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Full text of "De l'education populaire dans l'Allemagne du nord et de ses rapports avec les doctrines philosophiques et religieuses"

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THE  LIBRARY 


The  Ontario  Institute 


for  Studies  in  Education 


Toronto,  Canada 


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JUVENATUS 


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DE 


L'EDUCATION    POPULAIRE 


DANS  L'ALLEMAGNE  DU  NORD 


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FEB  4    1969 

THE  ONTARIO  INSTiTUTE 
FOR  STUDIES  m  EDUCATION 


PARIS.  —  IIVIPRIMERIE  D'E.  DUVERGER, 

BVE  DES  GRES,    11. 


DE 


LlDtcniDN  mmm 

DANS  L'ALLEMAGNE  DU  NORD 

ET  DE  SES  RAPPORTS 
AVEG  LES  DOCTRINES  PHILOSOPHIQUES  ET  RELIGIEUSES 


PAR 


EUGEINE    RENDU 


'(  Dans  le  mondo  moral  la  fixite  et 
I'elevation  vx)nt  ensemble.  D^s  que  Ton 
llotte,  on  descend.  » 

(M.  GuizoT,  tludes  morales.) 


LIBRAIRIE   DE   L.   HAGHETTE   ET   G- 

RUE   PIERRE-SARRAZIN,    14 

(Prfes  de  r^cole  de  Medecine) 

1855 


A  M.  RENDU, 

Anrien  Conseiller  titulaire  de  runiversite,  etc,  etc.. 


MoN  Pere, 

Ce  livre  est  la  continuation  d'etiides  dont  vous  avez  approiive 
le  dessein. 

Line  i)ublication  precedente  a  fait  coniiaitre  I'organisation  de 
rinstruction  publique  en  Angleterre.  Je  place  aujoiuxriiui  sous 
vos  auspices  un  travail  qui  a  pour  objet  I'education  populaire 
dans  TAllemagne  du  Nord. 

Vous  voudriez  qu'apres  avoir  etudie  les  systenies  d'enseigne- 
ment  cliez  les  deux  grands  peuples  de  I'Europe  septentrionale 
et  protestante,  je  poursulvisse  ces  reclierches  dans  les  pays  me- 
ridionaux  et  catholiques;  vous  pensez  qu'il  serait  profitable 
d'envisager  le  Midi  et  le  Nord  dans  leurs  contrasles  et  dans  leurs 
resseniblances,  et  de  les  juger  en  les  comparant, 

J'igiiofe  s'il  me  sera  donne  de  realiser  ce  projet.  Cc  que  je 
sais,  c'est  que  les  traditions  qui  ont  preside  ,  pendant  de  si  lon- 
gues  annees,  au  gouvernement  de  I'education  populaire  en 
France ,  et  que  je  n'invoque  pas  sans  orgueil ,  ne  cesseront 
d'etre,  dans  I'avenir,  conune  elles  I'ont  ete  dans  le  passe,  la  loi 
et  I'inspiration  de  mes  travaux. 

9  aoCit  1855. 

EUGENE  RENDU. 


PREFACE. 


«llne  philosophie  est  a  I'humanite  ce  qu'un  nuage 
est  a  la  terre.  Le  nuage  plane  dans  les  spheres  siipe- 
rieures ;  on  ne  sait  ce  qu'il  porte  que  lorsqu'il  a  eclate : 
saliitaire  on  funeste,  selon  que,  de  ses  flancs,  il  laisse 
echapper  sur  les  nioissons  une  pluie  fecondante,  ou 
qu'il  en  fait  jaillir  les  tempeles. » 

C'est  de  la  bouche  de  M.  de  Schelling,  en  1852,  a 
Berlin,  qu'il  nous  a  ete  donne  derecueillirces  paroles. 

De  lelles  paroles,  de  la  part  d'un  tel  homme,  ont  une 
portee  qn'on  ne  pent  meconnaitre.  Les  pages  qu'on 
va  lire  n'en  sont,  a  bien  des  egards,  que  le  commen- 
laire  et  la  demonstration. 

Notre  livre  est  ne  des  etudes  qu'a  provoquees  la 
mission  dont  nous  avons  ete  charge  dans  les  differents 
pays  de  TAllemagne  du  Nord.  Cette  mission,  temoi- 
gnage  precieux  d'une  double  bienveillance  %  onvrait 
devant  nous  de  vastes  horizons.  A  part  les  questions 
techniques  dont  nous  devious  specialement  nous 
preoccuper,  elle  appelait  nos  investigations  sur  les 
points  les  plus  divers  d'un  domaine  encore  inexplore. 

1.  M.  Charles  Giraud  nous  fit  I'honnenr  de  nous  charger  spontane- 
ment  de  la  mission  dont  il  s'agit.  Le  ministre  qui  preside  avec  tant 
d'eclat  aux  destinees  de  I'instruction  publique,  M.  Fortoul,  vouhU  bien  la 
confirmer  des  les  premiers  jours  de  son  avenement  au  pnuvoir. 


VIII  PllEFACE. 


Les  details  purement  scolaires  liy  devaient  occuper 
que  le  second  plan.  Ce  n'etait  pas  une  slntislique  se- 
che  et  morte  que  nous  avions  a  dresser  :  nous  nous 
trouvions  en  contact  avec  les  forces  vives  de  la  societe 
allemande.  Envisagees  au  point  de  vue  qui  nous  etait 
assigne,  les  recherches  pedagogiques  prenaient  un  ca- 
ractere  nouveau.  Elles  devenaient  le  inoyen  de  saisir 
sur  le  fait  et,  pour  ainsi  parler.  en  flagrant  delit  quel- 
ques-unes  des  theories  developpees,  trente  annees 
durant,  dans  les  spheres  superieures  de  I'enseigne- 
ment,  chez  nos  voisins;  elles  se  confondaient  avec 
Texamen  des  idees  religieuses  et  des  systenies  philo- 
sophiques,  avec  la  critique  des  logislalions  scolaires, 
en  un  mot,  avec  I'etude  des  problemes  qui  font  de 
Tinstruction  primaire  un  interet  social  de  premier 
ordre. 

Et  d'abord,  il  fallait  eOblir  noire  point  de  depart; 
avant  d'apprecier  I'etat  actuel  de  I'enseignement  au 
dela  du  Rbin,  nous  avions  a  nous  demander  quel  prin- 
cipe  a  preside  a  la  direction  de  I'education  populaire 
depuis  la  periode  ou  les  ecoles  recurent  une  si  vive 
impulsion,  depuis  la  Reforme,  jusqu'a  la  fin  du  dix- 
huitieme  siecle.  Venail  ensuite  I'analyse  des  faits  con- 
temporains.  L'enseignement  primaire  en  Allemagne 
porte-t-il  la  trace  des  systemes  qui  ont  violemment 
rompu  en  visiere  avec  la  tradition  des  siecles  prece- 
dents? avait-il  subi,  avant  1848, 1'atteinte  des  theories 
insurrectionnellesqui  ont  prepare  les  bouleversements 
des  dernieres  annees?  existe-t-il  sous  ce  rapport  queb 
que  difference  entre  les  pays  protestants  et  les  pays 


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calholiques?  Kl  s'il  i^llail  reconnaitre  que  trop  sou- 
vent,  clans  la  patrie  de  Hegel,  Tenseignement  populaire, 
depuis  un  demi-siecle,  est  sorti  des  voies  de  la  tradi- 
tion religieuse  et  du  bon  sens,  a  quelles  causes  attri- 
biier  la  deviation  dont  nous  etions  amene  a  signalerles 
effets? 

Ici,  nous  devions  interroger  les  trois  puissances 
qui  portent  la  responsabilite  du  gouvernement  des 
intelligences  :  nous  avions  a  determiner  le  role  de 
I'Etat,  le  role  de  I'Eglise  et  le  role  de  cette  science 
qui,  au  dela  du  Rhin,  forme  une  branche  speciale 
de  la  philosophie,  qui  constitue  une  autorite  inde- 
pendanle,  et  avec  laquelle  il  faut  compter,  la  science 
pedagogique. 

Les  revolutions  qui  sont  le  chaliment  sont  aussi  la 
lecon  des  peuples.  Pendant  qu'un  examen  altentif 
nous  revelait  la  profondeur  de  I'abime  qu'avait  creuse 
sous  les  pas  de  la  societe  aliemande  une  propagande 
redoutable,  nous  constations,  dans  les  idees  comme 
dans  les  fails,  les  signes  certains  d'une  reaction  salu- 
laire.  A  I'encontre  des  efforts  persistants  d'un  ennemi 
quines'endort  pas, nous  voyionslaCom[iiune,rEglise, 
r£tat,  s'unir  dans  une  sorle  de  ligue  du  bien  public 
pour  reconquerir  le  terrain  perdu.  Nous  saisissions 
les  lemoignages  de  cette  renaissance  [Wiedergeburt)^ 
dans  le  langage  des  hommes  d'etat,  dans  les  actes  de 
la  haute  administration,  dans  les  reformes  poursui- 
vies  avec  persistance.  (les  reformes,  nous  devions  les 
exposer,  en  indiquer  le  principe  et  le  but ;  apres  quoi, 
il  nous  restait  a  faire  I'application  de  nos  eludes,  a 


X  PREFACE. 

me!tre  en  relief  les  ameliorations  que  peuvent,  selon 
nous,  provoquer,  dans  notre  systeme  d'enseignement 
populaire,  la  critique  des  experiences  accomplies  et 
I'observation  consciencieuse  des  resultats. 

Tel  est  renchainement  des  idees  qui  ont  dirige  nos 
investigations  pendant  un  voyage  de  quatre  mois  au 
dela  du  Rhin;  tel  a  ete  aussi  ie  plan  de  notre  livre. 

Un  ecrivain  distingue*  a  eclaire  d'une  vive  lu- 
niiere  les  theories  inalsaines  qui  avaient  cours  dans 
les  hautes  spheres  de  I'Allemagne  lettree  avantl848. 
Nous  avons  essaye  de  montrer  ces  theories  non  plus  a 
I'etat  de  reves  dans  Ie  cabinet  des  penseurs,  mais  a 
I'elat  de  forces  destructives  dans  ledomaine  des  faits; 
comme  Ie  voulaii  M.  de  Schelling,  nous  avons  verifio 
ce  que  portait  Ie  nuage^  apres  quit  avait  eclate. 

Dans  nos  etudes  surl'Angleterre,  unepenseeprinci- 
pale  nous  preoccupait :  nous  voulions  indiquer  les  liens 
qui  rattachent  I'enseignement  populaire  aux questions 
du  pauperisme.  Nous  envisageons  aujourd'hui  I'in- 
slruclion  primaire  dans  ses  rapports  avec  I'etat  moral 
d'un  peuple;  nous  cherchons  dans  I'ecole  les  faits 
qui  lemoignent  de  la  vie  reiigieuse  et  philosophique 
de  ce  peuple.  Ce  que  nous  y  etudions,  ce  n'est  pas 
seulement  I'esprit  de  I'Allemagne,  c'est  son  ame. 

II  sera  peu  question,  dans  les  pages  de  ce  livre,  des 
classes  superieures  de  la  societeallemande.  Les  details 
dont  on  va  suivre  I'expose  se  rapportent  a  la  situation 

1.  M.  Saint-Rene  Taillandior. 


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cles  masses.  Nous  parlerons  des  doctrines  religieuses 
et  des  systemes  philosophiques;  mais  nous  en  parle- 
rons pour  en  apprecier  I'influence  sur  le  developpe- 
menl  moral  des  classes  inferieures. 

II  est  temps  qu'on  veuille  enfin  le  comprendre :  le 
genie  nieme  n'a  ni  ie  droit  ni  le  pouvoir  de  releguer 
son  tione,  pour  y  regner  a  sa  fantaisie,  dans  une  re- 
gion solitaire.  Si  haut  qu'il  monie,  la  loi  de  la  respon- 
sabilite  le  rattache  a  la  foule.  Tout  ce  qui  se  dit  en 
haut  se  pratique  en  has.  Dans  le  monde  moral  coinme 
dans  le  monde  physique  lout  se  transforme,  mais  rien 
ne  se  perd.  Un  paradoxe,  debauche  de  I'espril,  tombe 
un  jour  sur  la  muliitudej  il  s'y  infiltre  et,  lenlement, 
la  penetre;  puis  tout  a  coup  11  s'y  traduit  en  actes ; 
et  une  revolution  se  charge  de  relablir  la  soiidarite 
qui,  unissant  les  masses  aux  peiueurs,  constitue,  dans 
leplan  providentiel,  I'unite  morale  du  genre  humain. 
Une  securite   trompeuse   avait   eleve  une   sorle    de 
muraille  de  la  Chine  entre  le  boudoir  des  laiseurs 
de  systemes  et  la  scene  vivanle  ou  la  passion  sou- 
leve  la  foule.  Cette  muraille,   on  le  verra ,  depuis 
longtemps  est  percee  a  jour;  et  toute  parole,  si  bas 
que  vous  la  pronouciez,  a  son  conlre-coup  dans  les 
profondeurs  de  I'ordre  social.  «  Ce  nest  pas  pour  le 
peuple  que  j'ai  pretendu  ecrire,  me  disait,  a  Wei- 
mar, I'auteur  de   la  f^ie    de  Jesus j  et  je  me  serais 
garde  d'attaquer  sa  croyance  !  »  Vous  pensez,  6  doc- 
teur  Strauss,  n'avoir  ecrit  que  pour  quelques  lettres; 
pretez  I'oreille  :  une  voix  vous  repond  de  la  I'oule, 
el  voire  parole  y  reveille  un  echo  ! 


Xll  PREFACE. 

On  commence  au  surplus,  au  dela  du  Rhin,  a  se 
douter  du  peril.  La  peur  devient  un  frein,  si  la  raison 
n'est  pas  toujours  une  lumiere.  Les  beaux  esprits  qui 
dissertaient  a  coeur  joie,  dans  les  petits  soupers  phi- 
losophiques,  se  sontaper^us  que  le  vulgaire  ecoutait 
indiscretement  aux  portes.  On  s'esl  pris  a  parler  a 
voix  basse ;  quelques-iins,  et  ce  ne  sont  pas  les  moins 
hardis,  sonl  alles  jusqu'a  se  frapper  la  poitrine  et  a 
faire  leur  confession  :  «  Quand  je  reconnus  que  le 
populaire  s'ingeniait  a  disculer  les  menies  themes 
dans  des  symposium  crapulenx  oii  la  chandelle  et  le 
quinquet  renipla^aient  les  bougies  et  les  girandoles; 
quand  Talheisme  commenga  a  sentir  le  suilj  I'eau-de- 
vie  de  schnaps  et  le  tabac,  alors  mes  yeux  se  dessil- 
leient;  je  compris  par  les  nausees  du  degout  ce  que 
je  n'avais  pu  comprendre  par  la  raison,  et  je  fis  mes 
adieux  a  I'alheisme*. » 

Voila  le  med  culpd  de  M.  Henri  Heine. 

Ce  nest  pas  la  naissance  de  quelque  grande  idee 
qui  peut  attirer  aujourd'hui  sur  lAllemagne  Talten- 
live  sollicitude  de  I'Europe.  D'antiques  illustralions 
s'y  eteignent,  et  nul  astre  nouveau  ne  s'y  reveie  a 
I'horizon.  Mais  si  le  spectacle  a  moins  de  seductions, 
il  a  des  lemons  plus  saisissanles  :  en  melaphysique, 
la  philosophic  de  I'absolu  est  venue  aboutir  aux 
elranges  theories  de  Stirner  :  cc  La  pensee  allemande, 
entendais-je  dire  a  M.  de  Schelling,  est  aujourd'hui 
dans  un  cul-de-sac;  et  je  ne  vois  pas  qui  pourra  Ten 
tirer  !  »  —  En  reliction,  I'eglise  evangelique,  engagee 

1.  Les  aveux  (run  poele  (1854). 


PREFACE.  XMl 

dans  une  luUe  sans  avenir  centre  les  developpements 
de  son  propre  principe,  cherche  vainement  aun  point 
fixe  qui  soil  en  meme  temps  un  point  d'appui  et  un 
point  d'arret*»;  et  I'ordonnance  ecclesiastique  de 
1850,  qui  devait  constituer  un  terrain  de  resistance 
n'est  qu  un  jalon  de  plus  sur  la  route  des  protesta- 
lions2.  — En  pedagogic,  la  pensee  de  Pestalozzi  lui- 
uienie  a  cesse  de  gouverner  la  science;  et  les  instruc- 
tions lecemment  enianees  duminislere  des  cultes  de 
Berlin  sont  une  restauration  accomplie ,  en  toute 
humilite,  des  principes  consacres  dans  un  reglement 
qui  date  de  4  763. 

Ainsi,  Ton  assiste,  a  I'heure  qu'il  est,  en  Alleina- 
gne,  au  resultat  d'une  vasle  experience:  toute  doc- 
trine y  a  parcouru  le  cycle  qui  mene  de  1  idee  au  fait 
et  du  principe  aux  resultats.  C'est  cette  experience 
dont  j'essaie  de  rendre  compte  en  me  plagant  au 
point  de  vue  des  interels  de  I'edncation  populaire ;  ce 
sont  ces  resullats  que  je  voudrais  constater  :  «  Ah! 
s'ecriail Faust,  philosophic,  medecine,  pour  mon  mal- 
heur,  theologie  aussi,  j'ai  lout  approfondi  avec  pas- 
sion; et  maintenant  me  voici  la,  pauvre  fou!  aussi 
sage  qu'auparavant...  J'ai  accumule  sur  moi  tons  les 
iresors  de  I'esprit  humain,  et,  lorsqu'a  la  fin  je  nie 
recueiile,  nuUe  force  nouvelle  ne  jaillit  de  mon  sein^.B 

Des  etudes  qui  vont  suivre,  nous  aurons  a  tirer 
des  conclusions  serieuses.  Nousiormulerons  ces  con- 

1.  M.  GuizoL 

2.  Voyez  le  chap.  11  do  eel  ouvrage,  2*^  partie, 

3.  Faust,  r*^  partie. 


XI  \  I'lU^FACE. 

elusions;  et,  les  posant  sans  passion,  nous  les  po- 
serons  sans  crainte.  Les  temps  ou  Ton  renionte  le 
cours  du  passe  pour  y  relrouver  ses  fautes  sent  les 
temps  des  resoluiioiis  viriles.  Les  peuples  comme  les 
individus  se  sauvent  par  I'inteiligence  qui  reconnait 
le  mal  et  par  la  volonte  qui  en  triomphe.  La  liberie 
moialeestdonneeaux  premiers  ainsi  qu'aux  seconds  : 
instrument  de  vie  ou  instrument  de  mort.  On  ne  tue 
pas  les  peuples,  ils  se  suicident;  et  aux  plaintes  des 
nations  qui  s'acheminent  vers  la  decadence  il  faut 
repondre  par  ces  mots  que  jelait  le  poete  a  la  Grece 
esclave  : 

Or'  se  tu  se'  vil  serva,  e  il  tuo  servaggio 
(^uou  ti  laguar'j  giuslizia,  e  uon  ollraggiu.  ' 

1.  Tasso,  canto  1. 


PREMIERE    PARTIE. 


REVUE  HISTORIQUE 
ET  FAITS  CONTEMPORAINS. 


PREMIERE  PARTIE. 

REVUE  HISTORIQUE  ET  FAITS  CONTEMPORAINS. 

C- \AAAAA/\/VV\A/WWWvO 

CHAPITRE  PREMIER. 

De  la  direction  morale  de  I'Enseignement  populaire  dans  rAllemayne  du 
nord,  depuis  la  Reforme  jusqu'a  la  fin  du  dix-huitieme  siecle. 

«  La  pedagogie  moderne ,  celle  qui,  jnsqii'h  ces  derniers 
jours,  etait  populaire;  qui,  seule,  avait  action  sur  les  ecoles , 
n'a  vu  que  la  forme  et  les  contours ;  elle  n'a  rien  compris 

a  I'essence  meme  de  I'enseignement L'Etat,  I'Eglise , 

les  communes  lui  ont  prodigue  leurs  tresors;  a  elle  les  eta- 
blissements  d'education;  a  elle  la  direction  des  raaitres;  et, 
avec  tout  ccla,  elle  n'a  rien  fait  pour  le  developpement  dc 
la  vie  morale  du  peuple  [liir  die  Lehenshildung  desVolkes)... 
II  est  grand  temps  que  cette  pedagogie  renonce  a  un  poste 
qui  n'est  plus  tenable  pour  elle.  Car  d'esperer  que  ses  fas- 
tueuses  promesses  trouveront  la  foi  qui  les  accueillit,  il  y  a 
un  demi-siecle,  et  que  ses  menaces  auront  le  pouvoir  d'exci- 
ter  les  memes  craintes,  ce  serait  de  la  folic  :  elle  est  a  bout 
de  ressources.  »  {Sie  hat  Hire  Mittel  verbraucht.) 

C'est  en  ces  termes  bautains  que  la  science  dont  une  supre- 
matie  paisible,  hier  encore,  semblait  consacrer  les  droits,  re- 
coil aujourd'hui  son  conge ;  c'est  du  centre  dcl'Allemagne,  c'est 
de  Berlin  quest signifle  cet  ultimatum:  et,  pour  qu'ou  no  s'y 


4  PREMIERE  P ARTIE. 

trompe  pas,  line  sanction  officielle  en  a  precise  le  sens,  en  en 
centuplant  la  portee*. 

«  U  n'est  plus  permis  de  le  dissimuler  desorraais,  s' eerie  la 
merae  voix  :  la  notion  abstraite  de  I'liomme,  s'appuyat-elle  siir 
la  psycliologie  et  Y Intuition  {Ansc/iaimngslehre),  n'offre  rien 
pour  la  culture  morale  du  peuple ;  elle  ne  peut  en  rien  donner 
rintclligence  du  role  et  dc  I'essence  de  I'ecole  populaire;  il 
ne  lui  appartient  pas  de  poser  les  fondements  de  cette  science 
depuis  longtemps  invoquee,  mais  dont,  jusqu'a  cette  heure,  on 
ne  connait  qu'un  nom  sterile  et  vide  :  Pedagogic.  » 

Dans  ces  plaintes,  distinguons  deux  choses  :  premierement, 
les  aveux  salutaires  d'uric  science,  qui,  sous  le  coup  de  redou- 
tables  lemons,  reconnait  franchement  ses  erreurs;  en  second 
lieu,  I'exageration  que  les  circonslanccs  expliqiient,  mais  ne 
justifient  pas. 

Oui,  la  pedagogic  allemande,  depuis  un  demi-siecle,  a  devie 
de  la  route  ou  la  lumiere  d'une  tradition  tutelaire  devait 
eclairer  ses  pas,  pour  les  guider  vers  le  but.  INon,  la  pedagogic 
elle-mcme  ne  doit  pasetre  arrachee,  comme  une  plante  para- 
site, du  champ  de  reducation  populaire.  La  science  ne  peut 
6tre  sacrifice  t>  \art,  ni  le  principe  condamne  par  I'abus. 


1.  Einrichtung  und  Leiirplan  fiir  Dorfschulen,  par  Theod.  Goltzsch 
(Berlin,  1852).  Le  ministere  de  I'instruction  publiqueasouscritacet  ou- 
vrage  pour  le  repandre  dans  toute  la  Prusse.  «  La  pedagogie ,  continue 
I'auteur  que  nous  citons,  doit  chercher  desormaisla  cause  de  son  impuis- 
sance  et  de  ses  revers,  non  liors  de  soi,  mais  en  soi;  il  lui  Taut  avouer  qii'elle 
ne  s'est  jamais  rendu  un  compte  serieux  de  la  culture  morale  qu'elle  se 
propose  de  developper  au  sein  des  masses  populaires;  qu'aujourd'hui 
meme  elle  n'en  sait  pas  davantage,  et  qu'elle  est  incapable  d'organiser, 
je  ne  dis  pas  VEcole  en  general,  mais  une  simple  ecole  de  village. 

«  Le  temps  est  venu  ou  chacun  peut  reconnaltre  que  le  fondement  de 
toute  education  est  pose  par  I'Eglise,  I'Etat,  la  Commune,  la  Famille,  et 
qu'il  y  a  folie  a  vouloir  remplacer  cet  organisme  de  la  vie  morale  par 
je  lie  sais  quel  elemcut  noavoau  crie  au  sein  de  I'Ecole.  - 


REVUE  HiSTORiQUE.  5 

La  suite  do  nos  etndes  demontrera  cotto  double  these. 
Mais,  on  le  voit,  iramediatement,  les  plaintes  dont  nous  vcnons 
de  rcproduire  Texpression  ne  sont  pas  sans  gravite  :  elles 
accusent  des  fautes  et  revelent  un  malaise  dont  il  iniporte  de 
reconnoitre  le  prineipe  et  de  mesurer  I'etendue.  En  fait  d'e- 
ducation  populaire,  corame  en  philosophie,  rAllemagne  qui, 
depuis  soixante  annees,  se  lanc^ait  avee  ardeursurla  grande 
route  des  systemes ,  rAllemagne  s'est  tout  a  coup  decon- 
certee.  Elie  s'arrete  cherchant  sa  voie,  et  se  demande  :  Ou 
suis-je? 

Pour  apprecier  I'etat  moral  de  Finstruction  populaire  dans 
rAllemagne  du  nord,  pour  coraprendre  les  efforts  par  lesquels 
I'esprit  de  conservation,  au  dela  du  Rhin,  reagit,  a  I'lieure  qu'il 
est,  contre  de  funestes  entrainements,  il  importe,  avant  tout, 
de  conuaitre  le  point  de  depart. 

Quel  role,  jusqu'a  I'epoque  oil  la  pedagogic  pretendit  s'era- 
parer  de  I'ecole,  fut  assigne,  en  Allemagne,  a  I'autorite  reli- 
gieuse,  a  VEglise,  drsns  la  direction  de  I'education  populaire? 
Premiere  question  dont  I'etude  doit  preceder  Texamen  des 
faits  contemporains  :  dans  le  domaine  des  sciences  morales, 
cc  n'est  qu'a  la  lumiere  de  I'liistoire  qii'on  peut  connaitre  et 
qu'il  est  permis  de  jugcr  le  present. 

Le  probleme  de  I'education  du  peuple  se  posait  devant 
Luther,  au  moment  ou  le  raoine  de  Witteraberg  jetait  a  Piome 
le  solennel  defl  qui  devait  briser  l' unite  religieuse  de  I'Eu- 
rope  :  enlever  la  generation  qui  s'elevait  a  Tcnseigncment  tra- 
ditionnel ;  ranimer  dans  les  veines  de  rxVllemagne  septentrio- 
nale,  contre  les  idees  et  les  horames  du  midi,  le  feu  de  cct 
antagonisme  que  la  pensee  catholiqiie  avait  assoupi  sans  I'e- 
teindre*,  etait  pour  les  r^formateurs  la  premiere  des  neces- 

1.  Voyez  le  pamphlet  de  Lulher,  adresse  a  la  noblesse  clirdtienne  de  la 
7iation  germanique,  et  les  satires  de  Ulrich  de  llutfcn,  passim. 


6  PREMIERE  PARTIE. 

sites  et  le  plus  pressant  dos  interets.  L'iuslriicUon  qu'on  desi- 
gne  aujourd'hui  sous  le  nora  d'instruction  primaire  torabait 
comme  une  arme  aux  mains  du  proteslantisme  :  elle  devenait 
un  moyen  en  demeurant  iin  but. 

Elever  des  ecoles,  pousser  le  peuple  aux  pieds  des  mai- 
Ires,  ameliorer  le  systerae  seolaire,  en  tout  cas,  le  changer; 
donner,  en  un  mot,  is  Tedueation  des  classes  populaires 
une  importance  qui  naissait  des  circonstances  m^mes,  etait 
dans  la  logique  des  fails  ainsi  que  dans  la  tendance  des 
principes. 

Non  pas,  comme  on  I'a  trop  repete  en  Allemagne^  que 
I.iither  trouvat  table  rase,  et ,  qu'en-  fait  d'instruction  pri- 
maire ,  la  reforme  eiit  tout  a  creer  :  tant  s'en  faut !  le  catholi- 
cisme  avait  peuple  I'Allemagne  d'ecoles  populaires  comme  le 
rcste  de  I'Europe-  :  11  avait  voulu  que  le  clerge  appelat  dans 
ces  ecoles  «  les  fils  des  serfs  comme  les  fils  des  hommes 
libres^;  »  que  tout  prelre  ayant  charge  d'araes  donnat  I'in- 
struction  ou  par  lui-merae  ou  par  un  clerc^;  que  les  eveques, 
dans  leurs  tournees ,  prissent  soin  «  de  faire  construirc  des 
ecoles  la  oil  iln'en  existait  point  ^;  »  que  le  cure  de  cbaquc 
paroisse  offrit  aux  pauvres  Tenseignement  gratuit*^ :  «  Nul , 
portait  le  reglemcnt  de  I'ecole  de  Worms  (12C0),  nul  ne  doit 


1.  Niemeyer,  par  excmple,  declare  qu'avant  Luther  on  n'avait  rien  fait 
{so  gut  als  gar  7iichts)  pour  Feducalion  du  peuple.  {GrundscUze  der  Erzie- 
hung,  t.  Ill,  p  542.) 

2.  Voyez  cap.  1  De  scholis  per  singula  episcopia  et  monasteria  insti- 
tuejidis.  {Ap.  Baluze,  p.  202). 

3.  Capit.  de  789. 

4.  Concile  de  Nantes,  Eiclihorn,  Kirchenrecht,  p.  628. 

5.  ...Providealur  igitur  quod  sint  scholae  ubi  non  sunt  (Tractatus  de 
visitatione  Tprcslatorum ;  Gerson.  opera).  «< ...  Presbyter!  per  villas  et  vicos 
scholas  habeant...  "  (Theod.  Aurelian.,  cap.  20.) 

6.  ...  Eos  suscipera  ac  docere  non  renuant Cum  ergo  eos  docent , 

nihil  ab  eis  pretii  pro  hac  re  exigant.  {Ibid.) 


REVEE  HISTOIUQUE.  7 

elre  exclu  de  I'ecole  pour  cause  d'indigence'  ».  Le  catholi- 
cisme  avail  fait  plus  :  devan^ant  la  pcnsee  de  Jean-Bapliste 
Lasalle,  les  disciples  de  Gerard  van  Groote  enseignaient  aux 
enfants  pauvres  la  lecture,  I'ecriture,  la  religion  et  quelques 
arts  niecaniques;  et,  des  Pays-Bas  oil  ils  etaient  nes,  cesfreres 
du  quatorzieme  siecle  avaient  porte  les  luraieres  de  leur  clia- 
rite  sur  les  deux  rives  du  Rhin,  en  Westphalie,  en  Saxe,  en 
Pomeranie,  en  Prusse  et  en  Silesie.  En  merae  temps,  lesmo- 
nasteres  de  femmes  avaient  donne  aux  jeunes  fllles  du  peuple 
des  inslitulrices  que  la  relorme  devait  leur  enlever^.  Aujour- 
d'hui,  par  des  efforts  qui  sont  un  aveu,  le  pays  de  Hros^vitlla 
Veut  reparer  sa  faute.  Une  imitation  tardive  rcleve  a  Kaisers- 
werth^,  a  Berlin,  a  Dantzig,  les  mines  que  les  passions  avaient 
faites,  et  redemande  aux  monuments  du  passe  les  inspira- 
tions de  I'avenir.  —  Ainsi,  le  catholicisme  avait  pos6  la 
pierre  angulaire  de  I'enseignement;  pour  le  peuple  comme 


1.  II  est  curieux  de  voir,  au  quatorzieme  siecle,  I'autorite  ecclesiasti- 
que  reprimer  Tabus  des  chatiments  corporels  dans  les  ecoles  :  «  Michel 
Tupin  clericus...  Nobis  gagiavit  emendam  pro  eo  quod,  quadam  die  do- 
miriica,  manus  injecit  violenter  in  ColinnmleDancheenr,  eum  percussit  do 
pugno  et  de  palma  tribus  vicibus,  ct  de  pedibus  in  monasterio  Ccra- 
siensi.  »  (Reg.  des  amendes  de  Cerisi,  p.  39,  cite  par  M.  Delisle,  dans  les 
Eludes  sur  la  condition  des  classes  agricoles.) 

2.  Des  le  douzieme  siecle,  un  grand  nombre  d'institutrices  dirigeaien  I 
les  ecoles.  —  Schwarz  parle  d'une  image  qui  se  trouve  sur  plusieurs  ma- 
nuscritsdu  treizii'me  siecle.  \] ue Schulmeisterin  tientunlivre;  dans  sa  main 
droile  est  une  verge  ;  a  ses  pieds  est  un  loup  qui  s'efforce  d'epeler  les 
les  lettres.  On  lit  au  bas  ces  mots  en  vieil  allcmand: 

Wol  der  schulmeislerynne  ' 

Die  eren  schule  uff  ballet. 

Ir  bcseme  ist  die  minne, 

Do  mit  sie  schande  von  eren  schaltet. 

3.  fitablissement  des  Diaconesses  cree  par  le  zele  de  M.  le  pastcur 
Flieduer. 


8  PUEMIERE  I'ARTIE. 

pour  les  lettres,  il  etait  au  fond  de  toute  ia  civilisation  ger- 
manique. 

Cependant,  on  ne  saurait  le  raeconnaltre,  aiix  approches  du 
seizieraesiecle,lenerf  delasocieteecclesiastiqueenAUemagne, 
a  perdu  quelqiie  chose  de  sa  vigiieur;  et  la  commune  y  souffre 
comrae  I'eglise.  Ici ,  I'ecole  est  renversee ,  et  le  pasteur,  d'un 
oeil  indifferent,  voit  les  enfants  courir  au  milieu  des  ruines ; 
la,  le  clerc  est  satisfait  si  ses  eleves  jouent  les  roles  de  figu- 
rants dans  le  mystere  qu'aux  jours  de  fete,  on  represente  a 
la  porte  de  Teglise;  ailleurs,  le  maitre  se  refuse  a  enseigner 
I'arl  d'ecrire  :  il  craindrait  de  diminuer  le  revenu  que  lui  vaut 
le  monopole  du  talent  *  •,  ailleurs  encore,  de  mesquines  rivali- 
tes  de  patronage  empeclicnt  la  creation  des  ecoles^. 

On  le  voit  trop  :  le  catholicisme,  pour  un  instant,  semble 
avoir  suspendu  son  action  feconde;  un  vide  s'est  fait  dans 
lame  du  peuple ;  et  c'est  ce  vide  que  la  Reforme  a  la  preten- 
tion de  remplir.  II  faut  bien  expliquer  ainsi  la  rapidite  de  sa 
propagande.  «Deplorable  estpartout,  pent  s'ecrier  Luther,  la 
condition  des  eglises.  Les  paysans  ne  savent  rien,  n'appren- 
nent  rien;  ilsne  prient  pas,  iis  ne  se  confessentpas,  ils  ne  com- 
munientpas;  toute  religion  semble  s'etre  evanouie ;  et  s'ils 
foulent  aux  picds  les  preceptes  du  pape,  ils  meprisent  en  raeme 
temps  les  notres^.  » —  «  Ilelas  !  dit-il  ailleurs,  assez  longtemps 


1.  Voyez  entre  autres  documents,  un  article  de  M.  le  conseiller  Bor- 
mann  (de  Berlin),  dans  le  Schulblall  fiir  die  Provinz  Brandenburg,  1S39, 
4"  livr. 

2.  Des  faits  analogues  seretrouvent  en  France  :  En  1453,  par  exemple, 
les  habitants  d'Appeville  veulent  clever  una  ecole.  Mais  i'ecol^tre  de  Cou- 
tancesallegiiequeles  enfants  de  cette  paroisse  sont  tcnus  desuivre  I'ccoIe 
de  Coigne.  L'echiqnier  jugea  qu'on  ne  pouvait,  en  effet,  priver  I'ocolaLre 
du  benefice  qu'il  reolamait.  (Leop.  Delisle,  p.  179.) 

3.  Lettre  a  Spalatin  ;  Luthers  Briefe  von  de  Wette  :  « Sic  enim  sua 

papistica  neglexerunt,  nostra  contemiuint...  » 

Voyez  aussi  la  preface  du  Petit  catechiame  de  Luther  -.  "...  L'homme  du 


REVUE  H!SrO!\IOUE,  9 

nous  sommes  demeures  dans  iin  abaissemcnt  bestial.  Les  na- 
tions voisines  nous  appcUont  brutes  allemandes  {deutsche  Bes- 

lien),  etlenoin  est  merite On  a  laisse  grandir  lesjeunes 

irenerations  comme  le  bois  sauvagc  dans  les  forets.  Ce  n'est 
que  broussailles  steriles,  bonnes  seuleraent  a  etre  jetees  au 
fcHi !  »  El  Reuchlin  confirmant  la  plainte  de  Luther  n'hesitait 
pas  a  ecrire  a  I'electeurde  Saxe  (1518)  :  «  Les  etrangers  tien- 
nent  le  peuple  alleniand  pour  un  peuple  barbare  et  bestial 
{barbarisch,  viehisch);  que  leur  repondre?  » 

Les  docteurs  de  la  reforme,  il  faut  done  I'avouer,  eurent 
line  large  part  a  saisir  dans  le  gouverneraent  moral  du  peuple ; 
lis  n'y  manquerent  pas.ij'oeuvre  de  Lullier,  a  ee  point  de  vue, 
pent  se  resumer  en  ceci : 

En  principe,  1°  il  posa  I'education  par  la  famille  comme  la 
base  de  toute  amelioration  sociale,  comme  le  fondementmeme 
de  I'ordre  politique  i. 

2°  II  proclama  cette  idee  qu'un  grand  nombre  de  families 
ne  pouvant,  ou  ne  voulant  pas  pourvoir  par  elles-memes  a 
I'education  des  enfanls,  suppleer  les  families  dans  ceroleetait 
le  devoir  et  I'interet  de  I'Etat.*  ...  11  est  done  absolument  ne- 
cessaire,  lisons-nous  dans  le  discours  adresse  aux  magistrals 
des  villes  d'AUemagne^,  d' avoir  des  instituteurs  publics  {ge- 

peuple  ne  sait  rien  de  I'enseignement  cliretien...  Il  ne  connalt  ni  \q. pater, 
jii  le  symbole,  ni  les  dix  commandements  ;  et  Lulher  saisit  cette  occasion 
dejelei'cetle  invective  aux  eveques  allemands  :«  OilirBischcifelwas  wollt 
ihr  doch  Christo  immermehr  antworten  ,  dass  ihr  das  Volk  so  schandlich 
habt  lassen  hingehen,und  euer  Amtnicht  ein  augenblick  beweiset....  ach 
iind  weh  liber  curen  Hals  ewiglich!  »  {Vorrede  docl.  Martini  Lutheri.) 

1.  "Da  ist  das  ersle  Regiment;  davon  einenUrsprung  alle  andren  Rcgi- 
mente  und  Heerschaften  haben.  »  {Auslegung  von  2,  mos.  20,  21.)  —  «  Si 
le  pere  et  la  mere  gouvernent  mal,  n'esperez  pas  gouverner  heureusement 
ni  le  village,  ni  la  ville,  ni  TEmpire.  {Ibid.,  et  dans  les  Tischreden,  et 
2}assim.) 

2.  Sckrift  an  die  Ratsherren  aller  Stadte  Deutschlands  dass  sie  christ- 
liche  Sclmlen  aufrichlcn  und  Jialten  solleii.  (Ecrit  adressu  aux  magislrats 


^0  PREMIERE  PAr.TlE. 

meine  Zuchtmeisier)  pour  les  eufanls...  Et  il  convient  que  les 
magistrals  consacrent  lours  soins  les  plus  actifs  {allergrdsseste 
Sorge)  a  la  jeune  generation.  La  prosperite  del'Etat  ne  depend 
pas  sculement  de  I'abondance  des  revenus,  de  la  solidite  des 
remparls,  de  la  beaute  des  edifices.  Posseder  des  citoyens 
polls,  instruits  ,  honorables ,  d'une  raison  eclairee,  voila  son 
premier  interet,  son  salut,  et  sa  force.  » 

5°  11  formula  le  principe  de  I'obligation  legale  de  I'instruc- 
tion  et  mit  aux  mains  de  la  puissance  publique,  pour  Teduca- 
tion  desjeunes  citoyens,  un  droit  de  contrainte  sur  ceux  des 
parents  qui  se  refusent  a  I'accomplissement  de  leur  premier 
devoir.  «  J'alfirme,  s'ecrie  le  moine  de  Wittemberg,  que  I'au- 
torite  a  le  devoir  de  forcer  ceux  qui  lui  sont  soumis  (...  die 
Obrigleit  schvldig  set  die  Unterthanen  zii  zwingen)  a  envoyer  les 
enfants  al'ecole.  Eh  quoi!  si  Ton  pent,  en  temps  de  guerre, 
obliger  les  citoyens  a  porter  I'epieu  et  I'arquebuse,  eoinbicn 
plus  peut-on  et  doit-on  les  contraindre  a  instruire  leurs  en- 
fants, quand  il  s'agit  d'une  guerre  Men  plus  rude  a  soutenir, 
la  guerre  avec  ie  mauvais  esprit  qui  rode  autour  de  nous, 
cherchant  a  depeupler  i'Etat  d'ames  vertueuses!  C'est  pour- 
quoi  je  veille,  autanl  que  j'y  puis  veiller,  a  ee  que  tout  enfant 
en  age  d'aller  a  I'ecole  y  soit  envoye  parte  magistrat'. » 

En  fait :  1°  la  multiplication  et  Taraelioration  des  ecoles  fut 

de  toutes  les  vil'es  d'Allemagne  pour  demontrer  qu'ils  doivent  elever  et 
enlrelenir  des  ecoles  chretiennes.) 

1.  Discours  da-s  man  Kinder  soUe  ziir  Schule  halten  (1530). 

Luther  repond  aux  objections,  et  dit  ailleurs  [Schrift  an  die  Raisher- 
ren,  etc.)  :  «  On  argumente  :  Comment  nous  passer  du  secours  de  nos 
enfants? — Je  fais  cetlereponse  :  Ma  pensee  n^est  pas  que  Ton  cree  des  ecoles 
oil,  comme  dans  celles  que  nous  avons  eues,  on  passait  vingt  ans  a  etudier 

Donat  ou  Alexandre,  sans  rien  apprendre  d'utile II  faut  qu'un  jeunc 

gargon  passe  a  I'ecole  une  ou  deux  heures  par  jour,  et  que  le  reste  du 
temps,  dans  la  maison  de  son  pere,  il  se  livre  au  travail  manuel,  et 
apprenne  un  metier...  De  meme,  les  filies  feront  en  sorte  de  donner  a 
Tocole  une  heure  par  jour.  » 


REVUE  HISTOHiQLE.'  \  I 

le  fruit  de  la  visile  generale  dcs  paroisses  do  la  Suxe  que,  d'ac- 
cord  avee  I'elecleur,  Luther,  Melanchthon  et  Mygdonius  enlre- 
prirent  en  1527.  G'est  apres  cette  visite  qu'est  publie,  sous  le 
titre  de  Visitaiionsbilchlein  ,  le  plan  d'etudes  qui  a  pose  Ics 
bases  de  I'organisation  des  ecoles  alleniandes  :  le  maitre  doit 
expliquer  siraplement  et  clairement  le  Paier,  le  Symbole,  les 
dix  commandements,  et  inculquep  aux  enfants  les  principes 
necessaires  pour  Men  vivre.  II  enseigne  a  lire,  a  ecrire,  a 
chanter.  Les  controverses  sont  bannies  de  I'ecole,  et  il  est 
recommande  «  de  ne  pas  habituer  les  enfants  a  injurier  les 
.  moines,  ce  que  font  beaucoup  de  maitres,  loie  viel  Schul- 
meister  loflegen.  » 

Treize  ans  apres  la  visite  des  ecoles  de  Saxe,  Joachim  II  de 
Brandebourg  publie  unc  Kirchenordnung  ou  on  lit :  «  Nous 
ordonnons  que,  dans  tous  les  bourgs  et  villes,  des  ecoles  soient 
etablies,  ou  que  les  ecoles  existantes  soient  reformees,  amelio- 
rees,  pourvues  de  tout  ce  qui  est  neccssaire;  et,  dans  ce  but, 
nous  voulons  que  lesinspecteurs(F«.s2Vatore7z)  etablis  par  nous 
exercent  une  surveillance  particuliere ' .  » 

2°  La  mission  des  hommes  charges  de  distribuer  i'enseigne- 
ment  aux  enfants  du  peuple  commenga,  sous  I'influence  des 
idees  propagees  par  la  Reforme,  a  se  relever  de  I'abaissement 
ou  elle  etait  tombee.  «  Je  vous  le  declare,  repetait  Luther  aux 
magistrals  des  villes,  un  maitre  d'ecole  zele  et  pieux  ne  sau- 
rait  etre  trop  estime,  et  Ton  ne  peut  le  payer  avec  de  I'argent. 
Etpourtant,  honte  pour  nous!  on  meprise  le  maitre  d'ecole, 
comme  s'il  n'etait  rien;  et  nous  pretendons  etre  Chretiens! 
Pour  raoi,  si  je  pouvais  et  devais  cesser  la  predication,  je  ne 
verrais  pas  de  plus  chere  fonclion  que  celle  de  maitre  d'ecole 
ct  d'instiluteur  d'enfants^;  »  et  il  exprimait  le  vani  que  Ton 
ne  put  etre  eleve  a  la  dignite  de  pasleur  qu'apres  avoir,  comme 

1.  ^■^Wwiy  Corpus  Conslit.  Mar  chic. 

2.  Cite  par  Raumer,  Geschichte  der  Pcidagogik,  t.  I,  p.  ICG. 


■\2  rPiCMIKRE  PARTiE. 

ScJiulmeisler,  donne  dcs  preuvcs  de  son  devoucmcnt  a  la  grande 
oeiivre  de  reducalion  du  peuple  ^ 

5°  L'abus  des  cbatimeiUs  corporels  tendit  a  disparaitre, 
pour  laisser  place,  dans  I'ecole,  aux  influences  morales  qui 
doivent  presider  a  I'educalion.  Luther  et  Melanchthon  firent 
entendre,  a  ce  suj5t,  des  plaintes  repetees^;  et  ces  plaintes 
j)orterent  leurs  fruits.  On  lit  dans  le  reglement  consistorial 
public,  en  1573,  par  Joachim  de  Brandebourg  :  «Les  maitres 
ne  se  eomporteront  pas,  a  I'egard  des  eleves,  comme  des  ty- 
rans;  s'ils  recourent  a  la  verge,  ce  sera  avec  moderation  et 
prudence,  sans  pouvoir  les  blesser  et  nuire  a  leur  sante^. » 

Au  reste,  quelle  qu'ait  ete,  dans  son  caractere  pratique,  I'in- 
fluence  de  la  Reforme  sur  le  developpement  de  I'instruction 
populaire,  ce  qu'il  nous  importe  surtout  de  constater,  e'est 
ce  fait :  la  Reforme  n'attaqua,  en  quoi  que  ce  fiit,  le  principe 
fondamental  sur  lequel,  de  tout  temps,  avail  repose  I'ensei- 
gnement  du  pcuple,  a  savoir  I'union  intime  de  I'Eglise  et  de 
I'ecole,  disons  mieux,  la  suprematie  absolue  de  la  premiere 
sur  la  seconde. 

A  vrai  dire,  Luther  n'entendait  pas  plus  affranchir  I'ecole 
de  I'Eglise,  que  la  conscience  du  dogmc.  La  question  de  \eman- 

1.  Tischreden. 

2.  V.  Schwarz,  t.  I,  p.  362. 

3.  "  Ohno  Beschlidigung  des  Leibes  und  Gesundheit...  • 

« Vous  agirez  mieux  sur  I'esprit  des  enfants  par  I'affection,  dit  Luther, 
que  par  une  crainte  servile  et  par  la  force:  Als  durch  knechiische  Farcht. 
(Auslegung,  von  1,  Joah.  2,  14).  De  telles  maximes  etaient  bonnes  a 
repeter.  Dans  un  plan  d'etudes  cite  par  Ruhkopf,  on  lit  :  «  Si  per  crines 
seu  aurem  deccnter  irahendo  disciplinaverit... »  — Le  Reglement  de  I'ecole 
de  Worms  (1260)  accorde  genereusement  le  droit  de  quitter  I'ecole,  sans 
payer,  a  I'eleve  a  qui  le  mattre  aura  fait  des  blessures  ou  brise  les  os. 
Une  des  fetes  d'ecole,  en  Allemagne,  etait  la  fete  des  verges.  —  Qu'on  se 
reporte,  du  reste,  aux  moaurs  gJnerales  de  la  primitive  etpure  Allemagne. 
v.,  entre  autres,  les  dispositions  du  Code  d'Altenhajlau,  cite  par  Grimm, 
dans  les  Antiquites  germaniqiies. 


REYl'E  HISTORIQUE.  45 

cipation  de  I'ecole,  pour  employer  le  langage  de  la  pedagogie 
moderne,  ne  fiit  point  posee  par  la  Reforme;  bien  loin  de  la ! 
qu'on  lise  la  preface  du  Caiechisme  de  Luther,  ses  discours,  ses 
traites  relatifs  a  redueation^  etudiez  les  reglements  scolaires 
des  eleeteurs  de  Saxe  et  des  margraves  de  Brandcbourg  au  sei- 
zierae  siecle,  tout  y  part  de  WEglise  et  tout  y  revient*.  Apres 
Luther,  le  pasteur,  comme  avant  lui,  le  cure,  a  la  haute  main 
sur  I'ecole.  La  maison  d'ecole,  le  plus  souvent,  est  une  annexe 
materielle  de  I'Egiise,  et  le  chef  de  la  paroisso  regne  dans  Tune 
au  merae  litre  que  dans  I'aulre^.  Quand  I'ecole  a  etc  fondee 
par  le  conseil  de  la  commune  {Stadtraih),  le  conseil  exerce  sur 
I'exterieur  du  regime  scolaire,  si  je  puis  ainsi  dire,  une  juri- 
diction  qui  ne  limite  en  rien  le  gouvernement  moral  du  pas- 
teur; et  si  le  droit  de  patronage  {Patronatrechi)  s'etend,  pour 
le  conseil,  jusqu'a  la  nomination  du  ScJmlmeisier,  ce  dernier 
doit  etre  agree  par  le  consistoire,  comme  ii  devait  I'etre  au- 
trefois par  I'eveque. 

Ainsi  I'Egiise  et  I'ecole  restaient,  pour  la  Reforme,  les  deux 
termes  du  probleme  de  I'education.  Luther  avail  allere  la  va- 
leur  absolue  de  ces  termes;  il  en  avail  conserve  le  rapport. 
Sous  quelles  influences  et  dans  quelle  proportion  fut  renverse 
ce  rappoii,  nous  le  verrons;  mais,  au  dix-huitieme  siecle,  le 


1.  Par  esemple,  je  lis  dans  une  Consistorial-Ordmwg  de  Joachim  : 
«  Comme  pour  satisfaire  au  voeu  de  la  religion  chrelienne  (zur  Furderung 
der  cliristlichen  Religion),  une  ecole  doit  6lre  etablie  et  entretenue  aupres 
de  chaque  eglise,  afin  que  les  enfanls,  reconcilies  avec  le  Seigneur  Christ 
par  le  saint  b;ipt6nie,  soienl  instruits  dans  les  bonnes  etudes  et  le  cate- 
chisme,.-'  nous  voulons..,  etc.  » 

2.  Du  reste,  des  cette  epoque,  il  est  recommande  aux  maitrcs  d'ecole 
"do  n'exciter  contre  le  pasteur  ni  faction  ni  mauvaise  volonte,  ce  qui 
produit  ramoindrissement  du  pasteur,  le  mepris  de  la  predication  et  des 
sacrcments,  mais  de  se  conduirc  loujours  vis-a-vis  du  chef  de  la  paroisse 
avQc  rested.  ^  {Visilations-und  Consistorial-Ordnung  \on  hihre  iri73.) — 
Prescriptions  imalogucs  dans  !cs  Ariidcs  gencraux  de  la  SaNO  (IjSO). 


^4  rilEMIEUE   PARTIE. 

maitre  de  Francke,  Spener,  pouvait  encore  ecrire  ces  mots  : 
«  Les  ecoles  sont  la  pepiniere  de  I'Eglise.  Si  Dieii  voiis  a  choisi 
pour  eveque  ou  surveillant  d'une  ou  plusieurs  eglises,  il  vous 
a  confie,  en  merae  temps,  le  gouvernement  des  ecoles*.  » 

Au  moyen  age,  le  Catholicisme  avait  mis  I'Etat  au  service 
de  la  religion;  la  Reforme  mit  la  religion  au  service  de  I'Etat. 
Je  raontrerai,  plus  loin,  comment  une  telle  divergence  de 
principes  se  reflete  pour  I'Allemagne  actuelle,  en  ce  qui  louche 
au  gouvernement  de  I'ecole,  dans  les  details  de  la  legislation. 
En  ce  moment,  je  mets  en  relief  un  seul  fait :  la  suprematie 
de  I'autorite  religieuse  sur  I'enseignemenl  du  peuple,  pendant 
la  periode  qui  m'occupe. 

Les  liens  qui,  dans  les  pays  protestants,  ra  ttacliaientle  second 
a  la  premiere,  se  retrouvent,  on  le  comprend  d'avance,  dans 
les  parlies  de  TAllemagne  du  nord  que  la  Reforme  n'avait 
pas  envaliis. 

Prenons  les  pays  Rhenans  et  la  Silesie. 

Dans  les  pays  Rhenans ,  TEglise  calholique,  au  seizieme  sie- 
cle,  est  enplcine  possession  des  prerogatives qu'aujourd'hui  en- 
core, audela  du  Rhin,ellerevendiquecommeun  droit ahsolu^  : 
dans  les  duches  de  Clevcs  et  de  Berg,  en  Westplialie,  etc., 
I'autorite  religieuse,  au  temps  dont  je  parte,  decrete  les  me- 
sures  scolaires^;  expulse  les  maitres  qui  enseignent  clandes- 

1.  «  Schulen  sind  Pflanzgarten  der  Kirchen...  so  hat  er  dir  audi  die 
Schulen  zu  bestellen  mit  anvertrauet.  '  {Spenafs  pia  desideria^  p.  135.) 

2.  V.  le  memoire  des  archeveques  et  eveques  de  Cologne,  d'Olmiilz, 
de  MUnster,  de  Treves ,  de  Paderborn ,  de  Breslau ,  sur  la  constitution 
prussienne  de  1848,  Denkschrift  der  katholischen  Bischofe  Uber  die  Ver- 
fassungs-Urkunde.  p.  24  et  suiv. 

3.  Ecclesiae  reformatio  a  summis  pariter  et  infimis,  a  capitibus  simul 
et  a  parvulis  ordienda  est...  ut  consequens  sit  ab  ipsis  (parvulis)  prave  ac 
nequiter  institutis  reipublicae  perniciem  imminere,  quam  ob  rem...  {Concil. 
prov.  Colon.,  part.  XII,  c.  1,  en  1536). 


REYUK  HISfOiUQUE.  45 

tinement,  iuterdit  ceux  qui,  de  village  en  village,  colportent 
iin  enseignement  suspect;  nomme  ou  6lo'i^ne  ]qs Schulmeisfer , 
scion  les  besoins  de  I'ecole  ou  I'inter^t  de  I'Eglise ;  jouit  enfin 
d'un  droit  de  surveillance  ou  d'inspection  *.  Un  siecle  plus 
tard,  le  traits  de  Westphalie  regie  les  droits  respectifs  des 
communions  chretiennes  dont  il  reconnait  Texisteuce.  A  quel 
titre  figure  I'ecole  dans  les  articles  generaux  du  traite?  A  titre 
d'annexe  de  I'Eglise-.  Et  jusque  vers  la  fin  du  dix-liuitieme, 
des  pieces  authentiques  constatent  que,  pour  les  pays  catho- 
liques  du  Rliin,  I'autorile  religieuse  accomplit,  dans  les  ('Colcs 
populaires,  tous  les  actes  de  la  souverainete^. 

Meme  situation  dans  la  Silesie.  Quand  cette  province  ful 
reunie  a  la  Prusse,  une  stipulation  expresse  de  la  paix  de  Bres- 
lau  (1742),  et  plus  tard,  de  la  paix  de  Tesclien  (1779),  garan- 
title  statu  quo  en  ce  qui  touche  aux  interets  religieux.  Or,  d'a- 
pres  le  statu  quo,  I'ev^que  de  Breslau  nomme  et  revoque  les 


1.  «  Clancularii  illi  magistelli  qui  in  conventiculis  vicatim  decent  pro- 
hibeantur...  scbolae  minores  in  quibus  pueri  primis  rudimenlis  imbuunlur 
diligenter  repurgentur,  praeceplis  illis  didascalis  seu  praeceptoribus  non 
tam  eruditis  quam  sanai  doctrinae  integra3qiie  ac  inculpataevitae  viris...•• 
(/6td.)  «  Dein  videndum  quo  pacto  pueri  instituunlur  (in  parochiis),.;  qui 
praeterea  sint  scholis  prsefecti.  >  (Harzh.  Condi,  germ.,  t.  V,  p.  S02  et  308.) 
—  V.  aussi  Synod,  provinc.  mognnt.,  cap.  65,  en  1549.  —  «  Prsecipimus 
ut  juxta  patrum  antiquorum  decretii,  sciiolas  instaurare,  vel  erectas  coti- 
servare  debeant,  et  prselati  ecclesiarum  ac  alii  quibus  id  muneris  ex 
officio  incumbit,  soleiter  providere  ut  paedagogi  et  magistri  idonei  sint, 
et  probi  atque  vitae  oranino  inculpate...  »  {Synod,  provinc.  Treoir.,  mfime 
annee.) 

2.  Instrumentum  pac.  0.,  art.  V,  p.  31  :  «  Slatuum  catholicorum  Land- 
sassii,  vasalli  et  subditi  cujuscumque  generis  sive  privatum,  sive  publi- 
cum augustanae  confessionis  exercitiuni...  habueriint,  rotineant  id  etiam 
in  posterum  una  cum  annexis...  Cujusmodi  annexa  habentur  institutio 
consistoriorum ,  miniilerlorum  tam  scholasticorum  quam  ecclesiastico- 
rum.  « 

3.  V.  le  memoire  plus  haut  cite  :  Denkschrift  dcr  hvholischcn  liis- 
chofe,  etc,  p   28. 


SG  TKEMIEKE  PARTIE. 

maitres',  designe  lesinspecteurs^,  inslitue  les  directeurs  des 
ecoles  normalcs  d'instituleiirs  {ScInLUehrerseminarien)^&\QVQ.e, 
par  rinteriiiediaire  des  archipretres  etdcs  cures,  line  surveil 
lance  regiiliere  sur  I'organisation  generale  derenseigneracnt 
du  peiiple^. 

Suprematie  directe  de  I'aiitorite  ecclesiastique  sur  I'ecolc, 
tel  est  le  fait  universel  qui  ressort  avec  une  incontestable  evi- 
dence de  I'histoire  de  I'instruction  populaire  en  Allemagnc, 
jusqu'a  la  seconde  moitie  du  dix-liuitieraesiecle. 

Or,  ce  fait  lui-meme  est  I'expression  des  principes  fonda- 
mentaux  qui,  pendant  la  meme  periode,  gouvernaienU'ensei- 
gnement  primaire  en  Allemagnc.  Ilfaut  degager  ces  principes 
et  les  formuler  en  les  resumant. 

L'education  doit  etre  envisagee  sous  deux  rapports  :  1"  rela- 
tivemental'enfant  considere  commeindividu  ,2''relativeraent 
a  I'enfant  considere  comme  membre  nouveau  d'une  societe 
coustituee. 

Au  premier  point  de  vue,  l'education  est  la  rehabilitation 

1.  On  lit  dans  un  reglement  d'un  eveque  de  Breslau,  a  la  date  de  1099  : 
«  Ludidirectorum  in  pagis  et  in  oppidis  insLilutio  et  quae  ab  iisdem  ulio 
modo  dependet  ad  vicarium  nostrum  generalem  spectabunt.  •  (Art.  18.) 

«  Neque  ullus  Ludidireclorem  sine  vicarii  generalis  praescitu  vel  amo- 
vere  vel  assumere  proesumat. »  (Art.  25.)  —  {Pastorale  inslar  pragmatkce 
sanctionis  ecdesiasticce  pro  norma  et  reguld  futuru,  Breslau,  1699.)  —  Un 
reglement  royal  du  commencement  de  ce  siecle  reconnait  encore  le  droit 
de  nomination  :  «  Die  Aufstellung  der  Schulmeister  selbst ,  so  wie  ancli 
die  Aufsicht  auf  ilire  Lehre  und  Leben  bleibt  indessen  e\v.  liebden,  una 
derdazu  beslimmten  behorde  iiberla^rsen, »  {Kahinets-Ordre,  du  12sep- 
tembre  1800.) 

2.  Ce  droit  lui  est  conserve  dans  le  Schul- Reglement  de  1801  :  "  Viel- 
mehr  liberlassen  wir  dem  Furst-biscliof  von  Breslau  als  ordinario,  und  in 
den  auswartigen  Diocesen  den  decanis  dies  Kereis-Schulinspectores  zu 
ernennen  und  anzustellen. »  Seulement,  Tev^que  doit  faire  part  de  la 
nomination  au  comite  gouvernemental.  (V.  Dcnkschrift  betreffend  die 
Rechte  der  katholischen.  Kirche  Schlesiens,  par  M,  Rintel.) 

3.  Dcnkschrift,  etc.,  p.  33  et  38. 


REVLE  HISTOIXIQUE.  i7 

(I'une  nature  dechue.  Elle  a  pourobjetd'eclairerrintelligence 
obscurcie  et  de  relever  une  volontc  qui  s'egare. 

La  rehabilitation  a  lieu  par  la  grace  de  Dieu  qui  se  sert  du 
travail  de  I'homme'.  Consequemment,  I'education  est,  avant 
tout,  I'initiation  de  I'ame  a  la  foi  chretienne ;  les  connaissances 
profanes  doiventelles-memesaboutir  a  ce  but  supreme  comme 
les  rayons  convergent  vers  le  centre ;  et  le  developperaent  des 
facultes,  s'il  a  lieu  en  dehors  dc  I'inspiration  qui  en  doit  6tre 
la  loi,  devient  nuisible  au  lieu  d'etre  utile 2. 

Au  second  point  de  vue,  I'education  est  la  transmission  de 
I'ensemble  des  traditions  politiques  et  morales  qui  constituent 
la  vie  d'un  peuple.  L'enfant,  de  tres  bonne  heure,  doit  ^tre 
forme  pour  le  milieu  dans  lequel  il  est  appele  a  vivre.  Ce  n'est 
pas  I'individu  qui  doit  essayer  de  transformer  la  societe,  pour 
la  faire  a  son  image,  c'est  la  societe  qui  prepare  le  moule  dans 
lequel  I'individu  doit  ^tre  jete'.  A  la  hierarchic  d'apres  la- 
quelle  sont  distribuees  les  differentes  classes  au  sein  de  I'Etat 
doiventcorrespondre,  dans  leur  variete,  les  degres  de  I'educa- 
tion chez  un  peuple. 

Telles  sont,  dans  leur  expression  la  plus  generate,  les  idees 
qui,  durant  I'epoque  011 1'ecole  fut  I'annexe  de  XEglise,  presi- 
derent,  dansl'Allemagneprotestante  comme  dans  I'Allemagne 
catholique,  a  la  direction  de  I'lnstruction  populaire.  Ce  n'est 
pas  lelieu  de  presenter  la  critique  de  ces  idees;  je  ne  discute 
pas  en  ce  moment,  jc  constate. 

1.  Spener,  dont  le  pie^tsme,  tres  different  de  ce  qu'on  appelle  aujour- 
d'hui  pietisme  en  AUemagne,  insiste  beaucoup  plus  que  le  dogmalisme  de 
Luther,  on  salt  pourquoi,  sur  « le  travail  de  rhomme»  et  «  le  merite  des 
oeuvres, »  Spener  aurait,  a  cet  egard,  relativement  au  lutlieranisme  pri- 
mitif,  une  ceriaine  teinte  d'heterodoxie  :  «  AUes,  dit-il,  zur  Praxis  des 
Glaubens  und  Lebens  gerichtet  werden  muss.  •  {Pia  desideria,  p.  88  et 
passim.) 

2.  «Wfr  an  Geschicklichkeil  wachse,  und  nicht  an  guten  Sitlen,  der 
lerne  melir  hinler  .^icli ,  als  vor  sich.  »  (Spener,  op.  cit.,  p.  87.)  —  CI'. 
Luther,  paisim;  Uambach,  der  wohlnnteriviesene  Jnformalor,  efr. 

i 


-iS  PREMIERE  FARTIE. 

Une  p^riode  nouvelle  s'ouvre  pour  I'histoire  de  TenseigiK'- 
ment  populaire  au  moment  ou  la  pedagogie,  s'erigeant  en 
science  independante,  s'isolant  des  traditions  seculaires  qui 
avaient  guide  ses  premiers  pas,  formule  ses  pretentions  a  la 
souverainete. 

Transportons-nous  immediatcment  au  coeur  m^me  de  cette 
periode.  En  regard  de  I'expose  qu'on  vient  de  lire,  pla^ons 
le  tableau  des  fails  contemporains  :  le  contraste  en  fera  res- 
sortir  la  physionomie  et  permettra  d'en  saisir  le  caractere  dans 
un  vif  et  saillant  relief. 

TVousauronsa  cherclierensnitc  I'explication  dece contraste. 


CHAPITRE  DEUXIEME. 

Physionotnie  morale  des  ecoles  pritnaires  dans  I'AlIemagne  du  Nord. 

Le2septerabre  4848  s'ouvrait,  au  scin  de  I'assemblee  de 
Francfort,  une  discussion  solennelle  sur  la  question  de  I'en- 
seignement.  Par  I'organe  de  M.  Paur  (de  Neisse),  le  Comite  des 
ecoles  formula  les  doctrines  qu'il  proposait  au  parlement  de 
rediger  en  articles  du  projet  de  constitution,  et  devant  les  re- 
presentants  de  I'Alleraagne  tout  entiere,  le  rapporteur  fit  en- 
tendre ces  paroles  ^  : 

«  Si  vous  voulez  assurer  definitivement  les  droits  fonda- 
raentaux  et  les  liberies  du  peuple  alleraand,  ne  craignez  pas 
de  vous  expriraer  francheraent  sur  I'organisation  des  ecoles... 
Les  uns  veulent  par  I'instruction  primaire  soumettre  les  es- 
prits  a  une  loi  morale  qui  regisse  la  vie,  et  pretendent  former 
la  jeunesse  pour  XEglise;  les  autresn'entendent  point  enchai- 
ner  les  jeunes  gens  par  des  formules  dogmatiques,  mais  ils 
veulent  les  former  pour  I'Etat.  II  fautrepousser  egalement  ces 
pretentions;  car  les  ecoles  ne  doivent  point  former  I'liomme. 
La  taclie  de  Tecole  est  lout  autre,  c'est  de  developper  I'esprit 
au  sein  d'une  independance  absolue.  Ce  but  n'est  point  de- 
termine d'avance,  et  il  ne  faut  point  poser  de  limites;  ce  but 
est  infini;  toutes  les  idees  de  notre  epoque,  quelles  qu'elles 
soient,  sont  bonnes  pour  I'atteindre.  II  faut  seulement  don- 
ner  un  libre  essor  a  cette  source  de  vie  que  I'homme  sent  pal- 
piter  dans  son  etre...  Non,  Tecole  ne  doit  point  se  proposer 

1.  Les  discours  prononces  dans  cette  discussion  ont  ete  recueillis  par 
M.  Reynliens;  1819. 


20  PREMIERE  PARTIE. 

de  dresser  la  jenncsse  pour  I'Eglise;  la  jeunesse  ne  doit  pas  Hre 
dressee  du  tout.  » 

Telle  etait  la  doctrine  qui,  il  y  a  six  annees,  etail  offleielle- 
ment  presentee  a  la  sanction  du  parlement  national  allemand ; 
et  cette  doctrine  n'etait  point  le  reve  isole  d'un  utopiste  trans- 
forme  tout  a  coup  en  legislateur  :  elle  etait  la  pensee  m^nie 
du  coinite  specialement  institue  par  les  representants  de  tous 
les  Etats  de  la  confederation  germanique. 

Nous  voici  loin  de  la  periode  dont  tout  a  I'heure  nous  es- 
quissions  I'liistoire;  et  cette  pensee,  on  va  lo  voir,  n'etait 
elle-merae  que  1' expression  des  fails. 

Je  visitais  une  petite  ville  de  Hanovre  :  an  sortir  de  I'eglise, 
oil  j'avais  admire  un  bas-relief  de  la  renaissance  allemande, 
j'apergus  une  ecole ;  j'y  entrai.  Le  maitre  etait  intelligent, 
instruit  et  d'esprit  alerte.  A  I'ardeur  qui  le  poussait,  par  les 
faux-fuyants  de  la  conversation ,  sur  le  terrain  de  la  religion 
et  de  la  politique,  mon  homme  semblait  heureux  de  pouvoir, 
en  toute  liberie,  desserrer  le  frein  qui  maitrisait  sa  langue. 
Moi,  d'exciter  sa  verve  et  de  le  piquer  au  jeu.  De  bien  en 
mieux,  il  rae  fit  la  profession  de  foi  qui  suit  :  «  Je  respecte  le 
Christ,  mais  je  le  laisse  a  sa  place;  quant  a  Dieu,  je  dis  h  mes 
eleves  ce  que  nous  a  dit  Goethe  : 

Wer  darf  ihn  nennen, 

Und  wer  bekennen  : 

Ich  glaub  an  ihn? 

Wer  sich  nnterwinden 

Zu  sagen  :  Ich  glaub'  ihn  nicht'? 


Voire  orlhodoxie  n'esl  point  farouche,  lui  dis-je.  —  Non 


1.  «  Qui  peut  le  nommer,  et  confesser :  Je  crois  en  hii?  Mais  qui  est 
assez  audacieux  pour  dire  :  Je  ne  crois  pas  en  hii?  •  —  On  sait  que  cette 
singuhere  profession  de  foi  se  trouve  dans  la  bouche  de  Faust,  1''^  partie, 
scene  du  jardin  de  Marthe. 


FAITS  CONTEMPOKAINS.  2\ 

etc'estroilbotloxie  de  nos  ecoles;  car  cliez  nous,  protestanls, 
I'instruction  religieuse  n'est  pas,  comroc  chezles  calholiques, 
souniise  l\  la  direction  quotidienne  et  tracassiere  du  pasteur  : 
nous  la  dounons  en  pleine  liberie  [ganz  frei].  Du  reste,  je  vais 
a  I'eglise,  car  je  suis /uVsfe/- (sacristain);  mais  ces  fonctions 
me  cliargent  peu  :  deux  heures  le  diraanche,  une  heure  dans 
la  seraaine,  et  tout  est  dit.  Bref,  j'ai  lu  Strauss  et  quelque 
chose  de  Feuerbach,  et  je  suis  de  la  religion  du  pasteur  Uhlich* . 
Quant  aux  autorites  {die  Obrigkeit),  je  suis  vis-a-vis  d'elles  ce 
qu'il  faut  etre  en  un  moment  ou  Ton  va  prendre  un  picfiste 
pour  diriger  I'Ecole  normale  [Schidlehrer-Seminar]  de  Ha- 
novre.  II  y  a  des  phases  d'orthodoxie,  mais  patience !  mes  con- 
freres le  savent  comme  moi,  tout  ceci  n'est  qu'une  transition 
[Durchgang] !  » 

Oil  retrouver  les  traits  de  ces  maiires  d ecole  {Schulmeister) 
sortis  des  mains  deSpeuer,  de  Francke  ou  de  Kindermann? 

Je  veux  citer  un  autre  fait  :  En  Saxe  prussienne^  j'entre 
un  matin  dans  une  ecole.  Le  maitre  faisait  une  lecture  a  haute 
voix,  et  les  coraraentaires,  a  en  juger  par  le  silence  de  la 
classe,  subjuguaient  I'attention  des  enfants.  A  la  vue  d'un 
etranger,  la  lecture  est  suspendue.  Puis,  comme  je  priais  le 
maitre  de  continuer  I'exercice,  11  donne  ordre  aux  eleves  de 
prendre  lelivreouvert  devanl  eux  :  c'etait  un  catechisme. 

La  n'etait  j)oint  ce  que  je  cberchais.  Le  morceau  interrompu 
soudain,  quel  etait-il?  La  lecjon  finie,  j'entre  en  pourparler 
avec  le  maitre.  Lui  d'eluder,  car  il  6tait  diplomate.  Pourtant, 
apres  maintes  paroles,  ma  qualite  d'etranger  aidant,  la  crainte 
s'evanouit,  et  rinstituteur,  de  cet  air  de  superiorite  qui,  chez 

1.  M.  Uhlich  est,  depuis  1845,  Tun  des  deux  pasleurs  de  la  Ubre  com- 
mune de  Magdebourg,  et  le  chef  des  amis  protestants.  (V.  le  ch.  II  de  la 
2«  partie.) 

2.  On  comprendra  les  motifs  de  reserve  qui  m'inlerdisenl  de  donner 
ici  une  indication  plus  precise. 


22  PREMIEUE  PARTIE. 

un  pedagogue,  s'appelle  d'un  autre  nom,  me  preseiUe  la  bro- 
chure desiree. 

C'etait  une  revue  periodique  :  Nouvelle  Reforme  pour  la 
conquete  dela  religion  de  I'humanite^.  «  Je  leur  lisais  ce  frag- 
ment, me  dit-il,  en  m'indiquant  la  page;  je  corrige  avee  cela 
I'orthodoxie  du  catechisme;  c'est  de  Wicislenus,  pasteur  a 
Halle.  »  —  Plus  tard,  a  Magdebourg,  je  me  procurai  la  livrai- 
son  dont  il  s'agit;  et  voici  I'homelie  religieuse  et  politique 
administree  par  un  maitre  aux  enfants  de  son  ecole,  comme 
preservatif  contre  le  pietisme,  en  maniere  de  contre-poison. 
Par  lui-raeme,  on  va  le  voir,  ce  morceau  ne  contient  rien  de 
neuf ;  mais,  comme  lecon  d'ecole,  a  coup  sur  il  a  son  prix. 

«  On  se  pose  cette  question  dans  le  peuple  eclaire  {beim  auj- 
geklarten  Volke)  :  Comment  la  foi  et  I'Eglise  peuvent-elles  se 
raaintenir  au  milieu  des  lumieres  et  du  developpement  de  ce 
siecle?  Le  terrain  manque  sous  leurs  pas.  C'est  un  curieux 
spectacle  de  voir  un  edifice  rester  debout  en  depit  de  la  civi- 
lisation et  de  I'effort  des  annees,  alors  que  ses  fondements 
reposent  sur  un  sol  depuis  longtemps  mine.  Quatre  puis- 
sances peuvent  aujourd'hui  le  soutenir  :  partout  en  EuVope, 
I'Etat  tend  la  main  a  I'Eglise.  L'ancienne  autorite  politique 
s'appuie  elle-meme  sur  I'autorite  de  la  foi,  et  la  premiere  sail 
quelle  doit  tomber  avec  la  seconde.  Ainsi  s'explique  la  marche 
sympathique  de  I'Etat  vers  I'Eglise.  L'Eglise  elle-meme  est 
devenue  un  etablissement  de  I'Etat,  specialement  I'Eglise  pro- 
testante.  C'en  serait  fait  d'elle  en  peu  d'annees,  si  I'Etat 
retirait  sa  main. 

«  Un  second  appui  pour  I'Eglise  est  la  possession  des  mo- 
numents, des  fondalions,  des  capitaux.  Que  les  paroisses  soient 
une  fois  reduites  a  pourvoir  aux  frais  du  culte,  a  elever  les 


1.  Neue  Reform,  zur  Foc.rdcrung  clcr  Religion  der  Menschlkhkeit ,  von 
Wicislenus. 


FAITS  COiNTKMPOll.U!SS.  25 

eglises,  a  solder  les  pasteurs  an  raoyen  de  subsides  volon- 
taii-es,  et  Ton  verra ! 

«  Un  Iroisieme  soulien ,  c'est  la  routine;  des  usages  se 
traiismettent  depuis  des  siecles  '•  ainsi  de  la  foi.  Les  peres  et 
les  grands-peres  I'ont  eue ;  nous-meraes  nous  la  recevons  dans 
la  jeunesse;  on  la  garde  par  la  m^me  raison  qu'il  estennuyeux 
de  changer  d'habit. 

«  Enfin  le  dograe  a  pour  lui  Timagination  et  le  sentiment. 
L'imagination  se  nourril  a  son  gre  de  la  Bible  et  des  raysteres; 
elie  n'a  pas  a  ehercher  loin,  et  il  lui  en  coute  peu  d'efforts. 
Pour  les  esprits  faibles,  il  est  bon  de  compter  sur  un  ^tre 
qui  prend  soin  de  cette  vie  et  d'une  sceonde  vie  apres  elle , 
qui  gouverne  tout  pour  le  raieux,  dispense  le  bien,  detourne 
le  mal ;  il  est  doux  pour  les  intelligences  bornees  de  s'appuyer 
sur  cet  6tre,  de  proleger  son  existence  factice  par  I'illusion 
de  la  foi  conlre  les  demonstrations  de  la  realite ;  il  est  com- 
mode enfin  pour  les  esprits  tiraides  de  faire  resoudre  par 
un  autre,  par  un  Christ,  par  un  Fits  de  Diea ,  le  probleme 
de  la  vie  morale  {die  siiiliche  Aufgabe  durch  einen  Andern^ 
einen  Christus ,  einen  Goitessohn  losen  zu  lassen),  de  jouir 
des  avantages  de  cette  situation  par  la  foi  et  les  pratiques 
d'un  culle,  et  de  confier  tout  cet  echafaudage  a  la  main  d'un 
pretre.» 

Que  dit'on  de  ce  sermon  d'un  pasteur  commente  par  un 
maitre  d'ecole?  Qu'on  ne  perde  pas  de  vue  ce  morceau  :  il 
revele  toute  une  situation. 

«  Beaucoup  de  vos  confreres  sont-ils  dans  ces  idees,  deman- 
dai-je  a  I'inslituteur?  —  Monsieur,  par  le  temps  qui  court, 
on  met  ses  idees  dans  sa  poclie,  et  Ton  n'en  fait  pas  monlre  ; 
mais  interieurement,  maitres  d'ecole  et  pasteurs,  nous  sommes 
tons  Lichtajreunden  (amis  dc  la  lumiere).  »  Tons  est  de  trop,  et 
Tinstituteur  se  vantait;  mais  son  cxageration,  apies  tout, 
n'etnit  pas  loin  de  la  verite.  La  verite ,  la  voici : 


24  PREMIERE  PARTIE. 

D'abord,  il  faiit,  sous  le  rapport  pedagogique  comme  au 
point  de  vue  religieux,  partager  rAllemagne  en  deux  zones, 
la  zone  ealholique  et  la  zone  protestante.  Dans  les  pays  catho- 
liques,  d'apres  nos  propres  investigations  comme  d'apres  le 
temoignage  des  chefs  politiques  et  religieux  du  protestantisrae, 
temoignage  dont  j'ai  constate  la  remarquable  unanimite  a 
Hanovre,  a  Cassel,  a  Weymar,  a  I6na,  a  Halle,  a  Berlin,  a 
Breslau  et  a  Dresde,  comme  a  Munich  et  a  Stuttgard,  la  porte 
de  I'ecole  aussi  bien  que  celle  de  I'^glise  est  fermee  au  scep- 
ticisme ;  ni  dans  les  provinces  rhenanes  de  Prusse,  ni  dans  la 
Westphalie,  pas  plus  que  dans  la  Silesie ,  la  Baviere  ou  I'Au- 
triche,  les  speculations  raaladives  de  I'hegelianisme  n'ont 
p6n6tre  dans  Tenseignement  populaire  pour  en  vicier  la 
source  et  en  briser  le  ressort.  Un  principe  unique,  par 
consequent  fort;  nettement  formule,  par  consequent  efGcace, 
y  preside  a  la  direction  de  I'ecole.  Generalement  I'instituteur 
y  travaille,  je  dirai  plus  loin  dans  quelles  conditions*,  sous  les 
yeux  d'une  autorite  civile  et  d'une  autorite  religieuse  etroi- 
tement  unies  dans  une  pensee  commune  d' education  :  car  si 
I'instituteur  y  est  I'homme  del'eglise,  le  pretre  de  son  cote, 
chose  capitale ,  y  est  I'homme  de  I'ecole.  C'est  dans  I'ecole 
meme  que,  deux  fois  par  semaine,  le  cure  vient  donner 
I'instruction  religieuse;  melant  I'enseignement  dogmatique 
aux  autres  objets  d'etude ,  il  enracine  a  la  fois  et  la  croyance 
dans  le  coeur  des  enfants  et  le  respect  de  sa  haute  mission 
dans  I'esprit  de  I'instituteur.  Une  telle  pratique  maintient  la 
religion  aux  yeux  des  eleves  comme  le  point  central  de  I'en- 
seignement; elle  en  fait  ce  qu'elle  doit  ^tre,  Tame  de  I'ecole. 
Gette  pratique  est  la  loi  scolaire  dans  tous  les  pays  catho- 
liques  de  I'AUemagne  ;  et ,  frappee  de  I'imporlance  de  ses  re- 
sultats,  I'administralion  sup^rieure  de  I'instruction  publique 

1 .   V.  la  2^  parlie  de  cet  ouvrage. 


FAITS  COMEMPOUAIISS.  25 

a  BeiliD,  en  ce  moment  m^me,  s'occupe  tie  la  transporter  dans 
les  {'coles  protestantes*.  En  France,  si  je  ne  me  trompe, 
une  telle  pratique  n'est  en  vigueur  que  dans  les  villages  de  la 
Franclie-Comte  et  de  la  Bretagne.  Ne  serait-il  pas  desirable  de 
resserrer  les  liens  qui  doivent,  sous  peine  de  decadence  mo- 
rale, rattacher  I'Eglise  a  I'ecole?  Pourquoi,  dans  ce  but,  ne 
pas  appeler  a  des  intervalles  reguliers  le  chef  spirituel  de  la 
commune  sur  le  terrain  scolaire?  Ne  serait-ce  point  ajouter  a 
la  dignite  du  caractere  ecclesiastique  la  notoriete  de  la  science? 
Et  quel  meilleur  raoyen  de  conserver  a  I'enseignement  reli- 
gieux ,  dans  I'esprit  des  populations  corarae  dans  I'esprit  de 
I'instituteur  lui-meme ,  I'autorite  qui  lui  appartient^  ? 

1.  Je  lis,  dans  un  ouvrage  recent  qui  porte  le  reflet  des  preoccupa- 
tions actuelles  du  ministere  de  I'instruclion  publique  de  Berlin  :  «  Lo 
mattre  d'ecole  doit  6tre  charge  du  role  d'auxiliaire  :  il  doit  diriger  les 
exercices  relatifs  a  I'histoire  biblique,  la  lecture  de  la  Bible,  faire  apprendre 
par  coeur  lo  catechisme,  les  chants  pieux;  tout  cela  lui  appartient.  Mais 
I'instruction  religieuse  elle-m6me ,  celle  qui  repond  aux  besoins  de  la 
jeunesse  actuelle ,  il  ne  saurait  la  dispenser.  Ne  rougissons  pas  d'aller 
prendre  le  bien  dans  I'figlise  catholique  :  celle-ci  n'a  jamais  abdique  se.s 
droits  a  I'instruction  religieuse  de  la  jeunesse.  Nos  pasteurs  feraient  bien 
de  ne  pas  se  borner  a  donner  cette  instruction  une  fois  par  semaine,  pen- 
dant quelques  mois,  aux  enfants  qui  se  preparent  a  la  communion. »  (Das 
Schulivesen  im  protestantischen  Staate,  p.  39,  par  le  D""  Giinther,  1852.) 

2.  V.  a  cet  egard  la  remarquable  instruction  pastorale  de  Son  fiminence 
le  cardinal  Donnet :  « ...  Trop  souvent  le  cure  s'est  eloigne  de  la  classe,  et 
le  maitre  de  I'eglise.  II  faut,  a  tout  prix,  mettre  un  terme  a  cette  separa- 
tion entre  le  presbytere  et  I'ecole.  L'ecole  n'est  pas  I'eglise,  mais  elle  en 
est  le  portique...  A  Pecole,  vous  avez  longtemps  les  enfants  sous  la  main ; 
ils  ne  sauraient  vous  echapper.  A  I'eglise,  au  contraire,  vous  les  tenez  a 
peine ,  a  I'epoque  de  la  premiere  communion ,  deux  ou  trois  fois  par 
semaine.  Qu'est-ce  qu'un  temps  si  court  pour  former  des  ames  a  la  vie 
chretienne  ?  Que  la  classe  soit  done  pour  vous  I'annexe  de  I'eglise.  Tikhez 
d'y  faire  chaque  semaine  une  instruction  religieuse.  Entendez-vous  pour 
cela  avec  I'instituteur.  Si  I'ecole  vous  est,  de  droit,  toujours  ouvcrte,  il 
ne  faudrait  pas,  neanmoins,  deranger  le  cours  des  legons  ordinaires;  car 
le  maitre  a  un  reglement  a  suivre,  un  compte  a  rendre,  certaines  branches 


26  PREMliiKE  PARTIE. 

Le  caractere  positif  de  I'idee  religieuse,  au  sein  de  I'ecole, 
dans  les  pays  catholiques  d'Allemagne,  ne  ressort  pas  seu- 
lement,  pour  parler  conime  au  dela  du  Rhin  ,  de  I'organisme 
intirae  de  I'enseigneraent;  il  se  retlete,  pour  vous  saisir 
au  premier  abord,  sur  la  constitution  exterieure  de  I'ecole. 
Entrez  le  matin,  un  jour  quelconque  de  la  semaine,  une 
demi-heure  avant  le  commencement  de  I'etude,  dans  une 
eglise  des  provinces  rhenanes,  de  Westphalieou  de  Silesie.  Les 
enfants  des  ecoles  y  assistent  a  la  messe ,  sous  le  regard  des 
maitres.  Garcons  et  fllles,  sur  deux  rangs  paralleles,  garnissent 
la  nef  ouse  repandentjusqu'aux  limites  extremes  des  bas cotes. 
Agenouilles  sur  la  pierre,  et  le  Gesanghxich  a  la  main,  ils  chan- 
tent  accompagnes  par  I'orgue,  dont  ils  suivent,  sans  devier, 
les  harmonieuses  inflexions;  et  leurs  groupes  divers,  avec 
une  surete  de  mesure  que  donne  seule  une  education  musicale, 
se  repondent  alternativement. 

Ainsi  en  est-il  a  Miinster  comme  a  Cologne,  dans  les  bourgs 
de  la  Silesie,  comme  en  ces  jolis  villages  qui  se  groupent  dans 
le  rayon  et  comme  a  I'ombre  de  la  cathedrale  de  Bonn.  Non 
que  je  propose  d'introduire  par  un  reglement  cet  usage  de 
I'assistance  quotidienne  a  la  messe  pour  les  eleves  des  ecoles, 
dans  nos  villes  et  dans  nos  villages  de  France.  On  pent  louer 
de  tels  usages,  on  ne  les  decrete  pas ;  ils  ne  valent  que  par  la 
liberte;  I'ombre  meme  de  la  contrainte  en  altere  le  principe , 
comme  elle  en  detruit  les  effets.  Mais  quand  de  tels  usages  se 
perpetuent  en  dehors  de  toute  action  coercitive,  c'est  le  signe 
que  la  pensee  chreticnne  exerce  une  influence  irrecusable 
sur  les  actes  de  chaque  jour.  On  pent  affirmcrsans  crainte 
que  chez  le  peuple  qui  les  garde  librement,  la  vie  morale  est 

de  connaissances  humaines  a  enseigner.  Choisissez,  d'un  commun  accord, 
pour  vos  inslruclions  religieuses,  les  jours  el  les  heures  qui  s'accorderoiU 
le  mieux  avec  les  devoirs  de  voire  minisLcre  el  les  plans  d'elude  de 
Tecole.  » 


FAITS  COISTEMFORAINS.  27 

serieuse;  car  ce  lie  sont  pas  les  lois  qui  les  out  fondcs,  ot  cc 
sont  les  moeurs  qui  les  conservent. 

Je  ne  saurais  oublier  la  seiieuse  emotion  que  me  fiteprou- 
ver  le  spectacle  de  cette  vie  religieuse  de  I'ecole,  dans  la  petite 
eglise  de  Kempen.  Au  moment  ou  j'arrivai  a  la  grande  ecole 
normale  dont  Kempen  est  le  siege,  le  directeur,  jeune  eccle- 
siastique  plein  de  ce  feu  sacre  dont  I'ardeur  redouble  en  se 
communiquant,  M.  Ostertag  celebrait  la  raesse  dans  1' eglise 
annexee  aux  batiraents  de  I'ecole.  Le  choeur  etait  rempli  d'une 
centaine  de  jeunes  hommes  de  dix-sept  a  vingt-cinq  ans,  lous 
Aleves  du  seminaire,  Les  rangs  presses  des  enfants  des  ecoles 
sillonnaient  la  nef,  etrefluaient  jusque  surles  marches  exte- 
rieures  de  I'eglise.  Autour  d'eux,  s'agenouillaient  en  grand 
nombre,  des  peres,  des  meres,  des  soeurs ;  en  sorte  que  eleves, 
maitres,  directeurs,  chefs  de  famille,  tons  au  debut  du  travail 
quotidien,  etaient  la,  reunis  dans  une  raeme  pensee,  cherchant 
a  un  foyer  commun  et  la  lumiere  qui  revele  le  devoir,  et  la 
force  qui  I'accomplit.  Qu'une  telle  liarmonie  des  elements  di- 
vers appeles  a  agir  sur  la  generation  qui  s'eleve  se  produise 
sous  la  garantie  de  convictions  sinceres,  et  les  conditions 
d'une  veritable  education  morale  sont  trouvees ;  car  I'ecole  est 
alors  ce  qu'elle  devrait  etre  toujours,  la  succursale  de  la  fa- 
mille; et  la  famille  consacre  par  I'exemple  les  inspirations 
de  I'ecole.  —  En  de  telles  conditions  I'enfant,  s'il  s'egare, 
ne  peut  accuser  que  lui-meme;  la  tache  de  la  society  est 
remplie. 

C'est  au  milieu  de  cette  atmosphere  essentielleraent  reli- 
gieuse que  me  sont  apparues  les  ecoles  dans  les  pays  catho- 
liques  de  I'Allemagne  septentrionale.  La,  je  le  repele,  I'ensei- 
gnement  primaire  n'a  rien  a  demeler  avec  I'esprit  de  negation  ; 
dans  I'eglise  et  dans  I'ecole,  oil  que  vous  posiez  le  pied,  vous 
marchez  sur  un  terrain  solide.  Ici  commo  la,  dans  (oule  la 
force  du  termc,  il  y  a  un  cnseignomcni . 


28  PREMIERE  PARTIE. 

Or,  les  effets  temoignent  incontestablemenl  de  la  valeur  de 
la  cause.  Certes ,  je  ne  m'attends  nulle  part  a  rencontrer 
Fage  d'or;  et  de  la  c\assi(\ue  simplicite  des  moeurs  germani- 
ques  je  sais  bien  ce  qu'on  doit  rabaltre.  Mais  toute  illusion 
a  part,  il  faut  le  dire  tres  haut,  et  Ton  est  heureux  de  le  con- 
stater,  un  principe  d'education ,  quand  il  est  fort ,  se  reflete 
necessaireraent  sur  la  societe  qu'il  aspire  a  maitriser.  Dans 
les  pays  dont  je  parle ,  grace  au  concours  harmonique  de 
toutes  les  influences  sur  le  terrain  de  I'education,  les  resultats 
de  Tenseignement  sont  ceux-ci :  le  sentiment  et  la  pratique  de 
la  religion  y  sontapeu  pres  universels.  Dans  lespetitesvilles  et 
dans  les  campagnes,  les  tres  rares  individus  qui  ne  remplissent 
pas  avec  la  regularite  traditionnelle,  les  devoirs  religieux  du 
Chretien  se  placent,  par  la  merae,  non  pas  liors  la  loi,  ce  qui 
supposeraitl'oppression  dela  conscience,  mais  hors  les  niceurs 
et  corame  au  ban  de  I'opinion.  Sur  une  population  rurale  de 
quatre  cents  araes  vous  rencontrerez  trois  ou  quatre  de  ces 
protestants.  Dans  les  villes,  etje  parle  de  villes  considerables, 
a  Cologne,  par  exemple,  le  clerge  ne  porte  pas  a  plus  de  vingt 
sur  cent  le  nombre  des  refractaires  au  sein  du  peuple.  «Tous 
mes  paysans  savent  bien  lire,  bien  ecrire,  et  connaissent  leur 
religion,  me  disait  le  bourgmestre  d'un  village  voisin  de  Bonn ; 
nous  n'avons  qu'un  mauvais  sujet  {einen  Lotierhvben),  un  drole 
qu'on  n'a  pas  vu  a  Paques  accomplir  le  devoir  annuel,  mais 
on  le  raontre  au  doigt;  c'est  une  creature  meprisable !  {welch 
verachiungswurdiges  Gesc/idpf!)y> — Voila  comment  on  apprecie 
dans  les  villages  des  provinces  rhenanes  quiconque  pretend 
i-ompre  en  visiere  avec  la  loi  religicuse  que  consacrent  les 
moeurs.  On  pent  trouver,  en  France,  une  telle  appreciation 
deplacee;  quoi  qu'on  pense,  elle  depose,  on  en  conviendra,  de 
la  vitalite  du  sentiment  qui  I'inspire.  Or  ce  sentiment  se  de- 
veloppe,  en  grande  partic,  dans  I'ecolc;  et  c'est  ce  fait  preci- 
sement  que  je  voulais  constater. 


FACTS  COTKMFOKAliNS.  29 

Autre  est  la  situation,  disons-lo  sans  detour,  dansles  pays 
protestants. 

Je  mets  a  part  I'extremite  de  cette  zone  rhenane  oil  une 
rivalite  qui  ne  s'endort  pas,  contraint  le  protestantisme , 
pour  soutenir  la  lutte,  a  raviver  le  nerf  des  croyances  posi- 
tives. A  Neiiwied,  sous  I'inspiration  des  moraves,  a  Dussel- 
dorf  et  a  Kaiserswerth ,  ces  foyers  de  proselytisrae  oil  s'al- 
lume  I'ardente  charite  du  pasteur  Fliedner,  a  Erbefeld  qui 
garde  derriere  ses  usines,  corarae  en  autant  de  citadelles,  le 
symbole  populaire,  dans  toutes  ces  villes  et  sous  leurs  raurs 
I'Evangelisme  est  pour  la  vie  religieuse  des  masses  un  puissant 
principe  de  conservation.  Exceptons  aussi  la  region  septen- 
trionale  du  Hanovre,  de  larges  fractions  des  deux  Hesses,  la 
Pomeranie,  cette  Basse-Bretagne  du  protestantisme,  et  les 
villages  des  pays  thuringiens. 

Cette  sorte  de  decompte  opere ,  commencez  votre  voyage 
pedagogique  a  Kehl,  dans  le  duche  de  Bade;  sondez  les  par- 
ties de  la  Hesse-Darmstadt  et  du  duche  de  Nassau,  qui  tressail- 
lent  au  contre-coup  des  mouvements  de  Manheim,  d'Of fen- 
bach  et  de  Francfort ;  longez  les  frontieres  septentrionales  de  la 
Baviere  que  vient  frapper  directement  I'esprit  de  Weimar  et 
d'lena;  puis,  cotoyant  les  limites  orientales  de  la  Hesse  elec- 
torate et  du  Hanovre,  interrogez  le  duche  de  Saxe,  le  royaume 
de  Saxe  et  les  grandes  provinces  prussiennes,  sur  lesquelles 
Halberstadt,  Magdebourg  et  Halle  font  rayonner,  sous  la  pa- 
role de  Uhlich,  de  Wicislenus  et  de  Sachse,  les  lumieres  des 
amis  protestants;  etudiez  enfin,  dans  le  Brandebourg,  et  jus- 
que  dans  la  Prusse  orientale,  les  resultats  de  la  lutte  engagee, 
a  tons  les  degres  de  la  hierarchie  sociale,  entre  I'orthodoxie 
offlcielle  et  le  developperaent  naturel  du  principe  protestant; 
et,  je  puis  le  dire  sans  m'avancer  teraerairement,  si  vous  avez 
touche  du  doigt  les  couches  diverses  de  la  societe  allemande  ; 
si  vous  avez  joint  aux  temoignages  officiels  des  chefs  religieux 


30  PREMIERL  PARTIi:. 

et  politiques  du  pays,  les  renseignements  officieux  qui  jaillis- 
sent,  par  d'heureux  hasards,  d'lme  rencontre  fortuite  et  d'une 
conversation  iniprovisee;  si,  surtout,  voiis  avez  recu  dans  leur 
naive  hardiesse  les  confidences  desinteressees  de  certains  in- 
stituteiirs  priraaires  et  dc  certains  pasteurs;  si  vous  avez  fait 
cela,  de  ['ensemble  de  vos  observations  ressortiront  les  con- 
clusions qu'on  va  lire  : 

En  these  generale^  le  protestantisme  de  I'Allemagne  septen- 
trionale,  tresactif corarae  instruraentde  critique religieuse,  tres 
ardent  comme  machine  de  guerre  contre  le  dogme,  tres  vivant 
corame  foyer  d'opposition  contre  le  catholicisme,  perd  chaque 
jour  ce  qui  hii  reste  de  valeur  originelle  en  tant  que  doctrine 
positive.  En  lui,  la  critique  adetruitraffirmation.Devenu,pour 
le  plus  grand  nombre  des  esprits,  la  simple  preface  du  scepti- 
cisrae  philosophique,  il  n'existe  plus,  ou  peu  s'enfaut,  a  I'etat 
de  formule  religieuse.  «  Le  protestantisme ,  disent  tres  haut 
ceux  qui  furent  dans  les  vingt  dernieres  annees  les  maitres  de 
I'enseignement  populairo,  le  protestantisme  veutl'affranchisse- 
ment  de  I'esprit,  le  developpement  de  la  vie  religieuse  en  raison 
du  point  de  vue  special  de  chaque  individu  {dem  Siandpunkte 
des  Individuums  entsprechende  Eniioickelung)  et  de  la  culture 
da  peuple;  il  veut  I'aneantissement  de  I'autorite.  Quiconque 
pretend  relever  I'autorite  dans  le  doraaine  des  choses  reli- 
gieuses,  celui-la  peut  s'appeler  protestant;  mais,  a  coup  siir,  11 
ne  Test  pas^n .  Que  telle  soit,  en  effet,  la  logique  des  principes, 
nouslecroyons ;  etle  reproche  d'inconsequence  n'estpas  celui 
que  nous  adressons  a  M.  Diesterweg.  Reste  a  savoir  ce  que 
peut  etre,  en  de  telles  conditions,  la  vie  religieuse  chez  un 
peuple.  Yoila  ce  dont  s'alarment  les  dignitaires  de  I'Eglise 
evangelique,  en  Allemagne,  aussi  bien  que  les  chefs  politiques 


1.  Rheinische  Blatter,  p.  161;  1854.  —  «  ...  Heisst  zwar  vielleichl  noch 
Protestant,  aber  er  ist  kriiipr.  » 


FAirS  COMEMPOKAINS.  54 

(111  pays;  tous  ceux,  en  iin  mot,  siir  qui  pese  la  responsabi- 
lite  de  Tavenir  moral  des  masses.  Qui  s'etonnerait  de  voir 
les  hommes  d'Etat  s'effrayer  de  ne  plus  trouver,  dans  les  tra- 
ditions religieuses,  le  point  d'appui  d'une  doctrine  definie,  et 
cherclier  a  ressaisir,  au  milieu  des  ruines,  le  prineipe  long- 
temps  meconnu  d'un  enseignement  positif  ? 

En  controlant  par  les  fails,  dans  le  domaine  de  I'enscigne- 
ment,  ces  observations  generales,  il  faut  partager  les  ecoles 
populaires  des  pays  que  je  viensde  nommer  en  categories  dis- 
tinctes,  et  preciser,  sous  trois  noms,  le  earactere  et  la  direc- 
tion morale  qui  leur  est  impimee. 

line  premiere  categoric  comprendra  les  ecoles  que,  dans  le 
langage  meme  d'outre-Rhin ,  on  pent  appeler  avec  verite 
ecoles  evangeliques  orthodoxes.  Dans  ces  ecoles,  une  idee  reli- 
gieuse  dogmatique  sert  de  pivot  a  I'enseignement :  les  maitres 
s'y  rattachent  a  un  symbole;  ils  expliquent  ce  symbole  sous 
I'inspiration  d'un  coramentaire  consacre.  Le  christianisrae  y 
flgure  a  litre  de  revelation  divine,  et  la  vie  morale  de  I'indi- 
vidu  y  a  pour  fondement  la  foi.  C'est  dans  les  provinces  rhe- 
nanes,  dans  le  Hanovre,  malgre  d'assez  nombreuses  excep- 
tions, dans  la  Hesse-Darmstadt  et  la  Hesse  electorate,  dans  la 
Pomeranie,  dans  la  parlie  montagneuse  des  ducbes  de  Saxe, 
puis,  Qa  et  la,  dans  les  villages  et  les  villes  de  Prusse,  notam- 
ment  a  Berlin  meme,  au  foyer  du  protestanlisme  gouverne- 
mental,  que  subsistent  en  plus  grand  nombre  les  ecoles  oWAo- 
doxes.  De  ces  ecoles,  11  faut  s'empresser  de  le  dire,  est  sorti, 
jusqu'en  ces  derniers  temps,  ce  peuple  bonnete,  religieux, 
ami  de  la  paix,  aux  allures  un  pen  lourdes  peut-etre,  et  dont 
Heine  a  pu  railler  la  quiete  bonhomie,  mais  dont  les  moeurs 
traditionnelles  furent  apres  tout  I'honneur  comme  la  securite 
do  I'AUemagne. 

Plus  Ton  se  rapproche  de  la  Saxe  et  des  provinces  oi'ien- 
tales  do  la  Prusse,  plus  il  faut  constater  quau  seiu  memo  des 


52  PREMIERE  PARTIE. 

communes  rurales,  le  septicisme  religieux  a  multiplie  ses 
conqu^tes. 

Norainalement,  en  Prusse  et  en  Saxe,  aussi  bien  qu'en  Ha- 
novre,  toutes  les  ecoles  se  parent,  comme  d'lm  voile  oblige,  dc 
I'evangelisme  offlciel.  Levez  le  voile,  el  vous  jugerez.  «  Mon- 
sieur, me  disait  un  instituteur  de  village,  vous  etes  Fran^ais  et 
etranger ;  je  puis  parler  librement.  Eh  bien !  siir  cent  de  mes 
confreres,  quatre-vingts  croient  a  I'Evangile  a  la  fa^on  de  Wi- 
cislenus,  et  leurs  eleves  le  savent.  — Mais,  repliquai-je,  et  la 
surveillance  des  pasteurs?  —  Les  pasteurs !  ils  nous  fraient 
la  route,  et  nous  n'avons  qu'a  les  suivre.  » 

Je  sais  la  part  qu'il  convient  de  faire  a  Texageration  de  la 
vanite  qui  se  cherche  des  complices ;  raais  la  proportion,  si 
reduite  qu'elle  puisse  etre  ,  doit  rester  large  encore  ;  et  spe- 
cialement  dans  la  Saxe  prussienne  et  dans  le  royaume  de 
Saxe,  un  nombre  notable  d'ecoles  viennent  se  repartir,  qu'on 
le  sache  ou  qu'on  I'ignore  au  sein  des  regions  officielies , 
entre  ccs  deux  categories  que  les  fails  etablissent  :  les  ecoles 
dites  hegeliennes^  et,  pour  me  servir  d'un  mot  partout  en  usage 
au  dela  du  Rhin,  les  ecoles  simplement  raiionalistes.  Des 
ecoles  oil  le  maitre  invoque,  in  'peilo,  Feuerbach  ou  Strauss , 
prend  pour  evangile  secret  la  neue  Reform  de  Yicislenus  ou  le 
sonntags-blaU  du  pasteur  Uhlich  ,  et  corrige ,  a  I'occasion  ,  par 
de  telles  lectures,  Torthodoxie  administrative;  voila ,  pour 
lesraarquer  d'un  trait  saillant,  celles  que  j'ai  le  droit  d'ap- 
peler  ecoles  hegeliennes.  Quel  en  estle  nombre?  Assurement, 
la  statistique  de  ces  ecoles  n'est  point  deposee  dans  les  bu- 
reaux du  ministere  de  I'instruction  publique,  a  Berlin ;  les 
pasteurs  des  libres  communes,  M.  Sacbse,  a  Magdebourg, 
M.  Yicislenus ,  a  Halle ,  seraient  sans  doute  en  ^tat  de  la 
dresser. 

Dans  les  ecoles  que  j'ai  nommees  raiionalistes ,  —  et  ce  sont 
les  plus  nombreuses,  —  on  n'a  pas  la  pretention  d'invoquer, 


FAITS  COMEMPORAirSS.  5o 

comme  point  d'appui  ni  un  systeme  ni  iin  nom.  J'ai  bien  eii- 
lendu  un  inslituteiir  qui  revendiquait  ce   titre,  se  declaiei- 
disciple  de  Schleiermacher  :  «  L'instruclion  religieuse,  Mon- 
sieur,—  c' est  Schleiermacher  quile  dit,  —  nepeut  6tre  autre 
chose  que  la  recherche  generate  de  la  verite  {darfnichisande- 
res  sein ,  als  ein  gemeines  Aufsuchen  cler  Wahrheit).   »  Mais, 
generalement ,  I'instituteur  rationaliste  ne  se  preoccunc  pas 
de  questions  d'origine ;  il  ne  cherche  point,  pour  sa  vie  philo- 
sophique,  a  se  creer  d'ancetres.  II  se  suffit  a  lui-meme;  il  dil 
fierement  :  Cogito,  ergo  sum.  Ce  qui  le  caracterise,  c'est  sou 
dedain  pour  I'instruction  dogmatique,  pour  cet  enseignement 
que  Ton  appelle,  en  Allemagne,  I'enscignement  religieux  con- 
fessionnel  [der  confessionnelle  Religions-Unierricht) ;   cela  lui 
semble  etroit,  mesquin,  bon  pour  les  faiseurs  de  sophistiquo 
chretienne ;  mais  pour  lui  qui  reclame  Y emancipation  de  I'e- 
cole,  pour  lui  qui  a  etudie  la  science  de  la  nature  {die  A^aturwis- 
senschaft),  pour  lui  qui  veut  entrer  en  possession  de  la  verite 
generate  {zu  der  allgemeinen  Wahrheit  gelangen)^  un  enseigne- 
ment religieux  confessionnel,  fi  done ! 

Cela  m'etait  dit  dans  un  village  du  duclie  de  Bade. 

Quand  j'avauce  que  les  instituteurs  classes  sous  le  titre  do 
rationalistes  ne  voilent  les  lumieres  de  leur  esprit  sous  I'au- 
torite  d'aucun  nom,  je  me  trompe  :  il  y  a  une  publication 
ecrite  avec  une  verve  singuliere,  publication  tres  repandue 
dans  le  monde  pedagogique  en  Allemagne,  et  qui  a  pour  but 
de  diriger  ces  maitres,  en  leur  dictant  un  syrabole :  c'est  le 
Rheinische  BUtter  de  IM.  Diesterweg.  M.  Diesterweg  est  un 
disciple  de  Pestalozzi ;  mais  il  est  a  Pestalozzi  ce  que  Feuer- 
bach  est  a  Hegel.  Pendant  tongues  aunees ,  il  a  conduit  I'e- 
cole  norraale  primaire  de  Berlin ;  la  generation  actuelle  des 
instituteurs  du  centre  de  la  Prusse  est  presque  entieremcnt 
sortie  de  ses  mains.  Le  gouvernement  prussien  s'est  eflraye, 
—  un  pen  tard,  —  des  elTets  d'une  incessante  propagando.  II 

3 


54  PREMIERE  PAUTIE. 

a  remplace  M.  Diesterweg  dans  la  direction  dii  seminaire  de 
Berlin.  Qu'a  fait  M.  Diesterweg? 

II  avait  un  public  prepare,  des  disciples  jetes  ca  et  la  dans 
maintes  parties  de  la  Prusse.  II  s'est  mis  a  dire  tout  haut 
ce  que,  pendant  longtemps,  il  avait  professe  tout  has.  L'en- 
seignement  oral  du  seminaire  de  Berlin  se  rctrouve  aujour- 
d'hui  sous  la  plume  du  maitre,  dans  sa  revue  periodique.  La 
forme  en  pent  etre  plus  vive,  moins  temperee  par  la  prudence; 
mais,  en  definitive,  le  fond  est  le  meme.  Ouvrons  done les 
Rheinische  hllUler,  a  la  page  que  me  recommandait  un  eleve 
de  M.  Diesterweg ;  nous  y  trouverons  la  pensee  que  la  foule 
des  inslituteurs  issus  de  ce  maitre  a  puisee  si  longtemps  au 
seminaire  de  Berlin;  nous  y  trouverons  consequemment 
Fesprit  de  I'enseignement  religieux  dans  la  categoric  d'ecoles 
que  je  signale  en  ce  moment  : 

«  Nous  tenons  les  dogmes  de  I'Eglise  pour  decrepits,  I'en- 
seignement de  I'Eglise  pour  petrifie  {erstarrt);  ils  ne  repondent 

plus  en  rien  a  la  vie  du  siecle La  vraie  religion  consiste 

en  ceci :  reconnaitre  I'existence  d'une  force  spirituelle,  d'une 
intelligence,  d'une  raison  dans  I'univers,  comma  le  fonde- 
ment  de  toutes  les  existences  et  de  tous  les  phenomenes; 
croire  que  cet  esprit  est  I'element  durable  de  tout  ce  qui 
perit,  I'element  imrauable  de  tout  ce  qui  change....  Et  quant 
au  nom  que  Ton  donne  a  un  tel  esprit,  pen  importe....  » 

«Quandhienmeme  onnepourrait  se  persuader  I'existence  de 
Dieu,  continues!.  Diesterweg,  si  Ton  se  represente  I'univers 
cornme  enchaine  dans  les  liens  d'un  immense  organisme,  cela 
devrait  encore  etre  admis  (aztc/i  das  miisste  gesiaitet  sein).  Les 
conceptions  religieuses  sur  I'essence  et  I'activite  de  Dieu,  sur 
la  maniere  dont  le  monde  a  ete  appele  a  I'existence,  sont  aussi 
diverses  qu'il  y  a  de  tetes  d'hommes.  II  n'y  a  rien  la  pour 
la  psychologie,  ni  consequemment  pour  la  pedagogic*.  » 
i.^Rlidnisdie  BWtier,  p.  294  et  suiv.,  1852. 


FAITS  CONTEMPORAINS.  5S 

Yoilii  pour  la  direction  religieuse ,  ou  du  moins  pour  la 
conduite  pliilosopbique  de  I'ecole. 

Maintenant,  comme  selon  M.  Diesterweg,  tous  les  efforts 
de  rhuraanite  doivent  tendre  a  briser  I'esclavage  du  dogme 
revele;  comme  I'ecole  est  le  sanctuaire  oil  raffranchissement 
doit  etre  opere  ,  et  1' initiation  philosophique  accoraplic  ; 
comme  I'instituteur,  dans  sa  lutte  avec  les  representants  du 
dogme ,  est  I'apotre  infailiible  ct  Tinstrument  de  cette 
delivrance: 

«  Allons ,  s'ecrie  M.  Diesterweg,  pour  I'cntrainer  aux 
aventures,  le  resultat  de  la  guerre  est  sous  ¥os  yeux.  Les 
enseignements  de  TEglise  n'ont  pas  soutecu  I'epreuve;  les 
croyances  inderaontrables  s'evanouissent  a  la  lumiere  de  la 
raison  (y  compris  la  croyance  en  Dieu,  comme  on  I'a  vu).... 
Et  nous ,  bommes  de  notre  siecle ,  nous  proteslants ,  qui  pro- 
testons  contre  tout  ce  qui  n'est  pas  demontre,  elangons-nous , 
voiles  deployees,  sur  la  pleine  mer ;  advienne  que  pourra! 
{Komme  wass  da  konnel)  Si  nous  ne  decouvrons  pas  ce  que 
nous  chercbons,  eh  bien!  nous  trouverons  peut-etre  quelquc 
autre  chose  de  plus  digne  encore  de  nos  desirs.  Et  si  cet 
espoir  vient  a  faillir,  reste  Ic  plaisir  d'un  voyage  en  pleine 
mer*.  » 

Yoila  pour  la  direction  sociale.  Un  tram  de  plaisir  en  pleine 
mer,  sans  pilote  ni  boussole,  quoi  de  mieux?  Les  passagers 
toucheront  peut-6tre  a  un  port  quelconqne  :  il  y  a  pour  cela 
une  chance  sur  mille.  Que  la  societe  dormc  done  eu  paix;  et 
vive  la  pleine  mer  ^  1 

1.  "...  Und  weiin  audi  dieses  nicht,  vvir  haben  Freude  an  der  Falirl 
auf  holiem  Meere.  »  {Rhcinische  Blotter,  p.  289;—  1852.) 

2.  Voir  sur  le  m6me  sujet,  le  chapitrc  III  de  la  2°  partie. 

Ce  chapitre  avait  ete  public,  en  partie,  dans  le  Journal  general  de  I' in- 
struction pablique.  M.  Diesterweg,  dans  deux  articles  de  sa  revue,  a  cru 
devoir  jcter  feu  et  damme.  Nous  avions,  il  faut  le  croire,  mis  tro[>  net- 


56  rUEMll-RE  PARTIE. 

Telle  est,  au  vrai,  certains  voiles  ecartes,  la  physionomie 
generale  des  ecoles  dans  les  pays  que  j'ai  nommes.  A  coup  siir, 
les  traits  de  cette  physionomie  ne  sont  point  tires  des  pro- 
grammes; ils  sontle  reflet  de  la  realite.  Or,  une  telle  situation 
etant  donnee,  quiconque  cherche  les  effets  dans  les  causes  est 
amene  a  s'adresser  cette  question  :  une  societe  (je  ne  parle  pas 
des  individus)  une  societe  peut-elie  conserver  la  vie  morale,  et 
combien  de  temps,  quand  elle  n'a  plus,  pour  la  ranimer,  le 

tement  le  doigt  sur  la  plaie.  Nous  renvoyons  quiconque  voudra  s'edifier 
sur  la  pensee  religieu.se  de  I'ancien  direcieur  du  seminaire  de  Berlin,  au 
morceau  dont  nous  citons  des  extrails. 

M.  Dieslerweg  nous  livre,  au  reste,  le  secret  de  sa  colere  :  «  J'ai  du, 
nous  apprend-il ,  m'entendre  declarer,  par  un  haut  foncLionnaire,  que 
j'avais  ete  apprecie  par  M.  E.  Rendu  comme  il  convenait. »  {Aus  dem 
Munde  eines  dirigirenden  Marines  das  Urtheil  koren  musste,  dass  Hr.  E. 
Rendu  mich  zutreffend  charaktcrisirt  habe.)  Nous  regretlons,  pour  M.  Dies- 
lerweg, que  ses  opinions  et  son  influence  ne  soient  pas  jugees,  par  les 
liommes  qui  Tout  vu  a  I'oeuvre,  plus  favorablement  qu'elles  ne  le  sont  par 
nous-m6me. 

M.  Diesterweg,  pour  des  raisons  qu'il  connalt.sans  doute,  s'est  plu  a 
represenler  le  fragment  sur  lequel  il  s'est  acharne,  comme  formant  la  to- 
talite  de  nos  etudes  sur  I'instruction  populaire  au-dela  du  Rhin.  Juger 
enquatre  colonnes  de  journal  un  ensemble  aussi  complique  que  le  systeme 
pedagogique  de  I'Allemagne!  II  n'y  a  qu'un  Frangais  pour  cela !  Et,  a  ce 
propos,  milie  gracieuses  epilhetes  a  I'adresse  des  ecrivains  de  notre  pays 
qui  osent  jeler  un  regard  critique  sur  les  grandeurs  mysterieuses  de  la 
patrie  allemande.  Nous  ne  rcleverons  pas  ces  epithetes  :  i!  faut  sourire  de 
ces  pueriles  coleres;  le  teutonisme  du  directeur  des  Rheinische  Blatter 
s'en  prend,  en  meme  temps  qu'a  nous,  a  MM.  Cousin  et  Saint-Marc  Girar- 
din.  Nous  sommes,  pour  nous  plaindre,  insultes  en  trop  illustre  compagnie. 

M.  Diesterweg  ecrit  en  termes  grossiers,  que  les  convictions  religieuses 
qui  inspirent  nos  jugements  sont  une  flatterie  aux  passions  regnantes,  et, 
pour  parler  crument,  un  calcul  d'inter^t.  11  est  des  noms,  I'auteur  devrait 
le  savoir,  qu'une  incontestable  notoriety  met  a  I'abri  de  certaines  accusa- 
tions. —  Nous  n'insisterons  pas  du  reste.  Nous  n'avons  voulu  que  signaler 
quelques-unes  des  amenites  de  M.  Diesterweg.  Nous  ne  discutons  pas; 
on  ne  discute  pas  avec  un  ecrivain  qui,  dans  la  polemiquo,  ignore  le 
langage  des  honn^tes  gens. 


FA  ITS  COMEMl'ORAINS.  57 

foyer  d'une  croyance  positive?  Voila  le  probleme;  il  sc  for- 
miile  aujourd'hui  dans  toute  sa  gravite.  Qu'il  se  pose  ailleurs 
encore qu'au  dela  du  Rhin,  on  le  voit  assez ;  niais  il  se  rattaclie 
partieulierement  a  I'etat  general  des  doctrines  religieuses  et 
des  idees  philosophiques  en  Allemagne.  Or,  s'il  louche,  dans 
ses  developpements  complexes ,  aux  speculations  les  plus 
liautes,  c'est  dans  I'ecole  qu'il  prcnd  naissance;  et  c'est  pour- 
quoi  cette  question  de  I'ecole,  dans  sa  raodestie  apparente, 
est  le  premier  des  interets  sociaux. 

Je  sais  que  les  gouvernements  d' Allemagne  se  preoccupent 
fortement  du  peril.  Depuis  que  les  commotions  revokition- 
naires  ont  mis  a  nu  le  travail  souterrain  de  cette  propagande 
redoutable  qui,  alimentee,  trente  annees  durant,  aux  plus 
liautes  sources  de  I'enseignement,  se  poursuit  aujourd'iiui, 
partout  presente  et  partout  insaisissable,  dans  les  dernieres 
couches  de  I'ordre  social,  la  politique  a  indique,  parfois  peut- 
etre  en  I'exagerant,  la  tache  que  le  sentiment  des  interets  mo- 
raux  et  religieux  du  peuple  ne  suffisait  pas  a  reveler.  A  I'ex- 
ception  du  duche  de  Saxe-Weymar,  qui,  sous  I'influence  de 
I'Universite  d'lena,  resiste  au  mouvement  ou  sont  entralnes 
les  Etats  voisins,  partout  ailleurs,  en  Prusse  et  en  Saxe,  comme 
en  Hanovre  et  en  Hesse,  j'ai  pu  me  convaincre  que,  pour  les 
hommes  d'Etat,  la  question  de  I'instruction  priraaire  en  Alle- 
magne est  devenue  une  question  de  haute  politique.  Partout 
les  meraes  apprehensions  revelent  les  memes  dangers  et  inspi- 
rent  des  mesures  analogues  :  revocations  d'instituteurs,  rem- 
placement  de  directeurs  de  seminaires  suspects  de  propagande 
anti-chretienne  par  des  directeurs  orthodoxes,  direction  nou- 
velle  imprim^e  a  I'enseignement,  severite  plus  vigilante  dans 
la  repression,  tons  ces  moyens  sont  mis  en  oeuvre. 

«Ilfaut  hitter  sous  le  drapeau  dela  croyance,  mo  disait 
un  personnage  illustre,  car  j'ai  a  combaltrc  I'anarchie  dans 
le  ciel  comme  I'anarchie  sur  la  terre;  et  la  seconde  est  fille 


53  rilEMlERE  PARTIE. 

legitime  de  la  premiere.  G'est  pourquoi,  moi  protestant,  je 
tends  la  main  a  tout  croyant  sincere.  »  Or,  precisement,  le 
remede  est  I'aveu  du  mal.  En  indiqiiant  le  caractere,  il  permet 
d'en  mesnrer  I'etendue.  Qu'on  lise  la  loi  du  o  raai  1851,  pro- 
mulguee  en  Saxe  par  M.  le  baron  de  Beust :  en  meme  temps 
qu'elle  ameliore,  par  une  elevation  de  traitement,  la  condi- 
tion materielle  des  instituteurs,  cette  loi  multiplie  les  peines 
en  multipliant  les  cas  de  repression*.  Et  quels  sont  les  cas  par- 
ticulierement  prevus?  Les  insultes  a  Dieu  [Gottes-lasterung), 
les  outrages  pu])lics  envers  la  religion  [djfentliche  Herahset- 
zung  der  Religion],  les  atteintes  portees  aux  bonnes  moeurs  par 
I'inconduite,  le  commerce  et  la  diffusion  d'ecrils  immoraux; 
la  negligence  des  devoirs  religieux  «  dont  la  pratique  a  ete  la 
condition  de  I'admission  a  I'emploi, »  I'indiscipline  vis-a-vis 
des  fonctionnaires  de  I'Etat  et  des  ministres  ecclesiastiques 
(art.  o  et  4),  etc. 

Je  sais  tout  ce  qu'il  est  permis  d'esperer,  pour  la  formation 
des  maitres  nouveaux,  pour  le  retour  de  I'education  popu- 
laire  dans  la  voie  de  la  tradition  religieuse  et  du  bon  sens, 
des  efforts  concerles  d'hommes  tels  que  MM.  Stolzenburg,  a 
Buntzlau;  Furbringer,  a  Berlin;  Zabn,  a  Meurs,  Robbelen, 
a  Hanovre,  etc.,  sous  la  baute  impulsion  des  cbefs  actuels 
de  I'instruction  publique,  dans  les  differents  pays  de  I'Alle- 
magne;  je  sais,  pour  les  avoir  vus  a  Toeuvre,  pour  avoir  ete 
a  mdme  de  recueillir  I'expression  de  leur  pensee,  tout  ce 
qu'on  pent  attendre  de  leurs  lumieres  et  de  leur  devouement; 
raais  je  connais  aussi,  pour  I'avoir  sonde,  la  profondeur  de 
i'abtme  qu'ils  ont  entrepris  de  combler. 

Un  document  administralif  doit  ici  trouver  place.  En  don- 
iiant  une  confirmation  indirecte  aux  fails  et  aux  appreciations 

1.  Voyez  la  loi  de  Saxe  de  1835  et  les  modifications  qu'y  a  apportees  la 
!■  i  du  3  mai  1851. 


FAITS  CONTEMPOHAINS.  59 

qui  precedeni;,  cc  document  temoigne  tout  a  la  fois  et  de  la 
nature  du  mal  et  des  efforts  sinon  toujours  heureux,  du  moins 
sinceres  qu'on  fait  cliaque  jour  pour  le  combattre. 

II  s'agit  d'une  circulaire  adressee  de  Koenigsberg,  parle 
president  {Oberprasident)  de  la  province  de  Prusse,  aux  Be- 
gences  [Regierungen]  placees  sous  sa  juridiction.  Telle  etait 
I'universalite  des  plaintes  auxquelles  il  etait  urgent  de  faire 
droit,  que  le  ministre  de  I'instruction  puMique,  en  Prusse, 
M.  de  Raumer,  n'a  rien  cru  pouvoir  niieux  faire  que  d'adresser 
cettc  circulaire  a  chacune  des  regences  et  a  chaque  Protivcial- 
Schul' Collegium  du  royaume  entier.  Je  traduis  cette  circulaire 
dans  son  ensemble. 

«  II  est  venu  a  ma  connaissance  qu'en  beaucoup  d'endroits 
(an  vielen  Orten),  notammeni  dans  les  villes,  les  instituteurs 
primaires,  aux  jours  de  dimanche  et  de  fetes,  frequentent  tres 
irregulierement  on  ne  frequentent  pas  du  tout  {gar  nicht)  le 
service  rellgieux.  Gorame  ces  instituteurs  sont  charges  d'in- 
struire  leurs  eleves  dans  la  connaissance  du  cbristianisme , 
objet  capital  de  I'enseignement  elementaire,  et  qu'ils  ne  doi- 
vent  pas  seulement  les  instruire,  raais  les  elever  chretienne- 
ment;  comrae,  en  consequence,  ils  doivent  donner  le  bou 
exempie  aux  enfants  ainsi  qu'aux  parents,  vous  penserez  avec 
inoi  que  beaucoup  de  maitres  ayant  provoque  des  plaintes  a 
cet  egard,  il  importe  de  prendre  des  mesures  efficaces. 

«  Pour  le  moment  il  est  permis  d'hesiter  sur  le  point  de 
savoir  si  tons  les  instituteurs  peuvent  etre  contraints  par  des 
voies  disciplinaires  a  I'accomplissement  du  devoir  d'assister 
au  service  religieux;  mais  ceux  qui  sont  organisies,  chanires, 
sacristains,  sont  tenus,  en  raison  de  leurs  fonctions,  de  fre- 
quenter regulierement  I'eglise,  et  il  va  de  soi  qu'ils  doivent 
rester  dans  le  temple  non-sculement  pendant  I'exercice  du 
chant,  raais  encore  pendant  le  preclie.  Or,  plusieurs  de  ces 
employes  de  TEglisc  ont  I'liabitude  de  quitter  le  temple  an 


40  PREMIERE  PARTIE. 

moment  oii  le  pasteiir  monte  en  chaire  et  de  n'y  revenir  qu'au 
moment  ou  il  en  descend.  J' engage  done  la  regence  a  prendre 
des  mesures  generales  d'apres  lesquelles  les  employes  eccle- 
siastiques  ci-designes  soient  tenus  d'assister  au  service  divin 
sans  interruption,  et  d'exercer  leiir  surveillance  sur  les  en- 
fants  de  I'ecole  qui  se  trouvent  a  I'eglise. 

0  A  part  les  chantres,  organistes,  sacristains,  dans  les  en- 
droitsou  I'usage  s'est  conserve  jusqu'a  present  pour  lemaitre 
de  conduire  les  eleves  a  I'eglise  les  dimanclies  et  jours  de 
fetes,  et  de  donner  m^me  dans  I'ecole  quelque  instruction 
pieuse,  I'instituteur,  sans  aucun  doute,  est  tenu  de  se  confor- 
mer  a  cet  usage,  alors  meme  que  I'acte  de  la  nomination  ne 
contient  a  cet  egard  aucune  stipulation  expresse,  et  il  pent  y 
etre  contraint  par  des  moyens  disciplinaircs. 

«  Pour  les  autres  instituteurs,  il  est  possible  de  pourvoir, 
au  moins  par  voie  indirecte,  a  ce  qu'ils  frequentent  reguliere- 
ment  I'eglise.  Le  reglement  general  de  17G5i  present  que  les 
maitres,  dans  la  le^on  du  lundi,  s'assureront  si  les  eleves  ont 
retenu  quelque  chose  de  la  predication  du  diraanche.  En 
vertu  du  m^me  principe,  une  decision  de  la  regence  de  Gura- 
Linnen,  en  1829,  ordonne  que,  chaque  lundi,  la  premiere 
le^on  de  I'ecole  ait  pour  objet  de  revenir  sur  i'instruction 
religieuse  de  la  veilie.  Ces  prescriptions  n'ont  pas  seulement 
une  importance  intrinseque,  elles  ont  aussi  pour  but  de 
rendre  necessaire  I'assistance  de  I'instituteur  au  service  re- 
ligieux,  conjointement  avec  les  eleves  et  la  population  de  la 
commune.  II  importe  que  partout  elles  soient  comprises  et 
maintenues. 

«  Je  recommande  que,  dans  I'appreciation  des  litres  aux 
recompenses  et  gratifications,  ne  soit  jamais  neglige  le  point 
de  savoir  si  lemaitre,  par  la  frequentatlon  du  service  reli- 

1.  Voyez^ce  remarquable  document  au  chapitre  1  de  !a  2^  parlie. 


FAITS  CONTEMPORAINS.  44 

gieiix,  (ionne  le  bon  exeniple  anx  enfants  de  la  commune,  II 
en  doit  etre  de  memo  pour  les  nominations  aux  places  d'in- 
stituteurs. 

«  Les  inspecteurs  des  cercles  auront  a  s'informer  dans  leurs 
toiirnees  si  les  maitres  freqiientent  regulieremcnt  le  temple, 
et  s'ils  ont  fait  preuve  de  sentiments  religieux  en  harmonic 
avee  Tesprit  de  I'Eglise  [Ob  religiosen  kirchlic/ien  Sinn  bewiesen 
liahen).  » 

Les  necessites  qui,  en  Saxe  et  en  Prusse,  provoquaient  ces 
rigueurs  de  legislation  et  dictaient  de  telles  circulaires,  ont 
inspire  en  Hanovre  et  dans  la  Hesse  des  mesures  analogues. 
iVinsi  partout  dans  TAllemagne  du  nord,  les  memes  effets  te- 
moignent  d'une  meme  cause. 

On  I'a  vu,  les  doctrines  ou  les  tendances  dont  je  viens  de 
signaler  la  nature,  dont  j'ai  saisi  I'application  dans  I'ensei- 
gnement  du  peuple,  et,  qu'on  me  passe  I'expression,  constate 
le  flagrant  delit,  ces^doctrines  ne  sont  pas  restees  enseve- 
lies  dans  I'obscurite  de  I'ecole.  N'avaient-elles  pas  conscience 
de  la  force  que  leur  donnait  une  popularite  de  longue  date? 
Pourquoi  n'eussent-elles  pas  aspire  au  grand  jour,  envoyedes 
representants  aux  parlements  nationaux,  et  tente  d'emporter 
la  tribune  de  haute  lutte?  Et,  en  effet,  le  drapeau  de  Vemanci' 
jMtion  de  Vecole  a  ete  arbore  dans  les  assemblees  deliberantes, 
avec  quelle  hardiesse !  on  s'en  souvient. 

Les  ecoles  dont  je  viens  d'esquisser  la  physionomie  morale, 
Vecole  hegelienne,  Vecole  rationaliste,  ont  eu  leurs  deputes  au 
parlement  de  Francfort.  M.  Vogt  (de  Giessen),  M.  Rosmaesler 
de  Tharand  (royaume  de  Saxe),  M.  Vischer,  de  Tubingen, 
M.  Reinhard,  de  Boitzcnburg,  etc.,  ainsi  que  le  rapporteur 
du  comite  des  ecoles,  M.  Paur,  n'avaient  pas  d'autre  carac- 
tere.  Suppression  de  I'enseigncment  confessionnel ,  c'etait  le 
cri  de  ralliement  que  le  politique  jetait  au  pedagogue  et  que 


42  PREMIERE  r ARTIE. 

le  pedagogue  renvoyait  au  politique  :  «  Eh  quoi!  repetait-on 
a  la  tribune,  on  enseigne,  dans  nos  eeoles  du  peuple,  que  le 
pauvre  est  fait  pour  le  del,  non  pour  la  terre;  on  lui  preche 
Je  ne  sais  quelle  religion,  afin  de  lui  rendre  supportable  cette 
vallee  de  larmes.  On  inculque  aux  enfants  un  christianisme 
special  pour  qu'ils  se  resignent  a  leur  pauvrete  ^ ! » — Apprendre 
a  se  resigner,  voila  le  crime!  «  Le  mal  fondamental,  le  mal 
intime  des  eeoles  primaires,  c'est  que  la  jeunesse  y  soit  ele- 
vee  en  vue  d'un  salut  eterneP.  »  Comment!  I'ecole  primaire 
«  dressera  la  generation  nouvelle  pourl'eglise  et  pour  le  ciel!  » 
quand  les  universites  professent  que  «  le  but  de  la  question 
sociale  est  de  nous  donner  sur  la  terre  les  joies  qu'on  nous 
represente  dans  le  ciel ;  qu'alors  seulement  nous  serons  deli- 
vres  de  ce  monde  imaginaire  que  creaient  nos  desirs  inas- 
souvis^l  »  Ilaro!  done  sur  I'enseignement  dogmatique;  que 
I'ecole  du  peuple  soit  soustraite  a  toute  influence  tradition- 
nelle;  qu'elle  echappe  a  ce  «  triumvirat  tyrannique,  I'Etat, 
I'Eglise,  la  commune  ;  »  et  «  que  la  jeunesse  en  sorte  avec  un 
butindellni,  entrainee  dans  une  sphere  d'aclivite  sanslimite'*. » 
En  vain  quelques  orateurs  essayaient  de  rappeler  le  comiie  des 
eeoles  au  sens  moral  etau  senscommun^.  «sKon,  s'ecriaient 

1.  Dlscours  de  M.  Goltz  sur  la  redaction  de  I'article  4  de  la  Consti- 
tution. Voyez,  a  ce  m6me  point  de  vue,  le  discours  de  M.  Rosmaesler. 

2.  Discours  de  M.  Reinhard. 

3.  M.  INIichelel  de  Berlin  {Losung  der  gesellschaftlichen  Frage). 

4.  M.  Paur,  rapporteur  du  comite  des  Eeoles. 

'  5.  Voyez  notamment  le  remarquable  discours  de  M.  Von  Ketteler, 
aujourd'hni  eveqne  de  Mayence ,  et  ceux  de  MM.  Hoffmann  et  Knoodt. 
«  Les  Eeoles,  dit-on,  doivent  ne  se  proposer  qu'un  but  indefini,  J'avoue 
lie  pas  bien  comprendre  ce  qu'on  veut  dire.  Ne  pas  avoir  de  but  deter- 
mine, cela  est  bon  pour  I'ecolier,  jamais  pour  le  maitre.  Nos  eeoles  pri- 
maires ne  sont  pas  de  celles  ou  Ton  cherche  le  progres  objectif  de  la 
science,  mais  bien  de  celles  oii  Ton  fait  participer  les  eleves  aux  resultjts 
acquis.  Une  ecole  qui  n'a  point  de  systeme  fixe  n'est  autre  chose  qu\i!i 
enseignement  mutuel  oil  la  jeunesse  estlivree  a  elle-mdme...  On  pretend 


FAITS  CONTEMPOaAIKS. 


45 


les  thc'oriciens  de  Y emancipation^  il  nous  faiit  la  separation 
de  rfiglise  et  de  I'Etat,  de  telle  sorte  que  tout  ce  qui  porte 
le  nom  d*eglise  soit  aneanti,  que  ce  qu'on  nomme  eglise  dis- 
paraisse  de  la  terre  sanslaisser  de  trace,  et  retourne  au  ciel , 
qui  est  sa  patrie ;  au  ciel  que  nous  connaitrons  apres  notre 
mort,  mais  dont  nous  ne  voulons  rien  savoir  aussi  longteiups 
que  nous  sommes  sur  la  terre....  Abolissez  done  tout  ce  sys- 
teme  qui  inculque  a  I'liomrae,  des  son  enfance,  des  croyances 
futures!...  II  faut  pouvoir  etre  athee'.  » 

Nous  voila  Men  «enpleinemer;))  « elangons-nous,  advienne 
que  pourra!  »  M.  Diesterweg  doit  etre  satisfait. 

Ajoutons  ce  simple  fait.  L'article  propose  par  le  comite  des 
ecoles  et  soutenu  devant  I'Assemblee  nationale  de  Francfort, 
on  vient  de  voir  dans  quel  esprit ,  fut  adopte ,  sur  I'appel 
nominal,  par  516  voix  centre  74. 


que  VEglise  doiine  une  certaine  direction  a  I'ecole,  direction  exclusive 
et  qui  n'esD  jugee  bonne  que  par  un  parti  religieux.  Sans  doute !  la  direc- 
tion des  ccoles  protestantes  n'est  point  approuvee  par  I'eglise  catholique, 
et  la  direction  des  ecoles  catholiques  n'est  point  approuvee  par  I'eglise 
protestante.  Quoi  de  plus  naturel!  et  que  voulez-vous  done  faire  de  la 
liberte  de  conscience?  Que  cliaquo  eglise  soit  satisfaite  de  ses  ecoles, 
voila  ce  qui  est  juste.  Changez  cela,  et  tout  le  monde,  au  contraire,  sera 
mecontent,  hormis  les  indifferents  et  les  athees. »  (Discours  de  M.  Hoff- 
mann.) 

«  La  mission  de  I'EcoIe  est  de  s'appuyer  sur  les  croyances  et  sur  les 
mceurs  traditionnelles,  de  les  repandre,  de  les  eclairer,  de  developper 
tout  ce  qui  a  droit  de  survivre  aux  accidents  passagers.  Ceux  qui  veulent 
briser  tout  lien  entre  I'Eglise  et  I'ecole ,  qu'ils  le  sachent  ou  qu'ils  I'igno- 
rent,  ne  tendentarienraoins  qu'aderaciner  les  moeurs  nationales.  lis  veu- 
lent former  une  generation  qui  soit  entre  leurs  mains  le  docile  instrument 
de  plans  premedites.  N'organisez  point  les  ecoles  de  maniere  a  ce  qu'il 
soit  porte  atleinte  a  la  foi  populaire,  aux  fondements  de  la  vie  de  famille  et 
de  la  vie  communale;  car  la  vit  tonjours  un  sentiment  Chretien,  et  c'est 
e  seul  sur  lequel  nous  puissions  fonder  la  liberte  et  I'unile  de  I'Alle- 
magne.  »  (Disc,  de  M.  Knoodt.) 

1.  Disc.  deM.  Vogt. 


44 


PREMIERE  PARTIE. 


II  est  inutile  d'insister.  On  pent  apprecier  maintenant , 
avec  quelqiie  nettete,  les  tendances  generales  de  I'enseigne- 
ment  populaire  dans  I'Allemagne  septentrionale ;  on  pent  me- 
surer  la  taclie  reparatrice  qu'iinles  dans  une  sorte  de  ligue  du 
Men  public,  I'Eglise,  la  commune,  I'Etat,  toutes  les  forces  du 
pays  doivent  entreprendre  et  accorapUr,  sous  peine  de  disso- 
lution sociale. 

UEglise,  dans  les  contrees  protestantes  d'AlIemagne,  con- 
serve-t-elle  la  vertu  interieure,  la  vigueur  morale  suffisantes 
pour  servir  puissamment,  dans  une  lutte  de  ce  genre,  et  la 
commune  etrEtat?Problerae  delicatet  que  je  n'examine  pas 
en  ce  moment.  J'indique  seulement  ici  deux  conclusions  qui 
ressorient,  pour  le  resumer,  de  1' expose  qui  precede.  Premie- 
rement,  I'ecole  est  le  point  ou  converge,  en  modifiant  plus  ou 
moins  ses  formes,  toute  idee  mise  en  circulation  dans  les 
spheres  superieures  de  I'intelligence;  elle  est  le  petit  mondc 
ou  se  resume  le  grand.  Pas  une  doctrine,  ou  qu'elle  naisse, 
pas  un  sophisme,  d'ou  qu'il  tombe,  qui  ne  s'y  refletent  comme 
en  un  miroir.  Tout  ne  part  pas  de  I'ecole,  mais  tout  y  aboutit. 

En  second  lieu,  un  abime  separe,  pour  certaines  parties 
de  rAlIemngne,  la  periode  pedagogique  actuelle  de  la  periode 
dont  j'ai,  plus  haut,  trace  rapidement  I'histoire. 

La  profondeur  de  cet  abime  a  terrifie  d'excellents  esprits. 
Au  dela  du  Rhin,  on  a  pousse  des  cris  d'alarme  qui  sont  pres- 
que  des  cris  de  desespoir  :  «  Helas!  repetent  des  voix  alle- 
mandes,  les  secousses  revolutionnaires  out  dechire  le  voile 
qui  abrilait  la  suprematie  revee  {den  Schleier  con  der  getr'dum- 
ien  Herrliehkeit)  du  systeme  scolaire  allemand,  et  la  statue 
devoilee  n'a  plus  montre  qu'une  face  deshonoree  et  flelrie.  II 
faut  bien  le  confesser  :  I'ecole  allemande  n'a  pas  soutenu  I'e- 
preuve^  »  —  «  Avouons  le  mal,  repond  une  autre  voix,  et  que 

1.  Die  Reform  der  Volksschule,  par  J.  G.  Curtman,  directeur  du  semi- 
naire  de  Friedberg,  p.  5  (i 851). 


FAITS  CONTrMPOIlAINS.  45 

cliaciincn  soil  cnGn  convaincii :  la  substance  de  toiite  education 
est  donnee  par  I'Eglise,  I'Etat,  la  commune,  la  famille;  il  est 
insense  de  vouloir  remplacer  par  quelque  autre  influence  ces 
elements  de  la  vie  morale '.  » 

Ainsi,  la  sincerite  des  aveux  egale  I'etendue  de  la  faute. 

Et  maintenant,  comment  la  transformation  que  je  signa- 
lais  s'est-elle  operee?  Quel  est  le  coupable  et  quels  sont  les 
complices? 

II  faut,  pour  resoudre  le  problerae,  connaitre  le  role  des 
trois  puissances  qui,  en  Allemagne,  comrae  ailleurs,  president 
a  la  direction  de  I'education  populaire.  II  faut  etudier  I'in- 
fluence  de  I'Etat,  de  I'Eglise,  de  la  science  pedagogique.  La 
seconde  par  tie  de  notre  livre  va  etre  consacree  a  oette  etude. 

G'est  a  I'Etat  qu'en  droit  comrae  en  fait,  est  aujourd'hui 
attribuee  la  plus  large  part  dans  le  gouvernement  intellectuel 
de  I'Allemagne.  L'action  exercee  par  I'Etat  sera  done  le  pre- 
mier objet  de  nos  recherches. 

Le  role  de  cette  puissance  est  officiellcment  inaugure,  au 
point  de  vue  de  I'enseignement,  dans  les  dilferents  pays  de 
i'AlIemagne  du  nord,  vers  I'epoque  oii  fut  public  YAlhjemeines 
Landrecht,  et  oil  la  Prusse  inscrivit  ces  mots  dans  son  Code  : 
«  Les  ecoles  sont  des  etablissements  de  rEtat2» . 


1.  EinrichtungS'Und  Lehrplan  fiir  Dorfschulm,  par  Th.  Goltzsh. 

2.  Allgemeims  Landrecht,  p.  il,  t.  XII,  §  1. 


INTERVENTION  DE  L'ETAT,  DE  L'EGLISE 

ET  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE 

DANS  LE   GOUVERNEMENT  DE  L'EDUCATION  POPULAIRE 

DEPUIS  LA  FIN  DU  XVIII"  SIECLE 

JUSQU'A  NOS  JOURS 


SECONDE  PARTIE. 

INTERVENTION 

DE  l'^TAT,  DE  l'eGLISE  ET  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE 

DANS  LE  GOUVERNEMENT  DE  l'eDUCATION  POPULAIRE 

DEPUIS  LA  FIN  DU  DIX-HUITIEME  SIECLE  JUSQU'a  NOS  JOURS. 


CHAPITRE  PREMIER. 

ROLE  DE  L'ETAT. 

Section  I.  —  Caracleres  g6neraux  des  legislations  scolaires 
dans  les  differents  pays  de  rAllemagne  du  Nord. 

Le  droit  d'enseigner  peut  etre  exerce  dans  rune  on  I'aiUre 
de  ces  trois  conditions. 

Oil  il  est  absolu,  corameen  AngleteiTe,et,  appartenant  sans 
distinction  a  tons,  n'estlimite  que  par  les  lois  generales  du 
pays; 

Ou  il  estsoumis  a  certaines  restrictions,  comme  en  France, 
et  estconlrole,  dans  son  application,  par  le  droit  de  surveil- 
lance de  r^tat; 

Ou  il  n'existe  que  par  la  volonte  rneme  de  I'fitat,  et  ne  peut 
6tre  exerce  qu'en  vertu  d'une  autorisation  speciale  des  repre- 
sentants  du  pouvoir  public;  tel  est  le  regime  auquel  ce  droit 
est  soumis  en  AUemagne  et  notamment  en  Prusse. 

On  le  voit  des  I'abord  :  dans  la  question  de  I'enseigneraent, 
rifctat,  au  dela  du  Rhin,  plus  que  partout  ailleurs,  est  en  pos- 
session de  I'influence  preponderante. 

4 


50  SECOiNDE  I' ARTIE. 

Or,  nous  nous  batons  de  le  dire,  ce  n'est  pas  I'fitat,  dans 
son  action  directe,  qu'il  faut  accuser  de  i'alteration  morale 
dont  nous  venons  d'indiquer  le  caraclere.  Dans  les  payspro- 
testants  de  I'Allemagne,  si  une  puissance  veille  avec  solli- 
citude  a  la  defense  des  interets  tradilionnels,  ce  n'est  pas 
la  puissance  a  laquelle  une  pareille  tache  semblerait  devoir 
incomber,  ce  n'est  pas  FEglise.  Une  Eglise  qui  ne  s'appar- 
tlent  pas,  qui  a  concede  au  pouvoir  seculier  le  jus  refor- 
mandi,  qui  a  laisse  inscrire  sur  les  tables  du  droit  public  cet 
axiome  :  Ejus  est  religio  cujus  est  regio,  une  telle  Eglise,  comme 
un  individu  babitue  a  compter  sur  la  tutelle  d'une  main  etran- 
gere,  doit  manquer  et  manque  en  effet  de  coup  d'oeil,  de  sens 
gouvernemenlal  et,  pour  tout  dire,  d'esprit  de  conduite.  Joi- 
gnez  a  cela  Taction  du  principe  depose  dans  son  sein,  prin- 
cipe  dont,   sous   peine  d'abdication ,  elle  doit  accepter  les 
developpements,  et  vous  vous  convaincrez  que,  pour  trou- 
ver  I'element  moderateur  de  la  societe  allemande ,  ce  n'est 
pas  dans  I'Eglise  qu'il  convient  de  le  chercher.  La  seule  puis- 
sance vraiment  conservatrice,  c'est  celle  sur  qui  pese  le  poids 
de  toutes  les  responsabilites ,  et  a  qui  la  necessite  fait  une 
loi  de  rattacber  toujours  demain  a  aujourd'hui,  d'etre  a  la 
societe  qu'elle  dispute  aux  revolutions  ce  quele  lest  est  au 
navire,  c'est  I'Etat. 

Dans  le  domaine  de  I'education  populaire,  comme  dans  le 
gouvernement  des  autres  interets  sociaux,  il  faut  done  s'at- 
tendre  a  voir  I'esprit  traditionnel  inspirer  les  actes  emanes 
de  Tiniliative  de  I'Etat.  II  va  m'etre  facile  de  confirmer  la 
Ibeorie  par  les  fails.  Ces  faits  sont  d'une  baute  valeur ;  car  ils 
nous  condiiiront  a  Tanalyse  de  tout  le  systeme  de  I'enseigne- 
ment  primaire  au  dela  du  Rhin. 

Sous  Terapirc  de  quelles  tendances  I'Elat,  dans  I'Allema- 
gne du  Nord,  est-il,  jusqu'a  I'epoque  actuelle,  intervenu  dans 
le  gouvernement  de  I'education  populaire?  Telle  est    la  ques- 


ROLE  DE  LKTAT.  54 

tion.  II  y  laiit  repondre,  pour  les  differeiUs  pays,  par  les  do- 
curaenls  et  les  textes. 

I.  —  Prusse. 

Je  dois  faire  connaitre  un  document,  dont  il  n'a  pas  el^ 
parleen  France,  et  qui  pourtant  est  la  base  de  toute  I'orga- 
nisation  de  I'instruction  primaire  dans  rAlleraagne  septen- 
trionale,  le  Reghment  general  proraulgue  par  le  roi  de  Prusse 
le  i2aoiit  1763.  Ge  monument  est  d'une importance  capitale, 
a  double  litre  :  1°  comme  premier  acte  de  I'intervention  de  I'E- 
tat,en  Prusse,  dans  la  direction  del'enseignement  du  pcuple,  il 
indique  netlement  le  sens  moral  de  cette  intervention  ;  depuis 
la  promulgation  de  ce  reglement,  nulle  loi  generate,  en  fait 
d'instruction  primaire,  a  part  les  prescriptions  {\eValIgemei?ies 
Landrechi{ll94),  n'a  jamais,  a  aucune  epoque,  pas  plus  en 
48i9qu'en  1849%  etabli  pour  les  diflerenles  provinces  de 
Prusse,  I'unilormite  d'administration.  Qu'on  se  garde  d'ap- 
pliquer  a  la  Prusse  le  niveau  que  la  revolution,  apres  la  mo- 
narchic, apassesur  les  institutions  provinciales  en  France: 
En  droit  civil,  en  administration,  en  matiere  d'instruction 
populaire,  on  s'abuserait  etrangement.  Ce  qu'il  y  a  de  prin- 
cipes  coramuns,  entre  les  diverses  provinces  de  Prusse,  dans 
i'organisation  intime  de  i'instruction  primaire,  c'est  unique- 
mentle  reglement  de  1765  qui  lecontient.  —  2"  Ce  reglement 
entre  dans  des  details  et,  contrairement  a  nos  habitudes  legis- 
latives, dans  (les  considerations  morales  qui  lui  donnent  une 
valeur  intrinseque,  et  ne  seront  pas  meditees  sans  profit. 

