droits traditionnels des eveques avec les desirs des consistoires a ^t6
la cause principale du retrait de la loi.
52 SECUiNDt FARTIE.
HEGLEME.M GENERAL DES ECOLES.
« Fklderic, roi, elc, etc.,
0 Ayant appris a notre grand deplaisir que, specialement
dans la rampagne, le sysleme des ecoles et rediicalion sont
toinbes en decadence, et que I'inaptitude de (a pliipart des
niaitres laisse grandir la jeane generation dans Tignorance
et la grossierete, c'est noire volonte que I'organisalion des
ecoles dans loules nos provinces soit etabliesur nii meilleur
pied que jusqu'a present. Depuis le retablissement de la
paix , le veritable bien-etre de nos peuples preoccupe tons
nos instants : oi", nous croyons necessaire et utile de poser
le fondement de ce bien-etre en consliluanl une instruc-
tion raisonnable en meme temps que chrelienne {durch eine
vei'nUnitige soiuohl ah c/msiliche Untenceisuncj) ^ pour don ner
a la jeunesse, avec la crainte de Dieu , les connaissances
qui lui sont utiles. C'est pourquoi nous recommandons a
toules les regences, aux consistoires et autres conseils de
notre royaume, d'executer avec un soin scrupuleux le pre-
sent reglement, redige pour le bien de tous nos sujets; et de
faire en sorte que eette ignorance, si funeste et si prejudi-
ciable a la religion cbrelienne, puisse disparaitre. II nous iiii-
porte que des sujets plus eclaires et de meilleures moeurs
soient a I'avenir instruits et eleves dans les ecoles .
Art. 1". — Avant tout, nous voulons que tous nos sujets,
parents, tuleurs, maities, envoient a I'ecole lesenfants dont
ilssont responsables, gargons oufilles, depuis leur cinquieme
annee, et les y mainliennent regulierement jusqu'a I'age de
treize etqualorze ans. Lesenfanlsne pourront quitter i'ecole,
non-seulenient avant d'etre instruits des principes esseutiels
du chrislianisrae, et de savoir bien lire et bien ecrire, mais
encore avant d'etre en elat de repondre aux questions qui leur
ROLE DE L ETAT. 55
jiei'onl adress(ies d'npr^s les livres d'enseignement approtiv^s
par nos consistoires.
Art. 2. — Les maitres que les necessiles du travail obligent
a employer des enfants, seront serieusemeiit avertis de (aire
en sorteque ces enfants ne soient pas retires dos ecoles sans
savoir bien lire, sans posseder les notions fondamenlales dn
christianisme , et sans coramencer a ecrire, fails qui doi-
vent etre prouves par des cerliflcats dupasteur etdu maitre
d'ecole.
Art. 3. — Aiors nieraequedesenfants, soit par leur apti-
tude particuliere, soil grace aux soins du maitre, seraicnt arii-
ves, dans les difierentes matieres, a une instruction assez do-
veloppee, avant leur treizierae ou quatorzierae annee, j1 ne
depend pas de la volonte des parents ou tuteurs de relirer oes
enl'ants de I'ecole, selon leur bon plaisir {nach eigenem Ge-
fallen); raais quand le surintendant ou inspecteur, d'apres
I'attestation du pasteur et le certilical du maitre, constate une
instruction sulfisante, il est en droit d'accorder un billet de
sortie extraordinaire, motive sur le certificat susdit. — Et les
enfanis, encecas, sont tenus {miissen) d'assister non-seule-
ment a la lecon recapitulative du dimanche [der Wieder-
holungstunde) que donne le pasteur dans I'eglise, mais aussi a
(•elledu maitre dans I'ecole.
Art. 4. — Corame dans beaucoup d'endroits les parents
n'envoient pas leurs enfants a I'ecole sous ce pretexte qu'ils
sont obliges de feur confier la garde des troupeaux, les auto-
rites judiciaires doivent faire en sorte , autant que possible,
avant que les enfants soient retires de I'ecole dans nn sem-
blable but, qu'un gardien special de ti'oupeaux soit charge de
ce metier. Mais la oil, comme dans nos provirices deWesl-
phalie, dans la Vieille-3Iarclie etailleurs, les habitations sont
trop dispersees pour que le betail puisse etre garde en cora-
ninn , les enfants ne doivent etre employes qu'alternative-
S4 SECONDE I'ARTIE,
ment, quantl plusieurs se trouvent dans uue tueme maison on
r^unis par levoisinage; chaque enfant doit, au moins, alter
trois fois par semaine a I'ecole, de fa^on qu'il n'onblie pas
I'ete ce qu'il a appris I'hiver.
Art. 5. — Pour etablir une regie fixe en ce qui concerne
les ecoles d'ete et les ecolesd'hiver, nous voulons que les ecoles
d'hiver soient tenues tons les jours de la semaine, le matin,
depuis Iiuit heures jusqu'a onze heures; I'apres-midi, a I'ex-
ceplion du mercredi et du samedi, depuis une heure jusqu'a
quatre heures. II y a ecole d'hiver depuis la Saint-Michel jus-
qu'a Paques. Les Ecoles d'^te seront ouvertes seuleraent le
matin, ou selon les convenances locales, le soir seulement,
trois heures par jour, tous les jours de la semaine. G'est aux
pasteurs, d'apres les exigences de leurs paroisses, a fixer les
heures des classes. — Aucune vacance ne sera permise, meme
pendant la moisson. Les ecoles doivent etre ouvertes selon
le mode indique.
Art. 6. — Le diraanche, outre I'instruction de catechisme
et la lecon recapitulative du pasteur dans I'eglise, une lecon
egalement recapitulative doit etre faite dans I'ecole par I'in-
stituteur aux personnes non mariees. La legon doit etre par-
tageeentre la lecture et I'ecriture. La lecture se fait dans le
Nouveau Testament ou dans quelque autre livrede piete; on
prend pour modele d'ecriture quelques passages des epitres
ou des ^vangiles. Dans les endroits ou le maitre n'est pas, en
raerae temps, sacristain (KUster), il doit le matin ou I'apres-
midi chanter avec les enfants a I'eglise, leur faire reciter le ca-
techisme par cceur, et leur adresser, d'apres ce livre, des ques-
tions faciles. Si le maitre d'ecole n'est pas, a ce dernier point
de vue, suffisarament experiraente, le pasteur doit le mettre
en etat, par avance, de s'acquitter de ce devoir, afin que les
parents qui assistent a I'exercice puissent en retirer eux-
memes edification et profit.
ROLE DE l'eTAT. 55
Art. 7. — (Fixation dii taux de la jelribution scolaire).
Art. 8. — Quanddes parents son I no toirement Iroppauvrcs
pour payer la retribution fixee, ou si des enfants orphclins
sont hors d'etat d'y satisfaire, les patrons, pasteurs, fonction-
naires ecclesiastiques doivent, par les ressources diverses dont
ils pen vent disposer, faire en sorte que les maitres ne soient
pas prives de ce qui leur est du, afin que I'instruction soit
donneeavee leraeme'zele etaux enfants pauvres et aux en-
fants riches.
Art. 9. — Cheque annee, le dimanche de la Saint-Mi^^hel,
dans toute paroisse, ville ou village, sera faite uue predication
scolaire [Schul-Predigt), laquelle, fondle sur quelque texte de
I'Ancien ou du Nouveau Testament, aura pour objet I'eduea-
tion chretienne. Apr^s celte predication, suivie d'une exhor-
tation chaleureuse du pasteur, une collecte sera faite en fa-
veur des ecoles des villages, dans le but special d'acheter les
livres necessaires aux enfants pauvres; les somraes reeucillies
seront employes en connaissance de cause par les surinten-
dants, inspectenrs, etc., apres avoir ete remises au consistoire
de chaque province.
Art. 10. — Les parents, tuteursou tousautresresponsables
de I'education d'enfants qui, contrairement ^ nos salutaires
prescriptions n'envoient pas ces enfants a I'ecole, paieront
neanmoins a Tinstituteur la retribution fixee; et si malgr^
un serieux avertissement de la part du pasteur ils ne se deci-
dent pas a faire suivre regulierement les classes par leurs
enfants, ils y seront contraints par jugemeut des autorites de
I'endroit. — Lorsque,danssa visite,riuspecteur aura constate
que des parents n'ont pas veillesoigneu semen t, I'annee prece-
dente, a ce que les enfants frequentassent les classes, ils feront
payer aux coupables, pour la caisse d'ecole, 16 Groschen d'a-
mende. — Nous ordonnons a toutes les autorites ayant juri-
diclion, des la premiere indication dti raaitre d'ecole, de s'in-
56 SECONDE PAKTIE.
former immediatement aupres des parents, tuteurs ou mai-
tres, des causes pour lesquelles les enfants dont ceux-ci sont
responsables se sont absentes de I'ecole. Saufle casd'empe-
ehement par maladie, I'infraction devra etre reprimee par les
moyens coereitifs ci-dessus indiques.
Art. 11. — A cette fin, les instituteurs doiv^ent se fairedon-
ner par les pasteurs I'indication de tousles enfants del'endroit
aptes a recevoir rinstruetion. lis doivent en outre teuir un
registre sur lequel tous les enfants soient portes, avec indica-
tion deleursnoms et prenoms; de leur age; deleurdemeiire ;
de I'epoque a laquelle ils sontentresa I'ecole; des matieres
qu'ils etudient; de leur conduite; d e leur etat de fortune; du
temps de leur sortie de I'ecole .
Ce registre est presente chaque annee a Tinspecteur ; il est
de plus presente au pasteur dans sa visite hebdomadaire, afin
quecelui-ci puisse connaitre les enfants qui sont en faute, les
avertir et les corriger, et s'en entretenir avec les parents.
Art. 12. — Comme les bons maitres font les bonnes
ecoles, e'est notre volonte expresse que ceux a qui il appar-
tient de nommer les instituteurs et sacristains, le fassent
avec toute la circonspection necessaire pour qu'a I'avenir
de telies fonctions ne soient confiees qu'a des liommes recom-
mandabi'es. Un maitre d'ecole ne doit pas seulement avoir
une aptitude suflisante pour instruire les enfants, mais etre
dans des conditions telies que toute sa conduite soit un
exemple, et qu'il ne renverse pas par les actes ce qu'il edifie
en paroles. C'est pourquoi les instituteurs, plus que tous
autres, doivent etre animes d'une solide piete, eteviter tout
ce qui pourrait scandaliser les enfants etles parents.
Avant toutes cboses, ils doivent posseder la vraie connais-
sance de Dieu et du Christ; en sorteque, fondant la rectitude
de leur vie sur le christianisme, ils accomplissent leur mis-
sion devant Dieu, en vue du salut, et qu'ainsi par le dovoue-
ROLE DE l'^TAT. 57
ment et le bon exemple, reodant heureux leiirs eleves dans
cette vie, ils les preparent encore a la felicite eternelle.
Art. i3. — Bien que, la ou les patrons nobles ou autres ont
le droit de nommer aux places d'instituteurs et de sacristains,
liberie doiveleuretrelaissee, cependant, nosconsistoires, par
les surintendants et les inspecteurs, veilleront a ce que la norai-
uation de mailres incapables ou immoraux ne soit pas toleree.
En cas de conduite scandaleuse le maitre sera suspendu par
le consistoire, puis destitue par jugement de I'autorile judi-
ciaire.
Interdiction absolue est faile aux instituteurs de tenir au-
berge, de vendre de la biere ou de I'eau-de-vie ; et de se livrer
a toute autre occupation de nature a entraver le travail de
I'ecole, ou a scandaliser les enfants de la paroisse. II leur est
aussi defendu, sous peine de fortes amendes dont le taux n'est
pas fixe, de frequenter les cabarets et les tavernes ou d'aller
faire de !a musique dans les festins.
Art. 14. — Aucun inslituteur ne pcut etre appele a des
fonctions, sans avoir ele examine paries inspecteurs, et avoir
obtenu un certificat d'aptitude {ein Zeugniss der Tiichiigkeit).
Un pasteur n'est pas aulorise a recevoir un maitre comme sa-
cristain pour le service de I'eglise si ce maitre ne juslifie pas
du susdit certificat.
Art. 15. — -Nul ne peut, ni dans les bourgs ni dans les vil-
lages, tenir une ecole, s'il n'a pas ele regulierementinvesti de
ces fonctions. C'est pourquoi, toutes les ecoles clandestines,
qu'elles soient tenucs par des hommes ou par des femmes,
sontinlerdiles. — II reslepermisaux parents de faire instruire
leurs enfants cbez eux par des mailres parliculiers.
Art. 16. — II est interdit a un inslituteur d'employer les
enfants de I'ecole aux travaux de sa maison, ou de s'y livrer
lui-meme pendant les beures fixees pour les classes.
Art. 17. — En ce qui louche les le9ons de I'ecole, les mai-
58 SECONDE PARTIE.
liesclevront toujours s'y preparer eux-m6mes par Ja priere,
et demander a I'auteur de lous dons, pour la benediction du
travail, la sagesse et la patience. Qn'iis prient surtoutle Sei-
gneur de leur accorder des sentiments de pere pour les en-
fants qui leur sont confies; qu'ils pensent que, sans I'assis-
lance divine, ils ne peuvent rien faire ni gagner lecoeurde
leurs eleves.
Art. 18. — Les heures de lemons seront concertees avec le
pasteur, selon les convenances particulieres du pays.
Art, 19. — L'ordre suivant sera observe :
Dans la premiere le^on du matin , sera chants un chant
que le maitre dira d'abord lentement et intelligiblement, et
qu'il chantera ensuite avec tons les Aleves. Un seul chant, qui
sera designe par le pasteur, suffit pour tout un mois. II ne
doit pas elre trop long, afln que lous, petits et grands, puissent
I'apprendre par cceur. Le maitre veillea ceque tons prennent
part au chant.
Apres le chant, la priere. Un enfant lit a voix haute et len-
tement le psaume choisi pour le mois; on terminepar I'o-
raisou dominicale. Sidesenfantsarrivent a Tecole pendant la
priere, ils attendent a la porte qu'elle soil terminee. Une
explication du catechisme suit la priere. Toutes les six se-
raaines, le catechisme entier doit avoir ete etudie; il doit
etre ainsi procede : le chapitre qui va etre explique est lu par
un eleve assez lentement pour etre bien entendu de tons. En-
suite chaque mot est explique par voied'interrogation, puis les
choses elle-memes contenues dans les mots; on cite pour
commenlaire les passages convenables de la sainte Ecriture.
Art. 20. — Nousinterdisons tons livres de lecture ou expli-
cations du catechisme qui ne seraient pas approuves par nos
consistoires.
Art. 21. — Les pasteurs et inslituteurs veillent a ceque
chaque enfant ait son livre. Quand des livres ontete donnes
ROLE DE l'eTAT. 59
par I'eglise ou par la commune h des enfants pauvres, ceux-ci
s'en servent dans Tecole, mais ne peiivent les emporter chez
eux. Le maitre en dresse un inventaire, de maniere a les con-
server pour Tecole.
Art. 22. — La discipline morale del'ecole a pour but de
fairevoir aux enfants dans regoisme la source de toutes les
fautes,de dompterleurvolonte, de deraciner les habitudes de
mensonge, decolere, de rebellion, etc. Si quelque faute grave
a ete commise, de nature a exiger pour I'exemple une puni-
tion severe, Tinstituteur ne doit pas prononcer lui-meme
cette punition sans avoir pris d'abord I'avis du pasleur.
Art. 23. — Le dimancbe et les jours de fete les parents doi-
vent envoyer leurs enfants a I'ecole avant le preche, afin que
I'instituteur les conduise au temple et les y tienne sous sa
surveillance. II veille a ce que les eleves se tiennent avec de-
cence, a ce qu'ils chantent avec piele, a ce qu'ils restent silen-
cieux pendant la predication, de maniere a en retenir quelque
chose , ce qui doit etre verifie dans la premiere \eqon du
lundi.
Art. 24. — Dans tout ce qui concerne Tecole, Tinslituteur
doit s'appuyer sur lesconseils et les avis de son pasteur. Nous
pia^ons dans les pasteurs la phis haute conliance : ils devront
b'appliquer a ameliorer de plus en plus rorganisation des
ecoles. S'iis constatent de la part du maitre quelque negligence
dans raccomplissement des devoirs imposes par les termes
de sa vocation ou par les prescriptions du present reglement,.
ils doivent I'avertir une ou plusieurs fois de la faute commise ;
si ces remontrances n'ont pas d'effet, ils portent plainte aux
autorites. Au cas ou les reproches du surintendant ou de
rinspecleur eux-memes resteraient sans fruit, le consistoiro
prononce la suspension ou la revocation.
Art. 25. — C'est notre volonte cxpresse que les pasteurs,
dans les villes et dans les villages, visitent les ecoles pla~
€0 SECONDE PAKTIE.
cees sous ieur juridicUon, deux fois lasemaine, laotdt le
matin, tantot rapres-midi,etquc, sans secontenterdes infor-
mations donnees par lemaitre, ils interrogent eux-memes
sur ie catechisme et Icsautres objets d'enseigneraent.
Le pasteur doit tons les mois reunir danssa deraeureles
instituleurs de sa paroisse, pour Ieur indiquer les parties du ca-
techisme a etudier, ainsi que le cliant, le psaurae, les passages
de FEcriture que les eleves, dans le mois, ont a apprendre
par coeur. II Ieur enseigiie les moyeus d'interroger avec pro-
lit les enfants sur la predication faitea Teglise; surtout il Ieur
signale les lacunes qu'il a remarquees dans la methode, dans
la discipline, ou lesautres points essentiels.
Le pasteur qui, conlre toute attente, se montrerait negli-
gent dans la visite des ecoles, ou dans racconiplissement des
devoirs imposes par le present reglement, s'il est demon tre
que des avcrlissemenlssont rcstes sans effet, sera ou suspendu
ou piive de sa fonction. Car le soin de I'instruction de la jeu-
nesseet la surveillance de I'ecole constituent la partie la plus
importante et la plus essentiellede la charge de pasteur.
Art. 26. — Nous recomraandons de la maniere la plus ex-
presse aux surintendants, inspecteurs de chaque cercle {Kreis)
de visiter eux-memes chaque mois leurs ecoles, d'en examiner
la situation avec toute I'attention possible, et de verifier :
\° si les parents envoient leurs enfants a I'ecole ; 2° si les pas-
teurs, dans la visite des ecoles et la surveillance qu'ils doivent
exercersur lesmaitres, s'acquittent completementde leurs de-
voiis; 5° si les maitres ont la capacite necessaire, s'ils sont de
bonnes mceurs. Les surintendants et inspecteurs doivent en-
voyer regulierement, chaque annee, un rapport au consistoire
snr tous ces points.
L'inspecteur, dans la visite de I'ecole, doit se faire presen-
ter les enfants a qui le pasteur fait chaque semaine une le^on
de catechisme pour les preparer a la sainte communion. Le
ROLE DE LETAT. 6^
paslenr ne recoit a la communion aucun enfant ne sachant
pas lire, et ne possedant pas deja les notions fondamenlalrs
de la religion evangt'lique.
II est enjoin t a toiitesles regences du royaume, consistoires,
patrons, fonctionnaires, et a tons cenx qui ont a s'occuper,
plus ou moins, desecoies.de resoudre toutesles diffieultes qui
pourronlsurvenir, selon les regies du ^vd^^QwiReijIement general,
et de poursuivre le plus proraptement possible, eonforrae-
menta ces prescriptions, toutes les ameliorations desirables.
Fait etdonne a Berlin^ le 12aout 1765. »
II faut bien en convenir: ce n'est pas a un tel reglcraent
qu'il faut s'en prendre de la deviation des principes scolaires.
Cerles, I'Elat ne peut appeler, plus directement que par les
ariicles qu'on vient de lire, Tautorite traditionnelle a la de-
fense ou au maintien de ces principes. 11 semble n'inlervenir
que pour resserrer les liens qui nnissent Tecole a I'Eglise, et
donner a la puissance des moeurs la consecration de la loi.
Remarqiions-le, en meme temps : les interets de Teducation
du peuple ne peuvent etre, nulle part ailleurs, I'objet d'un
soin plus attentif ;
Obligation de I'enseignement;
Mesures pour assurer la frequentation des ecoles par les en-
fan ts que la misere des families voue de bonne heure a des
travaux absorbants;
Gratuite de I'enseignement pour les families pauvres;
Legons failes, chaque dimanche, aux aduUes, pour entre-
lenir, apres la sortie de I'ecole, les connaissances aoquises;
Prescriptions severes pour sauvegarder la moralite de Tiii-
stituteur, pour obtenir que « sa conduite soit un exeraple, et
qu'il ne renverse point par les acles ce qu'il edifie par les pa-
roles; «
62 SECONDE PARTIE.
Inspection rciguliereraent organis^e;
Injonctions anx pasteurs de visiter assiduraent les ^coles,
de reunir les instituteurs en conferences pour les eclairer par
de sages conseils ;
Voila les traits saillants qui distinguent le curieux docu-
ment dont nous venons de donner connaissance. Le reglement
de 1763, chef-d'oeuvre d'experience pedagogique, devangait,
on le voit, toutes les prescriptions des lois modernes. II est
riionneur et de I'epoque qui I'a prodiiit, et dii gouvernement
qui I'a promulgue.
Lorsque le code general de Prusse declare les ecoles eta-
blissemenls publics, I'intervention de I'Etat revet-elle un ca-
ractere autre que celui qui vient d'etre signale? Voici les
prescriptions generales de Y allgemeines Landrecht:
Art. 44. « Les ministres, dans cbaque commune, sont te-
nus, sous la direction de I'aiitorite superieure civile et eccle-
siastique, d'exercer la surveillance sur I'organisatiou exte-
rieure et interieure de I'ecole.
Art. 15. « Toutes les negligences et desordres doivent etre
signales aux magistrats et aux ministres de I'Eglise.
Art. 49. « Le pasteur de la commune est tenu de cooperer
a I'accomplissement de la mission de I'ecole, non-seulement
par sa surveillance, mais encore par la dispensation de I'in-
struction qu'il doit personnellement donner aux maitres aussi
bien qu'aux enfants^ d
«L'enseignement de I'ecole, dit encore I'art. 46, doit etre
prolonge jusqu'ace que I'enfanl, au jugement du chef eccle-
siastique de la commune, possede I'instruction necessaire a
tout homme de sa condition. »
Assurement V allgemeines Landrecht ne rompt pas en visiere
i. Durch eignen Unterricht des Schulmeisters sowohl als der Kinder.
ROLE DE L ETAT. 65
avec les principes dii General-Landschul-Reghment. Eh bien !
I'Etat a pousse plus loin encore le soin de I'edncation, au
point de vue des inter^ts religieux. Je troiive dans un rescrit
du 4 7 fevrier 1821 :
«■ Les pastenrs doivent, pendant toiite I'anneu, donner deux
lecons de religion par semaine, sauf les interruptions irapo-
sees par les necessites locales, et pendant un mois et demi,
trois ou quatre lemons, chaque semaine^ aux enfanis qui se
preparent a la confirmation.
Nul enfant ne peut etre admis a la confirmation s'il n'a suivi
pendant deux semestres I'enseignement religieux ordinaire,
et de plus, dans le second semestre, I'enseignement particu-
lierement destine aux Conjirmanden. »
Et maintenant, comment les corps secondaires ont-ils re-
pondu a celte volon te expresse de rattacher les developpemen Is
de I'ecole a I'enseignement traditionnel? Voici un document
tire des actes d'une regence qui revolt directement I'irapul-
sion du pouvoir central, de la regence de Potsdam :
« Nous ne pouvons ignorer, disait cette regence, des
I'annee 1811, que pour beaucoup de pasteurs, cette partie de
leurs fonclions (celle qui concerne I'enseignement) ne leur
est pas aussi a cceur que I'exigent la dignite de leur haute vo-
cation et I'importance de la chose meme. Quand ils restrei-
gnent tout I'enseignement religieux a quelques lemons en deux
semestres d'hiver, et a quelques instructions donnees de loin
en loin dans I'figlise ; quand ils abandonnent cet enseignement
aux instituteurs, lesquels, en general, se bornent a deman-
derla recitation inintelligenteducatechisrae, et qui d'ailleurs
pour la plupart, sont eux-meraes trop pen animes de senti-
ments religieux pour pouvoir les inspirer a leurs eleves, il est
impossible que le but de rinstruetion religieuse soil atteinl.
La consequence d'un tel etat de choses, c'est que les paroisses
se peuplent chaque annee de generations sans culture chre-
64 SECO^DE PARTIE.
lienne; c'est que les pasteurs ne sympathisant pas avec la
jeiinesse, reslent eloignes de celte jeunesse quand elle est arri-
vee h I'age d'homme; c'est que les communes ne portent au-
cun inleret actif aux ciioses de la religion et de I'Eglise, et
que les paroles torabees de la chaire retentissent comme un
son vide. — Tout pasteur qui a la conscience de sa noble mis-
sion, qui se sent I'apotre de la religion au milieu du peuple,
accueillera les voeux que I'Eglise lui adresse par notre or-
gane*. »
Qui est en faute, ici ? Assurement ce n'est pas I'Etat. Veut-
on savoir si les autoril(is provinciales placees, non plus au
centre meme de la monarcbie comme la regence de Potsdam,
mais aux extremites memes du royaume, ont suivi une inspi-
ration identique?Prenons, dans deux provinces tres eloignees
de Berlin, a deux epoques diverses, deux autorites d'nn ca-
raclere different, Y OberprUsident de la province de Silesie, et
le conseil de regence de Diisseldorf.
En J859, la regence de Diisseldorf adresse aux pasteurs
places sous sa juridiction une circulaire oil je lis :
« Nous saisissons cette occasion de rappeler aux pasteurs
leurs droits et leurs devoirs. Ce qui importe avant lout, c'est
que les enfants en age d'aller a I'ecole la frequentent regulie-
rement. Ce resultat sera du surtout a I'influence des pasteurs
sur les parents. Nous recoQimandons de plus a cbaque pas-
teur de visiter aussi souvent que possible les ecoles de son
district paroissial {seines Pfarrbezirks)-, d'assister personnel-
lement a certaines legons de I'ecole ; d'exciter les enfants, de
les dinger paternellemeut dans la voie de la morale chre-
tienne; et, en ce qui touche les maitres, non-seulement
d'exercer a leur egard la surveillance, mais encore de leur
preter appui et encouragement.
1, Verordnung der Regierung zii Potsdam, vom 2 Jun. 1811.
ROLE DE L ETAT. 65
« line telle participation a la vie de I'ecole, si elle est diri-
gee par i'espri! de sagesse, de prudence, d'amour, aura les
effets les plus heureiix; elle fera disparaitre devant I'autorite
ecclesiaslique les obstacles qui I'entravent, et assurera son
influence.
Nous savons que cette sorte de collaboration multipliera
les fatigues des mcmbres dii clerge ; noiais nous avons la
conviction que chaque pasteur trouvera en lui-merae I'ai-
guillon qui le poussera a rechercher les fatigues. »
A une date plus rapprochee dn moment oil j'ecris, en 1841,
Y Oberpriisident de la province deSilesie promulgua un regle-
ment pour les ecoles appartenant aux differentes commu-
nions. Quel esprit presida a la redaction de ce reglement?
« La direction de I'enseignement ^lementaire est I'affaire du
pasteur de la commune {ist Sache des Orlspjarrers)^ qui doit
s'ef forcer, soit par la visite assidue des ecoles, soit au raoyen
de conferences regulieres avec les instituteurs de sa paroisse,
d'exercer une influence personnelle sur I'enseignement. Cela
est neeessaire pour le progres de la piete chretienne qui doit
gouverner toute la vie.
C'est seulement sous la direction du pasteur et d'apres le
programme trace par lui, que I'enseignement religieux peut
etre confie a I'instituteur; et Ton attend du pasteur,
d'apres la mission de confiance dont il est revetu, qu'il
dispensera lui-meme, dans I'ecole, autant que ses autres
fonctions le lui permettent, cet enseignement fondamen-
tal'.»
Nous le demandons : tons ces documents de la legislation
prussienne ne portent-ils pas I'empreinte de la pensee qui
1. V. ce reglementtout enlierdansle recueil : Schul-Rcchtund dieUn-
tcrrichts-Verfassung von Schlesien, par Ileinrich Simon. (Brcslau, 1817.)
5
G6 SECONDE TARTIE.
inspirait la premiere inlervenlion do I'Elat, dans le regle-
ment general de 1763?
Une derniere et importante citation va completer, en ce
qui concerne la Prusse, la demonstration que nous avons
entreprise. Sous le feu des debats du parlement de Francfort,
la question de V emancijjation de I'ecole sembia, un instant,
devoir se resoudre dans un sens directement hostile au sys-
teme consacreparla tradition. « Lorsque la religion, s'eoriait
M. Viscber (de Tiibingue) aux applaudissements d'une grande
partie de I'assemblee ^ est devenue ce mecanisme qu'on ap-
pelle TEglise, I'Etat se trouve le depositaire de la religion hu-
maniiaire; I'Etat est alors plus religieux que la religion; et
c'est I'Etat seul qui doit dispenser I'enseignement. » Eh bien !
I'Etat a repousse le role dont voulaient I'investir de dange-
reux amis; il a attendu que le flot d'une opinion factice
fut desceudu des hauteurs orageuses oil la passion I'avaitsou-
leve; puis, le calme revenu, a la proposition qui lui etait
faite de repudier le concours de I'Eglise dans I'oeuvre de
I'educatiou, il a repondu par le manifeste suivant, adresse a
toutes les regences de la monarchic :
« On a, dans les dernieres annees, entretenu la pensee que
la direction morale des ecoles subirait des changements essen-
tiels. Untel motif ue doit aujourd'hui avoir aueune influence
sur la maniere dont s'exerce I'inspection scolaire : car on a
acquis la conviction de plus en plus fondee, que la prosperity
de I'ecole primaire depend de son union in time avec I'E-
glise (von Hirer innigen Verbindung mit der Kirche abhilngig
ist). II y a lieu, pour leGouvernement, de saisir I'occasion de
resserrer ces liens sous tons les rapports, en declarant que
les prescriptions legales actuelles relatives a I'inspection
exercee par I'Etat, au moyen d'instruments ecclesiasliques,
1. Discussion sur le projet du comite des ecoles.
I
ROLE DE l'eTAT. 67
{durch kirchliche Organe) seront executees dans leur applica-
tion la plus complete. Le devoir dcs Superintendenten royaiix^ et
des pasteurs est de se consacrer a cette inspection, non pas
aceessoirement, mais de la maniere la plus active, etcomnie
a line partie essentielle de leurs fonctions, ainsi que le conseil
superieur de I'Eglise evangelique le leur a rappele, sur mon
invitation, par rintermediaire des consistoires royaux*. Je
ferai en sorte que les eveques calholiques, de leur cote, don-
nent un semblable avis aux ecclesiastiques qui leur sont
soumis. — En consequence, la Regence doit avertir tous les
surintendants, doyens, inspecteurs de cercle, pasteurs, qu'ils
aient a inspecter souvent et avectout le soin necessaire les
ecoles placees sous leur juridiclion, a soutenir et assister les
maitres faibles, specialement en ce qui concerne I'instruction
religieuse. La tenue des conferences paroissiales et synodaies
d'instituteurs pent entretenir entre les ecoles d'un menie
cercle^ une unite favorable a I'instruction et a I'education :
je laisse a la Regence le soin de donner, au sujet de ces
conferences, des prescriptions en accord avec les regleraents
actuels.
Signe : Le rainistre des cultes, de I'instruction publique
et des affaires mcdicales,
Raumer. »
Berlin, l»f octobre 1851.
0;) le voit: qiiellesqu'aientcleles accusations formulecs par
1. hiii Superintend mten, ^d^ws I'Eglise protestante prussienne, soiiL les
iiisirumeiUs et les organes des consistoires. lis exercent une juridiction
morale, une inspection ecclesiaslique sur des circonscriptions plus on
nioins etendues.
2. Circuluirc (21 juillet 1851) adressee par YObcr-Kirchm-Rath aux
consistoires.
3. K,, pour les conferences d'instituteurs, les details donnas dans la
section 11 de co chapitre.
68 SECONDE PAIITIE.
la passion, I'Etat, en Prusse, n'a jamais, dans le domaine
deTinstruction primaire, porte alteinte aiix principes qu'il
recueillait des mains de la tradition ; et non-sculement 11 n'a
pas porte alteinte a ces principes, mais il les a defendus
contre I'esprit sopbistique, eontre I'esprit revolutionnaire,
et, ce qui etaitplus difficile encore, contre les defaillances de
I'esprit ecclesiastique. Ce n'est done pas FEtat qu'il faut
accuser de la perturbation morale que nous avons constatee
dans la direction de I'enseignement primaire; c'est lui, an
contraire, qui, au sein du protestantisme prussien, a ete
le representant de I'idee traditionnelle dans I'education du
peuple.
Poursuivons nos etudes, sur le point qui nous occupe, dans
les autres pays de I'Allemagne septentrionale.
II. — ROYAIME DE SaXE.
L'instruction primaire, en Saxe, est regie par la loi du
C juin 1835 et par le reglemeut pour I'application de cette
loi, en date du 9 juin de la meme annee.
>: Ces deux actes sont I'expression et le resume d'un etat de
cboses qui est lui-raeme, a peu pres, le modele de I'orga-
nisation scolairede la Prusse; car c'est du mouvement im-
prime par I'electeur de Saxe, sous I'iniluence de Lutber, que
date, — jel'ai montre plus baut , — le systeme actuellement
en vigueur dans I'Allemagne septentrionale. Eb bien ! je lis
dans la loi du 6 juin 1855, art. 69 :
« L'inspection immediate de I'ecole appartient a I'autorite
locale, et, en ce qui concerne I'enseignement et la discipline,
est specialement reservee au pasteur. »
Et art. 73 :
« Toutcs les fois que, dans le conscil communal, il est
UQLE DE l'eTAT. 69
question d'affaires d' denies, ie pasteur assiste a la reunion et
la presided »
Voila Ie role donne par la loi de Saxe au representant de
I'autorite ecclesiastique ; quant a ce qui concerne I'instruc-
tion, quedit Ie reglement donl nous avons parle?
« L'instruction religieuse embrasse dans les ecoles evan-
geliques Ie dogme et la morale chretiennes, I'explication de la
Bible et du cateehisme, I'histoire du christianisme et sp^cia-
lementdela reformation. EUe doit etre donnee de maniere
a ce que la jeunesse ne se borne pas a apprendre par coeur des
formules et des mots, mais a ce que I'intelligence des verites
soitclaireet sure; a ce que la foi soit vivante et solidement
fondee... Dans I'ecole meme, une le^on de religion doit avoir
pour butde repasser les idees qui ont ete lesujet de la predi-
cation entendue a I'eglise^. »
Ce n'est pas tout; un arrets ministeriel du 23 aoiit 1842
ordonne :
« Que les pasteurs et les maitres fassent en sorte que les
eleves ages de dix ans assistent au service religieux Ie plus
r^gulierement possible ;
« Que les pasteurs, d'accord avec les comit^s d'^coles
et les conseils communaux, prennent des mesures a cet egard
pour ecarter tons les obstacles. »
La loi de 1851 et I'ordonnance du 3 mai de la meme annee
n'ont fait que confirmer les prescriptions que je viens de rap-
porter. Les actes du Gouvernement, en Saxe, ont repondu aux
mesures legislatives. En 1841 , Ie ministere supprimait les
annales hegeliennes qui, sous prelexte de philosophic, mel-
1. Codex der Scichsischen Elementar-Volksschule, publie, en 1852, par
les ordres de M. Ie baroii de Beust , ministre des affaires etrangeres et de
l'instruction publique.
2. Verordnung zuni Gesetze iiber das Elementar-Volks - Schuliocsen,
voni 9 Jun. 1835.
10 SECONDE PARTIE.
taient a neant toute verite acquise; en 1850, il a purge les
ecoles de maitres et d'ecrits qui viciaient reDseignement a sa
source. II y a huitannees, le roi de Saxe appelait les repre-
sentants du pays a I'assister « dans la lutte contte I'esprit qui
veut renverser I'Eglise et bouleverser dans I'ecole les fonde-
mentsdel'ordre moral '. » Aujourd'hui, le president du Gon-
seil, M. le baron de Beust, a reuni le ministere de rinstruc-
tioD publique au departement des affaires etrangeres, afin de
reconstituer, d'une main ferme, I'enseigneraent moral de la
generation nouvelle, sur la base raffermie de la tradition.
in. — Hanovre.
En Hanovre, meme attitude de la part de I'Elat; memes
principes fondamentaux invoques par lui :
a L'instruction dans les ecoles du peuple, dit la loi, est
placee, selon le statut constilutionnel du pays {nach Massgahe
des Landesver/assungs-Gesetzes), sous I'inspection du pasteur
et des ministres ecclesiastiques competents. »
Les commotions sociales oil I'esprit anti-cbretien inspirait
partout, en Allemagne, I'esprit revolutionnaire, ont fait penser
au gouvernement de Hanovre qu'il devait donner a I'autorite
religieuse, dans I'education populaire, line part plus large
encore que dans le passe. Je lis dans I'ordonnance royale
deiSSO^:
a L'ecole primaire dirigee jusqu'a ce jour sous le nom
d'Ecole chretienne, garde son caraclere ciirelien confes-
sionnel (art. I*^"").
« L'Eglise a le droit de prendre, paries organes qu'elle
rhoisit, une connaissance assidue de la maniere dont sont
1. Di;COurs du roi a Touverture des chambres, en 1845.
2. GrundzUge fur die kiinftlge Gestallung des chrisllichcn Volksschul-
loesens.
BOLE DE l'eTAT. 74
Iraites les intercls religieiix clans les ecoles priraaires et dans
les (Ecoles norraales {Schidlehrer-Seminarien) .
« Les propositions, ayant pour but le developpement des
interels religieux, doivent etre recues avec respect par les
maitres des ecoles.
« Le ministre de rinstructiou publique et des cultes, avant
de prendre une mesurequi touche aux interets religieux, doit
s'entendre, au prealable, avec les auloriles ecclesiastiques
competentes; il ne pent, sans leur assenliment {ohne Zu"
stimmung), faire aucun reglement ayant trait a I'instruction
religieuse. Get assentiment est parliculierement necessaire
pour I'introduction de nouveaux jivres destinrs a I'ensei-
gnement religieux dans les ecoles primaires et les ecoles nor-,
males (art. 40). »
L'ordonnance royale va plus loin :
« Le nainistre de I'instruction publique et des cultes ne
peut placer un maitre dans une ecole priraaire et dans une
ecole norraale, on suspendre les effels d'une revocation pro-
noncee, que d'accord [ntir im EinversUlndnisse) diSQcVd^Viioriiii
superieure ecclesiastique. »
Je le demande, une fois encore : est-ce a I'Etat qu'il faut
s'en prendre de ralfaiblissement des principes consacres dans
la conscience publique ?
L'experience dans le duciie de Hesse-liilectoralG ne sera pas
moins decisive.
IV. — Hesse-15^lectorale.
Un reglement du 29 novembre 1825, encore aujourd'haj
en vigueur, determine le role que le gouvernement hessois
assigne au pasteur, dans chaque paroisse' :
1. Anweisuncj filr die P fairer in Auallbung der ihnen riicksichtlich der
Schulcn Hirer Pfarreien obliegenden Pflichlen.
72 SECODE P ARTIE,
« Le pasleur a la direction {die Leiiung) de I'ecole. Celte
direction est une partie essentielle de sa haute mission. — II
est rinspecteur local des ecoles placees dans le cercle de sa
juridiction, et exerce surelles la surveillance la plus imme-
diatej lesinstituteursonten lui leur chef le plus direct(art. i'^'^).
« C'est au pasteur qu'il appartient de veiller avec un soin
severe, a ce que tous les enfants en age d'aller a Tecole la fre-
quentent en effet (art. 5).
a Ce n'est qu'avec la permission du pasteur que I'insti-
tuteur, en dehors des jours fixes, peut s'ahsenterde I'ecole
(art. 4).
a Le pasteur doit tenir les yeux ou verts sur la conduile de
I'instituteur et sur la maniere dont il remplit ses fonctions;
I'avertir quand il est en faute ; et, si cet avertissement deraeure
sans effets, le signaler a I'inspecleur superieur (art. 5) i.
0 Le pasteur doit prendre une connaissance suffisante de
la methode employee par I'instituteur, travailler aux ame-
liorations qu'elle comporle, aider lui-meme le maitre dans
la dispensation de I'enseignemeut , aussi longtemps et aussi
souvent qu'il est necessaire (art. 7) ^.
« A la fin de chaque semestre , a lieu I'examen public au-
1. II est regrettable de voir la legislation hessoise auLoriser, en voulant
en prevenir I'abusjes punitions corporelles. L'art. 6 de la presente ordon-
nance charge le pasteur de veiller « a ce que les punitions corporelles, au
cas oil il serait indispensable d'y recourir {wenn sie unvermeidlich
sein sollten), soient administrees de telle sorte que la sante des enfants
n'en souffre pas, et qu'elles soient appropriees a leur but ». Le legis-
lateur lutherien de la Hesse eiit mieux fait de se souvenir des paroles
de Luther que nous avons citees plus haut (chap. P""; I" partie). Un
reglement de 1839, pour la regence de Fulda, s'occupe encore des puni-
tions corporelles et du fouet.
2. L'ordonnance ajoute differentes prescriptions sur le role peda-
gogique du pasteur. J'explique dans la section suivante comment ce role
peut clre impose aux ministres ecclesiastiques avec profit pour I'ecole, et
par quelies eludes speciales ils se metlent en etat de le remplir.
ROLE DE LET AT. 75
quel le pasteur doit assister. A cette epoqiie aiissi se font les
examens religieiix prescrits par decision ^qV Ober-ScJmlraihs . »
— (10 octobre 1817. — Art. 11 .)
Pour assurer au reprt'sentant de I'autorite religieuse une
influence decisive dans I'education, pouvait-on, de lels fon-
dements poses, attendre davantage de Finitiative de I'Etat?
L'ensemble des dispositions que je viens de oiler a ete
confirme par des actes recents de la puissance publiquei. Au~
jourd'hui, plus que jamais, le respect des principes tradition-
nels preside, sous la haute impulsion du president du Conscil,
ministre de I'interieur, et sous la direction immediate de M. le
conseiller Vilmar, a la discipline morale de I'ecole. C'est
M. Vilmar qui a 6crit les lignes suivantes, et ees lignes
sont la profession de foi du gouvernemcnt de la Ilesse-Elec-
torale, en raatiere d'instruction publique :
« La pedagogic et I'ecole, dans ces derniers temps, ont
pretendu briser leurs anciennes racines pour se constituer
une vie propre et independante; la pedagogic a voulu n'exis-
ter que pour soi , et I'ecole, comme on a dit, s'emanci'per de
I'Eglise.... — Qu'en est-il resulte? que dans les choses qui
agissent directement surla vie de Tindividu pour la rattacher
a la vie de la nation , et surtout dans les choses de la
eroyance {in den Sachen des Glaidiens) au reveil de laquelle
le monde s'emeut aujourd'hui, dans toutes ces choses se re-
vele une ignorance grossiere et une deplorable faiblesse. Cette
faiblesse est I'une des plaies saignantes de notre siecle^. »
1. Entre aulres, un reglement du 30 juillet 1850, relatif aux dispositions
requises des candidats aux places d'inslituleurs; differentes circulaires
des regences, specialement de la regence de Riiiteln.
Je dois la communication de ces documents a la bienveillante obligeance
de M. Vilmar, directeur de la section d'instruction publique au ministere
de Tinterieur,
2. Schulreden iiber Fragen der Zeit, von Vilmar. —Marburg, 1852. —
C.XVI.
74 SECONDE PARTIE.
Y. — Grand -DUCHE de Bade.
C'est dans le grand-duche de Bade que, des frontieres de
Suisse, ont fait irruption, avec le plus de fracas etpeut-elre de
succes, les theories incendiaires deWeitling, d'Auguste Becker
et de Guillaume Marr ^ Pas plus qu'ailleurs, cependant, I'Etat,
dans le duche de Bade, n'a deserte sa mission.
«L'instruction religieuse,dit I'ordonnancedu 15 mai 1854,
estle fondement de I'ecole. L'enseignement de la religion ne
doit pas consister en des mots vides et des plirases apprises
par coeur, raais en des notions claires et reflechies; en sorle
que le sentiment soit echauffe et la volonte affermie.
«f! Avec I'instruction religieuse doivent etre deposes dans
I'esprit des enfants les germes des vertus civiles, les principes
d'obeissance aux lois, de respect pour I'autorite ecclesiastique
et seculiere, de bienveillance envers les concitoyens.
« Les enfants des ecoles doivent etre astreints a la frequen-
tation reguliere de I'eglise. Le lendemain des solennites reli-
gieuses, une le^on de religion dans I'ecole a pour but de re-
venir sur le sujetde I'instruction entendueau temple^. »
« Une derai-heure doit etre consacree chaque jour a I'in-
struction religieuse^. »
Voila pour les eleves; voici pour les instituteurs:
«Pour que la frequentation de I'ecole atteigne son but, il
est necessaire, avant tout, que les maitres soient profonde-
ment penetres de la vie religieuse de la communion a laquelle
1. V. les curieuses citations extraites des correspondanccs de ces trois
personnages dans le Communhms et l:i Jeune Allemagno en Suisse, par
M. A. llennequin,
2. Verordnung, vom 15 Mai 183i. — Anhang I ; 32, 34, 3D.
3. Ibid.; art. 3G, 38.
noLE DE l'etat. 75
appartient I'ecole; que, par I'exernple comme par la parolo,
ils impriment aiix eleves les verites religieuses et morales. »
Maintenant, quelle situation est faite au representant de
I'autorite religieuse?
« L'inspecteur local des ecoles est le pasteur.
" L'inspecteur a la surveillance des plans d'etudes, de I'or-
ganisalion interieure de I'ecole, etla direction de I'instituteur
dans ses fonctions. U s'assure que sa vie repond a la dignite
de sa vocation.
« Le pasteur, comme tel, a le droit particulier de faiie, deux
fois par semaine, au moins, dans les ecoles de sa paroisse, une
le^on de religion. »
Ce n'est pas tout; la religion n'a pas seulement un repre-
sentant dans le pasteur, au sein de I'ecole ; l'inspecteur de
cercle ou Schulvisitator appartient lui-meme au corps eccle-
siastique.
YL — DucHE DE Saxe-Weimar.
Un seul etat semble se separer du mouvement general au-
quel cedent aujourd'hui, plus que jamais, lesdifferents paysde
la confederation germanique : c'est le grand-duche de Saxe-
Weimar. Dans le duche de Weimar les evenements revolution-
naires ne paraissent pas avoir produit une impression aussi
profonde que dans le reste de I'AUemagne ; du moins on n'y
tire pas de ces evenements les memes consequences, et ce
n'est point par des remedes analogues qu'on y cherche a com-
battre le mal. D'ailleurs, on vit a Weimar au milieu des sou-
venirs et dans le culte philosophique de Goethe, de Schiller, de
Herder; les theologiens y invoquent les traditions liberales de
Drelschneider et de Rohr; et comment oublier, a lena, que
de Tuniversile de cette ville, Fichte, Schelling et Hegel jele-
rent a I'Aliemagno les eclatantes temerites de leur premier
76 SECONDE PARTIE.
enseignement? Uorihodoxie, comme on (lit, a rheure qu'il est,
dans toute I'Allemagne pmtestante, n'est done point aussi en
faveur, dans les diiches de Saxe, qii'anpres des autres gouver-
nements : on s'y croit meme charge de defendre, centre les
0 emportements » de cette ortliodoxie, le developpement lo-
gique du principe proteslant, principe auquel sont attaches,
declare-t-on, I'ind^pendance et la dignite de I'esprit alle-
mand* .
En 1832, lorsque M. Cousin visita le diiche de Saxe-Weimar,
un con5Z5/oz>e y avaitl'administration de I'instruction publique ;
el ce consistoire, parmi ses membres, ne comptait qu'un
membre laique. Aujourd'hui le consistoire n'existe plus; il a
ete remplace, depuis 1848, par un haul conseil de I'Eglise,
Oberkirchenrath. Sur sept conseillers , trois sontetrangers a
I'etat ecclesiastique 5 et comme r05er/l7>cAe?i7'a//i est preside
par le ministre de I'instruction publique, I'element laique, on
le voit, y est en realite, I'element preponderant.
Un tel changement s'cst opere sous I'influence de I'univer-
site d'lena, et specialement sous Timpulsion de I'un de ses
professeurs de theologie les plus eminenls, M. Scliwarz.
line faut pas, au reste, dans I'application, exagerer la
portee de c€ changement. Sans doute la suprematie est devenue
un parlage d'autorite; le pasteur n'est plus, de droit, president
du Schukorstand, au sein duquel opinent, a ses c6t<is, les no-
tables de la commune et les instilutcurs eux-memes; sans
doute, les inspecteurs ecclesiasliques, au lieu de communiquer,
en ce qui touche les questions d'instruction publique, avec
un consistoire, doivent s'adresser directement au minislere
1. Ce sont deux professeurs des Universites saxonnes, MM. Droysea
(de lena) et Nitzsch (de Leipsig) qui ont fonde, en 1853, la revue men-
suelle, organe des prolestalionsphilosophiques : allgemeine Monatsschrift
fur Wissenschaft imd Litteratur,
HOLE DE L ETAT. 77
dont Us ne sont que les employes [Behorden); sans doule
aiissi, radministration de I'inslriiction popiilaire, dans ses
detailsquotidienset pratiques, n'appartient plusaux membres
de \ Oherkirchenraih ; sons la direction immediate dii poiivoir
civil*, elle estaux mains des deux directeurs iaiques des serai-
naires de Weimar et d'Eisenaeh. Mais, apres tout, i'instruc-
tion religieuse, dans I'ecole, continue a etre donnee sous la
surveillance des « fonclionnaires ecclesiastiques competents -
{von den heirejfenden kirchlichen Behorden beaufsichtigi) ; mais
les membres du clerge charges de la surveillance des cercles
ecclesiastiques inspectent encore les ecoles.examinent les can-
didats aux fonctions de I'enseignement, controlent les Instilu-
teurs dans raccomplissement de leurs devoirs, ont la baute
main sur Torganisation interieureet technique de I'ecole^.
Ainsi, les changomenis operes dans le duche de Saxe-Wei-
marnesontassurementpas,eneux-memes, une menace contre
des droits respecles; et ce n'est pas a la France qu'il appartient
de trouver mauvais que I'autorite seculiere revendique direc-
tement la responsabilite de I'administration de I'enseigne-
ment populaire. L'Elat, dans les autres pays duNord, n'a pas
d'ailleurs un role moins preponderant qu'en Saxe-Weimar.
Ce qui est special au grand-duche, c'est que la puissance pu-
blique y obeit, dans ses tendances, a une inspiration qui donne
a ses actes une signification particuliere, et lui assigne, en cc
moment, une place distinctive parmi les Etats de la confede-
ration gerraanique.
En resume, I'Elat, dans aucun pays de I'Allemagne, n'a
1. « Dieselben stehen in ihrer Eigenschaft als Schul-Inspectoren unmit-
lelbar utiter dem Staats-Ministerium. • {Vcrordnung zur AusfUhrung des
Gesetzes.)
2. Gcselz iiber einige das Volksschulivcsen belrcffende Fragcn, voin
1 Mai 1851, art, JL>.
78 SECONDE PARTIE,
deserle la cause des inlerets traditionuels. Paiiout, il s'est
constituelerepresentant des doctrines que rautorilereligieuse
invoque, et que I'experieuce consacre. Bien plus, il a, lelles
circonstances donuees, protege ces memes doctriues contre la
faiblesse ou rimprevoyance des pouvoirs qu'un caractere spe-
cial en faisait les defenseurs naturels. L'Elat a ete par excel-
lence la force conservatrice dans I'Allemagne septentrionale.
Ge n'est done pas sur lui, nous le repelons, que doit peser la
respousabilile du desordre moral dont nous avons signale I'e-
tendue.
Le 8 mars i8o2, dans la derniere seance du congres hange-
lique tenu a Berlin, un des membres les plus considerables de
la premiere chambre de Prusse, M. de Stahl, prononca un
discours dont le sujet etait I'examen de ce probleme : Qu'est-ce
que la Retohdion? « La Revolution, ditl'oraleur, n'est pas
une insurrection, une revendicalion armee de la liberie poli-
tique; ce n'est pas un acte, un fait. La Revolution est cette
doctrine politique qui, depuis soixante ans, corame une force
universelle, remplit la pensee des peupleset dirige les mouve-
mcnts de la vie publique, doctrine qui se resume ainsi :
« Subslituer pour fondement de I'organisation des fitats a
« I'ordre voulu par Dieu, la volonte de I'hommej considerer
< toute puissance comme venant non de Dieu, mais de
ft riiomme; assigner pour but a I'activite sociale non pas la
« realisation d'un plan divin, mais I'affranchissement de I'bu-
« manile » .11 n'y a qn'une puissance, une seulequi piiisse
encbainer la Revolution : c'cst le cbristianisme; car le chris-
tianisme fonde toute la vie humaine sur I'ordre etabli par
Dieu. Le cbristianisme seulpeutraffermir I'ordre social, apres
que lesprincipes sur lesquels il repose ont etc mis en ques-
tion, L'esprit cbretien ne demande pas une autoriie qu'il ait
elablie lui-meme, uneconslitution qu'il ait creee lui-meme,
ROLE DE l'lTAT. 79
un droit qu'il ait tire de ses propres conceptions. II prefere
reeevoir toutcela de la volonte divine; 11 secontented'ajouter
sa modeste part de travail a I'iniuiense edifice du temps,
selou queDieu lui en a impose la taclie^. >
En citant ces paroles , j'aiirais , certes, a faire des reserves ;
mais je les dois signaler : elles sont, au moment ou j'ecris,
i'expression de la pensee des gouvernements de I'AUemagne
dans I'administraliou de renseignement populaire.
Mieux encore saisira-t-on cette pensee; moins encore
pourra-t-on accuser I'fitat, quand on I'aura vu, dans I'orga-
nisation hierarciiique de Tinstrnction primaire, employer
partout , comme instruments de son action , les merabres du
corps meme en qui doivent se personnifier les principes tradi-
tionnels; quand on saura par qui et comment sont exercees,
au dela du Rhin, la surveillance et I'iuspection des ecoles.
Section II. — De I'inspection des ecoles.
En Allemagne, comme en France, et selon les necessitos
qui uaissent de la nature meme des choses, il existe pour les
ecoles deux sorles d'inspection : Tune essentiellement locale,
I'autre servant de lien entre la commune et le pouvoir central.
En Prusse, ainsi que dans les autres pays de I'AUemagne,
c'est un principe de gouvernement scolaire, que Tune et
I'autre inspection doivent etre exercees par des membresdu
corps ecclesiastique.
Pour les hommes d'Elat, au dela du Rhin, le probleme ge-
neral, dans ses termes les plus eleves, est celui-ci : trouver les
conditions dans lesquelles les forces \ives de la societe puis-
sent,avec le plus de profit, etre appllquees au gouvernement
moral de I'enseignement public.
1. Was ist die Revolution? — Kin Vortrag gehalten auf Veranlassung
des evangelischen Vereins in Horlin.
80 SECONDE P ARTIE.
Les forces dont on parle se resuracnt sous Irois noms ;
I'Etat, I'Eglise, la famille.
Dans rinstruclion primaire, c'est-a-dire dans roeiivre de
I'educalion des masses, I'etendue du role que I'Etat a inleret
d'attribuer a I'Eglise, est en raison merae de I'efficacite de
Taction que I'l^glise est en mesure d'exercer.
L'Eglisepossede un cadre defonctionnaires toutcree. Inde-
pendamment de sa vertu propre, elle est, au point de vuo
purement administratif, un instrument precieux dont 11 faut
que I'Etat sachese servirsans rien aliener deses droits. D'ail-
leurs, reducaliou des classes iaborieuses semble, a vrai dire,
un appendice naturel du niinistereecclesiastique; et I'liistoire
n'estqu'un perpetiiel lemoignagedu role que, sous ce rapport,
la raison publique a toujours assign^ a I'Eglise.
Toutes les fois done que i'Elat, dans I'admiuistration de
rinstruclion primaire, pourra mettre en ceuvre des instru-
ments ecclesiastiques, il devra le faire : premiereraent pour
atlenuer la rcsponsabilite morale qui pese sur lui; en second
lieu, pour diminuer le nombre des fonctionnaires dont il est
accable.
Ces principessontTexpression abstraite des fails que revele
I'etude du systerae de I'enseignement au dela du Rhin; et I'ap-
plication en est aussi complete dans les pays protestants que
dans les pays catboliques.
Le Z,a72f/;'ec/i/, on I'avUjCommelereglement general del 765,
les consacre expressement; et une serie d'actes recenfs nc
peut laisser aucun doute sur les intentions actuelles de I'ad-
ministration superieure de I'instruction publique, a Dresde
comme a Hanovre, a Cassel comme a Berlin.
Partout a cote de I'autorite collective qui, sons le nom de
Comite directeur de I'ecole {Schuhor stand) ou de Co?nmissio7i des
ecoles {Schul-Commission) est chargee particulierement de Torga*
nisation malericlle et des interels exterieurs dcsetablissemcnts
ROLE DE L ETAT. 84
scolaiies, le pastciir exerce, dans le rossort ile la paroisse, la
surveillance etl'inspeotion. En qualite d'inspecteiir local {Lo-
cal-Schulinspector) , il intervient dans I'organisation interieure
de I'ecole; ses visites doivent avoir lieu uue fois au moins
chaque semaine; et, dans ces visites , ce qui louche a Ten
seignementetala direction morale, est, sous tous les rapports,
soumisa son controle. Les droits qu'attribuait au representant
de I'autorite ecclesiastique, dans la commune, le reglemenfc
de 1765, lui sont expressement conserves paries reglcmenis
contemporains. La regence de Potsdam, qui revolt direcle-
ment ses inspirations de Berlin , s'exprimait comme il suit
dans une circulaire du 3 mai 1853 :
« Aux terraes des ioiset regleraents, Tecole et Tinstituteiir,
avee son enseignement, sont places sous la surveillance et la
direction de I'autorite ecclesiastique de la commune, qui doit
pourvoir avec soin a ce que les prescriptions scolaircs soient
scrupuleusement observees.
" L'instruction religieuse est particulierement design^'e a sa
soUicitudc. Sous ce rapport done, ainsi qu'il est dit a I'art. 25
du Reglement general {General Ldndschul-Reglement) , la distri-
bution de I'enseignement dans I'ecole appartient au pasteur;
et dans ce but, comme en general pour la direction du sys-
teme scolaire, des conferences de tous les maitres de la pa-
roisse doivent etre tenues cbaque mois par iedit pasteur » .
Meme esprit et memes prescriptions dans le royaume de
Saxe :
oLes inspecteurs locaux doivent visiter lesecolesde leurspa-
roisses au moins une fois la semaine, et celles plac(^es au dehors
au moins une fois par mois.
« On attend des sentiments religieux et de la culture mo-
rale des ecclesiasliques que I'inspection a eux confiee, pour la
conservation du lien entre I'Eglise et I'ecole, sur les etablis?e-
raents de lours paroisses, sera (aile avec zele et amour, et qu'ils
6
82 SECONDE PARTIE.
s'appliqueront a procurer le progres intellecluel et moral des
raaitres. » Verordnung, vom Ojiiin 1835.)
Dans ]a Hesse-Electorale, une instrucUon dii 20 novembre
1825, instruction dont toutes les prescriptions sont encore au-
jourd'hui en vigueur, fait bien comprendre le role que la le-
gislation allemande attribue aux pasteurs : je la traduis dans
son ensemble :
Instruction pour les pasteurs sur Imrs devoirs relativement a I'inspection
des ecoles de leurs paroisses.
1. — « Dans les villes et autres lieux , ou sont etablis des
comites {Sclmkorsidnde) particuliers, la surveillance est exer-
cee dans toutle ressort par ledit comite; mais, en tout ce qui
est de I'enseignement lui-meme, de sa direction et des ame-
liorations qu'il comporte, I'inspection appartient toutspecia-
lement, et avant tout, aux ecclesiastiques raembres du Schid-
vorsiand.
2. — « Les ecclesiastiques auxquels appartient I'inspection
speciale des ecoles attachant a cette mission toute I'importance
necessaire, aucun moyen ne doit etre epargne pour que le but
soit atteint. lis doivent en particulier :
3. — « Veiller avec soUicitude a ce que tons les enfants
obliges par leur age de se rendre a I'ecole la frequentent en
effet. lis se font rendre compte, tons les dix jours, des absences,
par le maitre d'ecole, adressent les avertissements conve-
nables aux parents et aux enfants; et si des absences raulti-
pliees se produisent sans excuses valables, ils en font part au
conseiller du cercle, afin quecelui-ci poursuive I'applicalion
de la peine.
4. — a Le pasteur prend soin quel'instituteur fasse I'ecole
exactement aux heures fixees. Gelui-ci ne peut s'eloignerde
la commune sans sa permission, permission qui peut etre oc-
Iroyee pour trois jours.
? /
ROLE DE L ETAT. 85
5. — « II doil empecher que I'instituteur exerce un metier
ou commerce incompatibles avec les fonctions (I'instituteur.
6. — « II doit faire en sorte que le maitre maintienne une
discipline severe, de telle maniere cependant que la sante
des enfants n'en souffre pas.
7. — « II est du devoir du pasteur de prendre une connais-
sance sufflsante de la methode d'enseignement de I'institu-
teur, sans oublier, bien entendu, que plusieurs chemins me-
nent au meme but.
8. — « Lorsque, pour la bonne organisation d'une ecole, des
divisions doivent etre etablies dans les classes, d'apres I'age
et d'apres les aptitudes et le. degre de connaissance des el^ves,
le pasteur veille a la bonne distribution de ceux-ci. II prend
soin, dans les ecoles mixtes, que les gar^ons et les filles aient
des places s^parees.
« La repartition se fait, chaque annee, au moment de I'ou-
verture de I'ecole ou des examens semestriels, en la presence
du pasteur.
9. — « II appartient au pasteur de regler et d'arreter le
programme de I'enseignement, I'ordre dans lequel il doit etre
etudie, et d'en maintenir I'observation de maniere a ce que
ce programme ne soit pas change sans raisons sufflsantes.
10. — «G'esta lui de veiller a ce que I'instituteur lienne
exactement la liste des eleves, qu'il y consigne des notes re-
latives a la conduite, au travail, a I'exaclitude, aux progres.
Cette lisle doit etre presentee au pasteur toutes les fois qu'il
visite recole, ou lors des examens publics semestriels.
11. — « A la fin de chaque semestre a lieu un examen pu-
blic auquel doit assister le pasteur.
12. — « Pour que les pasteurs aient une connaissance suf-
fisamment approfondie de leurs ecoles, et pour qu'il leur soit
possible de conlribuer an perfectionnement de ['education,
de frequentes visiles sonl necessaires. U leur est expressement
84 SECONDE PARTIE.
recommand^, ainsi qu'il est de leur devoir, d'inspecter, chaque
semaine an moins, une ecole, et d'intervenir selon les pres-
criptions de I'art. 7, dans la dispensation de I'enseignement.
13. — « Le pasteur doit consigner ses notes siir une feuille
{Schul-Protokoll)^ oil sont indiques et le jour de la visite et le
resultat de I'inspection. Cette feuille doit etre presentee dans
les huit premiers jours de I'annee, avec un rapport sur la con-
duite, le zele, I'aptitude de chaque maitre, a I'inspecteur su-
perieu r {Ober-Schul-Inspector) .
14. — « II appartient aussi aux pasteurs de veiller a ce
que les maisons d'ecole soient disposees convenablement et
entretenues en bon etat ; a ce qu'elles ne soient pas employees
a des usages etrangers a leur destination, a ce qu'elles soient
pourvues du mobilier scolaire, a ce que les eleves, et en par-
ticulier les eleves pauvres ne manquent pas des moyens d'in-
struction necessaires. »
Ainsi, le pasteur est, a vrai dire, la personnification des in-
terets scolaires. L'instituteur n'est pas nomme par lui, mais
la direction morale de I'ecole lui appartient. Ce qui lui est
lout particulierement attribuedans les pays catholiques, jel'ai
dit plus haut, c'est non-seulement la surveillance de I'ensei-
gnement religieux, mais cet enseignement lui-meme. A cet
egard, il n'est pas seulement inspecteur, mais encore, et dans
loute la force du mot, deux fois par semaine, il est instituteur.
Au-dessus de ce premier degre de surveillance est constituee
une inspection plus generale, inspection de district ou decerc/e.
Cette inspection , par la nature des devoirs qu'elle impose ,
correspond a celle des inspecteurs de I'instruction primaire
en France; mais elle est restreinte dans un ressort beaucoup
moins etendu que celui de nos arrondissements. Ses limites
ne depassent pas celles d'un de nos cantons, et souvent meme
ROLE DE L £TAT. 85
ne les atteignent point. On tient, en AUemagne, qu'un fonc-
tionnaire nedoitni ue pent avoir sous sa direclion plus de 40
aCOecoles^
Un tel systeme, on le voit a premiere vue, n'est applicable
qu'a uue condition, c'est que les agents de I'inspection seront
emprunles a un cadre tout eree. Comment, en effet, avoir
des fonctionnaires speciaux assez nombreux pour n'attribuer
a chacun d'eux qu'un nombre si restreint d'etablissements?
Comment grever le budget d'une charge qui risquerait d'egaler
les depenses affectees a I'ensemble du service de i'instruclion
priraaire?
Or, ce cadre existe partout oil existe un clerge. Les inspec-
leurs de cercle, inspecteurs de district, i n spec ten rssM/^mer^rs,
dans les differents pays d'Allemagne, font tons partie du corps
ecclesiastique.
L'inspecteur du cercle est choisi parmi les membres du clerge
les plus distingues du ressort. En general il est charge en
meme temps, sous le titre de Surintendant, chez les protes-
lants, et sous celui de Doyen (Dechant) chez les catholiques, de
I'inspection ecclesiastique dans la merae circonscription ;
I'inspection des ecoles devient done, pour les pasteurs, partie
integrante du ministere sacre. Des lors, elle ne constitue pas
une fonction independante et distincte ; elle pent consequem-
ment etre exercee par un nombre considerable d'agents dont
la mission ne devient pas une charge onereuse pour I'l^tat : les
Kreisschulinspedoren, en effet, ne re^oivent pas de traitement;
il leur est donne une simple indemnite, indemnite pure-
raent destinee a les rembourser des frais de tournee, et ne
s'elevant pas, chaque annee, au dela de la somme de 150 a
200 francs.
1. Ce nombre m6me, la plupart du temps, n'est pas atteint.
86 SECONDE PARTIE.
Aujourd'bui, comme sous le regime du Regleraeut general
de 1765, runion intime de I'inspection ecclesiastique et de
I'inspectionscolaireest eonsideree par I'Etat, comme un prin-
cipe de haul interet public. Uoe circulaire ministerieile du
25 avril 1825 est ainsi congue :
Circulaire relative aux Surintendants.
a 11 est arrive, en certains cas, que les Surintendants ne
pouvaient se consacrer suffisamment a I'inspection des ecoles,
et suivre d'une maniereassez approfondie les details du sys-
teme pedagogique. Cette separation de I'inspection ecclesias-
tique et de rinspection scolaire, deux choses si essentielle-
ment unies. ne pent etre toleree que lorsque I'age ou la
maladie exigent un allegement des devoirs imposes aux Sur-
intendauts. Quand I'un d'entre eux, pour une raison grave,
est dispense de sa mission relative aux ecoles, celui ou ceux
qui sont charges de le suppleer doivent s'aider de ses conseils,
et faire parvenir par lui leurs rapports aux autorites supe-
rieures, de meme que les prescriptions de ces dernieres con-
tinuent a leur etre adressees par son intermediaire.
« II D'y a pas lieu d'empecher que, dans les dioceses (DiocescD)
d'une grande etendue, des ecclesiastiques zeles pour les int(3-
rets de Tenseignement primaire soient designes comme in-
specteurs speciaux pour certaines parties du ressort; seule-
ment ni I'activite ni I'influence du Surintendant n'en doivent
souffrir; il n'en doit resulter qu'un surcroit de developpe-
ment dans le systeme scolaire. »
Le ministre de I'instruction publique.
Altenstein. »
La pensee de cette circulaire est entierement conformea
ROLE DE l'eTAT. 87
celle qui inspirait le reglement de 1765* etcelui de 1801 "2.
Elle se retrouve aussi dans les actes recents emanes de la
haute administration ecelesiastique : le 21 juillet 1851 le con-
seil superieur de I'egjise de Prusse adressait a tous les eonsi^-r
toires royaux la circulaire qui suit :
« Son excellence le minislre de Finstruction publique nous
a fait connaitre, par une circulaire, toufe I'importance qu'il
attache a ce que la surveillance des ecoles primaires et des
iostituteurs soit assiduementexercee paries Surintendants et
les pasteurs. L'union intinie qui existe entre I'Eglise et I'ecole
ne pent lalsser aucun doute sur ce point, que la surveillance
de i'education populaire est un des devoirs les plus essentiels
du minislere ecelesiastique, et demontre que le progres de
I'ecole depend de cette union raeme. Les Surintendants et les
pasteurs ne doivent pas se borner a inspecter I'enseignemenl
religieux des ecoles ^ ils ont aussi a veiller a ce que le reste de
I'enseiguement ne devienne pas, comme il est arrive souvent
dans les dernieres annees, un moyen de repandre des doc-
trines anti-religieuses, raais I'occasion, au contraire, de deve-
lopper la foi chretienne et les moeurs chretiennes. II est
t. Dans un autre reglenient, celui de 1765, particulierement applicable
a la Silesie , les arcbipretres sonl designes pour exercer I'inspection.
Voyez, pour les devoirs qui leur sont imposes, les §§ 52, 53, 54, etc. :
« Der visitirende Erzpriester hat zwar alias das bei seiner Visitation zu
beobachten... er muss di Ursache erforschen, warum Kinder zuriick
geblieben , ob der Pfarrer sie dahin zu bringen sich geliurige Mlihe ge-
geben habe... er muss deni Unterricht des Schulmeisters beiwohnen, um
zu sehen, ob dieser nach der vorgeschriebenen Art lehre... etc. »
2. Le reglement de 1801, en modifiant le precedent a certains egards,
consacrait les memes principes Du reste, tout en deleguant a I'eveque de
Breslau le droit denomination (art. 51), il permettait de ne pas reunir sur
la tete de la meme personne les deux fonctions d'arcliipretre et d'inspec-
tour, ce dernier devant toujours 6tre un pedagogue experimente : • in der
V'udagogik erfahrener Mann sein muss... »
88 SECiOINDE PARTIE.
dii role des pasteurs, non-seulement de visiter soiivent les
ecoles de leur commune, mais encore de s'occuper avec une
attention speciale des maitres negligents et peu capables, de
les assister de leurs avertissements, de leurs repriraandes, de
leurs conseils, el meme de ue pas lenr epargner les enseigne-
ments pedagogiques. La est le meilleur moyen, pour eux, de
se concilier I'eslime et la conflance des instituleurs.
« Nous recommandons d'autant plus vivement au consis-
toire royal, aux Surintendants et aux pasteurs, de prendre a
coBur la surveillance des ecoles populaires, que les evene-
ments des derniers temps out demontre I'extreme impor-
tance dece devoir. »
Tel est, au sujet de I'inspeclion, Tesprit general de la le-
gislation alleraande. Entrons maintenant dans les details de
I'application : il importeicide citer, comme plus haut, des
documents et des textes : je veux faire connaitre, en particu-
lier, le reglement en vigueur pour les inspecteurs catholiques
de la regence de Miinster.
1. — L'inspecteur n'a pas seulement mission dc surveiller
les ecoles elementaires de son district, mais aussi dediriger
I'enseignement des maitres.
2. — Principalement charge des interels interieurs de
I'ecole, il exerce au double titre de commissaire de la regence
royale et de delegue de Tautorite episcopate la surveillance
qui appartient a I'l^^tat et a I'figlise sur les Ecoles. A ce double
point de vue, il inspire I'enseignement de I'iustituteur.
3. — II appartient a l'inspecteur de veiller a ce que le re-
gime de I'ecole soit dirige conformement aux reglements.
4. — L'inspecteur ne doit pas se borner a signaler les lacunes
de I'enseignement 5 il doit s'entendre pour I'amelioration du
systeme scolaire avec les comites, et s'y appliquer aclivement
de concert avec le pasleur de la commune.
ROLE DE l'eTAT. 89
5. — L'araelioration du systeme scolaire dependant prin-
cipalement du degre de culture des mailres, tons les efforts
de I'inspecteur tendent a developper les connaissances et
surtout I'habilete pralique de ces derniers. II doit, dans ce
but, leur indiquer les lectures utiles, et lenir des conferences
a des epoques regulieres, tous les mois, s'il est possible. —
Afin que les ecclesiastiques zeles puissent facilement prendre
part a ces conferences, i'inspecteur convoque le pasteur de
la commune ou est tenue la conference. II est loisible a tous
les pasteurs du district d'y assister.
6. — Pour que la pratique de I'enseignement puisse s'ame-
liorerdirectement, et que les conseilsdel'esperience proGtent
aux instiluteurs faibles, les conferences peuvent etre tenues
tour a tour dans les dilf^rentes ecoles du district.
7. — L'inspecteur doit visiter au moins deux fois par an
chaque ecole de son district, et plus sou vent, s'il est neces-
saire.
8. — L'inspecteur redige, tous les ans, dans les six semaines
qui suivent la fin de I'ete, un rapport special, en double expe-
dition, sur les Ecoles de son district, rapport adresse, d'un
cote parl'intermediaire du Landrath (sous-prefel) a la regence
royale, de I'autre par celui du doyen a I'autorite episco-
paie.
9. — Les instituteurs, nouvellement nommes, apres avoir
prete le serment professionnel et fait leur profession de foi ca-
Iholique, sont installes dans les fonctions provisoires et plus
tard leur emploi definitif, par l'inspecteur de ecoles.
10. — L'inspecteur, bien qu'il lui soit prescrit de veiller
avec une severite consciencieuse a ce que les instituteurs
reraplissent ponctuellement leurs devoirs, doit pourtant se
montreren loute circonstance leur ami et leur conseiller, el
s'cfforcer d'entretonir de bons rapports entre les maitres el
les pasteurs, les communes el les comiles d'ecole.
90 SECONDE I'ARTIE.
H. — 11 est recoraraande aux inspecteurs du nierae decanat
de se reiinir de temps a autre pour conferer sur les interels
des ecoles, de niettre eii coranuin leui* experience. »
Les inspecteurs des cercles ruraux sont designes sous le
nom de Schulpjleger. Citons I'instruction suivante qui les
concerne :
« 1 . — Sont places sous la surveillance du Schxd-pfieger tant
les ecoles publiques qu'en general tous les elablissements d'en-
seignement de sa circonscription.
II lui appartient d'etendre son attention a tout ce qui inte-
resse I'instruction dans le ressort.
2. — II veille a ce qu'aucun etablissement ne soit ouvert
sans autorisation de I'autorite superieure, et sansque le maitre
ait subi les epreuves exigees.
3. — En tant qu'autorite immediatement preposee aux eta-
blissements d'instruction publique de sa circonscription, il
est I'intermediaire entre ceux-ciet la commission d'ccoles et
les autorites locales.
4. — II est consequemment en relations etroites avec les
maitres individuellement, et avec les comites, lesquels lui
adressent leurs rapports, et leurs propositions, sauf les cas
extraordinaires oil il leur est loisible d'entrer en communi-
cation directe avec le conseiller des ecoles {Schul-Rath) *.
5. — II est aussi en rapports habituels avec le Schul-Raih.
6. — Le Sclmlpfleger visite les ecoles aussi sou vent que ses
autres functions le lui permettent. II soumet a un examen
preparatoire lescandidats qui doivent subirles epreuves de-
vant le coraite, et ajourne ceux qui ne presentent pas les
connaissances suffisantes. Le comite n'admetaces epreuves
aucun candidal qui ne produise un certificat d'examen
preliminaire signe du Schulpfleger. — Ce dernier examine
1. Le conseiller charge des affaires d'enseignement dans chaque rdgence.
ROLE DE LETAT. 91
egalement, au prealable, les aspirants qui desirent entrer au
seminaire. »
Meme legislation dans le royaume de Saxe :
« Le Surintendant ou ephorus exerce la surveillance, comme
inspecteur de district, sur toutes les ecoles d'une epJwrie. Dans
les ephories etendues, il est loisible au Surintendant de s'as-
socier, avec I'autorisation de I'autorite superieure, pour
r inspection frequente des ecoles, les ecclesiastiques qu'il croit
dignes de cette mission (art. 169 de Tordonnance de 1855). »
L'instruction adressee par les autorites scolaires aux in-
specteurs superieurs, dans le duche de Hesse-Cassel , mtrite
d'etre traduite :
« Atin qu'une inspection superieure soil exercee sur les
ecoles, et que I'activite des pasleurs, a qui est confiee la
surveillance locale, soit tenue en haleine; afin qu'une auto-
rite soil etablie qui puisse imprimer la direction necessaire,
prodiguer les conseils, et veiller a I'observation des re-
glemenls pour I'amelioration du systeme scolaire, des eccle-
siastiques d'un rang eleve sont designes comme inspecteurs
superieurs {Ober-Schul-Inspectoren) . Regie generale : Tout me-
tropolitain * est inspecteur superieur de son district.
1. Le Metropolitan r^pond, en Hesse, au Superintendent de Prusse.
Un metropolitain n'a pas sous sa surveillance plus de 25 ecoles ; ce
nombre m6me est tres rarement atteinc. Voici, par exemple, dans la
Hesse, comment sont reparties les ecoles entre les Ober-Schul-Inspectoren :
Metropolitanie ou surintendance d'Hochstadt : 8 ecoles en 8 communes.
— de Bockenheim : 8 ecoles en 6 communes. — de Bode : 1 1 ecoles en
8 communes. — de Bieber : I.*) ecoles en 5 communes. — de Schliichtern:
18 ecoles en 7 communes. — de Mottgcrs : 16 ecoles en 6 communes.
— de Birsteln : 21 ecoles en 8 communes. — de Meerholz : 11 ecoles en
92 SECONDE PARTIE.
1 . — « Sons rautorite des inspecteurs siiperieurs sont places
les pasteiirs, comrae inspecteurs speciaiix des ecoles de leurs
paroisses respectives; les instituteursdesdites ecoles, ainsi que
les societes pour les conferences d'instiUilenrs {Schullehrer-
Conjerenz-Gesellschafien) de leur circouscripLion.
2. — « lis doivent particnlierement veiller a ce que les
pasteurs executent consciencieuseraent les instructions qui
leur sont donnees; assisteraux conferences annuelles ou se-
meslrielles d'instituteurs; et travailler a leselablirla ou elles
n'existent pas.
3. — a Les inspecteurs superieurs visitent chaque ecolede
leur circonscription an moins une fois par mois, et se forment
une idee nette de la situation de chacune d'eiles. Apres les
visites, ils communiquent leurs observations et donnent leurs
conseils, ou de vive voix ou par ecrit, et aux pasteurs et aux
maitres. En cas de necessite, ils s'adressent au conseil du
cercle [Kreisrath).
A. — « A la fin de chaque annee, ou, au plus tard, dans le
mois de fevrier, ils adressent un rapport sur la situation
de chacune des ecoles de leur circonscription , en indiquant
le jour oil I'inspection a eu lieu. Pour les ecoles dont ils sont
enx-memes inspecteurs, en tant que pasteurs, ils joignent a
leur rapport general les notes concernant chacune de ces
ecoles.
5. — « Les conseillers de cercle [Kreisr'dthe) sont associes a
la haute surveillance confiee aux inspecteurs superieurs. La
cooperation de ces deux autorites est dirigee de telle sorte que,
tons les interets interieurs et la direction morale de I'ecole
etant remis aux mains des inspecteurs superieurs, ce qui est
3 communes. — de WUchtersbach : 14 ecoles en 5 communes. — de
Hanau : 11 ecoles en 5 communes. — de Grossenluder : 15 ecoles en
4 communes.
ROLE DE l'eTAT. 95
de Texlerieiir soit reserve aux conseillersde eerele, sans toii-
tefois qu'il y ait separation entre ces deux ordres d'interets.
— Les rapports annuels adresses par les inspeeteurs superieurs
a la regence sont prealablement communiques au conseil de
cercle, qui y joint le temoignage de son assentiment ou ses re-
marques. »
On le voit, le corps ecclesiastique est, dans les differentes
contrees de I'Allemagne, Tinstrument commun de I'Etat etde
I'Eglise pour I'inspection des ecoles.
Les inspeeteurs sont nommes par les consistoires provin-
ciaux et conlirmes par le ministre de I'instruction puhli-
que. Dans les provinces catholiques de Prusse, notararaent.
dans la Westphalie , et plus specialement encore dans la
Silesie, le choix des consistoires provinciaux ne revolt pas la
ratification du ministre, avant que celui-ci n'ait pris I'avis
de I'eveque. L'usagememe, sinon la legislation, atlribue a
I'eveque une sorte de droit de veto.
Ce n'est pas seulement comme charges du controle et de la
direction de I'enseignement au sein de Tecole , que les mera-
bres du clerge sont appeles a jouer un role actif dans le
systeme general de i'instruction primaire, au dela du Rhin ;
ils sont investis d'une influence plus decisive encore peut-
etre, comme pr^idents des Conferences pedagogiques qui,
dans tons les pays d'Alleraagne, ont lieu entre les instituteurs
de cbaque paroisse et de chacun des districts d'ecole.
Incontestablement, le principe et le but de ces Conferences
sont excellents. Non-seulement, au point de vue pureraent sco-
laire, elles tiennent le maitre en haleine, le forcent a com-
parer, consequemment a ameliorer, et lui permettent de se
tenir au courant des methodes et des reglements ; mais encore
et surtout, elles contribuent a maintenirdans le corps des in-
stituteurs, sous I'inspiratian d'une autorite lonjours presenle,
94 SECOrSDE P ARTIE.
le sentiment de sa mission, I'unlte de direction morale, et aussi
cet esprit de conduite qui est son honneur et constitue sa
meilleure sauvegarde..
Que la direction de ces conferences soil confiee aux inspec-
teurs, c'est-a-dire a des mcmbres du corps ecclesiastique, et
la puissance de I'idee religieuse dont ces derniers sont les re-
presentants, s'augmentera de tout I'ascendant que donne une
supreraatie officiellement et legalement prociaraee.
Tels sont, en effet, le but et le resultat des conferences d'in-
stituteurs qui, partout, au dela du Rliin, existent sous une
double forme : conferences joarozssm/es se reunissant cbaque
mois, conferences de cercle ayant lieu de quatre a six fois
par an.
En plusieurs pays, notammenten Saxe, et ausein des pro-
vinces centrales de Prusse, ces conferences, dans les an-
nees qui ont precede les bouleversements politiques, avaient
perdu leur caractere pedagogique, et degenere de leur ori-
gine, pour se transformer en assembleies deliberantes au
petit-pied, en conciliabules ou se preparait cetle machine de
guerre qu'on a appelee V Emancipation de I'ecole. Mais on a
eu le bon sens, au dela du Rbin , de ne pas confondre I'abus
avec le principe : ici, comme partout, le remede etait a cote
du mal ; des mesures energiques ont ramene les conferences
a I'esprit du regleraent general de 1763, en les replagant sous
la main de I'autorile ecclesiastique et scolaire. Voici , par
exemple, I'instruction qu'a promulguee la regence de
Potsdam , a la date du 8 juin 1855 :
« Les conferences mensuelles paroissiales, sous la presi-
dence du pasteur, ont pour but special de trailer de tout ce
qui se rapporte a chacune des ecoles, a la methode , aux be-
soins particuliers de ces ecoles, ou de tout ce qui a trait a
chacun des maitres; les conferences de cercZe sont deslinees
ROLE DE l'eTAT. 95
a donner zele et courage aux instituteurs en tout ce qui touche
a leur vocation , a las mettre en etat d'accoraplir avec des
fruits abondants leur sainte mission , a les eclairer sur Ics
points au snjet desquels ils avaient eux-memes provoque la
discussion, a les tenir au courantdes decouvertes qui peuvent
les interesser, et des publications ayant pour objet la pedagogic
et les methodes d'enseignement.
« En ce qui concerne les conferences paroissiales, il est en-
tendu ;
1° Que, conformeraent au reglement general de 1765
(art. 25), dies doivent se reunir tons les mois; et que chaque
maitre est strictement tenu de prendre part a celles de sa pa-
roisse. Eiles sont presidees, dans les petites communes, par le
pasteur, et, dans les villes, par les ecclesiastiques auxquels est
confiee la surveillance des ecoles et des maitres;
2° Qu'il est traite, dans ces conferences, de la situation et
desbesoins, des lacunes ou des progres de chaque ecole en
particulier, des avis et des reglements emanes soit des surin-
tendants, soit de la regence, soit du Provincial-Schul-CoUe-
gium;
5° Qu'il est rendu compte de la situation de chaque ecole ,
au point de vue de chacune des matieres de renseigneraent ,
notamment au point de vue de I'instruction religieuse ;
4° Qu'il est adresse par I'ecclesiastique president au Surin-
tendant-inspecteur du cercle, un rapport portant sur les tra-
vaux, I'ej-prit, les resultats de la conference;
5° Que le Surintendant, au cas oii, en depit de ses efforts et
de ses avis, la conference de telle ou de telle paroisse ne serait
pas tenue dans des conditions voulues d'ordre et de tranquil-
lite, nous adresserait sesplaintes.
« Pour assurer les resultats des conferences de cercle (Kreis-
96 SECOISDE PARTIE.
Schul-Confereiizeo), nous decidons que ces conferences ne se-
ront pas tenues obligatoirenaent plus de qiiatre fois par an ;
nous verrons cependant avec plaisir qu'elles soient volontai-
rement convoquees six lois.
« Les instituteurs de la ville ou de la carapagne seront obli-
ges officiellement {amtUch) de se rendre aux quatre conle-
rences ci-indiquees, a Texception des maitres Ages qui, dans
la mauvaise saison , pourront etre dispenses par les Surin-
tendauts.
« Plusieurs societes de conference [Confermz-Gesellsehaften)
peuventetre organisees dans les suiintendances dontl'eten-
due est considerable. Cbacune des conferences doit cependant
compter au moins douze membres. — II est recomraande
aux ecclesiastiques, alors meme qu'ils ne sont point cbarges
de la direction de la conference, de ne pas manquer d'y as-
sister.
a Chaque conference doit etre ouverteet fermee parte chant
d'un morceau en rapport avec les circonstances, et par une
courle priere. Elle dure, au moins, de neuf heures a midi, et
de deux heures a quatre heures.
« Le protocole de chaque conference (lieu oi'i elle se tient,
nom du president, noras des membres, jours de reunion,
sujets a trailer) est presente, chaque annee, au commence-
ment du mois de decembre, par chacun des presidents au sur-
intendant, et soumis a son examen et a son approbation.
« II est redige un rapport sur les sujets interessants qui ont
ele trailes dans la conference, notarament sur les questions
fondamentales de I'enseignement primaire : le but de l' edu-
cation, la soumission aux lois, les moyens de conduire a la
piete, etc.
« Les exercices rausicaux doivent tenir une place tres im-
porlante dans ies conferences des maitres. Une heure, au
moins, doit y etre consacree, a chacune des seances.
UOLt: DE L ETAT. 97
« On doit clioisir les cbants, choeurs , motets, proprcs a
eveiller le sentiment patriotique et religieux, et de nature a
etre faeilemenlsaisissables.
« Par-dessus tout, et pour atteindre le but principal que se
proposent les conferences , chacune d'elies doit se tenir sous
i'inspiration de I'Esprit divin ; chaque membre doit se pene-
trer de sa force sanctifiante , afin que toute oeuvre paraisse
faite pourlagloirede Dieu etl'etablissement du regno de notre
Seigneur et Maitre, pour le salut de la generation qui s'eleve,
ainsi que pour la prosperite du peuple entier et de notre bien-
aimee patrie.
« Chaque paroisse delivrera ua exemplaire de la presente
circulaire, a I'effet d'en porter les dispositions a la conuais-
sance des pasteurs et des instituteurs. »
Certes, dirigee dans un tel esprit, I'institution des confe-
rences ne peut porter que des fruits excellents.
Voici un specimen des questions qui y sont traitees :
Quels sont les moyens propres a inspirer a I'enfant des
croyances profondes, une moralite solide, unies a une poli-
tesse simple et sans affectation?
Quels rapports i'instituteur doit-il entretenir avec les auto-
rites locales?
Comment peut-il profiter, dans I'interet des enfants, deses
relations avec les families?
Quels moyens doit-il mettre en oeuvre pour obtenir I'assi-
duiteil'ecole?
Quels principes generaux doivent diriger le maitre dans la
distribution despunitions et des recompenses? et quels sont
les meilleurs moyens, pour lui, d'etablir son autorite?
A quels signes peut-on reconnaitre une bonne metbode
d'enseignement, etc., etc.
D'ordinaire, chaque question, indiquee plusieurs mois
7
98 SECOISDE I'ARTIE.
d'avai]ce,est traitee, en ecrit, par iininstiluteur specialement
designe; le travail de ce dernier deviant le texte de la dis-
cussion , et I'objet de la critique du president de la confe-
rence. II n'est pas rare de voir celui-ci encourager, par des
prix, le travail des membres de la societe scolaire qu'il di-
rige : dans tel et tel cercle, le SchuUnspector a etabli une re-
compense annuelle, de la valeur de 50 ou 40 francs, en
faveur de celui des membres de la conference qui traiterait
avec le plus de succes une question, soit dept^dagogie pure,
soil de discipline scolaire, soit d'interet administratif. On
comprend quel ascendant ne peut manquer d'assurer au di-
gnitaire ecclesiastique dont je parte une intervention si assi-
due et si intelligente dans la direction generate, comme dans
les details de I'enseignement.
Si, dans tous les cercles scolaires de Prusse et des autres
pays d'AUemagne, on nevoit pas, a la faveur de I'instilution
des conferences, se produire I'inlime alliance de I'instituleur
et du pretre; si partout Ton n'obtient pas de resultats analo-
gues a ceux que Ton constate dans certaines paroisses an-
glaises *, assureraent 11 ne faut pas s'en prendre a Taction
des pouvoirs publics.
Dans tous les documents cites plus haut, on a du le remar-
quer, 11 est fait constamraent appel aux aptitudes techniques
des Inspecteurs. Pour que le clerge soit charge de la mission
de surveilier et de diriger I'instruction primaire, il est done
indispensable que I'Etat puisse lui demander un nombre no-
table d'hommes capables de faire preuve, dans I'ecole, de
connaissances speciales et d'experiences pedagogiques. En cas
contraire, la consideration qui doit entourer le representant
de I'autorite religieuse, loin de s'affermir par la lutte, suc-
1. V. noire ouvrage de I'instruction primaire a Londres, etc., p. 115.
HOLE DE L ETAT. 99
comberaitdans I'epreuve; et, disons-le, c'estiin des avantages
que presente le systerae en vigneiir dans les diflerents Elats
deTAllemagne, de forcer le clerge inlerieiir, an nona d'inle-
rets de premier ordre, a relever ses vertus par la science, et a
conserver sur I'instituteur, par des etudes serieuses, la supre-
matie intellectuelle et morale qui lui appartiont. Ce point est
de la plus haute importance ; il touche an probleme de la rege-
neration des masses par I'ascendant de I'autoritc religieuse.
Void dans les pays septentrionaux de TAUeraagne, etno-
tamment en Prusse, comment est resolue la difficiilte.
II est ordonne aux candidats de theologie de suivre, en
meme temps que les aulres cours, un cours special de peda-
gogic; de plus, en ce qui concerne les candidats protestants,
il leur est prescrit, avant de subir i'examen ecclesiastique
proministerio, desejourner, six semaines durant, dans une
ecole norraale, afin d'y acquerir les connaissances pratiques
necessaires pour raccoraplissement de la mission qui pourra
leur etre conflee plus tard. Impose par I'admiuistration, sanc-
tionne par les moeurs, un tel usage iemoigne d\m sentiment
profond, de la part de I'Etat et de la part du clerge, des grands
interets engages dans la question de Teducalion populaire. II
est digne, a cetegard, d'uneserieuse attention. On nelira pas
sans profit la circulaire ministerielle qui le consacre :
Circulaire du ZO Janvier 1842.
«Lereglement pour les examens des candidats aux fone-
tions de pasleur exige des connaissances speciales scientifiques
et theologiques si etendues que, pendant le temps de leur se-
jour a rUniversite, il ne reste aucun loisir aux etudiants pour
se preparer suffisamment aux devoirs pratiques de leur charge
future. En raison du manque d'instituts ad hoc, on a du aban-
donner les candidats a leur propre initiative, et se borner a
leur procurer les facilites convenables.
^00 SLCO>.DE I'ARTIE.
« Mais resperience a demontre que, de cette maniere, le
but ne peut etre aussi coinpletement alteint que la dignite des
I'oDctions pastorales etrinleret de I'Eglise evangelique le de-
mandent. Cette reraarques'applique surtouta I'aptitude d'en-
seigner, depuis que, dans toutes les provinces de la monarchie,
ont ete eleves les seminaires pour le perfectionnement des
maitres des ecoles primaires. Les futursinstituteurs resolvent
dans ces etablissements une instruction qui, aussitot apres
que les principes theoriques les plus necessaires ont ete poses,
est dirigee immedialement vers la pratique, et les conduit a
toute la surete d'applioation desirable.
« Au contraire, les candidats aux fonctions pastorales man-
quent d'une seuiblable preparation et d'un tel exercice. La
consequence de ce fait est que, au point de vue dela facilite de
I'exposition methodique, et dans la pratique, ils restent sou-
vent tres au-dessous des instituteurs.
« II n'a pas echappe au consistoire royal combien une telle
inferiorite est prejudiciable aux rapports qui doivent exister
enlre les ecclesiastiques et les maitres, combien ce prejudice
rejaillit de I'eglise sur I'ecole.
« Dans le but de remedier a ce mal, depuis nombre d'an-
nees deja, des avis ont ete formules et des rapports adresses
par tons les consistoires et les Provincial-Schul-Collegien. On
a compris que, d'un cote, la dignite de I'Eglise evangelique
n'admet pas un araoindrissement de la culture theorique et
scientifique jusqu'a ce jour exigee pour son service, et qu'en
meme temps, une instruction pratique complete est souve-
rainement desirable dans I'interet de cette meme eglise. On
pense generaleraent qn'on ne trouverait de remede radical que
dans I'etablisseraent de Prec^z^grer-Semj'wanm * dont la destig
1. Un seul institut de ce genre existe en Prusse, a Wiltemberg. U est
peu important.
ROLl- Di: l/i':TAT. /I 01
nation princlpalc serait la preparation pratique des ecclesias-
tiques debutants {angehenden Geistlichen) ; raais la creation et
I'entrelien d'un nombre sufflsant desemblables institnts sup-
posent de telles depensesque I'organisation n'en pent etre en-
visagee que dans un avenir eloigne.
aPiusieurs consistoires, preoceupes du besoin le plus pres-
santet le plusimmediat, frappesen meme temps des difficultes
financieres dela creation des Prediger-Seminarien^ proposent
d'utiliser les ecoles normales actuelles pour initier les candi-
datsde theologie a toutceqniconcernela pratique du systeme
scolaire.
«Dansce but, lecertificatd'aplitude delivre par les consis-
toires royaux en vertudu reglementdu 24octobre 1824, devra
etre confered'apres les conditions suivantes ; \o aptitude suf-
fisante a donner et diriger I'instruction religieuse; simpli-
cite dans I'exposition didaclique de Thistoire de la Bible,
dans I'enseigncment du catecbisme et du chant. 2*^ Comme
les candidals, a leur entree dans les fonctions de pasteurs,
ont le devoir d'inspecter les Ecoles priniaires de leurs pa-
roisses, particuliereraent de surveiller la discipline et les
methodes, lis ont besoin , en outre des objets qui ont
trait a I'instruction religieuse , d'une connaissance reelle
de I'enseignement primaire, a savoir des methodes de lec-
ture, d'arithmetique, de langue allemande et de chant:
3°l'examen pro licencid concionandi a surtoutpour but de veri-
fier I'instruction scientifique des candidats. II sera signifie a
ceux quiauront passe cet examen, en leur faisant connaitre
les matieres du second, que le certificat de Wahlfdhigkeit\ev\v
sera refuse s'ils ne satisfont pas aux conditions precedemment
enoncees. — 4° L'examen pro mmsfeno a surtout pour but
I'instruction pratique. — 5*^ Quand il est constate que le candi-
dat est en possession de toutes les connaissances designees
sous les nuraerosl et 2, il ne s'agitplus, pour lui, ((uo de pou-
^02 SECONDE P ARTIE.
voir acquerir I'aptitude didactique populaire. C'est alors qu'a
lieu lesejourdesixahuitsemaines dans iin SchuUehrer-Semi-
nar. — 6° II est done regie que tout candidat aux fonctions de
pasteur, apres ses etudes universitaires, et avant son second
esamen, doit passer de six a iiuit semaines dans une ecole
normale de la province a laquelle il apparlient, ou, en des
casexceptionnels, dans une autre ecole normaledu pays, pour
prendre part aux exerciees eta I'enseignement des 5ewz/namfe5.