1.  Le  projetde  loi  g6nerale  sur  rinstriiction  publique  prepare  en  1849 
est  all6  rejoindre,  dans  les  cartons  du  ministere  de  Berlin,  \eprojct  de 
1819.  L'impossibilite  de  concilier  les  usages  des  differentes  provinces  et 
les  droits  traditionnels  des  eveques  avec  les  desirs  des  consistoires  a  ^t6 
la  cause  principale  du  retrait  de  la  loi. 


52  SECUiNDt  FARTIE. 

HEGLEME.M  GENERAL  DES  ECOLES. 

«  Fklderic,  roi,  elc,  etc., 
0  Ayant  appris  a  notre  grand  deplaisir  que,  specialement 
dans  la  rampagne,  le  sysleme  des  ecoles  et  rediicalion  sont 
toinbes  en  decadence,  et  que  I'inaptitude  de  (a  pliipart  des 
niaitres  laisse  grandir  la  jeane  generation  dans  Tignorance 
et  la  grossierete,  c'est  noire  volonte  que  I'organisalion  des 
ecoles  dans  loules  nos  provinces  soit  etabliesur  nii  meilleur 
pied  que  jusqu'a  present.  Depuis  le  retablissement  de  la 
paix  ,  le  veritable  bien-etre  de  nos  peuples  preoccupe  tons 
nos  instants  :  oi",  nous  croyons  necessaire  et  utile  de  poser 
le  fondement  de  ce  bien-etre  en  consliluanl  une  instruc- 
tion raisonnable  en  meme  temps  que  chrelienne  {durch  eine 
vei'nUnitige  soiuohl  ah  c/msiliche  Untenceisuncj) ^  pour  don ner 
a  la  jeunesse,  avec  la  crainte  de  Dieu  ,  les  connaissances 
qui  lui  sont  utiles.  C'est  pourquoi  nous  recommandons  a 
toules  les  regences,  aux  consistoires  et  autres  conseils  de 
notre  royaume,  d'executer  avec  un  soin  scrupuleux  le  pre- 
sent reglement,  redige  pour  le  bien  de  tous  nos  sujets;  et  de 
faire  en  sorte  que  eette  ignorance,  si  funeste  et  si  prejudi- 
ciable  a  la  religion  cbrelienne,  puisse  disparaitre.  II  nous  iiii- 
porte  que  des  sujets  plus  eclaires  et  de  meilleures  moeurs 
soient  a  I'avenir  instruits  et  eleves  dans  les  ecoles . 

Art.  1".  — Avant  tout,  nous  voulons  que  tous  nos  sujets, 
parents,  tuleurs,  maities,  envoient  a  I'ecole  lesenfants  dont 
ilssont  responsables,  gargons  oufilles,  depuis  leur  cinquieme 
annee,  et  les  y  mainliennent  regulierement  jusqu'a  I'age  de 
treize  etqualorze  ans.  Lesenfanlsne  pourront  quitter  i'ecole, 
non-seulenient  avant  d'etre  instruits  des  principes  esseutiels 
du  chrislianisrae,  et  de  savoir  bien  lire  et  bien  ecrire,  mais 
encore  avant  d'etre  en  elat  de  repondre  aux  questions  qui  leur 


ROLE  DE  L  ETAT.  55 

jiei'onl  adress(ies  d'npr^s  les  livres  d'enseignement  approtiv^s 
par  nos  consistoires. 

Art.  2.  —  Les  maitres  que  les  necessiles  du  travail  obligent 
a  employer  des  enfants,  seront  serieusemeiit  avertis  de  (aire 
en  sorteque  ces  enfants  ne  soient  pas  retires  dos  ecoles  sans 
savoir  bien  lire,  sans  posseder  les  notions  fondamenlales  dn 
christianisme  ,  et  sans  coramencer  a  ecrire,  fails  qui  doi- 
vent  etre  prouves  par  des  cerliflcats  dupasteur  etdu  maitre 
d'ecole. 

Art.  3.  —  Aiors  nieraequedesenfants,  soit  par  leur  apti- 
tude particuliere,  soil  grace aux  soins  du  maitre,  seraicnt  arii- 
ves,  dans  les  difierentes  matieres,  a  une  instruction  assez  do- 
veloppee,  avant  leur  treizierae  ou  quatorzierae  annee,  j1  ne 
depend  pas  de  la  volonte  des  parents  ou  tuteurs  de  relirer  oes 
enl'ants  de  I'ecole,  selon  leur  bon  plaisir  {nach  eigenem  Ge- 
fallen);  raais  quand  le  surintendant  ou  inspecteur,  d'apres 
I'attestation  du  pasteur  et  le  certilical  du  maitre,  constate  une 
instruction  sulfisante,  il  est  en  droit  d'accorder  un  billet  de 
sortie  extraordinaire,  motive  sur  le  certificat  susdit.  —  Et  les 
enfanis,  encecas,  sont  tenus  {miissen)  d'assister  non-seule- 
ment  a  la  lecon  recapitulative  du  dimanche  [der  Wieder- 
holungstunde)  que  donne  le  pasteur  dans  I'eglise,  mais  aussi  a 
(•elledu  maitre  dans  I'ecole. 

Art.  4.  —  Corame  dans  beaucoup  d'endroits  les  parents 
n'envoient  pas  leurs  enfants  a  I'ecole  sous  ce  pretexte  qu'ils 
sont  obliges  de  feur  confier  la  garde  des  troupeaux,  les  auto- 
rites  judiciaires  doivent  faire  en  sorte  ,  autant  que  possible, 
avant  que  les  enfants  soient  retires  de  I'ecole  dans  nn  sem- 
blable  but,  qu'un  gardien  special  de  ti'oupeaux  soit  charge  de 
ce  metier.  Mais  la  oil,  comme  dans  nos  provirices  deWesl- 
phalie,  dans  la  Vieille-3Iarclie  etailleurs,  les  habitations  sont 
trop  dispersees  pour  que  le  betail  puisse  etre  garde  en  cora- 
ninn  ,  les  enfants  ne  doivent  etre  employes  qu'alternative- 


S4  SECONDE  I'ARTIE, 

ment,  quantl  plusieurs  se  trouvent  dans  uue  tueme  maison  on 
r^unis  par  levoisinage;  chaque  enfant  doit,  au  moins,  alter 
trois  fois  par  semaine  a  I'ecole,  de  fa^on  qu'il  n'onblie  pas 
I'ete  ce  qu'il  a  appris  I'hiver. 

Art.  5.  —  Pour  etablir  une  regie  fixe  en  ce  qui  concerne 
les  ecoles  d'ete  et  les  ecolesd'hiver,  nous  voulons  que  les  ecoles 
d'hiver  soient  tenues  tons  les  jours  de  la  semaine,  le  matin, 
depuis  Iiuit  heures  jusqu'a  onze  heures;  I'apres-midi,  a  I'ex- 
ceplion  du  mercredi  et  du  samedi,  depuis  une  heure  jusqu'a 
quatre  heures.  II  y  a  ecole  d'hiver  depuis  la  Saint-Michel  jus- 
qu'a Paques.  Les  Ecoles  d'^te  seront  ouvertes  seuleraent  le 
matin,  ou  selon  les  convenances  locales,  le  soir  seulement, 
trois  heures  par  jour,  tous  les  jours  de  la  semaine.  G'est  aux 
pasteurs,  d'apres  les  exigences  de  leurs  paroisses,  a  fixer  les 
heures  des  classes.  — Aucune  vacance  ne  sera  permise,  meme 
pendant  la  moisson.  Les  ecoles  doivent  etre  ouvertes  selon 
le  mode  indique. 

Art.  6.  —  Le  diraanche,  outre  I'instruction  de  catechisme 
et  la  lecon  recapitulative  du  pasteur  dans  I'eglise,  une  lecon 
egalement  recapitulative  doit  etre  faite  dans  I'ecole  par  I'in- 
stituteur  aux  personnes  non  mariees.  La  legon  doit  etre  par- 
tageeentre  la  lecture  et  I'ecriture.  La  lecture  se  fait  dans  le 
Nouveau  Testament  ou  dans  quelque  autre  livrede  piete;  on 
prend  pour  modele  d'ecriture  quelques  passages  des  epitres 
ou  des  ^vangiles.  Dans  les  endroits  ou  le  maitre  n'est  pas,  en 
raerae  temps,  sacristain  (KUster),  il  doit  le  matin  ou  I'apres- 
midi  chanter  avec  les  enfants  a  I'eglise,  leur  faire  reciter  le  ca- 
techisme par  cceur,  et  leur  adresser,  d'apres  ce  livre,  des  ques- 
tions faciles.  Si  le  maitre  d'ecole  n'est  pas,  a  ce  dernier  point 
de  vue,  suffisarament  experiraente,  le  pasteur  doit  le  mettre 
en  etat,  par  avance,  de  s'acquitter  de  ce  devoir,  afin  que  les 
parents  qui  assistent  a  I'exercice  puissent  en  retirer  eux- 
memes  edification  et  profit. 


ROLE  DE  l'eTAT.  55 

Art.  7.  — (Fixation  dii  taux  de  la  jelribution  scolaire). 

Art.  8. — Quanddes  parents  son  I  no  toirement  Iroppauvrcs 
pour  payer  la  retribution  fixee,  ou  si  des  enfants  orphclins 
sont  hors  d'etat  d'y  satisfaire,  les  patrons,  pasteurs,  fonction- 
naires  ecclesiastiques  doivent,  par  les  ressources  diverses  dont 
ils  pen  vent  disposer,  faire  en  sorte  que  les  maitres  ne  soient 
pas  prives  de  ce  qui  leur  est  du,  afin  que  I'instruction  soit 
donneeavee  leraeme'zele  etaux  enfants  pauvres  et  aux  en- 
fants riches. 

Art.  9.  —  Cheque  annee,  le  dimanche  de  la  Saint-Mi^^hel, 
dans  toute  paroisse,  ville  ou  village,  sera  faite  uue  predication 
scolaire  [Schul-Predigt),  laquelle,  fondle  sur  quelque  texte  de 
I'Ancien  ou  du  Nouveau  Testament,  aura  pour  objet  I'eduea- 
tion  chretienne.  Apr^s  celte  predication,  suivie  d'une  exhor- 
tation chaleureuse  du  pasteur,  une  collecte  sera  faite  en  fa- 
veur  des  ecoles  des  villages,  dans  le  but  special  d'acheter  les 
livres  necessaires  aux  enfants  pauvres;  les  somraes  reeucillies 
seront  employes  en  connaissance  de  cause  par  les  surinten- 
dants,  inspectenrs,  etc.,  apres  avoir  ete  remises  au  consistoire 
de  chaque  province. 

Art.  10. — Les  parents,  tuteursou  tousautresresponsables 
de  I'education  d'enfants  qui,  contrairement  ^  nos  salutaires 
prescriptions  n'envoient  pas  ces  enfants  a  I'ecole,  paieront 
neanmoins  a  Tinstituteur  la  retribution  fixee;  et  si  malgr^ 
un  serieux  avertissement  de  la  part  du  pasteur  ils  ne  se  deci- 
dent  pas  a  faire  suivre  regulierement  les  classes  par  leurs 
enfants,  ils  y  seront  contraints  par  jugemeut  des  autorites  de 
I'endroit.  —  Lorsque,danssa  visite,riuspecteur  aura  constate 
que  des  parents  n'ont  pas  veillesoigneu semen t,  I'annee  prece- 
dente,  a  ce  que  les  enfants  frequentassent  les  classes,  ils  feront 
payer  aux  coupables,  pour  la  caisse  d'ecole,  16  Groschen  d'a- 
mende.  —  Nous  ordonnons  a  toutes  les  autorites  ayant  juri- 
diclion,  des  la  premiere  indication  dti  raaitre  d'ecole,  de  s'in- 


56  SECONDE  PAKTIE. 

former  immediatement  aupres  des  parents,  tuteurs  ou  mai- 
tres,  des  causes  pour  lesquelles  les  enfants  dont  ceux-ci  sont 
responsables  se  sont  absentes  de  I'ecole.  Saufle  casd'empe- 
ehement  par  maladie,  I'infraction  devra  etre  reprimee  par  les 
moyens  coereitifs  ci-dessus  indiques. 

Art.  11.  —  A  cette  fin,  les  instituteurs  doiv^ent  se  fairedon- 
ner  par  les  pasteurs  I'indication  de  tousles  enfants del'endroit 
aptes  a  recevoir  rinstruetion.  lis  doivent  en  outre  teuir  un 
registre  sur  lequel  tous  les  enfants  soient  portes,  avec  indica- 
tion deleursnoms  et  prenoms;  de  leur  age;  deleurdemeiire  ; 
de  I'epoque  a  laquelle  ils  sontentresa  I'ecole;  des  matieres 
qu'ils  etudient;  de  leur  conduite;  d  e  leur  etat  de  fortune;  du 
temps  de  leur  sortie  de  I'ecole . 

Ce  registre  est  presente  chaque  annee  a  Tinspecteur ;  il  est 
de  plus  presente  au  pasteur  dans  sa  visite  hebdomadaire,  afin 
quecelui-ci  puisse  connaitre  les  enfants  qui  sont  en  faute,  les 
avertir  et  les  corriger,  et  s'en  entretenir  avec  les  parents. 

Art.  12.  —  Comme  les  bons  maitres  font  les  bonnes 
ecoles,  e'est  notre  volonte  expresse  que  ceux  a  qui  il  appar- 
tient  de  nommer  les  instituteurs  et  sacristains,  le  fassent 
avec  toute  la  circonspection  necessaire  pour  qu'a  I'avenir 
de  telies  fonctions  ne  soient  confiees  qu'a  des  liommes  recom- 
mandabi'es.  Un  maitre  d'ecole  ne  doit  pas  seulement  avoir 
une  aptitude  suflisante  pour  instruire  les  enfants,  mais  etre 
dans  des  conditions  telies  que  toute  sa  conduite  soit  un 
exemple,  et  qu'il  ne  renverse  pas  par  les  actes  ce  qu'il  edifie 
en  paroles.  C'est  pourquoi  les  instituteurs,  plus  que  tous 
autres,  doivent  etre  animes  d'une  solide  piete,  eteviter  tout 
ce  qui  pourrait  scandaliser  les  enfants  etles  parents. 

Avant  toutes  cboses,  ils  doivent  posseder  la  vraie  connais- 
sance  de  Dieu  et  du  Christ;  en  sorteque,  fondant  la  rectitude 
de  leur  vie  sur  le  christianisme,  ils  accomplissent  leur  mis- 
sion devant  Dieu,  en  vue  du  salut,  et  qu'ainsi  par  le  dovoue- 


ROLE  DE  l'^TAT.  57 

ment  et  le  bon  exemple,  reodant  heureux  leiirs  eleves  dans 
cette  vie,  ils  les  preparent  encore  a  la  felicite  eternelle. 

Art.  i3.  —  Bien  que,  la  ou  les  patrons  nobles  ou  autres  ont 
le  droit  de  nommer  aux  places  d'instituteurs  et  de  sacristains, 
liberie  doiveleuretrelaissee,  cependant,  nosconsistoires,  par 
les  surintendants  et  les  inspecteurs,  veilleront  a  ce  que  la  norai- 
uation  de  mailres  incapables  ou  immoraux  ne  soit  pas  toleree. 
En  cas  de  conduite  scandaleuse  le  maitre  sera  suspendu  par 
le  consistoire,  puis  destitue  par  jugement  de  I'autorile  judi- 
ciaire. 

Interdiction  absolue  est  faile  aux  instituteurs  de  tenir  au- 
berge,  de  vendre  de  la  biere  ou  de  I'eau-de-vie ;  et  de  se  livrer 
a  toute  autre  occupation  de  nature  a  entraver  le  travail  de 
I'ecole,  ou  a  scandaliser  les  enfants  de  la  paroisse.  II  leur  est 
aussi  defendu,  sous  peine  de  fortes  amendes  dont  le  taux  n'est 
pas  fixe,  de  frequenter  les  cabarets  et  les  tavernes  ou  d'aller 
faire  de  !a  musique  dans  les  festins. 

Art.  14.  —  Aucun  inslituteur  ne  pcut  etre  appele  a  des 
fonctions,  sans  avoir  ele  examine  paries  inspecteurs,  et  avoir 
obtenu  un  certificat  d'aptitude  {ein  Zeugniss  der  Tiichiigkeit). 
Un  pasteur  n'est  pas  aulorise  a  recevoir  un  maitre  comme  sa- 
cristain  pour  le  service  de  I'eglise  si  ce  maitre  ne  juslifie  pas 
du  susdit  certificat. 

Art.  15.  — -Nul  ne  peut,  ni  dans  les  bourgs  ni  dans  les  vil- 
lages,  tenir  une  ecole,  s'il  n'a  pas  ele  regulierementinvesti  de 
ces  fonctions.  C'est  pourquoi,  toutes  les  ecoles  clandestines, 
qu'elles  soient  tenucs  par  des  hommes  ou  par  des  femmes, 
sontinlerdiles.  — II  reslepermisaux  parents  de  faire  instruire 
leurs  enfants  cbez  eux  par  des  mailres  parliculiers. 

Art.  16.  — II  est  interdit  a  un  inslituteur  d'employer  les 
enfants  de  I'ecole  aux  travaux  de  sa  maison,  ou  de  s'y  livrer 
lui-meme  pendant  les  beures  fixees  pour  les  classes. 

Art.  17.  —  En  ce  qui  louche  les  le9ons  de  I'ecole,  les  mai- 


58  SECONDE  PARTIE. 

liesclevront  toujours  s'y  preparer  eux-m6mes  par  Ja  priere, 
et  demander  a  I'auteur  de  lous  dons,  pour  la  benediction  du 
travail,  la  sagesse  et  la  patience.  Qn'iis  prient  surtoutle  Sei- 
gneur de  leur  accorder  des  sentiments  de  pere  pour  les  en- 
fants  qui  leur  sont  confies;  qu'ils  pensent  que,  sans  I'assis- 
lance  divine,  ils  ne  peuvent  rien  faire  ni  gagner  lecoeurde 
leurs  eleves. 

Art.  18.  — Les  heures  de  lemons  seront  concertees  avec  le 
pasteur,  selon  les  convenances  particulieres  du  pays. 

Art,  19.  —  L'ordre  suivant  sera  observe  : 

Dans  la  premiere  le^on  du  matin ,  sera  chants  un  chant 
que  le  maitre  dira  d'abord  lentement  et  intelligiblement,  et 
qu'il  chantera  ensuite  avec  tons  les  Aleves.  Un  seul  chant,  qui 
sera  designe  par  le  pasteur,  suffit  pour  tout  un  mois.  II  ne 
doit  pas  elre  trop  long,  afln  que  lous,  petits  et  grands,  puissent 
I'apprendre  par  cceur.  Le  maitre  veillea  ceque  tons  prennent 
part  au  chant. 

Apres  le  chant,  la  priere.  Un  enfant  lit  a  voix  haute  et  len- 
tement le  psaume  choisi  pour  le  mois;  on  terminepar  I'o- 
raisou  dominicale.  Sidesenfantsarrivent  a  Tecole  pendant  la 
priere,  ils  attendent  a  la  porte  qu'elle  soil  terminee.  Une 
explication  du  catechisme  suit  la  priere.  Toutes  les  six  se- 
raaines,  le  catechisme  entier  doit  avoir  ete  etudie;  il  doit 
etre  ainsi  procede  :  le  chapitre  qui  va  etre  explique  est  lu  par 
un  eleve  assez  lentement  pour  etre  bien  entendu  de  tons.  En- 
suite  chaque  mot  est  explique  par  voied'interrogation,  puis  les 
choses  elle-memes  contenues  dans  les  mots;  on  cite  pour 
commenlaire  les  passages  convenables  de  la  sainte  Ecriture. 

Art.  20.  —  Nousinterdisons  tons  livres  de  lecture  ou  expli- 
cations du  catechisme  qui  ne  seraient  pas  approuves  par  nos 
consistoires. 

Art.  21.  — Les  pasteurs  et  inslituteurs  veillent  a  ceque 
chaque  enfant  ait  son  livre.  Quand  des  livres  ontete  donnes 


ROLE  DE  l'eTAT.  59 

par  I'eglise  ou  par  la  commune  h  des  enfants  pauvres,  ceux-ci 
s'en  servent  dans  Tecole,  mais  ne  peiivent  les  emporter  chez 
eux.  Le  maitre  en  dresse  un  inventaire,  de  maniere  a  les  con- 
server  pour  Tecole. 

Art.  22.  —  La  discipline  morale  del'ecole  a  pour  but  de 
fairevoir  aux  enfants  dans  regoisme  la  source  de  toutes  les 
fautes,de  dompterleurvolonte,  de  deraciner  les  habitudes  de 
mensonge,  decolere,  de  rebellion,  etc.  Si  quelque  faute  grave 
a  ete  commise,  de  nature  a  exiger  pour  I'exemple  une  puni- 
tion  severe,  Tinstituteur  ne  doit  pas  prononcer  lui-meme 
cette  punition  sans  avoir  pris  d'abord  I'avis  du  pasleur. 

Art.  23.  —  Le  dimancbe  et  les  jours  de  fete  les  parents  doi- 
vent  envoyer  leurs  enfants  a  I'ecole  avant  le  preche,  afin  que 
I'instituteur  les  conduise  au  temple  et  les  y  tienne  sous  sa 
surveillance.  II  veille  a  ce  que  les  eleves  se  tiennent  avec  de- 
cence,  a  ce  qu'ils  chantent  avec  piele,  a  ce  qu'ils  restent  silen- 
cieux  pendant  la  predication,  de  maniere  a  en  retenir  quelque 
chose ,  ce  qui  doit  etre  verifie  dans  la  premiere  \eqon  du 
lundi. 

Art.  24.  —  Dans  tout  ce  qui  concerne  Tecole,  Tinslituteur 
doit  s'appuyer  sur  lesconseils  et  les  avis  de  son  pasteur.  Nous 
pia^ons  dans  les  pasteurs  la  phis  haute  conliance  :  ils  devront 
b'appliquer  a  ameliorer  de  plus  en  plus  rorganisation  des 
ecoles.  S'iis  constatent  de  la  part  du  maitre  quelque  negligence 
dans  raccomplissement  des  devoirs  imposes  par  les  termes 
de  sa  vocation  ou  par  les  prescriptions  du  present  reglement,. 
ils  doivent  I'avertir  une  ou  plusieurs  fois  de  la  faute  commise  ; 
si  ces  remontrances  n'ont  pas  d'effet,  ils  portent  plainte  aux 
autorites.  Au  cas  ou  les  reproches  du  surintendant  ou  de 
rinspecleur  eux-memes  resteraient  sans  fruit,  le  consistoiro 
prononce  la  suspension  ou  la  revocation. 

Art.  25.  — C'est  notre  volonte  cxpresse  que  les  pasteurs, 
dans  les  villes  et  dans  les  villages,  visitent  les  ecoles  pla~ 


€0  SECONDE  PAKTIE. 

cees  sous  ieur  juridicUon,  deux  fois  lasemaine,  laotdt  le 
matin,  tantot  rapres-midi,etquc,  sans  secontenterdes infor- 
mations donnees  par  lemaitre,  ils  interrogent  eux-memes 
sur  ie  catechisme  et  Icsautres  objets  d'enseigneraent. 

Le  pasteur  doit  tons  les  mois  reunir  danssa  deraeureles 
instituleurs  de  sa  paroisse,  pour  Ieur  indiquer  les  parties  du  ca- 
techisme a  etudier,  ainsi  que  le  cliant,  le  psaurae,  les  passages 
de  FEcriture  que  les  eleves,  dans  le  mois,  ont  a  apprendre 
par  coeur.  II  Ieur  enseigiie  les  moyeus  d'interroger  avec  pro- 
lit  les  enfants  sur  la  predication  faitea  Teglise;  surtout  il  Ieur 
signale  les  lacunes  qu'il  a  remarquees  dans  la  methode,  dans 
la  discipline,  ou  lesautres  points  essentiels. 

Le  pasteur  qui,  conlre  toute  attente,  se  montrerait  negli- 
gent dans  la  visite  des  ecoles,  ou  dans  racconiplissement  des 
devoirs  imposes  par  le  present  reglement,  s'il  est  demon tre 
que  des  avcrlissemenlssont  rcstes  sans  effet,  sera  ou  suspendu 
ou  piive  de  sa  fonction.  Car  le  soin  de  I'instruction  de  la  jeu- 
nesseet  la  surveillance  de  I'ecole  constituent  la  partie  la  plus 
importante  et  la  plus  essentiellede  la  charge  de  pasteur. 

Art.  26.  —  Nous  recomraandons  de  la  maniere  la  plus  ex- 
presse  aux  surintendants,  inspecteurs  de  chaque  cercle  {Kreis) 
de  visiter  eux-memes  chaque  mois  leurs  ecoles,  d'en  examiner 
la  situation  avec  toute  I'attention  possible,  et  de  verifier  : 
\°  si  les  parents  envoient  leurs  enfants  a  I'ecole ;  2°  si  les  pas- 
teurs,  dans  la  visite  des  ecoles  et  la  surveillance  qu'ils  doivent 
exercersur  lesmaitres,  s'acquittent  completementde  leurs  de- 
voiis;  5°  si  les  maitres  ont  la  capacite  necessaire,  s'ils  sont  de 
bonnes  mceurs.  Les  surintendants  et  inspecteurs  doivent  en- 
voyer  regulierement,  chaque  annee,  un  rapport  au  consistoire 
snr  tous  ces  points. 

L'inspecteur,  dans  la  visite  de  I'ecole,  doit  se  faire  presen- 
ter les  enfants  a  qui  le  pasteur  fait  chaque  semaine  une  le^on 
de  catechisme  pour  les  preparer  a  la  sainte  communion.  Le 


ROLE  DE  LETAT.  6^ 

paslenr  ne  recoit  a  la  communion  aucun  enfant  ne  sachant 
pas  lire,  et  ne  possedant  pas  deja  les  notions  fondamenlalrs 
de  la  religion  evangt'lique. 

II  est  enjoin  t  a  toiitesles  regences  du  royaume,  consistoires, 
patrons,  fonctionnaires,  et  a  tons  cenx  qui  ont  a  s'occuper, 
plus  ou  moins,  desecoies.de  resoudre  toutesles  diffieultes  qui 
pourronlsurvenir,  selon  les  regies  du  ^vd^^QwiReijIement general, 
et  de  poursuivre  le  plus  proraptement  possible,  eonforrae- 
menta  ces  prescriptions,  toutes  les  ameliorations  desirables. 

Fait  etdonne  a  Berlin^  le  12aout  1765.  » 


II  faut  bien  en  convenir:  ce  n'est  pas  a  un  tel  reglcraent 
qu'il  faut  s'en  prendre  de  la  deviation  des  principes  scolaires. 
Cerles,  I'Elat  ne  peut  appeler,  plus  directement  que  par  les 
ariicles  qu'on  vient  de  lire,  Tautorite  traditionnelle  a  la  de- 
fense ou  au  maintien  de  ces  principes.  11  semble  n'inlervenir 
que  pour  resserrer  les  liens  qui  nnissent  Tecole  a  I'Eglise,  et 
donner  a  la  puissance  des  moeurs  la  consecration  de  la  loi. 

Remarqiions-le,  en  meme  temps  :  les  interets  de  Teducation 
du  peuple  ne  peuvent  etre,  nulle  part  ailleurs,  I'objet  d'un 
soin  plus  attentif ; 

Obligation  de  I'enseignement; 

Mesures  pour  assurer  la  frequentation  des  ecoles  par  les  en- 
fan  ts  que  la  misere  des  families  voue  de  bonne  heure  a  des 
travaux  absorbants; 

Gratuite  de  I'enseignement  pour  les  families  pauvres; 

Legons  failes,  chaque  dimanche,  aux  aduUes,  pour  entre- 
lenir,  apres  la  sortie  de  I'ecole,  les  connaissances  aoquises; 

Prescriptions  severes  pour  sauvegarder  la  moralite  de  Tiii- 
stituteur,  pour  obtenir  que  «  sa  conduite  soit  un  exeraple,  et 
qu'il  ne  renverse  point  par  les  acles  ce  qu'il  edifie  par  les  pa- 
roles; « 


62  SECONDE  PARTIE. 

Inspection  rciguliereraent  organis^e; 

Injonctions  anx  pasteurs  de  visiter  assiduraent  les  ^coles, 
de  reunir  les  instituteurs  en  conferences  pour  les  eclairer  par 
de  sages  conseils ; 

Voila  les  traits  saillants  qui  distinguent  le  curieux  docu- 
ment dont  nous  venons  de  donner  connaissance.  Le  reglement 
de  1763,  chef-d'oeuvre  d'experience  pedagogique,  devangait, 
on  le  voit,  toutes  les  prescriptions  des  lois  modernes.  II  est 
riionneur  et  de  I'epoque  qui  I'a  prodiiit,  et  dii  gouvernement 
qui  I'a  promulgue. 

Lorsque  le  code  general  de  Prusse  declare  les  ecoles  eta- 
blissemenls  publics,  I'intervention  de  I'Etat  revet-elle  un  ca- 
ractere  autre  que  celui  qui  vient  d'etre  signale?  Voici  les 
prescriptions  generales  de  Y allgemeines  Landrecht: 

Art.  44.  «  Les  ministres,  dans  cbaque  commune,  sont  te- 
nus,  sous  la  direction  de  I'aiitorite  superieure  civile  et  eccle- 
siastique,  d'exercer  la  surveillance  sur  I'organisatiou  exte- 
rieure  et  interieure  de  I'ecole. 

Art.  15.  «  Toutes  les  negligences  et  desordres  doivent  etre 
signales  aux  magistrats  et  aux  ministres  de  I'Eglise. 

Art.  49.  «  Le  pasteur  de  la  commune  est  tenu  de  cooperer 
a  I'accomplissement  de  la  mission  de  I'ecole,  non-seulement 
par  sa  surveillance,  mais  encore  par  la  dispensation  de  I'in- 
struction  qu'il  doit  personnellement  donner  aux  maitres  aussi 
bien  qu'aux  enfants^  d 

«L'enseignement  de  I'ecole,  dit  encore  I'art.  46,  doit  etre 
prolonge  jusqu'ace  que  I'enfanl,  au  jugement  du  chef  eccle- 
siastique  de  la  commune,  possede  I'instruction  necessaire  a 
tout  homme  de  sa  condition.  » 

Assurement  V allgemeines  Landrecht  ne  rompt  pas  en  visiere 

i.  Durch  eignen  Unterricht  des  Schulmeisters  sowohl  als  der  Kinder. 


ROLE  DE  L  ETAT.  65 

avec  les  principes  dii  General-Landschul-Reghment.  Eh  bien  ! 
I'Etat  a  pousse  plus  loin  encore  le  soin  de  I'edncation,  au 
point  de  vue  des  inter^ts  religieux.  Je  troiive  dans  un  rescrit 
du  4  7  fevrier  1821  : 

«■  Les  pastenrs  doivent,  pendant  toiite  I'anneu,  donner  deux 
lecons  de  religion  par  semaine,  sauf  les  interruptions  irapo- 
sees  par  les  necessites  locales,  et  pendant  un  mois  et  demi, 
trois  ou  quatre  lemons,  chaque  semaine^  aux  enfanis  qui  se 
preparent  a  la  confirmation. 

Nul  enfant  ne  peut  etre  admis  a  la  confirmation  s'il  n'a  suivi 
pendant  deux  semestres  I'enseignement  religieux  ordinaire, 
et  de  plus,  dans  le  second  semestre,  I'enseignement  particu- 
lierement  destine  aux  Conjirmanden.  » 

Et  maintenant,  comment  les  corps  secondaires  ont-ils  re- 
pondu  a  celte  volon te  expresse  de  rattacher  les  developpemen Is 
de  I'ecole  a  I'enseignement  traditionnel?  Voici  un  document 
tire  des  actes  d'une  regence  qui  revolt  directement  I'irapul- 
sion  du  pouvoir  central,  de  la  regence  de  Potsdam  : 

«  Nous  ne  pouvons  ignorer,  disait  cette  regence,  des 
I'annee  1811,  que  pour  beaucoup  de  pasteurs,  cette  partie  de 
leurs  fonclions  (celle  qui  concerne  I'enseignement)  ne  leur 
est  pas  aussi  a  cceur  que  I'exigent  la  dignite  de  leur  haute  vo- 
cation et  I'importance  de  la  chose  meme.  Quand  ils  restrei- 
gnent  tout  I'enseignement  religieux  a  quelques  lemons  en  deux 
semestres  d'hiver,  et  a  quelques  instructions  donnees  de  loin 
en  loin  dans  I'figlise ;  quand  ils  abandonnent  cet  enseignement 
aux  instituteurs,  lesquels,  en  general,  se  bornent  a  deman- 
derla  recitation  inintelligenteducatechisrae,  et  qui  d'ailleurs 
pour  la  plupart,  sont  eux-meraes  trop  pen  animes  de  senti- 
ments religieux  pour  pouvoir  les  inspirer  a  leurs  eleves,  il  est 
impossible  que  le  but  de  rinstruetion  religieuse  soil  atteinl. 
La  consequence  d'un  tel  etat  de  choses,  c'est  que  les  paroisses 
se  peuplent  chaque  annee  de  generations  sans  culture  chre- 


64  SECO^DE   PARTIE. 

lienne;  c'est  que  les  pasteurs  ne  sympathisant  pas  avec  la 
jeiinesse,  reslent  eloignes  de  celte  jeunesse  quand  elle  est  arri- 
vee  h  I'age  d'homme;  c'est  que  les  communes  ne  portent  au- 
cun  inleret  actif  aux  ciioses  de  la  religion  et  de  I'Eglise,  et 
que  les  paroles  torabees  de  la  chaire  retentissent  comme  un 
son  vide.  —  Tout  pasteur  qui  a  la  conscience  de  sa  noble  mis- 
sion, qui  se  sent  I'apotre  de  la  religion  au  milieu  du  peuple, 
accueillera  les  voeux  que  I'Eglise  lui  adresse  par  notre  or- 
gane*.  » 

Qui  est  en  faute,  ici  ?  Assurement  ce  n'est  pas  I'Etat.  Veut- 
on  savoir  si  les  autoril(is  provinciales  placees,  non  plus  au 
centre  meme  de  la  monarcbie  comme  la  regence  de  Potsdam, 
mais  aux  extremites  memes  du  royaume,  ont  suivi  une  inspi- 
ration identique?Prenons,  dans  deux  provinces  tres  eloignees 
de  Berlin,  a  deux  epoques  diverses,  deux  autorites  d'nn  ca- 
raclere  different,  Y OberprUsident  de  la  province  de  Silesie,  et 
le  conseil  de  regence  de  Diisseldorf. 

En  J859,  la  regence  de  Diisseldorf  adresse  aux  pasteurs 
places  sous  sa  juridiction  une  circulaire  oil  je  lis  : 

«  Nous  saisissons  cette  occasion  de  rappeler  aux  pasteurs 
leurs  droits  et  leurs  devoirs.  Ce  qui  importe  avant  lout,  c'est 
que  les  enfants  en  age  d'aller  a  I'ecole  la  frequentent  regulie- 
rement.  Ce  resultat  sera  du  surtout  a  I'influence  des  pasteurs 
sur  les  parents.  Nous  recoQimandons  de  plus  a  cbaque  pas- 
teur de  visiter  aussi  souvent  que  possible  les  ecoles  de  son 
district  paroissial  {seines  Pfarrbezirks)-,  d'assister  personnel- 
lement  a  certaines  legons  de  I'ecole ;  d'exciter  les  enfants,  de 
les  dinger  paternellemeut  dans  la  voie  de  la  morale  chre- 
tienne;  et,  en  ce  qui  touche  les  maitres,  non-seulement 
d'exercer  a  leur  egard  la  surveillance,  mais  encore  de  leur 
preter  appui  et  encouragement. 

1,  Verordnung  der  Regierung  zii  Potsdam,  vom  2  Jun.  1811. 


ROLE  DE  L  ETAT.  65 

«  line  telle  participation  a  la  vie  de  I'ecole,  si  elle  est  diri- 
gee  par  i'espri!  de  sagesse,  de  prudence,  d'amour,  aura  les 
effets  les  plus  heureiix;  elle  fera  disparaitre  devant  I'autorite 
ecclesiaslique  les  obstacles  qui  I'entravent,  et  assurera  son 
influence. 

Nous  savons  que  cette  sorte  de  collaboration  multipliera 
les  fatigues  des  mcmbres  dii  clerge ;  noiais  nous  avons  la 
conviction  que  chaque  pasteur  trouvera  en  lui-merae  I'ai- 
guillon  qui  le  poussera  a  rechercher  les  fatigues.  » 

A  une  date  plus  rapprochee  dn  moment  oil  j'ecris,  en  1841, 
Y Oberpriisident  de  la  province  deSilesie  promulgua  un  regle- 
ment  pour  les  ecoles  appartenant  aux  differentes  commu- 
nions. Quel  esprit  presida  a  la  redaction  de  ce  reglement? 

«  La  direction  de  I'enseignement  ^lementaire  est  I'affaire  du 
pasteur  de  la  commune  {ist  Sache  des  Orlspjarrers)^  qui  doit 
s'ef forcer,  soit  par  la  visite  assidue  des  ecoles,  soit  au  raoyen 
de  conferences  regulieres  avec  les  instituteurs  de  sa  paroisse, 
d'exercer  une  influence  personnelle  sur  I'enseignement.  Cela 
est  neeessaire  pour  le  progres  de  la  piete  chretienne  qui  doit 
gouverner  toute  la  vie. 

C'est  seulement  sous  la  direction  du  pasteur  et  d'apres  le 
programme  trace  par  lui,  que  I'enseignement  religieux  peut 
etre  confie  a  I'instituteur;  et  Ton  attend  du  pasteur, 
d'apres  la  mission  de  confiance  dont  il  est  revetu,  qu'il 
dispensera  lui-meme,  dans  I'ecole,  autant  que  ses  autres 
fonctions  le  lui  permettent,  cet  enseignement  fondamen- 
tal'.» 

Nous  le  demandons :  tons  ces  documents  de  la  legislation 
prussienne  ne  portent-ils  pas  I'empreinte  de  la  pensee  qui 

1.  V.  ce  reglementtout  enlierdansle  recueil :  Schul-Rcchtund  dieUn- 
tcrrichts-Verfassung  von  Schlesien,  par  Ileinrich  Simon.  (Brcslau,  1817.) 

5 


G6  SECONDE  TARTIE. 

inspirait  la  premiere  inlervenlion  do  I'Elat,  dans  le  regle- 
ment  general  de  1763? 

Une  derniere  et  importante  citation  va  completer,  en  ce 
qui  concerne  la  Prusse,  la  demonstration  que  nous  avons 
entreprise.  Sous  le  feu  des  debats  du  parlement  de  Francfort, 
la  question  de  V emancijjation  de  I'ecole  sembia,  un  instant, 
devoir  se  resoudre  dans  un  sens  directement  hostile  au  sys- 
teme  consacreparla  tradition.  «  Lorsque  la  religion,  s'eoriait 
M.  Viscber  (de  Tiibingue)  aux  applaudissements  d'une  grande 
partie  de  I'assemblee  ^  est  devenue  ce  mecanisme  qu'on  ap- 
pelle  TEglise,  I'Etat  se  trouve  le  depositaire  de  la  religion  hu- 
maniiaire;  I'Etat  est  alors  plus  religieux  que  la  religion;  et 
c'est  I'Etat  seul  qui  doit  dispenser  I'enseignement.  »  Eh  bien ! 
I'Etat  a  repousse  le  role  dont  voulaient  I'investir  de  dange- 
reux  amis;  il  a  attendu  que  le  flot  d'une  opinion  factice 
fut  desceudu  des  hauteurs  orageuses  oil  la  passion  I'avaitsou- 
leve;  puis,  le  calme  revenu,  a  la  proposition  qui  lui  etait 
faite  de  repudier  le  concours  de  I'Eglise  dans  I'oeuvre  de 
I'educatiou,  il  a  repondu  par  le  manifeste  suivant,  adresse  a 
toutes  les  regences  de  la  monarchic  : 

«  On  a,  dans  les  dernieres  annees,  entretenu  la  pensee  que 
la  direction  morale  des  ecoles  subirait  des  changements  essen- 
tiels.  Untel  motif  ue  doit  aujourd'hui  avoir  aueune  influence 
sur  la  maniere  dont  s'exerce  I'inspection  scolaire  :  car  on  a 
acquis  la  conviction  de  plus  en  plus  fondee,  que  la  prosperity 
de  I'ecole  primaire  depend  de  son  union  in  time  avec  I'E- 
glise (von  Hirer  innigen  Verbindung  mit  der  Kirche  abhilngig 
ist).  II  y  a  lieu,  pour  leGouvernement,  de  saisir  I'occasion  de 
resserrer  ces  liens  sous  tons  les  rapports,  en  declarant  que 
les  prescriptions  legales  actuelles  relatives  a  I'inspection 
exercee  par  I'Etat,  au  moyen  d'instruments  ecclesiasliques, 

1.  Discussion  sur  le  projet  du  comite  des  ecoles. 


I 


ROLE  DE  l'eTAT.  67 

{durch  kirchliche  Organe)  seront  executees  dans  leur  applica- 
tion la  plus  complete.  Le  devoir  dcs  Superintendenten  royaiix^  et 
des  pasteurs  est  de  se  consacrer  a  cette  inspection,  non  pas 
aceessoirement,  mais  de  la  maniere  la  plus  active,  etcomnie 
a  line  partie  essentielle  de  leurs  fonctions,  ainsi  que  le  conseil 
superieur  de  I'Eglise  evangelique  le  leur  a  rappele,  sur  mon 
invitation,  par  rintermediaire  des  consistoires  royaux*.  Je 
ferai  en  sorte  que  les  eveques  calholiques,  de  leur  cote,  don- 
nent  un  semblable  avis  aux  ecclesiastiques  qui  leur  sont 
soumis.  — En  consequence,  la  Regence  doit  avertir  tous  les 
surintendants,  doyens,  inspecteurs  de  cercle,  pasteurs,  qu'ils 
aient  a  inspecter  souvent  et  avectout  le  soin  necessaire  les 
ecoles  placees  sous  leur  juridiclion,  a  soutenir  et  assister  les 
maitres  faibles,  specialement  en  ce  qui  concerne  I'instruction 
religieuse.  La  tenue  des  conferences  paroissiales  et  synodaies 
d'instituteurs  pent  entretenir  entre  les  ecoles  d'un  menie 
cercle^  une  unite  favorable  a  I'instruction  et  a  I'education  : 
je  laisse  a  la  Regence  le  soin  de  donner,  au  sujet  de  ces 
conferences,  des  prescriptions  en  accord  avec  les  regleraents 
actuels. 

Signe  :  Le  rainistre  des  cultes,  de  I'instruction  publique 
et  des  affaires  mcdicales, 

Raumer.  » 

Berlin, l»f  octobre  1851. 

0;)  le  voit:  qiiellesqu'aientcleles  accusations  formulecs  par 

1.  hiii  Superintend mten,  ^d^ws  I'Eglise  protestante  prussienne,  soiiL  les 
iiisirumeiUs  et  les  organes  des  consistoires.  lis  exercent  une  juridiction 
morale,  une  inspection  ecclesiaslique  sur  des  circonscriptions  plus  on 
nioins  etendues. 

2.  Circuluirc  (21  juillet  1851)  adressee  par  YObcr-Kirchm-Rath  aux 
consistoires. 

3.  K,,  pour  les  conferences  d'instituteurs,  les  details  donnas  dans  la 
section  11  de  co  chapitre. 


68  SECONDE  PAIITIE. 

la  passion,  I'Etat,  en  Prusse,  n'a  jamais,  dans  le  domaine 
deTinstruction  primaire,  porte  alteinte  aiix  principes  qu'il 
recueillait  des  mains  de  la  tradition  ;  et  non-sculement  11  n'a 
pas  porte  alteinte  a  ces  principes,  mais  il  les  a  defendus 
contre  I'esprit  sopbistique,  eontre  I'esprit  revolutionnaire, 
et,  ce  qui  etaitplus  difficile  encore,  contre  les  defaillances  de 
I'esprit  ecclesiastique.  Ce  n'est  done  pas  FEtat  qu'il  faut 
accuser  de  la  perturbation  morale  que  nous  avons  constatee 
dans  la  direction  de  I'enseignement  primaire;  c'est  lui,  an 
contraire,  qui,  au  sein  du  protestantisme  prussien,  a  ete 
le  representant  de  I'idee  traditionnelle  dans  I'education  du 
peuple. 

Poursuivons  nos  etudes,  sur  le  point  qui  nous  occupe,  dans 
les  autres  pays  de  I'Allemagne  septentrionale. 

II.  —  ROYAIME   DE   SaXE. 

L'instruction  primaire,  en  Saxe,  est  regie  par  la  loi  du 
C  juin  1835  et  par  le  reglemeut  pour  I'application  de  cette 
loi,  en  date  du  9  juin  de  la  meme  annee. 
>:  Ces  deux  actes  sont  I'expression  et  le  resume  d'un  etat  de 
cboses  qui  est  lui-raeme,  a  peu  pres,  le  modele  de  I'orga- 
nisation  scolairede  la  Prusse;  car  c'est  du  mouvement  im- 
prime  par  I'electeur  de  Saxe,  sous  I'iniluence  de  Lutber,  que 
date,  —  jel'ai  montre  plus  baut , —  le  systeme  actuellement 
en  vigueur  dans  I'Allemagne  septentrionale.  Eb  bien  !  je  lis 
dans  la  loi  du  6  juin  1855,  art.  69  : 

«  L'inspection  immediate  de  I'ecole  appartient  a  I'autorite 
locale,  et,  en  ce  qui  concerne  I'enseignement  et  la  discipline, 
est  specialement  reservee  au  pasteur.  » 

Et  art.  73  : 

«  Toutcs  les  fois  que,  dans  le  conscil  communal,  il  est 


UQLE  DE  l'eTAT.  69 

question  d'affaires  d' denies,  ie  pasteur  assiste  a  la  reunion  et 
la  presided  » 

Voila  Ie  role  donne  par  la  loi  de  Saxe  au  representant  de 
I'autorite  ecclesiastique ;  quant  a  ce  qui  concerne  I'instruc- 
tion,  quedit  Ie  reglement  donl  nous  avons  parle? 

«  L'instruction  religieuse  embrasse  dans  les  ecoles  evan- 
geliques  Ie  dogme  et  la  morale  chretiennes,  I'explication  de  la 
Bible  et  du  cateehisme,  I'histoire  du  christianisme  et  sp^cia- 
lementdela  reformation.  EUe  doit  etre  donnee  de  maniere 
a  ce  que  la  jeunesse  ne  se  borne  pas  a  apprendre  par  coeur  des 
formules  et  des  mots,  mais  a  ce  que  I'intelligence  des  verites 
soitclaireet  sure;  a  ce  que  la  foi  soit  vivante  et  solidement 
fondee...  Dans  I'ecole  meme,  une  le^on  de  religion  doit  avoir 
pour  butde  repasser  les  idees  qui  ont  ete  lesujet  de  la  predi- 
cation entendue  a  I'eglise^.  » 

Ce  n'est  pas  tout;  un  arrets  ministeriel  du  23  aoiit  1842 
ordonne : 

«  Que  les  pasteurs  et  les  maitres  fassent  en  sorte  que  les 
eleves  ages  de  dix  ans  assistent  au  service  religieux  Ie  plus 
r^gulierement  possible ; 

«  Que  les  pasteurs,  d'accord  avec  les  comit^s  d'^coles 
et  les  conseils  communaux,  prennent  des  mesures  a  cet  egard 
pour  ecarter  tons  les  obstacles.  » 

La  loi  de  1851  et  I'ordonnance  du  3  mai  de  la  meme  annee 
n'ont  fait  que  confirmer  les  prescriptions  que  je  viens  de  rap- 
porter.  Les  actes  du  Gouvernement,  en  Saxe,  ont  repondu  aux 
mesures  legislatives.  En  1841 ,  Ie  ministere  supprimait  les 
annales hegeliennes  qui,  sous  prelexte  de  philosophic,  mel- 

1.  Codex  der  Scichsischen  Elementar-Volksschule,  publie,  en  1852,  par 
les  ordres  de  M.  Ie  baroii  de  Beust ,  ministre  des  affaires  etrangeres  et  de 
l'instruction  publique. 

2.  Verordnung  zuni  Gesetze  iiber  das  Elementar-Volks  -  Schuliocsen, 
voni  9  Jun.  1835. 


10  SECONDE  PARTIE. 

taient  a  neant  toute  verite  acquise;  en  1850,  il  a  purge  les 
ecoles  de  maitres  et  d'ecrits  qui  viciaient  reDseignement  a  sa 
source.  II  y  a  huitannees,  le  roi  de  Saxe  appelait  les  repre- 
sentants  du  pays  a  I'assister  «  dans  la  lutte  contte  I'esprit  qui 
veut  renverser  I'Eglise  et  bouleverser  dans  I'ecole  les  fonde- 
mentsdel'ordre  moral '.  »  Aujourd'hui,  le  president  du  Gon- 
seil,  M.  le  baron  de  Beust,  a  reuni  le  ministere  de  rinstruc- 
tioD  publique  au  departement  des  affaires  etrangeres,  afin  de 
reconstituer,  d'une  main  ferme,  I'enseigneraent  moral  de  la 
generation  nouvelle,  sur  la  base  raffermie  de  la  tradition. 

in.  —  Hanovre. 

En  Hanovre,  meme  attitude  de  la  part  de  I'Elat;  memes 
principes  fondamentaux  invoques  par  lui : 

a  L'instruction  dans  les  ecoles  du  peuple,  dit  la  loi,  est 
placee,  selon  le  statut  constilutionnel  du  pays  {nach  Massgahe 
des  Landesver/assungs-Gesetzes),  sous  I'inspection  du  pasteur 
et  des  ministres  ecclesiastiques  competents.  » 

Les  commotions  sociales  oil  I'esprit  anti-cbretien  inspirait 
partout,  en  Allemagne,  I'esprit  revolutionnaire,  ont  fait  penser 
au  gouvernement  de  Hanovre  qu'il  devait  donner  a  I'autorite 
religieuse,  dans  I'education  populaire,  line  part  plus  large 
encore  que  dans  le  passe.  Je  lis  dans  I'ordonnance  royale 
deiSSO^: 

a  L'ecole  primaire  dirigee  jusqu'a  ce  jour  sous  le  nom 
d'Ecole  chretienne,  garde  son  caraclere  ciirelien  confes- 
sionnel  (art.  I*^""). 

«  L'Eglise  a  le  droit  de  prendre,  paries  organes  qu'elle 
rhoisit,  une  connaissance  assidue  de  la  maniere  dont  sont 

1.  Di;COurs  du  roi  a  Touverture  des  chambres,  en  1845. 

2.  GrundzUge  fur  die  kiinftlge  Gestallung  des  chrisllichcn  Volksschul- 
loesens. 


BOLE  DE  l'eTAT.  74 

Iraites  les  intercls  religieiix  clans  les  ecoles  priraaires  et  dans 
les  (Ecoles  norraales  {Schidlehrer-Seminarien) . 

«  Les  propositions,  ayant  pour  but  le  developpement  des 
interels  religieux,  doivent  etre  recues  avec  respect  par  les 
maitres  des  ecoles. 

«  Le  ministre  de  rinstructiou  publique  et  des  cultes,  avant 
de  prendre  une  mesurequi  touche  aux  interets  religieux,  doit 
s'entendre,  au  prealable,  avec  les  auloriles  ecclesiastiques 
competentes;  il  ne  pent,  sans  leur  assenliment  {ohne  Zu" 
stimmung),  faire  aucun  reglement  ayant  trait  a  I'instruction 
religieuse.  Get  assentiment  est  parliculierement  necessaire 
pour  I'introduction  de  nouveaux  jivres  destinrs  a  I'ensei- 
gnement  religieux  dans  les  ecoles  primaires  et  les  ecoles  nor-, 
males  (art.  40).  » 

L'ordonnance  royale  va  plus  loin  : 

«  Le  nainistre  de  I'instruction  publique  et  des  cultes  ne 
peut  placer  un  maitre  dans  une  ecole  priraaire  et  dans  une 
ecole  norraale,  on  suspendre  les  effels  d'une  revocation  pro- 
noncee,  que  d'accord  [ntir im EinversUlndnisse)  diSQcVd^Viioriiii 
superieure  ecclesiastique.  » 

Je  le  demande,  une  fois  encore  :  est-ce  a  I'Etat  qu'il  faut 
s'en  prendre  de  ralfaiblissement  des  principes  consacres  dans 
la  conscience  publique  ? 

L'experience  dans  le  duciie  de  Hesse-liilectoralG  ne  sera  pas 
moins  decisive. 

IV.  —  Hesse-15^lectorale. 

Un  reglement  du  29  novembre  1825,  encore  aujourd'haj 
en  vigueur,  determine  le  role  que  le  gouvernement  hessois 
assigne  au  pasteur,  dans  chaque  paroisse'  : 

1.  Anweisuncj  filr  die  P fairer  in  Auallbung  der  ihnen  riicksichtlich  der 
Schulcn  Hirer  Pfarreien  obliegenden  Pflichlen. 


72  SECODE  P ARTIE, 

«  Le  pasleur  a  la  direction  {die  Leiiung)  de  I'ecole.  Celte 
direction  est  une  partie  essentielle  de  sa  haute  mission.  —  II 
est  rinspecteur  local  des  ecoles  placees  dans  le  cercle  de  sa 
juridiction,  et  exerce  surelles  la  surveillance  la  plus  imme- 
diatej  lesinstituteursonten  lui  leur  chef  le  plus  direct(art.  i'^'^). 

«  C'est  au  pasteur  qu'il  appartient  de  veiller  avec  un  soin 
severe,  a  ce  que  tous  les  enfants  en  age  d'aller  a  Tecole  la  fre- 
quentent  en  effet  (art.  5). 

a  Ce  n'est  qu'avec  la  permission  du  pasteur  que  I'insti- 
tuteur,  en  dehors  des  jours  fixes,  peut  s'ahsenterde  I'ecole 
(art.  4). 

a  Le  pasteur  doit  tenir  les  yeux  ou verts  sur  la  conduile  de 
I'instituteur  et  sur  la  maniere  dont  il  remplit  ses  fonctions; 
I'avertir  quand  il  est  en  faute ;  et,  si  cet  avertissement  deraeure 
sans  effets,  le  signaler  a  I'inspecleur  superieur  (art.  5)  i. 

0  Le  pasteur  doit  prendre  une  connaissance  suffisante  de 
la  methode  employee  par  I'instituteur,  travailler  aux  ame- 
liorations qu'elle  comporle,  aider  lui-meme  le  maitre  dans 
la  dispensation  de  I'enseignemeut ,  aussi  longtemps  et  aussi 
souvent  qu'il  est  necessaire  (art.  7)  ^. 

«  A  la  fin  de  chaque  semestre ,  a  lieu  I'examen  public  au- 

1.  II  est  regrettable  de  voir  la  legislation  hessoise  auLoriser,  en  voulant 
en  prevenir  I'abusjes  punitions  corporelles.  L'art.  6  de  la  presente  ordon- 
nance  charge  le  pasteur  de  veiller  «  a  ce  que  les  punitions  corporelles,  au 
cas  oil  il  serait  indispensable  d'y  recourir  {wenn  sie  unvermeidlich 
sein  sollten),  soient  administrees  de  telle  sorte  que  la  sante  des  enfants 
n'en  souffre  pas,  et  qu'elles  soient  appropriees  a  leur  but  ».  Le  legis- 
lateur  lutherien  de  la  Hesse  eiit  mieux  fait  de  se  souvenir  des  paroles 
de  Luther  que  nous  avons  citees  plus  haut  (chap.  P"";  I"  partie).  Un 
reglement  de  1839,  pour  la  regence  de  Fulda,  s'occupe  encore  des  puni- 
tions corporelles  et  du  fouet. 

2.  L'ordonnance  ajoute  differentes  prescriptions  sur  le  role  peda- 
gogique  du  pasteur.  J'explique  dans  la  section  suivante  comment  ce  role 
peut  clre  impose  aux  ministres  ecclesiastiques  avec  profit  pour  I'ecole,  et 
par  quelies  eludes  speciales  ils  se  metlent  en  etat  de  le  remplir. 


ROLE  DE  LET  AT.  75 

quel  le  pasteur  doit  assister.  A  cette  epoqiie  aiissi  se  font  les 
examens  religieiix  prescrits  par  decision  ^qV Ober-ScJmlraihs . » 
—  (10  octobre  1817.  —  Art.  11 .) 

Pour  assurer  au  reprt'sentant  de  I'autorite  religieuse  une 
influence  decisive  dans  I'education,  pouvait-on,  de  lels  fon- 
dements  poses,  attendre  davantage  de  Finitiative  de  I'Etat? 

L'ensemble  des  dispositions  que  je  viens  de  oiler  a  ete 
confirme  par  des  actes  recents  de  la  puissance  publiquei.  Au~ 
jourd'hui,  plus  que  jamais,  le  respect  des  principes  tradition- 
nels  preside,  sous  la  haute  impulsion  du  president  du  Conscil, 
ministre  de  I'interieur,  et  sous  la  direction  immediate  de  M.  le 
conseiller  Vilmar,  a  la  discipline  morale  de  I'ecole.  C'est 
M.  Vilmar  qui  a  6crit  les  lignes  suivantes,  et  ees  lignes 
sont  la  profession  de  foi  du  gouvernemcnt  de  la  Ilesse-Elec- 
torale,  en  raatiere  d'instruction  publique  : 

«  La  pedagogic  et  I'ecole,  dans  ces  derniers  temps,  ont 
pretendu  briser  leurs  anciennes  racines  pour  se  constituer 
une  vie  propre  et  independante;  la  pedagogic  a  voulu  n'exis- 
ter  que  pour  soi ,  et  I'ecole,  comme  on  a  dit,  s'emanci'per  de 
I'Eglise....  —  Qu'en  est-il  resulte?  que  dans  les  choses  qui 
agissent  directement  surla  vie  de  Tindividu  pour  la  rattacher 
a  la  vie  de  la  nation  ,  et  surtout  dans  les  choses  de  la 
eroyance  {in  den  Sachen  des  Glaidiens)  au  reveil  de  laquelle 
le  monde  s'emeut  aujourd'hui,  dans  toutes  ces  choses  se  re- 
vele  une  ignorance  grossiere  et  une  deplorable  faiblesse.  Cette 
faiblesse  est  I'une  des  plaies  saignantes  de  notre  siecle^.  » 

1.  Entre  aulres,  un  reglement  du  30  juillet  1850,  relatif  aux  dispositions 
requises  des  candidats  aux  places  d'inslituleurs;  differentes  circulaires 
des  regences,  specialement  de  la  regence  de  Riiiteln. 

Je  dois  la  communication  de  ces  documents  a  la  bienveillante  obligeance 
de  M.  Vilmar,  directeur  de  la  section  d'instruction  publique  au  ministere 
de  Tinterieur, 

2.  Schulreden  iiber  Fragen  der  Zeit,  von  Vilmar.  —Marburg,  1852.  — 
C.XVI. 


74  SECONDE  PARTIE. 


Y.  —  Grand -DUCHE  de  Bade. 

C'est  dans  le  grand-duche  de  Bade  que,  des  frontieres  de 
Suisse,  ont  fait  irruption,  avec  le  plus  de  fracas  etpeut-elre  de 
succes,  les  theories  incendiaires  deWeitling,  d'Auguste  Becker 
et  de  Guillaume  Marr  ^  Pas  plus  qu'ailleurs,  cependant,  I'Etat, 
dans  le  duche  de  Bade,  n'a  deserte  sa  mission. 

«L'instruction  religieuse,dit  I'ordonnancedu  15  mai  1854, 
estle  fondement  de  I'ecole.  L'enseignement  de  la  religion  ne 
doit  pas  consister  en  des  mots  vides  et  des  plirases  apprises 
par  coeur,  raais  en  des  notions  claires  et  reflechies;  en  sorle 
que  le  sentiment  soit  echauffe  et  la  volonte  affermie. 

«f!  Avec  I'instruction  religieuse  doivent  etre  deposes  dans 
I'esprit  des  enfants  les  germes  des  vertus  civiles,  les  principes 
d'obeissance  aux  lois,  de  respect  pour  I'autorite  ecclesiastique 
et  seculiere,  de  bienveillance  envers  les  concitoyens. 

«  Les  enfants  des  ecoles  doivent  etre  astreints  a  la  frequen- 
tation  reguliere  de  I'eglise.  Le  lendemain  des  solennites  reli- 
gieuses,  une  le^on  de  religion  dans  I'ecole  a  pour  but  de  re- 
venir  sur  le  sujetde  I'instruction  entendueau  temple^.  » 

«  Une  derai-heure  doit  etre  consacree  chaque  jour  a  I'in- 
struction religieuse^.  » 

Voila  pour  les  eleves;  voici  pour  les  instituteurs: 

«Pour  que  la  frequentation  de  I'ecole  atteigne  son  but,  il 
est  necessaire,  avant  tout,  que  les  maitres  soient  profonde- 
ment  penetres  de  la  vie  religieuse  de  la  communion  a  laquelle 

1.  V.  les  curieuses  citations  extraites  des  correspondanccs  de  ces  trois 
personnages  dans  le  Communhms  et  l:i  Jeune  Allemagno  en  Suisse,  par 
M.  A.  llennequin, 

2.  Verordnung,  vom  15  Mai  183i.  —  Anhang  I ;  32,  34,  3D. 

3.  Ibid.;  art.  3G,  38. 


noLE  DE  l'etat.  75 

appartient  I'ecole;  que,  par  I'exernple  comme  par  la  parolo, 
ils  impriment  aiix  eleves  les  verites  religieuses  et  morales. » 

Maintenant,  quelle  situation  est  faite  au  representant  de 
I'autorite  religieuse? 

«  L'inspecteur  local  des  ecoles  est  le  pasteur. 

"  L'inspecteur  a  la  surveillance  des  plans  d'etudes,  de  I'or- 
ganisalion  interieure  de  I'ecole,  etla  direction  de  I'instituteur 
dans  ses  fonctions.  U  s'assure  que  sa  vie  repond  a  la  dignite 
de  sa  vocation. 

«  Le  pasteur,  comme  tel,  a  le  droit  particulier  de  faiie,  deux 
fois  par  semaine,  au  moins,  dans  les  ecoles  de  sa  paroisse,  une 
le^on  de  religion.  » 

Ce  n'est  pas  tout;  la  religion  n'a  pas  seulement  un  repre- 
sentant dans  le  pasteur,  au  sein  de  I'ecole ;  l'inspecteur  de 
cercle  ou  Schulvisitator  appartient  lui-meme  au  corps  eccle- 
siastique. 

YL  —  DucHE  DE  Saxe-Weimar. 

Un  seul  etat  semble  se  separer  du  mouvement  general  au- 
quel  cedent  aujourd'hui,  plus  que  jamais,  lesdifferents  paysde 
la  confederation  germanique  :  c'est  le  grand-duche  de  Saxe- 
Weimar.  Dans  le  duche  de  Weimar  les  evenements  revolution- 
naires  ne  paraissent  pas  avoir  produit  une  impression  aussi 
profonde  que  dans  le  reste  de  I'AUemagne  ;  du  moins  on  n'y 
tire  pas  de  ces  evenements  les  memes  consequences,  et  ce 
n'est  point  par  des  remedes  analogues  qu'on  y  cherche  a  com- 
battre  le  mal.  D'ailleurs,  on  vit  a  Weimar  au  milieu  des  sou- 
venirs et  dans  le  culte  philosophique  de  Goethe,  de  Schiller,  de 
Herder;  les  theologiens  y  invoquent  les  traditions  liberales  de 
Drelschneider  et  de  Rohr;  et  comment  oublier,  a  lena,  que 
de  Tuniversile  de  cette  ville,  Fichte,  Schelling  et  Hegel  jele- 
rent  a  I'Aliemagno  les  eclatantes  temerites  de  leur  premier 


76  SECONDE  PARTIE. 

enseignement?  Uorihodoxie,  comme  on  (lit,  a  rheure  qu'il  est, 
dans  toute  I'Allemagne  pmtestante,  n'est  done  point  aussi  en 
faveur,  dans  les  diiches  de  Saxe,  qii'anpres  des  autres  gouver- 
nements  :  on  s'y  croit  meme  charge  de  defendre,  centre  les 
0  emportements  »  de  cette  ortliodoxie,  le  developpement  lo- 
gique  du  principe  proteslant,  principe  auquel  sont  attaches, 
declare-t-on,  I'ind^pendance  et  la  dignite  de  I'esprit  alle- 
mand* . 

En  1832,  lorsque  M.  Cousin  visita  le  diiche  de  Saxe-Weimar, 
un  con5Z5/oz>e  y  avaitl'administration  de  I'instruction  publique ; 
el  ce  consistoire,  parmi  ses  membres,  ne  comptait  qu'un 
membre  laique.  Aujourd'hui  le  consistoire  n'existe  plus;  il  a 
ete  remplace,  depuis  1848,  par  un  haul  conseil  de  I'Eglise, 
Oberkirchenrath.  Sur  sept  conseillers ,  trois  sontetrangers  a 
I'etat  ecclesiastique  5  et  comme  r05er/l7>cAe?i7'a//i  est  preside 
par  le  ministre  de  I'instruction  publique,  I'element  laique,  on 
le  voit,  y  est  en  realite,  I'element  preponderant. 

Un  tel  changement  s'cst  opere  sous  I'influence  de  I'univer- 
site  d'lena,  et  specialement  sous  Timpulsion  de  I'un  de  ses 
professeurs  de  theologie  les  plus  eminenls,  M.  Scliwarz. 

line  faut  pas,  au  reste,  dans  I'application,  exagerer  la 
portee  de  c€  changement.  Sans  doute  la  suprematie  est devenue 
un  parlage  d'autorite;  le  pasteur  n'est  plus,  de  droit,  president 
du  Schukorstand,  au  sein  duquel  opinent,  a  ses  c6t<is,  les  no- 
tables de  la  commune  et  les  instilutcurs  eux-memes;  sans 
doute,  les  inspecteurs  ecclesiasliques,  au  lieu  de  communiquer, 
en  ce  qui  touche  les  questions  d'instruction  publique,  avec 
un  consistoire,  doivent  s'adresser  directement  au  minislere 

1.  Ce  sont  deux  professeurs  des  Universites  saxonnes,  MM.  Droysea 
(de  lena)  et  Nitzsch  (de  Leipsig)  qui  ont  fonde,  en  1853,  la  revue  men- 
suelle,  organe  des  prolestalionsphilosophiques  :  allgemeine  Monatsschrift 
fur  Wissenschaft  imd  Litteratur, 


HOLE  DE  L  ETAT.  77 

dont  Us  ne  sont  que  les  employes  [Behorden);  sans  doule 
aiissi,  radministration  de  I'inslriiction  popiilaire,  dans  ses 
detailsquotidienset  pratiques,  n'appartient  plusaux  membres 
de  \ Oherkirchenraih ;  sons  la  direction  immediate  dii  poiivoir 
civil*,  elle  estaux  mains  des  deux  directeurs  iaiques  des  serai- 
naires  de  Weimar  et  d'Eisenaeh.  Mais,  apres  tout,  i'instruc- 
tion  religieuse,  dans  I'ecole,  continue  a  etre  donnee  sous  la 
surveillance  des  «  fonclionnaires  ecclesiastiques  competents  - 
{von  den  heirejfenden  kirchlichen  Behorden  beaufsichtigi) ;  mais 
les  membres  du  clerge  charges  de  la  surveillance  des  cercles 
ecclesiastiques  inspectent  encore  les  ecoles.examinent  les  can- 
didats  aux  fonctions  de  I'enseignement,  controlent  les  Instilu- 
teurs  dans  raccomplissement  de  leurs  devoirs,  ont  la  baute 
main  sur  Torganisation  interieureet  technique  de  I'ecole^. 

Ainsi,  les  changomenis  operes  dans  le  duche  de  Saxe-Wei- 
marnesontassurementpas,eneux-memes,  une  menace  contre 
des  droits  respecles;  et  ce  n'est  pas  a  la  France  qu'il  appartient 
de  trouver  mauvais  que  I'autorite  seculiere  revendique  direc- 
tement  la  responsabilite  de  I'administration  de  I'enseigne- 
ment populaire.  L'Elat,  dans  les  autres  pays  duNord,  n'a  pas 
d'ailleurs  un  role  moins  preponderant  qu'en  Saxe-Weimar. 
Ce  qui  est  special  au  grand-duche,  c'est  que  la  puissance  pu- 
blique  y  obeit,  dans  ses  tendances,  a  une  inspiration  qui  donne 
a  ses  actes  une  signification  particuliere,  et  lui  assigne,  en  cc 
moment,  une  place  distinctive  parmi  les  Etats  de  la  confede- 
ration gerraanique. 

En  resume,  I'Elat,  dans  aucun  pays  de  I'Allemagne,  n'a 

1.  «  Dieselben  stehen  in  ihrer  Eigenschaft  als  Schul-Inspectoren  unmit- 
lelbar  utiter  dem  Staats-Ministerium.  •  {Vcrordnung  zur  AusfUhrung  des 
Gesetzes.) 

2.  Gcselz  iiber  einige  das  Volksschulivcsen  belrcffende  Fragcn,  voin 
1  Mai  1851,  art,  JL>. 


78  SECONDE  PARTIE, 

deserle  la  cause  des  inlerets  traditionuels.  Paiiout,  il  s'est 
constituelerepresentant  des  doctrines  que  rautorilereligieuse 
invoque,  et  que  I'experieuce  consacre.  Bien  plus,  il  a,  lelles 
circonstances  donuees,  protege  ces  memes  doctriues  contre  la 
faiblesse  ou  rimprevoyance  des  pouvoirs  qu'un  caractere  spe- 
cial en  faisait  les  defenseurs  naturels.  L'Elat  a  ete  par  excel- 
lence la  force  conservatrice  dans  I'Allemagne  septentrionale. 
Ge  n'est  done  pas  sur  lui,  nous  le  repelons,  que  doit  peser  la 
respousabilile  du  desordre  moral  dont  nous  avons  signale  I'e- 
tendue. 

Le  8  mars  i8o2,  dans  la  derniere  seance  du  congres  hange- 
lique  tenu  a  Berlin,  un  des  membres  les  plus  considerables  de 
la  premiere  chambre  de  Prusse,  M.  de  Stahl,  prononca  un 
discours  dont  le  sujet  etait  I'examen  de  ce  probleme  :  Qu'est-ce 
que  la  Retohdion?  «  La  Revolution,  ditl'oraleur,  n'est  pas 
une  insurrection,  une  revendicalion  armee  de  la  liberie  poli- 
tique; ce  n'est  pas  un  acte,  un  fait.  La  Revolution  est  cette 
doctrine  politique  qui,  depuis  soixante  ans,  corame  une  force 
universelle,  remplit  la  pensee  des  peupleset  dirige  les  mouve- 
mcnts  de  la  vie  publique,  doctrine  qui  se  resume  ainsi : 
«  Subslituer  pour  fondement  de  I'organisation  des  fitats  a 
«  I'ordre  voulu  par  Dieu,  la  volonte  de  I'hommej  considerer 
<  toute  puissance  comme  venant  non  de  Dieu,  mais  de 
ft  riiomme;  assigner  pour  but  a  I'activite  sociale  non  pas  la 
«  realisation  d'un  plan  divin,  mais  I'affranchissement  de  I'bu- 

«  manile »  .11  n'y  a  qn'une  puissance,  une  seulequi  piiisse 

encbainer  la  Revolution  :  c'cst  le  cbristianisme;  car  le  chris- 
tianisme  fonde  toute  la  vie  humaine  sur  I'ordre  etabli  par 
Dieu.  Le  cbristianisme  seulpeutraffermir  I'ordre  social,  apres 
que  lesprincipes  sur  lesquels  il  repose  ont  etc  mis  en  ques- 
tion, L'esprit  cbretien  ne  demande  pas  une  autoriie  qu'il  ait 
elablie  lui-meme,  uneconslitution  qu'il  ait  creee  lui-meme, 


ROLE  DE  l'lTAT.  79 

un  droit  qu'il  ait  tire  de  ses  propres  conceptions.  II  prefere 
reeevoir  toutcela  de  la  volonte  divine;  11  secontented'ajouter 
sa  modeste  part  de  travail  a  I'iniuiense  edifice  du  temps, 
selou  queDieu  lui  en  a  impose  la  taclie^.  > 

En  citant  ces  paroles ,  j'aiirais ,  certes,  a  faire  des  reserves  ; 
mais  je  les  dois  signaler  :  elles  sont,  au  moment  ou  j'ecris, 
i'expression  de  la  pensee  des  gouvernements  de  I'AUemagne 
dans  I'administraliou  de  renseignement  populaire. 

Mieux  encore  saisira-t-on  cette  pensee;  moins  encore 
pourra-t-on  accuser  I'fitat,  quand  on  I'aura  vu,  dans  I'orga- 
nisation  hierarciiique  de  Tinstrnction  primaire,  employer 
partout ,  comme  instruments  de  son  action  ,  les  merabres  du 
corps  meme  en  qui  doivent  se  personnifier  les  principes  tradi- 
tionnels;  quand  on  saura  par  qui  et  comment  sont  exercees, 
au  dela  du  Rhin,  la  surveillance  et  I'iuspection  des  ecoles. 

Section  II.  —  De  I'inspection  des  ecoles. 

En  Allemagne,  comme  en  France,  et  selon  les  necessitos 
qui  uaissent  de  la  nature  meme  des  choses,  il  existe  pour  les 
ecoles  deux  sorles  d'inspection  :  Tune  essentiellement  locale, 
I'autre  servant  de  lien  entre  la  commune  et  le  pouvoir  central. 

En  Prusse,  ainsi  que  dans  les  autres  pays  de  I'AUemagne, 
c'est  un  principe  de  gouvernement  scolaire,  que  Tune  et 
I'autre  inspection  doivent  etre  exercees  par  des  membresdu 
corps  ecclesiastique. 

Pour  les  hommes  d'Elat,  au  dela  du  Rhin,  le  probleme  ge- 
neral, dans  ses  termes  les  plus  eleves,  est  celui-ci :  trouver  les 
conditions  dans  lesquelles  les  forces  \ives  de  la  societe  puis- 
sent,avec  le  plus  de  profit,  etre  appllquees  au  gouvernement 
moral  de  I'enseignement  public. 

1.  Was  ist  die  Revolution?  — Kin  Vortrag  gehalten  auf  Veranlassung 
des  evangelischen  Vereins  in  Horlin. 


80  SECONDE  P ARTIE. 

Les  forces  dont  on  parle  se  resuracnt  sous  Irois  noms  ; 
I'Etat,  I'Eglise,  la  famille. 

Dans  rinstruclion  primaire,  c'est-a-dire  dans  roeiivre  de 
I'educalion  des  masses,  I'etendue  du  role  que  I'Etat  a  inleret 
d'attribuer  a  I'Eglise,  est  en  raison  merae  de  I'efficacite  de 
Taction  que  I'l^glise  est  en  mesure  d'exercer. 

L'Eglisepossede  un  cadre  defonctionnaires  toutcree.  Inde- 
pendamment  de  sa  vertu  propre,  elle  est,  au  point  de  vuo 
purement  administratif,  un  instrument  precieux  dont  11  faut 
que  I'Etat sachese  servirsans  rien  aliener  deses droits.  D'ail- 
leurs,  reducaliou  des  classes  iaborieuses  semble,  a  vrai  dire, 
un  appendice  naturel  du  niinistereecclesiastique;  et  I'liistoire 
n'estqu'un  perpetiiel  lemoignagedu  role  que,  sous  ce  rapport, 
la  raison  publique  a  toujours  assign^  a  I'Eglise. 

Toutes  les  fois  done  que  i'Elat,  dans  I'admiuistration  de 
rinstruclion  primaire,  pourra  mettre  en  ceuvre  des  instru- 
ments ecclesiastiques,  il  devra  le  faire  :  premiereraent  pour 
atlenuer  la  rcsponsabilite  morale  qui  pese  sur  lui;  en  second 
lieu,  pour  diminuer  le  nombre  des  fonctionnaires  dont  il  est 
accable. 

Ces  principessontTexpression  abstraite  des  fails  que  revele 
I'etude  du  systerae  de  I'enseignement  au  dela  du  Rhin;  et  I'ap- 
plication  en  est  aussi  complete  dans  les  pays  protestants  que 
dans  les  pays  catboliques. 

Le  Z,a72f/;'ec/i/,  on  I'avUjCommelereglement  general  del  765, 
les  consacre  expressement;  et  une  serie  d'actes  recenfs  nc 
peut  laisser  aucun  doute  sur  les  intentions  actuelles  de  I'ad- 
ministration  superieure  de  I'instruction  publique,  a  Dresde 
comme  a  Hanovre,  a  Cassel  comme  a  Berlin. 

Partout  a  cote  de  I'autorite  collective  qui,  sons  le  nom  de 
Comite  directeur  de  I'ecole  {Schuhor stand)  ou  de  Co?nmissio7i  des 
ecoles  {Schul-Commission)  est  chargee  particulierement  de  Torga* 
nisation  malericlle  et  des  interels  exterieurs  dcsetablissemcnts 


ROLE   DE  L  ETAT.  84 

scolaiies,  le  pastciir  exerce,  dans  le  rossort  ile  la  paroisse,  la 
surveillance  etl'inspeotion.  En  qualite  d'inspecteiir  local  {Lo- 
cal-Schulinspector) ,  il  intervient  dans  I'organisation  interieure 
de  I'ecole;  ses  visites  doivent  avoir  lieu  uue  fois  au  moins 
chaque  semaine;  et,  dans  ces  visites ,  ce  qui  louche  a  Ten 
seignementetala  direction  morale,  est,  sous  tous  les  rapports, 
soumisa  son  controle.  Les  droits  qu'attribuait  au  representant 
de  I'autorite  ecclesiastique,  dans  la  commune,  le  reglemenfc 
de  1765,  lui  sont  expressement  conserves  paries  reglcmenis 
contemporains.  La  regence  de  Potsdam,  qui  revolt  direcle- 
ment  ses  inspirations  de  Berlin  ,  s'exprimait  comme  il  suit 
dans  une  circulaire  du  3  mai  1853  : 

«  Aux  terraes  des  ioiset  regleraents,  Tecole  et  Tinstituteiir, 
avee  son  enseignement,  sont  places  sous  la  surveillance  et  la 
direction  de  I'autorite  ecclesiastique  de  la  commune,  qui  doit 
pourvoir  avec  soin  a  ce  que  les  prescriptions  scolaircs  soient 
scrupuleusement  observees. 

"  L'instruction  religieuse  est  particulierement  design^'e  a  sa 
soUicitudc.  Sous  ce  rapport  done,  ainsi  qu'il  est  dit  a  I'art.  25 
du  Reglement  general  {General  Ldndschul-Reglement) ,  la  distri- 
bution de  I'enseignement  dans  I'ecole  appartient  au  pasteur; 
et  dans  ce  but,  comme  en  general  pour  la  direction  du  sys- 
teme  scolaire,  des  conferences  de  tous  les  maitres  de  la  pa- 
roisse doivent  etre  tenues  cbaque  mois  par  iedit  pasteur  »  . 

Meme  esprit  et  memes  prescriptions  dans  le  royaume  de 
Saxe : 

oLes  inspecteurs  locaux  doivent  visiter  lesecolesde  leurspa- 
roisses  au  moins  une  fois  la  semaine,  et  celles  plac(^es  au  dehors 
au  moins  une  fois  par  mois. 

«  On  attend  des  sentiments  religieux  et  de  la  culture  mo- 
rale des  ecclesiasliques  que  I'inspection  a  eux  confiee,  pour  la 
conservation  du  lien  entre  I'Eglise  et  I'ecole,  sur  les  etablis?e- 
raents  de  lours  paroisses,  sera  (aile  avec  zele  et  amour,  et  qu'ils 

6 


82  SECONDE  PARTIE. 

s'appliqueront  a  procurer  le  progres  intellecluel  et  moral  des 
raaitres.  »  Verordnung,  vom  Ojiiin  1835.) 

Dans  ]a  Hesse-Electorale,  une  instrucUon  dii  20  novembre 
1825,  instruction  dont  toutes  les  prescriptions  sont  encore  au- 
jourd'hui  en  vigueur,  fait  bien  comprendre  le  role  que  la  le- 
gislation allemande  attribue  aux  pasteurs  :  je  la  traduis  dans 
son  ensemble  : 

Instruction  pour  les  pasteurs  sur  Imrs  devoirs  relativement  a  I'inspection 
des  ecoles  de  leurs  paroisses. 

1.  —  «  Dans  les  villes  et  autres  lieux  ,  ou  sont  etablis  des 
comites  {Sclmkorsidnde)  particuliers,  la  surveillance  est  exer- 
cee  dans  toutle  ressort  par  ledit  comite;  mais,  en  tout  ce  qui 
est  de  I'enseignement  lui-meme,  de  sa  direction  et  des  ame- 
liorations qu'il  comporte,  I'inspection  appartient  toutspecia- 
lement,  et  avant  tout,  aux  ecclesiastiques  raembres  du  Schid- 
vorsiand. 

2.  —  «  Les  ecclesiastiques  auxquels  appartient  I'inspection 
speciale  des  ecoles  attachant  a  cette  mission  toute  I'importance 
necessaire,  aucun  moyen  ne  doit  etre  epargne  pour  que  le  but 
soit  atteint.  lis  doivent  en  particulier  : 

3.  —  «  Veiller  avec  soUicitude  a  ce  que  tons  les  enfants 
obliges  par  leur  age  de  se  rendre  a  I'ecole  la  frequentent  en 
effet.  lis  se  font  rendre  compte,  tons  les  dix  jours,  des  absences, 
par  le  maitre  d'ecole,  adressent  les  avertissements  conve- 
nables  aux  parents  et  aux  enfants;  et  si  des  absences  raulti- 
pliees  se  produisent  sans  excuses  valables,  ils  en  font  part  au 
conseiller  du  cercle,  afin  quecelui-ci  poursuive  I'applicalion 
de  la  peine. 

4.  —  a  Le  pasteur  prend  soin  quel'instituteur  fasse  I'ecole 
exactement  aux  heures  fixees.  Gelui-ci  ne  peut  s'eloignerde 
la  commune  sans  sa  permission,  permission  qui  peut  etre  oc- 
Iroyee  pour  trois  jours. 


?  / 


ROLE  DE  L  ETAT.  85 

5.  —  «  II  doil  empecher  que  I'instituteur  exerce  un  metier 
ou  commerce  incompatibles  avec  les  fonctions  (I'instituteur. 

6.  —  «  II  doit  faire  en  sorte  que  le  maitre  maintienne  une 
discipline  severe,  de  telle  maniere  cependant  que  la  sante 
des  enfants  n'en  souffre  pas. 

7.  —  « II  est  du  devoir  du  pasteur  de  prendre  une  connais- 
sance  sufflsante  de  la  methode  d'enseignement  de  I'institu- 
teur, sans  oublier,  bien  entendu,  que  plusieurs  chemins  me- 
nent  au  meme  but. 

8.  — «  Lorsque,  pour  la  bonne  organisation  d'une  ecole,  des 
divisions  doivent  etre  etablies  dans  les  classes,  d'apres  I'age 
et  d'apres  les  aptitudes  et  le.  degre  de  connaissance  des  el^ves, 
le  pasteur  veille  a  la  bonne  distribution  de  ceux-ci.  II  prend 
soin,  dans  les  ecoles  mixtes,  que  les  gar^ons  et  les  filles  aient 
des  places  s^parees. 

«  La  repartition  se  fait,  chaque  annee,  au  moment  de  I'ou- 
verture  de  I'ecole  ou  des  examens  semestriels,  en  la  presence 
du  pasteur. 

9.  —  « II  appartient  au  pasteur  de  regler  et  d'arreter  le 
programme  de  I'enseignement,  I'ordre  dans  lequel  il  doit  etre 
etudie,  et  d'en  maintenir  I'observation  de  maniere  a  ce  que 
ce  programme  ne  soit  pas  change  sans  raisons  sufflsantes. 

10.  —  «G'esta  lui  de  veiller  a  ce  que  I'instituteur  lienne 
exactement  la  liste  des  eleves,  qu'il  y  consigne  des  notes  re- 
latives a  la  conduite,  au  travail,  a  I'exaclitude,  aux  progres. 
Cette  lisle  doit  etre  presentee  au  pasteur  toutes  les  fois  qu'il 
visite  recole,  ou  lors  des  examens  publics  semestriels. 

11.  —  «  A  la  fin  de  chaque  semestre  a  lieu  un  examen  pu- 
blic auquel  doit  assister  le  pasteur. 

12.  —  «  Pour  que  les  pasteurs  aient  une  connaissance  suf- 
fisamment  approfondie  de  leurs  ecoles,  et  pour  qu'il  leur  soit 
possible  de  conlribuer  an  perfectionnement  de  ['education, 
de  frequentes  visiles  sonl  necessaires.  U  leur  est  expressement 


84  SECONDE  PARTIE. 

recommand^,  ainsi  qu'il  est  de  leur  devoir,  d'inspecter,  chaque 
semaine  an  moins,  une  ecole,  et  d'intervenir  selon  les  pres- 
criptions de  I'art.  7,  dans  la  dispensation  de  I'enseignement. 

13.  —  «  Le  pasteur  doit  consigner  ses  notes  siir  une  feuille 
{Schul-Protokoll)^  oil  sont  indiques  et  le  jour  de  la  visite  et  le 
resultat  de  I'inspection.  Cette  feuille  doit  etre  presentee  dans 
les  huit  premiers  jours  de  I'annee,  avec  un  rapport  sur  la  con- 
duite,  le  zele,  I'aptitude  de  chaque  maitre,  a  I'inspecteur  su- 
perieu  r  {Ober-Schul-Inspector) . 

14.  —  « II  appartient  aussi  aux  pasteurs  de  veiller  a  ce 
que  les  maisons  d'ecole  soient  disposees  convenablement  et 
entretenues  en  bon  etat ;  a  ce  qu'elles  ne  soient  pas  employees 
a  des  usages  etrangers  a  leur  destination,  a  ce  qu'elles  soient 
pourvues  du  mobilier  scolaire,  a  ce  que  les  eleves,  et  en  par- 
ticulier  les  eleves  pauvres  ne  manquent  pas  des  moyens  d'in- 
struction  necessaires. » 

Ainsi,  le  pasteur  est,  a  vrai  dire,  la  personnification  des  in- 
terets  scolaires.  L'instituteur  n'est  pas  nomme  par  lui,  mais 
la  direction  morale  de  I'ecole  lui  appartient.  Ce  qui  lui  est 
lout  particulierement  attribuedans  les  pays  catholiques,  jel'ai 
dit  plus  haut,  c'est  non-seulement  la  surveillance  de  I'ensei- 
gnement religieux,  mais  cet  enseignement  lui-meme.  A  cet 
egard,  il  n'est  pas  seulement  inspecteur,  mais  encore,  et  dans 
loute  la  force  du  mot,  deux  fois  par  semaine,  il  est  instituteur. 

Au-dessus  de  ce  premier  degre  de  surveillance  est  constituee 
une  inspection  plus  generale,  inspection  de  district  ou  decerc/e. 
Cette  inspection  ,  par  la  nature  des  devoirs  qu'elle  impose  , 
correspond  a  celle  des  inspecteurs  de  I'instruction  primaire 
en  France;  mais  elle  est  restreinte  dans  un  ressort  beaucoup 
moins  etendu  que  celui  de  nos  arrondissements.  Ses  limites 
ne  depassent  pas  celles  d'un  de  nos  cantons,  et  souvent  meme 


ROLE  DE  L  £TAT.  85 

ne  les  atteignent  point.  On  tient,  en  AUemagne,  qu'un  fonc- 
tionnaire  nedoitni  ue  pent  avoir  sous  sa  direclion  plus  de  40 
aCOecoles^ 

Un  tel  systeme,  on  le  voit  a  premiere  vue,  n'est  applicable 
qu'a  uue  condition,  c'est  que  les  agents  de  I'inspection  seront 
emprunles  a  un  cadre  tout  eree.  Comment,  en  effet,  avoir 
des  fonctionnaires  speciaux  assez  nombreux  pour  n'attribuer 
a  chacun  d'eux  qu'un  nombre  si  restreint  d'etablissements? 
Comment  grever  le  budget  d'une  charge  qui  risquerait  d'egaler 
les  depenses  affectees  a  I'ensemble  du  service  de  i'instruclion 
priraaire? 

Or,  ce  cadre  existe  partout  oil  existe  un  clerge.  Les  inspec- 
leurs  de  cercle,  inspecteurs  de  district,  i  n  spec  ten  rssM/^mer^rs, 
dans  les  differents  pays  d'Allemagne,  font  tons  partie  du  corps 
ecclesiastique. 

L'inspecteur du  cercle  est  choisi  parmi  les  membres du  clerge 
les  plus  distingues  du  ressort.  En  general  il  est  charge  en 
meme  temps,  sous  le  titre  de  Surintendant,  chez  les  protes- 
lants,  et  sous  celui  de  Doyen  (Dechant)  chez  les  catholiques,  de 
I'inspection  ecclesiastique  dans  la  merae  circonscription  ; 
I'inspection  des  ecoles  devient  done,  pour  les  pasteurs,  partie 
integrante  du  ministere  sacre.  Des  lors,  elle  ne  constitue  pas 
une  fonction  independante  et  distincte ;  elle  pent  consequem- 
ment  etre  exercee  par  un  nombre  considerable  d'agents  dont 
la  mission  ne  devient  pas  une  charge  onereuse  pour  I'l^tat :  les 
Kreisschulinspedoren,  en  effet,  ne  re^oivent  pas  de  traitement; 
il  leur  est  donne  une  simple  indemnite,  indemnite  pure- 
raent  destinee  a  les  rembourser  des  frais  de  tournee,  et  ne 
s'elevant  pas,  chaque  annee,  au  dela  de  la  somme  de  150  a 
200  francs. 

1.  Ce  nombre  m6me,  la  plupart  du  temps,  n'est  pas  atteint. 


86  SECONDE  PARTIE. 

Aujourd'bui,  comme  sous  le  regime  du  Regleraeut  general 
de  1765,  runion  intime  de  I'inspection  ecclesiastique  et  de 
I'inspectionscolaireest  eonsideree  par  I'Etat,  comme  un  prin- 
cipe  de  haul  interet  public.  Uoe  circulaire  ministerieile  du 
25  avril  1825  est  ainsi  congue  : 

Circulaire  relative  aux  Surintendants. 

a  11  est  arrive,  en  certains  cas,  que  les  Surintendants  ne 
pouvaient  se  consacrer  suffisamment  a  I'inspection  des  ecoles, 
et  suivre  d'une  maniereassez  approfondie  les  details  du  sys- 
teme  pedagogique.  Cette  separation  de  I'inspection  ecclesias- 
tique et  de  rinspection  scolaire,  deux  choses  si  essentielle- 
ment  unies.  ne  pent  etre  toleree  que  lorsque  I'age  ou  la 
maladie  exigent  un  allegement  des  devoirs  imposes  aux  Sur- 
intendauts.  Quand  I'un  d'entre  eux,  pour  une  raison  grave, 
est  dispense  de  sa  mission  relative  aux  ecoles,  celui  ou  ceux 
qui  sont  charges  de  le  suppleer  doivent  s'aider  de  ses  conseils, 
et  faire  parvenir  par  lui  leurs  rapports  aux  autorites  supe- 
rieures,  de  meme  que  les  prescriptions  de  ces  dernieres  con- 
tinuent  a  leur  etre  adressees  par  son  intermediaire. 

« II  D'y  a  pas  lieu  d'empecher  que,  dans  les  dioceses  (DiocescD) 
d'une  grande  etendue,  des  ecclesiastiques  zeles  pour  les  int(3- 
rets  de  Tenseignement  primaire  soient  designes  comme  in- 
specteurs  speciaux  pour  certaines  parties  du  ressort;  seule- 
ment  ni  I'activite  ni  I'influence  du  Surintendant  n'en  doivent 
souffrir;  il  n'en  doit  resulter  qu'un  surcroit  de  developpe- 
ment  dans  le  systeme  scolaire.  » 

Le  ministre  de  I'instruction  publique. 

Altenstein.  » 

La  pensee  de  cette  circulaire  est  entierement  conformea 


ROLE  DE  l'eTAT.  87 

celle  qui  inspirait  le  reglement  de  1765*  etcelui  de  1801  "2. 
Elle  se  retrouve  aussi  dans  les  actes  recents  emanes  de  la 
haute  administration  ecelesiastique  :  le  21  juillet  1851  le  con- 
seil  superieur  de  I'egjise  de  Prusse  adressait  a  tous  les  eonsi^-r 
toires  royaux  la  circulaire  qui  suit  : 

«  Son  excellence  le  minislre  de  Finstruction  publique  nous 
a  fait  connaitre,  par  une  circulaire,  toufe  I'importance  qu'il 
attache  a  ce  que  la  surveillance  des  ecoles  primaires  et  des 
iostituteurs  soit  assiduementexercee  paries  Surintendants  et 
les  pasteurs.  L'union  intinie  qui  existe  entre  I'Eglise  et  I'ecole 
ne  pent  lalsser  aucun  doute  sur  ce  point,  que  la  surveillance 
de  i'education  populaire  est  un  des  devoirs  les  plus  essentiels 
du  minislere  ecelesiastique,  et  demontre  que  le  progres  de 
I'ecole  depend  de  cette  union  raeme.  Les  Surintendants  et  les 
pasteurs  ne  doivent  pas  se  borner  a  inspecter  I'enseignemenl 
religieux  des  ecoles ^  ils  ont  aussi  a  veiller  a  ce  que  le  reste  de 
I'enseiguement  ne  devienne  pas,  comme  il  est  arrive  souvent 
dans  les  dernieres  annees,  un  moyen  de  repandre  des  doc- 
trines anti-religieuses,  raais  I'occasion,  au  contraire,  de  deve- 
lopper  la  foi  chretienne  et  les  moeurs  chretiennes.   II  est 

t.  Dans  un  autre  reglenient,  celui  de  1765,  particulierement  applicable 
a  la  Silesie ,  les  arcbipretres  sonl  designes  pour  exercer  I'inspection. 
Voyez,  pour  les  devoirs  qui  leur  sont  imposes,  les  §§  52,  53,  54,  etc. : 
«  Der  visitirende  Erzpriester  hat  zwar  alias  das  bei  seiner  Visitation  zu 
beobachten...  er  muss  di  Ursache  erforschen,  warum  Kinder  zuriick 
geblieben  ,  ob  der  Pfarrer  sie  dahin  zu  bringen  sich  geliurige  Mlihe  ge- 
geben  habe...  er  muss  deni  Unterricht  des  Schulmeisters  beiwohnen,  um 
zu  sehen,  ob  dieser  nach  der  vorgeschriebenen  Art  lehre...  etc.  » 

2.  Le  reglement  de  1801,  en  modifiant  le  precedent  a  certains  egards, 
consacrait  les  memes  principes  Du  reste,  tout  en  deleguant  a  I'eveque  de 
Breslau  le  droit  denomination  (art.  51),  il  permettait  de  ne  pas  reunir  sur 
la  tete  de  la  meme  personne  les  deux  fonctions  d'arcliipretre  et  d'inspec- 
tour,  ce  dernier  devant  toujours  6tre  un  pedagogue  experimente  :  •  in  der 
V'udagogik  erfahrener  Mann  sein  muss...  » 


88  SECiOINDE  PARTIE. 

dii  role  des  pasteurs,  non-seulement  de  visiter  soiivent  les 
ecoles  de  leur  commune,  mais  encore  de  s'occuper  avec  une 
attention  speciale  des  maitres  negligents  et  peu  capables,  de 
les  assister  de  leurs  avertissements,  de  leurs  repriraandes,  de 
leurs  conseils,  el  meme  de  ue  pas  lenr  epargner  les  enseigne- 
ments  pedagogiques.  La  est  le  meilleur  moyen,  pour  eux,  de 
se  concilier  I'eslime  et  la  conflance  des  instituleurs. 

«  Nous  recommandons  d'autant  plus  vivement  au  consis- 
toire  royal,  aux  Surintendants  et  aux  pasteurs,  de  prendre  a 
coBur  la  surveillance  des  ecoles  populaires,  que  les  evene- 
ments  des  derniers  temps  out  demontre  I'extreme  impor- 
tance dece  devoir.  » 

Tel  est,  au  sujet  de  I'inspeclion,  Tesprit  general  de  la  le- 
gislation alleraande.  Entrons  maintenant  dans  les  details  de 
I'application  :  il  importeicide  citer,  comme  plus  haut,  des 
documents  et  des  textes  :  je  veux  faire  connaitre,  en  particu- 
lier,  le  reglement  en  vigueur  pour  les  inspecteurs  catholiques 
de  la  regence  de  Miinster. 

1.  — L'inspecteur  n'a  pas  seulement  mission  dc  surveiller 
les  ecoles  elementaires  de  son  district,  mais  aussi  dediriger 
I'enseignement  des  maitres. 

2.  —  Principalement  charge  des  interels  interieurs  de 
I'ecole,  il  exerce  au  double  titre  de  commissaire  de  la  regence 
royale  et  de  delegue  de  Tautorite  episcopate  la  surveillance 
qui  appartient  a  I'l^^tat  et  a  I'figlise  sur  les  Ecoles.  A  ce  double 
point  de  vue,  il  inspire  I'enseignement  de  I'iustituteur. 

3.  —  II  appartient  a  l'inspecteur  de  veiller  a  ce  que  le  re- 
gime de  I'ecole  soit  dirige  conformement  aux  reglements. 

4.  —  L'inspecteur  ne  doit  pas  se  borner  a  signaler  les  lacunes 
de  I'enseignement 5  il  doit  s'entendre  pour  I'amelioration  du 
systeme  scolaire  avec  les  comites,  et  s'y  appliquer  aclivement 
de  concert  avec  le  pasleur  de  la  commune. 


ROLE  DE  l'eTAT.  89 

5.  —  L'araelioration  du  systeme  scolaire  dependant  prin- 
cipalement  du  degre  de  culture  des  mailres,  tons  les  efforts 
de  I'inspecteur  tendent  a  developper  les  connaissances  et 
surtout  I'habilete  pralique  de  ces  derniers.  II  doit,  dans  ce 
but,  leur  indiquer  les  lectures  utiles,  et  lenir  des  conferences 
a  des  epoques  regulieres,  tous  les  mois,  s'il  est  possible.  — 
Afin  que  les  ecclesiastiques  zeles  puissent  facilement  prendre 
part  a  ces  conferences,  i'inspecteur  convoque  le  pasteur  de 
la  commune  ou  est  tenue  la  conference.  II  est  loisible  a  tous 
les  pasteurs  du  district  d'y  assister. 

6.  —  Pour  que  la  pratique  de  I'enseignement  puisse  s'ame- 
liorerdirectement,  et  que  les  conseilsdel'esperience  proGtent 
aux  instiluteurs  faibles,  les  conferences  peuvent  etre  tenues 
tour  a  tour  dans  les  dilf^rentes  ecoles  du  district. 

7.  —  L'inspecteur  doit  visiter  au  moins  deux  fois  par  an 
chaque  ecole  de  son  district,  et  plus  sou  vent,  s'il  est  neces- 
saire. 

8.  —  L'inspecteur  redige,  tous  les  ans,  dans  les  six  semaines 
qui  suivent  la  fin  de  I'ete,  un  rapport  special,  en  double  expe- 
dition, sur  les  Ecoles  de  son  district,  rapport  adresse,  d'un 
cote  parl'intermediaire  du  Landrath  (sous-prefel)  a  la  regence 
royale,  de  I'autre  par  celui  du  doyen  a  I'autorite  episco- 
paie. 

9.  — Les  instituteurs,  nouvellement  nommes,  apres  avoir 
prete  le  serment  professionnel  et  fait  leur  profession  de  foi  ca- 
Iholique,  sont  installes  dans  les  fonctions  provisoires  et  plus 
tard  leur  emploi  definitif,  par  l'inspecteur  de  ecoles. 

10.  —  L'inspecteur,  bien  qu'il  lui  soit  prescrit  de  veiller 
avec  une  severite  consciencieuse  a  ce  que  les  instituteurs 
reraplissent  ponctuellement  leurs  devoirs,  doit  pourtant  se 
montreren  loute  circonstance  leur  ami  et  leur  conseiller,  el 
s'cfforcer  d'entretonir  de  bons  rapports  entre  les  maitres  el 
les  pasteurs,  les  communes  el  les  comiles  d'ecole. 


90  SECONDE  I'ARTIE. 

H.  —  11  est  recoraraande  aux  inspecteurs  du  nierae  decanat 
de  se  reiinir  de  temps  a  autre  pour  conferer  sur  les  interels 
des  ecoles,  de  niettre  eii  coranuin  leui*  experience.  » 

Les  inspecteurs  des  cercles  ruraux  sont  designes  sous  le 
nom  de  Schulpjleger.  Citons  I'instruction  suivante  qui  les 
concerne  : 

«  1 .  —  Sont  places  sous  la  surveillance  du  Schxd-pfieger  tant 
les  ecoles  publiques  qu'en  general  tous  les  elablissements  d'en- 
seignement  de  sa  circonscription. 

II  lui  appartient  d'etendre  son  attention  a  tout  ce  qui  inte- 
resse  I'instruction  dans  le  ressort. 

2.  — II  veille  a  ce  qu'aucun  etablissement  ne  soit  ouvert 
sans  autorisation  de  I'autorite  superieure,  et  sansque  le  maitre 
ait  subi  les  epreuves  exigees. 

3.  — En  tant  qu'autorite  immediatement  preposee  aux  eta- 
blissements  d'instruction  publique  de  sa  circonscription,  il 
est  I'intermediaire  entre  ceux-ciet  la  commission  d'ccoles  et 
les  autorites  locales. 

4.  —  II  est  consequemment  en  relations  etroites  avec  les 
maitres  individuellement,  et  avec  les  comites,  lesquels  lui 
adressent  leurs  rapports,  et  leurs  propositions,  sauf  les  cas 
extraordinaires  oil  il  leur  est  loisible  d'entrer  en  communi- 
cation directe  avec  le  conseiller  des  ecoles  {Schul-Rath)  *. 

5.  —  II  est  aussi  en  rapports  habituels  avec  le  Schul-Raih. 

6.  —  Le  Sclmlpfleger  visite  les  ecoles  aussi  sou  vent  que  ses 
autres  functions  le  lui  permettent.  II  soumet  a  un  examen 
preparatoire  lescandidats  qui  doivent  subirles  epreuves  de- 
vant  le  coraite,  et  ajourne  ceux  qui  ne  presentent  pas  les 
connaissances  suffisantes.  Le  comite  n'admetaces  epreuves 
aucun  candidal  qui  ne  produise  un  certificat  d'examen 
preliminaire  signe  du  Schulpfleger.  —  Ce  dernier  examine 

1.  Le  conseiller  charge  des  affaires  d'enseignement  dans  chaque  rdgence. 


ROLE  DE  LETAT.  91 

egalement,  au  prealable,  les  aspirants  qui  desirent  entrer  au 

seminaire.  » 

Meme  legislation  dans  le  royaume  de  Saxe  : 

«  Le  Surintendant  ou  ephorus  exerce  la  surveillance,  comme 
inspecteur  de  district,  sur  toutes  les  ecoles  d'une  epJwrie.  Dans 
les  ephories  etendues,  il  est  loisible  au  Surintendant  de  s'as- 
socier,  avec  I'autorisation  de  I'autorite  superieure,  pour 
r inspection  frequente  des  ecoles,  les  ecclesiastiques  qu'il  croit 
dignes  de  cette  mission  (art.  169  de  Tordonnance  de  1855).  » 

L'instruction  adressee  par  les  autorites  scolaires  aux  in- 
specteurs  superieurs,  dans  le  duche  de  Hesse-Cassel ,  mtrite 
d'etre  traduite  : 

«  Atin  qu'une  inspection  superieure  soil  exercee  sur  les 
ecoles,  et  que  I'activite  des  pasleurs,  a  qui  est  confiee  la 
surveillance  locale,  soit  tenue  en  haleine;  afin  qu'une  auto- 
rite  soil  etablie  qui  puisse  imprimer  la  direction  necessaire, 
prodiguer  les  conseils,  et  veiller  a  I'observation  des  re- 
glemenls  pour  I'amelioration  du  systeme  scolaire,  des  eccle- 
siastiques d'un  rang  eleve  sont  designes  comme  inspecteurs 
superieurs  {Ober-Schul-Inspectoren) .  Regie  generale  :  Tout  me- 
tropolitain  *  est  inspecteur  superieur  de  son  district. 

1.  Le  Metropolitan  r^pond,  en  Hesse,  au  Superintendent  de  Prusse. 

Un  metropolitain  n'a  pas  sous  sa  surveillance  plus  de  25  ecoles ;  ce 
nombre  m6me  est  tres  rarement  atteinc.  Voici,  par  exemple,  dans  la 
Hesse, comment  sont  reparties  les  ecoles  entre  les  Ober-Schul-Inspectoren : 
Metropolitanie  ou  surintendance  d'Hochstadt  :  8  ecoles  en  8  communes. 

—  de  Bockenheim  :  8  ecoles  en  6  communes.  —  de  Bode  :  1 1  ecoles  en 
8  communes.  —  de  Bieber  :  I.*)  ecoles  en  5  communes.  —  de  Schliichtern: 
18  ecoles  en  7  communes.  —  de  Mottgcrs  :  16  ecoles  en  6  communes. 

—  de  Birsteln  :  21  ecoles  en  8  communes.  —  de  Meerholz  :  11  ecoles  en 


92  SECONDE  PARTIE. 

1 .  —  «  Sons  rautorite  des  inspecteurs  siiperieurs  sont  places 
les  pasteiirs,  comrae  inspecteurs  speciaiix  des  ecoles  de  leurs 
paroisses  respectives;  les  instituteursdesdites  ecoles,  ainsi  que 
les  societes  pour  les  conferences  d'instiUilenrs  {Schullehrer- 
Conjerenz-Gesellschafien)  de  leur  circouscripLion. 

2.  —  «  lis  doivent  particnlierement  veiller  a  ce  que  les 
pasteurs  executent  consciencieuseraent  les  instructions  qui 
leur  sont  donnees;  assisteraux  conferences  annuelles  ou  se- 
meslrielles  d'instituteurs;  et  travailler  a  leselablirla  ou  elles 
n'existent  pas. 

3.  —  a  Les  inspecteurs  superieurs  visitent  chaque  ecolede 
leur  circonscription  an  moins  une  fois  par  mois,  et  se  forment 
une  idee  nette  de  la  situation  de  chacune  d'eiles.  Apres  les 
visites,  ils  communiquent  leurs  observations  et  donnent  leurs 
conseils,  ou  de  vive  voix  ou  par  ecrit,  et  aux  pasteurs  et  aux 
maitres.  En  cas  de  necessite,  ils  s'adressent  au  conseil  du 
cercle  [Kreisrath). 

A.  —  «  A  la  fin  de  chaque  annee,  ou,  au  plus  tard,  dans  le 
mois  de  fevrier,  ils  adressent  un  rapport  sur  la  situation 
de  chacune  des  ecoles  de  leur  circonscription  ,  en  indiquant 
le  jour  oil  I'inspection  a  eu  lieu.  Pour  les  ecoles  dont  ils  sont 
enx-memes  inspecteurs,  en  tant  que  pasteurs,  ils  joignent  a 
leur  rapport  general  les  notes  concernant  chacune  de  ces 
ecoles. 

5.  —  «  Les  conseillers  de  cercle  [Kreisr'dthe)  sont  associes  a 
la  haute  surveillance  confiee  aux  inspecteurs  superieurs.  La 
cooperation  de  ces  deux  autorites  est  dirigee  de  telle  sorte  que, 
tons  les  interets  interieurs  et  la  direction  morale  de  I'ecole 
etant  remis  aux  mains  des  inspecteurs  superieurs,  ce  qui  est 

3  communes.  —  de  WUchtersbach  :  14  ecoles  en  5  communes.  —  de 
Hanau  :  11  ecoles  en  5  communes.  —  de  Grossenluder  :  15  ecoles  en 

4  communes. 


ROLE  DE  l'eTAT.  95 

de  Texlerieiir  soit  reserve  aux  conseillersde  eerele,  sans  toii- 
tefois  qu'il  y  ait  separation  entre  ces  deux  ordres  d'interets. 
—  Les  rapports  annuels  adresses  par  les  inspeeteurs  superieurs 
a  la  regence  sont  prealablement  communiques  au  conseil  de 
cercle,  qui  y  joint  le  temoignage  de  son  assentiment  ou  ses  re- 
marques.  » 

On  le  voit,  le  corps  ecclesiastique  est,  dans  les  differentes 
contrees  de  I'Allemagne,  Tinstrument  commun  de  I'Etat  etde 
I'Eglise  pour  I'inspection  des  ecoles. 

Les  inspeeteurs  sont  nommes  par  les  consistoires  provin- 
ciaux  et  conlirmes  par  le  ministre  de  I'instruction  puhli- 
que.  Dans  les  provinces  catholiques  de  Prusse,  notararaent. 
dans  la  Westphalie ,  et  plus  specialement  encore  dans  la 
Silesie,  le  choix  des  consistoires  provinciaux  ne  revolt  pas  la 
ratification  du  ministre,  avant  que  celui-ci  n'ait  pris  I'avis 
de  I'eveque.  L'usagememe,  sinon  la  legislation,  atlribue  a 
I'eveque  une  sorte  de  droit  de  veto. 

Ce  n'est  pas  seulement  comme  charges  du  controle  et  de  la 
direction  de  I'enseignement  au  sein  de  Tecole ,  que  les  mera- 
bres  du  clerge  sont  appeles  a  jouer  un  role  actif  dans  le 
systeme  general  de  i'instruction  primaire,  au  dela  du  Rhin  ; 
ils  sont  investis  d'une  influence  plus  decisive  encore  peut- 
etre,  comme  pr^idents  des  Conferences  pedagogiques  qui, 
dans  tons  les  pays  d'Alleraagne,  ont  lieu  entre  les  instituteurs 
de  cbaque  paroisse  et  de  chacun  des  districts  d'ecole. 

Incontestablement,  le  principe  et  le  but  de  ces  Conferences 
sont  excellents.  Non-seulement,  au  point  de  vue  pureraent  sco- 
laire,  elles  tiennent  le  maitre  en  haleine,  le  forcent  a  com- 
parer, consequemment  a  ameliorer,  et  lui  permettent  de  se 
tenir  au  courant  des  methodes  et  des  reglements ;  mais  encore 
et  surtout,  elles  contribuent  a  maintenirdans  le  corps  des  in- 
stituteurs, sous  I'inspiratian  d'une  autorite  lonjours  presenle, 


94  SECOrSDE  P ARTIE. 

le  sentiment  de  sa  mission,  I'unlte  de  direction  morale,  et  aussi 
cet  esprit  de  conduite  qui  est  son  honneur  et  constitue  sa 
meilleure  sauvegarde.. 

Que  la  direction  de  ces  conferences  soil  confiee  aux  inspec- 
teurs,  c'est-a-dire  a  des  mcmbres  du  corps  ecclesiastique,  et 
la  puissance  de  I'idee  religieuse  dont  ces  derniers  sont  les  re- 
presentants,  s'augmentera  de  tout  I'ascendant  que  donne  une 
supreraatie  officiellement  et  legalement  prociaraee. 

Tels  sont,  en  effet,  le  but  et  le  resultat  des  conferences  d'in- 
stituteurs  qui,  partout,  au  dela  du  Rliin,  existent  sous  une 
double  forme  :  conferences  joarozssm/es  se  reunissant  cbaque 
mois,  conferences  de  cercle  ayant  lieu  de  quatre  a  six  fois 
par  an. 

En  plusieurs  pays,  notammenten  Saxe,  et  ausein  des  pro- 
vinces centrales  de  Prusse,  ces  conferences,  dans  les  an- 
nees  qui  ont  precede  les  bouleversements  politiques,  avaient 
perdu  leur  caractere  pedagogique,  et  degenere  de  leur  ori- 
gine,  pour  se  transformer  en  assembleies  deliberantes  au 
petit-pied,  en  conciliabules  ou  se  preparait  cetle  machine  de 
guerre  qu'on  a  appelee  V Emancipation  de  I'ecole.  Mais  on  a 
eu  le  bon  sens,  au  dela  du  Rbin  ,  de  ne  pas  confondre  I'abus 
avec  le  principe  :  ici,  comme  partout,  le  remede  etait  a  cote 
du  mal ;  des  mesures  energiques  ont  ramene  les  conferences 
a  I'esprit  du  regleraent  general  de  1763,  en  les  replagant  sous 
la  main  de  I'autorile  ecclesiastique  et  scolaire.  Voici ,  par 
exemple,  I'instruction  qu'a  promulguee  la  regence  de 
Potsdam  ,  a  la  date  du  8  juin  1855  : 

«  Les  conferences  mensuelles  paroissiales,  sous  la  presi- 
dence  du  pasteur,  ont  pour  but  special  de  trailer  de  tout  ce 
qui  se  rapporte  a  chacune  des  ecoles,  a  la  methode ,  aux  be- 
soins  particuliers  de  ces  ecoles,  ou  de  tout  ce  qui  a  trait  a 
chacun  des  maitres;  les  conferences  de  cercZe  sont  deslinees 


ROLE  DE  l'eTAT.  95 

a  donner  zele  et  courage  aux  instituteurs  en  tout  ce  qui  touche 
a  leur  vocation ,  a  las  mettre  en  etat  d'accoraplir  avec  des 
fruits  abondants  leur  sainte  mission  ,  a  les  eclairer  sur  Ics 
points  au  snjet  desquels  ils  avaient  eux-memes  provoque  la 
discussion,  a  les  tenir  au  courantdes  decouvertes  qui  peuvent 
les  interesser,  et  des  publications  ayant  pour  objet  la  pedagogic 
et  les  methodes  d'enseignement. 

«  En  ce  qui  concerne  les  conferences  paroissiales,  il  est  en- 
tendu  ; 

1°  Que,  conformeraent  au  reglement  general  de  1765 
(art.  25),  dies  doivent  se  reunir  tons  les  mois;  et  que  chaque 
maitre  est  strictement  tenu  de  prendre  part  a  celles  de  sa  pa- 
roisse.  Eiles  sont  presidees,  dans  les  petites  communes,  par  le 
pasteur,  et,  dans  les  villes,  par  les  ecclesiastiques  auxquels  est 
confiee  la  surveillance  des  ecoles  et  des  maitres; 

2°  Qu'il  est  traite,  dans  ces  conferences,  de  la  situation  et 
desbesoins,  des  lacunes  ou  des  progres  de  chaque  ecole  en 
particulier,  des  avis  et  des  reglements  emanes  soit  des  surin- 
tendants,  soit  de  la  regence,  soit  du  Provincial-Schul-CoUe- 
gium; 

5°  Qu'il  est  rendu  compte  de  la  situation  de  chaque  ecole  , 
au  point  de  vue  de  chacune  des  matieres  de  renseigneraent , 
notamment  au  point  de  vue  de  I'instruction  religieuse ; 

4°  Qu'il  est  adresse  par  I'ecclesiastique  president  au  Surin- 
tendant-inspecteur  du  cercle,  un  rapport  portant  sur  les  tra- 
vaux,  I'ej-prit,  les  resultats  de  la  conference; 

5°  Que  le  Surintendant,  au  cas  oii,  en  depit  de  ses  efforts  et 
de  ses  avis,  la  conference  de  telle  ou  de  telle  paroisse  ne  serait 
pas  tenue  dans  des  conditions  voulues  d'ordre  et  de  tranquil- 
lite,  nous  adresserait  sesplaintes. 

« Pour  assurer  les  resultats  des  conferences  de  cercle  (Kreis- 


96  SECOISDE  PARTIE. 

Schul-Confereiizeo),  nous  decidons  que  ces  conferences  ne  se- 
ront  pas  tenues  obligatoirenaent  plus  de  qiiatre  fois  par  an  ; 
nous  verrons  cependant  avec  plaisir  qu'elles  soient  volontai- 
rement  convoquees  six  lois. 

«  Les  instituteurs  de  la  ville  ou  de  la  carapagne  seront  obli- 
ges officiellement  {amtUch)  de  se  rendre  aux  quatre  conle- 
rences  ci-indiquees,  a  Texception  des  maitres  Ages  qui,  dans 
la  mauvaise  saison ,  pourront  etre  dispenses  par  les  Surin- 
tendauts. 

«  Plusieurs  societes  de  conference  [Confermz-Gesellsehaften) 
peuventetre  organisees  dans  les  suiintendances  dontl'eten- 
due  est  considerable.  Cbacune  des  conferences  doit  cependant 
compter  au  moins  douze  membres.  —  II  est  recomraande 
aux  ecclesiastiques,  alors  meme  qu'ils  ne  sont  point  cbarges 
de  la  direction  de  la  conference,  de  ne  pas  manquer  d'y  as- 
sister. 

a  Chaque  conference  doit  etre  ouverteet  fermee  parte  chant 
d'un  morceau  en  rapport  avec  les  circonstances,  et  par  une 
courle  priere.  Elle  dure,  au  moins,  de  neuf  heures  a  midi,  et 
de  deux  heures  a  quatre  heures. 

«  Le  protocole  de  chaque  conference  (lieu  oi'i  elle  se  tient, 
nom  du  president,  noras  des  membres,  jours  de  reunion, 
sujets  a  trailer)  est  presente,  chaque  annee,  au  commence- 
ment du  mois  de  decembre,  par  chacun  des  presidents  au  sur- 
intendant,  et  soumis  a  son  examen  et  a  son  approbation. 

«  II  est  redige  un  rapport  sur  les  sujets  interessants  qui  ont 
ele  trailes  dans  la  conference,  notarament  sur  les  questions 
fondamentales  de  I'enseignement  primaire  :  le  but  de  l' edu- 
cation, la  soumission  aux  lois,  les  moyens  de  conduire  a  la 
piete,  etc. 

«  Les  exercices  rausicaux  doivent  tenir  une  place  tres  im- 
porlante  dans  ies  conferences  des  maitres.  Une  heure,  au 
moins,  doit  y  etre  consacree,  a  chacune  des  seances. 


UOLt:  DE  L  ETAT.  97 

«  On  doit  clioisir  les  cbants,  choeurs ,  motets,  proprcs  a 
eveiller  le  sentiment  patriotique  et  religieux,  et  de  nature  a 
etre  faeilemenlsaisissables. 

«  Par-dessus  tout,  et  pour  atteindre  le  but  principal  que  se 
proposent  les  conferences  ,  chacune  d'elies  doit  se  tenir  sous 
i'inspiration  de  I'Esprit  divin  ;  chaque  membre  doit  se  pene- 
trer  de  sa  force  sanctifiante ,  afin  que  toute  oeuvre  paraisse 
faite  pourlagloirede  Dieu  etl'etablissement  du  regno  de  notre 
Seigneur  et  Maitre,  pour  le  salut  de  la  generation  qui  s'eleve, 
ainsi  que  pour  la  prosperite  du  peuple  entier  et  de  notre  bien- 
aimee  patrie. 

«  Chaque  paroisse  delivrera  ua  exemplaire  de  la  presente 
circulaire,  a  I'effet  d'en  porter  les  dispositions  a  la  conuais- 
sance  des  pasteurs  et  des  instituteurs. » 

Certes,  dirigee  dans  un  tel  esprit,  I'institution  des  confe- 
rences ne  peut  porter  que  des  fruits  excellents. 

Voici  un  specimen  des  questions  qui  y  sont  traitees  : 

Quels  sont  les  moyens  propres  a  inspirer  a  I'enfant  des 
croyances  profondes,  une  moralite  solide,  unies  a  une  poli- 
tesse  simple  et  sans  affectation? 

Quels  rapports  i'instituteur  doit-il  entretenir  avec  les  auto- 
rites  locales? 

Comment  peut-il  profiter,  dans  I'interet  des  enfants,  deses 
relations  avec  les  families? 

Quels  moyens  doit-il  mettre  en  oeuvre  pour  obtenir  I'assi- 
duiteil'ecole? 

Quels  principes  generaux  doivent  diriger  le  maitre  dans  la 
distribution  despunitions  et  des  recompenses?  et  quels  sont 
les  meilleurs moyens,  pour  lui,  d'etablir  son  autorite? 

A  quels  signes  peut-on  reconnaitre  une  bonne  metbode 
d'enseignement,  etc.,  etc. 

D'ordinaire,  chaque  question,  indiquee  plusieurs  mois 

7 


98  SECOISDE  I'ARTIE. 

d'avai]ce,est  traitee,  en  ecrit,  par  iininstiluteur  specialement 
designe;  le  travail  de  ce  dernier  deviant  le  texte  de  la  dis- 
cussion ,  et  I'objet  de  la  critique  du  president  de  la  confe- 
rence. II  n'est  pas  rare  de  voir  celui-ci  encourager,  par  des 
prix,  le  travail  des  membres  de  la  societe  scolaire  qu'il  di- 
rige  :  dans  tel  et  tel  cercle,  le  SchuUnspector  a  etabli  une  re- 
compense annuelle,  de  la  valeur  de  50  ou  40  francs,  en 
faveur  de  celui  des  membres  de  la  conference  qui  traiterait 
avec  le  plus  de  succes  une  question,  soit  dept^dagogie  pure, 
soil  de  discipline  scolaire,  soit  d'interet  administratif.  On 
comprend  quel  ascendant  ne  peut  manquer  d'assurer  au  di- 
gnitaire  ecclesiastique  dont  je  parte  une  intervention  si  assi- 
due  et  si  intelligente  dans  la  direction  generate,  comme  dans 
les  details  de  I'enseignement. 

Si,  dans  tous  les  cercles  scolaires  de  Prusse  et  des  autres 
pays  d'AUemagne,  on  nevoit  pas,  a  la  faveur  de  I'instilution 
des  conferences,  se  produire  I'inlime  alliance  de  I'instituleur 
et  du  pretre;  si  partout  Ton  n'obtient  pas  de  resultats  analo- 
gues a  ceux  que  Ton  constate  dans  certaines  paroisses  an- 
glaises  *,  assureraent  11  ne  faut  pas  s'en  prendre  a  Taction 
des  pouvoirs  publics. 

Dans  tous  les  documents  cites  plus  haut,  on  a  du  le  remar- 
quer,  11  est  fait  constamraent  appel  aux  aptitudes  techniques 
des  Inspecteurs.  Pour  que  le  clerge  soit  charge  de  la  mission 
de  surveilier  et  de  diriger  I'instruction  primaire,  il  est  done 
indispensable  que  I'Etat  puisse  lui  demander  un  nombre  no- 
table d'hommes  capables  de  faire  preuve,  dans  I'ecole,  de 
connaissances  speciales  et  d'experiences  pedagogiques.  En  cas 
contraire,  la  consideration  qui  doit  entourer  le  representant 
de  I'autorite  religieuse,  loin  de  s'affermir  par  la  lutte,  suc- 

1.   V.  noire  ouvrage  de  I'instruction  primaire  a  Londres,  etc.,  p.  115. 


HOLE  DE  L  ETAT.  99 

comberaitdans  I'epreuve;  et,  disons-le,  c'estiin  des  avantages 
que  presente  le  systerae  en  vigneiir  dans  les  diflerents  Elats 
deTAllemagne,  de  forcer  le  clerge  inlerieiir,  an  nona  d'inle- 
rets  de  premier  ordre,  a  relever  ses  vertus  par  la  science,  et  a 
conserver  sur  I'instituteur,  par  des  etudes  serieuses,  la  supre- 
matie  intellectuelle  et  morale  qui  lui  appartiont.  Ce  point  est 
de  la  plus  haute  importance ;  il  touche  an  probleme  de  la  rege- 
neration des  masses  par  I'ascendant  de  I'autoritc  religieuse. 

Void  dans  les  pays  septentrionaux  de  TAUeraagne,  etno- 
tamment  en  Prusse,  comment  est  resolue  la  difficiilte. 

II  est  ordonne  aux  candidats  de  theologie  de  suivre,  en 
meme  temps  que  les  aulres  cours,  un  cours  special  de  peda- 
gogic; de  plus,  en  ce  qui  concerne  les  candidats  protestants, 
il  leur  est  prescrit,  avant  de  subir  i'examen  ecclesiastique 
proministerio,  desejourner,  six  semaines  durant,  dans  une 
ecole  norraale,  afin  d'y  acquerir  les  connaissances  pratiques 
necessaires  pour  raccoraplissement  de  la  mission  qui  pourra 
leur  etre  conflee  plus  tard.  Impose  par  I'admiuistration,  sanc- 
tionne  par  les  moeurs,  un  tel  usage  iemoigne  d\m  sentiment 
profond,  de  la  part  de  I'Etat  et  de  la  part  du  clerge,  des  grands 
interets  engages  dans  la  question  de  Teducalion  populaire.  II 
est  digne,  a  cetegard,  d'uneserieuse  attention.  On  nelira  pas 
sans  profit  la  circulaire  ministerielle  qui  le  consacre  : 

Circulaire  du  ZO Janvier  1842. 

«Lereglement  pour  les  examens  des  candidats  aux  fone- 
tions  de  pasleur  exige  des  connaissances  speciales  scientifiques 
et  theologiques  si  etendues  que,  pendant  le  temps  de  leur  se- 
jour  a  rUniversite,  il  ne  reste  aucun  loisir  aux  etudiants  pour 
se  preparer  suffisamment  aux  devoirs  pratiques  de  leur  charge 
future.  En  raison  du  manque  d'instituts  ad  hoc,  on  a  du  aban- 
donner  les  candidats  a  leur  propre  initiative,  et  se  borner  a 
leur  procurer  les  facilites  convenables. 


^00  SLCO>.DE  I'ARTIE. 

«  Mais  resperience  a  demontre  que,  de  cette  maniere,  le 
but  ne  peut  etre  aussi  coinpletement  alteint  que  la  dignite  des 
I'oDctions  pastorales  etrinleret  de  I'Eglise  evangelique  le  de- 
mandent.  Cette  reraarques'applique  surtouta  I'aptitude  d'en- 
seigner,  depuis  que,  dans  toutes  les  provinces  de  la  monarchie, 
ont  ete  eleves  les  seminaires  pour  le  perfectionnement  des 
maitres  des  ecoles  primaires.  Les  futursinstituteurs  resolvent 
dans  ces  etablissements  une  instruction  qui,  aussitot  apres 
que  les  principes  theoriques  les  plus  necessaires  ont  ete  poses, 
est  dirigee  immedialement  vers  la  pratique,  et  les  conduit  a 
toute  la  surete  d'applioation  desirable. 

«  Au  contraire,  les  candidats  aux  fonctions  pastorales  man- 
quent  d'une  seuiblable  preparation  et  d'un  tel  exercice.  La 
consequence  de  ce  fait  est  que,  au  point  de  vue  dela  facilite  de 
I'exposition  methodique,  et  dans  la  pratique,  ils  restent  sou- 
vent  tres  au-dessous  des  instituteurs. 

«  II  n'a  pas  echappe  au  consistoire  royal  combien  une  telle 
inferiorite  est  prejudiciable  aux  rapports  qui  doivent  exister 
enlre  les  ecclesiastiques  et  les  maitres,  combien  ce  prejudice 
rejaillit  de  I'eglise  sur  I'ecole. 

«  Dans  le  but  de  remedier  a  ce  mal,  depuis  nombre  d'an- 
nees  deja,  des  avis  ont  ete  formules  et  des  rapports  adresses 
par  tons  les  consistoires  et  les  Provincial-Schul-Collegien.  On 
a  compris  que,  d'un  cote,  la  dignite  de  I'Eglise  evangelique 
n'admet  pas  un  araoindrissement  de  la  culture  theorique  et 
scientifique  jusqu'a  ce  jour  exigee  pour  son  service,  et  qu'en 
meme  temps,  une  instruction  pratique  complete  est  souve- 
rainement  desirable  dans  I'interet  de  cette  meme  eglise.  On 
pense  generaleraent  qn'on  ne  trouverait  de  remede  radical  que 
dans  I'etablisseraent  de  Prec^z^grer-Semj'wanm  *  dont  la  destig 

1.  Un  seul  institut  de  ce  genre  existe  en  Prusse,  a  Wiltemberg.  U  est 
peu  important. 


ROLl-   Di:  l/i':TAT.  /I  01 

nation  princlpalc  serait  la  preparation  pratique  des  ecclesias- 
tiques  debutants  {angehenden  Geistlichen)  ;  raais  la  creation  et 
I'entrelien  d'un  nombre  sufflsant  desemblables  institnts  sup- 
posent  de  telles  depensesque  I'organisation  n'en  pent  etre  en- 
visagee  que  dans  un  avenir  eloigne. 

aPiusieurs  consistoires,  preoceupes  du  besoin  le  plus  pres- 
santet  le  plusimmediat,  frappesen  meme  temps  des  difficultes 
financieres  dela  creation  des  Prediger-Seminarien^  proposent 
d'utiliser  les  ecoles  normales  actuelles  pour  initier  les  candi- 
datsde  theologie  a  toutceqniconcernela  pratique  du  systeme 
scolaire. 

«Dansce  but,  lecertificatd'aplitude  delivre  par  les  consis- 
toires royaux  en  vertudu  reglementdu  24octobre  1824,  devra 
etre  confered'apres  les  conditions  suivantes  ;  \o  aptitude  suf- 
fisante  a  donner  et  diriger  I'instruction  religieuse;  simpli- 
cite  dans  I'exposition  didaclique  de  Thistoire  de  la  Bible, 
dans  I'enseigncment  du  catecbisme  et  du  chant.  2*^  Comme 
les  candidals,  a  leur  entree  dans  les  fonctions  de  pasteurs, 
ont  le  devoir  d'inspecter  les  Ecoles  priniaires  de  leurs  pa- 
roisses,  particuliereraent  de  surveiller  la  discipline  et  les 
methodes,  lis  ont  besoin  ,  en  outre  des  objets  qui  ont 
trait  a  I'instruction  religieuse ,  d'une  connaissance  reelle 
de  I'enseignement  primaire,  a  savoir  des  methodes  de  lec- 
ture, d'arithmetique,  de  langue  allemande  et  de  chant: 
3°l'examen  pro  licencid  concionandi  a  surtoutpour  but  de  veri- 
fier I'instruction  scientifique  des  candidats.  II  sera  signifie  a 
ceux  quiauront  passe  cet  examen,  en  leur  faisant  connaitre 
les  matieres  du  second,  que  le  certificat  de  Wahlfdhigkeit\ev\v 
sera  refuse  s'ils  ne  satisfont  pas  aux  conditions  precedemment 
enoncees.  —  4°  L'examen  pro  mmsfeno  a  surtout  pour  but 
I'instruction  pratique. — 5*^  Quand  il  est  constate  que  le  candi- 
dat  est  en  possession  de  toutes  les  connaissances  designees 
sous  les  nuraerosl  et  2,  il  ne  s'agitplus,  pour  lui,  ((uo  de  pou- 


^02  SECONDE  P ARTIE. 

voir  acquerir  I'aptitude  didactique  populaire.  C'est  alors  qu'a 
lieu  lesejourdesixahuitsemaines  dans  iin  SchuUehrer-Semi- 
nar.  —  6°  II  est  done  regie  que  tout  candidat  aux  fonctions  de 
pasteur,  apres  ses  etudes  universitaires,  et  avant  son  second 
esamen,  doit  passer  de  six  a  iiuit  semaines  dans  une  ecole 
normale  de  la  province  a  laquelle  il  apparlient,  ou,  en  des 
casexceptionnels,  dans  une  autre  ecole  normaledu  pays,  pour 
prendre  part  aux  exerciees  eta  I'enseignement  des  5ewz/namfe5. 
II  doit  ensuite  presenter  au  consistoiredont  il  releve  un  cer- 
tificat  sans  lequel  I'acces  au  second  examen  lui  est  fernie.  — 
On  espere  que  les  directeurs  des  seminaires ,  en  vue  du  but  si 
important  et  si  essentiel  qu'on  se  propose  d'atteindre,  met- 
tronta  la  disposition  des  candidats  tous  les  conseils  et  tous 
les  secours  possibles.  Lecertificat  attestera  simplement  la  par- 
ticipation reguliere  aux  exercices.  Ledirecteurestlibred'ajou- 
ter  son  jugement  sur  les  resultats  obtenus,  si,  par  suite  de 
rapports  partieuliers  avec  le  candidat,  il  a  eu  occasion  de  s'en 
former  une  idee  exacte. 

«  Quant  a  la  question  de  savoir  combien  de  candidats  a  la 
fois  peuvent  frequenter  uu  seminaire  ,  j'hesite  a  poser  une 
regie  precise.  Le  nombre  ne  doit  pas  en  etre  trop  conside- 
rable, peut-etre  de  4  a  5.  Ce  point  doit  etre  I'objet  d'une  in- 
struction aux  direcleurs,  concertee  entre  le  Provincial-Schid- 
CoUegium  et  le  consistoire. 

«En  ce  qui  concerne  la  discipline,  le  candidal,  pendant  son 
sejour  au  seminaire,  est  place  sous  la  surveillance  du  surin- 
tendant  du  diocese  ou  est  situe  le  seminaire.  Un  certificat  du 
surintendant,  portant  sur  le  zele  du  candidat  pendant  le 
temps  d'etude,  doit  elre  presente  au  consistoire. 

«  Je  laisse  aux  consistoires  et  aux  Provincial-Schul-Collegien 
le  soin  de  prendre  les  raesures  qu'ils  jugeront  necessaires 
dans  I'applicalion,  parliculierement  en  ce  qui  toucbe  les  di- 
recteurs de  seminaire  et  les  surintendants. 


ROLE  DE  l'eTAT.  405 

«  Dans  les  rapports  anmiels,  un  chapitre  particulier  sera 
consacre  a  I'organisatioD  de  ce  nouveau  systeme.  On  me  si- 
gnalera  les  directeurs  et  les  professeurs  qui  se  consacreront 
au  succes  de  ce  plan  avec  le  plus  de  devouement. 
«  Le  ministre  de  I'instructiou  publique, 

«  ElCCHORN.  » 

Vis-a-vis  du  clerge  calholique,le  Gouvernementne  pouvait 
employer  I'injonction  ;  mais  il  a  procede  par  voie  de  conseil, 
et  la  eirculaire  qui  suit  a  6te  adressee  aux  eveqnes  a  la  date  du 
7juilletl842. 

a  J'ai  vu  avee  plaisir,  par  les  rapports  annuels  des  r^gences, 
que,  dans  presque  toutes  les  cireonscriptions,  les  inspecteurs 
callioliques  et,  en  particulier,  les  jeunes  ecclesiastiques  se 
consacrent  avec  zele  aux  interets  scolaires,  de  maniere  a  s'as- 
surer  une  influence  de  plus  en  plus  s^rieuse  sur  les  maitres 
et  sur  I'enseignement.  Cetle  partie  du  ministere  eeclesias- 
tique  est  exercee  avec  d'autant  plus  de  profit  que  les  mem- 
brcs  du  clerge  ont  une  connaissance  plus  s^rieuse  du  systeme 
scolaire,  de  son  organisation  intime,  de  ses  applications,  et, 
surtout,  qu'ils  sont  plus  familiers  avec  les  methodes  ensei- 
gnees  dans  les  seminaires  (ecoles  normales).  J'exprime  done 
le  voeu  que  des  facilites  soient  donnees  aux  jeunes  aspirants 
au  sacerdoce,  pour  qu'il  leur  devienne  possible  d'etudier  la 
pedagogic;  et,  dans  I'interet  de  I'eglise  comme  dans  celui 
de  I'ecole,  je  souhaite  qu'ils  puissent  conqucrir,  en  qualile 
d'inspecteurs  et  de  pasteurs,  la  suprematie  morale  qui  leur 
est  due.  Qiielques  Etudes  speciales  sont  necessaires  dans  ce 
but.  Lorsque,  dans  le  voisiuage  du  seminaire  ecclesiastique 
exisle  un  seminaire  d'instituleurs,  les  jeunes  pretres  pour- 
raient,  sans  difficulte,  trouver,  dans  ce  dernier,  les  connais- 
sances  techniques;  s'il  n'ya  pas  d'ecole  normale  a  proximite, 


104  SECODE  PARTIE. 

I'ecole  de  quelque  instiliileur  distingue  fonrnira  facilement  les 
moyens  d'acquerir  une  experience  siiffisante  de  la  methode 
et  de  la  didactique.  On  profiterait  aussi  naturellement  de  la 
presence  d'lin  inspecteur  actif  et  Labile.  Ainsi,  dilferents 
moyens  peuvent  conduire  au  but  desire.  » 

La  pensee  elevee  du  gouvernement  a  ete  comprise.  Le 
clerge  catholique  a  senti  qu'il  s'agissait  pour  lui  d'une  ques- 
tion de  haute  influence.  Ce  que  le  clerge  protestant  faisait 
sous  la  pression  de  I'autorite,  il  la  fait  par  le  sentiment 
d'un  grand  interet  moral  :  dans  les  provinces  catholiques 
de  Prusse  et  dans  le  diocese  de  Fulda,  en  Hesse,  les  jeunes 
ecclesiastiques,  que  des  aptitudes  speciales  et  une  vocation 
determinee  semblent  designer  par  avance  aux  fonctions  de 
Kreisschulinspectoren,  vont  suivre,  pendant  six  semaines  ou 
deux  mois,  les  cours  d'une  ecole  normale  d'instituteurs. 
Je  tiens  de  Mgr  I'eveque  de  Miinster  et  de  Mgr  I'archeveque 
de  Cologne  que  le  sejour  des  membres  du  clerge  dans  les 
SchuUehrer'Seminarien  produit,  a  tous  egards,  d'excellents 
resultats  :  les  grands  etablissements  de  Briihl  et  de  Kempen 
donnent  a  la  fois  aux  provinces  rhenanes  et  des  inslituteurs 
penetres  de  la  pensee  religieuse,  et  des  ecclesiastiques  en  etat 
d'imprimer  a  I'instruction  du  peuple  une  direction  eclairee 
et  pratique. 


L'Etat  ne  s'est  pas  seulement  montre  gardien  jaloux  des 
v^rites  traditionnelles  par  le  choix  des  agents  qu'il  chargeait 
de  presider  a  la  direction  de  I'enseignement  populaire;  il  a 
veille  a  ce  que  ces  verites  demeurassent  la  loi  de  la  societe;  il 
n'a  pas  souffert  que  les  jeunes  generations  pussent  etre  sous- 
trailes  a  Taction  des  autorites  qui  en  sont  les  interpretes.  On 
aura  acheve  de  se  rendre  compte  du  role  que  I'Etat  assume 


HOLE  DE  l'kiat.  405 

ilans  les  differents  pays  d'AUemagne,  qnand  on  Taura  vu  eln- 
blii*  et  maintenir,  d'accord  avec  le  pouvoir  ecclesiastiquo, 
r obligation  legale  de  I'enseignement. 

Section  III.  —  De  I'Obligation  de  rEnseignemenl . 

Nulle  part,  les  efforts  de  I'Etat  pour  satisfaire  a  sa  mission 
de  pouvoir  moderateur,  ne  se  revelent  avec  plus  d'eclat  que 
dans  la  parliedes  diverses  legislations  de  TAllemagne  relative 
a  I'ohligation  de  I'enseignement. 

Sil'on  considere  I'interet  de  premier  ordre  qui  se  cache  ici 
sous  une  question  scolaire;  si  Ton  examine  le  problerae  de 
Tobiigation  de  I'enseignement  a  son  veritable  point  de  vue,  on 
verra  qu'il  se  resume  en  ceci  :  garantir  les  moyens  de  per- 
peluer  la  tradition  morale  de  la  soeiete,  de  transmettre  a  la 
generation  nouvelle  cet  ensemble  de  croyances,  d'idees,  de 
sentiments  qui  ont  ete  la  vie  des  generations  pr^cedentes. 

Et,  en  effet,  ce  n'est  pas  Tinteret  intellectuel,  c'est  Tinteret 
moral  qui  domine  avant  tout  le  probleme;  il  ne  s'agit  pas  de 
decider  simplement  si  de  jeunes  enfants  devront,  de  par  la 
loi,  savoir  lire  et  ecrire  :  des  peuples  ont  vecu  sans  cette 
science  !  La  question  est  plus  haute.  "  II  s'agit,  comme  le  disait 
recemment  une  circulaire  rainisterielle,  de  faire  de  I'ecole 
I'instrument  par  lequel  la  loi  morale  reprendra  son  empire, 
et  d'assurer,  par  elle,  dans  les  populations,  le  maintien  des 
principes  conservateurs  de  toute  soeiete*  !  » 

Liberte  pour  le  pere  de  famille  de  donner  I'education  a  son 
ills  corame  il  veut,  ou  il  veut  :  que  le  pere  lui-meme  dispense 
I'instruction  dans  la  famille  \  qu'il  confle  son  fils  a  I'ecole  pu- 
blique,  a  I'ecole  congreganiste  ou  a  I'ecole  laique  ;  qu'il  choi- 
sissel'ecoleprivee;  il  n'est  passeulementlibre,  maissouverain 

1.  Circulaire  aux  prefets  dn  31  octobre  1854. 


]  00  SECONDE  PARTIE. 

dans  I'accomplissement  d'une  mission  qu'il  tient  non  de  la 
loi,  mais  de  Dieu;  dans  raccomplissement  de  cette  mission, 
11  ne reconnait,  et  I'Etat  lui-meme  ne  liii  reconnait qii'un  jiige, 
sa  conscience. 

Mais  que  le  pere  deserte  son  role  naturel,  qu'il  dedaigne 
la  pratique  de  ses  premiers  devoirs,  la  societe  n'a-t-elle  pas 
I'obligation  d'intervenir,  parses  representants,  poursauvegar- 
der,  dans  Tame  del'enfant,  les  conditions  de  la  vie  morale?  La 
societe  n'agit-elle  pas  alors  au  nom  d'un  double  droit?  au 
nom  du  droit  du  faible  qu'elle  prend  sous  sa  tutelle?  au  nom 
de  son  propre  droit,  car  il  s'agit  d'un  de  ses  membres?  Ou 
est  I'usurpation?  ou  I'abus  de  force?  Et  cette  intervention 
de  la  puissance  publique  n'est-elle  pas  le  plus  eclatant  hom- 
mage  qui  puisse  etre  rendu,  dans  ime  societe  chretienne,  a 
la  dignite  de  I'ame  humaine? 

Tel  est  le  point  de  vueauquellelegislateur.au  dela  du  Rhiu, 
envisage  le  probleme  de  I'obligation  de  I'enseignement.  Et,  a  ces 
questions,  voici,  dans  son  expressioji  la  plus  concise  a  la  fois 
et  la  plus  generate,  la  reponse  des  legislations  de  I'instruction 
publique  dans  les  differentes  parties  de  I'Allemagne,  sous  le 
triple  rapport  de  la  Famille,  de  I'Eglise  et  de  I'Elat*. 

Protege  par  la  loi  dans  ses  biens,  I'enfant  doit  I'etre  aussi 
dans  sa  vie  morale;  la  societe,  ou  simpleraent  la  commune, 
ne  pent  reconnaitre  a  un  pere  ou  a  un  raaitre  droit  de  vie  ou 
de  mort  sur  I'intelligence  de  I'enfant  qui  est  un  de  leurs  mem- 
bres :  premier  principe. 

En  tant  qu'appele  a  Taccomplissement  d'une  destinee  reli- 
gieuse,  I'enfant  releve  de  I'autorite  qui  a  mission  de  la  lui  re- 
veler. VEgJise  a  sur  lui  un  droit  superieur  d'enseignement, 
et,  pour  etre  en  mesure  d'exercer  ce  droit,  I'Eglise,  par  una 

1.  V.  notre  Memoire  sur  I'enseignement  obligatoire,  memoire  qui  n'6- 
tait,  en  partie,  qu'un  fragment  detache  du  present  ouvrage. 


ROLE  DE  L  ETAT.  407 

action  concertee,  trouve  ini  aiixiliaire  dans  I'Etat :  second 
principe. 

II  importe  a  la  puissance  publique  que  le  d^veloppement 
intellectuel  des  individus  soit  un  effet,  et  devienne  Ini  meme 
une cause  du  developpement  moral.  Toutprogreseconomiqiie 
et  materiel  d'un  peuple  ne  pent  naitre  d'ailleurs  que  du  pro- 
gres  de  son  intelligence.  An  nom  de  I'interet  de  tons,  VtAat 
doit  done  imposer  a  chacun  I'obligation  d'nne  instruction 
suffisante :  troisieme  principe. 

Dans  ce  peu  de  mots  se  formule,  en  s'y  concentrant,  I'esprit 
des  differentes  legislations  au  dela  du  Rhin.  Partout,  en  AUe- 
magne,  ces  principes  sontla  loi  des  faits;  a  la  tribune  du  par- 
lement  de  Francfort,  I'eminent  eveque  de  Mayonce,  Mgr  de 
Ketteler,  n'hesilait  pas  a  les  proclamer*. 

J'ai  cite  ailleurs  les  articles  de  loi  qui,  dans  les  divers 
pays  de  I'Alleraagne,  etablissent  d'une  maniere  generale 
I'obligation  del'enseignement.  Pourapprecier  avec  exactitude 
et  dans  toute  son  etenduele  role  de  I'Etat,  il  importe  de  des- 
cendre  plus  profondement  encore  dans  I'analyse  de  la  legis- 
lation. II  faut  la  faire  voir  assurant,  pari'application  du  prin- 
cipe de  I'obligation,  non-seulementla  tradition  intellectueUe, 
mais  encore  etsurtout  la  tradition  religieuse,  et,  commo  on 
dit  de  I'autre  cote  du  Rhin,  I'education  confessionnelle.  Ce  der- 
nier point  de  vue  est  nouveau  pour  la  France;  il  convient 
de  le  metlre  en  luraiere  :  les  habitudes  feauQaises  et  les 
moeurs  allemandes,  a  cet  egard,  presenteront  des  contrastes 
instructifs. 

En  Prusse,  Vobligation,  on  le  sail,  est  inscrite  dans  la  loi 

1.  «...  L'fitat  a  egalement  son  droit  :  il  peut  exiger  de  chaque  citoyen 
un  degr6  determine  d'instruction  formelle,  et  obliger  les  parents d'assuror 
a  leurs  enfants  ce  genre  (rinstruction. »  (l)iscours  sitr  les  [)ropositions  du 
comite  des  ecoles.) 


-108  SECOiNDE  PARTIE. 

fontlaraentale  du  pays.  \J allgemeines Landrechl  (1794)  dispose : 
'(  Tout  individii  qui  ne  peut  pas  ou  iie  veut  pns  procurer 
chez  lui  a  ses  enfants  I'instruction  necessaire  {den  nothigen 
Unterricht)  est  tenu  de  les  envoyer  a  I'^cole  des  leur  sixieme 
annee  accomplie.  (art.  45.) 

«  Nul  enfant  ne  peut  des  lors  etre  prive  de  I'ecole  ou  s'en 
absenter  quelque  temps,  pour  des  circonstances  fortuites.sans 
le  coijsentement  de  Tautorite  ecclesiastique —  (art.  44.) 

«  L'enseigneraent  de  I'ecole  est  obligatoire  jusqu'a  ce  que 
Tenfant,  au  jugementdu  chef  de  la  paroisse,  possede  I'instruc- 
tion necessaire  a  tout  homme  de  sou  etat.  » 

C'est  I'esprit  de  cette  legislation  qui  a  inspire  les  remar- 
quables  prescriptions  formulees,  en  iSOl,  par  I'autorite  spi- 
rituelle  de  la  province  de  Miinster  : 

«  Tons  les  parents,  sans  exception,  seront  invites  a  se  rap- 
peler  que  le  salut  tempore!  et  eternel  de  leurs  enfants  depend 
en  grande  partie  de  i'instruction  qui  leur  est  donnee,  dans  le 
jeune  age,  sur  Dieu,  la  religion,  leur  devoir,  et  de  ces  con- 
naissances  indispensables  qui  les  mettent  en  etat  d'etre  utiles 
a  eux-memes,  a  leurs  parents,  au  pays;  que  c'est,  par  conse- 
quent, le  devoir  des  parents  de  saisir  avec  empressement  les 
raoyens  que  leur  off  rent  les  ecoles  publiques  d'assurer  a  leurs 
enfants  une  instruction  et  une  education  de  nature  a  en  faire 
des  merabres  pieux  de  I'Eglise  et  des  serviteurs  utiles  de 
I'Elat. 

«  Les  parents,  conlinuait  I'eveque  de  Miinster,  ouceuxqui 
tiennent  leur  place,  seront  serieusement  avertis  d'envoyer 
leurs  enfants  a  I'ecole  sans  distinction  de  sexe.  L'age  pour  I'ae- 
complissement  de  ce  devoir  est  fixe  de  la  sixieme  a  la  quator- 
ziemc  annee  accomplie.  S'ilexiste  des  raisons  graves,  raisons 
qui  doivent  etre  soumises  au  jugement  de  Tinttituteur  et  du 
cure,  on  peut  ne  pas  envoyer  I'enfant  de  si  bonne  heure  a 


ROLE  DE  L  ETAT.  409 

I't'colo,  Oil  ne  pas  I'y  raaintenir  si  longtemps;  le  cure  delivre 
sans  frais  iin  certificat. 

«  Les  parents  qui,  non  porteurs  d'un  tel  certificat,  ont  ne- 
glige de  mettre  ieiirs  enfants  a  I'ecole,  ou  se  bornent  a  les  y 
envoyer  rarement,  ne  payeront  pas  moins  la  retribution  sco- 
laire  (schulgeld)  dans  sa  total ite.  Les  pauvres  qui  se  rendent 
coupables  de  cette  faute,  seront  prives  des  secours  de  bien- 
faisancc;  s'ils  y  persistent,  Tautorile  eraploiera  des  moyens 
plus  energiques  de  contrainte. 