II doit ensuite presenter au consistoiredont il releve un cer-
tificat sans lequel I'acces au second examen lui est fernie. —
On espere que les directeurs des seminaires , en vue du but si
important et si essentiel qu'on se propose d'atteindre, met-
tronta la disposition des candidats tous les conseils et tous
les secours possibles. Lecertificat attestera simplement la par-
ticipation reguliere aux exercices. Ledirecteurestlibred'ajou-
ter son jugement sur les resultats obtenus, si, par suite de
rapports partieuliers avec le candidat, il a eu occasion de s'en
former une idee exacte.
« Quant a la question de savoir combien de candidats a la
fois peuvent frequenter uu seminaire , j'hesite a poser une
regie precise. Le nombre ne doit pas en etre trop conside-
rable, peut-etre de 4 a 5. Ce point doit etre I'objet d'une in-
struction aux direcleurs, concertee entre le Provincial-Schid-
CoUegium et le consistoire.
«En ce qui concerne la discipline, le candidal, pendant son
sejour au seminaire, est place sous la surveillance du surin-
tendant du diocese ou est situe le seminaire. Un certificat du
surintendant, portant sur le zele du candidat pendant le
temps d'etude, doit elre presente au consistoire.
« Je laisse aux consistoires et aux Provincial-Schul-Collegien
le soin de prendre les raesures qu'ils jugeront necessaires
dans I'applicalion, parliculierement en ce qui toucbe les di-
recteurs de seminaire et les surintendants.
ROLE DE l'eTAT. 405
« Dans les rapports anmiels, un chapitre particulier sera
consacre a I'organisatioD de ce nouveau systeme. On me si-
gnalera les directeurs et les professeurs qui se consacreront
au succes de ce plan avec le plus de devouement.
« Le ministre de I'instructiou publique,
« ElCCHORN. »
Vis-a-vis du clerge calholique,le Gouvernementne pouvait
employer I'injonction ; mais il a procede par voie de conseil,
et la eirculaire qui suit a 6te adressee aux eveqnes a la date du
7juilletl842.
a J'ai vu avee plaisir, par les rapports annuels des r^gences,
que, dans presque toutes les cireonscriptions, les inspecteurs
callioliques et, en particulier, les jeunes ecclesiastiques se
consacrent avec zele aux interets scolaires, de maniere a s'as-
surer une influence de plus en plus s^rieuse sur les maitres
et sur I'enseignement. Cetle partie du ministere eeclesias-
tique est exercee avec d'autant plus de profit que les mem-
brcs du clerge ont une connaissance plus s^rieuse du systeme
scolaire, de son organisation intime, de ses applications, et,
surtout, qu'ils sont plus familiers avec les methodes ensei-
gnees dans les seminaires (ecoles normales). J'exprime done
le voeu que des facilites soient donnees aux jeunes aspirants
au sacerdoce, pour qu'il leur devienne possible d'etudier la
pedagogic; et, dans I'interet de I'eglise comme dans celui
de I'ecole, je souhaite qu'ils puissent conqucrir, en qualile
d'inspecteurs et de pasteurs, la suprematie morale qui leur
est due. Qiielques Etudes speciales sont necessaires dans ce
but. Lorsque, dans le voisiuage du seminaire ecclesiastique
exisle un seminaire d'instituleurs, les jeunes pretres pour-
raient, sans difficulte, trouver, dans ce dernier, les connais-
sances techniques; s'il n'ya pas d'ecole normale a proximite,
104 SECODE PARTIE.
I'ecole de quelque instiliileur distingue fonrnira facilement les
moyens d'acquerir une experience siiffisante de la methode
et de la didactique. On profiterait aussi naturellement de la
presence d'lin inspecteur actif et Labile. Ainsi, dilferents
moyens peuvent conduire au but desire. »
La pensee elevee du gouvernement a ete comprise. Le
clerge catholique a senti qu'il s'agissait pour lui d'une ques-
tion de haute influence. Ce que le clerge protestant faisait
sous la pression de I'autorite, il la fait par le sentiment
d'un grand interet moral : dans les provinces catholiques
de Prusse et dans le diocese de Fulda, en Hesse, les jeunes
ecclesiastiques, que des aptitudes speciales et une vocation
determinee semblent designer par avance aux fonctions de
Kreisschulinspectoren, vont suivre, pendant six semaines ou
deux mois, les cours d'une ecole normale d'instituteurs.
Je tiens de Mgr I'eveque de Miinster et de Mgr I'archeveque
de Cologne que le sejour des membres du clerge dans les
SchuUehrer'Seminarien produit, a tous egards, d'excellents
resultats : les grands etablissements de Briihl et de Kempen
donnent a la fois aux provinces rhenanes et des inslituteurs
penetres de la pensee religieuse, et des ecclesiastiques en etat
d'imprimer a I'instruction du peuple une direction eclairee
et pratique.
L'Etat ne s'est pas seulement montre gardien jaloux des
v^rites traditionnelles par le choix des agents qu'il chargeait
de presider a la direction de I'enseignement populaire; il a
veille a ce que ces verites demeurassent la loi de la societe; il
n'a pas souffert que les jeunes generations pussent etre sous-
trailes a Taction des autorites qui en sont les interpretes. On
aura acheve de se rendre compte du role que I'Etat assume
HOLE DE l'kiat. 405
ilans les differents pays d'AUemagne, qnand on Taura vu eln-
blii* et maintenir, d'accord avec le pouvoir ecclesiastiquo,
r obligation legale de I'enseignement.
Section III. — De I'Obligation de rEnseignemenl .
Nulle part, les efforts de I'Etat pour satisfaire a sa mission
de pouvoir moderateur, ne se revelent avec plus d'eclat que
dans la parliedes diverses legislations de TAllemagne relative
a I'ohligation de I'enseignement.
Sil'on considere I'interet de premier ordre qui se cache ici
sous une question scolaire; si Ton examine le problerae de
Tobiigation de I'enseignement a son veritable point de vue, on
verra qu'il se resume en ceci : garantir les moyens de per-
peluer la tradition morale de la soeiete, de transmettre a la
generation nouvelle cet ensemble de croyances, d'idees, de
sentiments qui ont ete la vie des generations pr^cedentes.
Et, en effet, ce n'est pas Tinteret intellectuel, c'est Tinteret
moral qui domine avant tout le probleme; il ne s'agit pas de
decider simplement si de jeunes enfants devront, de par la
loi, savoir lire et ecrire : des peuples ont vecu sans cette
science ! La question est plus haute. " II s'agit, comme le disait
recemment une circulaire rainisterielle, de faire de I'ecole
I'instrument par lequel la loi morale reprendra son empire,
et d'assurer, par elle, dans les populations, le maintien des
principes conservateurs de toute soeiete* ! »
Liberte pour le pere de famille de donner I'education a son
ills corame il veut, ou il veut : que le pere lui-meme dispense
I'instruction dans la famille \ qu'il confle son fils a I'ecole pu-
blique, a I'ecole congreganiste ou a I'ecole laique ; qu'il choi-
sissel'ecoleprivee; il n'est passeulementlibre, maissouverain
1. Circulaire aux prefets dn 31 octobre 1854.
] 00 SECONDE PARTIE.
dans I'accomplissement d'une mission qu'il tient non de la
loi, mais de Dieu; dans raccomplissement de cette mission,
11 ne reconnait, et I'Etat lui-meme ne liii reconnait qii'un jiige,
sa conscience.
Mais que le pere deserte son role naturel, qu'il dedaigne
la pratique de ses premiers devoirs, la societe n'a-t-elle pas
I'obligation d'intervenir, parses representants, poursauvegar-
der, dans Tame del'enfant, les conditions de la vie morale? La
societe n'agit-elle pas alors au nom d'un double droit? au
nom du droit du faible qu'elle prend sous sa tutelle? au nom
de son propre droit, car il s'agit d'un de ses membres? Ou
est I'usurpation? ou I'abus de force? Et cette intervention
de la puissance publique n'est-elle pas le plus eclatant hom-
mage qui puisse etre rendu, dans ime societe chretienne, a
la dignite de I'ame humaine?
Tel est le point de vueauquellelegislateur.au dela du Rhiu,
envisage le probleme de I'obligation de I'enseignement. Et, a ces
questions, voici, dans son expressioji la plus concise a la fois
et la plus generate, la reponse des legislations de I'instruction
publique dans les differentes parties de I'Allemagne, sous le
triple rapport de la Famille, de I'Eglise et de I'Elat*.
Protege par la loi dans ses biens, I'enfant doit I'etre aussi
dans sa vie morale; la societe, ou simpleraent la commune,
ne pent reconnaitre a un pere ou a un raaitre droit de vie ou
de mort sur I'intelligence de I'enfant qui est un de leurs mem-
bres : premier principe.
En tant qu'appele a Taccomplissement d'une destinee reli-
gieuse, I'enfant releve de I'autorite qui a mission de la lui re-
veler. VEgJise a sur lui un droit superieur d'enseignement,
et, pour etre en mesure d'exercer ce droit, I'Eglise, par una
1. V. notre Memoire sur I'enseignement obligatoire, memoire qui n'6-
tait, en partie, qu'un fragment detache du present ouvrage.
ROLE DE L ETAT. 407
action concertee, trouve ini aiixiliaire dans I'Etat : second
principe.
II importe a la puissance publique que le d^veloppement
intellectuel des individus soit un effet, et devienne Ini meme
une cause du developpement moral. Toutprogreseconomiqiie
et materiel d'un peuple ne pent naitre d'ailleurs que du pro-
gres de son intelligence. An nom de I'interet de tons, VtAat
doit done imposer a chacun I'obligation d'nne instruction
suffisante : troisieme principe.
Dans ce peu de mots se formule, en s'y concentrant, I'esprit
des differentes legislations au dela du Rhin. Partout, en AUe-
magne, ces principes sontla loi des faits; a la tribune du par-
lement de Francfort, I'eminent eveque de Mayonce, Mgr de
Ketteler, n'hesilait pas a les proclamer*.
J'ai cite ailleurs les articles de loi qui, dans les divers
pays de I'Alleraagne, etablissent d'une maniere generale
I'obligation del'enseignement. Pourapprecier avec exactitude
et dans toute son etenduele role de I'Etat, il importe de des-
cendre plus profondement encore dans I'analyse de la legis-
lation. II faut la faire voir assurant, pari'application du prin-
cipe de I'obligation, non-seulementla tradition intellectueUe,
mais encore etsurtout la tradition religieuse, et, commo on
dit de I'autre cote du Rhin, I'education confessionnelle. Ce der-
nier point de vue est nouveau pour la France; il convient
de le metlre en luraiere : les habitudes feauQaises et les
moeurs allemandes, a cet egard, presenteront des contrastes
instructifs.
En Prusse, Vobligation, on le sail, est inscrite dans la loi
1. «... L'fitat a egalement son droit : il peut exiger de chaque citoyen
un degr6 determine d'instruction formelle, et obliger les parents d'assuror
a leurs enfants ce genre (rinstruction. » (l)iscours sitr les [)ropositions du
comite des ecoles.)
-108 SECOiNDE PARTIE.
fontlaraentale du pays. \J allgemeines Landrechl (1794) dispose :
'( Tout individii qui ne peut pas ou iie veut pns procurer
chez lui a ses enfants I'instruction necessaire {den nothigen
Unterricht) est tenu de les envoyer a I'^cole des leur sixieme
annee accomplie. (art. 45.)
« Nul enfant ne peut des lors etre prive de I'ecole ou s'en
absenter quelque temps, pour des circonstances fortuites.sans
le coijsentement de Tautorite ecclesiastique — (art. 44.)
« L'enseigneraent de I'ecole est obligatoire jusqu'a ce que
Tenfant, au jugementdu chef de la paroisse, possede I'instruc-
tion necessaire a tout homme de sou etat. »
C'est I'esprit de cette legislation qui a inspire les remar-
quables prescriptions formulees, en iSOl, par I'autorite spi-
rituelle de la province de Miinster :
« Tons les parents, sans exception, seront invites a se rap-
peler que le salut tempore! et eternel de leurs enfants depend
en grande partie de i'instruction qui leur est donnee, dans le
jeune age, sur Dieu, la religion, leur devoir, et de ces con-
naissances indispensables qui les mettent en etat d'etre utiles
a eux-memes, a leurs parents, au pays; que c'est, par conse-
quent, le devoir des parents de saisir avec empressement les
raoyens que leur off rent les ecoles publiques d'assurer a leurs
enfants une instruction et une education de nature a en faire
des merabres pieux de I'Eglise et des serviteurs utiles de
I'Elat.
« Les parents, conlinuait I'eveque de Miinster, ouceuxqui
tiennent leur place, seront serieusement avertis d'envoyer
leurs enfants a I'ecole sans distinction de sexe. L'age pour I'ae-
complissement de ce devoir est fixe de la sixieme a la quator-
ziemc annee accomplie. S'ilexiste des raisons graves, raisons
qui doivent etre soumises au jugement de Tinttituteur et du
cure, on peut ne pas envoyer I'enfant de si bonne heure a
ROLE DE L ETAT. 409
I't'colo, Oil ne pas I'y raaintenir si longtemps; le cure delivre
sans frais iin certificat.
« Les parents qui, non porteurs d'un tel certificat, ont ne-
glige de mettre ieiirs enfants a I'ecole, ou se bornent a les y
envoyer rarement, ne payeront pas moins la retribution sco-
laire (schulgeld) dans sa total ite. Les pauvres qui se rendent
coupables de cette faute, seront prives des secours de bien-
faisancc; s'ils y persistent, Tautorile eraploiera des moyens
plus energiques de contrainte.
« Les maitres qui se refuseraient a envoyer a I'ecole les
enfants entres a leur service, y seraient egaleraent contrainls
par des peines severes.
« Les pasteurs ont aussi a veiller a ce que les enfants qui,
nes dans une autre paroisse, entrent dans leur propre pa-
roisse au service d'un maitre, soient envoyes a I'ecole. Si un
pasteur croit devoir, pour des raisons legitimes, dispenser un
enfant de I'obligation de I'ecole, il est tenu de faire en sorte
que, soit par sespropres lemons, soit par quelque autre moyen,
instruction religieuselui soit donnee.
a Pour que le pasteur puisse veiller plus completenient a
I'execution de ces prescriptions, nul ne peut, sans lui en
donner avis, placer en service un enfant en I'age d'aller a I'e-
cole, hors de la circonscriplion de la paroisse. Le pasteur de
la paroisse que quitte I'enfant doit donner avis de I'arrivee de
ce dernier au pasteur de la paroisse ou reside le maitre ' . »
II serait difficile assurement de realiser d'une maniere plus
complete I'union de I'Eglise et de I'Etat dans une meme
pensee d'interet moral, et nous ne croyons pas que la trans-
mission des principes traditionnels puisse etre garanlie par
I'emploi de moyens plus effioaces.
1. Verordnung fur die deutschen und Trivial-Schulen des Hochstifls
Munsler, 1801.
-HO SECOISDE PARTIE.
L'examen detailledes dociimenls legislatifs proiive que tel
a ete conslamment, dans leroyaiime de Pnisse, Jo point de
vue auqiiel se sont places les pouvoirs publics. En 1828, un
ordre du cabinet ordonnait aux fonctionnaires superieurs des
provinces de veilier a ce qu'aucun enfant ne put elre sous-
trait a Tenseigneiuent religieux et scolaire^; la meme ann^e,
en execution de cet ordre, les r^gences de Goblenlz et de
Dusseklorf adressaient des instructions pressantes aux sur-
intendants, doyens, inspecteurs'^; et, en 1854, les autorites
scolaires, d'apres une circulaire ministcrielle, declaraient
« que I'enseignement religieux laitpartieiniegrantederensei-
gneracnt de I'ecole,... et que, dans le cas ou les simples aver-
tissements ne suffiraient pas pour amener les enfants aux le-
90ns du pasteur, les moyens de contrainle autorises par les
reglements devraient elre employes^. »
On comprend sans {leine comnaent, appuyes sur les raoeurs
non moins que sur le concours de la puissance civile, Tauto-
rite spirituelle, dans les provinces catholiques de Prusse, a pu
edicter des prescriptions de nature a garanlir son action di-
recte sur les generations qui s'elevent. II fautciter^ :
« Les enfants admis a la premiere communion doivent as-
1. Kahinefs Ordre vom 18 juin 1828 : "Damit soiche falle Vernach-
lassigung des Schul-und Religions-Unterricht nicht wieder vorkommen.»
2. Bekanntmachung des 3i octobre et 11 novembre 1828 : « Da es sicfi
zuweilen noch ereignet, dass Kinder ohne alien Schul-und Religions-
Unterricht aufwachsen, und dann, ohne eingesegnet und formlich in die
kirchliche Gemeinschaft aufgenommen zu sein , zu dem biigerlichen
Leben ubergehen... »
3. Circular-Verfiigung du 4 mars 183i : «Wo die Ermahnungen der
Pfarrer zur regelmassigen Beiwohnung des Religions - Unterrichts
fruchllos bleiben, demselben gesetzlichen Zwange unterliegen soll.»
4. Verordiing fur die deutschen und Trivial-Schulen, art. 12.
On lit dans un slatut synodal de 1739 : • Nul ne peut 6lre marie s'il
n'a prealublement subi un examen destine a constater une instruction
religieuse suffisante. »
HOLE DE LET AT. IN
sister encore pendant deux ans, on un an au moins, aux in-
structions religieuses donnees par le pasteur.
« Si un enfant ne peut subir d'une maniere satisfaisante
Texainen ordonne, le pasteur doit I'eloigner de la premiere
communion, jusqu'a ce qu'il ait acquis les conuaissances ne-
cessaires, soit a i'ecole, soit d'une autre fa^on, et qu'il en ait
fourni la preuve dans un nouvel examen.
« Le pasteur delivre un certificat aux enfants admis a la
premiere communion. Ce certificat est exhibe aux inspecleurs
ecclesiastiques ; les parents ou les maitres qui n'ont pas fait
donner aux enfants une instruction suffisante doivent etre
punis selon les reglements.
« Le pasteur ne peut dispenser aucun enfant du devoir de
se soumettre a I'exaraen ordonne apies la premiere commu-
nion ; mais il est laisse a la discretion des pasteurs de decider
quels enfants seront tenus de prendre part deux annees, et
quels devrontassister, une anneeseulement, aucours d'instruc-
tion religieuse; quels enfin, pour des raisons particulieres,
peuvent etre dispenses temporairement de suivre cecours.
« Les enfants qui, pendant ces deux annees, entrenten ser-
vice dans une autre paroisse, doivent y suivre I'inslruclion
religieuse et s'y soumettre a I'examen prescrit. Ces enfants
doivent etre traites par les pasteurs comme ceux-la memes
qui sont nes sur la paroisse. »
Nulle loi generate, en faitd'instruction publique, n'a jamais,
on le sait, elabli pour les differonles provinces de Prusse I'u-
nile d'administralion ; ce sont les reglements locaux qu'il est
necessaire d'interroger. Or, ces reglements, de quelqueau-
torite qu'ils emanent, deposcnt tous d'une preoccupalion
identique. Apres les statuls promulgues par le pouvoir ecde-
siaslique de la province de Munster, il faut lire le reglement
publie en 1852 par le president d'une province siluee a
^^2 SLCO>DE rAIlTIE.
I'autre extreraile du royaume, de la province de Silesie*.
i. — « Le temps de la frequentation de I'ecole est regie de
telle sorte, que les enfants des deux confessions, a partir de
I'age de cinq ans accomplis, soient places sous la conduite de
leurs pasteurset deleurs maitresd'ecolerespectifs, ety restent
jusqu'a I'age de quatorze ans. Les parents, tuteurs, maitres,
sont tenus, pendant ces annees, de les faire participer a I'in-
struclion religieuse et a toutes les matieres d'enseignement
prescriles pour les ecoles.
2. — « L' execution de ces prescriptions est confiee aux
autorites municipales et scolaires, et aux employes de police.
Ces derniers dressent la liste des enfants soumis a I'obligation
de I'ecole, et la communiquent aux fonctionnaires de I'ensei-
gnement.
5. — « C'est uniquement sous la direction du pasteur, et
d'apres le programme arrete parlui, que I'instituteur pent
donner la partie elementaire de I'instruction religieuse ; Ton
attend du zele des ecclesiastiques qu'ils consacreronl eux-
memes tout le temps dont ils pourront disposer a cet ensei-
gnement fondamental. Quand I'instituteur appartient a une
autre communion, le pasteur doit se charger lui-meme de
I'inslruclion religieuse; et, dans cette vue, reunir les enfants
un certain jour de la semaine dans I'ecole de la commune.
4. — « Quand les enfants sont arrives au moment de parti-
ciper a I'enseignementqui preparea la premiere communion,
lemaitre remet au pasteur, sur chacun d'eux, un certificat
mentionnant . lelieu de leurnaissance, leurs noms et prenoms,
leiir age, le nom et la profession de leurs parents, le degre ou
ils sont parvenus eivlecture, ecriture, chant, etc., une appre-
ciation de leur zele a frequenter I'ecole. Le pasteur fait subir
1 . Allgemeinc aufdie Schulen alter Confessionen sich beziehende Bestim-
mungen.
ROLE DE L ETAT. 445
un examen a chacun d'eux, en presence de Tinstiluteur et des
autoi'ites scoiaires.
5. — « Les prescriptions reglementaires etablissent que
renseignement de Tecole doit se prolonger jusqu'a ce que cha-
que enfant possede, au jngement de son pasteur, les connais-
sances en rapport avec sa situation. 11 importe que I'examen
ait lieu sous la garantie de I'observation exacte des regies.
6. — « Quand le temps de I'enseignement preparatoire est
accompli, le pasteur inferroge publiquement les enfants sur
I'instruction religieuse. La commune dans laquelle ceux-ci
vont entrer pent ainsi s'assurer de I'etat intellectuel de ses
nouveaux noembres.
« Get exaraen a lieu dans I'eglise : le jour en est annouc^
d'avance par le pasteur.
7. — a Aucun ecclesiastique ne peut adraettre a I'instruction
religieuse de sa paroisse un enfant venant d'une commune
^trangere, si cet enfant ne produit un certificat de I'inspec-
teur relalif a la freqnenlation anterieure de I'ecole. — Si ce
certificat fail defaut, des informations speciales sont deman-
dees au pasteur a la paroisse duquel appartenait I'enfant; ce-
lui-ci peut etre, par suite des dites informations, ou envoye de
nouveau a Tecole, ou astreint a recevoir les lemons particu-
lieres du pasteur de sa nouvelle paroisse.
8. — « Aucun maitre, directeur de fabrique, commergant,
ou qu'il liabite, soit a la ville, soitala campagne , ne peut,
sous peine d'une amende de 5 thalers, recevoir chez lui
un enfant en qualite d'apprenli, d'aide ou de domestique,
sans lui faire suivre I'ecole jusqu'a i'expiration du temps
fixe par la loi, et sans veiller scrupuleusement a ce qu'il fre-
quente les instructions religieuses preparatoires a la premiere
communion. — Tout enfant doit done, dans les huit jours, au
plus, de son entree en service ou en apprentissage, etre pre-
sente, par le maitre, et au pasteur et a I'instiluteur. »
8
]]4 SECONDE PARTIE.
On ne s'etonnera pas de trouver dans la legislation saxonne
les memes print ipes que dans la loi de Prusse. A vrai dire,
c'est la Saxe qui a trace la route, et dunne a la Prusse des
exemples devenus des regies. En Saxe, on I'a vu, ful pro-
clamee pour la premiere fois cette doctrine, que I'educa-
tion de I'individu est eminemment un devoir social; c'est en
Saxe, d'abord, que fut remis aux mains de la puissance pu-
blique , pour I't'ducalion des jeunes ciloyens, un droit de
contrainte sur les parents; c'est en Saxe que, des I'annee
1573, une ordonnance de I'electeur Jean-Georges portait
ces mots : « Nous voulons et ordonnons que les autorites
de chaque commune elevent regulierement des ecoles; que
chacun , d'apres I'injonction des pasteurs, y envoie ses en-
fants p(jur les soustraire au libertinage de I'oisivete, aussi-
tot que I'age le permet, et pour les faire elever dans la
crainte de Dieu , ainsi que dans les habitudes de la disci-
plined »
II est naturel que ces gerraes se soient developpes, et que la
legislation moderne de la Saxe porte Fempreinlc d'une pensee
deja si ancienne.
L'instruction primaire , en Saxe, nous I'avons dit plus
haut, est reglee par la loi du C juin 1855, et par une loi re-
cente, celle du 5 mai 1851. Je lis dans la premiere de ces
lois :
Art. 20. « Tout enfant doit frequenter I'ecole pendant liuit
annees consecutives, en hiver corame en ete.
Art. 24. » Meme lorsquele temps fixe par la loi estecoule,
I'enfant ne pent quitter I'ecole avant que le but de I'en-
seigneraent scolaire n'ait ete atteint, en ce qui concerne les
matieres essentielles, a savoir : la lecture, I'ecriture, le cal-
cul; il doit surlout posseder une intelligence nette des veri-
1. Mylius, Corpus Constitut. Marchicarum, I, p. 67.
ROLE DE L ETAT. >H5
tes de la religion et une connaissance suffisante des saintes
ecritures.
Art, 59. « Tout enfant qui atteint I'age ou commence I'ob-
ligation de I'ecole doit, pendant le temps fixe par la loi,
recevoir I'enseignement de I'instituteur prepose au cercie
d'ecole.
Art. 60. « II y a dispense de I'ohligation, pour I'enfant, de
frequenter I'ecoledu cercle, quand les parents, tuteurs, etc...
prouvent que, soit chez eux, soit ailleurs, ils I'instruisent ou
fontinstruire d'une raaniere suffisante.
Art. 64. « Nul enfant nepeut, sans excuse valable, manquer
aux henres fixees pour I'ecole. Ne doit, en general, etre consi-
deree comme telle que la maladie soit de I'enfant, soit d'un
membre de la famille. Le Scltuhorstand a le droit de s' assurer
si celte raison ou toute autre, selon les circonstances, est se-
rieusement admissible.
Art. 65. « h^Schuhorstandi^oii n'epargner aucun effort pour
faire cesser les absences non legitimes. Si ces efforts restent
sans succes , I'amende et les aulres moyens de contrainte
doivent etre employes contre les parents, tuteurs, maitres, etc.
Art. 67. « Quand les parents, tuteurs, etc., n'alleguent que
des excuses jugcesinsuffisantes, ils sontpunis.pourla premiere
fois, d'une amende de 5 silberg. (70 c.) a 2 thai. 15 silb.
(9 fr. 35 c), ou d'un temps de prison equivalent; et, en cas
de recidive, de peinesproportionnelles ' ».
Un reglement d'administration ^ a determine comme il suit,
I'execution de la loi du 5 mai 1835.
« Les cas dans lesquels dispense de frequenter Tecole du
cercle peut etre obtenue, sont les suivants :
1 . Quand un enfant, se consacrant a une carriere qui exige
1. Loi du 5 mai 1835.
2. Verordnung du 9 juin 1835.
'M 6 SECONDE P ARTIE.
des etudes plus elevees que celle del'ecole du cercle, frequente
line ecole publique de degre superieur ou une ecole privee
legalementetablie;
2. Quand les parents font instruire leurs enfanls par un
raaitre particulier j
o. Quand ils leur donnent eux-raemes I'instruction. «
Telle est la pensee de la loi de 1855, dans la question qui
nous occupe. Or, aucune modiCcalion, dans le remaniement
de la legislation qui a suivi les evenemenfs revolutionnaires
de 1848 et de 1849, n'a ete introduite, sur le point capital
de Xohligation de I'ecole; tantcetle obligation est regard^e par
les hommes d'etat de la Saxe comine un principe d'ordre
public; tant ce principe leur parait une arrae puissante pour
combattre, au nom desverites traditionnelles, les idees sub-
versives de la paix sociale I Certes, le rninistre actuel de
I'instruction publique en Saxe est un esprit pratique autant
qu'eleve. M. le baron de Beust a niontre, en 1849, que son
energie etait a la hauteur des situations les plus difficiles; et
ayant saisi les rapports intimes qui rattachent Tenseignement
priraaire a lout Tensemble des interets sociaux ; ayant voulu,
pour lui imprimer la direction que tragait une pensee poli-
tique, reunir au departeraent des affaires etrangeres I'admi-
nistration de I'instruction publique, il n'eut pas souffert que
subsistat dans la loi de 4835 une idee propre a mettre en
peril le developperaent moral des masses. Eh bien ! M. de
Beust, par la loi du 5 raai 1851, a opere des changements no-
tables dans la legislation precedente; raais il s'est garde de
porter atteinte au principe de I'obligation. Et non seulement,
il ne I'a pas ebranle; raais, dans le long entretien qu'il m'a
fait I'honneur de ra'accorder, j'ai pu me convaincie que cet
homme d'Elat en considerait I'application comme une ga-
rantie pour I'avenir; qu'a scs yeux, I'indifference d'un gou-
ROLE DE l'eTAT. ]]7
vernement, en presence dii mauvaisvoiiloir on derineuriedes
parents, etaitune sorle de compiicite dans un homicide moral ;
que prevenir un tel crime serait pour I'Etat le premier des
devoirs, quand ce ne serait pas le premier des interets.
La legislation de Hanovre n'est pas raoins explicite que les
legislations prussienne et saxonne. La loi du 26mai 1845 porte
ces mots :
a Art. 3. — Tout enfant est tenu de frequenter une ecole
pendant le temps sur lequel porle I'obligation, s'il ne revolt
pas I'instruction necessaire dans un etablissement superieur,
oupar I'enseignement prive.
« L'aulorite ecclesiastique chargee de I'inspection a cepen-
dant le droit, dans les circonstances speeiales, de dispenser de
la frequentation de I'ecole.
a Art. 4. — L'age sur lequel porte I'obligation de Tecole
commence apres la six'ieme annee accoraplie.
« Art. 6. — L'instruction privee exempte de la frequentation
des ecoles publiques, au cas seulement ou elle embrasse les
matieres prescrites, et ou , en meme temps, la capacite des
mailres qui la donnent est reconnue par ceux a qui est con-
fiee la surveillance des ecoles. »
Memes principes dans I'organisation scolaire du grand-
duche de Bade :
« Chaque annee , k Paques, le pasteur, d'apres les regislres
de r^tat civil, communique au comite d'ecole la lisle des en-
fants que leur age soumet a I'obligation. Le comite complete
cette liste paries noms des enfanls du meme age qui ne sont
pas nesdans la meme commune.
« Dix jours apres la ren tree des classes, I'institulcur met
sous les yeux du comite la preuve que tons les enfants soumis
4^8 SECOINDE PARTIE.
al'obligationlegalefrequentent, eneffetjl'ecole, ou indiqueles
noms de ceux qui n'accomplissent pas ce devoir.
« Le comite fait savoir aiix parents ou aux tutenrs que les
moyens de contrainte seront employes, s'ils n'ont pas de rai-
sons legitimes pour obtenir una dispense, eine Befrehmg. »
Dansle duch6 de Weimar, la legislation de 1821 contenait
des dispositions analogues, et la loi recente du 2 raai 1851 n'y
a introduit aucune modification '.
Des lillats du nord passons aux £tats du midi, des pays pro-
tcstants aux pays eatholiques.
En Baviere, un deeret du 23 decembre 1802 staluait :
« Aucun enfant ne peut quitter I'ecole avant d'avoir attaint
I'age de douze ans accomplis ; il doit avoir subi un exaraen et
obtenu un certificat de sortie pour etre re^u en apprentissage,
et, plus tard, pour se marier... Cette prescription doit etre
universellement observee : de sa rigou reuse execution depend
le bien-etre moral, physique et civil des classes inferieures. »
Ce deeret fondamental a ete, depuis 1802, commente sur
une foule de reglements, d'arretes, etc., conlirme par tous les
actes legislatifs. Aujourd'hui encore, il est la base du systeme
de I'instruclion primaire en Baviere.
L'Autriche, on lesait, ne fait pas exception a la regie dont
je constate ici I'universalite.
a Le gouvernement autrichien, disait, en 1835, M. Saint-
Marc Girardin, cherche a resoudre deux grands probleraes : il
veut que le peuple soit ricbe et heureux, et il ne veut pas qu'il
s'avise jamais d'avoir les pensees d'independance et dc fierte
que donnent le bonheur et I'aisance. II veut que le peuple soit
instruit, et il ne veut pas que son intelligence s'enhardisse ja-
1. Y.DienstvorschriftenimGrossherzoglhume. — Weimar, 18J2.
ROLE DE l'eTAT. \^^
mais, en se developpant, a examiner les institutions politi-
ques. Jusqii'ici il semble avoir leussi Corabien cela dii-
rera-t-il?»
Les evenements de 4848 n'ont pas change la pensee du gou-
vernement autrichien. Ce qii'il voulait en 1853, il le veuten
4855 ; et il le veut peiil-etre avec plus de nettete et de preci-
sion, parce qu'il croit le vouloir avec une plus entiere connais-
sance de cause. « Combien cela durera-t-il? » disait, il y a
vingt ans, I'eminent ecrivain. Le gouvernement autrichien
croit que, malgre 1848, cela n'a pas cesse de durer. A ses yeux,
le raouvement revolutionnaire, loin de lui aliener le peuple,
I'a rapprochede lui. « Le peuple d'Autriche, disait le prince
de Schwarzemberg , est un honnete honnne que des viveurs
avaient enivre, afin de le rosser et de le voler par amour pour
lui. )' Le gouvernement autrichien croit que le peuple ne tient
plus aux temoignages de cet amour, et que I'honnete horame
est degoute des viveurs. L'indifference politique lui parait le
produit le plus net de I'agitalion des dernieres annees, et je
ne sais s"il deplore bien araerement ce resultat. Le gouverne-
ment ne pense done pas s'etre mepris dans la direction de I'e-
ducation populaire; il ne juge pas que les anciens principes
ni les procedes d'application fussent perilleux, et il s'y tient.
Parmi ces principes, est celui de I'obligation de I'enseigne-
ment* :
« Tons les enfants, gargons et lilies, des qu'ils atteignent
leur sixierae annee jusqu'a I'age de douze ans accomplis, doi-
vent alter a I'ecole.
« L'etat des enl'ants est dresse , tous les ans , par le niaitrc
d'ecole et I'inspecteur, aux fetes d'automne , collationne avec
les registres de bapteme, et arrete par le cure de la paroisse. »
i . PoHiische Verfassung der deutschcn Volksschulen fur die osterrei-
chischen Provinzen.
^20 SECOISDE PARTIE.
Apres cette prescription generale, voici une disposition qui
temoigne, pour le bien-etre moral d'une nombreuse classe
d'enfants, d'une sollicitude qu'on ne saurait trop louer :
« La garde des troupeaux, par les enfants, isole ces derniers
de la surveillance des parents, et tend, en les privant d'instruc-
tion, a developper des habitudes sauvageset une pr^eoce iramo-
ralile; on doit travailler, partout ou faire se pourra, a abolir
cet usage En tout cas, aucun patre ne pourra etre regu en
service, s'il ne produit un certificat de son cure, constatant
qu'il a recti dans I'ecole I'instruction religieuse, et qu'il a subi
sur ce point un examen satisfaisant. »
Corame le reglement de I'eveque de Miinster, la loi autri-
chienne ordonne au cure, lorsqu'un enfant quitte sa paroisse
pour une autre, de prevenir le cure de la seconde commune,
afin de mettre ce dernier en demeure de veiiler a I'instruction
del'enfant. Ainsi que lerescritprussiende 1801, cette merae loi
rendobligatoire, pourlesenfantsquiontfaitleur tempsd'ecole,
et jusqu'a I'age de quinze ans, sauf des cas d'exemption speci-
fies, la frequentation des ecoles de repetition ou de perfection-
nement {Wiederholungschulen). Ces ecoles se tiennent le di-
manche et les jours de fetes. Elles ont pour but de raviver
dans la memoire des jeunes gens les connaissances acquises
sur les bancs de i'ecole elementaire ; d'y developper ces con-
naissances pour en monlrer I'application usuelle^ surtout, de
donner a Tinstituteur et au cure le moyen d'enraciner dans
lesames, par des lemons d'un caractere pratique, les principes
sur lequels doit reposer la vie morale et religieuse.
Partoutou est ouverte une ecole primaire, doitexister, sous
la sanction de I'obligation legale, une ecole de perfectionne-
ment. Nous ne croyons pas que nos mceurs comportent la
contrainte, en ce qui touche la frequentation des ecoles d'a-
dultes; mais que Ton pense aux effets presque infaillibies
ROLE DE l'eTAT. ^ 21
de TabandoD intellectuel ou se trouvent les enfants des classes
ouvrieres, alors que se ferment pour eiix les portes de Tecole
elementaire, et Ton rendra hommage a la pensee qui inspire
une telle legislation, comme aux mceurs d'un pays qui en
accepte I'empire.
Ainsi qu'en Prusse, en Hanovre, en Saxe, en Baviere, une
sanction penale consacre, en Autriche, les prescriptions de la
loi.
« Les peres ou patrons qui negligent d'envoyer lenrs enfants
a I'ecoledoivent payer une amende. Dans le cas oil iis auraient
ete exemptes de la retribution scolaire, la negligence estpunie
par le retrait de cette exemption, s'ils ne sont pas indigents.
S'il y a indigence, ils sont condamnes a un ou plusieurs jours
de travail au profit de la commune. »
Telle est, dans I'Allemagnetoutentiere.robligation legale de
I'instruction^et — ce point, je le repele, estdigne d'une atten-
tion speciale, — dans toutes les legislations que nous venons
d'analyser, I'enseignement religieux est considere comme
partie integranle de I'enseignement scolaire. Ilestobligatoire,
au nom du meme interet, et sous la meme sanction que I'en-
seignement general de I'ecole. On n'admet pas, en Allemagne,
qu'il soit loisible a un pere ou a un patron dont le fits ou I'ap-
prenti suit les lemons de I'ecole, de priver I'un ou I'autre de
I'instruclion religieuse de la communion a laquelle il ap-
partient. Pas plus au premier qu'au second on ne reconnait
le droit d'etouffer, dans son germe, la vie morale del'enfant.
Je dois citer ici deux documents empruntes a la jurispru-
dence administrative de la province prussienne la plus voisine
de la France, de la province du Rliin, documents auxquels,
plus haut, il a ete fait allusion :
^22 SECOIS'DE P ARTIE.
Instruction du consistoire royal de la province du Rhin.
« Comme il arrive parfois que des enfants grandissent sans
auciine instruction scolairenireligieuse, ensortequ'ilsenlrent
dans la societe civile sans avoir ete formelleraent re^us dans
la com in 11 nan te chretienne; comme, d'ordinaire, des delits
ou des crimes viennent reveler ces vices d'education, S. 31. le
roi a recommande, par un ordre decabinetdu 18 juinde la
presente annee, aux autorites competentes, qu'il soit pourvu
a ce que des cas d'une telle negligence ne puissent pas se re-
nouveler.
« En faisant connaitre la volonte royale, selon les ordrcs
du ministre des affaires ecclesiastiques et de I'instruction
publique, le consistoire en relation avec les regences de la
province , rappelle aux pasteurs I'obligation de tenir rigou-
reusement la main a ce qu'aucun des enfants en age de fre-
quenter I'ecole, dans leurs communes respectives, ne deserte
Tinstruction religieuse, et d'invoqiier le secours de la loi au-
pres des autorites competentes, dans les cas ou les parents,
tuteurs, patrons ne cederaient pas a un avertissement.
« Nous avons la confiance que les ministres ecclesiastiques
veillerontavec d'autant plus de zele a I'execution des volontes
vraiment paternelles de S. M. le roi, que leur responsabilite
serait lourde devant Dieu etdevant les autorites seculieres, si,
par leur faute, et par suite de leur negligence a s'occuper de
I'education, des enfants confies a leur sollicitude pastorale
grandissaient pour le crime. . .
« Coblenlz, 31 octobre 1832. »
ROLE DE l'eTAT. 423
Circulaire de la regence de D'dsseldorf aux Landrccihe
{sous-'prefeis) .
oDesplaintes ontete elevees a Toccasion de peinesinfligees
a des parents qui n'avaient pas envoye anx instructions reli-
gieuses les enfants soiimis a robligation de Tecole.
0 Ces plaintes ne sont pas fondees.
« L'instruction religieuse fait partie de Tinstruction ne-
cessaire a tout enfant.
« Le ministre de rinstruction publique et des affaires eccle-
siastiques a tranche la question, en disant « que l'instruction
religieuse, qu'elle soit donnee dans I'ecole ou dans la mai-
son du cure, ou dans I'eglise, les dimanches ou les jours
de la semaine, doit otre consideree comrae partie integrants
de I'enseignement de I'ecoie; et que, dans le cas ou les aver-
tissements du cure ou du pasteur a I'effet d'assurer la par-
ticipation reguliere desenfants a cette instruction ne suffisent
pas, les moyens de contrainte autorises par les reglemcnts
devront etre employes.
(' Nous vous recomraandons de porter cette decision a
la connaissance de tous les bourgmestres de votre circon-
scription.
« La Regence royale.
« Dusseldorf, 4 mars 1834. »
Pour confirmer cette legislation, I'ordre du cabinet du 20
juin 1835 porte ces mots (art. 4) :
« Les prescriptions ci-dessus rappelees (voies de contrainte
legale) s'appliquent aux cas oil des enfants soumis a I'obliga-
tion del'ecole negiigeraient l'instruction religieusedonneepar
les ministres du culte. »
El Tart. 14 de Tinstruction niinislerielie du 18 mars 18 io
est ainsi con^u :
^24
SECOINDE I'ARTIE.
« Le defout d'assistance aux instructions religieusesqiiedis-
pensenl les rainislres du culte aux enfants souniis a I'ohliga-
tion de I'ecole, en dehors du temps de I'ecole, donne lieu aux
laemes poursuites et est puni des memes peines. »
Nous ne lenons que nous repeter, en analysant a ce meme
point de vuc les legislations des autres etats; terminons seu-
lement par cet article de la loi de Saxe :
« Lesautoritescompetentes doivent veillera ceque ceux qui
sent charges des enfants remplissent leur devoir en ce qui
concerne I'instruetion religieuse, et, le cas echeant, employer
les moyens de contrainte i . »
Ainsi, dans les differents pays de I'Allemagne, I'Etat a pris
les mesures les plus elficaces pour que I'enseignement par
excellence, renseigneraent religieux puisse exercer sur les
jeunes generations sa bienfaisante et necessaire influence.
L'Etat ne craint pas de se declarer hautement responsable ;
et, au nom des interetsdont la tutelle est remise entre ses
mains, il fait face aux devoirs que lui impose sa responsa-
bilite.
Cette responsabilite , on le voit, consiste en ceci : ne pas
tolerer que, par Teffet d'une insouciance aveugle on d'un
parti pris, un enfant, etre laible, en qui ii doit prolegerla
dignite du citoyen et du chretien , grandisse en dehors des
traditions qui sont I'amede la societe. Ne pas souffrir que
le canal qui transmet d'une generation a I'autre le courant
d'idees et de croyances oil s'alimente la vie de i'humanite, soil
brise par une volonte inintelligentc ou coupable.
Que si, par des scrupules qu'on repute mal fondes au dela
du Rhin, on redoute de voir la contrainte, en pareil cas, de-
venir I'oppression de la conscience, les legislations alle-
1. Gesctz das Ekmentar-Volksschuhvesen betrelfead, art. 8 (6juin 1 835).
ROLE DE l'eTAT. ^25
raandes repondent ; cette contraiute s'exorce vis a vis du
pere, du tiiteur, on dn maitre precisement pour (aire res-
pecter la conscience de I'enfant; elle ne s'impose au preuaier
qu'au nom des droits meconnus du second. Intervention de
la societe, en faveur de I'enfant, a dejauf. de lafamille, tel est le
sens de ces mots : obligation legale de I'enseignement.
Appuyee sur les principes que nous avons formules, prin-
cipesqu'elle croit inattaquables, TAIIemagne n'hesite pas i
pourvoir par des regleraents severes a I'execution de la loi.
Je crois devoir traduire ici differents textes. Ces textes ne
sont point presentes comnie raodeles d'un reglenient des-
tine aux ecoles de France. Des modifications exigees par des
considerations de plus d'un genre devraient y etre intro-
duites. Nous les citons a titre d'exemples et de documents :
En Prusse, le dernier reglenient relalif a I'obligation de
r^cole est en date du 18 mars 1845 :
Art. 1. — L'instituteur, le dernier jour de chaque raois,
ou a de plus courts intervalies, s'il en est requis par le
bourgmestre, dresse en double, d'apres le modele ci-joint, la
liste d'absence , y note les excuses qui sont a sa connaissance,
et la remetau bourgmestre etau cure. Quand aticune absence
n'a eu lieu, notification en est faite, egalement par ecrit, et
dans le meme delai, au cure comme au bourgmestre.
Art. 2. — Le cure examine la liste, soumet les cas men-
tionnes a I'appreciation des autres membres dn comite de
recole,etdansle delai dehuil jours, la communique au bourg-
mestre avec les reraarques qu'il juge utiles.
Art. 5. — Le bourgmestre fait citer par ecrit, dans le de-
lai de deux jours apres cette communication , les peres ou
tuteurs des enfants dont le defautd'assistancea I'ecole n'a pas
d'excuse dans sa conviction, aux teimes de I'art. 6, pour 6tre
precede a I'inlerrogatoire, et I'arret etre prononc^.
\ 26 SECOINDE PARTIE.
Art. 4. — Quiconque, apres la eilalion reQiie, ne se pr6-
sente pas, est condamne par continnace. Le bourgmestre lui
faitsignifier iin extraitdu jugement par un agent de police ou
par le garde-champetre.
Art. 5. — Le pievenu est averti, dans sa citation, d'avoir a
produireses moyens de defense.
Art. 6. — Le manque d'assistance a Tecole pent etre seule-
ment excuse :
1° par une permission ecrite du cure, permission qui n'est
pas valable plus de trois jours sans la ratification du Landratk
(sous-prefel);
2° par la maladie;
5° pour les enfants de carapagne, pardes intemperies qui,
(Vapres une appreciation sensee, ont rendu impossible le tra-
jet de I'ecole.
Art. 7. — Lesexcusestireesd'autres motifs que ceuxenor.ccs
dans I'art. G doivent etre approuvees par le Landrath. La ra-
tificalion est sollicitee par le bouigmestre qui communique
au Landrath la lisle d'absence. Si celui-ei ne juge pas devoir
accorderson approbation, il prononeela peine legale, etdonne
connaissance de I'arret au bourgmestre , qui est charge de
I'execution.
Art. 8. — L'amende, pour un jour d'absence, est de 1 sil-
berg. (15 cent.) ii i thaler (5 fr. 75 c.). Des prestations de
travail ou la prison remplacenl Tamende, qnand il y a inca-
pacite de payer. (G'est toujours du pereou du tuleur, bien en-
tendu, qu'il est question, et non de I'enfant, qui n'est pas res-
pousabie.)
Art. 9. — Contrele jugement du bourgmestre, le condamne
a recours aupres du Landrath. Le recours doit etre forme
dans les trois jours.
Art. 10. — Le Landrath rend sa decision d'apres I'examen
ROLE DE L ETAT. >i27
des pieces coramuniquees; il peut, s'il le juge necessaire, or-
donner una nouvelle audilion de I'accuse.
Art. i 1. — La decision du Landialh est ecrite sur Textrait
de la liste qui lai a ete communiquee. Elle est envoyee au
boiirgmesire pouretre mentiounee sur la lisle, et nolifiee a
la partie qui a forme I'appel.
Art. 12. — Le perceptcur regoit un extrail de la liste d'ab-
sences signee par le bourgmestre, visee par le Lamirath, et
precede de la merae maniere que pour le recouvrement de
I'impot. L'eraprisonneraent a lieu sur un ordre d'arreslatiou
donne par le bourgmestre, vise parle Landrath. L'ordre porle
le nom , la demeure du condamne, et la dureede la peine.
L'accoraplissement de la peine est menlionne sur la lisle par
le bourgmestre.
Art. 15. — Ledefantd'assistanceaux instructions religieuses
que le pasteur dispense aux enl'anls soumis a I'obligatiou de
I'ecole [den schidpflichtigen Kindern) en dehors du temps de
I'ecole, donne lieu aux memespoursuites et est pimi par les
memes peines. Le cure ou le pasteur transmet de meme au
bourgmestre la liste des absences non justifiees.
Art. 14. — En cequi louche les peres et tuteursqui ontdeja
subi une peine sans devenir plus empresses, il peut etre de-
mande, tous les huit jours, des renseignements sur I'assiduite
des enfantsj et une peine proportionnee est prononcee.
Art. 15. — Le Landralh el les inspecteurs ecclesiasliques
sont charges de i'execution de cette instruction.
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ROLE DE L ETAT. ^ 29
On tronve des details analogues dans les actes officiels dii
Hanovre, de la Hesse, de la Baviere, de Bade, de Saxe. Citons
le reglement en vigueur dans ce dernier pays.
Exirait du reglement du 6 /wm 1835.
Tout maitre d'ecole tient un registre d'absences [Versilum-
nissbuch], et y eonsigne, chaque jour, le nom desenfants qui
ont manque I'ecole, av3C I'indication des molifs, ou si les mo-
tifs ne sent pas connus, avec mention de cetle circonstance.
Sont considerees comme excuses legitimes :
i. La maladie de I'enfant ou un malaise de nature a rendre
pour lui la sortie perilleuse ;
2. La maladie du pere ou de la mere ;
3. La maladie d'un frere ou d'une soeur, quand Tenfant n'a
pas, a la maison, de freres ou sceurs plus ages, ou son pere ou
sa mere, ou que I'un ou I'autre de ces derniers est oblige de
quitter le logis pour se rendre au travail ;
4. II y a excuse valable, quand I'enfant habite ires loin de
I'ecole, alors surtout qu'il s'agit d'un enfant tres jeune ou
d'une faible sante^ lorsqu'en raison d'une pauvrete notoire,
11 manque des vetements necessaires; lorsque la mauvaise
saison rend les cherains difficiles et dangereux pour la sante
de I'enfant.
5. S'il y a d'autres excuses resultant d'evenements extraor-
dinaires et survenus dans la famille, il appartienl au Schut-
vorslandei particulierement a I'inspecteur local d'apprecier
les molifs.
— «Tous les huit jours, porte le reglement du duche de
Bade, rinslituteurremeta I'inspecteur local la listedes enfants
qui, sans avoir oblenu I'autorisation prealablo, ou sans avoir
justifie d'une excuselegitime, sesontabsenles de I'ecole. llspe-
cifie les jours ou ont cu lieu ces absences.
9
^50 SECONDE I'ARTIE.
— L'inspecteur local, apres avoir pris connaissaneedes ex-
cuses aileguees, remet la lisle an bourgmeslre; celui-ei con-
(lamneles parents ou ceiixquisont responsables desenfants, a
une amende de2 ai2 kreuz. par chaque jour d'absence.
— Le bourgmestre fait percevoir cette an[iende par un
agent de I'autorite municipale. Selon la decision du Schulvor-
siand, cette amende est versee dans la caisse des pauvres, ou
destinee a I'achat des objets d'ecole necessaires aux enfants in-
digents.
— En cas de recidive d'absence non justifiee, le bourg-
mestre prononce contre les parents ou ceux qui sont respon-
sables del'enfant, aux termes de I'arretedu 13 mai 4805, un
emprisonnement de 4 a 24 beures. » ^
Qu'on ne eroie pas que ces reglements restent lettre morle,
et que la sanction legale de Vobligalionde I'ecole soit simple-
ment inscrite sur le papier. Toutes ces prescriptions sont bieu
et diiment execulees dans la pratique; et, avec les tempera-
ments qu'impose la prudence, on tient la main a ce que les
exigences salutaires de la loi passent de la tlieorie dans les faits.
Au reste , on le comprend sans peine, les severites regle-
mentaires ne sont point, en cas de contravention, invoquees
des I'abord; el, la plupart du temps, uu simple averlissement
epargne aux autoriles municipals et scolaires des mesures
auxquelles on De recourt, dans les vilies ainsi que dans les
communes rurales, que sous la pression d'une absolue ne-
cessile.
Yoici, par exemple, I'avertissementdonne aux peres de fa-
milies, dans la regence de Cologne :
« En execution des ordres de cabinet du 14 mai 1825, et du
20 juin 1845, tous les enfants, depuis 1 age de six ans jusqu'a
' 1. Landesherrliche Verordnung, du 15 mai 1834.
ROLE DE l'eTAT. A^\
qiiatorze ans accomplis, lorsqu'ils ne ro^oivent pas line edu-
cation particuliere, sont obliges de frequenter I'ecole. En con-
sequence, nous considerons comme un devoir de vous rappejer
celte prescription imperative de la loi {diese hindende gesefz-
liche Bestimmuncj) , et nous avons confiance qu'envisageant
avec des sentiments de gratitude le but bienfaisant de ce pre-
cepte, vous vous y soumettrez de bon gre. Vous avez trois
jours pour donner a rautorite corapetente des explications a
ce sujet; mais nous ne vous laissons pas ignorer que la viola-
tion des prescriptions legales relatives a la frequentation de
Tecole entraine la peine de I'amende et de la prison.
" La Commission des ecoles.
• Cologne, le... 185... »
Dans une ordonnance de 4837, relative an travail des en-
fants en apprentissage, je remarque les dispositions suivantes :
a Les travailleurs qui n'ont pas encore ete re^us a la sainte
communion ne peuvent etre employes pendant les heures
fixees par les pasleurs pour I'instruction religieuse (art. 6).
« La presente ordonnance ne change rien a I'obligation de
frequenter I'ecole. Cependant, la oil les enfants que Tage as-
sujetlit a ^obligation legale doivent necessairement etre em-
ployes a des travaux, les regences prendront les dispositions
necessaires pour que le choix des heures destinees a I'instruc-
tion n'entrave pas notablement le travail.
« Toute infraction aux presen tes dispositions sera punie, aux
depens des raaitres, d'une amende de 1 a 5 thai, par enfant
employe en dehors du temps present. » ( Art. 9. )
L'avertissement qui suit est envoye aux patrons par la faute
dcsquels les enfants en apprentissage ont manque I'ecole du
soir :
« Le nomme qui travaille chez vous, et qui est soumis
^52 SFXONDE PARTIE.
a robligation de frequenter I'ecole dii soir, a manque plusieurs
fois a ce devoir. II a ele constate, par les reponses des parents,
interroges a ce sujet, que I'enfant n'avait pas cesse le travail
aux heures prescrites. Nous sommes done forces de vous rap-
peler les prescriptions legales, aux termes desquelles aucuri
enfant souniis a I'obligation de I'ecole [hein sc/mJpJlichtiges
Kind) ne peut etre retenu par le travail aux heures fixees
officiellement pour I'ecole. Nous esperons que le present aver-
tissement suffira pour qu'on accorde a Tenlant le temps re-
clame par Tecole.
« La Commission des ecoles.
« Cologne, le... »
Apresces preliminaires, si ravertissementestdemeure sans
effet, ou quand les absences sans causes legitimes sont consta-
tees, citation est faite devant un agent special de Fautoiile
communale, le commisi^aire de police des ecoles [Polizeischul-
commissdr).
« Aux termes derinstructionminislerielledu 18 mars 4843,
le sieur se rendra devant le comraissaire de police des
ecoles soussigne, le .... du present mois, a lieure, pour
etre inlerroge au sujet du manque d'assidiiite a I'ecole de son
fils, ou de sa lille A defaut de comparaiire, il sera
condamne par coulumace.
« Le commissaire de police des ecoles.
- ... le... 185.. •
II est impossible, apres avoir jete un coup d'oeil sur la legis-
lation scolaire des differents pays d'Allemagne, de se me-
prendre sur la pensee qui dirige les gouvernements, del'autre
cote du Rhin, dansl'applioation du systeme de I'obligation de
renseignement. On saisit I'idee qui fait du systeme dont on
parle un element eminemment conservateur de la tradition
morale et religiouie; on apprecie ce syslerae, dans son prin-
ROLE DE l'eTAT. ^35
cipe comme dans son but; il est necessaire raaintenant de
le connaitre dans ses effets, et de le juger dans ses resullats.
Continuation du m^me sujet.
Les resullals du systeme de I'enseignement obiigatoire doi-
vent etre envisages a un double point de vue; au point de vue
des fails scolaires proprement dits, au point de vue des con-
sequences morales.
En 1835, M. Cousin etablissait que, sur les 4,767,072 enfants
composantenPrusse la population totaledesenfanlsde 1 jour
hi A' ansaceomplis, 2,0i3,050,c'est-a-dire les troisseptiemes,
c'est-a-dire encore 45 enfants sur 100, representant le norabre
des enfants de 7 a 14ans, frequentaient reellementles ecoles^
Un tel resultat, resultat qui satisfaitassuiement aux exigences
les plus severes, continue, a I'beurequ'ilest, d'etre atteint. Le
norabre des eleves, dans les ecoles, a suivi la progression de la
population elle-meme. Ce norabre, d'apres le dernier releve
publie officieilement par le bureau de statistique a Berlin, est
de 2,455,0622.
1. II n'est question ici que des ecoles primaires.
2. V. le document officiel intilule : Tabellen und amlliche Nachrichien
iiber den preussischen Staat.
Voici comment se repartit entre les provinces la population des ecoles ;
KEGENCES Nomlre des i-levf s CliilVrfS pnur cent
<3ans les ecoles |)iiniaiic5. <Jc In (.njiulalioii.
1. Koenigsberg 108,590 12,81
2. Gumbinnen 75,237 12,25
3. Danzig 53,529 13,23
4. Marienwerder 81,109 13,04
5. Posen 133.575 14,89
6. Bromberg 54,810 12,05
7. Berlin 25,030 5,67
8. Potsdam 125,343 15,83
9. I^rankfurt 138,i96 16,10
10. Stettin 83,733 14,89
Ao4 SECONDE PARTIE.
Le nombre des enfants de 6 a 14ans, dans toute la Prusse,
est de . 3,225,562
VoDtanx eco\espubUques{'j^vimaires^ moyennes
ou secondaires ) 2,605,647
Vont aux ecoles piibliques primaires. . . 2,455,062
Entre le nombre total des enfants soiimis a I'obligalion
de I'ecole, et ce chiffre de 2,455,062, il scmbie, au premier
abord, qu'on troiive one difference de 770,500; mais si
I'on reflecbit que, pour la Prusse, les enfants ages de6et7 ans
sont au nombre de plus de 700,000; que ce nombre ne
doit figurer, a vrai dire, que pourmemoire, dans le cbiffre
total des eleves, les enfants ne se rendant exactement a I'e-
cole que dans le courant de la 8" annee; si Ton pense, d'un
autre cote, que plusieurs sont contrainls par les circon-
stances et obtiennent I'autorisation de quitter I'ecole avant
I'age de quatorze ans ; si Ton songe enfin que ne sont com-
pris dans le chiffre de 2,455,062, que les eleves des ecoles
primaires publiques, et non ceux des ecoles privees, ni les en-
Begencea. Eleves. Population.
11. Coslin 66,276 14,78
12. Stralsund 24,725 13,12
13. Breslau 178,319 15,18
14. Oppeln 158,689 16,43
15. Liegnitz 130,777 14,85
16. Magdeburg 111,980 16,20
17. Merseburg 126,785 17,07
18. Erfurt 57,864 16,16
19. MUnster 65,291 15,48
20. Minden 82,455 17,80
21. Arnsberg 99,763 17,21
22. Cologne 82,634 16,22
23. Dusseldorf 147,761 16,29
24. Coblenz 87, ISO 17,32
25. Aix-la-Chapelle . . . . 68,434 16,63
26. Treves 78,797 16,01
ROLE DE L ETAr. i 55
fants eleves chez leurs parents, niles elevesdes classes infe-
rieures des gymnases, on voit disparailie entieiement iine
lacuna purement apparente; et I'ou acquiert la certitude que,
sauf quelques exceptions ires rares, I'universalite des enfants,
en Allemagne, et specialement en Prusse, profile reguliereqient
des bienfaits de I'lnstruction primaire.
Iln'est pas sansinteretde connaitre dans quelle proportion,
pour chacune des provinces prussiennes, on peut constater, de
la part des enfants, un del'aut de participation a I'enseignement
de i'ecole. On verra combien cette proportion est faible, meme
dans les provinces relativement les moins favorisees.
Proportion du nombre de» enfants eoumif
NOMS DES Rl^GENCES. » robligatimide IVnseigneraant qui ne
frtqucnttnt pas l'«Gule.
Merseburg 0,15
Magdeburg 0,46
Erfurt 1,83
Liegnitz 2,18
Potsdam 2,25
Aix-la-Chapelle 2,28
Coblenz 2,29
Cologne 2,40
Dlisseldorf 2,90
Francfort 2,98
Breslau 3,02
Munster 3,03
Arnsberg 3,38
Minden 3,92
Stettin 3,99
Treves 4,14
Oppeln ......... 4,65
Ctislin 5,05
Koenigsberg 5,95
Berlin 5,16
Danzig 4,87
Bromberg 9,35
Stralsund 6,08
Gumbinnen 6,13
Marienwerder 6,84
Posen 6,84
^o6
SEGOiNDE PARTIE.
Ainsi, en Prusse, plus de la sixieme parlie de la population
frequente les ecoles, et les frequente, notons ce point, corarae
le voulait deja le reglement general de 1763, d'une fa9on re-
guliere et permanente.
Ce resultat paraitra plus frappant encore, si Ton compare
la situation scolaire de rAllemagne avee I'etat actuel des
choses en Angleterre et en France.
En dehors meme des donnees fournies par une slalistique
scolaire generale, des faits particuliers, en ce qui concerne
I'Angleterre, jettent une vive luniiere sur le point important
dont on parle. Une adresse presentee en 1850 au parlement,
par I'union des ecoles du Lancashire, commence ainsi : « Pres
de la moitie des habitants de cette grande nation ne sail ni
lire ni ecrire, et, de I'autre moitie, une grande partie ne pos-
sedeque la plus miserable instruction. »
II y a quelques annees, M. Moseley, inspecleur du gouver-
nement de la reine', conslalait, dans un rapport oii les
observations portaient sur 112 localites, que les enfanls y
profitaient des ecoles dans la proportion de 2 sur 59. Sur
11,872, 5,803 pouvaient a peine epeler; 2,026 lisaient cou-
ramment. De iOO eleves sortant des ecoles, 73 n'etaient pas
en etatde lire le textede la Bible, Pour I'arithmetique, 1 eleve
sur 5 quittait I'ecole sans en avoir la moindre notion.
M. Moseley s'assurait encore que 1 enl'ant sur 58, a Black-*
burn, allait a I'ecole ; a Manchester et a Boston, i sur 40, etc.,
En resume, et d'apres les estimations les plus moderees^,
pres d'un million d'cniants en Angleterre s'elevent encore,
a I'heure qu'il est, en dehors de toute instruction.
La France, sansaucun doute, a sur I'Angleterre, au point
1. Correspondant de I'lnstitut do France.
2. V. un article de la Revun d'Edimbourg (avril J 853), intitule Public
education. En I'absence d'une statislique generale officielle , I'auteur
ROLE DE L ETAT. A07
de vue de la diffusion de I'enseignement, une superiorite in-
contestable. Cependant, on est force dele reconnailre, entrele
nombre des enfants qui, par leur age, appartiennent a Tin-
struction primaire, et le chiffre des eleves presents dans les
ecoles, ile\iste,sur lesdifferents points de notreterriloire, une
difference notable ; cette difference est d'au moins 500,000.
Certes, un tel chiffre est considerable; et pourlanl, qu'on
ne s'y trompe pas, 11 n'est point encore I'expression exacte de
la verite.
Du nombre total des enfants qui frequenlent les ecoles en
France, le onzieme environ ne regoit qu'une instruction illu-
soire , le onzieme n'appartient aux ecoles que sur le papier.
On a fait soniemps, lorsque, dans une periode de qualre el
cinq annees, on a passe sur les bancs les se\)i ou huit mois ab-
solument necessa ires pour la preparation a la premiere (-"om-
munion. Un tel acte n'est plus, en cesconditions, queraccora-
plissement d'une formalite dont on sedebarrasse, bien loin de
poser les bases de la vie religieu?e et morale.
Ces sept ou huit mois d'ecole ne laissent aucune trace, on le
comprend. lis sont a I'esprit et a I'amede I'elevece que serait
une goutte d'eau a un champ desseche. " Ces enfants, disait, il
y a pen de temps, M. le ministre de I'instruclion publique*,
apresunefrequeutationpuremeiit nominale desclaeses, sonla
peu pres completementdepourvus de toute education int^llec-
evalue ainsi le nombre des eleves dans les ecoles primaires anglaises de
jour {daily schools) :
Societe nationale 955,865
Societe britannique et etrangere. 200,000
ficoles wesleyennes 38,(»23
Congregational bourd 6,839
£coles catholiques 34,750
Ragged schools 20,000
1,281,077
1. Circulairedu 31 octobre 185i.
^58 SECONDE PARTIE.
tuelle et religieuse. Uniquement absorbes par leslabeurs d'une
vie toiite materielle, ils grandissent, a vrai dire, en dehors des
idees morales qui constituent la vie traditionnelle d'un peuple
civilise. Arrives a I'age viril, ils ont laisse s'evanouir toute
trace de notions qui n'avaient penetre ni dans leur esprit ni
dans leur coeur. Le but que la societe poursuivait avec tant
d'efforts est manque. »
Or, qu'on veuille bien le remarquer, ce n'est pas la une
plain te formulee a la legere; c'est le simple expose d'un fait.
II est a la fois trisle et curieux de le constater. Le nombre
des jeunes gens qui, au moment du tirage au sort, sont desi-
gnes comme ne saehant ni lire ni ecrire, est, surplusieurs
points du territoire, reste stationnaire, dans les quinze der-
nieres annees.
Citons immediatement quelques exemples : dans la Dor-
dogne, le nombre des jeunes consents ne saehant ni lire ni
ecrire en 1840, etait de 2955 : en 1853, il descendait seule-
ment a 2675. Pour le departement de I'Allier, on trouve, en
1840, le chiffre de2560; en 1851 ce chifire ne s'est modifie
que d'une maniere insignifiante (2556) i et 1855, il etait en-
core de 2582. Le Nord est assuremenl I'un des departements
ou il semble que I'administration de I'instruction publique
soit en droit de recueillir des resultats satisfaisants : eh bien!
en 1840, 5714 jeunes gens etaient reconnus ne savoir ni lire
ni ecrire; et en 1855, le nombre n'en etait pas moindre de
5444. Que sera-ce dans I'Ariege? que sera-ce dans le Morbi-
han et le Finistere? Dans ces deux departements, tous les efforts
des communes etde I'Etat n'ont aboutiqu'a la plus etrange
des deceptions. Les chiifres officiels non-seulement n'y t^-
moignenl pas d'un progres quelconque; mais encore, ils y
accnseraient des pas retrogrades : dans le premier, le chiffre
des jeunes soldats ne saehant ni lire ni ecrire est monte de
n^'uci uij u t^ij\x»
5654 (1840) a 5788; dans le second il s'est eleve de 2661 a
2716 !
Certes, — avons-nous besoin de le dire? — il n'en est pas
ainsi dans le plus grand nombre des departements ; et si Ton
envisage leresultat general, on trouve que lecliiffre desjeunes
gens completeraent iileltres, au moment du tirage au sort,
qui, en 1840, s'elevait h 125,760, etait tombe, en 1855, a
99,684. Les exemplesque nous venons de citer n'accusent pas
moins, malgre les efforts de I'administration , et en depit
de progies partiels, les facheuses consequences de ce droit de
souverainete sans iimites, dont notre legislation , jusqu'a ce
jour, a laisse jouir les parents et les maitres sur les enfants dont
lis sont responsables.
11 n'est pas inutile de se rendre compte, au point de vue
special auquel nous nous pla^ons?, des resullats scoiaires obte-
nus dans chacun des 86 departements; le tableau ci-dessous a
ete dresseau minislere de la guerre, d'apres les informations
officiellement transmises par les prefets.
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442 SECONDE PARTIE.
De I'autre cote dii Rhin, on I'a vu, I'obligation de freq uenter
I'ecole porte surune periodede temps delerminee. Un pere,
un patron, urt tuteur ne sont pas mailres d'exploiler, a leur
profit, I'enfant qui leiir est eonfie, quatre on cinq jours de la se-
niaine. Sous peinede faireencourir ases parentsou a son patron
les justes rigueurs de la loi, I'enfant ne peut, sans motifs se-
rieux, deserter les bancs de I'ecole. Quand done il a fait son
temps d'etudes, il a bien reellement passe quatre ou cinq annees
dans la classe; I'instruction qu'il a acquise reste gravee dans son
esprit. Or, admeltez le fait contraire; supposez, ce qui mal-
heureusement, on I'a vu, n'est pas une pure hypothese, en
France, que les eleves des ecoles, parvenus a I'age viril, ne
conservent plus trace des notions revues, dans quel but pro-
diguer avec une generosite sterile les sacrifices iraprevoyants
del'Etat? et si un tel fait se perpetuait, les dispensateurs de
la fortune publique, an moment d'inscrire an budget les som-
mes considerables affectees a la propagation de I'instruction
primaire, ne seraienl-ils pas naturellement amenes a s'inquie-
ter des resultats, et tentes, quelque jour, de se demander :
A quoi bon?
En resume, tandis qu'en France et en Angleterre I'absence
d'un controle quelconque, laisse en dehors de tout enseigne-
raent un nombre considerable d'enfants, I'application du
principe de {'obligation legale assure, de I'autre cole du Rhin,
Xuniversalite de I'instruction.
Tel est le resultat scolaire de la legislation dont nous ve-
nous d'exposer les traits. Quel en est maintenant le resultat
moral?
On le voit iraraediatement; cette question n'est autre, sous
une forme particuliere, que la question generate et si fre-
quemmentagilee de la valeur intrinseque de I'inslruction.
D'inutiles combats ont ete livres sur ce terrain, combats ou
ROLE DE l'eTAT. V<5
line statistique complaisantea fourni des armes pour la defense
de theses extremes et eontradictoires.
Deux mots seulemeut a cet egard : I'instruction n'est point
par elle-merae, il faut le declarer ires haut, cause et signe
de moralite. Ainsi que la liberte raeme, I'instruction est une
puissance, et, comme toute puissance humaine, elle est puis-
sance pour le mal comme elle est puissance pour le bien.
Doublant les facultes de celui qui la possede, elle en fait un
etre d'un ordre superieur; elle n'en fait pas necessaire-
ment un etre vertueux. L'instruction n'est done pas a elle-
meme son propre but; elle est I'inslrument d'une peusee
superieure; elle doit partir d'une loi morale qui I'eclaire, et
elle y doit conduire^.
PlaQons-uous maintenantau point de vue politique et so-
cial : une consideration capitate domine ici le probleme.
Partiellement dispensee, I'instruction priraaire doit favo-
riser, par la nature meme des choses, cette tendance au de-
classement qui est le travers et peut-etre le peril de notre so-
ciete ; car, en constituant au profit de quelques-uns une sorte
1. 11 serait pueril de chercher dans I'instruction seule une garantie de
moralite; mais ilne le serait pas moinsd'y voir, selon la tendance de quel-
ques esprits, une cause de perversite morale. Un memoire futpresente en ce
dernier sens, 11 y a trois ans, a I'Acadeiniedes sciences morales etpolitiques.
Les calculs d'une statistique qui s'appuyait sur les bases les plus crronees
furent immediatement detruits par quelques simples observations. Le
memoire se faisait une arme contre I'instruction primaire de la multiplicite
des delits dans les villes : « Dans les villes, repondit M. de Remusat, I'ex-
tr^me pauvrete est plus voisine de I'extreme richesse; les diverses classes
de la sociele sont plus etrangeres les unes aux autres; les populations
plus agglomerees multiplient les mauvaiscs rencontres et les exeniples
pernicieux \ les tentatlons sont plus frequentes et plus for'es; les imagi-
nations sont plus excitees; la constitution nerveuse des hommes n'est pas
la mfeme. Voila des causes de delit. Qu'est ce que I'instruction primaire,
generalement plus repandue dans les villes, a a voir dans tout cola? »
MM. Portalis, Leon Faucher, Ch. Giraud , Cousin, Moreau deJonn^s
parlerent dans le m6me sens.
144 SFXONDE P ARTIE.
de privilege inlellectuel, elle donne a rambition un pretexte,
un aliment a la vanite.
Mais que I'instruction primaire soit universellement dis-
tribuee, par relevalion de tons, elle rend sans danger I'ele-
valion de chacun. Dans une population de nains, rbomrae
petit se pent dire un geant : ajoutez une meme raesure
a la taille de chacun, qui pourra s'enorgueillr du develop-
pement detous?De meme, pour I'instruction dispensee dans
les conditions dont on parle. Si elle fait raonter le niveau
general, elle maintient entre les individus les relations qui
naissent d'une hierarchie naturelle. Elle eleve les termes du
probleme; elle n'en altere point le rapport. Elle conduit a ce
but : faire sortir du progres individuel la securite de I'ordre
social.
La diffusion universelle de I'enseignement est done un
moyen d'etouffer les gerraes de cette sotle vanite qui fait rou-
gir le fils de la profession de son pere, et fausse, pour I'egarer,
la direction naturelle de ses facultes. Elle est un remede,
bien loin d'etre un peril; elle est une digue, et non pas un
torrent.
Voila ce que, dans la sphere purement theoriqne, il est,
croyons-nous, permis d'affirraer.
L'instruction, nous le repetons, est une faculte, un instru-
ment. A cette faculte il faut assigner une loi^ a cet instru-
ment il faut poser un but. Une force abandon nee a elle-
memeest inutile ou dangereuse : trouvez la loi de cette force,
dans I'ordre moral corame dans I'ordre physique, vous avez
un puissant moyen de conquete.
En Allemagne, com me ailleurs, les fails sont la consecration
deces principes. Dans cellesdes provinces prussiennes, dans
les parlies du duche de Bade, de la Hesse, de la Saxe ou les
theories dont nous donnions plus haut un aper^a ont penetre
au sein del'ecole; la oil les inslituteurs ont suivi le courant
ROLE DE L ETAT. >i 45
cl'ifleesqui conduitdeP(^stalozziaM. Diesterweg, etsesont ran-
ges sous le drapeau aibore au parlement de Franefort, I'e-
cole, an point de vue moral comme an point de vue politique,
il faiit en faire I'aveu, a ete une menace quand elle n'etait pas
nne arme funesle. « Le gouvernemeiit s'unit a I'Eglise pour
nous faire la guerre, me disait un instituteur hegelien. Peu
impoite! notreoeuvreest accomplie. Les enfants qui noussont
passes par les mains sont maintenant de jeunes hommes;
qu'on essaye d'alteindre une generation tout enliere ! la police
aura beau faire, 11 n'est plus temps : un peu de patience, les
ev^nements le prouveront. »
La, au conlraire , ou I'ecole a respecle les liens qui Tunis-
sent a la Famille, a la Commune, a I'Eglise; oij elle s'est faite
I'inslrument de ces trois puissances dans lesquelles se resume
lat radition sociale, elle a ete, pour la verite religieuse comme
pour les interets de Torilre politique, un rempart et un point
d'appui Qu'on parcoure les provinces rhenanes, la Weslpha-
lie, la Silesie calholique et les qutlques provinces protes-
tantes oii un dogme delini est encore le neif d'un enseigne-
ment positif, et donne une base a I'education, on verra que
I'ecole y est le premier et indispensable anneau de la chaine
qui relient les generations nouvelles dans le culte de la loi
morale.
Cetle difference entre les fails observes dans les pays ca-
Iholiques et dans les pays proteslants, est la cause, je dois
le croire, d'un phenomene que j'ai eu peine a m'oxpliquer
au premier abord : c'est de la part des autorites protestantes,
autorites ecclesiastiques ou laiijues, que j'ai recueilli I'expres-
sion la plus vive des crainles que les evenements revolution-
naires des dernieres annees avaient partout fait naitre. Si, de
I'aulre cole du Rhin, j'ai trouve des deflances a I'egard des
ecoles normales primaires, si j'ai entendu blamei- la trop
grande extension donni'o a I'enseignement du peuple, etc...
10
44G SECONDE PARTIE.
ce n'est pas de la bouche des eveques que j'ai recueilli de telles
plaintes, c'est de celle des ministres proteslanls. Ce n'etait
ni le cardinal archeveque de Cologne, ni le cardinal eveqiie de
Breslau, ni revequedeMtinster quiexprimaient le voeu de voir
des ecoles slagiaires substituees dans un bref delai, au sys-
teme des ecoles normales, c'etait un conseiller ccclesias-
tique lutherien. Je livre ici les fails tels que j'ai eu occasion
de les saisir : on en tirera, si Ton veut, dans Tordre moial,
les consequences qui en decoulent naturellement. Je me con-
lente d'en conclure que la ou I'ecole est saineraent dirigee, la
ou elle n'a pas a redouter les atteintes du sceplicisme reli-
gieux, I'obligation de I'enseignement est, dans son principe
et dans ses resultats, une des amies les plus puissantes de Tes-
prit de conservation.
Aussi, je le declare en terminant ce chapitre, nulle part, au
milieu du bouleversement social des dernieres annees, ce sys-
leme n'a perdu sa haute vaieur morale. En plusieurs pays,
notamment dans les provinces centrales de Prusse et dans
la Saxe , a la vue de I'eflrayante dissolution des croyances,
(levant les progres d'un nihilisme qui a eu pour propagateurs
des maitres d'ecole et des ministres evangeliques, on recon-
nait que I'enseignement populaire s'est lemerairement, par-
fois, ecarte de la direction qui doit etre sa loi; on le con-
lesse tout haut. Mais si Ton cherche une voie nouvelle, ou
plulol si Ton s'elfoice de remonter le torrent, nulle part on
ne pense a tuer le principe pour reformer Tabus, a faire payer
a ce principe la faute des hommes; a briser I'instrument,
mais a s'en mieux servir.
Les devoirs de la mission dont nous elions charge nous
avaient conduit dans la capilale de la Silesie. Un eminent
prelat, un homme dont la religion et la science pleurent au-
jourd'hui la perte, le cardinal de Diepenbrock, nous fit I'hon-
neur de nous comniuniquer les lumiercs de sa haute raison
ROLE DE l'eTAT. ^47
sur differentes questions d'instruclion publiqiie. Et comme
je lui deraandais si, dans sa pensee, la diffusion de I'ensei-
gnement, au sein des masses, devait creer un peril pour la
sociele : « Jjimais, repondil-il, si I'idee religieuse assigne a
rinstrnction son L)ut,et preside a sa marche. D'ailleurs, il
ne s'agit plus de disculer la question. Elle est posee; sous
peine de mort, la societe doil la resoudre. Quand le wagon
est sur les rails, que resle-t-il a faire? Ale diriger. »
CHAPITRE DEUXIEME.
ROLE DE i'eGLISE EVANGELIQUE.
II est demontre que I'Etat, dans les differents pays de I'AI-
lemagne du nord, s'est constitue le protecteur vigilant des
principes sur lesqiiels repose I'ordre moral, et le defenseur
de la tradition religieuse.
Non-seulement, il a consacre ces principes par les aetes
de sa legislation, non-seulement il les a proclames dans le do-
maine de la theorie, mais il a pourvu a ce qu'ils fussent res-
pectes dans la pratique. 11 y a pourvu par deux moyens : pre-
miereraent, il a choisi, pour ses representants au sein de I'e-
cole, les interpretes par excellence de la tradition, et place
I'ensemble du regime scolaire sous la direction d'un corps
d'inspecteurs ecclesiastiques; en second lieu, il a fait en sorte
que cette tradition elle-meme ne fiit brisee, pour aucun des
membres du corps social : en imposantpartout Tobiigation de
I'enseignement, il a pris sous sa tu telle des droits meconnus;
et se substituant, dans Taccomplissement d'un devoir inipe-
rieux, aux families qui ne peuvent pas ou qui ne veulfnt pas y
faire face, il a satisfait a un interet de premier ordre.
Si done i'enseignement populaire , au dela du Rbin , est
sorti trop souvent des voies de la tradition et du bon sens,
cen'est pas I'Etat, nousle repetons, qu'il faut accuser del'alte-
ration morale dont nous avonsindique le caractereet constate
les effets.
On done cherchcr le coupable? et sur qui doit peser,
ROLE DE L EGLISE EVANGELIQLE. >| 49
avec le sentiment des fautes coramises, la responsabilite de
I'avenir?
L'Etat, dans cette grandeoeuvre de I'education, a eu etaura
toujours deux auxiliaires naturals, I'Eglise premierenient, et
la science pedagogique.
Comment I'Etat, dans les divers pays de rAllcraagne du
nord, particuliereraent en Prusse, a-t-il ete seconde par ces
deux puissances? Question delicate, et dont I'examen, en reve-
lant les liens elroits qui rattachent les questions d'eilucation
populaire aux plus hautes questions de I'ordre morsl, va met-
tre a nu Tune des plaies saignantes de I'Allemagne seplen-
trionale.
Ce n'est pas le lieu d'entrer dans une discussion pliiloso •
phiqueetreligieuse; maisil faut bien constater ce fait: lEglise
protestante allemande, aujourd'hui, non plus qu'il y a dix ans ' ,
ne s'entend sur ancun de ces trois points : I'origine et le carac-
tere du chrislianisme, la constitution interieure de I'Eglise,
les rapports de I'Eglise et de I'Etat. Sur ces trois chefs, — et
que reste-t-il des lors du doraaine de la tradition religieuse?
— il y a antagonisme flagrant entre I'ancien lutheranisme et
I'ancien culte reforme d'une part ; et de I'autre, I'Evangelisme
offlciel et une sorte d'arianisrae pbilosophique, beritier de la
sentimentalite platonicienne de Scbleiermacber.
Ces elements divers sont representes au sein du conscil
supreme [Oberkirchenrath] qui, depuis quatre annees, a re-
cueilli, pour le gouverneraent interieur de I'Eglise prussienne,
les attributions de la bureaucratic.
Quelle etait la pensee du pouvoir civil, lorsqu'il constilua
le conseil superieur ecclesiaslique^? I'Etat voyait dans ce
1. Voyez un chapitre du livre de M. Matter : De Vetat moral de I'Alle-
magne.
2. Ordonnanceroyale de i^bf).
"... Je donne mon approbation au projet qui ni'a ete soumis d'un
i50 SFXONDE P ARTIE.
corps line sorte de concile administratif permanent, anime tout
a la foisdu sentiment desbesoiiis religieux dii pays etdel'esprit
de gouvernement, moyen d'aclion pour lui-meme, principe de
cohesion poiirl'Eglisei.IIs'est trouvequ'endepitd'excellentes
intentions^, le conseil siiperieur ecclesiastiquen'etait quel'im-
puissance organisee. Ctiacune des decisions de ce corps su-
preme n'a ete que la resultante de forces qui se combattent,
une transaction forcee entre des principes qui se nient. Com-
ment eussent-elles ete revetues d'un caractere d'autorite et
d'une certaine valeur doctrinale?
Un jour Frederic- Guillaume III s'irapatiente de voir se
reglement pour les communes ecclesiastiques. Je decide que la section
du ministeredes culteschargee des affaires interieures de i'figlisesera con-
vertie, al'avenir, en Conseil superieur evangeliqne. C'est ma volonle que
I'applicalion du reglement communal ecclesiastique (Gemeindeordnung)
dans ies communes evangeliques, soit poursuivie d'apres les principes ap-
prouves par moi. Je charge le conseil superieur evangelique de mettre,
sansdelai, ce reglement en vigueur, el de preparer un rapport qui, d'ac-
cord avec lesdits principes, s'appnie en m^me temps sur I'idee d'un deve-
loppement plus large d'une constitution independante pour I'liglise.
«' Sanssouci, 29 juin 1850,
"Frederic-Guillauivie. •
1. Vovez a la fin du volume le Reglement pour V administration de VE-
glise evangelique, du 29 juin 1850.
2. Circulaire du conseil superieur ecclesiastique.
«4 Nous faisons savoir au consistoire que, d'apres I'ordonnance royale
du 29 juin de la presente annee, nous rommencons aujourd'hni a exercer
les attributions qui ont ete conferees au conseil superieur ecclesiastique...
" Prufondement penetres du sentiment de notre responsabilit^ et de
notre propre faiblesse, au milieu des difficultes du temps present, nous
avons cherche des forces dans la priere, et implore la protection de Dieu
pour I'Eglise fondee sur sa parole et sur son sang.
« Puisse-t il nous envoyer I'esprit de foi et de priere, etnous permettre,
avec son assistance, de jeter les bases de la constitution nouvelle que
nous avons mission de donner a I'figlise!
« Berlin, 11 juillet 1850.
« Le Conseil superieur evangelique. »»
ROLE DE l'eGLISE EVANGELIQUE. -i 51
perpetuer les qiierelles des deux commiiDions protestantes. 11
imagine d'en meler la substance et d'en tirer un culte qui
sera la religion officielle; et sur les mines des deux sectes
reprouvees, il eleve I'etablissement evangelique. La religion
sortie toute faite du ministere des cultes n'irapose pas, sans
rencontrer de resistance, son infaillibilite de fraiche date.
Supprimees par coup d'Etat, les consciences reagissent. Ce
qu'elle a perdu par ordonnance, la vieille passion sectaire le
regagne par esprit d'opposition. Bref , en 1847, un edit de
toUrance'^ replace les deux communions risiblement taxees
d'heresie par le culte improvise, au meme rang que Tevan-
gelisrae legal. Voila , en deux mots, Thistoire contemporaine
des cultes dont les interpretes officiels s'efforcent au sein de
\' Oberkirchenrath de Berlin, de constituer uneEglise. Mais qui
nelevoit? des synodes et des conventicules, la lutte a du
passer et est passee en effet dans le conseil superieur eccle-
siastique. Que represente ce conseil? quatre principes en
guerre. A qui adresse-t-il ses ordonnances? a des sectaires
qui, divises entre eux, s'unissent en ce seul point qu'ils lui
denient ses litres et contestent son autorite. A I'heure qu'il
est, X Union evangelique d'Alleraagne ignore si, oui ou non,
elle est en possession d'un symbole^, et, quand elle cherche a
1. Patent die Bildung neuer Religionsgesellschaften betreffend. (30
mars 1847.)
« Notre volonte inebranlable est de maintenir intacte, pour nos sujets,
la liberie de croyancelet de conscience garantie par VAllgemeines Land-
recht, et de leur assurer, dans la mesure des lois generales, la liberie
de reunion pour la celebration du culte. »
« In alien anderen Fallen bleiben bei neuen nach den Grundsatzen des
allgemeinen Landrechls zur Genehmigung vonSeiten desSlaals geeignet
befundenen Religionsgesellschaflendie zur Feier ihrer Religionshandlun-
gen bestelllen Personen sich beziehende Amlsliandlungen der oben be-
zeichnelen Art mil zivilrechtlicher Wirkung vorzunehmen... »>
2 . Voy ez Tune des dernieres publications de I'Union evangelique ( Urkun-
denbuch der evangclischen Union), par le D"" Nilzsch, conseiller de consis-
I 52 SECOiNDE I' ARTIE.
se rendre compte de I'aulorile qu'elle est appelee a exercer
sur les consciences, elle en est encore a se poser cette ques-
tion : Qui suis-je?
Le conseil superieur, on I'a vu, etait charge, par I'ordon-
nance meme qui i'institua, de presider a Tapplication d'un
reglement des Communes ecclesiastiqiies ; ce conseil se Irouvait
appele a etablir, au sein des communions protestantes, une
sorte d'unite dont il eut ete la clef de voute. L'article pre-
mier de I'ordonnance ecclesiastique du 27 juin 1850 etait
ainsi con^u :
« Chaque commune evangelique a le devoir, sous la direc-
tion du ministere ecclesiastique, de developper en elle le sen-
timent Chretien et la vie chrelienne. Comme raembre de
I'Eglise evangelique , elle fait profession de la doctrine fondee
sur la parole intelligible et claire de Dieu, a savoir les ecrits
des prophetes et des apotrcs, I'Ancien et le Nouveau Testa-
ment, et formulee dans les trois symboles principaux et les
professions de foi de la reformation; elle se soumet aux lois
generates et aux reglements de I'Eglise. »
II semble que Torthodoxie exigee par cet article n'enfer-
mat pas les consciences dans un cercle bien raena^ant. Pour-
tant, les pretentions au gouvernenient des esprits revelees par
la promulgation de I'ordonnance ont souleve partout des pro-
testations passionnees. Toutes les questions que I'organe supe-
rieur de I'evangelisme avail pu croire un instant resolues,
toire, professeur de theologie a I'universite de Berlin; ce livre commence
ainsi: "Puisque non-seu!ement les vaines objections dirigees centre TU-
nion evangelique par ceux qu'on appelle les aviis des symboles, mais en-
core les erreurs de ses propres enfants sur ses droits et sur les elements
qui la constituent se resument en cette question : TUnion a-t-elle une pro-
fession de foi?... (06 sie ein Bekenntniss aufzmveisen habe.)
ROLE DE l'eGLISE EVANGELIQUE. - -455
onl t'te posees de nouveau : De quel droit X Oberkirchenrath
parle-t-il au nom de I'Eglise? de qui tient-il sa mission? — Du
roi. — Mais a quel litre le roi noinme-t-il le eonscil? — A
titre de premier membre de l Eyhse. — Et pourquoi est-il pre-
mier mtmbre de I'Eglise? — Parce qu'il est roi'. — Com-
ment done, s'eeriait-on , nous enfermer dans ce eercle
vicieux? faut-il qu'eternellement s'appesantisse sur les con-
sciences la main d'un pouvoir etranger. et I'Eglise ne vivra-
t-elle jamais de sa vie propre? Le prince est I'eveque ne, le
chef naturel de I'evangelisme! mais alors mieux vaut le pape
de Rome, represenlant d'une pensee independante, que ce
pape dont le pouvoir n'est autre chose que le signe de I'asser-
vissement des consciences, qu'un insirumeni de regne. Eh quoi !
le roi lui-merae ne I'a-t-il pas dit : « Je benirai le jour ou il
me sera permis de remettre I'aulorite de I'Eglise evangelique,
entre des mains legitimes? » Quellcs sont ces mains? sinon
celles de I'Eglise elle-meme? Que I'Eglise done nomme ses
delegues ; qu'elle se trouve et s'affirme elle-meme; que le
conseil de I'Eglise soit librement elu, et convoquons un synode
general 2. ,
Synode! grand mot, petite chose pour I'Eglise protestante
d'Allemagne ! formule des aspirations vagues et des espe-
rances incertaines! Ce ne sont pas lessynodes qui ont manque,
depuis dix annees, au protestantisme d'outre-Rhin.Qu'est-il
1. . .Der Konig mussealsvornehmstes Glied der evangelisclienKirche
deren oberhaupt sein. Warum ist aber der Konig das vornehmste Glied?
eben weil er Kiinig ist.... ' Beurtheilung der eoanyelischen Gemeinde-
ordnung vom '29 juin 1850, par Haseniann, diakonus zu U. L. Frauen in
Halle). La promulgation de Tordonnance dont il s'agit a donne lieu a une
multitude de brochures dont les objections exposees ici ne sont que le
resume.
2. "...Dass der Kirchenrath ohne Vor.'^chlag frei gewahlt, und eine
Generalsynode beruTen wird, welche der Kirche zur vollen Selbslandig-
keil und namenliich den Gemeinden zurWahl ihrer Geistlichen verhilft.-
(Beurtheilung, etc., p. 47)
-154 SECONDE PARTIE.
sortide la conference des Eglises evangelkjues, et du concile na-
tional qui, en 1840, ontdelibere a Berlin? Qu'ont produit les
synodestout recemment convoques a Marburg «, a Eisenach?
11 ne manquait a ces assemblees que deux choses : le point
de depart, et le but. « Rassurez-vous, disait un raembre du
synode de 1846, a qui lui reprochait de deserter la confession
d'Augsbourg; nous attendrons longteraps avant de vousdon-
ner une confession de Berlin. >
J'etais a lena, deux raois avant I'ouverture du synode qui
devait reunir a Eisenach les pasteurs des differents Etats d'Al-
lemagne. oS'occupera-t-on,demandai-je a un pasteur, profes-
seur celebre de theologie a I'Universite, de questions dogma-
tiques et de doctrine? — Non, repondit le theologien ; on
trailera de liturgie, et de simples questions de forme. Sur le
reste, on ne peut penser a s'entendre; des qu'on se rencontre
surle terrain dogmatique, psssst... tout disparait. »
Cepsssst du theologien d'lena n'est que I'expression fami-
liere de la pensee reelle de I'Eglise evangelique allemande.
11 est a la fois un sarcasme et un aveu ; il fait comprendre ce
cri de douleur pousse par les derniers tenants du vieux culle
lutherien : « La reforme imposait au peuple alleraand une
double tache : renverser un edifice vieilli, etle remplacer par
un nouveau sur lesfondementsde I'Evangile. Nous avons bien
renverse en effet; mais oii est le monument nouveau?....
Le principe du proteslantisme a, dans son developpement
1. Le synode lenu a Marburg, au mois de mars 1852, s'est occupe de
I'orgiinisalion du culte. On y a emprunte a peu pres complei-ement les
formes de la liturgie calliolique. On en peut juger par ce qui suit :
« InlroTl [eingang). — Confession des peches. — Kyrie Eleison. — Ab-
solution. — Action de gr&ces. — Gloria.
« CoUecte. — Lecture de la Bible — Symbole — Preche.
"Preface. — Sanctus. — Priere generale pour tousles besoins de I'fi-
glise. — Consecration. — Agnus Dei. — Action de gr^ce. — Benedic-
tion. »
ROLE DE l'eGLISE EVANGELIQUE. -1 S5
extreme, ravage I'Eglise presque entiere. L'Eglise est mluite,
peu s'en faut, a un etat plus miserable que celui ou la trouva
Lullier quand il eleva sa puissante voix < . »
Ce n'est pas seulement I'origine du conseil superieur qu'in-
eriminait la critique. Chaque ligne de Vordonnance est de-
venue le texte d'une protestation : que parlez-vous du mi-
nistere ecclesiastique constitue dans chaque commune pour
diriger les consciences? Ce ministere, commencez par en
etablir les titres. La mission d'enseigner est-elle donnee d'en
haut par la grace divine, ou d'en bas par I'election du peu-
ple^?Et quel caractere concedez-vous decidement a I'Eglise
allemande? Episcopal^ ou presbylerien? D'autre part, com-
ment nous imposer la direction du pasteur de la com-
mune? Le but, le principe meme du [)rotestantisme n'est-il
pas que le sacerdoce, cessant d'etre le monopole de quelques-
1. «... Und dass der daraus erzeugte Rationalismus, nachdem er die
Auktoritat des Evangeliunis angegriffen und herabgeselzt, den Ctiristen
audi dieses selbst zu entziehen suchte, und eine schale Heidenlehre an
seine Stella bractite, dassdnnn aber das einmal angeregte und imnierfort
trfibenJe Princip des Protestantismus, jeden zum eigenen Herrn seines
Glaubens zu maclien, beinatie die ganze evangelische Kirclie verwuslet,
und fast zu elwas noch schlimmeren herabgebracht hat, als wogegen
Luther einst seine machtige Slimme erhoben. » {Das Schuhvesen impro-
testantichen Staate, par le D"" Giinlher, p. 13; (85'2, Elberfeld.)
2. Voyez un article de la celebre revue de M. HengsLenberg, Evange-
lishe-Kirchen-Zeitung (Janvier 1852) : « Ob das Amt in der Kirche eine
unmittelbare SliHung des Herrn oder ein Ausfluss des aligemeinen Pries-
terlhums ist, ob die Trjiger des Amies ein unmilteibar gollliches Recht fUr
sich haben, oder ob sie zuniichst niir Beauflragte der Gemeinde sind. •
Voyez aussi une brochure du D"" HoQing , Grundsatzv evang. lulhei'is-
cher Kirchenverfassung (1831, Erlangen) Ces points ont ele debattus sans
resultats dans la conlerence ecclesiastique de Leipzig, el dans celle d'El-
berfeld.
3. On se rappelle le bruit que fit louvrage de M. Bunsen : Constitution
de I'Eglise de Vavenir, oil I'auleur a developpe ie plan de VEpiscopalisme.
Ce plan fut appuye par M. de Stalil , mais conibattu par des liommes tels
que MM. Hengstenberg, Guericko, etc...
^56
SECONDE PARTIE.
uns, devienne peu a peu le privilege de tons; que chaqiie chef
de famille devienne pretre, eliaque maison uneeglise'? Et
d'ailleurs, le pasteur dont vous nous imposez les decisions
que pense-t-il lui-m^me? Avez-vous , en lui conferant sa
charge, exige de lui une profession de foi? Non. Vous le
creez pretre d'une religion que vous ne determinez pas; vous
le laisscz libre de se faire le ministre ou du lutheranisrae, ou
du culte reforme, ou de I'evangelisme^? Pourquoi done im-
poser au fidele le dogme dont vous affranchissez le pasleur,
etenleverau premier la liberie que vous laissez au second?