«  Les  maitres  qui  se  refuseraient  a  envoyer  a  I'ecole  les 
enfants  entres  a  leur  service,  y  seraient  egaleraent  contrainls 
par  des  peines  severes. 

«  Les  pasteurs  ont  aussi  a  veiller  a  ce  que  les  enfants  qui, 
nes  dans  une  autre  paroisse,  entrent  dans  leur  propre  pa- 
roisse  au  service  d'un  maitre,  soient  envoyes  a  I'ecole.  Si  un 
pasteur  croit  devoir,  pour  des  raisons  legitimes,  dispenser  un 
enfant  de  I'obligation  de  I'ecole,  il  est  tenu  de  faire  en  sorte 
que,  soit  par  sespropres lemons,  soit par quelque  autre moyen, 
instruction  religieuselui  soit  donnee. 

a  Pour  que  le  pasteur  puisse  veiller  plus  completenient  a 
I'execution  de  ces  prescriptions,  nul  ne  peut,  sans  lui  en 
donner  avis,  placer  en  service  un  enfant  en  I'age  d'aller  a  I'e- 
cole, hors  de  la  circonscriplion  de  la  paroisse.  Le  pasteur  de 
la  paroisse  que  quitte  I'enfant  doit  donner  avis  de  I'arrivee  de 
ce  dernier  au  pasteur  de  la  paroisse  ou  reside  le  maitre ' .  » 

II  serait  difficile  assurement  de  realiser  d'une  maniere  plus 
complete  I'union  de  I'Eglise  et  de  I'Etat  dans  une  meme 
pensee  d'interet  moral,  et  nous  ne  croyons  pas  que  la  trans- 
mission des  principes  traditionnels  puisse  etre  garanlie  par 
I'emploi  de  moyens  plus  effioaces. 

1.  Verordnung  fur  die  deutschen  und  Trivial-Schulen  des  Hochstifls 
Munsler,  1801. 


-HO  SECOISDE  PARTIE. 

L'examen  detailledes  dociimenls  legislatifs  proiive  que  tel 
a  ete  conslamment,  dans  leroyaiime  de  Pnisse,  Jo  point  de 
vue  auqiiel  se  sont  places  les  pouvoirs  publics.  En  1828,  un 
ordre  du  cabinet  ordonnait  aux  fonctionnaires  superieurs  des 
provinces  de  veilier  a  ce  qu'aucun  enfant  ne  put  elre  sous- 
trait  a  Tenseigneiuent  religieux  et  scolaire^;  la  meme  ann^e, 
en  execution  de  cet  ordre,  les  r^gences  de  Goblenlz  et  de 
Dusseklorf  adressaient  des  instructions  pressantes  aux  sur- 
intendants,  doyens,  inspecteurs'^;  et,  en  1854,  les  autorites 
scolaires,  d'apres  une  circulaire  ministcrielle,  declaraient 
«  que  I'enseignement  religieux  laitpartieiniegrantederensei- 
gneracnt  de  I'ecole,...  et  que,  dans  le  cas  ou  les  simples  aver- 
tissements  ne  suffiraient  pas  pour  amener  les  enfants  aux  le- 
90ns  du  pasteur,  les  moyens  de  contrainle  autorises  par  les 
reglements  devraient  elre  employes^.  » 

On  comprend  sans  {leine  comnaent,  appuyes  sur  les  raoeurs 
non  moins  que  sur  le  concours  de  la  puissance  civile,  Tauto- 
rite  spirituelle,  dans  les  provinces  catholiques  de  Prusse,  a  pu 
edicter  des  prescriptions  de  nature  a  garanlir  son  action  di- 
recte  sur  les  generations  qui  s'elevent.  II  fautciter^  : 

«  Les  enfants  admis  a  la  premiere  communion  doivent  as- 


1.  Kahinefs  Ordre  vom  18  juin  1828  :  "Damit  soiche  falle  Vernach- 
lassigung  des  Schul-und  Religions-Unterricht  nicht  wieder  vorkommen.» 

2.  Bekanntmachung  des  3i  octobre  et  11  novembre  1828  : «  Da  es  sicfi 
zuweilen  noch  ereignet,  dass  Kinder  ohne  alien  Schul-und  Religions- 
Unterricht  aufwachsen,  und  dann,  ohne  eingesegnet  und  formlich  in  die 
kirchliche  Gemeinschaft  aufgenommen  zu  sein ,  zu  dem  biigerlichen 
Leben  ubergehen... » 

3.  Circular-Verfiigung  du  4  mars  183i  :  «Wo  die  Ermahnungen  der 
Pfarrer  zur  regelmassigen  Beiwohnung  des  Religions  -  Unterrichts 
fruchllos  bleiben,  demselben  gesetzlichen  Zwange  unterliegen  soll.» 

4.  Verordiing  fur  die  deutschen  und  Trivial-Schulen,  art.  12. 

On  lit  dans  un  slatut  synodal  de  1739  :  •  Nul  ne  peut  6lre  marie  s'il 
n'a  prealublement  subi  un  examen  destine  a  constater  une  instruction 
religieuse  suffisante. » 


HOLE  DE  LET  AT.  IN 

sister  encore  pendant  deux  ans,  on  un  an  au  moins,  aux  in- 
structions religieuses  donnees  par  le  pasteur. 

« Si  un  enfant  ne  peut  subir  d'une  maniere  satisfaisante 
Texainen  ordonne,  le  pasteur  doit  I'eloigner  de  la  premiere 
communion,  jusqu'a  ce  qu'il  ait  acquis  les  conuaissances  ne- 
cessaires,  soit  a  i'ecole,  soit  d'une  autre  fa^on,  et  qu'il  en  ait 
fourni  la  preuve  dans  un  nouvel  examen. 

«  Le  pasteur  delivre  un  certificat  aux  enfants  admis  a  la 
premiere  communion.  Ce  certificat  est  exhibe  aux  inspecleurs 
ecclesiastiques ;  les  parents  ou  les  maitres  qui  n'ont  pas  fait 
donner  aux  enfants  une  instruction  suffisante  doivent  etre 
punis  selon  les  reglements. 

«  Le  pasteur  ne  peut  dispenser  aucun  enfant  du  devoir  de 
se  soumettre  a  I'exaraen  ordonne  apies  la  premiere  commu- 
nion ;  mais  il  est  laisse  a  la  discretion  des  pasteurs  de  decider 
quels  enfants  seront  tenus  de  prendre  part  deux  annees,  et 
quels  devrontassister, une  anneeseulement, aucours  d'instruc- 
tion  religieuse;  quels  enfin,  pour  des  raisons  particulieres, 
peuvent  etre  dispenses  temporairement  de  suivre  cecours. 

«  Les  enfants  qui,  pendant  ces  deux  annees,  entrenten  ser- 
vice dans  une  autre  paroisse,  doivent  y  suivre  I'inslruclion 
religieuse  et  s'y  soumettre  a  I'examen  prescrit.  Ces  enfants 
doivent  etre  traites  par  les  pasteurs  comme  ceux-la  memes 
qui  sont  nes  sur  la  paroisse.  » 

Nulle  loi  generate,  en  faitd'instruction  publique,  n'a  jamais, 
on  le  sait,  elabli  pour  les  differonles  provinces  de  Prusse  I'u- 
nile  d'administralion  ;  ce  sont  les  reglements  locaux  qu'il  est 
necessaire  d'interroger.  Or,  ces  reglements,  de  quelqueau- 
torite  qu'ils  emanent,  deposcnt  tous  d'une  preoccupalion 
identique.  Apres  les  statuls  promulgues  par  le  pouvoir  ecde- 
siaslique  de  la  province  de  Munster,  il  faut  lire  le  reglement 
publie  en   1852  par   le   president  d'une  province  siluee  a 


^^2  SLCO>DE  rAIlTIE. 

I'autre  extreraile  du  royaume,  de  la  province  de  Silesie*. 

i.  —  «  Le  temps  de  la  frequentation  de  I'ecole  est  regie  de 
telle  sorte,  que  les  enfants  des  deux  confessions,  a  partir  de 
I'age  de  cinq  ans  accomplis,  soient  places  sous  la  conduite  de 
leurs  pasteurset  deleurs  maitresd'ecolerespectifs,  ety  restent 
jusqu'a  I'age  de  quatorze  ans.  Les  parents,  tuteurs,  maitres, 
sont  tenus,  pendant  ces  annees,  de  les  faire  participer  a  I'in- 
struclion  religieuse  et  a  toutes  les  matieres  d'enseignement 
prescriles  pour  les  ecoles. 

2.  —  «  L' execution  de  ces  prescriptions  est  confiee  aux 
autorites  municipales  et  scolaires,  et  aux  employes  de  police. 
Ces  derniers  dressent  la  liste  des  enfants  soumis  a  I'obligation 
de  I'ecole,  et  la  communiquent  aux  fonctionnaires  de  I'ensei- 
gnement. 

5.  —  «  C'est  uniquement  sous  la  direction  du  pasteur,  et 
d'apres  le  programme  arrete  parlui,  que  I'instituteur  pent 
donner  la  partie  elementaire  de  I'instruction  religieuse  ;  Ton 
attend  du  zele  des  ecclesiastiques  qu'ils  consacreronl  eux- 
memes  tout  le  temps  dont  ils  pourront  disposer  a  cet  ensei- 
gnement  fondamental.  Quand  I'instituteur  appartient  a  une 
autre  communion,  le  pasteur  doit  se  charger  lui-meme  de 
I'inslruclion  religieuse;  et,  dans  cette  vue,  reunir  les  enfants 
un  certain  jour  de  la  semaine  dans  I'ecole  de  la  commune. 

4. — «  Quand  les  enfants  sont  arrives  au  moment  de  parti- 
ciper a  I'enseignementqui  preparea  la  premiere  communion, 
lemaitre  remet  au  pasteur,  sur  chacun  d'eux,  un  certificat 
mentionnant .  lelieu  de  leurnaissance,  leurs  noms  et  prenoms, 
leiir  age,  le  nom  et  la  profession  de  leurs  parents,  le  degre  ou 
ils  sont  parvenus  eivlecture,  ecriture,  chant,  etc.,  une  appre- 
ciation de  leur  zele  a  frequenter  I'ecole.  Le  pasteur  fait  subir 

1 .  Allgemeinc  aufdie  Schulen  alter  Confessionen  sich  beziehende  Bestim- 
mungen. 


ROLE  DE  L  ETAT.  445 

un  examen  a  chacun  d'eux,  en  presence  de  Tinstiluteur  et  des 
autoi'ites  scoiaires. 

5.  —  «  Les  prescriptions  reglementaires  etablissent  que 
renseignement  de  Tecole  doit  se  prolonger  jusqu'a  ce  que  cha- 
que  enfant  possede,  au  jngement  de  son  pasteur,  les  connais- 
sances  en  rapport  avec  sa  situation.  11  importe  que  I'examen 
ait  lieu  sous  la  garantie  de  I'observation  exacte  des  regies. 

6.  —  «  Quand  le  temps  de  I'enseignement  preparatoire  est 
accompli,  le  pasteur  inferroge  publiquement  les  enfants  sur 
I'instruction  religieuse.  La  commune  dans  laquelle  ceux-ci 
vont  entrer  pent  ainsi  s'assurer  de  I'etat  intellectuel  de  ses 
nouveaux  noembres. 

« Get  exaraen  a  lieu  dans  I'eglise  :  le  jour  en  est  annouc^ 
d'avance  par  le  pasteur. 

7.  —  a  Aucun  ecclesiastique  ne  peut  adraettre  a  I'instruction 
religieuse  de  sa  paroisse  un  enfant  venant  d'une  commune 
^trangere,  si  cet  enfant  ne  produit  un  certificat  de  I'inspec- 
teur  relalif  a  la  freqnenlation  anterieure  de  I'ecole.  —  Si  ce 
certificat  fail  defaut,  des  informations  speciales  sont  deman- 
dees  au  pasteur  a  la  paroisse  duquel  appartenait  I'enfant;  ce- 
lui-ci  peut  etre,  par  suite  des  dites  informations,  ou  envoye  de 
nouveau  a  Tecole,  ou  astreint  a  recevoir  les  lemons  particu- 
lieres  du  pasteur  de  sa  nouvelle  paroisse. 

8.  —  «  Aucun  maitre,  directeur  de  fabrique,  commergant, 
ou  qu'il  liabite,  soit  a  la  ville,  soitala  campagne  ,  ne  peut, 
sous  peine  d'une  amende  de  5  thalers,  recevoir  chez  lui 
un  enfant  en  qualite  d'apprenli,  d'aide  ou  de  domestique, 
sans  lui  faire  suivre  I'ecole  jusqu'a  i'expiration  du  temps 
fixe  par  la  loi,  et  sans  veiller  scrupuleusement  a  ce  qu'il  fre- 
quente  les  instructions  religieuses  preparatoires  a  la  premiere 
communion.  —  Tout  enfant  doit  done,  dans  les  huit  jours,  au 
plus,  de  son  entree  en  service  ou  en  apprentissage,  etre  pre- 
sente,  par  le  maitre,  et  au  pasteur  et  a  I'instiluteur.  » 

8 


]]4  SECONDE  PARTIE. 

On  ne  s'etonnera  pas  de  trouver  dans  la  legislation  saxonne 
les  memes  print  ipes  que  dans  la  loi  de  Prusse.  A  vrai  dire, 
c'est  la  Saxe  qui  a  trace  la  route,  et  dunne  a  la  Prusse  des 
exemples  devenus  des  regies.  En  Saxe,  on  I'a  vu,  ful  pro- 
clamee  pour  la  premiere  fois  cette  doctrine,  que  I'educa- 
tion  de  I'individu  est  eminemment  un  devoir  social;  c'est  en 
Saxe,  d'abord,  que  fut  remis  aux  mains  de  la  puissance  pu- 
blique ,  pour  I't'ducalion  des  jeunes  ciloyens,  un  droit  de 
contrainte  sur  les  parents;  c'est  en  Saxe  que,  des  I'annee 
1573,  une  ordonnance  de  I'electeur  Jean-Georges  portait 
ces  mots  :  «  Nous  voulons  et  ordonnons  que  les  autorites 
de  chaque  commune  elevent  regulierement  des  ecoles;  que 
chacun ,  d'apres  I'injonction  des  pasteurs,  y  envoie  ses  en- 
fants  p(jur  les  soustraire  au  libertinage  de  I'oisivete,  aussi- 
tot  que  I'age  le  permet,  et  pour  les  faire  elever  dans  la 
crainte  de  Dieu  ,  ainsi  que  dans  les  habitudes  de  la  disci- 
plined » 

II  est  naturel  que  ces  gerraes  se  soient  developpes,  et  que  la 
legislation  moderne  de  la  Saxe  porte  Fempreinlc  d'une  pensee 
deja  si  ancienne. 

L'instruction  primaire ,  en  Saxe,  nous  I'avons  dit  plus 
haut,  est  reglee  par  la  loi  du  C  juin  1855,  et  par  une  loi  re- 
cente,  celle  du  5  mai  1851.  Je  lis  dans  la  premiere  de  ces 
lois  : 

Art.  20.  «  Tout  enfant  doit  frequenter  I'ecole  pendant  liuit 
annees  consecutives,  en  hiver  corame  en  ete. 

Art.  24.  »  Meme  lorsquele  temps  fixe  par  la  loi  estecoule, 
I'enfant  ne  pent  quitter  I'ecole  avant  que  le  but  de  I'en- 
seigneraent  scolaire  n'ait  ete  atteint,  en  ce  qui  concerne  les 
matieres  essentielles,  a  savoir  :  la  lecture,  I'ecriture,  le  cal- 
cul;  il  doit  surlout  posseder  une  intelligence  nette  des  veri- 

1.  Mylius,  Corpus  Constitut.  Marchicarum,  I,  p.  67. 


ROLE  DE  L  ETAT.  >H5 

tes  de  la  religion  et  une  connaissance  suffisante  des  saintes 
ecritures. 

Art,  59.  «  Tout  enfant  qui  atteint  I'age  ou  commence  I'ob- 
ligation  de  I'ecole  doit,  pendant  le  temps  fixe  par  la  loi, 
recevoir  I'enseignement  de  I'instituteur  prepose  au  cercie 
d'ecole. 

Art.  60.  « II  y  a  dispense  de  I'ohligation,  pour  I'enfant,  de 
frequenter  I'ecoledu  cercle,  quand  les  parents,  tuteurs,  etc... 
prouvent  que,  soit  chez  eux,  soit  ailleurs,  ils  I'instruisent  ou 
fontinstruire  d'une  raaniere  suffisante. 

Art.  64.  «  Nul  enfant  nepeut,  sans  excuse  valable,  manquer 
aux  henres  fixees  pour  I'ecole.  Ne  doit,  en  general,  etre  consi- 
deree  comme  telle  que  la  maladie  soit  de  I'enfant,  soit  d'un 
membre  de  la  famille.  Le  Scltuhorstand  a  le  droit  de  s' assurer 
si  celte  raison  ou  toute  autre,  selon  les  circonstances,  est  se- 
rieusement  admissible. 

Art.  65. « h^Schuhorstandi^oii  n'epargner  aucun  effort  pour 
faire  cesser  les  absences  non  legitimes.  Si  ces  efforts  restent 
sans  succes ,  I'amende  et  les  aulres  moyens  de  contrainte 
doivent  etre  employes  contre  les  parents,  tuteurs,  maitres,  etc. 

Art.  67.  «  Quand  les  parents,  tuteurs,  etc.,  n'alleguent  que 
des  excuses  jugcesinsuffisantes,  ils  sontpunis.pourla  premiere 
fois,  d'une  amende  de  5  silberg.  (70  c.)  a  2  thai.  15  silb. 
(9  fr.  35  c),  ou  d'un  temps  de  prison  equivalent;  et,  en  cas 
de  recidive,  de  peinesproportionnelles  '  ». 

Un  reglement  d'administration  ^  a  determine  comme  il  suit, 
I'execution  de  la  loi  du  5  mai  1835. 

«  Les  cas  dans  lesquels  dispense  de  frequenter  Tecole  du 
cercle  peut  etre  obtenue,  sont  les  suivants  : 

1 .  Quand  un  enfant,  se  consacrant  a  une  carriere  qui  exige 

1.  Loi  du  5  mai  1835. 

2.  Verordnung  du  9  juin  1835. 


'M  6  SECONDE  P ARTIE. 

des  etudes  plus  elevees  que  celle  del'ecole  du  cercle,  frequente 
line  ecole  publique  de  degre  superieur  ou  une  ecole  privee 
legalementetablie; 

2.  Quand  les  parents  font  instruire  leurs  enfanls  par  un 
raaitre  particulier  j 

o.  Quand  ils  leur  donnent  eux-raemes  I'instruction.  « 

Telle  est  la  pensee  de  la  loi  de  1855,  dans  la  question  qui 
nous  occupe.  Or,  aucune  modiCcalion,  dans  le  remaniement 
de  la  legislation  qui  a  suivi  les  evenemenfs  revolutionnaires 
de  1848  et  de  1849,  n'a  ete  introduite,  sur  le  point  capital 
de  Xohligation  de  I'ecole;  tantcetle  obligation  est  regard^e  par 
les  hommes  d'etat  de  la  Saxe  comine  un  principe  d'ordre 
public;  tant  ce  principe  leur  parait  une  arrae  puissante  pour 
combattre,  au  nom  desverites  traditionnelles,  les  idees  sub- 
versives de  la  paix  sociale  I  Certes,  le  rninistre  actuel  de 
I'instruction  publique  en  Saxe  est  un  esprit  pratique  autant 
qu'eleve.  M.  le  baron  de  Beust  a  niontre,  en  1849,  que  son 
energie  etait  a  la  hauteur  des  situations  les  plus  difficiles;  et 
ayant  saisi  les  rapports  intimes  qui  rattachent  Tenseignement 
priraaire  a  lout  Tensemble  des  interets  sociaux  ;  ayant  voulu, 
pour  lui  imprimer  la  direction  que  tragait  une  pensee  poli- 
tique, reunir  au  departeraent  des  affaires  etrangeres  I'admi- 
nistration  de  I'instruction  publique,  il  n'eut  pas  souffert  que 
subsistat  dans  la  loi  de  4835  une  idee  propre  a  mettre  en 
peril  le  developperaent  moral  des  masses.  Eh  bien !  M.  de 
Beust,  par  la  loi  du  5  raai  1851,  a  opere  des  changements  no- 
tables dans  la  legislation  precedente;  raais  il  s'est  garde  de 
porter  atteinte  au  principe  de  I'obligation.  Et  non  seulement, 
il  ne  I'a  pas  ebranle;  raais,  dans  le  long  entretien  qu'il  m'a 
fait  I'honneur  de  ra'accorder,  j'ai  pu  me  convaincie  que  cet 
homme  d'Elat  en  considerait  I'application  comme  une  ga- 
rantie  pour  I'avenir;  qu'a  scs  yeux,  I'indifference  d'un  gou- 


ROLE  DE  l'eTAT.  ]]7 

vernement,  en  presence  dii  mauvaisvoiiloir  on  derineuriedes 
parents,  etaitune  sorle  de  compiicite  dans  un  homicide  moral ; 
que  prevenir  un  tel  crime  serait  pour  I'Etat  le  premier  des 
devoirs,  quand  ce  ne  serait  pas  le  premier  des  interets. 

La  legislation  de  Hanovre  n'est  pas  raoins  explicite  que  les 
legislations  prussienne et  saxonne.  La  loi  du  26mai  1845  porte 
ces  mots  : 

a  Art.  3.  — Tout  enfant  est  tenu  de  frequenter  une  ecole 
pendant  le  temps  sur  lequel  porle  I'obligation,  s'il  ne  revolt 
pas  I'instruction  necessaire  dans  un  etablissement  superieur, 
oupar  I'enseignement  prive. 

«  L'aulorite  ecclesiastique  chargee  de  I'inspection  a  cepen- 
dant  le  droit,  dans  les  circonstances  speeiales,  de  dispenser  de 
la  frequentation  de  I'ecole. 

a  Art.  4.  —  L'age  sur  lequel  porte  I'obligation  de  Tecole 
commence  apres  la  six'ieme  annee  accoraplie. 

«  Art.  6. — L'instruction  privee  exempte  de  la  frequentation 
des  ecoles  publiques,  au  cas  seulement  ou  elle  embrasse  les 
matieres  prescrites,  et  ou ,  en  meme  temps,  la  capacite  des 
mailres  qui  la  donnent  est  reconnue  par  ceux  a  qui  est  con- 
fiee  la  surveillance  des  ecoles. » 

Memes  principes  dans  I'organisation  scolaire  du  grand- 
duche  de  Bade  : 

«  Chaque  annee ,  k  Paques,  le  pasteur,  d'apres  les  regislres 
de  r^tat  civil,  communique  au  comite  d'ecole  la  lisle  des  en- 
fants  que  leur  age  soumet  a  I'obligation.  Le  comite  complete 
cette  liste  paries  noms  des  enfanls  du  meme  age  qui  ne  sont 
pas  nesdans  la  meme  commune. 

«  Dix  jours  apres  la  ren  tree  des  classes,  I'institulcur  met 
sous  les  yeux  du  comite  la  preuve  que  tons  les  enfants  soumis 


4^8  SECOINDE  PARTIE. 

al'obligationlegalefrequentent,  eneffetjl'ecole,  ou  indiqueles 
noms  de  ceux  qui  n'accomplissent  pas  ce  devoir. 

«  Le  comite  fait  savoir  aiix  parents  ou  aux  tutenrs  que  les 
moyens  de  contrainte  seront  employes,  s'ils  n'ont  pas  de  rai- 
sons  legitimes  pour  obtenir  una  dispense,  eine  Befrehmg.  » 

Dansle  duch6  de  Weimar,  la  legislation  de  1821  contenait 
des  dispositions  analogues,  et  la  loi  recente  du  2  raai  1851  n'y 
a  introduit  aucune  modification '. 

Des  lillats  du  nord  passons  aux  £tats  du  midi,  des  pays  pro- 
tcstants  aux  pays  eatholiques. 
En  Baviere,  un  deeret  du  23  decembre  1802  staluait : 

«  Aucun  enfant  ne  peut  quitter  I'ecole  avant  d'avoir  attaint 
I'age  de  douze  ans  accomplis ;  il  doit  avoir  subi  un  exaraen  et 
obtenu  un  certificat  de  sortie  pour  etre  re^u  en  apprentissage, 
et,  plus  tard,  pour  se  marier...  Cette  prescription  doit  etre 
universellement  observee  :  de  sa  rigou reuse  execution  depend 
le  bien-etre  moral,  physique  et  civil  des  classes  inferieures.  » 

Ce  deeret  fondamental  a  ete,  depuis  1802,  commente  sur 
une  foule  de  reglements,  d'arretes,  etc.,  conlirme  par  tous  les 
actes  legislatifs.  Aujourd'hui  encore,  il  est  la  base  du  systeme 
de  I'instruclion  primaire  en  Baviere. 

L'Autriche,  on  lesait,  ne  fait  pas  exception  a  la  regie  dont 
je  constate  ici  I'universalite. 

a  Le  gouvernement  autrichien,  disait,  en  1835,  M.  Saint- 
Marc  Girardin,  cherche  a  resoudre  deux  grands  probleraes  :  il 
veut  que  le  peuple  soit  ricbe  et  heureux,  et  il  ne  veut  pas  qu'il 
s'avise  jamais  d'avoir  les  pensees  d'independance  et  dc  fierte 
que  donnent  le  bonheur  et  I'aisance.  II  veut  que  le  peuple  soit 
instruit,  et  il  ne  veut  pas  que  son  intelligence  s'enhardisse  ja- 

1.  Y.DienstvorschriftenimGrossherzoglhume. — Weimar,  18J2. 


ROLE  DE  l'eTAT.  \^^ 

mais,  en  se  developpant,  a  examiner  les  institutions  politi- 

ques.  Jusqii'ici  il  semble  avoir  leussi Corabien  cela  dii- 

rera-t-il?» 

Les  evenements  de  4848  n'ont  pas  change  la  pensee  du  gou- 
vernement  autrichien.  Ce  qii'il  voulait  en  1853,  il  le  veuten 
4855  ;  et  il  le  veut  peiil-etre  avec  plus  de  nettete  et  de  preci- 
sion, parce qu'il  croit  le  vouloir  avec  une  plus  entiere  connais- 
sance  de  cause.  «  Combien  cela  durera-t-il?  »  disait,  il  y  a 
vingt  ans,  I'eminent  ecrivain.  Le  gouvernement  autrichien 
croit  que,  malgre  1848,  cela  n'a  pas  cesse  de  durer.  A  ses  yeux, 
le  raouvement  revolutionnaire,  loin  de  lui  aliener  le  peuple, 
I'a  rapprochede  lui.  «  Le  peuple  d'Autriche,  disait  le  prince 
de  Schwarzemberg ,  est  un  honnete  honnne  que  des  viveurs 
avaient  enivre,  afin  de  le  rosser  et  de  le  voler  par  amour  pour 
lui.  )'  Le  gouvernement  autrichien  croit  que  le  peuple  ne  tient 
plus  aux  temoignages  de  cet  amour,  et  que  I'honnete  horame 
est  degoute  des  viveurs.  L'indifference  politique  lui  parait  le 
produit  le  plus  net  de  I'agitalion  des  dernieres  annees,  et  je 
ne  sais  s"il  deplore  bien  araerement  ce  resultat.  Le  gouverne- 
ment ne  pense  done  pas  s'etre  mepris  dans  la  direction  de  I'e- 
ducation  populaire;  il  ne  juge  pas  que  les  anciens  principes 
ni  les  procedes  d'application  fussent  perilleux,  et  il  s'y  tient. 

Parmi  ces  principes,  est  celui  de  I'obligation  de  I'enseigne- 
ment*  : 

«  Tons  les  enfants,  gargons  et  lilies,  des  qu'ils  atteignent 
leur  sixierae  annee  jusqu'a  I'age  de  douze  ans  accomplis,  doi- 
vent  alter  a  I'ecole. 

«  L'etat  des  enl'ants  est  dresse  ,  tous  les  ans  ,  par  le  niaitrc 
d'ecole  et  I'inspecteur,  aux  fetes  d'automne ,  collationne  avec 
les  registres  de  bapteme,  et  arrete  par  le  cure  de  la  paroisse.  » 

i .  PoHiische  Verfassung  der  deutschcn  Volksschulen  fur  die  osterrei- 
chischen  Provinzen. 


^20  SECOISDE  PARTIE. 

Apres  cette  prescription  generale,  voici  une  disposition  qui 
temoigne,  pour  le  bien-etre  moral  d'une  nombreuse  classe 
d'enfants,  d'une  sollicitude  qu'on  ne  saurait  trop  louer  : 

«  La  garde  des  troupeaux,  par  les  enfants,  isole  ces  derniers 
de  la  surveillance  des  parents,  et  tend,  en  les  privant  d'instruc- 
tion,  a  developper  des  habitudes  sauvageset  une  pr^eoce  iramo- 
ralile;  on  doit  travailler,  partout  ou  faire  se  pourra,  a  abolir 

cet  usage En  tout  cas,  aucun  patre  ne  pourra  etre  regu  en 

service,  s'il  ne  produit  un  certificat  de  son  cure,  constatant 
qu'il  a  recti  dans  I'ecole  I'instruction  religieuse,  et  qu'il  a  subi 
sur  ce  point  un  examen  satisfaisant.  » 

Corame  le  reglement  de  I'eveque  de  Miinster,  la  loi  autri- 
chienne  ordonne  au  cure,  lorsqu'un  enfant  quitte  sa  paroisse 
pour  une  autre,  de  prevenir  le  cure  de  la  seconde  commune, 
afin  de  mettre  ce  dernier  en  demeure  de  veiiler  a  I'instruction 
del'enfant.  Ainsi  que  lerescritprussiende  1801,  cette  merae  loi 
rendobligatoire,  pourlesenfantsquiontfaitleur  tempsd'ecole, 
et  jusqu'a  I'age  de  quinze  ans,  sauf  des  cas  d'exemption  speci- 
fies, la  frequentation  des  ecoles  de  repetition  ou  de  perfection- 
nement  {Wiederholungschulen).  Ces  ecoles  se  tiennent  le  di- 
manche  et  les  jours  de  fetes.  Elles  ont  pour  but  de  raviver 
dans  la  memoire  des  jeunes  gens  les  connaissances  acquises 
sur  les  bancs  de  i'ecole  elementaire  ;  d'y  developper  ces  con- 
naissances pour  en  monlrer  I'application  usuelle^  surtout,  de 
donner  a  Tinstituteur  et  au  cure  le  moyen  d'enraciner  dans 
lesames,  par  des  lemons  d'un  caractere  pratique,  les  principes 
sur  lequels  doit  reposer  la  vie  morale  et  religieuse. 

Partoutou  est  ouverte  une  ecole  primaire,  doitexister,  sous 
la  sanction  de  I'obligation  legale,  une  ecole  de  perfectionne- 
ment.  Nous  ne  croyons  pas  que  nos  mceurs  comportent  la 
contrainte,  en  ce  qui  touche  la  frequentation  des  ecoles  d'a- 
dultes;  mais  que  Ton  pense  aux  effets  presque  infaillibies 


ROLE  DE  l'eTAT.  ^  21 

de  TabandoD  intellectuel  ou  se  trouvent  les  enfants  des  classes 
ouvrieres,  alors  que  se  ferment  pour  eiix  les  portes  de  Tecole 
elementaire,  et  Ton  rendra  hommage  a  la  pensee  qui  inspire 
une  telle  legislation,  comme  aux  mceurs  d'un  pays  qui  en 
accepte  I'empire. 

Ainsi  qu'en  Prusse,  en  Hanovre,  en  Saxe,  en  Baviere,  une 
sanction  penale  consacre,  en  Autriche,  les  prescriptions  de  la 
loi. 

«  Les  peres  ou  patrons  qui  negligent  d'envoyer  lenrs  enfants 
a  I'ecoledoivent  payer  une  amende.  Dans  le  cas  oil  iis  auraient 
ete  exemptes  de  la  retribution  scolaire,  la  negligence  estpunie 
par  le  retrait  de  cette  exemption,  s'ils  ne  sont  pas  indigents. 
S'il  y  a  indigence,  ils  sont  condamnes  a  un  ou  plusieurs  jours 
de  travail  au  profit  de  la  commune.  » 

Telle  est,  dans  I'Allemagnetoutentiere.robligation  legale  de 
I'instruction^et — ce  point,  je  le  repele,  estdigne  d'une  atten- 
tion speciale,  —  dans  toutes  les  legislations  que  nous  venons 
d'analyser,  I'enseignement  religieux  est  considere  comme 
partie  integranle  de  I'enseignement  scolaire.  Ilestobligatoire, 
au  nom  du  meme  interet,  et  sous  la  meme  sanction  que  I'en- 
seignement general  de  I'ecole.  On  n'admet  pas,  en  Allemagne, 
qu'il  soit  loisible  a  un  pere  ou  a  un  patron  dont  le  fits  ou  I'ap- 
prenti  suit  les  lemons  de  I'ecole,  de  priver  I'un  ou  I'autre  de 
I'instruclion  religieuse  de  la  communion  a  laquelle  il  ap- 
partient.  Pas  plus  au  premier  qu'au  second  on  ne  reconnait 
le  droit  d'etouffer,  dans  son  germe,  la  vie  morale  del'enfant. 

Je  dois  citer  ici  deux  documents  empruntes  a  la  jurispru- 
dence administrative  de  la  province  prussienne  la  plus  voisine 
de  la  France,  de  la  province  du  Rliin,  documents  auxquels, 
plus  haut,  il  a  ete  fait  allusion  : 


^22  SECOIS'DE  P ARTIE. 

Instruction  du  consistoire  royal  de  la  province  du  Rhin. 

«  Comme  il  arrive  parfois  que  des  enfants  grandissent  sans 
auciine instruction  scolairenireligieuse,  ensortequ'ilsenlrent 
dans  la  societe  civile  sans  avoir  ete  formelleraent  re^us  dans 
la  com  in  11  nan  te  chretienne;  comme,  d'ordinaire,  des  delits 
ou  des  crimes  viennent  reveler  ces  vices  d'education,  S.  31.  le 
roi  a  recommande,  par  un  ordre  decabinetdu  18  juinde  la 
presente  annee,  aux  autorites  competentes,  qu'il  soit  pourvu 
a  ce  que  des  cas  d'une  telle  negligence  ne  puissent  pas  se  re- 
nouveler. 

«  En  faisant  connaitre  la  volonte  royale,  selon  les  ordrcs 
du  ministre  des  affaires  ecclesiastiques  et  de  I'instruction 
publique,  le  consistoire  en  relation  avec  les  regences  de  la 
province  ,  rappelle  aux  pasteurs  I'obligation  de  tenir  rigou- 
reusement  la  main  a  ce  qu'aucun  des  enfants  en  age  de  fre- 
quenter I'ecole,  dans  leurs  communes  respectives,  ne  deserte 
Tinstruction  religieuse,  et  d'invoqiier  le  secours  de  la  loi  au- 
pres  des  autorites  competentes,  dans  les  cas  ou  les  parents, 
tuteurs,  patrons  ne  cederaient  pas  a  un  avertissement. 

«  Nous  avons  la  confiance  que  les  ministres  ecclesiastiques 
veillerontavec  d'autant  plus  de  zele  a  I'execution  des  volontes 
vraiment  paternelles  de  S.  M.  le  roi,  que  leur  responsabilite 
serait  lourde  devant  Dieu  etdevant  les  autorites  seculieres,  si, 
par  leur  faute,  et  par  suite  de  leur  negligence  a  s'occuper  de 
I'education,  des  enfants  confies  a  leur  sollicitude  pastorale 
grandissaient  pour  le  crime. . . 

«  Coblenlz,  31  octobre  1832.  » 


ROLE  DE  l'eTAT.  423 

Circulaire  de  la  regence  de  D'dsseldorf  aux  Landrccihe 

{sous-'prefeis) . 

oDesplaintes  ontete  elevees  a  Toccasion  de  peinesinfligees 
a  des  parents  qui  n'avaient  pas  envoye  anx  instructions  reli- 
gieuses  les  enfants  soiimis  a  robligation  de  Tecole. 

0  Ces  plaintes  ne  sont  pas  fondees. 

«  L'instruction  religieuse  fait  partie  de  Tinstruction  ne- 
cessaire  a  tout  enfant. 

«  Le  ministre  de  rinstruction  publique  et  des  affaires  eccle- 
siastiques  a  tranche  la  question,  en  disant  «  que  l'instruction 
religieuse,  qu'elle  soit  donnee  dans  I'ecole  ou  dans  la  mai- 
son  du  cure,  ou  dans  I'eglise,  les  dimanches  ou  les  jours 
de  la  semaine,  doit  otre  consideree  comrae  partie  integrants 
de  I'enseignement  de  I'ecoie;  et  que,  dans  le  cas  ou  les  aver- 
tissements  du  cure  ou  du  pasteur  a  I'effet  d'assurer  la  par- 
ticipation reguliere  desenfants  a  cette  instruction  ne  suffisent 
pas,  les  moyens  de  contrainte  autorises  par  les  reglemcnts 
devront  etre  employes. 

('  Nous  vous  recomraandons   de  porter  cette  decision  a 

la  connaissance  de  tous  les  bourgmestres  de  votre  circon- 

scription. 

« La  Regence  royale. 

«  Dusseldorf,  4  mars  1834.  » 

Pour  confirmer  cette  legislation,  I'ordre  du  cabinet  du  20 
juin  1835  porte  ces  mots  (art.  4) : 

«  Les  prescriptions  ci-dessus  rappelees  (voies  de  contrainte 
legale)  s'appliquent  aux  cas  oil  des  enfants  soumis  a  I'obliga- 
tion  del'ecole  negiigeraient  l'instruction  religieusedonneepar 
les  ministres  du  culte.  » 

El  Tart.  14  de  Tinstruction  niinislerielie  du  18  mars  18 io 
est  ainsi  con^u  : 


^24 


SECOINDE  I'ARTIE. 


«  Le  defout  d'assistance  aux  instructions  religieusesqiiedis- 
pensenl  les  rainislres  du  culte  aux  enfants  souniis  a  I'ohliga- 
tion  de  I'ecole,  en  dehors  du  temps  de  I'ecole,  donne  lieu  aux 
laemes  poursuites  et  est  puni  des  memes  peines.  » 

Nous  ne  lenons  que  nous  repeter,  en  analysant  a  ce  meme 
point  de  vuc  les  legislations  des  autres  etats;  terminons  seu- 
lement  par  cet  article  de  la  loi  de  Saxe  : 

«  Lesautoritescompetentes  doivent  veillera  ceque  ceux  qui 
sent  charges  des  enfants  remplissent  leur  devoir  en  ce  qui 
concerne  I'instruetion  religieuse,  et,  le  cas  echeant,  employer 
les  moyens  de  contrainte  i .  » 

Ainsi,  dans  les  differents  pays  de  I'Allemagne,  I'Etat  a  pris 
les  mesures  les  plus  elficaces  pour  que  I'enseignement  par 
excellence,  renseigneraent  religieux  puisse  exercer  sur  les 
jeunes  generations  sa  bienfaisante  et  necessaire  influence. 
L'Etat  ne  craint  pas  de  se  declarer  hautement  responsable  ; 
et,  au  nom  des  interetsdont  la  tutelle  est  remise  entre  ses 
mains,  il  fait  face  aux  devoirs  que  lui  impose  sa  responsa- 
bilite. 

Cette  responsabilite ,  on  le  voit,  consiste  en  ceci  :  ne  pas 
tolerer  que,  par  Teffet  d'une  insouciance  aveugle  on  d'un 
parti  pris,  un  enfant,  etre  laible,  en  qui  ii  doit  prolegerla 
dignite  du  citoyen  et  du  chretien  ,  grandisse  en  dehors  des 
traditions  qui  sont  I'amede  la  societe.  Ne  pas  souffrir  que 
le  canal  qui  transmet  d'une  generation  a  I'autre  le  courant 
d'idees  et  de  croyances  oil  s'alimente  la  vie  de  i'humanite,  soil 
brise  par  une  volonte  inintelligentc  ou  coupable. 

Que  si,  par  des  scrupules  qu'on  repute  mal  fondes  au  dela 
du  Rhin,  on  redoute  de  voir  la  contrainte,  en  pareil  cas,  de- 
venir  I'oppression  de  la   conscience,  les  legislations  alle- 

1.  Gesctz das Ekmentar-Volksschuhvesen betrelfead, art. 8 (6juin  1 835). 


ROLE  DE  l'eTAT.  ^25 

raandes  repondent  ;  cette  contraiute  s'exorce  vis  a  vis  du 
pere,  du  tiiteur,  on  dn  maitre  precisement  pour  (aire  res- 
pecter la  conscience  de  I'enfant;  elle  ne  s'impose  au  preuaier 
qu'au  nom  des  droits  meconnus  du  second.  Intervention  de 
la  societe,  en  faveur  de  I'enfant,  a  dejauf.  de  lafamille,  tel  est  le 
sens  de  ces  mots  :  obligation  legale  de  I'enseignement. 

Appuyee  sur  les  principes  que  nous  avons  formules,  prin- 
cipesqu'elle  croit  inattaquables,  TAIIemagne  n'hesite  pas  i 
pourvoir  par  des  regleraents  severes  a  I'execution  de  la  loi. 

Je  crois  devoir  traduire  ici  differents  textes.  Ces  textes  ne 
sont  point  presentes  comnie  raodeles  d'un  reglenient  des- 
tine aux  ecoles  de  France.  Des  modifications  exigees  par  des 
considerations  de  plus  d'un  genre  devraient  y  etre  intro- 
duites.  Nous  les  citons  a  titre  d'exemples  et  de  documents  : 

En  Prusse,  le  dernier  reglenient  relalif  a  I'obligation  de 
r^cole  est  en  date  du  18  mars  1845  : 

Art.  1.  —  L'instituteur,  le  dernier  jour  de  chaque  raois, 
ou  a  de  plus  courts  intervalies,  s'il  en  est  requis  par  le 
bourgmestre,  dresse  en  double,  d'apres  le  modele  ci-joint,  la 
liste  d'absence  ,  y  note  les  excuses  qui  sont  a  sa  connaissance, 
et  la  remetau  bourgmestre  etau  cure.  Quand  aticune  absence 
n'a  eu  lieu,  notification  en  est  faite,  egalement  par  ecrit,  et 
dans  le  meme  delai,  au  cure  comme  au  bourgmestre. 

Art.  2.  —  Le  cure  examine  la  liste,  soumet  les  cas  men- 
tionnes  a  I'appreciation  des  autres  membres  dn  comite  de 
recole,etdansle  delai  dehuil  jours,  la  communique  au  bourg- 
mestre avec  les  reraarques  qu'il  juge  utiles. 

Art.  5.  —  Le  bourgmestre  fait  citer  par  ecrit,  dans  le  de- 
lai de  deux  jours  apres  cette  communication  ,  les  peres  ou 
tuteurs  des  enfants  dont  le  defautd'assistancea  I'ecole  n'a  pas 
d'excuse  dans  sa  conviction,  aux  teimes  de  I'art.  6,  pour  6tre 
precede  a  I'inlerrogatoire,  et  I'arret  etre  prononc^. 


\  26  SECOINDE  PARTIE. 

Art.  4.  —  Quiconque,  apres  la  eilalion  reQiie,  ne  se  pr6- 
sente  pas,  est  condamne  par  continnace.  Le  bourgmestre  lui 
faitsignifier  iin  extraitdu  jugement  par  un  agent  de  police ou 
par  le  garde-champetre. 

Art.  5.  —  Le  pievenu  est  averti,  dans sa  citation,  d'avoir  a 
produireses  moyens  de  defense. 

Art.  6.  —  Le  manque  d'assistance  a  Tecole  pent  etre  seule- 
ment  excuse  : 

1°  par  une  permission  ecrite  du  cure,  permission  qui  n'est 
pas  valable  plus  de  trois  jours  sans  la  ratification  du  Landratk 
(sous-prefel); 

2°  par  la  maladie; 

5°  pour  les  enfants  de  carapagne,  pardes  intemperies  qui, 
(Vapres  une  appreciation  sensee,  ont  rendu  impossible  le  tra- 
jet  de  I'ecole. 

Art.  7.  —  Lesexcusestireesd'autres  motifs  que  ceuxenor.ccs 
dans  I'art.  G  doivent  etre  approuvees  par  le  Landrath.  La  ra- 
tificalion  est  sollicitee  par  le  bouigmestre  qui  communique 
au  Landrath  la  lisle  d'absence.  Si  celui-ei  ne  juge  pas  devoir 
accorderson  approbation,  il  prononeela  peine  legale,  etdonne 
connaissance  de  I'arret  au  bourgmestre ,  qui  est  charge  de 
I'execution. 

Art.  8.  — L'amende,  pour  un  jour  d'absence,  est  de  1  sil- 
berg.  (15  cent.)  ii  i  thaler  (5  fr.  75  c.).  Des  prestations  de 
travail  ou  la  prison  remplacenl  Tamende,  qnand  il  y  a  inca- 
pacite  de  payer.  (G'est  toujours  du  pereou  du  tuleur,  bien  en- 
tendu,  qu'il  est  question,  et  non  de  I'enfant,  qui  n'est  pas  res- 
pousabie.) 

Art.  9.  —  Contrele  jugement  du  bourgmestre,  le  condamne 
a  recours  aupres  du  Landrath.  Le  recours  doit  etre  forme 
dans  les  trois  jours. 

Art.  10.  —  Le  Landrath  rend  sa  decision  d'apres  I'examen 


ROLE  DE  L  ETAT.  >i27 

des  pieces  coramuniquees;  il  peut,  s'il  le  juge  necessaire,  or- 
donner  una  nouvelle  audilion  de  I'accuse. 

Art.  i  1.  —  La  decision  du  Landialh  est  ecrite  sur  Textrait 
de  la  liste  qui  lai  a  ete  communiquee.  Elle  est  envoyee  au 
boiirgmesire  pouretre  mentiounee  sur  la  lisle,  et  nolifiee  a 
la  partie  qui  a  forme  I'appel. 

Art.  12.  —  Le  perceptcur  regoit  un  extrail  de  la  liste  d'ab- 
sences  signee  par  le  bourgmestre,  visee  par  le  Lamirath,  et 
precede  de  la  merae  maniere  que  pour  le  recouvrement  de 
I'impot.  L'eraprisonneraent  a  lieu  sur  un  ordre  d'arreslatiou 
donne  par  le  bourgmestre,  vise  parle  Landrath.  L'ordre  porle 
le  nom ,  la  demeure  du  condamne,  et  la  dureede  la  peine. 
L'accoraplissement  de  la  peine  est  menlionne  sur  la  lisle  par 
le  bourgmestre. 

Art.  15.  — Ledefantd'assistanceaux  instructions  religieuses 
que  le  pasteur  dispense  aux  enl'anls  soumis  a  I'obligatiou  de 
I'ecole  [den  schidpflichtigen  Kindern)  en  dehors  du  temps  de 
I'ecole,  donne  lieu  aux  memespoursuites  et  est  pimi  par  les 
memes  peines.  Le  cure  ou  le  pasteur  transmet  de  meme  au 
bourgmestre  la  liste  des  absences  non  justifiees. 

Art.  14. — En  cequi  louche  les  peres  et  tuteursqui  ontdeja 
subi  une  peine  sans  devenir  plus  empresses,  il  peut  etre  de- 
mande,  tous  les  huit  jours,  des  renseignements  sur  I'assiduite 
des  enfantsj  et  une  peine  proportionnee  est  prononcee. 

Art.  15.  — Le  Landralh  el  les  inspecteurs  ecclesiasliques 
sont  charges  de  i'execution  de  cette  instruction. 


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ROLE  DE  L  ETAT.  ^  29 

On  tronve  des  details  analogues  dans  les  actes  officiels  dii 
Hanovre,  de  la  Hesse,  de  la  Baviere,  de  Bade,  de  Saxe.  Citons 
le  reglement  en  vigueur  dans  ce  dernier  pays. 

Exirait  du  reglement  du  6  /wm  1835. 

Tout  maitre  d'ecole  tient  un  registre  d'absences  [Versilum- 
nissbuch],  et  y  eonsigne,  chaque  jour,  le  nom  desenfants  qui 
ont  manque  I'ecole,  av3C  I'indication  des  molifs,  ou  si  les  mo- 
tifs ne  sent  pas  connus,  avec  mention  de  cetle  circonstance. 

Sont  considerees  comme  excuses  legitimes  : 

i.  La  maladie  de  I'enfant  ou  un  malaise  de  nature  a  rendre 
pour  lui  la  sortie  perilleuse  ; 

2.  La  maladie  du  pere  ou  de  la  mere  ; 

3.  La  maladie  d'un  frere  ou  d'une  soeur,  quand  Tenfant  n'a 
pas,  a  la  maison,  de  freres  ou  sceurs  plus  ages,  ou  son  pere  ou 
sa  mere,  ou  que  I'un  ou  I'autre  de  ces  derniers  est  oblige  de 
quitter  le  logis  pour  se  rendre  au  travail ; 

4.  II  y  a  excuse  valable,  quand  I'enfant  habite  ires  loin  de 
I'ecole,  alors  surtout  qu'il  s'agit  d'un  enfant  tres  jeune  ou 
d'une  faible  sante^  lorsqu'en  raison  d'une  pauvrete  notoire, 
11  manque  des  vetements  necessaires;  lorsque  la  mauvaise 
saison  rend  les  cherains  difficiles  et  dangereux  pour  la  sante 
de  I'enfant. 

5.  S'il  y  a  d'autres  excuses  resultant  d'evenements  extraor- 
dinaires  et  survenus  dans  la  famille,  il  appartienl  au  Schut- 
vorslandei  particulierement  a  I'inspecteur  local  d'apprecier 
les  molifs. 

—  «Tous  les  huit  jours,  porte  le  reglement  du  duche  de 
Bade,  rinslituteurremeta  I'inspecteur  local  la  listedes  enfants 
qui,  sans  avoir  oblenu  I'autorisation  prealablo,  ou  sans  avoir 
justifie  d'une excuselegitime,  sesontabsenles  de  I'ecole.  llspe- 
cifie  les  jours  ou  ont  cu  lieu  ces  absences. 

9 


^50  SECONDE  I'ARTIE. 

—  L'inspecteur  local,  apres avoir  pris  connaissaneedes  ex- 
cuses aileguees,  remet  la  lisle  an  bourgmeslre;  celui-ei  con- 
(lamneles  parents  ou  ceiixquisont  responsables  desenfants,  a 
une  amende  de2  ai2  kreuz.  par  chaque  jour  d'absence. 

—  Le  bourgmestre  fait  percevoir  cette  an[iende  par  un 
agent  de  I'autorite  municipale.  Selon  la  decision  du  Schulvor- 
siand,  cette  amende  est  versee  dans  la  caisse  des  pauvres,  ou 
destinee  a  I'achat  des  objets  d'ecole  necessaires  aux enfants  in- 
digents. 

—  En  cas  de  recidive  d'absence  non  justifiee,  le  bourg- 
mestre prononce  contre  les  parents  ou  ceux  qui  sont  respon- 
sables del'enfant,  aux  termes  de  I'arretedu  13  mai  4805,  un 
emprisonnement  de  4  a  24  beures.  »  ^ 

Qu'on  ne  eroie  pas  que  ces  reglements  restent  lettre  morle, 
et  que  la  sanction  legale  de  Vobligalionde  I'ecole  soit  simple- 
ment  inscrite  sur  le  papier.  Toutes  ces  prescriptions  sont  bieu 
et  diiment  execulees  dans  la  pratique;  et,  avec  les  tempera- 
ments qu'impose  la  prudence,  on  tient  la  main  a  ce  que  les 
exigences  salutaires  de  la  loi  passent  de  la  tlieorie  dans  les  faits. 
Au  reste  ,  on  le  comprend  sans  peine,  les  severites  regle- 
mentaires  ne  sont  point,  en  cas  de  contravention,  invoquees 
des  I'abord;  el,  la  plupart  du  temps,  uu  simple  averlissement 
epargne  aux  autoriles  municipals  et  scolaires  des  mesures 
auxquelles  on  De  recourt,  dans  les  vilies  ainsi  que  dans  les 
communes  rurales,  que  sous  la  pression  d'une  absolue  ne- 
cessile. 

Yoici,  par  exemple,  I'avertissementdonne  aux  peres  de  fa- 
milies, dans  la  regence  de  Cologne  : 

«  En  execution  des  ordres  de  cabinet  du  14  mai  1825,  et  du 
20  juin  1845,  tous  les  enfants,  depuis  1  age  de  six  ans  jusqu'a 

'    1.  Landesherrliche  Verordnung,  du  15  mai  1834. 


ROLE  DE  l'eTAT.  A^\ 

qiiatorze  ans  accomplis,  lorsqu'ils  ne  ro^oivent  pas  line  edu- 
cation particuliere,  sont  obliges  de  frequenter  I'ecole.  En  con- 
sequence, nous  considerons  comme  un  devoir  de  vous  rappejer 
celte  prescription  imperative  de  la  loi  {diese  hindende  gesefz- 
liche  Bestimmuncj) ,  et  nous  avons  confiance  qu'envisageant 
avec  des  sentiments  de  gratitude  le  but  bienfaisant  de  ce  pre- 
cepte,  vous  vous  y  soumettrez  de  bon  gre.  Vous  avez  trois 
jours  pour  donner  a  rautorite  corapetente  des  explications  a 
ce  sujet;  mais  nous  ne  vous  laissons  pas  ignorer  que  la  viola- 
tion des  prescriptions  legales  relatives  a  la  frequentation  de 
Tecole  entraine  la  peine  de  I'amende  et  de  la  prison. 

"  La  Commission  des  ecoles. 

•  Cologne,  le...  185... » 

Dans  une  ordonnance  de  4837,  relative  an  travail  des  en- 
fants  en  apprentissage,  je  remarque  les  dispositions  suivantes  : 

a  Les  travailleurs  qui  n'ont  pas  encore  ete  re^us  a  la  sainte 
communion  ne  peuvent  etre  employes  pendant  les  heures 
fixees  par  les  pasleurs  pour  I'instruction  religieuse  (art.  6). 

«  La  presente  ordonnance  ne  change  rien  a  I'obligation  de 
frequenter  I'ecole.  Cependant,  la  oil  les  enfants  que  Tage  as- 
sujetlit  a  ^obligation  legale  doivent  necessairement  etre  em- 
ployes a  des  travaux,  les  regences  prendront  les  dispositions 
necessaires  pour  que  le  choix  des  heures  destinees  a  I'instruc- 
tion n'entrave  pas  notablement  le  travail. 

« Toute  infraction  aux  presen tes dispositions  sera punie,  aux 
depens  des  raaitres,  d'une  amende  de  1  a  5  thai,  par  enfant 
employe  en  dehors  du  temps  present.  »  (  Art.  9. ) 

L'avertissement  qui  suit  est  envoye  aux  patrons  par  la  faute 
dcsquels  les  enfants  en  apprentissage  ont  manque  I'ecole  du 
soir  : 

«  Le  nomme qui  travaille  chez  vous,  et  qui  est  soumis 


^52  SFXONDE  PARTIE. 

a  robligation  de  frequenter  I'ecole  dii  soir,  a  manque  plusieurs 
fois  a  ce  devoir.  II  a  ele  constate,  par  les  reponses  des  parents, 
interroges  a  ce  sujet,  que  I'enfant  n'avait  pas  cesse  le  travail 
aux  heures  prescrites.  Nous  sommes  done  forces  de  vous  rap- 
peler  les  prescriptions  legales,  aux  termes  desquelles  aucuri 
enfant  souniis  a  I'obligation  de  I'ecole  [hein  sc/mJpJlichtiges 
Kind)  ne  peut  etre  retenu  par  le  travail  aux  heures  fixees 
officiellement  pour  I'ecole.  Nous  esperons  que  le  present  aver- 
tissement  suffira  pour  qu'on  accorde  a  Tenlant  le  temps  re- 
clame par  Tecole. 

«  La  Commission  des  ecoles. 
«  Cologne,  le... » 

Apresces  preliminaires,  si  ravertissementestdemeure  sans 
effet,  ou  quand  les  absences  sans  causes  legitimes  sont  consta- 
tees,  citation  est  faite  devant  un  agent  special  de  Fautoiile 
communale,  le  commisi^aire  de  police  des  ecoles  [Polizeischul- 
commissdr). 

«  Aux  termes derinstructionminislerielledu  18  mars  4843, 

le  sieur se  rendra  devant  le  comraissaire  de  police  des 

ecoles  soussigne,  le  ....  du  present  mois,  a lieure,  pour 

etre  inlerroge  au  sujet  du  manque  d'assidiiite  a  I'ecole  de  son 

fils, ou  de  sa  lille A  defaut  de  comparaiire,  il  sera 

condamne  par  coulumace. 

«  Le  commissaire  de  police  des  ecoles. 
- ...  le...  185..  • 

II  est  impossible,  apres  avoir  jete  un  coup  d'oeil  sur  la  legis- 
lation scolaire  des  differents  pays  d'Allemagne,  de  se  me- 
prendre  sur  la  pensee  qui  dirige  les  gouvernements,  del'autre 
cote  du  Rhin,  dansl'applioation  du  systeme  de  I'obligation  de 
renseignement.  On  saisit  I'idee  qui  fait  du  systeme  dont  on 
parle  un  element  eminemment  conservateur  de  la  tradition 
morale  et  religiouie;  on  apprecie  ce  syslerae,  dans  son  prin- 


ROLE  DE  l'eTAT.  ^35 

cipe  comme  dans  son  but;  il  est  necessaire  raaintenant  de 
le  connaitre  dans  ses  effets,  et  de  le  juger  dans  ses  resullats. 

Continuation  du  m^me  sujet. 

Les  resullals  du  systeme  de  I'enseignement  obiigatoire  doi- 
vent  etre  envisages  a  un  double  point  de  vue;  au  point  de  vue 
des  fails  scolaires  proprement  dits,  au  point  de  vue  des  con- 
sequences morales. 

En  1835,  M. Cousin  etablissait  que,  sur  les  4,767,072  enfants 
composantenPrusse  la  population  totaledesenfanlsde  1  jour 
hi  A'  ansaceomplis,  2,0i3,050,c'est-a-dire  les  troisseptiemes, 
c'est-a-dire  encore  45  enfants  sur  100,  representant  le  norabre 
des  enfants  de  7  a  14ans,  frequentaient  reellementles  ecoles^ 
Un  tel  resultat,  resultat qui  satisfaitassuiement  aux exigences 
les  plus  severes,  continue,  a  I'beurequ'ilest,  d'etre  atteint.  Le 
norabre  des  eleves,  dans  les  ecoles,  a  suivi  la  progression  de  la 
population  elle-meme.  Ce  norabre,  d'apres  le  dernier  releve 
publie  officieilement  par  le  bureau  de  statistique  a  Berlin,  est 
de  2,455,0622. 

1.  II  n'est  question  ici  que  des  ecoles  primaires. 

2.  V.  le  document  officiel  intilule  :  Tabellen  und  amlliche  Nachrichien 
iiber  den  preussischen  Staat. 

Voici  comment  se  repartit  entre  les  provinces  la  population  des  ecoles ; 

KEGENCES  Nomlre  des  i-levf s  CliilVrfS  pnur  cent 

<3ans  les  ecoles  |)iiniaiic5.      <Jc  In  (.njiulalioii. 

1.  Koenigsberg 108,590  12,81 

2.  Gumbinnen 75,237  12,25 

3.  Danzig 53,529  13,23 

4.  Marienwerder 81,109  13,04 

5.  Posen 133.575  14,89 

6.  Bromberg 54,810  12,05 

7.  Berlin 25,030  5,67 

8.  Potsdam 125,343  15,83 

9.  I^rankfurt 138,i96  16,10 

10.  Stettin 83,733  14,89 


Ao4  SECONDE  PARTIE. 

Le  nombre  des  enfants  de  6  a  14ans,  dans  toute  la  Prusse, 
est  de .  3,225,562 

VoDtanx  eco\espubUques{'j^vimaires^  moyennes 
ou  secondaires ) 2,605,647 

Vont  aux  ecoles  piibliques  primaires.     .     .     2,455,062 

Entre  le  nombre  total  des  enfants  soiimis  a  I'obligalion 
de  I'ecole,  et  ce  chiffre  de  2,455,062,  il  scmbie,  au  premier 
abord,  qu'on  troiive  one  difference  de  770,500;  mais  si 
I'on  reflecbit  que,  pour  la  Prusse,  les  enfants  ages  de6et7  ans 
sont  au  nombre  de  plus  de  700,000;  que  ce  nombre  ne 
doit  figurer,  a  vrai  dire,  que  pourmemoire,  dans  le  cbiffre 
total  des  eleves,  les  enfants  ne  se  rendant  exactement  a  I'e- 
cole que  dans  le  courant  de  la  8"  annee;  si  Ton  pense,  d'un 
autre  cote,  que  plusieurs  sont  contrainls  par  les  circon- 
stances  et  obtiennent  I'autorisation  de  quitter  I'ecole  avant 
I'age  de  quatorze  ans ;  si  Ton  songe  enfin  que  ne  sont  com- 
pris  dans  le  chiffre  de  2,455,062,  que  les  eleves  des  ecoles 
primaires  publiques,  et  non  ceux  des  ecoles  privees,  ni  les  en- 

Begencea.  Eleves.  Population. 

11.  Coslin 66,276  14,78 

12.  Stralsund 24,725  13,12 

13.  Breslau 178,319  15,18 

14.  Oppeln 158,689  16,43 

15.  Liegnitz 130,777  14,85 

16.  Magdeburg 111,980  16,20 

17.  Merseburg 126,785  17,07 

18.  Erfurt 57,864  16,16 

19.  MUnster 65,291  15,48 

20.  Minden 82,455  17,80 

21.  Arnsberg 99,763  17,21 

22.  Cologne 82,634  16,22 

23.  Dusseldorf 147,761  16,29 

24.  Coblenz 87, ISO  17,32 

25.  Aix-la-Chapelle .  .  .  .  68,434  16,63 

26.  Treves 78,797  16,01 


ROLE  DE  L  ETAr.  i  55 

fants  eleves  chez  leurs  parents,  niles  elevesdes  classes  infe- 
rieures  des  gymnases,  on  voit  disparailie  entieiement  iine 
lacuna  purement  apparente;  et  I'ou  acquiert  la  certitude  que, 
sauf  quelques  exceptions  ires  rares,  I'universalite  des  enfants, 
en  Allemagne,  et  specialement  en  Prusse,  profile  reguliereqient 
des  bienfaits  de  I'lnstruction  primaire. 

Iln'est  pas  sansinteretde  connaitre  dans  quelle  proportion, 
pour  chacune  des  provinces  prussiennes,  on  peut  constater,  de 
la  part  des  enfants,  un  del'aut  de  participation  a  I'enseignement 
de  i'ecole.  On  verra  combien  cette  proportion  est  faible,  meme 
dans  les  provinces  relativement  les  moins  favorisees. 

Proportion  du  nombre  de»  enfants  eoumif 
NOMS  DES  Rl^GENCES.  »  robligatimide  IVnseigneraant  qui  ne 

frtqucnttnt  pas  l'«Gule. 

Merseburg 0,15 

Magdeburg 0,46 

Erfurt 1,83 

Liegnitz 2,18 

Potsdam 2,25 

Aix-la-Chapelle 2,28 

Coblenz 2,29 

Cologne 2,40 

Dlisseldorf 2,90 

Francfort 2,98 

Breslau 3,02 

Munster 3,03 

Arnsberg 3,38 

Minden 3,92 

Stettin 3,99 

Treves 4,14 

Oppeln  .........  4,65 

Ctislin 5,05 

Koenigsberg 5,95 

Berlin 5,16 

Danzig 4,87 

Bromberg 9,35 

Stralsund 6,08 

Gumbinnen 6,13 

Marienwerder 6,84 

Posen 6,84 


^o6 


SEGOiNDE  PARTIE. 


Ainsi,  en  Prusse,  plus  de  la  sixieme  parlie  de  la  population 
frequente  les  ecoles,  et  les  frequente,  notons  ce  point,  corarae 
le  voulait  deja  le  reglement  general  de  1763,  d'une  fa9on  re- 
guliere  et  permanente. 

Ce  resultat  paraitra  plus  frappant  encore,  si  Ton  compare 
la  situation  scolaire  de  rAllemagne  avee  I'etat  actuel  des 
choses  en  Angleterre  et  en  France. 

En  dehors  meme  des  donnees  fournies  par  une  slalistique 
scolaire  generale,  des  faits  particuliers,  en  ce  qui  concerne 
I'Angleterre,  jettent  une  vive  luniiere  sur  le  point  important 
dont  on  parle.  Une  adresse  presentee  en  1850  au  parlement, 
par  I'union  des  ecoles  du  Lancashire,  commence  ainsi :  «  Pres 
de  la  moitie  des  habitants  de  cette  grande  nation  ne  sail  ni 
lire  ni  ecrire,  et,  de  I'autre  moitie,  une  grande  partie  ne  pos- 
sedeque  la  plus  miserable  instruction.  » 

II  y  a  quelques  annees,  M.  Moseley,  inspecleur  du  gouver- 
nement  de  la  reine',  conslalait,  dans  un  rapport  oii  les 
observations  portaient  sur  112  localites,  que  les  enfanls  y 
profitaient  des  ecoles  dans  la  proportion  de  2  sur  59.  Sur 
11,872,  5,803  pouvaient  a  peine  epeler;  2,026  lisaient  cou- 
ramment.  De  iOO  eleves  sortant  des  ecoles,  73  n'etaient  pas 
en  etatde  lire  le  textede  la  Bible,  Pour  I'arithmetique,  1  eleve 
sur  5  quittait  I'ecole  sans  en  avoir  la  moindre  notion. 

M.  Moseley  s'assurait  encore  que  1  enl'ant  sur  58,  a  Black-* 
burn,  allait  a  I'ecole  ;  a  Manchester  et  a  Boston,  i  sur  40,  etc., 

En  resume,  et  d'apres  les  estimations  les  plus  moderees^, 
pres  d'un  million  d'cniants  en  Angleterre  s'elevent  encore, 
a  I'heure  qu'il  est,  en  dehors  de  toute  instruction. 

La  France,  sansaucun  doute,  a  sur  I'Angleterre,  au  point 

1.  Correspondant  de  I'lnstitut  do  France. 

2.  V.  un  article  de  la  Revun  d'Edimbourg  (avril  J 853),  intitule  Public 
education.  En  I'absence  d'une  statislique  generale  officielle ,  I'auteur 


ROLE  DE  L  ETAT.  A07 

de  vue  de  la  diffusion  de  I'enseignement,  une  superiorite  in- 
contestable. Cependant,  on  est  force  dele  reconnailre,  entrele 
nombre  des  enfants  qui,  par  leur  age,  appartiennent  a  Tin- 
struction  primaire,  et  le  chiffre  des  eleves  presents  dans  les 
ecoles,  ile\iste,sur  lesdifferents  points  de  notreterriloire,  une 
difference  notable  ;  cette  difference  est  d'au  moins  500,000. 

Certes,  un  tel  chiffre  est  considerable;  et  pourlanl,  qu'on 
ne  s'y  trompe  pas,  11  n'est  point  encore  I'expression  exacte  de 
la  verite. 

Du  nombre  total  des  enfants  qui  frequenlent  les  ecoles  en 
France,  le  onzieme  environ  ne  regoit  qu'une  instruction  illu- 
soire ,  le  onzieme  n'appartient  aux  ecoles  que  sur  le  papier. 
On  a  fait  soniemps,  lorsque,  dans  une  periode  de  qualre  el 
cinq  annees,  on  a  passe  sur  les  bancs  les  se\)i  ou  huit  mois  ab- 
solument  necessa ires  pour  la  preparation  a  la  premiere  (-"om- 
munion.  Un  tel  acte  n'est  plus,  en  cesconditions,  queraccora- 
plissement  d'une  formalite  dont  on  sedebarrasse,  bien  loin  de 
poser  les  bases  de  la  vie  religieu?e  et  morale. 

Ces  sept  ou  huit  mois  d'ecole  ne  laissent  aucune  trace,  on  le 
comprend.  lis  sont  a  I'esprit  et  a  I'amede  I'elevece  que  serait 
une  goutte  d'eau  a  un  champ  desseche.  "  Ces  enfants,  disait,  il 
y  a  pen  de  temps,  M.  le  ministre  de  I'instruclion  publique*, 
apresunefrequeutationpuremeiit  nominale  desclaeses,  sonla 
peu  pres  completementdepourvus  de  toute  education  int^llec- 

evalue  ainsi  le  nombre  des  eleves  dans  les  ecoles  primaires  anglaises  de 

jour  {daily  schools)  : 

Societe  nationale 955,865 

Societe  britannique  et  etrangere.  200,000 

ficoles  wesleyennes 38,(»23 

Congregational  bourd 6,839 

£coles  catholiques 34,750 

Ragged  schools 20,000 

1,281,077 
1.  Circulairedu  31  octobre  185i. 


^58  SECONDE  PARTIE. 

tuelle  et  religieuse.  Uniquement  absorbes  par  leslabeurs  d'une 
vie  toiite  materielle,  ils  grandissent,  a  vrai  dire,  en  dehors  des 
idees  morales  qui  constituent  la  vie  traditionnelle  d'un  peuple 
civilise.  Arrives  a  I'age  viril,  ils  ont  laisse  s'evanouir  toute 
trace  de  notions  qui  n'avaient  penetre  ni  dans  leur  esprit  ni 
dans  leur  coeur.  Le  but  que  la  societe  poursuivait  avec  tant 
d'efforts  est  manque.  » 

Or,  qu'on  veuille  bien  le  remarquer,  ce  n'est  pas  la  une 
plain te  formulee  a  la  legere;  c'est  le  simple  expose  d'un  fait. 
II  est  a  la  fois  trisle  et  curieux  de  le  constater.  Le  nombre 
des  jeunes  gens  qui,  au  moment  du  tirage  au  sort,  sont  desi- 
gnes  comme  ne  saehant  ni  lire  ni  ecrire,  est,  surplusieurs 
points  du  territoire,  reste  stationnaire,  dans  les  quinze  der- 
nieres  annees. 

Citons  immediatement  quelques  exemples  :  dans  la  Dor- 
dogne,  le  nombre  des  jeunes  consents  ne  saehant  ni  lire  ni 
ecrire  en  1840,  etait  de  2955  :  en  1853,  il  descendait  seule- 
ment  a  2675.  Pour  le  departement  de  I'Allier,  on  trouve,  en 
1840,  le  chiffre  de2560;  en  1851  ce  chifire  ne  s'est  modifie 
que  d'une  maniere  insignifiante  (2556)  i  et  1855,  il  etait  en- 
core de  2582.  Le  Nord  est  assuremenl  I'un  des  departements 
ou  il  semble  que  I'administration  de  I'instruction  publique 
soit  en  droit  de  recueillir  des  resultats  satisfaisants  :  eh  bien! 
en  1840,  5714  jeunes  gens  etaient  reconnus  ne  savoir  ni  lire 
ni  ecrire;  et  en  1855,  le  nombre  n'en  etait  pas  moindre  de 
5444.  Que  sera-ce  dans  I'Ariege?  que  sera-ce  dans  le  Morbi- 
han  et  le  Finistere?  Dans  ces  deux  departements,  tous  les  efforts 
des  communes  etde  I'Etat  n'ont  aboutiqu'a  la  plus  etrange 
des  deceptions.  Les  chiifres  officiels  non-seulement  n'y  t^- 
moignenl  pas  d'un  progres  quelconque;  mais  encore,  ils  y 
accnseraient  des  pas  retrogrades  :  dans  le  premier,  le  chiffre 
des  jeunes  soldats  ne  saehant  ni  lire  ni  ecrire  est  monte  de 


n^'uci  uij  u  t^ij\x» 


5654  (1840)  a  5788;  dans  le  second  il  s'est  eleve  de  2661  a 
2716  ! 

Certes,  —  avons-nous  besoin  de  le  dire?  —  il  n'en  est  pas 
ainsi  dans  le  plus  grand  nombre  des  departements  ;  et  si  Ton 
envisage  leresultat  general,  on  trouve  que  lecliiffre  desjeunes 
gens  completeraent  iileltres,  au  moment  du  tirage  au  sort, 
qui,  en  1840,  s'elevait  h  125,760,  etait  tombe,  en  1855,  a 
99,684.  Les  exemplesque  nous  venons  de  citer  n'accusent  pas 
moins,  malgre  les  efforts  de  I'administration ,  et  en  depit 
de  progies  partiels,  les  facheuses  consequences  de  ce  droit  de 
souverainete  sans  iimites,  dont  notre  legislation  ,  jusqu'a  ce 
jour,  a  laisse  jouir  les  parents  et  les  maitres  sur  les  enfants  dont 
lis  sont  responsables. 

11  n'est  pas  inutile  de  se  rendre  compte,  au  point  de  vue 
special  auquel  nous  nous  pla^ons?,  des  resullats  scoiaires  obte- 
nus  dans  chacun  des  86  departements;  le  tableau  ci-dessous  a 
ete  dresseau  minislere  de  la  guerre,  d'apres  les  informations 
officiellement  transmises  par  les  prefets. 


JO 


1 


-  *=. '  v"*  ■"  '"1"  '■X"  *  t  — -'"  "^  1®,1S.*  f  «'  5l^O_      «  OCW  1-  C5  ^  OJ  w  c5  M  r-  ?>  ^  <N  S  O  5  I?  —  S 


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rt  2  'J2  -  S2  S  S  !J  ^  *  !S  J5  2  ?5 :;  S  "^  22  '2  ■!  *'  >^  ="  *  '5  *i  ?S  i£  "^  •*  ^  =  '''  =''  «^  »^  =  «  -^  o  «*  51  "ji  in 
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442  SECONDE  PARTIE. 

De  I'autre  cote  dii  Rhin,  on  I'a  vu,  I'obligation  de  freq  uenter 
I'ecole  porte  surune  periodede  temps  delerminee.  Un  pere, 
un  patron,  urt  tuteur  ne  sont  pas  mailres  d'exploiler,  a  leur 
profit,  I'enfant  qui  leiir  est  eonfie,  quatre  on  cinq  jours  de  la  se- 
niaine.  Sous  peinede  faireencourir  ases  parentsou  a  son  patron 
les  justes  rigueurs  de  la  loi,  I'enfant  ne  peut,  sans  motifs  se- 
rieux,  deserter  les  bancs  de  I'ecole.  Quand  done  il  a  fait  son 
temps  d'etudes,  il  a  bien  reellement  passe  quatre  ou  cinq  annees 
dans  la  classe;  I'instruction  qu'il  a  acquise  reste  gravee  dans  son 
esprit.  Or,  admeltez  le  fait  contraire;  supposez,  ce  qui  mal- 
heureusement,  on  I'a  vu,  n'est  pas  une  pure  hypothese,  en 
France,  que  les  eleves  des  ecoles,  parvenus  a  I'age  viril,  ne 
conservent  plus  trace  des  notions  revues,  dans  quel  but  pro- 
diguer  avec  une  generosite  sterile  les  sacrifices  iraprevoyants 
del'Etat?  et  si  un  tel  fait  se  perpetuait,  les  dispensateurs  de 
la  fortune  publique,  an  moment  d'inscrire  an  budget  les  som- 
mes  considerables  affectees  a  la  propagation  de  I'instruction 
primaire,  ne  seraienl-ils  pas  naturellement  amenes  a  s'inquie- 
ter  des  resultats,  et  tentes,  quelque  jour,  de  se  demander  : 
A  quoi  bon? 

En  resume,  tandis  qu'en  France  et  en  Angleterre  I'absence 
d'un  controle  quelconque,  laisse  en  dehors  de  tout  enseigne- 
raent  un  nombre  considerable  d'enfants,  I'application  du 
principe  de  {'obligation  legale  assure,  de  I'autre  cole  du  Rhin, 
Xuniversalite  de  I'instruction. 

Tel  est  le  resultat  scolaire  de  la  legislation  dont  nous  ve- 
nous d'exposer  les  traits.  Quel  en  est  maintenant  le  resultat 

moral? 

On  le  voit  iraraediatement;  cette  question  n'est  autre,  sous 
une  forme  particuliere,  que  la  question  generate  et  si  fre- 
quemmentagilee  de  la  valeur  intrinseque  de  I'inslruction. 

D'inutiles  combats  ont  ete  livres  sur  ce  terrain,  combats  ou 


ROLE  DE  l'eTAT.  V<5 

line  statistique  complaisantea  fourni  des  armes  pour  la  defense 
de  theses  extremes  et  eontradictoires. 

Deux  mots  seulemeut  a  cet  egard  :  I'instruction  n'est  point 
par  elle-merae,  il  faut  le  declarer  ires  haut,  cause  et  signe 
de  moralite.  Ainsi  que  la  liberte  raeme,  I'instruction  est  une 
puissance,  et,  comme  toute  puissance  humaine,  elle  est  puis- 
sance pour  le  mal  comme  elle  est  puissance  pour  le  bien. 
Doublant  les  facultes  de  celui  qui  la  possede,  elle  en  fait  un 
etre  d'un  ordre  superieur;  elle  n'en  fait  pas  necessaire- 
ment  un  etre  vertueux.  L'instruction  n'est  done  pas  a  elle- 
meme  son  propre  but;  elle  est  I'inslrument  d'une  peusee 
superieure;  elle  doit  partir  d'une  loi  morale  qui  I'eclaire,  et 

elle  y  doit  conduire^. 

PlaQons-uous  maintenantau  point  de  vue  politique  et  so- 
cial :  une  consideration  capitate  domine  ici  le  probleme. 

Partiellement  dispensee,  I'instruction  priraaire  doit  favo- 
riser,  par  la  nature  meme  des  choses,  cette  tendance  au  de- 
classement  qui  est  le  travers  et  peut-etre  le  peril  de  notre  so- 
ciete  ;  car,  en  constituant  au  profit  de  quelques-uns  une  sorte 

1.  11  serait  pueril  de  chercher  dans  I'instruction  seule  une  garantie  de 
moralite;  mais  ilne  le  serait  pas  moinsd'y  voir,  selon  la  tendance  de  quel- 
ques  esprits,  une  cause  de  perversite  morale.  Un  memoire  futpresente  en  ce 
dernier  sens,  11  y  a  trois  ans,  a  I'Acadeiniedes  sciences  morales etpolitiques. 
Les  calculs  d'une  statistique  qui  s'appuyait  sur  les  bases  les  plus  crronees 
furent  immediatement  detruits  par  quelques  simples  observations.  Le 
memoire  se  faisait  une  arme  contre  I'instruction  primaire  de  la  multiplicite 
des  delits  dans  les  villes  :  «  Dans  les  villes,  repondit  M.  de  Remusat,  I'ex- 
tr^me  pauvrete  est  plus  voisine  de  I'extreme  richesse;  les  diverses  classes 
de  la  sociele  sont  plus  etrangeres  les  unes  aux  autres;  les  populations 
plus  agglomerees  multiplient  les  mauvaiscs  rencontres  et  les  exeniples 
pernicieux  \  les  tentatlons  sont  plus  frequentes  et  plus  for'es;  les  imagi- 
nations sont  plus  excitees;  la  constitution  nerveuse  des  hommes  n'est  pas 
la  mfeme.  Voila  des  causes  de  delit.  Qu'est  ce  que  I'instruction  primaire, 
generalement  plus  repandue  dans  les  villes,  a  a  voir  dans  tout  cola? » 
MM.  Portalis,  Leon  Faucher,  Ch.  Giraud ,  Cousin,  Moreau  deJonn^s 
parlerent  dans  le  m6me  sens. 


144  SFXONDE  P ARTIE. 

de  privilege  inlellectuel,  elle  donne  a  rambition  un  pretexte, 
un  aliment  a  la  vanite. 

Mais  que  I'instruction  primaire  soit  universellement  dis- 
tribuee,  par  relevalion  de  tons,  elle  rend  sans  danger  I'ele- 
valion  de  chacun.  Dans  une  population  de  nains,  rbomrae 
petit  se  pent  dire  un  geant  :  ajoutez  une  meme  raesure 
a  la  taille  de  chacun,  qui  pourra  s'enorgueillr  du  develop- 
pement  detous?De  meme,  pour  I'instruction  dispensee  dans 
les  conditions  dont  on  parle.  Si  elle  fait  raonter  le  niveau 
general,  elle  maintient  entre  les  individus  les  relations  qui 
naissent  d'une  hierarchie  naturelle.  Elle  eleve  les  termes  du 
probleme;  elle  n'en  altere  point  le  rapport.  Elle  conduit  a  ce 
but :  faire  sortir  du  progres  individuel  la  securite  de  I'ordre 
social. 

La  diffusion  universelle  de  I'enseignement  est  done  un 
moyen  d'etouffer  les  gerraes  de  cette  sotle  vanite  qui  fait  rou- 
gir  le  fils  de  la  profession  de  son  pere,  et  fausse,  pour  I'egarer, 
la  direction  naturelle  de  ses  facultes.  Elle  est  un  remede, 
bien  loin  d'etre  un  peril;  elle  est  une  digue,  et  non  pas  un 
torrent. 

Voila  ce  que,  dans  la  sphere  purement  theoriqne,  il  est, 
croyons-nous,  permis  d'affirraer. 

L'instruction,  nous  le  repetons,  est  une  faculte,  un  instru- 
ment. A  cette  faculte  il  faut  assigner  une  loi^  a  cet  instru- 
ment il  faut  poser  un  but.  Une  force  abandon  nee  a  elle- 
memeest  inutile  ou  dangereuse  :  trouvez  la  loi  de  cette  force, 
dans  I'ordre  moral  corame  dans  I'ordre  physique,  vous  avez 
un  puissant  moyen  de  conquete. 

En  Allemagne,  com  me  ailleurs,  les  fails  sont  la  consecration 
deces  principes.  Dans  cellesdes  provinces  prussiennes,  dans 
les  parlies  du  duche  de  Bade,  de  la  Hesse,  de  la  Saxe  ou  les 
theories  dont  nous  donnions  plus  haut  un  aper^a  ont  penetre 
au  sein  del'ecole;  la  oil  les  inslituteurs ont  suivi  le  courant 


ROLE  DE  L  ETAT.  >i  45 

cl'ifleesqui  conduitdeP(^stalozziaM.  Diesterweg,  etsesont  ran- 
ges sous  le  drapeau  aibore  au  parlement  de  Franefort,  I'e- 
cole,  an  point  de  vue  moral  comme  an  point  de  vue  politique, 
il  faiit  en  faire  I'aveu,  a  ete  une  menace  quand  elle  n'etait  pas 
nne  arme  funesle.  «  Le  gouvernemeiit  s'unit  a  I'Eglise  pour 
nous  faire  la  guerre,  me  disait  un  instituteur  hegelien.  Peu 
impoite!  notreoeuvreest  accomplie.  Les  enfants  qui  noussont 
passes  par  les  mains  sont  maintenant  de  jeunes  hommes; 
qu'on  essaye  d'alteindre  une  generation  tout  enliere !  la  police 
aura  beau  faire,  11  n'est  plus  temps  :  un  peu  de  patience,  les 
ev^nements  le  prouveront.  » 

La,  au  conlraire  ,  ou  I'ecole  a  respecle  les  liens  qui  Tunis- 
sent  a  la  Famille,  a  la  Commune,  a  I'Eglise;  oij  elle  s'est  faite 
I'inslrument  de  ces  trois  puissances  dans  lesquelles  se  resume 
lat  radition  sociale,  elle  a  ete,  pour  la  verite  religieuse  comme 
pour  les  interets  de  Torilre  politique,  un  rempart  et  un  point 
d'appui  Qu'on  parcoure  les  provinces  rhenanes,  la  Weslpha- 
lie,  la  Silesie  calholique  et  les  qutlques  provinces  protes- 
tantes  oii  un  dogme  delini  est  encore  le  neif  d'un  enseigne- 
ment  positif,  et  donne  une  base  a  I'education,  on  verra  que 
I'ecole  y  est  le  premier  et  indispensable  anneau  de  la  chaine 
qui  relient  les  generations  nouvelles  dans  le  culte  de  la  loi 
morale. 

Cetle  difference  entre  les  fails  observes  dans  les  pays  ca- 
Iholiques  et  dans  les  pays  proteslants,  est  la  cause,  je  dois 
le  croire,  d'un  phenomene  que  j'ai  eu  peine  a  m'oxpliquer 
au  premier  abord  :  c'est  de  la  part  des  autorites  protestantes, 
autorites  ecclesiastiques  ou  laiijues,  que  j'ai  recueilli  I'expres- 
sion  la  plus  vive  des  crainles  que  les  evenements  revolution- 
naires  des  dernieres  annees  avaient  partout  fait  naitre.  Si,  de 
I'aulre  cole  du  Rhin,  j'ai  trouve  des  deflances  a  I'egard  des 
ecoles  normales  primaires,  si  j'ai  entendu  blamei-  la  trop 
grande  extension  donni'o  a  I'enseignement  du  peuple,  etc... 

10 


44G  SECONDE  PARTIE. 

ce  n'est  pas  de  la  bouche  des  eveques  que  j'ai  recueilli  de  telles 
plaintes,  c'est  de  celle  des  ministres  proteslanls.  Ce  n'etait 
ni  le  cardinal  archeveque  de  Cologne,  ni  le  cardinal  eveqiie  de 
Breslau,  ni  revequedeMtinster  quiexprimaient  le  voeu  de  voir 
des  ecoles  slagiaires  substituees  dans  un  bref  delai,  au  sys- 
teme  des  ecoles  normales,  c'etait  un  conseiller  ccclesias- 
tique  lutherien.  Je  livre  ici  les  fails  tels  que  j'ai  eu  occasion 
de  les  saisir  :  on  en  tirera,  si  Ton  veut,  dans  Tordre  moial, 
les  consequences  qui  en  decoulent  naturellement.  Je  me  con- 
lente  d'en  conclure  que  la  ou  I'ecole  est  saineraent  dirigee,  la 
ou  elle  n'a  pas  a  redouter  les  atteintes  du  sceplicisme  reli- 
gieux,  I'obligation  de  I'enseignement  est,  dans  son  principe 
et  dans  ses  resultats,  une  des  amies  les  plus  puissantes  de  Tes- 
prit  de  conservation. 

Aussi,  je  le  declare  en  terminant  ce  chapitre,  nulle  part,  au 
milieu  du  bouleversement  social  des  dernieres  annees,  ce  sys- 
leme  n'a  perdu  sa  haute  vaieur  morale.  En  plusieurs  pays, 
notamment  dans  les  provinces  centrales  de  Prusse  et  dans 
la  Saxe ,  a  la  vue  de  I'eflrayante  dissolution  des  croyances, 
(levant  les  progres  d'un  nihilisme  qui  a  eu  pour  propagateurs 
des  maitres  d'ecole  et  des  ministres  evangeliques,  on  recon- 
nait  que  I'enseignement  populaire  s'est  lemerairement,  par- 
fois,  ecarte  de  la  direction  qui  doit  etre  sa  loi;  on  le  con- 
lesse  tout  haut.  Mais  si  Ton  cherche  une  voie  nouvelle,  ou 
plulol  si  Ton  s'elfoice  de  remonter  le  torrent,  nulle  part  on 
ne  pense  a  tuer  le  principe  pour  reformer  Tabus,  a  faire  payer 
a  ce  principe  la  faute  des  hommes;  a  briser  I'instrument, 
mais  a  s'en  mieux  servir. 

Les  devoirs  de  la  mission  dont  nous  elions  charge  nous 
avaient  conduit  dans  la  capilale  de  la  Silesie.  Un  eminent 
prelat,  un  homme  dont  la  religion  et  la  science  pleurent  au- 
jourd'hui  la  perte,  le  cardinal  de  Diepenbrock,  nous  fit  I'hon- 
neur  de  nous  comniuniquer  les  lumiercs  de  sa  haute  raison 


ROLE  DE  l'eTAT.  ^47 

sur  differentes  questions  d'instruclion  publiqiie.  Et  comme 
je  lui  deraandais  si,  dans  sa  pensee,  la  diffusion  de  I'ensei- 
gnement,  au  sein  des  masses,  devait  creer  un  peril  pour  la 
sociele  :  «  Jjimais,  repondil-il,  si  I'idee  religieuse  assigne  a 
rinstrnction  son  L)ut,et  preside  a  sa  marche.  D'ailleurs,  il 
ne  s'agit  plus  de  disculer  la  question.  Elle  est  posee;  sous 
peine  de  mort,  la  societe  doil  la  resoudre.  Quand  le  wagon 
est  sur  les  rails,  que  resle-t-il  a  faire?  Ale  diriger.  » 


CHAPITRE  DEUXIEME. 

ROLE  DE  i'eGLISE  EVANGELIQUE. 

II  est  demontre  que  I'Etat,  dans  les  differents  pays  de  I'AI- 
lemagne  du  nord,  s'est  constitue  le  protecteur  vigilant  des 
principes  sur  lesqiiels  repose  I'ordre  moral,  et  le  defenseur 
de  la  tradition  religieuse. 

Non-seulement,  il  a  consacre  ces  principes  par  les  aetes 
de  sa  legislation,  non-seulement  il  les  a  proclames  dans  le  do- 
maine  de  la  theorie,  mais  il  a  pourvu  a  ce  qu'ils  fussent  res- 
pectes  dans  la  pratique.  11  y  a  pourvu  par  deux  moyens  :  pre- 
miereraent,  il  a  choisi,  pour  ses  representants  au  sein  de  I'e- 
cole,  les  interpretes  par  excellence  de  la  tradition,  et  place 
I'ensemble  du  regime  scolaire  sous  la  direction  d'un  corps 
d'inspecteurs  ecclesiastiques;  en  second  lieu,  il  a  fait  en  sorte 
que  cette  tradition  elle-meme  ne  fiit  brisee,  pour  aucun  des 
membres  du  corps  social  :  en  imposantpartout  Tobiigation  de 
I'enseignement,  il  a  pris  sous  sa  tu telle  des  droits  meconnus; 
et  se  substituant,  dans  Taccomplissement  d'un  devoir  inipe- 
rieux,  aux  families  qui  ne  peuvent  pas  ou  qui  ne  veulfnt  pas  y 
faire  face,  il  a  satisfait  a  un  interet  de  premier  ordre. 

Si  done  i'enseignement  populaire  ,  au  dela  du  Rbin  ,  est 
sorti  trop  souvent  des  voies  de  la  tradition  et  du  bon  sens, 
cen'est  pas  I'Etat,  nousle  repetons,  qu'il  faut  accuser  del'alte- 
ration  morale  dont  nous  avonsindique  le  caractereet  constate 
les  effets. 

On  done  cherchcr   le  coupable?  et  sur  qui   doit  peser, 


ROLE  DE  L  EGLISE  EVANGELIQLE.  >|  49 

avec  le  sentiment  des  fautes  coramises,  la  responsabilite  de 
I'avenir? 

L'Etat,  dans  cette  grandeoeuvre  de  I'education,  a  eu  etaura 
toujours  deux  auxiliaires  naturals,  I'Eglise  premierenient,  et 
la  science  pedagogique. 

Comment  I'Etat,  dans  les  divers  pays  de  rAllcraagne  du 
nord,  particuliereraent  en  Prusse,  a-t-il  ete  seconde  par  ces 
deux  puissances?  Question  delicate,  et  dont  I'examen,  en  reve- 
lant  les  liens  elroits  qui  rattachent  les  questions  d'eilucation 
populaire  aux  plus  hautes  questions  de  I'ordre  morsl,  va  met- 
tre  a  nu  Tune  des  plaies  saignantes  de  I'Allemagne  seplen- 
trionale. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  d'entrer  dans  une  discussion  pliiloso  • 
phiqueetreligieuse;  maisil  faut  bien  constater  ce  fait:  lEglise 
protestante  allemande,  aujourd'hui,  non  plus  qu'il  y  a  dix  ans ' , 
ne  s'entend  sur  ancun  de  ces  trois  points  :  I'origine  et  le  carac- 
tere  du  chrislianisme,  la  constitution  interieure  de  I'Eglise, 
les  rapports  de  I'Eglise  et  de  I'Etat.  Sur  ces  trois  chefs,  —  et 
que  reste-t-il  des  lors  du  doraaine  de  la  tradition  religieuse? 
—  il  y  a  antagonisme  flagrant  entre  I'ancien  lutheranisme  et 
I'ancien  culte  reforme  d'une  part ;  et  de  I'autre,  I'Evangelisme 
offlciel  et  une  sorte  d'arianisrae  pbilosophique,  beritier  de  la 
sentimentalite  platonicienne  de  Scbleiermacber. 

Ces  elements  divers  sont  representes  au  sein  du  conscil 
supreme  [Oberkirchenrath]  qui,  depuis  quatre  annees,  a  re- 
cueilli,  pour  le  gouverneraent  interieur  de  I'Eglise  prussienne, 
les  attributions  de  la  bureaucratic. 

Quelle  etait  la  pensee  du  pouvoir  civil,  lorsqu'il  constilua 
le  conseil   superieur  ecclesiaslique^?  I'Etat  voyait  dans  ce 

1.  Voyez  un  chapitre  du  livre  de  M.  Matter  :  De  Vetat  moral  de  I'Alle- 
magne. 

2.  Ordonnanceroyale  de  i^bf). 

"...  Je  donne  mon  approbation  au  projet  qui  ni'a  ete  soumis  d'un 


i50  SFXONDE   P ARTIE. 

corps  line  sorte  de  concile  administratif  permanent,  anime  tout 
a  la  foisdu  sentiment desbesoiiis  religieux  dii  pays  etdel'esprit 
de  gouvernement,  moyen  d'aclion  pour  lui-meme,  principe  de 
cohesion  poiirl'Eglisei.IIs'est  trouvequ'endepitd'excellentes 
intentions^,  le  conseil  siiperieur  ecclesiastiquen'etait  quel'im- 
puissance  organisee.  Ctiacune  des  decisions  de  ce  corps  su- 
preme n'a  ete  que  la  resultante  de  forces  qui  se  combattent, 
une  transaction  forcee  entre  des  principes  qui  se  nient.  Com- 
ment eussent-elles  ete  revetues  d'un  caractere  d'autorite  et 
d'une  certaine  valeur  doctrinale? 

Un  jour  Frederic- Guillaume  III  s'irapatiente  de  voir  se 

reglement  pour  les  communes  ecclesiastiques.  Je  decide  que  la  section 
du  ministeredes  culteschargee des  affaires  interieures  de  i'figlisesera  con- 
vertie,  al'avenir,  en  Conseil  superieur  evangeliqne.  C'est  ma  volonle  que 
I'applicalion  du  reglement  communal  ecclesiastique  (Gemeindeordnung) 
dans  ies  communes  evangeliques,  soit  poursuivie  d'apres  les  principes  ap- 
prouves  par  moi.  Je  charge  le  conseil  superieur  evangelique  de  mettre, 
sansdelai,  ce  reglement  en  vigueur,  el  de  preparer  un  rapport  qui,  d'ac- 
cord  avec  lesdits  principes,  s'appnie  en  m^me  temps  sur  I'idee  d'un  deve- 
loppement  plus  large  d'une  constitution  independante  pour  I'liglise. 

«'  Sanssouci,  29  juin  1850, 

"Frederic-Guillauivie.  • 

1.  Vovez  a  la  fin  du  volume  le  Reglement  pour  V administration  de  VE- 
glise  evangelique,  du  29  juin  1850. 

2.  Circulaire  du  conseil  superieur  ecclesiastique. 

«4  Nous  faisons  savoir  au  consistoire  que,  d'apres  I'ordonnance  royale 
du  29  juin  de  la  presente  annee,  nous  rommencons  aujourd'hni  a  exercer 
les  attributions  qui  ont  ete  conferees  au  conseil  superieur  ecclesiastique... 

"  Prufondement  penetres  du  sentiment  de  notre  responsabilit^  et  de 
notre  propre  faiblesse,  au  milieu  des  difficultes  du  temps  present,  nous 
avons  cherche  des  forces  dans  la  priere,  et  implore  la  protection  de  Dieu 
pour  I'Eglise  fondee  sur  sa  parole  et  sur  son  sang. 

«  Puisse-t  il  nous  envoyer  I'esprit  de  foi  et  de  priere,  etnous  permettre, 
avec  son  assistance,  de  jeter  les  bases  de  la  constitution  nouvelle  que 
nous  avons  mission  de  donner  a  I'figlise! 

«  Berlin,  11  juillet  1850. 

«  Le  Conseil  superieur  evangelique.  »» 


ROLE  DE  l'eGLISE  EVANGELIQUE.  -i  51 

perpetuer  les  qiierelles  des  deux  commiiDions  protestantes.  11 
imagine  d'en  meler  la  substance  et  d'en  tirer  un  culte  qui 
sera  la  religion  officielle;  et  sur  les  mines  des  deux  sectes 
reprouvees,  il  eleve  I'etablissement  evangelique.  La  religion 
sortie  toute  faite  du  ministere  des  cultes  n'irapose  pas,  sans 
rencontrer  de  resistance,  son  infaillibilite  de  fraiche  date. 
Supprimees  par  coup  d'Etat,  les  consciences  reagissent.  Ce 
qu'elle  a  perdu  par  ordonnance,  la  vieille  passion  sectaire  le 
regagne  par  esprit  d'opposition.  Bref ,  en  1847,  un  edit  de 
toUrance'^  replace  les  deux  communions  risiblement  taxees 
d'heresie  par  le  culte  improvise,  au  meme  rang  que  Tevan- 
gelisrae  legal.  Voila  ,  en  deux  mots,  Thistoire  contemporaine 
des  cultes  dont  les  interpretes  officiels  s'efforcent  au  sein  de 
\' Oberkirchenrath  de  Berlin,  de  constituer  uneEglise.  Mais  qui 
nelevoit?  des  synodes  et  des  conventicules,  la  lutte  a  du 
passer  et  est  passee  en  effet  dans  le  conseil  superieur  eccle- 
siastique.   Que  represente  ce  conseil?  quatre  principes  en 
guerre.  A  qui  adresse-t-il  ses  ordonnances?  a  des  sectaires 
qui,  divises  entre  eux,  s'unissent  en  ce  seul  point  qu'ils  lui 
denient  ses  litres  et  contestent  son  autorite.  A  I'heure  qu'il 
est,  X  Union  evangelique  d'Alleraagne  ignore  si,  oui  ou  non, 
elle  est  en  possession  d'un  symbole^,  et,  quand  elle  cherche  a 

1.  Patent  die  Bildung  neuer  Religionsgesellschaften  betreffend.  (30 
mars  1847.) 

«  Notre  volonte  inebranlable  est  de  maintenir  intacte,  pour  nos  sujets, 
la  liberie  de  croyancelet  de  conscience  garantie  par  VAllgemeines  Land- 
recht,  et  de  leur  assurer,  dans  la  mesure  des  lois  generales,  la  liberie 
de  reunion  pour  la  celebration  du  culte.  » 

« In  alien  anderen  Fallen  bleiben  bei  neuen  nach  den  Grundsatzen  des 
allgemeinen  Landrechls  zur  Genehmigung  vonSeiten  desSlaals  geeignet 
befundenen  Religionsgesellschaflendie  zur  Feier  ihrer  Religionshandlun- 
gen  bestelllen  Personen  sich  beziehende  Amlsliandlungen  der  oben  be- 
zeichnelen  Art  mil  zivilrechtlicher  Wirkung  vorzunehmen...  »> 

2 .  Voy  ez  Tune  des  dernieres  publications  de  I'Union  evangelique  ( Urkun- 
denbuch  der  evangclischen  Union),  par  le  D""  Nilzsch,  conseiller  de  consis- 


I  52  SECOiNDE  I' ARTIE. 

se  rendre  compte  de  I'aulorile  qu'elle  est  appelee  a  exercer 
sur  les  consciences,  elle  en  est  encore  a  se  poser  cette  ques- 
tion :  Qui  suis-je? 

Le  conseil  superieur,  on  I'a  vu,  etait  charge,  par  I'ordon- 
nance  meme  qui  i'institua,  de  presider  a  Tapplication  d'un 
reglement  des  Communes  ecclesiastiqiies ;  ce  conseil  se  Irouvait 
appele  a  etablir,  au  sein  des  communions  protestantes,  une 
sorte  d'unite  dont  il  eut  ete  la  clef  de  voute.  L'article  pre- 
mier de  I'ordonnance  ecclesiastique  du  27  juin  1850  etait 
ainsi  con^u  : 

«  Chaque  commune  evangelique  a  le  devoir,  sous  la  direc- 
tion du  ministere  ecclesiastique,  de  developper  en  elle  le  sen- 
timent Chretien  et  la  vie  chrelienne.  Comme  raembre  de 
I'Eglise  evangelique  ,  elle  fait  profession  de  la  doctrine  fondee 
sur  la  parole  intelligible  et  claire  de  Dieu,  a  savoir  les  ecrits 
des  prophetes  et  des  apotrcs,  I'Ancien  et  le  Nouveau  Testa- 
ment, et  formulee  dans  les  trois  symboles  principaux  et  les 
professions  de  foi  de  la  reformation;  elle  se  soumet  aux  lois 
generates  et  aux  reglements  de  I'Eglise.  » 

II  semble  que  Torthodoxie  exigee  par  cet  article  n'enfer- 
mat  pas  les  consciences  dans  un  cercle  bien  raena^ant.  Pour- 
tant,  les  pretentions  au  gouvernenient  des  esprits  revelees  par 
la  promulgation  de  I'ordonnance  ont  souleve  partout  des  pro- 
testations passionnees.  Toutes  les  questions  que  I'organe  supe- 
rieur de  I'evangelisme  avail  pu  croire  un  instant  resolues, 


toire,  professeur  de  theologie  a  I'universite  de  Berlin; ce  livre  commence 
ainsi:  "Puisque  non-seu!ement  les  vaines  objections  dirigees  centre  TU- 
nion  evangelique  par  ceux  qu'on  appelle  les  aviis  des  symboles,  mais  en- 
core les  erreurs  de  ses  propres  enfants  sur  ses  droits  et  sur  les  elements 
qui  la  constituent  se  resument  en  cette  question  :  TUnion  a-t-elle  une  pro- 
fession de  foi?...   (06  sie  ein  Bekenntniss  aufzmveisen  habe.) 


ROLE  DE  l'eGLISE  EVANGELIQUE.  -  -455 

onl  t'te  posees  de  nouveau  :  De  quel  droit  X Oberkirchenrath 
parle-t-il  au  nom  de  I'Eglise?  de  qui  tient-il  sa  mission?  —  Du 
roi.  —  Mais  a  quel  litre  le  roi  noinme-t-il  le  eonscil?  —  A 
titre  de  premier  membre  de  l Eyhse.  —  Et  pourquoi  est-il  pre- 
mier mtmbre  de  I'Eglise?  — Parce  qu'il  est  roi'.  —  Com- 
ment done,  s'eeriait-on  ,  nous  enfermer  dans  ce  eercle 
vicieux?  faut-il  qu'eternellement  s'appesantisse  sur  les  con- 
sciences la  main  d'un  pouvoir  etranger.  et  I'Eglise  ne  vivra- 
t-elle  jamais  de  sa  vie  propre?  Le  prince  est  I'eveque  ne,  le 
chef  naturel  de  I'evangelisme!  mais  alors  mieux  vaut  le  pape 
de  Rome,  represenlant  d'une  pensee  independante,  que  ce 
pape  dont  le  pouvoir  n'est  autre  chose  que  le  signe  de  I'asser- 
vissement  des  consciences,  qu'un  insirumeni  de  regne.  Eh  quoi ! 
le  roi  lui-merae  ne  I'a-t-il  pas  dit :  «  Je  benirai  le  jour  ou  il 
me  sera  permis  de  remettre  I'aulorite  de  I'Eglise  evangelique, 
entre  des  mains  legitimes?  »  Quellcs  sont  ces  mains?  sinon 
celles  de  I'Eglise  elle-meme?  Que  I'Eglise  done  nomme  ses 
delegues ;  qu'elle  se  trouve  et  s'affirme  elle-meme;  que  le 
conseil  de  I'Eglise  soit  librement  elu,  et  convoquons  un  synode 
general  2.    , 

Synode!  grand  mot,  petite  chose  pour  I'Eglise  protestante 
d'Allemagne !  formule  des  aspirations  vagues  et  des  espe- 
rances  incertaines!  Ce  ne  sont  pas  lessynodes  qui  ont  manque, 
depuis  dix  annees,  au  protestantisme  d'outre-Rhin.Qu'est-il 

1.  .  .Der  Konig  mussealsvornehmstes  Glied  der  evangelisclienKirche 
deren  oberhaupt  sein.  Warum  ist  aber  der  Konig  das  vornehmste  Glied? 
eben  weil  er  Kiinig  ist....  '  Beurtheilung  der  eoanyelischen  Gemeinde- 
ordnung  vom  '29  juin  1850,  par  Haseniann,  diakonus  zu  U.  L.  Frauen  in 
Halle).  La  promulgation  de  Tordonnance  dont  il  s'agit  a  donne  lieu  a  une 
multitude  de  brochures  dont  les  objections  exposees  ici  ne  sont  que  le 
resume. 

2.  "...Dass  der  Kirchenrath  ohne  Vor.'^chlag  frei  gewahlt,  und  eine 
Generalsynode  beruTen  wird,  welche  der  Kirche  zur  vollen  Selbslandig- 
keil  und  namenliich  den  Gemeinden  zurWahl  ihrer  Geistlichen  verhilft.- 
(Beurtheilung,  etc.,  p.  47) 


-154  SECONDE  PARTIE. 

sortide  la  conference  des  Eglises  evangelkjues,  et  du  concile  na- 
tional qui,  en  1840,  ontdelibere  a  Berlin?  Qu'ont  produit  les 
synodestout  recemment  convoques  a  Marburg «,  a  Eisenach? 
11  ne  manquait  a  ces  assemblees  que  deux  choses  :  le  point 
de  depart,  et  le  but.  «  Rassurez-vous,  disait  un  raembre  du 
synode  de  1846,  a  qui  lui  reprochait  de  deserter  la  confession 
d'Augsbourg;  nous  attendrons  longteraps  avant  de  vousdon- 
ner  une  confession  de  Berlin.  > 

J'etais  a  lena,  deux  raois  avant  I'ouverture  du  synode  qui 
devait  reunir  a  Eisenach  les  pasteurs  des  differents  Etats  d'Al- 
lemagne.  oS'occupera-t-on,demandai-je  a  un  pasteur,  profes- 
seur  celebre  de  theologie  a  I'Universite,  de  questions  dogma- 
tiques  et  de  doctrine? —  Non,  repondit  le  theologien ;  on 
trailera  de  liturgie,  et  de  simples  questions  de  forme.  Sur  le 
reste,  on  ne  peut  penser  a  s'entendre;  des  qu'on  se  rencontre 
surle  terrain  dogmatique,  psssst...  tout  disparait.  » 

Cepsssst  du  theologien  d'lena  n'est  que  I'expression  fami- 
liere  de  la  pensee  reelle  de  I'Eglise  evangelique  allemande. 
11  est  a  la  fois  un  sarcasme  et  un  aveu  ;  il  fait  comprendre  ce 
cri  de  douleur  pousse  par  les  derniers  tenants  du  vieux  culle 
lutherien  :  «  La  reforme  imposait  au  peuple  alleraand  une 
double  tache  :  renverser  un  edifice  vieilli,  etle  remplacer  par 
un  nouveau  sur  lesfondementsde  I'Evangile.  Nous  avons  bien 
renverse  en  effet;  mais  oii  est  le  monument  nouveau?.... 
Le  principe  du  proteslantisme  a,  dans  son  developpement 

1.  Le  synode  lenu  a  Marburg,  au  mois  de  mars  1852,  s'est  occupe  de 
I'orgiinisalion  du  culte.  On  y  a  emprunte  a  peu  pres  complei-ement  les 
formes  de  la  liturgie  calliolique.  On  en  peut  juger  par  ce  qui  suit : 

« InlroTl  [eingang).  —  Confession  des  peches.  —  Kyrie  Eleison.  —  Ab- 
solution. —  Action  de  gr&ces.  —  Gloria. 

«  CoUecte.  —  Lecture  de  la  Bible  — Symbole  — Preche. 

"Preface.  — Sanctus.  —  Priere  generale  pour  tousles  besoins  de  I'fi- 
glise.  —  Consecration.  —  Agnus  Dei.  —  Action  de  gr^ce.  —  Benedic- 
tion. » 


ROLE  DE  l'eGLISE  EVANGELIQUE.  -1  S5 

extreme,  ravage  I'Eglise  presque  entiere.  L'Eglise  est  mluite, 
peu  s'en  faut,  a  un  etat  plus  miserable  que  celui  ou  la  trouva 
Lullier  quand  il  eleva  sa  puissante  voix  < .  » 

Ce  n'est  pas  seulement  I'origine  du  conseil  superieur  qu'in- 
eriminait  la  critique.  Chaque  ligne  de  Vordonnance  est  de- 
venue  le  texte  d'une  protestation  :  que  parlez-vous  du  mi- 
nistere  ecclesiastique  constitue  dans  chaque  commune  pour 
diriger  les  consciences?  Ce  ministere,  commencez  par  en 
etablir  les  titres.  La  mission  d'enseigner  est-elle  donnee  d'en 
haut  par  la  grace  divine,  ou  d'en  bas  par  I'election  du  peu- 
ple^?Et  quel  caractere  concedez-vous  decidement  a  I'Eglise 
allemande?  Episcopal^  ou  presbylerien?  D'autre  part,  com- 
ment nous  imposer  la  direction  du  pasteur  de  la  com- 
mune? Le  but,  le  principe  meme  du  [)rotestantisme  n'est-il 
pas  que  le  sacerdoce,  cessant  d'etre  le  monopole  de  quelques- 

1.  «...  Und  dass  der  daraus  erzeugte  Rationalismus,  nachdem  er  die 
Auktoritat  des  Evangeliunis  angegriffen  und  herabgeselzt,  den  Ctiristen 
audi  dieses  selbst  zu  entziehen  suchte,  und  eine  schale  Heidenlehre  an 
seine  Stella  bractite,  dassdnnn  aber  das  einmal  angeregte  und  imnierfort 
trfibenJe  Princip  des  Protestantismus,  jeden  zum  eigenen  Herrn  seines 
Glaubens  zu  maclien,  beinatie  die  ganze  evangelische  Kirclie  verwuslet, 
und  fast  zu  elwas  noch  schlimmeren  herabgebracht  hat,  als  wogegen 
Luther  einst  seine  machtige  Slimme  erhoben. »  {Das  Schuhvesen  impro- 
testantichen  Staate,  par  le  D""  Giinlher,  p.  13;  (85'2,  Elberfeld.) 

2.  Voyez  un  article  de  la  celebre  revue  de  M.  HengsLenberg,  Evange- 
lishe-Kirchen-Zeitung  (Janvier  1852)  :  « Ob  das  Amt  in  der  Kirche  eine 
unmittelbare  SliHung  des  Herrn  oder  ein  Ausfluss  des  aligemeinen  Pries- 
terlhums  ist,  ob  die  Trjiger  des  Amies  ein  unmilteibar  gollliches  Recht  fUr 
sich  haben,  oder  ob  sie  zuniichst  niir  Beauflragte  der  Gemeinde  sind.  • 
Voyez  aussi  une  brochure  du  D""  HoQing ,  Grundsatzv  evang.  lulhei'is- 
cher  Kirchenverfassung  (1831,  Erlangen)  Ces  points  ont  ele  debattus  sans 
resultats  dans  la  conlerence  ecclesiastique  de  Leipzig,  el  dans  celle  d'El- 
berfeld. 

3.  On  se  rappelle  le  bruit  que  fit  louvrage  de  M.  Bunsen  :  Constitution 
de  I'Eglise  de  Vavenir,  oil  I'auleur  a  developpe  ie  plan  de  VEpiscopalisme. 
Ce  plan  fut  appuye  par  M.  de  Stalil ,  mais  conibattu  par  des  liommes  tels 
que  MM.  Hengstenberg,  Guericko,  etc... 


^56 


SECONDE  PARTIE. 


uns,  devienne  peu  a  peu  le  privilege  de  tons;  que  chaqiie  chef 
de  famille  devienne  pretre,  eliaque  maison  uneeglise'?  Et 
d'ailleurs,  le  pasteur  dont  vous  nous  imposez  les  decisions 
que  pense-t-il  lui-m^me?  Avez-vous ,  en  lui  conferant  sa 
charge,  exige  de  lui  une  profession  de  foi?  Non.  Vous  le 
creez  pretre  d'une  religion  que  vous  ne  determinez  pas;  vous 
le  laisscz  libre  de  se  faire  le  ministre  ou  du  lutheranisrae,  ou 
du  culte  reforme,  ou  de  I'evangelisme^?  Pourquoi  done  im- 
poser  au  fidele  le  dogme  dont  vous  affranchissez  le  pasleur, 
etenleverau  premier  la  liberie  que  vous  laissez  au  second? 
Quele  pasteur  soit  rhomme  de  la  commune;  et  que  celle-ci 
le  choisisse  au  gre  de  ses  preferences,  sous  I'impulsion  de  son 
Doute  ou  de  sa  Foi,  selon  le  point  de  vue  religieux  auquel 
elle  est  placee'.  Hors  cela,  il  n'y  a  qu'impossibilite  et  non 
sens'*.  Car,  enfln,  il  faut  choisir :  ou  la  liberie  de  critique, 
ou  I'autoi'ite;  ou  le  protestantisme,  ou  le  dogme  traditionnel 
de  I'Eglise  calholique.  Que  nous  parlez-vous  done  de  formules 
immuables ,  d'un  sacerdoce  independant  de  la  commune? 
Vous  n'etes  plus  I'Eglise  de  ceux  qui  prolestent,  raais  1  Eglise 
de  ceux  qui  acceplent.  Arriere  done  la  Gemeindeordnung  1 
Yieux  lulheriens,  anciens  reformes,  rationalistes,  se  sont 

1.  Das  ieder  Faniilienvaler  ein  Priester,  und  jedes  Haus  eine  Kirche 
werde... »  {Das  Schulwusen,  i7n  protestantischen  Sladle  ;  p.  9.) 

2.  Le  promoteur  de  la  reaction  orthodoxe  proteslanfe,  le  D'  Hengsten- 
berg  a  demande  qu'aucun  pasleur  ne  fut  charge  d'une  paroisse  avant 
qu'on  ne  se  fut  assure  de  ses  croyances  re!igieuses.  On  ne  pent,  en  verite, 
trouver  la  pretention  exorbitante  :  «  ..Niemanden  ins  Pfarramt  einzu- 
fuliren,  von  dessen  lebendiger  kirchlicher  Ubeizeugung  sie  nicht  vorher 
gcgi  lindete  Uberzeugung  gewonnen  haben. »  {Evang.  kirchen  Zeitung. 
p.  37     1852.) 

3.  •...  Dass  die  Gemeinde  iliren  Prediger  wiihlt,  dass  er  also  ein  Mann 
ist,  wie  sie  ihn  nach  ihrem  religiosen  Slandpuiikte  wlinschl. »  (Beuithei- 
lung  der  evang.,  etc.,  p.  v3.) 

4.  Eine  forniulirte  gijltliche  Warheit  \A  fiir  das  Zeitbewus.-tsein  eine 
baare  Unmoglichkeit,  ein  Unsinn  geworden.»  {Ibid.) 


ROLF,  DE  l'eGLISE  EVANGELIQIE.  ^57 

(lone  acccordes  ^  repousser  Vordonnancc  communale  ecclesias- 
tique  :  ceux-Ia  par  esprit  de  rivalite,  ceux-ci  par  dedain 
d'unc  orthodoxie  sans  fondements,  tons  par  besoin  de  protes- 
tation contre  une  autorite  sans  litre. 

Les  vieux  kilheriens  se  sont  fait  reraarqiier  par  I'energie  de 
leur  opposition'.  Dans  une  conference  ecclesiastique  des 
surintendants  de  Pomeranie,  vingt-huit  pasteurs  sur  trente  et 
un  repousserent  la  Gememdeordnung .  Les  Ahlulheraner  ont 
fait  tons  leurs  efforts  pour  soustraire  leurs  ecoles  a  I'infliience 
de  I'Eglise  evangelique  :  quoi  i\QWQ,\  Union  controlerait  Lu- 
ther! Et  tout  recemment,  la  regence  de  Francfort-sur-le  M.nn 
a  reconnu  qu'au  point  de  vue  de  I'instruction  religieuse  les 
etablissements  dissidents  n'auraient  pas  a  subir  I'exaraen  des 
inspectcurs  de  cercle^. 

L'evangelisme,  en  subissantce  comprorais,  s'estsenti  pique 
au  vif.  II  a  declare  que  si  Ton  souffrait  les  ecoles  specialcs  des 
vieux  lutlieriens,  du  moins  ces  ecoles  ne  seraient  tolerees 


1.  Les  vieux  lutheriens  forment  une  fraction  du  lutheranisme  prus- 
sien,  moins  nombreuse  chaque  jour,  mais  tres  remuante.  L^ Altlutheraner 
est  un  type  qui  devient  rare  et  qu'il  faut  se  hater  d'^tudier.  Voyez-Ie  :  il 
gemit  sur  la  dissolution  dogmalique  du  protestanlisme,  et,  volontiers, 
ferait  de  la  Confession  d'Augsbourg  une  loi  de  I'Etat.  Rien  avant  Luther, 
rienapres  hii.  II  hait  egalement  deux  choses  :  le  catholicisme  etla  philo- 
sophic. U  satisferait  sa  conscience  en  brulant  le  pape,  mais  il  aurait  une 
joie  exlrfime  a  voir  pendre  le  docleur  Strauss. 

Dans  un  cercle  oil  je  me  trouvais,  on  vint  a  parler  dapietisme.  J'en  de- 
mandai  la  defiiiilion.  "Un  pietiste,  repondit  une  dame  de  beaucoup  d'es- 
prit,  c'est  un  6tTe  hargneux  qui,  d'un(>  main,  tient  les  clefs  du  ciel ,  et 
de  I'autre  un  paquet  de  verges  pour  inviler  les  gens  a  enlrer.  • 

Entte  I'ancien  pietisme,  celui  de  Spener,  et  le  pieti>me  actuei,  il  n'y  a, 
du  resle,  decommun  que  le  nom  Spener,  dans  ses  Pia  desideria,  s'in- 
surge,  en  restant  un  fervent  Chretien,  au  nom  de  Vesprit,  contre  la  forme. 
Le  pieii-me  Cdntemporain  relournerait  volontiers  la  devise. 

2.  Circular- Erlass  der  kiiniglichen  Ri'gierung  zu  Frankfurt,  21  mars 
I85i  :  "Der  Krei-;-Schulin.-pector  wird  den  R  iligionsunterricht  in  diesen 
Schulen  nicht  in  den  Bereich  seiner  Cognition  ziehen...» 


-158  SECONDE  PARTIE. 

que  comrae  un  nial  necessaire',  et  il  a  recomniande  a  ses  re- 
presentaiils  officiels  de  saisir  toutes  les  occasions  d'amener 
la  suppression  de  ces  etablissements  schismatiques. 

Sur  le  terrain  religieux  proprenienl  dit,  le  dissenliment  est 
plus  vif  encore,  et  le  combat  plus  ardent.  La  eclatent  des  fails 
qui  rappellent  les  trisles  scenes  d'ages  qui  ne  sont  plus. 
De  temps  a  autre,  grace  a  VUnion  decretee  par  I'evangelisme, 
on  pent  se  croire  au  seizieme  siecle. 

Yoici  la  petition  que  provoquait,  en  1852,  dans  le  duche 
de  Bade,  un  des  episodes  auxquels  je  fais  allusion. 

«  Messieurs  les  deputes  de  la  seconde  chambre, 

«  A  la  petition  par  nous  presentee,  lors  de  I'ouverture  de 
la  session,  nous  avons  a  ajouter  que  les  persecutions  dont 
nous  somraes  I'objet  n'ont  fait  qu'augmenter,  ainsi  qu'il  re- 
sulte  des  fails  suivants : 

«  Le  25  decembre,  raourut  un  enfant  d'un  an  et  demi,  fils 
de  Jean  Virmele,  lutherien,  habitant  d'lhringen,  et  I'un  des 
signataires  de  la  presente  petition.  Comme  le  pasteur  luthe- 
rien ne  pcut  plus  exercer  ouverteraent  son  ministere,  les  pa- 
rents desirerent  que  leur  fils  fut  inhume  sans  I'intervention 
d'aucun  ministre. 

«  Mais  defense  de  proceder  a  la  ceremonie  leur  fut  faite 
par  I'autorite  ecclesiastique  unie  d'lhringen.  II  fut  signifie 
qu'elle  aurait  lieu  selon  le  rite  de  I'Eglise  unie  {nach  unirtem 
11 1  Rilus),  et  au  besoin  avec  la  cooperation  de  la  police. 

«  En  effet,  le  29  decembre  au  matin,  on  enleva  aux  parents 
le  corps  de  leur  enfant,  lequel,  sous  la  garde  de  deux  agents 
de  la  police,  et  sans  ^tre  accompagne  du  pere  ni  de  la  mere, 
fut  enseveli  selon  le  rite  de  I'Eglise  officielle  par  un  eccle- 
siastique uni, 

1.   «  Kann  die  Errichtung  eigener  Schulen  der  AUlulherriner  nnr 

als  ein  Uebelstand  bedauert... »  {Circular-Erlass,  etc  ) 


ROLE  DE  l'eGLISE  EVANGEUQUE.  ^59 

«Le  pasteur  lutherien  Eichhorn,  appele  par  le  pere  pour 
donner  quelqiies  consolations  a  la  mere  desolee,  fut  arr6te 
par  deux  agents  et  conduit  en  prison  par  les  gendarmes  a 
Altbreifach,  et  avee  lui  deux  lulheriens  de  notre  commune 
qui  voulaient  defendre  leur  pasteur. 

«  Nous  nous  abstenons  de  toute  reflexion,  et  nous  supplions 
la  haute  chambre  de  prendre  en  consideration  les  malheurs 
de  notre  Eglise  et  de  nous  proteger  aupres  du  gouvernement.» 

{Suivent  les  signatures*) 

De  tels  fails  parlent  par  eux-memes. 

A  I'heure  qu'il  est,  plus  des  deux  tiers  des  communes  prus- 
siennes  ont  refuse  de  se  ranger  sous  la  banniere  de  I'evange- 
lisme,  et,  sur  les  mines  des  symboles,  revendique  leur  inde- 
pendance  absolue. 

En  1846,  dans  une  adresse  presentee  solennellement  au 
roi,  le  magistratde  Berlin  ne  craignait  pas  de  traiter  de  soi- 
disant  Eglise  lEglise  a  laquelle  appartiennent  le  roi,  le  conseil 
superieur,  tons  les  consistoires  de  Prusse. 

On  repete  assez  volontiers  aujourd'hui  les  arguments  du 
magistrat  de  Berlin ;  et  bien  des  convictions  se  sentent  a  I'aise 
dans  cette  singuliere  profession  de  foi :  «  Pour  la  majorite 
des  citoyens,  disait  ce  fonctionnaire  au  nom  du  protestan- 
tisme  berlinois,  I'Ecriture  et  les  livres  symboliques  sont 
des  temoignages  sur  le  travail  de  forma  lion  de  I'Eglise,  des 
ceuvres  purement  humaines,  dont  le  fond  ,  comme  la  forme, 
portel'empreinte  du  sieclequiles.  crea.  La  ne  reside  point  la 
verite  absolue.  La  verite  est  dans  1' esprit  qui  agit  et  se  meut 
eternelleraent  dans  riiumanite.  Le  temps  est  venu  de  modi- 
fier des  formes  d'un  autre  age...  iNoiis  supplions  Yotre  Majeste 
d'inviter  les  autorites  ecclesiastiques  a  ne  point  gener  la  li- 
berie d'enseignement  dans  I'Eglise  evangelique.  Nous  la  sup- 
plions de  convoquci- une  commission  tiree  de  toutes  les  pro- 


'160  SECOINDE  PARTIE. 

vinces,  formee  de  laiqiies  et  d'ecclesiastiques,  chargee,  sous 
la  sanction  royale,  de  preparer  pour  I'Eglise  un  projel  de 
constitution  qui  satisfasse  aux  besoins  du  temps  *.  » 

Qnelles  crises  se  developpent  au  Fein  de  I'Eglise  protestante 
alleniande,  on  le  voit  assez.  Ce  nest  pas  tout  cependant.  En 
proie  aux  deeliirements  interieurs,  cette  Eglise  est  assaillie  au 
dehors.  Une  horde  d'envahisseurs  au  facheux  renom,  amis 
proiestants,  et  sectaires  des  libres  communes,  pretendent  s'y 
installer  a  bon  droit ;  et  s'elancent  a  I'assaut  de  la  forteresse 
demantelee,  sous  les  drapeaux  unis  de  pasteurs  bien  connus  . 
llhlich,  Wislicenus  et  Sachse. 

C'est  ici  le  lieu  de  retracer  un  curieux  episode.  Get  episode 
eclaire  d'un  jour  singulier  I'etat  interieur  de  I'Eglise  evange- 
lique  de  Prusse;  et  nous  avons  assiste  nous-meme  a  la  der- 
niere  phase  des  eveneraents  que  nous  voulons  rappeler. 

En  i84i,  un  pasteur  de  Magdebourg  altaque,  dans  un  ser- 
mon, la  divinile  de  Jesus-Christ.  C'elait  le  moment  ou  les 
Annales  de  Halle  suspendaient  sur  la  tele  des  lutheriens  or- 
thodoxes,  comme  sur  celle  des  disciples  de  Schleiermacher, 
la  menace  du  despotismc  hegelien.  Leconsistoire  cite  le  pas- 
teur a  sa  barre,  et  fulmine  une  destitution.  Grande  rumeur 
dans  la  commune!  on  crie,  on  menace,  on  intimide  le  tribu- 
nal. Bref,  la  sentence  de  destitution  est  rapporlee,  pour  faire 
place  a  une  reprimande.  C'est  trop  encore  :  une  vingtaine  de 

I.  Le  niagistrat  attaquait  dans  celte  adresse  le  parti  de  I'orthorloxie, 
et  notamment  son  chef,  le  directeur  de  VEvangelische  Kirchen-ZeUung, 
M.  Hengsteiiberg.  «  Ce  parti,  disait-il ,  recommence,  vis-a-vis  des  vrais 
proteslants,  le  role  des  Juifs  vis-a  vis  des  premiers  chreliens.  »  —  Le  roi 
repondit  a  cette  singuliere  sortie  avec  une  dignite  pleine  de  6tie?se  II 
fit  sentir  e;i  m^me  temps  ce  qu'une  telle  manife.^tation  devait  avoir  de 
facheux  :  «  Toute  TEurofie  a  les  yeux  sur  nous  el  sur  1  agitation  de  notre 
Eglise.  Que  peuvent  penser  de  nous  les  Confessions  etrangeres  et  les 
honimes  impartiaux?... » 


ROTE  DE  L  EGLISE  EYANGELIQUE.  ^  01 

pasteurs  se  rasserablent  a  Gnadau,  puis,  en  plus  grand  nom- 
bre,  a  Halle,  et  protestent  contre  la  sentence,  o  Nous  somraes 
atleints,  disent-ils,  dans  la  personne  du  pasteur  condamne; 
on  vient  de  frapper,  en  lui,  le  droit  d'examen,  le  principe 
meme  du  protestantisme.  Que  les  pasteurs  qui  veulent 
croire  librement  se  concertent. »  —  VapStre  du  rationalisme 
popvlaire  se  revelait;  c'etait  un  pasteur  du  petit  village  de 
Pommelte,  celui  m^me  qui  avait  provoque  les  deux  assem- 
blees  de  Gnadau  et  de  Halle  :  il  venait  de  creer  I'association 
des  Amis  protesiants  ou  Amis  de  la  lumiere;  des  les  premiers 
pas,  soixante  confreres  le  suivaient;  il  se  nommait  Uhlich. 

Quatre  ans  apres,  quatre  mille  cinq  cents  adherents  soute- 
naient  de  leurs  deniers  le  journal  des  Amis  protestants,  I'Edi- 
fication  cAre/eemze  ( Blatter  fiir  christliche  Erbauung);  onze 
mille  neuf  cents  habitants  de  Magdebourg  signaient  de  leurs 
noms  une  declaration  de  rupture  avec  I'Eglise  officielle,  et, 
invoquant,  aux  termesdu  Landrechi^^  les  droits  des  societes 
toUrees,  a  I'exemple  des  Amis  de  Konigsberg,  de  Nordhausen, 
de  Halberstadt,  etc.,  se  constituaient  en  lihre  commune.  A  ce 
moment,  M.  Uhlich  etait  depossede  de  la  cure  qu'il  occupait 
depuis  dix-huit  ans.  La  libre  commune  de  Magdebourg  appela 
le  condamne,  et  le  mit  a  sa  t^te  :  c'etait  le  placer  sur  un 
piedestal. 

4848  eclate.  Le  mouveraent  de  separation  de  I'Eglise  or/Ao- 
doxe  se  propage,  sans  obstacle,  sur  tons  les  points  de  I'Alle- 
magne.  Des  libres  communes  se  formcnt  en  Prusse,  en  Saxe, 
dans  le  duche  de  Weimar,  dans  la  Baviere  septentrionale, 
en  Hesse,  en  Bade.  Amis  proiesianis  de  Uhlich  et  caiholiques 
allemands  de  Ronge  se  donnent  la  main,  sur  le  terrain  d'une 
protestation  radicale  contre  toute  croyance  positive  et  tout 
symbole  consacre.  Les  gouverneraents  luissent  le  champ  libre 

1.  II' part.,  t.  XI. 

11 


462  SECONDE  PARTIE. 

a  la  double  propagande  religieuse  et  politique  dont  les  libres 
communes  sont  devenues  les  centres.  Quelques  pasteurs, 
grace  au  reseau  de  chemins  de  fer  qui  relie  toutes  les  pro- 
vinces du  Nord,  jettent  le  feu  d'une  parole  provoca trice  sur 
les  populations  qu'elle  enflamme  :  leur  chef,  M.  Uhlich,  est 
desormais  le  promoteur  d'un  vaste  mouvement  qui  menace 
de  transformer  I'Eglise  evangelique :  il  va  sieger,  en  vainqueur, 
a  Tassemblee  nationale  de  Berlin. 

Bientot,  la  politique  fait  volte-face  :  les  evenefnents  se  pre- 
cipitent.  Denoncees  par  I'Eglise  officielle  comme  des  foyers  de 
conspiration  politique,  les  libres  communes  sont  surveillees, 
traquees,  detruites  pour  la  plupart.  Quelques-unes  survivent, 
etla  plus  forte  de  toutes,  celle  de  Magdebourg.  M.  Uhlich  re- 
prend  possession  de  son  domaine.  Assiste  d'un  collegue, 
M.  Sachse,  et  certain  qu'en  depit  des  poursuites  dirigees 
contre  les  associations  reprouvees,  son  nom  n'a  pas  eess6 
de  relentir  aux  oreilles  des  masses  comme  un  cri  de  rallie- 
ment  et  comme  un  mot  d'ordre,  il  reprend  la  direction  de  la 
communaute  que,  par  habitude,  on  peut  nommer  sa  paroisse; 
et  c'est  au  centre  de  la  Saxe  prussienne  que  regne,  encore  au- 
jourd'hui,  celui  qui,  depuis  douze  annees,  donne  tant  de  souci 
au  protestantisme  legal ;  qui,  en  ce  moment  m^me,  conserve 
dans  les  rangs  inferieurs  du  corps  ecclesiastique  beaucoup 
d'adeptes  secrets ,  et  que  la  voix  publique  a  proclame  le  chef 
des  Amis  protesiants. 

Quelle  6tait  la  devise  du  pasteur  Uhlich  au  moment  ou  il 
signifiait  sa  rupture  a  I'Eglise  evangelique?  Avant  tout,  point 
d'eclat ,  ni  de  fracas.  M.  Uhlich ,  a  ses  debuts,  est  venu 
parler  tres  simplement  le  langage  qui,  n'en  deplaise  aux 
Altlutheraner  ,  n'est  que  la  logique  meme  du  protestantisme. 
«  II  est  de  notre  droit  et  de  notre  devoir,  disaient  par 
son  organe,  en  i841,  les  pasteurs  assembles  a  Ilalle,  dc  dis- 
cuter  et  de  scruter  avec  notre  raison  tout  ce  qui  se  prescate 


ROLE  DE  l'eGLISE  EVANGELIQUE.  \  G5 

SOUS  le  nom  de  religion...  C'est  poiir  nous  une  stricte  obliga- 
tion de  perseverer  dans  notre  charge,  et  dans  notre  vie. 
Nous  nous  le  promettons  les  uns  aux  autres  comme  nous 
I'avons  depuis  longtemps  promis  a  Dieu.  Nous  sommes  heu- 
reux  de  la  pensee  que  notre  croyance  et  nos  efforts  reposent 
sur  le  fondement  de  I'Eglise  protestante,  lequel  est  toujours 
Christ  :  voila  pourquoi  nous  nous  appelons  les  Amis  pro- 
testmits.  » 

Ni  theorie,  ni  fantasmagorie  scientifique;  aueun  lien  appa- 
rent avec  les  philosophies  batailleuses.  Un  sysieme  est  un  fragile 
edifice;  quand  Tedifice  s'ecroule,  tant  pis  pour  qui  avait  eu  la 
eandeur  d'y  chereher  un  abri!  M.  Uhlich  etait  prudent;  lors- 
qu'en  1844  lesjewies  hegeliens  s'efforcerent  de  I'attirer  a  lui  : 
«  Batissez  votre  temple,  repondirent  ses  amis  aux  philosophes, 
nous  vous  encourageons  de  nos  sympathies;  mais  ne  nous 
forcez  pas  a  y  entrer.  » 

Done,  point  de  systeme  pour  remplacer  un  symbole,  point 
d'autorite  substituee  a  une  autorite,  point  d'ecole  etablie  sur 
les  ruines  d'une  Eglise ;  mais  simpleraent,  — e'etait  conforrae 
aux  instincts  de  la  foule,  —  un  rationalisme  vulgaire  se  pre- 
sentant,  avec  des  allures  modestes,  comme  le  produit  na- 
turel  de  la  raison  du  peuple,  comme  un  fruit  qui  se  detache 
sans  effort,  a  sa  maturite,  del'arbre  meme  du  protestantisme, 

A  ce  debut  de  sa  carriere  militante ,  le  pasleur  Uhlich 
presente  de  singulieres  analogies  avec  un  Americain  ce- 
lebre,  rainistre  protestant  lui  aussi,  Ellery  Channing.  Chan- 
ning,  je  le  sais,  n'a  jamais  deserte  les  grandes  idecs  de  la  per- 
sonnalite  divine  et  de  rimmortalite  de  I'ame,  et  sa  raison 
n'hesite  pas  a  proclaraer  la  superiorite  du  christianisme  sur 
la  philosophic.  En  sa  qualite  d'Americain,  il  prefere  I'obser- 
vation  aux  conjectures,  les  faits  aux  theories.  Mais  s'il  accorde 
au  Sauveur  une  existence  reelle,  il  rabaisse  sa  personne  aux 
proportions  de  rhumanitc.  Pour   Channing,   comme  pour 


4  64  SECONDE  PARTIE. 

M.  Uhlich  a  son  point  de  depart,  la  religion  est  une  sorte  de 
corapromis  entre  le  rationalisme  et  la  revelation,  un  aria- 
nisme  qui  exchit  les  mysteres  de  la  foi  chretienne,  sans  oser 
adiuetlre  Ics  temerites  de  la  critique  pure.  Tous  deux  re- 
poussent  les  formules  dogmatiques  quelles  qu'elles  soient. 
Pour  I'un  ni  pour  I'autre,  la  verile  religieuse  n'est  inde- 
pendaote  etabsolue;  elle  n'existe  pas  en  dehors  de  I'esprit 
qui  la  per^oit.  Aussi  variable  que  sont  diverses  les  intel- 
ligences, elle  n'a,  pour  parlei*  la  langue  d'outre-Rliin,  qu'une 
valeur  esscntiellement  subjective,  et  I'unite  de  croyance 
n'est  que  le  nora  pompeux  sous  lequel  se  deguise  I'esclavage 
des  ames.  Point  d'articles  de  foi,  consequemment  point  d'E- 
glise;  et  ainsi,  la  redoutable  argumentation  de  Bossuet,  celle 
qui,  sous  la  plume  hautaine  de  I'auteur  des  Variatio7is,  acca- 
blait  le  protestanlisrae  dogmatique  du  dix-septierae  siecle, 
passe,  sansl'effleurer,  au-dessus  du  protestanlisme  insaisis- 
sable  de  Channing  et  d'Uhlich.  «  Je  ne  vous  donne,  declare 
Channing,  les  opinions  d'aucune  secte;  je  vous  donne  les 
miennes.  J'appartiens,  il  est  vrai,  a  cette  societe  de  chreliens 
qui  croient  qu'il  n'y  a  qu'unDieu  etque  J.-C.  n'est  pas  ceDieu 
unique ;  mais  mon  adhesion  a  cette  secte  est  loin  d'etre  en- 
tiere...  Je  desire  m'echapper  de  I'etroite  enceinte  d'une  Eglise 
particuliere,  suivant  la  verite  hurableraent,  mais  resolument, 
quelque  ardue  et  solitaire  que  soil  la  voie  ou  elle  conduit.  » 
«  Qu'est-ce  qu'une  Eglise?  disait  a  son  tour  le  pasteur 
Uhlich  ;  une  autorite  qui  immobilise  la  doctrine.  Une 
Eglise,  sous  peine  de  se  nier  elle-m^me,  dit  necessaire- 
ment  :  «  Tout  ce  qui  n'est  pas  ma  pensee  est  erreur;  con- 
science individuelle,  je  ne  te  connais  pas,  et  si  je  te  ren- 
contre, c'est  pour  t'ecraser.  »  Et  nous,  flls  du  libre  examen, 
nous  apporterions  notre  pierre  a  cet  edifice  menacant  de 
X Eglise  I  nous  viendrions  nous  enfermer  dans  cette  Eglise 
protestante  de  Prusse,  ou  le  roi  est  ev^que,  ou  le  chris- 


ROLE  DE  l'eglise  evangelique.  465 

tianisrae  officiel  est  une  branche  de  radministration  publi- 
que !  Non,  non ,  soyez  franchement  pour  I'Eglise ,  ou  fran- 
chement  pour  le  libre  examen;  soyez  catholique,  ou  soyez 
protestant.  Or  les  seuls  vraisprotestants,  c'est  nous,  les  amis 
de  la  haniere .l!^ous  avons  proteste,  pendant  de  longues  annees, 
contre  la  transformation  de  la  communaute  (Geraeinschaft) 
en  Eglise  (Kirehe),  et  c'est  paree  que  notre  protestation  a  ete 
vaine  que  nous  avons  rejete  le  nom  meme  de  I'Eglise,  et  que 
nous  soraraes  devenus  libres  communes^.  » 

Ainsi,  ce  n'est  pas  au  calholieisme  que  le  pasteur  de  Mag- 
debourg  reservait  ses  mepris;  c'est  a  ce  fils  batard  de  la  re- 
fornie  qu'on  appelle  le  protestantisme  orthodoxe,  a  ce  com- 
promis  illogique,  qui,  sous  les  trails  d'une  religion,  n'est  que 
le  masque  d'une  pensee  politique. 

Et  maintenant,  sur  quelles  bases  devait  reposer  I'edifice 
qui  allait  abriter  les  generations  nouvelles?  «  La  commune, 
reprenait  M.  Uhlich,  la  commune  vivante,  la  libre  commune, 
repose  sur  cette  conviction  que  I'esprit  de  I'bumanite  pos- 
sede  une  puissance  invincible  de  developpement :  respect  a 
la  souverainete  de  I'esprit,  respect  a  la  liberie  de  son  essor ! 
La  foret  est-elle  moins  belle  parce  que  des  arbres  d'especes 
diverses  y  projettent  leurs  branches  vers  le  ciel?  Encore 
une  fois,  nous  nous  rallions  a  ce  cri :  Une  commune,  point 
d'Eglise!  » 

Que  si  Ton  demandait  au  pasteur  ce  qu'il  pensait  dela  per- 
sonne  du  Christ :  «Ce  qu'est  Jesus  en  lui-meme,  repondait-il, 
jc  n'en  sais  rien,  et  la  reponse  me  manque ;  mais,  ce  qu'il  est 
pour  rnoi,  cela  je  le  sais  :  il  est  mon  Sauveur...  Que  Jesus  ait 
vecu,  qu'il  ait  ete  une  personne  unique  sur  la  terre,  je  le  crois, 
car  on  le  juge  assez  aux  fruits  qu'il  a  laisses,  mais  ma  raison 
m'interdit  de  le  reconnaitre  comme  Dieu.  » 

1.  Sojmstagis  6iatt,  1852, 


466  SECONDE  PARTIE. 

Voila  quelle  etait  en  1845  la  profession  de  foi  de  solxante 
a  quatre-vingts  pasteiirs  de  I'Eglise  evangelique,  quel  etait  a 
leurs  yeux  le  fondemeni  de  I'^glise  protesiante. 

Qu'on  ne  se  meprenne  point  sur  notre  pensee.  Je  ne  reproche 
pas  a  M.  Uhlich  d'avoir  rompu  en  visiere  avec  le  dogmatisme 
protestant.  Je  serais  plutot  tente  delui  en  savoir  gre,  II  a  fait 
preuve,  encela,  de  sineerite  et  de  courage.  M.  Uhlich  u'est 
pas  une  sorte  de  vicaire  Savoyard  pensant  non,  disaut  oui  : 
ce  qu'il  pense  il  I'enseigne;  or,  leprincipe  protestant  une  fois 
pose,  de  quel  droit  enchainer  Tesprit  dans  les  liens  d'une  for- 
mule?  Le  protestantisme  n'a  de  raison  d'etre  qu'a  la  condition 
de  frayer  la  route  a  la  libre  pensee  ;  il  est  le  commencement 
du  ralionalisme;  il  est  cela  ou  il  n'est  rien.  Seulement, 
une  fois  le  frein  brise  et  la  carriere  ouverte ,  reste  a  sa- 
voir oil  s'arr^teront  la  logique  et  le  desespoir  de  I'esprit 
humain. 

Nous  avons  constate  le  point  de  depart  de  BL  Uhlich,  indi- 
quons  maintenant  ce  qui  est,  pour  lui ,  le  point  d'arrivee. 
Ce  sera  faire  connaitre  le  chemin  parcouru,  sous  I'impulsion 
de  certains  pasteurs  et  de  certains  maitres  d'ecole  ,  par 
une  fraction  considerable  des  populations  protestantes  de 
I'Allemagne  du  Nord.  Penetrons  plus  avant  dans  la  theorie 
des  libres  communes  :  c'est  ici  que  Henri  Heine  pourra 
dire  : 

"Nous  laissons  le  ciel  aux  anges  et  aux  moineaux'. » 

En  accusant  les  doctrines  du  pasteur  de  Magdebourg ,  je 
n'entends  point  mal  parler  de  sa  personne.  J'ai  vu  de  pres 
M.  Uhlich;  il  m'a  re^u  sans  defiance,  quand  je  lui  etais  par- 
faitement  inconnu  ;  il  m'a  introduit  dans  I'intimite  de  sa  vie 

J.  Den  Himniel  uber!assen  wir 

Den  Engeln  und  den  Spatzen.  {Deutschland.) 


ROLE  DE  L^EGLISE  EVANGELIQUE.  J{  67 

de  famille  avec  cet  abandon  plein  de  simplicite  qu'on  ne 
trouve,  je  crois,  qu'en  AUemagne;  et  je  n*y  ai  rien  vu  qui  ne 
coraraandat  le  respect  *. 

Je  minterdirais  de  reproduire  les  termes  d'une  profession  de 
foi  que,  dans  le  Inisser  aller  d'un  tete  a  tete,  ra'a  faitelepasteur 
de  la  libre  commune ;  mais  je  retrouve  cette  profession  de  foi 
dans  le  Caiechisme^  a  I'usage  des  families,  et  dans  la  Feuille  du 
Dimanche  (Sonntags-Blait)^  a  I'usage  de  toutle  monde.  Evidem- 
ment,  il  n'y  a  ici  de  secret  pour  personne,  et  le  scrupule  n'est 
pas  de  mise.  Ecoutez-donc  le  symbole  actuel  du  pasteur  Uhlich : 
c'est  celui  d'un  norabre  considerable  de  lideles  dans  pre<^que 
toutes  les  villes  de  l' AUemagne  du  nord. 

1.  11  faut  penetrer,  pour  se  rendve  chez  M.  Uhlich,  au  fond  du  quartier 
populeux  de  Magdebourg.  J'6tais  conduit  par  un  pauvre  diable  a  qui  j'ai 
demande  ce  qu'il  pensail  du  pasteur  de  la  libre  commune.  •C'est  le  roi 
des  prol6taires,  m'a  repondu  le  va-nu-pieds,  mais  un  roi  qui  n'est  pas 
riche,  et  qui  boit  de  I'eau  plus  souvent  que  du  vin.  Parlons  plus  bas, 
a-t-il  ajoute,  en  baissant  la  voix,  la  police  n'aime  pas  que  des  etrangers 
aillent  rendre  visite  au  pasteur  Uhlich.  ■>  —  J'ai  frappe  a  une  humble  porte 

delaWallonbergerstrasse.Unejeunefille,  gracieuseenfantdedouzeatreize 
ans,  aux  joues  roses,  aux  tresses  blondes,  est  venue  m'ouvrir  en  chantant. 
La  chambre  oil  j'ai  ete  introduit  etait  petite,  d'un  ameublement  plus  que 
simple,  garnie  de  livres.  Des  plantes  grimpantes  tapissaient  la  fenetre  et 
disputaient  I'entree  aux  rayons  du  soleil,  qui  miroitaient,  en  se  jouant,  sur 
une  muraille  lezardee.  Le  pasteur  lisait,  assis  devant  un  bureau. 

M.  Uhlich  est  un  homme  de  soixante  ans,  environ ;  assez  grand ,  mai- 
gre  de  visage  et  de  corps.  Ses  yeux,  petits,  ternes  au  premieE  abord,  s'a- 
niment  bientot  d'une  expression  de  bonhomie  qui  n'est  pas  sans  finesse. 

Ronge,  quand  il  se  faisait  peindre  pour  la  posterile,  avant  de  s'eva- 
nouir  dans  le  ridicule  ,  s'affublait  d'un  costume  de  heros,  le  poing  crispe 
sur  une  Bible,  le  regard  enflamme,  la  t6te  haute.  M.  Uhlich  ,  en  effigie 
comme  en  realite,  porte  simplement  la  redingole  et  la  cravate  noire  des 
mortelsordinaires.  II  en  est  de  sa  physionomie  et  de  toute  sa  personne, 
comme  de  sa  conversation  :  point  d'anectalion  ni  de  desir  de  poser;  riea 
de  pretentieux  ni  de  theatral. 

2.  Katechismus,  von  Uhlich,  precede  d'une  dedicace  aux  peres,  aux 
meres  et  aux  mattres.  Magdebourg,  1851. 

3.  Sonntags-blatt,  von  Uhlich,  3'^  annee. 


^68  SEGONDE  PARTIE. 

«  Notre  dogme,  c'est  de  n'en  avoir  pas.  Les  anciennes  re- 
ligions ont  suecessivement  repondu  aux  besoins  de  Thuma- 
nite,  en  offranta  son  intelligence  des  forraules  differentes.  La 
religion  d'aujourd'hui  consiste  a  saisir  les  lois  de  ce  develop- 
penient  indefini.  Notre  religion  n'est  autre  chose  que  la  fleur 
dont  I'epanouisseraent  signale  chaque  progres  de  I'esprit  hu- 
main  {die  Blulhe  die  der  3Ienschengeisi  injeder  Zeit  hervortreibt)'^ 
et  notre  profession  de  foi, — si  nous  pouvons  nous  servir  de  ce 
terme  vieilli,  —  se  resume  en  ceci :  Amour  de  I'hunianite! 
—  Et  Dieu,  qu'cn  faites-vous?  —  Je  pense  qu'il  y  a  dansla  na- 
ture une  force  qu'on  appelle  Dieu,  et  je  crois  peut^tre  [viel- 
leichl)  a  riramorlalite  de  Tame.  —  Peut-^trel  c'est  de  la  pru- 
dence; et  deeidement  vous  ne  raourrez  pas  d'orthodoxie  Mais 
quelle  idee  vos  Gdeles  de  Magdebourg  se  font-ils  de  cette  force 
qu'on  appelle  Dieu?  —  Aucune  idee  uniforraement  adoptee  par 
tons  ;  chacun  se  represente  la  Divinite  a  sa  maniere,  selon  la 
diversite  des  esprits.  Ce  que  je  puis  dire,  c'est  que  le  Dieu  de 
I'ancicnne  religion,  un  Dieu  distinct  du  raonde  (einen  Goit 
aussei-  der  Well),  un  tel  Dieu  nous  ne  le  connaissons  pas.  > 

Negation  de  la  personnalite  divine,  voila  le  terme  auquel 
aboutit,  pourM.  Uhlich,  la  revendication  hautaine  des  droits 
de  la  souverainete  individuelle.  Et  telle  est  bien  la  pensee  du 
pasteur;  car  je  retrouve  cette  pensee  developpee  presque  a 
chaque  page  de  la  Feuille  du  Dimanche.  M.  Uhlich  se  defend 
d'etre  alliee;  et,  en  effet,  il  prononce  souvent  le  nom  de  Dieu, 
et  n'abrite  ses  negations  ni  sous  le  systeme  de  Feuerbach,  ni 
sous  la  theorie  de  Bruno  Bauer;  de  m^rae  encore  il  pretend 
au  litre  de  chretien,  parce  qu'il  repugne  aux  pitoyables  argu- 
ments qui  trainent  dans  I'arriere-fond  des  ecoles  alleinandes, 
contre  I'existence  m^me  de  la  personne  du  Christ.  Mais,  en 
verite,  qu'est-cc  que  le  Dieu  de  M.  Uhlich?  Rien  de  plus  que 
le  Dieu  du  chef  actuel  de  I'extrerae  hegelianisme,  \mepuissance 


ROLE  DE  l'eGLISE  EYANGELIQUE.  ^  69 

OU  line  force  qui  vit  en  tout^,  Vdme  du  monde  qui  palpite  en  ioute 
chose^,  qui  trouve  son  expression  la  plus  haute  dans  Tesprit 
de  I'homme,  et  qui  ne  doit  pos  en  etre  distingue  :  voila  le  Dieu 
de  M.  Uhlich.  Or,  lisezle  Nouveau  Christianisme  de  M.  Miche- 
let  (de  Berlin),  et  demandez  au  philosophe  hegelien  s'il  entcnd 
desavouer  ce  Dieu-la ! 

Avec  une  serablable  theodicee  pour  base,  que  devient  la 
morale? 

Dans  son  Catechisme ,  je  me  hale  de  le  dire,  M.  Uhlich  he  re- 
vele  que  desinientionshonnetes.  L'homme.dil  lepasteur,  sans 
grandes  pretentions  a  la  nouveaute  philosojjhique,  trouve  en 
lui-meme  une  triple  loi,  la  loi  du  vrai,  la  loi  du  bon,  la  loi 
du  beau.  En  obeissant  a  ees  lois  il  obeit  a  sa  conscience,  il 
accomplit  le  devoir  [P ft Icht).  Or,  I'homme  est  tenu  a  Taccom- 
plissement  du  devoir,  en  depit  de  ses  passions  premierement, 
etensuite  en  depit  des  obstacles  exterieurs.  Pourquoi?  Parce 
que  fa  ire  son  devoir  c'est,  pour  Thomme,  suivre  Ics  lois  de 
son  etre. 

De  ce  principe,  M.  Uhlich  deduit  des  preceptes  dont  assu- 
rement  il  faut  souhaiter  I'application  :  «  .  .  Que  I'amour  de 
tes  sembhibles  I'emporte  sur  I'amour  de  toi  :  le  propre  de 
I'amour  est  de  s'oublier  soi-meme,  et  de  Irouver  son  bien 
dans  le  bien  de  son  frere...  »  Rien  de  mieux.  «...  Donne  a 
ton  ame  la  jouissanee  du  beau,  dit  encore  M.  Uhlich.  Cette 
jouissance,  le  plus  pauvre  pent  la  trouver  dans  la  nature  Orne 
le  monde,  autantqu'il  est  en  toi,  des  attraits  de  la  beaute  : 
il  reste  encore  beaucoup  a  faire  pour  que  le  monde  devienne 
le  jardin  de  Dieu.  Les  peuples  anciens,  les  Grecs,  ont,  en 
cela,  fait  plus  que  nous;  mais  c'est  le  crime  de  beaucoup 


1.  Sonntags-Blattda  l"  fevrier  1852,  dans  un  article  intitule  Unsere 
Aussichten,  et  du  18  Janvier,  dans  le  morceau  :  Gott  mit  uns. 

2.  Caiechismus,  p.  31. 


^  70  SECONDE  P ARTIE. 

d'horaraes  de  nos  jours  de  poursuivre  le  beau,  sans  se  soucier 
du  hon.  »  —  Quoi  de  plus  innocent,  je  vous  prie? 

«  La  pudeur  t'a  ete  donnee  pour  t'empecher  de  faire  ce  qui 
offenserait  la  delicatesse  des  autres  horames...  Sois  chaste! 
I'horame  s'abaisse  en  vivant  a  la  raaniere  des  betes.  La  volupte 
est  un  feu  qui  devore.  Sois  chaste  dans  tes  paroles  et  dans  tes 

pensees.  » 

Voila  qui  est  irreprochable.  M.  Uhlich  parle  du  devoir  et 
des  lots,  il  faut  bien  lui  en  savoir  gre  :  mais  e'est  la  evidem- 
ment,  chez  lui,  une  vieille  reminiscence  de  la  pensee  chre- 
tienne,  qu'il  invoque  encore  au  moment  ou  il  la  deserte,  et 
qu'il  n'afflrme  qu'en  se  dementant. 

L'homme  en  accomplissant  le  devoir  suit  la  loi  de  son  etre. 
qui  vous  I'a  dit?  Demandez  a  Fourier!  A  cote  de  I'idee  du 
devoir,  l'homme  trouve  en  soi,  vous  le  declarez  vous-meme, 
I'impulsion  de  Xinstinct.  De  I'instinct  ou  du  devoir,  lequel  sui- 
vrai-je?  Le  premier  comme  le  second,  anterieurement  au 
second,  se  revele  et  commande.  De  quel  droit  Tiiiimoler? 
Pourquoi  le  divin,  das  GoUliche,  comme  vous  dites,  ne  serail-il 
pas  dans  Tun  autant  et  plus  que  dans  rautre?Et,  en  effet, 
qu'est-ce  que  I'instinct?  I'impulsion  donnee  par  la  nature  an- 
terieurement a  la  reflexion.  Or,  si  la  nature  se  confond  avec 
Dieu,  si  la  nature,  consequemment,  est  sainte,  comment  et 
pourquoi  la  combattre?  Ge  n'est  plus  de  I'instinct  qu'il  faut 
se  defier;  c'est  la  reflexion,  reaction  de  la  pensee  contre  I'in- 
stinct, qu'on  doit  tenir  pour  suspecte.  Ce  n'est  plus  le  devoir, 
idee  factice  et  creation  arbitraire,  qu'il  faut  glorifier,  c'est 
V attraction  passionnelle.  Et,  a  la  place  de  cette  theorie  qui 
prouve  a  la  fois  et  I'honnetete  de  voire  esprit  et  son  inconse- 
quence, 6  pasteur  Uhlich,  il  faut  introniser  un  de  ces  systemes 
qui  battent  en  breche  les  verites  morales  dont  vous  vous  dites, 
eu  toute  naivete,  le  defenseur.  Vous  avez  cru  dresser  un  pie- 


ROLE  DE  L  EGLISE  EVANGELIQUE.  A  7\ 

destal  pour  la  statue  du  Devoir;  il  vous  faut  y  elever  la  statue 
(le  la  Passion. 

Et,  d'ailleurs,  que  parlez-vous  de  lots,  quand  vous  n'osez 
donncr  a  ces  lois,  par  de  la  cette  existence  d'un  jour,  ni  sanc- 
tion ni  point  d'appui ;  et  que,  pour  fondement  de  la  vie  mo- 
rale, vous  ne  posez  qu'une  en'igme : pent- elre !  L^  personnalite 
de  rhorame  subsiste~t-elle  apres  la  mort ,  ou,  comme  on 
disait  autrefois,  I'ame  est-elle  immorieWe'^  Ilesfpermis  del' espe- 
rer,  repondez-vous.  Permission  magnanime,  mais  que  la  sa- 
gesse  antique  accordait  deja  a  I'humanite,  il  y  a  2,000  ans !  En- 
core, vous  ne  donnez  cette  permission  qu'au  prix  d'une  contra- 
diction nouvelle.  Car,  a  la  maniere  dont  vous  concevez  Dieu, 
si  I'esprit  est  permanent  dans  la  nature  qui  demeure,  il  ne 
Test  pas  dans  les  individus  qui  se  succedent. 

G'est  apres  avoir  donne  au  genre  humain,  pour  le  guider 
vers  I'avenir,  un  enseignement  de  cette  nature,  que  le  pasteur 

Ulilich  s'ecrie  d'un  ton  qui  fait  sourire  :  « Voila  notre 

religion  !  Les  autres  liommes  ont  le  droit  de  comprendre 
la  religion  autrement  que  nous.  L'histoire  nous  apprend 
que  toutes  les  religions,  jusqu'a  ce  jour,  ont  ete  impuis- 
santes  a  conduire  rhumanite  dans  la  voie  de  ses  liautes 
destinees,  ou  qu'elles  ont  raeme  entrave  sa  marche.  » 

Que  M.  Uhlich  se  soil  insurge  contre  I'evangelisme  legal, 
qu'il  ait  invoque  contre  une  aulorite  sans  litres  le  principe 
meme  du  protestantisme,  pour  ma  part,  je  n'y  trouve  rien  a 
redire  :  c'est  affaire  de  famille  entre  lui  et  I'Eglise  offlcieile. 
Que  cetle  Eglise  se  defende,  et  que  le  conseil  superieur  ec- 
clesiastique  aiguise  de  tins  arguments  contre  le  plat  ratio- 
nalisme^  du  pasteur !  Je  dirai  plus:  dans  cette  partie  de  I'en- 
treprise  de  M.  Uhlich,  ce  n'est  pas  en  faveur  de  I'evangelisme 
orthodoxe  que  s'eveillent  en  moi  des  sympathies.  Le  pasteur, 

1.  Platter  Rationalismus. 


'1 72  SECONDE  PARTIE. 

j'en  siiis  convaincu,  etait  de  bonne  foi,  et  ni  la  philsophie  ni 
le  catholicisme  n'eussent  vouln  le  blamer  quand,  au  debut  de 
sa  rupture,  il  eerivait  :  «  Les  chaines  qui  attachent  le  corps 
de  I'Eiilise  evangelique  sont  si  serrees,  que  les  membres  s'a- 
trophient  faute  de  mouvement;  qu'on  leur  rende  la  vie,Dieu 
fera  le  reste;  il  n'a  point  peur  de  la  liberie...  De  notre  temps, 
continuait-il  avee  un  accent  qn'on  ne  peut  meconnaitre,  on 
est  oblige  de  conquerir  sa  foi  sur  soi-m6me.  Pour  peu  qu'on 
y  mette  de  serieux,  il  en  coiite  beaucoup  de  combats  exte- 
rieurs...  La  religion  de  Thomme  consciencieux  est  comrae 
un  fruit  bon  a  cueillir.  Depuis  le  moment  oii  le  bourgeon  a 
paru,  comhien  n'a-t-il  pas  fallu,  pour  I'amener  a  raaturite, 
de  beaux  jours  et  de  jours  d'orage,  de  soleil  et  de  pluie,  d'in- 
visibles  mouvements  dans  la  seve,  de  progres  et  de  transfor- 
ma lions  cachees  !  » 

Sept  ans  plus  lard  en  1852,  alors  que  I'Eglise  officielle  in- 
voquait,  contre  les  libres  communes,  Tappui  du  bras  seculier, 
le  pasleur  poursuivi  et  Iraque  dans  Magdebourg,  eerivait,  au 
renouvellement  de  I'annee,  dans  son  journal  hebdomadaire  : 
«  Panvre  Feuille  da  dimanche,  que  te  dire  pour  la  nouvelle 
annee?  Aujourd'hui  loule  levre  s'ouvte,  toute  main  se  serre 
pour  un  voeu  de  bonheur  ;  pour  tons,  dans  le  jardin  de  la 
vie,  peut  s'epanouir  la  fleur  et  murir  le  fruit  de  I'espe- 
rance!  Mais,  pour  nous,  ou  done  en  ce  pays  peut  briller 
I'espoir  de  la  liberie  religieuse? 

V  Partout  I'idee  spirituelle  s'appuie  de  nouveau  sur  la  puis- 
sance du  glaive;  et  cette  alliance  pese  lourdement  sur  qui- 
conque  iiivoque  rindepondance  des  ames.  En  Autriche,  les 
libres  communes  sont  delruifes;  ainsi  en  est-il  en  Baviere. 
En  Saxe,  quelques-unes  subsistent  encore  ^a  et  la,  comrae  on 
voil  queiques  fleurs  elever  tristement  leurs  tiges  apres  les 
premieres  gelees  de  I'hiver.  A  Dessau,  a  Altenburg,  a  Bern- 
burg,  les  coramunautes  restent  sans  pasteurs.  En  Prusse,  nous 


ROLE  DE  L  EGLISE  EVANGELIQCE.  \  75 

le  savons,  notre  chemin  est  seme  d'epines.  Resle-t-il  iin  coin 
de  terre  ou  piiisse  germer  la  fleur  de  Tesperiince?  oii  laisser 
tomber  un  voeu  de  bonheur  qui  ne  soil  pas  iin  son  vain  et 
sterile?)) 

Je  le  repete,  je  ne  reprocherai  a  M.  Uhlich  ni  la  reven- 
dication  bardie  du  principe  proteslant  conlre  I'Eglise  evan- 
gelique,  ni  la  melancolie  poetiqiie  et  resignee  de  sos  plaintes. 
Mais  ou  I'application  de  ce  principe  I'a-t-elle  conduit?  A  I'a- 
Iheisme  !  Quels  hommesa-t-il  acceples  pour  les  associer  a  son 
oeuvre?  Des  eleves  declares  de  Feuerbach  et  de  Slirner.  «  Je 
represente,  entendais-je  dire  au  past(^ur  Uhlich,  je  represente 
I'elcment  modere  et  conservateur  des  libres  communes;  mon 
role  est  de  preparer  prudemment  la  transition.  Mais  mon  col- 
legue  a  I'ardeur  de  la  jeuiiesse,  il  est  plus  pres  de  I'avenir.  s 

Ce  coUegue,  c'etait  un  autre  pastcur,  collaborateui  de 
M.  Uhlich  dans  la  direction  de  la  libre  commune  de  Magde- 
bourg.  L'avenir  dont  s'etait  deja  empare  cet  autre  pasleur,  et 
vers  lequel  il  poussait  la  loule,  cet  avenir,  quel  est-il? 

«  II  est  temps,  me  disait  a  Magdebourg  M.  Sachse,  que  Thu- 
manile  cesse  d'objectiver  les  allribuls  qui  lui  apparliennenl, 
pour  les  conceder  a  un  etre  exterieur  et  factice  qu'on  appelle 
Dieu.  II  faut  qu'elle  revienne  enfin  au  veritable  objet  de  I'ado- 
ration,  c'est-a-dire  a  elle-raeme.  » 

Nous  voici  au  centre  de  la  faction  philosophique  des  athees. 
Feuerbach  s'adressant  a  un  confrere  en  alheisme,  Stirner, 
lui  faisait  celte  admonition  :  «  II  n'y  a  pas  de  Dieu,  il  n'y  a 
que  des  perfections  de  Dieu  ;  et  ces  perfections  appartiennent 
a  rhomrae  qui  les  appelle  Dieu,  quand,  dans  I'enivrement  de 
son  eoeur,  11  oublie  que  son  cceur  lui  appartient.Vous,  Stirner, 
qui  soutenez  que  Dieu  c'est  le  neant,  vous  ^tes  encore  un 
athec  bigot;  car  le  neant,  c'est  une  definition  de  Dieu*.  »> 

1.  A  quoi  Slirner  repond  :  ^Je  suis  meilleur  athee  que  vous,  qui  pensez 


474  SECONDE  PARTIE. 

Feuerbach  peutetre  satisfait:  ses  doctrines ont  faitdii  cliemin; 
elles  sont  popiilaires  dans  les  libres  comm.unes^  et  ce  sont  des 
pasteursqui  en  sont  les  apotres. 

a  Le  chrislianisme  est  passe,  repond  an  pasteup  Saclise  la  voix 
du  pasteur  Wislieenus;  froid  et  mort,  il  ne  s'empare  plus  des 
forces  vivantes  de  IVsprit.  II  petrifie  et  paralyse  les  ames,  par- 
Ions  un  autre  langage  an  peupledevenu  majeur  *.  »  Wislieenus 
et  Sachse,  voila  quels  ont  ete  finalement  les  coliaborateurs  de 
M.  Uhlich^. 

On  se  rappelle  le  mot  de  M.  Diesterweg  :  «  Elan^ons-nous, 
et  vive  le  voyage  en  pleine  nier!  »  le  pasteur,  on  le  voit, 
s'entend  merveilleusement  avec  I'instituteur,  I'Ecole  avec 
I'Eglise  :  «Advienne  que  pourra!  » 

Sur  la  grand'plaeedeMagdebourg  on  admire  unecathedrale, 
monument  immortel  qu'eleva  la  foi  des  siecles  evanouis. 

Sortie  vivante  des  mains  du  eatholicisme,  la  catbedrale 
est  aujourd'hui  deserte  et  morte.  Une  fois  la  semaine 
elle  s'ouvre  a  quelques  rares  fideles;  et  sous  les  voutes  qui, 
depuis  Otbon  le  Grand,  abriterentla  pensee  religieuse  de  I'Al- 

Tetre  parce  que  vous  ne  croyez  pas  a  I'existence  du  sujet  divin  ;  moi,  je 
ne  crois  pas  a  I'existence  des  qualites  divines,  a  la  juslice,  a  Tamour,  a  la 
sagesse,  que  vous  vous  imaginez  voir  dansThomme.  Jene  crois  pas  davan- 
tage  a  Thomme.  L'liomme,  le  moi,  n'est  qu'un  mot.  II  n'y  a  qu'une  essence 
reelle;  c'esl  Tindividu  particulier  dans  sa  jouissance  egoiste;  o'est  tot, 
Pierre  ou  Paul.  >  J'ose  a  peine  renvoyer  le  lectenr  a  Todieux  et  pitoyable 
ouvrage  de  Feuerbach  :  Qu'est-ce  que  la  Religion? 

1.  II  y  a  un  an,  M.  Wislieenus  publia  un  livre  :  la  Bible  du  peuple,  re- 
sume d'inveclives  grossieres  contre  le  chrislianisme  ;  poursuivi  en  juslice, 
et  certain,  par  avance,  de  sa  condamnation,  il  a  prefere  Texil  en  Ameri- 
que  aux  deux  annees  de  prison  dont  il  elait  menace. 

2.  Voyez  la  revue  periodique,  Nouvelle  reforme  pour  la  conqu^te  de  la 
religion  de  r/mmamfe,  par  Wislieenus.  Decembre  1851.  «  Das  Christen- 
thum  kann  nicht  mehr  geniigen ;  kail  und  todt,  besitzt  es  nicht  mehr  die 
wirkenden  Kriifte  von  elwas  Lebendem;  es  erstarrt  und  liihral  die  Seele; 
sprechen  wir  eine  undre  Spruchc  zum  miindigen  "Volke...»  etc.,  etc. 


ROLE  DE  L  EGLISE  EVANGELIQUE.  ^  76 

lemagne,  regne  un  silence  qu'interrompent  seulement  les  pas 
des  voyageurs  et  le  cri  des  oiseaux  de  nuit  qui  se  dispiitent 
les  cliapitcaux  golhiques.  La  vie  s'est  retiree  avec  le  calho- 
licisme ;  dans  ce  corps  on  ne  sent  plus  palpiter  une  anie. 

Non  loin  de  la,  s'ouvre  le  temple,  ou,  pour  mieux  dire,  la 
maison  commune  ou,  trois  fois  la  semaine,  un  niaterialisme 
qui  ne  se  voile  pas,  convoque  aux  pieds  de  MM.  Uhlich 
et  Sachse  une  foule  compacte  et  empressee.  Et  ainsi , 
Ton  pent  toucher  du  doigt  le  resultat  des  deehirements  in- 
terieurs  de  I'Eglise  evangelique  prussienne.  Le  cycle  des 
erreurs  a  ^te  parcouru ;  une  pente  irresistible  a  dirige  le 
cours  de  la  pensee  populaire  de  la  chaire  de  Hegel  a  la  tribune 
des  pasteurs  de  Magdebourg.  La  tradition  des  ages  Chretiens 
vient  se  briser  contre  les  formules  des  amis  protesfanis;  le 
flambeau  qu'alluma  sur  I'Allemagne  le  genie  du  spiritualisme 
s'eteint  sous  le  pied  des  disciples  de  Feuerbach.  La  cathe- 
drale  est  vaincue  par  le  Gemeindehaus,  saint  Boniface  par 
M.  Sachse;  et  —  6  derision  de  la  pensee  humaine !  —  tout  le 
travail  des  siecles  aboutit  a  la  libre  commune  de  Magdebourg ' . 

Assurement,  il  serait  injuste  d'accuser  le  protestantisme 
allemand  tout  entier  decomplicite  avec  de  tels  emportements. 
La  croyance  du  grand  nombre  echappe  tout  a  la  fois  eta  la 
contagion  d'un  nihilisme  insense,  et  aux  etreintes  de  cette  or- 
thodoxie  boiteuse  reconstituee  sur  la  base  d'unesorte  de  pro- 
testantisme honleux,  par  M.  le  professeur  Hengstenberg.  Ce  ne 
sont  ni  le  docteur  Strauss,  ni  Feuerbach,  ni  Stirner  qui  don- 
nent  rimpulsion  aux  facuUes  de  theologie  de  Berlin,  de  Halle, 

1.  Depuis  que  crs  lignes  ont  ete  (^crites,  la  police  est  venue  en  aide  a 
I'Eglise  evangelique.  On  a  accuse  la  libre  commune  de  Magdebourg  d'en- 
trelenir  un  foyer  d'agitalion  politique;  et,  le  directoire  de  la  commune 
ayant,  par  suite  de  scissions  inteiieures  donne  sa  demission,  il  a  ete  en- 
joint  de  ne  plus  tolerer  les  reunions  des  Amis  protestants. 


I7G  SECOISDE  PARTIE. 

ou  de  Bonn ;  le  doux  et  pieux  Neander  est  invoque,  je  le  sais, 
par  qiielqiies  disciples  fitleles,  comme  le  jiige  dii  camp  entre 
deux  partis  egalement  absolus.  Neander  a  le  double  nierite, 
pour  beaucoup  d'csprits  nioderes,  d'un  cote  d'avoir  donne 
le  premier  signal  de  la  protestation  contre  le  panlheisme 
hegelien,  de  I'autre  d'avoir  loujours  repugne,  par  principe  et 
par  caractere,  aux  exigences  de  I'orlhodoxie  officielle;  c'est 
sous  le  drapeau  de   Neander  que  des  theologiens  lels  que 
MM.  Lucke,  Tholuck,  Muller,  Dorner  s'empressenlaujourd'hui 
de  cherelier  un  abri ;  et  tout  dernierement  le  souvenir  du  sa- 
vant amideSchleiermacher  avail  assez  de  puissance  pourcon- 
querir  la  cliaire  d'histoire  ecclesiastique  de  TUniversite  de 
Halle,  au  [irolitde  son  disciple  prefere,M.  Jacobi ;  lout  cela  est 
vrai!  mais  ce  qui  est  vrai  aussi,  c'est  que  I'Eglise  protestante 
allemande,  affaiblie  qu'elle  est  par  le  developpement  de  I'idee 
nieme  qui  la  crea,  logiqut^menteiivahie  par  des  puissances  re- 
cipi'oquement  hostiles,  n'a  plus,  en  face  de  I'anarchie  morale 
qui  se  dec  liaine,  ni  force  de  cohesion,  ni  principe  de  gouverne- 
nient.  Nel'a-l-on  pas  vue,  au  moment  m^ine  oil  le  rationalisrae 
nco  hegeiien  marc  bait  lete  levtee  a  laconqueledesesprils,  faire 
alliance  avec  les  organisateurs  des  libres  communes'?  iia-i-on 
pas  vu  quatre-vingl-six  dignitaires  de  cette  Eglise,  pasteurs, 
predicateurs,  membresdes  consisloires,  avec  deux  surinlen- 
dants  en  t^te,  nouer  une  coalition  de  tactique  avec  les  amis 
protesianis ,  et  le  premier  prc^'lat  de  la  bierarchie  evangc^lique 
donner  la  main  au  pasteur  Uhlich'  ? 

1.  En  1845,  M.  Hengstenberg ,  dans  la  Gazette  evangelique,  combat- 
tait  ceUe  coalition.  —  •  Le  beau  j^peclacie,  disait-il,  que  prepare 
cette  astucieuse  sages<e!  le  bel  ordre  avec  lequel  elle  menage  son 
triomphe!  Voyez-la  faire  :  elle  va  pousser  a  l'exlr§me  droitd  la  Ga- 
zette evangelique,  rejelee  par  un  si  grand  ecart,  en  dehors  de  touts  in- 
fluence; a  Pexlr^me  gauche,  les  rationalistes  de  Wislicenus!  au  centre, 
avec  Pexcellent  Uhlich  d'un  coie,  et  les  demi  partisans  de  I'orlhodoxie  de 
I'autre;  puis  les  paisibles  eleves  de  Schleiermacher.  Alors  arrivera  sans 


ROLE  DE  l'eGLISE  EVANGELIQUE.  ^77 

Ce  qii'est  revangelisme  en  theologie,  il  le  sera  necessaire- 
raent  sur  le  terrain  pedagogique;  s'il  laisse  I'esprit  de  critique 
envahir  le  temple,  il  ouvrira  au  scepticisme  les  portes  de 
I'eeole.  Et  ainsi,la  tradition  religieuse  et  sociale  sera  viciee 
dans  sa  double  source. 

Je  ne  parte  pas  ici  de  I'enseigneraent  donne,  dans  cer- 
taines  ecoles  populaires,  sous  I'inspiration  de  ce  groupe  de 
pasteurs  qui,  ouvertement  ou  in  petto,  conspirent,  au  nora 
de  I'evangelisme,  centre I'autorite morale  de  I'idee  chretienne; 
et  declarent  sansfa^on  que  la  christologie  tout  entiere  est  a 
transformer^.  Je  laisse  la  ces  extremes ;  je  me  place  au  sein  de 
ce  clerge  qui  est  sorti  des  mains  des  professeurs  de  theologie 
les  plus  renommes,  il  y  a  quinze  ans,  Eiclihorn,  Staudlin, 
Wegscheider ;  je  prends  pour  type  un  homme  dont  I'influence 
pedagogique  a  ete  considerable,  et  qui,  au  litre  de  pasteur,  a 
joint  les  fonctionsde  directeur  d'ecole  normale,  de  conseiller 
scolaireet  de  conseiller  consislorial,  Frederic  Dinter.  Qu'etait 
le  christianisme  de  Dinter?  une  doctrine  depouillee  du  carac- 
teresurnaturel,  la  doctrine  du  hienfaiteur  le  plus  illustre  del'hu- 
manite  2,  en  somme,  le  rationalisme  de  Reimarus,  a  peu  de  chose 
pres.  Toute  une  generation  de  pasteurs  et  d'instituteurs  a  ete 
form^e  al'image  de  Frederic  Dinter.  Quand  parurentles  amis 
de  lalumiere rejetant  lesmiracles  de  I'Evangile  au  rang  des  pro- 
diges  du  Goran;  quand  la  faction  audacieuse  qui  se  ralliait 
autour  des  Annales  de  Halle,  vint  rajeunir,  pour  les  imagina- 
tions allemandes,  sous  la  phraseologie  de  Feuerbach,  les  theo- 
ries d'Helvetius  et  de  d'Holbach,  lenerf  de  la  resistance  etait 

doute  le  regne  de  Dieu  :  les  loups  et  les  brebis,  les  chevreaux  et  les  pan- 
theres  habileront  joyeusement  ensemble.  •  Voyez  aussi,  a  ce  sujet,  deux 
lettres  de  M.  de  Stahl. 

1.  Die.  neue  Reform,  etc.,  passim. 

2,  Voy.,  Reden  an  kiinftige  Lehrer,  III,  213.  —  Partout,  dans  ses  ser- 
mons et  explications  de  rficriture,  Dinter  reste  a  ce  point  de  vue,  et 
soumet  rficrilure  au  controle  de  la  critique. 

12 


■1  78  SECONDE  PARTIE. 

brise ;  la  digue  livrait  desormais  passage  aux  flots  destructeurs 
du  pantheisrae  hegelien. 

Et  maintenant,  nous  le  deraandons,  I'Etat  a-t-il  pu  et  peut-il 
compter  sur  une  telle  Eglise  ,  pour  le  suppleer  dans  son 
ceuvre  de  reconstruction  on  siraplement  de  conservation 
sociale?  II  s'etait  efforce  de  I'associer,  sur  le  terrain  de  I'edu- 
cation,  a  une  tache  commune,  avec  quelle  persistance,  on  le 
sait  :  I'Eglise  protestante  d'Allemagne  a  officiellement  accepte 
cette  alliance;  mais  elle  en  a  detruit  les  effets,  en  en  dena- 
turant  les  conditions.  L'Etat  voyait  dans  le  corps  ecclesias- 
tique  un  allie  que  lui  creait  la  nature  meme  des  choses ;  il 
y  a  trouve  sinon  un  adversaire,  du  moins  un  auxiliaire  sans 
vertu  propre,  et  qu'il  lui  a  fallu  proteger,  bien  loin  d'en 
etre  defendu  :  qu'on  ne  s'etonne  done  pas,  si  la  direction  de 
I'Eglise  protestante  allemande  appartient,  de  fait,  non  a  I'E- 
glise meme,  mais  a  I'Etat;  si  I'Etat  lui  fait  sentir  le  frein,  et 
semble  assumer,  a  sa  place,  la  responsabilite  du  gouver- 
nement  des  ames.  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  I'autorite 
spirituelle,  au-dela  du  Rhin,  est  convaincue  d'impuissance,  et 
gourmandee  par  le  pouvoir  civil  :  «  Le  monarque,  disait 
Frederic-Guillaume  II  en  publiant  I'edit  de  religion  de  1788, 
le  monarque  a  vu  avec  douleur  que  beaucoup  de  ministres  de 
TEglise  s'arrogeaient  une  licence  effrenee  dans  leur  ensei- 
gnement  confessionnel,  qu'ils  rechauffaient  et  repandaient 
les  erreurs  des  Sociniens,  Deistes,  Naturalistes  et  autres 
sectes  semblables.  Or  le  premier  devoir  d'un  prince  chretien, 
e'est  de  raaintenir  la  purete  de  la  religion  suivant  la  lettre 
de  la  Bible.  »  Cinquante  ans  plus  tard,  le  gouverneraent  prus- 
sien  ne  craignait  pas  de  declarer  par  la  bouche  du  ministre  dos 
cultes* :  « que  le  temps  etait  arrive  de  maintenir  les  croyances 

1.  M.  Eichhorn. 


ROLE  DE  l'eGLISE  EVANGELIQUE.  -179 

par  des  moyens  energiques.  »  (Triste  resssource,  en  verite! )  Et, 
au  meme  moment,  le  roi  de  Saxe,  dans  son  discours  d'ouverture 
des  ehambres,laissait  entendre  ces  paroles:  «Les  troubles  qui  se 
produisent^menacentdedepassertoute  mesure.  Vous  m'aide- 
rez  a  preserver  i'Eglise  de  cet  ebranlement;  je  dois  empecher 
que les  piliersde I'Etat, les  londements  de Texistence  humaine, 
la  religion  et  la  foi  s'affaissent  et  s'ecroulent.  »  Aujourd'hui 
meme ,  n'est  -  ce  point  I'autorite  civile  qui ,  dans  la  lutte 
conlre   I'atheisme  des  libres  communes  2,   se  substitue  au 
Conseil  superieur  ecclesiastique,  et  s'empare,  au  nom  de  la 
politique,  du  role  assigne  a  I'autorite  doctrinale?  Si  les  tem- 
ples des  amis  de  la  lumiere  ne  resolvent  ])lus,  a  I'heurc  qu'il 
est,  les  populations  egarees,  ce  n'est  pas  Tenseignement  de 
FEglise  qui  en  a  eloigne  les  sectaires  en  conquerant  leurs 
esprits,  e'est  la  main  de  I'Etat  qui  en  a  ferme  les  portes  s. 

De  quel    droit  ,   I'Etat  fait-il  lapolice  des   cboses   reli- 
gieuses'',  et,  au  milieu  des  oscillations  de  la  foi  protestante, 

1.  L'agitation  suscitee  par  les  Annales  hegeliennes  de  Halle. 

2.  Voyez  les  discussions  de  la  premiere  chambre,  15  mars  1852  ;  dis- 
cours du  ministre  de  Tinlerieur  et  du  ministre  de  rinstruction  publique. 
"Laissez,  disait  M.  de  Raumer,  laissez  la  jeune  generation  grandir  dans 
ces  principes  et  sans  croyanceen  Dieu  {ohne  den  Glauben  an  Gott),  vous 
ne  tarderez  pas  a  en  recueillir  les  fruits. » 

3.  Circulaire  du  29  septembre  1851  a  tous  les  presidents  de  provinces, 
pour  les  engager  a  agir  centre  les  libres  communes  :  «...  1st  aber  flip 
die  Staatsregierung  die  unabweisbare  Pflicht  erwachsen,  denselben  mit 
alien  gesetzlichen  Milteln  entgegen  zu  treten.- 

4o  •  Pour  peu  qu'on  se  represente  fidelement  I'etat  vrai  des  opinions  re- 
ligieuses  dans  la  grande  majorite  du  clerge  protestant  de  la  Prusse,  on 
voit  tout  de  suite  combien  les  croyances  different  aujourd'hui  des  sym- 
boles  reconnus  a  la  paix  de  Westphalie.  Or,  ce  sont  ces  symboles  quo 
r^ditdu  30  mars  1847  (I'edit  de  Tolerance  dont  nous  avous  parle),  erige 
en  criterium  supreme  pour  rejeter  quiconque  ne  les  admet  pas,  du  sein 
des  figlises  etablies,  approuvees  et  salariees  par  le  gouvernement ;  c'est- 
a  dire  que,  I'orthodoxie  prussienne  etant,  en  somme,  une  question  de  majo- 
rite (ce  qui  est  la  seule  base  possible  de  toute  orthodoxie  protestante), 
une  minority  assise  dans  les  consistoires  par  un  pouvoir  purement  lai'que 


180  SECONDE  PARTIE. 

adopte-t-il,  selon  le  reproche  adresse  par  les  dissidents, 
xme  formule  qui  le  cree  pape?  La  n'est  pas  la  question ;  au 
besoin,  il  invoquerait  pour  excuse  cette  justification  des 
.  droits  mal  etablis,  la  necessite.  Quoi  qu'il  en  soit,  I'Etat  de- 
mandait  a  I'Eglise,  dans  I'ordre  doctrinal,  «  un  point  fixe 
qui  fut  en  meme  temps  un  point  d'appui  et  un  point  d'ar- 
ret* ;  »  I'Eglise  allemande  ne  luiapresente  que  le  vide.  Au  lieu 
d'etre  un  element  conservateur,  elle  a  ete  presque  partout  un 
principe  de  dissolution ;  loin  qu'ell  e  fortifiat  I'Etat,  I'Etat  s'est 
afiaibli  a  son  contact;  et  si  cette  Eglise,  aujourd'hui  encore, 
semblese  survivre  a  elle-m^me,  elle  doit  cette  vie  factice  a 
I'interventioncontre  nature  d'unpouvoiretranger,pouvoirqui 
la  subjugue  en  la  protegeant,  et  ne  la  soutient  qu'a  la  con- 
dition de  I'absorber. 

impose  neanmoins  les  formula! res  de  1648  a  cette  masse  ardente  porlee 
dans  de  plus  larges  sentiers.  Le  concile  diplomatique  de  1648  doit  done 
faire  date  pour  les  questions  de  dogme  comme  pour  les  questions  de  po- 
litique ;  mais,  tandis  que  I'histoire  a  deja  deux  ou  trois  fois  bouleverse 
la  politique  decreleepar  lesnegociateursdudix-septieme  siecle,  la  stricte 
devotion  de  ces  pieux  evangelistes  nes,  eux-m6mes,  il  a  quelque  vingt 
ans,nereconnaitd'£glise  normale  que  les  figlisesconforniesauxprincipes 
religieux  des  doctes  Peres  de  Munster  et  d'Osnabruck.  •  (M.  Alexandre 
Thomas,  Revue  des  Deux-Mondes). 
1.  M.  Guizot. 


CHAPITRE  TROISIEME. 


RULE  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE. 

«  Notre  ^glise,  me  disait  h  Berlin  iin  horame  considerable, 
est  line  mineure  qui  ne  peut  jamais  etre  eraancipee.  II  lui  faiit 
un  tuteur  qui  la  dirige,  la  surveille  et,  au  besoin,  la  chatie.  » 

Cette  parole  es  t  comme  le  resume  des  fails  qui  ont  ete  exposes 
dans  le  precedent  chapitre. 

On  salt  maintenant  jusqu  a  quel  point  et  dans  quelles  11- 
mites,  I'Etat,  au  dela  du  Rhin,  dans  les  pays  protestants,  peut 
compter  sur  I'Eglise  pour  le  seconder  dans  I'oeuvre  de  I'edu- 
cation  populaire  ;  on  peut  mesurer  la  part  de  responsabilite 
qui  revient  a  cette  derniere  dans  I'insurrection  morale  que 
nous  avons  vue  se  developper  au  sein  de  I'ecole. 

Certes,  c'est  une  situation  perilleuse,  pour  une  societe,  que 
celle  qui  lui  est  faite  par  la  complicite  de  I'autorite  spirituellc 
avec  I'esprit  de  negation.  A  la  considerer  dans  son  role 
social,  et  independamment  de  toute  question  dogmatique, 
qu'est-ce  que  VEglise'>  le  point  d'appui  pour  la  resistance,  le 
pouvoir  moderateur  par  excellence  vis  a  vis  des  passions 
revolutionnaires.  Que  ce  point  d'appui  vienne  a  manquer, 
I'equilibre  des  forces  sociales  est  rompu. 

Que  si  Ton  envisage  les  consequences  de  ce  fait  dans 
le  domaine  de  i'education  publique  ,  on  verra  que  le 
rcssort  le  plus  energiquc  de  la  discipline  morale  est  brise, 
et  que  I'idee  du  gouvcrnement  des  ames  est  viciee  dans 
son  principe  esscnticl.  «  Ghassez  le  dogmatisme  de  I'ecole, 


182  SECONDE  PARTIE. 

s'ecriait-on  au  parlement  de  Francfort;  il  nous  faut  une  gene- 
ration qui  ne  subisse  pas  plus  I'influence  de  I'Eglise,  qu'elle 
ne  subit  I'influence  de  I'Etat...  Que  les  ecoles  ne  pretendent 
point  diriger  I'enfant ;  qu'elles  le  laissent  aller  la  oii  I'entraine 
le  souffle  de  vie  qu'il  sent  palpiter  dans  son  arae  ^ !  » 

Je  doute  que  tel  soit  le  role  que  I'Etat  pretende  assigner  a 
Tecole. 

A  cote  de  I'Eglise,  il  est  une  puissance  qui,  dans  le  domaine 
de  I'enseignemenl,  aspire  a  la  direction  dcs  esprits;  qui,  au 
dela  du  Rliin,  plus  specialement  qu'ailleurs,  est  le  second  auxi- 
liaire  de  I'Etat  dans  Toeuvre  de  I'education  publique ;  e'est 
eette  science  qui  recherche  les  lois  d'apres  lesquelles  s'ac- 
complit  le  developpement  de  Y27idividu,-  qui,  en  Allemagne 
singulierement,  serattache  ala  philosophic  generate,  pour  hii 
eraprunter  son  point  de  depart  et  sa  methode,  je  veux  parler 
de  la  Science  pedagogique. 

Nous  avons  expose,  dans  le  premier  chapitre  de  cetouvrage, 
les  principes  qui,  jusqu'a  la  fin  du  dix-huitieme  siecle,  presi- 
derent,  dans  1' Allemagne  protestante  comme  dansl'Allemagne 
catholique,  a  la  marche  de  Tenseigneraent  popiilaire. 

Ces  principes,  dans  les  pays  catholiques  d'outre-Rhin,  n'ont 
pas  cesse  de  constituer  la  base  de  I'edifice  scolaire ;  dans  ces 
contrees,  le  filon  pedagogique  de  I'epoquc  anterieure  se  pro- 
longe  plus  ou  moins  profondement  en  plein  terrain  classiqiie 
du  dix-neuvierae  siecle.  Qu'on  visite  les  ecoles  primaires  des 
provinces  rhenanes,  de  laWestphalie,  dela  Hesse  meridionale, 
de  la  Silesie;  qu'on  etudie  les  ecoles  norraales  de  Kempen,  de 
Briilh,  de  Fulda,  de  Breslau,  on  y  trouvera  I'enseignement 
de  I'horame  qui  semble  le  resume  vivant  de  la  periode  ou 
I'ecole,  simple  annexe  de  I'Eglise,  etait  I'instrument  de  la 

1,  F.  le  discours  de  M.  Paur  (de  Neisse),  rapporteur  du  comite  des 
ecoles. 


ROLE  DE  LA  SCIENCE  I'EDAGOGIQL'E.  >l  85 

pensee  religieuse;  on  y  trouvera  les  inspirations  d'Overberg*. 
Deux  mots  resument  la  vie  scolaire  d'Overherg  :  humilite, 
devoiiement.  Lorsque  le  conite  de  Furstemberg,  cet  horame 
d'Etat  qui  s'honorait  de  mettre  au  rang  de  ses  premiers  de- 
voirs le  soin  de  1' education  populaire,  appela  le  vicaire  d'E- 
verswinkel  a  I'ecole  normale  d'instituteurs  de  Miinster,  on 
laissa  le  nouveau  directeur  fixer  lui-merae  son  traitement.  11 
se  donna  200  thalers  (750  fr. ). 

Overberg  ne  se  borna  pas  a  etre  le  maitre  de  jeunes  insti- 
tuteurs.  L'auteur  de  tant  d'ouvrages  demeures  celebres,  dela 
Meihode  d'enseignement,  de  YHistoire  de  la  Bible ^  du  Manuehle 
Religion, se  fitle  conseillerintime  etl'amides  aneiensmagisters 
de  la  province.  Chaque  annee,  pendant  les  vacances,  tous  les 
jours,  de  neuf  beures  a  midi  et  de  deux  heures  a  cinq  heures, 
il  avait  la  patience  d'eclairer  la  routine  inveteree  de  ces  vieux 
maitres,  par  des  lemons  de  religion,  de  calcul  et  de  gram- 
maire.  En  meme  temps,  il  jetait  les  fondemcnts  d'une  ecole 
normale  d'institutriccs^,  en  provoquant  la  vocation  de  jeunes 
filles  auxquelles  il  faisait  un  coiirs  special  de  pedagogic.  Et 
voici  sous  I'influence  de  quels  sentiments  Overberg  se  presen- 
tait  aux  eleves,  pour  dispenser  renseigneraent. 

«  Ce  matin,  dit-il,  dans  le  journal  ou  se  reflete  sa  vie,  j'ai 

1.  Cuvier,  dans  le  rapport  presente  a  I'empereur,  en  1810,  sur  Vln- 
struction  publique  dans  les  nouveaux  departements  de  la  basse  Allemagne, 
s'exprimait  ainsi :  "Les  ecoles,  presque  loutes  annexees  aux  eglises,  sont 
surveillees  par  les  pasteurs.  On  y  enseigne  a  lire,  a  ecrire,  a  compter,  et 
la  religion.  Dans  celles  des  villes  on  va  plus  loin.  Les  maitres  et  mattresses 
sont  obliges  de  se  rendre,  tous  les  automnes  ,  a  une  ecole  normale  oii 
Ton  perfeclionne  leur  instruction,  et  ou  Ton  s'assure  qu'ils  se  mainliennent 
dans  leurs  connaissances,  et  qu'ils  mettent  en  pratique  les  methodes  dont 
lis  ont  ete  imbus.  Cette  ecole  normale  est  tenue  a  Munster  par  un  eccle- 
siastique  respectable,  nomme  M.  Overberg,  auteur  d'ouvrages  interes- 
sants  sur  I'cducation. » 

2.  V.  troisiemo  parlie,  chap.  IV. 


184  SECOiNDE  TARTIE. 

donne  ma  le^on  sans  I'avoir  convenablGment  preparee.  Aide- 
moi ,  6  mon  Dieu ,  pour  que  je  n'aie  plus  a  m'adresser  ce  re- 
proche.  C'est  une  illusion  de  se  dire  a  soi-meme  :  Sois  tran- 
quille,  tu  es  maitre  de  ton  sujet.  Le  manque  de  preparation 
entraine  beaucoup  de  fautes ;  aide-moi ,  Seigneur,  pour  que 
j'imite  de  mon  mieux,  dans  mon  enseignement,  la  maniere 
divinement  simple,  courte  et  saisissable  de  ton  bien-aime  fits. 
Quejemedemandetoujoursavantla  le^on  :  Est-elle  necessaire? 
cst-elle  a  la  portee  des  auditeurs?  est-elle  presenteraent  la  plus 
profitable?  » 

Tel  etait  Overberg ;  et  tcl  est ,  en  mc^me  temps,  le  type  de 
I'instituteur  nourri  des  principes  pulses  a  la  source  de  la  tra- 
dition. Or,  I'csprit  d'Overberg  ne  s'est  pas  retire  des  etablis- 
sements  qu'il  a  crees ;  il  ne  cesse  point  d'animer  les  amis  de 
reducation  que,  dans  les  differentes  parties  de  I'Allemagne 
catholique,  dirige  encore  le  souvenir  du  maitre, 

Overberg  n'a  point  eu  la  pretention  de  creer  un  systeme. 
Pour  lui,  le  point  de  depart  est  fixe  d'avance,  et  la  base  de  son 
enseignement  pedagogique  est  posee  par  une  main  plus  forte 
que  la  main  de  riiomme'.  Ce  point  de  depart,  c'est  la  verite 
revel^e;  cette  base,  c'est  I'autorite  religieuse  invoquee  avec 
amour,  acceptee  sans  discussion.  La  tradition,  pour  lui,  se 
manifeste  par  trois  interpretes,  I'Eglise,  la  Famille,  la  Com- 
mune :  TEglise,  persouuification  et  gardienne  de  la  loi  mo- 
rale; la  Famille,  sancluaire  oii  Tame  de  Tenfant  s'abrite  contre 
les  atteintes  du  dehors;  la  Commune,  theatre  modestesur  le- 
quel  doivent  se  developper  les  facultes  du  jeune  homme,  pa- 

1.  V.  les  oeuvres  d'Overberg,  passim,  specialement  le  manuel  intitule : 
Anweisung  zum  zivcckmassigen  Schulunterricht  fur  die  Schullehrer  : 
«...  0  wenn  ihr  alle  mit  vereinigton  Kraften  das  thiitet,  was  ihr  Ihun 
iniisstet  und  konnlet,  wie  viel  gliicklicher  wiirden  viele  Menschen  im 
Leben  und  im  Tode  sein ! »  (Cli.  l*^"",  de  la  necessite  de  Vinstruction.) 


ROLE  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE.  ^  85 

trie  au  seio  et  au  profit  de  laquelle  il  faut  s'efforcer  de  con- 
centrer  I'activite  comme  les  affections  de  I'liomme  fait. 

La  pedagogic  protestante a presentedesgaranties  analogues, 
tant  que,  reagissant  contre  les  consequences  logiques  de  la 
revolution  religieuse  du  seizicme  siecle,  elle  s'est  appuyee  sur 
la  base  du  dogme  chretien  :  en  regard  de  la  statue  d'Overberg, 
11  faut  clever  celle  de  Francke. 

Apres  la  creation  des  celebres  etablissements  de  Halle,  des 
disciples  fideles  s'efforcerent  de  developper,  dans  toutes  les 
parties  del'Aliemagne.lesprincipes  pedagogiques  de  Francke. 
Le  comte  de  Zinzendorf  fondait  ses  instituts  de  Neuwied, 
de  Niesky,  de  Hennersdorf,  etc.,  sur  la  base  d'une  sorte  de  py- 
thagorisrae  chretien ;  et  Lange,  a  Berlin;  Rambach,  a  lena  et 
a  Giessen;  Sarganech,  a  Neustadt;  Steinmetz  a  Kloster-Cer- 
gen,  etc.,  s'honoraient  de  porter  hautetferme  le  drapeau  du 
pietisme  intelligent  de  leur  maitre.  Les  idees  fondaraentales 
de  I'ecole  de  Francke  peuvent  se  resumer  ainsi  *  : 

L'education  est  la  penetration  de  Tame  par  la  foi  chre- 
tienne;  la  verite  revelee  en  est,  a  la  fois  ,  le  point  de  depart 
et  le  but. 

Tout  enfant porte  ensoi  un  germede  corruption.  Lesfacultes 
qui  se  developpent  en  lui  sont  viciees  dans  leur  source.  II  ne 
s'agit  done  pas  seulement  de  quelques  ameliorations  de  detail, 
mais  d'une  regeneration  de  la  nature  elle-meme.  Le  christia- 
nisme  tout  entier  n'est  autre  chose  que  la  doctrine  de  la  re- 
habilitation. 

En  dehors  de  la  direction  imprimee  par  la  pensee  chre- 
tienne,  le  developpement  des  facultes  est  plein  de  perils.  II 


1.   V.  Touvrage  de  Francke  :  Unterricht,  Kinder  zur  GoUscUglcit  und 
Klugheit  anzuleiten;  v.  aussi  Niemeycr,  2*^  p. ,  et  Schwarz. 


-18G  SECONDE  PARTIE. 

conduit  a  I'erreur  et  non  a  la  verite.  L'instruction  religieuse 
est  done  la  grande  affaire;  et  il  s'agit  pour  I'instituteur  de 
former  tout  ensemble  et  le  citoyen  et  le  chretien^. 

L'instituteur  a  done  a  remplir  un  double  devoir,  vis-a-vis  de 
I'individu  qu'il  eleve ,  vis-a-vis  de  la  societe  dont  il  forme  les 
membres.  Dans  une  certaine  mesure,  il  est  responsable,  a  re- 
gard du  premier,  de  sa  deslinee  eternelle;  a  I'egard  de  la  se- 
conde,  de  sa  securite,  securite  dont  il  prepare  les  elements. 

De  la  la  dignite  des  fonctions  de  l'instituteur ;  de  la  le  res- 
pect pour  les  intelligences  qui  lui  sont  conliees ;  de  la  ce  sen- 
timent profondd'une  tache  qui  s'eleve,  dans  Fame  du  maitre, 
a  la  hauteur  d'une  mission  sacree. 

Le  caractere  saillant  de  la  pedagogie  dont  on  parle,  peda- 
gogic catholique  ou  pedagogie  protestante,  est,  on  le  voit,  de 
s'appuyer  sur  la  religion,  c'est-a-dire,  independamment  de 
toute  appreciation  dogmatique,  sur  une  idee  fixe,  immobile, 
generate,  non  soumise  aux  oscillations  de  la  pensee  indivi- 
duelle,  abritee  contre  les  revolutions,  qui,  par  la  force  meme 
des  choses,  eclatent  dans  le  domaine  des  theories  scientifiques 
et  des  systeraes. 

Or ,  qu'on  le  remarque ,  I'education  etant  le  lien  par 
lequel  la  generation  qui  s'eleve  se  rattache  a  la  generation 
qu'elle  va  remplacer;  le  but  qui  lui  est  assigne,  etant,  con- 
sequemment,  de  preserver  la  tradition  morale  que  la  pre- 
miere doit  recevoir  des  mains  de  la  seconde,  pour  en  trans- 
mettre  elle-raeme  fidelement  le  depot ;  moins  le  principe  de 
I'education  sera  livre  aux  vicissitudes  de  la  controverse,  plus 
la  tradition  elle-merae  sera  respectee,  plus  les  interets  per- 
manents  de  la  societe  seront  consacres  dans  la  raison  comme 
dans  le  respect  de  tous. 

Cette  reflexion  suflit  a  demontrer ,  ce  nous  semble ,  a 

1 .  «  Auch  isl  nur  der  wahrhaft  fromme  Mensch  ein  guter  Burger  der 
Gesellschaft.  • 


ROLE  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE.  ^  87 

quel  point  il  importe  que  la  pensee  religieuse  constitue  le 
fonderaent  de  I'edueatioii  cliez  un  peuple. 

Quand  Teducation  cesse  de  s'appuyer  sur  cette  idee  uni- 
verselle  et  fixe  qu'on  appelle  une  religion  ,  le  sort  des 
generations  est  expose  par  la  raeme  a  des  chances  peril- 
leuses;  il  n'est  pas  necessairement  compromis,  mais  je  dis 
qu'il  est  menac6.  La  revolution  pent  n'etre  pas  encore  dans 
les  faits,  mais,  ce  qui  est  plus,  elle  prend  possession  des  idees. 
Rousseau  a  ecrit :  «  Sitot  que  1' education  est  un  art,  il  est 
presque  impossible  qu'elle  reussisse*.  »  II  serait  plus  juste  de 
dire  :  «  Sitot  que  I'education  est  un  systeme,  il  est  presque 
necessaire  qu'elle  s'egare.  » 

Voyons  comment  les  mailres  de  la  pedagogie  moderne,  au 
dela  du  Rhin,  ont  compris  la  mission  de  la  science  dout  ils 
portaient  le  drapeau.  L'etude  de  I'etat  moral  de  I'instruction 
popuiaire  nous  a  montre  clairement,  trop  clairement,  on  le 
salt,  le  point  auquel  sont  arrives  lesnovateurs.  Cherchons  quel 
chemin  les  a  conduits  au  resultat  que  nous  avons  du  consta- 
ter ;  indiquons  avant  tout  quel  a  ete  leur  point  de  depart. 

L'homme  est  perfectible,  disaitla  pedagogic  ancienne  avec 
le  christianisme  lui-meme;  et  c'est  pourquoi ,  il  importe  de 
developper  ses  facultes,  c'est-a-dire  les  germes  deposes  par 
Dieu  au  sein  de  Fame,  et  de  mettre  en  jeu  tous  les  ressorts 
de  cette  puissance  qui  estsagloire,  a  savoir  sa  liberie.  L'homme 
est  un  etre  sociable ,  et  c'est  pourquoi  il  doit  etre  initie  des 
son  enfance  a  cet  ensemble  de  sentiments,  d'idees,  d'interets 
qui  constituent  le  patrimoine  de  la  societe.  Enfm,  ajoutaient  a 
la  fois  et  le  christianisme  et  la  pedagogie,  I'honime  est  un 
etre  dechu,  et  c'est  pourquoi  il  est  necessaire  de  le  relever, 
en  ouvrantson  ame  a  Taction  de  la  grace  divine,  a  la  hauteur 
de  sa  destinee  eternelle. 

1.  Emile,  1.  !•"•. 


^SS  SECOiNDE  P ARTIE. 

« II  n'y  a  pas  de  perversity  originelle  dans  le  coeur  humain , » 
s'ecrie  Rousseau;  par  celte  seule  affirmation,  le  point  de  de- 
part de  la  science  pedagogique  est  change.  L'instituteur  n'a 
plus  a  relever  la  nature  de  I'enfant,  mais  simpleraent  a  la  de- 
velopper;  sa  tache  n'est  plusun  combat  contre  des  inclinations 
qu'il  faut  dlriger,  mais  la  culture  facile  de  facultes  qui  se  re- 
velent.  L'education  n'a  point  pour  but  le  redressement,  mais 
I'eraancipation  ^. 

De  la,  dans  le  domaine  des  fails  gen^raux,  des  consequences 
qu'il  est  aise  de  deduire  :  comme  le  but  assigne  a  la  marche 
d'une  societe  ne  saurait  etre  different  du  but  propose  a  cha- 
cun  de  ses  membres,  la  pensee  qui  preside  au  gouvernement 
intime  des  individus  devient  le  principe  generateur  des  phe- 
nomenes  de  I'ordre  social.  Pour  la  nation  comme  pour  cha- 
que  ciloyen,  ce  n'est  plus  I'idee  de  la  tradition  qui  est  la  regie, 
c'est  le  besoin  de  \ emancipation  qui  est  la  loi.  Et  dans  le  prin- 
cipe pose  par  Rousseau,  est  contenue,  par  avance,  la  theorie 
iiisiirrectionnelle  dont  nous  avons  trouve  I'eclatante  ex- 
pression dans  les  debats  passionnes  du  parlement  de  Franc- 
fort. 

Deja    Basedow    rattache   ses   doctrines    pedagogiques    a 

1.  M.  Saint-Marc  Girardin  a  expos6  ces  deux  points  de  vue,  en 
comparant  la  theorie  de  Rousseau  et  celle  de  madame  Necker-Saus- 
sure  :  «  Rousseau  croit  que  I'homme  est  bon  primitivement ,  et  que  la 
societe  seule  I'a  gSte;  madame  Necker  croit,  selon  la  religion  chretienne, 
que  I'homme  est  ne  dispose  au  mal,  et  que  la  nature  humaine,  pervertie 
par  le  peche  originel,  a  besoin  d'etre  redressee  par  la  regie  religieuse  et 
morale.  De  la  suit  que  Rousseau  croit  que  la  meilleure  education  est 
celle  qui,  ne  faisant  rien  ou  presque  rien,  et  laissant  I'homme  se  deve- 
lopper  lui-meme,  le  laisse  le  plus  pres  possible  de  la  nature,  c'est-a-dire 
du  bien  primilif.  Point  d'instruction  religieuse,  point  d'instruction  mo- 
rale, sinon  le  plus  tard  possible...  Madame  Necker-Saussure,  au  contr  aire 
croyant  a  la  corruptibilite  originelle  de  la  nature  humaine ,  pense  que 
l'education  morale  et  religieuse  ne  peut  pas  commencer  trop  tot.  » 
/.-/.  R  ousseau,  sa  vie  et  ses  ouvrages.) 


ROLE  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQCE.  i  80 

I'axiome  fontlamental  de  Rousseau  :  Tenfant  nait  bon;  I'essen- 
tiel,  c'est  de  laisser  s'epanouir  ses  facultes  et  se  nianifester 
ses  instincts.  Suivez  la  nature;  ses  lois  sont  infaillibles.  Des 
lors,  Taction  habiluelle  de  Dieu  sur  la  vie  huraaine,  action 
constante  et  soutenue  qui  est  le  fondement  de  la  pedagogic 
chretienne,  tend  a  s'effacer  peu  a  pen.  Qu'est-ce  que  le  cliris- 
tianisme  ?  La  rehabilitation  de  la  nature  huraaine  par 
I'intervention  divine.  Le  christianisme  ne  jouera  done 
qu'un  role  essentiellement  negatif  dans  le  nouveau  syslemo 
d'education  presente  a  TAllemagne  avec  quelque  fracas*.  «  Je 
suis  Chretien,  dit  Basedow,  sans  etre  attache  a  aucune  eglise 
particuliere...  Mon  plan  d'education  est  egalement  adapte  a 
I'usage  des  catholiques,  des  grecs,  des  protestants,  des  juifs, 
ou  meme  de  ceux  qui  n'admettent  aucune  revelation.  »  Ft  sur 
le  frontispice  du  livre  on  voit  briller  cette  dedicace  :  «  Aux 
adorateurs  de  Dieu,  quelque  religion  qu'ils  professent.  » 

En  commengant  son  entreprise  pedagogique,  Basedow  n'a- 
vait  qu'un  mot  pour  devise  :  phUanthropie.  Avec  une  nai- 
vete a  laquelle  line  bonne  foi  d'apolre  novice  n'enleve  pas  une 
certaine  teinte  de  ridicule,  il  avait  fait  appel,  pour  la  publi- 
cation du  lime  elemeniaire  (Elenientar  werck),  aux  amis  du 
genre  humain\  et  il  avait  reclame,  pour  mener  a  bien  la  crea- 
tion de  son  etablissementfondaraental,  le  Philanihropinum,  les 
deniers  de  ces  memes  amis  du  genre  humain.  Philanthropic, 
genre  humain,  grands  mots!  mots  feconds,  quand  le  senti- 
ment qu'ils  expriment  est  soutenu  par  un  sentiment  superieur 
qui  en  est  le  principe  et  la  regie  :  la  charite. 


1 .  Une  souscr iption  ouverte  dans  toute  I'Allemagne,  et  a  laquelle  prirent 
part  des  princes  et  des  rois,  produisit  des  sommes  considerables.  L'En- 
cyclop6die  elementaire  pompeusement  annonc^e  pariit  a  Dessau  (1774)  en 
Irois  langues  a  la  fois. 

En  m^me  temps  fut  ouvert,  pour  appliquer  les  doctrines  du  livre,  le 
pensionnat  philanthropique  qui  ne  vecut  pas  plus  de  dix  ans. 


^90  SECOINDE  PARTIE. 

Certcs,  je  suis  de  I'avis  de  Rousseau  :  «  La  vocation  com- 
mune est  I'etat  d'homme...  Vivre,  est  le  metier  que  je  veux 
apprendre  a  mon  eleve.  II  sera  premierement  homme.  »  Mais, 
precisement,  depuis  le  christianisme,  I'Jiorame  peut-il  etre 
veritablement  homme  s'il  n'est  pas  Chretien?  Un  chretien! 
c'etait  le  type  que  se  proposait  la  pedagogie  de  I'epoque  anle- 
rieure.  L'ideal  que  poursuit  Tecole  philanthropique,c'estune 
sorte  de  compose  des  attributs  empruntes  aux  diverses  civili- 
sations dont  est  formee  la  grande  civilisation  europeenne ; 
c'est,  comme  dit  expressement  Basedow;  YEuropeen^.  Cette 
civilisation  qui  I'a  faite?  le  christianisme.  Or,  Basedow  n'a 
Dul  souci  du  christianisme.  II  accepte  les  fruits,  mais  il  re- 
jette  les  racines;  il  invoque  Teffet,  mais  il  dedaigne  la  cause. 
Vue  etroite  et  sans  profondeur,  qui  assigne  une  valeur  iden- 
tique  a  des  fails  d'une  portee  essentiellement  diverse ;  qui 
meconnait  le  principe  meme  du  perfectionnement  individuel 
et  du  progres  moral  de  nos  societes;  qui,  sans  tenir  corapte 
de  la  difference  des  doctrines  dont  le  regne  a  determine  les 
developpcraents  successifs  de  I'esprit  humain,  se  reduit  a 
placer  sur  le  meme  rang  Jesus-Christ,  Mahomet  et  Rousseau  2. 

1.  •  Der  Zweck  der  Erziehung  muss  sein  einen  Europaer  zu  bilden, 
dessen  Leben  so  unschadlich ,  se  gemeinnlitsig  und  so  zufrieden  sein 
moge ,  als  es  durch  die  Erziehung  veranstaltet  warden  kann. »  {Ar- 
chiv.,  s.  16.) 

2.  Wird  rait  keinem  Worte  und  keiner  That  etwas  geschehen,  was  nicht 
von  jedem  Gottesverehrer ,  er  sei  Christ,  Jude,  Mohamedaner  oder 
Deist,  gebilligt  werden  muss.  »  [Archw.,  s.  63.) 

Les  livres  de  Tficole  philanthropique  ne  doivent  jamais  rien  contenir 
qui  puisse  6tre  rejete  par  un  juif  ou  un  maliomStan  ou  un  d^istc.  {Ibid.; 
V.  aussi  une  lettre  de  Basedow  a  Campe,  citee  par  Raumer,  Geschi  hte- 
der  Pcldagogick,  p.  273.) 


ROLE  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE.  -101 

A  Birr,  dans  le  canton  d'Argovie,  sur  un  humble  monu- 
ment, on  lit  cette  inscription  ^  : 

A  NOTRE  PERE  PESTALOZZI 

IGI  REPOSE 

HENRI   PESTALOZZI 

NE  A  ZURICH  12  JANVIER  1746 

DECEDE  A  BRUGG  17  FEVRIER  1827 

SAUVEUR  DES   PAUVRES   A   NEUHOF 

PERE  DES  ORPHELINS  A  STANZ 

FONDATEUR  DES  NOUVELLES  ECOLES  DU  PEUPLE  A  BURGDORF 

INSTITUTEUR  DE  l'hUMANITE  A  YVERDUN 

HOMME,  CHRETIEN,  CITOYEN,  TOUT  POUR  LES  AUTRES,  POUR  LUI-MEME  RIEN 

PAIX  A  SES  CENDRES 

l'argovie  RECONNAISSANTE 

1846 

Je  sais  tout  ce  que  presentent  de  generosite  et  de  noblesse 
les  conceptions  de  Thomrae  dont  un  illustre  penseur,  Fichte, 
dans  les  illusions  de  I'araitie,  ne  craignaii  pas  de  dire  :  «  J'at- 
tends  de  lui  le  salut  de  TAllemagne^,  »  Je  sais  combien  sa  me- 
thode  est  propre  a  penetrer  I'liomme  de  la  saintete  de  sa 
nature,  de  la  dignite  de  sa  vocation  s.  Pestalozzi  cherche, 

1.  V.  I'excellent  memoire  sur  Pestalozzi,  de  notre  ami  M.  Augiistin 
Cochin. 

2.  Rede  an  die  deutsche  Nation^  1808. 

3.  «  Partout  ou  Ton  voit  beaucoup  d'enfants,  il  y  a  une  regie  fixe,  una 
discipline,  des  defenses,  des  punitions  variees  el  des  recompenses  :  qui 
ne  connait  \e  mot  pensum ?  Eh  bien!  rien  de  tout  cela  chez  Pestalozzi, 
pas  de  surveillants  ,  une  liberte  presque  complete...  On  complait  sur  la 
loyaute  naturelle  de  I'enfance,  et  nous  n'eprouvions  nuUe  envie,  nul  be- 
soin  de  n'y  pas  repondre.  Au  contraire,  nous  en  etions  fiers,  et  nous  nous 
serions  sentis  honteux ,  humilies ,  de  tromper  cette  confiance  qui  nous 
bonorait. 

«  La  grande  pensee  de  Pestalozzi  etait  de  developper  au  dedans  de 


^92  SECONDE  PARTIE. 

avant  tout,  a  devclopper  le  sens  moral  et  a  vivifier  I'idee  clii 
devoir.  Ce  qui  I'inspire,  c'est  un  sentiment  profond  de  la  no- 
blesse de  la  nature  humaine.  II  I'honore  dans  les  masses, 
comrae  il  la  glorijQe  dans  I'individu.  En  respectant  I'enfant,  il 
lui  apprend  a  se  respecter  :  confiance  et  affection!  C'est  la, 
pourrillustremaitre,  le  principe  et  le  nerf  dudevelopperaent 
moral;  et  il  faut  rendre  homraage  a  celui  dont  la  vie  fut 
une  constante  immolation  de  lui-meme.  Mais,  apres  tout,  on 
ne  saurait  le  meconnaitre,  Pestalozzi  n'a  pas  eu  du  christian 

nous  le  sens  moral.  II  ne  voulait  pas  de  prix,  craignant  (peul-6tre  trop) 
que  remulalion  ne  degen^r&t  en  envie,  et  aussi  pour  ne  pas  affaiblir  le 
sentiment  du  devoir  qui  elait  son  grand  mobile.  II  evitait  et  rejelait  les 
punitions  regulieres,  methodiques  ou  bumilianles,  pour  ne  pas  risquer  de 
diminuer  la  dignite  humaine. 

•  Quand  I'un  de  nous  s'eiait  distingue  par  des  progres  ou  par  sa  bonne 
conduite,  ou  s'etait  fail  remarquer  par  quelques  fautes  venant  du  coeur 
et  du  caractere,  Pestalozzi,  a  la  premiere  rencontre,  dans  un  corridor, 
en  classe,  ou  dans  la  cour,  lui  appliquait  sur  le  front  sa  main  dessechee, 
ea  le  regardant  dans  la  profondeur  des  yeux  pendant  un  instant;  lorsque 
le  regard  de  I'enfant  dont  la  conscience  etait  calme  avail  bien  soutenu  le 
sien,  il  souriail,  lui  donnail  un  amical  petit  soufflet,  et  lui  disait  assez 
brusquement  :  «  Bien,  bien,  mon  enfant,  continue.  »  Si ,  au  contraire, 
I'enfant  etait  coupable,  et  baissait  les  yeux,  ne  pouvant  soutenir  son  regard 
penetrant,  il  lui  disait:  •  Eh  bien,  tu  n'es  pas  content  de  toi,  tu  as  fait 
quelque  mal  puisque  lu  n'oses  pas  me  regarder;»  et  suivant  le  cas  il 
disait :  « Tu  m'as  fait  de  la  peine. »  Ou  bien  il  le  repoussait  legerement 
lui  disant :  « Va,  tu  te  rapproches  de  la  bete;  tu  ne  veux  pas  devenir  un 
homme, »  ou  quelque  chose  d'analogue. 

«  Voila  la  plus  grande  recompense,  ou  la  plus  terrible  punition  que 
nous  pussions  recevoir  dans  I'lnstitut.  L'approbation  de  Pestalozzi  nous 
comblait  de  joie  et  son  blame  nous  navrait  de  douleur.  Pestalozzi  etait 
inexorable  pour  la  faussete  de  caractere,  pour  tout  manque  de  sincerite; 
dans  un  cas  semblable,  sa  flgure  laide,  mais  toujours  douce  et  bonne, 
prenait  une  expression  d'indignation  qui  paralysait  le  coupable.  Son 
amour  pour  la  sincerite  et  la  droiture  du  ccEur  etait  si  grand,  qu'il  lui 
faisait  tolerer  la  franchise  la  plus  rude  et  des  manieres  plus  ou  moins 
grossieres,  qu'il  preferait  chez  les  enfants  a  une  trop  grande  politesse  si 
souvent  voisine  de  la  fausset^. »  (LettredeM.Mandileny,  ancien  elevede 
Pestalozzi,  adressee  a  M.  Rapet,et  insereedans  VEducation,  aout,  1852). 


nOLE  DF,  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQL'E.  4  03 

iiisme  cetle  notion  positive  qui  emp^che  le  sentiment  de  la 
grandeur  de  riiomme  de  s'exalter  jusqu'a  la  superstition.  «<  La 
grandeur  de  riiomme  est  eminente,  dit  le  christianisme,  en 
ce  que  I'liomme  se  connait  miserable'.  »  Pestalozzi,  en  mon- 
trant  cette  grandeur  a  son  eleve,  ne  lui  a  jamais  parle  de  sa 
misere.  II  lui  presente  le  cote  lumineux,  en  lui  derobant 
le  cote  des  tenebres.  II  est  de  I'ecole  de  Rousseau  et  de 
Basedow  :  I'idee  d'un  vice  originel  de  la  nature  humaine 
lui  est  etrangere.  Par  la,  il  meconnait  I'enseigneraent  Chre- 
tien dans  son  principe  essentiel,  comrae  dans  ses  applications 
fondamentales :  «J'ai  marche,  a-t-il  ecrit  lui-meme,  j'ai  mar- 
che  en  chancelant,  entre  les  sentiments  qui  m'attiraient  vers 
la  religion  et  les  prejuges  qui  m'en  detournaient. » 

On  pent  voir  dans  le  livre  wie  Gerlrud  Hire  Kinder  lehrt^ 
combien  la  suppression  du  dograe  principal  du  christianisme 
influe  sur  le  systerae  d'education  de  Pestalozzi.  Comrae  Rous- 
seau, selon  I'expression  de  I'historien  de  la  Pedagogic,  Carl 
Raumer,  il  veut  cueillir  des  figxies  sur  des  epines.  Non  qu'il 
demande  trop  a  I'homme,  et  qu'il  lui  assigne  des  destinees 
trop  hautes;  le  christianisme  n'a  point  pose  de  limites  aux 
aspirations  de  I'homme  vers  VideaX  :  Soyez  2)arfai/s  commele 
Pere  celeste  est parfaitl  Mais  Pestalozzi  ne  lient  pas  compte  des 
Elements  vicies  que  le  christianisme  presuppose,  que  I'obser- 
valion  signale,  et  sur  lesquels  Teducation  doit  agir  pour  les 
transformer. 

Qu'en  resulte-t-il?  Premierement,  I'instruction  religieuse 
tient  fort  peu  de  place  dans  le  systeme  du  celebremaitre; 
et  I'edifice  dogmatique  de  la  doctrine  chretienne  s'y  ecroule 
infaillibleraent  par  la  base.  Ensuite,  et  comme  consequence, 
la  mission  de  I'Eglise,  dans  I'oeuvre  del'education  du  peuple, 
est  a  peu  pres  completement  effacee.  Etudiez  I'ouvrage  oii 
loutes  les  pensees  de  Pestalozzi  se  revelent  dans  la  naive  sin- 

1.  Pascal,  Grandeur  et  misere  de  riiomme. 

13 


494  SFXOIShE  PARTI n. 

cerite  de  son  esprit,  wie  Gerirud :  le  role  de  I'idee  religieiise 
y  est  a  peine  indique;  cette  idee  n'y  est  guere  qu'unesorte  de 
theorie  de  I'enlendement.  Dans  les  Nachforsclmngen^  que 
devient  le  christianisme?  une  simple  donnee  morale.  Lisez, 
enfin,  le  livre  de  Leonard  et  Gertrude  :  le  representant  dii 
dograe,  I'homme  de  I'autorite  disparait  dans  la  personne  de 
Leonard.  Que  reste-t-il?  non  le  pasteur  qui  enseigne,  mais  le 
moraliste  qui  conseille. 

Or,  a  quoi  bon  I'Eglise,  si  elle  n'est  plus  que  Tinterprete  be- 
nevoled'une  morale  generale?  si  elle  n'apparait  point  comme 
la  source  feconde  de  certaines  vertus  reservees,  s'epanouissant 
dans  I'atmosphere  qu'elle  a  vivifiee  de  son  souffle?  Chose  di- 
gne  de  rcmarquo!  Scbleiermaeher  a  micux  compris  que  Pes- 
talozzi ;  le  piiilosophe  a  saisi  plus  pratiquement  que  le  peda- 
gogue la  mission  qui,  dans  I'oeuvre  de  I'education,  apparlient 
a  I'Eglise  :  «L'EgliseetrEtat  font  alliance,  dit  Scbleiermaeher; 
pour  le  second,  la  tache  principale  est  le  developpement  des 
facultesintellectuelles;  ala  communautecbretienneappartient 
la  culture  morale  de  I'ame^ ;»  et  c'est,  a  ses  yeux,  le  grand 
caractere  des  siecles  raodernes,  qu'a  la  difference  des  temps 
anciens,  I'Eglise  pcuty  develoj)per  sa  vie,  sans  etre  absorbee 
parl'Etat^  :  I'Eglise,  la  Faraille,  I'Etat,  voila,  pour  lui,  les  trois 

1.  Recherches  sur  la  marche  de  la  nature  dans  le  developpement  de  I'hu- 
manite;  ce  litre  pompeux  cache  le  vide  de  I'ouvrage ;  Pestalozzi  lui-m6me 
a  ecrit  au  sujet  de  ce  livre  :  «  Je  ne  trouvais  pas  deux  homnies  qui  ne 
me  donnassent  a  entendre  quUls  regardaient  tout  le  livre  cotnme  un  gali- 
matias...Ei  niaintenaiit  encore,  iin  homme  de  merile  et  qui  m'est  attache, 
me  repele  avec  la  franchise  helvetique  :  N'est-ce  pas,  vous  sentiez  bien, 
quand  vous  ecriviez  ce  livre,  que  vous  ne  saviez  pas  precisenient  ce  que 
vous  vouliez?" 

2.  «  ...Er  (der  Staal)  wird  sagen  :  ich  erkenne  die  christliche  Gemein- 
schaft  an  als  vorzuglich  auf  BJdung  der  Gesinnung  berechnet,  wahrend 
bei  mirBildung  des  Talents  dieHauptsache  ist.«  {Christliche Sitte.s.  ^29.) 

V.  aussi  Pouvrage  intitule  :  Die  Idee  dor  Volkschule  nach  den  Schriften 
Fr.  Schleiermacher''s.  —  Leipsig,  1852. 

3.  • So  beruht  der  Unlerschied  zwischen  unserer  Zeit  als  der 


ROLE  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE.  ^  95 

puissances  qui  doivent  dinger  et  vivifier  I'education^  Et  I'en- 
seignement  religieux  est,  dans  sa  pensee,  non  point  cet  en- 
seignement  humaititaire  que  Basedow  vient  offrir  indifferem- 
ment  an  Turc,  au  Chretien  et  au  Juif,  mais  I'enseignement  po- 
sitif  et  pratique  :  «  une  religion  generale ,  declare  le  philo- 
soplie,  est  une  chimere,  non  uioins  qu'une  langue  commune 
et  une  nationalite  universelle^.  » 

De  ces  trois  puissances  dont  paiie  Schleiermacher ,  les  deux 
dernieres  seulement,  a  vrai  dire,  sont  appelees  par  Pestalozzi 
a  elever  1' edifice  qui  doit  abriter  les  generations  nouvelles. 
«  Aujourd'hui ,  s'ecriait-on  au  parleraent  de  Francfort , 
aujourd'luii,  I'Etat  est  reste  depositaire  de  la  religion  hu- 
manitaire;  I'Etat  est  devenu  plus  religieux  que  I'Eglise,  et  c'est 
a  I'Etat  seul  qu'appartient  I'enseignement.))  Pestalozzi  n'a 
point  parle  ce  langage  revolutionnaire  des  politiques  de  Franc- 
fort;  et  quand,  de  ses  levres  mourantes,  s'echappaient  les  pa- 
roles de  pardon  qu'il  adressait  a  ses  ennemis,  c'etait  certes  Ic 
Chretien  qui  se  revelait  au  moment  supreme.  Cependant,  il 
faut  le  confesser,  Pestalozzi  n'a  jamais  assigne  un  rang 
pi'incipal  et  distinct  a  I'element  religieux  dans  I'education: 
le  point  de  vue  duquel  il  jugeait  la  nature  humaine  en  voilait 
pour  lui  Tune  des  faces;  et,  qu'on  le  sache  ou  qu'on  I'ignore, 
il  est  un  des  peres  de  la  doctrine  qui  se  resumait,  en  1848, 
dans  la  devise  devenue  celebre  de  I'autre  cote  du  Rhin  :  eman- 


christlichenundder  frliheren  alsderheidnischen  darin,  dassunsere  Zeit, 
die  christliche,  ausser  dem  gemeinsamen  Leben  im  Staate  noch  das  Le- 
ben  in  der  Kirche  kennt.  Bins  kanii  aber  dem  andern  nicht  subordinirt 
werden.  »  {Erziehungslehre,  s.  13.) 

1.  «Es  komml  bei  der  Erziehiing  alles  darauf  an,  dass  Familie,  Staat 
und  Kirche  in  Uebereinstimmung  ihren  Einfluss  auf  die  jungere  Generation 
ausuben.  •  {Ibid.) 

2.  «  Eiiie  allgenieine  Religion  und  eine  von  aller  Nationalitat  ent- 
blosste  Sinne  sind  eben  seiche  Chimaren,  wie  eine  ailgemeine  Sprache 
und  ein,  allgemeiner  Slaat.  • 


^  9G  SECONDE  PARTIE. 

cipation  de  V ecole .  Dans  los  derniers  jours  d'line  vie  pleine  de 
deceptions,  ce  noble  esprit,  assure-t-on,  avait  reconnu  I'er- 
reur  qui  paralysa  de  genereux  efforts;  et  n'est-ce  pas  en  ce 
sens  qu'il  faut  entendre  I'aveu  que  lui  dictait  un  sentiment 
profond  :  «  J'avais  perdu  la  verite  interieure,  et  j'en  etais 
venu  a  honorer  les  airs  de  tronipette  et  les  reeettes  de  charla- 
tan avec  lesquels  le  temps  actuel  pretend  sauver  riiumanite.  » 
Aujourd'hui,  I'ecoleconservatrice  allemandeportc  un  juge- 
raent  severe  sur  I'influence  exercee  par  Pestalozzi.  Le  crea- 
teur  d'Yverdun  n'est  plus  entoure  de  ces  hommages  incon- 
test^s  qui  semblaient  devenus  une  sorte  de  culte.  On  se  croit 
en  droit  de  faire  remonter  jusqu'a  lui ,  en  partie  du  moins, 
la  responsabilile  de  cette  insurrection  morale  qui,  depuis 
trente  annees,  a  delate  dans  le  monde  pedagogique  au  dela  du 
Rhin;  on  I'accuse,  lui  et  ses  disciples,  d'avoir  raeconnu  «  le 
but,  la  mission  et  les  lois  de  I'ecole  populairc* ;  »  on  lui  denie 
le  pouvoir  de  resoudre  le  probleme;  on  declare  hautement 
qu'il  n'en  possede  pas  les  elements. 

Quel  rapport,  a  premiere  vue,  entre  les  conceptions  meta- 
physiqucs  et  I'enseignement  de  i'ecole  primaire?  Qu'on  ne  s'y 
trompe  pas  cependant,  tout  systerae  de  pedagogic  procede 
d'une  pensee  superieure  et  y  retourne.  Cette  pensee  sera  tan- 
tot  le  christianisrae,  tantot  le  naturalisme  de  Rousseau  et  de 
Basedow ;  et  s'il  arrive  que  le  pantheisme  s'empare  un  jour 
des  regions  elevees  de  la  science,  I'ecole  primaire,  qu'on  n'en 
doute  pas,  alors  corame  toujours,  sera  I'echo  des  universites. 

Que  dit  la  pliilosophie  allemande  depuis  cinquante  ans  ? 

1.   « Eine  so  augenfallige  Unvvissenheit  iiber  Zweck,  Ziel,  Aufgabe 

und  Verhallnisse  der  wirklichen  Volkschule.... »  {Einrichtungs- und  Lehr- 
plan,  von  Theod.  Goltzsch;  p.  2;  ouvrage  auquel  a  souscrit,  on  le  sait, 
le  Minislre  de  rinstruclion  publique,  pour  le  repandre  dans  toute  la 


nOLE  DE  LA  SClEiNCK  I'EDAGOGIQUE.  >l  07 

La  raison  cree  lout  ce  qu'elle  con^oit;  en  pensant  le  mondc 
exteriour,  le  mo2  Tobjective,  et  liii  donne  I'existence.  Le  nioi 
est  done  leprineipe  de  tout  et  I'unique  realite,  a  la  fois  sujet 
et  objet,  ces  deux  faces  de  I'absolu.  Voila  le  principe  de  Fichte; 
et  le  pbilosophe  terminait  un  de  ses  diseours  par  ce  deli  de 
I'orgueil :  «  Dans  la  procbaine  le^on,  nous  creerons  Dieu  !  » 

De  la  aux  formules  de  Feuerbacb,  il  n'y  a  que  la  distance  de 
la  consequence  au  principe  :  «  L'bomnie  porte  en  lui-merae  ce 
qu'il  adore  sous  le  noiii  de  Dieu...  II  n'adore  un  objet  qu'apres 
s'etre  transporte  dans  cet  objet.  G'est  la  formule  definitive 
qui  se  concentre  en  celle-ci  :  L'bomme  s'adore  lui-ra<*^me, 
rhorame  ne  peut  pas  ne  point  s'adorer  lui-meme^» 

Ficbte  partait  du  moi  pour  conquerir  Yabsolu  ;  il  creait 
Dieu.  Schelling  se  pla^a  du  premier  bond  au  sein  de  I'absolu. 
«Tout  estun,  dit-il,  et  idenlique  quant  a  I'essence.  »  Pendant 
vingt  annees,  pendant  toute  la  premiere  partie  d'un  enseigne- 
ment  dont  I'illustre  vieillard,  en  inaugurant  la  p/u'Iosophie  de 
la  revelation'^,  a  deserle  les  consequences,  toute  \a  philosophie  de 
la  nature  n'est  que  le  developpement  de  ce  principe.  Survient 
Hegel  :  Dieu,  declare  le  pbilosophe,  n'cst  Dieu  qu'en  tant 

1.  Feuerbach,  Qa'est-ce  que  la  religion?  trad.  d'Ewerbec,  p,  11. 

2.  « Je  reconnais,  a  dit  M.  de  Schelling,  dans  son  dernier  enseignement, 
le  fils  de  Dieu  fait  homme,  et  lout  le  contenu  de  la  revelation  comme  au- 
tant  de  faits.  Je  les  admets,  quoique  ce  soient  des  mysteres. »  — La  reve- 
lation ,  dit-il  encore,  est  au-dessus  de  la  raison  autant  que  Dieu  est  au- 
dessus  de  I'homme.  Elle  dit  elle-ni6me  qu'elle  depasse  toute  intelligence 
humaine.  Et  que  serions-nous  si  cela  n'elail  p.is?  La  raison  eslballottee 
de  doule  en  doute.  Or,  ce  ne  peut  6tre  la  sa  doctrine  derniere.  Sa  doc- 
trine derniere  est  la  science  supreme.  La  science  supreme  est  la  foi.  C'est 
le  port  assure  qui  est  ofFert  a  la  raison  erraiite  sur  I'Ocean  agite  par  la 
tempele.  C'est  done  la  qu'il  faut  diriger  ceux  qui  cherchent  la  science. 
La  science  est  consommee  dans  .lesus-Christ;  et  saint  Augustin  a  eu  rai- 
son de  dire  :  Prowler  Christum  scire  est  mini  scire.' 

Le  pbilosophe  admet  la  Trinite,  la  chute,  la  redemption,  I'Eglise;  mais 
en  expliquant  les  mysteres,  il  renouvelle,  a  bien  des  d^gards,  les  doctrines 
du  gnosticisme. 


-198  SECOiNDE  I'ARTIE. 

qu'il  se  connait;  et  il  ne  se  connait  qu'en  tant  qu'H  a  con- 
science de  soi  dans  I'esprit  de  I'homme. 

Arretons-noiis  sur  le  nom  de  Hegel.  Le  probleme  de  I'edii- 
cation  avivement  preoccupe  I'audacieiix  sophiste  aiix  pieds 
duqucl  TAUeraagne  moderne  a  serable,  vingt  annees  diirant, 
abdiqiier  son  independance. 

Quelle  est  I'idee  qu'implique  le  mot  ^'education'?  L'idee  do 
developpement.  Or,  se  developper,  devenir  (werden) ,  c'est 
la  le  fond  de  la  raetaphysique  de  Hegel,  Pour  Hegel,  I'etre, 
I'essence  absolue,Dieu,n'<P5/'pas,  il  devienf.DememequeVefre, 
selon  nne  th^orie  que  nous  ne  nous  cliargeons  pas  de  rend  re 
intelligible,  sort  du  sein  dn  neant,  pour  arriver,  par  une  force 
latente  d'expansion,  a  la  conscience  de  son  infinite;  de  meme 
I'individu  part  d'un  etat  inferieur,  etat  oil  il  est  asservi  par 
I'instinct,  et  par  les  passions,  pour  s'elever  jusqu'a  I'ctat  oil 
il  n'obeit  qu'aux  lois  generales ,  et  participe  au  divm  ( das 
Gottliche). 

Le  point  de  depart  de  Hegel,  on  le  volt,  est  fort  different 
do  celui  de  Rousseau  et  de  Basedow.  Pour  lui,  la  nature  n'est 
point  bonne;  bien  loin  dela*  :  wL'honime,  par  sa  natui'c, 
n'est  pas  ce  qu'il  doit  etre...  La  premiere  naluralite  doit  etre 
detruite...  C'est  un  enseigneraent  de  I'Eglise,  dit  encore  le 
pbilosopbe,  que  I'homme  nait  mauvais,  et  que  cette  per- 
versite  est  un  vice  dont  berilent  les  generations.  Le  peche 
originel  est  donne  par  I'Eglise  comrae  ayant  sa  cause  dans  un 
acte  accidentel  du  premier  homme.  En  realite,  la  notion  meme 
de  I'esprit  implique  ce  principeque  I'homme  est  naturellement 

i.  Ce  point  de  vue  de  Hegel  est  curieux  :  «Der  Naturzustand  ist  der 
Stand  der  Rohheit,  Gewalt  and  Ungerechtigkeit  ..  der  Mensc'i  ist  nicht 
von  Natur,waser  sein  soli...  die  Natiir  ist  biise  von  Hause  aus,  der  Mensch 
ist  an  sicli  das  Ebenbild  Gotles,  in  der  Existenz  nur  isl  er  nallirlii'h  und 
das  was  an  sich  ist,  soil  iiervorgebraclit  werden.  Die  ersle  Nalli  lichkeit 
soil  aufgehoben  werden.  Dies  ist  diedeedes  Christenthums  uberhaupt. » 


ROLE  DE  LA  SCIENCE  TEDAGOGIQUE.  \  09 

niiuivais  et  Ton  ne  peut  m6me  se  representer  qu'il  en  soil  au- 
trement*.  >>  Ainsi,  I'idee  d'un  vice  intime,  sinon  le  dogme  de 
la  chute  originelle,  devient,  en  qiielqiie  sorte,  le  fondemont  dc 
sa  theorie.  La  pedagogic  sera  done  I'aj-t  d'enfanter  I'in- 
dividu  a  line  nouvelle  vie,  de  transformer  sa  premiere  na- 
ture en  une  seconde  nature  iniellectuelle  {seine  ersie  Naiur 
zu  einer  zweiten  geistigen  umzuwandehi).  Dans  une  certaine 
raesure,  la  pensee  pliilosophique  de  Hegel  se  rapproclie, 
au  point  de  depart,  de  I'enseignement  chrelien.  Mais  quelle 
sera  cette  seconde  nature?  Sur  quel  fondement  reposeront 
les  his  gener ales  dont  1' observation  eleve  I'homme,  de  I'etat 
nahirel  [naiurlich)  a  I'etat  moral  {siiilich)?  Ici  tout  devient  arbi- 
traire;  car  I'etre,  I'essence  absolue,  Dieu,  est,  pour  Hegel, 
une  abstraction  metaphysique.  Des  lors ,  quelles  regies  pre- 
cises assigner  a  la  liberie  de  rhonime?  Et  eonsequemraent, 
quel  sera  le  caractere  positif  de  I'education?  Hegel  veut,  il 
estvrai,  que  I'ame  subjugue  le  corps,  le  reduise  en  servage, 
ets'empare  de  lui  comrae  d'un  instrument  qu'elle  fera  servir 
a  ses  desseins2  ;  il  declare  que  «  la  domination  exercee  sur 
ce  qui  tient  au  corps,  et,  pour  employer  ce  mot  barbare,  sur 
la  corporalite  [Leiblichkeii) ,  est  la  condition  de  I'affranchis- 
sementde  i'ame  et  de  la  possibilite  ou  elle  est  d'arriver  a 

1.  <•  Bekannte  Lehre  der  Kirche  ist  es,  (lass  der  Mensch  von  Natur  bdse 
sey,  un  dieses  bnsesein  von  Natur  vv'ird  als  Erbsunde  bezeichnet...  in  der 
That,  liegtes  im  Begriff  des  Geistes,  dass  der  Mensch  von  Natur  bose  ist, 
und  man  hat  sich  nicht  vorzustellen,  dass  dies  auch  sein  klinnie.  >• 

Voyez  les  quatre  volumes  composes  des  morceaux  de  Hegel  sur  I'e- 
duci'tion,  Pt  publics  par  le  docLeur  Gustav  Thaulow,  professeur  a  I'univer- 
site  de  Kiel :  Hegel's  Ansichieniiber  Erziehung  und  Unterricht  (1853,  Kiel), 
l^-"  vol    p.  57  et  58. 

2.  •  Die  menschliche  Seele  hat  viel  damit  zu  thun,  sirh  ihre  Leiblichkeit 
ziim  Miltel  zu  machen.  Der  Mensch  muss  seinen  Korper  gleichsam  erst  in 
Bessitz  nehmen,  damit  er  das  Instrument  seiner  Seele  sci.  {Hegel's  An- 
sichten,  etc.,  p,  77). 


200  SECO^DE  FARTIE. 

la  conscience  objective^  ».  3Iais ,  Fame  une  fois  dans 
la  plenitude  de  I'activite  et  de  la  puissance,  vers  quel 
point  du  monde  moral  se  dirigeront  cette  puissance  et  cette 
activite?  Voila  la  question  decisive.  Je  vols  s'ouvrir  une  car- 
riere  immense,  infinie;  je  ne  vois  ni  une  direction  ni  un 
but.  Se  developper,  devenir  iioerden),  ces  deux  mots,  sans 
une  restriction  qui  en  fixe  le  sens  eten  determine  la  portee, 
contiennent  a  eux  seuls  tons  les  perils  de  I'avenir;  et  dans  la 
tbeorie  de  Hegel  je  decouvre  d'avance  les  dedains  des  poli- 
tiques  de  Francfort  pour  les  lemons  du  passe,  et  la  rupture  vio- 
lente  avec  le  vieil  esprit  allemand. 

Emancipation,  independance !  Tel  a  ete  ,  depuis  Hegel, 
le  fond  de  la  doctrine  scolaire.  Independance  de  Dieu,  de 
la  tradition ,  des  lois  consacrees  :  cela  a  ^te  enseigne, 
sous  toutes  les  formes,  dans  les  chaires  des  universites, 
dans  les  livres,  dans  les  revues  periodiques,  dans  les  alma- 
nachs  qui  se  glissent  furtivement  sous  le  toit  du  pauvre, 
pour  y  prendre  place,  a  cote  de  la  Bible,  dans  la  bibliotheque 
de  famiile-;  cela  est  descendu,  plus  ou  moins  modifie, 
dans  les  feuilles  populaires  redigees  par  des  pasteurs  ;  et 

1 .  Die  Bemachtigung  der  Leiblichkeit  bildet  die Bedingung  des  Freiwer- 
dens  der  Seele,  ihres  Gelangens  zum  objectiven  Bewusstseyn...  {Hegel's 
Ansichten,  etc.,  p.  77.) 

On  ne  voil  pas  trop,  du  reste,  comment  cette  idee,  aussi  juste  que  peu 
nouvelle,  de  la  lutte  de  I'Sme  contre  le  corps,  s'accorde  avec  la  theorie 
de  I'unit^  substantielle  de  Tune  et  de  I'autre  :  « Die  Seele  ist  die  substan- 
tielle  Einheit  aller  Bestimmtheiten  des  Leibes ;  beide,  Leib  und  Seele,  sind 
nicht  unte7-schiedenen  \\e\che  zusammenkommen,  sondern  eine  und  die- 
selbe  Tolalilat  derselben  Beslimmungen...  so  ist  auch  das  Leben  nur  als 
die  Einheit  der  Seele  und  ihres  Leibes  zu  erkennen. » 

2.  Catechisme  de  la  Ubre  Commune,  par  Schneider.  —  Aimanach  des 
Paijsans.)  par  Neff.  —  Aimanach  du  peuple  (1850),  par  Luders,  sous  le 
patronage  d'Arnold  Ruge  :  on  y  enseigne  la  saintete  du  divorce,  I'organi- 
sation  de  la  polygamio,  I'aneantissement  des  religions.  —  Aimanach  des 
sujets  et  des  valets, \elc,  etc... 


roll;  de  la  sciE.NCi:  pedagogique.  201 

tie  cliute  en  chute  s'est  infiltre  dans  I'ecole  par  les  fissures  de 
I'enseignenient  i>edagogique. 

«  Toute  Eglise,  s'ecriait-on  au  parlement  de  Francforti, 
quel  quesoitle  nomqu'elle  porte,  ou  le  principe  dont  elle  est 
issue,  est  un  obstacle  a  la  civilisation.  Chaque  Eglise,  par  cela 
seul  qu'elle  a  des  articles  de  foi ,  est  un  obstacle  au  libre  es~ 
sor  de  I'esprit  humain.  Je  veux  cet  essor  illiniite;  c'est  pour 
cela  que  je  ne  veux  point  d'Eglise. » 

«  Point  d'Eglise !  »  repetaient  les  pedagogues ,  d'accord  avec 
les  pasleurs  des  libres  communes  2.  «  Nous  tenons  les  dogmes 
de  I'Eglise  pour  decrepits,  son  enseignemenl  pour  petrifie; 
ils  ne  repondent  plus  en  rien  a  la  viedu  siecle.  »  Telle  elait, 
on  ne  I'a  pas  oublie,  la  profession  de  foi  des  Rheinhche  Blatter. 
Et,  il  faut  bien  le  dire,  apres  avoir  suivi  dans  ses  developpe- 
ments  I'histoire  de  I'evangelisme  prussicn,  cen'estpas  au  nom 
du  principe  protestant  que  nous  irions  condamner  dans  la 
bouche  du  pedagogue  le  cri  insurrectionnelque  la  logique  ab- 
soutdans  la  bouche  du  pasteur  :  pourquoiM.  Diesterweg  ne 
serait-il  pas  en  droit  d'elever  dans  Tecole  le  drapeau  que 
M.  Uhlich  arborait  dans  le  temple? 

Que  le  maitre  d'ecole  se  donne  done  libre  carriere! 
«  Une  religion^  qui  se  proclame  immuable,  eternelle,  s'e- 
criera-l-il  avec  M.  Diesterweg,  affiche,  comme  telle,  des  pre- 
tentions a  la  domination  absolue  de  I'homme,  exige  de  lui  une 

1.  Discours  de  M.  Vogt. 

2.  Yoyez  \c  Son7ilags  Blatl,  IS  Janvier  1852,  et  le  Calechismus,p.  8. 
Le  pasteur  Uhlich  indique  lui-meme  comment  on  doit  se  seivir  do  son 
Catechisme.  Le  pere,  la  mere  ou  le  multre  font  lire  par  I'enfiint  un 
morceau,  puis  precedent  par  interrogations.  On  doit  aussi  prendre  le 
livre  pour  texte  des  instructions.  "Tombe  ,  pelit  livre,  dil  I'auteur  a  la 
fin  desa  preface,  tombe  dans  le  sillon  du  temps.  Le  maitre  de  la  moisson, 
s'il  veut  se  servirde  toi,  saura  de  co  germc  faire  sorlir  des  epls.  Sinon, 
un  autre  fcra  mieux  ;  car  les  temps  sent  murs.  • 

3.  Rheinische  Blatter,  1852,  p.  285. 


202  SKCONDi:  TAKTIE. 

souraission  aveugle,  fait  de  liii  un  esclavc...  C'est  pourqiioi, 
de  tout  temps,  les  pr(^tres  ont  cherche  a  dominer  I'huraa- 
nite;  c'est  pourquoi  la  theologie  a  voiilu  s'iniposer  corame 
la  reine  des  sciences,  et  tenir  les  aiitres  sous  sa  depen- 
dance.  Assez  longtemps  cela  a  etc  souffert....  Pour  retablir  la 
paix  dans  I'individu  comme  dans  I'liumanite,  de  deux  cho- 
ses  I'une  :  ou  Ton  inimolera  toute  idee  nouvelle  en  con- 
tradiction avec  la  foi ;  ou  bien ,  quelle  que  puisse  etre  Tissue 
de  la  lutte,  i!  faut  la  poursuivre  liardinient.  « 

Lutte  contre  les  religions  positives  :  tel  est  le  mot  d'ordre. 
Qu'on  deblaie  le  terrain  des  dogmes  vieillis !  qu'on  fraie  un 
libre  acces  a  la  vraie  reUgion  ^  ! 

Je  n'ai  pas  le  droit  d'altribuer  a  I'ecole  dont  les  Rheinische 
jB/a//erformulent  les  doctrines,  cet  axiome  de  Hegel  :  «  Dieu 
ne  se  connnit  que  dans  1' esprit  de  rhomme/»  M.  Diesterweg 
fait  tres  explicitement  allusion  a  I'existence  d'un  Createur  2, 
Comment,  dans  les  conditions  qui  lui  sont  assignees  ,  la 
creature  conserve-t-elle  I'independance  ct  la  pcrsonnalile? 
cela  est  diflicile  a  dire.  Ce  qui  est  incontestable,  c'est  que 
cette  ecole,  en  niant  le  dognie  de  la  decheance  originelle^,  at- 
laque  le  cliristiaiiisme  dans  son  principe;  c'est  que,  bannis- 
sant  systematiquementde  I'ecole,  comme  degradant  etperni- 
cieux,  tout  enseignementd'une  religion  positive^,  et,  pour  par- 

1.  « Wir  wollen  durch  Hinwegralimung  der  veralteten  Dogmen  dem 
Einziig  der  wahren  Religion  Bahn  machen.»  (P.  293).  V.  le  chap.  2"^  de 
la  1''^  partie. 

2.  .  Das|nachste...  ist  die  lebendige  Erkenntniss  von  der  Existenz  und 
der  Wesenheit  des  Schopfers.  » 

3.  Voyez  Particle  Zur  Religionsunterrichts-Frage ■  (1852). 

■*.  «  L'instruclion  religieusc  ordinaire  rend  I'homme  esclave,  au  lieu  de 
Taffranchir...  Les  defensenrs  de  I'enseignement  dogmati(jue-confessionnel 
{des  confessionel-:loijmulischeii  Religionsunterrichtes) ^  dans  I'ecole  popu- 
laire,  sonlles  adversaires  de  la  vraie  religion  ..  Je  les  nomme  les  ennemis 
du  genre  humain  et  deDieii.*  {Rheinische  Blatter,  p.  297,  1852). 


ROLE  DE  LA  SClEiSCE  PLDAGOGIQLE.  205 

lerson  langage,  tout  enseignement  confessionncl,  elle  rompt 
en  visiere  avec  la  pensco  Iradilionnelle,  et  jetle  un  dofi  aiix 
verites  premieres  qui  sont  le  fonderaent  de  I'ordre  moral. 

Onle  sait :  les  pretentions  de  Tecole  dont  nous  signalons  a 
la  fois  rinfluenee  et  les  ecarls,  ne  sont  pas  restees  dans  I'ombre 
des  seminaires.  Elles  ont  ete  insolemment  presentees  aux  man- 
dataires  de  TAllemague  assemblee  :  «  L'ecole  ne  doit  dresser 

riiomrae  pour  aucun  but  determine Si  elle  est  soumise  a 

line  influence  spirituelle  ,  elle  ne  peut  atteindre  sa  fin  prinei- 
^d\e  {\w\  esi piirement  Jmmaine.,..  e'est  pourquoi  il  faut  abri- 
ter  la  jeunesse  et  contre  I'inflnence  de  I'Eglise,  et  contre  toute 
influence  quelconque  d'une  opinion  imposee  par  I'Etat. » 

Qui  parlait  ainsi?  le  rapporteur  du  comite  de  I'enseigne- 
ment  au  comite  de  Francfort!  «  Le  clerge,  continuait  nai- 
vement  I'organe  du  comite,  le  clerge  porte  en  lui-meme,  dans 
son  costume,  dans  son  regard,  dansl'expression  de  sa  pbysio- 
nomie  un  caractere  de  contrainte  qui  demontre  son  iminiis- 
sance  a  conduire  la  jeunesse  au  but  d'un  libre  developpcment. . . 
Qu'est-ce  que  I'instituteur?  avant  tout,  le  representant  d'une 
inspiration  alTrancliie  de  toute  conlrainte.  Si  I'instituteur 
n'offre  pas  a  la  jeunesse  des  idees  qui  soient  le  resultat  d'un 
travail  intime  et  personnel ;  si  sa  pensee  murie  au  milieu 
d'une  atmosphere  d'independance  n'eclate  pas  dans  son 
regard  et  ne  se  revele  pas  dans  ses  actes,  s'il  n'en  est  pas 
ainsi,  il  faillit  a  sa  mission  ^  !  » 

1.  A  quoi  M.  Hoffmann  (de  Luchvisburg)  repondait  fort  sensement  : 
«  Quoi !  point  de  but  determine  !  J'avoue  ne  pas  bien  cornprendre  ce  qu'on 
entend  par  la.  N'avoir  pas  de  but  determine  me  parait  tolerable  pour 
I'ecoiier,  detestable  pour  le  maitre.  Nos  ecoles  populaires,  ce  me  semble, 
ne  sont  pas  des  laboratoires  oil  le  progres  spoculatif  se  prepare,  mais  de 
simples  reunions  oil  Ton  fait  participer  les  eleves  a  des  resultats  acquis. 
On  dil  encore  :  «  TEglise  donne  a  I'Ecole  une  direction  qui  n'ost  jugee 
bonne  que  par  un  parti  religieux!"  G'est  vrai;  la  direction  protestante 
n'est  point  au  gr6  des  catholiques,  et  la  direction  catholique  n'est  point 


204  SECOiNDi:  rAUTIE. 

Aiiisi  les  inslitiileurs  sont  crees  tout  expres  pour  se  meltre 
en  qu6te  dc  mondcs  nouveaux;  qu'on  se  tienne  pour  avert!  : 
ils  fornieut  I'avant-garde  de  I'liumanite.  Toutniaitre  d'eeole 
est  un  prophete,  si  raemeil  n'est  pas  un  messie.  Cost  toujours, 
comme  on  voit,  I'ingenicuse  theorie  des  Rheinische  Bldller  : 
«  Un  train  de  plaisir  en  pleine  mer !  » 

A  la  faveui"  du  mouvement  developpe  par  les  Ubres  com- 
munes, beaucoup  d'ecoles,  de  1846  a  ISoO,  ont  ete  creecs, 
pour  repondre  a  cet  ideal,  dans  les  differents  pays  de  I'AlIe- 
masne,  notamment  dans  les  villes  de  Nordhausen,  Magde- 
bourg,  Halberstadt,  Halle,  Weissenfcls ,  Elhing,  Breslau, 
Lowcnberg,  Hambourg,  Tilsit,  Egeln,  Zeitz,  Stendal,  Dessau, 
Konigsberg,  Holzhausen,  Nuremberg,  etc.  etc. 

Le  canevasdel'enseignement  religieux,  danscesecoles,  etait 
le  caiechisme  du  pasteur  Uhlich.  On  y  professait  cette  maximc 
de  M.  Diesterweg  :  «  Peu  importcnt  les  notions  que  Ton  se 
forrne  sur  I'essencc  ct  I'activite  de  Dieu,  et  sur  la  nianiere 
dont  le  nionde  a  ete  appele  a  Texislence.  »  On  y  cliantait  drs 
poesies  du  genre  de  celles  que  public  M.  Uhlich  dans  sa  Feuille 
du  Dimanche,  pour  la  plus  grande  Edification  des  nouveaux 
fideles. 

L'ancienne  et  la  nouvelte  Eglise. 

0 II  y  a  ici-bas  une  maison  qu'on  appelle  la  maison  de  Dieu. 
Ses  domes  brillent  au  loin  et  dominent  le  pays'. 

au  gredes  prolestants.  Quoi  de  plus  naturel?  Mais  chaque  communion  est 
salisfaite  de  la  direction  qu'ellc  donne.  Que  veut-on  de  p'us?  Cliangez 
cela,  tous  les  partis  seront  egalement  mecoiitents,  hors  celui  des  indif- 
fdrents  et  des  athees  ». 

1.  Es  steht  einHaus  auf  Erden, 

Das  Gotlosliaiis  genannt,  •< 

Und  seine  Kiippelu  strahlen 

Weit  iiber  olles  Land... 


ROLE  DE  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE.  205 

«  El  dans  celle  raaison  habite  un  pretre  en  r()l)o  noire.  Ce 
pretre  niurraure  des  priercs,  et  chante  tantot  depiiis  quinze 
cents  ans. 

«  Et  quand  les  fideles  sc  rasscmblent,  le  pretre  repand  la 
parole  que  Dieii  lui  a  eonfiee  : 

«  Bienheiireux  ceux  dont  le  Dlable  ne  vient  pas  tourmenter 
la  vie.  Car  il  rode,  demandant  sur  toutes  cboscs  le  pourquoi 
et  le  comment. 

«  Bienheureux  qui  a  faim  et  qui  souffre  persecution  :  il  se 
rassassiera  un  jour  du  doux  pain  du  ciel. 

«  Longtemps  nous  avons  ecoute  le  pretre  en  silence.  Mais 
aujourd'hui  nous  respirons!  Bienheureuse  la  libre  lumiere 
de  Dieu ! 

«  Le  monde  est  delivre  de  I'Eglise  !  Dans  le  chant  des  ros- 
signols,  dans  I'armee  des  etoiles,  dans  le  sourire  de  Tenfant, 

<  Dans  I'image  de  la  beaute  que  nous  revelel'art  du  peintrc, 
dans  les  reves  du  coeur  vers  un  avenir  plus  beau,  dans  tout 
cela,  nous  sentons  I'esprit  de  Dieu. 

«  Et  cliaque  liomme  est  le  pretre  de  sa  religion,  la  religion 
de  I'araour  et  de  I'humanite.  Adieu  les  formules  du  vieux 
christianisme  <  !  » 

On  se  rappelle  le  mot  de  M.  Vogt  au  parlement  de  Franefort^. 
On  n'a  pas  oublie  non  plus  le  voeu  de  M.  Michelet,  profcsseur 
de  pliilosophie  a  I'Universitede Berlin^.  «  L'beure  est  venue, 

1 .  «...  Und  jeder  Mensch  ist  Priester 
Und  Schirmer  der  Pxeligion... 
Die  Religion  der  Liebe, 

Des  echten  Menschent  hums. — 
,  Es  leben  die  Gedanken 
Des  iilteslen  Chrislerilhums!  » 

2.  "  Que  rfiglise  relourne  au  ciel  sa  palrie ;  au  ciel,  donL  nous  ne  vouloiis 
rien  savoir  lanl  que  nous  sommes  sur  la  lerre.  » 

3.  Die  Losting  der  gessellschafllkhen  Frage.  Voy.  p.  42. 


206  SECO.NDE  rARTlE. 

s'eciiuiUle  son  cole,  CarlGiiin,  dcs'approprierenfin  lesresiil- 
lats  de  la  |!liilosopliic de  I'liisloire:  ce  resullat,  c'estia  jouissance 
dc  ce  monde,  et  Vorganisation  des  cinq  sens.  »  L'ecole,  on  le 
voit,n'availnen  a  envierauxenseignements  torabesdesihaut. 

On  adniettra  sans  peine  que  I'Elat  n'ait  pas  eu  nne  confianee 
illimilee  dans  les  fruits  d'uneeJucationinaiiguree  sous  de  lels 
auspices.  Depuis  que  les  principes  conservaleursontreconquis 
droit  de  cite,laplupart  des  ecoles  hegeliennes  ont  partage  le 
soi  I  deslibres  communes  ^.  Une  des  dernieres  quiaientsurvecu, 
est  l'ecole  de  la  libre  comraunedellambourg.Undecretdusenat 
I'a  supprimee  au  mois  de  fevrier  i8o5.  Les  considerants  de  ce 
decrelportaient «  que,  la  commune  ayantrenielechristianismc 
de  la  maniere  la  plus  patente,  pour  se  vouer  a  I'atbeisme^,  le 
senat,  en  tant  qu'aulorite  cbretienne,  n'avait  pu  souffrir  plus 
longtemps  I'inlluence  pcrnicicuse  d'une  telle  association,  et  de 
son  enseignement,  sur  1' education  de  la  jeunessc.  » 

Ainsi  de  tant  d'autres  ecoles. 

1.  Jahrbiicher  derfreieti  deutschen  Academic.  Francfort,  1849. 

2.  Le  ministre  de  I'inlerieur  de  Prusse  disait,  dans  la  circulaire  adres- 
see  aux  presidents  des  provinces,  le  29  seplembre  1851 : 

« Le  developpemenl  qu'onl  regu  dans  les  dernieres  annees  les  commu- 
naules  dites  Hbi-es  communes,  a  prouve  qu'elies  ne  sont  pas  tant  des  so- 
cieles  religieuses  que  des  reunions  poliliqm  s  tendant  a  propager  les  prin- 
cipes destrucleurs  de  I'ordre  social...  C'est  done  le  devoir  de  I'fitat  de  les 
combattre  avec  tous  les  nioyens  legaux. » 

A  quoi ,  dans  sa  na'ivele  d'apolre ,  le  pasleur  Ulilich  repondait : 
•  Nous  ne  sommes  pas  des  socieles  religieuses!  c'est  la  un  bien  vieux 
grief.  La  mesure  que  les  fonctionnairos  de  I'empire  romain  appli - 
quaient  aux  idees  religieuses  d'alors,  ne  convenait  pas  aux  communautes 
chr6liennes  naissantes.  Ce!les-ci  n'adoraient  pas  les  dieux;  done  elles 
etaient  convaincues  d'aiheisme  Ainsi  de  nous,  les  nouveaux  Chretiens  !  • 
{SonntayS'Blutt.,  185-2,  7  mars). 

3.  ....  Die  Gemeinde  habedas  Christenlhum  aufs  entschiedenste  ver- 
leugnet,  und  sich  deni  Atheismus  zugev^^endet...  » 

Nalurellement,  les  Rheinische  Blatter  ont  jete  feu  et  flamme  contre  la 
suppression  de  cette  ecole.  "  Les  peres  et  les  meres  vont-ils  etre  contraints 
d'envover  leurs  enfanis  a  des  ecoles  oil  le  catechisme  de  Luther,  la  Bible 


ROLE  1)E  LA  SCIENCE  PEDAGOGIQUE.  207 

A  riiciire  qu'ii  est,  la  propagande  antichrelienne  et  alliee 
no  s'excrce  plus  guere  au  grand  jour.  Mais,  il  ne  faut  pas  se  le 
dissirauler,  de  louablcs  efforts  viendront  se  briser  Irop  sou- 
vent  contre  des  ecueils  redoutablcs,  ecueils  aujourd'liui  voiles 
peut-6treaux  regards  qui  effleurent  les  surfaces,  mais  que, 
dans  la  tempele,  le  choc  du  navire  revelera  tout  a  coup.  Le 
poison  a  peuetre,  sur  bicn  des  points,  jiisqu'au  coeur  raeme 
de  la  societe,  an  foyer  de  la  famille.  Etlorsquel'unedes  ecoles 
condamnees  disparail  sous  la  main  vengeresse  de  I'Etat,  le 
parti  frappe  repond  avec  cette  assurance  que  lui  donne  la 
conscience  de  sa  force  : 

«  Que  pouvez-vous  faire?  Disperser  nos  assemblees,  Inter- 
dire  la  parole  a  nos  maitres,  etouffer  notre  vie  publique;  eh 
bien!  nous  forlifierons  nos  convictions  dans  le  cercleintime  de 
nos  amis,  nous  echaufferons  notre  vie  religieuse  au  foyer  de  la 
famille;  si  nous  n'ecou  tons  plus  renscignementdenos  maitres, 
du  moins  nous  pouvons  lire..,  a  vous,  en  attendant,  a  vous  qui 
avez  la  force,  de  prouver  que  la  vieille  religion  a  conserve  la 
vie,  a  vous  de  rendre  le  peuple  heureux  et  de  realiser  le  del  sur 
la  ierrel  Gar,  sachez-le  bien,  I'antique  moyen  de  consoler /es 
douleurs  d'ici  has  par  les joies  futures  de  I'aidre  monde ,  ce  moyen 
n'est  plus  de  mise '...  A  I'a'uvre  done  !  » 

«  Et  d'ailleurs,  continue  le  pasteur  Uhlich,les  enfants  ne 
sontpasseulementlesenfants  deperes  etde  meres  que  Ton  pent 
contraindre  de  les  envoyer  aux  ecoles  et  aux  eglises  oii  Ton  en- 
seigne  le  dogme  du  passe;  ils  sont  aussi  les  enfants  du  dix- 


et  le  Gesangbuch  sont  I'alpha  et  I'omega !  » — et  la  feuille  de  M.  Diesterweg 
a  trouv6  ce  singulier  argument ;  « Quoi !  on  accuse  d'atheisme  I'ecole  de 
la  libre  commune ,  quand  il  est  de  notoriete  qu'oii  ne  s'y  occupait  en 
aucune  fa^on  d'instiuclion  religieuse  quelconque  !  » 

1.  «  Denn  die  Vertrusluiig  liber  den  Jammei  der  Erde  aul'den  Jubel  des 
jenseitigen  Himmels,  nein,  die  liillt  auch  bei  dem  Allglaubigslen  nicht 
melir. »  {Sonnlags  Blalt,  14  mars,  1802). 


208  SF.CONDE  PARTIE. 

neuvieme  siecle,  enfanlsde  cet  esprit  hiimain  qui,  dans  I'e- 
nergie  de  sondeveloppement,  a  deja  brise  tanldevieilies  cliai- 
iies.  Cliaque  aspiration  apportea  leur  poitrine  non-seulement 
I'air  vivifiant,  mais  aussi  I'esprit  du  siecle.  Et,  quand,  le 
soir,  au  foyer  de  la  famille,  ils  entendront  bafouer  ce  qui 
leur  aura  ete  dit,  le  jour,  a  I'ecole,  nous  verrons  de  quelle 
main  la  semence  sera  le  mieux  re^ue  dans  lours  jeunes  ames, 
quels  germes  s'y  enracineront  et  s'y  developperont  avec  le 
plus  de  puissance. » 


TROISIEME  PARTIE. 

RENAISSANCE  PEDAGOGIQUE. 


a 


TROISIEME  PARTIE. 

RENAISSANCE  PEDAGOGIQUE. 

p.  \y\A/VVVVV\/VVVV\AA/VVO 

CHAPITRE  PREMIER. 

Reaction  contre  la  premiere  moitie  du  dix-neuvieme  siecle.  —  Principes 
fondamentaux  (GrundzUge)  de  1854. 

De  tels  defis  voulaient  etre  releves.  lis  eurent  ce  salutaire 
effet  d'arracher  les  esprits  aiix  illusions  du  sommeil. 

Sous  le  feu  merae  des  passions  ennemies,  une  ecole  pedago- 
gique,  avec  I'appui  plus  ou  moins  declare  des  gouvernenients, 
avait  maintenu  ,  par  ses  protestations  courageuses,  les  droits 
de  la  pens^e  chretienne  et  du  bon  sens. 

Au  lendemain  des  evenements  revolutionnaires,  ces  protes- 
tations trouverent  partout  echo,  et  devinrent  la  voix  meme  de 
la  conscience  publique.  En  Allemagne,  comme  ailleurs,  les 
bouleversements  de  1848,  en  revelant  rabiine,  indiquerent  la 
voie  du  saint. 

«  Lorsqu'on  a  commence  a  livrer  I'enseignement  posilif  de 
la  doctrine  evangelique  et  les  mceurs  de  la  vie  clirelienne  a 
Taction  deletere  d'un  sceplicisme  sterile,  et  a  rcpandre  au 
sein  des  masses  un  esprit  supeificiel  de  critique;  lorsqu'on 
s'est  efforce  de  substituer  aux  liens  puissantsde  la  Famille  et 
de  la  Commune  les  illusions  trompeuses  d'une  renovation  ra- 
dicate; on  a  du  prevoir,  comme  une  consequence  necessaire 
de  celte  revolution  accomplie  dans  les  consciences,  In  cluile 


2^12  TROISIEME  PARTIE. 

des  barrieres  morales  et  I'aDeantisseraent  de  toute  autorite*.» 

Ainsi  parle  le  lecueil  qui  represente,  dans  le  monde  peda- 
gogiqne,  en  Prusse,  les  principes  traditionnels,  et  qui,  au 
point  de  vne  des  doctrines  religieuses,  prend  le  contre-pied 
des  Rkeinische  Blatter'^. 

«  Ne  nous  aveuglons  pas,  poursuit  \e  Schulblait.  et  ne  par- 
tageons  pas  I'erreur  de  ceiix  qui  croient  I'ennemi  vaincu 
parce  que  I'agitation  du  combat  exterieurestapaisee.  Les  idees 
destructives  conlinuent  a  vicier  la  vie  a  sa  source,  et  ont  pe- 
netre  jusqu'au  cobur  du  peuple^....  II  faut  fairc  peser  sur 
notre  systeme  pedagogique  la  part  de  responsabilite  qui  lui 
appartient.  La  ou  il  convenait  de  meltreen  lumierelestresors 
de  la  parole  divine,  on  a  nourri  les  esprits  des  jeunes  maitres 
des  steriles  reveries  d'un  systeme ;  la  oii  il  s'agissail  d'ouvrir  a 
leurs  regards  les  perspectives  de  la  revelation,  on  les  a  con- 
duits sur  le  terrain  aride  de  la  speculation  et  de  la  critique.  » 

«  Les  evenements  des  dernieres  aunees,  s'ecrie  une  autre 
voix,  nous  ont  eclaires  sur  les  plaies  profondes  du  peuple  alle- 

mand  et  enveloppe  son  avenir  d'un  sombre  voile II  s'agit 

de  former  nne  race  nouvelle  dans  laquelle  renaisse  la  vie  reli- 
gieuse  et  morale  *. » 

On  a  vu  avecquel  sentiment  des  perils  de  la  situation  et  d'un 
grand  devoir  a  remplir,  les  hommesd'Etat  des  differents  pays 
de  TAlleraagne  favorisent  et  provoquent  la  reaction  que  de- 

1.  Schulblatt  fur  die  Provinz  Brandenhurcj ;  1852,  p.  562.  Cette  excel- 
lente  Revue  est  publiee  sous  la  direction  de  MM.  les  conseillers  Striez, 
Bormann  et  Reichhelm. 

2.  Voyez  un  article  de  M.  Richler  (livr.  de  sept.  1852J,  intitule :  Welche 
Miinijel  unserer  Lehrerbildung  und  unseres  Schulunterrichts  sind  in  den 
Beicegungen  dcr  Ictzlen  lahre  hervorgetretcn  ? 

3.  Die  auflusendenundzersetzenden  Ideen  verzehren  den  frischen  und 
gesunden  Saft  des  Herzens  im  Volksleben. 

4.  Gedanken  iiber  christlich-nationale  Erziehung  der  VoJksjugend,  par 
M.  Flirbringer,  directeur  du  seminaire  de  Berlin. 


I 


REACTIOiN.  215 

termine  rinstinct  du  salut  social.  Nous  avons  paiie  des  rae- 
sures  prises  par  la  haute  administration  pour  rerapiaoer  les 
maitres  convaincus d'hostilite aux  idees  religieuses.  Ces  efforts 
desgouvernements,  ces  substitutions  d'hommes  h  horames 
ne  sont  que  le  signe  de  la  pensee  nouvelle  qui  aspire  a  trans- 
former les  fails  en  maitrisant  les  esprits.  Gette  pensee  n'est 
autre,  a  beaucoup  d'egards,  quecelle  qui  inspirait  I'enseigne- 
ment  populaire  pendant  la  premiere  periode  dont  nous  avons 
esquisse  les  traits  ^ 

«  L'education,  se  reprennent  a  dire  aujourd'hui  les  repre- 
sentantsd'unesaine Pedagogic 2, estlarestauration  deriioraiue 
dechu  en  sa  dignite  originelle;  c'est  I'illuminalion  de  I'esprit 
de  I'homme  par  les  verites  de  I'Evangile.  »  De  nouveau  on  in- 
voqueSpener  etFrancke;  on  renie  les  theories  de  Basedow,  de 
Gampe,  de  Salzmannetde  toute  I'j&cole  philanthrophiquc  ;  ce 
n'est  plus  qu'avec  defiance  que  Ton  admet  les  principes  de  Pes- 
talozzi  a  figurer  dans  I'inventairede  la  science  pedagogique;  et 
en  regard  des  appels  a  V Emancipation  de  TEcoIe,  dont  les  der- 
niers  echos  viennent  expirer  dans  les  Rheinische  Blatter^  on 
definit  ainsi  la  vocation  de  I'instituleur  : 

«  L'Instituteur  a  pour  mission  d'enraciner  dans  les  jeunes 
araes  les  croyances  fondamenlales,  de  les  developper  avec 
amour,  de  telle  sorte  que  plus  tard,  sous  I'impulsion  de 
Dieu  et  de  la  conscience,  elles  se  revelent  chaque  jour  de  la  vie, 
et  soient  a  I'homme  un  appui  et  un  bouclier  ^.  » 

«  L'education,  dit-on  encore,  doit  etre  a  la  fois  chretienuc 
et  nationale.  Comme  telle,  elle  s'efforce  de  laire  de  I'enfant 
ledigne  raembre  de  deux  societes,  I'Egiise  et  I'Etat;  elle  a 

1.  V.  chap.  1*^' de  la  premiere  partie. 

2.  Voyez  l^Urbringer,  op.  cii.  —  Voyez  aussi  I'ouvrage  di'ja  cite  de 
M.  Goltzsch. 

3.  Schulblatt,  1852,  p.  565. 


214  TROISIEME  PAHTIE. 

pour  but  le  developpement  de  ses  facultesau  profit  de  TEglise 
et  du  pays  ^  » 

«  L'ecole  populaire  [VolhsscJiule^)],  conlinue-t-on  ,  a  la 
mission  de  developper  la  vie  religieuse  ecclesiastique  du  peu- 
ple  {das  religios-kirchliche  Lehen  des  Volks)  par  I'education 
chrelienne  de  la  jeunesse.  Cette  education  chretienne  peut  et 
doit  etre  erapreinte  du  caractere  confessionnel  ^.  » 

Celui  qui  a  eerit  ees  lignes,  M.  Fiirbringer,  est  maintenant 
diiecteur  du  seminaire  de  Berlin;  il  a,  dans  ee  poste,  rem- 
place  M.  Diesterweg.  Un  tel  fait,  a  lui  seul,  est  une  demons- 
tration. 

Et  pour  qu'on  ne  s'y  trompe  pas,  les  autorites  officielles, 
les  Regences  que  les  liens  hierarcliiques  unissent  directement 
au  minislere  de  I'instruction  publique  de  Berlin,  n'besitent 
pas  a  invoquer  le  regleraent  qui  est  le  resume  complet  de 
la  pensee  pedagogique  de  la  premiere  epoque  ,  le  general 
Landschul  —  Reglementdeil&o''^.  Aux  Iheoriciensattardesdes 
Rheinische-Bl'aiter  et  du  Sonniagsblatt,  la  Regence  de  Potsdam 
repondait,  il  y  a  peu  de  temps,  par  cette  circulaire  signifi- 
cative : 

1.  Die  christlich-nationale  Erziehung  betrachtet  das  Kind  von  seiner 
Geburt  an  als  ein  Glied  zweier  Gemeinschaften,  einer  weitern,  des  Got- 
tesreiches...  und  einer  engern  dem  deutsclien  Volke...  (Fiirbringer,  Ge- 
danken,  etc.). 

2.  On  peut  Hre  d'excellentes  reflexions  sur  le  sens  du  mot  Volksschule 
(ecole  populaire),  dans  une  brochure  de  M.  le  docteur  Strack,  intitulee: 
Zur  Schulfrage  in  Bremen  {iSbO). — Repoussant  ce  mot  dans  la  significa- 
tion revolulionnaire  qu'on  a  voulu  lui  donner  {den  Theil  des  Volkes,  den  man 
in  unsern  Tagen  nicht  selten  tvieder  mit  dem  alien  Namen  Proletarier  be- 
nennen  hbrl),  I'auteur  montre  a  quelles  conditions  VqcoXq  populaire  peut 
juslifier  son  nom. 

3.  M.  Fiirbringer  apporte  a  ce  principe  la  restriction  de  rii'uar?gi«Jisme 
officiel  qui  poursuit  '  la  reunion  des  differentes  confessions  en  une  figlise 
allemande. »  Vereinigung  der  verschiedenen  Konfessionen  zu  einer  deutschcn 
Kirche  auf  den  Grund  apostolichcr  Lehre. 

4.  Voyez  ce  document  au  chap.  I  de  la  2e  partie. 


REACTION.  215 

«  On  a  demamle  dans  quels  rapports  i'instituteur,  en  tant 
que  dispensateur  de  Tenseignement  religieux ,  doit  se  trouver 
vis-a-vis  du  pasteur  de  la  paroisse. 

«Selon  les  prescriptions  toujours  en  vigueur  du  general 
Landsckul-Eeglement,  et  de  Vallgem.  Landrecht,  FEcole  et  le 
maitre  sont  places  sous  la  surveillance  el  sous  la  direction  du 
pasteur  local  {des  Ortsgeistlichen)^<\m,  en  se  conformant  aux 
reglements  promulgues  par  les  autorites  scolaires,  doit  arretor 
le  plan  des  etudes,  dans  I'ecole,  et  en  surveiller  la  mise 
en  oeuvre. 

«  Ges  prescriptions s'appliquent,  toutspecialement,  a  ce  qui 
est  le  but  principal  de  I'ecole  {Hauptzweck) ,  I'instruction 
religieuse,  laquelle  doit  elre  preparee,  dirigee  et  dispensee 
par  le  pasteur. 

«  Dans  quelle  mesure  I'instruction  religieuse  doit-elle  etre 
donnee  par  le  maitre?  On  s'en  fera  une  juste  idee,  si  I'on 
se  rend  compte  exaclement  du  but  de  I'euseignement  pre- 
paratoire  a  la  communion  dans  I'Ecole  *. 

«  Tant  que  la  jeune  population  de  I'ecole  est  dans  I'age  ou 
le  pouvoir  d'intuition  (Anschauungsvermdgen)  et  la  memoire 
sont  les  facultes  domiuantes,  I'instruction  dont  on  parle  ne 
doit  pas  etre  seulement,  dans  les  classes,  une  sorte  de  repe- 
tition, mais  un  enseignemeut  propre  a  eclairer  I'intelligence, 
a  echauffer  le  coeur ;  et  il  importe  que  I'ecole  soit,  pour  les 
enfants,  le  moyen  d'acquerir  tons  les  materiaux  que  devra 
feconder  la  parole  du  pasteur. 

«  De  la  lerolede  I'ecole  en  ce  qui  concerne  I'instruction 
religieuse. 

«  Culture  de  I'intelligenco,  du  coeur,  et  de  la  volonle;  his- 
toiresbibliquesdel'AnLien  etduNouveau-Testamenl;  prieres. 

1.  Voyez,  a  ce  sujet,  un  ecritdeM.  Thilo,  directeiir  du  seminaire  d'Er- 
furl,  inliLulo  :  Was  kann  der  Katechet  com  Prediger  krnen?    ■ 


2^  6  TKOISIEME  I'AUTli:. 

maximes  et  paraboles ,  cantiques  tires  du  livre  de  chants 
(  Gesangbuch);  chroniqiie  de  I'histoire  sacree,  etudedu  theatre 
desevenements  bibliques,  particulierementdelaTerre-Sainte, 
surtout  etude  de  I'histoire  de  la  Reformation,  —  tous  ces  objets 
rattaches  entre  eiix  par  im  lien  naturel,  mais  non  presentes 
avec  la  rigueur  systeraatique  de  Tenseignement  du  pasteur, 
constituent  I'instruction  religieuse  de  I'ecole. 

«f  C'est  poiirquoi  nous  adjurons  les  pasteurs  de  diriger 
I'instruction  religieuse,  dans  chaque  ^cole,  avec  un  soin  d'au- 
tant  plus  s^rieux  que,  la  plupart  du  temps,  les  maitres  negli- 
geantcette  partie  de  leur  tache,  I'enseignement  donne  dans 
le  temple,  ne  trouve  que  des  intelligences  vides  etdes  coeurs 
glaces. 

0  C'est  pourquoi  aussi  nous  leur  recommandons,  dans  les 
conferences  ou  chacun  d'eux  reunit  les  instituteurs  de  sa  pa- 
roisse,  et  ou  ces  derniers  doivent  subir  I'ascendant  de  la  con- 
viction etdes  conseils  plutot  que  la  pression  de  I'autorite, 
de  faire  en  sorte  qu'une  foi  vivante  se  fonde,  dans  leur  esprit, 
sur  I'intelligence  de  I'Ecriture,  et  de  leur  prodiguer,  avec 
leurs  conseils,  toutes  les  instructions  dont  ils  ont  besoin  i.  >• 

Une  autre  circulaire,  en  date  du  4  juin  1852,  presente  ega- 
lement  un  caractere  qu'on  ne  pent  meconnaitre.  Nous  tra- 
duisons2  : 

«  L' experience  des  dernieres  annees  nous  a  de  nouveau 
apprisa  reconnaitre  {aujsneue  erkennengelehrt)  corabico  il  est 
necessaire  d'enraciner  et  de  fortifier  les  fondements  de  la 
religion  et  des  moeurs  dans  toutes  les  classes  du  peuple,  et 
consequemment  le  sentiment  d'une  serieuse  pratique  reli- 
gieuse; combien  il  importe  que  Ton  comprenne  la  necessite 

1.  Circulaire  adressee  a  tous  les  surintendants  et  inspecteurs  de  Cercle. 

2.  Voyez  ,  sur  ce  m^nie  sujet,  la  circulaire  du  niinistre  de  I'inslruc- 
tion  publique,  au  chapitre  II  de  la  l*"^  partie. 


REACTION.  S'lT 

(I'une  fidele  observation  du  dimanche  et  des  fetes,  et  de  la 
participation  aiix  exercices  dn  culte  public. 

«  II  est  tres  affligeant  de  penser  que  parmi  les  instituteurs, 
conlrairement  a  leurs  devoirs  et  au  but  principal  deleur  mis- 
sion ,  qui  est  de  former  la  jeunesse  a  la  piete ,  les  uns  ne 
frequentent  jamais  le  service  divin,  les  autres  ne  s'y  ren 
dent  qu'irregulierement ;  qu'ils  ne  prennent  point  part  a  la 
sainte  communion,  et  qu'au  lieu  d'etre,  comme  ils  le  de- 
vraient,  pour  leurs  communes,  un  modele  salutaire,  ils  leur 
donnent  le  pernicieux  exemple  {verderbliches  Beispiel)  du 
mepris  des  saintes  pratiques  et  des  habitudes  chretiennes. 

«  Nous  vouschargeons  de  comrauniquer  cette  circulaire  a 
tous  les  instituteurs  de  votre  ressort  d'inspection,  et  de  faire 
en  sorle  de  ramener  au  devoir  ceux  qui  sont  en  faute. 
Nous  vous  faisons  remarquer  expressement  que,  partout  ou 
les  instituteurs,  faisant  fonction  de  chantres,  organistes,  sa- 
crislains,  se  croient  perrais  de  deserter  I'Eglise  pendant  le 
service  divin  et  pendant  le  preche,  de  maniere  a  faire  scan- 
dale  par  une  negligence  affectee,  une  conduite  si  coupable 
doit  provoquer  la  plus  vigilante  severite  de  la  part  des  fonc- 
tionnaires  preposes  a  I'inspection.  » 

« Le  Consistoire  royal  de  la  province  de  Brandebourg. » 

Nouslerepetons,  et  Ton  nesaurait  maintenanten  douter,  la 
renaissance^  ({n'h.  travers  les  nuages  d'un  present  charge  en- 
core des  erabarras  du  passe,  Ton  s'applaudit  de  voir  poindre 
dans  la  sphere  de  I'education  populaire,  au-dela  du  Rhin, 
n'est  autre  chose  qu'un  retour  aux  principes  qui  ont  soutenu 
la  premiere  epoque  . 

1.  wEinereligios-undsittlich-politische  Wiedergeburt  beginnt.  undsich 
fortenwickelt  zur  Heiligung  und^KriifLigung  des  Volks.  »  (FUrbringer,  Ge- 
dankenuber  chrisUich-nationale  Erziehung.) 


2^8  TROISIEME  PARTIE. 

La  mission  de  rinstitiiteur  ,  affirme-t-on  aujourd'bui , 
((  est  de  developper  dans  I'enfant  les  facultes  que  la  place 
reservee  a  rhomrae  fait  dans  la  hierarehie  sociale ,  lui  im- 
pose la  neeessite  de  posseder  *.  *  Que  diraient  d'une  telle 
maxime  les  ardents  theoricieDS  de  Francfort? 

Toutes  ces  declarations  des  organes  divers  de  I'opiaion  an 
dela  du  Rhin  ,  toutes  ces  manifestations  de  la  conscience  pu- 
blique  se  sont  resumees  recemment,  et  ont  pris  corps  et  vie, 
si  Ton  peut  dire,  dans  un  document  offieiel  d'une  haute  im- 
portance, document  qui  est,  tout  ensemble,  le  ?ned  culpa, 
de  la  Pedagogic,  et  la  profession  de  foi  de  I'administralion  su- 
perieurede  Berlin.  En  depit  des  embarras  d'une  pbraseolo- 
gie  souvent  obscure ,  il  faut  citer  ce  document  dans  son  en- 
semble. 

Principes  fondamentaux  concernant  I'organisation  et  I'enseignement  de 
I'Ecole  primaire  evangelique-. 

«  Des  chaugements  profonds  se  sont  manifestes ,  en  ces 
derniers  temps,  dans  la  vie  intime  et  dans  le  developpement 
inlellectuel  de  I'ecole. 

«  Lemouvement  des  idees,  qui,  depuis  une  longue  periode, 
s'estprononceavecpluson  moinsdeneltetedansledomaine  de 
I'instruction  piiblique,  a  fini  par  aboutir,  sous  differents  rap- 
ports, a  des  resultats  importants. 

a  Le  temps  est  done  vonu  d'eliminer  ce  qui  est  superflu  ou 
errone,  et  de  substituer  officiellement  ce  qui  a  ele  juge  salu- 
taire  et  executable,  par  les  hommes  qui  connaissent  le  prix 
d'une  instruction  populaire  vraiment  chretienne  et  pratique. 

«  L'ecoleelemenlaireavaitsui  Vila  direction  in  lellectuellode 

1.  Fertigkeiten,  Nvelche  seine  kUnftige  Slellung  in  der  biirgerlichon 
GesellsL'hal't  erheischt... " 

2.  Grundzlige  betreffend  Einriclilung  undUnterricht  derEvangelischen 
Elemenlarscluile  (3  oclobre  1854). 


REACTION.  219 

I'epoque;  elle  en  avail  subi  I'iinpulsion.  3Iais,  de  memeque 
la  vie  generale  dii  siecle  est  arrives  a  ce  ^oiot  ou  uDe  revo- 
lution decisive  est  devenue  necessaire  ^  de  meme  I'ecole,  si 
elle  ne  veut  s'esposer,  en  se  rattachant  a  une  opposition 
vaincue,  a  demeiirer  impuissante  et  a  deperir,  doit  entrer 
dans  le  nouveau  etsalutaire  mouvement  qui  lui  permette  tout 
ensemble  de  recevoir  et  de  donner  la  vie. 

«  L'idee  d'une  education  generale  par  le  developperaeni; 
abstrait  de  la  force  intellectuelle  ,  s'est  trouvee  sterile  et  fu- 
neste.  La  vie  du  peuple  exige  une  regeneration  fondee  non 
plus  sur  des  theories,  mais  sur  des  realites  immuables,  et 
sur  la  base  du  cbristianisme,  veritable  soutien  de  la  Famille, 
de  la  Commune  et  de  TEtat. 

a  En  consequence,  I'ecole  primaire  ou  la  majorite  du  peu- 
ple recoit  ies  elements  de  son  instruction  ou  meme  son  in- 
struction tout  entiere,  ne  doit  point  reposer  sur  un  sysleme 
abstrait  ni  sur  une  pensee  purement  scientifique:  elle  doit 
avoir  en  vue  la  vie  pratique  dans  I'Eglise.la  Famille,  la  Com- 
mune et  I'Etat,  et  resler  dans  Ies  limites  qui  lui  sont  tracees. 
L education  est  le  hut ;  la  methode  n'est  qu'un  moyen  sans 
valeur  par  lui-meme.  Liostruction  formelle  est  le  resultat 
des  objets  qu'embrasse  I'enseignement ;  si  elle  ne  tient  pas 
compte  des  elements  reels  ou  si  elle  Ies  choi^it  a  conlre- 
sens ,  elle  devient  funeste  et  destructive. 

«  En  partantdece  point  devue,  on  comprend  qu'il  importe 
moins  a  lecole  elementaire  d'adopter  et  d'organiser  des  cours 
nnuveaux  que  de  faii-e  un  ch()ix  rationnel  des  objets  d'ensei- 
gnement,  de  Ies  circonscrire  en  de  justes  limites,  et  de 
donner  a  I'ecole  une  organisation  en  barmonie  avec  son  but,  a 
savoir,  I'education  de  la  generation  qui  s'eleve. 

1.  Das  gesammte  Lebendes  Zeitallers...  wo  ein  entscheidender  Um- 
schwung  nothig  geworden... 


220  TllOISlEME  PAKTIE. 

«  C'estd'apres  cesdonnees,  que  doivent  elre  appliques  les 
principes  suivants  ,  pour  rorganisatioa  du  nouveau  plau 
d'etudes. 

I. — Religion. 

«  La  confirmation  fait  entrer  dans  la  Commune,  comme 
membre  independant,  I'enfant  incorpore  a  Feglise  du  Christ 
par  le  saint  bapterae.  L'Ecole  adraet  dans  son  sein  des  enfants 
ayant  droit  a  toutes  les  graces  du  salut,  pour  les  preparer  a  la 
reception  de  ces  graces.  Le  mattre  doit  done  etre  sanctifie  lui- 
meme  pour  pouvoir  dire,  comme  le  Christ :  «  Laissez  venir 
a  moi  les  petits  enfants ,  car  le  royaurae  des  Cieux  leur 
fippartient.  » 

«  Le  Christ  est  la  fin  de  la  loi ;  quiconque  croit  en  lui  est 
dans  la  voie  de  la  justice. 

c  C'est  en  se  fondant  sur  ce  principe  quele  reglement  d'etudes 
des  ecoles  normales  a  proclame  :  «  que  I'histoire  biblique  est 
le  champ  oil  I'ecole  elementaire  doit  se  proposer  dereveiller 
et  de  developper  la  vie  chretienne  au  coeur  de  la  jeunesse  qui 
lui  est  confiee.  » 

«  Depuis  le  moment  ou  le  Dieu  triple  et  un  a  cree  le  ciel  et 
la  terre,  jusqu'au  jour  ou  I'Esprit  saint  a  envoye  les  apotres, 
afin  qu'ils  pussent  rendre  temoignage  de  Dieu  ,  I'histoire  bi- 
blique est  le  tableau  des  oeuvres  de  la  grace  divine,  qui  aujour- 
d'hui  encore  doit  preparer  a  la  redemption  et  sanctifier  le 
ccBur  de  tout  mortel. 

«  C'est  pourquoi  il  importe  de  voir  I'enfant  chretien  faire 
revivre  en  lui  I'histoire  biblique;  et  c'est  a  cela  que  I'ecole 
a  mission  de  le  eonduire.  U  faut  qne  I'eleve  apprenne  a  ra- 
conter  Thistoire  de  la  Bible  avec  intelligence ;  el,  afin  qu'il  s'y 
rende  apte,  le  maitre  doit  d'abord  la  lui  raconter. 

t<  L'action  divine  s'est  revelee  par  des  paroles  consacrees; 


REACTION.  22\ 

aiissi  I'histoire  biblique  sera  raconteeavec  les  paroles  memes 
dela  Bible. 

«  Or,  la  Bible  contient  du  hit  eides  alimenis  solides  :  les  his- 
toires  bibliquesseront  done  reprodiiites  sous  la  forme  et  dans 
le  cadre  que  lui  donnent  les  bons  recueils  hisloriques.  G'est 
ainsi  qu'elles  seront  expliquees,  que  les  enfants  les  reliiont, 
qu'ilsles  raconteront,  qu'ils  les  confieront  a  leur  memoire, 
et  qu'elles  deviendront  vivantes  eii  eux. 

«  Par  la  sont  indiques  le  procedeeXle  hut^  dans  I'enseigne- 
nient  de  I'histoire  biblique. 

«  Pour  les  deux  premieres  annees,  la  creation,  la  chute  du 
premier  homme ,  le  deluge,* la  vocation  d'Abraham  et  la 
mission  deMoise,  les  histoires  de  la  vie  du  Christ,  qui  servent 
a  I'explication  des  fetes  chretiennes,  aiix  preuves  de  sa  divinito 
et  de  son  amour  misericordieux,  fourniront  des  materiaux 
suffisants;  apres  quoi,  les  enfants  sachant  lire  couramment, 
on  suivra  strictement  un  recueil  d'histoires  dont  I'etude 
comprendra  tout  le  temps  destin^  a  I'ecole;  les  enfants  les 
plus  avanees  liront  in  extenso  dans  la  Bible,  les  chapitres 
correspondants. 

«  Des  Tentree  des  enfants  a  I'ecole,  on  les  exercera  a  reciter 
noire  Pere ,  la  benediction  du  matin  et  du  soir,  le  bene- 
dicite  et  les  graces;  les  enfants  deja  instruits  apprendront 
en  outre  la  priere  generate  de  I'Eglise  et  les  autres  par- 
ties du  culte  liturgique. 

«  A  la  priere  du  matin,  on  fera  reciter  une  sentence  et  un 
chant  hebdoraadaire. 

«  De  plus,  on  choisira  au  moins  trente  cantiqucs,  parmi 
ceux  designes  pour  les  candidals  aux  ecoles  normales,  etces 
cantiqups  seront  appris  par  coeur.  Pour  les  maximes,  on  suivra 
un  recueil;  ou  bien  on  les  fera  apprendre  en  meinc  temps  que 
le  catechisme. 

«  Chaque  saraedi  on  lira  les.  pericopes  du  dinianche  sui- 


222  TROISIEME  PARTIE.  .. 

vant,  et  on  les  expliquera  ;  les  evangiles  du  dimanche,  tout  au 
moins,  doiventetre  appris  par  coeur. 

«  La  lecture  de  la  Bible  ne  sera  offerte  qu'aux  enfants 
sachant  deja  lire  couramraent.  Ed  dehors  des  perieopes,  le 
pasteur  fera  un  choix  dans  les  psaumes,  les  livres  proph^ti- 
ques,  et  les  epitres  du  Nouveau-TestameDt. 

«  Le  catechisme  en  usage  dans  la  Commune  sera  appris  par 
coeur,  aussi  longtemps  que  la  preparation  a  la  confirmation 
I'exige;  il  faut  que  le  texte  en  soit  compris  par  tous  les 
enfants,  et  recite  par  eux  correctement  et  avee  I'expression 
convenable. 

«  Laoii  I'onsesertdu  catechisme  de  Luther,  on  feraappren- 
dre  jusqu'a  la  dixieme  annee,  les  cinq  premiers  chapitres, 
et  a  partir  de  cet  age,  le  commentaire  de  Luther  sur  ces 
chapitres. 

«  Ce  qu'on  appelle  catechisation  sur  les  points  de  doctrine, 
ou  sur  les  maximes^  est  exclu  de  I'ecole  elementaire. 

«Le  devoir  principal  du  mailre  est^de  d^velopper  les  ob- 
jets  d'enseignement,  tels  que  nous  venons  de  les  exposer, 
de  les  mettre  a  la  portee  des  enfants ,  et  de  les  inculquer  dans 
leur  esprit.  Savoir  bien  raconter,  donner  a  ses  idees  une 
forme  saisissante,  resumer  la  pensee  principale,  voila  ce 
que  Ton  demande  au  maitre ;  de  plus,  11  faut  qu'il  ait  lui- 
m6me  cette  foi  vive  qui,  dans  les  choses  divines,  sans  un 
grand  appareil  d'art,  produit  la  conviction  et  la  vie. 

"  On  consacrera  six  lemons,  par  semaine,  a  I'enseignement 
religieux  ;  d'ordiuaire  c'est  par  la  que  commencera  ou  se  ter- 
raioera  I'ecole. 

«  Dans  lesecoles  ou  Ton  ne  jugera  pas  utile  que  tous  les 
eleves  indistinctementsuiventrenseignemenlcatechelique,  on 
occupera  une  partie  des  enfants  par  des  exercices  qui  devront 
6tre  choisis  dans  I'ordre  des  choses  religieuses. 

«  Le  chant  en  commun  d'un  cantique  ou  d'un  verset;  la 


REACTION.  225 

prieredite  au  commencement  de  I'etude ;  I'attitude  du  maitreet 
des  eleves,  tout  doit  donner  a  la  le^on  un  caractere  di' edifica- 
tion. II  importe  que  le  raaitre  veille  avec  un  soin  tout  particu- 
lier  a  se  maintenir  constarament  dans  la  grace  divine,  afin 
qu'il  puisse  prier,  en  toute  conviction  et  devotion ,  avec  ses 
eleves,  pour  eux  et  pour  lui-meme;  et  qu'il  soit  en  droit  de 
s'appliquer  le  commentaire  de  Luther  sur  le  quatrierae  com- 
mandement:  t  Je  suis,  moiaussi,  un  seigneur  (ein  Heer)  pre- 
pose,  par  I'ordre  de  Dieu  et  en  son  nom,  pour  veiller  sur 
de  pauvres  enfants  qu'il  iaat  gouverner  et  elever.  »  Ge  en  quoi 
consiste  la  veritable  vie  de  I'ecole  chretienne,  c'est  que,  fon- 
dee  sur  la  parole  de  Dieu  et  placee  sous  son  inspiration,  cette 
ecoleestun  etablissement  propre  a  I'instruclion  et  a  I'amen- 
dement,  les  eleves  en  devant  sorlir  animes  de  I'esprit  de 
Dieu,  et  aptes  a  toute  bonne  oeuvre. 

Aux  maitres  qui  sentent  en  eux  une  serieuse  vocation,  nous 
rappelons  ces  paroles  :  «  Le  Seigneur  dit  a  I'impie  :  Pourquoi 
celebres-tu  de  bouche  mon  alliance  et  proclames-tu  mes  droits, 
landis  que  toi-raerae  tu  hais  I'obeissance  et  meprises  mes 
lois?  J  Et  encore  :  «  Du  corps  de  celui  qui  croit  en  moi  cou- 
leront  des  torrents  d'eau  vive.  » 

II.  —  Lecture,  langue  allemande,  ecriture. 

On  doit  exiger  du  maitre  que  tout  enfant  qui  frequente  re- 
gulierement  I'ecole,  sache  lire  au  bout  d'nne  annee.  L'usage 
d'un  abecedaire,  I'application  d'unebonneetsimple  methode, 
et  I'assistance  bien  ordonnee  que  preteront  les  eleves  les 
plusavances\  mettrontl'instituteuramemed'atteindielebut. 

Les  lemons  d'ecriture  pourront  se  combiner  avec  les  lemons 

1.  Les  Aleves  les  plus  avances  jouent  ici  a  peu  pres  le  role  des  pupil- 
teachers,  en  Angleterre.  —  La  methode  muiuelk,  on  le  sait,  n'a  jamais  ete 
regue  en  AUemagne. 


224  TROISIEME  P ARTIE. 

de  lecture,  que  Ton  utilisera  pour  les  exercices  d'orthographe, 
de  ponctuatioD,  d'eloculion  et  de  redaction. 