Quele pasteur soit rhomme de la commune; et que celle-ci
le choisisse au gre de ses preferences, sous I'impulsion de son
Doute ou de sa Foi, selon le point de vue religieux auquel
elle est placee'. Hors cela, il n'y a qu'impossibilite et non
sens'*. Car, enfln, il faut choisir : ou la liberie de critique,
ou I'autoi'ite; ou le protestantisme, ou le dogme traditionnel
de I'Eglise calholique. Que nous parlez-vous done de formules
immuables , d'un sacerdoce independant de la commune?
Vous n'etes plus I'Eglise de ceux qui prolestent, raais 1 Eglise
de ceux qui acceplent. Arriere done la Gemeindeordnung 1
Yieux lulheriens, anciens reformes, rationalistes, se sont
1. Das ieder Faniilienvaler ein Priester, und jedes Haus eine Kirche
werde... » {Das Schulwusen, i7n protestantischen Sladle ; p. 9.)
2. Le promoteur de la reaction orthodoxe proteslanfe, le D' Hengsten-
berg a demande qu'aucun pasleur ne fut charge d'une paroisse avant
qu'on ne se fut assure de ses croyances re!igieuses. On ne pent, en verite,
trouver la pretention exorbitante : « ..Niemanden ins Pfarramt einzu-
fuliren, von dessen lebendiger kirchlicher Ubeizeugung sie nicht vorher
gcgi lindete Uberzeugung gewonnen haben. » {Evang. kirchen Zeitung.
p. 37 1852.)
3. •... Dass die Gemeinde iliren Prediger wiihlt, dass er also ein Mann
ist, wie sie ihn nach ihrem religiosen Slandpuiikte wlinschl. » (Beuithei-
lung der evang., etc., p. v3.)
4. Eine forniulirte gijltliche Warheit \A fiir das Zeitbewus.-tsein eine
baare Unmoglichkeit, ein Unsinn geworden.» {Ibid.)
ROLF, DE l'eGLISE EVANGELIQIE. ^57
(lone acccordes ^ repousser Vordonnancc communale ecclesias-
tique : ceux-Ia par esprit de rivalite, ceux-ci par dedain
d'unc orthodoxie sans fondements, tons par besoin de protes-
tation contre une autorite sans litre.
Les vieux kilheriens se sont fait reraarqiier par I'energie de
leur opposition'. Dans une conference ecclesiastique des
surintendants de Pomeranie, vingt-huit pasteurs sur trente et
un repousserent la Gememdeordnung . Les Ahlulheraner ont
fait tons leurs efforts pour soustraire leurs ecoles a I'infliience
de I'Eglise evangelique : quoi i\QWQ,\ Union controlerait Lu-
ther! Et tout recemment, la regence de Francfort-sur-le M.nn
a reconnu qu'au point de vue de I'instruction religieuse les
etablissements dissidents n'auraient pas a subir I'exaraen des
inspectcurs de cercle^.
L'evangelisme, en subissantce comprorais, s'estsenti pique
au vif. II a declare que si Ton souffrait les ecoles specialcs des
vieux lutlieriens, du moins ces ecoles ne seraient tolerees
1. Les vieux lutheriens forment une fraction du lutheranisme prus-
sien, moins nombreuse chaque jour, mais tres remuante. L^ Altlutheraner
est un type qui devient rare et qu'il faut se hater d'^tudier. Voyez-Ie : il
gemit sur la dissolution dogmalique du protestanlisme, et, volontiers,
ferait de la Confession d'Augsbourg une loi de I'Etat. Rien avant Luther,
rienapres hii. II hait egalement deux choses : le catholicisme etla philo-
sophic. U satisferait sa conscience en brulant le pape, mais il aurait une
joie exlrfime a voir pendre le docleur Strauss.
Dans un cercle oil je me trouvais, on vint a parler dapietisme. J'en de-
mandai la defiiiilion. "Un pietiste, repondit une dame de beaucoup d'es-
prit, c'est un 6tTe hargneux qui, d'un(> main, tient les clefs du ciel , et
de I'autre un paquet de verges pour inviler les gens a enlrer. •
Entte I'ancien pietisme, celui de Spener, et le pieti>me actuei, il n'y a,
du resle, decommun que le nom Spener, dans ses Pia desideria, s'in-
surge, en restant un fervent Chretien, au nom de Vesprit, contre la forme.
Le pieii-me Cdntemporain relournerait volontiers la devise.
2. Circular- Erlass der kiiniglichen Ri'gierung zu Frankfurt, 21 mars
I85i : "Der Krei-;-Schulin.-pector wird den R iligionsunterricht in diesen
Schulen nicht in den Bereich seiner Cognition ziehen...»
-158 SECONDE PARTIE.
que comrae un nial necessaire', et il a recomniande a ses re-
presentaiils officiels de saisir toutes les occasions d'amener
la suppression de ces etablissements schismatiques.
Sur le terrain religieux proprenienl dit, le dissenliment est
plus vif encore, et le combat plus ardent. La eclatent des fails
qui rappellent les trisles scenes d'ages qui ne sont plus.
De temps a autre, grace a VUnion decretee par I'evangelisme,
on pent se croire au seizieme siecle.
Yoici la petition que provoquait, en 1852, dans le duche
de Bade, un des episodes auxquels je fais allusion.
« Messieurs les deputes de la seconde chambre,
« A la petition par nous presentee, lors de I'ouverture de
la session, nous avons a ajouter que les persecutions dont
nous somraes I'objet n'ont fait qu'augmenter, ainsi qu'il re-
sulte des fails suivants :
« Le 25 decembre, raourut un enfant d'un an et demi, fils
de Jean Virmele, lutherien, habitant d'lhringen, et I'un des
signataires de la presente petition. Comme le pasteur luthe-
rien ne pcut plus exercer ouverteraent son ministere, les pa-
rents desirerent que leur fils fut inhume sans I'intervention
d'aucun ministre.
« Mais defense de proceder a la ceremonie leur fut faite
par I'autorite ecclesiastique unie d'lhringen. II fut signifie
qu'elle aurait lieu selon le rite de I'Eglise unie {nach unirtem
11 1 Rilus), et au besoin avec la cooperation de la police.
« En effet, le 29 decembre au matin, on enleva aux parents
le corps de leur enfant, lequel, sous la garde de deux agents
de la police, et sans ^tre accompagne du pere ni de la mere,
fut enseveli selon le rite de I'Eglise officielle par un eccle-
siastique uni,
1. « Kann die Errichtung eigener Schulen der AUlulherriner nnr
als ein Uebelstand bedauert... » {Circular-Erlass, etc )
ROLE DE l'eGLISE EVANGEUQUE. ^59
«Le pasteur lutherien Eichhorn, appele par le pere pour
donner quelqiies consolations a la mere desolee, fut arr6te
par deux agents et conduit en prison par les gendarmes a
Altbreifach, et avee lui deux lulheriens de notre commune
qui voulaient defendre leur pasteur.
« Nous nous abstenons de toute reflexion, et nous supplions
la haute chambre de prendre en consideration les malheurs
de notre Eglise et de nous proteger aupres du gouvernement.»
{Suivent les signatures*)
De tels fails parlent par eux-memes.
A I'heure qu'il est, plus des deux tiers des communes prus-
siennes ont refuse de se ranger sous la banniere de I'evange-
lisme, et, sur les mines des symboles, revendique leur inde-
pendance absolue.
En 1846, dans une adresse presentee solennellement au
roi, le magistratde Berlin ne craignait pas de traiter de soi-
disant Eglise lEglise a laquelle appartiennent le roi, le conseil
superieur, tons les consistoires de Prusse.
On repete assez volontiers aujourd'hui les arguments du
magistrat de Berlin ; et bien des convictions se sentent a I'aise
dans cette singuliere profession de foi : « Pour la majorite
des citoyens, disait ce fonctionnaire au nom du protestan-
tisme berlinois, I'Ecriture et les livres symboliques sont
des temoignages sur le travail de forma lion de I'Eglise, des
ceuvres purement humaines, dont le fond , comme la forme,
portel'empreinte du sieclequiles. crea. La ne reside point la
verite absolue. La verite est dans 1' esprit qui agit et se meut
eternelleraent dans riiumanite. Le temps est venu de modi-
fier des formes d'un autre age... iNoiis supplions Yotre Majeste
d'inviter les autorites ecclesiastiques a ne point gener la li-
berie d'enseignement dans I'Eglise evangelique. Nous la sup-
plions de convoquci- une commission tiree de toutes les pro-
'160 SECOINDE PARTIE.
vinces, formee de laiqiies et d'ecclesiastiques, chargee, sous
la sanction royale, de preparer pour I'Eglise un projel de
constitution qui satisfasse aux besoins du temps *. »
Qnelles crises se developpent au Fein de I'Eglise protestante
alleniande, on le voit assez. Ce nest pas tout cependant. En
proie aux deeliirements interieurs, cette Eglise est assaillie au
dehors. Une horde d'envahisseurs au facheux renom, amis
proiestants, et sectaires des libres communes, pretendent s'y
installer a bon droit ; et s'elancent a I'assaut de la forteresse
demantelee, sous les drapeaux unis de pasteurs bien connus .
llhlich, Wislicenus et Sachse.
C'est ici le lieu de retracer un curieux episode. Get episode
eclaire d'un jour singulier I'etat interieur de I'Eglise evange-
lique de Prusse; et nous avons assiste nous-meme a la der-
niere phase des eveneraents que nous voulons rappeler.
En i84i, un pasteur de Magdebourg altaque, dans un ser-
mon, la divinile de Jesus-Christ. C'elait le moment ou les
Annales de Halle suspendaient sur la tele des lutheriens or-
thodoxes, comme sur celle des disciples de Schleiermacher,
la menace du despotismc hegelien. Leconsistoire cite le pas-
teur a sa barre, et fulmine une destitution. Grande rumeur
dans la commune! on crie, on menace, on intimide le tribu-
nal. Bref, la sentence de destitution est rapporlee, pour faire
place a une reprimande. C'est trop encore : une vingtaine de
I. Le niagistrat attaquait dans celte adresse le parti de I'orthorloxie,
et notamment son chef, le directeur de VEvangelische Kirchen-ZeUung,
M. Hengsteiiberg. « Ce parti, disait-il , recommence, vis-a-vis des vrais
proteslants, le role des Juifs vis-a vis des premiers chreliens. » — Le roi
repondit a cette singuliere sortie avec une dignite pleine de 6tie?se II
fit sentir e;i m^me temps ce qu'une telle manife.^tation devait avoir de
facheux : « Toute TEurofie a les yeux sur nous el sur 1 agitation de notre
Eglise. Que peuvent penser de nous les Confessions etrangeres et les
honimes impartiaux?... »
ROTE DE L EGLISE EYANGELIQUE. ^ 01
pasteurs se rasserablent a Gnadau, puis, en plus grand nom-
bre, a Halle, et protestent contre la sentence, o Nous somraes
atleints, disent-ils, dans la personne du pasteur condamne;
on vient de frapper, en lui, le droit d'examen, le principe
meme du protestantisme. Que les pasteurs qui veulent
croire librement se concertent. » — VapStre du rationalisme
popvlaire se revelait; c'etait un pasteur du petit village de
Pommelte, celui m^me qui avait provoque les deux assem-
blees de Gnadau et de Halle : il venait de creer I'association
des Amis protesiants ou Amis de la lumiere; des les premiers
pas, soixante confreres le suivaient; il se nommait Uhlich.
Quatre ans apres, quatre mille cinq cents adherents soute-
naient de leurs deniers le journal des Amis protestants, I'Edi-
fication cAre/eemze ( Blatter fiir christliche Erbauung); onze
mille neuf cents habitants de Magdebourg signaient de leurs
noms une declaration de rupture avec I'Eglise officielle, et,
invoquant, aux termesdu Landrechi^^ les droits des societes
toUrees, a I'exemple des Amis de Konigsberg, de Nordhausen,
de Halberstadt, etc., se constituaient en lihre commune. A ce
moment, M. Uhlich etait depossede de la cure qu'il occupait
depuis dix-huit ans. La libre commune de Magdebourg appela
le condamne, et le mit a sa t^te : c'etait le placer sur un
piedestal.
4848 eclate. Le mouveraent de separation de I'Eglise or/Ao-
doxe se propage, sans obstacle, sur tons les points de I'Alle-
magne. Des libres communes se formcnt en Prusse, en Saxe,
dans le duche de Weimar, dans la Baviere septentrionale,
en Hesse, en Bade. Amis proiesianis de Uhlich et caiholiques
allemands de Ronge se donnent la main, sur le terrain d'une
protestation radicale contre toute croyance positive et tout
symbole consacre. Les gouverneraents luissent le champ libre
1. II' part., t. XI.
11
462 SECONDE PARTIE.
a la double propagande religieuse et politique dont les libres
communes sont devenues les centres. Quelques pasteurs,
grace au reseau de chemins de fer qui relie toutes les pro-
vinces du Nord, jettent le feu d'une parole provoca trice sur
les populations qu'elle enflamme : leur chef, M. Uhlich, est
desormais le promoteur d'un vaste mouvement qui menace
de transformer I'Eglise evangelique : il va sieger, en vainqueur,
a Tassemblee nationale de Berlin.
Bientot, la politique fait volte-face : les evenefnents se pre-
cipitent. Denoncees par I'Eglise officielle comme des foyers de
conspiration politique, les libres communes sont surveillees,
traquees, detruites pour la plupart. Quelques-unes survivent,
etla plus forte de toutes, celle de Magdebourg. M. Uhlich re-
prend possession de son domaine. Assiste d'un collegue,
M. Sachse, et certain qu'en depit des poursuites dirigees
contre les associations reprouvees, son nom n'a pas eess6
de relentir aux oreilles des masses comme un cri de rallie-
ment et comme un mot d'ordre, il reprend la direction de la
communaute que, par habitude, on peut nommer sa paroisse;
et c'est au centre de la Saxe prussienne que regne, encore au-
jourd'hui, celui qui, depuis douze annees, donne tant de souci
au protestantisme legal ; qui, en ce moment m^me, conserve
dans les rangs inferieurs du corps ecclesiastique beaucoup
d'adeptes secrets , et que la voix publique a proclame le chef
des Amis protesiants.
Quelle 6tait la devise du pasteur Uhlich au moment ou il
signifiait sa rupture a I'Eglise evangelique? Avant tout, point
d'eclat , ni de fracas. M. Uhlich , a ses debuts, est venu
parler tres simplement le langage qui, n'en deplaise aux
Altlutheraner , n'est que la logique meme du protestantisme.
« II est de notre droit et de notre devoir, disaient par
son organe, en i841, les pasteurs assembles a Ilalle, dc dis-
cuter et de scruter avec notre raison tout ce qui se prescate
ROLE DE l'eGLISE EVANGELIQUE. \ G5
SOUS le nom de religion... C'est poiir nous une stricte obliga-
tion de perseverer dans notre charge, et dans notre vie.
Nous nous le promettons les uns aux autres comme nous
I'avons depuis longtemps promis a Dieu. Nous sommes heu-
reux de la pensee que notre croyance et nos efforts reposent
sur le fondement de I'Eglise protestante, lequel est toujours
Christ : voila pourquoi nous nous appelons les Amis pro-
testmits. »
Ni theorie, ni fantasmagorie scientifique; aueun lien appa-
rent avec les philosophies batailleuses. Un sysieme est un fragile
edifice; quand Tedifice s'ecroule, tant pis pour qui avait eu la
eandeur d'y chereher un abri! M. Uhlich etait prudent; lors-
qu'en 1844 lesjewies hegeliens s'efforcerent de I'attirer a lui :
« Batissez votre temple, repondirent ses amis aux philosophes,
nous vous encourageons de nos sympathies; mais ne nous
forcez pas a y entrer. »
Done, point de systeme pour remplacer un symbole, point
d'autorite substituee a une autorite, point d'ecole etablie sur
les ruines d'une Eglise ; mais simpleraent, — e'etait conforrae
aux instincts de la foule, — un rationalisme vulgaire se pre-
sentant, avec des allures modestes, comme le produit na-
turel de la raison du peuple, comme un fruit qui se detache
sans effort, a sa maturite, del'arbre meme du protestantisme,
A ce debut de sa carriere militante , le pasleur Uhlich
presente de singulieres analogies avec un Americain ce-
lebre, rainistre protestant lui aussi, Ellery Channing. Chan-
ning, je le sais, n'a jamais deserte les grandes idecs de la per-
sonnalite divine et de rimmortalite de I'ame, et sa raison
n'hesite pas a proclaraer la superiorite du christianisme sur
la philosophic. En sa qualite d'Americain, il prefere I'obser-
vation aux conjectures, les faits aux theories. Mais s'il accorde
au Sauveur une existence reelle, il rabaisse sa personne aux
proportions de rhumanitc. Pour Channing, comme pour
4 64 SECONDE PARTIE.
M. Uhlich a son point de depart, la religion est une sorte de
corapromis entre le rationalisme et la revelation, un aria-
nisme qui exchit les mysteres de la foi chretienne, sans oser
adiuetlre Ics temerites de la critique pure. Tous deux re-
poussent les formules dogmatiques quelles qu'elles soient.
Pour I'un ni pour I'autre, la verile religieuse n'est inde-
pendaote etabsolue; elle n'existe pas en dehors de I'esprit
qui la per^oit. Aussi variable que sont diverses les intel-
ligences, elle n'a, pour parlei* la langue d'outre-Rliin, qu'une
valeur esscntiellement subjective, et I'unite de croyance
n'est que le nora pompeux sous lequel se deguise I'esclavage
des ames. Point d'articles de foi, consequemment point d'E-
glise; et ainsi, la redoutable argumentation de Bossuet, celle
qui, sous la plume hautaine de I'auteur des Variatio7is, acca-
blait le protestanlisrae dogmatique du dix-septierae siecle,
passe, sansl'effleurer, au-dessus du protestanlisme insaisis-
sable de Channing et d'Uhlich. « Je ne vous donne, declare
Channing, les opinions d'aucune secte; je vous donne les
miennes. J'appartiens, il est vrai, a cette societe de chreliens
qui croient qu'il n'y a qu'unDieu etque J.-C. n'est pas ceDieu
unique ; mais mon adhesion a cette secte est loin d'etre en-
tiere... Je desire m'echapper de I'etroite enceinte d'une Eglise
particuliere, suivant la verite hurableraent, mais resolument,
quelque ardue et solitaire que soil la voie ou elle conduit. »
« Qu'est-ce qu'une Eglise? disait a son tour le pasteur
Uhlich ; une autorite qui immobilise la doctrine. Une
Eglise, sous peine de se nier elle-m^me, dit necessaire-
ment : « Tout ce qui n'est pas ma pensee est erreur; con-
science individuelle, je ne te connais pas, et si je te ren-
contre, c'est pour t'ecraser. » Et nous, flls du libre examen,
nous apporterions notre pierre a cet edifice menacant de
X Eglise I nous viendrions nous enfermer dans cette Eglise
protestante de Prusse, ou le roi est ev^que, ou le chris-
ROLE DE l'eglise evangelique. 465
tianisrae officiel est une branche de radministration publi-
que ! Non, non , soyez franchement pour I'Eglise , ou fran-
chement pour le libre examen; soyez catholique, ou soyez
protestant. Or les seuls vraisprotestants, c'est nous, les amis
de la haniere .l!^ous avons proteste, pendant de longues annees,
contre la transformation de la communaute (Geraeinschaft)
en Eglise (Kirehe), et c'est paree que notre protestation a ete
vaine que nous avons rejete le nom meme de I'Eglise, et que
nous soraraes devenus libres communes^. »
Ainsi, ce n'est pas au calholieisme que le pasteur de Mag-
debourg reservait ses mepris; c'est a ce fils batard de la re-
fornie qu'on appelle le protestantisme orthodoxe, a ce com-
promis illogique, qui, sous les trails d'une religion, n'est que
le masque d'une pensee politique.
Et maintenant, sur quelles bases devait reposer I'edifice
qui allait abriter les generations nouvelles? « La commune,
reprenait M. Uhlich, la commune vivante, la libre commune,
repose sur cette conviction que I'esprit de I'bumanite pos-
sede une puissance invincible de developpement : respect a
la souverainete de I'esprit, respect a la liberie de son essor !
La foret est-elle moins belle parce que des arbres d'especes
diverses y projettent leurs branches vers le ciel? Encore
une fois, nous nous rallions a ce cri : Une commune, point
d'Eglise! »
Que si Ton demandait au pasteur ce qu'il pensait dela per-
sonne du Christ : «Ce qu'est Jesus en lui-meme, repondait-il,
jc n'en sais rien, et la reponse me manque ; mais, ce qu'il est
pour rnoi, cela je le sais : il est mon Sauveur... Que Jesus ait
vecu, qu'il ait ete une personne unique sur la terre, je le crois,
car on le juge assez aux fruits qu'il a laisses, mais ma raison
m'interdit de le reconnaitre comme Dieu. »
1. Sojmstagis 6iatt, 1852,
466 SECONDE PARTIE.
Voila quelle etait en 1845 la profession de foi de solxante
a quatre-vingts pasteiirs de I'Eglise evangelique, quel etait a
leurs yeux le fondemeni de I'^glise protesiante.
Qu'on ne se meprenne point sur notre pensee. Je ne reproche
pas a M. Uhlich d'avoir rompu en visiere avec le dogmatisme
protestant. Je serais plutot tente delui en savoir gre, II a fait
preuve, encela, de sineerite et de courage. M. Uhlich u'est
pas une sorte de vicaire Savoyard pensant non, disaut oui :
ce qu'il pense il I'enseigne; or, leprincipe protestant une fois
pose, de quel droit enchainer Tesprit dans les liens d'une for-
mule? Le protestantisme n'a de raison d'etre qu'a la condition
de frayer la route a la libre pensee ; il est le commencement
du ralionalisme; il est cela ou il n'est rien. Seulement,
une fois le frein brise et la carriere ouverte , reste a sa-
voir oil s'arr^teront la logique et le desespoir de I'esprit
humain.
Nous avons constate le point de depart de BL Uhlich, indi-
quons maintenant ce qui est, pour lui , le point d'arrivee.
Ce sera faire connaitre le chemin parcouru, sous I'impulsion
de certains pasteurs et de certains maitres d'ecole , par
une fraction considerable des populations protestantes de
I'Allemagne du Nord. Penetrons plus avant dans la theorie
des libres communes : c'est ici que Henri Heine pourra
dire :
"Nous laissons le ciel aux anges et aux moineaux'. »
En accusant les doctrines du pasteur de Magdebourg , je
n'entends point mal parler de sa personne. J'ai vu de pres
M. Uhlich; il m'a re^u sans defiance, quand je lui etais par-
faitement inconnu ; il m'a introduit dans I'intimite de sa vie
J. Den Himniel uber!assen wir
Den Engeln und den Spatzen. {Deutschland.)
ROLE DE L^EGLISE EVANGELIQUE. J{ 67
de famille avec cet abandon plein de simplicite qu'on ne
trouve, je crois, qu'en AUemagne; et je n*y ai rien vu qui ne
coraraandat le respect *.
Je minterdirais de reproduire les termes d'une profession de
foi que, dans le Inisser aller d'un tete a tete, ra'a faitelepasteur
de la libre commune ; mais je retrouve cette profession de foi
dans le Caiechisme^ a I'usage des families, et dans la Feuille du
Dimanche (Sonntags-Blait)^ a I'usage de toutle monde. Evidem-
ment, il n'y a ici de secret pour personne, et le scrupule n'est
pas de mise. Ecoutez-donc le symbole actuel du pasteur Uhlich :
c'est celui d'un norabre considerable de lideles dans pre<^que
toutes les villes de l' AUemagne du nord.
1. 11 faut penetrer, pour se rendve chez M. Uhlich, au fond du quartier
populeux de Magdebourg. J'6tais conduit par un pauvre diable a qui j'ai
demande ce qu'il pensail du pasteur de la libre commune. •C'est le roi
des prol6taires, m'a repondu le va-nu-pieds, mais un roi qui n'est pas
riche, et qui boit de I'eau plus souvent que du vin. Parlons plus bas,
a-t-il ajoute, en baissant la voix, la police n'aime pas que des etrangers
aillent rendre visite au pasteur Uhlich. ■> — J'ai frappe a une humble porte
delaWallonbergerstrasse.Unejeunefille, gracieuseenfantdedouzeatreize
ans, aux joues roses, aux tresses blondes, est venue m'ouvrir en chantant.
La chambre oil j'ai ete introduit etait petite, d'un ameublement plus que
simple, garnie de livres. Des plantes grimpantes tapissaient la fenetre et
disputaient I'entree aux rayons du soleil, qui miroitaient, en se jouant, sur
une muraille lezardee. Le pasteur lisait, assis devant un bureau.
M. Uhlich est un homme de soixante ans, environ ; assez grand , mai-
gre de visage et de corps. Ses yeux, petits, ternes au premieE abord, s'a-
niment bientot d'une expression de bonhomie qui n'est pas sans finesse.
Ronge, quand il se faisait peindre pour la posterile, avant de s'eva-
nouir dans le ridicule , s'affublait d'un costume de heros, le poing crispe
sur une Bible, le regard enflamme, la t6te haute. M. Uhlich , en effigie
comme en realite, porte simplement la redingole et la cravate noire des
mortelsordinaires. II en est de sa physionomie et de toute sa personne,
comme de sa conversation : point d'anectalion ni de desir de poser; riea
de pretentieux ni de theatral.
2. Katechismus, von Uhlich, precede d'une dedicace aux peres, aux
meres et aux mattres. Magdebourg, 1851.
3. Sonntags-blatt, von Uhlich, 3'^ annee.
^68 SEGONDE PARTIE.
« Notre dogme, c'est de n'en avoir pas. Les anciennes re-
ligions ont suecessivement repondu aux besoins de Thuma-
nite, en offranta son intelligence des forraules differentes. La
religion d'aujourd'hui consiste a saisir les lois de ce develop-
penient indefini. Notre religion n'est autre chose que la fleur
dont I'epanouisseraent signale chaque progres de I'esprit hu-
main {die Blulhe die der 3Ienschengeisi injeder Zeit hervortreibt)'^
et notre profession de foi, — si nous pouvons nous servir de ce
terme vieilli, — se resume en ceci : Amour de I'hunianite!
— Et Dieu, qu'cn faites-vous? — Je pense qu'il y a dansla na-
ture une force qu'on appelle Dieu, et je crois peut^tre [viel-
leichl) a riramorlalite de Tame. — Peut-^trel c'est de la pru-
dence; et deeidement vous ne raourrez pas d'orthodoxie Mais
quelle idee vos Gdeles de Magdebourg se font-ils de cette force
qu'on appelle Dieu? — Aucune idee uniforraement adoptee par
tons ; chacun se represente la Divinite a sa maniere, selon la
diversite des esprits. Ce que je puis dire, c'est que le Dieu de
I'ancicnne religion, un Dieu distinct du raonde (einen Goit
aussei- der Well), un tel Dieu nous ne le connaissons pas. >
Negation de la personnalite divine, voila le terme auquel
aboutit, pourM. Uhlich, la revendication hautaine des droits
de la souverainete individuelle. Et telle est bien la pensee du
pasteur; car je retrouve cette pensee developpee presque a
chaque page de la Feuille du Dimanche. M. Uhlich se defend
d'etre alliee; et, en effet, il prononce souvent le nom de Dieu,
et n'abrite ses negations ni sous le systeme de Feuerbach, ni
sous la theorie de Bruno Bauer; de m^rae encore il pretend
au litre de chretien, parce qu'il repugne aux pitoyables argu-
ments qui trainent dans I'arriere-fond des ecoles alleinandes,
contre I'existence m^me de la personne du Christ. Mais, en
verite, qu'est-cc que le Dieu de M. Uhlich? Rien de plus que
le Dieu du chef actuel de I'extrerae hegelianisme, \mepuissance
ROLE DE l'eGLISE EYANGELIQUE. ^ 69
OU line force qui vit en tout^, Vdme du monde qui palpite en ioute
chose^, qui trouve son expression la plus haute dans Tesprit
de I'homme, et qui ne doit pos en etre distingue : voila le Dieu
de M. Uhlich. Or, lisezle Nouveau Christianisme de M. Miche-
let (de Berlin), et demandez au philosophe hegelien s'il entcnd
desavouer ce Dieu-la !
Avec une serablable theodicee pour base, que devient la
morale?
Dans son Catechisme , je me hale de le dire, M. Uhlich he re-
vele que desinientionshonnetes. L'homme.dil lepasteur, sans
grandes pretentions a la nouveaute philosojjhique, trouve en
lui-meme une triple loi, la loi du vrai, la loi du bon, la loi
du beau. En obeissant a ees lois il obeit a sa conscience, il
accomplit le devoir [P ft Icht). Or, I'homme est tenu a Taccom-
plissement du devoir, en depit de ses passions premierement,
etensuite en depit des obstacles exterieurs. Pourquoi? Parce
que fa ire son devoir c'est, pour Thomme, suivre Ics lois de
son etre.
De ce principe, M. Uhlich deduit des preceptes dont assu-
rement il faut souhaiter I'application : « . . Que I'amour de
tes sembhibles I'emporte sur I'amour de toi : le propre de
I'amour est de s'oublier soi-meme, et de Irouver son bien
dans le bien de son frere... » Rien de mieux. «... Donne a
ton ame la jouissanee du beau, dit encore M. Uhlich. Cette
jouissance, le plus pauvre pent la trouver dans la nature Orne
le monde, autantqu'il est en toi, des attraits de la beaute :
il reste encore beaucoup a faire pour que le monde devienne
le jardin de Dieu. Les peuples anciens, les Grecs, ont, en
cela, fait plus que nous; mais c'est le crime de beaucoup
1. Sonntags-Blattda l" fevrier 1852, dans un article intitule Unsere
Aussichten, et du 18 Janvier, dans le morceau : Gott mit uns.
2. Caiechismus, p. 31.
^ 70 SECONDE P ARTIE.
d'horaraes de nos jours de poursuivre le beau, sans se soucier
du hon. » — Quoi de plus innocent, je vous prie?
« La pudeur t'a ete donnee pour t'empecher de faire ce qui
offenserait la delicatesse des autres horames... Sois chaste!
I'horame s'abaisse en vivant a la raaniere des betes. La volupte
est un feu qui devore. Sois chaste dans tes paroles et dans tes
pensees. »
Voila qui est irreprochable. M. Uhlich parle du devoir et
des lots, il faut bien lui en savoir gre : mais e'est la evidem-
ment, chez lui, une vieille reminiscence de la pensee chre-
tienne, qu'il invoque encore au moment ou il la deserte, et
qu'il n'afflrme qu'en se dementant.
L'homme en accomplissant le devoir suit la loi de son etre.
qui vous I'a dit? Demandez a Fourier! A cote de I'idee du
devoir, l'homme trouve en soi, vous le declarez vous-meme,
I'impulsion de Xinstinct. De I'instinct ou du devoir, lequel sui-
vrai-je? Le premier comme le second, anterieurement au
second, se revele et commande. De quel droit Tiiiimoler?
Pourquoi le divin, das GoUliche, comme vous dites, ne serail-il
pas dans Tun autant et plus que dans rautre?Et, en effet,
qu'est-ce que I'instinct? I'impulsion donnee par la nature an-
terieurement a la reflexion. Or, si la nature se confond avec
Dieu, si la nature, consequemment, est sainte, comment et
pourquoi la combattre? Ge n'est plus de I'instinct qu'il faut
se defier; c'est la reflexion, reaction de la pensee contre I'in-
stinct, qu'on doit tenir pour suspecte. Ce n'est plus le devoir,
idee factice et creation arbitraire, qu'il faut glorifier, c'est
V attraction passionnelle. Et, a la place de cette theorie qui
prouve a la fois et I'honnetete de voire esprit et son inconse-
quence, 6 pasteur Uhlich, il faut introniser un de ces systemes
qui battent en breche les verites morales dont vous vous dites,
eu toute naivete, le defenseur. Vous avez cru dresser un pie-
ROLE DE L EGLISE EVANGELIQUE. A 7\
destal pour la statue du Devoir; il vous faut y elever la statue
(le la Passion.
Et, d'ailleurs, que parlez-vous de lots, quand vous n'osez
donncr a ces lois, par de la cette existence d'un jour, ni sanc-
tion ni point d'appui ; et que, pour fondement de la vie mo-
rale, vous ne posez qu'une en'igme : pent- elre ! L^ personnalite
de rhorame subsiste~t-elle apres la mort , ou, comme on
disait autrefois, I'ame est-elle immorieWe'^ Ilesfpermis del' espe-
rer, repondez-vous. Permission magnanime, mais que la sa-
gesse antique accordait deja a I'humanite, il y a 2,000 ans ! En-
core, vous ne donnez cette permission qu'au prix d'une contra-
diction nouvelle. Car, a la maniere dont vous concevez Dieu,
si I'esprit est permanent dans la nature qui demeure, il ne
Test pas dans les individus qui se succedent.
G'est apres avoir donne au genre humain, pour le guider
vers I'avenir, un enseignement de cette nature, que le pasteur
Ulilich s'ecrie d'un ton qui fait sourire : « Voila notre
religion ! Les autres liommes ont le droit de comprendre
la religion autrement que nous. L'histoire nous apprend
que toutes les religions, jusqu'a ce jour, ont ete impuis-
santes a conduire rhumanite dans la voie de ses liautes
destinees, ou qu'elles ont raeme entrave sa marche. »
Que M. Uhlich se soil insurge contre I'evangelisme legal,
qu'il ait invoque contre une aulorite sans litres le principe
meme du protestantisme, pour ma part, je n'y trouve rien a
redire : c'est affaire de famille entre lui et I'Eglise offlcieile.
Que cetle Eglise se defende, et que le conseil superieur ec-
clesiastique aiguise de tins arguments contre le plat ratio-
nalisme^ du pasteur ! Je dirai plus: dans cette partie de I'en-
treprise de M. Uhlich, ce n'est pas en faveur de I'evangelisme
orthodoxe que s'eveillent en moi des sympathies. Le pasteur,
1. Platter Rationalismus.
'1 72 SECONDE PARTIE.
j'en siiis convaincu, etait de bonne foi, et ni la philsophie ni
le catholicisme n'eussent vouln le blamer quand, au debut de
sa rupture, il eerivait : « Les chaines qui attachent le corps
de I'Eiilise evangelique sont si serrees, que les membres s'a-
trophient faute de mouvement; qu'on leur rende la vie,Dieu
fera le reste; il n'a point peur de la liberie... De notre temps,
continuait-il avee un accent qn'on ne peut meconnaitre, on
est oblige de conquerir sa foi sur soi-m6me. Pour peu qu'on
y mette de serieux, il en coiite beaucoup de combats exte-
rieurs... La religion de Thomme consciencieux est comrae
un fruit bon a cueillir. Depuis le moment oii le bourgeon a
paru, comhien n'a-t-il pas fallu, pour I'amener a raaturite,
de beaux jours et de jours d'orage, de soleil et de pluie, d'in-
visibles mouvements dans la seve, de progres et de transfor-
ma lions cachees ! »
Sept ans plus lard en 1852, alors que I'Eglise officielle in-
voquait, contre les libres communes, Tappui du bras seculier,
le pasleur poursuivi et Iraque dans Magdebourg, eerivait, au
renouvellement de I'annee, dans son journal hebdomadaire :
« Panvre Feuille da dimanche, que te dire pour la nouvelle
annee? Aujourd'hui loule levre s'ouvte, toute main se serre
pour un voeu de bonheur ; pour tons, dans le jardin de la
vie, peut s'epanouir la fleur et murir le fruit de I'espe-
rance! Mais, pour nous, ou done en ce pays peut briller
I'espoir de la liberie religieuse?
V Partout I'idee spirituelle s'appuie de nouveau sur la puis-
sance du glaive; et cette alliance pese lourdement sur qui-
conque iiivoque rindepondance des ames. En Autriche, les
libres communes sont delruifes; ainsi en est-il en Baviere.
En Saxe, quelques-unes subsistent encore ^a et la, comrae on
voil queiques fleurs elever tristement leurs tiges apres les
premieres gelees de I'hiver. A Dessau, a Altenburg, a Bern-
burg, les coramunautes restent sans pasteurs. En Prusse, nous
ROLE DE L EGLISE EVANGELIQCE. \ 75
le savons, notre chemin est seme d'epines. Resle-t-il iin coin
de terre ou piiisse germer la fleur de Tesperiince? oii laisser
tomber un voeu de bonheur qui ne soil pas iin son vain et
sterile?))
Je le repete, je ne reprocherai a M. Uhlich ni la reven-
dication bardie du principe proteslant conlre I'Eglise evan-
gelique, ni la melancolie poetiqiie et resignee de sos plaintes.
Mais ou I'application de ce principe I'a-t-elle conduit? A I'a-
Iheisme ! Quels hommesa-t-il acceples pour les associer a son
oeuvre? Des eleves declares de Feuerbach et de Slirner. « Je
represente, entendais-je dire au past(^ur Uhlich, je represente
I'elcment modere et conservateur des libres communes; mon
role est de preparer prudemment la transition. Mais mon col-
legue a I'ardeur de la jeuiiesse, il est plus pres de I'avenir. s
Ce coUegue, c'etait un autre pastcur, collaborateui de
M. Uhlich dans la direction de la libre commune de Magde-
bourg. L'avenir dont s'etait deja empare cet autre pasleur, et
vers lequel il poussait la loule, cet avenir, quel est-il?
« II est temps, me disait a Magdebourg M. Sachse, que Thu-
manile cesse d'objectiver les allribuls qui lui apparliennenl,
pour les conceder a un etre exterieur et factice qu'on appelle
Dieu. II faut qu'elle revienne enfin au veritable objet de I'ado-
ration, c'est-a-dire a elle-raeme. »
Nous voici au centre de la faction philosophique des athees.
Feuerbach s'adressant a un confrere en alheisme, Stirner,
lui faisait celte admonition : « II n'y a pas de Dieu, il n'y a
que des perfections de Dieu ; et ces perfections appartiennent
a rhomrae qui les appelle Dieu, quand, dans I'enivrement de
son eoeur, 11 oublie que son cceur lui appartient.Vous, Stirner,
qui soutenez que Dieu c'est le neant, vous ^tes encore un
athec bigot; car le neant, c'est une definition de Dieu*. »>
1. A quoi Slirner repond : ^Je suis meilleur athee que vous, qui pensez
474 SECONDE PARTIE.
Feuerbach peutetre satisfait: ses doctrines ont faitdii cliemin;
elles sont popiilaires dans les libres comm.unes^ et ce sont des
pasteursqui en sont les apotres.
a Le chrislianisme est passe, repond an pasteup Saclise la voix
du pasteur Wislieenus; froid et mort, il ne s'empare plus des
forces vivantes de IVsprit. II petrifie et paralyse les ames, par-
Ions un autre langage an peupledevenu majeur *. » Wislieenus
et Sachse, voila quels ont ete finalement les coliaborateurs de
M. Uhlich^.
On se rappelle le mot de M. Diesterweg : « Elan^ons-nous,
et vive le voyage en pleine nier! » le pasteur, on le voit,
s'entend merveilleusement avec I'instituteur, I'Ecole avec
I'Eglise : «Advienne que pourra! »
Sur la grand'plaeedeMagdebourg on admire unecathedrale,
monument immortel qu'eleva la foi des siecles evanouis.
Sortie vivante des mains du eatholicisme, la catbedrale
est aujourd'hui deserte et morte. Une fois la semaine
elle s'ouvre a quelques rares fideles; et sous les voutes qui,
depuis Otbon le Grand, abriterentla pensee religieuse de I'Al-
Tetre parce que vous ne croyez pas a I'existence du sujet divin ; moi, je
ne crois pas a I'existence des qualites divines, a la juslice, a Tamour, a la
sagesse, que vous vous imaginez voir dansThomme. Jene crois pas davan-
tage a Thomme. L'liomme, le moi, n'est qu'un mot. II n'y a qu'une essence
reelle; c'esl Tindividu particulier dans sa jouissance egoiste; o'est tot,
Pierre ou Paul. > J'ose a peine renvoyer le lectenr a Todieux et pitoyable
ouvrage de Feuerbach : Qu'est-ce que la Religion?
1. II y a un an, M. Wislieenus publia un livre : la Bible du peuple, re-
sume d'inveclives grossieres contre le chrislianisme ; poursuivi en juslice,
et certain, par avance, de sa condamnation, il a prefere Texil en Ameri-
que aux deux annees de prison dont il elait menace.
2. Voyez la revue periodique, Nouvelle reforme pour la conqu^te de la
religion de r/mmamfe, par Wislieenus. Decembre 1851. « Das Christen-
thum kann nicht mehr geniigen ; kail und todt, besitzt es nicht mehr die
wirkenden Kriifte von elwas Lebendem; es erstarrt und liihral die Seele;
sprechen wir eine undre Spruchc zum miindigen "Volke...» etc., etc.
ROLE DE L EGLISE EVANGELIQUE. ^ 76
lemagne, regne un silence qu'interrompent seulement les pas
des voyageurs et le cri des oiseaux de nuit qui se dispiitent
les cliapitcaux golhiques. La vie s'est retiree avec le calho-
licisme ; dans ce corps on ne sent plus palpiter une anie.
Non loin de la, s'ouvre le temple, ou, pour mieux dire, la
maison commune ou, trois fois la semaine, un niaterialisme
qui ne se voile pas, convoque aux pieds de MM. Uhlich
et Sachse une foule compacte et empressee. Et ainsi ,
Ton pent toucher du doigt le resultat des deehirements in-
terieurs de I'Eglise evangelique prussienne. Le cycle des
erreurs a ^te parcouru ; une pente irresistible a dirige le
cours de la pensee populaire de la chaire de Hegel a la tribune
des pasteurs de Magdebourg. La tradition des ages Chretiens
vient se briser contre les formules des amis protesfanis; le
flambeau qu'alluma sur I'Allemagne le genie du spiritualisme
s'eteint sous le pied des disciples de Feuerbach. La cathe-
drale est vaincue par le Gemeindehaus, saint Boniface par
M. Sachse; et — 6 derision de la pensee humaine ! — tout le
travail des siecles aboutit a la libre commune de Magdebourg ' .
Assurement, il serait injuste d'accuser le protestantisme
allemand tout entier decomplicite avec de tels emportements.
La croyance du grand nombre echappe tout a la fois eta la
contagion d'un nihilisme insense, et aux etreintes de cette or-
thodoxie boiteuse reconstituee sur la base d'unesorte de pro-
testantisme honleux, par M. le professeur Hengstenberg. Ce ne
sont ni le docteur Strauss, ni Feuerbach, ni Stirner qui don-
nent rimpulsion aux facuUes de theologie de Berlin, de Halle,
1. Depuis que crs lignes ont ete (^crites, la police est venue en aide a
I'Eglise evangelique. On a accuse la libre commune de Magdebourg d'en-
trelenir un foyer d'agitalion politique; et, le directoire de la commune
ayant, par suite de scissions inteiieures donne sa demission, il a ete en-
joint de ne plus tolerer les reunions des Amis protestants.
I7G SECOISDE PARTIE.
ou de Bonn ; le doux et pieux Neander est invoque, je le sais,
par qiielqiies disciples fitleles, comme le jiige dii camp entre
deux partis egalement absolus. Neander a le double nierite,
pour beaucoup d'csprits nioderes, d'un cote d'avoir donne
le premier signal de la protestation contre le panlheisme
hegelien, de I'autre d'avoir loujours repugne, par principe et
par caractere, aux exigences de I'orlhodoxie officielle; c'est
sous le drapeau de Neander que des theologiens lels que
MM. Lucke, Tholuck, Muller, Dorner s'empressenlaujourd'hui
de cherelier un abri ; et tout dernierement le souvenir du sa-
vant amideSchleiermacher avail assez de puissance pourcon-
querir la cliaire d'histoire ecclesiastique de TUniversite de
Halle, au [irolitde son disciple prefere,M. Jacobi ; lout cela est
vrai! mais ce qui est vrai aussi, c'est que I'Eglise protestante
allemande, affaiblie qu'elle est par le developpement de I'idee
nieme qui la crea, logiqut^menteiivahie par des puissances re-
cipi'oquement hostiles, n'a plus, en face de I'anarchie morale
qui se dec liaine, ni force de cohesion, ni principe de gouverne-
nient. Nel'a-l-on pas vue, au moment m^ine oil le rationalisrae
nco hegeiien marc bait lete levtee a laconqueledesesprils, faire
alliance avec les organisateurs des libres communes'? iia-i-on
pas vu quatre-vingl-six dignitaires de cette Eglise, pasteurs,
predicateurs, membresdes consisloires, avec deux surinlen-
dants en t^te, nouer une coalition de tactique avec les amis
protesianis , et le premier prc^'lat de la bierarchie evangc^lique
donner la main au pasteur Uhlich' ?
1. En 1845, M. Hengstenberg , dans la Gazette evangelique, combat-
tait ceUe coalition. — • Le beau j^peclacie, disait-il, que prepare
cette astucieuse sages<e! le bel ordre avec lequel elle menage son
triomphe! Voyez-la faire : elle va pousser a l'exlr§me droitd la Ga-
zette evangelique, rejelee par un si grand ecart, en dehors de touts in-
fluence; a Pexlr^me gauche, les rationalistes de Wislicenus! au centre,
avec Pexcellent Uhlich d'un coie, et les demi partisans de I'orlhodoxie de
I'autre; puis les paisibles eleves de Schleiermacher. Alors arrivera sans
ROLE DE l'eGLISE EVANGELIQUE. ^77
Ce qii'est revangelisme en theologie, il le sera necessaire-
raent sur le terrain pedagogique; s'il laisse I'esprit de critique
envahir le temple, il ouvrira au scepticisme les portes de
I'eeole. Et ainsi,la tradition religieuse et sociale sera viciee
dans sa double source.
Je ne parte pas ici de I'enseigneraent donne, dans cer-
taines ecoles populaires, sous I'inspiration de ce groupe de
pasteurs qui, ouvertement ou in petto, conspirent, au nora
de I'evangelisme, centre I'autorite morale de I'idee chretienne;
et declarent sansfa^on que la christologie tout entiere est a
transformer^. Je laisse la ces extremes ; je me place au sein de
ce clerge qui est sorti des mains des professeurs de theologie
les plus renommes, il y a quinze ans, Eiclihorn, Staudlin,
Wegscheider ; je prends pour type un homme dont I'influence
pedagogique a ete considerable, et qui, au litre de pasteur, a
joint les fonctionsde directeur d'ecole normale, de conseiller
scolaireet de conseiller consislorial, Frederic Dinter. Qu'etait
le christianisme de Dinter? une doctrine depouillee du carac-
teresurnaturel, la doctrine du hienfaiteur le plus illustre del'hu-
manite 2, en somme, le rationalisme de Reimarus, a peu de chose
pres. Toute une generation de pasteurs et d'instituteurs a ete
form^e al'image de Frederic Dinter. Quand parurentles amis
de lalumiere rejetant lesmiracles de I'Evangile au rang des pro-
diges du Goran; quand la faction audacieuse qui se ralliait
autour des Annales de Halle, vint rajeunir, pour les imagina-
tions allemandes, sous la phraseologie de Feuerbach, les theo-
ries d'Helvetius et de d'Holbach, lenerf de la resistance etait
doute le regne de Dieu : les loups et les brebis, les chevreaux et les pan-
theres habileront joyeusement ensemble. • Voyez aussi, a ce sujet, deux
lettres de M. de Stahl.
1. Die. neue Reform, etc., passim.
2, Voy., Reden an kiinftige Lehrer, III, 213. — Partout, dans ses ser-
mons et explications de rficriture, Dinter reste a ce point de vue, et
soumet rficrilure au controle de la critique.
12
■1 78 SECONDE PARTIE.
brise ; la digue livrait desormais passage aux flots destructeurs
du pantheisrae hegelien.
Et maintenant, nous le deraandons, I'Etat a-t-il pu et peut-il
compter sur une telle Eglise , pour le suppleer dans son
ceuvre de reconstruction on siraplement de conservation
sociale? II s'etait efforce de I'associer, sur le terrain de I'edu-
cation, a une tache commune, avec quelle persistance, on le
sait : I'Eglise protestante d'Allemagne a officiellement accepte
cette alliance; mais elle en a detruit les effets, en en dena-
turant les conditions. L'Etat voyait dans le corps ecclesias-
tique un allie que lui creait la nature meme des choses ; il
y a trouve sinon un adversaire, du moins un auxiliaire sans
vertu propre, et qu'il lui a fallu proteger, bien loin d'en
etre defendu : qu'on ne s'etonne done pas, si la direction de
I'Eglise protestante allemande appartient, de fait, non a I'E-
glise meme, mais a I'Etat; si I'Etat lui fait sentir le frein, et
semble assumer, a sa place, la responsabilite du gouver-
nement des ames. Ce n'est pas d'aujourd'hui que I'autorite
spirituelle, au-dela du Rhin, est convaincue d'impuissance, et
gourmandee par le pouvoir civil : « Le monarque, disait
Frederic-Guillaume II en publiant I'edit de religion de 1788,
le monarque a vu avec douleur que beaucoup de ministres de
TEglise s'arrogeaient une licence effrenee dans leur ensei-
gnement confessionnel, qu'ils rechauffaient et repandaient
les erreurs des Sociniens, Deistes, Naturalistes et autres
sectes semblables. Or le premier devoir d'un prince chretien,
e'est de raaintenir la purete de la religion suivant la lettre
de la Bible. » Cinquante ans plus tard, le gouverneraent prus-
sien ne craignait pas de declarer par la bouche du ministre dos
cultes* : « que le temps etait arrive de maintenir les croyances
1. M. Eichhorn.
ROLE DE l'eGLISE EVANGELIQUE. -179
par des moyens energiques. » (Triste resssource, en verite! ) Et,
au meme moment, le roi de Saxe, dans son discours d'ouverture
des ehambres,laissait entendre ces paroles: «Les troubles qui se
produisent^menacentdedepassertoute mesure. Vous m'aide-
rez a preserver i'Eglise de cet ebranlement; je dois empecher
que les piliersde I'Etat, les londements de Texistence humaine,
la religion et la foi s'affaissent et s'ecroulent. » Aujourd'hui
meme , n'est - ce point I'autorite civile qui , dans la lutte
conlre I'atheisme des libres communes 2, se substitue au
Conseil superieur ecclesiastique, et s'empare, au nom de la
politique, du role assigne a I'autorite doctrinale? Si les tem-
ples des amis de la lumiere ne resolvent ])lus, a I'heurc qu'il
est, les populations egarees, ce n'est pas Tenseignement de
FEglise qui en a eloigne les sectaires en conquerant leurs
esprits, e'est la main de I'Etat qui en a ferme les portes s.
De quel droit , I'Etat fait-il lapolice des cboses reli-
gieuses'', et, au milieu des oscillations de la foi protestante,
1. L'agitation suscitee par les Annales hegeliennes de Halle.
2. Voyez les discussions de la premiere chambre, 15 mars 1852 ; dis-
cours du ministre de Tinlerieur et du ministre de rinstruction publique.
"Laissez, disait M. de Raumer, laissez la jeune generation grandir dans
ces principes et sans croyanceen Dieu {ohne den Glauben an Gott), vous
ne tarderez pas a en recueillir les fruits. »
3. Circulaire du 29 septembre 1851 a tous les presidents de provinces,
pour les engager a agir centre les libres communes : «... 1st aber flip
die Staatsregierung die unabweisbare Pflicht erwachsen, denselben mit
alien gesetzlichen Milteln entgegen zu treten.-
4o • Pour peu qu'on se represente fidelement I'etat vrai des opinions re-
ligieuses dans la grande majorite du clerge protestant de la Prusse, on
voit tout de suite combien les croyances different aujourd'hui des sym-
boles reconnus a la paix de Westphalie. Or, ce sont ces symboles quo
r^ditdu 30 mars 1847 (I'edit de Tolerance dont nous avous parle), erige
en criterium supreme pour rejeter quiconque ne les admet pas, du sein
des figlises etablies, approuvees et salariees par le gouvernement ; c'est-
a dire que, I'orthodoxie prussienne etant, en somme, une question de majo-
rite (ce qui est la seule base possible de toute orthodoxie protestante),
une minority assise dans les consistoires par un pouvoir purement lai'que
180 SECONDE PARTIE.
adopte-t-il, selon le reproche adresse par les dissidents,
xme formule qui le cree pape? La n'est pas la question ; au
besoin, il invoquerait pour excuse cette justification des
. droits mal etablis, la necessite. Quoi qu'il en soit, I'Etat de-
mandait a I'Eglise, dans I'ordre doctrinal, « un point fixe
qui fut en meme temps un point d'appui et un point d'ar-
ret* ; » I'Eglise allemande ne luiapresente que le vide. Au lieu
d'etre un element conservateur, elle a ete presque partout un
principe de dissolution ; loin qu'ell e fortifiat I'Etat, I'Etat s'est
afiaibli a son contact; et si cette Eglise, aujourd'hui encore,
semblese survivre a elle-m^me, elle doit cette vie factice a
I'interventioncontre nature d'unpouvoiretranger,pouvoirqui
la subjugue en la protegeant, et ne la soutient qu'a la con-
dition de I'absorber.
impose neanmoins les formula! res de 1648 a cette masse ardente porlee
dans de plus larges sentiers. Le concile diplomatique de 1648 doit done
faire date pour les questions de dogme comme pour les questions de po-
litique ; mais, tandis que I'histoire a deja deux ou trois fois bouleverse
la politique decreleepar lesnegociateursdudix-septieme siecle, la stricte
devotion de ces pieux evangelistes nes, eux-m6mes, il a quelque vingt
ans,nereconnaitd'£glise normale que les figlisesconforniesauxprincipes
religieux des doctes Peres de Munster et d'Osnabruck. • (M. Alexandre
Thomas, Revue des Deux-Mondes).
1. M. Guizot.
CHAPITRE TROISIEME.
RULE DE LA SCIENCE PEDAGOGIQUE.
« Notre ^glise, me disait h Berlin iin horame considerable,
est line mineure qui ne peut jamais etre eraancipee. II lui faiit
un tuteur qui la dirige, la surveille et, au besoin, la chatie. »
Cette parole es t comme le resume des fails qui ont ete exposes
dans le precedent chapitre.
On salt maintenant jusqu a quel point et dans quelles 11-
mites, I'Etat, au dela du Rhin, dans les pays protestants, peut
compter sur I'Eglise pour le seconder dans I'oeuvre de I'edu-
cation populaire ; on peut mesurer la part de responsabilite
qui revient a cette derniere dans I'insurrection morale que
nous avons vue se developper au sein de I'ecole.
Certes, c'est une situation perilleuse, pour une societe, que
celle qui lui est faite par la complicite de I'autorite spirituellc
avec I'esprit de negation. A la considerer dans son role
social, et independamment de toute question dogmatique,
qu'est-ce que VEglise'> le point d'appui pour la resistance, le
pouvoir moderateur par excellence vis a vis des passions
revolutionnaires. Que ce point d'appui vienne a manquer,
I'equilibre des forces sociales est rompu.
Que si Ton envisage les consequences de ce fait dans
le domaine de i'education publique , on verra que le
rcssort le plus energiquc de la discipline morale est brise,
et que I'idee du gouvcrnement des ames est viciee dans
son principe esscnticl. « Ghassez le dogmatisme de I'ecole,
182 SECONDE PARTIE.
s'ecriait-on au parlement de Francfort; il nous faut une gene-
ration qui ne subisse pas plus I'influence de I'Eglise, qu'elle
ne subit I'influence de I'Etat... Que les ecoles ne pretendent
point diriger I'enfant ; qu'elles le laissent aller la oii I'entraine
le souffle de vie qu'il sent palpiter dans son arae ^ ! »
Je doute que tel soit le role que I'Etat pretende assigner a
Tecole.
A cote de I'Eglise, il est une puissance qui, dans le domaine
de I'enseignemenl, aspire a la direction dcs esprits; qui, au
dela du Rliin, plus specialement qu'ailleurs, est le second auxi-
liaire de I'Etat dans Toeuvre de I'education publique ; e'est
eette science qui recherche les lois d'apres lesquelles s'ac-
complit le developpement de Y27idividu,- qui, en Allemagne
singulierement, serattache ala philosophic generate, pour hii
eraprunter son point de depart et sa methode, je veux parler
de la Science pedagogique.
Nous avons expose, dans le premier chapitre de cetouvrage,
les principes qui, jusqu'a la fin du dix-huitieme siecle, presi-
derent, dans 1' Allemagne protestante comme dansl'Allemagne
catholique, a la marche de Tenseigneraent popiilaire.
Ces principes, dans les pays catholiques d'outre-Rhin, n'ont
pas cesse de constituer la base de I'edifice scolaire ; dans ces
contrees, le filon pedagogique de I'epoquc anterieure se pro-
longe plus ou moins profondement en plein terrain classiqiie
du dix-neuvierae siecle. Qu'on visite les ecoles primaires des
provinces rhenanes, de laWestphalie, dela Hesse meridionale,
de la Silesie; qu'on etudie les ecoles norraales de Kempen, de
Briilh, de Fulda, de Breslau, on y trouvera I'enseignement
de I'horame qui semble le resume vivant de la periode ou
I'ecole, simple annexe de I'Eglise, etait I'instrument de la
1, F. le discours de M. Paur (de Neisse), rapporteur du comite des
ecoles.
ROLE DE LA SCIENCE I'EDAGOGIQL'E. >l 85
pensee religieuse; on y trouvera les inspirations d'Overberg*.
Deux mots resument la vie scolaire d'Overherg : humilite,
devoiiement. Lorsque le conite de Furstemberg, cet horame
d'Etat qui s'honorait de mettre au rang de ses premiers de-
voirs le soin de 1' education populaire, appela le vicaire d'E-
verswinkel a I'ecole normale d'instituteurs de Miinster, on
laissa le nouveau directeur fixer lui-merae son traitement. 11
se donna 200 thalers (750 fr. ).
Overberg ne se borna pas a etre le maitre de jeunes insti-
tuteurs. L'auteur de tant d'ouvrages demeures celebres, dela
Meihode d'enseignement, de YHistoire de la Bible ^ du Manuehle
Religion, se fitle conseillerintime etl'amides aneiensmagisters
de la province. Chaque annee, pendant les vacances, tous les
jours, de neuf beures a midi et de deux heures a cinq heures,
il avait la patience d'eclairer la routine inveteree de ces vieux
maitres, par des lemons de religion, de calcul et de gram-
maire. En meme temps, il jetait les fondemcnts d'une ecole
normale d'institutriccs^, en provoquant la vocation de jeunes
filles auxquelles il faisait un coiirs special de pedagogic. Et
voici sous I'influence de quels sentiments Overberg se presen-
tait aux eleves, pour dispenser renseigneraent.
« Ce matin, dit-il, dans le journal ou se reflete sa vie, j'ai
1. Cuvier, dans le rapport presente a I'empereur, en 1810, sur Vln-
struction publique dans les nouveaux departements de la basse Allemagne,
s'exprimait ainsi : "Les ecoles, presque loutes annexees aux eglises, sont
surveillees par les pasteurs. On y enseigne a lire, a ecrire, a compter, et
la religion. Dans celles des villes on va plus loin. Les maitres et mattresses
sont obliges de se rendre, tous les automnes , a une ecole normale oii
Ton perfeclionne leur instruction, et ou Ton s'assure qu'ils se mainliennent
dans leurs connaissances, et qu'ils mettent en pratique les methodes dont
lis ont ete imbus. Cette ecole normale est tenue a Munster par un eccle-
siastique respectable, nomme M. Overberg, auteur d'ouvrages interes-
sants sur I'cducation. »
2. V. troisiemo parlie, chap. IV.
184 SECOiNDE TARTIE.
donne ma le^on sans I'avoir convenablGment preparee. Aide-
moi , 6 mon Dieu , pour que je n'aie plus a m'adresser ce re-
proche. C'est une illusion de se dire a soi-meme : Sois tran-
quille, tu es maitre de ton sujet. Le manque de preparation
entraine beaucoup de fautes ; aide-moi , Seigneur, pour que
j'imite de mon mieux, dans mon enseignement, la maniere
divinement simple, courte et saisissable de ton bien-aime fits.
Quejemedemandetoujoursavantla le^on : Est-elle necessaire?
cst-elle a la portee des auditeurs? est-elle presenteraent la plus
profitable? »
Tel etait Overberg ; et tcl est , en mc^me temps, le type de
I'instituteur nourri des principes pulses a la source de la tra-
dition. Or, I'csprit d'Overberg ne s'est pas retire des etablis-
sements qu'il a crees ; il ne cesse point d'animer les amis de
reducation que, dans les differentes parties de I'Allemagne
catholique, dirige encore le souvenir du maitre,
Overberg n'a point eu la pretention de creer un systeme.
Pour lui, le point de depart est fixe d'avance, et la base de son
enseignement pedagogique est posee par une main plus forte
que la main de riiomme'. Ce point de depart, c'est la verite
revel^e; cette base, c'est I'autorite religieuse invoquee avec
amour, acceptee sans discussion. La tradition, pour lui, se
manifeste par trois interpretes, I'Eglise, la Famille, la Com-
mune : TEglise, persouuification et gardienne de la loi mo-
rale; la Famille, sancluaire oii Tame de Tenfant s'abrite contre
les atteintes du dehors; la Commune, theatre modestesur le-
quel doivent se developper les facultes du jeune homme, pa-
1. V. les oeuvres d'Overberg, passim, specialement le manuel intitule :
Anweisung zum zivcckmassigen Schulunterricht fur die Schullehrer :
«... 0 wenn ihr alle mit vereinigton Kraften das thiitet, was ihr Ihun
iniisstet und konnlet, wie viel gliicklicher wiirden viele Menschen im
Leben und im Tode sein ! » (Cli. l*^"", de la necessite de Vinstruction.)
ROLE DE LA SCIENCE PEDAGOGIQUE. ^ 85
trie au seio et au profit de laquelle il faut s'efforcer de con-
centrer I'activite comme les affections de I'liomme fait.
La pedagogic protestante a presentedesgaranties analogues,
tant que, reagissant contre les consequences logiques de la
revolution religieuse du seizicme siecle, elle s'est appuyee sur
la base du dogme chretien : en regard de la statue d'Overberg,
11 faut clever celle de Francke.
Apres la creation des celebres etablissements de Halle, des
disciples fideles s'efforcerent de developper, dans toutes les
parties del'Aliemagne.lesprincipes pedagogiques de Francke.
Le comte de Zinzendorf fondait ses instituts de Neuwied,
de Niesky, de Hennersdorf, etc., sur la base d'une sorte de py-
thagorisrae chretien ; et Lange, a Berlin; Rambach, a lena et
a Giessen; Sarganech, a Neustadt; Steinmetz a Kloster-Cer-
gen, etc., s'honoraient de porter hautetferme le drapeau du
pietisme intelligent de leur maitre. Les idees fondaraentales
de I'ecole de Francke peuvent se resumer ainsi * :
L'education est la penetration de Tame par la foi chre-
tienne; la verite revelee en est, a la fois , le point de depart
et le but.
Tout enfant porte ensoi un germede corruption. Lesfacultes
qui se developpent en lui sont viciees dans leur source. II ne
s'agit done pas seulement de quelques ameliorations de detail,
mais d'une regeneration de la nature elle-meme. Le christia-
nisme tout entier n'est autre chose que la doctrine de la re-
habilitation.
En dehors de la direction imprimee par la pensee chre-
tienne, le developpement des facultes est plein de perils. II
1. V. Touvrage de Francke : Unterricht, Kinder zur GoUscUglcit und
Klugheit anzuleiten; v. aussi Niemeycr, 2*^ p. , et Schwarz.
-18G SECONDE PARTIE.
conduit a I'erreur et non a la verite. L'instruction religieuse
est done la grande affaire; et il s'agit pour I'instituteur de
former tout ensemble et le citoyen et le chretien^.
L'instituteur a done a remplir un double devoir, vis-a-vis de
I'individu qu'il eleve , vis-a-vis de la societe dont il forme les
membres. Dans une certaine mesure, il est responsable, a re-
gard du premier, de sa deslinee eternelle; a I'egard de la se-
conde, de sa securite, securite dont il prepare les elements.
De la la dignite des fonctions de l'instituteur ; de la le res-
pect pour les intelligences qui lui sont conliees ; de la ce sen-
timent profondd'une tache qui s'eleve, dans Fame du maitre,
a la hauteur d'une mission sacree.
Le caractere saillant de la pedagogie dont on parle, peda-
gogic catholique ou pedagogie protestante, est, on le voit, de
s'appuyer sur la religion, c'est-a-dire, independamment de
toute appreciation dogmatique, sur une idee fixe, immobile,
generate, non soumise aux oscillations de la pensee indivi-
duelle, abritee contre les revolutions, qui, par la force meme
des choses, eclatent dans le domaine des theories scientifiques
et des systeraes.
Or , qu'on le remarque , I'education etant le lien par
lequel la generation qui s'eleve se rattache a la generation
qu'elle va remplacer; le but qui lui est assigne, etant, con-
sequemment, de preserver la tradition morale que la pre-
miere doit recevoir des mains de la seconde, pour en trans-
mettre elle-raeme fidelement le depot ; moins le principe de
I'education sera livre aux vicissitudes de la controverse, plus
la tradition elle-merae sera respectee, plus les interets per-
manents de la societe seront consacres dans la raison comme
dans le respect de tous.
Cette reflexion suflit a demontrer , ce nous semble , a
1 . « Auch isl nur der wahrhaft fromme Mensch ein guter Burger der
Gesellschaft. •
ROLE DE LA SCIENCE PEDAGOGIQUE. ^ 87
quel point il importe que la pensee religieuse constitue le
fonderaent de I'edueatioii cliez un peuple.
Quand Teducation cesse de s'appuyer sur cette idee uni-
verselle et fixe qu'on appelle une religion , le sort des
generations est expose par la raeme a des chances peril-
leuses; il n'est pas necessairement compromis, mais je dis
qu'il est menac6. La revolution pent n'etre pas encore dans
les faits, mais, ce qui est plus, elle prend possession des idees.
Rousseau a ecrit : « Sitot que 1' education est un art, il est
presque impossible qu'elle reussisse*. » II serait plus juste de
dire : « Sitot que I'education est un systeme, il est presque
necessaire qu'elle s'egare. »
Voyons comment les mailres de la pedagogie moderne, au
dela du Rhin, ont compris la mission de la science dout ils
portaient le drapeau. L'etude de I'etat moral de I'instruction
popuiaire nous a montre clairement, trop clairement, on le
salt, le point auquel sont arrives lesnovateurs. Cherchons quel
chemin les a conduits au resultat que nous avons du consta-
ter ; indiquons avant tout quel a ete leur point de depart.
L'homme est perfectible, disaitla pedagogic ancienne avec
le christianisme lui-meme; et c'est pourquoi , il importe de
developper ses facultes, c'est-a-dire les germes deposes par
Dieu au sein de Fame, et de mettre en jeu tous les ressorts
de cette puissance qui estsagloire, a savoir sa liberie. L'homme
est un etre sociable , et c'est pourquoi il doit etre initie des
son enfance a cet ensemble de sentiments, d'idees, d'interets
qui constituent le patrimoine de la societe. Enfm, ajoutaient a
la fois et le christianisme et la pedagogie, I'honime est un
etre dechu, et c'est pourquoi il est necessaire de le relever,
en ouvrantson ame a Taction de la grace divine, a la hauteur
de sa destinee eternelle.
1. Emile, 1. !•"•.
^SS SECOiNDE P ARTIE.
« II n'y a pas de perversity originelle dans le coeur humain , »
s'ecrie Rousseau; par celte seule affirmation, le point de de-
part de la science pedagogique est change. L'instituteur n'a
plus a relever la nature de I'enfant, mais simpleraent a la de-
velopper; sa tache n'est plusun combat contre des inclinations
qu'il faut dlriger, mais la culture facile de facultes qui se re-
velent. L'education n'a point pour but le redressement, mais
I'eraancipation ^.
De la, dans le domaine des fails gen^raux, des consequences
qu'il est aise de deduire : comme le but assigne a la marche
d'une societe ne saurait etre different du but propose a cha-
cun de ses membres, la pensee qui preside au gouvernement
intime des individus devient le principe generateur des phe-
nomenes de I'ordre social. Pour la nation comme pour cha-
que ciloyen, ce n'est plus I'idee de la tradition qui est la regie,
c'est le besoin de \ emancipation qui est la loi. Et dans le prin-
cipe pose par Rousseau, est contenue, par avance, la theorie
iiisiirrectionnelle dont nous avons trouve I'eclatante ex-
pression dans les debats passionnes du parlement de Franc-
fort.
Deja Basedow rattache ses doctrines pedagogiques a
1. M. Saint-Marc Girardin a expos6 ces deux points de vue, en
comparant la theorie de Rousseau et celle de madame Necker-Saus-
sure : « Rousseau croit que I'homme est bon primitivement , et que la
societe seule I'a gSte; madame Necker croit, selon la religion chretienne,
que I'homme est ne dispose au mal, et que la nature humaine, pervertie
par le peche originel, a besoin d'etre redressee par la regie religieuse et
morale. De la suit que Rousseau croit que la meilleure education est
celle qui, ne faisant rien ou presque rien, et laissant I'homme se deve-
lopper lui-meme, le laisse le plus pres possible de la nature, c'est-a-dire
du bien primilif. Point d'instruction religieuse, point d'instruction mo-
rale, sinon le plus tard possible... Madame Necker-Saussure, au contr aire
croyant a la corruptibilite originelle de la nature humaine , pense que
l'education morale et religieuse ne peut pas commencer trop tot. »
/.-/. R ousseau, sa vie et ses ouvrages.)
ROLE DE LA SCIENCE PEDAGOGIQCE. i 80
I'axiome fontlamental de Rousseau : Tenfant nait bon; I'essen-
tiel, c'est de laisser s'epanouir ses facultes et se nianifester
ses instincts. Suivez la nature; ses lois sont infaillibles. Des
lors, Taction habiluelle de Dieu sur la vie huraaine, action
constante et soutenue qui est le fondement de la pedagogic
chretienne, tend a s'effacer peu a pen. Qu'est-ce que le cliris-
tianisme ? La rehabilitation de la nature huraaine par
I'intervention divine. Le christianisme ne jouera done
qu'un role essentiellement negatif dans le nouveau syslemo
d'education presente a TAllemagne avec quelque fracas*. « Je
suis Chretien, dit Basedow, sans etre attache a aucune eglise
particuliere... Mon plan d'education est egalement adapte a
I'usage des catholiques, des grecs, des protestants, des juifs,
ou meme de ceux qui n'admettent aucune revelation. » Ft sur
le frontispice du livre on voit briller cette dedicace : « Aux
adorateurs de Dieu, quelque religion qu'ils professent. »
En commengant son entreprise pedagogique, Basedow n'a-
vait qu'un mot pour devise : phUanthropie. Avec une nai-
vete a laquelle line bonne foi d'apolre novice n'enleve pas une
certaine teinte de ridicule, il avait fait appel, pour la publi-
cation du lime elemeniaire (Elenientar werck), aux amis du
genre humain\ et il avait reclame, pour mener a bien la crea-
tion de son etablissementfondaraental, le Philanihropinum, les
deniers de ces memes amis du genre humain. Philanthropic,
genre humain, grands mots! mots feconds, quand le senti-
ment qu'ils expriment est soutenu par un sentiment superieur
qui en est le principe et la regie : la charite.
1 . Une souscr iption ouverte dans toute I'Allemagne, et a laquelle prirent
part des princes et des rois, produisit des sommes considerables. L'En-
cyclop6die elementaire pompeusement annonc^e pariit a Dessau (1774) en
Irois langues a la fois.
En m^me temps fut ouvert, pour appliquer les doctrines du livre, le
pensionnat philanthropique qui ne vecut pas plus de dix ans.
^90 SECOINDE PARTIE.
Certcs, je suis de I'avis de Rousseau : « La vocation com-
mune est I'etat d'homme... Vivre, est le metier que je veux
apprendre a mon eleve. II sera premierement homme. » Mais,
precisement, depuis le christianisme, I'Jiorame peut-il etre
veritablement homme s'il n'est pas Chretien? Un chretien!
c'etait le type que se proposait la pedagogie de I'epoque anle-
rieure. L'ideal que poursuit Tecole philanthropique,c'estune
sorte de compose des attributs empruntes aux diverses civili-
sations dont est formee la grande civilisation europeenne ;
c'est, comme dit expressement Basedow; YEuropeen^. Cette
civilisation qui I'a faite? le christianisme. Or, Basedow n'a
Dul souci du christianisme. II accepte les fruits, mais il re-
jette les racines; il invoque Teffet, mais il dedaigne la cause.
Vue etroite et sans profondeur, qui assigne une valeur iden-
tique a des fails d'une portee essentiellement diverse ; qui
meconnait le principe meme du perfectionnement individuel
et du progres moral de nos societes; qui, sans tenir corapte
de la difference des doctrines dont le regne a determine les
developpcraents successifs de I'esprit humain, se reduit a
placer sur le meme rang Jesus-Christ, Mahomet et Rousseau 2.
1. • Der Zweck der Erziehung muss sein einen Europaer zu bilden,
dessen Leben so unschadlich , se gemeinnlitsig und so zufrieden sein
moge , als es durch die Erziehung veranstaltet warden kann. » {Ar-
chiv., s. 16.)
2. Wird rait keinem Worte und keiner That etwas geschehen, was nicht
von jedem Gottesverehrer , er sei Christ, Jude, Mohamedaner oder
Deist, gebilligt werden muss. » [Archw., s. 63.)
Les livres de Tficole philanthropique ne doivent jamais rien contenir
qui puisse 6tre rejete par un juif ou un maliomStan ou un d^istc. {Ibid.;
V. aussi une lettre de Basedow a Campe, citee par Raumer, Geschi hte-
der Pcldagogick, p. 273.)
ROLE DE LA SCIENCE PEDAGOGIQUE. -101
A Birr, dans le canton d'Argovie, sur un humble monu-
ment, on lit cette inscription ^ :
A NOTRE PERE PESTALOZZI
IGI REPOSE
HENRI PESTALOZZI
NE A ZURICH 12 JANVIER 1746
DECEDE A BRUGG 17 FEVRIER 1827
SAUVEUR DES PAUVRES A NEUHOF
PERE DES ORPHELINS A STANZ
FONDATEUR DES NOUVELLES ECOLES DU PEUPLE A BURGDORF
INSTITUTEUR DE l'hUMANITE A YVERDUN
HOMME, CHRETIEN, CITOYEN, TOUT POUR LES AUTRES, POUR LUI-MEME RIEN
PAIX A SES CENDRES
l'argovie RECONNAISSANTE
1846
Je sais tout ce que presentent de generosite et de noblesse
les conceptions de Thomrae dont un illustre penseur, Fichte,
dans les illusions de I'araitie, ne craignaii pas de dire : « J'at-
tends de lui le salut de TAllemagne^, » Je sais combien sa me-
thode est propre a penetrer I'liomme de la saintete de sa
nature, de la dignite de sa vocation s. Pestalozzi cherche,
1. V. I'excellent memoire sur Pestalozzi, de notre ami M. Augiistin
Cochin.
2. Rede an die deutsche Nation^ 1808.
3. « Partout ou Ton voit beaucoup d'enfants, il y a une regie fixe, una
discipline, des defenses, des punitions variees el des recompenses : qui
ne connait \e mot pensum ? Eh bien! rien de tout cela chez Pestalozzi,
pas de surveillants , une liberte presque complete... On complait sur la
loyaute naturelle de I'enfance, et nous n'eprouvions nuUe envie, nul be-
soin de n'y pas repondre. Au contraire, nous en etions fiers, et nous nous
serions sentis honteux , humilies , de tromper cette confiance qui nous
bonorait.
« La grande pensee de Pestalozzi etait de developper au dedans de
^92 SECONDE PARTIE.
avant tout, a devclopper le sens moral et a vivifier I'idee clii
devoir. Ce qui I'inspire, c'est un sentiment profond de la no-
blesse de la nature humaine. II I'honore dans les masses,
comrae il la glorijQe dans I'individu. En respectant I'enfant, il
lui apprend a se respecter : confiance et affection! C'est la,
pourrillustremaitre, le principe et le nerf dudevelopperaent
moral; et il faut rendre homraage a celui dont la vie fut
une constante immolation de lui-meme. Mais, apres tout, on
ne saurait le meconnaitre, Pestalozzi n'a pas eu du christian
nous le sens moral. II ne voulait pas de prix, craignant (peul-6tre trop)
que remulalion ne degen^r&t en envie, et aussi pour ne pas affaiblir le
sentiment du devoir qui elait son grand mobile. II evitait et rejelait les
punitions regulieres, methodiques ou bumilianles, pour ne pas risquer de
diminuer la dignite humaine.
• Quand I'un de nous s'eiait distingue par des progres ou par sa bonne
conduite, ou s'etait fail remarquer par quelques fautes venant du coeur
et du caractere, Pestalozzi, a la premiere rencontre, dans un corridor,
en classe, ou dans la cour, lui appliquait sur le front sa main dessechee,
ea le regardant dans la profondeur des yeux pendant un instant; lorsque
le regard de I'enfant dont la conscience etait calme avail bien soutenu le
sien, il souriail, lui donnail un amical petit soufflet, et lui disait assez
brusquement : « Bien, bien, mon enfant, continue. » Si , au contraire,
I'enfant etait coupable, et baissait les yeux, ne pouvant soutenir son regard
penetrant, il lui disait: • Eh bien, tu n'es pas content de toi, tu as fait
quelque mal puisque lu n'oses pas me regarder;» et suivant le cas il
disait : « Tu m'as fait de la peine. » Ou bien il le repoussait legerement
lui disant : « Va, tu te rapproches de la bete; tu ne veux pas devenir un
homme, » ou quelque chose d'analogue.
« Voila la plus grande recompense, ou la plus terrible punition que
nous pussions recevoir dans I'lnstitut. L'approbation de Pestalozzi nous
comblait de joie et son blame nous navrait de douleur. Pestalozzi etait
inexorable pour la faussete de caractere, pour tout manque de sincerite;
dans un cas semblable, sa flgure laide, mais toujours douce et bonne,
prenait une expression d'indignation qui paralysait le coupable. Son
amour pour la sincerite et la droiture du ccEur etait si grand, qu'il lui
faisait tolerer la franchise la plus rude et des manieres plus ou moins
grossieres, qu'il preferait chez les enfants a une trop grande politesse si
souvent voisine de la fausset^. » (LettredeM.Mandileny, ancien elevede
Pestalozzi, adressee a M. Rapet,et insereedans VEducation, aout, 1852).
nOLE DF, LA SCIENCE PEDAGOGIQL'E. 4 03
iiisme cetle notion positive qui emp^che le sentiment de la
grandeur de riiomme de s'exalter jusqu'a la superstition. «< La
grandeur de riiomme est eminente, dit le christianisme, en
ce que I'liomme se connait miserable'. » Pestalozzi, en mon-
trant cette grandeur a son eleve, ne lui a jamais parle de sa
misere. II lui presente le cote lumineux, en lui derobant
le cote des tenebres. II est de I'ecole de Rousseau et de
Basedow : I'idee d'un vice originel de la nature humaine
lui est etrangere. Par la, il meconnait I'enseigneraent Chre-
tien dans son principe essentiel, comrae dans ses applications
fondamentales : «J'ai marche, a-t-il ecrit lui-meme, j'ai mar-
che en chancelant, entre les sentiments qui m'attiraient vers
la religion et les prejuges qui m'en detournaient. »
On pent voir dans le livre wie Gerlrud Hire Kinder lehrt^
combien la suppression du dograe principal du christianisme
influe sur le systerae d'education de Pestalozzi. Comrae Rous-
seau, selon I'expression de I'historien de la Pedagogic, Carl
Raumer, il veut cueillir des figxies sur des epines. Non qu'il
demande trop a I'homme, et qu'il lui assigne des destinees
trop hautes; le christianisme n'a point pose de limites aux
aspirations de I'homme vers VideaX : Soyez 2)arfai/s commele
Pere celeste est parfaitl Mais Pestalozzi ne lient pas compte des
Elements vicies que le christianisme presuppose, que I'obser-
valion signale, et sur lesquels Teducation doit agir pour les
transformer.
Qu'en resulte-t-il? Premierement, I'instruction religieuse
tient fort peu de place dans le systeme du celebremaitre;
et I'edifice dogmatique de la doctrine chretienne s'y ecroule
infaillibleraent par la base. Ensuite, et comme consequence,
la mission de I'Eglise, dans I'oeuvre del'education du peuple,
est a peu pres completement effacee. Etudiez I'ouvrage oii
loutes les pensees de Pestalozzi se revelent dans la naive sin-
1. Pascal, Grandeur et misere de riiomme.
13
494 SFXOIShE PARTI n.
cerite de son esprit, wie Gerirud : le role de I'idee religieiise
y est a peine indique; cette idee n'y est guere qu'unesorte de
theorie de I'enlendement. Dans les Nachforsclmngen^ que
devient le christianisme? une simple donnee morale. Lisez,
enfin, le livre de Leonard et Gertrude : le representant dii
dograe, I'homme de I'autorite disparait dans la personne de
Leonard. Que reste-t-il? non le pasteur qui enseigne, mais le
moraliste qui conseille.
Or, a quoi bon I'Eglise, si elle n'est plus que Tinterprete be-
nevoled'une morale generale? si elle n'apparait point comme
la source feconde de certaines vertus reservees, s'epanouissant
dans I'atmosphere qu'elle a vivifiee de son souffle? Chose di-
gne de rcmarquo! Scbleiermaeher a micux compris que Pes-
talozzi ; le piiilosophe a saisi plus pratiquement que le peda-
gogue la mission qui, dans I'oeuvre de I'education, apparlient
a I'Eglise : «L'EgliseetrEtat font alliance, dit Scbleiermaeher;
pour le second, la tache principale est le developpement des
facultesintellectuelles; ala communautecbretienneappartient
la culture morale de I'ame^ ;» et c'est, a ses yeux, le grand
caractere des siecles raodernes, qu'a la difference des temps
anciens, I'Eglise pcuty develoj)per sa vie, sans etre absorbee
parl'Etat^ : I'Eglise, la Faraille, I'Etat, voila, pour lui, les trois
1. Recherches sur la marche de la nature dans le developpement de I'hu-
manite; ce litre pompeux cache le vide de I'ouvrage ; Pestalozzi lui-m6me
a ecrit au sujet de ce livre : « Je ne trouvais pas deux homnies qui ne
me donnassent a entendre quUls regardaient tout le livre cotnme un gali-
matias...Ei niaintenaiit encore, iin homme de merile et qui m'est attache,
me repele avec la franchise helvetique : N'est-ce pas, vous sentiez bien,
quand vous ecriviez ce livre, que vous ne saviez pas precisenient ce que
vous vouliez?"
2. « ...Er (der Staal) wird sagen : ich erkenne die christliche Gemein-
schaft an als vorzuglich auf BJdung der Gesinnung berechnet, wahrend
bei mirBildung des Talents dieHauptsache ist.« {Christliche Sitte.s. ^29.)
V. aussi Pouvrage intitule : Die Idee dor Volkschule nach den Schriften
Fr. Schleiermacher''s. — Leipsig, 1852.
3. • So beruht der Unlerschied zwischen unserer Zeit als der
ROLE DE LA SCIENCE PEDAGOGIQUE. ^ 95
puissances qui doivent dinger et vivifier I'education^ Et I'en-
seignement religieux est, dans sa pensee, non point cet en-
seignement humaititaire que Basedow vient offrir indifferem-
ment an Turc, au Chretien et au Juif, mais I'enseignement po-
sitif et pratique : « une religion generale , declare le philo-
soplie, est une chimere, non uioins qu'une langue commune
et une nationalite universelle^. »
De ces trois puissances dont paiie Schleiermacher , les deux
dernieres seulement, a vrai dire, sont appelees par Pestalozzi
a elever 1' edifice qui doit abriter les generations nouvelles.
« Aujourd'hui , s'ecriait-on au parleraent de Francfort ,
aujourd'luii, I'Etat est reste depositaire de la religion hu-
manitaire; I'Etat est devenu plus religieux que I'Eglise, et c'est
a I'Etat seul qu'appartient I'enseignement.)) Pestalozzi n'a
point parle ce langage revolutionnaire des politiques de Franc-
fort; et quand, de ses levres mourantes, s'echappaient les pa-
roles de pardon qu'il adressait a ses ennemis, c'etait certes Ic
Chretien qui se revelait au moment supreme. Cependant, il
faut le confesser, Pestalozzi n'a jamais assigne un rang
pi'incipal et distinct a I'element religieux dans I'education:
le point de vue duquel il jugeait la nature humaine en voilait
pour lui Tune des faces; et, qu'on le sache ou qu'on I'ignore,
il est un des peres de la doctrine qui se resumait, en 1848,
dans la devise devenue celebre de I'autre cote du Rhin : eman-
christlichenundder frliheren alsderheidnischen darin, dassunsere Zeit,
die christliche, ausser dem gemeinsamen Leben im Staate noch das Le-
ben in der Kirche kennt. Bins kanii aber dem andern nicht subordinirt
werden. » {Erziehungslehre, s. 13.)
1. «Es komml bei der Erziehiing alles darauf an, dass Familie, Staat
und Kirche in Uebereinstimmung ihren Einfluss auf die jungere Generation
ausuben. • {Ibid.)
2. « Eiiie allgenieine Religion und eine von aller Nationalitat ent-
blosste Sinne sind eben seiche Chimaren, wie eine ailgemeine Sprache
und ein, allgemeiner Slaat. •
^ 9G SECONDE PARTIE.
cipation de V ecole . Dans los derniers jours d'line vie pleine de
deceptions, ce noble esprit, assure-t-on, avait reconnu I'er-
reur qui paralysa de genereux efforts; et n'est-ce pas en ce
sens qu'il faut entendre I'aveu que lui dictait un sentiment
profond : « J'avais perdu la verite interieure, et j'en etais
venu a honorer les airs de tronipette et les reeettes de charla-
tan avec lesquels le temps actuel pretend sauver riiumanite. »
Aujourd'hui, I'ecoleconservatrice allemandeportc un juge-
raent severe sur I'influence exercee par Pestalozzi. Le crea-
teur d'Yverdun n'est plus entoure de ces hommages incon-
test^s qui semblaient devenus une sorte de culte. On se croit
en droit de faire remonter jusqu'a lui , en partie du moins,
la responsabilile de cette insurrection morale qui, depuis
trente annees, a delate dans le monde pedagogique au dela du
Rhin; on I'accuse, lui et ses disciples, d'avoir raeconnu « le
but, la mission et les lois de I'ecole populairc* ; » on lui denie
le pouvoir de resoudre le probleme; on declare hautement
qu'il n'en possede pas les elements.
Quel rapport, a premiere vue, entre les conceptions meta-
physiqucs et I'enseignement de i'ecole primaire? Qu'on ne s'y
trompe pas cependant, tout systerae de pedagogic procede
d'une pensee superieure et y retourne. Cette pensee sera tan-
tot le christianisrae, tantot le naturalisme de Rousseau et de
Basedow ; et s'il arrive que le pantheisme s'empare un jour
des regions elevees de la science, I'ecole primaire, qu'on n'en
doute pas, alors corame toujours, sera I'echo des universites.
Que dit la pliilosophie allemande depuis cinquante ans ?
1. « Eine so augenfallige Unvvissenheit iiber Zweck, Ziel, Aufgabe
und Verhallnisse der wirklichen Volkschule.... » {Einrichtungs- und Lehr-
plan, von Theod. Goltzsch; p. 2; ouvrage auquel a souscrit, on le sait,
le Minislre de rinstruclion publique, pour le repandre dans toute la
nOLE DE LA SClEiNCK I'EDAGOGIQUE. >l 07
La raison cree lout ce qu'elle con^oit; en pensant le mondc
exteriour, le mo2 Tobjective, et liii donne I'existence. Le nioi
est done leprineipe de tout et I'unique realite, a la fois sujet
et objet, ces deux faces de I'absolu. Voila le principe de Fichte;
et le pbilosophe terminait un de ses diseours par ce deli de
I'orgueil : « Dans la procbaine le^on, nous creerons Dieu ! »
De la aux formules de Feuerbacb, il n'y a que la distance de
la consequence au principe : « L'bomnie porte en lui-merae ce
qu'il adore sous le noiii de Dieu... II n'adore un objet qu'apres
s'etre transporte dans cet objet. G'est la formule definitive
qui se concentre en celle-ci : L'bomme s'adore lui-ra<*^me,
rhorame ne peut pas ne point s'adorer lui-meme^»
Ficbte partait du moi pour conquerir Yabsolu ; il creait
Dieu. Schelling se pla^a du premier bond au sein de I'absolu.
«Tout estun, dit-il, et idenlique quant a I'essence. » Pendant
vingt annees, pendant toute la premiere partie d'un enseigne-
ment dont I'illustre vieillard, en inaugurant la p/u'Iosophie de
la revelation'^, a deserle les consequences, toute \a philosophie de
la nature n'est que le developpement de ce principe. Survient
Hegel : Dieu, declare le pbilosophe, n'cst Dieu qu'en tant
1. Feuerbach, Qa'est-ce que la religion? trad. d'Ewerbec, p, 11.
2. « Je reconnais, a dit M. de Schelling, dans son dernier enseignement,
le fils de Dieu fait homme, et lout le contenu de la revelation comme au-
tant de faits. Je les admets, quoique ce soient des mysteres. » — La reve-
lation , dit-il encore, est au-dessus de la raison autant que Dieu est au-
dessus de I'homme. Elle dit elle-ni6me qu'elle depasse toute intelligence
humaine. Et que serions-nous si cela n'elail p.is? La raison eslballottee
de doule en doute. Or, ce ne peut 6tre la sa doctrine derniere. Sa doc-
trine derniere est la science supreme. La science supreme est la foi. C'est
le port assure qui est ofFert a la raison erraiite sur I'Ocean agite par la
tempele. C'est done la qu'il faut diriger ceux qui cherchent la science.
La science est consommee dans .lesus-Christ; et saint Augustin a eu rai-
son de dire : Prowler Christum scire est mini scire.'
Le pbilosophe admet la Trinite, la chute, la redemption, I'Eglise; mais
en expliquant les mysteres, il renouvelle, a bien des d^gards, les doctrines
du gnosticisme.
-198 SECOiNDE I'ARTIE.
qu'il se connait; et il ne se connait qu'en tant qu'H a con-
science de soi dans I'esprit de I'homme.
Arretons-noiis sur le nom de Hegel. Le probleme de I'edii-
cation avivement preoccupe I'audacieiix sophiste aiix pieds
duqucl TAUeraagne moderne a serable, vingt annees diirant,
abdiqiier son independance.
Quelle est I'idee qu'implique le mot ^'education'? L'idee do
developpement. Or, se developper, devenir (werden) , c'est
la le fond de la raetaphysique de Hegel, Pour Hegel, I'etre,
I'essence absolue,Dieu,n'<P5/'pas, il devienf.DememequeVefre,
selon nne th^orie que nous ne nous cliargeons pas de rend re
intelligible, sort du sein dn neant, pour arriver, par une force
latente d'expansion, a la conscience de son infinite; de meme
I'individu part d'un etat inferieur, etat oil il est asservi par
I'instinct, et par les passions, pour s'elever jusqu'a I'ctat oil
il n'obeit qu'aux lois generales , et participe au divm ( das
Gottliche).
Le point de depart de Hegel, on le volt, est fort different
do celui de Rousseau et de Basedow. Pour lui, la nature n'est
point bonne; bien loin dela* : wL'honime, par sa natui'c,
n'est pas ce qu'il doit etre... La premiere naluralite doit etre
detruite... C'est un enseigneraent de I'Eglise, dit encore le
pbilosopbe, que I'homme nait mauvais, et que cette per-
versite est un vice dont berilent les generations. Le peche
originel est donne par I'Eglise comrae ayant sa cause dans un
acte accidentel du premier homme. En realite, la notion meme
de I'esprit implique ce principeque I'homme est naturellement
i. Ce point de vue de Hegel est curieux : «Der Naturzustand ist der
Stand der Rohheit, Gewalt and Ungerechtigkeit .. der Mensc'i ist nicht
von Natur,waser sein soli... die Natiir ist biise von Hause aus, der Mensch
ist an sicli das Ebenbild Gotles, in der Existenz nur isl er nallirlii'h und
das was an sich ist, soil iiervorgebraclit werden. Die ersle Nalli lichkeit
soil aufgehoben werden. Dies ist diedeedes Christenthums uberhaupt. »
ROLE DE LA SCIENCE TEDAGOGIQUE. \ 09
niiuivais et Ton ne peut m6me se representer qu'il en soil au-
trement*. >> Ainsi, I'idee d'un vice intime, sinon le dogme de
la chute originelle, devient, en qiielqiie sorte, le fondemont dc
sa theorie. La pedagogic sera done I'aj-t d'enfanter I'in-
dividu a line nouvelle vie, de transformer sa premiere na-
ture en une seconde nature iniellectuelle {seine ersie Naiur
zu einer zweiten geistigen umzuwandehi). Dans une certaine
raesure, la pensee pliilosophique de Hegel se rapproclie,
au point de depart, de I'enseignement chrelien. Mais quelle
sera cette seconde nature? Sur quel fondement reposeront
les his gener ales dont 1' observation eleve I'homme, de I'etat
nahirel [naiurlich) a I'etat moral {siiilich)? Ici tout devient arbi-
traire; car I'etre, I'essence absolue, Dieu, est, pour Hegel,
une abstraction metaphysique. Des lors , quelles regies pre-
cises assigner a la liberie de rhonime? Et eonsequemraent,
quel sera le caractere positif de I'education? Hegel veut, il
estvrai, que I'ame subjugue le corps, le reduise en servage,
ets'empare de lui comrae d'un instrument qu'elle fera servir
a ses desseins2 ; il declare que « la domination exercee sur
ce qui tient au corps, et, pour employer ce mot barbare, sur
la corporalite [Leiblichkeii) , est la condition de I'affranchis-
sementde i'ame et de la possibilite ou elle est d'arriver a
1. <• Bekannte Lehre der Kirche ist es, (lass der Mensch von Natur bdse
sey, un dieses bnsesein von Natur vv'ird als Erbsunde bezeichnet... in der
That, liegtes im Begriff des Geistes, dass der Mensch von Natur bose ist,
und man hat sich nicht vorzustellen, dass dies auch sein klinnie. >•
Voyez les quatre volumes composes des morceaux de Hegel sur I'e-
duci'tion, Pt publics par le docLeur Gustav Thaulow, professeur a I'univer-
site de Kiel : Hegel's Ansichieniiber Erziehung und Unterricht (1853, Kiel),
l^-" vol p. 57 et 58.
2. • Die menschliche Seele hat viel damit zu thun, sirh ihre Leiblichkeit
ziim Miltel zu machen. Der Mensch muss seinen Korper gleichsam erst in
Bessitz nehmen, damit er das Instrument seiner Seele sci. {Hegel's An-
sichten, etc., p, 77).
200 SECO^DE FARTIE.
la conscience objective^ ». 3Iais , Fame une fois dans
la plenitude de I'activite et de la puissance, vers quel
point du monde moral se dirigeront cette puissance et cette
activite? Voila la question decisive. Je vols s'ouvrir une car-
riere immense, infinie; je ne vois ni une direction ni un
but. Se developper, devenir iioerden), ces deux mots, sans
une restriction qui en fixe le sens eten determine la portee,
contiennent a eux seuls tons les perils de I'avenir; et dans la
tbeorie de Hegel je decouvre d'avance les dedains des poli-
tiques de Francfort pour les lemons du passe, et la rupture vio-
lente avec le vieil esprit allemand.
Emancipation, independance ! Tel a ete , depuis Hegel,
le fond de la doctrine scolaire. Independance de Dieu, de
la tradition , des lois consacrees : cela a ^te enseigne,
sous toutes les formes, dans les chaires des universites,
dans les livres, dans les revues periodiques, dans les alma-
nachs qui se glissent furtivement sous le toit du pauvre,
pour y prendre place, a cote de la Bible, dans la bibliotheque
de famiile-; cela est descendu, plus ou moins modifie,
dans les feuilles populaires redigees par des pasteurs ; et
1 . Die Bemachtigung der Leiblichkeit bildet die Bedingung des Freiwer-
dens der Seele, ihres Gelangens zum objectiven Bewusstseyn... {Hegel's
Ansichten, etc., p. 77.)
On ne voil pas trop, du reste, comment cette idee, aussi juste que peu
nouvelle, de la lutte de I'Sme contre le corps, s'accorde avec la theorie
de I'unit^ substantielle de Tune et de I'autre : « Die Seele ist die substan-
tielle Einheit aller Bestimmtheiten des Leibes ; beide, Leib und Seele, sind
nicht unte7-schiedenen \\e\che zusammenkommen, sondern eine und die-
selbe Tolalilat derselben Beslimmungen... so ist auch das Leben nur als
die Einheit der Seele und ihres Leibes zu erkennen. »
2. Catechisme de la Ubre Commune, par Schneider. — Aimanach des
Paijsans.) par Neff. — Aimanach du peuple (1850), par Luders, sous le
patronage d'Arnold Ruge : on y enseigne la saintete du divorce, I'organi-
sation de la polygamio, I'aneantissement des religions. — Aimanach des
sujets et des valets, \elc, etc...
roll; de la sciE.NCi: pedagogique. 201
tie cliute en chute s'est infiltre dans I'ecole par les fissures de
I'enseignenient i>edagogique.
« Toute Eglise, s'ecriait-on au parlement de Francforti,
quel quesoitle nomqu'elle porte, ou le principe dont elle est
issue, est un obstacle a la civilisation. Chaque Eglise, par cela
seul qu'elle a des articles de foi , est un obstacle au libre es~
sor de I'esprit humain. Je veux cet essor illiniite; c'est pour
cela que je ne veux point d'Eglise. »
« Point d'Eglise ! » repetaient les pedagogues , d'accord avec
les pasleurs des libres communes 2. « Nous tenons les dogmes
de I'Eglise pour decrepits, son enseignemenl pour petrifie;
ils ne repondent plus en rien a la viedu siecle. » Telle elait,
on ne I'a pas oublie, la profession de foi des Rheinhche Blatter.
Et, il faut bien le dire, apres avoir suivi dans ses developpe-
ments I'histoire de I'evangelisme prussicn, cen'estpas au nom
du principe protestant que nous irions condamner dans la
bouche du pedagogue le cri insurrectionnelque la logique ab-
soutdans la bouche du pasteur : pourquoiM. Diesterweg ne
serait-il pas en droit d'elever dans Tecole le drapeau que
M. Uhlich arborait dans le temple?
Que le maitre d'ecole se donne done libre carriere!
« Une religion^ qui se proclame immuable, eternelle, s'e-
criera-l-il avec M. Diesterweg, affiche, comme telle, des pre-
tentions a la domination absolue de I'homme, exige de lui une
1. Discours de M. Vogt.
2. Yoyez \c Son7ilags Blatl, IS Janvier 1852, et le Calechismus,p. 8.
Le pasteur Uhlich indique lui-meme comment on doit se seivir do son
Catechisme. Le pere, la mere ou le multre font lire par I'enfiint un
morceau, puis precedent par interrogations. On doit aussi prendre le
livre pour texte des instructions. "Tombe , pelit livre, dil I'auteur a la
fin desa preface, tombe dans le sillon du temps. Le maitre de la moisson,
s'il veut se servirde toi, saura de co germc faire sorlir des epls. Sinon,
un autre fcra mieux ; car les temps sent murs. •
3. Rheinische Blatter, 1852, p. 285.
202 SKCONDi: TAKTIE.
souraission aveugle, fait de liii un esclavc... C'est pourqiioi,
de tout temps, les pr(^tres ont cherche a dominer I'huraa-
nite; c'est pourquoi la theologie a voiilu s'iniposer corame
la reine des sciences, et tenir les aiitres sous sa depen-
dance. Assez longtemps cela a etc souffert.... Pour retablir la
paix dans I'individu comme dans I'liumanite, de deux cho-
ses I'une : ou Ton inimolera toute idee nouvelle en con-
tradiction avec la foi ; ou bien , quelle que puisse etre Tissue
de la lutte, i! faut la poursuivre liardinient. «
Lutte contre les religions positives : tel est le mot d'ordre.
Qu'on deblaie le terrain des dogmes vieillis ! qu'on fraie un
libre acces a la vraie reUgion ^ !
Je n'ai pas le droit d'altribuer a I'ecole dont les Rheinische
jB/a//erformulent les doctrines, cet axiome de Hegel : « Dieu
ne se connnit que dans 1' esprit de rhomme/» M. Diesterweg
fait tres explicitement allusion a I'existence d'un Createur 2,
Comment, dans les conditions qui lui sont assignees , la
creature conserve-t-elle I'independance ct la pcrsonnalile?
cela est diflicile a dire. Ce qui est incontestable, c'est que
cette ecole, en niant le dognie de la decheance originelle^, at-
laque le cliristiaiiisme dans son principe; c'est que, bannis-
sant systematiquementde I'ecole, comme degradant etperni-
cieux, tout enseignementd'une religion positive^, et, pour par-
1. « Wir wollen durch Hinwegralimung der veralteten Dogmen dem
Einziig der wahren Religion Bahn machen.» (P. 293). V. le chap. 2"^ de
la 1''^ partie.
2. . Das|nachste... ist die lebendige Erkenntniss von der Existenz und
der Wesenheit des Schopfers. »
3. Voyez Particle Zur Religionsunterrichts-Frage ■ (1852).
■*. « L'instruclion religieusc ordinaire rend I'homme esclave, au lieu de
Taffranchir... Les defensenrs de I'enseignement dogmati(jue-confessionnel
{des confessionel-:loijmulischeii Religionsunterrichtes) ^ dans I'ecole popu-
laire, sonlles adversaires de la vraie religion .. Je les nomme les ennemis
du genre humain et deDieii.* {Rheinische Blatter, p. 297, 1852).
ROLE DE LA SClEiSCE PLDAGOGIQLE. 205
lerson langage, tout enseignement confessionncl, elle rompt
en visiere avec la pensco Iradilionnelle, et jetle un dofi aiix
verites premieres qui sont le fonderaent de I'ordre moral.
Onle sait : les pretentions de Tecole dont nous signalons a
la fois rinfluenee et les ecarls, ne sont pas restees dans I'ombre
des seminaires. Elles ont ete insolemment presentees aux man-
dataires de TAllemague assemblee : « L'ecole ne doit dresser
riiomrae pour aucun but determine Si elle est soumise a
line influence spirituelle , elle ne peut atteindre sa fin prinei-
^d\e {\w\ esi piirement Jmmaine.,.. e'est pourquoi il faut abri-
ter la jeunesse et contre I'inflnence de I'Eglise, et contre toute
influence quelconque d'une opinion imposee par I'Etat. »
Qui parlait ainsi? le rapporteur du comite de I'enseigne-
ment au comite de Francfort! « Le clerge, continuait nai-
vement I'organe du comite, le clerge porte en lui-meme, dans
son costume, dans son regard, dansl'expression de sa pbysio-
nomie un caractere de contrainte qui demontre son iminiis-
sance a conduire la jeunesse au but d'un libre developpcment. . .
Qu'est-ce que I'instituteur? avant tout, le representant d'une
inspiration alTrancliie de toute conlrainte. Si I'instituteur
n'offre pas a la jeunesse des idees qui soient le resultat d'un
travail intime et personnel ; si sa pensee murie au milieu
d'une atmosphere d'independance n'eclate pas dans son
regard et ne se revele pas dans ses actes, s'il n'en est pas
ainsi, il faillit a sa mission ^ ! »
1. A quoi M. Hoffmann (de Luchvisburg) repondait fort sensement :
« Quoi ! point de but determine ! J'avoue ne pas bien cornprendre ce qu'on
entend par la. N'avoir pas de but determine me parait tolerable pour
I'ecoiier, detestable pour le maitre. Nos ecoles populaires, ce me semble,
ne sont pas des laboratoires oil le progres spoculatif se prepare, mais de
simples reunions oil Ton fait participer les eleves a des resultats acquis.
On dil encore : « TEglise donne a I'Ecole une direction qui n'ost jugee
bonne que par un parti religieux!" G'est vrai; la direction protestante
n'est point au gr6 des catholiques, et la direction catholique n'est point
204 SECOiNDi: rAUTIE.
Aiiisi les inslitiileurs sont crees tout expres pour se meltre
en qu6te dc mondcs nouveaux; qu'on se tienne pour avert! :
ils fornieut I'avant-garde de I'liumanite. Toutniaitre d'eeole
est un prophete, si raemeil n'est pas un messie. Cost toujours,
comme on voit, I'ingenicuse theorie des Rheinische Bldller :
« Un train de plaisir en pleine mer ! »
A la faveui" du mouvement developpe par les Ubres com-
munes, beaucoup d'ecoles, de 1846 a ISoO, ont ete creecs,
pour repondre a cet ideal, dans les differents pays de I'AlIe-
masne, notamment dans les villes de Nordhausen, Magde-
bourg, Halberstadt, Halle, Weissenfcls , Elhing, Breslau,
Lowcnberg, Hambourg, Tilsit, Egeln, Zeitz, Stendal, Dessau,
Konigsberg, Holzhausen, Nuremberg, etc. etc.
Le canevasdel'enseignement religieux, danscesecoles, etait
le caiechisme du pasteur Uhlich. On y professait cette maximc
de M. Diesterweg : « Peu importcnt les notions que Ton se
forrne sur I'essencc ct I'activite de Dieu, et sur la nianiere
dont le nionde a ete appele a Texislence. » On y cliantait drs
poesies du genre de celles que public M. Uhlich dans sa Feuille
du Dimanche, pour la plus grande Edification des nouveaux
fideles.
L'ancienne et la nouvelte Eglise.
0 II y a ici-bas une maison qu'on appelle la maison de Dieu.
Ses domes brillent au loin et dominent le pays'.
au gredes prolestants. Quoi de plus naturel? Mais chaque communion est
salisfaite de la direction qu'ellc donne. Que veut-on de p'us? Cliangez
cela, tous les partis seront egalement mecoiitents, hors celui des indif-
fdrents et des athees ».
1. Es steht einHaus auf Erden,
Das Gotlosliaiis genannt, •<
Und seine Kiippelu strahlen
Weit iiber olles Land...
ROLE DE LA SCIENCE PEDAGOGIQUE. 205
« El dans celle raaison habite un pretre en r()l)o noire. Ce
pretre niurraure des priercs, et chante tantot depiiis quinze
cents ans.
« Et quand les fideles sc rasscmblent, le pretre repand la
parole que Dieii lui a eonfiee :
« Bienheiireux ceux dont le Dlable ne vient pas tourmenter
la vie. Car il rode, demandant sur toutes cboscs le pourquoi
et le comment.
« Bienheureux qui a faim et qui souffre persecution : il se
rassassiera un jour du doux pain du ciel.
« Longtemps nous avons ecoute le pretre en silence. Mais
aujourd'hui nous respirons! Bienheureuse la libre lumiere
de Dieu !
« Le monde est delivre de I'Eglise ! Dans le chant des ros-
signols, dans I'armee des etoiles, dans le sourire de Tenfant,
< Dans I'image de la beaute que nous revelel'art du peintrc,
dans les reves du coeur vers un avenir plus beau, dans tout
cela, nous sentons I'esprit de Dieu.
« Et cliaque liomme est le pretre de sa religion, la religion
de I'araour et de I'humanite. Adieu les formules du vieux
christianisme < ! »
On se rappelle le mot de M. Vogt au parlement de Franefort^.
On n'a pas oublie non plus le voeu de M. Michelet, profcsseur
de pliilosophie a I'Universitede Berlin^. « L'beure est venue,
1 . «... Und jeder Mensch ist Priester
Und Schirmer der Pxeligion...
Die Religion der Liebe,
Des echten Menschent hums. —
, Es leben die Gedanken
Des iilteslen Chrislerilhums! »
2. " Que rfiglise relourne au ciel sa palrie ; au ciel, donL nous ne vouloiis
rien savoir lanl que nous sommes sur la lerre. »
3. Die Losting der gessellschafllkhen Frage. Voy. p. 42.
206 SECO.NDE rARTlE.
s'eciiuiUle son cole, CarlGiiin, dcs'approprierenfin lesresiil-
lats de la |!liilosopliic de I'liisloire: ce resullat, c'estia jouissance
dc ce monde, et Vorganisation des cinq sens. » L'ecole, on le
voit,n'availnen a envierauxenseignements torabesdesihaut.
On adniettra sans peine que I'Elat n'ait pas eu nne confianee
illimilee dans les fruits d'uneeJucationinaiiguree sous de lels
auspices. Depuis que les principes conservaleursontreconquis
droit de cite,laplupart des ecoles hegeliennes ont partage le
soi I deslibres communes ^. Une des dernieres quiaientsurvecu,
est l'ecole de la libre comraunedellambourg.Undecretdusenat
I'a supprimee au mois de fevrier i8o5. Les considerants de ce
decrelportaient « que, la commune ayantrenielechristianismc
de la maniere la plus patente, pour se vouer a I'atbeisme^, le
senat, en tant qu'aulorite cbretienne, n'avait pu souffrir plus
longtemps I'inlluence pcrnicicuse d'une telle association, et de
son enseignement, sur 1' education de la jeunessc. »
Ainsi de tant d'autres ecoles.
1. Jahrbiicher derfreieti deutschen Academic. Francfort, 1849.
2. Le ministre de I'inlerieur de Prusse disait, dans la circulaire adres-
see aux presidents des provinces, le 29 seplembre 1851 :
« Le developpemenl qu'onl regu dans les dernieres annees les commu-
naules dites Hbi-es communes, a prouve qu'elies ne sont pas tant des so-
cieles religieuses que des reunions poliliqm s tendant a propager les prin-
cipes destrucleurs de I'ordre social... C'est done le devoir de I'fitat de les
combattre avec tous les nioyens legaux. »
A quoi , dans sa na'ivele d'apolre , le pasleur Ulilich repondait :
• Nous ne sommes pas des socieles religieuses! c'est la un bien vieux
grief. La mesure que les fonctionnairos de I'empire romain appli -
quaient aux idees religieuses d'alors, ne convenait pas aux communautes
chr6liennes naissantes. Ce!les-ci n'adoraient pas les dieux; done elles
etaient convaincues d'aiheisme Ainsi de nous, les nouveaux Chretiens ! •
{SonntayS'Blutt., 185-2, 7 mars).
3. .... Die Gemeinde habedas Christenlhum aufs entschiedenste ver-
leugnet, und sich deni Atheismus zugev^^endet... »
Nalurellement, les Rheinische Blatter ont jete feu et flamme contre la
suppression de cette ecole. " Les peres et les meres vont-ils etre contraints
d'envover leurs enfanis a des ecoles oil le catechisme de Luther, la Bible
ROLE 1)E LA SCIENCE PEDAGOGIQUE. 207
A riiciire qu'ii est, la propagande antichrelienne et alliee
no s'excrce plus guere au grand jour. Mais, il ne faut pas se le
dissirauler, de louablcs efforts viendront se briser Irop sou-
vent contre des ecueils redoutablcs, ecueils aujourd'liui voiles
peut-6treaux regards qui effleurent les surfaces, mais que,
dans la tempele, le choc du navire revelera tout a coup. Le
poison a peuetre, sur bicn des points, jiisqu'au coeur raeme
de la societe, an foyer de la famille. Etlorsquel'unedes ecoles
condamnees disparail sous la main vengeresse de I'Etat, le
parti frappe repond avec cette assurance que lui donne la
conscience de sa force :
« Que pouvez-vous faire? Disperser nos assemblees, Inter-
dire la parole a nos maitres, etouffer notre vie publique; eh
bien! nous forlifierons nos convictions dans le cercleintime de
nos amis, nous echaufferons notre vie religieuse au foyer de la
famille; si nous n'ecou tons plus renscignementdenos maitres,
du moins nous pouvons lire.., a vous, en attendant, a vous qui
avez la force, de prouver que la vieille religion a conserve la
vie, a vous de rendre le peuple heureux et de realiser le del sur
la ierrel Gar, sachez-le bien, I'antique moyen de consoler /es
douleurs d'ici has par les joies futures de I'aidre monde , ce moyen
n'est plus de mise '... A I'a'uvre done ! »
« Et d'ailleurs, continue le pasteur Uhlich,les enfants ne
sontpasseulementlesenfants deperes etde meres que Ton pent
contraindre de les envoyer aux ecoles et aux eglises oii Ton en-
seigne le dogme du passe; ils sont aussi les enfants du dix-
et le Gesangbuch sont I'alpha et I'omega ! » — et la feuille de M. Diesterweg
a trouv6 ce singulier argument ; « Quoi ! on accuse d'atheisme I'ecole de
la libre commune , quand il est de notoriete qu'oii ne s'y occupait en
aucune fa^on d'instiuclion religieuse quelconque ! »
1. « Denn die Vertrusluiig liber den Jammei der Erde aul'den Jubel des
jenseitigen Himmels, nein, die liillt auch bei dem Allglaubigslen nicht
melir. » {Sonnlags Blalt, 14 mars, 1802).
208 SF.CONDE PARTIE.
neuvieme siecle, enfanlsde cet esprit hiimain qui, dans I'e-
nergie de sondeveloppement, a deja brise tanldevieilies cliai-
iies. Cliaque aspiration apportea leur poitrine non-seulement
I'air vivifiant, mais aussi I'esprit du siecle. Et, quand, le
soir, au foyer de la famille, ils entendront bafouer ce qui
leur aura ete dit, le jour, a I'ecole, nous verrons de quelle
main la semence sera le mieux re^ue dans lours jeunes ames,
quels germes s'y enracineront et s'y developperont avec le
plus de puissance. »
TROISIEME PARTIE.
RENAISSANCE PEDAGOGIQUE.
a
TROISIEME PARTIE.
RENAISSANCE PEDAGOGIQUE.
p. \y\A/VVVVV\/VVVV\AA/VVO
CHAPITRE PREMIER.
Reaction contre la premiere moitie du dix-neuvieme siecle. — Principes
fondamentaux (GrundzUge) de 1854.
De tels defis voulaient etre releves. lis eurent ce salutaire
effet d'arracher les esprits aiix illusions du sommeil.
Sous le feu merae des passions ennemies, une ecole pedago-
gique, avec I'appui plus ou moins declare des gouvernenients,
avait maintenu , par ses protestations courageuses, les droits
de la pens^e chretienne et du bon sens.
Au lendemain des evenements revolutionnaires, ces protes-
tations trouverent partout echo, et devinrent la voix meme de
la conscience publique. En Allemagne, comme ailleurs, les
bouleversements de 1848, en revelant rabiine, indiquerent la
voie du saint.
« Lorsqu'on a commence a livrer I'enseignement posilif de
la doctrine evangelique et les mceurs de la vie clirelienne a
Taction deletere d'un sceplicisme sterile, et a rcpandre au
sein des masses un esprit supeificiel de critique; lorsqu'on
s'est efforce de substituer aux liens puissantsde la Famille et
de la Commune les illusions trompeuses d'une renovation ra-
dicate; on a du prevoir, comme une consequence necessaire
de celte revolution accomplie dans les consciences, In cluile
2^12 TROISIEME PARTIE.
des barrieres morales et I'aDeantisseraent de toute autorite*.»
Ainsi parle le lecueil qui represente, dans le monde peda-
gogiqne, en Prusse, les principes traditionnels, et qui, au
point de vne des doctrines religieuses, prend le contre-pied
des Rkeinische Blatter'^.
« Ne nous aveuglons pas, poursuit \e Schulblait. et ne par-
tageons pas I'erreur de ceiix qui croient I'ennemi vaincu
parce que I'agitation du combat exterieurestapaisee. Les idees
destructives conlinuent a vicier la vie a sa source, et ont pe-
netre jusqu'au cobur du peuple^.... II faut fairc peser sur
notre systeme pedagogique la part de responsabilite qui lui
appartient. La ou il convenait de meltreen lumierelestresors
de la parole divine, on a nourri les esprits des jeunes maitres
des steriles reveries d'un systeme ; la oii il s'agissail d'ouvrir a
leurs regards les perspectives de la revelation, on les a con-
duits sur le terrain aride de la speculation et de la critique. »
« Les evenements des dernieres aunees, s'ecrie une autre
voix, nous ont eclaires sur les plaies profondes du peuple alle-
mand et enveloppe son avenir d'un sombre voile II s'agit
de former nne race nouvelle dans laquelle renaisse la vie reli-
gieuse et morale *. »
On a vu avecquel sentiment des perils de la situation et d'un
grand devoir a remplir, les hommesd'Etat des differents pays
de TAlleraagne favorisent et provoquent la reaction que de-
1. Schulblatt fur die Provinz Brandenhurcj ; 1852, p. 562. Cette excel-
lente Revue est publiee sous la direction de MM. les conseillers Striez,
Bormann et Reichhelm.
2. Voyez un article de M. Richler (livr. de sept. 1852J, intitule : Welche
Miinijel unserer Lehrerbildung und unseres Schulunterrichts sind in den
Beicegungen dcr Ictzlen lahre hervorgetretcn ?
3. Die auflusendenundzersetzenden Ideen verzehren den frischen und
gesunden Saft des Herzens im Volksleben.
4. Gedanken iiber christlich-nationale Erziehung der VoJksjugend, par
M. Flirbringer, directeur du seminaire de Berlin.
I
REACTIOiN. 215
termine rinstinct du salut social. Nous avons paiie des rae-
sures prises par la haute administration pour rerapiaoer les
maitres convaincus d'hostilite aux idees religieuses. Ces efforts
desgouvernements, ces substitutions d'hommes h horames
ne sont que le signe de la pensee nouvelle qui aspire a trans-
former les fails en maitrisant les esprits. Gette pensee n'est
autre, a beaucoup d'egards, quecelle qui inspirait I'enseigne-
ment populaire pendant la premiere periode dont nous avons
esquisse les traits ^
« L'education, se reprennent a dire aujourd'hui les repre-
sentantsd'unesaine Pedagogic 2, estlarestauration deriioraiue
dechu en sa dignite originelle; c'est I'illuminalion de I'esprit
de I'homme par les verites de I'Evangile. » De nouveau on in-
voqueSpener etFrancke; on renie les theories de Basedow, de
Gampe, de Salzmannetde toute I'j&cole philanthrophiquc ; ce
n'est plus qu'avec defiance que Ton admet les principes de Pes-
talozzi a figurer dans I'inventairede la science pedagogique; et
en regard des appels a V Emancipation de TEcoIe, dont les der-
niers echos viennent expirer dans les Rheinische Blatter^ on
definit ainsi la vocation de I'instituleur :
« L'Instituteur a pour mission d'enraciner dans les jeunes
araes les croyances fondamenlales, de les developper avec
amour, de telle sorte que plus tard, sous I'impulsion de
Dieu et de la conscience, elles se revelent chaque jour de la vie,
et soient a I'homme un appui et un bouclier ^. »
« L'education, dit-on encore, doit etre a la fois chretienuc
et nationale. Comme telle, elle s'efforce de laire de I'enfant
ledigne raembre de deux societes, I'Egiise et I'Etat; elle a
1. V. chap. 1*^' de la premiere partie.
2. Voyez l^Urbringer, op. cii. — Voyez aussi I'ouvrage di'ja cite de
M. Goltzsch.
3. Schulblatt, 1852, p. 565.
214 TROISIEME PAHTIE.
pour but le developpement de ses facultesau profit de TEglise
et du pays ^ »
« L'ecole populaire [VolhsscJiule^)], conlinue-t-on , a la
mission de developper la vie religieuse ecclesiastique du peu-
ple {das religios-kirchliche Lehen des Volks) par I'education
chrelienne de la jeunesse. Cette education chretienne peut et
doit etre erapreinte du caractere confessionnel ^. »
Celui qui a eerit ees lignes, M. Fiirbringer, est maintenant
diiecteur du seminaire de Berlin; il a, dans ee poste, rem-
place M. Diesterweg. Un tel fait, a lui seul, est une demons-
tration.
Et pour qu'on ne s'y trompe pas, les autorites officielles,
les Regences que les liens hierarcliiques unissent directement
au minislere de I'instruction publique de Berlin, n'besitent
pas a invoquer le regleraent qui est le resume complet de
la pensee pedagogique de la premiere epoque , le general
Landschul — Reglementdeil&o''^. Aux Iheoriciensattardesdes
Rheinische-Bl'aiter et du Sonniagsblatt, la Regence de Potsdam
repondait, il y a peu de temps, par cette circulaire signifi-
cative :
1. Die christlich-nationale Erziehung betrachtet das Kind von seiner
Geburt an als ein Glied zweier Gemeinschaften, einer weitern, des Got-
tesreiches... und einer engern dem deutsclien Volke... (Fiirbringer, Ge-
danken, etc.).
2. On peut Hre d'excellentes reflexions sur le sens du mot Volksschule
(ecole populaire), dans une brochure de M. le docteur Strack, intitulee:
Zur Schulfrage in Bremen {iSbO). — Repoussant ce mot dans la significa-
tion revolulionnaire qu'on a voulu lui donner {den Theil des Volkes, den man
in unsern Tagen nicht selten tvieder mit dem alien Namen Proletarier be-
nennen hbrl), I'auteur montre a quelles conditions VqcoXq populaire peut
juslifier son nom.
3. M. Fiirbringer apporte a ce principe la restriction de rii'uar?gi«Jisme
officiel qui poursuit ' la reunion des differentes confessions en une figlise
allemande. » Vereinigung der verschiedenen Konfessionen zu einer deutschcn
Kirche auf den Grund apostolichcr Lehre.
4. Voyez ce document au chap. I de la 2e partie.
REACTION. 215
« On a demamle dans quels rapports i'instituteur, en tant
que dispensateur de Tenseignement religieux , doit se trouver
vis-a-vis du pasteur de la paroisse.
«Selon les prescriptions toujours en vigueur du general
Landsckul-Eeglement, et de Vallgem. Landrecht, FEcole et le
maitre sont places sous la surveillance el sous la direction du
pasteur local {des Ortsgeistlichen)^<\m, en se conformant aux
reglements promulgues par les autorites scolaires, doit arretor
le plan des etudes, dans I'ecole, et en surveiller la mise
en oeuvre.
« Ges prescriptions s'appliquent, toutspecialement, a ce qui
est le but principal de I'ecole {Hauptzweck) , I'instruction
religieuse, laquelle doit elre preparee, dirigee et dispensee
par le pasteur.
« Dans quelle mesure I'instruction religieuse doit-elle etre
donnee par le maitre? On s'en fera une juste idee, si I'on
se rend compte exaclement du but de I'euseignement pre-
paratoire a la communion dans I'Ecole *.
« Tant que la jeune population de I'ecole est dans I'age ou
le pouvoir d'intuition (Anschauungsvermdgen) et la memoire
sont les facultes domiuantes, I'instruction dont on parle ne
doit pas etre seulement, dans les classes, une sorte de repe-
tition, mais un enseignemeut propre a eclairer I'intelligence,
a echauffer le coeur ; et il importe que I'ecole soit, pour les
enfants, le moyen d'acquerir tons les materiaux que devra
feconder la parole du pasteur.
« De la lerolede I'ecole en ce qui concerne I'instruction
religieuse.
« Culture de I'intelligenco, du coeur, et de la volonle; his-
toiresbibliquesdel'AnLien etduNouveau-Testamenl; prieres.
1. Voyez, a ce sujet, un ecritdeM. Thilo, directeiir du seminaire d'Er-
furl, inliLulo : Was kann der Katechet com Prediger krnen? ■
2^ 6 TKOISIEME I'AUTli:.
maximes et paraboles , cantiques tires du livre de chants
( Gesangbuch); chroniqiie de I'histoire sacree, etudedu theatre
desevenements bibliques, particulierementdelaTerre-Sainte,
surtout etude de I'histoire de la Reformation, — tous ces objets
rattaches entre eiix par im lien naturel, mais non presentes
avec la rigueur systeraatique de Tenseignement du pasteur,
constituent I'instruction religieuse de I'ecole.
«f C'est poiirquoi nous adjurons les pasteurs de diriger
I'instruction religieuse, dans chaque ^cole, avec un soin d'au-
tant plus s^rieux que, la plupart du temps, les maitres negli-
geantcette partie de leur tache, I'enseignement donne dans
le temple, ne trouve que des intelligences vides etdes coeurs
glaces.
0 C'est pourquoi aussi nous leur recommandons, dans les
conferences ou chacun d'eux reunit les instituteurs de sa pa-
roisse, et ou ces derniers doivent subir I'ascendant de la con-
viction etdes conseils plutot que la pression de I'autorite,
de faire en sorte qu'une foi vivante se fonde, dans leur esprit,
sur I'intelligence de I'Ecriture, et de leur prodiguer, avec
leurs conseils, toutes les instructions dont ils ont besoin i. >•
Une autre circulaire, en date du 4 juin 1852, presente ega-
lement un caractere qu'on ne pent meconnaitre. Nous tra-
duisons2 :
« L' experience des dernieres annees nous a de nouveau
apprisa reconnaitre {aujsneue erkennengelehrt) corabico il est
necessaire d'enraciner et de fortifier les fondements de la
religion et des moeurs dans toutes les classes du peuple, et
consequemment le sentiment d'une serieuse pratique reli-
gieuse; combien il importe que Ton comprenne la necessite
1. Circulaire adressee a tous les surintendants et inspecteurs de Cercle.
2. Voyez , sur ce m^nie sujet, la circulaire du niinistre de I'inslruc-
tion publique, au chapitre II de la l*"^ partie.
REACTION. S'lT
(I'une fidele observation du dimanche et des fetes, et de la
participation aiix exercices dn culte public.
« II est tres affligeant de penser que parmi les instituteurs,
conlrairement a leurs devoirs et au but principal deleur mis-
sion , qui est de former la jeunesse a la piete , les uns ne
frequentent jamais le service divin, les autres ne s'y ren
dent qu'irregulierement ; qu'ils ne prennent point part a la
sainte communion, et qu'au lieu d'etre, comme ils le de-
vraient, pour leurs communes, un modele salutaire, ils leur
donnent le pernicieux exemple {verderbliches Beispiel) du
mepris des saintes pratiques et des habitudes chretiennes.
« Nous vouschargeons de comrauniquer cette circulaire a
tous les instituteurs de votre ressort d'inspection, et de faire
en sorle de ramener au devoir ceux qui sont en faute.
Nous vous faisons remarquer expressement que, partout ou
les instituteurs, faisant fonction de chantres, organistes, sa-
crislains, se croient perrais de deserter I'Eglise pendant le
service divin et pendant le preche, de maniere a faire scan-
dale par une negligence affectee, une conduite si coupable
doit provoquer la plus vigilante severite de la part des fonc-
tionnaires preposes a I'inspection. »
« Le Consistoire royal de la province de Brandebourg. »
Nouslerepetons, et Ton nesaurait maintenanten douter, la
renaissance^ ({n'h. travers les nuages d'un present charge en-
core des erabarras du passe, Ton s'applaudit de voir poindre
dans la sphere de I'education populaire, au-dela du Rhin,
n'est autre chose qu'un retour aux principes qui ont soutenu
la premiere epoque .
1. wEinereligios-undsittlich-politische Wiedergeburt beginnt. undsich
fortenwickelt zur Heiligung und^KriifLigung des Volks. » (FUrbringer, Ge-
dankenuber chrisUich-nationale Erziehung.)
2^8 TROISIEME PARTIE.
La mission de rinstitiiteur , affirme-t-on aujourd'bui ,
(( est de developper dans I'enfant les facultes que la place
reservee a rhomrae fait dans la hierarehie sociale , lui im-
pose la neeessite de posseder *. * Que diraient d'une telle
maxime les ardents theoricieDS de Francfort?
Toutes ces declarations des organes divers de I'opiaion an
dela du Rhin , toutes ces manifestations de la conscience pu-
blique se sont resumees recemment, et ont pris corps et vie,
si Ton peut dire, dans un document offieiel d'une haute im-
portance, document qui est, tout ensemble, le ?ned culpa,
de la Pedagogic, et la profession de foi de I'administralion su-
perieurede Berlin. En depit des embarras d'une pbraseolo-
gie souvent obscure , il faut citer ce document dans son en-
semble.
Principes fondamentaux concernant I'organisation et I'enseignement de
I'Ecole primaire evangelique-.
« Des chaugements profonds se sont manifestes , en ces
derniers temps, dans la vie intime et dans le developpement
inlellectuel de I'ecole.
« Lemouvement des idees, qui, depuis une longue periode,
s'estprononceavecpluson moinsdeneltetedansledomaine de
I'instruction piiblique, a fini par aboutir, sous differents rap-
ports, a des resultats importants.
a Le temps est done vonu d'eliminer ce qui est superflu ou
errone, et de substituer officiellement ce qui a ele juge salu-
taire et executable, par les hommes qui connaissent le prix
d'une instruction populaire vraiment chretienne et pratique.
« L'ecoleelemenlaireavaitsui Vila direction in lellectuellode
1. Fertigkeiten, Nvelche seine kUnftige Slellung in der biirgerlichon
GesellsL'hal't erheischt... "
2. Grundzlige betreffend Einriclilung undUnterricht derEvangelischen
Elemenlarscluile (3 oclobre 1854).
REACTION. 219
I'epoque; elle en avail subi I'iinpulsion. 3Iais, de memeque
la vie generale dii siecle est arrives a ce ^oiot ou uDe revo-
lution decisive est devenue necessaire ^ de meme I'ecole, si
elle ne veut s'esposer, en se rattachant a une opposition
vaincue, a demeiirer impuissante et a deperir, doit entrer
dans le nouveau etsalutaire mouvement qui lui permette tout
ensemble de recevoir et de donner la vie.
« L'idee d'une education generale par le developperaeni;
abstrait de la force intellectuelle , s'est trouvee sterile et fu-
neste. La vie du peuple exige une regeneration fondee non
plus sur des theories, mais sur des realites immuables, et
sur la base du cbristianisme, veritable soutien de la Famille,
de la Commune et de TEtat.
a En consequence, I'ecole primaire ou la majorite du peu-
ple recoit ies elements de son instruction ou meme son in-
struction tout entiere, ne doit point reposer sur un sysleme
abstrait ni sur une pensee purement scientifique: elle doit
avoir en vue la vie pratique dans I'Eglise.la Famille, la Com-
mune et I'Etat, et resler dans Ies limites qui lui sont tracees.
L education est le hut ; la methode n'est qu'un moyen sans
valeur par lui-meme. Liostruction formelle est le resultat
des objets qu'embrasse I'enseignement ; si elle ne tient pas
compte des elements reels ou si elle Ies choi^it a conlre-
sens , elle devient funeste et destructive.
« En partantdece point devue, on comprend qu'il importe
moins a lecole elementaire d'adopter et d'organiser des cours
nnuveaux que de faii-e un ch()ix rationnel des objets d'ensei-
gnement, de Ies circonscrire en de justes limites, et de
donner a I'ecole une organisation en barmonie avec son but, a
savoir, I'education de la generation qui s'eleve.
1. Das gesammte Lebendes Zeitallers... wo ein entscheidender Um-
schwung nothig geworden...
220 TllOISlEME PAKTIE.
« C'estd'apres cesdonnees, que doivent elre appliques les
principes suivants , pour rorganisatioa du nouveau plau
d'etudes.
I. — Religion.
« La confirmation fait entrer dans la Commune, comme
membre independant, I'enfant incorpore a Feglise du Christ
par le saint bapterae. L'Ecole adraet dans son sein des enfants
ayant droit a toutes les graces du salut, pour les preparer a la
reception de ces graces. Le mattre doit done etre sanctifie lui-
meme pour pouvoir dire, comme le Christ : « Laissez venir
a moi les petits enfants , car le royaurae des Cieux leur
fippartient. »
« Le Christ est la fin de la loi ; quiconque croit en lui est
dans la voie de la justice.
c C'est en se fondant sur ce principe quele reglement d'etudes
des ecoles normales a proclame : « que I'histoire biblique est
le champ oil I'ecole elementaire doit se proposer dereveiller
et de developper la vie chretienne au coeur de la jeunesse qui
lui est confiee. »
« Depuis le moment ou le Dieu triple et un a cree le ciel et
la terre, jusqu'au jour ou I'Esprit saint a envoye les apotres,
afin qu'ils pussent rendre temoignage de Dieu , I'histoire bi-
blique est le tableau des oeuvres de la grace divine, qui aujour-
d'hui encore doit preparer a la redemption et sanctifier le
ccBur de tout mortel.
« C'est pourquoi il importe de voir I'enfant chretien faire
revivre en lui I'histoire biblique; et c'est a cela que I'ecole
a mission de le eonduire. U faut qne I'eleve apprenne a ra-
conter Thistoire de la Bible avec intelligence ; el, afin qu'il s'y
rende apte, le maitre doit d'abord la lui raconter.
t< L'action divine s'est revelee par des paroles consacrees;
REACTION. 22\
aiissi I'histoire biblique sera raconteeavec les paroles memes
dela Bible.
« Or, la Bible contient du hit eides alimenis solides : les his-
toires bibliquesseront done reprodiiites sous la forme et dans
le cadre que lui donnent les bons recueils hisloriques. G'est
ainsi qu'elles seront expliquees, que les enfants les reliiont,
qu'ilsles raconteront, qu'ils les confieront a leur memoire,
et qu'elles deviendront vivantes eii eux.
« Par la sont indiques le procedeeXle hut^ dans I'enseigne-
nient de I'histoire biblique.
« Pour les deux premieres annees, la creation, la chute du
premier homme , le deluge,* la vocation d'Abraham et la
mission deMoise, les histoires de la vie du Christ, qui servent
a I'explication des fetes chretiennes, aiix preuves de sa divinito
et de son amour misericordieux, fourniront des materiaux
suffisants; apres quoi, les enfants sachant lire couramment,
on suivra strictement un recueil d'histoires dont I'etude
comprendra tout le temps destin^ a I'ecole; les enfants les
plus avanees liront in extenso dans la Bible, les chapitres
correspondants.
« Des Tentree des enfants a I'ecole, on les exercera a reciter
noire Pere , la benediction du matin et du soir, le bene-
dicite et les graces; les enfants deja instruits apprendront
en outre la priere generate de I'Eglise et les autres par-
ties du culte liturgique.
« A la priere du matin, on fera reciter une sentence et un
chant hebdoraadaire.
« De plus, on choisira au moins trente cantiqucs, parmi
ceux designes pour les candidals aux ecoles normales, etces
cantiqups seront appris par coeur. Pour les maximes, on suivra
un recueil; ou bien on les fera apprendre en meinc temps que
le catechisme.
« Chaque saraedi on lira les. pericopes du dinianche sui-
222 TROISIEME PARTIE. ..
vant, et on les expliquera ; les evangiles du dimanche, tout au
moins, doiventetre appris par coeur.
« La lecture de la Bible ne sera offerte qu'aux enfants
sachant deja lire couramraent. Ed dehors des perieopes, le
pasteur fera un choix dans les psaumes, les livres proph^ti-
ques, et les epitres du Nouveau-TestameDt.
« Le catechisme en usage dans la Commune sera appris par
coeur, aussi longtemps que la preparation a la confirmation
I'exige; il faut que le texte en soit compris par tous les
enfants, et recite par eux correctement et avee I'expression
convenable.
« Laoii I'onsesertdu catechisme de Luther, on feraappren-
dre jusqu'a la dixieme annee, les cinq premiers chapitres,
et a partir de cet age, le commentaire de Luther sur ces
chapitres.
« Ce qu'on appelle catechisation sur les points de doctrine,
ou sur les maximes^ est exclu de I'ecole elementaire.
«Le devoir principal du mailre est^de d^velopper les ob-
jets d'enseignement, tels que nous venons de les exposer,
de les mettre a la portee des enfants , et de les inculquer dans
leur esprit. Savoir bien raconter, donner a ses idees une
forme saisissante, resumer la pensee principale, voila ce
que Ton demande au maitre ; de plus, 11 faut qu'il ait lui-
m6me cette foi vive qui, dans les choses divines, sans un
grand appareil d'art, produit la conviction et la vie.
" On consacrera six lemons, par semaine, a I'enseignement
religieux ; d'ordiuaire c'est par la que commencera ou se ter-
raioera I'ecole.
« Dans lesecoles ou Ton ne jugera pas utile que tous les
eleves indistinctementsuiventrenseignemenlcatechelique, on
occupera une partie des enfants par des exercices qui devront
6tre choisis dans I'ordre des choses religieuses.
« Le chant en commun d'un cantique ou d'un verset; la
REACTION. 225
prieredite au commencement de I'etude ; I'attitude du maitreet
des eleves, tout doit donner a la le^on un caractere di' edifica-
tion. II importe que le raaitre veille avec un soin tout particu-
lier a se maintenir constarament dans la grace divine, afin
qu'il puisse prier, en toute conviction et devotion , avec ses
eleves, pour eux et pour lui-meme; et qu'il soit en droit de
s'appliquer le commentaire de Luther sur le quatrierae com-
mandement: t Je suis, moiaussi, un seigneur (ein Heer) pre-
pose, par I'ordre de Dieu et en son nom, pour veiller sur
de pauvres enfants qu'il iaat gouverner et elever. » Ge en quoi
consiste la veritable vie de I'ecole chretienne, c'est que, fon-
dee sur la parole de Dieu et placee sous son inspiration, cette
ecoleestun etablissement propre a I'instruclion et a I'amen-
dement, les eleves en devant sorlir animes de I'esprit de
Dieu, et aptes a toute bonne oeuvre.
Aux maitres qui sentent en eux une serieuse vocation, nous
rappelons ces paroles : « Le Seigneur dit a I'impie : Pourquoi
celebres-tu de bouche mon alliance et proclames-tu mes droits,
landis que toi-raerae tu hais I'obeissance et meprises mes
lois? J Et encore : « Du corps de celui qui croit en moi cou-
leront des torrents d'eau vive. »
II. — Lecture, langue allemande, ecriture.
On doit exiger du maitre que tout enfant qui frequente re-
gulierement I'ecole, sache lire au bout d'nne annee. L'usage
d'un abecedaire, I'application d'unebonneetsimple methode,
et I'assistance bien ordonnee que preteront les eleves les
plusavances\ mettrontl'instituteuramemed'atteindielebut.
Les lemons d'ecriture pourront se combiner avec les lemons
1. Les Aleves les plus avances jouent ici a peu pres le role des pupil-
teachers, en Angleterre. — La methode muiuelk, on le sait, n'a jamais ete
regue en AUemagne.
224 TROISIEME P ARTIE.
de lecture, que Ton utilisera pour les exercices d'orthographe,
de ponctuatioD, d'eloculion et de redaction.
Chez les sujets intelligents se developpera le talent d'ex-
primer leurs propres idees; tons doivent apprendre a redi-
ger des leltres, formulaires d'affaires, d'apres des modeles
qui pourront servir en meme temps d'exemples pour I'ecri-
ture.
L' etude parlaquelle on s'approprie letexte, presente egale-
ment une importance considerable au point de vue du deve-
loppement intellectuel. A cote de la Bible, du catechisrae et
du livre de cantiques, le livre de lecture en usage doit avoir
assez de valeur pour devenir, meme au-dela de I'ecole, le
point de depart de I'inslruction du peuple.
Les ameliorations importantes qui ont ^te introduites de-
puis une dizaine d'annees dans les livres de lecture, nous
fontesperer que I'epoque n'est pas eloignee ou nous possede-
rons un livre de lecture modele pour I'ecole elementaire ,
lequel pourra servir en meme temps de livre populaire.
Mais, des a present, toute ecole elementaire peut avoir un
bon livre de lecture. II faut que les enfants apprennent a lire
correctement le texte, et pour cela, qu'ils en aient oomplete-
ment saisi le sens, et qu'ils puissent le reproduire en d'autres
termes.
Des notions theoriques de gramraaire ne sont point exi-
gees des enfants.
Quant a I'euseignement calligraphique , il faut que les ele-
ves acquierent une ecrilure ferme et qui plaise a I'oeil, qu'ils ne
restent point abandonnes a eux-memes dans un exercice pure-
ment mecanique, et que le texte des exemples, qui se grave
facilement dans la memoire, soit tire du domaine des con-
naissunces utiles.
Les eleves devront egalemenl etre exerces a ecriresousla
dictee.
REACTION. 225
Pour renseignenient de Ja lecture et de I'ecriture, on em-
ploiera douze lemons par semaine.
III.— Calcul.
Les enfants apprendront a resoudre proniptement et sure-
ment, de tete et par ecrit, des problemes empruntes a la vie
habituelle { en nombrcs entiers, en nombres complexes et en
fractions), et ue depassant pas les quatre regies.
Cinq legons par semaine seront siifiisantes pour cet ensei-
gnement.
IV. — Chant.
Les enfants apprendront d'ordinaire a chanter d'apres
les notes; cela ne doit pas empecher de les habitiier a s'exer-
cer par coeur. L'essentiel c'est qu'ils chantent, quand ils
quitteront I'ecole, correctement et couramment les melo-
dies usit^es a I'eglise, et une certaine quantite de chants
populaires, notammentdes chants patrlotiques ; il estbien en-
tendu que leseleves doivent s'etre completement approprie le
texte et I'esprit des paroles.
On donnera trois lemons de chant par semaine, et Ton veil-
lera h ce que les melodies destinees a figurer dans I'office du
dimanche suivant soient apprises exacteraent a I'ecole.
— Les objets d'enseignement que nous venons de designer
absorbent vingt-six legons par semaine : trois le mercredi et le
samedi, cinq les autres joui's. S'il elait possible de porter ce
dernier chiffre a six , on pourrait consacrer une lecon a
I'enseignement de I'histoire nationale , une a I'histoire na-
turelle, etenfin une Iroisieme au dessin.
Ce dernier enseignenient devra se borner au maniement de
la regie etdu compas, au trace simple de dessins nsuels.
15
226 TROISIEME TARTIE
A def lilt de lemons paiticulieres, on raetlra a profit I'ensei-
gnement de la lecture, pourdonner aux eieves quelques no-
tions d'histoire nationale et d'histoire natiirelle. Aux anni-
versaires celebres, une ou plusienrs legons devront avoir
pour objet des recits appropries a la eirconslance; les eieves
repeteront des chants patriotiqiies.
En parcourant les divers ehapitres du livre de lecture, le
mailre trouvera egaleraent occasion de signaler les plienome-
nes de la nature, et de les expliquer.
On animera I'enseignemenl par I'usage des cartes de geo-
graphie, par I'examen de plantes ou d'autres objets, par des
descriptions, par des coraparaisons. Le naaitre ne manquera
pas de faire connaitre aux eleves la vie de nos souverains et
de noire peiiple, de leur inspirer I'amour du roi, le res-
pect de la loi et des institutions du pays. II n'aura pour cela
qu'a laisser parler I'histoire, sans rien ajouter de son propre
fonds.
L'enseignement, tel que nous venons de le definir, repose
sur ce principe, que I'abstractioo en est bannie. Les objets
d'etudedoivent avoir des rapports strolls avec les elements vi-
taux de toute civilisation ; I'Eglise, la Famille, la Commune et
la Patrie.
Les eleves et les maitres pourront, sans difficulte, par-
courir en son entier le plan d'etudes qui vient d'etre trace,
et qui, au besoin, devrait eire elargi.
11 faut toujours que les objets d'etude soient distribues de
telle sorte qu'une bianche d'enseignement complete I'autre,
et profile au resuitat general,
L'enseignement elementaire organise d'apres les principes
qu'on vient d'enoncer , pour I'ecole primaire a une seule
classe, pourra etre introduit, sans aucun changement, dans
une ecole qui comprendrait plusienrs classes.
C'est une maxime generate, que nieme les plus pelitsen-
REACTION. 227
fants ne doivent point rester inoccupes, et qu'aucun eieve ne
peut acquerir line notion, qu'ellenedevienne aussitot le sujet
d'une application.
Dans ee qui precede, on trouvera le moyen de donner line
organisation fixe et durable au systeme dit auxiliaire {heifer
system)^ qu'il ne faut pas confondre avec I'enseignement rau-
tuel. Ce sysleuie est une image de la Famille; sous la direc-
tion du niailre, tous les menibres donnentet re^oivent.
Ce maitre sera le plus haul place, qui, chaquejour, recoil le plus
ahondaminent lui-meme, dans I'ecole, V esprit d humiliie , depriere,
d" amour et de crainte de Dieu.
Berlin, 3 Octobre 1854.
Le Ministre des Cultes, de V Instruction
publique et des affaii'es medicales,
Signe : De Raumer.
Sous les longueurs de cet expose, deux idees fondameu-
tales sont faciles a saisir :
i° Point d'educalion generale, bumanitaire , europeenne,
selon I'expression de Basedow, mais un enseignement po-
sitivement et pratiquement cbretien ;
2° L'enseigneinent doit reposer non sur un systeme, sur une
abstraction, mais sur les bases vivantes de I'Eglise, de la
Famille, de la Commune, de TEtat.
On le voit, la reaction contre les tbeories du pliilantbro-
pisme, contre les illusions de I'ecole de Pestalozzi et les for-
mules audacieuses de i'hegelianisme, ne saurait se prononcer
avec plus de nettete; etcette reaction, en inspirant deux nou-
veaux regleraents relatifs aux Ecoles normales\ a pris viclo-
rieusement possession des faits.
1 Voyez le chapitre suivant.
228 TROISIEME PARTIE.
Le raanifeste de la revolution pedagogique n'a point parii,
on devait s'y attendre , sans provoqiier des recriminations et
soiileverdes coleres. On a crie a la trahison, a la desertion
des principes du libre examen , ce fondement du proteslan-
tisine. On a predit a la reaction orthodoxe-officielle que I'esprit
germanique ne tarderait pas a lui demander corapte, au nom
de I'avenir, des coups portes a la liberie du developpement
intellectucl ; on a evoque de la tombe, pour effrayer les
temeraires , les ombres irritees de Ficbte, de Dinter , de
Hegel, de Schleiermacher. Au sein raerae du parti conser-
vateur, la vigueur de la resolution a provoque quelque sur-
prise ^ ; on s'est demande si, de tels principes proclaraes avec
tant de franchise , on trouverait beaucoup d'instruments
pour les mettre en pratique , et si le caractere de la profession
do foi inscrite dans les Grundziige repondait bien exactement
a Tetat des convictions religieuses au sein des populations
protcstanles de Priisse.
n n'a pas ete difficile aux publicistes offieiels de prendre
en main la cause des reglements incrimines ; en promulguant
les Grund-ziige, I'Etat ne faisait que rester fidele a la tradition
qu il n'acessedeproteger, on I'a vu, contre les defaillances de
TEgiise evangelique et contre les ecarts de la science peda-
gogique 2. Pourquoi done lui faire un crime d'avoir ete conse-
quent avec lui-meme?
Aussi les autorites scolaires n'ont pas tarde a obeir aux
injonctions emanees d'en haut. Sur les divers points de la
monarchic prussienne, les Regences royales ont procede a la
1. Voir un article du Sc/mI6/aH, livraison de Janvier et fevrier 1855,
p. 93. • ... Sie so plotzlich erschienen, wie ein Blitz aus heiterer Luft, und
dann sie so tief griffen, wie es wohl kaum jemand liatte ahnen kfinnen...'
2. Voyez le plaidoyer recent de M. le conseiller Stiehl, en faveur des trois
re'^lements : Aktenstiicke zur Geschichte und zum Versllindniss der drei
preussischen Regulative. (Berlin 1855.)
REACTION. 229
mise en oeuvre des Douvelles prescriptions : on a repete sur
tons les tons qu'il ne s'agissait plus de « chercher le de-
veloppement des esprits dans une education generale huma-
nilaire » ; qu'il n'appartenait plus « a la volonle indivi-
duelle de fixer arbitrairement les limites de I'instructiou » ;
que, ce qu'il fallait obtenir avant tout, c'etait « I'organisation
morale de I'ecole d'apres I'esprit d'un christianisme vivant,
sur le fondement de la foi evangelique, dans ses rapports avec
la vie reeiio, c'est-a-dire avec la Famille, I'Eglise, I'Etat; »
que I'instiluteur devait etre « I'oigane vivant et I'esprit du
Christ*; » etc... etc., et Ton a ordonne aux inspecteurs de
prendre les Grundziige pour texte d'explications et de com-
mentaires, dans les conferences auxquellessont tenues d'as-
sister les instiluteurs.
Restauration des principcs proclames par le reglement de
1765 : tel est le point auquel sont venues aboutir, au dela
du Rbin, les temerites d'une science qui avait cru trouver
dans ses fautes meme la garantie de son independance ; tel
est le resultat modeste d'un demi-siecle d'experiencesaventu-
reuses et d'orgueilleuses erreurs.
Et maiutenant, le moyen de perpetuer un mouvement de
cette nature, de consacrer ce retour, et, selon 1' expression des
publicistes officiels, cette Renaissance, quel est-il? sinon de
former des instituteurs qui, dans I'enseignement distribue au
peuple, substiluent a I'esprit de critique agressive le cuitc
des idees traditionnelles, et fassent passer de la theorie gou-
vernementale dans la pratique, les principes de conservation
religieuse et sociale?
Former des insiiiuieurs , lei est done, a I'heurequ'il est, lebut
principal, I'objet des conslanles preoccupations des autorites
1. Voir particulierement les circulaires adressees par les Regences de
Potsdam el de Francfort aux surintendants et aux inspecteurs de Cercle,
les 3 et 14 decembre 1854.
250
TROISIEMEPARTIE.
preposees au gouverneraent de renseignement public dans
I'AIlemagne du nord.
Or, c'est des ecoles i\orma\es {Schullehrerseminarien) que
sort, au-dela du Rbin, la presque totalUe des raaitres des
ecoles primaires.
Tout le probieme de I'education populaire se resume done,
a vrai dire, pour les pays dont on parle, dans la question des
ecoles norm a les.
11 convient de trailer cette question avec tous les develop-
pements que le sujet comporte.
CHAPITRE SECOND.
DES ECOLES NORMALES d'iNSTITUTEURS.
Au dela du Rliin, comme en France, sous I'eraotion des
bouleverseinents revolutionnaires, la question des ecoles nor-
males a vivement preoccupe les esprits *. Certes, les griefs ne
manquaient pas ; les fails parlaient haut, et les plaies etaicnt
saignantes.
Eh bien ! je me hate de le dire, a part quelques tres rares
exceptions, les attaques, dans la palrie de Felbiger et de Kin-
dermann, n'ont point porte sur Tinstitulion metne Le sens
pedagogique a fait voir anx Allemands, dans les ecoles nor-
males, comme Tespiit pratique y fait reconnoitre anx An-
glais ^ (c une arme qu'il est insense de briser, parce qu'on ne
sait pas en diriger la puissance. » On a done proGle, au dela
du Rhin, des lemons de I'experience ^ on a eloigne des ecoles
normales les hommes qui en denaturaient I'esprit et en com-
promettaient le principe; on a soustrait quelques- uns de
ces etablissements, eelui de Polsdam, par exemple, a I'in-
fluence des grands centres de population, en les transportant
dans un milieu plus conforme aux habitudes modestes qui s'y
I. Voyez les ouvrages et revues plus haut cites, et aussi une inleres-
sante brochure de M. le docteur Strack, das Seminar (1850;.
:'. Voy. dans nos etudes sur V Instruction primaire a Lonclres , dans ses
rapports avec I'eiat social , les p. 25, 26, et tout le chapitre IV, consacr6
aux ecoles normales d'Angleterre.
Nous demandons aussi la permission de renvoyer a la defense que nons
presenlions des ecoles normales, en 1850, dans notre ouvrage : De la Loi
de VeMseignement, p. 237 et suivantes.
252 xaoisiEME partie.
doivent developperj on a modifle les programmes d'etudes
en les dechargeant du niiage des theories et des systemes
qui faisaient de chaque roaitre d'ecole iin philosophe au petit
pied; on s'est efforce de ramener I'enseignement aux propor-
tions des connaissances usuelles, et de le diriger dans la voie
des verites religieuses, et de la simplicite pratique; on a re-
forme, en un mot; on n'a pas detruit.
Le premier point qui, dans la reforme des ecoles normales
primaires, devait le plus specialement preoccuperl'adminis-
tration superieure de I'instructioa publique a Berlin, c'est le
recrutement des eleves-maitres.
Et, en effet, il faut le dire et le repeter, ce recrutement et le
moded'apreslequel ils'opere est unequestionvitale pour I'ave-
nir de I'education populaire. On est tres severe, en AUemagne,
sur les conditions d'admission aux ecoles normales. On est tres
severe, parce qu'on peut relre;et on pent I'etre par cet excel-
lent motif que les directeurs des ecoles normales ont affaire,
chaque annee, a un nombre considerable de candidats. En
France, la plupartdu temps, il faut bien en convenir, lenombre
des aspirants est trop reslreint pour qu'il soit permis de se
monlrer bien difficile. Et quelle est la raison de cette diffe-
rence du chiffre des candidats dans les deux pays? Elle est
fort simple : en France, tout porteur d'un brevet de capacite,
d'ou qu'il vienne, ou qu'il ait puise I'instruction , peut, grace
a la simple production de certificals, obtenir son inscription
sur la liste d'admissibiliie aux fonctions d'instituteur. En AUe-
magne, au contraire, les moeurs, sinon la loi, exigent que
tout mailre qui aspire a la direction d'une ecole publique, ait
passe par une ecole normale. II en est ainsi en Hanovre
comme en Prusse, en Bade corame en Saxe, dans la regence
catholique de Fulda, comme dans la regence protestante
de Potsdam. Je lis, par exemple, dans le reglement du Semi-
ECOLES ISOIIMALES d'iNSTITUTEUKS. 255
naire calliolique de Hesse-Cassel, place sous la haute direction
de I'evequedeFulda :
« Toutes les fois qu'il s'agira de pourvoir a une place de
mailre d'ecole, on aura egard , avant tout candidal, aux
maitres sortis du seminaire; et aussi longtemps qu'il se
trouvera quelqu'un de ces derniers, on ne pourra choisii*
aucun sujet forme d'une autre maniere aux fonctions d'insti-
iwiewv. Keinauf andere Weise zumSchuIamtvorbereitefesSubjecte
genommen Werden. » (Art. 2S.)
Ou comprend que, dans ce systeme, entre les candidats aux
ecoles normales primaires, on n'ait guere que I'embarras du
choix. Qu'on veuille bien le remarquer en raeme temps : ce
n'est pas la France, c'est TAllemagne qui est ici sur le terrain
de la logique et du bon sens, non moins que dans la verite dcs
fails. Je mets de cote, bien entendu, les membres des Congre-
gations religieuses enseignantes^ en dehors de ceux-ci ( et
leur nombre sera toujours tres faible en proportion de celui
des ecoles a pourvoir), qu'attendre, a partde rares exceptions,
dejeunes gens qui, jusqu'a Tage de vingtans, ont vecu, sinon
dansledesordre des moeurs, presque toujours, du moins, dans
les habitudes grossieres d'une vie qu'aucune pensee morale
n'inspire? Ce n'est pas la possession d'un brevet conquis a jour
fixe, et ne temoignant en rien des qualites intimes ni de
la vocation, qui suffit a transformer la nature et a cle-
ver le caractere. Que sera, dans son role d'instituteur, le
JGune homme qu'une velleite subite , le degout des profes-
sions laborieuses, le desir d'echapper aux lois du service mi-
litaire, que sais-je? une ambition de has etage, aura enleve
au milieu trivial qui Tentoure, pour le jeter, a I'improviste,
sur les bancs d'un jury d'examen? Ce que nous voyons Irop
souvent : une sorte de ferule vivante, une machine a lire,
ecrire et chiffrer, apte peut-etre a communiquer aux eleves
254
TROISIEME PARTIE.
que la contrainte lui amene la science du deux et deux font
quatre, impnissant a jeter, dans les intelligences qu'il faiit
eclairer, dans les coeurs qu'il faut captiver, ces idees et ces
sentiments qui sont le fondement de la vie morale.
Le recrutement des eleves-maitres une fois assure, on
peut, au grand avantage de I'enseignement et de I'institution
meme des ecoles normales, se montrer fort exigeant pour
I'admission des candidats. L'administration superieure de
I'instruction publique au dela du Rhin a compris quel'oeuvre
de la formation des instituteurs serait tres avancee, si les
futurs maitres, avant de franchir le seuil des ecoles normales,
subissaientunnoviciat qui defrichat des intelligences inculles:
a plusieurs seminaires du Hanovre, de Saxe et de Prusse,
sontannexees des sections preparatoires ou les jeunes gens
qu'une vocation precoce attire vers la carriere de I'enseigne-
ment sont re^us des i'age de quinze ans; ou bien encore,
des pasteurs ou des maitres particulierement dignes de la
confiance des autoritesscolaires, sechargent de preparer les
jeunes gens non pas, notez ce point , aux examens conferant
le brevet de capacite, mais aux epreuves qui ouvrent i'en-
tree des Schidlehrerseminarien ^ .
1. • Les jeunes gens qui sont regus dans des etablissements prepara-
toires pour s'y mettre en etat d'etre admis au seminaire, s'ils n'tiabiteat
pas cliez leurs parents ou chez des proches, ne peuvent etre pris en pen-
sion par d'autres personnes que par des instituteurs.
« II a ete remarque, dans les examens d'admission aux ecoles, que les
candidats ne possedaient souvent de la sainte ficriture qu'une connais-
sance purement mecanique. II est necessaire qu'ils prouvent par des re-
ponses reflechies qu'ils penetrent le sens des recits presentes par les livres
sacres; quant aux chants d'eglise, ils doivent montrer qu'ils en compren-
nent I'esprit, et les chanter avec I'expression et le ton convenables.
« En ce qui concerne la langue maternelle, les aspirants doivent surtout
s'apfiliquer a bien comprendre les morceaux de lecture, eta les lire avec
expression ; puis a en rendre compte en presentant regulierement I'enchal-
nement des idees. lis doivent aussi pouvoir donner des explications sur les
ECOLES NORMALES d'iNSTITUTEURS. 255
A cet ensemble de raesures se rapporte la circulaire dii
Ministre de I'instruction publiqiie de Prusse, en date du 9 juil-
let 1852. Cette circulaire temoigne de la place qu'occupent
les ecoles normales dans I'estime de I'adrainistration supe-
rieure; il la [au teller :
« Les rapports des provinzial-schul- Collegien sur la prepara-
tion aiix fonctionsd'instituteur par des pasteursou des maitres
d'ecoie isoles, demontrent que les resultats de cette sorte de
preparation sont tres rarement heureux, qu'ils sont insuffl-
sants, et nuUement de nature a constitiier I'equivalent de la
preparation que Ton revolt dans les seminaires^ .
« D'un autre cote, plus les seminaires se rendent compte
de leur mission, laquelle consiste, en renon^ant a des theories
abstraites et steriles, a former pratiqueraent des instituteurs,
et a les tenir, pyr Tinfluence de la discipline et du regime
moral de I'ficole norraale, dans une juste union avec I'Eglise
et la famille, plus 11 est a desirer que les pasteurs et institu-
teurs, a la hauteur de cette lache, consacrent leur devoueraent
et leur temps, a former de bons candidals pour ces etabllsse-
ments, et a les accoutumer par avance a I'enseignement et a
I'education des enfants.
« Je desire done que les Regences royales, partout ou se
rencontrent des instruments de preparation pour les fonctions
d'instituteurs, fassent leurs efforts pour employer ces instru-
ments dans le but qui vient d'etre enonce. Dans les cas oil des
secours pecuniaires seraient necessaires, je serais dispose a
les accorder, autant qu'll dependrait de moi. »
expressions d'iiistoire, de geographie ou d'histoire naturelle qu'ils rencon-
trent. De semblables explications, orales ou ecrites , temoignent plus en
faveur des candidats que des definitions grammaticales apprises par
cceur.i> iCirculaire du Schul-CoUegium de la province de Berlin, 1852.)
1. Des resultats enlierement analogues sont constates en France, dans
les quelques deparlements ou un vote peu reflechi a supprinie les ecoles
normales pour les reniplacer par des ecoles stagiaires.
256 TROISIEME PARTIE.
Une circulaire analogue de la regence de Francfort-sur-
rOder, dn 8 octobre 1852, doitici trouver place.
« Nous n'ignorons pas les services que rendent un grand
nombre de pasteurs et d'instituteurs de notre ressort, en pre-
parant, dans des etablissementsapprouvespar le Schul-Colle-
gium de la province, de bons maitres pour les fonctions de
i'ecole, etsurtout des candidats instruits pour \es seminaires.
« Nous croyons devoir rappeler a eeux de ces pasteurs et de
ces instituteurs qui n'ont pas sous la main un de ces etablisse-
mentspreparatoires,qu'ilspeuventavoircependantdefrequen-
lesoccasionsde preparer individuellementdefutursmaitresaux
i'onctions del'enseignement.et particulierement a I'admission
dans un seminaire. Dans beaucoup de comnaunes, on trouve
des jeunes gens d'un merite parliculier , dont les pasteurs
et les instituteurs ont pu distinguer le gout pour I'enseigne-
ment , et dont les families recommandables, par la piet^
et la moralile de la vie , serablent promettre de dignes
instituteurs, mais n'ont pas lesmoyens de placer leursenlants
dans un ctablissement preparatoire. II est desirable que la ou
se rencontrent de tels jeunes gens, et oii le pasteur ne man-
quant, d'ailieurs, ni de loisir ni de devouement, a sous la main
un bon instituteur, Tun el I'autre s'efforcent de les preparer
avec amour et soUicilude (mii Liebe und So?'gJaIt) aux fonctions
de I'enseignement, de veiller sur leur conduite, d'entretenir
ebez eiix Tamour de I'cnlance, et de les placer sous une habile
direction, en qualite de maitres-adjoints. Les resuitats de ces
soins seront d'autant meilleurs, que le pasteur et I'insti-
tuteur associeront leurs efforts. Si cette association n'est
point possible, il sera (on jours tres profitable que I'un ou
I'autre se consacre a cette mission. On obliendra toutsuc-
ces , si le jeune homme ainsi patrone peut s'initier aux
details d'une bonne ecole voisine. La vue quotidienne d'une
telle ecole produira sur son esprit des impressions qui, plus
ECOLES NORMALES d'iNSTITUTEURS. 257
tard, ne le quitteront pas dans la pratique de son ensei-
gnement, et exerceront la plus salutaiie influence. Nous
souliaitons done vivement que, partout oil existera une ecole
dans iaquelle non-seulement Tinstruction est habilement don-
nee, mais encore ou se developpe une veritable puissance edit-
caike (eine wahrhaft erzieherische Thdtigkeif)^ cette precieuse
occasion ne soil pas negligee.
« Les surintendants et inspecteurs feront en sorte de don-
ner aux ecclesiasliques et aux inslituleurs les conseils et la
cooperation necessaires pour les aider a alteindre le but pro-
pose. "
Ainsi, on est convaincu, en Allemagne, de la necessite, pour
les eleves-raailres, de preparer a I'avance, par un noviciatd'e-
tudeset de bonne conduite,lesresultals que doit profhiire I'en-
seignementderecole normale; on y juge indispensable qu^ cet
enseignement, pour porter scs fruits, tombe snr un sol d6ja
cultive. Or, apres un tel noviciat, les candidatsdesecolesnor-
males peuvent, on le compreml, elre souniis a un examen
serieux.
Cet examen comprend deux parties, la partie morale et la
partie pedagogique.
En ce qui est de la partie morale, le candidal doit justifier
d'aniecedents irreprochables ; el les pieces par la production
desquellesil est tenu d'etablir le caraclere de ces antecedents,
sont generalement les suivantes :
i" Un acte de bapleme et de premiere communion ;
2° Un compte rendu de sa vie ecrit par lui-meme, el conte-
nant, outre les particularites relatives a sa personne, des indi-
cations sur sa preparation preliminaire;
3" Un certilicat du pasteur de sa paroisse, concernant ses
dispositions religieuses et morales.
Ces salulaires exigences temoignent des preoccupations
qui dirigeut les chefs de ['administration de linsiruction
258 , TROISIEME PARTIE.
publiqiie en Priisse. Ce qui doit etre reraarqiie ici, c'est
I'intervenlion officielle du ministre du culte. Gelte inter-
vention n'etait pas mentionnee dans le reglenient de I'ecole
normale de Potsdam, cite en 1833 par M. Cousin ; et il est in-
teressant de voir les directeurs des seminaires allemands se
rapproeher, sous la le^on des faits, de la pratique des ecoles
normales anglaises :
0 Tout candidal, portent les reglemenls des ecoles norma-
les de la National Society, est tenu de produire un certificat
signeparle clergyman de la paroissesurlaquelle il residaiten
dernier lieu. II doit aussi presenter des attestations relatives a
ses dispositions morales et religieuses, emanant de trois res-
pectables chefs de famille desquels il soit personnellement
connu depuis un temps sufflsant. Ces attestations doivent etre
contre-signees par le clergyman de la paroisse sur laquelle
reside cbacun des peres de famille. »
La partie morale est la premiere, on le volt, dans I'examen
d'admission ; mais les garanties decetordre unefois oblenues,
la partie pedagogique obtient le rang qui lui appartient.
II faut, a cet egard, nous rendre un compte exact de la pra-
tique des seminaires allemands.
Le serainaire elabli autrefois a Potsdam, celui-la meme que
M. Cousin pr^senlait corarae le type des ecoles normales pri-
maires de Prusse, a ete, nous I'avons dit, transporle dans un
lieu plus en rapport avec la simplicite de vie qui doit etre la
regie d'un tel institut. On I'a inslaile dans une ancienne forte-
resse a deux lieues de Berlin, a Copenick. Un reglement sp(^-
cial a ete fait, en 1853, pour lenouveau seminaire; et,certes,
le Schul-Collegium de la province de Brandebourg se serait
garde de rien introduire dans ce reglement qui ne fiit pas en
barmonieavecl'esprit de sage reforme qui animeaujourd'bui
I'administration superieure de Berlin. Eh bien ! on va voir
quelles exigences on a cru pouvoir imposer, sous le rapport
ECOLES NORMALES d'iNSTITCTEURS. 259
pedagogique, aux candidats qui sollicitent leur admisssion. Je
donneici le reglement tout entier.
Reglement du seminaire de Copenick.
d. « — Le seminaire de Copenick a pour but de former des
maitres pour les eeoles populaires, par la pratique et la theo-
rie [theoreisch imdprakiisch), particulieremeut pour le ressort
et de la regence de Potsdam.
2. — La duree du cours d'etudes est de deux annees*.
3. — L'admission des nouveaux eieves a lieu deux fois dans
I'annee, a Paques et h la Saint-Michel.
4. — Les aspirants doivent presenter au directeur de I'ela-
blissement :
a. Uq corapte-rendu de lenr vie anterieure ecrit par
enx-meraes, et contenant, outre les particularites relatives
a leurs personnes, des indications sur leur preparation preli-
minaire;
b. Un certificat de bapteme et de premiere communion ;
c. Un ceitificat du cure de leur paroisse concernant leurs
dispositions religieuses et morales, et une attestation de con-
duite irreprochable;
d. Un certificat de vaccine ;
e. Un certificat porlant sur la capacile, le zele, les progres
des aspirants;
/. Une notice sur leurs parents ou tuteurs, et sur le temps
pendant lequel ils sonten elat de payer les fraisde pension.
5. — Nesont admissibles que les jeunes gens qui ontatteint
dix-huit ans, et qui ont peu dej)asse cet age.
6. — L'adraisi^ion est prononcee seion les resultats de I'exa-
men, qui sont notifies aussilol que possible aux candidats.
1. Cette fixation de la duree du cours est une exception ; nous rcvien-
drons sur ce sujet.
240 TROISIEME PARTIE.
7. — Le candidal doit posseder une connaissance suffisantc
de la Sainle-EcriUiie, Ancien et Nouveau Testament, et etre en
etat de reproduire les recits principaux de la Bible et les para-
boles du Saiiveur, en presentant les explications necessaires.il
importe qu'il piiisse reciter par coeur les morceaux les plus
importants des Evangiles.
Les candidats doivent aussi avoir une connaissance farailierc
du petit catechisme de Luther ; quant aux chants d'eglise, il est
necessaire qu'ils ne les possedent pas seulement de memoire,
maisqu'ils prouven t par des explications qu'ils en comprennent
le sens. »
Le serainaire de Bunzlau est un teraoin irrecusable des ef-
forts par lesquels I'Etat reagit, en ce moment, dans I'Allema-
gne du nord, contre le scepticisnie pedagogique dont nous
avonsdecrit les ravages. II est, au point de vue religieiix, dans
le proteslantisrae, le pendant du SchuUehrer seminar calholiqiie
deKempen. II faut voir en lui une sorfe de resurrection des
elabiissements d'educalion de la premiere periode, etablisse-
ments fondes sur ces deux principes : rehabilitation de la na-
ture humaine par le christianisme; respect de I'ordre politi-
que conslitue et de la hierarchic sociale au sein de laquelle
chacun doit non pas conquerir son rang, mais I'accepler.
Le directeur, M, Stolzenburg, precederament charge de
I'Ecole normale de Steinau, porte partout son devouement a
I'education des classes populaires, et I'ardente persuasion que
par la verite chretienne seulement clles peuvent etre guidees
dans les voies de la regeneration morale. En 1849, a I'inau-
guration de I'Ecole normale de Steinau, il faisait hautement
connaitre sa pensee, et il la formulait en des termes qui rap-
pellent les inspirations de Franke^ :
1 . " Quelle est la t&che de I'instituteur ? De developper toutps les forces
intellectueltes de I'enfanl, de diriger les facultes qui lui sonl necessaires
pour raccomplissement de sa deslinee terrestre ; mais surtout d'enraciner
ECOLES NORMALES d'iNSTITUTEURS. 24\
Ce sont ces memes idees, et cette meme ardeni* de convic-
tion ^, que M. Stol/enburg consacre aujourd'hui a I'oenvre de
la formation des institiiteurs dans I'Ecole normale et dans les
etablissements annexes de Biinzlau^. II siilfitdepasserquelqnes
beures avec cet honorable direcleur, pour appreeier, et I'ele-
vation de ses vues , et le caraclere essentiellement pratique
de ses principes d'education.
Eh bien ! a Bunzlau comme a Copenik, on ne crainl pas de
donner au developpement intellectuel des eleves-maitres la
place qu'il iraporle d'y reserver, et d'exiger beaucoup des can-
didats a I'Ecole; a Bunzlau comme a Copenik, on a laisse
Texamen pedagogique sur le second plan , mais on s'est bien
garde de le supprimer.
Que si, des seminaires protestanls nous passons aux ecoles
normales primaires catholiqnes, le meme fait se presente a
I'observation, avec un relief peut-etre plus saillant encore.
Le seminaire de Breslau (Silesie) est place sous la direction
dans son fime les grandes el saintes croyances, de les cultiver avec amour,
en sorle que, plus tard, avec la grace de Dieu, i! puisse, administrateur
fidele, faire valoir le talent qui lui fut confie; que ces croyances soient
pour lui le b&ton de voyage ou il s'appuie dans les jours de trouble, le
bouclier et Tepee qui lui assurent la victoire dans les epreuves de la vie,
et dans le combat de la mort. En un mot, I'instituteur doitse servir de
I'inslruction et de i'educalion pour amener les enfants qui lui sont confies
tout ensemble a etre des membres utiles de la sociele civile et a devenir
citoyens de ce royaume elernel que Jesus- Christ, notre Seigneur et notre
salut, a fonde. 11 faut que la foi en Jesus-Christ soit le fondement de cette
maison. Celui-la seulement pent etre instituteur qui est vraimeni disciple
du Christ.*
1. Voyez le discours prononce, en 1850, a Bunzlau : Fes/rede bei des
Konigs Geburtstagsfeier.
2. Orphelinat d'oii les eleves sortent pour entrer soit au Schullehrerse'-
minar, soit au gymnase. Les objets d'etude y sont : la religion (4 heures
par semaine), la langnc allemande, la langue frangaise, le latin, le grec,
I'histoire, la geographie,rhistoire naturelle, I'arilhmetique, la goomelrie,
le dessin, I'^criture, le chant.
10
242 TROISIEME TARTIE.
de I'aiitorite episcopale; le directeur n'en est nommequ'avec
^as^el)limentde I'eveijiie. Lesreglementsde rinstiUitsont sou-
mis a rapprobation ecclesiastiqne^.
Or, pour etre admis au seminaire de Breslau, ee n'est pas
seulement dans un rapide examen , c'est dans deux epreuves
suceessives qu'il faut avoir donne des gages de son aptitude.
Gilons les quatre premiers articles du regleraent :
«1. L'admission au seminaire est pieredeededeuxexamens,
l'e\amen d'aspirani { Aspiranienpriijung) et I'examen de candi-
dal [Prdparandenprufimg). On pent se presenter au premier a
I'age de 10 ans, au second a I'age de 18 ans accoraplis.
« 2. Pour elie admis a I'examen d'aspirant, il fgut pre-
senter : un certificat de bapteme, un certifical de bonne sante,
uncertificat portant sur I'epoque de la sortie del'Ecole primai-
re, et sur la conduite a partir de cette epoque ; le certifirat de
I'inspecleur de -cercie relatif a I'examen subi a la sortie de
I'Ecole elemenlaire.
« 3. Les candidats doivent avoir bien passe I'examen (Vaspi-
rant\ avant de stibir les epreuves, its presenlent : un lemoi-
cna2:e attestant la maniere dont ils ont continiie'leurs etudes:
un certificat rtlalit a leur conduite et a leiir zele depuis le
premier examen, ccrliGrat signe du cure de leur paroisse et de
rin>-ppcteur de cercie.
« 4. Tout eleve admis au seminaire qui ne montrerait pas,
{lendant le premier semestre, le zele et les dispositions mo-
rales repondant a I'esprit de i'etablissement, est congedie sans
qu'il soit besoin d'autre raotil^. »
Ce n'est pas seulement dans le pays classique des ecoles, ce
n'est pas seulemenlen Pru.^se que sontimposees des conditions
1. Voyez le Memoire deja cite sur les droits des ev^qnes de Breslau ;
par Rititel (Bresldu, 1849), qualrieme chapilre. Vonder Bischoflichen Auf-
siclit auf die Schullehrer'Seminarien.
2. — 5. Lever a 4 heures 1/2. — Exercice religieux du matin ; sainte
ECOLES NOHMALES d'iNSTITCTEURS. 2A7>
de ce genre; il en est de meme en Saxe, en Hanovre et en
Hesse. Dans iine des provinces de la Hesse-Electorale, ou, sous
la protection des souvenirs de I'apolre de la Germanie, le ca-
tholicisme a conserve loute sa force, a Fulda meme, il existe
nn seminaire pour !es maitresd'ecole. On va voir, avec quelle
preoccupation des aptitudes pedagogiques, y est reglee, sous
Tinspiralion del'eveque, I'admission des candidals. Je traduis
ici les premiers articles du I'eglemeritdu seminaire de Fulda :
§ l*"". — Le seminaire de Fulda est destine aux candidats
catholiques de Telectorat qui aspireutaux fonctions d'institu-
messe et courte priere, puis dejeuner et preparation a I'etude. — Travail
jusqu'a midi.
6. A midi , repas. — De une heure a deux , sortie facultative liors de
rficole.
7. De 2 a 4 heures, classes.
8. De 4 a 5 heures, recreation. — De 5 a 7 heures, etudes. — A 7 heu-
res, diner.
9. De 8 a 9 heures, la division inferieure s'exerce au chant*, au violon,
a la musique d'ensemble, sous la direction d'un maitre adjoint. — La
premiere division eludie de son cote. Le dimanche seulement, de 8 a 9
heures. les deux divisions se reunissent pour executer en commun de la
musique instrumentale.
6. Dans les legons de musique , les semlnaristes s'exercent, a tour de
role, au piano et a Torgue. H y a punition pour tout seminarists qui ne
prend point part a la legon musicale.
7. A 9 heures, exercices de piete. Chaque eleve y doit 6tre muni de son
livre de chant et de musique chorale.
8. Apres la priere, chacun se retire en silence, et dans le recueillement
qu'on doit atlendre d'hommes qui ont eleve leur coeur vers Dieu. Toute
conversation inutile et toute espece de tumulte sont interdits severement
dans les dortoirs.
9. Le mercredi et le dimanche soir, apres midi, jusqu'a 6 heur«>s 1/2,
dans I'hiver, et jusqu'a cinq heures, en ete, il y a vacance pour les eleves.
10. II est exprossementdefendu auxseminaristes de frequenter les cafes
et maisons de ce genre. II leur est egalement defendu de fumer et de jouer
aux cartes. Tout eleve qui enfreint ces prescriptions perd droit aux fran-
chises dont il jouissait. Le fait de decoucher est puni, selori les circon-
stances, de Pexclusion del'ecole.
244 TROISIEME PARTIE.
teur. II a pour objet de les preparer a leiir mission simple-
ment; mais pleinement et profond^ment.
On enseigne dans rinstitnt tout ce qui est neeessaire, et Ton
fait en sorle que renseignement et la discipline morale n'y
soient point pureraent meeaniques.
On s'efforce, au contraire, que chaque objet soit envisage
\ivement, qu'on pense clairement etqu'ondise precisementee
qu'on a pense. Le developpement intelleetnel des eleves a pour
principe et pour base la piete, la crainte de Die^i et riiurailite
chretienne ; on s'etudie a eveiller et a enraciner ces sentimens
dans leur c(]Gur, et aussi a leur inspirer I'amour de leur voca-
tion, avec la volonle d'y perseverer et de s'y consacrer de tout
coeur.
§ 2. — Le serainaire admel 24 eleves.
Lescours sontconQes a trois maitres ordinaires, y compris
ledirecteur; il y a de plus un maitre adjoint. La diireedes
eludes est de trois ans. Due permission spetiale de la Regence
est neeessaire pour qu'on piiisse quitter le seminaire avanf
I'expiration des trois annees ou y prolongerson sejour.
§ 3. — Tous les eleves sont loges et nourris dans I'institut.
Sur la proposition du directeur, le gouvernement provincial
peutautoriser des externes a fre(iuenter le serainaire.
§ 4. — Les conditions de I'admission dans le seminaire
son t :
i° Une bonne sante et I'absence de ces infirraites qui sont
un obstacle a raccomplissemenl de la vocation d'instituteur;
2° L' age de 17 a 22 ans;
5° Une instruction qui permelle dejugersi Ton pourra pro-
lUer de Tenseignement du serainaire; on doit lire couiara-
mcnt, prononeer clairement, observer la ponctuation, avoir
une connaissancc'generale des regies de la construction gram-
malicaieetde rorlhogiaphe, une ecriture reguliere, une apli-
tiuie suffisinte pour repoiidre a des questions faciles lirees
ECOLES NORMALES o'lNSTITUTEUIlS. 245
d'une dictee. On doit de plus avoir 1' usage des qualro regies,
quelqiie disposition pour la musique, des notions d'harmo-
nie et quelque pratique du piano.
II importe surtout d'avoir des notions claires surla reli-
gion, notions iirees du eatechisme, de la Bible, de I'Ancien et
du Nouveau Testament; d'etre anirae de profonds sentiments
de piet6, et de tenir une conduite a I'abri de roproches.
II faut enflii avoir une certaine facilite a s'exprimer claire-
ment, et a raconter avec quelque interet une hisloire tres
simple.
§ 5. — Tout candidat doit produire :
4 . Un expose de ses antecedents eerit par lui-meme et con-
tenant : nom, prenom, lieu de naissance, etat et domicile des
parents, renseignements sur les etudes anterieures et I'educa-
tion rcQue.
2. Un certificat debapteme.
3. Un certificat de bonne sante.
4. Un certificat du cure de sa paroisse sur sa conduite.
5. Un cerlificat special de I'instituteur dans I'ecoleduquel
il a re^u I'enseignement.
6. Un engagement par lequel les parents ou tuteurss'en-
gagent a payer, pendant trois annees, ou la pension, ou une
derai-pension ; ou, en cas d'absence tolale de ressources, une
attestation de I'autorite compelenle.
§ 6. Examen cCadmission. — Les aspirants juges admissibles
sont averlis par le directeur du seminaire de se presenter au
jour designe, dans les vacances de Paques. L'examen est fait
par tons les mailres ordinaires du seminaire, sous la presi-
dence d'un commissairc de la Regence. D'apres les resultals
comparalils de rexameii, les juges decident a la majorilc des
voix.
240 TROISIEME PARTIE.
En cas de partage, la voix dii coramissaire de la Regenceest
preponderante.
Le directeur du seminaire comrauniqiie le resultat de
I'examen a la Regence , et liii remet tous les actes qui s'y
rapportent.
L'adinission n'est d'abord prononoee qne pour une annee.
Ce lenips d'epreiive (Probezeii) decide de I'iidmission defliiilive.
Jamais il ne faut s'exposer a ee qu'un eleve doive elre ren-
voye comme incapable apres un i^ejour de trois annees a I'e-
cole.
§ 7. — Le billet d'admission est delivre dans la forme
suivante ;
A la suite de I'examen subi par . . . ., ne a . . ., le . . .
et. . . en consideration de sa condnite pendant I'annee d'e-
prenve, est prononcee sa reception definitive an seminaire
callioliqiie de Fulda, pour etre admis a la participation de
I'enseignement, avec droit dechauffage, d'eelairageetdenour-
riture ordinaire du seminaire, sous ia condition :
a QuMl promette de suivre la regie du seminaire.
b Qu'il s'oblige par un engagement signe de lui a rester
pendant trois annees, apres sa sortie du seminaire, a la dispo-
sition de la Regence, et a accepter tout emploi que la Regence
voudra lui confier.
Dans le cas ou I'eleve abandonnerait la carriere de I'ensei-
gnement public, ou se conduirait de telle sorle que sa revoca-
tion dutetre prononcee, il devrait payer, comme dedomma-
gement a I'institut, la somme de 50 ecus.
A Fulda, le 185
Signe : Le commissaire de la Regence.
§ 8. — Renouvellement de I'examen. — Les candidats qui, apres
ECOLES NORMALES d'iINSTITUTEURS. 247
le temps d'epreuve, ou clans I'examen merae, ont ete declares
incapables, peuvent, apresune meilleure preparation, se pre-
senter uneseconde fois; niais s'ils echoueot de uouveau, leur
eloignement est definilif.
§ 9. — Preparation a V admission au seminaire. — La pre-
paration des candidats an seminaire, a leur sortie de I'ecoie
publique, est faite par des institiiteurscapables, et de raoeurs
irreprochables; a leur defaut, par ceux des cures qui out le
zele necessaire et une instruction sufflsante.
La Regence signale ies instiluteiirs de son ressort qui ont
r^vele, dans ces fonctions , babilele et devouement, et
fait valoir leurs titres aux indemnites annuellement di Iri-
buees par la eaisse des ecoles. Les instiluteurs stipulent dail-
leurs, avec Ies ^)arents ou tuteurs, les conditions auxquelles
ils se ebargent de I'entrelien et de la preparation de leurs
el eves.
Les inslituteurs emploieiit comme mailres-adjoints dans
leurs ecoles les candidats au seminaire. Ilsetudientalors leurs
dispositions, non-seulement pour apprendie, mais aussi pour
enseigner; car ils aiiront a consigner leurs observations sur
ce point dans le certificat qu'ils doiventdelivrer, au moment
de I'admission des candidats aux examens du seminaire. -
Telle est la pratique de I'ecole normale calholique de Hesse-
Gassel.
II faut maintenant faireconnaifre un reglement promulgue
parle minislrede I'instruction publique dePrusse, M. de Rau-
mer, a la date du 2 octobre 1834. Ce reglement est I'un des
•trois documents qui, de I'autre cote du Rhin, ont provoque
dans le monde scolaire, une si vive emotion.
Reglement concernant rinstruction prealable des eleves qui soUicitent
leur admission au seminaire.
<( Si le mailre futur pa^se d'ordinaire une partie de son
248 TROISIEME PAHTIE.
temps de preparation dans line vie commune et organisee en
vuedesa vocation, cet isolement plus ou moins severe du
monde exterieur ne s'etend point au de!a du sejour au serai-
naire. Parlant de ce principe, le gouvernement ne veut pas
non plus creer d'etablitsements speciaux pourlescandidats;
il compte a cet egard sur i'activite spontanee du clerge et
des maitres.
Mais cette activite, dansl'interet des maitres et dans celui
des seminaires, a besoin d'une direction qui ne pent elre
donnee avec succes que par les regences royales. Elle s'exer-
cera dans des conditions diverses selon les circonslances
de temps et delieu; voici toutefois les principes generaux,
dont Texperience a constate Tulilite, et qui devront trouver
ici leur application.
D'apres ses propres renseignements et sur Tavis des direc-
teurs de seminaire, la Regence royale public, dans le journal
ofliciel, les noms des maitres de son arrondissement qui
sont disposes a preparer les Candida ts et pourvus des aptitudes
requises.
On devra regarder comme un cas particulierement favora-
ble, celui oil lepasteurdel'endroitserait dispose etaple a lion ner
aux candidats i'enseignement religieux, et a prendre part a
I'ceuvre de leur instruction generale.
En lout cas, I'enseignement a donner aux candidals est sou-
mis a la surveillance des inspecteurs du cercle. Ces derniers
auront, dans leurs lournees annuelles, a s'informer person-
nellement du zele des maitres et des progres des candidats,
et a en faire leur rapport a la Regence royale.
Les conseillers de Regence, cbarges des affaires concernant
I'instruction publiqne, et les directeurs dess^^minaires, dans
leurs tournees scolaires, donneront une attention toute spe-
ciale a i'enseiguement des candidats; il serait a desirer,
d'un autre cote, que les instituteurs coniiussent de visu
ECOLES iNOllMALES DlNSTlTUTEUlliJ. 249
I'organisation du semioaire pour lequel ils preparent leurs
el eves.
Le norubre des eleves qu'un raeme maitre pourra preparer
pom- le seminaiie, n'exeedera pas trois.
S'ils n'habitent pas dans la meme localile ou a proximite, il
seiait a desirer qu'ils fussent admis dans la fainille des inai-
tres.Par la-meme nous avons determine le point de vue au-
qucl ['education des candidats doit etre envisagee, et auquel
il faut se placer pour le choix des OQaitres.
Les candidats assisteront aux lemons de I'ecole et a Tensei-
gnement religieux donne par le pasleur. L'essenliel sera de
provoquer en eux le developpemeut d'une activile personnelle,
sous la surveillance du nauitre.
lis se prepareront aux lemons en suivant un guide ou ma-
nuel; ils feront des lectures en parliculier, et rendrontcompte
par ecrit de ce qu'ils auront lu.
Deux lemons par jour suffiront aux candidats. On devra
s'eflorcer de les habituer a une conception prompte et sure
des choses, a la clarte de la pensee, a une expression nette
des idees, a une elocution simple et correcte.
Leur admission dans la lamille du matire donnera aux
candidats occasion de connaitre et d'apprecier les conditions
morales de la vie el de la vocation d'instituteur ; d'un autre
cote, pour s'iniliera la pratique de leur emploi, ils assi.steront
le maitre dans I'enseignement de I'ecole. Des Iravaux etran-
gers a sa vocation doivenl etre inlerdiisa I'eleve dans I'interet
meme de ses etudes.
Voici maintenant les connaissances quo I'enseignement
pr^paraloiredevra faire acquerir aux candidats, et quiseront
exigees pour I'admission au seminaire.
250 TROISIEME PARTIE.
I. — Religion.
Le candidal saura par coeur ie petit catechisme de Luther,
ail cas eciieant, le catechisme de Heidelberg ; il devra le reci-
ter avec une accentuation correcte et une expression convena-
ble; et prouver qu'il a compris le sens du texte; en repro-
duisant les idees avec d'autres termes.
On n'exige point de lui une connaissance systematiquedela
doctrine chretienne ; mais il devra rendre compte claire-
inent , du catechisme et de I'Evangile. Cetle aptitude a laquelle
il aura dcja ete prepare par I'assistance aux instructions
religieuses, il I'acquerra plus facileraent, s'il apprend les
maximes bibliques d'apres un manuel bien ordonne, tel que
celui que Theele a joint au petit catechisme de Luther.
Ces maximes doivent etre exactement sues et comprises.
II en est de meme des pericopes de I'annee ecclesiaslique
evani!eli(jue; tout au moins, des evangiles, des propheties
inessianiques, et des psaumes 1, 8, 14, 16, 19, 23, 32, 50, 81,
84, 90, 103, 104, 121, 126, 128, 137 et 139.
. Les histoires bibliques de I'Ancien et du Nouveau-Testa-
ment seront racontees d'apres le texte du recueil en usage au
seminaire; le candidal devra pouvoir rendre comple des pa-
roles et des fails. En outre, on relira ces histoires dans la Bi-
ble meme; de cette fa^on, on se familiarisera avec le texte et
avec la division des livres dela Bible.
L'explic;ilion de I'annee ecclesiaslique et du culle pourra
se rattacher a renseignement de I'hisloire biblique.
IL — Lecture ; langue allemande.
Le candidal sera en etat de lire un morceau du livre de
lectures, couramment, correctement , sans dialecte, avec
I'expression voulue, et reproduire le sens du texte sous une
forme qui lui soil personnelle.
ECOLES NORMALES DINSTITUTEURS. 254
II redigcM'a un travail, description on narration, avec une
orthographe correcte, sans faiite grammaticale grossiere.
II fera I'analyse d'une proposition simple, et prouvera
qu'il connait les parties d'une proposition, les differentes es-
peees de mols, les declinaisons et les conjngaisons.
Uncertain nombre de morceaux de prose et poesie, pro-
verbes et recits patriotiques, en particulier, auront ete appris
par coeur.
Pour toutes les branches de I'enseignement , on exigera
claite et simplicite de I'expression ecrite on parlee, et sur-
tout une elocution lacile.
III. — Arithmetique, gdometrie, dessin.
Notion precise du sysleme de numeration avec applica-
tion aux qiialre opeiaticms fondamentales; de la tab'e de
Pytliagore, de 1 a 20; des facteurs fondamenlanx de nom-
bres d'une certaine grandeur; des nombres premiers : res
connaissances prouveiont qu'il a ete pose un I'ondement so-
lide pour des progies ullerieiirs. On exigera, de plus, la solu-
tion promple etsiire deproblemes oil figurent les Iraclions, et
ayant trail a la vie pratique; I'aspirant rendra compledes pro-
cedes qu'il aura suivis.
Pour la geometrie et le dessin, il suffira que I'eleve sache
definir les principaux solides, tracer a main levee des lignes,
des angles el des plans; et qu'il soil familiarise avec 1' usage du
compas, de ia regie et de I'equerre.
IV. — Realia.
En ce qui eoncerne les realia (geographie, histoire et
liistoire naturelle) le candidal devra posseder les notions
donnees par de bons traites elemenlaires, tels que celui de
Tbeele et autres.
252 TROISIEME PARTIE.
L'enseignement de la geographie se basera siir la connais-
sance du pays natal ; la description des plantes et des animaux
indigenes forraera le point de depart des lemons d'histoire
nalurelle.
V. — Musique.
Le candidal doit avoir 6te exeree a lire les notes; il sera en
etat de chanter correctement cinquante melodies chorales qui
serontdeterminees pour chaque seminaire.
Violon : executer desgarames et des morceaux faciles.
Clavecin : execution correcte et prorapte de toutes les gam-
mes, et d'un raorceau que le candidal aura etudie, a son
choix; execution d'un morceau facile d vue.
Orgue : execution inlelligente des exercices elementaires de
la melhode deSchutz.
A ces connaissances pratiques doivent etre jointes les no-
tions Iheoriques necessaires pour I'adraission au seminaire.
La ou les circonslances permettront de conduire les can-
didats au dela du minimum des connaissances, iel qu'il vient
d'etre fixe, on se gardera bien d'anticiper sur l'enseigne-
ment methodique du seminaire, et de viser a une variete
enoyclopedique ^ le but du present reglement est que les can-
didals acquierent les connaissances en barraonie avec leur vo-
cation future. Le surplus du temps et des forces sera done
consacre a une elaboration approfondie des objets que nous
venons d'iudiquer.
On a lieu de presumer que, si Ton se conforme aux pre-
sentes dispositions, le seminaire recrutera des eleves fami-
liarises avec le but et le caraetere de la vocation d'insli-
luteur , aptes a profiler des lemons ulterieures , et qui,
serieusement prepares, dans les limiles prescrites, permet-
tront aux elablissemeuts dont il s'agit de remplir la mission
ECOLES NORMALES d'iNSTITUTEURS. 255
imposee, a savoir la formation d'institutenrs primaires capa-
bles et dc'voues.
Berlin, 2 octobre 1854.
Le ministre des Culfes, de V Insirucfion
publiqiie et des Affaires medi coles,
Signe: DeRalmer.
Certes, on ne reprochera pasau reglementqu'on vient del ire
de n'etre pas empreint de I'esprit religicux et tradilionnel ; on
n'accusera pas ses auteurs d'avoir voiilii detoiirner les I'uturs
maitrcs de la voie de simplicite dans laqiielle il importe,
a tout prix, de les main tenir. Ce document est I'un de ceux
qui temoignent le plus netlement, de la part des autoriles
prussiennes, d'une ferme resolution de rattacher I'ecole
aux realiles vivantes : a I'Eglise, a la Commune, ii la Fa-
mille. Eh bieni on le voit eependant, I'homtne d'Elat qui a
signe ce reglement, le ministre qui a fait une si rude guerre a
I'espi-it de desordre, dans toutes les spheres de I'enseignement
public, n'a pas craint de reclaraer des candidats aux ecoles
normales un ensemble de connaissances qui peuvent paraitre
tres etendues. En renongant a de salutaires exigences, il au-
rait cru compromettre le caractere et ['existence des ecoles
normales : il ne I'a pas voulu.