Chez  les  sujets  intelligents  se  developpera  le  talent  d'ex- 
primer  leurs  propres  idees;  tons  doivent  apprendre  a  redi- 
ger  des  leltres,  formulaires  d'affaires,  d'apres  des  modeles 
qui  pourront  servir  en  meme  temps  d'exemples  pour  I'ecri- 
ture. 

L' etude  parlaquelle  on  s'approprie  letexte,  presente  egale- 
ment  une  importance  considerable  au  point  de  vue  du  deve- 
loppement  intellectuel.  A  cote  de  la  Bible,  du  catechisrae  et 
du  livre  de  cantiques,  le  livre  de  lecture  en  usage  doit  avoir 
assez  de  valeur  pour  devenir,  meme  au-dela  de  I'ecole,  le 
point  de  depart  de  I'inslruction  du  peuple. 

Les  ameliorations  importantes  qui  ont  ^te  introduites  de- 
puis  une  dizaine  d'annees  dans  les  livres  de  lecture,  nous 
fontesperer  que  I'epoque  n'est  pas  eloignee  ou  nous  possede- 
rons  un  livre  de  lecture  modele  pour  I'ecole  elementaire , 
lequel  pourra  servir  en  meme  temps  de  livre  populaire. 

Mais,  des  a  present,  toute  ecole  elementaire  peut  avoir  un 
bon  livre  de  lecture.  II  faut  que  les  enfants  apprennent  a  lire 
correctement  le  texte,  et  pour  cela,  qu'ils  en  aient  oomplete- 
ment  saisi  le  sens,  et  qu'ils  puissent  le  reproduire  en  d'autres 
termes. 

Des  notions  theoriques  de  gramraaire  ne  sont  point  exi- 
gees  des  enfants. 

Quant  a  I'euseignement  calligraphique  ,  il  faut  que  les  ele- 
ves  acquierent  une  ecrilure  ferme  et  qui  plaise  a  I'oeil,  qu'ils  ne 
restent  point  abandonnes  a  eux-memes  dans  un  exercice  pure- 
ment  mecanique,  et  que  le  texte  des  exemples,  qui  se  grave 
facilement  dans  la  memoire,  soit  tire  du  domaine  des  con- 
naissunces  utiles. 

Les  eleves  devront  egalemenl  etre  exerces  a  ecriresousla 
dictee. 


REACTION.  225 

Pour  renseignenient  de  Ja  lecture  et  de  I'ecriture,  on  em- 
ploiera  douze  lemons  par  semaine. 

III.— Calcul. 

Les  enfants  apprendront  a  resoudre  proniptement  et  sure- 
ment,  de  tete  et  par  ecrit,  des  problemes  empruntes  a  la  vie 
habituelle  {  en  nombrcs  entiers,  en  nombres  complexes  et  en 
fractions),  et  ue  depassant  pas  les  quatre  regies. 

Cinq  legons  par  semaine  seront  siifiisantes  pour  cet  ensei- 
gnement. 

IV.  —  Chant. 

Les  enfants  apprendront  d'ordinaire  a  chanter  d'apres 
les  notes;  cela  ne  doit  pas  empecher  de  les  habitiier  a  s'exer- 
cer  par  coeur.  L'essentiel  c'est  qu'ils  chantent,  quand  ils 
quitteront  I'ecole,  correctement  et  couramment  les  melo- 
dies usit^es  a  I'eglise,  et  une  certaine  quantite  de  chants 
populaires,  notammentdes  chants  patrlotiques  ;  il  estbien  en- 
tendu  que  leseleves  doivent  s'etre  completement  approprie  le 
texte  et  I'esprit  des  paroles. 

On  donnera  trois  lemons  de  chant  par  semaine,  et  Ton  veil- 
lera  h  ce  que  les  melodies  destinees  a  figurer  dans  I'office  du 
dimanche  suivant  soient  apprises  exacteraent  a  I'ecole. 

—  Les  objets  d'enseignement  que  nous  venons  de  designer 
absorbent  vingt-six  legons  par  semaine  :  trois  le  mercredi  et  le 
samedi,  cinq  les  autres  joui's.  S'il  elait  possible  de  porter  ce 
dernier  chiffre  a  six ,  on  pourrait  consacrer  une  lecon  a 
I'enseignement  de  I'histoire  nationale ,  une  a  I'histoire  na- 
turelle,  etenfin  une  Iroisieme  au  dessin. 

Ce  dernier  enseignenient  devra  se  borner  au  maniement  de 
la  regie  etdu  compas,  au  trace  simple  de  dessins  nsuels. 

15 


226  TROISIEME  TARTIE 

A  def  lilt  de  lemons  paiticulieres,  on  raetlra  a  profit  I'ensei- 
gnement  de  la  lecture,  pourdonner  aux  eieves  quelques  no- 
tions d'histoire  nationale  et  d'histoire  natiirelle.  Aux  anni- 
versaires  celebres,  une  ou  plusienrs  legons  devront  avoir 
pour  objet  des  recits  appropries  a  la  eirconslance;  les  eieves 
repeteront  des  chants  patriotiqiies. 

En  parcourant  les  divers  ehapitres  du  livre  de  lecture,  le 
mailre  trouvera  egaleraent  occasion  de  signaler  les  plienome- 
nes  de  la  nature,  et  de  les  expliquer. 

On  animera  I'enseignemenl  par  I'usage  des  cartes  de  geo- 
graphie,  par  I'examen  de  plantes  ou  d'autres  objets,  par  des 
descriptions,  par  des  coraparaisons.  Le  naaitre  ne  manquera 
pas  de  faire  connaitre  aux  eleves  la  vie  de  nos  souverains  et 
de  noire  peiiple,  de  leur  inspirer  I'amour  du  roi,  le  res- 
pect de  la  loi  et  des  institutions  du  pays.  II  n'aura  pour  cela 
qu'a  laisser  parler  I'histoire,  sans  rien  ajouter  de  son  propre 

fonds. 

L'enseignement,  tel  que  nous  venons  de  le  definir,  repose 
sur  ce  principe,  que  I'abstractioo  en  est  bannie.  Les  objets 
d'etudedoivent  avoir  des  rapports  strolls  avec  les  elements  vi- 
taux  de  toute  civilisation ;  I'Eglise,  la  Famille,  la  Commune  et 
la  Patrie. 

Les  eleves  et  les  maitres  pourront,  sans  difficulte,  par- 
courir  en  son  entier  le  plan  d'etudes  qui  vient  d'etre  trace, 
et  qui,  au  besoin,  devrait  eire  elargi. 

11  faut  toujours  que  les  objets  d'etude  soient  distribues  de 
telle  sorte  qu'une  bianche  d'enseignement  complete  I'autre, 
et  profile  au  resuitat  general, 

L'enseignement  elementaire  organise  d'apres  les  principes 
qu'on  vient  d'enoncer  ,  pour  I'ecole  primaire  a  une  seule 
classe,  pourra  etre  introduit,  sans  aucun  changement,  dans 
une  ecole  qui  comprendrait  plusienrs  classes. 

C'est  une  maxime  generate,  que  nieme  les  plus  pelitsen- 


REACTION.  227 

fants  ne  doivent  point  rester  inoccupes,  et  qu'aucun  eieve  ne 
peut  acquerir  line  notion,  qu'ellenedevienne  aussitot  le  sujet 
d'une  application. 

Dans  ee  qui  precede,  on  trouvera  le  moyen  de  donner  line 
organisation  fixe  et  durable  au  systeme  dit  auxiliaire  {heifer 
system)^  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  I'enseignement  rau- 
tuel.  Ce  sysleuie  est  une  image  de  la  Famille;  sous  la  direc- 
tion du  niailre,  tous  les  menibres  donnentet  re^oivent. 

Ce  maitre  sera  le  plus  haul  place,  qui,  chaquejour,  recoil  le  plus 
ahondaminent  lui-meme,  dans  I'ecole,  V esprit  d humiliie ,  depriere, 
d" amour  et  de  crainte  de  Dieu. 

Berlin,  3  Octobre  1854. 

Le  Ministre  des  Cultes,  de  V Instruction 
publique  et  des  affaii'es  medicales, 

Signe  :  De  Raumer. 

Sous  les  longueurs  de  cet  expose,  deux  idees  fondameu- 
tales  sont  faciles  a  saisir  : 

i°  Point  d'educalion  generale,  bumanitaire ,  europeenne, 
selon  I'expression  de  Basedow,  mais  un  enseignement  po- 
sitivement  et  pratiquement  cbretien  ; 

2°  L'enseigneinent  doit  reposer  non  sur  un  systeme,  sur  une 
abstraction,  mais  sur  les  bases  vivantes  de  I'Eglise,  de  la 
Famille,  de  la  Commune,  de  TEtat. 

On  le  voit,  la  reaction  contre  les  tbeories  du  pliilantbro- 
pisme,  contre  les  illusions  de  I'ecole  de  Pestalozzi  et  les  for- 
mules  audacieuses  de  i'hegelianisme,  ne  saurait  se  prononcer 
avec  plus  de  nettete;  etcette  reaction,  en  inspirant  deux  nou- 
veaux  regleraents  relatifs  aux  Ecoles  normales\  a  pris  viclo- 
rieusement  possession  des  faits. 

1  Voyez  le  chapitre  suivant. 


228  TROISIEME  PARTIE. 

Le  raanifeste  de  la  revolution  pedagogique  n'a  point  parii, 
on  devait  s'y  attendre  ,  sans  provoqiier  des  recriminations  et 
soiileverdes  coleres.  On  a  crie  a  la  trahison,  a  la  desertion 
des  principes  du  libre  examen  ,  ce  fondement  du  proteslan- 
tisine.  On  a  predit  a  la  reaction  orthodoxe-officielle  que  I'esprit 
germanique  ne  tarderait  pas  a  lui  demander  corapte,  au  nom 
de  I'avenir,  des  coups  portes  a  la  liberie  du  developpement 
intellectucl ;    on  a  evoque    de  la  tombe,  pour  effrayer  les 
temeraires  ,  les   ombres  irritees  de  Ficbte,   de  Dinter ,  de 
Hegel,  de  Schleiermacher.   Au  sein  raerae  du  parti  conser- 
vateur,  la  vigueur  de  la  resolution  a  provoque  quelque  sur- 
prise ^  ;  on  s'est  demande  si,  de  tels  principes  proclaraes  avec 
tant  de  franchise ,    on   trouverait  beaucoup   d'instruments 
pour  les  mettre  en  pratique  ,  et  si  le  caractere  de  la  profession 
do  foi  inscrite  dans  les  Grundziige  repondait  bien  exactement 
a  Tetat  des  convictions  religieuses  au  sein  des  populations 

protcstanles  de  Priisse. 

n  n'a  pas  ete  difficile  aux  publicistes  offieiels  de  prendre 
en  main  la  cause  des  reglements  incrimines  ;  en  promulguant 
les  Grund-ziige,  I'Etat  ne  faisait  que  rester  fidele  a  la  tradition 
qu  il  n'acessedeproteger,  on  I'a  vu,  contre  les  defaillances  de 
TEgiise  evangelique  et  contre  les  ecarts  de  la  science  peda- 
gogique 2.  Pourquoi  done  lui  faire  un  crime  d'avoir  ete  conse- 
quent avec  lui-meme? 

Aussi  les  autorites  scolaires  n'ont  pas  tarde  a  obeir  aux 
injonctions  emanees  d'en  haut.  Sur  les  divers  points  de  la 
monarchic  prussienne,  les  Regences  royales  ont  procede  a  la 

1.  Voir  un  article  du  Sc/mI6/aH,  livraison  de  Janvier  et  fevrier  1855, 
p.  93.  • ...  Sie  so  plotzlich  erschienen,  wie  ein  Blitz  aus  heiterer  Luft,  und 
dann  sie  so  tief  griffen,  wie  es  wohl  kaum  jemand  liatte  ahnen  kfinnen...' 

2.  Voyez  le  plaidoyer  recent  de  M.  le  conseiller  Stiehl,  en  faveur  des  trois 
re'^lements  :  Aktenstiicke  zur  Geschichte  und  zum  Versllindniss  der  drei 
preussischen  Regulative.  (Berlin  1855.) 


REACTION.  229 

mise  en  oeuvre  des  Douvelles  prescriptions  :  on  a  repete  sur 
tons  les  tons  qu'il  ne  s'agissait  plus  de  «  chercher  le  de- 
veloppement  des  esprits  dans  une  education  generale  huma- 
nilaire  »  ;  qu'il  n'appartenait  plus   «  a  la  volonle  indivi- 
duelle  de  fixer  arbitrairement  les  limites  de  I'instructiou  »  ; 
que,  ce  qu'il  fallait  obtenir  avant  tout,  c'etait  «  I'organisation 
morale  de  I'ecole  d'apres  I'esprit  d'un  christianisme  vivant, 
sur  le  fondement  de  la  foi  evangelique,  dans  ses  rapports  avec 
la  vie  reeiio,  c'est-a-dire  avec  la  Famille,  I'Eglise,  I'Etat;  » 
que  I'instiluteur  devait  etre  «  I'oigane  vivant  et  I'esprit  du 
Christ*;  »  etc...  etc.,  et  Ton  a  ordonne  aux  inspecteurs  de 
prendre  les  Grundziige  pour  texte  d'explications  et  de  com- 
mentaires,  dans  les  conferences  auxquellessont  tenues  d'as- 
sister  les  instiluteurs. 

Restauration  des  principcs  proclames  par  le  reglement  de 
1765  :  tel  est  le  point  auquel  sont  venues  aboutir,  au  dela 
du  Rbin,  les  temerites  d'une  science  qui  avait  cru  trouver 
dans  ses  fautes  meme  la  garantie  de  son  independance ;  tel 
est  le  resultat  modeste  d'un  demi-siecle  d'experiencesaventu- 
reuses  et  d'orgueilleuses  erreurs. 

Et  maiutenant,  le  moyen  de  perpetuer  un  mouvement  de 
cette  nature,  de  consacrer  ce  retour,  et,  selon  1' expression  des 
publicistes  officiels,  cette  Renaissance,  quel  est-il?  sinon  de 
former  des  instituteurs  qui,  dans  I'enseignement  distribue  au 
peuple,  substiluent  a  I'esprit  de  critique  agressive  le  cuitc 
des  idees  traditionnelles,  et  fassent  passer  de  la  theorie  gou- 
vernementale  dans  la  pratique,  les  principes  de  conservation 
religieuse  et  sociale? 

Former  des  insiiiuieurs ,  lei  est  done,  a  I'heurequ'il  est,  lebut 
principal,  I'objet  des  conslanles  preoccupations  des  autorites 

1.  Voir  particulierement  les  circulaires  adressees  par  les  Regences  de 
Potsdam  el  de  Francfort  aux  surintendants  et  aux  inspecteurs  de  Cercle, 
les  3  et  14  decembre  1854. 


250 


TROISIEMEPARTIE. 


preposees  au  gouverneraent  de  renseignement  public  dans 
I'AIlemagne  du  nord. 

Or,  c'est  des  ecoles  i\orma\es  {Schullehrerseminarien)  que 
sort,  au-dela  du  Rbin,  la  presque  totalUe  des  raaitres  des 
ecoles  primaires. 

Tout  le  probieme  de  I'education  populaire  se  resume  done, 
a  vrai  dire,  pour  les  pays  dont  on  parle,  dans  la  question  des 
ecoles  norm  a  les. 

11  convient  de  trailer  cette  question  avec  tous  les  develop- 
pements  que  le  sujet  comporte. 


CHAPITRE    SECOND. 

DES  ECOLES  NORMALES  d'iNSTITUTEURS. 

Au  dela  du  Rliin,  comme  en  France,  sous  I'eraotion  des 
bouleverseinents  revolutionnaires,  la  question  des  ecoles  nor- 
males  a  vivement  preoccupe  les  esprits  *.  Certes,  les  griefs  ne 
manquaient  pas  ;  les  fails  parlaient  haut,  et  les  plaies  etaicnt 
saignantes. 

Eh  bien  !  je  me  hate  de  le  dire,  a  part  quelques  tres  rares 
exceptions,  les  attaques,  dans  la  palrie  de  Felbiger  et  de  Kin- 
dermann,  n'ont  point  porte  sur  Tinstitulion  metne  Le  sens 
pedagogique  a  fait  voir  anx  Allemands,  dans  les  ecoles  nor- 
males,  comme  Tespiit  pratique  y  fait  reconnoitre  anx  An- 
glais ^  (c  une  arme  qu'il  est  insense  de  briser,  parce  qu'on  ne 
sait  pas  en  diriger  la  puissance.  »  On  a  done  proGle,  au  dela 
du  Rhin,  des  lemons  de  I'experience  ^  on  a  eloigne  des  ecoles 
normales  les  hommes  qui  en  denaturaient  I'esprit  et  en  com- 
promettaient  le  principe;  on  a  soustrait  quelques- uns  de 
ces  etablissements,  eelui  de  Polsdam,  par  exemple,  a  I'in- 
fluence  des  grands  centres  de  population,  en  les  transportant 
dans  un  milieu  plus  conforme  aux  habitudes  modestes  qui  s'y 

I.  Voyez  les  ouvrages  et  revues  plus  haut  cites,  et  aussi  une  inleres- 
sante  brochure  de  M.  le  docteur  Strack,  das  Seminar  (1850;. 

:'.  Voy.  dans  nos  etudes  sur  V Instruction  primaire  a  Lonclres  ,  dans  ses 
rapports  avec  I'eiat  social ,  les  p.  25,  26,  et  tout  le  chapitre  IV,  consacr6 
aux  ecoles  normales  d'Angleterre. 

Nous  demandons  aussi  la  permission  de  renvoyer  a  la  defense  que  nons 
presenlions  des  ecoles  normales,  en  1850,  dans  notre  ouvrage  :  De  la  Loi 
de  VeMseignement,  p.  237  et  suivantes. 


252  xaoisiEME  partie. 

doivent  developperj  on  a  modifle  les  programmes  d'etudes 
en  les  dechargeant  du  niiage  des  theories  et  des  systemes 
qui  faisaient  de  chaque  roaitre  d'ecole  iin  philosophe  au  petit 
pied;  on  s'est  efforce  de  ramener  I'enseignement  aux  propor- 
tions des  connaissances  usuelles,  et  de  le  diriger  dans  la  voie 
des  verites  religieuses,  et  de  la  simplicite  pratique;  on  a  re- 
forme,  en  un  mot;  on  n'a  pas  detruit. 

Le  premier  point  qui,  dans  la  reforme  des  ecoles  normales 
primaires,  devait  le  plus  specialement  preoccuperl'adminis- 
tration  superieure  de  I'instructioa  publique  a  Berlin,  c'est  le 
recrutement  des  eleves-maitres. 

Et,  en  effet,  il  faut  le  dire  et  le  repeter,  ce  recrutement  et  le 
moded'apreslequel  ils'opere  est  unequestionvitale pour I'ave- 
nir  de  I'education  populaire.  On  est  tres  severe,  en  AUemagne, 
sur  les  conditions  d'admission  aux  ecoles  normales.  On  est  tres 
severe,  parce  qu'on  peut  relre;et  on  pent  I'etre par  cet  excel- 
lent motif  que  les  directeurs  des  ecoles  normales  ont  affaire, 
chaque  annee,  a  un  nombre  considerable  de  candidats.  En 
France,  la  plupartdu  temps, il  faut bien  en  convenir,  lenombre 
des  aspirants  est  trop  reslreint  pour  qu'il  soit  permis  de  se 
monlrer  bien  difficile.  Et  quelle  est  la  raison  de  cette  diffe- 
rence du  chiffre  des  candidats  dans  les  deux  pays?  Elle  est 
fort  simple  :  en  France,  tout  porteur  d'un  brevet  de  capacite, 
d'ou  qu'il  vienne,  ou  qu'il  ait  puise  I'instruction ,  peut,  grace 
a  la  simple  production  de  certificals,  obtenir  son  inscription 
sur  la  liste  d'admissibiliie  aux  fonctions  d'instituteur.  En  AUe- 
magne, au  contraire,  les  moeurs,  sinon  la  loi,  exigent  que 
tout  mailre  qui  aspire  a  la  direction  d'une  ecole  publique,  ait 
passe  par  une  ecole  normale.  II  en  est  ainsi  en  Hanovre 
comme  en  Prusse,  en  Bade  corame  en  Saxe,  dans  la  regence 
catholique  de  Fulda,  comme  dans  la  regence  protestante 
de  Potsdam.  Je  lis,  par  exemple,  dans  le  reglement  du  Semi- 


ECOLES  ISOIIMALES  d'iNSTITUTEUKS.  255 

naire  calliolique  de  Hesse-Cassel,  place  sous  la  haute  direction 
de  I'evequedeFulda  : 

«  Toutes  les  fois  qu'il  s'agira  de  pourvoir  a  une  place  de 
mailre  d'ecole,  on  aura  egard ,  avant  tout  candidal,  aux 
maitres  sortis  du  seminaire;  et  aussi  longtemps  qu'il  se 
trouvera  quelqu'un  de  ces  derniers,  on  ne  pourra  choisii* 
aucun  sujet  forme  d'une  autre  maniere  aux  fonctions  d'insti- 
iwiewv. Keinauf  andere  Weise  zumSchuIamtvorbereitefesSubjecte 
genommen  Werden.  »  (Art.  2S.) 

Ou  comprend  que,  dans  ce  systeme,  entre  les  candidats  aux 
ecoles  normales  primaires,  on  n'ait  guere  que  I'embarras  du 
choix.  Qu'on  veuille  bien  le  remarquer  en  raeme  temps  :  ce 
n'est  pas  la  France,  c'est  TAllemagne  qui  est  ici  sur  le  terrain 
de  la  logique  et  du  bon  sens,  non  moins  que  dans  la  verite  dcs 
fails.  Je  mets  de  cote,  bien  entendu,  les  membres  des  Congre- 
gations religieuses  enseignantes^  en  dehors  de  ceux-ci  ( et 
leur  nombre  sera  toujours  tres  faible  en  proportion  de  celui 
des  ecoles  a  pourvoir),  qu'attendre,  a  partde  rares  exceptions, 
dejeunes  gens  qui,  jusqu'a  Tage  de  vingtans,  ont  vecu,  sinon 
dansledesordre  des  moeurs,  presque  toujours,  du  moins,  dans 
les  habitudes  grossieres  d'une  vie  qu'aucune  pensee  morale 
n'inspire?  Ce  n'est  pas  la  possession  d'un  brevet  conquis  a  jour 
fixe,  et  ne  temoignant  en  rien  des  qualites  intimes  ni  de 
la  vocation,  qui  suffit  a  transformer  la  nature  et  a  cle- 
ver le  caractere.  Que  sera,  dans  son  role  d'instituteur,  le 
JGune  homme  qu'une  velleite  subite ,  le  degout  des  profes- 
sions laborieuses,  le  desir  d'echapper  aux  lois  du  service  mi- 
litaire,  que  sais-je?  une  ambition  de  has  etage,  aura  enleve 
au  milieu  trivial  qui  Tentoure,  pour  le  jeter,  a  I'improviste, 
sur  les  bancs  d'un  jury  d'examen?  Ce  que  nous  voyons  Irop 
souvent  :  une  sorte  de  ferule  vivante,  une  machine  a  lire, 
ecrire  et  chiffrer,  apte  peut-etre  a  communiquer  aux  eleves 


254 


TROISIEME  PARTIE. 


que  la  contrainte  lui  amene  la  science  du  deux  et  deux  font 
quatre,  impnissant  a  jeter,  dans  les  intelligences  qu'il  faiit 
eclairer,  dans  les  coeurs  qu'il  faut  captiver,  ces  idees  et  ces 
sentiments  qui  sont  le  fondement  de  la  vie  morale. 

Le  recrutement  des  eleves-maitres  une  fois  assure,  on 
peut,  au  grand  avantage  de  I'enseignement  et  de  I'institution 
meme  des  ecoles  normales,  se  montrer  fort  exigeant  pour 
I'admission  des  candidats.  L'administration  superieure  de 
I'instruction  publique  au  dela  du  Rhin  a  compris  quel'oeuvre 
de  la  formation  des  instituteurs  serait  tres  avancee,  si  les 
futurs  maitres,  avant  de  franchir  le  seuil  des  ecoles  normales, 
subissaientunnoviciat  qui  defrichat  des  intelligences  inculles: 
a  plusieurs  seminaires  du  Hanovre,  de  Saxe  et  de  Prusse, 
sontannexees  des  sections  preparatoires  ou  les  jeunes  gens 
qu'une  vocation  precoce  attire  vers  la  carriere  de  I'enseigne- 
ment sont  re^us  des  i'age  de  quinze  ans;  ou  bien  encore, 
des  pasteurs  ou  des  maitres  particulierement  dignes  de  la 
confiance  des  autoritesscolaires,  sechargent  de  preparer  les 
jeunes  gens  non  pas,  notez  ce  point ,  aux  examens  conferant 
le  brevet  de  capacite,  mais  aux  epreuves  qui  ouvrent  i'en- 
tree  des  Schidlehrerseminarien  ^ . 

1.  •  Les  jeunes  gens  qui  sont  regus  dans  des  etablissements  prepara- 
toires pour  s'y  mettre  en  etat  d'etre  admis  au  seminaire,  s'ils  n'tiabiteat 
pas  cliez  leurs  parents  ou  chez  des  proches,  ne  peuvent  etre  pris  en  pen- 
sion par  d'autres  personnes  que  par  des  instituteurs. 

« II  a  ete  remarque,  dans  les  examens  d'admission  aux  ecoles,  que  les 
candidats  ne  possedaient  souvent  de  la  sainte  ficriture  qu'une  connais- 
sance  purement  mecanique.  II  est  necessaire  qu'ils  prouvent  par  des  re- 
ponses  reflechies  qu'ils  penetrent  le  sens  des  recits  presentes  par  les  livres 
sacres;  quant  aux  chants  d'eglise,  ils  doivent  montrer  qu'ils  en  compren- 
nent  I'esprit,  et  les  chanter  avec  I'expression  et  le  ton  convenables. 

« En  ce  qui  concerne  la  langue  maternelle,  les  aspirants  doivent  surtout 
s'apfiliquer  a  bien  comprendre  les  morceaux  de  lecture,  eta  les  lire  avec 
expression ;  puis  a  en  rendre  compte  en  presentant  regulierement  I'enchal- 
nement  des  idees.  lis  doivent  aussi  pouvoir  donner  des  explications  sur  les 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITUTEURS.  255 

A  cet  ensemble  de  raesures  se  rapporte  la  circulaire  dii 
Ministre  de  I'instruction  publiqiie  de  Prusse,  en  date  du  9  juil- 
let  1852.  Cette  circulaire  temoigne  de  la  place  qu'occupent 
les  ecoles  normales  dans  I'estime  de  I'adrainistration  supe- 
rieure;  il  la  [au teller  : 

«  Les  rapports  des provinzial-schul- Collegien  sur  la  prepara- 
tion aiix  fonctionsd'instituteur  par  des  pasteursou  des  maitres 
d'ecoie  isoles,  demontrent  que  les  resultats  de  cette  sorte  de 
preparation  sont  tres  rarement  heureux,  qu'ils  sont  insuffl- 
sants,  et  nuUement  de  nature  a  constitiier  I'equivalent  de  la 
preparation  que  Ton  revolt  dans  les  seminaires^ . 

«  D'un  autre  cote,  plus  les  seminaires  se  rendent  compte 
de  leur  mission,  laquelle  consiste,  en  renon^ant  a  des  theories 
abstraites  et  steriles,  a  former  pratiqueraent  des  instituteurs, 
et  a  les  tenir,  pyr  Tinfluence  de  la  discipline  et  du  regime 
moral  de  I'ficole  norraale,  dans  une  juste  union  avec  I'Eglise 
et  la  famille,  plus  11  est  a  desirer  que  les  pasteurs  et  institu- 
teurs, a  la  hauteur  de  cette  lache,  consacrent  leur  devoueraent 
et  leur  temps,  a  former  de  bons  candidals  pour  ces  etabllsse- 
ments,  et  a  les  accoutumer  par  avance  a  I'enseignement  et  a 
I'education  des  enfants. 

«  Je  desire  done  que  les  Regences  royales,  partout  ou  se 
rencontrent  des  instruments  de  preparation  pour  les  fonctions 
d'instituteurs,  fassent  leurs  efforts  pour  employer  ces  instru- 
ments dans  le  but  qui  vient  d'etre  enonce.  Dans  les  cas  oil  des 
secours  pecuniaires  seraient  necessaires,  je  serais  dispose  a 
les  accorder,  autant  qu'll  dependrait  de  moi.  » 

expressions  d'iiistoire,  de  geographie  ou  d'histoire  naturelle  qu'ils  rencon- 
trent. De  semblables  explications,  orales  ou  ecrites  ,  temoignent  plus  en 
faveur  des  candidats  que  des  definitions  grammaticales  apprises  par 
cceur.i>  iCirculaire  du  Schul-CoUegium  de  la  province  de  Berlin,  1852.) 

1.  Des  resultats  enlierement  analogues  sont  constates  en  France,  dans 
les  quelques  deparlements  ou  un  vote  peu  reflechi  a  supprinie  les  ecoles 
normales  pour  les  reniplacer  par  des  ecoles  stagiaires. 


256  TROISIEME  PARTIE. 

Une  circulaire  analogue  de  la  regence  de  Francfort-sur- 
rOder,  dn  8  octobre  1852,  doitici  trouver  place. 

«  Nous  n'ignorons  pas  les  services  que  rendent  un  grand 
nombre  de  pasteurs  et  d'instituteurs  de  notre  ressort,  en  pre- 
parant,  dans  des  etablissementsapprouvespar  le  Schul-Colle- 
gium  de  la  province,  de  bons  maitres  pour  les  fonctions  de 
i'ecole,  etsurtout  des  candidats  instruits  pour  \es  seminaires. 

«  Nous  croyons  devoir  rappeler  a  eeux  de  ces  pasteurs  et  de 
ces  instituteurs  qui  n'ont  pas  sous  la  main  un  de  ces  etablisse- 
mentspreparatoires,qu'ilspeuventavoircependantdefrequen- 
lesoccasionsde  preparer  individuellementdefutursmaitresaux 
i'onctions  del'enseignement.et  particulierement  a  I'admission 
dans  un  seminaire.  Dans  beaucoup  de  comnaunes,  on  trouve 
des  jeunes  gens  d'un  merite  parliculier ,  dont  les  pasteurs 
et  les  instituteurs  ont  pu  distinguer  le  gout  pour  I'enseigne- 
ment ,  et  dont  les  families  recommandables,  par  la  piet^ 
et  la  moralile  de  la  vie  ,  serablent  promettre  de  dignes 
instituteurs, mais  n'ont  pas  lesmoyens  de  placer  leursenlants 
dans  un  ctablissement  preparatoire.  II  est  desirable  que  la  ou 
se  rencontrent  de  tels  jeunes  gens,  et  oii  le  pasteur  ne  man- 
quant,  d'ailieurs,  ni  de  loisir  ni  de  devouement,  a  sous  la  main 
un  bon  instituteur,  Tun  el  I'autre  s'efforcent  de  les  preparer 
avec  amour  et  soUicilude  (mii Liebe und So?'gJaIt) aux  fonctions 
de  I'enseignement,  de  veiller  sur  leur  conduite,  d'entretenir 
ebez  eiix  Tamour  de  I'cnlance,  et  de  les  placer  sous  une  habile 
direction,  en  qualite  de  maitres-adjoints.  Les  resuitats  de  ces 
soins  seront  d'autant  meilleurs,  que  le  pasteur  et  I'insti- 
tuteur  associeront  leurs  efforts.  Si  cette  association  n'est 
point  possible,  il  sera  (on jours  tres  profitable  que  I'un  ou 
I'autre  se  consacre  a  cette  mission.  On  obliendra  toutsuc- 
ces ,  si  le  jeune  homme  ainsi  patrone  peut  s'initier  aux 
details  d'une  bonne  ecole  voisine.  La  vue  quotidienne  d'une 
telle  ecole  produira  sur  son  esprit  des  impressions  qui,  plus 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITUTEURS.  257 

tard,  ne  le  quitteront  pas  dans  la  pratique  de  son  ensei- 
gnement,  et  exerceront  la  plus  salutaiie  influence.  Nous 
souliaitons  done  vivement  que,  partout  oil  existera  une  ecole 
dans  iaquelle  non-seulement  Tinstruction  est  habilement  don- 
nee,  mais  encore  ou  se  developpe  une  veritable  puissance  edit- 
caike  (eine  wahrhaft  erzieherische  Thdtigkeif)^  cette  precieuse 
occasion  ne  soil  pas  negligee. 

«  Les  surintendants  et  inspecteurs  feront  en  sorte  de  don- 
ner  aux  ecclesiasliques  et  aux  inslituleurs  les  conseils  et  la 
cooperation  necessaires  pour  les  aider  a  alteindre  le  but  pro- 
pose. " 

Ainsi,  on  est  convaincu,  en  Allemagne,  de  la  necessite,  pour 
les  eleves-raailres,  de  preparer  a  I'avance,  par  un  noviciatd'e- 
tudeset  de  bonne  conduite,lesresultals  que  doit  profhiire  I'en- 
seignementderecole  normale;  on  y  juge  indispensable  qu^  cet 
enseignement,  pour  porter  scs  fruits,  tombe  snr  un  sol  d6ja 
cultive.  Or,  apres  un  tel  noviciat,  les  candidatsdesecolesnor- 
males  peuvent,  on  le  compreml,  elre  souniis  a  un  examen 
serieux. 

Cet  examen  comprend  deux  parties,  la  partie  morale  et  la 
partie  pedagogique. 

En  ce  qui  est  de  la  partie  morale,  le  candidal  doit  justifier 
d'aniecedents  irreprochables  ;  el  les  pieces  par  la  production 
desquellesil  est  tenu  d'etablir  le  caraclere  de  ces  antecedents, 
sont  generalement  les  suivantes  : 

i"  Un  acte  de  bapleme  et  de  premiere  communion ; 

2°  Un  compte  rendu  de  sa  vie  ecrit  par  lui-meme,  el  conte- 
nant,  outre  les  particularites  relatives  a  sa  personne,  des  indi- 
cations sur  sa  preparation  preliminaire; 

3"  Un  certilicat  du  pasteur  de  sa  paroisse,  concernant  ses 
dispositions  religieuses  et  morales. 

Ces  salulaires  exigences  temoignent  des  preoccupations 
qui  dirigeut  les  chefs  de  ['administration  de  linsiruction 


258  ,  TROISIEME  PARTIE. 

publiqiie  en  Priisse.  Ce  qui  doit  etre  reraarqiie  ici,  c'est 
I'intervenlion  officielle  du  ministre  du  culte.  Gelte  inter- 
vention n'etait  pas  mentionnee  dans  le  reglenient  de  I'ecole 
normale  de  Potsdam,  cite  en  1833  par  M.  Cousin  ;  et  il  est  in- 
teressant  de  voir  les  directeurs  des  seminaires  allemands  se 
rapproeher,  sous  la  le^on  des  faits,  de  la  pratique  des  ecoles 
normales  anglaises  : 

0  Tout  candidal,  portent  les  reglemenls  des  ecoles  norma- 
les de  la  National  Society,  est  tenu  de  produire  un  certificat 
signeparle  clergyman  de  la  paroissesurlaquelle  il  residaiten 
dernier  lieu.  II  doit  aussi  presenter  des  attestations  relatives  a 
ses  dispositions  morales  et  religieuses,  emanant  de  trois  res- 
pectables chefs  de  famille  desquels  il  soit  personnellement 
connu  depuis  un  temps  sufflsant.  Ces  attestations  doivent  etre 
contre-signees  par  le  clergyman  de  la  paroisse  sur  laquelle 
reside  cbacun  des  peres  de  famille.  » 

La  partie  morale  est  la  premiere,  on  le  volt,  dans  I'examen 
d'admission  ;  mais  les  garanties  decetordre  unefois  oblenues, 
la  partie  pedagogique  obtient  le  rang  qui  lui  appartient. 

II  faut,  a  cet  egard,  nous  rendre  un  compte  exact  de  la  pra- 
tique des  seminaires  allemands. 

Le  serainaire  elabli  autrefois  a  Potsdam,  celui-la  meme  que 
M.  Cousin  pr^senlait  corarae  le  type  des  ecoles  normales  pri- 
maires  de  Prusse,  a  ete,  nous  I'avons  dit,  transporle  dans  un 
lieu  plus  en  rapport  avec  la  simplicite  de  vie  qui  doit  etre  la 
regie  d'un  tel  institut.  On  I'a  inslaile  dans  une  ancienne  forte- 
resse  a  deux  lieues  de  Berlin,  a  Copenick.  Un  reglement  sp(^- 
cial  a  ete  fait,  en  1853,  pour  lenouveau  seminaire;  et,certes, 
le  Schul-Collegium  de  la  province  de  Brandebourg  se  serait 
garde  de  rien  introduire  dans  ce  reglement  qui  ne  fiit  pas  en 
barmonieavecl'esprit  de  sage  reforme  qui  animeaujourd'bui 
I'administration  superieure  de  Berlin.  Eh  bien !  on  va  voir 
quelles  exigences  on  a  cru  pouvoir  imposer,  sous  le  rapport 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITCTEURS.  259 

pedagogique,  aux  candidats  qui  sollicitent  leur  admisssion.  Je 
donneici  le  reglement  tout  entier. 

Reglement  du  seminaire  de  Copenick. 

d.  «  —  Le  seminaire  de  Copenick  a  pour  but  de  former  des 
maitres  pour  les  eeoles  populaires,  par  la  pratique  et  la  theo- 
rie  [theoreisch  imdprakiisch),  particulieremeut  pour  le  ressort 
et  de  la  regence  de  Potsdam. 

2.  —  La  duree  du  cours  d'etudes  est  de   deux  annees*. 

3.  — L'admission  des  nouveaux  eieves  a  lieu  deux  fois  dans 
I'annee,  a  Paques  et  h  la  Saint-Michel. 

4.  —  Les  aspirants  doivent  presenter  au  directeur  de  I'ela- 
blissement : 

a.  Uq  corapte-rendu  de  lenr  vie  anterieure  ecrit  par 
enx-meraes,  et  contenant,  outre  les  particularites  relatives 
a  leurs  personnes,  des  indications  sur  leur  preparation  preli- 
minaire; 

b.  Un  certificat  de  bapteme  et  de  premiere  communion ; 

c.  Un  ceitificat  du  cure  de  leur  paroisse  concernant  leurs 
dispositions  religieuses  et  morales,  et  une  attestation  de  con- 
duite  irreprochable; 

d.  Un  certificat  de  vaccine ; 

e.  Un  certificat  porlant  sur  la  capacile,  le  zele,  les  progres 
des  aspirants; 

/.  Une  notice  sur  leurs  parents  ou  tuteurs,  et  sur  le  temps 
pendant  lequel  ils  sonten  elat  de  payer  les  fraisde  pension. 

5.  — Nesont  admissibles  que  les  jeunes  gens  qui  ontatteint 
dix-huit  ans,  et  qui  ont  peu  dej)asse  cet  age. 

6.  —  L'adraisi^ion  est  prononcee  seion  les  resultats  de  I'exa- 
men,  qui  sont  notifies  aussilol  que  possible  aux  candidats. 

1.  Cette  fixation  de  la  duree  du  cours  est  une  exception  ;  nous  rcvien- 
drons  sur  ce  sujet. 


240  TROISIEME  PARTIE. 

7.  —  Le  candidal  doit  posseder  une  connaissance  suffisantc 
de  la  Sainle-EcriUiie,  Ancien  et  Nouveau  Testament,  et  etre  en 
etat  de  reproduire  les  recits  principaux  de  la  Bible  et  les  para- 
boles  du  Saiiveur,  en  presentant  les  explications  necessaires.il 
importe  qu'il  piiisse  reciter  par  coeur  les  morceaux  les  plus 
importants  des  Evangiles. 

Les  candidats  doivent  aussi  avoir  une  connaissance  farailierc 
du  petit  catechisme  de  Luther ;  quant  aux  chants  d'eglise,  il  est 
necessaire  qu'ils  ne  les  possedent  pas  seulement  de  memoire, 
maisqu'ils  prouven  t  par  des  explications  qu'ils  en  comprennent 
le  sens.  » 

Le  serainaire  de  Bunzlau  est  un  teraoin  irrecusable  des  ef- 
forts par  lesquels  I'Etat  reagit,  en  ce  moment,  dans  I'Allema- 
gne  du  nord,  contre  le  scepticisnie  pedagogique  dont  nous 
avonsdecrit  les  ravages.  II  est,  au  point  de  vue  religieiix,  dans 
le  proteslantisrae,  le  pendant  du  SchuUehrer seminar  calholiqiie 
deKempen.  II  faut  voir  en  lui  une  sorfe  de  resurrection  des 
elabiissements  d'educalion  de  la  premiere  periode,  etablisse- 
ments  fondes  sur  ces  deux  principes  :  rehabilitation  de  la  na- 
ture humaine  par  le  christianisme;  respect  de  I'ordre  politi- 
que conslitue  et  de  la  hierarchic  sociale  au  sein  de  laquelle 
chacun  doit  non  pas  conquerir  son  rang,  mais  I'accepler. 

Le  directeur,  M,  Stolzenburg,  precederament  charge  de 
I'Ecole  normale  de  Steinau,  porte  partout  son  devouement  a 
I'education  des  classes  populaires,  et  I'ardente  persuasion  que 
par  la  verite  chretienne  seulement  clles  peuvent  etre  guidees 
dans  les  voies  de  la  regeneration  morale.  En  1849,  a  I'inau- 
guration  de  I'Ecole  normale  de  Steinau,  il  faisait  hautement 
connaitre  sa  pensee,  et  il  la  formulait  en  des  termes  qui  rap- 
pellent  les  inspirations  de  Franke^  : 

1 .  "  Quelle  est  la  t&che  de  I'instituteur  ?  De  developper  toutps  les  forces 
intellectueltes  de  I'enfanl,  de  diriger  les  facultes  qui  lui  sonl  necessaires 
pour  raccomplissement  de  sa  deslinee  terrestre ;  mais  surtout  d'enraciner 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITUTEURS.  24\ 

Ce  sont  ces  memes  idees,  et  cette  meme  ardeni*  de  convic- 
tion ^,  que  M.  Stol/enburg  consacre  aujourd'hui  a  I'oenvre  de 
la  formation  des  institiiteurs  dans  I'Ecole  normale  et  dans  les 
etablissements  annexes  de  Biinzlau^.  II  siilfitdepasserquelqnes 
beures  avec  cet  honorable  direcleur,  pour  appreeier,  et  I'ele- 
vation  de  ses  vues ,  et  le  caraclere  essentiellement  pratique 
de  ses  principes  d'education. 

Eh  bien  !  a  Bunzlau  comme  a  Copenik,  on  ne  crainl  pas  de 
donner  au  developpement  intellectuel  des  eleves-maitres  la 
place  qu'il  iraporle  d'y  reserver,  et  d'exiger  beaucoup  des  can- 
didats  a  I'Ecole;  a  Bunzlau  comme  a  Copenik,  on  a  laisse 
Texamen  pedagogique  sur  le  second  plan  ,  mais  on  s'est  bien 
garde  de  le  supprimer. 

Que  si,  des  seminaires  protestanls  nous  passons  aux  ecoles 
normales  primaires  catholiqnes,  le  meme  fait  se  presente  a 
I'observation,  avec  un  relief  peut-etre  plus  saillant  encore. 

Le  seminaire  de  Breslau  (Silesie)  est  place  sous  la  direction 

dans  son  fime  les  grandes  el  saintes  croyances,  de  les  cultiver  avec  amour, 
en  sorle  que,  plus  tard,  avec  la  grace  de  Dieu,  i!  puisse,  administrateur 
fidele,  faire  valoir  le  talent  qui  lui  fut  confie;  que  ces  croyances  soient 
pour  lui  le  b&ton  de  voyage  ou  il  s'appuie  dans  les  jours  de  trouble,  le 
bouclier  et  Tepee  qui  lui  assurent  la  victoire  dans  les  epreuves  de  la  vie, 
et  dans  le  combat  de  la  mort.  En  un  mot,  I'instituteur  doitse  servir  de 
I'inslruction  et  de  i'educalion  pour  amener  les  enfants  qui  lui  sont  confies 
tout  ensemble  a  etre  des  membres  utiles  de  la  sociele  civile  et  a  devenir 
citoyens  de  ce  royaume  elernel  que  Jesus- Christ,  notre  Seigneur  et  notre 
salut,  a  fonde.  11  faut  que  la  foi  en  Jesus-Christ  soit  le  fondement  de  cette 
maison.  Celui-la  seulement  pent  etre  instituteur  qui  est  vraimeni  disciple 
du  Christ.* 

1.  Voyez  le  discours  prononce,  en  1850,  a  Bunzlau  :  Fes/rede  bei  des 
Konigs  Geburtstagsfeier. 

2.  Orphelinat  d'oii  les  eleves  sortent  pour  entrer  soit  au  Schullehrerse'- 
minar,  soit  au  gymnase.  Les  objets  d'etude  y  sont :  la  religion  (4  heures 
par  semaine),  la  langnc  allemande,  la  langue  frangaise,  le  latin,  le  grec, 
I'histoire,  la  geographie,rhistoire  naturelle,  I'arilhmetique,  la  goomelrie, 
le  dessin,  I'^criture,  le  chant. 

10 


242  TROISIEME  TARTIE. 

de  I'aiitorite  episcopale;  le  directeur  n'en  est  nommequ'avec 
^as^el)limentde  I'eveijiie.  Lesreglementsde  rinstiUitsont  sou- 
mis  a  rapprobation  ecclesiastiqne^. 

Or,  pour  etre  admis  au  seminaire  de  Breslau,  ee  n'est  pas 
seulement  dans  un  rapide  examen  ,  c'est  dans  deux  epreuves 
suceessives  qu'il  faut  avoir  donne  des  gages  de  son  aptitude. 
Gilons  les  quatre  premiers  articles  du  regleraent  : 

«1.  L'admission  au  seminaire  est  pieredeededeuxexamens, 
l'e\amen  d'aspirani  { Aspiranienpriijung)  et  I'examen  de  candi- 
dal [Prdparandenprufimg).  On  pent  se  presenter  au  premier  a 
I'age  de  10  ans,  au  second  a  I'age  de  18  ans  accoraplis. 

«  2.  Pour  elie  admis  a  I'examen  d'aspirant,  il  fgut  pre- 
senter :  un  certificat  de  bapteme,  un  certifical  de  bonne  sante, 
uncertificat  portant  sur  I'epoque  de  la  sortie  del'Ecole  primai- 
re,  et  sur  la  conduite  a  partir  de  cette  epoque  ;  le  certifirat  de 
I'inspecleur  de -cercie  relatif  a  I'examen  subi  a  la  sortie  de 
I'Ecole  elemenlaire. 

«  3.  Les  candidats  doivent  avoir  bien  passe  I'examen  (Vaspi- 
rant\  avant  de  stibir  les  epreuves,  its  presenlent  :  un  lemoi- 
cna2:e attestant  la  maniere  dont  ils  ont  continiie'leurs  etudes: 
un  certificat  rtlalit  a  leur  conduite  et  a  leiir  zele  depuis  le 
premier  examen,  ccrliGrat  signe  du  cure  de  leur  paroisse  et  de 
rin>-ppcteur  de  cercie. 

«  4.  Tout  eleve  admis  au  seminaire  qui  ne  montrerait  pas, 
{lendant  le  premier  semestre,  le  zele  et  les  dispositions  mo- 
rales repondant  a  I'esprit  de  i'etablissement,  est  congedie  sans 
qu'il  soit  besoin  d'autre  raotil^.  » 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  le  pays  classique  des  ecoles,  ce 
n'est  pas  seulemenlen  Pru.^se  que sontimposees des  conditions 

1.  Voyez  le  Memoire  deja  cite  sur  les  droits  des  ev^qnes  de  Breslau  ; 
par  Rititel  (Bresldu,  1849),  qualrieme  chapilre.  Vonder  Bischoflichen  Auf- 
siclit  auf  die  Schullehrer'Seminarien. 

2.  —  5.  Lever  a  4  heures  1/2.  —  Exercice  religieux  du  matin  ;  sainte 


ECOLES  NOHMALES  d'iNSTITCTEURS.  2A7> 

de  ce  genre;  il  en  est  de  meme  en  Saxe,  en  Hanovre  et  en 
Hesse.  Dans  iine  des  provinces  de  la  Hesse-Electorale,  ou,  sous 
la  protection  des  souvenirs  de  I'apolre  de  la  Germanie,  le  ca- 
tholicisme  a  conserve  loute  sa  force,  a  Fulda  meme,  il  existe 
nn  seminaire  pour  !es  maitresd'ecole.  On  va  voir,  avec  quelle 
preoccupation  des  aptitudes  pedagogiques,  y  est  reglee,  sous 
Tinspiralion  del'eveque,  I'admission  des  candidals.  Je  traduis 
ici  les  premiers  articles  du  I'eglemeritdu  seminaire  de  Fulda  : 
§  l*"".  —  Le  seminaire  de  Fulda  est  destine  aux  candidats 
catholiques  de  Telectorat  qui  aspireutaux  fonctions  d'institu- 


messe  et  courte  priere,  puis  dejeuner  et  preparation  a  I'etude.  —  Travail 
jusqu'a  midi. 

6.  A  midi ,  repas.  —  De  une  heure  a  deux  ,  sortie  facultative  liors  de 
rficole. 

7.  De  2  a  4  heures,  classes. 

8.  De  4  a  5  heures,  recreation.  —  De  5  a  7  heures,  etudes.  —  A  7  heu- 
res, diner. 

9.  De  8  a  9  heures,  la  division  inferieure  s'exerce  au  chant*,  au  violon, 
a  la  musique  d'ensemble,  sous  la  direction  d'un  maitre  adjoint.  —  La 
premiere  division  eludie  de  son  cote.  Le  dimanche  seulement,  de  8  a  9 
heures.  les  deux  divisions  se  reunissent  pour  executer  en  commun  de  la 
musique  instrumentale. 

6.  Dans  les  legons  de  musique ,  les  semlnaristes  s'exercent,  a  tour  de 
role,  au  piano  et  a  Torgue.  H  y  a  punition  pour  tout  seminarists  qui  ne 
prend  point  part  a  la  legon  musicale. 

7.  A  9  heures,  exercices  de  piete.  Chaque  eleve  y  doit  6tre  muni  de  son 
livre  de  chant  et  de  musique  chorale. 

8.  Apres  la  priere,  chacun  se  retire  en  silence,  et  dans  le  recueillement 
qu'on  doit  atlendre  d'hommes  qui  ont  eleve  leur  coeur  vers  Dieu.  Toute 
conversation  inutile  et  toute  espece  de  tumulte  sont  interdits  severement 
dans  les  dortoirs. 

9.  Le  mercredi  et  le  dimanche  soir,  apres  midi,  jusqu'a  6  heur«>s  1/2, 
dans  I'hiver,  et  jusqu'a  cinq  heures,  en  ete,  il  y  a  vacance  pour  les  eleves. 

10.  II  est  exprossementdefendu  auxseminaristes  de  frequenter  les  cafes 
et  maisons  de  ce  genre.  II  leur  est  egalement  defendu  de  fumer  et  de  jouer 
aux  cartes.  Tout  eleve  qui  enfreint  ces  prescriptions  perd  droit  aux  fran- 
chises dont  il  jouissait.  Le  fait  de  decoucher  est  puni,  selori  les  circon- 
stances,  de  Pexclusion  del'ecole. 


244  TROISIEME  PARTIE. 

teur.  II  a  pour  objet  de  les  preparer  a  leiir  mission  simple- 
ment;  mais  pleinement  et  profond^ment. 

On  enseigne  dans  rinstitnt  tout  ce  qui  est  neeessaire,  et  Ton 
fait  en  sorle  que  renseignement  et  la  discipline  morale  n'y 
soient  point  pureraent  meeaniques. 

On  s'efforce,  au  contraire,  que  chaque  objet  soit  envisage 
\ivement,  qu'on  pense  clairement  etqu'ondise  precisementee 
qu'on  a  pense.  Le  developpement  intelleetnel  des  eleves  a  pour 
principe  et  pour  base  la  piete,  la  crainte  de  Die^i  et  riiurailite 
chretienne ;  on  s'etudie  a  eveiller  et  a  enraciner  ces  sentimens 
dans  leur  c(]Gur,  et  aussi  a  leur  inspirer  I'amour  de  leur  voca- 
tion, avec  la  volonle  d'y  perseverer  et  de  s'y  consacrer  de  tout 
coeur. 

§  2.  —  Le  serainaire  admel  24  eleves. 

Lescours  sontconQes  a  trois  maitres  ordinaires,  y  compris 
ledirecteur;  il  y  a  de  plus  un  maitre  adjoint.  La  diireedes 
eludes  est  de  trois  ans.  Due  permission  spetiale  de  la  Regence 
est  neeessaire  pour  qu'on  piiisse  quitter  le  seminaire  avanf 
I'expiration  des  trois  annees  ou  y  prolongerson  sejour. 

§  3.  —  Tous  les  eleves  sont  loges  et  nourris  dans  I'institut. 
Sur  la  proposition  du  directeur,  le  gouvernement  provincial 
peutautoriser  des  externes  a  fre(iuenter  le  serainaire. 

§  4.  —  Les  conditions  de  I'admission  dans  le  seminaire 
son  t  : 

i°  Une  bonne  sante  et  I'absence  de  ces  infirraites  qui  sont 
un  obstacle  a  raccomplissemenl  de  la  vocation  d'instituteur; 

2°  L' age  de  17  a  22  ans; 

5°  Une  instruction  qui  permelle  dejugersi  Ton  pourra  pro- 
lUer  de  Tenseignement  du  serainaire;  on  doit  lire  couiara- 
mcnt,  prononeer  clairement,  observer  la  ponctuation,  avoir 
une  connaissancc'generale  des  regies  de  la  construction  gram- 
malicaieetde  rorlhogiaphe,  une  ecriture  reguliere,  une  apli- 
tiuie  suffisinte  pour  repoiidre  a  des  questions  faciles  lirees 


ECOLES  NORMALES  o'lNSTITUTEUIlS.  245 

d'une  dictee.  On  doit  de  plus  avoir  1' usage  des  qualro  regies, 
quelqiie  disposition  pour  la  musique,  des  notions  d'harmo- 
nie  et  quelque  pratique  du  piano. 

II  importe  surtout  d'avoir  des  notions  claires  surla  reli- 
gion, notions  iirees  du  eatechisme,  de  la  Bible,  de  I'Ancien  et 
du  Nouveau  Testament;  d'etre  anirae  de  profonds  sentiments 
de  piet6,  et  de  tenir  une  conduite  a  I'abri  de  roproches. 

II  faut  enflii  avoir  une  certaine  facilite  a  s'exprimer  claire- 
ment,  et  a  raconter  avec  quelque  interet  une  hisloire  tres 
simple. 

§  5.  —  Tout  candidat  doit  produire  : 

4 .  Un  expose  de  ses  antecedents  eerit  par  lui-meme  et  con- 
tenant  :  nom,  prenom,  lieu  de  naissance,  etat  et  domicile  des 
parents,  renseignements  sur  les  etudes  anterieures  et  I'educa- 
tion  rcQue. 

2.  Un  certificat  debapteme. 

3.  Un  certificat  de  bonne  sante. 

4.  Un  certificat  du  cure  de  sa  paroisse  sur  sa  conduite. 

5.  Un  cerlificat  special  de  I'instituteur  dans  I'ecoleduquel 
il  a  re^u  I'enseignement. 

6.  Un  engagement  par  lequel  les  parents  ou  tuteurss'en- 
gagent  a  payer,  pendant  trois  annees,  ou  la  pension,  ou  une 
derai-pension  ;  ou,  en  cas  d'absence  tolale  de  ressources,  une 
attestation  de  I'autorite  compelenle. 

§  6.  Examen  cCadmission.  —  Les  aspirants  juges  admissibles 
sont  averlis  par  le  directeur  du  seminaire  de  se  presenter  au 
jour  designe,  dans  les  vacances  de  Paques.  L'examen  est  fait 
par  tons  les  mailres  ordinaires  du  seminaire,  sous  la  presi- 
dence  d'un  commissairc  de  la  Regence.  D'apres  les  resultals 
comparalils  de  rexameii,  les  juges  decident  a  la  majorilc  des 
voix. 


240  TROISIEME  PARTIE. 

En  cas  de  partage,  la  voix  dii  coramissaire  de  la  Regenceest 
preponderante. 

Le  directeur  du  seminaire  comrauniqiie  le  resultat  de 
I'examen  a  la  Regence  ,  et  liii  remet  tous  les  actes  qui  s'y 
rapportent. 

L'adinission  n'est  d'abord  prononoee  qne  pour  une  annee. 
Ce  lenips  d'epreiive  (Probezeii)  decide  de  I'iidmission  defliiilive. 

Jamais  il  ne  faut  s'exposer  a  ee  qu'un  eleve  doive  elre  ren- 
voye  comme  incapable  apres  un  i^ejour  de  trois  annees  a  I'e- 
cole. 

§  7.  —  Le  billet  d'admission  est  delivre  dans  la  forme 
suivante  ; 

A  la  suite  de  I'examen  subi  par  .  .  .  .,  ne  a  .  .  .,  le  .  .  . 
et.  .  .  en  consideration  de  sa  condnite  pendant  I'annee  d'e- 
prenve,  est  prononcee  sa  reception  definitive  an  seminaire 
callioliqiie  de  Fulda,  pour  etre  admis  a  la  participation  de 
I'enseignement,  avec droit  dechauffage,  d'eelairageetdenour- 
riture  ordinaire  du  seminaire,  sous  ia  condition  : 

a  QuMl  promette  de  suivre  la  regie  du  seminaire. 

b  Qu'il  s'oblige  par  un  engagement  signe  de  lui  a  rester 
pendant  trois  annees,  apres  sa  sortie  du  seminaire,  a  la  dispo- 
sition de  la  Regence,  et  a  accepter  tout  emploi  que  la  Regence 
voudra  lui  confier. 

Dans  le  cas  ou  I'eleve  abandonnerait  la  carriere  de  I'ensei- 
gnement public,  ou  se  conduirait  de  telle  sorle  que  sa  revoca- 
tion dutetre  prononcee,  il  devrait  payer,  comme  dedomma- 
gement  a  I'institut,  la  somme  de  50  ecus. 

A  Fulda,  le  185 

Signe  :  Le  commissaire  de  la  Regence. 

§  8. — Renouvellement  de  I'examen. — Les  candidats  qui,  apres 


ECOLES  NORMALES  d'iINSTITUTEURS.  247 

le  temps  d'epreuve,  ou  clans  I'examen  merae,  ont  ete  declares 
incapables,  peuvent,  apresune  meilleure  preparation,  se  pre- 
senter uneseconde  fois;  niais  s'ils  echoueot  de  uouveau,  leur 
eloignement  est  definilif. 

§  9.  —  Preparation  a  V admission  au  seminaire.  —  La  pre- 
paration des  candidats  an  seminaire,  a  leur  sortie  de  I'ecoie 
publique,  est  faite  par  des  institiiteurscapables,  et  de  raoeurs 
irreprochables;  a  leur  defaut,  par  ceux  des  cures  qui  out  le 
zele  necessaire  et  une  instruction  sufflsante. 

La  Regence  signale  ies  instiluteiirs  de  son  ressort  qui  ont 
r^vele,  dans  ces  fonctions ,  babilele  et  devouement,  et 
fait  valoir  leurs  titres  aux  indemnites  annuellement  di  Iri- 
buees  par  la  eaisse  des  ecoles.  Les  instiluteurs  stipulent  dail- 
leurs,  avec  Ies  ^)arents  ou  tuteurs,  les  conditions  auxquelles 
ils  se  ebargent  de  I'entrelien  et  de  la  preparation  de  leurs 
el  eves. 

Les  inslituteurs  emploieiit  comme  mailres-adjoints  dans 
leurs  ecoles  les  candidats  au  seminaire.  Ilsetudientalors  leurs 
dispositions,  non-seulement  pour  apprendie,  mais  aussi  pour 
enseigner;  car  ils  aiiront  a  consigner  leurs  observations  sur 
ce  point  dans  le  certificat  qu'ils  doiventdelivrer,  au  moment 
de  I'admission  des  candidats  aux  examens  du  seminaire.  - 

Telle  est  la  pratique  de  I'ecole  normale  calholique  de  Hesse- 
Gassel. 

II  faut  maintenant  faireconnaifre  un  reglement  promulgue 
parle  minislrede  I'instruction  publique  dePrusse,  M.  de  Rau- 
mer,  a  la  date  du  2  octobre  1834.  Ce  reglement  est  I'un  des 
•trois  documents  qui,  de  I'autre  cote  du  Rhin,  ont  provoque 
dans  le  monde  scolaire,  une  si  vive  emotion. 

Reglement  concernant  rinstruction  prealable  des  eleves  qui  soUicitent 
leur  admission  au  seminaire. 

<(  Si  le  mailre  futur  pa^se  d'ordinaire  une  partie  de  son 


248  TROISIEME  PAHTIE. 

temps  de  preparation  dans  line  vie  commune  et  organisee  en 
vuedesa  vocation,  cet  isolement  plus  ou  moins  severe  du 
monde  exterieur  ne  s'etend  point  au  de!a  du  sejour  au  serai- 
naire.  Parlant  de  ce  principe,  le  gouvernement  ne  veut  pas 
non  plus  creer  d'etablitsements  speciaux  pourlescandidats; 
il  compte  a  cet  egard  sur  i'activite  spontanee  du  clerge  et 
des  maitres. 

Mais  cette  activite,  dansl'interet  des  maitres  et  dans  celui 
des  seminaires,  a  besoin  d'une  direction  qui  ne  pent  elre 
donnee  avec  succes  que  par  les  regences  royales.  Elle  s'exer- 
cera  dans  des  conditions  diverses  selon  les  circonslances 
de  temps  et  delieu;  voici  toutefois  les  principes  generaux, 
dont  Texperience  a  constate  Tulilite,  et  qui  devront  trouver 
ici  leur  application. 

D'apres  ses  propres  renseignements  et  sur  Tavis  des  direc- 
teurs  de  seminaire,  la  Regence  royale  public,  dans  le  journal 
ofliciel,  les  noms  des  maitres  de  son  arrondissement  qui 
sont  disposes  a  preparer  les  Candida ts  et  pourvus  des  aptitudes 
requises. 

On  devra  regarder  comme  un  cas  particulierement  favora- 
ble, celui  oil  lepasteurdel'endroitserait  dispose etaple a  lion ner 
aux  candidats  i'enseignement  religieux,  et  a  prendre  part  a 
I'ceuvre  de  leur  instruction  generale. 

En  lout  cas,  I'enseignement  a  donner  aux  candidals  est  sou- 
mis  a  la  surveillance  des  inspecteurs  du  cercle.  Ces  derniers 
auront,  dans  leurs  lournees  annuelles,  a  s'informer  person- 
nellement  du  zele  des  maitres  et  des  progres  des  candidats, 
et  a  en  faire  leur  rapport  a  la  Regence  royale. 

Les  conseillers  de  Regence,  cbarges  des  affaires  concernant 
I'instruction  publiqne,  et  les  directeurs  dess^^minaires,  dans 
leurs  tournees  scolaires,  donneront  une  attention  toute  spe- 
ciale  a  i'enseiguement  des  candidats;  il  serait   a  desirer, 
d'un   autre  cote,  que  les  instituteurs    coniiussent   de    visu 


ECOLES  iNOllMALES  DlNSTlTUTEUlliJ.  249 

I'organisation  du  semioaire  pour  lequel  ils  preparent  leurs 

el  eves. 

Le  norubre  des  eleves  qu'un  raeme  maitre  pourra  preparer 
pom-  le  seminaiie,  n'exeedera  pas  trois. 

S'ils  n'habitent  pas  dans  la  meme  localile  ou  a  proximite,  il 
seiait  a  desirer  qu'ils  fussent  admis  dans  la  fainille  des  inai- 
tres.Par  la-meme  nous  avons  determine  le  point  de  vue  au- 
qucl  ['education  des  candidats  doit  etre  envisagee,  et  auquel 
il  faut  se  placer  pour  le  choix  des  OQaitres. 

Les  candidats  assisteront  aux  lemons  de  I'ecole  et  a  Tensei- 
gnement  religieux  donne  par  le  pasleur.  L'essenliel  sera  de 
provoquer  en  eux  le  developpemeut  d'une  activile  personnelle, 
sous  la  surveillance  du  nauitre. 

lis  se  prepareront  aux  lemons  en  suivant  un  guide  ou  ma- 
nuel;  ils  feront  des  lectures  en  parliculier,  et  rendrontcompte 
par  ecrit  de  ce  qu'ils  auront  lu. 

Deux  lemons  par  jour  suffiront  aux  candidats.  On  devra 
s'eflorcer  de  les  habituer  a  une  conception  prompte  et  sure 
des  choses,  a  la  clarte  de  la  pensee,  a  une  expression  nette 
des  idees,  a  une  elocution  simple  et  correcte. 

Leur  admission  dans  la  lamille  du  matire  donnera  aux 
candidats  occasion  de  connaitre  et  d'apprecier  les  conditions 
morales  de  la  vie  el  de  la  vocation  d'instituteur ;  d'un  autre 
cote,  pour  s'iniliera  la  pratique  de  leur  emploi,  ils  assi.steront 
le  maitre  dans  I'enseignement  de  I'ecole.  Des  Iravaux  etran- 
gers  a  sa  vocation  doivenl  etre  inlerdiisa  I'eleve  dans  I'interet 
meme  de  ses  etudes. 

Voici  maintenant  les  connaissances  quo  I'enseignement 
pr^paraloiredevra  faire  acquerir  aux  candidats,  et  quiseront 
exigees  pour  I'admission  au  seminaire. 


250  TROISIEME  PARTIE. 

I.  —  Religion. 

Le  candidal  saura  par  coeur  ie  petit  catechisme  de  Luther, 
ail  cas  eciieant,  le  catechisme  de  Heidelberg ;  il  devra  le  reci- 
ter avec  une  accentuation  correcte  et  une  expression  convena- 
ble;  et  prouver  qu'il  a  compris  le  sens  du  texte;  en  repro- 
duisant  les  idees  avec  d'autres  termes. 

On  n'exige  point  de  lui  une  connaissance  systematiquedela 
doctrine  chretienne  ;  mais  il  devra  rendre  compte  claire- 
inent ,  du  catechisme  et  de  I'Evangile.  Cetle  aptitude  a  laquelle 
il  aura  dcja  ete  prepare  par  I'assistance  aux  instructions 
religieuses,  il  I'acquerra  plus  facileraent,  s'il  apprend  les 
maximes  bibliques  d'apres  un  manuel  bien  ordonne,  tel  que 
celui  que  Theele  a  joint  au  petit  catechisme  de  Luther. 

Ces  maximes  doivent  etre  exactement  sues  et  comprises. 

II  en  est  de  meme  des  pericopes  de  I'annee  ecclesiaslique 
evani!eli(jue;  tout  au  moins,  des  evangiles,  des  propheties 
inessianiques,  et  des  psaumes  1,  8,  14,  16,  19,  23,  32,  50,  81, 
84,  90,  103,  104,  121,  126,  128,  137  et  139. 
.  Les  histoires  bibliques  de  I'Ancien  et  du  Nouveau-Testa- 
ment  seront  racontees  d'apres  le  texte  du  recueil  en  usage  au 
seminaire;  le  candidal  devra  pouvoir  rendre  comple  des  pa- 
roles et  des  fails.  En  outre,  on  relira  ces  histoires  dans  la  Bi- 
ble meme;  de  cette  fa^on,  on  se  familiarisera  avec  le  texte  et 
avec  la  division  des  livres  dela  Bible. 

L'explic;ilion  de  I'annee  ecclesiaslique  et  du  culle  pourra 
se  rattacher  a  renseignement  de  I'hisloire  biblique. 

IL  —  Lecture ;  langue  allemande. 

Le  candidal  sera  en  etat  de  lire  un  morceau  du  livre  de 
lectures,  couramment,  correctement ,  sans  dialecte,  avec 
I'expression  voulue,  et  reproduire  le  sens  du  texte  sous  une 
forme  qui  lui  soil  personnelle. 


ECOLES  NORMALES  DINSTITUTEURS.  254 

II  redigcM'a  un  travail,  description  on  narration,  avec  une 
orthographe  correcte,  sans  faiite  grammaticale  grossiere. 

II  fera  I'analyse  d'une  proposition  simple,  et  prouvera 
qu'il  connait  les  parties  d'une  proposition,  les  differentes  es- 
peees  de  mols,  les  declinaisons  et  les  conjngaisons. 

Uncertain  nombre  de  morceaux  de  prose  et  poesie,  pro- 
verbes  et  recits  patriotiques,  en  particulier,  auront  ete  appris 
par  coeur. 

Pour  toutes  les  branches  de  I'enseignement ,  on  exigera 
claite  et  simplicite  de  I'expression  ecrite  on  parlee,  et  sur- 
tout  une  elocution  lacile. 

III.  —  Arithmetique,  gdometrie,  dessin. 

Notion  precise  du  sysleme  de  numeration  avec  applica- 
tion aux  qiialre  opeiaticms  fondamentales;  de  la  tab'e  de 
Pytliagore,  de  1  a  20;  des  facteurs  fondamenlanx  de  nom- 
bres  d'une  certaine  grandeur;  des  nombres  premiers  :  res 
connaissances  prouveiont  qu'il  a  ete  pose  un  I'ondement  so- 
lide  pour  des  progies  ullerieiirs.  On  exigera,  de  plus,  la  solu- 
tion promple  etsiire  deproblemes  oil  figurent  les  Iraclions,  et 
ayant  trail  a  la  vie  pratique;  I'aspirant  rendra  compledes  pro- 
cedes  qu'il  aura  suivis. 

Pour  la  geometrie  et  le  dessin,  il  suffira  que  I'eleve  sache 
definir  les  principaux  solides,  tracer  a  main  levee  des  lignes, 
des  angles  el  des  plans;  et  qu'il  soil  familiarise  avec  1' usage  du 
compas,  de  ia  regie  et  de  I'equerre. 

IV.  —  Realia. 

En  ce  qui  eoncerne  les  realia  (geographie,  histoire  et 
liistoire  naturelle)  le  candidal  devra  posseder  les  notions 
donnees  par  de  bons  traites  elemenlaires,  tels  que  celui  de 
Tbeele  et  autres. 


252  TROISIEME  PARTIE. 

L'enseignement  de  la  geographie  se  basera  siir  la  connais- 
sance  du  pays  natal ;  la  description  des  plantes  et  des  animaux 
indigenes  forraera  le  point  de  depart  des  lemons  d'histoire 
nalurelle. 

V.  —  Musique. 

Le  candidal  doit  avoir  6te  exeree  a  lire  les  notes;  il  sera  en 
etat  de  chanter  correctement  cinquante  melodies  chorales  qui 
serontdeterminees  pour  chaque  seminaire. 

Violon  :  executer  desgarames  et  des  morceaux  faciles. 

Clavecin  :  execution  correcte  et  prorapte  de  toutes  les  gam- 
mes,  et  d'un  raorceau  que  le  candidal  aura  etudie,  a  son 
choix;  execution  d'un  morceau  facile  d  vue. 

Orgue  :  execution  inlelligente  des  exercices  elementaires  de 
la  melhode  deSchutz. 

A  ces  connaissances  pratiques  doivent  etre  jointes  les  no- 
tions Iheoriques  necessaires  pour  I'adraission  au  seminaire. 

La  ou  les  circonslances  permettront  de  conduire  les  can- 
didats  au  dela  du  minimum  des  connaissances,  iel  qu'il  vient 
d'etre  fixe,  on  se  gardera  bien  d'anticiper  sur  l'enseigne- 
ment methodique  du  seminaire,  et  de  viser  a  une  variete 
enoyclopedique  ^  le  but  du  present  reglement  est  que  les  can- 
didals  acquierent  les  connaissances  en  barraonie  avec  leur  vo- 
cation future.  Le  surplus  du  temps  et  des  forces  sera  done 
consacre  a  une  elaboration  approfondie  des  objets  que  nous 
venons  d'iudiquer. 

On  a  lieu  de  presumer  que,  si  Ton  se  conforme  aux  pre- 
sentes  dispositions,  le  seminaire  recrutera  des  eleves  fami- 
liarises avec  le  but  et  le  caraetere  de  la  vocation  d'insli- 
luteur ,  aptes  a  profiler  des  lemons  ulterieures ,  et  qui, 
serieusement  prepares,  dans  les  limiles  prescrites,  permet- 
tront aux  elablissemeuts  dont  il  s'agit  de  remplir  la  mission 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITUTEURS.  255 

imposee,  a  savoir  la  formation  d'institutenrs  primaires  capa- 
bles  et  dc'voues. 

Berlin,  2  octobre  1854. 

Le  ministre  des  Culfes,  de  V Insirucfion 
publiqiie  et  des  Affaires  medi  coles, 

Signe:  DeRalmer. 

Certes,  on  ne  reprochera  pasau  reglementqu'on  vient  del  ire 
de  n'etre  pas  empreint  de  I'esprit  religicux  et  tradilionnel ;  on 
n'accusera  pas  ses  auteurs  d'avoir  voiilii  detoiirner  les  I'uturs 
maitrcs  de  la  voie  de  simplicite  dans  laqiielle  il  importe, 
a  tout  prix,  de  les  main tenir.  Ce  document  est  I'un  de  ceux 
qui  temoignent  le  plus  netlement,  de  la  part  des  autoriles 
prussiennes,  d'une  ferme  resolution  de  rattacher  I'ecole 
aux  realiles  vivantes  :  a  I'Eglise,  a  la  Commune,  ii  la  Fa- 
mille.  Eh  bieni  on  le  voit  eependant,  I'homtne  d'Elat  qui  a 
signe  ce  reglement,  le  ministre  qui  a  fait  une  si  rude  guerre  a 
I'espi-it  de  desordre,  dans  toutes  les  spheres  de  I'enseignement 
public,  n'a  pas  craint  de  reclaraer  des  candidats  aux  ecoles 
normales  un  ensemble  de  connaissances  qui  peuvent  paraitre 
tres  etendues.  En  renongant  a  de  salutaires  exigences,  il  au- 
rait  cru  compromettre  le  caractere  et  ['existence  des  ecoles 
normales  :  il  ne  I'a  pas  voulu. 

J'ai  dit  ailleurs  quelle  elait,  an  point  de  vue  qui  nous  preoc- 
cupe,  la  pratique  des  ecoles  normales  anglilise^•'.  Dans  les  re- 
glements  de  la  national  Society  et  de  la  british  and  foreign 
Society,  j'ai  trouve,  comme  dans  ceux  des  seminaires  d'outre- 
RhintP  des  conditions  d'admission  d'une  double  nnture: 
conditions  de  moralile  etablies  par  une  enquete,  conditions  de 
capacite  resultant  d'un  examen  ;  2^  la  stipulation  d'un  temps 
d'cpreuvea  I'expiration  duquel  on  prononce  I'admission  deli- 
nitive. 


234  TROISIEME  PARTIK . 

Ainsi,  en  Anglelerre  comme  en  Allemagne,  I'epreiive  des- 
linee  a  constater  la  capacite  est  placee  au  second  rang,  raais 
elle  subsiste.  Quelle  que  soil  I'importance  que  I'on  attache 
aux  garanties  se  rapportant  a  I'ordre  religieux  et  moral,  on 
ne  perd  pas  de  vue  que  la  mission  de  rinsliluteur  est  d'agir 
sur  I'intelligence  par  I'enseignement,  en  merae  temps  que  sur 
I'ameetsurle  coeur  parrexemple.On  eroirait  faire  une  chose 
funeslepour  les  ecoles  normales,  et  y  paralyser,  a  I'avance, 
I'enseignement  des  raaitres  comme  le  progres  des  eleves,  si  on 
y  admetlait  des  candldats  d'une  capacite  trop  inegale.  On 
exige  un  certain  niveau  d'aplilude,  a  I'entree  de  I'ecole,  afin 
de  pouvoir  compter  egalement  sur  un  niveau  indispensable,  a 
la  sortie.  Ces  fails  doivcnt  etre  mediles.  Nous  aurons  ulte- 
rieurement  a  en  tirer  des  conclusions. 

Le  second  point  qui  merile  d'altirer  I'aitention,  dans  Torga- 
nisalion  desseminaiies  allemands, c'estia  fixation  de  la  duree 
du  cours  normal,  et,  comme  consequence,  le  mode  de  repar- 
tition de  I'enseignemenl  entre  les  annees  d'etudes. 

On  a  agite,  au  dela  du  R!iin  comme  en  France,  la  question 
de  savoir  s'il  convenait  d'etendre  a  trois  annees,  ou  de  les- 
treindre  a  deux  ans  la  duree  du  cours  des  etudes  normales. 
Cette  question,  aum(ira<nt  ou  je  visitai  I'AIIemagne,  venait 
d'etre  resolue  dans  le  sens  de  la  triennalite  :  c'est  par  excep- 
tion qu'au  semiiiaire  de  Copenirk  la  duree  des  etudes  a  ete 
resserree  en  des  limiles  plus  etroites.  Voyons  done  comment 
on  plaide,  en  Allemagne,  la  cause  de  la  triennalite,  et  laissons 
parler  un  des  directeurs  d'ecoles  normales  les  plus  autorises; 
il  est  utile,  surcesujel,  d'entendre  M.Stolzenburg  lui-meme^: 
«  Ce  n'est  pas  trop  d'avoir  a  agir  sur  I'intelligence  et  la  vo- 
lont(i  des  futursmaitres  eta  fortifier  leurs  senlimens  chreliens 


1.  Fortgesetzte  Nachrichten  iiber  den  Zustand  und  Geist  des  Shullehrer- 
Seminars  zu  Bunzlau;  1852. 


ECOLES  NORMALES  DINSTITUTEURS.  255 

jusqu'aragede21  ans,  pour  que  la  mission  d'instituteur  puisse 
Jeur  etre  confiee  avec  une  certaine  assurance  de  succes.  Le  re- 
lablisseraent  d'un  cours  d  etudes  de  irois  ans  a  ete  accueilli 
par  tous  les  serainaires  avec  une  vive  satisfaction.  Et,  en  effet, 
cette  prolongation  est  salutaire  partout  ou  I'ecole  normale  est 
dirigeeselon  I'esprit  qui  doit  I'animer;  le  but  de  la  prolonga- 
tion n'est  pas  d'ajouter,  pendant  la  troisieme  annee,  de  nou- 
veaux  objets  d'eludes,  raais  de  revenir  sur  les  inatieres  en- 
seignees  pendant  les  deux  premieres  annees,  deraaniere  non 
pas  a  entreprendre  une  seche  repetition,  mais  a  fortifier  les 
connaissances  acquises,  eta  donner  an  futurraaitre  une  intel- 
ligence claire  des  besoins  de  I'ecole;  de  maniere  surtout  a  ce 
qu'il  ne  s'agisse  pas  d'un  travail  mecanique,  mais  de  I'elude 
qui  convient  a  un  homrae  raisonnable,  a  savoir  la  pratique 
inlelligente  de  Tenseignement  a  ses  differents  degres. 

« Tl  est  facile  de  se  couvaincre  que  cette  troisieme  annee 
d'eeole,  loin  d'etre  superflue,  est  indispensable  pour  I'acheve- 
mentde  la  tache  qu'on  se  propose.  Mais,  dira-t-on,  cette  pro- 
longation d'etudes  developpera  des  sentiments  de  vanile.  Er- 
reur,  que  refute  I'experience.  La  vanite  se  developpe  par  la 
derai-ediicalion,  qui  aveuglefhommesurson  ignorance  reellej 
mais  elle  s'evanouit  la  oij,  le  ehrislianisme  etant  d'ailleurs  le 
fondementet  le  prinoipe  inspirateur  de  I'education,  on  s'at- 
tache  a  faire  sentir  a  I'eleve  le  peu  qu'il  salt,  en  lui  inspirant 
le  desir  d'acquerir  davanlage.  - 

«  Les  seminaristes,  continue  M.  Stoizenbnrg,  rc^oivent 
les  derniersperfeetionnemenlsde  leur  education  pedagogique 
dans  I'ecoie  annexe  ou  lis  enseignenl  eux-memes.  L'ecole-mo- 
dele  est  done  en  m6me  temps  I'ecole  d'exerciee  [Ubungsschule). 
«  Les  futuis  maitres  ne  peHvent,  dans  leurs  font  lions,  ob- 
tenir  un  veritable  succes  s'ils  n'y  apporlent  un  esprit  sincere 
d'amour  et  de  devouemenl ;  il  nesuffit  done  pas  qu'ils  aequie- 
ront,  dansle  seminaire,  rinstrnction  necessairoel  la  prati(|iie 


250  TROISIEME  PARTIE. 

(le  la  mt'tliode  ;  il  est  desirable  que,  pendant  la  derniere  an- 
nee,  ils  entient  en  relation  avec  iin  institiiteiir  qui  soit  pour 
enx  im  modele,  qui  leiir  montre,  par  son  exemple  de  tons  les 
jours,  comment  on  consacre  a  une  eeole  toiite  son  aclivite  et 
tons  sessoins,  comment  on  acquiert  la  connaissance  indivi- 
duelle  des  enlants  pour  developper  leurs  faciiltes;  comment , 
enfin,  un  veritable  maitre  trouve  son  bonheur  dans  laccom- 
plissementde  ses  devoirs. » 

Ce  a  qiioi  M.  Slolzenburg  attaclie  la  plus  grande  impor- 
tance, c'est  auxexercices  de  I'ecole  annexe,  ou  lesjeunes  mai- 
tresde  troisiemeanneeappliquent  les  connaissances  acquises. 

«  Cetle  ecole,  a  Buiizlau,  estouverle  le  matin  de  8  henres 
a  II  heures,  et  le  soir  de  1  tieure  a  5  lieures.  —  On  partage 
ainsi  les  heures  entre  les  divers  objets  d'eludes : 

«  i"  henre.  Religion,  premiere  et  troisieme  classes. 

"  52*'  heure.  a.  Lecture, grammaire,dessin  ;  premiere  classe, 
b  ;  seconde  et  troisieme  classes  :  Lecture  et  ecriture. 

«  3"  heure.  a.  Premiere  classe  :  Calcul,  histoire  natnrelle, 
ecriture.  b.  Seconde  classe  :  Lemons  dechi)ses,  calcul  et  chant. 
c.  Troisieme  classe  :  Lemons  de  choseset  calcul. 

«  L'instruction  est  donnee  par  les  seminaristes  de  derniere 
annee,  sous  la  direction  el  avec  I'assistance  d'un  mailrc-adjoint 
de  I'ecole. » 

Ainsi,  le  but  de  la  prolongation  du  cours,  pendant  une  troi- 
sieme annee,  est  «  non  pas  d'ajonler  de  nouveaux  objels  d'e- 
tude,  mais  de  revenir  sur  les  malieres  enseignees,»  et  de  tout 
ramener  a  la  pratique.  II  en  est  ainsi  dans  les  seminaires  alle- 
mands;  et  il  en  doil  etrc  ainsi  dans  (oute  ecole  normale  ou  une 
intelligence  serieuse  de  la  mission  d'instituleur  preside  a  la 
direction  des  eludes. 

II  faut  voir,  d'npjes  ce  principc,  comment  est  distribi:e 
renseignenienl  dans  les  seminaires  d'oulre-Rliin. 

A  r^>'o!e  noiraale  de  Berlin,  !u  lecture,  I'ecriture,  la  gram- 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITUTEURS.  257 

maire,  I'histoire^,  I'histoire  naturelle,  la  geographie  et  la 
geometriesontcompletementetudieesdans  lesdeux  premieres 
annees;  c'est  en  les  enseignant  eux-memes  aux  Aleves  de 
I'ecole  annexe,  et  seulement  ainsi,  que  les  futurs  instituteurs, 
pendant  la  troisieme  annee,  s'entretiennent  et  se  perfection- 
nent  dans  ces  connaissances. 

Voici,  pour  les  autres  objets  d'enseignement,  ce  qui  est 
assigne  a  la  troisieme  annee : 

Religion  (2  heures  par  semaine).  Parties  prineipales  de  I'his- 
toire ecclesiastique. 

Pedagogie  (reservee  a  la  troisieme  annee).  Seraestre  d'ete  : 
Notions  generates  sur  la  science  de  I'education,  fondees  sur 
I'etude  des  points  les  plus  essen  tiels  de  la  psychologic. — Parties 
prineipales  de  I'histoire  de  I'education ,  surtout  depuis  la 
R6fome. 

—  Semestre  d'hiver  :  Etude  raisonnee  de  I'organisation  et  de 
la  marche  d'une  ecole. 

Hisioire  naturelle.  Repetition  des  etudes  precedentes.  No- 
tions de  mineralogie  et  de  geographie. 

Physique.  Notions  Clemen  (aires. 

Dessin,  Dessin  ornemental,  de  la  tete,  des  animaux. 

Chant.  Ctioeurs.  Etude  methodique  de  I'enseignement  du 
chant. 

Telles  sont  uniquement  les  matieres  reservees  a  la  troi- 
sieme annee,  dans  le  Schullehrer seminar  de  Berlin.  Tout  le 
reste,  je  le  repele,  appris  dans  les  deux  premieres  annees,  est 
enseigne  par  les  futurs  instituteurs,  pendant  la  derniere  pe- 

t.  Programme  du  cours  d'Histoire.  —  V  annee  :  Partie  principale  de 
I'histoire  des  peoples  anciens;  epoques  les  plus  importantes  de  I'histoire 
litteraire;  biographic  de  quelques  grands  hommes;  transformation  des 
moBurs  des  societes  anciennes  par  le  christianisme.  —  2"  annee  :  Histoire 
du  Brandebourg ,  de  Prusse  et  d'AUemagne,  en  y  rattachant  celle  des 
autres  peuples. 

17 


258  TROISIEME  PARTIE. 

liode,  aiix  eleves  de  I'ecole  annexe.  On  eiit  cm  paralyser  tout 
progres,  et  porter  iin  coup  fatal  aux  etudes  normales  si,  sous 
prelexte  de  simplificalion,  Ton  eut  accumule  les  objets  d'en- 
seigneraent  dans  la  derniere  annee.  On  a  compris  qu'agir  ainsi 
eiit  ete  placer  les  eleves-maitres  hors  des  conditions  d'un 
travail  serieux,  et  habiUier  leurs  esprits,  dans  unecourse  pre- 
cipitee  a  travers  un  champ  trop  vaste,  a  se  payer  de  mots  en 
negligeant  les  idees. 

Prenons  maintenant,  non  plus  un  seminaire  gouverne  par 
les  traditions  de  I'esprit  administratif  prussien,  mais  un  eta- 
blissement  place  sous  une  influence  d'un  caraclere  tout  a  fait 
different,  prenons  I'Ecole  normale  calholique  de  Fulda  :  les 
objets  d'etude  nous  y  paraitront  choisis,  et  ia  distribution  en- 
tre  les  trois  ans  operee  d'apres  des  principes  absolument  con- 
formes  a  ceux  qui  reglent  I'organisation  interieure  du  semi- 
naire protestant  de  Berlin.  II  faut  lire  avec  attention  les 
articles  suivants  du  reglement  de  I'Ecole  normale  de  Fulda  : 

§  11,  —  Les  objets  d'etude,  au  seminaire,  pendant  lecours 
des  trois  annees,  sont  : 

a.  La  religion,  jointe  a  la  connaissance  des  histoires  bibli- 
ques  et  de  rhi>toire  ecclesiastique. 

h.  Notions  sur  les  facultes  de  Tame  et  sur  la  loglque,  qui 
sont  le  fondement  de  la  pedagogie;  et  science  des  methodes. 

c.  Lalangueallemande.  Cette  etude comprend  desexercices 
de  lecture,  de  prononciation,  d'ecriture  et  de  composition, 
d'apres  un  theme  donne. 

d.  Arithmelique  et  etude  des  formes.  Cette  derniere  condui- 
sant  a  la  geometric. 

e.  Connaissance  du  monde.  Geographieh,  istoirenaturelle, 
elemeiii>  de  geographie,  histoiie,  el  specialementhistoire  na- 
tionale. 

/.  Calligrai)hie. 


ECOLES  normalesd'instituteurs.  259 

g.  Dessin. 

h.  Miisiqiie,  chant,  piano,  orgue,  basse,  violon,  accord  de 
rorgue,  du  piano. 

i.  Science  de  la  direction  de  I'ecole  et  instructions  sjir  la 
part  reservee  a  I'instituleur  dans  le  service  des  eglises.  Exer- 
cices  pratiques  dans  I'ecoje  annexe  et  repetitions  donnees  aux 
serainaristes  les  plus  faibles. 

;.  Notions d'horticulture,  etde 'a  tailledes  arbres  fruitiers; 
eventueilement  aussi,  education  des  vers  a  soie. 

II  doit  etre  organise  des  exercices  gymnastiques. 

§12.  — L'enseignement  Iriennal  du  seminaire  se  divise  en 
trois  cours  anniieis,  et  en  consequence,  lesseminarisles  sont 
divis^s  aussi  en  trois  classes.  Dans  les  cours  de  premiere  et 
seconde  annee,  lesseminarisles  apprennent  comme  diciples 
ce  que,  plus  tard,  ils  doivent  enseigner  comme  maitres;  le 
cours  de  troisieme  annee  est  consacre  au  developpement 
progressif  de  I'instituteur,  et  Ton  y  ramene  tout  a  I'applica- 
tion. 

§  13.  —  La  repartition  des  objets  d'enseignement  entre  les 
cours  est  faite  par  le  directeur  du  seminaire  en  conseil  des 
maitres  ordinaires;  elle  doit  ^tre soumise,  au  mois de  fevrier,  a 
I'examen  de  la  Regence  provinciale.  Toutefois,  le  plan  suivant 
(  qu'on  pent  modifier  selon  les  exigences  speciales)  doit  etre 
considere  comme  modele. 


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Notions     sur 
I'entretien,  la  re- 
paration et  I'ac- 
cord  de  I'orgue. 

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Continuation. 
Ses  devoirs  com- 
me  auxiliaire  du 
cure. 

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Chants     reli- 
gieux  et  patrio- 
tiques. 

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Etude  des  tran- 
sitions.    Exerci- 
ces. 

Geographic  des 
cinq  parties  du 
monde. 

^tude  des  ani- 
maux. 

Role  de  I'insti- 
tuteur    d.ins     la 
commune. 

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Continuation; 
et    6tude    de    la 
perspective. 

Continuation. 
lEcriture  sous   la 
dictee. 

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Piano  et  orgue 
pour  exercices  re- 
ligieux. 

Accord    de    la 
septifeme.  Exerci- 
ces. 

Geographic  de 
I'Europe. 
l^tudedesplan- 

tes  (1). 

Histoire  d'Al- 
lemagne. 

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Dessin  d'aprfes 
modele   et  com- 
position. 

Calligraphie. 
^criture  au  cra- 
yon, "a  la  craie. 

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lEtude   du  tri- 
ton. 

Geographic  de 
I'Allemagne. 

^tude  des  pier- 
res. 

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Dessin  ct  ob- 
jets  usuels. 

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que  et  latine. 

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men taires.  Plain- 
chant. 

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Etude  du  lieu 
natal,  et  de  I'e- 
lectorat  de  Hesse. 

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Geographic. 
Histoire 
naturelle. 

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Etudes 
pratiques. 

262  TROISIEME  PARTIE. 

§  14.  —  La  distribution  de  I'enseignement  entre  les  maitres 
se  fait  a  I'amiable  entre  eux,  selon  les  gouts  et  le  talent  de 
chacun.  Elle  doit  etre  approuvee  par  la  Regence  provinciale. 
Le  directeur  est  tenu  d'enseigner  par  senaaine,  pendant  dix- 
huit  heures;  le  niaitre  en  second,  pendant  vingt-quatre;  le 
maitrede  musique,  pendant  trente,etle  maitresuppiementaire 
pendant  vingt-cinq.  L'enseignement  de  la  religion,  de  la  peda- 
gogic, de  la  methodique  et  les  lemons  sur  le  role  de  I'institu- 
teur  sent  reserves  au  directeur.  » 

On  le  voit,  ce  principe  de  la  repartition  des  objets  d'ensei- 
gnement  entre  les  trois  annees  d'etudeestnettement  pose  : 

«  Dans  les  cours  de  premiere  et  seconde  annee,  les  semi- 
naristes  appreunent  comme  disciples  ce  que,  plus  tard,  ils 
doivent  enseigner  comme  maitres.  Le  cours  de  troisieme  an- 
nee est  consacre  au  developpement  progressif  de  I'instituteur 
et  Ton  I'y  ramene  tout  a  Tapplication.  » 

Les  Allemands  resument  sous  trois  mots  le  caractere  des 
enseignements  attribues  a  chacunedes  annees  :  a  la  premiere, 
I'instruction  formelle,  c'est-a-dire  I'instruction  qui  a  pour  but 
de  rendreles  jeunesgens  apfes  a  saisir  el  a  comparer ;  qui  ouvre 
les  facultes  de  I'esprit  comme  autant  de  formes  aiix  concep- 
tions du  bonet  du  vrai;  — a  la  seconde  annee,  I'instruction 
materielle^  c'est-a-dire  rensemble  desconnaissances  positives 
necessairesa  raccomplissement  de  la  vocation  d'instituteur; 
—  a  la  troisieme  annee  enfin,rinstruclion2Jm/z9we,c'est-a-dire 
celle  qui  temoigne  de  rhabiletedu  maitre  a  enseigner  cequ'il 
a  appris,  a  transmettre  ce  qu'il  a  re^u. 

Le  cours  des  eludes  est  organise  selon  ce  systeme  au  semi- 
naire  catholique  de  Fulda,  comme  au  seminaire  de  Berlin  , 
comme  dans  tous  les  seminaires  d'outrt-Rbin ;  et  cette  orga- 
nisation, il  faut  bien  le  recounaitre,  n'est  que  I'applicalion 


ECOLES  NORMALES  D  INSTITUTEURS.  265 

des  lois  d'une  salne  melhode  et  des  prescriptions  du  bon 
sens. 

II  est  a  peine  besoin  de  faire  remarquerla  place  importante 
qui  est  reservee,  dans  les  programmes  des  seminaires  alle- 
mands,  a  I'enseignement  de  la  science  p^dagogique. 

Sous  la  IcQon  des  fails  et  la  Uimiere  de  ['experience,  on  a 
banni  de  cette  etude,  nous  I'avons  dit,  les  developperaents 
qui  pouvaient  en  compromettre  le  but ;  la  lecture  du 
reglement  recemment  promulgue  en  Prusse  ne  laissera 
aucun  doute  a  cet  egard.  31ais  on  n'eut  pas  compris  au 
dela  du  Rbin  que  Tabus  ,  sur  ce  point ,  put  arnener  a 
condamner  le  principe.  On  ne  juge  pas  admissible,  dans  les 
seminaires  allemands,  qu'un  instituteur  puisse  aborder  sa 
difficile  mission  sans  avoir  des  notions  suffisantes  de  ia 
science  de  I'education,  sans  savoir  ni  d'ou  il  vient,  ni  par  ou 
11  marcbe,  ni  ou  il  va.  On  ne  regarde  pas  comme  dangereux 
de  donner  auxfuturs  maitres  quelques  idees  claires  sur  les 
facultes  de  I'esprit  qu'ils  sontappeles  a  culliver,  et  Ton  ne 
croit  pas  tout  perdu  parcequ'on  lesentretient,  dans  des  lemons 
d'un  caractere  essentiellement  pratique,  de  Tapplication  de 
ces  facultes  aux  diverses  branches  d'etude.  C'est  pourquoi, 
dans  les  seminaires  places  sous  I'influence  de  I'eveque  de 
Fulda  ou  de  I'archeveque  de  Cologne,  comme  dans  les  semi- 
naires protestanls  de  Berlin,  d'Esslingen,  ou  de  Mors,  etc., 
un  cours  special  de  pedagogic,  sous  le  nom  de  science  de  Vecole, 
est  professe  pour  les  eleves-maitres  de  troisieme  annee.  On 
s'est  effiaye,  ailleurs,  a  une  certaine  epoqiie,  des  tendances 
que  pouvait  faire  naitie  un  cours  de  ce  genre  chez  de  fulurs 
maitres  d'ec.ole.  Nous  croyons  qu'on  s'est  preoccupe  du  mot 
sans  se  rendre  compte  de  la  chose.  Un  instituteur  sans  prin- 
cipes  pedagogiques,  c'est  un  pilote  sans  boussole  ;  les  memes 
eciicils  roslent  pour  le  pilule;  on  lui  enleve  seulemeut  les 
moyens  de  les  signaler. 


264  TR01SIEM2  PAllTIE. 

Dans  les  conditions  particulieres  ou  il  se  trouve  place,  le 
seminaire  de  Fulda  se  presente  a  nouscommeiin  curieux  su- 
jet  d'observations.  II  est  interessant  de  connaitre  I'organisa- 
tion  des  etablissements  normaiix,  non  plus  dans  les  grandes 
provinces  centrales  de  Prusse  on  dans  les  pays  rhenans\ 
mais  dans  une  contree  dont  la  renoramee  n'est  pas  a  la 
hauteur  de  celle  du  pays  classiqiie  des  ecoles.  Achevons 
d'etudier  le  reglementdu  serainaire  catholique  de  Fulda,  re- 
glement  dont  plusieurs  parties  deja  nous  ont  paru  inspirees 
par  une  remarquable  intelligence  etdes  moyens  et  du  but. 

Reglement  de  I'Ecole  normale  de  Fulda.  (Suite.) 

§  16.  —  Les  s^minaristes  jouissent,  dans  I'institut,  du 
logement,  du  chauffage,  de  I'eclairage,  du  coucher,  de  la 
nourriture.  Les  frais  d'entretien  et  de  nourriture  du  semi- 
naire  sont  pris  a  forfait  par  un  econome;  le  contrat  doit  etre 
soumis  a  I'approbation  de  la  Regence. 

Chaque  seminariste  paye  annuellement  24  thalers  (90  fr.). 

Six  ecus  sont  payes  par  triraestre. 

Si  I'absence  totale  de  ressources  est  duraent  prouvee,  et  si 
une  serieuse  aptitude  est  conslatee,  remise  peut  etre  faite  a 
un  quart  des  seminaristes  de  la  totalite  ou  de  la  moitiu 
de  la  pension. 

§  17.  — Tons  les  efforts  tendent,  dansle  seminaire,  a  exer- 
cer  une  salutaire  impression  sur  les  sentiments,  les  principes 
et  la  conduite  des  eleves.  La  vie  commune  des  seminaristes 
s'y  rapproche  de  la  vie  de  famille.  Elle  est  fondee  sur  une  es- 
time  reciproque,  sur  une  affection  et  une  confiance  mu- 
tuelles.  Le  directeur  du  seminaire  doit  tenir  lieu  de  pere  a 
chacun  des  seminaristes. 

1.  M.  Cousin,  comme  on  salt,  a  donne  de  longs  rapports  sur  les  semi- 
naires  de  Potsdam  et  de  Brlihl. 


ECOLES  NORMALES  o'lNSTlTliTEURS.  265 

C'est  a  lui  principalement  qu'est  confie  le  soin  de  former 
les  eleves  a  la  piete  et  a  ce  christianisme  pratique  qui  se  mani- 
feste  par  la  purete  des  moeurs,  par  la  sincerite  des  paroles  et 
des  cBUvres,  par  I'amour  de  Dieu  et  de  sa  parole,  par  Tamour 
du  prochain,  par  I'obeissance  prompte  et  joyeuse,  par  la 
Concorde  fraternelle,  par  la  participation  reguliereaux  exer- 
cices  pieux  du  foyer  domestique  et  du  service  divin,  par  Ic 
respect  du  au  souverain  eta  la  constitution  du  pays,  et  par  le 
devouement  inebranlable  a  la  patrie.  C'est  la  mission  du  di- 
recteur  d'accoutumer  les  eleves  a  une  application  constante, 
a  une  activite  reglee  ,  au  bon  emploi  eta  la  sage  distribution 
du  temps,  a  Thabitude  de  I'ordre  exterieur,  meme  dans  les 
choses  qui  semblent  petites,  au  silence  et  a  la  tranquillite  dans 
les'  heures  du  travail ,  a  une  maniere  d'etre  convenable  en 
toute  circonstance  et  a  regard  de  tons,  a  la  simplicite,  mais 
en  meme  temps  a  la  proprete  des  vetements,  au  respect  de 
soi  en  toutes  choses. 

§  i8.  —  Le  directeur  sera  seconde  dans  sa  mission  de  sur- 
veillance par  les  maitres  adjoints  qui  vivent  au  milieu  des 
eleves  et  couchentavec  eux  aa  dortoir,  ainsi  que  par  les  eleves 
les  plus  ages  de  chaque  classe.  II  dresse  un  reglement  et 
un  ordre  du  jour  qu'il  soumet  a  la  Regence.  Les  semi- 
naristes,  en  entrant  dans  I'institut,  s'obligent  par  promesse 
solennelle  a  observer  le  reglement. 

Les  bases  du  reglement  sont  les  suivantes  : 

Lever  :  en  ete,  a  4  heures;  en  hiver,  a  5  heures etdemie; 
dans  le  printemps  et  en  aufomne,  a  5  heures. 

Goucher  :  en  ete,  a  9  heures;  a  9  heures  et  demie  en  hiver ; 
dans  le  printemps  et  en  automne,  a  10  heures.  Quelques  mi- 
nutes sont  donnees  pour  la  toilette.  Un  quart  d'heure  apres  le 
lever,  priere  commune ;  en  ete,  a  4  heures  et  demie;  en  hiver, 
a  6  heures,  assistance  a  la  sainte  messej  dejeuner;  puis  on 
fait  les  lits.  En  etc,  a  8  heures;  en  hiver,  a  7  heures,  com- 


266  TROISIEME  PARTIE. 

mencentles eludes.  A  miiii,  le  diner;  a  7  heures,  lesonper.Un 
quart  d'heiire  avant  le  eoucher,  la  priere  en  commun.  Le 
temps  compris  entre  la  priere  du  matin  et  la  pnere  du  soir, 
e^t  rempli  par  Tenseigneraent  qu'on  donne  ou  qu'on  revolt, 
par  des  etudes  privees  et  les  recreations  necessaires.  De  5  a 
7  heures  du  soir,  il  y  a  suspension  d'etudes.  On  emploie  ce 
temps,  en  ete,  a  la  culture  du  jardiu,  aux  exercices  gymnasti- 
ques  etaux  bains.  Deux  fois  par  semaine,  il  est  permis  aux 
seminaristes  de  sortir  libreraent  apres  diner.  Mais  ilsdoivent 
rendre  compte  du  bon  emploi  de  ce  temps.  II  leur  est  particu- 
liereraent  inlerdit  de  frequenter  les  cabarets,  de  fumer  etde 
boire  de  I'eau-de-vie.  II  est  egalement  interdit  de  jouer  de 
I'argent,  aux  cartes  et  aux  des.  De  temps  en  temps,  on  fait  des 
promenades  et  des  excursions,  sous  la  surveillance  d'un 
maitre. 

Pour  toute  autre  sortie,  il  fautune  permission  du  directeur 
oil  du  maitre  qui  le  represente. 

Les  seminaristes, ainsi  que  les  maitres,  s'approchent  dessa- 
cremeuts  a  cerlaines  epoques  determinees. 

Uu  maitre  adjoint  est  charge  de  la  surveillance  immediate 
des  semiuarisles  au  dorloir,  au'  refectoire  et  dans  les  salles  d'e- 
tude.  En  outre,  un  seminariste,  dignede  toute  coufiance,  est 
prepose  a  chaque  classe;  un  seminariste  est  appele,  chaque 
mois,  a  cet  emploi. 

§  19.  —  Moyens  de  discipline  :  Reprimande  en  presence  du 
directeur  de  la  classe  ou  de  toutes  les  classes;  inscription  au 
livre  d'inspection ;  censure  de  la  semaine,  censure  generate  du 
mois;  reprimande  dcvant  la  conference  des  inslituteurs;  pri- 
vation de  recreation  et  de  sortie.  Si  ces  punitions  sont  insuf- 
fisantes,ou  si  quelque  fautecontre  les  moeurs  rend  necessaire 
reloignement  immeiliat  d'un  eleve,  le  directeur  propose  a  la 
Regence  I'exclusion  de  I'individu  en  question.  Tout  eleve  exclu 
du  scminaiie,  ou  ayant  quiite  I'institut  de  son  plein  gre,  sans 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITCTECRS.  267 

certificat  de  sortie,  ne  pent  elre  adrais  aiix  examens,  ni  a 
aucune  fonction  scolaire. 

^  20.  —  Les  vacaDces  principales  du  seminaire  (  qnatre  se- 
maines)  ont  lieu  pen  lant  le  mois  de  septembre.  Outre  cela 
trois  vacances  d'une  seraaine  sont  reparties  entre  Paqnes,  la 
Pentecote  et  Noel.  Pendant  les  vacances  de  la  Pentecote  les 
eleves  ne  sortent  pas  de  I'inslitut. 

§21.  —  Le  dernier  jour  de  chaque  semaine,  chaque  raaitre 
charge  dela  surveillance  speciale  d'une  classe  en  fait  la  censure: 
il  donne  connaissance  des  notes  qui  ont  ete  inscrites  pendant 
la  semaine  surle/f25rec?ecZas5e.  II  demandecomptede  leurcon- 
duite  aux  eleves  qui  ont  viole  quelque  article  du  reglement  ou 
commis  quelqne  autre  faute,  il  prononce  les  peines  qu'il  lui 
appartient  d'infliger ;  il  regoit  les  griefs,  plaintes  et  demandes 
des  eleves,  et  met  fin  aux  petits  differents  q«i  peuvent  exisLer 
entreeux.  Les  peines  infligees  sont  inscrites  dans  le  livre  d'or- 
dre.  Du  reste,  et  bien  entendu,  pour  ce  qui  est  des  fautesexi- 
geant  une  repression  immediate,  on  n'attend  pas  lejour  dela 
censure.  Chaque  qualrieme  samedi,  le  directeur  du  seminaiie, 
apres  la  censure  de  la  classe,  fait  une  censure  geneiale  (  eine 
aUgemeine  Hauftcensur)  en  presence  de  tous  les  maitres;  il 
avertit,  exhorte,  encourage.  A  la  fin  de  chaque  annee,  a  lieu  une 
distribution  des  places  dans  chaque  classe,  d'apres  la  conduite 
des  eleves  consignee  au  livre  de  l' inspection  tenu  par  le  direc- 
teur, et  d'apres  les  livres  de  classe  tenus  par  les  maities;  a  cette 
epoque  egalement,  est  dresse  le  iivre  de  la  censure  gener ale, 
contenant  les  jugements  sur  I'aptitude,  I'applicalion  et  les 
progres.  Chaque  seminariste  revolt  un  certificat. 

§  22.  —  Apres  la  censure  generale,  tous  les  raailres  du  se- 
minaire se  reunissent  dans  une  conference,  sous  la  presidence 
du  directeur.  Dansces  conferences,  il  estdelihere  sur  tous  les 
objets  qui  inleressent  le  seminaire.  Les  raaitres  des  ecoles  an- 
nexes peuvent  etre  ajqxks  aux  conferences  par  invitation  du 


2G8  TROISIEME  PARTIE. 

directeur.  Les  mailres  reunis  en  conference  sont  consultes 
particulierement  sur  les  objets  suivants  : 

1.  Fixation  des  objets  de  Tenseigneraent  et  plan  des  lemons. 

2.  Administration  du  materiel  de  Tenseignement  ( acbats 
pour  la  bibliotheque,  les  collections,  I'enseignementde  I'his- 
toire  naturelle  et  dela  physique). 

1.  Projets  et  modifications  des  reglements. 

2.  Distribution  des  places. 
5.  Expedition  des  certificats. 

4.  Fixation  du  programme  pour  Texamen  des  candidats  au 
brevet  d'instituteur. 

5.  Fautes  de  nature  a  affecter  le  developpement  moral  de 
I'institut  et  propositions  d'expulser  un  eleve. 

6.  Questions  de  methode  de  I'enseignement. 

§  23.  —  II  y  a  un  examen  general  et  public  par  annee.  Get 
exaraen,  qui  a  lieu  a  Paques,  se  fait  pour  chacune  des  classes 
du  seminaire;  il  a  pour  but  principal  de  donner  a  la  Regence 
provinciale  une  connaissance  exacte  de  I'etat  de  I'institut. 
L'examen  est  fait  sous  la  pr^sidence  d'un  commissaire  de  la 
Regence. 

Outre  cet  examen  general  annuel,  le  directeur,  assiste  par 
les  maitres,  fait  des  examens,  de  trois  en  trois  raois,  sur  toutes 
les  branches  de  I'enseignement.  Enfin,  une  heure  est  consacree 
a  la  fin  du  mois,  pour  chacun  des  objets  d'etude,  a  une  repe- 
tition de  tout  ce  qui  a  ete  vu  pendant  le  cours  du  mois. 

§  24.  —  Il  y  a  une  ecole  d'exercice  annexee  au  seminaire. 
Pour  que  la  part  prise  par  les  seminaristes  a  I'enseignement 
de  I'ecole  annexe  leur  soit  profitable,  et  qu'ils  apprennent  a 
connaitre  tout  I'organisme  scolaire,  les  seminaristes  de  troi- 
sieme  annee  sont  repartis  en  trois  divisions,  de  raaniere  qu'il 
y  ail  dans  cbaque  division  des  eleves  tres  capables  et  des 
eleves  phis  faibles.  Chacune  de  ces  divisions  assiste,  pen- 
dant deux  mois,  a   rcnseignement  qui   lui   convient  dans 


ECOLES  NORMALES  d'iISSTITUTEURS.  200 

une  des  classes  de  I'ecole  annexe,  et  passe  ensulte  a  une  aulre 
classe.  Les  eleves  prennent  part  aux  exercices,  tantot  en  ecou- 
tant  tantot  en  enseignant  eux-memes;  et  ils  doivent  successi- 
vement  enseigner  toutes  les  branches  d'etude  en  usage  dans 
une  6cole  publique,  notamment  la  religion,  I'artd'analyser 
les  objets,  la  lecture,  I'ecriture,  la  langue,  le  calcul  et  le  cliant. 

On  confie  aux  seminaristes  les  plus  capables  le  inaniement 
de  I'enseignement,  pour  chaque  branche,  afin  de  les  exercer  a 
guider  toute  une  classe.  En  ce  cas,  la  surveillance  du  raaitre 
sefait  de  moins  en  moins  sentir,  et  son  action  ne  se  produit 
qu'a  des  intervalles  eloignes.  Les  seminaristes  qui  enseignent 
en  de  telles  conditions ,  ont  le  devoir  de  rendre  comptc, 
une  fois  par  semaine,  des  resultats  qui  ont  ete  obtenus  dans 
chacune  des  branches  d'etude. 

Chaque  seminariste  doit  enseigner  en  moyenne  12  heures 
par  semaine,  pendant  le  cours  pratique  (5-  annee). 

§25.  —  L'examen  faitannuellement  a  Paques  est,  en  memo 
temps,  pour  la  division  de  troisieme  annee,  l'examen  de  capa- 
cite  des  instituteurs  {SchuUehrer-Priifang).  Get  examen  dure 
trois  jours.  II  porte  sur  tous  les  objets  d'enseignement,  et  est 
fait  par  les  maitres  ordinaires  en  presence  du  commissaire  de 
la  Regence.  L'examen  est  en  partie  verbal,  en  partie  ^ciit; 
l'examen  verbal  est  entremele  de  le9ons  pratiques  donnees  par 
les  seminaristes,  ou  a  des  enfants  choisis  ou  a  toute  une  classe. 
Selon  le  resul  tat  de  cet  examen,  et  selon  aussi  les  notes  et  eclair- 
cissements  fournisparle  directeuret  paries  maitres,  dans  une 
conference  a  laquelle  prend  part  le  commissaire  de  la  Regence 
pour  les  ecoles  {Regierungs-Schul-Refereni),  il  est  delivre  a  cha- 
que seminariste  sortant  un  double  certificatemanantdii  direc- 
teuret des  maitres,  et  vise  du  commissaire  de  la  Regence. 
Ce  cerlificat  confere  le  droit  d'elie  appelc  a  une  fonction 
d'ecole. 

L'un  de  ces  certificats  porta  la  mention  la  plus  precise  et  la 


270  TROrSIEME  PARTIE. 

plus  specifiee  des  connaissances  de  I'instituteur,  dans  les  diffe- 
rentes  branches  de  Tenseignement,  et,  pour  chaciine  de  ces 
branches,  I'indicalion  dn  degre  d'aptitude  a  enseiguer.  On 
ajoule  des  renseignements  consciencieux  sur  la  valeur  morale 
{moralische  Bejdhigung) ,\a comlmie,  lecaractere  del'examine, 
et  sur  les  esperances  que  fait  coucevoir  son  aptitude.  Tous  les 
elements  d'appreciation  doivent  se  resumer  en  un  jugement 
general  exprime  par  ces  mots  :  Excellent,  bien,  svffisant,  et  les 
nombres  correspondants  I,  II,  III.  Ces  cerlificats  sont  remis 
par  le  directenr  du  seminaire  a  la  Regence  provinciale,  sans 
passer  par  les  mains  des  seminaristes. 

L'autre  certificat  exprime  d'une  maniere  generale  I'aptitude 
de  I'exaraine,  par  les  mots  :  Excellent,  bien,  svffisant,  et  les 
nombres  correspondants  I, II, III.  Uestdonneaux  seminaristes, 
afiln  qu'ils  le  puissent  presenter  quand  ils  aspirent  a  un  emploi 
scolaire.  Apres  un  intervalle  de  deux  ans,  tous  les  seminaristes, 
sans  distinction,  qu'ils  aient  trouve  pendant  ce  temps  ou  non, 
un  emploi  provisoire  dans  une  ecole  publique,  sont  tenus  de  se 
soumeltre  a  un  nouvel  examen  dans  le  seminaire i. 

Dans  cet  examen,  on  se  preoccupera  specialement  de  Thar- 
monie,  de  la  mesure,  de  la  solidite  des  connaissances,  et  sur- 
tout  de  la  capaciSe  et  de  I'babilete  pratiques.  Le  certificat  por- 
tant  surle  resultatde  ce  nouvel  examen  sera  joint  au  certificat 
de  I'exaraen  de  sortie,  remis,  comme  lui,  a  la  Regence  provin- 
ciale, et  donne  en  double  a  I'exaraine.  En  meme  temps  que  ces 
examens,  sont  passes  les  examens  des  candidats  qui  n'ont  point 
eteeleves  du  seminaire. 

L'epoque  de  ces  examens  est  annoneee  par  les  feuilles  de  la 
province. 

§  26.  —  Quand  il  s'agira  de  pourvoir  a  un  poste  de  maitre 

1.  On  salt  que  depuis  le  decret  du  31  decembre,  le  titre  definitif  d'in- 
stituteur  ne  peut  6tre  obtenu,  en  France,  qu'apres  trois  ans  d'exercice,  a 
litre  de  suppleant. 


ECOLES  NORM/VLES  d'i1\STITUTECRS.  21  \ 

d'ecole,  on  aura  egard,  avant  tout,  anx  instituteurs  sortis  du 
seminaire,  et  pourvus  du  brevet  de  capacite.  On  n'admeltra 
aucun  autre  candidat,  qu'a  defaut  d'ancieos  eleves  du  semi- 
naire. 

§  27.  —  Des  certifieats  de  raoeurs  sont  rediges  en  double  ex- 
pedition :  les  premiers  presenlent,  dans  une  note  concise,  le 
resultat  pur  et  simple.  lis  sont  remis  aux  seminaristes,afin  que 
ceux-ci  les  puissent  produirequand  ilsse  portent  comme  ean- 
didatsa  unefonction  scolaire.  Les  seconds  donnent  des  details 
sur  le  developpement  moral  des  seminaristes.  lis  seront  remis 
a  la  Regence  provinciate.  Les  certiticats  de  mceurs  sont  donnes 
selon  ces  trois  degres  : 

L  Excellent,  avee  les  degres  intermediaires;  1,  excellent; 
2,  tresbien;  3,  bien. 

IL  ^zen,  avecles  degres  intermediaires;  1,  bien;  2,  assez 
bien ;  5,  suffisant. 

in.  7l:/oms^we5?en,aveclesdegresintermediaires;  1,  comme 
il  faut;  2,  passable;  5,  mal. 

§28. — A  la  sortie  du  seminaire,  chaque  seminariste 
indique  au  direcleur  son  nouveau  domicile.  II  se  fait  coonai- 
tre,  en  qualite  de  candidat  a  un  poste  d'instituteur,  au  doyen 
du  district  qu'il  habile.  II  est  tenu  de  rendre  compte  a  ce 
dernier  de  tout  ce  qui  concerne  sa  conduite  et  le  developpe- 
ment de  ses  etudes,  el  de  lui  fournir  tous  les  travaux  que 
celui-ci  croit  devoir  exiger.  Les  doyens  donnent,  a  la  fin 
de  chaque  annee,  des  renseignements  a  la  Regence  provinciate 
sur  tous  les  candidats  qui  vivent  dans  leur  district. 

§  29.  —  Dans  le  but  de  bien  connaitre  I'etat  et  les  besoins 
des  ecoles  auxquelles  le  seminaire  doit  fournir  des  maitres. 
afin  de  pouvoir  examiner  si  Tinstruclion  donnee  dans  le  semi- 
naire est  en  rapport  avec  les  besoins  des  ecoles  du  district ;  en- 
fin,  pour  se  rendre  compte  du  succes  des  instituteurs  dans 


272  TROISIEME  PARTIE. 

I'exercice  de  leurs  fonctions,  le  directeur  est  teou  de  parcourir 
successivement,  pendant  les  grandes  vacances  annuelles,  les 
differentes  parties  du  district  du  seminaire,  et  de  remettre  a  ia 
Regence  provineiale  un  rapport  detaille  siir  les  ^coles  publi- 
ques. 

§30.  —  Afin  que  I'lnfliience  salulaire  du  seminaire  agisse 
sur  les  instituteurs  qui  ont  besoin  de  se  perfectionner,  afin 
aussi  d'elablir  I'uniformite  d'enseignement  dans  les  ecoles,  et 
de  faire  en  sorte  que  le  seminaire  devienne  pour  toutes  comme 
un  foyer  viviflant,  les  maitres  donton  parie  seront  convo- 
ques,  pendant  Tele,  pour  un  temps  plus  ou  raoins  long,  selon 
les  besoins.  Cette  convocation,  d'ordinaire,  aura  lieu  tousles 
deux  ou  trois  ans.  Les  mailres  du  seminaire  feront  a  ces  insti- 
tuteurs un  cours  methodologique  portant  successivement  sur 
tons  les  objels  essentiels  de  I'enseignemenl  dans  les  ecoles  pu- 
bliques.  Les  instituteurs  seront  de  plus  employes  dans  les  classes 
spcciales  de  I'ecole  d'exercice.  Les  maitres  d'ecole  qui  sont 
arrieres  par  negligence  doivent  payer  les  frais  de  participation 
a  ces  cours.  Les  autres  recevront  une  indemnite  prelevee  sur 
la  caisse  des  ecoles,  et  jouiront  gratis  du  logement  dans  le 
seminaire. 

Le  directeur  du  seminaire  donnera,  dans  le  rapport  annuel, 
des  renseignements  speciaux  sur  le  resultat  de  chaque  cours 
methodologique.  » 

Tel  est  le  reglement  du  seminaire  de  Fulda.  II  etait  necessaire 
de  le  faire  connaitre  en  entier  :  deux  points  tr^s  differents 
doivent  particulierement  attirer  notre  attention. 

Premierement,  il  est  fait  appel,  dans  une  certaine  mesure, 
et  au  point  de  vue  de  la  direction  morale,  a  un  sentiment  qui 
elevetoujours,  uses  pro  preyeux,  quiconquea  merited'enetie 
I'objet,  sentiment  qui  est  le  nerf  de  la  discipline  dans  les  eco- 
les normales  anglaises,  et  qui  n'est  pas  inconciliable,  tant  s'en 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITUTEURS.  275 

faut,  avec  les  exigences  de  la  surveillance  la  plus  severe,  a 
savoir  :  la  confiance.  Assureraent,  on  n'accorde  pas  aux  eleves 
des  seminaires  ailemands  la  meme  independance  qu'aiix 
eleves  des  ecoles  normales  de  la  British  and  foreign  society. 
On  ne  s'efforce  pas  en  Allemagne,  avec  la  meme  ardeur  et  la 
raeme  foi  que  sur  le  sol  anglais,  de  developper  dans  Tesprit 
des  maitres  luturs  le  principe  du  self-governmenf ;  cependant 
on  ne  relrouve  pas,  dans  le  regime  du  seminaire  de  Fulda,  cetle 
rigid  itedisciplin  aire  qui,  dans  d'&u  Ires  reglemen  Is,  vajusqu'au 
sacrifice  de  loute  volonle  individnelle,  et  ne  laisse  peul-etre 
pas  ail  raaitre  futiir,  il  faut  en  convenir,  iine  dose  d'ini- 
tiative  suffisante  pour  le  preparer  a  la  liberte  absolue  dont 
il  jouira  au  sortir  de  I'ecole.  A  Fulda,  les  elevcs-maitres 
n'ont  pas,  comraea  Borough-road,  la  libre  disposition  d'enx- 
memes  dans  I'entre-deux  des  etudes  5  cependant  il  leur  est 
permis,  plusieuis  lois  par  seraaine,  de  sortir  librement.  On  ne 
leur  impose,  pources  intervallesde  liberte,  qu'une  prescrip- 
tion :  rendre  comple  de  I'eraploi  de  leur  temps;  et  cette  pres- 
cription est  emineraraent  de  nature  u  relever,  dans  leur  pro- 
pre  estime,  ceux  a  qui  elle  s'adresse,  puisqu'elle  est  un  hom- 
mage  rendu  par  la  confiance  du  directeur  a  la  dignite  du  ca- 
ractere,  comme  a  la  bonne  foi  des  eleves. 

De  plus,  tandis  que  les  futurs  instituteurs,  dans  d'autres 
ecoles  normales,  ne  sauraient  franchir  le  seuil  sans  etre  pla- 
ces sous  le  regard  et  sous  la  tu  telle  d'un  mailre,  des  permissions 
de  sortie  peuventetreaccordees,  aFulda,  par  le  directeur  ou 
par  un  maitreen  son  nom.  En  fin,  on  retrouvedes  traces,  dans  le 
seminairedont  nous  parlous,  decesystememM/we/si  complete 
ment  applique  a  la  discipline  dans  les  etablissements  anglais. 
La  aiissi,  on  compte,  dans  une  certaine  mesure,  sur  le  respect 
de  la  hierarchies  la  aussi,  jusqu'a  un  certain  point,,  on  veut 
que  Tobeissance  a  la  loi  imposee  par  dcsjoa/rs  soil  I'appren- 
liFsage  du  comniandciiicnl;  et,  sous  le  litre  de  aenior,  ui)  clevo 

18 


274  TROISIEME  PARTIF. 

estappele,  cliaqne  mois,  a  la  direction  discipiinaire  de  clia- 
ciine  des  classes. 

All  reste,  une  telle  pratique  n'est  point  particuliere  au  se- 
rainairede  Fiilda.  Une  autre  ecole  normale  calholique,  I'ecole 
dcBreslau,  enSilesie,  presente,  a  cetegard,  decurieux  details. 

II  faut  citer  les  articles  qui  suivent  du  reglement  de  I'ecole 
normale  de  Breslau  : 

«  17.  Ceux  des  seminaristes  qui  se  sont  distingues  par  une 
conduite  irreprochable  et  un  zele  exemplaire,  sont  charges  de 
certaines  fonctions.» 

«  18.  A  ehaque  division  est  prepose  un  pieraier  senior  qw' an 
second  senior  remplace  au  besoin.  La  charge  de  ces  dignilaires 
est  de  maintenir  le  silence  pendant  les  heures  d'eludes,  d'a- 
vertir  ceux  qui  troublent  I'ordre,  et,  si  cet  avertissement  est 
inutile,  d'en  donner  avis  au  direcleur  ou  au  mailre  charge  de 
la  surveillance.  Le  premier  senior  signale  au  professeur  les 
seminaristes  qui  seraient  absents  au  moment  de  la  legon  ;  il 
faitconnailreau  direcleur  les nomsde ceux  qui  n'auraienlpas 
quitte  le  lit  au  son  de  la  cloche.  Les  seniors  veillent  a  ce  que 
I'ordre  et  la  proprete  regnent  dans  les  dorloirs  et  les  salies 
d'etude. » 

«  19.  Un  regent  et  deux  sous-regents  sont  preposes  a  lout  ce 
qui  concerne  la  musique.  Le  regent  lient  I'invenlaire  des 
instruments,  en  est  responsable,  et  fait  laire  les  reparations 
neoessaires.  II  designe  ceux  qui,  le  dimancheou  les  jours  de 
fete^  doivent  prendre  part  aux  choeurs  de  I'Eglise;  il  regie 
I'ordre  d'apres  lequel  ehaque  61eve  doit  venir  s'exercer  dans 
la  sallede  musique,  a  I'orgue  et  au  piano.  Enfin,  il  luiappar- 
lient  de  diriger  les  exercices  musicaux  du  soir,  ainsi  que  les 
chants  pendant  le  service  divin.» 

«  20.  Le  soin  des  mulades  est  confie  a  \\\)  garde  superieur  des 
malades  {Oberkrankenwdrter)  choisi  dans  la  premiere  division. 
Ce  dignilaire  est  charge  de  tout  ce  ijui  concerne  la  surveil- 


ECOLES  NORMALES  d'jNSTITUTEUUS.  275 

lance  de  rinfirmerie;  il  veille  a  ce  que  les  ordonnaiices  dii 
mei'ecin  soient  observees.  Tons  les  malinp,  ii  fail  un  rjpport 
au  direcleiiv  sur  I'eliit  de  I'infirmerie.  II  a  un  auxiliaire 
norame  Unierkrankenwdrter.  La  dinee  de  ces  fonctions  est 
d'une  demi-sf maine  ;  elles  sont  confiees  alt^rnativement  a 
rhnqiie  seminarii-te,  a  I'exceplion  seulement  de  ceiix  qui  sont 
deja  (iiguilaires.  Le  Krankenwdrier  ne  doit  pas  b'absenter  des 
iegons  ?ans  necessifeabsolue.j> 

«  21 .  Le  Gartenaufseher  tient  I'lnventaire  des  objels  de  jar- 
dinage,  et  en  est  responsable.  II  preside  aux  Iravaux  du  jardin.» 

«  22.  L' Oberglockner  est  responsable  et  prend  soin  de  tous 
les  objels  consacres  au  service  diviu;  il  a  sous  ses  ordres  un 
Unterglockner  .y) 

"  25.  Le  service  Aeporiier  est  Ires  impoitant  pour  I'etablis- 
sement.  Tous  les  seminarisles,  les  seniors  raeme,  au  besoin,  y 
sont  aslreints.)) 

€  Le  portier  lientun  regislreou  11  consigne  tout  ce  qui,  pen- 
dant les  heures  d'elude,  lui  est  demande  conceruant  quel- 
qu'un  des  maitres  ou  des  seminarisles.  II  note  ceux  qui  soilcnt 
ou  rentrenl  hors  des  beures  convenues,  avec  les  motifs  alle- 
gues  par  eux.  Ce  livre  est  presente  cbaque  matin  au  direc- 
teur.M 

«  Le  portier  a  soin  que  les  portes  soient  toujours  fermees, 
et  ne  souffre  pas  qu'on  se  tienne  sur  le  seuil.  Defense  est  faite 
a  ses  camarades  de  s'aneler  dans  la  loge  sans  necessite.  II 
ouvre  a  qui  se  presente.  S'il  s'agit  d'un  etranger,  il  s'informe 
avec  polilesse  de  son  nora  et  de  I'objet  de  sa  visile. » 

«I1  avertit  le  direcleur  ou  fait  venirle  seminarisle  deman- 
de, mais  nedoit  jamais  dei anger  leseleves  pendant  les  heures 
d'elude.  II  annonce,  par  le  son  de  la  cloche,  les  exercices  de 
piete,  ainsi  que  le  commencement  el  la  fin  de  cbaque  elude. » 

On  le  voit,  il  est  fait  appel ,  dans  I'ecole  norniale  de  Bres- 
lau,  aux  ressources  de  Taclivile  individuelle.  Les  elablisse- 


276  TROISIEME  PARTIE. 

ments  calholiques,  au  dela  du  Rhin,  ne  sauraient  etre  accuses 
par  les  elablissements  protestants  de  comprimer,  dans  leurs 
eieves,  le  sentiment  de  la  personnalite,  SelbsigefUhl. 

Le  second  point  a  I'exaoaen  duquel  nous  conduit  le  regle- 
raent  du  seminaire  de  Fulda,  c'est  le  mode  d'apres  lequel 
sont  delivres  aux  eieves  sorlant  des  ecoles  normales,  et 
en  general  aux  instituteurs,  lesbrevetsconferantledroitd'elre 
appele  a  uu  poste  d'enseignement  {AnsieUungsjdhigkeii) . 

D'abord,  I'examen  ne  se  compose  pas  seulement,  comme 
en  France,  d'epreuves  ecritcs  et  d'epreuves  orales;  il  im- 
plique  en  meme  temps  des  ^preuves  praifques ,  c'est-a-dire 
des  lemons  donneos  a  des  eieves.  C'est  la  un  point  essen- 
tiel,  et  sur  lequel  je  ne  saurais  trop  appeler  I'attention. 
Par  quel  autre  raoyen  ,  en  effet ,  sinon  par  des  epreuves 
de  ce  genre,  constater  I'existence  des  qualites  qu'il  importe, 
a  un  si  haul  degre,  de  trouver  dans  I'instituteur,  et  qui  se 
resument  dans  I'art  do  transmettre  les  connaissances  ac- 
quises,  art  of  communicating,  comme  disent  les  Anglais?  On 
a  reconnu,  en  France,  la  neccssite  d'exiger  les  preuves  de 
cette  aptitude,  des  aspirants  au  brevet  des  salles  d'asiles. 
N'est-il  pas  necessaire,  au  meme  litre,  de  demander  une 
preuve  analogue  aux  jeunes  gens  qui  aspircnt  aux  fonctions 
d'instituteurs,  c'est-a-dire  aux  maitres  qui  sont  appeles,  dans 
I'ecole,  a  continuer,  en  la  developpant,  I'oeuvre  d'education 
commencee  dans  la  salle  d'asile? 

Une  autre  observation  doit  porter  sur  la  composition  des 
jurys  d'examens.  Ce  ne  sont  pas,  qu'on  le  remarque,  des 
hommcs  attaches  a  un  enseignement  d'un  autre  ordre,  des 
membres  de  I'enseignoment  secondaire  ou  superieur  qui  en- 
trent  dans  les  jurys,  mais  des  professeurs  d'ecoles  normales 
presides  par  un  membre  de  la  Regence;  des  fonctionnnircs, 
par  consequent,  a  qui  leurs  lial)itudes  scolaircs  et  leur  ex- 
perience technique  ne  permetteiit  pas  d'alterer  le  caractere 


ECOLES  NORMALES  d'iNSTITUTEURS.  277 

del'examen,  ui  d'egarer  1' esprit  des  futurs  maitrcs,  en  leur  po- 
sant  des  questions  inspirees  par  des  preoccupations  etrangeres 
a  leurs  eludes.  Nous  aurons  plus  tard  a  insister  sur  ce  fait. 

Enfin ,  11  importe  de  signaler  la  disposition  en  vertu  de 
laquelle  tout  instituteur  en  possession  du  brevet  de  capacite 
est  tenu,  apres  une  nomination  provisoire  dont  les  effets  ne 
se  prolongent  pas  au  dela  d'une  annee,  de  venir  se  soumettre 
a  un  nouvel  examen,  examen  qui  a  pour  but,  non  plus  de  con- 
stater  des  connaissances  que  Ton  suppose  desormais  acquiscs, 
et,  selon  I'expression  allemande,  de  controler  I'instruction  ma- 
terielle,  mais  de  verifier  la  maniere  dont  ces  connaissances  se 
coordonnent  enlre  elles,  etle  point  d'appui  qu'elles  se  prctent 
mutuellement;  surtoutdes'assurer  des  progres  que,  depuisson 
entree  dans  la  carriere,  I'instiluteur  a  fails  dans  I'art  de  diri- 
ger  une  classe,  d'agir  sur  les  esprits,  et  de  metlre  en  pratique 
les  preceptes  pedagogiques  qui  ont  ete  robjel  principal  de  I'en- 
seignemenl  dans  I'ecole  normale. 

Un  usage  identique  se  retrouve  dans  les  pays  voisins  de  la 
Hesse,  et  notamment  en  Prusse,  ou  les  jeunes  instituteurs, 
avant  de  recevoir  un  litre,  doivent  avoir  exerce,  en  verlu 
d'une  delegation  provisoire,  deux  annees  au  raoins  dans  une 
ecole  publique  ou  privee  ^ .  Ces  deux  annees  sont  un  temps 
d'epreuve  a  I'expiration  duquel  les  temoignages  des  autorites 
scolaires,  temoignages  portant  sur  I'aptitude,  les  dispositions 
morales,  la  vocation,  en  un  mot,  peuvent  seuls  assurer  au  can- 
didal la  conquete  d'un  litre  definilif. 

Le  principe  d'un  stage  impose  aux  instituteurs  debutants, 
se  trouve  dans  toules  les  legislations  de  I'Allemagne  du 
nord;etron  ne  peut  que  s'applaudir,  de  I'avoir  vu  passer 
dans  noire  proprc  legislation  ;  le  decret  du  31  decembre 
1855,  est,  sous  ce  rapport,  specialement.  un  progres  consi- 

1.  Voy.  a  la  fin  du  vol.  I'elude  sur  le  budget  de  I'instruclion  publique, 
en  Prusse. 


278  TROISIEME  I'AKTIE. 

derable  dont  I'enseignement  primaire,  en  France,  ne  tardera 
pas  a  ressenlir  les  effets. 

Un  document  officiel  doit  ici  trouver  place.  Ce  document 
temoigne  du  soin  et  des  precautions  dont  on  entoure,  en 
Prusse,  la  nomination  d'un  inslituteur •,  il  s'agit  d'une  ciicu- 
laire  du  Schul-KoUegium  de  la  province  de  Brandebourg ,  en 
date  du  42  oclobre  1852. 

«  Les  maitres  qui  pretendent  a  une  place  devenue  vacante, 
ou  qui  aspirent  a  la  direction  d'une  ecole  communale  nouvel- 
lement  fondee,  doivent  se  soumettre  a  un  examen  special. 

«  Get  examen  est  subi  devant  une  commission  composee 
d'un  membre  du  Schul-Kollegium,  du  conseiller  scolaire  de  la 
commune,  du  directeur  du  seminaire  de  la  circonscriplion. 

«L'examen  consiste  : 

i"  En  une  composition  ecrite,  sur  un  sujet  pedagogique; 

2°  En  une  ou  plusieurs  lemons  faites  a  des  eleves; 

3°  En  un  entretien  oral  du  candidat  avec  les  membres  de  la 
commission. 

«  Le  sujet  de  la  composition  ecrite,  comme  cclui  des  lemons, 
est  donne  par  le  president  de  la  commission.  C'est  aussi  ce 
dernier  qui  designe  I'ecole  dans  laquelle  sont  faites  les  lemons 
en  la  presence  de  deux  membres,  aumoins,  de  la  commission. 

«  Leresultatde  I'examenest  immediatement  resume  et  con- 
state par  ces  mots  :  «  suffisant »  ou  « insuffisant » . 

«  II  n'est  pas  remis  de  diplomes  au  candidat  pour  cet  exa- 
men special. 

((  Si  le  resultat  de  I'examen  est  assez  salisfaisant  pour  que 
rinstituteur  soit  charge  de  la  direction  de  I'ecole,  la  ratifica- 
tion du  choix  qui  a  ete  fait  de  cet  instituteur  est  immediate- 
mont  donnee  par  nous;  s'il  en  est  autrement,  un  autre  can- 
didat est  soumis  au  meme  examen,  a  sa  place. » 

On  le  voit,  en  Hesse  comme  en  Prusse,  en  Hanovre  comme 


I 


ECOLES  NORMALES  1)  liNSTlTUTEURS.  270 

en  Saxe,  tout,  dans  renseignenient  primaire,  part  de  I't'colc 
normale,  et  tout  y  revient.  Le  ScJbullehrerseminar ,  dans  I'Alle- 
magne  entiere,  Allemagne  catholique  ou  Allemagne  protes- 
tante,  est  le  fondement  de  tout  le  systerae  pedagogique, 
rinstruraent  a  I'aide  duquel  les  chefs  religieux  du  pays  aussi 
Men  que  les  honimes  d'Etat,  ont  entrepris  de  raraener  I'edu- 
cation  populairedans  la  vole  ou  les  gouveruemeiits  doivent  la 
maintenir  a  tout  prix. 

«  Supprimez  les  ecoles  normales,  me  disait,  a  Berlin,  un 
des  chefs  de  radmiuistration  de  I'instruction  publique,  et,  en 
dehors  des  associations  religieuses  qui  nous  manquent,  et  qui, 
chez  vous,  ne  suffisent  pas  au  vingtierae  des  besoins,  vous 
n'aurez  pour  instituteurs  du  peuple  que  des  incapables  ou 
des  aventuiiers.  Faisons  done  en  sorte  que  ces  ecoles  devien- 
nent  des  instruments  de  vie.» 


CHAPITRE  DEUXIEME. 

REGLEMENT  GENERAL  DES  ECOLES  NORMALES  D'INSTITUTEURS  (1854). 

On  aclievera  de  se  rendre  compte  des  esperances  que  Ics 
gouvernements,  au  dela  du  Rliin,  notamment  le  goiivernement 
prussien  ,  n'ont  cesse  de  fonder  siir  les  ecoles  normales  pri- 
maires,  quand  on  aura  pris  connaissance  d'un  document  au- 
quel  il  a  deja  ete  fait  allusion,  etqui  est  emane  recemraent  du 
niinistere  de  rinslruclion  publique  de  Berlin.  Dans  ce  docu- 
ment se  resume  toute  la  pensee  actuelle  de  I'administration 
superieurc  prussienne;  il  s'agit  du  Reglement  general  relatif  a 
r enseignement  des  Ecoles  noj'jyiales  primaires  evangeliques,  pu- 
blie  le  1"  octobre  1854. 

Jusqu'a  la  promulgation  dece  reglement,  chaqueseminaire, 
en  Prusse,  etait  rcste  juge  a  peu  pres  souverain  du  caractere 
qu'il  entendait  imprimer  aux  etudes ;  e'etait  a  son  gre  qu  il  de- 
veloppuiL  I'enseigneraent,  et  I'elevait,  sans  autre  direction  que 
des  principes  generaux  plus  ou  moins  fidelement  empruntes 
au  reglement  redige  autrefois  pour  I'ecolc  normale  de3Ioers, 
par  la  Piegence  royale  de  Diisseldorf. 

Le  gouvcrnement  a  cru  opportun  de  communiquer  aux  dif- 
ferents  etablissements  normaux  de  la  monarchic  cet  esprit  de 
renovation  religieuse  et  de  reforme  pedagogique  dont  il 
voulait  faire  desormais  la  loi  de  toutes  les  institutions  d'ensei- 
gnement  public  :  etila  promulgue  \q  Reglement  general. 

Ce  reglement  est,  avcc  les  Gnindzuge,  la  consecration 
eclatante  du  mouvement  d'idees  que  nous  avons  signale  plus 
liaut,  et  dont  les  ecrits  de  plusieurs  directeurs  d'ecoles  nor- 
males nous  onl  presenle  I'expression. 


UEGLEMENT  GENERAL.  28i 

11  est,  en  consequence,  le  point  de  depart  authentique  d'un 
nouvel  ordre  de  clioses  pour  les  serainaires  de  Prusse.  Criti- 
que du  passe  a  bien  des  egards,  il  est  en  meme  temps  le 
principe  regulateur  de  la  vie  des  ecoles  normales  dans  I'a- 
venir. 

Ce  document  semble  une  nouvelle  et  irrecusable  preuve  de 
la  revolution  morale  qui  s'est  accomplie  a  la  suite  des  pertur- 
bations des  dernieres  annees;  il  ofl're  done  un  interet  capital. 
Je  le  Iraduis  en  I'abregeant. 

Reglement  general  pour  I'enseigneQient dans  les  ecoles  normales  primaires 
evangeliques  de  la  monarchie  (1"  oclobre  1854). 

«  Depuis  longtemps  on  a  ouvert  aux  seminaires  de  la  mo- 
narchie un  champ  de  developpement  aussi  libre  que  possible, 
en  ce  qui  concerne  le  choix,  I'etendue  et  la  forme  de  I'en- 
seignement,  ainsi  que  les  raoyens  de  faire  acquerir  aux  eleves 
I'aptitude  necessaire  pour  enseigner. 

0  Les  heureux  resultats  oblenus  ainsi,  au  point  de  vue  dc  la 
variete  et  d'une  certaine  perfection  des  methodes,  ont  une 
valcur  qu'cm  ne  saurait  raecounaitre.  Ces  resultats  permet- 
tent,  —  ce  que,  du  reste,  exige  imperieusement  la  necessite 
d'eviter  les  perils  dans  Icsquels  peut  entrainer  un  develop- 
pement isole  (subjectif)  des  divers  etablisseraents,  —  ces  re- 
sultats permettent,  disons-nous,  de  fixer,  pourl'enseignement 
des  ecoles  normales,  sur  la  base  des  experiences  acquises,  cer- 
taines  regies  communes  dont  I'observation  ne  soit  pas  un 
obstacle  au  developpement  individuel. 

«La  fixation  de  ces  regies  a  ete  preparee  depuis  longtemps 
deja,  par  les  avis  qui  ont  ete  reclames  des  autorites  provin- 
ciates, par  I'organisation  donnee  aux  ecoles  normales  nou- 
vellement  creees,  et  par  les  travaux  parliculiers  de  quelques 
mnilres.  Ces  regies  communes  s'imposent  avec  un  caractere 


282  TUOISIEME  I'ARTIE. 

d'opportiinited'autant  plus  incontestable,  qu'il  s'est  manifeste 
dans  la  science,  dans  I'Etat  et  dans  I'Eglise,  des  transforma- 
tions profondes ;  pour  mettre  I'enscignement  populaire  au 
niveau  desexigences  actuelles,  il  importe  done  de  le  regu- 
lariser,  d'en  ecarter  tout  ce  qui  a  vieilli,  ou  parait  errone,  de 
propager  et  de  perfectionner  ce  qui  est  utile. 

«Les  diversites  confessionnelles,  provinciates  et  autres, 
ainsi  que  les  principes  generaux  qui  guident  I'administration 
des  ecoles  prussiennes,  ne  permettent  point  de  tracer  un  plan 
universel  et  nbsolu,  destine  a  etre  mecaniquement  suivi  jusquc 
dans  les  plus  petits  details. 

wToutefois,  prenant  pour  base  les  fails  que  ledeveloppement 
des  ecoles  a  mis  en  evidence,  tenant  compte  des  exigences  de 
la  vie  pratique,  et  guides  par  ce  principeque  les  etablissements 
dont  on  parte  sont  les  pepinieres  imraediates  de  la  culture 
intellectuelle  du  peuple  {die  unmiltelbaren  Pflanzstatfen  der 
Volkshildung),  nous  allons  poser  les  regies  fondaraen tales  sur 
lesquelles  doivent  reposerdesormaisl'organisationinterieure, 
la  surveillance  et  la  direction  des  seminaires. 

I  —  Dispositions  g6uerales. 

wAvant  tout,  eu  egard  au  temps  fort  court  accorde  au  semi- 
naire  pour  former  ses  eleves,  et  a  la  sorame  de  connaissances 
que  les  jeunes  gens  doivent  posseder  en  y  entrant,  il  faut  con- 
siderer  comrae  le  but  essentiel  de  I'enseignement,  I'obliga- 
tion  de  mettre  les  futurs  instituteurs  a  merae,  en  theorie  et 
en  pratique,  d'enseigner,  simplement  et  fructueuseraent,  la 
religion,  la  lecture,  la  langue  maternelle,  I'ecriture,  le  calcul, 
le  chant;  —  tous  ces  objets  etant  d'ailleurs  restreints  aux  li- 
mites  de  I'ecole  elementaire. 

«  Ce  but  doit  etre  atteint  a  tout  prix ;  I'eleve  ne  pent  en  6tre 


REGLLMENT  GENERAL.  283 

ecarte  piirl'etude  tie  sciences  sans  connexion  directe  avee  I'en- 
seignement  primaire,  les  qiielles,  si  utiles  et  desirables  qu'elles 
piiissent  etre  par  elles-memes,  ne  liii  sont  point  indispensa- 
bles.  Ce  n'est  point  rinstruction  exigible,  en  certains  cas,  du 
niaitre  d'nne  ecole  urbaine  superieiire,  raais  I'instruction 
et  les  aptitudes  d'un  niaitre  d'une  ecole  elementaire  ordi- 
naire, que  le  seminaire  doit  donner  a  tons  ses  eleves. 

«Pour  ces  deux  especes  d'ecoles,  la  meme  mesure  d'iu- 
struction  metbodique  et  formelle  est  exigee;  e'est  avant  ou 
apres  les  cours  du  seminaire,  que  les  eleves  favorises  par 
un  talent  special  troiiveront ,  s'ils  le  veulent,  le  loisir  d'e- 
tendre  le  cercle  de  leur  instruction. 

« De  bonnes  et  solides  connaissances  preliminaires,  pour 
le  domaine  limite  de  I'ecole  p'imaire ordinaire,  seront  egale- 
ment  d'une  grande  ulilite  a  ceux  qui  aspirent  aux  degres  supe- 
rieurs  de  Tenseignement;  mais  en  donnant  une  attention  spe- 
ciale  a  ces  derniers,  on  courrait  risque  de  negliger  les  choses 
essenlielles  et  d'enerver  I'enseignenient. 

«Les  tendances  qui  se  sont  manifestees  frequemment  a 
elargir  le  cercle  des  etudes,  a  presupposer  les  elements, 
soit  de  la  science,  soit  de  la  methode,  corarae  connus,  sont 
en  contradiction  avec  le  but  que  se  propose  le  seminaire. 
Les  matieies  d'enseignement  de  I'ecole  elementaire  doi- 
vent  etre  considerees  comrae  un  domaine  qu'il  i'aut  par- 
courirdans  toutes  les  directions  et  dans  toute  son  etendue; 
I'ecole  d'application,  surtoutdans  la  derniereannee,  lorraele 
point  central  de  I'enseignement. 

a  II  ne  suffit  pas  que  le  professeur  ait  developpe  un  objet 
dans  une  le^on,  ni  meme  qu'il  y  soit  plusieurs  lois  revenu ;  il 
faut  encore  que  I'enseignement  donne  des  resultats  imme- 
diats,  que  les  eleves  deviennent  aptes  a  reproduire,  sans  au- 
cune  assistance,  ce  qu'ils  viennent  d'apprendre,  et  a  en  lairo 
Usage  dans  I'ecole  d'application. 


284 


TKOISIEME  P ARTIE. 


«  Si  le  temps  permet  de  s' engager  dans  de  plus  vastes  do- 
maines  scientifiques,  sans  negliger  le  but  qui  vient  d'etre  indi- 
qiie,  il  faut,  avant  d'etendre  le  eercle  des  etudes,  qu'il  soit  ac- 
corde  aux  serainaires  une  autorisation  speciale. 

«  L'eeole  d'application  est  le  pivot  sur  lequel  route  I'en- 
seigneraent  dans  les  deux  dernieres  annees.  Eile  offre 
le  moyen  de  raettre  I'enseignement  du  seminaire  en  garde 
contre  I'abstraetion,  et  de  guider  imraediatement  les  eleves 
dans  I'usage  pratique  des  connaissances  qu'ils  viennent  d'ac- 
querir. 

«  A  cette  fin,  il  faut  que  l'eeole  dont  on  parte  ait  Torgani- 
sation  d'une  eeole  elementaire  ordinaire,  de  sorte  que  les 
eleves-raaitres  s'y  fassent  une  idee  nette  et  claire  de  I'ensei- 
gnement dans  une  eeole  a  une  classe,  et  dans  une  eeole  hplu- 
sieurs  classes. 

«  A  partir  de  la  seconde  annee,  les  eleves-maitres  assisteront 
comme  auditeurs  aux  exercices  de  l'eeole  d'application  \  dans 
la  troisieme,  ils  commenceront  a  y  enseigner  sous  la  surveil- 
lance et  la  direction  du  maitre. 

a  Le  dernier  but  de  Tenseignement  du  seminaire  n'est  pas 
quel'eleve  apprenne,  mais  qu'il  soit  mis  en  etat  de  devenir 
maitre  lui-meme  dans  les  ecoles  chretiennes  evangeliques, 
dont  la  mission  est  d'inspirer  ii  la  jeunesse  des  sentiments 
Chretiens  et  patriotiques ,  et  les  vertus  domestiques. 

«  Envisage  a  ce  point  de  vue,  le  probleme  que  doit  resou- 
drel'institution  des  ecoles  normales,s'etend  a  des  proportions 
considerables.  Si  le  plan  d'etudes  est  restreint  dans  les  liraites 
decequieststrictementnecessaire,  on  exige  du  moinsque  tout 
soit  con^u  nettement  et  clairement,  et  que  le  maitre  reponde 
par  sa  personne  tout  entiere  aux  exigences  de  sa  vooalion. 