J'ai dit ailleurs quelle elait, an point de vue qui nous preoc-
cupe, la pratique des ecoles normales anglilise^•'. Dans les re-
glements de la national Society et de la british and foreign
Society, j'ai trouve, comme dans ceux des seminaires d'outre-
RhintP des conditions d'admission d'une double nnture:
conditions de moralile etablies par une enquete, conditions de
capacite resultant d'un examen ; 2^ la stipulation d'un temps
d'cpreuvea I'expiration duquel on prononce I'admission deli-
nitive.
234 TROISIEME PARTIK .
Ainsi, en Anglelerre comme en Allemagne, I'epreiive des-
linee a constater la capacite est placee au second rang, raais
elle subsiste. Quelle que soil I'importance que I'on attache
aux garanties se rapportant a I'ordre religieux et moral, on
ne perd pas de vue que la mission de rinsliluteur est d'agir
sur I'intelligence par I'enseignement, en merae temps que sur
I'ameetsurle coeur parrexemple.On eroirait faire une chose
funeslepour les ecoles normales, et y paralyser, a I'avance,
I'enseignement des raaitres comme le progres des eleves, si on
y admetlait des candldats d'une capacite trop inegale. On
exige un certain niveau d'aplilude, a I'entree de I'ecole, afin
de pouvoir compter egalement sur un niveau indispensable, a
la sortie. Ces fails doivcnt etre mediles. Nous aurons ulte-
rieurement a en tirer des conclusions.
Le second point qui merile d'altirer I'aitention, dans Torga-
nisalion desseminaiies allemands, c'estia fixation de la duree
du cours normal, et, comme consequence, le mode de repar-
tition de I'enseignemenl entre les annees d'etudes.
On a agite, au dela du R!iin comme en France, la question
de savoir s'il convenait d'etendre a trois annees, ou de les-
treindre a deux ans la duree du cours des etudes normales.
Cette question, aum(ira<nt ou je visitai I'AIIemagne, venait
d'etre resolue dans le sens de la triennalite : c'est par excep-
tion qu'au semiiiaire de Copenirk la duree des etudes a ete
resserree en des limiles plus etroites. Voyons done comment
on plaide, en Allemagne, la cause de la triennalite, et laissons
parler un des directeurs d'ecoles normales les plus autorises;
il est utile, surcesujel, d'entendre M.Stolzenburg lui-meme^:
« Ce n'est pas trop d'avoir a agir sur I'intelligence et la vo-
lont(i des futursmaitres eta fortifier leurs senlimens chreliens
1. Fortgesetzte Nachrichten iiber den Zustand und Geist des Shullehrer-
Seminars zu Bunzlau; 1852.
ECOLES NORMALES DINSTITUTEURS. 255
jusqu'aragede21 ans, pour que la mission d'instituteur puisse
Jeur etre confiee avec une certaine assurance de succes. Le re-
lablisseraent d'un cours d etudes de irois ans a ete accueilli
par tous les serainaires avec une vive satisfaction. Et, en effet,
cette prolongation est salutaire partout ou I'ecole normale est
dirigeeselon I'esprit qui doit I'animer; le but de la prolonga-
tion n'est pas d'ajouter, pendant la troisieme annee, de nou-
veaux objets d'eludes, raais de revenir sur les inatieres en-
seignees pendant les deux premieres annees, deraaniere non
pas a entreprendre une seche repetition, mais a fortifier les
connaissances acquises, eta donner an futurraaitre une intel-
ligence claire des besoins de I'ecole; de maniere surtout a ce
qu'il ne s'agisse pas d'un travail mecanique, mais de I'elude
qui convient a un homrae raisonnable, a savoir la pratique
inlelligente de Tenseignement a ses differents degres.
« Tl est facile de se couvaincre que cette troisieme annee
d'eeole, loin d'etre superflue, est indispensable pour I'acheve-
mentde la tache qu'on se propose. Mais, dira-t-on, cette pro-
longation d'etudes developpera des sentiments de vanile. Er-
reur, que refute I'experience. La vanite se developpe par la
derai-ediicalion, qui aveuglefhommesurson ignorance reellej
mais elle s'evanouit la oij, le ehrislianisme etant d'ailleurs le
fondementet le prinoipe inspirateur de I'education, on s'at-
tache a faire sentir a I'eleve le peu qu'il salt, en lui inspirant
le desir d'acquerir davanlage. -
« Les seminaristes, continue M. Stoizenbnrg, rc^oivent
les derniersperfeetionnemenlsde leur education pedagogique
dans I'ecoie annexe ou lis enseignenl eux-memes. L'ecole-mo-
dele est done en m6me temps I'ecole d'exerciee [Ubungsschule).
« Les futuis maitres ne peHvent, dans leurs font lions, ob-
tenir un veritable succes s'ils n'y apporlent un esprit sincere
d'amour et de devouemenl ; il nesuffit done pas qu'ils aequie-
ront, dansle seminaire, rinstrnction necessairoel la prati(|iie
250 TROISIEME PARTIE.
(le la mt'tliode ; il est desirable que, pendant la derniere an-
nee, ils entient en relation avec iin institiiteiir qui soit pour
enx im modele, qui leiir montre, par son exemple de tons les
jours, comment on consacre a une eeole toiite son aclivite et
tons sessoins, comment on acquiert la connaissance indivi-
duelle des enlants pour developper leurs faciiltes; comment ,
enfin, un veritable maitre trouve son bonheur dans laccom-
plissementde ses devoirs. »
Ce a qiioi M. Slolzenburg attaclie la plus grande impor-
tance, c'est auxexercices de I'ecole annexe, ou lesjeunes mai-
tresde troisiemeanneeappliquent les connaissances acquises.
« Cetle ecole, a Buiizlau, estouverle le matin de 8 henres
a II heures, et le soir de 1 tieure a 5 lieures. — On partage
ainsi les heures entre les divers objets d'eludes :
« i" henre. Religion, premiere et troisieme classes.
" 52*' heure. a. Lecture, grammaire,dessin ; premiere classe,
b ; seconde et troisieme classes : Lecture et ecriture.
« 3" heure. a. Premiere classe : Calcul, histoire natnrelle,
ecriture. b. Seconde classe : Lemons dechi)ses, calcul et chant.
c. Troisieme classe : Lemons de choseset calcul.
« L'instruction est donnee par les seminaristes de derniere
annee, sous la direction el avec I'assistance d'un mailrc-adjoint
de I'ecole. »
Ainsi, le but de la prolongation du cours, pendant une troi-
sieme annee, est « non pas d'ajonler de nouveaux objels d'e-
tude, mais de revenir sur les malieres enseignees,» et de tout
ramener a la pratique. II en est ainsi dans les seminaires alle-
mands; et il en doil etrc ainsi dans (oute ecole normale ou une
intelligence serieuse de la mission d'instituleur preside a la
direction des eludes.
II faut voir, d'npjes ce principc, comment est distribi:e
renseignenienl dans les seminaires d'oulre-Rliin.
A r^>'o!e noiraale de Berlin, !u lecture, I'ecriture, la gram-
ECOLES NORMALES d'iNSTITUTEURS. 257
maire, I'histoire^, I'histoire naturelle, la geographie et la
geometriesontcompletementetudieesdans lesdeux premieres
annees; c'est en les enseignant eux-memes aux Aleves de
I'ecole annexe, et seulement ainsi, que les futurs instituteurs,
pendant la troisieme annee, s'entretiennent et se perfection-
nent dans ces connaissances.
Voici, pour les autres objets d'enseignement, ce qui est
assigne a la troisieme annee :
Religion (2 heures par semaine). Parties prineipales de I'his-
toire ecclesiastique.
Pedagogie (reservee a la troisieme annee). Seraestre d'ete :
Notions generates sur la science de I'education, fondees sur
I'etude des points les plus essen tiels de la psychologic. — Parties
prineipales de I'histoire de I'education , surtout depuis la
R6fome.
— Semestre d'hiver : Etude raisonnee de I'organisation et de
la marche d'une ecole.
Hisioire naturelle. Repetition des etudes precedentes. No-
tions de mineralogie et de geographie.
Physique. Notions Clemen (aires.
Dessin, Dessin ornemental, de la tete, des animaux.
Chant. Ctioeurs. Etude methodique de I'enseignement du
chant.
Telles sont uniquement les matieres reservees a la troi-
sieme annee, dans le Schullehrer seminar de Berlin. Tout le
reste, je le repele, appris dans les deux premieres annees, est
enseigne par les futurs instituteurs, pendant la derniere pe-
t. Programme du cours d'Histoire. — V annee : Partie principale de
I'histoire des peoples anciens; epoques les plus importantes de I'histoire
litteraire; biographic de quelques grands hommes; transformation des
moBurs des societes anciennes par le christianisme. — 2" annee : Histoire
du Brandebourg , de Prusse et d'AUemagne, en y rattachant celle des
autres peuples.
17
258 TROISIEME PARTIE.
liode, aiix eleves de I'ecole annexe. On eiit cm paralyser tout
progres, et porter iin coup fatal aux etudes normales si, sous
prelexte de simplificalion, Ton eut accumule les objets d'en-
seigneraent dans la derniere annee. On a compris qu'agir ainsi
eiit ete placer les eleves-maitres hors des conditions d'un
travail serieux, et habiUier leurs esprits, dans unecourse pre-
cipitee a travers un champ trop vaste, a se payer de mots en
negligeant les idees.
Prenons maintenant, non plus un seminaire gouverne par
les traditions de I'esprit administratif prussien, mais un eta-
blissement place sous une influence d'un caraclere tout a fait
different, prenons I'Ecole normale calholique de Fulda : les
objets d'etude nous y paraitront choisis, et ia distribution en-
tre les trois ans operee d'apres des principes absolument con-
formes a ceux qui reglent I'organisation interieure du semi-
naire protestant de Berlin. II faut lire avec attention les
articles suivants du reglement de I'Ecole normale de Fulda :
§ 11, — Les objets d'etude, au seminaire, pendant lecours
des trois annees, sont :
a. La religion, jointe a la connaissance des histoires bibli-
ques et de rhi>toire ecclesiastique.
h. Notions sur les facultes de Tame et sur la loglque, qui
sont le fondement de la pedagogie; et science des methodes.
c. Lalangueallemande. Cette etude comprend desexercices
de lecture, de prononciation, d'ecriture et de composition,
d'apres un theme donne.
d. Arithmelique et etude des formes. Cette derniere condui-
sant a la geometric.
e. Connaissance du monde. Geographieh, istoirenaturelle,
elemeiii> de geographie, histoiie, el specialementhistoire na-
tionale.
/. Calligrai)hie.
ECOLES normalesd'instituteurs. 259
g. Dessin.
h. Miisiqiie, chant, piano, orgue, basse, violon, accord de
rorgue, du piano.
i. Science de la direction de I'ecole et instructions sjir la
part reservee a I'instituleur dans le service des eglises. Exer-
cices pratiques dans I'ecoje annexe et repetitions donnees aux
serainaristes les plus faibles.
;. Notions d'horticulture, etde 'a tailledes arbres fruitiers;
eventueilement aussi, education des vers a soie.
II doit etre organise des exercices gymnastiques.
§12. — L'enseignement Iriennal du seminaire se divise en
trois cours anniieis, et en consequence, lesseminarisles sont
divis^s aussi en trois classes. Dans les cours de premiere et
seconde annee, lesseminarisles apprennent comme diciples
ce que, plus tard, ils doivent enseigner comme maitres; le
cours de troisieme annee est consacre au developpement
progressif de I'instituteur, et Ton y ramene tout a I'applica-
tion.
§ 13. — La repartition des objets d'enseignement entre les
cours est faite par le directeur du seminaire en conseil des
maitres ordinaires; elle doit ^tre soumise, au mois de fevrier, a
I'examen de la Regence provinciale. Toutefois, le plan suivant
( qu'on pent modifier selon les exigences speciales) doit etre
considere comme modele.
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262 TROISIEME PARTIE.
§ 14. — La distribution de I'enseignement entre les maitres
se fait a I'amiable entre eux, selon les gouts et le talent de
chacun. Elle doit etre approuvee par la Regence provinciale.
Le directeur est tenu d'enseigner par senaaine, pendant dix-
huit heures; le niaitre en second, pendant vingt-quatre; le
maitrede musique, pendant trente,etle maitresuppiementaire
pendant vingt-cinq. L'enseignement de la religion, de la peda-
gogic, de la methodique et les lemons sur le role de I'institu-
teur sent reserves au directeur. »
On le voit, ce principe de la repartition des objets d'ensei-
gnement entre les trois annees d'etudeestnettement pose :
« Dans les cours de premiere et seconde annee, les semi-
naristes appreunent comme disciples ce que, plus tard, ils
doivent enseigner comme maitres. Le cours de troisieme an-
nee est consacre au developpement progressif de I'instituteur
et Ton I'y ramene tout a Tapplication. »
Les Allemands resument sous trois mots le caractere des
enseignements attribues a chacunedes annees : a la premiere,
I'instruction formelle, c'est-a-dire I'instruction qui a pour but
de rendreles jeunesgens apfes a saisir el a comparer ; qui ouvre
les facultes de I'esprit comme autant de formes aiix concep-
tions du bonet du vrai; — a la seconde annee, I'instruction
materielle^ c'est-a-dire rensemble desconnaissances positives
necessairesa raccomplissement de la vocation d'instituteur;
— a la troisieme annee enfin,rinstruclion2Jm/z9we,c'est-a-dire
celle qui temoigne de rhabiletedu maitre a enseigner cequ'il
a appris, a transmettre ce qu'il a re^u.
Le cours des eludes est organise selon ce systeme au semi-
naire catholique de Fulda, comme au seminaire de Berlin ,
comme dans tous les seminaires d'outrt-Rbin ; et cette orga-
nisation, il faut bien le recounaitre, n'est que I'applicalion
ECOLES NORMALES D INSTITUTEURS. 265
des lois d'une salne melhode et des prescriptions du bon
sens.
II est a peine besoin de faire remarquerla place importante
qui est reservee, dans les programmes des seminaires alle-
mands, a I'enseignement de la science p^dagogique.
Sous la IcQon des fails et la Uimiere de ['experience, on a
banni de cette etude, nous I'avons dit, les developperaents
qui pouvaient en compromettre le but ; la lecture du
reglement recemment promulgue en Prusse ne laissera
aucun doute a cet egard. 31ais on n'eut pas compris au
dela du Rbin que Tabus , sur ce point , put arnener a
condamner le principe. On ne juge pas admissible, dans les
seminaires allemands, qu'un instituteur puisse aborder sa
difficile mission sans avoir des notions suffisantes de ia
science de I'education, sans savoir ni d'ou il vient, ni par ou
11 marcbe, ni ou il va. On ne regarde pas comme dangereux
de donner auxfuturs maitres quelques idees claires sur les
facultes de I'esprit qu'ils sontappeles a culliver, et Ton ne
croit pas tout perdu parcequ'on lesentretient, dans des lemons
d'un caractere essentiellement pratique, de Tapplication de
ces facultes aux diverses branches d'etude. C'est pourquoi,
dans les seminaires places sous I'influence de I'eveque de
Fulda ou de I'archeveque de Cologne, comme dans les semi-
naires protestanls de Berlin, d'Esslingen, ou de Mors, etc.,
un cours special de pedagogic, sous le nom de science de Vecole,
est professe pour les eleves-maitres de troisieme annee. On
s'est effiaye, ailleurs, a une certaine epoqiie, des tendances
que pouvait faire naitie un cours de ce genre chez de fulurs
maitres d'ec.ole. Nous croyons qu'on s'est preoccupe du mot
sans se rendre compte de la chose. Un instituteur sans prin-
cipes pedagogiques, c'est un pilote sans boussole ; les memes
eciicils roslent pour le pilule; on lui enleve seulemeut les
moyens de les signaler.
264 TR01SIEM2 PAllTIE.
Dans les conditions particulieres ou il se trouve place, le
seminaire de Fulda se presente a nouscommeiin curieux su-
jet d'observations. II est interessant de connaitre I'organisa-
tion des etablissements normaiix, non plus dans les grandes
provinces centrales de Prusse on dans les pays rhenans\
mais dans une contree dont la renoramee n'est pas a la
hauteur de celle du pays classiqiie des ecoles. Achevons
d'etudier le reglementdu serainaire catholique de Fulda, re-
glement dont plusieurs parties deja nous ont paru inspirees
par une remarquable intelligence etdes moyens et du but.
Reglement de I'Ecole normale de Fulda. (Suite.)
§ 16. — Les s^minaristes jouissent, dans I'institut, du
logement, du chauffage, de I'eclairage, du coucher, de la
nourriture. Les frais d'entretien et de nourriture du semi-
naire sont pris a forfait par un econome; le contrat doit etre
soumis a I'approbation de la Regence.
Chaque seminariste paye annuellement 24 thalers (90 fr.).
Six ecus sont payes par triraestre.
Si I'absence totale de ressources est duraent prouvee, et si
une serieuse aptitude est conslatee, remise peut etre faite a
un quart des seminaristes de la totalite ou de la moitiu
de la pension.
§ 17. — Tons les efforts tendent, dansle seminaire, a exer-
cer une salutaire impression sur les sentiments, les principes
et la conduite des eleves. La vie commune des seminaristes
s'y rapproche de la vie de famille. Elle est fondee sur une es-
time reciproque, sur une affection et une confiance mu-
tuelles. Le directeur du seminaire doit tenir lieu de pere a
chacun des seminaristes.
1. M. Cousin, comme on salt, a donne de longs rapports sur les semi-
naires de Potsdam et de Brlihl.
ECOLES NORMALES o'lNSTlTliTEURS. 265
C'est a lui principalement qu'est confie le soin de former
les eleves a la piete et a ce christianisme pratique qui se mani-
feste par la purete des moeurs, par la sincerite des paroles et
des cBUvres, par I'amour de Dieu et de sa parole, par Tamour
du prochain, par I'obeissance prompte et joyeuse, par la
Concorde fraternelle, par la participation reguliereaux exer-
cices pieux du foyer domestique et du service divin, par Ic
respect du au souverain eta la constitution du pays, et par le
devouement inebranlable a la patrie. C'est la mission du di-
recteur d'accoutumer les eleves a une application constante,
a une activite reglee , au bon emploi eta la sage distribution
du temps, a Thabitude de I'ordre exterieur, meme dans les
choses qui semblent petites, au silence et a la tranquillite dans
les' heures du travail , a une maniere d'etre convenable en
toute circonstance et a regard de tons, a la simplicite, mais
en meme temps a la proprete des vetements, au respect de
soi en toutes choses.
§ i8. — Le directeur sera seconde dans sa mission de sur-
veillance par les maitres adjoints qui vivent au milieu des
eleves et couchentavec eux aa dortoir, ainsi que par les eleves
les plus ages de chaque classe. II dresse un reglement et
un ordre du jour qu'il soumet a la Regence. Les semi-
naristes, en entrant dans I'institut, s'obligent par promesse
solennelle a observer le reglement.
Les bases du reglement sont les suivantes :
Lever : en ete, a 4 heures; en hiver, a 5 heures etdemie;
dans le printemps et en aufomne, a 5 heures.
Goucher : en ete, a 9 heures; a 9 heures et demie en hiver ;
dans le printemps et en automne, a 10 heures. Quelques mi-
nutes sont donnees pour la toilette. Un quart d'heure apres le
lever, priere commune ; en ete, a 4 heures et demie; en hiver,
a 6 heures, assistance a la sainte messej dejeuner; puis on
fait les lits. En etc, a 8 heures; en hiver, a 7 heures, com-
266 TROISIEME PARTIE.
mencentles eludes. A miiii, le diner; a 7 heures, lesonper.Un
quart d'heiire avant le eoucher, la priere en commun. Le
temps compris entre la priere du matin et la pnere du soir,
e^t rempli par Tenseigneraent qu'on donne ou qu'on revolt,
par des etudes privees et les recreations necessaires. De 5 a
7 heures du soir, il y a suspension d'etudes. On emploie ce
temps, en ete, a la culture du jardiu, aux exercices gymnasti-
ques etaux bains. Deux fois par semaine, il est permis aux
seminaristes de sortir libreraent apres diner. Mais ilsdoivent
rendre compte du bon emploi de ce temps. II leur est particu-
liereraent inlerdit de frequenter les cabarets, de fumer etde
boire de I'eau-de-vie. II est egalement interdit de jouer de
I'argent, aux cartes et aux des. De temps en temps, on fait des
promenades et des excursions, sous la surveillance d'un
maitre.
Pour toute autre sortie, il fautune permission du directeur
oil du maitre qui le represente.
Les seminaristes, ainsi que les maitres, s'approchent dessa-
cremeuts a cerlaines epoques determinees.
Uu maitre adjoint est charge de la surveillance immediate
des semiuarisles au dorloir, au' refectoire et dans les salles d'e-
tude. En outre, un seminariste, dignede toute coufiance, est
prepose a chaque classe; un seminariste est appele, chaque
mois, a cet emploi.
§ 19. — Moyens de discipline : Reprimande en presence du
directeur de la classe ou de toutes les classes; inscription au
livre d'inspection ; censure de la semaine, censure generate du
mois; reprimande dcvant la conference des inslituteurs; pri-
vation de recreation et de sortie. Si ces punitions sont insuf-
fisantes,ou si quelque fautecontre les moeurs rend necessaire
reloignement immeiliat d'un eleve, le directeur propose a la
Regence I'exclusion de I'individu en question. Tout eleve exclu
du scminaiie, ou ayant quiite I'institut de son plein gre, sans
ECOLES NORMALES d'iNSTITCTECRS. 267
certificat de sortie, ne pent elre adrais aiix examens, ni a
aucune fonction scolaire.
^ 20. — Les vacaDces principales du seminaire ( qnatre se-
maines) ont lieu pen lant le mois de septembre. Outre cela
trois vacances d'une seraaine sont reparties entre Paqnes, la
Pentecote et Noel. Pendant les vacances de la Pentecote les
eleves ne sortent pas de I'inslitut.
§21. — Le dernier jour de chaque semaine, chaque raaitre
charge dela surveillance speciale d'une classe en fait la censure:
il donne connaissance des notes qui ont ete inscrites pendant
la semaine surle/f25rec?ecZas5e. II demandecomptede leurcon-
duite aux eleves qui ont viole quelque article du reglement ou
commis quelqne autre faute, il prononce les peines qu'il lui
appartient d'infliger ; il regoit les griefs, plaintes et demandes
des eleves, et met fin aux petits differents q«i peuvent exisLer
entreeux. Les peines infligees sont inscrites dans le livre d'or-
dre. Du reste, et bien entendu, pour ce qui est des fautesexi-
geant une repression immediate, on n'attend pas lejour dela
censure. Chaque qualrieme samedi, le directeur du seminaiie,
apres la censure de la classe, fait une censure geneiale ( eine
aUgemeine Hauftcensur) en presence de tous les maitres; il
avertit, exhorte, encourage. A la fin de chaque annee, a lieu une
distribution des places dans chaque classe, d'apres la conduite
des eleves consignee au livre de l' inspection tenu par le direc-
teur, et d'apres les livres de classe tenus par les maities; a cette
epoque egalement, est dresse le iivre de la censure gener ale,
contenant les jugements sur I'aptitude, I'applicalion et les
progres. Chaque seminariste revolt un certificat.
§ 22. — Apres la censure generale, tous les raailres du se-
minaire se reunissent dans une conference, sous la presidence
du directeur. Dansces conferences, il estdelihere sur tous les
objets qui inleressent le seminaire. Les raaitres des ecoles an-
nexes peuvent etre ajqxks aux conferences par invitation du
2G8 TROISIEME PARTIE.
directeur. Les mailres reunis en conference sont consultes
particulierement sur les objets suivants :
1. Fixation des objets de Tenseigneraent et plan des lemons.
2. Administration du materiel de Tenseignement ( acbats
pour la bibliotheque, les collections, I'enseignementde I'his-
toire naturelle et dela physique).
1. Projets et modifications des reglements.
2. Distribution des places.
5. Expedition des certificats.
4. Fixation du programme pour Texamen des candidats au
brevet d'instituteur.
5. Fautes de nature a affecter le developpement moral de
I'institut et propositions d'expulser un eleve.
6. Questions de methode de I'enseignement.
§ 23. — II y a un examen general et public par annee. Get
exaraen, qui a lieu a Paques, se fait pour chacune des classes
du seminaire; il a pour but principal de donner a la Regence
provinciale une connaissance exacte de I'etat de I'institut.
L'examen est fait sous la pr^sidence d'un commissaire de la
Regence.
Outre cet examen general annuel, le directeur, assiste par
les maitres, fait des examens, de trois en trois raois, sur toutes
les branches de I'enseignement. Enfin, une heure est consacree
a la fin du mois, pour chacun des objets d'etude, a une repe-
tition de tout ce qui a ete vu pendant le cours du mois.
§ 24. — Il y a une ecole d'exercice annexee au seminaire.
Pour que la part prise par les seminaristes a I'enseignement
de I'ecole annexe leur soit profitable, et qu'ils apprennent a
connaitre tout I'organisme scolaire, les seminaristes de troi-
sieme annee sont repartis en trois divisions, de raaniere qu'il
y ail dans cbaque division des eleves tres capables et des
eleves phis faibles. Chacune de ces divisions assiste, pen-
dant deux mois, a rcnseignement qui lui convient dans
ECOLES NORMALES d'iISSTITUTEURS. 200
une des classes de I'ecole annexe, et passe ensulte a une aulre
classe. Les eleves prennent part aux exercices, tantot en ecou-
tant tantot en enseignant eux-memes; et ils doivent successi-
vement enseigner toutes les branches d'etude en usage dans
une 6cole publique, notamment la religion, I'artd'analyser
les objets, la lecture, I'ecriture, la langue, le calcul et le cliant.
On confie aux seminaristes les plus capables le inaniement
de I'enseignement, pour chaque branche, afin de les exercer a
guider toute une classe. En ce cas, la surveillance du raaitre
sefait de moins en moins sentir, et son action ne se produit
qu'a des intervalles eloignes. Les seminaristes qui enseignent
en de telles conditions , ont le devoir de rendre comptc,
une fois par semaine, des resultats qui ont ete obtenus dans
chacune des branches d'etude.
Chaque seminariste doit enseigner en moyenne 12 heures
par semaine, pendant le cours pratique (5- annee).
§25. — L'examen faitannuellement a Paques est, en memo
temps, pour la division de troisieme annee, l'examen de capa-
cite des instituteurs {SchuUehrer-Priifang). Get examen dure
trois jours. II porte sur tous les objets d'enseignement, et est
fait par les maitres ordinaires en presence du commissaire de
la Regence. L'examen est en partie verbal, en partie ^ciit;
l'examen verbal est entremele de le9ons pratiques donnees par
les seminaristes, ou a des enfants choisis ou a toute une classe.
Selon le resul tat de cet examen, et selon aussi les notes et eclair-
cissements fournisparle directeuret paries maitres, dans une
conference a laquelle prend part le commissaire de la Regence
pour les ecoles {Regierungs-Schul-Refereni), il est delivre a cha-
que seminariste sortant un double certificatemanantdii direc-
teuret des maitres, et vise du commissaire de la Regence.
Ce cerlificat confere le droit d'elie appelc a une fonction
d'ecole.
L'un de ces certificats porta la mention la plus precise et la
270 TROrSIEME PARTIE.
plus specifiee des connaissances de I'instituteur, dans les diffe-
rentes branches de Tenseignement, et, pour chaciine de ces
branches, I'indicalion dn degre d'aptitude a enseiguer. On
ajoule des renseignements consciencieux sur la valeur morale
{moralische Bejdhigung) ,\a comlmie, lecaractere del'examine,
et sur les esperances que fait coucevoir son aptitude. Tous les
elements d'appreciation doivent se resumer en un jugement
general exprime par ces mots : Excellent, bien, svffisant, et les
nombres correspondants I, II, III. Ces cerlificats sont remis
par le directenr du seminaire a la Regence provinciale, sans
passer par les mains des seminaristes.
L'autre certificat exprime d'une maniere generale I'aptitude
de I'exaraine, par les mots : Excellent, bien, svffisant, et les
nombres correspondants I, II, III. Uestdonneaux seminaristes,
afiln qu'ils le puissent presenter quand ils aspirent a un emploi
scolaire. Apres un intervalle de deux ans, tous les seminaristes,
sans distinction, qu'ils aient trouve pendant ce temps ou non,
un emploi provisoire dans une ecole publique, sont tenus de se
soumeltre a un nouvel examen dans le seminaire i.
Dans cet examen, on se preoccupera specialement de Thar-
monie, de la mesure, de la solidite des connaissances, et sur-
tout de la capaciSe et de I'babilete pratiques. Le certificat por-
tant surle resultatde ce nouvel examen sera joint au certificat
de I'exaraen de sortie, remis, comme lui, a la Regence provin-
ciale, et donne en double a I'exaraine. En meme temps que ces
examens, sont passes les examens des candidats qui n'ont point
eteeleves du seminaire.
L'epoque de ces examens est annoneee par les feuilles de la
province.
§ 26. — Quand il s'agira de pourvoir a un poste de maitre
1. On salt que depuis le decret du 31 decembre, le titre definitif d'in-
stituteur ne peut 6tre obtenu, en France, qu'apres trois ans d'exercice, a
litre de suppleant.
ECOLES NORM/VLES d'i1\STITUTECRS. 21 \
d'ecole, on aura egard, avant tout, anx instituteurs sortis du
seminaire, et pourvus du brevet de capacite. On n'admeltra
aucun autre candidat, qu'a defaut d'ancieos eleves du semi-
naire.
§ 27. — Des certifieats de raoeurs sont rediges en double ex-
pedition : les premiers presenlent, dans une note concise, le
resultat pur et simple. lis sont remis aux seminaristes,afin que
ceux-ci les puissent produirequand ilsse portent comme ean-
didatsa unefonction scolaire. Les seconds donnent des details
sur le developpement moral des seminaristes. lis seront remis
a la Regence provinciate. Les certiticats de mceurs sont donnes
selon ces trois degres :
L Excellent, avee les degres intermediaires; 1, excellent;
2, tresbien; 3, bien.
IL ^zen, avecles degres intermediaires; 1, bien; 2, assez
bien ; 5, suffisant.
in. 7l:/oms^we5?en,aveclesdegresintermediaires; 1, comme
il faut; 2, passable; 5, mal.
§28. — A la sortie du seminaire, chaque seminariste
indique au direcleur son nouveau domicile. II se fait coonai-
tre, en qualite de candidat a un poste d'instituteur, au doyen
du district qu'il habile. II est tenu de rendre compte a ce
dernier de tout ce qui concerne sa conduite et le developpe-
ment de ses etudes, el de lui fournir tous les travaux que
celui-ci croit devoir exiger. Les doyens donnent, a la fin
de chaque annee, des renseignements a la Regence provinciate
sur tous les candidats qui vivent dans leur district.
§ 29. — Dans le but de bien connaitre I'etat et les besoins
des ecoles auxquelles le seminaire doit fournir des maitres.
afin de pouvoir examiner si Tinstruclion donnee dans le semi-
naire est en rapport avec les besoins des ecoles du district ; en-
fin, pour se rendre compte du succes des instituteurs dans
272 TROISIEME PARTIE.
I'exercice de leurs fonctions, le directeur est teou de parcourir
successivement, pendant les grandes vacances annuelles, les
differentes parties du district du seminaire, et de remettre a ia
Regence provineiale un rapport detaille siir les ^coles publi-
ques.
§30. — Afin que I'lnfliience salulaire du seminaire agisse
sur les instituteurs qui ont besoin de se perfectionner, afin
aussi d'elablir I'uniformite d'enseignement dans les ecoles, et
de faire en sorte que le seminaire devienne pour toutes comme
un foyer viviflant, les maitres donton parie seront convo-
ques, pendant Tele, pour un temps plus ou raoins long, selon
les besoins. Cette convocation, d'ordinaire, aura lieu tousles
deux ou trois ans. Les mailres du seminaire feront a ces insti-
tuteurs un cours methodologique portant successivement sur
tons les objels essentiels de I'enseignemenl dans les ecoles pu-
bliques. Les instituteurs seront de plus employes dans les classes
spcciales de I'ecole d'exercice. Les maitres d'ecole qui sont
arrieres par negligence doivent payer les frais de participation
a ces cours. Les autres recevront une indemnite prelevee sur
la caisse des ecoles, et jouiront gratis du logement dans le
seminaire.
Le directeur du seminaire donnera, dans le rapport annuel,
des renseignements speciaux sur le resultat de chaque cours
methodologique. »
Tel est le reglement du seminaire de Fulda. II etait necessaire
de le faire connaitre en entier : deux points tr^s differents
doivent particulierement attirer notre attention.
Premierement, il est fait appel, dans une certaine mesure,
et au point de vue de la direction morale, a un sentiment qui
elevetoujours, uses pro preyeux, quiconquea merited'enetie
I'objet, sentiment qui est le nerf de la discipline dans les eco-
les normales anglaises, et qui n'est pas inconciliable, tant s'en
ECOLES NORMALES d'iNSTITUTEURS. 275
faut, avec les exigences de la surveillance la plus severe, a
savoir : la confiance. Assureraent, on n'accorde pas aux eleves
des seminaires ailemands la meme independance qu'aiix
eleves des ecoles normales de la British and foreign society.
On ne s'efforce pas en Allemagne, avec la meme ardeur et la
raeme foi que sur le sol anglais, de developper dans Tesprit
des maitres luturs le principe du self-governmenf ; cependant
on ne relrouve pas, dans le regime du seminaire de Fulda, cetle
rigid itedisciplin aire qui, dans d'&u Ires reglemen Is, vajusqu'au
sacrifice de loute volonle individnelle, et ne laisse peul-etre
pas ail raaitre futiir, il faut en convenir, iine dose d'ini-
tiative suffisante pour le preparer a la liberte absolue dont
il jouira au sortir de I'ecole. A Fulda, les elevcs-maitres
n'ont pas, comraea Borough-road, la libre disposition d'enx-
memes dans I'entre-deux des etudes 5 cependant il leur est
permis, plusieuis lois par seraaine, de sortir librement. On ne
leur impose, pources intervallesde liberte, qu'une prescrip-
tion : rendre comple de I'eraploi de leur temps; et cette pres-
cription est emineraraent de nature u relever, dans leur pro-
pre estime, ceux a qui elle s'adresse, puisqu'elle est un hom-
mage rendu par la confiance du directeur a la dignite du ca-
ractere, comme a la bonne foi des eleves.
De plus, tandis que les futurs instituteurs, dans d'autres
ecoles normales, ne sauraient franchir le seuil sans etre pla-
ces sous le regard et sous la tu telle d'un mailre, des permissions
de sortie peuventetreaccordees, aFulda, par le directeur ou
par un maitreen son nom. En fin, on retrouvedes traces, dans le
seminairedont nous parlous, decesystememM/we/si complete
ment applique a la discipline dans les etablissements anglais.
La aiissi, on compte, dans une certaine mesure, sur le respect
de la hierarchies la aussi, jusqu'a un certain point,, on veut
que Tobeissance a la loi imposee par dcsjoa/rs soil I'appren-
liFsage du comniandciiicnl; et, sous le litre de aenior, ui) clevo
18
274 TROISIEME PARTIF.
estappele, cliaqne mois, a la direction discipiinaire de clia-
ciine des classes.
All reste, une telle pratique n'est point particuliere au se-
rainairede Fiilda. Une autre ecole normale calholique, I'ecole
dcBreslau, enSilesie, presente, a cetegard, decurieux details.
II faut citer les articles qui suivent du reglement de I'ecole
normale de Breslau :
« 17. Ceux des seminaristes qui se sont distingues par une
conduite irreprochable et un zele exemplaire, sont charges de
certaines fonctions.»
« 18. A ehaque division est prepose un pieraier senior qw' an
second senior remplace au besoin. La charge de ces dignilaires
est de maintenir le silence pendant les heures d'eludes, d'a-
vertir ceux qui troublent I'ordre, et, si cet avertissement est
inutile, d'en donner avis au direcleur ou au mailre charge de
la surveillance. Le premier senior signale au professeur les
seminaristes qui seraient absents au moment de la legon ; il
faitconnailreau direcleur les nomsde ceux qui n'auraienlpas
quitte le lit au son de la cloche. Les seniors veillent a ce que
I'ordre et la proprete regnent dans les dorloirs et les salies
d'etude. »
« 19. Un regent et deux sous-regents sont preposes a lout ce
qui concerne la musique. Le regent lient I'invenlaire des
instruments, en est responsable, et fait laire les reparations
neoessaires. II designe ceux qui, le dimancheou les jours de
fete^ doivent prendre part aux choeurs de I'Eglise; il regie
I'ordre d'apres lequel ehaque 61eve doit venir s'exercer dans
la sallede musique, a I'orgue et au piano. Enfin, il luiappar-
lient de diriger les exercices musicaux du soir, ainsi que les
chants pendant le service divin.»
« 20. Le soin des mulades est confie a \\\) garde superieur des
malades {Oberkrankenwdrter) choisi dans la premiere division.
Ce dignilaire est charge de tout ce ijui concerne la surveil-
ECOLES NORMALES d'jNSTITUTEUUS. 275
lance de rinfirmerie; il veille a ce que les ordonnaiices dii
mei'ecin soient observees. Tons les malinp, ii fail un rjpport
au direcleiiv sur I'eliit de I'infirmerie. II a un auxiliaire
norame Unierkrankenwdrter. La dinee de ces fonctions est
d'une demi-sf maine ; elles sont confiees alt^rnativement a
rhnqiie seminarii-te, a I'exceplion seulement de ceiix qui sont
deja (iiguilaires. Le Krankenwdrier ne doit pas b'absenter des
iegons ?ans necessifeabsolue.j>
« 21 . Le Gartenaufseher tient I'lnventaire des objels de jar-
dinage, et en est responsable. II preside aux Iravaux du jardin.»
« 22. L' Oberglockner est responsable et prend soin de tous
les objels consacres au service diviu; il a sous ses ordres un
Unterglockner .y)
" 25. Le service Aeporiier est Ires impoitant pour I'etablis-
sement. Tous les seminarisles, les seniors raeme, au besoin, y
sont aslreints.))
€ Le portier lientun regislreou 11 consigne tout ce qui, pen-
dant les heures d'elude, lui est demande conceruant quel-
qu'un des maitres ou des seminarisles. II note ceux qui soilcnt
ou rentrenl hors des beures convenues, avec les motifs alle-
gues par eux. Ce livre est presente cbaque matin au direc-
teur.M
« Le portier a soin que les portes soient toujours fermees,
et ne souffre pas qu'on se tienne sur le seuil. Defense est faite
a ses camarades de s'aneler dans la loge sans necessite. II
ouvre a qui se presente. S'il s'agit d'un etranger, il s'informe
avec polilesse de son nora et de I'objet de sa visile. »
«I1 avertit le direcleur ou fait venirle seminarisle deman-
de, mais nedoit jamais dei anger leseleves pendant les heures
d'elude. II annonce, par le son de la cloche, les exercices de
piete, ainsi que le commencement el la fin de cbaque elude. »
On le voit, il est fait appel , dans I'ecole norniale de Bres-
lau, aux ressources de Taclivile individuelle. Les elablisse-
276 TROISIEME PARTIE.
ments calholiques, au dela du Rhin, ne sauraient etre accuses
par les elablissements protestants de comprimer, dans leurs
eieves, le sentiment de la personnalite, SelbsigefUhl.
Le second point a I'exaoaen duquel nous conduit le regle-
raent du seminaire de Fulda, c'est le mode d'apres lequel
sont delivres aux eieves sorlant des ecoles normales, et
en general aux instituteurs, lesbrevetsconferantledroitd'elre
appele a uu poste d'enseignement {AnsieUungsjdhigkeii) .
D'abord, I'examen ne se compose pas seulement, comme
en France, d'epreuves ecritcs et d'epreuves orales; il im-
plique en meme temps des ^preuves praifques , c'est-a-dire
des lemons donneos a des eieves. C'est la un point essen-
tiel, et sur lequel je ne saurais trop appeler I'attention.
Par quel autre raoyen , en effet , sinon par des epreuves
de ce genre, constater I'existence des qualites qu'il importe,
a un si haul degre, de trouver dans I'instituteur, et qui se
resument dans I'art do transmettre les connaissances ac-
quises, art of communicating, comme disent les Anglais? On
a reconnu, en France, la neccssite d'exiger les preuves de
cette aptitude, des aspirants au brevet des salles d'asiles.
N'est-il pas necessaire, au meme litre, de demander une
preuve analogue aux jeunes gens qui aspircnt aux fonctions
d'instituteurs, c'est-a-dire aux maitres qui sont appeles, dans
I'ecole, a continuer, en la developpant, I'oeuvre d'education
commencee dans la salle d'asile?
Une autre observation doit porter sur la composition des
jurys d'examens. Ce ne sont pas, qu'on le remarque, des
hommcs attaches a un enseignement d'un autre ordre, des
membres de I'enseignoment secondaire ou superieur qui en-
trent dans les jurys, mais des professeurs d'ecoles normales
presides par un membre de la Regence; des fonctionnnircs,
par consequent, a qui leurs lial)itudes scolaircs et leur ex-
perience technique ne permetteiit pas d'alterer le caractere
ECOLES NORMALES d'iNSTITUTEURS. 277
del'examen, ui d'egarer 1' esprit des futurs maitrcs, en leur po-
sant des questions inspirees par des preoccupations etrangeres
a leurs eludes. Nous aurons plus tard a insister sur ce fait.
Enfin , 11 importe de signaler la disposition en vertu de
laquelle tout instituteur en possession du brevet de capacite
est tenu, apres une nomination provisoire dont les effets ne
se prolongent pas au dela d'une annee, de venir se soumettre
a un nouvel examen, examen qui a pour but, non plus de con-
stater des connaissances que Ton suppose desormais acquiscs,
et, selon I'expression allemande, de controler I'instruction ma-
terielle, mais de verifier la maniere dont ces connaissances se
coordonnent enlre elles, etle point d'appui qu'elles se prctent
mutuellement; surtoutdes'assurer des progres que, depuisson
entree dans la carriere, I'instiluteur a fails dans I'art de diri-
ger une classe, d'agir sur les esprits, et de metlre en pratique
les preceptes pedagogiques qui ont ete robjel principal de I'en-
seignemenl dans I'ecole normale.
Un usage identique se retrouve dans les pays voisins de la
Hesse, et notamment en Prusse, ou les jeunes instituteurs,
avant de recevoir un litre, doivent avoir exerce, en verlu
d'une delegation provisoire, deux annees au raoins dans une
ecole publique ou privee ^ . Ces deux annees sont un temps
d'epreuve a I'expiration duquel les temoignages des autorites
scolaires, temoignages portant sur I'aptitude, les dispositions
morales, la vocation, en un mot, peuvent seuls assurer au can-
didal la conquete d'un litre definilif.
Le principe d'un stage impose aux instituteurs debutants,
se trouve dans toules les legislations de I'Allemagne du
nord;etron ne peut que s'applaudir, de I'avoir vu passer
dans noire proprc legislation ; le decret du 31 decembre
1855, est, sous ce rapport, specialement. un progres consi-
1. Voy. a la fin du vol. I'elude sur le budget de I'instruclion publique,
en Prusse.
278 TROISIEME I'AKTIE.
derable dont I'enseignement primaire, en France, ne tardera
pas a ressenlir les effets.
Un document officiel doit ici trouver place. Ce document
temoigne du soin et des precautions dont on entoure, en
Prusse, la nomination d'un inslituteur •, il s'agit d'une ciicu-
laire du Schul-KoUegium de la province de Brandebourg , en
date du 42 oclobre 1852.
« Les maitres qui pretendent a une place devenue vacante,
ou qui aspirent a la direction d'une ecole communale nouvel-
lement fondee, doivent se soumettre a un examen special.
« Get examen est subi devant une commission composee
d'un membre du Schul-Kollegium, du conseiller scolaire de la
commune, du directeur du seminaire de la circonscriplion.
«L'examen consiste :
i" En une composition ecrite, sur un sujet pedagogique;
2° En une ou plusieurs lemons faites a des eleves;
3° En un entretien oral du candidat avec les membres de la
commission.
« Le sujet de la composition ecrite, comme cclui des lemons,
est donne par le president de la commission. C'est aussi ce
dernier qui designe I'ecole dans laquelle sont faites les lemons
en la presence de deux membres, aumoins, de la commission.
« Leresultatde I'examenest immediatement resume et con-
state par ces mots : « suffisant » ou « insuffisant » .
« II n'est pas remis de diplomes au candidat pour cet exa-
men special.
(( Si le resultat de I'examen est assez salisfaisant pour que
rinstituteur soit charge de la direction de I'ecole, la ratifica-
tion du choix qui a ete fait de cet instituteur est immediate-
mont donnee par nous; s'il en est autrement, un autre can-
didat est soumis au meme examen, a sa place. »
On le voit, en Hesse comme en Prusse, en Hanovre comme
I
ECOLES NORMALES 1) liNSTlTUTEURS. 270
en Saxe, tout, dans renseignenient primaire, part de I't'colc
normale, et tout y revient. Le ScJbullehrerseminar , dans I'Alle-
magne entiere, Allemagne catholique ou Allemagne protes-
tante, est le fondement de tout le systerae pedagogique,
rinstruraent a I'aide duquel les chefs religieux du pays aussi
Men que les honimes d'Etat, ont entrepris de raraener I'edu-
cation populairedans la vole ou les gouveruemeiits doivent la
maintenir a tout prix.
« Supprimez les ecoles normales, me disait, a Berlin, un
des chefs de radmiuistration de I'instruction publique, et, en
dehors des associations religieuses qui nous manquent, et qui,
chez vous, ne suffisent pas au vingtierae des besoins, vous
n'aurez pour instituteurs du peuple que des incapables ou
des aventuiiers. Faisons done en sorte que ces ecoles devien-
nent des instruments de vie.»
CHAPITRE DEUXIEME.
REGLEMENT GENERAL DES ECOLES NORMALES D'INSTITUTEURS (1854).
On aclievera de se rendre compte des esperances que Ics
gouvernements, au dela du Rliin, notamment le goiivernement
prussien , n'ont cesse de fonder siir les ecoles normales pri-
maires, quand on aura pris connaissance d'un document au-
quel il a deja ete fait allusion, etqui est emane recemraent du
niinistere de rinslruclion publique de Berlin. Dans ce docu-
ment se resume toute la pensee actuelle de I'administration
superieurc prussienne; il s'agit du Reglement general relatif a
r enseignement des Ecoles noj'jyiales primaires evangeliques, pu-
blie le 1" octobre 1854.
Jusqu'a la promulgation dece reglement, chaqueseminaire,
en Prusse, etait rcste juge a peu pres souverain du caractere
qu'il entendait imprimer aux etudes ; e'etait a son gre qu il de-
veloppuiL I'enseigneraent, et I'elevait, sans autre direction que
des principes generaux plus ou moins fidelement empruntes
au reglement redige autrefois pour I'ecolc normale de3Ioers,
par la Piegence royale de Diisseldorf.
Le gouvcrnement a cru opportun de communiquer aux dif-
ferents etablissements normaux de la monarchic cet esprit de
renovation religieuse et de reforme pedagogique dont il
voulait faire desormais la loi de toutes les institutions d'ensei-
gnement public : etila promulgue \q Reglement general.
Ce reglement est, avcc les Gnindzuge, la consecration
eclatante du mouvement d'idees que nous avons signale plus
liaut, et dont les ecrits de plusieurs directeurs d'ecoles nor-
males nous onl presenle I'expression.
UEGLEMENT GENERAL. 28i
11 est, en consequence, le point de depart authentique d'un
nouvel ordre de clioses pour les serainaires de Prusse. Criti-
que du passe a bien des egards, il est en meme temps le
principe regulateur de la vie des ecoles normales dans I'a-
venir.
Ce document semble une nouvelle et irrecusable preuve de
la revolution morale qui s'est accomplie a la suite des pertur-
bations des dernieres annees; il ofl're done un interet capital.
Je le Iraduis en I'abregeant.
Reglement general pour I'enseigneQient dans les ecoles normales primaires
evangeliques de la monarchie (1" oclobre 1854).
« Depuis longtemps on a ouvert aux seminaires de la mo-
narchie un champ de developpement aussi libre que possible,
en ce qui concerne le choix, I'etendue et la forme de I'en-
seignement, ainsi que les raoyens de faire acquerir aux eleves
I'aptitude necessaire pour enseigner.
0 Les heureux resultats oblenus ainsi, au point de vue dc la
variete et d'une certaine perfection des methodes, ont une
valcur qu'cm ne saurait raecounaitre. Ces resultats permet-
tent, — ce que, du reste, exige imperieusement la necessite
d'eviter les perils dans Icsquels peut entrainer un develop-
pement isole (subjectif) des divers etablisseraents, — ces re-
sultats permettent, disons-nous, de fixer, pourl'enseignement
des ecoles normales, sur la base des experiences acquises, cer-
taines regies communes dont I'observation ne soit pas un
obstacle au developpement individuel.
«La fixation de ces regies a ete preparee depuis longtemps
deja, par les avis qui ont ete reclames des autorites provin-
ciates, par I'organisation donnee aux ecoles normales nou-
vellement creees, et par les travaux parliculiers de quelques
mnilres. Ces regies communes s'imposent avec un caractere
282 TUOISIEME I'ARTIE.
d'opportiinited'autant plus incontestable, qu'il s'est manifeste
dans la science, dans I'Etat et dans I'Eglise, des transforma-
tions profondes ; pour mettre I'enscignement populaire au
niveau desexigences actuelles, il importe done de le regu-
lariser, d'en ecarter tout ce qui a vieilli, ou parait errone, de
propager et de perfectionner ce qui est utile.
«Les diversites confessionnelles, provinciates et autres,
ainsi que les principes generaux qui guident I'administration
des ecoles prussiennes, ne permettent point de tracer un plan
universel et nbsolu, destine a etre mecaniquement suivi jusquc
dans les plus petits details.
wToutefois, prenant pour base les fails que ledeveloppement
des ecoles a mis en evidence, tenant compte des exigences de
la vie pratique, et guides par ce principeque les etablissements
dont on parte sont les pepinieres imraediates de la culture
intellectuelle du peuple {die unmiltelbaren Pflanzstatfen der
Volkshildung), nous allons poser les regies fondaraen tales sur
lesquelles doivent reposerdesormaisl'organisationinterieure,
la surveillance et la direction des seminaires.
I — Dispositions g6uerales.
wAvant tout, eu egard au temps fort court accorde au semi-
naire pour former ses eleves, et a la sorame de connaissances
que les jeunes gens doivent posseder en y entrant, il faut con-
siderer comrae le but essentiel de I'enseignement, I'obliga-
tion de mettre les futurs instituteurs a merae, en theorie et
en pratique, d'enseigner, simplement et fructueuseraent, la
religion, la lecture, la langue maternelle, I'ecriture, le calcul,
le chant; — tous ces objets etant d'ailleurs restreints aux li-
mites de I'ecole elementaire.
« Ce but doit etre atteint a tout prix ; I'eleve ne pent en 6tre
REGLLMENT GENERAL. 283
ecarte piirl'etude tie sciences sans connexion directe avee I'en-
seignement primaire, les qiielles, si utiles et desirables qu'elles
piiissent etre par elles-memes, ne liii sont point indispensa-
bles. Ce n'est point rinstruction exigible, en certains cas, du
niaitre d'nne ecole urbaine superieiire, raais I'instruction
et les aptitudes d'un niaitre d'une ecole elementaire ordi-
naire, que le seminaire doit donner a tons ses eleves.
«Pour ces deux especes d'ecoles, la meme mesure d'iu-
struction metbodique et formelle est exigee; e'est avant ou
apres les cours du seminaire, que les eleves favorises par
un talent special troiiveront , s'ils le veulent, le loisir d'e-
tendre le cercle de leur instruction.
« De bonnes et solides connaissances preliminaires, pour
le domaine limite de I'ecole p'imaire ordinaire, seront egale-
ment d'une grande ulilite a ceux qui aspirent aux degres supe-
rieurs de Tenseignement; mais en donnant une attention spe-
ciale a ces derniers, on courrait risque de negliger les choses
essenlielles et d'enerver I'enseignenient.
«Les tendances qui se sont manifestees frequemment a
elargir le cercle des etudes, a presupposer les elements,
soit de la science, soit de la methode, corarae connus, sont
en contradiction avec le but que se propose le seminaire.
Les matieies d'enseignement de I'ecole elementaire doi-
vent etre considerees comrae un domaine qu'il i'aut par-
courirdans toutes les directions et dans toute son etendue;
I'ecole d'application, surtoutdans la derniereannee, lorraele
point central de I'enseignement.
a II ne suffit pas que le professeur ait developpe un objet
dans une le^on, ni meme qu'il y soit plusieurs lois revenu ; il
faut encore que I'enseignement donne des resultats imme-
diats, que les eleves deviennent aptes a reproduire, sans au-
cune assistance, ce qu'ils viennent d'apprendre, et a en lairo
Usage dans I'ecole d'application.
284
TKOISIEME P ARTIE.
« Si le temps permet de s' engager dans de plus vastes do-
maines scientifiques, sans negliger le but qui vient d'etre indi-
qiie, il faut, avant d'etendre le eercle des etudes, qu'il soit ac-
corde aux serainaires une autorisation speciale.
« L'eeole d'application est le pivot sur lequel route I'en-
seigneraent dans les deux dernieres annees. Eile offre
le moyen de raettre I'enseignement du seminaire en garde
contre I'abstraetion, et de guider imraediatement les eleves
dans I'usage pratique des connaissances qu'ils viennent d'ac-
querir.
« A cette fin, il faut que l'eeole dont on parte ait Torgani-
sation d'une eeole elementaire ordinaire, de sorte que les
eleves-raaitres s'y fassent une idee nette et claire de I'ensei-
gnement dans une eeole a une classe, et dans une eeole hplu-
sieurs classes.
« A partir de la seconde annee, les eleves-maitres assisteront
comme auditeurs aux exercices de l'eeole d'application \ dans
la troisieme, ils commenceront a y enseigner sous la surveil-
lance et la direction du maitre.
a Le dernier but de Tenseignement du seminaire n'est pas
quel'eleve apprenne, mais qu'il soit mis en etat de devenir
maitre lui-meme dans les ecoles chretiennes evangeliques,
dont la mission est d'inspirer ii la jeunesse des sentiments
Chretiens et patriotiques , et les vertus domestiques.
« Envisage a ce point de vue, le probleme que doit resou-
drel'institution des ecoles normales,s'etend a des proportions
considerables. Si le plan d'etudes est restreint dans les liraites
decequieststrictementnecessaire, on exige du moinsque tout
soit con^u nettement et clairement, et que le maitre reponde
par sa personne tout entiere aux exigences de sa vooalion.
« Les objets d'enseignement, dans leurs rapports avec les
idees chretiennes et nationales, doivcntetre traites demaniero
a exercer de rinlluence sur la vie tout entiere, a elargir le
REGLEMENT GENERAL. 285
cercle des idees et a fortifior le jiigcment, et, en m6me
temps, de mani(?i'e h agirsur le cffiur et sur le caraclere.
« Par ce qui precede, la voie est nettement Iracee, et
Ton voit se dessiner deux prineipes de direction : d'abord
il faut que reiiseignement soit concentre {concentrit) , et
que les branches semblables soient classees de raaniere a se
trouver en harmonie entre elles et avec renseignement ge-
neral : d'oii il resulte que les connaissances liees ensemble
par I'analogie, doivent etre enseignees aulant que possible
par un seul et meme professeur. Ainsi, le meme maitre ensei-
gnera la religion , la science de I'ecole [Schul-Kunde), I'his-
toire; — un autre, la langue alleraande et la lecture; — un
autre, rarilhraetique, la geometric, le dessin et I'ecriture; — •
un autre enfiu, la musique.
« Quant a la forme de renseignement, e!le sera exemplaire
sous le rapport moral. 11 faut voir dans les eleves des semi-
naires dcfuturs instituteursqui, avec unegravite affectueuse,
et une bienveillanle condescendance , doivent s'habiluer a
eonduire dans I'amour et dans la foi les enfants Chretiens qui
leur seront conlies plus tard ; il faut leur apprendre a reverer
dans I'ecole un instrument de I'esprit divin. La durele et la jac-
tance seront done etrangeres au professeur de I'ecole normale;
il se gardera de developper chez les eleves la vanite qui pent
naitre du savoir humain.
«L'enseignement du seminaire suivra, en outre, la m6me
marche que celui de I'ecole elemcntaire. II devra developper
la pensee, prendre pour point de depart les resullals acquis,
pour aller au dela, aplanir les difficultes, rectitier les con-
ceptions erronees, devenir enfin une vdviiiMQ discipline intel-
lectuelle; le maitre s'effacera , tout en communiquant ses con-
naissances , et s'altachera a provoquer I'activite spontanee
de I'eleve. Ainsi, dans loutes les lemons, les points essentiels
seront : Conception rapide et sure des pensees qui ont ete lues
286 TROISIEME PARTIE.
ouexposecs, elaboration claire, reproduction simple etexacte;
exercice de conception, de pensee et de langage. »
« Partout oil faire se pourra, on suivra, dans les cours, un
guide ou raanuel. C'estau maitre a en expliquer le contenu, a
I'eclaircir el a le rendre applicable a Tenseignement elemen-
taire; rnaisil doit se garder d'en faire un objet de critique ou
d'exposer, a cote ou en dehors du traite, un autre systeme.
« La oil il n'existe point encore de manuel pour les
cours, le maitre se bornera a la communication, par ecrit,
de certaines propositions , qu'il commentera verbalement
pour lesinciilquer dans I'esprit des eleves.
« II est interdit de dieter ou de faire rediger des cahiers vo-
lumineux.
« II est fort utile d'inviter les eleves a se preparer sur cer-
taines matieresen consultant les ouvrages qui s'y rapportent,
demaniere a pouvoir faire unele^on sans nuUe assistance, et
seulement sous la surveillance et avec les rectifications du
maitre.
« A chacun des deux cours inferieurs on consacrera vingt-
huitlecons,au plus, parsemaine; pour le cours superieurdix-
buit heures, au plus, suffiront, non compris la gymnastique,
I'horticulture et les exercices de I'ecole d'application.
« Toutesles semaines, les devoirs ou redactions des eleves,
seront classes par le maitre; ils serviront de point de depart
pour les examens trimestriels ainsi que pour les revisions ex-
traordinaires.
« II y aura suspension des etudes au moins une fois par
mois. Les eleves mettront ce jour a profit pour des reca-
pitulations generates ou pour la redaction de travaux d'une
certaine etendue.
II. — Objels d'enseignement.
ttTout ce qui, dans les seminaires, pourrait encore ^tre
RKCLEMF.NT Gl^NEKAL. 287
enseigne, en ce raomeDt, sous les rubriques de : Pedagogie,
Methodique, Didaciique, Catechetique , Anthropologie, Psycholo-
^^ae, etc, doit ^treecartedu programme; on y substitiiera : a la
Science de I'Ecole (Schul-Kunde) » avee deux lemons par se-
maine.
« Au serainaire, on n'enseignera pas de systeme pedagogi-
quc, meme sous la forme populaire'.
« Dans I'enseignement de la Science de I'Ecole, on evitera
les abstractions et Tabus des definitions; on s'en tiendra aux
notions pratiques et d'une application immediate.
« Le but de ce cours est de donner au fulur maitre I'instruc-
tion pedagogique necessaire [die erforderliche pddagogische Bil-
dinig), et de le mettre a meme de se rendre corapte de sa voca-
tion, a lui el aux aulres.
« Tracer un tableau simple et precis de I'ecole evangelique
chretienne, d'apres son origine et ses progres, d'apres ses
rapports avec la famille, I'Eglise et I'Etat; passer en revue
les raaitres qui, nommement depuis la reforme, ont exerce
I'influence la plus decisive; exposer les caracteres dislinc-
lifs du maitre d'ecole, au point de vue Chretien et moral, tel
doit etre I'objet de renseiguement pendant la premiere an-
nee. Dans la seconde annee, on lera connaitre : le but de
I'ecole, son organisation, le programme des cours, les
principes fondamentaux de la methode, de Teducation chre-
tienne en general et de la discipline scolaire en parliculier.
On emploiera la troisieme annee a donner aux eleves des no-
tions sur leurs devoirs comme serviteurs (Diener) de I'Etat
et de I'Eglise, et sur les moyens d'accroitre et de fortifier
leur instruction apres leur sortie du seminaire. Du reste, ils
consacreront la plus grandc parlie de leur temps a se preparer
1. • In dem Seminar ist kein System der Padagogik zu lehren, audi
nichi in popularer Form. »
288 TROISIEME PARTIE.
par les exercices de I'ecole d'applieation, et a s'approprier les
observations et les experiences qu'ils y aiiront faites.
« L'expose fait jusqu'ici, dans la plnpart des seminaires (sous
le titre de methodique], des methodes a employer dans toutes
les branches de I'enseignement elementaire, n'a eu qu'un me-
diocre succes.
« L'iniliation immediate a une bonne methode doit re-
sulter de I'enseignement de chaquo objet par les mailres;
car I'enseignement du seminaire repose sur les m^mes prin-
cipes que celui de I'ecole elementaire. Le maitre doit s'atta-
cher a faire comprendre sa methode aux eleves, et a la faire
raettre en pratique par eux dans I'ecole annexe.
« En tant que la Science de I'ecole embrasse egalement la
pedagogic, il est essentiel de ne pas confondre les idees d'e-
dueation en general, et celles d'ediication scolaire.
(' Quant a I'education en general, il suffira de reunir et d'ex-
pliquer les maximes qui se trouvent eparses dans I'Ecriture.
La doctrine du peche, de la necessile de I'assistance divine, de
la redemption et de la sanctification, constitue une pedagogic
qui n'exige plus, pour le maitre elementaire, que quelques
explications tirees de I'etude des facultes de Tame. Sous ce
rapport, le seminaire doit se bornera poser les principes fon-
damentaux et a tracer la voie a suivre pour des eludes ulte-
rieures.
«Il n'en est pas de m^rae de I'education scolaire; ici Ton
entrera dans les details de la discipline et de la didactique, et
Ton veillera a ce que les notions acquises soient strictcment
appliquets par les eleves.
€ On ne saurait designer un manuel existant, pour servir de
guide dans cet enseignement. Nous sommes d'autant plus
fondes a cspercr que les professeurs des seminaires s'en oc-
cuperont avec une sollicilude consciencieuse.
« Pour le moment, nous recommandons aux seminaires I'ou-
REGLEMEINT GENERAL. 289
vrage de I'inspecteur Zeller, a Beiiggen, intitule : « Preceptes
pour les maitres des ecoles chretiennes populairesJ» Lcspro-
fesseurs des seminaires auront soin de puiser des principes
de direction dans les ecrits de Kellner, Goltseh, Grabe, Pal-
mer, etc., et de divers recueils periodiques , tels que: le
Schulblatt, le Messager des Ecoles de I' Allemagne meridionale, et
d'y conforraer leur conduite.
III. — Enseignement religieux.
L'enseignement religieux quise distribue frequemmentdans
les seminaires, souslenom de:« Doctrine cbretienne», et qui
desormais figurera, dans le programme, sous le litre de Cate-
chisme, doit, en donnant aux idees des eleves direction et ap-
pui, et, en les initiant a la connaissance d'eux-memes et aux
verites du salut, fonder leur vie chretienne sur la base des
vrais principes.
Get enseignement continuera d'avoir pour regie les livres
symboliques destines a l'enseignement populaire de I'Eglise
evangelique, savoir : le 'petit catechisms de Luther^ et, le cas
echeant, le catechisme de Heidelberg,
On a tres souventabandonne le champ libre aux commentai-
res des maitres et aux redactions des eleves. Mais, quand meme
il ne serait pas a craindre qu'on ne laissat une trop grande la-
titude a la suhjectimte du maitre, il y a ici un inconvenient ine-
vitable; c'est la possibilite que les doctrines vraies, qu'il aura
exposees, ne soient mal comprises, et qu'il n'y ait autant d'er-
reurs que d'eleves.
11 est done indispensable de suivre, pour cet enseignement,
un traite elementaire, contenant tout ce que le maitre d'ecole
doit savoir d'une maniere sure et precise. C'est le devoir du
1. « Lchrcn unrl ErfaliniTigen fnr rhri^;(liclie Armenschullehrpr. »
19
290 TROISIEME PARTIE.
professeur d'expliquer ce traile, et de le mettre a la portee des
eleves, sans y rien ajouter materiellement.
Apres avoir demande I'avis du Conseil ecclesiastique siip6-
rieur, nous avons arr^te, que le petit catechisme de Luther
serait introduit dans les serainaires, corame texte de I'ensei-
gnement du christianisme.
Au dela du cercle restreint de son action immediate au sein
de I'ecole, on veut, a bon droit, que le maitre evangelique
prenne une part active a la vie ecclesiastique du temps present.
Mais, pour cela, il est necessaire qu'il connaisse le passe et les
developpements successifs de I'Eglise chretienne. On a essaye,
avec peu de succes, d'enseigner aux seminaristes I'hisloire
ecclesiastique. En general, un cours d'hisloire ecclesiastique
ne saurait trouver place dans les programmes de I'enseigne-
ment du serainaire. On doit s'y borner a faire connaitre aux
eleves, — sous la forme de biographies et par groupes, —
les hommes etles fails les plus iraportants et formant epoque,
ainsi que le developpementde la doctrine evangelique, du culte,
de la constitution de TEgiise; nous n'avons pas besoin d'ajou-
ter que les points principaux, seront : les temps aposto-
liques, la Reforme, la situation presente de I'Eglise, et la pro-
pagation de la foi par les missions. Cela suflira pour faire du
maitre futur un chretien zele et eclaire, pret a prendre part,
avec devoument, aux efforts des propagateurs de la foi evan-
gelique.
Sous ce dernier rapport, il n'est pas besoin d'un ensei-
gnement regulier et suivi : on fera connaitre les fails les plus
saillants par des extraits de livres et journaux, etc.; il serait a
desirer que les seminaires , comme tels , fussent membres
vivants des associations pour missions et etablissements ana-
logues.
Tant qu'il n'existera pas de guide destine specialement a ini-
tier les eleves a la connaissance de la vie de I'Eglise, en con-
REGLEMENT GENERAL. 29 1
formite avcc les priucipes que nous venons d'cxposcr, on pour-
ra faire usage de I'Histoire ecclesiastique de Calw, et de rilis-
toire de I'Eglise chretienne par Leippoldt.
L'expose systematique de la doctrine chretienne, resultant
soit des explications dogmatiques et morales du catechisrae,
soil du coramentaire des articles de foi ou des passages
de I'Ecriture, n'est point dans les attributions du maitre
d'ecole ; il est reserve au pasteur. A I'ecole, on se borne a met-
ire le catechisme a la portee de I'intelligence des enfants,
et, s'il est necessaire, on le fait apprendrepar coeur.
Le moyen le plus siir que possede I'ecole elementaire pour
affermir et developper la vie chretienne dans I'esprit des en-
fants qui lui sont confies, c'est l'expose de XHistoire bihlique.
Cet enseignement, sans s'egarer dans les abstractions des
idees dogmatiques, doit s'attacher a exposer clairement les
faits de Teducation divine du peuple elu et du genre humain
tout entier.
On exigera que le futur maitre d'ecole soit capable de
raconter, sans secoursd'aucune espece, les histoiresbibliques
dans la forme convenable pour I'ecole (Elementaire; qu'il
puisse analyser ces histoires; et qu'il les rattache aux fetes et
solennites de I'Eglise , afin d'etablir une connexion etroite
entre I'ecole et le culte. Dans le choix des histoires , il faut
avoir egard a I'age et au degre d'instruction des enfants.
Pendant la premiere annee, on analysera done les his-
toires bibliques, en s'attachant a conduire les eleves a I'in-
luition des verites fondamentales de la vie chretienne. Dans
la seconde annee, I'explication du catechisme leur donnera
et affermira en eux la claire intelligence de la foi chretienne,
selonla confession evangelique. Dans la troisieme, enfin, on
cherchera toules les occasions de perfectionner leur enseigne-
ment religieux.
Se reglanl loujours sur I'annee ecclesiastique, on lira dans
292 TROISIEME PARTIE.
Tecole elementaire les Evangiles et EpUres de chaque diman-
che: et, en outre, avec les eleves les pins avances, les psau-
jnes, les livres des prophetes etles epitres dii Nouveaii Testa-
ment.
Afin de preparer le raaitre a cet enseignement, on siiivra,
au seminaire, le raeme ordre, pour la lecture dela Bible, que
dans Tccole elementaire.
De plus, on expliquera, et Ton fera apprendre par cceur une
maxime hebdomadaire. On raltachera cette etude a I'exercice
pieux du matin ou a la premiere lecon de I'enseignementreli-
gieux.
Les notions historiques, areheologiqucs, etc., indispensa-
hles pour I'intelligence des livres bibliques, dans la mesure
des besoins de I'ecole elementaire, seront donnees par le
raaitre, qnand I'occasion s'cn presentera ; mais il aura soin
de se restreindre au necessaire.
L'explication des maximes bibliques et des cantiques se fera
au seminaire pendant la premiere annee, parallelement a I'en-
seignement historique de la Bible, et suivra les differentes
epoques de I'annee ecclesiastique; on restera ainsi en barrao-
nie avec la marcbe de I'ecole elementaire,
Dirige d'apres ces principos fondamentaux , Tenseigne-
ment religieux formera, pour I'ecole elementaire, des maitres
ayant la conscience de leur vocation, etpossedant des notions
suffisantes de la parole , de la doctrine et de la vie de I'Eglise
evangelique.
Pour cela, il faut qu'au seminaire I'eleve se soumette a la
discipline de la parole et de I'esprit; que maitres et eleves
puisent largement au tresor des graces divines, et que le se-
minaire presente, dans son ensemble, une communaute de
vie chretienne et evangelique {eine evangelisch-christliche
Lehensgemeinsch aft) . »
]
HEGLEMEM GENLRAL. 21)5
IV. —Lecture et langue allemaude.
Cetto partie de I'enseignement est d'nne haute importance ,
tant sous le rapport de la culture intellectuelle en general
quedel'instructionscolaire. Ici, egalement (comme pourl'en-
seigneraent religieux) , les connaissances du futiir maitre
d'ecole devront depasserle cadre de I'ecole elementaire.
Dans Tecole elementaire, les enfants apprennent, en aussi
pen de temps que possible, a lire les iraprimes et les manu-
scrits. On les exerce a lire, avec I'inflexion de voix ct I'ex-
pression convenables, la Bible, les Canti({ues. lis doivent
comprendre et retenir le texte au point de pouvoir le repro-
duire exactement. Enfin, il faut qu'ils sachent exprimer par
ecrit, correctement, sous le rapport du sens et de I'orihogra-
phe, les idees indispensables pour les relations habitueiles de
la vie,. L' expose systeraatique de la gramraaire alleraande est
exclu de I'ecole elementaire.
Jusqu'a present, on n'a pas assez soigneusement initie les
maitres futurs a une melhode de lecture sure et simple.
Cette negligence est cause que, dans beaucoup d'ecoles, on en-
seigne encore a lire d'apres un procede mecanique, que sou-
vent on n'y atteint qu'apres des annees, parfois raeme jamais,
le but qu'avec I'application d'une methode rationnelle on at-
temdrait en peu de mois.
Sous ce rapport, il ne sufflra pas de presenter des conside-
rations sur telle ou telle methode : il faut que le professeur
exerce les seminaristes de premiere annee a enseigner la
lecture, et qu'il continue a diriger ces exercices dans les
details les plus minutieux , jusqu'a ce que I'eleve possede
serieusement la methode.
Le temps n'est point encore venu de prescrire une methode
294 TROIS'EME PARTIE.
oxcliisive : depiiis qiielques annees, il a ete fait plusieurs
tentatives, que rexperience n'a pas suffisamraent justifiees.
On est en droit d'esperer qu'au seminaire raerae se deve-
loppera un systeme d'enseignement susceptible d'une applica-
tion generale. Les autorites provinciates sont invitees a sui-
vre avec une attention particuliere tout ce qui sera ou a ete
tente dans ce but.
En outre, dans les exercices a faire sur le livre de lecture,
11 faut avoir egard aux besoins iramediats de I'ecole eleraen-
tairc plus attentivement qu'on ne I'a fait jusqu'a present. II ne
sufQt pas d'enseigner aux seminaristes a expliquer un lexte
quelconque; il faut, au contraire, que le livre de lecture en
usage dans les ecoles de la province serve de base a dcs exer-
cices pratiques.
Jusqu'a present, il n'existe point de livre de lectures sco-
laires que Ton puisse introduire partout : il faut du moins
adopter pour chaque province, un ouvrage qui, dans toutes
les ecoles des seminaires, serve de guide pour les etudes.
On ne perdra point de vue que I'enseigneraent dont il s'agit
ne se reproduit pas, en theorie, dans I'ecole eleraentaire; au
seminaire, il comprendra, a I'exclusion de la grararaaire ge-
nerale et philosopliique, la theorie de la proposition simple
et coraplexe ; la construction, les periodes, les diverses espe-
ces de mots avec les declinaisons et conjugaisons; en sorte
que les eleves soient en etat d'analyser exactement les pro-
positions du livre de lecture, en se servant d'une terminologie
grammaticale claire et simple. Enm^me temps , on aura egard
a I'orthographe et a la ponctuation, et on n'oubliera point que
I'analyse par elle-merae, n'est pas le but , mais quelle doit
servir uniquement a faciliter I'intelligence du texte.
Jusqu'a ce qu'il y ait un manuel approprie aux besoins du
seminaire, les terminologies et definitions seront donnees par
le professeur; ou bien Ton se servira des gramraaires elemen-
EEGLEMENT GENERAL. 295
taircs de Nonnig, Bohm on Steinert. Du reste, le professour
troiivera des observations utiles sur Tenseignement dc la lan-
gue allemande aii seminaire, dans les ouvrages de Wacker-
nagel, Kellner et Otto.
Dans les deux cours superieurs, on envisagera cet enseigne-
raent sous les points de vue suivants:
Application des connaissances acquises dans la elasse infe-
rieure; intelligence sure et complete du texte; la est le
moyen le plus eflicace d'arriver a lire avec I'expression con-
venable. Or le talent de bien reciter des morceaux difflciles
est le meilleur temoignage de Tetat general de I'instruction
du serainariste.
On lira les morceaux de prose et de poesie, on les fera lire,
on les discutera ; on les fera reproduire verbalement et par
ecrit, soit litteralement, soil sous une forme differente
Dans le choix de ces morceaux on ira du facile au difCcile,
en tenant compte des idiotismes de la langue; on aura soin
de mettre le texte en harmonic avec le reste de I'cnscignc-
ment.
Dans les classes inferieures et moyennes, les redactions
des eleves auront pour objet le texte des morceaux qu'on aura
lus. Dans la elasse superieure, ils pourront s'exercer sur
d'autres points et sur des questions relatives a la mission du
maitre d'^cole. C'est egalement dans cette elasse que le mai-
trefutur sera exerc^ a r^diger les pieces concernant ses fonc-
tions, les lettres d'affaires, etc.
A I'enseignement de la langue allemande se rattacheront les
lectures a faire par les eleves en leur particulier.
Pour chaque cours, on fera un choix de livres ; et, a des
6poques fixes, I'eleve aura a rendre compte de la maniere dont
il aura lu les ouvrages qui lui auront ete designes. A part
I'influcnce que ces lectures peuvent avoir sur 1' esprit, le coour
ct le caractere du serainariste, il faut avoir egard, dans le choix
296 THOISIEME rARTlE.
des livres, a ractiou que, par dela les limites de I'ecole elo-
mentaire, le maitre peut exercer sur I'instruction et sur les
mceiirs du peuple.
Sera exclue de cette lecture la litterature classique propre-
ment dite : on admettra tout ce qui est favorable au develop-
pement de la vie de I'Eglise et de la morale cliretienne, a I'e-
tude intelligente de la nature; tout ce qui, grace a un style
clair et populaire, est propre a passer dans 1' esprit et dans
le cceur du peuple. Le choix des livres doit etre fait d'apres
les besoinsparticuliers de chaque province ; mais, en general,
on peut recoramander : les biographies de Luther, par Mathe-
sJus et Wildenhahn; de Melanchton et Valerius Herberger, de
Paul Gerhardt et Jacob Spener, par Wildenhahn ; d'Oberlin,
par Schubert; les Annales evangeliques , par Piper j les ecrils
populaires de Horn, Gotthelf, Ahlfeld, Fiedenbacher, Stoeber,
etc. ; les contes de Grimm ; les oeuvres de Claudius, Krum-
macher, Hebel; les esquisses prussiennes, par Werner Hahn ;
la Patrie, par Curlmann ; Germania, de Yogel, etc.
Le livre de lecture de Wakernagel fournira I'occasion , —
sans faire un cours d'histoire litteraire, — de donner aux
eleves les notions necessaires sur le developpement de la
litterature nationale, et sur la vie de ses principaux repre-
sentants.
Les eleves du cours superieur seront exerces, en vue des
fonctions du maitre d'ecole a I'Eglise, a lire convenablement
des sermons et des chapitres de la Bible.
V. — Histoire et geographie.
L'histoire nationale formera le point central de I'enseigne-
raent de ces deux sciences; I'enseigneraent de l'histoire s'ap-
puiera sur celui de la geographie, et reciproquemeut.
L'experience a constate que Y histoire universelle ne peut
llEGLEMtNT GENEIIAL. 207
6tre cnscignee utilement dans les semiiiaircs ; qu'elle n'y in-
troduit que des idees fausses on raal comprises, et qu'elle fait
negliger des choses plus importantes.
L'etude de I'liisloire universelle exige des connaissances qui
manquent aux eleves-niaitres. II n'est pas possible, d'ailleurs,
queles seminaristes, dansl'espace de deuxou trois ans, a rai-
son de quelques lemons par semaine, s'approprient une telle
histoire, de raaniere a en tirer des resultats utiles pour eux
ct pour I'ecole eiementaire.
Par contre, 11 importe que le maitre inculque a ses eleves
les souvenirs patriotiques, la connaissance de nos institutions
et de nos liommes illustres, et qu'il leur inspire de I'estirae et
et de I'affeetion pour la dynastie regnante.
II suit de la que le seminaire donnera de preference ses
soins a riiistoire allemande, et, en particulier, a I'histoire
prussienne et a celle de la province ; onmettra ainsi les He\es
sur la voie de progres ulterieurs, pour le temps qui suivra
la sortie du seminaire.
Ce qu'il importe de connaitre de I'histoire universelle sera
mentionne dans les lemons d'histoire biblique ou d'histoire
allemande, ou resume dans la biographie d'hommes ayant
fait epoque.
On fera ressortir en particulier les jours de f^tes natio-
nals; elles donneront lieu de faire connaitre aux eleves les
meilleurs chants patriotiques (texte et air).
A ce propos, nous signalerons, comme usage a imiter, la
celebration, dans plusieurs seminaires, de jours commemo-
ratifs patriotiques et evangeliques-chreliens, en lant que ces
derniers ne seraient pas deja fetes a I'Eglise.
Comme de tels jours nous signalerons : le 18 Janvier; le
18 fevrier; le 18et 25juiu; le 5 aout; le 15, 18et25octo-
bre ; et le 10 novembre. Le cadre pourra ^tre elargi, selon les
circonstances locales.
298 TR01SIEME PARTIE.
La celehrntion de cos fetes donnera lien a I'execiiUon do
chants populaires, auxquels prendront part tons les eleves ot
professeurs, et a des recits historiques, sous una forme po-
pulaire.
Tant qu'il n'y aura point de traite eleraentaire de I'histoire
allemande, conforrae aux principes que nous venous d'expo-
ser, les professeurs du seminaire auront a extraire leurs mate-
riaux d'ouvrages historiques et biographiques ; pour la ma-
niere de concevoir I'histoire, le manuel d'histoire allemande
par Dittmar pourra servir de modele.
L'enseignement historique est reserve aux deux classes su-
perieures; I'enseigneraent de la geographic, aux deux classes
inferieures.
Programme du cours de geographic : la sphere; les cartes ,
les raers avec leurs detroits; les continents, en general ; leur
position, leur configuration, leur etendue et leur population ;
productions, montagnes et rivieres; division politique; capi-
tales et principales villes de commerce. En premiere ligne
I'Europe, et en particulier I'Ailemagne, la Prusse, la Province;
production, Industrie, commerce, divisions et institutions
politiques.
Geographic mathematique : forme, divisions de la terre;
ses dimensions, mouvements de rotation et de translation;
la lune; les etoiles fixes, les constellations, les planetes, les
satellites et les cometes.
Provisoirement, on pourra se servir du manuel de Voigt,
en se bornant aux notions que nous venous d'indiqucr.
L'enseignement de la geographic rendra toujours ses lemons
sensibks par I'usage du globe, de la sphere et des cartes; on
doit, de plus, exciter I'interet des eleves par des descriptions
pittoresques, telles qu'on les trouve dans les ouvrages de
Grube, Yogel, Kohl, Zimmermann, etc.
REGLEMEM GENERAL. 299
VI. — Ilistoire naturelle.
Pendant les deux premieres annees, il y aura deux legons
d'histoire naturelle par semaine : description des principales
plantes et des aniraaux indigenes les plus importants, commc
types d'especes et de genres ; caracteres des plantes et ani-
maux cxotiques, compares avecles premiers; description ele-
mcntaire de la structure du corps humain.
L'cnseignement de la mineralogie se borne aux mineraux
indigenes les plus remarquables.
Nous n'avons pasbesoiu de faire observer qu'a cette parlie
de I'enseignement doit presider aussi une pensee religieuse.
Les eleves s'babitueront a se faire une occupation agreable de
I'elude de la nature. En meme temps, cette etude aura des
resultats utiles pour la vie pratique : elle se rattachera a I'agri-
culture, ^ rhorticulturo, au commerce et a I'industrie.
P/i?/s?«7t/e : Dans le deuxieme ou troisierae cours; deux le-
mons par semaine. Get enseignement restera constamment
elementaire; le phenomene ou I'experience seront expliques
sans avoir recoursau calcul. On se servira des principes de
physique de Kruger. On donnera la description des instru-
ments, appareils et machines qu'on utilise dans la vie ordinaire
ou industrielle : le pendule, le levier, le cabestan, la roue
hydraulique, la pompe aspirante, la pompe a feu, le baro-
metre, le thermometre. On expliquera les principaux pheno-
menes de la chaleur, de I'electricite, du magnetisme, de la
lumiere, etc.
Pour I'enseignement de I'histoire naturelle, on se servira
provisoirement des traites elementaires et manuels de Schu-
bert, Schilling et Scholz.
Nous avons deux observations a ajouter en ce qui concerne
renseignement de I'histoire, de la geographic et de I'histoire
naturelle, dans I'ecole elementaire. Aucune de ces brauchcs
500 TROISIEME I'AHTit.
(I'etudes n'y doit occuper une place sqiaree iii y etre traitue
systematiquement. L'enseignement se rattachera a certaincs
circonstances de la vie pratique : pour I'liistoire, aux jours
commemoratifs ; pour I'histoire naturelle, a la culture des
champs et des jardins, au changement des saisons , aux di-
vers phenomenes , etc. II serait a desirer qu'il y eut un livre
de lecture scolaire dont les tableaux et descriptions pitto-
resques pussent former le sujet des lemons explicatives du
maitre. Toutefois, quoiqu'un livre de lecture de ce genre nous
manque, celui qui est en usage dans les ecoles d'application
des seminaires, pourra, si Ton y joint les exercices mention-
nes plus haut, fournir assez d'occasions d'initier le maitre
futur au genre d'etudes dont il s'agit.
VII. — Arilhmetique et geometrie.
Deux lemons par semaine pour les classes inferieures; une
lecon par semaine pour le cours superieur.
De meme que le calcul pratique se place, au serainaire,
en premiere ligne, de meme 11 faut trouver le moyen, sans
employer la forme scientifique, d'initier les semiuaristes a la
connaissance des figures planes et des solides, ainsi que de
leurs proprietes les plus importantes et des principaux theo-
remes qui en decoulent.
Le domaine de l'enseignement du seminaire coraprend
plus particulierement les quatre regies des nombres entiers,
des fractions et des nombres complexes, envisages sous les
points de vue suivants.
On parcourra dans son entier la serie des nombres de 1 ^ 400
dans ses divers degres et developpements. II faut que les eleves
s'approprient les demonstrations des operations, de maniere
k Ure toujours pr^ts a en rendre compte.
REGLEME?<T GEISERAL. 30^
Celte derniere exigence s'applique a tons les degres de I'en-
seignement; dans la solution des problemes, il faiit liabitiier
les eleves a saisir et a comparer proniptement et surenient les
rapports des nombres et des choses analogues. Dans cebut,
si le temps etles circonstances le permeltent, onpourra resou-
dre des problemes d'algebre par I'arithmetique. Dans les dif-
ferentes especes d'exercices, il faut designer a I'eleve le pro-
ced^ seul applicable ponr I'ecole elementaire, de peur que la
multiplicite des procedes n'entraine des hesitations.
L'enseignement de I'arithmetique est specialement propre a
exercer le jugement, el a faire contracter a I'eleve I'habitude
de s'exprimer d'une maniere concise et nette.
Une etude plus avancee, etude entreprise, non pour la pra-
tique de I'ecole, mais en vue de progres individuels, embras-
sant, par exeraple, les proportions, le calcul decimal, I'ex-
traction des racines, pourra ^tre autorisee par les autorites
provinciates, mais seulement la ou cette autorisation serait
motivee par les besoins du seminaire et de la province.
Vlil. — ficrilure.
L'on doit d'abord viser a ce que i'eleve possede une ecri-
ture simple et facile ; de plus, il doit acquerir le talent de
tracer les differents traits d'ecriture dans un ordre progressif,
et sous une forme reguliere et belle.
Ces deux exercices se feront parallelement dans les deux
cours inferieurs; dans le cours superieur, il siiffira que les
Aleves ecrivent un exemple par mois.
Du reste , lous les devoirs, toutes les redactions des eh" ves
seront a la fois des exercices calligraphiques et un moyen de
devcloppement inlellectuel.
302 TROISIEME PARTIE.
IX. — Dessin.
Au seniinaire, cette branche de Tenseignement doit se bor-
ner au dessin lineaire.
D'abord il faut que I'eleve apprenne a comprendre, puis a
executer un dessin : partout ou le talent fait defaut, on per-
mettra I'application de moyens mecaniques. L'enseigneraent
du dessin pent etre mis en rapport avec celui de la geometrie.
Toute tendance artistique doit ^tre exclue ; I'eleve doit ap-
prendre, dans le plus court espace de temps possible, a repro-
duire au trait les corps simples de la nature, a lever des plans,
et a faire les travaux demandes par les besoins de la vie pra-
tique.
Le dessin ne sera enseigne que dans les deux cours infe-
ricurs : on y consacrera deux lieures par semaine, au plus.
X. — Musique.
La musique est enseignee, au serainaire, en vue de son in-
lliience religleuse et morale: mais, en outre, elle a pour but
(le former des maitres de chant pour I'ecole elementaire ,
des chantres et des organistes pour I'Eglise. Get enseignement
doit etre constamment grave et subordonne a un but moral.
Jamais I'art, en lui-meme, n'est le but des etudes au senii-
naire.
Par ce que nous venons de dire, la voie est tracee a la me-
thode.
L'enseigneraent du violon, au moyen d'exercices elemen-
taires gradues, slrictement methodiques, developpe le talent
musical en general : le but est atteint aussilot que I'eleve est
en etat de jouer avec siirete les airs en usage a I'ecole. La
musique de concert ne rentre pas dans le cadre de I'ensei-
REGLEMENT GENERAL. 505
gnement. On examinera seulement si Ton doit permettre, en
vue de solennites miisicales executees au seminaire, de siiivre
des cours de perfectionnement. De tellcs solennites doivent
avoir des tendances morales, et ne prendront jamais le ca-
ractere de concerts publics.
L'enseignement du piano se lie etroitement a la theorie de
I'harmonie, et sert d'introduction a I'orgue. Nous recom-
mandons ici une methode severe, et un choix de morceaux
de musique grave et severe.
Orgue. On commencera le plus tot possible I'etude de me-
lodies cho7'aIes.
Lessujetscbezlesquelsilya manque absolude talent pour-
ront ^tre dispenses des lemons d'orgue.
Quant a ceux qui y prennent part, il faut qu'ils saclient, en
sortant du seminaire, accompagner chacun une cinquantaine
de melodies cborales, et qu'ils puissent diriger le chant des
fideles a I'eglise.
Des que les circonstances le permettront, on designera,
pour tous les seminaires de la monarchie, un seul et m^mc
livre de chorals, a I'usage des futurs chantres et organistes.
On pourra, ainsi, se rendre compte du but commun que
Ton poursuit, et subordonner Tarbilraire Individ uel a I'idee
generate consacree par I'experience,
C'est sous ce point de vue que Ton doit des a present envi-
sager l'enseignement de I'orgue; le seminariste s'exercera a
reproduire avec surete ce qui est adopte a I'eglise, plutot qu'a
inventer du nouveau.
Chant. Pendant la premiere annee, une le^on par semaine
suffira pour exercer I'oreille, pour former la voix par des
exercices rhythmiques qui se lieront a lenseigncment de I'har-
monie. Une seconde le(^on sera consacree a I'etude de chorals
el de Lieder populaires h une ou a deux voix.
304 TROISIEME PARTIE.
Les deux cours siiperieurs sont combines dans denx lemons
de chant; rien n'emp^che que les eleves des cours inferieurs
y prennent part.
Dans le chant d'eglise , le choral figure en premiere ligne ;
les eleves doivent arriver a chanter au moins soixante melo-
dies sans I'aide du livre de chorals; chacun, a tour de role ,
figiircra comme prechantre. II va de soi que Ton donnera les
renseignements necessaires sur les alterations que les melo-
dies primitives ont pu suhir dans les diverses provinces, sur
leur caractere et la maniere de les ^tudier.
Le chant liturgique merite toute notre attention. II s'en faut
que tout soit dit, que tout ait ete fait a I'egard du ciiltc evan-
gelique. C'est une raison de plus d'exiger de la part des se-
minaristes et de leurs maitres respectifs, que, dans une par-
ticipation intime a la vie de I'Eglise, ils aient soin d'etudier
les besoins qui se manifesteront a cet egard et d'y salisfairc.
Nous leur recommandons provisoirement les exercices litur-
giques de la cathedrale royale, a Berlin, publies par F. A.
Strauss.
L'execution des motets, hymnes, psaumes etc, de compo-
sition ancienne ou moderne, tels qu'ils se trouvent dans les
recueils de Hientzsch , Erk et Graef, Jacob et A., servira
a former le gout et le sens musical des eleves 5 en outre, elle
les familiarisera avec 1' usage des choeurs; et la est le plus puis-
sant moyen de relever exterieurement le culte evangelique.
Dans CCS raemes recueils, on pourra faire \m choix de
choeurs seculiers parmi lesquels \e Lied populaire; dans sa
forme la plus noble, et les chants patriotiquos doivent figurer
en premiere ligne; les seminaristes auronl ainsi les materiaux
necessaires pour pouvoir, dans la suite, par I'ecole etlesso-
cietes chorales, lutter avec succes contre le chant trivial,
clf^Tiin^ et raou.
De Ih suit quo, dnns lo choix des morcenux, on doit ctre
REGLEiMEiNT GENERAL . 505
dirige non-seuleiiunt par dcs considerations miisicalcs, mais
aussi par des vnes pedagogiqucs : le dircctcnr du seminairc
aura done a surveiller ce choix. li va de soi, que Ic lexte des
Heeler sera expliqne dans les lecons de languc alleraande.
Enseignement du chard. Le maitre doit ici se lenir en garde
conlre I'erreur de croire qu'il a mission de faire des eleves
du seminaire de verilables compositeurs. Le hut le plus pro-
chain de cet enseignement ne pent etre autre que de les
mettre a meme de comprendre un morceau de musique, en
tant qu'organislcs et mailres de chant.
Jamais cet enseignement ne pourra etre puremcnt theori-
que ; chaque eleve devra faire immediatement I'applicalion
pratique dece qu'il vient d'apprendre.
Quatre lemons par semaine, a repartir entre les trois cours,
sulfiront pour I'etude de I'harmonie et pour I'enseignement
des methodes de chant en usage dans I'ecole elementaire.
X. — Gymnastique.
L'enseignementde la gymnastique, au seminaire, doit avoir
pour but de developper les forces corporelles et I'agilite
de I'eleve, de fortifier son courage et son caraclere, de I'ha-
bituer a I'obeissance. Par une application circonspecte des
systemes de Hing et de Spiess, les maitres futurs seront mis a
meme d'organiser les jeux de la jeuuesse des ecoles, de con-
tribuer a entretenir en elle la fierte d'une belliqueuse et vaiU
lante nation, et le desir de reproduire les verlus des ancetres.
XI. — Horticulture.— Culture de la sole; travaux manuals.
L'enseignement de rhorticulture, de la culture de la soie et
des travaux manuels (en vue de la position des futurs maitres
dY'Cole, a qui des travaux de ce genre pourront procurer
des ressources), devra etre donne dans tons les seminaires.
20
50G ~ TIIOISIEME PARTIE.
Toutefois Torganisation de cet enseigneraent doit roster siibor-
donne aiix circonstances locales.
Les dispositions du present reglement snpposcnt iin cours
de trois ans. Pour les seminaires qui sc borncnt a un cours
de deux ans, il appartient aux autorit^'s provinciales de re-
partirlos matieres indiquees pour les trois cours, en tenant
compte surlout des connaissances que les eleves pourraient
possL'der a leur entree au seminaire.
On est fonde a esperer que, par rappliealion ties principos
qui viennent d'etre exposes, les seminaires rempliront d'une
maniere de plus en plus complete la mission qui leur est assi-
gnee. Les idees purement speculatives, individuelles, idees
infructucuses au point de vuc d'une instruction simple ot
saine du peuple, leur resteront elrangeres. En s'appuyant
sur la base du principe chrelien, ils deviendront de plus en
])lus ce qu'ils doivent etre : des pepiniercs de maitres pieux,
devoues, intelligents, ne s'ecarlant pas de la vie reelle du peu-
ple >, ayant le desir, la vocation et la capacite de se consacrer
a I'education de la jeunesse, avec abnegation et en vue de
Dion.
Berlin, !"■ oclobre IS,')}.
Le. niinislre des Cidles, de l' Tnsirudion
publiqt/e et des Affaires mcdicdles.
Signe : De Haumer.
L'analyse dans laqudle nous sommes entres, au chapilre
precedent, nous dispense de toute observation de detail sur le
document qu'on vient de lire. Nous nous bornei'ons a cette
simjde remarque :
Au point de vue general, le i?(?/7/em(?72/ temoigne du soin
1. « Dcm Leben des Volkcs naliestehende Lohror. »
REGLEMENT GENERAL. 507
avcc Icquc! la hniite administration prussicniie s'efforce do
realiser, dans le domaine de rensoignemcnt populairc, I'al-
liance de I'esprit chrelion et do I'esprit pedagogiqiie.
All point de vue particiilicr dcs ccolcs normales : tout en
proscrivant j'csprit de speculation pure, Tabus des theories,
et ces systemes hautains qui s'etaient glisses, pour en allercr
le caractere, dans I'enseignement dispense aux faturs iiaaitiTs,
le ministre de I'lnstruction publiquc a considere comme un
devoir de maintenir, en tete du programme des seminaires,
I'etude de cette science pratique de I'education qu'il faut bien
accepter sous un nom ou sous un autre, et qu'ondesigne aujour-
d'liui en Prusse sous le nom modeste de science de I'EcoIe.
{Schul-Kunde . )
II convientde le dire : il y a ici unc satisfaction donnec aux
susceptibiiites legitimes de I'opinion publiqiie, plus qu'uno
abdication de la pedagogic elle-meme. La science pedagogiquc
reuonce a d'ambitieuses allures, et depouille les formes pre-
tentieuses sous lesquelles elle egaraitles csprits ; elle subsiste,
en realite, tout en changcant de nom. Aujourd'hui comme
bier, apres comme avant les reglements nouveaux, I'ecole
normale doit « mettre le futur instituteur en etat de rendre
alui-meme etaux autres un compte clair et reflechi de I'es-
scnce merae et du but special de sa vocation » [sich selbsi imd
andere ilber das JVesen und die Aufgahe seines Benifs bewiissle
und Mare Rechenschafi zugehen). Or, telle a ete, de tout temps,
la mission de la science pedagogique.
Desormais, dans les seminaires alleraands, plus de tbeoric
sans pratique qui en precise le sens ; mais aussi point de pra-
tique sans theorie qui I'eclaire. Role de I'ecole primaire
dans scs rapports avec I'Eglise, la commune, la famille ; son
organisation intime ; programme des cours; principes fon-
damentaux de la methode; science de I'education en general
et de la discipline scolaire en particulier : sur tons ces points
508 'fnOISlEME PARTIE.
les fuliirs inslituteurs continiieront a rccevoir, pendant Ics
Irois annees du cours, un enseignement qui les mette a raemc
de feconder les notions techniques, et de s'elever jusqu'a 1' in-
telligence de la valeur morale de leurs fonctions. Or, on ne
saurait trop le repeter : sans un tel enseignement, I'ecole nor-
male peut former des machines vivaiites, capables d'enseigner
a « lire, ecrire ct chiffrer » ; elle ne saurait former des insti-
tuteurs.
Ainsi, les ecoles normales primaires sont aujourd'hui, an
dela du Rhin, ramenees des regions chimeriques ou on avait pu
lesegarer, au veritable sentiment de leur vocation ; mais elles
y sont considerees, plus que jamais, comme le fondement du
systeme general deducation populaire.
Les Allemands le comprennent ainsi qu'on le comprend en
France : il en est de I'instruction primaire comme do toutes
les forces sociales : instrument de vie ou instrument de mort
selon qu'elle est bien ou mal dirigec. Or , los ecoles nor-
males sont, entre des mains inlelligentes et fermes, le moyen
le plus puissant de direction.
« Nous maintiendrons les ecoles normales, me disait en
Prusse un personnage eminent, comme nous conserverons les
sources du tleuvequi feconde ce pays. Seulement, nonsveil-
lerons a une chose, c'est que la source soit toujours pure,
et ne laisse point jaillir de flols empoisonnes. »
CHAPITRE QUATRIEME.
DI.S ECOLES NOB.MALES U'lNSTlTUTUICES.
« Les feraraes n'ont invente ni Talgebre ni le telescope;
mais elles font quelque chose de plus grand que lout ce!a.
C'est sur leurs genoux que se forme ce qu'il y a de plus excel-
lent dans le monde, un honnete bomme et une honnete
feinme. Si la jeune fille s'est laisse bien elever, elle eleve des
enfanls qui lui ressemblent, et c'est le plus grand chef-d'oeuvre
du monde. *. »
Ed AUemagne comme en France, chacun de ces mots est
desormais un axiome. Au dela du Rhin comme en de^a, si
les anneaux de la tradition religieuse peuvent etre renoues,
c'est, a coup sur, par cette portion de la societe qui ne fait
pas les lois, mais, ce qui est plus, qui cree les moeurs.
On n'a rien fait, si Ton ne confie I'educalion des meres
fiitures a des mains dignes d'en porter le fardeau.
Aussi, la question des ecoles normales d'inslitulrices est-
elle, depuis plusieurs annees, I'objet des preoccupations spe-
ciales de raJministratioii superieure de I'instruction publi-
que, au dela du Rhin.
Sous ce rapport, TAllemagne du nord a beaucoup a falre.
Elle possede fort pen d'elablisi-ements destines a former des
insti tutrices; et la cause dece fait est tres simple: proporlion-
nollement au nombre des mailres, le uombre des maitresses
est imperceptible, et le nombre des maitresses est aussi res-
treint pour deux motifs.
1. M. de Maiitre.
510 IROISIEME PARTIE.
Eq premier lieu, les pays protestants ne posscJent pas eel
inepiiisable eontingent que fournissent a la France les congre-
gallons religieuses. Le protcslanlisme s'efforce bien, a I'lieure
qu'il esl, de relever les ruines qu'il a failes; il eulreprend,
sur le modeie des ordres religieux calholiques, de reconsti-
tuer, a son profit, les comnuinautes renversees par ses mains:
niais les elablissements de diaconesses sont un bommage a des
iiistilulions longlenaps meconnues plulol qu'un inslrumcnl
cCficace aux mains de la reforme ^ .
En second lieu, la separalion des sexes, dans I'ecole, n'csl
pas, en Alleniagne, un fail general, comme en France. Aile/ a
Ilanovre, par exemple : dans de grandes ecoles, et jusque
dans I'ecole modeie annexeea I'ecole normale primaire, vous
Irouverez de jeunes gar^ons et de jeunes lilies de douze et
Ireize ans reunis dans la meme classe. Ailleurs, comme a
Weimar, dans la grande Biirgerschule, si des classes specialcs
sont assignees aux jeunes fiUes, ce ne sont pas des mailresses
mais des maitresqui y sont charges de renseignemeiil. Quand
jevisitai ces elab!issemcnts,de lels fails me frapperent, comme
1. L'institut des Diaconesses, dont la maison-mere {mutterhaus) est a
KaiscrswerLli,n'a pas domic a toulo I'Allemagne, depuis sa fondation (en
1833), plus de 450 directrices d'asiles, inslitutrices, gouvernantes.
La nature des chosos oppose au developpernent d'une communaule re-
ligieuse proleslante des obstacles evidents. « On se marie trop , chez
nous," n»e disait, a Kaiscrswerth, une des directrices de la maison.
Ces obstacles ne sont, au reste , qu'une raison de rendre liommage
au zele et a la charite du fondateur de Kaiscrswerth, M. le pasteur
Fliedner.
La duree du cours des etudes a I'ficole normale d'institutrices de Kai-
sersAverth est de deux ans. Dans le jardin annexe a retabtis^semcnt, on
exerce !es futures inslitutrices a certains travaux d'liorticullure.
Covdilions iPadmissions aux cours des directrices des salles d'asile
{kleinkinderschulen) : n'avoir pas muins de 17 ans ni plus de ■iO ; savoir
lire, ecrire, avoir quelques notions du calcul, et la connaissance do la
Bible; etre anime de sentiments Chretiens et de I'amour des eiifanls.
Lc cours dure 5 niois.
ECOLES NOllMALES u'lrSSTlTUTRlCLS. 54-1
ils m'avaient surpris a Londres, an siege tie Yhome and colonial
School- Sociely. J'adressai aux directeurs M3I. Robbelen ct
Ilanschmann^ des questions analogues a celles que m'avait
suggerees le spectacle de Gray s inn road"^ . Des reponsesqui
la comme ici ine furent donnees, il faut tircr cette conclusion
qu'entre le calme des organisations anglaises ou alleiuandes
el la vivacite du temperament fran^ais , il n'est pas d'assinii-
latiou possible. « Je crois sans peril la reunion des sexes dans
I'ecole, nous disait, a Londres, un bomme tres competent,
Finspecteurspecialemcntcbarge par le Committee of Council i\^
la direction des ecoles normales d'institutrices, le reverend
Cook; je nc prends pas sur moi de la conseiller, mais je n'ai
pas de fails a alleguer contre ce regime 2. »
Au seuil de la question des ecoles normales d'institu-
trices, une question preliminaire se prescntea nous, (lues-
lion qui preoccupe cnie moment la science pedagogique au
1. Je saisis cette occasion de remercier ces deux honorables directeurs
de leur parfaile obligeance, — M. Ilanschmann, dont les utiles Iravaux
sont connus, a conduit les deux grands elablissements qui lui sont confies,
la Burgerschule et le Schullehrer-Seminar, a un haul degre de prosperite.
2. Qu'on nous permette de renvoyer le lecteur au chapitre II de notrc
livre sur V Instruction immaire a Londres, dans ses rapports avec I'ciat
social.
3. En France, au contraire, s'il est un [)oint sur lequel les liommes ap-
peles a observer un certain ordre de faits emettent un avis a peu pros
uiianimc, c'est la necessite de pourvoir, en des etablissements distincts,
a I'education des jeunes filles et a I'instruclion des jeunes garcons.
Inlcrrogez les cures et les autorites preposees, aux divers degres de la
hierarchic, a la direction de I'enseignement populaire ; les uns et les autrcs
affirmerout que la reunion des deux sexes, dans I'ecole, constitue un ele-
ment de desordre, quo I'instituteur le plus atlentif est impuissant a com-
batlre.
On sent, du reste, que les perils dont on parlc se manifcstent surtout
dans les ecoles etablies au centre des populations manufacturieres.
Dans les communes rurales, on le comprend sans peine, c'est a la sortie
de recolc, pendant Ic Irajet qiiolquefois tres loiiL^ et a travers bois, auquel
sonl conlraints les enl'ants, ([ue le danger pent se produire.j
512 TUOISIEME rAHTlL.
dela du Rbin, et dont le succes de I'ecole normale de Muuster,
la creation recenle de I'ecole normale de Dioyssig, aiiisi
que les efforts des diaconesses dans Ics parties protestantes
dii pays, font pressentir la solution definitive; c'est eeile-ci :
les enfants des deux sexes peuvent-ils etre reunis dans Tecole?
Au pointdevue??2ora/,commeonle voitparlesexemplescon-
trairesde la France et de I'ltalie d'une part, de 1' Angleterre et de
I'Allemagne de Tautre, 11 y a la une question d'organisation phy-
sique et de cliniat; mais, apres la morale, a p res la legislation,
la pedagogic a son mot a dire,et ce mot, selon nous, le void :
A parlir de I'age on I'instruction doit se developper paral-
lelement a I'education, c'est-a-dire a partir de la sixieme
annee environ, le caractere, les facultes, les aptitudes intel-
lecluelles des enfants des deux sexes se heurtent reciproque-
ment par des faces presque directement opposees. Consequem-
ment, les moyens a employer doivent etre diff^rents comme
la matiere sur laquelle il faut agir. La ou un signe suflira
pour exciter la jeune fille, une vive impulsion sera parfois no-
cessaire pour entrainer le jeune gargon. Peul-etre, au con-
traire , telle circonslance donnee , le phenomene inverse
devia-l-il se produire. Telle demonstration qui affectera im-
medialement la sensibilite de la premiere, passera, sans y
laisser de traces, sur I'esprit moins impressionnable du se-
cond; mais le raisonnement qui se gravera dans la pensee de
celui-ci, effleurera, pour s'evanouir aussitot, I'imagination
de celle-la.
Le but de renseignement, d'ailleurs, pour les uns comme
pour les autres, n'est-il pas estentiellement distinct? Prenez
la brauche d'etude qui semble plus que les autres devoir etre
commune aux deux sexes, prenez I'instruction religieuse :
quelle difference, pour un maitre intelligent, dans la maniere
de presenter a des esprits si divers une seule et meme verite I
Le choix des hisloires bibliques, selon qu'elles seront offertes
ECOLl'S NOIIMALES d'iNSTITDTIUGES. 515
a ceux-ci ou aceux-lii, ne serailil pas lui-meme tres souvciit
dissemblable?
Comment, d'ailleurs, appHquer aiix uos et aux autres, les
niemes principes de discipline morale? Une reponse liardie
sera seaiile dans la bouche du jeunegarQon,qui vous choquera
de la part de la jeune fille ; ce qui serait courage chez le pre-
mier serait defaut de reserve eteffronterie chez la seconde,etc.
Ce n'ett pas tout : quand les deux sexes sont reunis dans
I'ecole, I'ecole, la plupart du temps, est dirigee par un insli-
luleur ^ Que resulte-t-il de ce fait? c'esl que, dans la plupart
des ecoles raixles, les jeunes lilies sont forcement privees de
I'enseignement professionnel qui convient a leur sexe.Qu'unc
jeune fille sache lire, ecrire, chiffrer, rien de mieux ; mais
qu'elle ne s'cntende pas a manier Taiguille, quoi de pire?
Parcourez les villages de la Bretagne ou du centre de la Fram e,
les districts raanufacturiers d'Angleterre ou d'Allemagne,
ces villes de I'ltalif^ meridionale oii Tincurie de I'homme semblc
en proportion de !a splendeur du ciel, et voycz ces populations
sales et deguenillees : vous conslalerez les resultals de I'ab-
sence d'un enseignement special pour les lilies.
II me souvient d'une reponse qui me fut faite dans un vil-
lage du Nivernais. Je gourmandais une mere de familledont les
enfants poriaient des vetements en lambeaux. « Tiens, dit-elle,
vous croyez done que j'ai de quoi payer une couturiere a la
1. Hors le cas prevu par le decret du 31 decembre 1853, art. 9, « des
institutrices peuvent etre chargees de la direcLion des ocoles piibliques
communes aux enfants des deux sexes qui , d'apres la moyenne des Irois
dernieres annees, ne resolvent pas annuelleinenl plus de 40 eleves. »
La Girculaire du 3 fevi ier ajoule : "Une institulrice ne devra etro sub-
stituee a un instituteur, dans une ecole niixte, que la oil il sera reconnu
que I'etablissement d'une ecole speciale de filles est impossible. »
Ainsi, la pensee du decret est ce.le-ci : en principe, condamnalion des
ecoles mixtes ; puis, si les circonstances rendent impossible la creation
d'une ecole speciale de filles, sub^titulion, en des cas determines, d'une
institutrico a rinstiluleur.
5^ 4 TROISIEME PARTIE.
semaine ? Des habils, ^a va tant que ^a va, ct quand ^a iie
tient plus, ons'arrange! » Dans celte abdication des devoirs
qu'impose le soin d'nne certaine dignite exterieure, il y a,
qu'on ne s'y Irompe pas, une cause de decadence qui migit
uecessairement sur I'enseinble meme des habitudes de la vie ;
toutes les idees d'ordre se tiennent et sont solidaires; le desur-
dre physique n'est souventque le reflet du desordre moral.
Au dela du Rhin, coiume en France, les conclusions prati-
ques deces observations tendent chaque jour a passer de la
iheorie dans les faits. Pour rester dans la AV^mce catholi(}ue
de Miinster, regence exceptionnelle a ce point de vue, il est
vrai, cette circonscriplion reufermait, en 1817, soixanle ct
une classes dejeunes lilies dirigecs par des iustitulrices. Elle
en possede aujourd'hui cent vingt; il ya meme seize ecoles
mixtes, quant ausexe, oil des inslitutrices ont remplace les
instituteurs.
De tels faits revelent, au premier coup d'oeil, la presence
d'une ecole normale de maitresses, et la faveur dont cette
ecole normale est en possession.
Minister, le foyer des utopies sanglantes au seizieme sie-
cle, est aujourd'hui I'asile des paisibles etudes. Conlempkz
ces prisons aeriennes qui, maintenant encore, accrochent
leurs barreaux de fer aux parois de la lour Saint- Lamhcvt's
Kirche: ce sont les cages oil palpiterent, il y a Irois cents aiis,
les restes mutiles des trois anabaptisles. Du pied du Rathhaus,
deces arcades dout les etroites ogives dessinent eiegammenl
la grand'place, les habitants de la vieille cite voient les instru-
ments du supplice suspendus sur leurs tetes, pour les uns
comme un souvenir, pour les autres commeunc menace, pour
tons comme un enseignement.
Or, jamais viile n'a mieus proQte J'une lecon. 11 scmbic
que Miinster ait voulu parcourir en deux ans le cycle dej
perturbations sociaks que d'auli'cs, apres Irois siccles, n'o;)'t
ECOLES NOllMALES o'lNSTITUTUIGLS. 515
pas encore ferme; dcpuis longiies annees, la capitale de la
Westplialie ne conoait plusces crises steriles qui son t an deve-
loppement regulier d'lin peiiple ce que la fievre est a la vie :
!a ville de Jean deLeyde est devenue la cite d'Overberg.
L'ecole normale d'instilutrices de Aliinster date de I'annee
1852.AinsiquelapelitesuccursaledePaderborn,ellevit deses
propres revenus. Sa dotation se compose des biens d'un ancien
couventdefemmes suppriraeeii 1811. A ce couvent, an temps
desa prosperite. se ratlacliait une ecole superieure de jeunes
lilies {Ilokere Tochierschule) et une ecole gratuite [Freischule]
pour les enfants pauvres.
De tellcs institutions ne devaient point succomber dans la
transformation qui s'operait : une parlie des revenus de
I'ancieo couvent est, aujourd'hui encore, annexee a l'ecole
normale des institutrices ; une autre estcousacree a une ecole
gratuite qui regoit quatre cents jeunes fiUes indigenies ;
I'autorite ecclesiaslique de Miinsler, de lout temps si favora-
ble aux progres de I'instruction du peuple^, ne cesse pas
d'etendre sur i'ensemble de ces etablissemenls son patronage
le plusbienveillant.
L'ecole primaire superieure admet les jeunes fiiles de 6 ans
a 14 ou 15 ans. Les elevessontrepartiesen trois classes; elles y
recoivent un enseignemeut complet, et qui n'est autre, sauf
certains developpements, que renseignement donne aux eleves
memes de l'ecole normale. II comprend ; la religion, la lec-
ture, I'ecriture, rarithmeli(iue, le dessin, I'histoire sainle,
la geographic, des notions d'histoire naturelle, la langiie allc-
mande et I'etude du frauQais, le^chant et le piano, et les ouvra-
1. Voyoz le rcglement ties complet, promulguc sur tout ren^^cniblo do
renseignement primaire, par rantoritc episcopale, pour la province i-la
^hln^ter, lo 2seplembrc 18iil, ( VcronlniLig fiir die ch'tlsclum unci Trivial-
scJuden des IJoclistifls Miinshr), et I'ensenible des documents lelatifs iiux
CL'oles, recueillis par "vi. Ernest llussmann. MUnsler, 1S38.
510 TllOlSIEME TARTit:.
ges de {cmmas {weibliche Handarbeiten], Get enseignement est
donne par le direcleur de I'ecole, trois maitresses et une
soiis-mailresse.
Les cleves-inslitutricc?, les seminaristes {Seminaristinncii)
passent deux annees dans i'elablissemeDt. La premiere aii-~
nee, elles suivent toulcs les leQons et pratiquent tons les
exerciees de la classe la plus elevee de recole annexe. L'u-
cole annexe devient ainsi un elablissement prej)arat()ire,
une sorte de pepiniere ou se recrute I'ecole normale , et
ou , des I'age de treize et quatorzc ans, les futures insli-
tutrices puiseutavec une inslruclion deja developpee, I'esprit
d'une vocation que determine et conserve I'enseignenient
des annees suivantes : usage excellent que Ton relrouve en
AUemagne, on I'a vu, dans presque toutes lesecolesnonnales,
et qui, en ouvrant la porte de ces etablissenienls a des candi-
dals dont I'intelligence est preparee, epargne lout a la fois,
au grand prullt des ecoles, aux eleves les difliciiltes d'eiudes
sans preliminaires, et aux nuiilres les faligues el les degoiils
d'un enseignement dont l' esprit inculte des eleves est incapa-
ble de profiler <.
1. Une inesure d'un caraclere analogue a ele prise recemmcnt
en ce qui concerne rEcolo normale d'inslilulrices d'Aix. La direc-
tricc de cet etablissenienl a ele auloisee a recevoir, en quulitc de
pensionnaires, de jeunes personnes n'ayant pas aLteint Page fixe par les
reglenienls. Sculement des precaulions ont ete prises pour quo Tadniis-
sion des jeunes fdles de 13 a 14 ans ne fit point perdre a I'ecole son
caraclere distinctif et special : r Ne seront revues que les eleves qui de-
sirenl conquerir le brevet de capacite , el se livrer a renseignement ;
2' les admissions n'ont lieu que sur I'autorisation du Recteur, et sur la
production des pieces exigees des aspiranles ayant allcint Page normal;
3° les eleves dont il s'agil n'enlrenl a I'ecole qu'en qualile de pension-
naires libres, el ne peuvcnl oblenir de bourses ou de Iraclions do bourses
avanl I'age fixe par les reglements ; 4" enlin le montant de la pension est
verse, comme les sommcs payees par les eleves ordinaires, dans la caissc
du receveur general du departenient.
ECOLES NORMALES D^INSTlTLTPtrCES. 517
La sceonde annee, les seminarisiinnen ne s'occupent que do
cetteparlie derenseignemcnt qu'on pent appeler siiporieur;
ct presque toiitle temps est consnere aux exercices praliquos
dela dii-ection d'uneecole. Ces exercices ont lien, soil dans la
classe inferieure et dans la classe raoyenne annoxees au sniii-
naire, soil dans I'ecole gratiiile. Dans les premieres, les elevcs-
insli til trices fonctionnent sous le regard et sons le con ti 61c
des maltresses ; dans I'ecole grutnite, elles sont laissees a elles-
memes, sous leur propre responsabilite.
A parties objets d'etudes plus Iiaut enonces, le cours des
deux ans comprcnd des lemons speciales sur le but et I'essence
meme do I'eJucation, et pour employer le mot technique,
sur la pedagogic: on n'a pas pcur de cette science dans la pa-
trie et sous rinspiration d'Overbcrg.
II n'est pas necessaire, en elfet, d'avoir assists i) pi as de
deux ou trois des legons donnees par M. I'abbe Gioning,
ins'pccieur de Tecole, et de madarae la dircctrice Bucholz,
pour pe convaincre que I'enseignement, a Tecole noimnle de
Miinster, aiijourd'liui encore est vivilie parce preceple d'O-
verberg : a que le coeur conlrole toujours les lemons qui s'a-
drrssent a I'esprit. »
Rollin a ecrit ces lignes : « La loi, quand eile est seule, est
une mailresse dure et impeiicuse...; I'education estunemai-
tresse douce et insinnante, ennemie de la violence et de la
contrainle, qui ri'aime an'agir que par voie de persuasion, qui
s'applique a fairegouter ses instructions en parlant toujours
raison etverite, etqui ne lend qu'a rendre la vertu plus fa-
cile en la rendnnt plus aimable. Scs lecons, passant de la mc-
moire et de I'esprit dans lecoeur,s'imprimentdansles ma?urs
par la pratique et I'habituif^, et font, aupres de cclai qui les
reQoit, dans presque toute la suite de la aIc, la function d'lin
Icgislateur lonj' ;:is |ir<!'£crit, qui, dans cbaque occasion, liii
monti'c son devoii ( ! ieluifait pratiquer. »
548 TROISIEME PARTIE.
Ceslignes semblent le resume dii systeme applique ilans
I'ecole normale d'inslitutrices de Miinster.
L6 but que se proposent M. I'abbe Groning et madame
la directrice est celui-ci : Former des institutrices qui en-
visagent, avant tout, renseignement comme le raoyen le
plusefficace de perpetucr dans la faraille I'attachemcnt a la
verileet a la pratique de la vertu cbretiennes-, qui, sous Tin-
fluence habituelle de cetle pensee, considerent Ics fonctions
auxquelles elles sont appelees non comme une Industrie niais
comme une mission ; qui soient resolues, pour raccoraplisse-
ment de cette mission, a puiscr leiirs inspirations dans ce
seul sentiment, le devoir; et a faire aboutir tout cnseigne-
ment a cette conclusion dcrnicro, la foi. Un tel butclant pose,
on ne s'etonne pas de voir les chefs de I'ecole se montrer
Ires dilficiles sur les condilions de radmission. Une de ces
conditions essenlielles est la recommandalion expresseet se-
rieusement motivee des cures sur les paroisses dcsquels ont
demeure les aspirantes. Une fois inscrites au nombre des se-
rainaristes, les futures institutrices apprennent a meler a clia-
cun des exercices, a cbacune des lemons recues et donnees, les
inspirations de la pensee religieusc. Non pas qu'un regime se-
vere donne & I'ecole normale la sombre pbysionomie d'un
cloitre ; tant s'en faut : les el^ves assurement jouissent d'une
liberie plus grande que les eleves de nos ecoles normales
fran^aises. A voir les eleves maitresses se rendre, deux fois la
journee, de la maison paterneile a I'ecole, et de I'ecole a la
maison paterneile; a les voir traverser chaque matin, seules
ou groupees a leur guise, la place qui separe I'ecole normale de
la calhedrale, il semble que la eonfiance des directiices dans
les eleves puisse effacer, sans peril, les lois vulgaires de la
discipline. Bien done qu'un babillement uniforme remplacc,
j)Our les Seminaristinnen de Miinster, les recbercbcs d'une
ECOLES NORMALES d''i1NSTITUTRICES. S'I 9
iiiise elegante, I'eeole, on le voit, n'a pas les allures d'lin con-
vent.
Mais, d'abord, line instruction rcligicuse propreraent dite
est faite chaqiie jour par I'inspecteur de Tecole. Ensuite,
dans les legnns d'liistoire, dans les explications des prin-
eipaux pht'-nonienes de la nature, les unes et les autres
donnees par M. I'abbe Groning , I'idee de la Providence,
I'ideede la sagesse etdela toute-puissance divines, sont, a clia-
que instant, invoquees comme les fils conducfeurs de Tintel-
iigence humaine a travers les tenehres qui Tenveloppent.
L'liistoire, sous la parole de M. I'abbe Groning, n'est pas une
suite de fails et de dates : elle est, avant tout, ce qu'elle doit
etre dans les ecoles norraales, a plus forte raison, dans les
('coles e'ementaires, nn veritable eours de morale pratique ;
et, a ee point (le vue, il fautl'avouer, nul, plus pcrtinemment
que le pi etre, ne pent adapter I'histoirc gen(3rale aux exigences
(lerenseignement primaire, ettirer, avec plus de proflt prati-
que, de la s(^rie des fails leurs vi^ritables enseignements.
Les seminaristes, je I'ai dit, apprennent a peu pres tout ce
qu'elles sont appek'cs a enseigner, dans la classe la piusele-
vee do I't^cole superieure annexe; c'est-a-dire que le travail
est en quclque sorte commun avcc de jcunes filles de douze,
treize et quatorzeans^ : fait anormal, il faut en convenir.
" No craint-on pas, deninndai-je aux directrices, qu'nn tel
1. Je dois fairo connailre ici TcMnploi do la journce pour les S(!'inina-
risles : Lever a 5 heures. De 5 heiires 1/2 a 6 heures, meditalion en com-
iinin avec les trois directrices. — Dejeuner a 8 heures ; mrssc que les c-le-
ves vont entendre a la calhedrale. — Apres la messe, elude de la religion
pendant trois quarts d'heuro.— Do 9 heures 1/4 a mifli, lcco:;s ordinaires.
— A midi 1/2, diner, recre;ition, puis preparation a la reprise du travail.
— A 2 heures, travaux de Tecole jusqu'a 5 heures, avec un quart d'heuro
de ropes a 4 heures. — Le mardi et le jeudi, point de travail d'ecolc. Les
apres-midi sont consacrees, en dehors des instants dunnos aux exerciccs
cor[»orels, a des logons de pedagogic, aux eludes de piano, do chant. —
520
TROISIEME PARTIE.
systeme iie fasse obstacle au developpement des etudes, et
qn'il n'impose aiix csprits, par son application memo,
des entraves trop etroites? — « Les lemons speciales de pe-
dagogie, me repondait-on, elargissent rtiorizon intelleclud
des seminarisles. C'est dans ces lemons qn'elles se sen tent ve-
ritablement inslitulrices; mais poiirce qui est de Tensoigne-
A 7 lieurps, soiipcr, recreation jusqu'ci 8 lieures; a 9 heures, priere avcc
les directrices.
Voici mi intcnant le programme des etudes de la premiere classe de
recole superieiire annexee a Tecole normale, etudes a I'ensemble des-
quelles prennent part loutes les seminaristes de premiere annee :
Do
8h. i/:f
9 h. l/'f
De
9 h. 1/4
h
10 li.
De
ID ll. 1/4
a
lib.
De
11 h.
a
111 i d i .
De
2 h.
a
3 h. 1/4
De
3h.l/4
a
4 11.1/4
Calcul.
De
4h.l/4
a
5 h.
LUNDI.
Religion.
I.angiic
allcmaiu!'*.
I.rClull'.
Ilslolrc
It
giouiapliic.
Travail
a
I'aiguille '.
Fi aiicaia.
IMARDI.
Religion.
Exercicc
coniijosiilons.
Ilistoiie
et
gi-ogiapliie.
Dcssin.
Pi da .
gcgiv.
MEnr.REDI.
PiPllpI Ml.
Ia ctitre.
Idem.
Cliaiit.
Travail
a
I'.iigiiille.
Calciil.
Fr:iiicais.
JF.rDI.
Ili-liginn.
Exercice
de
coniposllif ns.
Ilislnlie
iiatuiLllf.
Ca!llgrai,liic.
Travail
a
I'a'guillu.
p.- da
g.lgir.
VESDREDI.
Relipioil.
r.angue
.'illi'maiide.
Ili.stoiic
It
geogiapliie.
f.haiil.
Travail
a
raiguillc.
Calcul.
Fraii(;alf.
SAMEDI.
ric-lgion.
Eiercicc
dc
coinpositlons.
Mallu'ina-
tiinic.
Gcograpliie.
Dessiii.
Calcul.
* Pendant cc Iravail, on fait repasser aux eleves I'hisloirc rainle, en lour
adressant des questions. — Tout exercice oral est accompagne d'un Iravail nia-
nuc'l. Ccttc exccllonle pratique, qui devrait etre univeiscllc dans les ccolcs de
jeiMics fillcs, est inise eu usage avcc un grand ]irofit jtar M. le docleur Raiicr,
dun? son iniercssanl institui des jeunes aveugles.
ECOLES NORMALES D mSTITUTRICES. ' 52^
raent technique., ct des notions positives, croyez-noiis, lo
systeme est bou. I! a deux avanlages : d'abord , il conlraint
les futures institu trices a n'admettre que des idees claires,
nettes, simples, point obscurcies par Tauibition du langage;
en meme temps, il les habitue a tout reporter, dans leurs
eludes personnelles, au but reel de ces etudes, c'est-a-dire a
renseigneraent de Ires jeunes esprits.» Que de lelles consi-
derations aient une serieuse valeur, on ne peut le nier, et
d'excellents resultats le prouvent; raais elles supposent, on
le voit, nn enseignement pedagogique dont le caractere eieve
puisse maintenir des esprils deja nuirs a ce niveau moral
dont, sous peine d'amoindrissement, iis ne doivent point dos-
cendre. Si, par une heureusecombinaison, on peut, a la sim-
plicite de I'enseignement pratique, unir ainsi I'elevationde la
pensee, assurement un difficile probleme est resolu.
Dans le plan primitif, les seminaristes ne devaient point
prendre part a I'elude de la langue fran^aise; mais beau-
coup de jeunes fiUes, en entrant a I'ecole norraale, posse-
daient deja quelques notions de notre langue. On a juge bon
d'utiliser, dans le seminaire, les faibles elements qu'un grand
norabre d'institutrices futures apportaient, sans tropy penser,
du foyer domestique. On s'est dit, chose remarquable dans
un inslitut de raaitresses d'ecole, que la connaissance d'une
langue etrangere elait favorable au dtiveloppement de I'inlel-
ligence, et Ton a inscrit la langue frau^aise au nombre des ob-
jets d'etude obligatoires. — Un autre motif a fait adopter ce
parti : une fois a la tete d'une ecole, bcaucoup d'inslilulrices
donnentdes leeons parliculicrcs. Or, toute education distin-
guee, au dela du Rhin ,' suppose necessairement I'etude du
fran^ais; non pas cette etude vague et superficielle qui pei-
raet , en faisant a coups de dictioniiaire le siege de chaque
phrase, de conquerir lant bien que mal le sens general d'un
ouvrage; mais une etude serieuse et complete, aprcs laquelle
21
322 TROISIEME PARTIE.
on parle et Ton ecrit la langue etrangere qu'on a rendue
sienoe. La langue frangaise, pour la plupart ties institutrices
allemandes, est done un instrument tres utile. Celles qui sor-
tent de I'ecole normale de Miinster, sont en etat, plus ou raoins,
de manier ce delicat instrument.
Sur cinquante seminaristinnen, seize seulement sont pen-
sionnaires; les antres habitent la maison paternelle, on, si
elles sont etrangeres a la ville, vivent au milieu de families
amies, sous des conditions determinees par la directrice de
I'ecole.
Cette couturae est analogue a I'usage adopte paries direc-
teurs de la grande institution de Gray's inn road, a Loudres ;
et, dans I'ecole normale de 3Iiinster comme dans les ecoles
anglaises de la National Society , le principal ressort de la dis-
cipline est le sentiment de la dignite personnelle.
Cette education en quelqne sorte de famille atteint, — les
fails le prouvent, — le but que poursuit le devouement qui la
donne. Elle devient reellement, selon cette belle parole de
Rollin, « le legislateur toujours present qui montre le devoir
et le fait praliquer. » Plienomene remarquable : d'apres un
usage que ks moeurs consacrent sans que la loi I'impose en
aucune sorte, les institutrices, dans la province de Miinster,
restent vouees au celibat, tant que, plac^es a la tele d'une
ecole, elles sont chargees des fonclions de Tenseignemont; on
n'y admet pas que les devoirs dela mere de famille puissent se
concilier, avec les obligations de I'institutrice. L'insfitutrice
vient-elle a se marier? Elle abdique par le fait meme les fonc-
tions dont elle avait assume I'exercice. Je nejugepasici un
tel usage ; je le constate.
Eh bien ! dans les conditions difficiles ou elles se trouvent
les anciennes eleves de I'ecole normale de Miinster ont de-
fie, jusqu'a cejour, lesatteintes de la malignile. Elles jouisscnt
en Weslplialie et dans les provinces rbenanes, d'une reputa-
ECOLES NORM ALES d'iNSTITUTRICES. 525
tion a la puretedelaqiielle n'ont pas manque d'eclatants te-
iiioigDagcs. « Jeconnais le corps des institutrices de la pro-
vince de MiiQster, disalt en 1848, a la tribune du parlement
de Francfort, Ms^ I'eveque de Mayence < ; et tons ceux qui
le conoaissent comme moi lui rendront temoignage : la mo-
ralile de ces institutrices est si elevee que nulle critique ni
soupQon ne sauraient les atteindre. »
La vue du bien opere dans les provinces rhenanes par
Tecole normale catholique deMiinster a naturellement excite,
dans I'esprit de radminislration superieure de Berlin, le desir
d'assurer un avantage analogue aux provinces protestantes de
Priisse.
Un seminaire d'inslitutrices aete cree tout recemmentdans
la Regence de Mersebourg, a Droyssig.
Nous ne pouvons, en ce qui concerne cet etabllssement, que
citer, en I'abregeant, la circulaire suivante adressee aux au-
torites scolaires par le ministre de Finstruction publique, a
la date du 26 ma i 1854.
« L'ecole normale de Droyssig est destinee a fournir des
maitresses a toutes les provinces de la monarchic. La diireo
du cours est de deux ans. Le personnel enseignant se com-
pose : d'un directeur, d'un rnailre etd'une maitresse en pre-
mier, d'un mailre adjoint et d'uue mailrcsse adjointe. Le but
de I'etablissement « est de former des institutrices chretiennos
pour les ecoleselenientaires el les ecoles bourgeoises, d'apres
les principes de la doctrine evangelique; ces institutrices, a
la sortie, doiventetre en etat de dispenser une instruction et
une education chretiennes. »
«L'enseignomentembrasse toutes les matieres applicablesa
1. Ms' Von Kelleler.— Discours en rt^ponsc a I'cxpose des_ motifs do
M. Paiir de Neisse.
524 TROISIEME PARTIE.
reJiicalion des ferames, y comprlsles travaux a raiguilleetia
pratique du gonverneraeDt economiqiie d'une maisoii, L'eUide
de la langiie fran^aise y est prescrile.
« A cet etablissement doit etre annexe un inslitiit pour la
formation de gouvernantes, de maitresses pour les ecoles de
jeunes filles d'uc rang eleve. Outre I'inslruction religieuse ct
pedagogique, on y fera des etudes plus avancees, notnmment
on y acquerra un usage farailier de la langue fran^aise et de
Tanglais, et la pratique de la science musicaie. Les eleves
de I'ecole normale, apres leurs deux annees d'elude, pourront
etre admises a I'institut.
« Le regime de I'ecole normale repose sur le fondement de
la parole de Dieu, et est dirige dans I'esprit d'une coramunaule
chreticnne.
a Pour etre admise, les conditions d'etude indispensabies
sont : une intelligence suffisante de la doctrine chreticnne,
d'apres le catechisme et TEcriture sainte; une connais-
sance facile des principaux traits de I'Ancien Testament;
I'usage des chants religieux le plus en usage. — II faut de
plus : lire correctemenl ; pouvoir rendre compte avec jus-
tesse du morceau qu'on vient de lire, de vive voix et par
ecrit, sans faire Irop de fautes contre la langue; avoir la pra-
tique des quatre regies; connaitre ce qu'on apprend d'histoire
nationaleetd'histoire nalurelledans la classesuperieure d'une
bonne ecole primaire; savoir tricoter, racommoder el coudre;
possedcr les premiers elements de la laugue franyaise, du
piano, du chant et du dessin. »
En parlant des ecoles normales d'iiistitutricos de Miinsler
etde Droyssig, nous avons voulu faire connaitre le mouvc-
menl qui se produit, a 1 hcure qu'il est, au delii du Rhiii; I
nous n'avons point prctendu y chcrcher des exemples pour la
France.
ECOLES INOIIMALES u'liNSTlTUTlllGES. 525
En ce qui est des etablissements destines a renseignement
dcs filles, la France n'a cartes rien a envier a I'Allemagne.
Tandis que les maitresses raanquent presque partout, de
I'autre cote du Rhin, la France recrute incessarament les 1ns-
titutrices de ses jeunes filles pauvres a une double et inepuisa-
ble source: d'un cote les congregations religieuses, de I'autre,
les dix ecoles normales et les vingt-six cours nonnaux sem6s
^a et la sur toute I'etendue de son territoire, pourvoient avec
prodigalite aux besoins que developpe chaque jour le sentiment
dcs interets moraux. Des membres de ces saintes associations
que le calbolicisme ne cesse de peupler de victimes volontai-
res, president a la direction de la majorite de nos ecoles nor-
males d'institut^ices^ ; et la France, avec un legitime or-
giieil, peut entendre I'Angleterre et I'Allemagne protestanles
repeter cet aveu d'une inferiorile qui a conscience d'elle-
meme :
« Nous avons besoin de maitresses qui chargent leurs epau-
les d'un rude fardeau ; qui ne regretlent la depense ni de leur
temps, ni de leurs forces, ni le sacrifice de leur comfort; qui
dansl'esprit du Christ, accomplissent roeuvre du Christ; qui
ne comptent pour rien ni leurs aises ni leurs vies; qui, apres
I'entiere immolation d'elks-memes, soient encore humiliees
de leur lachete, et s'ecrient : Nous sommcs des servanles
inutilesl^j
1. Sur dix ecoles normales d'institutrices, sept sont dirigees par des
religieuses; treize cours normaux, sur vingt-six, sont egalement confies
aux membres des diverses associations.
2. Manual report of the ragged School-Union (1850).
OUATRIEME PARTIE.
CONCLUSIONS.
QUATRIEME PARTIE.
CONCLUSIONS.
Nous avons envisage la question de TinslrucUon priiuaire
sous scs faces les plus larges, et dans ses rapports les plus
generaux. A la luraiere des fails, nous avons sonde les bases
sur lesquelles repose, au dela du Rliin, tout le systeme de
I'education populaire.
Situation morale des ecoles, role de I'Etat dans la direc-
tion de Tenseignement, action de I'Eglisc, influence de la
science pedagogique, inspection, obligation legale, ecoles
normales d'instituteurs et d'insti tutrices, tendances et resul-
tats de I'enseignement : a ces points principaux se rattachent
les idees et les fails dont renchainement conslitue, dans
son unite , le difficile probleme que nous nous proposions
d'etudier.
II importe de degager maintenant les resultals pratiques
des observations poursuivies, en vue de la France, dans les
differenls pays de rAllemagne du nord. II est temps, en resu-
mantce long travail, de presenter nos conclusions.
Ces conclusions, d'apres le caractere meme de nos etudes,
seront d'une double nature : partieulieres et generales. Les
premieres doivent porter sur chacunc des parlies du vasle
sysleme dont nous venons d'explorer rensemble.
Section. 1. — ficolos normales primaircs.
1 . — Assurer le recrulement facile et abondanl des eleves-
muitrcs; et, dans cebut, prendre des mcsures lelles-, que lu
530 QUATRIEME rARTIE.
presqne totalile des futiirs inslituteurs soit interesseea vcDir
frapper a la porte des ecoles normales. A ce prix sciile-
ment, il sera possible de se raontrer tres severe sur les con-
ditions d'adraission : en France comme en Allemagne, cette
severiteestia garantieque Tin teretdelenseigneinent reclame,
et, qu'au point devue scolaire comme au point de vue moral,
impose le sentiment d'un grand devoir public.
Or, il faut bien ledire: il semble que I'organisation ac-
tuelle ait precisement pour but, sinon de rendre le recrule-
ment des ecoles normales impossible, du raoins de ne per-
mettre de I'accomplir que dans des conditions detestables.
C'est a dix-huit ans, que les aspirants peuvent etre admis a
I'ecole; mais c'est a dix-huit ans aussi, qu'il est permis a un
candidal quelconque, et pour employer le seul mot qui ex-
prime ici notre pensee, au premier venu, de se presenter
devant les commissions d'examen.
A quoi bon, des lors, accepter la vie auslere et laborieuse
de I'ecole? D'un cote, liberie complete, absence de controle,
vie independante du dehors; de I'autre, reclusion prolongee,
surveillance continuelle , joug de la discipline, epreuves mul-
tipliees, et tout cela, pour se trouver en retard de trois annees
sur le concurrent aventureux que le hasard d'un examen
aura mis tout a coup en possession du brevet. « Dans I'elat
actuel des choses, » a ecrit un honorable direcleur d'ecole
normale*, un homme dont I'experience pratique pent etre
invoqueeabon droit en pareille niatiere, « etre admis dans
uneecole normale, apres une enquete severe, y passer trois
annees d'une vie en quelque sorte cenobitique, y depenser
souvent le peu que Ton possede, y 6tre surveille, examine,
apprecie, note, ne pouvoir se presenter a Texamen qu'a 21
1. M. Malgras, aujourd'hui inspecleur d'academie, dans le Rapport du
conseil academique des Yosges, pour 1853.
CONCLUSIONS. 551
ans, etcourir apres cela le risque de ne pouvoir obtcnir Ic
brevet etdese voir fermer la carriere de renseignemcnt, si
les notes finales presentent qnelque doiite : autant de charges
dont se trouvent compl^lement exoneres tons les etrangers
a ces etablissements... » Operer le recriiteraent des eleves-
raaitres en de telles conditions, n'est-ce point ouvrir la porte
d'une main et la fermer de I'autre? Gralificr d'avantages
eganx, disons plus, exempter de mille garanties perilleuses
et des ennuis d'une longue altente les jeunes instituteurs
qui se preparent a Texamen, en dehors des ecoles normales,
etdanstoute I'independance de la vie d'etudiants, n'est-ce
pas a plaisir faire le vide dans ces ecoles, et les soumettre, si
je puis ainsi dire, a Taction permanente d'une sorte de ma-
chine pneumatique ^ ?
Les ecoles normales sont-elles une institution necessairc?
L'Angleterre et I'Allemagne repondent ici comme la France ;
1 . Nous trouvons, avec une vive satisfaction, apres avoir ecrit ces lignes,
la deliberation qui suit du conseil general du Haut-Rhin (1854.):
« Gonsiderant que les ecoles normales reorganisees d'apres les bases
arr^lees par le Reglement general de 1851 offrent, outre les garanties de
moralite, celles de cette instruction et de cette education pratiques et
simples qui peuvent seules former de bons et utiles instituteurs;
-Gonsiderant que Tart. 1 6 du Reglement general precite, en fixantl'age
de 18 ans pour Tadmission des eleves dans les Ecoles normales, menace
les Ecoles dans leur existence m^me, parce que la loi permet a un jeune
homme de se presenter, a 18 ans, aux examens, et d'obtenir le brevet de
capacite, ce qui le met a m^me d'etre place comme instituteur adjoint;
que, dans cette situation, il est evident que le jeune homme qui, a 18 ans,
pent conquerir cet avantage, ne consentira pas, an prix d'un sacrifice do
temps et d'argent, a entrer dans une Ecole normale, pour y rester trois
ans, et qu'ainsi le petit nombre des aspirants restreindrait de plus en
plus les garanties du choix, au detriment du recrutemenl et de la pros-
perite des ecoles normales, menacees de s'eteindre faute d'eleves;
"Le Conseil general emet le vceu que le gouvernement modifie le Re-
glement du 2f mars 1851, en abaissant a 16 ans Tage d'admission, on
fasse inlroduire une moditication qui elcve a 20 ans fage auquel on pout
se presenter aux examens de capacite."
552 QDATUIEME I'AllTlt:.
et ce doiite, aiijourd'hui, est moins permis que jamais <. Or,
le principe une fois pos6, il en faut tirer les consequences;
et, nous le repetons, si Ton ouvre la porte d'une main, il
est desirable qu'on nesemble point s'ingenier a la ferraer de
I'autre.
« Toutes les garan lies, ecrivait encore I'lionorable dircc-
teur que nous citions plus haut, toutes les exigences de la
regie dans les ecoles normales sont excellentes en elles~me-
mes ; elles pourraient etre plus serieuses, plus severes encore;
niais il faudrait une compensation. »
Quelle devrait etre cette compensation? Elle resulterait de
1. Dans les instructions adressees recemment aux pr^fets (31 octobrc
1854) le niinistre s'exprini!^ ainsi :
« II est incontestable que le regime simple et grave des ecoles normales
est infitiiment preferable, pour les maitres futurs, a la vie independanlo
et dissipee du dehors; que, pour former des instituteurs dignes de ce
nom, des mattres capables d'entretenir dans I'ame des enfants confies a
leurs soins le sentiment de leur dignile d'hommes et de Chretiens, ce n'est
pastrop d'un si^jour de deux ou trois annees dans un etablissement special
dont le but est de developper les bons instincts en cultivant les vocations.
Reclamees par la dignite autant que par les exigences du recrutement du
corps enseignant, les ecoles normales ont, d'ailleurs, ete considerablement
amelioreesdansleur regime, aussibienque dans leurs etudes, par le decret
du 24 mars [851. Ne vous relfichez done en rien de ce qui peut contri-
buer au perfectionnement de I'enseignement laique. Pour repondre aux
personnes qui, touchees de I'excellente education donnee par les ecoles
des freres, regarderaient encore les ecoles normales primaires comme un
obstacle a la propagation de ces etablissements, il sufEt de faire observer
que, maigre les efforts faits depuis plus de quarante ans, malgre tous les
encouragements de I'fitat, qui a activement seconde leur developpement,
les congregations religieuses dirigent a peine 1,700 ecoles publiques ou
libres sur les 43,000 ecoles qui existent en ce moment en France. Ces
chiffres diront sufiisamment combien le Gouvernement doit avoir a coeur
de maintenir un systcme qui, en assurant I'amelioration graduelle des
ecoles laiques, permet aux bons instituteurs de compter sur une cgale
estime, sur une egale protection de la part de I'^lat.
• II y a done un interet social du premier ordre a ce que les ecoles nor-
males ne cessent point de preparer do sages instituteurs."
CONCLUSIONS. 555
la mcsure qui eleverait de 18 y 50 ans I'age d'admission
aux examens dii brevet de capacite.
CeUe mesiire aurait ce double resultat : \° Elle ne laissei'ait
aux candidats du dehors que I'avantage d'une annee seule-
racnt sur les eleves de I'ecole rtormale ^; 2° elle permettrait a
ceux dcs eleves-roaitres a qui una dispense d'age aurait
ouvert I'entree de I'ecoie avant I'age de 18 ans, de se pre-
senter a I'exaraen en meme Icmps que les aspirants etrangers.
Tout au plus, on le voit, elle ne ferait que retablir Tegalile.
Ces eleves-mailres pourraient des lors profiler du benefice
de I'art. l^"" du decret du 51 decembrc 1855 -, et commencer,
avant leur 2P annee, dans une eeole cominunale, en vertu
d'une nomination provisoire, leur carriere A" insiituteur sup-
2^Jeani,
Nous ne dcmandons pas qn'en France comrao en Allemaizne
le litre d'eleve d'une ecole normale soil une raison absolue de
1. Le cours normal durant trois annees, les eleves-maitres no peu-
vent se presenter a Texanien qu'a I'expiration de leur vinglieme annee.
2. On pourrait proposer, au lieud'elever I'age exige pour I'esamen, d'a-
baisser celui de Tadmission a I'licole nornialo. Ce systeme preseiiterait
I'avantage d'abreger le lamps qui s'ecoule entre la sortie de I'ecole pri-
maire et I'entree dans la carriere; de preserver, par consequent, confre
les entratnements d'une vie d'etudiant ou d'ouvricr, des vocations mal
affermies. Mais cet avantage serait compcnse par de serieux inconve-
nients. Nul ne pouvant Sire nomme inslituteur avanl I'age de 21 ans, que
ferait-on, jusqu'au moment oii ils auraient atleint ccl ilge, do jeunes mal-
Ires sortis de I'ecole a 19 ans? — Duns quelques deparlements, plusieurs
trouveraient, je le sais, des postes de mallres adjoints. Mais ces postes
sont rares ; et de telles fonctions ne pourraient, en definitive, 6tre confines
qu'a un tres petit nombre de candidats. Reslerait done, pour la pUiparl, le
peril de deux annees de loisir sans but et de liberie sans contrepoids.
Hatons-nous d'ajouler, au surplus, quo Page dc I'enlree dans I'ecole
normale se trouvo abaisse par le fait. L'adminislration superieure, dans
rinleret deces etablissemcnts, n'hesile pas a accordcr des dispenses, loutes
les fois que les antecedents des candidats permellent aux autorites sco-
laires d'appuyer les demandcs d'un avis favorable.
554 QUATRIEME PART IE.
preference sur tout instituteur etraoger a I'ecole ; nous n'in-
voquons pas cle privilege.
Mais retablir I'egalile et soustraire des elablissements siib-
venlionnes par les departements et I'Etat aux consequences
inevitables d'une inferiorite sans motifs, nous parait du de-
voir d'une administration prevoyante, comrae d'un interet
capital pour I'enseignement public.
II. — Le recruteraent des eleves-maitres une fois assure,
n'ouvrir la porte des ecoles norraalesqu'a des jeunes gens
en etat de juslifler d'une preparation suffisanle: a lous les
points de vue, il imporle de raainteuir la superiorite des
instituteurs sortis des etablissements de I'Etat sur les institu-
teurs formes au dehors.
En France, comrae en Allemagne, comme en Angleterre ,
il faut se montrerd'une severite rigoureuse sur les conditions
moiales d'admission.
Mais, ces garanties premieres et fondamenlales obtenues,
rinterel evident des ecoles normales et de i'enseignement
en general exige qu'il soit tenu compte de V aptitude. La preuve
de capacite technique , pour I'entree a I'ecole, veul etre rcje-
tee sur le second plan, mais, nous ne cesserons de le dire*, elle
pent et doit subsister.
Le reglement de 1851 a supprime le concoz^rs. 11 faut ap-
plaudir a cette suppression : le concours presente ce vice
capital, de laisser beaucoup au hasard, de creer des droits
souvcnt mal fondes, de donner le succes d'un moment pour
aliment a la vanile : inconvenienls qu'on ne saurait pallier,
quand il s'agit de modestes eleves d'une ecole normale pri-
maire. Mais le reglement du meme coup a supprime Vexamen:
voila ce que condamnent tout ensemble et les resultatsdel'ex-
perience et les simples donnees du bon sens.
1. Voy. de la lot del' Enseignement, p. 271; et de V Instruction primaire
en Angleterre, p. Hi).
I
coNCLUsroMs, 335
Leseffets de la suppression dc I'examen se trabissent par-
tout, arheureqiril est.
Parmi les eleves-maitres adrais depuis I'applicatioa dii
reglemeni de 48ol, beaiieoup, en raison d'lin manque absolu
d'aptitude, ont du quiller I'ecole, aptes un an de sejour dans
letablissement. Les sacrifices du departement et de I'fitat ont
done, pour eux, ete faits en pure perte; d'autres, en plus grand
nombre, se trainent jusqu'a I'examen ; mais avec quelle dilfi-
culleetdans quel elat d'impuissance honleuse, les directeurs
le saveul^
1. Ces lignes etaient ecriles avant la publication de la Circulaire mi-
nislerielle du 2 fevrier 1855. Celte circulaire donne raison aux observa-
tions analogues que nous avions deja formuiees dans deux publications
precedentes. EUe aura pour resultat, nous en sommes convaincus, de ren-
dre une vie nouvelle aux ecoles normales primaires ; nous croyons devoir
les reproduire ici :
• Monsieur le Recteur, aux termes du reglement en date du 24 mars
1851, les candidals aux ecoles normales primaires ont diis'inscrire depuis
le 1*"" jusqu'au 15 Janvier. 11 vous appartient de rappeler a MM. les inspec-
teurs d'academies places sous vos ordres que le moment est venu oil ils
ont, conformement a Particle 17 du reglement precite, a se livrer aux en-
quetes dont le but est de mettre MM. les prefets en mesure de prononcer
sur Tadmission de chacun des aspirants.
« Suivant les prescriptions de I'arlicle qui vient d'etre rappele, I'en-
qu^te doit porter sur la conduite et sur les antecedents des candidats.
C'est assez faire entendre que Padmission des eleves-maitres ne doit
point resulter d'un concours.
« Co qu'il importe avant lout, c'est, en efi'et, de s'assurer de la bonne
conduite, des di.-posilions intimes, des garanties que, dans Tordre reli-
gicux et moral, le futur instituteur peut offrir a la sociele, et, pour tout
dire en un mot, de la vocation du candidal. Mais, vous le comprenez,
monsieur le rccleur, ces garanties fondamentales une fois donnees aux
families et a I'administration superieure, il est indispensable, et pour la
bonne renommee d'otablissements place's sous le patronage des pouvoirs
l)ublics, et dans I'interet general de I'enseignement, de n'admettre dans
les ecoles normales que des jeunes gens capables d'en suivre les cours.
« 11 serait tres faclieux (jue MM. les inspecteurs n'usassent pas des
moyens qui sont outre leurs mains pour arreter sur le seuil des ecoles nor-
males les ignoranls et les presompiueux. 11 pourrait arriver qu'apres un
556 QUATRIEME PAUTIE.
Nous ne proposons certes point I'adoption texliielle de
reglemenls etrangers. Pourtant, dans la praliqiie des ecoles
sejour de plusieurs niois, d'lin an peut-6lre a I'ecole, des eleves, en rai ■
son d'un manque absolu d'aplitude, se vissenv, obliges de quitter I'etablis-
sement. Les sacrifices du departement ou de I'litat auraient alors et6 faits
en pure perte. II pourrait arriver aussi que des eleves-maitres trop faci-
lement adniis fussent un obstacle insurmontable a la marche de condisci-
ples capables de profiler des Icgons, et rendissent ainsi impossible le do
veloppement des etudes. Si Ton veut qu'un cours porte des fruits, la
premiere condition est de n'y admettre que des elevos d'une force a peu
pres equivalente. Le succes d'un enseignement suppose, au point de de-
part, unc certaine egalite de connaissances acquises; sinon, quel sera le
lien des intelligences, et oil troiiver le terrain sur lequel pourront se ren-
contrer les esprits?
u Enfin, le niveau des etudes dans les ecoles normales etablissant pres-
que toujours, par la force meme des choses, le niveau des epreuves dans
les examens poar le brevet de capacite, on s'exposerait, en admettant des
eleves-maitres evidemment incapables, a faire descendre les examens
eux-mfimes au-dessous du degre auquel I'administration superieure a io
devoir de les maiiitenir.
" 11 importo beaucoup, monsieur le recleur, de ne pas se meprondre
sur la mission des ecoles normales. La t&che de ces etablissements n'est
pas d'initier de jeunes hommes tout a fait ignorants aux premiers ele-
ments des connaissances les pins elementaires ; c'est la le but des ecoles
piimnires. Elle n'est pas m^nifl, a proprement parler, de mettre des can-
didats debiles en etat d'affronter un examen; c'est la le role de repeti-
teurs vulgaires. La mission de I'ecole normale est plus haute : elle con-
siste a completer et a feconder les etudes premieres, et surtout, ainsi que
je le disais dans ma circulaire du 31 octobre dernier, a mettre les futurs
instituteurs en etat de communiquer ce qu'ils savent. 11 faut se penetrer
de ce principe que le but de I'ecole normale n'est pas, a vrai dire, la con- ,,
quete du brevet; le brevet pent 6tre obtenu par un candidal qui ne pos- )j
sederait pas les qualites les plus necessaires a un maltre de la jeunesse.
Ce qui fait le veritable institutcur, ce qui doit Hre I'objet special des ,1
etudes dans les ecoles normales, c'est la science pratique de I'education "
et I'art si difficile de diriger les esprits. Or, pour piu'venir a ce but, i!
fautpouvoiroperer sur un fond deja suffisnnt de connaissances premieres,
et consacrer ses soins a des applications ulterieures, au lieu de consumer
ses forces dans les steriles efforts d'un enseignement sans portee.
• Vous le voyez done, monsieur le recteur, si, pour I'admission des
eleves dans les ecoles normales, la condition de moralitc est la premiere,
CONCLUSIONS. 557
allemandes, il est, pour la question qui nous occupe, des
exeraples que, nous le croyons , il est bon de ne pas mecon-
naitre.
II faut rendre liommage au prineipe d'apres lequel ont ^(e
creees des section spreparatoiresousontadm is, a leursortiedes
classes primaires,les jeunesgens don tune vocation precoce at-
tire les regards vers les ecoles norraales. La est la solution com-
plete du probleme qu'il faut s'ef forcer de resoudre : conserver,
au benefice deTecolenormale, par une culture non interrora-
pue, I'instruction etl'education dispensees dans les ecoles ele-
mentaires. Ilserait facile dedonner le caractere d'institution
preparaloire aux ecoles d'applicalion annexees a presque tous
DOS etablissements normaux. Les jeunes gens de 14 et 15 ans
qui se destinent a I'enseignement pourraient, avec avanlage
elle ne dispense pas des autres. La condition de capacite vient sans doute
en second ordre ; mais il serait inadmissible qii'on n'en tint pas le compte
qu'elle merite.
0 Vous voudrez bien rappeler ce prineipe a MM. les inspecteurs d'aca-
demie places sous vos ordres. II importe que ces fonctionnaires fassent
porter I'enquete qu'ils sent charges de diriger, non-sculement sur les
dispositions morales des futurs eleves-maitres, mais aussi sur leur apti-
tude, et qu'ils s'informent, au moyen d'examens individuels, de I'etat de
I'instruction de cliacun descandidats.
« Les examens dont il s'agit devront constater a I'avenir :
« 1° Que le candidat lit et ecrit couramment;
• 2" Qu'il observe les regies principales de I'orthographe 5
« 3° Qu'il possede la pratique des quatre regies;
« 4* Qu'il peut repondre aux questions qui lui sont adressees sur le
catechisme el sur I'histoire sainte.
• Un certificat attestant que I'aspirant a subi cet examen, et signe de
I'inspecteur d'academie, sera joint aux pieces sur le vu desquelles doit
6tre prononcee Tadmission. L'application de la mesure prescrite par la
presente circulaire offrira d'autanl moins de difficultes que I'admission
des eleves-maitres ne doit avoir lieu que du V au 15 aout, et que, par
consequent, plus de six mois sont accordes aux inspecteurs d'academie
pour proceder aux examens dont il est question, soit par eux-ni6mes,
soit par Tin termedi aire de MM. les inspecteurs de Tinstruclion pri-
maire. •
22
558 QDATRIEME PARTIE.
pour eux-memes comme pour les jeunes eleves, exercer, dans
cesecoles annexes, les ionciions de moniteur ^ et y jouer, au
grand profit des etudes, le role qui est devolu aux pupil-tea-
chers dans les ecoles priraaires anglaises.
Independamment de ces sections preparatoires , I'usage
d'une sorte d'adoption morale d'un ou dequelques eleves de
I'ecole primaire par Tinstitiiteur ou le cure de la commune
ne saurait etre trop vivement encourage, line telle adoption,
en assurant, dans I'inleret de I'ecole normale, la conservation
des notions acquises, place les futurs eleves-maitres dans les
conditions les plus salutaires d'experience pratique et de disci-
pline morale.
III. — Reviser le programme des etudes dans les ecoles
Dormales , et distribuer les lemons de telle maniere que,
selon les termes d'instructions recentes, « les divers objets
d'enseignement ayant ete etudies dans les deux premieres an-
nees, la troisieme annee soil employee moins a acquerir de
nouvellesconnaissances qu'a fortifier lesconnaissances acqui-
ses, et surtout a mettre en oeuvre, par Tapplication et par les
exercices de I'ecole annexe, les principcs pedagogiques pulsus
dans les cours anterieurs* ».
Telle est la repartition actuelle des objets d'etude que, bien
loin d'avoir suivi I'idee qui vient d'etre enoncee, idee con-
forme tout ensemble aux regies du bon sens et aux donnees de
I'experience, il semble qu'on ait pris a tacbe de faire le vide
dans la partie du programme applicable aux deux premiers
cours, pour surcbarger au dela de toute mesure raisonnable
I'enseignement de la troisieme annee.
Cette faute etait, au reste, la consequence necessaire de la
suppression de tout examen d'admission. En effet, laissez pe-
1. Circulaire du 31 octobre auxRecleurs.
CONCLUSIONS. 550
netrer dans I'ecole norraale des jounes gens depoiirviis des con-
naissances les plus elementaires, force est bien de leur incul-
quer ces connaissances; et ce n'est pas trop de deux annees, a
coup siir, pour defricher ces espritsincuUes. Des lors, I'ecole
normale disparait pour faire place a I'ecole primaire; et pen-
dant deux annees, dans un etablissement qui avait pour mis-
sion de former des maitres, Tenseignement, est reduit a ces
termes : lecture, recitation, ecriture, langue fran^aise ,
calcul. Par une etrange compensation, les etudes qui, pour
laisser dans I'esprit autre chose que des mots , devraient
etre faites avec reflexion, et consequemment etre distribuees
entre les trois cours, se trouvent accumulees dans Tespact de
quelques mois. C'est dans la derniere annee que les eleves-
raaitres sont contraints de s'occupersimultanement : du calcul
applique aux operations pratiques, de physique, d'histoire na-
turelle, d'agriculture et d'horticulture, d'arpentage et de ni-
vellement, de dessin lineaire, de geographic et d'histoire!
II serait difficile d'attendre un resultat serieux d'etudes pour-
suivies en de semblables conditions ; et nous croyons ne point
nous tromper en affirmant que pas un directeur d'ecole nor-
male ne pent, en pratique , s'enfermer exactement dans le
cadre que le Reglement de 1851 impose a la repartition des
cours. En vain, dirait-on qu'on a preciseraent voulu dis-
poser le programme de telle sorte que, par la force meme
des choses, les etudes scientifiques des instituteurs futurs de-
meurassent circonscrites en des limites tres etroites. On se me-
prendrait etrangement, dans cette hypothese, sur le but qu'il
est desirable d'atteindre, et sur le danger qu'il iraporte d'evi-
ter. Nous ne voyons pas ce qu'on gagne, sousaucun rapport,
a rendre les etudes superficielles. Ce ne sont pas les choses
qui sont perilleuses, ce sont les mots; ce n'est pas la science
reelle qu'il faut craindre, c'est la demi-science. Or, dans
les conditions du reglement actuel , ce n'est certes pas la
540 QDATRIEME PARTIE.
science r^elle qu'il est possible de donner aux eleves-maitres.
Et de toutes les matieres qui, dans une sorte de tourbillon
scientifique, passent si rapidement sous leursyeux, que peut-
il rester, sinon une vaine et sterile nomenclature? An reste,
nous le disions ailleurs, et nous le repetons avec plus d'assu-
rance, apres avoir etudie les ^lablissements d'Angleterre et
d'Allemagne, le succes moral des ecolcs normales n'est pas
attache au plus ou raoinsd'etendue du programme : il depend
de la direction de I'enseignement. « Adressez-vous an sen-
timent qui est a la fois preservatif et remede, au sentiment
religicux; a la vanite ignorante ou savante, opposez cette L
conviction que Dieu faithonneur a I'homme en Tappclant a
developper les germes deposes dans les ames des plus petits;
faites jaillir de la source divine, avec I'humilite qui s'oublie,
le devouement qui s'immole; chargez de cette mission un di-
recteur habile; et, sur de tels fondements, elevez si haut qu'il
vous plaira I'edifice de la science; car alors, loin de menacer
la sociele, il la protege *. »
II faut done, des la premiere annee, faire participcr les
eleves-maitres aux differents objels d'etude, et repartir I'en-
seignement entre les trois annees, pioportionnellement a la
force progressive des cours. Tout autre plan n'est que Timpuis-
sance organisee; tout autre sysleme part d'un principe faux
et aboutit a une deception.
IV. — Retablir dans le programme des etudes normales,
sous un nom tres modeste, — principes d'educalion, tenue de
I'ecole, etc., — les parlies de I'enseignement pedagogique in-
dispensablcs pour la direction intelligente d'une classe.
Gomme tout, dans I'ecole normalo.doitaboutira la pratique,
il iraporte que cet enseignementait sou point de depart et son
1. De la loi de Venseignement, p. 241.
CONCLUSIONS. 544
application dans les exercices de i'ecole annexe. Cest la qu'il
trouvera tout a la fois une raison d'etre et une limite, iin point
d'appiii et un controle : des notions surlesraethodes,surretude
des caraeteres, sur les raoyens de discipline; des idees precises
sur I'education envisagee a un triple point de vue, education
physique, education intellectuelle, education morale, seront
naturellemeot presentees aux eleves, a mesurf> que ceux-ci
verront se developper les experiences de I'ecole annexe, les
UDs (les debutants) simples spectateurs, les autres (eleves de
troisieme an nee) appeles eux-memes a donner les lemons et a
diriger les exercices.
L'ecole annexe, on le voit, doit tenir une place essent-'elle
dans le systeme general des ecoles normales.
Apres la critique que nous avons presentee du role de la
science pedagogique en Allemagne, on ne se meprendra pas
sur le sens de nos conseils; et Ton devine aisement quel doit
etre, dans noire peusee, le caractere de I'enseignement peda-
gogique. La pedagogic, dans Tecole normale, n'est pas une
theorie vague et sterile, einprunlanta unephilosophieabstraite
les solutions qu'elle presente. Gomme I'enseigDement moral
lui-meme, elle a un principe : le dograe chretien; un but : la
direction de I'intelligence et de la volonte dans I'oeuvre de
I'education. C'est a ces conditions qu'elle pent former non de
petits rheleurs et des theoriciens, mais des horames penetres
du but pratique de leur mission ; c'est a ces conditions, d'un
autre cote, qu'elle pent faire sortir des ecoles normales non
des maitres depourvus de tout moyen d'influence morale et
reduits a I'elat de machines vivantes, mais des hommes vrai--
ment dignes de leur mission et du nom qui I'expriiue : instifu-
teurs.
V- — Constituer reguliereraent dans les ecoles normales
renseignement pratique de I'agriculture et particulicreiuent
542 QUATRIEME PARTIE.
de I'liorticulture. Les travaiix agricoles sont le moyen le plus
puissant d'attacher rinslituteur an sol de la commune, et de
i'entretenir dans ces habitudes desimplicite dont il convient
de ne le voir jamais se departir.
II pent etre difficile, je le sais, pour les ecoles norniales, de
reunir les conditions necessaires a I'elude pratique de I'agri-
culture proprement dite, conditions d'espace, conditions de
temps, conditions demateriaux ctd'instruments. Maisaucune
objection n'est a prevoir, si Ton se restreint a la culture des
planles potageres et des fleurs, a la taille des aibres fruitiers
et dela vigne, en nn mot, a rhorticulture et a I'arboriculture.
A toute ecoie primaire est ou doit etre annexe un jardin; et il
importe, a tous egards,que I'instituteur ait acquis les connais-
sances necessaires pour tirer parti des ressources que la com-
mune aura mises entre ses mains.
Une heure et demie pourrait etre consacree, par jour, dans
cliaque ecoie normale, aux travaux agricoles. Une heure serait
prise sur le temps beaucoup trop prolonge que Ton donne au-
jourd'hui a la recitation et a i'arithmetique; une demi-heure
serait iraputee sur les recreations : les soins du jardinage
constituent assurement pour les eleves-maitres le mode d'exer-
cice corporel le plus utile.
YI. — Rendre I'^tude de la musique obligatoire dans les
ecoles normales, cette etude comprenant la lecture, a cahier
ouvert, des morceaux de musique ordinaire et le plain-chant,
et en outre la pratique du piano et de I'orgue.
Imposer ces etudes dans les ecoles normales est le seul moyen
d'introduire un veritable enseignement musical dans les ecoles
elementaires, et par suite de rendre le gout de la musique
populaire au sein des classes laborieuses en France. A ce
prix seuleraent nos populations rurales pourront,dans I'ave-
nir, s'elever au degre de culture qu'ont atleint les popula-
CONCLUSIONS. 545
tions alleraandes. De I'autre cote du Rhin, pas une (3Cole de
village oil les elevesn'apprennent a lire I'ecriture musicale,
corame ils apprennent a epeler I'ecriture ordinaire; pas une
ecole ou le raaitre ne soil en etat de souteoir, par iin accom-
pagnement de piano ou d'orgue, le morceau a I'execution
duquel prennent part ions les eleves sans exception.
Les ecoles normales de Strasbourg et de Colraar presentent,
des aujourd'hui, sous ce rapport, les plus precieux exemples. II
ne s'agit a pen pres que d'etendre a toutes les ecoles normales
francjaisesTorganisation musicale de ces deux etablissements.
Section II. — Examen pour le brevet de capacity.
VII. — Composer les commissions chargees de conferer les
brevets, de telle fa^on que des tendances etrangeres aux inte-
rets de renseignement primaire ne puissent pas vicier le ^irin-
cipe de I'examen, et egarer la vocation des jeunes maitres. En
Allemagne, c'est a des directeurs et a des professeurs d'ecoles
normales que Ton confie le soin d'interroger les aspirants au
brevet decapacile. Toutes les questions posees par ces hommes
speciaux se rapportent naturellement et directement au but
que n'ont cesse de poursuivre les candidats; les membres des
jurys dontje parle cherchent assurement a constater la science
des aspirants, raais ils la conslatent en vue de I'appplicalion
qui en doit etre faite. Bien que les etudes des Ecoles nor-
males alleraandes soient plus fortes, on pent I'affirmer, que
celles des ecoles normales fran^aises; bien que le niveau des
exaraens soit evidemment plus eleve chez nos voisins, ces exa-
mens ont, chez eux, un caraclere essenliellement pratique. Ce
n'est pas a des theoricieus ni a des professeurs de lycee que
Ton confere le brevet, c'est a des instituteurs, a des maitres
d'ecole; et I'inleret pedagogiquc , dans la pensee des jurys
allemauils, domine tout autre interet.
544 QUATRIEME PARTIE.
II faut bien le reraarquer : ce n'est pas la difficulte des ques-
tions posees, c'est la nature de ces questions ou le but auquel
ellesconduisent qui determine le caractere d'un examen. Tel
maitre d'une ecole primaire pent etre beaucoup plus instruit
qu'un professeur d'ecoiesecondaire, etcependant veslev i7isti-
iuleiir. Combien d'instituteurs primaires sont infiniment su-
perieurs a tels et tels bacheliers! et pourtant il serait detesta-
ble que les examens pour le brevet de capacite fussent des
examens de baccalaureat au petit pied.
Onvoitdone combien il est important que les examens dont
11 s'agitconservent un caractere tout special. Or, tropsouvent,
il convient de le dire,apres de seches questions surla gram-
raaire, sur les mathematiques, sur la lettre du catechisme et
les faits de I'histoire, aucune autre question ne revele, de la
part des jurys, une intelligence reelle de la vocation des can-
didats. Rien sur I'usage des melhodes, sur la direction dune
ecole, sur la science pratique de Feducation; rien en un mot
sur ce qu'il faut pourtant considerer comme la partie vitale
del'examen^
1. L'insLruclion ministerielle du 8 niai 1855 a inaugure la r6fornie sur
ce point important; cette instruction doit etre reproduce ici :
« Monsieur le recteur, je me suis fait representer les proces-verbaux
des commissions chargees d'examiner les aspirants au brevet de capa-
cite pour I'enseignement primaire. J'ai pu constater que ces commissions
ont generalement fait preuve d'un grand zele, et qu'elles se sont montrees
animees du dosir de repondre a la confiance des conseils departementaux,
de qui elles tiennent leurs pouvoirs. Mais j'ai reconnu en meme temps
que le reglement du 15 fevrier 1853 n'a pas ete partout execute d'une
maniere uniforme. Ici, la severite a ete grande ; la, I'indulgence a etc
excessive; dans tel departement, on n'a pas attache a quelqiies epreuves
I'importance relative qu'elles doivent avoir; dans tel autre, on s'est appe-
santi outre mesure sur certaines parties de I'examen.
« Get etat de choses m'a demontre la necessite d'instructions speciales
qui fussent, en quelque sorte, le guide pratique des commissions. De la
direction que ces commissions donnent aux examens depend, en grande
partie, I'avenir de I'instruction primaire. Ce sont elles qui peuvent, tout
a la fois, elever cette instruction au niveau qu'ellc doit atteindre, et la
CONCLUSIONS. 545
Quellessont Ics consequences de ce fait : 1" Lcs candidats,
nalurellement conduits a diriger lours etudes en vue des ques-
renfernier dans les sages limites que la raison, d'accord avec la loi, lui
assigns. Je crois opporlim, en consequence, de passer en revue les di-
verses malieres sur lesquelles les candidats au brevet de capacite sont
interroges, en indiquant sommairement la pensee qui doit presider a cha-
que partie de I'examen, et les bases d'apres lesquelles les epreuves seront
jugcos desormais,
Caractbre general des examens.
«Les commissions ne doivent pas oublier qu'elles interrogent de fu-
furs insliluteurs ayant a prouver, non-seulcment qu'ils ont acquis cer-
laines connaissances, mais aussi et surLout qu'ils savent communiquer ce
qu'ils ont appris. La partie des examens ayant pour objet les melhodes
d'enseignement a ele retranchee du programme, en ce sens qu'elle ne
constitue plus une epreuve distincte; mais les questions portant sur la
maniere d'enseigner se rattachent nalurellement aux epreuves relatives a
chaque faculte.
Jugement des epreuves,
• Les commissions adopteront desormais un systeme de signes expri-
mant la valeur intrinseque de chacune des epreuves.
« Ces signes, mesure commune d'appreciation, seront les chiffres de 0
a 10. Tout candidal qui n'aura pas obtenu, pour les quatre epreuves
ecrites,uno moyenne de 20 points ne sera pas admis aux epreuves orales ;
La nullite d'une epreuve sera un cas absolu d'exclusion.
« Des points seront egalement donnes pour les epreuves orales, et le
brevet ne pourra etre accorde qu'a ceux des candidats qui, pour Tensem-
ble des epreuves, auront obtenu un minimum de 40 points, pour les aspi-
rants, et (en raison des travaux a I'aiguille) de 45, pour les aspirantes.
« II est a peine besoin d'ajouter qu'une meme severite doit presider a
I'appreciation des epreuves dans I'une et I'autre session, el qu'il ne pent
exister aucune raison , pour les juges, de se montrer moins exigeanls
dans la premiere que dans la seconde.
« A I'avenir, les rapports transmis a I'administration superieure mcn-
tionneront la moyenne des points obtenus par chacua des candidats.
Epreuves ecrites.
»Ecriture. — L'examen des copies d'ecriturs denote, chez presque tous
les candidats qui n'ont point passe par les ecoles normales, I'ignoranco
absoUie des principes. II n'cst pas etonnant, des lors, que renseignemenl
546 QUATRIEME PARTI E.
tionsauxquelles ils sont appelesa repondre, ne se preocciipent,
que d'une fa^on ties secondaire, de ce qui devrait elre I'objet
de I'ecriture laisse tant a desirer dans les ecoles; les mattres enseignent
au hasard , et d'apres de niauvaises methodes. U importe done que les
commissions jugent I'epreuve dont il s'agit plus severement que par le
passe.
« Le texte dont la transcription constitue cette epreuve ne doit jamais
fetre laisse au choix des candidats. II sera toujours dicte ou presente par
le president ou par Tun des membres de la commission. II faut que les
futurs inslituleurs soient en etat d'enseigner a leurs eleves une ecriture
courante, facile et netle. Ces mailres n'auront pas a former d'habiles pro-
fesseurs de calligraphie, mais a mettre les enfants en etat d'ecrire cou-
ramment et lisibiement.
<■ Orthographe. — Aux termes du reglement du 15 fevrier 1853, la die-
tee prend une page environ; il est de I'inleret m^me des candidats, un
certain nombre de fautes etant admises, que I'etendue de cette dictee ne
soit pas diminuee : I'epreuve laisse ainsi moins de prise au hasard, en ce
qui concerne I'orthographe d'usage. Le texte choisi sera lu prealablement
a haute voix , puis dicte et relu, mais la ponctualion ne devra etre I'objet
d'aucune indication speciale. 11 faut que les candidats se rendent compte
par eux seuls des motifs qui les determinent a ponctuer de telle ou telle
maniere,
« Un maximum de quatre fautes est accorde pour I'epreuve de I'ortho-
graphe. On evaluera une faute toute infraction aux regies de la gram-
maire et toute violation de I'orthographe d'usage. L'oniission des accents
compte seulement pour 1/2; les traits d'union omis ou places a tort comp-
teront pour 1/4; les fautes de ponctualion, selon leur importance et leiir
nombre, entreront pour 1 ou 2 dans le chiffre total.
« Les fautes qui constituent des non-sens pourront faire prononcer la
nuUite de I'epreuve.
'i Composition. — Cette epreuve permet de juger si le candidat a de
I'ordre dans les idees, et s'il sait exprimer clairement sa pensee. On ne
doit rien y chercher au dela. II ne faut point demander aux candidats des
qualites de style denotant deja des habitudes litteraires; ils ont seule-
ment a faire preuve de bon sens et de raison. II convient done d'eviter,
avec le meme soin, et les sujets qui ne provoquent que des lieux com-
muns, et ceux qui tendent a entrainer les candidats au dela des etudes
auxquelles ils doivent se borner. Les questions speciales, circonscrites,
bien dcterminees, guident I'esprit et I'empechent de se perdre dans le
vague.
1 Cette remarque s'applique specialement aux questions relatives aux
CONCLUSIONS. 347
principal de leur attention. La plupart du temps, ce ne sont pas
des instituteurs qui se pr^parent a dinger une ecole, ce sont
principes d'education et a la tenue des ecoles. Mais il est a propos, en ce
qui concerne les sujets tires de I'histoire sainte, d'eviter ceux qui em-
brassent un trop grand nombre de faits; car, de tels sujets etant donnes,
le travail du candidat n'est plus qu'un effort de me'moire.
« Les commissions ont paru peut-6tre, jusqu'a ce jour, trop exclusi-
vement disposees a preferer les sujets empruntes a I'Ai cien Testament.
II serait a craindre qu'un choix systemalique n'eut pour efi'et de pous-
ser les candidats a negliger le texte des Evangiles et des Actes des
apotres.
" Arithmetique. — Les problemes poses ne doivent pas ^treresolus uni-
quement par les chiffres. II faut qu'a Tappui de ces chiffres les candidats
soient tenus de presenter le raisonnement qui les a conduits a la solution.
« Trop souvent I'on propose des problemes oiseux qui n'ont aucune
analogic avec les besoins de la ■vie reelle. 11 importe qu'il en soil aulre-
ment, et que les candidats soient appeles a trailer des questions dont la
solution ne laisse dans lear esprit que des idees justes. Quand, pour se
preparer a subir I'examen, les candidats auront ete obliges de s'orcuper
des applications usuelies , ils seront moins portes a les negliger dans
leur enseignement. Les commissions contribueront ainsi a diriger I'in-
struction primaire dans cette voie d'utiiite pratique oil elle deviendra de
plus en plus profitable aux populations,
Epreuves orales.
' Lecture. — On doit s'assurer que tons les candidats au brevet de ca-
pacile non-sculement lisent et prononcent correctement, mais encore
qu'ils comprennent ce qu'ils lisent. II convient aussi de rattacher a cette
6preuve diverses questions sur les meilleurs precedes a suivre pour I'en-
seignement de la lecture.
<■ Catechisme et histoire sainte. — L'enseignement religieux dans I'ecole
appartient exclusivement aux ministres des cultes; il serait temeraire a
I'instituteur d'inlervenir dans un tel enseignement, autrement que pour
verifier si la lettre du cat6cbisme est exaclement apprise. C'est, toute-
fois, le devoir des commissions de s'assurer que les aspirants au brevet
connaissent leur religion, et qu'ils possedent non pas seulemcnt la lettre
mais I'esprit du catechisme. C'est dans ce but surtout que la loi exige
qu'il y ait, dans chaque commission d'examen, un ministre du culte pro-
fesse par le candidat. Mais, s'il importe que cette epreuve ne soit pas ra-
baissee a un simple exercice de memoire, il importe aussi qu'elle ne s'e-
carle pas du but auqnel elle doit tendre. Les questions adressi^es aux
548 QUATKIEMI:: rAIlTIE."
desetiidianls qui se disposenta conquerir undiplomc; 2" les
candidals brevetes, une fois a la lete d'uoe ecole, ne sont, trop
candidats seront done presentees avec simplicite et ne devront porter
que sur des points de doctrine a la portee de ceux qui devront les re-
soudre.
• A I'egard de I'histoire sainte, il est bon de rappeler que I'histoire de
la religion ne s'arrete pas a la mort du Sauveur. Tout instituteur doit
posseder des notions sufQsantes sur retablissemenl du cLristianisme et
sur ses progres.
'Analyse grammaticale. — Cette epreuve n'a pas exclusivement pour
but de s'assurer si les candidats connaissent les regies de la granimaire.
Les eleves des ecoles primaires onl besoin d'apprendre leur langue, mais
non les sublilites qui ont rendu, en la compliquant, Tetudo de la grani-
maire si peu attrayante, et par consequent, si difficile. Les futurs insti-
luteurs de la jeunesse doivent prouver, avant tout, qu'ils se rendenl
conipte de I'emploi des mots, de leur signification, de leurs acceplions
differentes, et que, s'ils savent enseigner la grammaire d'une maniere
intelligente, ils savent, par consequent, enfenner cette etude dans de
justes limites.
'Calcul et systeme legal des poids et mesures. — Les indications don-
nees a I'occasion de l'6preuve ecrite s'appliquent aussi a I'epreuve orale
de calcul.
«Ii faut comprendre dans cette partie de I'examen I'application des
(lualre regies aux nombres entiers et aux fractions decimales ainsi qu'aux
fractions ordinaires. La connaissance de ces dernieres est indispensable,
depuis que remploi de la methode de reduction a I'unite permet de re-
soudre toutes les questions qui exigeaient autrefois I'etude des regies de
trois, de societe, d'escompte, d'alliage, etc.
Examen special des institutriccs.
« Travaux a Vaiguille. — Cette partie de Texumen a pour objet de
monlrer non pas seulement que I'aspirante sait coudre et raccommoder,
mais qu'elle est en etat d'enseigner tous les genres de travaux familiers
aux femmes. Toute aspirante qui ne possede pas une habilete suffisante
dans les ouvrages a I'aiguille doit etre ajournee a une autre session.
« Non-publicile de I'examen. — Des doules se sont eleves sur la maniere
d'entendre la prescription d'apres laquelle I'examen desinstitulrices 7i'u
pas lieu publiquement.
a La Loi, en excluant un public nombreux, n'a pas voulu prescrire un
huis clos, qui ne serait pas sans inconvenients. II convient de proceder
CONCLUSIONS. 549
soiiVGnt, que dcs raaitres sans valcnr technique, aptes, il est
vrai,aenseigner I'art de«lire, ecrire et chiffrei')) ,impuissants
aux 6preuves orales des aspirantes en les appelant par series de qualre
a six : les meres, parentes, tutrices, sont autorisees a assistcr a I'examen.
Examen sur les matures facultatives.
« Si un candidat deja pourva du brevet vient subir Texamcn sur les
matieres facultatives, convient-il de s'assiirer par un exarnen supple-
mentaire que ce candidat possede, au point de vue des matieres obli-
gatoires, une instruction en rapport avec le caractere nouveau de son
brevet?
• La circulairedu 26 Janvier li5i a resolu cette question pour I'examen
des futures institutrices : il convient de decider, d'une maniere generate,
que, pour le cas dont il s'agit, les commissions ne doivent pas se con-
tentcr de instruction dont les candidats ont fait preuve dans I'examen
elementaire. EUes ont le droit de revenir, dans une juste mesure, sur les
matieres enumerees dans la premiere moitie de I'arlicie 23 de la loi
de 1850.
• Rien ne s'opose a ce que, dans Texamen compiementaire, les com-
missions imposent aux candidats une ou deux coniposilions ocrites.
" Dans les elements d'histoire et de geographic, peut-on comprendre
les elements de Thistoire et de la geographie generates? Oui, sans doute.
La circulaire precilee comprend en effet, parmi les matieres facultatives,
I'histoire qI particuliercment riiistoire de France. — Quelques notions de
cosmographio elementaire se raltachent aussi par des liens naturels a
I'etudedela geographie. On ne saurail donner aux eleves des idees exac-
tes de I'inegale duree des jours, de la difference des climals, de Pin-
fluence que cette in^galite exerce sur les productions, sans leur faire
connaitre la forme de la terre et son mouvement autour du soleil. 11 est
done convenable que les commissions s'assurent que les candidats sont
en etat de donner aux enfants ces notions simples et generales; mais
j'attends de leor bon esprit qu'elles renferment cette epreuve dans les
limites que je viens d'indiquer.
« Vous voudrez bien, monsieur le recteur, communiquer les presenLes
instructions a MM. les inspecteurs d'academie et a MM. les presidents
des commissions de votre rossort. Je ne doute pas que ces commissions
ne s'empre.-sent dc s'y conformer dcsormais, et qu'elles ne contribuent
ainsi a diriger Tenseignement dans ces voies de sages progr^s on se ren-
contrent tons ceux qui veulent pour la jeunesse des ecoles primaiies une
instruction appropriee a ses besi ins et non des satisfactions d'amour-pi o-
pre trop fertiles en deceptions.*
350 QDATRIEME PARTIE.
a diriger les esprits, a faire de I'instruction un instrument
d'education ; 5" en ne maintenant pas, devant les regards de
Finslituteur futur, le but particulier qu'il doit atteindre, on
risque de faire naitre dans son esprit cette pensee dangereuse
que ses eonnaissances acquises, et, comme on diten Allema-
gne, son instruction materielle, peuvent lui ouvrir des carrieres
auxquelles une education premiere ne Fa point prepare. De
la des idees de vanite impuissante, un raecontentement sans
but, une impatience secrete et le degout de sa profession.
Qu'on veuille bien le remarquer, d'ailieurs, entre la tache
confiee a un professeur de college et la tache du directeur
d'une eeole primaire, il y a, dans I'application, une difference
essentielle : pour le premier, cet ensemble de difficult^s prati-
ques, dutriomphedesquelles depend toutlesuccesd'uneclasse,
existe a un bien moindre degre que pour le second, h^ profes-
seur n'a qu'un eleve en vingt ou quarante auditeurs, puisque
tons suivent le meme cours, et sont supposes de force egale.
Vinstituieur, au contraire, doitconduire cinq ou six divisions
composees d'eleves d'une instruction tres diverse. II lui faut
outre le savoir', avec I'art de maintenir la discipline, celui
de faire marcher de front cinq ou six classes differentes.
Comment done ne pas exiger d'un aspirant a la direction d'une
ecole primaire la preuve qu'il est au courant des procedes
multiples et des diverses methodes usites dans la conduite de
I'ecole? Or, pour donner aux exaraensce caractere essentiel-
lement pratique, il ne suffit pas que le programme contienne
certaines questions techniques, il faut surtout que les juges
possedent les eonnaissances necessaires, et que les habitudes
de leur esprit ne les detournent pas du point de vue special
auquel doit les ramener rinteiligence reelle des vocations
dont ils ont mission de constater la valeur.
CONCLUSIONS. . SS'I
Section III. — ficoles primaires de filles.
YIIX. — Miillipller partout oil faire se pourra les ecoles spe-
ciales de filles.
On I'a dit avec raison : Instriiire les lilies, e'estereer line
ecoleau sein de cliaque lamille; car la mere, par la nature
meme des choses, devient le moniteur de ses enfanls.
A vrai dire, on eiit compris que la loi rendant obligatoire,
dans chaqiie commune, I'etablissemeDt d'une ecole, cetle
ecole, avant lout, eut dii etre I'ecole des filles.
L' ecole, quand il s'agit de la jeune fiUe, doit etre tout spe-
cialement dominee par les inspirations de la vie domestique ;
et il importe que, pour I'enseignement, tout y soil ramene a
la pratique.
Lecaraclere dereducation,chez la jeune fille, est determine
par la mission de la femme.
L'instruction declasse la jeune fille quand elle lui inspire du
(legout pour la condition a laquelle appartiendra I'epoux
qu'elle pent et doit avoir.
Le declassement pour le jeune hommeest dangereux; mais
il n'est pasnecessaiiement funeste, car il est possible au jeune
homme, par le developpement de ses facultes propres, de re-
tablir I'equilibre entre ses pretentions et les fails.
Mais le declassement pour la jeune fille est un mal qui ne se
repaie pas ; car la condition sociale qu'il lui fait de.4rer, la
jeune fille ne saurait la conqiierir par elle-meme. Elle ne s'en
empare pour un moment qu'en abdiquantsa destinee ; et le
reve de son ambition n'est sou vent que I'ecueil de son
lionneur.
De ces principes suivent ces consequences :
Dansles ecoles de filles, ce qu'il importe, ce n'est pas seule-
mcntque l'instruction soit donnee; c'est surtout qu'elle soil
dispensee dans une sage et prudenle mesure;
352 QUATRIEME PARTIE.
L'instruction qu'il faut donner aiix jeunes fiiles est celle qui
est en harmonie avec la profession de I'epoux que leur destine
la bierarchie sociale.
Ces mots renferment, selon nous, tout le programme de
I'education des fiiles. Pour appliquer ce programme, il font,
on le comprend, des ecoles sjyeciales, ecoles ou, avec les con-
naissances indispensables, on enseigne les ouvrages de cou-
ture; oil Ton forme la future mere de famille en raeme
temps qu'on instruit la jeune fille; ou Ton eveille, dans les
instincts precoces de la secondc, le sens pratique de la pre-
miere. Dans les communes rurales, Tinstruction Iheorique
ne doit etre que le complement de i'education pratique ; dans
un grand nombre d'enlro elies, I'ecole doit, autant que pos-
sible, cmprunter les caracteres de I'asile-ouvroir *.
IX. — Encourager le devoument des institutrices en ren-
dant applicables aux ecoles de fiiles les dispositions de la loi
de 1830 relatives au recouvrement de la retribution scolaire.
1. * Dans les lioux ou la creation d'une ecole de fillos renconlreraitdes
obstacles insurmontables, il est unc institution Ires propre a remedier en
partie, sinon en tolalite, aux inconv6nients resultant de la privation d'un
enseignenicnt special : je veux parler des asiles-ouvroirs. Ces etablisso-
ments sonl destines a donner aux jeunes fiiles les connaissances et I'lia-
bitude des travaux a I'aiguiUe, a mettre, par consequent, entre leurs
mains les inslrumenls les plus habiluels de leurs futurs travaux. Rien de
plus simple ni de moins couteux. Les asiles-ouvroirs se tiennent soit dans
les salles d'ecole, apres les heures de classe, soit dans un local contigu.
La femme de Tinstituteur, on, a son defaut, une couturiere agreee par
I'autorite, est chargee de la direction de cetouvroir moyennant la faible
retribution annuelle de 40 a 50 francs, a laquelle on ajuute une somme
tres niinime pour Tachat des matieres premieres. On a soin de varier les
travaux des jeunes; fillos, qui sont principalemcnt occupees au raccom-
modage de leurs vclemcnts ou de ceux de leurs parents, pendant qu'una
des monitrices fail a haute voix une lecture instructive. Dans les ecoles
mixtes, tenues par des instituteurs, un ouvroir de ce genre est, vous le
voycz , le com])lement presque indispensable de IV'ducalion des fiiles. »
(Circulaire du 31 octobre 1854).
COiNCLUSlO.XS. . 555
Sill' ie nombre total des institutrices communales, plus de
4000 ne joiiissent que d'un revenii inferieur a 400 fr.; pres
de 2000 ne peuvent elever leurs ressources au dela de 100 a
200 fr. ! Par exemple, 36 dans la Sarthe , 46 dans les Basses-
Pyrenees, 59 dans la Haute-Saone, 116 dans le Puy-de-Dome,
104 dans la Moselle, 179 dans la Lozere, 105 dans la Haute-
Loire, 160 dans la Manche,55 dansle Maine-et-Lolre,69dans
risere, 66 dans la Meurthe, 75 dans la Loire, 40 dans lUe-et-
Vilaine, etc., appartiennent a eette derniere categorie. Ces
femmes devoueessupportent avec un courage, je dirai presque
avec un heroisrae soutenus par le sentiment religieux, les
privations que leur impose un pareil denument.
Mais si la loi n'a pu fixer, pour les maitresses, \eminimum
de traitement qu'elle assure aux instituteurs, du moins con-
vient-il de faire les derniers efforts pour qu'aucune parcelle
d'un si raaigre revenu ne soit enlevee des mains des institu-
trices du peuple.
Or, qu'arrive-t-il? Dans un grand nombre de communes,
le conseil municipal entend garantir a I'ecole de fiUes un
revenu fixe, si mince qu'il soit, revenu dans lequel il com-
prend la retribution scolaire. En un tel cas , cette retri-
bution devient une veritable recette communale. Eh bien I
les percepteurs se refusent a la recouvrer, et les institutrices,
contraintes de la percevoir elles-memes, sont reduites a tendre
la main. Encore est-ce trop souvent sans resultatque, dans
leur delaissement, elles comproraettent ainsi la dignite de
leurs fonctions. La plupart du temps, il leur faut laisser une
fraction de leur traitement dans la poche de debiteurs in-
traitables.
II serait d'un baut interef de faire entrer I'ecolage des
lilies dans le budget ordinaire de la commune. II ne s'agit
pas ici d'un impot nouveau ^ il s'agit tout simplement du
mode de perception d'une charge prevue par la loi. Singu-
23
554 QUATRIEME PlllTlE.
liere anomalie ! lant qu'nrie conDmune n'a qu'une seule ecole,
la retribution scolaire dcs filles ainsi que celle des gardens
eslporlee au budget et perdue commelesautres contributions
par le receveur municipal. On cree une ecole de filles : aus-
silol la retribution payee par ces dernieres semble devenue
une laxe illegale; elle est abandonnee a I'arbitraire des fa-
milies, qui souvent se montrent d'autant plus negligentes que
i'inslitutrice est plus timide el plus genereuse.
Pour remedier a ce mal, qu'y a-t-il a I'aire? Auloriser, jene
dis pas obliger, les conseils municipaux a porter la retribution
scolaire des filles a leur budget; la fuire recouvrer deslors par
les percepteurs, sur des elats de presence rendus executoires
dans ia forme ordinaire '.
X. — Lorsque la cieation d'ecoles speciales pour les filles
rencontre, dans les communes d'une tres faible population,
des obstacles insurmonlables, mettre a profit les avanlages
qu'assurent a la France le zele des mailresses formees dans
les ecoles normales, et le devoiiment des congregations reli-
gieuses, pour subslituer, avec ious les menagements dela pru-
dence, conformement a I'art. 9 du decret du 51 decembre,
une institutrice a riustituteur dans la direction des ecoles
mixtes.
Sur tous les points du territoire, un sentiment tres louable
1. Plusieurs conseils generaux ont emis ce vceu dans leur session de
1854, entre autres ceux de Seine-et-Oise et de la Haute-Marne.
La deliberation du l'^"' est ainsi motivee :
« Le Conseil general, etc.,
« Consideranl que le Irailement modique des institutrices communales
est souvent diminue par les retards ou mSme par les pertes qu'elles su-
bissenl dans la perception de la retribution scolaire, etqueies institu-
trices gagneraient en revenus et en consideration si elles n'elaient plus
dans la necessite d'operer elles-menies le recouvrement de cette retri-
bution;
• Considerant qu'il est important de favoriser, autanl que possible,
I'extension des ecoles speciales de filles... »
CONCLDSIOINS. 555
dans son principe detourne les parents de confier a un
instituteur Teducation de leurs filles. Dans un grand nom-
bre de communes, les chefs de famille, pliitot que de bra-
ver une repugnance qu'on ne saurait blamer, preferent lais-
serles jeunes fiiles sans aucune instruction. La est un des
principaux obstacles a la difTusion de I'enseignement pri-
maire.
Le decret du 31 decembre permet de lever cet obstacle. Et
les avantagesde la substitution dont on parte ont ete consa-
cresdans plusieurs departements par une experience decisive.
Prenons pour exemple le departement dcs C6tes-du-Nord :
Au 1®'" septembre 1850, ce departement coraptait 56 ecoles
mixtes, quant au sexe . 49 seulement etaient coniiees a des
instituteurs, 35 a des institutrices. Ainsi le sentiment moral
des populations avait prevalu contre le texte dela loi de 1<S33.
Dans le petit nombre d'ecoles mixtes dirigees par des hora-
mes, la place reservee aux filles etait presque deserle,
Des son entree en fonction, I'ancien conseil acaderaique de-
cida que nul instituteur, dans le departement, ne pourrait de-
sorraais tenir la classe des filles. Cette decision radicale n'eut
pas les effets qu'on aurait pu ciaindre. Piusieurs communes
prirent le parti de creer des ecoles speciales que, souslraites a
une telle pression, elles n'cussent jamais etablies. Presque
partout, quelque devouement charitable pourvut aux besoins
qui se produisaient. Les ecoles mixtes dirigees dans les Cotes-
du-Nord par des institutrices sont aujourd'hui au nombre
de55.