«  Les  objets  d'enseignement,  dans  leurs  rapports  avec  les 
idees  chretiennes  et  nationales,  doivcntetre  traites  demaniero 
a  exercer  de  rinlluence  sur  la  vie  tout  entiere,  a  elargir  le 


REGLEMENT  GENERAL.  285 

cercle  des  idees  et  a  fortifior   le  jiigcment,  et,  en  m6me 
temps,  de  mani(?i'e  h  agirsur  le  cffiur  et  sur  le  caraclere. 

«  Par  ce  qui  precede,  la  voie  est  nettement  Iracee,  et 
Ton  voit  se  dessiner  deux  prineipes  de  direction :  d'abord 
il  faut  que  reiiseignement  soit  concentre  {concentrit) ,  et 
que  les  branches  semblables  soient  classees  de  raaniere  a  se 
trouver  en  harmonie  entre  elles  et  avec  renseignement  ge- 
neral :  d'oii  il  resulte  que  les  connaissances  liees  ensemble 
par  I'analogie,  doivent  etre  enseignees  aulant  que  possible 
par  un  seul  et  meme  professeur.  Ainsi,  le  meme  maitre  ensei- 
gnera  la  religion ,  la  science  de  I'ecole  [Schul-Kunde),  I'his- 
toire;  —  un  autre,  la  langue  alleraande  et  la  lecture;  —  un 
autre,  rarilhraetique,  la  geometric,  le  dessin  et  I'ecriture;  — • 
un  autre  enfiu,  la  musique. 

«  Quant  a  la  forme  de  renseignement,  e!le  sera  exemplaire 
sous  le  rapport  moral.  11  faut  voir  dans  les  eleves  des  semi- 
naires  dcfuturs  instituteursqui,  avec  unegravite  affectueuse, 
et  une  bienveillanle  condescendance ,  doivent  s'habiluer  a 
eonduire  dans  I'amour  et  dans  la  foi  les  enfants  Chretiens  qui 
leur  seront  conlies  plus  tard  ;  il  faut  leur  apprendre  a  reverer 
dans  I'ecole  un  instrument  de  I'esprit  divin.  La  durele  et  la  jac- 
tance  seront  done  etrangeres  au  professeur  de  I'ecole  normale; 
il  se  gardera  de  developper  chez  les  eleves  la  vanite  qui  pent 
naitre  du  savoir  humain. 

«L'enseignement  du  seminaire  suivra,  en  outre,  la  m6me 
marche  que  celui  de  I'ecole  elemcntaire.  II  devra  developper 
la  pensee,  prendre  pour  point  de  depart  les  resullals  acquis, 
pour  aller  au  dela,  aplanir  les  difficultes,  rectitier  les  con- 
ceptions erronees,  devenir  enfin  une  vdviiiMQ  discipline  intel- 
lectuelle;  le  maitre  s'effacera ,  tout  en  communiquant  ses  con- 
naissances ,  et  s'altachera  a  provoquer  I'activite  spontanee 
de  I'eleve.  Ainsi,  dans  loutes  les  lemons,  les  points  essentiels 
seront :  Conception  rapide  et  sure  des  pensees  qui  ont  ete  lues 


286  TROISIEME  PARTIE. 

ouexposecs,  elaboration  claire,  reproduction  simple  etexacte; 
exercice  de  conception,  de  pensee  et  de  langage.  » 

«  Partout  oil  faire  se  pourra,  on  suivra,  dans  les  cours,  un 
guide  ou  raanuel.  C'estau  maitre  a  en  expliquer  le  contenu,  a 
I'eclaircir  el  a  le  rendre  applicable  a  Tenseignement  elemen- 
taire;  rnaisil  doit  se  garder  d'en  faire  un  objet  de  critique  ou 
d'exposer,  a  cote  ou  en  dehors  du  traite,  un  autre  systeme. 

«  La  oil  il  n'existe  point  encore  de  manuel  pour  les 
cours,  le  maitre  se  bornera  a  la  communication,  par  ecrit, 
de  certaines  propositions ,  qu'il  commentera  verbalement 
pour  lesinciilquer  dans  I'esprit  des  eleves. 

«  II  est  interdit  de  dieter  ou  de  faire  rediger  des  cahiers  vo- 
lumineux. 

« II  est  fort  utile  d'inviter  les  eleves  a  se  preparer  sur  cer- 
taines matieresen  consultant  les  ouvrages  qui  s'y  rapportent, 
demaniere  a  pouvoir  faire  unele^on  sans  nuUe  assistance,  et 
seulement  sous  la  surveillance  et  avec  les  rectifications  du 
maitre. 

«  A  chacun  des  deux  cours  inferieurs  on  consacrera  vingt- 
huitlecons,au  plus,  parsemaine;  pour  le  cours  superieurdix- 
buit  heures,  au  plus,  suffiront,  non  compris  la  gymnastique, 
I'horticulture  et  les  exercices  de  I'ecole  d'application. 

«  Toutesles  semaines,  les  devoirs  ou  redactions  des  eleves, 
seront  classes  par  le  maitre;  ils  serviront  de  point  de  depart 
pour  les  examens  trimestriels  ainsi  que  pour  les  revisions  ex- 
traordinaires. 

«  II  y  aura  suspension  des  etudes  au  moins  une  fois  par 
mois.  Les  eleves  mettront  ce  jour  a  profit  pour  des  reca- 
pitulations generates  ou  pour  la  redaction  de  travaux  d'une 
certaine  etendue. 

II.  — Objels  d'enseignement. 

ttTout  ce  qui,  dans  les  seminaires,  pourrait  encore  ^tre 


RKCLEMF.NT  Gl^NEKAL.  287 

enseigne,  en  ce  raomeDt,  sous  les  rubriques  de  :  Pedagogie, 
Methodique,  Didaciique,  Catechetique ,  Anthropologie,  Psycholo- 
^^ae,  etc,  doit ^treecartedu  programme;  on  y  substitiiera  :  a  la 
Science  de  I'Ecole  (Schul-Kunde)  »  avee  deux  lemons  par  se- 
maine. 

«  Au  serainaire,  on  n'enseignera  pas  de  systeme  pedagogi- 
quc,  meme  sous  la  forme  populaire'. 

«  Dans  I'enseignement  de  la  Science  de  I'Ecole,  on  evitera 
les  abstractions  et  Tabus  des  definitions;  on  s'en  tiendra  aux 
notions  pratiques  et  d'une  application  immediate. 

«  Le  but  de  ce  cours  est  de  donner  au  fulur  maitre  I'instruc- 
tion  pedagogique  necessaire  [die  erforderliche  pddagogische  Bil- 
dinig),  et  de  le  mettre  a  meme  de  se  rendre  corapte  de  sa  voca- 
tion, a  lui  el  aux  aulres. 

«  Tracer  un  tableau  simple  et  precis  de  I'ecole  evangelique 
chretienne,  d'apres  son  origine  et  ses  progres,  d'apres  ses 
rapports  avec  la  famille,  I'Eglise  et  I'Etat;  passer  en  revue 
les  raaitres  qui,  nommement  depuis  la  reforme,  ont  exerce 
I'influence  la  plus  decisive;  exposer  les  caracteres  dislinc- 
lifs  du  maitre  d'ecole,  au  point  de  vue  Chretien  et  moral,  tel 
doit  etre  I'objet  de  renseiguement  pendant  la  premiere  an- 
nee.  Dans  la  seconde  annee,  on  lera  connaitre  :  le  but  de 
I'ecole,  son  organisation,  le  programme  des  cours,  les 
principes  fondamentaux  de  la  methode,  de  Teducation  chre- 
tienne en  general  et  de  la  discipline  scolaire  en  parliculier. 
On  emploiera  la  troisieme  annee  a  donner  aux  eleves  des  no- 
tions sur  leurs  devoirs  comme  serviteurs  (Diener)  de  I'Etat 
et  de  I'Eglise,  et  sur  les  moyens  d'accroitre  et  de  fortifier 
leur  instruction  apres  leur  sortie  du  seminaire.  Du  reste,  ils 
consacreront  la  plus  grandc  parlie  de  leur  temps  a  se  preparer 

1.  •  In  dem  Seminar  ist  kein  System  der  Padagogik  zu  lehren,  audi 
nichi  in  popularer  Form. » 


288  TROISIEME  PARTIE. 

par  les  exercices  de  I'ecole  d'applieation,  et  a  s'approprier  les 
observations  et  les  experiences  qu'ils  y  aiiront  faites. 

« L'expose  fait  jusqu'ici,  dans  la  plnpart  des  seminaires  (sous 
le  titre  de  methodique],  des  methodes  a  employer  dans  toutes 
les  branches  de  I'enseignement  elementaire,  n'a  eu  qu'un  me- 
diocre succes. 

«  L'iniliation  immediate  a  une  bonne  methode  doit  re- 
sulter  de  I'enseignement  de  chaquo  objet  par  les  mailres; 
car  I'enseignement  du  seminaire  repose  sur  les  m^mes  prin- 
cipes  que  celui  de  I'ecole  elementaire.  Le  maitre  doit  s'atta- 
cher  a  faire  comprendre  sa  methode  aux  eleves,  et  a  la  faire 
raettre  en  pratique  par  eux  dans  I'ecole  annexe. 

«  En  tant  que  la  Science  de  I'ecole  embrasse  egalement  la 
pedagogic,  il  est  essentiel  de  ne  pas  confondre  les  idees  d'e- 
dueation  en  general,  et  celles  d'ediication  scolaire. 

('  Quant  a  I'education  en  general,  il  suffira  de  reunir  et  d'ex- 
pliquer  les  maximes  qui  se  trouvent  eparses  dans  I'Ecriture. 
La  doctrine  du  peche,  de  la  necessile  de  I'assistance  divine,  de 
la  redemption  et  de  la  sanctification,  constitue  une  pedagogic 
qui  n'exige  plus,  pour  le  maitre  elementaire,  que  quelques 
explications  tirees  de  I'etude  des  facultes  de  Tame.  Sous  ce 
rapport,  le  seminaire  doit  se  bornera  poser  les  principes  fon- 
damentaux  et  a  tracer  la  voie  a  suivre  pour  des  eludes  ulte- 
rieures. 

«Il  n'en  est  pas  de  m^rae  de  I'education  scolaire;  ici  Ton 
entrera  dans  les  details  de  la  discipline  et  de  la  didactique,  et 
Ton  veillera  a  ce  que  les  notions  acquises  soient  strictcment 
appliquets  par  les  eleves. 

€  On  ne  saurait  designer  un  manuel  existant,  pour  servir  de 
guide  dans  cet  enseignement.  Nous  sommes  d'autant  plus 
fondes  a  cspercr  que  les  professeurs  des  seminaires  s'en  oc- 
cuperont  avec  une  sollicilude  consciencieuse. 

« Pour  le  moment,  nous  recommandons  aux  seminaires  I'ou- 


REGLEMEINT  GENERAL.  289 

vrage  de  I'inspecteur  Zeller,  a  Beiiggen,  intitule  :  «  Preceptes 
pour  les  maitres  des  ecoles  chretiennes  populairesJ»  Lcspro- 
fesseurs  des  seminaires  auront  soin  de  puiser  des  principes 
de  direction  dans  les  ecrits  de  Kellner,  Goltseh,  Grabe,  Pal- 
mer, etc.,  et  de  divers  recueils  periodiques ,  tels  que:  le 
Schulblatt,  le  Messager  des  Ecoles  de  I' Allemagne  meridionale,  et 
d'y  conforraer  leur  conduite. 


III.  —  Enseignement  religieux. 


L'enseignement  religieux  quise  distribue  frequemmentdans 
les  seminaires,  souslenom  de:« Doctrine  cbretienne»,  et  qui 
desormais  figurera,  dans  le  programme,  sous  le  litre  de  Cate- 
chisme,  doit,  en  donnant  aux  idees  des  eleves  direction  et  ap- 
pui,  et,  en  les  initiant  a  la  connaissance  d'eux-memes  et  aux 
verites  du  salut,  fonder  leur  vie  chretienne  sur  la  base  des 
vrais  principes. 

Get  enseignement  continuera  d'avoir  pour  regie  les  livres 
symboliques  destines  a  l'enseignement  populaire  de  I'Eglise 
evangelique,  savoir  :  le  'petit  catechisms  de  Luther^  et,  le  cas 
echeant,  le  catechisme  de  Heidelberg, 

On  a  tres  souventabandonne  le  champ  libre  aux  commentai- 
res  des  maitres  et  aux  redactions  des  eleves.  Mais,  quand  meme 
il  ne  serait  pas  a  craindre  qu'on  ne  laissat  une  trop  grande  la- 
titude a  la  suhjectimte  du  maitre,  il  y  a  ici  un  inconvenient  ine- 
vitable; c'est  la  possibilite  que  les  doctrines  vraies,  qu'il  aura 
exposees,  ne  soient  mal  comprises,  et  qu'il  n'y  ait  autant  d'er- 
reurs  que  d'eleves. 

11  est  done  indispensable  de  suivre,  pour  cet  enseignement, 
un  traite  elementaire,  contenant  tout  ce  que  le  maitre  d'ecole 
doit  savoir  d'une  maniere  sure  et  precise.  C'est  le  devoir  du 

1.   «  Lchrcn  unrl  ErfaliniTigen  fnr  rhri^;(liclie  Armenschullehrpr. » 

19 


290  TROISIEME  PARTIE. 

professeur  d'expliquer  ce  traile,  et  de  le  mettre  a  la  portee  des 
eleves,  sans  y  rien  ajouter  materiellement. 

Apres  avoir  demande  I'avis  du  Conseil  ecclesiastique  siip6- 
rieur,  nous  avons  arr^te,  que  le  petit  catechisme  de  Luther 
serait  introduit  dans  les  serainaires,  corame  texte  de  I'ensei- 
gnement  du  christianisme. 

Au  dela  du  cercle  restreint  de  son  action  immediate  au  sein 
de  I'ecole,  on  veut,  a  bon  droit,  que  le  maitre  evangelique 
prenne  une  part  active  a  la  vie  ecclesiastique  du  temps  present. 
Mais,  pour  cela,  il  est  necessaire  qu'il  connaisse  le  passe  et  les 
developpements  successifs  de  I'Eglise  chretienne.  On  a  essaye, 
avec  peu  de  succes,  d'enseigner  aux  seminaristes  I'hisloire 
ecclesiastique.  En  general,  un  cours  d'hisloire  ecclesiastique 
ne  saurait  trouver  place  dans  les  programmes  de  I'enseigne- 
ment  du  serainaire.  On  doit  s'y  borner  a  faire  connaitre  aux 
eleves,  —  sous  la  forme  de  biographies  et  par  groupes,  — 
les  hommes  etles  fails  les  plus  iraportants  et  formant  epoque, 
ainsi  que  le  developpementde  la  doctrine  evangelique,  du  culte, 
de  la  constitution  de  TEgiise;  nous  n'avons  pas  besoin  d'ajou- 
ter  que  les  points  principaux,  seront  :  les  temps  aposto- 
liques,  la  Reforme,  la  situation  presente  de  I'Eglise,  et  la  pro- 
pagation de  la  foi  par  les  missions.  Cela  suflira  pour  faire  du 
maitre  futur  un  chretien  zele  et  eclaire,  pret  a  prendre  part, 
avec  devoument,  aux  efforts  des  propagateurs  de  la  foi  evan- 
gelique. 

Sous  ce  dernier  rapport,  il  n'est  pas  besoin  d'un  ensei- 
gnement  regulier  et  suivi :  on  fera  connaitre  les  fails  les  plus 
saillants  par  des  extraits  de  livres  et  journaux,  etc.;  il  serait  a 
desirer  que  les  seminaires ,  comme  tels ,  fussent  membres 
vivants  des  associations  pour  missions  et  etablissements  ana- 
logues. 

Tant  qu'il  n'existera  pas  de  guide  destine  specialement  a  ini- 
tier  les  eleves  a  la  connaissance  de  la  vie  de  I'Eglise,  en  con- 


REGLEMENT  GENERAL.  29 1 

formite  avcc  les  priucipes  que  nous  venons  d'cxposcr,  on  pour- 
ra  faire  usage  de  I'Histoire  ecclesiastique  de  Calw,  et  de  rilis- 
toire  de  I'Eglise  chretienne  par  Leippoldt. 

L'expose  systematique  de  la  doctrine  chretienne,  resultant 
soit  des  explications  dogmatiques  et  morales  du  catechisrae, 
soil  du  coramentaire  des  articles  de  foi  ou  des  passages 
de  I'Ecriture,  n'est  point  dans  les  attributions  du  maitre 
d'ecole  ;  il  est  reserve  au  pasteur.  A  I'ecole,  on  se  borne  a  met- 
ire  le  catechisme  a  la  portee  de  I'intelligence  des  enfants, 
et,  s'il  est  necessaire,  on  le  fait  apprendrepar  coeur. 

Le  moyen  le  plus  siir  que  possede  I'ecole  elementaire  pour 
affermir  et  developper  la  vie  chretienne  dans  I'esprit  des  en- 
fants qui  lui  sont  confies,  c'est  l'expose  de  XHistoire  bihlique. 

Cet  enseignement,  sans  s'egarer  dans  les  abstractions  des 
idees  dogmatiques,  doit  s'attacher  a  exposer  clairement  les 
faits  de  Teducation  divine  du  peuple  elu  et  du  genre  humain 
tout  entier. 

On  exigera  que  le  futur  maitre  d'ecole  soit  capable  de 
raconter,  sans  secoursd'aucune  espece,  les  histoiresbibliques 
dans  la  forme  convenable  pour  I'ecole  (Elementaire;  qu'il 
puisse  analyser  ces  histoires;  et  qu'il  les  rattache  aux  fetes  et 
solennites  de  I'Eglise ,  afin  d'etablir  une  connexion  etroite 
entre  I'ecole  et  le  culte.  Dans  le  choix  des  histoires ,  il  faut 
avoir  egard  a  I'age  et  au  degre  d'instruction  des  enfants. 

Pendant  la  premiere  annee,  on  analysera  done  les  his- 
toires bibliques,  en  s'attachant  a  conduire  les  eleves  a  I'in- 
luition  des  verites  fondamentales  de  la  vie  chretienne.  Dans 
la  seconde  annee,  I'explication  du  catechisme  leur  donnera 
et  affermira  en  eux  la  claire  intelligence  de  la  foi  chretienne, 
selonla  confession  evangelique.  Dans  la  troisieme,  enfin,  on 
cherchera  toules  les  occasions  de  perfectionner  leur  enseigne- 
ment religieux. 

Se  reglanl  loujours  sur  I'annee  ecclesiastique,  on  lira  dans 


292  TROISIEME  PARTIE. 

Tecole  elementaire  les  Evangiles  et  EpUres  de  chaque  diman- 
che:  et,  en  outre,  avec  les  eleves  les  pins  avances,  les  psau- 
jnes,  les  livres  des  prophetes  etles  epitres  dii  Nouveaii  Testa- 
ment. 

Afin  de  preparer  le  raaitre  a  cet  enseignement,  on  siiivra, 
au  seminaire,  le  raeme  ordre,  pour  la  lecture  dela  Bible,  que 
dans  Tccole  elementaire. 

De  plus,  on  expliquera,  et  Ton  fera  apprendre  par  cceur  une 
maxime  hebdomadaire.  On  raltachera  cette  etude  a  I'exercice 
pieux  du  matin  ou  a  la  premiere  lecon  de  I'enseignementreli- 
gieux. 

Les  notions  historiques,  areheologiqucs,  etc.,  indispensa- 
hles  pour  I'intelligence  des  livres  bibliques,  dans  la  mesure 
des  besoins  de  I'ecole  elementaire,  seront  donnees  par  le 
raaitre,  qnand  I'occasion  s'cn  presentera ;  mais  il  aura  soin 
de  se  restreindre  au  necessaire. 

L'explication  des  maximes  bibliques  et  des  cantiques  se  fera 
au  seminaire  pendant  la  premiere  annee,  parallelement  a  I'en- 
seignement  historique  de  la  Bible,  et  suivra  les  differentes 
epoques  de  I'annee  ecclesiastique;  on  restera  ainsi  en  barrao- 
nie  avec  la  marcbe  de  I'ecole  elementaire, 

Dirige  d'apres  ces  principos  fondamentaux ,  Tenseigne- 
ment  religieux  formera,  pour  I'ecole  elementaire,  des  maitres 
ayant  la  conscience  de  leur  vocation,  etpossedant  des  notions 
suffisantes  de  la  parole ,  de  la  doctrine  et  de  la  vie  de  I'Eglise 
evangelique. 

Pour  cela,  il  faut  qu'au  seminaire  I'eleve  se  soumette  a  la 
discipline  de  la  parole  et  de  I'esprit;  que  maitres  et  eleves 
puisent  largement  au  tresor  des  graces  divines,  et  que  le  se- 
minaire presente,  dans  son  ensemble,  une  communaute  de 
vie  chretienne  et  evangelique  {eine  evangelisch-christliche 
Lehensgemeinsch  aft) . » 


] 


HEGLEMEM  GENLRAL.  21)5 


IV.  —Lecture  et  langue  allemaude. 


Cetto  partie  de  I'enseignement  est  d'nne  haute  importance , 
tant  sous  le  rapport  de  la  culture  intellectuelle  en  general 
quedel'instructionscolaire.  Ici,  egalement  (comme  pourl'en- 
seigneraent  religieux)  ,  les  connaissances  du  futiir  maitre 
d'ecole  devront  depasserle  cadre  de  I'ecole  elementaire. 

Dans  Tecole  elementaire,  les  enfants  apprennent,  en  aussi 
pen  de  temps  que  possible,  a  lire  les  iraprimes  et  les  manu- 
scrits.  On  les  exerce  a  lire,  avec  I'inflexion  de  voix  ct  I'ex- 
pression  convenables,  la  Bible,  les  Canti({ues.  lis  doivent 
comprendre  et  retenir  le  texte  au  point  de  pouvoir  le  repro- 
duire  exactement.  Enfin,  il  faut  qu'ils  sachent  exprimer  par 
ecrit,  correctement,  sous  le  rapport  du  sens  et  de  I'orihogra- 
phe,  les  idees  indispensables  pour  les  relations  habitueiles  de 
la  vie,.  L' expose  systeraatique  de  la  gramraaire  alleraande  est 
exclu  de  I'ecole  elementaire. 

Jusqu'a  present,  on  n'a  pas  assez  soigneusement  initie  les 
maitres  futurs  a  une  melhode  de  lecture  sure  et  simple. 
Cette  negligence  est  cause  que,  dans  beaucoup  d'ecoles,  on  en- 
seigne  encore  a  lire  d'apres  un  procede  mecanique,  que  sou- 
vent  on  n'y  atteint  qu'apres  des  annees,  parfois  raeme  jamais, 
le  but  qu'avec  I'application  d'une  methode  rationnelle  on  at- 
temdrait  en  peu  de  mois. 

Sous  ce  rapport,  il  ne  sufflra  pas  de  presenter  des  conside- 
rations sur  telle  ou  telle  methode  :  il  faut  que  le  professeur 
exerce  les  seminaristes  de  premiere  annee  a  enseigner  la 
lecture,  et  qu'il  continue  a  diriger  ces  exercices  dans  les 
details  les  plus  minutieux ,  jusqu'a  ce  que  I'eleve  possede 
serieusement  la  methode. 

Le  temps  n'est  point  encore  venu  de  prescrire  une  methode 


294  TROIS'EME  PARTIE. 

oxcliisive  :  depiiis  qiielques  annees,  il  a  ete  fait  plusieurs 
tentatives,  que  rexperience  n'a  pas  suffisamraent  justifiees. 
On  est  en  droit  d'esperer  qu'au  seminaire  raerae  se  deve- 
loppera  un  systeme  d'enseignement  susceptible  d'une  applica- 
tion generale.  Les  autorites  provinciates  sont  invitees  a  sui- 
vre  avec  une  attention  particuliere  tout  ce  qui  sera  ou  a  ete 
tente  dans  ce  but. 

En  outre,  dans  les  exercices  a  faire  sur  le  livre  de  lecture, 
11  faut  avoir  egard  aux  besoins  iramediats  de  I'ecole  eleraen- 
tairc  plus  attentivement  qu'on  ne  I'a  fait  jusqu'a  present.  II  ne 
sufQt  pas  d'enseigner  aux  seminaristes  a  expliquer  un  lexte 
quelconque;  il  faut,  au  contraire,  que  le  livre  de  lecture  en 
usage  dans  les  ecoles  de  la  province  serve  de  base  a  dcs  exer- 
cices pratiques. 

Jusqu'a  present,  il  n'existe  point  de  livre  de  lectures  sco- 
laires  que  Ton  puisse  introduire  partout :  il  faut  du  moins 
adopter  pour  chaque  province,  un  ouvrage  qui,  dans  toutes 
les  ecoles  des  seminaires,  serve  de  guide  pour  les  etudes. 

On  ne  perdra  point  de  vue  que  I'enseigneraent  dont  il  s'agit 
ne  se  reproduit  pas,  en  theorie,  dans  I'ecole  eleraentaire;  au 
seminaire,  il  comprendra,  a  I'exclusion  de  la  grararaaire  ge- 
nerale et  philosopliique,  la  theorie  de  la  proposition  simple 
et  coraplexe ;  la  construction,  les  periodes,  les  diverses  espe- 
ces  de  mots  avec  les  declinaisons  et  conjugaisons;  en  sorte 
que  les  eleves  soient  en  etat  d'analyser  exactement  les  pro- 
positions du  livre  de  lecture,  en  se  servant  d'une  terminologie 
grammaticale  claire  et  simple.  Enm^me  temps  ,  on  aura  egard 
a  I'orthographe  et  a  la  ponctuation,  et  on  n'oubliera  point  que 
I'analyse  par  elle-merae,  n'est  pas  le  but ,  mais  quelle  doit 
servir  uniquement  a  faciliter  I'intelligence  du  texte. 

Jusqu'a  ce  qu'il  y  ait  un  manuel  approprie  aux  besoins  du 
seminaire,  les  terminologies  et  definitions  seront  donnees  par 
le  professeur;  ou  bien  Ton  se  servira  des  gramraaires  elemen- 


EEGLEMENT  GENERAL.  295 

taircs  de  Nonnig,  Bohm  on  Steinert.  Du  reste,  le  professour 
troiivera  des  observations  utiles  sur  Tenseignement  dc  la  lan- 
gue  allemande  aii  seminaire,  dans  les  ouvrages  de  Wacker- 
nagel,  Kellner  et  Otto. 

Dans  les  deux  cours  superieurs,  on  envisagera  cet  enseigne- 
raent  sous  les  points  de  vue  suivants: 

Application  des  connaissances  acquises  dans  la  elasse  infe- 
rieure;  intelligence  sure  et  complete  du  texte;  la  est  le 
moyen  le  plus  eflicace  d'arriver  a  lire  avec  I'expression  con- 
venable.  Or  le  talent  de  bien  reciter  des  morceaux  difflciles 
est  le  meilleur  temoignage  de  Tetat  general  de  I'instruction 
du  serainariste. 

On  lira  les  morceaux  de  prose  et  de  poesie,  on  les  fera  lire, 
on  les  discutera  ;  on  les  fera  reproduire  verbalement  et  par 
ecrit,  soit  litteralement,  soil  sous  une  forme  differente 

Dans  le  choix  de  ces  morceaux  on  ira  du  facile  au  difCcile, 
en  tenant  compte  des  idiotismes  de  la  langue;  on  aura  soin 
de  mettre  le  texte  en  harmonic  avec  le  reste  de  I'cnscignc- 
ment. 

Dans  les  classes  inferieures  et  moyennes,  les  redactions 
des  eleves  auront  pour  objet  le  texte  des  morceaux  qu'on  aura 
lus.  Dans  la  elasse  superieure,  ils  pourront  s'exercer  sur 
d'autres  points  et  sur  des  questions  relatives  a  la  mission  du 
maitre  d'^cole.  C'est  egalement  dans  cette  elasse  que  le  mai- 
trefutur  sera  exerc^  a  r^diger  les  pieces  concernant  ses  fonc- 
tions,  les  lettres  d'affaires,  etc. 

A  I'enseignement  de  la  langue  allemande  se  rattacheront  les 
lectures  a  faire  par  les  eleves  en  leur  particulier. 

Pour  chaque  cours,  on  fera  un  choix  de  livres ;  et,  a  des 
6poques fixes,  I'eleve  aura  a  rendre  compte  de  la  maniere  dont 
il  aura  lu  les  ouvrages  qui  lui  auront  ete  designes.  A  part 
I'influcnce  que  ces  lectures  peuvent  avoir  sur  1' esprit,  le  coour 
ct  le  caractere  du  serainariste,  il  faut  avoir  egard,  dans  le  choix 


296  THOISIEME  rARTlE. 

des  livres,  a  ractiou  que,  par  dela  les  limites  de  I'ecole  elo- 
mentaire,  le  maitre  peut  exercer  sur  I'instruction  et  sur  les 
mceiirs  du  peuple. 

Sera  exclue  de  cette  lecture  la  litterature  classique  propre- 
ment  dite  :  on  admettra  tout  ce  qui  est  favorable  au  develop- 
pement  de  la  vie  de  I'Eglise  et  de  la  morale  cliretienne,  a  I'e- 
tude  intelligente  de  la  nature;  tout  ce  qui,  grace  a  un  style 
clair  et  populaire,  est  propre  a  passer  dans  1' esprit  et  dans 
le  cceur  du  peuple.  Le  choix  des  livres  doit  etre  fait  d'apres 
les  besoinsparticuliers  de  chaque  province  ;  mais,  en  general, 
on  peut  recoramander  :  les  biographies  de  Luther,  par  Mathe- 
sJus  et  Wildenhahn;  de  Melanchton  et  Valerius  Herberger,  de 
Paul  Gerhardt  et  Jacob  Spener,  par  Wildenhahn  ;  d'Oberlin, 
par  Schubert;  les  Annales  evangeliques ,  par  Piper  j  les  ecrils 
populaires  de  Horn,  Gotthelf,  Ahlfeld,  Fiedenbacher,  Stoeber, 
etc. ;  les  contes  de  Grimm ;  les  oeuvres  de  Claudius,  Krum- 
macher,  Hebel;  les  esquisses  prussiennes,  par  Werner  Hahn ; 
la  Patrie,  par  Curlmann ;  Germania,  de  Yogel,  etc. 

Le  livre  de  lecture  de  Wakernagel  fournira  I'occasion  , — 
sans  faire  un  cours  d'histoire  litteraire, — de  donner  aux 
eleves  les  notions  necessaires  sur  le  developpement  de  la 
litterature  nationale,  et  sur  la  vie  de  ses  principaux  repre- 
sentants. 

Les  eleves  du  cours  superieur  seront  exerces,  en  vue  des 
fonctions  du  maitre  d'ecole  a  I'Eglise,  a  lire  convenablement 
des  sermons  et  des  chapitres  de  la  Bible. 

V.  —  Histoire  et  geographie. 

L'histoire  nationale  formera  le  point  central  de  I'enseigne- 
raent  de  ces  deux  sciences;  I'enseigneraent  de  l'histoire  s'ap- 
puiera  sur  celui  de  la  geographie,  et  reciproquemeut. 

L'experience  a  constate  que  Y histoire  universelle  ne  peut 


llEGLEMtNT  GENEIIAL.  207 

6tre  cnscignee  utilement  dans  les  semiiiaircs  ;  qu'elle  n'y  in- 
troduit  que  des  idees  fausses  on  raal  comprises,  et  qu'elle  fait 
negliger  des  choses  plus  importantes. 

L'etude  de  I'liisloire  universelle  exige  des  connaissances  qui 
manquent  aux  eleves-niaitres.  II  n'est  pas  possible,  d'ailleurs, 
queles  seminaristes,  dansl'espace  de  deuxou  trois  ans,  a  rai- 
son  de  quelques  lemons  par  semaine,  s'approprient  une  telle 
histoire,  de  raaniere  a  en  tirer  des  resultats  utiles  pour  eux 
ct  pour  I'ecole  eiementaire. 

Par  contre,  11  importe  que  le  maitre  inculque  a  ses  eleves 
les  souvenirs  patriotiques,  la  connaissance  de  nos  institutions 
et  de  nos  liommes  illustres,  et  qu'il  leur  inspire  de  I'estirae  et 
et  de  I'affeetion  pour  la  dynastie  regnante. 

II  suit  de  la  que  le  seminaire  donnera  de  preference  ses 
soins  a  riiistoire  allemande,  et,  en  particulier,  a  I'histoire 
prussienne  et  a  celle  de  la  province ;  onmettra  ainsi  les  He\es 
sur  la  voie  de  progres  ulterieurs,  pour  le  temps  qui  suivra 
la  sortie  du  seminaire. 

Ce  qu'il  importe  de  connaitre  de  I'histoire  universelle  sera 
mentionne  dans  les  lemons  d'histoire  biblique  ou  d'histoire 
allemande,  ou  resume  dans  la  biographie  d'hommes  ayant 
fait  epoque. 

On  fera  ressortir  en  particulier  les  jours  de  f^tes  natio- 
nals; elles  donneront  lieu  de  faire  connaitre  aux  eleves  les 
meilleurs  chants  patriotiques  (texte  et  air). 

A  ce  propos,  nous  signalerons,  comme  usage  a  imiter,  la 
celebration,  dans  plusieurs  seminaires,  de  jours  commemo- 
ratifs  patriotiques  et  evangeliques-chreliens,  en  lant  que  ces 
derniers  ne  seraient  pas  deja  fetes  a  I'Eglise. 

Comme  de  tels  jours  nous  signalerons  :  le  18  Janvier;  le 
18  fevrier;  le  18et  25juiu;  le  5  aout;  le  15,  18et25octo- 
bre ;  et  le  10  novembre.  Le  cadre  pourra  ^tre  elargi,  selon  les 
circonstances  locales. 


298  TR01SIEME  PARTIE. 

La  celehrntion  de  cos  fetes  donnera  lien  a  I'execiiUon  do 
chants  populaires,  auxquels  prendront  part  tons  les  eleves  ot 
professeurs,  et  a  des  recits  historiques,  sous  una  forme  po- 
pulaire. 

Tant  qu'il  n'y  aura  point  de  traite  eleraentaire  de  I'histoire 
allemande,  conforrae  aux  principes  que  nous  venous  d'expo- 
ser,  les  professeurs  du  seminaire  auront  a  extraire  leurs  mate- 
riaux  d'ouvrages  historiques  et  biographiques  ;  pour  la  ma- 
niere  de  concevoir  I'histoire,  le  manuel  d'histoire  allemande 
par  Dittmar  pourra  servir  de  modele. 

L'enseignement  historique  est  reserve  aux  deux  classes  su- 
perieures;  I'enseigneraent  de  la  geographic,  aux  deux  classes 
inferieures. 

Programme  du  cours  de  geographic  :  la  sphere;  les  cartes  , 
les  raers  avec  leurs  detroits;  les  continents,  en  general ;  leur 
position,  leur  configuration,  leur  etendue  et  leur  population  ; 
productions,  montagnes  et  rivieres;  division  politique;  capi- 
tales  et  principales  villes  de  commerce.  En  premiere  ligne 
I'Europe,  et  en  particulier  I'Ailemagne,  la  Prusse,  la  Province; 
production,  Industrie,  commerce,  divisions  et  institutions 
politiques. 

Geographic  mathematique  :  forme,  divisions  de  la  terre; 
ses  dimensions,  mouvements  de  rotation  et  de  translation; 
la  lune;  les  etoiles  fixes,  les  constellations,  les  planetes,  les 
satellites  et  les  cometes. 

Provisoirement,  on  pourra  se  servir  du  manuel  de  Voigt, 
en  se  bornant  aux  notions  que  nous  venous  d'indiqucr. 

L'enseignement  de  la  geographic  rendra  toujours  ses  lemons 
sensibks  par  I'usage  du  globe,  de  la  sphere  et  des  cartes;  on 
doit,  de  plus,  exciter  I'interet  des  eleves  par  des  descriptions 
pittoresques,  telles  qu'on  les  trouve  dans  les  ouvrages  de 
Grube,  Yogel,  Kohl,  Zimmermann,  etc. 


REGLEMEM  GENERAL.  299 

VI.  —  Ilistoire  naturelle. 

Pendant  les  deux  premieres  annees,  il  y  aura  deux  legons 
d'histoire  naturelle  par  semaine  :  description  des  principales 
plantes  et  des  aniraaux  indigenes  les  plus  importants,  commc 
types  d'especes  et  de  genres ;  caracteres  des  plantes  et  ani- 
maux  cxotiques,  compares  avecles  premiers;  description  ele- 
mcntaire  de  la  structure  du  corps  humain. 

L'cnseignement  de  la  mineralogie  se  borne  aux  mineraux 
indigenes  les  plus  remarquables. 

Nous  n'avons  pasbesoiu  de  faire  observer  qu'a  cette  parlie 
de  I'enseignement  doit  presider  aussi  une  pensee  religieuse. 
Les  eleves  s'babitueront  a  se  faire  une  occupation  agreable  de 
I'elude  de  la  nature.  En  meme  temps,  cette  etude  aura  des 
resultats  utiles  pour  la  vie  pratique  :  elle  se  rattachera  a  I'agri- 
culture,  ^  rhorticulturo,  au  commerce  et  a  I'industrie. 

P/i?/s?«7t/e  :  Dans  le  deuxieme  ou  troisierae  cours;  deux  le- 
mons par  semaine.  Get  enseignement  restera  constamment 
elementaire;  le  phenomene  ou  I'experience  seront  expliques 
sans  avoir  recoursau  calcul.  On  se  servira  des  principes  de 
physique  de  Kruger.  On  donnera  la  description  des  instru- 
ments, appareils  et  machines  qu'on  utilise  dans  la  vie  ordinaire 
ou  industrielle  :  le  pendule,  le  levier,  le  cabestan,  la  roue 
hydraulique,  la  pompe  aspirante,  la  pompe  a  feu,  le  baro- 
metre,  le  thermometre.  On  expliquera  les  principaux  pheno- 
menes  de  la  chaleur,  de  I'electricite,  du  magnetisme,  de  la 
lumiere,  etc. 

Pour  I'enseignement  de  I'histoire  naturelle,  on  se  servira 
provisoirement  des  traites  elementaires  et  manuels  de  Schu- 
bert, Schilling  et  Scholz. 

Nous  avons  deux  observations  a  ajouter  en  ce  qui  concerne 
renseignement  de  I'histoire,  de  la  geographic  et  de  I'histoire 
naturelle,  dans  I'ecole  elementaire.  Aucune  de  ces  brauchcs 


500  TROISIEME  I'AHTit. 

(I'etudes  n'y  doit  occuper  une  place  sqiaree  iii  y  etre  traitue 
systematiquement.  L'enseignement  se  rattachera  a  certaincs 
circonstances  de  la  vie  pratique  :  pour  I'liistoire,  aux  jours 
commemoratifs ;  pour  I'histoire  naturelle,  a  la  culture  des 
champs  et  des  jardins,  au  changement  des  saisons ,  aux  di- 
vers phenomenes ,  etc.  II  serait  a  desirer  qu'il  y  eut  un  livre 
de  lecture  scolaire  dont  les  tableaux  et  descriptions  pitto- 
resques  pussent  former  le  sujet  des  lemons  explicatives  du 
maitre.  Toutefois,  quoiqu'un  livre  de  lecture  de  ce  genre  nous 
manque,  celui  qui  est  en  usage  dans  les  ecoles  d'application 
des  seminaires,  pourra,  si  Ton  y  joint  les  exercices  mention- 
nes  plus  haut,  fournir  assez  d'occasions  d'initier  le  maitre 
futur  au  genre  d'etudes  dont  il  s'agit. 

VII.  —  Arilhmetique  et  geometrie. 

Deux  lemons  par  semaine  pour  les  classes  inferieures;  une 
lecon  par  semaine  pour  le  cours  superieur. 

De  meme  que  le  calcul  pratique  se  place,  au  serainaire, 
en  premiere  ligne,  de  meme  11  faut  trouver  le  moyen,  sans 
employer  la  forme  scientifique,  d'initier  les  semiuaristes  a  la 
connaissance  des  figures  planes  et  des  solides,  ainsi  que  de 
leurs  proprietes  les  plus  importantes  et  des  principaux  theo- 
remes  qui  en  decoulent. 

Le  domaine  de  l'enseignement  du  seminaire  coraprend 
plus  particulierement  les  quatre  regies  des  nombres  entiers, 
des  fractions  et  des  nombres  complexes,  envisages  sous  les 
points  de  vue  suivants. 

On  parcourra  dans  son  entier  la  serie  des  nombres  de  1  ^  400 
dans  ses  divers  degres  et  developpements.  II  faut  que  les  eleves 
s'approprient  les  demonstrations  des  operations,  de  maniere 
k  Ure  toujours  pr^ts  a  en  rendre  compte. 


REGLEME?<T  GEISERAL.  30^ 

Celte  derniere  exigence  s'applique  a  tons  les  degres  de  I'en- 
seignement;  dans  la  solution  des  problemes,  il  faiit  liabitiier 
les  eleves  a  saisir  et  a  comparer  proniptement  et  surenient  les 
rapports  des  nombres  et  des  choses  analogues.  Dans  cebut, 
si  le  temps  etles  circonstances  le  permeltent,  onpourra  resou- 
dre  des  problemes  d'algebre  par  I'arithmetique.  Dans  les  dif- 
ferentes  especes  d'exercices,  il  faut  designer  a  I'eleve  le  pro- 
ced^  seul  applicable  ponr  I'ecole  elementaire,  de  peur  que  la 
multiplicite  des  procedes  n'entraine  des  hesitations. 

L'enseignement  de  I'arithmetique  est  specialement  propre  a 
exercer  le  jugement,  el  a  faire  contracter  a  I'eleve  I'habitude 
de  s'exprimer  d'une  maniere  concise  et  nette. 

Une  etude  plus  avancee,  etude  entreprise,  non  pour  la  pra- 
tique de  I'ecole,  mais  en  vue  de  progres  individuels,  embras- 
sant,  par  exeraple,  les  proportions,  le  calcul  decimal,  I'ex- 
traction  des  racines,  pourra  ^tre  autorisee  par  les  autorites 
provinciates,  mais  seulement  la  ou  cette  autorisation  serait 
motivee  par  les  besoins  du  seminaire  et  de  la  province. 

Vlil.  —  ficrilure. 

L'on  doit  d'abord  viser  a  ce  que  i'eleve  possede  une  ecri- 
ture  simple  et  facile ;  de  plus,  il  doit  acquerir  le  talent  de 
tracer  les  differents  traits  d'ecriture  dans  un  ordre  progressif, 
et  sous  une  forme  reguliere  et  belle. 

Ces  deux  exercices  se  feront  parallelement  dans  les  deux 
cours  inferieurs;  dans  le  cours  superieur,  il  siiffira  que  les 
Aleves  ecrivent  un  exemple  par  mois. 

Du  reste  ,  lous  les  devoirs,  toutes  les  redactions  des  eh"  ves 
seront  a  la  fois  des  exercices  calligraphiques  et  un  moyen  de 
devcloppement  inlellectuel. 


302  TROISIEME  PARTIE. 

IX.  —  Dessin. 

Au  seniinaire,  cette  branche  de  Tenseignement  doit  se  bor- 
ner  au  dessin  lineaire. 

D'abord  il  faut  que  I'eleve  apprenne  a  comprendre,  puis  a 
executer  un  dessin  :  partout  ou  le  talent  fait  defaut,  on  per- 
mettra  I'application  de  moyens  mecaniques.  L'enseigneraent 
du  dessin  pent  etre  mis  en  rapport  avec  celui  de  la  geometrie. 
Toute  tendance  artistique  doit  ^tre  exclue ;  I'eleve  doit  ap- 
prendre,  dans  le  plus  court  espace  de  temps  possible,  a  repro- 
duire  au  trait  les  corps  simples  de  la  nature,  a  lever  des  plans, 
et  a  faire  les  travaux  demandes  par  les  besoins  de  la  vie  pra- 
tique. 

Le  dessin  ne  sera  enseigne  que  dans  les  deux  cours  infe- 
ricurs  :  on  y  consacrera  deux  lieures  par  semaine,  au  plus. 

X.  —  Musique. 

La  musique  est  enseignee,  au  serainaire,  en  vue  de  son  in- 
lliience  religleuse  et  morale:  mais,  en  outre,  elle  a  pour  but 
(le  former  des  maitres  de  chant  pour  I'ecole  elementaire , 
des  chantres  et  des  organistes  pour  I'Eglise.  Get  enseignement 
doit  etre  constamment  grave  et  subordonne  a  un  but  moral. 
Jamais  I'art,  en  lui-meme,  n'est  le  but  des  etudes  au  senii- 
naire. 

Par  ce  que  nous  venons  de  dire,  la  voie  est  tracee  a  la  me- 
thode. 

L'enseigneraent  du  violon,  au  moyen  d'exercices  elemen- 
taires  gradues,  slrictement  methodiques,  developpe  le  talent 
musical  en  general  :  le  but  est  atteint  aussilot  que  I'eleve  est 
en  etat  de  jouer  avec  siirete  les  airs  en  usage  a  I'ecole.  La 
musique  de  concert  ne  rentre  pas  dans  le  cadre  de  I'ensei- 


REGLEMENT  GENERAL.  505 

gnement.  On  examinera  seulement  si  Ton  doit  permettre,  en 
vue  de  solennites  miisicales  executees  au  seminaire,  de  siiivre 
des  cours  de  perfectionnement.  De  tellcs  solennites  doivent 
avoir  des  tendances  morales,  et  ne  prendront  jamais  le  ca- 
ractere  de  concerts  publics. 

L'enseignement  du  piano  se  lie  etroitement  a  la  theorie  de 
I'harmonie,  et  sert  d'introduction  a  I'orgue.  Nous  recom- 
mandons  ici  une  methode  severe,  et  un  choix  de  morceaux 
de  musique  grave  et  severe. 

Orgue.  On  commencera  le  plus  tot  possible  I'etude  de  me- 
lodies cho7'aIes. 

Lessujetscbezlesquelsilya  manque  absolude  talent  pour- 
ront  ^tre  dispenses  des  lemons  d'orgue. 

Quant  a  ceux  qui  y  prennent  part,  il  faut  qu'ils  saclient,  en 
sortant  du  seminaire,  accompagner  chacun  une  cinquantaine 
de  melodies  cborales,  et  qu'ils  puissent  diriger  le  chant  des 
fideles  a  I'eglise. 

Des  que  les  circonstances  le  permettront,  on  designera, 
pour  tous  les  seminaires  de  la  monarchie,  un  seul  et  m^mc 
livre  de  chorals,  a  I'usage  des  futurs  chantres  et  organistes. 

On  pourra,  ainsi,  se  rendre  compte  du  but  commun  que 
Ton  poursuit,  et  subordonner  Tarbilraire  Individ uel  a  I'idee 
generate  consacree  par  I'experience, 

C'est  sous  ce  point  de  vue  que  Ton  doit  des  a  present  envi- 
sager  l'enseignement  de  I'orgue;  le  seminariste  s'exercera  a 
reproduire  avec  surete  ce  qui  est  adopte  a  I'eglise,  plutot  qu'a 
inventer  du  nouveau. 

Chant.  Pendant  la  premiere  annee,  une  le^on  par  semaine 
suffira  pour  exercer  I'oreille,  pour  former  la  voix  par  des 
exercices  rhythmiques  qui  se  lieront  a  lenseigncment  de  I'har- 
monie. Une  seconde  le(^on  sera  consacree  a  I'etude  de  chorals 
el  de  Lieder  populaires  h  une  ou  a  deux  voix. 


304  TROISIEME  PARTIE. 

Les  deux  cours  siiperieurs  sont  combines  dans  denx  lemons 
de  chant;  rien  n'emp^che  que  les  eleves  des  cours  inferieurs 
y  prennent  part. 

Dans  le  chant  d'eglise ,  le  choral  figure  en  premiere  ligne  ; 
les  eleves  doivent  arriver  a  chanter  au  moins  soixante  melo- 
dies sans  I'aide  du  livre  de  chorals;  chacun,  a  tour  de  role  , 
figiircra  comme  prechantre.  II  va  de  soi  que  Ton  donnera  les 
renseignements  necessaires  sur  les  alterations  que  les  melo- 
dies primitives  ont  pu  suhir  dans  les  diverses  provinces,  sur 
leur  caractere  et  la  maniere  de  les  ^tudier. 

Le  chant  liturgique  merite  toute  notre  attention.  II  s'en  faut 
que  tout  soit  dit,  que  tout  ait  ete  fait  a  I'egard  du  ciiltc  evan- 
gelique.  C'est  une  raison  de  plus  d'exiger  de  la  part  des  se- 
minaristes  et  de  leurs  maitres  respectifs,  que,  dans  une  par- 
ticipation intime  a  la  vie  de  I'Eglise,  ils  aient  soin  d'etudier 
les  besoins  qui  se  manifesteront  a  cet  egard  et  d'y  salisfairc. 
Nous  leur  recommandons  provisoirement  les  exercices  litur- 
giques  de  la  cathedrale  royale,  a  Berlin,  publies  par  F.  A. 
Strauss. 

L'execution  des  motets,  hymnes,  psaumes  etc,  de  compo- 
sition ancienne  ou  moderne,  tels  qu'ils  se  trouvent  dans  les 
recueils  de  Hientzsch  ,  Erk  et  Graef,  Jacob  et  A.,  servira 
a  former  le  gout  et  le  sens  musical  des  eleves  5  en  outre,  elle 
les  familiarisera  avec  1' usage  des  choeurs;  et  la  est  le  plus  puis- 
sant moyen  de  relever  exterieurement  le  culte  evangelique. 

Dans  CCS  raemes  recueils,  on  pourra  faire  \m  choix  de 
choeurs  seculiers  parmi  lesquels  \e  Lied  populaire;  dans  sa 
forme  la  plus  noble,  et  les  chants  patriotiquos  doivent  figurer 
en  premiere  ligne;  les  seminaristes  auronl  ainsi  les  materiaux 
necessaires  pour  pouvoir,  dans  la  suite,  par  I'ecole  etlesso- 
cietes  chorales,  lutter  avec  succes  contre  le  chant  trivial, 
clf^Tiin^  et  raou. 

De  Ih  suit  quo,  dnns  lo  choix  des  morcenux,  on  doit  ctre 


REGLEiMEiNT  GENERAL .  505 

dirige  non-seuleiiunt  par  dcs  considerations  miisicalcs,  mais 
aussi  par  des  vnes  pedagogiqucs  :  le  dircctcnr  du  seminairc 
aura  done  a  surveiller  ce  choix.  li  va  de  soi,  que  Ic  lexte  des 
Heeler  sera  expliqne  dans  les  lecons  de  languc  alleraande. 

Enseignement  du  chard.  Le  maitre  doit  ici  se  lenir  en  garde 
conlre  I'erreur  de  croire  qu'il  a  mission  de  faire  des  eleves 
du  seminaire  de  verilables  compositeurs.  Le  hut  le  plus  pro- 
chain  de  cet  enseignement  ne  pent  etre  autre  que  de  les 
mettre  a  meme  de  comprendre  un  morceau  de  musique,  en 
tant  qu'organislcs  et  mailres  de  chant. 

Jamais  cet  enseignement  ne  pourra  etre  puremcnt  theori- 
que ;  chaque  eleve  devra  faire  immediatement  I'applicalion 
pratique  dece  qu'il  vient  d'apprendre. 

Quatre  lemons  par  semaine,  a  repartir  entre  les  trois  cours, 
sulfiront  pour  I'etude  de  I'harmonie  et  pour  I'enseignement 
des  methodes  de  chant  en  usage  dans  I'ecole  elementaire. 

X.  —  Gymnastique. 

L'enseignementde  la  gymnastique,  au  seminaire,  doit  avoir 
pour  but  de  developper  les  forces  corporelles  et  I'agilite 
de  I'eleve,  de  fortifier  son  courage  et  son  caraclere,  de  I'ha- 
bituer  a  I'obeissance.  Par  une  application  circonspecte  des 
systemes  de  Hing  et  de  Spiess,  les  maitres  futurs  seront  mis  a 
meme  d'organiser  les  jeux  de  la  jeuuesse  des  ecoles,  de  con- 
tribuer  a  entretenir  en  elle  la  fierte  d'une  belliqueuse  et  vaiU 
lante  nation,  et  le  desir  de  reproduire  les  verlus  des  ancetres. 

XI.  —  Horticulture.—  Culture  de  la  sole;  travaux  manuals. 

L'enseignement  de  rhorticulture,  de  la  culture  de  la  soie  et 
des  travaux  manuels  (en  vue  de  la  position  des  futurs  maitres 
dY'Cole,  a  qui  des  travaux  de  ce  genre  pourront  procurer 
des  ressources),  devra  etre  donne  dans  tons  les  seminaires. 

20 


50G  ~    TIIOISIEME  PARTIE. 

Toutefois  Torganisation  de  cet  enseigneraent  doit  roster  siibor- 
donne  aiix  circonstances  locales. 

Les  dispositions  du  present  reglement  snpposcnt  iin  cours 
de  trois  ans.  Pour  les  seminaires  qui  sc  borncnt  a  un  cours 
de  deux  ans,  il  appartient  aux  autorit^'s  provinciales  de  re- 
partirlos  matieres  indiquees  pour  les  trois  cours,  en  tenant 
compte  surlout  des  connaissances  que  les  eleves  pourraient 
possL'der  a  leur  entree  au  seminaire. 

On  est  fonde  a  esperer  que,  par  rappliealion  ties  principos 
qui  viennent  d'etre  exposes,  les  seminaires  rempliront  d'une 
maniere  de  plus  en  plus  complete  la  mission  qui  leur  est  assi- 
gnee. Les  idees  purement  speculatives,  individuelles,  idees 
infructucuses  au  point  de  vuc  d'une  instruction  simple  ot 
saine  du  peuple,  leur  resteront  elrangeres.  En  s'appuyant 
sur  la  base  du  principe  chrelien,  ils  deviendront  de  plus  en 
])lus  ce  qu'ils  doivent  etre  :  des  pepiniercs  de  maitres  pieux, 
devoues,  intelligents,  ne  s'ecarlant  pas  de  la  vie  reelle  du  peu- 
ple >,  ayant  le  desir,  la  vocation  et  la  capacite  de  se  consacrer 
a  I'education  de  la  jeunesse,  avec  abnegation  et  en  vue  de 
Dion. 

Berlin,  !"■  oclobre  IS,')}. 

Le.  niinislre  des  Cidles,  de  l' Tnsirudion 
publiqt/e  et  des  Affaires  mcdicdles. 

Signe  :  De  Haumer. 

L'analyse  dans  laqudle  nous  sommes  entres,  au  chapilre 
precedent,  nous  dispense  de  toute  observation  de  detail  sur  le 
document  qu'on  vient  de  lire.  Nous  nous  bornei'ons  a  cette 
simjde  remarque  : 

Au  point  de  vue  general,  le  i?(?/7/em(?72/ temoigne  du  soin 

1.   « Dcm  Leben  des  Volkcs  naliestehende  Lohror. » 


REGLEMENT  GENERAL.  507 

avcc  Icquc!  la  hniite  administration  prussicniie  s'efforce  do 
realiser,  dans  le  domaine  de  rensoignemcnt  populairc,  I'al- 
liance  de  I'esprit  chrelion  et  do  I'esprit  pedagogiqiie. 

All  point  de  vue  particiilicr  dcs  ccolcs  normales  :  tout  en 
proscrivant  j'csprit  de  speculation  pure,  Tabus  des  theories, 
et  ces  systemes  hautains  qui  s'etaient  glisses,  pour  en  allercr 
le  caractere,  dans  I'enseignement  dispense  aux  faturs  iiaaitiTs, 
le  ministre  de  I'lnstruction  publiquc  a  considere  comme  un 
devoir  de  maintenir,  en  tete  du  programme  des  seminaires, 
I'etude  de  cette  science  pratique  de  I'education  qu'il  faut  bien 
accepter  sous  un  nom  ou  sous  un  autre,  et  qu'ondesigne  aujour- 
d'liui  en  Prusse  sous  le  nom  modeste  de  science  de  I'EcoIe. 
{Schul-Kunde . ) 

II  convientde  le  dire  :  il  y  a  ici  unc  satisfaction  donnec  aux 
susceptibiiites  legitimes  de  I'opinion  publiqiie,  plus  qu'uno 
abdication  de  la  pedagogic  elle-meme.  La  science  pedagogiquc 
reuonce  a  d'ambitieuses  allures,  et  depouille  les  formes  pre- 
tentieuses  sous  lesquelles  elle  egaraitles  csprits  ;  elle  subsiste, 
en  realite,  tout  en  changcant  de  nom.  Aujourd'hui  comme 
bier,  apres  comme  avant  les  reglements  nouveaux,  I'ecole 
normale  doit  «  mettre  le  futur  instituteur  en  etat  de  rendre 
alui-meme  etaux  autres  un  compte  clair  et  reflechi  de  I'es- 
scnce  merae  et  du  but  special  de  sa  vocation  »  [sich  selbsi  imd 
andere  ilber  das  JVesen  und  die  Aufgahe  seines  Benifs  bewiissle 
und  Mare  Rechenschafi  zugehen).  Or,  telle  a  ete,  de  tout  temps, 
la  mission  de  la  science  pedagogique. 

Desormais,  dans  les  seminaires  alleraands,  plus  de  tbeoric 
sans  pratique  qui  en  precise  le  sens  ;  mais  aussi  point  de  pra- 
tique sans  theorie  qui  I'eclaire.  Role  de  I'ecole  primaire 
dans  scs  rapports  avec  I'Eglise,  la  commune,  la  famille ;  son 
organisation  intime ;  programme  des  cours;  principes  fon- 
damentaux  de  la  methode;  science  de  I'education  en  general 
et  de  la  discipline  scolaire  en  particulier  :  sur  tons  ces  points 


508  'fnOISlEME  PARTIE. 

les  fuliirs  inslituteurs  continiieront  a  rccevoir,  pendant  Ics 
Irois  annees  du  cours,  un  enseignement  qui  les  mette  a  raemc 
de  feconder  les  notions  techniques,  et  de  s'elever  jusqu'a  1' in- 
telligence de  la  valeur  morale  de  leurs  fonctions.  Or,  on  ne 
saurait  trop  le  repeter  :  sans  un  tel  enseignement,  I'ecole  nor- 
male  peut  former  des  machines  vivaiites,  capables  d'enseigner 
a  «  lire,  ecrire  ct  chiffrer  »  ;  elle  ne  saurait  former  des  insti- 
tuteurs. 

Ainsi,  les  ecoles  normales  primaires  sont  aujourd'hui,  an 
dela  du  Rhin,  ramenees  des  regions  chimeriques  ou  on  avait  pu 
lesegarer,  au  veritable  sentiment  de  leur  vocation  ;  mais  elles 
y  sont  considerees,  plus  que  jamais,  comme  le  fondement  du 
systeme  general  deducation  populaire. 

Les  Allemands  le  comprennent  ainsi  qu'on  le  comprend  en 
France  :  il  en  est  de  I'instruction  primaire  comme  do  toutes 
les  forces  sociales  :  instrument  de  vie  ou  instrument  de  mort 
selon  qu'elle  est  bien  ou  mal  dirigec.  Or ,  los  ecoles  nor- 
males sont,  entre  des  mains  inlelligentes  et  fermes,  le  moyen 
le  plus  puissant  de  direction. 

«  Nous  maintiendrons  les  ecoles  normales,  me  disait  en 
Prusse  un  personnage  eminent,  comme  nous  conserverons  les 
sources  du  tleuvequi  feconde  ce  pays.  Seulement,  nonsveil- 
lerons  a  une  chose,  c'est  que  la  source  soit  toujours  pure, 
et  ne  laisse  point  jaillir  de  flols  empoisonnes.  » 


CHAPITRE  QUATRIEME. 

DI.S  ECOLES  NOB.MALES  U'lNSTlTUTUICES. 

«  Les  feraraes  n'ont  invente  ni  Talgebre  ni  le  telescope; 
mais  elles  font  quelque  chose  de  plus  grand  que  lout  ce!a. 
C'est  sur  leurs  genoux  que  se  forme  ce  qu'il  y  a  de  plus  excel- 
lent dans  le  monde,  un  honnete  bomme  et  une  honnete 
feinme.  Si  la  jeune  fille  s'est  laisse  bien  elever,  elle  eleve  des 
enfanls  qui  lui  ressemblent,  et  c'est  le  plus  grand  chef-d'oeuvre 
du  monde.  *.  » 

Ed  AUemagne  comme  en  France,  chacun  de  ces  mots  est 
desormais  un  axiome.  Au  dela  du  Rhin  comme  en  de^a,  si 
les  anneaux  de  la  tradition  religieuse  peuvent  etre  renoues, 
c'est,  a  coup  sur,  par  cette  portion  de  la  societe  qui  ne  fait 
pas  les  lois,  mais,  ce  qui  est  plus,  qui  cree  les  moeurs. 

On  n'a  rien  fait,  si  Ton  ne  confie  I'educalion  des  meres 
fiitures  a  des  mains  dignes  d'en  porter  le  fardeau. 

Aussi,  la  question  des  ecoles  normales  d'inslitulrices  est- 
elle,  depuis  plusieurs  annees,  I'objet  des  preoccupations  spe- 
ciales  de  raJministratioii  superieure  de  I'instruction  publi- 
que,  au  dela  du  Rhin. 

Sous  ce  rapport,  TAllemagne  du  nord  a  beaucoup  a  falre. 
Elle  possede  fort  pen  d'elablisi-ements  destines  a  former  des 
insti  tutrices;  et  la  cause  dece  fait  est  tres  simple:  proporlion- 
nollement  au  nombre  des  mailres,  le  uombre  des  maitresses 
est  imperceptible,  et  le  nombre  des  maitresses  est  aussi  res- 
treint  pour  deux  motifs. 

1.  M.  de  Maiitre. 


510  IROISIEME  PARTIE. 

Eq  premier  lieu,  les  pays  protestants  ne  posscJent  pas  eel 
inepiiisable  eontingent  que  fournissent  a  la  France  les  congre- 
gallons  religieuses.  Le  protcslanlisme  s'efforce  bien,  a  I'lieure 
qu'il  esl,  de  relever  les  ruines  qu'il  a  failes;  il  eulreprend, 
sur  le  modeie  des  ordres  religieux  calholiques,  de  reconsti- 
tuer,  a  son  profit,  les  comnuinautes  renversees  par  ses  mains: 
niais  les  elablissements  de  diaconesses  sont  un  bommage  a  des 
iiistilulions  longlenaps  meconnues  plulol  qu'un  inslrumcnl 
cCficace  aux  mains  de  la  reforme  ^ . 

En  second  lieu,  la  separalion  des  sexes,  dans  I'ecole,  n'csl 
pas,  en  Alleniagne,  un  fail  general,  comme  en  France.  Aile/  a 
Ilanovre,  par  exemple  :  dans  de  grandes  ecoles,  et  jusque 
dans  I'ecole  modeie  annexeea  I'ecole  normale  primaire,  vous 
Irouverez  de  jeunes  gar^ons  et  de  jeunes  lilies  de  douze  et 
Ireize  ans  reunis  dans  la  meme  classe.  Ailleurs,  comme  a 
Weimar,  dans  la  grande  Biirgerschule,  si  des  classes  specialcs 
sont  assignees  aux  jeunes  fiUes,  ce  ne  sont  pas  des  mailresses 
mais  des  maitresqui  y  sont  charges  de  renseignemeiil.  Quand 
jevisitai  ces  elab!issemcnts,de  lels  fails  me  frapperent,  comme 

1.  L'institut  des  Diaconesses,  dont  la  maison-mere  {mutterhaus)  est  a 
KaiscrswerLli,n'a  pas  domic  a  toulo  I'Allemagne,  depuis  sa  fondation  (en 
1833),  plus  de  450  directrices  d'asiles,  inslitutrices,  gouvernantes. 

La  nature  des  chosos  oppose  au  developpernent  d'une  communaule  re- 
ligieuse  proleslante  des  obstacles  evidents.  «  On  se  marie  trop  ,  chez 
nous,"  n»e  disait,  a  Kaiscrswerth,  une  des  directrices  de  la  maison. 

Ces  obstacles  ne  sont,  au  reste ,  qu'une  raison  de  rendre  liommage 
au  zele  et  a  la  charite  du  fondateur  de  Kaiscrswerth,  M.  le  pasteur 
Fliedner. 

La  duree  du  cours  des  etudes  a  I'ficole  normale  d'institutrices  de  Kai- 
sersAverth  est  de  deux  ans.  Dans  le  jardin  annexe  a  retabtis^semcnt,  on 
exerce  !es  futures  inslitutrices  a  certains  travaux  d'liorticullure. 

Covdilions  iPadmissions  aux  cours  des  directrices  des  salles  d'asile 
{kleinkinderschulen)  :  n'avoir  pas  muins  de  17  ans  ni  plus  de  ■iO  ;  savoir 
lire,  ecrire,  avoir  quelques  notions  du  calcul,  et  la  connaissance  do  la 
Bible;  etre  anime  de  sentiments  Chretiens  et  de  I'amour  des  eiifanls. 
Lc  cours  dure  5  niois. 


ECOLES  NOllMALES  u'lrSSTlTUTRlCLS.  54-1 

ils  m'avaient  surpris  a  Londres,  an  siege  tie  Yhome  and  colonial 
School- Sociely.  J'adressai  aux  directeurs  M3I.  Robbelen  ct 
Ilanschmann^  des  questions  analogues  a  celles  que  m'avait 
suggerees  le  spectacle  de  Gray  s  inn  road"^ .  Des  reponsesqui 
la  comme  ici  ine  furent  donnees,  il  faut  tircr  cette  conclusion 
qu'entre  le  calme  des  organisations  anglaises  ou  alleiuandes 
el  la  vivacite  du  temperament  fran^ais  ,  il  n'est  pas  d'assinii- 
latiou  possible.  «  Je  crois  sans  peril  la  reunion  des  sexes  dans 
I'ecole,  nous  disait,  a  Londres,  un  bomme  tres  competent, 
Finspecteurspecialemcntcbarge  par  le  Committee  of  Council i\^ 
la  direction  des  ecoles  normales  d'institutrices,  le  reverend 
Cook;  je  nc  prends  pas  sur  moi  de  la  conseiller,  mais  je  n'ai 
pas  de  fails  a  alleguer  contre  ce  regime 2.  » 

Au  seuil  de  la  question  des  ecoles  normales  d'institu- 
trices, une  question  preliminaire  se  prescntea  nous,  (lues- 
lion  qui  preoccupe  cnie  moment  la  science  pedagogique  au 

1.  Je  saisis  cette  occasion  de  remercier  ces  deux  honorables  directeurs 
de  leur  parfaile  obligeance,  —  M.  Ilanschmann,  dont  les  utiles  Iravaux 
sont  connus,  a  conduit  les  deux  grands  elablissements  qui  lui  sont  confies, 
la  Burgerschule  et  le  Schullehrer-Seminar,  a  un  haul  degre  de  prosperite. 

2.  Qu'on  nous  permette  de  renvoyer  le  lecteur  au  chapitre  II  de  notrc 
livre  sur  V Instruction  immaire  a  Londres,  dans  ses  rapports  avec  I'ciat 
social. 

3.  En  France,  au  contraire,  s'il  est  un  [)oint  sur  lequel  les  liommes  ap- 
peles  a  observer  un  certain  ordre  de  faits  emettent  un  avis  a  peu  pros 
uiianimc,  c'est  la  necessite  de  pourvoir,  en  des  etablissements  distincts, 
a  I'education  des  jeunes  filles  et  a  I'instruclion  des  jeunes  garcons. 
Inlcrrogez  les  cures  et  les  autorites  preposees,  aux  divers  degres  de  la 
hierarchic,  a  la  direction  de  I'enseignement  populaire ;  les  uns  et  les  autrcs 
affirmerout  que  la  reunion  des  deux  sexes,  dans  I'ecole,  constitue  un  ele- 
ment de  desordre,  quo  I'instituteur  le  plus  atlentif  est  impuissant  a  com- 
batlre. 

On  sent,  du  reste,  que  les  perils  dont  on  parlc  se  manifcstent  surtout 
dans  les  ecoles  etablies  au  centre  des  populations  manufacturieres. 

Dans  les  communes  rurales,  on  le  comprend  sans  peine,  c'est  a  la  sortie 
de  recolc,  pendant  Ic  Irajet  qiiolquefois  tres  loiiL^  et  a  travers  bois,  auquel 
sonl  conlraints  les  enl'ants,  ([ue  le  danger  pent  se  produire.j 


512  TUOISIEME  rAHTlL. 

dela  du  Rbin,  et  dont  le  succes  de  I'ecole  normale  de  Muuster, 
la  creation  recenle  de  I'ecole  normale  de  Dioyssig,  aiiisi 
que  les  efforts  des  diaconesses  dans  Ics  parties  protestantes 
dii  pays,  font  pressentir  la  solution  definitive;  c'est  eeile-ci : 
les  enfants  des  deux  sexes  peuvent-ils  etre  reunis  dans  Tecole? 

Au  pointdevue??2ora/,commeonle  voitparlesexemplescon- 
trairesde  la  France  et  de  I'ltalie  d'une  part,  de  1' Angleterre  et  de 
I'Allemagne  de  Tautre,  11  y  a  la  une  question  d'organisation  phy- 
sique et  de  cliniat;  mais,  apres  la  morale,  a p res  la  legislation, 
la  pedagogic  a  son  mot  a  dire,et  ce  mot,  selon  nous,  le  void  : 

A  parlir  de  I'age  on  I'instruction  doit  se  developper  paral- 
lelement  a  I'education,  c'est-a-dire  a  partir  de  la  sixieme 
annee  environ,  le  caractere,  les  facultes,  les  aptitudes  intel- 
lecluelles  des  enfants  des  deux  sexes  se  heurtent  reciproque- 
ment  par  des  faces  presque  directement  opposees.  Consequem- 
ment,  les  moyens  a  employer  doivent  etre  diff^rents  comme 
la  matiere  sur  laquelle  il  faut  agir.  La  ou  un  signe  suflira 
pour  exciter  la  jeune  fille,  une  vive  impulsion  sera  parfois  no- 
cessaire  pour  entrainer  le  jeune  gargon.  Peul-etre,  au  con- 
traire ,  telle  circonslance  donnee  ,  le  phenomene  inverse 
devia-l-il  se  produire.  Telle  demonstration  qui  affectera  im- 
medialement  la  sensibilite  de  la  premiere,  passera,  sans  y 
laisser  de  traces,  sur  I'esprit  moins  impressionnable  du  se- 
cond; mais  le  raisonnement  qui  se  gravera  dans  la  pensee  de 
celui-ci,  effleurera,  pour  s'evanouir  aussitot,  I'imagination 
de  celle-la. 

Le  but  de  renseignement,  d'ailleurs,  pour  les  uns  comme 
pour  les  autres,  n'est-il  pas  estentiellement  distinct?  Prenez 
la  brauche  d'etude  qui  semble  plus  que  les  autres  devoir  etre 
commune  aux  deux  sexes,  prenez  I'instruction  religieuse  : 
quelle  difference,  pour  un  maitre  intelligent,  dans  la  maniere 
de  presenter  a  des  esprits  si  divers  une  seule  et  meme  verite  I 
Le  choix  des  hisloires  bibliques,  selon  qu'elles  seront  offertes 


ECOLl'S  NOIIMALES  d'iNSTITDTIUGES.  515 

a  ceux-ci  ou  aceux-lii,  ne  serailil  pas  lui-meme  tres  souvciit 
dissemblable? 

Comment,  d'ailleurs,  appHquer  aiix  uos  et  aux  autres,  les 
niemes  principes  de  discipline  morale?  Une  reponse  liardie 
sera  seaiile  dans  la  bouche  du  jeunegarQon,qui  vous  choquera 
de  la  part  de  la  jeune  fille ;  ce  qui  serait  courage  chez  le  pre- 
mier serait  defaut  de  reserve  eteffronterie  chez  la  seconde,etc. 

Ce  n'ett  pas  tout :  quand  les  deux  sexes  sont  reunis  dans 
I'ecole,  I'ecole,  la  plupart  du  temps,  est  dirigee  par  un  insli- 
luleur  ^  Que  resulte-t-il  de  ce  fait?  c'esl  que,  dans  la  plupart 
des  ecoles  raixles,  les  jeunes  lilies  sont  forcement  privees  de 
I'enseignement  professionnel  qui  convient  a  leur  sexe.Qu'unc 
jeune  fille  sache  lire,  ecrire,  chiffrer,  rien  de  mieux  ;  mais 
qu'elle  ne  s'cntende  pas  a  manier  Taiguille,  quoi  de  pire? 
Parcourez  les  villages  de  la  Bretagne  ou  du  centre  de  la  Fram  e, 
les  districts  raanufacturiers  d'Angleterre  ou  d'Allemagne, 
ces  villes  de  I'ltalif^  meridionale  oii  Tincurie  de  I'homme  semblc 
en  proportion  de  !a  splendeur  du  ciel,  et  voycz  ces  populations 
sales  et  deguenillees  :  vous  conslalerez  les  resultals  de  I'ab- 
sence  d'un  enseignement  special  pour  les  lilies. 

II  me  souvient  d'une  reponse  qui  me  fut  faite  dans  un  vil- 
lage du  Nivernais.  Je  gourmandais  une  mere  de  familledont  les 
enfants  poriaient  des  vetements  en  lambeaux. « Tiens,  dit-elle, 
vous  croyez  done  que  j'ai  de  quoi  payer  une  couturiere  a  la 

1.  Hors  le  cas  prevu  par  le  decret  du  31  decembre  1853,  art.  9,  «  des 
institutrices  peuvent  etre  chargees  de  la  direcLion  des  ocoles  piibliques 
communes  aux  enfants  des  deux  sexes  qui ,  d'apres  la  moyenne  des  Irois 
dernieres  annees,  ne  resolvent  pas  annuelleinenl  plus  de  40  eleves.  » 

La  Girculaire  du  3  fevi  ier  ajoule  :  "Une  institulrice  ne  devra  etro  sub- 
stituee  a  un  instituteur,  dans  une  ecole  niixte,  que  la  oil  il  sera  reconnu 
que  I'etablissement  d'une  ecole  speciale  de  filles  est  impossible. » 

Ainsi,  la  pensee  du  decret  est  ce.le-ci :  en  principe,  condamnalion  des 
ecoles  mixtes ;  puis,  si  les  circonstances  rendent  impossible  la  creation 
d'une  ecole  speciale  de  filles,  sub^titulion,  en  des  cas  determines,  d'une 
institutrico  a  rinstiluleur. 


5^  4  TROISIEME  PARTIE. 

semaine  ?  Des  habils,  ^a  va  tant  que  ^a  va,  ct  quand  ^a  iie 
tient  plus,  ons'arrange!  »  Dans  celte  abdication  des  devoirs 
qu'impose  le  soin  d'nne  certaine  dignite  exterieure,  il  y  a, 
qu'on  ne  s'y  Irompe  pas,  une  cause  de  decadence  qui  migit 
uecessairement  sur  I'enseinble  meme  des  habitudes  de  la  vie  ; 
toutes  les  idees  d'ordre  se  tiennent  et  sont  solidaires;  le  desur- 
dre  physique  n'est  souventque  le  reflet  du  desordre  moral. 

Au  dela  du  Rhin,  coiume  en  France,  les  conclusions  prati- 
ques deces  observations  tendent  chaque  jour  a  passer  de  la 
iheorie  dans  les  faits.  Pour  rester  dans  la  AV^mce  catholi(}ue 
de  Miinster,  regence  exceptionnelle  a  ce  point  de  vue,  il  est 
vrai,  cette  circonscriplion  reufermait,  en  1817,  soixanle  ct 
une  classes  dejeunes  lilies  dirigecs  par  des  iustitulrices.  Elle 
en  possede  aujourd'hui  cent  vingt;  il  ya  meme  seize  ecoles 
mixtes,  quant  ausexe,  oil  des  inslitutrices  ont  remplace  les 
instituteurs. 

De  tels  faits  revelent,  au  premier  coup  d'oeil,  la  presence 
d'une  ecole  normale  de  maitresses,  et  la  faveur  dont  cette 
ecole  normale  est  en  possession. 

Minister,  le  foyer  des  utopies  sanglantes  au  seizieme  sie- 
cle,  est  aujourd'hui  I'asile  des  paisibles  etudes.  Conlempkz 
ces  prisons  aeriennes  qui,  maintenant  encore,  accrochent 
leurs  barreaux  de  fer  aux  parois  de  la  lour  Saint- Lamhcvt's 
Kirche:  ce  sont  les  cages  oil  palpiterent,  il  y  a  Irois  cents  aiis, 
les  restes  mutiles  des  trois  anabaptisles.  Du  pied  du  Rathhaus, 
deces  arcades  dout  les  etroites  ogives  dessinent  eiegammenl 
la  grand'place,  les  habitants  de  la  vieille  cite  voient  les  instru- 
ments du  supplice  suspendus  sur  leurs  tetes,  pour  les  uns 
comme  un  souvenir,  pour  les  autres  commeunc  menace,  pour 
tons  comme  un  enseignement. 

Or,  jamais  viile  n'a  mieus  proQte  J'une  lecon.  11  scmbic 
que  Miinster  ait  voulu  parcourir  en  deux  ans  le  cycle  dej 
perturbations  sociaks  que  d'auli'cs,  apres  Irois  siccles,  n'o;)'t 


ECOLES  NOllMALES  o'lNSTITUTUIGLS.  515 

pas  encore  ferme;  dcpuis  longiies  annees,  la  capitale  de  la 
Westplialie  ne  conoait  plusces  crises  steriles  qui  son  t  an  deve- 
loppement  regulier  d'lin  peiiple  ce  que  la  fievre  est  a  la  vie  : 
!a  ville  de  Jean  deLeyde  est  devenue  la  cite  d'Overberg. 

L'ecole  normale  d'instilutrices  de  Aliinster  date  de  I'annee 
1852.AinsiquelapelitesuccursaledePaderborn,ellevit  deses 
propres  revenus.  Sa  dotation  se compose  des  biens  d'un  ancien 
couventdefemmes  suppriraeeii  1811.  A  ce  couvent,  an  temps 
desa  prosperite.  se  ratlacliait  une  ecole  superieure  de  jeunes 
lilies  {Ilokere  Tochierschule)  et  une  ecole  gratuite  [Freischule] 
pour  les  enfants  pauvres. 

De  tellcs  institutions  ne  devaient  point  succomber  dans  la 
transformation  qui  s'operait  :  une  parlie  des  revenus  de 
I'ancieo  couvent  est,  aujourd'hui  encore,  annexee  a  l'ecole 
normale  des  institutrices  ;  une  autre  estcousacree  a  une  ecole 
gratuite  qui  regoit  quatre  cents  jeunes  fiUes  indigenies  ; 
I'autorite  ecclesiaslique  de  Miinsler,  de  lout  temps  si  favora- 
ble aux  progres  de  I'instruction  du  peuple^,  ne  cesse  pas 
d'etendre  sur  i'ensemble  de  ces  etablissemenls  son  patronage 
le  plusbienveillant. 

L'ecole  primaire  superieure  admet  les  jeunes  fiiles  de  6  ans 
a  14 ou  15 ans. Les  elevessontrepartiesen  trois  classes;  elles  y 
recoivent  un  enseignemeut  complet,  et  qui  n'est  autre,  sauf 
certains  developpements,  que  renseignement  donne  aux  eleves 
memes  de  l'ecole  normale.  II  comprend  ;  la  religion,  la  lec- 
ture, I'ecriture,  rarithmeli(iue,  le  dessin,  I'histoire  sainle, 
la  geographic,  des  notions  d'histoire  naturelle,  la  langiie  allc- 
mande  et  I'etude  du  frauQais,  le^chant  et  le  piano,  et  les  ouvra- 

1.  Voyoz  le  rcglement  ties  complet,  promulguc  sur  tout  ren^^cniblo  do 
renseignement  primaire,  par  rantoritc  episcopale,  pour  la  province  i-la 
^hln^ter,  lo  2seplembrc  18iil,  (  VcronlniLig  fiir  die  ch'tlsclum  unci  Trivial- 
scJuden  des  IJoclistifls  Miinshr),  et  I'ensenible  des  documents  lelatifs  iiux 
CL'oles,  recueillis  par  "vi.  Ernest  llussmann.  MUnsler,  1S38. 


510  TllOlSIEME  TARTit:. 

ges  de  {cmmas  {weibliche  Handarbeiten],  Get  enseignement  est 
donne  par  le  direcleur  de  I'ecole,  trois  maitresses  et  une 
soiis-mailresse. 

Les  cleves-inslitutricc?,  les  seminaristes  {Seminaristinncii) 
passent  deux  annees  dans  i'elablissemeDt.  La  premiere  aii-~ 
nee,  elles  suivent  toulcs  les  leQons  et  pratiquent  tons  les 
exerciees  de  la  classe  la  plus  elevee  de  recole  annexe.  L'u- 
cole  annexe  devient  ainsi  un  elablissement  prej)arat()ire, 
une  sorte  de  pepiniere  ou  se  recrute  I'ecole  normale ,  et 
ou  ,  des  I'age  de  treize  et  quatorzc  ans,  les  futures  insli- 
tutrices  puiseutavec  une  inslruclion  deja  developpee,  I'esprit 
d'une  vocation  que  determine  et  conserve  I'enseignenient 
des  annees  suivantes  :  usage  excellent  que  Ton  relrouve  en 
AUemagne,  on  I'a  vu,  dans  presque  toutes  lesecolesnonnales, 
et  qui,  en  ouvrant  la  porte  de  ces  etablissenienls  a  des  candi- 
dals  dont  I'intelligence  est  preparee,  epargne  lout  a  la  fois, 
au  grand  prullt  des  ecoles,  aux  eleves  les  difliciiltes  d'eiudes 
sans  preliminaires,  et  aux  nuiilres  les  faligues  el  les  degoiils 
d'un  enseignement  dont  l' esprit  inculte  des  eleves  est  incapa- 
ble de  profiler  <. 

1.  Une  inesure  d'un  caraclere  analogue  a  ele  prise  recemmcnt 
en  ce  qui  concerne  rEcolo  normale  d'inslilulrices  d'Aix.  La  direc- 
tricc  de  cet  etablissenienl  a  ele  auloisee  a  recevoir,  en  quulitc  de 
pensionnaires,  de  jeunes  personnes  n'ayant  pas  aLteint  Page  fixe  par  les 
reglenienls.  Sculement  des  precaulions  ont  ete  prises  pour  quo  Tadniis- 
sion  des  jeunes  fdles  de  13  a  14  ans  ne  fit  point  perdre  a  I'ecole  son 
caraclere  distinctif  et  special  :  r  Ne  seront  revues  que  les  eleves  qui  de- 
sirenl  conquerir  le  brevet  de  capacite ,  el  se  livrer  a  renseignement ; 
2'  les  admissions  n'ont  lieu  que  sur  I'autorisation  du  Recteur,  et  sur  la 
production  des  pieces  exigees  des  aspiranles  ayant  allcint  Page  normal; 
3°  les  eleves  dont  il  s'agil  n'enlrenl  a  I'ecole  qu'en  qualile  de  pension- 
naires libres,  el  ne  peuvcnl  oblenir  de  bourses  ou  de  Iraclions  do  bourses 
avanl  I'age  fixe  par  les  reglements  ;  4"  enlin  le  montant  de  la  pension  est 
verse,  comme  les  sommcs  payees  par  les  eleves  ordinaires,  dans  la  caissc 
du  receveur  general  du  departenient. 


ECOLES  NORMALES  D^INSTlTLTPtrCES.  517 

La  sceonde  annee,  les  seminarisiinnen  ne  s'occupent  que  do 
cetteparlie  derenseignemcnt  qu'on  pent  appeler  siiporieur; 
ct  presque  toiitle  temps  est  consnere  aux  exercices  praliquos 
dela  dii-ection  d'uneecole.  Ces  exercices  ont  lien,  soil  dans  la 
classe  inferieure  et  dans  la  classe  raoyenne  annoxees  au  sniii- 
naire,  soil  dans  I'ecole  gratiiile.  Dans  les  premieres,  les  elevcs- 
insli  til  trices  fonctionnent  sous  le  regard  et  sons  le  con  ti  61c 
des  maltresses  ;  dans  I'ecole  grutnite,  elles  sont  laissees  a  elles- 
memes,  sous  leur  propre  responsabilite. 

A  parties  objets  d'etudes  plus  Iiaut  enonces,  le  cours  des 
deux  ans  comprcnd  des  lemons  speciales  sur  le  but  et  I'essence 
meme  do  I'eJucation,  et  pour  employer  le  mot  technique, 
sur  la  pedagogic:  on  n'a  pas  pcur  de  cette  science  dans  la  pa- 
trie  et  sous  rinspiration  d'Overbcrg. 

II  n'est  pas  necessaire,  en  elfet,  d'avoir  assists  i)  pi  as  de 
deux  ou  trois  des  legons  donnees  par  M.  I'abbe  Gioning, 
ins'pccieur  de  Tecole,  et  de  madarae  la  dircctrice  Bucholz, 
pour  pe  convaincre  que  I'enseignement,  a  Tecole  noimnle  de 
Miinster,  aiijourd'liui  encore  est  vivilie  parce  preceple  d'O- 
verberg  :  a  que  le  coeur  conlrole  toujours  les  lemons  qui  s'a- 
drrssent  a  I'esprit.  » 

Rollin  a  ecrit  ces  lignes  :  «  La  loi,  quand  eile  est  seule,  est 
une  mailresse  dure  et  impeiicuse...;  I'education  estunemai- 
tresse  douce  et  insinnante,  ennemie  de  la  violence  et  de  la 
contrainle,  qui  ri'aime  an'agir  que  par  voie  de  persuasion,  qui 
s'applique  a  fairegouter  ses  instructions  en  parlant  toujours 
raison  etverite,  etqui  ne  lend  qu'a  rendre  la  vertu  plus  fa- 
cile en  la  rendnnt  plus  aimable.  Scs  lecons,  passant  de  la  mc- 
moire  et  de  I'esprit  dans  lecoeur,s'imprimentdansles  ma?urs 
par  la  pratique  et  I'habituif^,  et  font,  aupres  de  cclai  qui  les 
reQoit,  dans  presque  toute  la  suite  de  la  aIc,  la  function  d'lin 
Icgislateur  lonj' ;:is  |ir<!'£crit,  qui,  dans  cbaque  occasion,  liii 
monti'c  son  devoii  (  !  ieluifait  pratiquer.  » 


548  TROISIEME  PARTIE. 

Ceslignes  semblent  le  resume  dii  systeme  applique  ilans 
I'ecole  normale  d'inslitutrices  de  Miinster. 

L6  but  que  se  proposent  M.  I'abbe  Groning  et  madame 
la  directrice  est  celui-ci  :  Former  des  institutrices  qui  en- 
visagent,   avant  tout,    renseignement  comme  le  raoyen  le 
plusefficace  de  perpetucr  dans  la  faraille  I'attachemcnt  a  la 
verileet  a  la  pratique  de  la  vertu  cbretiennes-,  qui,  sous  Tin- 
fluence  habituelle  de  cetle  pensee,  considerent  Ics  fonctions 
auxquelles  elles  sont  appelees  non  comme  une  Industrie  niais 
comme  une  mission  ;  qui  soient  resolues,  pour  raccoraplisse- 
ment  de  cette  mission,  a  puiscr  leiirs  inspirations  dans  ce 
seul  sentiment,  le  devoir;  et  a  faire  aboutir  tout  cnseigne- 
ment  a  cette  conclusion  dcrnicro,  la  foi.  Un  tel  butclant  pose, 
on  ne  s'etonne  pas  de  voir  les  chefs  de  I'ecole  se  montrer 
Ires  dilficiles  sur  les  condilions  de  radmission.  Une  de  ces 
conditions  essenlielles  est  la  recommandalion  expresseet  se- 
rieusement  motivee  des  cures  sur  les  paroisses  dcsquels  ont 
demeure  les  aspirantes.  Une  fois  inscrites  au  nombre  des  se- 
rainaristes,  les  futures  institutrices  apprennent  a  meler  a  clia- 
cun  des  exercices,  a  cbacune  des  lemons  recues  et  donnees,  les 
inspirations  de  la  pensee  religieusc.  Non  pas  qu'un  regime  se- 
vere donne  &  I'ecole  normale  la  sombre  pbysionomie  d'un 
cloitre  ;  tant  s'en  faut :  les  el^ves  assurement  jouissent  d'une 
liberie  plus  grande  que  les  eleves  de  nos  ecoles  normales 
fran^aises.  A  voir  les  eleves  maitresses  se  rendre,  deux  fois  la 
journee,  de  la  maison  paterneile  a  I'ecole,  et  de  I'ecole  a  la 
maison  paterneile;  a  les  voir  traverser  chaque  matin,  seules 
ou  groupees  a  leur  guise,  la  place  qui  separe  I'ecole  normale  de 
la  calhedrale,  il  semble  que  la  eonfiance  des  directiices  dans 
les  eleves  puisse  effacer,  sans  peril,  les  lois  vulgaires  de  la 
discipline.  Bien  done  qu'un  babillement  uniforme  remplacc, 
j)Our  les  Seminaristinnen  de  Miinster,  les  recbercbcs  d'une 


ECOLES  NORMALES  d''i1NSTITUTRICES.  S'I  9 

iiiise  elegante,  I'eeole,  on  le  voit,  n'a  pas  les  allures  d'lin  con- 
vent. 

Mais,  d'abord,  line  instruction  rcligicuse  propreraent  dite 
est  faite  chaqiie  jour  par  I'inspecteur  de  Tecole.  Ensuite, 
dans  les  legnns  d'liistoire,  dans  les  explications  des  prin- 
eipaux  pht'-nonienes  de  la  nature,  les  unes  et  les  autres 
donnees  par  M.  I'abbe  Groning  ,  I'idee  de  la  Providence, 
I'ideede  la  sagesse  etdela  toute-puissance  divines,  sont, a  clia- 
que  instant,  invoquees  comme  les  fils  conducfeurs  de  Tintel- 
iigence  humaine  a  travers  les  tenehres  qui  Tenveloppent. 
L'liistoire,  sous  la  parole  de  M.  I'abbe  Groning,  n'est  pas  une 
suite  de  fails  et  de  dates  :  elle  est,  avant  tout,  ce  qu'elle  doit 
etre  dans  les  ecoles  norraales,  a  plus  forte  raison,  dans  les 
('coles  e'ementaires,  nn  veritable  eours  de  morale  pratique  ; 
et,  a  ee  point  (le  vue,  il  fautl'avouer,  nul,  plus  pcrtinemment 
que  le  pi  etre,  ne  pent  adapter  I'histoirc  gen(3rale  aux  exigences 
(lerenseignement  primaire,  ettirer,  avec  plus  de  proflt  prati- 
que, de  la  s(^rie  des  fails  leurs  vi^ritables  enseignements. 

Les  seminaristes,  je  I'ai  dit,  apprennent  a  peu  pres  tout  ce 
qu'elles  sont  appek'cs  a  enseigner,  dans  la  classe  la  piusele- 
vee  do  I't^cole  superieure  annexe;  c'est-a-dire  que  le  travail 
est  en  quclque  sorte  commun  avcc  de  jcunes  filles  de  douze, 
treize  et  quatorzeans^  :  fait  anormal,  il  faut  en  convenir. 
"  No  craint-on  pas,  deninndai-je  aux  directrices,  qu'nn  tel 

1.  Je  dois  fairo  connailre  ici  TcMnploi  do  la  journce  pour  les  S(!'inina- 
risles  :  Lever  a  5  heures.  De  5  heiires  1/2  a  6  heures,  meditalion  en  com- 
iinin  avec  les  trois  directrices.  —  Dejeuner  a  8  heures  ;  mrssc  que  les  c-le- 
ves  vont  entendre  a  la  calhedrale.  —  Apres  la  messe,  elude  de  la  religion 
pendant  trois  quarts  d'heuro.— Do  9  heures  1/4  a  mifli,  lcco:;s  ordinaires. 

—  A  midi  1/2,  diner,  recre;ition,  puis  preparation  a  la  reprise  du  travail. 

—  A  2  heures,  travaux  de  Tecole  jusqu'a  5  heures,  avec  un  quart  d'heuro 
de  ropes  a  4  heures.  —  Le  mardi  et  le  jeudi,  point  de  travail  d'ecolc.  Les 
apres-midi  sont  consacrees,  en  dehors  des  instants  dunnos  aux  exerciccs 
cor[»orels,  a  des  logons  de  pedagogic,  aux  eludes  de  piano,  do  chant.  — 


520 


TROISIEME  PARTIE. 


systeme  iie  fasse  obstacle  au  developpement  des  etudes,  et 
qn'il  n'impose  aiix  csprits,  par  son  application  memo, 
des  entraves  trop  etroites? —  «  Les  lemons  speciales  de  pe- 
dagogie,  me  repondait-on,  elargissent  rtiorizon  intelleclud 
des  seminarisles.  C'est  dans  ces  lemons  qn'elles  se  sen  tent  ve- 
ritablement  inslitulrices;  mais  poiirce  qui  est  de  Tensoigne- 


A  7  lieurps,  soiipcr,  recreation  jusqu'ci  8  lieures;  a  9  heures,  priere  avcc 
les  directrices. 

Voici  mi  intcnant  le  programme  des  etudes  de  la  premiere  classe  de 
recole  superieiire  annexee  a  Tecole  normale,  etudes  a  I'ensemble  des- 
quelles  prennent  part  loutes  les  seminaristes  de  premiere  annee : 


Do 
8h.  i/:f 

9  h.  l/'f 

De 

9  h.  1/4 

h 

10  li. 

De 

ID  ll.  1/4 

a 

lib. 

De 
11  h. 

a 
111 i  d  i . 

De 

2  h. 
a 

3  h.  1/4 

De 

3h.l/4 

a 
4  11.1/4 

Calcul. 

De 

4h.l/4 

a 

5  h. 

LUNDI. 

Religion. 

I.angiic 
allcmaiu!'*. 

I.rClull'. 

Ilslolrc 

It 

giouiapliic. 

Travail 

a 

I'aiguille  '. 

Fi  aiicaia. 

IMARDI. 

Religion. 

Exercicc 
coniijosiilons. 

Ilistoiie 

et 

gi-ogiapliie. 

Dcssin. 

Pi  da . 

gcgiv. 

MEnr.REDI. 

PiPllpI  Ml. 

Ia  ctitre. 

Idem. 

Cliaiit. 

Travail 

a 

I'.iigiiille. 

Calciil. 

Fr:iiicais. 

JF.rDI. 

Ili-liginn. 

Exercice 

de 

coniposllif  ns. 

Ilislnlie 
iiatuiLllf. 

Ca!llgrai,liic. 

Travail 
a 

I'a'guillu. 

p.- da 

g.lgir. 

VESDREDI. 

Relipioil. 

r.angue 
.'illi'maiide. 

Ili.stoiic 

It 

geogiapliie. 

f.haiil. 

Travail 

a 
raiguillc. 

Calcul. 

Fraii(;alf. 

SAMEDI. 

ric-lgion. 

Eiercicc 

dc 

coinpositlons. 

Mallu'ina- 

tiinic. 

Gcograpliie. 

Dessiii. 

Calcul. 

*  Pendant  cc  Iravail,  on  fait  repasser  aux  eleves  I'hisloirc  rainle,  en  lour 
adressant  des  questions.  — Tout  exercice  oral  est  accompagne  d'un  Iravail  nia- 
nuc'l.  Ccttc  exccllonle  pratique,  qui  devrait  etre  univeiscllc  dans  les  ccolcs  de 
jeiMics  fillcs,  est  inise  eu  usage  avcc  un  grand  ]irofit  jtar  M.  le  docleur  Raiicr, 
dun?  son  iniercssanl  institui  des  jeunes  aveugles. 


ECOLES  NORMALES  D  mSTITUTRICES.  '        52^ 

raent  technique.,  ct  des  notions  positives,  croyez-noiis,  lo 
systeme  est  bou.  I!  a  deux  avanlages  :  d'abord ,  il  conlraint 
les  futures  institu trices  a  n'admettre  que  des  idees  claires, 
nettes,  simples,  point  obscurcies  par  Tauibition  du  langage; 
en  meme  temps,  il  les  habitue  a  tout  reporter,  dans  leurs 
eludes  personnelles,  au  but  reel  de  ces  etudes,  c'est-a-dire  a 
renseigneraent  de  Ires  jeunes  esprits.»  Que  de  lelles  consi- 
derations aient  une  serieuse  valeur,  on  ne  peut  le  nier,  et 
d'excellents  resultats  le  prouvent;  raais  elles  supposent,  on 
le  voit,  nn  enseignement  pedagogique  dont  le  caractere  eieve 
puisse  maintenir  des  esprils  deja  nuirs  a  ce  niveau  moral 
dont,  sous  peine  d'amoindrissement,  iis  ne  doivent  point  dos- 
cendre.  Si,  par  une  heureusecombinaison,  on  peut,  a  la  sim- 
plicite  de  I'enseignement  pratique,  unir  ainsi  I'elevationde  la 
pensee,  assurement  un  difficile  probleme  est  resolu. 

Dans  le  plan  primitif,  les  seminaristes  ne  devaient  point 
prendre  part  a  I'elude  de  la  langue  fran^aise;  mais  beau- 
coup  de  jeunes  fiUes,  en  entrant  a  I'ecole  norraale,  posse- 
daient  deja  quelques  notions  de  notre  langue.  On  a  juge  bon 
d'utiliser,  dans  le  seminaire,  les  faibles  elements  qu'un  grand 
norabre  d'institutrices  futures  apportaient,  sans  tropy  penser, 
du  foyer  domestique.  On  s'est  dit,  chose  remarquable  dans 
un  inslitut  de  raaitresses  d'ecole,  que  la  connaissance  d'une 
langue  etrangere  elait  favorable  au  dtiveloppement  de  I'inlel- 
ligence,  et  Ton  a  inscrit  la  langue  frau^aise  au  nombre  des  ob- 
jets  d'etude  obligatoires.  —  Un  autre  motif  a  fait  adopter  ce 
parti :  une  fois  a  la  tete  d'une  ecole,  bcaucoup  d'inslilulrices 
donnentdes  leeons  parliculicrcs.  Or,  toute  education  distin- 
guee,  au  dela  du  Rhin ,' suppose  necessairement  I'etude  du 
fran^ais;  non  pas  cette  etude  vague  et  superficielle  qui  pei- 
raet ,  en  faisant  a  coups  de  dictioniiaire  le  siege  de  chaque 
phrase,  de  conquerir  lant  bien  que  mal  le  sens  general  d'un 
ouvrage;  mais  une  etude  serieuse  et  complete,  aprcs  laquelle 

21 


322  TROISIEME  PARTIE. 

on  parle  et  Ton  ecrit  la  langue  etrangere  qu'on  a  rendue 
sienoe.  La  langue  frangaise,  pour  la  plupart  ties  institutrices 
allemandes,  est  done  un  instrument  tres  utile.  Celles  qui  sor- 
tent  de  I'ecole  normale  de  Miinster,  sont  en  etat,  plus  ou  raoins, 
de  manier  ce  delicat  instrument. 

Sur  cinquante  seminaristinnen,  seize  seulement  sont  pen- 
sionnaires;  les  antres  habitent  la  maison  paternelle,  on,  si 
elles  sont  etrangeres  a  la  ville,  vivent  au  milieu  de  families 
amies,  sous  des  conditions  determinees  par  la  directrice  de 
I'ecole. 

Cette  couturae  est  analogue  a  I'usage  adopte  paries  direc- 
teurs  de  la  grande  institution  de  Gray's  inn  road,  a  Loudres  ; 
et,  dans  I'ecole  normale  de  3Iiinster  comme  dans  les  ecoles 
anglaises  de  la  National  Society ,  le  principal  ressort  de  la  dis- 
cipline est  le  sentiment  de  la  dignite  personnelle. 

Cette  education  en  quelqne  sorte  de  famille  atteint, — les 
fails  le  prouvent,  —  le  but  que  poursuit  le  devouement  qui  la 
donne.  Elle  devient  reellement,  selon  cette  belle  parole  de 
Rollin,  «  le  legislateur  toujours  present  qui  montre  le  devoir 
et  le  fait  praliquer. »  Plienomene  remarquable  :  d'apres  un 
usage  que  ks  moeurs  consacrent  sans  que  la  loi  I'impose  en 
aucune  sorte,  les  institutrices,  dans  la  province  de  Miinster, 
restent  vouees  au  celibat,  tant  que,  plac^es  a  la  tele  d'une 
ecole,  elles  sont  chargees  des  fonclions  de  Tenseignemont;  on 
n'y  admet  pas  que  les  devoirs  dela  mere  de  famille  puissent  se 
concilier,  avec  les  obligations  de  I'institutrice.  L'insfitutrice 
vient-elle  a  se  marier?  Elle  abdique  par  le  fait  meme  les  fonc- 
tions  dont  elle  avait  assume  I'exercice.  Je  nejugepasici  un 
tel  usage ;  je  le  constate. 

Eh  bien !  dans  les  conditions  difficiles  ou  elles  se  trouvent 
les  anciennes  eleves  de  I'ecole  normale  de  Miinster  ont  de- 
fie,  jusqu'a  cejour,  lesatteintes  de  la  malignile.  Elles jouisscnt 
en  Weslplialie  et  dans  les  provinces  rbenanes,  d'une  reputa- 


ECOLES  NORM  ALES  d'iNSTITUTRICES.  525 

tion  a  la  puretedelaqiielle  n'ont  pas  manque  d'eclatants  te- 
iiioigDagcs.  «  Jeconnais  le  corps  des  institutrices  de  la  pro- 
vince de  MiiQster,  disalt  en  1848,  a  la  tribune  du  parlement 
de  Francfort,  Ms^  I'eveque  de  Mayence  < ;  et  tons  ceux  qui 
le  conoaissent  comme  moi  lui  rendront  temoignage  :  la  mo- 
ralile  de  ces  institutrices  est  si  elevee  que  nulle  critique  ni 
soupQon  ne  sauraient  les  atteindre.  » 

La  vue  du  bien  opere  dans  les  provinces  rhenanes  par 
Tecole  normale  catholique  deMiinster  a  naturellement  excite, 
dans  I'esprit  de  radminislration  superieure  de  Berlin,  le  desir 
d'assurer  un  avantage  analogue  aux  provinces  protestantes  de 
Priisse. 

Un  seminaire  d'inslitutrices  aete  cree  tout  recemmentdans 
la  Regence  de  Mersebourg,  a  Droyssig. 

Nous  ne  pouvons,  en  ce  qui  concerne  cet  etabllssement,  que 
citer,  en  I'abregeant,  la  circulaire  suivante  adressee  aux  au- 
torites  scolaires  par  le  ministre  de  Finstruction  publique,  a 
la  date  du  26  ma i  1854. 

«  L'ecole  normale  de  Droyssig  est  destinee  a  fournir  des 
maitresses  a  toutes  les  provinces  de  la  monarchic.  La  diireo 
du  cours  est  de  deux  ans.  Le  personnel  enseignant  se  com- 
pose :  d'un  directeur,  d'un  rnailre  etd'une  maitresse  en  pre- 
mier, d'un  mailre  adjoint  et  d'uue  mailrcsse  adjointe.  Le  but 
de  I'etablissement  «  est  de  former  des  institutrices  chretiennos 
pour  les  ecoleselenientaires  el  les  ecoles  bourgeoises,  d'apres 
les  principes  de  la  doctrine  evangelique;  ces  institutrices,  a 
la  sortie,  doiventetre  en  etat  de  dispenser  une  instruction  et 
une  education  chretiennes.  » 

«L'enseignomentembrasse  toutes  les  matieres  applicablesa 

1.  Ms'  Von  Kelleler.— Discours  en  rt^ponsc  a  I'cxpose  des_  motifs  do 
M.  Paiir  de  Neisse. 


524  TROISIEME  PARTIE. 

reJiicalion  des  ferames,  y  comprlsles  travaux  a  raiguilleetia 
pratique  du  gonverneraeDt  economiqiie  d'une  maisoii,  L'eUide 
de  la  langiie  fran^aise  y  est  prescrile. 

«  A  cet  etablissement  doit  etre  annexe  un  inslitiit  pour  la 
formation  de  gouvernantes,  de  maitresses  pour  les  ecoles  de 
jeunes  filles  d'uc  rang  eleve.  Outre  I'inslruction  religieuse  ct 
pedagogique,  on  y  fera  des  etudes  plus  avancees,  notnmment 
on  y  acquerra  un  usage  farailier  de  la  langue  fran^aise  et  de 
Tanglais,  et  la  pratique  de  la  science  musicaie.  Les  eleves 
de  I'ecole  normale,  apres  leurs  deux  annees  d'elude,  pourront 
etre  admises  a  I'institut. 

«  Le  regime  de  I'ecole  normale  repose  sur  le  fondement  de 
la  parole  de  Dieu,  et  est  dirige  dans  I'esprit  d'une  coramunaule 
chreticnne. 

a  Pour  etre  admise,  les  conditions  d'etude  indispensabies 
sont  :  une  intelligence  suffisante  de  la  doctrine  chreticnne, 
d'apres  le  catechisme  et  TEcriture  sainte;  une  connais- 
sance  facile  des  principaux  traits  de  I'Ancien  Testament; 
I'usage  des  chants  religieux  le  plus  en  usage.  —  II  faut  de 
plus  :  lire  correctemenl ;  pouvoir  rendre  compte  avec  jus- 
tesse  du  morceau  qu'on  vient  de  lire,  de  vive  voix  et  par 
ecrit,  sans  faire  Irop  de  fautes  contre  la  langue;  avoir  la  pra- 
tique des  quatre  regies;  connaitre  ce  qu'on  apprend  d'histoire 
nationaleetd'histoire  nalurelledans  la  classesuperieure  d'une 
bonne  ecole  primaire;  savoir  tricoter,  racommoder  el  coudre; 
possedcr  les  premiers  elements  de  la  laugue  franyaise,  du 
piano,  du  chant  et  du  dessin. » 

En  parlant  des  ecoles  normales  d'iiistitutricos  de  Miinsler 
etde  Droyssig,  nous  avons  voulu  faire  connaitre  le  mouvc- 
menl  qui  se  produit,  a  1  hcure  qu'il  est,  au  delii  du  Rhiii;         I 
nous  n'avons  point  prctendu  y  chcrcher  des  exemples  pour  la 
France. 


ECOLES  INOIIMALES  u'liNSTlTUTlllGES.  525 

En  ce  qui  est  des  etablissements  destines  a  renseignement 
dcs  filles,  la  France  n'a  cartes  rien  a  envier  a  I'Allemagne. 

Tandis  que  les  maitresses  raanquent  presque  partout,  de 
I'autre  cote  du  Rhin,  la  France  recrute  incessarament  les  1ns- 
titutrices  de  ses  jeunes  filles  pauvres  a  une  double  et  inepuisa- 
ble  source:  d'un  cote  les  congregations  religieuses,  de  I'autre, 
les  dix  ecoles  normales  et  les  vingt-six  cours  nonnaux  sem6s 
^a  et  la  sur  toute  I'etendue  de  son  territoire,  pourvoient  avec 
prodigalite aux  besoins  que  developpe  chaque  jour  le  sentiment 
dcs  interets  moraux.  Des  membres  de  ces  saintes  associations 
que  le  calbolicisme  ne  cesse  de  peupler  de  victimes  volontai- 
res,  president  a  la  direction  de  la  majorite  de  nos  ecoles  nor- 
males d'institut^ices^  ;  et  la  France,  avec  un  legitime  or- 
giieil,  peut  entendre  I'Angleterre  et  I'Allemagne  protestanles 
repeter  cet  aveu  d'une  inferiorile  qui  a  conscience  d'elle- 
meme  : 

«  Nous  avons  besoin  de  maitresses  qui  chargent  leurs  epau- 
les  d'un  rude  fardeau  ;  qui  ne  regretlent  la  depense  ni  de  leur 
temps,  ni  de  leurs  forces,  ni  le  sacrifice  de  leur  comfort;  qui 
dansl'esprit  du  Christ,  accomplissent  roeuvre  du  Christ;  qui 
ne  comptent  pour  rien  ni  leurs  aises  ni  leurs  vies;  qui,  apres 
I'entiere  immolation  d'elks-memes,  soient  encore  humiliees 
de  leur  lachete,  et  s'ecrient  :  Nous  sommcs  des  servanles 
inutilesl^j 

1.  Sur  dix  ecoles  normales  d'institutrices,  sept  sont  dirigees  par  des 
religieuses;  treize  cours  normaux,  sur  vingt-six,  sont  egalement  confies 
aux  membres  des  diverses  associations. 

2.  Manual  report  of  the  ragged  School-Union  (1850). 


OUATRIEME  PARTIE. 


CONCLUSIONS. 


QUATRIEME  PARTIE. 

CONCLUSIONS. 

Nous  avons  envisage  la  question  de  TinslrucUon  priiuaire 
sous  scs  faces  les  plus  larges,  et  dans  ses  rapports  les  plus 
generaux.  A  la  luraiere  des  fails,  nous  avons  sonde  les  bases 
sur  lesquelles  repose,  au  dela  du  Rliin,  tout  le  systeme  de 
I'education  populaire. 

Situation  morale  des  ecoles,  role  de  I'Etat  dans  la  direc- 
tion de  Tenseignement,  action  de  I'Eglisc,  influence  de  la 
science  pedagogique,  inspection,  obligation  legale,  ecoles 
normales  d'instituteurs  et  d'insti tutrices,  tendances  et  resul- 
tats  de  I'enseignement :  a  ces  points  principaux  se  rattachent 
les  idees  et  les  fails  dont  renchainement  conslitue,  dans 
son  unite ,  le  difficile  probleme  que  nous  nous  proposions 
d'etudier. 

II  importe  de  degager  maintenant  les  resultals  pratiques 
des  observations  poursuivies,  en  vue  de  la  France,  dans  les 
differenls  pays  de  rAllemagne  du  nord.  II  est  temps,  en  resu- 
mantce  long  travail,  de  presenter  nos  conclusions. 

Ces  conclusions,  d'apres  le  caractere  meme  de  nos  etudes, 
seront  d'une  double  nature  :  partieulieres  et  generales.  Les 
premieres  doivent  porter  sur  chacunc  des  parlies  du  vasle 
sysleme  dont  nous  venons  d'explorer  rensemble. 

Section.  1.  —  ficolos  normales  primaircs. 

1 .  —  Assurer  le  recrulement  facile  et  abondanl  des  eleves- 
muitrcs;  et,  dans  cebut,  prendre  des  mcsures  lelles-,  que  lu 


530  QUATRIEME   rARTIE. 

presqne  totalile  des  futiirs  inslituteurs  soit  interesseea  vcDir 
frapper  a  la  porte  des  ecoles  normales.  A  ce  prix  sciile- 
ment,  il  sera  possible  de  se  raontrer  tres  severe  sur  les  con- 
ditions d'adraission  :  en  France  comme  en  Allemagne,  cette 
severiteestia  garantieque  Tin teretdelenseigneinent reclame, 
et,  qu'au  point  devue  scolaire  comme  au  point  de  vue  moral, 
impose  le  sentiment  d'un  grand  devoir  public. 

Or,  il  faut  bien  ledire:  il  semble  que  I'organisation  ac- 
tuelle  ait  precisement  pour  but,  sinon  de  rendre  le  recrule- 
ment  des  ecoles  normales  impossible,  du  raoins  de  ne  per- 
mettre  de  I'accomplir  que  dans  des  conditions  detestables. 
C'est  a  dix-huit  ans,  que  les  aspirants  peuvent  etre  admis  a 
I'ecole;  mais  c'est  a  dix-huit  ans  aussi,  qu'il  est  permis  a  un 
candidal  quelconque,  et  pour  employer  le  seul  mot  qui  ex- 
prime  ici  notre  pensee,  au  premier  venu,  de  se  presenter 
devant  les  commissions  d'examen. 

A  quoi  bon,  des  lors,  accepter  la  vie  auslere  et  laborieuse 
de  I'ecole?  D'un  cote,  liberie  complete,  absence  de  controle, 
vie  independante  du  dehors;  de  I'autre,  reclusion  prolongee, 
surveillance  continuelle ,  joug  de  la  discipline,  epreuves  mul- 
tipliees,  et  tout  cela,  pour  se  trouver  en  retard  de  trois  annees 
sur  le  concurrent  aventureux  que  le  hasard  d'un  examen 
aura  mis  tout  a  coup  en  possession  du  brevet.  «  Dans  I'elat 
actuel  des  choses,  »  a  ecrit  un  honorable  direcleur  d'ecole 
normale*,  un  homme  dont  I'experience  pratique  pent  etre 
invoqueeabon  droit  en  pareille  niatiere,  «  etre  admis  dans 
uneecole  normale,  apres  une  enquete  severe,  y  passer  trois 
annees  d'une  vie  en  quelque  sorte  cenobitique,  y  depenser 
souvent  le  peu  que  Ton  possede,  y  6tre  surveille,  examine, 
apprecie,  note,  ne  pouvoir  se  presenter  a  Texamen  qu'a  21 

1.  M.  Malgras,  aujourd'hui  inspecleur  d'academie,  dans  le  Rapport  du 
conseil  academique  des  Yosges,  pour  1853. 


CONCLUSIONS.  551 

ans,  etcourir  apres  cela  le  risque  de  ne  pouvoir  obtcnir  Ic 
brevet  etdese  voir  fermer  la  carriere  de  renseignemcnt,  si 
les  notes  finales  presentent  qnelque  doiite  :  autant  de  charges 
dont  se  trouvent  compl^lement  exoneres  tons  les  etrangers 
a  ces  etablissements...  »  Operer  le  recriiteraent  des  eleves- 
raaitres  en  de  telles  conditions,  n'est-ce  point  ouvrir  la  porte 
d'une  main  et  la  fermer  de  I'autre?  Gralificr  d'avantages 
eganx,  disons  plus,  exempter  de  mille  garanties  perilleuses 
et  des  ennuis  d'une  longue  altente  les  jeunes  instituteurs 
qui  se  preparent  a  Texamen,  en  dehors  des  ecoles  normales, 
etdanstoute  I'independance  de  la  vie  d'etudiants,  n'est-ce 
pas  a  plaisir  faire  le  vide  dans  ces  ecoles,  et  les  soumettre,  si 
je  puis  ainsi  dire,  a  Taction  permanente  d'une  sorte  de  ma- 
chine pneumatique  ^  ? 

Les  ecoles  normales  sont-elles  une  institution  necessairc? 
L'Angleterre  et  I'Allemagne  repondent  ici  comme  la  France  ; 

1 .  Nous  trouvons,  avec  une  vive  satisfaction,  apres  avoir  ecrit  ces  lignes, 
la  deliberation  qui  suit  du  conseil  general  du  Haut-Rhin  (1854.): 

« Gonsiderant  que  les  ecoles  normales  reorganisees  d'apres  les  bases 
arr^lees  par  le  Reglement  general  de  1851  offrent,  outre  les  garanties  de 
moralite,  celles  de  cette  instruction  et  de  cette  education  pratiques  et 
simples  qui  peuvent  seules  former  de  bons  et  utiles  instituteurs; 

-Gonsiderant  que  Tart.  1 6  du  Reglement  general  precite,  en  fixantl'age 
de  18  ans  pour  Tadmission  des  eleves  dans  les  Ecoles  normales,  menace 
les  Ecoles  dans  leur  existence  m^me,  parce  que  la  loi  permet  a  un  jeune 
homme  de  se  presenter,  a  18  ans,  aux  examens,  et  d'obtenir  le  brevet  de 
capacite,  ce  qui  le  met  a  m^me  d'etre  place  comme  instituteur  adjoint; 
que,  dans  cette  situation,  il  est  evident  que  le  jeune  homme  qui,  a  18  ans, 
pent  conquerir  cet  avantage,  ne  consentira  pas,  an  prix  d'un  sacrifice  do 
temps  et  d'argent,  a  entrer  dans  une  Ecole  normale,  pour  y  rester  trois 
ans,  et  qu'ainsi  le  petit  nombre  des  aspirants  restreindrait  de  plus  en 
plus  les  garanties  du  choix,  au  detriment  du  recrutemenl  et  de  la  pros- 
perite  des  ecoles  normales,  menacees  de  s'eteindre  faute  d'eleves; 

"Le  Conseil  general  emet  le  vceu  que  le  gouvernement  modifie  le  Re- 
glement du  2f  mars  1851,  en  abaissant  a  16  ans  Tage  d'admission,  on 
fasse  inlroduire  une  moditication  qui  elcve  a  20  ans  fage  auquel  on  pout 
se  presenter  aux  examens  de  capacite." 


552  QDATUIEME  I'AllTlt:. 

et  ce  doiite,  aiijourd'hui,  est  moins  permis  que  jamais <.  Or, 
le  principe  une  fois  pos6,  il  en  faut  tirer  les  consequences; 
et,  nous  le  repetons,  si  Ton  ouvre  la  porte  d'une  main,  il 
est  desirable  qu'on  nesemble  point  s'ingenier  a  la  ferraer  de 
I'autre. 

«  Toutes  les  garan lies,  ecrivait  encore  I'lionorable  dircc- 
teur  que  nous  citions  plus  haut,  toutes  les  exigences  de  la 
regie  dans  les  ecoles  normales  sont  excellentes  en  elles~me- 
mes ;  elles  pourraient  etre  plus  serieuses,  plus  severes  encore; 
niais  il  faudrait  une  compensation. » 

Quelle  devrait  etre  cette  compensation?  Elle  resulterait  de 

1.  Dans  les  instructions  adressees  recemment  aux  pr^fets  (31  octobrc 
1854)  le  niinistre  s'exprini!^  ainsi : 

« II  est  incontestable  que  le  regime  simple  et  grave  des  ecoles  normales 
est  infitiiment  preferable,  pour  les  maitres  futurs,  a  la  vie  independanlo 
et  dissipee  du  dehors;  que,  pour  former  des  instituteurs  dignes  de  ce 
nom,  des  mattres  capables  d'entretenir  dans  I'ame  des  enfants  confies  a 
leurs  soins  le  sentiment  de  leur  dignile  d'hommes  et  de  Chretiens,  ce  n'est 
pastrop  d'un  si^jour  de  deux  ou  trois  annees  dans  un  etablissement  special 
dont  le  but  est  de  developper  les  bons  instincts  en  cultivant  les  vocations. 
Reclamees  par  la  dignite  autant  que  par  les  exigences  du  recrutement  du 
corps  enseignant,  les  ecoles  normales  ont,  d'ailleurs,  ete  considerablement 
amelioreesdansleur  regime,  aussibienque  dans  leurs  etudes,  par  le  decret 
du  24  mars  [851.  Ne  vous  relfichez  done  en  rien  de  ce  qui  peut  contri- 
buer  au  perfectionnement  de  I'enseignement  laique.  Pour  repondre  aux 
personnes  qui,  touchees  de  I'excellente  education  donnee  par  les  ecoles 
des  freres,  regarderaient  encore  les  ecoles  normales  primaires  comme  un 
obstacle  a  la  propagation  de  ces  etablissements,  il  sufEt  de  faire  observer 
que,  maigre  les  efforts  faits  depuis  plus  de  quarante  ans,  malgre  tous  les 
encouragements  de  I'fitat,  qui  a  activement  seconde  leur  developpement, 
les  congregations  religieuses  dirigent  a  peine  1,700  ecoles  publiques  ou 
libres  sur  les  43,000  ecoles  qui  existent  en  ce  moment  en  France.  Ces 
chiffres  diront  sufiisamment  combien  le  Gouvernement  doit  avoir  a  coeur 
de  maintenir  un  systcme  qui,  en  assurant  I'amelioration  graduelle  des 
ecoles  laiques,  permet  aux  bons  instituteurs  de  compter  sur  une  cgale 
estime,  sur  une  egale  protection  de  la  part  de  I'^lat. 

•  II  y  a  done  un  interet  social  du  premier  ordre  a  ce  que  les  ecoles  nor- 
males ne  cessent  point  de  preparer  do  sages  instituteurs." 


CONCLUSIONS.  555 

la  mcsure  qui  eleverait  de  18  y  50  ans  I'age  d'admission 
aux  examens  dii  brevet  de  capacite. 

CeUe  mesiire  aurait  ce  double  resultat :  \°  Elle  ne  laissei'ait 
aux  candidats  du  dehors  que  I'avantage  d'une  annee  seule- 
racnt  sur  les  eleves  de  I'ecole  rtormale  ^;  2°  elle  permettrait  a 
ceux  dcs  eleves-roaitres  a  qui  una  dispense  d'age  aurait 
ouvert  I'entree  de  I'ecoie  avant  I'age  de  18  ans,  de  se  pre- 
senter a  I'exaraen  en  meme  Icmps  que  les  aspirants  etrangers. 
Tout  au  plus,  on  le  voit,  elle  ne  ferait  que  retablir  Tegalile. 

Ces  eleves-mailres  pourraient  des  lors  profiler  du  benefice 
de  I'art.  l^""  du  decret  du  51  decembrc  1855  -,  et  commencer, 
avant  leur  2P  annee,  dans  une  eeole  cominunale,  en  vertu 
d'une  nomination  provisoire,  leur  carriere  A" insiituteur  sup- 
2^Jeani, 

Nous  ne  dcmandons  pas  qn'en  France  comrao  en  Allemaizne 
le  litre  d'eleve  d'une  ecole  normale  soil  une  raison  absolue  de 


1.  Le  cours  normal  durant  trois  annees,  les  eleves-maitres  no  peu- 
vent  se  presenter  a  Texanien  qu'a  I'expiration  de  leur  vinglieme  annee. 

2.  On  pourrait  proposer,  au  lieud'elever  I'age  exige  pour  I'esamen,  d'a- 
baisser  celui  de  Tadmission  a  I'licole  nornialo.  Ce  systeme  preseiiterait 
I'avantage  d'abreger  le  lamps  qui  s'ecoule  entre  la  sortie  de  I'ecole  pri- 
maire  et  I'entree  dans  la  carriere;  de  preserver,  par  consequent,  confre 
les  entratnements  d'une  vie  d'etudiant  ou  d'ouvricr,  des  vocations  mal 
affermies.  Mais  cet  avantage  serait  compcnse  par  de  serieux  inconve- 
nients.  Nul  ne  pouvant  Sire  nomme  inslituteur  avanl  I'age  de  21  ans,  que 
ferait-on,  jusqu'au  moment  oii  ils  auraient  atleint  ccl  ilge,  do  jeunes  mal- 
Ires  sortis  de  I'ecole  a  19  ans? — Duns  quelques  deparlements,  plusieurs 
trouveraient,  je  le  sais,  des  postes  de  mallres  adjoints.  Mais  ces  postes 
sont  rares  ;  et  de  telles  fonctions  ne  pourraient,  en  definitive,  6tre  confines 
qu'a  un  tres  petit  nombre  de  candidats.  Reslerait  done,  pour  la  pUiparl,  le 
peril  de  deux  annees  de  loisir  sans  but  et  de  liberie  sans  contrepoids. 

Hatons-nous  d'ajouler,  au  surplus,  quo  Page  dc  I'enlree  dans  I'ecole 
normale  se  trouvo  abaisse  par  le  fait.  L'adminislration  superieure,  dans 
rinleret  deces  etablissemcnts,  n'hesile  pas  a  accordcr  des  dispenses,  loutes 
les  fois  que  les  antecedents  des  candidats  permellent  aux  autorites  sco- 
laires  d'appuyer  les  demandcs  d'un  avis  favorable. 


554  QUATRIEME  PART  IE. 

preference  sur  tout  instituteur  etraoger  a  I'ecole ;  nous  n'in- 
voquons  pas  cle  privilege. 

Mais  retablir  I'egalile  et  soustraire  des  elablissements  siib- 
venlionnes  par  les  departements  et  I'Etat  aux  consequences 
inevitables  d'une  inferiorite  sans  motifs,  nous  parait  du  de- 
voir d'une  administration  prevoyante,  comrae  d'un  interet 
capital  pour  I'enseignement  public. 

II.  —  Le  recruteraent  des  eleves-maitres  une  fois  assure, 
n'ouvrir  la  porte  des  ecoles  norraalesqu'a  des  jeunes  gens 
en  etat  de  juslifler  d'une  preparation  suffisanle:  a  lous  les 
points  de  vue,  il  imporle  de  raainteuir  la  superiorite  des 
instituteurs  sortis  des  etablissements  de  I'Etat  sur  les  institu- 
teurs  formes  au  dehors. 

En  France,  comrae  en  Allemagne,  comme  en  Angleterre  , 
il  faut  se  montrerd'une  severite  rigoureuse  sur  les  conditions 
moiales  d'admission. 

Mais,  ces  garanties  premieres  et  fondamenlales  obtenues, 
rinterel  evident  des  ecoles  normales  et  de  i'enseignement 
en  general  exige  qu'il  soit  tenu  compte  de  V aptitude.  La  preuve 
de  capacite  technique  ,  pour  I'entree  a  I'ecole,  veul  etre  rcje- 
tee  sur  le  second  plan,  mais,  nous  ne  cesserons  de  le  dire*,  elle 
pent  et  doit  subsister. 

Le  reglement  de  1851  a  supprime  le  concoz^rs.  11  faut  ap- 
plaudir  a  cette  suppression  :  le  concours  presente  ce  vice 
capital,  de  laisser  beaucoup  au  hasard,  de  creer  des  droits 
souvcnt  mal  fondes,  de  donner  le  succes  d'un  moment  pour 
aliment  a  la  vanile  :  inconvenienls  qu'on  ne  saurait  pallier, 
quand  il  s'agit  de  modestes  eleves  d'une  ecole  normale  pri- 
maire.  Mais  le  reglement  du  meme  coup  a  supprime  Vexamen: 
voila  ce  que  condamnent  tout  ensemble  et  les  resultatsdel'ex- 
perience  et  les  simples  donnees  du  bon  sens. 

1.  Voy.  de  la  lot  del' Enseignement,  p.  271;  et  de  V Instruction primaire 
en  Angleterre,  p.  Hi). 


I 


coNCLUsroMs,  335 

Leseffets  de  la  suppression  dc  I'examen  se  trabissent  par- 
tout,  arheureqiril  est. 

Parmi  les  eleves-maitres  adrais  depuis  I'applicatioa  dii 
reglemeni  de  48ol,  beaiieoup,  en  raison  d'lin  manque  absolu 
d'aptitude,  ont  du  quiller  I'ecole,  aptes  un  an  de  sejour  dans 
letablissement.  Les  sacrifices  du  departement  et  de I'fitat  ont 
done,  pour  eux,  ete  faits  en  pure  perte;  d'autres,  en  plus  grand 
nombre,  se  trainent  jusqu'a  I'examen  ;  mais  avec  quelle  dilfi- 
culleetdans  quel  elat  d'impuissance  honleuse,  les  directeurs 
le  saveul^ 

1.  Ces  lignes  etaient  ecriles  avant  la  publication  de  la  Circulaire  mi- 
nislerielle  du  2  fevrier  1855.  Celte  circulaire  donne  raison  aux  observa- 
tions analogues  que  nous  avions  deja  formuiees  dans  deux  publications 
precedentes.  EUe  aura  pour  resultat,  nous  en  sommes  convaincus,  de  ren- 
dre  une  vie  nouvelle  aux  ecoles  normales  primaires ;  nous  croyons  devoir 
les  reproduire  ici : 

•  Monsieur  le  Recteur,  aux  termes  du  reglement  en  date  du  24  mars 
1851,  les  candidals  aux  ecoles  normales  primaires  ont  diis'inscrire  depuis 
le  1*""  jusqu'au  15  Janvier.  11  vous  appartient  de  rappeler  a  MM.  les  inspec- 
teurs  d'academies  places  sous  vos  ordres  que  le  moment  est  venu  oil  ils 
ont,  conformement  a  Particle  17  du  reglement  precite,  a  se  livrer  aux  en- 
quetes  dont  le  but  est  de  mettre  MM.  les  prefets  en  mesure  de  prononcer 
sur  Tadmission  de  chacun  des  aspirants. 

« Suivant  les  prescriptions  de  I'arlicle  qui  vient  d'etre  rappele,  I'en- 
qu^te  doit  porter  sur  la  conduite  et  sur  les  antecedents  des  candidats. 
C'est  assez  faire  entendre  que  Padmission  des  eleves-maitres  ne  doit 
point  resulter  d'un  concours. 

«  Co  qu'il  importe  avant  lout,  c'est,  en  efi'et,  de  s'assurer  de  la  bonne 
conduite,  des  di.-posilions  intimes,  des  garanties  que,  dans  Tordre  reli- 
gicux  et  moral,  le  futur  instituteur  peut  offrir  a  la  sociele,  et,  pour  tout 
dire  en  un  mot,  de  la  vocation  du  candidal.  Mais,  vous  le  comprenez, 
monsieur  le  rccleur,  ces  garanties  fondamentales  une  fois  donnees  aux 
families  et  a  I'administration  superieure,  il  est  indispensable,  et  pour  la 
bonne  renommee  d'otablissements  place's  sous  le  patronage  des  pouvoirs 
l)ublics,  et  dans  I'interet  general  de  I'enseignement,  de  n'admettre  dans 
les  ecoles  normales  que  des  jeunes  gens  capables  d'en  suivre  les  cours. 

«  11  serait  tres  faclieux  (jue  MM.  les  inspecteurs  n'usassent  pas  des 
moyens  qui  sont  outre  leurs  mains  pour  arreter  sur  le  seuil  des  ecoles  nor- 
males les  ignoranls  et  les  presompiueux.  11  pourrait  arriver  qu'apres  un 


556  QUATRIEME  PAUTIE. 

Nous  ne  proposons  certes   point  I'adoption  texliielle  de 
reglemenls  etrangers.  Pourtant,  dans  la  praliqiie  des  ecoles 

sejour  de  plusieurs  niois,  d'lin  an  peut-6lre  a  I'ecole,  des  eleves,  en  rai  ■ 
son  d'un  manque  absolu  d'aplitude,  se  vissenv,  obliges  de  quitter  I'etablis- 
sement.  Les  sacrifices  du  departement  ou  de  I'litat  auraient  alors  et6  faits 
en  pure  perte.  II  pourrait  arriver  aussi  que  des  eleves-maitres  trop  faci- 
lement  adniis  fussent  un  obstacle  insurmontable  a  la  marche  de  condisci- 
ples  capables  de  profiler  des  Icgons,  et  rendissent  ainsi  impossible  le  do 
veloppement  des  etudes.  Si  Ton  veut  qu'un  cours  porte  des  fruits,  la 
premiere  condition  est  de  n'y  admettre  que  des  elevos  d'une  force  a  peu 
pres  equivalente.  Le  succes  d'un  enseignement  suppose,  au  point  de  de- 
part, unc  certaine  egalite  de  connaissances  acquises;  sinon,  quel  sera  le 
lien  des  intelligences,  et  oil  troiiver  le  terrain  sur  lequel  pourront  se  ren- 
contrer  les  esprits? 

u  Enfin,  le  niveau  des  etudes  dans  les  ecoles  normales  etablissant  pres- 
que  toujours,  par  la  force  meme  des  choses,  le  niveau  des  epreuves  dans 
les  examens  poar  le  brevet  de  capacite,  on  s'exposerait,  en  admettant  des 
eleves-maitres  evidemment  incapables,  a  faire  descendre  les  examens 
eux-mfimes  au-dessous  du  degre  auquel  I'administration  superieure  a  io 
devoir  de  les  maiiitenir. 

"  11  importo  beaucoup,  monsieur  le  recleur,  de  ne  pas  se  meprondre 
sur  la  mission  des  ecoles  normales.  La  t&che  de  ces  etablissements  n'est 
pas  d'initier  de  jeunes  hommes  tout  a  fait  ignorants  aux  premiers  ele- 
ments des  connaissances  les  pins  elementaires ;  c'est  la  le  but  des  ecoles 
piimnires.  Elle  n'est  pas  m^nifl,  a  proprement  parler,  de  mettre  des  can- 
didats  debiles  en  etat  d'affronter  un  examen;  c'est  la  le  role  de  repeti- 
teurs  vulgaires.  La  mission  de  I'ecole  normale  est  plus  haute  :  elle  con- 
siste  a  completer  et  a  feconder  les  etudes  premieres,  et  surtout,  ainsi  que 
je  le  disais  dans  ma  circulaire  du  31  octobre  dernier,  a  mettre  les  futurs 
instituteurs  en  etat  de  communiquer  ce  qu'ils  savent.  11  faut  se  penetrer 
de  ce  principe  que  le  but  de  I'ecole  normale  n'est  pas,  a  vrai  dire,  la  con-  ,, 

quete  du  brevet;  le  brevet  pent  6tre  obtenu  par  un  candidal  qui  ne  pos-  )j 

sederait  pas  les  qualites  les  plus  necessaires  a  un  maltre  de  la  jeunesse. 
Ce  qui  fait  le  veritable  institutcur,  ce  qui  doit  Hre  I'objet  special  des  ,1 

etudes  dans  les  ecoles  normales,  c'est  la  science  pratique  de  I'education  " 

et  I'art  si  difficile  de  diriger  les  esprits.  Or,  pour  piu'venir  a  ce  but,  i! 
fautpouvoiroperer  sur  un  fond  deja  suffisnnt  de  connaissances  premieres, 
et  consacrer  ses  soins  a  des  applications  ulterieures,  au  lieu  de  consumer 
ses  forces  dans  les  steriles  efforts  d'un  enseignement  sans  portee. 

•  Vous  le  voyez  done,  monsieur  le  recteur,  si,  pour  I'admission  des 
eleves  dans  les  ecoles  normales,  la  condition  de  moralitc  est  la  premiere, 


CONCLUSIONS.  557 

allemandes,  il  est,  pour  la  question  qui  nous  occupe,  des 
exeraples  que,  nous  le  croyons ,  il  est  bon  de  ne  pas  mecon- 
naitre. 

II  faut  rendre  liommage  au  prineipe  d'apres  lequel  ont  ^(e 
creees  des  section  spreparatoiresousontadm  is,  a  leursortiedes 
classes  primaires,les  jeunesgens  don  tune  vocation  precoce  at- 
tire les  regards  vers  les  ecoles  norraales.  La  est  la  solution  com- 
plete du  probleme  qu'il  faut  s'ef forcer  de  resoudre :  conserver, 
au  benefice  deTecolenormale,  par  une  culture  non  interrora- 
pue,  I'instruction  etl'education  dispensees  dans  les  ecoles  ele- 
mentaires.  Ilserait  facile  dedonner  le  caractere  d'institution 
preparaloire  aux  ecoles  d'applicalion  annexees  a  presque  tous 
DOS  etablissements  normaux.  Les  jeunes  gens  de  14  et  15  ans 
qui  se  destinent  a  I'enseignement  pourraient,  avec  avanlage 

elle  ne  dispense  pas  des  autres.  La  condition  de  capacite  vient  sans  doute 
en  second  ordre ;  mais  il  serait  inadmissible  qii'on  n'en  tint  pas  le  compte 
qu'elle  merite. 

0  Vous  voudrez  bien  rappeler  ce  prineipe  a  MM.  les  inspecteurs  d'aca- 
demie  places  sous  vos  ordres.  II  importe  que  ces  fonctionnaires  fassent 
porter  I'enquete  qu'ils  sent  charges  de  diriger,  non-sculement  sur  les 
dispositions  morales  des  futurs  eleves-maitres,  mais  aussi  sur  leur  apti- 
tude, et  qu'ils  s'informent,  au  moyen  d'examens  individuels,  de  I'etat  de 
I'instruction  de  cliacun  descandidats. 

«  Les  examens  dont  il  s'agit  devront  constater  a  I'avenir  : 

« 1°  Que  le  candidat  lit  et  ecrit  couramment; 

•  2"  Qu'il  observe  les  regies  principales  de  I'orthographe  5 
«  3°  Qu'il  possede  la  pratique  des  quatre  regies; 

«  4*  Qu'il  peut  repondre  aux  questions  qui  lui  sont  adressees  sur  le 
catechisme  el  sur  I'histoire  sainte. 

•  Un  certificat  attestant  que  I'aspirant  a  subi  cet  examen,  et  signe  de 
I'inspecteur  d'academie,  sera  joint  aux  pieces  sur  le  vu  desquelles  doit 
6tre  prononcee  Tadmission.  L'application  de  la  mesure  prescrite  par  la 
presente  circulaire  offrira  d'autanl  moins  de  difficultes  que  I'admission 
des  eleves-maitres  ne  doit  avoir  lieu  que  du  V  au  15  aout,  et  que,  par 
consequent,  plus  de  six  mois  sont  accordes  aux  inspecteurs  d'academie 
pour  proceder  aux  examens  dont  il  est  question,  soit  par  eux-ni6mes, 
soit  par  Tin termedi aire  de  MM.  les  inspecteurs  de  Tinstruclion  pri- 
maire.  • 

22 


558  QDATRIEME  PARTIE. 

pour  eux-memes  comme  pour  les  jeunes  eleves,  exercer,  dans 
cesecoles  annexes,  les  ionciions  de  moniteur  ^  et  y  jouer,  au 
grand  profit  des  etudes,  le  role  qui  est  devolu  aux  pupil-tea- 
chers dans  les  ecoles  priraaires  anglaises. 

Independamment  de  ces  sections  preparatoires ,  I'usage 
d'une  sorte  d'adoption  morale  d'un  ou  dequelques  eleves  de 
I'ecole  primaire  par  Tinstitiiteur  ou  le  cure  de  la  commune 
ne  saurait  etre  trop  vivement  encourage,  line  telle  adoption, 
en  assurant,  dans  I'inleret  de  I'ecole  normale,  la  conservation 
des  notions  acquises,  place  les  futurs  eleves-maitres  dans  les 
conditions  les  plus  salutaires  d'experience  pratique  et  de  disci- 
pline morale. 

III.  —  Reviser  le  programme  des  etudes  dans  les  ecoles 
Dormales  ,  et  distribuer  les  lemons  de  telle  maniere  que, 
selon  les  termes  d'instructions  recentes,  «  les  divers  objets 
d'enseignement  ayant  ete  etudies  dans  les  deux  premieres  an- 
nees,  la  troisieme  annee  soil  employee  moins  a  acquerir  de 
nouvellesconnaissances  qu'a  fortifier  lesconnaissances  acqui- 
ses, et  surtout  a  mettre  en  oeuvre,  par  Tapplication  et  par  les 
exercices  de  I'ecole  annexe,  les  principcs  pedagogiques  pulsus 
dans  les  cours  anterieurs*  ». 

Telle  est  la  repartition  actuelle  des  objets  d'etude  que,  bien 
loin  d'avoir  suivi  I'idee  qui  vient  d'etre  enoncee,  idee  con- 
forme  tout  ensemble  aux  regies  du  bon  sens  et  aux  donnees  de 
I'experience,  il  semble  qu'on  ait  pris  a  tacbe  de  faire  le  vide 
dans  la  partie  du  programme  applicable  aux  deux  premiers 
cours,  pour  surcbarger  au  dela  de  toute  mesure  raisonnable 
I'enseignement  de  la  troisieme  annee. 

Cette  faute  etait,  au  reste,  la  consequence  necessaire  de  la 
suppression  de  tout  examen  d'admission.  En  effet,  laissez  pe- 

1.  Circulaire  du  31  octobre  auxRecleurs. 


CONCLUSIONS.  550 

netrer  dans  I'ecole  norraale  des  jounes  gens  depoiirviis  des  con- 
naissances  les  plus  elementaires,  force  est  bien  de  leur  incul- 
quer  ces  connaissances;  et  ce  n'est  pas  trop  de  deux  annees,  a 
coup  siir,  pour  defricher  ces  espritsincuUes.  Des  lors,  I'ecole 
normale  disparait  pour  faire  place  a  I'ecole  primaire;  et  pen- 
dant deux  annees,  dans  un  etablissement  qui  avait  pour  mis- 
sion de  former  des  maitres,  Tenseignement,  est  reduit  a  ces 
termes  :  lecture,  recitation,  ecriture,  langue  fran^aise , 
calcul.  Par  une  etrange  compensation,  les  etudes  qui,  pour 
laisser  dans  I'esprit  autre  chose  que  des  mots ,  devraient 
etre  faites  avec  reflexion,  et  consequemment  etre  distribuees 
entre  les  trois  cours,  se  trouvent  accumulees  dans  Tespact  de 
quelques  mois.  C'est  dans  la  derniere  annee  que  les  eleves- 
raaitres  sont  contraints  de  s'occupersimultanement :  du  calcul 
applique  aux  operations  pratiques,  de  physique,  d'histoire  na- 
turelle,  d'agriculture  et  d'horticulture,  d'arpentage  et  de  ni- 
vellement,  de  dessin  lineaire,  de  geographic  et  d'histoire! 

II  serait  difficile  d'attendre  un  resultat  serieux  d'etudes  pour- 
suivies  en  de  semblables  conditions ;  et  nous  croyons  ne  point 
nous  tromper  en  affirmant  que  pas  un  directeur  d'ecole  nor- 
male ne  pent,  en  pratique ,  s'enfermer  exactement  dans  le 
cadre  que  le  Reglement  de  1851  impose  a  la  repartition  des 
cours.  En  vain,  dirait-on  qu'on  a  preciseraent  voulu  dis- 
poser le  programme  de  telle  sorte  que,  par  la  force  meme 
des  choses,  les  etudes  scientifiques  des  instituteurs  futurs  de- 
meurassent  circonscrites  en  des  limites  tres  etroites.  On  se  me- 
prendrait  etrangement,  dans  cette  hypothese,  sur  le  but  qu'il 
est  desirable  d'atteindre,  et  sur  le  danger  qu'il  iraporte  d'evi- 
ter.  Nous  ne  voyons  pas  ce  qu'on  gagne,  sousaucun  rapport, 
a  rendre  les  etudes  superficielles.  Ce  ne  sont  pas  les  choses 
qui  sont  perilleuses,  ce  sont  les  mots;  ce  n'est  pas  la  science 
reelle  qu'il  faut  craindre,  c'est  la  demi-science.  Or,  dans 
les  conditions  du  reglement  actuel ,  ce  n'est  certes  pas  la 


540  QDATRIEME  PARTIE. 

science  r^elle  qu'il  est  possible  de  donner  aux  eleves-maitres. 
Et  de  toutes  les  matieres  qui,  dans  une  sorte  de  tourbillon 
scientifique,  passent  si  rapidement  sous  leursyeux,  que  peut- 
il  rester,  sinon  une  vaine  et  sterile  nomenclature?  An  reste, 
nous  le  disions  ailleurs,  et  nous  le  repetons  avec  plus  d'assu- 
rance,  apres  avoir  etudie  les  ^lablissements  d'Angleterre  et 
d'Allemagne,  le  succes  moral  des  ecolcs  normales  n'est  pas 
attache  au  plus  ou  raoinsd'etendue  du  programme  :  il  depend 
de  la  direction  de  I'enseignement.  «  Adressez-vous  an  sen- 
timent qui  est  a  la  fois  preservatif  et  remede,  au  sentiment 
religicux;  a  la  vanite  ignorante  ou  savante,  opposez  cette  L 

conviction  que  Dieu  faithonneur  a  I'homme  en  Tappclant  a 
developper  les  germes  deposes  dans  les  ames  des  plus  petits; 
faites  jaillir  de  la  source  divine,  avec  I'humilite  qui  s'oublie, 
le  devouement  qui  s'immole;  chargez  de  cette  mission  un  di- 
recteur  habile;  et,  sur  de  tels  fondements,  elevez  si  haut  qu'il 
vous  plaira  I'edifice  de  la  science;  car  alors,  loin  de  menacer 
la  sociele,  il  la  protege  *.  » 

II  faut  done,  des  la  premiere  annee,  faire  participcr  les 
eleves-maitres  aux  differents  objels  d'etude,  et  repartir  I'en- 
seignement entre  les  trois  annees,  pioportionnellement  a  la 
force  progressive  des  cours.  Tout  autre  plan  n'est  que  Timpuis- 
sance  organisee;  tout  autre  sysleme  part  d'un  principe  faux 
et  aboutit  a  une  deception. 

IV.  —  Retablir  dans  le  programme  des  etudes  normales, 
sous  un  nom  tres  modeste,  —  principes  d'educalion,  tenue  de 
I'ecole,  etc.,  —  les  parlies  de  I'enseignement  pedagogique  in- 
dispensablcs  pour  la  direction  intelligente  d'une  classe. 

Gomme  tout, dans  I'ecole  normalo.doitaboutira  la  pratique, 
il  iraporte  que  cet  enseignementait  sou  point  de  depart  et  son 

1.  De  la  loi  de  Venseignement,  p.  241. 


CONCLUSIONS.  544 

application  dans  les  exercices  de  i'ecole  annexe.  Cest  la  qu'il 
trouvera  tout  a  la  fois  une  raison  d'etre  et  une  limite,  iin  point 
d'appiii  et  un  controle :  des  notions  surlesraethodes,surretude 
des  caraeteres,  sur  les  raoyens  de  discipline;  des  idees  precises 
sur  I'education  envisagee  a  un  triple  point  de  vue,  education 
physique,  education  intellectuelle,  education  morale,  seront 
naturellemeot  presentees  aux  eleves,  a  mesurf>  que  ceux-ci 
verront  se  developper  les  experiences  de  I'ecole  annexe,  les 
UDs  (les  debutants)  simples  spectateurs,  les  autres  (eleves  de 
troisieme  an  nee)  appeles  eux-memes  a  donner  les  lemons  et  a 
diriger  les  exercices. 

L'ecole  annexe,  on  le  voit,  doit  tenir  une  place  essent-'elle 
dans  le  systeme  general  des  ecoles  normales. 

Apres  la  critique  que  nous  avons  presentee  du  role  de  la 
science  pedagogique  en  Allemagne,  on  ne  se  meprendra  pas 
sur  le  sens  de  nos  conseils;  et  Ton  devine  aisement  quel  doit 
etre,  dans  noire  peusee,  le  caractere  de  I'enseignement  peda- 
gogique. La  pedagogic,  dans  Tecole  normale,  n'est  pas  une 
theorie  vague  et  sterile,  einprunlanta  unephilosophieabstraite 
les  solutions  qu'elle  presente.  Gomme  I'enseigDement  moral 
lui-meme,  elle  a  un  principe  :  le  dograe  chretien;  un  but  :  la 
direction  de  I'intelligence  et  de  la  volonte  dans  I'oeuvre  de 
I'education.  C'est  a  ces  conditions  qu'elle  pent  former  non  de 
petits  rheleurs  et  des  theoriciens,  mais  des  horames  penetres 
du  but  pratique  de  leur  mission  ;  c'est  a  ces  conditions,  d'un 
autre  cote,  qu'elle  pent  faire  sortir  des  ecoles  normales  non 
des  maitres  depourvus  de  tout  moyen  d'influence  morale  et 
reduits  a  I'elat  de  machines  vivantes,  mais  des  hommes  vrai-- 
ment  dignes  de  leur  mission  et  du  nom  qui  I'expriiue  :  instifu- 
teurs. 

V-  —  Constituer  reguliereraent  dans  les  ecoles  normales 
renseignement  pratique  de  I'agriculture  et  particulicreiuent 


542  QUATRIEME  PARTIE. 

de  I'liorticulture.  Les  travaiix  agricoles  sont  le  moyen  le  plus 
puissant  d'attacher  rinslituteur  an  sol  de  la  commune,  et  de 
i'entretenir  dans  ces  habitudes  desimplicite  dont  il  convient 
de  ne  le  voir  jamais  se  departir. 

II  pent  etre  difficile,  je  le  sais,  pour  les  ecoles  norniales,  de 
reunir  les  conditions  necessaires  a  I'elude  pratique  de  I'agri- 
culture  proprement  dite,  conditions  d'espace,  conditions  de 
temps,  conditions  demateriaux  ctd'instruments.  Maisaucune 
objection  n'est  a  prevoir,  si  Ton  se  restreint  a  la  culture  des 
planles  potageres  et  des  fleurs,  a  la  taille  des  aibres  fruitiers 
et  dela  vigne,  en  nn  mot,  a  rhorticulture  et  a  I'arboriculture. 
A  toute  ecoie  primaire  est  ou  doit  etre  annexe  un  jardin;  et  il 
importe,  a  tous  egards,que  I'instituteur  ait  acquis  les  connais- 
sances  necessaires  pour  tirer  parti  des  ressources  que  la  com- 
mune aura  mises  entre  ses  mains. 

Une  heure  et  demie  pourrait  etre  consacree,  par  jour,  dans 
cliaque  ecoie  normale,  aux  travaux  agricoles.  Une  heure  serait 
prise  sur  le  temps  beaucoup  trop  prolonge  que  Ton  donne  au- 
jourd'hui  a  la  recitation  et  a  i'arithmetique;  une  demi-heure 
serait  iraputee  sur  les  recreations  :  les  soins  du  jardinage 
constituent  assurement  pour  les  eleves-maitres  le  mode  d'exer- 
cice  corporel  le  plus  utile. 

YI. —  Rendre  I'^tude  de  la  musique  obligatoire  dans  les 
ecoles  normales,  cette  etude  comprenant  la  lecture,  a  cahier 
ouvert,  des  morceaux  de  musique  ordinaire  et  le  plain-chant, 
et  en  outre  la  pratique  du  piano  et  de  I'orgue. 

Imposer  ces  etudes  dans  les  ecoles  normales  est  le  seul  moyen 
d'introduire  un  veritable  enseignement  musical  dans  les  ecoles 
elementaires,  et  par  suite  de  rendre  le  gout  de  la  musique 
populaire  au  sein  des  classes  laborieuses  en  France.  A  ce 
prix  seuleraent  nos  populations  rurales  pourront,dans  I'ave- 
nir,  s'elever  au  degre  de  culture  qu'ont  atleint  les  popula- 


CONCLUSIONS.  545 

tions  alleraandes.  De  I'autre  cote  du  Rhin,  pas  une  (3Cole  de 
village  oil  les  elevesn'apprennent  a  lire  I'ecriture  musicale, 
corame  ils  apprennent  a  epeler  I'ecriture  ordinaire;  pas  une 
ecole  ou  le  raaitre  ne  soil  en  etat  de  souteoir,  par  iin  accom- 
pagnement  de  piano  ou  d'orgue,  le  morceau  a  I'execution 
duquel  prennent  part  ions  les  eleves  sans  exception. 