Si Ton considere maintenant I'ensemble des Academies,
voici, en ce qui concerne le genre d'ecoles dont il s'agit, le r^-
sultat general qu'il est permis de constater :
Dans ces ecoles, Tinstruction des gar^ons est ordinairement
faible , si ce n'est en ce qui a rapport au catechisme. Les no-
tions elementaires de I'arithmetique y sont generalement
556 giATRlEME TARTIE.
ignorees. Non -seulement les gardens y savent moins et
raoins bien que les eleves des institiiteiirs, raais ils savent
moins et moins bien que les jeunes filles leurs compagnes de
classe : I'organisation intellectuelle del'institutricesemble se
trouver en rapport plus intime avee celle des enfants de leur
sexe qu'avec celle des gardens.
On pourrait redouter que des mains feminines ne fussent
pas assez fermes pour teniren bride I'eraporteraent de jeunes
gar^ons. En general cependant les eeoles raixtes dirigees
par des femmes ne sont pas phis indisciplinees que les autres
eeoles, ou plutot il semble s'y operer une sorte de compen-
sation. Les petits gar^ons y havardent peut-etre davantage,
mais ils y deviennent moins sauvages et moins rudes. lis y
prennent quelque chose de la douceur et de la retenue de la
jeunefille; de plus, dans ces eeoles, le jeune garden est ha-
bituellemeut moins sale dans son habillement que chez I'in-
stituteur; or, la proprete est quasi une vertu,
Ainsi, les resultats obtenus par des inslitutrices dans la
direction des eeoles mixtes, meme au point de vue pu-
rement scolaire, sont suffisants pour les petites communes
rurales. Sous d'autres rapports, lorsque les institu trices ap-
partiennent a des congregations, ces resultats , il faut le re-
connaitre, sontd'une incontestable valeur.
La plupart des eeoles raixtes confiees aux congregations
sont dirigees en effet non par une mais par deux institu-
trices. Que resulte-t-il de ce fait? Non-seulement ces reli-
gieuses, graceal'habit qui, en depit de la jeunesse meme, les
revet d'uncaractere materneletd'un ascendant religieux,exer-
cent sur la generation confiee a leurs soins une influence deci-
sive; mais elles sont en mesure de combler la regrettable lacuna
que presente, dans les communes rurales, I'organisation de
la bienfaisance publique : les soeurs tiennent une petite phar-
macie; elles visitent, elles consolent le paysan malade ou in-
CONCLUSIONS. 557
firrae; elles stimulent et fecondent la charity privee. Elles
font le plus heureux eroploi des qiielqiies ressouices que
la commune peut raeltre a leur disposition. En un mot, la
maison d'ecole est en meme temps le bureau de bienfaisance
rural.
Plus d'une commune, desirant assurer a ses malades des
soins intelligents et devoues, s'est impose, dans ce but, des
sacrifices qu'elle n'aurait jamais fails au seul desir de fonder
une ecole; plus d'un particulier qui n'aurait rien donne pour
I'ecole seule, concourt par une donation, par un legs, par
une souscription, a I'entretien d'un etablissement qui est tout
ensemble une maison d'instruction et une maison de charite.
Pour un nombre considerable de communes, 11 y a impos-
sibilite de faire face aux depenses, quelque minimes qu'elles
soient, de I'entretien de deux soeurs. Ledecretdu 31 decembre
a facilite la solution du probleme, en accordant un traite-
ment de 400 fr. aux insti tutrices qui seraient preposees a la
direction des ecoles mixtes. Pourquoi ne ferait-on point un
pas de plus? Pourquoi le minimum de 600 fr. garanti a zmin-
stituteur ne pourrait-il etre altribue a deux ou trois religieuses
qui tiendraient I'ecole des gardens et des fllles, et visiteraient
les malades? Pourquoi la loi n'accorderait-elle a un devoue-
ment et a des services doubles que les deux tiers de la somme
allouee a I'instituteur qui tient purement etsimplement une
classe de gar^ons?
Section IV. — Fr^quentation des Ecoles.
XI. — Mettre partout des moyens d'enseignement a la por-
tee des populations, particulierement dans les pays mon-
lagneux; et, a cette fin, multiplier les classes debameaux,
petites ecoles que Ton doit considerer corame de simples an-
nexes des ecoles communales, dont elles ne sont, en realite,
558 QUATRIEME PARTIK.
que des demembrements, et donton peut, conseqiiemment,
confier la direction a des instiluteiirs adjoints.
La plupart des communes sont radicalement impuissantes
a entretenir plusieurs ecoles publiques. Si la commune se
compose ^ d'un certain nombre de sections ires eloignees du
cheWien comment pourvoir ii I'instiMiction des enfants qui
habitent ces sections? Non-seuleraent la commune ne peut
assumer la charge du traitement de deux ou trois instituteurs
tilulaires, mais elle ne saurait meme parfaire le traitement
minimum (400 fr.) d'un nombre 6gal d'iiistilufeurs svppleanis.
Reste ce moyen : preposer aux petites ecoles de hameaux ou
de sections (lesquelles ne sont guere ouvertes que trois ou
quatre mois d'hiver) des maitres qui, places sous la direction
comme sous la responsabilite de I'instituteur communal,
soient vis-a-vis de ce dernier de verilables adjoints, et des
lors ne se trouvent soumis ni aux conditions d'age, ni aux
conditions de brevet, ni aux conditions de traitement impo-
sees par I'art. 25 de la loi.
Les enfants de la section apparliennent de droit a I'ecole
chef-lieu: rien n'empeclie d'admeltre qu'aux epoques ou il
leurdevienl impossible de frequenter cetteecole, I'instituteur
communal pourvoie a leur instruction avec I'aide de sesauxi-
liaires, ces auxiliaires ou mailrcs-adjoints etant detaches par
le tilulaire, et allant en son nom trouver les enfants quand
les enfants ne peuvent venir le trouver.
Des lors, plus de dilficult^s administratives d'aucune na-
ture : point de traitement minimum : une faible somme et
quelques secours en nature sufflsent pour remunerer le jeune
mailre qui trouve dans celte bumble ressource le moyen de
1. Comme dans le Jura, les Vosges, les Hautes-Alpes, les Basses-Alpes,
et g6n6ralement dans les departements montagneux.
CONCLUSTONS. 550
subvenir a son existence, pendant que, par cette sorte de
stage, il se prepare aux examens da brevet, ou simplement
aux eprenves d'admission a I'ecole normale.
Et ainsi les administrations locales satisfont a des besoins
imperieux, sans qu'aucune atteinte soil portee au texte ni a
I'esprit de la loi *.
II est ires facile assur^-raent de constitner, en de telles con-
ditions, de petiles ecoles dans tons les hameaiix tant soit pen
considerables; c'est la nn des moyens les plus efficaces de
faire penetrer Tinstruction jusque dans les dernieres coucbes
des populations rurales, et de detruire les pretexfes dont s'au-
torisent, pour soustraire les enfants a I'ecole, I'indifference
ou le maiivais vouloir.
XII. — Dps moyens d'instruction une fois organises dans
toute I'etendne du territoire, ne plus souffrir que I'arbitraire
soit la seule regie qui preside a I'envoi des enfanls a I'ecole.
Liberte pour le cbef de faraille de donner I'instruclion a son
tils oij il veut, comme il veut:qu'il choisisse Tecole privee ou
I'ecole publiqiie; qu'il prefere I'education du foyer domesti-
que; catholique, qu'i| en fasse un calbolique; protestant, un
protestant; juif, un juif. Mais que le pere ou le patron puis-
sent, a leur gre, livrer la faiblesse d'un enfant aux seductions
du vice dans I'alelier, aux perils du vagabondage et de la men-
dicite sur la place publique; qu'ils puissent, sans contiole,
iramoler la vie morale et intellectuelle de cet enfant, vie dont
ils sont coniptables a la societe aussi bien que de la vie physi-
que : voilacequi, chez un peuple civilise, n'est admissible ni
devant le droit bumain ni devant le droit cbretien.
1. U est proc^d^ ainsi, avec I'approbation de I'autorite superieure,
dans plusieurs d^parlements, notamment dans le Jura. Sur cinquante
6coles de hameaux 6fablies dans ce departement, les neuf dixi^mes se-
raient n^cessairement supprim^es s'il fallait pourvoir & un Iraitement de
400 francs en favour de ctiacun des mattres qui les dirigent.
5G0
QUATRIEME PARTIE.
Aux terraes de la loi de 1841, «nul enfant ne pent 6tre
admis dans les manufactures si les parents ou tuteurs ne
justifient qu'il frequente actuelleraent une ecole. » Le principe
du eontrole de la puissance publique, en pareille matiere, a
done ete pose pour un cas particulier. De quoi s'agit-il? d'en
g^neraliser I'application.
On a vu quelle est en Allemagne I'efficacite des mesures
prises pour assurer la frequentation de 1' ecole. En France, les
faits temoignent des besoins profonds auxquels, a I'heure qu'il
est, il s'agit de pourvoir. Tandis qu'au-dela du Rhin le sixieme
de la population frequente assidument les classes, il est, en
France, des departements ou le chiffre des enfants de I'ecole
n'atteint pas le quarantieme ou merae le'cinquantieme de la
population.
Entre autres ddpartemenls, prenons celui de I'Ariege : sur
42,204 enfants de sept a quatorze ans, 26,964, les deux tiers
environ, n'y frequentent pas les ecoles!
NOMS
des
ARROXDISSEflESTS.
jFoix
Pamiers. . . .
Saint-Girons .
Nonibre d'Enfanti
de 7 a i4 ans.
Cartoons,
7,305
5,729
9,998
23,032
Fllles.
6,494
5,337
7,341
19,172
Total.
Nombie d'Enfauts
de 7 a i4 ans
qui fj equuiitent
I'ecole.
Gar<;o
13,799
11,066
17,339
42,204
3,208
3,105
10,226
Filles.
3,913 1,951
1,987
1,076
5,014
Total.
5,864
5,195
4,181
NomLre d'Eufants
de 7 a l4 ans
qui ne frequentent
pas Tecole.
Garcoiis.
15,240
3,392
2,521
6,893
Filles.
12,806
4,543
3,350
6,265
Total
7,935
5,871
13,158
14,158 26,964
Fait encore plus saillant peut-etre : telest le defaut d'assi-
duit^ pendant le temps ou les enfants figurent nominalement
CONCLUSIONS. 564
sur les listes, qu'arrives a I'age viril, un grand nombre ont
perdu toule trace des notions religieuses et scolaires qu'ii leur
avail ete donne d'acquerir.
Dans plusieurs departements, aiicun progres, depuis quinze
ans, n'a ete constate dans le nombre des jeunes soldats sachant
lire et ecrire^. Si lels sont les faits, il faut avouer que I'ecole,
dans les conditions actuelles, ni au point de vue moral ni au
point de vue intellectuei, ne produit les resultats durables
que la Famille, I'Eglise, I'Etatsont en droit d'en attendre.
Qu'on ne coraple point dans I'avenir sur un progres pro-
portionnel aux progres anterieurs. Au point oii nous sommes
arrives, quatre causes s'opposent a la diffusion de I'enseigne-
ment dans les couches de la population ou jusqu'a ce jour elle
n'a pu penetrer : lo ja longueur des distances a fianchir et la
difficulte des trajets; 2° la passion du gain chez des chefs de
famille qui entendent, avant tout, tirer parti de leurs enfants ;
3° I'incurie systematique, et 4° le mepris de la pensee morale
et religieuse.
On triomphera de la premiere cause en multipliant les
ecoles de hameaux; quant aux trois autres, elles constituent
des forces redou tables, de la coalition desquelles Taction d'une
autorite a la fois paternelle et ferme est seule capable de pa-
ralyser les effets.
Nous voudrionsdonc quelaloiconsacratdes dispositions de
nature a mettre aux mains des administrations locales I'arme
sans la protection de laquelle les interels moraux les plus chers
sont immoles chaque joui- a de honteuses passions.
Les dispositions fondainenlales seraient celles-ci :
Sont soumis a I'obiigalion de frequenter une ecole, si au-
cune instruction ne leur estdonnee au foyer domestique, tous
les enfants de sept a treize ans.
Toutefois, les sanctions penales de cette obligation ne peu-
1. Voyez W partie,chap. l*"", section 3.
562 QUATRIEME PARTIE.
vent etre invoquees contre les parents des c^l^ves dont le do-
micile est separe de I'eeole par line distance de plus de deux
kilometres.
L'obligation de frequenter I'eeole s'etendra sur I'anneeen-
tiere, a Texception d'un mois dans les villes et de trois mois
dans lescampagnes.
Dans les villes de moins de 5,000 ames, le comraissaire de
police, et dans les villes dont la population s'eleve au-dessus
de ee chiffre, un ou plusieurs commissaires speclaux {commis-
saires des ecoles) rechercheront et signaleront au maire les
families dont les enfanis ne frequentent pas I'eeole et ne re-
9oivent d'ailleurs aucune education dans la maison pater-
nelle^.
Trois avertissements, a huit jours d'intervalle, serontdon-
nes, au nora du maire, aux families dont il s'agit. Si ces aver-
tissements ne produisent aucun resultat, le maire eitera les
peres, mailres ou tuteurs devant le comite des deleguescom-
munaux, et, d'apresTavisde ces delegues, prononcera contre
eux, selon les cas, soit la radiation des cadres du bureau de
bienfaisance, soit une amende, ou bien les condamnera a faire,
nu profit de la commune, une ou plusieurs journees de pres-
tation.
Tous les mois, I'instituteur remettra au maire la liste des
enl'anls qui auront manque I'eeole, avec indication du nombre
des jours d'absence. II indiquera, en regard de chaque nom,
les motifs d'excuses allegues. A defaut de motifs legitimes, les
peres, tuteurs et mailres seront cites, comme il est dit plus
baut, et serieusement avertis par le maire.
1 . Un recensement de cette nature presente moins de difficult^s qu'on le
suppose. 11 a ele fail lout recemmenl, par exemple, avec une stride ex-
actitude, dans un des quartiers les plus populeux de Paris, par un admi-
nistrateur habile , M. Leroy de Saint-Arnaud, conseiller d'fitat, maire
du XII° arroudissement.
CONCLUSIONS. 565
A. la troisieme absence non legilimement motivee, ils se-
ront passibles de Tune des peines ci-dessns enoncees.
Le principe de I'obligation une fois pose, il appartiendrait
aijx aulorites locales d'adapter aiix circonstances la sanction
penale, et de i'appliquer avec tons les menagements de la
prudence.
A part les mesures accidentelles dont on vient de par-
ler, il est, pour obtenir i'assiduite des enfants a I'ecole, un
moyen permanent d'aclion sur les families. Ce moyen con-
siste a exiger la retribution, non pas seulement pour les
quelques mois ou les enfants frequentent I'ecole, raais pour
toute I'annee. L'etablissement d'une retribution annuelle et
non mensuelle, interesse les parents a faire en sorte que les
enfants suivent exactement les classes'. Plusieurs conseils
generaux et quelques conseils academiques ont propose
1. Je lis, dans une instruction de M. le Pr6fet de la Haute-Loire (Jan-
vier 1855):
« Ce delaissement des ecoles pendant plusieurs mois est un fait general
et fatal pour les jeunes caracleres coinme pour lesjeunes intelligences.
Les enfants perdent, pour la plupart, pendant cette interruption, non seu-
lement une partie de ce qu'ils avaient appris, mais, ce qui est plus grave,
les habitudes d'ordre, d'etude et de discipline qu'ils avaient pu d6ja
contracter. A ces divers points de vue, je devais m'en preoccuper et
chercher un remede. J'ai I'esp^rance de I'avoir rencontre, en ouvrant aux
families la facuUe de remplacer le paiement mensuel de la retribution
scolaire par un abonnement annuel.
« Ce n'est point, d'ailleurs, arbitrairement que le taux de cet abonne-
ment a ele fixe a 6 fr. Cette somnie represente, d'apres les calculs que
j'ai fait faire, la moyenne exacte de I'argent verse annuellement jusqu'ici
par les parents pour chaque enfant payant qui frequente les 6coles. L'6co-
nomie et I'interfit de leurs enfants se reunissent done pour rccommander
aux chefs de famille I'adoption de rabimnement. J'espere qu'ils le com-
prendront ainsi, et que la mesure diminuera immediatement la deplorable
desertion de I'ecole pendant I'ete. Elle devrait du moins avoir cet effet
entier a I'egard des enfants que la charge de la retribution seule en faisait
eloigner durant cette saison, et, a I'egard de ceux que leurs parents ont
reellement besoin d'utiliser aux travaux des champs, ellc devrait lesy
5C4 QUATRIEME PARTIE.
d'adopter ce inoyen indirect de consacrer robligation de I'en-
seignement. Dans le departement de la Meurthe ce systeme
est applique depuis le l^'" Janvier 1855. Le prix de I'abonne-
ment y est fixe aux 2/5 du montaut de la retribution pour
I'annee.
Section V. — Moyens de perfectionnement.
XIII. — Retablir les conferences entre les instituteurs.
Cbaque canton doit avoir ses conferences; il importe que ces
reunions se tiennent toujours sous la presidence de I'inspec-
teur primaire d'arrondissement. Abaudonneesa elles-memes,
elless'egarent au hasard, sans profit pour les maitres et au
detrimentdes etudes regulieres. Dirigees par les representants
officiels des inlerets scolaires, elles peuvent contribuer ef-
ficacement, en provoquant une emulation feconde etdes com-
paraisons utiles, au progres de instruction primaire et a la
diffusion des saines idees.
Les conferences doivent avoir lieu, dans cbaque canton,
trois fois par an.
Dans cbaque seance, un des instituteurs donne lecture du
rapport qu'il a ete cbarge de preparer sur une question
scolaire; et ce rapport devient, pour les membres de la
conference, le texte d'observations que le president controle,
et d'une discussion qu'il dirige en I'eclairant.
II est, de plus, traite, dans cbaque conference, de la situa-
tion, des besoins, des progres de cbaque ecole en particulier.
II y est donne par Tinspecteur explication des reglements
de I'autorite superieure ou de I'autorite scolaire departemen-
tale.
L'inspecteur signale cbaque annee a I'autorite academique
ramener pendant les intermit tences que presentent ces travaux dans un
pavs ou ragiicullure est encore si peu avancee. •
CONCLLSIONS. 565
Jes inslituleurs qui se sont le plus distingues dans les exer-
cices de ces conferences.
XIV. — Etablir, partout ou le permettent le zele des insti-
tuteurs et la bonne volonte des administrations locales, des
classes du dimanche pour les adultes. La creation de ces classes
est, avrai dire, le seul moyen de perpetuer les resultats du
premier enseignement, et de prolonger, dans I'interet de I'en-
fant devenu honcirae, pour le developperaent de sa vie intellec-
luelle et morale, Taction conccrtee de I'Eglise et de I'ecole.
En France, comme au dela du Rhin, partout ou est ou-
verte une ecole primaire, devrait exister une ecole de repeti-
tion {Wiederholimgschule).
II serait tres utile que des prix decernes par les conseils
generaux encourageassent tout ensemble dans les ecoles et
I'assiduite des eleves et le devouement des maitres.
II nefaut pashesiter a le dire: dans I'etat actuel deschoses,
en I'absence d'un moyen regulior de preserver les enfants
du peuple, a leur sortie de I'ecole primaire, de I'abandon
moral qui les attend , une grande partie des sacrifices con-
sentis par les families, les communes et I'Etat sont prodi-
guesen pure perle : pour la moitie des eleves des ecoles primai-
res, dans les conditions presentes, I'edifice de I'education popu-
laire manque du couronnement qui seul pent, en I'achevant,
le preserver de la ruine. Tant que ce couronnement fera de-
faut chaque generation est condamnee a recommencer, sans
profit pour I'avenir, une tache dont les chiffres et les faits
demontrent chaque jour la sterilite : I'ecole du dimanche, pour
les adultes, est le complement necessaire. La charite privee, en
dotant plusieurs villes de societes de patronage pour les ap'
prentis , a devance Taction administrative. II importe que
Tinitiative gouvernementale eleve une creation si utile a la
hauteur d'une institution publique.
Dans Tordre des faits scolaires, voila nos conclusions.
566 QUATRIEME TARTIE.
Elevons-noiis maintenant a des considerations plus gene-
rales.
L'Alleraagne,depiiisun siecle,estala recherche du principe
surlequel doilreposer I'^ducation. Ellea demandece principe
aux differenles ecoles de pedagogic, qui, au nom de la pens^e
philosophique, ont successivement impose leur domination,
au dela du Rhin ; elle s'est livree tour a tour a des sysleraes
qui, a des degres divers, presentent ce caractere commun
de ne pas tenir compte du dogme fondamental sur le-
quel est bati tout I'edifice chretien. Non qu'entre ces sy-
stemes il y ait parity et confusion : j'ai signale les trails
caracteristiqiies de Basedow, de Peslalozzi, etc.; et je ne
confonds pas plus M. Diesterweg avee le fondateur d'Yver-
dun que je n'idenlifie Feuerbach etHegd. Je connais toutes
les distinctions qu'il faut mainlenir, toutes les divergences
qu'il convient de constater. .ralfirme seulement ces deux
choses : premieremenlles ecoles de pedagogic dontil est ques-
tion, qu'elles invoquent I'autorite de Peslalozzi ou qu'elles
s'abrilent sous le drapeau des libres communes^ s'accordent en
ceci, qu'elles repoussent, sur le point decisif de la science de
I'educalion, Taulorite de la tradition chretienne. En second
lieu, la oil la foi en la decheance origin3lle n'exisle plus,
la veritable notion de la nature de I'horame est alteree; le
point de depart comme le but de I'education sont meconnus,
etl'ordre moral est en perils.
On saitaquellesextremitesredoutables la faussele du point
1 « La veril6, quant a la nature humaine, ecrivait recemment M. Gui-
zot, est dans !a foi chretienne, C'est dans riiomme lui nieme que le mat
reside : il est enclin au mal Je ne veux point faire ici de theologie ; mais
je me sers, sans hesiter, de ces termes qui sont les plus exacts et les plus
clairs. Le dogme du peche originel est I'expression et I'explicalion reli-
gieuse d'uii fait naturel, le penchant inne de I'homme a la desobeissance
et a la licence. » {V. sur ce point fondamental M"" Necker-Saussure, et
M. Saint-Marc-Girardin, /.-/. Rousseau, savieet ses ouvrages.)
CONCLUSIONS. 367
de depart a conduit, souvent a leur insu, les penseurs dont la
logique populaire sechargeait d'interpreler les doctrines; on
sail avec quelle energie I'instinctdii saint public a determine,
contre des theories longlemps souveraines, la reaction de la
pensee chrelienne. On a vu les gouvernements, dans une
sortede ligue defensive, se mettre a la tete de toules les for-
ces sociales, et traduire les protestations de la conscience pu-
biique en lois et en reglements, qui ne sont autre chose
qu'un retour pur et simple aux prineipes traditionnels.
L'acte d'abdication des systemes revolutionnaires a ete de-
pose, au dela du Rhin, enlre les mains de la puissance qui
n'avait cesse d'en combattre les perilleuses applications,
entre les mains de I'Etat.
De tels fuits ont une signification decisive; et cet exemplo
delAtlemagne est, pour tons, un grand enseignement.
11 n'est plus permis de s'aveugler desormais : I'instrnc-
tion primaire doit se proposer, non pas de jeter les in-
telligences dans des voles inconnues, non pas d'affranchir
les espritsde la tutelle du passe, mais bien deles faire par-
ticiper aux idees eprouvees par le temps, coutrolees par
I'experience; de les mettre en possession des veriles indis-
cutables et des resultats acquis; de ratlacher, en un mot, la
generation qui s'eleve a la generation qui I'a precedee : elle a
pour devise, non pas le mot : independance , mais le mot :
tradition.
Une idee capitate, disons-le hautement, se degage de I'^tude
de ces experiences hardies qui, sur tons les points du monde
moral, dans lescondilions les plus favorables d'independance,
consequemment de succes, et sous le patronage de noms illus-
ires, ont ete accomplies, en AUemagne, depuis le milieu du
siecie dernier ; elle est celle-ci :
En dehors du chrislianisme, tout developpement de I'acti-
vile humaine conduit a une erreur el a une faute. La theorie
568 QUATRIEME I'ARTIE.
d'une education humanitaire est convaincue d'irapuissance 5
depuis le christianisme, on n'est homme qii'a la condition
d'etre Chretien.
Et corame la vie morale d'un peuple ne saurait, apres tout,
etregouvernee par d'autres lois que la vie de I'individu lui-
merae, a la formule que nous venons de presenter, il faut
ajouter ce corollaire :
Le christianisme est le seul fondement sur lequel puisse re-
poser I'ordre general : principe d'education pour I'individu,
il est le principe et la regie du developpement des societes.
«La religion chretienne,adit un profond penseur', donnele
point fixe qui nous manque et aiiquel nous aspirons. Les di-
verses eglises chretiennes ne le placenl pas toutes au raeme
lieu et ne I'organisent pas toutes sous la raeme forme ; mais
toutes le possedent et s'y referent. Pour nous, protestanis, il
est dans les livres saints, dans cette parole que nous n'avons
pas ecriteetque nous ne pouvonseffacer. La sont la loi etTau-
torite surhumaines et surnaturelles; la nous nousappuyons
et nous nous arretons; la est le point fixe que nous avons a
offrir a la soeiete. »
Ce n'est pas le lieu d'exposer les objections que nous aurions
a soumeltre a la haute raison de M. Guizot; nous n'avons pas a
examiner comment, d'apres la theorie de I'iilustreorateur, le
point fixe se trouve a la fois en des lieux divers, comment il se
peutfaire que la fixity n'exclue pas la mobilite. Nous croyons
qu'en ratifiantla pensee deM. Guizot, le protestantismese fait
illusion a lui-meme 5 qu'ayant uniquement pour raison d'etre la
liberted'examen,ilnepeut, sans deserter son principe, trouver
dansle point d'arret qu'on invoque unelimite arbitrairement
imposee a son droit ; qu'acceptercepointd'arret,c'est, pour lui,
en relevant un principe ennemi, abdiquer aux pieds d'une puis-
1. Discours a la soeiete protestante d'instruction primaire; 1853.
COJNOLUSlOiNS. 569
sance qui le condamne, et se nier liii-meme au moment ou
il s'affirme. Nous sommes de I'avis de M. Diesterweg et de
M. Uhlich : quiconque, pour enchainer I'esprit sur la pente
de la eontroverse, faitappel a I'immobilite doctrinale, celui-la
peut se dire protestant, mais, a coup sur, il n'a de protestantque
le nom : il a restaure le culte de I'autorite dans sa conscience.
Quoi qu'il en soit, c'est un fait considerable de voir le pro-
lestantisme, sous le coup de severes legons, et presque aussi
hautement que le catholicisme lui-meme, rendre hommage a
Tidee de la tradition, et proclamer que, « dans I'ordre moral,
la fixite et I'el^vation vont ensemble; que, des que Ton flotte,
on descend ; et que I'incertitude est un signe d'abaissement » «.
De tels avertissements veulent etre compris : il est temps
que Ton cesse AQjloUer et que I'affirmation qui fonde succede
au doute qui detruit.
L'homme eminent de qui nous citions les paroles a fait cette
declaration solennelle : c<La question est aujourd'hui posee
entre ceux qui reconnaissent et ceux qui ne reconnaissent
pas un ordre surnaturel, certain et souverain, quoique im-
penetrable a la raison humaine; elle est posee, pour appeler
leschoses par leur nom, entre le supernaiuralisme et le ra~
tionalisme. D'un cote, les pantlieisles, les sceptiques de toutes
sortes, les purs rationalistes; de I'autre les Chretiens.
«Parmi les premiers, les meilleurs laissent subsister dans
le monde et dans I'ame humaine la statue de Dieu, s'il est
permis de se servir d'une telle expression, mais la statue seu-
lement, une image, un marbre; Dieu lui-meme n'y est plus;
les Chretiens seuls ont le Dieu vivant. C'est du Dieu vivant que
nous avons besoin... Au fond de la societe et dans les masses,
i'impiete passionnee fermente et se met, pour vaincre, au
service des plus grossiers et plus ardents interets. La foi chre-
1. M. Guizot, Etudes moraUs, p. 5.
34
570 QUATRIEME PARTIE.
tienne dans son caractere essenlielet vital, c'est-a-dire la foi
et la soumission k I'ordre surnaturel Chretien, pent seule sou-
tenir ce grand combats »
Telle est aussi, on i'a vu, la conviction des liomraes d'Etat
qui president aux destinees de la soci6t6 alleraande. Les se-
cousses des dernieres annees ont mis a nu le neant de doc-
trines qui semblaient maitresses. Tout ce qui ne vivait que
d'une vie factice a convert le sol de debris. A I'heure qu'il
est , sur les ruines des systemes le christianisme seul est
debout.
C'estle grand resultat des bonleversenaentsrevolutionnaires
d'avoir donne aux idees qui yiennent d'etre enoncees I'autorite
des axiomes. C'estla mission et ce sera I'honneur de I'educa-
tion publique, en France comme en Allemagne, d'en assurer
le trioraphe. Le progres moral et la securite del'avenirsont
a ce prix.
1. Discours prononce le 30 avril 1851 devant la Societe biblique.
APPENDICE.
APPENDICE.
^VAAAAAAA/WNAAAAAAA'^
REGLEMENT
POUR L'ADMINISTRATION DE L'^GLISE ^VANG^LIQUE
(29 juin 1850).
Art, -1". — Le conseil superieur ecclesiastique remplace, pour le
gouvernemeut interieur de I'Eglise, la division du ministere des
cultes. A ce couseil ressortissent :^° tout ce qui regarde les synoJes ,
2" la surveillance du service divin, au point de vue dograatiqut et
au point de vue liturgique, la surveillance de I'instruction religieuse,
!e reglement des fetes, la consecration des temples ; o" la surveillance
des examens preparatoires, I'admission aux fonctions ecclesiastiqucs
particulierement la direction du serainaire (Prediger Seminar) de
Wittemberg ; 4" la nomination aux eraplois inferieurs ecclesiastiqucs
et le contenlieux des presentations et des elections. — Dans les
affaires de patronage seigneurial, le droit de decision, jusqu'a la pro-
mulgation d'une constitution independante de I'Eglise, reste confie
au ministre, sur le rapport du conseil superieur; 3° la surveillance
des ordinations, des installations et prestations de serments ; 6° la
surveillance et la discipline ; 7° la visile des eglises et I'inspection
des archives paroissiales et des surintendances.
Dans toutes les affaires ci-dessus designees, le conseil superieur
pronouce en derniere instance; il a le droit de faire, en ce qui le
concerne, des reglements generaux, sans s'ecarter des lois et ordon-
nances en vigueur.
Art. 2. — Le conseil superieur est en relations directes avec les
fonctionnaires ; il adresse ses rapports directement au roi. II com-
munique cependant au ministre les projets de reglements generaux.
574 APPENDICE.
Art. 5. — An ministre des cultes restent confiees la haute administra-
tion des affaires exterieures de I'Eglise evaugelique, maintenant attri-
buees aux regences provinclales, et, sous sa responsabilite constitu-
tionnelle, la repartition des fonds de I'Etat atlribues a des usages
ecclesiastiques.
AaT. 4. — Lorsque des affaires dont la connaissance est attribuee
au ministre presentent un interet particulier pour le conseil supe-
rieur, le ministre pent lui communiquer ces affaires et prendre sou
avis; de meme, le conseil superieur, lorsque se rencontrent des ques-
tions qui, se rattachant a I'administration intime dont il est charge,
touchent pourtant aux interets exterieurs de I'Eglise , pent en faire
I'objet d'un rapport au ministre.
Art. 5. — Le ministre des affaires ecclesiastiques et le conseil
superieur combinent necessairement leur action dans les cas sui-
vants :
Dans les affaires pour lesquelles, d'apres le reglement du 27 juin
-J 845, les regences doivent se concerter avec les consistoires ;
Pour la nomination des surintendants ;
Pour celle des directeur et maitres du serainaire ecclesiastique de
Wittemberg ;
Dans les affaires de patronage seigneurial;
Pour les concessions de secours aux ecclesiastiques sur les fonds
publics a ce destines.
Art. 6. — Dans tous les cas specifies a Particle S, les decisions
sont prises au nom du ministre, le conseil superieur ecclesiastique
entendu.
Art. 7. — Le conseil superieur est charge, de concert avec le
ministre, de preparer I'organisation des communes ecclesiastiques et
de proposer les bases d'une constitution independante de I'Eglise
evaugelique.
II
REGLEMENT COMMUNAL
POUR LES J^GLISES ^VANG^LIQUES.
Art. I". Chaque commune evangelique a le devoir, sous la di-
rection du rainistere ecclesiastique , de developper en elle le senti-
ment Chretien et la vie cliretienne. Comme membre de I'Eglise
evangelique, elle fait profession de la doctrine fondee sur la parole
claire et intelligible de Dieu , a savoir , les ecrits des prophetes
et des apotres, I'Ancien et le Nouveau Testament, et formulee dans
les trois symboles principaux et les professions de foi de la lefor-
mation ; elle se soumet aux lois generales et aux reglementi, de
I'Eglise.
Eclair cissements. Ce paragraphe marque avec precision le role qui est
assigne aux communes evangeliques ; il a pour but de prevenir les faus-
ses doctrines qui se sont repandues en ces derniers temps, dans leur
sein. On a dit, en ce qui louche les rapports des communes et du mi-
nistere ecclesiastique, que ce dernier est soumis aux premieres. Cette
maniere devoir est aussifausse que la pretention opposee,d'apreslaquelle,
selon la pensee des catholiques remains, la commune doit accepter la su-
prematie du ministere pastoral.
Une seconde erreur porte sur le caractere des relations qui doivent
exister entre les communes et I'Eglise. Deja avant i'effervescence provo-
quee par les evenemenls de 1848, la tendance s'etait prononcee, dans un
grand nombre de communes, de prendre une position independante vis-
a-vis de I'organe de I'Eglise (gegeniiber den Organen der Kirche), el de
soumettre la doctrine et la liturgie , c'est-a-dire ce qui appartient a
rJlglise entiere, a la domination des majorites de chaque commune prise
isolement. Une telle tendance est, a nos yeux, la preuve du plus deplo-
rable engourdissement du sentiment religieux. Les parties ne peuvent
remplir la mission, ni les membres les fonctions de I'organisme entier; on ne
peut meconnaltre une v6rite si simple que par un entier bouleversement
576 IPPENDICE.
des idees. Le paragraphe qui precede a pose les vrais principes en cette
matifere et replac6 les communes dans la position qui leur convient.
Art. 2. La commune oblige ses membres a faire tousleurs efforts
pour mener une vie chretienne, a contribuer au maintieu des insti-
tutions ecclesiastiques communales et a faire profession ouverte do
christianisme par une participation effective a la parole divine et
aux sacrements.
Art. 5. Ses membres onl part a tous les moyens de sanctification
etaux institutions ecclesiastiques dans la commune.
Art. 4. L'acquisition du droit communal ecclesiastique resulte du
domicile reel etabli dans la paroisse. Les personnes qui viennent
s'etablir dans la commune sont tenues, pour pouvoir participer
aux prerogatives de diverse nature, de prouver, par des certiflcats
oraux ou ecrits, qu'ils appartiennent a I'Eglise evangelique.
Art. 5. Les chefs et peres de famille ont le droit de suffrage, a la
condition d'etre ages de vingt-quatre ans accomplis et en pleine
possession des droits civils. Si quelque raembre de la commune a
donne des scandales publics, soil par le desordre de sesmoeurs,
soit par un mepris declare de la religion et de I'Eglise, en sorte
que la participation au droit de vote ecclesiastique Itii soit contestee,
la decision est reraise a la commune ecclesiastique. Un recours a
une instance superieure est reserve a la personne dontil s'agit, aussi
bien qu'au moteur de I'opposition. En ce qui est de la premiere
election des membres de la commune ecclesiastique, le jugement
des oppositions est rendu par les personnes designees au paragra-
phe 8 ; et la decision pour I'appel appartieut au consistoire jusqu'a
la formation des cercles {kreise) ecclesiastiques.
Eclaircissements. La question de savoir quelles conditions , au point
de vue ecclesiastique, sont necessaires pour 6tre adm.is a exercer le
droit de vote dans la commune a partout provoque des opinions tres di-
verses. D'un cole, on a fait dependre le droit de vote des sentiments re-
ligieux, de la frequentation assidue de I'office divin et de la communion,
ou du renouvellement de la profession de foi ; de I'autre, par contre, la
plus legere exigence, au point de vue ecclesiastique, etait consideree
comme une g6ne inadmissible. Cette derniere manifere de voir fait ab-
straction des conditions essentielles de la vie de I'figlise. Cette seule
consideration la refute suffisamment.
Art. 6. II est forme uu conseil communal ecclesiastique (ein
ArPENDICE. 577
Gemeindekirchenrath) charge des affaires mentionnees en rart.-IS.
Ce conseil est compose dii pasteur et de qualre membres laiques au
moins, lesqiiels soiit nommes par election. Si plusieurs pasteurs
remplissent des fonclions dans la commune, chacun d'eux a voix et
siege dans le conseil communal ecclesiastique. Les pasteurs auxiliai-
res ont voix deliberante.
Les communes-meres et filiales reunies {vereinigte Mutter-und
Filialgemeinden) fournissenl au conseil ecclesiastique de la com-
mune-mere le nombre de membres correspondaut a jelui des peres
de famille qui ont le droit de voter. Les adminislrateurs de I'eglise
nommes en vertu du droit de patronage font aussipartie du conseil
communal ecclesiastique.
Art, 7. L'election demembres du conseil communal ecclesiastique
se fait par les membres de la commune jouissant du droit de suf-
frage (§ 5), sur une liste dressee parle conseil, qui presente au moins
un nombre double de candidats.
Eclair cissements. C'est une idee repandue, mais neanmoins tres fausse,
que la liberie de ia commune doit elre absolue pour relection des mem-
bres du conseil ecclesiastique-, les anciens reglcments etablissent beau-
coup plus souvent, au contraire, I'usage de la cooptation. On n'a cepen-
dant pas considere ce dernier fait comnie un principe acceptable; car
la cooptation peut tres facilement amener une facheuse transmission
d'abus ; et elle tend a annuler la conscience de la commune dans le
comite de direction. C'est pourquoi il a ete recommande d'unir la coop-
tation a rejection. Cette combinaison a pour resultal, d'un cote, d'inte-
resser la commune dans le choix des membres , et, de I'autre, d'offrir
une garantie contre les fluctuations dangereuses qu'entralnent les rivali-
tes de partis.
Art. 8. Les membres du conseil communal ecclesiastique doivont
etre chefs ou peres de famille et jouir de tons les droits civils. Les
electeurs ne doivent diriger leurs vues que sur des personnes qui
profitent des moyens de sanctification offerts par I'Eglise {an den
kirchlichen Gnadetimittel Theil nehmen), et qui par la dignite de
leur vie merilent de reraplir les fonclions communalcs ccclesias-
ti(|ues. Dans I'accomplisscment de leur devoir, les electeurs sont
responsables devant la commune et devanl I'eglise.
Art. 9. Les elections pour le conseil communal ecclesiastique
»ont proclamees en cliaire, Irois dimanches successifs. Huit jours
578 APPENDICE
avant I'election , !a liste des personnes proposees est affichee a la
porte de I'eglise.
Art. ^0. Les discussions pr^paratoires de I'election sontdirigees
par le premier pasteur ou, en cas de droits egaux, par le plus an-
cien. Elles sont ouvertes par un discours dans lequel, de I'autel
meme, le ministre invite les membres de la commune a se bien pe-
netrer de leurs devoirs ; apres quoi I'election a lieu par vote oral.
Art. -H . L'election a lieu a la majorite absolue ; le resultat est an-
nonce imraediatement, ou du moins le dimanclie suivant, du haut
de la cliaire ; les membres olus s'engagent, lors du service qui suit ,
ai'accomplissement de leurs devoirs par promesse soleunelle devant
la commune.
Art. -12. Les devoirs des membres du conseil communal ecclesias-
tique sont ceux-ci :
1° Travailler aux progres des sentiments religieux et des moeurs
cbretiennes par des avis et des admonitions;
2° Donner des soins a la celebration des ceremonies religieuses ;
assurer la sanctiQcation du dimancbe ; cooperer a I'organisation de
la liturgie locale ;
30 Veiller a la bonne gestion des biens de I'eglise ;
40 Tenir exactement la liste des membres de la commune;
S* Faire connaiire les vacances qui peuvent survenir dans les
charges de pasteurs, et pourvoir, pendant les intirim, ^I'execution
des mesures prescrites en pareil cas ;
6" Faciliter I'entree en charge des pasteurs et proposer la confec-
tion de la liste de presentation pour les elections au conseil com-
munal ;
7° Pourvoir, dans la limite du droit de chacun, a la nomination
des employes inferieurs de I'eglise ;
8° S'occuper du role attribue au conseil communal ecclesiastique,
dans ses rapports avec Tecole ;
9° Veiller au bon emploi des ressources de I'eglise dans les soins
a donner aux malades ;
-1 0° Pourvoir a la representation de lacommune au synode du cercle.
Art. H5. La presidence est defeiee aux premiers pasteurs ; en cas
d'egalite de droit, au plus ancien.
Art. -14. Le conseil communal reparlit, commc il I'entend, eutre
les membres , radmiuistraliou des interets ecclesiastiques.
ill
ETUDE
SUR LE BUDGET DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE EN PRUSSE.
Au ministere de rinstruclion publiqiie en Prusse se laUachent,
comme on salt, les ciiltes et tout ce qui coucerne la medocine. Le
ministere est officielleraent denomme :
Ministere des cultes, de Vinstruction publique et des affaires
medicalcs [Ministerium der geistlichen, (Inter richts-und Medizinal
Angelegenheiten).
Le l)udget (^) s'eieve a la sommc lotaie de 5,878,513 Ihalers
ou ^^,543,67^ fr.75c.
Ce budget, dans ses elements les plus geueraux, se decompose
ainsi :
Defenses ordinaires.
A. — MINISTERE.
(Conseillers (2), administration centrale), Iraite-
ments et depenses personnelles
Materiel, depenses d'administration .
94,092 thalers.
(352,844 fr.)
14,600 thalers.
(54,975 fr.)
108,752 thalers.
(407,819 fr.)
1. Exercice 18S3.
■2. I directeur a 4,000 thalers (15,000 fr.); I conseiller a 3,000 thalers {il,'i">0 fr.) ;
11 conseillers de 2,000 a 2,600 thalers ; 2 conseiller eccleslastiques k 800 thalers: 3 con-
.seillers speciaux pour les affaires niedicales de 1,000 a l,500 ihalers.
580
APPENDICE.
B. ^ CULTES.
CULTE EVANGELIQUE.
Conseil superieur de I'Eglise {Ober-Kirchen-
rath) (1), traitements et frais de bureaux
Consistoires {id)
Pasteurs et eglises (traitements et secours)
18,000 thalers.
(67,500 fr.)
101,570 thalers.
(380,887 fr. 50 C.)
283,583 thalers.
(1,063,436 fr. 25 c.)
403,253 thalers.
(1,411,823 fr. 75 c.)
CULTE CATHOLIQUE.
Dotation des ev^ches et des etablissements qui
en relevent
Ecclesiastiques et eglises (traitements et sub-
sides)
351,056 thalers.
(1,316,463 fr.)
383,046 thalers.
(1,446,423 fr. 50 c.)
734,102 thalers.
(2,762,886 fr. 50 c.) (2)
1. \ president a ^4,500 thalers; 2 membres a 2,400 thalers; 2 a 800 thalers; 1 a
400 thalers ; 6 membres sans traitement.
2. Cette inegalite de revenus au profit de I'Kglise catholique s'explique naturellement :
la dotation de I'Etat est une dette contractee par lui a la suite des secularisations opc-
rees a diverses epoques, et pour la derniere fois, en 1810. lors de la guerre de I'inde-
pendance. L'acquittement de cette dotation fut regie, en 18-21, par le hceniglicfie ordre
du 23 aout et la bulle de salute miimarum du 16 juillet.
La dotation, bien que consacree par ces actes solennels, n'en est pas moins chaque
annee I'objet de vives polemiques de la part des journaux evaugejiques. Le nombre des
protestants en prusse relativement au nombre des catholiques est en effet dans le
rapport del8 a 11.
APPEiNDICL.
58^
C. — INSTRUCTION PUBLIQUE, SCIENCES ET ARTS.
FONCTIONNAIRES DES PROVINCES.
Provincial-Sc/iMJ-jRoWeg'ien(l)(traitements el frais
de bureaux)
Commissions d'examen (2) {ivissenschaftlichen
Priifungs Commissionen )
48,840 thalers.
(183,950 fr.)
6,592 thalers.
(S4,719 fr.)
55,432 thalers.
(208,669 fr.)
UNIVERSITES.
Subsides pour les Universit^s et I'Academie de
MUnster (3)
Bourse de I'fitat,
466,035 thalers.
(1,747,631 fr. 25 c)
10,444 thalers.
(39,165 fr.)
SUBSIDES POUR LES GYMNASES ET LES REAL-SCHULEN (4).
292,458 thalers.
(1,096,717 fr. 50 c.)
1. Chacune des dix provinces de la Prusse est administree au triple point de vue
des culles, de I'instruction publique et des affaires medicales par un consisloire provin-
cial, lequel, a I'image du ministere lui-meme, est partage en Irois sections : a I'une de
ces sections, le scfml-cotlegiwn, dont ii est id parle, rcssortissent les questions d'in-
struction secondaire et radministration des ecoles normales primaires. Le schul-colle-
gium inspecte les gymnases et les ecoles rgelles, redige les regleraents, etc.
2. Ces commissions, composees de professeurs de I'Universite de la province, font subir
aux eleves sortant des gymnases I'examen qui doit leur ouvrir la porte de I'Universile
{Abiturienten-examen) Elles sont aussi chargees de presider aux epreuves imposees
aux futurs professeurs des gymnases.
3. h'Acadimie de Mtinster est une Universite incomplete. On n'y enseigne ni le droit
ni la medecine ; I'eveque du diocese, M^' Muller, a demande au roi de reconstituer celte
Academic sur de larges bases et d'en faire VVniversM des provinces catholiques de
Prusse.
4. Les HeaUSchulen forment cette classe d'etablissement qui repondent A la vocation
des jeunes gens non destines aux etudes classiques, mais dont les eludes scientifiques
doivent depasser debeaucoup les limiles de I'enseignement primaire. Elles constituent
I'instruction intermedialre superieure. Presque chaque ville, en Allemagne, a son ecole
riette, ou du moins son 6cole bourgeoise {burger-schule}.
582 APVENDICE.
INSTRUCTION PRIMAIRE.
ficoles normales {Schullehrerseminarien) 118,955 thalers.
(446,081 fr.)
ficoles ^lementaires 187,267 thalers.
(702,251 fr. 25 c.)
fitablissements de jeunes aveugles et de sourds-
muets 13,418 thalers.
(50,317 fr. 50 C.)
fitablissements d'orphelins et de bienfaisance. . . 75,198 thalers.
(291,192 fr. 50 c.)
394,838 thalers.
(1,489,942 fr. 25 c.)
ARTS ET SCIENCES.
Academie des arts a Berlin ..., . 32,867 thalers.
(116,851 fr. 25 c.)
Academie des arts de Kosnigsberg et de Diissel-
dorf 12,160 thalers.
Musee a Berlin 49,300
Academie des sciences a Berlin 20,743
Bibliotheque royale 24,180
Depenses diverses d'art et de science 46,282
185,532 thalers.
(895,745 fr.)
D. — DfiPENSES COMMUNES AU CULTE ET A L'lNSTRUCTION.
Pour les ecclesiastiques et les conseillers sco-
laires {schulrathe) dans les regences (1). .. • . 52,950 thalers.
Depenses des batiments resultant du droit de
patronage 194,762
Supplements de traitement a des ecclesiastiques
et a des maitres , 179,455
Depenses diverses 55,967
483,134 thalers.
(1,811,752 fr. 50 c.)
I. Chaque province est divisee en depariements (regieningsbezirke), dont chacun a
SOB conseil appele rigence. Cetle regcnce , sorte de conseil de prefecture, esl com-
APPENDICE. 58o
E. — MfiDECINE.
303,168 thalers.
(1,136,881 fr.)
F. — DfiPENSES IMPRfiVUES.
19,965 thalers.
(74,868 fr. 75 C.)
Total des depenses ordinaires. . . . o 3,457,113 thalers.
OU 12,984,171 fr. 75 c.
II.
DEPENSES EXTRAORDINAIRES.
421,200 thalers.
OU 1,579,500 fr.
Total general 3,878,313 thalers.
OU 14,543,671 fr. 75 c.
Que Ton retranche les depenses particulieres aux cultes, il reste
au service de rinstruction publique la somrae de 4 0,368,901 francs
pour une population de -15,000,000 d'habitants.
Faut-il done s'effrayersi, pour une population de55,000,000d'ames,
la France inscrit a son budget de I'iustruction publique la somme de
22,355,525 fr.?
Entrons dans le detail des chapitres :
I. IJSSTRUCTION SUPERIEDRE.
11 y a en Prusse sept Universites, Berlin, Bonn, Breslau, Halle, Koe-
nigsberg, Greifswald, Miinster. Chacuue de ces universites, a I'excep-
tion de VAcademie de Miinster, est la reunion des differentes Facultes
en un corps unique. Sous le uom de Faculte de philosophic sont com-
pris au reste beaucoup d'objets d'une nature tres diverse, lesquels,
posee d'un certain nombre de conseillers (Regierungsrcethe) , parmi lesquels uii con-
seiller special est cliarge de ce qui regarde rinstruction primaire dans I'elendue du
departement. Le ScliuLrath est rapporteur de toutes les affaires relatives a I'enseigne-
nient primaire aupres du conseil. II correspond, au nom de la regence, avec le schid-
coUegiwn ct le miuistere de rinstruction publique, pour ce qui regarde les ecoles nor-
niales.
584 APi'EiNDict:.
avec graude raison, sont reparlis cliez uoiis eutre les deux Facultes
des sciences et des lellres. Le mot de philosophic, sous ce rapport,
est a peu pres aussi comprehensif, a I'heure qu'il est, en Allemague,
qu'il I'etait en Grece du temps de Socrate ou d'Anaxagore. C'est
ainsi qu'a|l'Universite de Berlin, par exemple, se trouveut reunis,
sous le titre commun de professeurs de philosophic, M. G. Grimm
et M. Dirichlet, M. Michelet et M. L. Ranke, M. Lepsius et M. Rau-
mer, etc.
La depense totale des sept Universiles de Prusse s'eleve a
539,635 thalers (2,233,586 fr.), dont, je I'ai dit, 'l,747,63^ francs a
la charge de I'Elat.
En France, la somme inscrite au budget pour les huit Facultes de
theologie, les neuf Facultes de droit, les (rois Facultes de medecine,
les onze Facultes des sciences, les treize Facultes des lettres^ et les
trois ecoles de pharmacie, ne va pas au dela de 2,786,656 francs,
savoir :
Facultes de theologie ^ 49,000 francs.
— de droit 770,700
— de medecine . 694,440
— des sciences 468,700
— deslettres 470,696
l^coles superieures de pharmacie ^ 62,000
Depeuses communes a toutes les Facultes . ... 7^,^00
2,786,656 francs.
Les recettcs et les depenses des universites prussiennes sont eva-
luees comme il suit :
1. Depuis que ces lignes ont et6 ecrites, M. !e Ministre de I'lnstruction publiquc a dote
la France de cinq nouvelles Faculles des sciences et de trois Facultes des lettres. Les
depenses afferenles a reiisemble des Facultes a ete porte, dans le budjet de 185S, a
3,361,741 fr.
APl'ElNDlCt:.
RECETTES.
585
FONOS
INTERETS
des
Ressources
de
Fondalions.
ou revenus
piopies.
TOTAL.
.
L'ET AT.
Liens-foiids.
Ih.
til.
th. s. pf.
Ih.
tb.
I5ci lin
151,402
(568,962 fr.)
50
250 14 S
5,698
157,210
Bonn
101,050
1 378,937 fr.)
277
2,453 » »
2,186
105,780
Breslau
80,318
(301,102 fr.)
)>
9,566 » »
1,1-29
90,890
Ilalle
53.645
(201,168 f. 75 C.)
27,792
252 22 6
3,594
85,165
KcEnigsberg..
71,310
(207,412 f. 500.)
40
7,099 1) »
852
79,200
Greifswald . .
1,200
(4,500 fr.)
57
60,373 )) ))
470
62,100
Miinster . . . .
1,250
(4,697 fr.i
12,578
»
1,450
15,278
460,355
plus, 5,800
40,794
79,995 11 »
15,359
595,623
—
.^-^
-> ^
(2,233,586 f. 25.)
466,035
13
6,148 th. 11 si!
b.
(1,749,631 f. 25.)
(485,955 fr.)
DEFENSES.
Institute,
FRAtS
DEPENSES
DbPENSLS
de I'admi-
' tioiis,
secours ,
nistratiou
des
fiais
du ("ulte
boursos
pour
le
supple-
menlaires
TOTAL.
acadtmi-
professeuis.
dans
rUni^er-
aux
materiel.
diverses.
que.
site.
etudiants
ih.
th.
tb.
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th.
th
Ih.
lierliii
9,747
80,800
(300,000' »)
55,350
350
2,000
8,983
157,210
Bonn
7,540
.59,700
(223,875' »)
27,116
3,300
4,589
3,535
105,780
Breslau. . . .
7,354
44,049
(165,183' «)
24,901
4,060
3,500
7,026
90,890
Halle
6,870
40,076
(150,284' »)
21,631
7,926
3,460
5,182
83,163
Ka-nifisbcig
5,654
32,585
(122,193' 75)
24,881
7,565
5,6";i
4,884
79,200
Gieifswald.
4,030
30,755
(115,191' »)
17,733
3,^76
»
5,900
62,100
Miinslei- . . .
510
9,750
(38,562' »)
4,10G
300
»
612
15,278
45,489
297,715
175,720
27,577
17,200
34,122
595,623
(163,083')
(l,009,431'25j
(659,950')
1102,663')
(04,o(j0')
(127,957')
(2,233,386' 23)
25
580 APPEiNDICE.
On salt qu'il y a, dans loutes les universiles d'AlIeraagne, trois
classes de professeiirs : les pfofesseurs ordinaires on titulaires {or-
denlliche) ; les professeiirs extraordinaires (ausserordentliche) re-
pondant a peu pres aux professeurs adjoiuls de nos Facultes; les
privat-docenten, doni la position est analogue a celle des agreges-
de medecine en France. Les professeurs ordinaires et les professeurs
extraordinaires recoivent seuls un Irailement de I'Elal, et, nature! -
lenient, le cliiffre du Iraitement des premiers est beaucoup plus eleve
que ceUii du traiteinenl des seconds.
A rUniveisile de Berlin, qui coinpte cinquanle-deux piot'esseurs
ordiuair-es et quaranle-deux professeurs extraordinaires, la moyenne
des iraitemeuts pour les premiers (ces traitemenls varient selon la
nature de rcnseignement) est la suivante : ^,500 tlialers (S,02o fr.)
pour les professeurs de Ibeologie ; ^,-^60 tlialers pour les professeurs
de droit; -^,^80 tlialers pour les professeurs de medecine; 1,500
pour les professeurs de philosophie. Le Irailement des professeurs
extraordinaires est de 580 a 320 tlialers (de 1,425 a J ,950 francs).
Ces traitemenls fixes, on ne Tignore pas, ne constituent point les
seuls reveuus des professeurs dans les uuiversites allemandes, taut
s'en faut! Ces traitemenls ri5pbudent aux liegons gratuites (/e^ere
publice) que les professeurs sout tenus de faire. Mais en dehors de
ces leQons, lesquelles sout peu nombreuses et les nioius importantes,
les professeurs donnent des cours {lesen ein Collegium) sur des su-
jets determines par leur libre choix. Ce sont ces cours qu'on appelle
IcQons privees {legere privatim). Voici, par exemple, comment le
programme de ^852 annonrait les cours du celebre pbilologue
Bopp :
F. Bopt», docteur,
I. Publice selectos Rig-Yedaj hymnos inlerpretabitur d. sat.
h. III-IV.
II. Privatim \° graramaticam comparativam linguarum gr«ca;,
laiinse et germanicse d. Lun. Mart. Jov. li. III-IV. Iradet. — 2° Gram-
lilali'cam sanscritam, duce libro suo minore (ed. 2. 1845), docebit,
d. Lun. Mart. Jov. b. IMIL
Or, ces leQons privees sont payees par cliaque etudiant au taux
de 20 fr. environ pour un semestre. Et pour peu que le professeur
Use deux ou Irois colleges, ce qui arrive souvent, avec 100 ou ^50
Al•PE^DICE. 587
eleves par cours, le supplement du lroitemen(, on le voit, triple ou
quadruple le principal.
line telle organisation serable fonctionner en Allemagne au grand
proGt, tout a la fois, de la science, des professeurs el des eleves. La
situation financiere des professeurs pent elre, on le coinprend, ires
avanlageuse, sans que I'Elat depasse, en aucune facon, les limites de
credit alloue pour le traileraenl flxe. credit qui se monte, nous
I'avons dit, a la soinme de 297,713 llialers, ou ^ ,-Ht,4ol fr.
II.— INSTRUCTION SECONDAIRE.
La Prusse compte -140 etablissements publics d'instruction secon-
daire, parmi lesquels ■^^0 gymnases, c'esl-a-dire HO institutions ou
le programme des etudes recoil un complet developpement '.
i. Ce n'est pas ici le lieu de disculer ce progiamme ui de le comparer au ii6tre. Je
l)iiis du raoins le faiie connailre. En exarainant la repaiiiiion des objets d'eriseignemeiit,
ou remarquera le soia avec lequel sont atlribuees aux. classes de la division iriferieuie
les eludes necessaires h tous. L'expeileiice de rAllemagne fait ressortir la sages'^e de la
reforme qui a place I'enseigiiemeiU de la geograidiie et de I'histoire natiojiales, ainsi que
de I'arilhmelique daus la division ile granimaire. l.a piemiere parlie des eludes en France,
comme au dela du Rhin, forme aujourd'hui, grace a celte reforme, une sorle de cours
complet, doiil beaucoup de families pcuvent se contenier, mais qui est en meme lemps
la preparation a un enseignement plus eleve.
Voici le tableau des lemons qui ont ele donnees au gymnase fran^ais a Berlin en 1832 :
PREMIERE CLASSE.
(Inspecieur i>p6cial : h Directeur.)
1. Religion. {•> lee. p. sem.) En liiver : Hisloire ecclesiaslique depuis Conslantin le
Grand jusqu'a la Reforme. Repetition des siecles anterieurs. — En ele : Explication de
I'Epitre aux Fhilippiens sur I'original. — Repetition de rintroductioti aux livres du Nou-
veau Testament. — Fournicr.
2. B^breu. {2 leQ. p. sem.) Repetition de la partie elymologique de la grammaire. —
Explication dc la Genese, chap. 1-3, de TExode, chap. 1-4, 17, des Juges, chap. 13-16,
des Rois, I, 17, — n, 2 et des psaumes CXX-CL. — Le decalogue el quelques psaumes
ont ele appris par cceur. — Themes, version laliue et analyse grammaticale de psaumes
iHs en parliculier. — Schmidt,
3. Grec. (6 lec. p. sem., Sophocle, Antigone. — Homere, I'lliade, chant IV. En outre
les eleves ont lu une parlie de I'liiade en paniculii r.
Platen, I'hedon, chap. 1-54 et la fin depuis chap. C3. Demosthfene , 'les harangues
Olyntiennes et la iroisieme Philippique. — Extemporalla. — Kramer.
4. Latin. (10 ec. p sem.) Horace, Odes, liv. II-UI, 23. L'fipitre aUx Pisons. Des odes
choisies ont eie apprises par coeur. — Kramer (5 le?.). "-1
Tacite, Annalcs, liv. XIII-XV. — Ciceron, Divlnalio in Q. Cajcilium, in C. Verrem
Actio I, Aclionis II, hb I el lib. IV Init. Extemporalla, themes, compositions; les ecoliers
ont lu Chez eux Ciceron de offwiis et le premier livre des Hisloires de Tacite; de temps en
temps ils ont recite des discours composes par eux-memes, el soutenu des theses. —
MuHach. (7 leg.).
5. FrariQais. 2 lec. p. sem.) Histoire de la litlerature depuis ses originesjusqu'au milieu
588 APfENDlCI^.
Berlin a 6 gymiiases pour 570,000 liabitants; Breslau 4 pour
90,000 ; Magdebourg 2 pour 50,000 ; Halle 2 pour 27,000, etc.
(lu dix-septieme siecle. — Lecture de quelques Oraisons funebres de Bossuet, de quelques
Discours de reception de divers auteurs et des Femmes Savanles de Moliere. — Composi-
tions et analyses d'ouvrages lus par Irs eleves. — de la Harpe.
6. AUemand. (2 lec- p. seni.l Histoire de la litlerature dcpuis 1770 jusqu'a la morl de
Goethe (en hlver); depuis ses origines jusqu'a 1300 {en ete). — Compositions et discours
])rononces en classc. — Kramer.
7. Anglais. (3 leg. p. sem.) Lecture du Sit'f/e de Corintlic, de morceaux choisis de CliUde
Harold par Byron et de quelques cliapiires des Slxlclies btj Bo:. — Discussion de piu-
sieurs chapitres de la grammaire de Folsing en anglais; exteraporalia et traductions
orales de Tallemand ( n anglais ; compositions. — Franz.
8. Hisloire. (3 leg. p. sem.) Histoire universelle depuis la guerre de Irente ans jusqu'a la
seconde paix do Paris. — Repetition de I'histoire ancienne. — Kramer.
9. Maihimatiques. (4 le?. p. sem.) En hiver : La slereometrie (3 leg.).— Problemes
d'algebre et de planimetrie (1 leg.). — En ete : Equations du second degre a plusieurs
inconnues; equations cubiqncs; theoreme du binome; problemes de trigonomeirie elde
stereometrie. — JoacliimstliaL
10. Physique. (2 leg. p. sem.) Les elements de rastronomie. — Le galvanisme. —
Joachimstlial.
11. Philosophic. (1 leg. p. sem.) Les elements de la logique. — Kramer.
SECONDE CLASSE.
(hispecteur special : le professeur Lhardy.)
1. Heliijion. (2 leg. p. sem.) En hiver : Kepilition de i'histoire de i'Aiicien et du Nouveau
Testament, en particulier de I'histoire de Jesus-Christ. Lecture el explication des neuf
premiers chapitres des Actes des Ap6tres sur roriginal. En ete : Dogmaiique populaire :
repetition des dogmes de Dieu, de la creation, de la Providence; exposition des dogmes
de riiorame el de la Redemption — Fournier.
2. Hebreu. (2 leg. p. sem.) Cours d'etymologie d'apres Gesenius. Explication des mor-
ceaux correspondaiils du manuel de Bruckner [Neiws hebr. Lescbuch.). Themes. — Schmidt.
3. Grec. (6 leg. p. sem.) Uoincre, I'Odyssee XVII-XX (2 leg. — Les eleves promus de
Grand'lroisieme out ces legons separemenldurant le premier semestre.)
Xenophon, Hellenica VU, i el 5. Arrien I, 1-20. — Repetition des verbes irreguliers.
Exteraporalia. — Lecture domestique : Homere, I'Odyssee II, III, V, VIIL Plusieurs mor-
ceaux de I'Odyssec onl etc appris par coeur.— Lhardy et Schmidt (pour la lecture d'Homere
dans la seconde t^ection).
4. Latin. (10 I. p. sem.) virgile, rfineide, chant III-V ct I, 1-bOO. Egloguel.— Mullach
(en hiver). Chambeau (en ete) (5 I.).
Ciceron, pro Q. Ligario et pro rege Dejotaro. — TiteLive, liv. IV. — Salluste, Jugurtha,
chap. 1-57. — Repetition de la Syntaxe du \erbe et explication de la syntaxis ornata
d'apres la grammaire de Zum|)t. — Themes et exteraporalia. Lecture domestique : Tile
Live, liv. XXII, XXIII. —Lhardy (7 1.).
5. Frangais. (4 1. p. sem.) Lecture : Lucrece, par Ponsard; VEcole des Vieillards, par
Cas. de Delavlgne; Horace, par Corneille. — Cours de versilicaiion. — Exorcices de de-
clamation et d'6locutiou. — Coraposilions sur des sujets donnes. — Jeanrenaud.
6. AUemand (2 I. p. sem.i Cours de [loetjquo : la poesie epique et lyrique. — Compo-
sitions, discour.s, recitations. — Zinzow.
7 Anglais. (2 1. p. sem.) Les eleves de seconde sent combines pour cet objei en parlie
avec ceux de premiere, en parlie avec ceux de troisieuje. — Franz.
APPF.\nic.E. 580
Ni Paris, qui, en snivant cette proportion, flevrnit avoir vingt col-
leges, ni des vilies comme Lyon, Marseille, Bordeaux, ne peuvent
8. Histoire. (3 1. p. sem. Hisloire grecqiie. Histoire roniaine jusqu'aii premier trium-
virat. — Precis de la geographie ancicnnc de la Grece et de I'ltalie. — urarggralf.
9. Mathimaliques. (4 1. p. scm. i En hiver : Les puissances, les racines, les lof;aritiimes,
les progressions geometriques. Elements de trigonomelrie plane.
En ete : La mesure des aires el du cercle; application de I'algebre a la geomclrie; les
equations du second degre k une et a deux variables; les progressions ariihmetiques. —
Joachimsthal.
10. Physique.. (2 I. p. sem.i Statique des corps liquides et aeriforn •js. Le magnetisme;
I'electricite; le galvanisme ; I'electro-magnelisme. — Joachimsthal.
TROISIEME CLASSE.
PREMlfeRE SECTION.
{Inspecteur special : le professeur Jeanrenaud.)
1. Beligion. (2 1. p. sem.) En hiver : Apergu de la morale chretienne.
En ete : Histoire des souffrances et de la mort de Notre Seigneur Jesus-Christ, d'apres
les quatre fivangiles, lus dans la traduction de Luther. — Les eleves ont appris par coeur
des cantiques. — Fournier.
2. Grec. (6 1. p. sem.) L'Anabase de Xenophon, liv. IV, 6-v, 6. — Les verbes irieguliers.
— Mullach (5 1.).
P.epetilion du cours des classes inferieures. Exteraporalia. — Marggraff (\ I.).
5. Latin. (9 1. p. sem.) Ovide, Metamorphoses, morceaux choisis des livres V et VI.
Plusieurs morceaux ont ete appris par cceur. P.epetilion des regies de la prosodic. —
Mullach (3 I.).
Quinte-Gurce, liv. X et III. Cours de syutaxc il'eraploi des temps, des modes, des par-
licipes, du gerondif et du siipin), themes et extemporalia. — Lhardy (6 1.).
4. Frcaifais. (4 1. p. sem.) Lecture : I'Art poetique et satires de Boileau. — Exercices
de declamation; syntaxe; exercices de style. — Jeanrenaud.
o. Allemand. (2 1. p. sem.) Compositions. Exercices de declamation et de recitation.
Lecture de plusieurs morceaux classiques en poesie et en prose. — Zinzow.
6. Anglais. (2 1. p. sem.) Les elements de la langue, d'apres la grammaire de Fcelsing.
— Lecture de la Vie de Colomb, par W. Irwing. — Franz.
7. Histoire. (3 1. p. sem.) Histoire d'Allemagne. Geographie et histoire du royaume de
Prusse. — Marggraff.
8. Geographic. (2 1. p. sem.) Repetition de la geographie de I'Europe. Geographie ma-
thematique. — Schweitzer.
9. Malhimatiques. (4 1. p. sem.) Elements de geometrie d'apres Lacroix jusqu'a I'aire
des polygenes. — Algebre ; Extraction de la racine carree et cubique des quaniiles litte-
rales. Reductions. Proportions. Equations du premier degre ii une et a plusieurs iiicon-
nues. Problemes. — Jeanrenaud.
SECONDE SECTION.
(Inspecteur special : le docteur Chambcau.)
i. lieligion. (2 1. p. sem.) En hiver : Introduction aux livres de I'Ancie el du Nouveau
Testament. Lecture et explication des ncuf premiers chapitres de TEvangile selon saint
Luc.
Rn ele : Explication succincle des cinq articles du calechisme, eu egard aux calecl)i»-
590 APPEXDICE.
soutenir la comparaison, quant au nomhre des lycces, avec Berlin
el les principales cites de la Prusse. Le chirfre des eleves esi, it est
mes de Lutlier et de Heidelberg. — Les eleves ont appris par coeur des canliques. —
Fournier.
2. Grec. (6 1. p. sem.) Explication de plusieurs morceaux du livre elementaire de
Jacobs. Les verbes reguliers. Kepetilion du cours de quatrif!rae. Exlemporalia. — Marg-
graff.
3. Latin. (10 1. p. sem.^ Ovide, Metamorphoses, morceaux chpisis cjes livres III, IV, Y-
Cours de prosodie. — Marggraff (-2 1.).
Cesar, la guerre des Gaules, liv. VII et VIII. Les regies du sul)jonctif et de rinfinitif.
Repetition du cours des classes inferieures. Themes et extemporalia. — Chambeau (8 !.">.
4. Francais. (4 I. p. sem.) Lecture de la Henriade. Cours de syntaxe d'apres Borel.
Traductions de I'anthologie de Frankel, second cours; extemporalia. Exercices de decla-
nialion. — Noel.
3. Allemand. (2 I. p. sem.) Lecture de quelqueg (frames de Schiller. Exercices de de-
clamation. Compositions. — Chambeau (en hiver). Schweitzer (en etc).
6. Histoire. (2 I. p. sem.i Histoire romaine jusqu'au regne d'Augusle. Histoire grecque.
— Chambeau.
7. Geographic (2 1. p sem.) Repelition de la gcograpliie de I'Asie, de I'Afrique, de
I'Amerique et de I'Oceanic. Geograpliie physique. — Schweiizer.
8. MaiMmatiquea. (4 1 p. sem.) Elements de geometrie d'apres Lacroix jusqu'aux
triangles semblables — Les qualre operations du calcul litteral, les reductions, les pro-
portions et la theorie des equations du premier degre h une seule inconnup. Extraction
de la racine carree des quantites litterales.
QLUTHIEME CLASSE.
{Inspecteur special : le docicur Schweitzer.)
1. Tieliqion. 2 I. p. sem.i En hiver : La conversion des Allemands au chrislianisme.
Histoire de la reformation.
En ete : Histoire de lc( resurrection de Noire Seigneur Jesits-Chrisl d'apres les qualre
Evangiles, et explication du chap. 15 de la premiere i<;piire de saint Paul aux Corinlhiens.
Les cinq articles du catechi^me avec I'explication de Luther. Des canliques et des passages
de rficriture sainle ont ete appris par cceur. — Schmidt.
2. Grec. 6 I. p. sem.) Cours de grammaire : la partie etypiologique jusqu'au verbe
pur inclusivemonl, d'apres le manuci public a I'usage du college. — Traduction de quel-
ques morceaux du meme manuel. — Noel.
3. LaUn. !8 1. p. sem.) Coineiius Nepos : les biographies d'Iphicrate, de Chabrias , de
Timolhee, de Datames, d'Epaminondas et de Pelopidas. — Cours de syntaxe d'apres le
manuel publie a I'usage du college, en parliculier Its regies des cas. — Repetition des
cours de ciiiquieme et de sixieme. — Themes et extemporaha. — Schweiizer.
4. Frangais. (4 1. p. sera.) Lecture el traduction orale de plusieurs morceaux des
Etudes historiqucs, par Beauvais. — Traduciions de I'allemand en fran?ais d'apres
Fraenkel (1 cours). — Repetition des verbes irreguliers. —Cours de syntaxe jusqu'au
verbe inclusivement (les regies du panicipe et du subjonctifj. — Exercices d'orthographe
et de declamation. — Noel.
5. Allemand. (2 1 p. sem.) Esercicesde lecture et de declamation.— Compositions.— Claus.
6. Geographic et Histoire. (3 1. p. sem.) Geographie physique et politique de I'Europe,
accompagnee dune hi^toire abregee de ses habitants, d'apres le manuel publie par le
maitre. — Schweitzer.
7. Malhimaiiques. (4 I. p. sem.) Arithmetique : Calcul numerique pratique. Les frac-
tions decimales. Extractions des racines carree et cubique des nombres entiers et des
fractions.
APPENniCE. 59^
vrai , beaucoup plus considerable dans les etablisseraents francais
que daus les gymoases dont on parle: aiusi, tandis que les HO gym-
Geometrie : Notions preliminaires ; des angles; des lignes paralleles et perpendiculaires ;
de I'egalile des triangles. — Joachimsthal.
8. CaUigrapliie. (1 1. p. seni.) — La Pierre.
9. Dessin. {-i I. p. sena.) — Maresch.
10. Chant. (^ I. p. sem.) — La Pierre.
CINQUIEME CLASSE.
{Insperteur special : le docteur Sciimitii."!
1. Religion. (-2 I. p. scm.) Hisloirc detaillee du Nouveau Testament (d'apres Zaiin,
Bibl. Hislorien). Les cinq articles du calecliismo lie decalogue, )c syrebole aposioliquc
et Toraison dominicale avec I'explication de Luiher); des cantiqiies ct des passages de
I'ficriture sainte ont ete appris par cceur. — Schmidt.
2. Latin. (8 I. p. sem.) Explication du manuel de Gedilie, p. 28-51. — Cours de gram-
maire : les verbes irreguliers; repetition du coiirs de la sixieme classe; synlaxe elemeii-
taire. Tliemes (d'apres 0. Schulz, Aufgaben, etc.) et extemporalia. — Schmidt.
3. FranfUis. (6 I. p. sem.) Lecture du Telemaque, liv. I-IV. — Traductions de I'alle-
mand en frangais. Cours de grammaire jusqu'au verbe exclusivenient. — Les verbes irre-
guliers. — Excrcices d'orthographe, de lecture et de declamation. — Chambeau.
4. Allemand. (3 I. p. sem.) Exercices d'orthographe, de lecture et de declamation.
Compositions. — Hollenberg.
5. G6ofjrapliie et Hisioire. (3 I. p. sem. Geographic de I'Afrique, de I'Amerique, de
I'Asie et des Terres Auslrales, accompagnee de notices historiques sur les habitants de ces
pays, d'apres le manuel publie par le mailre. — Histoire des Etats du roi de Prusse
jusqu'a I'an 1815. — Schweitzer.
6. Arilhmitique. (3 1. p. sem.) La regie de trois simple et composee. — Joachimsthal.
7. Calligraphie. (2 1. p. sem.) — La Pierre.
8. Dessin. 12 I. p. sera.) — Maresch.
9. Ciiant. (2 I. p. sem.) Les eleves de ciuquieme soiit reunis pour eel objet en paitie
avec ceux de quatrieme, en parlie avec ceux de sixieme. — La Pierre.
SIXifiME CLASSE.
{Inspecteur spt'cial : le docteur Zinzow.)
1. Religion. (2 1. p. sem.) Histoire detaillee de I'Ancien Testament (d'apres Zahn, Bibl.
Historien). Les cinq articles du catechisme (le decalogue et I'oraison dominicale avec
I'explication de Luiher) ; plusieurs canliques et passages de I'Ecriture sainte ont eie appris
par cceur. — Schmidt.
2. Latin. (7 1. p. sem ;La parlie etymologique de la grammaire jusqu'aux verbes irre-
guliers. Un grand nombre de mots ont ete appris par cceur. — Traductions du latin en
allemand et vice versa (d'apres Gercke, UebungssiUcke, etc.) — Zinzow.
4. Frangais. (6 1. p. sem.) Exercices de lecture et d'orthographe. — Traductions du
franpais en allemand et de I'allemand en fran(^ais. — Conjugaisons des verbes auxiliaires
el reguliers.— Un grand nombre de mots ont ete appris par cceur. — La Pierre premiere
section). Kuntze (seconde section).
4. Alleinand. (-> 1. p. sem.) Exercices de lecture, d'analyse et de declamation. — Exer-
cices de grammaire, d'orthographe el de composition. — Zinzow.
5. Ggograpliie. (3 I. p. sem.) Notions generates de la geographic mathematique et
physique. Topographic generate de la terre : tableau des mers, des iles, des moniagnes,
des fleuves et des principales villes des cinq parlies de la terre, d'apres le manuel publie
par M. Schweitzer. — Glaus.
6. Arithmciiqiie. (3 I. p. sem.) Le calcul des fractions. — Hermes (en hiver). Langs
(en ete) .
592 APPl-iNDICF..
liases du departemenl de Potsdam, y compris ceux de Berlin, ne
renferment pas plus de 5,000 eleves, les cinq lycees et les deux col-
leges de Paris admettent plus de 5,000 etudiants; mais precis6ment,
il ne serait pas difficile de le deraontrer, cetle repartition des eleves,
d'apres le systeme allemand, est a tous egards infiniment preferable
a I'accumulation qu'impose, a Paris ineme, le norabre trop restreint
des lycees.
Tandis que le lycee Bonaparte est oblige de recevoir ^,124 eleves
Louis-le-Grand 880, Charlemagne 877, etc.,., un seul gymnase, a
Berlin, le Friedrich-WilhelmS' Gymnasium compte plus de 500
eleves : le gymnase frangais n'en regoit pas au dela de 270 '. Or
ce n'est point par le nombre des eleves, c'est par la force des eludes
qu'il convient de juger un etablissement d'instruction publique.
Loin de ma pensee de vouloir insinuer que I'elite des etudiants de
nos lycees, dans chaque classe, soit inferieure aux premiers eleves
des gymnases allemands; je crois precisement le coutraire; mais,
ce qu'il serait facile d'etablir, c'est qu'en general, dans les institu-
tions secondaires d'Allemagne , grace au nombre moins considerable
des eleves 2, I'instruction est plus uuiverseileraent et plus egalement
repartieque dans lesetablissements fran^ais.
II faut diviser en deux categories les ^40 etablissements publics
dont nous parlous ici : les uns, au nombre de 100, parlicipent aux
subventions de I'Etal; les autres, tout aussi importants d'ailieurs, on
sont des institutions eniierement comraunales {stadtische ans-
talten), ou vivent de revenus particuliers et de fondalions spe-
ciales, corame le gymnase de Zeitz, dans la province de Saxe , ou
7. Calligrapliie. (3 1. p. sem.) — La Pierre.
8. Dessin. (2 1 p. sem.) — Marcsch.
9. Chant. (2 I. p. sem.") — La Pierre.
1. Nombre des eleves : Friedrichs-Werdesches gymnasium. — En premiere classe, 54;
en seconde (1" div.), 38; id. (2e div.), 33; en troisieme [V div), 39; id. {■l" div.), 60; en
quatrieme, 66 ; en ciiiquieme, 60; en sixienie, 51 .
Gymnase Zmn grauen Klosier -. En premiere, 36; en seconde (1" div.), 55; id. (2e div.l,
33; en Iroisidme (1« div.), 48; id. (2« div. A), 4-2; id. (2e div. B.j, 39; en quatrieme
(l'« div.), 63; id. (2^ div. A), 36; id. {2« div. B), 36; en cinquieme, 66; en sixicme, 29.
Gymnase frangais : En premiere, 17; en seconde, 29; en troisieme !l'= div.), 24; id.
(2e div.), 44; en quatrieme, 46; en cinquieme, 55; en sixieme, 62.
nemarquez la triple division des troisieme et quatrieme classes dans le second de ces
gymnases.
2. En etablissant la proportion des professeurs et des jeunes etudiants des symnase.«,
on trouve un mailre pour moins de vingt eleves.
APPEN'DICC. 595
le cloUre de Magdeboiirg, qui jouit d'uu revenu de 54,800 thalers
030,500 fr.).
Reparlies entre !es 100 etablissemeiUs en queslion , les subven-
tions de I'Etat s'eievent, nous I'avons dil, a 292,458 thalers
(i, 096, 71 7 fr.). En France, les subsides du Gouvernement, dans
I'iuteret de I'instructiou secondaire, subsides accordes aux 57 ly-
ceeset, dansune proportion tres faible, a 66 colleges communaux ,
alteignent le chilTre total de 2,514,507 fr. ■".
D'apres les regies de la statistique, ^ million d'Inbilants suppo-
sent 93,454 enfants males de 8 a -18 ans. La population de la Prusse
etant donnee, 11 faut compter dans ce pays ^,40l,8^0 jeunes gar-
Qons compris dans les limites d'age iudiquees. Or, a supposer un
instant que tous les jeunes gens indistiuctement participassent a
I'instructiou secondaire, I'Etat en Prusse coniribuerait aux frais de
celte instruction, a I'egard de chacun, pour un pen plus de 78 c. En
France, dans la meme hypolhese et d'apres le meme calcul, la part
de I'Elat, le cbiffre actuel des depenses etant donne, ne seraitque
d'un peu moins de 69 c.
Qu'on cesse done de representer la France comrae grossissant a
plaisir son buget de ^instruction publique, et de I'invitera rediiire
ce budget d'apres I'exemple des nations eirangeres. Avant d'invoquer
cet exeraple pretendu de nos voisins, il serait utile de les connaitre.
Le bon sens ne s'en plaindrait pas et la discussion, a coup siir, n'y
perdrait rien.
Lechiffre des subventions accordees en France par le Gouver-
nement a I'instructiou secondaire est d'autant plus modere, rela-
tivement an cbiffre correspondant du budget prussien, que le pre-
mier, en bonne logique, devraitetre proportionnellement beaucoup
plus considerable que le second. En effet, les etablissements d'ins-
truction publique en Allemague possedent des rcssources particu-
lieres incomparablement plus elevees que celles de nos colleges et
de nos lycees.
Quelle est la somme totale des revenus propres des lycees fran-
?ais? 5^5,378 fr. Quelle est celle des revenus correspondants des
gymnases prussiens? 4^ 5,906 thalers, c'est-a-dire ^, 559, 847 fr. !
1. Lycees, 1,533,851 fr. 87 c.
Bourses et degrevemeiits, 679,244 fr. 10 c.
EncouragemcDts aux colleges communaux, 99.231 fr. oc c.
594 APPENDICE.
La difference est plus saisissante encore quand on compare les
deux chiffres des recetles gonerales des premiers et des seconds :
Total des recettes (lycees fran^ais) 8,882,082 fr, 95 c.
Id. (gymiiases prussiens). ... ^, 008, 535 thalers.
(4,08^,257fr.)^.
Deux lycees seulement en France jouissent de revenus impor-
tanls : Louis-le-Grand et Napoleon (63,945 fr., — et 95,099 fr.).
Apres ces deux lycees viennenl , dans I'ordre des faits en question,
ceux de Rouen (14,361 fr.) ; de Strasbourg (M,665 fr.) ; de Lyon
(10.940 fr.) ; de Melz (9,138 fr.) ; de Nantes (8,030 fr.) ; de Douai
(7,966 fr.) ; de Rodez (9,056 fr.) ; de Tournon (5,877 fr.); de Laval
(5,404 fr.). Los revenus des autres lycees n'alleignent que des chif-
fres plus ou raoins insignifiants.
Voyez, au contraire, lesetablisseraenls prussiens, Laissons de cote
les six gymuases de Berlin, dont le revenu total est de 51,953 tha-
lers ou 194,685 francs; prenons les gymuases des provinces. Voici
quelques noms et quelques chiffres :
Revenu.
Gymnase de Pforta -.- 4 1 ,1 1 6 th.
(154,185 fr.)
— deLiegnilz 25,195 Ih.
(94,472 fr.)
Ecole latiiie de Halle 3,291 tl|.
(19,832 fr.)
Gymnase de Munster 8,172 th.
(50,445 fr.)
— de Duisburg 5,621th.
— deCoesfeld 4,995 Ih.
(18,761 fr.)
(22,078 fr.)
— de Bonn 7,170 Ih.
(26,887 fr.)
— de Oppeln 3,576 Ih.
(20,159 fr.)
— de Gleiwitz 5,719 th.
(19,166 fr.)
Etc, etc.
1. Cetie disproportion s'explique tout naturellement, les peniionnats etant pour ainsi
dire inconnus en Aliemagne. Le produit des pensions entre a lui seul, dans I'ensemble
des recettes des lyc6es franpais, pour 4,3^6,224 fr. 91 c.
2. Pensionnat.
APPENDIGR. 505
La situation fiiianciere ties gymnases est done geueralement Ires
bonne. Eh bien, de lels revenus n'erapeciient pas le gonvernement
priissien d'inscrire au budget de I'insirnction publique des sorames
considerable^ deslinees aux subventions dontnous avons parte.
L'avantage que possedent les MO gymnases prussiens sur nos
57 lycees^ sou* le rapport des ressources propres, est un point tres
important. La moyenne de ces revenus , pour les seconds , est de
5,556 fr. 40 c; elle est pour les premiers de ^ 2,579 fr. 65 c. On
le voit done au premier coup d'oeil : quand, frappc des anomalies
qui embarrassaient le regime financier des lycees, M. le Ministre de
rinstriiclion publiqne y a porte remede en soumellant les tarifs des
frais d'etndes a une revision severe, les personnes qui, pour essayer
de combattre une mesure commandce par I'inleret des grands eta-
blisseraents publics, croyaient pouvoir invoquer I'experience des pays
voisins, ces personnes ignoraient lesdonnees les plus elementairesdu
probleme. Premierement, elles se Irompaient en fait. Les frais d'e-
tudesdoiU le taux varie du restedans les diverses provinces de Prnsse,
sont, dans plusieurs etablissements d'outre-Rhin, plus eleves qu'ils ne
le sont en France. Mais ensuite, et surtout, I'argument reposaJt sur
une assimiliation impossible. Les gymnases prussiens possedent des
revenus propres plus importants. du double, que ceux des lycees
francais. Comment done conclure du tarif adopte dans les uns au
tarif reclame par les autres? Ce qui en general sufQt ii la vie des pre-
miers serail la mort pour les seconds. Voila ce qu'il etait neces-
saire de savpir el ce que pourtant on ne savait pas.
Certes, que Ton Irouve le moyen de porter les 515,578 fr., chiffre
des revenus propres de nos lycees, an chiffre qu'alteignent en Prusse
les revenus de meme nature; qu'on resiitue a nos elablissemenls
d'inslrnction secondaire ces fondations accnmulees jadispar la main
des siecles, el qui semblaieni, dans lordre intelleclnel , I'expression
meme des progres de la civilisation frangaise, on aura rendu facile la
solution de bien des probleme?. Que faireeu attendani, sinon accepter
avec reconnaissance une reforme qui permet de ceder aux instances
d'un grand nombre de villes, de fonder, soil dos lycees d'internes,
soil des lycees d'exlernes, sans reclamer du tresor public aucune
allocation ? La est le point capital, la est le besoin reel que, pour le
1. 9 lycees nouveaux ont ete crees, depuis 1855. par M. le ministre de Pinstruclion
publique.
596 AP^F^DR.E.
fleveloppement dcs edides classiqiies et le progros moral du pays, il
iraporte de satisfaire. C'est aux adversaires, s'il s'en trouve encore,
de la reforme financiere accomplie recemraent, qu'il faut surtout
rappeler celte antilhese significative: la Prusse , pour H5 millions
d'liabitanis, a^^0 gyranase; la France, pour 56 millions d'ames,
a 57 lycees^
Les gymnases de Prusse n'admettant presque sans exception que
des externes, les depenses generales en sont peu compliquees. — II
faut repartir ces depenses en deux grandes categories : traitemonts
des professeurs ; — materiel et frais d'administration.
La somme totale des traitements s'eleve a 7J 9,479 thalers, ou
2,697,344 fr. 55 c; les depenses dc celte nature, dans les gymnases
de Berlin, sont ainsi fixees :
Verdersches gymnasium ^ 3,624 tli.
(5^,^49fr.)
Koelnisclies gymnasium -12,212 th.
(45,795 fr.)
Friedrich-Wilhelras gymnasium 55,925 th.
053.7i8 fr.
Franzosiscbes gymnasium. . r 8,700 tli.
(52,625 fr.)
.loachimstaler Gymnasium 17,289 tli.
(64,855 fr.)
Berlin'sches gymnasium • 15,878 th.
(59,467 fr.)
Les traitements des directeurs de ces six gymnases sont de
2,500 thalers (9,575 fr.) corame maximum, et de 1,500 thalers
(5,623 fr.) comrae minimum.
Dans les provinces , ies traitements des fonctionnaires du memc
ordie varieiit de 600 thalers (2,210 fr.), comme a Milnsterfield , a
1,500 thalers (4,875 fr.), comme a Koenigsberg.
Les traitements des professeurs sont en rapport avec ceux dont on
\ient de parler. A Berlin, ces traitements varient de 1,400 a
1,600 thalers (de 5,250 a 6,000 fr.). En province, ils descendent,
meme pour les professeurs superieurs (ober-lehrer) , a 900, 700,
500 et 400 thalers (de 5,575 fr. a 1,500 fr.).
1. II faut (lire aiijoiird'hui : or>.
APl'EiNDlCE. 507
Les depeiises de la seconde calegorie, a savoir les frais d'adininis-
Iratioii , soiit peu considerables dans les gymnases allemands. D'a-
bord, je le repete, le systeiue des pensioniiats est, pour ainsi dire,
inconnn. Ensuite, merae dans les quelques etablissemcnts oil sont
admis les internes, radnainislration est fort simple : les fonctions
de censeur n'exislent pas ; le directeur gouverne le gymnase, ayant
sous ses ordres un employe charge du materiel , employe dont les
altribulions ropondent a celles de I'econome de nos lycoes ; mais,
lout en gouvernant, il reste professeur et fait des classes comme
ses collegues, en moins grand nombre toutefois , cela va sans dire.
Les frais d'administration ne depassent pas 954 Ihaleis (3,502 ir.) d
Zulichau,et ^,042thalers (5,900 fr.) a Pulbus,
III. - INSTRUCTION PRIMAIRE.
La part de I'Etat, siir une depense tolaie d'environ 14,800,000 fr.
consacree k rinstruclion primaire en Prnsse, est, nons I'avons dit,
de 594,858 tlialers, ou de ^, 489, 942 fr. ; plus, 200,000 llialers en-
viron, 750,000 fr., pour supplements de traileraenls rt frais de bati-
ments, resultant du droit de patronage : le lout, en vue d'une po-
pulation de 15,000,000 d'Labilanls. Cette meme part, dans le budget
fraoQais, pour 55 000,000 d'ames , est de 4,970,000 fr. ; plus,
7il8,000 fr. affectesaux frais d'inspection, — c'est-a-dire que I'Etat
en Prusse, par million d'habitants , affecte a I'inslruction primaire
-149,996 fr., (andis que la France y consacre 158,855 fr.
J'ajoule iramedialenient qu'en vcrtu d'un principe dont I'appliea-
tion scmblcrait plus difflcile en France, I'Etat en Prusse n'intcrvienl
que gracieiisement (uus gnade) dans les depenses de 1' instruction
primaire. Ainsi qu'en Anglcterre, un grand nombre d'ocolcs sont
entretenues par des fonds particuliers provenant de fondations. Les
autres vivent de subsides payes par les communes, les socieles rf'e-
roles, dans les campagnes (Landschulverein) ou les cercles de re-
gence (dcparlements).
Une socieled'ecole est composeo de tons les proprielaires fonciers
sans distinction ct des peres de familh domicilies dans la circon-
scription de la commune, on en certains cas, de plusieurs com-
munes. Les ressources communales ordinaires, joinles k la retribu-
tion scolaireou aux revenus dos donations, venanl a etre insuffisantes
pour faire face a des frais dc fondation ou <le reconstruction d'e-
51>8 APPENDICE.
cole, les depenscs iiecessaires sont niises par un impot special el
(lout ia qiiotito est essentiellement variable, el la charge des peres de
famille {Uausvaler) .
Ce dernier mot presente ici un sens analogue a celui que lui don-
nait le droit romain. II designe tout habitant de la commune, sui
juris. Horniis les ecclesiasliques, les maiires d'ecole, les militaires,
les personnes a gage, mil n'est dispense de la contribution, qu'on ait
ou qu'on n'ait pas d'enfanis a I'ecole. 11 s'agitd'uninteret general au-
quel la loi niles moeurs ne permetlent qu'on demeure elranger.
La contribution est ordonnee par la regence , et la repartition en
estcalculee par les autorites communales, d'accord avec les repre-
sentants des socieles d'ecole.
Cette contribution est proporlionnelle aux rentes, produit des biens-
fonds,des industries, des biens de loute nature. C'est,^ vrai dire, un
impoisurlerevenu, genre d'impot qui,onlesail, n'a rien de nouveau
pour la legislation ni de redouiable pour les moeurs de TAIIemagne.
L'impot doni il s'agit piesenle ceci de remarquable, qu'il pese
sur les biens-fonds comme une charge reelle. La propricie? laquelle
il s'attache vieut-elle a etre deraembree , chaque parlie reste de
plein droit grevee d'une quotite proporlionnelle de contribution '.
— Et c'esl ainsi que le soin des intcr^ls moraux et inlellectuels du
peuple est eleve, au del'a duRhin,au premier rang des devoirs publics.
C'est seulement en cas d'insuffisance de ces ressources diverses,
qu'un appel pent elre fait aux secoiirs de la regence(du departemeni)
et aux liberalites de I'Etat.
On pent niainlenant se rendre comple de la disproportion des
depenscs mises a la charge de I'Etat , pour des serviced de niejue na-
ture, dans le budget fran(;ais et dans le budget prussieu.
BUDGET fran<;ais :
SubvPiilioiis aux coinnuuies poui-
depcnses ordiiiaires de leurs ecoles _
coninuuiaic's 5,560,000 fr.
Plus, siibvenlioiis pour conslruc-
Uous, repaialiuns el locations ex-
Iraordinaires des maisons d'ecole. . 900,100
4,460,000 fr.
BUDGET PKISSIEN
Id.
Id.
1,418,760 fr.
i. Lc fail enoiice ici se relrouve en article de loi dans le projel de 1819, ciie, dans
son onsoml)lo, par M. Cousin Ce projet, nous avons eu occasion de Ic dire, n"a jamais
abouii. Un aulre projet de 1849 a eu le nierae sort. Quoi qu'on ait pu affirmer, a part le
IXiglemeni des Ecoles de l"G5, reglcnjeiil ipie nous avons fait connaiire ailleurs, il n'exisie
pas un Pnisse de loi generate sur I'instriicliou publiquc.
Al'PENDlCP;.
5D1)
Encore laut-il comprendre, dans ce chitlre de ■^,4^8,760 I'r., des
depenses donl la phis grande partie est mise, en France, a la cbarge
dii ministere de I'interieur, savoir :
Etablissements de jeunes avieugles el de sourds-
muets •
Etal)lissements d'orphelins et de bienfaisance.
^5,^^8 thalers.
(50,5n fr.)
75,198 Ibalers.
(291,192 fr.)
Pour les depenses specialement applicables aux etoles primaires
proprcraeiit diles (secoius a des maisons d'ecole , et complement de
traitement des maitres), il ne faut compter qu'une
somme de 1 87,267 Ihalers.
(ou 702, 231 fr. 25 c.)
11 n'esl pas inutile de connaitre la repartition de cette somme
entre les 26 cercles de regence. Elle correspond an credit inscrit au
budget frangais sous le titre de « subventions aux coniniunes pour
les depenses ordinaires des ecoles publiques, » credit s'elevant au
chiffrc de 5,^79,966 fr.; el comme !e cercle de regence (regierungs
hezirk) allcmand repond au departement francnis, il est possible
d'elablir une comparaison (jui ne sera pas sans inleret :
Cercles de regence.
Noms des cercles.
Koenigsberg
Gumbinnen. . .
Dantzig
Mariemverder.
Posen
Broraberg. . . .
Stetlin
Cobliii
Stralsund
Breslau
Liegiiitz
Oppeli)
Berlin
Somnies atli-ibuecs
a cbacun.
15,K91 thalers.
V()0,lti6 fr.)
4,516
(16,933 fr.)
8,94-2
(30,932 fr.)
12,935
(38,506 fr.)
27,688
(1()3,«40 fr.)
4,514
(16,827 fr.)
4,-284
(15,9BS fr.)
2,843
(9,686 fr.)
294
(1,002 fr.)
4,764.
1,423
3,667
2,638
Noms des cercles.
Potsdam
Francfort
Magdeb'ourg . . .
Meyebourg
Erfiirt
Mdnster
Minden .... . .
Avusbirg
Cobienlz
Dusseldorf. . . .
Cologne
Treves
Aix-la-Chapelle .
Somuies atU'iLuees
a chacun.
17,386 thalers.
1-2,000
8,102
3.730
2,638
15,676
8,1-25
4,231
2,68-2
7,194
1,399
2,755
l,527j
Prenons maiutenant 26 departements frani^ais :
^00
Al'PEiNDICi:.
Noms
des departemeiits.
Ain
Aisne
Allier
Alpes (Blisses-). . . ,
Alpos (Hautes-). . . ,
Ardcche
Ardennes
Aiiesc
Aube
Aude
Aveyron
CaDial ,
Charente -
Soninies adribuecs
77,746 fr.
9fi,609
15,552
125,315
93,896
69,961
31,863
91,515
37,997
79,183
165,792
41,606
59,543
Noms
des (lipartcmcnls.
Charente-Inferieure
Cher
C<irreze
Corse
C6tes-du-Nurd. . . .
Creusc ....
Doidogne
Doubs
Dr6me
Card
Garonne (Haute-). .
Cers
Lozere
Sonimcs altribuvcs
a chaciin.
8,527 fr.
7,195
03,478
159,711
6,902
65,718
52,560
91,585
78,014
8,000
70.136
98.984
■101,598, elc.
La nioyenne de la subvention pour chaque cercle de regence est
tie 27,009 francs; pour chaque deparlcment fran^ais, elle est de
56,976 francs. Encore, il ne faut pas I'oublirr, et nous le repelons,
ne sout comprises dans le chiffre de 3,179,966 fr. repondant aux
702, 251 fr. 2.5 c, du budget prussien, que les subventions pour de-
penses ordinaires des ecoies publiques ; en dehors de cetle somme,
les depenses exlraordinaires el speciales a la charge de I'Etat s'e-
leventh ^, 853, 71 3 fr. 29 c.
La moyenne du traiteraent des instituteurs onseignanl dans les
villes en Prusse est d'a peu pres 800 fr. ; celle d'un maitre de vil-
lage ne s'eleve pas a plus de 550 fr.
lin lei traileinenl est hors de toute proportion avec les charges
auxquellos uii insiiluleui, pcre de famille, est oblige de faire face,
Celle i!isuflisance a determine nn usage qu'on ne pent citcr assu-
rement comme exemple a suivre, mais qui lemoigne du zele des po-
pulations rurales en AUemagne a subvenir aux besoins des humbles
fonclionnaires auxquels sont confics les inlerels de Teducalion :
dans un assez grand nombrede villages, rinsiituleur est en possession
de ce qu'on ponrrail appeler le droit a la table j il va diner de
por!e en porle {Wundeltisch), el son couvert est rais snccessivement
chez tons les jjcres de famille (Hausvnter) de la commune '. 11 y a
plus, dans les hamcaux de plusieurs regences, nolamment des re-
gences d'Oppeln et de Coblenlz, les habitants, plulot que de se pas-
ser de rinsiituleur pour qui n'a pu etre construite une maison d'e-
1. Ce systeme est comparable a ce qui se passe encore, a I'heure qu'il est, dans certains
depnrtemenls de France, notamnienl dans le departement de la Haute- Loire, ou lespau-
vres instiuurices appartenant, sous le nom de Bcotes, a une sorte de tif rs-ordre, ne re-
coivent des muuicipalites aucaiie leniuneralion pecuniaire. Ccs lemmes devouces oppo-
sciitau denument le plus absolu un esprit d'abnegalion (|ue I'aii iiaitre ot que soulicnl la
pensce relisicuse; cllcs quetent de porle en porte ce qui est neces.-a're au fouUen de Icur
/aborieuse existence.
APPENDICE. A0\
cole, lui donnent, cbacun a son tour, le gite et le feu ; I'inslituteur
devient successivement I'hote nocturne de tons les habitants.
En depit de ces expedients , le sort des institutenrs de village, on
le comprend , a ele I'ohjet de reclamations trcs vivos. Dans un
pays voisin de la Pnisse, en Saxe, la loi , par imitation de la loi
franQaise , a fixe un minimum pour le traitement des maitres d'e-
cole (450 fr.). Et, en ce moment raeme, radminislration supcrieure
en Prusse, s'occupe des moyens de mettre la situation materielle des
instituteurs plus en rapport avec la consideration dont ils sont en-
toures.
Toutefois, si le principe d'un minimum de traitement semble de-
voir etre adopte par I'admiuistration prussienne , il n'est pas ques-
tion de deroger a I'usage d'apres lequel les jeunes instituteurs exer-
Qant, a leur debut, en vertu d'un litre simplement provisoire, ne
rcQoivent un traitement normal et complet qu'apres une nomination
definitive.
Ne penvent elre nommes, avec un Hire delinitif, des leur en-
tree dans la carriere, que les candidals qui, lors de I'exnmen, ont
oblenu le brevet de capacite {Wahlfahigkeit-Zeugniss) de premier
ordre.
Les aiitres doivent exercer, en vertu d'une delegation provisoire,
deux aniiees au moins dans une ecole piiblique ou privee. Ces deux
annoessoiit un tempsd'epreuve a Texpiration duquel les temoignages
des aiilorilos scolaires, temoignages portaiit sur I'aptitude , les dis-
positions morales, la vocation, en un mot, peuvent seules assurer au
candidal la conqneie d'un litre definilif. Jusqu'a ce raoraenl, I'insti-
tuteur n'a pas droit a la jouissance inlegrale du traitement affecte
au poste qn'il occupe *.
Tandis que la plus grande parlie des depenses relatives auxecoles
priniaires, en Prusse, est a la charge des communes , I'Etat y assume,
au conlraire, la presque lotaliie des frais occasionues par les ecoles
uormales.
II y a en Prusse 48 ecoles normales pour I'entretien desquellcs
I'Eiat acc'orde , cliaque annee , une subvention de 118,953 Ihalers
(446,081 fr.), I.a somrae correspondante dans le budget fran(^ais ne
s'eleve pas a 200,000 Ir. Les rcnles et revenus propres des etablisse-
menlsprussiens forment un total de 38,102 ihalers, ou de 217,282 fr.
1. V. le litre I" da dwrot du oi decembre IS'^.
26
402
APPENDICE.
Ceux des ecoles fran^aises montent a 401,988 fr. La moyennc
des depenses dans les premieres est de 5,667 thalers ou de
-15,741 fr.
II n'est pas inutile de presenter, pour quelques ecoles normales ,
le tableau des recettes et des depenses, en inscrivant en regard la
part contributive de I'Etat.
Noms des Ecoles normales.
Kcole normale de Braunsberg. .
— d'Eylau
— d'Ana;erburg . . .
— de Kamlane . . . ,
Petite ecole
preparatoire de Blargi abowa.
— de Marieiiburg. .
d<^ Grandenz
de Breslau..
de Sleiiiau. .
de Benzlau. ..
de Berlin
de Copnick . .
de Miiiister . .
de Mems. . . .
de KeMi|)eii . .
de BiQIil . . . .
Tola!
Traitenients
Subvcnlions
s tiepoiises.
des niaitres.
(le I'Etat.
4, no til.
1,505 th.
4, 1 GO 111.
4,573
2,1 JO
4,(,09
4,-2(,0
2,100
4,2-23
5,838
2,542
5,817
100
100
4,2 |-i
2,629
4,-213
5,058
2,410
1,5(10
4,!I15
?,470 ■
1,526
4,44-2
2,470
4,309
4,OoO
2.273
8,38G
5,955
5,8no
9,(.0i
4,551
5,630
2,84G
1,8-20
1,080
4.170
2,-:oo
3,()70
6,480
9,670
6,480
6,680
2,900
6,U00
Etc., etc.
Les frals d'inspection des ecoles primaires s'elevent, en France, a
pres de 730,000 fr. ( traitement : 455,758 ; frais de tournee :
292,268 fr,); ils ne s'elevent pas en Prusse au dela de 70,000 fr.
La raison de cette difference est fort simple : les inspecteurs, au
dela du Rhin, ne forment pas un corps de fonclionnaires speciaux.
lis sont tous empruntes au cadre ecclesiastique , et invcstis d'une
mission scolaire qui est consideree comme I'appendice naturel de
leurs fonctions; ils regoivent non pasun traitement, maisune simple
indemnile de deplacement, laqueliene s'eleve pas, pour cliacun, a
plus de 200 ou 230 fr.
Un inspecteur est prepose a la direction scolaire d'un cercle, kreis.
Ce cercle renferme de 25 a 40 ecoles. Charge d'un si faible nombre
d'etablissements, le kreisschulinspectur les visile frcquemment. On
ne comprendrait pas, en Allemagne, que 500 et 400 ecoles pussent
etre conBees a la surveillance d'un seul homme.
Pour que rapplicatiou d'un tel systeme soit possible , une condi-
tion sine qud non, on le comprend, est que le clerge fournisse un
nombre considerable d'hommes capablesde faire preiive dans I'ecole,
et sous les yeux de I'instituleur, de connaissances speciales. Dans ce
APPENDICE. 405
but, il est present aux candidats de Iheologie, en Allemagne, de
suivre, en meme temps que leurs autres cours, un cours special de
pedagogic. De plus , en ce qui concerne les candidats protestants,
obligation leur est imposee, avant de subir I'exanien pro Ministerio,
de passer six semaines dans une ecole normale. Vis-a-vis du clerge
catliolique, le gouvcrnement nepouvait employer I'injonction; mais
il a precede par voie de conseil ; et, a I'heure qu'il est, dans les dio-
ceses de Cologne, de Munster, de Breslau, de Fulda ( en Hesse) , les
jeunes ecclesiastiques qu'une vocation parliculiere semble devoir
designer un jour pour les fonctions de kreisschulinspector, suivent,
eux aussi, deux mois durant , les cours d'ecoles normales, qu'une
excellente direction morale met en possession de toute la conDance
des eveques.
Ainsi, les depenses de I'Etat, pour I'instruction primaire , sent ,
en Prussc , proporlionnellement , un peu moins considerables qu'en
France.
IV
INSTRUCTION PASTORALE
DE SON Eminence LE CARDmAL-ARCHEV^QUE DE BORDEAUX,
Sur la part que le Clerg6 doit prendre a I'enseignemeat primaire.
FERDINAND-FilANgOIS-AUGDSTE DONNET,
Par la grace de Dieu el du Siege apostolique, cardinal prctrc do la
saiiUe liglise romaine, archeveque de Bordeaux, primal d'Aquitaiue,
senaleur;
Au clerge de noire diocese,
Salut el benediclion en Notre Seigneur Jesus-Clirist.
Messieurs el cliers cooperaleurs,
Nous avions a coeur, depuis longtemps, de vous enfrelcnir d'un
sujcl qui inleresse a un haul degre Tavenir de I'Enlise el de la so-
ciete, el qui, a ce double liire, doil viveraent exciler voire sollici-
tude paslorale. Nous voulons parler de I'education des enfants, el des
droits que la legislation acluelle accorde a MM. Ics cures dans la sur-
veillance des ecoles.
Reraarquez, Messieurs, que si nous employons Ib mot d'educalion
et non ceiui d'inslruclion, dont on se sert comraunemenl, ce n'est
pas sans dessein ; car nous altaclions une grande importance a bien
etablir tout d'abord la difference qui exisle enire deux choses que
Ton confoud Irop souvenl.
On peut instruire sans elever, et c'esl la un des torts de notre sie-
cle ; mais on ne saurait elever sans instruire. On peut apprendre a
un enfant la lecture, I'ecriture, le calcul, rortliograplie, sans parler
a son coeur, sans exercer aucune influence salutaire sur ses senti-
ments el sa maniere d'agir.
II n'en est pas ainsi de reducation : on ne saurait former le cceur
AlTEiNDlCE. 405
sans developper en meme (eraps I'esprit; on ue saurait impriraer
dans la conscience de I'homme des regies de conduile, liii espliquer
les principes qui doivent goiiverner ses actions, sans eclairer son
intelligence, sans agramiir ses idees, en un mot, s:ins I'instrnire. L'e-
ducalion pout done, a la rignenr, tenir lieu d'instrnction; I'instruc-
lion senle ne remplacera jimais I'education.
Que couclure de celle distinction si evidente et pourtant trop me-
connue?
C'est que I'instrnction seule ne saurait sufQre poui former I'lion-
nete horame, le bon citoyen, le cliretien veritable;'
C'est qn'il est essentiel, ponr le bonlieur des families, pour la Iran-
qnillite du pays, non pas t:int d'instruire la jeunesse, que de la bien
elever, c'est-a-dire de regler sa conscience et ses m(]eurs, et de lui
donncr a la fois les lumieres et la force qui I'aideront puissammenta
remplir ses devoirs.
De !a, pour le prelre, I'obligation sacree de veiller, de cooperer
pour sa part a reducation des enfanis; de la, les soins que les Peres
de I'Eglise ont prodignes a la jeunesse; de la, iant de lettres pasto-
rales, tant d'ouvrages pienx et savants emanant de I'episcopat, pour
eclairer. diriger les chefs de famillc et les guides spirituels du Irou-
peau ; de la, pour I'Eglise, une preoccupation constante, pour le sa-
cerdoce, un devoir loujours imperieux, et de notre temps plus que
jamais.
Nous savons, nos tres cliers cooperaleurs, que vous partagez a cet
egard toutes nos sollicitudes. Examinons done ensemble ce que doit
etre I'educalion ; quel concours peut et doit lui apporter le clerge,
sous I'empire des lois qui nous regissent.
On a longtemps disculo, on discutera longtemps encore sur le but
et sur le caraclere de I'education.
Pour nous, qui devons nous en rapporier sur ce point comme sur
tous les aulres, a la sagesse de I'Eglise et a ses traditions venerees,
c'est dans I'liumble livre qu'elle met entre les mains des plus pelits
enfanis, que nous puiserons les lumieres qui nous serviront de regie.
Que dit le calecliisme? Que Dieu a crec I'homme pour le connailre ,
pour V aimer, pour le servir, et par ce moyen acquevir la vie eler-
nelle.
Paroles simples mais profondes que nous ue saurions trop me-
diler, car elles nous revelent a la fois la desliiiee Iiumaine et les
406 APPENDICE.
faculles que Dieu nous donne pour la remplir: elles nous montrent
et le but et la voie. Le but, c'est la vie eternelie ; la vole, c'est la con-
naissauce, c'est I'amour, c'est le service de Dieu, priiicipe elernel de
cette bienheureuse vie.
Done, 11 faut commencer par apprendre a I'enfant a counaitre Dieu,
en lui disant son existence, en lui expliquant ses oeuvres et ses bieu-
faits, ses lois et ses perfections.
II faut lui apprendre ensuite a aimer Dieu comme createur ,
comme redempteur, comme pere, comme source de tout ce qui est;
il fautenfin le former a servir Dieu, parce que servir, c'est aimer,
c'est-a-dire, accomplir la volonte de celui qu'on airae, obeir a ses
lois, entrer ainsi dans I'union la plus intime avec lui pour le temps et
au dela.
Yoila la science dont nous sommes redevables a tons les liommes,
nous, niinistres de Dieu, deposilaires el interpretes de sa parole;
Yoila la science, simple et sublime a la fois, que nous devons lui
faire counaitre, aimer et pratiquer.
Or, Messieurs, cette obligation, nous devons la remplir, non-seu-
lement envers quelques enfanls privilegies, mais envers tous, sans
exception de rang et de position; car il faut que tous, riches on pau-
vres, puissent counaitre Dieu, I'aimer el le servir, dans la mesure
indispensable a I'accomplissement de leurs devoirs.
C'est cette education generale, absolue, necessaire a lous, que le
divin mailre est veuu apporler aux homines de bonne wlonte, dont
il a laisse la regie dans son Evangile, et dont il nous imposa la taclie,
lorsqu'il dit aux apotres dont nous conlinuons le ministore : Allez et
enseignez ce que vous avez appris de moi : Euntes docele.
De ces premisses resulte, comme conclusion evidente, la mission
pour le prelre de s'occuper, lui aussi, de I'education de I'enfant;
d'approuver, d'encourager, de benir, au nom de la religion, tous les
genres de connaissances bumaines qui conduisent rhouime a son
immortelle destinee.
Meditons plus profondement encore les paroles da calechisme, et
nous y trouverons. Messieurs et chers cooperatetirs, toules les regies
que nous avoos a suivre dans raccomplissement du devoir qui nous
occupe. Admirable caractere de la verite, qui renferme en quelques
paroles le germe complet de toute une doctrine, comme la graine,
sous un volume presque imperceptible a I'uiil, reuferme tous les ru-
AlTElNDlCi;. 407
diments de I'arbre qui doit un jour couvrir le sol de son feuillage,
se parer de fleurs, se charger de fruits.
Qu'est-ce qu'appreudre a I'enfant a counaitre Dieu, si ce n'est de-
vclopperles facultes de sou esprit, elever souame, elargir sou liorizou
intellectuel, eu lui faisaut counaitre les oeuvres de Dieu, ses perfec-
tions et sa loi?
Qu'est-ce qu'appreudre a I'eufant a aimer Dieu, si ce n'est ouvrir
son cffiur, le former au devouement, en lui inspiranl, des ses pre-
miers pas dans la vie, I'admiration et I'amour des perfections divines,
de la beaute, de la verite et de la justice dans leur source, qui est
Dieu meme, et dans leur manifestation, par les creatures faites a
I'image et a la ressemblauce de leur auteur?
Qu'est-ce qu'appreudre a I'eufant a servir Dieu, si ce n'est sou-
meltre sa volonte, I'assouplir, la faconner au joug du Seigneur, I'ba-
bituer a I'obeissance, au sacrifice, en lui apprenant a voir la volonte
du maitre partout oil il y a du bien a faire, une creature a secourir,
un frere a obliger?
Telles sont les lecons du catechisme, superieures, dans leur ener-
gique concision, a tons les syslemes de pedagogic, a toules les con-
tradictions de la raison bumaine, dont elles triomphent sans effort.
Ces conlradictions, vous le savez, N. T. C. C, se revelent des qu'il
s'agit d'etablir les rapports de I'education et del'iustruction ; d'assi-
gner leur role respectif , leurs limites veritables; de monlrer le cou-
cours qu'elles doiveut se preter mutuellement, et Taction qu'elles
sont appelees k exercer sur les masses comme;sur les individus.
Selou les uus, Tinstruction suffit a tous les besoins des popula-
tions; elle doit les affranchir des miseres du corps et de I'ame ; elle
pent seule eclairer leur raison , assurer leur bien-etre; elle pent et
elle doit, par consequent, partout et toujours, etre distribueecomrae
la veritable manne du Ciel, repoudant a toutes les exigences de la
nature humaiue.
Selon les aulres, I'instruction est uu instrument de perversion et
demort, la source des mceurs depravees, des basses et impuissantes
jalousies, des haines ambitieuses, des convoilises menagantes; elle
est, en un mot, le principe des maux terribles qui ont effraye, boule-
verse le monde ; et des lors, eu etre plus avare et la restreindre au-
tant que possible, c'est une necessile sociale, uu devoir imperieux
pour I'Etat.
408 ArPENDlCE.
Nous repondrons aiix iins et aux autres que connaiire, aimer, ser-
vlr Dieu, etant la fin « de toul liomme veiiant en ce nionde * », ct
que riiomiiie ne pouvant I'aimer sans le connaiire, la science deDieu
lui devient indispensable. Plus cette connaissance dn cieateur est
exacte, elendue, profondc, plus le serilimenl qu'elle inspire est vif,
large, et durable ; mais c' est la raison qui coniprend et(]ui juge, c'est
rinlelligence qui congoit, c'est rinstriiclion qui forme les facultesde
I'esprit: c'est elle qui apporte la lumiere, qui fournit I'instrument,
qui fagonne I'organe. La connaissance est la vraie clef de Tainour :
nil amaium nisi prcecognilum , comme I'a dit saint Angnslin. Anssi,
I'Eglise vent la science, recoiumande rinstriiction, sanclionne tonlce
qui la favorise, condamne (out ce qui I'eutrave. Elle est la mere ct la
mailresse des sciences, parce que Dieu est le « Pi're des lumieres,
parce que Jesus-Christ , non-seulemont est la vie et la voie, mais la
verite, ct ce qu'il vent, c'est qu'elle brille de lout son eclal» "-. Si
I'Eglise se pronouce en I'aveur de rinstruclion, parce qu'elle est saiule
dans son origine el son but, parce qu'elle lire I'hnmme des tenebres
et des ombres de la niort, parce qu'elle propage i'Evangile et devient
ainsi rinslrument du salut : elle redonle, elle re|)onsse, elle con-
damne rinstruclion qui n'arraclie I'liomme a I'ignorance que pour
le livrer a I'erreur, qui ne lui donne la conscience de sa force que
pour lui appreudre a en abuser, qui ne developpe sa raion que pour
en faire Tennemi de la Foi , I'inlerprele de I'orgueil, I'adversaire dc
I'aulorile, I'organe des passions.
Mais conclure de la que rinstruclion par elle-meme est liu mal,
que la culture des facultes intellectuelles est un danger , c'est lomber
dans uu exces non moius condamnable que I'exageration conlraire.
Pour vous , Messieurs, qui savez que Dieu n'a pas eleve I'homme au-
dessus des creatures sans raison pour que les facultes qui Ten dislin-
guent restassent iuactives; vous qui enseignez qu'il veut etre « adore
en esprit et en Yerile»,et que Thommage qu'il uous demande est celui
d'une creature inlelligente el libre, vous propagerez rinstrnclioo,
comme I'Eglise I'a fait en tout temps, avec ardour, avec perseve-
rance , et vous ne verrez dans la science ainsi comprise qu'une fidole
alliee, uue auxiliaire indispensable.
Que conclure de tout ceci! C'est que I'iustruction pent faire ou un
1 Deion time et mandata ejus observa; honest enhn omnis homo. Eccles. XII, 13. ]
2. I'jnan vmi mitlerre in icrram; el quid voh itisi lU accndatur? Luc, XII, 49.
APl'KNDICE. 409
grand hiesi, on u» srauH raal ; c'est a elle que nous ponvons appliqupr
le texle de l'A|)uire ; Jn ipsa benedirimus Deum ei Palrem el in ipsa
maldicimus homines... Ex ipso ore proredii benediciio el wale-
dirtio ^' Nous ne craindroiis pas d'ajoiiler (lu'au poiiil ou nous en
somines anjnuid'liiii, non pas sculemont en Fiance, niais dans une
granile parlie dii luonde, il faut de toule necessile que rinsiruclioii
sauve lasociele en la regcnerant, ou qu'elle la perde en aclievaotde
la corrom()re.
Voyez I'elat des ames! Vous le connaissez, Messiei rs, qui, repaa-
dus au inilien des populations, passez voire vie a sender lems plaies,
a soulager leuis iniseies. La foi s'afl'aiblil insensiblenient , el , avec
elle, s'en vonl les vcrlus doniesli(iiies , I'espiit de faniille, la piete
filiale, la pureiedes moeurs, la souinission anx voloiilesdu Ciel, I'at-
lacliemenl aux profe-^sions lieiediiaires, le respect de I'autorite.
Voila le raal (jiii travaille depuis loni^lemps deja noire societt , et
sur lequel elle ne serait que Irop porlee a s'endormir, si , par inler-
valie, des crises lerribles ne venaient la tircr de son insoucianle
apatliie, el nionlrer a ses y<nix effrayes le fond de Tabime oil menace
de la preci|)itt^r I'oubli de tons les devoirs.
Que les ecoles aienl eie alt.'inles par la conlasion generale; que
renseigiiement ait contribue a la repandre , c'est mallieureusement
un fait qii'on ne saurait coiilesler; mais il serait injiiste de prtHendre
que la corruption des moeurs est nee de rinslruction , qu'elle est
sortie de nos ecoles, et qu'il sufflrait de les fermer pour regenerer le
monde. Le mal circule et se propage en dehors de ces etablisse-
ments par mille cauaux : par les livres el les gravures, par la profa-
nation du diiuanche, par leslieux de dissipation et de folios joies,
par les commotions poliliques qui excilenl les passions, alhiniont la
cupidite, aigoillonnent I'anibilion , engendreiit le desordre dans la
cite et dans le liameau , enfln par tonics ces voies de communication
et de contact que I'iuduslrie, le commerce, elablisscnt de peuple a
peuple, de ville a ville, d'homme a homme, d'heure en henre , de
moment a moment.
Mais si les ecoles et I'instruction n'onl pas ete et ne sont pas la
cause du mal, il est evident qu'ellos peuvent puissaranicnt servir,
soil a I'etendre, soil a le guerir, selon I'esprit qui preside a Iciir di-
1. Lpist. Jacoc , III, 'J Ct 10.
4M) UTEINDICE.
rectioii. C'estdonc vers cesetablissemenls que les amis de la religion
et de Ja societe doiveut tourner aiijourd'hui leurs regards et leurs
efforts.
C'estdans les ecoles et par lesecoles qu'il faut preparer le retour
a la foi, a la vie de famille, aiix bonnes moenrs; e'est la qii'il faut
saisir les generations, avant qu'elles soient asservies par les passions
ct les vices qui ravagent le monde.
Si, dans des temps autrement difQciles que les nolres, I'Eglise
s'est aidee des ecoles pour faire briller la lumiere du christianisme
parmi des peuples ignorants et sauvages; c'est encore a leur foyer
qu'elle pent raviver ce flambeau de la foi, pour en repandre les bien-
fails au milieu des tenebres d'une civilisation que ses execs mena-
cenl d'une uouvelle barbaric : et le moment est venu ou ces institu-
tions, nees autrefois sous I'inspiration de I'Eglise, sentent le besoin
de se rapproclier de leur berceau , en prelant a la religion un sincere
et geuereux conconrs.
]\Iais ce retour desirable ne depend pas seulement des ecoles : il
depend encore de vous, l\Iessicurs, c'est-a-dire, de la maniere dont
vous saurez vous servir de la loi du -15 mars 1850. Grace a Dieu , le
temps n'est plus ou I'enseignement de I'Etat, absolument distinct de
celui de la foi, etait souslrait a la legitime influence du pretre, a qui
I'entree des ecoles se trouvait, pour ainsi dire , interdite par les con-
ditions auxquelles une jalouse dcflauce I'avait soumise. La societe,
eclairee par I'experience, a senti le besoin d'y retablirrinfluencede
la religion.
Elle les place sous la surveillance tutelaire de I'Eglise-, elle convie
le pretre a les visiter ; elle I'investit de la direction de I'enseignemeut
moral et religieux ; elle rend son intervention douce et utile, en lui
restituant sou caraclere de spontaueite, de bienveillance et de pro-
tection K
Combieu defois, Messieurs etchers cooperateurs, dansl'exercice de
votre ministere, n'avez-vous pas gemi de I'absence de toute idee re-
ligieuse chez les enfants que Ton presentaita vos catecliismes? Que
de fois, dans vos efforts pour instruire vos paroissiens, ne vous etes-
vous pas heurte coutre les obstacles qu'apportait au succes de voire
1. Voir les dispositions de la loi du 15 mars 1830 sur ce sujet. MM. les cures peuvent
les consulter dans le commeiuairc de ccUe loi i)ublie par la societe pour la lihcrtc
de reuseignemenl.
Al'l'ErSDICE. 44 1
aposlolat I'ignorance absolue dii plus grand nombre d'cMitre eiix?
Que de peines pour enseigner la lellre, pour graver les formules dans
la aiemoire, pour expliquer un symhole dont les expressions les plus
simples semblaient au-dessus de la porlee devos auditours! Qu'il
y a loiu de la profondeur de nos mysteres , de la sublimite de uos
dogmes, de la purete de notre morale , aux preoccupations grossieres
des esprils que I'Interet et la passion aveuglent et captivent !
Cesesprils, il faut done les ouvrir de bonne heure pour y faire pe-
nelrer la verite; il faut les eclairer par des notions jnstes; former les
coeurs par des sentiments honnetes; developper toutes les facultes
pardesexercices frequents. Qnand vos enfants sauront lire, ils retieu-
drout mieux vos lecons; vos preceptes se graveront dans leur amc
avec la lettre que vous conlierez a leur memoire. Vous protiterez de
la curiosite nee d'un premier enseignement, pour la diriger vers les
liautes questions de I'origine et de la destinee de I'bomme , de sa
chute et de sa redemption. II est pen de notions dans I'instruction
primaire qui ne puissent vous servir pour donner aux enfants qui
suiventvos catecliismes le pressentimeut des choses divines.
Ainsi compris, i'enseignement du premier age sera pour vous cc
qu'il doit elre reellement, un moyen de conquerir les populations a
la foi religieuse et a la pratique des devoirs.
Insistez doncaupres des families sur I'utilite des ecoles. Multipliez
les avis aux parents, les exhortations en cliaire, les visiles aux pa-
roissiens ; facilitez I'eutree des classes aux enfants pen aises en redi-
geant, de concert avec I'aiilorite municipaie, la liste des eleves admis
graluitement, en vertu de I'art. 43 de la loi. II est bien entendu que
vos ecoles offrirout toutes les garauties desirables ; si , ce qu'a Dieu
lie plaise , I'enfance etait exposee a y trouver de funestes lecons , de
dangereux exemples, vous devriez uon-seulemeut vous abstenir, mais
encore vous servir du droit dont vous investissent la legislation et
voire conscience, pour nous informer immediatement, et nous four-
iiir ainsi le moyen de prevenir le plus grand des maux ; car, « ino-
«« culer le vice dans le coeur des enfants, c'est un aussi grand crime,
« a dit Bossuet, que d'erapoisonner les fontaines publiijues. »>
Mais avec I'attention si louable que I'autorite apporte aujourd'bui
dans le choix des instiluteurs, nous nous plaisons a esperer que rien
de semblable lie se presentera au milieu de nous.
U sera malheureusement moins rare de rencontrer des maitres qui
412 Al'i'E^DlCE.
iiescntiront pas assez rimportance dcs devoirs religieux et poureux-
memes el pour leiirs eleves.
Voiis serez exposes a ce mecompte , siirtout dans les ecoles qui
n'ont ete rol)jet d'ancune surveillance , et qui ont raeme subi , pen-
dant uu certain nonihre d'annces, une influence anli-religiense. Aous
en avons gemi avec vous , foulefois, ue vons laissez pas decourager
par cette apparence de froideur ; elle pent souvenl ne fenir qu'a I'ab-
sence de direction. Vos leinoignages d'affeclion et d'eslime ranime-
ront facilemenl le zele. On enlretient le mauvais vouloir en parais-
sant y croire; en supposant de la bonne volonte , on la fait naitre.
Muliipliez done les encoiirayements ; ne craignez pas de donner des
marques de confiance; on s'empressera de suivre vos conseils qnand
on seutira en vous une bienveillance qui ne se dement pas et une
perseverance affeclueuse que rien ne rebute.
Ainsi, Messieurs, ce que nous vous deraandons, c'esl de concourir
activement a I'oeuvre de I'educalion , c'esl d'unir vos efforts a ceux
de vos iustiluteurs. On n'a pas assez corapris combien cette union
pouvail aider, baler la regeneration morale d'uiie ville, d'une cam-
pagne. Trop souvenl le cure s'esl eloigne de la classe, el le mailre de
I'Eglise. Une defiance muluelle, une liostilite plus on moins declaree,
a paralyse les efforts des uns et des aulres. II faul, a lout prix, raellre
un lerme a celte separation entre le presbylere et I'ecole. Que de
voire cole cette union si desirable se retablisse done le plus tol pos-
sible! Songez qu'on n'atlire pas les bommes en s'en tenant conslam-
ment eloigne. A Dieu ne plaise que nous vous engagions a prendre
une attitude incompatible avec la dignite de voire caractere! Charge
par la loi de la surveillance des ecoles, vous etes, dans I'ordre legal,
lesuperieurhicrarchique de rinstitulcur; prelre et pasteur des ames,
vous avez droit a son respect. Mais , par la meme que vous etes
pretre de Jesus Christ, le pere et I'ami de tons vos patoissiens, vous
imileroz la douceur du bon mailre; une bienveillaule condescen-
dance allireraa vous celni qui fut resle a I'ecart par timidite el par
reserve. Sans cesser d'etre vis a- vis de vous un subordonne respec-
tueux, un paroissien exemplaire, il deviendra pour vous un coopera-
teur utile, un auxiliaire intelligent el devoue.
Pour relablir les relations entre vous et rinsliluleur, vous n'avez
qu'a proQter, nous ne dirons pas du droit que la loi vous donne,
mais du devoir qu'elle vous impose. Muliipliez vos visiles a I'ecole.
APPENDICE. 415
Ne vous y presenlez pas en censeur desireux de troiivcr des motifs de
bhime ; moiitrez-vous-y comrae un ami qui vienl apporter des con-
scils et surtout des encouragcmenls. Chcrchez a decouvrir tout ce qui
est bien; saisissez I'occasion d'adresser quelque eloge aux eleves et
an mailre. La louange excite I'emulation ; elle est une recompense
pour rinstituteur a qui elle prouve que ses efforts n'ont pas etc ste-
riles ; elle le dedommage de beaucoup de peines et rend sa taclie
plus facile, en augmentant son influence et son action.
Soyoz persuades d'avance que ces attentions tour>,eront au profit
de la paroisse. Bien des gens que la religion trouverait indiffcrents
vous sauront gre de ce que vous ferez pour I'ecole, et seront par la
disposes a accueillir phis favorablcmcnt vos couseils, Divises, I'insti-
luteur et le cure se neuiralisent ; unis , ils decuplent leur puissance.
Efforcez-vous aussi de rendre la taclie du raaitre plus facile, en
iisant de votre influence aupres de I'autorite pour obteuir toutes les
ameliorations que reclame Fecole. Un mauvais local est souvent
cause d'un accroissement de fatigue, un obstacle au raaintien de la
discipline. Un materiel insuffisant nuit plusqu'ou ne pense aux tra-
vaux de rinstituleur. Vos demandes, a cet egard , profilcroiU aux
eleves en augmentant le zole de leur mailre.
Cet Iiomme , dont la fonction est si humble et si importante a la
fois, vous devez « le soulenir, le prevenir mOmc" , selon le langage de
saint Paul, «par toutes sortes de marques de bienveillance». Ne restez
indifferent a rien de ce qui le touclie , lui et sa famille. Eu I'aidant a
se procurer un logemeut convenahle , sans lequel il y a tnnjours ii
craindre la lassitude et le dcgoul, ne vous pretez point, comine
I'ont fait quelques-uns de vos confreres, a etablir I'ecole dans une
pariie de vos presbyleres. Le gouvernemont, a qui nous en avons re-
fere, parlage notre maniere de voir a cet egard. L'Eglise et le presby-
tere sont des asiles qui doivent resler fermesa Ions les bruits, a toutes
les agitations du dehors. La legislation est d'ailleurs formelle sur ce
point : on ne pent rien distraire de la maison curiale ni de ses de-
pendances sans notre avis motive, sans celui de M. le prefel et sans
un decretdu gonvernement.
Avee quel bonlienr nous envisageons dans I'avenir les heureux
eflVts de ce mutuel concours du pretre et de I'instituleur : le [iretre
atiirant les enfants a I'ecole, ou rinstrucliou elemeniaire les prepare
a recevoir la bonne semence de riivangile; I'instituteur monlrant a
414 APPEiNDICE.
lajeunessc le cliemiii de I'Eglise et la disposaut a ecouter la parole
du pretre conime celle de Jesus-Christ!
Ajoutons, Messieurs, qu'ea visilant freqiiemment lesecoles, comme
c'est votre devoir, vous avez, nous le disions plus haul, a y exercer
non pas seulement uiie surveillauce qui empc'clie lemal, mais une
acliouposilive qui produise et multiplie le bien. Sans doiitc, I'ecole
n'est pas I'Eglise mais elle en est le po^tique^. La parole sainte
peut s'y faire entendre, le minislere sacre s'y exercer; on peul y en-
gendrer les ames a la foi. Saint Paul prechait partout, a I'areopage ,
sur les places publiques, dans les reunions particulieres , dans les
grandes assemblees , publice et per domos; comme lui , vous« vous
ferez tout a tons, pour les gagner tous a Jesus-Christ ».
A I'ecole vous avez longtemps les enfants sous la main ; ils ne sau-
raient vous echapper. A I'eglise, au contraire, vous les teuez ri peine,
a I'epoque de la premiere communion, Irois ou quatre fois par se-
maiue, durant deux annees. Qu'est-ce qu'un temps si court pour for-
mer des ames a la vie chretienne , pour leur apprendre k connaitre
Dieu, a observer ses commandements? Que la classe soil done pour
vous I'annexe de I'eglise ! Allez-ychercher vos brebis. Tachez d'y faire
chaque semaine une instruction religieuse a la portee de tous les en-
fants; elle devieudra le complement de votre enseignement catechis-
tique. Entendez-vous pour cela avec I'instiluteur : si I'ecole vous est,
de droit, toujours ouverte , il ne faudrail pas neanmoinsderanger le
cours des legons ordinaires, car le maitre a un reglement a suivre,
un compte a rendre, cerlaines branches de connaissances humainesa
enseigner.
Choisissez d'un commun accord, pour vos instructions religieuses,
les jours et les heures qui s'accordent le mieux avec les devoirs de
votre ministere et les plans d'etude de I'ecole.
Quant a vos autres visites, elles doivent n'enlrainer aucun deran-
gement. In coup d'ceil jete en passant, pour voir si tout marche
bien , si chaque chose se fait en son temps ; uu mot araical dit au
maitre, quelques paroles d'eucouragemeut adressees auxeleves, mais
sans troubler I'ordre de la classe, sans interrompre les legons. En
iuspeclant I'ecole, vous venez surtout observer les enfants et vous
montrer a eux. « Le bon pasteur connait ses brebis, et ses brebis le
1. De Gerando, Cours normal des inslituteurs primaires, ouvrage utile a lire, et que
nous recommandons a MJI les cure? et instiiuteurs.
APPENDICF.. 4^15
coiinalsseiU.w Que la jeunesse s'accoutume a vous voir autre part qu'a
I'autel ou au tribunal de !a peuKence, a trouver dans le preire un
pere, un profecleur plein de sollicitude, qui s'interesse a ses succes,
aux peines et aux joies deses parents, et qui i'aiment d'une affeclioii
toujours vigiianre. Ainsi vous ciinenterez , des I'ecole , I'uniou du
cure et de ses paroissiens.
Nous ne disons rien, Messieurs , de vos visiles dans les ecoles diri-
gees par des instilutrices , soil seculieres, soit appartenant a des cor-
porations religieuses; votre prudence et les conseils que deja nous
avons ete a meme de vous donner, vous out trace une ligne decon-
duite dont vous ne vous etes jamais ecartes.
Soyez exacts a faire execuier, dans toute leur etendue, les regie-
r.ieuts universitaires qui exigent parlout la separation des deux sexes.
Ne pouvons-nous pas esperer que le moment approche, oii, comrae
dans le reste de la France , chacune de nos paroisses aura son ccole
pour les jeunes filles? Hatcz, par tous les moyens possibles , la crea-
tion de ces maisons de soeurs, dont I'heureuse influence s'est deja
fait sentir dans plusieurs parties de noire diocese.
Mais, vous le comprenez, pour faire accepter vos conseils, pour
les donner avec plus d'autorile , il faut connailre ce dont vous avcz
a parler; il faut avoir etudie les methodes, n'iguorer aucune des
parties dont se compose I'inslruction priraaire.
A cet effet, il ne sera peut-etre pas hors de propos de vous indi-
quer ici quelques ouvrages oil vous trouverez de precieux renseigne-
menls sur la tenue d'une classe , et que vous pourrez recommauder
a vos instituleurs.
En premiere ligne, nous placerons I'excellent Traite de notre im-
mortel Fenelon, qui, malgre sou litre ^ , s'applique a la direction
de la jeunesse des deux sexes, Vous puiserez d'excellents conseils
dans un livre deja cite et oil respire le meilleur esprit \ vous
rencontrerez les meines qualites, et peut-etre avec un caraclere plus
reel d'utilite pratique , dans un ouvrage du meme genre, ecrit par
une femme, a I'usage des ecoles des filles 2, et dont les avis, dicles
l)ar I'experience , out egalement leur ajjplication dans les ecoles do
gargons. Nous signalerons I'opuscule du frere Agathon 3, qui n'ex-
1. De I'F.ducalion des filles.
2. Cciirs normal des iiisiiiuleurs, par inadame Sauvan.
5. Les Douze verlus d'un bon maiire.
440 APPEiNDICE.
pose pas seuleraent les verlus k pratiquer par un mailre vraiment
digne de ce nom , mais qui donne, sur la direction des enfants, des
conseils aiissi pleiii de moderation que de sagesse.
Nous avons lu, avec aulant d'inlergt que de profit , un livre dejh
ancien, qu'il est ranlheureusement difficile de se procurer ; il est in-
tule : Methode fayniliere pour les pelites ecoles , et a ele public
en ^769 par Mgr Droiias, eveque de Toul. Le pieux et savant prelat
ne jngea pas au-dessous de lui de s'occuper de I'ediication des pelits
enfants, et d'enfrer dans tousles details qui peuvent rendre cette
lache plus facile. Ses instructions porlerent leurs fruits. Nous avons
pu nous en convaincre, lorsque, visitant, plus d'un demi-siecle apres,
les paroisses de la Lorraine, nous admiraines la bonne tenue des
ecoles , grace aux traditions qui s'y conservaient encore. Heureux a
noire tour, nos chers cooperateurs, si la Providence accordait de
telles benedictions aux paroles que nous vousadressons aujourd'hui
sur le meme sujct!
Enfin, nous signalerons ^ votre attention Touvrage d'un celebre
instilulcur, le P. Girard ^,qui, sous un titre inodesle. nous a donne
un Iraite presque complel d'edtication : dans aucun livre, vous ne
Iroiivercz mieux elablis les moyeiis de fiiirc toiirner rinstruction au
profii de I'educalion , et de doiiner a toul renseigiieinent un carac-
lere profondemeni religieux.
Tous ces livres vousserviront de guides dans les conseils que vous
aiircz a donner. Enli e les mains de riiistiiutcur, et medites par lui ,
ils seront comine des amis toujours presents el anx(]uels on peul (ou-
jours recourir. Qiielques luniieres que Ton possede, I'cEuvre de I'edu-
calion, dans I'elat de nos moeurs, presenle lanl de diflicultes, qu'on a
souvent besoin de s'elayer de rexpi'rience des aiitres. Puis le zele le
plus aclif est sujel A des inlormillences , a des acces de decourage-
ment; il a des momenls de lassitude, et c'est alors que le langage
d'un guide eclaire, d'un ami sur, vientcl propos relever nos forces
un instant abaltues.
A la lecture de ces ouvrages, nous conseillons de joindrecelle des
bons recueils petiodiques, Panni ceux qui sont destines a I'lnslrnc-
tion primaire, nou« pouvons signaler avec confmnce le journal publie
depuis plusieurs aniiees, sous le litre: VEducution \ et que re-
i. Ttc Vr.nseignemcnl n'guher de la Imigiie maternclk, par le pere Girard.
APPENDICE. 447
commaiuleiit a vos sullrages son curactere grave et religieux une
parf.iite coiniaissance des malieres et I'expose journalier des me-
Ihodeset des procedes d'enseignement saiictionnes par I'experience.
Yous froiiverez dans ce rcciieil les notions dont voiis avezbesoin pour
vous lenir au courant des ameliorations a introduire, et les moyens
a employer pour faire tourner au profit de TcducalioQ morale et
rcligieuse les efforts et les conquetes de I'instruction proprement
dite.
Telles sont vos attributions spociales; c'est dans ce but que vous
devez etudier loutes les malieres, surveiller la direction , I'esprit, les
tendances de I'enseignement. N'allez pas au dela; n'empietezpas sur
les droits de I'instituteur. A hit de poursuivre rapplication des me-
tbodes, a vous d'en examiner les resultats. Que s'il survient, sur I'em-
ploi meme des melliodes, quelque divergence d'opiuion, ne preten-
tendez pas imposer la votre ; ramenez le maitre a vos vues, d'abord par
la force de vos raisous, par la douceur de vos procedes et surtout
par la demonstration desavantages attaches a votre maniere de voir.
N'en appelez a I'autorite que dans le cas oii vous seriez temoins de
clioses contraires au reglement, offensantes pour la religion, dange-
reuses pour les raceurs. Hors de la, nous sommes convaincus que vos
avertissemenls sulfiront, surtout s'ils ont en meme temps pour base
une counaissance approfondie des mati^res, et pour seul mobile le
salut des ames ; car, en resume , c'est la le but : quand il n'est pas
compris, I'ecole n'obtient ni faveur ni succes.
Ne voir dans I'instruction priraaire qu'un moyen d'apprendre a
epeler des lettres, a grouper, soustraire ou multiplier des chiffres, a
tracer des lignes, c'est abaisser, c'est reduire a d'insigniflantes pro-
portions un enseignement qui doit avoir une tout autre portee. A
quoi bon savoir lire , si Ton ne comprend pas ce qu'on lit ; si , inca-
pable de distinguer I'erreur de la verile, on s'expose a substituercl
I'ignorance originelle uu faux savoir plus dangereux encore? A quoi
bon savoir ecrire, si Ton n'a ni idee juste ni sentiments nobles ^ ex-
primer et h Iransmettre ? A quoi bon savoir calculer, si une raisou
droite, une conscience eclairee ne president aux calculs et n'empe-
chent d'en faire de purs instruments d'egoisme ou de rapine? Ce qu'il
faut, c'est bien moinsde communiquer telles ou telles dounees posi-
tives que de cultiver les facultes de I'homme pour en faire un etre
raisouuable, sachant distinguer nettement sa nature morale et iutel-
2?
418 APPEiNDlCL.
lecluelle de la nature malerielle et grossiere qui reutoure, eicom-
prendre la parole qui doit rengeudrer k la lumiere et h la vertu.
De ce qui precede il resulte qu'il y a trois points essentiels a
considerer dans I'inslruclion primaire : d'abord, les connaissances
elles-memcs qu'il s'agit de transmeltre; ensuile, les methodes et
les procedes d'enseigneinenl ; eufin , le developpement moral el
intellectuel , qui doit Stre le resultat et le couronoemeut de
Toeuvre.
Vous savez que, d'apres la loi, I'instruclion primaire orabrasse les
elements de doctrine morale et religieuse , la lecture, I'ecriture, la
langue frauQaise, le calcul et le sysleme legal des poids et mesures.
II peul coraprendre, en outre, des connaissances accessoires, qu'il
serait utile de voir adniellre dans le plan rcgulier des eludes, mais
que le peu de temps passe dans les ecoles ne permet pas d'y intro-
duire d'une maniere generale.
La loi, en plagant I'instruction religieuse en premiere ligne, a
voulu montrer quelle importance elie y atlacbe. II est inutile d'in-
sister sur ce point avec vous, Messieurs, et de vous rappeler qu'ici 11
ne s'agit plus seulement de surveillance mais d'action ; il y a una
part personuelle a prendre, des instructions regulieres a donner, des
habitudes chreliennes a transmeltre. Arretons-nous un instant surces
deux parties.
L'enseignenient religieux comprend necessairement I'etude tex-
tuelle des prieres, le catechisme et I'bistoire sainle. Voire premier
soin sera de veiller ace que les enfants apprennent leurs priores des
Jeur entree k I'ecole. II n'est pas necessaire pour cela d'attendre qu'ils
soient en e(at de les lire; un eleve plus avance pent tres bien les
leur enseigner en les recitant et les faisant repetcr phrase par phrase
ou par membres de phrases. C'esl raeme un utile moyen d'employer
le temps pendant lequel les enfants ne peuveot prendre part a d'au-
tres exercices.
Vous n'attendrezpas non plus que les enfants approchent de I'age
de la premiere communion pour leur faire apprendre le catechisme;
ce retard est cause qu'on ne le sait jamais assez bien. L'annee de la
premiere communion se (rouve surcbargee d'etiides presquo loujours
mal faites, parte qu'eiles sontpour ainsi dire improvisees. Dos que
les enfants sauront lire, c'est-a-dire vers I'age de huit ou neuf ans,
vous leur mettrez entre les mains le petit catechisme du diocese. A
1P^E^DI(:E. 44 9
dix ans, ils apprendront le graud catechisme, de maniere a n'avoir
pliisqu'a le repasser peadantl'annee dela premiere communion, qui
sera ainsi une veritable anuee de perfectionnement.
L'histoire sainle est generalement trop negligee; et cependant,
ainsi que Tout observe Feneloa et Rollin, quelle etude est mieux ap-
propriee aux dispositions du premier age de la vie? Le souverain
createur du ciel et de la terre, sims rien perdre de sa puissance et
de sa majeste , s'y montre comme un pere au milieu de ses enfanls.
Les touchants recitsde la Bible, la vie des patriarclies, l'histoire de
Joseph, les miracles de Moise, les merveilles de la terre de Chanaan,
Tenfance de David, la sagesse de Salomon, lajeunesse miraculeuse
de Daniel, la verte et valeureuse vieillesse du premier des Maccha-
bees, et plus tard, la vie du Sauveur, dont tous les pas sur la terre
sont marques par des bienCaits : tout ici parle au coeur, a I'intelli-
gence, a I'lmagination de I'enfance ; tout est fait pour I'interesser et
lui plaire.
II serait a desirer que les eleves les moins instruits, ceux qia fre-
quentent I'ecole le moins longtemps, connussent au moins le oate-
chisme historique de Fleury. A I'ogard de ceux qui peuvent recevoir
line instruction plus developpee, nous ne vous indiquerons aucun
livre en parliculier. Vous pouvez choisir, parmi les histoires saintes
revetues d'une approbation episcopaie, celles quisatisferont le plus
le maitre et qui vous paraiiront offrir le double caractere d'nn en-
seignement simple et interossanl. Nous n'avons pas besoin de vous
inviter a completer autant que possible cotte elude par une histoire
abregee de I'Eglise : nous sommes convaincu qu'elle est tres propre
a donner a la jeunesse une idee exacte de notre sainte religion et des
bienfails qu'elle a repandus sur le raonde : tous vos efforts tendront
a la propager.
TSous regardons aussi comme fort utile de ne pas laisser ignorer
aux enfants les principaux trails de l'histoire religieuse de leur dio-
cese. L'iuteret que nous eveillerons pour les saints personnages qui
ont ete les a|)6tres de I'Evangile dans telle ou telle province, les fon-
dateurs des institutions , les createnrs des ctablisseraenls dont les
bienfails se sont perpetues jusqn'a nos jours, ne pent que les affermir
dans la foi de leurs peres, dans le respect des pieuses traditions de
I'antiquite, etdans kur attachemeut pour le sol natal. Aussi, faisons-
420 AiTE^Dici;.
nous preparer eu ce uiomeiit et daus ce but mie histoire des saiuis
fondateiirs ou bienfaiteiirs de I'eglise de Bordeaux. Ce sera un moyen
de rendre populaire les uoms beuis des Delpliiu , des Seurin, dcs
Amand , des Paulin, des Macaire, des Uomain, des Gallicien, des
Emilion, des Simon Stock, des Leonce ct des Gerard. Tous ces noms
otaient lombes dans un ingrat oubli : pourquoi ne pas les faire re-
vivre au milieu de nous ?
Enfin , pour couronner I'enseignement religieus. voustiendrez la
main a I'execution des reglements qui prescrivent aux instituteurs
de faire apprendre, cliaque semaine, I'Evangile du dimanche. Les
enfanls le recitent en classe le samedi : cet usage est excellent; vous
veillerez k ce qu'il se maintienne dans les ecoles oil il existe deja ,
et a ce qu'on Tintroduise dans celles oil il ne serait pas encore
en vigueur.
L'Evangile ainsi appris de bonne beure, repete pendant plusieurs
annees , non-seulement se gravera dans la meraoire des enfants,
mais laissera dans leur coeur de profondes et salutaires impressions.
Ce sera le veritable fonds de verites eternelles, qu'aucun mensonge,
aucun sophisme ne pourra alterer plus tard. Ce sera ce bouclier
de la foi donl parle I'apotre , qui lesgarantira des alteintes du siccle
plus que ne le peut faire aucune parole humaine. Ces impressions
seront forlifiees par les exercices de piele, savoir : les prieres du
matin et du soir, I'assistance aux offices de I'eglise les diraanches et
les fetes, sous la surveillance de I'inslituteur, et la frequentalion
des sacrements.
Quant aux prieres qui doivent se dire tous les jours en classe, vous
determinerez vous-memes ce qu'il convient de faire, en ayant egard
a I'age des enfants, dont il serait imprudeut d'exiger des formules
Irop prolongees. Eu general, il sera bon de s'en tenir, pour le matin
et pour le soir, aux prieres qui se trouvent dans le catechisme du
diocese.
On commencera la premiere classe du jour par la priere du matin,
suivie du : Venez, Esprit saint; on la terminera par VAngelus, le
Souvenez-vous et le Benedicite. On commencera la classe de I'apres-
midi par les graces, suivies du : Venez, Esprit saint; on la termi-
nera par la priere du soir.
Nous appellerons aussi votre attention sur la maniere de reciter les
prieres, si propresa faire uaitre et a entreteuir les sentiments reli-
A^PE^DICE. A2\
gieiix des enfants. Trop souvent on leur laisse contracter des habi-
tudes de iegerele et d'inatteution, qui les suivent dans tout Ic cours
de la vie. II en est ainsi iorsque, suivant I'usoge le plus general, la
priere est dite exclusivement par les eleves. Invitez le inaitre a la
faire lui-meme frequemment, afin qu'il donne I'exemple du calme et
du recueillement avec lesquels on doit parler a Dieu. Qu'il les ae-
couturne a articuler les reponses gravement, poseraent, sans bruit,
avec ensemble, ce qu'on obtient sans trop de peine, pour pen qu'ou
y tienne la main.
En ce qui concerne I'assistance a la messe et aux vepres, nous
n'avons rien de particulier a vous prescrire. Vous savez que les re-
glements obligent le maitre a y conduire ses eleves; nous sommes
persuade d'avance qu'il semoutrera ponotuel dansruccomplissement
de ce devoir. Si tons pouvez compter sur lui, il n'en est pas tou-
jours de raeme des parents, dont I'indiffcrence paralyse son zele.
Encouragez , soutenez ses efforts par les moyens qui sont en votro
pouvoir. Ainsi, n'admettez a la premiere communion que les enfants
qui, pendant les annees precedentes, auront assiste regulierement
aux offices et au catechisme. Ayez soin aussi de les placer a Teglise
de maniere, non-seiilement que le maitre les surveille facilernent,
mais encore qu'ils puissent voir les ceremonies. Lorsqu'ils sont trop
loin de I'autel, ils restent etrangers a ce qui s'y passe, la distraction
s'empare de leur esprit, leur coeur est soustrait a I'influence que la
majeste du culte exerce sur les fideles. II n'y a plus pour euxni par-
ticipation a la priere commune, ni aucune de ces emotions qui ali-
mentent la piete et determiuent quelquefois les plus nobles et les
plus heroiques vocations.
Nous vous avons deja pries de vous entendre avec rinstiiuteur
pour fixer I'heure de vos instructions a I'ecole : determinez de
meme , d'un commun accord, les instants oil vous appellerez les
enfants au tribunal de la penitence , les jours et les heures de vos
catechismes.
Nous ne nous arreterons pas longteraps sur les metliodes a suivre
pour I'enseignement de la lecture et de I'ecriture; les observations
generales que nous faisons ci-apres suffiront a cet egard, D'ailleurs,
vous savez que la meilleure metliode pour un maitre est celle qu'il
comprend le mieux et qu'il enseigne avec le plus de plaisir. Toute-
fois , il en est de telleraent imparfaites, de tellement vicieiises ,-
^^22 APPFNDICE.
qii'elles sont de nature a exercer une faclieuse influence sur le juge-
ment et les habitudes des enfaiils. II est done a desirer, quand elles
sont maUieureusement etalMies, de pouvoir successivement les ame-=
liorer et les reinplacer.
Si les details necessiles par le developpement de la seconde partie
de notre travail, paraissent a quelques-uns s'ecarter du but que nous
devons nous proposer en ecrivant ici comme chef spirituel du Irou-
peau, qu'on n'oublie pas qu'a ce litre nous joignons , depuis pres de
vingt ans, celui de merabre desconseils academiques de Nancy et de
Bordeaux. En nous lisant, on se convaincra que nous avons eu I'in-
tention de rendre plus sacrees, plus obligatoires, les prescriptions
emanees des chefs du corps enseignant. Serait co trop des efforts
reiinis des evequeset des recteurs de loutes nos Academies pour I'a-
meiioralion de I'enseignement populaire?
Cette instruction pastorale n'empiete sur les droits de personne ;
elle est adressee a MM. les cures de notre diocese, qui non-seuie-
ment ont le droit d'enseigner le latin a Irois ou quaire eleves, mais
qui pourraient encore an besoin, en reiuplissaut les conditions vou-
lues par la loi , donner I'inslruction priraaire; elle arrivera aussi k
loutes nos coramunnutes religieuses d'hommes et de femraes , accou-
tumees a recevoir de la bouche de leur ev^que lout ce qui peut les
aider a remplir dignement la tache qu'un admirable devouement
leur impose.
Quand les enfaiils sont en etat de lire couramment, Taction que
vousavez a exercer devient plus directe, car alors commence, pour
ne plus cesser, rinflueuce de la lecture sur I'educalion. En general ,
on ne sail pas assez lirer parti de la lecture dans les ecoles ; on
ne fait lire ni assez longteraps ni assez souvent , et on passe trop
tot a des exercices auxquels les enfants ne sont pas sufflsamment
prepares. II ne s'agit pas seulement d'enseigner aux eleves a pro-
noncer neltement, "a articuler d'une maniere distincte , mais encore
de les mettre en etat de comprendre ce qu'ils lisent, et pour cela,
de leur expliquer le sens et la valeur des termes, la liaison des
pensees ; de leur faire sentir I'esprit cache sous ia lettre, la ve-
rile sous la forme ; de reveiller de bons sentiments a propos de
nobles paroles, de travailler au developpement de la conscience
morale, lout en parlant "a I'imagination. Fables, paraboles, traits
APPENDICE. 425
d'liistoire , decouvertes , inventions, voyages, tout sert au maitrc
intelligent et zele qui veut la gloire du Seigneur et le bien de ses
eleves.
Mais le point essonliel, c'est qu'on ne se serve que de l»ons livres.
II y a malheureusement penurie generate a cet egard dans les ecoles
ruiales. Puis les parents, dans leur ignorance, s'imaginent que le
premier livre vena est bon pour faire lire un enfant, et le desir de
s'epargner iine depense les attache a celte erreur.
Combaltez a la fois les prejuges et I'avarice des hmilles. Plaidez
la cause de vos ouailles aupres du conseil municipal ; obtenez-en
Tacquisilion d'un certain nombre d'ouvrages qui , mis entre les
mains des eleves , serviront longlemps et ne greveront pas beau-
coup le budget annuel de la c«mmune Tachez, de voire cote, de
pouvoir preter ou donner aux enfants de bons livres, qu'ils empor-
teront au foyer domeslique et qui seront lus dans les longues soi-
rees d'liiver.
Quand done la sociele, battue en brcche depuis pres d'un siecle
par les ecrits les plus irreligieux et les plus obscenes, comprendra-t-
elle qu'elle ne pent se defendre qu'a armes egales ; que, lout le
monde voulanl lire, il faut prodiguer les ouvrages qui moralisent et
ediQent? Qiiand comprendra-t-elle qu'il est d'une utilile au moins
aussi incontestable de mettre a la disposition du peupie des biblio-
theques inslruclives et religieuses, que de doter nos communes d'un
cliemin, d'un lavoir ou d'un hopital?
Que les parents vous aident ou non, que les conseils municipaux
vousassistent ou vous delaissent, votre devoir est toujours le meme ;
vous pouvez toujours le reraplir. Vous avcz toujours a veiller a ce
que la semence jetee dans les araes jeunes et pares soit de bonne
qualile, a ce que le pain offert k ces intelligences novices soit d'une
nature saine, a ce que les livres mis entre ses mains inexperimeu-
tees soil scrupuleusement choisis, a ce que tout ce qu'ils renfer-
ment porte a la connaissance de Dieu, a I'amour et a la pratique du
devoir.
Rejetez non-seulement tout ce qui serait conlraire aux moeurs et
a la religion , raais encore ce qui ne serait pas de nature a exercer
une salulaire influence. Ne perdez pas de vue que ces lectures doi-
vent servir a donner aux eleves une foule de notions (ju'ils ne re-
cevraient point autrement, et que des livres d'un caractere tropse-
424 APPENDICE.
rieux, trop abstrail, poiirraieiit rebuter reufance el la degoiiter de
la vertu, si on la presentait sous des formes tristes et emiuyeuses.
Mais vos precautions seront iuutiles si le raaitre ne vous secoude,
comme elles seront toutes efficaces si, s'associant a votre soilicitude,
il ajoute aux mesures de prudence indiquees une sanction toute
pratique.
Combien il seraita desirer que I'inslituteur fit chaque jour a toute
la classe une lecture sur des sujels varies, qu'il comnienterait et
qui deviendraientpour lui I'occasiond'unefoule d'explicalionsetd'a-
vis utiles ! Les veilles des dimanches et fetes, elle aurait pour objet
I'explication de la soleuuile du lendemain ; les autres jours elle rou-
lerait sur des points differents, tels qu'ils conviennenta des enfants
qui ne savent rien et qui ont tout a apprendre : des recits de
I'histoire de France , des anecdotes morales , des notions sur les
sciences naturelies, I'agriculture, riudiistrie, I'economie domestique.
Parmi les ouvrages propres a remplir ce but, nous pouvons en in-
diquer plusieurs : Le Livre de lecture couranle de M. Lebrun
les Loisirs d'un Cure, le Peuple instruit par ses propres verlus ,
Pierre Giberne, Antoine, Simon de Nantua avec le caractere es-
sentiellement catliolique que I'auteur se propose do donner a une
nouvelle edition: la Pieuse paysanne, Melanie et Lucelti, la Veille
de Noel, les OEufs de Pdques, le Val d'or, le Cure de Beriles,
Reponses courtes et familieres, le Dimanche des soldats, la Caserne
et le Presbijlere, par MM. de Segur.
L'ecrilure appelle moins votre attention que la lecture. Vous n'a-
vez guere a iutervenir dans cet enseignement , si ce n'est peut-elre
pour recommauder au maitre de veiller a ce que les enfants ne con-
tractent pas des habitudes de corps qui puissent nuire a leur tenue
et a leur sanle.
Vous prendrez garde a ce que les modeles d'ecriture places sous
les yeux des eleves ne contiennent que des preceptes moraux et
des citations a leur portee ; car ici rien ne doit nous parailre in-
digne de la plus scrupuleuse vigilance. Un fetu euflamme I'oeil; un
mot pent pervertir une intelligence, une ligne fausser I'espril, cor-
rompre Fame.
Dans le programme obligatoire, la loi place, a la suite de Tecri-
ture, I'euseignement dela langue frangaise. Remarquez ce mot, dont
on semble ne pas comprendre la portee ; car, dans la pratique ha-
APPENDICE. 425
biUielle, on enseigne la grammaire et non la langue. L'ecole rurale
dolt faire ce que, dans les villes, les parents, lesamis, les rolallons
de societe, font tout nalurellement pour I'enfantdes classes clevees,
lequel parle nettement, correcteraent , souvent avec esprit ct ele-
gance, sans avoir jamais ouvert un livre, ni entendu citer une regie
de syntaxe. Pourquoi, dans les ecoles, I'enseignement ne revelirait-il
pas ce caraclere pralique ? Parler et faire parler les eufanls ; inter-
roger beaucoup ; obliger a des reponses qui deviendront, par I'liabi-
tude, proraples et claires; ne serait-ce pas le moyeu I'appreudre la
laugue aux enfants, au lieu de charger leur memoire de definitions
obscures, de regies difficiles, dont nos villageois n'entendront plus
parler au sortir de l'ecole? Que leur bagage grammatical soil done
simple et leger. Apprecier la valeur des mots, construire logi(jue-
menl la phrase, et savoir surtout se servir de la parole pour traduirc
nettement sa pensee, c'est tout ce qu'il faut de science pour former,
non pas de petits philosophes, ce qui est inutile, mais des hommes
raisounables, usant avec couvenance etraesure des dons de Dieu et
des tresors de la langue maternelle.
Voila les idees que, dans vos entretiens avec les instituleurs, il faut
leur faire gouter; et, pour les raettre sur la voie, recommandezb leur
attention le livre que nous vous avons deja signale, Y Enseignement
regulier de la langue fraagaise, I'un des plus remarquables ouvrages
d'education, dont les principes out ete recemmeut mis en pratique
dans uu Cours clementaire de langue francaise a I'usage des eco-
les primaires '.
Nous desirerions trouver le meme caractere de simplicile dans
I'enseignement de I'arilhmetique. Tout inslituleur qui ne veut pas
faire parade de science, s'efforcera de rendre I'etude du calcul in-
teressante par ses applications : il aura pour but, dans le clioix des
problemes, de demoutrer les avautages de I'ordre, de I'economie ,
du travail, ou les ioconvenients de I'intemperance et de la paresse,
les facheuses consequences des vices et des passions, les suites fu-
nestes de certaines habitudes et de certains prejuges encore repan-
dus dans diverses localites.
Ici s'arrete le programme des connaissances rigoureusement exi-
gees, et il est probable que, dans le plus grand nombre des ecoles
1. Cows vKmenlaire de langue francaise, \>&r MM, Michel et Rapot.
426
APPENDICE.
rurales, les eleves n'irnnt pas an dela. Mienx vaiif, en effot, insister
sur les connaissances iiidispensabies et y arreter assez longlemps les
enfanis pour qn'ils les possedent bien, qiiede passer trop rapidemeiit
sur ces elements, pour effleurer d'aufres etudes moins utiles. Cepen-
dant la loi, prevoynnt qu'il y aurait des cas ou ce programme serait
insuffisant, a voulii indlquer un supplement d'etsules.
SI dans les ecoles rurales on s'en tieiit generalement aux strides
limites du programme, neanraoins il y a des localites ou I'instituteur
pent, avec avantage, ajouter a son eiiseignement quelques-unes des
connaissances facultatives ; ce sont les villes et les bourgades ou
I'exercice de I'industrie, du commerce, de I'agriculture, demande ,
soit des applications plus norabreuses de renseignement elementaire,
soit des connaissances speciales, etou, en meme temps, les enfants
suivent plus regulierement et plus longtemps les ecoles, et peuvent
y recevoir par consequent une inslruction plus etendue. II est facile
de voir que le cadre des connaissances requises ne saurait suffire aux
besoins de ces populations. Vous ferez done une chose utile de favo-
rlser, et de provoquer an besoin I'etablissement de ce deuxieme de-
gre partoiit oil raffliience des eleves, les habitudes et les ressources
des localites le rendent necessaire.
Mais pour que ce double enseigneraent puisse marcher de front
sans se nuire, il serait a desirer que les etablisseraents oil il est en
activile eussent, corame chez les freres des ecoles chretiennes , un
mailre pour chaqiie degre; ce qui devient plus facile depuis que la
loi reconnait des maitres slagiaires et encourage leur institution.
En preseutant ainsi aux enfants des marchands , des artisans et
des fermiers une instruction, d'un cote, plus elevee et plus com-
plete que I'enseignement primaire actuel, et de I'autre, mieux appro-
priee aux besoins de leur condition que I'enseignement secoudaire,
on les empecherait d'aller perdre cinq ou six annees a des etudes de
latin et de grcc, qui n'ont d'autre resultat que de les degouter des
professions auxquelles ils sont destines, de leur donner des habitu-
des, des gouts et une ambition qui, en les declassant, font le malheur
de leur vie et troublent la societe.
Passons rapidement en revue, Messieurs, comme nous I'avons fail
pour le premier degre, les di verses branches de connaissances ajou-
tees a I'enseignemeiU du deuxieme, et voyons jusqu'a quel point et
dans quel esprit vous pouvez exercer ici une favorable influence,
APrENDif.F. ^r27
sans empieler loulefois sur les altribufious rcsefvees a ranforite aca-
(leinique, et mSme eii secondant ses vues.
L'bistoire occupe le premier rang. Deja, I'liistoire dii penple de
Dieu et celle de I'Eglise ont inilie les enfants a ce nnuveaii genre
d'etude. II ne s'agit done que de le completer en y ratfachant des
notions generales sur les divers penples de I'antiquite et des temps
moderues. En les groupant ainsi autonr de I'etiide de la religion, on
leur donne un lien commun, qui p-rmet de les erabrasser avec plus
d'ordre et d'enserable. L'actiou de la Providence dans le developpe-
menl de I'humanite deyieiit plus visible, el le but ou tendent loutes
les nations appelees a la connaissance d'un raeme Dieu, a I'observa-
tion d'une merae loi, aux bienfailsd'une meme redemption, appnrait
de plus en plus evident.
N'oublions pas cependant que I'lnsfoire de nofre pays exige line
elude plus devoloppee. Si elle ne devait consisler que dans un expose
de dates arides , duns une fatigaute nomenclature de balailles, de
traites el de noms propres , ou ne volt guere le fruit que les eleves
pourraienl en retirer.
Ce queTedHcateur doit se proposer en faisanl connaiire aux eleves
la serie des eveneraents les plus remariMiahles , des fails les plus
eclalants, des personnages les plus illustres par leurs talents, leurs
vertus ou leurs services, c'est d'inspirer , avec le respect des tradi-
tions nalionales, I'amourde la patrie et par ia meme un noble desir
d'imiter ceux qui 6nt bien merite du pays.
Sans doule, le simple abrege de I'liistoire qu'on met enlre les
mains des enfants, ne pent sufflre. dans sa secheresse , a developper
ces nobles et utiles sentiments, ces impressions vives et durables, qui
snpposent le recit detaille des fails, I'apprccialion des caracteres ,
drs moeurs, des liommes proposes corame modeles. 11 faut done sup-
plecr a I'insuftisance de I'eiiseignement classiqiie, par une serie de
lectures bien cboisies, dont ou exigera periodiquemeiit des resumes,
fails devive voix par les eleves, suivis de questions posees el d'expli-
cations donnees par le maitre : pour la clarie du recit et la suite des
evenements, ces explications seront toujours appuyees sur les ta-
bleaux chronologiques, qui deviennent le cadre oil se fixe le resultat
el des lectures particulieres et de celles faiies en commun , soil a la
fin de la classe pour les gargons, soil pendant les henres do travaux
a I'aiguille pour les jeunes Giles.
-428 APFEISDICE.
De meme que renseigiiement de I'histoire doit, en donnaut I'in-
dispensable counaissance des fails, elever I'ame et ennoblir les sen-
timents dii jeune age, ainsi la geographie, tout en lui donnant la
description materielle du monde, doit parier a son copur el a sou in-
telligence, en lui exposanl avec le langage de la foi, la grandeur de
I'ffiuvre de Dieii, les merveilles de la creation, les prodiges de son
inepuisable fecondite , Tinvariable regularile des lois qui regissent
lunivers, la parfaile harraonie qui unit enlre eux tous les regues de
la nature.
Ces vues d'ensemble, si propres a exciter Tadmiration , la recon-
naissance envers le Crealeur , ne nuirout en rien aux lecons techni-
ques, qui se reduiront a Tetude atleutive des cartes el des questions
resumees dans une melhode deja en usage dans les ecoles et qui ne
forme qu'un cahier de quelques pages.
C'est encore a un systeme de lectures convenablement choisies
qu'il faul recourir, au sujet de quelques autres connaissances euu-
merees dans la loi et pour lesquelles on ne saurait avoir la preten-
tion de creer des cours methodiques dans les ecoles primaires.
Du reste, la loi a indique le caractere et les limites de cet ensei-
gnement en le reslreignant a des notions des sciences physiques el
de rhistoire naturelle, applicables aux usages de la vie, en ex-
cluaut par la meme toute pretention scientifique, toule exposition de
theories, de syslemes, que ne component ni I'age ni le degre d'ius-
truction des eleves, ni le temps passe a I'ecole.
Recomraandez done aux iustituteurs de se garder de faire parade
de connaissances techniques, qui n'ontde valeur qu'autant qu'elles
sont a la portee des enfants et qu'elles s'appliquent aux usages et
aux besoins de leur condition. II en sera de meme des instructions
elementaires sur ragriculture, I'industrie et I'liygiene , dont il est
question dans la loi.
II est evident qu'il ne pent s'agir ici ni de cours reguliers, ni
d'expositions savantes, ni de traites speciaux a mettre entrc les
mains des enfants.
C'est un but pratique, simple et indique par le bon sens qu'il
faut alteindre. El pour cela, vous n'aurez pas de peine a faire com-
prenJre a rinslituteur que sa tache, sous ce rapport, consiste surtout
a salsir loules les occasions de donuer a ses eleves quelques sages
conseils; a lour monlrer les inconveoients d'une habitude vicieuse :
Al'PHiNDlCE. 420
a faiio <le temps a aulre cles promenades desliuees a recoiinaitio les
insectes, les plautes, les terrains, les progres de la vegetation ; a in-
diquer sur les lieux memes I'iuflueuce des saisons, des divers etals
de I'atraosphere, dii cours des rivieres ; a donaer, aiitaut que pos-
sible, la raison des plienomenes iialurels ; en iin mot, a moiitrer
partout Ic doigt de Dieii et sa misericordieuse et puissante sagesse ,
de qui, selon I'Ecriture, dependent la force des elements, la nature
ei les instincts des animaux, la variete et les vertus des plantes, les
vicissitudes des saisons, les revolutions des annees, I'Lirmonie des
etoiles : Ipse enim dedit mihi ut sciam virlutes elementorum, vicis-
siiudinum permutationes et commulaiiones tempirum, anni cur-
sus et stellarum disposiliones ; naturas animalium el iras bestia-
rum, vim ventorumet virtutes radicumK
Pour etre en mesure de venir, sur cos diverses matiores, en aide a
I'instituteur, peut-etre aurez vous bcsoin de reprendre vous-memes
les eludes qui vous out autrefois occupes ; mais ce ne sera ni sans
attrait ni sans proflt que vous evoquerez d'anciens souvenirs et
que vous vous tieudrez au courantdes progres journaliers de la
science.
Purmi les branches de I'enseignement facultatif , la loi comprend
encore :
L'aritbmetique appliquee aux operations pratiques, I'arpentage, le
nivellement, le dessin lineaire.
Le dessin lineaire a peut-etre ele beaucoup trop neglige jusqu'ici
dans la plupart des ecoles. Cela tieut sans doute a la raaniere vi-
cieuse dont il y a ete compris et enseigne. On I'a presque toujours
confondu avec le dessin artistique et d'ornemcutation , comme s'il
se fut agi de former des peintres et des archilectes, tandis que cette
elude doit avoir pour but :
-1° De former le coup d'oeil et d'exercer I'enfant a bien apprecier
les distances, les dimensions, les formes des objets ; 2° d'assouplir la
main en I'exergant a reproduire ces memes objets avec une parfaite
exactitude au moyen du crayon. Y a-t-il quolqu'un qui n'ait a tirer
grand profit d'uue serablable etude? Quant h la marclie a sui>re, la
nature elle-meme I'indique.
Oulre les avantages materieis que procurera iiecessaireinent a lout
1. Sap. vn,.ir;, n, lyetao.
''50 APl'ENDICE.
aduKe la connaissance du dessiii lineaire , doiit les applications soiit
si frequenles daos !e coiirs de la vie, 11 y a dans cette etude pour le
jeune homme d'ioconlestables avanlages intellectuels. L'attention
qu'elle eveille, I'adresse qu'elle donue, la reflexion qu'elle suppose,
I'amoiir de I'ordre qu'elle developpe et fortilie , le gout dc la pro-
prele qu'elle eutreiient : tout cela vient en aide a I'etre moral pour
en determiner le caractere el en ameliorer les habitudes. C'est ainsi
que I'influence des arts, si propres a civiliser les nations, quand ils
sont bien diriges, se fait sontir d'abord ; que I'idee du beau entre
dans I'iraagination, vulgaire d'ailleurs, de I'liomme des champs,
et lui decouvre un horizon de jouissances inlellectueiles que ses
preoccupations ordinaires ne lui laisseraient jamiiis sounconner.
Aider les enfants a se faire une juste idee des objels qu'ils out sons
les yeux, a remarquer leurs dimensions, leurs differences, leurs si-
militudes; les exercer ensuile a reproduire ces memes formes, en
comraen<;ant par les plus faciles et en passant graduellemeut anx
plus compliquees : \o\V\ toute la methode, et il n'est pas de raaitre
qui ne puisse parfaitemenl la suivre et Tappliquer, pour peu qu'il y
apporte de zele et de bonne volonte.
Get enseignement ainsi dirige n'est pas nne simple cuKnre du
coup-d'a'il el de Tjulresse de la main ; c'est un veritable moycn d'e-
ducalion, par les habitudes d'atlention et de reflexion (lu'il fait con-
tracter.
Sous ce rapport, il doit appeler loute votre sollicilude, et vous
rendrez un veritable service aux ecoles si par votre intervention
aupres de rinstituleur vous le defermiiiez a donner cette direction
a I'etude du dessin lineaire.
C'est de ce point de vue moral que nous considerons I'enseigne-
menl dii chant, autre anxiliaire pour epurer le gout des classes labo-
rieuses et leur donner a la fois une noble distraction an milieu de
leurs travaux, et un moyen puissant d'ediflcation durant les exer-
clces religieux. x'^ppreridre au people I'harmonie, c'est le degrossir ,
le civiliser et !e preparer efficacement an culte du Seigneur. li est
evident que nous parous ici d'un chant pratique, d'uno habitude
simple a faire conlracter aux enfants des leur bas-age par des
exercices qui forment leur oreille et assonplissenl leur voix : il faut
faire chanter les en fa its corame on les fait parler, en leur proposant
des airs simples, des melodies agreables et faciles, en ne cessanl de
Ari'ENbict:. -434
les leiir faire repeter. On atteindra ce but en donnant, dans loules
les ecoles, les principes du plain-chant.
Si, parmi letirs eieves, les iiislituteiirs en distingnent qui aieut
une aptilude plus speciale, una oreille plus juste, une voix plus eten-
diie , eugagez-les a leur apprendic quelques luorceaux , qu'ils exc-
cuteront dans les classes, oil leur exemple entrainera les auUes. Tout
raaitre qui a de Toreille et de la voix doit obtenir d'excellents re-
suUals sous ce rappoil. S'il est musicien, taut mieux; mais il n'est
pas necessaire qu'il le soit : du gout, de I'habitude, beaucoup de
zele, peuvent suppleer ici I'art et la science.
Faut il ajouler qu'ici, comine pour les lectures, il est important
d'exercer une surveillance sur ces chants, (}ui doivent respirer la
morale la plus pure et n'exprimer que des idees appronvecs par la
decence?Quel service on rendraitaux ecoles et aux families si Ton
y inlroduisait des melodies d'un caractere a la fois simple et eleve,
de nature a devenir, dans les diverses circoustances de la vie , I'ex-
pression des sentiments du cbretien et de I'homme qui se respeite !
Quelle influence heureuse u'exercerail-on point par la sur lamoralile
des populations el la serenite du foyer dornestique!
Get enseignement se recommande encore a voire inlerel par I'uti-
lite que vous en relirerez pour les ceremonies de I'eglisn el comme
preparation nalurelle du chant liturgique.
Veillez done a ce que la jeunesse soit convenablement exercee au
chant des offices. Formez pen ii peu des choeurs d'enfants, qui re-
pandront un charme tout particuiier sur les solenniles religieuses.
Cette admission a I'exercice du cnlle, que vous presenterez comme
un honneiir el une recompense, eiiflammera le zele, excilera une
utile emulation. Bien plus, ce sera comme un saint appal que vous
offrirez anx parents; indifferenls a vos paroles, ils seront allires par
la voix de leurs enfants ; ce que vos conseils reiteres, vos avertisse-
ineuts les plus affectueux, u'auronl pu obtenir, les melodies sacrees
le produiront. La curiosite palernelle amenora a I'egiise ceux qui
reslaient sourds a voire appel : pourvu qu'ils arrivent a Dieu, voire
coeur se rejouira. L'Ecriture ne parle-t elle pas des saintes industries
du zele? El combicn est pure el inuocenle celle que nous vous con-
seillons ! Un Iroisieme avautage cnQn, c'est que vous retieudrez a
rcglise, par le plaisir qu'ils prendront a y chanter, beaucoup de
jeunes gens qu'on verrait s'eloiguer aussitot apres leur premiere
452 Al'PLiNDlCE.
comiminiou. Telle peat clre reflicacile de I'clude bicii eiilenduc, hiyn
siiivie, bien reglee du chant dans les ecoles primaires. Tout cela
vaut la peine d'y songer serieusement el de donner aux maitres le
concours et la direction necessaires.
Avant de terminer, il nous rcste, Messieurs, a vons dire quelques
mots sur la discipline des ecoles et sur les qualites les plus desi-
rables dans un inslituteur. Ces observations corapleleront noire pen-
see et repondront peut-elre a vos desirs. On a fait bien du bruit, a
line certaine epoque, de la melhode dile d' enseignement mutuel;
on s'en est servi pour soulever les passions, uourrir les haines des
partis. On I'a pronee , on I'a anatliematisee : elle ne meritait ni
lant d'honncur ni tant de reprobation. Elle n'a fait ni le bien qu'on
en a dit et allondu, ni le mal dont on I'a accusee. Utile pour tout
ce qui est affaire de racmoire, de repetition, d'exercices grapliiques;
utile encore en ce qu'elle permet a un seul mailre d'occuper en
menie lenips un grand nombre d'enfants, elle est insuffisante des
qu'il s'agildu « developpement des facultes , pour lesquclles il faut
«« une raison deja formee, une intelligence mure, dont I'aclion vive,
« penetrantc et sure reveille les puissances endorraies , los facultes
u naissantes de l'enfanl»; elle est nulle en ce qui concerne le de-
veloppement moral de I'eieve, que la parole directe et continue du
mailre pent seule produire; car, seule, elle pent toucher son coeur,
eclniror sa conscience, regler sa conduitc. Tout cela est devenu de
notoriete publique, si bien qu'aujourd'hui on ne trouverait presque
plus en Fiance une bonne ecole exclusivement dirigoe d'apres ce
mode. La ville de Paris a donne I'exemple en transformanl toutes
les ecoles mutnelles de gargons en ecoles mixtes.
Mais, a son tour, le mode simultane est insuffisant lorsqu'un seul
mailre doit donner 1 'instruction a tous les eleves; car il ne pent evi-
ter I'inconvenient, on de reunir des enfants dont le degre d'instruc-
lion est Ires different, ou d'elablir des divisions (rop multipliecs.
Dans le premier cas, les legons ne profllent qu'a un petit nombre,
et la masse perd son temps ; dans le second, le lour de chaque divi-
sion revient a intervalles trop eloignes, et les eleves reslenl inoccu-
pes pendant une parlie de la journee.
Aussi, malgre la presence de plusieurs maitres dans chaque ecole,
les Fieres n'ont-ils pas craint de faire d'heureux emprunis a I'en-
seignemeut mutuel en recourant a des moniteurs pour certaines
APPENDICE. 455
branches d'inslruction dans la classe elementaire et meme dans
les classes plus avancees. Cette organisation est, a plus forte raison,
necessaire dans les etablissements ou il n'y a qu'un seal mailre.
Qu'il se fasse done aider, pour les exercices de lecture, d'ecriture,
pour la pratique des operations de I'arithmelique et pour la recita-
tion, par quelques-uns des eleves les plus inslruits ; mais qu'il re-
serve pour lui toutes les matieres qui demandent des explications et
qui s'adressent a 1' intelligence ou au cceur des eleves.
Ainsi, les progres seront plus rapides, plus sur^^, et le temps sera
mieux employe. Ce bon emploi du temps est d'une haute impor-
tance. Beaucoup d'ecoles meritent des reproches a cet egard : on n'y
observe ni ordre ni regularite ; rien ne s'y fait a I'heure fixee ; les
legons se donnent comme au hasard , sans plan ni methode. Pour
remedier a ces abus, faites en sorte qu'on etablisse, dans chaque
classe, un tableau oil seront indiques les jours et les monents de
chaque lecon, et tenez la main a ce qu'on s'y conforme invariablement.
Car I'instituteur doit en tout I'exemple de la soumission a la
regie. Quand il s'en montrera le scrupuleux observateur. il accou-
tumera facilement les eleves a s'y conformer a leur tour. Jls preu-
dront ainsi I'habitude de la ponctualite, si necessaire et si rare; et,
comme consequence naturelle, on verra s'introduire et se perpetuer
une discipline ferme et reguliere, sans laquelle il n'y a pour nos
etablissements aucune chance de succes. Une bonne discipline sup-
pose la severite temperee par la douceur : la severite seule pent ,
sans aucun doute, maintenir I'ordre, faire regner le silence et la
proprete ; mais le plus souveut la discipline n'est qu'apparente,
les coeurs ne sont pas gagnes, les volontes ne sont pas assouplies,
Tobeissauce n'est que servile , elle echappe a la premiere occasion.
Or, pour s'assurer les coeurs , pour soumettre les volontes, il faut
qu'au respect se joigne la contiance, a la crainte I'affection. II faut
que le maitre aime veritablement ses eleves pour en etre aime : la
bonte seule est faiblesse ; la verite seule est aprete : celle-la produit
le desordre par le relachement; celle-ci la revoite par la contrainte.
Que la main soit douce sans flechir, ferme sans roideur ; que I'auto-
rite soit forte et misericordieuse.
Vous reconnaitrez aisement une ecole oil la discipline aura ce
double caractere.U y regnera de I'activite sans bruit, du mouvement
sans agitation ; tout sera a la fois anime et a sa place ; les enfants
28
454
APPEISDICE.
auront un air heureiix, franc et ouvert. lis aborderont le maitre
avec respecl et sans familiarile, avec conflauce et sans crainte.
On admirera dans tons leurs travaux un soiu, un gout, qui temoigne-
ront du zele de I'instituteur autant que de la gratitude des enfauts.
Car, si nous avous dit avec raison : Tel mailre, telle raelhode , nous
pouvons ajouter : Tel maitre, tels eleves. Le talent del'un repond du
succes des autres.
Mais le savoir senl ne constitue pas le talent de I'educateur : il
pent avoir des connaissances fort etendues et manquer de I'apti-
tude necessaire pour les communiquer. Se mettre a la portee des
enfanls; captiver leur attention par une parole vive, claire, variee;
exciter leur iuterei sans I'epuiser jamais ; mettre de I'ame dans tout
ce qu'on dit et fait pour eux : c'est Ik ce qui constitue le vrai merite
de i'instituteur.
Ce maitre habile et consciencieux n'aura pas de peine avous com-
prendre quand vous iui rappcllerez que I'enseignement doit etre
elementaire, c'est-a-dire simple, facile, toujonrs a la portee des
esprits sans culture, peu etcudu mais solide. Pour cela, nous le re-
petons, peu de theories, pas d'abstractions ; des fails et des
exemples ; peu de regies, beaucoup d'applications, et des applica-
tions empruntees, autant que possible, aux circonstances ordinaires
de la vie ; eufin, des repetitions frequentes et des interrogations pe-
riodiques.
Engagez done les maitres a fixer un jour ou deux par mois pour
des interrogations plus solennelles, dans lesquelles on reviendra sur
loutce qui aura ete enseigne depuis le dernier examen. Usez, pour
voire compte, de ce moyen efficace , et ne visitez pas Tecole sans
adresser aux eleves quelques questions, qui, sans deranger I'ordre,
vous feront reconnaitre facilemeut I'etat de la classe et tiendront les
enfanls en haleine.
Nous sommes arrive an terme de cot enlretien , trop long peut-
etre si nous songeons a la diversile et a I'imporlance des travaux que
vous impose la charge pastorale, mais insuffisaut encore si nous le
comparons a la gravile des motifs qui nous I'ont dicle.
Sougeons-y bien, Messieurs, le sort de la patrie est, en quelque
sorle, eiitre nos mains. Si nos efforts, une charite patiente, une
condescendance eclairee, parviennent a cimenter I'union entre le
presbylere et I'ecole ; si le pretre et I'instituteur s'entendent pour
APPENDICE. 435
former les generations uouvelles; si I'insHtiiteur se fait, par ses
exemples et ses legons, le propagateur de la foi cliretienne, en mCme
temps qu'il enseigne les sciences et les lettres ; si le cure encourage
I'amour des sciences , favorise toutes les bonnes tendances de notre
epoque, en merae temps qu'il seme la parole de Dieu ; si des mains
de I'instituteur sorleut des enfaats instruils et relijiieux, des mains
du pretre des paroissiens pieux et eclaires, n'aurons-nous pas, je
vous le demande, paye notre dette au pays et a I'Eglise, ferme I'a-
bime des revolutions, raffermi la societe sur ses bases, retabli le
regne de Dieu sur la terre ?
TABLE DES MATIERES.
Pages.
Preface.
PREMIERE PARTIE.
Chapitre premier. — De la direction morale de I'enseignement po-
pulaire dans TAllemagne du nord depuis la Reforms jusqu'a la
fin du dix-huitieme siecle. — Ce que le Catholicisme avail fait
pour I'education du peuple. — Role de la Reforme. — Luther et
I'electeur de Saxe. — L'figlise et I'ficole ; suprematie de la premiere
sur la seconde dans lespays protestants comme dans les pays ca-
tholiques. — Resume des principes qui ont gouverne I'enseigne-
ment populaire pendant cette periode H
Chapitre second. — Physionomie morale des ecoles primaires dans
I'AUemagne du nord. — Le Comile des ecoles au parlement de
Francfort. — Faits contemporains. — L'Allemagne catholique. —
L'Allemagne protestante. — Caractere general du protestantisme
de I'Allemagne septentrionale. — Ecoles orthodoxes. — ficoles he-
g61iennes. — Ecoles rationalistes. — Rheinische blatter ; M. Dies-
terweg. — Lutte des gouvernements centre les theories insurrec-
tionnelles. — La pedagogie au parlement de Francfort, 1848. —
Gris d'alarme ; aveux 18
SECONDE PARTIE.
Chapitre premier. — Intervention de Tfitat dans le gouvernement
de I'education populaire. — Sectionl. Caracteres generaux des le-
gislations scolaires dans les differents pays de I'Allemagne du nord.
— Conditions dans lesquelles s'exerce le droit d'enseigner. — La
puissance conservatrice dans I'Allemagne protestante n'est pas
I'Eglise mais I'fitat. — Prusse. Reglement general de 1763. —
Allgemeines Landrecht. — Rescrit du 17 fevrier 1821. — Actes de
diverses Regences. — Circulaire du 1" octobre 1851. — Saxe. Loi
de 1835. —Loi de 1851. — Hnnovre. Ordonnance de 1850.—
458 TABLE DES MATIERES.
Pages.
Hesse 4lectorale. Reglement de 1845. —M.Vilmar. — Grand duc/je
de Bade. — Saxe-Weimar. — Le grand duche se tient en dehors du
mouvenient general. — L'fitat, dansaucun paysde I'Allemagne du
nord, n'a deserte la cause des inter^ts traditioiinels, ^SecHon II.
De ['inspection des ficoles. — Inspection ecclesiastique. — Prin-
cipes des differentes legislations a cet egard. — Conferences peda-
gogiques. — But et resultats de ces conferences. — Instruction du
8 juin 1853. — Comment le clerge peut etre apte a exercer I'ins-
pection scolaire. — Circulaires de 1842. — Section III. De I'obliga-
tion de I'enseignement. — Comment doit etre pose le probleme. —
Principes consacres par les legislations allemandes. — L'obligation
de I'enseignement a pour but de defendre la tradition religieuse en
m6me temps que la tradition intellectuelle. — Actes officiels des
differents pays de I'Allemagne. — Le gouvernement saxon : M. le
baron de Beust. — Le gouvernement autrichien. — ficoles de re-
petition.—Moy en? d'application. — Resultats du systeme de Tobli-
gation. — Resultats scolaires. Allemagne, Angleterre, France. — Re-
sultats moraux. —Le cardinal de Diepenbrock 49
Chapitre dEuxieme. — Role de I'figlise evangelique. — L'Oberkis-
chenrath. — Reglement de 1850. — L'Evangelisme. — Ordonnance
concernant les communes ecclesiastiques. — Resistances; protes-
tations.— Vieux Lutheriens {AUlutheraner);\\e\ixreiormes\ ra-
tionalistes. — Efforts des Altlutheraner pour soustraire leurs ecoles
a rinfluence de r£vang61isme.— Luttes de I'Evangelisme centre les
pasteurs dissidents. — Le pasteur Uhlich et les Amis de la lumiere.
— Les Libres communes. — Caractere de la scission de M. Uhlich.
— M. Uhlich et Channing. — Abolition de I'idee de VEglise. —
Profession de foi du pasteur Uhlich : Sonntags-hlatt, catechismus.
— M. Uhlich et M. Sachse a Magdebourg. — Attitude du protes-
lantisme mod6re, iVeander.— L'Evangelisme sur le terrain p6dago-
gique. — Frederic Dinter. — L'Etat peut-il compter sur I'Eglise
6vang61ique? U ne la soutient qu'a la condition de I'absorber. . . 148
CHAPiTRfe TROisiEME. — Role de la science pedagogique. — P^dago-
gie dans les pays catholiques , Overberg. — Pedagogie protes-
tante, Francke. — Ideas fondametitales du pie'tisme. — Caracteres
communs de la pedagogie catholique et de la pedagogie protes-
tante pendant la premiere periode. — But de I'^ducation. Pdur-
quoi il faut qu'elle s'appuie sur une idee universelle et fixe, sur la
Religion. — Rousseau. II change le point de depart de la science
pedagogique. — L'idee d'' emancipation substituee a Tidefede redres-
sement. — Basedow : \e philanthropisme. — Pestalozzi: cotes eleves
TABLE DES MATIEIIES. 459
Pages.
de sa doctrine; son vice radical. — Pestalozzi et Schleiermacher.
— Jiigement de Tecole conservalrice sur rinfluence de Pestalozzi. —
Fichte, Schelling, Hogel. — Thc^orie de Hegel sur la nature de
I'homme. — Pedagogie insurrectionnelle. — Ecoles dans les libres
communes. — Declaration du pasteur Uhlich 181
TROISlfiME PARTIE.
Chapitre premier. — Reaction centre la premiere moitie du dix-
neuvieme siecle. — Protestations centre les idees proapgees par les
Rheinische blatter. — Le Schulblatt fiir die Provinz Bran: enburg . —
Retour aux principes de la premiere periode. — Renaissance. —
Profession de foi pedagogique du gouverneur prussien : les Grund-
zUge 211
Chapitre second. — Des Ecoles normales d'instituteurs. — Comment
on envisage cette question en Allemagne. — Reformes. — Reciu-
tement des Eleves-mattres.— Conditions pour I'admission dans
les ecoles normales. — Preparation au seminaire; circulaires de
1852. — Examen d'admission. — Reglement des seminaires de
Copenick, de Bunzlau, de Fulda.— Reglement du 2 octobre 1854.
— Duree du cours normal. — Repartition des objets d'enseigne-
ment. Seminaire de Berlin. — Enseignement de la pedagogie. —
Le seminaire de Fulda et les Ecoles normales anglaises. — Deve-
loppement de la personnalite, SelbstgefUhl. — Examens de capa-
cite. — Composition des jurys. -- Stage des instituteurs . . . .231
Chapitre troisieme. — Reglement general pour I'enseignement dans
les Ecoles normales primaires de Prusse. — Alliance de I'esprit
Chretien et de I'esprit pedagogique. — Science de Tecole {Schul-
kunde). — Les Ecoles normales, fondement du sysleme d'educa-
tioa populaire 280
Chapitre quatrieme. — Des Ecoles normales d'institutrices^, — Leur
petit nombre en Allemagne.— Raisons de ce fait. Separation des
sexes dans I'ecole. — Les Ecoles de filles dans la regence catholique
de Mvlnster. — £cole normale d'institutrices de Munster. — ficole
normale de Droyssig. — Superiorite des moyens dont dispose la
France pour I'enseignement des jeunes filles pauvres 309
QUATRlfeME PARTIE.
Conclusions. — ficoles normales primaires : Recrutementdesel^ves-
maitres. — Conditions d'admission. Sections preparatoires. —
MO TABLE DES MATIERES.
Pages,
Revision du programme des eludes. — Enseignement de la peda-
gogie. — Enseignement pratique de I'horticulture. — Enseigne-
ment musical. — Examens pour le brevet de capacite : caractere
special de Texamen. — Ecoles speciales de fiUes : Inscription de
la retribution scolaire des titles au budget de la commune. — Ap-
plication de I'art^ 9 dudecretdu 3!;t decembre 1853. — Frequenta-
tion des ecoles : creation d'ecoles de hameaux. — Mettre a la
portee des populations les moyens d'instruction. — Obligation de
I'enseignement. — fitendue et limites de ce principe. — Moyens de
perfectionnement : conferences entre les instituteurs. — ficoles de
repetition, ou classes dudimanche. — Conclusions generales : prin-
cipe sur lequel doit reposer I'education. — But de I'instruction
populaire. — Role de I'idee chr6lienne. — Mission de I'education
publique 329
APPENDICE.
Regiement pour I'administration de I'figlise evangelique 373
Reglement communal-ecclesiastique 375
fitude sur le budget de rinstruction publique en Prusse 377
Instruction pastorale de S. Era. le cardinal-archeveque de Bordeaux . 404
FIN,
ERRATA.
Pages 22, 29, 32, au lieu de : Wicislenus, lisez Wislicenus.
27, 3^ ligne, au lieu de : serieuse, lisez sincere.
29, au lieu de : Erbefeld, lisez Elberfeld.
149, au lieu de : depuis quatre annees, lisez depuis cinq annees*
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