Les  ecoles  normales  de  Strasbourg  et  de  Colraar  presentent, 
des  aujourd'hui,  sous  ce  rapport,  les  plus  precieux  exemples.  II 
ne  s'agit  a  pen  pres  que  d'etendre  a  toutes  les  ecoles  normales 
francjaisesTorganisation  musicale  de  ces  deux  etablissements. 

Section  II.  —  Examen  pour  le  brevet  de  capacity. 

VII.  — Composer  les  commissions  chargees  de  conferer  les 
brevets,  de  telle  fa^on  que  des  tendances  etrangeres  aux  inte- 
rets  de  renseignement  primaire  ne  puissent  pas  vicier  le  ^irin- 
cipe  de  I'examen,  et  egarer  la  vocation  des  jeunes  maitres.  En 
Allemagne,  c'est  a  des  directeurs  et  a  des  professeurs  d'ecoles 
normales  que  Ton  confie  le  soin  d'interroger  les  aspirants  au 
brevet  decapacile.  Toutes  les  questions  posees  par  ces  hommes 
speciaux  se  rapportent  naturellement  et  directement  au  but 
que  n'ont  cesse  de  poursuivre  les  candidats;  les  membres  des 
jurys  dontje  parle  cherchent  assurement  a  constater  la  science 
des  aspirants,  raais  ils  la  conslatent  en  vue  de  I'appplicalion 
qui  en  doit  etre  faite.  Bien  que  les  etudes  des  Ecoles  nor- 
males alleraandes  soient  plus  fortes,  on  pent  I'affirmer,  que 
celles  des  ecoles  normales  fran^aises;  bien  que  le  niveau  des 
exaraens  soit  evidemment  plus  eleve  chez  nos  voisins,  ces  exa- 
mens  ont,  chez  eux,  un  caraclere  essenliellement  pratique.  Ce 
n'est  pas  a  des  theoricieus  ni  a  des  professeurs  de  lycee  que 
Ton  confere  le  brevet,  c'est  a  des  instituteurs,  a  des  maitres 
d'ecole;  et  I'inleret  pedagogiquc  ,  dans  la  pensee  des  jurys 
allemauils,  domine  tout  autre  interet. 


544  QUATRIEME  PARTIE. 

II  faut  bien  le  reraarquer :  ce  n'est  pas  la  difficulte  des  ques- 
tions posees,  c'est  la  nature  de  ces  questions  ou  le  but  auquel 
ellesconduisent  qui  determine  le  caractere  d'un  examen.  Tel 
maitre  d'une  ecole  primaire  pent  etre  beaucoup  plus  instruit 
qu'un  professeur  d'ecoiesecondaire,  etcependant  veslev i7isti- 
iuleiir.  Combien  d'instituteurs  primaires  sont  infiniment  su- 
perieurs  a  tels  et  tels  bacheliers!  et  pourtant  il  serait  detesta- 
ble que  les  examens  pour  le  brevet  de  capacite  fussent  des 
examens  de  baccalaureat  au  petit  pied. 

Onvoitdone  combien  il  est  important  que  les  examens  dont 
11  s'agitconservent  un  caractere  tout  special.  Or,  tropsouvent, 
il  convient  de  le  dire,apres  de  seches  questions  surla  gram- 
raaire,  sur  les  mathematiques,  sur  la  lettre  du  catechisme  et 
les  faits  de  I'histoire,  aucune  autre  question  ne  revele,  de  la 
part  des  jurys,  une  intelligence  reelle  de  la  vocation  des  can- 
didats.  Rien  sur  I'usage  des  melhodes,  sur  la  direction  dune 
ecole,  sur  la  science  pratique  de  Feducation;  rien  en  un  mot 
sur  ce  qu'il  faut  pourtant  considerer  comme  la  partie  vitale 
del'examen^ 

1.  L'insLruclion  ministerielle  du  8  niai  1855  a  inaugure  la  r6fornie  sur 
ce  point  important;  cette  instruction  doit  etre  reproduce  ici : 

«  Monsieur  le  recteur,  je  me  suis  fait  representer  les  proces-verbaux 
des  commissions  chargees  d'examiner  les  aspirants  au  brevet  de  capa- 
cite pour  I'enseignement  primaire.  J'ai  pu  constater  que  ces  commissions 
ont  generalement  fait  preuve  d'un  grand  zele,  et  qu'elles  se  sont  montrees 
animees  du  dosir  de  repondre  a  la  confiance  des  conseils  departementaux, 
de  qui  elles  tiennent  leurs  pouvoirs.  Mais  j'ai  reconnu  en  meme  temps 
que  le  reglement  du  15  fevrier  1853  n'a  pas  ete  partout  execute  d'une 
maniere  uniforme.  Ici,  la  severite  a  ete  grande ;  la,  I'indulgence  a  etc 
excessive;  dans  tel  departement,  on  n'a  pas  attache  a  quelqiies  epreuves 
I'importance  relative  qu'elles  doivent  avoir;  dans  tel  autre,  on  s'est  appe- 
santi  outre  mesure  sur  certaines  parties  de  I'examen. 

«  Get  etat  de  choses  m'a  demontre  la  necessite  d'instructions  speciales 
qui  fussent,  en  quelque  sorte,  le  guide  pratique  des  commissions.  De  la 
direction  que  ces  commissions  donnent  aux  examens  depend,  en  grande 
partie,  I'avenir  de  I'instruction  primaire.  Ce  sont  elles  qui  peuvent,  tout 
a  la  fois,  elever  cette  instruction  au  niveau  qu'ellc  doit  atteindre,  et  la 


CONCLUSIONS.  545 

Quellessont  Ics  consequences  de  ce  fait  :  1"  Lcs  candidats, 
nalurellement  conduits  a  diriger  lours  etudes  en  vue  des  ques- 

renfernier  dans  les  sages  limites  que  la  raison,  d'accord  avec  la  loi,  lui 
assigns.  Je  crois  opporlim,  en  consequence,  de  passer  en  revue  les  di- 
verses  malieres  sur  lesquelles  les  candidats  au  brevet  de  capacite  sont 
interroges,  en  indiquant  sommairement  la  pensee  qui  doit  presider  a  cha- 
que  partie  de  I'examen,  et  les  bases  d'apres  lesquelles  les  epreuves  seront 
jugcos  desormais, 

Caractbre  general  des  examens. 

«Les  commissions  ne  doivent  pas  oublier  qu'elles  interrogent  de  fu- 
furs  insliluteurs  ayant  a  prouver,  non-seulcment  qu'ils  ont  acquis  cer- 
laines  connaissances,  mais  aussi  et  surLout  qu'ils  savent  communiquer  ce 
qu'ils  ont  appris.  La  partie  des  examens  ayant  pour  objet  les  melhodes 
d'enseignement  a  ele  retranchee  du  programme,  en  ce  sens  qu'elle  ne 
constitue  plus  une  epreuve  distincte;  mais  les  questions  portant  sur  la 
maniere  d'enseigner  se  rattachent  nalurellement  aux  epreuves  relatives  a 
chaque  faculte. 

Jugement  des  epreuves, 

•  Les  commissions  adopteront  desormais  un  systeme  de  signes  expri- 
mant  la  valeur  intrinseque  de  chacune  des  epreuves. 

«  Ces  signes,  mesure  commune  d'appreciation,  seront  les  chiffres  de  0 
a  10.  Tout  candidal  qui  n'aura  pas  obtenu,  pour  les  quatre  epreuves 
ecrites,uno  moyenne  de  20  points  ne  sera  pas  admis  aux  epreuves  orales  ; 
La  nullite  d'une  epreuve  sera  un  cas  absolu  d'exclusion. 

«  Des  points  seront  egalement  donnes  pour  les  epreuves  orales,  et  le 
brevet  ne  pourra  etre  accorde  qu'a  ceux  des  candidats  qui,  pour  Tensem- 
ble  des  epreuves,  auront  obtenu  un  minimum  de  40  points,  pour  les  aspi- 
rants, et  (en  raison  des  travaux  a  I'aiguille)  de  45,  pour  les  aspirantes. 

«  II  est  a  peine  besoin  d'ajouter  qu'une  meme  severite  doit  presider  a 
I'appreciation  des  epreuves  dans  I'une  et  I'autre  session,  el  qu'il  ne  pent 
exister  aucune  raison  ,  pour  les  juges,  de  se  montrer  moins  exigeanls 
dans  la  premiere  que  dans  la  seconde. 

«  A  I'avenir,  les  rapports  transmis  a  I'administration  superieure  mcn- 
tionneront  la  moyenne  des  points  obtenus  par  chacua  des  candidats. 

Epreuves  ecrites. 

»Ecriture. —  L'examen  des  copies  d'ecriturs  denote,  chez  presque  tous 
les  candidats  qui  n'ont  point  passe  par  les  ecoles  normales,  I'ignoranco 
absoUie  des  principes.  II  n'cst  pas  etonnant,  des  lors,  que  renseignemenl 


546  QUATRIEME  PARTI E. 

tionsauxquelles  ils  sont  appelesa  repondre,  ne  se  preocciipent, 
que  d'une  fa^on  ties  secondaire,  de  ce  qui  devrait  elre  I'objet 

de  I'ecriture  laisse  tant  a  desirer  dans  les  ecoles;  les  mattres  enseignent 
au  hasard ,  et  d'apres  de  niauvaises  methodes.  U  importe  done  que  les 
commissions  jugent  I'epreuve  dont  il  s'agit  plus  severement  que  par  le 
passe. 

« Le  texte  dont  la  transcription  constitue  cette  epreuve  ne  doit  jamais 
fetre  laisse  au  choix  des  candidats.  II  sera  toujours  dicte  ou  presente  par 
le  president  ou  par  Tun  des  membres  de  la  commission.  II  faut  que  les 
futurs  inslituleurs  soient  en  etat  d'enseigner  a  leurs  eleves  une  ecriture 
courante,  facile  et  netle.  Ces  mailres  n'auront  pas  a  former  d'habiles  pro- 
fesseurs  de  calligraphie,  mais  a  mettre  les  enfants  en  etat  d'ecrire  cou- 
ramment  et  lisibiement. 

<■  Orthographe.  —  Aux  termes  du  reglement  du  15  fevrier  1853,  la  die- 
tee  prend  une  page  environ;  il  est  de  I'inleret  m^me  des  candidats,  un 
certain  nombre  de  fautes  etant  admises,  que  I'etendue  de  cette  dictee  ne 
soit  pas  diminuee  :  I'epreuve  laisse  ainsi  moins  de  prise  au  hasard,  en  ce 
qui  concerne  I'orthographe  d'usage.  Le  texte  choisi  sera  lu  prealablement 
a  haute  voix ,  puis  dicte  et  relu,  mais  la  ponctualion  ne  devra  etre  I'objet 
d'aucune  indication  speciale.  11  faut  que  les  candidats  se  rendent  compte 
par  eux  seuls  des  motifs  qui  les  determinent  a  ponctuer  de  telle  ou  telle 
maniere, 

« Un  maximum  de  quatre  fautes  est  accorde  pour  I'epreuve  de  I'ortho- 
graphe. On  evaluera  une  faute  toute  infraction  aux  regies  de  la  gram- 
maire  et  toute  violation  de  I'orthographe  d'usage.  L'oniission  des  accents 
compte  seulement  pour  1/2;  les  traits  d'union  omis  ou  places  a  tort  comp- 
teront  pour  1/4;  les  fautes  de  ponctualion,  selon  leur  importance  et  leiir 
nombre,  entreront  pour  1  ou  2  dans  le  chiffre  total. 

«  Les  fautes  qui  constituent  des  non-sens  pourront  faire  prononcer  la 
nuUite  de  I'epreuve. 

'i  Composition. —  Cette  epreuve  permet  de  juger  si  le  candidat  a  de 
I'ordre  dans  les  idees,  et  s'il  sait  exprimer  clairement  sa  pensee.  On  ne 
doit  rien  y  chercher  au  dela.  II  ne  faut  point  demander  aux  candidats  des 
qualites  de  style  denotant  deja  des  habitudes  litteraires;  ils  ont  seule- 
ment a  faire  preuve  de  bon  sens  et  de  raison.  II  convient  done  d'eviter, 
avec  le  meme  soin,  et  les  sujets  qui  ne  provoquent  que  des  lieux  com- 
muns,  et  ceux  qui  tendent  a  entrainer  les  candidats  au  dela  des  etudes 
auxquelles  ils  doivent  se  borner.  Les  questions  speciales,  circonscrites, 
bien  dcterminees,  guident  I'esprit  et  I'empechent  de  se  perdre  dans  le 


vague. 


1  Cette  remarque  s'applique  specialement  aux  questions  relatives  aux 


CONCLUSIONS.  347 

principal  de  leur attention.  La  plupart  du  temps, ce  ne  sont  pas 
des  instituteurs  qui  se  pr^parent  a  dinger  une  ecole,  ce  sont 

principes  d'education  et  a  la  tenue  des  ecoles.  Mais  il  est  a  propos,  en  ce 
qui  concerne  les  sujets  tires  de  I'histoire  sainte,  d'eviter  ceux  qui  em- 
brassent  un  trop  grand  nombre  de  faits;  car,  de  tels  sujets  etant  donnes, 
le  travail  du  candidat  n'est  plus  qu'un  effort  de  me'moire. 

«  Les  commissions  ont  paru  peut-6tre,  jusqu'a  ce  jour,  trop  exclusi- 
vement  disposees  a  preferer  les  sujets  empruntes  a  I'Ai  cien  Testament. 
II  serait  a  craindre  qu'un  choix  systemalique  n'eut  pour  efi'et  de  pous- 
ser  les  candidats  a  negliger  le  texte  des  Evangiles  et  des  Actes  des 
apotres. 

"  Arithmetique.  —  Les  problemes  poses  ne  doivent  pas  ^treresolus  uni- 
quement  par  les  chiffres.  II  faut  qu'a  Tappui  de  ces  chiffres  les  candidats 
soient  tenus  de  presenter  le  raisonnement  qui  les  a  conduits  a  la  solution. 

« Trop  souvent  I'on  propose  des  problemes  oiseux  qui  n'ont  aucune 
analogic  avec  les  besoins  de  la  ■vie  reelle.  11  importe  qu'il  en  soil  aulre- 
ment,  et  que  les  candidats  soient  appeles  a  trailer  des  questions  dont  la 
solution  ne  laisse  dans  lear  esprit  que  des  idees  justes.  Quand,  pour  se 
preparer  a  subir  I'examen,  les  candidats  auront  ete  obliges  de  s'orcuper 
des  applications  usuelies  ,  ils  seront  moins  portes  a  les  negliger  dans 
leur  enseignement.  Les  commissions  contribueront  ainsi  a  diriger  I'in- 
struction  primaire  dans  cette  voie  d'utiiite  pratique  oil  elle  deviendra  de 
plus  en  plus  profitable  aux  populations, 

Epreuves  orales. 

'  Lecture.  —  On  doit  s'assurer  que  tons  les  candidats  au  brevet  de  ca- 
pacile  non-sculement  lisent  et  prononcent  correctement,  mais  encore 
qu'ils  comprennent  ce  qu'ils  lisent.  II  convient  aussi  de  rattacher  a  cette 
6preuve  diverses  questions  sur  les  meilleurs  precedes  a  suivre  pour  I'en- 
seignement  de  la  lecture. 

<■  Catechisme  et  histoire  sainte.  —  L'enseignement  religieux  dans  I'ecole 
appartient  exclusivement  aux  ministres  des  cultes;  il  serait  temeraire  a 
I'instituteur  d'inlervenir  dans  un  tel  enseignement,  autrement  que  pour 
verifier  si  la  lettre  du  cat6cbisme  est  exaclement  apprise.  C'est,  toute- 
fois,  le  devoir  des  commissions  de  s'assurer  que  les  aspirants  au  brevet 
connaissent  leur  religion,  et  qu'ils  possedent  non  pas  seulemcnt  la  lettre 
mais  I'esprit  du  catechisme.  C'est  dans  ce  but  surtout  que  la  loi  exige 
qu'il  y  ait,  dans  chaque  commission  d'examen,  un  ministre  du  culte  pro- 
fesse  par  le  candidat.  Mais,  s'il  importe  que  cette  epreuve  ne  soit  pas  ra- 
baissee  a  un  simple  exercice  de  memoire,  il  importe  aussi  qu'elle  ne  s'e- 
carle  pas  du  but  auqnel  elle  doit  tendre.  Les  questions  adressi^es  aux 


548  QUATKIEMI::  rAIlTIE." 

desetiidianls  qui  se  disposenta  conquerir  undiplomc;  2"  les 
candidals  brevetes,  une  fois  a  la  lete  d'uoe  ecole,  ne  sont,  trop 

candidats  seront  done  presentees  avec  simplicite  et  ne  devront  porter 
que  sur  des  points  de  doctrine  a  la  portee  de  ceux  qui  devront  les  re- 
soudre. 

•  A  I'egard  de  I'histoire  sainte,  il  est  bon  de  rappeler  que  I'histoire  de 
la  religion  ne  s'arrete  pas  a  la  mort  du  Sauveur.  Tout  instituteur  doit 
posseder  des  notions  sufQsantes  sur  retablissemenl  du  cLristianisme  et 
sur  ses  progres. 

'Analyse  grammaticale.  —  Cette  epreuve  n'a  pas  exclusivement  pour 
but  de  s'assurer  si  les  candidats  connaissent  les  regies  de  la  granimaire. 
Les  eleves  des  ecoles  primaires  onl  besoin  d'apprendre  leur  langue,  mais 
non  les  sublilites  qui  ont  rendu,  en  la  compliquant,  Tetudo  de  la  grani- 
maire si  peu  attrayante,  et  par  consequent,  si  difficile.  Les  futurs  insti- 
luteurs  de  la  jeunesse  doivent  prouver,  avant  tout,  qu'ils  se  rendenl 
conipte  de  I'emploi  des  mots,  de  leur  signification,  de  leurs  acceplions 
differentes,  et  que,  s'ils  savent  enseigner  la  grammaire  d'une  maniere 
intelligente,  ils  savent,  par  consequent,  enfenner  cette  etude  dans  de 
justes  limites. 

'Calcul  et  systeme  legal  des  poids  et  mesures.  —  Les  indications  don- 
nees  a  I'occasion  de  l'6preuve  ecrite  s'appliquent  aussi  a  I'epreuve  orale 
de  calcul. 

«Ii  faut  comprendre  dans  cette  partie  de  I'examen  I'application  des 
(lualre  regies  aux  nombres  entiers  et  aux  fractions  decimales  ainsi  qu'aux 
fractions  ordinaires.  La  connaissance  de  ces  dernieres  est  indispensable, 
depuis  que  remploi  de  la  methode  de  reduction  a  I'unite  permet  de  re- 
soudre  toutes  les  questions  qui  exigeaient  autrefois  I'etude  des  regies  de 
trois,  de  societe,  d'escompte,  d'alliage,  etc. 

Examen  special  des  institutriccs. 

«  Travaux  a  Vaiguille.  —  Cette  partie  de  Texumen  a  pour  objet  de 
monlrer  non  pas  seulement  que  I'aspirante  sait  coudre  et  raccommoder, 
mais  qu'elle  est  en  etat  d'enseigner  tous  les  genres  de  travaux  familiers 
aux  femmes.  Toute  aspirante  qui  ne  possede  pas  une  habilete  suffisante 
dans  les  ouvrages  a  I'aiguille  doit  etre  ajournee  a  une  autre  session. 

«  Non-publicile  de  I'examen.  —  Des  doules  se  sont  eleves  sur  la  maniere 
d'entendre  la  prescription  d'apres  laquelle  I'examen  desinstitulrices  7i'u 
pas  lieu  publiquement. 

a  La  Loi,  en  excluant  un  public  nombreux,  n'a  pas  voulu  prescrire  un 
huis  clos,  qui  ne  serait  pas  sans  inconvenients.  II  convient  de  proceder 


CONCLUSIONS.  549 

soiiVGnt,  que  dcs  raaitres  sans  valcnr  technique,  aptes,  il  est 
vrai,aenseigner  I'art  de«lire,  ecrire  et  chiffrei'))  ,impuissants 

aux  6preuves  orales  des  aspirantes  en  les  appelant  par  series  de  qualre 
a  six  :  les  meres,  parentes,  tutrices,  sont  autorisees  a  assistcr  a  I'examen. 

Examen  sur  les  matures  facultatives. 

«  Si  un  candidat  deja  pourva  du  brevet  vient  subir  Texamcn  sur  les 
matieres  facultatives,  convient-il  de  s'assiirer  par  un  exarnen  supple- 
mentaire  que  ce  candidat  possede,  au  point  de  vue  des  matieres  obli- 
gatoires,  une  instruction  en  rapport  avec  le  caractere  nouveau  de  son 
brevet? 

•  La  circulairedu 26 Janvier  li5i  a  resolu  cette  question  pour  I'examen 
des  futures  institutrices  :  il  convient  de  decider,  d'une  maniere  generate, 
que,  pour  le  cas  dont  il  s'agit,  les  commissions  ne  doivent  pas  se  con- 
tentcr  de  instruction  dont  les  candidats  ont  fait  preuve  dans  I'examen 
elementaire.  EUes  ont  le  droit  de  revenir,  dans  une  juste  mesure,  sur  les 
matieres  enumerees  dans  la  premiere  moitie  de  I'arlicie  23  de  la  loi 
de  1850. 

•  Rien  ne  s'opose  a  ce  que,  dans  Texamen  compiementaire,  les  com- 
missions imposent  aux  candidats  une  ou  deux  coniposilions  ocrites. 

"  Dans  les  elements  d'histoire  et  de  geographic,  peut-on  comprendre 
les  elements  de  Thistoire  et  de  la  geographie  generates?  Oui,  sans  doute. 
La  circulaire  precilee  comprend  en  effet,  parmi  les  matieres  facultatives, 
I'histoire  qI  particuliercment  riiistoire  de  France.  —  Quelques  notions  de 
cosmographio  elementaire  se  raltachent  aussi  par  des  liens  naturels  a 
I'etudedela  geographie.  On  ne  saurail  donner  aux  eleves  des  idees  exac- 
tes  de  I'inegale  duree  des  jours,  de  la  difference  des  climals,  de  Pin- 
fluence  que  cette  in^galite  exerce  sur  les  productions,  sans  leur  faire 
connaitre  la  forme  de  la  terre  et  son  mouvement  autour  du  soleil.  11  est 
done  convenable  que  les  commissions  s'assurent  que  les  candidats  sont 
en  etat  de  donner  aux  enfants  ces  notions  simples  et  generales;  mais 
j'attends  de  leor  bon  esprit  qu'elles  renferment  cette  epreuve  dans  les 
limites  que  je  viens  d'indiquer. 

«  Vous  voudrez  bien,  monsieur  le  recteur,  communiquer  les  presenLes 
instructions  a  MM.  les  inspecteurs  d'academie  et  a  MM.  les  presidents 
des  commissions  de  votre  rossort.  Je  ne  doute  pas  que  ces  commissions 
ne  s'empre.-sent  dc  s'y  conformer  dcsormais,  et  qu'elles  ne  contribuent 
ainsi  a  diriger  Tenseignement  dans  ces  voies  de  sages  progr^s  on  se  ren- 
contrent  tons  ceux  qui  veulent  pour  la  jeunesse  des  ecoles  primaiies  une 
instruction  appropriee  a  ses  besi  ins  et  non  des  satisfactions  d'amour-pi  o- 
pre  trop  fertiles  en  deceptions.* 


350  QDATRIEME  PARTIE. 

a  diriger  les  esprits,  a  faire  de  I'instruction  un  instrument 
d'education ;  5"  en  ne  maintenant  pas,  devant  les  regards  de 
Finslituteur  futur,  le  but  particulier  qu'il  doit  atteindre,  on 
risque  de  faire  naitre  dans  son  esprit  cette  pensee  dangereuse 
que  ses  eonnaissances  acquises,  et,  comme  on  diten  Allema- 
gne,  son  instruction  materielle,  peuvent  lui  ouvrir  des  carrieres 
auxquelles  une  education  premiere  ne  Fa  point  prepare.  De 
la  des  idees  de  vanite  impuissante,  un  raecontentement  sans 
but,  une  impatience  secrete  et  le  degout  de  sa  profession. 

Qu'on  veuille  bien  le  remarquer,  d'ailieurs,  entre  la  tache 
confiee  a  un  professeur  de  college  et  la  tache  du  directeur 
d'une  eeole  primaire,  il  y  a,  dans  I'application,  une  difference 
essentielle :  pour  le  premier,  cet  ensemble  de  difficult^s  prati- 
ques, dutriomphedesquelles depend  toutlesuccesd'uneclasse, 
existe  a  un  bien  moindre  degre  que  pour  le  second,  h^ profes- 
seur n'a  qu'un  eleve  en  vingt  ou  quarante  auditeurs,  puisque 
tons  suivent  le  meme  cours,  et  sont  supposes  de  force  egale. 
Vinstituieur,  au  contraire,  doitconduire  cinq  ou  six  divisions 
composees  d'eleves  d'une  instruction  tres  diverse.  II  lui  faut 
outre  le  savoir',  avec  I'art  de  maintenir  la  discipline,  celui 
de  faire  marcher  de  front  cinq  ou  six  classes  differentes. 
Comment  done  ne  pas  exiger  d'un  aspirant  a  la  direction  d'une 
ecole  primaire  la  preuve  qu'il  est  au  courant  des  procedes 
multiples  et  des  diverses  methodes  usites  dans  la  conduite  de 
I'ecole?  Or,  pour  donner  aux  exaraensce  caractere  essentiel- 
lement  pratique,  il  ne  suffit  pas  que  le  programme  contienne 
certaines  questions  techniques,  il  faut  surtout  que  les  juges 
possedent  les  eonnaissances  necessaires,  et  que  les  habitudes 
de  leur  esprit  ne  les  detournent  pas  du  point  de  vue  special 
auquel  doit  les  ramener  rinteiligence  reelle  des  vocations 
dont  ils  ont  mission  de  constater  la  valeur. 


CONCLUSIONS.  .        SS'I 

Section  III.  —  ficoles  primaires  de  filles. 

YIIX.  — Miillipller  partout  oil  faire  se  pourra  les  ecoles  spe- 
ciales  de  filles. 

On  I'a  dit  avec  raison  :  Instriiire  les  lilies,  e'estereer  line 
ecoleau  sein  de  cliaque  lamille;  car  la  mere,  par  la  nature 
meme  des  choses,  devient  le  moniteur  de  ses  enfanls. 

A  vrai  dire,  on  eiit  compris  que  la  loi  rendant  obligatoire, 
dans  chaqiie  commune,  I'etablissemeDt  d'une  ecole,  cetle 
ecole,  avant  lout,  eut  dii  etre  I'ecole  des  filles. 

L' ecole,  quand  il  s'agit  de  la  jeune  fiUe,  doit  etre  tout  spe- 
cialement  dominee  par  les  inspirations  de  la  vie  domestique  ; 
et  il  importe  que,  pour  I'enseignement,  tout  y  soil  ramene  a 
la  pratique. 

Lecaraclere  dereducation,chez  la  jeune  fille, est  determine 
par  la  mission  de  la  femme. 

L'instruction  declasse  la  jeune  fille  quand  elle  lui  inspire  du 
(legout  pour  la  condition  a  laquelle  appartiendra  I'epoux 
qu'elle  pent  et  doit  avoir. 

Le  declassement  pour  le  jeune  hommeest  dangereux;  mais 
il  n'est  pasnecessaiiement  funeste,  car  il  est  possible au  jeune 
homme,  par  le  developpement  de  ses  facultes  propres,  de  re- 
tablir  I'equilibre  entre  ses  pretentions  et  les  fails. 

Mais  le  declassement  pour  la  jeune  fille  est  un  mal  qui  ne  se 
repaie  pas ;  car  la  condition  sociale  qu'il  lui  fait  de.4rer,  la 
jeune  fille  ne  saurait  la  conqiierir  par  elle-meme.  Elle  ne  s'en 
empare  pour  un  moment  qu'en  abdiquantsa  destinee  ;  et  le 
reve  de  son  ambition  n'est  sou  vent  que  I'ecueil  de  son 
lionneur. 

De  ces  principes  suivent  ces  consequences  : 

Dansles  ecoles  de  filles,  ce  qu'il  importe, ce  n'est  pas  seule- 
mcntque  l'instruction  soit  donnee;  c'est  surtout  qu'elle  soil 
dispensee  dans  une  sage  et  prudenle  mesure; 


352  QUATRIEME  PARTIE. 

L'instruction  qu'il  faut  donner  aiix  jeunes  fiiles  est  celle  qui 
est  en  harmonie  avec  la  profession  de  I'epoux  que  leur  destine 
la  bierarchie  sociale. 

Ces  mots  renferment,  selon  nous,  tout  le  programme  de 
I'education  des  fiiles.  Pour  appliquer  ce  programme,  il  font, 
on  le  comprend,  des  ecoles  sjyeciales,  ecoles  ou,  avec  les  con- 
naissances  indispensables,  on  enseigne  les  ouvrages  de  cou- 
ture; oil  Ton  forme  la  future  mere  de  famille  en  raeme 
temps  qu'on  instruit  la  jeune  fille;  ou  Ton  eveille,  dans  les 
instincts  precoces  de  la  secondc,  le  sens  pratique  de  la  pre- 
miere. Dans  les  communes  rurales,  Tinstruction  Iheorique 
ne  doit  etre  que  le  complement  de  i'education  pratique  ;  dans 
un  grand  nombre  d'enlro  elies,  I'ecole  doit,  autant  que  pos- 
sible, cmprunter  les  caracteres  de  I'asile-ouvroir  *. 

IX.  —  Encourager  le  devoument  des  institutrices  en  ren- 
dant  applicables  aux  ecoles  de  fiiles  les  dispositions  de  la  loi 
de  1830  relatives  au  recouvrement  de  la  retribution  scolaire. 

1.  *  Dans  les  lioux  ou  la  creation  d'une  ecole  de  fillos  renconlreraitdes 
obstacles  insurmontables,  il  est  unc  institution  Ires  propre  a  remedier  en 
partie,  sinon  en  tolalite,  aux  inconv6nients  resultant  de  la  privation  d'un 
enseignenicnt  special :  je  veux  parler  des  asiles-ouvroirs.  Ces  etablisso- 
ments  sonl  destines  a  donner  aux  jeunes  fiiles  les  connaissances  et  I'lia- 
bitude  des  travaux  a  I'aiguiUe,  a  mettre,  par  consequent,  entre  leurs 
mains  les  inslrumenls  les  plus  habiluels  de  leurs  futurs  travaux.  Rien  de 
plus  simple  ni  de  moins  couteux.  Les  asiles-ouvroirs  se  tiennent  soit  dans 
les  salles  d'ecole,  apres  les  heures  de  classe,  soit  dans  un  local  contigu. 
La  femme  de  Tinstituteur,  on,  a  son  defaut,  une  couturiere  agreee  par 
I'autorite,  est  chargee  de  la  direction  de  cetouvroir  moyennant  la  faible 
retribution  annuelle  de  40  a  50  francs,  a  laquelle  on  ajuute  une  somme 
tres  niinime  pour  Tachat  des  matieres  premieres.  On  a  soin  de  varier  les 
travaux  des  jeunes;  fillos,  qui  sont  principalemcnt  occupees  au  raccom- 
modage  de  leurs  vclemcnts  ou  de  ceux  de  leurs  parents,  pendant  qu'una 
des  monitrices  fail  a  haute  voix  une  lecture  instructive.  Dans  les  ecoles 
mixtes,  tenues  par  des  instituteurs,  un  ouvroir  de  ce  genre  est,  vous  le 
voycz ,  le  com])lement  presque  indispensable  de  IV'ducalion  des  fiiles. » 
(Circulaire  du  31  octobre  1854). 


COiNCLUSlO.XS.  .        555 

Sill'  ie  nombre  total  des  institutrices  communales,  plus  de 
4000  ne  joiiissent  que  d'un  revenii  inferieur  a  400  fr.;  pres 
de  2000  ne  peuvent  elever  leurs  ressources  au  dela  de  100  a 
200  fr. !  Par  exemple,  36  dans  la  Sarthe  ,  46  dans  les  Basses- 
Pyrenees,  59  dans  la  Haute-Saone,  116  dans  le  Puy-de-Dome, 
104  dans  la  Moselle,  179  dans  la  Lozere,  105  dans  la  Haute- 
Loire,  160  dans  la  Manche,55  dansle  Maine-et-Lolre,69dans 
risere,  66  dans  la  Meurthe,  75  dans  la  Loire,  40  dans  lUe-et- 
Vilaine,  etc.,  appartiennent  a  eette  derniere  categorie.  Ces 
femmes  devoueessupportent  avec  un  courage,  je  dirai  presque 
avec  un  heroisrae  soutenus  par  le  sentiment  religieux,  les 
privations  que  leur  impose  un  pareil  denument. 

Mais  si  la  loi  n'a  pu  fixer,  pour  les  maitresses,  \eminimum 
de  traitement  qu'elle  assure  aux  instituteurs,  du  moins  con- 
vient-il  de  faire  les  derniers  efforts  pour  qu'aucune  parcelle 
d'un  si  raaigre  revenu  ne  soit  enlevee  des  mains  des  institu- 
trices du  peuple. 

Or,  qu'arrive-t-il?  Dans  un  grand  nombre  de  communes, 
le  conseil  municipal  entend  garantir  a  I'ecole  de  fiUes  un 
revenu  fixe,  si  mince  qu'il  soit,  revenu  dans  lequel  il  com- 
prend  la  retribution  scolaire.  En  un  tel  cas ,  cette  retri- 
bution devient  une  veritable  recette  communale.  Eh  bien  I 
les  percepteurs  se  refusent  a  la  recouvrer,  et  les  institutrices, 
contraintes  de  la  percevoir  elles-memes,  sont  reduites  a  tendre 
la  main.  Encore  est-ce  trop  souvent  sans  resultatque,  dans 
leur  delaissement,  elles  comproraettent  ainsi  la  dignite  de 
leurs  fonctions.  La  plupart  du  temps,  il  leur  faut  laisser  une 
fraction  de  leur  traitement  dans  la  poche  de  debiteurs  in- 
traitables. 

II  serait  d'un  baut  interef  de  faire  entrer  I'ecolage  des 
lilies  dans  le  budget  ordinaire  de  la  commune.  II  ne  s'agit 
pas  ici  d'un  impot  nouveau  ^  il  s'agit  tout  simplement  du 
mode  de  perception  d'une  charge  prevue  par  la  loi.  Singu- 

23 


554  QUATRIEME  PlllTlE. 

liere  anomalie !  lant  qu'nrie  conDmune  n'a  qu'une  seule  ecole, 
la  retribution  scolaire  dcs  filles  ainsi  que  celle  des  gardens 
eslporlee  au  budget  et  perdue  commelesautres contributions 
par  le  receveur  municipal.  On  cree  une  ecole  de  filles  :  aus- 
silol  la  retribution  payee  par  ces  dernieres  semble  devenue 
une  laxe  illegale;  elle  est  abandonnee  a  I'arbitraire  des  fa- 
milies, qui  souvent  se  montrent  d'autant  plus  negligentes  que 
i'inslitutrice  est  plus  timide  el  plus  genereuse. 

Pour  remedier  a  ce  mal,  qu'y  a-t-il  a  I'aire?  Auloriser,  jene 
dis  pas  obliger,  les  conseils  municipaux  a  porter  la  retribution 
scolaire  des  filles  a  leur  budget;  la  fuire  recouvrer  deslors  par 
les  percepteurs,  sur  des  elats  de  presence  rendus  executoires 
dans  ia  forme  ordinaire  '. 

X.  —  Lorsque  la  cieation  d'ecoles  speciales  pour  les  filles 
rencontre,  dans  les  communes  d'une  tres  faible  population, 
des  obstacles  insurmonlables,  mettre  a  profit  les  avanlages 
qu'assurent  a  la  France  le  zele  des  mailresses  formees  dans 
les  ecoles  normales,  et  le  devoiiment  des  congregations  reli- 
gieuses,  pour  subslituer,  avec  ious  les  menagements  dela  pru- 
dence, conformement  a  I'art.  9  du  decret  du  51  decembre, 
une  institutrice  a  riustituteur  dans  la  direction  des  ecoles 
mixtes. 

Sur  tous  les  points  du  territoire,  un  sentiment  tres  louable 

1.  Plusieurs  conseils  generaux  ont  emis  ce  vceu  dans  leur  session  de 
1854,  entre  autres  ceux  de  Seine-et-Oise  et  de  la  Haute-Marne. 

La  deliberation  du  l'^"'  est  ainsi  motivee  : 

«  Le  Conseil  general,  etc., 

«  Consideranl  que  le  Irailement  modique  des  institutrices  communales 
est  souvent  diminue  par  les  retards  ou  mSme  par  les  pertes  qu'elles  su- 
bissenl  dans  la  perception  de  la  retribution  scolaire,  etqueies  institu- 
trices gagneraient  en  revenus  et  en  consideration  si  elles  n'elaient  plus 
dans  la  necessite  d'operer  elles-menies  le  recouvrement  de  cette  retri- 
bution; 

•  Considerant  qu'il  est  important  de  favoriser,  autanl  que  possible, 
I'extension  des  ecoles  speciales  de  filles... » 


CONCLDSIOINS.  555 

dans  son  principe  detourne  les  parents  de  confier  a  un 
instituteur  Teducation  de  leurs  filles.  Dans  un  grand  nom- 
bre  de  communes,  les  chefs  de  famille,  pliitot  que  de  bra- 
ver une  repugnance  qu'on  ne  saurait  blamer,  preferent  lais- 
serles  jeunes  fiiles  sans  aucune  instruction.  La  est  un  des 
principaux  obstacles  a  la  difTusion  de  I'enseignement  pri- 
maire. 

Le  decret  du  31  decembre  permet  de  lever  cet  obstacle.  Et 
les  avantagesde  la  substitution  dont  on  parte  ont  ete  consa- 
cresdans  plusieurs  departements  par  une  experience  decisive. 
Prenons  pour  exemple  le  departement  dcs  C6tes-du-Nord  : 
Au  1®'"  septembre  1850,  ce  departement  coraptait  56  ecoles 
mixtes,  quant  au  sexe  .  49  seulement  etaient  coniiees  a  des 
instituteurs,  35  a  des  institutrices.  Ainsi  le  sentiment  moral 
des  populations  avait  prevalu  contre  le  texte  dela  loi  de  1<S33. 
Dans  le  petit  nombre  d'ecoles  mixtes  dirigees  par  des  hora- 
mes,  la  place  reservee  aux  filles  etait  presque  deserle, 

Des  son  entree  en  fonction,  I'ancien  conseil  acaderaique  de- 
cida  que  nul  instituteur,  dans  le  departement,  ne  pourrait  de- 
sorraais  tenir  la  classe  des  filles.  Cette  decision  radicale  n'eut 
pas  les  effets  qu'on  aurait  pu  ciaindre.  Piusieurs  communes 
prirent  le  parti  de  creer  des  ecoles  speciales  que,  souslraites  a 
une  telle  pression,  elles  n'cussent  jamais  etablies.  Presque 
partout,  quelque  devouement  charitable  pourvut  aux  besoins 
qui  se  produisaient.  Les  ecoles  mixtes  dirigees  dans  les  Cotes- 
du-Nord  par  des  institutrices  sont  aujourd'hui  au  nombre 
de55. 

Si  Ton  considere  maintenant  I'ensemble  des  Academies, 
voici,  en  ce  qui  concerne  le  genre  d'ecoles  dont  il  s'agit,  le  r^- 
sultat  general  qu'il  est  permis  de  constater  : 

Dans  ces  ecoles,  Tinstruction  des  gar^ons  est  ordinairement 
faible  ,  si  ce  n'est  en  ce  qui  a  rapport  au  catechisme.  Les  no- 
tions  elementaires  de   I'arithmetique  y  sont  generalement 


556  giATRlEME  TARTIE. 

ignorees.  Non -seulement  les  gardens  y  savent  moins  et 
raoins  bien  que  les  eleves  des  institiiteiirs,  raais  ils  savent 
moins  et  moins  bien  que  les  jeunes  filles  leurs  compagnes  de 
classe  :  I'organisation  intellectuelle  del'institutricesemble  se 
trouver  en  rapport  plus  intime  avee  celle  des  enfants  de  leur 
sexe  qu'avec  celle  des  gardens. 

On  pourrait  redouter  que  des  mains  feminines  ne  fussent 
pas  assez  fermes  pour  teniren  bride  I'eraporteraent  de  jeunes 
gar^ons.  En  general  cependant  les  eeoles  raixtes  dirigees 
par  des  femmes  ne  sont  pas  phis  indisciplinees  que  les  autres 
eeoles,  ou  plutot  il  semble  s'y  operer  une  sorte  de  compen- 
sation. Les  petits  gar^ons  y  havardent  peut-etre  davantage, 
mais  ils  y  deviennent  moins  sauvages  et  moins  rudes.  lis  y 
prennent  quelque  chose  de  la  douceur  et  de  la  retenue  de  la 
jeunefille;  de  plus,  dans  ces  eeoles,  le  jeune  garden  est  ha- 
bituellemeut  moins  sale  dans  son  habillement  que  chez  I'in- 
stituteur;  or,  la  proprete  est  quasi  une  vertu, 

Ainsi,  les  resultats  obtenus  par  des  inslitutrices  dans  la 
direction  des  eeoles  mixtes,  meme  au  point  de  vue  pu- 
rement  scolaire,  sont  suffisants  pour  les  petites  communes 
rurales.  Sous  d'autres  rapports,  lorsque  les  institu trices  ap- 
partiennent  a  des  congregations,  ces  resultats  ,  il  faut  le  re- 
connaitre,  sontd'une  incontestable  valeur. 

La  plupart  des  eeoles  raixtes  confiees  aux  congregations 
sont  dirigees  en  effet  non  par  une  mais  par  deux  institu- 
trices.  Que  resulte-t-il  de  ce  fait?  Non-seulement  ces  reli- 
gieuses,  graceal'habit  qui,  en  depit  de  la  jeunesse  meme,  les 
revet d'uncaractere  materneletd'un  ascendant religieux,exer- 
cent  sur  la  generation  confiee  a  leurs  soins  une  influence  deci- 
sive; mais  elles  sont  en  mesure  de  combler  la  regrettable  lacuna 
que  presente,  dans  les  communes  rurales,  I'organisation  de 
la  bienfaisance  publique  :  les  soeurs  tiennent  une  petite  phar- 
macie;  elles  visitent,  elles  consolent  le  paysan  malade  ou  in- 


CONCLUSIONS.  557 

firrae;  elles  stimulent  et  fecondent  la  charity  privee.  Elles 
font  le  plus  heureux  eroploi  des  qiielqiies  ressouices  que 
la  commune  peut  raeltre  a  leur  disposition.  En  un  mot,  la 
maison  d'ecole  est  en  meme  temps  le  bureau  de  bienfaisance 
rural. 

Plus  d'une  commune,  desirant  assurer  a  ses  malades  des 
soins  intelligents  et  devoues,  s'est  impose,  dans  ce  but,  des 
sacrifices  qu'elle  n'aurait  jamais  fails  au  seul  desir  de  fonder 
une  ecole;  plus  d'un  particulier  qui  n'aurait  rien  donne  pour 
I'ecole  seule,  concourt  par  une  donation,  par  un  legs,  par 
une  souscription,  a  I'entretien  d'un  etablissement  qui  est  tout 
ensemble  une  maison  d'instruction  et  une  maison  de  charite. 

Pour  un  nombre  considerable  de  communes,  11  y  a  impos- 
sibilite  de  faire  face  aux  depenses,  quelque  minimes  qu'elles 
soient,  de  I'entretien  de  deux  soeurs.  Ledecretdu  31  decembre 
a  facilite  la  solution  du  probleme,  en  accordant  un  traite- 
ment  de  400  fr.  aux  insti tutrices  qui  seraient  preposees  a  la 
direction  des  ecoles  mixtes.  Pourquoi  ne  ferait-on  point  un 
pas  de  plus?  Pourquoi  le  minimum  de  600  fr.  garanti  a  zmin- 
stituteur  ne  pourrait-il  etre  altribue  a  deux  ou  trois  religieuses 
qui  tiendraient  I'ecole  des  gardens  et  des  fllles,  et  visiteraient 
les  malades?  Pourquoi  la  loi  n'accorderait-elle  a  un  devoue- 
ment  et  a  des  services  doubles  que  les  deux  tiers  de  la  somme 
allouee  a  I'instituteur  qui  tient  purement  etsimplement  une 
classe  de  gar^ons? 

Section  IV. — Fr^quentation  des  Ecoles. 

XI.  —  Mettre  partout  des  moyens  d'enseignement  a  la  por- 
tee  des  populations,  particulierement  dans  les  pays  mon- 
lagneux;  et,  a  cette  fin,  multiplier  les  classes  debameaux, 
petites  ecoles  que  Ton  doit  considerer  corame  de  simples  an- 
nexes des  ecoles  communales,  dont  elles  ne  sont,  en  realite, 


558  QUATRIEME  PARTIK. 

que  des  demembrements,  et  donton  peut,  conseqiiemment, 
confier  la  direction  a  des  instiluteiirs  adjoints. 

La  plupart  des  communes  sont  radicalement  impuissantes 
a  entretenir  plusieurs  ecoles  publiques.  Si  la  commune  se 
compose  ^  d'un  certain  nombre  de  sections  ires  eloignees  du 
cheWien  comment  pourvoir  ii  I'instiMiction  des  enfants  qui 
habitent  ces  sections?  Non-seuleraent  la  commune  ne  peut 
assumer  la  charge  du  traitement  de  deux  ou  trois  instituteurs 
tilulaires,  mais  elle  ne  saurait  meme  parfaire  le  traitement 
minimum  (400  fr.)  d'un  nombre  6gal  d'iiistilufeurs  svppleanis. 
Reste  ce  moyen  :  preposer  aux  petites  ecoles  de  hameaux  ou 
de  sections  (lesquelles  ne  sont  guere  ouvertes  que  trois  ou 
quatre  mois  d'hiver)  des  maitres  qui,  places  sous  la  direction 
comme  sous  la  responsabilite  de  I'instituteur  communal, 
soient  vis-a-vis  de  ce  dernier  de  verilables  adjoints,  et  des 
lors  ne  se  trouvent  soumis  ni  aux  conditions  d'age,  ni  aux 
conditions  de  brevet,  ni  aux  conditions  de  traitement  impo- 
sees  par  I'art.  25  de  la  loi. 

Les  enfants  de  la  section  apparliennent  de  droit  a  I'ecole 
chef-lieu:  rien  n'empeclie  d'admeltre  qu'aux  epoques  ou  il 
leurdevienl  impossible  de  frequenter  cetteecole,  I'instituteur 
communal  pourvoie  a  leur  instruction  avec  I'aide  de  sesauxi- 
liaires,  ces  auxiliaires  ou  mailrcs-adjoints  etant  detaches  par 
le  tilulaire,  et  allant  en  son  nom  trouver  les  enfants  quand 
les  enfants  ne  peuvent  venir  le  trouver. 

Des  lors,  plus  de  dilficult^s  administratives  d'aucune  na- 
ture :  point  de  traitement  minimum  :  une  faible  somme  et 
quelques  secours  en  nature  sufflsent  pour  remunerer  le  jeune 
mailre  qui  trouve  dans  celte  bumble  ressource  le  moyen  de 

1.  Comme  dans  le  Jura,  les  Vosges,  les  Hautes-Alpes,  les  Basses-Alpes, 
et  g6n6ralement  dans  les  departements  montagneux. 


CONCLUSTONS.  550 

subvenir  a  son  existence,  pendant  que,  par  cette  sorte  de 
stage,  il  se  prepare  aux  examens  da  brevet,  ou  simplement 
aux  eprenves  d'admission  a  I'ecole  normale. 

Et  ainsi  les  administrations  locales  satisfont  a  des  besoins 
imperieux,  sans  qu'aucune  atteinte  soil  portee  au  texte  ni  a 
I'esprit  de  la  loi  *. 

II  est  ires  facile  assur^-raent  de  constitner,  en  de  telles  con- 
ditions, de  petiles  ecoles  dans  tons  les  hameaiix  tant  soit  pen 
considerables;  c'est  la  nn  des  moyens  les  plus  efficaces  de 
faire  penetrer  Tinstruction  jusque  dans  les  dernieres  coucbes 
des  populations  rurales,  et  de  detruire  les  pretexfes  dont  s'au- 
torisent,  pour  soustraire  les  enfants  a  I'ecole,  I'indifference 
ou  le  maiivais  vouloir. 

XII.  —  Dps  moyens  d'instruction  une  fois  organises  dans 
toute  I'etendne  du  territoire,  ne  plus  souffrir  que  I'arbitraire 
soit  la  seule  regie  qui  preside  a  I'envoi  des  enfanls  a  I'ecole. 

Liberte  pour  le  cbef  de  faraille  de  donner  I'instruclion  a  son 
tils  oij  il  veut,  comme  il  veut:qu'il  choisisse  Tecole  privee  ou 
I'ecole  publiqiie;  qu'il  prefere  I'education  du  foyer  domesti- 
que;  catholique,  qu'i|  en  fasse  un  calbolique;  protestant,  un 
protestant;  juif,  un  juif.  Mais  que  le  pere  ou  le  patron  puis- 
sent,  a  leur  gre,  livrer  la  faiblesse  d'un  enfant  aux  seductions 
du  vice  dans  I'alelier,  aux  perils  du  vagabondage  et  de  la  men- 
dicite  sur  la  place  publique;  qu'ils  puissent,  sans  contiole, 
iramoler  la  vie  morale  et  intellectuelle  de  cet  enfant,  vie  dont 
ils  sont  coniptables  a  la  societe  aussi  bien  que  de  la  vie  physi- 
que :  voilacequi,  chez  un  peuple  civilise,  n'est  admissible  ni 
devant  le  droit  bumain  ni  devant  le  droit  cbretien. 

1.  U  est  proc^d^  ainsi,  avec  I'approbation  de  I'autorite  superieure, 
dans  plusieurs  d^parlements,  notamment  dans  le  Jura.  Sur  cinquante 
6coles  de  hameaux  6fablies  dans  ce  departement,  les  neuf  dixi^mes  se- 
raient  n^cessairement  supprim^es  s'il  fallait  pourvoir  &  un  Iraitement  de 
400  francs  en  favour  de  ctiacun  des  mattres  qui  les  dirigent. 


5G0 


QUATRIEME  PARTIE. 


Aux  terraes  de  la  loi  de  1841,  «nul  enfant  ne  pent  6tre 
admis  dans  les  manufactures  si  les  parents  ou  tuteurs  ne 
justifient  qu'il  frequente  actuelleraent  une  ecole. »  Le  principe 
du  eontrole  de  la  puissance  publique,  en  pareille  matiere,  a 
done  ete  pose  pour  un  cas  particulier.  De  quoi  s'agit-il?  d'en 
g^neraliser  I'application. 

On  a  vu  quelle  est  en  Allemagne  I'efficacite  des  mesures 
prises  pour  assurer  la  frequentation  de  1' ecole.  En  France,  les 
faits  temoignent  des  besoins  profonds  auxquels,  a  I'heure  qu'il 
est,  il  s'agit  de  pourvoir.  Tandis  qu'au-dela  du  Rhin  le  sixieme 
de  la  population  frequente  assidument  les  classes,  il  est,  en 
France,  des  departements  ou  le  chiffre  des  enfants  de  I'ecole 
n'atteint  pas  le  quarantieme  ou  merae  le'cinquantieme  de  la 
population. 

Entre  autres  ddpartemenls,  prenons  celui  de  I'Ariege  :  sur 
42,204  enfants  de  sept  a  quatorze  ans,  26,964,  les  deux  tiers 
environ,  n'y  frequentent  pas  les  ecoles! 


NOMS 
des 

ARROXDISSEflESTS. 


jFoix 

Pamiers.  .  .  . 
Saint-Girons . 


Nonibre  d'Enfanti 
de  7  a  i4  ans. 


Cartoons, 


7,305 
5,729 
9,998 


23,032 


Fllles. 


6,494 
5,337 
7,341 


19,172 


Total. 


Nombie  d'Enfauts 

de  7  a  i4  ans 

qui  fj  equuiitent 

I'ecole. 


Gar<;o 


13,799 

11,066 
17,339 


42,204 


3,208 
3,105 


10,226 


Filles. 


3,913      1,951 


1,987 
1,076 


5,014 


Total. 


5,864 
5,195 
4,181 


NomLre  d'Eufants 

de  7  a  l4  ans 
qui  ne  frequentent 

pas  Tecole. 


Garcoiis. 


15,240 


3,392 
2,521 
6,893 


Filles. 


12,806 


4,543 
3,350 
6,265 


Total 


7,935 

5,871 

13,158 


14,158   26,964 


Fait  encore  plus  saillant  peut-etre :  telest  le  defaut  d'assi- 
duit^  pendant  le  temps  ou  les  enfants  figurent  nominalement 


CONCLUSIONS.  564 

sur  les  listes,  qu'arrives  a  I'age  viril,  un  grand  nombre  ont 
perdu  toule  trace  des  notions  religieuses  et  scolaires  qu'ii  leur 
avail  ete  donne  d'acquerir. 

Dans  plusieurs  departements,  aiicun  progres,  depuis  quinze 
ans,  n'a  ete  constate  dans  le  nombre  des  jeunes  soldats  sachant 
lire  et  ecrire^.  Si  lels  sont  les  faits,  il  faut  avouer  que  I'ecole, 
dans  les  conditions  actuelles,  ni  au  point  de  vue  moral  ni  au 
point  de  vue  intellectuei,  ne  produit  les  resultats  durables 
que  la  Famille,  I'Eglise,  I'Etatsont  en  droit  d'en  attendre. 

Qu'on  ne  coraple  point  dans  I'avenir  sur  un  progres  pro- 
portionnel  aux  progres  anterieurs.  Au  point  oii  nous  sommes 
arrives,  quatre  causes  s'opposent  a  la  diffusion  de  I'enseigne- 
ment  dans  les  couches  de  la  population  ou  jusqu'a  ce  jour  elle 
n'a  pu  penetrer  :  lo  ja  longueur  des  distances  a  fianchir  et  la 
difficulte  des  trajets;  2°  la  passion  du  gain  chez  des  chefs  de 
famille  qui  entendent,  avant  tout,  tirer  parti  de  leurs  enfants ; 
3°  I'incurie  systematique,  et  4°  le  mepris  de  la  pensee  morale 
et  religieuse. 

On  triomphera  de  la  premiere  cause  en  multipliant  les 
ecoles  de  hameaux;  quant  aux  trois  autres,  elles  constituent 
des  forces  redou tables,  de  la  coalition  desquelles  Taction  d'une 
autorite  a  la  fois  paternelle  et  ferme  est  seule  capable  de  pa- 
ralyser les  effets. 

Nous  voudrionsdonc  quelaloiconsacratdes  dispositions  de 
nature  a  mettre  aux  mains  des  administrations  locales  I'arme 
sans  la  protection  de  laquelle  les  interels  moraux  les  plus  chers 
sont  immoles  chaque  joui-  a  de  honteuses  passions. 

Les  dispositions  fondainenlales  seraient  celles-ci : 

Sont  soumis  a  I'obiigalion  de  frequenter  une  ecole,  si  au- 
cune  instruction  ne  leur  estdonnee  au  foyer  domestique,  tous 
les  enfants  de  sept  a  treize  ans. 

Toutefois,  les  sanctions  penales  de  cette  obligation  ne  peu- 

1.  Voyez  W  partie,chap.  l*"",  section  3. 


562  QUATRIEME  PARTIE. 

vent  etre  invoquees  contre  les  parents  des  c^l^ves  dont  le  do- 
micile est  separe  de  I'eeole  par  line  distance  de  plus  de  deux 
kilometres. 

L'obligation  de  frequenter  I'eeole  s'etendra  sur  I'anneeen- 
tiere,  a  Texception  d'un  mois  dans  les  villes  et  de  trois  mois 
dans  lescampagnes. 

Dans  les  villes  de  moins  de  5,000  ames,  le  comraissaire  de 
police,  et  dans  les  villes  dont  la  population  s'eleve  au-dessus 
de  ee  chiffre,  un  ou  plusieurs  commissaires  speclaux  {commis- 
saires  des  ecoles)  rechercheront  et  signaleront  au  maire  les 
families  dont  les  enfanis  ne  frequentent  pas  I'eeole  et  ne  re- 
9oivent  d'ailleurs  aucune  education  dans  la  maison  pater- 
nelle^. 

Trois  avertissements,  a  huit  jours  d'intervalle,  serontdon- 
nes,  au  nora  du  maire,  aux  families  dont  il  s'agit.  Si  ces  aver- 
tissements ne  produisent  aucun  resultat,  le  maire  eitera  les 
peres,  mailres  ou  tuteurs  devant  le  comite  des  deleguescom- 
munaux,  et,  d'apresTavisde  ces  delegues,  prononcera  contre 
eux,  selon  les  cas,  soit  la  radiation  des  cadres  du  bureau  de 
bienfaisance,  soit  une  amende,  ou  bien  les  condamnera  a  faire, 
nu  profit  de  la  commune,  une  ou  plusieurs  journees  de  pres- 
tation. 

Tous  les  mois,  I'instituteur  remettra  au  maire  la  liste  des 
enl'anls  qui  auront  manque  I'eeole,  avec  indication  du  nombre 
des  jours  d'absence.  II  indiquera,  en  regard  de  chaque  nom, 
les  motifs  d'excuses  allegues.  A  defaut  de  motifs  legitimes,  les 
peres,  tuteurs  et  mailres  seront  cites,  comme  il  est  dit  plus 
baut,  et  serieusement  avertis  par  le  maire. 


1 .  Un  recensement  de  cette  nature  presente  moins  de  difficult^s  qu'on  le 
suppose.  11  a  ele  fail  lout  recemmenl,  par  exemple,  avec  une  stride  ex- 
actitude, dans  un  des quartiers  les  plus  populeux  de  Paris,  par  un  admi- 
nistrateur  habile  ,  M.  Leroy  de  Saint-Arnaud,  conseiller  d'fitat,  maire 
du  XII°  arroudissement. 


CONCLUSIONS.  565 

A.  la  troisieme  absence  non  legilimement  motivee,  ils  se- 
ront  passibles  de  Tune  des  peines  ci-dessns  enoncees. 

Le  principe  de  I'obligation  une  fois  pose,  il  appartiendrait 
aijx  aulorites  locales  d'adapter  aiix  circonstances  la  sanction 
penale,  et  de  i'appliquer  avec  tons  les  menagements  de  la 
prudence. 

A  part  les  mesures  accidentelles  dont  on  vient  de  par- 
ler,  il  est,  pour  obtenir  i'assiduite  des  enfants  a  I'ecole,  un 
moyen  permanent  d'aclion  sur  les  families.  Ce  moyen  con- 
siste  a  exiger  la  retribution,  non  pas  seulement  pour  les 
quelques  mois  ou  les  enfants  frequentent  I'ecole,  raais  pour 
toute  I'annee.  L'etablissement  d'une  retribution  annuelle  et 
non  mensuelle,  interesse  les  parents  a  faire  en  sorte  que  les 
enfants  suivent  exactement  les  classes'.  Plusieurs  conseils 
generaux    et  quelques   conseils   academiques    ont    propose 

1.  Je  lis,  dans  une  instruction  de  M.  le  Pr6fet  de  la  Haute-Loire  (Jan- 
vier 1855): 

«  Ce  delaissement  des  ecoles  pendant  plusieurs  mois  est  un  fait  general 
et  fatal  pour  les  jeunes  caracleres  coinme  pour  lesjeunes  intelligences. 
Les  enfants  perdent,  pour  la  plupart,  pendant  cette  interruption,  non  seu- 
lement une  partie  de  ce  qu'ils  avaient  appris,  mais,  ce  qui  est  plus  grave, 
les  habitudes  d'ordre,  d'etude  et  de  discipline  qu'ils  avaient  pu  d6ja 
contracter.  A  ces  divers  points  de  vue,  je  devais  m'en  preoccuper  et 
chercher  un  remede.  J'ai  I'esp^rance  de  I'avoir  rencontre,  en  ouvrant  aux 
families  la  facuUe  de  remplacer  le  paiement  mensuel  de  la  retribution 
scolaire  par  un  abonnement  annuel. 

«  Ce  n'est  point,  d'ailleurs,  arbitrairement  que  le  taux  de  cet  abonne- 
ment a  ele  fixe  a  6  fr.  Cette  somnie  represente,  d'apres  les  calculs  que 
j'ai  fait  faire,  la  moyenne  exacte  de  I'argent  verse  annuellement  jusqu'ici 
par  les  parents  pour  chaque  enfant  payant  qui  frequente  les  6coles.  L'6co- 
nomie  et  I'interfit  de  leurs  enfants  se  reunissent  done  pour  rccommander 
aux  chefs  de  famille  I'adoption  de  rabimnement.  J'espere  qu'ils  le  com- 
prendront  ainsi,  et  que  la  mesure  diminuera  immediatement  la  deplorable 
desertion  de  I'ecole  pendant  I'ete.  Elle  devrait  du  moins  avoir  cet  effet 
entier  a  I'egard  des  enfants  que  la  charge  de  la  retribution  seule  en  faisait 
eloigner  durant  cette  saison,  et,  a  I'egard  de  ceux  que  leurs  parents  ont 
reellement  besoin  d'utiliser  aux  travaux  des  champs,  ellc  devrait  lesy 


5C4  QUATRIEME  PARTIE. 

d'adopter  ce  inoyen  indirect  de  consacrer  robligation  de  I'en- 
seignement.  Dans  le  departement  de  la  Meurthe  ce  systeme 
est  applique  depuis  le  l^'"  Janvier  1855.  Le  prix  de  I'abonne- 
ment  y  est  fixe  aux  2/5  du  montaut  de  la  retribution  pour 
I'annee. 

Section  V.  —  Moyens  de  perfectionnement. 

XIII.  —  Retablir  les  conferences  entre  les  instituteurs. 
Cbaque  canton  doit  avoir  ses  conferences;  il  importe  que  ces 
reunions  se  tiennent  toujours  sous  la  presidence  de  I'inspec- 
teur  primaire  d'arrondissement.  Abaudonneesa  elles-memes, 
elless'egarent  au  hasard,  sans  profit  pour  les  maitres  et  au 
detrimentdes etudes  regulieres.  Dirigees  par  les  representants 
officiels  des  inlerets  scolaires,  elles  peuvent  contribuer  ef- 
ficacement,  en  provoquant  une  emulation  feconde  etdes  com- 
paraisons  utiles,  au  progres  de  instruction  primaire  et  a  la 
diffusion  des  saines  idees. 

Les  conferences  doivent  avoir  lieu,  dans  cbaque  canton, 
trois  fois  par  an. 

Dans  cbaque  seance,  un  des  instituteurs  donne  lecture  du 
rapport  qu'il  a  ete  cbarge  de  preparer  sur  une  question 
scolaire;  et  ce  rapport  devient,  pour  les  membres  de  la 
conference,  le  texte  d'observations  que  le  president  controle, 
et  d'une  discussion  qu'il  dirige  en  I'eclairant. 

II  est,  de  plus,  traite,  dans  cbaque  conference,  de  la  situa- 
tion, des  besoins,  des  progres  de  cbaque  ecole  en  particulier. 
II  y  est  donne  par  Tinspecteur  explication  des  reglements 
de  I'autorite  superieure  ou  de  I'autorite  scolaire  departemen- 

tale. 

L'inspecteur  signale  cbaque  annee  a  I'autorite  academique 

ramener  pendant  les  intermit tences  que  presentent  ces  travaux  dans  un 
pavs  ou  ragiicullure  est  encore  si  peu  avancee.  • 


CONCLLSIONS.  565 

Jes  inslituleurs  qui  se  sont  le  plus  distingues  dans  les  exer- 
cices  de  ces  conferences. 

XIV.  —  Etablir,  partout  ou  le  permettent  le  zele  des  insti- 
tuteurs  et  la  bonne  volonte  des  administrations  locales,  des 
classes  du  dimanche  pour  les  adultes.  La  creation  de  ces  classes 
est,  avrai  dire,  le  seul  moyen  de  perpetuer  les  resultats  du 
premier  enseignement,  et  de  prolonger,  dans  I'interet  de  I'en- 
fant  devenu  honcirae,  pour  le  developperaent  de  sa  vie  intellec- 
luelle  et  morale,  Taction  conccrtee  de  I'Eglise  et  de  I'ecole. 

En  France,  comme  au  dela  du  Rhin,  partout  ou  est  ou- 
verte  une  ecole  primaire,  devrait  exister  une  ecole  de  repeti- 
tion {Wiederholimgschule). 

II  serait  tres  utile  que  des  prix  decernes  par  les  conseils 
generaux  encourageassent  tout  ensemble  dans  les  ecoles  et 
I'assiduite  des  eleves  et  le  devouement  des  maitres. 

II  nefaut  pashesiter  a  le  dire:  dans  I'etat  actuel  deschoses, 
en  I'absence  d'un  moyen  regulior  de  preserver  les  enfants 
du  peuple,  a  leur  sortie  de  I'ecole  primaire,  de  I'abandon 
moral  qui  les  attend ,  une  grande  partie  des  sacrifices  con- 
sentis  par  les  families,  les  communes  et  I'Etat  sont  prodi- 
guesen  pure  perle  :  pour  la  moitie  des  eleves  des  ecoles  primai- 
res,  dans  les  conditions  presentes,  I'edifice  de  I'education  popu- 
laire  manque  du  couronnement  qui  seul  pent,  en  I'achevant, 
le  preserver  de  la  ruine.  Tant  que  ce  couronnement  fera  de- 
faut  chaque  generation  est  condamnee  a  recommencer,  sans 
profit  pour  I'avenir,  une  tache  dont  les  chiffres  et  les  faits 
demontrent  chaque  jour  la  sterilite :  I'ecole  du  dimanche,  pour 
les  adultes,  est  le  complement  necessaire.  La  charite  privee,  en 
dotant  plusieurs  villes  de  societes  de  patronage  pour  les  ap' 
prentis ,  a  devance  Taction  administrative.  II  importe  que 
Tinitiative  gouvernementale  eleve  une  creation  si  utile  a  la 
hauteur  d'une  institution  publique. 

Dans  Tordre  des  faits  scolaires,  voila  nos  conclusions. 


566  QUATRIEME  TARTIE. 

Elevons-noiis  maintenant  a  des  considerations  plus  gene- 
rales. 

L'Alleraagne,depiiisun  siecle,estala  recherche du  principe 
surlequel  doilreposer  I'^ducation.  Ellea  demandece  principe 
aux  differenles  ecoles  de  pedagogic,  qui,  au  nom  de  la  pens^e 
philosophique,  ont  successivement  impose  leur  domination, 
au  dela  du  Rhin  ;  elle  s'est  livree  tour  a  tour  a  des  sysleraes 
qui,  a  des  degres  divers,  presentent  ce  caractere  commun 
de  ne  pas  tenir  compte  du  dogme  fondamental  sur  le- 
quel  est  bati  tout  I'edifice  chretien.  Non  qu'entre  ces  sy- 
stemes  il  y  ait  parity  et  confusion  :  j'ai  signale  les  trails 
caracteristiqiies  de  Basedow,  de  Peslalozzi,  etc.;  et  je  ne 
confonds  pas  plus  M.  Diesterweg  avee  le  fondateur  d'Yver- 
dun  que  je  n'idenlifie  Feuerbach  etHegd.  Je  connais  toutes 
les  distinctions  qu'il  faut  mainlenir,  toutes  les  divergences 
qu'il  convient  de  constater.  .ralfirme  seulement  ces  deux 
choses  :  premieremenlles  ecoles  de  pedagogic  dontil  est  ques- 
tion, qu'elles  invoquent  I'autorite  de  Peslalozzi  ou  qu'elles 
s'abrilent  sous  le  drapeau  des  libres  communes^  s'accordent  en 
ceci,  qu'elles  repoussent,  sur  le  point  decisif  de  la  science  de 
I'educalion,  Taulorite  de  la  tradition  chretienne.  En  second 
lieu,  la  oil  la  foi  en  la  decheance  origin3lle  n'exisle  plus, 
la  veritable  notion  de  la  nature  de  I'horame  est  alteree;  le 
point  de  depart  comme  le  but  de  I'education  sont  meconnus, 
etl'ordre  moral  est  en  perils. 

On  saitaquellesextremitesredoutables  la  faussele  du  point 

1  «  La  veril6,  quant  a  la  nature  humaine,  ecrivait  recemment  M.  Gui- 
zot,  est  dans  !a  foi  chretienne,  C'est  dans  riiomme  lui  nieme  que  le  mat 
reside  :  il  est  enclin  au  mal  Je  ne  veux  point  faire  ici  de  theologie  ;  mais 
je  me  sers,  sans  hesiter,  de  ces  termes  qui  sont  les  plus  exacts  et  les  plus 
clairs.  Le  dogme  du  peche  originel  est  I'expression  et  I'explicalion  reli- 
gieuse  d'uii  fait  naturel,  le  penchant  inne  de  I'homme  a  la  desobeissance 
et  a  la  licence.  »  {V.  sur  ce  point  fondamental  M""  Necker-Saussure,  et 
M.  Saint-Marc-Girardin,  /.-/.  Rousseau,  savieet  ses  ouvrages.) 


CONCLUSIONS.  367 

de  depart  a  conduit,  souvent  a  leur  insu,  les  penseurs  dont  la 
logique  populaire  sechargeait  d'interpreler  les  doctrines;  on 
sail  avec  quelle  energie  I'instinctdii  saint  public  a  determine, 
contre  des  theories  longlemps  souveraines,  la  reaction  de  la 
pensee  chrelienne.  On  a  vu  les  gouvernements,  dans  une 
sortede  ligue  defensive,  se  mettre  a  la  tete  de  toules  les  for- 
ces sociales,  et  traduire  les  protestations  de  la  conscience  pu- 
biique  en  lois  et  en  reglements,  qui  ne  sont  autre  chose 
qu'un  retour  pur  et  simple  aux  prineipes  traditionnels. 
L'acte  d'abdication  des  systemes  revolutionnaires  a  ete  de- 
pose, au  dela  du  Rhin,  enlre  les  mains  de  la  puissance  qui 
n'avait  cesse  d'en  combattre  les  perilleuses  applications, 
entre  les  mains  de  I'Etat. 

De  tels  fuits  ont  une  signification  decisive;  et  cet  exemplo 
delAtlemagne  est,  pour  tons,  un  grand  enseignement. 

11  n'est  plus  permis  de  s'aveugler  desormais  :  I'instrnc- 
tion  primaire  doit  se  proposer,  non  pas  de  jeter  les  in- 
telligences dans  des  voles  inconnues,  non  pas  d'affranchir 
les  espritsde  la  tutelle  du  passe,  mais  bien  deles  faire  par- 
ticiper  aux  idees  eprouvees  par  le  temps,  coutrolees  par 
I'experience;  de  les  mettre  en  possession  des  veriles  indis- 
cutables  et  des  resultats  acquis;  de  ratlacher,  en  un  mot,  la 
generation  qui  s'eleve  a  la  generation  qui  I'a  precedee  :  elle  a 
pour  devise,  non  pas  le  mot  :  independance ,  mais  le  mot  : 
tradition. 

Une  idee  capitate, disons-le  hautement,  se  degage  de  I'^tude 
de  ces  experiences  hardies  qui,  sur  tons  les  points  du  monde 
moral,  dans  lescondilions  les  plus  favorables  d'independance, 
consequemment  de  succes,  et  sous  le  patronage  de  noms  illus- 
ires,  ont  ete  accomplies,  en  AUemagne,  depuis  le  milieu  du 
siecie  dernier  ;  elle  est  celle-ci  : 

En  dehors  du  chrislianisme,  tout  developpement  de  I'acti- 
vile  humaine  conduit  a  une  erreur  el  a  une  faute.  La  theorie 


568  QUATRIEME  I'ARTIE. 

d'une  education  humanitaire  est  convaincue  d'irapuissance  5 
depuis  le  christianisme,  on  n'est  homme  qii'a  la  condition 
d'etre  Chretien. 

Et  corame  la  vie  morale  d'un  peuple  ne  saurait,  apres  tout, 
etregouvernee  par  d'autres  lois  que  la  vie  de  I'individu  lui- 
merae,  a  la  formule  que  nous  venons  de  presenter,  il  faut 
ajouter  ce  corollaire  : 

Le  christianisme  est  le  seul  fondement  sur  lequel  puisse  re- 
poser  I'ordre  general  :  principe  d'education  pour  I'individu, 
il  est  le  principe  et  la  regie  du  developpement  des  societes. 

«La  religion  chretienne,adit  un  profond  penseur',  donnele 
point  fixe  qui  nous  manque  et  aiiquel  nous  aspirons.  Les  di- 
verses  eglises  chretiennes  ne  le  placenl  pas  toutes  au  raeme 
lieu  et  ne  I'organisent  pas  toutes  sous  la  raeme  forme ;  mais 
toutes  le  possedent  et  s'y  referent.  Pour  nous,  protestanis,  il 
est  dans  les  livres  saints,  dans  cette  parole  que  nous  n'avons 
pas  ecriteetque  nous  ne  pouvonseffacer.  La  sont  la  loi  etTau- 
torite  surhumaines  et  surnaturelles;  la  nous  nousappuyons 
et  nous  nous  arretons;  la  est  le  point  fixe  que  nous  avons  a 
offrir  a  la  soeiete.  » 

Ce  n'est  pas  le  lieu  d'exposer  les  objections  que  nous  aurions 
a  soumeltre  a  la  haute  raison  de  M.  Guizot;  nous  n'avons  pas  a 
examiner  comment,  d'apres  la  theorie  de  I'iilustreorateur,  le 
point  fixe  se  trouve  a  la  fois  en  des  lieux  divers,  comment  il  se 
peutfaire  que  la  fixity  n'exclue  pas  la  mobilite.  Nous  croyons 
qu'en  ratifiantla  pensee  deM.  Guizot,  le  protestantismese  fait 
illusion  a  lui-meme  5  qu'ayant  uniquement  pour  raison  d'etre  la 
liberted'examen,ilnepeut,  sans  deserter  son  principe,  trouver 
dansle  point  d'arret  qu'on  invoque  unelimite  arbitrairement 
imposee  a  son  droit ;  qu'acceptercepointd'arret,c'est,  pour  lui, 
en  relevant  un  principe  ennemi,  abdiquer  aux  pieds  d'une puis- 

1.  Discours  a  la  soeiete  protestante  d'instruction  primaire;  1853. 


COJNOLUSlOiNS.  569 

sance  qui  le  condamne,  et  se  nier  liii-meme  au  moment  ou 
il  s'affirme.  Nous  sommes  de  I'avis  de  M.  Diesterweg  et  de 
M.  Uhlich  :  quiconque,  pour  enchainer  I'esprit  sur  la  pente 
de  la  eontroverse,  faitappel  a  I'immobilite  doctrinale,  celui-la 
peut  se  dire  protestant,  mais,  a  coup  sur,  il  n'a  de  protestantque 
le  nom  :  il  a  restaure  le  culte  de  I'autorite  dans  sa  conscience. 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  un  fait  considerable  de  voir  le  pro- 
lestantisme,  sous  le  coup  de  severes  legons,  et  presque  aussi 
hautement  que  le  catholicisme  lui-meme,  rendre  hommage  a 
Tidee  de  la  tradition,  et  proclamer  que, «  dans  I'ordre  moral, 
la  fixite  et  I'el^vation  vont  ensemble;  que,  des  que  Ton  flotte, 
on  descend ;  et  que  I'incertitude  est  un  signe  d'abaissement » «. 

De  tels  avertissements  veulent  etre  compris  :  il  est  temps 
que  Ton  cesse  AQjloUer  et  que  I'affirmation  qui  fonde  succede 
au  doute  qui  detruit. 

L'homme  eminent  de  qui  nous  citions  les  paroles  a  fait  cette 
declaration  solennelle  :  c<La  question  est  aujourd'hui  posee 
entre  ceux  qui  reconnaissent  et  ceux  qui  ne  reconnaissent 
pas  un  ordre  surnaturel,  certain  et  souverain,  quoique  im- 
penetrable a  la  raison  humaine;  elle  est  posee,  pour  appeler 
leschoses  par  leur  nom,  entre  le  supernaiuralisme  et  le  ra~ 
tionalisme.  D'un  cote,  les  pantlieisles,  les  sceptiques  de  toutes 
sortes,  les  purs  rationalistes;  de  I'autre  les  Chretiens. 

«Parmi  les  premiers,  les  meilleurs  laissent  subsister  dans 
le  monde  et  dans  I'ame  humaine  la  statue  de  Dieu,  s'il  est 
permis  de  se  servir  d'une  telle  expression,  mais  la  statue  seu- 
lement,  une  image,  un  marbre;  Dieu  lui-meme  n'y  est  plus; 
les  Chretiens  seuls  ont  le  Dieu  vivant.  C'est  du  Dieu  vivant  que 
nous  avons  besoin...  Au  fond  de  la  societe  et  dans  les  masses, 
i'impiete  passionnee  fermente  et  se  met,  pour  vaincre,  au 
service  des  plus  grossiers  et  plus  ardents  interets.  La  foi  chre- 

1.  M.  Guizot,  Etudes  moraUs,  p.  5. 

34 


570  QUATRIEME  PARTIE. 

tienne  dans  son  caractere  essenlielet  vital,  c'est-a-dire  la  foi 
et  la  soumission  k  I'ordre  surnaturel  Chretien,  pent  seule  sou- 
tenir  ce  grand  combats  » 

Telle  est  aussi,  on  i'a  vu,  la  conviction  des  liomraes  d'Etat 
qui  president  aux  destinees  de  la  soci6t6  alleraande.  Les  se- 
cousses  des  dernieres  annees  ont  mis  a  nu  le  neant  de  doc- 
trines qui  semblaient  maitresses.  Tout  ce  qui  ne  vivait  que 
d'une  vie  factice  a  convert  le  sol  de  debris.  A  I'heure  qu'il 
est ,  sur  les  ruines  des  systemes  le  christianisme  seul  est 
debout. 

C'estle  grand  resultat  des  bonleversenaentsrevolutionnaires 
d'avoir  donne  aux  idees  qui  yiennent  d'etre  enoncees  I'autorite 
des  axiomes.  C'estla  mission  et  ce  sera  I'honneur  de  I'educa- 
tion  publique,  en  France  comme  en  Allemagne,  d'en  assurer 
le  trioraphe.  Le  progres  moral  et  la  securite  del'avenirsont 
a  ce  prix. 

1.  Discours  prononce  le  30  avril  1851  devant  la  Societe  biblique. 


APPENDICE. 


APPENDICE. 


^VAAAAAAA/WNAAAAAAA'^ 


REGLEMENT 

POUR  L'ADMINISTRATION  DE  L'^GLISE  ^VANG^LIQUE 

(29  juin  1850). 

Art,  -1".  —  Le  conseil  superieur  ecclesiastique  remplace,  pour  le 
gouvernemeut  interieur  de  I'Eglise,  la  division  du  ministere  des 
cultes.  A  ce  couseil  ressortissent  :^°  tout  ce  qui  regarde  les  synoJes , 
2"  la  surveillance  du  service  divin,  au  point  de  vue  dograatiqut  et 
au  point  de  vue  liturgique,  la  surveillance  de  I'instruction  religieuse, 
!e  reglement  des  fetes,  la  consecration  des  temples ;  o"  la  surveillance 
des  examens  preparatoires,  I'admission  aux  fonctions  ecclesiastiqucs 
particulierement  la  direction  du  serainaire  (Prediger  Seminar)  de 
Wittemberg ;  4"  la  nomination  aux  eraplois  inferieurs  ecclesiastiqucs 
et  le  contenlieux  des  presentations  et  des  elections.  —  Dans  les 
affaires  de  patronage  seigneurial,  le  droit  de  decision,  jusqu'a  la  pro- 
mulgation d'une  constitution  independante  de  I'Eglise,  reste  confie 
au  ministre,  sur  le  rapport  du  conseil  superieur;  3°  la  surveillance 
des  ordinations,  des  installations  et  prestations  de  serments ;  6°  la 
surveillance  et  la  discipline ;  7°  la  visile  des  eglises  et  I'inspection 
des  archives  paroissiales  et  des  surintendances. 

Dans  toutes  les  affaires  ci-dessus  designees,  le  conseil  superieur 
pronouce  en  derniere  instance;  il  a  le  droit  de  faire,  en  ce  qui  le 
concerne,  des  reglements  generaux,  sans  s'ecarter  des  lois  et  ordon- 
nances  en  vigueur. 

Art.  2.  —  Le  conseil  superieur  est  en  relations  directes  avec  les 
fonctionnaires ;  il  adresse  ses  rapports  directement  au  roi.  II  com- 
munique cependant  au  ministre  les  projets  de  reglements  generaux. 


574  APPENDICE. 

Art.  5. — An  ministre  des  cultes  restent  confiees  la  haute  administra- 
tion des  affaires  exterieures  de  I'Eglise  evaugelique,  maintenant  attri- 
buees  aux  regences  provinclales,  et,  sous  sa  responsabilite  constitu- 
tionnelle,  la  repartition  des  fonds  de  I'Etat  atlribues  a  des  usages 
ecclesiastiques. 

AaT.  4.  —  Lorsque  des  affaires  dont  la  connaissance  est  attribuee 
au  ministre  presentent  un  interet  particulier  pour  le  conseil  supe- 
rieur,  le  ministre  pent  lui  communiquer  ces  affaires  et  prendre  sou 
avis;  de  meme,  le  conseil  superieur,  lorsque  se  rencontrent  des  ques- 
tions qui,  se  rattachant  a  I'administration  intime  dont  il  est  charge, 
touchent  pourtant  aux  interets  exterieurs  de  I'Eglise  ,  pent  en  faire 
I'objet  d'un  rapport  au  ministre. 

Art.  5.  —  Le  ministre  des  affaires  ecclesiastiques  et  le  conseil 
superieur  combinent  necessairement  leur  action  dans  les  cas  sui- 
vants  : 

Dans  les  affaires  pour  lesquelles,  d'apres  le  reglement  du  27  juin 
-J  845,  les  regences  doivent  se  concerter  avec  les  consistoires ; 

Pour  la  nomination  des  surintendants ; 

Pour  celle  des  directeur  et  maitres  du  serainaire  ecclesiastique  de 
Wittemberg ; 

Dans  les  affaires  de  patronage  seigneurial; 

Pour  les  concessions  de  secours  aux  ecclesiastiques  sur  les  fonds 
publics  a  ce  destines. 

Art.  6.  —  Dans  tous  les  cas  specifies  a  Particle  S,  les  decisions 
sont  prises  au  nom  du  ministre,  le  conseil  superieur  ecclesiastique 
entendu. 

Art.  7.  —  Le  conseil  superieur  est  charge,  de  concert  avec  le 
ministre,  de  preparer  I'organisation  des  communes  ecclesiastiques  et 
de  proposer  les  bases  d'une  constitution  independante  de  I'Eglise 
evaugelique. 


II 


REGLEMENT  COMMUNAL 
POUR  LES  J^GLISES  ^VANG^LIQUES. 

Art.  I".  Chaque  commune  evangelique  a  le  devoir,  sous  la  di- 
rection du  rainistere  ecclesiastique ,  de  developper  en  elle  le  senti- 
ment Chretien  et  la  vie  cliretienne.  Comme  membre  de  I'Eglise 
evangelique,  elle  fait  profession  de  la  doctrine  fondee  sur  la  parole 
claire  et  intelligible  de  Dieu  ,  a  savoir ,  les  ecrits  des  prophetes 
et  des  apotres,  I'Ancien  et  le  Nouveau  Testament,  et  formulee  dans 
les  trois  symboles  principaux  et  les  professions  de  foi  de  la  lefor- 
mation  ;  elle  se  soumet  aux  lois  generales  et  aux  reglementi,  de 
I'Eglise. 

Eclair cissements.  Ce  paragraphe  marque  avec  precision  le  role  qui  est 
assigne  aux  communes  evangeliques  ;  il  a  pour  but  de  prevenir  les  faus- 
ses  doctrines  qui  se  sont  repandues  en  ces  derniers  temps,  dans  leur 
sein.  On  a  dit,  en  ce  qui  louche  les  rapports  des  communes  et  du  mi- 
nistere  ecclesiastique,  que  ce  dernier  est  soumis  aux  premieres.  Cette 
maniere  devoir  est  aussifausse  que  la  pretention  opposee,d'apreslaquelle, 
selon  la  pensee  des  catholiques  remains,  la  commune  doit  accepter  la  su- 
prematie  du  ministere  pastoral. 

Une  seconde  erreur  porte  sur  le  caractere  des  relations  qui  doivent 
exister  entre  les  communes  et  I'Eglise.  Deja  avant  i'effervescence  provo- 
quee  par  les  evenemenls  de  1848,  la  tendance  s'etait  prononcee,  dans  un 
grand  nombre  de  communes,  de  prendre  une  position  independante  vis- 
a-vis de  I'organe  de  I'Eglise  (gegeniiber  den  Organen  der  Kirche),  el  de 
soumettre  la  doctrine  et  la  liturgie ,  c'est-a-dire  ce  qui  appartient  a 
rJlglise  entiere,  a  la  domination  des  majorites  de  chaque  commune  prise 
isolement.  Une  telle  tendance  est,  a  nos  yeux,  la  preuve  du  plus  deplo- 
rable engourdissement  du  sentiment  religieux.  Les  parties  ne  peuvent 
remplir  la  mission,  ni  les  membres  les  fonctions  de  I'organisme  entier;  on  ne 
peut  meconnaltre  une  v6rite  si  simple  que  par  un  entier  bouleversement 


576  IPPENDICE. 

des  idees.  Le  paragraphe  qui  precede  a  pose  les  vrais  principes  en  cette 
matifere  et  replac6  les  communes  dans  la  position  qui  leur  convient. 

Art.  2.  La  commune  oblige  ses  membres  a  faire  tousleurs  efforts 
pour  mener  une  vie  chretienne,  a  contribuer  au  maintieu  des  insti- 
tutions ecclesiastiques  communales  et  a  faire  profession  ouverte  do 
christianisme  par  une  participation  effective  a  la  parole  divine  et 
aux  sacrements. 

Art.  5.  Ses  membres  onl  part  a  tous  les  moyens  de  sanctification 
etaux  institutions  ecclesiastiques  dans  la  commune. 

Art.  4.  L'acquisition  du  droit  communal  ecclesiastique  resulte  du 
domicile  reel  etabli  dans  la  paroisse.  Les  personnes  qui  viennent 
s'etablir  dans  la  commune  sont  tenues,  pour  pouvoir  participer 
aux  prerogatives  de  diverse  nature,  de  prouver,  par  des  certiflcats 
oraux  ou  ecrits,  qu'ils  appartiennent  a  I'Eglise  evangelique. 

Art.  5.  Les  chefs  et  peres  de  famille  ont  le  droit  de  suffrage,  a  la 
condition  d'etre  ages  de  vingt-quatre  ans  accomplis  et  en  pleine 
possession  des  droits  civils.  Si  quelque  raembre  de  la  commune  a 
donne  des  scandales  publics,  soil  par  le  desordre  de  sesmoeurs, 
soit  par  un  mepris  declare  de  la  religion  et  de  I'Eglise,  en  sorte 
que  la  participation  au  droit  de  vote  ecclesiastique  Itii  soit  contestee, 
la  decision  est  reraise  a  la  commune  ecclesiastique.  Un  recours  a 
une  instance  superieure  est  reserve  a  la  personne  dontil  s'agit,  aussi 
bien  qu'au  moteur  de  I'opposition.  En  ce  qui  est  de  la  premiere 
election  des  membres  de  la  commune  ecclesiastique,  le  jugement 
des  oppositions  est  rendu  par  les  personnes  designees  au  paragra- 
phe 8  ;  et  la  decision  pour  I'appel  appartieut  au  consistoire  jusqu'a 
la  formation  des  cercles  {kreise)  ecclesiastiques. 

Eclaircissements.  La  question  de  savoir  quelles  conditions ,  au  point 
de  vue  ecclesiastique,  sont  necessaires  pour  6tre  adm.is  a  exercer  le 
droit  de  vote  dans  la  commune  a  partout  provoque  des  opinions  tres  di- 
verses.  D'un  cole,  on  a  fait  dependre  le  droit  de  vote  des  sentiments  re- 
ligieux,  de  la  frequentation  assidue  de  I'office  divin  et  de  la  communion, 
ou  du  renouvellement  de  la  profession  de  foi ;  de  I'autre,  par  contre,  la 
plus  legere  exigence,  au  point  de  vue  ecclesiastique,  etait  consideree 
comme  une  g6ne  inadmissible.  Cette  derniere  manifere  de  voir  fait  ab- 
straction des  conditions  essentielles  de  la  vie  de  I'figlise.  Cette  seule 
consideration  la  refute  suffisamment. 

Art.  6.  II  est  forme  uu  conseil  communal  ecclesiastique  (ein 


ArPENDICE.  577 

Gemeindekirchenrath)  charge  des  affaires  mentionnees  en  rart.-IS. 
Ce  conseil  est  compose  dii  pasteur  et  de  qualre  membres  laiques  au 
moins,  lesqiiels  soiit  nommes  par  election.  Si  plusieurs  pasteurs 
remplissent  des  fonclions  dans  la  commune,  chacun  d'eux  a  voix  et 
siege  dans  le  conseil  communal  ecclesiastique.  Les  pasteurs  auxiliai- 
res  ont  voix  deliberante. 

Les  communes-meres  et  filiales  reunies  {vereinigte  Mutter-und 
Filialgemeinden)  fournissenl  au  conseil  ecclesiastique  de  la  com- 
mune-mere le  nombre  de  membres  correspondaut  a  jelui  des  peres 
de  famille  qui  ont  le  droit  de  voter.  Les  adminislrateurs  de  I'eglise 
nommes  en  vertu  du  droit  de  patronage  font  aussipartie  du  conseil 

communal  ecclesiastique. 

Art,  7.  L'election  demembres  du  conseil  communal  ecclesiastique 

se  fait  par  les  membres  de  la  commune  jouissant  du  droit  de  suf- 
frage (§  5),  sur  une  liste  dressee  parle  conseil,  qui  presente  au  moins 
un  nombre  double  de  candidats. 

Eclair cissements.  C'est  une  idee  repandue,  mais  neanmoins  tres  fausse, 
que  la  liberie  de  ia  commune  doit  elre  absolue  pour  relection  des  mem- 
bres du  conseil  ecclesiastique-,  les  anciens  reglcments  etablissent  beau- 
coup  plus  souvent,  au  contraire,  I'usage  de  la  cooptation.  On  n'a  cepen- 
dant  pas  considere  ce  dernier  fait  comnie  un  principe  acceptable;  car 
la  cooptation  peut  tres  facilement  amener  une  facheuse  transmission 
d'abus ;  et  elle  tend  a  annuler  la  conscience  de  la  commune  dans  le 
comite  de  direction.  C'est  pourquoi  il  a  ete  recommande  d'unir  la  coop- 
tation a  rejection.  Cette  combinaison  a  pour  resultal,  d'un  cote,  d'inte- 
resser  la  commune  dans  le  choix  des  membres ,  et,  de  I'autre,  d'offrir 
une  garantie  contre  les  fluctuations  dangereuses  qu'entralnent  les  rivali- 
tes  de  partis. 

Art.  8.  Les  membres  du  conseil  communal  ecclesiastique  doivont 
etre  chefs  ou  peres  de  famille  et  jouir  de  tons  les  droits  civils.  Les 
electeurs  ne  doivent  diriger  leurs  vues  que  sur  des  personnes  qui 
profitent  des  moyens  de  sanctification  offerts  par  I'Eglise  {an  den 
kirchlichen  Gnadetimittel  Theil  nehmen),  et  qui  par  la  dignite  de 
leur  vie  merilent  de  reraplir  les  fonclions  communalcs  ccclesias- 
ti(|ues.  Dans  I'accomplisscment  de  leur  devoir,  les  electeurs  sont 
responsables  devant  la  commune  et  devanl  I'eglise. 

Art.  9.  Les  elections  pour  le  conseil  communal  ecclesiastique 
»ont  proclamees  en  cliaire,  Irois  dimanches  successifs.  Huit  jours 


578  APPENDICE 

avant  I'election ,  !a  liste  des  personnes  proposees  est  affichee  a  la 
porte  de  I'eglise. 

Art.  ^0.  Les  discussions  pr^paratoires  de  I'election  sontdirigees 
par  le  premier  pasteur  ou,  en  cas  de  droits  egaux,  par  le  plus  an- 
cien.  Elles  sont  ouvertes  par  un  discours  dans  lequel,  de  I'autel 
meme,  le  ministre  invite  les  membres  de  la  commune  a  se  bien  pe- 
netrer  de  leurs  devoirs ;  apres  quoi  I'election  a  lieu  par  vote  oral. 

Art.  -H  .  L'election  a  lieu  a  la  majorite  absolue  ;  le  resultat  est  an- 
nonce  imraediatement,  ou  du  moins  le  dimanclie  suivant,  du  haut 
de  la  cliaire  ;  les  membres  olus  s'engagent,  lors  du  service  qui  suit , 
ai'accomplissement  de  leurs  devoirs  par  promesse  soleunelle  devant 
la  commune. 

Art.  -12.  Les  devoirs  des  membres  du  conseil  communal  ecclesias- 
tique  sont  ceux-ci  : 

1°  Travailler  aux  progres  des  sentiments  religieux  et  des  moeurs 
cbretiennes  par  des  avis  et  des  admonitions; 

2°  Donner  des  soins  a  la  celebration  des  ceremonies  religieuses ; 
assurer  la  sanctiQcation  du  dimancbe  ;  cooperer  a  I'organisation  de 
la  liturgie  locale ; 

30  Veiller  a  la  bonne  gestion  des  biens  de  I'eglise ; 

40  Tenir  exactement  la  liste  des  membres  de  la  commune; 

S*  Faire  connaiire  les  vacances  qui  peuvent  survenir  dans  les 
charges  de  pasteurs,  et  pourvoir,  pendant  les  intirim,  ^I'execution 
des  mesures  prescrites  en  pareil  cas  ; 

6"  Faciliter  I'entree  en  charge  des  pasteurs  et  proposer  la  confec- 
tion de  la  liste  de  presentation  pour  les  elections  au  conseil  com- 
munal ; 

7°  Pourvoir,  dans  la  limite  du  droit  de  chacun,  a  la  nomination 
des  employes  inferieurs  de  I'eglise  ; 

8°  S'occuper  du  role  attribue  au  conseil  communal  ecclesiastique, 
dans  ses  rapports  avec  Tecole ; 

9°  Veiller  au  bon  emploi  des  ressources  de  I'eglise  dans  les  soins 
a  donner  aux  malades ; 

-1 0°  Pourvoir  a  la  representation  de  lacommune  au  synode  du  cercle. 

Art.  H5.  La  presidence  est  defeiee  aux  premiers  pasteurs ;  en  cas 
d'egalite  de  droit,  au  plus  ancien. 

Art.  -14.  Le  conseil  communal  reparlit,  commc  il  I'entend,  eutre 
les  membres ,  radmiuistraliou  des  interets  ecclesiastiques. 


ill 


ETUDE 

SUR  LE  BUDGET  DE  L'INSTRUCTION  PUBLIQUE  EN  PRUSSE. 

Au  ministere  de  rinstruclion  publiqiie  en  Prusse  se  laUachent, 
comme  on  salt,  les  ciiltes  et  tout  ce  qui  coucerne  la  medocine.  Le 
ministere  est  officielleraent  denomme  : 

Ministere  des  cultes,  de  Vinstruction  publique  et  des  affaires 
medicalcs  [Ministerium  der  geistlichen,  (Inter richts-und  Medizinal 
Angelegenheiten). 

Le  l)udget  (^)  s'eieve  a  la  sommc  lotaie  de     5,878,513  Ihalers 

ou  ^^,543,67^  fr.75c. 

Ce  budget,  dans  ses  elements  les  plus  geueraux,  se  decompose 
ainsi  : 


Defenses  ordinaires. 

A.  —  MINISTERE. 

(Conseillers  (2),  administration  centrale),  Iraite- 
ments  et  depenses  personnelles 


Materiel,  depenses  d'administration . 


94,092  thalers. 
(352,844  fr.) 
14,600  thalers. 
(54,975  fr.) 

108,752  thalers. 
(407,819  fr.) 


1.  Exercice  18S3. 

■2.  I  directeur  a  4,000  thalers  (15,000 fr.);  I  conseiller  a  3,000  thalers  {il,'i">0  fr.) ; 
11  conseillers  de  2,000  a  2,600  thalers ;  2  conseiller  eccleslastiques  k  800  thalers:  3  con- 
.seillers  speciaux  pour  les  affaires  niedicales  de  1,000  a  l,500  ihalers. 


580 


APPENDICE. 


B.  ^  CULTES. 

CULTE  EVANGELIQUE. 

Conseil    superieur   de    I'Eglise   {Ober-Kirchen- 
rath)  (1),  traitements  et  frais  de  bureaux 

Consistoires  {id) 

Pasteurs  et  eglises  (traitements  et  secours) 


18,000  thalers. 

(67,500  fr.) 
101,570  thalers. 
(380,887  fr.  50  C.) 
283,583  thalers. 
(1,063,436  fr.  25  c.) 

403,253  thalers. 
(1,411,823  fr.  75  c.) 


CULTE   CATHOLIQUE. 

Dotation  des  ev^ches  et  des  etablissements  qui 
en  relevent 

Ecclesiastiques  et  eglises  (traitements  et  sub- 
sides)  


351,056  thalers. 
(1,316,463  fr.) 

383,046  thalers. 
(1,446,423  fr.  50  c.) 

734,102  thalers. 
(2,762,886  fr.  50  c.)  (2) 


1.  \  president  a ^4,500  thalers;  2  membres  a  2,400  thalers;  2  a  800  thalers;  1  a 
400  thalers ;  6  membres  sans  traitement. 

2.  Cette  inegalite  de  revenus  au  profit  de  I'Kglise  catholique  s'explique  naturellement : 
la  dotation  de  I'Etat  est  une  dette  contractee  par  lui  a  la  suite  des  secularisations  opc- 
rees  a  diverses  epoques,  et  pour  la  derniere  fois,  en  1810.  lors  de  la  guerre  de  I'inde- 
pendance.  L'acquittement  de  cette  dotation  fut  regie,  en  18-21,  par  le  hceniglicfie  ordre 
du  23  aout  et  la  bulle  de  salute  miimarum  du  16  juillet. 

La  dotation,  bien  que  consacree  par  ces  actes  solennels,  n'en  est  pas  moins  chaque 
annee  I'objet  de  vives  polemiques  de  la  part  des  journaux  evaugejiques.  Le  nombre  des 
protestants  en  prusse  relativement  au  nombre  des  catholiques  est  en  effet  dans  le 
rapport  del8  a  11. 


APPEiNDICL. 


58^ 


C.  —  INSTRUCTION  PUBLIQUE,  SCIENCES  ET  ARTS. 


FONCTIONNAIRES  DES  PROVINCES. 

Provincial-Sc/iMJ-jRoWeg'ien(l)(traitements  el  frais 
de  bureaux) 

Commissions  d'examen    (2)   {ivissenschaftlichen 
Priifungs  Commissionen ) 


48,840  thalers. 
(183,950  fr.) 

6,592  thalers. 
(S4,719  fr.) 

55,432  thalers. 
(208,669  fr.) 


UNIVERSITES. 


Subsides  pour  les  Universit^s  et  I'Academie  de 
MUnster  (3) 


Bourse  de  I'fitat, 


466,035  thalers. 
(1,747,631  fr.  25  c) 

10,444  thalers. 
(39,165  fr.) 


SUBSIDES  POUR  LES  GYMNASES  ET  LES  REAL-SCHULEN  (4). 

292,458  thalers. 
(1,096,717  fr.  50  c.) 


1.  Chacune  des  dix  provinces  de  la  Prusse  est  administree  au  triple  point  de  vue 
des  culles,  de  I'instruction  publique  et  des  affaires  medicales  par  un  consisloire  provin- 
cial, lequel,  a  I'image  du  ministere  lui-meme,  est  partage  en  Irois  sections  :  a  I'une  de 
ces  sections,  le  scfml-cotlegiwn,  dont  ii  est  id  parle,  rcssortissent  les  questions  d'in- 
struction  secondaire  et  radministration  des  ecoles  normales  primaires.  Le  schul-colle- 
gium  inspecte  les  gymnases  et  les  ecoles  rgelles,  redige  les  regleraents,  etc. 

2.  Ces  commissions,  composees  de  professeurs  de  I'Universite  de  la  province,  font  subir 
aux  eleves  sortant  des  gymnases  I'examen  qui  doit  leur  ouvrir  la  porte  de  I'Universile 
{Abiturienten-examen)  Elles  sont  aussi  chargees  de  presider  aux  epreuves  imposees 
aux  futurs  professeurs  des  gymnases. 

3.  h'Acadimie  de  Mtinster  est  une  Universite  incomplete.  On  n'y  enseigne  ni  le  droit 
ni  la  medecine ;  I'eveque  du  diocese,  M^'  Muller,  a  demande  au  roi  de  reconstituer  celte 
Academic  sur  de  larges  bases  et  d'en  faire  VVniversM  des  provinces  catholiques  de 
Prusse. 

4.  Les  HeaUSchulen  forment  cette  classe  d'etablissement  qui  repondent  A  la  vocation 
des  jeunes  gens  non  destines  aux  etudes  classiques,  mais  dont  les  eludes  scientifiques 
doivent  depasser  debeaucoup  les  limiles  de  I'enseignement  primaire.  Elles  constituent 
I'instruction  intermedialre  superieure.  Presque  chaque  ville,  en  Allemagne,  a  son  ecole 
riette,  ou  du  moins  son  6cole  bourgeoise  {burger-schule}. 


582  APVENDICE. 

INSTRUCTION   PRIMAIRE. 

ficoles  normales  {Schullehrerseminarien) 118,955  thalers. 

(446,081  fr.) 

ficoles  ^lementaires 187,267  thalers. 

(702,251  fr.  25  c.) 
fitablissements  de  jeunes  aveugles  et  de  sourds- 

muets 13,418  thalers. 

(50,317  fr.  50  C.) 
fitablissements  d'orphelins  et  de  bienfaisance. . .  75,198  thalers. 

(291,192  fr.  50  c.) 


394,838  thalers. 
(1,489,942  fr.  25  c.) 

ARTS   ET  SCIENCES. 

Academie  des  arts  a  Berlin  ..., .   32,867  thalers. 

(116,851  fr.  25  c.) 
Academie  des  arts  de  Kosnigsberg  et  de  Diissel- 

dorf 12,160  thalers. 

Musee  a  Berlin 49,300 

Academie  des  sciences  a  Berlin 20,743 

Bibliotheque  royale 24,180 

Depenses  diverses  d'art  et  de  science 46,282 

185,532  thalers. 
(895,745  fr.) 

D.  —  DfiPENSES  COMMUNES  AU  CULTE  ET  A  L'lNSTRUCTION. 

Pour  les  ecclesiastiques  et  les  conseillers  sco- 

laires  {schulrathe)  dans  les  regences  (1). ..  • .  52,950  thalers. 

Depenses  des  batiments  resultant  du  droit  de 

patronage 194,762 

Supplements  de  traitement  a  des  ecclesiastiques 

et  a  des  maitres , 179,455 

Depenses  diverses 55,967 

483,134  thalers. 
(1,811,752  fr.  50  c.) 

I.  Chaque  province  est  divisee  en  depariements  (regieningsbezirke),  dont  chacun  a 
SOB  conseil  appele  rigence.  Cetle  regcnce ,  sorte  de  conseil  de  prefecture,  esl  com- 


APPENDICE.  58o 

E.  —  MfiDECINE. 

303,168  thalers. 
(1,136,881  fr.) 

F.  —  DfiPENSES  IMPRfiVUES. 

19,965  thalers. 
(74,868  fr.  75  C.) 

Total  des  depenses  ordinaires. . . .  o 3,457,113  thalers. 

OU  12,984,171  fr.  75  c. 

II. 

DEPENSES  EXTRAORDINAIRES. 

421,200  thalers. 
OU  1,579,500  fr. 


Total  general 3,878,313  thalers. 

OU  14,543,671  fr.  75  c. 


Que  Ton  retranche  les  depenses  particulieres  aux  cultes,  il  reste 
au  service  de  rinstruction  publique  la  somrae  de  4  0,368,901  francs 
pour  une  population  de  -15,000,000  d'habitants. 

Faut-il  done  s'effrayersi,  pour  une  population  de55,000,000d'ames, 
la  France  inscrit  a  son  budget  de  I'iustruction  publique  la  somme  de 
22,355,525  fr.? 

Entrons  dans  le  detail  des  chapitres  : 

I.    IJSSTRUCTION   SUPERIEDRE. 

11  y  a  en  Prusse  sept  Universites,  Berlin,  Bonn,  Breslau,  Halle,  Koe- 
nigsberg,  Greifswald,  Miinster.  Chacuue  de  ces  universites,  a  I'excep- 
tion  de  VAcademie  de  Miinster,  est  la  reunion  des  differentes  Facultes 
en  un  corps  unique.  Sous  le  uom  de  Faculte  de  philosophic  sont  com- 
pris  au  reste  beaucoup  d'objets  d'une  nature  tres  diverse,  lesquels, 

posee  d'un  certain  nombre  de  conseillers  (Regierungsrcethe) ,  parmi  lesquels  uii  con- 
seiller  special  est  cliarge  de  ce  qui  regarde  rinstruction  primaire  dans  I'elendue  du 
departement.  Le  ScliuLrath  est  rapporteur  de  toutes  les  affaires  relatives  a  I'enseigne- 
nient  primaire  aupres  du  conseil.  II  correspond,  au  nom  de  la  regence,  avec  le  schid- 
coUegiwn  ct  le  miuistere  de  rinstruction  publique,  pour  ce  qui  regarde  les  ecoles  nor- 
niales. 


584  APi'EiNDict:. 

avec  graude  raison,  sont  reparlis  cliez  uoiis  eutre  les  deux  Facultes 
des  sciences  et  des  lellres.  Le  mot  de  philosophic,  sous  ce  rapport, 
est  a  peu  pres  aussi  comprehensif,  a  I'heure  qu'il  est,  en  Allemague, 
qu'il  I'etait  en  Grece  du  temps  de  Socrate  ou  d'Anaxagore.  C'est 
ainsi  qu'a|l'Universite  de  Berlin,  par  exemple,  se  trouveut  reunis, 
sous  le  titre  commun  de  professeurs  de  philosophic,  M.  G.  Grimm 
et  M.  Dirichlet,  M.  Michelet  et  M.  L.  Ranke,  M.  Lepsius  et  M.  Rau- 
mer,  etc. 

La  depense  totale  des  sept  Universiles  de  Prusse  s'eleve  a 
539,635  thalers  (2,233,586  fr.),  dont,  je  I'ai  dit,  'l,747,63^  francs  a 
la  charge  de  I'Elat. 

En  France,  la  somme  inscrite  au  budget  pour  les  huit  Facultes  de 
theologie,  les  neuf  Facultes  de  droit,  les  (rois  Facultes  de  medecine, 
les  onze  Facultes  des  sciences,  les  treize  Facultes  des  lettres^  et  les 
trois  ecoles  de  pharmacie,  ne  va  pas  au  dela  de  2,786,656  francs, 
savoir  : 

Facultes  de  theologie ^  49,000  francs. 

—  de  droit 770,700 

—  de  medecine .  694,440 

—  des  sciences 468,700 

—  deslettres 470,696 

l^coles  superieures  de  pharmacie ^  62,000 

Depeuses  communes  a  toutes  les  Facultes  .  ...  7^,^00 

2,786,656  francs. 


Les  recettcs  et  les  depenses  des  universites  prussiennes  sont  eva- 
luees  comme  il  suit : 

1.  Depuis  que  ces  lignes  ont  et6  ecrites,  M.  !e  Ministre  de  I'lnstruction  publiquc  a  dote 
la  France  de  cinq  nouvelles  Faculles  des  sciences  et  de  trois  Facultes  des  lettres.  Les 
depenses  afferenles  a  reiisemble  des  Facultes  a  ete  porte,  dans  le  budjet  de  185S,  a 
3,361,741  fr. 


APl'ElNDlCt:. 
RECETTES. 


585 


FONOS 

INTERETS 
des 

Ressources 

de 

Fondalions. 

ou    revenus 

piopies. 

TOTAL. 

. 

L'ET  AT. 

Liens-foiids. 

Ih. 

til. 

th.       s.    pf. 

Ih. 

tb. 

I5ci  lin 

151,402 
(568,962  fr.) 

50 

250  14  S 

5,698 

157,210 

Bonn 

101,050 
1 378,937  fr.) 

277 

2,453     »  » 

2,186 

105,780 

Breslau 

80,318 
(301,102  fr.) 

)> 

9,566     »  » 

1,1-29 

90,890 

Ilalle 

53.645 
(201,168  f.  75  C.) 

27,792 

252  22  6 

3,594 

85,165 

KcEnigsberg.. 

71,310 

(207,412  f.  500.) 

40 

7,099     1)  » 

852 

79,200 

Greifswald .  . 

1,200 
(4,500  fr.) 

57 

60,373     ))  )) 

470 

62,100 

Miinster  . .  .  . 

1,250 

(4,697  fr.i 

12,578 

» 

1,450 

15,278 

460,355 
plus,           5,800 

40,794 

79,995  11  » 

15,359 

595,623 

— 

.^-^ 

->          ^ 

(2,233,586  f.  25.) 

466,035 

13 

6,148  th.  11  si! 

b. 

(1,749,631  f.  25.) 

(485,955  fr.) 

DEFENSES. 


Institute, 

FRAtS 

DEPENSES 

DbPENSLS 

de   I'admi- 

'  tioiis, 

secours , 

nistratiou 

des 

fiais 
du  ("ulte 

boursos 

pour 
le 

supple- 
menlaires 

TOTAL. 

acadtmi- 

professeuis. 

dans 
rUni^er- 

aux 

materiel. 

diverses. 

que. 

site. 

etudiants 

ih. 

th. 

tb. 

tl). 

th. 

th 

Ih. 

lierliii 

9,747 

80,800 
(300,000'  ») 

55,350 

350 

2,000 

8,983 

157,210 

Bonn 

7,540 

.59,700 

(223,875'  ») 

27,116 

3,300 

4,589 

3,535 

105,780 

Breslau. . . . 

7,354 

44,049 
(165,183'  «) 

24,901 

4,060 

3,500 

7,026 

90,890 

Halle 

6,870 

40,076 
(150,284'  ») 

21,631 

7,926 

3,460 

5,182 

83,163 

Ka-nifisbcig 

5,654 

32,585 

(122,193'  75) 

24,881 

7,565 

5,6";i 

4,884 

79,200 

Gieifswald. 

4,030 

30,755 
(115,191'  ») 

17,733 

3,^76 

» 

5,900 

62,100 

Miinslei- . . . 

510 

9,750 
(38,562'  ») 

4,10G 

300 

» 

612 

15,278 

45,489 

297,715 

175,720 

27,577 

17,200 

34,122 

595,623 

(163,083') 

(l,009,431'25j 

(659,950') 

1102,663') 

(04,o(j0') 

(127,957') 

(2,233,386'  23) 

25 


580  APPEiNDICE. 

On  salt  qu'il  y  a,  dans  loutes  les  universiles  d'AlIeraagne,  trois 
classes  de  professeiirs  :  les  pfofesseurs  ordinaires  on  titulaires  {or- 
denlliche) ;  les  professeiirs  extraordinaires  (ausserordentliche)  re- 
pondant  a  peu  pres  aux  professeurs  adjoiuls  de  nos  Facultes;  les 
privat-docenten,  doni  la  position  est  analogue  a  celle  des  agreges- 
de  medecine  en  France.  Les  professeurs  ordinaires  et  les  professeurs 
extraordinaires  recoivent  seuls  un  Irailement  de  I'Elal,  et,  nature! - 
lenient,  le  cliiffre  du  Iraitement  des  premiers  est  beaucoup  plus  eleve 
que  ceUii  du  traiteinenl  des  seconds. 

A  rUniveisile  de  Berlin,  qui  coinpte  cinquanle-deux  piot'esseurs 
ordiuair-es  et  quaranle-deux  professeurs  extraordinaires,  la  moyenne 
des  iraitemeuts  pour  les  premiers  (ces  traitemenls  varient  selon  la 
nature  de  rcnseignement)  est  la  suivante  :  ^,500  tlialers  (S,02o  fr.) 
pour  les  professeurs  de  Ibeologie  ;  ^,-^60  tlialers  pour  les  professeurs 
de  droit;  -^,^80  tlialers  pour  les  professeurs  de  medecine;  1,500 
pour  les  professeurs  de  philosophie.  Le  Irailement  des  professeurs 
extraordinaires  est  de  580  a  320  tlialers  (de  1,425  a  J  ,950  francs). 

Ces  traitemenls  fixes,  on  ne  Tignore  pas,  ne  constituent  point  les 
seuls  reveuus  des  professeurs  dans  les  uuiversites  allemandes,  taut 
s'en  faut!  Ces  traitemenls  ri5pbudent  aux  liegons  gratuites  (/e^ere 
publice)  que  les  professeurs  sout  tenus  de  faire.  Mais  en  dehors  de 
ces  leQons,  lesquelles  sout  peu  nombreuses  et  les  nioius  importantes, 
les  professeurs  donnent  des  cours  {lesen  ein  Collegium)  sur  des  su- 
jets  determines  par  leur  libre  choix.  Ce  sont  ces  cours  qu'on  appelle 
IcQons  privees  {legere  privatim).  Voici,  par  exemple,  comment  le 
programme  de  ^852  annonrait  les  cours  du  celebre  pbilologue 
Bopp  : 

F.  Bopt»,  docteur, 

I.  Publice  selectos  Rig-Yedaj  hymnos  inlerpretabitur  d.  sat. 
h.  III-IV. 

II.  Privatim  \°  graramaticam  comparativam  linguarum  gr«ca;, 
laiinse  et  germanicse  d.  Lun.  Mart.  Jov.  li.  III-IV.  Iradet.  —  2°  Gram- 
lilali'cam  sanscritam,  duce  libro  suo  minore  (ed.  2.  1845),  docebit, 
d.  Lun.  Mart.  Jov.  b.  IMIL 

Or,  ces  leQons  privees  sont  payees  par  cliaque  etudiant  au  taux 
de  20  fr.  environ  pour  un  semestre.  Et  pour  peu  que  le  professeur 
Use  deux  ou  Irois  colleges,  ce  qui  arrive  souvent,  avec  100  ou  ^50 


Al•PE^DICE.  587 

eleves  par  cours,  le  supplement  du  lroitemen(,  on  le  voit,  triple  ou 
quadruple  le  principal. 

line  telle  organisation  serable  fonctionner  en  Allemagne  au  grand 
proGt,  tout  a  la  fois,  de  la  science,  des  professeurs  el  des  eleves.  La 
situation  financiere  des  professeurs  pent  elre,  on  le  coinprend,  ires 
avanlageuse,  sans  que  I'Elat  depasse,  en  aucune  facon,  les  limites  de 
credit  alloue  pour  le  traileraenl  flxe.  credit  qui  se  monte,  nous 
I'avons  dit,  a  la  soinme  de  297,713  llialers,  ou  ^  ,-Ht,4ol  fr. 

II.— INSTRUCTION  SECONDAIRE. 

La  Prusse  compte  -140  etablissements  publics  d'instruction  secon- 
daire,  parmi  lesquels  ■^^0  gymnases,  c'esl-a-dire  HO  institutions  ou 
le  programme  des  etudes  recoil  un  complet  developpement '. 

i.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  disculer  ce  progiamme  ui  de  le  comparer  au  ii6tre.  Je 
l)iiis  du  raoins  le  faiie  connailre.  En  exarainant  la  repaiiiiion  des  objets d'eriseignemeiit, 
ou  remarquera  le  soia  avec  lequel  sont  atlribuees  aux.  classes  de  la  division  iriferieuie 
les  eludes  necessaires  h  tous.  L'expeileiice  de  rAllemagne  fait  ressortir  la sages'^e  de  la 
reforme  qui  a  place  I'enseigiiemeiU  de  la  geograidiie  et  de  I'histoire  natiojiales,  ainsi  que 
de  I'arilhmelique  daus  la  division  ile granimaire.  l.a piemiere  parlie des  eludes  en  France, 
comme  au  dela  du  Rhin,  forme  aujourd'hui,  grace  a  celte  reforme,  une  sorle  de  cours 
complet,  doiil  beaucoup  de  families  pcuvent  se  contenier,  mais  qui  est  en  meme  lemps 
la  preparation  a  un  enseignement  plus  eleve. 

Voici  le  tableau  des  lemons  qui  ont  ele  donnees  au  gymnase  fran^ais  a  Berlin  en  1832 : 

PREMIERE  CLASSE. 

(Inspecieur  i>p6cial :  h  Directeur.) 

1.  Religion.  {•>  lee.  p.  sem.)  En  liiver  :  Hisloire  ecclesiaslique  depuis  Conslantin  le 
Grand  jusqu'a  la  Reforme.  Repetition  des  siecles  anterieurs.  —  En  ele  :  Explication  de 
I'Epitre  aux  Fhilippiens  sur  I'original.  —  Repetition  de  rintroductioti  aux  livres  du  Nou- 
veau  Testament.  —  Fournicr. 

2.  B^breu.  {2  leQ.  p.  sem.)  Repetition  de  la  partie  elymologique  de  la  grammaire.  — 
Explication  dc  la  Genese,  chap.  1-3,  de  TExode,  chap.  1-4,  17,  des  Juges,  chap.  13-16, 
des  Rois,  I,  17,  —  n,  2  et  des  psaumes  CXX-CL.  —  Le  decalogue  el  quelques  psaumes 
ont  ele  appris  par  cceur.  —  Themes,  version  laliue  et  analyse  grammaticale  de  psaumes 
iHs  en  parliculier.  —  Schmidt, 

3.  Grec.  (6  lec.  p.  sem.,  Sophocle,  Antigone.  —  Homere,  I'lliade,  chant  IV.  En  outre 
les  eleves  ont  lu  une  parlie  de  I'liiade  en  paniculii  r. 

Platen,  I'hedon,  chap.  1-54  et  la  fin  depuis  chap.  C3.  Demosthfene ,  'les  harangues 
Olyntiennes  et  la  iroisieme  Philippique.  —  Extemporalla.  —  Kramer. 

4.  Latin.  (10  ec.  p  sem.)  Horace,  Odes,  liv.  II-UI,  23.  L'fipitre  aUx  Pisons.  Des  odes 
choisies  ont  eie  apprises  par  coeur.  — Kramer  (5  le?.).  "-1 

Tacite,  Annalcs,  liv.  XIII-XV.  —  Ciceron,  Divlnalio  in  Q.  Cajcilium,  in  C.  Verrem 
Actio  I,  Aclionis  II,  hb  I  el  lib.  IV  Init.  Extemporalla,  themes,  compositions;  les  ecoliers 
ont  lu  Chez  eux  Ciceron  de  offwiis  et  le  premier  livre  des  Hisloires  de  Tacite;  de  temps  en 
temps  ils  ont  recite  des  discours  composes  par  eux-memes,  el  soutenu  des  theses.  — 
MuHach.  (7  leg.). 

5.  FrariQais.  2  lec.  p.  sem.)  Histoire  de  la  litlerature  depuis  ses  originesjusqu'au  milieu 


588  APfENDlCI^. 

Berlin  a  6  gymiiases   pour    570,000  liabitants;  Breslau  4  pour 
90,000  ;  Magdebourg  2  pour  50,000  ;  Halle  2  pour  27,000,  etc. 

(lu  dix-septieme  siecle.  —  Lecture  de  quelques  Oraisons  funebres  de  Bossuet,  de  quelques 
Discours  de  reception  de  divers  auteurs  et  des  Femmes  Savanles  de  Moliere.  —  Composi- 
tions et  analyses  d'ouvrages  lus  par  Irs  eleves.  —  de  la  Harpe. 

6.  AUemand.  (2  lec-  p.  seni.l  Histoire  de  la  litlerature  dcpuis  1770  jusqu'a  la  morl  de 
Goethe  (en  hlver);  depuis  ses  origines  jusqu'a  1300  {en  ete).  — Compositions  et  discours 
])rononces  en  classc.  —  Kramer. 

7.  Anglais.  (3  leg.  p.  sem.)  Lecture  du  Sit'f/e  de  Corintlic,  de  morceaux  choisis  de  CliUde 
Harold  par  Byron  et  de  quelques  cliapiires  des  Slxlclies  btj  Bo:.  —  Discussion  de  piu- 
sieurs  chapitres  de  la  grammaire  de  Folsing  en  anglais;  exteraporalia  et  traductions 
orales  de  Tallemand  ( n  anglais ;  compositions.  —  Franz. 

8.  Hisloire.  (3  leg.  p.  sem.)  Histoire  universelle  depuis  la  guerre  de  Irente  ans  jusqu'a  la 
seconde  paix  do  Paris.  —  Repetition  de  I'histoire  ancienne.  —  Kramer. 

9.  Maihimatiques.  (4  le?.  p.  sem.)  En  hiver  :  La  slereometrie  (3  leg.).—  Problemes 
d'algebre  et  de  planimetrie  (1  leg.).  — En  ete  :  Equations  du  second  degre  a  plusieurs 
inconnues;  equations  cubiqncs;  theoreme  du  binome;  problemes  de  trigonomeirie  elde 
stereometrie.  —  JoacliimstliaL 

10.  Physique.  (2  leg.  p.  sem.)  Les  elements  de  rastronomie.  —  Le  galvanisme.  — 
Joachimstlial. 

11.  Philosophic.  (1  leg.  p.  sem.)  Les  elements  de  la  logique.  —  Kramer. 

SECONDE  CLASSE. 

(hispecteur  special :  le  professeur  Lhardy.) 

1.  Heliijion.  (2  leg.  p.  sem.)  En  hiver  :  Kepilition  de  i'histoire  de  i'Aiicien  et  du  Nouveau 
Testament,  en  particulier  de  I'histoire  de  Jesus-Christ.  Lecture  el  explication  des  neuf 
premiers  chapitres  des  Actes  des  Ap6tres  sur  roriginal.  En  ete  :  Dogmaiique  populaire  : 
repetition  des  dogmes  de  Dieu,  de  la  creation,  de  la  Providence;  exposition  des  dogmes 
de  riiorame  el  de  la  Redemption  —  Fournier. 

2.  Hebreu.  (2  leg.  p.  sem.)  Cours  d'etymologie  d'apres  Gesenius.  Explication  des  mor- 
ceaux correspondaiils  du  manuel  de  Bruckner  [Neiws  hebr.  Lescbuch.).  Themes. — Schmidt. 

3.  Grec.  (6  leg.  p.  sem.)  Uoincre,  I'Odyssee  XVII-XX  (2  leg.  —  Les  eleves  promus  de 
Grand'lroisieme  out  ces  legons  separemenldurant  le  premier  semestre.) 

Xenophon,  Hellenica  VU,  i  el  5.  Arrien  I,  1-20.  —  Repetition  des  verbes  irreguliers. 
Exteraporalia.  —  Lecture  domestique  :  Homere,  I'Odyssee  II,  III,  V,  VIIL  Plusieurs  mor- 
ceaux de  I'Odyssec  onl  etc  appris  par  coeur.—  Lhardy  et  Schmidt  (pour  la  lecture  d'Homere 
dans  la  seconde  t^ection). 

4.  Latin.  (10  I.  p.  sem.)  virgile,  rfineide,  chant  III-V  ct  I,  1-bOO.  Egloguel.—  Mullach 
(en  hiver).  Chambeau  (en  ete)  (5  I.). 

Ciceron,  pro  Q.  Ligario  et  pro  rege  Dejotaro.  —  TiteLive,  liv.  IV.  —  Salluste,  Jugurtha, 
chap.  1-57. —  Repetition  de  la  Syntaxe  du  \erbe  et  explication  de  la  syntaxis  ornata 
d'apres  la  grammaire  de  Zum|)t.  —  Themes  et  exteraporalia.  Lecture  domestique  :  Tile 
Live,  liv.  XXII,  XXIII.  —Lhardy  (7  1.). 

5.  Frangais.  (4  1.  p.  sem.)  Lecture  :  Lucrece,  par  Ponsard;  VEcole  des  Vieillards,  par 
Cas.  de  Delavlgne;  Horace,  par  Corneille.  —  Cours  de  versilicaiion.  —  Exorcices  de  de- 
clamation et  d'6locutiou.  —  Coraposilions  sur  des  sujets  donnes.  —  Jeanrenaud. 

6.  AUemand  (2  I.  p.  sem.i  Cours  de  [loetjquo  :  la  poesie  epique  et  lyrique.  —  Compo- 
sitions, discour.s,  recitations.  —  Zinzow. 

7  Anglais.  (2  1.  p.  sem.)  Les  eleves  de  seconde  sent  combines  pour  cet  objei  en  parlie 
avec  ceux  de  premiere,  en  parlie  avec  ceux  de  troisieuje.  —  Franz. 


APPF.\nic.E.  580 

Ni  Paris,  qui,  en  snivant  cette  proportion,  flevrnit avoir  vingt  col- 
leges, ni  des  vilies  comme  Lyon,  Marseille,  Bordeaux,  ne  peuvent 

8.  Histoire.  (3  1.  p.  sem.  Hisloire  grecqiie.  Histoire  roniaine  jusqu'aii  premier  trium- 
virat.  —  Precis  de  la  geographie  ancicnnc  de  la  Grece  et  de  I'ltalie.  —  urarggralf. 

9.  Mathimaliques.  (4  1.  p.  scm.  i  En  hiver  :  Les  puissances,  les  racines,  les  lof;aritiimes, 
les  progressions  geometriques.  Elements  de  trigonomelrie  plane. 

En  ete  :  La  mesure  des  aires  el  du  cercle;  application  de  I'algebre  a  la  geomclrie;  les 
equations  du  second  degre  k  une  et  a  deux  variables;  les  progressions  ariihmetiques.  — 
Joachimsthal. 

10.  Physique..  (2  I.  p.  sem.i  Statique  des  corps  liquides  et  aeriforn  •js.  Le  magnetisme; 
I'electricite;  le  galvanisme ;  I'electro-magnelisme.  —  Joachimsthal. 

TROISIEME   CLASSE. 
PREMlfeRE  SECTION. 

{Inspecteur  special :  le  professeur  Jeanrenaud.) 

1.  Beligion.  (2  1.  p.  sem.)  En  hiver  :  Apergu  de  la  morale  chretienne. 

En  ete :  Histoire  des  souffrances  et  de  la  mort  de  Notre  Seigneur  Jesus-Christ,  d'apres 
les  quatre  fivangiles,  lus  dans  la  traduction  de  Luther.  —  Les  eleves  ont  appris  par  coeur 
des  cantiques.  —  Fournier. 

2.  Grec.  (6  1.  p.  sem.)  L'Anabase  de  Xenophon,  liv.  IV,  6-v,  6.  —  Les  verbes  irieguliers. 

—  Mullach  (5 1.). 

P.epetilion  du  cours  des  classes  inferieures.  Exteraporalia.  —  Marggraff  (\  I.). 

5.  Latin.  (9  1.  p.  sem.)  Ovide,  Metamorphoses,  morceaux  choisis  des  livres  V  et  VI. 
Plusieurs  morceaux  ont  ete  appris  par  cceur.  P.epetilion  des  regies  de  la  prosodic.  — 
Mullach  (3  I.). 

Quinte-Gurce,  liv.  X  et  III.  Cours  de  syutaxc  il'eraploi  des  temps,  des  modes,  des  par- 
licipes,  du  gerondif  et  du  siipin),  themes  et  extemporalia.  —  Lhardy  (6 1.). 

4.  Frcaifais.  (4  1.  p.  sem.)  Lecture  :  I'Art  poetique  et  satires  de  Boileau.  —  Exercices 
de  declamation;  syntaxe;  exercices  de  style.  —  Jeanrenaud. 

o.  Allemand.  (2  1.  p.  sem.)  Compositions.  Exercices  de  declamation  et  de  recitation. 
Lecture  de  plusieurs  morceaux  classiques  en  poesie  et  en  prose.  —  Zinzow. 

6.  Anglais.  (2  1.  p.  sem.)  Les  elements  de  la  langue,  d'apres  la  grammaire  de  Fcelsing. 

—  Lecture  de  la  Vie  de  Colomb,  par  W.  Irwing.  —  Franz. 

7.  Histoire.  (3  1.  p.  sem.)  Histoire  d'Allemagne.  Geographie  et  histoire  du  royaume  de 
Prusse.  —  Marggraff. 

8.  Geographic.  (2  1.  p.  sem.)  Repetition  de  la  geographie  de  I'Europe.  Geographie  ma- 
thematique.  —  Schweitzer. 

9.  Malhimatiques.  (4  1.  p.  sem.)  Elements  de  geometrie  d'apres  Lacroix  jusqu'a  I'aire 
des  polygenes.  —  Algebre  ;  Extraction  de  la  racine  carree  et  cubique  des  quaniiles  litte- 
rales.  Reductions.  Proportions.  Equations  du  premier  degre  ii  une  et  a  plusieurs  iiicon- 
nues.  Problemes.  —  Jeanrenaud. 

SECONDE  SECTION. 

(Inspecteur  special :  le  docteur  Chambcau.) 

i.  lieligion.  (2  1.  p.  sem.)  En  hiver  :  Introduction  aux  livres  de  I'Ancie  el  du  Nouveau 
Testament.  Lecture  et  explication  des  ncuf  premiers  chapitres  de  TEvangile  selon  saint 
Luc. 

Rn  ele  :  Explication  succincle  des  cinq  articles  du  calechisme,  eu  egard  aux  calecl)i»- 


590  APPEXDICE. 

soutenir  la  comparaison,  quant  au  nomhre  des  lycces,  avec  Berlin 
el  les  principales  cites  de  la  Prusse.  Le  chirfre  des  eleves  esi,  it  est 

mes  de  Lutlier  et  de  Heidelberg.  —  Les  eleves  ont  appris  par  coeur  des  canliques.  — 
Fournier. 

2.  Grec.  (6  1.  p.  sem.)  Explication  de  plusieurs  morceaux  du  livre  elementaire  de 
Jacobs.  Les  verbes  reguliers.  Kepetilion  du  cours  de  quatrif!rae.  Exlemporalia.  —  Marg- 
graff. 

3.  Latin.  (10  1.  p.  sem.^  Ovide,  Metamorphoses,  morceaux  chpisis  cjes  livres  III,  IV,  Y- 
Cours  de  prosodie.  —  Marggraff  (-2  1.). 

Cesar,  la  guerre  des  Gaules,  liv.  VII  et  VIII.  Les  regies  du  sul)jonctif  et  de  rinfinitif. 
Repetition  du  cours  des  classes  inferieures.  Themes  et  extemporalia.  —  Chambeau  (8  !.">. 

4.  Francais.  (4  I.  p.  sem.)  Lecture  de  la  Henriade.  Cours  de  syntaxe  d'apres  Borel. 
Traductions  de  I'anthologie  de  Frankel,  second  cours;  extemporalia.  Exercices  de  decla- 
nialion.  —  Noel. 

3.  Allemand.  (2  I.  p.  sem.)  Lecture  de  quelqueg  (frames  de  Schiller.  Exercices  de  de- 
clamation. Compositions.  —  Chambeau  (en  hiver).  Schweitzer  (en  etc). 

6.  Histoire.  (2  I.  p.  sem.i  Histoire  romaine  jusqu'au  regne  d'Augusle.  Histoire  grecque. 
—  Chambeau. 

7.  Geographic  (2  1.  p  sem.)  Repelition  de  la  gcograpliie  de  I'Asie,  de  I'Afrique,  de 
I'Amerique  et  de  I'Oceanic.  Geograpliie  physique.  —  Schweiizer. 

8.  MaiMmatiquea.  (4  1  p.  sem.)  Elements  de  geometrie  d'apres  Lacroix  jusqu'aux 
triangles  semblables  —  Les  qualre  operations  du  calcul  litteral,  les  reductions,  les  pro- 
portions et  la  theorie  des  equations  du  premier  degre  h  une  seule  inconnup.  Extraction 
de  la  racine  carree  des  quantites  litterales. 

QLUTHIEME  CLASSE. 
{Inspecteur  special :  le  docicur  Schweitzer.) 

1.  Tieliqion.  2  I.  p.  sem.i  En  hiver  :  La  conversion  des  Allemands  au  chrislianisme. 
Histoire  de  la  reformation. 

En  ete  :  Histoire  de  lc(  resurrection  de  Noire  Seigneur  Jesits-Chrisl  d'apres  les  qualre 
Evangiles,  et  explication  du  chap.  15  de  la  premiere  i<;piire  de  saint  Paul  aux  Corinlhiens. 
Les  cinq  articles  du  catechi^me  avec  I'explication  de  Luther.  Des  canliques  et  des  passages 
de  rficriture  sainle  ont  ete  appris  par  cceur.  —  Schmidt. 

2.  Grec.  6  I.  p.  sem.)  Cours  de  grammaire  :  la  partie  etypiologique  jusqu'au  verbe 
pur  inclusivemonl,  d'apres  le  manuci  public  a  I'usage  du  college.  —  Traduction  de  quel- 
ques  morceaux  du  meme  manuel.  —  Noel. 

3.  LaUn.  !8  1.  p.  sem.)  Coineiius  Nepos  :  les  biographies  d'Iphicrate,  de  Chabrias  ,  de 
Timolhee,  de  Datames,  d'Epaminondas  et  de  Pelopidas.  —  Cours  de  syntaxe  d'apres  le 
manuel  publie  a  I'usage  du  college,  en  parliculier  Its  regies  des  cas.  —  Repetition  des 
cours  de  ciiiquieme  et  de  sixieme.  —  Themes  et  extemporaha.  —  Schweiizer. 

4.  Frangais.  (4  1.  p.  sera.)  Lecture  el  traduction  orale  de  plusieurs  morceaux  des 
Etudes  historiqucs,  par  Beauvais.  —  Traduciions  de  I'allemand  en  fran?ais  d'apres 
Fraenkel  (1  cours).  —  Repetition  des  verbes  irreguliers.  —Cours  de  syntaxe  jusqu'au 
verbe  inclusivement  (les  regies  du  panicipe  et  du  subjonctifj.  —  Exercices  d'orthographe 
et  de  declamation.  —  Noel. 

5.  Allemand.  (2 1  p.  sem.)  Esercicesde  lecture  et  de  declamation.— Compositions.— Claus. 

6.  Geographic  et  Histoire.  (3  1.  p.  sem.)  Geographie  physique  et  politique  de  I'Europe, 
accompagnee  dune  hi^toire  abregee  de  ses  habitants,  d'apres  le  manuel  publie  par  le 
maitre.  —  Schweitzer. 

7.  Malhimaiiques.  (4  I.  p.  sem.)  Arithmetique  :  Calcul  numerique  pratique.  Les  frac- 
tions decimales.  Extractions  des  racines  carree  et  cubique  des  nombres  entiers  et  des 
fractions. 


APPENniCE.  59^ 

vrai ,  beaucoup  plus  considerable  dans  les  etablisseraents  francais 
que  daus  les  gymoases  dont  on  parle:  aiusi,  tandis  que  les  HO  gym- 

Geometrie  :  Notions  preliminaires ;  des  angles;  des  lignes  paralleles  et  perpendiculaires ; 
de  I'egalile  des  triangles.  —  Joachimsthal. 

8.  CaUigrapliie.  (1 1.  p.  seni.)  —  La  Pierre. 

9.  Dessin.  {-i  I.  p.  sena.)  —  Maresch. 

10.  Chant.  (^  I.  p.  sem.)  —  La  Pierre. 

CINQUIEME  CLASSE. 
{Insperteur  special :  le  docteur  Sciimitii."! 

1.  Religion.  (-2  I.  p.  scm.)  Hisloirc  detaillee  du  Nouveau  Testament  (d'apres  Zaiin, 
Bibl.  Hislorien).  Les  cinq  articles  du  calecliismo  lie  decalogue,  )c  syrebole  aposioliquc 
et  Toraison  dominicale  avec  I'explication  de  Luiher);  des  cantiqiies  ct  des  passages  de 
I'ficriture  sainte  ont  ete  appris  par  cceur.  —  Schmidt. 

2.  Latin.  (8  I.  p.  sem.)  Explication  du  manuel  de  Gedilie,  p.  28-51.  —  Cours  de  gram- 
maire  :  les  verbes  irreguliers;  repetition  du  coiirs  de  la  sixieme  classe;  synlaxe  elemeii- 
taire.  Tliemes  (d'apres  0.  Schulz,  Aufgaben,  etc.)  et  extemporalia.  —  Schmidt. 

3.  FranfUis.  (6  I.  p.  sem.)  Lecture  du  Telemaque,  liv.  I-IV.  —  Traductions  de  I'alle- 
mand  en  frangais.  Cours  de  grammaire  jusqu'au  verbe  exclusivenient.  —  Les  verbes  irre- 
guliers. —  Excrcices  d'orthographe,  de  lecture  et  de  declamation. —  Chambeau. 

4.  Allemand.  (3  I.  p.  sem.)  Exercices  d'orthographe,  de  lecture  et  de  declamation. 
Compositions.  —  Hollenberg. 

5.  G6ofjrapliie  et  Hisioire.  (3  I.  p.  sem.  Geographic  de  I'Afrique,  de  I'Amerique,  de 
I'Asie  et  des  Terres  Auslrales,  accompagnee  de  notices  historiques  sur  les  habitants  de  ces 
pays,  d'apres  le  manuel  publie  par  le  mailre.  —  Histoire  des  Etats  du  roi  de  Prusse 
jusqu'a  I'an  1815.  —  Schweitzer. 

6.  Arilhmitique.  (3  1.  p.  sem.)  La  regie  de  trois  simple  et  composee.  —  Joachimsthal. 

7.  Calligraphie.  (2  1.  p.  sem.)  —  La  Pierre. 

8.  Dessin.  12  I.  p.  sera.)  — Maresch. 

9.  Ciiant.  (2  I.  p.  sem.)  Les  eleves  de  ciuquieme  soiit  reunis  pour  eel  objet  en  paitie 
avec  ceux  de  quatrieme,  en  parlie  avec  ceux  de  sixieme.  —  La  Pierre. 

SIXifiME  CLASSE. 
{Inspecteur  spt'cial :  le  docteur  Zinzow.) 

1.  Religion.  (2  1.  p.  sem.)  Histoire  detaillee  de  I'Ancien  Testament  (d'apres  Zahn,  Bibl. 
Historien).  Les  cinq  articles  du  catechisme  (le  decalogue  et  I'oraison  dominicale  avec 
I'explication  de  Luiher) ;  plusieurs  canliques  et  passages  de  I'Ecriture  sainte  ont  eie  appris 
par  cceur.  —  Schmidt. 

2.  Latin.  (7  1.  p.  sem  ;La  parlie  etymologique  de  la  grammaire  jusqu'aux  verbes  irre- 
guliers. Un  grand  nombre  de  mots  ont  ete  appris  par  cceur.  —  Traductions  du  latin  en 
allemand  et  vice  versa  (d'apres  Gercke,  UebungssiUcke,  etc.)  —  Zinzow. 

4.  Frangais.  (6  1.  p.  sem.)  Exercices  de  lecture  et  d'orthographe.  —  Traductions  du 
franpais  en  allemand  et  de  I'allemand  en  fran(^ais.  —  Conjugaisons  des  verbes  auxiliaires 
el  reguliers.—  Un  grand  nombre  de  mots  ont  ete  appris  par  cceur.  —  La  Pierre  premiere 
section).  Kuntze  (seconde  section). 

4.  Alleinand.  (->  1.  p.  sem.)  Exercices  de  lecture,  d'analyse  et  de  declamation.  —  Exer- 
cices de  grammaire,  d'orthographe  el  de  composition.  —  Zinzow. 

5.  Ggograpliie.  (3  I.  p.  sem.)  Notions  generates  de  la  geographic  mathematique  et 
physique.  Topographic  generate  de  la  terre  :  tableau  des  mers,  des  iles,  des  moniagnes, 
des  fleuves  et  des  principales  villes  des  cinq  parlies  de  la  terre,  d'apres  le  manuel  publie 
par  M.  Schweitzer.  —  Glaus. 

6.  Arithmciiqiie.  (3  I.  p.  sem.)  Le  calcul  des  fractions.  —  Hermes  (en  hiver).  Langs 
(en  ete) . 


592  APPl-iNDICF.. 

liases  du  departemenl  de  Potsdam,  y  compris  ceux  de  Berlin,  ne 
renferment  pas  plus  de  5,000  eleves,  les  cinq  lycees  et  les  deux  col- 
leges de  Paris  admettent  plus  de  5,000  etudiants;  mais  precis6ment, 
il  ne  serait  pas  difficile  de  le  deraontrer,  cetle  repartition  des  eleves, 
d'apres  le  systeme  allemand,  est  a  tous  egards  infiniment  preferable 
a  I'accumulation  qu'impose,  a  Paris  ineme,  le  norabre  trop  restreint 
des  lycees. 

Tandis  que  le  lycee  Bonaparte  est  oblige  de  recevoir  ^,124  eleves 
Louis-le-Grand  880,  Charlemagne  877,  etc.,.,  un  seul  gymnase,  a 
Berlin,  le  Friedrich-WilhelmS' Gymnasium  compte  plus  de  500 
eleves :  le  gymnase  frangais  n'en  regoit  pas  au  dela  de  270 '.  Or 
ce  n'est  point  par  le  nombre  des  eleves,  c'est  par  la  force  des  eludes 
qu'il  convient  de  juger  un  etablissement  d'instruction  publique. 
Loin  de  ma  pensee  de  vouloir  insinuer  que  I'elite  des  etudiants  de 
nos  lycees,  dans  chaque  classe,  soit  inferieure  aux  premiers  eleves 
des  gymnases  allemands;  je  crois  precisement  le  coutraire;  mais, 
ce  qu'il  serait  facile  d'etablir,  c'est  qu'en  general,  dans  les  institu- 
tions secondaires  d'Allemagne  ,  grace  au  nombre  moins  considerable 
des  eleves  2,  I'instruction  est  plus  uuiverseileraent  et  plus  egalement 
repartieque  dans  lesetablissements  fran^ais. 

II  faut  diviser  en  deux  categories  les  ^40  etablissements  publics 
dont  nous  parlous  ici :  les  uns,  au  nombre  de  100,  parlicipent  aux 
subventions  de  I'Etal;  les  autres,  tout  aussi  importants  d'ailieurs,  on 
sont  des  institutions  eniierement  comraunales  {stadtische  ans- 
talten),  ou  vivent  de  revenus  particuliers  et  de  fondalions  spe- 
ciales,  corame  le  gymnase  de  Zeitz,  dans  la  province  de  Saxe ,  ou 

7.  Calligrapliie.  (3  1.  p.  sem.)  —  La  Pierre. 

8.  Dessin.  (2  1  p.  sem.)  —  Marcsch. 

9.  Chant.  (2  I.  p.  sem.")  —  La  Pierre. 

1.  Nombre  des  eleves :  Friedrichs-Werdesches  gymnasium.  —  En  premiere  classe,  54; 
en  seconde  (1"  div.),  38;  id.  (2e  div.),  33;  en  troisieme  [V  div),  39;  id.  {■l"  div.),  60;  en 
quatrieme,  66 ;  en  ciiiquieme,  60;  en  sixienie,  51 . 

Gymnase  Zmn  grauen  Klosier  -.  En  premiere,  36;  en  seconde  (1"  div.),  55;  id.  (2e  div.l, 
33;  en  Iroisidme  (1«  div.),  48;  id.  (2«  div.  A),  4-2;  id.  (2e  div.  B.j,  39;  en  quatrieme 
(l'«  div.),  63;  id.  (2^  div.  A),  36;  id.  {2«  div.  B),  36;  en  cinquieme,  66;  en  sixicme,  29. 

Gymnase  frangais :  En  premiere,  17;  en  seconde,  29;  en  troisieme  !l'=  div.),  24;  id. 
(2e  div.),  44;  en  quatrieme,  46;  en  cinquieme,  55;  en  sixieme,  62. 

nemarquez  la  triple  division  des  troisieme  et  quatrieme  classes  dans  le  second  de  ces 
gymnases. 

2.  En  etablissant  la  proportion  des  professeurs  et  des  jeunes  etudiants  des  symnase.«, 
on  trouve  un  mailre  pour  moins  de  vingt  eleves. 


APPEN'DICC.  595 

le  cloUre  de  Magdeboiirg,  qui  jouit  d'uu  revenu  de  54,800  thalers 
030,500  fr.). 

Reparlies  entre  !es  100  etablissemeiUs  en  queslion  ,  les  subven- 
tions de  I'Etat  s'eievent,  nous  I'avons  dil,  a  292,458  thalers 
(i, 096, 71 7  fr.).  En  France,  les  subsides  du  Gouvernement,  dans 
I'iuteret  de  I'instructiou  secondaire,  subsides  accordes  aux  57  ly- 
ceeset,  dansune  proportion  tres  faible,  a  66  colleges  communaux  , 
alteignent  le  chilTre  total  de  2,514,507  fr.  ■". 

D'apres  les  regies  de  la  statistique,  ^  million  d'Inbilants  suppo- 
sent  93,454  enfants  males  de  8  a  -18  ans.  La  population  de  la  Prusse 
etant  donnee,  11  faut  compter  dans  ce  pays  ^,40l,8^0  jeunes  gar- 
Qons  compris  dans  les  limites  d'age  iudiquees.  Or,  a  supposer  un 
instant  que  tous  les  jeunes  gens  indistiuctement  participassent  a 
I'instructiou  secondaire,  I'Etat  en  Prusse  coniribuerait  aux  frais  de 
celte  instruction,  a  I'egard  de  chacun,  pour  un  pen  plus  de  78  c.  En 
France,  dans  la  meme  hypolhese  et  d'apres  le  meme  calcul,  la  part 
de  I'Elat,  le  cbiffre  actuel  des  depenses  etant  donne,  ne  seraitque 
d'un  peu  moins  de  69  c. 

Qu'on  cesse  done  de  representer  la  France  comrae  grossissant  a 
plaisir  son  buget  de  ^instruction  publique,  et  de  I'invitera  rediiire 
ce  budget  d'apres  I'exemple  des  nations  eirangeres.  Avant  d'invoquer 
cet  exeraple  pretendu  de  nos  voisins,  il  serait  utile  de  les  connaitre. 
Le  bon  sens  ne  s'en  plaindrait  pas  et  la  discussion,  a  coup  siir,  n'y 
perdrait  rien. 

Lechiffre  des  subventions  accordees  en  France  par  le  Gouver- 
nement a  I'instructiou  secondaire  est  d'autant  plus  modere,  rela- 
tivement  an  cbiffre  correspondant  du  budget  prussien,  que  le  pre- 
mier, en  bonne  logique,  devraitetre  proportionnellement  beaucoup 
plus  considerable  que  le  second.  En  effet,  les  etablissements  d'ins- 
truction  publique  en  Allemague  possedent  des  rcssources  particu- 
lieres  incomparablement  plus  elevees  que  celles  de  nos  colleges  et 
de  nos  lycees. 

Quelle  est  la  somme  totale  des  revenus  propres  des  lycees  fran- 
?ais?  5^5,378  fr.  Quelle  est  celle  des  revenus  correspondants  des 
gymnases  prussiens?  4^ 5,906  thalers,  c'est-a-dire  ^, 559, 847  fr. ! 

1.  Lycees,  1,533,851  fr.  87  c. 

Bourses  et  degrevemeiits,  679,244  fr.  10  c. 

EncouragemcDts  aux  colleges  communaux,  99.231  fr.  oc  c. 


594  APPENDICE. 

La  difference  est  plus  saisissante  encore  quand  on  compare  les 
deux  chiffres  des  recetles  gonerales  des  premiers  et  des  seconds  : 

Total  des  recettes  (lycees  fran^ais) 8,882,082  fr,  95  c. 

Id.  (gymiiases  prussiens).  ...     ^, 008, 535  thalers. 

(4,08^,257fr.)^. 

Deux  lycees  seulement  en  France  jouissent  de  revenus  impor- 
tanls  :  Louis-le-Grand  et  Napoleon  (63,945  fr.,  —  et  95,099  fr.). 
Apres  ces  deux  lycees  viennenl ,  dans  I'ordre  des  faits  en  question, 
ceux  de  Rouen  (14,361  fr.)  ;  de  Strasbourg  (M,665  fr.)  ;  de  Lyon 
(10.940  fr.)  ;  de  Melz  (9,138  fr.)  ;  de  Nantes  (8,030  fr.)  ;  de  Douai 
(7,966  fr.) ;  de  Rodez  (9,056  fr.)  ;  de  Tournon  (5,877  fr.);  de  Laval 
(5,404  fr.).  Los  revenus  des  autres  lycees  n'alleignent  que  des  chif- 
fres plus  ou  raoins  insignifiants. 

Voyez,  au  contraire,  lesetablisseraenls  prussiens,  Laissons  de  cote 
les  six  gymuases  de  Berlin,  dont  le  revenu  total  est  de  51,953  tha- 
lers ou  194,685  francs;  prenons  les  gymuases  des  provinces.  Voici 

quelques  noms  et  quelques  chiffres  : 

Revenu. 

Gymnase  de  Pforta  -.- 4 1 ,1 1 6  th. 

(154,185  fr.) 

—  deLiegnilz 25,195  Ih. 

(94,472  fr.) 
Ecole  latiiie  de  Halle 3,291  tl|. 

(19,832  fr.) 
Gymnase  de  Munster 8,172  th. 

(50,445  fr.) 

—  de  Duisburg 5,621th. 

—  deCoesfeld 4,995  Ih. 

(18,761  fr.) 

(22,078  fr.) 

—  de  Bonn 7,170  Ih. 

(26,887  fr.) 

—  de  Oppeln 3,576  Ih. 

(20,159  fr.) 

—  de  Gleiwitz 5,719  th. 

(19,166  fr.) 
Etc,  etc. 

1.  Cetie  disproportion  s'explique  tout  naturellement,  les  peniionnats  etant  pour  ainsi 
dire  inconnus  en  Aliemagne.  Le  produit  des  pensions  entre  a  lui  seul,  dans  I'ensemble 
des  recettes  des  lyc6es  franpais,  pour  4,3^6,224  fr.  91  c. 

2.  Pensionnat. 


APPENDIGR.  505 

La  situation  fiiianciere  ties  gymnases  est  done  geueralement  Ires 
bonne.  Eh  bien,  de  lels  revenus  n'erapeciient  pas  le  gonvernement 
priissien  d'inscrire  au  budget  de  I'insirnction  publique  des  sorames 
considerable^  deslinees  aux  subventions  dontnous  avons  parte. 

L'avantage  que  possedent  les  MO  gymnases  prussiens  sur  nos 
57  lycees^  sou*  le  rapport  des  ressources  propres,  est  un  point  tres 
important.  La  moyenne  de  ces  revenus ,  pour  les  seconds  ,  est  de 
5,556  fr.  40  c;  elle  est  pour  les  premiers  de  ^  2,579  fr.  65  c.  On 
le  voit  done  au  premier  coup  d'oeil  :  quand,  frappc  des  anomalies 
qui  embarrassaient  le  regime  financier  des  lycees,  M.  le  Ministre  de 
rinstriiclion  publiqne  y  a  porte  remede  en  soumellant  les  tarifs  des 
frais  d'etndes  a  une  revision  severe,  les  personnes  qui,  pour  essayer 
de  combattre  une  mesure  commandce  par  I'inleret  des  grands  eta- 
blisseraents  publics,  croyaient  pouvoir  invoquer  I'experience  des  pays 
voisins,  ces  personnes  ignoraient  lesdonnees  les  plus  elementairesdu 
probleme.  Premierement,  elles  se  Irompaient  en  fait.  Les  frais  d'e- 
tudesdoiU  le  taux  varie  du  restedans  les  diverses  provinces  de  Prnsse, 
sont,  dans  plusieurs  etablissements  d'outre-Rhin,  plus  eleves  qu'ils  ne 
le  sont  en  France.  Mais  ensuite,  et  surtout,  I'argument  reposaJt  sur 
une  assimiliation  impossible.  Les  gymnases  prussiens  possedent  des 
revenus  propres  plus  importants.  du  double,  que  ceux  des  lycees 
francais.  Comment  done  conclure  du  tarif  adopte  dans  les  uns  au 
tarif  reclame  par  les  autres?  Ce  qui  en  general  sufQt  ii  la  vie  des  pre- 
miers serail  la  mort  pour  les  seconds.  Voila  ce  qu'il  etait  neces- 
saire  de  savpir  el  ce  que  pourtant  on  ne  savait  pas. 

Certes,  que  Ton  Irouve  le  moyen  de  porter  les  515,578  fr.,  chiffre 
des  revenus  propres  de  nos  lycees,  an  chiffre  qu'alteignent  en  Prusse 
les  revenus  de  meme  nature;  qu'on  resiitue  a  nos  elablissemenls 
d'inslrnction  secondaire  ces  fondations  accnmulees  jadispar  la  main 
des  siecles,  el  qui  semblaieni,  dans  lordre  intelleclnel ,  I'expression 
meme  des  progres  de  la  civilisation  frangaise,  on  aura  rendu  facile  la 
solution  de  bien  des  probleme?.  Que  faireeu  attendani,  sinon  accepter 
avec  reconnaissance  une  reforme  qui  permet  de  ceder  aux  instances 
d'un  grand  nombre  de  villes,  de  fonder,  soil  dos  lycees  d'internes, 
soil  des  lycees  d'exlernes,  sans  reclamer  du  tresor  public  aucune 
allocation  ?  La  est  le  point  capital,  la  est  le  besoin  reel  que,  pour  le 

1.  9  lycees  nouveaux  ont  ete  crees,  depuis  1855.  par  M.  le  ministre  de  Pinstruclion 
publique. 


596  AP^F^DR.E. 

fleveloppement  dcs  edides  classiqiies  et  le  progros  moral  du  pays,  il 
iraporte  de  satisfaire.  C'est  aux  adversaires,  s'il  s'en  trouve  encore, 
de  la  reforme  financiere  accomplie  recemraent,  qu'il  faut  surtout 
rappeler  celte  antilhese  significative:  la  Prusse ,  pour  H5  millions 
d'liabitanis,  a^^0  gyranase;  la  France,  pour  56  millions  d'ames, 
a  57  lycees^ 

Les  gymnases  de  Prusse  n'admettant  presque  sans  exception  que 
des  externes,  les  depenses  generales  en  sont  peu  compliquees.  — II 
faut  repartir  ces  depenses  en  deux  grandes  categories :  traitemonts 
des  professeurs ;  —  materiel  et  frais  d'administration. 

La  somme  totale  des  traitements  s'eleve  a  7J 9,479  thalers,  ou 
2,697,344  fr.  55  c;  les  depenses  dc  celte  nature,  dans  les  gymnases 
de  Berlin,  sont  ainsi  fixees  : 

Verdersches  gymnasium ^ 3,624  tli. 

(5^,^49fr.) 
Koelnisclies  gymnasium -12,212  th. 

(45,795  fr.) 

Friedrich-Wilhelras  gymnasium 55,925  th. 

053.7i8  fr. 
Franzosiscbes  gymnasium. .  r 8,700  tli. 

(52,625  fr.) 
.loachimstaler  Gymnasium 17,289  tli. 

(64,855  fr.) 
Berlin'sches  gymnasium • 15,878  th. 

(59,467  fr.) 

Les  traitements  des  directeurs  de  ces  six  gymnases  sont  de 
2,500  thalers  (9,575  fr.)  corame  maximum,  et  de  1,500  thalers 
(5,623  fr.)  comrae  minimum. 

Dans  les  provinces ,  ies  traitements  des  fonctionnaires  du  memc 
ordie  varieiit  de  600  thalers  (2,210  fr.),  comme  a  Milnsterfield  ,  a 
1,500  thalers  (4,875  fr.),  comme  a  Koenigsberg. 

Les  traitements  des  professeurs  sont  en  rapport  avec  ceux  dont  on 
\ient  de  parler.  A  Berlin,  ces  traitements  varient  de  1,400  a 
1,600  thalers  (de  5,250  a  6,000  fr.).  En  province,  ils  descendent, 
meme  pour  les  professeurs  superieurs  (ober-lehrer) ,  a  900,  700, 
500  et  400  thalers  (de  5,575  fr.  a  1,500  fr.). 

1.  II  faut  (lire  aiijoiird'hui  :  or>. 


APl'EiNDlCE.  507 

Les  depeiises  de  la  seconde  calegorie,  a  savoir  les  frais  d'adininis- 
Iratioii ,  soiit  peu  considerables  dans  les  gymnases  allemands.  D'a- 
bord,  je  le  repete,  le  systeiue  des  pensioniiats  est,  pour  ainsi  dire, 
inconnn.  Ensuite,  merae  dans  les  quelques  etablissemcnts  oil  sont 
admis  les  internes,  radnainislration  est  fort  simple  :  les  fonctions 
de  censeur  n'exislent  pas ;  le  directeur  gouverne  le  gymnase,  ayant 
sous  ses  ordres  un  employe  charge  du  materiel ,  employe  dont  les 
altribulions  ropondent  a  celles  de  I'econome  de  nos  lycoes  ;  mais, 
lout  en  gouvernant,  il  reste  professeur  et  fait  des  classes  comme 
ses  collegues,  en  moins  grand  nombre  toutefois ,  cela  va  sans  dire. 
Les  frais  d'administration  ne  depassent  pas  954  Ihaleis  (3,502  ir.)  d 
Zulichau,et  ^,042thalers  (5,900  fr.)  a  Pulbus, 

III.  -   INSTRUCTION  PRIMAIRE. 

La  part  de  I'Etat,  siir  une  depense  tolaie  d'environ  14,800,000  fr. 
consacree  k  rinstruclion  primaire  en  Prnsse,  est,  nons  I'avons  dit, 
de  594,858  tlialers,  ou  de  ^, 489, 942  fr. ;  plus,  200,000  llialers  en- 
viron, 750,000  fr.,  pour  supplements  de  traileraenls  rt  frais  de  bati- 
ments,  resultant  du  droit  de  patronage  :  le  lout,  en  vue  d'une  po- 
pulation de  15,000,000  d'Labilanls.  Cette  meme  part,  dans  le  budget 
fraoQais,  pour  55  000,000  d'ames ,  est  de  4,970,000  fr. ;  plus, 
7il8,000  fr.  affectesaux  frais  d'inspection,  —  c'est-a-dire  que  I'Etat 
en  Prusse,  par  million  d'habitants ,  affecte  a  I'inslruction  primaire 
-149,996  fr.,  (andis  que  la  France  y  consacre  158,855  fr. 

J'ajoule  iramedialenient  qu'en  vcrtu  d'un  principe  dont  I'appliea- 
tion  scmblcrait  plus  difflcile  en  France,  I'Etat  en  Prusse  n'intcrvienl 
que  gracieiisement  (uus  gnade)  dans  les  depenses  de  1' instruction 
primaire.  Ainsi  qu'en  Anglcterre,  un  grand  nombre  d'ocolcs  sont 
entretenues  par  des  fonds  particuliers  provenant  de  fondations.  Les 
autres  vivent  de  subsides  payes  par  les  communes,  les  socieles  rf'e- 
roles,  dans  les  campagnes  (Landschulverein)  ou  les  cercles  de  re- 
gence  (dcparlements). 

Une  socieled'ecole  est  composeo  de  tons  les  proprielaires  fonciers 
sans  distinction  ct  des  peres  de  familh  domicilies  dans  la  circon- 
scription  de  la  commune,  on  en  certains  cas,  de  plusieurs  com- 
munes. Les  ressources  communales  ordinaires,  joinles  k  la  retribu- 
tion scolaireou  aux  revenus  dos  donations,  venanl  a  etre  insuffisantes 
pour  faire  face  a  des  frais  dc  fondation  ou  <le  reconstruction  d'e- 


51>8  APPENDICE. 

cole,  les  depenscs  iiecessaires  sont  niises  par  un  impot  special  el 
(lout  ia  qiiotito  est  essentiellement  variable,  el  la  charge  des  peres  de 
famille  {Uausvaler) . 

Ce  dernier  mot  presente  ici  un  sens  analogue  a  celui  que  lui  don- 
nait  le  droit  romain.  II  designe  tout  habitant  de  la  commune,  sui 
juris.  Horniis  les  ecclesiasliques,  les  maiires  d'ecole,  les  militaires, 
les  personnes  a  gage,  mil  n'est  dispense  de  la  contribution,  qu'on  ait 
ou  qu'on  n'ait  pas  d'enfanis  a  I'ecole.  11  s'agitd'uninteret  general  au- 
quel  la  loi  niles  moeurs  ne  permetlent  qu'on  demeure  elranger. 

La  contribution  est  ordonnee  par  la  regence  ,  et  la  repartition  en 
estcalculee  par  les  autorites  communales,  d'accord  avec  les  repre- 
sentants  des  socieles  d'ecole. 

Cette  contribution  est  proporlionnelle  aux  rentes,  produit des  biens- 
fonds,des  industries,  des  biens  de  loute  nature.  C'est,^  vrai  dire,  un 
impoisurlerevenu,  genre  d'impot  qui,onlesail,  n'a  rien  de  nouveau 
pour  la  legislation  ni  de  redouiable  pour  les  moeurs  de  TAIIemagne. 

L'impot  doni  il  s'agit  piesenle  ceci  de  remarquable,  qu'il  pese 
sur  les  biens-fonds  comme  une  charge  reelle.  La  propricie?  laquelle 
il  s'attache  vieut-elle  a  etre  deraembree ,  chaque  parlie  reste  de 
plein  droit  grevee  d'une  quotite  proporlionnelle  de  contribution  '. 
—  Et  c'esl  ainsi  que  le  soin  des  intcr^ls  moraux  et  inlellectuels  du 
peuple  est  eleve,  au  del'a  duRhin,au  premier  rang  des  devoirs  publics. 

C'est  seulement  en  cas  d'insuffisance  de  ces  ressources  diverses, 
qu'un  appel  pent  elre  fait  aux  secoiirs  de  la  regence(du  departemeni) 
et  aux  liberalites  de  I'Etat. 

On  pent  niainlenant  se  rendre  comple  de  la  disproportion  des 
depenscs  mises  a  la  charge  de  I'Etat ,  pour  des  serviced  de  niejue  na- 
ture, dans  le  budget  fran(;ais  et  dans  le  budget  prussieu. 


BUDGET  fran<;ais  : 

SubvPiilioiis  aux  coinnuuies  poui- 
depcnses  ordiiiaires  de  leurs  ecoles  _ 
coninuuiaic's 5,560,000  fr. 

Plus,  siibvenlioiis  pour  conslruc- 
Uous,  repaialiuns  el  locations  ex- 
Iraordinaires  des  maisons  d'ecole. .       900,100 


4,460,000  fr. 


BUDGET  PKISSIEN 

Id. 
Id. 


1,418,760  fr. 


i.  Lc  fail  enoiice  ici  se  relrouve  en  article  de  loi  dans  le  projel  de  1819,  ciie,  dans 
son  onsoml)lo,  par  M.  Cousin  Ce  projet,  nous  avons  eu  occasion  de  Ic  dire,  n"a  jamais 
abouii.  Un  aulre  projet  de  1849  a  eu  le  nierae  sort.  Quoi  qu'on  ait  pu  affirmer,  a  part  le 
IXiglemeni  des  Ecoles  de  l"G5,  reglcnjeiil  ipie  nous  avons  fait  connaiire  ailleurs,  il  n'exisie 
pas  un  Pnisse  de  loi  generate  sur  I'instriicliou  publiquc. 


Al'PENDlCP;. 


5D1) 


Encore  laut-il  comprendre,  dans  ce  chitlre  de  ■^,4^8,760  I'r.,  des 
depenses  donl  la  phis  grande  partie  est  mise,  en  France,  a  la  cbarge 
dii  ministere  de  I'interieur,  savoir  : 

Etablissements  de  jeunes  avieugles  el  de  sourds- 
muets • 


Etal)lissements  d'orphelins  et  de  bienfaisance. 


^5,^^8  thalers. 
(50,5n  fr.) 
75,198  Ibalers. 
(291,192  fr.) 
Pour  les  depenses  specialement  applicables  aux  etoles  primaires 
proprcraeiit  diles  (secoius  a  des  maisons  d'ecole  ,  et  complement  de 
traitement  des  maitres),  il  ne  faut  compter  qu'une 

somme  de 1 87,267  Ihalers. 

(ou  702,  231  fr.  25  c.) 
11  n'esl  pas  inutile  de  connaitre  la  repartition  de  cette  somme 
entre  les  26  cercles  de  regence.  Elle  correspond  an  credit  inscrit  au 
budget  frangais  sous  le  titre  de  «  subventions  aux  coniniunes  pour 
les  depenses  ordinaires  des  ecoles  publiques,  »  credit  s'elevant  au 
chiffrc  de  5,^79,966  fr.;  el  comme  !e  cercle  de  regence  (regierungs 
hezirk)  allcmand  repond  au  departement  francnis,  il  est  possible 
d'elablir  une  comparaison  (jui  ne  sera  pas  sans  inleret  : 

Cercles  de  regence. 


Noms  des  cercles. 


Koenigsberg 


Gumbinnen. . . 

Dantzig 

Mariemverder. 

Posen 

Broraberg.  . . . 

Stetlin 

Cobliii 

Stralsund 

Breslau 

Liegiiitz 

Oppeli) 

Berlin 


Somnies  atli-ibuecs 
a  cbacun. 

15,K91  thalers. 

V()0,lti6  fr.) 

4,516 
(16,933  fr.) 

8,94-2 
(30,932  fr.) 

12,935 
(38,506  fr.) 

27,688 
(1()3,«40  fr.) 

4,514 
(16,827  fr.) 

4,-284 
(15,9BS  fr.) 

2,843 
(9,686  fr.) 

294 

(1,002  fr.) 

4,764. 

1,423 

3,667 

2,638 


Noms  des  cercles. 

Potsdam 

Francfort 

Magdeb'ourg    . . . 

Meyebourg  

Erfiirt 

Mdnster 

Minden ....    .  . 

Avusbirg 

Cobienlz 

Dusseldorf. .  .    . 

Cologne 

Treves 

Aix-la-Chapelle . 


Somuies  atU'iLuees 
a  chacun. 

17,386  thalers. 
1-2,000 

8,102 

3.730 

2,638 
15,676 

8,1-25 

4,231 

2,68-2 

7,194 

1,399 

2,755 

l,527j 


Prenons  maiutenant  26  departements  frani^ais  : 


^00 


Al'PEiNDICi:. 


Noms 
des  departemeiits. 

Ain 

Aisne 

Allier 

Alpes  (Blisses-). . . , 
Alpos  (Hautes-). . . , 

Ardcche 

Ardennes 

Aiiesc 

Aube  

Aude 

Aveyron 

CaDial , 

Charente - 


Soninies  adribuecs 

77,746  fr. 

9fi,609 

15,552 
125,315 

93,896 

69,961 

31,863 

91,515 

37,997 

79,183 
165,792 

41,606 

59,543 


Noms 
des  (lipartcmcnls. 

Charente-Inferieure 

Cher 

C<irreze 

Corse 

C6tes-du-Nurd. . .  . 

Creusc .... 

Doidogne 

Doubs 

Dr6me 

Card 

Garonne  (Haute-).  . 

Cers 

Lozere 


Sonimcs  altribuvcs 
a  chaciin. 

8,527  fr. 

7,195 

03,478 

159,711 

6,902 
65,718 
52,560 
91,585 
78,014 

8,000 
70.136 
98.984 
■101,598,  elc. 


La  nioyenne  de  la  subvention  pour  chaque  cercle  de  regence  est 
tie  27,009  francs;  pour  chaque  deparlcment  fran^ais,  elle  est  de 
56,976  francs.  Encore,  il  ne  faut  pas  I'oublirr,  et  nous  le  repelons, 
ne  sout  comprises  dans  le  chiffre  de  3,179,966  fr.  repondant  aux 
702,  251  fr.  2.5  c,  du  budget  prussien,  que  les  subventions  pour  de- 
penses  ordinaires  des  ecoies  publiques ;  en  dehors  de  cetle  somme, 
les  depenses  exlraordinaires  el  speciales  a  la  charge  de  I'Etat  s'e- 
leventh  ^, 853, 71 3  fr.  29  c. 

La  moyenne  du  traiteraent  des  instituteurs  onseignanl  dans  les 
villes  en  Prusse  est  d'a  peu  pres  800  fr. ;  celle  d'un  maitre  de  vil- 
lage ne  s'eleve  pas  a  plus  de  550  fr. 

lin  lei  traileinenl  est  hors  de  toute  proportion  avec  les  charges 
auxquellos  uii  insiiluleui,  pcre  de  famille,  est  oblige  de  faire  face, 

Celle  i!isuflisance  a  determine  nn  usage  qu'on  ne  pent  citcr  assu- 
rement  comme  exemple  a  suivre,  mais  qui  lemoigne  du  zele  des  po- 
pulations rurales  en  AUemagne  a  subvenir  aux  besoins  des  humbles 
fonclionnaires  auxquels  sont  confics  les  inlerels  de  Teducalion  : 
dans  un  assez  grand  nombrede  villages,  rinsiituleur  est  en  possession 
de  ce  qu'on  ponrrail  appeler  le  droit  a  la  table  j  il  va  diner  de 
por!e  en  porle  {Wundeltisch),  el  son  couvert  est  rais  snccessivement 
chez  tons  les  jjcres  de  famille  (Hausvnter)  de  la  commune  '.  11  y  a 
plus,  dans  les  hamcaux  de  plusieurs  regences,  nolamment  des  re- 
gences  d'Oppeln  et  de  Coblenlz,  les  habitants,  plulot  que  de  se  pas- 
ser de  rinsiituleur  pour  qui  n'a  pu  etre  construite  une  maison  d'e- 

1.  Ce  systeme  est  comparable  a  ce  qui  se  passe  encore,  a  I'heure  qu'il  est,  dans  certains 
depnrtemenls  de  France,  notamnienl  dans  le  departement  de  la  Haute- Loire,  ou  lespau- 
vres  instiuurices  appartenant,  sous  le  nom  de  Bcotes,  a  une  sorte  de  tif rs-ordre,  ne  re- 
coivent  des  muuicipalites  aucaiie  leniuneralion  pecuniaire.  Ccs  lemmes  devouces  oppo- 
sciitau  denument  le  plus  absolu  un  esprit  d'abnegalion  (|ue  I'aii  iiaitre  ot  que  soulicnl  la 
pensce  relisicuse;  cllcs  quetent  de  porle  en  porte  ce  qui  est  neces.-a're  au  fouUen  de  Icur 
/aborieuse  existence. 


APPENDICE.  A0\ 

cole,  lui  donnent,  cbacun  a  son  tour,  le  gite  et  le  feu  ;  I'inslituteur 
devient  successivement  I'hote  nocturne  de  tons  les  habitants. 

En  depit  de  ces  expedients  ,  le  sort  des  institutenrs  de  village,  on 
le  comprend  ,  a  ele  I'ohjet  de  reclamations  trcs  vivos.  Dans  un 
pays  voisin  de  la  Pnisse,  en  Saxe,  la  loi  ,  par  imitation  de  la  loi 
franQaise  ,  a  fixe  un  minimum  pour  le  traitement  des  maitres  d'e- 
cole  (450  fr.).  Et,  en  ce  moment  raeme,  radminislration  supcrieure 
en  Prusse,  s'occupe  des  moyens  de  mettre  la  situation  materielle  des 
instituteurs  plus  en  rapport  avec  la  consideration  dont  ils  sont  en- 
toures. 

Toutefois,  si  le  principe  d'un  minimum  de  traitement  semble  de- 
voir etre  adopte  par  I'admiuistration  prussienne  ,  il  n'est  pas  ques- 
tion de  deroger  a  I'usage  d'apres  lequel  les  jeunes  instituteurs  exer- 
Qant,  a  leur  debut,  en  vertu  d'un  litre  simplement  provisoire,  ne 
rcQoivent  un  traitement  normal  et  complet  qu'apres  une  nomination 
definitive. 

Ne  penvent  elre  nommes,  avec  un   Hire  delinitif,  des  leur  en- 
tree dans  la  carriere,  que  les  candidals  qui,  lors  de  I'exnmen,  ont 
oblenu  le  brevet  de  capacite  {Wahlfahigkeit-Zeugniss)  de  premier 
ordre. 

Les  aiitres  doivent  exercer,  en  vertu  d'une  delegation  provisoire, 
deux  aniiees  au  moins  dans  une  ecole  piiblique  ou  privee.  Ces  deux 
annoessoiit  un  tempsd'epreuve  a  Texpiration  duquel  les  temoignages 
des  aiilorilos  scolaires,  temoignages  portaiit  sur  I'aptitude  ,  les  dis- 
positions morales,  la  vocation,  en  un  mot,  peuvent  seules  assurer  au 
candidal  la  conqneie  d'un  litre  definilif.  Jusqu'a  ce  raoraenl,  I'insti- 
tuteur  n'a  pas  droit  a  la  jouissance  inlegrale  du  traitement  affecte 
au  poste  qn'il  occupe  *. 

Tandis  que  la  plus  grande  parlie  des  depenses  relatives  auxecoles 
priniaires,  en  Prusse,  est  a  la  charge  des  communes ,  I'Etat  y  assume, 
au  conlraire,  la  presque  lotaliie  des  frais  occasionues  par  les  ecoles 
uormales. 

II  y  a  en  Prusse  48  ecoles  normales  pour  I'entretien  desquellcs 

I'Eiat  acc'orde  ,  cliaque  annee  ,  une  subvention  de   118,953  Ihalers 

(446,081  fr.),  I.a  somrae  correspondante  dans  le  budget  fran(^ais  ne 

s'eleve  pas  a  200,000  Ir.  Les  rcnles  et  revenus  propres  des  etablisse- 

menlsprussiens  forment  un  total  de  38,102  ihalers, ou  de  217,282  fr. 

1.  V.  le  litre  I"  da  dwrot  du  oi  decembre  IS'^. 

26 


402 


APPENDICE. 


Ceux  des  ecoles  fran^aises  montent  a  401,988  fr.  La  moyennc 
des  depenses  dans  les  premieres  est  de  5,667  thalers  ou  de 
-15,741  fr. 

II  n'est  pas  inutile  de  presenter,  pour  quelques  ecoles  normales  , 
le  tableau  des  recettes  et  des  depenses,  en  inscrivant  en  regard  la 
part  contributive  de  I'Etat. 

Noms  des  Ecoles  normales. 


Kcole   normale  de  Braunsberg. . 

—  d'Eylau 

—  d'Ana;erburg  .  .  . 

—  de  Kamlane  . . . , 
Petite  ecole 
preparatoire  de  Blargi  abowa. 

—  de  Marieiiburg. . 


d<^  Grandenz 
de  Breslau.. 
de  Sleiiiau.  . 
de  Benzlau. .. 

de  Berlin 

de  Copnick  .  . 
de  Miiiister  .  . 
de  Mems.  .  .  . 
de  KeMi|)eii  .  . 
de  BiQIil .  .  .  . 


Tola! 

Traitenients 

Subvcnlions 

s   tiepoiises. 

des  niaitres. 

(le  I'Etat. 

4, no  til. 

1,505  th. 

4, 1  GO  111. 

4,573 

2,1  JO 

4,(,09 

4,-2(,0 

2,100 

4,2-23 

5,838 

2,542 

5,817 

100 

100 

4,2  |-i 

2,629 

4,-213 

5,058 

2,410 

1,5(10 

4,!I15 

?,470     ■ 

1,526 

4,44-2 

2,470 

4,309 

4,OoO 

2.273 

8,38G 

5,955 

5,8no 

9,(.0i 

4,551 

5,630 

2,84G 

1,8-20 

1,080 

4.170 

2,-:oo 

3,()70 

6,480 

9,670 

6,480 

6,680 

2,900 

6,U00 

Etc.,  etc. 

Les  frals  d'inspection  des  ecoles  primaires  s'elevent,  en  France,  a 
pres  de  730,000  fr.  (  traitement  :  455,758  ;  frais  de  tournee  : 
292,268  fr,);  ils  ne  s'elevent  pas  en  Prusse  au  dela  de  70,000  fr. 
La  raison  de  cette  difference  est  fort  simple  :  les  inspecteurs,  au 
dela  du  Rhin,  ne  forment  pas  un  corps  de  fonclionnaires  speciaux. 
lis  sont  tous  empruntes  au  cadre  ecclesiastique ,  et  invcstis  d'une 
mission  scolaire  qui  est  consideree  comme  I'appendice  naturel  de 
leurs  fonctions;  ils  regoivent  non  pasun  traitement,  maisune  simple 
indemnile  de  deplacement,  laqueliene  s'eleve  pas,  pour  cliacun,  a 
plus  de  200  ou  230  fr. 

Un  inspecteur  est  prepose  a  la  direction  scolaire  d'un  cercle,  kreis. 
Ce  cercle  renferme  de  25  a  40  ecoles.  Charge  d'un  si  faible  nombre 
d'etablissements,  le  kreisschulinspectur  les  visile  frcquemment.  On 
ne  comprendrait  pas,  en  Allemagne,  que  500  et  400  ecoles  pussent 
etre  conBees  a  la  surveillance  d'un  seul  homme. 

Pour  que  rapplicatiou  d'un  tel  systeme  soit  possible  ,  une  condi- 
tion sine  qud  non,  on  le  comprend,  est  que  le  clerge  fournisse  un 
nombre  considerable  d'hommes  capablesde  faire  preiive  dans  I'ecole, 
et  sous  les  yeux  de  I'instituleur,  de  connaissances  speciales.  Dans  ce 


APPENDICE.  405 

but,  il  est  present  aux  candidats  de  Iheologie,  en  Allemagne,  de 
suivre,  en  meme  temps  que  leurs  autres  cours,  un  cours  special  de 
pedagogic.  De  plus ,  en  ce  qui  concerne  les  candidats  protestants, 
obligation  leur  est  imposee,  avant  de  subir  I'exanien  pro  Ministerio, 
de  passer  six  semaines  dans  une  ecole  normale.  Vis-a-vis  du  clerge 
catliolique,  le  gouvcrnement  nepouvait  employer  I'injonction;  mais 
il  a  precede  par  voie  de  conseil  ;  et,  a  I'heure  qu'il  est,  dans  les  dio- 
ceses de  Cologne,  de  Munster,  de  Breslau,  de  Fulda  ( en  Hesse)  ,  les 
jeunes  ecclesiastiques  qu'une  vocation  parliculiere  semble  devoir 
designer  un  jour  pour  les  fonctions  de  kreisschulinspector,  suivent, 
eux  aussi,  deux  mois  durant ,  les  cours  d'ecoles  normales,  qu'une 
excellente  direction  morale  met  en  possession  de  toute  la  conDance 
des  eveques. 

Ainsi,  les  depenses  de  I'Etat,  pour  I'instruction  primaire  ,  sent , 
en  Prussc  ,  proporlionnellement ,  un  peu  moins  considerables  qu'en 
France. 


IV 


INSTRUCTION  PASTORALE 

DE  SON  Eminence  LE  CARDmAL-ARCHEV^QUE  DE  BORDEAUX, 

Sur  la  part  que  le  Clerg6  doit  prendre  a  I'enseignemeat  primaire. 

FERDINAND-FilANgOIS-AUGDSTE  DONNET, 

Par  la  grace  de  Dieu  el  du  Siege  apostolique,  cardinal  prctrc  do  la 
saiiUe  liglise  romaine,  archeveque  de  Bordeaux,  primal  d'Aquitaiue, 
senaleur; 

Au  clerge  de  noire  diocese, 

Salut  el  benediclion  en  Notre  Seigneur  Jesus-Clirist. 

Messieurs  el  cliers  cooperaleurs, 

Nous  avions  a  coeur,  depuis  longtemps,  de  vous  enfrelcnir  d'un 
sujcl  qui  inleresse  a  un  haul  degre  Tavenir  de  I'Enlise  el  de  la  so- 
ciete,  el  qui,  a  ce  double  liire,  doil  viveraent  exciler  voire  sollici- 
tude  paslorale.  Nous  voulons  parler  de  I'education  des  enfants,  el  des 
droits  que  la  legislation  acluelle  accorde  a  MM.  Ics  cures  dans  la  sur- 
veillance des  ecoles. 

Reraarquez,  Messieurs,  que  si  nous  employons  Ib  mot  d'educalion 
et  non  ceiui  d'inslruclion,  dont  on  se  sert  comraunemenl,  ce  n'est 
pas  sans  dessein  ;  car  nous  altaclions  une  grande  importance  a  bien 
etablir  tout  d'abord  la  difference  qui  exisle  enire  deux  choses  que 
Ton  confoud  Irop  souvenl. 

On  peut  instruire  sans  elever,  et  c'esl  la  un  des  torts  de  notre  sie- 
cle  ;  mais  on  ne  saurait  elever  sans  instruire.  On  peut  apprendre  a 
un  enfant  la  lecture,  I'ecriture,  le  calcul,  rortliograplie,  sans  parler 
a  son  coeur,  sans  exercer  aucune  influence  salutaire  sur  ses  senti- 
ments el  sa  maniere  d'agir. 

II  n'en  est  pas  ainsi  de  reducation  :  on  ne  saurait  former  le  cceur 


AlTEiNDlCE.  405 

sans  developper  en  meme  (eraps  I'esprit;  on  ue  saurait  impriraer 
dans  la  conscience  de  I'homme  des  regies  de  conduile,  liii  espliquer 
les  principes  qui  doivent  goiiverner  ses  actions,  sans  eclairer  son 
intelligence,  sans  agramiir  ses  idees,  en  un  mot,  s:ins  I'instrnire.  L'e- 
ducalion  pout  done,  a  la  rignenr,  tenir  lieu  d'instrnction;  I'instruc- 
lion  senle  ne  remplacera  jimais  I'education. 

Que  couclure  de  celle  distinction  si  evidente  et  pourtant  trop  me- 
connue? 

C'est  que  I'instrnction  seule  ne  saurait  sufQre  poui  former  I'lion- 
nete  horame,  le  bon  citoyen,  le  cliretien  veritable;' 

C'est  qn'il  est  essentiel,  ponr  le  bonlieur  des  families,  pour  la  Iran- 
qnillite  du  pays,  non  pas  t:int  d'instruire  la  jeunesse,  que  de  la  bien 
elever,  c'est-a-dire  de  regler  sa  conscience  et  ses  m(]eurs,  et  de  lui 
donncr  a  la  fois  les  lumieres  et  la  force  qui  I'aideront  puissammenta 
remplir  ses  devoirs. 

De  !a,  pour  le  prelre,  I'obligation  sacree  de  veiller,  de  cooperer 
pour  sa  part  a  reducation  des  enfanis;  de  la,  les  soins  que  les  Peres 
de  I'Eglise  ont  prodignes  a  la  jeunesse;  de  la,  iant  de  lettres  pasto- 
rales, tant  d'ouvrages  pienx  et  savants  emanant  de  I'episcopat,  pour 
eclairer.  diriger  les  chefs  de  famillc  et  les  guides  spirituels  du  Irou- 
peau ;  de  la,  pour  I'Eglise,  une  preoccupation  constante,  pour  le  sa- 
cerdoce,  un  devoir  loujours  imperieux,  et  de  notre  temps  plus  que 
jamais. 

Nous  savons,  nos  tres  cliers  cooperaleurs,  que  vous  partagez  a  cet 
egard  toutes  nos  sollicitudes.  Examinons  done  ensemble  ce  que  doit 
etre  I'educalion  ;  quel  concours  peut  et  doit  lui  apporter  le  clerge, 
sous  I'empire  des  lois  qui  nous  regissent. 

On  a  longtemps  disculo,  on  discutera  longtemps  encore  sur  le  but 
et  sur  le  caraclere  de  I'education. 

Pour  nous,  qui  devons  nous  en  rapporier  sur  ce  point  comme  sur 
tous  les  aulres,  a  la  sagesse  de  I'Eglise  et  a  ses  traditions  venerees, 
c'est  dans  I'liumble  livre  qu'elle  met  entre  les  mains  des  plus  pelits 
enfanis,  que  nous  puiserons  les  lumieres  qui  nous  serviront  de  regie. 
Que  dit  le  calecliisme?  Que  Dieu  a  crec  I'homme  pour  le  connailre , 
pour  V aimer,  pour  le  servir,  et  par  ce  moyen  acquevir  la  vie  eler- 
nelle. 

Paroles  simples  mais  profondes  que  nous  ue  saurions  trop  me- 
diler,  car  elles  nous  revelent  a  la  fois  la  desliiiee  Iiumaine  et  les 


406  APPENDICE. 

faculles  que  Dieu  nous  donne  pour  la  remplir:  elles  nous  montrent 
et  le  but  et  la  voie.  Le  but,  c'est  la  vie  eternelie  ;  la  vole,  c'est  la  con- 
naissauce,  c'est  I'amour,  c'est  le  service  de  Dieu,  priiicipe  elernel  de 
cette  bienheureuse  vie. 

Done,  11  faut  commencer  par  apprendre  a  I'enfant  a  counaitre  Dieu, 
en  lui  disant  son  existence,  en  lui  expliquant  ses  oeuvres  et  ses  bieu- 
faits,  ses  lois  et  ses  perfections. 

II  faut  lui  apprendre  ensuite  a  aimer  Dieu  comme  createur  , 
comme  redempteur,  comme  pere,  comme  source  de  tout  ce  qui  est; 
il  fautenfin  le  former  a  servir  Dieu,  parce  que  servir,  c'est  aimer, 
c'est-a-dire,  accomplir  la  volonte  de  celui  qu'on  airae,  obeir  a  ses 
lois,  entrer  ainsi  dans  I'union  la  plus  intime  avec  lui  pour  le  temps  et 
au  dela. 

Yoila  la  science  dont  nous  sommes  redevables  a  tons  les  liommes, 
nous,  niinistres  de  Dieu,  deposilaires  el  interpretes  de  sa  parole; 
Yoila  la  science,  simple  et  sublime  a  la  fois,  que  nous  devons  lui 
faire  counaitre,  aimer  et  pratiquer. 

Or,  Messieurs,  cette  obligation,  nous  devons  la  remplir,  non-seu- 
lement  envers  quelques  enfanls  privilegies,  mais  envers  tous,  sans 
exception  de  rang  et  de  position;  car  il  faut  que  tous,  riches  on  pau- 
vres,  puissent  counaitre  Dieu,  I'aimer  el  le  servir,  dans  la  mesure 
indispensable  a  I'accomplissement  de  leurs  devoirs. 

C'est  cette  education  generale,  absolue,  necessaire  a  lous,  que  le 
divin  mailre  est  veuu  apporler  aux  homines  de  bonne  wlonte,  dont 
il  a  laisse  la  regie  dans  son  Evangile,  et  dont  il  nous  imposa  la  taclie, 
lorsqu'il  dit  aux  apotres  dont  nous  conlinuons  le  ministore  :  Allez  et 
enseignez  ce  que  vous  avez  appris  de  moi  :  Euntes  docele. 

De  ces  premisses  resulte,  comme  conclusion  evidente,  la  mission 
pour  le  prelre  de  s'occuper,  lui  aussi,  de  I'education  de  I'enfant; 
d'approuver,  d'encourager,  de  benir,  au  nom  de  la  religion,  tous  les 
genres  de  connaissances  bumaines  qui  conduisent  rhouime  a  son 
immortelle  destinee. 

Meditons  plus  profondement  encore  les  paroles  da  calechisme,  et 
nous  y  trouverons.  Messieurs  et  chers  cooperatetirs,  toules  les  regies 
que  nous  avoos  a  suivre  dans  raccomplissement  du  devoir  qui  nous 
occupe.  Admirable  caractere  de  la  verite,  qui  renferme  en  quelques 
paroles  le  germe  complet  de  toute  une  doctrine,  comme  la  graine, 
sous  un  volume  presque  imperceptible  a  I'uiil,  reuferme  tous  les  ru- 


AlTElNDlCi;.  407 

diments  de  I'arbre  qui  doit  un  jour  couvrir  le  sol  de  son  feuillage, 
se  parer  de  fleurs,  se  charger  de  fruits. 

Qu'est-ce  qu'appreudre  a  I'enfant  a  counaitre  Dieu,  si  ce  n'est  de- 
vclopperles  facultes  de  sou  esprit,  elever  souame,  elargir  sou  liorizou 
intellectuel,  eu  lui  faisaut  counaitre  les  oeuvres  de  Dieu,  ses  perfec- 
tions et  sa  loi? 

Qu'est-ce  qu'appreudre  a  I'eufant  a  aimer  Dieu,  si  ce  n'est  ouvrir 
son  cffiur,  le  former  au  devouement,  en  lui  inspiranl,  des  ses  pre- 
miers pas  dans  la  vie,  I'admiration  et  I'amour  des  perfections  divines, 
de  la  beaute,  de  la  verite  et  de  la  justice  dans  leur  source,  qui  est 
Dieu  meme,  et  dans  leur  manifestation,  par  les  creatures  faites  a 
I'image  et  a  la  ressemblauce  de  leur  auteur? 

Qu'est-ce  qu'appreudre  a  I'eufant  a  servir  Dieu,  si  ce  n'est  sou- 
meltre  sa  volonte,  I'assouplir,  la  faconner  au  joug  du  Seigneur,  I'ba- 
bituer  a  I'obeissance,  au  sacrifice,  en  lui  apprenant  a  voir  la  volonte 
du  maitre  partout  oil  il  y  a  du  bien  a  faire,  une  creature  a  secourir, 
un  frere  a  obliger? 

Telles  sont  les  lecons  du  catechisme,  superieures,  dans  leur  ener- 
gique  concision,  a  tons  les  syslemes  de  pedagogic,  a  toules  les  con- 
tradictions de  la  raison  bumaine,  dont  elles  triomphent  sans  effort. 
Ces  conlradictions,  vous  le  savez,  N.  T.  C.  C,  se  revelent  des  qu'il 
s'agit  d'etablir  les  rapports  de  I'education  et  del'iustruction  ;  d'assi- 
gner  leur  role  respectif ,  leurs  limites  veritables;  de  monlrer  le  cou- 
cours  qu'elles  doiveut  se  preter  mutuellement,  et  Taction  qu'elles 
sont  appelees  k  exercer  sur  les  masses  comme;sur  les  individus. 

Selou  les  uus,  Tinstruction  suffit  a  tous  les  besoins  des  popula- 
tions; elle  doit  les  affranchir  des  miseres  du  corps  et  de  I'ame  ;  elle 
pent  seule  eclairer  leur  raison  ,  assurer  leur  bien-etre;  elle  pent  et 
elle  doit,  par  consequent,  partout  et  toujours,  etre  distribueecomrae 
la  veritable  manne  du  Ciel,  repoudant  a  toutes  les  exigences  de  la 
nature  humaiue. 

Selon  les  aulres,  I'instruction  est  uu  instrument  de  perversion  et 
demort,  la  source  des  mceurs  depravees,  des  basses  et  impuissantes 
jalousies,  des  haines  ambitieuses,  des  convoilises  menagantes;  elle 
est,  en  un  mot,  le  principe  des  maux  terribles  qui  ont  effraye,  boule- 
verse  le  monde ;  et  des  lors,  eu  etre  plus  avare  et  la  restreindre  au- 
tant  que  possible,  c'est  une  necessile  sociale,  uu  devoir  imperieux 
pour  I'Etat. 


408  ArPENDlCE. 

Nous  repondrons  aiix  iins  et  aux  autres  que  connaiire,  aimer,  ser- 
vlr  Dieu,  etant  la  fin  «  de  toul  liomme  veiiant  en  ce  nionde  *  »,  ct 
que  riiomiiie  ne  pouvant  I'aimer  sans  le  connaiire,  la  science  deDieu 
lui  devient  indispensable.  Plus  cette  connaissance  dn  cieateur  est 
exacte,  elendue,  profondc,  plus  le  serilimenl  qu'elle  inspire  est  vif, 
large,  et  durable  ;  mais  c' est  la  raison  qui  coniprend  et(]ui  juge,  c'est 
rinlelligence  qui  congoit,  c'est  rinstriiclion  qui  forme  les  facultesde 
I'esprit:  c'est  elle  qui  apporte  la  lumiere,  qui  fournit  I'instrument, 
qui  fagonne  I'organe.  La  connaissance  est  la  vraie  clef  de  Tainour  : 
nil  amaium  nisi  prcecognilum  ,  comme  I'a  dit  saint  Angnslin.  Anssi, 
I'Eglise  vent  la  science,  recoiumande  rinstriiction,  sanclionne  tonlce 
qui  la  favorise,  condamne  (out  ce  qui  I'eutrave.  Elle  est  la  mere  ct  la 
mailresse  des  sciences,  parce  que  Dieu  est  le  «  Pi're  des  lumieres, 
parce  que  Jesus-Christ ,  non-seulemont  est  la  vie  et  la  voie,  mais  la 
verite,  ct  ce  qu'il  vent,  c'est  qu'elle  brille  de  lout  son  eclal»  "-.  Si 
I'Eglise  se  pronouce  en  I'aveur  de  rinstruclion,  parce  qu'elle  est  saiule 
dans  son  origine  el  son  but,  parce  qu'elle  lire  I'hnmme  des  tenebres 
et  des  ombres  de  la  niort,  parce  qu'elle  propage  i'Evangile  et  devient 
ainsi  rinslrument  du  salut :  elle  redonle,  elle  re|)onsse,  elle  con- 
damne rinstruclion  qui  n'arraclie  I'liomme  a  I'ignorance  que  pour 
le  livrer  a  I'erreur,  qui  ne  lui  donne  la  conscience  de  sa  force  que 
pour  lui  appreudre  a  en  abuser,  qui  ne  developpe  sa  raion  que  pour 
en  faire  Tennemi  de  la  Foi ,  I'inlerprele  de  I'orgueil,  I'adversaire  dc 
I'aulorile,  I'organe  des  passions. 

Mais  conclure  de  la  que  rinstruclion  par  elle-meme  est  liu  mal, 
que  la  culture  des  facultes  intellectuelles  est  un  danger  ,  c'est  lomber 
dans  uu  exces  non  moius  condamnable  que  I'exageration  conlraire. 
Pour  vous ,  Messieurs,  qui  savez  que  Dieu  n'a  pas  eleve  I'homme  au- 
dessus  des  creatures  sans  raison  pour  que  les  facultes  qui  Ten  dislin- 
guent  restassent  iuactives;  vous  qui  enseignez  qu'il  veut  etre  «  adore 
en  esprit  et  en  Yerile»,et  que  Thommage  qu'il  uous  demande  est  celui 
d'une  creature  inlelligente  el  libre,  vous  propagerez  rinstrnclioo, 
comme  I'Eglise  I'a  fait  en  tout  temps,  avec  ardour,  avec  perseve- 
rance ,  et  vous  ne  verrez  dans  la  science  ainsi  comprise  qu'une  fidole 
alliee,  uue  auxiliaire  indispensable. 

Que  conclure  de  tout  ceci!  C'est  que  I'iustruction  pent  faire  ou  un 

1    Deion  time  et  mandata  ejus  observa;  honest  enhn  omnis  homo.  Eccles.  XII,  13.  ] 
2.  I'jnan  vmi  mitlerre  in  icrram;  el  quid  voh  itisi  lU  accndatur?  Luc,  XII,  49. 


APl'KNDICE.  409 

grand  hiesi,  on  u»  srauH  raal ;  c'est  a  elle  que  nous  ponvons  appliqupr 
le  texle  de  l'A|)uire  ;  Jn  ipsa  benedirimus  Deum  ei  Palrem  el  in  ipsa 
maldicimus  homines...  Ex  ipso  ore  proredii  benediciio  el  wale- 
dirtio  ^'  Nous  ne  craindroiis  pas  d'ajoiiler  (lu'au  poiiil  ou  nous  en 
somines  anjnuid'liiii,  non  pas  sculemont  en  Fiance,  niais  dans  une 
granile  parlie  dii  luonde,  il  faut  de  toule  necessile  que  rinsiruclioii 
sauve  lasociele  en  la  regcnerant,  ou  qu'elle  la  perde  en  aclievaotde 
la  corrom()re. 

Voyez  I'elat  des  ames!  Vous  le  connaissez,  Messiei  rs,  qui,  repaa- 
dus  au  inilien  des  populations,  passez  voire  vie  a  sender  lems  plaies, 
a  soulager  leuis  iniseies.  La  foi  s'afl'aiblil  insensiblenient  ,  el ,  avec 
elle,  s'en  vonl  les  vcrlus  doniesli(iiies ,  I'espiit  de  faniille,  la  piete 
filiale,  la  pureiedes  moeurs,  la  souinission  anx  voloiilesdu  Ciel,  I'at- 
lacliemenl  aux  profe-^sions  lieiediiaires,  le  respect  de  I'autorite. 

Voila  le  raal  (jiii  travaille  depuis  loni^lemps  deja  noire  societt ,  et 
sur  lequel  elle  ne  serait  que  Irop  porlee  a  s'endormir,  si  ,  par  inler- 
valie,  des  crises  lerribles  ne  venaient  la  tircr  de  son  insoucianle 
apatliie,  el  nionlrer  a  ses  y<nix  effrayes  le  fond  de  Tabime  oil  menace 
de  la  preci|)itt^r  I'oubli  de  tons  les  devoirs. 

Que  les  ecoles  aienl  eie  alt.'inles  par  la  conlasion  generale;  que 
renseigiiement  ait  contribue  a  la  repandre  ,  c'est  mallieureusement 
un  fait  qii'on  ne  saurait  coiilesler;  mais  il  serait  injiiste  de  prtHendre 
que  la  corruption  des  moeurs  est  nee  de  rinslruction  ,  qu'elle  est 
sortie  de  nos  ecoles,  et  qu'il  sufflrait  de  les  fermer  pour  regenerer  le 
monde.  Le  mal  circule  et  se  propage  en  dehors  de  ces  etablisse- 
ments  par  mille  cauaux  :  par  les  livres  el  les  gravures,  par  la  profa- 
nation du  diiuanche,  par  leslieux  de  dissipation  et  de  folios  joies, 
par  les  commotions  poliliques  qui  excilenl  les  passions,  alhiniont  la 
cupidite,  aigoillonnent  I'anibilion  ,  engendreiit  le  desordre  dans  la 
cite  et  dans  le  liameau  ,  enfln  par  tonics  ces  voies  de  communication 
et  de  contact  que  I'iuduslrie,  le  commerce,  elablisscnt  de  peuple  a 
peuple,  de  ville  a  ville,  d'homme  a  homme,  d'heure  en  henre  ,  de 
moment  a  moment. 

Mais  si  les  ecoles  et  I'instruction  n'onl  pas  ete  et  ne  sont  pas  la 
cause  du  mal,  il  est  evident  qu'ellos  peuvent  puissaranicnt  servir, 
soil  a  I'etendre,  soil  a  le  guerir,  selon  I'esprit  qui  preside  a  Iciir  di- 

1.  Lpist.  Jacoc  ,  III,  'J  Ct  10. 


4M)  UTEINDICE. 

rectioii.  C'estdonc  vers  cesetablissemenls  que  les  amis  de  la  religion 
et  de  Ja  societe  doiveut  tourner  aiijourd'hui  leurs  regards  et  leurs 
efforts. 

C'estdans  les  ecoles  et  par  lesecoles  qu'il  faut  preparer  le  retour 
a  la  foi,  a  la  vie  de  famille,  aiix  bonnes  moenrs;  e'est  la  qii'il  faut 
saisir  les  generations,  avant  qu'elles  soient  asservies  par  les  passions 
ct  les  vices  qui  ravagent  le  monde. 

Si,  dans  des  temps  autrement  difQciles  que  les  nolres,  I'Eglise 
s'est  aidee  des  ecoles  pour  faire  briller  la  lumiere  du  christianisme 
parmi  des  peuples  ignorants  et  sauvages;  c'est  encore  a  leur  foyer 
qu'elle  pent  raviver  ce  flambeau  de  la  foi,  pour  en  repandre  les  bien- 
fails  au  milieu  des  tenebres  d'une  civilisation  que  ses  execs  mena- 
cenl  d'une  uouvelle  barbaric  :  et  le  moment  est  venu  ou  ces  institu- 
tions, nees  autrefois  sous  I'inspiration  de  I'Eglise,  sentent  le  besoin 
de  se  rapproclier  de  leur  berceau  ,  en  prelant  a  la  religion  un  sincere 
et  geuereux  conconrs. 

]\Iais  ce  retour  desirable  ne  depend  pas  seulement  des  ecoles  :  il 
depend  encore  de  vous,  l\Iessicurs,  c'est-a-dire,  de  la  maniere  dont 
vous  saurez  vous  servir  de  la  loi  du  -15  mars  1850.  Grace  a  Dieu  ,  le 
temps  n'est  plus  ou  I'enseignement  de  I'Etat,  absolument  distinct  de 
celui  de  la  foi,  etait  souslrait  a  la  legitime  influence  du  pretre,  a  qui 
I'entree  des  ecoles  se  trouvait,  pour  ainsi  dire  ,  interdite  par  les  con- 
ditions auxquelles  une  jalouse  dcflauce  I'avait  soumise.  La  societe, 
eclairee  par  I'experience,  a  senti  le  besoin  d'y  retablirrinfluencede 
la  religion. 

Elle  les  place  sous  la  surveillance  tutelaire  de  I'Eglise-,  elle  convie 
le  pretre  a  les  visiter ;  elle  I'investit  de  la  direction  de  I'enseignemeut 
moral  et  religieux  ;  elle  rend  son  intervention  douce  et  utile,  en  lui 
restituant  sou  caraclere  de  spontaueite,  de  bienveillance  et  de  pro- 
tection K 

Combieu  defois,  Messieurs  etchers  cooperateurs,  dansl'exercice  de 
votre  ministere,  n'avez-vous  pas  gemi  de  I'absence  de  toute  idee  re- 
ligieuse  chez  les  enfants  que  Ton  presentaita  vos  catecliismes?  Que 
de  fois,  dans  vos  efforts  pour  instruire  vos  paroissiens,  ne  vous  etes- 
vous  pas  heurte  coutre  les  obstacles  qu'apportait  au  succes  de  voire 

1.  Voir  les  dispositions  de  la  loi  du  15  mars  1830  sur  ce  sujet.  MM.  les  cures  peuvent 
les  consulter  dans  le  commeiuairc  de  ccUe  loi  i)ublie  par  la  societe  pour  la  lihcrtc 
de  reuseignemenl. 


Al'l'ErSDICE.  44  1 

aposlolat  I'ignorance  absolue  dii  plus  grand  nombre  d'cMitre  eiix? 
Que  de  peines  pour  enseigner  la  lellre,  pour  graver  les  formules  dans 
la  aiemoire,  pour  expliquer  un  symhole  dont  les  expressions  les  plus 
simples  semblaient  au-dessus  de  la  porlee  devos  auditours!  Qu'il 
y  a  loiu  de  la  profondeur  de  nos  mysteres ,  de  la  sublimite  de  uos 
dogmes,  de  la  purete  de  notre  morale ,  aux  preoccupations  grossieres 
des  esprils  que  I'Interet  et  la  passion  aveuglent  et  captivent ! 

Cesesprils,  il  faut  done  les  ouvrir  de  bonne  heure  pour  y  faire  pe- 
nelrer  la  verite;  il  faut  les  eclairer  par  des  notions  jnstes;  former  les 
coeurs  par  des  sentiments  honnetes;  developper  toutes  les  facultes 
pardesexercices  frequents.  Qnand  vos  enfants  sauront  lire,  ils  retieu- 
drout  mieux  vos  lecons;  vos  preceptes  se  graveront  dans  leur  amc 
avec  la  lettre  que  vous  conlierez  a  leur  memoire.  Vous  protiterez  de 
la  curiosite  nee  d'un  premier  enseignement,  pour  la  diriger  vers  les 
liautes  questions  de  I'origine  et  de  la  destinee  de  I'bomme ,  de  sa 
chute  et  de  sa  redemption.  II  est  pen  de  notions  dans  I'instruction 
primaire  qui  ne  puissent  vous  servir  pour  donner  aux  enfants  qui 
suiventvos  catecliismes  le  pressentimeut  des  choses  divines. 

Ainsi  compris,  i'enseignement  du  premier  age  sera  pour  vous  cc 
qu'il  doit  elre  reellement,  un  moyen  de  conquerir  les  populations  a 
la  foi  religieuse  et  a  la  pratique  des  devoirs. 

Insistez  doncaupres  des  families  sur  I'utilite  des  ecoles.  Multipliez 
les  avis  aux  parents,  les  exhortations  en  cliaire,  les  visiles  aux  pa- 
roissiens ;  facilitez  I'eutree  des  classes  aux  enfants  pen  aises  en  redi- 
geant,  de  concert  avec  I'aiilorite  municipaie,  la  liste  des  eleves  admis 
graluitement,  en  vertu  de  I'art.  43  de  la  loi.  II  est  bien  entendu  que 
vos  ecoles  offrirout  toutes  les  garauties  desirables  ;  si ,  ce  qu'a  Dieu 
lie  plaise  ,  I'enfance  etait  exposee  a  y  trouver  de  funestes  lecons ,  de 
dangereux  exemples,  vous  devriez  uon-seulemeut  vous  abstenir,  mais 
encore  vous  servir  du  droit  dont  vous  investissent  la  legislation  et 
voire  conscience,  pour  nous  informer  immediatement,  et  nous  four- 
iiir  ainsi  le  moyen  de  prevenir  le  plus  grand  des  maux  ;  car,  «  ino- 
««  culer  le  vice  dans  le  coeur  des  enfants,  c'est  un  aussi  grand  crime, 
«  a  dit  Bossuet,  que  d'erapoisonner  les  fontaines  publiijues.  »> 

Mais  avec  I'attention  si  louable  que  I'autorite  apporte  aujourd'bui 
dans  le  choix  des  instiluteurs,  nous  nous  plaisons  a  esperer  que  rien 
de  semblable  lie  se  presentera  au  milieu  de  nous. 

U  sera  malheureusement  moins  rare  de  rencontrer  des  maitres  qui 


412  Al'i'E^DlCE. 

iiescntiront  pas  assez  rimportance  dcs  devoirs  religieux  et  poureux- 
memes  el  pour  leiirs  eleves. 

Voiis  serez  exposes  a  ce  mecompte  ,  siirtout  dans  les  ecoles  qui 
n'ont  ete  rol)jet  d'ancune  surveillance  ,  et  qui  ont  raeme  subi ,  pen- 
dant uu  certain  nonihre  d'annces,  une  influence  anli-religiense.  Aous 
en  avons  gemi  avec  vous ,  foulefois,  ue  vons  laissez  pas  decourager 
par  cette  apparence  de  froideur ;  elle  pent  souvenl  ne  fenir  qu'a  I'ab- 
sence  de  direction.  Vos  leinoignages  d'affeclion  et  d'eslime  ranime- 
ront  facilemenl  le  zele.  On  enlretient  le  mauvais  vouloir  en  parais- 
sant  y  croire;  en  supposant  de  la  bonne  volonte ,  on  la  fait  naitre. 
Muliipliez  done  les  encoiirayements ;  ne  craignez  pas  de  donner  des 
marques  de  confiance;  on  s'empressera  de  suivre  vos  conseils  qnand 
on  seutira  en  vous  une  bienveillance  qui  ne  se  dement  pas  et  une 
perseverance  affeclueuse  que  rien  ne  rebute. 

Ainsi,  Messieurs,  ce  que  nous  vous  deraandons,  c'esl  de  concourir 
activement  a  I'oeuvre  de  I'educalion  ,  c'esl  d'unir  vos  efforts  a  ceux 
de  vos  iustiluteurs.  On  n'a  pas  assez  corapris  combien  cette  union 
pouvail  aider,  baler  la  regeneration  morale  d'uiie  ville,  d'une  cam- 
pagne.  Trop  souvenl  le  cure  s'esl  eloigne  de  la  classe,  el  le  mailre  de 
I'Eglise.  Une  defiance  muluelle,  une  liostilite  plus  on  moins  declaree, 
a  paralyse  les  efforts  des  uns  et  des  aulres.  II  faul,  a  lout  prix,  raellre 
un  lerme  a  celte  separation  entre  le  presbylere  et  I'ecole.  Que  de 
voire  cole  cette  union  si  desirable  se  retablisse  done  le  plus  tol  pos- 
sible! Songez  qu'on  n'atlire  pas  les  bommes  en  s'en  tenant  conslam- 
ment  eloigne.  A  Dieu  ne  plaise  que  nous  vous  engagions  a  prendre 
une  attitude  incompatible  avec  la  dignite  de  voire  caractere!  Charge 
par  la  loi  de  la  surveillance  des  ecoles,  vous  etes,  dans  I'ordre  legal, 
lesuperieurhicrarchique  de  rinstitulcur;  prelre  et  pasteur  des  ames, 
vous  avez  droit  a  son  respect.  Mais ,  par  la  meme  que  vous  etes 
pretre  de  Jesus  Christ,  le  pere  et  I'ami  de  tons  vos  patoissiens,  vous 
imileroz  la  douceur  du  bon  mailre;  une  bienveillaule  condescen- 
dance  allireraa  vous  celni  qui  fut  resle  a  I'ecart  par  timidite  el  par 
reserve.  Sans  cesser  d'etre  vis  a- vis  de  vous  un  subordonne  respec- 
tueux,  un  paroissien  exemplaire,  il  deviendra  pour  vous  un  coopera- 
teur  utile,  un  auxiliaire  intelligent  el  devoue. 

Pour  relablir  les  relations  entre  vous  et  rinsliluleur,  vous  n'avez 
qu'a  proQter,  nous  ne  dirons  pas  du  droit  que  la  loi  vous  donne, 
mais  du  devoir  qu'elle  vous  impose.  Muliipliez  vos  visiles  a  I'ecole. 


APPENDICE.  415 

Ne  vous  y  presenlez  pas  en  censeur  desireux  de  troiivcr  des  motifs  de 
bhime ;  moiitrez-vous-y  comrae  un  ami  qui  vienl  apporter  des  con- 
scils  et  surtout  des  encouragcmenls.  Chcrchez  a  decouvrir  tout  ce  qui 
est  bien;  saisissez  I'occasion  d'adresser  quelque  eloge  aux  eleves  et 
an  mailre.  La  louange  excite  I'emulation  ;  elle  est  une  recompense 
pour  rinstituteur  a  qui  elle  prouve  que  ses  efforts  n'ont  pas  etc  ste- 
riles  ;  elle  le  dedommage  de  beaucoup  de  peines  et  rend  sa  taclie 
plus  facile,  en  augmentant  son  influence  et  son  action. 

Soyoz  persuades  d'avance  que  ces  attentions  tour>,eront  au  profit 
de  la  paroisse.  Bien  des  gens  que  la  religion  trouverait  indiffcrents 
vous  sauront  gre  de  ce  que  vous  ferez  pour  I'ecole,  et  seront  par  la 
disposes  a  accueillir  phis  favorablcmcnt  vos  couseils,  Divises,  I'insti- 
luteur  et  le  cure  se  neuiralisent ;  unis ,  ils  decuplent  leur  puissance. 

Efforcez-vous  aussi  de  rendre  la  taclie  du  raaitre  plus  facile,  en 
iisant  de  votre  influence  aupres  de  I'autorite  pour  obteuir  toutes  les 
ameliorations  que  reclame  Fecole.  Un  mauvais  local  est  souvent 
cause  d'un  accroissement  de  fatigue,  un  obstacle  au  raaintien  de  la 
discipline.  Un  materiel  insuffisant  nuit  plusqu'ou  ne  pense  aux  tra- 
vaux  de  rinstituleur.  Vos  demandes,  a  cet  egard  ,  profilcroiU  aux 
eleves  en  augmentant  le  zole  de  leur  mailre. 

Cet  Iiomme ,  dont  la  fonction  est  si  humble  et  si  importante  a  la 
fois,  vous  devez  «  le  soulenir,  le  prevenir  mOmc"  ,  selon  le  langage  de 
saint  Paul,  «par  toutes  sortes  de  marques  de  bienveillance».  Ne  restez 
indifferent  a  rien  de  ce  qui  le  touclie  ,  lui  et  sa  famille.  Eu  I'aidant  a 
se  procurer  un  logemeut  convenahle  ,  sans  lequel  il  y  a  tnnjours  ii 
craindre  la  lassitude  et  le  dcgoul,  ne  vous  pretez  point,  comine 
I'ont  fait  quelques-uns  de  vos  confreres,  a  etablir  I'ecole  dans  une 
pariie  de  vos  presbyleres.  Le  gouvernemont,  a  qui  nous  en  avons  re- 
fere,  parlage  notre  maniere  de  voir  a  cet  egard.  L'Eglise  et  le  presby- 
tere  sont  des  asiles  qui  doivent  resler  fermesa  Ions  les  bruits,  a  toutes 
les  agitations  du  dehors.  La  legislation  est  d'ailleurs  formelle  sur  ce 
point :  on  ne  pent  rien  distraire  de  la  maison  curiale  ni  de  ses  de- 
pendances  sans  notre  avis  motive,  sans  celui  de  M.  le  prefel  et  sans 
un  decretdu  gonvernement. 

Avee  quel  bonlienr  nous  envisageons  dans  I'avenir  les  heureux 
eflVts  de  ce  mutuel  concours  du  pretre  et  de  I'instituleur  :  le  [iretre 
atiirant  les  enfants  a  I'ecole,  ou  rinstrucliou  elemeniaire  les  prepare 
a  recevoir  la  bonne  semence  de  riivangile;  I'instituteur  monlrant  a 


414  APPEiNDICE. 

lajeunessc  le  cliemiii  de  I'Eglise  et  la  disposaut  a  ecouter  la  parole 
du  pretre  conime  celle  de  Jesus-Christ! 

Ajoutons,  Messieurs,  qu'ea  visilant  freqiiemment  lesecoles,  comme 
c'est  votre  devoir,  vous  avez,  nous  le  disions  plus  haul,  a  y  exercer 
non  pas  seulement  uiie  surveillauce  qui  empc'clie  lemal,  mais  une 
acliouposilive  qui  produise  et  multiplie  le  bien.  Sans  doiitc,  I'ecole 
n'est  pas  I'Eglise  mais  elle  en  est  le  po^tique^.  La  parole  sainte 
peut  s'y  faire  entendre,  le  minislere  sacre  s'y  exercer;  on  peul  y  en- 
gendrer  les  ames  a  la  foi.  Saint  Paul  prechait  partout,  a  I'areopage  , 
sur  les  places  publiques,  dans  les  reunions  particulieres  ,  dans  les 
grandes  assemblees ,  publice  et  per  domos;  comme  lui ,  vous«  vous 
ferez  tout  a  tons,  pour  les  gagner  tous  a  Jesus-Christ  ». 

A  I'ecole  vous  avez  longtemps  les  enfants  sous  la  main  ;  ils  ne  sau- 
raient  vous  echapper.  A  I'eglise,  au  contraire,  vous  les  teuez  ri  peine, 
a  I'epoque  de  la  premiere  communion,  Irois  ou  quatre  fois  par  se- 
maiue,  durant  deux  annees.  Qu'est-ce  qu'un  temps  si  court  pour  for- 
mer des  ames  a  la  vie  chretienne  ,  pour  leur  apprendre  k  connaitre 
Dieu,  a  observer  ses  commandements?  Que  la  classe  soil  done  pour 
vous  I'annexe  de  I'eglise  !  Allez-ychercher  vos  brebis.  Tachez  d'y  faire 
chaque  semaine  une  instruction  religieuse  a  la  portee  de  tous  les  en- 
fants; elle  devieudra  le  complement  de  votre  enseignement  catechis- 
tique.  Entendez-vous  pour  cela  avec  I'instiluteur  :  si  I'ecole  vous  est, 
de  droit,  toujours  ouverte  ,  il  ne  faudrail  pas  neanmoinsderanger  le 
cours  des  legons  ordinaires,  car  le  maitre  a  un  reglement  a  suivre, 
un  compte  a  rendre,  cerlaines  branches  de  connaissances  humainesa 
enseigner. 

Choisissez  d'un  commun  accord,  pour  vos  instructions  religieuses, 
les  jours  et  les  heures  qui  s'accordent  le  mieux  avec  les  devoirs  de 
votre  ministere  et  les  plans  d'etude  de  I'ecole. 

Quant  a  vos  autres  visites,  elles  doivent  n'enlrainer  aucun  deran- 
gement. In  coup  d'ceil  jete  en  passant,  pour  voir  si  tout  marche 
bien ,  si  chaque  chose  se  fait  en  son  temps ;  uu  mot  araical  dit  au 
maitre,  quelques  paroles  d'eucouragemeut  adressees  auxeleves,  mais 
sans  troubler  I'ordre  de  la  classe,  sans  interrompre  les  legons.  En 
iuspeclant  I'ecole,  vous  venez  surtout  observer  les  enfants  et  vous 
montrer  a  eux.  «  Le  bon  pasteur  connait  ses  brebis,  et  ses  brebis  le 

1.  De  Gerando,  Cours  normal  des  inslituteurs  primaires,  ouvrage  utile  a  lire,  et  que 
nous  recommandons  a  MJI  les  cure?  et  instiiuteurs. 


APPENDICF..  4^15 

coiinalsseiU.w  Que  la  jeunesse  s'accoutume  a  vous  voir  autre  part  qu'a 
I'autel  ou  au  tribunal  de  !a  peuKence,  a  trouver  dans  le  preire  un 
pere,  un  profecleur  plein  de  sollicitude,  qui  s'interesse  a  ses  succes, 
aux  peines  et  aux  joies  deses  parents,  et  qui  i'aiment  d'une  affeclioii 
toujours  vigiianre.  Ainsi  vous  ciinenterez ,  des  I'ecole  ,  I'uniou  du 
cure  et  de  ses  paroissiens. 

Nous  ne  disons  rien,  Messieurs  ,  de  vos  visiles  dans  les  ecoles  diri- 
gees  par  des  instilutrices  ,  soil  seculieres,  soit  appartenant  a  des  cor- 
porations religieuses;  votre  prudence  et  les  conseils  que  deja  nous 
avons  ete  a  meme  de  vous  donner,  vous  out  trace  une  ligne  decon- 
duite  dont  vous  ne  vous  etes  jamais  ecartes. 

Soyez  exacts  a  faire  execuier,  dans  toute  leur  etendue,  les  regie- 
r.ieuts  universitaires  qui  exigent  parlout  la  separation  des  deux  sexes. 
Ne  pouvons-nous  pas  esperer  que  le  moment  approche,  oii,  comrae 
dans  le  reste  de  la  France ,  chacune  de  nos  paroisses  aura  son  ccole 
pour  les  jeunes  filles?  Hatcz,  par  tous  les  moyens  possibles ,  la  crea- 
tion de  ces  maisons  de  soeurs,  dont  I'heureuse  influence  s'est  deja 
fait  sentir  dans  plusieurs  parties  de  noire  diocese. 

Mais,  vous  le  comprenez,  pour  faire  accepter  vos  conseils,  pour 
les  donner  avec  plus  d'autorile  ,  il  faut  connailre  ce  dont  vous  avcz 
a  parler;  il  faut  avoir  etudie  les  methodes,  n'iguorer  aucune  des 
parties  dont  se  compose  I'inslruction  priraaire. 

A  cet  effet,  il  ne  sera  peut-etre  pas  hors  de  propos  de  vous  indi- 
quer  ici  quelques  ouvrages  oil  vous  trouverez  de  precieux  renseigne- 
menls  sur  la  tenue  d'une  classe  ,  et  que  vous  pourrez  recommauder 
a  vos  instituleurs. 

En  premiere  ligne,  nous  placerons  I'excellent  Traite  de  notre  im- 
mortel  Fenelon,  qui,  malgre  sou  litre  ^ ,  s'applique  a  la  direction 
de  la  jeunesse  des  deux  sexes,  Vous  puiserez  d'excellents  conseils 
dans  un  livre  deja  cite  et  oil  respire  le  meilleur  esprit  \  vous 
rencontrerez  les  meines  qualites,  et  peut-etre  avec  un  caraclere  plus 
reel  d'utilite  pratique  ,  dans  un  ouvrage  du  meme  genre,  ecrit  par 
une  femme,  a  I'usage  des  ecoles  des  filles  2,  et  dont  les  avis,  dicles 
l)ar  I'experience  ,  out  egalement  leur  ajjplication  dans  les  ecoles  do 
gargons.   Nous  signalerons  I'opuscule  du  frere  Agathon  3,  qui  n'ex- 

1.  De  I'F.ducalion  des  filles. 

2.  Cciirs  normal  des  iiisiiiuleurs,  par  inadame  Sauvan. 
5.  Les  Douze  verlus  d'un  bon  maiire. 


440  APPEiNDICE. 

pose  pas  seuleraent  les  verlus  k  pratiquer  par  un  mailre  vraiment 
digne  de  ce  nom  ,  mais  qui  donne,  sur  la  direction  des  enfants,  des 
conseils  aiissi  pleiii  de  moderation  que  de  sagesse. 

Nous  avons  lu,  avec  aulant  d'inlergt  que  de  profit ,  un  livre  dejh 
ancien,  qu'il  est  ranlheureusement  difficile  de  se  procurer  ;  il  est  in- 
tule  :  Methode  fayniliere  pour  les  pelites  ecoles  ,  et  a  ele  public 
en  ^769  par  Mgr  Droiias,  eveque  de  Toul.  Le  pieux  et  savant  prelat 
ne  jngea  pas  au-dessous  de  lui  de  s'occuper  de  I'ediication  des  pelits 
enfants,  et  d'enfrer  dans  tousles  details  qui  peuvent  rendre  cette 
lache  plus  facile.  Ses  instructions  porlerent  leurs  fruits.  Nous  avons 
pu  nous  en  convaincre,  lorsque,  visitant,  plus  d'un  demi-siecle  apres, 
les  paroisses  de  la  Lorraine,  nous  admiraines  la  bonne  tenue  des 
ecoles  ,  grace  aux  traditions  qui  s'y  conservaient  encore.  Heureux  a 
noire  tour,  nos  chers  cooperateurs,  si  la  Providence  accordait  de 
telles  benedictions  aux  paroles  que  nous  vousadressons  aujourd'hui 
sur  le  meme  sujct! 

Enfin,  nous  signalerons  ^  votre  attention  Touvrage  d'un  celebre 
instilulcur,  le  P.  Girard  ^,qui,  sous  un  titre  inodesle.  nous  a  donne 
un  Iraite  presque  complel  d'edtication  :  dans  aucun  livre,  vous  ne 
Iroiivercz  mieux  elablis  les  moyeiis  de  fiiirc  toiirner  rinstruction  au 
profii  de  I'educalion  ,  et  de  doiiner  a  toul  renseigiieinent  un  carac- 
lere  profondemeni  religieux. 

Tous  ces  livres  vousserviront  de  guides  dans  les  conseils  que  vous 
aiircz  a  donner.  Enli  e  les  mains  de  riiistiiutcur,  et  medites  par  lui , 
ils  seront  comine  des  amis  toujours  presents  el  anx(]uels  on  peul  (ou- 
jours  recourir.  Qiielques  luniieres  que  Ton  possede,  I'cEuvre  de  I'edu- 
calion, dans  I'elat  de  nos  moeurs,  presenle  lanl  de  diflicultes,  qu'on  a 
souvent  besoin  de  s'elayer  de  rexpi'rience  des  aiitres.  Puis  le  zele  le 
plus  aclif  est  sujel  A  des  inlormillences ,  a  des  acces  de  decourage- 
ment;  il  a  des  momenls  de  lassitude,  et  c'est  alors  que  le  langage 
d'un  guide  eclaire,  d'un  ami  sur,  vientcl  propos  relever  nos  forces 
un  instant  abaltues. 

A  la  lecture  de  ces  ouvrages,  nous  conseillons  de  joindrecelle  des 
bons  recueils  petiodiques,  Panni  ceux  qui  sont  destines  a  I'lnslrnc- 
tion  primaire,  nou«  pouvons  signaler  avec  confmnce  le  journal  publie 
depuis  plusieurs   aniiees,  sous  le  litre:   VEducution  \  et  que  re- 

i.  Ttc  Vr.nseignemcnl  n'guher  de  la  Imigiie  maternclk,  par  le  pere  Girard. 


APPENDICE.  447 

commaiuleiit  a  vos  sullrages  son  curactere  grave  et  religieux  une 
parf.iite  coiniaissance  des  malieres  et  I'expose  journalier  des  me- 
Ihodeset  des  procedes  d'enseignement  saiictionnes  par  I'experience. 
Yous  froiiverez  dans  ce  rcciieil  les  notions  dont  voiis  avezbesoin  pour 
vous  lenir  au  courant  des  ameliorations  a  introduire,  et  les  moyens 
a  employer  pour  faire  tourner  au  profit  de  TcducalioQ  morale  et 
rcligieuse  les  efforts  et  les  conquetes  de  I'instruction  proprement 
dite. 

Telles  sont  vos  attributions  spociales;  c'est  dans  ce  but  que  vous 
devez  etudier  loutes  les  malieres,  surveiller  la  direction  ,  I'esprit,  les 
tendances  de  I'enseignement.  N'allez  pas  au  dela;  n'empietezpas  sur 
les  droits  de  I'instituteur.  A  hit  de  poursuivre  rapplication  des  me- 
tbodes,  a  vous  d'en  examiner  les  resultats.  Que  s'il  survient,  sur  I'em- 
ploi  meme  des  melliodes,  quelque  divergence  d'opiuion,  ne  preten- 
tendez  pas  imposer  la  votre ;  ramenez  le  maitre  a  vos  vues,  d'abord  par 
la  force  de  vos  raisous,  par  la  douceur  de  vos  procedes  et  surtout 
par  la  demonstration  desavantages  attaches  a  votre  maniere  de  voir. 
N'en  appelez  a  I'autorite  que  dans  le  cas  oii  vous  seriez  temoins  de 
clioses  contraires  au  reglement,  offensantes  pour  la  religion,  dange- 
reuses  pour  les  raceurs.  Hors  de  la,  nous  sommes  convaincus  que  vos 
avertissemenls  sulfiront,  surtout  s'ils  ont  en  meme  temps  pour  base 
une  counaissance  approfondie  des  mati^res,  et  pour  seul  mobile  le 
salut  des  ames ;  car,  en  resume  ,  c'est  la  le  but :  quand  il  n'est  pas 
compris,  I'ecole  n'obtient  ni  faveur  ni  succes. 

Ne  voir  dans  I'instruction  priraaire  qu'un  moyen  d'apprendre  a 
epeler  des  lettres,  a  grouper,  soustraire  ou  multiplier  des  chiffres,  a 
tracer  des  lignes,  c'est  abaisser,  c'est  reduire  a  d'insigniflantes  pro- 
portions un  enseignement  qui  doit  avoir  une  tout  autre  portee.  A 
quoi  bon  savoir  lire  ,  si  Ton  ne  comprend  pas  ce  qu'on  lit ;  si ,  inca- 
pable de  distinguer  I'erreur  de  la  verile,  on  s'expose  a  substituercl 
I'ignorance  originelle  uu  faux  savoir  plus  dangereux  encore?  A  quoi 
bon  savoir  ecrire,  si  Ton  n'a  ni  idee  juste  ni  sentiments  nobles  ^  ex- 
primer  et  h  Iransmettre  ?  A  quoi  bon  savoir  calculer,  si  une  raisou 
droite,  une  conscience  eclairee  ne  president  aux  calculs  et  n'empe- 
chent  d'en  faire  de  purs  instruments  d'egoisme  ou  de  rapine?  Ce  qu'il 
faut,  c'est  bien  moinsde  communiquer  telles  ou  telles  dounees  posi- 
tives que  de  cultiver  les  facultes  de  I'homme  pour  en  faire  un  etre 
raisouuable,  sachant  distinguer  nettement  sa  nature  morale  et  iutel- 

2? 


418  APPEiNDlCL. 

lecluelle  de  la  nature  malerielle  et  grossiere  qui  reutoure,  eicom- 
prendre  la  parole  qui  doit  rengeudrer  k  la  lumiere  et  h  la  vertu. 

De  ce  qui  precede  il  resulte  qu'il  y  a  trois  points  essentiels  a 
considerer  dans  I'inslruclion  primaire  :  d'abord,  les  connaissances 
elles-memcs  qu'il  s'agit  de  transmeltre;  ensuile,  les  methodes  et 
les  procedes  d'enseigneinenl ;  eufin ,  le  developpement  moral  el 
intellectuel ,  qui  doit  Stre  le  resultat  et  le  couronoemeut  de 
Toeuvre. 

Vous  savez  que,  d'apres  la  loi,  I'instruclion  primaire  orabrasse  les 
elements  de  doctrine  morale  et  religieuse  ,  la  lecture,  I'ecriture,  la 
langue  frauQaise,  le  calcul  et  le  sysleme  legal  des  poids  et  mesures. 
II  peul  coraprendre,  en  outre,  des  connaissances  accessoires,  qu'il 
serait  utile  de  voir  adniellre  dans  le  plan  rcgulier  des  eludes,  mais 
que  le  peu  de  temps  passe  dans  les  ecoles  ne  permet  pas  d'y  intro- 
duire  d'une  maniere  generale. 

La  loi,  en  plagant  I'instruction  religieuse  en  premiere  ligne,  a 
voulu  montrer  quelle  importance  elie  y  atlacbe.  II  est  inutile  d'in- 
sister  sur  ce  point  avec  vous,  Messieurs,  et  de  vous  rappeler  qu'ici  11 
ne  s'agit  plus  seulement  de  surveillance  mais  d'action  ;  il  y  a  una 
part  personuelle  a  prendre,  des  instructions  regulieres  a  donner,  des 
habitudes  chreliennes  a  transmeltre.  Arretons-nous  un  instant  surces 
deux  parties. 

L'enseignenient  religieux  comprend  necessairement  I'etude  tex- 
tuelle  des  prieres,  le  catechisme  et  I'bistoire  sainle.  Voire  premier 
soin  sera  de  veiller  ace  que  les  enfants  apprennent  leurs  priores  des 
Jeur  entree  k  I'ecole.  II  n'est  pas  necessaire  pour  cela  d'attendre  qu'ils 
soient  en  e(at  de  les  lire;  un  eleve  plus  avance  pent  tres  bien  les 
leur  enseigner  en  les  recitant  et  les  faisant  repetcr  phrase  par  phrase 
ou  par  membres  de  phrases.  C'esl  raeme  un  utile  moyen  d'employer 
le  temps  pendant  lequel  les  enfants  ne  peuveot  prendre  part  a  d'au- 
tres  exercices. 

Vous  n'attendrezpas  non  plus  que  les  enfants  approchent  de  I'age 
de  la  premiere  communion  pour  leur  faire  apprendre  le  catechisme; 
ce  retard  est  cause  qu'on  ne  le  sait  jamais  assez  bien.  L'annee  de  la 
premiere  communion  se  (rouve  surcbargee  d'etiides  presquo  loujours 
mal  faites,  parte  qu'eiles  sontpour  ainsi  dire  improvisees.  Dos  que 
les  enfants  sauront  lire,  c'est-a-dire  vers  I'age  de  huit  ou  neuf  ans, 
vous  leur  mettrez  entre  les  mains  le  petit  catechisme  du  diocese.  A 


1P^E^DI(:E.  44  9 

dix  ans,  ils  apprendront  le  graud  catechisme,  de  maniere  a  n'avoir 
pliisqu'a  le  repasser  peadantl'annee  dela  premiere  communion,  qui 
sera  ainsi  une  veritable  anuee  de  perfectionnement. 

L'histoire  sainle  est  generalement  trop  negligee;  et  cependant, 
ainsi  que  Tout  observe  Feneloa  et  Rollin,  quelle  etude  est  mieux  ap- 
propriee  aux  dispositions  du  premier  age  de  la  vie?  Le  souverain 
createur  du  ciel  et  de  la  terre,  sims  rien  perdre  de  sa  puissance  et 
de  sa  majeste  ,  s'y  montre  comme  un  pere  au  milieu  de  ses  enfanls. 
Les  touchants  recitsde  la  Bible,  la  vie  des  patriarclies,  l'histoire  de 
Joseph,  les  miracles  de  Moise,  les  merveilles  de  la  terre  de  Chanaan, 
Tenfance  de  David,  la  sagesse  de  Salomon,  lajeunesse  miraculeuse 
de  Daniel,  la  verte  et  valeureuse  vieillesse  du  premier  des  Maccha- 
bees,  et  plus  tard,  la  vie  du  Sauveur,  dont  tous  les  pas  sur  la  terre 
sont  marques  par  des  bienCaits :  tout  ici  parle  au  coeur,  a  I'intelli- 
gence,  a  I'lmagination  de  I'enfance  ;  tout  est  fait  pour  I'interesser  et 
lui  plaire. 

II  serait  a  desirer  que  les  eleves  les  moins  instruits,  ceux  qia  fre- 
quentent  I'ecole  le  moins  longtemps,  connussent  au  moins  le  oate- 
chisme  historique  de  Fleury.  A  I'ogard  de  ceux  qui  peuvent  recevoir 
line  instruction  plus  developpee,  nous  ne  vous  indiquerons  aucun 
livre  en  parliculier.  Vous  pouvez  choisir,  parmi  les  histoires  saintes 
revetues  d'une  approbation  episcopaie,  celles  quisatisferont  le  plus 
le  maitre  et  qui  vous  paraiiront  offrir  le  double  caractere  d'nn  en- 
seignement  simple  et  interossanl.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  vous 
inviter  a  completer  autant  que  possible  cotte  elude  par  une  histoire 
abregee  de  I'Eglise  :  nous  sommes  convaincu  qu'elle  est  tres  propre 
a  donner  a  la  jeunesse  une  idee  exacte  de  notre  sainte  religion  et  des 
bienfails  qu'elle  a  repandus  sur  le  raonde  :  tous  vos  efforts  tendront 
a  la  propager. 

TSous  regardons  aussi  comme  fort  utile  de  ne  pas  laisser  ignorer 
aux  enfants  les  principaux  trails  de  l'histoire  religieuse  de  leur  dio- 
cese. L'iuteret  que  nous  eveillerons  pour  les  saints  personnages  qui 
ont  ete  les  a|)6tres  de  I'Evangile  dans  telle  ou  telle  province,  les  fon- 
dateurs  des  institutions  ,  les  createnrs  des  ctablisseraenls  dont  les 
bienfails  se  sont  perpetues  jusqn'a  nos  jours,  ne  pent  que  les  affermir 
dans  la  foi  de  leurs  peres,  dans  le  respect  des  pieuses  traditions  de 
I'antiquite,  etdans  kur  attachemeut  pour  le  sol  natal.  Aussi, faisons- 


420  AiTE^Dici;. 

nous  preparer  eu  ce  uiomeiit  et  daus  ce  but  mie  histoire  des  saiuis 
fondateiirs  ou  bienfaiteiirs  de  I'eglise  de  Bordeaux.  Ce  sera  un  moyen 
de  rendre  populaire  les  uoms  beuis  des  Delpliiu ,  des  Seurin,  dcs 
Amand ,  des  Paulin,  des  Macaire,  des  Uomain,  des  Gallicien,  des 
Emilion,  des  Simon  Stock,  des  Leonce  ct  des  Gerard.  Tous  ces  noms 
otaient  lombes  dans  un  ingrat  oubli  :  pourquoi  ne  pas  les  faire  re- 
vivre  au  milieu  de  nous  ? 

Enfin  ,  pour  couronner  I'enseignement  religieus.  voustiendrez  la 
main  a  I'execution  des  reglements  qui  prescrivent  aux  instituteurs 
de  faire  apprendre,  cliaque  semaine,  I'Evangile  du  dimanche.  Les 
enfanls  le  recitent  en  classe  le  samedi  :  cet  usage  est  excellent;  vous 
veillerez  k  ce  qu'il  se  maintienne  dans  les  ecoles  oil  il  existe  deja  , 
et  a  ce  qu'on  Tintroduise  dans  celles  oil  il  ne  serait  pas  encore 
en  vigueur. 

L'Evangile  ainsi  appris  de  bonne  beure,  repete  pendant  plusieurs 
annees ,  non-seulement  se  gravera  dans  la  meraoire  des  enfants, 
mais  laissera  dans  leur  coeur  de  profondes  et  salutaires  impressions. 
Ce  sera  le  veritable  fonds  de  verites  eternelles,  qu'aucun  mensonge, 
aucun  sophisme  ne  pourra  alterer  plus  tard.  Ce  sera  ce  bouclier 
de  la  foi  donl  parle  I'apotre  ,  qui  lesgarantira  des  alteintes  du  siccle 
plus  que  ne  le  peut  faire  aucune  parole  humaine.  Ces  impressions 
seront  forlifiees  par  les  exercices  de  piele,  savoir  :  les  prieres  du 
matin  et  du  soir,  I'assistance  aux  offices  de  I'eglise  les  diraanches  et 
les  fetes,  sous  la  surveillance  de  I'inslituteur,  et  la  frequentalion 
des  sacrements. 

Quant  aux  prieres  qui  doivent  se  dire  tous  les  jours  en  classe,  vous 
determinerez  vous-memes  ce  qu'il  convient  de  faire,  en  ayant  egard 
a  I'age  des  enfants,  dont  il  serait  imprudeut  d'exiger  des  formules 
Irop  prolongees.  Eu  general,  il  sera  bon  de  s'en  tenir,  pour  le  matin 
et  pour  le  soir,  aux  prieres  qui  se  trouvent  dans  le  catechisme  du 
diocese. 

On  commencera  la  premiere  classe  du  jour  par  la  priere  du  matin, 
suivie  du  :  Venez,  Esprit  saint;  on  la  terminera  par  VAngelus,  le 
Souvenez-vous  et  le  Benedicite.  On  commencera  la  classe  de  I'apres- 
midi  par  les  graces,  suivies  du  :  Venez,  Esprit  saint;  on  la  termi- 
nera par  la  priere  du  soir. 

Nous  appellerons  aussi  votre  attention  sur  la  maniere  de  reciter  les 
prieres,  si  propresa  faire  uaitre  et  a  entreteuir  les  sentiments  reli- 


A^PE^DICE.  A2\ 

gieiix  des  enfants.  Trop  souvent  on  leur  laisse  contracter  des  habi- 
tudes de  iegerele  et  d'inatteution,  qui  les  suivent  dans  tout  Ic  cours 
de  la  vie.  II  en  est  ainsi  iorsque,  suivant  I'usoge  le  plus  general,  la 
priere  est  dite  exclusivement  par  les  eleves.  Invitez  le  inaitre  a  la 
faire  lui-meme  frequemment,  afin  qu'il  donne  I'exemple  du  calme  et 
du  recueillement  avec  lesquels  on  doit  parler  a  Dieu.  Qu'il  les  ae- 
couturne  a  articuler  les  reponses  gravement,  poseraent,  sans  bruit, 
avec  ensemble,  ce  qu'on  obtient  sans  trop  de  peine,  pour  pen  qu'ou 
y  tienne  la  main. 

En  ce  qui  concerne  I'assistance  a  la  messe  et  aux  vepres,  nous 
n'avons  rien  de  particulier  a  vous  prescrire.  Vous  savez  que  les  re- 
glements  obligent  le  maitre  a  y  conduire  ses  eleves;  nous  sommes 
persuade  d'avance  qu'il  semoutrera  ponotuel  dansruccomplissement 
de  ce  devoir.  Si  tons  pouvez  compter  sur  lui,  il  n'en  est  pas  tou- 
jours  de  raeme  des  parents,  dont  I'indiffcrence  paralyse  son  zele. 
Encouragez  ,  soutenez  ses  efforts  par  les  moyens  qui  sont  en  votro 
pouvoir.  Ainsi,  n'admettez  a  la  premiere  communion  que  les  enfants 
qui,  pendant  les  annees  precedentes,  auront  assiste  regulierement 
aux  offices  et  au  catechisme.  Ayez  soin  aussi  de  les  placer  a  Teglise 
de  maniere,  non-seiilement  que  le  maitre  les  surveille  facilernent, 
mais  encore  qu'ils  puissent  voir  les  ceremonies.  Lorsqu'ils  sont  trop 
loin  de  I'autel,  ils  restent  etrangers  a  ce  qui  s'y  passe,  la  distraction 
s'empare  de  leur  esprit,  leur  coeur  est  soustrait  a  I'influence  que  la 
majeste  du  culte  exerce  sur  les  fideles.  II  n'y  a  plus  pour  euxni  par- 
ticipation a  la  priere  commune,  ni  aucune  de  ces  emotions  qui  ali- 
mentent  la  piete  et  determiuent  quelquefois  les  plus  nobles  et  les 
plus  heroiques  vocations. 

Nous  vous  avons  deja  pries  de  vous  entendre  avec  rinstiiuteur 
pour  fixer  I'heure  de  vos  instructions  a  I'ecole  :  determinez  de 
meme ,  d'un  commun  accord,  les  instants  oil  vous  appellerez  les 
enfants  au  tribunal  de  la  penitence  ,  les  jours  et  les  heures  de  vos 
catechismes. 

Nous  ne  nous  arreterons  pas  longteraps  sur  les  metliodes  a  suivre 
pour  I'enseignement  de  la  lecture  et  de  I'ecriture;  les  observations 
generales  que  nous  faisons  ci-apres  suffiront  a  cet  egard,  D'ailleurs, 
vous  savez  que  la  meilleure  metliode  pour  un  maitre  est  celle  qu'il 
comprend  le  mieux  et  qu'il  enseigne  avec  le  plus  de  plaisir.  Toute- 
fois ,   il  en  est  de  telleraent  imparfaites,  de  tellement  vicieiises ,- 


^^22  APPFNDICE. 

qii'elles  sont  de  nature  a  exercer  une  faclieuse  influence  sur  le  juge- 
ment  et  les  habitudes  des  enfaiils.  II  est  done  a  desirer,  quand  elles 
sont  maUieureusement  etalMies,  de  pouvoir  successivement  les  ame-= 
liorer  et  les  reinplacer. 

Si  les  details  necessiles  par  le  developpement  de  la  seconde  partie 
de  notre  travail,  paraissent  a  quelques-uns  s'ecarter  du  but  que  nous 
devons  nous  proposer  en  ecrivant  ici  comme  chef  spirituel  du  Irou- 
peau,  qu'on  n'oublie  pas  qu'a  ce  litre  nous  joignons ,  depuis  pres  de 
vingt  ans,  celui  de  merabre  desconseils  academiques  de  Nancy  et  de 
Bordeaux.  En  nous  lisant,  on  se  convaincra  que  nous  avons  eu  I'in- 
tention  de  rendre  plus  sacrees,  plus  obligatoires,  les  prescriptions 
emanees  des  chefs  du  corps  enseignant.  Serait  co  trop  des  efforts 
reiinis  des  evequeset  des  recteurs  de  loutes  nos  Academies  pour  I'a- 
meiioralion  de  I'enseignement  populaire? 

Cette  instruction  pastorale  n'empiete  sur  les  droits  de  personne ; 
elle  est  adressee  a  MM.  les  cures  de  notre  diocese,  qui  non-seuie- 
ment  ont  le  droit  d'enseigner  le  latin  a  Irois  ou  quaire  eleves,  mais 
qui  pourraient  encore  an  besoin,  en  reiuplissaut  les  conditions  vou- 
lues  par  la  loi ,  donner  I'inslruction  priraaire;  elle  arrivera  aussi  k 
loutes  nos  coramunnutes  religieuses  d'hommes  et  de  femraes ,  accou- 
tumees  a  recevoir  de  la  bouche  de  leur  ev^que  lout  ce  qui  peut  les 
aider  a  remplir  dignement  la  tache  qu'un  admirable  devouement 
leur  impose. 

Quand  les  enfaiils  sont  en  etat  de  lire  couramment,  Taction  que 
vousavez  a  exercer  devient  plus  directe,  car  alors  commence,  pour 
ne  plus  cesser,  rinflueuce  de  la  lecture  sur  I'educalion.  En  general , 
on  ne  sail  pas  assez  lirer  parti  de  la  lecture  dans  les  ecoles ;  on 
ne  fait  lire  ni  assez  longteraps  ni  assez  souvent ,  et  on  passe  trop 
tot  a  des  exercices  auxquels  les  enfants  ne  sont  pas  sufflsamment 
prepares.  II  ne  s'agit  pas  seulement  d'enseigner  aux  eleves  a  pro- 
noncer  neltement,  "a  articuler  d'une  maniere  distincte  ,  mais  encore 
de  les  mettre  en  etat  de  comprendre  ce  qu'ils  lisent,  et  pour  cela, 
de  leur  expliquer  le  sens  et  la  valeur  des  termes,  la  liaison  des 
pensees ;  de  leur  faire  sentir  I'esprit  cache  sous  ia  lettre,  la  ve- 
rile  sous  la  forme  ;  de  reveiller  de  bons  sentiments  a  propos  de 
nobles  paroles,  de  travailler  au  developpement  de  la  conscience 
morale,  lout  en  parlant  "a  I'imagination.  Fables,  paraboles,   traits 


APPENDICE.  425 

d'liistoire  ,  decouvertes ,  inventions,  voyages,  tout  sert  au  maitrc 
intelligent  et  zele  qui  veut  la  gloire  du  Seigneur  et  le  bien  de  ses 
eleves. 

Mais  le  point  essonliel,  c'est  qu'on  ne  se  serve  que  de  l»ons  livres. 
II  y  a  malheureusement  penurie  generate  a  cet  egard  dans  les  ecoles 
ruiales.  Puis  les  parents,  dans  leur  ignorance,  s'imaginent  que  le 
premier  livre  vena  est  bon  pour  faire  lire  un  enfant,  et  le  desir  de 
s'epargner  iine  depense  les  attache  a  celte  erreur. 

Combaltez  a  la  fois  les  prejuges  et  I'avarice  des  hmilles.  Plaidez 
la  cause  de  vos  ouailles  aupres  du  conseil  municipal ;  obtenez-en 
Tacquisilion  d'un  certain  nombre  d'ouvrages  qui ,  mis  entre  les 
mains  des  eleves ,  serviront  longlemps  et  ne  greveront  pas  beau- 
coup  le  budget  annuel  de  la  c«mmune  Tachez,  de  voire  cote,  de 
pouvoir  preter  ou  donner  aux  enfants  de  bons  livres,  qu'ils  empor- 
teront  au  foyer  domeslique  et  qui  seront  lus  dans  les  longues  soi- 
rees d'liiver. 

Quand  done  la  sociele,  battue  en  brcche  depuis  pres  d'un  siecle 
par  les  ecrits  les  plus  irreligieux  et  les  plus  obscenes,  comprendra-t- 
elle  qu'elle  ne  pent  se  defendre  qu'a  armes  egales ;  que,  lout  le 
monde  voulanl  lire,  il  faut  prodiguer  les  ouvrages  qui  moralisent  et 
ediQent?  Qiiand  comprendra-t-elle  qu'il  est  d'une  utilile  au  moins 
aussi  incontestable  de  mettre  a  la  disposition  du  peupie  des  biblio- 
theques  inslruclives  et  religieuses,  que  de  doter  nos  communes  d'un 
cliemin,  d'un  lavoir  ou  d'un  hopital? 

Que  les  parents  vous  aident  ou  non,  que  les  conseils  municipaux 
vousassistent  ou  vous  delaissent,  votre  devoir  est  toujours  le  meme  ; 
vous  pouvez  toujours  le  reraplir.  Vous  avcz  toujours  a  veiller  a  ce 
que  la  semence  jetee  dans  les  araes  jeunes  et  pares  soit  de  bonne 
qualile,  a  ce  que  le  pain  offert  k  ces  intelligences  novices  soit  d'une 
nature  saine,  a  ce  que  les  livres  mis  entre  ses  mains  inexperimeu- 
tees  soil  scrupuleusement  choisis,  a  ce  que  tout  ce  qu'ils  renfer- 
ment  porte  a  la  connaissance  de  Dieu,  a  I'amour  et  a  la  pratique  du 
devoir. 

Rejetez  non-seulement  tout  ce  qui  serait  conlraire  aux  moeurs  et 
a  la  religion  ,  raais  encore  ce  qui  ne  serait  pas  de  nature  a  exercer 
une  salulaire  influence.  Ne  perdez  pas  de  vue  que  ces  lectures  doi- 
vent  servir  a  donner  aux  eleves  une  foule  de  notions  (ju'ils  ne  re- 
cevraient  point  autrement,  et  que  des  livres  d'un  caractere  tropse- 


424  APPENDICE. 

rieux,  trop  abstrail,  poiirraieiit  rebuter  reufance  el  la  degoiiter  de 
la  vertu,  si  on  la  presentait  sous  des  formes  tristes  et  emiuyeuses. 

Mais  vos  precautions  seront  iuutiles  si  le  raaitre  ne  vous  secoude, 
comme  elles  seront  toutes  efficaces  si,  s'associant  a  votre  soilicitude, 
il  ajoute  aux  mesures  de  prudence  indiquees  une  sanction  toute 
pratique. 

Combien  il  seraita  desirer  que  I'inslituteur  fit  chaque  jour  a  toute 

la  classe  une  lecture  sur  des   sujels  varies,  qu'il  comnienterait  et 

qui  deviendraientpour  lui  I'occasiond'unefoule  d'explicalionsetd'a- 

vis  utiles  !  Les  veilles  des  dimanches  et  fetes,  elle  aurait  pour  objet 

I'explication  de  la  soleuuile  du  lendemain  ;  les  autres  jours  elle  rou- 

lerait  sur  des  points  differents,  tels  qu'ils  conviennenta  des  enfants 

qui  ne  savent  rien  et  qui  ont  tout  a   apprendre  :  des    recits  de 

I'histoire  de  France  ,   des  anecdotes  morales  ,  des  notions  sur  les 

sciences  naturelies,  I'agriculture,  riudiistrie,  I'economie  domestique. 

Parmi  les  ouvrages  propres  a  remplir  ce  but,  nous  pouvons  en  in- 

diquer   plusieurs  :  Le  Livre  de  lecture   couranle   de  M.  Lebrun 

les  Loisirs  d'un  Cure,  le  Peuple  instruit  par  ses  propres  verlus , 

Pierre  Giberne,  Antoine,  Simon  de  Nantua  avec  le  caractere  es- 

sentiellement  catliolique  que  I'auteur  se  propose  do  donner  a  une 

nouvelle  edition:  la  Pieuse  paysanne,  Melanie  et  Lucelti,  la  Veille 

de  Noel,  les  OEufs  de  Pdques,  le  Val  d'or,  le  Cure  de  Beriles, 

Reponses  courtes  et  familieres,  le  Dimanche  des  soldats,  la  Caserne 

et  le  Presbijlere,  par  MM.  de  Segur. 

L'ecrilure  appelle  moins  votre  attention  que  la  lecture.  Vous  n'a- 
vez  guere  a  iutervenir  dans  cet  enseignement ,  si  ce  n'est  peut-elre 
pour  recommauder  au  maitre  de  veiller  a  ce  que  les  enfants  ne  con- 
tractent  pas  des  habitudes  de  corps  qui  puissent  nuire  a  leur  tenue 
et  a  leur  sanle. 

Vous  prendrez  garde  a  ce  que  les  modeles  d'ecriture  places  sous 
les  yeux  des  eleves  ne  contiennent  que  des  preceptes  moraux  et 
des  citations  a  leur  portee  ;  car  ici  rien  ne  doit  nous  parailre  in- 
digne  de  la  plus  scrupuleuse  vigilance.  Un  fetu  euflamme  I'oeil;  un 
mot  pent  pervertir  une  intelligence,  une  ligne  fausser  I'espril,  cor- 
rompre  Fame. 

Dans  le  programme  obligatoire,  la  loi  place,  a  la  suite  de  Tecri- 
ture,  I'euseignement  dela  langue  frangaise.  Remarquez  ce  mot,  dont 
on  semble  ne  pas  comprendre  la  portee ;  car,  dans  la  pratique  ha- 


APPENDICE.  425 

biUielle,  on  enseigne  la  grammaire  et  non  la  langue.  L'ecole  rurale 
dolt  faire  ce  que,  dans  les  villes,  les  parents,  lesamis,  les  rolallons 
de  societe,  font  tout  nalurellement  pour  I'enfantdes  classes  clevees, 
lequel  parle  nettement,  correcteraent ,  souvent  avec  esprit  ct  ele- 
gance, sans  avoir  jamais  ouvert  un  livre,  ni  entendu  citer  une  regie 
de  syntaxe.  Pourquoi,  dans  les  ecoles,  I'enseignement  ne  revelirait-il 
pas  ce  caraclere  pralique  ?  Parler  et  faire  parler  les  eufanls  ;  inter- 
roger  beaucoup  ;  obliger  a  des  reponses  qui  deviendront,  par  I'liabi- 
tude,  proraples  et  claires;  ne  serait-ce  pas  le  moyeu  I'appreudre  la 
laugue  aux  enfants,  au  lieu  de  charger  leur  memoire  de  definitions 
obscures,  de  regies  difficiles,  dont  nos  villageois  n'entendront  plus 
parler  au  sortir  de  l'ecole?  Que  leur  bagage  grammatical  soil  done 
simple  et  leger.  Apprecier  la  valeur  des  mots,  construire  logi(jue- 
menl  la  phrase,  et  savoir  surtout  se  servir  de  la  parole  pour  traduirc 
nettement  sa  pensee,  c'est  tout  ce  qu'il  faut  de  science  pour  former, 
non  pas  de  petits  philosophes,  ce  qui  est  inutile,  mais  des  hommes 
raisounables,  usant  avec  couvenance  etraesure  des  dons  de  Dieu  et 
des  tresors  de  la  langue  maternelle. 

Voila  les  idees  que,  dans  vos  entretiens  avec  les  instituleurs,  il  faut 
leur  faire  gouter;  et,  pour  les  raettre  sur  la  voie,  recommandezb  leur 
attention  le  livre  que  nous  vous  avons  deja  signale,  Y Enseignement 
regulier  de  la  langue  fraagaise,  I'un  des  plus  remarquables  ouvrages 
d'education,  dont  les  principes  out  ete  recemmeut  mis  en  pratique 
dans  uu  Cours  clementaire  de  langue  francaise  a  I'usage  des  eco- 
les primaires  '. 

Nous  desirerions  trouver  le  meme  caractere  de  simplicile  dans 
I'enseignement  de  I'arilhmetique.  Tout  inslituleur  qui  ne  veut  pas 
faire  parade  de  science,  s'efforcera  de  rendre  I'etude  du  calcul  in- 
teressante  par  ses  applications :  il  aura  pour  but,  dans  le  clioix  des 
problemes,  de  demoutrer  les  avautages  de  I'ordre,  de  I'economie  , 
du  travail,  ou  les  ioconvenients  de  I'intemperance  et  de  la  paresse, 
les  facheuses  consequences  des  vices  et  des  passions,  les  suites  fu- 
nestes  de  certaines  habitudes  et  de  certains  prejuges  encore  repan- 
dus  dans  diverses  localites. 

Ici  s'arrete  le  programme  des  connaissances  rigoureusement  exi- 
gees,  et  il  est  probable  que,  dans  le  plus  grand  nombre  des  ecoles 

1.  Cows  vKmenlaire  de  langue  francaise,  \>&r  MM,  Michel  et  Rapot. 


426 


APPENDICE. 


rurales,  les  eleves  n'irnnt  pas  an  dela.  Mienx  vaiif,  en  effot,  insister 
sur  les  connaissances  iiidispensabies  et  y  arreter  assez  longlemps  les 
enfanis  pour  qn'ils  les  possedent  bien,  qiiede  passer  trop  rapidemeiit 
sur  ces  elements,  pour  effleurer  d'aufres  etudes  moins  utiles.  Cepen- 
dant  la  loi,  prevoynnt  qu'il  y  aurait  des  cas  ou  ce  programme  serait 
insuffisant,  a  voulii  indlquer  un  supplement  d'etsules. 

SI  dans  les  ecoles  rurales  on  s'en  tieiit  generalement  aux  strides 
limites  du  programme,  neanraoins  il  y  a  des  localites  ou  I'instituteur 
pent,  avec  avantage,  ajouter  a  son  eiiseignement  quelques-unes  des 
connaissances  facultatives ;  ce  sont  les  villes  et  les  bourgades  ou 
I'exercice  de  I'industrie,  du  commerce,  de  I'agriculture,  demande , 
soit  des  applications  plus  norabreuses  de  renseignement  elementaire, 
soit  des  connaissances  speciales,  etou,  en  meme  temps,  les  enfants 
suivent  plus  regulierement  et  plus  longtemps  les  ecoles,  et  peuvent 
y  recevoir  par  consequent  une  inslruction  plus  etendue.  II  est  facile 
de  voir  que  le  cadre  des  connaissances  requises  ne  saurait  suffire  aux 
besoins  de  ces  populations.  Vous  ferez  done  une  chose  utile  de  favo- 
rlser,  et  de  provoquer  an  besoin  I'etablissement  de  ce  deuxieme  de- 
gre  partoiit  oil  raffliience  des  eleves,  les  habitudes  et  les  ressources 
des  localites  le  rendent  necessaire. 

Mais  pour  que  ce  double  enseigneraent  puisse  marcher  de  front 
sans  se  nuire,  il  serait  a  desirer  que  les  etablisseraents  oil  il  est  en 
activile  eussent,  corame  chez  les  freres  des  ecoles  chretiennes ,  un 
mailre  pour  chaqiie  degre;  ce  qui  devient  plus  facile  depuis  que  la 
loi  reconnait  des  maitres  slagiaires  et  encourage  leur  institution. 

En  preseutant  ainsi  aux  enfants  des  marchands ,  des  artisans  et 
des  fermiers  une  instruction,  d'un  cote,  plus  elevee  et  plus  com- 
plete que  I'enseignement  primaire  actuel,  et  de  I'autre,  mieux  appro- 
priee  aux  besoins  de  leur  condition  que  I'enseignement  secoudaire, 
on  les  empecherait  d'aller  perdre  cinq  ou  six  annees  a  des  etudes  de 
latin  et  de  grcc,  qui  n'ont  d'autre  resultat  que  de  les  degouter  des 
professions  auxquelles  ils  sont  destines,  de  leur  donner  des  habitu- 
des, des  gouts  et  une  ambition  qui,  en  les  declassant,  font  le  malheur 
de  leur  vie  et  troublent  la  societe. 

Passons  rapidement  en  revue,  Messieurs,  comme  nous  I'avons  fail 
pour  le  premier  degre,  les  di verses  branches  de  connaissances  ajou- 
tees  a  I'enseignemeiU  du  deuxieme,  et  voyons  jusqu'a  quel  point  et 
dans  quel  esprit  vous  pouvez  exercer  ici  une   favorable  influence, 


APrENDif.F.  ^r27 

sans  empieler  loulefois  sur  les  altribufious  rcsefvees  a  ranforite  aca- 
(leinique,  et  mSme  eii  secondant  ses  vues. 

L'bistoire  occupe  le  premier  rang.  Deja,  I'liistoire  dii  penple  de 
Dieu  et  celle  de  I'Eglise  ont  inilie  les  enfants  a  ce  nnuveaii  genre 
d'etude.  II  ne  s'agit  done  que  de  le  completer  en  y  ratfachant  des 
notions  generales  sur  les  divers  penples  de  I'antiquite  et  des  temps 
moderues.  En  les  groupant  ainsi  autonr  de  I'etiide  de  la  religion,  on 
leur  donne  un  lien  commun,  qui  p-rmet  de  les  erabrasser  avec  plus 
d'ordre  et  d'enserable.  L'actiou  de  la  Providence  dans  le  developpe- 
menl  de  I'humanite  deyieiit  plus  visible,  el  le  but  ou  tendent  loutes 
les  nations  appelees  a  la  connaissance  d'un  raeme  Dieu,  a  I'observa- 
tion  d'une  merae  loi,  aux  bienfailsd'une  meme  redemption,  appnrait 
de  plus  en  plus  evident. 

N'oublions  pas  cependant  que  I'lnsfoire  de  nofre  pays  exige  line 
elude  plus  devoloppee.  Si  elle  ne  devait  consisler  que  dans  un  expose 
de  dates  arides ,  duns  une  fatigaute  nomenclature  de  balailles,  de 
traites  el  de  noms  propres ,  ou  ne  volt  guere  le  fruit  que  les  eleves 
pourraienl  en  retirer. 

Ce  queTedHcateur  doit  se  proposer  en  faisanl  connaiire  aux  eleves 
la  serie  des  eveneraents  les  plus  remariMiahles ,  des  fails  les  plus 
eclalants,  des  personnages  les  plus  illustres  par  leurs  talents,  leurs 
vertus  ou  leurs  services,  c'est  d'inspirer ,  avec  le  respect  des  tradi- 
tions nalionales,  I'amourde  la  patrie  et  par  ia  meme  un  noble  desir 
d'imiter  ceux  qui  6nt  bien  merite  du  pays. 

Sans  doule,  le  simple  abrege  de  I'liistoire  qu'on  met  enlre  les 
mains  des  enfants,  ne  pent  sufflre.  dans  sa  secheresse  ,  a  developper 
ces  nobles  et  utiles  sentiments,  ces  impressions  vives  et  durables,  qui 
snpposent  le  recit  detaille  des  fails,  I'apprccialion  des  caracteres , 
drs  moeurs,  des  liommes  proposes  corame  modeles.  11  faut  done  sup- 
plecr  a  I'insuftisance  de  I'eiiseignement  classiqiie,  par  une  serie  de 
lectures  bien  cboisies,  dont  ou  exigera  periodiquemeiit  des  resumes, 
fails  devive  voix  par  les  eleves,  suivis  de  questions  posees  el  d'expli- 
cations  donnees  par  le  maitre  :  pour  la  clarie  du  recit  et  la  suite  des 
evenements,  ces  explications  seront  toujours  appuyees  sur  les  ta- 
bleaux chronologiques,  qui  deviennent  le  cadre  oil  se  fixe  le  resultat 
el  des  lectures  particulieres  et  de  celles  faiies  en  commun  ,  soil  a  la 
fin  de  la  classe  pour  les  gargons,  soil  pendant  les  henres  do  travaux 
a  I'aiguille  pour  les  jeunes  Giles. 


-428  APFEISDICE. 

De  meme  que  renseigiiement  de  I'histoire  doit,  en  donnaut  I'in- 
dispensable  counaissance  des  fails,  elever  I'ame  et  ennoblir  les  sen- 
timents dii  jeune  age,  ainsi  la  geographie,  tout  en  lui  donnant  la 
description  materielle  du  monde,  doit  parier  a  son  copur  el  a  sou  in- 
telligence, en  lui  exposanl  avec  le  langage  de  la  foi,  la  grandeur  de 
I'ffiuvre  de  Dieii,  les  merveilles  de  la  creation,  les  prodiges  de  son 
inepuisable  fecondite  ,  Tinvariable  regularile  des  lois  qui  regissent 
lunivers,  la  parfaile  harraonie  qui  unit  enlre  eux  tous  les  regues  de 
la  nature. 

Ces  vues  d'ensemble,  si  propres  a  exciter  Tadmiration  ,  la  recon- 
naissance envers  le  Crealeur ,  ne  nuirout  en  rien  aux  lecons  techni- 
ques, qui  se  reduiront  a  Tetude  atleutive  des  cartes  el  des  questions 
resumees  dans  une  melhode  deja  en  usage  dans  les  ecoles  et  qui  ne 
forme  qu'un  cahier  de  quelques  pages. 

C'est  encore  a  un  systeme  de  lectures  convenablement  choisies 
qu'il  faul  recourir,  au  sujet  de  quelques  autres  connaissances  euu- 
merees  dans  la  loi  et  pour  lesquelles  on  ne  saurait  avoir  la  preten- 
tion de  creer  des  cours  methodiques  dans  les  ecoles  primaires. 

Du  reste,  la  loi  a  indique  le  caractere  et  les  limites  de  cet  ensei- 
gnement  en  le  reslreignant  a  des  notions  des  sciences  physiques  el 
de  rhistoire  naturelle,  applicables  aux  usages  de  la  vie,  en  ex- 
cluaut  par  la  meme  toute  pretention  scientifique,  toule  exposition  de 
theories,  de  syslemes,  que  ne  component  ni  I'age  ni  le  degre  d'ius- 
truction  des  eleves,  ni  le  temps  passe  a  I'ecole. 

Recomraandez  done  aux  iustituteurs  de  se  garder  de  faire  parade 
de  connaissances  techniques,  qui  n'ontde  valeur  qu'autant  qu'elles 
sont  a  la  portee  des  enfants  et  qu'elles  s'appliquent  aux  usages  et 
aux  besoins  de  leur  condition.  II  en  sera  de  meme  des  instructions 
elementaires  sur  ragriculture,  I'industrie  et  I'liygiene  ,  dont  il  est 
question  dans  la  loi. 

II  est  evident  qu'il  ne  pent  s'agir  ici  ni  de  cours  reguliers,  ni 
d'expositions  savantes,  ni  de  traites  speciaux  a  mettre  entrc  les 
mains  des  enfants. 

C'est  un  but  pratique,  simple  et  indique  par  le  bon  sens  qu'il 
faut  alteindre.  El  pour  cela,  vous  n'aurez  pas  de  peine  a  faire  com- 
prenJre  a  rinslituteur  que  sa  tache,  sous  ce  rapport,  consiste  surtout 
a  salsir  loules  les  occasions  de  donuer  a  ses  eleves  quelques  sages 
conseils;  a  lour  monlrer  les  inconveoients  d'une  habitude  vicieuse  : 


Al'PHiNDlCE.  420 

a  faiio  <le  temps  a  aulre  cles  promenades  desliuees  a  recoiinaitio  les 
insectes,  les  plautes,  les  terrains,  les  progres  de  la  vegetation  ;  a  in- 
diquer  sur  les  lieux  memes  I'iuflueuce  des  saisons,  des  divers  etals 
de  I'atraosphere,  dii  cours  des  rivieres  ;  a  donaer,  aiitaut  que  pos- 
sible, la  raison  des  plienomenes  iialurels  ;  en  iin  mot,  a  moiitrer 
partout  Ic  doigt  de  Dieii  et  sa  misericordieuse  et  puissante  sagesse  , 
de  qui,  selon  I'Ecriture,  dependent  la  force  des  elements,  la  nature 
ei  les  instincts  des  animaux,  la  variete  et  les  vertus  des  plantes,  les 
vicissitudes  des  saisons,  les  revolutions  des  annees,  I'Lirmonie  des 
etoiles  :  Ipse  enim  dedit  mihi  ut  sciam  virlutes  elementorum,  vicis- 
siiudinum  permutationes  et  commulaiiones  tempirum,  anni  cur- 
sus  et  stellarum  disposiliones ;  naturas  animalium  el  iras  bestia- 
rum,  vim  ventorumet  virtutes  radicumK 

Pour  etre  en  mesure  de  venir,  sur  cos  diverses  matiores,  en  aide  a 
I'instituteur,  peut-etre  aurez  vous  bcsoin  de  reprendre  vous-memes 
les  eludes  qui  vous  out  autrefois  occupes ;  mais  ce  ne  sera  ni  sans 
attrait  ni  sans  proflt  que  vous  evoquerez  d'anciens  souvenirs  et 
que  vous  vous  tieudrez  au  courantdes  progres  journaliers  de  la 
science. 

Purmi  les  branches  de  I'enseignement  facultatif ,  la  loi  comprend 
encore : 

L'aritbmetique  appliquee  aux  operations  pratiques,  I'arpentage,  le 
nivellement,  le  dessin  lineaire. 

Le  dessin  lineaire  a  peut-etre  ele  beaucoup  trop  neglige  jusqu'ici 
dans  la  plupart  des  ecoles.  Cela  tieut  sans  doute  a  la  raaniere  vi- 
cieuse  dont  il  y  a  ete  compris  et  enseigne.  On  I'a  presque  toujours 
confondu  avec  le  dessin  artistique  et  d'ornemcutation  ,  comme  s'il 
se  fut  agi  de  former  des  peintres  et  des  archilectes,  tandis  que  cette 
elude  doit  avoir  pour  but : 

-1°  De  former  le  coup  d'oeil  et  d'exercer  I'enfant  a  bien  apprecier 
les  distances,  les  dimensions,  les  formes  des  objets  ;  2°  d'assouplir  la 
main  en  I'exergant  a  reproduire  ces  memes  objets  avec  une  parfaite 
exactitude  au  moyen  du  crayon.  Y  a-t-il  quolqu'un  qui  n'ait  a  tirer 
grand  profit  d'uue  serablable  etude?  Quant  h  la  marclie  a  sui>re,  la 
nature  elle-meme  I'indique. 

Oulre  les  avantages  materieis  que  procurera  iiecessaireinent  a  lout 

1.  Sap.  vn,.ir;,  n,  lyetao. 


''50  APl'ENDICE. 

aduKe  la  connaissance  du  dessiii  lineaire ,  doiit  les  applications  soiit 
si  frequenles  daos  !e  coiirs  de  la  vie,  11  y  a  dans  cette  etude  pour  le 
jeune  homme  d'ioconlestables  avanlages  intellectuels.  L'attention 
qu'elle  eveille,  I'adresse  qu'elle  donue,  la  reflexion  qu'elle  suppose, 
I'amoiir  de  I'ordre  qu'elle  developpe  et  fortilie ,  le  gout  dc  la  pro- 
prele  qu'elle  eutreiient  :  tout  cela  vient  en  aide  a  I'etre  moral  pour 
en  determiner  le  caractere  el  en  ameliorer  les  habitudes.  C'est  ainsi 
que  I'influence  des  arts,  si  propres  a  civiliser  les  nations,  quand  ils 
sont  bien  diriges,  se  fait  sontir  d'abord  ;  que  I'idee  du  beau  entre 
dans  I'iraagination,  vulgaire  d'ailleurs,  de  I'liomme  des  champs, 
et  lui  decouvre  un  horizon  de  jouissances  inlellectueiles  que  ses 
preoccupations  ordinaires    ne  lui  laisseraient  jamiiis   sounconner. 

Aider  les  enfants  a  se  faire  une  juste  idee  des  objels  qu'ils  out  sons 
les  yeux,  a  remarquer  leurs  dimensions,  leurs  differences,  leurs  si- 
militudes; les  exercer  ensuile  a  reproduire  ces  memes  formes,  en 
comraen<;ant  par  les  plus  faciles  et  en  passant  graduellemeut  anx 
plus  compliquees :  \o\V\  toute  la  methode,  et  il  n'est  pas  de  raaitre 
qui  ne  puisse  parfaitemenl  la  suivre  et  Tappliquer,  pour  peu  qu'il  y 
apporte  de  zele  et  de  bonne  volonte. 

Get  enseignement  ainsi  dirige  n'est  pas  nne  simple  cuKnre  du 
coup-d'a'il  el  de  Tjulresse  de  la  main  ;  c'est  un  veritable  moycn  d'e- 
ducalion,  par  les  habitudes  d'atlention  et  de  reflexion  (lu'il  fait  con- 
tracter. 

Sous  ce  rapport,  il  doit  appeler  loute  votre  sollicilude,  et  vous 
rendrez  un  veritable  service  aux  ecoles  si  par  votre  intervention 
aupres  de  rinstituleur  vous  le  defermiiiez  a  donner  cette  direction 
a  I'etude  du  dessin  lineaire. 

C'est  de  ce  point  de  vue  moral  que  nous  considerons  I'enseigne- 
menl  dii  chant,  autre  anxiliaire  pour  epurer  le  gout  des  classes  labo- 
rieuses  et  leur  donner  a  la  fois  une  noble  distraction  an  milieu  de 
leurs  travaux,  et  un  moyen  puissant  d'ediflcation  durant  les  exer- 
clces  religieux.  x'^ppreridre  au  people  I'harmonie,  c'est  le  degrossir  , 
le  civiliser  et  !e  preparer  efficacement  an  culte  du  Seigneur.  li  est 
evident  que  nous  parous  ici  d'un  chant  pratique,  d'uno  habitude 
simple  a  faire  conlracter  aux  enfants  des  leur  bas-age  par  des 
exercices  qui  forment  leur  oreille  et  assonplissenl  leur  voix  :  il  faut 
faire  chanter  les  en  fa  its  corame  on  les  fait  parler,  en  leur  proposant 
des  airs  simples,  des  melodies  agreables  et  faciles,  en  ne  cessanl  de 


Ari'ENbict:.  -434 

les  leiir  faire  repeter.  On  atteindra  ce  but  en  donnant,  dans  loules 
les  ecoles,  les  principes  du  plain-chant. 

Si,  parmi  letirs  eieves,  les  iiislituteiirs  en  distingnent  qui  aieut 
une  aptilude  plus  speciale,  una  oreille  plus  juste,  une  voix  plus  eten- 
diie  ,  eugagez-les  a  leur  apprendic  quelques  luorceaux  ,  qu'ils  exc- 
cuteront  dans  les  classes,  oil  leur  exemple  entrainera  les  auUes.  Tout 
raaitre  qui  a  de  Toreille  et  de  la  voix  doit  obtenir  d'excellents  re- 
suUals  sous  ce  rappoil.  S'il  est  musicien,  taut  mieux;  mais  il  n'est 
pas  necessaire  qu'il  le  soit :  du  gout,  de  I'habitude,  beaucoup  de 
zele,  peuvent  suppleer  ici  I'art  et  la  science. 

Faut  il  ajouler  qu'ici,  comine  pour  les  lectures,  il  est  important 
d'exercer  une  surveillance  sur  ces  chants,  (}ui  doivent  respirer  la 
morale  la  plus  pure  et  n'exprimer  que  des  idees  appronvecs  par  la 
decence?Quel  service  on  rendraitaux  ecoles  et  aux  families  si  Ton 
y  inlroduisait  des  melodies  d'un  caractere  a  la  fois  simple  et  eleve, 
de  nature  a  devenir,  dans  les  diverses  circoustances  de  la  vie  ,  I'ex- 
pression  des  sentiments  du  cbretien  et  de  I'homme  qui  se  respeite  ! 
Quelle  influence  heureuse  u'exercerail-on  point  par  la  sur  lamoralile 
des  populations  el  la  serenite  du  foyer  dornestique! 

Get  enseignement  se  recommande  encore  a  voire  inlerel  par  I'uti- 
lite  que  vous  en  relirerez  pour  les  ceremonies  de  I'eglisn  el  comme 
preparation  nalurelle  du  chant  liturgique. 

Veillez  done  a  ce  que  la  jeunesse  soit  convenablement  exercee  au 
chant  des  offices.  Formez  pen  ii  peu  des  choeurs  d'enfants,  qui  re- 
pandront  un  charme  tout  particuiier  sur  les  solenniles  religieuses. 
Cette  admission  a  I'exercice  du  cnlle,  que  vous  presenterez  comme 
un  honneiir  el  une  recompense,  eiiflammera  le  zele,  excilera  une 
utile  emulation.  Bien  plus,  ce  sera  comme  un  saint  appal  que  vous 
offrirez  anx  parents;  indifferenls  a  vos  paroles,  ils  seront  allires  par 
la  voix  de  leurs  enfants  ;  ce  que  vos  conseils  reiteres,  vos  avertisse- 
ineuts  les  plus  affectueux,  u'auronl  pu  obtenir,  les  melodies  sacrees 
le  produiront.  La  curiosite  palernelle  amenora  a  I'egiise  ceux  qui 
reslaient  sourds  a  voire  appel  :  pourvu  qu'ils  arrivent  a  Dieu,  voire 
coeur  se  rejouira.  L'Ecriture  ne  parle-t  elle  pas  des  saintes  industries 
du  zele?  El  combicn  est  pure  el  inuocenle  celle  que  nous  vous  con- 
seillons  !  Un  Iroisieme  avautage  cnQn,  c'est  que  vous  retieudrez  a 
rcglise,  par  le  plaisir  qu'ils  prendront  a  y  chanter,  beaucoup  de 
jeunes  gens  qu'on  verrait  s'eloiguer  aussitot  apres  leur  premiere 


452  Al'PLiNDlCE. 

comiminiou.  Telle  peat  clre  reflicacile  de  I'clude  bicii  eiilenduc,  hiyn 
siiivie,  bien  reglee  du  chant  dans  les  ecoles  primaires.  Tout  cela 
vaut  la  peine  d'y  songer  serieusement  el  de  donner  aux  maitres  le 
concours  et  la  direction  necessaires. 

Avant  de  terminer,  il  nous  rcste,  Messieurs,  a  vons  dire  quelques 
mots  sur  la  discipline  des  ecoles  et  sur  les  qualites  les  plus  desi- 
rables dans  un  inslituteur.  Ces  observations  corapleleront  noire  pen- 
see  et  repondront  peut-elre  a  vos  desirs.  On  a  fait  bien  du  bruit,  a 
line  certaine  epoque,  de  la  melhode  dile  d' enseignement  mutuel; 
on  s'en  est  servi  pour  soulever  les  passions,  uourrir  les  haines  des 
partis.  On  I'a  pronee ,  on  I'a  anatliematisee  :  elle  ne  meritait  ni 
lant  d'honncur  ni  tant  de  reprobation.  Elle  n'a  fait  ni  le  bien  qu'on 
en  a  dit  et  allondu,  ni  le  mal  dont  on  I'a  accusee.  Utile  pour  tout 
ce  qui  est  affaire  de  racmoire,  de  repetition,  d'exercices  grapliiques; 
utile  encore  en  ce  qu'elle  permet  a  un  seul  mailre  d'occuper  en 
menie  lenips  un  grand  nombre  d'enfants,  elle  est  insuffisante  des 
qu'il  s'agildu  «  developpement  des  facultes  ,  pour  lesquclles  il  faut 
««  une  raison  deja  formee,  une  intelligence  mure,  dont  I'aclion  vive, 
«  penetrantc  et  sure  reveille  les  puissances  endorraies ,  los  facultes 
u  naissantes  de  l'enfanl»;  elle  est  nulle  en  ce  qui  concerne  le  de- 
veloppement moral  de  I'eieve,  que  la  parole  directe  et  continue  du 
mailre  pent  seule  produire;  car,  seule,  elle  pent  toucher  son  coeur, 
eclniror  sa  conscience,  regler  sa  conduitc.  Tout  cela  est  devenu  de 
notoriete  publique,  si  bien  qu'aujourd'hui  on  ne  trouverait  presque 
plus  en  Fiance  une  bonne  ecole  exclusivement  dirigoe  d'apres  ce 
mode.  La  ville  de  Paris  a  donne  I'exemple  en  transformanl  toutes 
les  ecoles  mutnelles  de  gargons  en  ecoles  mixtes. 

Mais,  a  son  tour,  le  mode  simultane  est  insuffisant  lorsqu'un  seul 
mailre  doit  donner  1  'instruction  a  tous  les  eleves;  car  il  ne  pent  evi- 
ter  I'inconvenient,  on  de  reunir  des  enfants  dont  le  degre  d'instruc- 
lion  est  Ires  different,  ou  d'elablir  des  divisions  (rop  multipliecs. 
Dans  le  premier  cas,  les  legons  ne  profllent  qu'a  un  petit  nombre, 
et  la  masse  perd  son  temps ;  dans  le  second,  le  lour  de  chaque  divi- 
sion revient  a  intervalles  trop  eloignes,  et  les  eleves  reslenl  inoccu- 
pes  pendant  une  parlie  de  la  journee. 

Aussi,  malgre  la  presence  de  plusieurs  maitres  dans  chaque  ecole, 
les  Fieres  n'ont-ils  pas  craint  de  faire  d'heureux  emprunis  a  I'en- 
seignemeut  mutuel   en  recourant  a  des  moniteurs  pour  certaines 


APPENDICE.  455 

branches  d'inslruction  dans  la  classe  elementaire  et  meme  dans 
les  classes  plus  avancees.  Cette  organisation  est,  a  plus  forte  raison, 
necessaire  dans  les  etablissements  ou  il  n'y  a  qu'un  seal  mailre. 
Qu'il  se  fasse  done  aider,  pour  les  exercices  de  lecture,  d'ecriture, 
pour  la  pratique  des  operations  de  I'arithmelique  et  pour  la  recita- 
tion, par  quelques-uns  des  eleves  les  plus  inslruits ;  mais  qu'il  re- 
serve pour  lui  toutes  les  matieres  qui  demandent  des  explications  et 
qui  s'adressent  a  1' intelligence  ou  au  cceur  des  eleves. 

Ainsi,  les  progres  seront  plus  rapides,  plus  sur^^,  et  le  temps  sera 
mieux  employe.  Ce  bon  emploi  du  temps  est  d'une  haute  impor- 
tance. Beaucoup  d'ecoles  meritent  des  reproches  a  cet  egard  :  on  n'y 
observe  ni  ordre  ni  regularite  ;  rien  ne  s'y  fait  a  I'heure  fixee  ;  les 
legons  se  donnent  comme  au  hasard ,  sans  plan  ni  methode.  Pour 
remedier  a  ces  abus,  faites  en  sorte  qu'on  etablisse,  dans  chaque 
classe,  un  tableau  oil  seront  indiques  les  jours  et  les  monents  de 
chaque  lecon,  et  tenez  la  main  a  ce  qu'on  s'y  conforme  invariablement. 

Car  I'instituteur  doit  en  tout  I'exemple  de  la  soumission  a  la 
regie.  Quand  il  s'en  montrera  le  scrupuleux  observateur.  il  accou- 
tumera  facilement  les  eleves  a  s'y  conformer  a  leur  tour.  Jls  preu- 
dront  ainsi  I'habitude  de  la  ponctualite,  si  necessaire  et  si  rare;  et, 
comme  consequence  naturelle,  on  verra  s'introduire  et  se  perpetuer 
une  discipline  ferme  et  reguliere,  sans  laquelle  il  n'y  a  pour  nos 
etablissements  aucune  chance  de  succes.  Une  bonne  discipline  sup- 
pose la  severite  temperee  par  la  douceur :  la  severite  seule  pent , 
sans  aucun  doute,  maintenir  I'ordre,  faire  regner  le  silence  et  la 
proprete  ;  mais  le  plus  souveut  la  discipline  n'est  qu'apparente, 
les  coeurs  ne  sont  pas  gagnes,  les  volontes  ne  sont  pas  assouplies, 
Tobeissauce  n'est  que  servile  ,  elle  echappe  a  la  premiere  occasion. 
Or,  pour  s'assurer  les  coeurs ,  pour  soumettre  les  volontes,  il  faut 
qu'au  respect  se  joigne  la  contiance,  a  la  crainte  I'affection.  II  faut 
que  le  maitre  aime  veritablement  ses  eleves  pour  en  etre  aime  :  la 
bonte  seule  est  faiblesse ;  la  verite  seule  est  aprete  :  celle-la  produit 
le  desordre  par  le  relachement;  celle-ci  la  revoite  par  la  contrainte. 
Que  la  main  soit  douce  sans  flechir,  ferme  sans  roideur  ;  que  I'auto- 
rite  soit  forte  et  misericordieuse. 

Vous  reconnaitrez  aisement  une  ecole  oil  la  discipline  aura  ce 
double  caractere.U  y  regnera  de  I'activite  sans  bruit,  du  mouvement 
sans  agitation  ;  tout  sera  a  la  fois  anime  et  a  sa  place  ;  les  enfants 

28 


454 


APPEISDICE. 


auront  un  air  heureiix,  franc  et  ouvert.  lis  aborderont  le  maitre 
avec  respecl  et  sans  familiarile,  avec  conflauce  et  sans  crainte. 
On  admirera  dans  tons  leurs  travaux  un  soiu,  un  gout,  qui  temoigne- 
ront  du  zele  de  I'instituteur  autant  que  de  la  gratitude  des  enfauts. 
Car,  si  nous  avous  dit  avec  raison  :  Tel  mailre,  telle  raelhode  ,  nous 
pouvons  ajouter  :  Tel  maitre,  tels  eleves.  Le  talent  del'un  repond  du 
succes  des  autres. 

Mais  le  savoir  senl  ne  constitue  pas  le  talent  de  I'educateur  :  il 
pent  avoir  des  connaissances  fort  etendues  et  manquer  de  I'apti- 
tude  necessaire  pour  les  communiquer.  Se  mettre  a  la  portee  des 
enfanls;  captiver  leur  attention  par  une  parole  vive,  claire,  variee; 
exciter  leur  iuterei  sans  I'epuiser  jamais ;  mettre  de  I'ame  dans  tout 
ce  qu'on  dit  et  fait  pour  eux  :  c'est  Ik  ce  qui  constitue  le  vrai  merite 
de  i'instituteur. 

Ce  maitre  habile  et  consciencieux  n'aura  pas  de  peine  avous  com- 
prendre  quand  vous  iui  rappcllerez  que  I'enseignement  doit  etre 
elementaire,  c'est-a-dire  simple,  facile,  toujonrs  a  la  portee  des 
esprits  sans  culture,  peu  etcudu  mais  solide.  Pour  cela,  nous  le  re- 
petons,  peu  de  theories,  pas  d'abstractions ;  des  fails  et  des 
exemples  ;  peu  de  regies,  beaucoup  d'applications,  et  des  applica- 
tions empruntees,  autant  que  possible,  aux  circonstances  ordinaires 
de  la  vie  ;  eufin,  des  repetitions  frequentes  et  des  interrogations  pe- 
riodiques. 

Engagez  done  les  maitres  a  fixer  un  jour  ou  deux  par  mois  pour 
des  interrogations  plus  solennelles,  dans  lesquelles  on  reviendra  sur 
loutce  qui  aura  ete  enseigne  depuis  le  dernier  examen.  Usez,  pour 
voire  compte,  de  ce  moyen  efficace ,  et  ne  visitez  pas  Tecole  sans 
adresser  aux  eleves  quelques  questions,  qui,  sans  deranger  I'ordre, 
vous  feront  reconnaitre  facilemeut  I'etat  de  la  classe  et  tiendront  les 
enfanls  en  haleine. 

Nous  sommes  arrive  an  terme  de  cot  enlretien  ,  trop  long  peut- 
etre  si  nous  songeons  a  la  diversile  et  a  I'imporlance  des  travaux  que 
vous  impose  la  charge  pastorale,  mais  insuffisaut  encore  si  nous  le 
comparons  a  la  gravile  des  motifs  qui  nous  I'ont  dicle. 

Sougeons-y  bien,  Messieurs,  le  sort  de  la  patrie  est,  en  quelque 
sorle,  eiitre  nos  mains.  Si  nos  efforts,  une  charite  patiente,  une 
condescendance  eclairee,  parviennent  a  cimenter  I'union  entre  le 
presbylere  et  I'ecole ;  si  le  pretre  et  I'instituteur  s'entendent  pour 


APPENDICE.  435 

former  les  generations  uouvelles;  si  I'insHtiiteur  se  fait,  par  ses 
exemples  et  ses  legons,  le  propagateur  de  la  foi  cliretienne,  en  mCme 
temps  qu'il  enseigne  les  sciences  et  les  lettres  ;  si  le  cure  encourage 
I'amour  des  sciences  ,  favorise  toutes  les  bonnes  tendances  de  notre 
epoque,  en  merae  temps  qu'il  seme  la  parole  de  Dieu  ;  si  des  mains 
de  I'instituteur  sorleut  des  enfaats  instruils  et  relijiieux,  des  mains 
du  pretre  des  paroissiens  pieux  et  eclaires,  n'aurons-nous  pas,  je 
vous  le  demande,  paye  notre  dette  au  pays  et  a  I'Eglise,  ferme  I'a- 
bime  des  revolutions,  raffermi  la  societe  sur  ses  bases,  retabli  le 
regne  de  Dieu  sur  la  terre  ? 


TABLE  DES  MATIERES. 


Pages. 
Preface. 

PREMIERE  PARTIE. 

Chapitre  premier.  —  De  la  direction  morale  de  I'enseignement  po- 
pulaire  dans  TAllemagne  du  nord  depuis  la  Reforms  jusqu'a  la 
fin  du  dix-huitieme  siecle.  —  Ce  que  le  Catholicisme  avail  fait 
pour  I'education  du  peuple.  —  Role  de  la  Reforme.  —  Luther  et 
I'electeur  de  Saxe.  —  L'figlise  et  I'ficole ;  suprematie  de  la  premiere 
sur  la  seconde  dans  lespays  protestants  comme  dans  les  pays  ca- 
tholiques.  —  Resume  des  principes  qui  ont  gouverne  I'enseigne- 
ment populaire  pendant  cette  periode H 

Chapitre  second.  —  Physionomie  morale  des  ecoles  primaires  dans 
I'AUemagne  du  nord.  —  Le  Comile  des  ecoles  au  parlement  de 
Francfort.  —  Faits  contemporains.  —  L'Allemagne  catholique.  — 
L'Allemagne  protestante.  —  Caractere  general  du  protestantisme 
de  I'Allemagne  septentrionale.  —  Ecoles  orthodoxes.  — ficoles  he- 
g61iennes.  —  Ecoles  rationalistes.  —  Rheinische  blatter ;  M.  Dies- 
terweg.  —  Lutte  des  gouvernements  centre  les  theories  insurrec- 
tionnelles.  —  La  pedagogie  au  parlement  de  Francfort,  1848.  — 
Gris  d'alarme ;  aveux 18 

SECONDE  PARTIE. 

Chapitre  premier.  —  Intervention  de  Tfitat  dans  le  gouvernement 
de  I'education  populaire.  —  Sectionl.  Caracteres  generaux  des  le- 
gislations scolaires  dans  les  differents  pays  de  I'Allemagne  du  nord. 
—  Conditions  dans  lesquelles  s'exerce  le  droit  d'enseigner.  —  La 
puissance  conservatrice  dans  I'Allemagne  protestante  n'est  pas 
I'Eglise  mais  I'fitat.  —  Prusse.  Reglement  general  de  1763.  — 
Allgemeines  Landrecht. — Rescrit  du  17  fevrier  1821. — Actes  de 
diverses  Regences.  —  Circulaire  du  1"  octobre  1851.  —  Saxe.  Loi 
de  1835.  —Loi  de  1851.  —  Hnnovre.  Ordonnance  de  1850.— 


458  TABLE  DES  MATIERES. 

Pages. 
Hesse  4lectorale.  Reglement  de  1845.  —M.Vilmar.  — Grand  duc/je 
de  Bade.  —  Saxe-Weimar.  —  Le  grand  duche  se  tient  en  dehors  du 
mouvenient  general.  — L'fitat,  dansaucun  paysde  I'Allemagne  du 
nord,  n'a  deserte  la  cause  des  inter^ts  traditioiinels,  ^SecHon  II. 
De  ['inspection  des  ficoles.  —  Inspection  ecclesiastique.  —  Prin- 
cipes  des  differentes  legislations  a  cet  egard.  —  Conferences  peda- 
gogiques.  —  But  et  resultats  de  ces  conferences.  — Instruction  du 
8  juin  1853.  —  Comment  le  clerge  peut  etre  apte  a  exercer  I'ins- 
pection  scolaire.  —  Circulaires  de  1842.  —  Section  III.  De  I'obliga- 
tion  de  I'enseignement. —  Comment  doit  etre  pose  le  probleme.  — 
Principes  consacres  par  les  legislations  allemandes.  —  L'obligation 
de  I'enseignement  a  pour  but  de  defendre  la  tradition  religieuse  en 
m6me  temps  que  la  tradition  intellectuelle.  —  Actes  officiels  des 
differents  pays  de  I'Allemagne.  —  Le  gouvernement  saxon  :  M.  le 
baron  de  Beust.  —  Le  gouvernement  autrichien.  —  ficoles  de  re- 
petition.—Moy  en?  d'application.  —  Resultats  du  systeme  de  Tobli- 
gation.  — Resultats  scolaires.  Allemagne,  Angleterre,  France. — Re- 
sultats moraux. —Le  cardinal  de  Diepenbrock 49 

Chapitre  dEuxieme. —  Role  de  I'figlise  evangelique.  —  L'Oberkis- 
chenrath.  —  Reglement  de  1850.  —  L'Evangelisme.  —  Ordonnance 
concernant  les  communes  ecclesiastiques.  —  Resistances;  protes- 
tations.—  Vieux  Lutheriens  {AUlutheraner);\\e\ixreiormes\  ra- 
tionalistes. —  Efforts  des  Altlutheraner  pour  soustraire  leurs  ecoles 
a  rinfluence  de  r£vang61isme.— Luttes  de  I'Evangelisme  centre  les 
pasteurs  dissidents.  —  Le  pasteur  Uhlich  et  les  Amis  de  la  lumiere. 

—  Les  Libres  communes.  —  Caractere  de  la  scission  de  M.  Uhlich. 

—  M.  Uhlich  et  Channing. —  Abolition  de  I'idee  de  VEglise. — 
Profession  de  foi  du  pasteur  Uhlich  :  Sonntags-hlatt,  catechismus. 

—  M.  Uhlich  et  M.  Sachse  a  Magdebourg.  — Attitude  du  protes- 
lantisme  mod6re,  iVeander.— L'Evangelisme  sur  le  terrain  p6dago- 
gique.  —  Frederic  Dinter. — L'Etat  peut-il  compter  sur  I'Eglise 
6vang61ique?  U  ne  la  soutient  qu'a  la  condition  de  I'absorber.  .  .  148 

CHAPiTRfe  TROisiEME.  —  Role  de  la  science  pedagogique. —  P^dago- 
gie  dans  les  pays  catholiques  ,  Overberg.  —  Pedagogie  protes- 
tante,  Francke.  —  Ideas  fondametitales  du  pie'tisme.  —  Caracteres 
communs  de  la  pedagogie  catholique  et  de  la  pedagogie  protes- 
tante  pendant  la  premiere  periode.  — But  de  I'^ducation.  Pdur- 
quoi  il  faut  qu'elle  s'appuie  sur  une  idee  universelle  et  fixe,  sur  la 
Religion.  — Rousseau.  II  change  le  point  de  depart  de  la  science 
pedagogique. — L'idee  d'' emancipation  substituee  a  Tidefede  redres- 
sement. —  Basedow  :  \e  philanthropisme. — Pestalozzi:  cotes  eleves 


TABLE  DES  MATIEIIES.  459 

Pages. 

de  sa  doctrine;  son  vice  radical.  —  Pestalozzi  et  Schleiermacher. 

—  Jiigement  de  Tecole  conservalrice  sur  rinfluence  de  Pestalozzi. — 
Fichte,  Schelling,  Hogel.  —  Thc^orie  de  Hegel  sur  la  nature  de 
I'homme.  —  Pedagogie  insurrectionnelle. — Ecoles  dans  les  libres 
communes.  —  Declaration  du  pasteur  Uhlich 181 

TROISlfiME  PARTIE. 

Chapitre  premier.  —  Reaction  centre  la  premiere  moitie  du  dix- 
neuvieme  siecle. — Protestations  centre  les  idees  proapgees  par  les 
Rheinische  blatter. —  Le  Schulblatt  fiir  die  Provinz  Bran:  enburg . — 
Retour  aux  principes  de  la  premiere  periode. — Renaissance. — 
Profession  de  foi  pedagogique  du  gouverneur  prussien  :  les  Grund- 
zUge 211 

Chapitre  second.  —  Des  Ecoles  normales  d'instituteurs.  — Comment 
on  envisage  cette  question  en  Allemagne.  —  Reformes.  —  Reciu- 
tement  des  Eleves-mattres.— Conditions  pour  I'admission  dans 
les  ecoles  normales.  —  Preparation  au  seminaire;  circulaires  de 
1852.  —  Examen  d'admission.  —  Reglement  des  seminaires  de 
Copenick,  de  Bunzlau,  de  Fulda.—  Reglement  du  2  octobre  1854. 

—  Duree  du  cours  normal.  —  Repartition  des  objets  d'enseigne- 
ment.  Seminaire  de  Berlin.  —  Enseignement  de  la  pedagogie.  — 
Le  seminaire  de  Fulda  et  les  Ecoles  normales  anglaises.  —  Deve- 
loppement  de  la  personnalite,  SelbstgefUhl.  —  Examens  de  capa- 
cite.  — Composition  des  jurys. -- Stage  des  instituteurs  .   .    .   .231 

Chapitre  troisieme.  —  Reglement  general  pour  I'enseignement  dans 
les  Ecoles  normales  primaires  de  Prusse.  —  Alliance  de  I'esprit 
Chretien  et  de  I'esprit  pedagogique.  —  Science  de  Tecole  {Schul- 
kunde).  —  Les  Ecoles  normales,  fondement  du  sysleme  d'educa- 
tioa  populaire 280 

Chapitre  quatrieme.  —  Des  Ecoles  normales  d'institutrices^,  — Leur 
petit  nombre  en  Allemagne.—  Raisons  de  ce  fait.  Separation  des 
sexes  dans  I'ecole.  —  Les  Ecoles  de  filles  dans  la  regence  catholique 
de  Mvlnster.  —  £cole  normale  d'institutrices  de  Munster.  —  ficole 
normale  de  Droyssig.  —  Superiorite  des  moyens  dont  dispose  la 
France  pour  I'enseignement  des  jeunes  filles  pauvres 309 

QUATRlfeME  PARTIE. 

Conclusions.  — ficoles  normales  primaires  :  Recrutementdesel^ves- 
maitres.  —  Conditions  d'admission.  Sections  preparatoires.  — 


MO  TABLE  DES  MATIERES. 

Pages, 
Revision  du  programme  des  eludes.  —  Enseignement  de  la  peda- 
gogie.  —  Enseignement  pratique  de  I'horticulture.  —  Enseigne- 
ment musical.  —  Examens  pour  le  brevet  de  capacite  :  caractere 
special  de  Texamen.  — Ecoles  speciales  de  fiUes  :  Inscription  de 
la  retribution  scolaire  des  titles  au  budget  de  la  commune.  —  Ap- 
plication de  I'art^  9  dudecretdu  3!;t  decembre  1853.  —  Frequenta- 
tion  des  ecoles  :  creation  d'ecoles  de  hameaux.  —  Mettre  a  la 
portee  des  populations  les  moyens  d'instruction.  —  Obligation  de 
I'enseignement.  —  fitendue  et  limites  de  ce  principe.  —  Moyens  de 
perfectionnement :  conferences  entre  les  instituteurs.  —  ficoles  de 
repetition,  ou  classes  dudimanche.  —  Conclusions  generales  :  prin- 
cipe sur  lequel  doit  reposer  I'education.  —  But  de  I'instruction 
populaire.  —  Role  de  I'idee  chr6lienne.  —  Mission  de  I'education 
publique 329 

APPENDICE. 

Regiement  pour  I'administration  de  I'figlise  evangelique 373 

Reglement  communal-ecclesiastique 375 

fitude  sur  le  budget  de  rinstruction  publique  en  Prusse 377 

Instruction  pastorale  de  S.  Era.  le  cardinal-archeveque  de  Bordeaux  .  404 


FIN, 


ERRATA. 


Pages  22,  29,  32,  au  lieu  de  :  Wicislenus,  lisez  Wislicenus. 
27,  3^  ligne,  au  lieu  de  :  serieuse,  lisez  sincere. 
29,  au  lieu  de  :  Erbefeld,  lisez  Elberfeld. 
149,  au  lieu  de  :  depuis  quatre  annees,  lisez  depuis  cinq  annees* 


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